Résultats : 1508 texte(s)
Détail
Liste
651
p. 2666-2672
Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Début :
La veille de la Fête de tous les Saints le Roy, revêtu du grand Colier de [...]
Mots clefs :
Fête de tous les Saints, Ambassadeur extraordinaire, Abbé, Comte, Comédiens-Français
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c:
A veille de la Fête de tous les Saints
le Roy , revêtu du grand Colier de
l'Ordre du S. Esprit , se rendit à la Chapelle
du Château de Versailles , où S. M.
entendit la Messe , et communia par les
mains de l'Abbé de Brissac , son Aumônier
en quartier : ensuite le Roy toucha
un grand nombre de Malades. La Reine ,
après avoir entendu la Messe , communia
par les mains du Cardinal de Fleury
son grand Aumônier.
Le jour de la Fête , r. de ce mois , le
Roy et la Reine entendirent la grande-
Messe
,
celeb će pontificalement par l'Evêque
de Leictoure, et l'après midi L. M..
assisterent aux secondes Vêpres , chantées
par la Musique , où le même Prélat
officia , aux Vêpres des Morts , et au Ser.
mon
NOVEMBRE 1731 2667
1
mon du Pere Boursault , Superieur des
Théatins , qui prêcha , selon sa coutume
, avec cette éloquence sublime d'un
grand Maître de la parole , et avec l'applaudissement
unanime de toute la Cour.
Son compliment , sur- tout , qui ne fut
qu'une Instruction noble et Chrétienne ,
frappa tous les Auditeurs , et fit sur eux
cette vive et subite impression , que ne
manquent jamais de faire les pensées neuves
et hardies.
Le Roy a nommé le Marquis de Vau-
Ambassadeur Extraordinaire à
crenant ,
la Cour de Turin .
L'Abbé Couturier a été élû Superieur
General du Seminaire de S. Sulpice , et
des autres Seminaires qui en dépendent
à la place du feu Abbé le Pelletier.
Le Roy a accordé à M. Nicolai , Premier
Président de la Chambre des Comp
tés , la survivance de cette Charge pour
son Fils aîné , Conseiller au Parlement
qui sera le neuvième de son nom qui en
aura été
pourvu.
Le Comte et la Comtesse du Roure arrivent
de Languedoc , où ils ont vû le
Comte du Roure , leur Pere , chez qui
ils ont passé quelque temps et dont ils
2
ont
2663 MERCURE DE FRANCE
ont été très-bien reçus . Ils ont été aussi
au S. Esprit , leur Gouvernement , où on
leur a rendu les honneurs accoutumez .
Le 6. de ce mois , les Comédiens François
representerent à la Cour la Tragedie ,
du Comte d'Essex , et la Petite Piece du
Mari curieux. Le 8 , là Comedie de la
Reconciliation Normande et Attendezmoi
sous l'Orme.
>
Le 13 , les Horaces et la Réunion des
Amours. La jeune Dlle Dangeville qui y
joue un des principaux Rôles , se presenta
ensuite au souper de la Reine , où
elle reçut bien des marques de la bonté
de S. M.
. Le 12. de ce mois , l'ouverture du Parlement
se fit avec les céremonies accoutumées
, par une Messe solemnelle célébrée
pontificalement dans la grande Salle
du Palais , par l'Evêque de Nevers
laquelle M. Portail , Premier Président ,
et les Chambres assisterent.
› à
Le premier Novembre , Fête de la
Toussaints , il y eût Concert spirituel au
Château des Thuilleries. M. Mouret fit
chanter le Benedictus et Dominus regnavit,
Motet de M. de la Lande et le Dili-
د
gam
NOVEMBRE. 1731. 2669
gam te , ancien Motet de feu M. Gilles :
Le tout fut parfaitement bien exécuté
et suivi de plusieurs excellentes Pieces de
Symphonie , et de deux Cantatilles nouvelles
, chantées par les Dlles Erremans
et Petitpas , de l'Académie Royale de
Musique , et par la Dlle Lenner , de la
Musique du Roy.
Le 26 , la Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement
des Actions , fut tirée en la maniere
accoutumée à l'Hôtel de la Compagnie.
La Liste des Numeros gagnans des Actions
et Dixièmes d'Actions qui doivent
être remboursées a été rendue publique
faisant en tout le nombre de 3. cent neuf
Actions .
Le Roy a donné l'Abbaye de Madieu
Ordre de S. Benoît , Diocèse de Saintes ,
à l'Abbé Bastarot ,Grand-Vicaire de l'Archevêché
de Bordeaux.
Celle de la Joye d'Hennebon , Ordre
de Citeaux , Diocèse de Vannes à la
Dame de Langle , Prieure de cette Abbaye.
Le Roy a donné l'Abbaye de Vauluisant
, Ordre de Citeaux Diocèse de
Sens , à l'Archevêque de Besançon.
›
Celle
2670 MERCURE DE FRANCE
Celle de la Honce , Ordre de Prémontré
, Diocèse de Bayonne , à l'Evêque de
Bayonne.
Celle de S. Jean des Prez , Ordre de
S. Augustin , Diocèse de S. Malo à
l'Abbé de Brilhac.
J
Celle de Sellieres , Ordre de Citeaux'.
Diocèse de Troyes , à l'Abbé de la Motte
Grand-Vicaire de l'Evêché de Senez .
par
COPIE d'une Lettre écrite de Touraine ,
le Comte de Blannes , à l'Abbé de
Rouget , Abbé d'Aubepierre , contenant
la Relation de la Fête que Madame la
Princesse de Conti a donnée au sujet de
son mariage avec Mademoiselle de la
Rochefoucault de Nuilly.
MAbbé, d'avoir passé les premiers
E pardonnerez- vous , mon cher
jours de mon mariage sans vous en avoir
donné des nouvelles et vous en avoir remercié.
Si vous sçaviez ce que c'est que
d'être auprès d'une aimable femme qu'on
aime,vous conviendriez qu'il est pardonnable
de manquer à ses amis pour quelques
jours. Je profite enfin du moment
que je dérobe aux plaisirs qu'on goute ici,
pour vous faire part des circonstances heureuses
qui l'ont précédé et suivi. J'arrivai
à
NOVEMBRE . 1731. 2671
å Veret le 8 Octobre. Me la Princesse de
Conti me combla de toutes les politesses
imaginables ; je vous avoue que c'est
la Princesse du monde la plus accomplie.
Mademoiselle de Neuilly parut peu de
temps après. Je vous laisse à penser l'étonnement
où se trouvent deux personnes
qui ne se sont jamais vues , et qui doivent
se marier dans deux jours. La plaisanterie
fut mon unique ressource ; je
trouvai la Demoiselle encore plus aimable
qu'on ne me l'avoit dépeinte ; elle est
d'un caractere aussi parfait que je pouvois
le désirer. La nuit du 10 au 11 , fut celle
de mon mariage ; nous allâmes souper
dans une Isle , vis-à- vis le Château , devant
lequel regne une Terrasse de 33༠0༠0
toises , illuminée d'un bout à l'autre ,
aussi bien que le Château. Au delà de la
Terrasse on appercevoit une allée toute
illuminée , avec des Lustres au milieu . Le
grand Escalier formoit une couronne parfaite
par l'illumination ; au bout de la
Terrasse on voyoit une Nape d'eau et
deux grandes Statues aux côtez.
Rien ne fut plus beau et plus galant
que cette Fête. Avant le souper on nous
chanta dans l'Isle une Epithalame , dont
l'Abbé de Grécour avoit fait les Vers , qui
fut tres-bien exécutée tant de la part des
Mu2672
MERCURE DE FRANCE
>
Musiciens que des Voix. On nous servit
ensuite un souper , où la délicatesse et la
profusion étoient jointes ensemble. Le
souper fini , nous dansames dans la Prairie
et à la danse succeda une promenade
dans des Caléches , pendant laquelle on
tira un tres beau Feu d'artifice ; ensuite
nous allames à l'Eglise ; la Rampe qui
nous y conduisit étoit toute illuminée .Ce
fut M. l'Archevêque de Tours qui nous
donna la Benediction Nuptiale ; après la
quelle nous retournâmes au Château au
son des Instrumens qui avoient joué pendant
la Messe.
·
La Princesse donna la Chemise à mon
Epouse ; le Prince voulut me la donner ,
mais dans la foule , je lui en épargnai la
peine.
Depuis cet heureux jour les plaisirs
n'ont pas discontinué icy ; je suis le plus
content des hommes ; j'ai rencontré la
plus aimable personne et la plus accomplie
qui fut jamais. Je vous aurai toujours
l'obligation de ce bonheur , et j'ose
vous assurer qu'elle vous en aura une pareille
, par mon attention à lui plaire.
A Veret le 15 Octobre 1731 .
A veille de la Fête de tous les Saints
le Roy , revêtu du grand Colier de
l'Ordre du S. Esprit , se rendit à la Chapelle
du Château de Versailles , où S. M.
entendit la Messe , et communia par les
mains de l'Abbé de Brissac , son Aumônier
en quartier : ensuite le Roy toucha
un grand nombre de Malades. La Reine ,
après avoir entendu la Messe , communia
par les mains du Cardinal de Fleury
son grand Aumônier.
Le jour de la Fête , r. de ce mois , le
Roy et la Reine entendirent la grande-
Messe
,
celeb će pontificalement par l'Evêque
de Leictoure, et l'après midi L. M..
assisterent aux secondes Vêpres , chantées
par la Musique , où le même Prélat
officia , aux Vêpres des Morts , et au Ser.
mon
NOVEMBRE 1731 2667
1
mon du Pere Boursault , Superieur des
Théatins , qui prêcha , selon sa coutume
, avec cette éloquence sublime d'un
grand Maître de la parole , et avec l'applaudissement
unanime de toute la Cour.
Son compliment , sur- tout , qui ne fut
qu'une Instruction noble et Chrétienne ,
frappa tous les Auditeurs , et fit sur eux
cette vive et subite impression , que ne
manquent jamais de faire les pensées neuves
et hardies.
Le Roy a nommé le Marquis de Vau-
Ambassadeur Extraordinaire à
crenant ,
la Cour de Turin .
L'Abbé Couturier a été élû Superieur
General du Seminaire de S. Sulpice , et
des autres Seminaires qui en dépendent
à la place du feu Abbé le Pelletier.
Le Roy a accordé à M. Nicolai , Premier
Président de la Chambre des Comp
tés , la survivance de cette Charge pour
son Fils aîné , Conseiller au Parlement
qui sera le neuvième de son nom qui en
aura été
pourvu.
Le Comte et la Comtesse du Roure arrivent
de Languedoc , où ils ont vû le
Comte du Roure , leur Pere , chez qui
ils ont passé quelque temps et dont ils
2
ont
2663 MERCURE DE FRANCE
ont été très-bien reçus . Ils ont été aussi
au S. Esprit , leur Gouvernement , où on
leur a rendu les honneurs accoutumez .
Le 6. de ce mois , les Comédiens François
representerent à la Cour la Tragedie ,
du Comte d'Essex , et la Petite Piece du
Mari curieux. Le 8 , là Comedie de la
Reconciliation Normande et Attendezmoi
sous l'Orme.
>
Le 13 , les Horaces et la Réunion des
Amours. La jeune Dlle Dangeville qui y
joue un des principaux Rôles , se presenta
ensuite au souper de la Reine , où
elle reçut bien des marques de la bonté
de S. M.
. Le 12. de ce mois , l'ouverture du Parlement
se fit avec les céremonies accoutumées
, par une Messe solemnelle célébrée
pontificalement dans la grande Salle
du Palais , par l'Evêque de Nevers
laquelle M. Portail , Premier Président ,
et les Chambres assisterent.
› à
Le premier Novembre , Fête de la
Toussaints , il y eût Concert spirituel au
Château des Thuilleries. M. Mouret fit
chanter le Benedictus et Dominus regnavit,
Motet de M. de la Lande et le Dili-
د
gam
NOVEMBRE. 1731. 2669
gam te , ancien Motet de feu M. Gilles :
Le tout fut parfaitement bien exécuté
et suivi de plusieurs excellentes Pieces de
Symphonie , et de deux Cantatilles nouvelles
, chantées par les Dlles Erremans
et Petitpas , de l'Académie Royale de
Musique , et par la Dlle Lenner , de la
Musique du Roy.
Le 26 , la Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement
des Actions , fut tirée en la maniere
accoutumée à l'Hôtel de la Compagnie.
La Liste des Numeros gagnans des Actions
et Dixièmes d'Actions qui doivent
être remboursées a été rendue publique
faisant en tout le nombre de 3. cent neuf
Actions .
Le Roy a donné l'Abbaye de Madieu
Ordre de S. Benoît , Diocèse de Saintes ,
à l'Abbé Bastarot ,Grand-Vicaire de l'Archevêché
de Bordeaux.
Celle de la Joye d'Hennebon , Ordre
de Citeaux , Diocèse de Vannes à la
Dame de Langle , Prieure de cette Abbaye.
Le Roy a donné l'Abbaye de Vauluisant
, Ordre de Citeaux Diocèse de
Sens , à l'Archevêque de Besançon.
›
Celle
2670 MERCURE DE FRANCE
Celle de la Honce , Ordre de Prémontré
, Diocèse de Bayonne , à l'Evêque de
Bayonne.
Celle de S. Jean des Prez , Ordre de
S. Augustin , Diocèse de S. Malo à
l'Abbé de Brilhac.
J
Celle de Sellieres , Ordre de Citeaux'.
Diocèse de Troyes , à l'Abbé de la Motte
Grand-Vicaire de l'Evêché de Senez .
par
COPIE d'une Lettre écrite de Touraine ,
le Comte de Blannes , à l'Abbé de
Rouget , Abbé d'Aubepierre , contenant
la Relation de la Fête que Madame la
Princesse de Conti a donnée au sujet de
son mariage avec Mademoiselle de la
Rochefoucault de Nuilly.
MAbbé, d'avoir passé les premiers
E pardonnerez- vous , mon cher
jours de mon mariage sans vous en avoir
donné des nouvelles et vous en avoir remercié.
Si vous sçaviez ce que c'est que
d'être auprès d'une aimable femme qu'on
aime,vous conviendriez qu'il est pardonnable
de manquer à ses amis pour quelques
jours. Je profite enfin du moment
que je dérobe aux plaisirs qu'on goute ici,
pour vous faire part des circonstances heureuses
qui l'ont précédé et suivi. J'arrivai
à
NOVEMBRE . 1731. 2671
å Veret le 8 Octobre. Me la Princesse de
Conti me combla de toutes les politesses
imaginables ; je vous avoue que c'est
la Princesse du monde la plus accomplie.
Mademoiselle de Neuilly parut peu de
temps après. Je vous laisse à penser l'étonnement
où se trouvent deux personnes
qui ne se sont jamais vues , et qui doivent
se marier dans deux jours. La plaisanterie
fut mon unique ressource ; je
trouvai la Demoiselle encore plus aimable
qu'on ne me l'avoit dépeinte ; elle est
d'un caractere aussi parfait que je pouvois
le désirer. La nuit du 10 au 11 , fut celle
de mon mariage ; nous allâmes souper
dans une Isle , vis-à- vis le Château , devant
lequel regne une Terrasse de 33༠0༠0
toises , illuminée d'un bout à l'autre ,
aussi bien que le Château. Au delà de la
Terrasse on appercevoit une allée toute
illuminée , avec des Lustres au milieu . Le
grand Escalier formoit une couronne parfaite
par l'illumination ; au bout de la
Terrasse on voyoit une Nape d'eau et
deux grandes Statues aux côtez.
Rien ne fut plus beau et plus galant
que cette Fête. Avant le souper on nous
chanta dans l'Isle une Epithalame , dont
l'Abbé de Grécour avoit fait les Vers , qui
fut tres-bien exécutée tant de la part des
Mu2672
MERCURE DE FRANCE
>
Musiciens que des Voix. On nous servit
ensuite un souper , où la délicatesse et la
profusion étoient jointes ensemble. Le
souper fini , nous dansames dans la Prairie
et à la danse succeda une promenade
dans des Caléches , pendant laquelle on
tira un tres beau Feu d'artifice ; ensuite
nous allames à l'Eglise ; la Rampe qui
nous y conduisit étoit toute illuminée .Ce
fut M. l'Archevêque de Tours qui nous
donna la Benediction Nuptiale ; après la
quelle nous retournâmes au Château au
son des Instrumens qui avoient joué pendant
la Messe.
·
La Princesse donna la Chemise à mon
Epouse ; le Prince voulut me la donner ,
mais dans la foule , je lui en épargnai la
peine.
Depuis cet heureux jour les plaisirs
n'ont pas discontinué icy ; je suis le plus
content des hommes ; j'ai rencontré la
plus aimable personne et la plus accomplie
qui fut jamais. Je vous aurai toujours
l'obligation de ce bonheur , et j'ose
vous assurer qu'elle vous en aura une pareille
, par mon attention à lui plaire.
A Veret le 15 Octobre 1731 .
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Résumé : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
En novembre 1731, plusieurs événements marquants se déroulèrent à la cour de France. À la veille de la Toussaint, le roi, portant le grand collier de l'Ordre du Saint-Esprit, se rendit à la chapelle du Château de Versailles pour assister à la messe et communier. La reine fit de même, communiant par les mains du Cardinal de Fleury. Le jour de la fête de la Toussaint, le roi et la reine assistèrent à la grand-messe célébrée par l'évêque de Lectoure et aux vêpres chantées par la musique, avec un sermon du Père Boursault, supérieur des Théatins. Le roi procéda à plusieurs nominations et attributions. Il nomma le Marquis de Vau-cremant ambassadeur extraordinaire à la cour de Turin. L'Abbé Couturier fut élu supérieur général du Séminaire de Saint-Sulpice. Le roi accorda également la survivance de la charge de Premier Président de la Chambre des Comptes à M. Nicolai pour son fils aîné. Le Comte et la Comtesse du Roure arrivèrent de Languedoc et furent reçus avec honneurs au Saint-Esprit, leur gouvernement. Des représentations théâtrales eurent lieu à la cour, notamment 'Le Comte d'Essex' et 'La Reconciliation Normande'. Le 12 novembre, l'ouverture du Parlement se fit par une messe solennelle célébrée par l'évêque de Nevers. Le 1er novembre, un concert spirituel fut donné aux Tuileries, avec des œuvres de M. Mouret et de M. de la Lande. Le 26 novembre, la lotterie de la Compagnie des Indes fut tirée, remboursant 309 actions. Le roi attribua plusieurs abbayes à divers ecclésiastiques, dont l'Abbaye de Madieu à l'Abbé Bastarot et l'Abbaye de Vauluisant à l'archevêque de Besançon. Une lettre du Comte de Blannes décrivit la fête donnée par la Princesse de Conti à l'occasion de son mariage avec Mademoiselle de la Rochefoucault de Nuilly. Cette fête inclut un souper illuminé, une épithalame chantée, un feu d'artifice et une bénédiction nuptiale par l'archevêque de Tours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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652
p. 2679-2681
RÉPONSE de M. le Chevalier D.O.E. à Madame la Marquise D. a. o. s.
Début :
Quoy ! punir par l'endroit sensible [...]
Mots clefs :
Punir, Lettre, Fidèle amant, Concert, Prologue, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE de M. le Chevalier D.O.E. à Madame la Marquise D. a. o. s.
RESPONSE de M. le Chevalier D.O. E.
à Madame la Marquise D. a . o. s .
Quo
Uoy ! punir par l'endroit sensible
Ce cher Tircis tant souhaitté
Qui le croiroit , est- il possible ?
Que n'ayant jamais merité
D'Iris la disgrace terrible ,
De la sorte il en soit traitté ?
Quel tourment encore plus pénible
De n'en être point écouté !
Se lave-t'il par une Lettre à
Loin d'approfondir s'il a tort ,
On le juge en dernier ressort.
Ah destin ! que peut me promettre
Un si funeste Arrêt ? La mort ,
S'il faut sans appel m'y soumetre ;
Mais où m'entraine ce transport ?
Amour , tu sçais qu'elle m'est chere ;
1 iiij
`Vole ,
2680 MERCURE DE FRANCE
Vole , cours fléchir la severe ,
Et l'assurer qu'en ce moment ,
Malgré son injuste colere ,
Je suis son plus fidel amant.
A Annoy , ce 3 Septembre 1731. D. O. E.
Le 5 Novembre il y eût Concert chez
la Reine . M. de Blamont , Surintendant
de la Musique du Roy , y fit chanter les
deux derniers Actes de Thetis et Pellée.
Le 7 , on chanta le Prologue et le premier
Acte d'Iphigenie. La Dlle Antier fit
le principal Rôle , ceux d'Electre et d'Ismenide
furent remplis par les Dlles Lenner
et Pitron , et les Srs. Chassé et Dangerville
chanterent les Rôles d'Oreste et
de Thoas.
Le 12 , on continua le même Opera ;
et on le finit le 14 à Marly , par les deux
derniers Actes , executés par les mêmes
Acteurs.
Le 21 le Concert
commenca par le
Prologue
et le premier Acte de Thesée.
La Dlle Lenner fit le Rôle de Venus dans
le Prologue , et celui d'Eglé dans la Piece
, et les Srs. Chassé et Godeneche
jouerent
les Rôles d'Egée et d'Arcas.
Le 17 , on chanta le second et le troi- 27
siéme Acte. La Dlle Barbier fit le Rôle
d'Eglé ,
NOVEMBRE 1731. 2681
6
d'Eglé , et celui de Medée fut joué par
la Dlle Lenner , et le Sr. Petillot celui
de Thesée.
à Madame la Marquise D. a . o. s .
Quo
Uoy ! punir par l'endroit sensible
Ce cher Tircis tant souhaitté
Qui le croiroit , est- il possible ?
Que n'ayant jamais merité
D'Iris la disgrace terrible ,
De la sorte il en soit traitté ?
Quel tourment encore plus pénible
De n'en être point écouté !
Se lave-t'il par une Lettre à
Loin d'approfondir s'il a tort ,
On le juge en dernier ressort.
Ah destin ! que peut me promettre
Un si funeste Arrêt ? La mort ,
S'il faut sans appel m'y soumetre ;
Mais où m'entraine ce transport ?
Amour , tu sçais qu'elle m'est chere ;
1 iiij
`Vole ,
2680 MERCURE DE FRANCE
Vole , cours fléchir la severe ,
Et l'assurer qu'en ce moment ,
Malgré son injuste colere ,
Je suis son plus fidel amant.
A Annoy , ce 3 Septembre 1731. D. O. E.
Le 5 Novembre il y eût Concert chez
la Reine . M. de Blamont , Surintendant
de la Musique du Roy , y fit chanter les
deux derniers Actes de Thetis et Pellée.
Le 7 , on chanta le Prologue et le premier
Acte d'Iphigenie. La Dlle Antier fit
le principal Rôle , ceux d'Electre et d'Ismenide
furent remplis par les Dlles Lenner
et Pitron , et les Srs. Chassé et Dangerville
chanterent les Rôles d'Oreste et
de Thoas.
Le 12 , on continua le même Opera ;
et on le finit le 14 à Marly , par les deux
derniers Actes , executés par les mêmes
Acteurs.
Le 21 le Concert
commenca par le
Prologue
et le premier Acte de Thesée.
La Dlle Lenner fit le Rôle de Venus dans
le Prologue , et celui d'Eglé dans la Piece
, et les Srs. Chassé et Godeneche
jouerent
les Rôles d'Egée et d'Arcas.
Le 17 , on chanta le second et le troi- 27
siéme Acte. La Dlle Barbier fit le Rôle
d'Eglé ,
NOVEMBRE 1731. 2681
6
d'Eglé , et celui de Medée fut joué par
la Dlle Lenner , et le Sr. Petillot celui
de Thesée.
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Résumé : RÉPONSE de M. le Chevalier D.O.E. à Madame la Marquise D. a. o. s.
Le Chevalier D.O. E. écrit à la Marquise D. a. o. s. pour exprimer son désarroi face à la punition injuste de Tircis, qui n'est pas écouté. Il demande à Amour d'intercéder en faveur de Tircis auprès d'Iris, affirmant sa fidélité malgré la colère de cette dernière. La lettre est datée du 3 septembre 1731. En novembre 1731, plusieurs événements musicaux eurent lieu à la cour. Le 5 novembre, M. de Blamont, Surintendant de la Musique du Roy, fit chanter les deux derniers actes de l'opéra 'Thetis et Pélée'. Les 7 et 12 novembre, des extraits de l'opéra 'Iphigénie' furent interprétés par les Demoiselles Antier, Lenner, Pitron, et les Sieurs Chassé et Dangerville. Le 14 novembre, l'opéra fut terminé à Marly. Le 21 novembre, le concert débuta avec le prologue et le premier acte de 'Thésée', avec la Demoiselle Lenner dans les rôles de Vénus et Églé, et les Sieurs Chassé et Godeneche dans ceux d'Égée et Arcas. Le 17 novembre, le second et le troisième actes furent chantés, avec la Demoiselle Barbier en Églé, la Demoiselle Lenner en Médée, et le Sieur Petillot en Thésée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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653
p. 2794-2795
AUX Auteurs des Enigmes et des Logogryphes, attaquez par les Stances du Mercure d'Octobre.
Début :
Ingenieux Auteurs d'Enigme et Logogryphe, [...]
Mots clefs :
Auteurs des Énigmes et des Logogriphes, Avocat, Humeur caustique
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texteReconnaissance textuelle : AUX Auteurs des Enigmes et des Logogryphes, attaquez par les Stances du Mercure d'Octobre.
AUX Auteurs des Enigmes et des Logogryphes
, attaquez par les Stances dis
Mercure d'Octobre.
Ngenieux Auteurs "d'Enigme et Logogryphe ;
Garderez vous donc le tacet
Contre les malins coups de griffe
De Monsieur l'Avocat P ....R
Souffrirés-vous que son humeur caustique
Fasse à tout le Public la Loy ,
Et que sa Muse froide étique
Vous vomisse des Vers de si mauvaise aloy:
Eh ! que vous importe qu'il peste
Et qu'il morde son Maroquin ?
Que ne ronge-t'il son Digeste,
Plutôt que de chercher des Enigmes le fin.
Vite , d'un tel Censeur punissez l'insolence ;
Mais , non: pardonnez - lui pour la premiere fois,
Oubliés par pitié l'offenseur et l'offense ,
Et l'envoyez apprendre le François.
I. Vol. Faites
NOVEMBRE. 1731.2795
Faites lui voir aussi qu'une telle manie ,
Doit àjamais être banie
De l'Empire du Dieu des Vers 3
Les Chants de la Poësie
Ne doivent frapper les airs ,
Que pour,avec plaisirs instruire l'Univers.
, attaquez par les Stances dis
Mercure d'Octobre.
Ngenieux Auteurs "d'Enigme et Logogryphe ;
Garderez vous donc le tacet
Contre les malins coups de griffe
De Monsieur l'Avocat P ....R
Souffrirés-vous que son humeur caustique
Fasse à tout le Public la Loy ,
Et que sa Muse froide étique
Vous vomisse des Vers de si mauvaise aloy:
Eh ! que vous importe qu'il peste
Et qu'il morde son Maroquin ?
Que ne ronge-t'il son Digeste,
Plutôt que de chercher des Enigmes le fin.
Vite , d'un tel Censeur punissez l'insolence ;
Mais , non: pardonnez - lui pour la premiere fois,
Oubliés par pitié l'offenseur et l'offense ,
Et l'envoyez apprendre le François.
I. Vol. Faites
NOVEMBRE. 1731.2795
Faites lui voir aussi qu'une telle manie ,
Doit àjamais être banie
De l'Empire du Dieu des Vers 3
Les Chants de la Poësie
Ne doivent frapper les airs ,
Que pour,avec plaisirs instruire l'Univers.
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Résumé : AUX Auteurs des Enigmes et des Logogryphes, attaquez par les Stances du Mercure d'Octobre.
En novembre 1731, une critique est adressée aux auteurs d'énigmes et de logogryphes pour réagir contre les attaques de l'avocat P....R., décrit comme ayant une humeur caustique et écrivant des vers de mauvaise qualité. Le texte les incite à punir son insolence tout en lui pardonnant et en lui enseignant le français. Il met en garde contre la critique excessive des œuvres poétiques, affirmant que la poésie doit instruire avec plaisir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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654
p. 2821-2822
Nouveaux Principes de l'art d'écrire. [titre d'après la table]
Début :
LES NOUVEAUX PRINCIPES DE L'ART D'ECRIRE, ou la vraye Méthode d'y exceller [...]
Mots clefs :
Art d'écrire, Plume, Posture du corps
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouveaux Principes de l'art d'écrire. [titre d'après la table]
LES NOUVEAUX PRINCIPES DE L'ART
D'ECRIRE , ou la vraye Méthode d'y exceller
, divisée en deux parties. La premiere
,, par Demandes et par Réponses ',
et la seconde en six Tables . Dédiée à
M. le Premier Président du Parlement ,
par le seur Royellet , Expert Ecrivain Juré,
demeurant à Paris , ruë de la Verrerie.
A Paris , rue S. Severin , chez Alex. Mesnier
, 1731 petit infolio de 36. pages
pour la premiere Partie , et 18. pour la
seconde , sans compter l'Epitre Dédicatoire
, l'Avis au Lecteur , la Dissertation
sur l'Ecriture et un très- grand nombre
de Planches.
و
Cet Ouvrage est divisé en deux Parties ,
la premiere contient dix-Chapitres , dans
lesquels on explique la maniere de tailler"
IsVol.·
Fy la
2822 MERCURE DE FRANCE
·la plume , la posture du corps , des bras,
et les moyens de former les Mineures et
les Majeures , &c. La seconde Partie est
formée par six Tables de differens caracteres
, &c. Elles paroissent fort méthodiques
ec fort instructives , ainsi que les
principes établis pour apprendre à écrire
correctement de soi -même ; ouvrage utile
aux Commençans et à ceux qui aspirent
à la plus grande perfection de cet Art.
Les Planches sont fort bien gravées et le
Livre fort bien imprimé. Il coute 7. livres
10. sols pour la Province.
D'ECRIRE , ou la vraye Méthode d'y exceller
, divisée en deux parties. La premiere
,, par Demandes et par Réponses ',
et la seconde en six Tables . Dédiée à
M. le Premier Président du Parlement ,
par le seur Royellet , Expert Ecrivain Juré,
demeurant à Paris , ruë de la Verrerie.
A Paris , rue S. Severin , chez Alex. Mesnier
, 1731 petit infolio de 36. pages
pour la premiere Partie , et 18. pour la
seconde , sans compter l'Epitre Dédicatoire
, l'Avis au Lecteur , la Dissertation
sur l'Ecriture et un très- grand nombre
de Planches.
و
Cet Ouvrage est divisé en deux Parties ,
la premiere contient dix-Chapitres , dans
lesquels on explique la maniere de tailler"
IsVol.·
Fy la
2822 MERCURE DE FRANCE
·la plume , la posture du corps , des bras,
et les moyens de former les Mineures et
les Majeures , &c. La seconde Partie est
formée par six Tables de differens caracteres
, &c. Elles paroissent fort méthodiques
ec fort instructives , ainsi que les
principes établis pour apprendre à écrire
correctement de soi -même ; ouvrage utile
aux Commençans et à ceux qui aspirent
à la plus grande perfection de cet Art.
Les Planches sont fort bien gravées et le
Livre fort bien imprimé. Il coute 7. livres
10. sols pour la Province.
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Résumé : Nouveaux Principes de l'art d'écrire. [titre d'après la table]
Le texte présente 'Les Nouveaux Principes de l'Art d'Ecrire, ou la vraye Méthode d'y exceller', publié en 1731 à Paris par Alexandre Mesnier. L'auteur, le sieur Royellet, expert écrivain juré, dédie cet ouvrage à M. le Premier Président du Parlement. Le livre est structuré en deux parties. La première, composée de dix chapitres, détaille la manière de tailler la plume, la posture du corps et des bras, ainsi que les techniques pour former les minuscules et les majuscules. La seconde partie comprend six tables de différents caractères, offrant des principes méthodiques et instructifs pour apprendre à écrire correctement. L'ouvrage inclut également une épître dédicatoire, un avis au lecteur, une dissertation sur l'écriture et de nombreuses planches gravées. Imprimé avec soin, le livre coûte 7 livres 10 sols en province. Il est particulièrement destiné aux débutants et à ceux qui visent la perfection dans l'art de l'écriture.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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655
p. 2848-2851
SUITE des Nouvelles du Bureau Typographique.
Début :
On écrit de Londres que le Bureau Typographique y a excité la curiosité des François [...]
Mots clefs :
Chirurgien, Inflammations, Actrice, Bureau typographique, Tropes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE des Nouvelles du Bureau Typographique.
SUITE des Nouvelles du Bureau Typographique.
N écrit de Londres que le Bureau Typographique
y a excité la curiosité des François
et des Anglois. On demande sur la construction
et l'usage de ce Bureau , les éclaircissemens nécessaires
, et tout ce qui a paru pour et contre
cette nouvelle maniere de montrer aux Enfans
les premiers élemens des Lettres.
Bien des Personnes à Paris trouvent la Machine
du Bureau trop longue pour être placée
dans un appartement ; mais on a déja fait voir
le peude place qu'elle occupe derriere trois Fauteuils
, sans déranger la Chambre de ceux qui
préferent l'arangement des Meubles à l'éducation
de leurs Enfans : d'ailleurs , en faisant faire de
plus petites cartes que celles dont on se sert ordinairement
, il sera facile d'avoir des Bureaux
plus courts et moins larges.
Trois Enfans du Bureau Typographique sont
heureusement guéris , deux de la petite Verole ,
et l'autre d'une maladie encore plus dangereuse :
si le Seigneur en avoit pris quelqu'un , les critiques
n'auroient pas manqué d'en mettre la mort
sur le compte de la nouvelle methode , ne résonmant
pas plus juste en cela que si l'on attribuoit
Jeur guérison au précedent Exercice Typographique
.
Pierre Wite , rue S. Jacques , à l'Ange Gardien
, vend une Brochure in 12. de 108. pages
intitulée , Réponse de M. Perquis , Maître de
Philosophie , d'Humanités et de Typographie
à la Lettre d'un Professeur anonime , de l'Uni
versité de Paris , inserée dans le Mercure d
4. Vol. Fevrie
DECEMBRE 1731. 2849
dit
Fevrier 1731. Ce Professeur anonime est ,
on , le nouvel Editeur de la Methode de M. Le
Fevre , Methode bien differente de celles des Colleges.
L'Auteur des Tropes , dans le 2d Vol. du
Mercure du mois de Juin , a justifié contre ce Professeur
anonime , l'Article des nouvelles Metho
des. La réponse de M. Perquis , quoique de vieille
datte , pourra cependant servir de réponse et de
réplique aux adversaires du Bureau , qui préferent
toujours les anciennes méthodes aux nouvelles.
L'on verra par cette Brochure , que le
Maître de Bureau Typographique ne soûtient
pas mal sa qualité de Maître de Philosophie ,
par la force et la justesse des raisonnemens dont
sa vive réponse est remplie ; cela paroît d'autant
plus surprenant dans un Humaniste , qu'il
y en a peu de sensibles à l'esprit philosophique ,
ou à l'art de raisonner.
Les curieux qui voudront faire faire des Bureaux
à leur Menuisier , et prendre eux -mêmes
la peine de les garnir , trouveront des Abécés
sur cuivre , ou des lettres à jour chez le Sr. Le
Comte , rue Jacob , à la porte de la Charité ,
et chez le Sr. Cadoret , aux Charniers des Sts.
Innocents , du côté de la rue au Fer , à l'Enseigne
du Bureau Typographique.
Les Personnes qui souhaitteront faire usage
des Classes du Bureau , en trouveront de toutes
garnies dans la maison atenant la porte du College
de Lisieux , du côté de S. Etienne des Grès.
On y trouvera aussi des grands et des petits
Abécés , imprimés sur des cartes , avec la feüille
élementaire en Placard pour la démonstration ,
la dénomination des Lettres la premiere silabisation
, &c.
>
Quoique les matieres de Chirurgie ne soient
I. Vol pas
2850 MERCURE DE FRANCE
pas entierement du ressort du Mercure › nous
pune
nous dispenserons pas , ( attendu l'utilité
blique , d'annoncer un Livre imprimé chez
Charles Osmont , rue S. Jacques , intitulé , Observations
de Chirurgie , par Henry Ledran
Chirurgien Juré à Paris , de la Societé des Arts
Ce qui nous engage à en parler , c'est qu'on
nous a montré un livre du même Auteur , intitulé
, Parallele des differentes manieres de parà
ler , qui se vend chez le même Imprimeur , et
que Mr. Duglas , fameux Docteur en Medecine
à Londres a traduit en Anglois sans y faire
aucun changement. Il a fait honneur à notre
Chirurgie , et le Public ne sera pas fâché d'apprendre
que les Etrangers ne dédaignent pas
d'adopter nos manieres de penser , et d'operer
dans un Art aussi nécessaire à la vie , qui a fait
tant de progrès chez nous , et qui se perfectionne
tous les jours,
Il paroît depuis peu une Estampe qui a un
très-grand débit , et qui mérite bien l'approbation
qu'elle a des Curieux. C'est une très - heureuse
production du Pinceau et duBurin deMrs.Charles
Coypel et N. Drevet , dont la réputation est
assez connuë par des morceaux de plus grande
conséquence ; mais on peut dire , qu'en son
genre , celui- cy doit passer pour leur chef- d'oeu
vre. C'est le Portrait de Mlle Le Couvreur
Actrice du Theatre François , celebre par ses talens
pour la déclamation , morte , generalement
regrettée, au mois de Mars 1730. On en trouvera
un Article assez étendu dans le Mercure de ce
mois-là. Elle est representée en Cornelie , tenant
P'Urne qui renferme les cendres de Pompée.
Cette Estampe se vend chez Mr. Francoeur
1. Vol. дыё
?
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
2
4
DECEMBRE 1731. 28 Fr
rue neuve des petits Champs , vis - à-vis la Com
pagnie des Indes , et chez Mr. Drevet , aux Galleries
du Louvre.
L'Utilité publique nous engage de publier l'Avis
qui suit :
Par Brevet de M. le premier Medecin du Roy
le Sr. Decourbiere fait distribuer une Poudre
composée de Simples , pour la guérison radicalle
des Hemorroïdes . Elle appaise les Enflammations,
gonflemens et douleurs en cinq ou six prises
Elle est facile à prendre , et ne cause aucune révolution
; elle se conserve , et on peut l'envoyer
par tout. Il faut s'adresser à Paris , au Sieur La
Coste , Chirurgien , rue du petit Lion , Fauxbourg
S. Germain , chez Madame Frontier . Ceux
qui auront besoin de ce Remede sont priez
d'envoyer des gens
fideles ; il est le seul qui le
distribuë , et il donne les prises cachetées , avec
la maniere de les prendre.
N écrit de Londres que le Bureau Typographique
y a excité la curiosité des François
et des Anglois. On demande sur la construction
et l'usage de ce Bureau , les éclaircissemens nécessaires
, et tout ce qui a paru pour et contre
cette nouvelle maniere de montrer aux Enfans
les premiers élemens des Lettres.
Bien des Personnes à Paris trouvent la Machine
du Bureau trop longue pour être placée
dans un appartement ; mais on a déja fait voir
le peude place qu'elle occupe derriere trois Fauteuils
, sans déranger la Chambre de ceux qui
préferent l'arangement des Meubles à l'éducation
de leurs Enfans : d'ailleurs , en faisant faire de
plus petites cartes que celles dont on se sert ordinairement
, il sera facile d'avoir des Bureaux
plus courts et moins larges.
Trois Enfans du Bureau Typographique sont
heureusement guéris , deux de la petite Verole ,
et l'autre d'une maladie encore plus dangereuse :
si le Seigneur en avoit pris quelqu'un , les critiques
n'auroient pas manqué d'en mettre la mort
sur le compte de la nouvelle methode , ne résonmant
pas plus juste en cela que si l'on attribuoit
Jeur guérison au précedent Exercice Typographique
.
Pierre Wite , rue S. Jacques , à l'Ange Gardien
, vend une Brochure in 12. de 108. pages
intitulée , Réponse de M. Perquis , Maître de
Philosophie , d'Humanités et de Typographie
à la Lettre d'un Professeur anonime , de l'Uni
versité de Paris , inserée dans le Mercure d
4. Vol. Fevrie
DECEMBRE 1731. 2849
dit
Fevrier 1731. Ce Professeur anonime est ,
on , le nouvel Editeur de la Methode de M. Le
Fevre , Methode bien differente de celles des Colleges.
L'Auteur des Tropes , dans le 2d Vol. du
Mercure du mois de Juin , a justifié contre ce Professeur
anonime , l'Article des nouvelles Metho
des. La réponse de M. Perquis , quoique de vieille
datte , pourra cependant servir de réponse et de
réplique aux adversaires du Bureau , qui préferent
toujours les anciennes méthodes aux nouvelles.
L'on verra par cette Brochure , que le
Maître de Bureau Typographique ne soûtient
pas mal sa qualité de Maître de Philosophie ,
par la force et la justesse des raisonnemens dont
sa vive réponse est remplie ; cela paroît d'autant
plus surprenant dans un Humaniste , qu'il
y en a peu de sensibles à l'esprit philosophique ,
ou à l'art de raisonner.
Les curieux qui voudront faire faire des Bureaux
à leur Menuisier , et prendre eux -mêmes
la peine de les garnir , trouveront des Abécés
sur cuivre , ou des lettres à jour chez le Sr. Le
Comte , rue Jacob , à la porte de la Charité ,
et chez le Sr. Cadoret , aux Charniers des Sts.
Innocents , du côté de la rue au Fer , à l'Enseigne
du Bureau Typographique.
Les Personnes qui souhaitteront faire usage
des Classes du Bureau , en trouveront de toutes
garnies dans la maison atenant la porte du College
de Lisieux , du côté de S. Etienne des Grès.
On y trouvera aussi des grands et des petits
Abécés , imprimés sur des cartes , avec la feüille
élementaire en Placard pour la démonstration ,
la dénomination des Lettres la premiere silabisation
, &c.
>
Quoique les matieres de Chirurgie ne soient
I. Vol pas
2850 MERCURE DE FRANCE
pas entierement du ressort du Mercure › nous
pune
nous dispenserons pas , ( attendu l'utilité
blique , d'annoncer un Livre imprimé chez
Charles Osmont , rue S. Jacques , intitulé , Observations
de Chirurgie , par Henry Ledran
Chirurgien Juré à Paris , de la Societé des Arts
Ce qui nous engage à en parler , c'est qu'on
nous a montré un livre du même Auteur , intitulé
, Parallele des differentes manieres de parà
ler , qui se vend chez le même Imprimeur , et
que Mr. Duglas , fameux Docteur en Medecine
à Londres a traduit en Anglois sans y faire
aucun changement. Il a fait honneur à notre
Chirurgie , et le Public ne sera pas fâché d'apprendre
que les Etrangers ne dédaignent pas
d'adopter nos manieres de penser , et d'operer
dans un Art aussi nécessaire à la vie , qui a fait
tant de progrès chez nous , et qui se perfectionne
tous les jours,
Il paroît depuis peu une Estampe qui a un
très-grand débit , et qui mérite bien l'approbation
qu'elle a des Curieux. C'est une très - heureuse
production du Pinceau et duBurin deMrs.Charles
Coypel et N. Drevet , dont la réputation est
assez connuë par des morceaux de plus grande
conséquence ; mais on peut dire , qu'en son
genre , celui- cy doit passer pour leur chef- d'oeu
vre. C'est le Portrait de Mlle Le Couvreur
Actrice du Theatre François , celebre par ses talens
pour la déclamation , morte , generalement
regrettée, au mois de Mars 1730. On en trouvera
un Article assez étendu dans le Mercure de ce
mois-là. Elle est representée en Cornelie , tenant
P'Urne qui renferme les cendres de Pompée.
Cette Estampe se vend chez Mr. Francoeur
1. Vol. дыё
?
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
2
4
DECEMBRE 1731. 28 Fr
rue neuve des petits Champs , vis - à-vis la Com
pagnie des Indes , et chez Mr. Drevet , aux Galleries
du Louvre.
L'Utilité publique nous engage de publier l'Avis
qui suit :
Par Brevet de M. le premier Medecin du Roy
le Sr. Decourbiere fait distribuer une Poudre
composée de Simples , pour la guérison radicalle
des Hemorroïdes . Elle appaise les Enflammations,
gonflemens et douleurs en cinq ou six prises
Elle est facile à prendre , et ne cause aucune révolution
; elle se conserve , et on peut l'envoyer
par tout. Il faut s'adresser à Paris , au Sieur La
Coste , Chirurgien , rue du petit Lion , Fauxbourg
S. Germain , chez Madame Frontier . Ceux
qui auront besoin de ce Remede sont priez
d'envoyer des gens
fideles ; il est le seul qui le
distribuë , et il donne les prises cachetées , avec
la maniere de les prendre.
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Résumé : SUITE des Nouvelles du Bureau Typographique.
Le texte décrit l'intérêt suscité par le Bureau Typographique à Londres, tant par les Français que par les Anglais, qui cherchent des informations sur sa construction et son usage pour l'éducation des enfants. À Paris, certains jugent la machine trop volumineuse pour les appartements, mais des solutions comme réduire la taille des cartes ou adapter l'aménagement sont envisagées. Le texte souligne également la guérison de trois enfants ayant utilisé le Bureau Typographique, réfutant ainsi toute critique sur une éventuelle mort liée à son utilisation. Pierre Wite vend une brochure intitulée 'Réponse de M. Perquis' contre un professeur anonyme de l'Université de Paris, qui critique la méthode de M. Lefèvre. Cette brochure défend les nouvelles méthodes pédagogiques contre les anciennes. Les intéressés peuvent se procurer des abécédaires et des lettres chez Le Comte et Cadoret, ou des classes complètes près du Collège de Lisieux. Le texte mentionne également divers sujets, tels qu'un livre de chirurgie de Henry Ledran, traduit en anglais par Mr. Duglas, et une estampe de Mme Le Couvreur réalisée par Charles Coypel et N. Drevet. Enfin, il est fait référence à une poudre pour soigner les hémorroïdes distribuée par le Sr. Decourbiere, disponible chez le Sr. La Coste et Madame Frontier.
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656
p. 2852-2854
« Le 2 de ce mois, les Comédiens François, lurent dans leur assemblée une [...] »
Début :
Le 2 de ce mois, les Comédiens François, lurent dans leur assemblée une [...]
Mots clefs :
Troupe des comédiens italiens, Comédie héroïque, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 2 de ce mois, les Comédiens François, lurent dans leur assemblée une [...] »
LE 2 de ce mois , les Comédiens François
, lurent dans leur assemblée une
Tragedie nouvelle , du Chevalier Pellegrin
, sous le titre de Pélopée , qu'ils reÇurent
unanimement. On en dit beaucoup
de bien , sur tout on la trouve bien conduite
, bien écrite et avec un grand interêt,
Ils avoient reçu quelques jours avant
une autre Tragedie nouvelle , intitulée :
Eryphile , dont on dit aussi beaucoup de
bien . On n'en sçait pas l'Auteur.
Les mêmes Comédiens ont aussi reçu ,
et doiventjouer incessamment LeGlorieux ,
Comédie en Vers et en cinq Actes , de
M. Destouches , de l'Académie Françoise.
1. Vol.
La
DECEMBRE. 1731. 2893
La réputation de cet Auteur , fort connu
par diverses excellentes Pieces de Theatres
, répond de la bonté de celle - cy.
On a remis au Theatre la Tragédie de
Médée , de feu M. de Longepierre , dont
la Dlle Balicour joue le principal rôle, avec
beaucoup d'aplaudissemens.
On a repris aussi sur le même Théatre
la Piece en deux Actes , du Magnifique
de M.de la Motte , qui est tres -bien représentée
et extrémement goûtée du Public.
Les mêmes Comédiens donnerent le
Lundy 17 de ce mois , la premiere repré
sentation d'Erigonne , Tragédie de M. de
la Grange , que le Public reçut favora
blement. Nous en parlerons plus au long.
LeChevalier Bayard , Comédie Héroïque ,
representée sur la Scene Françoise , n'eut
pas le premier jour tout le succès qu'elle
mérite , par une Caballe faite à ce qu'on
prétend pour la faire tomber. Mais elle se
releva à la seconde représentation , où elle
fut mieux entendue. On y trouva plusieurs
beaux endroits et fort pathétiques ,
des sentimens trés convenables au Héros ,
et aux principaux personnages sur qui
tombe l'interêt de la Piece , et elle a toujours
été applaudie dans quelques représentations
suivantes. Malgré cela , l'Auteur
l'a retirée , pour y corriger quelques
I.Vol deffauts,
2854 MERCURE DE FRANCE
deffauts , qui ne venoient peut - être pas
tous de sa part , et pour la rendre plus digne
de sa matiere, qui doit interesser
tout honnête homme et tout bon François.
A la premiere occasion qui se presentera
de la rendre au Public , on espere
qu'on en sera encore plus satisfait.On trou
vera dans le second volume de ce mois
l'Extrait de cette Piece, telle qu'on l'a representée.
Le sieur Riccoboni , dit Lelio , cy - devant
premier Acteur de la Troupe des
Comédiens Italiens , ordinaires du Roy
la Dule son Epouse , et le sieur Riccoboni
leur fils, qui avoient quitté le Theatre en
1729. pour se retirer en Italie leur Patrie,
sont revenus en France depuis le mois de
Novembre dernier.
Le 26 du même mois , le sieur Lélio le
fils , reparut sur le Théatre Italien , et y
joua le rôle de Valere, dans la Comédie des
Amans réunis. Cet Acteur fut parfaitement
bien reçu du public et tres aplaudi.
Le 3 Decembre , la De Lélio reparut
aussi et joüa le rôle de Suivante , dans la
Comédie de la Surprise de l'Amour. Le
sieur Lélio son fils , joüa dans la même
Piece , le rôle de l'Amant. Ils ont été tous
les deux tres- bien reçus du public.
, lurent dans leur assemblée une
Tragedie nouvelle , du Chevalier Pellegrin
, sous le titre de Pélopée , qu'ils reÇurent
unanimement. On en dit beaucoup
de bien , sur tout on la trouve bien conduite
, bien écrite et avec un grand interêt,
Ils avoient reçu quelques jours avant
une autre Tragedie nouvelle , intitulée :
Eryphile , dont on dit aussi beaucoup de
bien . On n'en sçait pas l'Auteur.
Les mêmes Comédiens ont aussi reçu ,
et doiventjouer incessamment LeGlorieux ,
Comédie en Vers et en cinq Actes , de
M. Destouches , de l'Académie Françoise.
1. Vol.
La
DECEMBRE. 1731. 2893
La réputation de cet Auteur , fort connu
par diverses excellentes Pieces de Theatres
, répond de la bonté de celle - cy.
On a remis au Theatre la Tragédie de
Médée , de feu M. de Longepierre , dont
la Dlle Balicour joue le principal rôle, avec
beaucoup d'aplaudissemens.
On a repris aussi sur le même Théatre
la Piece en deux Actes , du Magnifique
de M.de la Motte , qui est tres -bien représentée
et extrémement goûtée du Public.
Les mêmes Comédiens donnerent le
Lundy 17 de ce mois , la premiere repré
sentation d'Erigonne , Tragédie de M. de
la Grange , que le Public reçut favora
blement. Nous en parlerons plus au long.
LeChevalier Bayard , Comédie Héroïque ,
representée sur la Scene Françoise , n'eut
pas le premier jour tout le succès qu'elle
mérite , par une Caballe faite à ce qu'on
prétend pour la faire tomber. Mais elle se
releva à la seconde représentation , où elle
fut mieux entendue. On y trouva plusieurs
beaux endroits et fort pathétiques ,
des sentimens trés convenables au Héros ,
et aux principaux personnages sur qui
tombe l'interêt de la Piece , et elle a toujours
été applaudie dans quelques représentations
suivantes. Malgré cela , l'Auteur
l'a retirée , pour y corriger quelques
I.Vol deffauts,
2854 MERCURE DE FRANCE
deffauts , qui ne venoient peut - être pas
tous de sa part , et pour la rendre plus digne
de sa matiere, qui doit interesser
tout honnête homme et tout bon François.
A la premiere occasion qui se presentera
de la rendre au Public , on espere
qu'on en sera encore plus satisfait.On trou
vera dans le second volume de ce mois
l'Extrait de cette Piece, telle qu'on l'a representée.
Le sieur Riccoboni , dit Lelio , cy - devant
premier Acteur de la Troupe des
Comédiens Italiens , ordinaires du Roy
la Dule son Epouse , et le sieur Riccoboni
leur fils, qui avoient quitté le Theatre en
1729. pour se retirer en Italie leur Patrie,
sont revenus en France depuis le mois de
Novembre dernier.
Le 26 du même mois , le sieur Lélio le
fils , reparut sur le Théatre Italien , et y
joua le rôle de Valere, dans la Comédie des
Amans réunis. Cet Acteur fut parfaitement
bien reçu du public et tres aplaudi.
Le 3 Decembre , la De Lélio reparut
aussi et joüa le rôle de Suivante , dans la
Comédie de la Surprise de l'Amour. Le
sieur Lélio son fils , joüa dans la même
Piece , le rôle de l'Amant. Ils ont été tous
les deux tres- bien reçus du public.
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Résumé : « Le 2 de ce mois, les Comédiens François, lurent dans leur assemblée une [...] »
En décembre 1731, les Comédiens Français ont présenté plusieurs nouvelles œuvres. Deux tragédies, 'Pélopée' du Chevalier Pellegrin et 'Éryphile' d'auteur inconnu, ont été bien accueillies. La comédie en vers 'Le Glorieux' de M. Destouches, membre de l'Académie Française, a également été reçue favorablement. La tragédie 'Médée' de M. de Longepierre, avec la Dlle Balicour dans le rôle principal, a été remise au théâtre avec succès. La pièce 'Le Magnifique' de M. de la Motte a été reprise et bien accueillie. Le 17 décembre, 'Érigone', tragédie de M. de la Grange, a été présentée pour la première fois et favorablement reçue. La comédie héroïque 'Le Chevalier Bayard' a connu un succès mitigé lors de sa première représentation en raison d'une cabale, mais a été mieux accueillie par la suite. L'auteur l'a retirée pour la corriger. Les acteurs italiens Riccoboni sont revenus en France en novembre et ont repris leurs rôles au théâtre italien, recevant un accueil favorable du public.
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657
p. 2853-2871
Arlequin Amadis, Extrait. [titre d'après la table]
Début :
Le 27 Novembre, les Comédiens Italiens donnerent la premiere représentation [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Masque, Enfers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Arlequin Amadis, Extrait. [titre d'après la table]
Le 27 Novembre , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere représentation
d'une Parodie nouvelle , intitulée :
Arlequin Amadis , en un Acte et en Vaudevilles
' dont voici l'Extrait. Les Sieurs
Dominique etRomagnesi sont les Auteurs .
ACTEURS.
Amadis ,
Florestan
,
Arlequin,
La Dile Belmont.
Corisande La De Thomassin.
Oriane , La Dle Silvia.
Arcabonne , Le S Thevenot.
Arcalaus , Le S Romagnesi.
Urgande ,
La Dile la Lande.
L'ombre , D'Ardan Canele.
Captifs , un Géolier , Nimphes , Bergers,
Diables , &c.
Amadis arrive sur le Théatre , qui re
présente un Palais avec Florestan son frecelui
cy lui demande la cause de sa
tristesse ; Amadis répond sur l'air de l'Opera.
re ;
Paime , hélas ! c'est assez pour être malhes
reux,
Il ajoute qu'il aime Oriane , et qu'elle
l'a condamnée à ne la jamais revoir . Florestan
lui represente qu'il doit se consoler
I. Val. avec
2856 MERCURE DE FRANCE
avec la gloire : Amadis lui répond sur un
air de
Belphegor.
J'ai choisi la gloire pour guide ,
Et marchant sur les pas d'Alcide ,
Je cours imiter sa valeur
Je n'imite que sa folie ;
En cela seul j'ai le bonheur
D'être sa fidelle copie.
Amadis se retire , Florestan reste , et
Corisande paroît; ils témoignent tous deux
le plaisir qu'ils ont de se revoir. Oriane
loue la fidélité de Florestan et se plaint de
l'inconstance d'Amadis qui aime Briolanie.
Florestan veut la désabuser , en lui
disant le couplet suivant , sur l'air : Tis
n'as pas le pouvoir.
Il est l'ennemi redouté,
De l'infidelité,
Et puisqu'il punit les ingrats
Sans doute il ne l'est pase
Oriane:
Vous contez une belle histoire
Ce Héros suivant son désir ,
Punit les ingrats pour sa gloire;
Et les imite pour son plaisir.
1. Vol. Corisande
DECEMBRE 1731 2857
Corisande et Florestan.
On sort malaisement
D'un tendre engagement
Oriane.
Ah ! quel cruel tourment
D'avoir un volage amant !
Il accable votre coeur
D'une mortelle douleur,
Tous trois.
On sort malaisément
D'un tendre engagement,
Et lorsqu'on voit changer ,
Cela vous fait
enrager.
Corisande annonce des guerriers qui
viennent , dit- elle , se battre pour divertir
Oriane. Cette Princesse demande qui
les envoye: A quoi on répond qu'on ne le
sçait pas. Hé bien , ajoute Oriane , on n'a
qu'à les renvoyer , je ne veux point d'un divertissement
anonime ; fuivez- moi.
Le Théatre change et represente une
Forêt , dont les Arbres sont chargez des
dépouilles de ceux qu'Arcalans a vaincusi
on y voit au milieu un grand Pont : Arcabone
chante sur l'air : J'ai révé toute la
nait.
J. Vol. Amour
2858 MERCURE DE FRANCE
Amour que veux tu de moi ş
Mon coeur n'est pas fait pour toi.
Je veux inspirer l'effroi
C'est-là mon emploi .
'Amour que veux - tu de moi ,
Mon coeur n'est pas fait pour toi.
bis.
'Arcalaüs arrive et demande à sa soeur ;
quel est le sujet de sa mélancolie. Arcabonne
chante sur l'air : Ah ! Pierre; Ab
Pierre.
Par sa valeur guerriere
Un Héros tres- poli ,
Contre un Monstre en colere ,
Un jour prit mon parti ;
Mon frere , mon frere ,
J'étois morte sans lui.
Bon , les enchanteurs craignent - ils les
monstres? répondArcalaus . Arcabonne continuë
sur l'air : Le Masque tombe , et l'ox
voit la Coquette.
En rendant grace au vaillant personnage,
Je m'informai de son nom vainement ,
Mais remarquez le bel évenement ,
Son Casque tombe , et je vois son visage.
I.Vol. Arca
DECEMBRE. 1731. 2859
'Arcalais chante sur l'air : Aurois-je jamais
un Amant.
Délivrez- vous de l'esclavage ,
Où le traître amour
Vous engage
Dans ce jour
:
Vous qui commandez aux Enfers
Brisez donc vos fers.
Arcabonne.
Je les briserois ,
Si je le pouvois ,
Mais je ne sçaurois.
Arcalaus.
Songez-vous , ma soeur ,
Que la fureur ,
L'effroi , l'horreur
De votre coeur ,
Sont le
partage ,
Qu'Ardan
fut occis,
Par le felon Amadis.
Ah ! que le nom d'Amadis m'inspire de
rage , s'écrie Arcabonne . Ils chantent tous
deux , sur l'air : Lucas pour se moquer de
nous.
ALV Un
2860 MERCURE DE FRANCE
Un jour pour se mocquer de nous ,
Le perfide assomma notre malheureux frere ,
Mais à ton tour il doit sentir nos coups ? nos
coups.
Livrons -nous à notre colere ,
Ma chere :
Mon frere.
Oui , qu'il périsse le pendard ,
Ah ! qu'il est doux d'exercer la vengeance 3
Punissons plutôt que plus tard ,
Pour nous mocquer de lui , frapons , perçons sa
panse ,
Frappons , morbleu , frappons , perçons à grands
coups de Poignard.
Laissez- moi l'engager dans mes enchan
temens , dit Arcalaüs. Arcabone se retire.
Arcalaus au son de la simphonie , forme
avec sa baguerte plusieurs cercles magiques,
et voyant venir Amadis; ilfaut, ajoute-
t-il,qu'il foit bien malheureux pour tomber
ainsi dans les piegés que je lui dresse.Amadis
et Corisande se cherchent dans le
bois ; ils s'appellent , et se reconnoissent.
Arcalaus s'oppose au passage d'Amadis.
en lui chantant sur l'air du Chasseur,
Arrête
I.Vol
Amadis
Crois-tu m'effraiera
AreaDECEMBRE.
1731. 2861
Arcalaus.
Ce passage est en ma puissance ;
Voi ce magnifique attelier 3
Il est le prix de ma vaillance
Je dépouille icy tout guérier.
Amadis.
3
Voyez quelle insolence ,
J'ai toujours passé sans payer ,
Sur tous les Ponts de France.
1
Tu ne passeras pas sur celui- ci , lui répond
Arcalaüs: Nous allons voir, dit Amadis.
Arcalaüs le repousse . Corisande demande
du secours à Amadis . Arcalaüs la
fait saisir par des diables qui l'enlevent.
Amadis outré de colere , rosse Arcalaüs
et chante sur l'air : Les petits valent bien
Les grands .
Maraut , tu cherches ton malheur ,
Tu vas éprouver ma valeur.
Arcalaus.
Venez empêcher ma défaite ;
Messieurs les Démons , il est temps.
Amadis , après avoir battu Arcalaüs.
Les petits tourelourirette ,
Valent bien les grands.
1. Vol.
H Une
2862 MERCURE DE FRANCE
Une Troupe de Nimphes et de Bergers
forment une danse pour enchanter Amadis
qui prend une danseuse pour Orianen
lui disant : Tene , ma Mignone
vous avez si - bien dansé que je vous fais
present de mon épés . Bon , continuët-il , je
suis bien bête , et change :
ne,
Et lon lan la ,
Que fais -je la,
Est-ce avec cèla ,
Qu'on regale les Danseuses ?
La Nimphe emmene Amadis avec elle ;
le Théatre change et represente un palais
ruiné et des cachots. Cette décoration
, qui est de M. le Maire , a été tresbien
goutée , comme toutes celles qu'il a
faites pour le Théatre Italien.
Florestan , Corisande et les Captifs qui
sortent de leurs Cachots , se plaignent
des maux qu'ils souffrent Corisande
chante sur l'air : Tarare pompon.
}
Sont- ce là les liens que l'Hymen nous prépare
?
Encor si l'on étoit dans la même prison ,
On pourroit , sort Barbare !
Se faire une raison.
Mettez- nous-y •
I. Vol.
Le
DECEMBRE 1731. 2863.
Le Géolier.
Pompon.
Tarare ,
Arcabonne sous la figure d'un gros
Chat monstrueux , descend dans la prison
et dit le couplet qui suit , sur l'air :
On n'aime plus dans nos Forêts .
Sortez , trainez icy vos fers ,
Cessez vos plaintes ennuieuses.
Les Captifs.
Des maux que nous avons soufferts ,
Terminez les rigueurs affreuses.
Arcabonne , d'un air doux.
Vous allez cesser de souffrir ,
Mes enfans vous allez mourir.
Coriande , sur l'air de Griselidis.
Avec vous la mort même
A pour moi des appas.
Florestan.
C'est aussi mon systême.
Arcabonne.
Ne vous le dis -je pas.
1. Vol.
Hij Fo
2864 MERCURE DE FRANCE
Forestan & Corisande.
Oui , le trépas ,,"
Avec ce que l'on aime
Est doux à recevoir.
Arcabonne.
Vous allez voir.
Florestan et Corisande chantent encore
un Duo langouteux et passionné ce qui
donne lieu au couplet suivant. Arcabonne
chante sur l'air : F'ai le coeur tendre .
C'est trop entendre
•
Ce maudit refrain ,
J'ai le coeur tendre ,
Il ine inet en train ,
C'est trop entendre
Ce maudit refrain.
Arcabonne évoque l'ombre de son frere,
et chante.
Toi , qui n'es qu'un reste de cendre ,
Oh , oh
Dans ce noir tombeau
Reçois , et sans plus attendre ,
Oh , oh
Le joli cadeau ,
Du sang que je vais répandre.
1. Vol. L'Om
DECEMBRE . 1737. 2865.
L'ombre du fond de son tombeau, aches
vant l'air :
Oh , oh , oh
Tourelouribeau.
Quel hurlement ! s'écrie Arcabonne , je
Jure , mon frere , que dans un instant vous
serez satisfait.
L'ombre paroissant.
Tu vas trahir ton serment-
Menteuse bis.
Tu vas trahir ton serment .
Menteuse en ce moment
Ne vous fâchez pas , mon frere , lui die
Arcabonne , j'ai juré , cela doit vous suffire.
L'Ombre, sur l'air : Je suis toujours prête
à danser.
Ah! tu vas trahir tes sermens
Le jour me blesse , je retombe ;
Le grand air me fait mal aux dents.
Je me trouve mieux dans ma tombe
Tu me suivras dans peu de
temps
Que je t'attens ,
C'est aux
I Vol.
C'est aux enfers que je t'attens ,
enfers que je t'attens.
bis.
Hiij Allez
2866 MERCURE DE FRANCE
Allez-y toujours devant, lui répond Arcabonne
, on lui amene Amadis , qu'elle
veut immoler à sa vangeance ; mais elle
le reconnoît aussi-tôt pour le Héros qui
lui a sauvé la vie . Les armes lui tombent
des mains. Il n'est pasjuste , dit- elle , que
je tue un homme à qui j'ai tant d'obligation,
dites- vous-même , continuë t- elle ; la récom
pense de vos services , et j'y souscris . Amadis
demande qu'on donne la clef des champs
à tous ces malheureux. Il est dans l'instant
obéi ; Florestan , Corisande et tous les
Captifs sont mis en liberté. Arcabonne
dità Amadis de le suivre : Que j'aille seul
avec vous , lui dit Amadis : Je n'ose ; allons
, marchez petitgarçon , continuë Arcabonne.
Amadis chante sur l'air : Tandis
que je dresse.
Elle veut me faire
La bonne sorciere ,
Elle eut me faire
Payer leur rançon.
Arcabonne caressant Amadis,
Le joli garçon
Il est formé pour plaire.
Amadis à part.
Elle veut me faire
Payer leur rançon,
1. Vel.
Les
DECEMBRE. 1731 2867
Les Captifs se réjouissent de sortir d'esclavage.
Le Théatre change, et represente
lå Mer. Afcalaüs dit qu'il vient de faire
encore un enchantement qui leur livre
Oriane : Vous avez eu , ma soeur , bien du
plaisir à tuer Amadis , lui dit Arcalaus.
Arcabonne soupire et lui dit ingénuëment
qu'elle a trouvé dans son ennemi même
l'objet de son amour , et qu'à sa considération
, elle a donné la liberté à tous les
Captifs : Vous avez fait là une belle besogne,
répond Arcalaus , et chante sur l'air :
J'ai peur.
II vit donc ici.
Arcabonne
Oiii. •
Arcalaus.
Il est votre ami.
Arcabonne.
Oui,
Arcalans.
L'amour aujourd'hui
Vous parle donc pour lui.
Arcabonne.
Oui.
1. Vol. Hijij Arca2868
MERCURE DE FRANCE
Arcalaüs.
O foiblesse étrange ,
Prendre ainsi le change !
Arcabonne.
Plaignez une soeur ,
Qu'un tendre amour dérange,
Arca!aus.
La main me demange ;
Il faut que je vange
Sur vous mon bonneur
Ma honte et ma douleur..
Arcabonne.
J'ai peur.
Mais , ajoute Arcabonne , je sens que la
fureur l'emporte sur l'amour ; voici ma rivale
, vous allez voir tous les tours que je vais
luijouer. Oriane paroît . Arcalais vient lui :
dire qu'il a vaincu ce vainqueur invincible
: et que puisqu'elle le hait , elle doitêtre
bien contente . Il fait venir Amadis
qui paroît mort. Oriane se désespere , et
chante le couplet suivant , sur l'air ; J'ens.
tens déja le bruit des armes .
J'entens Amadis qui m'apelle ;
Pour gage certain de ma foy ,
I. Vol. Mon
DECEMBRE 1731 2869
Mon cher , dans la nuit éternelle ,
Je me précipite avec toi.
Elle tombe évanouies-
Amadis surun gazon .
Ah ! vertubleu , que ne vient - elle
S'évanouir auprès de moi.
Arcalais et Arcabonne se réjouissent :
du désespoir de ces deux amans ; aussi -tôt
on voit sur la mer un Rocher enflamé ; et
ensuite la grande Serpente , d'où sort U
gande , avec plusieurs femmes qui sont :
avec elle . Arcalaüs chante sur l'air : Je ne
suis flateur ni menteur.
D'où part ce spectacle nouveau ??
Arcabonne.
D'un pouvoir plus grand que le nôtre.
Arcalaus.
Est-ce un serpent ? Est-ce unvaisseau ?
Non
Arcabonne.
1 , non , ce n'est ni l'un ni l'autre,
Arcalaüs
Má soeur qu'est- ce donc que cela ? ?
1 Vol. Hy Arcani.
380 MERCURE DE FRANCE
Arcabonne.
Le Magazin de l'Opera.
Urgande enchante Arcabonne , et Arcalaüs
, et désenchante Oriane et Amadis , et
les mene avec elle; après avoir rendu à Arcabonne
et à Arcalaus l'usage de leurs
sens ; Arcabonne et Arcalaüs appellent les
démons de la terre à leur secours qui
combattent contre les démons de l'air, qui
obligent ceux de la terre à leur ceder la
victoire. Arcalaüs et Arcabonne se retirent
; le Theatre change et représente
l'Arc des loyaux Amans : Urgande conduit
avec elle Oriane et Amadis qu'elle a
racommodés ensemble. Si vous voulez ,
dit Amadis et Oriane , je passerai fous
l'Arc des loyaux Amans , pour vous prouver
ma fidelité : Non , non , répond Urgande
, cela seroit trop ennuyeux , passons
vite à la Chaconne. Les loyaux Amans
forment une danse avec leurs Amantes
en parodiant la Chaconne d'Amadis . La
Piece finit par un Vaudeville , dont le refraint
est :
Ce n'est plus le temps
Des loyaux Amans.
I. Vol.
•
Les
DECEMBRE 1731. 2872
Les mêmes Comédiens représenterent
le même jour une petite Piece nouvelle
en Prose , mêlée de Fables , qui a pour
titre , La Verité Fabuliste. Elle a été trèsgoûtée.
Comme on a cessé les Représentations
de cette Piece pour y ajoûter deux
Scenes nouvelles , on en parlera plus au
Jong quand elles auront paru .
On apprend de Naples , qu'on y répresente
l'Opera de Semiramis reconnue , avec
beaucoup de succès. On représente à
Londres l'Opera de Tamerlan , en Italien,
et à Vienne on répresenta le 27 du mois
dernier , devant L. M. I. sur le Théatre
du Palais , le nouvel Opera de Demetrius ,
pour lequel on a fait beaucoup de dé
penses et qui fut universellement applaudi
.
donnerent la premiere représentation
d'une Parodie nouvelle , intitulée :
Arlequin Amadis , en un Acte et en Vaudevilles
' dont voici l'Extrait. Les Sieurs
Dominique etRomagnesi sont les Auteurs .
ACTEURS.
Amadis ,
Florestan
,
Arlequin,
La Dile Belmont.
Corisande La De Thomassin.
Oriane , La Dle Silvia.
Arcabonne , Le S Thevenot.
Arcalaus , Le S Romagnesi.
Urgande ,
La Dile la Lande.
L'ombre , D'Ardan Canele.
Captifs , un Géolier , Nimphes , Bergers,
Diables , &c.
Amadis arrive sur le Théatre , qui re
présente un Palais avec Florestan son frecelui
cy lui demande la cause de sa
tristesse ; Amadis répond sur l'air de l'Opera.
re ;
Paime , hélas ! c'est assez pour être malhes
reux,
Il ajoute qu'il aime Oriane , et qu'elle
l'a condamnée à ne la jamais revoir . Florestan
lui represente qu'il doit se consoler
I. Val. avec
2856 MERCURE DE FRANCE
avec la gloire : Amadis lui répond sur un
air de
Belphegor.
J'ai choisi la gloire pour guide ,
Et marchant sur les pas d'Alcide ,
Je cours imiter sa valeur
Je n'imite que sa folie ;
En cela seul j'ai le bonheur
D'être sa fidelle copie.
Amadis se retire , Florestan reste , et
Corisande paroît; ils témoignent tous deux
le plaisir qu'ils ont de se revoir. Oriane
loue la fidélité de Florestan et se plaint de
l'inconstance d'Amadis qui aime Briolanie.
Florestan veut la désabuser , en lui
disant le couplet suivant , sur l'air : Tis
n'as pas le pouvoir.
Il est l'ennemi redouté,
De l'infidelité,
Et puisqu'il punit les ingrats
Sans doute il ne l'est pase
Oriane:
Vous contez une belle histoire
Ce Héros suivant son désir ,
Punit les ingrats pour sa gloire;
Et les imite pour son plaisir.
1. Vol. Corisande
DECEMBRE 1731 2857
Corisande et Florestan.
On sort malaisement
D'un tendre engagement
Oriane.
Ah ! quel cruel tourment
D'avoir un volage amant !
Il accable votre coeur
D'une mortelle douleur,
Tous trois.
On sort malaisément
D'un tendre engagement,
Et lorsqu'on voit changer ,
Cela vous fait
enrager.
Corisande annonce des guerriers qui
viennent , dit- elle , se battre pour divertir
Oriane. Cette Princesse demande qui
les envoye: A quoi on répond qu'on ne le
sçait pas. Hé bien , ajoute Oriane , on n'a
qu'à les renvoyer , je ne veux point d'un divertissement
anonime ; fuivez- moi.
Le Théatre change et represente une
Forêt , dont les Arbres sont chargez des
dépouilles de ceux qu'Arcalans a vaincusi
on y voit au milieu un grand Pont : Arcabone
chante sur l'air : J'ai révé toute la
nait.
J. Vol. Amour
2858 MERCURE DE FRANCE
Amour que veux tu de moi ş
Mon coeur n'est pas fait pour toi.
Je veux inspirer l'effroi
C'est-là mon emploi .
'Amour que veux - tu de moi ,
Mon coeur n'est pas fait pour toi.
bis.
'Arcalaüs arrive et demande à sa soeur ;
quel est le sujet de sa mélancolie. Arcabonne
chante sur l'air : Ah ! Pierre; Ab
Pierre.
Par sa valeur guerriere
Un Héros tres- poli ,
Contre un Monstre en colere ,
Un jour prit mon parti ;
Mon frere , mon frere ,
J'étois morte sans lui.
Bon , les enchanteurs craignent - ils les
monstres? répondArcalaus . Arcabonne continuë
sur l'air : Le Masque tombe , et l'ox
voit la Coquette.
En rendant grace au vaillant personnage,
Je m'informai de son nom vainement ,
Mais remarquez le bel évenement ,
Son Casque tombe , et je vois son visage.
I.Vol. Arca
DECEMBRE. 1731. 2859
'Arcalais chante sur l'air : Aurois-je jamais
un Amant.
Délivrez- vous de l'esclavage ,
Où le traître amour
Vous engage
Dans ce jour
:
Vous qui commandez aux Enfers
Brisez donc vos fers.
Arcabonne.
Je les briserois ,
Si je le pouvois ,
Mais je ne sçaurois.
Arcalaus.
Songez-vous , ma soeur ,
Que la fureur ,
L'effroi , l'horreur
De votre coeur ,
Sont le
partage ,
Qu'Ardan
fut occis,
Par le felon Amadis.
Ah ! que le nom d'Amadis m'inspire de
rage , s'écrie Arcabonne . Ils chantent tous
deux , sur l'air : Lucas pour se moquer de
nous.
ALV Un
2860 MERCURE DE FRANCE
Un jour pour se mocquer de nous ,
Le perfide assomma notre malheureux frere ,
Mais à ton tour il doit sentir nos coups ? nos
coups.
Livrons -nous à notre colere ,
Ma chere :
Mon frere.
Oui , qu'il périsse le pendard ,
Ah ! qu'il est doux d'exercer la vengeance 3
Punissons plutôt que plus tard ,
Pour nous mocquer de lui , frapons , perçons sa
panse ,
Frappons , morbleu , frappons , perçons à grands
coups de Poignard.
Laissez- moi l'engager dans mes enchan
temens , dit Arcalaüs. Arcabone se retire.
Arcalaus au son de la simphonie , forme
avec sa baguerte plusieurs cercles magiques,
et voyant venir Amadis; ilfaut, ajoute-
t-il,qu'il foit bien malheureux pour tomber
ainsi dans les piegés que je lui dresse.Amadis
et Corisande se cherchent dans le
bois ; ils s'appellent , et se reconnoissent.
Arcalaus s'oppose au passage d'Amadis.
en lui chantant sur l'air du Chasseur,
Arrête
I.Vol
Amadis
Crois-tu m'effraiera
AreaDECEMBRE.
1731. 2861
Arcalaus.
Ce passage est en ma puissance ;
Voi ce magnifique attelier 3
Il est le prix de ma vaillance
Je dépouille icy tout guérier.
Amadis.
3
Voyez quelle insolence ,
J'ai toujours passé sans payer ,
Sur tous les Ponts de France.
1
Tu ne passeras pas sur celui- ci , lui répond
Arcalaüs: Nous allons voir, dit Amadis.
Arcalaüs le repousse . Corisande demande
du secours à Amadis . Arcalaüs la
fait saisir par des diables qui l'enlevent.
Amadis outré de colere , rosse Arcalaüs
et chante sur l'air : Les petits valent bien
Les grands .
Maraut , tu cherches ton malheur ,
Tu vas éprouver ma valeur.
Arcalaus.
Venez empêcher ma défaite ;
Messieurs les Démons , il est temps.
Amadis , après avoir battu Arcalaüs.
Les petits tourelourirette ,
Valent bien les grands.
1. Vol.
H Une
2862 MERCURE DE FRANCE
Une Troupe de Nimphes et de Bergers
forment une danse pour enchanter Amadis
qui prend une danseuse pour Orianen
lui disant : Tene , ma Mignone
vous avez si - bien dansé que je vous fais
present de mon épés . Bon , continuët-il , je
suis bien bête , et change :
ne,
Et lon lan la ,
Que fais -je la,
Est-ce avec cèla ,
Qu'on regale les Danseuses ?
La Nimphe emmene Amadis avec elle ;
le Théatre change et represente un palais
ruiné et des cachots. Cette décoration
, qui est de M. le Maire , a été tresbien
goutée , comme toutes celles qu'il a
faites pour le Théatre Italien.
Florestan , Corisande et les Captifs qui
sortent de leurs Cachots , se plaignent
des maux qu'ils souffrent Corisande
chante sur l'air : Tarare pompon.
}
Sont- ce là les liens que l'Hymen nous prépare
?
Encor si l'on étoit dans la même prison ,
On pourroit , sort Barbare !
Se faire une raison.
Mettez- nous-y •
I. Vol.
Le
DECEMBRE 1731. 2863.
Le Géolier.
Pompon.
Tarare ,
Arcabonne sous la figure d'un gros
Chat monstrueux , descend dans la prison
et dit le couplet qui suit , sur l'air :
On n'aime plus dans nos Forêts .
Sortez , trainez icy vos fers ,
Cessez vos plaintes ennuieuses.
Les Captifs.
Des maux que nous avons soufferts ,
Terminez les rigueurs affreuses.
Arcabonne , d'un air doux.
Vous allez cesser de souffrir ,
Mes enfans vous allez mourir.
Coriande , sur l'air de Griselidis.
Avec vous la mort même
A pour moi des appas.
Florestan.
C'est aussi mon systême.
Arcabonne.
Ne vous le dis -je pas.
1. Vol.
Hij Fo
2864 MERCURE DE FRANCE
Forestan & Corisande.
Oui , le trépas ,,"
Avec ce que l'on aime
Est doux à recevoir.
Arcabonne.
Vous allez voir.
Florestan et Corisande chantent encore
un Duo langouteux et passionné ce qui
donne lieu au couplet suivant. Arcabonne
chante sur l'air : F'ai le coeur tendre .
C'est trop entendre
•
Ce maudit refrain ,
J'ai le coeur tendre ,
Il ine inet en train ,
C'est trop entendre
Ce maudit refrain.
Arcabonne évoque l'ombre de son frere,
et chante.
Toi , qui n'es qu'un reste de cendre ,
Oh , oh
Dans ce noir tombeau
Reçois , et sans plus attendre ,
Oh , oh
Le joli cadeau ,
Du sang que je vais répandre.
1. Vol. L'Om
DECEMBRE . 1737. 2865.
L'ombre du fond de son tombeau, aches
vant l'air :
Oh , oh , oh
Tourelouribeau.
Quel hurlement ! s'écrie Arcabonne , je
Jure , mon frere , que dans un instant vous
serez satisfait.
L'ombre paroissant.
Tu vas trahir ton serment-
Menteuse bis.
Tu vas trahir ton serment .
Menteuse en ce moment
Ne vous fâchez pas , mon frere , lui die
Arcabonne , j'ai juré , cela doit vous suffire.
L'Ombre, sur l'air : Je suis toujours prête
à danser.
Ah! tu vas trahir tes sermens
Le jour me blesse , je retombe ;
Le grand air me fait mal aux dents.
Je me trouve mieux dans ma tombe
Tu me suivras dans peu de
temps
Que je t'attens ,
C'est aux
I Vol.
C'est aux enfers que je t'attens ,
enfers que je t'attens.
bis.
Hiij Allez
2866 MERCURE DE FRANCE
Allez-y toujours devant, lui répond Arcabonne
, on lui amene Amadis , qu'elle
veut immoler à sa vangeance ; mais elle
le reconnoît aussi-tôt pour le Héros qui
lui a sauvé la vie . Les armes lui tombent
des mains. Il n'est pasjuste , dit- elle , que
je tue un homme à qui j'ai tant d'obligation,
dites- vous-même , continuë t- elle ; la récom
pense de vos services , et j'y souscris . Amadis
demande qu'on donne la clef des champs
à tous ces malheureux. Il est dans l'instant
obéi ; Florestan , Corisande et tous les
Captifs sont mis en liberté. Arcabonne
dità Amadis de le suivre : Que j'aille seul
avec vous , lui dit Amadis : Je n'ose ; allons
, marchez petitgarçon , continuë Arcabonne.
Amadis chante sur l'air : Tandis
que je dresse.
Elle veut me faire
La bonne sorciere ,
Elle eut me faire
Payer leur rançon.
Arcabonne caressant Amadis,
Le joli garçon
Il est formé pour plaire.
Amadis à part.
Elle veut me faire
Payer leur rançon,
1. Vel.
Les
DECEMBRE. 1731 2867
Les Captifs se réjouissent de sortir d'esclavage.
Le Théatre change, et represente
lå Mer. Afcalaüs dit qu'il vient de faire
encore un enchantement qui leur livre
Oriane : Vous avez eu , ma soeur , bien du
plaisir à tuer Amadis , lui dit Arcalaus.
Arcabonne soupire et lui dit ingénuëment
qu'elle a trouvé dans son ennemi même
l'objet de son amour , et qu'à sa considération
, elle a donné la liberté à tous les
Captifs : Vous avez fait là une belle besogne,
répond Arcalaus , et chante sur l'air :
J'ai peur.
II vit donc ici.
Arcabonne
Oiii. •
Arcalaus.
Il est votre ami.
Arcabonne.
Oui,
Arcalans.
L'amour aujourd'hui
Vous parle donc pour lui.
Arcabonne.
Oui.
1. Vol. Hijij Arca2868
MERCURE DE FRANCE
Arcalaüs.
O foiblesse étrange ,
Prendre ainsi le change !
Arcabonne.
Plaignez une soeur ,
Qu'un tendre amour dérange,
Arca!aus.
La main me demange ;
Il faut que je vange
Sur vous mon bonneur
Ma honte et ma douleur..
Arcabonne.
J'ai peur.
Mais , ajoute Arcabonne , je sens que la
fureur l'emporte sur l'amour ; voici ma rivale
, vous allez voir tous les tours que je vais
luijouer. Oriane paroît . Arcalais vient lui :
dire qu'il a vaincu ce vainqueur invincible
: et que puisqu'elle le hait , elle doitêtre
bien contente . Il fait venir Amadis
qui paroît mort. Oriane se désespere , et
chante le couplet suivant , sur l'air ; J'ens.
tens déja le bruit des armes .
J'entens Amadis qui m'apelle ;
Pour gage certain de ma foy ,
I. Vol. Mon
DECEMBRE 1731 2869
Mon cher , dans la nuit éternelle ,
Je me précipite avec toi.
Elle tombe évanouies-
Amadis surun gazon .
Ah ! vertubleu , que ne vient - elle
S'évanouir auprès de moi.
Arcalais et Arcabonne se réjouissent :
du désespoir de ces deux amans ; aussi -tôt
on voit sur la mer un Rocher enflamé ; et
ensuite la grande Serpente , d'où sort U
gande , avec plusieurs femmes qui sont :
avec elle . Arcalaüs chante sur l'air : Je ne
suis flateur ni menteur.
D'où part ce spectacle nouveau ??
Arcabonne.
D'un pouvoir plus grand que le nôtre.
Arcalaus.
Est-ce un serpent ? Est-ce unvaisseau ?
Non
Arcabonne.
1 , non , ce n'est ni l'un ni l'autre,
Arcalaüs
Má soeur qu'est- ce donc que cela ? ?
1 Vol. Hy Arcani.
380 MERCURE DE FRANCE
Arcabonne.
Le Magazin de l'Opera.
Urgande enchante Arcabonne , et Arcalaüs
, et désenchante Oriane et Amadis , et
les mene avec elle; après avoir rendu à Arcabonne
et à Arcalaus l'usage de leurs
sens ; Arcabonne et Arcalaüs appellent les
démons de la terre à leur secours qui
combattent contre les démons de l'air, qui
obligent ceux de la terre à leur ceder la
victoire. Arcalaüs et Arcabonne se retirent
; le Theatre change et représente
l'Arc des loyaux Amans : Urgande conduit
avec elle Oriane et Amadis qu'elle a
racommodés ensemble. Si vous voulez ,
dit Amadis et Oriane , je passerai fous
l'Arc des loyaux Amans , pour vous prouver
ma fidelité : Non , non , répond Urgande
, cela seroit trop ennuyeux , passons
vite à la Chaconne. Les loyaux Amans
forment une danse avec leurs Amantes
en parodiant la Chaconne d'Amadis . La
Piece finit par un Vaudeville , dont le refraint
est :
Ce n'est plus le temps
Des loyaux Amans.
I. Vol.
•
Les
DECEMBRE 1731. 2872
Les mêmes Comédiens représenterent
le même jour une petite Piece nouvelle
en Prose , mêlée de Fables , qui a pour
titre , La Verité Fabuliste. Elle a été trèsgoûtée.
Comme on a cessé les Représentations
de cette Piece pour y ajoûter deux
Scenes nouvelles , on en parlera plus au
Jong quand elles auront paru .
On apprend de Naples , qu'on y répresente
l'Opera de Semiramis reconnue , avec
beaucoup de succès. On représente à
Londres l'Opera de Tamerlan , en Italien,
et à Vienne on répresenta le 27 du mois
dernier , devant L. M. I. sur le Théatre
du Palais , le nouvel Opera de Demetrius ,
pour lequel on a fait beaucoup de dé
penses et qui fut universellement applaudi
.
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Résumé : Arlequin Amadis, Extrait. [titre d'après la table]
Le 27 novembre, les Comédiens Italiens ont présenté la première représentation de la parodie 'Arlequin Amadis' en un acte et en vaudevilles, écrite par les Sieurs Dominique et Romagnesi. La pièce met en scène plusieurs personnages, dont Amadis, Florestan, Arlequin, et Oriane. L'intrigue commence avec Amadis, qui explique à Florestan sa tristesse due à son amour pour Oriane, qui l'a condamné à ne plus la revoir. Florestan lui conseille de se consoler avec la gloire, mais Amadis préfère imiter la folie d'Alcide. La pièce se poursuit avec des interactions entre les personnages. Corisande et Florestan se réjouissent de se revoir. Oriane, quant à elle, se plaint de l'inconstance d'Amadis. Des guerriers apparaissent pour divertir Oriane, mais elle refuse un divertissement anonyme. Le théâtre change ensuite pour représenter une forêt où Arcabonne et Arcalaus discutent de leur mélancolie et de leur désir de vengeance contre Amadis. Arcalaus tente d'empêcher Amadis de passer un pont, mais Amadis le bat et libère Corisande. Plus tard, Arcabonne reconnaît Amadis comme le héros qui lui a sauvé la vie et le libère, ainsi que tous les captifs. Oriane, croyant Amadis mort, se désespère et tombe évanouie. Urgande intervient alors, enchante Arcabonne et Arcalaus, et désenchante Oriane et Amadis, les réunissant finalement. La pièce se termine par une danse parodique de la Chaconne d'Amadis et un vaudeville. Le même jour, les comédiens ont également représenté une petite pièce en prose mêlée de fables intitulée 'La Vérité Fabuliste', très appréciée du public. Par ailleurs, le texte mentionne des représentations d'opéras dans différentes villes européennes. À Naples, l'opéra 'Semiramis reconnue' rencontre un grand succès. À Londres, 'Tamerlan' est joué en italien. À Vienne, l'opéra 'Demetrius' est représenté le 27 du mois précédent devant Sa Majesté Impériale au théâtre du Palais. Cette production a nécessité des dépenses considérables et a été acclamée par le public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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658
p. 2922-2938
LETTRE à Messieurs les Auteurs du Journal de Trévoux.
Début :
Javois lû le Poëme de la Henriade lorsqu'il parut la premiere fois sous le [...]
Mots clefs :
Voltaire, Poème, Critique, Ouvrage, Virgile, Fictions
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE à Messieurs les Auteurs du Journal de Trévoux.
LETTRE à Messieurs les Auteurs dis
Journal de Trévoux .
MESS
ESSIEURS ,
Javois lû le Poëme de la Henriade
lorsqu'il parut la premiere fois sous le
nom de la Ligue,et je ne le regardois alors
que comme un ouvrage informe , plein .
d'inégalitez et de beaux Vers ; j'avouerai
même que je desesperois de voir jamais
l'honneur de la France bien rétabli dans
le Genre de l'Epopée ; mais enfin , il fautrendre
gloire à la vérité , et je ne ferai
aucune difficulté de dire que la France
peut aujourd'hui , en ce genre , se comparer
à l'Italie , et se préférer à l'Angleterre.
?
J'écrivis une Lettre critique à l'Illustre
M. de Voltaire dès que la Ligue parut, etje
l'avertis sincerement , combien il étoit
loin de la perfection . Heureusement il a
été assez supérieur pour ne le pas croire
parfait ; il a travaillé , il s'est corrigé , etau
licu d'avertissement , nous ne lui devons
plus que des Eloges. Il sera à jamais.
JJ Vol un
DECEMBRE 1731. 2938
un grand exemple , que la docilité et le
travail continue , peuvent seuls mener
à l'immortalité.
"
On vous a adressé contre ce fameux
ouvrage , une critique que vous avez inserée
dans votre Journal du mois de Juin
dernier. Je vous supplie , Mess. et j'ose
vous sommer , comme juges de la question
, de décider entre cette Critique et
mes Observations.
On semble d'abord refuser à la Henriade
le nom de Poëme épique. Je vous demande
quel nom mérite donc un ouvragequi
a unité d'action , de lieu , de tems :
et d'interêt , plus que toute autre Ouvrage
de cette espece. J'en appelle à Vous et
à tous les Sçavans de l'Europe. L'interêtne
porte-t- il pas du premier Vers jus
qu'au dernier , sur HENRY LE GRAND .
Le Poëme commence ainsi :
Je chante ce Héros , qui regna dans la France
,
Et par droit de conquête , et par droit de nais
sance ,
Qui parle malheur même apprit à gouverner
» Persécuté long - tems , sçut vaincre et par
donner ,
» Confondit , et Mayenne , et la Ligue , et l'Ibere
,
II. Vol. A vj Etx
2924 MERCURE DE FRANCE
D. Et fut de ses sujets , le Vainqueur et le Pere.
Ce que l'Auteur promet dans cette
annonce , il le tient dans tout le cours
du Poëme , et enfin.:.
>> Tout le peuple changé dans ce jour salutaire ,
» Reconnoit son vrai Roy , son Vainqueur et son ·
Pere.
Pour l'unité de lieu , elle est observés
en ce que Paris est supposé toujours assiégé
, et que le commencement du Siégo
et l'entrée du Roy dans la Ville , sont le
sujet de l'ouvrage.
L'unité de temps , est encore plus ri
goureusement suivie , puisque toute l'ac
tion est supposée se passer en un seul
Eté.
L'unité d'interêt est évidente , puisque
l'on ne s'interesse que pour HENRY LE
GRAND.
Il faut donc avouer que toutes les regles
sont icy inviolablement observées .
Je n'entens rien aux reproches qu'on
fait à M. de Voltaire , de n'avoir pas interessé
le Ciel , la Terre et les Enfers à son
action. On ne demande pas , sans doute
que Jupiter et Venus se mêlent des affaires
d'Henry IV . et nous devons , je croi
sçavoir bon gré à l'Auteur de n'avoir
II. Yola point
DECEMBRE. 1731. 2925
point introduit de Magiciens , comme le
Tasse , ni fait battre les Anges à coups .
de Canon , comme Milton , et il me paroît
qu'il y a une singuliere dexterité à
avoir employé des fictions qui ne sont ni
pueriles , ni extravagantes dans ce siecla
éclairé et philosophique , où l'on regarde :
les fictions purementPoëtiques, comme des .
débauches d'esprit , où l'on méprise souverainement
tout ce qui n'est pas raison.
nable.
Or je prétends que de toutes les fictions
employées par M. de Voltaire , il n'y en a
pas une qui ne soit ce qu'elle doit être
pour nous plaire , je veux dire , vraie .
>
Que la discorde ait animé la Ligue , que
la Politique ait eu son séjour à Rome, que
l'Esperance , les Vices et les Chagrins
soient sans cesse les suivans de l'Amour
que S.. Louis , protecteur de la France , et
Ancêtre de Henry IV. intercede pour lui
auprès du Tres - Haut ;il n'y a rien là
de chrétien et de vrai.
que
L'Auteur a imité Virgile dans la descente
aux enfers; je suis bien loin de désaprouver
cette imitation , et je ne suis.
point du nombre de ceux qui regardent
comme des Plagiaires ces nobles esprits ,
qui sçavent s'approprier les beautez antiques
, et faire des originaux François de
ces beaux morceaux Grecs et Romains.
11. Vol . Je
2926 MERCURE DE FRANCE
Je ne crains point même d'affirmer qu'en
plusieurs endroits notre Auteur enchérit
sur son modéle , et pour le prouver ,
comparez la Philosophie de Virgile avec
celle de M. de Voltaire.
Principio coelum ac Terras camposque virentes
Spiritus intus alit .
» Dans le centre éclatant de ces orbes immen--
"
ses ,
Qui n'ont pu nous cacher leur marche , epleurs
distances ,
Luit cet Astre du jour par Dieu même allumé ,.
** Qui tourne autour de soi sur son axe enfla¬
mé ,
» De lui partent sans fin des Torrens de lu .
miere ,
» Il donne , en se montrant , la vie à la ma_
tiere.
» Et dispense les jours , les saisons , et les ans ,
A des Mondes divers autour de lui flottans.
Ces Astres asservis à la loy qui les presse ,
» S'attirent dans leur course , et l'évitent sans
cesse.
» Et servant l'un à l'autre et de regle et d'appuy
,
» Se prêtent les clartez qu'ils reçoivent de lui.
Au-delà de leurs cours et loin dans cet espace
,
a ) Chant VII.
11. Vol. On
DECEMBRE 1731. 2927
Où la matiere nage , et que Dieu seul , embrasse.
» Sont des Soleils sans nombre , et des mondes
sans fin.
Dans cet abîme immense , il leur ouvre un
chemin ,
Par delà tous ces Cieux , le Dieu des Cieux
réside,
Je ne sçai si je me trompe , mais avoir
ainsi expliqué le systême du monde avec
une Poësie si majestueuse , et une précision
si exacte , me paroît l'effort de l'Es- .
prit. Virgile a mis aux portes des Enfers les
maux qui affligent les hommes.
Vestibulum ante ipsum primisque in fancibus
orci,
12. Luctus et ultrices posuere cubilia cura ;
Pallentesque habitant morbi , tristisque Senectus
;
» Et Metus , et male suada fames et turpis
egestas ,
Terribiles visu forma , lethumque laborque ,
»Tum consanguineus lethi sopor , et mala men➡
tis
» Gaudia
bellum.
> mortiferumque adverso limine '
M. de Voltaire a placé les Vices à peu
près au même endroit.
11. Vol Là
2928 MERCURE DE FRANCE
(a ) Là , gist la sombre envie à l'oeil timide et
.louche ,
» Versant sur des Lauriers les poisons de sa bou--
che.
Le jour blesse ses yeux dans l'ombre étince--
lans , ..
Triste Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit HENRY , se détourne et soupire
,
Auprès d'elle est l'orgueil , qui se plaît , et
s'admire.
La foiblesse au teint pâle , aux- regards abatus
Tiran qui cede au crime , et détruit les Vertus ;
» L'Ambition sanglante , inquiéte , égarée ,
22 De Trones , de Tombeaux ; d'Esclaves entou
rée ,
» La tendre hypocrisie aux yeux pleins de douceur
,
(Le Ciel est dans ses yeux, l'Enfer est dans son
coeur.)
Le faux zele étalant ses barbares maximes
» Et l'interêt enfin , pere de tous les crimes.
Que l'on compare encore le bonheur
que les ames des Héros goutent dans les
Champs Elisiens , avec la félicité des bien
heureux , décrite dans la Henriade.
» ( b ) Amour en ces climats , tout ressent ton
empire ,
( a ) Chant VII.
(b) Chant VII,
il. Vol.
Ca
DECEMBRE. 1731 2929!
» Ce n'est point cet amour , que la molesse ins
pire.
» C'est ce flambeau divin , ce feu pur et sacré ,
» Ce pur enfant des Cieux , sur la Terre ignoré..
» De lui seul à jamais tous les coeurs se remplissent
,
» Ils désirent sans cesse , et sans cesse jouissent ;
» Et goutent dans les feux d'une éternelle ardeur,,
» Des plaisirs sans regrets , du repos sans langueur,
Je ne rapporte aucun de ces morceaux :
sans en être ému , et je vous avoue que
le plaisir qu'ils me causent , me donne quel--
que indignation contre des François qui
préférent le Tasse et Milton à l'Auteurde
la Henriade. Je n'ai sur cela qu'un mot
à dire : Le Tasse et Milton sont pleins de
concetti et de pensées fausses. Qu'on me
trouve dans M.de Voltaire une seule pensée
fausse , une seule comparaison qui ne
soit pas- noble et juste , et j'abandonne sa
cause .
Mais sur tout , ce qui doit plaire davantage
dans la Henriade à des esprits .
sensez , c'est que l'Auteur a parlé humainement
, quoique poëtiquement ; il a
peint nos moeurs et nos usages , et il faut
avouer que nul Poëte épique, hors Home,
re, n'avoit été assez heureux pour faire
II.Vol.
dos
2930 MERCURE DE FRANCE
des portaits ressemblans. Vous trouvez
dans la Henriade nos manieres de combatre
, nos Fortifications , nos Siéges , nos
Loix , nos Coutumes , nos Interêts , ceux
de nos Voisins , et ce qui est plus que tout
cela , les Peintures vivantes de tous les
hommes du tems de Henry IV. Le Lecteur
doit être charmé de trouver tant de
veritez dans une sorte d'ouvrage, où d'ordinaire
on ne trouve que des fictions.
On affecte à tout propos d'appeller le
Telemaque un Poëme Epique , je suis
bien persuadé que M. de Fenelon lui - même
n'auroit pas osé donner ce grand titres
à son Ouvrage . Ceux qui parlent si improprement
sont des personnes qui voudroient
avoir la gloire d'être Poëtes sans
en avoir la peine . Ils débitent hardiment
qu'un long Ouvrage en Vers ne peut réüsparce
qu'ils sont incapables d'en
faire , et j'ose dire même qu'il a fallu que
la Henriade parut pour faire voir à la
Nation qu'elle pouvoit avoir un Poëte
Epique.
sir ,
M. de Fenelon avoit crû , je l'avoue ,
que les François ne pourroient jamais s'élever
jusqu'à l'Epopée ; il ne connoissoit
pas notre Poësie . Lui - même il étoit un
fort mauvais Poëte , on le voit par le peu
de Vers qu'on a imprimez de lui , ii pen-
LI. Vol.. soit
DECEMBRE 1731. 2937
soit que la mesure de l'Ode faisoit plus
de plaisir à l'oreille que nos grands Vers,
et que cette mesure seule pouvoit se soutenir
sans fatiguer ; mais s'il avoit voulu
considerer que nos Tregédies sont écrites
en Vers Alexandrins
de douze sillabes
, il n'auroit pas. pas voulu que les Poëmes
Epiques fussent composez de Strophes. ,
Avant que l'aimable la Fontaine eût mis.
les Fables en Vers , toute l'Académie soutenoit
qu'on ne les pouvoit écrire qu'en
Prose. Avant que M. de Voltaire enrichît
notre siecle et notre Nation d'un
Poëme Epique , on croyoit aussi qu'il
falloit faire des Poëmes en Prose. On a
toûjours regardé notre Langue comme
incapable des Ouvrages hardis , jusqu'à
ce qu'il soit venu de grands Hommes.
qui ayent montré qu'un esprit original
fait du Langage l'usage qu'il lui plaît.
En un mot , fentens dire aujourd'hui
aux Esprits sérieux et pleins d'impartialité
, que le Télemaque est le seul Roman
moral, et la Henriade le seul Poëme Epique
que nous ayons.
Le Critique reproche à M. de Voltaire
une chose qui , si elle etoit vraye , le
rendroit certainement un mauvais Poëte;
il insinue qu'on ne lit point la Henriade
avec cette curiosité et cet empressement
II. Vol.
qu'inspire
2932 MERCURE DE FRANCE
qu'inspire un Roman bien composé.
Je plains ce Critique severe, qui se plaît
si fort à la lecture des Romans , et qui
s'ennuye à la Henriade ; pour moi qui
l'ai lûe dix fois , toûjours avec le même
plaisir , j'ai recherché la cause pour laquelle
cet Ouvrage se fait lire de tout
le monde ; j'ai ccrrûu trouver que la vivacité
et la netteté de la diction en étoient
la principale raison , le stile rapide emporte
son Lecteur avec soi telle est , par
exemple , la peinture dès Combats , que
j'avoue ne pouvoir lire que dans la Henriade..
Le Soldat à son gré , sur ce funeste mur ,
Combattant de plus près, porte un trépas plus sur,
Alors on n'entend plus ces foudres de la guerre ,,
Dont les bouches de bronze épouventoient la
Terre..
Un farouche silence , enfant de la fureur ,
A ces bruyants éclats succede avec horreur.
D'un bras déterminé , d'un oeil brulant de rage ,
Parmi ses ennemis chacun s'ouvre un passage.
On saisit, on reprend par un contraire effort ,
Ce Rempart plein de sang , Théatre de la mort,
Dans ses fatales mains la victoire incertaine ,
Tient encor près des Lys , l'Etendart de Lorraine
Les Assiegeans surpris , sont par tout renversez :
Gent fois victorieux et cent fois terrassez .
11. Vd . Pareil
DECEMBRE . 1731. 2933
Pareil à l'Ocean poussé par les orages ,
Qui couvre à chaque instant et qui suit ses Rivages.
Jamais le Roy , jamais son illustre Rival
N'avoient été si grands qu'en cet assaut fatal.
François , Anglois , Lorrains , que la fureur assemble
,
Avançoient , combattoient , frappoient , mouroient
ensemble .
Ange qui conduisiez leur fureur et leur bras ,
Ange Exterminateur , ame de ces Combats ,
De quel Heros enfin prîtes - vous la querelle ?
Une autre raison encore qui fait lire ce
Poëme avec tant d'avidité , c'est un artifice
qui me semble particulier à l'Auteur
; il a eu soin de finir chaque Chant
d'une maniere qui excite la curiosité
de lire le suivant , en laissant toûjours
attendre quelque évenement.
Par exemple , au premier Chant Henry
IV. finit par ce Discours à la Reine
Elizabeth.
Sur tout en écoutant ces tristes avantures,
On s'attend donc de voir ces avantures
au second Chant.
A la fin du troisième :
La voix de la victoire en son Camp le rappelle
II. Vol. On
2934 MERCURE . DE FRANCE
On a donc envie d'apprendre ce qu'il
va faire.
A la fin du cinquième :
Henry du haut du Trône alloit les foudroyer.
A la fin du sixiéme S. Louis lui apparoît
, et l'Auteur réserve adroitement la
vision pour le septième.
A la fin du huitiéme , en parlant de
la Discorde :
Dans un Char teint de sang qui fait pâlir le jour,
Elle part , elle vole , et va trouver l'Amour.
Avec quelle impatience n'attend - on
pas le succès du voyage de la Discorde ?
Plus je réfléchis sur cet artifice que per
sonne jusqu'à present n'a remarqué , plus
je suis persuadé que c'est à lui qu'on
doit le succès de la Henriade .
Le petit nombre d'ennemis que ce Poëme
fameux a encore , triomphe de ce
que l'Episode de Didon est beaucoup plus
interessant que celui d'Elizabeth, et reproche
à notre Auteur d'avoir mis le Chant,
qu'on appelle le Chant des Amours , à
la fin du Poëme , au lieu de l'avoir mis
au commencement , comme Virgile. Il
est bien certain que l'Episode de Didon
dans l'Eneïde , est un morceau parfait ,
dont l'Episode d'Elizabeth , dont le Poë
II. Vol me
DECEMBRE 1731. 2935
me François n'approche pas. Que conclure
de- là ? Rien autre chose , sinon ,
que Virgile est principalement admirable
dans cette Episode , et M. de Voltaire
dans la saint Barthelemy , dans l'assauť
de Paris , dans la Description de la Politique
, dans le Temple de l'Amour. En
verité le Critique voudroit- il qu'Henry
IV. fût amoureux de la Reine Elizabeth,
parce qu'Enée fit l'amour à Didon ?
C'est ici , sur tout , que le Critique me
paroît se tromper et qu'il importe pour
la perfection du goût de remarquer son
erreur.
Le neuvième Chant ; dit- il , n'est point
à sa place à la fin de l'Action. Il la fait
languir , il me semble que c'est tout le
contraire. Je suis persuadé que l'admirable
Episode de Didon a fait grand tort
à l'Encïde en cela seul qu'il est au commencement
du Poëme ; en effet les Combats
dans le Lavinium , sont bien froids
quand on vient de lire le quatriéme Livre
de Virgile .
Il y a encore ici une observation trésutile
à faire , c'est que dans presque
tous les Poëmes et dans presque tous les
Romans il ya toûjours une Episode amoureuse
, qui par la corruption de notre
Nature, est d'ordinaire l'endroit de l'Ou-
II. Vol. vrage
f
12936 MERCURE DE FRANCE
vrage le plus picquant ; on en voit des
exemples dans Virgile , dans le Tasse et
dans tous nos Romans, même dans le Roman
Moral de Telemaque.
Cette sorte de beauté est devenuë enfin
un lieu commun usé . Qu'a donc fait
ce semble , très - habilement M. de Voltaire
? au lieu de nous donner une avanture
Romanesque , il nous a donné un
Chant tout allégorique ! Ce n'est pas une
avanture amoureuse qu'il peint , c'est le
Palais de l'Amour , c'est - à-dire , uniquement
les dangers de cette Passion .
C'est-là, c'est au milieu de cette Cour affreuse ,
Des plaisirs des Humains , Compagne malheu
.reuse ,
Que l'Amour a choisi son séjour éternel ,
Ce dangereux Enfant si tendre et si cruel ,
Tient en sa foible main les destins de la Terre
, &c.
Il me paroît que cette Description si
ingenieuse et si morale , vaut bien les
emportemens d'une Heroïne de Théatre
qui se plaint d'être abandonnée par son
Amant. Je finis là mes Remarques sur
la Critique de la Henriade. Je vous prie
MM. de vouloir bien juger entre l'Observateur
et moi. J'aurai ensuite l'hon-
II. Vol. neut
DECEMBRE 1731. 2937
neur de vous demander aussi votre décision
sur des points concernant le Civil,
le Sacré et le Moral , sur lesquels on attaque
M. de Voltaire dans la seconde Partie.
Je ne suis ami que de la verité , et si
M. de Voltaire a laissé échapper des expressions
peu mésurées ,,
permettez-moi
de m'unir à vous pour le prier solemnellement
de les corriger ; car en verité ,
toute la France doit s'interresser à la perfection
de cet Ouvrage. Je suis , MM. &c.
Signé , LA BRUÏERE,
Nous prions l'Auteur de cette Lettre ,
au cas qu'il nous adresse encore quelque
chose sur le même sujet , comme il semble
l'annoncer sur la fin , de vouloir bien
se servir d'une main moins ignorante
pour transcrire son Original , ou de prendre
la peine de faire lui- même les corrections
necessaires ; il nous a fallu employer
un temps considerable pour mettre
cette Piece en état d'être imprimée ,
chercher sur tout dans Virgile et dans
la Henriade , les endroits rapportez , non
citez , et presque tous estropiez par le
Copiste.
Nous prenons cette occasion pour prier,
en réïterant nos précedens Avis , toutes
les personnes qui trouveront à propos de
II. Vol. B nous
2938 MERCURE DE FRANCE
nous envoyer des Pieces , de les écrire
ou faire écrire lisiblement et le plus correctement
qu'il se pourra , pour nous
épargner une peine qui nous est souvent
impossible , et le chagrin de rebuter ces
Pieces.
Au reste, nous croyons qu'on ne peut,
sans injustice , attribuer aux Journalistes
de Trévoux les deux Lettres contre
M. de Voltaire . Ils ont souvent déclaré
qu'en imprimant les Pieces étrangeres
qu'on leur envoye , telles qu'elles sont ,
ils ne prétendent point en répondre , et
qu'ils offrent un champ libre aux Répliques.
Nous sçavons que plusieurs Jesuites
distinguez désaprouvent hautement
ces deux Lettres .
Il ne faut pas craindre que la Critique
tardive et outrée d'un Censeur , qui n'ose
se faire connoître , fasse après plus de
deux ans , changer les sentimens de la
France et de l'Angleterre sur la derniere
Edition de la Henriade . Il resteroit quelques
corrections à faire ; celles que l'Auteur
a faites , répondent du soin qu'il
aura de n'y rien laisser qui puisse blesser
personne . On doit l'excuser sur sa Théologie
, quelquefois peu exacte ; il a reconnu
lui- même de bonne grace ce deffaut.
Journal de Trévoux .
MESS
ESSIEURS ,
Javois lû le Poëme de la Henriade
lorsqu'il parut la premiere fois sous le
nom de la Ligue,et je ne le regardois alors
que comme un ouvrage informe , plein .
d'inégalitez et de beaux Vers ; j'avouerai
même que je desesperois de voir jamais
l'honneur de la France bien rétabli dans
le Genre de l'Epopée ; mais enfin , il fautrendre
gloire à la vérité , et je ne ferai
aucune difficulté de dire que la France
peut aujourd'hui , en ce genre , se comparer
à l'Italie , et se préférer à l'Angleterre.
?
J'écrivis une Lettre critique à l'Illustre
M. de Voltaire dès que la Ligue parut, etje
l'avertis sincerement , combien il étoit
loin de la perfection . Heureusement il a
été assez supérieur pour ne le pas croire
parfait ; il a travaillé , il s'est corrigé , etau
licu d'avertissement , nous ne lui devons
plus que des Eloges. Il sera à jamais.
JJ Vol un
DECEMBRE 1731. 2938
un grand exemple , que la docilité et le
travail continue , peuvent seuls mener
à l'immortalité.
"
On vous a adressé contre ce fameux
ouvrage , une critique que vous avez inserée
dans votre Journal du mois de Juin
dernier. Je vous supplie , Mess. et j'ose
vous sommer , comme juges de la question
, de décider entre cette Critique et
mes Observations.
On semble d'abord refuser à la Henriade
le nom de Poëme épique. Je vous demande
quel nom mérite donc un ouvragequi
a unité d'action , de lieu , de tems :
et d'interêt , plus que toute autre Ouvrage
de cette espece. J'en appelle à Vous et
à tous les Sçavans de l'Europe. L'interêtne
porte-t- il pas du premier Vers jus
qu'au dernier , sur HENRY LE GRAND .
Le Poëme commence ainsi :
Je chante ce Héros , qui regna dans la France
,
Et par droit de conquête , et par droit de nais
sance ,
Qui parle malheur même apprit à gouverner
» Persécuté long - tems , sçut vaincre et par
donner ,
» Confondit , et Mayenne , et la Ligue , et l'Ibere
,
II. Vol. A vj Etx
2924 MERCURE DE FRANCE
D. Et fut de ses sujets , le Vainqueur et le Pere.
Ce que l'Auteur promet dans cette
annonce , il le tient dans tout le cours
du Poëme , et enfin.:.
>> Tout le peuple changé dans ce jour salutaire ,
» Reconnoit son vrai Roy , son Vainqueur et son ·
Pere.
Pour l'unité de lieu , elle est observés
en ce que Paris est supposé toujours assiégé
, et que le commencement du Siégo
et l'entrée du Roy dans la Ville , sont le
sujet de l'ouvrage.
L'unité de temps , est encore plus ri
goureusement suivie , puisque toute l'ac
tion est supposée se passer en un seul
Eté.
L'unité d'interêt est évidente , puisque
l'on ne s'interesse que pour HENRY LE
GRAND.
Il faut donc avouer que toutes les regles
sont icy inviolablement observées .
Je n'entens rien aux reproches qu'on
fait à M. de Voltaire , de n'avoir pas interessé
le Ciel , la Terre et les Enfers à son
action. On ne demande pas , sans doute
que Jupiter et Venus se mêlent des affaires
d'Henry IV . et nous devons , je croi
sçavoir bon gré à l'Auteur de n'avoir
II. Yola point
DECEMBRE. 1731. 2925
point introduit de Magiciens , comme le
Tasse , ni fait battre les Anges à coups .
de Canon , comme Milton , et il me paroît
qu'il y a une singuliere dexterité à
avoir employé des fictions qui ne sont ni
pueriles , ni extravagantes dans ce siecla
éclairé et philosophique , où l'on regarde :
les fictions purementPoëtiques, comme des .
débauches d'esprit , où l'on méprise souverainement
tout ce qui n'est pas raison.
nable.
Or je prétends que de toutes les fictions
employées par M. de Voltaire , il n'y en a
pas une qui ne soit ce qu'elle doit être
pour nous plaire , je veux dire , vraie .
>
Que la discorde ait animé la Ligue , que
la Politique ait eu son séjour à Rome, que
l'Esperance , les Vices et les Chagrins
soient sans cesse les suivans de l'Amour
que S.. Louis , protecteur de la France , et
Ancêtre de Henry IV. intercede pour lui
auprès du Tres - Haut ;il n'y a rien là
de chrétien et de vrai.
que
L'Auteur a imité Virgile dans la descente
aux enfers; je suis bien loin de désaprouver
cette imitation , et je ne suis.
point du nombre de ceux qui regardent
comme des Plagiaires ces nobles esprits ,
qui sçavent s'approprier les beautez antiques
, et faire des originaux François de
ces beaux morceaux Grecs et Romains.
11. Vol . Je
2926 MERCURE DE FRANCE
Je ne crains point même d'affirmer qu'en
plusieurs endroits notre Auteur enchérit
sur son modéle , et pour le prouver ,
comparez la Philosophie de Virgile avec
celle de M. de Voltaire.
Principio coelum ac Terras camposque virentes
Spiritus intus alit .
» Dans le centre éclatant de ces orbes immen--
"
ses ,
Qui n'ont pu nous cacher leur marche , epleurs
distances ,
Luit cet Astre du jour par Dieu même allumé ,.
** Qui tourne autour de soi sur son axe enfla¬
mé ,
» De lui partent sans fin des Torrens de lu .
miere ,
» Il donne , en se montrant , la vie à la ma_
tiere.
» Et dispense les jours , les saisons , et les ans ,
A des Mondes divers autour de lui flottans.
Ces Astres asservis à la loy qui les presse ,
» S'attirent dans leur course , et l'évitent sans
cesse.
» Et servant l'un à l'autre et de regle et d'appuy
,
» Se prêtent les clartez qu'ils reçoivent de lui.
Au-delà de leurs cours et loin dans cet espace
,
a ) Chant VII.
11. Vol. On
DECEMBRE 1731. 2927
Où la matiere nage , et que Dieu seul , embrasse.
» Sont des Soleils sans nombre , et des mondes
sans fin.
Dans cet abîme immense , il leur ouvre un
chemin ,
Par delà tous ces Cieux , le Dieu des Cieux
réside,
Je ne sçai si je me trompe , mais avoir
ainsi expliqué le systême du monde avec
une Poësie si majestueuse , et une précision
si exacte , me paroît l'effort de l'Es- .
prit. Virgile a mis aux portes des Enfers les
maux qui affligent les hommes.
Vestibulum ante ipsum primisque in fancibus
orci,
12. Luctus et ultrices posuere cubilia cura ;
Pallentesque habitant morbi , tristisque Senectus
;
» Et Metus , et male suada fames et turpis
egestas ,
Terribiles visu forma , lethumque laborque ,
»Tum consanguineus lethi sopor , et mala men➡
tis
» Gaudia
bellum.
> mortiferumque adverso limine '
M. de Voltaire a placé les Vices à peu
près au même endroit.
11. Vol Là
2928 MERCURE DE FRANCE
(a ) Là , gist la sombre envie à l'oeil timide et
.louche ,
» Versant sur des Lauriers les poisons de sa bou--
che.
Le jour blesse ses yeux dans l'ombre étince--
lans , ..
Triste Amante des Morts , elle hait les Vivans.
Elle apperçoit HENRY , se détourne et soupire
,
Auprès d'elle est l'orgueil , qui se plaît , et
s'admire.
La foiblesse au teint pâle , aux- regards abatus
Tiran qui cede au crime , et détruit les Vertus ;
» L'Ambition sanglante , inquiéte , égarée ,
22 De Trones , de Tombeaux ; d'Esclaves entou
rée ,
» La tendre hypocrisie aux yeux pleins de douceur
,
(Le Ciel est dans ses yeux, l'Enfer est dans son
coeur.)
Le faux zele étalant ses barbares maximes
» Et l'interêt enfin , pere de tous les crimes.
Que l'on compare encore le bonheur
que les ames des Héros goutent dans les
Champs Elisiens , avec la félicité des bien
heureux , décrite dans la Henriade.
» ( b ) Amour en ces climats , tout ressent ton
empire ,
( a ) Chant VII.
(b) Chant VII,
il. Vol.
Ca
DECEMBRE. 1731 2929!
» Ce n'est point cet amour , que la molesse ins
pire.
» C'est ce flambeau divin , ce feu pur et sacré ,
» Ce pur enfant des Cieux , sur la Terre ignoré..
» De lui seul à jamais tous les coeurs se remplissent
,
» Ils désirent sans cesse , et sans cesse jouissent ;
» Et goutent dans les feux d'une éternelle ardeur,,
» Des plaisirs sans regrets , du repos sans langueur,
Je ne rapporte aucun de ces morceaux :
sans en être ému , et je vous avoue que
le plaisir qu'ils me causent , me donne quel--
que indignation contre des François qui
préférent le Tasse et Milton à l'Auteurde
la Henriade. Je n'ai sur cela qu'un mot
à dire : Le Tasse et Milton sont pleins de
concetti et de pensées fausses. Qu'on me
trouve dans M.de Voltaire une seule pensée
fausse , une seule comparaison qui ne
soit pas- noble et juste , et j'abandonne sa
cause .
Mais sur tout , ce qui doit plaire davantage
dans la Henriade à des esprits .
sensez , c'est que l'Auteur a parlé humainement
, quoique poëtiquement ; il a
peint nos moeurs et nos usages , et il faut
avouer que nul Poëte épique, hors Home,
re, n'avoit été assez heureux pour faire
II.Vol.
dos
2930 MERCURE DE FRANCE
des portaits ressemblans. Vous trouvez
dans la Henriade nos manieres de combatre
, nos Fortifications , nos Siéges , nos
Loix , nos Coutumes , nos Interêts , ceux
de nos Voisins , et ce qui est plus que tout
cela , les Peintures vivantes de tous les
hommes du tems de Henry IV. Le Lecteur
doit être charmé de trouver tant de
veritez dans une sorte d'ouvrage, où d'ordinaire
on ne trouve que des fictions.
On affecte à tout propos d'appeller le
Telemaque un Poëme Epique , je suis
bien persuadé que M. de Fenelon lui - même
n'auroit pas osé donner ce grand titres
à son Ouvrage . Ceux qui parlent si improprement
sont des personnes qui voudroient
avoir la gloire d'être Poëtes sans
en avoir la peine . Ils débitent hardiment
qu'un long Ouvrage en Vers ne peut réüsparce
qu'ils sont incapables d'en
faire , et j'ose dire même qu'il a fallu que
la Henriade parut pour faire voir à la
Nation qu'elle pouvoit avoir un Poëte
Epique.
sir ,
M. de Fenelon avoit crû , je l'avoue ,
que les François ne pourroient jamais s'élever
jusqu'à l'Epopée ; il ne connoissoit
pas notre Poësie . Lui - même il étoit un
fort mauvais Poëte , on le voit par le peu
de Vers qu'on a imprimez de lui , ii pen-
LI. Vol.. soit
DECEMBRE 1731. 2937
soit que la mesure de l'Ode faisoit plus
de plaisir à l'oreille que nos grands Vers,
et que cette mesure seule pouvoit se soutenir
sans fatiguer ; mais s'il avoit voulu
considerer que nos Tregédies sont écrites
en Vers Alexandrins
de douze sillabes
, il n'auroit pas. pas voulu que les Poëmes
Epiques fussent composez de Strophes. ,
Avant que l'aimable la Fontaine eût mis.
les Fables en Vers , toute l'Académie soutenoit
qu'on ne les pouvoit écrire qu'en
Prose. Avant que M. de Voltaire enrichît
notre siecle et notre Nation d'un
Poëme Epique , on croyoit aussi qu'il
falloit faire des Poëmes en Prose. On a
toûjours regardé notre Langue comme
incapable des Ouvrages hardis , jusqu'à
ce qu'il soit venu de grands Hommes.
qui ayent montré qu'un esprit original
fait du Langage l'usage qu'il lui plaît.
En un mot , fentens dire aujourd'hui
aux Esprits sérieux et pleins d'impartialité
, que le Télemaque est le seul Roman
moral, et la Henriade le seul Poëme Epique
que nous ayons.
Le Critique reproche à M. de Voltaire
une chose qui , si elle etoit vraye , le
rendroit certainement un mauvais Poëte;
il insinue qu'on ne lit point la Henriade
avec cette curiosité et cet empressement
II. Vol.
qu'inspire
2932 MERCURE DE FRANCE
qu'inspire un Roman bien composé.
Je plains ce Critique severe, qui se plaît
si fort à la lecture des Romans , et qui
s'ennuye à la Henriade ; pour moi qui
l'ai lûe dix fois , toûjours avec le même
plaisir , j'ai recherché la cause pour laquelle
cet Ouvrage se fait lire de tout
le monde ; j'ai ccrrûu trouver que la vivacité
et la netteté de la diction en étoient
la principale raison , le stile rapide emporte
son Lecteur avec soi telle est , par
exemple , la peinture dès Combats , que
j'avoue ne pouvoir lire que dans la Henriade..
Le Soldat à son gré , sur ce funeste mur ,
Combattant de plus près, porte un trépas plus sur,
Alors on n'entend plus ces foudres de la guerre ,,
Dont les bouches de bronze épouventoient la
Terre..
Un farouche silence , enfant de la fureur ,
A ces bruyants éclats succede avec horreur.
D'un bras déterminé , d'un oeil brulant de rage ,
Parmi ses ennemis chacun s'ouvre un passage.
On saisit, on reprend par un contraire effort ,
Ce Rempart plein de sang , Théatre de la mort,
Dans ses fatales mains la victoire incertaine ,
Tient encor près des Lys , l'Etendart de Lorraine
Les Assiegeans surpris , sont par tout renversez :
Gent fois victorieux et cent fois terrassez .
11. Vd . Pareil
DECEMBRE . 1731. 2933
Pareil à l'Ocean poussé par les orages ,
Qui couvre à chaque instant et qui suit ses Rivages.
Jamais le Roy , jamais son illustre Rival
N'avoient été si grands qu'en cet assaut fatal.
François , Anglois , Lorrains , que la fureur assemble
,
Avançoient , combattoient , frappoient , mouroient
ensemble .
Ange qui conduisiez leur fureur et leur bras ,
Ange Exterminateur , ame de ces Combats ,
De quel Heros enfin prîtes - vous la querelle ?
Une autre raison encore qui fait lire ce
Poëme avec tant d'avidité , c'est un artifice
qui me semble particulier à l'Auteur
; il a eu soin de finir chaque Chant
d'une maniere qui excite la curiosité
de lire le suivant , en laissant toûjours
attendre quelque évenement.
Par exemple , au premier Chant Henry
IV. finit par ce Discours à la Reine
Elizabeth.
Sur tout en écoutant ces tristes avantures,
On s'attend donc de voir ces avantures
au second Chant.
A la fin du troisième :
La voix de la victoire en son Camp le rappelle
II. Vol. On
2934 MERCURE . DE FRANCE
On a donc envie d'apprendre ce qu'il
va faire.
A la fin du cinquième :
Henry du haut du Trône alloit les foudroyer.
A la fin du sixiéme S. Louis lui apparoît
, et l'Auteur réserve adroitement la
vision pour le septième.
A la fin du huitiéme , en parlant de
la Discorde :
Dans un Char teint de sang qui fait pâlir le jour,
Elle part , elle vole , et va trouver l'Amour.
Avec quelle impatience n'attend - on
pas le succès du voyage de la Discorde ?
Plus je réfléchis sur cet artifice que per
sonne jusqu'à present n'a remarqué , plus
je suis persuadé que c'est à lui qu'on
doit le succès de la Henriade .
Le petit nombre d'ennemis que ce Poëme
fameux a encore , triomphe de ce
que l'Episode de Didon est beaucoup plus
interessant que celui d'Elizabeth, et reproche
à notre Auteur d'avoir mis le Chant,
qu'on appelle le Chant des Amours , à
la fin du Poëme , au lieu de l'avoir mis
au commencement , comme Virgile. Il
est bien certain que l'Episode de Didon
dans l'Eneïde , est un morceau parfait ,
dont l'Episode d'Elizabeth , dont le Poë
II. Vol me
DECEMBRE 1731. 2935
me François n'approche pas. Que conclure
de- là ? Rien autre chose , sinon ,
que Virgile est principalement admirable
dans cette Episode , et M. de Voltaire
dans la saint Barthelemy , dans l'assauť
de Paris , dans la Description de la Politique
, dans le Temple de l'Amour. En
verité le Critique voudroit- il qu'Henry
IV. fût amoureux de la Reine Elizabeth,
parce qu'Enée fit l'amour à Didon ?
C'est ici , sur tout , que le Critique me
paroît se tromper et qu'il importe pour
la perfection du goût de remarquer son
erreur.
Le neuvième Chant ; dit- il , n'est point
à sa place à la fin de l'Action. Il la fait
languir , il me semble que c'est tout le
contraire. Je suis persuadé que l'admirable
Episode de Didon a fait grand tort
à l'Encïde en cela seul qu'il est au commencement
du Poëme ; en effet les Combats
dans le Lavinium , sont bien froids
quand on vient de lire le quatriéme Livre
de Virgile .
Il y a encore ici une observation trésutile
à faire , c'est que dans presque
tous les Poëmes et dans presque tous les
Romans il ya toûjours une Episode amoureuse
, qui par la corruption de notre
Nature, est d'ordinaire l'endroit de l'Ou-
II. Vol. vrage
f
12936 MERCURE DE FRANCE
vrage le plus picquant ; on en voit des
exemples dans Virgile , dans le Tasse et
dans tous nos Romans, même dans le Roman
Moral de Telemaque.
Cette sorte de beauté est devenuë enfin
un lieu commun usé . Qu'a donc fait
ce semble , très - habilement M. de Voltaire
? au lieu de nous donner une avanture
Romanesque , il nous a donné un
Chant tout allégorique ! Ce n'est pas une
avanture amoureuse qu'il peint , c'est le
Palais de l'Amour , c'est - à-dire , uniquement
les dangers de cette Passion .
C'est-là, c'est au milieu de cette Cour affreuse ,
Des plaisirs des Humains , Compagne malheu
.reuse ,
Que l'Amour a choisi son séjour éternel ,
Ce dangereux Enfant si tendre et si cruel ,
Tient en sa foible main les destins de la Terre
, &c.
Il me paroît que cette Description si
ingenieuse et si morale , vaut bien les
emportemens d'une Heroïne de Théatre
qui se plaint d'être abandonnée par son
Amant. Je finis là mes Remarques sur
la Critique de la Henriade. Je vous prie
MM. de vouloir bien juger entre l'Observateur
et moi. J'aurai ensuite l'hon-
II. Vol. neut
DECEMBRE 1731. 2937
neur de vous demander aussi votre décision
sur des points concernant le Civil,
le Sacré et le Moral , sur lesquels on attaque
M. de Voltaire dans la seconde Partie.
Je ne suis ami que de la verité , et si
M. de Voltaire a laissé échapper des expressions
peu mésurées ,,
permettez-moi
de m'unir à vous pour le prier solemnellement
de les corriger ; car en verité ,
toute la France doit s'interresser à la perfection
de cet Ouvrage. Je suis , MM. &c.
Signé , LA BRUÏERE,
Nous prions l'Auteur de cette Lettre ,
au cas qu'il nous adresse encore quelque
chose sur le même sujet , comme il semble
l'annoncer sur la fin , de vouloir bien
se servir d'une main moins ignorante
pour transcrire son Original , ou de prendre
la peine de faire lui- même les corrections
necessaires ; il nous a fallu employer
un temps considerable pour mettre
cette Piece en état d'être imprimée ,
chercher sur tout dans Virgile et dans
la Henriade , les endroits rapportez , non
citez , et presque tous estropiez par le
Copiste.
Nous prenons cette occasion pour prier,
en réïterant nos précedens Avis , toutes
les personnes qui trouveront à propos de
II. Vol. B nous
2938 MERCURE DE FRANCE
nous envoyer des Pieces , de les écrire
ou faire écrire lisiblement et le plus correctement
qu'il se pourra , pour nous
épargner une peine qui nous est souvent
impossible , et le chagrin de rebuter ces
Pieces.
Au reste, nous croyons qu'on ne peut,
sans injustice , attribuer aux Journalistes
de Trévoux les deux Lettres contre
M. de Voltaire . Ils ont souvent déclaré
qu'en imprimant les Pieces étrangeres
qu'on leur envoye , telles qu'elles sont ,
ils ne prétendent point en répondre , et
qu'ils offrent un champ libre aux Répliques.
Nous sçavons que plusieurs Jesuites
distinguez désaprouvent hautement
ces deux Lettres .
Il ne faut pas craindre que la Critique
tardive et outrée d'un Censeur , qui n'ose
se faire connoître , fasse après plus de
deux ans , changer les sentimens de la
France et de l'Angleterre sur la derniere
Edition de la Henriade . Il resteroit quelques
corrections à faire ; celles que l'Auteur
a faites , répondent du soin qu'il
aura de n'y rien laisser qui puisse blesser
personne . On doit l'excuser sur sa Théologie
, quelquefois peu exacte ; il a reconnu
lui- même de bonne grace ce deffaut.
Fermer
Résumé : LETTRE à Messieurs les Auteurs du Journal de Trévoux.
La lettre adressée à Messieurs les Auteurs du Journal de Trévoux traite de 'La Henriade', un poème épique de Voltaire. L'auteur de la lettre reconnaît les imperfections initiales de l'œuvre, publiée sous le nom de 'La Ligue', mais admire la version révisée. Il affirme que la France peut désormais rivaliser avec l'Italie et se préférer à l'Angleterre dans le genre épique grâce à Voltaire, qui a corrigé et amélioré son œuvre, démontrant ainsi une docilité et un travail continu menant à l'immortalité. La lettre réfute une critique publiée dans le Journal de juin précédent, qui contestait le statut de poème épique de 'La Henriade'. L'auteur argue que l'œuvre respecte les règles de l'unité d'action, de lieu, de temps et d'intérêt, en se concentrant sur Henri IV et le siège de Paris. Il défend également les choix poétiques de Voltaire, comme l'absence de divinités ou de magiciens, et compare favorablement les fictions de Voltaire à celles de Tasse et Milton. L'auteur loue la précision et la majestuosité de la poésie de Voltaire, notamment dans la description du système du monde et des vices. Il critique ceux qui préfèrent Tasse et Milton, les jugeant pleins de concetti et de pensées fausses. Il souligne que Voltaire a peint les mœurs et les usages de son époque avec une grande véracité, offrant des portraits ressemblants des hommes du temps d'Henri IV. La lettre conclut en affirmant que 'La Henriade' est le seul poème épique français, contrairement au 'Télémaque' de Fénelon, considéré comme un roman moral. Elle défend la vivacité et la netteté de la diction de Voltaire, ainsi que l'artifice de finir chaque chant de manière à exciter la curiosité du lecteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
659
p. 2952-2957
L'ALMANACH NANTOIS, NOUVELLE. Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE, du Croisic, en Bretagne.
Début :
Feu M*** jadis Libraire à Nantes, [...]
Mots clefs :
Almanach nantais, Libraire, Calculs astronomiques, Lessive, Audace, Barbare, Astrologue, Canicule
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ALMANACH NANTOIS, NOUVELLE. Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE, du Croisic, en Bretagne.
L'ALMANACH NANTOIS ,
NOUVELLE..
Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE , dus:
Croisic , en Bretagne.
FEù M*** jadis Libraire à Nantes ,
Faisoit mouler un Almanach nouveau ,
Pär chacun an grande en étoit la vente ,
11 Vol . Non
DECEMBRE .
2953 1731.
Non sans raison , car l'ouvrage étoit beau.
Par quoi d'abord qu'il trottoit par les Villes ,
Les curieux des mains se l'arrachoient.
Les Quatre- temps , les Jeûnes , les Vigiles ,
Les jours fêtez à coup sûr s'y nichoient ;
Bien désignez en lettres italiques.
A leur ordo tous Gens Ecclésiastiques ,
Jà dédaignoient de croyance ajoûter ,
Par préférence its alloient consulter ,
Sire Almanach , Magister en rubriques.
Là se trouvoient calculs astronomiques ,
Le temps qu'il faut semer , ou transplanter
Choufleur , chou vert , concombre , pastenade ,
Bête , épinard , cerfeuil , persil , salade ,
Melon , raifort , ozeille , séléri ,
Nous expliquant en langage fleuri ,
Le mal , le bien que fait chaque légume ;
Mieux n'en.a sçu discourir l'Emeri ,
Ni Tournefort , en main docte volume.
P'uis prédisoit que quiconque en Janvier
Iroit nuds pieds., s'exposeroit au rhume
Et qu'en Eté , miracle singulier ,
Bien on pourroit selon ses justes notes ,
Phébus venant à se clarifier ,
L'après -midi quitter les Redingotes ,.
Şans crainte avoir d'en être mal mené.
La paroissoient les Marchez et les Foires ;
II. Vol. Les
2954 MERCURE DE FRANCE
Le tout étoit dûment assaisonné
De mots joyeux , de gaillardes histoires.
Tout ce pourtant n'étoit rien , comparé
Au bel endroit où M *** Prophete
Des temps futurs devenoit l'Interprete.
Car c'est un fait parmi nous assuré ,
Que le bon homme aidé de sa servante ,
Agée au moins de deux fois quarante ans ,
( Jaquette étoit le nom de la sçavante , }
Nous prédisoit la pluye et le beau temps ,
Le chaud , le froid , le calme , et la tourmentes-
On y croyoit à la Ville , au Hameau.
Advint qu'un soir avec sa chambriere ,
Embeguiné sous un bonnet de peau ,
Enveloppé dans un triple Manteau ,
Il s'en alla guetter dans la goutiere ,
Lunette en main , les aspects differens ,
Bon ou mauvais de tant d'Astres errans ,
S'étant promis qu'il eûr à la pipée ,
D'Endimion la maîtresse attrapée.
Après minuit , ses calculs disposez
Exactement , l'heure et le jour pesez ,
Dans son grenier il rentre en diligence ,
Et met le tout hardiment par écrit.
C'étoit à May pour lors d'entrer en danse :
Or ce beau mois , où tout pousse et fleurit ,
D'un bout à l'autre il le chargea de pluye..
II. Vol. Avec
DECEMBRE 1731. 2995.
Avec Jacquette ensuite il vérifie ,
Ce qu'il avoit composé sur ce mois.
Moliere ( De sa Servante on nous dit. que
Faisoit ainsi son Censeur autrefois )
A peine cût- il fait la lecture entiere ,
Qu'en un instant les mains sur les rognons ,
Voilà Jacquette invoquant les Démons ,
Pestant , jurant de la belle maniere ,
De son Toquet le devant est derriere ,
Sur son front sec par les ans labouré ,
Se dresse épars le reste bigarré
De sa blanchâtre et terrible criniere.
Sa large gueule , où sont au plus deux dents ,
Qui du Pain frais craindroient des accidents ,
Ne peut grincer , elle écume , et la rage
De la raison lui fait perdre l'usage
Sur son menton pointu , recoquillé ,
La barbe frise en bouquets séparée ,
D'un jaune obscur sa face est colorée ,
Son oeil profond de ses cils dépouillé
A dans son antre égaré sa prunelle ,
Sa gorge s'enfle , et Virgile cût sur elle ,
S'il eût vécu , pris un autre patron
De sa funeste et sanglante Alecton
Quand tout à coup sa voix dans l'air tonnante-
Du galetas fait trembler la charpente ;
Lors sécouant son Maître épouvanté ,
Nostradamus , en tous lieux si vanté ,
11. Vol.
n'est
2956 MERCURE DE FRANCE
N'est point l'Auteur de ta perfide race ,
Loup garou , chien , et tu suis mal la trace
Du vieux Tycho , de qui la parenté
Mal prétendue enfle à tort ton audace :
Mais tu nacquis , s'il le faut trancher net ,
Au fond d'un Bois d'une Ourse , et d'un Baudets
Quoi donc cruel .... mais voyez si la Grive
A mes discours à l'oreille attentive ::
Quoi Malotru ne te souvient - il pas ,
Qu'en Mai toûjours nous faisons la lessive
Sans qu'en tout l'an jamais autre la suive ?
Comment veux -tu que nos linges , nos draps ,
Puissent sécher ? Jarni , mort de ma vie ……...
Si nuit et jour tu fais tomber la pluye ?
Ah ! si du moins quatre jours de bon temps
S'y rencontroient ! mes voeux seroient contents.
Non , laisse-moi , barbare , je te quitte ;
Je vais ailleurs engager mon mérite.
Puis lui portant le poing sous le museau ;
Regarde un peu ma phisionomie ;
Vois-tu Medée , ensemble et Canidie.
Mais les vapeurs ont gripé mon cerveau ,
Je meurs , je tombe , et mon corps tout en cau ,
Fait à mon ame humer sa maladie ,
Et tristement déjà la congédie.
D'un tel courroux l'Astrologue est surpris ,
Son corps frissonne , et sa langue est gêlée .
II. Vol..
Ca
t
DECEMBRE. 1731 .
2957
Ce nonobstant rappellant ses esprits ,
Il est donc vrai , Prophetes mal- appris ,
Que pour vous seuls avez l'âme aveuglée ?
Témoin Cardan * et moi qui n'ai compris
L'effort prochain de cette Giboullée ,
Calme ton ire , aimable échevelée ;
Tais- toi , dit- il , j'ai tort , et cette fois
D'en convenir point n'aurai de scrupule.
Bien ai-je aussi le remede en mes doigts ;
Je vais adonc r'habiller tout ce mois ,
Et pour te plaire , et rendre l'erreur nulle ,
Je veux en May mettre la Canicule .
* Voyez le Dictionnaire de Bayle , au mot
Cardan.
NOUVELLE..
Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE , dus:
Croisic , en Bretagne.
FEù M*** jadis Libraire à Nantes ,
Faisoit mouler un Almanach nouveau ,
Pär chacun an grande en étoit la vente ,
11 Vol . Non
DECEMBRE .
2953 1731.
Non sans raison , car l'ouvrage étoit beau.
Par quoi d'abord qu'il trottoit par les Villes ,
Les curieux des mains se l'arrachoient.
Les Quatre- temps , les Jeûnes , les Vigiles ,
Les jours fêtez à coup sûr s'y nichoient ;
Bien désignez en lettres italiques.
A leur ordo tous Gens Ecclésiastiques ,
Jà dédaignoient de croyance ajoûter ,
Par préférence its alloient consulter ,
Sire Almanach , Magister en rubriques.
Là se trouvoient calculs astronomiques ,
Le temps qu'il faut semer , ou transplanter
Choufleur , chou vert , concombre , pastenade ,
Bête , épinard , cerfeuil , persil , salade ,
Melon , raifort , ozeille , séléri ,
Nous expliquant en langage fleuri ,
Le mal , le bien que fait chaque légume ;
Mieux n'en.a sçu discourir l'Emeri ,
Ni Tournefort , en main docte volume.
P'uis prédisoit que quiconque en Janvier
Iroit nuds pieds., s'exposeroit au rhume
Et qu'en Eté , miracle singulier ,
Bien on pourroit selon ses justes notes ,
Phébus venant à se clarifier ,
L'après -midi quitter les Redingotes ,.
Şans crainte avoir d'en être mal mené.
La paroissoient les Marchez et les Foires ;
II. Vol. Les
2954 MERCURE DE FRANCE
Le tout étoit dûment assaisonné
De mots joyeux , de gaillardes histoires.
Tout ce pourtant n'étoit rien , comparé
Au bel endroit où M *** Prophete
Des temps futurs devenoit l'Interprete.
Car c'est un fait parmi nous assuré ,
Que le bon homme aidé de sa servante ,
Agée au moins de deux fois quarante ans ,
( Jaquette étoit le nom de la sçavante , }
Nous prédisoit la pluye et le beau temps ,
Le chaud , le froid , le calme , et la tourmentes-
On y croyoit à la Ville , au Hameau.
Advint qu'un soir avec sa chambriere ,
Embeguiné sous un bonnet de peau ,
Enveloppé dans un triple Manteau ,
Il s'en alla guetter dans la goutiere ,
Lunette en main , les aspects differens ,
Bon ou mauvais de tant d'Astres errans ,
S'étant promis qu'il eûr à la pipée ,
D'Endimion la maîtresse attrapée.
Après minuit , ses calculs disposez
Exactement , l'heure et le jour pesez ,
Dans son grenier il rentre en diligence ,
Et met le tout hardiment par écrit.
C'étoit à May pour lors d'entrer en danse :
Or ce beau mois , où tout pousse et fleurit ,
D'un bout à l'autre il le chargea de pluye..
II. Vol. Avec
DECEMBRE 1731. 2995.
Avec Jacquette ensuite il vérifie ,
Ce qu'il avoit composé sur ce mois.
Moliere ( De sa Servante on nous dit. que
Faisoit ainsi son Censeur autrefois )
A peine cût- il fait la lecture entiere ,
Qu'en un instant les mains sur les rognons ,
Voilà Jacquette invoquant les Démons ,
Pestant , jurant de la belle maniere ,
De son Toquet le devant est derriere ,
Sur son front sec par les ans labouré ,
Se dresse épars le reste bigarré
De sa blanchâtre et terrible criniere.
Sa large gueule , où sont au plus deux dents ,
Qui du Pain frais craindroient des accidents ,
Ne peut grincer , elle écume , et la rage
De la raison lui fait perdre l'usage
Sur son menton pointu , recoquillé ,
La barbe frise en bouquets séparée ,
D'un jaune obscur sa face est colorée ,
Son oeil profond de ses cils dépouillé
A dans son antre égaré sa prunelle ,
Sa gorge s'enfle , et Virgile cût sur elle ,
S'il eût vécu , pris un autre patron
De sa funeste et sanglante Alecton
Quand tout à coup sa voix dans l'air tonnante-
Du galetas fait trembler la charpente ;
Lors sécouant son Maître épouvanté ,
Nostradamus , en tous lieux si vanté ,
11. Vol.
n'est
2956 MERCURE DE FRANCE
N'est point l'Auteur de ta perfide race ,
Loup garou , chien , et tu suis mal la trace
Du vieux Tycho , de qui la parenté
Mal prétendue enfle à tort ton audace :
Mais tu nacquis , s'il le faut trancher net ,
Au fond d'un Bois d'une Ourse , et d'un Baudets
Quoi donc cruel .... mais voyez si la Grive
A mes discours à l'oreille attentive ::
Quoi Malotru ne te souvient - il pas ,
Qu'en Mai toûjours nous faisons la lessive
Sans qu'en tout l'an jamais autre la suive ?
Comment veux -tu que nos linges , nos draps ,
Puissent sécher ? Jarni , mort de ma vie ……...
Si nuit et jour tu fais tomber la pluye ?
Ah ! si du moins quatre jours de bon temps
S'y rencontroient ! mes voeux seroient contents.
Non , laisse-moi , barbare , je te quitte ;
Je vais ailleurs engager mon mérite.
Puis lui portant le poing sous le museau ;
Regarde un peu ma phisionomie ;
Vois-tu Medée , ensemble et Canidie.
Mais les vapeurs ont gripé mon cerveau ,
Je meurs , je tombe , et mon corps tout en cau ,
Fait à mon ame humer sa maladie ,
Et tristement déjà la congédie.
D'un tel courroux l'Astrologue est surpris ,
Son corps frissonne , et sa langue est gêlée .
II. Vol..
Ca
t
DECEMBRE. 1731 .
2957
Ce nonobstant rappellant ses esprits ,
Il est donc vrai , Prophetes mal- appris ,
Que pour vous seuls avez l'âme aveuglée ?
Témoin Cardan * et moi qui n'ai compris
L'effort prochain de cette Giboullée ,
Calme ton ire , aimable échevelée ;
Tais- toi , dit- il , j'ai tort , et cette fois
D'en convenir point n'aurai de scrupule.
Bien ai-je aussi le remede en mes doigts ;
Je vais adonc r'habiller tout ce mois ,
Et pour te plaire , et rendre l'erreur nulle ,
Je veux en May mettre la Canicule .
* Voyez le Dictionnaire de Bayle , au mot
Cardan.
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Résumé : L'ALMANACH NANTOIS, NOUVELLE. Par Mlle. MALCRAIS DE LA VIGNE, du Croisic, en Bretagne.
L'Almanach Nantois, édité par Mlle Malcrais de La Vigne, était un ouvrage très prisé à Nantes. Chaque année, sa vente était significative grâce à la qualité de son contenu. L'almanach incluait les Quatre-Temps, les jours de jeûne, les vigiles et les jours fériés, tous clairement indiqués en lettres italiques. Les ecclésiastiques le préféraient pour ses rubriques précises. Il contenait également des calculs astronomiques et des conseils détaillés sur les meilleures périodes pour semer ou transplanter divers légumes. L'Almanach Nantois fournissait aussi des prédictions météorologiques, comme les risques de rhume en janvier ou la possibilité de se passer de redingote l'après-midi en été. Il listait également les marchés et les foires, agrémentés de mots joyeux et d'histoires amusantes. L'auteur de l'almanach, assisté de sa servante Jacquette, prédisait le temps avec une grande précision. Un soir, après avoir observé les astres, il prédit un mois de mai pluvieux. Jacquette, furieuse, invoqua les démons et jura, reprochant à son maître de ne pas tenir compte des habitudes locales, comme la lessive en mai. Elle exigea des jours de beau temps. Surpris par cette réaction, l'astrologue finit par céder et modifia sa prédiction pour inclure la canicule en mai.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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660
p. 2964-2969
COMBAT DE LA PROSE ET DE LA RIME. Donné sur le Parnasse, le 2 Juin 1730.
Début :
Dans le fond du sacré Vallon [...]
Mots clefs :
Prose, Rime, Parnasse, Apollon, Orateurs, Romanciers, Terreur
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texteReconnaissance textuelle : COMBAT DE LA PROSE ET DE LA RIME. Donné sur le Parnasse, le 2 Juin 1730.
COMBAT DE LA PROSE
ET DE LA RIME.
Donné sur le Parnasse , le 2 Juin 1730.
Dans le fond du sacré Vallon
Se donna bataille importante ,
Sous le bon plaisir d'Apollon :
Ce fut en l'an mil sept cens trente.
La Prose n'étoit pas contente >
dit-on :
Et la Rime encor moins ,
Prose vouloit que de la Tragedie
Fussent chassés les Vers rimés ;
Rime vouloit qu'elle en fut toute ourdie :
L'une étoit fiere , et l'autre étoit hardie ,
Voilà deux coeurs bien animés !
Coeurs feminins ne sont si-tôt calmés. -
Chacune d'elles se provoque ,
Tant qu'enfin pour un prompt combat ,
Gens Prosateurs , gens de rime on convoque
Pour terminer ce 'grand débat.
De son côté Prose range en Bataille
Les Orateurs , les Romanciers ,
? Tant modernes que devanciers ;
t
II. Vol.
No
DECEMBRE. 1731. 2969
Ne furent pris que ceux de haute taille ,
Comme le sont les Houdarts , les Flechiers ,
Acoutrés de leur jacquemaille
Avec les Balzacs , les Daciers ,
Et le reste vaille que vaille ,
Tels que Goujats furent mis les derniers.
Fier Don Quichot , d'avantures avide ,
La pris pour leur Chef , pour leur guide
Bien se flattoit , monté sur son Grison.
De mettre Rime à la raison.
De l'autre part , on voit aussi la rime:
De ses Héros la troupe rassembler.
Cet Escadron faisoit trembler ,
Tant il avoit l'air à l'escrime !
La plume en main , le nez au vent ,
Chaque rimeur sur son Pegaze ,
Plein du saint dépit qui l'embraze ,
Court , galope et vole en avant ;,,
On n'avoit pris des rimeurs que l'élite ,
Tous gens qu'un tel débat irrite
On avoit laissé les Pradons ,.
Les Martignacs , les Duriers , les Gacons
Aux rangs derniers , lieu d'où prennent la fuite
Bien plus aisément les Poltrons ,
S'étoient offerts de la fiere Angleterre.
Quelques Poëtes Prosateurs ,
Mais on craignit qu'en cette Guerre
H..Vol. Ciij
Ils
2966 MERCURE DEFRANCE
Ils ne dévinssent déserteurs.
Donc l'Escadron des rimeurs s'achemine ;
Pour Chefs il avoit deux Guerriers
Déja couverts de cent lauriers
C'étoit et Corneille et Racine ;
La Prose pálit , à la mine
De ces deux Paladins si fiers.
Sur front Cornelien éclate
Je ne sçai quoi de sublime et de grand ;
Là pour son Pompée on le prend ,
Racine , pour son Mitridate ,
Tant ils ont l'air et tendre et conquerant.
Voilà donc que nos deux armées
Sont en presence et déja sous le feu ,
La Prose tremblotoit un peu ,
La Rime voit , comme pigmées ,
Ses Ennemis , s'en fait un jeu .
C'est donc alors qu'on entre en danse
Que de part et d'autre on se lance
Un million des plus terribles traits ;
Corneille frappant de fort près ,
Faisoit réculer l'éloquence :
Rime le battoit en cadence.
Bien assenoit ses coups , Prose jamais ;
Corneille visoit à la tête ,
Et Racine donnoit au coeur :
inspiroient la pitié , la terreur ;
1, Vol.
Jamais
DECEMBRE 1731. 2967
Jamais on ne vêt télle fête ,
Tel carillon , telle rumeur :
Alors la Prose épouvantée ,
Et par la Rime à demi culbutée ,
Au Dieu du Parnasse a recours.
Ah ! prête - moi , dit- elle , ton secours !
Le Dieu vient , la sauve , il exige ,
Pour maintenir et la paix , et leurs droits ,
Que très-pomptement on rédige
Sur Parchemin , par articles , ses loix :
Je le veux , dit- il , qu'on transige
Or , ces articles. Les voicy.
Rapportons - les en racourcy ;
Je prétends , dit- il , que la Prose
Pas ne se mêle d'autre chose ,
Que de la Chaire et du Barreau ;
Et qu'au Théatre elle ait la bouche close
Condamnons le projet nouveau ,
De prosaïser Tragedie -
Voulons , pour garder l'ancien us ,
Que seulement en Comédie.
Elle conserve cet abus ? 41
Voulons aussi , qu'au Barreau ni qu'en Chaire
Rimeurs ne soient si témeraires
Que de rimer Sermons et Plaidoyers •
Si non passer pour Pradons , pour Boyers ,
Ou pour Tragiques à l'Angloise
H. Vol..
Ciiij
> -
Qui
1968 MERCURE DE FRANCE
Qui trop cruels de la moitié ,
Négligeant l'Art , ne leur déplaise ,
Inspirent plus d'horreur que de pitié”,
Font en Vers blancs enrager Melpomene ,
De voir le vice revêtu
Sur leur licentieuse scene
Des parures de la vertu ..
Laissons - les donc cothurner à leur guise
Et seulement , de peur qu'on prosaïse
La Tragedie , agissons vivement
Four Substitut contre cette entreprise ,
Prenons Voltaire ... afin que promptement
S'éxecute mon réglement ? »
Et pour qu'il use de main mise.
Contre qui trop avidement
Embrasseroit aveuglement
Le préjugé de la Tamise ?
Dorc , enjoignons au Tragique Arroüet-
D'amener sur la double cime ,
Qui conque écrit contre la Rime ? .
que des Muses le joüet Pour
Sa honte lave au moins son crime.
our qu'y voyant le noble et juste pri
Que Melpomene offre à Voltaire ,
Il rime , comme il le sçait faire ,
Et que de même ardeur épris ,
sçache l'art d'éffrayer et de plaire ,
II. Vol.
D'ate
DECEMBRE 1731. 2969
D'attendrir la Cour et Paris ;
Qu'enfin quittant un parti témeraire ,
Il force la Prose à se taire
Dans tous les Tragiques Ecrits..
Datté du Camp près l'hypocrène ,
Signé, du sang des morts et des blessés ,
Pleurés les pauvres Trépassés ,
Quoi que Turbateurs de la scene ::
Fait ce deux Juin , et paraffé
Jour , où la Rime a triomphé..
ET DE LA RIME.
Donné sur le Parnasse , le 2 Juin 1730.
Dans le fond du sacré Vallon
Se donna bataille importante ,
Sous le bon plaisir d'Apollon :
Ce fut en l'an mil sept cens trente.
La Prose n'étoit pas contente >
dit-on :
Et la Rime encor moins ,
Prose vouloit que de la Tragedie
Fussent chassés les Vers rimés ;
Rime vouloit qu'elle en fut toute ourdie :
L'une étoit fiere , et l'autre étoit hardie ,
Voilà deux coeurs bien animés !
Coeurs feminins ne sont si-tôt calmés. -
Chacune d'elles se provoque ,
Tant qu'enfin pour un prompt combat ,
Gens Prosateurs , gens de rime on convoque
Pour terminer ce 'grand débat.
De son côté Prose range en Bataille
Les Orateurs , les Romanciers ,
? Tant modernes que devanciers ;
t
II. Vol.
No
DECEMBRE. 1731. 2969
Ne furent pris que ceux de haute taille ,
Comme le sont les Houdarts , les Flechiers ,
Acoutrés de leur jacquemaille
Avec les Balzacs , les Daciers ,
Et le reste vaille que vaille ,
Tels que Goujats furent mis les derniers.
Fier Don Quichot , d'avantures avide ,
La pris pour leur Chef , pour leur guide
Bien se flattoit , monté sur son Grison.
De mettre Rime à la raison.
De l'autre part , on voit aussi la rime:
De ses Héros la troupe rassembler.
Cet Escadron faisoit trembler ,
Tant il avoit l'air à l'escrime !
La plume en main , le nez au vent ,
Chaque rimeur sur son Pegaze ,
Plein du saint dépit qui l'embraze ,
Court , galope et vole en avant ;,,
On n'avoit pris des rimeurs que l'élite ,
Tous gens qu'un tel débat irrite
On avoit laissé les Pradons ,.
Les Martignacs , les Duriers , les Gacons
Aux rangs derniers , lieu d'où prennent la fuite
Bien plus aisément les Poltrons ,
S'étoient offerts de la fiere Angleterre.
Quelques Poëtes Prosateurs ,
Mais on craignit qu'en cette Guerre
H..Vol. Ciij
Ils
2966 MERCURE DEFRANCE
Ils ne dévinssent déserteurs.
Donc l'Escadron des rimeurs s'achemine ;
Pour Chefs il avoit deux Guerriers
Déja couverts de cent lauriers
C'étoit et Corneille et Racine ;
La Prose pálit , à la mine
De ces deux Paladins si fiers.
Sur front Cornelien éclate
Je ne sçai quoi de sublime et de grand ;
Là pour son Pompée on le prend ,
Racine , pour son Mitridate ,
Tant ils ont l'air et tendre et conquerant.
Voilà donc que nos deux armées
Sont en presence et déja sous le feu ,
La Prose tremblotoit un peu ,
La Rime voit , comme pigmées ,
Ses Ennemis , s'en fait un jeu .
C'est donc alors qu'on entre en danse
Que de part et d'autre on se lance
Un million des plus terribles traits ;
Corneille frappant de fort près ,
Faisoit réculer l'éloquence :
Rime le battoit en cadence.
Bien assenoit ses coups , Prose jamais ;
Corneille visoit à la tête ,
Et Racine donnoit au coeur :
inspiroient la pitié , la terreur ;
1, Vol.
Jamais
DECEMBRE 1731. 2967
Jamais on ne vêt télle fête ,
Tel carillon , telle rumeur :
Alors la Prose épouvantée ,
Et par la Rime à demi culbutée ,
Au Dieu du Parnasse a recours.
Ah ! prête - moi , dit- elle , ton secours !
Le Dieu vient , la sauve , il exige ,
Pour maintenir et la paix , et leurs droits ,
Que très-pomptement on rédige
Sur Parchemin , par articles , ses loix :
Je le veux , dit- il , qu'on transige
Or , ces articles. Les voicy.
Rapportons - les en racourcy ;
Je prétends , dit- il , que la Prose
Pas ne se mêle d'autre chose ,
Que de la Chaire et du Barreau ;
Et qu'au Théatre elle ait la bouche close
Condamnons le projet nouveau ,
De prosaïser Tragedie -
Voulons , pour garder l'ancien us ,
Que seulement en Comédie.
Elle conserve cet abus ? 41
Voulons aussi , qu'au Barreau ni qu'en Chaire
Rimeurs ne soient si témeraires
Que de rimer Sermons et Plaidoyers •
Si non passer pour Pradons , pour Boyers ,
Ou pour Tragiques à l'Angloise
H. Vol..
Ciiij
> -
Qui
1968 MERCURE DE FRANCE
Qui trop cruels de la moitié ,
Négligeant l'Art , ne leur déplaise ,
Inspirent plus d'horreur que de pitié”,
Font en Vers blancs enrager Melpomene ,
De voir le vice revêtu
Sur leur licentieuse scene
Des parures de la vertu ..
Laissons - les donc cothurner à leur guise
Et seulement , de peur qu'on prosaïse
La Tragedie , agissons vivement
Four Substitut contre cette entreprise ,
Prenons Voltaire ... afin que promptement
S'éxecute mon réglement ? »
Et pour qu'il use de main mise.
Contre qui trop avidement
Embrasseroit aveuglement
Le préjugé de la Tamise ?
Dorc , enjoignons au Tragique Arroüet-
D'amener sur la double cime ,
Qui conque écrit contre la Rime ? .
que des Muses le joüet Pour
Sa honte lave au moins son crime.
our qu'y voyant le noble et juste pri
Que Melpomene offre à Voltaire ,
Il rime , comme il le sçait faire ,
Et que de même ardeur épris ,
sçache l'art d'éffrayer et de plaire ,
II. Vol.
D'ate
DECEMBRE 1731. 2969
D'attendrir la Cour et Paris ;
Qu'enfin quittant un parti témeraire ,
Il force la Prose à se taire
Dans tous les Tragiques Ecrits..
Datté du Camp près l'hypocrène ,
Signé, du sang des morts et des blessés ,
Pleurés les pauvres Trépassés ,
Quoi que Turbateurs de la scene ::
Fait ce deux Juin , et paraffé
Jour , où la Rime a triomphé..
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Résumé : COMBAT DE LA PROSE ET DE LA RIME. Donné sur le Parnasse, le 2 Juin 1730.
Le 2 juin 1730, un affrontement littéraire entre la Prose et la Rime se déroula sur le Parnasse sous la supervision d'Apollon. La Prose, mécontente, cherchait à exclure les vers rimés des tragédies, tandis que la Rime voulait les y intégrer. Chaque camp rassembla ses partisans : la Prose réunit des orateurs et des romanciers, et la Rime mobilisa ses meilleurs poètes, dirigés par Corneille et Racine. Les deux armées s'affrontèrent dans un échange intense. Corneille et Racine, chefs des rimeurs, impressionnèrent par leur maîtrise. La Prose, effrayée, fit appel à Apollon, qui intervint pour rétablir la paix. Il édicta des lois stipulant que la Prose devait se limiter à la chaire et au barreau, et ne pas interférer avec les tragédies. La Rime, quant à elle, ne devait pas rimer sermons ou plaidoyers. Voltaire fut désigné pour faire respecter ces règles, et Jean-Baptiste Rousseau fut puni pour avoir écrit contre la Rime. Le combat se conclut par la victoire de la Rime, officialisée par un document signé du sang des blessés et des morts.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
661
p. 2969-2979
LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
Début :
Ce n'est pas , Monsieur , un si grand mal que vous pourriez le penser [...]
Mots clefs :
Comédie, Spectacles, Neutralité littéraire, Langue vulgaire, Piété chrétienne, Messe, Prologue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet
du Provençal qui a combattu le Livre
du P. le Brun sur la Comédie , avec quetques
Remarques sur un des Discours de
M. l'Abbé Fleury , nouvellement im--
primé.
E n'est pas , Monsieur , un si grand
Cmal que vous pourriez le penser
ވ
que le Livre du Pere le Brun contre la
Comédie ait irrité la personne qui vous a
écrit de Marseille , et que dans la Lettre
qu'il a composée à cette occasion , et
qu'un esprit de neutralité litteraire vous
a fait insérer dans le Mercure d'Août
dernier , il se déclare en faveur de ce que
II..Vol CT le
2970 MERCURE DE FRANCE
7
le P: le Brun condamne. Outre l'Extraitque
le Journal des Sçavans du mois de
Septembre dernier a fait d'un Sermon
que prêcha autrefois l'Abbé Anselme
contre les Spectacles , et qui servit en
particulier contre la Comédie , voilà
M. l'Abbé Fleury qui vient au secours du
docte Oratorien . Le Sçavant , qui de
tems en tems fait présent au Public de
Mémoires choisis de Litterature et d'Histoire
, vient de publier un volume , dans ,
lequel on voit assez les sentimens de cecélébre
Historien Ecclésiastique. C'est
son Discours sur la Poesie des Hebreux ..
Comme ces Mémoires ne sont peut-être
pas si communément répandus que l'est
votre Journal , vous pourriez en extraire .
l'endroit que je vous indique , qui commence
à la page 71. du onzième volume
de cette continuation . La lecture que je
viens d'en faire m'a véritablement édifié ;
j'y reconnois par tout le caractere de sincerité
et de pieté qui releve si noblement
les Ouvrages de cet illustre Abbé , et qui
les fait préférer à tous ces Ecrivains , done.
le style montre souvent plus de brillant
qu'il ne renferme de solidité.
܂
Je ne puis cependant , Monsieur ;
m'empêcher de vous faire part d'une
observation que j'ai faite sur ce qui se lit
11. Vol . dans
DECEMBRE . 1731 2971
page
dáns le même Discours au haut de la
74. » On ne voit point , dit M. l'Abbé
» Fleury , qu'on ait fait en ces tems -là
vers le x11 . et XIII . siécles ) des Poësies
» vulgaires pour honorer Dieu , ou pour
» exciter à la pieté , si ce n'est que l'on
» veüille mettre en ce rang certaines
> chansons très- vieilles , dont le petit
» peuple conserve encore quelque mé
moire , et les Noëls que Pon trouve
encore écrits.Cette proposition de l'Auteur
du Discours ne me paroît point exac
tement véritable. Comme il m'a passé
par les mains une infinité de Manuscrits
du XII. et XII. siécles , je suis bien assûré
d'avoir vû de la Poësie en Langue vulgaire
sur des sujets pieux , qui étoit d'une
écriture du treizième siècle , & quid
pouvoit avoir été composée à la fin du
douzième , et cette Poësie ne consiste
point en chansons , dont le peuple se
ressouvienne encore , ni à plus forte rai
son en Noëls.
J'ai trouvé en Picardie un Manuscrit
in- 12 . du treiziéme siécle , entiérements
en Vers françois , dont la premiere moi
tié , car il est sans commencement , m'a
parû contenir une Critique ou censure
des abus ou des moeurs corrompues de ce:
tems- là , avec plusieurs éloges des anciens
C.vjj H. Vol .
2972 MERCURE DE FRANCE
modéles de la piété chrétienne . Je ne
puis vous dépeindre la forme du caractere
de ce volume , qui ressent tout- àfait
le siécle que je vous ai nommé : mais
Vous pouvez juger de l'antiquité de la
composition du Livre , par les morceaux
que j'en extrairai . Voici , par exemple, une
des Strophes de l'éloge qui y est fait du
saint homme Job. J'userai de points , de
virgules , et d'apostrophes , pour faciliter
l'intelligence du sens de ces Vers : il n'y
en a point dans l'Original.
Job de richoise pas n'usa ,
Si com ti siécles en us a ,
Car plusor malement en usént 3 :
Job au monde pas ne nuisa
Job tous malvais us desusa :
>
Mais or en vois -je moult qui nuifent ,,
Qui por des malvais us desusent ,
Pres tout honor faire refusent ;
Mais Job onques nel refusa :
Si voi moult de chiaux qui s'escusent
De che dont lor coër les accusent ,
Mais oncques Job ne s'escusa.
Après l'Explicit de la premiere partie.
de ce volume , on lit cette Rubrique
Chi se commenche li Livres là on reprent.
U.Vol.
les
DECEMBRE 1731 297
tes, vices et loë les vertus , et est miserere mei
Deus. La premiere Strophe commence.c
effet
par
Miserere mei Deus ,
Car longement je me suis teus.
Voici la morale qui se lit touchant l'aus
mône vers le milieu de ce Livre ?
Qui done aumosne , il se désdete , *
Car aumosne est et dons et déte :
Mais Diex n'en rechut onques une
Ne quidiés pas qu'il en promete
Guerredon , s'ele de main nete
Ne vient , & de nete pécune.
Qui envers son proisme (a) a rancune-
Diex voit sa conscience brune ,
Et par ce s'aumosne ( 6 ) degete :
Et se autrui talt rien aucune ( c) .
Ne lui valt s'aumosne une prune
Mais là ou l'a pris la remete,
De même , après l'Explicit de ce sea .
cond volume on lit : Ci commence li escrit
* C'est-à-dire , il paye fes dettes.
(a ) C'est- à- dire , prochain du latin proximus.
( b ) C'est-à- dire , rejette son aumône ou sa
#umone.
(c) Rem ullam , chose aucune : preuve évis
dente que rien vient de xesø
11. Vol.
Qui
2974 MERCURE DE FRANCE
des IIII verbus, misericorde , verité , pais ,
justice , selont saint Bernart.
Qui en bel rimer velé entendre ,
Il doit bien tel matiere prendre
Dont autrui puist edéfier ,
Ne nus hom ne doit entreprendre ¿ ,
Autrui chastoijer & reprendre
Se il soi ne velt chastoijer :
Car mal faire & bien enseigner
Moult fet tes vie à mespriser
La colpe ne tymie mendre
Que Dieu loër et losengier
Et puis laidir et blascengier :
De tout convenra raiſon rendre .
Ici d'un côté , l'antiquité du langage
jointe à la forme du caractere , prouve
évidemment que cet Ecrit doit être dus
treiziéme siécle : de l'autre , la longueur
des Strophes et la diversité des métres
font voir que ces Poësies ne se chantoient
point. Ainsi voilà de la Poësie vulgaire
sans chant , faite pour honorer Dieu et
pour exciter à la pieté par la seule lecture
: et même le Prologue que je viens deciter
de ce troisiéme Livre , marque ex...
pressément que le Poëte avoit choisi ces
matiéres d'édification , afin de passer pour
un homme entendu , en bel rimer.
II. Vol
DECEMBRE 1731. 2975
On ne peut nier non plus que les les
sons farsies que l'on chantoit en France
à la Messe des grandes Fêtes , dès le douziéme
et treizième siècles , ne fussent des .
Poësies vulgaires . Dom Edmond Martenne
a donné un Fragment de celle du
jour de S. Etienne , par un Manuscrit de
six cens ans , conservé à S. Gatien de
Tours ( a ) C'étoit une explication de
chaque Période de l'Epître de la Messe
qu'une ou deux personnes chantoient du
haut de la Tribune ou du Jubé , après
que le Sous- Diacre avoit prononcé quelques
mots de cette Période , et ainsi par
parcelles et cette explication se faisoit
en Vers françois dans le ton d'une complainte
, lorsqu'il étoit question du martyre
d'un Saint. Cet usage avoit commencé
par la lecture de la vie des Saints ,
peut- être par une suite de l'ancien usage
où l'on étoit dans l'Eglise Gallicane , de
lire à la Messe la Passion des Martyrs ,
ou l'histoire de leur mort. Les bonnes
gens du treizième siècle , sur - tout dans
les Païs - bas , accoûtumez à dire la vie de
S. Etienne , la vie des Innocens , disoient
de même la vie du premier jour de l'An ;
La vie de l'Epiphanie ou de la Tiphaine..
C'est ce que j'ai lû en titre dans un Ma .
( a) Tract. de Sacrif. Missa , page 279.
II. Vol. Aus2976
MERCURE DE FRANCE
"
nuscrit de la fin du treizième siècle.
Mais j'aime mieux attribuer au. Maître
d'Ecole , qu'au Curé de la Paroisse , d'où
venoit ce Manuscrit , la plaisante bévûë
d'avoir intitulé l'explication de la Leçon.
d'Isaïe du jour de l'Epiphanie , vita sanc- :
ta Epiphania. La vie du premier jour de
l'An s'y trouve précedée de ce Prologue..
Bone gent pour qui sauvemens
Dieus de char vestir se deigna ,
En en bercheul vit humlément
Qui tout le mond en sa main a ,,
Rendons li graces douchement ,,
Qui si bien en sa vie ouvra ,
Et pour notre racatement
Dusca le mort s'umilia.
Lectio Epistola B. P. Ap..
Il paroît que ce Prologue tient un peu
de nos vieux Noëls au moins il peut se
chanter sur l'air : Ala venue de Noël.
Mais ce que j'ai rapporté du premier Ma →
nuscrit de Picardie , suffira toujours pour
prouver que M. l'Abbé Fleury a avancé
une proposition un peu trop generale
lorsque sans autre réserve que celles qu'il
a faites , il a ôté au douzième et treizié
me siécles l'honneur d'avoir produit de
la Poësie vulgaire, sur des matiéres de-
II. Vol.
moras
DECEMBRE. 1731. 2977
-
morale. Ce n'est pas une faute de la der
niere conséquence : mais l'exactitude demande
toujours qu'on ne fasse pas les
siécles passez plus obscurs qu'ils n'étoient.
Je reviens , Monsieur , à mon premier
sujet , et pour vous exempter la peine de
recourir aux Mémoires de Litterature
touchant la Comédie , je joins ici ce que
M. l'Abbé Fleury dit en peu de lignes
contre les Poësies françoises qu'on débite
sur les Théatres , leur origine , selon lui
et leur succès.
» Il ne faut point s'étonner , dit- il
si nous sommes si éloignez du goût de
» l'Antiquité sur le sujet de la Poësie ;
c'est qu'en effet , pour ne nous point:
» flater , toute notre Poësie moderne est
» fort miserable en comparaison ; elle a
» commencé par lesTroubadours Proven-
» ceaux , et les Conteurs , Jongleurs et
» Menestrels , dont Fauchet nous a don-
»,né l'Histoire. C'étoient des débauchez
vagabonds , qui lorsque les hostilitez
» universelles commencerent à cesser, et la
» barbarie à diminuer , c'est -à - dire vers
» le douzième siècle commencerent à
» courir les Cours des Princes
, pour
> .chanter à leurs Festins dans les jours de
grande Assemblée. Comme ils avoient
"
IL. Kola
›
naffaire
2978 MERCURE DE FRANCE
» affaire à des Seigneurs très-ignorans ,
» et qu'ils l'étoient fort eux- mêmes , tous
>> leurs sujets n'étoient que des fables
>> impertinentes et monstrueuses , ou des
» histoires si défigurées , qu'elles n'étoient
» pas connoissables , ou des contes médi
» sans de Clercs ér de Moines ; et comme
» ils ne travailloient que par interêt , ils
» ne parloient que de ce qui pouvoit ré-
» jouir leurs Auditeurs . c'est à- dire , de
» Combats et d'Amours ; mais d'Amours
>> brutales et sottes comme celles des
» gens grossiers , outre que ces Auditeurs .
» étoient eux- mêmes de fort malhonnê-
» tes gens : pour ce qui est de l'élocution ,.
» ils furent les premiers qui oserent écrire
» en Langues vulgaires ; car elles avoient
» passé jusques-là pour jargons si absur◄
ndes , que l'on avoit eu per d'en profa-
» ner le papier. De là vient , comme l'on
,
sçait , le nom de Romans François e
" de Romans Espagnols. Il nous reste:
» assez de ces vieilles chansons pour
prouver tout ce que j'ai dit ; et le Ro-
» man de la Rose qui a duré le plus long-
» tems , est un des plus pernicieux Li
»vres pour la Morale , des plus sales et
>> des plus impies qui ayent été écrits dans :
» les derniers siécles. Aussi de tout tems:
les gens vertueux , les faints Evêques
11. Vol
99
les
DECEMBRE. 1731. 2979
les bons Religieux , ont crié hautement
» contre les Poësies profanes , contre les
Jongleurs & les Boufons des Princes : &.
» le-là est venue la guerre que les Prédica-
» teurs ont déclarée aux Romans & aux
2. Comédies.
Animé du même zele contre les Comédiens
qui déclament en public les Poësies
dont M. l'Abbé Fleury vient de par
ler ; et par conséquent contre leurs Apologistes
, j'ajoûterai à tout ce que le Pere
le Brun a écrit contre eux , et ceci servira
en particulier de réponse aux deffenseurs
de la Comédie moderne , j'ajoûterai , dis- je,
qu'en l'année 1701. à l'occasion du grand
Jubilé , les Comédiens François ayant
prétendu être absous sans restriction , et
Messieurs les Curez de Paris ayant tenu
ferme , ils s'aviserent de présenter une
Requête au Pape Clement XI , dans la
quelle rien ne fut oublié . Ce Pape ayant
fait examiner la Requête , elle fut rejettée
, et la discipline des Curez confirmée.
Voilà ce que l'écoulement de six lustres
n'est pas capable de faire oublier dans une
Ville aussi grande que l'est celle de Paris ,
et ce qui doit confondre les Ecrivains qui
se sont déclarez partisans d'une si mauvaise
cause. Je suis , & c .
A Auxerre , ce 15. Novembre 1731 .
du Provençal qui a combattu le Livre
du P. le Brun sur la Comédie , avec quetques
Remarques sur un des Discours de
M. l'Abbé Fleury , nouvellement im--
primé.
E n'est pas , Monsieur , un si grand
Cmal que vous pourriez le penser
ވ
que le Livre du Pere le Brun contre la
Comédie ait irrité la personne qui vous a
écrit de Marseille , et que dans la Lettre
qu'il a composée à cette occasion , et
qu'un esprit de neutralité litteraire vous
a fait insérer dans le Mercure d'Août
dernier , il se déclare en faveur de ce que
II..Vol CT le
2970 MERCURE DE FRANCE
7
le P: le Brun condamne. Outre l'Extraitque
le Journal des Sçavans du mois de
Septembre dernier a fait d'un Sermon
que prêcha autrefois l'Abbé Anselme
contre les Spectacles , et qui servit en
particulier contre la Comédie , voilà
M. l'Abbé Fleury qui vient au secours du
docte Oratorien . Le Sçavant , qui de
tems en tems fait présent au Public de
Mémoires choisis de Litterature et d'Histoire
, vient de publier un volume , dans ,
lequel on voit assez les sentimens de cecélébre
Historien Ecclésiastique. C'est
son Discours sur la Poesie des Hebreux ..
Comme ces Mémoires ne sont peut-être
pas si communément répandus que l'est
votre Journal , vous pourriez en extraire .
l'endroit que je vous indique , qui commence
à la page 71. du onzième volume
de cette continuation . La lecture que je
viens d'en faire m'a véritablement édifié ;
j'y reconnois par tout le caractere de sincerité
et de pieté qui releve si noblement
les Ouvrages de cet illustre Abbé , et qui
les fait préférer à tous ces Ecrivains , done.
le style montre souvent plus de brillant
qu'il ne renferme de solidité.
܂
Je ne puis cependant , Monsieur ;
m'empêcher de vous faire part d'une
observation que j'ai faite sur ce qui se lit
11. Vol . dans
DECEMBRE . 1731 2971
page
dáns le même Discours au haut de la
74. » On ne voit point , dit M. l'Abbé
» Fleury , qu'on ait fait en ces tems -là
vers le x11 . et XIII . siécles ) des Poësies
» vulgaires pour honorer Dieu , ou pour
» exciter à la pieté , si ce n'est que l'on
» veüille mettre en ce rang certaines
> chansons très- vieilles , dont le petit
» peuple conserve encore quelque mé
moire , et les Noëls que Pon trouve
encore écrits.Cette proposition de l'Auteur
du Discours ne me paroît point exac
tement véritable. Comme il m'a passé
par les mains une infinité de Manuscrits
du XII. et XII. siécles , je suis bien assûré
d'avoir vû de la Poësie en Langue vulgaire
sur des sujets pieux , qui étoit d'une
écriture du treizième siècle , & quid
pouvoit avoir été composée à la fin du
douzième , et cette Poësie ne consiste
point en chansons , dont le peuple se
ressouvienne encore , ni à plus forte rai
son en Noëls.
J'ai trouvé en Picardie un Manuscrit
in- 12 . du treiziéme siécle , entiérements
en Vers françois , dont la premiere moi
tié , car il est sans commencement , m'a
parû contenir une Critique ou censure
des abus ou des moeurs corrompues de ce:
tems- là , avec plusieurs éloges des anciens
C.vjj H. Vol .
2972 MERCURE DE FRANCE
modéles de la piété chrétienne . Je ne
puis vous dépeindre la forme du caractere
de ce volume , qui ressent tout- àfait
le siécle que je vous ai nommé : mais
Vous pouvez juger de l'antiquité de la
composition du Livre , par les morceaux
que j'en extrairai . Voici , par exemple, une
des Strophes de l'éloge qui y est fait du
saint homme Job. J'userai de points , de
virgules , et d'apostrophes , pour faciliter
l'intelligence du sens de ces Vers : il n'y
en a point dans l'Original.
Job de richoise pas n'usa ,
Si com ti siécles en us a ,
Car plusor malement en usént 3 :
Job au monde pas ne nuisa
Job tous malvais us desusa :
>
Mais or en vois -je moult qui nuifent ,,
Qui por des malvais us desusent ,
Pres tout honor faire refusent ;
Mais Job onques nel refusa :
Si voi moult de chiaux qui s'escusent
De che dont lor coër les accusent ,
Mais oncques Job ne s'escusa.
Après l'Explicit de la premiere partie.
de ce volume , on lit cette Rubrique
Chi se commenche li Livres là on reprent.
U.Vol.
les
DECEMBRE 1731 297
tes, vices et loë les vertus , et est miserere mei
Deus. La premiere Strophe commence.c
effet
par
Miserere mei Deus ,
Car longement je me suis teus.
Voici la morale qui se lit touchant l'aus
mône vers le milieu de ce Livre ?
Qui done aumosne , il se désdete , *
Car aumosne est et dons et déte :
Mais Diex n'en rechut onques une
Ne quidiés pas qu'il en promete
Guerredon , s'ele de main nete
Ne vient , & de nete pécune.
Qui envers son proisme (a) a rancune-
Diex voit sa conscience brune ,
Et par ce s'aumosne ( 6 ) degete :
Et se autrui talt rien aucune ( c) .
Ne lui valt s'aumosne une prune
Mais là ou l'a pris la remete,
De même , après l'Explicit de ce sea .
cond volume on lit : Ci commence li escrit
* C'est-à-dire , il paye fes dettes.
(a ) C'est- à- dire , prochain du latin proximus.
( b ) C'est-à- dire , rejette son aumône ou sa
#umone.
(c) Rem ullam , chose aucune : preuve évis
dente que rien vient de xesø
11. Vol.
Qui
2974 MERCURE DE FRANCE
des IIII verbus, misericorde , verité , pais ,
justice , selont saint Bernart.
Qui en bel rimer velé entendre ,
Il doit bien tel matiere prendre
Dont autrui puist edéfier ,
Ne nus hom ne doit entreprendre ¿ ,
Autrui chastoijer & reprendre
Se il soi ne velt chastoijer :
Car mal faire & bien enseigner
Moult fet tes vie à mespriser
La colpe ne tymie mendre
Que Dieu loër et losengier
Et puis laidir et blascengier :
De tout convenra raiſon rendre .
Ici d'un côté , l'antiquité du langage
jointe à la forme du caractere , prouve
évidemment que cet Ecrit doit être dus
treiziéme siécle : de l'autre , la longueur
des Strophes et la diversité des métres
font voir que ces Poësies ne se chantoient
point. Ainsi voilà de la Poësie vulgaire
sans chant , faite pour honorer Dieu et
pour exciter à la pieté par la seule lecture
: et même le Prologue que je viens deciter
de ce troisiéme Livre , marque ex...
pressément que le Poëte avoit choisi ces
matiéres d'édification , afin de passer pour
un homme entendu , en bel rimer.
II. Vol
DECEMBRE 1731. 2975
On ne peut nier non plus que les les
sons farsies que l'on chantoit en France
à la Messe des grandes Fêtes , dès le douziéme
et treizième siècles , ne fussent des .
Poësies vulgaires . Dom Edmond Martenne
a donné un Fragment de celle du
jour de S. Etienne , par un Manuscrit de
six cens ans , conservé à S. Gatien de
Tours ( a ) C'étoit une explication de
chaque Période de l'Epître de la Messe
qu'une ou deux personnes chantoient du
haut de la Tribune ou du Jubé , après
que le Sous- Diacre avoit prononcé quelques
mots de cette Période , et ainsi par
parcelles et cette explication se faisoit
en Vers françois dans le ton d'une complainte
, lorsqu'il étoit question du martyre
d'un Saint. Cet usage avoit commencé
par la lecture de la vie des Saints ,
peut- être par une suite de l'ancien usage
où l'on étoit dans l'Eglise Gallicane , de
lire à la Messe la Passion des Martyrs ,
ou l'histoire de leur mort. Les bonnes
gens du treizième siècle , sur - tout dans
les Païs - bas , accoûtumez à dire la vie de
S. Etienne , la vie des Innocens , disoient
de même la vie du premier jour de l'An ;
La vie de l'Epiphanie ou de la Tiphaine..
C'est ce que j'ai lû en titre dans un Ma .
( a) Tract. de Sacrif. Missa , page 279.
II. Vol. Aus2976
MERCURE DE FRANCE
"
nuscrit de la fin du treizième siècle.
Mais j'aime mieux attribuer au. Maître
d'Ecole , qu'au Curé de la Paroisse , d'où
venoit ce Manuscrit , la plaisante bévûë
d'avoir intitulé l'explication de la Leçon.
d'Isaïe du jour de l'Epiphanie , vita sanc- :
ta Epiphania. La vie du premier jour de
l'An s'y trouve précedée de ce Prologue..
Bone gent pour qui sauvemens
Dieus de char vestir se deigna ,
En en bercheul vit humlément
Qui tout le mond en sa main a ,,
Rendons li graces douchement ,,
Qui si bien en sa vie ouvra ,
Et pour notre racatement
Dusca le mort s'umilia.
Lectio Epistola B. P. Ap..
Il paroît que ce Prologue tient un peu
de nos vieux Noëls au moins il peut se
chanter sur l'air : Ala venue de Noël.
Mais ce que j'ai rapporté du premier Ma →
nuscrit de Picardie , suffira toujours pour
prouver que M. l'Abbé Fleury a avancé
une proposition un peu trop generale
lorsque sans autre réserve que celles qu'il
a faites , il a ôté au douzième et treizié
me siécles l'honneur d'avoir produit de
la Poësie vulgaire, sur des matiéres de-
II. Vol.
moras
DECEMBRE. 1731. 2977
-
morale. Ce n'est pas une faute de la der
niere conséquence : mais l'exactitude demande
toujours qu'on ne fasse pas les
siécles passez plus obscurs qu'ils n'étoient.
Je reviens , Monsieur , à mon premier
sujet , et pour vous exempter la peine de
recourir aux Mémoires de Litterature
touchant la Comédie , je joins ici ce que
M. l'Abbé Fleury dit en peu de lignes
contre les Poësies françoises qu'on débite
sur les Théatres , leur origine , selon lui
et leur succès.
» Il ne faut point s'étonner , dit- il
si nous sommes si éloignez du goût de
» l'Antiquité sur le sujet de la Poësie ;
c'est qu'en effet , pour ne nous point:
» flater , toute notre Poësie moderne est
» fort miserable en comparaison ; elle a
» commencé par lesTroubadours Proven-
» ceaux , et les Conteurs , Jongleurs et
» Menestrels , dont Fauchet nous a don-
»,né l'Histoire. C'étoient des débauchez
vagabonds , qui lorsque les hostilitez
» universelles commencerent à cesser, et la
» barbarie à diminuer , c'est -à - dire vers
» le douzième siècle commencerent à
» courir les Cours des Princes
, pour
> .chanter à leurs Festins dans les jours de
grande Assemblée. Comme ils avoient
"
IL. Kola
›
naffaire
2978 MERCURE DE FRANCE
» affaire à des Seigneurs très-ignorans ,
» et qu'ils l'étoient fort eux- mêmes , tous
>> leurs sujets n'étoient que des fables
>> impertinentes et monstrueuses , ou des
» histoires si défigurées , qu'elles n'étoient
» pas connoissables , ou des contes médi
» sans de Clercs ér de Moines ; et comme
» ils ne travailloient que par interêt , ils
» ne parloient que de ce qui pouvoit ré-
» jouir leurs Auditeurs . c'est à- dire , de
» Combats et d'Amours ; mais d'Amours
>> brutales et sottes comme celles des
» gens grossiers , outre que ces Auditeurs .
» étoient eux- mêmes de fort malhonnê-
» tes gens : pour ce qui est de l'élocution ,.
» ils furent les premiers qui oserent écrire
» en Langues vulgaires ; car elles avoient
» passé jusques-là pour jargons si absur◄
ndes , que l'on avoit eu per d'en profa-
» ner le papier. De là vient , comme l'on
,
sçait , le nom de Romans François e
" de Romans Espagnols. Il nous reste:
» assez de ces vieilles chansons pour
prouver tout ce que j'ai dit ; et le Ro-
» man de la Rose qui a duré le plus long-
» tems , est un des plus pernicieux Li
»vres pour la Morale , des plus sales et
>> des plus impies qui ayent été écrits dans :
» les derniers siécles. Aussi de tout tems:
les gens vertueux , les faints Evêques
11. Vol
99
les
DECEMBRE. 1731. 2979
les bons Religieux , ont crié hautement
» contre les Poësies profanes , contre les
Jongleurs & les Boufons des Princes : &.
» le-là est venue la guerre que les Prédica-
» teurs ont déclarée aux Romans & aux
2. Comédies.
Animé du même zele contre les Comédiens
qui déclament en public les Poësies
dont M. l'Abbé Fleury vient de par
ler ; et par conséquent contre leurs Apologistes
, j'ajoûterai à tout ce que le Pere
le Brun a écrit contre eux , et ceci servira
en particulier de réponse aux deffenseurs
de la Comédie moderne , j'ajoûterai , dis- je,
qu'en l'année 1701. à l'occasion du grand
Jubilé , les Comédiens François ayant
prétendu être absous sans restriction , et
Messieurs les Curez de Paris ayant tenu
ferme , ils s'aviserent de présenter une
Requête au Pape Clement XI , dans la
quelle rien ne fut oublié . Ce Pape ayant
fait examiner la Requête , elle fut rejettée
, et la discipline des Curez confirmée.
Voilà ce que l'écoulement de six lustres
n'est pas capable de faire oublier dans une
Ville aussi grande que l'est celle de Paris ,
et ce qui doit confondre les Ecrivains qui
se sont déclarez partisans d'une si mauvaise
cause. Je suis , & c .
A Auxerre , ce 15. Novembre 1731 .
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
La lettre aborde la controverse suscitée par le livre du Père le Brun contre la comédie, notamment en réponse à un Provençal. L'auteur mentionne que l'Abbé Fleury, dans un récent discours, appuie les arguments du Père le Brun. Cependant, l'auteur conteste une affirmation de l'Abbé Fleury selon laquelle il n'existait pas de poésie vulgaire pieuse aux XIIe et XIIIe siècles, à l'exception de quelques chansons et noëls. Pour prouver le contraire, l'auteur présente des exemples de manuscrits du XIIIe siècle en langue vulgaire traitant de sujets pieux. Il cite des fragments de ces manuscrits pour illustrer leur contenu moral et religieux. L'auteur revient ensuite sur la comédie, affirmant que les troubadours provençaux et les jongleurs, à l'origine de la poésie moderne, étaient des débauchés vagabonds dont les œuvres étaient immorales. Il conclut en rappelant que les autorités religieuses ont toujours condamné les poésies profanes et les comédies. Il cite un exemple récent où les comédiens français ont été refusés l'absolution lors du grand Jubilé de 1701.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
662
p. 2993-2996
LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
Début :
L'Interêt que vous prenez, Monsieur, à tout ce qui nous regarde, m'engage [...]
Mots clefs :
Comédie, Succès, Spectateurs, Actrices
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
LETTRE écrite de foigny , le 12.
Decembre 1731. par M. L. B. au sujet
d'une Comédie représentée en cette Ville:
L
'Interêt que vous prenez , Monsieur .
à tout ce qui nous regarde , m'engage
de vous faire sçavoir que la Comé
die du Joueur , l'une des meilleures , com ,
me vous sçavez , de M. Regnard , laquelle
avoit déja été représentée dans cette Villele
26. Novembre dernier, fut jouée avant
hier 10. du courant , dans une des Sales
du Château , avec un succès fort au - des--
sus de ce qu'on peut attendre de Person--
nes qui ne font pas profession de monter
sur le Théatre ; aussi fut- elle applaudie
par une nombreuse et belle Assemblée
dont l'élite étoit plusieurs Dames et Seigneurs
de distinction , et d'un très - bongoût.
Je ne vous nommerai que le Commandeur
de Vatange , le Marquis de Pel--
port , le Comte de Villefranche , le Ba
ron de Poely , le Chevalier de S. Andiol,,
&c. Parmi les Dames , les Marquises da :
Matange , de Pelport , &c.
Les Acteurs , personnes la plupart de
naissance , de mérite, et capables de rem-
Lek. Vol Dv plier
2994 MERCURE DE FRANCE
plir l'attente des Spectateurs , surpasserent
, pour ainsi dire , cette attente . Le
Joueur sur tout se fit admirer par la
maniere dont il exprima les differens caracteres
qui lui conviennent : le jeu , sa,
passion dominante , amour , crainte , desespoir
, &c. suivant les diverses situations
, tout parut vrai et original en lui.
Hector excella dans son Rôle , qu'il
caracterisa par tout ce qu'il a de naïf, de
plaisant , de particulier , d'instructif même
et de moral.
Le pere du Joueur soutint également
son caractere d'homme sage , de Censeur
et de Pere.
Le faux, Marquis ne se distingua pas
moins par l'air emprunté et par ses ma- .
nieres d'homme vain et sans sentiment ,
dont il joua son personnage.
Le Maître de Trictrac rappella parfaitement
le fameux Desmares , de la Comedie
Françoise , et égaya la Scene d'une
maniere tout à-fait plaisante.
Les Actrices ne cederent en rien, aux
Acteurs. Jamais Angelique ne se présenta
sur le Théa re qu'elle ne parût penetrée
de ce qu'elle sentoit pour son Amant , et
touchée de ses égaremens. Ses yeux annonçoient
toûjours ce qu'elle alloit dire .
La Comtesse auroit trompé des gens
La Vol
qui
DECEMBRE 1731. 2995 .
8
qui ne la connoissent pas , tant elle pric
le ton , l'air et les manieres d'une excellente
Actrice de profession , selon les
divers mouvemens qu'exigeoit son Rôle..
On voyoit dans les yeux de Nerine
pour le moins autant d'esprit et d'expression
qu'en sa Maîtresse , aussi fut- elles
en particulier très- applaudie.
Enfin le jea de Madame de la Ressource
parût tres naturel , laissant toujours entrevoir
malgré son apparente simplicité ,.
lê fonds d'un esprit rusé , et dun coeur.
souverainement interressé.
On est particulierement obligé à Ma
dame de la Prée , veuve du Maréchal dés
Camps et Armées du Roi , de la Repré
sentation de cetre Piece , qui fut suivie
du Retour imprévû du même Auteur . Tout
le monde sortit parfaitement content de
l'une et de l'autre..
La Sale dont j'ai parlé au commences->
ment , étoit magnifiquement parée et ingenieusement
disposée. L'Amphithéatre
seul contenoit au moins sept cent per
sonnes. Je ne vous parle point des habits
des Acteurs et des Actrices ; ceux
qui pouvoient être superbes , l'étoient en
effet , les autres répondirent parfaitement :
aux Personnages.
Il y eut Bal après. un grand souper ,,
11. Kob Dvj oli
2996 MERCURE DE FRANCE
où l'abondance se trouva jointe à la dé
licatesse . Nos vins choisis ne furent pas
jugez inferieurs , par les Etrangers , à
d'autres qu'on y but des plus . vantez de
cette Province .
Et à propos des Vins de Joigny , je crois
que vous aurez ri avec nous de l'Ordonnance
Bachique que nos Emules , Mrs.
d'Auxerre , ont fait paroître dans le Mercure
de Septembre dernier. La Piece est
divertissante et puis c'est tout . Il faut
qu'ils croyent leur cause bien mauvaise
puisque pour la soutenir ils ont recours
aux fictions , et qu'ils employent une
Divinité, qui n'est pas , comme l'on sçait,
la plus sensée ni la plus équitable , il en
paroîtra peut-être d'autres sur la Scene .
Si l'Auteur continue de mettre ainsi les
Dieux en mouvement , c'est le commencement
d'une Iliade ; mais quelle Iliade !
an Plaisant qui n'a rien dans la querelle ,
a déja nommé cette Production la Ba
chicomachie. Permettez - moi de parler Pro
verbe, en finissant et d'y ajoûter que bien
Fira qui rira le dernier. Je suis Mon
sieur , & c.
Decembre 1731. par M. L. B. au sujet
d'une Comédie représentée en cette Ville:
L
'Interêt que vous prenez , Monsieur .
à tout ce qui nous regarde , m'engage
de vous faire sçavoir que la Comé
die du Joueur , l'une des meilleures , com ,
me vous sçavez , de M. Regnard , laquelle
avoit déja été représentée dans cette Villele
26. Novembre dernier, fut jouée avant
hier 10. du courant , dans une des Sales
du Château , avec un succès fort au - des--
sus de ce qu'on peut attendre de Person--
nes qui ne font pas profession de monter
sur le Théatre ; aussi fut- elle applaudie
par une nombreuse et belle Assemblée
dont l'élite étoit plusieurs Dames et Seigneurs
de distinction , et d'un très - bongoût.
Je ne vous nommerai que le Commandeur
de Vatange , le Marquis de Pel--
port , le Comte de Villefranche , le Ba
ron de Poely , le Chevalier de S. Andiol,,
&c. Parmi les Dames , les Marquises da :
Matange , de Pelport , &c.
Les Acteurs , personnes la plupart de
naissance , de mérite, et capables de rem-
Lek. Vol Dv plier
2994 MERCURE DE FRANCE
plir l'attente des Spectateurs , surpasserent
, pour ainsi dire , cette attente . Le
Joueur sur tout se fit admirer par la
maniere dont il exprima les differens caracteres
qui lui conviennent : le jeu , sa,
passion dominante , amour , crainte , desespoir
, &c. suivant les diverses situations
, tout parut vrai et original en lui.
Hector excella dans son Rôle , qu'il
caracterisa par tout ce qu'il a de naïf, de
plaisant , de particulier , d'instructif même
et de moral.
Le pere du Joueur soutint également
son caractere d'homme sage , de Censeur
et de Pere.
Le faux, Marquis ne se distingua pas
moins par l'air emprunté et par ses ma- .
nieres d'homme vain et sans sentiment ,
dont il joua son personnage.
Le Maître de Trictrac rappella parfaitement
le fameux Desmares , de la Comedie
Françoise , et égaya la Scene d'une
maniere tout à-fait plaisante.
Les Actrices ne cederent en rien, aux
Acteurs. Jamais Angelique ne se présenta
sur le Théa re qu'elle ne parût penetrée
de ce qu'elle sentoit pour son Amant , et
touchée de ses égaremens. Ses yeux annonçoient
toûjours ce qu'elle alloit dire .
La Comtesse auroit trompé des gens
La Vol
qui
DECEMBRE 1731. 2995 .
8
qui ne la connoissent pas , tant elle pric
le ton , l'air et les manieres d'une excellente
Actrice de profession , selon les
divers mouvemens qu'exigeoit son Rôle..
On voyoit dans les yeux de Nerine
pour le moins autant d'esprit et d'expression
qu'en sa Maîtresse , aussi fut- elles
en particulier très- applaudie.
Enfin le jea de Madame de la Ressource
parût tres naturel , laissant toujours entrevoir
malgré son apparente simplicité ,.
lê fonds d'un esprit rusé , et dun coeur.
souverainement interressé.
On est particulierement obligé à Ma
dame de la Prée , veuve du Maréchal dés
Camps et Armées du Roi , de la Repré
sentation de cetre Piece , qui fut suivie
du Retour imprévû du même Auteur . Tout
le monde sortit parfaitement content de
l'une et de l'autre..
La Sale dont j'ai parlé au commences->
ment , étoit magnifiquement parée et ingenieusement
disposée. L'Amphithéatre
seul contenoit au moins sept cent per
sonnes. Je ne vous parle point des habits
des Acteurs et des Actrices ; ceux
qui pouvoient être superbes , l'étoient en
effet , les autres répondirent parfaitement :
aux Personnages.
Il y eut Bal après. un grand souper ,,
11. Kob Dvj oli
2996 MERCURE DE FRANCE
où l'abondance se trouva jointe à la dé
licatesse . Nos vins choisis ne furent pas
jugez inferieurs , par les Etrangers , à
d'autres qu'on y but des plus . vantez de
cette Province .
Et à propos des Vins de Joigny , je crois
que vous aurez ri avec nous de l'Ordonnance
Bachique que nos Emules , Mrs.
d'Auxerre , ont fait paroître dans le Mercure
de Septembre dernier. La Piece est
divertissante et puis c'est tout . Il faut
qu'ils croyent leur cause bien mauvaise
puisque pour la soutenir ils ont recours
aux fictions , et qu'ils employent une
Divinité, qui n'est pas , comme l'on sçait,
la plus sensée ni la plus équitable , il en
paroîtra peut-être d'autres sur la Scene .
Si l'Auteur continue de mettre ainsi les
Dieux en mouvement , c'est le commencement
d'une Iliade ; mais quelle Iliade !
an Plaisant qui n'a rien dans la querelle ,
a déja nommé cette Production la Ba
chicomachie. Permettez - moi de parler Pro
verbe, en finissant et d'y ajoûter que bien
Fira qui rira le dernier. Je suis Mon
sieur , & c.
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Résumé : LETTRE écrite de Joigny, le 12. Decembre 1731. par M. L. B. au sujet d'une Comédie représentée en cette Ville.
La lettre datée du 12 décembre 1731 décrit la représentation de la comédie 'Le Joueur' de Jean-François Regnard à Foigny. La pièce, déjà jouée le 26 novembre précédent, a été reprise le 10 décembre dans une salle du château, devant une assemblée distinguée composée de dames et seigneurs de renom, tels que le Commandeur de Vatange, le Marquis de Pelport et le Comte de Villefranche. Les acteurs, principalement issus de la noblesse, ont surpassé les attentes du public. Le rôle du Joueur a été particulièrement admiré pour sa diversité de caractères et son authenticité. Hector a excellé dans son rôle, caractérisé par sa naïveté et son instruction. Le père du Joueur a incarné un homme sage et moralisateur, tandis que le faux Marquis a joué un personnage vain et sans sentiment. Le Maître de Trictrac a rappelé le célèbre Desmares par son jeu plaisant. Les actrices ont également été remarquées pour leur talent. Angelique a montré une profonde émotion pour son amant, et la Comtesse a trompé le public par son jeu professionnel. Nerine a été applaudie pour son esprit et son expression, et Madame de la Ressource a joué un rôle naturel malgré son apparente simplicité. La représentation a été organisée par Madame de la Prée, veuve du Maréchal des Camps et Armées du Roi, et a été suivie de la pièce 'Le Retour imprévu' du même auteur. La salle, magnifiquement décorée, pouvait contenir environ sept cents personnes. Un bal et un grand souper ont suivi la représentation, avec des vins choisis jugés supérieurs à ceux d'autres provinces. La lettre mentionne également une ordonnance bachique publiée par des émules d'Auxerre, qualifiée de divertissante mais sans grande valeur. L'auteur de la lettre conclut en plaisantant sur cette querelle, qualifiée de 'Bachicomachie'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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663
p. 3007-3013
Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
Début :
BIBLIOTHEQUE Raisonnée des Ouvrages des Sçavans de l'Europe Tome III. [...]
Mots clefs :
Journaliste, Estampe, Or, Argent, Histoire véritable, Anecdotes, Mémoires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
IBLIOTHEQUE Raisonnée des
BOuvrages des Sçavans de l'Europe
Tome III. premiere et seconde partie
in 12 , de 475 pages . A Amsterdam , chez
les Westeins et Smith. 1729.
L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent,
extraite de Pline le naturaliste , liv. 33. avec
le Texte latin , corrigé sur les Manuscrits de
Vossius, et sur la premiere édition , et éclaici
par des Remarques nouvelles , outre
celles de J. F. Gronovius , et un Poëme sur
la chute de l'homme , et sur les ravages de
l'or et de l'argent ; dédié au Roy et à la
Reine : Par David Durand , Ministre de
l'Eglise de S. Martin et membre de la Société
Royale . A Londres, chez G. Bouvier,
1728. in fol. de 262 pages pour le corps du
livre , et de 72. pour le Poëme, sans compter
les Préfaces .
Le Journaliste paroît fort réservé dans
l'Extrait qu'il donne de cet Ouvrage ; il
ne s'écrie que sur la variété qu'on y troue
: Une belle Estampe , dit-il , un Poë-
11. Vol me
Boos MERCURE DE FRANCE
me nouveau en 7 chants , et une histoire
Eaturelle de l'or et de l'argent , traduite
d'un excellent Auteur; un Supplément sur
le même sujet , plus long que l'histoire
même ; et enfin tout le 33 livre de Pline ;
dans sa propre langue , imprimé très correctement
et éclairci par des remarques
nouvelles , outre celles de Gronovius qui
sont ajoutées à la fin voilà tout ce que
l'on y trouve de remarquable .
;
Si l'on juge du Poëme par les traits qui
sont rapportez dans la Bibliotheque raisonnée
, on sera porté à croire que M.Durand
n'est pas Poëte , ou qu'il ne sent pas
la force de notre langue , ni la signification
des termes François ; les Chevilles
sont répandues en grand nombre dans le
peu que nous en expose le Journaliste.
L'Histoire veritable et secrette des Vies et
des Regnes de tous les Rois et de toutes les
Reines d'Angleterre, depuis Guillaume I. surnommé
le Conquerant , jusqu'à la fin du Regne
de la Reine Anne , cù l'on a joint un
abregé de l'histoire generale de chaque Regne
, tirée principalement des Manuscrits
originaux , des meilleurs Memoires Anecdotes
et Historiens authentiques. Traduite de
l'Anglois. A Amsterdam, chez les Westeins
et Smith. 1729. 3 vol. in 12. le 1er, de 621
le 2º ,
pages ,
de 636 ,
et le 3º , de 428 ;
ans la table , qui en comprend 42.-
II. Vol.
L'AuDECEMBRE.
1731. 3009
L'Auteur de l'Extrait de cet Ouvrage
prend icy la défense de ceux qui donnent
au public des Anecdotes désavantageuses
à la mémoire des plus Grands Hommes.
La médisance n'est point blâmable , selon
lui , à moins que par médire , l'on n'entende
mal parler de quelqu'un , exposer sous
des couleurs desavantageuses ses meilleures
actions , donner à sa conduite un air de blâ-
&c.c. c'est seulement , dit- il , exposer
des veritez qui ne sont pas toutes bonnes
à dire ; mais on voit par -là que l'Auteur
de l'Extrait confond la médisance avec
la calomnie.
me ,
>
Mémoires touchant le tres-honorable Ordre
du Bain , où l'on décrit son origine , ses progrès
, son rétablissement , ses regles et sa dignité.
On y a joint la liste et les armes des
Chevaliers , et leurs Statuts , en Anglois et
en Latin, par M. Juste- Christ Dithmar
Membre de l'Académie des Sciences de
Berlin , et Professeur public en Droit et
en Histoire , dans l'Académie Royale de
Francfort sur l'Oder. A Francfort , sur
L'Oder , chez Jean Godefroy Conrad. 1729.
petit in fol. de 138 pages , y compris 20
Planches , où sont gravées les armes des
Chevaliers et celles de leurs Ecuyers. Plus
12 pages pour la Préface, l'Epître dédicatoire
au Duc de Montaigu , Grand - Maî-
II. Vole E tre
3010 MERCURE DE FRANCE
tre , et la Table . Cet Ouvrage est en
Latin.
, 9
L'Auteur fait dans les Paragrafes 8
10 , et 11. une Liste des differentes Promotions
qui ont été faites par les Rois
des differentes Maisons qui ont regné en
Angleterre , jusqu'à Charles II. le dernier
Roy qui ait été créé Chevalier de cet Ordre
, lequel est resté dans une espece d'oubli
sous Jacques II. et sous, Guillaume, Marie
et Anne , jusqu'à la résolution que prit le
Roy George I. de le rétablir et de lui
donner la forme réguliere des autres Ordres
militaires.
Les nouvelles Litteraires de la premiere
Partie de ce Volume , qui comprend
les mois de Juillet , Aoust et Septembre ,
apprennent que M.Bucklei a proposé son
édition de l'Histoire de M. de Thou, par
souscriptions. Le terme marqué pour les
Souscripteurs a été jusqu'au mois de Novembre
de la même année 1729 .
Dans la 2 pattie de ce volume , qui
comprend les mois d'Octobre, Novembre
et Decembre , l'article 2 nous a frappés.
Il contient l'Extrait d'un Ouvrage latin ,
dont le titre est ainsi traduit : Considerations
de Physique , de Medecine et de Bar
reau , sur ia salive humaine , où l'on traite
de sa nature , de son usage , de la morsure
II. Vol.
des
DECEMBRE 1731. 3011
des bêtes et de l'homme , de la rage, de l'hy-.
drophobie , &c. par Martin Gurisch. A
Leipsic , 1729, in 4. de 406 pages.
Le Journaliste paroît nene pas faire grand
cas de cet Ouvrage , et il le témoigne en
plus d'un endroit Mais nous sommes surpris
qu'il n'ait fait aucune Remarque sur
un endroit du livre extraordinairement
hardi dans lequel l'Auteur donne une cau
se naturelle d'un des plus grands Miracles
que J. C. ait fait pendant sa vie. C'est la
faculté de voir que J. C. donna à l'Aveugle
né. Ce seroit anéantir la preuve que
les Chrétiens ont toujours tirée contre les
Juifs , er que J. G. lui- même tiroit, lorsqu'il
dit à ses Disciples : ( Joan. 9. 3. ) Ce
n'est ni pour ses pechez , ni pour ceux de son
pere ni de sa mere , ( que cet homme est né
aveugle ) , mais c'est afin que les oeuvres de
Dieu se voyent évidemment en lui. Fe dois
faire les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant
qu'il est jour. Ce n'étoit donc point-là
une oeuvre de la nature , mais une oeuvre
de Dieu le Pere par son Fils. Cependant M,
Gurisch , quoique Chrétien , en attribuë
tout le merveilleux à la salive de Jesus-
Christ. Mais on pourroit lui demander,
avec l'Aveugle né, si on ajamais entendu dire
quepersonne ait donné la vûë à un aveugle de
naissance , en lui appliquant sur les yeux
AII. Vol. E ij
de
3012 MERCURE DE FRANCE
ve,
de la poussiere détrempée avec de la sali
d'autant plus que cet Auteur révoque
en doute le fait que Tacite rapporte de
Vespasien. Ce n'est pas la peine de réfuter
davantage cette hardie supposition ; elle
se détruira d'elle- même , si on fait seulement
attention que l'Aveugle-né ne fut
pas guéri sur le champ, v. 7. Ily alla ( à la
Piscine de Siloë , ) il fe lava et revint
voyant clair: Il n'avoit employé de temps
celui qu'il lui falloit que pour laver cette
bouë que Jesus-Christ lui avoit étenduë
sur les yeux.
9
RETRAITE SPIRITUELLE , sur les Vertus
de JESUS-CHRIST , avec un Discours sur
la necessité de le connoître et de l'aimer.
A Paris , Quai des Augustins , chez Rollin
, in 12. de 332 pages.
ALMANACL ROYAL pour l'année 1732 .
calculé au Méridien deParis ,où l'on trouve
le lever et le coucher du Soleil , ceux
de la Lune et ses mouvemens ; les Naissances
des Princes et Princesses de l'Europe
, le Clergé , les Conseils du Roy , la
Chancellerie , les Officiers d'Epée de
Robe et de Finance ; les Postes et Messageries
; et autres choses utiles au Public ;
nouvellement augmenté des noms des
II. Vol. AbDECEMBRE
1731 3013
raux ,
Abbez commandataires , Colonels gene-
Lieutenans generaux des Armées
du Roy , Maréchaux de Camp, Brigadiers
d'Armées , Lieutenans generaux des Armées
Navales et des Galeres , Chefs d'Escadres
, &c. et la datte de la nomination
et reception de tous les Officiers. Avec
une Table Alphabétique des Matieres.
Prix ,broché , 4 liv. A Paris , chez la veuve
d'Houry , au bas de la rue de la Harpe.
Nous avons déja parlé plusieurs fois
de l'utilité reconnue de ce livre , que le
public goûte de plus en plus.
DES BEAUX ARTS , & c.
IBLIOTHEQUE Raisonnée des
BOuvrages des Sçavans de l'Europe
Tome III. premiere et seconde partie
in 12 , de 475 pages . A Amsterdam , chez
les Westeins et Smith. 1729.
L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent,
extraite de Pline le naturaliste , liv. 33. avec
le Texte latin , corrigé sur les Manuscrits de
Vossius, et sur la premiere édition , et éclaici
par des Remarques nouvelles , outre
celles de J. F. Gronovius , et un Poëme sur
la chute de l'homme , et sur les ravages de
l'or et de l'argent ; dédié au Roy et à la
Reine : Par David Durand , Ministre de
l'Eglise de S. Martin et membre de la Société
Royale . A Londres, chez G. Bouvier,
1728. in fol. de 262 pages pour le corps du
livre , et de 72. pour le Poëme, sans compter
les Préfaces .
Le Journaliste paroît fort réservé dans
l'Extrait qu'il donne de cet Ouvrage ; il
ne s'écrie que sur la variété qu'on y troue
: Une belle Estampe , dit-il , un Poë-
11. Vol me
Boos MERCURE DE FRANCE
me nouveau en 7 chants , et une histoire
Eaturelle de l'or et de l'argent , traduite
d'un excellent Auteur; un Supplément sur
le même sujet , plus long que l'histoire
même ; et enfin tout le 33 livre de Pline ;
dans sa propre langue , imprimé très correctement
et éclairci par des remarques
nouvelles , outre celles de Gronovius qui
sont ajoutées à la fin voilà tout ce que
l'on y trouve de remarquable .
;
Si l'on juge du Poëme par les traits qui
sont rapportez dans la Bibliotheque raisonnée
, on sera porté à croire que M.Durand
n'est pas Poëte , ou qu'il ne sent pas
la force de notre langue , ni la signification
des termes François ; les Chevilles
sont répandues en grand nombre dans le
peu que nous en expose le Journaliste.
L'Histoire veritable et secrette des Vies et
des Regnes de tous les Rois et de toutes les
Reines d'Angleterre, depuis Guillaume I. surnommé
le Conquerant , jusqu'à la fin du Regne
de la Reine Anne , cù l'on a joint un
abregé de l'histoire generale de chaque Regne
, tirée principalement des Manuscrits
originaux , des meilleurs Memoires Anecdotes
et Historiens authentiques. Traduite de
l'Anglois. A Amsterdam, chez les Westeins
et Smith. 1729. 3 vol. in 12. le 1er, de 621
le 2º ,
pages ,
de 636 ,
et le 3º , de 428 ;
ans la table , qui en comprend 42.-
II. Vol.
L'AuDECEMBRE.
1731. 3009
L'Auteur de l'Extrait de cet Ouvrage
prend icy la défense de ceux qui donnent
au public des Anecdotes désavantageuses
à la mémoire des plus Grands Hommes.
La médisance n'est point blâmable , selon
lui , à moins que par médire , l'on n'entende
mal parler de quelqu'un , exposer sous
des couleurs desavantageuses ses meilleures
actions , donner à sa conduite un air de blâ-
&c.c. c'est seulement , dit- il , exposer
des veritez qui ne sont pas toutes bonnes
à dire ; mais on voit par -là que l'Auteur
de l'Extrait confond la médisance avec
la calomnie.
me ,
>
Mémoires touchant le tres-honorable Ordre
du Bain , où l'on décrit son origine , ses progrès
, son rétablissement , ses regles et sa dignité.
On y a joint la liste et les armes des
Chevaliers , et leurs Statuts , en Anglois et
en Latin, par M. Juste- Christ Dithmar
Membre de l'Académie des Sciences de
Berlin , et Professeur public en Droit et
en Histoire , dans l'Académie Royale de
Francfort sur l'Oder. A Francfort , sur
L'Oder , chez Jean Godefroy Conrad. 1729.
petit in fol. de 138 pages , y compris 20
Planches , où sont gravées les armes des
Chevaliers et celles de leurs Ecuyers. Plus
12 pages pour la Préface, l'Epître dédicatoire
au Duc de Montaigu , Grand - Maî-
II. Vole E tre
3010 MERCURE DE FRANCE
tre , et la Table . Cet Ouvrage est en
Latin.
, 9
L'Auteur fait dans les Paragrafes 8
10 , et 11. une Liste des differentes Promotions
qui ont été faites par les Rois
des differentes Maisons qui ont regné en
Angleterre , jusqu'à Charles II. le dernier
Roy qui ait été créé Chevalier de cet Ordre
, lequel est resté dans une espece d'oubli
sous Jacques II. et sous, Guillaume, Marie
et Anne , jusqu'à la résolution que prit le
Roy George I. de le rétablir et de lui
donner la forme réguliere des autres Ordres
militaires.
Les nouvelles Litteraires de la premiere
Partie de ce Volume , qui comprend
les mois de Juillet , Aoust et Septembre ,
apprennent que M.Bucklei a proposé son
édition de l'Histoire de M. de Thou, par
souscriptions. Le terme marqué pour les
Souscripteurs a été jusqu'au mois de Novembre
de la même année 1729 .
Dans la 2 pattie de ce volume , qui
comprend les mois d'Octobre, Novembre
et Decembre , l'article 2 nous a frappés.
Il contient l'Extrait d'un Ouvrage latin ,
dont le titre est ainsi traduit : Considerations
de Physique , de Medecine et de Bar
reau , sur ia salive humaine , où l'on traite
de sa nature , de son usage , de la morsure
II. Vol.
des
DECEMBRE 1731. 3011
des bêtes et de l'homme , de la rage, de l'hy-.
drophobie , &c. par Martin Gurisch. A
Leipsic , 1729, in 4. de 406 pages.
Le Journaliste paroît nene pas faire grand
cas de cet Ouvrage , et il le témoigne en
plus d'un endroit Mais nous sommes surpris
qu'il n'ait fait aucune Remarque sur
un endroit du livre extraordinairement
hardi dans lequel l'Auteur donne une cau
se naturelle d'un des plus grands Miracles
que J. C. ait fait pendant sa vie. C'est la
faculté de voir que J. C. donna à l'Aveugle
né. Ce seroit anéantir la preuve que
les Chrétiens ont toujours tirée contre les
Juifs , er que J. G. lui- même tiroit, lorsqu'il
dit à ses Disciples : ( Joan. 9. 3. ) Ce
n'est ni pour ses pechez , ni pour ceux de son
pere ni de sa mere , ( que cet homme est né
aveugle ) , mais c'est afin que les oeuvres de
Dieu se voyent évidemment en lui. Fe dois
faire les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant
qu'il est jour. Ce n'étoit donc point-là
une oeuvre de la nature , mais une oeuvre
de Dieu le Pere par son Fils. Cependant M,
Gurisch , quoique Chrétien , en attribuë
tout le merveilleux à la salive de Jesus-
Christ. Mais on pourroit lui demander,
avec l'Aveugle né, si on ajamais entendu dire
quepersonne ait donné la vûë à un aveugle de
naissance , en lui appliquant sur les yeux
AII. Vol. E ij
de
3012 MERCURE DE FRANCE
ve,
de la poussiere détrempée avec de la sali
d'autant plus que cet Auteur révoque
en doute le fait que Tacite rapporte de
Vespasien. Ce n'est pas la peine de réfuter
davantage cette hardie supposition ; elle
se détruira d'elle- même , si on fait seulement
attention que l'Aveugle-né ne fut
pas guéri sur le champ, v. 7. Ily alla ( à la
Piscine de Siloë , ) il fe lava et revint
voyant clair: Il n'avoit employé de temps
celui qu'il lui falloit que pour laver cette
bouë que Jesus-Christ lui avoit étenduë
sur les yeux.
9
RETRAITE SPIRITUELLE , sur les Vertus
de JESUS-CHRIST , avec un Discours sur
la necessité de le connoître et de l'aimer.
A Paris , Quai des Augustins , chez Rollin
, in 12. de 332 pages.
ALMANACL ROYAL pour l'année 1732 .
calculé au Méridien deParis ,où l'on trouve
le lever et le coucher du Soleil , ceux
de la Lune et ses mouvemens ; les Naissances
des Princes et Princesses de l'Europe
, le Clergé , les Conseils du Roy , la
Chancellerie , les Officiers d'Epée de
Robe et de Finance ; les Postes et Messageries
; et autres choses utiles au Public ;
nouvellement augmenté des noms des
II. Vol. AbDECEMBRE
1731 3013
raux ,
Abbez commandataires , Colonels gene-
Lieutenans generaux des Armées
du Roy , Maréchaux de Camp, Brigadiers
d'Armées , Lieutenans generaux des Armées
Navales et des Galeres , Chefs d'Escadres
, &c. et la datte de la nomination
et reception de tous les Officiers. Avec
une Table Alphabétique des Matieres.
Prix ,broché , 4 liv. A Paris , chez la veuve
d'Houry , au bas de la rue de la Harpe.
Nous avons déja parlé plusieurs fois
de l'utilité reconnue de ce livre , que le
public goûte de plus en plus.
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Résumé : Nouvelles Litteraires, et Bibliotheque raisonnée. [titre d'après la table]
Le document présente une sélection de publications littéraires et scientifiques. La 'Bibliothèque Raisonnée des Ouvrages des Sçavans de l'Europe' est un ouvrage en deux parties, publié à Amsterdam en 1729, totalisant 475 pages. Parmi les œuvres notables, figure 'L'Histoire naturelle de l'or et de l'argent' de David Durand, publiée à Londres en 1728. Cet ouvrage inclut un poème et des remarques sur le texte latin de Pline, bien que le journaliste critique la qualité poétique de Durand. Une autre œuvre mentionnée est 'L'Histoire veritable et secrette des Vies et des Regnes de tous les Rois et de toutes les Reines d'Angleterre', traduite de l'anglais et publiée en trois volumes à Amsterdam en 1729. L'auteur de cette œuvre défend la publication d'anecdotes désavantageuses sur les grands hommes. Le document évoque également les 'Mémoires touchant le tres-honorable Ordre du Bain' par Juste-Christ Dithmar, publié à Francfort en 1729, qui détaille l'histoire et les règles de cet ordre. Parmi les autres publications, on trouve une édition de l'Histoire de M. de Thou proposée par souscriptions. Un ouvrage latin sur la salive humaine par Martin Gurisch, publié à Leipsic en 1729, est critiqué pour son interprétation naturelle d'un miracle de Jésus-Christ. Enfin, le document mentionne une 'Retraite Spirituelle' sur les vertus de Jésus-Christ, publiée à Paris, et l''Almanach Royal' pour l'année 1732, contenant diverses informations utiles au public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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664
p. 3036-3044
Erigone, Tragédie, Extrait. [titre d'après la table]
Début :
On croit qu'Erigone, Tragédie de M. de la Grange, auroit eu un plus grand nombre [...]
Mots clefs :
Amour, Hymen, Reine, Échange, Cacher
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Erigone, Tragédie, Extrait. [titre d'après la table]
On croit qu'Erigone , Tragédie de M.de
la Grange , auroit eu un plus grand nombre
de Représentations , si l'Auteur eut
été à Paris , lorsqu'on a mis cette Piece
au Tréatre. Le cinquiéme Acte avoit bescin
de quelques changemens que le public
souhaitoit, ce qui n'auroit pas été bien
difficile à une main aussi habile et à un
genie aussi fécond en inventions Théatra-
II. Vol. les
1
S
DECEMBRE . 173. 3937
Ies ; nous allons remplir nos engagemens
avec le Public , par une courte Analyse
de ce Poëme.
Stenelus , Roy de Crete , et Androclide,
Ministre du Royaume d'Epire , ouvrent
La Scene . Ce premier a été fait prisonnier
par Attale , General des Epirotes & Fils
d'Androclide. Ce Roy captif a doublement
perdu sa liberté , il est devenu
amoureux de Nerée , fille d'Androclide.
Il la demande en mariage à son Pere, qui
refuse l'honneur qu'il lui fait par des rai
sons de politique. Il lui représente que
la guerre qui regne depuis si long- temps
entre les Crétois et les Epirotes , ne peut
se terminer plus heureusement que par
un Hymen , qui réunisse à jamais les Rois.
et les Sujets. Stenelus ne peut consentir à
cet hymen de politique ; l'Amour parle
plus haut que l'Ambition , et Nerée l'emporte
dans son coeur sur Erigone , toute
aimable et toute Reine qu'elle est.
Ce Prince ne pouvant obtenir d'An
droclide l'aveu qu'il lui demande en fa
veur de son amour , a recours à son Fils
Attale , et le prie de fléchir son Pere.
Attale témoigne son étonnement à Androclide
, sur le refus d'une Couronne
qu'un si grand Roy veut mettre sur la tête
de sa Fille. Androclide lui répond
Fiij qu'îïl
11. Vol.
3038 MERCURE DE FRANCE
qu'il doit préferer les interêts de sa Patrie
à l'aggrandissement de sa Maison , et
qu'il importe au salut ,de l'Epire que le-
Roy de Créte épouse Erigone.
Attale ne pouvant cacher l'amour qu'il
a pour cette Reine , se plaint à son Pere
de l'obstacle qu'une main aussi chere
que la sienne oppose à son bonheur.
Androclide lui répond que cet Hymen
qu'il souhaite avec tant d'ardeur , seroit
le plus grand malheur qui pût arriver à
fun et à l'autre ; il lui annonce que la
Reine doit les consulter tous deux sur le
choix d'un Epoux , et l'exhorte vivement
à la faire pancher du côté de Stenclus .
Stenelus et Nerée commencent le sea
cond Acte ; comme ils s'aiment réciproquement
, ils sont également affligez du
refus d'Androclide ; mais la vertu de l'Amante
lui fait rejetter comme un crime ,
ce que l'amour suggere à l'Amant.
Erigone ne fait connoître qu'à demi à
Nerée ce que produira le conseil d'Androclide
et d'Attale sur le choix d'un
nouveau Roy que ses Sujets lui demandent
avec empressement
.
La Scene deliberative qui suit est des
plus nouvelles au Theatre ; deux personnes
seules sont consultées , et sembleroient
ne devoir faire qu'un suffrage, si l'amour
II. Vol. ne
DECEMBR E. 1731. 3039
ne s'en mêloit pas ; le Pere et le Fils se
trouvent directement opposez , parce
qu'ils agissent par des motifs tout-à- fait
differens. Erigone expose en peu de mots
le sujet pour lequel elle les rassemble.Androclide
tâche de la porter à l'Hymen de
Stenelus , par des raisons tres - plausibles , et
Attale s'oppose respectueusement aux
avis de son Pere ; il dit tendrement à Erigone
que sans s'exposer à perdre un Sceptre
hereditaire , pour en chercher un
étranger , elle peut trouver un sujet , qui
toujours soumis à ses loix , raffermisse le
Trône où les Dieux l'ont placée. Erigone
dit à Androclide que ses conseils sont
plus prudens que ceux de son Fils ; mais
que ceux de son Fils sont plus flatteurs
pour elle. Son choix se détermine pour
Attale ; elle dit que l'appui d'un Trône.
est digne d'y monter. Elle ordonne à Androclide
d'aller tout préparer pour cette
grande fête , et d'assembler ses Etats pour
la rendre plus solemnelle : Elle se retire..
Androclide reproche à son fils son peu
de defference pour ses avis . Attale de son
côté se plaint de la rigueur d'un Pere
qui veut empêcher son Fils de s'élever à
la grandeur suprême. Androclide ne peut
plus lui cacher le fatal secfet ; il lui apprend
qu'Erigone est sa soeur , et lui ex-
II. Vot.
Fiiij pose
3040 MERCURE DE FRANCE
pose en peu de mots ce qui l'a obligé à
faire l'échange de sa fille contre celle du
dernier Roy du sang d'Achille ; il prie
Attale de s'absenter pour empêcher un
Hymen incestueux, et pour se guérir d'un
amour funeste ; Attale au désespoir s'y
détermine; ils sortent pour aller exécuter
ce qu'ils viennent de résoudre..
Au troisiéme Acte Stenelus implore le
secours d'Erigone pour fléchir la dureté
d'Androclide , qui lui refuse sa fille . Erigone
lui promet d'appuyer un projet si
glorieux pour le Pere et pour la Fille.
Nerée en pleurs , vient apprendre à Erigone
que son frere Attale est prêt à quisrer
l'Epire , et que le Vaisseau qui doit
l'en éloigner , ne tardera pas à mettre à la
voile. Erigone , aussi offensée que surprise
d'un départ si peu attendu , ordonne
qu'on s'y oppose ; Stenelus va lui -même
faire exécuter les ordres de cette Reime
affligée. Attale vient peu de temps
aprés ; et ne pouvant soutenir les reproches
qu'Erigone lui fait , il ne peut plus
s'empêcher de lui revéler l'affreux mystere
qui le force à renoncer à tout son
bonheur.
Androclide arrive au même instant et
lui coupe la parole.
Attale reconnoît la faute qu'il alloit fai-
II. Vol.
DECEMBRE. 1731. 3041
ee , si son Pere ne fut venu à son secours;
il aime mieux s'avoiier coupable de tous
les crimes que la colere d'Erigone lui impute
: Elle le traite en criminel d'Etat, et
ordonne qu'on l'arrête. Androclide jugeant
la fuite de son Fils plus necessaire
que jamais , interesse pour lui un fidele
ami , avec qui il va prendre des mesures
pour rompre les fers de son Fils et lui
ouvrir un chemin à la fuite.
Au quatriéme Acte , Nerée demande
la grace de son Frere à Erigone ; cette
Reine se croyant trahie , ou du moins
offensée,lui répond qu'Attale ne peut sauver
sa tête qu'en lui donnant la main.
Un Garde vient lui apporter un billet ;
qu'on a intercepté ; il est d'Androclide à
son Fils ; il l'exhorte. à fuir une soeuz
qu'il aime, et dont il est aimé. L'équivo
que produit par le nom de soeur , attire
les plus sanglans reproches à la vertueu
se Nerée; elle ne peut les soutenir et se re
tire , frappée d'un mortel désespoir.
On amene Attale à Erigone ; elle lui reproche
des crimes qu'il ignore , et dont
il n'est instruit que par le fatal billet que
la Reine lui met entre les mains ; la nécessité
où il se trouve de disculper sa
soeur , et de lui rendre toute sa gloire ,
L'oblige à ne plus rien,cacher. Il apprend
1. Vob .
Ev
3042 MERCURE DE FRANCE
à Erigone que c'est elle -même qu'Andro
clide a voulu désignerpar le nom de soeur;
ce coup est tout des plus frappans pour
elle , l'amour a beau gemir dans son coeur,
il faut l'immoler au devoir ; elle fait plus,
elle forme la noble résolution de rendreà
Nerée un Trône qu'elle croit lui ap .
partenir par les droits de la naissance.
5.
Erigone , qui à la fin du second Acte
a ordonné à Androclide d'assembler les
Grands de son Royaume , déclare au cinquiéme
Acte , en leur présence , que Nerée
est la légitime heritiere du Trône
d'Epire; cette déclaration est suivie d'une
contestation également noble et genereuse,
entre Nerée et Erigone ; elle est terminée
par l'arrivée d'Attale , dont la mere , jus .
qu'alors captive chez les Crétois , -vient
d'être renduë à sa patrie ; elle lui a déclaré
, que par un second échange qu'elle a
fait à l'insçu de son époux Androclide ,
elle a remis les choses dans l'ordre que la
justice demandoit : par ce second échange
qui fait le dénouement d'une Piece , dont
le premier avoit fait le noud , Erigone
Cessant d'être soeur d'Attale , le place sur-
Son Trône , et Stenelus partage celui de
Créte avec sa chere Netée.
Il ne nous reste plus qu'à faite part à nos
Lecteurs du jugement que le public a porté
1. Vole sur
DECEMBRE. 1731. 3043
presur
cette Tragedie.On en a trouvé le
mier Acte fort clair , par rapport à l'exposition
de ce qui s'est passé avant l'ac
tion Théatrale.
:
>
Le second a été généralement applaudi
et a paru un des plus interressans que M.
de la Grange ait encore mis sur la Scene :
le coup de Théatre du troisiéme n'a
pass
paru aussi frappant qu'il l'auroit été , si
Auteur ne nous en eut pas donné un
- semblable dans sa belle Tragédie d'Amasis.
La Lettre qui fait le plus bel incident
du quatrième , n'a pas eu tout le succès
que l'Auteur s'en étoit promis ; les Critiques
les plus séveres ne l'ont pris que
pour du remplissage ; cependant on est
convenu qu'il sert au progrès de l'action
principale , puisqu'il engage Attale à déclarer
à Erigone quelle est sa soeur. On a
admiré la cession du Trône , mais on auroit
voulu qu'Erigone fut sûre que Nerée
est celle avec qui elle a été échangée dans
le berceau , il n'auroit tenu qu'à l'Auteur
de l'en mieux instruire par Attale. Au
reste la versification a paruë négligée en
beaucoup d'endroits . Ces diverses observations
du public n'empêchent pas que:
M. de la Grande n'ait acquis une nouvelle
gloire , mais elles ont diminué le succès ,
de son ouvrage..
LL. Vol..
Avji
Au
3044 MERCURE DE FRANCE
Au reste cette Piece est fort bien représ
sentée. La Dlle Labat y joue le principal
Rôle avec toute l'intelligence , les graces
et la noblesse possible. La Dlle Gossin y
remplit très - bien celui de Nerée ; et ceux
d'Attale, d'Androclide et de Stenelus , sont
joüez , par les sieurs Dufresne , Sarrazin , et
Grandval
Les Comediens François représenterent à Vers
sailles le Mardi 4. Décembre , le Chevalier
Bayard et la réunion des Amours.
Le Jeudi 6. Britannicus et Crispin bel esprit.
Le 11. Démocrite et les Vacances .
Le
13. Andronic et le Baron de la Crasse.
Le 18. Jodelet Maître et Valet , et le Flo
rentin.
Le 20. Erigone , Tragedie , et l'Aveugle
Clairvoyant.
Le 29. L'homme à bonne fortune , et l'Usurier
Gentilhomme.
Lẹ 31. Mithridate , et le Port de Mer.
Le premier Decembre les Comédiens Italiensreprésenterent
à la Cour , le Faucon ou les Oyes
de Bocace , Comédie en trois Actes , qui fut sui
vie de la petite Piece de la Verité Fabuliste ,
qu'on a autant goutée à la Cour qu'à la Ville.
.
Le 15. ils y jouerent la Femme Jalouse , et
pour petite Piece , le Philosophe Dupe de l'Amour.
Le 22.
la Grange , auroit eu un plus grand nombre
de Représentations , si l'Auteur eut
été à Paris , lorsqu'on a mis cette Piece
au Tréatre. Le cinquiéme Acte avoit bescin
de quelques changemens que le public
souhaitoit, ce qui n'auroit pas été bien
difficile à une main aussi habile et à un
genie aussi fécond en inventions Théatra-
II. Vol. les
1
S
DECEMBRE . 173. 3937
Ies ; nous allons remplir nos engagemens
avec le Public , par une courte Analyse
de ce Poëme.
Stenelus , Roy de Crete , et Androclide,
Ministre du Royaume d'Epire , ouvrent
La Scene . Ce premier a été fait prisonnier
par Attale , General des Epirotes & Fils
d'Androclide. Ce Roy captif a doublement
perdu sa liberté , il est devenu
amoureux de Nerée , fille d'Androclide.
Il la demande en mariage à son Pere, qui
refuse l'honneur qu'il lui fait par des rai
sons de politique. Il lui représente que
la guerre qui regne depuis si long- temps
entre les Crétois et les Epirotes , ne peut
se terminer plus heureusement que par
un Hymen , qui réunisse à jamais les Rois.
et les Sujets. Stenelus ne peut consentir à
cet hymen de politique ; l'Amour parle
plus haut que l'Ambition , et Nerée l'emporte
dans son coeur sur Erigone , toute
aimable et toute Reine qu'elle est.
Ce Prince ne pouvant obtenir d'An
droclide l'aveu qu'il lui demande en fa
veur de son amour , a recours à son Fils
Attale , et le prie de fléchir son Pere.
Attale témoigne son étonnement à Androclide
, sur le refus d'une Couronne
qu'un si grand Roy veut mettre sur la tête
de sa Fille. Androclide lui répond
Fiij qu'îïl
11. Vol.
3038 MERCURE DE FRANCE
qu'il doit préferer les interêts de sa Patrie
à l'aggrandissement de sa Maison , et
qu'il importe au salut ,de l'Epire que le-
Roy de Créte épouse Erigone.
Attale ne pouvant cacher l'amour qu'il
a pour cette Reine , se plaint à son Pere
de l'obstacle qu'une main aussi chere
que la sienne oppose à son bonheur.
Androclide lui répond que cet Hymen
qu'il souhaite avec tant d'ardeur , seroit
le plus grand malheur qui pût arriver à
fun et à l'autre ; il lui annonce que la
Reine doit les consulter tous deux sur le
choix d'un Epoux , et l'exhorte vivement
à la faire pancher du côté de Stenclus .
Stenelus et Nerée commencent le sea
cond Acte ; comme ils s'aiment réciproquement
, ils sont également affligez du
refus d'Androclide ; mais la vertu de l'Amante
lui fait rejetter comme un crime ,
ce que l'amour suggere à l'Amant.
Erigone ne fait connoître qu'à demi à
Nerée ce que produira le conseil d'Androclide
et d'Attale sur le choix d'un
nouveau Roy que ses Sujets lui demandent
avec empressement
.
La Scene deliberative qui suit est des
plus nouvelles au Theatre ; deux personnes
seules sont consultées , et sembleroient
ne devoir faire qu'un suffrage, si l'amour
II. Vol. ne
DECEMBR E. 1731. 3039
ne s'en mêloit pas ; le Pere et le Fils se
trouvent directement opposez , parce
qu'ils agissent par des motifs tout-à- fait
differens. Erigone expose en peu de mots
le sujet pour lequel elle les rassemble.Androclide
tâche de la porter à l'Hymen de
Stenelus , par des raisons tres - plausibles , et
Attale s'oppose respectueusement aux
avis de son Pere ; il dit tendrement à Erigone
que sans s'exposer à perdre un Sceptre
hereditaire , pour en chercher un
étranger , elle peut trouver un sujet , qui
toujours soumis à ses loix , raffermisse le
Trône où les Dieux l'ont placée. Erigone
dit à Androclide que ses conseils sont
plus prudens que ceux de son Fils ; mais
que ceux de son Fils sont plus flatteurs
pour elle. Son choix se détermine pour
Attale ; elle dit que l'appui d'un Trône.
est digne d'y monter. Elle ordonne à Androclide
d'aller tout préparer pour cette
grande fête , et d'assembler ses Etats pour
la rendre plus solemnelle : Elle se retire..
Androclide reproche à son fils son peu
de defference pour ses avis . Attale de son
côté se plaint de la rigueur d'un Pere
qui veut empêcher son Fils de s'élever à
la grandeur suprême. Androclide ne peut
plus lui cacher le fatal secfet ; il lui apprend
qu'Erigone est sa soeur , et lui ex-
II. Vot.
Fiiij pose
3040 MERCURE DE FRANCE
pose en peu de mots ce qui l'a obligé à
faire l'échange de sa fille contre celle du
dernier Roy du sang d'Achille ; il prie
Attale de s'absenter pour empêcher un
Hymen incestueux, et pour se guérir d'un
amour funeste ; Attale au désespoir s'y
détermine; ils sortent pour aller exécuter
ce qu'ils viennent de résoudre..
Au troisiéme Acte Stenelus implore le
secours d'Erigone pour fléchir la dureté
d'Androclide , qui lui refuse sa fille . Erigone
lui promet d'appuyer un projet si
glorieux pour le Pere et pour la Fille.
Nerée en pleurs , vient apprendre à Erigone
que son frere Attale est prêt à quisrer
l'Epire , et que le Vaisseau qui doit
l'en éloigner , ne tardera pas à mettre à la
voile. Erigone , aussi offensée que surprise
d'un départ si peu attendu , ordonne
qu'on s'y oppose ; Stenelus va lui -même
faire exécuter les ordres de cette Reime
affligée. Attale vient peu de temps
aprés ; et ne pouvant soutenir les reproches
qu'Erigone lui fait , il ne peut plus
s'empêcher de lui revéler l'affreux mystere
qui le force à renoncer à tout son
bonheur.
Androclide arrive au même instant et
lui coupe la parole.
Attale reconnoît la faute qu'il alloit fai-
II. Vol.
DECEMBRE. 1731. 3041
ee , si son Pere ne fut venu à son secours;
il aime mieux s'avoiier coupable de tous
les crimes que la colere d'Erigone lui impute
: Elle le traite en criminel d'Etat, et
ordonne qu'on l'arrête. Androclide jugeant
la fuite de son Fils plus necessaire
que jamais , interesse pour lui un fidele
ami , avec qui il va prendre des mesures
pour rompre les fers de son Fils et lui
ouvrir un chemin à la fuite.
Au quatriéme Acte , Nerée demande
la grace de son Frere à Erigone ; cette
Reine se croyant trahie , ou du moins
offensée,lui répond qu'Attale ne peut sauver
sa tête qu'en lui donnant la main.
Un Garde vient lui apporter un billet ;
qu'on a intercepté ; il est d'Androclide à
son Fils ; il l'exhorte. à fuir une soeuz
qu'il aime, et dont il est aimé. L'équivo
que produit par le nom de soeur , attire
les plus sanglans reproches à la vertueu
se Nerée; elle ne peut les soutenir et se re
tire , frappée d'un mortel désespoir.
On amene Attale à Erigone ; elle lui reproche
des crimes qu'il ignore , et dont
il n'est instruit que par le fatal billet que
la Reine lui met entre les mains ; la nécessité
où il se trouve de disculper sa
soeur , et de lui rendre toute sa gloire ,
L'oblige à ne plus rien,cacher. Il apprend
1. Vob .
Ev
3042 MERCURE DE FRANCE
à Erigone que c'est elle -même qu'Andro
clide a voulu désignerpar le nom de soeur;
ce coup est tout des plus frappans pour
elle , l'amour a beau gemir dans son coeur,
il faut l'immoler au devoir ; elle fait plus,
elle forme la noble résolution de rendreà
Nerée un Trône qu'elle croit lui ap .
partenir par les droits de la naissance.
5.
Erigone , qui à la fin du second Acte
a ordonné à Androclide d'assembler les
Grands de son Royaume , déclare au cinquiéme
Acte , en leur présence , que Nerée
est la légitime heritiere du Trône
d'Epire; cette déclaration est suivie d'une
contestation également noble et genereuse,
entre Nerée et Erigone ; elle est terminée
par l'arrivée d'Attale , dont la mere , jus .
qu'alors captive chez les Crétois , -vient
d'être renduë à sa patrie ; elle lui a déclaré
, que par un second échange qu'elle a
fait à l'insçu de son époux Androclide ,
elle a remis les choses dans l'ordre que la
justice demandoit : par ce second échange
qui fait le dénouement d'une Piece , dont
le premier avoit fait le noud , Erigone
Cessant d'être soeur d'Attale , le place sur-
Son Trône , et Stenelus partage celui de
Créte avec sa chere Netée.
Il ne nous reste plus qu'à faite part à nos
Lecteurs du jugement que le public a porté
1. Vole sur
DECEMBRE. 1731. 3043
presur
cette Tragedie.On en a trouvé le
mier Acte fort clair , par rapport à l'exposition
de ce qui s'est passé avant l'ac
tion Théatrale.
:
>
Le second a été généralement applaudi
et a paru un des plus interressans que M.
de la Grange ait encore mis sur la Scene :
le coup de Théatre du troisiéme n'a
pass
paru aussi frappant qu'il l'auroit été , si
Auteur ne nous en eut pas donné un
- semblable dans sa belle Tragédie d'Amasis.
La Lettre qui fait le plus bel incident
du quatrième , n'a pas eu tout le succès
que l'Auteur s'en étoit promis ; les Critiques
les plus séveres ne l'ont pris que
pour du remplissage ; cependant on est
convenu qu'il sert au progrès de l'action
principale , puisqu'il engage Attale à déclarer
à Erigone quelle est sa soeur. On a
admiré la cession du Trône , mais on auroit
voulu qu'Erigone fut sûre que Nerée
est celle avec qui elle a été échangée dans
le berceau , il n'auroit tenu qu'à l'Auteur
de l'en mieux instruire par Attale. Au
reste la versification a paruë négligée en
beaucoup d'endroits . Ces diverses observations
du public n'empêchent pas que:
M. de la Grande n'ait acquis une nouvelle
gloire , mais elles ont diminué le succès ,
de son ouvrage..
LL. Vol..
Avji
Au
3044 MERCURE DE FRANCE
Au reste cette Piece est fort bien représ
sentée. La Dlle Labat y joue le principal
Rôle avec toute l'intelligence , les graces
et la noblesse possible. La Dlle Gossin y
remplit très - bien celui de Nerée ; et ceux
d'Attale, d'Androclide et de Stenelus , sont
joüez , par les sieurs Dufresne , Sarrazin , et
Grandval
Les Comediens François représenterent à Vers
sailles le Mardi 4. Décembre , le Chevalier
Bayard et la réunion des Amours.
Le Jeudi 6. Britannicus et Crispin bel esprit.
Le 11. Démocrite et les Vacances .
Le
13. Andronic et le Baron de la Crasse.
Le 18. Jodelet Maître et Valet , et le Flo
rentin.
Le 20. Erigone , Tragedie , et l'Aveugle
Clairvoyant.
Le 29. L'homme à bonne fortune , et l'Usurier
Gentilhomme.
Lẹ 31. Mithridate , et le Port de Mer.
Le premier Decembre les Comédiens Italiensreprésenterent
à la Cour , le Faucon ou les Oyes
de Bocace , Comédie en trois Actes , qui fut sui
vie de la petite Piece de la Verité Fabuliste ,
qu'on a autant goutée à la Cour qu'à la Ville.
.
Le 15. ils y jouerent la Femme Jalouse , et
pour petite Piece , le Philosophe Dupe de l'Amour.
Le 22.
Fermer
Résumé : Erigone, Tragédie, Extrait. [titre d'après la table]
La tragédie 'Erigone' de M. de la Grange aurait pu connaître plus de représentations si l'auteur avait été présent à Paris lors de sa mise en scène. Le cinquième acte nécessitait quelques modifications que le public souhaitait, ce qui aurait été facile à réaliser pour un auteur aussi habile et inventif. L'intrigue commence avec Stenelus, roi de Crète, captif d'Attale, général des Épirotes et fils d'Androclide, ministre du royaume d'Épire. Stenelus est amoureux de Nerée, fille d'Androclide, mais son père refuse le mariage pour des raisons politiques. Stenelus préfère Nerée à Erigone, la reine des Crétois. Il demande l'aide d'Attale pour convaincre son père, mais Androclide insiste sur l'importance de l'union entre Stenelus et Erigone pour la paix entre les Crétois et les Épirotes. Dans le deuxième acte, Stenelus et Nerée, malgré leur amour réciproque, sont affligés par le refus d'Androclide. Erigone révèle à Nerée les conseils d'Androclide et d'Attale concernant le choix d'un nouvel époux. Erigone choisit Attale, jugeant son soutien au trône digne de monter sur celui-ci. Au troisième acte, Stenelus implore l'aide d'Erigone pour fléchir Androclide. Nerée apprend qu'Attale est prêt à quitter l'Épire, ce qui surprend Erigone. Attale révèle à Erigone un secret funeste : Erigone est en réalité sa sœur. Androclide confirme cette révélation et ordonne à Attale de fuir pour éviter un mariage incestueux. Dans le quatrième acte, Nerée demande la grâce d'Attale à Erigone, qui exige qu'Attale se marie avec elle pour sauver sa tête. Un billet intercepté d'Androclide à Attale cause une confusion. Attale révèle qu'Erigone est sa sœur, ce qui la pousse à rendre le trône à Nerée. Au cinquième acte, Erigone déclare devant les grands du royaume que Nerée est l'héritière légitime du trône d'Épire. Une contestation noble et généreuse s'ensuit entre Nerée et Erigone. L'arrivée d'Attale, dont la mère captive chez les Crétois a été libérée, révèle un second échange qui rétablit l'ordre. Erigone, n'étant plus la sœur d'Attale, le place sur le trône, et Stenelus partage le trône de Crète avec Nerée. Le public a trouvé le premier acte clair et le second très intéressant. Le coup de théâtre du troisième acte a été jugé moins frappant en raison d'une similitude avec une autre tragédie de l'auteur. La lettre du quatrième acte, bien que critiquée, a été reconnue utile pour le progrès de l'action. La cession du trône a été admirée, mais on aurait souhaité plus de certitude sur l'identité de Nerée. La versification a été jugée négligée par endroits. Malgré ces critiques, M. de la Grange a acquis une nouvelle gloire avec cette pièce. La représentation a été bien accueillie, avec des acteurs tels que la Dlle Labat, la Dlle Gossin, et les sieurs Dufresne, Sarrazin, et Grandval.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
665
p. 8080-3089
Panegyrique de S. Louis, de l'Abbé Lezeau. [titre d'après la table]
Début :
M. l'Abbé LEZEAU, Clerc de la Chapelle et Oratoire du Roy, présenté par [...]
Mots clefs :
Panégyrique, Caractère du chrétien, Éloge, Triomphe, Devoirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Panegyrique de S. Louis, de l'Abbé Lezeau. [titre d'après la table]
M. l'Abbé LEZEAU , Clerc de la Cha
pelle et Oratoire du Roy , présenté pat
LI. Vol. S.E.
DECEMBRE . 1731. 3081
9. E. M. le Cardinal de Fleury,a eu l'honneur
de présenter à S. M. le Panégyrique de
S. Louis , qu'il prononça au mois d'Aoust
dernier , en présence de Messieurs de l'Académie
Françoise.
L'impression de cet Ouvrage en a fait
connoître le mérite : Il a pour Texte ces
paroles d'Isaye , chap . 32. Ecce in justitia
regnabit Rex. Voici que je vous annonce
un Roy qui regnera dans la justice. Ces mêmes
paroles qui annoncerent le regne de
Jesus- Christ , servent heureusement à caractériser
le regne de Saint Louis , qui
chercha toujours à suivre les exemples du
Souverain de tous les Rois . La division du
Discours est tres-naturelle. Ce S. Roy puisa
dans la Souveraine Justice les excellens
principes dont il fit un si noble usage ; elle
lui representa , et ce qu'il devoit à son Dieu,
et ce qu'il devoit à ses Peuples. Comme homme,
il accomplit tous les devoirs du Chrétien ;
› comme Roy , il remplit toutes les fonctions du
Monarque ; montrant par l'assemblage de ce
double ordre de verius , comment un Roy
peut - être Chrétien, comment l'Evangile peut
s'allier avec le Trône, combien même on peut
être plus Héros , en devenant plus saint¸ et
combien la Croix peut relever le Sceptre.
M. Lézéau prouve parfaitement la premiere
Partie de ce Discours , par les plus
H émi- II. Vol.
3082 MERCURE DE FRANCE
éminentes vertus qui sont le caractere du
chrétien : Une pureté exacte et sans tache ,
une humilité sans feinte , une modération la
plus étendue à tous égards , une attention
continuelle à tout ce qui est dû à Dieu , et
un zele ardent pour tout ce qui interresse la
Religion.
Tous ces Points sont traitez d'une maniere
noble et interessante. Il nous suffira
d'en rapporter quelques traits , pour
faire connoître le style de l'Auteur .
Pour faire un juste Eloge du triomphe
de S. Louis , sur les plaisirs et la volupté
; c'est ainsi qu'il commence par en
montrer les périls :
Presque tous les hommes entraînez par
cette passion funeste , qui est le vice dominant
de la nature , regardent l'innocence des
weurs , et la pureté , comme le partage des
Anges; mais contens d'admirer l'excellence
de ces sublimes Esprits , ils ne font aucun
effort pour s'en approcher ; bien plus : Pour
se livrer sans remords à leurs égaremens , ils
cherchent à s'appuyer sur l'exemple de tant
de fameux Héros , qui ne se sont pas affranchis
de pareilles foiblesses. En effet , les plus
belles Vies n'ont que trop souffert de ce mal
heureux penchant : Le monde le pardonne
Pusage l'autorise, les flatteries des Historiens
Fexcusent , les fictions des Poëtes le consa-
II. Vol. erent
DECEMBRE . 1731. 3083
Grent ; et s'ils sont forcez de le regarder comme
un mal, ils le représentent comme un mal
nécessaire. Eh ! comment s'en deffendre dans
un séjour , où se rassemble tout ce qui peut en
rendre la contagion plus inévitable ? Pour
s'en garantir, que n'en a- t-il pas coûté à
tant de Saints ? Apeine se sont-ils crûs en
seureté dans l'horreur des Solitudes. L'Austerité
des jeûnes , l'abdication des richesses ,
La fuite des objets , la ferveur des Prieres
leur sembloit encore de trop foibles secours.
Loin de ces salutaires préservatifs , que prosente
la Cour , n'est-elle pas comme le centre
fatal, où se réjoignent à l'envi les plus redoutables
tentations ? Passer ses jours dans la
molesse et l'oisiveté , rencherir sur les commo
ditez de la vie , et sur la délicatesse des fes-
Tins,rechercher les divers secours des parures ,
raffiner sur tout ce qui peut exciter de coupables
flammes. N'est-ce pas l'occupation ordinaire
, et ne va -t- on pas jusqu'à s'en faire
une étude , et presqu'un mérite ? De toutes
parts on voit accourir ce que chaque Pais a
vu naître de plus charmant ; ce que la politesse
ajoûte de plus séducteur , ce que l'esprit
fournit de plus dangereux . Chacun apporte
sa passion particuliere , et cherche à exciter
celle des autres. Comment échaper à un feu
naturellement si prêt à s'enflammer , et si propre
à se répandre ? C'est , Messieurs , le pre-
II. Vol. Hij mier
3084 MERCURE
DE FRANCE
mier triomphe de Louis . Dans l'âge où avec
plus de qualitez pour plaire , les moindres
appas ne plaisent que plus aisements avec des
traits où la Majesté ne sert qu'à relever les
agrémens , il paroît insensible à ce qui enchanteroit
le reste des mortels . Des beautez
en foule se presentent à ses yeux , en vain
s'apperçoit-il qu'il n'a qu'à desirer, en vain
s'efforce - t-on de prévenirjusqu'aux desirs,en
vain cherche- t-on le chemin de son coeur, il
le consacre à Dieu seul dont il a reçu , et
n'y reserve de part que pour celle à qui ce
même Dieu l'a uni par un sacré lien , et pour
les précieux fruits d'une si sainte union.
La seconde Partie montre quels sont les
devoirs indispensables des Rois de la
Terre. Comme ils sont les images de Dieu,
leur perfection est de suivre les desseins de
Dieu lui-même sur les hommes . Orleur durée
étantpartagée entre le temps et l'éternicé , et
le dessein de Dieu ne pouvant
être que de les
preparer par l'innocence et la tranquillité de
la vie presente au comble du bonheur et de la
sainteté de l'autre vie . C'est à ces deux objets
que se réunissent les obligations d'un
Roy envers ses peuples.
Le premier desir de S. Louis étoit de rendre
ses peuples aussi heureux qu'on le peut
tre en cette vie. Il avoit été de bonne heare
rempli des grands principes de l'équité ,
11. Vol 'pourri
DECEMBRE. 308 ?
1731
nourri dans les tendres sentimens de l'hu
manité , et accoutumé aux veritables Maimes
du Christianisme .C'est ce que M.Lezeau
a pris soin d'orner de faits connus
dans la vie du Saint Roy , dont il a fait
des images vives et touchantes .
En parlant des Loix que S. Louis prit
soin d'établir , pour bannir de ses Etats
le vice , et y faire regner la vertu , M. Lezeau
a fait une peinture du Duel , qui
mérite d'être ici rapportée.
,
و
و
Un quatrieme abus n'éprouva pas moins
son attention : c'est cette manie , ou plutôt
cette fureur aussi particuliere à la Nation
Françoise , que la valeur lui est naturelle
le Duel : coutume plus que barbare , qui ,
sous l'imposteur titre de point d'honneur ,
fait gloire de violer toutes les regles de la raison
et du Christianisme. Eût-onjamais imaginé
que l'honneur ce puissant mobile des
plus belles actions auroit jamais , pour
venger ses droits , porié sa fiere tyrannie ,
jusqu'à commander le crime ? Que cet honneur
, en effet , soit plus cher
la vie
es que pour sauver l'un , on expose l'autre ,
se peut être un noble sentiment : mais que
dans l'incertitude du sort d'un Combat , on
s'y précipite avec la certitude d'y perdre son
ame et celle de l'Ennemi , que devient le
Christianisme et de si folles maximes ne`
II. Vol.
>
que
Hiij com3086
MERCURE DE FRANCE
commencent- elles pas par immoler la Religion
à un Phantom e? Mais en commençant ainsi
par abjurerjusqu'au nom de Chrétien , que
devient l'honneur lui - même ? Car enfin ;
qu'une injure mérite punition , c'est l'équité
mais se rendre soi- même le Ministre de cette
punition , s'approprier la fonction du Bourreau
, quelle infame idée ! Qu'un scelera .
soit condamné , qui voudroit l'exécuter? Eh!
que faites- vous cependant , aveugles Esclaves
d'une inconcevable phrénesie ? La Loi
prononce , il est vray : mais vous commencez¸
par vous établirFuges en votre propre cause.
Vous traitez d'intolerable insulte , ce qui
peut n'être au fond qu'une legere inadver
tance. Ce n'est pas assez ; le châtiment que
mériteroit le coupable , c'est de vos mains que
vous voulez qu'il le reçoive. S'il s'agissoit
d'une offense faile à autruy , souffririez- vous,
qu'on vous chargeât de la punir ? Quoy ,
parce que vous êtes l'offensé , il vous siera
d'étre l'Exécuteur ? Quelle fanatique gloire !·
Encore une fois , eût on pensé que chez des
hommes raisonnables on put jamais voir une
extravagance si outrée eût- on pensé que ce
seroit en France , ce Pays si justement rénommé
par l'esprit , la politesse , la douceur de ses
Habitans ? C'étoit cependant la féroce prévention
du siecle de S. Louis , et Dieu veuille
que ce ne soit plus la honte du nôtre. Le pre-
II. Vel. mier
DECEMBRE. 1731. 3087
mier serment du Sacre de notre Ray, nous en
flatte , l'heureuse esperance du plus long Regne
pourra nous en assurer ; ce peut être un des
triomphes qui lui étoit reservé. Quoiqu'il en
puisse arriver , c'étoit le voeu le plus ardent
du plus saint de ses yeux ; et si le succès
ne remplit pas entierement ses désirs , ce ne
fut pas faute d'y consacrer toute son autorité
et toute sa vigilance.
Les entreprises de S. Louis dans la
Terre Sainte , ses Combats , ses Victoires,
sa défaite et sa mort , tout y est traité
d'une maniere qui frappe et qui attendrit.
Mr. Lezeau termine son Discours , en
s'adressant à Messieurs de l'Académie
Françoise , et nous croyons que le Lecteur
nous sçaura gré de rapporter en entier
cette Peroraison..
Au souvenir d'une si héroïque et si sainte
, mort, le moyen , Messieurs de ne se pas
rappeller celle de votre dernier Protecteur ??
Vous sçavez quelles furent alors ses Leçons
à nôtre jeune Monarque : Eb ! me pardon--
neriez- vous de les oublier , pendant que nous
en recueillons de si heureux fruits ? Refuserois-
je un tribut que vous attendez de ceux
qu'en pareil jour vous admettez à votre sa-
Temnité ? Quoi de plus favorable , que de
retrouver de nos jours les exemples dont vous
mave chargé de retracer le souvenir ? La:
H. Vol . Hiiij don
3088 MERCURE DE FRANCE
>
douceur , la sagesse , la Religion , l'amour
des Sujets , tant et tant d'autres vertus , dont
chaque année ne peut qu'augmenter la perfection
et la gloire , puisque chaque jour les
voit croître avec un Ministre aussi religieux
que prudent , plus affectionné à son Maître
que le plus tendre Pere ne le seroit à son plus
ber fils , et dans le même temps plus qu'insensible
à ses interêts personnels ; livré aux
immenses fatigues du Gouvernement , sans
en vouloir ni l'éclat , ni les richesses ; aussi
simple en tout ce qui l'environne , que supé-
·rieur en ce qu'il projette ; tel , en un mot, que
les siécles passez n'ont encore montré rien de
pareil.
,
,
,
Mais en étendant ces Eloges , ne devroisje
pas craindre d'ennuyeuses redites , après
que vous avez , sans doute , en tant de traits
de notre Saint reconnu ceux du
regne present
? Et d'ailleurs me sieroit- il de tenter
ce qui n'appartient qu'à vous seuls Messieurs
? N'ai-je pas déja trop présumé de
moi , en me hazardant devant vous ? Que
ne vois-je pas se rassembler icy? les dignitez,
la naissance , les exploits , l'importanoe des
services , l'excellence des Ouvrages , les prodiges
de l'esprit. Ce que la Religion , la
Guerre la Magistrature , les Sciences one
de plus rare
se réunit sous les liens communs
du genie et des talens. Ces titres
و
II. Vol.
,
rap
prochant
DECEMBRE 1731. 3089
prochant tout , du brillant de chacun en son
genre , se forme un amas de lumieres , qui
éclairera jusqu'à la posterité la plus réculée .
dont vous recevrez , Messieurs , de plus jus
tes louanges que l'Antiquité n'en a reçu de
ses idolâtres Partisans. Puissent des noms
si sûrs de l'immortalité devant les hommes
n'en mériter pas moins devant Dieu. C'est
tout ce qui me reste à vous souhaitter &c.
>
Ce Panegyrique a été imprimé à Paris ,
chez la Veuve Knapen , rue de la Hu
chette.
pelle et Oratoire du Roy , présenté pat
LI. Vol. S.E.
DECEMBRE . 1731. 3081
9. E. M. le Cardinal de Fleury,a eu l'honneur
de présenter à S. M. le Panégyrique de
S. Louis , qu'il prononça au mois d'Aoust
dernier , en présence de Messieurs de l'Académie
Françoise.
L'impression de cet Ouvrage en a fait
connoître le mérite : Il a pour Texte ces
paroles d'Isaye , chap . 32. Ecce in justitia
regnabit Rex. Voici que je vous annonce
un Roy qui regnera dans la justice. Ces mêmes
paroles qui annoncerent le regne de
Jesus- Christ , servent heureusement à caractériser
le regne de Saint Louis , qui
chercha toujours à suivre les exemples du
Souverain de tous les Rois . La division du
Discours est tres-naturelle. Ce S. Roy puisa
dans la Souveraine Justice les excellens
principes dont il fit un si noble usage ; elle
lui representa , et ce qu'il devoit à son Dieu,
et ce qu'il devoit à ses Peuples. Comme homme,
il accomplit tous les devoirs du Chrétien ;
› comme Roy , il remplit toutes les fonctions du
Monarque ; montrant par l'assemblage de ce
double ordre de verius , comment un Roy
peut - être Chrétien, comment l'Evangile peut
s'allier avec le Trône, combien même on peut
être plus Héros , en devenant plus saint¸ et
combien la Croix peut relever le Sceptre.
M. Lézéau prouve parfaitement la premiere
Partie de ce Discours , par les plus
H émi- II. Vol.
3082 MERCURE DE FRANCE
éminentes vertus qui sont le caractere du
chrétien : Une pureté exacte et sans tache ,
une humilité sans feinte , une modération la
plus étendue à tous égards , une attention
continuelle à tout ce qui est dû à Dieu , et
un zele ardent pour tout ce qui interresse la
Religion.
Tous ces Points sont traitez d'une maniere
noble et interessante. Il nous suffira
d'en rapporter quelques traits , pour
faire connoître le style de l'Auteur .
Pour faire un juste Eloge du triomphe
de S. Louis , sur les plaisirs et la volupté
; c'est ainsi qu'il commence par en
montrer les périls :
Presque tous les hommes entraînez par
cette passion funeste , qui est le vice dominant
de la nature , regardent l'innocence des
weurs , et la pureté , comme le partage des
Anges; mais contens d'admirer l'excellence
de ces sublimes Esprits , ils ne font aucun
effort pour s'en approcher ; bien plus : Pour
se livrer sans remords à leurs égaremens , ils
cherchent à s'appuyer sur l'exemple de tant
de fameux Héros , qui ne se sont pas affranchis
de pareilles foiblesses. En effet , les plus
belles Vies n'ont que trop souffert de ce mal
heureux penchant : Le monde le pardonne
Pusage l'autorise, les flatteries des Historiens
Fexcusent , les fictions des Poëtes le consa-
II. Vol. erent
DECEMBRE . 1731. 3083
Grent ; et s'ils sont forcez de le regarder comme
un mal, ils le représentent comme un mal
nécessaire. Eh ! comment s'en deffendre dans
un séjour , où se rassemble tout ce qui peut en
rendre la contagion plus inévitable ? Pour
s'en garantir, que n'en a- t-il pas coûté à
tant de Saints ? Apeine se sont-ils crûs en
seureté dans l'horreur des Solitudes. L'Austerité
des jeûnes , l'abdication des richesses ,
La fuite des objets , la ferveur des Prieres
leur sembloit encore de trop foibles secours.
Loin de ces salutaires préservatifs , que prosente
la Cour , n'est-elle pas comme le centre
fatal, où se réjoignent à l'envi les plus redoutables
tentations ? Passer ses jours dans la
molesse et l'oisiveté , rencherir sur les commo
ditez de la vie , et sur la délicatesse des fes-
Tins,rechercher les divers secours des parures ,
raffiner sur tout ce qui peut exciter de coupables
flammes. N'est-ce pas l'occupation ordinaire
, et ne va -t- on pas jusqu'à s'en faire
une étude , et presqu'un mérite ? De toutes
parts on voit accourir ce que chaque Pais a
vu naître de plus charmant ; ce que la politesse
ajoûte de plus séducteur , ce que l'esprit
fournit de plus dangereux . Chacun apporte
sa passion particuliere , et cherche à exciter
celle des autres. Comment échaper à un feu
naturellement si prêt à s'enflammer , et si propre
à se répandre ? C'est , Messieurs , le pre-
II. Vol. Hij mier
3084 MERCURE
DE FRANCE
mier triomphe de Louis . Dans l'âge où avec
plus de qualitez pour plaire , les moindres
appas ne plaisent que plus aisements avec des
traits où la Majesté ne sert qu'à relever les
agrémens , il paroît insensible à ce qui enchanteroit
le reste des mortels . Des beautez
en foule se presentent à ses yeux , en vain
s'apperçoit-il qu'il n'a qu'à desirer, en vain
s'efforce - t-on de prévenirjusqu'aux desirs,en
vain cherche- t-on le chemin de son coeur, il
le consacre à Dieu seul dont il a reçu , et
n'y reserve de part que pour celle à qui ce
même Dieu l'a uni par un sacré lien , et pour
les précieux fruits d'une si sainte union.
La seconde Partie montre quels sont les
devoirs indispensables des Rois de la
Terre. Comme ils sont les images de Dieu,
leur perfection est de suivre les desseins de
Dieu lui-même sur les hommes . Orleur durée
étantpartagée entre le temps et l'éternicé , et
le dessein de Dieu ne pouvant
être que de les
preparer par l'innocence et la tranquillité de
la vie presente au comble du bonheur et de la
sainteté de l'autre vie . C'est à ces deux objets
que se réunissent les obligations d'un
Roy envers ses peuples.
Le premier desir de S. Louis étoit de rendre
ses peuples aussi heureux qu'on le peut
tre en cette vie. Il avoit été de bonne heare
rempli des grands principes de l'équité ,
11. Vol 'pourri
DECEMBRE. 308 ?
1731
nourri dans les tendres sentimens de l'hu
manité , et accoutumé aux veritables Maimes
du Christianisme .C'est ce que M.Lezeau
a pris soin d'orner de faits connus
dans la vie du Saint Roy , dont il a fait
des images vives et touchantes .
En parlant des Loix que S. Louis prit
soin d'établir , pour bannir de ses Etats
le vice , et y faire regner la vertu , M. Lezeau
a fait une peinture du Duel , qui
mérite d'être ici rapportée.
,
و
و
Un quatrieme abus n'éprouva pas moins
son attention : c'est cette manie , ou plutôt
cette fureur aussi particuliere à la Nation
Françoise , que la valeur lui est naturelle
le Duel : coutume plus que barbare , qui ,
sous l'imposteur titre de point d'honneur ,
fait gloire de violer toutes les regles de la raison
et du Christianisme. Eût-onjamais imaginé
que l'honneur ce puissant mobile des
plus belles actions auroit jamais , pour
venger ses droits , porié sa fiere tyrannie ,
jusqu'à commander le crime ? Que cet honneur
, en effet , soit plus cher
la vie
es que pour sauver l'un , on expose l'autre ,
se peut être un noble sentiment : mais que
dans l'incertitude du sort d'un Combat , on
s'y précipite avec la certitude d'y perdre son
ame et celle de l'Ennemi , que devient le
Christianisme et de si folles maximes ne`
II. Vol.
>
que
Hiij com3086
MERCURE DE FRANCE
commencent- elles pas par immoler la Religion
à un Phantom e? Mais en commençant ainsi
par abjurerjusqu'au nom de Chrétien , que
devient l'honneur lui - même ? Car enfin ;
qu'une injure mérite punition , c'est l'équité
mais se rendre soi- même le Ministre de cette
punition , s'approprier la fonction du Bourreau
, quelle infame idée ! Qu'un scelera .
soit condamné , qui voudroit l'exécuter? Eh!
que faites- vous cependant , aveugles Esclaves
d'une inconcevable phrénesie ? La Loi
prononce , il est vray : mais vous commencez¸
par vous établirFuges en votre propre cause.
Vous traitez d'intolerable insulte , ce qui
peut n'être au fond qu'une legere inadver
tance. Ce n'est pas assez ; le châtiment que
mériteroit le coupable , c'est de vos mains que
vous voulez qu'il le reçoive. S'il s'agissoit
d'une offense faile à autruy , souffririez- vous,
qu'on vous chargeât de la punir ? Quoy ,
parce que vous êtes l'offensé , il vous siera
d'étre l'Exécuteur ? Quelle fanatique gloire !·
Encore une fois , eût on pensé que chez des
hommes raisonnables on put jamais voir une
extravagance si outrée eût- on pensé que ce
seroit en France , ce Pays si justement rénommé
par l'esprit , la politesse , la douceur de ses
Habitans ? C'étoit cependant la féroce prévention
du siecle de S. Louis , et Dieu veuille
que ce ne soit plus la honte du nôtre. Le pre-
II. Vel. mier
DECEMBRE. 1731. 3087
mier serment du Sacre de notre Ray, nous en
flatte , l'heureuse esperance du plus long Regne
pourra nous en assurer ; ce peut être un des
triomphes qui lui étoit reservé. Quoiqu'il en
puisse arriver , c'étoit le voeu le plus ardent
du plus saint de ses yeux ; et si le succès
ne remplit pas entierement ses désirs , ce ne
fut pas faute d'y consacrer toute son autorité
et toute sa vigilance.
Les entreprises de S. Louis dans la
Terre Sainte , ses Combats , ses Victoires,
sa défaite et sa mort , tout y est traité
d'une maniere qui frappe et qui attendrit.
Mr. Lezeau termine son Discours , en
s'adressant à Messieurs de l'Académie
Françoise , et nous croyons que le Lecteur
nous sçaura gré de rapporter en entier
cette Peroraison..
Au souvenir d'une si héroïque et si sainte
, mort, le moyen , Messieurs de ne se pas
rappeller celle de votre dernier Protecteur ??
Vous sçavez quelles furent alors ses Leçons
à nôtre jeune Monarque : Eb ! me pardon--
neriez- vous de les oublier , pendant que nous
en recueillons de si heureux fruits ? Refuserois-
je un tribut que vous attendez de ceux
qu'en pareil jour vous admettez à votre sa-
Temnité ? Quoi de plus favorable , que de
retrouver de nos jours les exemples dont vous
mave chargé de retracer le souvenir ? La:
H. Vol . Hiiij don
3088 MERCURE DE FRANCE
>
douceur , la sagesse , la Religion , l'amour
des Sujets , tant et tant d'autres vertus , dont
chaque année ne peut qu'augmenter la perfection
et la gloire , puisque chaque jour les
voit croître avec un Ministre aussi religieux
que prudent , plus affectionné à son Maître
que le plus tendre Pere ne le seroit à son plus
ber fils , et dans le même temps plus qu'insensible
à ses interêts personnels ; livré aux
immenses fatigues du Gouvernement , sans
en vouloir ni l'éclat , ni les richesses ; aussi
simple en tout ce qui l'environne , que supé-
·rieur en ce qu'il projette ; tel , en un mot, que
les siécles passez n'ont encore montré rien de
pareil.
,
,
,
Mais en étendant ces Eloges , ne devroisje
pas craindre d'ennuyeuses redites , après
que vous avez , sans doute , en tant de traits
de notre Saint reconnu ceux du
regne present
? Et d'ailleurs me sieroit- il de tenter
ce qui n'appartient qu'à vous seuls Messieurs
? N'ai-je pas déja trop présumé de
moi , en me hazardant devant vous ? Que
ne vois-je pas se rassembler icy? les dignitez,
la naissance , les exploits , l'importanoe des
services , l'excellence des Ouvrages , les prodiges
de l'esprit. Ce que la Religion , la
Guerre la Magistrature , les Sciences one
de plus rare
se réunit sous les liens communs
du genie et des talens. Ces titres
و
II. Vol.
,
rap
prochant
DECEMBRE 1731. 3089
prochant tout , du brillant de chacun en son
genre , se forme un amas de lumieres , qui
éclairera jusqu'à la posterité la plus réculée .
dont vous recevrez , Messieurs , de plus jus
tes louanges que l'Antiquité n'en a reçu de
ses idolâtres Partisans. Puissent des noms
si sûrs de l'immortalité devant les hommes
n'en mériter pas moins devant Dieu. C'est
tout ce qui me reste à vous souhaitter &c.
>
Ce Panegyrique a été imprimé à Paris ,
chez la Veuve Knapen , rue de la Hu
chette.
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Résumé : Panegyrique de S. Louis, de l'Abbé Lezeau. [titre d'après la table]
En décembre 1731, l'abbé Lézéau, clerc de la Chapelle et Oratoire du Roi, a présenté un panégyrique de Saint Louis à l'Académie Française. Ce discours avait été prononcé en août précédent par le Cardinal de Fleury et s'appuyait sur le texte d'Isaïe 'Ecce in justitia regnabit Rex' pour souligner la justice du règne de Saint Louis, comparé à celui de Jésus-Christ. Le discours se divise en deux parties. La première partie met en avant les vertus chrétiennes de Saint Louis, telles que la pureté, l'humilité, la modération et le zèle religieux. La seconde partie traite des devoirs royaux, en insistant sur la manière dont Saint Louis a cherché à rendre ses sujets heureux et vertueux, en établissant des lois pour bannir le vice et promouvoir la vertu. L'abbé Lézéau critique sévèrement le duel, le qualifiant de coutume barbare contraire à la raison et au christianisme. Il conclut son discours en rappelant aux membres de l'Académie les leçons de leur dernier protecteur et en louant les vertus du règne actuel, comparées à celles de Saint Louis. Le panégyrique a été imprimé à Paris chez la Veuve Knapen.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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666
p. 3094-3097
Bouts-Rimez. [titre d'après la table]
Début :
On croyoit les Bouts - rimez presque trépassez ; cependant nous apprenons par [...]
Mots clefs :
Sonnet, Apothicaire, Sirop, Maladies de la poitrine, Princesse de Monaco
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Bouts-Rimez. [titre d'après la table]
On croyoit les Bouts - rimez presque
trépassez ; cependant nous apprenons par
une Lettre écrite d'Arles , qu'une Damed'esprit
et de mérite les a ressuscitez , en
les prenant sous sa protection dans une
Compagnie où l'on faisoit le Procez à ce
gente de Poësie . Cette Dame a fait encoreplus
; après avoir soûtenu que quelquesbizares
que puissent être les Rimes , un
bon esprit no manque gueres d'en tirer
parti pour composer une Piece raisonnable;
elle donna les Rimes suivantes à una
Poëte qui étoit dans l'Assemblée , et l'engagea
de les remplir sur le champ sur tel
sujet qu'il lui plairoit de choisir. Le Poëte,,
après s'être modestement deffendu ,
détermina pour un sujet des plus sérieux ,
et produisit le Sonnet que voicy.
SONNET
En Bouts- Rimez sur la Mort.
se
CLoris, rien ne résiste à la faux de la Mori..
Il faudra tôt ou tard gir un jour dans la Biere.
Heureux qui peut surgir tranquillement au Port.
Après avoir fini sa pénible Carriere.
M
S
E
Ila Voli C
DECEMBRE 1737 .
30953
C'est de tous les Mortels l'inévitable .
La Camarde de tout remplit sa
Sort
Gibeciere..
Mais chût .... n'éveillons pas , comme on dit
Chat qui
18
Ten coûta trop cher au Comique :
"
Dort
Molieres
Sans respecter personne avec son oeil Hagard.
Elle hape le jeune et croque le
Vieillard.
Aux Rois , comme aux Manans , elle fait Apostrophe..
Quy , rien n'est plus certain qu'aveque son pied..
Elle nous donnera le même échec er
nous fera subir pareille
Plat
Mat.
Catastrophe
M. Pichot , le Fils.
La même Dame propose les mêmes Rimes
à remplir à tous les Amateurs des
Bouts -rimez , et sur tel sujet qu'on trou
vera bon.
La Princesse de Monaco mourut à Mo-.
naco de la petite Verole le 29 Decembre,
dans la 35 année de son âge ; étant née
le 10 Novembre 1697. Elle se nommoit
Louise-Hypolite , et elle étoit fille aînéce
d'Antoine Grimaldi , Prince de Monaco ,
Ꮧ . Vol..
Duc
3096 MERCURE DE FRANCE
Duc de Valentinois , Pair de France , et
Chevalier des Ordres du Roy , qui mourut
le 20 Fevrier dernier , et de feue Ma
rie de Lorraine , Fille du Comté d'Armagnac
, Grand Ecuyer de France. Le 201
Octobre 1715. elle épousa Jacques-François
Leonor de Matignon Comte de
Thorigni , &c. lequel , par ce mariage , a
pris le nom et les Armes de Grimaldi , et
est devenu Duc de Valentinois , Pair de
France .
,
و
Le Sieur Julien , Apoticaire ordinaire d
Roy , fait et vend un Syrop souverain pour
la guérison des Maladies de la Poitrine , la
toux seche et quand on est tourmenté de
fluxions chaudes et subtiles qui tombent sur
la trachée artere et les Poumons , il en adon
cit l'Acrimonie guérit les inflammations et
maux de gorge ; soulage les Phtisiques et
Asthamatiques , & c. On s'appercevra des
bons effets de ce Syrop par l'usage qu'on en
fera. La doze est d'une cueillerée à bouche ',
trois fois parjour , le matin en se levant ,
deux heures après le diner , et de même après
le souper en se couchant. Il est tres- agréable
à prendre : on en- use seul , ou bien dans du
Thé , Tisanne , on eau chaude. Il se con
serve long-temps : les Bouteilles sont de differentes
grandeurs.
IIVol Tho
DECEMBRE . 1731. 3097
On trouve chez le même la veritable et
bonne Pate de Guimauve , et suc de Reglisse
blanc. Sa demeure est toujours à Paris , rue
de la Verrerie , proche la rue des Billettes...
trépassez ; cependant nous apprenons par
une Lettre écrite d'Arles , qu'une Damed'esprit
et de mérite les a ressuscitez , en
les prenant sous sa protection dans une
Compagnie où l'on faisoit le Procez à ce
gente de Poësie . Cette Dame a fait encoreplus
; après avoir soûtenu que quelquesbizares
que puissent être les Rimes , un
bon esprit no manque gueres d'en tirer
parti pour composer une Piece raisonnable;
elle donna les Rimes suivantes à una
Poëte qui étoit dans l'Assemblée , et l'engagea
de les remplir sur le champ sur tel
sujet qu'il lui plairoit de choisir. Le Poëte,,
après s'être modestement deffendu ,
détermina pour un sujet des plus sérieux ,
et produisit le Sonnet que voicy.
SONNET
En Bouts- Rimez sur la Mort.
se
CLoris, rien ne résiste à la faux de la Mori..
Il faudra tôt ou tard gir un jour dans la Biere.
Heureux qui peut surgir tranquillement au Port.
Après avoir fini sa pénible Carriere.
M
S
E
Ila Voli C
DECEMBRE 1737 .
30953
C'est de tous les Mortels l'inévitable .
La Camarde de tout remplit sa
Sort
Gibeciere..
Mais chût .... n'éveillons pas , comme on dit
Chat qui
18
Ten coûta trop cher au Comique :
"
Dort
Molieres
Sans respecter personne avec son oeil Hagard.
Elle hape le jeune et croque le
Vieillard.
Aux Rois , comme aux Manans , elle fait Apostrophe..
Quy , rien n'est plus certain qu'aveque son pied..
Elle nous donnera le même échec er
nous fera subir pareille
Plat
Mat.
Catastrophe
M. Pichot , le Fils.
La même Dame propose les mêmes Rimes
à remplir à tous les Amateurs des
Bouts -rimez , et sur tel sujet qu'on trou
vera bon.
La Princesse de Monaco mourut à Mo-.
naco de la petite Verole le 29 Decembre,
dans la 35 année de son âge ; étant née
le 10 Novembre 1697. Elle se nommoit
Louise-Hypolite , et elle étoit fille aînéce
d'Antoine Grimaldi , Prince de Monaco ,
Ꮧ . Vol..
Duc
3096 MERCURE DE FRANCE
Duc de Valentinois , Pair de France , et
Chevalier des Ordres du Roy , qui mourut
le 20 Fevrier dernier , et de feue Ma
rie de Lorraine , Fille du Comté d'Armagnac
, Grand Ecuyer de France. Le 201
Octobre 1715. elle épousa Jacques-François
Leonor de Matignon Comte de
Thorigni , &c. lequel , par ce mariage , a
pris le nom et les Armes de Grimaldi , et
est devenu Duc de Valentinois , Pair de
France .
,
و
Le Sieur Julien , Apoticaire ordinaire d
Roy , fait et vend un Syrop souverain pour
la guérison des Maladies de la Poitrine , la
toux seche et quand on est tourmenté de
fluxions chaudes et subtiles qui tombent sur
la trachée artere et les Poumons , il en adon
cit l'Acrimonie guérit les inflammations et
maux de gorge ; soulage les Phtisiques et
Asthamatiques , & c. On s'appercevra des
bons effets de ce Syrop par l'usage qu'on en
fera. La doze est d'une cueillerée à bouche ',
trois fois parjour , le matin en se levant ,
deux heures après le diner , et de même après
le souper en se couchant. Il est tres- agréable
à prendre : on en- use seul , ou bien dans du
Thé , Tisanne , on eau chaude. Il se con
serve long-temps : les Bouteilles sont de differentes
grandeurs.
IIVol Tho
DECEMBRE . 1731. 3097
On trouve chez le même la veritable et
bonne Pate de Guimauve , et suc de Reglisse
blanc. Sa demeure est toujours à Paris , rue
de la Verrerie , proche la rue des Billettes...
Fermer
Résumé : Bouts-Rimez. [titre d'après la table]
Le texte évoque la résurrection des 'Bouts-rimez', une forme poétique, grâce à une dame d'esprit qui les a pris sous sa protection dans une compagnie littéraire. Elle a démontré que des rimes bizarres peuvent composer une pièce raisonnable. Elle a donné des rimes à un poète, qui a choisi un sujet sérieux et a produit un sonnet sur la mort. La dame encourage tous les amateurs de 'Bouts-rimez' à remplir les mêmes rimes sur le sujet de leur choix. Le texte mentionne également la mort de la Princesse de Monaco, Louise-Hypolite, fille aînée d'Antoine Grimaldi, décédée le 29 décembre à l'âge de 35 ans. Elle avait épousé Jacques-François Léonor de Matignon, devenu Duc de Valentinois et Pair de France par ce mariage. Enfin, le texte fait la publicité d'un sirop fabriqué par le Sieur Julien, apothicaire ordinaire du roi, pour soigner les maladies de la poitrine, la toux sèche et les inflammations. Le sirop est agréable à prendre et peut être utilisé seul ou mélangé avec du thé, de la tisane ou de l'eau chaude. La dose recommandée est d'une cuillerée à bouche trois fois par jour. Le texte mentionne aussi la vente de pâte de guimauve et de suc de réglisse blanc par le même apothicaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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667
s. p.
AVERTISSEMENT.
Début :
C'est ici le cent cinquante-deuxiéme Volume du Mercure [...]
Mots clefs :
Avertissement, Public, Charles Dufresny, Donneau de Visé, Lefèvre de Fontenay, Buchet, Libraires, Mercure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVERTISSEMENT.
VERTISSEMENT.
CE
Est ici le cent cinquante - deuxième
Volume du Mercure de France que
nous avons l'honneur de préfenter au Roy et
au Public , depuis le mois de Juin 1721 .
que nousy travaillons,fans que ce Livre ait
fouffert aucune interruption; il a toujours paru
régulierement au temps marqué , et quelquefois même avec des Supplemens , felon l'exigence des cas , de quoi nos Lecteurs ne
fe font pas plaints. Nous redoublerons nos
foins et notre application pour que la lecture du Mercure foit deformais encore plus
utile et plus agréable.
Nousfommes encore bien éloignez du nombre des Mercures de la compofition de feu
M. de Visé, qui jufques et compris le
mois de May 1710. temps de fa mort , en
avoit fait paroître 483. Volumes , lefquels
font aujourd'hui fort recherchez pour quan
tité de faits hiftoriques qu'on ne trouve que
dans cet Ouvrage , et dont il n'y a peutêtrepas de collection parfaitement complette , que celle qui eft à la Bibliotheque du
Roy, où il ne manque pas un feul Volume
de toute la fuite des Mercures depuis les
premiers de M.de Vifé en 1672. jufqu'au
jourd'hui.
Aij M.
AVERTISSEMENT.
M. du Frefni fucceda à M. de Viſe , et
fit paroître au mois de Septembre 1710.un
Volumefous le mêmetitre deMercureGalant
contenant les mois de Juin , fuillet et Août
1710. jufques et compris le mois d'Avril
1714. il parut 44. Volumes du même
Auteur.
M. le Fevre de Fontenay , fuccceffeur de
M. du Frefni , a commencé par le mois de
May 1714. il continua juſques et compris
le mois d'Octobre 1716 et donna 30. Volumes. En Novembre et Décembre 1716.
il n'y eut point de Mercures,
Au mois deJanvier 1717.feu M. l'Ab„.
bé Buchet travailla à cet Ouvrage fous
le titre de Nouveau Mercure , et le fit
paroître régulierement pendant quatre an
nées et cinq mois, ce quifait 5 3. Mercurės.
En remerciant nos Lecteurs du cas qu'ils.
daignent faire de notre Livre, nous leur demandons toujours quelque indulgence pourles
endroits qui paroit, ont negligez , et dont la
diction ne fera pas affez châtiée. Le Lec
teur judicieux fera , s'il lui plaît , refléxion.
que dans un Ouvrage tel que celui-cy , il
eft très-aisé de manquer, même dans les chofes le plus communes , dont chacune en particulier eft facile , mais qui ramaffées , font
une multiplicité fi grande , qu'il eft bien
mal aife de donner à toutes la même attention
AVERTISSEMENT.
tion , quelque foin qu'on y apporte fur
tout quand une telle collection eft faite en
auffi peu de temps. Une chose qui paroît
un peu injuste , c'est qu'on nous réproche
affez souvent des inattentions , & qu'on ne
nous fçache aucun gré des correction's fans
nombre qu'on fait , & des fautes qu'or
évite.
Nousfaifons , de la part du Public , de
nouvelles inftances aux Libraires qui envoyent des Livres pour les annoncer dans
le Mercure , d'en marquer le prix aujustes
sela fert beaucoup dans les Provinces , aux
Perfonnes qui fe déterminent là deffus à les
acheter , &qui ne font pasfürs de l'exactitude des Meffagers , & des autres Perfonnes qu'elles chargent de leurs commiffions ,
qui , fouvent , les font furpayer.
On invite icy les Marchands & les Ouriers qui ont quelques nouvelles modes ,
foit par des Etoffes nouvelles , Habits
Ajuftemens , Perruques , Coëffures , Ornemens de tête , et autres parures , ainsi que
de Meubles, Caroffes , Chaifes , & autres
chofes , foit pour l'utilité , foit pour l'agrément , d'en donner quelques Memoires pour
en avertir le Public , ce qui pourrafaire
plaifir à divers Particuliers , et procurer un
débit avantageux aux Marchands & aux
Quvriers.
A iiij Pl
AVERTISSEMENT.
Plufieurs Pieces en Profe & en Vers
envoyées pour le Mercure , font fouvent fo
mal écrites , qu'on ne peut les déchiffrer , et
elles font pour cela rejettées ; d'autres font
bonnes à quelques égards , et défectueuses
en d'autres lorfqu'elles peuvent en valoir
la peine , nous les retouchons avec foin ;
mais comme nous ne prenons ce party qu'avec répugnance nous prions les Auteurs
de ne le pas trouver mauvais , & de travailler leurs Ouvrages avec le plus d'atten
tion qu'il leur fera poffible. Si on Sçavoir
leur adreffe , on leur indiqueroit les défectuofitez les corrections àfaire.
'
Les Sçavans & les Curieux font priez
de vouloir concourir avec nous pour rendre
ce Livre encore plus utile & plus agréable,
en nous communiquant les Memoires et les
Pieces en Profe & en Vers , qui peuvent
inftruire & amufer. Aucun genre de Litte
rature n'eft exclu de ce Recueil , où l'on
tâche de mettre une agréable varieté , Poëfie , Eloquence , nouvelles découvertes dans
les Arts & dans les Sciences , Morale
Antiquitez , Hiftoire facrée &
profane ,
Hiftoriette, Mythologie , Phyfique & Métaphyfique , Picces de Théatre , Jurisprudence , Anatomie & Medecine , Critique ,
Mathématique , Memoires , Projets , Traductions , Grammaires , Pieces amusantes
تو
et
AVERTISSEMENT.
récréatives , &c. Quand les morceaux
Pune certaine confideration feront trop
tongs , on les placera dans un Volume extraordinaire , et onfera enforte qu'on puiffe
les en détacher facilement , pour la fatisfaction des Auteurs et des personnes qui ne.
veulent avoir que certaines Pieces.-
Al'égard de la Jurisprudence , nous con--
tinuerons autant que nous le pourrons defaire
part au Public des Questions importantes ,
nouvelles ou fingulieres qui fe préfenteront,
et qui feront difcutées &jugées dans les differens Parlements autres Coursfupérieures du Royaume , en obfervant l'ordre et la
méthode que nous avons déja tenue en pareille matiere ; fur quoy nous prions Meffieurs les Avocats , et les Parties intereffees , &c. de vouloir bien nous fournir les
Memoires néceffaires. Il n'eft peut - être
point d'article dans no re Livre qui rega de
plus directement le bien public , que celuy-·
là, & qui fe faffe plus lire.
Quelques morceaux de Prose et de Vers:
rejettez par bonnes raisons , ont souvent
donné lieu à des plaintes de la part des
personnes interessées ; mais nous les prions
de considerer que cest toûjours malgré nous
que certaines Pieces sont rebutées ; nous
ne nous en rapportons pas toujours à notreseul jugement dans le choix que nous fai A.Y sonss
AVERTISSEMENT:
sons de celles qui méritent l'impression.
Quoiqu'on ait toujours la précaution de
mettre un Avis à la tête de chaque Mer-..
cure, pour avertir qu'on ne recevra point
de Lettres ni de Paquets par la Poste dont
le port ne soit affranchi , il en vient cepen-.
dant quelquefois qu'on est obligé de rebuter.
Ceux quin'aurontpas pris cette précaution,
ne doivent pas être su pris de ne pas voir.
paroître les Pieces qu'ils ont envoyées , lesquelles sont dailleurs perdues pour eux, s'ils.
n'en ont pas gardé de copie.
Lespersonnes qui desirent avoir le Mer
cure des premiers, soit dans les Provinces:
ou dans les Pays Etrangers , n'auront qu'à.
sadresser à M. Moreau , Commis au
Mercure , vis-à-vis la Comédie Françoise , à Paris , qui le leur envoyera par
la voye la plus convenable , et avant qu'il
soit en vente ici. Les amis à qui on s'adress pour cela ne sont pas ordinairement.
fort exacts ; ils n'envoyent gueres acheter ce
Livre précisément dans le temps qu'il paroit; ils ne manquent pas de le lire , souvent ils le prêtent , et ne l'envoyent enfin
que fort tard, sous le prétexte specieux que
le Mercure n'a pas pa u plutôt.
Nous renouvellons la priere que nous
avons déja faite , quand on envoye des Pieees , soit en Vers , soit en Prose, de les
ร
faire
AVERTISSEMENT.
·
Faire transcrire lisiblement sur des papiez séparez , et d'une grandeur raisonnable, avec des marges pour placer les
additions ou corrections convenables , et que
les noms propres, sur tout , soient exactement écrits..
Nous aurons toûjours les mêmes égards
pourles Auteurs qui ne veulent pas se faire
connoître; mais il seroit bon qu'ils donnas--
sent une adresse , fur tout quand il s'agit
de quelque Ouvrage qui peut demander des
éclairciffemens; car fouvent faute d'un tel
Lecours , des Pieces nous reftent entre les
mains, fans pouvoir les employer.
Nous prions ceux, qui par le moyen de
leurs correfpondances reçoivent des nouvelles
d'Affrique , du Levant , de Perfe , de Tar
tarie , du Japon , de la Chine, des Indes
Orientales et Occidentales et d'autres Pays
et Contrées éloignées ; les Capitaines, Pi--
lotes et Officiers des Navires et Voyageurs
de vouloir nousfaire part de ces Nouvelles
à l'adreffe generale du Mercure. Ces ma--
tieres peuvent rouler fur les Guerres pré--
fentes des Etats voisins , leurs Révolutions,
les Traitez de Paix ou de Treve, les occupations des Souverains , la Religion des
Peuples , leurs Cérémonies , Coûtumes et
fages , les Phenomenes et les Productions
de la Nature et de l'Art , &c. comme.
A vj Pierres
AVERTISSEMENT.
Pierres précieufes , Pierres figurées , Mar
caffites rares , Pétrifications et Chriftalifations extraordinaires , Coquillages , &c.
Edifices anciens et modernes , Ruines
Statues , Bas-Reliefs , Infcriptions , Médailles , Tableaux , &c.
9.
Nous serons plus attentifs que jamais
à apprendre au Public la Mort des Sçavans et de tous ceux qui se sont distinguez
dans les Arts et dans les Mécaniques ; on
y joindra le récit de leurs principales occupations et des plus considerables actions
de leur vie. L'Histoire des Lettres et des
Arts doit cette marque de reconnoissance
à la memoire de ceux qui s'y sont rendus
celeb es, ou qui les ont cultivez avec soin.
Nous esperons que les Parens et les Amis
de ces illustres Morts aideront volontiers
à leur rendre ce devoir par les instructions
qu'ils voudront bien nous fournir.
Ce que nous venons de dire , regarde ,
non-seulement Paris , mais encore toutes les
Provinces du Royaume et les Pays Etrangers, qui peuvent fournir des Evenemens
considerables, Morts , Mariages , Actes.
solemnels , Fêtes et autres Faits dignes d'êtres transmis à la Posterité.
On a fait au Mercure , et même plus
d'une fois, l'honneur de le critiquer ; c'est
une gloire qui manquoit à ce Livre. On a
beau
AVERTISSEMENT.
beau dire ; Nous ne changerons rien à notre
méthode, puisque nos Lecteurs la trouvent
passablement bonne. Un Ouvrage de la
nature de celui-cy ne sçauroit plaire également à tout le monde , à cause de la multiplicité et de la varieté des Matieres , dont
quelques unes sont lûes par certains Lecteurs avec plaisir et avidité , et par d'autres avec des dispositions contraires. M. di
Fresny avoit bien raison de dire que pour
que le Mercurefut generalement approuvé,
il faudroit que comme un autre Protée , il
put prendre entre les mains de chaque Lecteur uneforme convenable à l'idée qu'il s'en
est faitė.
C'est assez pour ce Livre de contribuer
tous les mois en quelque chose à l'instruc→
tion et à l'amusement des Citoyens qui vivent ensemble , paisiblement et agréablement. Le Mercure ne doit rien prétendre
au-delà. Nous savons , il est vrai , que la
médisance , plus ou moins malignement épicée , fur toujours un mets délicieux pour la
plupart des Lecteurs , mais outre que nous
ny avons pas le moindre penchant , nous
renonçons et de très-bon cœur , à la dangereuse gloire d'être lûs et applaudis aux
dépens du Prochain.
2
Nous continuerons à donner des mor
ceaux de Critique , mais nous n'y souffrirons
AVERTISSEMENT.
rons jamais rien de trop libre , d'indecent
ni rien qui puisse desobliger ou offenſer personne, Nous ne sommes point hardis et ne
nous en picquons nullement ; nous serons
même plus engarde que jamais sur les per--
nicieux exemples qu'on pourroit nous don
mer là-dessus.
"
Nous serons encore plus retenus sur les
louanges , que quelques Lecteurs n'ont pas:
generalement approuvées , en effet nous
nous sommes apperçus que nous y trouvions
peu d'avantage ; au contraire nous nous
sommes vus exposez à des especes de re--
proches, au lieu des témoignages de recon
noissance , sur tout de la part des gens à ta◄
lens,parce que tel qu'on loue nefait nuldoute
que ce ne soit une chose qui lui est absolument dûë , souvent même il trouve qu'on:
ne le loie pas assez; et ceux qu'on ne loie
pas , ou qu'on loue moins , sont très-indispo
sez; car prétendant qu'on loue les autres
à leurs dépens , ils sont doublement fachez.. Nous donnons ordinairement des Extraits
des Pieces nouvelles qui paroissent sur lesThéatres de Paris , et nousfaisons quelques
Observations d'après le jugement du Pu
blic sur les beautez etfur les deffauts qu'on:
y trouve la crainte de blesser la délicatesse.
des Auteurs nous retient quelquefois et nous
empêche d'aller plus loin , et crainte aussi
;
que
AVERTISSEMENT.
que voulant être plus sinceres on ne nous
accuse d'être partiaux. Si les Auteurs eux
mêmes vouloient bien prendre sur eux de
faire un Extrait ou Memoire de leurs Ouvrages , sans dissimuler les deffauts, qu'on
y trouve , cela nous donneroit la hardiesse·
d'être un peu plus severes , le Lecteur leur
en sçauroit gré, et ils n'y perdroient pas par
les Remarques , à charge et à décharge , que
nous ne manquerions pas d'ajouter , sans
oublier de faire obferver l'extrême diff
culté qu'il y a de plaire aujourd'hui au Public , et le péril que courent tous les Ou
vrages d'esprit qu'on lui présente ; nous faisons avec d'autant plus de confiance cette
priere aux Auteurs Dramatiques et à tous
autres, que certainement Corneille , Quinault , Moliere , kacine , &c. n'auroient
pas rougi d'avouer des deffauts dans leurs.
Pieces,
Il nous reste à marquer notre reconnoissance et à remercier au nom du Public.
plusieurs Sçavans du premier ordre, d'aimables Muses et quantité d'autres Personnes d'un mérite distingué , dont les produc
tions enrichissent le Mercure et le font lire.
et rechercher
CE
Est ici le cent cinquante - deuxième
Volume du Mercure de France que
nous avons l'honneur de préfenter au Roy et
au Public , depuis le mois de Juin 1721 .
que nousy travaillons,fans que ce Livre ait
fouffert aucune interruption; il a toujours paru
régulierement au temps marqué , et quelquefois même avec des Supplemens , felon l'exigence des cas , de quoi nos Lecteurs ne
fe font pas plaints. Nous redoublerons nos
foins et notre application pour que la lecture du Mercure foit deformais encore plus
utile et plus agréable.
Nousfommes encore bien éloignez du nombre des Mercures de la compofition de feu
M. de Visé, qui jufques et compris le
mois de May 1710. temps de fa mort , en
avoit fait paroître 483. Volumes , lefquels
font aujourd'hui fort recherchez pour quan
tité de faits hiftoriques qu'on ne trouve que
dans cet Ouvrage , et dont il n'y a peutêtrepas de collection parfaitement complette , que celle qui eft à la Bibliotheque du
Roy, où il ne manque pas un feul Volume
de toute la fuite des Mercures depuis les
premiers de M.de Vifé en 1672. jufqu'au
jourd'hui.
Aij M.
AVERTISSEMENT.
M. du Frefni fucceda à M. de Viſe , et
fit paroître au mois de Septembre 1710.un
Volumefous le mêmetitre deMercureGalant
contenant les mois de Juin , fuillet et Août
1710. jufques et compris le mois d'Avril
1714. il parut 44. Volumes du même
Auteur.
M. le Fevre de Fontenay , fuccceffeur de
M. du Frefni , a commencé par le mois de
May 1714. il continua juſques et compris
le mois d'Octobre 1716 et donna 30. Volumes. En Novembre et Décembre 1716.
il n'y eut point de Mercures,
Au mois deJanvier 1717.feu M. l'Ab„.
bé Buchet travailla à cet Ouvrage fous
le titre de Nouveau Mercure , et le fit
paroître régulierement pendant quatre an
nées et cinq mois, ce quifait 5 3. Mercurės.
En remerciant nos Lecteurs du cas qu'ils.
daignent faire de notre Livre, nous leur demandons toujours quelque indulgence pourles
endroits qui paroit, ont negligez , et dont la
diction ne fera pas affez châtiée. Le Lec
teur judicieux fera , s'il lui plaît , refléxion.
que dans un Ouvrage tel que celui-cy , il
eft très-aisé de manquer, même dans les chofes le plus communes , dont chacune en particulier eft facile , mais qui ramaffées , font
une multiplicité fi grande , qu'il eft bien
mal aife de donner à toutes la même attention
AVERTISSEMENT.
tion , quelque foin qu'on y apporte fur
tout quand une telle collection eft faite en
auffi peu de temps. Une chose qui paroît
un peu injuste , c'est qu'on nous réproche
affez souvent des inattentions , & qu'on ne
nous fçache aucun gré des correction's fans
nombre qu'on fait , & des fautes qu'or
évite.
Nousfaifons , de la part du Public , de
nouvelles inftances aux Libraires qui envoyent des Livres pour les annoncer dans
le Mercure , d'en marquer le prix aujustes
sela fert beaucoup dans les Provinces , aux
Perfonnes qui fe déterminent là deffus à les
acheter , &qui ne font pasfürs de l'exactitude des Meffagers , & des autres Perfonnes qu'elles chargent de leurs commiffions ,
qui , fouvent , les font furpayer.
On invite icy les Marchands & les Ouriers qui ont quelques nouvelles modes ,
foit par des Etoffes nouvelles , Habits
Ajuftemens , Perruques , Coëffures , Ornemens de tête , et autres parures , ainsi que
de Meubles, Caroffes , Chaifes , & autres
chofes , foit pour l'utilité , foit pour l'agrément , d'en donner quelques Memoires pour
en avertir le Public , ce qui pourrafaire
plaifir à divers Particuliers , et procurer un
débit avantageux aux Marchands & aux
Quvriers.
A iiij Pl
AVERTISSEMENT.
Plufieurs Pieces en Profe & en Vers
envoyées pour le Mercure , font fouvent fo
mal écrites , qu'on ne peut les déchiffrer , et
elles font pour cela rejettées ; d'autres font
bonnes à quelques égards , et défectueuses
en d'autres lorfqu'elles peuvent en valoir
la peine , nous les retouchons avec foin ;
mais comme nous ne prenons ce party qu'avec répugnance nous prions les Auteurs
de ne le pas trouver mauvais , & de travailler leurs Ouvrages avec le plus d'atten
tion qu'il leur fera poffible. Si on Sçavoir
leur adreffe , on leur indiqueroit les défectuofitez les corrections àfaire.
'
Les Sçavans & les Curieux font priez
de vouloir concourir avec nous pour rendre
ce Livre encore plus utile & plus agréable,
en nous communiquant les Memoires et les
Pieces en Profe & en Vers , qui peuvent
inftruire & amufer. Aucun genre de Litte
rature n'eft exclu de ce Recueil , où l'on
tâche de mettre une agréable varieté , Poëfie , Eloquence , nouvelles découvertes dans
les Arts & dans les Sciences , Morale
Antiquitez , Hiftoire facrée &
profane ,
Hiftoriette, Mythologie , Phyfique & Métaphyfique , Picces de Théatre , Jurisprudence , Anatomie & Medecine , Critique ,
Mathématique , Memoires , Projets , Traductions , Grammaires , Pieces amusantes
تو
et
AVERTISSEMENT.
récréatives , &c. Quand les morceaux
Pune certaine confideration feront trop
tongs , on les placera dans un Volume extraordinaire , et onfera enforte qu'on puiffe
les en détacher facilement , pour la fatisfaction des Auteurs et des personnes qui ne.
veulent avoir que certaines Pieces.-
Al'égard de la Jurisprudence , nous con--
tinuerons autant que nous le pourrons defaire
part au Public des Questions importantes ,
nouvelles ou fingulieres qui fe préfenteront,
et qui feront difcutées &jugées dans les differens Parlements autres Coursfupérieures du Royaume , en obfervant l'ordre et la
méthode que nous avons déja tenue en pareille matiere ; fur quoy nous prions Meffieurs les Avocats , et les Parties intereffees , &c. de vouloir bien nous fournir les
Memoires néceffaires. Il n'eft peut - être
point d'article dans no re Livre qui rega de
plus directement le bien public , que celuy-·
là, & qui fe faffe plus lire.
Quelques morceaux de Prose et de Vers:
rejettez par bonnes raisons , ont souvent
donné lieu à des plaintes de la part des
personnes interessées ; mais nous les prions
de considerer que cest toûjours malgré nous
que certaines Pieces sont rebutées ; nous
ne nous en rapportons pas toujours à notreseul jugement dans le choix que nous fai A.Y sonss
AVERTISSEMENT:
sons de celles qui méritent l'impression.
Quoiqu'on ait toujours la précaution de
mettre un Avis à la tête de chaque Mer-..
cure, pour avertir qu'on ne recevra point
de Lettres ni de Paquets par la Poste dont
le port ne soit affranchi , il en vient cepen-.
dant quelquefois qu'on est obligé de rebuter.
Ceux quin'aurontpas pris cette précaution,
ne doivent pas être su pris de ne pas voir.
paroître les Pieces qu'ils ont envoyées , lesquelles sont dailleurs perdues pour eux, s'ils.
n'en ont pas gardé de copie.
Lespersonnes qui desirent avoir le Mer
cure des premiers, soit dans les Provinces:
ou dans les Pays Etrangers , n'auront qu'à.
sadresser à M. Moreau , Commis au
Mercure , vis-à-vis la Comédie Françoise , à Paris , qui le leur envoyera par
la voye la plus convenable , et avant qu'il
soit en vente ici. Les amis à qui on s'adress pour cela ne sont pas ordinairement.
fort exacts ; ils n'envoyent gueres acheter ce
Livre précisément dans le temps qu'il paroit; ils ne manquent pas de le lire , souvent ils le prêtent , et ne l'envoyent enfin
que fort tard, sous le prétexte specieux que
le Mercure n'a pas pa u plutôt.
Nous renouvellons la priere que nous
avons déja faite , quand on envoye des Pieees , soit en Vers , soit en Prose, de les
ร
faire
AVERTISSEMENT.
·
Faire transcrire lisiblement sur des papiez séparez , et d'une grandeur raisonnable, avec des marges pour placer les
additions ou corrections convenables , et que
les noms propres, sur tout , soient exactement écrits..
Nous aurons toûjours les mêmes égards
pourles Auteurs qui ne veulent pas se faire
connoître; mais il seroit bon qu'ils donnas--
sent une adresse , fur tout quand il s'agit
de quelque Ouvrage qui peut demander des
éclairciffemens; car fouvent faute d'un tel
Lecours , des Pieces nous reftent entre les
mains, fans pouvoir les employer.
Nous prions ceux, qui par le moyen de
leurs correfpondances reçoivent des nouvelles
d'Affrique , du Levant , de Perfe , de Tar
tarie , du Japon , de la Chine, des Indes
Orientales et Occidentales et d'autres Pays
et Contrées éloignées ; les Capitaines, Pi--
lotes et Officiers des Navires et Voyageurs
de vouloir nousfaire part de ces Nouvelles
à l'adreffe generale du Mercure. Ces ma--
tieres peuvent rouler fur les Guerres pré--
fentes des Etats voisins , leurs Révolutions,
les Traitez de Paix ou de Treve, les occupations des Souverains , la Religion des
Peuples , leurs Cérémonies , Coûtumes et
fages , les Phenomenes et les Productions
de la Nature et de l'Art , &c. comme.
A vj Pierres
AVERTISSEMENT.
Pierres précieufes , Pierres figurées , Mar
caffites rares , Pétrifications et Chriftalifations extraordinaires , Coquillages , &c.
Edifices anciens et modernes , Ruines
Statues , Bas-Reliefs , Infcriptions , Médailles , Tableaux , &c.
9.
Nous serons plus attentifs que jamais
à apprendre au Public la Mort des Sçavans et de tous ceux qui se sont distinguez
dans les Arts et dans les Mécaniques ; on
y joindra le récit de leurs principales occupations et des plus considerables actions
de leur vie. L'Histoire des Lettres et des
Arts doit cette marque de reconnoissance
à la memoire de ceux qui s'y sont rendus
celeb es, ou qui les ont cultivez avec soin.
Nous esperons que les Parens et les Amis
de ces illustres Morts aideront volontiers
à leur rendre ce devoir par les instructions
qu'ils voudront bien nous fournir.
Ce que nous venons de dire , regarde ,
non-seulement Paris , mais encore toutes les
Provinces du Royaume et les Pays Etrangers, qui peuvent fournir des Evenemens
considerables, Morts , Mariages , Actes.
solemnels , Fêtes et autres Faits dignes d'êtres transmis à la Posterité.
On a fait au Mercure , et même plus
d'une fois, l'honneur de le critiquer ; c'est
une gloire qui manquoit à ce Livre. On a
beau
AVERTISSEMENT.
beau dire ; Nous ne changerons rien à notre
méthode, puisque nos Lecteurs la trouvent
passablement bonne. Un Ouvrage de la
nature de celui-cy ne sçauroit plaire également à tout le monde , à cause de la multiplicité et de la varieté des Matieres , dont
quelques unes sont lûes par certains Lecteurs avec plaisir et avidité , et par d'autres avec des dispositions contraires. M. di
Fresny avoit bien raison de dire que pour
que le Mercurefut generalement approuvé,
il faudroit que comme un autre Protée , il
put prendre entre les mains de chaque Lecteur uneforme convenable à l'idée qu'il s'en
est faitė.
C'est assez pour ce Livre de contribuer
tous les mois en quelque chose à l'instruc→
tion et à l'amusement des Citoyens qui vivent ensemble , paisiblement et agréablement. Le Mercure ne doit rien prétendre
au-delà. Nous savons , il est vrai , que la
médisance , plus ou moins malignement épicée , fur toujours un mets délicieux pour la
plupart des Lecteurs , mais outre que nous
ny avons pas le moindre penchant , nous
renonçons et de très-bon cœur , à la dangereuse gloire d'être lûs et applaudis aux
dépens du Prochain.
2
Nous continuerons à donner des mor
ceaux de Critique , mais nous n'y souffrirons
AVERTISSEMENT.
rons jamais rien de trop libre , d'indecent
ni rien qui puisse desobliger ou offenſer personne, Nous ne sommes point hardis et ne
nous en picquons nullement ; nous serons
même plus engarde que jamais sur les per--
nicieux exemples qu'on pourroit nous don
mer là-dessus.
"
Nous serons encore plus retenus sur les
louanges , que quelques Lecteurs n'ont pas:
generalement approuvées , en effet nous
nous sommes apperçus que nous y trouvions
peu d'avantage ; au contraire nous nous
sommes vus exposez à des especes de re--
proches, au lieu des témoignages de recon
noissance , sur tout de la part des gens à ta◄
lens,parce que tel qu'on loue nefait nuldoute
que ce ne soit une chose qui lui est absolument dûë , souvent même il trouve qu'on:
ne le loie pas assez; et ceux qu'on ne loie
pas , ou qu'on loue moins , sont très-indispo
sez; car prétendant qu'on loue les autres
à leurs dépens , ils sont doublement fachez.. Nous donnons ordinairement des Extraits
des Pieces nouvelles qui paroissent sur lesThéatres de Paris , et nousfaisons quelques
Observations d'après le jugement du Pu
blic sur les beautez etfur les deffauts qu'on:
y trouve la crainte de blesser la délicatesse.
des Auteurs nous retient quelquefois et nous
empêche d'aller plus loin , et crainte aussi
;
que
AVERTISSEMENT.
que voulant être plus sinceres on ne nous
accuse d'être partiaux. Si les Auteurs eux
mêmes vouloient bien prendre sur eux de
faire un Extrait ou Memoire de leurs Ouvrages , sans dissimuler les deffauts, qu'on
y trouve , cela nous donneroit la hardiesse·
d'être un peu plus severes , le Lecteur leur
en sçauroit gré, et ils n'y perdroient pas par
les Remarques , à charge et à décharge , que
nous ne manquerions pas d'ajouter , sans
oublier de faire obferver l'extrême diff
culté qu'il y a de plaire aujourd'hui au Public , et le péril que courent tous les Ou
vrages d'esprit qu'on lui présente ; nous faisons avec d'autant plus de confiance cette
priere aux Auteurs Dramatiques et à tous
autres, que certainement Corneille , Quinault , Moliere , kacine , &c. n'auroient
pas rougi d'avouer des deffauts dans leurs.
Pieces,
Il nous reste à marquer notre reconnoissance et à remercier au nom du Public.
plusieurs Sçavans du premier ordre, d'aimables Muses et quantité d'autres Personnes d'un mérite distingué , dont les produc
tions enrichissent le Mercure et le font lire.
et rechercher
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Résumé : AVERTISSEMENT.
Le Mercure de France, périodique publié sans interruption depuis juin 1721, présente son cent cinquante-deuxième volume. Les éditeurs s'engagent à rendre le Mercure encore plus utile et agréable. Ils évoquent la collection précédente de M. de Visé, qui a publié 483 volumes jusqu'à sa mort en mai 1710, très recherchée pour ses faits historiques. Après M. de Visé, M. du Fresny a publié 44 volumes de juin 1710 à avril 1714, suivi par M. le Fevre de Fontenay avec 30 volumes jusqu'en octobre 1716. En janvier 1717, l'abbé Buchet a repris la publication sous le titre de Nouveau Mercure pendant quatre ans et cinq mois, soit 53 volumes. Les éditeurs sollicitent l'indulgence des lecteurs pour les erreurs et les négligences et invitent les libraires à indiquer les prix des livres annoncés. Ils encouragent les marchands et artisans à partager les nouvelles modes et innovations. Les pièces envoyées pour publication doivent être bien écrites, et les auteurs sont priés de corriger leurs œuvres. Le Mercure accepte divers genres littéraires et scientifiques, les pièces trop longues étant placées dans des volumes extraordinaires. Les éditeurs continuent de publier des questions juridiques importantes et prient les avocats de fournir les mémoires nécessaires. Ils demandent également aux correspondants de partager les nouvelles des régions éloignées. Le Mercure annonce la mort des savants et des personnes distinguées dans les arts, et invite les parents et amis à fournir des informations. Le périodique a été critiqué, mais les éditeurs maintiennent leur méthode, reconnaissant que toutes les matières ne plaisent pas à tous les lecteurs. Ils continuent de publier des critiques tout en évitant les propos indécents ou offensants. Ils sont prudents dans leurs louanges pour éviter les reproches et les malentendus. Ils publient des extraits de pièces de théâtre avec des observations sur les beautés et les défauts, tout en évitant de blesser la sensibilité des auteurs. Le texte aborde la difficulté de plaire au public contemporain et les risques que courent les œuvres littéraires soumises à son jugement. Il exprime une demande de compréhension et de tolérance envers les auteurs dramatiques et autres écrivains, soulignant que des figures emblématiques comme Corneille, Quinault, Molière et Racine n'auraient pas hésité à reconnaître les défauts dans leurs pièces. Le texte se conclut par une expression de gratitude envers divers savants, muses aimables et autres personnes de mérite distingué, dont les contributions enrichissent le Mercure et en augmentent la popularité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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668
p. [1]-7
ODE. A M. le Duc de Saint-Agnan, Ambassadeur de France à Rome, en lui envoyant une nouvelle Traduction des Eglogues de Virgile.
Début :
Quitte ces Bois, Muse Bergere, [...]
Mots clefs :
Charmer, Art des vers, Chantres, Muse, Antique
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texteReconnaissance textuelle : ODE. A M. le Duc de Saint-Agnan, Ambassadeur de France à Rome, en lui envoyant une nouvelle Traduction des Eglogues de Virgile.
OD E.
A M.le Duc de Saint- Agnan , Ambas
sadeurde France à Rome, en lui envoyant
une nouvelle Traduction des Eglogues
de Virgile.
Uitte ces Bois , Muse Bergere
Vole vers une aimable Cour ;
Tu n'y seras point étrangere
Tes Sœurs habitent ce séjour..
Déitez jadis adorées ,
L'Univers écoutoit leurs voix
DG
2 MERCURE DE FRANCE
De nos jours , Nymphes ignorées ,
Elles n'ont plus l'Encens des Rois.
L'Art des Vers , dans les doctes âges ,
Charma les plus fiers Conquerans :
Il est encor l'amour des Sages ,
Mais il n'est plus celui des Grands.
Art charmant, si Plutus t'exile ,
Si les Cours ignorent ton prix 3
Il te reste un Temple , un asile ;
Un Parnasse à tes Favoris.
De tes beautez arbitre juste ,,
Un Héros chérit tes Lauriers ;
Tel Pollion , aux jours d'Auguste ,
Joignoit le goût aux soins gueriers.
Des Chantres vantez d'Ausonie ,
Mécene fut le Protecteur :
Mais de leur sublime harmonie ,
Il ne fut point l'imitateur.
L'Ami des Chantres de la Seine
Unit dans un éclat égal ,
Au plaisir d'être leur Mécene ,
Le talent d'être leur Rival
Tu
JANVIER. 1732. 3
Tu sçais , Muse, de quelle grace ..
Sa Lyre anime une Chanson ;
On croit entendre encor Horace,
Ou l'élegant Anacréon.
Du Romain il a la finesse ,
Du Grec l'atticisme charmant ,
Comine eux , il prête à la Sagesse.
Tous les attraits de l'enjoûment.
Oseras-tu de ta Musette ,
Lui repeter les foibles Airs ?
Ose ; ton âge et ta houlette ,
Excusent tes humbles Concerts..
.
A ses yeux offre toi sans crainte
I n'a point ces dures froideurs ,
Cette fastuense contrainte
Eieres Compagnes dès grandeurs.
Rare vertu d'un rang illustre !
Ses yeux ne sont point éblouis,
Du nom brillant , du nouveau lustre
Qu'il doit aux faveurs de Louis.
Sous cet, auguste Caractere,
Le Tage autrefois l'admira ;
Au succès de son Ministere
Bien-tôt le Tibre applaudica..
>
Muse
MERCURE DE FRANCE
Muse , prens un essor plus libre ;
Parle toi même à ton Heros ;
Des applaudissemens du Tibre ,
Devenons les foibles Echos.
Dignefils d'un aimable Père,
Héritièr de ses agrémens :
Imitateur d'un sage Frere ,
Héritier de ses sentimens.
Chargé des Droits de la Couronne ,
'Allés , montrés dans cet Employ
Que sans être né sur le Trône ,
Onpeut penser et vivre en Roy.
Quand la Poësie ou la Prose
Occuperont vos doux loisirs :
Près des Murs que le Tibre arrose
Je vois quels seront vos plaisirs....
'Aux beaux Vers toûjours favorable ,
Toûjours épris du goût des Arts ;
Vous rétablirez l'ordre aimable ,
Du siecle des premiers Césars.
On n'y voit plus leur Cour antique ,
Théatre des Jeux de Phébus ; ·
C'est encor Rome magnifique ,
Mais Rome sçavante n'est plus.
De
JANVIER.
ร
1732.
·
De tant de sublimes Génies ,
Il ne reste chez leurs Neveux
Que les Champs où leurs Symphonies,
Charmerent l'oreille des Dieux.
Vous chérirez cette Contrée ,
Et les précieux Monumens ,
Où leur mémoire consacrée ,
Survit à la fuite des temps.
L'à de Menandre , autre Lélie,
Reprenant l'Attique Pinceau ,
Vous tracerez l'Art de Thalie,
A quelque Térence nouveau.
Vous aimerez ces doux asiles ,
Ces Bois , où le Chant renommé ,
Des Ovides et des Virgiles
Antiroit Auguste charmé.
Dans ces Solitudes chéries,
De la sçavante Antiquité ,
Des poëtiques rêveries ,
Yous chercherez la volupté.
De Tibur vous verrez les traces ,
Et sur ce Rivage charmant ,
A M.le Duc de Saint- Agnan , Ambas
sadeurde France à Rome, en lui envoyant
une nouvelle Traduction des Eglogues
de Virgile.
Uitte ces Bois , Muse Bergere
Vole vers une aimable Cour ;
Tu n'y seras point étrangere
Tes Sœurs habitent ce séjour..
Déitez jadis adorées ,
L'Univers écoutoit leurs voix
DG
2 MERCURE DE FRANCE
De nos jours , Nymphes ignorées ,
Elles n'ont plus l'Encens des Rois.
L'Art des Vers , dans les doctes âges ,
Charma les plus fiers Conquerans :
Il est encor l'amour des Sages ,
Mais il n'est plus celui des Grands.
Art charmant, si Plutus t'exile ,
Si les Cours ignorent ton prix 3
Il te reste un Temple , un asile ;
Un Parnasse à tes Favoris.
De tes beautez arbitre juste ,,
Un Héros chérit tes Lauriers ;
Tel Pollion , aux jours d'Auguste ,
Joignoit le goût aux soins gueriers.
Des Chantres vantez d'Ausonie ,
Mécene fut le Protecteur :
Mais de leur sublime harmonie ,
Il ne fut point l'imitateur.
L'Ami des Chantres de la Seine
Unit dans un éclat égal ,
Au plaisir d'être leur Mécene ,
Le talent d'être leur Rival
Tu
JANVIER. 1732. 3
Tu sçais , Muse, de quelle grace ..
Sa Lyre anime une Chanson ;
On croit entendre encor Horace,
Ou l'élegant Anacréon.
Du Romain il a la finesse ,
Du Grec l'atticisme charmant ,
Comine eux , il prête à la Sagesse.
Tous les attraits de l'enjoûment.
Oseras-tu de ta Musette ,
Lui repeter les foibles Airs ?
Ose ; ton âge et ta houlette ,
Excusent tes humbles Concerts..
.
A ses yeux offre toi sans crainte
I n'a point ces dures froideurs ,
Cette fastuense contrainte
Eieres Compagnes dès grandeurs.
Rare vertu d'un rang illustre !
Ses yeux ne sont point éblouis,
Du nom brillant , du nouveau lustre
Qu'il doit aux faveurs de Louis.
Sous cet, auguste Caractere,
Le Tage autrefois l'admira ;
Au succès de son Ministere
Bien-tôt le Tibre applaudica..
>
Muse
MERCURE DE FRANCE
Muse , prens un essor plus libre ;
Parle toi même à ton Heros ;
Des applaudissemens du Tibre ,
Devenons les foibles Echos.
Dignefils d'un aimable Père,
Héritièr de ses agrémens :
Imitateur d'un sage Frere ,
Héritier de ses sentimens.
Chargé des Droits de la Couronne ,
'Allés , montrés dans cet Employ
Que sans être né sur le Trône ,
Onpeut penser et vivre en Roy.
Quand la Poësie ou la Prose
Occuperont vos doux loisirs :
Près des Murs que le Tibre arrose
Je vois quels seront vos plaisirs....
'Aux beaux Vers toûjours favorable ,
Toûjours épris du goût des Arts ;
Vous rétablirez l'ordre aimable ,
Du siecle des premiers Césars.
On n'y voit plus leur Cour antique ,
Théatre des Jeux de Phébus ; ·
C'est encor Rome magnifique ,
Mais Rome sçavante n'est plus.
De
JANVIER.
ร
1732.
·
De tant de sublimes Génies ,
Il ne reste chez leurs Neveux
Que les Champs où leurs Symphonies,
Charmerent l'oreille des Dieux.
Vous chérirez cette Contrée ,
Et les précieux Monumens ,
Où leur mémoire consacrée ,
Survit à la fuite des temps.
L'à de Menandre , autre Lélie,
Reprenant l'Attique Pinceau ,
Vous tracerez l'Art de Thalie,
A quelque Térence nouveau.
Vous aimerez ces doux asiles ,
Ces Bois , où le Chant renommé ,
Des Ovides et des Virgiles
Antiroit Auguste charmé.
Dans ces Solitudes chéries,
De la sçavante Antiquité ,
Des poëtiques rêveries ,
Yous chercherez la volupté.
De Tibur vous verrez les traces ,
Et sur ce Rivage charmant ,
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Résumé : ODE. A M. le Duc de Saint-Agnan, Ambassadeur de France à Rome, en lui envoyant une nouvelle Traduction des Eglogues de Virgile.
En janvier 1732, une lettre adressée au Duc de Saint-Agnan, ambassadeur de France à Rome, est publiée dans le Mercure de France. L'auteur, se présentant comme une Muse bergère, accompagne la lettre d'une nouvelle traduction des Églogues de Virgile. Il invite le Duc à apprécier la poésie, un art autrefois admiré par les rois et les conquérants, mais aujourd'hui négligé par les grands. L'auteur souligne que l'art poétique trouve encore refuge auprès des sages et des héros. Il compare le Duc à Mécène, protecteur des chanteurs d'Ausonie, et loue ses talents poétiques, comparables à ceux d'Horace et d'Anacréon. La Muse offre ses humbles concerts au Duc, soulignant sa vertu et son absence de faste. La lettre se termine par une description des plaisirs du Duc près du Tibre, où il restaurera l'ordre aimable du siècle des premiers Césars. Le texte met en avant l'amour du Duc pour la poésie et les arts, ainsi que son admiration pour les sublimes génies de l'antiquité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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669
p. 62-74
MORT DE M. DE LA MOTTHE.
Début :
Les Belles-Lettres, l'Académie Françoise, et tout notre Parnasse [...]
Mots clefs :
Antoine Houdard de la Motte, Mort, Génie, Talents, Ouvrages, Écrivain, Portrait, Académie française, Épigramme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORT DE M. DE LA MOTTHE.
MORT DE M. DE LA MOTTHË.
L
>
-
2.. ,
Es Belles-Lettres , l'Académie Frans.
çoise , et tout notre Parnasse viennent de faire une très grande perte en
la personne d'Antoine Houdard de la
Motthe mort à Paris , sa Patrie. le.
26 Decembre 1731. entre six et sept
heures du matin dans la soixantiéme.
année de son âge , étant né le 17 de
Janvier , jour de S. Antoine de l'an 1672.
Il a été inhumé à S. André des Arcs ,
sa Paroisse , après avoir reçu tous ses Sacremens.
,
M. de la Motthe étoit un de ces genies.
heureux , feconds , on peut dire propres
à tout , et à qui aucune matiere n'étoit
étrangere. Par les ressources de son esprie
et par l'étendue de ses lumieres il réussissoit en tout; et quoiqu'il employât beaucoup d'art , son stile élevé , élegant et
sublime paroissoit simple , galant , et
toujours expressif.
Son Commerce doux , engageant , utile
et aimable , lui avoient fait un très grand
nombre d'amis , et même du premier ordre , ensorte qu'on peut dire qu'il est generalement
JANVIER. 1732.
neralement regretté , plus encore de ceux
qui le voyoient de près , et qui étoient
à portée de connoître ses talens et d'en
profiter , sur-tout de sa maniere précise ,.
fine , délicate , et polie de narrer , et tous
les agrémens enfin de son entretien dont
on se sçavoit toujours bon gré de remporter quelque chose. Mais nous ne dissimu
lerons point que le nombre de ses Ennemis étoit presque aussi grand , si on peut
appeller de ce nom , de trop séveres Ĉenseurs qui trouvoient dans ses Ouvrages et
dans son stile je ne sçai quoi de recherché et de trop simetrisé,et qui décidoient,
peut-être , avec aussi peu de lumieres que
d'équité , et peut-être aussi avec la vaine
et ridicule gloire d'oser blâmer un illustre
Ecrivain impunément , et du même ton
établi dans certains endroits , où l'on accordoit , à peine , au célebte Académicien la qualité de Poëte.
Après avoir fait ses Humanitez , et avoir
étudié en Droit,il eût un tel goût pour la
déclamation et pour les Spectacles, qu'il re- présenta diversesComédies deMoliere avec:
des jeunes gens de son âge. Ce fut dans ce
tems-là qu'il fit paroître le premier fruit de sa veine dans une Comédie,intitulée les
·Originaux, ou l'Italie , que les Comédiens
Italiens jouerent en 1693. avec peu de
Diiij succês
MERCURE DE , FRANCE
succès ; mais quatre ans après , il fit lePoëme de l'Europe galante, qui lui acquit,
à bon titre , une réputation considérable ; mais l'Epoque de son plus grand
éclat , fut lorsque son premier Volume
d'Odes parut. Il fut peu de temps après.
suivi d'un second avec un Discours sur
l'Ode et d'autres Pieces en Vers et en
Prose. Le Port de Mer et le Bal d'Auteuil
sont deux petites Comédies que M. de la
Motthe fit dans s ajeunesse pour leThéatre
François , avec M. Boindin.
>
M. de la Motthe s'est distingué par un
grand nombre d'ouvrages de toutes sortes
de caracteres. Il ne disputa jamais de prix
d'Eloquence et de Foësie qu'il ne les remportât , et il fut si souvent couronné par
' Académie Françoise , et par celle des
Jeux Floraux , qu'il fut enfin prié de ne
plus concourir.
Après le Ballet de l'Europe Galante , qui
eut un si grand succès en 1697 , il donna
la même année à l'Opera , Issé , Pastorale Héroïque , en 1699 , Amadis de Grece , Marthesie , Reine des Amazones ,
Tragédies. En 1700 , le Triomphe des Arts,
Ballet , Canente , Tragedie. En 1701 ,
Omphale , Tragedie. En 1703 , le Carna
val et la Folie , Ballet. En 1705 , la Veni
sienne , Ballet , et Alcione , Tragédie. En
1709
JANVIER 1732. 65%
1709 , Jupiter et Semelé , Tragédie. Ses
derniers Poëmes lyriques sont Scanderberg,
Tragédie qu'on met actuellement en Musique , et le Ballet des Ages , qu'on doit
jouer après Pâques.
Les Poëmes Dramatiques de M. de
la Motthe , qui sont presque ses derniers Ouvrages , sont , les Machabées
Tragédie , Romulus , Tragédie , Inés de
Castro , Tragédie , Edipe , Tragédie en
Vers la même en Prose , la Matrone
d'Ephese , petite Comédie en Prose , le
Talisman, idem. Richard Minutolo , idem,
le Magnifique , en 2. Actes , en Prose.
Toutes ces Pieces ont été jouées par les
Comédiens François avec beaucoup de
succès. Ces trois dernieres sous le titre de
PItalie Galante.
L'Amante difficile est encore une de ses
Comédies en cinq Actes , en Prose , las
même en Vers , jouée en Prose sur le
Théatre Italien depuis peu de temps..
>
Tout le monde connoît du même Auteur , son Essay de Critique sur les Théa
tres où il trouve le moyen d'établir les.
Regles de la Tragédie , et de faire en mê
me temps l'Apologie de ses Pieces. Ses
Fables avec un Discours sur la Fable
L'Iliade d'Homere traduite en Vers
François avec un Discours sur Homere.
D▼ Ouvrage
و
66 MERCURE DE FRANCE
Ouvrage qui donna lieu à une fameuse
dispute litteraire et à plusieurs autres
Volumes de notre Auteur sur le même.
sujet.
res ,
Nous ne descendrons point dans le dé-..
tail d'une infinité de Piéces fugitives en
tout genre ; Requêtes , Factums , Memoi
Piéces de Theatre et autres ouvrages
aussi ingenieux que galants , et qu'on applaudissoit sous les nomsde plusieurs personnes de ses amis ,tant hommesque femmes ; et sans qu'on ait jamais sçu le yeritable Auteur de ces ouvrages.
Il y a dans les receuils de l'Académie
Françoise , plusieurs Piéces de lui , entre
autres l'Eloge du feu Roi , qui est un morceau aussi élegant que pathetique. On assure qu'il y a dans son cabinet une suite
d'Eglogues , avec un discours sur l'Eglogue. Un memorial de l'histoire de France
en vers ; un autre de l'Histoire Romaine,
des Heures en vers , &c.
M. de la Motthe étoit d'une taille me-.
diocre , avec peu d'agrémens dans sa personne et dans le visage, mais il n'avoit rien
de rebutants on trouvoit beaucoup de
douceur dans sa phisionomie, dans ses manieres et dans le ton de sa voix. D'ailleurs
obligeant , moderé et poli dans la dispu
te, qu'il assaisonnoit de beaucoup de finis
se
JANVIER. 1732. 67
se d'esprit et de legereté. Dans les 12. ou
15. dernieres années de sa vie, il étoit toutà fait aveugle , et si accablé d'infirmitez
qu'il ne pouvoit pas faire un pas , ni même se tenir debout. Sa nourriture ordinaire étoit de pain , de legumes et de
lait.
Il avoit eu quelque vocation pour L'Etat Ecclesiatique , et avoit aspiré même à
la plus haute devotion. Il quitta le petit
colet en 1597. et a toujours vêcu dans le
celibat.
En 1710. P'Académie Françoise le nomma pour remplir la place de Thomas Cor
neille. Hy prit séance le 8. Fevrier dans
une très- nombreuse assemblée, et prononça un très-beau Discours. Il dit en parlant
de la pertede la vûe de M.Corneille, et s'adressant à ses Confreres , que ce que l'âge
avoit ravi à son prédecesseur,il l'avoit perdu dès sa jeunesse , que cette malheureuse
confirmité qu'il avoit avec lui, leur en rappelleroit souvent le souvenir , et qu'il ne
serviroit qu'à leur faire sentirsa perte; et il
adjouta : Ilfaut l'avouer cependant cette pri- ·
vation dontjemeplains,ne sera plus deformats :
pour moi un pretexte d'ignorance. Vous m'a
vez rendu la vûë , vous m'ave , ouvert tous
Les livres en m'associant à votre compagnie.
Aurayje besoin defaits ? Je trouverai ici des
Devi sçavanss
68 MERCURE DE FRANCE
1
Me sçavans à qui il n'en est point échapé.
faudra t'il des preceptes ? Je m'adresserai aux
maîtres de l'Art. Chercherai-je des exemples?
J'apprendrai les beautez des Anciens de la
bouche même de leurs Rivaux. J'ai droit enfin à tout ce que vous sçavez ; puisque je
puis vous entendre ,je n'envie plus le bonheur
de ceux qui peuvent lire. Jugez , Messieurs ,
de ma reconnoissance par l'idée juste et vive
queje meforme de vos bienfaits.
Nous finirons par l'Epigramme que
l'Abbé Tallement recita sur son nouveau
Confrere à la fin de la scéance.
LA MOTTHE par l'effort de ton vaste genie
Tu repares du fort l'injuste tirannie ,
Ce n'est pas par les yeux que l'esprit vient à bout
De bien connoître la nature ;
Argus avec cent yeux ne connut point- Mercure
Homere sans yeux voyoit tout.
PORTRAIT DE M. DE LA MOTTHE.
Q
Velle perte pour les Lettres que celle de
M. de la Motthe ? Peu d'hommes ent
réuni autant de qualitez de l'esprit et dans un
degré aussi éminent. Il sçait vous attacher
vousfixerpar ce grand sens , et par ce fond
de raifon qui caracterisent ses Ecrits. Quelqu'interessant qu'il fut par l'exposition du vrai
JANVIER 1731 69-
vrai , il ne dedaignoitpas les secours de l'imagination , il empruntott d'elle les couleurs
dont il avoit besoin pour rendre les veritez.
sensibles toujours maître du choix qui conz
venoit le mieux.
Ce n'étoientpaslà ses seules qualitez.Il s'onvroit de lafaçon la plus insinuante dans la
crainte de blesser l'amour propre dont il con
noissoit toute la delicatesse. Il nous rappelloit
ànous mêmes et nous amenoit insensiblement
aupoint de penser comme lui , mais après lui.
Ce qu'il nous avoit découvert , nous croïons
ne le tenir que de nous. Delà cette éloquence de
sentiment , qui comme si elle se fût mefiée de
la force des preuves , cherchoit à nous gagner
avant que denous convaincre.
Ala sublimité dugenie , à la delicatesse du
sentiment iljoignit l'étendue des vues et des
reflexions. Il avoit sçû par solidité d'esprit
etpar une précision d'idée , saisir les princidans beaucoup de genres , et sa souplesse
à se retournersurles differentes matieres le rendoit plus profond et plus lumineux dans chacune de celles qu'il avoit à traiter.
pes
Nous lui devons plus qu'à ces Ecrivains
qui par la seule force du genie ont bien exe
cuté , mais qui n'étoient pas capables de dé
velopper les regles de leur Art. Nous lui devons plus aussi qu'à ses hommesformezpar
la meditation , qui n'ont sçu que nous donner des
7 MERCURE DE FRANCE
des regles sans être capables de l'execution: -
M. de la Motthe nous afourni les regles et
les modeles, et parlà , sans le vouloir , il nousrend raison de ses succès.
Faut-il s'étonner si le Public sefaisoit un si
doux plaisir de l'entendre dans ces occasions
éclatantes où il avoit à soutenir à lafois l'hon
neur de l'Académie et celui de la Nation. Ses
discours tout recherchez, tout travaillez qu'ils
éroient,prenoient dans sa bouche un air sina ..
turel,qu'on eut dit qu'illes composoit dansl'ins
tant. Vous l'eussiez vû s'exprimer même par
le ton de sa voix , enlever l'Auditoire parla
justesse , par l'énergie , par la finesse de sa dé clamation...
Orné de tant de talens , il devoit être le con--
seil de tous ceux qui se mêloient d'écrires aussi
Pétoit-ilde plusieurs. Il ne s'offroit pas de son
propre mouvement à entendre toute sorte d'ouvrage, mais il se prêtoit de bonne grace. Avec
quelle activité ne saisissoit - il pas le genie de
Auteur , l'efprit de tout l'ouvrage, en un mot
toutes les convenances. Critique desinteressé
il ne cherchoit point à se mettre à la place de
Auteuren lui substituant ses propres lumieres...
Critiqueferme , il n'épargnoit rien de ce qu'il
croyoit contraire à la precision et à l'agrément.
Critique modeste , ilproposoit ses avis comme
de doute , toujours prêt à se rendre si on lui
faisoit voir qu'il s'étoit trompé.
L'amour
JANVIER. 1734: 71
-
L'amourdes Lettres ne lui avoit pointfait
perdre le goûtde la societé. Ceuxqui ontjoui :
de son commerce sçavent combien il étoit aimable. Il se livroit à quiconque vouloit l'entreteairou l'entendre. Habile à discerner les dif .
ferens caracteres , il trouvoit le bon côté de chacundes hommes et les aidoit à se montrer dans
Le jour le plus favorable , ce quifait voir sa
superiorité. Nulfaste dans ses expressions ;
point de rudesse dansıses manieres. On ne le
surprenoit point dans ces distractions , si or
dinaires aux gens applique . Il sembloit né
pourchacune des matieres qui se presentoients .
égalementpropre au solide et à l'agreable, aussi ·
bien placé dans les conversations où le cœurse
répand que dans celles où l'esprit se deploye
Il conservoit une gayeté philosophique dont
il donnoit des signes plus ou moins marquez
selon les conjonctures.
Quel charme d'eut été de l'entendre dans ces
conversations instructives et enjouées où son
amifeu M.de la Faye le piquoit , le pressoit
par des contradictions fines et adroites. Oneut
vûl'un donner au faux son air de vrai-semblance , l'autre soutenir le vrai par les raisons lesplus solides. M. de la Faye ne resis™....
toit que pour ceder ; M. de la Motike ne se
prévaloitpoint de sa victoire.
Quelle égalité d'ame ? Combien il differoit
de ces gens polis , á la verité , qui surmons tent
72. MERCURE DE FRANCE
tent leurs inquiétudes et leurs chagrins pour serendre agreables dans les cercles , mais qui, se.
vangent en secret , et dans le domestique des
efforts qu'il leur en a coûté pour reprimer leur
humeur. De telles gens , à proprement parler
aiment le monde et non pas les hommes. M.
de la Motthe aimoit les hommes ; il aimoit
ses Parens ; il avoit attiré et fixé auprès de
lui un neveu d'un vrai merite , qu'il regar-
"doit comme un autre lui-même. On ne voit
point d'union plus parfaite qu'étoit la leur.
Qui croiroit que M. de la Motthe étoit
privé de la vue et perclus de presque tous
ses membres Il n'étoit pas insensible aux maux mais on eût pu penser qu'il l'étoit.
Il se refusoit la consolation qu'il auroit pi
trouver à se plaindre . Il aimoit mieux souffrir davantage , et ne point faire souffrir les
autres. Il étoit reconnoissant , même des services qu'on lui rendoit par devoir , quoiqu'il
ignorât , peut- être , combien l'inclination y
avoit de part.
يو
Un merite si éclatant ne l'a pas garanti
de la jalousie des Auteurs mediocres. Ils se
sont presque tous liguez ; mais leurs efforts
n'ont abouti qu'à découvrir la malignité de
leurs intentions , et à leur attirer les mépris
dus à leur bas procedé.
Des Ecrivains plus connus ont pris les armes contre lui mais des motifs plus > par nobless
JANVIER. 1732. 73
nobles. Ainsi on a vû une sçavante Dame
venir au secours d'Homere. Ainsi on a vi
tel de nos Sophocles modernes soutenir la nécessité de la versification dans les Pieces de
Theatre. M. de la Motthe distinguoit ces
Aggresseurs des autres ; il les estimoit autant
qu'il en étoit estimé.
Il ne refutoit pas tous les Ecrits. Voici
quelle étoit sa conduite . Il repondoit toutes les
fois qu'il croyoit le Public interessé dans sa
deffense , mais c'étoit toujours avec des égards
qui marquoient le fond de sa probité. Ilgar
doit le silence quand il ne s'agissoit que de
·sa personne.
Le bas Parnasse a imputé son silence à
fierté. Mais qu'attendoient-ils , repond-on
à desOuvrages que le Public ne lit point ?
La posterité desinteressée le jugera..
4
S'il s'est elevé contre le Prince des Poëtes ,
son but n'étoit pas de le décrier. Il lui a accordé les grands talens. Il convenoit qu'Homere eût été le premier Poëte de son siecle
dans quelque temps qu'il eût vecu ; mais en
même temps il observoit qu'on avoit depuis
porté l'Art à un point de perfection que ce
Poëte n'avoit pas connu. S'il a critiqué les
écarts de Pindare , ce n'est pas qu'il blâmât
ce beau feu , qui transporte les Poëtes
sur- tout les Lyriques , mais il vouloit qu'à
travers leur desordre , on entrevit une suite
› et
d'idées
74 MERCURE DE FRANCE
d'idées , que le desordre ne fut que dans l'a:
marche , et que l'on put recueillir un sens
complet , une morale suivie de la totalité de
l'ouvrage. Des fautes dont il respectoit les
Auteurs , lui ont donné occasion d'établir des
Principes qu'on ne lui a pas contestés. De-là
nous sont venus ces Chef- d'œuvres d'Elo-.
quence , ces Discours qu'il nous a laissés sur·
le Poëme épique , sur l'Ode , sur la Fable ,
et sur la Tragedie..
M.de la Motthe est mort regretté de ceux
qui l'approchoient , et de ceux qui ne le connoissoient que par ses ouvrages. Il n'y a
qu'une voix sur son sujet. Il étoit honnête .
komme, mais dans toute l'étendue de ce terme..
Il ne s'est point démenti aux approches de la
mort. Lui qui avoit representé Louis XIV.
comme plus grand au lit de la mort , que
dans le fort de ses prosperitez et de ses triomphes. Il a conservé lui- même dans ce moment
ta tranquillité du Héros qu'il avoit celebré..
L
>
-
2.. ,
Es Belles-Lettres , l'Académie Frans.
çoise , et tout notre Parnasse viennent de faire une très grande perte en
la personne d'Antoine Houdard de la
Motthe mort à Paris , sa Patrie. le.
26 Decembre 1731. entre six et sept
heures du matin dans la soixantiéme.
année de son âge , étant né le 17 de
Janvier , jour de S. Antoine de l'an 1672.
Il a été inhumé à S. André des Arcs ,
sa Paroisse , après avoir reçu tous ses Sacremens.
,
M. de la Motthe étoit un de ces genies.
heureux , feconds , on peut dire propres
à tout , et à qui aucune matiere n'étoit
étrangere. Par les ressources de son esprie
et par l'étendue de ses lumieres il réussissoit en tout; et quoiqu'il employât beaucoup d'art , son stile élevé , élegant et
sublime paroissoit simple , galant , et
toujours expressif.
Son Commerce doux , engageant , utile
et aimable , lui avoient fait un très grand
nombre d'amis , et même du premier ordre , ensorte qu'on peut dire qu'il est generalement
JANVIER. 1732.
neralement regretté , plus encore de ceux
qui le voyoient de près , et qui étoient
à portée de connoître ses talens et d'en
profiter , sur-tout de sa maniere précise ,.
fine , délicate , et polie de narrer , et tous
les agrémens enfin de son entretien dont
on se sçavoit toujours bon gré de remporter quelque chose. Mais nous ne dissimu
lerons point que le nombre de ses Ennemis étoit presque aussi grand , si on peut
appeller de ce nom , de trop séveres Ĉenseurs qui trouvoient dans ses Ouvrages et
dans son stile je ne sçai quoi de recherché et de trop simetrisé,et qui décidoient,
peut-être , avec aussi peu de lumieres que
d'équité , et peut-être aussi avec la vaine
et ridicule gloire d'oser blâmer un illustre
Ecrivain impunément , et du même ton
établi dans certains endroits , où l'on accordoit , à peine , au célebte Académicien la qualité de Poëte.
Après avoir fait ses Humanitez , et avoir
étudié en Droit,il eût un tel goût pour la
déclamation et pour les Spectacles, qu'il re- présenta diversesComédies deMoliere avec:
des jeunes gens de son âge. Ce fut dans ce
tems-là qu'il fit paroître le premier fruit de sa veine dans une Comédie,intitulée les
·Originaux, ou l'Italie , que les Comédiens
Italiens jouerent en 1693. avec peu de
Diiij succês
MERCURE DE , FRANCE
succès ; mais quatre ans après , il fit lePoëme de l'Europe galante, qui lui acquit,
à bon titre , une réputation considérable ; mais l'Epoque de son plus grand
éclat , fut lorsque son premier Volume
d'Odes parut. Il fut peu de temps après.
suivi d'un second avec un Discours sur
l'Ode et d'autres Pieces en Vers et en
Prose. Le Port de Mer et le Bal d'Auteuil
sont deux petites Comédies que M. de la
Motthe fit dans s ajeunesse pour leThéatre
François , avec M. Boindin.
>
M. de la Motthe s'est distingué par un
grand nombre d'ouvrages de toutes sortes
de caracteres. Il ne disputa jamais de prix
d'Eloquence et de Foësie qu'il ne les remportât , et il fut si souvent couronné par
' Académie Françoise , et par celle des
Jeux Floraux , qu'il fut enfin prié de ne
plus concourir.
Après le Ballet de l'Europe Galante , qui
eut un si grand succès en 1697 , il donna
la même année à l'Opera , Issé , Pastorale Héroïque , en 1699 , Amadis de Grece , Marthesie , Reine des Amazones ,
Tragédies. En 1700 , le Triomphe des Arts,
Ballet , Canente , Tragedie. En 1701 ,
Omphale , Tragedie. En 1703 , le Carna
val et la Folie , Ballet. En 1705 , la Veni
sienne , Ballet , et Alcione , Tragédie. En
1709
JANVIER 1732. 65%
1709 , Jupiter et Semelé , Tragédie. Ses
derniers Poëmes lyriques sont Scanderberg,
Tragédie qu'on met actuellement en Musique , et le Ballet des Ages , qu'on doit
jouer après Pâques.
Les Poëmes Dramatiques de M. de
la Motthe , qui sont presque ses derniers Ouvrages , sont , les Machabées
Tragédie , Romulus , Tragédie , Inés de
Castro , Tragédie , Edipe , Tragédie en
Vers la même en Prose , la Matrone
d'Ephese , petite Comédie en Prose , le
Talisman, idem. Richard Minutolo , idem,
le Magnifique , en 2. Actes , en Prose.
Toutes ces Pieces ont été jouées par les
Comédiens François avec beaucoup de
succès. Ces trois dernieres sous le titre de
PItalie Galante.
L'Amante difficile est encore une de ses
Comédies en cinq Actes , en Prose , las
même en Vers , jouée en Prose sur le
Théatre Italien depuis peu de temps..
>
Tout le monde connoît du même Auteur , son Essay de Critique sur les Théa
tres où il trouve le moyen d'établir les.
Regles de la Tragédie , et de faire en mê
me temps l'Apologie de ses Pieces. Ses
Fables avec un Discours sur la Fable
L'Iliade d'Homere traduite en Vers
François avec un Discours sur Homere.
D▼ Ouvrage
و
66 MERCURE DE FRANCE
Ouvrage qui donna lieu à une fameuse
dispute litteraire et à plusieurs autres
Volumes de notre Auteur sur le même.
sujet.
res ,
Nous ne descendrons point dans le dé-..
tail d'une infinité de Piéces fugitives en
tout genre ; Requêtes , Factums , Memoi
Piéces de Theatre et autres ouvrages
aussi ingenieux que galants , et qu'on applaudissoit sous les nomsde plusieurs personnes de ses amis ,tant hommesque femmes ; et sans qu'on ait jamais sçu le yeritable Auteur de ces ouvrages.
Il y a dans les receuils de l'Académie
Françoise , plusieurs Piéces de lui , entre
autres l'Eloge du feu Roi , qui est un morceau aussi élegant que pathetique. On assure qu'il y a dans son cabinet une suite
d'Eglogues , avec un discours sur l'Eglogue. Un memorial de l'histoire de France
en vers ; un autre de l'Histoire Romaine,
des Heures en vers , &c.
M. de la Motthe étoit d'une taille me-.
diocre , avec peu d'agrémens dans sa personne et dans le visage, mais il n'avoit rien
de rebutants on trouvoit beaucoup de
douceur dans sa phisionomie, dans ses manieres et dans le ton de sa voix. D'ailleurs
obligeant , moderé et poli dans la dispu
te, qu'il assaisonnoit de beaucoup de finis
se
JANVIER. 1732. 67
se d'esprit et de legereté. Dans les 12. ou
15. dernieres années de sa vie, il étoit toutà fait aveugle , et si accablé d'infirmitez
qu'il ne pouvoit pas faire un pas , ni même se tenir debout. Sa nourriture ordinaire étoit de pain , de legumes et de
lait.
Il avoit eu quelque vocation pour L'Etat Ecclesiatique , et avoit aspiré même à
la plus haute devotion. Il quitta le petit
colet en 1597. et a toujours vêcu dans le
celibat.
En 1710. P'Académie Françoise le nomma pour remplir la place de Thomas Cor
neille. Hy prit séance le 8. Fevrier dans
une très- nombreuse assemblée, et prononça un très-beau Discours. Il dit en parlant
de la pertede la vûe de M.Corneille, et s'adressant à ses Confreres , que ce que l'âge
avoit ravi à son prédecesseur,il l'avoit perdu dès sa jeunesse , que cette malheureuse
confirmité qu'il avoit avec lui, leur en rappelleroit souvent le souvenir , et qu'il ne
serviroit qu'à leur faire sentirsa perte; et il
adjouta : Ilfaut l'avouer cependant cette pri- ·
vation dontjemeplains,ne sera plus deformats :
pour moi un pretexte d'ignorance. Vous m'a
vez rendu la vûë , vous m'ave , ouvert tous
Les livres en m'associant à votre compagnie.
Aurayje besoin defaits ? Je trouverai ici des
Devi sçavanss
68 MERCURE DE FRANCE
1
Me sçavans à qui il n'en est point échapé.
faudra t'il des preceptes ? Je m'adresserai aux
maîtres de l'Art. Chercherai-je des exemples?
J'apprendrai les beautez des Anciens de la
bouche même de leurs Rivaux. J'ai droit enfin à tout ce que vous sçavez ; puisque je
puis vous entendre ,je n'envie plus le bonheur
de ceux qui peuvent lire. Jugez , Messieurs ,
de ma reconnoissance par l'idée juste et vive
queje meforme de vos bienfaits.
Nous finirons par l'Epigramme que
l'Abbé Tallement recita sur son nouveau
Confrere à la fin de la scéance.
LA MOTTHE par l'effort de ton vaste genie
Tu repares du fort l'injuste tirannie ,
Ce n'est pas par les yeux que l'esprit vient à bout
De bien connoître la nature ;
Argus avec cent yeux ne connut point- Mercure
Homere sans yeux voyoit tout.
PORTRAIT DE M. DE LA MOTTHE.
Q
Velle perte pour les Lettres que celle de
M. de la Motthe ? Peu d'hommes ent
réuni autant de qualitez de l'esprit et dans un
degré aussi éminent. Il sçait vous attacher
vousfixerpar ce grand sens , et par ce fond
de raifon qui caracterisent ses Ecrits. Quelqu'interessant qu'il fut par l'exposition du vrai
JANVIER 1731 69-
vrai , il ne dedaignoitpas les secours de l'imagination , il empruntott d'elle les couleurs
dont il avoit besoin pour rendre les veritez.
sensibles toujours maître du choix qui conz
venoit le mieux.
Ce n'étoientpaslà ses seules qualitez.Il s'onvroit de lafaçon la plus insinuante dans la
crainte de blesser l'amour propre dont il con
noissoit toute la delicatesse. Il nous rappelloit
ànous mêmes et nous amenoit insensiblement
aupoint de penser comme lui , mais après lui.
Ce qu'il nous avoit découvert , nous croïons
ne le tenir que de nous. Delà cette éloquence de
sentiment , qui comme si elle se fût mefiée de
la force des preuves , cherchoit à nous gagner
avant que denous convaincre.
Ala sublimité dugenie , à la delicatesse du
sentiment iljoignit l'étendue des vues et des
reflexions. Il avoit sçû par solidité d'esprit
etpar une précision d'idée , saisir les princidans beaucoup de genres , et sa souplesse
à se retournersurles differentes matieres le rendoit plus profond et plus lumineux dans chacune de celles qu'il avoit à traiter.
pes
Nous lui devons plus qu'à ces Ecrivains
qui par la seule force du genie ont bien exe
cuté , mais qui n'étoient pas capables de dé
velopper les regles de leur Art. Nous lui devons plus aussi qu'à ses hommesformezpar
la meditation , qui n'ont sçu que nous donner des
7 MERCURE DE FRANCE
des regles sans être capables de l'execution: -
M. de la Motthe nous afourni les regles et
les modeles, et parlà , sans le vouloir , il nousrend raison de ses succès.
Faut-il s'étonner si le Public sefaisoit un si
doux plaisir de l'entendre dans ces occasions
éclatantes où il avoit à soutenir à lafois l'hon
neur de l'Académie et celui de la Nation. Ses
discours tout recherchez, tout travaillez qu'ils
éroient,prenoient dans sa bouche un air sina ..
turel,qu'on eut dit qu'illes composoit dansl'ins
tant. Vous l'eussiez vû s'exprimer même par
le ton de sa voix , enlever l'Auditoire parla
justesse , par l'énergie , par la finesse de sa dé clamation...
Orné de tant de talens , il devoit être le con--
seil de tous ceux qui se mêloient d'écrires aussi
Pétoit-ilde plusieurs. Il ne s'offroit pas de son
propre mouvement à entendre toute sorte d'ouvrage, mais il se prêtoit de bonne grace. Avec
quelle activité ne saisissoit - il pas le genie de
Auteur , l'efprit de tout l'ouvrage, en un mot
toutes les convenances. Critique desinteressé
il ne cherchoit point à se mettre à la place de
Auteuren lui substituant ses propres lumieres...
Critiqueferme , il n'épargnoit rien de ce qu'il
croyoit contraire à la precision et à l'agrément.
Critique modeste , ilproposoit ses avis comme
de doute , toujours prêt à se rendre si on lui
faisoit voir qu'il s'étoit trompé.
L'amour
JANVIER. 1734: 71
-
L'amourdes Lettres ne lui avoit pointfait
perdre le goûtde la societé. Ceuxqui ontjoui :
de son commerce sçavent combien il étoit aimable. Il se livroit à quiconque vouloit l'entreteairou l'entendre. Habile à discerner les dif .
ferens caracteres , il trouvoit le bon côté de chacundes hommes et les aidoit à se montrer dans
Le jour le plus favorable , ce quifait voir sa
superiorité. Nulfaste dans ses expressions ;
point de rudesse dansıses manieres. On ne le
surprenoit point dans ces distractions , si or
dinaires aux gens applique . Il sembloit né
pourchacune des matieres qui se presentoients .
égalementpropre au solide et à l'agreable, aussi ·
bien placé dans les conversations où le cœurse
répand que dans celles où l'esprit se deploye
Il conservoit une gayeté philosophique dont
il donnoit des signes plus ou moins marquez
selon les conjonctures.
Quel charme d'eut été de l'entendre dans ces
conversations instructives et enjouées où son
amifeu M.de la Faye le piquoit , le pressoit
par des contradictions fines et adroites. Oneut
vûl'un donner au faux son air de vrai-semblance , l'autre soutenir le vrai par les raisons lesplus solides. M. de la Faye ne resis™....
toit que pour ceder ; M. de la Motike ne se
prévaloitpoint de sa victoire.
Quelle égalité d'ame ? Combien il differoit
de ces gens polis , á la verité , qui surmons tent
72. MERCURE DE FRANCE
tent leurs inquiétudes et leurs chagrins pour serendre agreables dans les cercles , mais qui, se.
vangent en secret , et dans le domestique des
efforts qu'il leur en a coûté pour reprimer leur
humeur. De telles gens , à proprement parler
aiment le monde et non pas les hommes. M.
de la Motthe aimoit les hommes ; il aimoit
ses Parens ; il avoit attiré et fixé auprès de
lui un neveu d'un vrai merite , qu'il regar-
"doit comme un autre lui-même. On ne voit
point d'union plus parfaite qu'étoit la leur.
Qui croiroit que M. de la Motthe étoit
privé de la vue et perclus de presque tous
ses membres Il n'étoit pas insensible aux maux mais on eût pu penser qu'il l'étoit.
Il se refusoit la consolation qu'il auroit pi
trouver à se plaindre . Il aimoit mieux souffrir davantage , et ne point faire souffrir les
autres. Il étoit reconnoissant , même des services qu'on lui rendoit par devoir , quoiqu'il
ignorât , peut- être , combien l'inclination y
avoit de part.
يو
Un merite si éclatant ne l'a pas garanti
de la jalousie des Auteurs mediocres. Ils se
sont presque tous liguez ; mais leurs efforts
n'ont abouti qu'à découvrir la malignité de
leurs intentions , et à leur attirer les mépris
dus à leur bas procedé.
Des Ecrivains plus connus ont pris les armes contre lui mais des motifs plus > par nobless
JANVIER. 1732. 73
nobles. Ainsi on a vû une sçavante Dame
venir au secours d'Homere. Ainsi on a vi
tel de nos Sophocles modernes soutenir la nécessité de la versification dans les Pieces de
Theatre. M. de la Motthe distinguoit ces
Aggresseurs des autres ; il les estimoit autant
qu'il en étoit estimé.
Il ne refutoit pas tous les Ecrits. Voici
quelle étoit sa conduite . Il repondoit toutes les
fois qu'il croyoit le Public interessé dans sa
deffense , mais c'étoit toujours avec des égards
qui marquoient le fond de sa probité. Ilgar
doit le silence quand il ne s'agissoit que de
·sa personne.
Le bas Parnasse a imputé son silence à
fierté. Mais qu'attendoient-ils , repond-on
à desOuvrages que le Public ne lit point ?
La posterité desinteressée le jugera..
4
S'il s'est elevé contre le Prince des Poëtes ,
son but n'étoit pas de le décrier. Il lui a accordé les grands talens. Il convenoit qu'Homere eût été le premier Poëte de son siecle
dans quelque temps qu'il eût vecu ; mais en
même temps il observoit qu'on avoit depuis
porté l'Art à un point de perfection que ce
Poëte n'avoit pas connu. S'il a critiqué les
écarts de Pindare , ce n'est pas qu'il blâmât
ce beau feu , qui transporte les Poëtes
sur- tout les Lyriques , mais il vouloit qu'à
travers leur desordre , on entrevit une suite
› et
d'idées
74 MERCURE DE FRANCE
d'idées , que le desordre ne fut que dans l'a:
marche , et que l'on put recueillir un sens
complet , une morale suivie de la totalité de
l'ouvrage. Des fautes dont il respectoit les
Auteurs , lui ont donné occasion d'établir des
Principes qu'on ne lui a pas contestés. De-là
nous sont venus ces Chef- d'œuvres d'Elo-.
quence , ces Discours qu'il nous a laissés sur·
le Poëme épique , sur l'Ode , sur la Fable ,
et sur la Tragedie..
M.de la Motthe est mort regretté de ceux
qui l'approchoient , et de ceux qui ne le connoissoient que par ses ouvrages. Il n'y a
qu'une voix sur son sujet. Il étoit honnête .
komme, mais dans toute l'étendue de ce terme..
Il ne s'est point démenti aux approches de la
mort. Lui qui avoit representé Louis XIV.
comme plus grand au lit de la mort , que
dans le fort de ses prosperitez et de ses triomphes. Il a conservé lui- même dans ce moment
ta tranquillité du Héros qu'il avoit celebré..
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Résumé : MORT DE M. DE LA MOTTHE.
Antoine Houdar de La Motte est décédé à Paris le 26 décembre 1731 à l'âge de 60 ans et a été inhumé à l'église Saint-André-des-Arts. Écrivain prolifique et talentueux, il maîtrisait divers genres littéraires avec un style élevé, élégant et sublime, tout en restant simple et expressif. Son caractère doux et engageant lui a valu de nombreux amis, mais aussi des critiques sévères qui trouvaient son style trop recherché. La Motte a étudié le droit et s'est passionné pour la déclamation et le théâtre, représentant des comédies de Molière. Parmi ses œuvres notables figurent 'Les Originaux' en 1693 et 'L'Europe galante' en 1697. Il a également composé des tragédies, des comédies, des poèmes lyriques et des ballets. Ses œuvres ont été couronnées par l'Académie française et celle des Jeux Floraux. En 1710, il a été élu à l'Académie française pour remplacer Thomas Corneille. Malgré sa cécité et ses infirmités, il a continué à écrire et à conseiller d'autres écrivains. Il était connu pour son éloquence, sa finesse d'esprit et sa modestie, laissant une œuvre littéraire riche et variée, marquée par une grande maîtrise des règles et des modèles littéraires. La Motte a été victime de la jalousie des auteurs médiocres et de critiques de la part d'écrivains plus connus. Il répondait aux critiques uniquement lorsque le public était concerné, toujours avec respect et probité. Son silence face aux attaques mineures a été mal interprété par certains. Il a critiqué Homère et Pindare pour établir des principes littéraires, et ses écrits sur le poème épique, l'ode, la fable et la tragédie sont devenus des chefs-d'œuvre d'éloquence. À sa mort, il a été regretté par tous, tant pour sa personne que pour ses œuvres, conservant sa tranquillité jusqu'à la fin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
670
p. 75
A MADEMOISELLE DU MALCRAIS DE LA VIGNE, Sur son Ode en Prose.
Début :
Quelques difficultez, Malcrais, que l'Art t'oppose, [...]
Mots clefs :
Triomphe, Talents, Prose, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE DU MALCRAIS DE LA VIGNE, Sur son Ode en Prose.
A MADEMOISELLE
DU MALCRAIS DE LA VIGNE ,
Sur son Ode en Prose.
Uelques difficultez , Malcrais , que l'Art
t'oppose ,
Tu sçais en triompher par tes talens divers ;
Tu sçais être sublime , et mesurée en Prose ,
Ou libre , et naturelle en Vers.
DU MALCRAIS DE LA VIGNE ,
Sur son Ode en Prose.
Uelques difficultez , Malcrais , que l'Art
t'oppose ,
Tu sçais en triompher par tes talens divers ;
Tu sçais être sublime , et mesurée en Prose ,
Ou libre , et naturelle en Vers.
Fermer
671
p. 116-130
Bibliotheque Italique, &c. [titre d'après la table]
Début :
BIBLIOTEQUE ITALIQUE, ou Histoire Litteraire de l'Italie. May, Juin, [...]
Mots clefs :
Italie, Histoire littéraire, Journal de Venise, Académies d'Italie, Venise, Sciences, Journal des savants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Bibliotheque Italique, &c. [titre d'après la table]
BIBLIOTEQUE ITALIQUE оц
Histoire Litteraire de l'Italie. May , Juin,
Juillet , Août 1728. Tome II. AGeneve ,
chezMM.Bousquet et Compagnie in 12, de
335. pages , et se trouve à Paris , ruë S.
Jacques chezGuerin. Le
JANVIER 1732 HT
Le premier article de ce second volume.
de la Bibliotheque Italique presente un
ouvrage considerable du Docteur Hiacinthe Gimma , Napolitain , sous le titre de
IDEA della storia dell' ITALIA LETTERATA ,
&c. ou Idée de l'Histoire Litteraire de l'Italie , &c. Par Don Hiacinte Gimma , &c.
en deux Tomes in 4. contenant 913. pages
sans l'Epitre Dedicatoire et la Preface. A
Naples , chez Felix Mosca 1723,
Avant que d'entrer en matiere sur cette
Histoire, les Auteurs du nouveau Journal,
ont cru devoir en porter le jugement que
voici. » Si Don H. Gimma avoit fait une
»Histoire methodique de l'étatdes Sciences
»et des Arts en Italie depuis le quinziéme
»siecle , il auroit mieux satisfait les vrais
» Sçavans , et auroit fait beaucoup plus
» d'honneur à sa Patrie , qu'en publiant
» un ouvrage indigeste. et trop, chargé,
» d'une infinité de choses qui paroissent
»peu necessaires pour un tel dessein. Il
» semble que ce Sçavant Homme ait voulu
» faire un pompeux étalage de ses lectures,
>> et montrer qu'il n'ignore aucun des sujets
»sur lesquels les Anciens et les Modernes.
»ont écrit. Il s'étoit déja fait connoître.
»sur le même pied par quelques autres ou
vrages , qui lui ont acquis beaucoup de
»réputation en Italie et dans les Pays ouses
13 MERCURE DE FRANCE
ses Livres ont passé. Il auroit pû , s'il
navoit voulu, imiter quelques Sçavans Ita-
»liens du premier ordre , dont la plûpart
»sont de ses amis , et dont les ouvrages
» dépouillés d'inutilités , ne laissent pas
» d'être très- curieux et très - instructifs, &c.
Cette critique , poussée encore plus loin.
par nos Journalistes,neles empêche pas de.
convenir que l'ouvrage de M. Gimma
merite toute l'attention des gens de Lettres , sur tout de ceux qui vivent en deçà
des Monts , et qui sont peu au fait de ce
qui se passe en Italie à l'égard desSciences
et des beaux Arts. Il contient quantité de
choses que l'on chercheroit envain ailleurs. En voici le plan et une idée , telle
que nous pouvons la donner , sans exceder les bornes qui nous conviennent.
*
L'ouvrage est divisé en 50. Chapitres
dont 34. forment le premier Tome , qui
comprend l'Histoire des Sciences et des
Arts depuis Adam jusqu'au quatorziéme
siecle inclusivement. Le second Tome
commence au quinziéme siecle et finit à
P'année 1723. Dom Gaspar Campanile ,
ami de l'Auteur , et Membre de l'Acadé
mie de Rossano a fait la Préface. Il y explique le dessein du Docteur Gimma qui est
demontrer que l'Italie a toujours été laMere
et la Maitresse du sçavoir. L'Auteur s'explique
JANVIER. 1732. 119
plique ensuite lui même dans l'introduction,sur le but qu'il s'est proposé. Il a voulu justifier ses Compatriotes et faire voir
que c'est à tort qu'on accuse les Italiens
d'ignorance , et que l'on debite chez les
Etrangers qu'on ne fait en Italie que copier des ouvrages déja imprimés , &c. Il
oppose à cette accusation entre autres
moyens de défense , le Journal Litteraire
de Venise , qui est en effet une preuve recente et authentique que l'Italie cultive
les Sciences et qu'elle enrichit la Republique des Lettres de son propre fond.
Le premier Tome , qui contient un
grand détail, finit par l'histoire dela Peinture , de la Sculpture , de l'Architecture,.
et de l'Art de Graver en bois et en cuivre;
par les noms et les ouvrages des Sçavans du
14. siecle , et par l'étude de la Langue , et
de l'éloquence Grecque et Latine , renou .
vellée par les Italiens de ce tems- là.
Dans le second Tome , encore plus ample que le premier , on trouve l'histoire -
des trois derniers siecles , et de la pa tie
qui s'est écoulée de celui dans lequel nous
vivons. On y parle des Académies d'Italie , de la Philoso hie moderne, de la Geographie , des Mathematiques , de la Medecine , et de toutes ses parties , de l'Histoire Naturelle , de la Phisique experi
mentale;
120 MERCURE DE FRANCE
mentale , et de quantité d'inventions , et
de découvertes , qui ont été faites premierement en Italie , d'où elles ont passé
ensuite chez les autres Nations. Quoique
nos journalistes abrégent assez tout ce
détail dans leur Extrait , nous ne sçaurions les suivre sans tomber dans une longueur excessive Disons cependant , d'après nos Auteurs , un mot des Académies
d'Italie.
On a vû près de 500 Académies , sous
des noms fort bizarres , commencer et finir en Italie , depuis le renouvellement
des Sciences. La plupart n'ont eu pour
objet que la Poësie ; principalement la
Poësie Toscane. D'autres , en plus petit
nombre , se sont attachées aux Belles Lettres en général ; et quelques - unes enfin
onttravaillé pour l'avancementdes Sciences. Il y en eut de cet Ordre au seizième
siécle , dont le but et l'institution ont été
suivis par toutes les Académies des Sciences , qui fleurissent aujourd'hui en divers endroits de l'Europe.
Entre les Académies nouvelles , on doit
donner le premier rang , après l'Institut
de Bologne , à celle de Mad. la Comtesse
Dona CLELIE GRILLO- BORROME'E , l'une
dés plus sçavantes Dames de ce siècle , et
grandé Protectrice des Gens de Lettres ,
tant
JANVIER 1737.
127
rant en Italie , qu'ailleurs. C'est à cetto
Dame que notre Auteur a dédié son Histoire Litteraire d'Italie. Elle avoit établi
depuis peu une Académie de Philosophie
experimentable dans son Palais à Milan.
M. Antoine Vallisnieri , premier Professeur en Médecine Théoretique , dans l'Université de Padoue , en étoit désigné
Président. Il en avoit même déja dressé
les Réglemens ; mais on vient d'apprendre que cet Etablissement n'a pu encore
avoir lieu, pour des raisons que nous
ignorons.
Nous n'obmettrons pas icy de dire pour
la gloire du beau sexe Italien, que la Prin
cesse Therese Grillo-Pamfili , sœur de la
Comtesse Borromée , dont on vient de
parler , brille aussi par de grandes qualitez, sur tout du côté des Letttes. Elle parle sept Langues , entre lesquelles sont la
Latin , Anglois , le François , l'Allemand
et l'Espagnol; elle a aussi étudié , avec
beaucoup de soin , l'Histoire naturelle, la
Philosophie experimentale , la Théologie,
l'Histoire ancienne et moderne , et les
Mathématiques ; son érudition est vaste
sa mémoire prodigieuse , et ses raisonne
mens solides et profonds. Dona Therese ,
outre une infinité de connoissances , peu
communes aux7 personnes de son sexe,,
>
écrit:
T22 MERCURE DE FRANCE
écrit sçavamment et élégamment en Prose
et en Vers. Elle est nommée Irene Pamisie
entre les Arcadi , et elle fait un des plus
beaux ornemens de cette célebre Académie de Poësie, qui embrasse presque toute
Italie , par ses diverses Colonies. Cette:
sçavante Dame a une autre sœur , sçavoir
la Comtesse Dona Genevra , qui sçait la
Philosophie, et qui écrit fort élegamment
en latin. On peut joindre à ces trois illus
tres Personnes Mademoiselle Marie Selvagia Borghini , de Pise , dont les Poësies
sont d'une élégance et d'un gout si fin ,
que Redi , bon connoisseur , ne fait pas
difficulté de la comparer au fameux Pétrarque. Cette Sçavante a fait une belle
Traduction de Tertullien en langue Toscane. A l'occasion de cette Demoiselle, les
Auteurs de cette Bibliotheque nous ap
prennent qu'il y a à Sienne une Acadé
mie de Dames , qui ont pris le nom d'As--
sicurate , ce qui n'est pas un petit surcroit
de gloire pour l'Italie.
Au reste, il y a lieu d'être surpris que
Auteur d'un Ouvrage aussi étendu que
celui qui donne lieu à cet Extrait , ne
rapporte pas du moins les noms de toutes les Académies établies en Italie depuis
le rétablissement des Sciences , dont le
nombre , selon M. Gimma , se monte à
près
JANVIER. 1731. 1233
prèsde cinq cent. Nous n'entreprendrons
pas de suppléer entierement à ce deffaut ,.
mais le Public nous sçaura peut-êtee quelque gré si nous donnons icy un dénombrement des établissemens Académiques.
qui sont venus notre connoissance ; sur
tout de ces Académies qui ont pris des
noms qui paroissent bizares.
Ce dénombrement sera fait non pas selon l'ordre des temps , ni selon le rang
des Villes Académiques , mais suivant
que les noms se presentent dans nos Mémoires , en attendant l'arrangement que
nous pourrons leur donner un jour dans
un Ouvrage plus médité.
NOMS de quelques. Academies
d'Italie.
Les Endormis , Addormentati , de Genes..
Les Ardens , Ardenti , de Naples.
Les Immobiles , Immobili , d'Alexandrie.
Les Fantasques , Fantastici , et Humoristi,
de Rome.
Les Opiniatres , Ostinaii , de Viterbe.
Les Etourdis , ou les Lourdauts , Intronati', de Sienne.
Les Insensez , Insensati , de Pérouse.
Les Oisifs Otiosi , de Boulogne et de
Naples.
Les:
124 MERCURE DE FRANCE
Les Cachez , Nascostt, de Milan.
Les Obscurcis ou Embroüillez , Caligi
nati , d'Ancone.
Les Amoureux , Invaghiti , de Mantouë,
Les Faciles ,,ou Accommodans , Adagia
ti , de Rimini.
Les Enchaînez , Catenati , de Macerata.
Les Humides, Humidi , de Florence, dont
les premiers Membres furent appellez
Humecté,le Gelé, le Froid, le Trempé , le
Transi, le Trouble, le Brochet,le Bouueux
le Rocher, l'Ecumeux , le Cygne.
Les Steriles , Infecondi , de Rome.
Les Etrangers , Pellegrini , de Rome.
Les Offusquez , Offuscati , de Cesene.
Les Désunis , Disuniti , de Fabriano.
Les Absurdes , Assorditi, de Citta di Cas
tello.
Les Cachez , Occulti , de Bresse.
Les Perseverans , Perseveranti , de Trévire.
Les Fantasques , Humorosi, de Cortonne.
Les Obscurs , Oscuri , de Lucques.
Les Agitez , Aggirati , de
Les Assurez , Affidati , de Pavie.
Les Attaquez , Affrontati , de Ferme.›
Les Sanssouci , Spensierati , de Rossano.:
Les Tracez , Orditi , de Padoüe.
Les Harmonieux ou Amateurs de l'Har
monie , Filarmonici , de Veronne..
Less
JANVIER 1732. 125
Les Lincées , Lincei , de Rome.
On peut ajoûter à ces Académies , dont
les Noms paroissent extraordinaires, celles
de Faticosi , de Milan ; Della Fuschina,
de Messine , des Appatisti , de Florence
des Olympici , de Vicence , des Dodonei ,
de Venise , et des Infuriati , de Naples
sans compter Los Desconfiados , de Barcelone ; et si l'on veut , nos Lanternistes, de
Toulouse, qui semblent avoir voulu s'impatiser avec l'Italie à cet égard-là.
›
Cependant comme il ne faut jamais rien
censurer sur de simples apparences , et
comme on doit présumer que des Italiens,
naturellement spirituels , et des Italiens
Gens de Lettres , n'auront pas donné au
hazard des Noms pareils à leurs établisse
mens Académiques ; il est bon de suspendre notre jugement iusqu'à ce qu'il vienne là- dessus quelque bonne instruction .
En attendant , voicy l'Extrait d'une Lettre qui nous a été écrite par un ( a ) Italien , Homme d'esprit de mérite et fort connu à Paris.
» J'aurai l'honneur de vous dire , Mon-
>> sieur , que les Noms dont vous m'avez
(a)Le fieur Riccoboni , dit Lélio, premier Ac- teur de la Comédie Italienne de Paris, Auteur d'une
Histoire du Théatre Italien , &c. imprimée depuis
peu à Paris.
-parlé
126 MERCURE DE FRANCE S
parlé qui vous semblent bizares , et në
>> gueres convenir à des Académies, ne sont
>> pas tels dans le fonds : pour se convain-
>>>c re de cette verité il faudroit sçavoir tous
» les Emblêmes et toutes les devises que
» nos Académies ont inventées , et qu'el-
»les se sont appropriées pour se caracte-
» riser particulierement et pour se distin-
>> guer les unes des autres. Je n'ai pointici
les Livres où ces éclaircissemens pour-
»roient se trouver, mais je puis vous fournir un exemple qui servira peut être à
nous faire rendre justice sur cette ma-
» tiere.
»Nous avons à Boulogne l'Académie de
»I. Diffetuosi , les Deffectueux , dont mon
» Epouse à l'honneur d'être , lesquels s'ap-
» pliquent particulierement à la Poesie : si
>> ces Messieurs, dira- t'on, sont deffectueux,
>ils doivent être fort mauvais Poëtes. Co
«jugementseroit precipité, mais on en re-
» vient quand on sçait que cette Académie
» apris pourEmbleme dans un tableau une
>> Ourse qui leche son petit , et qui d'une
» masse de chair informe , fait voir enfin
» un animal proportionné et parfait. On
» lit au dessus Sic format lingua , et au bas
>> le nom de l'Académie ou des Académiciens , J.. Diffetuosi. Vous devez conve
nir qu'il ni a rien de si joli et de si expressif
JANVIER. 1732. 127
prersifpour une Societé de de Let- gens
» tres et de Poëtes. Si nous avions les De-
» vises de toutes les autres Académies d'I-
» talie , vous trouveriez de même que ces
» noms ne sont point si bizares ni si ab-
»surdes ; javoue qu'ils paroissent tels , ri-
» dicules même , et qu'un Ecrivain Fran-
» çois n'a pas eu tout à fait tort de dire que
la plupart de ces noms conviendroient
» fort bien à des chevaux de Manege dans
>> une Académie d'exercice. En attendant donc qu'il vienne la dessus de l'Italie
même une instruction plus détaillée et qui
satisfasse , le public éclairé ; Risum teneatis Amici.
Cet article des Académies Italiennes s'é
tant un peu allongé , nous finirons ce qui
nous reste à dire ici de l'ouvrage de M.
Gimma , qui y a donné lieu , par exposer en peu de mots d'après les Auteurs de
la Bibliotheque Italique , ce qu'il dit des
differens Journaux d'Italie.
Nousavons toujours pensé que la gloire de l'invention des Journaux Litteraires étoit dûe à la France , et en particulier
à M. Sallo Conseiller au Parlement de Paris , lequel en l'année 1665. commença
dans cette Ville le premier de tous les
Journeaux sous le titre deJournal des Scavans , et sous le nom du Sieur d'Hedouville
128 MERCURE DE FRANCEville son Domestique. M. Gimma semble
nous envier cette primauté , en soutenant
que c'est en Italic que l'on a connu la
miere idée d'une invention si utile aux
gens de Lettres.
preCe fut à Venise , dit-il , où l'on commença de publier les Nouvelles Litteraires , en feuilles volantes , qu'on nomma
Gazettes , du nom d'une petite Piece de
Monnoye de Venise ; qui en étoit le prix.
Le Sçavant Magliabechi Bibliotequaire du
G. Duc de Toscane , conservoit quelques
volumes de ces Gazettes qui étoient toutes
du XVI. siecle. Notre Historien ajoute que
ces feuilles volantes ne se distribuoient
que Manuscrites, & que cet usage subsiste
encore à Venise. Ce sont des particuliers
qui -les dictent à 30. ou 40. Copistes à la
la fois. Une seule reflexion suffit pour concilier les choses à cet égard , et pour constater la verité.Quelle difference en effet ne
doit-on pas faire entre ces Nouvelles Litteraires manuscrites et un veritable Journal des Sçavans , tel que celui de M. Sallo,
reconnu à bon droit le premier de tous
par toute l'Europe sçavante.
M. Gimma lui- même semble reconnoitre cette verité, en disant tout de suite, que
les Sçavans d'Italie suivirent bientôt l'exemple de ceux qui les premiers donne-
JANVIER. 1732. 129
rent un Journal des Sçavans au Public
Voici ce qu'il dit ensuite de ces Journaux
Italiens , et qui servira à rectifier ce qui
pourroit se trouver de deffectueux dans ce
qu'on a écrit ailleurs sur cet article.
Il parut un Journal à Rome l'an 1668.
lequel fut continué jusqu'en 1679 sous le
titre de Giornale de Letterati. L'Abbé François Nazari de Bergame le composoit sous
le direction de l'Abbé Ricci , qui fut ensuite Cardinal. Il s'en fit un second à Ro
me sous la direction de M. Ciampini , lequel fut une continuation du précedent
jusques à l'an 1681.
- Le P. B. Bacchini , Abbé des Benedic
tins , à Parme , publia un autre Journal
dans cette Ville-là , depuis l'an 1686. jus
ques en 1690. Il le continua ensuite à Mo
déne dès l'an 1692. jusques en 1697.
Le P. Manzani,Provincial duTiers- Or
dre de S. François , fit aussi à Parme l'an
1682. un Journal en Latin , sous le titre
de Synopsis Biblica.
Le Giornale Veneto , d'un stile extraor
dinaire , dura à Venise depuis 1671. jusqu'en 1589. Le Giornale di Ferrara in 4.
dura seulement pendant 1688, et 1689..
On y publia un autre Journal in 8. dès
1671. Albrizzi , Imprimeur et Libraite
publia à Venise dès l'an 1696. un JourG nál
130 MERCURE DE FRANCE
nal in fol. sous le titre de Galleria di Minerva. Il y en a sept volumes. On y trou
ve quantité de Pieces sçavantes, outre l'Extrait de divers Livres.
Mais tous ces Journaux ayant discontinué , ou manquant des qualitez requises,M.Apostolo Zeno se joignit à quelques
Sçavans de ses amis pourdonner un Journal qui pût suppléer au défaut des autres.
Cet ouvrage,commencé en 17 10. a été continuédepuis avec un applaudissement general. Il a été publié depuis environ 1719.
sous la direction du P. Dom Pierre Catterino Zeno,Clerc Regulier de la Congregation de Somasque , Frere d'Apostolo
zeno qui fut appellé à Vienne pour y remplir la place d'Historien et de Poëte de
l'Empereur.
L'Abbé Jerôme Leone publie depuis
quelques années un Supplement au Journal de Venise, dont il a déja paru 3. ou
Volumes. Il l'a formé de plusieurs Dissertations et autres Pieces curieuses , qui ne
pouvoient pas entrer facilement dans le
Journal.
Nous renvoyons à un autre Mercure ce qui
nous reste à dire de ce second Tome de la Bibliotheque Italique
Histoire Litteraire de l'Italie. May , Juin,
Juillet , Août 1728. Tome II. AGeneve ,
chezMM.Bousquet et Compagnie in 12, de
335. pages , et se trouve à Paris , ruë S.
Jacques chezGuerin. Le
JANVIER 1732 HT
Le premier article de ce second volume.
de la Bibliotheque Italique presente un
ouvrage considerable du Docteur Hiacinthe Gimma , Napolitain , sous le titre de
IDEA della storia dell' ITALIA LETTERATA ,
&c. ou Idée de l'Histoire Litteraire de l'Italie , &c. Par Don Hiacinte Gimma , &c.
en deux Tomes in 4. contenant 913. pages
sans l'Epitre Dedicatoire et la Preface. A
Naples , chez Felix Mosca 1723,
Avant que d'entrer en matiere sur cette
Histoire, les Auteurs du nouveau Journal,
ont cru devoir en porter le jugement que
voici. » Si Don H. Gimma avoit fait une
»Histoire methodique de l'étatdes Sciences
»et des Arts en Italie depuis le quinziéme
»siecle , il auroit mieux satisfait les vrais
» Sçavans , et auroit fait beaucoup plus
» d'honneur à sa Patrie , qu'en publiant
» un ouvrage indigeste. et trop, chargé,
» d'une infinité de choses qui paroissent
»peu necessaires pour un tel dessein. Il
» semble que ce Sçavant Homme ait voulu
» faire un pompeux étalage de ses lectures,
>> et montrer qu'il n'ignore aucun des sujets
»sur lesquels les Anciens et les Modernes.
»ont écrit. Il s'étoit déja fait connoître.
»sur le même pied par quelques autres ou
vrages , qui lui ont acquis beaucoup de
»réputation en Italie et dans les Pays ouses
13 MERCURE DE FRANCE
ses Livres ont passé. Il auroit pû , s'il
navoit voulu, imiter quelques Sçavans Ita-
»liens du premier ordre , dont la plûpart
»sont de ses amis , et dont les ouvrages
» dépouillés d'inutilités , ne laissent pas
» d'être très- curieux et très - instructifs, &c.
Cette critique , poussée encore plus loin.
par nos Journalistes,neles empêche pas de.
convenir que l'ouvrage de M. Gimma
merite toute l'attention des gens de Lettres , sur tout de ceux qui vivent en deçà
des Monts , et qui sont peu au fait de ce
qui se passe en Italie à l'égard desSciences
et des beaux Arts. Il contient quantité de
choses que l'on chercheroit envain ailleurs. En voici le plan et une idée , telle
que nous pouvons la donner , sans exceder les bornes qui nous conviennent.
*
L'ouvrage est divisé en 50. Chapitres
dont 34. forment le premier Tome , qui
comprend l'Histoire des Sciences et des
Arts depuis Adam jusqu'au quatorziéme
siecle inclusivement. Le second Tome
commence au quinziéme siecle et finit à
P'année 1723. Dom Gaspar Campanile ,
ami de l'Auteur , et Membre de l'Acadé
mie de Rossano a fait la Préface. Il y explique le dessein du Docteur Gimma qui est
demontrer que l'Italie a toujours été laMere
et la Maitresse du sçavoir. L'Auteur s'explique
JANVIER. 1732. 119
plique ensuite lui même dans l'introduction,sur le but qu'il s'est proposé. Il a voulu justifier ses Compatriotes et faire voir
que c'est à tort qu'on accuse les Italiens
d'ignorance , et que l'on debite chez les
Etrangers qu'on ne fait en Italie que copier des ouvrages déja imprimés , &c. Il
oppose à cette accusation entre autres
moyens de défense , le Journal Litteraire
de Venise , qui est en effet une preuve recente et authentique que l'Italie cultive
les Sciences et qu'elle enrichit la Republique des Lettres de son propre fond.
Le premier Tome , qui contient un
grand détail, finit par l'histoire dela Peinture , de la Sculpture , de l'Architecture,.
et de l'Art de Graver en bois et en cuivre;
par les noms et les ouvrages des Sçavans du
14. siecle , et par l'étude de la Langue , et
de l'éloquence Grecque et Latine , renou .
vellée par les Italiens de ce tems- là.
Dans le second Tome , encore plus ample que le premier , on trouve l'histoire -
des trois derniers siecles , et de la pa tie
qui s'est écoulée de celui dans lequel nous
vivons. On y parle des Académies d'Italie , de la Philoso hie moderne, de la Geographie , des Mathematiques , de la Medecine , et de toutes ses parties , de l'Histoire Naturelle , de la Phisique experi
mentale;
120 MERCURE DE FRANCE
mentale , et de quantité d'inventions , et
de découvertes , qui ont été faites premierement en Italie , d'où elles ont passé
ensuite chez les autres Nations. Quoique
nos journalistes abrégent assez tout ce
détail dans leur Extrait , nous ne sçaurions les suivre sans tomber dans une longueur excessive Disons cependant , d'après nos Auteurs , un mot des Académies
d'Italie.
On a vû près de 500 Académies , sous
des noms fort bizarres , commencer et finir en Italie , depuis le renouvellement
des Sciences. La plupart n'ont eu pour
objet que la Poësie ; principalement la
Poësie Toscane. D'autres , en plus petit
nombre , se sont attachées aux Belles Lettres en général ; et quelques - unes enfin
onttravaillé pour l'avancementdes Sciences. Il y en eut de cet Ordre au seizième
siécle , dont le but et l'institution ont été
suivis par toutes les Académies des Sciences , qui fleurissent aujourd'hui en divers endroits de l'Europe.
Entre les Académies nouvelles , on doit
donner le premier rang , après l'Institut
de Bologne , à celle de Mad. la Comtesse
Dona CLELIE GRILLO- BORROME'E , l'une
dés plus sçavantes Dames de ce siècle , et
grandé Protectrice des Gens de Lettres ,
tant
JANVIER 1737.
127
rant en Italie , qu'ailleurs. C'est à cetto
Dame que notre Auteur a dédié son Histoire Litteraire d'Italie. Elle avoit établi
depuis peu une Académie de Philosophie
experimentable dans son Palais à Milan.
M. Antoine Vallisnieri , premier Professeur en Médecine Théoretique , dans l'Université de Padoue , en étoit désigné
Président. Il en avoit même déja dressé
les Réglemens ; mais on vient d'apprendre que cet Etablissement n'a pu encore
avoir lieu, pour des raisons que nous
ignorons.
Nous n'obmettrons pas icy de dire pour
la gloire du beau sexe Italien, que la Prin
cesse Therese Grillo-Pamfili , sœur de la
Comtesse Borromée , dont on vient de
parler , brille aussi par de grandes qualitez, sur tout du côté des Letttes. Elle parle sept Langues , entre lesquelles sont la
Latin , Anglois , le François , l'Allemand
et l'Espagnol; elle a aussi étudié , avec
beaucoup de soin , l'Histoire naturelle, la
Philosophie experimentale , la Théologie,
l'Histoire ancienne et moderne , et les
Mathématiques ; son érudition est vaste
sa mémoire prodigieuse , et ses raisonne
mens solides et profonds. Dona Therese ,
outre une infinité de connoissances , peu
communes aux7 personnes de son sexe,,
>
écrit:
T22 MERCURE DE FRANCE
écrit sçavamment et élégamment en Prose
et en Vers. Elle est nommée Irene Pamisie
entre les Arcadi , et elle fait un des plus
beaux ornemens de cette célebre Académie de Poësie, qui embrasse presque toute
Italie , par ses diverses Colonies. Cette:
sçavante Dame a une autre sœur , sçavoir
la Comtesse Dona Genevra , qui sçait la
Philosophie, et qui écrit fort élegamment
en latin. On peut joindre à ces trois illus
tres Personnes Mademoiselle Marie Selvagia Borghini , de Pise , dont les Poësies
sont d'une élégance et d'un gout si fin ,
que Redi , bon connoisseur , ne fait pas
difficulté de la comparer au fameux Pétrarque. Cette Sçavante a fait une belle
Traduction de Tertullien en langue Toscane. A l'occasion de cette Demoiselle, les
Auteurs de cette Bibliotheque nous ap
prennent qu'il y a à Sienne une Acadé
mie de Dames , qui ont pris le nom d'As--
sicurate , ce qui n'est pas un petit surcroit
de gloire pour l'Italie.
Au reste, il y a lieu d'être surpris que
Auteur d'un Ouvrage aussi étendu que
celui qui donne lieu à cet Extrait , ne
rapporte pas du moins les noms de toutes les Académies établies en Italie depuis
le rétablissement des Sciences , dont le
nombre , selon M. Gimma , se monte à
près
JANVIER. 1731. 1233
prèsde cinq cent. Nous n'entreprendrons
pas de suppléer entierement à ce deffaut ,.
mais le Public nous sçaura peut-êtee quelque gré si nous donnons icy un dénombrement des établissemens Académiques.
qui sont venus notre connoissance ; sur
tout de ces Académies qui ont pris des
noms qui paroissent bizares.
Ce dénombrement sera fait non pas selon l'ordre des temps , ni selon le rang
des Villes Académiques , mais suivant
que les noms se presentent dans nos Mémoires , en attendant l'arrangement que
nous pourrons leur donner un jour dans
un Ouvrage plus médité.
NOMS de quelques. Academies
d'Italie.
Les Endormis , Addormentati , de Genes..
Les Ardens , Ardenti , de Naples.
Les Immobiles , Immobili , d'Alexandrie.
Les Fantasques , Fantastici , et Humoristi,
de Rome.
Les Opiniatres , Ostinaii , de Viterbe.
Les Etourdis , ou les Lourdauts , Intronati', de Sienne.
Les Insensez , Insensati , de Pérouse.
Les Oisifs Otiosi , de Boulogne et de
Naples.
Les:
124 MERCURE DE FRANCE
Les Cachez , Nascostt, de Milan.
Les Obscurcis ou Embroüillez , Caligi
nati , d'Ancone.
Les Amoureux , Invaghiti , de Mantouë,
Les Faciles ,,ou Accommodans , Adagia
ti , de Rimini.
Les Enchaînez , Catenati , de Macerata.
Les Humides, Humidi , de Florence, dont
les premiers Membres furent appellez
Humecté,le Gelé, le Froid, le Trempé , le
Transi, le Trouble, le Brochet,le Bouueux
le Rocher, l'Ecumeux , le Cygne.
Les Steriles , Infecondi , de Rome.
Les Etrangers , Pellegrini , de Rome.
Les Offusquez , Offuscati , de Cesene.
Les Désunis , Disuniti , de Fabriano.
Les Absurdes , Assorditi, de Citta di Cas
tello.
Les Cachez , Occulti , de Bresse.
Les Perseverans , Perseveranti , de Trévire.
Les Fantasques , Humorosi, de Cortonne.
Les Obscurs , Oscuri , de Lucques.
Les Agitez , Aggirati , de
Les Assurez , Affidati , de Pavie.
Les Attaquez , Affrontati , de Ferme.›
Les Sanssouci , Spensierati , de Rossano.:
Les Tracez , Orditi , de Padoüe.
Les Harmonieux ou Amateurs de l'Har
monie , Filarmonici , de Veronne..
Less
JANVIER 1732. 125
Les Lincées , Lincei , de Rome.
On peut ajoûter à ces Académies , dont
les Noms paroissent extraordinaires, celles
de Faticosi , de Milan ; Della Fuschina,
de Messine , des Appatisti , de Florence
des Olympici , de Vicence , des Dodonei ,
de Venise , et des Infuriati , de Naples
sans compter Los Desconfiados , de Barcelone ; et si l'on veut , nos Lanternistes, de
Toulouse, qui semblent avoir voulu s'impatiser avec l'Italie à cet égard-là.
›
Cependant comme il ne faut jamais rien
censurer sur de simples apparences , et
comme on doit présumer que des Italiens,
naturellement spirituels , et des Italiens
Gens de Lettres , n'auront pas donné au
hazard des Noms pareils à leurs établisse
mens Académiques ; il est bon de suspendre notre jugement iusqu'à ce qu'il vienne là- dessus quelque bonne instruction .
En attendant , voicy l'Extrait d'une Lettre qui nous a été écrite par un ( a ) Italien , Homme d'esprit de mérite et fort connu à Paris.
» J'aurai l'honneur de vous dire , Mon-
>> sieur , que les Noms dont vous m'avez
(a)Le fieur Riccoboni , dit Lélio, premier Ac- teur de la Comédie Italienne de Paris, Auteur d'une
Histoire du Théatre Italien , &c. imprimée depuis
peu à Paris.
-parlé
126 MERCURE DE FRANCE S
parlé qui vous semblent bizares , et në
>> gueres convenir à des Académies, ne sont
>> pas tels dans le fonds : pour se convain-
>>>c re de cette verité il faudroit sçavoir tous
» les Emblêmes et toutes les devises que
» nos Académies ont inventées , et qu'el-
»les se sont appropriées pour se caracte-
» riser particulierement et pour se distin-
>> guer les unes des autres. Je n'ai pointici
les Livres où ces éclaircissemens pour-
»roient se trouver, mais je puis vous fournir un exemple qui servira peut être à
nous faire rendre justice sur cette ma-
» tiere.
»Nous avons à Boulogne l'Académie de
»I. Diffetuosi , les Deffectueux , dont mon
» Epouse à l'honneur d'être , lesquels s'ap-
» pliquent particulierement à la Poesie : si
>> ces Messieurs, dira- t'on, sont deffectueux,
>ils doivent être fort mauvais Poëtes. Co
«jugementseroit precipité, mais on en re-
» vient quand on sçait que cette Académie
» apris pourEmbleme dans un tableau une
>> Ourse qui leche son petit , et qui d'une
» masse de chair informe , fait voir enfin
» un animal proportionné et parfait. On
» lit au dessus Sic format lingua , et au bas
>> le nom de l'Académie ou des Académiciens , J.. Diffetuosi. Vous devez conve
nir qu'il ni a rien de si joli et de si expressif
JANVIER. 1732. 127
prersifpour une Societé de de Let- gens
» tres et de Poëtes. Si nous avions les De-
» vises de toutes les autres Académies d'I-
» talie , vous trouveriez de même que ces
» noms ne sont point si bizares ni si ab-
»surdes ; javoue qu'ils paroissent tels , ri-
» dicules même , et qu'un Ecrivain Fran-
» çois n'a pas eu tout à fait tort de dire que
la plupart de ces noms conviendroient
» fort bien à des chevaux de Manege dans
>> une Académie d'exercice. En attendant donc qu'il vienne la dessus de l'Italie
même une instruction plus détaillée et qui
satisfasse , le public éclairé ; Risum teneatis Amici.
Cet article des Académies Italiennes s'é
tant un peu allongé , nous finirons ce qui
nous reste à dire ici de l'ouvrage de M.
Gimma , qui y a donné lieu , par exposer en peu de mots d'après les Auteurs de
la Bibliotheque Italique , ce qu'il dit des
differens Journaux d'Italie.
Nousavons toujours pensé que la gloire de l'invention des Journaux Litteraires étoit dûe à la France , et en particulier
à M. Sallo Conseiller au Parlement de Paris , lequel en l'année 1665. commença
dans cette Ville le premier de tous les
Journeaux sous le titre deJournal des Scavans , et sous le nom du Sieur d'Hedouville
128 MERCURE DE FRANCEville son Domestique. M. Gimma semble
nous envier cette primauté , en soutenant
que c'est en Italic que l'on a connu la
miere idée d'une invention si utile aux
gens de Lettres.
preCe fut à Venise , dit-il , où l'on commença de publier les Nouvelles Litteraires , en feuilles volantes , qu'on nomma
Gazettes , du nom d'une petite Piece de
Monnoye de Venise ; qui en étoit le prix.
Le Sçavant Magliabechi Bibliotequaire du
G. Duc de Toscane , conservoit quelques
volumes de ces Gazettes qui étoient toutes
du XVI. siecle. Notre Historien ajoute que
ces feuilles volantes ne se distribuoient
que Manuscrites, & que cet usage subsiste
encore à Venise. Ce sont des particuliers
qui -les dictent à 30. ou 40. Copistes à la
la fois. Une seule reflexion suffit pour concilier les choses à cet égard , et pour constater la verité.Quelle difference en effet ne
doit-on pas faire entre ces Nouvelles Litteraires manuscrites et un veritable Journal des Sçavans , tel que celui de M. Sallo,
reconnu à bon droit le premier de tous
par toute l'Europe sçavante.
M. Gimma lui- même semble reconnoitre cette verité, en disant tout de suite, que
les Sçavans d'Italie suivirent bientôt l'exemple de ceux qui les premiers donne-
JANVIER. 1732. 129
rent un Journal des Sçavans au Public
Voici ce qu'il dit ensuite de ces Journaux
Italiens , et qui servira à rectifier ce qui
pourroit se trouver de deffectueux dans ce
qu'on a écrit ailleurs sur cet article.
Il parut un Journal à Rome l'an 1668.
lequel fut continué jusqu'en 1679 sous le
titre de Giornale de Letterati. L'Abbé François Nazari de Bergame le composoit sous
le direction de l'Abbé Ricci , qui fut ensuite Cardinal. Il s'en fit un second à Ro
me sous la direction de M. Ciampini , lequel fut une continuation du précedent
jusques à l'an 1681.
- Le P. B. Bacchini , Abbé des Benedic
tins , à Parme , publia un autre Journal
dans cette Ville-là , depuis l'an 1686. jus
ques en 1690. Il le continua ensuite à Mo
déne dès l'an 1692. jusques en 1697.
Le P. Manzani,Provincial duTiers- Or
dre de S. François , fit aussi à Parme l'an
1682. un Journal en Latin , sous le titre
de Synopsis Biblica.
Le Giornale Veneto , d'un stile extraor
dinaire , dura à Venise depuis 1671. jusqu'en 1589. Le Giornale di Ferrara in 4.
dura seulement pendant 1688, et 1689..
On y publia un autre Journal in 8. dès
1671. Albrizzi , Imprimeur et Libraite
publia à Venise dès l'an 1696. un JourG nál
130 MERCURE DE FRANCE
nal in fol. sous le titre de Galleria di Minerva. Il y en a sept volumes. On y trou
ve quantité de Pieces sçavantes, outre l'Extrait de divers Livres.
Mais tous ces Journaux ayant discontinué , ou manquant des qualitez requises,M.Apostolo Zeno se joignit à quelques
Sçavans de ses amis pourdonner un Journal qui pût suppléer au défaut des autres.
Cet ouvrage,commencé en 17 10. a été continuédepuis avec un applaudissement general. Il a été publié depuis environ 1719.
sous la direction du P. Dom Pierre Catterino Zeno,Clerc Regulier de la Congregation de Somasque , Frere d'Apostolo
zeno qui fut appellé à Vienne pour y remplir la place d'Historien et de Poëte de
l'Empereur.
L'Abbé Jerôme Leone publie depuis
quelques années un Supplement au Journal de Venise, dont il a déja paru 3. ou
Volumes. Il l'a formé de plusieurs Dissertations et autres Pieces curieuses , qui ne
pouvoient pas entrer facilement dans le
Journal.
Nous renvoyons à un autre Mercure ce qui
nous reste à dire de ce second Tome de la Bibliotheque Italique
Fermer
Résumé : Bibliotheque Italique, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente une critique de l'ouvrage 'IDEA della storia dell' ITALIA LETTERATA' du Docteur Hiacinthe Gimma, publié en 1723 à Naples. Cet ouvrage, en deux tomes et 913 pages, couvre l'histoire littéraire de l'Italie depuis Adam jusqu'en 1723. Les critiques estiment que Gimma aurait mieux satisfait les savants en se concentrant sur une histoire méthodique des sciences et des arts en Italie depuis le quinzième siècle, plutôt que de publier un ouvrage trop chargé de détails inutiles. Cependant, ils reconnaissent la valeur de l'ouvrage pour ceux qui souhaitent connaître les avancées scientifiques et artistiques en Italie. L'ouvrage est divisé en 50 chapitres. Les 34 premiers forment le premier tome, qui traite des sciences et des arts jusqu'au quatorzième siècle. Le second tome couvre les trois derniers siècles, incluant les académies d'Italie, la philosophie moderne, la géographie, les mathématiques, la médecine, l'histoire naturelle, et les inventions italiennes. Les critiques mentionnent également l'existence de près de 500 académies en Italie, souvent dédiées à la poésie ou aux belles-lettres, et soulignent le rôle des femmes savantes comme la Comtesse Clelia Grillo-Borromée et la Princesse Therese Grillo-Pamfili. Le texte discute également de l'origine des journaux littéraires, soulignant une controverse entre la France et l'Italie. Traditionnellement, la France est créditée de l'invention des journaux littéraires avec le 'Journal des Sçavans' en 1665. Cependant, M. Gimma affirme que l'idée des journaux littéraires est apparue en Italie, à Venise, où des 'Nouvelles Littéraires' étaient distribuées sous forme de feuilles volantes appelées 'Gazettes' dès le XVIe siècle. Ces feuilles étaient manuscrites et dictées à plusieurs copistes. Le texte liste plusieurs journaux italiens publiés entre le XVIIe et le début du XVIIIe siècle. À Rome, le 'Giornale de Letterati' fut publié de 1668 à 1679, suivi d'une continuation jusqu'en 1681. À Parme, le P. B. Bacchini publia un journal de 1686 à 1690, puis à Modène de 1692 à 1697. Le P. Manzani publia un journal en latin à Parme en 1682. À Venise, le 'Giornale Veneto' dura de 1671 à 1689, et plusieurs autres journaux furent publiés, comme le 'Galleria di Minerva' à partir de 1696. En raison de la discontinuité ou des défauts de ces journaux, Apostolo Zeno et quelques savants créèrent un nouveau journal en 1710, qui fut continué avec succès. Ce journal fut ensuite dirigé par le P. Dom Pierre Catérino Zeno. L'Abbé Jérôme Leone publia également un supplément au journal de Venise, contenant des dissertations et autres pièces curieuses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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672
p. 135
Estampe nouvelle, Portrait de Mlle Dangeville, [titre d'après la table]
Début :
Il paroîtra le mois prochain une nouvelle Estampe, que le [...]
Mots clefs :
Estampe, Portrait, Demoiselle Dangeville
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Estampe nouvelle, Portrait de Mlle Dangeville, [titre d'après la table]
esuite , l'un des Professeurs de Rhétorique au
College de Louis le Grand , prononça un DisCours latin trés- éloquent , en presence du Cardinal de Bissy , de l'Archevêque de Paris , de
plusieurs autres Prélats , et d'un grand nombre
de personnes de consideration. Le sujet de son
Discours étoit ; Que de toutes les Histoires , celle
deFrance est une des plus difficiles à écrire , et une
des plus agréables à lire. Les applaudissemens que
cette Piece d'Eloquence a reçus
College de Louis le Grand , prononça un DisCours latin trés- éloquent , en presence du Cardinal de Bissy , de l'Archevêque de Paris , de
plusieurs autres Prélats , et d'un grand nombre
de personnes de consideration. Le sujet de son
Discours étoit ; Que de toutes les Histoires , celle
deFrance est une des plus difficiles à écrire , et une
des plus agréables à lire. Les applaudissemens que
cette Piece d'Eloquence a reçus
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673
p. 137-146
SPECTACLES, Callirhoé, Opera, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique remit au Théâtre le 3. [...]
Mots clefs :
Callirhoé, Opéra, Académie royale de musique, Ballet, Actes, Décoration, Rôles, Habits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES, Callirhoé, Opera, Extrait, [titre d'après la table]
SPECTACLE S
La
'Académie Royale de Musique remit
au Théatre le 3. Janvier , la Tragé
die de Callirhoé. Le Poëme est de M. Roy,
et la Musique de M. Destouches , SurIntendant de la Musique du Roy. Cet
Opera fut donné pour la premiere fois le
27. Decembre 1712. il eut un succès des.
plus brillants ; il a été fort applaudi à la GY IGE
138 MERCURE DE FRANCE
reprises mais un peu moins que dans sa
naissance ; ce qui fait voir que les succès
plus ou moins éclatans , dépendent de
certaines circonstances dont on ne peut
donner de justes raisons. Comme cet Ouvrage est depuis vingt ans entre les mains
de tout le monde , nous n'en donnerons
qu'un Extrait des plus succincts.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu rempli d'armes differentes et deLauriers ; la Victoire y a assemblé des
Guerriers pour leur accorder les hon-.
neurs du Triomphe. La celebre journée
de Denain a donné lieu à ce Prologues
la Victoire y applaudit à des Guerriers
qu'elle sembloit avoir abandonnés depuis
quelque temps ; elle s'excuse par ces Vers.
Guerriers, ne craignez rien , je ne suis pas volage ,
Je vous aimai toujours ; mais quelque Dieu
jaloux ,
Devant mes yeux opposoit un nuage ,
En vain je vous cherchois , il m'éloignoit de yous :
Aux efforts de votre courage ,
Fai sçû vous reconnoître , et tout cede à vos
coups.
Astrée descend des Cieux , suivie des
Arts et des Plaisirs ; elle annonce la Paix
dont
JANVIER 1732. 139
dont elle donne la premiere gloire à la
Reine Anne ; la Victoire ajoûte ces Vers
à l'honneur du Héros de la France :
Au Héros glorieux dont je sers les desseins,
La Paix fut toûjours chere ;
Mais je voulois qu'elle eût des Palmes dans lea mains ;
La voilà digne de me plaire.
La Victoire et Astrée chantent ensemble ces quatre autres Vers :
Le plus sage des Héros ,
A sous ses Etendarts ramené la Victoire ;
Il peut goûter le repos ,
De l'aveu même de la Gloire..
La Suite de la Victoire , et celle d'A'strée , font le Divertissement de ce Pro--
logue.
Le Théatre représente le Temple de
Bacchus , au premier Acte. Callirboé ,
Princesse de Calydon , expose le Sujet de
la Piece par ce Monologue :
Onuit , témoin de mes soupirs secrets ,
Que ton ombre en ces lieux ne regne-t'elle en-- core !
Pourquoi l'impatiente Aurore ,
Ouvre-t'elle mes yeux aux funestes apprêts ,
G. vj D'un
140 MERCURE DE FRANCE
D'un Hymen que j'abhorre ?
Je vais donc m'engager à l'objet que je hais ,
Et je perds pour jamais un Amant que j'adore.
O nuit , &c.
La Reine de Calydon , mere de Callirhoé, vient déclarer à cette Princesse que
Coresus paroîtra bien- tôt pour recevoir sa
foy sur les Autels de Bacchus ; elle l'exhotte à se livrer toute entiere à son devoir et à ne plus penser à son amour
puisqu'Agenor, qui en étoit l'objet , n’esť
plus. Elle la quitte pour aller ordonner la
Céremonie Nuptiale.
Callirhoé se détermine à subir la Loy
que sa Mere et ses Peuples lui imposent,
quelque dure qu'elle la trouve.
Agenor qu'on croyoit mort , paroît aux
yeux de Callirhoé ; elle cache son amour
sous un simple mouvement de surprise.
Agenor lui explique ce qui a donné lieu
au bruit de sa mort ; mais il n'en peut
rien tirer de favorable pour son amour.
Il lui témoigne son étonnement par ces
Vers , qu'on a trouvez très- délicats :
Ayez-vous oublié , Princesse , que vos charmes,
Ont essayé sur moi leurs premiers coups ?
Votre pere expiroit , je recueillois vos larmes
Parmi le trouble et les allarmes ,
i
Vos
JANVIER. 1732.
14
Vos yeux brilloient déja de l'éclat le plus dour
Fappaisai des mutins les mouvemens jaloux ;
Ah ! ne jugiez -vous pas au succès de mes armes
Qu'un Amant combattoit pour vous ?
Callirhoé continue à se contraindre
elle ordonne à Agenor de sortir et lui
défend de la voir jamais.
La Reine , Coresus , et les Prêtres de
sa suite arrivent pour celebrer l'Hymen
qui fait l'action principale de ce premier
Acte. Coresus dit galamment à Calli
rhoć.
Dès Autels à vos beaux yeux
Je porterai mon hommage ,
Şans craindre, que ce partage ,
Offense jamais nos Dieux ;
J'adore en vous leur image.
La Suite de Coresus celebre la Fête de
cet Hymen ; Coresus s'approche de l'Autel avec Callirhoé ; il chante ces Vers :
Toi, qui pour éclairer le plus beau de mes jours ,
Pares le Ciel d'une clarté nouvelle
Soleil , à mes tendres amours
Tu me vérras aussi fidele ,
,
Que tu l'es à remplir ton cours..
Coresus commence le serment sur l'Autels
142: MERCURE DE FRANCE
rel; mais Callirhoé ne peut l'achever parce
qu'Agenor vientsemontrer à ses yeux; son:
aspect la fait évanouir , et par là le serment conjugal est interrompu au grand
regret de Coresus , de la Reine et des
Prêtres de Bacchus.
Au second Acte , le Théatre représente
Pavant- cour d'un Palais ; on voit à l'un
des côtez un Temple domestique.
Agenor se flate d'être aimé de Calli
thoć cette Princesse agitée de remordss
vient lui déclarer qu'elle veut achever
son Hymen , pour réparer le tort qu'elle
vient de faire à sa gloire : Agenor l'accuse de cruauté ; elle ne peut s'empêcherde lui faire connoître qu'il est la cause
de son malheur , et par consequent qu'il
est aimé. Agenor se jette à ses pieds pour
lui rendre graces d'un aveu si favorable.
Coresus surprend son Rival aux pieds de
son Amante ; il lui reproche son infidelité; elle lui répond fierement qu'elle nelui a rien promis , et se retire. Coresus
menace Agenor, qui lui répond avec une
intrépidité héroïque et le quitte.
Coresus invite les Prêtres de sa suite à vanger l'affront qu'on vient de
faire aux Autels en la personne de leur
Grand-Prêtre ; ils invoquent Bacchus et
lui demandent vangeance.Les Prêtres avec
desc
JANVIER. 1732. 1431
des flambeaux , font le Balet de cet Acte. ,
Le Théatre représente au troisiéme
Acte , un Temple rustique , consacré à
Pan. La Reine er Callirhoé déplorent less
malheurs dont Bacchus accable leurs Peu-.
ples , et en font une description très - tou--
chante. Après les plaintes , la Reine dit:
à sa fille qu'elle veut interroger l'Oracle ,
du Dieu des Forêts. Elle la quitte pour
aller donner ordre à ce qu'elle vient de se
proposer, et lui dit d'attendre Caresus
qu'elle a mandé , et de ne rien oublier.
pour le fléchir.
Coresus vient ; la Scene est vive entre
Callirhoé et lui ; ne pouvant rien obte
nir de lui , elle le menace de sa propre·
mort ; Coresus s'attendrit et lui promet
de ne rien oublier pour obtenir de Bac--
chus la grace d'un Peuple, expirant ; it
hui dit de consulter son Oracle , et la
quicte.
>
2
Le Ministre de Pan vient , on chante
des Hymnes à l'honneur de ce Dieu ,.
qui du fond du Théatre prononce cet:
Öracle.
Le calme à ces climats ne peut être rendú ,
Qu'au prix que les Destins veulent de votre zele
Que de Callirhoé le sang soit répandu ,
Ou celui d'un Amant qui s'offrira pour elle.
La
T44 MERCURE DE FRANCE
+
La Reine frémit de cet Oracle ; elle prio
le Grand Prêtre de le cacher au Peuple
et de le flater d'un plus heureux avenir.
Au quatriéme Acte la Décoration represente une Plaine bornée de Côteaux
fleuris. Callirhoé se prépare à la mort
avec constance. Agenor trompé par les
fausses esperances qu'on lui a données
d'un heureux changement , vient s'en
réjouir avec sa Princesse ; elle lui cache
son malheur autant qu'elle peut , mais
enfin elle lui déclare que les Dieux de
mandent son sang ; Agnenor furieux lui
proteste qu'il ne souffrira jamais un Sacrifice si barbare , et la quitte en lui di
sant ::
DeCoresus , que le crime s'expié ,
On me payera cher de m'avoir fait trembler..
Le bucher brule , et moi j'éteins sa flamme impie
Dans le sang du cruel qui veut vous immoler.
Mes amis sont tous prêts , ils suivront mon exemple ;
F'attaquerai vos Dieux , je briserai leur Temple,
Dût sa ruine m'accabler.
Une Troupe de Bergers et de Bergeres
viennent se réjouir du nouveau calme
dont ils jouissent; Callirhocleur dit qu'elle
va au Temple assurer leur bonheur ; ils
la
JANVIER. 1731. 145
la suivent. La Reine , qui survient , croit
qu'ils vont la conduire à l'Autel ; elle
leur reproche leur barbarie , les Bergers.
témoignent la douleur et l'effro, dont ils
sont saisis par un Choeur très- pathetique.
Agenor vient leur dire qu'il a appris
d'un des Ministres de Pan qu'un sang
moins précieux offert pour celui de la
Princesse , peut suffire aux Dieux ; il offre
le sien les Bergers applaudissent à sa
generosité et à son amour.
La Décoration du dernier Acte représente le Temple de Bacchus , orné pour
le Sacrifice de la Victime. Coresus prêt
à donner la mort à son Rival , qui veut
être immolé pour Callirhoé , ne sçait s'il
y doit consentir ; il craint de trahir sa
gloire et même son amour , puisqu'Age
nor sacrifié pour sa Princesse , n'en regnera que mieux dans son cœur..
Callithoé vient demander la mort à
Coresus , la Scene est très- vive et trèspathetique entre le Prêtre et la Victime..
Agenor arrive ; les Prêtres le menent
à l'Autel'; après une contestation trèstendre entre les deuxVictimes et Coresus;
ce dernier prend un parti noble et gene
reux , et leur dit :
Arrêtez; c'est à moi de choisir la Victime.
ER
146 MERCURE DE FRANCE
Endisant ces mots il se frappe et finit la
Tragédie par ces Vers adressez à Callirhoé:
Je sauve vos jours :
De vos malheurs, dcs miens , je termine le cours.
Vous pleurez; se peut- il que ce cœur s'atendrisse !
Je meurs content , mes feux ne vous troubleront
plus.
Approchez ; en mourant , que ma main vous unisse ;
Souvenez-vous de Coresus.
Cet Opera , au reste , est très- bien executé et très-bien remis pour le choix des
Rôles , pour les Décorations et les habits.
Les Balets du Sr.Blondi en sont variez et
executez dans la plus grande perfection ;
un Pas de Trois dansé par le sieur Dumoulin et les Dlles Camargo et Salé , est
un morceau aussi picquant et aussi agréable qu'on en ait vû à l'Opera. Deux trèsbons Poëtes ont celebré la danse de ces
deux inimitables personnes en cette ma- niere.
A
La
'Académie Royale de Musique remit
au Théatre le 3. Janvier , la Tragé
die de Callirhoé. Le Poëme est de M. Roy,
et la Musique de M. Destouches , SurIntendant de la Musique du Roy. Cet
Opera fut donné pour la premiere fois le
27. Decembre 1712. il eut un succès des.
plus brillants ; il a été fort applaudi à la GY IGE
138 MERCURE DE FRANCE
reprises mais un peu moins que dans sa
naissance ; ce qui fait voir que les succès
plus ou moins éclatans , dépendent de
certaines circonstances dont on ne peut
donner de justes raisons. Comme cet Ouvrage est depuis vingt ans entre les mains
de tout le monde , nous n'en donnerons
qu'un Extrait des plus succincts.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu rempli d'armes differentes et deLauriers ; la Victoire y a assemblé des
Guerriers pour leur accorder les hon-.
neurs du Triomphe. La celebre journée
de Denain a donné lieu à ce Prologues
la Victoire y applaudit à des Guerriers
qu'elle sembloit avoir abandonnés depuis
quelque temps ; elle s'excuse par ces Vers.
Guerriers, ne craignez rien , je ne suis pas volage ,
Je vous aimai toujours ; mais quelque Dieu
jaloux ,
Devant mes yeux opposoit un nuage ,
En vain je vous cherchois , il m'éloignoit de yous :
Aux efforts de votre courage ,
Fai sçû vous reconnoître , et tout cede à vos
coups.
Astrée descend des Cieux , suivie des
Arts et des Plaisirs ; elle annonce la Paix
dont
JANVIER 1732. 139
dont elle donne la premiere gloire à la
Reine Anne ; la Victoire ajoûte ces Vers
à l'honneur du Héros de la France :
Au Héros glorieux dont je sers les desseins,
La Paix fut toûjours chere ;
Mais je voulois qu'elle eût des Palmes dans lea mains ;
La voilà digne de me plaire.
La Victoire et Astrée chantent ensemble ces quatre autres Vers :
Le plus sage des Héros ,
A sous ses Etendarts ramené la Victoire ;
Il peut goûter le repos ,
De l'aveu même de la Gloire..
La Suite de la Victoire , et celle d'A'strée , font le Divertissement de ce Pro--
logue.
Le Théatre représente le Temple de
Bacchus , au premier Acte. Callirboé ,
Princesse de Calydon , expose le Sujet de
la Piece par ce Monologue :
Onuit , témoin de mes soupirs secrets ,
Que ton ombre en ces lieux ne regne-t'elle en-- core !
Pourquoi l'impatiente Aurore ,
Ouvre-t'elle mes yeux aux funestes apprêts ,
G. vj D'un
140 MERCURE DE FRANCE
D'un Hymen que j'abhorre ?
Je vais donc m'engager à l'objet que je hais ,
Et je perds pour jamais un Amant que j'adore.
O nuit , &c.
La Reine de Calydon , mere de Callirhoé, vient déclarer à cette Princesse que
Coresus paroîtra bien- tôt pour recevoir sa
foy sur les Autels de Bacchus ; elle l'exhotte à se livrer toute entiere à son devoir et à ne plus penser à son amour
puisqu'Agenor, qui en étoit l'objet , n’esť
plus. Elle la quitte pour aller ordonner la
Céremonie Nuptiale.
Callirhoé se détermine à subir la Loy
que sa Mere et ses Peuples lui imposent,
quelque dure qu'elle la trouve.
Agenor qu'on croyoit mort , paroît aux
yeux de Callirhoé ; elle cache son amour
sous un simple mouvement de surprise.
Agenor lui explique ce qui a donné lieu
au bruit de sa mort ; mais il n'en peut
rien tirer de favorable pour son amour.
Il lui témoigne son étonnement par ces
Vers , qu'on a trouvez très- délicats :
Ayez-vous oublié , Princesse , que vos charmes,
Ont essayé sur moi leurs premiers coups ?
Votre pere expiroit , je recueillois vos larmes
Parmi le trouble et les allarmes ,
i
Vos
JANVIER. 1732.
14
Vos yeux brilloient déja de l'éclat le plus dour
Fappaisai des mutins les mouvemens jaloux ;
Ah ! ne jugiez -vous pas au succès de mes armes
Qu'un Amant combattoit pour vous ?
Callirhoé continue à se contraindre
elle ordonne à Agenor de sortir et lui
défend de la voir jamais.
La Reine , Coresus , et les Prêtres de
sa suite arrivent pour celebrer l'Hymen
qui fait l'action principale de ce premier
Acte. Coresus dit galamment à Calli
rhoć.
Dès Autels à vos beaux yeux
Je porterai mon hommage ,
Şans craindre, que ce partage ,
Offense jamais nos Dieux ;
J'adore en vous leur image.
La Suite de Coresus celebre la Fête de
cet Hymen ; Coresus s'approche de l'Autel avec Callirhoé ; il chante ces Vers :
Toi, qui pour éclairer le plus beau de mes jours ,
Pares le Ciel d'une clarté nouvelle
Soleil , à mes tendres amours
Tu me vérras aussi fidele ,
,
Que tu l'es à remplir ton cours..
Coresus commence le serment sur l'Autels
142: MERCURE DE FRANCE
rel; mais Callirhoé ne peut l'achever parce
qu'Agenor vientsemontrer à ses yeux; son:
aspect la fait évanouir , et par là le serment conjugal est interrompu au grand
regret de Coresus , de la Reine et des
Prêtres de Bacchus.
Au second Acte , le Théatre représente
Pavant- cour d'un Palais ; on voit à l'un
des côtez un Temple domestique.
Agenor se flate d'être aimé de Calli
thoć cette Princesse agitée de remordss
vient lui déclarer qu'elle veut achever
son Hymen , pour réparer le tort qu'elle
vient de faire à sa gloire : Agenor l'accuse de cruauté ; elle ne peut s'empêcherde lui faire connoître qu'il est la cause
de son malheur , et par consequent qu'il
est aimé. Agenor se jette à ses pieds pour
lui rendre graces d'un aveu si favorable.
Coresus surprend son Rival aux pieds de
son Amante ; il lui reproche son infidelité; elle lui répond fierement qu'elle nelui a rien promis , et se retire. Coresus
menace Agenor, qui lui répond avec une
intrépidité héroïque et le quitte.
Coresus invite les Prêtres de sa suite à vanger l'affront qu'on vient de
faire aux Autels en la personne de leur
Grand-Prêtre ; ils invoquent Bacchus et
lui demandent vangeance.Les Prêtres avec
desc
JANVIER. 1732. 1431
des flambeaux , font le Balet de cet Acte. ,
Le Théatre représente au troisiéme
Acte , un Temple rustique , consacré à
Pan. La Reine er Callirhoé déplorent less
malheurs dont Bacchus accable leurs Peu-.
ples , et en font une description très - tou--
chante. Après les plaintes , la Reine dit:
à sa fille qu'elle veut interroger l'Oracle ,
du Dieu des Forêts. Elle la quitte pour
aller donner ordre à ce qu'elle vient de se
proposer, et lui dit d'attendre Caresus
qu'elle a mandé , et de ne rien oublier.
pour le fléchir.
Coresus vient ; la Scene est vive entre
Callirhoé et lui ; ne pouvant rien obte
nir de lui , elle le menace de sa propre·
mort ; Coresus s'attendrit et lui promet
de ne rien oublier pour obtenir de Bac--
chus la grace d'un Peuple, expirant ; it
hui dit de consulter son Oracle , et la
quicte.
>
2
Le Ministre de Pan vient , on chante
des Hymnes à l'honneur de ce Dieu ,.
qui du fond du Théatre prononce cet:
Öracle.
Le calme à ces climats ne peut être rendú ,
Qu'au prix que les Destins veulent de votre zele
Que de Callirhoé le sang soit répandu ,
Ou celui d'un Amant qui s'offrira pour elle.
La
T44 MERCURE DE FRANCE
+
La Reine frémit de cet Oracle ; elle prio
le Grand Prêtre de le cacher au Peuple
et de le flater d'un plus heureux avenir.
Au quatriéme Acte la Décoration represente une Plaine bornée de Côteaux
fleuris. Callirhoé se prépare à la mort
avec constance. Agenor trompé par les
fausses esperances qu'on lui a données
d'un heureux changement , vient s'en
réjouir avec sa Princesse ; elle lui cache
son malheur autant qu'elle peut , mais
enfin elle lui déclare que les Dieux de
mandent son sang ; Agnenor furieux lui
proteste qu'il ne souffrira jamais un Sacrifice si barbare , et la quitte en lui di
sant ::
DeCoresus , que le crime s'expié ,
On me payera cher de m'avoir fait trembler..
Le bucher brule , et moi j'éteins sa flamme impie
Dans le sang du cruel qui veut vous immoler.
Mes amis sont tous prêts , ils suivront mon exemple ;
F'attaquerai vos Dieux , je briserai leur Temple,
Dût sa ruine m'accabler.
Une Troupe de Bergers et de Bergeres
viennent se réjouir du nouveau calme
dont ils jouissent; Callirhocleur dit qu'elle
va au Temple assurer leur bonheur ; ils
la
JANVIER. 1731. 145
la suivent. La Reine , qui survient , croit
qu'ils vont la conduire à l'Autel ; elle
leur reproche leur barbarie , les Bergers.
témoignent la douleur et l'effro, dont ils
sont saisis par un Choeur très- pathetique.
Agenor vient leur dire qu'il a appris
d'un des Ministres de Pan qu'un sang
moins précieux offert pour celui de la
Princesse , peut suffire aux Dieux ; il offre
le sien les Bergers applaudissent à sa
generosité et à son amour.
La Décoration du dernier Acte représente le Temple de Bacchus , orné pour
le Sacrifice de la Victime. Coresus prêt
à donner la mort à son Rival , qui veut
être immolé pour Callirhoé , ne sçait s'il
y doit consentir ; il craint de trahir sa
gloire et même son amour , puisqu'Age
nor sacrifié pour sa Princesse , n'en regnera que mieux dans son cœur..
Callithoé vient demander la mort à
Coresus , la Scene est très- vive et trèspathetique entre le Prêtre et la Victime..
Agenor arrive ; les Prêtres le menent
à l'Autel'; après une contestation trèstendre entre les deuxVictimes et Coresus;
ce dernier prend un parti noble et gene
reux , et leur dit :
Arrêtez; c'est à moi de choisir la Victime.
ER
146 MERCURE DE FRANCE
Endisant ces mots il se frappe et finit la
Tragédie par ces Vers adressez à Callirhoé:
Je sauve vos jours :
De vos malheurs, dcs miens , je termine le cours.
Vous pleurez; se peut- il que ce cœur s'atendrisse !
Je meurs content , mes feux ne vous troubleront
plus.
Approchez ; en mourant , que ma main vous unisse ;
Souvenez-vous de Coresus.
Cet Opera , au reste , est très- bien executé et très-bien remis pour le choix des
Rôles , pour les Décorations et les habits.
Les Balets du Sr.Blondi en sont variez et
executez dans la plus grande perfection ;
un Pas de Trois dansé par le sieur Dumoulin et les Dlles Camargo et Salé , est
un morceau aussi picquant et aussi agréable qu'on en ait vû à l'Opera. Deux trèsbons Poëtes ont celebré la danse de ces
deux inimitables personnes en cette ma- niere.
A
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Résumé : SPECTACLES, Callirhoé, Opera, Extrait, [titre d'après la table]
Le texte présente la tragédie en musique 'Callirhoé', dont le poème est de M. Roy et la musique de M. Destouches, Surintendant de la Musique du Roi. Cette œuvre a été jouée pour la première fois le 27 décembre 1712 et a connu un succès éclatant. Le prologue célèbre la victoire de Denain et la paix, avec des personnages comme la Victoire et Astrée. L'intrigue principale suit Callirhoé, princesse de Calydon, qui doit se marier avec Coresus malgré son amour pour Agenor, que l'on croyait mort. Agenor réapparaît, mais Callirhoé doit se conformer aux attentes de sa mère et de son peuple. La pièce est marquée par des conflits émotionnels et des révélations dramatiques, notamment l'interruption du mariage par l'apparition d'Agenor et la menace de sacrifice divin. La tragédie se conclut par le sacrifice de Coresus, qui permet à Callirhoé et Agenor de se réunir. L'opéra est salué pour son exécution, ses décors, ses costumes et ses ballets, notamment ceux du sieur Blondy et un pas de trois dansé par le sieur Dumoulin et les demoiselles Camargo et Salé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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674
p. 147-149
« L'Académie Royale de Musique doit représenter au commencement du [...] »
Début :
L'Académie Royale de Musique doit représenter au commencement du [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Jephté, Comédiens-Français, Académie française, Représentations
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texteReconnaissance textuelle : « L'Académie Royale de Musique doit représenter au commencement du [...] »
L'Académie Royale de Musique doit
représenter au commencement du Carême prochain , Jephté, Tragédie nouvelle,
elle n'avoit point encore donné de Sujec
tiré de l'Histoire Sainte- et l'on étoit
justement surpris que le plus noble Spectacle de l'Europe fût privé d'un genre
dont tous les autres Théatres s'étoient
mis si utilement en possession..
Les Comédiens François ont reçu une
petite Comédie en Prose , qu'ils vont
jouer incessamment , intitulée la Tontine,
de la composition de M. le Sage.
Ils ontaussi reçû une autre petite Piece en
Vers, qu'on donnera dans peu sans doute,
pour la jouer dans sa saison ; car elle est
intitulée l'Hyver.Elle est de M.DallinvalLe.
48 MERCURE DE FRANCE
Le Vendredi 18. de ce mois , on don'
na au Théatre François la premiere Re
présentation du Glorieux , Comédie en
Vers et en cinq Actes , de M. Destouches,
de l'Académie Françoise ; elle fut gene
ralement applaudie,etelle est tous les jours
plus goûtée par de très- nombreuses Assemblées ; on peut dire qu'elle fait autant
d'honneur à son Auteur qu'elle fait de
plaisir au Public. Nous n'oublierons pas
d'en parler plus amplement ; le Lecteur
y perdroit trop.
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles le Mardi 8. Janvier , le Phi
losophe Marié , et Crispin Medecin.
Le Jeudi 10. Iphigenie , et Attendez- moi sous l'orme.
Le Mardi 15. l'Avare , et les Plaideurs.
Le Jeudi 17. Electre , et lesFolies amou
reuses.
;
Le Mardi 22. Andromaque , et Crispin
bel-esprit.
Le Jeudi 24 le Medisant , et l'Avocat Patelin.
Le Mardi 29. le Glorieux , qui a eû un
aussi grand succès à la Cour qu'à Paris ,
et le bon Soldat.
Le Jeudi 31. Amasis , et le Medecin
malgré lui..
Le
JANVIER 1732 149
Le 5. les Comédiens Italiens representerent à la Cour , le Dedain affecté , et la
Petite Piece des Paysans de Qualité.
Le 12. Colombine, Avocat Pouret Contre,
Piece de l'ancien Théatre Italien , et les
Effets du Depit.
Le 14. les mêmes Comédiens remirent
au Théatre la Vie est un Songe , TragiComédie Italienne , en cinq Actes , tirée
de l'Espagnol , sous le titre de La Vida
es Sueno. Le sieur Lélio le fils y a joué le
Rôle de Sigismond , qui est le principal
de la Piece , avec applaudissement.
Le 21. ils donnerent une Piece nou
velle , qui a pour titre , Danaus , Tragi-comédie en Vers et en trois Actes ,
avec trois Intermedes dont on parlera
plus au long.
Le 26. ils représenterent à la Cour les
Deux Arlequins et la Folle Raisonnable.
représenter au commencement du Carême prochain , Jephté, Tragédie nouvelle,
elle n'avoit point encore donné de Sujec
tiré de l'Histoire Sainte- et l'on étoit
justement surpris que le plus noble Spectacle de l'Europe fût privé d'un genre
dont tous les autres Théatres s'étoient
mis si utilement en possession..
Les Comédiens François ont reçu une
petite Comédie en Prose , qu'ils vont
jouer incessamment , intitulée la Tontine,
de la composition de M. le Sage.
Ils ontaussi reçû une autre petite Piece en
Vers, qu'on donnera dans peu sans doute,
pour la jouer dans sa saison ; car elle est
intitulée l'Hyver.Elle est de M.DallinvalLe.
48 MERCURE DE FRANCE
Le Vendredi 18. de ce mois , on don'
na au Théatre François la premiere Re
présentation du Glorieux , Comédie en
Vers et en cinq Actes , de M. Destouches,
de l'Académie Françoise ; elle fut gene
ralement applaudie,etelle est tous les jours
plus goûtée par de très- nombreuses Assemblées ; on peut dire qu'elle fait autant
d'honneur à son Auteur qu'elle fait de
plaisir au Public. Nous n'oublierons pas
d'en parler plus amplement ; le Lecteur
y perdroit trop.
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles le Mardi 8. Janvier , le Phi
losophe Marié , et Crispin Medecin.
Le Jeudi 10. Iphigenie , et Attendez- moi sous l'orme.
Le Mardi 15. l'Avare , et les Plaideurs.
Le Jeudi 17. Electre , et lesFolies amou
reuses.
;
Le Mardi 22. Andromaque , et Crispin
bel-esprit.
Le Jeudi 24 le Medisant , et l'Avocat Patelin.
Le Mardi 29. le Glorieux , qui a eû un
aussi grand succès à la Cour qu'à Paris ,
et le bon Soldat.
Le Jeudi 31. Amasis , et le Medecin
malgré lui..
Le
JANVIER 1732 149
Le 5. les Comédiens Italiens representerent à la Cour , le Dedain affecté , et la
Petite Piece des Paysans de Qualité.
Le 12. Colombine, Avocat Pouret Contre,
Piece de l'ancien Théatre Italien , et les
Effets du Depit.
Le 14. les mêmes Comédiens remirent
au Théatre la Vie est un Songe , TragiComédie Italienne , en cinq Actes , tirée
de l'Espagnol , sous le titre de La Vida
es Sueno. Le sieur Lélio le fils y a joué le
Rôle de Sigismond , qui est le principal
de la Piece , avec applaudissement.
Le 21. ils donnerent une Piece nou
velle , qui a pour titre , Danaus , Tragi-comédie en Vers et en trois Actes ,
avec trois Intermedes dont on parlera
plus au long.
Le 26. ils représenterent à la Cour les
Deux Arlequins et la Folle Raisonnable.
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Résumé : « L'Académie Royale de Musique doit représenter au commencement du [...] »
En janvier 1732, l'Académie Royale de Musique prévoit de représenter 'Jephté', une tragédie tirée de l'Histoire Sainte, une première pour ce théâtre. Les Comédiens Français reçoivent deux nouvelles pièces : 'La Tontine' en prose de M. le Sage et 'L'Hyver' en vers de M. Dallinval. Le 18 janvier, la première représentation de 'Le Glorieux', une comédie en vers de M. Destouches, est acclamée par le public et les critiques. À Versailles, les Comédiens Français jouent plusieurs pièces entre le 8 et le 31 janvier, incluant 'Le Philosophe Marié', 'Crispin Médecin', 'Iphigénie', 'L'Avare', 'Andromaque', 'Le Glorieux' et 'Amasis'. Les Comédiens Italiens présentent également des œuvres à la Cour, comme 'Le Dedain affecté', 'Colombine', 'La Vie est un Songe' et 'Danaus', une tragicomédie en vers avec des intermèdes.
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675
p. 232-250
DISSERTATION sur la Comedie, pour servir de réponse à la Lettre, inserée dans le Mercure d'Aoust 1731. au sujet des Discours du Pere LE BRUN, sur la même matiere. Par M. SIMONET, Prieur d'Heurgeville.
Début :
Vous ne deviez pas, Monsieur, attendre aux reproches si mal [...]
Mots clefs :
Théâtre, Spectacles, Comédie, Amour profane, Anathèmes, Public, Mercure, Comédiens, Auteurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur la Comedie, pour servir de réponse à la Lettre, inserée dans le Mercure d'Aoust 1731. au sujet des Discours du Pere LE BRUN, sur la même matiere. Par M. SIMONET, Prieur d'Heurgeville.
DISSERTATION sur la Comedie ,
pour servir de réponse à la Lettre ,
inserée dans le Mercure d'Aoust 1731. au
sujet des Discours du Pere LE BRUN,
sur la même matiere. Par M. SIMONET ,
Prieur d'Heurgeville.
Ous ne deviez pas , Monsieur, vous
attendre aux reproches si mal fondez
que l'on vous a faits , à l'occasion des Discours du P. le Brun sur la Comédie. La
candeur, la justesse, le discernement avec
lesquels vous avez rendu compte au public des ouvrages qui ont paru , et de celui - ci en particulier , ne les méritoient
certainement pas , et on ne sçauroit trop
louer la modération qui vous fait garder
un profond silence sur ce sujet.
Si le nouveau deffenseur du Théatre aété
dans l'étonnement de ce que vous annonciez avec éloge ces discours du P.le Brun;
on est encore plus surpris de le voir vous
censurer avec hauteur , et se déchaîner
contre un ouvrage depuis long-temps approuvé, pour soutenir une cause déja perduë au jugement de tout ce qu'il y a de
personnes équitables et desinteressées.
Il vous est glorieux, Monsieur , qu'on
n'ait
FEVRIER: 1732. 233
n'ait pû vous attaquer sans entreprendre
de ternir la réputation d'un Auteur également recommandable par sa piété , ses
lumieres , sa profonde érudition , sans se
déclarer le Protecteur d'une profession
de tout temps décriée ; sans s'élever même
contre l'Eglise qui l'a justement frappée d'Anathémes.
Quelque foibles que soient dans le fond
les principes que l'on vous objecte , ils ne
laissent pas d'avoir quelque chose de spécieux et d'apparent , qui pourroit trouver des Approbateurs parmi ce grand
nombre de personnes , déja trop préve- nuës en faveur du Théatre.
On aime ce qui flate agréablement l'imagination , ce qui charme l'esprit , ce
qui touche et qui enleve le cœur : comme
les Spectacles excellent en ce genre , on se
laisse facilement persuader qu'il n'y a rien de si criminel dans ces sortes d'amusemens ; on s'apprivoise à ce langage délicat des passions , et on est bien-tôt séduit. •
Les funestes impressions que l'on ressent,
paroissent trop douces pour s'en méfier.
Il suffit que la Comédie plaise pour qu'on
la trouve innocente , et qu'on ne s'en
fasse plus de scrupule. De là vient qu'on
est porté plutôt par inclination , que par lumieres, à juger favorablement d'un Ecrit
fait exprès pour la justifier.
De
234 MERCURE DE FRANCE
De pareils Ecrits sont si contraires aux
bonnes mœurs et à l'esprit du Christianisme, que feu M.de Harlay , Prélat recommandable par sa grande capacité, obligea le
P. Caffaro , qui en avoit produit un semblable , de se retracter. Il seroit à souhaiter que le nouveau Deffenseur de la Comédie , voulut suivre l'exemple de celui
qu'il a si-bien copie ; et que rendant gloire à la vérité , il avoüat franchement ce
qu'il ne devroit pas se dissimuler à luimême, que le Théatre est à présent, comme autrefois , tres - pernicieux à l'innocence.
Mais comme on n'a gueres sujet d'attendre de lui cet aveu , qui apparemment
lui couteroit trop , il faut essayer du
moins de détromper les personnes qui ne
seroient pas assez en garde contre ses illusions et qui s'en rapporteroient à son
sentiment pour juger , soit de l'exposé du
Mercure , soit du fond de l'ouvrage du
P. le Brun.
A entendre l'Avocat des Comédiens , le
Mercure ne parle et n'agit point en cette
occasion , par principes ; il établit d'une
main, ce qu'il détruit de l'autre. Là il attire ses Lecteurs aux Spectacles par des
Analyses vives et expressives ; icy il en
détourne par les éloges qu'il donne à des
dis-
FEVRIER. 1732. 235
discours qui representent ces Spectacles
comme pernicieux et criminels ; c'est ce
qui étonne son Antagoniste , c'est ce qui
lui paroit étrange.
Toute la dispute se réduit donc à examiner si le Mercure après avoir donné
dans ses Analyses , une idée avantageuse
des Spectacles , ne pouvoit , sans se contredire , louer les Discours du P. le Brun
qui les condamnent? Une observation des
plus communes suffira pour dissiper toutes les ombres qu'on a essayé de répandre
sur cet article ; c'est que la même chose
considerée sous différents rapports , sous
differens points de vûë , peut être bonne
et mauvaise , loüable et repréhensible en
même- temps ; et tels sont les Spectacles ,
ils ont leur beauté et même leur bonté en
un sens. On dit tous les jours , et avec
raison : Voilà une bonne Piece , en parlant d'une Comédie qui plaît, c'est un ouvrage d'esprit qui est bon en ce genre ,
mais souvent tres- pernicieux , par rapport au cœur , et rien n'empêche qu'on
ne le loue d'un côté , et qu'on ne le blâme de l'autre.
Le Mercure , dans ses Analyses , montre simplement ce qu'on a trouvé de beau
ou de bon dans les Pieces de Théatre, mais
cela ne regarde que l'esprit ; sans toucher
aux
236 MERCURE DE FRANCE,
aux mœurs et à la conscience dont alors il
n'est point question. D'ailleurs le dessein
de ces Analyses n'est pas , comme on le
suppose , d'attirer les Lecteurs aux Spectacles , mais seulement de leur en donner
une légere teinture , qui peut avoir son
utilité pour plusieurs , et qui ne fera pas
grande impression , ni sur les personnes
portées d'elles-mêmes à y participer , ni
sur celles qui par principe de Religion en
ont de l'éloignement.
La nouvelle édition des Discours du
P. le Brun présente l'occasion favorable
de montrer la Comédie par son mauvais
côté , le Mercure la saisit avec plaisir , et
fait sentir par les éloges qu'il donne à ces
discours , que tous ces Spectacles dont il a
fait les Analyses , pour la satisfaction de
ceux qui s'y interressent , ont des dangers et des écueils dont il faut bien se
donner de garde, et qu'on risque au moins
beaucoup , lorsqu'on y participe. N'est- ce
pas là parler et agir par principes, en homme d'esprit, en honnête homme, sans être
rigoriste ?
On peut dire même que le Mercure n'a
été que l'écho des applaudissemens que le
Public , malgré sa prévention pour les
Spectacles , avoit déja fait éclatter , en faveur de ces Discours pleins de lumiere et
de
FEVRIER 1732 237
de piété ; et il n'en auroit pasfait un rapport fidele , s'il les cut annoncez d'un autre ton , ce qui n'empêchoit pas qu'il ne
fut aussi de son ressort de rendre compte
avec la même fidelité de ce que l'on pensoit communement des différentes Piéces
qui ont paru sur la Scene.
Venons à présent au fond , et exami
nons si c'est à tort,comme on le prétend,
que le P. le Brun représente les Spectacles comme pernicieux et criminels , et si
son ouvrage est aussi peu solide qu'on le
veut faire croire. Tout le point de la difficulté consiste à sçavoir si la Comédie est
à present moins mauvaise en elle - même,
et moins contraire aux bonnes mœurs,
" qu'elle ne l'étoit du temps que les Peres
et les Conciles l'ont chargée d'Anathémes ; car s'il est vrai qu'elle soit toujours
également vicieuse, quelque épurée, quelque chatiée qu'on la suppose quant au
langage , aux expressions , aux manieres;
les Comédiens méritent toujours les mê
mes Anathémes . et c'esr avec raison
qu'on en détourne les Fideles.
و
Or je soutiens que la Comédie , telle
qu'elle paroit depuis Moliere sur le
Théatre François ( fameuse époque de sa
plus grande perfection ) est pour le moins
aussi mauvaise et aussi dangereuse pour les
mœurs
238 MERCURE DE FRANCE
•
mœurs , qu'elle l'étoit auparavant. Je dis
pour le moins; en effet , lorsqu'il ne pa
roissoit sur la Scene que des vices grossiers ; lorsque les Acteursjouoient avec les
gestes les plus honteux , que les hommes et les
femmes méprisoient toutes les regles de lapu
deur, et que l'on y prononçoit ouvertement
des blasphemes contre le saint Nom deDieu ;
pour peu qu'on eut de conscience et d'éducation , ces Spectacles devoient naturellement faire horreurs du moins on ne
pouvoit s'y méprendre , et regarder comme permis ces discours tout profanes, ces
actions si licentieuses , et si contraires à
l'honnêteté ; le vice qui paroît à décou
vert , a bien moins d'appas que lorsqu'il
se déguise et ne se montre que sous des ap- parences trompeuses , comme il fait à
present.
Le goût fin et la politesse de notre siecle ne s'accommoderoient pas de ces excès monstrueux , de ces infames libertez
qui choqueroient ouvertement la modestie. Elles révolteroient les personnes un
peu délicates , et feroient rougir ce reste
de pudeur , dont , malgré la corruption
du Monde, on aime à se parer. Le Théatre seroit décrié par lui-même , et il n'y
auroit gueres que des personnes perduës
d'honneur et de réputation qui oseroient
y assister.
On
FEVRIER 1732. 239
On prend donc un autre tour; le vice
en est toujours l'ame et le mobile , mais
il ne s'y montre que dans un aspect , qui
n'a rien d'affreux , ni d'indécent, rien du
moins qu'on n'excuse , et qu'on ne se pardonne aisément dans le monde. Il y paroît sous un langage poli et châtié , sous
des images riantes et agréables , avec des
manieres toutes engageantes , qui tantôt
le font aimer , tantôt excitent la pitié , la
compassion; quelquefois il se couvre d'un
brillant , qui lui fait honneur ; il se pare
des dehors de la vertu , et sous ombre de
rendre ridicule ou odieuse une passion , il
en inspire d'autres encore plus funestes.
Le venin adouci et bien préparé , s'avale
aisément ; on ne s'en méfie pas , mais il
n'en est que plus mortel. Le Serpent avec
toutes ses ruses et ses détours , se glisse
adroitement dans les ames , et les corrompt en les flattant. C'est ainsi qu'on a
trouvé le secret, en laissant dans le fond ,
le Spectacle également vicieux , de le rendre plus supportable aux yeux et aux
oreilles chastes , et c'est par- là qu'il séduit
plus sûrement.
Quoiqu'on en dise , le Théatre est toujours , comme autrefois, l'école de l'impureté. On y apprend à perdre une certaine retenuë qui tient en garde contre les
pre-
240 MERCURE DE FRANCE
premieres atteintes de ce vice , et à n'en
avoir plus tant d'horreur. On y apprend
l'art d'aimer et de se faire aimer avec déli--
catesse,art toujours dangereux, et trop sou- vent mis en pratique pour la perte des
amessonyapprendle langage de l'amour,
eton s'accoutume à l'entendre avecplaisir,
ce langage seducteur qui a tant de fois suborné la vertu la plus pure; on y apprend
à entretenir des pensées , à nourrir des desirs , à former des intrigues , dont l'innocence étoit avant cela justement allarmée.
Les Spectacles sont encore à present le
triomphe de l'amour profane. Il s'y fait
valoir commeune divinité maligne , dont
la puissance n'a point de bornes , et à laquelle tous les humains par une fatale necessité ne peuvent se soustraire. Aimer
follement , éperdument , sur la Scene ,
c'est plutôt une foiblesse qu'un vice : on
se la reproche quelquefois , non pas tant
la rendre odieuse , que pour
voir le spectateur , et paroître digne de
compassion ; d'autres fois on en fait gloire , on s'estime heureux d'être sous l'empire de l'Amour , on vente la chimerique
douceur de son esclavage : quoi de plus
capable d'énerver le cœur de l'amollir,
et de le corrompre !
pour émouC'est cependant ce que l'on trouve de
plus
FEVRIER 17320 *241
plus beau , de plus fin , de plus charmant
dans toutes les Pieces de Théatre. Il y
regne presque toujours une intrigue d'amour adroitement conduite. Chacun
en est avide , chacun la suit , et attend
avec une douce impatience quel en sera
le dénouement. Dans les Comédies l'intrigue est moins fougueuse , plus moderée , et se termine toujours par quelque
agréable surprise , qui met chacun au
comble de ses souhaits. Dans la Tragedie,
ce ne sont gueres que les furieux transports d'un amour mécontent , outragé ,
ne respirant que vengeance , que desespoir , quoiqu'il soupire encore après l'objet de ses peines ; et l'intrigue aboutit à
quelque funeste catastrophe. Dans l'une
et dans l'autre c'est l'Amour qui regne ,
qui domine , qui conduit tout , qui donne le mouvement à tout, et il ne s'y montre certainement pas par des endroits
qui le rendent ridicule , méprisable ou
odieux. Au contraire , il y paroît dans un
si beau jour , er avec tant d'agremens,
qu'on a de la peine à se défendre de ses
charmes ; et cependant cet amour tendre
et vehement est une passion des plus pernicieuses : il trouble la raison , il obscurcit les lumieres de l'esprit , et infecte le
cœur par un poison d'autant plus dangereux
242 MERCURE DE FRANCE
reux , qu'il est plus subtil et paroît plus doux.
En vain se défendroit- on sur ce que ces
intrigues sont , à ce que l'on pretend , innocentes , et qu'il ne s'agit que d'un
amour honnête. Comment le supposer
honnête, cet amour si hardi › si peu modeste ? si entreprenant ? Dès qu'il a le
front de se montrer au grand jour , et de
se produire devant tout le monde , avec
toutes les ruses et les artifices d'une intrigue , ne passe- t'il pas les bornes de la retenue et de l'honnêté ? -Il n'y a gueres au
reste de difference entre les démonstrations exterieures d'un amour legitime et
d'un amour déreglé, et ces démonstrations
produisent dans ceux qui en sont témoins
à peu près les mêmes effets , même sensibilité , même desirs , même corruption.
Il faudroit s'aveugler soi-même pour ne
pas voir que cet amour , quelque innocent , quelque honnête qu'on le suppose,
étant representé au vifet au naturel , n'est
propre qu'à exciter des flammes impures:
ces airs passionnés , ces regards tendres et
languissants,ces soupirs et ces larmes feintes,qui en tirent de veritables des yeux des
spectateurs, ces entretiens d'hommes et de
femmes qui se parlent avec tant degraces,
de naïveté,de douceur;ces charmantes Actrices
FEVRIER. 1732. 243
trices, d'un air si libre, aisé , galant , dont
les attraits sont relevez par tant d'ajustemens , et animez par la voix , le geste , la
déclamation ; ces beautez si piquantes, qui
se plaisent à piquer , dont toute l'étude
est d'attirer les yeux et de se faire d'illustres conquêtes ; à quoi tout cela tend- il ?
Chacun le sent , pourquoi le dissimuler ?
Au milieu de ce ravissant prestige qui
fixe les yeux , les oreilles , et charme tous
fes sens , lorsque la passion a penétré ,
pour ainsi dire ,jusqu'à la moële de l'ame;
viennent ces beaux principes de generosité , d'honncur, de probité dont le Théatre se glorifie. Mais c'est trop tard : le
coup mortel est donné , le cœur ne fait
plus que languir , la vertu envain se débat , elle expire , elle n'est déja plus: à quoi
sert l'antidote , quand le poison a operé ?
Aprés cela on a bonne grace de nous
vanter les Tragedies et les Comédies
comme n'étant faites que pourinspirer de
nobles sentimens , pour rendre les vices
ridicules et odieux. Tous ces sentimens
si nobles , si élevez se reduisent à des
saillies d'amour propre , de vanité , à des
mouvemens d'ambition , à des transports
de jalousie , de haine , de vengeance , de
desespoir.
La Comédie jette un ridicule sur certains
244 MERCURE DE FRANCE
tains vices décriez dans le Monde , mais
il y en a de plus subtils , quoique souvent
plus criminels , qui sont trop flateurs et
tropcommuns pour qu'elle ose y toucher.
Elle n'amuse , elle ne divertit , elle ne
plaît , que parce qu'en se jouant des passions des hommes , elle en ménage , elle
eninspiretoujours quelques- unes qui sont
les plus douces et les plus favorites.
Telle est la Morale si vantée du Théa
tre , bien opposée à la pure morale de
Jesus-Christ : celle- ci rabaisse l'homme à
ses propres yeux, le détache de lui-même,
et lui fait trouver sa veritable grandeur
dans la modestie et l'humilité : celle- là ne
produit que des Heros pleins de faste et
de présomption , entêtez de leur prétendu merite , faisant gloire de ne rien souffrir qui les humilie. L'une regle l'inte
rieur autant que l'exterieur : l'autre ne
s'arrête qu'à lavaine parade d'une probité
toute mondaine. A l'Ecole de notre Divin Maître on apprend à pardonner les
injures , à aimer ses ennemis , à étouffer
jusqu'aux ressentimens de vengeange et
d'animosité : au Théatre c'est être un lâche ,un poltron , un faquin que de souffrir une insulte sans en tirer raison ; c'est
en ce faux point d'honneur que consiste
la grandeur d'ame qui regne dans les Pieces
FEVRIER 1732. 245
ces tragiques. La morale de J. C. prêche
par tout la mortification des sens et des passions : elle ne permet pas même de regarder avec complaisance les objets capables
de faire naître des pensées et des désirs criminels. Au Théatre on ne respire-qu'un air
de molesse , de volupté , de sensualité ; on
n'y vient que pour voir et entendre des
personnages de l'un et de l'autre Sexe
tous propres par leurs charmes et leurs
mouvemens artificieux , mais expressifs
à exciter de veritables passions.
Et qu'on ne s'imagine pas qu'il n'y ait
que quelques ames foibles à qui les spectacles puissent causer de si funestes effets.
Le penchant universel qui porte à la volupté , les rend au moins très-dangereux
à toutes sortes de personnes. Il faut être
bien temeraire pour se répondre de ses
forces , en s'exposant à un péril si évident
de succomber et de se perdre. Plusieurs
moins susceptibles ou par vertu ou par
temperament , ne s'appercevront peutêtre pas d'abord de la contagion qui les
gagne. Mais insensiblement le cœur s'affoiblit , la passion s'insinuë ; elle fait sans
qu'on y pense des progrès imperceptibles,
et l'on risque toujours d'en devenir l'esclave. Celui qui aime le péril , dit JesusChrist , périra dans le péril.
C
246 MERCURE DE FRANCE
Il est donc constant que la Comédie,
quelque châtiée, quelque épurée qu'on la
suppose , est à present du moins aussi
mauvaise et aussi pernicieuse , qu'elle l'étoitautrefois. La reforme qu'on en a faite
l'a renduë plus agreable , plus attirante
sans qu'elle en soit devenue effectivement
plus chaste , et moins criminelle. Qu'on
dise tant qu'on voudra qu'elle corrige les
vices des hommes : il est toujours évident
que personne n'en devient meilleur , que
plusieurs s'y pervertissent , que tout ce
qu'il y a de gens déreglez y trouvent dequoi fomenter et nourrir leurs passions et
que la morale du Théatre ne les conver
tira jamais.
Non, la Comédie ne corrige pas les vices, elle ne fait qu'en rire, qu'en badiner, er
son badinage y attire plus qu'il n'en éloigne. Si elle y répand un certain ridicule,
ce ridicule est trop plaisant et trop gra
cieuxpour endonner de l'horreur. Qu'on
fasse valoir les beaux preceptes de morale
qu'elle debite , il n'en sera pas moins vrai
qu'ils n'ont aucune force contre l'esprit
impur et profane qui anime les spectacles,
et quesi l'on yreçoit des leçons de vertu,
on n'en remporte cependant que les impressions du vice.
Le P. le Brun par consequent n'a pas
cu
FEVRIER. 1732. 247
eu tort de dépeindre le Theatre avec ces
couleurs qui ne déplaisent si fort à l'Avocar des Comédiens , que parce qu'elles sont trop naturelles. Cet homme venerable ne meritoit pas qu'on vint troubler ses cendres , décrier ses sçavans Ecrits
et flétrir sa memoire , en le faisant passer
pourun Auteur sansjugement , sans principes , sans raisonnement. Je ne dis pas
qu'il n'ait pû quelquefois se méprendre ,
et quel est l'homme si attentifqui ne s'égare jamais dans un ouvrage d'assez longue haleine ? Mais s'il s'est trompé , ce
n'est sûrement pas dans l'essensiel, et dans
le dessein qu'il a eu de montrer combien
les Spectacles sont dangereux et opposez à
l'esprit du Christianisme.
Comment ose- t'on avancer qu'on se
roit mieux fondé à lui demander une retractation , si la mort ne l'avoit pas mis
àcouvert d'un tel attentat , qu'on ne l'a
été à en exiger une du P. Caffaro ? Que
dire de la hardiesse avec laquelle on suppose, et on decide que les Comédiens ne
meritent plus les foudres de l'Eglise , et
qu'ils sont en droit de faire des remontrances à Messieurs nos Evêques qui font
publier contre eux des Anathêmes? Commesi de tels personnages pouvoient être
Juges dans leur propre cause , et se déCij clareg
243 MERCURE DE FRANCE
T
clarer eux mêmes innocens , lorsque l'Eglise les condamne ; comme s'ils avoient
plus d'équité et de lumieres , que les Prelats les plus respectables , que les plus
pieux et les plus sçavans Theologiens ,
pour decider sur leur état et leur profession. Il suffit de jetter les yeux sur ce qui
se passe au Theatre , pour concevoir , si
lon agit de bonne foi et sans prévention ,
que les Comédiens de nos jours sont
du moins aussi coupables et aussi dignes
de Censures , que ceux des siecles passez,
quoiqu'on avoue qu'ils sont plus polis et
moins impudens.
Que devient à present ce pompeux étalage d'érudition et d'autoritez que l'on
remet sur le tapis après le P. Caffaro ?
Qui pourra s'imaginer que d'habiles Theologiens , que des Saints mêmes très- illustres , ayent regardé comme permis et digne d'approbation, ce qui tend si visiblement à la corruption des mœurs? S'ils l'avoient fait , on ne risqueroit rien de les
desavoüer , n'étant pas le plus grand nom
bre l'esprit et la tradition de l'Eglise leur
étant contraires; mais il est bien plus juste
de croire qu'on les cite à tort , et qu'on ne les entend pas.
S'ils ont approuvé des Comédies, il fal-"
loit qu'elles fussent bien chastes , et bien,
éloignées
FEVRIER. 17320 249
éloignées de l'esprit impur qui anime celles de nosjours; ils entendoient, sans doute , des Spectacles , où il n'y auroit ni intrigues d'amour , ni airs de molesse , ni
rien de capable de flater la sensualité , de
fomenter le déreglement des passions :apparamment comme ces Pieces que l'on représente dans les Colleges pour exercer et
divertir innocemment la jeunesse. Que
nos Comédiens n'en donnent que de semblables , et nous conviendrons qu'étant
ainsi purifiées , elles ne seront plus dignesde censure. Mais ils n'ont garde d'être si
severes , ils ni trouveroient pas leur com.
ptpte. Cet air de reforme ne plairoit pas à
la plupart des spectateurs , le Théatre ne
seroit plus si frequenté , et la Comédie
n'auroit peut- être plus tant d'appuis , ni
tant de ressources .
Il est curieux de la voir se vanter d'ê
tre soutenue par les Puissances , bien teçûë dans les Cours , et entretenue par de
bons appointemens. C'est à peu prèscomme si une femme infidelle faisoit gloire du
prix de ses infidelitez , et qu'elle voulut passer pour innocente , parce qu'on
la souffriroit devant d'honnêtes gens ,
par des raisons de necessité ou de politique.
Dans les Etats les mieux policez , il y
Ciij
250 MERCURE DE FRANCE
a certains abus , certains déreglemens
qu'il seroit trop dangereux de vouloir extirper. On est obligé prudemment de
laisser croître l'yvroye avec le bon grains
et si les Puissances Superieures semblent
influer et fournir en quelque sorte à l'accroissement de cette mauvaise semence
c'est un mystere qu'il faut respecter par
unesage discretion , etnon pas entrepren
dre temerairement de le sonder. Mais les
raisons d'Etat et de politique peuventelles ôter à l'Eglise le droit de condamner
ces abus et ces dereglemens ? Et les coupables,quelques autorisez d'ailleurs qu'ils
se prétendent , auront-ils lieu de se plaindre des menaces ou des justes peines dont
cette charitable Mere n'use à leur égard,
que pour les rappeller de la voye de perdition . Je suis , &c.
A Heurgeville le 29. Janvie 1732
pour servir de réponse à la Lettre ,
inserée dans le Mercure d'Aoust 1731. au
sujet des Discours du Pere LE BRUN,
sur la même matiere. Par M. SIMONET ,
Prieur d'Heurgeville.
Ous ne deviez pas , Monsieur, vous
attendre aux reproches si mal fondez
que l'on vous a faits , à l'occasion des Discours du P. le Brun sur la Comédie. La
candeur, la justesse, le discernement avec
lesquels vous avez rendu compte au public des ouvrages qui ont paru , et de celui - ci en particulier , ne les méritoient
certainement pas , et on ne sçauroit trop
louer la modération qui vous fait garder
un profond silence sur ce sujet.
Si le nouveau deffenseur du Théatre aété
dans l'étonnement de ce que vous annonciez avec éloge ces discours du P.le Brun;
on est encore plus surpris de le voir vous
censurer avec hauteur , et se déchaîner
contre un ouvrage depuis long-temps approuvé, pour soutenir une cause déja perduë au jugement de tout ce qu'il y a de
personnes équitables et desinteressées.
Il vous est glorieux, Monsieur , qu'on
n'ait
FEVRIER: 1732. 233
n'ait pû vous attaquer sans entreprendre
de ternir la réputation d'un Auteur également recommandable par sa piété , ses
lumieres , sa profonde érudition , sans se
déclarer le Protecteur d'une profession
de tout temps décriée ; sans s'élever même
contre l'Eglise qui l'a justement frappée d'Anathémes.
Quelque foibles que soient dans le fond
les principes que l'on vous objecte , ils ne
laissent pas d'avoir quelque chose de spécieux et d'apparent , qui pourroit trouver des Approbateurs parmi ce grand
nombre de personnes , déja trop préve- nuës en faveur du Théatre.
On aime ce qui flate agréablement l'imagination , ce qui charme l'esprit , ce
qui touche et qui enleve le cœur : comme
les Spectacles excellent en ce genre , on se
laisse facilement persuader qu'il n'y a rien de si criminel dans ces sortes d'amusemens ; on s'apprivoise à ce langage délicat des passions , et on est bien-tôt séduit. •
Les funestes impressions que l'on ressent,
paroissent trop douces pour s'en méfier.
Il suffit que la Comédie plaise pour qu'on
la trouve innocente , et qu'on ne s'en
fasse plus de scrupule. De là vient qu'on
est porté plutôt par inclination , que par lumieres, à juger favorablement d'un Ecrit
fait exprès pour la justifier.
De
234 MERCURE DE FRANCE
De pareils Ecrits sont si contraires aux
bonnes mœurs et à l'esprit du Christianisme, que feu M.de Harlay , Prélat recommandable par sa grande capacité, obligea le
P. Caffaro , qui en avoit produit un semblable , de se retracter. Il seroit à souhaiter que le nouveau Deffenseur de la Comédie , voulut suivre l'exemple de celui
qu'il a si-bien copie ; et que rendant gloire à la vérité , il avoüat franchement ce
qu'il ne devroit pas se dissimuler à luimême, que le Théatre est à présent, comme autrefois , tres - pernicieux à l'innocence.
Mais comme on n'a gueres sujet d'attendre de lui cet aveu , qui apparemment
lui couteroit trop , il faut essayer du
moins de détromper les personnes qui ne
seroient pas assez en garde contre ses illusions et qui s'en rapporteroient à son
sentiment pour juger , soit de l'exposé du
Mercure , soit du fond de l'ouvrage du
P. le Brun.
A entendre l'Avocat des Comédiens , le
Mercure ne parle et n'agit point en cette
occasion , par principes ; il établit d'une
main, ce qu'il détruit de l'autre. Là il attire ses Lecteurs aux Spectacles par des
Analyses vives et expressives ; icy il en
détourne par les éloges qu'il donne à des
dis-
FEVRIER. 1732. 235
discours qui representent ces Spectacles
comme pernicieux et criminels ; c'est ce
qui étonne son Antagoniste , c'est ce qui
lui paroit étrange.
Toute la dispute se réduit donc à examiner si le Mercure après avoir donné
dans ses Analyses , une idée avantageuse
des Spectacles , ne pouvoit , sans se contredire , louer les Discours du P. le Brun
qui les condamnent? Une observation des
plus communes suffira pour dissiper toutes les ombres qu'on a essayé de répandre
sur cet article ; c'est que la même chose
considerée sous différents rapports , sous
differens points de vûë , peut être bonne
et mauvaise , loüable et repréhensible en
même- temps ; et tels sont les Spectacles ,
ils ont leur beauté et même leur bonté en
un sens. On dit tous les jours , et avec
raison : Voilà une bonne Piece , en parlant d'une Comédie qui plaît, c'est un ouvrage d'esprit qui est bon en ce genre ,
mais souvent tres- pernicieux , par rapport au cœur , et rien n'empêche qu'on
ne le loue d'un côté , et qu'on ne le blâme de l'autre.
Le Mercure , dans ses Analyses , montre simplement ce qu'on a trouvé de beau
ou de bon dans les Pieces de Théatre, mais
cela ne regarde que l'esprit ; sans toucher
aux
236 MERCURE DE FRANCE,
aux mœurs et à la conscience dont alors il
n'est point question. D'ailleurs le dessein
de ces Analyses n'est pas , comme on le
suppose , d'attirer les Lecteurs aux Spectacles , mais seulement de leur en donner
une légere teinture , qui peut avoir son
utilité pour plusieurs , et qui ne fera pas
grande impression , ni sur les personnes
portées d'elles-mêmes à y participer , ni
sur celles qui par principe de Religion en
ont de l'éloignement.
La nouvelle édition des Discours du
P. le Brun présente l'occasion favorable
de montrer la Comédie par son mauvais
côté , le Mercure la saisit avec plaisir , et
fait sentir par les éloges qu'il donne à ces
discours , que tous ces Spectacles dont il a
fait les Analyses , pour la satisfaction de
ceux qui s'y interressent , ont des dangers et des écueils dont il faut bien se
donner de garde, et qu'on risque au moins
beaucoup , lorsqu'on y participe. N'est- ce
pas là parler et agir par principes, en homme d'esprit, en honnête homme, sans être
rigoriste ?
On peut dire même que le Mercure n'a
été que l'écho des applaudissemens que le
Public , malgré sa prévention pour les
Spectacles , avoit déja fait éclatter , en faveur de ces Discours pleins de lumiere et
de
FEVRIER 1732 237
de piété ; et il n'en auroit pasfait un rapport fidele , s'il les cut annoncez d'un autre ton , ce qui n'empêchoit pas qu'il ne
fut aussi de son ressort de rendre compte
avec la même fidelité de ce que l'on pensoit communement des différentes Piéces
qui ont paru sur la Scene.
Venons à présent au fond , et exami
nons si c'est à tort,comme on le prétend,
que le P. le Brun représente les Spectacles comme pernicieux et criminels , et si
son ouvrage est aussi peu solide qu'on le
veut faire croire. Tout le point de la difficulté consiste à sçavoir si la Comédie est
à present moins mauvaise en elle - même,
et moins contraire aux bonnes mœurs,
" qu'elle ne l'étoit du temps que les Peres
et les Conciles l'ont chargée d'Anathémes ; car s'il est vrai qu'elle soit toujours
également vicieuse, quelque épurée, quelque chatiée qu'on la suppose quant au
langage , aux expressions , aux manieres;
les Comédiens méritent toujours les mê
mes Anathémes . et c'esr avec raison
qu'on en détourne les Fideles.
و
Or je soutiens que la Comédie , telle
qu'elle paroit depuis Moliere sur le
Théatre François ( fameuse époque de sa
plus grande perfection ) est pour le moins
aussi mauvaise et aussi dangereuse pour les
mœurs
238 MERCURE DE FRANCE
•
mœurs , qu'elle l'étoit auparavant. Je dis
pour le moins; en effet , lorsqu'il ne pa
roissoit sur la Scene que des vices grossiers ; lorsque les Acteursjouoient avec les
gestes les plus honteux , que les hommes et les
femmes méprisoient toutes les regles de lapu
deur, et que l'on y prononçoit ouvertement
des blasphemes contre le saint Nom deDieu ;
pour peu qu'on eut de conscience et d'éducation , ces Spectacles devoient naturellement faire horreurs du moins on ne
pouvoit s'y méprendre , et regarder comme permis ces discours tout profanes, ces
actions si licentieuses , et si contraires à
l'honnêteté ; le vice qui paroît à décou
vert , a bien moins d'appas que lorsqu'il
se déguise et ne se montre que sous des ap- parences trompeuses , comme il fait à
present.
Le goût fin et la politesse de notre siecle ne s'accommoderoient pas de ces excès monstrueux , de ces infames libertez
qui choqueroient ouvertement la modestie. Elles révolteroient les personnes un
peu délicates , et feroient rougir ce reste
de pudeur , dont , malgré la corruption
du Monde, on aime à se parer. Le Théatre seroit décrié par lui-même , et il n'y
auroit gueres que des personnes perduës
d'honneur et de réputation qui oseroient
y assister.
On
FEVRIER 1732. 239
On prend donc un autre tour; le vice
en est toujours l'ame et le mobile , mais
il ne s'y montre que dans un aspect , qui
n'a rien d'affreux , ni d'indécent, rien du
moins qu'on n'excuse , et qu'on ne se pardonne aisément dans le monde. Il y paroît sous un langage poli et châtié , sous
des images riantes et agréables , avec des
manieres toutes engageantes , qui tantôt
le font aimer , tantôt excitent la pitié , la
compassion; quelquefois il se couvre d'un
brillant , qui lui fait honneur ; il se pare
des dehors de la vertu , et sous ombre de
rendre ridicule ou odieuse une passion , il
en inspire d'autres encore plus funestes.
Le venin adouci et bien préparé , s'avale
aisément ; on ne s'en méfie pas , mais il
n'en est que plus mortel. Le Serpent avec
toutes ses ruses et ses détours , se glisse
adroitement dans les ames , et les corrompt en les flattant. C'est ainsi qu'on a
trouvé le secret, en laissant dans le fond ,
le Spectacle également vicieux , de le rendre plus supportable aux yeux et aux
oreilles chastes , et c'est par- là qu'il séduit
plus sûrement.
Quoiqu'on en dise , le Théatre est toujours , comme autrefois, l'école de l'impureté. On y apprend à perdre une certaine retenuë qui tient en garde contre les
pre-
240 MERCURE DE FRANCE
premieres atteintes de ce vice , et à n'en
avoir plus tant d'horreur. On y apprend
l'art d'aimer et de se faire aimer avec déli--
catesse,art toujours dangereux, et trop sou- vent mis en pratique pour la perte des
amessonyapprendle langage de l'amour,
eton s'accoutume à l'entendre avecplaisir,
ce langage seducteur qui a tant de fois suborné la vertu la plus pure; on y apprend
à entretenir des pensées , à nourrir des desirs , à former des intrigues , dont l'innocence étoit avant cela justement allarmée.
Les Spectacles sont encore à present le
triomphe de l'amour profane. Il s'y fait
valoir commeune divinité maligne , dont
la puissance n'a point de bornes , et à laquelle tous les humains par une fatale necessité ne peuvent se soustraire. Aimer
follement , éperdument , sur la Scene ,
c'est plutôt une foiblesse qu'un vice : on
se la reproche quelquefois , non pas tant
la rendre odieuse , que pour
voir le spectateur , et paroître digne de
compassion ; d'autres fois on en fait gloire , on s'estime heureux d'être sous l'empire de l'Amour , on vente la chimerique
douceur de son esclavage : quoi de plus
capable d'énerver le cœur de l'amollir,
et de le corrompre !
pour émouC'est cependant ce que l'on trouve de
plus
FEVRIER 17320 *241
plus beau , de plus fin , de plus charmant
dans toutes les Pieces de Théatre. Il y
regne presque toujours une intrigue d'amour adroitement conduite. Chacun
en est avide , chacun la suit , et attend
avec une douce impatience quel en sera
le dénouement. Dans les Comédies l'intrigue est moins fougueuse , plus moderée , et se termine toujours par quelque
agréable surprise , qui met chacun au
comble de ses souhaits. Dans la Tragedie,
ce ne sont gueres que les furieux transports d'un amour mécontent , outragé ,
ne respirant que vengeance , que desespoir , quoiqu'il soupire encore après l'objet de ses peines ; et l'intrigue aboutit à
quelque funeste catastrophe. Dans l'une
et dans l'autre c'est l'Amour qui regne ,
qui domine , qui conduit tout , qui donne le mouvement à tout, et il ne s'y montre certainement pas par des endroits
qui le rendent ridicule , méprisable ou
odieux. Au contraire , il y paroît dans un
si beau jour , er avec tant d'agremens,
qu'on a de la peine à se défendre de ses
charmes ; et cependant cet amour tendre
et vehement est une passion des plus pernicieuses : il trouble la raison , il obscurcit les lumieres de l'esprit , et infecte le
cœur par un poison d'autant plus dangereux
242 MERCURE DE FRANCE
reux , qu'il est plus subtil et paroît plus doux.
En vain se défendroit- on sur ce que ces
intrigues sont , à ce que l'on pretend , innocentes , et qu'il ne s'agit que d'un
amour honnête. Comment le supposer
honnête, cet amour si hardi › si peu modeste ? si entreprenant ? Dès qu'il a le
front de se montrer au grand jour , et de
se produire devant tout le monde , avec
toutes les ruses et les artifices d'une intrigue , ne passe- t'il pas les bornes de la retenue et de l'honnêté ? -Il n'y a gueres au
reste de difference entre les démonstrations exterieures d'un amour legitime et
d'un amour déreglé, et ces démonstrations
produisent dans ceux qui en sont témoins
à peu près les mêmes effets , même sensibilité , même desirs , même corruption.
Il faudroit s'aveugler soi-même pour ne
pas voir que cet amour , quelque innocent , quelque honnête qu'on le suppose,
étant representé au vifet au naturel , n'est
propre qu'à exciter des flammes impures:
ces airs passionnés , ces regards tendres et
languissants,ces soupirs et ces larmes feintes,qui en tirent de veritables des yeux des
spectateurs, ces entretiens d'hommes et de
femmes qui se parlent avec tant degraces,
de naïveté,de douceur;ces charmantes Actrices
FEVRIER. 1732. 243
trices, d'un air si libre, aisé , galant , dont
les attraits sont relevez par tant d'ajustemens , et animez par la voix , le geste , la
déclamation ; ces beautez si piquantes, qui
se plaisent à piquer , dont toute l'étude
est d'attirer les yeux et de se faire d'illustres conquêtes ; à quoi tout cela tend- il ?
Chacun le sent , pourquoi le dissimuler ?
Au milieu de ce ravissant prestige qui
fixe les yeux , les oreilles , et charme tous
fes sens , lorsque la passion a penétré ,
pour ainsi dire ,jusqu'à la moële de l'ame;
viennent ces beaux principes de generosité , d'honncur, de probité dont le Théatre se glorifie. Mais c'est trop tard : le
coup mortel est donné , le cœur ne fait
plus que languir , la vertu envain se débat , elle expire , elle n'est déja plus: à quoi
sert l'antidote , quand le poison a operé ?
Aprés cela on a bonne grace de nous
vanter les Tragedies et les Comédies
comme n'étant faites que pourinspirer de
nobles sentimens , pour rendre les vices
ridicules et odieux. Tous ces sentimens
si nobles , si élevez se reduisent à des
saillies d'amour propre , de vanité , à des
mouvemens d'ambition , à des transports
de jalousie , de haine , de vengeance , de
desespoir.
La Comédie jette un ridicule sur certains
244 MERCURE DE FRANCE
tains vices décriez dans le Monde , mais
il y en a de plus subtils , quoique souvent
plus criminels , qui sont trop flateurs et
tropcommuns pour qu'elle ose y toucher.
Elle n'amuse , elle ne divertit , elle ne
plaît , que parce qu'en se jouant des passions des hommes , elle en ménage , elle
eninspiretoujours quelques- unes qui sont
les plus douces et les plus favorites.
Telle est la Morale si vantée du Théa
tre , bien opposée à la pure morale de
Jesus-Christ : celle- ci rabaisse l'homme à
ses propres yeux, le détache de lui-même,
et lui fait trouver sa veritable grandeur
dans la modestie et l'humilité : celle- là ne
produit que des Heros pleins de faste et
de présomption , entêtez de leur prétendu merite , faisant gloire de ne rien souffrir qui les humilie. L'une regle l'inte
rieur autant que l'exterieur : l'autre ne
s'arrête qu'à lavaine parade d'une probité
toute mondaine. A l'Ecole de notre Divin Maître on apprend à pardonner les
injures , à aimer ses ennemis , à étouffer
jusqu'aux ressentimens de vengeange et
d'animosité : au Théatre c'est être un lâche ,un poltron , un faquin que de souffrir une insulte sans en tirer raison ; c'est
en ce faux point d'honneur que consiste
la grandeur d'ame qui regne dans les Pieces
FEVRIER 1732. 245
ces tragiques. La morale de J. C. prêche
par tout la mortification des sens et des passions : elle ne permet pas même de regarder avec complaisance les objets capables
de faire naître des pensées et des désirs criminels. Au Théatre on ne respire-qu'un air
de molesse , de volupté , de sensualité ; on
n'y vient que pour voir et entendre des
personnages de l'un et de l'autre Sexe
tous propres par leurs charmes et leurs
mouvemens artificieux , mais expressifs
à exciter de veritables passions.
Et qu'on ne s'imagine pas qu'il n'y ait
que quelques ames foibles à qui les spectacles puissent causer de si funestes effets.
Le penchant universel qui porte à la volupté , les rend au moins très-dangereux
à toutes sortes de personnes. Il faut être
bien temeraire pour se répondre de ses
forces , en s'exposant à un péril si évident
de succomber et de se perdre. Plusieurs
moins susceptibles ou par vertu ou par
temperament , ne s'appercevront peutêtre pas d'abord de la contagion qui les
gagne. Mais insensiblement le cœur s'affoiblit , la passion s'insinuë ; elle fait sans
qu'on y pense des progrès imperceptibles,
et l'on risque toujours d'en devenir l'esclave. Celui qui aime le péril , dit JesusChrist , périra dans le péril.
C
246 MERCURE DE FRANCE
Il est donc constant que la Comédie,
quelque châtiée, quelque épurée qu'on la
suppose , est à present du moins aussi
mauvaise et aussi pernicieuse , qu'elle l'étoitautrefois. La reforme qu'on en a faite
l'a renduë plus agreable , plus attirante
sans qu'elle en soit devenue effectivement
plus chaste , et moins criminelle. Qu'on
dise tant qu'on voudra qu'elle corrige les
vices des hommes : il est toujours évident
que personne n'en devient meilleur , que
plusieurs s'y pervertissent , que tout ce
qu'il y a de gens déreglez y trouvent dequoi fomenter et nourrir leurs passions et
que la morale du Théatre ne les conver
tira jamais.
Non, la Comédie ne corrige pas les vices, elle ne fait qu'en rire, qu'en badiner, er
son badinage y attire plus qu'il n'en éloigne. Si elle y répand un certain ridicule,
ce ridicule est trop plaisant et trop gra
cieuxpour endonner de l'horreur. Qu'on
fasse valoir les beaux preceptes de morale
qu'elle debite , il n'en sera pas moins vrai
qu'ils n'ont aucune force contre l'esprit
impur et profane qui anime les spectacles,
et quesi l'on yreçoit des leçons de vertu,
on n'en remporte cependant que les impressions du vice.
Le P. le Brun par consequent n'a pas
cu
FEVRIER. 1732. 247
eu tort de dépeindre le Theatre avec ces
couleurs qui ne déplaisent si fort à l'Avocar des Comédiens , que parce qu'elles sont trop naturelles. Cet homme venerable ne meritoit pas qu'on vint troubler ses cendres , décrier ses sçavans Ecrits
et flétrir sa memoire , en le faisant passer
pourun Auteur sansjugement , sans principes , sans raisonnement. Je ne dis pas
qu'il n'ait pû quelquefois se méprendre ,
et quel est l'homme si attentifqui ne s'égare jamais dans un ouvrage d'assez longue haleine ? Mais s'il s'est trompé , ce
n'est sûrement pas dans l'essensiel, et dans
le dessein qu'il a eu de montrer combien
les Spectacles sont dangereux et opposez à
l'esprit du Christianisme.
Comment ose- t'on avancer qu'on se
roit mieux fondé à lui demander une retractation , si la mort ne l'avoit pas mis
àcouvert d'un tel attentat , qu'on ne l'a
été à en exiger une du P. Caffaro ? Que
dire de la hardiesse avec laquelle on suppose, et on decide que les Comédiens ne
meritent plus les foudres de l'Eglise , et
qu'ils sont en droit de faire des remontrances à Messieurs nos Evêques qui font
publier contre eux des Anathêmes? Commesi de tels personnages pouvoient être
Juges dans leur propre cause , et se déCij clareg
243 MERCURE DE FRANCE
T
clarer eux mêmes innocens , lorsque l'Eglise les condamne ; comme s'ils avoient
plus d'équité et de lumieres , que les Prelats les plus respectables , que les plus
pieux et les plus sçavans Theologiens ,
pour decider sur leur état et leur profession. Il suffit de jetter les yeux sur ce qui
se passe au Theatre , pour concevoir , si
lon agit de bonne foi et sans prévention ,
que les Comédiens de nos jours sont
du moins aussi coupables et aussi dignes
de Censures , que ceux des siecles passez,
quoiqu'on avoue qu'ils sont plus polis et
moins impudens.
Que devient à present ce pompeux étalage d'érudition et d'autoritez que l'on
remet sur le tapis après le P. Caffaro ?
Qui pourra s'imaginer que d'habiles Theologiens , que des Saints mêmes très- illustres , ayent regardé comme permis et digne d'approbation, ce qui tend si visiblement à la corruption des mœurs? S'ils l'avoient fait , on ne risqueroit rien de les
desavoüer , n'étant pas le plus grand nom
bre l'esprit et la tradition de l'Eglise leur
étant contraires; mais il est bien plus juste
de croire qu'on les cite à tort , et qu'on ne les entend pas.
S'ils ont approuvé des Comédies, il fal-"
loit qu'elles fussent bien chastes , et bien,
éloignées
FEVRIER. 17320 249
éloignées de l'esprit impur qui anime celles de nosjours; ils entendoient, sans doute , des Spectacles , où il n'y auroit ni intrigues d'amour , ni airs de molesse , ni
rien de capable de flater la sensualité , de
fomenter le déreglement des passions :apparamment comme ces Pieces que l'on représente dans les Colleges pour exercer et
divertir innocemment la jeunesse. Que
nos Comédiens n'en donnent que de semblables , et nous conviendrons qu'étant
ainsi purifiées , elles ne seront plus dignesde censure. Mais ils n'ont garde d'être si
severes , ils ni trouveroient pas leur com.
ptpte. Cet air de reforme ne plairoit pas à
la plupart des spectateurs , le Théatre ne
seroit plus si frequenté , et la Comédie
n'auroit peut- être plus tant d'appuis , ni
tant de ressources .
Il est curieux de la voir se vanter d'ê
tre soutenue par les Puissances , bien teçûë dans les Cours , et entretenue par de
bons appointemens. C'est à peu prèscomme si une femme infidelle faisoit gloire du
prix de ses infidelitez , et qu'elle voulut passer pour innocente , parce qu'on
la souffriroit devant d'honnêtes gens ,
par des raisons de necessité ou de politique.
Dans les Etats les mieux policez , il y
Ciij
250 MERCURE DE FRANCE
a certains abus , certains déreglemens
qu'il seroit trop dangereux de vouloir extirper. On est obligé prudemment de
laisser croître l'yvroye avec le bon grains
et si les Puissances Superieures semblent
influer et fournir en quelque sorte à l'accroissement de cette mauvaise semence
c'est un mystere qu'il faut respecter par
unesage discretion , etnon pas entrepren
dre temerairement de le sonder. Mais les
raisons d'Etat et de politique peuventelles ôter à l'Eglise le droit de condamner
ces abus et ces dereglemens ? Et les coupables,quelques autorisez d'ailleurs qu'ils
se prétendent , auront-ils lieu de se plaindre des menaces ou des justes peines dont
cette charitable Mere n'use à leur égard,
que pour les rappeller de la voye de perdition . Je suis , &c.
A Heurgeville le 29. Janvie 1732
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Résumé : DISSERTATION sur la Comedie, pour servir de réponse à la Lettre, inserée dans le Mercure d'Aoust 1731. au sujet des Discours du Pere LE BRUN, sur la même matiere. Par M. SIMONET, Prieur d'Heurgeville.
M. Simonet, prieur d'Heurgeville, répond à une lettre critique parue dans le Mercure d'août 1731, qui contestait les discours du Père Le Brun sur la comédie. Simonet défend la modération et la justesse de son compte rendu des ouvrages, y compris ceux du Père Le Brun. Il critique le nouveau défenseur du théâtre, qui s'étonne des éloges accordés aux discours du Père Le Brun et les censure avec hauteur, soutenant une cause déjà perdue selon les personnes équitables. Simonet souligne que les principes objectés, bien que faibles, peuvent séduire par leur apparence et leur capacité à flatter l'imagination. Il rappelle que le théâtre, bien qu'il plaise, est pernicieux pour les mœurs et l'innocence. Il cite l'exemple de M. de Harlay, qui avait obligé le Père Caffaro à se rétracter pour un écrit similaire. Simonet souhaite que le défenseur du théâtre reconnaisse la dangerosité du théâtre, mais il doute que cela se produise. Le texte examine ensuite la contradiction apparente du Mercure, qui analyse favorablement les pièces de théâtre tout en louant les discours du Père Le Brun qui les condamnent. Simonet explique que le théâtre peut être apprécié pour son esprit tout en étant condamné pour ses effets pernicieux sur les mœurs. Il souligne que le Mercure, en louant les discours du Père Le Brun, met en garde contre les dangers du théâtre. Simonet soutient que la comédie, depuis Molière, est aussi mauvaise et dangereuse pour les mœurs qu'elle l'était auparavant. Il décrit comment le théâtre moderne, avec son langage poli et ses apparences trompeuses, séduit plus sûrement en cachant le vice sous des dehors engageants. Il conclut que le théâtre reste une école de l'impureté, enseignant l'art d'aimer de manière délicate et dangereuse, et glorifiant l'amour profane. Le texte critique sévèrement le théâtre, en particulier la comédie, en raison de son impact moral. Les représentations théâtrales, malgré leur apparence innocente, excitent des passions impures. Les acteurs, par leurs regards tendres, leurs soupirs et leurs larmes feintes, ainsi que leurs entretiens gracieux, attirent les spectateurs et les incitent à des désirs criminels. La morale du théâtre est jugée opposée à celle de Jésus-Christ, qui prône l'humilité et la modestie, tandis que le théâtre produit des héros présomptueux et vaniteux. Le théâtre est accusé de ne pas corriger les vices mais de les rendre plaisants et attractifs. Le Père Le Brun est défendu contre les critiques, car il a correctement dénoncé les dangers des spectacles. Le texte conclut que les comédiens modernes sont aussi coupables que ceux des siècles passés, malgré leur apparente politesse. Il critique également les puissances qui soutiennent le théâtre pour des raisons politiques, tout en reconnaissant que l'Église a le droit de condamner ces abus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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676
p. 250-251
A MLLE DE LA VIGNE. SONNET.
Début :
Sçavante de la Vigne, aimable favorite, [...]
Mots clefs :
Favorite, Mérite, Ecrits sublimes
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texteReconnaissance textuelle : A MLLE DE LA VIGNE. SONNET.
A MILE DE LA VIGNE.
Scavante
SONNET.
Cavante de la Vigne , aimable favorite ,
Et du Dieu des beaux vers , et du Dieu des beaux
feux ,
Aux
FEVRIER. 1732 257
Aux tendres sentimens , vous joignez un merite ,
Qui des cœurs les plus fiers vous attire les vœux.
Charmé de vos accords , votre gloire m'invite,
A chanter vos vertus comme chantent les Dieux,
Mon désir y souscrit , mais ma Muse s'irrite ;
Elle trouve l'ouvrage un peu trop perilleux.
VosSons sont si touchans, vos Ecrits si sublimes;
On voit un si grand goût , dans le choix de vos rimes',
Qu'il fautpour vous louer , un esprit toutDivin
Mais sans s'être élevé sur la double colline ,
Vouloir en celebrer la naissante Heroine ,
C'est être temeraire , et travailler en vain.
F. D. C. de Blois.
Scavante
SONNET.
Cavante de la Vigne , aimable favorite ,
Et du Dieu des beaux vers , et du Dieu des beaux
feux ,
Aux
FEVRIER. 1732 257
Aux tendres sentimens , vous joignez un merite ,
Qui des cœurs les plus fiers vous attire les vœux.
Charmé de vos accords , votre gloire m'invite,
A chanter vos vertus comme chantent les Dieux,
Mon désir y souscrit , mais ma Muse s'irrite ;
Elle trouve l'ouvrage un peu trop perilleux.
VosSons sont si touchans, vos Ecrits si sublimes;
On voit un si grand goût , dans le choix de vos rimes',
Qu'il fautpour vous louer , un esprit toutDivin
Mais sans s'être élevé sur la double colline ,
Vouloir en celebrer la naissante Heroine ,
C'est être temeraire , et travailler en vain.
F. D. C. de Blois.
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Résumé : A MLLE DE LA VIGNE. SONNET.
Le sonnet 'A MILE DE LA VIGNE' de F. D. C. de Blois, daté de février 1732, célèbre Mile de la Vigne, 'aimable favorite' des arts et de l'amour. L'auteur admire ses talents poétiques et ses écrits sublimes, capables d'attirer les cœurs les plus fiers. Il souhaite louer ses vertus, mais sa muse hésite, trouvant la tâche périlleuse. Les œuvres de Mile de la Vigne sont touchantes et empreintes de grand goût.
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677
p. 315-316
LOGOGRIPHE.
Début :
Mon nom a fait trembler Paris, [...]
Mots clefs :
Cartouche
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRIPHE.
LOGOGRIPHE.
MonOn- noma fait trembler Paris
J'ai même vú ma tête à prix :
Je fus depuis Heros de Comédie ,
•
Le Monde apprit par là l'histoire de mavie,
Je suis encor propre au Soldar.
En tout tems , dans la Ville , en Campagne , a
Combat.
Tranche mon dernier tiers, je presente une Fille,
Connuë à l'Opera , fort tendre , et fort gentille,
Rends moy vite dans mon entier •
De mes tiers tranche le premier ›
Et fais ce que fait un bon Maître ,
C'est le seul moyen de connoître ,
Si le corps quel qu'il foit , est dur , mol , froid
ou chaud.
Dans matotalité remets moi de nouveau ;
Je suis connu du Genealogiste ,
Le Peintre m'a fait naître , et sans que je resiste,
L'Architecte m'ordonne et dispose de moi ,
Contraint
316 MERCURE DE FRANCE
Contraint d'obéir à sa loy ;
2 j
Autrefois dans un corps aussi fameux qu'habile
Mon premier tiers tout seul causa tant de debat ,
Que sans avoir égard à son ancien état ,
On voulut le chasser comme membre inutile,
La Font
MonOn- noma fait trembler Paris
J'ai même vú ma tête à prix :
Je fus depuis Heros de Comédie ,
•
Le Monde apprit par là l'histoire de mavie,
Je suis encor propre au Soldar.
En tout tems , dans la Ville , en Campagne , a
Combat.
Tranche mon dernier tiers, je presente une Fille,
Connuë à l'Opera , fort tendre , et fort gentille,
Rends moy vite dans mon entier •
De mes tiers tranche le premier ›
Et fais ce que fait un bon Maître ,
C'est le seul moyen de connoître ,
Si le corps quel qu'il foit , est dur , mol , froid
ou chaud.
Dans matotalité remets moi de nouveau ;
Je suis connu du Genealogiste ,
Le Peintre m'a fait naître , et sans que je resiste,
L'Architecte m'ordonne et dispose de moi ,
Contraint
316 MERCURE DE FRANCE
Contraint d'obéir à sa loy ;
2 j
Autrefois dans un corps aussi fameux qu'habile
Mon premier tiers tout seul causa tant de debat ,
Que sans avoir égard à son ancien état ,
On voulut le chasser comme membre inutile,
La Font
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678
p. 325-328
Reflexions diverses, &c. [titre d'après la table]
Début :
Depuis les trois feüilles des Reflexions diverses, il en a [...]
Mots clefs :
Théorie, Juger, Théâtre, Comédie italienne, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reflexions diverses, &c. [titre d'après la table]
Depuis les trois feuilles des Reflexions
diverses , il en a paru plusieurs autres :
dans une quatriéme feüille , sur la maniere de reprendre les hommes pour les corriger ,
&c.
C'est unart tres- difficile dans la Théorie , dit l'Auteur , et tres- pénible dans la
pratique, que celui de reprendre les hommes à propos ; le soin de les étudier sans
cesse , l'attention continuelle à saisir les
circonstances favorables , pour placer des
avis qui puissent avoir l'utilité qu'on se propose ; les dégouts du peu de progrez
que l'on fait , les chagrins que donnent
les travers de celui qu'on veut corriger
il n'y a qu'une générosité extraordinaire,
ou une forte inclination , qui puisse faire
entreprendre de vaincre tant de difficultez.
Le penchant que nous avons à juger de
nous favorablement , nous fait méconnoître nos ressemblances , si elles ne sont
tout-à-fait marquées. Lorsqu'on nous represente des défauts qui surpassent de
beaucoup les nôtres ; au lieu de chercher
à nous corriger , nous nous applaudissons
de ce prétendu avantage. Cet inconvenient me fait juger qu'il y a peu de Piéces de Théatre qui soient propres à réformer les mœurs ; la plupart des carac- F v teres
326 MERCURE DE FRANCE
teres en sont si chargez , qu'ils n'offrent
que des vertus au dessus de la force humaine , ou des vices rares à trouver. Ce
n'est point icy le lieu de décider si celles
de ces Pieces , qui approchent le plus du
vrai-semblable, ne sont point aussi les
meilleurs ; mais il est constant qu'elles
nous sont plus profitables , étant plus à
notre portée. Je ne voudrois pourtant
pas assuter que les évenemens de la Tragédie ne détournent l'attention de la Mo
rale, et que la plaisanterie continuelle
qui regne dans la Comédie , ne lui ôte
de son poids ; on ne met guere de concurrence entre le plaisir de s'attendrir ou
de rire , et l'embarras de refléchir sur
soi- même.
L'un des plus grands fleaux du vice et
du ridicule , c'est sans doute la Satyre ,
lorsqu'elle est bien maniée. Dans ce genre d'ouvrage tout est direct et tout tend
à un but principal , qui est d'instruire et
de corriger il rassemble toute l'attention sur un même objet ; au contraire
de la Comédie , qui l'affoiblit en le partageant. Son Stile plus, vif et plus serré
fait une impression plus forte et plus durable. La plupart des hommes ont besoin
d'être frappez avec vigueur , pour sortir
de l'assoupissement ou de l'indolence.
Quoi-
FEVRIER. 1732. 327
Quoique la Comédie demande plus de talens que la Satyre , peut- être que les
ouvrages d'Horace et de Juvenal, ont
plus contribué aux bonnes mœurs et au
goût de ceux de Plaute et de Terence , et
que la même chose est arrivée parmi nous
à Despreaux et à Moliere , &c.
Quelle leçon ne doivent pas tirer de
là quelques-uns des Auteurs qui écrivent
aujourd'hui ? particulierement ceux dont
l'état semble demander plus de douceur
et de modération ; les invectives dans un
homme qui reprend l'erreur , sont des
marques d'un esprit injuste ou d'une mauvaise éducation ; ne sçauroit - on relever
des fautes sans abattre ceux qui les commettent et pour prendre le parti de la
verité ou du bon sens , faut-il s'éloigner
de l'un et de l'autre ?
Il n'y a rien de si ennuyeux et de moins
instructif que ces Ouvrages pleins de fiel,
ou un Auteur emporté , veut vous faire
entrer dans ses vûës et dans ses ressentimens; ces sortes de productions , bien
loin de corriger les hommes , ne servent
qu'à leur gâter l'imagination ; quand même, par une supposition hazardée , il s'agiroit de soutenir le parti de la verité. Elle
n'a que faire de ces dffenseurs furieux; ils
la de honorent par leurs emportemens, et
lus donnent l'air du mensonge.
F vj Cex-
328 MERCURE DE FRANCE
Certains esprits nez malins et envieux ,
sous le spécieux prétexte de déclamer
contre les vices , cherchent continuellement à déchirer et à nuire. De- là viennent ces Satyres sanglantes , qui souvent
attaquent le merite même ; supposé qu'il
se trouve de l'esprit dans ces sortes de
Pieces , ( ce qui arrive tres- rarement) c'est un talent bien malheureux que celui qui
ne sçait se produire que par de si méchans
côtez , et qui ne peut ni instruire ni amu- ser les honnêtes gens.
diverses , il en a paru plusieurs autres :
dans une quatriéme feüille , sur la maniere de reprendre les hommes pour les corriger ,
&c.
C'est unart tres- difficile dans la Théorie , dit l'Auteur , et tres- pénible dans la
pratique, que celui de reprendre les hommes à propos ; le soin de les étudier sans
cesse , l'attention continuelle à saisir les
circonstances favorables , pour placer des
avis qui puissent avoir l'utilité qu'on se propose ; les dégouts du peu de progrez
que l'on fait , les chagrins que donnent
les travers de celui qu'on veut corriger
il n'y a qu'une générosité extraordinaire,
ou une forte inclination , qui puisse faire
entreprendre de vaincre tant de difficultez.
Le penchant que nous avons à juger de
nous favorablement , nous fait méconnoître nos ressemblances , si elles ne sont
tout-à-fait marquées. Lorsqu'on nous represente des défauts qui surpassent de
beaucoup les nôtres ; au lieu de chercher
à nous corriger , nous nous applaudissons
de ce prétendu avantage. Cet inconvenient me fait juger qu'il y a peu de Piéces de Théatre qui soient propres à réformer les mœurs ; la plupart des carac- F v teres
326 MERCURE DE FRANCE
teres en sont si chargez , qu'ils n'offrent
que des vertus au dessus de la force humaine , ou des vices rares à trouver. Ce
n'est point icy le lieu de décider si celles
de ces Pieces , qui approchent le plus du
vrai-semblable, ne sont point aussi les
meilleurs ; mais il est constant qu'elles
nous sont plus profitables , étant plus à
notre portée. Je ne voudrois pourtant
pas assuter que les évenemens de la Tragédie ne détournent l'attention de la Mo
rale, et que la plaisanterie continuelle
qui regne dans la Comédie , ne lui ôte
de son poids ; on ne met guere de concurrence entre le plaisir de s'attendrir ou
de rire , et l'embarras de refléchir sur
soi- même.
L'un des plus grands fleaux du vice et
du ridicule , c'est sans doute la Satyre ,
lorsqu'elle est bien maniée. Dans ce genre d'ouvrage tout est direct et tout tend
à un but principal , qui est d'instruire et
de corriger il rassemble toute l'attention sur un même objet ; au contraire
de la Comédie , qui l'affoiblit en le partageant. Son Stile plus, vif et plus serré
fait une impression plus forte et plus durable. La plupart des hommes ont besoin
d'être frappez avec vigueur , pour sortir
de l'assoupissement ou de l'indolence.
Quoi-
FEVRIER. 1732. 327
Quoique la Comédie demande plus de talens que la Satyre , peut- être que les
ouvrages d'Horace et de Juvenal, ont
plus contribué aux bonnes mœurs et au
goût de ceux de Plaute et de Terence , et
que la même chose est arrivée parmi nous
à Despreaux et à Moliere , &c.
Quelle leçon ne doivent pas tirer de
là quelques-uns des Auteurs qui écrivent
aujourd'hui ? particulierement ceux dont
l'état semble demander plus de douceur
et de modération ; les invectives dans un
homme qui reprend l'erreur , sont des
marques d'un esprit injuste ou d'une mauvaise éducation ; ne sçauroit - on relever
des fautes sans abattre ceux qui les commettent et pour prendre le parti de la
verité ou du bon sens , faut-il s'éloigner
de l'un et de l'autre ?
Il n'y a rien de si ennuyeux et de moins
instructif que ces Ouvrages pleins de fiel,
ou un Auteur emporté , veut vous faire
entrer dans ses vûës et dans ses ressentimens; ces sortes de productions , bien
loin de corriger les hommes , ne servent
qu'à leur gâter l'imagination ; quand même, par une supposition hazardée , il s'agiroit de soutenir le parti de la verité. Elle
n'a que faire de ces dffenseurs furieux; ils
la de honorent par leurs emportemens, et
lus donnent l'air du mensonge.
F vj Cex-
328 MERCURE DE FRANCE
Certains esprits nez malins et envieux ,
sous le spécieux prétexte de déclamer
contre les vices , cherchent continuellement à déchirer et à nuire. De- là viennent ces Satyres sanglantes , qui souvent
attaquent le merite même ; supposé qu'il
se trouve de l'esprit dans ces sortes de
Pieces , ( ce qui arrive tres- rarement) c'est un talent bien malheureux que celui qui
ne sçait se produire que par de si méchans
côtez , et qui ne peut ni instruire ni amu- ser les honnêtes gens.
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Résumé : Reflexions diverses, &c. [titre d'après la table]
Le texte explore la complexité de la correction des hommes, une tâche à la fois théorique et pratique. L'auteur souligne la nécessité d'une générosité ou d'une inclination forte pour surmonter les obstacles tels que l'étude continue des individus et les déceptions face aux progrès limités. Il note également la tendance humaine à se juger favorablement, ce qui rend difficile la reconnaissance des défauts. Le texte critique les pièces de théâtre qui présentent des vertus ou des vices extrêmes, préférant celles qui sont plus réalistes et accessibles. La satire est présentée comme un moyen efficace de réformer les mœurs, car elle est directe et vise à instruire et corriger. En revanche, la comédie disperse l'attention et peut détourner de la réflexion morale. Le texte compare les œuvres d'Horace et de Juvenal à celles de Plaute et de Terence, suggérant que les premières ont eu un impact plus significatif sur les bonnes mœurs. Il met en garde contre les invectives et les ouvrages pleins de fiel, qui ne servent qu'à gâter l'imagination. Enfin, il critique les esprits malins qui utilisent la satire pour nuire, soulignant que ces œuvres, même spirituelles, sont malheureuses car elles ne peuvent ni instruire ni amuser les honnêtes gens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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679
p. 342-343
Estampes nouvelles, [titre d'après la table]
Début :
L'empressement du Public pour les Estampes de l'histoire [...]
Mots clefs :
Estampes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Estampes nouvelles, [titre d'après la table]
L'empressement du Public pour les Estampes de l'histoire de Don Quichotte , inventées et peintes
par M. Charles Coypel, fait l'éloge de cet ouvrage bien mieux que toutes les louanges qu'on pour
roit lui donner , et nous croyons faire un vrai
plaisir aux curieux de leur donner avis qu'il en
paroît une nouvelle Piece qui est le Memorable Jugement de Sancho , où il fait rompre la Canne ; la
Composition est des mieux entendues et des plus
agréables ; elle a été gravée avec beaucoup de
soin et d'intelligence par François Jollain. Cette
Estampe se debite,comme les autres, chez le sieur
Surugue , Graveur du Roy.
Il donne aussi les 8 et 9. Estampes du Roman
Comique de Scaron?
, dont l'une représente la Ba- taille
FEVRIER. 1732. 343
taille arrivée dans le Tripot qui troubla la Comédie,
gravée par EdmeJeaurat et l'autre est, Ragotin retiréduCoffre,terminé par L.Surugue sur les tableaux
originaux de J. B. Pater On ne doute pas que
ces deux Sujets ne plaisent beaucoup le desordre
d'un combat tel que celui - cy ne pouvoit être
exprimé avec plus de verité et tous les deux avec
plus de ce vrai Comique qui coule si naturellement de la plume de Scaron.
On trouve aussi chez le sieur Surugue , les
œuvres de MM. Antoine et Charles Coypel ,
Ecuyers premiers Peintres du Roy et de Monsei gneur le Duc d'Orleans.
L'oeuvre de M. Girardon, Sculpteur du Roy , celui d'Antoine Watau très - complet , et ce qui se
fart journellement à Paris en fait d'Estampes &c.
Il fait venir aussi des Estampes des Pays Etrangers , comme les œuvres de B. Picart , des Vvicher , Rubens , et tous les Flamands.
Il attend incessamment une histoire des Plantes en Latin avec les Figures imprimées avec les couleurs naturelles , et un nouveau paquet de ces
Estampes colorées pour les découpures , où Pon
a ramassé tout ce qu'il y a de plus beau en ce
genre dans tout le Pays.
Ledit sieur Surugue, demeure à l'entrée de la ruë
des Noyers, entre les deux premieres portes cocheres, vis-à-vis le mur de S. Yves, à Paris.
par M. Charles Coypel, fait l'éloge de cet ouvrage bien mieux que toutes les louanges qu'on pour
roit lui donner , et nous croyons faire un vrai
plaisir aux curieux de leur donner avis qu'il en
paroît une nouvelle Piece qui est le Memorable Jugement de Sancho , où il fait rompre la Canne ; la
Composition est des mieux entendues et des plus
agréables ; elle a été gravée avec beaucoup de
soin et d'intelligence par François Jollain. Cette
Estampe se debite,comme les autres, chez le sieur
Surugue , Graveur du Roy.
Il donne aussi les 8 et 9. Estampes du Roman
Comique de Scaron?
, dont l'une représente la Ba- taille
FEVRIER. 1732. 343
taille arrivée dans le Tripot qui troubla la Comédie,
gravée par EdmeJeaurat et l'autre est, Ragotin retiréduCoffre,terminé par L.Surugue sur les tableaux
originaux de J. B. Pater On ne doute pas que
ces deux Sujets ne plaisent beaucoup le desordre
d'un combat tel que celui - cy ne pouvoit être
exprimé avec plus de verité et tous les deux avec
plus de ce vrai Comique qui coule si naturellement de la plume de Scaron.
On trouve aussi chez le sieur Surugue , les
œuvres de MM. Antoine et Charles Coypel ,
Ecuyers premiers Peintres du Roy et de Monsei gneur le Duc d'Orleans.
L'oeuvre de M. Girardon, Sculpteur du Roy , celui d'Antoine Watau très - complet , et ce qui se
fart journellement à Paris en fait d'Estampes &c.
Il fait venir aussi des Estampes des Pays Etrangers , comme les œuvres de B. Picart , des Vvicher , Rubens , et tous les Flamands.
Il attend incessamment une histoire des Plantes en Latin avec les Figures imprimées avec les couleurs naturelles , et un nouveau paquet de ces
Estampes colorées pour les découpures , où Pon
a ramassé tout ce qu'il y a de plus beau en ce
genre dans tout le Pays.
Ledit sieur Surugue, demeure à l'entrée de la ruë
des Noyers, entre les deux premieres portes cocheres, vis-à-vis le mur de S. Yves, à Paris.
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Résumé : Estampes nouvelles, [titre d'après la table]
Le texte annonce la publication d'une estampe intitulée 'Le Memorable Jugement de Sancho, où il fait rompre la Canne', inspirée de l'histoire de Don Quichotte, créée et peinte par Charles Coypel et gravée par François Jollain. Cette estampe est disponible chez le sieur Surugue, graveur du roi. Le texte mentionne également la disponibilité des 8e et 9e estampes du 'Roman Comique' de Scarron, gravées par Edme Jeaurat et Louis Surugue d'après les tableaux de Jean-Baptiste Pater. Ces estampes représentent des scènes comiques et désordonnées, fidèles à l'esprit de Scarron. Le sieur Surugue propose aussi les œuvres des peintres Antoine et Charles Coypel, écuyers premiers peintres du roi et du duc d'Orléans, ainsi que celles de Girardon et Antoine Watteau. Il vend également des estampes étrangères, notamment celles de Bernard Picart, Adriaen van der Werff, Rubens et d'autres Flamands. Surugue attend la réception d'une histoire des plantes en latin avec des figures imprimées en couleurs naturelles et un nouveau paquet d'estampes colorées pour découpures. Le sieur Surugue réside à l'entrée de la rue des Noyers, entre les deux premières portes cochères, vis-à-vis le mur de Saint-Yves, à Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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680
p. 347-350
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Nimes le 24. Decembre 1731. au sujet de quelques Comédies joüées dans cette Ville.
Début :
Les Officiers du Régiment du Maine Infanterie, dont un Bataillon [...]
Mots clefs :
Comédie, Officiers, Représentations, Public
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Nimes le 24. Decembre 1731. au sujet de quelques Comédies joüées dans cette Ville.
SPECTACLES.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Nimes le 24 Decembre 1731. au sujet
de quelques Comédies jouées dans cette
Ville.
Es Officiers du Régiment du Maine
LEDInfanterie , dont un Bataillon est en
Garnison dans cette Ville , résolurent ,
pour divertir nos Dames , de leur donner la Comédie une fois la Semaine; ils
engagerent quelques jeunes gens de cette
Ville à seconder leur projet , et ainsi , secourus de notre plus brillante Jeunesse
ils se mirent en état de commencer ce
Divertissement.
Ils débuterent par la Comédie du Foiseur,
de M. Regnard , suivie de celle du Retour
imprévu , du même Auteur. Ces deux
Pieces furent jouées si parfaitement, qu'el-
-les attirerent à ces Mrs les justes applaudissemens qu'ils méritoient , et exciterent
si fort l'empressement du Public , qu'on
fut obligé de mettre une Garde considerable à la Porte , pour éloigner ceux qui
ne pouvant avoir des Billets d'entrée , tâGiiij choient
348 MERCURE DE FRANCE
choient de se glisser par force ou par
adresse. Ces Officiers se chargerent de
tous les frais du Spectacle , et ils n'épargnerent rien pour le rendre magnifique ,
Décorations , Illuminations, Symphonie,
tout répondoit au Jeu des Acteurs. Ils
distribuoient ordinairement cinq ou six
cent Billets , et ils étoient obligez d'en
refuser plus qu'ils n'en donnoient , le bon
ordre ne leur permettant pas d'en distribuer plus que la Sale de la Comédie
ne pouvoit contenir de monde. Jamais
Comédie n'a mieux mérité d'attirer les
Spectateurs. Je puis assurer hardiment
qu'il y a bien de ces Mrs qui seroient distingués au Théatre de Paris.
Ils nous donnerent ensuite des Représentations du Tartufe , du Medecin malgré
lui , de l'Avocat Patelin , du Légataire ,
du François à Londres , des Folies amoureuses , de Phedre , et Hypolite , &c. et
toutes ces Pieces furent jouées aussi parfaitement que la prémiere. Je ne vous
nommerai pas ceux qui se distinguerent
le plus , parce qu'il n'y en avoit point
qui ne remplît parfaitement son Rôle et
il faudroit les nommer tous. Ce qu'il y
a de plus surprenant , c'est que quoique
les Rôles de femmes fussent jouez par des
hommes, ceux qui les représentoient ,
imitoient
FEVRIER: 1732. 349
imitoient si bien le geste et le maintien
des femmes , qu'on ne pouvoit raisonnablement soupçonner que ce ne fussent pas de veritables Actrices.
Sous le nom des Officiers de la Garnison et de la Jeunesse de notre Ville ,
je ne dois point confondre un jeune
Gentilhomme d'Arles , qui s'étan trouvé
ici par hazard , fut prié de jouer quelques Rôles dans ces Comédies ; if ne
faut pas se faire honneur de ce qui ne
nous appartient pas. Ce jeune homme se
chargea du Rôle de Dorine dans la Comédie de Tartufe et de plusieurs autres
de ce caractere , qu'il joia avec tant de
grace , d'intelligence et de gout , que les
plus difficiles connoisseurs avouerent
qu'il n'y avoit que le Théatre de Paris
où l'on pût trouver une aussi bonne Actrice. Comme il étoit peu connu dans
cette Ville , il fut aisément pris pour une
femme ; il y eut même un Marchand de
la Ville à qui l'on eut beau assurer que
ce n'en étoit point une , il dit toujours
que cela ne pouvoit être , qu'on se mocquoit de lui , et s'obstina à parier , &c.
C'est cet admirable Acteur ou Actrice ,
( comme il vous plaira de l'appeller, ) qui
engagea la noble Troupe à représenter la
Tragédie de Phédre et Hypolite , dans
Gv laquelle
350 MERCURE DE FRANCE
laquelle il joua le Rôle de Phédre. Quelques applaudissemens qu'il eût déja reçûs
dans la Comédie , ceux qu'il mérita dans
ce nouveau genre , furent encore plus
vifs et plus universels , de sorte que le
Public n'a trouvé que bien peu d'exageration dans les Vers suivans , envoyez રે
cet Acteur , et ausquels il fit la réponse
que je joins au Compliment.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Nimes le 24 Decembre 1731. au sujet
de quelques Comédies jouées dans cette
Ville.
Es Officiers du Régiment du Maine
LEDInfanterie , dont un Bataillon est en
Garnison dans cette Ville , résolurent ,
pour divertir nos Dames , de leur donner la Comédie une fois la Semaine; ils
engagerent quelques jeunes gens de cette
Ville à seconder leur projet , et ainsi , secourus de notre plus brillante Jeunesse
ils se mirent en état de commencer ce
Divertissement.
Ils débuterent par la Comédie du Foiseur,
de M. Regnard , suivie de celle du Retour
imprévu , du même Auteur. Ces deux
Pieces furent jouées si parfaitement, qu'el-
-les attirerent à ces Mrs les justes applaudissemens qu'ils méritoient , et exciterent
si fort l'empressement du Public , qu'on
fut obligé de mettre une Garde considerable à la Porte , pour éloigner ceux qui
ne pouvant avoir des Billets d'entrée , tâGiiij choient
348 MERCURE DE FRANCE
choient de se glisser par force ou par
adresse. Ces Officiers se chargerent de
tous les frais du Spectacle , et ils n'épargnerent rien pour le rendre magnifique ,
Décorations , Illuminations, Symphonie,
tout répondoit au Jeu des Acteurs. Ils
distribuoient ordinairement cinq ou six
cent Billets , et ils étoient obligez d'en
refuser plus qu'ils n'en donnoient , le bon
ordre ne leur permettant pas d'en distribuer plus que la Sale de la Comédie
ne pouvoit contenir de monde. Jamais
Comédie n'a mieux mérité d'attirer les
Spectateurs. Je puis assurer hardiment
qu'il y a bien de ces Mrs qui seroient distingués au Théatre de Paris.
Ils nous donnerent ensuite des Représentations du Tartufe , du Medecin malgré
lui , de l'Avocat Patelin , du Légataire ,
du François à Londres , des Folies amoureuses , de Phedre , et Hypolite , &c. et
toutes ces Pieces furent jouées aussi parfaitement que la prémiere. Je ne vous
nommerai pas ceux qui se distinguerent
le plus , parce qu'il n'y en avoit point
qui ne remplît parfaitement son Rôle et
il faudroit les nommer tous. Ce qu'il y
a de plus surprenant , c'est que quoique
les Rôles de femmes fussent jouez par des
hommes, ceux qui les représentoient ,
imitoient
FEVRIER: 1732. 349
imitoient si bien le geste et le maintien
des femmes , qu'on ne pouvoit raisonnablement soupçonner que ce ne fussent pas de veritables Actrices.
Sous le nom des Officiers de la Garnison et de la Jeunesse de notre Ville ,
je ne dois point confondre un jeune
Gentilhomme d'Arles , qui s'étan trouvé
ici par hazard , fut prié de jouer quelques Rôles dans ces Comédies ; if ne
faut pas se faire honneur de ce qui ne
nous appartient pas. Ce jeune homme se
chargea du Rôle de Dorine dans la Comédie de Tartufe et de plusieurs autres
de ce caractere , qu'il joia avec tant de
grace , d'intelligence et de gout , que les
plus difficiles connoisseurs avouerent
qu'il n'y avoit que le Théatre de Paris
où l'on pût trouver une aussi bonne Actrice. Comme il étoit peu connu dans
cette Ville , il fut aisément pris pour une
femme ; il y eut même un Marchand de
la Ville à qui l'on eut beau assurer que
ce n'en étoit point une , il dit toujours
que cela ne pouvoit être , qu'on se mocquoit de lui , et s'obstina à parier , &c.
C'est cet admirable Acteur ou Actrice ,
( comme il vous plaira de l'appeller, ) qui
engagea la noble Troupe à représenter la
Tragédie de Phédre et Hypolite , dans
Gv laquelle
350 MERCURE DE FRANCE
laquelle il joua le Rôle de Phédre. Quelques applaudissemens qu'il eût déja reçûs
dans la Comédie , ceux qu'il mérita dans
ce nouveau genre , furent encore plus
vifs et plus universels , de sorte que le
Public n'a trouvé que bien peu d'exageration dans les Vers suivans , envoyez રે
cet Acteur , et ausquels il fit la réponse
que je joins au Compliment.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Nimes le 24. Decembre 1731. au sujet de quelques Comédies joüées dans cette Ville.
En décembre 1731, à Nîmes, les officiers du Régiment du Maine d'Infanterie organisèrent des représentations théâtrales hebdomadaires pour divertir les dames de la ville. Ils formèrent une troupe avec des jeunes gens locaux. Les premières pièces jouées furent 'Le Foiseur' et 'Le Retour imprévu' de Jean-François Regnard, qui furent très bien accueillies. La demande fut si grande qu'une garde fut nécessaire pour gérer l'afflux de spectateurs. Les officiers prirent en charge tous les frais, assurant des décorations, des illuminations et une symphonie de qualité. Ils distribuaient environ cinq ou six cents billets, mais en refusaient autant en raison des limites de la salle. Les représentations suivantes inclurent 'Le Tartufe', 'Le Médecin malgré lui', 'L'Avocat Patelin', 'Le Légataire', 'Le François à Londres', 'Les Folies amoureuses', 'Phèdre' et 'Hippolyte'. Un jeune gentilhomme d'Arles interpréta plusieurs rôles, notamment celui de Dorine dans 'Le Tartufe', et fut acclamé pour sa performance. Il encouragea également la troupe à jouer 'Phèdre et Hippolyte', où il interpréta le rôle de Phèdre, recevant des applaudissements universels.
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681
p. 350-354
STANCES, Envoyées à M. de M** le lendemain qu'il eut joué le Rôle de Phedre.
Début :
Ou suis-je? quelle voix plaintive [...]
Mots clefs :
Phèdre, Rôle, Comédien, Éloge, Congé
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texteReconnaissance textuelle : STANCES, Envoyées à M. de M** le lendemain qu'il eut joué le Rôle de Phedre.
STANCES,
Envoyées à M. de M** le lendemain qu'il
eutjoué le Rôle de Phedre.
OuU suis-je ? quelle voix plaintive
Vient porter dans mon sein la pitié , la terreur ?
Je sens que mon ame attentive ,
Vase rassasier de plaisir et d'horreur.
装
M** tu paroîs sur la Scene ;
Je me livre à l'excès de mon ravissement ;
Mais que dis-je ? c'est Melpomene ;
J'en reconnois en toi les graces , l'agrément.
Quel gout ! quelle délicatesse !
Qu'en séduisant les cœurs , tu satisfais les yeux !
Jamais
FEVRIER 1732.
351
Jamais la tragique Déesse ,
Nous a-t'elle montré ton égal sous les Cieux ?
N
Le sentiment , le pathetique ,
Le grand , le naturel , les gestes et la voix,
La démarche noble , héroïque ,
Tu rassembles , M** tous ces dons à la fois.
諾
De ces dons la Nature avare
Sur toi seul aujourd'hui les verse à pleines mains;
Jouis de ce talent si rare ,
Que ton Art à jamais enchante les Humains !
DE
REPONSE.
E cet Eloge si flatteur ,
Dont Baron et la Lecouvreur ,
Auroient pû devenir jaloux avec justice ,
Et qui pourtant n'a rien qui m'éblouisse ,
Je connois le principe et je vois votre erreur.
Cher S*** à charmer les oreilles .
Accoutumé depuis long- temps ,
Vous avez crû devoir en mes foibles talens ,
Admirer les rares merveilles ,
Que trouve le Public dans le son séduisant
G vivj
Que
352 MERCURE DE FRANCE
Que d'un Instrument * indocile ,
( Sçait tirer votre main habile ,
Et quelle rend si ravissant ;
Pour louer un ami qui paroît sur la Scene ,
1
Vous avez crû que tandis qu'on disoit ,
Qu'en vous Amphion revivoit ,
Vous deviez tout au moins dire que Melpomene,
Sous mon nom , sous mon air ,
montroit.
a vos yeux st
On nous promettoit une Piece de cet
Acteur , qui , à ce qu'on assure , n'est
pas moins bon Auteur qu'excellent
Comédien ; mais des affaires indispensables l'ayant rappellé chez lui , il partit
au grand regret de toute la Ville et de
Pillustre Troupe : voici comme il prit
congé de l'Assemblée.
MESDAMES ET MESSIEURS ,
Si l'on peut s'excuser d'une témerité , c'est
sans doute par l'heureux succès qu'elle a eû,
• aussi n'est-ce que par là que j'ose me justifier de la mienne. Je me vois honoré de
vos applaudissemens lorsque tout sembloit
Coucourir à m'en priver.
Oser paroître devant tant de personnes
*L'Auteur des Vers qui précedent , joue excel- lemment du Violon,
éclairées
FEVRIER. 1732. 353 7
,
éclairées et d'un gout si délicat, se mêler parmi ces Acteurs inimitables , qui par tant de
justes titres , s'étoient déja fait admirer
sortir de son sexe et de son caractere ; emprunter un habit qui demande d'être accompagné de tant de graces , de délicatesse et
d'agrémens; se transformer ensuite devant la
plus brillante Assemblée que puisse former
le beau Sexe , et aux yeux d'une Compagnie choisie d'hommes accoutumez à ne voir
rien que d'aimable ; quelle suite de démar
ches témeraires ! y eut-il jamais entreprise
plus hardie , et ne faut - il pas pour la
former, s'aveugler jusqu'au point d'attendre quelqu'un de ces coups surprenans par
lesquels la fortune se plait quelquefois à aider
les audacieux ?
Que dis-je ? non , ce n'est point à une fortune aveugle que je dois de si doux succès ;
vous avez penetré le motif qui me guidoit
et vous avez applaudi à ce motif ; vous
ave aisementreconnu queje n'aspirois qu'an
bonheur de vous plaire , et vous m'avez
tout pardonné enfaveur d'une si noble envie,
ou peut-être cette genereuse amitié dont votreVille honore ma Patrie et dont nous avons
tant defois ressenti les plus doux effets , vous
fait croire que le titre de Citoyen d' Arles
me suffisoit pourmériter votre Approbation ;
mais soit que je ne doive tant d'applaudis- semens
134 MERCURE DE FRANCE
dissemens qu'aux faveurs du sort , soit que
vous ayez crû devoir récompenser ainsi le
desir de vous amuser; soit que vous ayez
voulu par là , donner une nouvelle marque
de votre affection pour mon Pays, et que ce ne
soit là qu'un pur effet de votre complaisance,
le souvenir ne m'en sera pas moins cher ,
jose le dire hautement etj'ai voulu vous en
assurer ; je rappellerai sans cesse avec joye
ces heureux jours où vos bonte ont éclaté
àmes yeux, et la plus vive reconnoissance
en sera àjamais gravée dans mon cœur.
Envoyées à M. de M** le lendemain qu'il
eutjoué le Rôle de Phedre.
OuU suis-je ? quelle voix plaintive
Vient porter dans mon sein la pitié , la terreur ?
Je sens que mon ame attentive ,
Vase rassasier de plaisir et d'horreur.
装
M** tu paroîs sur la Scene ;
Je me livre à l'excès de mon ravissement ;
Mais que dis-je ? c'est Melpomene ;
J'en reconnois en toi les graces , l'agrément.
Quel gout ! quelle délicatesse !
Qu'en séduisant les cœurs , tu satisfais les yeux !
Jamais
FEVRIER 1732.
351
Jamais la tragique Déesse ,
Nous a-t'elle montré ton égal sous les Cieux ?
N
Le sentiment , le pathetique ,
Le grand , le naturel , les gestes et la voix,
La démarche noble , héroïque ,
Tu rassembles , M** tous ces dons à la fois.
諾
De ces dons la Nature avare
Sur toi seul aujourd'hui les verse à pleines mains;
Jouis de ce talent si rare ,
Que ton Art à jamais enchante les Humains !
DE
REPONSE.
E cet Eloge si flatteur ,
Dont Baron et la Lecouvreur ,
Auroient pû devenir jaloux avec justice ,
Et qui pourtant n'a rien qui m'éblouisse ,
Je connois le principe et je vois votre erreur.
Cher S*** à charmer les oreilles .
Accoutumé depuis long- temps ,
Vous avez crû devoir en mes foibles talens ,
Admirer les rares merveilles ,
Que trouve le Public dans le son séduisant
G vivj
Que
352 MERCURE DE FRANCE
Que d'un Instrument * indocile ,
( Sçait tirer votre main habile ,
Et quelle rend si ravissant ;
Pour louer un ami qui paroît sur la Scene ,
1
Vous avez crû que tandis qu'on disoit ,
Qu'en vous Amphion revivoit ,
Vous deviez tout au moins dire que Melpomene,
Sous mon nom , sous mon air ,
montroit.
a vos yeux st
On nous promettoit une Piece de cet
Acteur , qui , à ce qu'on assure , n'est
pas moins bon Auteur qu'excellent
Comédien ; mais des affaires indispensables l'ayant rappellé chez lui , il partit
au grand regret de toute la Ville et de
Pillustre Troupe : voici comme il prit
congé de l'Assemblée.
MESDAMES ET MESSIEURS ,
Si l'on peut s'excuser d'une témerité , c'est
sans doute par l'heureux succès qu'elle a eû,
• aussi n'est-ce que par là que j'ose me justifier de la mienne. Je me vois honoré de
vos applaudissemens lorsque tout sembloit
Coucourir à m'en priver.
Oser paroître devant tant de personnes
*L'Auteur des Vers qui précedent , joue excel- lemment du Violon,
éclairées
FEVRIER. 1732. 353 7
,
éclairées et d'un gout si délicat, se mêler parmi ces Acteurs inimitables , qui par tant de
justes titres , s'étoient déja fait admirer
sortir de son sexe et de son caractere ; emprunter un habit qui demande d'être accompagné de tant de graces , de délicatesse et
d'agrémens; se transformer ensuite devant la
plus brillante Assemblée que puisse former
le beau Sexe , et aux yeux d'une Compagnie choisie d'hommes accoutumez à ne voir
rien que d'aimable ; quelle suite de démar
ches témeraires ! y eut-il jamais entreprise
plus hardie , et ne faut - il pas pour la
former, s'aveugler jusqu'au point d'attendre quelqu'un de ces coups surprenans par
lesquels la fortune se plait quelquefois à aider
les audacieux ?
Que dis-je ? non , ce n'est point à une fortune aveugle que je dois de si doux succès ;
vous avez penetré le motif qui me guidoit
et vous avez applaudi à ce motif ; vous
ave aisementreconnu queje n'aspirois qu'an
bonheur de vous plaire , et vous m'avez
tout pardonné enfaveur d'une si noble envie,
ou peut-être cette genereuse amitié dont votreVille honore ma Patrie et dont nous avons
tant defois ressenti les plus doux effets , vous
fait croire que le titre de Citoyen d' Arles
me suffisoit pourmériter votre Approbation ;
mais soit que je ne doive tant d'applaudis- semens
134 MERCURE DE FRANCE
dissemens qu'aux faveurs du sort , soit que
vous ayez crû devoir récompenser ainsi le
desir de vous amuser; soit que vous ayez
voulu par là , donner une nouvelle marque
de votre affection pour mon Pays, et que ce ne
soit là qu'un pur effet de votre complaisance,
le souvenir ne m'en sera pas moins cher ,
jose le dire hautement etj'ai voulu vous en
assurer ; je rappellerai sans cesse avec joye
ces heureux jours où vos bonte ont éclaté
àmes yeux, et la plus vive reconnoissance
en sera àjamais gravée dans mon cœur.
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Résumé : STANCES, Envoyées à M. de M** le lendemain qu'il eut joué le Rôle de Phedre.
Le texte est une série de stances et de réponses adressées à un acteur, M. de M**, après sa performance dans le rôle de Phèdre. L'auteur exprime son admiration pour la performance de M. de M**, soulignant ses talents exceptionnels et son interprétation remarquable. Les stances mettent en avant la voix, les gestes, la démarche et la présence scénique de l'acteur, le comparant à la muse de la tragédie, Melpomène. L'auteur reconnaît également les dons naturels et artistiques de M. de M**, le qualifiant de talent rare capable d'enchanter les humains. Dans sa réponse, M. de M** remercie l'auteur pour les éloges, mais attribue son succès à la bienveillance du public et à la générosité de l'auteur. Il exprime sa gratitude pour les applaudissements et la compréhension du public, qui a reconnu son désir de les divertir. M. de M** mentionne également qu'il a dû quitter la ville en raison d'affaires urgentes, au grand regret de la troupe et des spectateurs. Il conclut en exprimant sa reconnaissance et sa joie pour les moments partagés avec le public.
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682
p. 355-371
Le Glorieux, Comédie. Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens François ont donné avec grand succès, 22 Représentations [...]
Mots clefs :
Glorieux, Représentations, Comédie, Parterre, Scènes, Auteur, Lisimon, Pasquin, Mariage, Portrait
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Glorieux, Comédie. Extrait, [titre d'après la table]
Les Comédiens François ont donné
avecgrand succès , 22 Représentations du
Glorieux , Comédie en cinq Actes , en
Vers , de M. Destouches , depuis le 18 du
mois dernier , jusqu'à la fin de celui ci.
Jamais le Parterre n'a paru plus équitable; les beautez dont cette Comédie est
remplie , forcerent l'envie au silence ,
ou plutôt aux applaudissemens. Les deffauts que la critique la plus sévere a
cru y remarquer, sont balancez par de si
grands coups de Maître , qu'ils n'y sont
que comme des ombres au Tableau ; on
en jugera par cet Extrait.
Dans les premieres Scenes , l'Auteur
ne s'attache qu'à nous instruire de ce qui
est nécessaire pour l'intelligence. Lapremiere est entre une Suivante et un Valet.
Celle là sous le nom de Lisette , appartient à Isabelle , fille d'un riche Bourgeois,
et
356 MERCURE DE FRANCE.
et celui- ci , sous le nom de Pasquin , sert
le Comte de Tufiere , sur qui roule le caractere dominant de la Piece ; c'est- à-dire,
du Glorieux . Le panchant que Lisette a remarqué dans le cœur de sa Maîtresse, ou
plutôt son amie , en faveur du Comte de
Tufiere , l'authorise à sçavoir , s'il est digne de son amour et de son Hymen. Pasquin ne lui en fait pas un portrait trop
avantageux et ne dissimule point son vice
prédominant , qui est la vaine gloire.
L'Auteur a pris soin de couper cette
exposition , par une action qui met dans
un nouveau jour , ce que Pasquin ne fait
que réciter. Un Domestique du Glorieux,
appellé Lafleur , vient demander son
congé à Pasquin , comme Factoton de son
Maître ; cette demande est fondée sur
la deffense qu'on lui fait de parler, dans
laquelle il trouve un mépris , dont il ne
sçauroit s'accommoder ; il ajoûte qu'il aimeroit mieux une parole qu'une pistole
de la part d'un Maître. Cette Scene est
suivie d'une autre qui caracterise la prétendue soubrette. Lisimon , Pere de sa
Maîtresse , l'aime ; il lui fait des propo
sitions avantageuses , qui ne servent qu'à
faire connoître la vertu de celle qui les
rejette. Comme Lisimon la presse un peu
trop vivement , son Fils vient arrêter ses
trans
FEVRIER. 1732. 357
transports amoureux , sous un prétexte
de tendresse filiale , comme s'il prenoit
son amour pour une fiévre qui vient de
lui enflammer le sang ; le Pere amoureux
se retire tres mécontent de son Fils. A
peine est-il sorti , que ce Fils , Rival de
son Pere , parle d'amour à la fausse soubrette , elle lui déclare d'un ton ferme
qu'elle ne veut donner son cœur que par- devant Notaire.
>
Un vieillard , qui s'appelle Lycandre,
vient interrompre cette conversation ; le
jeune Amant se retire ; cette derniere Scene reveille l'attention des Spectateurs ; le
vieillard qui vient d'atriyer et que Lisette
connoît et honore , après avoir sondé son
cœur , lui déclare qu'elle est sortie d'un
Sang à pouvoir prétendre et même faire
honneur à la famille de Lisimon , par son
alliance ; il lui promet de lui en apprendre davantage incessamment; il s'informe
du caractere du Comte de Tufiere , et apprend avec un regret mortel , qu'il s'est
entierement livré à la vaine gloire.
Au second Acte , Lisette n'ose croire
ce que Lycandre vient de lui reveler , et
prend pour un beau songe l'illustre origine dont on l'a fait sortir ; elle ne peut
cependant en faire un mystere à son cher
Amant. C'est Valere,fils de Lisimon.ValeIC
358 MERCURE DE FRANCE
re est beaucoup plus crédule que sa Maî
tresse ; elle lui ordonne le secret , mais il
a beau le lui promettre,à peine apperçoitil sa sœur Isabelle , qu'il court à elle pour
le lui apprendre. Lisette lui impose silence ; il n'obéit qu'avec peine , et dità sa
sœur de ne traiter désormais Lisette qu'avec respect.
Isabelle ne sçait que comprendre du
respect que son Frere exige d'elle pour
une Suivante, cela lui fait soupçonner que
son Frere veut l'épouser en secret ; Lisette
ne lui revele rien , Isabelle lui avoue qu'elle
ne haït pas le Comte de Tufiere , malgré
le deffaut de vaine gloire qui devroit le
rendre indigne de lui plaire.
Philinte , amoureux d'Isabelle , vient
lui parler de son amour , mais il est si timide qu'il n'ose exprimer ses sentimens ;
Isabelle et Lisette le raillent tour à tour ,
elles le quittent enfin ; il fait connoître
son caractere de timidité qu'il ne sçauroit
vaincre. Un Laquais le prenant pour le
Comte de Tufiere lui apporte une Lettre
qu'il renvoye à son addresse ; Pasquin ,
Valet du Comte de Tufiete , et singe de
sa vaine gloire , reçoit cette Lettre avec
hauteur.
#
Le Comtede Tufiereparoît pour la premiere fois sur la Scene avec un grand
Cor-
FEVRIER 17320 359
Cortege; Pasquin lui parle de la Lettre
qu'on vient de remettre entre ses mains.
Son Maître lui dit qu'elle vient sans doute du petit Duc , ou de la Princesse, &c.
mais Pasquin lui ayant fait entendre que
c'est un Laquais assez mal vétu qui l'a apportée ; il ordonne , avec dédain , qu'on
Ja lise et qu'on lui en rende compre. Nous
omettons plusieurs particularitez , parce
qu'elles tiennent plutôt au caractere qu'à J'action Théatrale. Le Glorieux se fait lire
enfin la Lettre dont Pasquin lui a parlé ;
elle est pleine d'invectives contre son ridicule orgueil ; il n'en peut reconnoître let
caractere ; celui qui l'a écrite , lui déclare
qu'il aemprunté unemain étrangere, Cette
Lettre produira son effet dans le quatriéme Acte.
Lisimon vient , et par sa franchise et sa
familiarité bourgeoise il découvre la fierté
de son gendre futur ; il rabat de temps
en temps ses airs évaporez , et le force à
s'aller mettre à table en l'embrassant amicalement et en l'entraînant malgré lui.
Le Glorieux ouvre la Scene du troisiéme Acte avec Pasquin , à qui il dit , que
son beaupere futur est enchanté de lui
et qu'il le conduira insensiblement jusqu'au respect qu'il lui doit ; il ajoute que
son mariage avec Isabelle est arrêté.
Isa-
366 MERCURE DE FRANCE
Isabelle vient , suivie de Lisette ; elle
fait entendre au Glorieux , que quoique
son pere ait conclu le mariage , elle veut
connoître un peu mieux l'Epoux qui lui
est destiné ; Lisette veut appuyer ce que
Sa Maîtresse vient de dire ; le Glorieux ne
daigne pas lui répondre et la regarde même avec mépris ; il demande ironiquement à Isabelle , si elle ne s'explique jámais que par interprete.
Valere vient s'informer du mariage
qu'il vient d'apprendre ; le Glorieux lui
répond avec un orgueil qui l'oblige à lui
dire que l'Hymen projetté , n'est pas encore tout-à- fait arrêté , attendu que sa
Mere, bien loin d'y consentir , destine sa
Fille à Philinte ; au nom d'un tel Rival ,
le Glorieux redouble de fierté et de mépris; il prie Valere de dire à cet indigne
concurrent que s'il met le pied chez Isabelle , ils pourroient se voir de près. Valere lui promet de s'acquitter de la commission qu'il lui donne , et se retire.
Isabelle outrée de la hauteur avec laquelle le Comte de Tufiere vient de parler à son Frere, lui fait de vifs reproches
sur ce deffaut dominant ; elle charge Lisette d'achever la leçon , et le quitte.
Lisette remplit dignement la place que
sa Maîtresse lui laisse ; le Comte en est si
étonné
FEVRIER. 1732, 36r
étonné , qu'il n'a pas la force de repliquer un mot. Lisette le quitte,
Philinte , à qui Valere vient d'appren
dre le parfait mépris que le Glorieux a
fait éclater à son sujet , vient respectueu,
sement lui en demander raison ; cette
Scene est des plus originales. Le Glorieux
accepte le défi , ou plutôt la priere que
son humble Riyal lui fait de lui faire
l'honneur de se couper la gorge avec lui.
Ils mettent tous deux l'épée à la main.Lisimon accourt au bruit des Epées. Philinte lui dit que le respect le désarme et remet
son épée dans le fourreau, Lisimon reçoit
tres-mal sa politesse , et lui deffend de revenir chez lui, Philinte se retire après
avoir dit au Glorieux qu'il espere qu'il lu‡
fera l'honneur de lui rendre sa visite , et
qu'il tâchera de le bien recevoir.
Le Comte de Tufiere dit de nouvelles
impertinences à son futur Beaupere et le
quitte.
Lisimon choqué de tant d'orgueil, est
tenté de rompre le matiage ; mais la réfléxion qu'il fait , sur l'avantage que sa
femme tireroit de cette rupture , le confirme dans sa premiere résolution.
Le 4 Acte est sans contredit le plus interessant , le plus varié de la Piece , et qui
en a le plus assuré le succès. Il commence
par
362 MERCURE DE FRANCE par une Scene's
sur laquelle
nous ne nous
arrêterons
pas. La seconde
, ne contient
qu'un sage reproche
que Lisette
fait à Va
lere d'avoir
causé une querelle
entre le
Comte
et Philinte
. Valere voyant
approcher le même vieillard
, qui a interrompu sa premiere
conversation
avec sa chere
Lisette
, se retire , non sans marquer
du
dépit.
Lycandre surpris de retrouver Lisette
en tête à tête avec Valere , lui demande
si elle n'a pas quelque engagement de
cœur avec lui. Lisette rougit à cette demande. Elle avouë enfin non- seulement
que Valere l'aime , mais qu'elle le préfereroit à tout autre Amant si leurs conditions étoient égales. Lycandre lui confirmela promesse qu'il lui a déja faite de
lui apprendre son sort. Il commence par
lui apprendre ce qui a causé le malheur
de son pere; il en prend la source dans
l'orgueil de sa mere , qui par un affront
insigne qu'elle fit à une Dame, obligea les
deux maris à se battre ; il ajoute que son
Pere ayant tué son adversaire en brave
homme , fut calomnieusement accusé de
l'avoir assassiné, ce qui l'obligea à chercher un azyle en Angleterre , il ajoûte
que son pere touche à la fin de ses mal-'
heurs et que son innocence ya triom-
,
ther
}
FEVRIER 1732. 363
pher ; elle demande avec atendrissement,
où est ce cher et malheureux pere ; la reconnoissance est filée avec un art infini ;
Lycandre se découvre enfin pour son Pere;
la fausse Lisette se jette à ses pieds. Il luf
apprend que le Comte de Tufiere est son
Frere,et lui témoigne l'extrême regret qu'il
a d'apprendre qu'il n'a pas moins d'orgueil
que sa mère ; il se promet de le corriger et ordonne à sa Fille de rentrer et sur
tout de garder le silence sur le secret
qu'il vient de lui confier.
Lycandre demande à Pasquin s'il ne
pourroit point parler au Comte de Tufiere. Pasquin le voyant, en si mauvais
équipage , lui dit d'un air méprisant, qu'il
est en affaire et qu'il ne sçauroit le voir.-
Lycandre prend un ton de voix à faire.
rentrer Pasquin en lui même ; il convient
qu'il n'est qu'un sot et que l'exemple d'un
Maître orgueilleux l'a gâté. Lycandre lui
sçait bon gré de ce retour ; il lui dit d'aller dire à son Maître que celui qui le demande est le même qui lui a écrit tantôt
une Lettre. Pasquin lui répond , que le
porteur en a déja été payé , et qu'il ne lui
conseille pas de se montrer à ses yeux ,
après lui avoir écrit des véritez si dures à
digerer: Ne crains rien , lui répond le
Vieillard , tu le verras tres-pacifique er tres-
364 MERCURE DE FRANCE
tres modeste devant moi. Pasquin va
chercher son Maître, en disant qu'il s'en
lave les mains.
Lycandre en attendant son fils forme
quelques esperances d'amandement ; elles.
sont fondées sur le changement qu'il
vienr de remarquer dans son valet.
Le Glorieux vient enflammé de colere,
mais reconnoissant son pere en celui qu'il
vient chercher comme ennemi, il demeu
re interdit , au grand étonnement de Pasquin qui le trouve comme pétrifié ; il fait
sortir Pasquin , quoique Lycandre veuille
qu'il demeure , pour être témoin d'une
Scene si nouvelle à ses yeux.
Le Pere fait de sanglans reproches à son
Fils , qui s'excuse assez mal ; il lui deman
de , d'où vient qu'il fait sortir son Valet.
Voulez-vous , lui répond son Fils , que je
vous expose à quelque mépris. Non , ce
n'est point là ce que vous appréhendez ,
lui dit son pere ;
Vous craignez bien plutôt d'exposer ma misere,
>
Le Glorieux , voyant que son Pere exige de lui , s'il veut obtenir son pardon
qu'il vienne à l'instant le presenter dans
l'état où il est à Lisimon et à sa Fille , se
jette à ses pieds pour l'en détourner ; c'est
dans cette situation que son Pere lui dit
les
FEVRIER. 17320 365
les deux beaux Vers , que tout le monde
sçait par cœur , que nous rapporterons
plus bas.
Lisimon survient : il dit au Glorieux
que sa femme consent enfin à l'accepter
pour gendre ; que c'est à lui à faire quelques démarches et à lui rendre ses devoirs ; ce mot de devoir étonne le Glorieux ; son Pere lui fait une sage remontrance sur sa fierté hors de saison. Lisimon-surpris,lui demande qui est ce vieillard qui lui paroît si verd , il lui repond
tout bas , que c'est son Intendant : Lisimon demande au prétendu Intendant à
quoi peuvent monter les revenus duComte , &c. Le vieillard se retire , en disant
tout bas à son Fils, qu'il ne sçauroit mentir ; il dit pourtant à Lisimon qu'il n'a
qu'à conclure le mariage , et que bien- tôt iis seront tous contens.
Lisimon choqué de quelques nouveaux
airs de hauteur que le Glorieux prend en
core avec lui , le quitte en colere, en lui
disant de garder sa grandeur. Le Glorieux se détermine à faire tout ce qu'on
exige de lui , en disant , que sa mauvaise
fortune le réduit à fléchir devant l'Idole.
Valere se reproche devant Lisette , au
ve Acte , l'infidelité qu'elle l'a contraint
de faire à son ami Philinte , en parlant à
H sa
366 MERCURE DE FRANCE,
sa mere, en faveur du Comte de Tufiere,
Isabelle paroît encore incertaine sur le
consentement qu'on lui demande pour
'Hymen arrêté. Lisimon vient annoncer
que sa femme , devenue enfin plus traitable , a promis de signer le Contrat , il se
met en colere contre sa fille qui paroît
encore balancer.
Le Notaire vient , on dresse le Contrat , les noms et qualitez que le Comte de Tufiere se donne , achevent de remplir son caractere.
Lycandre , ou le Marquis de Tufiere ,
arrivé augrand regret de son Fils qui vouloit achever l'Hymen sans lui ; sa presence le rend confus , son pere s'en offense ;
et pour achever de le confondre , il le
menace de sa malediction , s'il ne tombe
à ses genoux; son Fils se jette à ses pieds,
il implore sa clemence, et abjure pour jamais son orgueil . Son Pere le voyant corrigé , lui apprend que le Roy vient de le
remettre dans la jouissance de tous ses
biens, après avoir connu son innocence et
puni l'imposture de ses accusateurs, La
Picce finit par un double Hymen ; Lisette
devient constante ; elle est reconnuë pour
Demoiselle. Le Comte de Tufiere proteste
Isabelle qu'il fera desormais toute sa
gloire de l'aimer et de meriter son cœur
ep sa main.
Mais
FEVRIER. 1732. 367
Mais pourmettre le Lecteur plus en état
de juger du mérite et de la Versification
de cette Piece , donnons quelques mor
ceaux qui en fassent connoître les divers
caracteres et l'é égance du stile dont elle
est écrite. Voici le Portrait que Pasquin
fait de son Maître , dans la 4 Scene du
premier Acte.
Sa politique
Est d'être toujours grave avec un domestique;
S'il lui disoit un mot , il croiroit s'abbaisser ,
Et qu'un Valet lui parle , il se fera chasser.
Enfin pour ébaucher en deux mots sa peinture ;
C'est l'homme le plus vain qu'ait produit la na- ture ,
Pour ses inférieurs , plein d'un mépris cho-
< quant ,
Avec ses égaux même , il prend l'air important
Si fier de ses ayeux , si fier de sa noblesse ,
Qu'il croit être icy-bas le seul de son espece.
Persuadé d'ailleurs de son habileté ,
Et décidant sur tout avec autorité ;
Se croyant en tout genre , un mérite suprême ,
Dédaignant tout le monde , et s'admirant lui- même;
En un mot , des mortels le plus impérieux ,
Et le plus suffisant et le plus glorieux.
Hij Zr
368 MERCURE DE FRANCE
LYSETT E.
Ab! que nous allons rire.
PASQUIN
LYSETTE.
Et de quoi donc
Son fasté ,
Ja fierté , ses hauteurs font un parfait contraste
Avec les qualitez de son humble rival ,
Qui n'oseroit parler de peur de parler mal ;
Qui par timidité , rougit comme une fille
Et qui, quoique fort riche et de noblefamille ,
Toujours rampant , craintif, et toujours con- certé ,
Prodigue les excès de sa civilité ,
Pour les moindres Valets , rempli de déférences
Et ne parlant jamais que par ses révérences.
Lycandre ferme le premier Acte, en di
sant à Lisette.
Jusqu'au revoir. Songez qu'une naissance illustre ,
Des sentimens du cœur reçoit son plus beau lus tre.
Pour les faire éclater , il est de sûrs moyens;
Et si le sort cruel vous a ravi vos biens ,
D'un plus rare trésor , enviant le partage ,
Soyez riche en vertus , c'est- là votre appad
page,
FEVRIER. 1732. 369
A la quatrième Scene du troisiéme Acte , Isabelle fait adroitement le portrait
du Comte à lui même , et n'oublie rien.
en même-temps pour lui persuader que la
modestie est toujours la marque du vrai
mérite.
LE COMT E.
De grace , à quel propos cette distinction ?
ISABELLE.
Je vous laisse le soin de l'application ,
Et de la modestie embrassant la défence ,
Je soutiens que par elle on voit la différence
Du mérite apparent , au mérite parfait ;
L'un veut toujours briller , l'autre brille en effet ,
Sans jamais y prétendre , et sans même le croire ;
L'un est superbe et vain , l'autre n'a point de
gloire ;
Le faux aime le bruit , le vrai craint d'éclater
L'un aspire aux egards , l'autre à les mériter ,
Je dirai plus. Les gens nez d'un sang respectable
Doivent se distinguer par un esprit affable ,
Liant , doux , complaisant , au lieu que la fierté ,
Est l'ordinaire effet d'un éclat emprunté.
La hauteur est par tout odieuse , importune ,
Avec la politesse , un homme de fortune.
Est mille fois plus grand , qu'un Grand toujours
gourmé,
Hiij D'un
370 MERCURE DE FRANCE
D'un limon précieux , se présumant formě.
Traitant avec dédain , et même avec rudesse
Tout ce qui lui paroît d'une moins noble espece
Croyant que l'on est tout , quand on est de son sang ,
Et croyant qu'on n'est rien , au dessous de son
rang.
Dans la Scene suivante , Lysette dit au
Comte :
Le discours d'Isabelle étoit votre portrait ,
Et son discernement vous a peint trait pour
trait.
Dût la gloire en souffrir , je ne sçaurois me taire.
Je ne vous dirai point , changez de caractére ,
Car ou n'en changé point , je ne le sçais que
trop.
Chassez le naturel , il revient au galop ;
Mais du moins , je vous dis , &c.
Lycandre parlant de Listmon , au quatriéme Acte , Scene 7.
On me l'a peint tout autre , et j'ai peine à vous croire ,
Tout ce discours ne tend qu'à cacher votre
gloire ;
Mais pour moi qui ne suis ni superbe , ni vain
Je prétends me montrer , et j'irai mon chemin .
Le
FEVRIER. 1732 378
Le Comte , l'empêchant de sortir.
Differez quelques jours ; la faveur n'est pas
grande ,
Je me jette à vos pieds , et je vous la demande.
.
LTCANDRE.
J'entends , la Vanité me déclare à genoux
Qu'un Pere infortuné n'est pas digne de vous.
Oui, oui , j'ai tout perdu par l'orgueil de ra
mere ,
Et tu n'as hérité de son caractere. que
Le Comte finit la Piece par ces six Vers.
Non, je n'aspire plus qu'à triompher de moy,
Du respect , de l'amour , je veux suivre la Loy.
Ils m'ont ouvert les yeux ; qu'ils m'aident à in vaincre ,
Il faut se faire aimer , on vient de m'en convaincre :
Et je sens que la gloire et la présomption
N'attirent que la haine et l'indignation
avecgrand succès , 22 Représentations du
Glorieux , Comédie en cinq Actes , en
Vers , de M. Destouches , depuis le 18 du
mois dernier , jusqu'à la fin de celui ci.
Jamais le Parterre n'a paru plus équitable; les beautez dont cette Comédie est
remplie , forcerent l'envie au silence ,
ou plutôt aux applaudissemens. Les deffauts que la critique la plus sévere a
cru y remarquer, sont balancez par de si
grands coups de Maître , qu'ils n'y sont
que comme des ombres au Tableau ; on
en jugera par cet Extrait.
Dans les premieres Scenes , l'Auteur
ne s'attache qu'à nous instruire de ce qui
est nécessaire pour l'intelligence. Lapremiere est entre une Suivante et un Valet.
Celle là sous le nom de Lisette , appartient à Isabelle , fille d'un riche Bourgeois,
et
356 MERCURE DE FRANCE.
et celui- ci , sous le nom de Pasquin , sert
le Comte de Tufiere , sur qui roule le caractere dominant de la Piece ; c'est- à-dire,
du Glorieux . Le panchant que Lisette a remarqué dans le cœur de sa Maîtresse, ou
plutôt son amie , en faveur du Comte de
Tufiere , l'authorise à sçavoir , s'il est digne de son amour et de son Hymen. Pasquin ne lui en fait pas un portrait trop
avantageux et ne dissimule point son vice
prédominant , qui est la vaine gloire.
L'Auteur a pris soin de couper cette
exposition , par une action qui met dans
un nouveau jour , ce que Pasquin ne fait
que réciter. Un Domestique du Glorieux,
appellé Lafleur , vient demander son
congé à Pasquin , comme Factoton de son
Maître ; cette demande est fondée sur
la deffense qu'on lui fait de parler, dans
laquelle il trouve un mépris , dont il ne
sçauroit s'accommoder ; il ajoûte qu'il aimeroit mieux une parole qu'une pistole
de la part d'un Maître. Cette Scene est
suivie d'une autre qui caracterise la prétendue soubrette. Lisimon , Pere de sa
Maîtresse , l'aime ; il lui fait des propo
sitions avantageuses , qui ne servent qu'à
faire connoître la vertu de celle qui les
rejette. Comme Lisimon la presse un peu
trop vivement , son Fils vient arrêter ses
trans
FEVRIER. 1732. 357
transports amoureux , sous un prétexte
de tendresse filiale , comme s'il prenoit
son amour pour une fiévre qui vient de
lui enflammer le sang ; le Pere amoureux
se retire tres mécontent de son Fils. A
peine est-il sorti , que ce Fils , Rival de
son Pere , parle d'amour à la fausse soubrette , elle lui déclare d'un ton ferme
qu'elle ne veut donner son cœur que par- devant Notaire.
>
Un vieillard , qui s'appelle Lycandre,
vient interrompre cette conversation ; le
jeune Amant se retire ; cette derniere Scene reveille l'attention des Spectateurs ; le
vieillard qui vient d'atriyer et que Lisette
connoît et honore , après avoir sondé son
cœur , lui déclare qu'elle est sortie d'un
Sang à pouvoir prétendre et même faire
honneur à la famille de Lisimon , par son
alliance ; il lui promet de lui en apprendre davantage incessamment; il s'informe
du caractere du Comte de Tufiere , et apprend avec un regret mortel , qu'il s'est
entierement livré à la vaine gloire.
Au second Acte , Lisette n'ose croire
ce que Lycandre vient de lui reveler , et
prend pour un beau songe l'illustre origine dont on l'a fait sortir ; elle ne peut
cependant en faire un mystere à son cher
Amant. C'est Valere,fils de Lisimon.ValeIC
358 MERCURE DE FRANCE
re est beaucoup plus crédule que sa Maî
tresse ; elle lui ordonne le secret , mais il
a beau le lui promettre,à peine apperçoitil sa sœur Isabelle , qu'il court à elle pour
le lui apprendre. Lisette lui impose silence ; il n'obéit qu'avec peine , et dità sa
sœur de ne traiter désormais Lisette qu'avec respect.
Isabelle ne sçait que comprendre du
respect que son Frere exige d'elle pour
une Suivante, cela lui fait soupçonner que
son Frere veut l'épouser en secret ; Lisette
ne lui revele rien , Isabelle lui avoue qu'elle
ne haït pas le Comte de Tufiere , malgré
le deffaut de vaine gloire qui devroit le
rendre indigne de lui plaire.
Philinte , amoureux d'Isabelle , vient
lui parler de son amour , mais il est si timide qu'il n'ose exprimer ses sentimens ;
Isabelle et Lisette le raillent tour à tour ,
elles le quittent enfin ; il fait connoître
son caractere de timidité qu'il ne sçauroit
vaincre. Un Laquais le prenant pour le
Comte de Tufiere lui apporte une Lettre
qu'il renvoye à son addresse ; Pasquin ,
Valet du Comte de Tufiete , et singe de
sa vaine gloire , reçoit cette Lettre avec
hauteur.
#
Le Comtede Tufiereparoît pour la premiere fois sur la Scene avec un grand
Cor-
FEVRIER 17320 359
Cortege; Pasquin lui parle de la Lettre
qu'on vient de remettre entre ses mains.
Son Maître lui dit qu'elle vient sans doute du petit Duc , ou de la Princesse, &c.
mais Pasquin lui ayant fait entendre que
c'est un Laquais assez mal vétu qui l'a apportée ; il ordonne , avec dédain , qu'on
Ja lise et qu'on lui en rende compre. Nous
omettons plusieurs particularitez , parce
qu'elles tiennent plutôt au caractere qu'à J'action Théatrale. Le Glorieux se fait lire
enfin la Lettre dont Pasquin lui a parlé ;
elle est pleine d'invectives contre son ridicule orgueil ; il n'en peut reconnoître let
caractere ; celui qui l'a écrite , lui déclare
qu'il aemprunté unemain étrangere, Cette
Lettre produira son effet dans le quatriéme Acte.
Lisimon vient , et par sa franchise et sa
familiarité bourgeoise il découvre la fierté
de son gendre futur ; il rabat de temps
en temps ses airs évaporez , et le force à
s'aller mettre à table en l'embrassant amicalement et en l'entraînant malgré lui.
Le Glorieux ouvre la Scene du troisiéme Acte avec Pasquin , à qui il dit , que
son beaupere futur est enchanté de lui
et qu'il le conduira insensiblement jusqu'au respect qu'il lui doit ; il ajoute que
son mariage avec Isabelle est arrêté.
Isa-
366 MERCURE DE FRANCE
Isabelle vient , suivie de Lisette ; elle
fait entendre au Glorieux , que quoique
son pere ait conclu le mariage , elle veut
connoître un peu mieux l'Epoux qui lui
est destiné ; Lisette veut appuyer ce que
Sa Maîtresse vient de dire ; le Glorieux ne
daigne pas lui répondre et la regarde même avec mépris ; il demande ironiquement à Isabelle , si elle ne s'explique jámais que par interprete.
Valere vient s'informer du mariage
qu'il vient d'apprendre ; le Glorieux lui
répond avec un orgueil qui l'oblige à lui
dire que l'Hymen projetté , n'est pas encore tout-à- fait arrêté , attendu que sa
Mere, bien loin d'y consentir , destine sa
Fille à Philinte ; au nom d'un tel Rival ,
le Glorieux redouble de fierté et de mépris; il prie Valere de dire à cet indigne
concurrent que s'il met le pied chez Isabelle , ils pourroient se voir de près. Valere lui promet de s'acquitter de la commission qu'il lui donne , et se retire.
Isabelle outrée de la hauteur avec laquelle le Comte de Tufiere vient de parler à son Frere, lui fait de vifs reproches
sur ce deffaut dominant ; elle charge Lisette d'achever la leçon , et le quitte.
Lisette remplit dignement la place que
sa Maîtresse lui laisse ; le Comte en est si
étonné
FEVRIER. 1732, 36r
étonné , qu'il n'a pas la force de repliquer un mot. Lisette le quitte,
Philinte , à qui Valere vient d'appren
dre le parfait mépris que le Glorieux a
fait éclater à son sujet , vient respectueu,
sement lui en demander raison ; cette
Scene est des plus originales. Le Glorieux
accepte le défi , ou plutôt la priere que
son humble Riyal lui fait de lui faire
l'honneur de se couper la gorge avec lui.
Ils mettent tous deux l'épée à la main.Lisimon accourt au bruit des Epées. Philinte lui dit que le respect le désarme et remet
son épée dans le fourreau, Lisimon reçoit
tres-mal sa politesse , et lui deffend de revenir chez lui, Philinte se retire après
avoir dit au Glorieux qu'il espere qu'il lu‡
fera l'honneur de lui rendre sa visite , et
qu'il tâchera de le bien recevoir.
Le Comte de Tufiere dit de nouvelles
impertinences à son futur Beaupere et le
quitte.
Lisimon choqué de tant d'orgueil, est
tenté de rompre le matiage ; mais la réfléxion qu'il fait , sur l'avantage que sa
femme tireroit de cette rupture , le confirme dans sa premiere résolution.
Le 4 Acte est sans contredit le plus interessant , le plus varié de la Piece , et qui
en a le plus assuré le succès. Il commence
par
362 MERCURE DE FRANCE par une Scene's
sur laquelle
nous ne nous
arrêterons
pas. La seconde
, ne contient
qu'un sage reproche
que Lisette
fait à Va
lere d'avoir
causé une querelle
entre le
Comte
et Philinte
. Valere voyant
approcher le même vieillard
, qui a interrompu sa premiere
conversation
avec sa chere
Lisette
, se retire , non sans marquer
du
dépit.
Lycandre surpris de retrouver Lisette
en tête à tête avec Valere , lui demande
si elle n'a pas quelque engagement de
cœur avec lui. Lisette rougit à cette demande. Elle avouë enfin non- seulement
que Valere l'aime , mais qu'elle le préfereroit à tout autre Amant si leurs conditions étoient égales. Lycandre lui confirmela promesse qu'il lui a déja faite de
lui apprendre son sort. Il commence par
lui apprendre ce qui a causé le malheur
de son pere; il en prend la source dans
l'orgueil de sa mere , qui par un affront
insigne qu'elle fit à une Dame, obligea les
deux maris à se battre ; il ajoute que son
Pere ayant tué son adversaire en brave
homme , fut calomnieusement accusé de
l'avoir assassiné, ce qui l'obligea à chercher un azyle en Angleterre , il ajoûte
que son pere touche à la fin de ses mal-'
heurs et que son innocence ya triom-
,
ther
}
FEVRIER 1732. 363
pher ; elle demande avec atendrissement,
où est ce cher et malheureux pere ; la reconnoissance est filée avec un art infini ;
Lycandre se découvre enfin pour son Pere;
la fausse Lisette se jette à ses pieds. Il luf
apprend que le Comte de Tufiere est son
Frere,et lui témoigne l'extrême regret qu'il
a d'apprendre qu'il n'a pas moins d'orgueil
que sa mère ; il se promet de le corriger et ordonne à sa Fille de rentrer et sur
tout de garder le silence sur le secret
qu'il vient de lui confier.
Lycandre demande à Pasquin s'il ne
pourroit point parler au Comte de Tufiere. Pasquin le voyant, en si mauvais
équipage , lui dit d'un air méprisant, qu'il
est en affaire et qu'il ne sçauroit le voir.-
Lycandre prend un ton de voix à faire.
rentrer Pasquin en lui même ; il convient
qu'il n'est qu'un sot et que l'exemple d'un
Maître orgueilleux l'a gâté. Lycandre lui
sçait bon gré de ce retour ; il lui dit d'aller dire à son Maître que celui qui le demande est le même qui lui a écrit tantôt
une Lettre. Pasquin lui répond , que le
porteur en a déja été payé , et qu'il ne lui
conseille pas de se montrer à ses yeux ,
après lui avoir écrit des véritez si dures à
digerer: Ne crains rien , lui répond le
Vieillard , tu le verras tres-pacifique er tres-
364 MERCURE DE FRANCE
tres modeste devant moi. Pasquin va
chercher son Maître, en disant qu'il s'en
lave les mains.
Lycandre en attendant son fils forme
quelques esperances d'amandement ; elles.
sont fondées sur le changement qu'il
vienr de remarquer dans son valet.
Le Glorieux vient enflammé de colere,
mais reconnoissant son pere en celui qu'il
vient chercher comme ennemi, il demeu
re interdit , au grand étonnement de Pasquin qui le trouve comme pétrifié ; il fait
sortir Pasquin , quoique Lycandre veuille
qu'il demeure , pour être témoin d'une
Scene si nouvelle à ses yeux.
Le Pere fait de sanglans reproches à son
Fils , qui s'excuse assez mal ; il lui deman
de , d'où vient qu'il fait sortir son Valet.
Voulez-vous , lui répond son Fils , que je
vous expose à quelque mépris. Non , ce
n'est point là ce que vous appréhendez ,
lui dit son pere ;
Vous craignez bien plutôt d'exposer ma misere,
>
Le Glorieux , voyant que son Pere exige de lui , s'il veut obtenir son pardon
qu'il vienne à l'instant le presenter dans
l'état où il est à Lisimon et à sa Fille , se
jette à ses pieds pour l'en détourner ; c'est
dans cette situation que son Pere lui dit
les
FEVRIER. 17320 365
les deux beaux Vers , que tout le monde
sçait par cœur , que nous rapporterons
plus bas.
Lisimon survient : il dit au Glorieux
que sa femme consent enfin à l'accepter
pour gendre ; que c'est à lui à faire quelques démarches et à lui rendre ses devoirs ; ce mot de devoir étonne le Glorieux ; son Pere lui fait une sage remontrance sur sa fierté hors de saison. Lisimon-surpris,lui demande qui est ce vieillard qui lui paroît si verd , il lui repond
tout bas , que c'est son Intendant : Lisimon demande au prétendu Intendant à
quoi peuvent monter les revenus duComte , &c. Le vieillard se retire , en disant
tout bas à son Fils, qu'il ne sçauroit mentir ; il dit pourtant à Lisimon qu'il n'a
qu'à conclure le mariage , et que bien- tôt iis seront tous contens.
Lisimon choqué de quelques nouveaux
airs de hauteur que le Glorieux prend en
core avec lui , le quitte en colere, en lui
disant de garder sa grandeur. Le Glorieux se détermine à faire tout ce qu'on
exige de lui , en disant , que sa mauvaise
fortune le réduit à fléchir devant l'Idole.
Valere se reproche devant Lisette , au
ve Acte , l'infidelité qu'elle l'a contraint
de faire à son ami Philinte , en parlant à
H sa
366 MERCURE DE FRANCE,
sa mere, en faveur du Comte de Tufiere,
Isabelle paroît encore incertaine sur le
consentement qu'on lui demande pour
'Hymen arrêté. Lisimon vient annoncer
que sa femme , devenue enfin plus traitable , a promis de signer le Contrat , il se
met en colere contre sa fille qui paroît
encore balancer.
Le Notaire vient , on dresse le Contrat , les noms et qualitez que le Comte de Tufiere se donne , achevent de remplir son caractere.
Lycandre , ou le Marquis de Tufiere ,
arrivé augrand regret de son Fils qui vouloit achever l'Hymen sans lui ; sa presence le rend confus , son pere s'en offense ;
et pour achever de le confondre , il le
menace de sa malediction , s'il ne tombe
à ses genoux; son Fils se jette à ses pieds,
il implore sa clemence, et abjure pour jamais son orgueil . Son Pere le voyant corrigé , lui apprend que le Roy vient de le
remettre dans la jouissance de tous ses
biens, après avoir connu son innocence et
puni l'imposture de ses accusateurs, La
Picce finit par un double Hymen ; Lisette
devient constante ; elle est reconnuë pour
Demoiselle. Le Comte de Tufiere proteste
Isabelle qu'il fera desormais toute sa
gloire de l'aimer et de meriter son cœur
ep sa main.
Mais
FEVRIER. 1732. 367
Mais pourmettre le Lecteur plus en état
de juger du mérite et de la Versification
de cette Piece , donnons quelques mor
ceaux qui en fassent connoître les divers
caracteres et l'é égance du stile dont elle
est écrite. Voici le Portrait que Pasquin
fait de son Maître , dans la 4 Scene du
premier Acte.
Sa politique
Est d'être toujours grave avec un domestique;
S'il lui disoit un mot , il croiroit s'abbaisser ,
Et qu'un Valet lui parle , il se fera chasser.
Enfin pour ébaucher en deux mots sa peinture ;
C'est l'homme le plus vain qu'ait produit la na- ture ,
Pour ses inférieurs , plein d'un mépris cho-
< quant ,
Avec ses égaux même , il prend l'air important
Si fier de ses ayeux , si fier de sa noblesse ,
Qu'il croit être icy-bas le seul de son espece.
Persuadé d'ailleurs de son habileté ,
Et décidant sur tout avec autorité ;
Se croyant en tout genre , un mérite suprême ,
Dédaignant tout le monde , et s'admirant lui- même;
En un mot , des mortels le plus impérieux ,
Et le plus suffisant et le plus glorieux.
Hij Zr
368 MERCURE DE FRANCE
LYSETT E.
Ab! que nous allons rire.
PASQUIN
LYSETTE.
Et de quoi donc
Son fasté ,
Ja fierté , ses hauteurs font un parfait contraste
Avec les qualitez de son humble rival ,
Qui n'oseroit parler de peur de parler mal ;
Qui par timidité , rougit comme une fille
Et qui, quoique fort riche et de noblefamille ,
Toujours rampant , craintif, et toujours con- certé ,
Prodigue les excès de sa civilité ,
Pour les moindres Valets , rempli de déférences
Et ne parlant jamais que par ses révérences.
Lycandre ferme le premier Acte, en di
sant à Lisette.
Jusqu'au revoir. Songez qu'une naissance illustre ,
Des sentimens du cœur reçoit son plus beau lus tre.
Pour les faire éclater , il est de sûrs moyens;
Et si le sort cruel vous a ravi vos biens ,
D'un plus rare trésor , enviant le partage ,
Soyez riche en vertus , c'est- là votre appad
page,
FEVRIER. 1732. 369
A la quatrième Scene du troisiéme Acte , Isabelle fait adroitement le portrait
du Comte à lui même , et n'oublie rien.
en même-temps pour lui persuader que la
modestie est toujours la marque du vrai
mérite.
LE COMT E.
De grace , à quel propos cette distinction ?
ISABELLE.
Je vous laisse le soin de l'application ,
Et de la modestie embrassant la défence ,
Je soutiens que par elle on voit la différence
Du mérite apparent , au mérite parfait ;
L'un veut toujours briller , l'autre brille en effet ,
Sans jamais y prétendre , et sans même le croire ;
L'un est superbe et vain , l'autre n'a point de
gloire ;
Le faux aime le bruit , le vrai craint d'éclater
L'un aspire aux egards , l'autre à les mériter ,
Je dirai plus. Les gens nez d'un sang respectable
Doivent se distinguer par un esprit affable ,
Liant , doux , complaisant , au lieu que la fierté ,
Est l'ordinaire effet d'un éclat emprunté.
La hauteur est par tout odieuse , importune ,
Avec la politesse , un homme de fortune.
Est mille fois plus grand , qu'un Grand toujours
gourmé,
Hiij D'un
370 MERCURE DE FRANCE
D'un limon précieux , se présumant formě.
Traitant avec dédain , et même avec rudesse
Tout ce qui lui paroît d'une moins noble espece
Croyant que l'on est tout , quand on est de son sang ,
Et croyant qu'on n'est rien , au dessous de son
rang.
Dans la Scene suivante , Lysette dit au
Comte :
Le discours d'Isabelle étoit votre portrait ,
Et son discernement vous a peint trait pour
trait.
Dût la gloire en souffrir , je ne sçaurois me taire.
Je ne vous dirai point , changez de caractére ,
Car ou n'en changé point , je ne le sçais que
trop.
Chassez le naturel , il revient au galop ;
Mais du moins , je vous dis , &c.
Lycandre parlant de Listmon , au quatriéme Acte , Scene 7.
On me l'a peint tout autre , et j'ai peine à vous croire ,
Tout ce discours ne tend qu'à cacher votre
gloire ;
Mais pour moi qui ne suis ni superbe , ni vain
Je prétends me montrer , et j'irai mon chemin .
Le
FEVRIER. 1732 378
Le Comte , l'empêchant de sortir.
Differez quelques jours ; la faveur n'est pas
grande ,
Je me jette à vos pieds , et je vous la demande.
.
LTCANDRE.
J'entends , la Vanité me déclare à genoux
Qu'un Pere infortuné n'est pas digne de vous.
Oui, oui , j'ai tout perdu par l'orgueil de ra
mere ,
Et tu n'as hérité de son caractere. que
Le Comte finit la Piece par ces six Vers.
Non, je n'aspire plus qu'à triompher de moy,
Du respect , de l'amour , je veux suivre la Loy.
Ils m'ont ouvert les yeux ; qu'ils m'aident à in vaincre ,
Il faut se faire aimer , on vient de m'en convaincre :
Et je sens que la gloire et la présomption
N'attirent que la haine et l'indignation
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Résumé : Le Glorieux, Comédie. Extrait, [titre d'après la table]
La pièce 'Le Glorieux', une comédie en cinq actes en vers de M. Destouches, a été représentée avec succès par les Comédiens Français du 18 du mois précédent jusqu'à la fin de celui-ci. Malgré quelques défauts mineurs, la pièce a été bien accueillie par le public grâce à des moments de grande qualité. L'intrigue commence avec une conversation entre Lisette, la suivante d'Isabelle, et Pasquin, le valet du Comte de Tufière. Lisette souhaite savoir si le Comte est digne de l'amour d'Isabelle. Pasquin décrit le Comte comme un homme dominé par la vaine gloire. Cette scène est interrompue par Lafleur, un domestique du Comte, qui demande son congé à Pasquin en raison du mépris qu'il ressent. Lisimon, le père d'Isabelle, tente de séduire Lisette, mais est interrompu par son fils Valère, qui révèle son propre amour pour Lisette. Lycandre, un vieillard, interrompt cette conversation et révèle à Lisette qu'elle est de noble origine. Il exprime son regret face à l'orgueil du Comte de Tufière. Au deuxième acte, Lisette partage cette révélation avec Valère, qui en informe Isabelle. Philinte, amoureux d'Isabelle, lui déclare timidement son amour. Le Comte de Tufière apparaît enfin, entouré de son cortège, et reçoit une lettre pleine d'invectives contre son orgueil. Lisimon, par sa franchise, contrarie la fierté du Comte. Le troisième acte montre le Comte discutant de son mariage avec Isabelle, qui souhaite mieux le connaître. Valère et Philinte se disputent à cause du Comte, et Lisimon est tenté de rompre le mariage. Le quatrième acte est le plus intéressant et varié. Lycandre révèle à Lisette qu'elle est sa fille et que son père, exilé en Angleterre, est innocent d'un crime. Le Comte, confronté par son père, reconnaît ses erreurs et accepte de changer. Lisimon, choqué par l'orgueil du Comte, finit par accepter le mariage après une remontrance de Lycandre. La pièce se termine par la rédemption du Comte, qui accepte de se soumettre aux exigences de sa future famille pour obtenir leur pardon. Le Comte de Tufière promet à Isabelle de l'aimer et de mériter son cœur. Deux mariages sont célébrés : celui d'Isabelle et du Comte, et celui de Lysette avec Valère, reconnue comme demoiselle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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683
p. 371-373
« Les Comédiens François ont donné sur la fin de ce [...] »
Début :
Les Comédiens François ont donné sur la fin de ce [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Comédiens-Italiens, Académie royale de musique, Ballet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Comédiens François ont donné sur la fin de ce [...] »
Les Comédiens François ont donné sur
la fin de ce mois plusieurs Représentations de la Tontine ; petite Piece d'un Acte , fort bien écrite et dont le sujet est
assez plaisant. Un Médecin fondé de
grandes esperances d'un revenu consideHiiij table
372 MERCURE DE FRANCE
rable par le choix qu'il a fait d'un homme fort et robuste , sur la tête duquel il
a mis à la Tontine ; et qu'il prétend faire
vivre au moins cent ans , par le regime
qu'il lui fait observer, et par les autres secours de son Art.
Les mêmes Comédiens donneront avant
la fin de l'Hyver , la Tragedie d'Eriphile ,
de M. de Voltaire.
Ils ont remis au Théatre , depuis peu ,
la Tragédie d'Agrippa , ou le Faux Tiberinus , de M.Quinault, dont les Représentations font beaucoup de plaisir par l'art
admirable dont cette Piece est écrite et
conduite. Elle est aussi fort bien représentée. Le sieur de Grandval y remplit le
principal Rôle , et le sieur Sarrasin celui
de Tirene. La Dile Dufresne joue celui de
la Princesse , avec beaucoup d'intelligence , de feu et de précision.
Le 9 Février , les Comédiens Italiens
donnerent une petite Piece nouvelle, d'un
Acte en Vers,, avec des Divertissemens
intitulée La Critique , précédée d'un Prologue , qui a pour titre, l'Auteur Superstitieux. Ces deux Piéces sont de la composition de M. de Boissy , et ont été reçuës
. très favorablement du Public. Nous en
parlerons plus au long.
-
Le
FEVRIER 1732. 373
Le 12 Février , l'Académie Royale de
Musique , donna sur le Théatre de l'Ope
ra, le Divertissement qui avoit été représenté à la Cour , le 28 Janvier , on y a
joué l'Acte de l'Amour Saltinbanque , du
Balet des Fêtes Venitiennes , qui a été suivi des trois autres Actes , qui avoient été
joüez en présence de leurs Majestez. Ce
Divertissement a attiré de nombreuses assemblées , et a été parfaitement bien exécuté. La Dile Camargo a dansé un Tambourin à la fin de l'Acte du Bal , avec la
brillante vivacité , que tout le monde lui
connoît.
On donna les deux derniers jours de
Carnaval , le même Balet , qui fut suivi
du Divertissement de Pourceaugnac , deM.
de Lully ; Piece tres convenable au temps
qu'on l'a donnée , et dans lequel le sieur
Tribou , met autant de vivacité que de
gayeté.
1
Le Février , l'ouverture de la Foire
S. Germain fut faite par le Lieutenant General de Police, en la maniere accoutumée.
la fin de ce mois plusieurs Représentations de la Tontine ; petite Piece d'un Acte , fort bien écrite et dont le sujet est
assez plaisant. Un Médecin fondé de
grandes esperances d'un revenu consideHiiij table
372 MERCURE DE FRANCE
rable par le choix qu'il a fait d'un homme fort et robuste , sur la tête duquel il
a mis à la Tontine ; et qu'il prétend faire
vivre au moins cent ans , par le regime
qu'il lui fait observer, et par les autres secours de son Art.
Les mêmes Comédiens donneront avant
la fin de l'Hyver , la Tragedie d'Eriphile ,
de M. de Voltaire.
Ils ont remis au Théatre , depuis peu ,
la Tragédie d'Agrippa , ou le Faux Tiberinus , de M.Quinault, dont les Représentations font beaucoup de plaisir par l'art
admirable dont cette Piece est écrite et
conduite. Elle est aussi fort bien représentée. Le sieur de Grandval y remplit le
principal Rôle , et le sieur Sarrasin celui
de Tirene. La Dile Dufresne joue celui de
la Princesse , avec beaucoup d'intelligence , de feu et de précision.
Le 9 Février , les Comédiens Italiens
donnerent une petite Piece nouvelle, d'un
Acte en Vers,, avec des Divertissemens
intitulée La Critique , précédée d'un Prologue , qui a pour titre, l'Auteur Superstitieux. Ces deux Piéces sont de la composition de M. de Boissy , et ont été reçuës
. très favorablement du Public. Nous en
parlerons plus au long.
-
Le
FEVRIER 1732. 373
Le 12 Février , l'Académie Royale de
Musique , donna sur le Théatre de l'Ope
ra, le Divertissement qui avoit été représenté à la Cour , le 28 Janvier , on y a
joué l'Acte de l'Amour Saltinbanque , du
Balet des Fêtes Venitiennes , qui a été suivi des trois autres Actes , qui avoient été
joüez en présence de leurs Majestez. Ce
Divertissement a attiré de nombreuses assemblées , et a été parfaitement bien exécuté. La Dile Camargo a dansé un Tambourin à la fin de l'Acte du Bal , avec la
brillante vivacité , que tout le monde lui
connoît.
On donna les deux derniers jours de
Carnaval , le même Balet , qui fut suivi
du Divertissement de Pourceaugnac , deM.
de Lully ; Piece tres convenable au temps
qu'on l'a donnée , et dans lequel le sieur
Tribou , met autant de vivacité que de
gayeté.
1
Le Février , l'ouverture de la Foire
S. Germain fut faite par le Lieutenant General de Police, en la maniere accoutumée.
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Résumé : « Les Comédiens François ont donné sur la fin de ce [...] »
En février 1732, les Comédiens Français ont présenté 'La Tontine', une pièce en un acte relatant l'histoire d'un médecin cherchant à obtenir un revenu en choisissant un homme robuste pour une tontine. Ils prévoient également de jouer 'Ériphile' de Voltaire et ont remis en scène 'Agrippa, ou le Faux Tibérinus' de Quinault, avec les acteurs Grandval, Sarrasin et Dufresne. Le 9 février, les Comédiens Italiens ont présenté 'La Critique' et 'L'Auteur Superstitieux' de Boissy, bien accueillis par le public. Le 12 février, l'Académie Royale de Musique a donné un divertissement à l'Opéra incluant 'L'Amour Saltimbanque' et le ballet 'Les Fêtes Vénitiennes', avec une performance remarquée de la demoiselle Camargo. Les derniers jours du carnaval, 'Les Fêtes Vénitiennes' ont été suivis de 'Le Bourgeois Gentilhomme' de Lully, interprété par le sieur Tribou. La foire Saint-Germain a été ouverte le 1er février par le Lieutenant Général de Police.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
684
p. 373-380
L'Opera Comique. La Comédie sans hommes, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 3., l'Opera Comique ouvrit son Théatre, qui est [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Pièce, Théâtre, Acteurs, Rôles, Symphonie, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Opera Comique. La Comédie sans hommes, &c. [titre d'après la table]
Le 3 , l'Opera Comique ouvrit son
Théatre , qui est toujours dans la ruë de
Bussi , partrois petites Pieces nouvelles ,
d'unActe chacune, et des Divertissemens,
Hv in-
374 MERCURE DE FRANCE
intitulées : Momus à Paris , le Nouveliste
"Dupé , et la Comédie sans hommes.
Le 13 , on donna une autre Piéce nouvelle , d'un Acte , qui a pour titre : le Pot
Pourri , Pantomime , précedé d'un Prologue. Cette Piece , dont l'idée est neuve et
fort plaisante, est joiiée en Scenes muettes,
et sur les paroles de differens Vaudevilles les plus connus ; la Simphonie en jouë
les Airs , et les Acteurs font entendre par
leurs gestes le sens et les paroles des Vaudevilles. Voicy le sujet du Prologue.
La Scene se passe sur le Théatre de
l'Opera Comique , où les Acteurs et les
Actrices se sont assemblés pour recevoir
une petite Piece d'un Acte , qu'un Auteur de Bordeaux doit leur présenter.
Cet Auteur , qui s'appelle M. de Consi
gnac , arrive un moment après et entre
d'un air familier ; il chante sur l'air : Le
Fameux Diogene.
Si dans votre Assemblée ,
Messieurs , j'entre d'emblée ,
N'en soyez point surpris
Je suis d'une Patrie ,
Où la ceremonie ?
N'est pas d'un fort grand prix
Un Acteur lui dit , que quand on vient
sous
FEVRIER 17320 375
sous les auspices des Muses , on est partout bien reçû. Cousignac chante sur
l'air: J'ai de l'excellent Elixir.
Amis , embrassez aujourd'hui ,
De vos Jeux le plus ferme appui
Je vous apporte avec ma Piece
L'antidote de la tristesse ;
Oui , mes enfans pour la guérir }
J'ai de l'admirable ,
J'ai de l'agréable ,
J'ai de l'excellent Elixir.
On lui dit qu'il ne faut point tant se
Hatter , que bien des Auteurs qui ont eû
une pareille confiance en ont été trèssouvent les dupes. Cousignac répond
qu'il est sûr de son Acte , et chante sur
Fair : Detous les Capucins du monde.
Lafaçon dont j'ai sçû l'écrire à
Est au-dessus de la Satire ,
Rien ne le sçauroit attaquer.
Ceci n'est point une hyperbole ,
Je défierois de critiquer ,
Dans tout l'Ouvrage une parole.
On lui demande s'il veut faire la lec
ture de sa Piece ; Cousignac répond qu'il
faut auparavant faire ses conventions
H vj
3-6 MERCURE DE FRANCE
1 °. Je veux , dit-il , que ma Piece soit
apprise , repetée et représentée aujourd'hui ,
sans cela rien defait. Tous les Acteurs lui
représentent que la chose est impossible
en si peu de temps , &c. Cousignac leur
dit que ce petit Morceau ne fatiguera ni
leur mémoire ni leur poitrine , qu'il est
fort simple, naturel et très- court. Il tire en
même-temps de sa poche un petit quarré
de papier qui contient , dit-il , toutes les
paroles de sa Piece. Il montre ensuite un
gros paquet qui renferme toute la Musique de son Acte nouveau. Les Acteurs
croyent qu'il veut plaisanter , mais Cousignac les rassure et leur dit que rien pe
doit les embarrasser , il chante sur l'air:
L'Amour est un voleur.
Il suffit pour cela ,
D'un peu d'intelligence ;
Sans gosier ni cadence ,
On l'executera.
Il ne faut qu'être preste,
A ce que l'Orchestre joueras
Et zeste , zeste , zeste ,
Chacun de vous l'exprimera ,
Avec le geste.
Nous allons , dit un des Acteurs , eri
risquer l'épreuve. Cousignac fait distribuer
FEVRIER. 1732. 377
buer les Rôles pour la Simphonie , et dit
à tous les Acteurs de le suivre pour les
mettre en état de jouer sur le champ et
pour leur en donner l'intelligence ; je
veux , dit-il , y faire un personnage. Il
finit par ce Couplet qu'il chante sur l'air :
Vivons pour ces fillettes.
Les bons impromptus , Cadedis , biso
Sont tous enfans de mon Pays.
Cà , que chacun entonne ,
Vivat , vivat , la Garonne :
Vivat et vivat , la Garonne.
Voici le sujet à peu près de la Piece
Pantomime pour l'intelligence des Scenes muettes, joüées par l'Orchestre et par les Acteurs.
Un Amant vient se plaindre pendant
la nuit sous le Balcon de sa Maîtresse ,
on joie l'air : Reveillez- vous , &c. elle
devient sensible à l'amour du Cavalier
et descend pour l'entretenir et pour lui
parler de plus près ; ils se déclarent réciproquement leur passion , toûjours avec
les gestes convenables aux paroles dont
la Simphonie joue les Airs.
La Suivante de la Mere', survient un
moment après pour annoncer à ces deux
Amans son arrivée ; cette Mere les surprend
378 MERCURE DE FRANCE
prend ensemble , querelle sa fille et l'emmene sans être touchée des plaintes de
son Amant. Le Valet du Cavalier trouve
son Maître désesperé de ce qui vient d'arriver ; celui- cy ordonne à son Valet de
chercher quelque expédient pour favoriser ses amours , &c.
La Mere , la Fille et la Suivante reviennent , la Fille fait de nouveaux efforts
pour engager sa Mere à accepter pour
Gendre l'Amant qu'elle aime ; elle est
infléxible et annonce à sa fille un autre
Epoux qu'elle lui a destiné. C'est un Campagnard, grand nigaud , à peu près comme M. Vivien de la Chaponardiere , qui
arrive sur ces entrefaites , accompagné
de son Valet , qui est aussi niais que son
Maître. L'Amant idiot fait une déclaration à sa Maîtresse , d'une maniere comique ; elle la reçoit avec mépris , ce qui
oblige la Mere de prendre le parti du
Campagnard et de l'emmener dans sa
Maison avec sa fille et la Suivante , pour
y conclure le mariage.
L'Amant aimé revient , et un moment
après son Rival sort de chez sa Maîtresse;
le premier veut obliger l'autre à mettre
l'épée à la main ; le Campagnard pense
mourir de frayeur ; la Suivante accourt
au bruit et empêche l'autre de pousser
plus
FEVRIER. 1732. -379
plus in la querelle , et se retire ; mais
il revient bien- tôt accompagné de la
Mere , qui est toûjours bien résoluë de
lui donner sa fille . Elle a fait venir même un Notaire. Dans le temps qu'on est
prêt à signer le Contrat , et que le Campagnard s'applaudit du bonheur dont il
croit bien-tôt jouir , l'Amant aimé vient
faire encore une tentative auprès de la
Mere , et lui fait voir une Lettre ( qui
a été supposée ) par laquelle on lui mande le gain d'un Procès qui le rend maître
de biens considerables , il la supplie de
lui accorder sa fille en mariage ; celle- cy
se joint aux instances de l'Amant aimé,
son Valet et la Soubrette se jettent aussi
aux pieds de la Mere , qui se rend enfin
à leurs prieres , le Campagnard se retire
peu content de son voyage. Les Valets
de l'Amant aimé et de l'autre se disputent ensuite la conquête de la Suivante ,
elle les met d'accord tous les deux sur le
champ , en leur déclarant qu'elle ne veut
ni l'un ni l'autre , et la Piece finit par un
très-joli Divertissement, dont la Musique
est toujours de M. Gillier.
Ces deux petites Pieces qui ont été reçûës très-favorablement du Public , sont
de la composition de M. Panard , Auteur
de celle des Petits Comediens , qui a cû
Un
380 MERCURE DE FRANCE
un si grand succès à la derniere Foire
S. Laurent , et qu'on a redemandée cette
année à la Foire S. Germain.
Théatre , qui est toujours dans la ruë de
Bussi , partrois petites Pieces nouvelles ,
d'unActe chacune, et des Divertissemens,
Hv in-
374 MERCURE DE FRANCE
intitulées : Momus à Paris , le Nouveliste
"Dupé , et la Comédie sans hommes.
Le 13 , on donna une autre Piéce nouvelle , d'un Acte , qui a pour titre : le Pot
Pourri , Pantomime , précedé d'un Prologue. Cette Piece , dont l'idée est neuve et
fort plaisante, est joiiée en Scenes muettes,
et sur les paroles de differens Vaudevilles les plus connus ; la Simphonie en jouë
les Airs , et les Acteurs font entendre par
leurs gestes le sens et les paroles des Vaudevilles. Voicy le sujet du Prologue.
La Scene se passe sur le Théatre de
l'Opera Comique , où les Acteurs et les
Actrices se sont assemblés pour recevoir
une petite Piece d'un Acte , qu'un Auteur de Bordeaux doit leur présenter.
Cet Auteur , qui s'appelle M. de Consi
gnac , arrive un moment après et entre
d'un air familier ; il chante sur l'air : Le
Fameux Diogene.
Si dans votre Assemblée ,
Messieurs , j'entre d'emblée ,
N'en soyez point surpris
Je suis d'une Patrie ,
Où la ceremonie ?
N'est pas d'un fort grand prix
Un Acteur lui dit , que quand on vient
sous
FEVRIER 17320 375
sous les auspices des Muses , on est partout bien reçû. Cousignac chante sur
l'air: J'ai de l'excellent Elixir.
Amis , embrassez aujourd'hui ,
De vos Jeux le plus ferme appui
Je vous apporte avec ma Piece
L'antidote de la tristesse ;
Oui , mes enfans pour la guérir }
J'ai de l'admirable ,
J'ai de l'agréable ,
J'ai de l'excellent Elixir.
On lui dit qu'il ne faut point tant se
Hatter , que bien des Auteurs qui ont eû
une pareille confiance en ont été trèssouvent les dupes. Cousignac répond
qu'il est sûr de son Acte , et chante sur
Fair : Detous les Capucins du monde.
Lafaçon dont j'ai sçû l'écrire à
Est au-dessus de la Satire ,
Rien ne le sçauroit attaquer.
Ceci n'est point une hyperbole ,
Je défierois de critiquer ,
Dans tout l'Ouvrage une parole.
On lui demande s'il veut faire la lec
ture de sa Piece ; Cousignac répond qu'il
faut auparavant faire ses conventions
H vj
3-6 MERCURE DE FRANCE
1 °. Je veux , dit-il , que ma Piece soit
apprise , repetée et représentée aujourd'hui ,
sans cela rien defait. Tous les Acteurs lui
représentent que la chose est impossible
en si peu de temps , &c. Cousignac leur
dit que ce petit Morceau ne fatiguera ni
leur mémoire ni leur poitrine , qu'il est
fort simple, naturel et très- court. Il tire en
même-temps de sa poche un petit quarré
de papier qui contient , dit-il , toutes les
paroles de sa Piece. Il montre ensuite un
gros paquet qui renferme toute la Musique de son Acte nouveau. Les Acteurs
croyent qu'il veut plaisanter , mais Cousignac les rassure et leur dit que rien pe
doit les embarrasser , il chante sur l'air:
L'Amour est un voleur.
Il suffit pour cela ,
D'un peu d'intelligence ;
Sans gosier ni cadence ,
On l'executera.
Il ne faut qu'être preste,
A ce que l'Orchestre joueras
Et zeste , zeste , zeste ,
Chacun de vous l'exprimera ,
Avec le geste.
Nous allons , dit un des Acteurs , eri
risquer l'épreuve. Cousignac fait distribuer
FEVRIER. 1732. 377
buer les Rôles pour la Simphonie , et dit
à tous les Acteurs de le suivre pour les
mettre en état de jouer sur le champ et
pour leur en donner l'intelligence ; je
veux , dit-il , y faire un personnage. Il
finit par ce Couplet qu'il chante sur l'air :
Vivons pour ces fillettes.
Les bons impromptus , Cadedis , biso
Sont tous enfans de mon Pays.
Cà , que chacun entonne ,
Vivat , vivat , la Garonne :
Vivat et vivat , la Garonne.
Voici le sujet à peu près de la Piece
Pantomime pour l'intelligence des Scenes muettes, joüées par l'Orchestre et par les Acteurs.
Un Amant vient se plaindre pendant
la nuit sous le Balcon de sa Maîtresse ,
on joie l'air : Reveillez- vous , &c. elle
devient sensible à l'amour du Cavalier
et descend pour l'entretenir et pour lui
parler de plus près ; ils se déclarent réciproquement leur passion , toûjours avec
les gestes convenables aux paroles dont
la Simphonie joue les Airs.
La Suivante de la Mere', survient un
moment après pour annoncer à ces deux
Amans son arrivée ; cette Mere les surprend
378 MERCURE DE FRANCE
prend ensemble , querelle sa fille et l'emmene sans être touchée des plaintes de
son Amant. Le Valet du Cavalier trouve
son Maître désesperé de ce qui vient d'arriver ; celui- cy ordonne à son Valet de
chercher quelque expédient pour favoriser ses amours , &c.
La Mere , la Fille et la Suivante reviennent , la Fille fait de nouveaux efforts
pour engager sa Mere à accepter pour
Gendre l'Amant qu'elle aime ; elle est
infléxible et annonce à sa fille un autre
Epoux qu'elle lui a destiné. C'est un Campagnard, grand nigaud , à peu près comme M. Vivien de la Chaponardiere , qui
arrive sur ces entrefaites , accompagné
de son Valet , qui est aussi niais que son
Maître. L'Amant idiot fait une déclaration à sa Maîtresse , d'une maniere comique ; elle la reçoit avec mépris , ce qui
oblige la Mere de prendre le parti du
Campagnard et de l'emmener dans sa
Maison avec sa fille et la Suivante , pour
y conclure le mariage.
L'Amant aimé revient , et un moment
après son Rival sort de chez sa Maîtresse;
le premier veut obliger l'autre à mettre
l'épée à la main ; le Campagnard pense
mourir de frayeur ; la Suivante accourt
au bruit et empêche l'autre de pousser
plus
FEVRIER. 1732. -379
plus in la querelle , et se retire ; mais
il revient bien- tôt accompagné de la
Mere , qui est toûjours bien résoluë de
lui donner sa fille . Elle a fait venir même un Notaire. Dans le temps qu'on est
prêt à signer le Contrat , et que le Campagnard s'applaudit du bonheur dont il
croit bien-tôt jouir , l'Amant aimé vient
faire encore une tentative auprès de la
Mere , et lui fait voir une Lettre ( qui
a été supposée ) par laquelle on lui mande le gain d'un Procès qui le rend maître
de biens considerables , il la supplie de
lui accorder sa fille en mariage ; celle- cy
se joint aux instances de l'Amant aimé,
son Valet et la Soubrette se jettent aussi
aux pieds de la Mere , qui se rend enfin
à leurs prieres , le Campagnard se retire
peu content de son voyage. Les Valets
de l'Amant aimé et de l'autre se disputent ensuite la conquête de la Suivante ,
elle les met d'accord tous les deux sur le
champ , en leur déclarant qu'elle ne veut
ni l'un ni l'autre , et la Piece finit par un
très-joli Divertissement, dont la Musique
est toujours de M. Gillier.
Ces deux petites Pieces qui ont été reçûës très-favorablement du Public , sont
de la composition de M. Panard , Auteur
de celle des Petits Comediens , qui a cû
Un
380 MERCURE DE FRANCE
un si grand succès à la derniere Foire
S. Laurent , et qu'on a redemandée cette
année à la Foire S. Germain.
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Résumé : L'Opera Comique. La Comédie sans hommes, &c. [titre d'après la table]
En février 1732, l'Opéra Comique a ouvert son théâtre rue de Bussi avec trois pièces nouvelles d'un acte chacune : 'Momus à Paris', 'Le Nouveliste Dupé' et 'La Comédie sans hommes'. Le 13 février, une autre pièce intitulée 'Le Pot Pourri' a été présentée. Cette pantomime, précédée d'un prologue, se distingue par son originalité et son humour. Elle est jouée en scènes muettes, accompagnées de vaudevilles connus, et les acteurs expriment les paroles par des gestes. Le prologue se déroule sur la scène de l'Opéra Comique, où les acteurs attendent la présentation d'une pièce par un auteur de Bordeaux, M. de Cousignac. Ce dernier arrive et chante des airs connus pour expliquer son enthousiasme et sa confiance en sa pièce. Les acteurs, sceptiques, lui demandent de lire sa pièce, mais Cousignac insiste pour qu'elle soit apprise et représentée le jour même. Il distribue les rôles et assure que la pièce est simple et courte. La pièce 'Le Pot Pourri' raconte l'histoire d'un amant qui se plaint sous le balcon de sa maîtresse. Ils se déclarent leur passion, mais la mère de la jeune femme les surprend et emmène sa fille. Un campagnard niais arrive ensuite, destiné à épouser la fille. L'amant véritable revient et tente de convaincre la mère, qui finit par accepter après avoir reçu une lettre annonçant une fortune pour l'amant. La pièce se termine par un divertissement musical. Les pièces ont été bien accueillies par le public et sont de la composition de M. Panard.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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685
p. 463-465
REMERCIEMENT A MADAME D....
Début :
Quand à Marot Dame bonne et gentille [...]
Mots clefs :
Marot, Vers, Plume
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMERCIEMENT A MADAME D....
REMERCIMENT
Qu
A MADAME D ...
Uand à Marot Dame bonne et gentille
Par bons repas donnoit allegement ,
Pour elle alors Marot de sa Mandille
Tiroit en Vers gentil Remerciment ,
Vers dont un pied valoit une pistole ,
Vers, comme on dit faits tous au petit point
Moi qui ne fus jamais à son école ,
Ne puis donner Vers marquez à son coin ;
Car pour tel cas faudroit avoir sa plume 5
Et tel qui veut sans elle l'imiter ,
S'agite en vain , puis se fâche et s'enthume ,
Mal dangereux. Ce fut pour l'éviter ,
Que m'enhardis à faire un coup de tête.
Voulant avoir pour vous gentil propos,
Droit àMarot j'offris humble Requête ,
Qui seul en fit digne de votre los.
Affectant donc air de condoleance ,
Pour que sa plume il daignât me prêter ,.
Je lui tirai très-bas ma réverence ,
Mais d'un seul mot il sçût bien m'arrêter ;
Ciij Scachez
464 MERCURE DE FRANCE
Sçachez qu'un jour la Parque meurtriere .
Lorsqu'à rimer je prénois mes ébats,
Lorgnant son coup pour m'étendre en la biere ,
Du même coup mit ma plume en éclats.
Or avec moi périt beau badinage , G
Bien que depuis on ait vû maints Marmots
A qui mieux mieux, affecter mon langage ,
En excroquant quelqu'un de mes vieux mots.
Très bien le sçais ; mais souffre qu'on s'explique.
Sire Marot : si mon dit te déplaît , -
Toujours pourras au bas de ma supplique
Mettre un néant , dissiper mes projets.
Si donc ne puis avoir ta plume ancienne ,
Encor est-il remede à ce malheur ;
Nepeux-tu pas du moins tailler la mienne ?
Je sçaurai bien m'en faire ensuite honneur.
Ah ! pour si peu ne te veux éconduire ,
Me dit Marot , d'un visage serein ,
'Ainsi soit fait, si beaux Vers veux déduire.
Il me la taille et me la met en main.
S'il m'eût offert les ducats de sa bourse,
Je n'aurois pas trouvé mon sort si beau,
Tant bien croyois qu'alloient couler de source ,
Ode , Sonnet , Madrigal , ou Rondeau.
Mais par malheur la plume étoit trop fine.
J'écris du dos , pardevant , de travers ,
Tout m'étoit un; dont fis piteuse mine ,
Jamais ne pus mettre ensemble deux Vers.
Sur
MARS. 1732: 465
Sur quoi Marot me voyant si mal faire ,
Dit les gros mots , se mit en grand esmoy :
Quitte , dit-il , ces armes , pauvre hére ,
Si tu ne peux t'en servir comme moi;
A tes amis fais compliment en Prose ,
Sans faire Vers tu peux parler raison :
Car sur les tiens je crains fort qu'on ne glose ,
Crois-moi , l'avis est pour toi de saison.
Je conviendrai que j'aurois de m'y rendre,
Et qu'en tel cas m'eût été plus prudent ,
Si sans rimer vous eusse fait entendre ,
Comment m'avint tant piteux accident ;
Mais peu m'en chaut qu'on dise avec justice
Que ne suis pas bon Versificateur ;
Pour vous, croyez si m'êtes plus propice ,
Que mon esprit est duppe de mon cœur.
ENVO r.
Si vous mesurez ces miens Carmes ;
Avec l'Equerre d'Apollon ,
Iceux seront sans valuë et sans charmes
Et n'y trouverez rien de bon.
Mais prenez une autre balance ,
Vous en connoîtrez la valeur ,
Pour Mere ils ont tendre reconnoissance ,
Et leur Papa s'appelle Cœur.
Qu
A MADAME D ...
Uand à Marot Dame bonne et gentille
Par bons repas donnoit allegement ,
Pour elle alors Marot de sa Mandille
Tiroit en Vers gentil Remerciment ,
Vers dont un pied valoit une pistole ,
Vers, comme on dit faits tous au petit point
Moi qui ne fus jamais à son école ,
Ne puis donner Vers marquez à son coin ;
Car pour tel cas faudroit avoir sa plume 5
Et tel qui veut sans elle l'imiter ,
S'agite en vain , puis se fâche et s'enthume ,
Mal dangereux. Ce fut pour l'éviter ,
Que m'enhardis à faire un coup de tête.
Voulant avoir pour vous gentil propos,
Droit àMarot j'offris humble Requête ,
Qui seul en fit digne de votre los.
Affectant donc air de condoleance ,
Pour que sa plume il daignât me prêter ,.
Je lui tirai très-bas ma réverence ,
Mais d'un seul mot il sçût bien m'arrêter ;
Ciij Scachez
464 MERCURE DE FRANCE
Sçachez qu'un jour la Parque meurtriere .
Lorsqu'à rimer je prénois mes ébats,
Lorgnant son coup pour m'étendre en la biere ,
Du même coup mit ma plume en éclats.
Or avec moi périt beau badinage , G
Bien que depuis on ait vû maints Marmots
A qui mieux mieux, affecter mon langage ,
En excroquant quelqu'un de mes vieux mots.
Très bien le sçais ; mais souffre qu'on s'explique.
Sire Marot : si mon dit te déplaît , -
Toujours pourras au bas de ma supplique
Mettre un néant , dissiper mes projets.
Si donc ne puis avoir ta plume ancienne ,
Encor est-il remede à ce malheur ;
Nepeux-tu pas du moins tailler la mienne ?
Je sçaurai bien m'en faire ensuite honneur.
Ah ! pour si peu ne te veux éconduire ,
Me dit Marot , d'un visage serein ,
'Ainsi soit fait, si beaux Vers veux déduire.
Il me la taille et me la met en main.
S'il m'eût offert les ducats de sa bourse,
Je n'aurois pas trouvé mon sort si beau,
Tant bien croyois qu'alloient couler de source ,
Ode , Sonnet , Madrigal , ou Rondeau.
Mais par malheur la plume étoit trop fine.
J'écris du dos , pardevant , de travers ,
Tout m'étoit un; dont fis piteuse mine ,
Jamais ne pus mettre ensemble deux Vers.
Sur
MARS. 1732: 465
Sur quoi Marot me voyant si mal faire ,
Dit les gros mots , se mit en grand esmoy :
Quitte , dit-il , ces armes , pauvre hére ,
Si tu ne peux t'en servir comme moi;
A tes amis fais compliment en Prose ,
Sans faire Vers tu peux parler raison :
Car sur les tiens je crains fort qu'on ne glose ,
Crois-moi , l'avis est pour toi de saison.
Je conviendrai que j'aurois de m'y rendre,
Et qu'en tel cas m'eût été plus prudent ,
Si sans rimer vous eusse fait entendre ,
Comment m'avint tant piteux accident ;
Mais peu m'en chaut qu'on dise avec justice
Que ne suis pas bon Versificateur ;
Pour vous, croyez si m'êtes plus propice ,
Que mon esprit est duppe de mon cœur.
ENVO r.
Si vous mesurez ces miens Carmes ;
Avec l'Equerre d'Apollon ,
Iceux seront sans valuë et sans charmes
Et n'y trouverez rien de bon.
Mais prenez une autre balance ,
Vous en connoîtrez la valeur ,
Pour Mere ils ont tendre reconnoissance ,
Et leur Papa s'appelle Cœur.
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Résumé : REMERCIEMENT A MADAME D....
Le poème est adressé à Madame D..., à qui l'auteur exprime sa gratitude pour son hospitalité. L'auteur compare sa capacité poétique à celle de Clément Marot, un poète célèbre, et reconnaît qu'il ne peut atteindre la même excellence. Il relate une rencontre avec Marot, durant laquelle il lui demande de lui prêter sa plume pour écrire des vers en l'honneur de Madame D... Marot refuse, expliquant que sa plume a été détruite par la Parque, mais accepte de tailler celle de l'auteur. Cependant, la plume est trop fine et l'auteur ne parvient pas à écrire correctement. Marot lui conseille alors d'écrire en prose. L'auteur conclut en affirmant que, bien que ses vers ne soient pas parfaits, ils sont empreints de reconnaissance et d'amour pour sa mère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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686
p. 525-534
La Critique, Comédie, &c. [titre d'après la table]
Début :
LA CRITIQUE, Comédie de M. de Boissi, représentée pour la [...]
Mots clefs :
Critique, Comédie, Comédiens-Italiens, Prologue, Faiblesses superstitieuses, Apollon, Chrisante
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Critique, Comédie, &c. [titre d'après la table]
LA CRITIQUE, Comédie de M. de
Boissi , représentée pour la premiere fois
par les Comédiens Italiens le 9. Fevrier
1732. A Paris, chez P. Prault , Quay de
Gesures, 1732. prix 24. sols.
Nous croyons que cette Piece sera luë
avec
26 MERCURE DE FRANCE
avec autant de plaisir qu'on en a vû les
Représentations. Elle est pleine d'esprit
et bien versifiée ; mais comme ce n'est
pas une Comédie réguliere , et que beau
coup de Scenes pourroient s'en détacher
aisément , sans nuire au progrès de l'action , nous n'en donnerons pas un Extrait
bien regulier , quoiqu'il y ait de quoi en
faire un fort long , si nous voulions y
faire entrer tout ce qui a été applaudi.
Cette Piece est precédée d'un Prologue
intitulé , L'Auteur Superstitieux. Dans la
Représentation , le sieur Romagnesi ,
sous le nom de Clitandre , entre très- bien
dans ce caractere. Il dit à son ami Damon
qui combat ses foiblesses superstitieuses.
L'Interêt , la gloire avec l'Amour ;
Ils m'occupent tous trois , et dans ce même jour,
Onjuge mon affaire , on doit jouer ma Piece ,
Et je suis sur le point d'épouser ma Maîtresse....
Tous mes sens sont émus d'une façon terrible.
Pour l'interêt , amis , je suis très -peu sensible.
Si je perds mon procès , comme je le crois fort ,
Je m'en consolerai sans faire un grand effort.
Pour l'Amour et la gloire il n'en est pas de même,
Tous deux mé font sentir leur ascendant suprême ,
Tous deux d'un feu pareil enflâment mon desir ,
Et sont enmême temps ma peine et mon plaisir.
Dans
7
MARS. 1732. 527
Dans mes sens agitez leur cruelle puissance ,
Fait succeder la peur sans cesse à l'esperance.
Plaire à l'objet que j'aime, et mevoir son époux
Offreà moncœur sensible un triomphe bien doux;
Mais la crainte de perdre un bien si plein de
charmes,
Y porte au même instant les plus vives allarmes.
Par un brillant Ouvrage assembler tout Paris ,
Réunir tous les goûts, charmer tous les esprits ,
Malgré tous les efforts que tente la Critique ,
Captiver par son Art l'attention publique ,
Forcer deux mille mains d'applaudir à la fois ,
Et s'entendre loüer d'une commune voix ,
Presente à mon esprit la plus haute victoire
D'un Guerrier qui triomphe on égale la gloire :
Mais si l'honneur est grand le revers est affreux;
DuParterre indigné , les cris tumultueux,
Sa fureur qui maudit et l'Auteur et l'Ouvrage ,
La tristesse et l'ennui peints sur chaque visage,
Tous les brocards malins qu'on vous donne en
1
:
sortant ,
Et votre nom en butte au mépris éclatant.
Le desert qui succede à la foule écartée ,
Accablent à leur tour mon ame épouventée ;
Je crains de deux côtez d'avoir un sort fâcheux ,
D'être Amant traversé comme Auteur malheu reux.
Il ajoûte en répondant à Damon.
Tout
28, MERCURE DE FRANCE
Tout ce que vous direz ne servira de rien ;
Et pour finir le cours d'un pareil entretien ,
Né superstitieux , je ne suis pas mon Maître ,
Je pense commevous qu'il est honteux de l'être.
Ma raison me le dit , mais elle perd ses soins ;
J'en sens le ridicule et ne le suis pas moins.
Contre les préjugez en vain on se rebelle ,
Lasuperstition à l'homme est naturelle ,
Et le hazard malin pour la fortifier >
Se plaît incessamment à la justifier.
Je l'ai trop éprouvé dans plus d'une occurrence
La raison ne tient pas contre l'experience;
Et votre cœur peut- être auroit le même effroi ,
Si vous étiez, Monsieur, sur le point comme moi,
D'attirer du Public la loüange ou le blâme ,
De perdre ou d'obtenir l'objet de votre flame.
La Scene du Prologue se passe chezClitandre.
Les Acteurs de la Piece , dont la Scene
est au Parnasse , sont Apollon , Thalie ,
la Critique.Un Auteur satyrique , le sieur
Dominique, Chrisante, homme singulier,
le sieur Romagnesi. La Médisance , la
Dlle Sylvia. Le Vaudeville , le sieur Thévenot. Coxesus, Arlequin.La Contredanse,
le Tambourin , le Menuet , &c.
Apollon et Thalie ouvrent la Scene ;
la Muse commence ainsi.
Seigneur,
MARS. 1732 5299
Seigneur , malgré la brigue et la clameur pu
blique , 1
Parmi les doctes Sœurs vous venez de placer
La juste et la saine Critique.
Elle vient s'établir dans l'Etat Poëtique,
Pour y maintenir l'ordre et pour le policer.
Je ne sçaurois, pour moi qui préside au Comique,
Et qui tiens de ses traits mon plus grand agré ment ,
Donner à votre choix trop d'applaudissement.
Quel bonheur de la voir gouverner le Parnasse
Elle qui par le vrai se regle uniquement ,
Et ne fait à personne injustice ni grace,
Apollon.
Dans le monde on a d'elle une autre opinion
Par un injuste effet de la prévention
De tout le Genre humain on la croit l'ennemie
On croit que sans égard et sans distinction ,
Elle condamne tout par une basse envie.
Pour détruire les faux Portraits ,
Qu'a fait d'elle en tous lieux la noire calomnie ,
Il faut aux yeux de tous qu'elle se justifie ,
Et dévoile an grand jour ses veritables traits.
Chacun viendra lui rendre hommage
Et la feliciter sur ses honneurs nouveaux ;
Elle doit faire voir que son goût toûjours sage,
Scait approuver le vrai , comme blâmer le faux;
Qu'elle
530 MERCURE DE FRANCE
Qu'elle reprend sans fiel , et que son badinage ,
Sans blesser la personne , attaque les deffauts ;
Elle ne prétend plus sur tout qu'on la confonde ,
Avec la Satyre , sa sœur ,
Qui sous son nom , s'affichant dans le
monde ,
Lui fair partager sa nóirceur ;
Elle sent trop qu'il est de son honneur,
De démasquer cette même Satyre ,
Qui dans sa maligne fureur
Ne reprend point par le désir d'instruire ,
Mais par le noir plaisir qu'elle prend à médire
Et de désavoüer tous ces Auteurs obscurs
Dont la plume anonyme,
Jusques sur la vertu , répand ses traits impurs
Et qu'inspire en secret , sa scœur illégitime.
t Je dois moi-même les punir ,
.Et pour jamais bannir
Cette engeance coupable ,
Pour la gloire de l'Art qu'elle rend méprisable,
Dans la troisiéme Scene , Chrisante
s'applaudit d'un ouvrage qu'il a entrepris ; c'est la Critique du Public. Ce Tableau présenté au Public lui - même ,
sous les traits les plus ressemblans , est un
morceau
MARS. 17320 535
morceau que nous n'avons pas cru devoir
ometre.
Apollon.
mais voudriez- vous bien Le projet est nouveau ,
Me détailler et m'apprendre
Ce que dans le Public vous trouvez à reprendre
Soit dans ses actions , ou dans son entretien ?
Chrisante.
Mille travers , mille bévuës ,
Son gout pour le Clinquant , dont il est le sou tien ,
Et pour la nouveauté qu'il porte jusqu'aux nuës,
Ou qu'il met au dessous du rien ;
Carjamais il ne garde un milieu raisonnable
Chez lui tout est divin , ou tout est misérable.
Sa fureur pour la mode et pour tout Charlatan 7
Tous les usages foux dont il est partisan ,
Toutes ses politesses fades ,
Ses visites , ses embrassades ,
Et ses saluts du premier jour de l'an,
Du Carnaval ses Mascarades ,
Du Mardy Gras son transport Calotin ,
Et son air sot le lendemain ;
Son exercice aux Thuileries',
Ses caracols , ses lorgneries ;
'Aux Spectacles , ses flots , ses vertiges frequens ,
Ses battemens de mains donnez à contre- temps :
£ Tous
32 MERCURE DE FRANCE
Toutes ses moucheries ,
Ses baillemens , ses crachemens
Aux endroits les plus beaux , les plus interes sans ;
Son ridicule étrange
De recevoir avidement
La plus insipide louange ,
d'applaudir toujours le banal compliment ;
Qu'on lui retourne incessament ;
Sa rage opiniatre ,
De crier presqu'à tout moment ,
Place aux Dames , place au Théatre;
Parlez plus haut ; l'habit noir , chapeau bas ♬
Paix , Monsieur l'Abbé , haut les bras ;
Annoncez ; bis , la Capriole,
Et pour tout dire , enfin , l'insupportable Rôle
Qu'il fair , dès qu'au Parterre il se trouve pressé ,
Ce qui révolte l'ame , et fait hausser l'épaule
A tout homme de gout , છેà. tout homme sensé,
Apollon.
Vous peignez là la multitude ,
Mere du tumulte et du bruit ,
Que n'arrête aucun frein , que l'exemple séduit
Qu'entraîne la coutume , ou l'aveugle habitude
Et non le vrai Public que la raison conduit ,
?
D'où part ce grand corps de lumiere ,
Qui me guide moi - même , et sans cesse m³é—
Claire Ce
MARS. 17320 333
Ce Public, en un mot , avec choix assemblé
Tel qu'on le voit paroître
Aux yeux d'un Théatre réglé.
Quand il écoute en Sage , et qu'il prononce es
Maître
Ses Arrêts qui le font si dignement connoître,
Et dont nul , avant vous , n'a jamais appellé.
Pour mettre le Lecteur en état de juger
du Dialoguede cette Piece , voici le commencement de la 6* Scene , entre la Critique et la Médisance.
Madame , je prens part , comme votre parenté
A votre fortune éclatante.
La Critique.
Pardon, j'ai de la peine à remettre vos traits
J'ai beau vous regarder de près.
La Médisance.
J'ai poutant avec vous assez de ressemblance
La Critique ne devroit pas
Méconnoître la Médisance.
Et de moi dans le monde on fait assez de cas ;
Pour m'avouer d'abord sans nulle repugnance.
La Critique.
Si je vous méconnois , il n'est pas surprenant;
Le chemin que je tiens , est different du vôtre ;
Fij La
$ 34 MERCURE DE FRANCE
La Raison et le Vrai , me guident constam
ment,
Et vous plaisés le plus souvent ,
Aux dépens de l'un et de l'autre , &c.
Les dernieres Scenes se passent entre la
Critique , le Vaudeville , la Contredanse ,
le Menuet , &c. et la Piéce finit par un
diverti
Boissi , représentée pour la premiere fois
par les Comédiens Italiens le 9. Fevrier
1732. A Paris, chez P. Prault , Quay de
Gesures, 1732. prix 24. sols.
Nous croyons que cette Piece sera luë
avec
26 MERCURE DE FRANCE
avec autant de plaisir qu'on en a vû les
Représentations. Elle est pleine d'esprit
et bien versifiée ; mais comme ce n'est
pas une Comédie réguliere , et que beau
coup de Scenes pourroient s'en détacher
aisément , sans nuire au progrès de l'action , nous n'en donnerons pas un Extrait
bien regulier , quoiqu'il y ait de quoi en
faire un fort long , si nous voulions y
faire entrer tout ce qui a été applaudi.
Cette Piece est precédée d'un Prologue
intitulé , L'Auteur Superstitieux. Dans la
Représentation , le sieur Romagnesi ,
sous le nom de Clitandre , entre très- bien
dans ce caractere. Il dit à son ami Damon
qui combat ses foiblesses superstitieuses.
L'Interêt , la gloire avec l'Amour ;
Ils m'occupent tous trois , et dans ce même jour,
Onjuge mon affaire , on doit jouer ma Piece ,
Et je suis sur le point d'épouser ma Maîtresse....
Tous mes sens sont émus d'une façon terrible.
Pour l'interêt , amis , je suis très -peu sensible.
Si je perds mon procès , comme je le crois fort ,
Je m'en consolerai sans faire un grand effort.
Pour l'Amour et la gloire il n'en est pas de même,
Tous deux mé font sentir leur ascendant suprême ,
Tous deux d'un feu pareil enflâment mon desir ,
Et sont enmême temps ma peine et mon plaisir.
Dans
7
MARS. 1732. 527
Dans mes sens agitez leur cruelle puissance ,
Fait succeder la peur sans cesse à l'esperance.
Plaire à l'objet que j'aime, et mevoir son époux
Offreà moncœur sensible un triomphe bien doux;
Mais la crainte de perdre un bien si plein de
charmes,
Y porte au même instant les plus vives allarmes.
Par un brillant Ouvrage assembler tout Paris ,
Réunir tous les goûts, charmer tous les esprits ,
Malgré tous les efforts que tente la Critique ,
Captiver par son Art l'attention publique ,
Forcer deux mille mains d'applaudir à la fois ,
Et s'entendre loüer d'une commune voix ,
Presente à mon esprit la plus haute victoire
D'un Guerrier qui triomphe on égale la gloire :
Mais si l'honneur est grand le revers est affreux;
DuParterre indigné , les cris tumultueux,
Sa fureur qui maudit et l'Auteur et l'Ouvrage ,
La tristesse et l'ennui peints sur chaque visage,
Tous les brocards malins qu'on vous donne en
1
:
sortant ,
Et votre nom en butte au mépris éclatant.
Le desert qui succede à la foule écartée ,
Accablent à leur tour mon ame épouventée ;
Je crains de deux côtez d'avoir un sort fâcheux ,
D'être Amant traversé comme Auteur malheu reux.
Il ajoûte en répondant à Damon.
Tout
28, MERCURE DE FRANCE
Tout ce que vous direz ne servira de rien ;
Et pour finir le cours d'un pareil entretien ,
Né superstitieux , je ne suis pas mon Maître ,
Je pense commevous qu'il est honteux de l'être.
Ma raison me le dit , mais elle perd ses soins ;
J'en sens le ridicule et ne le suis pas moins.
Contre les préjugez en vain on se rebelle ,
Lasuperstition à l'homme est naturelle ,
Et le hazard malin pour la fortifier >
Se plaît incessamment à la justifier.
Je l'ai trop éprouvé dans plus d'une occurrence
La raison ne tient pas contre l'experience;
Et votre cœur peut- être auroit le même effroi ,
Si vous étiez, Monsieur, sur le point comme moi,
D'attirer du Public la loüange ou le blâme ,
De perdre ou d'obtenir l'objet de votre flame.
La Scene du Prologue se passe chezClitandre.
Les Acteurs de la Piece , dont la Scene
est au Parnasse , sont Apollon , Thalie ,
la Critique.Un Auteur satyrique , le sieur
Dominique, Chrisante, homme singulier,
le sieur Romagnesi. La Médisance , la
Dlle Sylvia. Le Vaudeville , le sieur Thévenot. Coxesus, Arlequin.La Contredanse,
le Tambourin , le Menuet , &c.
Apollon et Thalie ouvrent la Scene ;
la Muse commence ainsi.
Seigneur,
MARS. 1732 5299
Seigneur , malgré la brigue et la clameur pu
blique , 1
Parmi les doctes Sœurs vous venez de placer
La juste et la saine Critique.
Elle vient s'établir dans l'Etat Poëtique,
Pour y maintenir l'ordre et pour le policer.
Je ne sçaurois, pour moi qui préside au Comique,
Et qui tiens de ses traits mon plus grand agré ment ,
Donner à votre choix trop d'applaudissement.
Quel bonheur de la voir gouverner le Parnasse
Elle qui par le vrai se regle uniquement ,
Et ne fait à personne injustice ni grace,
Apollon.
Dans le monde on a d'elle une autre opinion
Par un injuste effet de la prévention
De tout le Genre humain on la croit l'ennemie
On croit que sans égard et sans distinction ,
Elle condamne tout par une basse envie.
Pour détruire les faux Portraits ,
Qu'a fait d'elle en tous lieux la noire calomnie ,
Il faut aux yeux de tous qu'elle se justifie ,
Et dévoile an grand jour ses veritables traits.
Chacun viendra lui rendre hommage
Et la feliciter sur ses honneurs nouveaux ;
Elle doit faire voir que son goût toûjours sage,
Scait approuver le vrai , comme blâmer le faux;
Qu'elle
530 MERCURE DE FRANCE
Qu'elle reprend sans fiel , et que son badinage ,
Sans blesser la personne , attaque les deffauts ;
Elle ne prétend plus sur tout qu'on la confonde ,
Avec la Satyre , sa sœur ,
Qui sous son nom , s'affichant dans le
monde ,
Lui fair partager sa nóirceur ;
Elle sent trop qu'il est de son honneur,
De démasquer cette même Satyre ,
Qui dans sa maligne fureur
Ne reprend point par le désir d'instruire ,
Mais par le noir plaisir qu'elle prend à médire
Et de désavoüer tous ces Auteurs obscurs
Dont la plume anonyme,
Jusques sur la vertu , répand ses traits impurs
Et qu'inspire en secret , sa scœur illégitime.
t Je dois moi-même les punir ,
.Et pour jamais bannir
Cette engeance coupable ,
Pour la gloire de l'Art qu'elle rend méprisable,
Dans la troisiéme Scene , Chrisante
s'applaudit d'un ouvrage qu'il a entrepris ; c'est la Critique du Public. Ce Tableau présenté au Public lui - même ,
sous les traits les plus ressemblans , est un
morceau
MARS. 17320 535
morceau que nous n'avons pas cru devoir
ometre.
Apollon.
mais voudriez- vous bien Le projet est nouveau ,
Me détailler et m'apprendre
Ce que dans le Public vous trouvez à reprendre
Soit dans ses actions , ou dans son entretien ?
Chrisante.
Mille travers , mille bévuës ,
Son gout pour le Clinquant , dont il est le sou tien ,
Et pour la nouveauté qu'il porte jusqu'aux nuës,
Ou qu'il met au dessous du rien ;
Carjamais il ne garde un milieu raisonnable
Chez lui tout est divin , ou tout est misérable.
Sa fureur pour la mode et pour tout Charlatan 7
Tous les usages foux dont il est partisan ,
Toutes ses politesses fades ,
Ses visites , ses embrassades ,
Et ses saluts du premier jour de l'an,
Du Carnaval ses Mascarades ,
Du Mardy Gras son transport Calotin ,
Et son air sot le lendemain ;
Son exercice aux Thuileries',
Ses caracols , ses lorgneries ;
'Aux Spectacles , ses flots , ses vertiges frequens ,
Ses battemens de mains donnez à contre- temps :
£ Tous
32 MERCURE DE FRANCE
Toutes ses moucheries ,
Ses baillemens , ses crachemens
Aux endroits les plus beaux , les plus interes sans ;
Son ridicule étrange
De recevoir avidement
La plus insipide louange ,
d'applaudir toujours le banal compliment ;
Qu'on lui retourne incessament ;
Sa rage opiniatre ,
De crier presqu'à tout moment ,
Place aux Dames , place au Théatre;
Parlez plus haut ; l'habit noir , chapeau bas ♬
Paix , Monsieur l'Abbé , haut les bras ;
Annoncez ; bis , la Capriole,
Et pour tout dire , enfin , l'insupportable Rôle
Qu'il fair , dès qu'au Parterre il se trouve pressé ,
Ce qui révolte l'ame , et fait hausser l'épaule
A tout homme de gout , છેà. tout homme sensé,
Apollon.
Vous peignez là la multitude ,
Mere du tumulte et du bruit ,
Que n'arrête aucun frein , que l'exemple séduit
Qu'entraîne la coutume , ou l'aveugle habitude
Et non le vrai Public que la raison conduit ,
?
D'où part ce grand corps de lumiere ,
Qui me guide moi - même , et sans cesse m³é—
Claire Ce
MARS. 17320 333
Ce Public, en un mot , avec choix assemblé
Tel qu'on le voit paroître
Aux yeux d'un Théatre réglé.
Quand il écoute en Sage , et qu'il prononce es
Maître
Ses Arrêts qui le font si dignement connoître,
Et dont nul , avant vous , n'a jamais appellé.
Pour mettre le Lecteur en état de juger
du Dialoguede cette Piece , voici le commencement de la 6* Scene , entre la Critique et la Médisance.
Madame , je prens part , comme votre parenté
A votre fortune éclatante.
La Critique.
Pardon, j'ai de la peine à remettre vos traits
J'ai beau vous regarder de près.
La Médisance.
J'ai poutant avec vous assez de ressemblance
La Critique ne devroit pas
Méconnoître la Médisance.
Et de moi dans le monde on fait assez de cas ;
Pour m'avouer d'abord sans nulle repugnance.
La Critique.
Si je vous méconnois , il n'est pas surprenant;
Le chemin que je tiens , est different du vôtre ;
Fij La
$ 34 MERCURE DE FRANCE
La Raison et le Vrai , me guident constam
ment,
Et vous plaisés le plus souvent ,
Aux dépens de l'un et de l'autre , &c.
Les dernieres Scenes se passent entre la
Critique , le Vaudeville , la Contredanse ,
le Menuet , &c. et la Piéce finit par un
diverti
Fermer
Résumé : La Critique, Comédie, &c. [titre d'après la table]
La pièce 'La Critique' de M. de Boissi a été représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens le 9 février 1732 à Paris. Cette comédie est décrite comme pleine d'esprit et bien versifiée, mais elle ne suit pas une structure régulière. Le texte mentionne un prologue intitulé 'L'Auteur Superstitieux', dans lequel le personnage Clitandre, interprété par le sieur Romagnesi, exprime ses angoisses avant la représentation de sa pièce et son mariage imminent. Il parle de ses craintes concernant le jugement du public, l'amour et la gloire. La scène principale se déroule au Parnasse et met en scène plusieurs personnages, dont Apollon, Thalie, la Critique, et divers autres acteurs. Apollon et Thalie discutent de l'importance de la Critique, qui doit maintenir l'ordre et la justice dans le domaine poétique. La Critique se défend contre les préjugés qui la présentent comme une ennemie, affirmant qu'elle juge avec sagesse et sans partialité. Chrisante critique le public pour ses travers et ses comportements ridicules, comme son goût pour la mode, ses politesses excessives, et ses réactions exagérées lors des spectacles. Apollon distingue ce public superficiel du véritable public guidé par la raison. La pièce se termine par une interaction entre la Critique et la Médisance, où la Critique affirme qu'elle est guidée par la raison et la vérité, contrairement à la Médisance. Les dernières scènes impliquent la Critique, le Vaudeville, la Contredanse, et le Menuet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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687
p. 542-643
Société de Medecine, [titre d'après la table]
Début :
Les Amateurs de la Médecine, de la Phisique, de l'Histoire [...]
Mots clefs :
Société de médecine, Nouvelles littéraires, Correspondance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Société de Medecine, [titre d'après la table]
Les Amateurs de la Médecine, de la Phisique,
de
MARS, 1732. 543 de l'Histoire Naturelle , et de tout ce qui peut y
avoir quelque rapport , seront bien- aises d'ap
prendre qu'il s'est formé à Nuremberg une Société des plus habiles Médecins , qui par leurs
correspondances , qu'ils tâchent d'augmenter de
jour en jour , par toute l'Europe , s'occupent à
publier toutes les semaines une Feuille en latin ,
remplie des meilleures et des plus nouvelles Observations , Problêmes , Extraits , &c. à ce qui est relatif à ces Sciences. Ils y ajoutent de temps
en temps des Nouvelles Litteraires les plus inté
ressantes , pour ne rien négliger de ce qui pour-,
roit contribuer à établir une correspondance:
universelle , et par là à perfectionner de plus en
plus la connoissance de la Nature et de l'Art salutaire. On en voit un Volume entier , pour l'année 1731. qui contient so Feuilles, avec l'Extrait.
des articles , et un Indice des matieres. On a inseré au commencement de ce Tome , les deux
Consultations , publiées il y a plus d'un an , qui
donnent une idée parfaite du louable dessein des Membres de cette Société , tant pour
d'y pouvoir Souscrire , que pour ce qui regarde
l'Ouvrage méme. On trouve quelque Exemplaires de ce Volume , chez M. E. Neaulme ,
Utrecht , chez qui l'on peut faire tenir les Lettres
et autres Piéces sçavantes pour la Société de Nu-
, remberg.
de
MARS, 1732. 543 de l'Histoire Naturelle , et de tout ce qui peut y
avoir quelque rapport , seront bien- aises d'ap
prendre qu'il s'est formé à Nuremberg une Société des plus habiles Médecins , qui par leurs
correspondances , qu'ils tâchent d'augmenter de
jour en jour , par toute l'Europe , s'occupent à
publier toutes les semaines une Feuille en latin ,
remplie des meilleures et des plus nouvelles Observations , Problêmes , Extraits , &c. à ce qui est relatif à ces Sciences. Ils y ajoutent de temps
en temps des Nouvelles Litteraires les plus inté
ressantes , pour ne rien négliger de ce qui pour-,
roit contribuer à établir une correspondance:
universelle , et par là à perfectionner de plus en
plus la connoissance de la Nature et de l'Art salutaire. On en voit un Volume entier , pour l'année 1731. qui contient so Feuilles, avec l'Extrait.
des articles , et un Indice des matieres. On a inseré au commencement de ce Tome , les deux
Consultations , publiées il y a plus d'un an , qui
donnent une idée parfaite du louable dessein des Membres de cette Société , tant pour
d'y pouvoir Souscrire , que pour ce qui regarde
l'Ouvrage méme. On trouve quelque Exemplaires de ce Volume , chez M. E. Neaulme ,
Utrecht , chez qui l'on peut faire tenir les Lettres
et autres Piéces sçavantes pour la Société de Nu-
, remberg.
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Résumé : Société de Medecine, [titre d'après la table]
En mars 1732, une Société des Médecins a été fondée à Nuremberg. Composée d'experts en médecine et en sciences naturelles, cette société entretient une correspondance à travers l'Europe pour échanger des observations, des problèmes et des extraits relatifs à ces domaines. Elle publie chaque semaine une feuille en latin contenant des informations scientifiques et littéraires. Pour l'année 1731, un volume entier de ces publications est disponible, incluant un extrait des articles et un index des matières. Le volume commence par deux consultations publiées plus d'un an auparavant, qui expliquent les objectifs et les modalités de souscription à la société. Des exemplaires de ce volume sont disponibles chez M. E. Neaulme à Utrecht, qui sert également de point de contact pour les correspondances scientifiques destinées à la Société de Nuremberg.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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688
p. 554-561
EXTRAIT de la Tragi-Comedie de Danaüs, de M. de Lisle, représentée sur le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, le 21. Janvier 1732.
Début :
L'Auteur a conservé dans cette Piece toute l'Histoire [...]
Mots clefs :
Danaüs, Danaïdes, Tragicomédie, Hôtel de Bourgogone, Monologue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la Tragi-Comedie de Danaüs, de M. de Lisle, représentée sur le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, le 21. Janvier 1732.
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Tragi-Comedie de
Danaüs , de M. de Lisle , représentée
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne ,
le 21. Janvier 1732.
L'AU
'Auteur a conservé dans cette Piece toute
l'Histoire des Danaïdes , elles y égorgent
leurs Epoux par l'ordre de Danaüs; la seule Hyper
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
1
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.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
*
E
L
lew
MARS. 1732. 555
permnestre sauve Lincée ; et pour traiter d'ane
maniere nouvelle ce Sujet, qui est connu sur notre Théatre, l'Auteur n'y fait point paroître Lin
ée , qui cependant est le mobile de tout ce qui
se passe sur la Scene ; l'Episode d'Argée y pro- duit des interêts nouveaux et des situations toutes differentes de celles où jusqu'ici l'on a fait
voir Hypermnestre ; ce même Argée est supposé
fils de Gelanor, Roy d'Argos , et qui fut déposé
dans le temps que ses Sujets rebelles choisirent Danaus pour lui succeder. Ce jeune Prince ignore sa naissance ; et Créon , son Gouverneur, qui passe pour être son pere , en a seul te secret. I
est amoureux d'Hypermnestre , et il est aimé ;
Danaus qui lui doit une partie de ses victoires ,
l'avoit destiné à l'Hymen d'Hypermnestre , qu'il
n'a suspendu que pour envelopper dans la mort
de tous ses Neveux , celui dont l'Oracle l'avoit
inenacé le caractere d'Argée est grand et même
nouveau, sa generosité superieure à l'Amour et à
l'Ambition , se réunit naturellement avec les sentimens de devoir , ausquels Hypermnestre se livre absolument. On voit par tout dans cette Piece
une vertu épurée , opposée au crime et à l'injustice ; les innocens sont couronnez par la Catastrophe et les Criminels punis.
Cette Tragédie n'est qu'en trois Actes ; on n'y
a ajoûté des Intermedes que par rapport au Théatre Italien. Ils sont ingénieux et l'idée en est
nouvelle , ils composent une petite Comédie qui
naît du plus grand tragique ; elle présente une
ébauche des maux que les crimes des Grands font tomber sur le Public.
Quidquid delirant Reges , plectuntur Achivi.
L'Auteur fait jouer sur le même Sujet la Tra- G gédic
L
h
$56 MERCURE DE FRANCE
gédie à la Cour , et la Comédie à la Ville , et
chaque Acte tragique en produit un comique.
Au premier Acte , la Scene se passe dans la
nuit, et commence au moment que Danaus compte que ses Neveux sont morts. Créon et Idas ouvrent la Scene; le premier est un ancien Capitaine
du Roy Gelanor , et crû pere d'Argée , et l'autre
est aussi un vieux Officier attaché au même Roy.
Il revient de l'exil que sa fidelité pour son Prince
lui avoit attiré. Ces deux amis se retrouvent
dans Argos après une longue absence ; et dans le
détail de leurs avantures , ils exposent le Sujet
par l'Histoire de Gelanor et de Danaüs , celle
d'Argée , son amour pour Hypermnestre , et le
Mariage de cette Princesse avec Lincée , qui dé--
truit sans ressource toutes les esperances d'Argée.
Cete Scene finit par le récit que fait Créon d'un
prodige arrivé dans le Temple au moment de la solemnité du Mariage des Princes avec les Princesses , &c.
Danaus , accompagné d'Antenor , son Confi.
dent et Sacrificateur , apprend que ses Neveux
ont été égorgez ; il se livre à tous les remords
dont il est agité, rappelle à Antenor que c'est lui
qui par ses conseils l'a déterminé à ces forfaits .
Il appréhende que le Soleil ne découvre bientôt
aux Mortels les horreurs que les tenebres de la nuit
lui ont cachez. Il prévoit que son Frere ya bientot arriver avec toutes les forces de l'Egypte pour
venger la mort de ses fils , et il ajoûte qu'il veut
( en couronnant la tendresse d'Argée ) opposer
sa valeur aux efforts d'Egyptus , et qu'il a mandé cet Amant malheureux , &c.
Argée arrive , Danaus lui fait entrevoir qu'il
est sur le point d'être heureux. Argée en est fort
surpris, scachant que la Princesse est entre les
bras
MARS. 17320 557
bras de son Epoux.Danaüs lui rappelle l'histoire
de sa vie , et celle d'Egyptus , les raisons qui le
firent sortir de l'Egypte , et celles de la haine
qui étoit entre son Frere et lui ; et enfin comme il
est parvenu au Thrône d'Argos, où il se voit encore menacé par des nouveaux périls, &c. Argée
étonné de ce qu'il vient d'entendre , dit à Danaüs, que l'alliance qu'il vient de contracter avec
Egyptus , le met au dessus de tout ce que ses
ennemis pourroient entreprendre. Danaus lui
apprend enfin que l'Oracle l'a averti qu'il devoit
périr par la main d'un de ses Neveux , que c'est
pour le prévenir que sous les noms de Paix et
d'Hymenée , il les a attiré dans Argos , et que
ses filles viennent de les égorger.
Argée épouvanté , demande à Danaus si Hypermnestre a été capable d'un si noir attentat.Danaus lui fait entendre qu'elle lui rend par là son
cœur.
Argée déteste encore dans un Monologue le
crime de Danaus , il frémit de ce qu'il veut lui
rendre une Amante, teinte du sang de son Epoux,
il préfere la mort à cet hymen , et n'est sensible
qu'à la haine des forfaits , qui révoltent son ame contre la Princesse. Elle arrive ; il ne la voit
qu'avec horreur. La Princesse lui apprend qu'elle
a sauvé son Epoux, contre les Ordres du Roy;
quoiqu'il l'eut flaté de l'espoir d'épouser Argée.
Hypermnestre dit à Argée qu'elle n'a recours
qu'à sa générosité , pour sauver son rival. Argée
charmé de voir que la Princesse n'est point criminelle , se livre au plaisir de la voir toujours
digne de lui ; il veut seconder sa vertu , aux dépens de son amour et de sa vie , et part pour
exécuter ce gencreux dessein.
Dans le premier Intermede , Arlequin et EuGij phro
558 MERCURE DE FRANCE
phrosine sa future épouse , viennent au lever. de
l'Aurore , dans un Bois consacré à l'Hymen ; le
pere d'Euphrosine saisit la naissance d'un si
beau jour , pour achever leur hymen , trouvant
que l'aspect du Ciel est favorable à l'Amour. Il
en juge par l'Hymen des Princes d'Egypte ,
avec les Filles de Danaüs ; et appuye son jugement sur la réfléxion qu'il fait , que nous sommes necessairement entraînez par la destinée
nos Rois , et que nous partageons leurs malheurs comme leurs félicités. On chante, on danse ; mais dans le plus fort de la fête , la mere
d'Euphrosine vient apprendre que les Fils d'E
gyptus ont été tuez par leurs Epouses , &c. Arlequin fait divers Lazzis de frayeur , et prend la
fuite.
Au second Acte , Argée arrive , accompagné
de Créon. Ce Prince lit l'Acte public , par lequel
Géanor le reconnoît pour son fils. Créon lui apprend les raisons qu'il a eues de lui cacher sa nais- sance , et l'exhorte à profiter du crime de Danaus , pour remonter sur le Thrône ; il lui dit que
tous ses amis assiégent les Portes du Palais , et
qu'ils n'attendent que lui pour punir le Tyran.
Argée surmontant l'amour et l'ambition , lui répond que Danaus n'a point eu de part à l'exil de
son Pere , &c. qu'il doit toujours reconnoître
en lui le Pere d'Hypermnestre , qu'il veut même
le servir , puisque ce Prince lui offre encore ia
Princesse et l'Empire , et qu'il se déshonorerojt
s'il lui ravissoit avec la vie,des biens qu'il veut lui rendre , &c.
Créon admire la grandeur d'ame de ce Prince
et voulant le conserver pour le bien de sa Patrie
il sort pour donner le signal de l'attaque et faire
agir Lyncée contre Danaus , &c.
Danaus
MARS. 1732 559
き
Danaus entre avec un Officier qui lui apprend
que Lyncée est échapé , et qu'il l'a vû escorté
du seul Argée , et que le bruit se répand que ce
dernier est le fils de Gélanor. Danaus frappé de
ces circonstances, ordonne qu'on arrête Argée et
Créon , et fait chercher Hypermnestre. Danaus se livre ensuite à ses craintes et à ses temords.
Hypermnestre vient joindre Danaus. Ce Prin
ce lui demande si son Epoux est mort ou vivant. La Princesse répond fierement qu'elle l'a
sauvé. Danaus furieux , lui demande quelle ré- compense elle en attend ? La mort , dit- elle. Danaus la lui promet d'abord, mais combattu par la
crainte , il tâche finement de séduire la Princesse,
en lui faisant envisager que l'action de générosité qu'elle vient de faire , entraîne nécessairement
la mort de son pere , sans compter les malheurs
de sa patrie , par les efforts qu'Egyptus va faire'
pour vanger la mort de ses fils . Danaus toujours
irrité , lui dit encore qu'il est informé de tous ses crimes, et que c'est Argée qui a sauvé son Epoux.
Hypermnestre épouvantée , lui répond de ne pas
mettre le comble aux horreurs de son injustice ,
et que son crime seul suffit pour son supplice.
Antenor vient apprendre à Danaus que son Palais est attaqué. Ses Gardes forcés , et que son
Neveu est à la tête des conjurez , assemblez par
les soins de Créon. La Princesse étonnée des périls qui menacent son pere , le conjure d'avoir recours à la valeur d'Argée. Danaus furieux , lui
dit que pour épouvanter les Rebelles , il le va faire immoler à leurs yeux , et forme le dessein de la faire immoler elle - même sur l'Autel des Euménides ; il commande à ses Gardes de l'y conduire , il se retire pour aller s'opposer aux Rebelles , &c.
G iij Dans
560 MERCURE DE FRANCE.
Dans l'Intermede du second Acte, Arlequin armé
de toutes Pieces , paroît tremblant de peur, muni d'une Bouteille de vin ; comme il se croit en lieu
de sureté , il fait des réfléxions comiques et satiriques sur tout ce qui se passe actuellement dans
Argos. Dans le temps qu'il boit pour prendre
courage , un bruit de guerre , et les clameurs des
combatans l'interrompent ; il veut prendre la fuite , mais il est empêché par l'entrée de ces mêmes combattans , qui font un combat en forme
de Balet, dans lequel le parti de Danaüs est battu,
et celui d'Argée celebre la victoire par de nouvelles Danses. On apperçoit Arlequin , caché à
un coin du Théatre , qui contrefait le mort. Un des combattans lui enterre sa Bouteille et l'oblige de le suivre au combat. Arlequin dit en
s'en allant , que s'il y rencontre la Victoire , la.
peur ne manquera pas de la conduire sur ses pas.
Cette Scene est tres- comique et dans le vrai ca.
ractere d'Arlequin..
Le troisiéme Acte commence par un Monolo gue d'Hypermnestre ; elle a été conduite à l'Au
tel des Eumenides , pour y être sacrifiée ; elle
s'abandonne à sa douleur. Argée , dit- elle, va être
immolé pour elle , son Epoux est armé , et son
Pere va périr ; elle ne sçait pour qui faire des
vœux;quand Idas arrive , il lui apprend qu'Argée est sauvé , et que tout a changé de face. La
Princesse demande d'abord ce que son Pere et son
Epoux sont devenus ; Idas lui dit qu'il les a vûs.
engagez dans le combat , et lui en fait le détail
qu'Argée s'est armé avec précipitation et que
suivi de l'Elite de ses libérateurs , îl s'est mêlé
tout furieux , parmi les combattans. Hypermnestre craint d'abord que ce Prince n'ait dessein de se vanger de son Pere ; mais sa générosité la ras--
sure
MARS. 1732 561
sure. Elle ordonne à Idas de l'aller joindre dans
un si grand péril. Antenor arrive, suivi d'une Troupe supérieure , et se rend maître du Temple ; il dit à la Princesse qu'il faut qu'elle en ré- tire son Pere elle - même par son sang , puisque
c'est son infidelité qui cause tous ses malheurs et
que le Roy prêt à périr , veut que tous ses enne- mis l'emmenent aux enfers. La Princesse se détermine généreusement à la mort , et se jette au
pieds de l'Autel pour être immolée. Antenor fait son invocation , et dans le temps qu'il leve les
bras pour la sacrifier , Danaus arrive , blessé à
mort et soutenu par Argée et par Créon. Il dit
qu'un sang plus criminel doit appaiser les Dieux,
et ordonne aux Prêtres de sacrifier Antenor.
Danaus dit que c'est pour la premiere fois qu'il
entend ce que les Dieux commandent , et qu'en
périssant , il doit finir par un trait de justice. Il
apprend à Hypermnestrè que son Epoux ( qui l'a blessé à mort est mort de sa main , qu'Argée
Pa retiré ( lui Danaüs ) des mains de ceux qui
alloient lui ravir ce reste de vie. Il dit enfin à la
Princesse qu'elle est libre , par la mort de son
Epoux , et l'exhorte à épouser Argée. Danaus
expire avec tous les remors que la grandeur de ses crimes doivent lui causer.
L'arrivée d'Arlequin fait le troisième Intermede ; il revient du combat , fier et rempli de
lui même; son Monologue est fort comique. Euphrosine , sa Maîtresse , vient le joindre ; on ceTebre leur mariage par des Chants et des Danses
qui finissent la Picce. La Musique de ces trois
Intermedes , qui très - bien caractérisée , est de
la composition de M. Mouret.
EXTRAIT de la Tragi-Comedie de
Danaüs , de M. de Lisle , représentée
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne ,
le 21. Janvier 1732.
L'AU
'Auteur a conservé dans cette Piece toute
l'Histoire des Danaïdes , elles y égorgent
leurs Epoux par l'ordre de Danaüs; la seule Hyper
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NEW
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PUBLIC
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, LENOX
AND TILDEN
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permnestre sauve Lincée ; et pour traiter d'ane
maniere nouvelle ce Sujet, qui est connu sur notre Théatre, l'Auteur n'y fait point paroître Lin
ée , qui cependant est le mobile de tout ce qui
se passe sur la Scene ; l'Episode d'Argée y pro- duit des interêts nouveaux et des situations toutes differentes de celles où jusqu'ici l'on a fait
voir Hypermnestre ; ce même Argée est supposé
fils de Gelanor, Roy d'Argos , et qui fut déposé
dans le temps que ses Sujets rebelles choisirent Danaus pour lui succeder. Ce jeune Prince ignore sa naissance ; et Créon , son Gouverneur, qui passe pour être son pere , en a seul te secret. I
est amoureux d'Hypermnestre , et il est aimé ;
Danaus qui lui doit une partie de ses victoires ,
l'avoit destiné à l'Hymen d'Hypermnestre , qu'il
n'a suspendu que pour envelopper dans la mort
de tous ses Neveux , celui dont l'Oracle l'avoit
inenacé le caractere d'Argée est grand et même
nouveau, sa generosité superieure à l'Amour et à
l'Ambition , se réunit naturellement avec les sentimens de devoir , ausquels Hypermnestre se livre absolument. On voit par tout dans cette Piece
une vertu épurée , opposée au crime et à l'injustice ; les innocens sont couronnez par la Catastrophe et les Criminels punis.
Cette Tragédie n'est qu'en trois Actes ; on n'y
a ajoûté des Intermedes que par rapport au Théatre Italien. Ils sont ingénieux et l'idée en est
nouvelle , ils composent une petite Comédie qui
naît du plus grand tragique ; elle présente une
ébauche des maux que les crimes des Grands font tomber sur le Public.
Quidquid delirant Reges , plectuntur Achivi.
L'Auteur fait jouer sur le même Sujet la Tra- G gédic
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gédie à la Cour , et la Comédie à la Ville , et
chaque Acte tragique en produit un comique.
Au premier Acte , la Scene se passe dans la
nuit, et commence au moment que Danaus compte que ses Neveux sont morts. Créon et Idas ouvrent la Scene; le premier est un ancien Capitaine
du Roy Gelanor , et crû pere d'Argée , et l'autre
est aussi un vieux Officier attaché au même Roy.
Il revient de l'exil que sa fidelité pour son Prince
lui avoit attiré. Ces deux amis se retrouvent
dans Argos après une longue absence ; et dans le
détail de leurs avantures , ils exposent le Sujet
par l'Histoire de Gelanor et de Danaüs , celle
d'Argée , son amour pour Hypermnestre , et le
Mariage de cette Princesse avec Lincée , qui dé--
truit sans ressource toutes les esperances d'Argée.
Cete Scene finit par le récit que fait Créon d'un
prodige arrivé dans le Temple au moment de la solemnité du Mariage des Princes avec les Princesses , &c.
Danaus , accompagné d'Antenor , son Confi.
dent et Sacrificateur , apprend que ses Neveux
ont été égorgez ; il se livre à tous les remords
dont il est agité, rappelle à Antenor que c'est lui
qui par ses conseils l'a déterminé à ces forfaits .
Il appréhende que le Soleil ne découvre bientôt
aux Mortels les horreurs que les tenebres de la nuit
lui ont cachez. Il prévoit que son Frere ya bientot arriver avec toutes les forces de l'Egypte pour
venger la mort de ses fils , et il ajoûte qu'il veut
( en couronnant la tendresse d'Argée ) opposer
sa valeur aux efforts d'Egyptus , et qu'il a mandé cet Amant malheureux , &c.
Argée arrive , Danaus lui fait entrevoir qu'il
est sur le point d'être heureux. Argée en est fort
surpris, scachant que la Princesse est entre les
bras
MARS. 17320 557
bras de son Epoux.Danaüs lui rappelle l'histoire
de sa vie , et celle d'Egyptus , les raisons qui le
firent sortir de l'Egypte , et celles de la haine
qui étoit entre son Frere et lui ; et enfin comme il
est parvenu au Thrône d'Argos, où il se voit encore menacé par des nouveaux périls, &c. Argée
étonné de ce qu'il vient d'entendre , dit à Danaüs, que l'alliance qu'il vient de contracter avec
Egyptus , le met au dessus de tout ce que ses
ennemis pourroient entreprendre. Danaus lui
apprend enfin que l'Oracle l'a averti qu'il devoit
périr par la main d'un de ses Neveux , que c'est
pour le prévenir que sous les noms de Paix et
d'Hymenée , il les a attiré dans Argos , et que
ses filles viennent de les égorger.
Argée épouvanté , demande à Danaus si Hypermnestre a été capable d'un si noir attentat.Danaus lui fait entendre qu'elle lui rend par là son
cœur.
Argée déteste encore dans un Monologue le
crime de Danaus , il frémit de ce qu'il veut lui
rendre une Amante, teinte du sang de son Epoux,
il préfere la mort à cet hymen , et n'est sensible
qu'à la haine des forfaits , qui révoltent son ame contre la Princesse. Elle arrive ; il ne la voit
qu'avec horreur. La Princesse lui apprend qu'elle
a sauvé son Epoux, contre les Ordres du Roy;
quoiqu'il l'eut flaté de l'espoir d'épouser Argée.
Hypermnestre dit à Argée qu'elle n'a recours
qu'à sa générosité , pour sauver son rival. Argée
charmé de voir que la Princesse n'est point criminelle , se livre au plaisir de la voir toujours
digne de lui ; il veut seconder sa vertu , aux dépens de son amour et de sa vie , et part pour
exécuter ce gencreux dessein.
Dans le premier Intermede , Arlequin et EuGij phro
558 MERCURE DE FRANCE
phrosine sa future épouse , viennent au lever. de
l'Aurore , dans un Bois consacré à l'Hymen ; le
pere d'Euphrosine saisit la naissance d'un si
beau jour , pour achever leur hymen , trouvant
que l'aspect du Ciel est favorable à l'Amour. Il
en juge par l'Hymen des Princes d'Egypte ,
avec les Filles de Danaüs ; et appuye son jugement sur la réfléxion qu'il fait , que nous sommes necessairement entraînez par la destinée
nos Rois , et que nous partageons leurs malheurs comme leurs félicités. On chante, on danse ; mais dans le plus fort de la fête , la mere
d'Euphrosine vient apprendre que les Fils d'E
gyptus ont été tuez par leurs Epouses , &c. Arlequin fait divers Lazzis de frayeur , et prend la
fuite.
Au second Acte , Argée arrive , accompagné
de Créon. Ce Prince lit l'Acte public , par lequel
Géanor le reconnoît pour son fils. Créon lui apprend les raisons qu'il a eues de lui cacher sa nais- sance , et l'exhorte à profiter du crime de Danaus , pour remonter sur le Thrône ; il lui dit que
tous ses amis assiégent les Portes du Palais , et
qu'ils n'attendent que lui pour punir le Tyran.
Argée surmontant l'amour et l'ambition , lui répond que Danaus n'a point eu de part à l'exil de
son Pere , &c. qu'il doit toujours reconnoître
en lui le Pere d'Hypermnestre , qu'il veut même
le servir , puisque ce Prince lui offre encore ia
Princesse et l'Empire , et qu'il se déshonorerojt
s'il lui ravissoit avec la vie,des biens qu'il veut lui rendre , &c.
Créon admire la grandeur d'ame de ce Prince
et voulant le conserver pour le bien de sa Patrie
il sort pour donner le signal de l'attaque et faire
agir Lyncée contre Danaus , &c.
Danaus
MARS. 1732 559
き
Danaus entre avec un Officier qui lui apprend
que Lyncée est échapé , et qu'il l'a vû escorté
du seul Argée , et que le bruit se répand que ce
dernier est le fils de Gélanor. Danaus frappé de
ces circonstances, ordonne qu'on arrête Argée et
Créon , et fait chercher Hypermnestre. Danaus se livre ensuite à ses craintes et à ses temords.
Hypermnestre vient joindre Danaus. Ce Prin
ce lui demande si son Epoux est mort ou vivant. La Princesse répond fierement qu'elle l'a
sauvé. Danaus furieux , lui demande quelle ré- compense elle en attend ? La mort , dit- elle. Danaus la lui promet d'abord, mais combattu par la
crainte , il tâche finement de séduire la Princesse,
en lui faisant envisager que l'action de générosité qu'elle vient de faire , entraîne nécessairement
la mort de son pere , sans compter les malheurs
de sa patrie , par les efforts qu'Egyptus va faire'
pour vanger la mort de ses fils . Danaus toujours
irrité , lui dit encore qu'il est informé de tous ses crimes, et que c'est Argée qui a sauvé son Epoux.
Hypermnestre épouvantée , lui répond de ne pas
mettre le comble aux horreurs de son injustice ,
et que son crime seul suffit pour son supplice.
Antenor vient apprendre à Danaus que son Palais est attaqué. Ses Gardes forcés , et que son
Neveu est à la tête des conjurez , assemblez par
les soins de Créon. La Princesse étonnée des périls qui menacent son pere , le conjure d'avoir recours à la valeur d'Argée. Danaus furieux , lui
dit que pour épouvanter les Rebelles , il le va faire immoler à leurs yeux , et forme le dessein de la faire immoler elle - même sur l'Autel des Euménides ; il commande à ses Gardes de l'y conduire , il se retire pour aller s'opposer aux Rebelles , &c.
G iij Dans
560 MERCURE DE FRANCE.
Dans l'Intermede du second Acte, Arlequin armé
de toutes Pieces , paroît tremblant de peur, muni d'une Bouteille de vin ; comme il se croit en lieu
de sureté , il fait des réfléxions comiques et satiriques sur tout ce qui se passe actuellement dans
Argos. Dans le temps qu'il boit pour prendre
courage , un bruit de guerre , et les clameurs des
combatans l'interrompent ; il veut prendre la fuite , mais il est empêché par l'entrée de ces mêmes combattans , qui font un combat en forme
de Balet, dans lequel le parti de Danaüs est battu,
et celui d'Argée celebre la victoire par de nouvelles Danses. On apperçoit Arlequin , caché à
un coin du Théatre , qui contrefait le mort. Un des combattans lui enterre sa Bouteille et l'oblige de le suivre au combat. Arlequin dit en
s'en allant , que s'il y rencontre la Victoire , la.
peur ne manquera pas de la conduire sur ses pas.
Cette Scene est tres- comique et dans le vrai ca.
ractere d'Arlequin..
Le troisiéme Acte commence par un Monolo gue d'Hypermnestre ; elle a été conduite à l'Au
tel des Eumenides , pour y être sacrifiée ; elle
s'abandonne à sa douleur. Argée , dit- elle, va être
immolé pour elle , son Epoux est armé , et son
Pere va périr ; elle ne sçait pour qui faire des
vœux;quand Idas arrive , il lui apprend qu'Argée est sauvé , et que tout a changé de face. La
Princesse demande d'abord ce que son Pere et son
Epoux sont devenus ; Idas lui dit qu'il les a vûs.
engagez dans le combat , et lui en fait le détail
qu'Argée s'est armé avec précipitation et que
suivi de l'Elite de ses libérateurs , îl s'est mêlé
tout furieux , parmi les combattans. Hypermnestre craint d'abord que ce Prince n'ait dessein de se vanger de son Pere ; mais sa générosité la ras--
sure
MARS. 1732 561
sure. Elle ordonne à Idas de l'aller joindre dans
un si grand péril. Antenor arrive, suivi d'une Troupe supérieure , et se rend maître du Temple ; il dit à la Princesse qu'il faut qu'elle en ré- tire son Pere elle - même par son sang , puisque
c'est son infidelité qui cause tous ses malheurs et
que le Roy prêt à périr , veut que tous ses enne- mis l'emmenent aux enfers. La Princesse se détermine généreusement à la mort , et se jette au
pieds de l'Autel pour être immolée. Antenor fait son invocation , et dans le temps qu'il leve les
bras pour la sacrifier , Danaus arrive , blessé à
mort et soutenu par Argée et par Créon. Il dit
qu'un sang plus criminel doit appaiser les Dieux,
et ordonne aux Prêtres de sacrifier Antenor.
Danaus dit que c'est pour la premiere fois qu'il
entend ce que les Dieux commandent , et qu'en
périssant , il doit finir par un trait de justice. Il
apprend à Hypermnestrè que son Epoux ( qui l'a blessé à mort est mort de sa main , qu'Argée
Pa retiré ( lui Danaüs ) des mains de ceux qui
alloient lui ravir ce reste de vie. Il dit enfin à la
Princesse qu'elle est libre , par la mort de son
Epoux , et l'exhorte à épouser Argée. Danaus
expire avec tous les remors que la grandeur de ses crimes doivent lui causer.
L'arrivée d'Arlequin fait le troisième Intermede ; il revient du combat , fier et rempli de
lui même; son Monologue est fort comique. Euphrosine , sa Maîtresse , vient le joindre ; on ceTebre leur mariage par des Chants et des Danses
qui finissent la Picce. La Musique de ces trois
Intermedes , qui très - bien caractérisée , est de
la composition de M. Mouret.
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Résumé : EXTRAIT de la Tragi-Comedie de Danaüs, de M. de Lisle, représentée sur le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, le 21. Janvier 1732.
Le texte présente un extrait de la tragédie 'Danaüs' de M. de Lisle, représentée le 21 janvier 1732 à l'Hôtel de Bourgogne. L'auteur conserve l'histoire des Danaïdes, qui égorgent leurs époux sur ordre de Danaüs, à l'exception d'Hypermnestre qui sauve Lyncée. Pour renouveler le sujet, l'auteur ne fait pas apparaître Lyncée sur scène, bien qu'il soit le mobile de l'intrigue. L'épisode d'Argée, supposé fils de Gelanor, roi d'Argos, introduit de nouveaux intérêts et situations. Argée, ignorant sa véritable naissance, est amoureux d'Hypermnestre et réciproquement. Danaüs, qui lui doit des victoires, l'avait destiné à épouser Hypermnestre, mais a suspendu cette union pour inclure Argée dans la mort de ses neveux. La pièce met en avant la vertu opposée au crime et à l'injustice, avec une catastrophe où les innocents sont couronnés et les criminels punis. La tragédie est en trois actes, avec des intermèdes inspirés du théâtre italien. Chaque acte tragique produit un acte comique, illustrant les maux que les crimes des grands font subir au public. Dans le premier acte, la scène se déroule la nuit, au moment où Danaüs croit ses neveux morts. Créon et Idas, anciens officiers de Gelanor, discutent de l'histoire de Gelanor, de Danaüs, et de l'amour d'Argée pour Hypermnestre. Danaüs, accompagné d'Antenor, apprend la mort de ses neveux et exprime ses remords. Argée arrive, et Danaüs lui révèle l'oracle prédisant sa mort par un de ses neveux, et l'égorgement de ceux-ci par ses filles. Hypermnestre avoue à Argée avoir sauvé Lyncée, et Argée décide de la secourir. Les intermèdes comiques, avec des personnages comme Arlequin et Euphrosine, contrastent avec la tragédie principale. Dans le second acte, Argée, accompagné de Créon, lit un acte public reconnaissant sa filiation avec Gelanor. Créon l'exhorte à prendre le trône, mais Argée préfère servir Danaüs. Danaüs, apprenant l'échappée de Lyncée, ordonne l'arrestation d'Argée et de Créon. Hypermnestre est conduite à l'autel des Euménides pour être sacrifiée. Dans le troisième acte, Hypermnestre est sauvée par Argée, qui combat aux côtés de Danaüs. Danaüs, blessé à mort, ordonne le sacrifice d'Antenor et exhorte Hypermnestre à épouser Argée. La pièce se termine par le mariage d'Arlequin et Euphrosine, célébré par des chants et des danses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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689
p. 561-571
La Tragédie d'Eriphile, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le Vendredy, 7. de ce mois, on donna au Théatre [...]
Mots clefs :
Tragédie, Eryphile, Voltaire, Extrait
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Tragédie d'Eriphile, Extrait, [titre d'après la table]
LeVendredy, 7. de ce mois , on donna
G iiij 30
562 MERCURE DE FRANCE
し
au Théatre François.la premiere Représentation de la Tragédie d'Eryphile , de
M. de Voltaire , que le Public a trouvée
pleine d'harmonie et d'élégance dans les
Vers et de pensées nobles et élevées, la diction en est mâle, et les traits heureux , les
descriptions, les images, les réfléxions, les
maximes neuves et hardies. Nous entrerons point dans quelques détails sur tout
cela, ainsi que sur le fonds et l'economie
de la Tradédie , qui est extrémement applaudie par de nombreuses assemblées.
Nous comptions ne donner l'Extrait
de ce Poëme que dans le mois d'Avril ,
mais le Memoire qu'on va lire , dans les
mêmes termes qu'il nous a été envoyé ,
nous dispense de ce soin. Nous ajouterons seulement que cette Tragédie est
parfaitement bien représentée par la Dile
Balicour , qui y jouë le principal Rôle, et
par les Srs Dufréne , Sarrazin et le Grand
qui remplissent ceux d'Alcmeon ; d'Hermogide et duGrand Prêtre. Voici le Memoire.
ERYPHILE est de la composition de l'illustre M.de Voltaire,connu dans l'Europe
comme le seul Poëte Epique de nos jours
et comme l'Auteur Tragique , qui , sans
contredit, est le plus précis dans les pensées et le plus harmonieux dans la diction ,
MARS. 1732. 563
་,
tion ; on peut encore ajoûter , depuis son
Histoire de Charles XII. qu'il est l'Historien de son siecle , le plus ingénieux er
le plus élegant ; son stile est plus vif et
plus nourri que celui de l'Abbé de Vertot , et les Refléxions sont aussi profondes et aussi bien liées au Sujet que celles
de l'Abbé de S. Réal. Il faut avouer la
verité , il n'y a eu personne dans l'Antiquité ni dans le temps present, qui se soit
distingué àla fois par tant de côtez, et qui
ait fait de bons Ouvrages dans des genres
si differens. M.de la Motteavoit vouluêtre
universel , mais avec bien de l'esprit , il
n'avoit réussi qu'à être médiocre dans bien
des genres , et ne s'étoit élevé au sublime
dans aucun. Il y a bien parû quand il voulut , pour dégradér l'Oedipe de M. de Voltaire , en donner un de sa façon. On vit en
cette occasion la difference de ces deux gé
nies, et tout le mérite de M.de la Motte le
laissa bien au- dessous de son jeune Rival.
Il paroît que le Sujet d'Eriphile est presque tout de l'invention de M. de Voltaire ; il n'a pris de la Fable autre chose
si-non quEriphile fut la cause de la mort
d'Amphiarus son mari , et fut tué part
Alcmeon son fils. Voilà sur quel fondement M. de Voltaire a construit une Tragédie dans un gout entierement nouveau.
Gv Jamais
564 MERCURE DE FRANCE
Jamais Piece ne fut plus vive et n'eut
plus d'action , sans devoir sa vivacité à
une multitude d'évenemens qui n'est que:
la ressource des Auteurs sans génie. L'Auteur a osé suivre le gout Grec ; on voit
dans sa Piece un Peuple assemblé devant
lequel on demande la Couronne ; l'Om--
bre d'Amphiarus apparoît sur le Théa
tre , on entend les cris de la mere et
ceux de son fils qui l'égorge. Et toutes.
ces hardiesses si neuves n'ont réüssi que
parce qu'elles sont conduites avec une:
extreme sagesse..
Vous voyez d'abord dans cette Piece si
originale , une femme qui avoue qu'elle:
a eû autrefois de la foiblesse pour un
Prince qui l'a trompée ; cette foiblesse :
a été cause de la mort de son mari et des
malheurs d'Argos. Cet Amant nommé
Hermogide , encouragé par les esperances
que lui a données la foible et malheureuse
Eriphile , a assassiné Amphiarus. En quels
Vers moelleux et patetiques cette triste.:
avanture est contée !
C'est cet âge fatal et sans experience ,
Ouvert aux passions , foible , plein d'imprudence
C'est cet âge indiscret qui fit tout mon malheur ;
Un traître avoit surpris le chemin de mon cœur.
P
Une::
C
MARS. 1732. 565
Une main impie ,
Ou plutôt má foiblesse a terminé sa vie.
Hermogide en secret immola sous ses coups ,
Le cruel tout couvert du sang de mon Epoux ,
Vint armé de ce fer , instrument de sa rage ,
Qui des droits à l'Empire étoit l'auguste gagey
Et d'un assassinat pour moi seul entrepris ,
Au pied de nos Autels il demanda le prix.
Grands Dieux ! qui m'inspirez mes remords le
gitimes ;
Mon cœur , vous le sçavez , n'est point fait
les crimes ;
Il est né vertueux .. .. je vis avec horreur
Lecoupable ennemi qui fut mon séducteurs
Je détestai l'Amour et le Trône et la vie. ·
pour
Voilà quel est le caractere coupable
et interressant de cette Princesse malheureuse ; les Dieux la punirent de sa
faute et empêcherent Hermogide d'en
cueillir le fruit. Argos fut desolée par des
Guerres Civiles ; les Oracles furent con--
sultez , ils ordonnerent que la Reine ne
chosit un Roy que lorsque deux Roys
seroient vaincus auprès d'Argos ; ils ajoûterent que ce jour seroit la fin de tant
de malheurs , mais qu'il en couteroit la
vie à Eriphile , et qu'elle mourroit de la
main mêmedu fils qu'elle avoit eu d'AmGvj phiarus.
"
1
566 MERCURE DE FRANCE
phiarus. La Reine fir alors éloigner ce fils
qui étoit dans sa tendre enfance ; elle le
tint dans l'ignorance de son rang , de
peur que l'envie de regner ne le portât
un jour à accomplir ces malédictions ct
à commettre un parricide. Cependant
après beaucoup de malheurs et de guerres,
le jour prédit arrive où deux Rois sont
vaincus par un jeune Guerrier , Licutenantd'Hermogide nomméAlcmeon.Voici
le temps où il faut nommer un Roy ;
Argos le demande, les Dieux Fordonnent.
Hermogide , à qui il ne manquoit que le
nom de Souverain , compte sur son pouvoir , sur la foiblesse de la Reine , et
même sur ses crimes ; il lui parle et la
fait trembler ; Eriphile qui consulte le
Ciel sur sa destinée , apprend que son
fils vit encore ; elle assemble les Chefs
et le Peuple ; elle déclare devant eux que
ce fils est vivant ; elle indique les lieux
qu'elle croit qu'il habite , et le nomme
Royenpresence même d'Hermogide. Cet
audacieuxPrince privé dans ce moment de
la Couronne où il touchoit , déclare publiquement à la Reine et au peuple , qu'il
a tué lui-même cet Enfant que les Dieux
réservoient au parricide. Il s'écrie devant
cette grande Assemblée.
J'atteste
MARS. 1732. 567
J'atteste mes Ayeux et ce jour qui m'éclaire ,
Que j'immolai le fils pour conserver la mere ;
Que si ce sang coupable a coulé sous mes coups,
J'ai prodigué le mien pour la Grece et pour yous.
Vous m'en devez le prix ; vous voulez tous us Maître ;
1
L'Oracle en promet un , je vais périr ou l'être ;
Je vais vanger mes droits contre un fils supposé;
Je vais rompre un vain charme à moi seul opposé.
Soldat par mes travaux et Roy par ma naissance,
De vingt ans de Combats j'attends la récompense,
Je vous ai tous servis ; ce rang des demi Dieux ,
Deffendu par mon bras , fondé par mes Ayeux ,
Cent fois teint de mon sang , doit être mon partage ;
Je le tiendrai de vous , de moi , de mon courage;
De ces Dieux dont je sors et qui seront pour moi.
Amis , suivez mes pas , et servez votre Roy.
A cette découverte affreuse , la Reine
menacée d'être détrônée par son ancien
Amant , privée de son fils et obligée de
faire un choix , se tourne vers Alcmeon ,
ce jeune Guerrier qu'elle aime en secret
malgré elle , et lui ordonnant de venger
son fils , le chosit pour son Epoux. Cet
Hymen à qui tout le Peuple applaudit ,
se prépare ; ces deux Amans heureux
vont
588 MERCURE DE FRANCE
vont s'unir au Temple , mais dans l'ins
tant qu'ils se vont donner la main, l'Om
bre d'Amphiarus sort de son Tombeau au
milieu du Tonnerre et des Eclairs , et
ordonne à Alcmeon de le venger de
sa mere. Cet ordre obscur et épou--
ventable , est un coup de foudre pour
Eriphile , pour Alcmeon , et pour le
Peuple.
Alcmeon qui n'a plus de mere , et
qui s'est toujours crû fils d'un Esclave ,
avoüe enfin ce secret humiliant; mais cet
aveu ne fait qu'augmenter l'horreur et
l'attendrissement de la Reine ; elle se ressouvient qu'elle a autrefois donné son
propre fils à élever à une Esclave. Pendant que la Reine et Alcmeon se font
mutuellement des questions qui les jettent dans un trouble nouveau , arrive
le Grand- Prêtre , une épée à la main ; lại
Reine reconnoît l'épée Royale d'Amphiarus ; c'est cette même épée dont Her.
mogide s'étoit emparé , et dont il avoit
percé le jeune Alcmeon dans son Berceau.
Voici, dit le Grand-Prêtre ::
Voici ce même fer qui frappa votre enfance ,
Qu'un cruel, malgré lui, Ministre du Destin ,
Troublé par ses forfaits , laissa dans votre sein,
Le Dieu qui dans le crime effraya cet Impie,
Qui
MARS. 1732. 5699
Qui fit trembler son bras , qui sauva votre vie , ›
Qui commande à la mort , ouvre et ferme le flane,,
Vange un meurtre par l'autre , et le sang par le
sang,
M'ordonna de garder ce fer toûjours funeste."
La Reine →
alors reconnoît son fils , mais
dans quel moment , dans quelle situation
nouvelle , lorsque ce fils est prêt de
l'épouser , et qu'il se trouve armé pour
l'immoler. Eriphile veut appaiser l'Ombre d'Amphiarus , elle va sur son Tombeau pour offrir un Sacrifice ; mais c'est
là que les Dieux l'attendent pour punir
une foiblesse criminelle par la vengeance
la plus terrible. Alcmeon possedé des Furies , tuë Hermogide sur cette Tombe ;;
et prenant sa mere pour Hermogide même , qui blessé à mort , lui demande :
la vie , il croit achever Hermogide et il
massacre sa mere qui expire dans ses bras,
en lui pardonnant sa mort , et en l'accablant des marques les plus touchantes de
sa tendresse maternelle.
Ce sujet a quelque chose d'Electre
ou plutôt de Clitermnestre tuée par Ores te; les anciens traitoient l'un et l'autre
indifféremment. Mais combien la manie.
re interessante dont M. de Voltaire a
ménagé cette: Tragédie est elle au-dessus
de l'attrocité de l'Electre, -
$70 MERCURE DE FRANCE
Il a sur tout donné à Eriphile , une
vie immortelle par les beaux Vers dont
elle est remplie. Voici ceux qui sont sur la
Naissance,qui ont reçû tant d'applaudissemens et qui ne sont pas cependant les
plus travaillez et les plus parfaits de la
Piece.
Eh! c'est ce qui m'accable et qui me désespere :
Il faut rougir de moi , trembler au nom d'un Pere ,
Me cacher par foiblesse aux moindres Citoyens,
Et reprocher ma vie à ceux dont je la tiens.
Préjugé malheureux , éclatante chimere ,
Que l'orgueil inventa , que, la fable révere ,
Dar qui j'ai vu languir le mérite abatu ,
Aux pieds d'un Prince indigne ou d'un Grand
sans vertu.
Les Mortels sont égaux ; ce n'est point la nais- sance,
C'est la seule vertu qui fait leur difference ,
C'est elle qui met l'homme au rang des demi Dieux ,
Et qui sert son Pays n'a pas besoin d'Ayeux.
Princes , Rois , la fortune a fait votre partage ;
Mes grandeurs sont à moi , mon sort est mon
ouvrage,
Et ces fers si honteux , ces fers où je nâquis ,
Je les ai fait porter aux mains des Ennemis ;
Je n'ai plus rien du Sang qui m'a donué la vie;
MARS.
571 1732.
Il a dans les Combats coulé pour la Patrie.
Je vois ce que je suis et non ce que je fus ,
Et croisvaloir au moins des Rois que j'ai vaincus
L. D. M.
G iiij 30
562 MERCURE DE FRANCE
し
au Théatre François.la premiere Représentation de la Tragédie d'Eryphile , de
M. de Voltaire , que le Public a trouvée
pleine d'harmonie et d'élégance dans les
Vers et de pensées nobles et élevées, la diction en est mâle, et les traits heureux , les
descriptions, les images, les réfléxions, les
maximes neuves et hardies. Nous entrerons point dans quelques détails sur tout
cela, ainsi que sur le fonds et l'economie
de la Tradédie , qui est extrémement applaudie par de nombreuses assemblées.
Nous comptions ne donner l'Extrait
de ce Poëme que dans le mois d'Avril ,
mais le Memoire qu'on va lire , dans les
mêmes termes qu'il nous a été envoyé ,
nous dispense de ce soin. Nous ajouterons seulement que cette Tragédie est
parfaitement bien représentée par la Dile
Balicour , qui y jouë le principal Rôle, et
par les Srs Dufréne , Sarrazin et le Grand
qui remplissent ceux d'Alcmeon ; d'Hermogide et duGrand Prêtre. Voici le Memoire.
ERYPHILE est de la composition de l'illustre M.de Voltaire,connu dans l'Europe
comme le seul Poëte Epique de nos jours
et comme l'Auteur Tragique , qui , sans
contredit, est le plus précis dans les pensées et le plus harmonieux dans la diction ,
MARS. 1732. 563
་,
tion ; on peut encore ajoûter , depuis son
Histoire de Charles XII. qu'il est l'Historien de son siecle , le plus ingénieux er
le plus élegant ; son stile est plus vif et
plus nourri que celui de l'Abbé de Vertot , et les Refléxions sont aussi profondes et aussi bien liées au Sujet que celles
de l'Abbé de S. Réal. Il faut avouer la
verité , il n'y a eu personne dans l'Antiquité ni dans le temps present, qui se soit
distingué àla fois par tant de côtez, et qui
ait fait de bons Ouvrages dans des genres
si differens. M.de la Motteavoit vouluêtre
universel , mais avec bien de l'esprit , il
n'avoit réussi qu'à être médiocre dans bien
des genres , et ne s'étoit élevé au sublime
dans aucun. Il y a bien parû quand il voulut , pour dégradér l'Oedipe de M. de Voltaire , en donner un de sa façon. On vit en
cette occasion la difference de ces deux gé
nies, et tout le mérite de M.de la Motte le
laissa bien au- dessous de son jeune Rival.
Il paroît que le Sujet d'Eriphile est presque tout de l'invention de M. de Voltaire ; il n'a pris de la Fable autre chose
si-non quEriphile fut la cause de la mort
d'Amphiarus son mari , et fut tué part
Alcmeon son fils. Voilà sur quel fondement M. de Voltaire a construit une Tragédie dans un gout entierement nouveau.
Gv Jamais
564 MERCURE DE FRANCE
Jamais Piece ne fut plus vive et n'eut
plus d'action , sans devoir sa vivacité à
une multitude d'évenemens qui n'est que:
la ressource des Auteurs sans génie. L'Auteur a osé suivre le gout Grec ; on voit
dans sa Piece un Peuple assemblé devant
lequel on demande la Couronne ; l'Om--
bre d'Amphiarus apparoît sur le Théa
tre , on entend les cris de la mere et
ceux de son fils qui l'égorge. Et toutes.
ces hardiesses si neuves n'ont réüssi que
parce qu'elles sont conduites avec une:
extreme sagesse..
Vous voyez d'abord dans cette Piece si
originale , une femme qui avoue qu'elle:
a eû autrefois de la foiblesse pour un
Prince qui l'a trompée ; cette foiblesse :
a été cause de la mort de son mari et des
malheurs d'Argos. Cet Amant nommé
Hermogide , encouragé par les esperances
que lui a données la foible et malheureuse
Eriphile , a assassiné Amphiarus. En quels
Vers moelleux et patetiques cette triste.:
avanture est contée !
C'est cet âge fatal et sans experience ,
Ouvert aux passions , foible , plein d'imprudence
C'est cet âge indiscret qui fit tout mon malheur ;
Un traître avoit surpris le chemin de mon cœur.
P
Une::
C
MARS. 1732. 565
Une main impie ,
Ou plutôt má foiblesse a terminé sa vie.
Hermogide en secret immola sous ses coups ,
Le cruel tout couvert du sang de mon Epoux ,
Vint armé de ce fer , instrument de sa rage ,
Qui des droits à l'Empire étoit l'auguste gagey
Et d'un assassinat pour moi seul entrepris ,
Au pied de nos Autels il demanda le prix.
Grands Dieux ! qui m'inspirez mes remords le
gitimes ;
Mon cœur , vous le sçavez , n'est point fait
les crimes ;
Il est né vertueux .. .. je vis avec horreur
Lecoupable ennemi qui fut mon séducteurs
Je détestai l'Amour et le Trône et la vie. ·
pour
Voilà quel est le caractere coupable
et interressant de cette Princesse malheureuse ; les Dieux la punirent de sa
faute et empêcherent Hermogide d'en
cueillir le fruit. Argos fut desolée par des
Guerres Civiles ; les Oracles furent con--
sultez , ils ordonnerent que la Reine ne
chosit un Roy que lorsque deux Roys
seroient vaincus auprès d'Argos ; ils ajoûterent que ce jour seroit la fin de tant
de malheurs , mais qu'il en couteroit la
vie à Eriphile , et qu'elle mourroit de la
main mêmedu fils qu'elle avoit eu d'AmGvj phiarus.
"
1
566 MERCURE DE FRANCE
phiarus. La Reine fir alors éloigner ce fils
qui étoit dans sa tendre enfance ; elle le
tint dans l'ignorance de son rang , de
peur que l'envie de regner ne le portât
un jour à accomplir ces malédictions ct
à commettre un parricide. Cependant
après beaucoup de malheurs et de guerres,
le jour prédit arrive où deux Rois sont
vaincus par un jeune Guerrier , Licutenantd'Hermogide nomméAlcmeon.Voici
le temps où il faut nommer un Roy ;
Argos le demande, les Dieux Fordonnent.
Hermogide , à qui il ne manquoit que le
nom de Souverain , compte sur son pouvoir , sur la foiblesse de la Reine , et
même sur ses crimes ; il lui parle et la
fait trembler ; Eriphile qui consulte le
Ciel sur sa destinée , apprend que son
fils vit encore ; elle assemble les Chefs
et le Peuple ; elle déclare devant eux que
ce fils est vivant ; elle indique les lieux
qu'elle croit qu'il habite , et le nomme
Royenpresence même d'Hermogide. Cet
audacieuxPrince privé dans ce moment de
la Couronne où il touchoit , déclare publiquement à la Reine et au peuple , qu'il
a tué lui-même cet Enfant que les Dieux
réservoient au parricide. Il s'écrie devant
cette grande Assemblée.
J'atteste
MARS. 1732. 567
J'atteste mes Ayeux et ce jour qui m'éclaire ,
Que j'immolai le fils pour conserver la mere ;
Que si ce sang coupable a coulé sous mes coups,
J'ai prodigué le mien pour la Grece et pour yous.
Vous m'en devez le prix ; vous voulez tous us Maître ;
1
L'Oracle en promet un , je vais périr ou l'être ;
Je vais vanger mes droits contre un fils supposé;
Je vais rompre un vain charme à moi seul opposé.
Soldat par mes travaux et Roy par ma naissance,
De vingt ans de Combats j'attends la récompense,
Je vous ai tous servis ; ce rang des demi Dieux ,
Deffendu par mon bras , fondé par mes Ayeux ,
Cent fois teint de mon sang , doit être mon partage ;
Je le tiendrai de vous , de moi , de mon courage;
De ces Dieux dont je sors et qui seront pour moi.
Amis , suivez mes pas , et servez votre Roy.
A cette découverte affreuse , la Reine
menacée d'être détrônée par son ancien
Amant , privée de son fils et obligée de
faire un choix , se tourne vers Alcmeon ,
ce jeune Guerrier qu'elle aime en secret
malgré elle , et lui ordonnant de venger
son fils , le chosit pour son Epoux. Cet
Hymen à qui tout le Peuple applaudit ,
se prépare ; ces deux Amans heureux
vont
588 MERCURE DE FRANCE
vont s'unir au Temple , mais dans l'ins
tant qu'ils se vont donner la main, l'Om
bre d'Amphiarus sort de son Tombeau au
milieu du Tonnerre et des Eclairs , et
ordonne à Alcmeon de le venger de
sa mere. Cet ordre obscur et épou--
ventable , est un coup de foudre pour
Eriphile , pour Alcmeon , et pour le
Peuple.
Alcmeon qui n'a plus de mere , et
qui s'est toujours crû fils d'un Esclave ,
avoüe enfin ce secret humiliant; mais cet
aveu ne fait qu'augmenter l'horreur et
l'attendrissement de la Reine ; elle se ressouvient qu'elle a autrefois donné son
propre fils à élever à une Esclave. Pendant que la Reine et Alcmeon se font
mutuellement des questions qui les jettent dans un trouble nouveau , arrive
le Grand- Prêtre , une épée à la main ; lại
Reine reconnoît l'épée Royale d'Amphiarus ; c'est cette même épée dont Her.
mogide s'étoit emparé , et dont il avoit
percé le jeune Alcmeon dans son Berceau.
Voici, dit le Grand-Prêtre ::
Voici ce même fer qui frappa votre enfance ,
Qu'un cruel, malgré lui, Ministre du Destin ,
Troublé par ses forfaits , laissa dans votre sein,
Le Dieu qui dans le crime effraya cet Impie,
Qui
MARS. 1732. 5699
Qui fit trembler son bras , qui sauva votre vie , ›
Qui commande à la mort , ouvre et ferme le flane,,
Vange un meurtre par l'autre , et le sang par le
sang,
M'ordonna de garder ce fer toûjours funeste."
La Reine →
alors reconnoît son fils , mais
dans quel moment , dans quelle situation
nouvelle , lorsque ce fils est prêt de
l'épouser , et qu'il se trouve armé pour
l'immoler. Eriphile veut appaiser l'Ombre d'Amphiarus , elle va sur son Tombeau pour offrir un Sacrifice ; mais c'est
là que les Dieux l'attendent pour punir
une foiblesse criminelle par la vengeance
la plus terrible. Alcmeon possedé des Furies , tuë Hermogide sur cette Tombe ;;
et prenant sa mere pour Hermogide même , qui blessé à mort , lui demande :
la vie , il croit achever Hermogide et il
massacre sa mere qui expire dans ses bras,
en lui pardonnant sa mort , et en l'accablant des marques les plus touchantes de
sa tendresse maternelle.
Ce sujet a quelque chose d'Electre
ou plutôt de Clitermnestre tuée par Ores te; les anciens traitoient l'un et l'autre
indifféremment. Mais combien la manie.
re interessante dont M. de Voltaire a
ménagé cette: Tragédie est elle au-dessus
de l'attrocité de l'Electre, -
$70 MERCURE DE FRANCE
Il a sur tout donné à Eriphile , une
vie immortelle par les beaux Vers dont
elle est remplie. Voici ceux qui sont sur la
Naissance,qui ont reçû tant d'applaudissemens et qui ne sont pas cependant les
plus travaillez et les plus parfaits de la
Piece.
Eh! c'est ce qui m'accable et qui me désespere :
Il faut rougir de moi , trembler au nom d'un Pere ,
Me cacher par foiblesse aux moindres Citoyens,
Et reprocher ma vie à ceux dont je la tiens.
Préjugé malheureux , éclatante chimere ,
Que l'orgueil inventa , que, la fable révere ,
Dar qui j'ai vu languir le mérite abatu ,
Aux pieds d'un Prince indigne ou d'un Grand
sans vertu.
Les Mortels sont égaux ; ce n'est point la nais- sance,
C'est la seule vertu qui fait leur difference ,
C'est elle qui met l'homme au rang des demi Dieux ,
Et qui sert son Pays n'a pas besoin d'Ayeux.
Princes , Rois , la fortune a fait votre partage ;
Mes grandeurs sont à moi , mon sort est mon
ouvrage,
Et ces fers si honteux , ces fers où je nâquis ,
Je les ai fait porter aux mains des Ennemis ;
Je n'ai plus rien du Sang qui m'a donué la vie;
MARS.
571 1732.
Il a dans les Combats coulé pour la Patrie.
Je vois ce que je suis et non ce que je fus ,
Et croisvaloir au moins des Rois que j'ai vaincus
L. D. M.
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Résumé : La Tragédie d'Eriphile, Extrait, [titre d'après la table]
Le 7 mars 1732, la tragédie 'Éryphile' de Voltaire fut représentée pour la première fois au Théâtre Français. Le public a salué l'harmonie et l'élégance des vers, ainsi que les pensées nobles et élevées. La diction fut décrite comme mâle, avec des traits heureux, des descriptions, des images, des réflexions, des maximes neuves et hardies. La pièce fut extrêmement applaudie par de nombreuses assemblées. Les acteurs principaux incluaient la Dile Balicour dans le rôle principal, ainsi que Dufréne, Sarrazin et le Grand, interprétant respectivement les rôles d'Alcméon, d'Hermogide et du Grand Prêtre. 'Éryphile' est une œuvre de Voltaire, reconnu comme le seul poète épique de son temps et l'auteur tragique le plus précis dans les pensées et le plus harmonieux dans la diction. Le sujet de la tragédie est presque entièrement de l'invention de Voltaire, qui a construit une tragédie dans un goût entièrement nouveau. La pièce est vive et pleine d'action sans recourir à une multitude d'événements. Elle suit le goût grec, avec des scènes comme l'apparition de l'ombre d'Amphiaraus et les cris de la mère et de son fils. L'intrigue raconte l'histoire d'Éryphile, une femme qui avoue avoir eu une faiblesse pour un prince qui l'a trompée, causant la mort de son mari et les malheurs d'Argos. Hermogide, l'amant d'Éryphile, a assassiné Amphiaraus. La pièce explore les conséquences de cette faiblesse et les malheurs qui en découlent, y compris les guerres civiles et les oracles qui prédisent la mort d'Éryphile de la main de son fils. La tragédie se conclut par un dénouement tragique où Alcmeon, le fils d'Éryphile, tue sa mère par erreur, croyant qu'elle est Hermogide.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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690
p. 571-588
Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique donna la premiere Representation de [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Jepthé, Tragédie, Théâtre, Prologue, Spectacle, Théâtre de l'Académie, Extrait, Musique, Ballet, Acteurs, Danse, Chant, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique donna
la premiere Representation de Jephie,
Tragédie , tirée de l'Ecriture sainte , le
premier Jeudy de Carême ; la nouveauté
du genre en avoit rendu le succès si
douteux, qu'on ne croioit pas qu'elle pût
être jouée deux fois ; cette prévention
presque générale n'a pas tenu contre les
beautez du Poëme et de la Musique , et
M. l'Abbé Pellegrin et M. de Monteclair qui en sont les Auteurs , peuvent
se vanter qu'il y a tres- peu d'Opéra que
le Public ait honoré de plus d'applaudissemens. Nos Lecteurs pourront juger du
Poëme par cet Extrait. Pour la Musique ,
les plus grands connoisseurs la trouvent
tres-digne de Lully , et on ne les contredit point.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu orné pour des Spectacles , c'està dire,
*
72 MERCURE DE FRANCE
à- dire , le Théatre même de l'Académie,
dont tous les Dieux fabuleux se sont em
parez , comme du seul Temple qui leur
reste depuis l'extinction du Paganisme :
Apollon invite Polhymnie et Terpsicore à
le seconder dans le dessein qu'il a de
maintenir le culte qu'on leur rend encore sur ce Théatre. Il s'exprime ainsi :
>
Vous , qu'avec Apollon , en ces lieux on adore,
Sçavante Polhymnie , aimable Terpsicore
Par vos chants , par vos jeux , secondez mes´ désirs ;
Ce Temple seul , nous reste encore ;
Faisons-y regner les plaisirs.
Les deux Muses exécutent ces ordres ;*
elles étalent , à l'envi , ce qu'elles ont de
plus flateur , pour séduire les mortels ;
mais leur regne n'est pas de longue durée; la Verité descend des Cieux , suivie
des vertus qui forment sa brillante Cour.
Elle leur parle ainsi :
Phantômes séduisans , Enfans de l'imposture
Osez-vous soûtenir ma clarté vivé et pure ›
Cachez, vous dans l'obscurité ,
Où mon brillant aspect vous plonge ;
Il est temps que la verité ,
Fasseévanouir le mensonge.
C'est
MARS. 1732. $73 .
C'est trop abuser l'Univers ;
Rentrez dans les Enfers.
Les faux Dieux , dont l'Ecriture dit :-
Dii autem Gentium dæmonia , sont forcez
de s'abîmer.
La verité expose le Sujet de la Tragédie qu'on va representer , par ces Vers
qu'elle addresse aux Vertus qui l'accompagnent.
Troupe , immortelle comme moy;
Vertus , ornez ces lieux pour un nouveau Spec tacle ;
Annoncez aux Mortels la redoutable loy,
Du Dieu seul , dont je suis l'Oracle 9.3
Retirez du Tombeau le malheureux Jephté ;,
Rappellez son vœu téméraire ;
Au soin d'instruire , ajoutez l'art de plaire
Vous pouvez adoucir votre sévérité ;
Mais qu'aucun faux brillant n'altere
La splendeur de la vérité.
Le Chœur des Vertus, Suivantes de la
Verité , l'invite à faire briller sur la Terre
sa celeste lumiere. Le Prologue finit par
cet éloge, d'autant plus beau qu'il est dans
la bouche de la Vérité même,
Un Roy qui me chérit dès l'âge le plus ten- dre ,
Bait
son
unique
soin
de marcher
sur
mes
pas.
M
$74 MERCURE DE FRANCE
Il veut qu'en ces heureux climats ,
Ma seule voix se fasse entendre.
Qu'il triomphe par moi , quand je regne par lui,
Que la terre , le ciel , qu'à l'envi tout conspires
Afaire fleurir un Empire ,
Dontje suis le plus ferme appuy.
La DileHerremens, qui remplit le Rôle
dè la Vérité , y réussit parfaitement; mais
passons à la Tragédie.
Le Théatre représente d'abord le Fleuve du Jourdain , dont les Flots séparent
l'Armée des Israëlites de celle des Ammonites.
Jephté ouvre la Scene ; il témoigne d'abort le plaisir qu'il a de revoir Maspha
sa chere Patrie , après un long exil ; la
tristesse succede à la joye quand il voit
les Etendards des Ammonites plantez sur
les bords du Jourd in.
Abdon , l'un des Officiers Généraux
de l'Armée Israëlite , lui vient ` annoncer que l'Arche sainte va paroître à la
tête des Troupes , dont on lui a donné le commandement. A cette heureuse nouvelle Jephté est transporté de joie et
rempli de confiance. C'est icy la Scene
d'exposition ; l'Auteur y apprend aux
Spectateurs des choses essentielles à sa
Piece, et qui servent de base à la situation
MARS. 1732. 57.5
tion la plus frappante ; sçavoir , qu'il n'a
point vû sa fille depuis son enfance ; et
qu'il ne veut la voir qu'après qu'il aura
rempli son premier devoir. Il s'exprime
ainsi :
La gloire du Seigneur, fait mon premier devoir;
Nos Tribus , mes Soldats , sont toute ma Fa- mille.
Quoi ? lui dit Abdon , l'amour ni le
sang , ne peut vous émouvoir ?
Jephte lui répond !
Dis plutôt que je me défie ,
D'un cœur trop prompt à s'attendrir ;
Non ; je ne veux rien voir qui m'attache à la vie,
Quand pour sauver mon Peuple , il faut vaincre ou mourir.
Le Grand Prêtre Phinée vient annoncer à Jephté que la voix du Seigneur confirme le choix que les Hebreux ont fait
de lui , pour regner sur eux ; il lui apprend qu'Ammon , Fils du Roy des Ammonites et Prisonnier dans Maspha, a corrompu la Tribu d'Ephraim , ce qui donné lieu à un très- beau duo:
Les Guerriers Israëlites , assemblez par
l'ordre de Jephté , viennent attendre
l'Arche sainte. Le Grand-Prêtre et Jephté
leur annoncent les prodiges que Dieu a
faits
$76 MERCURE DE FRANCE
faits en faveur de son Peuple. Les Guerriers se mêlent à ce récit. Voicy les Vers
qui forment ce beau Chœur , qui fait
Fadmiration de tout Paris.
Phinée.
Ennemis du Maître suprême ,
Redoutez son couroux vangeur
La Terre , l'Enfer , le Ciel même
Tout tremble devant le Seigneur.
Le Chœur répete : La terre , &c.
Phinée et Fephté.
Le Jourdain retourne en arriere
Le Soleil suspend sa carriere ;
La Mer désarme sa fureur ,
En faveur d'un Peuple qu'il aime.
Le Chœur reprend : La terre , &c.
Phinée et Jephté.
La bruyante Trompette , à l'égal du Tonnerre
Brise les Murs d'airain , jette les Tours par terre ,
Et déclare Israël vainqueur ;
Elle va porter la terreur
Chez l'Idolatre qui blasphême.
Le Chœur.
La Terre , l'Enfer , le Ciel même ,
Tout tremble devant le Seigneur.
L'Arche
MARS. 1732. 577
L'Arche paroît de loin aux yeux dụ
Grand- Prêtre ; il ordonne aux Guerriers
de détourner la vûë; un nuage lumineux
la couvre , comme il arriva la premiere
fois Moïse la voulut offrir aux yeux
duPeuple.
que
Abdon annonce à Jephté que les Ammonites viennent de fondre sur le Camp
des Israëlites. Jephté ordonne qu'on assemble ses Guerriers sous ses Etendards
au son de la Trompette sacrée ; et c'est
dans ce pressant péril qu'il fait ce serment.
Grand Dieu , sois attentif au serment que je fais
Contre tes Ennemis , si je soûtiens ta gloire ,
Le premier qu'à mes yeux offrira mon Palais
Sera sur tes Autels le prix de ma victoire.
Je jure de te l'immoler ;
C'est à toy de choisir le sang qui doit couler
A peine le serment est - il prononcé
que le Jourdain se sépare en deux , et
forme deux remparts , au travers desquels l'armée Israëlite passe au son des
Trompettes.
Au II. Acte , le Théatre représente le
Palais de Jephté ; Ammon ouvre la Scene. Abner, son confident , l'exhorte à
mettre à profit la liberté que la Tribu
d'Ephraim vient de lui rendre , et à se
sauver
3-8 MERCURE DE FRANCE
sauver d'un lieu où il périra, si Jephté revient victorieux. Ammon lui dit qu'il ne
sçauroit quitter Iphise , fille de Jephté ,
dont il est amoureux. Iphise vient ; Am-
'mon lui déclare son amour. Eile le veut
fuïr ; il la retient ; et comme il blaspheme
contre le Dieu des Hébreux , elle lui dit :
Arrête. A l'Univers craint de servir d'exemple ;
Outrage à ton gré tes faux Dieux
Mais au Dieu d'Israël ne livre point la guerre ,
Il régit la terte et les cieux.
;
+
Et sur le Sacrilege , il lance le tonnerrè ;
Tremble , son bras vangeur , est prêt à t'im.
moler.
Elle lui ordonne de se retirer ; il lui
obéit. Iphise fait connoître dans un Monologue l'amour qu'elle sent, malgré elle,
pour Ammon; elle s'exprime ainsi :
Mes yeux , éteignez dans vos larmes
Des feux qui dans mon cœur s'allument malgré moi.
Tu vois mes mortelles allarmes ,
Dieu puissant , j'ai recours à toy.
Pourquoi faut-il , hélas ! que je trouve des char- : mes
Dans un fatal panchant , condamné par ta loy ?
Mes yeux , &c.
Almasie , mere d'Iphise , vient s'affliger
avec
MARS. 1732. 579
avec sa fille , d'un songe terrible qu'elle
a fait , et dans lequel elle a vû tomber
la foudre sur elle : Iphise ne doute point.
que ce ne soit un châtiment que Dieu lui
destine pour la punir de son amour pour
un Idolâtre ; elle en fait un aveu à sa
mere à la fin de la Scene. Abdon leur annonce la victoire de Jephté ; les Peuples
viennent s'en réjouir dans leur Palais. Almasie ordonne à sa Fille de présider aux
jeux , tandis qu'elle va dans le Temple
rendre graces à Dieu d'une si heureuse
victoire. Iphise lui dit qu'elle ira bientôt l'y trouver dans un même esprit de
reconnoissance envers Dieu. Un bruit de
Trompettes annonce l'arrivée de Jephté;
les Peuples se mettent en état d'aller au
devant de lui ; Iphise ne peut s'empêcher
d'y aller à son tour ; elle le fait connoître
par ces Vers qu'elle addresse à Dieu :
Je ne puis résister à mon impatience ;
Seigneur , un seul moment , je ne veux que le voir ,
Et je vole où m'appelle un plus sacré devoir.
C'est-à- dire , au Temple, où elle a promis à sa mere de l'aller joindre.
Le Théatre représente au troisiéme Ac
te une avant- court du Palais de Jephté ,
ornée d'Arcs de Triomphe ; on y a élevé
H au
$80 MERCURE DE FRANCE
un Trône.Jephté troublé de son serment,
fait retirer tous ceux qui le suivent. 11
fait entendre qu'il a vû sa Victime et
qu'il n'a osé lui prononcer l'Arrêt de sa
mort. Il ne sçait pas que cette Victime
est sa propre fille. Il se représente, en frémissant , quelle eût été la rigueur de son
sort si son Epouse ou sa fille eussent paru
les premieres à ses yeux ; on lui à dit
qu'elles sont dans le Temple , ce qui le
met dans une entiere securité ; cependant
il plaint les parens de celle qu'il a vüe
la premiere par ces Vers :
O toi que mon ame attendrie ,
A laissé sans obstacle éloigner de ces lieux ,
Quel pleurs tu vas coûter aux Auteurs de ta vie,
S'il faut que je remplisse un serment odieux !
Almasie vient; Jephté la prie d'excuser
le trouble dont elle le trouve agité ; elle
lui confirme que sa fille est dans le Temple. Iphise arrives Jephté frémit en la
voyant , parce qu'il la reconnoît pour
celle qu'il a vûë la premiere ; mais de
quel coup n'est-il pas frappé quand il
entend ces mots d'Almasie!
Approchez- vous , ma fille,
. Cette situation à tiré des larmes ; voici
la fin de cette interessante Scene.
Iphise
MARS. 1732. 581
Iphise.
Votre présence m'est si chere ,
Pourquoi détournez-vous les yeux ?
Fephré.
Je devrois les fermer à la clarté des Cieux.
Iphise.
O mon pere , envers vous de quoi suis - je coupable?
Ai-je à vos yeux montré trop peu d'amour
Au bruit de votre heureux retour
J'ai volé la premiere.
Jephté.
Eh! c'est ce qui m'accable ;
Et mon malheur est confirmé.
Iphise.
Votre malheur ! Parlez ; quelle douleur vous
presse ?
Me reprochez vous ma tendresse a
Jephie.
Vous ne m'avez que trop aimé ?
Hela's !
Iphise.
Jephte.
Votre présence augmente mon supplices
Eloignez-vous.
Almasie.
Quelle est votre injustice !
Hij Jephti
•
82 MERCURE DE FRANCE
Jephte.
Otez-moi çet objet ; il me perce le cœur. &c.
La Scene entre Jephté et Almasie n'est
gueres moins interressante. Jephté lui
apprend son serment ; elle lui répond
avec transport :
Non , Dieu n'accepte pas un vœu si témeraire.
Mais pensez- vous, cruel, que nos saintes Tribus ,
Malgré vos ordres absolus ,
Ne conserveront pas une fille à sa mere?
Tout Israël lui servira de pere ,
·Puisqu'enfin vous ne l'êtes plus. &c.
Ce troisiéme Acte finit par cette leçon , que Phinée fait à Jephté , après la Fête du Couronnement.
Phinée.
“Jephté , si tu veux qu'on te craigne ,
La crainte du Seigneur doit regler tes projets.
Ce n'est pas toi , c'est Dieu qui regne ;
Sois le premier de ses Sujets.
Grave au fond de ton coeur sa parole éternelle ;
Tiens sans cesse tes yeux attachez sur sa Loy;
Dans ses sermens il est fidelle ;
Ne lui manque jamais de foy.
Ces dernieres paroles prononcées au
hazard
MA'R S. 1732. 58.3
hasard , rappellent à Jephté le fatal serment, et font finir l'Acte d'une maniere
plus interressante et plus propre à augmenter le péril.
Au quatriéme Acte , le Théatre représenteun Jardin, où Almasie a dit à sa fille
dans l'Acte précedent de l'aller attendre.
Iphise ouvre la Scene par ce Monologue
qui convient à sa situation.
Ruisseaux, qui serpentez sur ces fertiles bords ,
Allez loin de mes yeux répandre les trésors ,
Qu'on voit couler avec votre Onde.
Dans le cours de vos flots, l'un par l'autre chassez,
Ruisseaux , hélas ! vous me tracez ,
L'image des grandeurs du monde.
Ruisseaux , &c.
Les Bergers et les Bergeres des Rives
du Jourdain , viennent rendre hommage.
à la fille de leur nouveau Souverain , et lui
présentent les prémices de leurs Champs,
qu'elle rapporte à Dieu par ces Vers :
J'aime à voir vos soins empressez ;
Mais à l'Auteur de la Nature ,
Vos chants doivent être adressez.
Ces fruits , ces fleurs , cette verdure ,
Tout appartient à ce supréme Roy ;
Il en demande les prémices.
H iij Pour
$ 84 MERCURE DE FRANCE
J
Pour attirer sur vous des regards plus propices ,
Immolez-lui vos cœurs , c'est sa premiere Loys
Puissiez-vous dans vos Sacrifices *
Estre plus fidelle que moi !
Cetre Fête , qui est , sans contredit , l'a
plus gracieuse de la Piece , et qu'on compare , à bon droit , à celle du quatriéme
Acte de l'Opera de Roland, est interrompue par Almasie , qui après avoir fait
éloigner les Bergers , annonce à 1phise
qu'elle doit être sacrifiée. Voici comme
elle lui parle :
Par le Grand- Prêtre et par Jephté,
L'Eternel à mes yeux vient d'être consulté.
Que d'horreurs à la fois ! je tremble à te le dire.
Le Ciel gronde , l'Autel que je vois s'ébranler ,
Semble se refuser au sang qui doit couler.
Le Voile sacré se déchire ;
Le Grand-Prêtre saisi d'effroi ,
Jene un sombre regard sur ton pere et sur moi.
Vers l'Arche redoutable en tremblant il s'avanee;
Il l'interroge sur ton sort.
L'Arche garde un triste silence ,
Et ce silence est l'Arrêt de ta mort.
Iphise apprenant que són sang est le
prix de la victoire qui a sauvé le Peuple,
se
MARS. 173-2 585
se dévotie à la mort avec joye ; Almasie
sort pour aller du moins retarder le fatal
Sacrifice. Iphise refléchit sur sa triste situation par ce Monologue.
C'en est donc fait ! bientôt cette Terre, ces Cieux,
Ce Soleil , pourjamais tout se voile à mes yeux !
Malheureux un cœur qui se livre ,
Au vain bonheur qui vient s'offrir !
A peine je commence à vivre ,
Qu'il faut me résoudre à mourir.
Du comble des grandeurs dont l'éclat m'envi
ronne ,
Je cours d'un pas rapide à mes derniers instans;
Je ressemble à ces fleurs que l'Aquilon moissonne ?
Dès les premiers jours du Printemps.
Malheureux un cœur , &c.
L'Acte finit que une Scene les Con- par noisseurs trouvent la plus belle de la Piece. Ammon veut sauver Iphise ; elle refuse le secours qu'il vient lui offrir , soutenu de toute la Tribu d'Ephraïm ; le
désespoir d'Ammon qui veut perir , lui
arrache des sentimens qui Aattent l'amour dont il brule pour elle , mais elle
lui ôte toute esperance par ces Vers :
Apprens que pour sentir une fatale flamme ,
Un grand cœur n'est pas abbattu.
Hiiij L'A-
586 MERCURE DE FRANCE
L'Amour peut entrer dans une ame ,
Sans triompher de la vertu.
Ammon désesperé , lui dit qu'il entrera
dans le Temple , la vengeance à la main
elle se résout à aller se livrer à l'Autel
pour prévenir la fureur de son Amant.
Comme cet Extrait n'est déja que trop
long , nous ne dirons plus que ce qui concerne l'Action théatrale du V. Acte.
Jephté déplore sa situation , et la comparant à celle d'Abraham , il demande à
Dieu la même clémence qu'il fit autrefois éclater en faveur de ce Patriarche.
Iphise vient se livrer à l'Autel malgré le
Peuple qui veut la retenir ; la Scene envers son Pere est des plus touchantes.
Unbruit de guerre oblige Jephté à aller deffendre le Temple qu'Ammon assiege avec la Tribu d'Ephraïm. Ammon
entre dans la partie exterieure du Temple pour enlever Iphise ; elle se sauve
dans l'interieure. Ammon la suit jusques
dans le Sanctuaire , en blasphemant.
Jephté revient , l'épée à la main , et
voyant le Temple forcé , y veut entrer.
Phinée l'arrête, en lui disant, que le Dieu
des Armées n'a pas besoin du secours
d'un foible Mortel ; l'Ange Exterminateur descend dans un Globe de feu. Ammon
MARS. 1732.
587
mon par et les Rebelles font entendre
des voix mourantes qu'ils périssent tous.
•
On amene Iphise pour la sacrifier ; la
résignation de la fille , l'étonnement du
Grand-Prêtre , et la douleur du Pere et
de la Mere , font un tableau qui inspire
tout- à-la fois la pieté et la terreur. Iphise
est sauvée par une inspiration du GrandPrêtre , qui lui annonce que Dieu luj
fait grace en faveur de son repentir.
On a ajoûté une Fête en action de
grace , dont on convient que le Poëme n'avoit pas besoin pour s'assurer un succès des plus complets.
Au surplus cet Opera est executé d'une maniere à satisfaire les Spectateurs les
plus difficiles et les plus délicats. Le sieur
Chassé fait voir dans le premier Rôle ,
par l'expression de son jeu et par la fléxibilité de sa voix , qu'il est capable de
remplir avantageusement tous les Rôles
dont il voudra se charger. La Dile Antier
ne dément point la grande réputation
qu'elle s'est si justement acquise jusqu'aujourd'hui , et la Dile le Maure , dans le
Rôle d'Iphise , joint à la plus belle voix
du monde , toutes les graces , toute la
sensibilité et toute la noblesse qu'on peut
souhaiter. Tous les autres Acteurs , tant
chantans que dansans , se sont distinH v guez
588 MERCURE DE FRANCE
guez;et le sieurBlondi s'est fait un honneur
infini dans la composition d'un Balet, dont
le genre etoit inconnu à ses Prédeceseurs ;
les Diles Camargo et Salé , l'y ont secondé
avec leur legereté et leurs graces ordinaires. Nous apprenons que le succès de cet
Opera augmente de jour en jour , et le
Public se promet avec plaisir de le revoir
le Carême prochain.
la premiere Representation de Jephie,
Tragédie , tirée de l'Ecriture sainte , le
premier Jeudy de Carême ; la nouveauté
du genre en avoit rendu le succès si
douteux, qu'on ne croioit pas qu'elle pût
être jouée deux fois ; cette prévention
presque générale n'a pas tenu contre les
beautez du Poëme et de la Musique , et
M. l'Abbé Pellegrin et M. de Monteclair qui en sont les Auteurs , peuvent
se vanter qu'il y a tres- peu d'Opéra que
le Public ait honoré de plus d'applaudissemens. Nos Lecteurs pourront juger du
Poëme par cet Extrait. Pour la Musique ,
les plus grands connoisseurs la trouvent
tres-digne de Lully , et on ne les contredit point.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu orné pour des Spectacles , c'està dire,
*
72 MERCURE DE FRANCE
à- dire , le Théatre même de l'Académie,
dont tous les Dieux fabuleux se sont em
parez , comme du seul Temple qui leur
reste depuis l'extinction du Paganisme :
Apollon invite Polhymnie et Terpsicore à
le seconder dans le dessein qu'il a de
maintenir le culte qu'on leur rend encore sur ce Théatre. Il s'exprime ainsi :
>
Vous , qu'avec Apollon , en ces lieux on adore,
Sçavante Polhymnie , aimable Terpsicore
Par vos chants , par vos jeux , secondez mes´ désirs ;
Ce Temple seul , nous reste encore ;
Faisons-y regner les plaisirs.
Les deux Muses exécutent ces ordres ;*
elles étalent , à l'envi , ce qu'elles ont de
plus flateur , pour séduire les mortels ;
mais leur regne n'est pas de longue durée; la Verité descend des Cieux , suivie
des vertus qui forment sa brillante Cour.
Elle leur parle ainsi :
Phantômes séduisans , Enfans de l'imposture
Osez-vous soûtenir ma clarté vivé et pure ›
Cachez, vous dans l'obscurité ,
Où mon brillant aspect vous plonge ;
Il est temps que la verité ,
Fasseévanouir le mensonge.
C'est
MARS. 1732. $73 .
C'est trop abuser l'Univers ;
Rentrez dans les Enfers.
Les faux Dieux , dont l'Ecriture dit :-
Dii autem Gentium dæmonia , sont forcez
de s'abîmer.
La verité expose le Sujet de la Tragédie qu'on va representer , par ces Vers
qu'elle addresse aux Vertus qui l'accompagnent.
Troupe , immortelle comme moy;
Vertus , ornez ces lieux pour un nouveau Spec tacle ;
Annoncez aux Mortels la redoutable loy,
Du Dieu seul , dont je suis l'Oracle 9.3
Retirez du Tombeau le malheureux Jephté ;,
Rappellez son vœu téméraire ;
Au soin d'instruire , ajoutez l'art de plaire
Vous pouvez adoucir votre sévérité ;
Mais qu'aucun faux brillant n'altere
La splendeur de la vérité.
Le Chœur des Vertus, Suivantes de la
Verité , l'invite à faire briller sur la Terre
sa celeste lumiere. Le Prologue finit par
cet éloge, d'autant plus beau qu'il est dans
la bouche de la Vérité même,
Un Roy qui me chérit dès l'âge le plus ten- dre ,
Bait
son
unique
soin
de marcher
sur
mes
pas.
M
$74 MERCURE DE FRANCE
Il veut qu'en ces heureux climats ,
Ma seule voix se fasse entendre.
Qu'il triomphe par moi , quand je regne par lui,
Que la terre , le ciel , qu'à l'envi tout conspires
Afaire fleurir un Empire ,
Dontje suis le plus ferme appuy.
La DileHerremens, qui remplit le Rôle
dè la Vérité , y réussit parfaitement; mais
passons à la Tragédie.
Le Théatre représente d'abord le Fleuve du Jourdain , dont les Flots séparent
l'Armée des Israëlites de celle des Ammonites.
Jephté ouvre la Scene ; il témoigne d'abort le plaisir qu'il a de revoir Maspha
sa chere Patrie , après un long exil ; la
tristesse succede à la joye quand il voit
les Etendards des Ammonites plantez sur
les bords du Jourd in.
Abdon , l'un des Officiers Généraux
de l'Armée Israëlite , lui vient ` annoncer que l'Arche sainte va paroître à la
tête des Troupes , dont on lui a donné le commandement. A cette heureuse nouvelle Jephté est transporté de joie et
rempli de confiance. C'est icy la Scene
d'exposition ; l'Auteur y apprend aux
Spectateurs des choses essentielles à sa
Piece, et qui servent de base à la situation
MARS. 1732. 57.5
tion la plus frappante ; sçavoir , qu'il n'a
point vû sa fille depuis son enfance ; et
qu'il ne veut la voir qu'après qu'il aura
rempli son premier devoir. Il s'exprime
ainsi :
La gloire du Seigneur, fait mon premier devoir;
Nos Tribus , mes Soldats , sont toute ma Fa- mille.
Quoi ? lui dit Abdon , l'amour ni le
sang , ne peut vous émouvoir ?
Jephte lui répond !
Dis plutôt que je me défie ,
D'un cœur trop prompt à s'attendrir ;
Non ; je ne veux rien voir qui m'attache à la vie,
Quand pour sauver mon Peuple , il faut vaincre ou mourir.
Le Grand Prêtre Phinée vient annoncer à Jephté que la voix du Seigneur confirme le choix que les Hebreux ont fait
de lui , pour regner sur eux ; il lui apprend qu'Ammon , Fils du Roy des Ammonites et Prisonnier dans Maspha, a corrompu la Tribu d'Ephraim , ce qui donné lieu à un très- beau duo:
Les Guerriers Israëlites , assemblez par
l'ordre de Jephté , viennent attendre
l'Arche sainte. Le Grand-Prêtre et Jephté
leur annoncent les prodiges que Dieu a
faits
$76 MERCURE DE FRANCE
faits en faveur de son Peuple. Les Guerriers se mêlent à ce récit. Voicy les Vers
qui forment ce beau Chœur , qui fait
Fadmiration de tout Paris.
Phinée.
Ennemis du Maître suprême ,
Redoutez son couroux vangeur
La Terre , l'Enfer , le Ciel même
Tout tremble devant le Seigneur.
Le Chœur répete : La terre , &c.
Phinée et Fephté.
Le Jourdain retourne en arriere
Le Soleil suspend sa carriere ;
La Mer désarme sa fureur ,
En faveur d'un Peuple qu'il aime.
Le Chœur reprend : La terre , &c.
Phinée et Jephté.
La bruyante Trompette , à l'égal du Tonnerre
Brise les Murs d'airain , jette les Tours par terre ,
Et déclare Israël vainqueur ;
Elle va porter la terreur
Chez l'Idolatre qui blasphême.
Le Chœur.
La Terre , l'Enfer , le Ciel même ,
Tout tremble devant le Seigneur.
L'Arche
MARS. 1732. 577
L'Arche paroît de loin aux yeux dụ
Grand- Prêtre ; il ordonne aux Guerriers
de détourner la vûë; un nuage lumineux
la couvre , comme il arriva la premiere
fois Moïse la voulut offrir aux yeux
duPeuple.
que
Abdon annonce à Jephté que les Ammonites viennent de fondre sur le Camp
des Israëlites. Jephté ordonne qu'on assemble ses Guerriers sous ses Etendards
au son de la Trompette sacrée ; et c'est
dans ce pressant péril qu'il fait ce serment.
Grand Dieu , sois attentif au serment que je fais
Contre tes Ennemis , si je soûtiens ta gloire ,
Le premier qu'à mes yeux offrira mon Palais
Sera sur tes Autels le prix de ma victoire.
Je jure de te l'immoler ;
C'est à toy de choisir le sang qui doit couler
A peine le serment est - il prononcé
que le Jourdain se sépare en deux , et
forme deux remparts , au travers desquels l'armée Israëlite passe au son des
Trompettes.
Au II. Acte , le Théatre représente le
Palais de Jephté ; Ammon ouvre la Scene. Abner, son confident , l'exhorte à
mettre à profit la liberté que la Tribu
d'Ephraim vient de lui rendre , et à se
sauver
3-8 MERCURE DE FRANCE
sauver d'un lieu où il périra, si Jephté revient victorieux. Ammon lui dit qu'il ne
sçauroit quitter Iphise , fille de Jephté ,
dont il est amoureux. Iphise vient ; Am-
'mon lui déclare son amour. Eile le veut
fuïr ; il la retient ; et comme il blaspheme
contre le Dieu des Hébreux , elle lui dit :
Arrête. A l'Univers craint de servir d'exemple ;
Outrage à ton gré tes faux Dieux
Mais au Dieu d'Israël ne livre point la guerre ,
Il régit la terte et les cieux.
;
+
Et sur le Sacrilege , il lance le tonnerrè ;
Tremble , son bras vangeur , est prêt à t'im.
moler.
Elle lui ordonne de se retirer ; il lui
obéit. Iphise fait connoître dans un Monologue l'amour qu'elle sent, malgré elle,
pour Ammon; elle s'exprime ainsi :
Mes yeux , éteignez dans vos larmes
Des feux qui dans mon cœur s'allument malgré moi.
Tu vois mes mortelles allarmes ,
Dieu puissant , j'ai recours à toy.
Pourquoi faut-il , hélas ! que je trouve des char- : mes
Dans un fatal panchant , condamné par ta loy ?
Mes yeux , &c.
Almasie , mere d'Iphise , vient s'affliger
avec
MARS. 1732. 579
avec sa fille , d'un songe terrible qu'elle
a fait , et dans lequel elle a vû tomber
la foudre sur elle : Iphise ne doute point.
que ce ne soit un châtiment que Dieu lui
destine pour la punir de son amour pour
un Idolâtre ; elle en fait un aveu à sa
mere à la fin de la Scene. Abdon leur annonce la victoire de Jephté ; les Peuples
viennent s'en réjouir dans leur Palais. Almasie ordonne à sa Fille de présider aux
jeux , tandis qu'elle va dans le Temple
rendre graces à Dieu d'une si heureuse
victoire. Iphise lui dit qu'elle ira bientôt l'y trouver dans un même esprit de
reconnoissance envers Dieu. Un bruit de
Trompettes annonce l'arrivée de Jephté;
les Peuples se mettent en état d'aller au
devant de lui ; Iphise ne peut s'empêcher
d'y aller à son tour ; elle le fait connoître
par ces Vers qu'elle addresse à Dieu :
Je ne puis résister à mon impatience ;
Seigneur , un seul moment , je ne veux que le voir ,
Et je vole où m'appelle un plus sacré devoir.
C'est-à- dire , au Temple, où elle a promis à sa mere de l'aller joindre.
Le Théatre représente au troisiéme Ac
te une avant- court du Palais de Jephté ,
ornée d'Arcs de Triomphe ; on y a élevé
H au
$80 MERCURE DE FRANCE
un Trône.Jephté troublé de son serment,
fait retirer tous ceux qui le suivent. 11
fait entendre qu'il a vû sa Victime et
qu'il n'a osé lui prononcer l'Arrêt de sa
mort. Il ne sçait pas que cette Victime
est sa propre fille. Il se représente, en frémissant , quelle eût été la rigueur de son
sort si son Epouse ou sa fille eussent paru
les premieres à ses yeux ; on lui à dit
qu'elles sont dans le Temple , ce qui le
met dans une entiere securité ; cependant
il plaint les parens de celle qu'il a vüe
la premiere par ces Vers :
O toi que mon ame attendrie ,
A laissé sans obstacle éloigner de ces lieux ,
Quel pleurs tu vas coûter aux Auteurs de ta vie,
S'il faut que je remplisse un serment odieux !
Almasie vient; Jephté la prie d'excuser
le trouble dont elle le trouve agité ; elle
lui confirme que sa fille est dans le Temple. Iphise arrives Jephté frémit en la
voyant , parce qu'il la reconnoît pour
celle qu'il a vûë la premiere ; mais de
quel coup n'est-il pas frappé quand il
entend ces mots d'Almasie!
Approchez- vous , ma fille,
. Cette situation à tiré des larmes ; voici
la fin de cette interessante Scene.
Iphise
MARS. 1732. 581
Iphise.
Votre présence m'est si chere ,
Pourquoi détournez-vous les yeux ?
Fephré.
Je devrois les fermer à la clarté des Cieux.
Iphise.
O mon pere , envers vous de quoi suis - je coupable?
Ai-je à vos yeux montré trop peu d'amour
Au bruit de votre heureux retour
J'ai volé la premiere.
Jephté.
Eh! c'est ce qui m'accable ;
Et mon malheur est confirmé.
Iphise.
Votre malheur ! Parlez ; quelle douleur vous
presse ?
Me reprochez vous ma tendresse a
Jephie.
Vous ne m'avez que trop aimé ?
Hela's !
Iphise.
Jephte.
Votre présence augmente mon supplices
Eloignez-vous.
Almasie.
Quelle est votre injustice !
Hij Jephti
•
82 MERCURE DE FRANCE
Jephte.
Otez-moi çet objet ; il me perce le cœur. &c.
La Scene entre Jephté et Almasie n'est
gueres moins interressante. Jephté lui
apprend son serment ; elle lui répond
avec transport :
Non , Dieu n'accepte pas un vœu si témeraire.
Mais pensez- vous, cruel, que nos saintes Tribus ,
Malgré vos ordres absolus ,
Ne conserveront pas une fille à sa mere?
Tout Israël lui servira de pere ,
·Puisqu'enfin vous ne l'êtes plus. &c.
Ce troisiéme Acte finit par cette leçon , que Phinée fait à Jephté , après la Fête du Couronnement.
Phinée.
“Jephté , si tu veux qu'on te craigne ,
La crainte du Seigneur doit regler tes projets.
Ce n'est pas toi , c'est Dieu qui regne ;
Sois le premier de ses Sujets.
Grave au fond de ton coeur sa parole éternelle ;
Tiens sans cesse tes yeux attachez sur sa Loy;
Dans ses sermens il est fidelle ;
Ne lui manque jamais de foy.
Ces dernieres paroles prononcées au
hazard
MA'R S. 1732. 58.3
hasard , rappellent à Jephté le fatal serment, et font finir l'Acte d'une maniere
plus interressante et plus propre à augmenter le péril.
Au quatriéme Acte , le Théatre représenteun Jardin, où Almasie a dit à sa fille
dans l'Acte précedent de l'aller attendre.
Iphise ouvre la Scene par ce Monologue
qui convient à sa situation.
Ruisseaux, qui serpentez sur ces fertiles bords ,
Allez loin de mes yeux répandre les trésors ,
Qu'on voit couler avec votre Onde.
Dans le cours de vos flots, l'un par l'autre chassez,
Ruisseaux , hélas ! vous me tracez ,
L'image des grandeurs du monde.
Ruisseaux , &c.
Les Bergers et les Bergeres des Rives
du Jourdain , viennent rendre hommage.
à la fille de leur nouveau Souverain , et lui
présentent les prémices de leurs Champs,
qu'elle rapporte à Dieu par ces Vers :
J'aime à voir vos soins empressez ;
Mais à l'Auteur de la Nature ,
Vos chants doivent être adressez.
Ces fruits , ces fleurs , cette verdure ,
Tout appartient à ce supréme Roy ;
Il en demande les prémices.
H iij Pour
$ 84 MERCURE DE FRANCE
J
Pour attirer sur vous des regards plus propices ,
Immolez-lui vos cœurs , c'est sa premiere Loys
Puissiez-vous dans vos Sacrifices *
Estre plus fidelle que moi !
Cetre Fête , qui est , sans contredit , l'a
plus gracieuse de la Piece , et qu'on compare , à bon droit , à celle du quatriéme
Acte de l'Opera de Roland, est interrompue par Almasie , qui après avoir fait
éloigner les Bergers , annonce à 1phise
qu'elle doit être sacrifiée. Voici comme
elle lui parle :
Par le Grand- Prêtre et par Jephté,
L'Eternel à mes yeux vient d'être consulté.
Que d'horreurs à la fois ! je tremble à te le dire.
Le Ciel gronde , l'Autel que je vois s'ébranler ,
Semble se refuser au sang qui doit couler.
Le Voile sacré se déchire ;
Le Grand-Prêtre saisi d'effroi ,
Jene un sombre regard sur ton pere et sur moi.
Vers l'Arche redoutable en tremblant il s'avanee;
Il l'interroge sur ton sort.
L'Arche garde un triste silence ,
Et ce silence est l'Arrêt de ta mort.
Iphise apprenant que són sang est le
prix de la victoire qui a sauvé le Peuple,
se
MARS. 173-2 585
se dévotie à la mort avec joye ; Almasie
sort pour aller du moins retarder le fatal
Sacrifice. Iphise refléchit sur sa triste situation par ce Monologue.
C'en est donc fait ! bientôt cette Terre, ces Cieux,
Ce Soleil , pourjamais tout se voile à mes yeux !
Malheureux un cœur qui se livre ,
Au vain bonheur qui vient s'offrir !
A peine je commence à vivre ,
Qu'il faut me résoudre à mourir.
Du comble des grandeurs dont l'éclat m'envi
ronne ,
Je cours d'un pas rapide à mes derniers instans;
Je ressemble à ces fleurs que l'Aquilon moissonne ?
Dès les premiers jours du Printemps.
Malheureux un cœur , &c.
L'Acte finit que une Scene les Con- par noisseurs trouvent la plus belle de la Piece. Ammon veut sauver Iphise ; elle refuse le secours qu'il vient lui offrir , soutenu de toute la Tribu d'Ephraïm ; le
désespoir d'Ammon qui veut perir , lui
arrache des sentimens qui Aattent l'amour dont il brule pour elle , mais elle
lui ôte toute esperance par ces Vers :
Apprens que pour sentir une fatale flamme ,
Un grand cœur n'est pas abbattu.
Hiiij L'A-
586 MERCURE DE FRANCE
L'Amour peut entrer dans une ame ,
Sans triompher de la vertu.
Ammon désesperé , lui dit qu'il entrera
dans le Temple , la vengeance à la main
elle se résout à aller se livrer à l'Autel
pour prévenir la fureur de son Amant.
Comme cet Extrait n'est déja que trop
long , nous ne dirons plus que ce qui concerne l'Action théatrale du V. Acte.
Jephté déplore sa situation , et la comparant à celle d'Abraham , il demande à
Dieu la même clémence qu'il fit autrefois éclater en faveur de ce Patriarche.
Iphise vient se livrer à l'Autel malgré le
Peuple qui veut la retenir ; la Scene envers son Pere est des plus touchantes.
Unbruit de guerre oblige Jephté à aller deffendre le Temple qu'Ammon assiege avec la Tribu d'Ephraïm. Ammon
entre dans la partie exterieure du Temple pour enlever Iphise ; elle se sauve
dans l'interieure. Ammon la suit jusques
dans le Sanctuaire , en blasphemant.
Jephté revient , l'épée à la main , et
voyant le Temple forcé , y veut entrer.
Phinée l'arrête, en lui disant, que le Dieu
des Armées n'a pas besoin du secours
d'un foible Mortel ; l'Ange Exterminateur descend dans un Globe de feu. Ammon
MARS. 1732.
587
mon par et les Rebelles font entendre
des voix mourantes qu'ils périssent tous.
•
On amene Iphise pour la sacrifier ; la
résignation de la fille , l'étonnement du
Grand-Prêtre , et la douleur du Pere et
de la Mere , font un tableau qui inspire
tout- à-la fois la pieté et la terreur. Iphise
est sauvée par une inspiration du GrandPrêtre , qui lui annonce que Dieu luj
fait grace en faveur de son repentir.
On a ajoûté une Fête en action de
grace , dont on convient que le Poëme n'avoit pas besoin pour s'assurer un succès des plus complets.
Au surplus cet Opera est executé d'une maniere à satisfaire les Spectateurs les
plus difficiles et les plus délicats. Le sieur
Chassé fait voir dans le premier Rôle ,
par l'expression de son jeu et par la fléxibilité de sa voix , qu'il est capable de
remplir avantageusement tous les Rôles
dont il voudra se charger. La Dile Antier
ne dément point la grande réputation
qu'elle s'est si justement acquise jusqu'aujourd'hui , et la Dile le Maure , dans le
Rôle d'Iphise , joint à la plus belle voix
du monde , toutes les graces , toute la
sensibilité et toute la noblesse qu'on peut
souhaiter. Tous les autres Acteurs , tant
chantans que dansans , se sont distinH v guez
588 MERCURE DE FRANCE
guez;et le sieurBlondi s'est fait un honneur
infini dans la composition d'un Balet, dont
le genre etoit inconnu à ses Prédeceseurs ;
les Diles Camargo et Salé , l'y ont secondé
avec leur legereté et leurs graces ordinaires. Nous apprenons que le succès de cet
Opera augmente de jour en jour , et le
Public se promet avec plaisir de le revoir
le Carême prochain.
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Résumé : Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique présenta 'Jephte', une tragédie biblique, le premier jeudi de Carême. Malgré des doutes initiaux, l'œuvre fut acclamée pour la qualité de son poème et de sa musique, respectivement écrits par l'abbé Pellegrin et M. de Montéclair. Le prologue met en scène Apollon, Polhymnie et Terpsichore, interrompus par la Vérité et ses vertus, qui condamnent les faux dieux et annoncent le sujet de la tragédie. La pièce commence avec Jephté, qui exprime sa joie de revoir sa patrie, Maspha, mais sa tristesse en voyant les étendards des Ammonites. Abdon, un officier, lui annonce l'arrivée de l'Arche sainte. Jephté, déterminé à sauver son peuple, refuse de voir sa fille avant la bataille. Le Grand Prêtre Phinée confirme son choix et révèle la corruption de la tribu d'Éphraïm par Ammon. Les guerriers israéliens, inspirés par les prodiges de Dieu, se préparent au combat. Jephté fait un serment solennel, promettant d'immoler le premier être vivant qu'il verra à son retour. Dans le deuxième acte, Ammon, prisonnier, exprime son amour pour Iphise, la fille de Jephté. Iphise, déchirée entre son amour et sa loyauté envers Dieu, prie pour être délivrée de ses sentiments. Almasie, la mère d'Iphise, partage son inquiétude après un rêve prémonitoire. La victoire de Jephté est annoncée, et Iphise se rend au temple pour remercier Dieu. Le troisième acte montre Jephté troublé par son serment. Il voit Iphise, qu'il reconnaît comme la première personne qu'il a vue à son retour, et est accablé par la nécessité de l'immoler. Almasie et Iphise tentent de le réconforter, mais Jephté est déchiré entre son devoir et son amour paternel. Phinée rappelle à Jephté que ses actions doivent être guidées par la crainte de Dieu. Dans le quatrième acte, Iphise attend dans un jardin, exprimant sa détresse. Des bergers et bergères lui rendent hommage, et elle leur rappelle de louer Dieu pour leurs récoltes. La pièce se conclut sur cette note de dévotion et de sacrifice. Dans la scène suivante, Almasie annonce à Iphise qu'elle doit être sacrifiée. Le Grand-Prêtre, après avoir consulté l'Éternel, décide que le sang d'Iphise est le prix de la victoire. Iphise accepte son destin avec joie, tandis qu'Almasie tente de retarder le sacrifice. Iphise exprime sa tristesse et son acceptation de la mort dans un monologue. Ammon, amoureux d'Iphise, tente de la sauver, mais elle refuse son aide, affirmant que l'amour ne peut triompher de la vertu. Ammon, désespéré, menace de se venger. Dans le cinquième acte, Jephté déplore sa situation et demande clémence à Dieu. Iphise se livre à l'autel malgré les tentatives du peuple de la retenir. Une bataille éclate entre Ammon et Jephté, et Ammon est finalement vaincu par l'Ange Exterminateur. Iphise est amenée pour le sacrifice, mais elle est sauvée grâce à une inspiration du Grand-Prêtre, qui annonce que Dieu lui fait grâce en faveur de son repentir. L'opéra fut exécuté avec succès, avec des performances remarquables des acteurs, notamment Chassé, Dile Antier, et Dile le Maure dans le rôle d'Iphise. Le ballet, composé par le sieur Blondi, fut également salué pour son originalité et l'exécution des danseurs comme Camargo et Salé. Le public apprécia l'opéra et se promit de le revoir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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691
p. 588-589
Offre des Comédiens François à l'Académie Françoise, [titre d'après la table]
Début :
Le Lundi troisiéme Mars, sept Députez des Comédiens François ayant [...]
Mots clefs :
Académie française, Comédiens-Français, Offre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Offre des Comédiens François à l'Académie Françoise, [titre d'après la table]
Le Lundi troisiéme Mars , sept Députez des
Comédiens François ayant fait avertir l'Académie , qu'ils étoient dans son Anti- Chambre et
qu'ils souhaitoient lui parler , elle les reçut de
la maniere qu'elle a coûtume de recevoir les Etrangers qui ont quelque chose à lui proposer. Les
Députez étant assis , M. Quinault l'aîné dit :
MESSIEURS
Il y a long-temps que nous desirions faire la dé- marche que nous faisons. La crainte d'un refus
nous à retenus jusqu'à present , mais aujourd'hui
que nous apprenons que vous ne dédaignerez pas
d'accepter l'entrée de notre Spectacle , nous venons
vous l'offrir. En l'acceptant vous nous honorerez
infinimen . Il ne nous reste plus , Messieurs , qu'a
vous supplier de nous venir entendre le plus souvent
qu'il vous sera possible et de nous faire part de vos lumieres dans les occasions où nous aurons besoin.
des secours d'une Compagnie aussi illustre et aussi
respectable que la vôtre.
L'Académicien qui ce jour-là présidoit à la
Compagnie , leur répondit, qu'elle entendoit avec
plaisir leur Compliment , qui passeroit dans be 1 monde
MARS, 1732. 589
monde pourune marque de leur reconnoissance;
que le progrès des Arts qu'elle cultive , a beaucoup contribué à la perfection où ils ont porté
leur Profession ; que les bons Acteurs font valoir les bonnes Pieces , mais que ce sont les bonnes Pieces qui forment les bons Acteurs , et que
la plus ancienne des Tragédies qui sont demeurées
au Théatre , est le Cid , qui parut peu de temps
après l'établissement de l'Académie Françoise."
Que ce sont les Ouvrages du grand Corneille
de Racine et de plusieurs autres Académiciens
qui ont fait changer de face au Théatre François,
assez grossier auparavant ; que depuis ce tempslà notre Scene s'est rendue digne de l'attention
des Etrangers mêmes , et qu'on voit en Allemagne et en d'autres Pays encore plus éloignez , des
Théatres François plus fréquentez , que ceux où
l'on représente des Pieces composées dans la Lan- gue vulgaire du lieu.
Celui qui présidoit à l'Académie finit son Discours, en disant , qu'au reste elle rendroit compte
aa Roy, son Protecteur , de l'offre obligeante qui lui étoit faite.
La réponse du Roy à l'Académie , a été que
S. M. trouvoit bon qu'elle acceptât l'offre des Comédiens François..
Comédiens François ayant fait avertir l'Académie , qu'ils étoient dans son Anti- Chambre et
qu'ils souhaitoient lui parler , elle les reçut de
la maniere qu'elle a coûtume de recevoir les Etrangers qui ont quelque chose à lui proposer. Les
Députez étant assis , M. Quinault l'aîné dit :
MESSIEURS
Il y a long-temps que nous desirions faire la dé- marche que nous faisons. La crainte d'un refus
nous à retenus jusqu'à present , mais aujourd'hui
que nous apprenons que vous ne dédaignerez pas
d'accepter l'entrée de notre Spectacle , nous venons
vous l'offrir. En l'acceptant vous nous honorerez
infinimen . Il ne nous reste plus , Messieurs , qu'a
vous supplier de nous venir entendre le plus souvent
qu'il vous sera possible et de nous faire part de vos lumieres dans les occasions où nous aurons besoin.
des secours d'une Compagnie aussi illustre et aussi
respectable que la vôtre.
L'Académicien qui ce jour-là présidoit à la
Compagnie , leur répondit, qu'elle entendoit avec
plaisir leur Compliment , qui passeroit dans be 1 monde
MARS, 1732. 589
monde pourune marque de leur reconnoissance;
que le progrès des Arts qu'elle cultive , a beaucoup contribué à la perfection où ils ont porté
leur Profession ; que les bons Acteurs font valoir les bonnes Pieces , mais que ce sont les bonnes Pieces qui forment les bons Acteurs , et que
la plus ancienne des Tragédies qui sont demeurées
au Théatre , est le Cid , qui parut peu de temps
après l'établissement de l'Académie Françoise."
Que ce sont les Ouvrages du grand Corneille
de Racine et de plusieurs autres Académiciens
qui ont fait changer de face au Théatre François,
assez grossier auparavant ; que depuis ce tempslà notre Scene s'est rendue digne de l'attention
des Etrangers mêmes , et qu'on voit en Allemagne et en d'autres Pays encore plus éloignez , des
Théatres François plus fréquentez , que ceux où
l'on représente des Pieces composées dans la Lan- gue vulgaire du lieu.
Celui qui présidoit à l'Académie finit son Discours, en disant , qu'au reste elle rendroit compte
aa Roy, son Protecteur , de l'offre obligeante qui lui étoit faite.
La réponse du Roy à l'Académie , a été que
S. M. trouvoit bon qu'elle acceptât l'offre des Comédiens François..
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Résumé : Offre des Comédiens François à l'Académie Françoise, [titre d'après la table]
Le 3 mars, sept députés des Comédiens Français rencontrèrent l'Académie Française pour proposer une collaboration. M. Quinault l'aîné exprima le désir des comédiens de travailler avec l'Académie et sollicita son soutien. L'académicien président accueillit favorablement cette initiative, soulignant que le progrès des arts avait perfectionné la profession des comédiens. Il cita 'Le Cid' de Corneille comme exemple de pièce encore jouée et mentionna l'impact des œuvres de Corneille, Racine et d'autres académiciens sur le théâtre français. Le président conclut en annonçant que l'Académie informerait le roi de cette offre, qui reçut une réponse favorable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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692
p. 707-725
SECONDE LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
Début :
Je viens présentement, Monsieur, à l'Abregé que nous donne [...]
Mots clefs :
Bureau typographique, Professeur de l'Université de Paris, Parnasse, Charlatans, Buriver, Réformateurs, Personnages, Badineries, Poème
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texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
SECONDE LETTRE dun Professeur
de l'Université de Paris , à un Principal
de Province , sur le Bureau Typographyque.
JauE viens présentement , Monsieur , à l'Abregé´
que nous donne le Buraliste de la petite Piece
du Professeur de Seconde , intitulée , Le Parnasse
réformé, ou Apollon à l'Ecole , qu'on pourroit
aussi nommer la Critique des Charlatans de la
menuë Litterature. Or afin que vous puissiez
mieux juger si cet abregé est exact et si la censure
de notre Docteur Abecediste est raisonnable , je
vais vous exposer d'abord le sujet de ce petit Dra
me, auquel il a jugé à propos de donner lui seul le
nom de Farce. La chose ne me sera pas difficile ,
puisque, malgré le secret synderetique recommandé aux Acteurs , je n'ai pas laissé d'avoir communication des Personnages , surtout de celui de Buriver....
Occasion et Sujet de la Piece.
Le jeudi 22. Août dernier , au College du Ples
sis-Sorbonne , à la fin de la Répresentation ordinaire de la Tragedie et avant la distribution des
Prix , onjoua cette petite Piece qui est d'environ
huit cent Vers. Elle est de la composition de Meta
708 MERCURE DE FRANCE
M. le Beau, Regent de Seconde, et a été applaus die par l'Assemblée qui étoit , comme de coûtume, très nombreuse et composée de toutes sortés de personnes d'élite. La nouveauté du sujet ,
jointe à la maniere dont il est traité, causa de fréquentes acclamations , et bien des personnes d'esprit et de distinction , avoüoient ingénument que
depuis long-temps elles n'avoient tant ri. Il est clair que l'Auteur a prétendu tourner en ridicule
les gens à systême , qui depuis environ vingt ans
ne sont occupez qu'à parler et à écrire contre les
Colleges , à en décrier la maniere d'enseigner , et à louer la leur sans mesure et sans retenue.
Ceux qui sont l'objet principal de la Critique
se réduisent à trois ou quatre. 1º . Celui , qui à
l'aide d'une Machine de bois appellée Bureau Ty
pographique ou Imprimerie en Colombier , et divisée en 180. Logettes ou Boulins , prétend enseigner à unenfant toutes sortes de Langues et tou--
res les Sciences , comme il s'en vante lui même,-
sur tout à la page 62. de sa 4º. Lettre . Ce Personnage est nommé Buriver. 2 ° . Celui qui par sa
Regle Monosyllabique ad et son unique leçon d'une demie heure , ne promet rien moins que de
mettre un Septiéme en état de faire la leçon
aux autres et de leur expliquer toutes sortes d'Auteurs Latins. C'est lui qui est appellés
Mr de la Minute. 3 °. Celui qui veut que les
Nourrices mêmes enseignent le Latin, et qui pour
faire gouter et apprendre plus facilement et plus
agréablement les lettres de l'Alphabeth aux enfans , conseille de leur faire avaler des Lettres de
Pain d'Epice , est nommé M. de l'Enthimeme.
4. Le Restaurateur et Réformateur des Gloses
interlineaires , qui ne fait pas un personnage à
part , mais à qui se rapportent ces six Vers de la seconde Scene De-
AVRIL. 1732. 709
De peur que vieux Auteurs, Hebreux , Grecs , on Latins,
› N'osent se soulever et faire les mutins ,
On les menace tous , s'ils ne veulent se taire ,
D'un supplice nommé Glöse Interlineaire ;
Oùgênez, empallez , difloquez , pourfendus ,
De leurs meilleurs amis ils seront méconnus.
Ces trois Réformateurs , Buriver , M. de la
Minute et de l'Enthimeme , avec Thibaud , Menuisier , et les trois Dieux , Jupiter , Apollon ets
Momus , sont en tout sept Personnages ou Acteurs qui parlent dans ce petit Drame, divisé en,
huit Scenes , dont voici le contenu.
Dans la première paroît Jupiter , qui étant tout étourdi du tintamare et du frácas des marteaux et
des Rabots dont onse sert pour fabriquer des Bu- reaux Typographiques , descend du Ciel sur le Parnasse pour voir ce que c'est , et dit avoir dépêché Mercure vers sonfils Apollon , pour avoir
là- dessus quelque nouvelle certaine.
Dans la seconde Scene Momus échappé des
Charlatans de la menuë Litterature , entre sur le
Théatre en courant , sans appercevoir Jupiter ,
qui l'oblige à s'arrêter et à lui dire de point en
point la raison du tapage qu'il entend sur le Pars
nasse. Momus la lui explique ainsi.
Jefumois dans un coin ma pipe d'ambroisie , ·
De mille mots confus la barbare énergie ,
Mefrappe tout-à-coup , Candiac , Cassetin ,
Blictric , bonnet picqué , Colombier , Magazin.”
Te cours de ce côté : si j'ai bonne memoire , ›
Je
710 MERCURE DE FRANCE
Je vais vous retracer ici toute l'histoire.
Unhomme pale , sec , monté sur deux treteaux ,.
Faisoit le diable à quatre , et chargé d'écriteaux ,
Crioit desonfaucet ; Orvietan specifique
Logico-Physico , Graco- Typographique
Antidote. d'erreur et de prévention ,
Par le moyen duquel sans application ,
Un enfant de deux ans , voire de deux semaines ,
Peut apprendre en joüant trois ou quatre douzaines
D'Arts liberaux Hebreu , Syriaque , Chinois ,
Arabe, Provençal, Grec , Picard, Ilinois,
ĽA, Bé, Cé réformé, pilotage , Chimie,
Lejeu de l'Oye, Algebre , Histoire , Astronomiez
Point de Livre sur tout , l'enfant enfera; mais
Il ne lira jamais que ceux qu'il aurafaits.
Devant notre homme étoit une Table magique,
Qu'il nomme par honneur , Table Encyclopedique.
Sur la Table regnoit un joli Colombier ,
Etiqueté par tout de morceaux de papier.
Chaque Boulin caré, large et long d'une carte ,
Niche aulieu de Pigeon , mainte belle Pancarte. ~
La les Suppins galans et les Conjugaisons ,
Dans ces compartimens de petites maisons ,
Sur leur Carte couchez d'une encre non pareille ,
Gisent en attendant que l'enfant les éveille.
Enfin , l'enfant parut avec un tablier ;
Notez cepoint, Seigneur , ear depuis le soulier ;
Jusqu'au boutdu bonnet tout tient dans ce systême ,
•
, .
L'Auteur
AVRIL. 1732.
751
L'Auteur du Tablier fit le patron lui-même ;
Et cet hommeplaisant et d'agréable humeur,
L'appelle joliment Barette de Docteur.
Momuscontinuant de raconter ce qu'il a vû, les
trois Charlatans sont amenez sur la Scene à point
nommé et d'une maniere très-vrai - semblable.
Car Jupiter ayant dit : oh la belle couvée !
Eh! commentpeuvent- ils sçavoir mon arrivée ?
Momus répond :
Ils ont des Espions , vous dis-je , en tout endroit ,
Et puis à vous cacher 1 vous n'êtes pas adroit.
1
Dans la troisiéme Scene paroissent donc les
trois nouveaux Méthodistes qui demandent à Jupiter la Ferme des Sciences et des Beaux- Arts.
Buriver , dont le personnage nous a été commu
niqué en entier , parle ainsi :
Le Seigneur Jupiter est un très-galant homme ,
Je l'estimai toujours ; maisje ne sçais pas comme,
Unpere peut si mal élever ses enfans
Ils sont pour la plupart ineptes , ignorans ,
En bécare , en bémol. En un mot pour tout dire ...
Je gage qu'Apollon même ne sçait pas lire:
Ne sçaitpas lire? Non. Je veux pour votre honneur,
MoiBuriver , en faire un prodige , unDocteur;
Si deux ans seulement , sans nulle redevances,
Vous me voulez donner la Ferme des Sciences ;
Oui , je réformerai le Parnasse , et cela,
Sans Livre aucun , sinon ce jeu de Cartes-là.
Il tire des Cartes de sa poche,
712 MERCURE DE FRANCE
Momus , en s'avançant vers lui ,
Honneur à l'As de Pique.
Buriver.
Ehpoint de mommerie;
Parlez raison , Momus , une fois en la vie.
Ces Cartes sur leur dos portent mon Alphabet.
Tenez, lisez d'un ton intelligible et net.
Momus prend les Cartes et lit:
A. bé. cé. dé. e. fé.....fé?
Buriver.
Cela vous étonne?
Momus.
C'est ef apparemment.
Buriver.
Voyez comme il raisonne
Mais monpetit ami , dites- vous pas bé, dé?
Sans doute.
Momus.
Buriver se fachant..
Ehpourquoi donc ne direz-vous pasfé
Vous prétendez dans bé transposer la voyelle,
Pourquoi , pourquoi dans efse préposera-t'elle ?
Quelabus ? quelle erreur ? quelle stupidité ?
Moije veux redresser cette inégalité.
Je veux comme Amadis , courir toute la Terre ,
Au vulgaire alphabet ,faire une illustre guerre :
Da Lance aupoing, à pied, on s'il veut à cheval,
Lui
AVRIL. 1732 713
Lui faire confesser qu'il n'est qu'un animal;
Et dans tout le Païs de la Litterature ,
L'envoyerfaire aveu de sa déconfiture
Il jette Momus à terre.
Momus couché par terre et embrassant
le pied de Buriver.
Dom Alphabeticos , genereux Chevalier ,
Réparateur des torts ; je suis vaincu , quartier.
Modereles transports de ton ardente bile ,
Je blâme comme toi la voyelle incivile.
Buriver ôte son pied.
Je suis ton prisonnier.
Momus saute sur son dos.
Ce maudit turlupix
Buriver.
Laissez-moi , finissez,
Jupiter fait finir à Momus ses badineries , ets
P'envoye chercher Apollon , à la décision duquel
il remet toute cette affaire. Jupiter dans la quatriéme Scene adresse la parole aux trois contendans , et leur dit :
Messieurs , votreprojet me semble merveilleux ;
Mais ce projet pour vous est un peu périlleux.
Je connois Apollon , pour vous parler sans feinte,
Il est un peu mutin et sujet à la quintė.
Le pauvre Marsias le traita d'ignorant,
Il l'écorcha tout vif; s'il enfaisoit autant ,
Malgré vos grands secrets , votre litterature ,
Vous
714 MERCURE DE FRANCE
Pous seriez, ce me semble, en mauvaise posture.
Chacun des trois répond à son tour et de la'
maniere qui convient à son caractere. Buriver dit :
Pour moije ne crains rien , et ma Philosophie,.
Me met seul à l'abri des craintes de la vie.
Après tout , Apollon n'est pas un querelleur ,
Et c'estun ignorant d'une fort douce humeur.
Je l'ai dit quelque part , et la pensée est belle.- 1
Si contre mon Projet l'Univers se rebelle ,
Je m'en étonne , aussi c'est un projet tout d'or ;·´
Et s'il le reçoit bien . je m'en étonne encor ;
Maisla Race future à son tour étonnée ,
Exaltant mes efforts , dira dans telle année ,
ParutJean Buriver , un dédale nouveau ,
Incomparable Auteur du merveilleux Bureau,
Qui rabattit l'orgueil des Sciences antiques ,
Et des Arts liberaux fit des Arts mécaniques.
Par lui le Savetier gai sur son tabouret ,
Peut en Hebreu siffler ainsi qu'un Massoret ;
Par lui les Perroquets , les Linottes , les Merles ;
Sçavent parler latin comme enfiler des perles.
Ah! s'il eût plus vécu , l'on eût par ses secrets ,
Viparler les Boiteux et marcher les Muets.
Voilà ce qu'on dira ; me nommant Trismegiste ,
Ou l'Hercule gaulois ; et le Chronologiste , ·
Frappé de mon grand nom oubliera son dîné ,
Pour sçavoir à quelle heure , en queljour je suis néEt
AVRIL. 173.2. 715
Et les petits garçons instruits à ma maniere ,
Feront sur mon tombeau l'école buissonniere.
Pour depareils honneures, oui , je m'exposerai.
Au milieu du Parnasse , ici je dresserai ,
Ma Table, mes Boulins , mes Cartes , mon Systême
En dépit d'Apollon et de la raison même;
Si les Muses en corps osent me chicanner,
Je les empêcherai bien-tôt de raisonner.
Je vous prendrois Talie , Euterpe , Calliope,
Et les amenuisant à grands coups de varlope.
Chacune en son Boulinje vous les taperois ,
Et la montrantle col , écarquillant les doigts ,
CommePigeons patus , ces Déesses si fieres ,
Apprendront à parler le jargon des Volieres.
Cependant dans la cinquiéme Scene arrive
Apollon , que Momus , par ordre de Jupiter ,
avoit mis au fait , en lui expliquant les trois Systêmes , et lui contant en chemin toute l'affaire
sur quoi il devoit prononcer. Il se contente donc
de leur faire expliquer tour-à-tour les utilitez de
leurs Systêmes.lls disent tous des choses plus ridicules les unes que les autres.
Buriver.
Pour les utilitez que contient mon Ouvrage,
J'en vois trois cens dix-huit, quelque peu davantage.
Primo. J'ai remarqué que les jeunes enfans ,
Entre les mains de qui l'on met des Rudimens ,
Marmotant leurs leçons et dodinant la tête,
Mangent leur Livre ains que pâtez de Requêtes.
J'ai
716 MERCURE DE FRANCE
î
J'ai vu même un enfant qui n'étant qu'à bonus,
Avoit déja mangé musa , vir , Dominus.
Je vous laisse àpenser si c'est viande indigeste ;
Et quatre mois après il eut mangé le reste.
Momus.
Comment! il avala les cinq déclinaisons ?
Buriver.
Baste ! et Noms et Pronoms , quatre Conjugaisons,
Syntaxe, tout étoit passépar l'Esophage.
Vous voyez comme moi , quel étrange ravage,
Fit dans son estomac ce mets empoisonneur ,
Plus coriace encor qu'un sac de Procureur.
Moi , toujours attentifau bien de la Patrie ,
Pour rompre les effets de cette fantaisie,
Je m'évertue et dis trouvons des Rudimens,
Durs, solides , massifs , à l'épreuve des dents.
DesRudimens de bois ; et sur cette pensée ,
Bientôt de mon Bureauje meformai l'idée.
Secundo. Dans le cours de mes Refléxions ,
Carje suis très-fécond en Observations ,
Je voyois que l'enfant par coûtume abusive,
Pour tourner les feuillets consumoit sa salive ,
Et dessechoit par là tous les sucs nourriciers ,
Qui de sonpetit corps arrosent les sentiers.
La chose meparut d'un préjudice extrême ;
Je rêvai là-dessus , et me dis à moi-même,
Invente, Buriver, quelque Livre nouveau,
DuqueL
AVRIL. -17320 717
Duquel tous les feuillets se rangent de niveau ;
L'enfant de sa leçon verra tout l'étalage,
Sans se mouiller le pouce et sans tourner la page.
Fe restaifort long- temps à rêver sur ce point.
Tout ce queje trouvois ne me contentoit point ;
Enfin , par un effort de l'imaginative ,
Quej'ai, sans vanité , très- brillante et très-vive ,
Je m'avisai qu'un Jeu de Cartes dePiquet
Venoit comme de cire à remplir mon Projet.
Les Cartes à present sont le livre à la mode ;
C'est des honnêtes gens le Digeste et le Code.
Leursprécieux feuillets volans et détachez,
-Tout le longd'un Bureau l'un de l'autre approchez ,
N'auront pour se tourner aucun besoin du pouce.
L'enfant conservera cette subtile mousse,
Qu'il dépensoit jadis en dépit des poulmons,
Et d'un coup d'oeil , à sec , apprendra ses leçons ,
Augrand contentement des glandes salivaires.
Ces deux utilitez , je crois , sont assez claires.
Assurément.
Apollon.
Buriver.
Et si vous n'étiez pas contens ,
Je vous dirois encor ....
Apollon.
Nous n'avons pas le temps.
Buriver.
Que mon Systême apprend à faire des capelles Qu'il
718 MERCURE DE FRANCE
Qu'il affermit les reins , soulage les aisselles « …«
Il suffit:
Apollon.
Buriver.
Quel'enfant , ferme sur ses talons ,
Sçaurapirouetter , marcher à reculons....
C'en est trop
Apollon.
Buriver.
Que le monde admirant mamaniere,
Mefera des Beaux Arts le grandPorte Banniere ,
Et queje passerai pour un Confucius.
Sur ces entrefaites Thibaud , Menuisier de Buriver , revient du Parnasse et raconte en patois
et d'une maniere fort plaisante , comment les
Muses ont renversé et brisé les Bureaux qu'il
faisoit sur le Parnasse pour M. Buriver. Apollon
donne de l'argent à Thibaut pour r'avoir des Outils , approuve ce que les Muses ont fait, comme
étant fait par son ordre , et conseille aux trois
Réformateurs de s'en retourner dans leur famille,
à l'exemple de Thibaut , ou bien d'aller habiter
l'Ile des Perroquets , et là ,
Au Peuple bigarré débiter leurs caquets.
Ils se recrient sur ce Jugement , sur tout Bu
river , qui en appelle à Jupiter , M. de l'Enthi meme ayant dit :
Prononça-t'onjamais Jugement plus inique !
Buriver de son côté répond :
Non, votre procedé n'est point abécédique.
Et
AVRIL. 17320 719
Et je dirai toûjours qu'injustement honni,
Victrix causa Diis , sed victa Catoni.
Après le départ des Charlatans , la Piece finit par ces deux Scenes.
Jupiter.
Bon,les voilà partis ; desormais du Parnasse,
Ayez soin , Apollon , d'éloigner cette race,
Sesont autant de rats , qui la bourse rongeans ,
Tournent à leur profit la sottise des gens.
Momus.
Pour les attraper tous , mettez sur les lisieres ,
Tout autour duVallon beaucoup de sourissieres.
Suspendez en dedans des bourses pour appas ;
Mesgens yviendront mordre, ils n'y manquerontpas,
Et la trape sur eux incontinent baissée ,
La machine dûment sassée et ressassée ;
Envoyez-les någer dans le fond du bourbier.
Je m'en vais de ce pas enfaire expedier ,
Detoutes les grandeurs.
Jupiter.
J'approuve ton idée.
Momus.
Si nous allions la haut boire quelque gorgée ,
De doux etfrais Nectar , car l'air est si salé!
Et puis leurs sots discours m'ont sifort alteré .. •
Jupiter.
Momus dit d'or, allons.
E
Apollon
720 MERCURE DE FRANCE
Apollon seul.
Je vous suis tout à l'heure ;
Maisje ne voudrois pas quitter cette demeure
Sans récompenser ceux dont le sage travail ,
De tous ces Triacleurs ignore l'attirail ,
Et dont l'esprit guidépar des gens pleins de zele
N'a point d'autresecret qu'une étude réelle.
Venez, Enfans chéris , recevoir ces Présens ,
Dontj'aime à couronner vos succès tous les ans.
Vous voyez à present bien clairement , Monsieur , que ce petit Poëme n'est pas si méprisable qu'une Partie interessée le vouloit faire croire
et que le stile en est un peu plus agréable que celui des lettres sur le Bureau Typographique,
C'est ce qui a donné lieu à une refléxion très judicieuse , d'une personne en place, et qui se con- noît à ces sortes de Pieces ; sçavoir , que pour ré
futer parfaitement cette Lettre- cy et toutes les
autres , il ne faudroit que faire imprimer la petite
Piece de M. le Beau. Ecoutons présentement le
Buraliste, et voyons s'il parlera mieux que le Poëte
ne le fait parler.
2
Pour revenir à cette petite Piece dont le sujet devoit , disoit-on , s'annoncer de lui-même, die
notre Docteur , après la longue et inutile digression sur la chute d'un petit Echaffaut ; Momus ouvre la Scène en se tenant les côtez de rire du
projet ridicule de certains Avanturiers de la menue
Litterature , qui s'érigeant en Réformateurs du Par- nasse , voudroient renvoyer les Muses àl'école et remettre Apollon lui-même à l'abécé. Jupiter , person—
nage entierementinutile , et qui ne sert au plus qu
multiplic
AVRIL 17320 721
multiplier les Rôles de la Piece pour le compte du
Régent qui en est l'Auteur , vient demander à Momus quel est le bruit des scies et des marteaux qu'on entend sur le Parnasse ? Momus lui répond, que c'est
une Manufacture de Bureaux Typographiques qu'on
•veut y établir et dont un visionnaire nomméM.Bu.
river , vient demander à Apollon le privilege ;Apol
lon survient, et entendant parler de Buriver, demande à Momus , quelle espece d'homme est ce Buriver!
Momus lui dit que c'est un fol sérieux , qui croit
avoir une mission pour changer le nom des lettres de
l'Alphabet, et qui a tellement à cœur de mettre à
profit les premieres années de l'enfance qu'il veut absolument , au dire de l'Auteur , qu'on apprenne à
lire aux enfans dès le maillot , pour réparer le temps
qu'ils ontperdu dans le ventre de leur mere.
Ce n'est point Momus qui ouvre la Scene, c'est
comme on l'a vû , Jupiter , qui pour les raisons
marquées , descend du Ciel. C'est lui aussi qui , à
proprement parler , ferme la Scene en confirmant
le Jugement rendu par Apollon ; c'est lui qui reste sur la Scene du commencement à la fin , qui
envoye chercher son fils Apollon , et qui le premier donne audiance aux Charlatans , et qui les
entend encore parler après l'arrivée d'Apollon.
Bien loin donc que Jupiter soit un personnage
entierement inutile. C'est , à le bien prendre , le
plus utile et le plus nécessaire de toute la Piece ,
puisque selon qu'il convient à sa nature et àsa
souveraineté , il agit en tout et par tout comme
cause premiere.
Il faut que le Buraliste soit bien ignorant ou
bien soubçonneux , et qu'il juge des autres par
hui- même , quand il avance avec assurance que la
multiplication des Rôles est pour le compte du
Régent. S'il eut voulu prendre la peine de s'in- Eij former
22 MERCURE DE FRANCE
former de la coûtume de ce College par rapport
aux Tragédies , comme il le pouvoit facilement ,
et comme il le devoit ; voulant en parler , il au- roit appris que ce sont les Acteurs qui font la dépense , et que , soit qu'il y ait une petite Piece,
soit qu'il n'y en ait point , soit qu'elle soit longue , soit qu'elle soit courte ; soit qu'il y ait deux
ou trois Rêles , soit qu'il y en ait six ou sept , i
ne leur en coute ni plus ni moins , et que par
consequent le Régent n'y trouve ni plus ni moin
son compte. Tout ce qui lui en reste c'est le tra
vail de la composition et la gloire du succès.
Enfin il paroît par toute cette exposition du
sujet que le Docteur Abécédiste ne sçait pas
mieux les regles de la Comédie que celles de l'ortographe , et qu'il ignore parfaitement que M. Racine dans la Préface sur la Comédie des
Plaideurs , soutient que les Poëtes Comiques ont
raison d'outrer le ridicule et de le pousser au-delà
de la vrai - semblance. Je le renvoye donc à cer
ilustre Auteur et aux autres que j'ai citez dans
les regles de poëtique en traitant de la Comédie
page 326 342.
Apollon , continue le Buraliste , ayant donné or
dre de l'introduire , on voit entrer M. Buriver ,
suivi de deux autres Réformateurs ausquels on ne
somprend rien , et qui n'étant là que pourfaire nombre, ne servent, comme on a dit de Jupiter , qu'a
multiplier les personnages de la Piece. L'Auteurfaiz
ensuite exposer à M. Buriver le projet et lapratique
de sa Reforme, de la maniere du monde la plus
platte et la plus insipide aux yeux des Spectateurs -
mais d'une maniere très-ingénieuse aux yeux des
Régens, qui trouvent que cette Piece pétille d'espriz.
On en peutjugerpar l'exemple suivant ; pour epêcher les enfans de ronger leurs Livres, Buriver ,
hiton
AVRIL. 1732:
dit-on, a imaginé de leur donner des Rudimens de
bois , et d'en mettre les leçons sur des Cartes détachées , pour les empêcher d'épuiser leur salive et
d'user leurpouce à en tourner les feuillets. Voilà les
gentillesses que l'Auteur met dans la bouche de
M.Buriver , et il n'a eu garde defaire un mauvais
usage de son esprit , en lui faisant dire , pour prou
ver les effets merveilleux de sa Méthode, que c'étoit
par son moyen que la Chienne de la Foire S. Germain avoit appris à lire , tant il a eu soin d'éviter
les basses plaisanteries , quoique plus naturelles et
plus propres à son sujet.
Pour réfuter en peu de mots cet exposé , il suffit de relire ce que nous venons de dire. Ce n'est
point Apollon qui donne ordre d'introduire le seul Buriver ; les trois Charlatans sont depuis
long- temps sur la Scene , lorsque ce Dieu amené
par Momus , arrive pour les juger. On comprend
partement bien pourquoi deux autres Réfor- mateurs suivent Buriver ; c'est pour lui disputer
la victoire et engager Jupiter à prononcer contre
son Systême en faveur du leur ; ils mettent en
pratique le principe qu'ils ont lû dans la seconde
Lettre , page 27. où ils parlent ainsi : On voit tant de Charlatans , de visionnaires et d'imposteurs
de toute classe , qu'il y auroit de lafoiblesse , de l'imprudence et même de la folie , à les croire tous sur
leur parole : C'est à dire en deux mots , qu'ils se
regardent et se traitent tous réciproquement de
Charlatans, de visionnaires et d'imposteurs.
Si le Buraliste dit que le Poëte fait exposer
Buriver les utilitez de son Systême de la maniere
du monde la plus platte et la plus insipide aux
yeux des Spectateurs ; vous comprenez aisément ,
M. qu'il n'a garde de dire autrement, et que c'est
plutôt son propre interêt que la verité qui le fait
parler , &c. E iij Pour
724 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la Chienne de la Foire , qui n'avoit point du tout affaire ici , le Buraliste en
parle avec une certaine complaisance , parce qu'il croit avoir mis en poudre l'objection que lui
avoit faite à ce sujet le Grammairien de Ventabren, c'est-à- dire, qu'il s'étoit faite à lui-même.
Pour moi je pense qu'il auroit fait bien plus săgement de n'en point parler du tout , et que biendes personnes pourroient , avec raison , mettre
cette objection bien au-dessus de la réponse.
a
Enfin, dit le Buraliste , un Menuisier nomméThibaut,annoncepour dénouement queles Muses viennent
de mettre enpieces tous ses Bureaux, de briser ses Outils et de lui rompre ses Regles surle dos , et ilfinit la
Piece ense proposant de retourner à sa Boutique, et en conseillant à M.Buriver de le suivre et de devenir son
garçon. C'est ainsi que desgens de College s'efforcent
de tourner en ridicule la Méthode du Bureau , pendant que les personnes les plus sages de la Villet de la Cour ,font gloire d'en reconnoître l'utilité , et que
cette Méthode a l'avantage d'être employée à l'ins- truction des Enfans de France.
Pour avoir le véritable dénouëment , donnezvous seulement la peine de relire les deux dernieres Scenes rapportées plus haut ; vous verrez que
du commencement à la fin le sujet de la Piece
s'arrange, s'explique, et s'annonce de lui- même
comme l'avoit promis le Professeur. C'est ce qui
arrive dans toutes les bonnes Pieces , même dans .
celles qu'on représente pour la premiere fois et
dont on sçait à peine le nom. Cependant le nouveau Méthodiste ne trouve cette petite Comédie
très ingénieuse qu'aux yeux des Régens du College , mais la plus platte et la plus insipide du
monde à ceux des Spectateurs. M. le Beau
M. Gaullyer, et tous ceux q ne sont pas pourLe
?
AVRIL. 1732. 735
le Bureau , sont des gens ignorans , vains , présomptueux, entêtex , envieux , de mauvaisefoi , c.
Ce sont de vains Déclamateurs , de petits génies.
des Maîtres mercenaires , indifferens pour le bien
public et pour la bonne éducation , &c. C'est ainsi
qu'un homme sans science et sans autorité s'efforce de calomnier sans modération et sans pudeur, une infinité de très- honnêtes et très- habiles gens , et de mépriser toutes les meilleures et
les plus anciennes Méthodes tandis que les personnes les plus illustres et les plus sçavantes de la
Ville et de la Cour , de l'Epée et de la Robe ; en
un mot, de tous les differens Etats , se sont toujours fait honneur d'en reconnoître l'utilité ,
que ces Méthodes ont toujours eu et ont encore
l'avantage d'être employées à l'instruction de
toute l'Europe , et même à celle des Princes ,
Rois et des Empereurs de l'Univers , &c.
et
des
***: ***:*****
de l'Université de Paris , à un Principal
de Province , sur le Bureau Typographyque.
JauE viens présentement , Monsieur , à l'Abregé´
que nous donne le Buraliste de la petite Piece
du Professeur de Seconde , intitulée , Le Parnasse
réformé, ou Apollon à l'Ecole , qu'on pourroit
aussi nommer la Critique des Charlatans de la
menuë Litterature. Or afin que vous puissiez
mieux juger si cet abregé est exact et si la censure
de notre Docteur Abecediste est raisonnable , je
vais vous exposer d'abord le sujet de ce petit Dra
me, auquel il a jugé à propos de donner lui seul le
nom de Farce. La chose ne me sera pas difficile ,
puisque, malgré le secret synderetique recommandé aux Acteurs , je n'ai pas laissé d'avoir communication des Personnages , surtout de celui de Buriver....
Occasion et Sujet de la Piece.
Le jeudi 22. Août dernier , au College du Ples
sis-Sorbonne , à la fin de la Répresentation ordinaire de la Tragedie et avant la distribution des
Prix , onjoua cette petite Piece qui est d'environ
huit cent Vers. Elle est de la composition de Meta
708 MERCURE DE FRANCE
M. le Beau, Regent de Seconde, et a été applaus die par l'Assemblée qui étoit , comme de coûtume, très nombreuse et composée de toutes sortés de personnes d'élite. La nouveauté du sujet ,
jointe à la maniere dont il est traité, causa de fréquentes acclamations , et bien des personnes d'esprit et de distinction , avoüoient ingénument que
depuis long-temps elles n'avoient tant ri. Il est clair que l'Auteur a prétendu tourner en ridicule
les gens à systême , qui depuis environ vingt ans
ne sont occupez qu'à parler et à écrire contre les
Colleges , à en décrier la maniere d'enseigner , et à louer la leur sans mesure et sans retenue.
Ceux qui sont l'objet principal de la Critique
se réduisent à trois ou quatre. 1º . Celui , qui à
l'aide d'une Machine de bois appellée Bureau Ty
pographique ou Imprimerie en Colombier , et divisée en 180. Logettes ou Boulins , prétend enseigner à unenfant toutes sortes de Langues et tou--
res les Sciences , comme il s'en vante lui même,-
sur tout à la page 62. de sa 4º. Lettre . Ce Personnage est nommé Buriver. 2 ° . Celui qui par sa
Regle Monosyllabique ad et son unique leçon d'une demie heure , ne promet rien moins que de
mettre un Septiéme en état de faire la leçon
aux autres et de leur expliquer toutes sortes d'Auteurs Latins. C'est lui qui est appellés
Mr de la Minute. 3 °. Celui qui veut que les
Nourrices mêmes enseignent le Latin, et qui pour
faire gouter et apprendre plus facilement et plus
agréablement les lettres de l'Alphabeth aux enfans , conseille de leur faire avaler des Lettres de
Pain d'Epice , est nommé M. de l'Enthimeme.
4. Le Restaurateur et Réformateur des Gloses
interlineaires , qui ne fait pas un personnage à
part , mais à qui se rapportent ces six Vers de la seconde Scene De-
AVRIL. 1732. 709
De peur que vieux Auteurs, Hebreux , Grecs , on Latins,
› N'osent se soulever et faire les mutins ,
On les menace tous , s'ils ne veulent se taire ,
D'un supplice nommé Glöse Interlineaire ;
Oùgênez, empallez , difloquez , pourfendus ,
De leurs meilleurs amis ils seront méconnus.
Ces trois Réformateurs , Buriver , M. de la
Minute et de l'Enthimeme , avec Thibaud , Menuisier , et les trois Dieux , Jupiter , Apollon ets
Momus , sont en tout sept Personnages ou Acteurs qui parlent dans ce petit Drame, divisé en,
huit Scenes , dont voici le contenu.
Dans la première paroît Jupiter , qui étant tout étourdi du tintamare et du frácas des marteaux et
des Rabots dont onse sert pour fabriquer des Bu- reaux Typographiques , descend du Ciel sur le Parnasse pour voir ce que c'est , et dit avoir dépêché Mercure vers sonfils Apollon , pour avoir
là- dessus quelque nouvelle certaine.
Dans la seconde Scene Momus échappé des
Charlatans de la menuë Litterature , entre sur le
Théatre en courant , sans appercevoir Jupiter ,
qui l'oblige à s'arrêter et à lui dire de point en
point la raison du tapage qu'il entend sur le Pars
nasse. Momus la lui explique ainsi.
Jefumois dans un coin ma pipe d'ambroisie , ·
De mille mots confus la barbare énergie ,
Mefrappe tout-à-coup , Candiac , Cassetin ,
Blictric , bonnet picqué , Colombier , Magazin.”
Te cours de ce côté : si j'ai bonne memoire , ›
Je
710 MERCURE DE FRANCE
Je vais vous retracer ici toute l'histoire.
Unhomme pale , sec , monté sur deux treteaux ,.
Faisoit le diable à quatre , et chargé d'écriteaux ,
Crioit desonfaucet ; Orvietan specifique
Logico-Physico , Graco- Typographique
Antidote. d'erreur et de prévention ,
Par le moyen duquel sans application ,
Un enfant de deux ans , voire de deux semaines ,
Peut apprendre en joüant trois ou quatre douzaines
D'Arts liberaux Hebreu , Syriaque , Chinois ,
Arabe, Provençal, Grec , Picard, Ilinois,
ĽA, Bé, Cé réformé, pilotage , Chimie,
Lejeu de l'Oye, Algebre , Histoire , Astronomiez
Point de Livre sur tout , l'enfant enfera; mais
Il ne lira jamais que ceux qu'il aurafaits.
Devant notre homme étoit une Table magique,
Qu'il nomme par honneur , Table Encyclopedique.
Sur la Table regnoit un joli Colombier ,
Etiqueté par tout de morceaux de papier.
Chaque Boulin caré, large et long d'une carte ,
Niche aulieu de Pigeon , mainte belle Pancarte. ~
La les Suppins galans et les Conjugaisons ,
Dans ces compartimens de petites maisons ,
Sur leur Carte couchez d'une encre non pareille ,
Gisent en attendant que l'enfant les éveille.
Enfin , l'enfant parut avec un tablier ;
Notez cepoint, Seigneur , ear depuis le soulier ;
Jusqu'au boutdu bonnet tout tient dans ce systême ,
•
, .
L'Auteur
AVRIL. 1732.
751
L'Auteur du Tablier fit le patron lui-même ;
Et cet hommeplaisant et d'agréable humeur,
L'appelle joliment Barette de Docteur.
Momuscontinuant de raconter ce qu'il a vû, les
trois Charlatans sont amenez sur la Scene à point
nommé et d'une maniere très-vrai - semblable.
Car Jupiter ayant dit : oh la belle couvée !
Eh! commentpeuvent- ils sçavoir mon arrivée ?
Momus répond :
Ils ont des Espions , vous dis-je , en tout endroit ,
Et puis à vous cacher 1 vous n'êtes pas adroit.
1
Dans la troisiéme Scene paroissent donc les
trois nouveaux Méthodistes qui demandent à Jupiter la Ferme des Sciences et des Beaux- Arts.
Buriver , dont le personnage nous a été commu
niqué en entier , parle ainsi :
Le Seigneur Jupiter est un très-galant homme ,
Je l'estimai toujours ; maisje ne sçais pas comme,
Unpere peut si mal élever ses enfans
Ils sont pour la plupart ineptes , ignorans ,
En bécare , en bémol. En un mot pour tout dire ...
Je gage qu'Apollon même ne sçait pas lire:
Ne sçaitpas lire? Non. Je veux pour votre honneur,
MoiBuriver , en faire un prodige , unDocteur;
Si deux ans seulement , sans nulle redevances,
Vous me voulez donner la Ferme des Sciences ;
Oui , je réformerai le Parnasse , et cela,
Sans Livre aucun , sinon ce jeu de Cartes-là.
Il tire des Cartes de sa poche,
712 MERCURE DE FRANCE
Momus , en s'avançant vers lui ,
Honneur à l'As de Pique.
Buriver.
Ehpoint de mommerie;
Parlez raison , Momus , une fois en la vie.
Ces Cartes sur leur dos portent mon Alphabet.
Tenez, lisez d'un ton intelligible et net.
Momus prend les Cartes et lit:
A. bé. cé. dé. e. fé.....fé?
Buriver.
Cela vous étonne?
Momus.
C'est ef apparemment.
Buriver.
Voyez comme il raisonne
Mais monpetit ami , dites- vous pas bé, dé?
Sans doute.
Momus.
Buriver se fachant..
Ehpourquoi donc ne direz-vous pasfé
Vous prétendez dans bé transposer la voyelle,
Pourquoi , pourquoi dans efse préposera-t'elle ?
Quelabus ? quelle erreur ? quelle stupidité ?
Moije veux redresser cette inégalité.
Je veux comme Amadis , courir toute la Terre ,
Au vulgaire alphabet ,faire une illustre guerre :
Da Lance aupoing, à pied, on s'il veut à cheval,
Lui
AVRIL. 1732 713
Lui faire confesser qu'il n'est qu'un animal;
Et dans tout le Païs de la Litterature ,
L'envoyerfaire aveu de sa déconfiture
Il jette Momus à terre.
Momus couché par terre et embrassant
le pied de Buriver.
Dom Alphabeticos , genereux Chevalier ,
Réparateur des torts ; je suis vaincu , quartier.
Modereles transports de ton ardente bile ,
Je blâme comme toi la voyelle incivile.
Buriver ôte son pied.
Je suis ton prisonnier.
Momus saute sur son dos.
Ce maudit turlupix
Buriver.
Laissez-moi , finissez,
Jupiter fait finir à Momus ses badineries , ets
P'envoye chercher Apollon , à la décision duquel
il remet toute cette affaire. Jupiter dans la quatriéme Scene adresse la parole aux trois contendans , et leur dit :
Messieurs , votreprojet me semble merveilleux ;
Mais ce projet pour vous est un peu périlleux.
Je connois Apollon , pour vous parler sans feinte,
Il est un peu mutin et sujet à la quintė.
Le pauvre Marsias le traita d'ignorant,
Il l'écorcha tout vif; s'il enfaisoit autant ,
Malgré vos grands secrets , votre litterature ,
Vous
714 MERCURE DE FRANCE
Pous seriez, ce me semble, en mauvaise posture.
Chacun des trois répond à son tour et de la'
maniere qui convient à son caractere. Buriver dit :
Pour moije ne crains rien , et ma Philosophie,.
Me met seul à l'abri des craintes de la vie.
Après tout , Apollon n'est pas un querelleur ,
Et c'estun ignorant d'une fort douce humeur.
Je l'ai dit quelque part , et la pensée est belle.- 1
Si contre mon Projet l'Univers se rebelle ,
Je m'en étonne , aussi c'est un projet tout d'or ;·´
Et s'il le reçoit bien . je m'en étonne encor ;
Maisla Race future à son tour étonnée ,
Exaltant mes efforts , dira dans telle année ,
ParutJean Buriver , un dédale nouveau ,
Incomparable Auteur du merveilleux Bureau,
Qui rabattit l'orgueil des Sciences antiques ,
Et des Arts liberaux fit des Arts mécaniques.
Par lui le Savetier gai sur son tabouret ,
Peut en Hebreu siffler ainsi qu'un Massoret ;
Par lui les Perroquets , les Linottes , les Merles ;
Sçavent parler latin comme enfiler des perles.
Ah! s'il eût plus vécu , l'on eût par ses secrets ,
Viparler les Boiteux et marcher les Muets.
Voilà ce qu'on dira ; me nommant Trismegiste ,
Ou l'Hercule gaulois ; et le Chronologiste , ·
Frappé de mon grand nom oubliera son dîné ,
Pour sçavoir à quelle heure , en queljour je suis néEt
AVRIL. 173.2. 715
Et les petits garçons instruits à ma maniere ,
Feront sur mon tombeau l'école buissonniere.
Pour depareils honneures, oui , je m'exposerai.
Au milieu du Parnasse , ici je dresserai ,
Ma Table, mes Boulins , mes Cartes , mon Systême
En dépit d'Apollon et de la raison même;
Si les Muses en corps osent me chicanner,
Je les empêcherai bien-tôt de raisonner.
Je vous prendrois Talie , Euterpe , Calliope,
Et les amenuisant à grands coups de varlope.
Chacune en son Boulinje vous les taperois ,
Et la montrantle col , écarquillant les doigts ,
CommePigeons patus , ces Déesses si fieres ,
Apprendront à parler le jargon des Volieres.
Cependant dans la cinquiéme Scene arrive
Apollon , que Momus , par ordre de Jupiter ,
avoit mis au fait , en lui expliquant les trois Systêmes , et lui contant en chemin toute l'affaire
sur quoi il devoit prononcer. Il se contente donc
de leur faire expliquer tour-à-tour les utilitez de
leurs Systêmes.lls disent tous des choses plus ridicules les unes que les autres.
Buriver.
Pour les utilitez que contient mon Ouvrage,
J'en vois trois cens dix-huit, quelque peu davantage.
Primo. J'ai remarqué que les jeunes enfans ,
Entre les mains de qui l'on met des Rudimens ,
Marmotant leurs leçons et dodinant la tête,
Mangent leur Livre ains que pâtez de Requêtes.
J'ai
716 MERCURE DE FRANCE
î
J'ai vu même un enfant qui n'étant qu'à bonus,
Avoit déja mangé musa , vir , Dominus.
Je vous laisse àpenser si c'est viande indigeste ;
Et quatre mois après il eut mangé le reste.
Momus.
Comment! il avala les cinq déclinaisons ?
Buriver.
Baste ! et Noms et Pronoms , quatre Conjugaisons,
Syntaxe, tout étoit passépar l'Esophage.
Vous voyez comme moi , quel étrange ravage,
Fit dans son estomac ce mets empoisonneur ,
Plus coriace encor qu'un sac de Procureur.
Moi , toujours attentifau bien de la Patrie ,
Pour rompre les effets de cette fantaisie,
Je m'évertue et dis trouvons des Rudimens,
Durs, solides , massifs , à l'épreuve des dents.
DesRudimens de bois ; et sur cette pensée ,
Bientôt de mon Bureauje meformai l'idée.
Secundo. Dans le cours de mes Refléxions ,
Carje suis très-fécond en Observations ,
Je voyois que l'enfant par coûtume abusive,
Pour tourner les feuillets consumoit sa salive ,
Et dessechoit par là tous les sucs nourriciers ,
Qui de sonpetit corps arrosent les sentiers.
La chose meparut d'un préjudice extrême ;
Je rêvai là-dessus , et me dis à moi-même,
Invente, Buriver, quelque Livre nouveau,
DuqueL
AVRIL. -17320 717
Duquel tous les feuillets se rangent de niveau ;
L'enfant de sa leçon verra tout l'étalage,
Sans se mouiller le pouce et sans tourner la page.
Fe restaifort long- temps à rêver sur ce point.
Tout ce queje trouvois ne me contentoit point ;
Enfin , par un effort de l'imaginative ,
Quej'ai, sans vanité , très- brillante et très-vive ,
Je m'avisai qu'un Jeu de Cartes dePiquet
Venoit comme de cire à remplir mon Projet.
Les Cartes à present sont le livre à la mode ;
C'est des honnêtes gens le Digeste et le Code.
Leursprécieux feuillets volans et détachez,
-Tout le longd'un Bureau l'un de l'autre approchez ,
N'auront pour se tourner aucun besoin du pouce.
L'enfant conservera cette subtile mousse,
Qu'il dépensoit jadis en dépit des poulmons,
Et d'un coup d'oeil , à sec , apprendra ses leçons ,
Augrand contentement des glandes salivaires.
Ces deux utilitez , je crois , sont assez claires.
Assurément.
Apollon.
Buriver.
Et si vous n'étiez pas contens ,
Je vous dirois encor ....
Apollon.
Nous n'avons pas le temps.
Buriver.
Que mon Systême apprend à faire des capelles Qu'il
718 MERCURE DE FRANCE
Qu'il affermit les reins , soulage les aisselles « …«
Il suffit:
Apollon.
Buriver.
Quel'enfant , ferme sur ses talons ,
Sçaurapirouetter , marcher à reculons....
C'en est trop
Apollon.
Buriver.
Que le monde admirant mamaniere,
Mefera des Beaux Arts le grandPorte Banniere ,
Et queje passerai pour un Confucius.
Sur ces entrefaites Thibaud , Menuisier de Buriver , revient du Parnasse et raconte en patois
et d'une maniere fort plaisante , comment les
Muses ont renversé et brisé les Bureaux qu'il
faisoit sur le Parnasse pour M. Buriver. Apollon
donne de l'argent à Thibaut pour r'avoir des Outils , approuve ce que les Muses ont fait, comme
étant fait par son ordre , et conseille aux trois
Réformateurs de s'en retourner dans leur famille,
à l'exemple de Thibaut , ou bien d'aller habiter
l'Ile des Perroquets , et là ,
Au Peuple bigarré débiter leurs caquets.
Ils se recrient sur ce Jugement , sur tout Bu
river , qui en appelle à Jupiter , M. de l'Enthi meme ayant dit :
Prononça-t'onjamais Jugement plus inique !
Buriver de son côté répond :
Non, votre procedé n'est point abécédique.
Et
AVRIL. 17320 719
Et je dirai toûjours qu'injustement honni,
Victrix causa Diis , sed victa Catoni.
Après le départ des Charlatans , la Piece finit par ces deux Scenes.
Jupiter.
Bon,les voilà partis ; desormais du Parnasse,
Ayez soin , Apollon , d'éloigner cette race,
Sesont autant de rats , qui la bourse rongeans ,
Tournent à leur profit la sottise des gens.
Momus.
Pour les attraper tous , mettez sur les lisieres ,
Tout autour duVallon beaucoup de sourissieres.
Suspendez en dedans des bourses pour appas ;
Mesgens yviendront mordre, ils n'y manquerontpas,
Et la trape sur eux incontinent baissée ,
La machine dûment sassée et ressassée ;
Envoyez-les någer dans le fond du bourbier.
Je m'en vais de ce pas enfaire expedier ,
Detoutes les grandeurs.
Jupiter.
J'approuve ton idée.
Momus.
Si nous allions la haut boire quelque gorgée ,
De doux etfrais Nectar , car l'air est si salé!
Et puis leurs sots discours m'ont sifort alteré .. •
Jupiter.
Momus dit d'or, allons.
E
Apollon
720 MERCURE DE FRANCE
Apollon seul.
Je vous suis tout à l'heure ;
Maisje ne voudrois pas quitter cette demeure
Sans récompenser ceux dont le sage travail ,
De tous ces Triacleurs ignore l'attirail ,
Et dont l'esprit guidépar des gens pleins de zele
N'a point d'autresecret qu'une étude réelle.
Venez, Enfans chéris , recevoir ces Présens ,
Dontj'aime à couronner vos succès tous les ans.
Vous voyez à present bien clairement , Monsieur , que ce petit Poëme n'est pas si méprisable qu'une Partie interessée le vouloit faire croire
et que le stile en est un peu plus agréable que celui des lettres sur le Bureau Typographique,
C'est ce qui a donné lieu à une refléxion très judicieuse , d'une personne en place, et qui se con- noît à ces sortes de Pieces ; sçavoir , que pour ré
futer parfaitement cette Lettre- cy et toutes les
autres , il ne faudroit que faire imprimer la petite
Piece de M. le Beau. Ecoutons présentement le
Buraliste, et voyons s'il parlera mieux que le Poëte
ne le fait parler.
2
Pour revenir à cette petite Piece dont le sujet devoit , disoit-on , s'annoncer de lui-même, die
notre Docteur , après la longue et inutile digression sur la chute d'un petit Echaffaut ; Momus ouvre la Scène en se tenant les côtez de rire du
projet ridicule de certains Avanturiers de la menue
Litterature , qui s'érigeant en Réformateurs du Par- nasse , voudroient renvoyer les Muses àl'école et remettre Apollon lui-même à l'abécé. Jupiter , person—
nage entierementinutile , et qui ne sert au plus qu
multiplic
AVRIL 17320 721
multiplier les Rôles de la Piece pour le compte du
Régent qui en est l'Auteur , vient demander à Momus quel est le bruit des scies et des marteaux qu'on entend sur le Parnasse ? Momus lui répond, que c'est
une Manufacture de Bureaux Typographiques qu'on
•veut y établir et dont un visionnaire nomméM.Bu.
river , vient demander à Apollon le privilege ;Apol
lon survient, et entendant parler de Buriver, demande à Momus , quelle espece d'homme est ce Buriver!
Momus lui dit que c'est un fol sérieux , qui croit
avoir une mission pour changer le nom des lettres de
l'Alphabet, et qui a tellement à cœur de mettre à
profit les premieres années de l'enfance qu'il veut absolument , au dire de l'Auteur , qu'on apprenne à
lire aux enfans dès le maillot , pour réparer le temps
qu'ils ontperdu dans le ventre de leur mere.
Ce n'est point Momus qui ouvre la Scene, c'est
comme on l'a vû , Jupiter , qui pour les raisons
marquées , descend du Ciel. C'est lui aussi qui , à
proprement parler , ferme la Scene en confirmant
le Jugement rendu par Apollon ; c'est lui qui reste sur la Scene du commencement à la fin , qui
envoye chercher son fils Apollon , et qui le premier donne audiance aux Charlatans , et qui les
entend encore parler après l'arrivée d'Apollon.
Bien loin donc que Jupiter soit un personnage
entierement inutile. C'est , à le bien prendre , le
plus utile et le plus nécessaire de toute la Piece ,
puisque selon qu'il convient à sa nature et àsa
souveraineté , il agit en tout et par tout comme
cause premiere.
Il faut que le Buraliste soit bien ignorant ou
bien soubçonneux , et qu'il juge des autres par
hui- même , quand il avance avec assurance que la
multiplication des Rôles est pour le compte du
Régent. S'il eut voulu prendre la peine de s'in- Eij former
22 MERCURE DE FRANCE
former de la coûtume de ce College par rapport
aux Tragédies , comme il le pouvoit facilement ,
et comme il le devoit ; voulant en parler , il au- roit appris que ce sont les Acteurs qui font la dépense , et que , soit qu'il y ait une petite Piece,
soit qu'il n'y en ait point , soit qu'elle soit longue , soit qu'elle soit courte ; soit qu'il y ait deux
ou trois Rêles , soit qu'il y en ait six ou sept , i
ne leur en coute ni plus ni moins , et que par
consequent le Régent n'y trouve ni plus ni moin
son compte. Tout ce qui lui en reste c'est le tra
vail de la composition et la gloire du succès.
Enfin il paroît par toute cette exposition du
sujet que le Docteur Abécédiste ne sçait pas
mieux les regles de la Comédie que celles de l'ortographe , et qu'il ignore parfaitement que M. Racine dans la Préface sur la Comédie des
Plaideurs , soutient que les Poëtes Comiques ont
raison d'outrer le ridicule et de le pousser au-delà
de la vrai - semblance. Je le renvoye donc à cer
ilustre Auteur et aux autres que j'ai citez dans
les regles de poëtique en traitant de la Comédie
page 326 342.
Apollon , continue le Buraliste , ayant donné or
dre de l'introduire , on voit entrer M. Buriver ,
suivi de deux autres Réformateurs ausquels on ne
somprend rien , et qui n'étant là que pourfaire nombre, ne servent, comme on a dit de Jupiter , qu'a
multiplier les personnages de la Piece. L'Auteurfaiz
ensuite exposer à M. Buriver le projet et lapratique
de sa Reforme, de la maniere du monde la plus
platte et la plus insipide aux yeux des Spectateurs -
mais d'une maniere très-ingénieuse aux yeux des
Régens, qui trouvent que cette Piece pétille d'espriz.
On en peutjugerpar l'exemple suivant ; pour epêcher les enfans de ronger leurs Livres, Buriver ,
hiton
AVRIL. 1732:
dit-on, a imaginé de leur donner des Rudimens de
bois , et d'en mettre les leçons sur des Cartes détachées , pour les empêcher d'épuiser leur salive et
d'user leurpouce à en tourner les feuillets. Voilà les
gentillesses que l'Auteur met dans la bouche de
M.Buriver , et il n'a eu garde defaire un mauvais
usage de son esprit , en lui faisant dire , pour prou
ver les effets merveilleux de sa Méthode, que c'étoit
par son moyen que la Chienne de la Foire S. Germain avoit appris à lire , tant il a eu soin d'éviter
les basses plaisanteries , quoique plus naturelles et
plus propres à son sujet.
Pour réfuter en peu de mots cet exposé , il suffit de relire ce que nous venons de dire. Ce n'est
point Apollon qui donne ordre d'introduire le seul Buriver ; les trois Charlatans sont depuis
long- temps sur la Scene , lorsque ce Dieu amené
par Momus , arrive pour les juger. On comprend
partement bien pourquoi deux autres Réfor- mateurs suivent Buriver ; c'est pour lui disputer
la victoire et engager Jupiter à prononcer contre
son Systême en faveur du leur ; ils mettent en
pratique le principe qu'ils ont lû dans la seconde
Lettre , page 27. où ils parlent ainsi : On voit tant de Charlatans , de visionnaires et d'imposteurs
de toute classe , qu'il y auroit de lafoiblesse , de l'imprudence et même de la folie , à les croire tous sur
leur parole : C'est à dire en deux mots , qu'ils se
regardent et se traitent tous réciproquement de
Charlatans, de visionnaires et d'imposteurs.
Si le Buraliste dit que le Poëte fait exposer
Buriver les utilitez de son Systême de la maniere
du monde la plus platte et la plus insipide aux
yeux des Spectateurs ; vous comprenez aisément ,
M. qu'il n'a garde de dire autrement, et que c'est
plutôt son propre interêt que la verité qui le fait
parler , &c. E iij Pour
724 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la Chienne de la Foire , qui n'avoit point du tout affaire ici , le Buraliste en
parle avec une certaine complaisance , parce qu'il croit avoir mis en poudre l'objection que lui
avoit faite à ce sujet le Grammairien de Ventabren, c'est-à- dire, qu'il s'étoit faite à lui-même.
Pour moi je pense qu'il auroit fait bien plus săgement de n'en point parler du tout , et que biendes personnes pourroient , avec raison , mettre
cette objection bien au-dessus de la réponse.
a
Enfin, dit le Buraliste , un Menuisier nomméThibaut,annoncepour dénouement queles Muses viennent
de mettre enpieces tous ses Bureaux, de briser ses Outils et de lui rompre ses Regles surle dos , et ilfinit la
Piece ense proposant de retourner à sa Boutique, et en conseillant à M.Buriver de le suivre et de devenir son
garçon. C'est ainsi que desgens de College s'efforcent
de tourner en ridicule la Méthode du Bureau , pendant que les personnes les plus sages de la Villet de la Cour ,font gloire d'en reconnoître l'utilité , et que
cette Méthode a l'avantage d'être employée à l'ins- truction des Enfans de France.
Pour avoir le véritable dénouëment , donnezvous seulement la peine de relire les deux dernieres Scenes rapportées plus haut ; vous verrez que
du commencement à la fin le sujet de la Piece
s'arrange, s'explique, et s'annonce de lui- même
comme l'avoit promis le Professeur. C'est ce qui
arrive dans toutes les bonnes Pieces , même dans .
celles qu'on représente pour la premiere fois et
dont on sçait à peine le nom. Cependant le nouveau Méthodiste ne trouve cette petite Comédie
très ingénieuse qu'aux yeux des Régens du College , mais la plus platte et la plus insipide du
monde à ceux des Spectateurs. M. le Beau
M. Gaullyer, et tous ceux q ne sont pas pourLe
?
AVRIL. 1732. 735
le Bureau , sont des gens ignorans , vains , présomptueux, entêtex , envieux , de mauvaisefoi , c.
Ce sont de vains Déclamateurs , de petits génies.
des Maîtres mercenaires , indifferens pour le bien
public et pour la bonne éducation , &c. C'est ainsi
qu'un homme sans science et sans autorité s'efforce de calomnier sans modération et sans pudeur, une infinité de très- honnêtes et très- habiles gens , et de mépriser toutes les meilleures et
les plus anciennes Méthodes tandis que les personnes les plus illustres et les plus sçavantes de la
Ville et de la Cour , de l'Epée et de la Robe ; en
un mot, de tous les differens Etats , se sont toujours fait honneur d'en reconnoître l'utilité ,
que ces Méthodes ont toujours eu et ont encore
l'avantage d'être employées à l'instruction de
toute l'Europe , et même à celle des Princes ,
Rois et des Empereurs de l'Univers , &c.
et
des
***: ***:*****
Fermer
Résumé : SECONDE LETTRE d'un Professeur de l'Université de Paris, à un Principal de Province, sur le Bureau Typographique.
Le texte est une lettre d'un professeur de l'Université de Paris adressée à un principal de province. Cette lettre discute d'une pièce de théâtre intitulée 'Le Parnasse réformé, ou Apollon à l'École', écrite par M. le Beau, régent de seconde. La pièce a été jouée au Collège du Plessis-Sorbonne le 22 août précédent et a été acclamée par le public. Elle critique les 'charlatans de la menuë littérature' qui, depuis environ vingt ans, attaquent les collèges et vantent leurs propres méthodes d'enseignement. La pièce met en scène sept personnages, dont trois réformateurs principaux : Buriver, M. de la Minute et M. de l'Enthimeme. Buriver utilise un 'Bureau typographique' pour enseigner les langues et les sciences. M. de la Minute promet de rendre un élève de septième capable d'enseigner à ses camarades après une seule leçon. M. de l'Enthimeme suggère d'enseigner le latin aux nourrices et de faire apprendre l'alphabet aux enfants avec des lettres en pain d'épice. L'intrigue se déroule en huit scènes. Elle commence par l'arrivée de Jupiter sur le Parnasse, intrigué par le bruit des marteaux et des rabots. Momus explique ensuite à Jupiter les méthodes des réformateurs. Buriver, M. de la Minute et M. de l'Enthimeme demandent à Jupiter la ferme des sciences et des beaux-arts, chacun vantant sa méthode. Jupiter, sceptique, envoie chercher Apollon pour trancher l'affaire. Apollon écoute les explications des réformateurs, qui se révèlent ridicules. Par exemple, Buriver affirme que son système permet d'apprendre toutes les langues et les sciences sans livres, grâce à des cartes et un 'Colombier'. La pièce se conclut par le départ des réformateurs, jugés inutiles et ridicules.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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693
p. 743-752
Théâtre Critique, Universel, &c. [titre d'après la table]
Début :
THEATRO CRITICO UNIVERSAL, ò Discurso varios en tot genero de [...]
Mots clefs :
Théâtre, Critique, Ouvrage, Avis, Musique, Anti-théâtre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Théâtre Critique, Universel, &c. [titre d'après la table]
THEATRO CRITICO UNIVERSAL , ò Discurso varios entoto genero de Materias para
Desengano de Errores communes , &c. Tome
F Tercero
744 MERCURE DE FRANCE
Tercero , &c. c'est- à - dire : THEATRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours divers sur
toute sorte de sujets , pour désabuser des
Erreurs vulgaires. Dédié au Monastére
Royal de S. Julien de Samos , composé
par le R. P. Benoît- Jérôme Feijoo , Maître General des Etudes dans l'Ordre de
S. Benoît , et Professeur en Théologie, de
l'Université d'Oviedo.Tome 3.feconde Edition 1. vol. in 4. A Madrid , chez François
del Hierro , 1730. pag. 366. sans la Préface et la Table.
Cet Ouvrage est déja connu de nos
Lecteurs , par ce qui en a été dit dans le
premier vol, du Mercure de Juin dernier,
à l'égard des deux premiers Tomes. 11
nous reste à rendre compte des deux derniers , lesquels, comme les précédens, nous
ont été obligeamment communiqués par
M. Boyer , Médecin de la Faculté de
Montpellier et Docteur Regent en celle
de Paris , qui les a apportez de Madrid.
On trouve à la tête de ce 3 Tome une
Epître dédicatoire , adressée au R.P. Abbé et au Monastere de S. Julien , laquelle
contient l'éloge de ce Royal Monastere
l'un des plus celebres de toute l'Espagne
et des plus privilégiez par le S. Siége , auquel il est immédiatement soumis et sans
subordination à aucun Métropolitain.
Il
AVRIL 1732. 745
Il paroît par une Charte de Privilege du
Roy D. Ordon II . de l'année 922. que ce
fut dans cette Maison quele Roy D.Fruela
trouva dequoi former l'éducation du
Prince D. Alonse son Fils , surnommé le
Chaste. L'Auteur de l'Epître n'oublie pas
d'y faire remarquer comme un bonheur
singulier pour ce Monastere, de n'avoir
jamais eu d'Abbé Commandataire : La
singularfelicidal de no haver tenido jamas
Abad Comendatario esse Monasterso , &c.
Trois magnifiques Approbations des
Théologiens d'Oviedo et d'Alcala suivent
cette Dédicace , sans parler de la permission de l'Ordinaire et de celle du Général
des Bénédictins de la Congrégation de
S.Benoît , établie en Espagne et en Angle
terre.
:: Suit une Préface de plus de 30 pages ,
que notre Auteur a eu raison d'intitulers
Prologo Apologetico ; car il s'y défend avec
force , et dans le détail convenable, contre
quelques Ecrivains de son Païs , qui l'ont
attaqué assez rudement, faute , dit-il, d'a
voir bien entendu ses Ouvrages. Nous ne
le suivrons pas dans cette deffense , qui
roule principalement sur ce que le R. P.
Feijoo a dit au sujet de Savanorole , dans
le 1. vol. du Théatre Critique. On remar
quera seulement qu'il accable ses adverFij saires
MERCURE DE FRANCE
saires de raisons , de preuves et d'autoritez.
;
Treize Discours ou Dissertations , divisées en plusieurs Paragraphes , font la
matiere de ce troisiéme Tome. Nous en
Indiquerons seulement les Titres. 1. Les
Conjureurs ou Enchanteurs. 2. Les › Secrets de la Nature. 3. La Sympathie es
l'Antipathie. 4. Les Lutins ou Esprits familliers. 5. La Baguete devinatoire , et les
Yeux de Lynx. 6. Les Miracles supposez..
7. Paradoxes Mathématiques. 8. LaPierre
Philosophale. 9. Le Raisonnement des
Bêtes. 15. L'Amour de la Patrie. 11. La.
Balance d'Astrée , ou la droite Administration de la Justice. 12. L'Ambition des
Souverains. 13. Le Sceptisme Philosophi
que.
Tous ces Sujets sont parfaitement bien
traitez ; l'ordre et la clarté y accompa
gnent toujours une agréable érudition
et il y a beaucoup à profiter dans cette
lecture, Nous avons traduit le titre Saludadores , du 1. Discours, par les termes de
Conjureurs ou d'Enchanteurs ; parce qu'engeneral , c'est ce que signifie le nom Espagnol, quoiqu'il ne s'agisse icy que de
Hydrophobie , ou de la rage , qui inspire de l'horreur pour l'eau , &c. malgré la
prétention de quelques- uns qui croyent
ан
AVRIL 17320
au contraire, que l'eau est un remede assuré contre ce mal ; ce que notre Auteur
met au nombre des erreurs vulgaires.
C'est encore s'égarer , selon lui , de croire
qu'il y a des personnes qui ont la vertu
inhérante et particuliere de guérir l'affreuse maladie dont il s'agit dans cette
Dissertation ; et c'est ces mêmes personnes qu'il appelle Saludadores.
Le Titre du se Discours est : Vara divinatoriay Zabories , que nous avons rendu par la Baguete devinatoire , et les Yeux
de Lynx.
Pour justifier cette derniere expression,
le Lecteur sçaura que le P. Feijoo , après
avoir expédié tout ce qui regarde la Baguete devinatoire , qu'il croit chose - tresabusive , &c. traite aussi d'une espece
d'hommes, parmi les Espagnols , dont on
dit( a) que la vûë est si perçante, qu'elle
penetre les corps opaques , et distingue
même ce qui se trouve de caché dans la
terre à une certaine profondeur. Ces Homimes sont appellez Zabories , nom que
l'Auteur croit avec beaucoup de vraisemblance , être Arabe d'origine. Il croit
(a) De quienes se dice que con laperspicacia de
su vistapenetran los cuerpos opacos haciendose de
este modo patente quanto à algunas brazas debajo de laTierra esta ocultos s
Fiij aussi
748 MERCURE DE FRANCE
aussi que les Espagnols ont reçû cette
opinion, qu'il traite de chimere, des Maures qui avoient envahi l'Espagne : opinion qu'il observe ne se trouver répanduë que chez la Nation Espagnole.
و
Cette croyance est apparemment passée
dans le Portugal par proximité et par
conformité de génie , surquoi nous renvoyons les Lecteurs à ce que nous avons
publié dans quelques-uns de nos Journaux, au sujet d'une Femme Portugaise ,
à vûë de Lynx ou Zahorie:
Nous avons remarqué en rendant
compte des deux premiers Tomes de cet
ouvrage , que quelque temps après la publication du 1. vol. il parut une Critique
de ce que notre Auteur avoit écrit au sujet de la Medecine et des Medecins. Cette
Critique , écrite en latin , étoit intitulée
Medicina Vindicata. Le P. Feijoo у répondit dans la même langue , et fit imprimer sa Réponse dans le 2 Tome , promettant d'en donner une Traduction Espagnole dans le Volume suivant. Il a tenu
parole. Le 3 Tome finit par cette Traduction , intitulée : La Verdad Vindicada
contra la Medecina Vindicada, Respuesta
Apologetica , traducida de Latin en Castellano , y añadida por el Amor. Nous
n'avons rien à ajouter à l'égard de cette Piéce
AVRIL. 17320 749
Piece , à ce que nous en avons dit dans le
Mercure du mois de Juin dernier.
Les trois Tomes du Théatre Critique ,
dont nous avons rendu compte , sont suivis d'un 4 vol. qui porte pour Titre :
ILUSTRACION Apologetica al Primero y segundoTomo del Theatrocritico, & c.vol.4.de
207 pages. A Madrid , chez le même Libraire , 1729.
-
Une Préface de 9 à 10 pag. instruit le
Lecteur de ce qui a donné lieu à la composition de ce volume particulier , et au
Titre qu'il porte. Voici le précis de cette
instruction. A peine le 3 Tome duThéatre Critique eût-il été publié , qu'il parût
contre le 1 et 2 vol. un Livre intitulé :
Anti-Theatro Critico , imprimé à Madrid,
sous le nom de Don Salvador Joseph
Mañer. La premiere pensée qui vint à
notre Auteur , ce fut de répondre à cette
Critique , dès qu'elle lui seroit tombée
entre les mains ; mais il en fut détourné
par quelques amis , qui lui écrivirent de
Madrid , que l'Antithéatre n'étoit qu'un
amas d'inepties , de puerilitez , d'équivoques , d'ignorances , en un mot , d'im.
pertinences ( a) ; conseillant aur P.F. de ne
point perdre un temps , trop précieux
(2) Materialidades impertinentės.
Fiiij d'ail-
750 MERCURE DE FRANCE
d'ailleurs , pour la continuation de son
grand ouvrage , à réfuter un pareil Libelle ; l'Adversaire ne s'étant apparemment mis en campagne que , pour se procurer l'honneur d'une réponse , &c.
D'ailleurs , le sçavant Benedictin crût
voir un nom supposé dans celui de Don
Joseph Mañer , ses amis ne connoissant
personne à la Cour , ni ailleurs , qui porte ce nom- là. D'autres lui manderent que
l'Anti-Théatre étoit l'ouvrage de huit
Ecrivains , du nombre desquels est ce Don
Mañer , veritable ou supposé , lui marquant même la Maison où ces Mrs s'assemblent et tiennent leurs Conferences
litteraires au surplus , que cette ' Critique ne méritoit aucune réponse.
Cependant des avis posterieurs apprirent à notre Auteur que l'Ouvrage de Don
Mañer étoit applaudi à la Cour et ailleurs,
et que ceux à qui il étoit tombé en charge
de l'examiner , l'avoient loüé dans leurs
Approbations ; malgré le peu de cas qu'en
faisoient les Personnes intelligentes.Alors
le P. F. prit le sage parti d'attendre la reception de cet Ouvrage , et de l'examiner
par lui- même, pour se déterminer en connoissance de cause. Son étonnement ne
fût pas petit après avoir fait cet examen,
qui lui confirma ce qu'on lui avoit déja
mar-
AVRIL 1732 751
marqué du
en question.
peu de mérite de l'Ouvrage
Il fut , surtout , frapé de s'y voir accusé
d'avoir emprunté de D. Antoine de Literes tout ce qui est dit de la Musique et
du Docteur Martinez , tout ce qui concerne la Médecine dans le 1 vol. du Théatre Critique ; ce que notre Auteur soutient non seulement être tres- faux , mais
il démontre , en passant , dans cette Préface, la fausseté de l'accusation. Au reste ,
après avoir fait réfléxion que le Théatre
Critique n'a été entrepris que pour com
battre les erreurs vulgaires , et pour en
désabuser les hommes , il a crû enfin que
ce seroit mal-exécuter un tel projet s'il ne
faisoit pas une Réponse exacte et dans
l'étendue convenable à l'Auteur de l'Anti-Théatre, qui semble n'avoir mis la main
à la plume que pour se déclarer le Pros
tecteur des mêmes erreurs , et pour maintenir le vulgaire dans son ancienne possession ; outre que cette Apologie , dit le P. F. sera non seulement une deffense pu
blique contre les prétentions fausses et
abusives du Seigneur Mañer; mais elle
pourra devenir aussi un préservatifqui
empêchera peut- être la continuation d'un
pareil travail.
Le fruit de ce travail est icy appellé par
Fv Botrs
752 MERCURE DE FRANCE
notre Auteur un jeu de Théatre, uneChimere Critique , une Comédie de 8 Acteurs , une illusion des simples , un marché de petits enfans , une fabrique en
l'air , sans fondement , sans vérité , sans
raison. Il proteste enfin qu'au cas que le
même Ecrivain ou d'autres , continuent
d'attaquer le Théatre Critique , il continuera tranquillement son ouvrage , sans daigner répondre à des objections aussi frivoles que celles qui ont paru jusqu'icy.
1.
Cette Apologie est dédiée par une belle Epître , au R. P. François de Berganza,
General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne et en Angle
terre. La Dédicace est suivie de plusieurs
Approbations raisonnées et remplies d'érudition , qui font également honneur
aux Docteurs qui les ont données , et à
l'Ouvrage qui en fait le sujet , et qui sans
doute les mérite bien.
Desengano de Errores communes , &c. Tome
F Tercero
744 MERCURE DE FRANCE
Tercero , &c. c'est- à - dire : THEATRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours divers sur
toute sorte de sujets , pour désabuser des
Erreurs vulgaires. Dédié au Monastére
Royal de S. Julien de Samos , composé
par le R. P. Benoît- Jérôme Feijoo , Maître General des Etudes dans l'Ordre de
S. Benoît , et Professeur en Théologie, de
l'Université d'Oviedo.Tome 3.feconde Edition 1. vol. in 4. A Madrid , chez François
del Hierro , 1730. pag. 366. sans la Préface et la Table.
Cet Ouvrage est déja connu de nos
Lecteurs , par ce qui en a été dit dans le
premier vol, du Mercure de Juin dernier,
à l'égard des deux premiers Tomes. 11
nous reste à rendre compte des deux derniers , lesquels, comme les précédens, nous
ont été obligeamment communiqués par
M. Boyer , Médecin de la Faculté de
Montpellier et Docteur Regent en celle
de Paris , qui les a apportez de Madrid.
On trouve à la tête de ce 3 Tome une
Epître dédicatoire , adressée au R.P. Abbé et au Monastere de S. Julien , laquelle
contient l'éloge de ce Royal Monastere
l'un des plus celebres de toute l'Espagne
et des plus privilégiez par le S. Siége , auquel il est immédiatement soumis et sans
subordination à aucun Métropolitain.
Il
AVRIL 1732. 745
Il paroît par une Charte de Privilege du
Roy D. Ordon II . de l'année 922. que ce
fut dans cette Maison quele Roy D.Fruela
trouva dequoi former l'éducation du
Prince D. Alonse son Fils , surnommé le
Chaste. L'Auteur de l'Epître n'oublie pas
d'y faire remarquer comme un bonheur
singulier pour ce Monastere, de n'avoir
jamais eu d'Abbé Commandataire : La
singularfelicidal de no haver tenido jamas
Abad Comendatario esse Monasterso , &c.
Trois magnifiques Approbations des
Théologiens d'Oviedo et d'Alcala suivent
cette Dédicace , sans parler de la permission de l'Ordinaire et de celle du Général
des Bénédictins de la Congrégation de
S.Benoît , établie en Espagne et en Angle
terre.
:: Suit une Préface de plus de 30 pages ,
que notre Auteur a eu raison d'intitulers
Prologo Apologetico ; car il s'y défend avec
force , et dans le détail convenable, contre
quelques Ecrivains de son Païs , qui l'ont
attaqué assez rudement, faute , dit-il, d'a
voir bien entendu ses Ouvrages. Nous ne
le suivrons pas dans cette deffense , qui
roule principalement sur ce que le R. P.
Feijoo a dit au sujet de Savanorole , dans
le 1. vol. du Théatre Critique. On remar
quera seulement qu'il accable ses adverFij saires
MERCURE DE FRANCE
saires de raisons , de preuves et d'autoritez.
;
Treize Discours ou Dissertations , divisées en plusieurs Paragraphes , font la
matiere de ce troisiéme Tome. Nous en
Indiquerons seulement les Titres. 1. Les
Conjureurs ou Enchanteurs. 2. Les › Secrets de la Nature. 3. La Sympathie es
l'Antipathie. 4. Les Lutins ou Esprits familliers. 5. La Baguete devinatoire , et les
Yeux de Lynx. 6. Les Miracles supposez..
7. Paradoxes Mathématiques. 8. LaPierre
Philosophale. 9. Le Raisonnement des
Bêtes. 15. L'Amour de la Patrie. 11. La.
Balance d'Astrée , ou la droite Administration de la Justice. 12. L'Ambition des
Souverains. 13. Le Sceptisme Philosophi
que.
Tous ces Sujets sont parfaitement bien
traitez ; l'ordre et la clarté y accompa
gnent toujours une agréable érudition
et il y a beaucoup à profiter dans cette
lecture, Nous avons traduit le titre Saludadores , du 1. Discours, par les termes de
Conjureurs ou d'Enchanteurs ; parce qu'engeneral , c'est ce que signifie le nom Espagnol, quoiqu'il ne s'agisse icy que de
Hydrophobie , ou de la rage , qui inspire de l'horreur pour l'eau , &c. malgré la
prétention de quelques- uns qui croyent
ан
AVRIL 17320
au contraire, que l'eau est un remede assuré contre ce mal ; ce que notre Auteur
met au nombre des erreurs vulgaires.
C'est encore s'égarer , selon lui , de croire
qu'il y a des personnes qui ont la vertu
inhérante et particuliere de guérir l'affreuse maladie dont il s'agit dans cette
Dissertation ; et c'est ces mêmes personnes qu'il appelle Saludadores.
Le Titre du se Discours est : Vara divinatoriay Zabories , que nous avons rendu par la Baguete devinatoire , et les Yeux
de Lynx.
Pour justifier cette derniere expression,
le Lecteur sçaura que le P. Feijoo , après
avoir expédié tout ce qui regarde la Baguete devinatoire , qu'il croit chose - tresabusive , &c. traite aussi d'une espece
d'hommes, parmi les Espagnols , dont on
dit( a) que la vûë est si perçante, qu'elle
penetre les corps opaques , et distingue
même ce qui se trouve de caché dans la
terre à une certaine profondeur. Ces Homimes sont appellez Zabories , nom que
l'Auteur croit avec beaucoup de vraisemblance , être Arabe d'origine. Il croit
(a) De quienes se dice que con laperspicacia de
su vistapenetran los cuerpos opacos haciendose de
este modo patente quanto à algunas brazas debajo de laTierra esta ocultos s
Fiij aussi
748 MERCURE DE FRANCE
aussi que les Espagnols ont reçû cette
opinion, qu'il traite de chimere, des Maures qui avoient envahi l'Espagne : opinion qu'il observe ne se trouver répanduë que chez la Nation Espagnole.
و
Cette croyance est apparemment passée
dans le Portugal par proximité et par
conformité de génie , surquoi nous renvoyons les Lecteurs à ce que nous avons
publié dans quelques-uns de nos Journaux, au sujet d'une Femme Portugaise ,
à vûë de Lynx ou Zahorie:
Nous avons remarqué en rendant
compte des deux premiers Tomes de cet
ouvrage , que quelque temps après la publication du 1. vol. il parut une Critique
de ce que notre Auteur avoit écrit au sujet de la Medecine et des Medecins. Cette
Critique , écrite en latin , étoit intitulée
Medicina Vindicata. Le P. Feijoo у répondit dans la même langue , et fit imprimer sa Réponse dans le 2 Tome , promettant d'en donner une Traduction Espagnole dans le Volume suivant. Il a tenu
parole. Le 3 Tome finit par cette Traduction , intitulée : La Verdad Vindicada
contra la Medecina Vindicada, Respuesta
Apologetica , traducida de Latin en Castellano , y añadida por el Amor. Nous
n'avons rien à ajouter à l'égard de cette Piéce
AVRIL. 17320 749
Piece , à ce que nous en avons dit dans le
Mercure du mois de Juin dernier.
Les trois Tomes du Théatre Critique ,
dont nous avons rendu compte , sont suivis d'un 4 vol. qui porte pour Titre :
ILUSTRACION Apologetica al Primero y segundoTomo del Theatrocritico, & c.vol.4.de
207 pages. A Madrid , chez le même Libraire , 1729.
-
Une Préface de 9 à 10 pag. instruit le
Lecteur de ce qui a donné lieu à la composition de ce volume particulier , et au
Titre qu'il porte. Voici le précis de cette
instruction. A peine le 3 Tome duThéatre Critique eût-il été publié , qu'il parût
contre le 1 et 2 vol. un Livre intitulé :
Anti-Theatro Critico , imprimé à Madrid,
sous le nom de Don Salvador Joseph
Mañer. La premiere pensée qui vint à
notre Auteur , ce fut de répondre à cette
Critique , dès qu'elle lui seroit tombée
entre les mains ; mais il en fut détourné
par quelques amis , qui lui écrivirent de
Madrid , que l'Antithéatre n'étoit qu'un
amas d'inepties , de puerilitez , d'équivoques , d'ignorances , en un mot , d'im.
pertinences ( a) ; conseillant aur P.F. de ne
point perdre un temps , trop précieux
(2) Materialidades impertinentės.
Fiiij d'ail-
750 MERCURE DE FRANCE
d'ailleurs , pour la continuation de son
grand ouvrage , à réfuter un pareil Libelle ; l'Adversaire ne s'étant apparemment mis en campagne que , pour se procurer l'honneur d'une réponse , &c.
D'ailleurs , le sçavant Benedictin crût
voir un nom supposé dans celui de Don
Joseph Mañer , ses amis ne connoissant
personne à la Cour , ni ailleurs , qui porte ce nom- là. D'autres lui manderent que
l'Anti-Théatre étoit l'ouvrage de huit
Ecrivains , du nombre desquels est ce Don
Mañer , veritable ou supposé , lui marquant même la Maison où ces Mrs s'assemblent et tiennent leurs Conferences
litteraires au surplus , que cette ' Critique ne méritoit aucune réponse.
Cependant des avis posterieurs apprirent à notre Auteur que l'Ouvrage de Don
Mañer étoit applaudi à la Cour et ailleurs,
et que ceux à qui il étoit tombé en charge
de l'examiner , l'avoient loüé dans leurs
Approbations ; malgré le peu de cas qu'en
faisoient les Personnes intelligentes.Alors
le P. F. prit le sage parti d'attendre la reception de cet Ouvrage , et de l'examiner
par lui- même, pour se déterminer en connoissance de cause. Son étonnement ne
fût pas petit après avoir fait cet examen,
qui lui confirma ce qu'on lui avoit déja
mar-
AVRIL 1732 751
marqué du
en question.
peu de mérite de l'Ouvrage
Il fut , surtout , frapé de s'y voir accusé
d'avoir emprunté de D. Antoine de Literes tout ce qui est dit de la Musique et
du Docteur Martinez , tout ce qui concerne la Médecine dans le 1 vol. du Théatre Critique ; ce que notre Auteur soutient non seulement être tres- faux , mais
il démontre , en passant , dans cette Préface, la fausseté de l'accusation. Au reste ,
après avoir fait réfléxion que le Théatre
Critique n'a été entrepris que pour com
battre les erreurs vulgaires , et pour en
désabuser les hommes , il a crû enfin que
ce seroit mal-exécuter un tel projet s'il ne
faisoit pas une Réponse exacte et dans
l'étendue convenable à l'Auteur de l'Anti-Théatre, qui semble n'avoir mis la main
à la plume que pour se déclarer le Pros
tecteur des mêmes erreurs , et pour maintenir le vulgaire dans son ancienne possession ; outre que cette Apologie , dit le P. F. sera non seulement une deffense pu
blique contre les prétentions fausses et
abusives du Seigneur Mañer; mais elle
pourra devenir aussi un préservatifqui
empêchera peut- être la continuation d'un
pareil travail.
Le fruit de ce travail est icy appellé par
Fv Botrs
752 MERCURE DE FRANCE
notre Auteur un jeu de Théatre, uneChimere Critique , une Comédie de 8 Acteurs , une illusion des simples , un marché de petits enfans , une fabrique en
l'air , sans fondement , sans vérité , sans
raison. Il proteste enfin qu'au cas que le
même Ecrivain ou d'autres , continuent
d'attaquer le Théatre Critique , il continuera tranquillement son ouvrage , sans daigner répondre à des objections aussi frivoles que celles qui ont paru jusqu'icy.
1.
Cette Apologie est dédiée par une belle Epître , au R. P. François de Berganza,
General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne et en Angle
terre. La Dédicace est suivie de plusieurs
Approbations raisonnées et remplies d'érudition , qui font également honneur
aux Docteurs qui les ont données , et à
l'Ouvrage qui en fait le sujet , et qui sans
doute les mérite bien.
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Résumé : Théâtre Critique, Universel, &c. [titre d'après la table]
Le troisième tome du 'Théâtre Critique Universel' ou 'Discours divers sur toute sorte de sujets, pour désabuser des erreurs vulgaires' a été composé par le R. P. Benoît-Jérôme Feijoo, Maître Général des Études dans l'Ordre de Saint Benoît et Professeur en Théologie à l'Université d'Oviedo. Publié à Madrid en 1730, ce tome inclut une épître dédicatoire au Monastère Royal de Saint Julien de Samos, l'un des plus célèbres et privilégiés d'Espagne. Le texte comporte également trois approbations des théologiens d'Oviedo et d'Alcala, ainsi qu'une préface défensive contre des écrivains espagnols ayant critiqué les œuvres de Feijoo. Le tome comprend treize discours ou dissertations. Les titres incluent 'Les Conjureurs ou Enchanteurs', 'Les Secrets de la Nature', 'La Sympathie et l'Antipathie', 'Les Lutins ou Esprits familiers', 'La Baguette devinatoire, et les Yeux de Lynx', 'Les Miracles supposés', 'Paradoxes Mathématiques', 'La Pierre Philosophale', 'Le Raisonnement des Bêtes', 'L'Amour de la Patrie', 'La Balance d'Astrée, ou la droite Administration de la Justice', 'L'Ambition des Souverains', et 'Le Scepticisme Philosophique'. Ces sujets sont traités avec ordre, clarté et érudition. Le texte souligne également la réponse de Feijoo à une critique intitulée 'Medicina Vindicata', publiée dans le deuxième tome, et la traduction de cette réponse en espagnol dans le troisième tome. De plus, il mentionne un quatrième volume intitulé 'Ilustración Apologética al Primero y segundo Tomo del Teatro Crítico', publié en 1729, en réponse à une critique intitulée 'Anti-Théâtre Critique' par Don Salvador Joseph Mañer. Feijoo y réfute les accusations de plagiat et défend son œuvre contre les erreurs vulgaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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p. 756-769
Discours de M. l'Evêque de Luçon à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
Début :
M. l'Evêque de Luçon, (Michel Celse Roger de Rabutin [...]
Mots clefs :
Académie française, Discours, Éloquence grave, Évêque de Luçon, Fontenelle, Assemblée, Antoine Houdard de la Motte
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texteReconnaissance textuelle : Discours de M. l'Evêque de Luçon à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
M. l'Evêque de Luçon , ( Michel Celse
Roger de Rabutin de Bussy ) , ayant été
élu par Messieurs de l'Académie Françoise , à la place de feu M. Houdar de la
Motte; y prit séance le Jeudi , 6 Mars
1732, et prononça un Discours de remerciment , également convenable à sa dignité et à sa naissance ; un Discours dont le
caractére est une Eloquencé grave , noble
et simple. Ce Discours , quoique prononcé avec beaucoup de grace ,
fit moins de
plaisir aux Auditeurs , qu'il n'en a fait depuis aux Lecteurs. C'est le sort des Ouvrages excellens qui gagnent toujours à
être approfondis. La mesure d'attention
que peut donner l'Auditeur , ne suffit
pas pour sentir dans toute leur étendueJ
les.
AVRIL ' . 1732. 797
que
les beautez d'un certain ordre. M. l'Evêde Luçon commence en ces termes :
MESSIEURS ,
Ce n'est point avec des sentimens ordinaires que je reçois l'honneur que vous
me faites aujourd'hui. Attentif, dès mon
enfance , au récit de vos exercices , accoutumé à entendre exalter vos talens , né
dans une Maison où je croyois partager
vos avantages et votre gloire : Disciple de
ces Hommes celebres, qui formoient alors
l'Académie ; je n'ai jamais pensé que je
fusse étranger pour vous ; et quoique persuadé de mon insuffisance , je me suis fa
miliarisé avec l'idée , que je pourrois vous
appartenir quelque jour. Souffrez donc
Messieurs , que sans rien perdre de l'admiration que vous méritez , j'ose me présenter à Vous , avec la confiance d'un
homme.élevé sous vos auspices.
·
1
Ensuite M. l'Evêque de Luçon, par un
tour très heureux , fait l'éloge du Cardinal de Richelieu , comme d'après les
Grands Hommes qui l'ont souvent entretenu des qualitez éminentes de ce fameux Ministre et des merveilles de son
Ministere. Il saisit la circonstance de le
compter au nombre de ses Prédécesseurs
dans l'Evêché de Luçon , et le loue, comme
758 MERCURE DE FRANCE
me Evêque , après l'avoir loué comme
Ministre d'Etat.
Deux Monumens immortaliseront à jamais le C. de R. La Sorbonne et l'Académie. La Sorbonne , qui sera toujours la
Mere et la Maîtresse des Forts d'Israel ; la
Dépositaire fidelle de la saine Doctrine.
L'Académie Françoise , destinée , non à
L'unique emploi depolir le Langage, mais encore àformer le goût en tout genre de Litterature.
Tels furent , Messieurs , continue l'élo
quent Prélat, les nobles Emplois que vous ·
destina votre illustre Fondateur. Il voyoit
approcher les temps où vous deveniez
plus necessaires à la France ; il présageoit
les merveilles du Regne suivant , parce
qu'il les avoit préparées. il falloit donc
une Société d'Hommes choisis pour les
recueillir ; il falloit une juste proportion
entre ces merveilles et ceux qui devoient
les célébrer ; il falloit pour unnouvel Au
guste , des Ecrivains dignes du siécle
d'Auguste même.
Vous l'avez fait revivre, Messieurs , ce
siécle admirable. Eh ! qui pourroit exprimer aujourd'hui ce que la France vousdoit
d'éclat et de splendeur. Je ne parle pas
seulement de ces Ouvrages comparables à
ceux de la Grece et de l'ancienne Rome,
mais
AVRIL. 1732: 759
mais encore de ce nombre infini de grandes actions , que nous devons au désir de l'Immortalité , dont vous êtes les dispensateurs. Semblables à ce fameux Tribunal
des Egyptiens , où la vie des Princes mêmes étoit jugée après leur mort ; c'est
vous qui pesez les actions des plus grands personages ; c'est icy que le vrai merite
peut esperer le juste tribut qui lui est dû.
Noms celebres , réputations éclatantes
vous n'auriez jamais été sans l'amour de
la gloire. C'est cet amour qui a produit
les Héros ; et à la honte de la Nature hu
maine , c'est à ce même amourque la vertu
est souvent redevable de ses plus grands efforts.
A la fin de l'éloge du feu Roy, M. de
Luçon parle de sa mort en ces termes :
Courageux sans ostentation , tendre sans
foiblesse ; il fut occupé , comme Roy et
comme Pere , à préparer à ses sujets un
Regne qui , avec les avantages du sien
eut encore ceux ausquels il n'avoit pû
parvenir. Bien éloigné de cet Empereur
qui se ménagea le plaisir barbare de se
faire regretter par les défauts de son successeur, il ne fut point jaloux qu'un autre
rendit ses peuples plus heureux. Assuré
d'être à jamais célébré dans une Nation
qu'il avoit élevée au dessus des autres ; il
n'en-
760 MERCURE DE FRANCE
n'envia point à son successeur le bonheur
de la faire jouir de toutes les douceurs de
la paix. Dans ces derniers momens , où
l'on voit si nettement le faux des opinions des hommes , il connut que la
Guerre ne peut passer aux yeux du Sage
que pour un mal quelquefois nécessaire ,
et que la paix qui en doit étre l'unique
objet, est presque toujours trop achetée ,
même par la Guerre la plus heureuse.
Cependant vous n'étiez encore qu'un
bien stérile pour nous , poursuit l'Orateur plus bas , en parlant du Roy , et de
Louis XIV. Si ce grand Roy , qui connoissoit si parfaitement les talens necessaires à chaque place , n'avoit choisi le Ministre le plus digne pour être le dépositaire de l'éducation de cet Auguste Enfant , de ce gage précieux de la sureté de
toutes les Nations. Que ne devient point
le plus heureux naturel , cultivé par des
mains si habiles ? De là , toutes ces vertus , qui font aujourd'hui le bonheur de
la France ; cette piété tendre et égale, dont
l'exemple a plus de force que les Loix :
une justice qui garentit les Sujets de toutes oppression. De- là , cette Sagesse qui
contient les hommes , et cette douceur
qui les concilie ; enfin cette modération
qui fait l'assurance de nos voisins , et la
tranquillité de l'Europe,
Quelle
AVRIL 1732. 761
Quelle entreprise pour moi , ( dit M.de
Luçon sur la fin de son Discours , en parlant de M. de la Motte ) que l'éloge d'un
homme de tous les talens , et à qui ses
ennemis , ou plutôt ses envieux , ne refuseront pas l'excellence en plusieurs genres , et des places honorables en tous les
autres. Content de jetter quelques fleurs
sur son Tombeau , je ne m'attacherai
donc qu'à vous rappeller ici les qualitez
estimables qu'il possedoit..
Avant lui peu d'Auteurs avoient connu la moderation et la douceur dans la
dispute. On voyoit souvent l'homme de
Lettre écrire avec grossiereté , le Philosophe avec emportement , le Chrétien
même, en combattant pour la Religion ,
oublier la charité. M. de la Motte , Maître en cet Art presque inconnu , nous
apprit que dans les disputes les plus vives,
on peut conserver toute la grace et toute la moderation d'un homme du monde. Dans cette fameuse querelle , où il
entreprit d'élever les Modernes au- dessus
des Anciens , s'il ne remporta pas la victoire , du moins un jour ses Ouvrages devenus anciens , serviront à leur tour de
preuves à ceux qui soutiendront l'opinion
contraire à la sienne. Jamais la force de
ses raisons ne prit rien sur la politesse
qui
762 MERCURE DE FRANCE
qui les accompagnoit , son Adversaire négligea cet avantage et si leur cause avoit
été jugée sur leur maniere d'écrire , elle
ne seroit pas restée indécise , &c.
Après le Discours de M. l'Evêque de
Luçon , M. de Fontenelle , Directeur , répondit au nom de l'Académie.
MONSIEUR,
Il arrive quelquefois que sans examiner
les motifs de notre conduite , on nous
accuse d'avoir dans nos Elections beaucoup d'égard aux noms et aux dignitez ,
et de songer du moins autant à décorer
notre Liste , qu'à fortifier solidement la
Compagnie. Aujourd'hui nous n'avons
point cette injuste accusation à craindre ;
il est vrai que vous portez un beau nom,
il est vrai que vous êtes revêtu d'une
dignité respectable ; on ne nous reprochera cependant ni l'un ni l'autre. Le
nom vous donneroit presque un droit
hereditaire , la dignité vous a donné lieu
de fournir vos veritables titres , ces Ouvrages où vous avez traité des matieres
qui , très-épineuses par elles- mêmes , le
sont devenues encore davantage par les
circonstances présentes , &c.
t
3
Ici , Monsieur , je ne puis resister à la
vanité de dire que vous n'avez pas dédaigné
AVRIL. 1732. 75.3
gné de m'admettre au plaisir que votre›
commerce faisoit à un nombre de personnes mieux choisies, et je rendrois graces avec beaucoup de joye au sort qui m'a
place de vous en marquer publiquement ma reconnoissance , si ce même
sort ne me chargeoit aussi d'une autre
fonction très- douloureuse et très pénible.
Il fautque je parle de votre illustre Prédecesseur , d'un ami qui m'étoit extrémement cher, et que j'ai perdu ; il faut que
j'en parle , que j'appuye sur tout ce qui
cause mes regrets , et que je mette du
soin à rendre la playe de mon cœur encore plus profonde. Je conviens qu'il y
a toujours un certain plaisir à dire ce
que que l'on sent , mais il faudroit le dire
dans cette Assemblée d'une maniere digne
d'elle et digne du sujet , et c'est à quoi
je ne crols pas pouvoir suffire, quelque
aidé que je sois par un tendre souvenir,
par ma douleur même , et par mon zele
pour la memoire de mon ami.
Le plus souvent on est étrangement
borné par la Nature. On ne sera qu'un.
bon Poëte , c'est être déja assez réduit ,
mais de plus on ne le sera que dans un
certain genre; la Chanson même en est
un où on peut se trouver renfermé. M. de
la . Motre a traité presque tous les genres
de
764 MERCURE DE FRANCE
de Poësie. L'Ode étoit assez oubliée de
puis Malherbe , l'élevation qu'elle demande, les contraintes particulieres qu'elle impose , avoient causé sa disgrace
quand un jeune Inconnu parut subitement avec des Odes à la main , dont plusieurs étoient des Chef- d'œuvres , et les
plus foibles avoient de grandes beautez.
Pindare , dans les siennes , est toujours
Pindare , Anacreon toujours Anacreon
et ils sont tous deux très- opposez. M. de
la Motte, après avoir commencé par être
Pindare , sçut devenir Anacreon.
Il passa au Théatre Tragique , et il y
fut universellement applaudi dans trois
Pieces de caracteres differens. Les Machas
bées ont le sublime et le majestueux qu'exige une Religion divine ; Romulus réprésente la grandeur Romaine , naissante
et mêlée de quelque ferocité ; Inés de
Castro , exprime les sentimens les plus
tendres , les plus touchans , les plus adroitement puisez dans le sein de la Nature.
Aussi l'Histoire du Théatre n'a- t'elle
point d'exemple d'un succès pareil à celui
d'Inés. C'en est un grand pour une Piece
que d'avoir attiré une fois chacun de ceux
qui vont aux Spectacles ; Inés n'a peutêtre pas eu un seul Spectateur qui ne l'ait
été qu'une fois. Le desir de la voir renaissoit après la curiosité satisfaite.
AVRIL 1732 765
Un autre Théatre a encore plus souvent occupé le même Auteur , c'est celui
où la Musique , s'unissant à la Poësie , la
pare quelquefois et la tient toujours dans
un rigoureux esclavage. De grands Poëtes ont fierement méprisé ce genre , dont
leur génie trop roide et trop flexible , les
excluoit ; et quand ils ont voulu prouver
que leur mépris ne venoit pas d'incapacité , ils n'ont fait que prouver par des
efforts malheureux , que c'est un genre
très-difficile. M. de la Motte eût été aussi
en droit de le mépriser ; mais il a fait
mieux , il y a beaucoup reüssi , &c.
Lorsque ses premiers Ouvrages parurent , il n'avoit point passé par de foibles
Essais , propres seulement à donner des
esperances , on n'étoit point averti , et
on n'eut point le loisir de se précautionner contre l'admiration , mais dans la
suite on se tint sur ses gardes , on l'attendoit avec une indisposition secrette
contre lui. Il en eût coûté trop d'estime
pour lui rendre une justice entiere. Il fit
une Iliade , en suivant seulement le plan
general d'Homere , et on trouva mauvais
qu'il touchât au divin Homere sans l'adorer. Il donna un Recueil de Fables ,
dont il avoit inventé la plupart des sujets , et on demanda pourquoi il faisoit
des
66 MERCURE DE FRANCE
des Fables après la Fontaine. Sur ces raisons on prit la résolution de ne lire ni
I'lliade , ni les Fables , et de les condamner , &c.
Il n'a manqué, poursuit plus bas le célébre Académicien , à un Poëte si universel, qu'un seul genre , la Satyre , et il
est plus glorieux pour lui qu'elle lui manque , qu'il ne l'est d'avoir eu tout les
autres genres à sa disposition.
Malgré tout cela , M. de la M. n'étoit
pas Poëte ( ont dit quelques- uns, et mille
echos l'ont repeté, ) Ce n'étoit point un
enthousiasme involontaire qui le saisît,
une fureur divine qui l'agitât , c'étoit seulement une volonté de faire des Vers qu'il
executoit , parce qu'il avoit beaucoup
d'esprit. Quoi ce qu'il y aura de plus
estimable en nous , sera-ce donc ce qui
dépendra le moins de nous , ce qui agira
le plus en nous , sans nous- mêmes ? ce
qui aura le plus de conformité avec l'instinct des animaux? car cet enthousiasme ,
cette fureur bien expliquez , se réduiront
à de veritables instincts, &c.
Après avoir parlé éloquemment sur
cette foule de Censeurs que son mérite
lui avoit faits , et dont les coups partoient de trop bas pour aller jusqu'à lui,
dit M. de Fontenelle , il continuë en cette
maniere. Quand
AVRIL. 1732. 767
Quand on a été le plus avare de louanges sur son sujet , on lui a accordé un ,
premier rang dans la Prose , pour se dispenser de lui en donner un pareil dans
la Poësie ; et le moyen qu'il n'eût pas excellé en Prose ! lui , qui avec un esprit
• nourri de refléxions , plein d'idées bien
saines et bien ordonnées , avoit une force,
une noblesse et une élegance singuliere
d'expression , même dans son discours
ordinaire.
1
Cependant cette beauté d'expression ,
ces refléxions , ces idées , il ne les devoit
presque qu'à lui- même. Privé dès sa jeunesse de l'usage de ses yeux et de ses jambes , il n'avoit pû guere profiter ni du
grand commerce du monde , ni du secours des Livres. Il ne se servoit que des
yeux d'un Neveu , dont les soins constans et perpetuels pendant 24. années qu'il
a entierement sacrifiées à son Oncle , méritent l'estime , et en quelque sorte la reconnoissance de tous ceux qui aiment les
Lettres , ou qui sont sensibles à l'agréa
bleSpectacle que donnent des devoirs d'amitié bien remplis. Ce qu'on peut se faire,
lire , ne va pas foin ; et M. de la Motte
étoit donc bien éloigné d'être sçavants
Mais sa gloire en redouble. Il seroit luimême dans la dispute des Anciens et des
G Mo-
768 MERCURE DE FRANCE
Modernes , un assez fort argument contre
l'indispensable necessité dont on prétend
que soit la grande connoissance des Anciens, si ce n'est qu'on pourroit fort légi
timement répondre qu'un homme si rare
ne tire pas à conséquence.
Nousesperons que nos Lecteurs nedesapprouverontpas la longueur de ces Extraits
ou plutôt nous nous flattens qu'ils nous en
sçauront gré.Nous finirons par cet Article.
Un des plus celebres incidens de la
querelle sur Homere , fut celui où l'on
vit paroître dans la lice , d'un côté le
Sçavoir, sous la figure d'une Dame illustre; de l'autre l'Esprit , je ne veux pas
dire la Raison , car je ne pétens point
toucher au fond de la dispute , mais seulement à la maniere dont elle fut traitée.
En vain le Sçavoir voulut se contraindre
à quelques dehors de moderation dont
notre siecle impose la nécessité , il retomba malgré lui dans son ancien stile , et
laissa échapper de l'aigreur , de la hauteur et de l'emportement. L'Esprit au
-contraire fut doux , modeste , tranquille
même enjoi é , toûjours respectueux pour
le venerable Sçavoir , et encore plus pour
celle qui le représentoit.Si M.de la Morte
eût par art le ton qu'il prit , il eût fait
un Chef d'œuvre d'habileté ; mais les effets
AVRIL. 17320 789
forts7 de l'Art ne vont pas si loin , et
son caractere naturel eut beaucoup de
part à la victoire complette qu'il rem
porta.
Roger de Rabutin de Bussy ) , ayant été
élu par Messieurs de l'Académie Françoise , à la place de feu M. Houdar de la
Motte; y prit séance le Jeudi , 6 Mars
1732, et prononça un Discours de remerciment , également convenable à sa dignité et à sa naissance ; un Discours dont le
caractére est une Eloquencé grave , noble
et simple. Ce Discours , quoique prononcé avec beaucoup de grace ,
fit moins de
plaisir aux Auditeurs , qu'il n'en a fait depuis aux Lecteurs. C'est le sort des Ouvrages excellens qui gagnent toujours à
être approfondis. La mesure d'attention
que peut donner l'Auditeur , ne suffit
pas pour sentir dans toute leur étendueJ
les.
AVRIL ' . 1732. 797
que
les beautez d'un certain ordre. M. l'Evêde Luçon commence en ces termes :
MESSIEURS ,
Ce n'est point avec des sentimens ordinaires que je reçois l'honneur que vous
me faites aujourd'hui. Attentif, dès mon
enfance , au récit de vos exercices , accoutumé à entendre exalter vos talens , né
dans une Maison où je croyois partager
vos avantages et votre gloire : Disciple de
ces Hommes celebres, qui formoient alors
l'Académie ; je n'ai jamais pensé que je
fusse étranger pour vous ; et quoique persuadé de mon insuffisance , je me suis fa
miliarisé avec l'idée , que je pourrois vous
appartenir quelque jour. Souffrez donc
Messieurs , que sans rien perdre de l'admiration que vous méritez , j'ose me présenter à Vous , avec la confiance d'un
homme.élevé sous vos auspices.
·
1
Ensuite M. l'Evêque de Luçon, par un
tour très heureux , fait l'éloge du Cardinal de Richelieu , comme d'après les
Grands Hommes qui l'ont souvent entretenu des qualitez éminentes de ce fameux Ministre et des merveilles de son
Ministere. Il saisit la circonstance de le
compter au nombre de ses Prédécesseurs
dans l'Evêché de Luçon , et le loue, comme
758 MERCURE DE FRANCE
me Evêque , après l'avoir loué comme
Ministre d'Etat.
Deux Monumens immortaliseront à jamais le C. de R. La Sorbonne et l'Académie. La Sorbonne , qui sera toujours la
Mere et la Maîtresse des Forts d'Israel ; la
Dépositaire fidelle de la saine Doctrine.
L'Académie Françoise , destinée , non à
L'unique emploi depolir le Langage, mais encore àformer le goût en tout genre de Litterature.
Tels furent , Messieurs , continue l'élo
quent Prélat, les nobles Emplois que vous ·
destina votre illustre Fondateur. Il voyoit
approcher les temps où vous deveniez
plus necessaires à la France ; il présageoit
les merveilles du Regne suivant , parce
qu'il les avoit préparées. il falloit donc
une Société d'Hommes choisis pour les
recueillir ; il falloit une juste proportion
entre ces merveilles et ceux qui devoient
les célébrer ; il falloit pour unnouvel Au
guste , des Ecrivains dignes du siécle
d'Auguste même.
Vous l'avez fait revivre, Messieurs , ce
siécle admirable. Eh ! qui pourroit exprimer aujourd'hui ce que la France vousdoit
d'éclat et de splendeur. Je ne parle pas
seulement de ces Ouvrages comparables à
ceux de la Grece et de l'ancienne Rome,
mais
AVRIL. 1732: 759
mais encore de ce nombre infini de grandes actions , que nous devons au désir de l'Immortalité , dont vous êtes les dispensateurs. Semblables à ce fameux Tribunal
des Egyptiens , où la vie des Princes mêmes étoit jugée après leur mort ; c'est
vous qui pesez les actions des plus grands personages ; c'est icy que le vrai merite
peut esperer le juste tribut qui lui est dû.
Noms celebres , réputations éclatantes
vous n'auriez jamais été sans l'amour de
la gloire. C'est cet amour qui a produit
les Héros ; et à la honte de la Nature hu
maine , c'est à ce même amourque la vertu
est souvent redevable de ses plus grands efforts.
A la fin de l'éloge du feu Roy, M. de
Luçon parle de sa mort en ces termes :
Courageux sans ostentation , tendre sans
foiblesse ; il fut occupé , comme Roy et
comme Pere , à préparer à ses sujets un
Regne qui , avec les avantages du sien
eut encore ceux ausquels il n'avoit pû
parvenir. Bien éloigné de cet Empereur
qui se ménagea le plaisir barbare de se
faire regretter par les défauts de son successeur, il ne fut point jaloux qu'un autre
rendit ses peuples plus heureux. Assuré
d'être à jamais célébré dans une Nation
qu'il avoit élevée au dessus des autres ; il
n'en-
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n'envia point à son successeur le bonheur
de la faire jouir de toutes les douceurs de
la paix. Dans ces derniers momens , où
l'on voit si nettement le faux des opinions des hommes , il connut que la
Guerre ne peut passer aux yeux du Sage
que pour un mal quelquefois nécessaire ,
et que la paix qui en doit étre l'unique
objet, est presque toujours trop achetée ,
même par la Guerre la plus heureuse.
Cependant vous n'étiez encore qu'un
bien stérile pour nous , poursuit l'Orateur plus bas , en parlant du Roy , et de
Louis XIV. Si ce grand Roy , qui connoissoit si parfaitement les talens necessaires à chaque place , n'avoit choisi le Ministre le plus digne pour être le dépositaire de l'éducation de cet Auguste Enfant , de ce gage précieux de la sureté de
toutes les Nations. Que ne devient point
le plus heureux naturel , cultivé par des
mains si habiles ? De là , toutes ces vertus , qui font aujourd'hui le bonheur de
la France ; cette piété tendre et égale, dont
l'exemple a plus de force que les Loix :
une justice qui garentit les Sujets de toutes oppression. De- là , cette Sagesse qui
contient les hommes , et cette douceur
qui les concilie ; enfin cette modération
qui fait l'assurance de nos voisins , et la
tranquillité de l'Europe,
Quelle
AVRIL 1732. 761
Quelle entreprise pour moi , ( dit M.de
Luçon sur la fin de son Discours , en parlant de M. de la Motte ) que l'éloge d'un
homme de tous les talens , et à qui ses
ennemis , ou plutôt ses envieux , ne refuseront pas l'excellence en plusieurs genres , et des places honorables en tous les
autres. Content de jetter quelques fleurs
sur son Tombeau , je ne m'attacherai
donc qu'à vous rappeller ici les qualitez
estimables qu'il possedoit..
Avant lui peu d'Auteurs avoient connu la moderation et la douceur dans la
dispute. On voyoit souvent l'homme de
Lettre écrire avec grossiereté , le Philosophe avec emportement , le Chrétien
même, en combattant pour la Religion ,
oublier la charité. M. de la Motte , Maître en cet Art presque inconnu , nous
apprit que dans les disputes les plus vives,
on peut conserver toute la grace et toute la moderation d'un homme du monde. Dans cette fameuse querelle , où il
entreprit d'élever les Modernes au- dessus
des Anciens , s'il ne remporta pas la victoire , du moins un jour ses Ouvrages devenus anciens , serviront à leur tour de
preuves à ceux qui soutiendront l'opinion
contraire à la sienne. Jamais la force de
ses raisons ne prit rien sur la politesse
qui
762 MERCURE DE FRANCE
qui les accompagnoit , son Adversaire négligea cet avantage et si leur cause avoit
été jugée sur leur maniere d'écrire , elle
ne seroit pas restée indécise , &c.
Après le Discours de M. l'Evêque de
Luçon , M. de Fontenelle , Directeur , répondit au nom de l'Académie.
MONSIEUR,
Il arrive quelquefois que sans examiner
les motifs de notre conduite , on nous
accuse d'avoir dans nos Elections beaucoup d'égard aux noms et aux dignitez ,
et de songer du moins autant à décorer
notre Liste , qu'à fortifier solidement la
Compagnie. Aujourd'hui nous n'avons
point cette injuste accusation à craindre ;
il est vrai que vous portez un beau nom,
il est vrai que vous êtes revêtu d'une
dignité respectable ; on ne nous reprochera cependant ni l'un ni l'autre. Le
nom vous donneroit presque un droit
hereditaire , la dignité vous a donné lieu
de fournir vos veritables titres , ces Ouvrages où vous avez traité des matieres
qui , très-épineuses par elles- mêmes , le
sont devenues encore davantage par les
circonstances présentes , &c.
t
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Ici , Monsieur , je ne puis resister à la
vanité de dire que vous n'avez pas dédaigné
AVRIL. 1732. 75.3
gné de m'admettre au plaisir que votre›
commerce faisoit à un nombre de personnes mieux choisies, et je rendrois graces avec beaucoup de joye au sort qui m'a
place de vous en marquer publiquement ma reconnoissance , si ce même
sort ne me chargeoit aussi d'une autre
fonction très- douloureuse et très pénible.
Il fautque je parle de votre illustre Prédecesseur , d'un ami qui m'étoit extrémement cher, et que j'ai perdu ; il faut que
j'en parle , que j'appuye sur tout ce qui
cause mes regrets , et que je mette du
soin à rendre la playe de mon cœur encore plus profonde. Je conviens qu'il y
a toujours un certain plaisir à dire ce
que que l'on sent , mais il faudroit le dire
dans cette Assemblée d'une maniere digne
d'elle et digne du sujet , et c'est à quoi
je ne crols pas pouvoir suffire, quelque
aidé que je sois par un tendre souvenir,
par ma douleur même , et par mon zele
pour la memoire de mon ami.
Le plus souvent on est étrangement
borné par la Nature. On ne sera qu'un.
bon Poëte , c'est être déja assez réduit ,
mais de plus on ne le sera que dans un
certain genre; la Chanson même en est
un où on peut se trouver renfermé. M. de
la . Motre a traité presque tous les genres
de
764 MERCURE DE FRANCE
de Poësie. L'Ode étoit assez oubliée de
puis Malherbe , l'élevation qu'elle demande, les contraintes particulieres qu'elle impose , avoient causé sa disgrace
quand un jeune Inconnu parut subitement avec des Odes à la main , dont plusieurs étoient des Chef- d'œuvres , et les
plus foibles avoient de grandes beautez.
Pindare , dans les siennes , est toujours
Pindare , Anacreon toujours Anacreon
et ils sont tous deux très- opposez. M. de
la Motte, après avoir commencé par être
Pindare , sçut devenir Anacreon.
Il passa au Théatre Tragique , et il y
fut universellement applaudi dans trois
Pieces de caracteres differens. Les Machas
bées ont le sublime et le majestueux qu'exige une Religion divine ; Romulus réprésente la grandeur Romaine , naissante
et mêlée de quelque ferocité ; Inés de
Castro , exprime les sentimens les plus
tendres , les plus touchans , les plus adroitement puisez dans le sein de la Nature.
Aussi l'Histoire du Théatre n'a- t'elle
point d'exemple d'un succès pareil à celui
d'Inés. C'en est un grand pour une Piece
que d'avoir attiré une fois chacun de ceux
qui vont aux Spectacles ; Inés n'a peutêtre pas eu un seul Spectateur qui ne l'ait
été qu'une fois. Le desir de la voir renaissoit après la curiosité satisfaite.
AVRIL 1732 765
Un autre Théatre a encore plus souvent occupé le même Auteur , c'est celui
où la Musique , s'unissant à la Poësie , la
pare quelquefois et la tient toujours dans
un rigoureux esclavage. De grands Poëtes ont fierement méprisé ce genre , dont
leur génie trop roide et trop flexible , les
excluoit ; et quand ils ont voulu prouver
que leur mépris ne venoit pas d'incapacité , ils n'ont fait que prouver par des
efforts malheureux , que c'est un genre
très-difficile. M. de la Motte eût été aussi
en droit de le mépriser ; mais il a fait
mieux , il y a beaucoup reüssi , &c.
Lorsque ses premiers Ouvrages parurent , il n'avoit point passé par de foibles
Essais , propres seulement à donner des
esperances , on n'étoit point averti , et
on n'eut point le loisir de se précautionner contre l'admiration , mais dans la
suite on se tint sur ses gardes , on l'attendoit avec une indisposition secrette
contre lui. Il en eût coûté trop d'estime
pour lui rendre une justice entiere. Il fit
une Iliade , en suivant seulement le plan
general d'Homere , et on trouva mauvais
qu'il touchât au divin Homere sans l'adorer. Il donna un Recueil de Fables ,
dont il avoit inventé la plupart des sujets , et on demanda pourquoi il faisoit
des
66 MERCURE DE FRANCE
des Fables après la Fontaine. Sur ces raisons on prit la résolution de ne lire ni
I'lliade , ni les Fables , et de les condamner , &c.
Il n'a manqué, poursuit plus bas le célébre Académicien , à un Poëte si universel, qu'un seul genre , la Satyre , et il
est plus glorieux pour lui qu'elle lui manque , qu'il ne l'est d'avoir eu tout les
autres genres à sa disposition.
Malgré tout cela , M. de la M. n'étoit
pas Poëte ( ont dit quelques- uns, et mille
echos l'ont repeté, ) Ce n'étoit point un
enthousiasme involontaire qui le saisît,
une fureur divine qui l'agitât , c'étoit seulement une volonté de faire des Vers qu'il
executoit , parce qu'il avoit beaucoup
d'esprit. Quoi ce qu'il y aura de plus
estimable en nous , sera-ce donc ce qui
dépendra le moins de nous , ce qui agira
le plus en nous , sans nous- mêmes ? ce
qui aura le plus de conformité avec l'instinct des animaux? car cet enthousiasme ,
cette fureur bien expliquez , se réduiront
à de veritables instincts, &c.
Après avoir parlé éloquemment sur
cette foule de Censeurs que son mérite
lui avoit faits , et dont les coups partoient de trop bas pour aller jusqu'à lui,
dit M. de Fontenelle , il continuë en cette
maniere. Quand
AVRIL. 1732. 767
Quand on a été le plus avare de louanges sur son sujet , on lui a accordé un ,
premier rang dans la Prose , pour se dispenser de lui en donner un pareil dans
la Poësie ; et le moyen qu'il n'eût pas excellé en Prose ! lui , qui avec un esprit
• nourri de refléxions , plein d'idées bien
saines et bien ordonnées , avoit une force,
une noblesse et une élegance singuliere
d'expression , même dans son discours
ordinaire.
1
Cependant cette beauté d'expression ,
ces refléxions , ces idées , il ne les devoit
presque qu'à lui- même. Privé dès sa jeunesse de l'usage de ses yeux et de ses jambes , il n'avoit pû guere profiter ni du
grand commerce du monde , ni du secours des Livres. Il ne se servoit que des
yeux d'un Neveu , dont les soins constans et perpetuels pendant 24. années qu'il
a entierement sacrifiées à son Oncle , méritent l'estime , et en quelque sorte la reconnoissance de tous ceux qui aiment les
Lettres , ou qui sont sensibles à l'agréa
bleSpectacle que donnent des devoirs d'amitié bien remplis. Ce qu'on peut se faire,
lire , ne va pas foin ; et M. de la Motte
étoit donc bien éloigné d'être sçavants
Mais sa gloire en redouble. Il seroit luimême dans la dispute des Anciens et des
G Mo-
768 MERCURE DE FRANCE
Modernes , un assez fort argument contre
l'indispensable necessité dont on prétend
que soit la grande connoissance des Anciens, si ce n'est qu'on pourroit fort légi
timement répondre qu'un homme si rare
ne tire pas à conséquence.
Nousesperons que nos Lecteurs nedesapprouverontpas la longueur de ces Extraits
ou plutôt nous nous flattens qu'ils nous en
sçauront gré.Nous finirons par cet Article.
Un des plus celebres incidens de la
querelle sur Homere , fut celui où l'on
vit paroître dans la lice , d'un côté le
Sçavoir, sous la figure d'une Dame illustre; de l'autre l'Esprit , je ne veux pas
dire la Raison , car je ne pétens point
toucher au fond de la dispute , mais seulement à la maniere dont elle fut traitée.
En vain le Sçavoir voulut se contraindre
à quelques dehors de moderation dont
notre siecle impose la nécessité , il retomba malgré lui dans son ancien stile , et
laissa échapper de l'aigreur , de la hauteur et de l'emportement. L'Esprit au
-contraire fut doux , modeste , tranquille
même enjoi é , toûjours respectueux pour
le venerable Sçavoir , et encore plus pour
celle qui le représentoit.Si M.de la Morte
eût par art le ton qu'il prit , il eût fait
un Chef d'œuvre d'habileté ; mais les effets
AVRIL. 17320 789
forts7 de l'Art ne vont pas si loin , et
son caractere naturel eut beaucoup de
part à la victoire complette qu'il rem
porta.
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Résumé : Discours de M. l'Evêque de Luçon à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
Le 6 mars 1732, Michel Celse Roger de Rabutin de Bussy, évêque de Luçon, fut élu à l'Académie Française pour succéder à Houdar de la Motte. Lors de son discours de remerciement, il exprima son admiration pour l'Académie et son honneur de rejoindre ses rangs. Il loua le cardinal de Richelieu pour ses qualités de ministre d'État et son rôle d'évêque de Luçon. L'évêque de Luçon souligna l'importance de l'Académie Française, non seulement pour polir le langage, mais aussi pour former le goût littéraire. Il rendit hommage au siècle admirable que l'Académie avait contribué à revivre, en célébrant les grands écrivains et les actions héroïques. Il évoqua également la mort du roi, le décrivant comme courageux et sage, préoccupé par le bien-être de ses sujets et la paix en Europe. Enfin, il rendit hommage à Houdar de la Motte, louant sa modération et sa douceur dans les disputes littéraires. Après le discours de l'évêque de Luçon, M. de Fontenelle, directeur de l'Académie, répondit en soulignant les mérites de l'évêque et en évoquant la mémoire de Houdar de la Motte. Le texte traite de la figure de M. de la Motte, reconnu pour son excellence en prose et son potentiel en poésie. Doté d'un esprit riche en réflexions et idées bien ordonnées, il possédait une force, une noblesse et une élégance singulières dans son expression, même dans son discours ordinaire. Malgré une jeunesse marquée par la privation de l'usage de ses yeux et de ses jambes, il a développé ses compétences principalement par lui-même, sans bénéficier du grand commerce du monde ou du secours des livres. Il se servait des yeux de son neveu, qui a consacré 24 années à l'assister, méritant ainsi l'estime et la reconnaissance des amateurs de lettres et des sensibles aux devoirs d'amitié. Bien que M. de la Motte ne fût pas savant, sa gloire en est redoublée. Il aurait pu être un argument contre la nécessité absolue de la grande connaissance des Anciens. Le texte mentionne également un incident célèbre de la querelle sur Homère, opposant le Savoir et l'Esprit. Le Savoir, représenté par une dame illustre, a montré de l'aigreur et de l'emportement malgré des efforts de modération, tandis que l'Esprit a adopté une attitude douce, modeste et respectueuse. M. de la Motte, par son caractère naturel, a remporté une victoire complète dans cette dispute.
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695
p. 775-778
« Jamais le goût, pour la déclamation et les réprésentations Théâtrales [...] »
Début :
Jamais le goût, pour la déclamation et les réprésentations Théâtrales [...]
Mots clefs :
Allemagne, Amour des spectacles et de la musique, Russie, Opéra comique, Académie royale de musique
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texteReconnaissance textuelle : « Jamais le goût, pour la déclamation et les réprésentations Théâtrales [...] »
SPECT À CLE S.
' Amais le goût, pour la déclamation et
les, réprésentions Théatrales n'a été .
si fort ni si général , non seulement en
France , mais dans les Païs Etrangers. A
Paris et dans quelques belles Maisons de
Campagne des environs , on compte plus
de cinquante Théatres , fort bien ajustez
et ornez proprement , où des Sociétez
particulieres se font un plaisir de joüer´
des Piéces Tragiques et Comiques , avec
beaucoup d'intelligence et de finesse ; et
les gens de la premiere qualité s'en mêlent comme les Bourgeois. Quelqués sujets de l'un et de l'autre sexe , brillent part
de tres-heureux talens , et s'attirent des
applaudissemens bien meriteż ; une jeune
personne sur tout , du quartier du Lu--
xembourg, joue plusieurs Rôles avec
4
2
Gy tout
776 MERCURE DE FRANCE
tout le naturel , les graces et la noblesse
possible.
En Allemagne on se fait un grand
plaisir de ce même amusement ; et on apprend de Vienne , que le 13 du mois dernier quelquesCavaliers et Pages de la Cour
de l'Empereur, représenterent devantL.M.
Imp. uneComédie Italienne , qui fut fort
applaudie.
On écrit de Dresde qu'on y avoit joué
chez la Duchesse d'Holstein, en présence
du Roy de Pologne , une Comédie Françoise , intitulée : L'Ami de tout le monde ;
dont les principaux Rôles étoient remplis par les Comtesses de Bilinsken et de
Beuckling , par le Duc de Holstein , le
Pr. Lubomiski et le Comte Rutouski.
L'amour des Spectacles et de la Musique a enfin percé jusques dans le Nord.
On se pique à present en Russie de cultiver les beaux Arts , et la Czarine a donné
des ordres , pour faire construire incessemment à Petersbourg , une Salle et un
Théatre , pour y représenter l'Opéra.
Ce Bâtiment sera achevé vers les Fêtes.
de la Pentecôte , et on ouvrira ce Spectacle aussi-tôt que les Musiciens qu'on
fait
AVRIL. 1732. 777
fait venir d'Italie seront arrivez.
3
Le 3 Mars , l'Opera Comique joua une
Piéce nouvelle en un Acte , qui a pour
titre , les deux Eleves ; elle fut précédée
de l'Ecole des Amans , Piéce remise au
Théatre , et du Pot Pourry Pantomime
dont il a été parlé dans le dernier Mercure. Ces deux Pieces furent suivies du
Ballet Anglois Pantomime , exécuté par
les petits Comédiens , qui ont été trèsapplaudis , et singulierement le petit Sabotier , qui danse un pas de deux , avec
la petite Delle Cheret , avec autant de graces et de précision qu'on peut en attendre de deux enfans de leur âge.
Le 20 , on donna encore une petite Pie-
-ce nouvelle d'un Acte, avec un Divertis-
-sement , intitulée : Le Triomphe de l'ignorance, qui a été continué jusqu'au 29, jour
de la clôture du Théatre.
Le 24et le 29 Mars , l'Académie Koyale de Musique donna deux Réprésentations de l'Opéra d' Amadis , pour les Acteurs , comme cela se pratique toutes les
années avant la cloture du Théatre , le
brillant Pas de trois fut dansé à la fin J
par la De Camargo , et par les Sr. Dumoulin et Laval , avec un applaudissement general,
Gvj Or
778 MERCURE DE FRANCE
On a donné sur ce Théatre , le Mardi
21 de ce mois, la Tragedie deJephté, qu'on
avoit interrompuë pendant la Quinzaine
de Pâques. Cette Piéce est toujours hono
rée des mêmes applaudissemens..
Le Publica aussi applaudi aux nouveaux
ornemens , dont on a embelli la Salle de
l'Opera , dont nous pourrons parler plus.
au long,
Le S' Benozi , Vénitien, nouvel Acteur ,
frere de la Dlle Silvia , debuta , le 3 Mars,
sur le Theatre de l'Hôtel de Bourgogne ,
et y joüa le Rôle de Scaramouche , dans :
la Comédie de Colombine , Avocat pour &
contre ; il a joué encore le même Rôle ,
dans d'autres Piéces , dans lesquelles il a
été applaudi. Outre les talens que ce nouvel Acteur a pour le Theatres il est tresbon Musicien et tres- habile Symphoniste,,
pour le dessus de Violon.
' Amais le goût, pour la déclamation et
les, réprésentions Théatrales n'a été .
si fort ni si général , non seulement en
France , mais dans les Païs Etrangers. A
Paris et dans quelques belles Maisons de
Campagne des environs , on compte plus
de cinquante Théatres , fort bien ajustez
et ornez proprement , où des Sociétez
particulieres se font un plaisir de joüer´
des Piéces Tragiques et Comiques , avec
beaucoup d'intelligence et de finesse ; et
les gens de la premiere qualité s'en mêlent comme les Bourgeois. Quelqués sujets de l'un et de l'autre sexe , brillent part
de tres-heureux talens , et s'attirent des
applaudissemens bien meriteż ; une jeune
personne sur tout , du quartier du Lu--
xembourg, joue plusieurs Rôles avec
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2
Gy tout
776 MERCURE DE FRANCE
tout le naturel , les graces et la noblesse
possible.
En Allemagne on se fait un grand
plaisir de ce même amusement ; et on apprend de Vienne , que le 13 du mois dernier quelquesCavaliers et Pages de la Cour
de l'Empereur, représenterent devantL.M.
Imp. uneComédie Italienne , qui fut fort
applaudie.
On écrit de Dresde qu'on y avoit joué
chez la Duchesse d'Holstein, en présence
du Roy de Pologne , une Comédie Françoise , intitulée : L'Ami de tout le monde ;
dont les principaux Rôles étoient remplis par les Comtesses de Bilinsken et de
Beuckling , par le Duc de Holstein , le
Pr. Lubomiski et le Comte Rutouski.
L'amour des Spectacles et de la Musique a enfin percé jusques dans le Nord.
On se pique à present en Russie de cultiver les beaux Arts , et la Czarine a donné
des ordres , pour faire construire incessemment à Petersbourg , une Salle et un
Théatre , pour y représenter l'Opéra.
Ce Bâtiment sera achevé vers les Fêtes.
de la Pentecôte , et on ouvrira ce Spectacle aussi-tôt que les Musiciens qu'on
fait
AVRIL. 1732. 777
fait venir d'Italie seront arrivez.
3
Le 3 Mars , l'Opera Comique joua une
Piéce nouvelle en un Acte , qui a pour
titre , les deux Eleves ; elle fut précédée
de l'Ecole des Amans , Piéce remise au
Théatre , et du Pot Pourry Pantomime
dont il a été parlé dans le dernier Mercure. Ces deux Pieces furent suivies du
Ballet Anglois Pantomime , exécuté par
les petits Comédiens , qui ont été trèsapplaudis , et singulierement le petit Sabotier , qui danse un pas de deux , avec
la petite Delle Cheret , avec autant de graces et de précision qu'on peut en attendre de deux enfans de leur âge.
Le 20 , on donna encore une petite Pie-
-ce nouvelle d'un Acte, avec un Divertis-
-sement , intitulée : Le Triomphe de l'ignorance, qui a été continué jusqu'au 29, jour
de la clôture du Théatre.
Le 24et le 29 Mars , l'Académie Koyale de Musique donna deux Réprésentations de l'Opéra d' Amadis , pour les Acteurs , comme cela se pratique toutes les
années avant la cloture du Théatre , le
brillant Pas de trois fut dansé à la fin J
par la De Camargo , et par les Sr. Dumoulin et Laval , avec un applaudissement general,
Gvj Or
778 MERCURE DE FRANCE
On a donné sur ce Théatre , le Mardi
21 de ce mois, la Tragedie deJephté, qu'on
avoit interrompuë pendant la Quinzaine
de Pâques. Cette Piéce est toujours hono
rée des mêmes applaudissemens..
Le Publica aussi applaudi aux nouveaux
ornemens , dont on a embelli la Salle de
l'Opera , dont nous pourrons parler plus.
au long,
Le S' Benozi , Vénitien, nouvel Acteur ,
frere de la Dlle Silvia , debuta , le 3 Mars,
sur le Theatre de l'Hôtel de Bourgogne ,
et y joüa le Rôle de Scaramouche , dans :
la Comédie de Colombine , Avocat pour &
contre ; il a joué encore le même Rôle ,
dans d'autres Piéces , dans lesquelles il a
été applaudi. Outre les talens que ce nouvel Acteur a pour le Theatres il est tresbon Musicien et tres- habile Symphoniste,,
pour le dessus de Violon.
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Résumé : « Jamais le goût, pour la déclamation et les réprésentations Théâtrales [...] »
En France et à l'étranger, le goût pour la déclamation et les représentations théâtrales était très prononcé. À Paris et dans les maisons de campagne environnantes, plus de cinquante théâtres accueillaient des sociétés particulières jouant des pièces tragiques et comiques. Des personnes de haut rang et des bourgeois y participaient, certains acteurs se distinguant par leur talent. En Allemagne, cet engouement était également présent. À Vienne, des cavaliers et des pages de la cour de l'empereur avaient représenté une comédie italienne applaudie par l'impératrice. À Dresde, une comédie française avait été jouée en présence du roi de Pologne, avec des rôles principaux interprétés par des comtesses et des ducs. En Russie, l'amour des spectacles et de la musique se développait, la czarine ayant ordonné la construction d'une salle et d'un théâtre à Petersbourg pour représenter l'opéra. À Paris, l'Opéra Comique avait joué plusieurs pièces, dont 'Les deux Élèves' et 'Le Triomphe de l'ignorance'. L'Académie Royale de Musique avait donné des représentations de l'opéra 'Amadis' et de la tragédie 'Jephté'. Le Vénitien S' Benozi avait débuté sur la scène de l'Hôtel de Bourgogne en jouant Scaramouche, recevant des applaudissements pour ses talents de musicien et symphoniste.
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696
p. 778-782
Le Triomphe de l'Amour, Piece nouvelle, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Les Comédiens Italiens donnerent le 12 Mars, la premiere Représentation [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Triomphe de l'Amour, Comédie
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texteReconnaissance textuelle : Le Triomphe de l'Amour, Piece nouvelle, Extrait, [titre d'après la table]
Les Comédiens. Italiens donnerent le
12 Mars , la premiere Représentation ‹
d'une Comédie en trois Actes , en Prose,
intitulée : Le Triomphe de l'Amour; cette
Piéce n'a pas eu le succès qu'elle méritoit;
c'est une des mieux intriguées qui soient
sorties de la plume de M. de Marivaux :
voicy un Argument qui doit tenir lieu d'Extrait.
Une
AVRIL. 1732. 779
Une jeune Princesse ,
amoureuse d'un
Prince opprimé , auquel un Philosophe
a donné un azyle chez lui , pour le dérober au péril qui menaceroit sa vie, sil
la passoit dans l'éclat qui convient à sa
naissance , se travestit en homme , pour s'introduire chez Hermocratè, ( c'est le nom
du Philosophe qui l'a élevé chez lui dès
sa plus tendre enfance. ) Ce Philosophe a
une sœur, appellée Léontine , d'une humeur encore plus austere. La Princesse déguisée sous le nom de Phocion , commence par mettre la sœur du Philosophe dans
ses interêts, en lui faisant croire qu'il l'aime, et que ce n'est que par le bruit de ses
perfections , qui lui tiennent lieu de tout
ce que la beauté a de plus piquant , qu'il
est venu la chercher dans saretraite; l'aústerité de cette prude est d'abord effarouchée ; elle ne sçauroit consentir à laisser
entrer et séjourner chez elle , un homme
dont elle est aimée ; mais l'amour qui
commence àtriompher de son cœur , lui
fait insensiblement oublier ce qu'elle doit
à sa gloire ; elle lui promet de faire con-- sentir Hermocrate son Frere , à le recevoir chez lui et à l'y souffrir pour quelques jours , par droit d'hospitalité ; ce
premier obstacle franchi , le prétendu
Phocion n'a pas beaucoup de peine à lier
4
›
un
الم
780 MERCURE DE FRANCE
1
un commerce d'amitié avec Agis , c'est le
nom de son amant ; cependant comme
tout est suspect aux yeux d'Hermocrate ,
ce Philosophe ne consent pas encore à recevoir Phocion dans sa retraite ; les jours
d'Agis lui sont trop chers pour le laisser
approcher de qui que ce soit ; nouvel embarras pour Phocion ; mais il a pourvû à
tout , et sa batterie est dressée de loin. Il a
une conversation avec Hermocrate: Autre
incident, par un hazard que l'Auteur a
pris soin d'expo.er dans la premiere Scene.
Hermocrate a vû Phocion depuis peu dans
la Forêt prochaine , sous les habits de son
sexe ; il reconnoît ses traits malgré son
travestissement ; le faut Cavalier a pris
ses mesures contre cet inconvenient; il se
donne pour ce qu'il est , et joue avec le
Frere le même Rôle qui lui a si -bien réüssi avec la sœur ; deux portraits qu'il a fait
faire de l'un er de l'autre , présentez à
propos , le font passer pour l'amant le
plus passionné , et l'amante la plus sincere qui fut jamais.
Egalement aimé de la Prude et du Phi-
-losophe , il ne lui reste plus que de l'être
de son cher Agis ; dans une Scene ingénieusement traitée , l'ami prétendu se déclare tendre amant; l'amitié d'Agis devient
amour , et l'amour produit en lui la jalousie
AVRIL. 1732 781
lousie dès qu'il apprend qu'Hermocrate
est aimé. Leonide , c'est le veritable nom
de la Princesse , n'a pas beaucoup de pei
ne à dissiper ses soupçons ; le nom de
fide que son Amant lui a donné dans sa
colere , nesert qu'à lui faire voir qu'elle
est aimée autant qu'elle aime.
per.
Le dénouement de cette avanture est
des plus Comiques. Léonide , pour écar
ter le Philosophe et sa sœur , leur dit de
l'aller attendre à Athénes , où elle doit
les épouser solemnellement ; ils se font
une confidence reciproque de leut amour
qu'ils cessent d'envisager comme une foiblesse. Léontine nomme son vainqueur
au Philosophe qui ne lui répond que par
un grand éclat de rire ; il lui dit que Phocion est une fille , et que c'est l'amour
qu'elle a pour lui qui l'a obligée à déguiser son sexe ; mais le pauvre Philosophe
est confondu à son tour , quand il aprend
de la bouche d'Agis , que c'est lui qui est
l'Amant favorisé et qui doit devenir son
heureux Epoux. Hermocrate a beau vouloir s'y opposer et prendre le ton de Maître ; on vient lui dire que sa Maison est
entourée de Soldats , commandez par le
Capitaine des Gardes de la Princesse. Léonide vient et se fait reconnoître pour la
Princesse de Sparthe ; elle rend à son cher
Agis ,
782 MERCURE DE FRANCE
Agis , Fils de Cléomene , le Thrône que
son Pere avoit usurpé sur lui. Voilà à peu
près le sujet de cette Comédie ; tout le
monde convient que les Scenes en sont
parfaitement bien dialoguées et remplies
de pensées et de sentimens ; mais on croit
que cette intrigue auroit encore mieux
convenuà une simple Bourgeoise qu'à une
Princesse de Sparthe.
Le 29 , les mêmes Comédiens donnerent la Tragi- Comédie de Samson , pour
la clôture du Théatre.
Le 21 Avril , ils rouvrirent le Théatre
par une Comédie-nouvelle en Vers et en
trois Actes , de la composition des sieurs,
Romagnesy et Lélio le fils , intitulée , les
Amusemens à la mode , précédée d'un Prologue. La Dile Silvia fit le complimen.
qu'on a accoutumé de faire toutes les an
nées à la rentrée du Théatre , lequel fut
fort applaudi , ainsi que la Piece dont on
parlera plus au long.
12 Mars , la premiere Représentation ‹
d'une Comédie en trois Actes , en Prose,
intitulée : Le Triomphe de l'Amour; cette
Piéce n'a pas eu le succès qu'elle méritoit;
c'est une des mieux intriguées qui soient
sorties de la plume de M. de Marivaux :
voicy un Argument qui doit tenir lieu d'Extrait.
Une
AVRIL. 1732. 779
Une jeune Princesse ,
amoureuse d'un
Prince opprimé , auquel un Philosophe
a donné un azyle chez lui , pour le dérober au péril qui menaceroit sa vie, sil
la passoit dans l'éclat qui convient à sa
naissance , se travestit en homme , pour s'introduire chez Hermocratè, ( c'est le nom
du Philosophe qui l'a élevé chez lui dès
sa plus tendre enfance. ) Ce Philosophe a
une sœur, appellée Léontine , d'une humeur encore plus austere. La Princesse déguisée sous le nom de Phocion , commence par mettre la sœur du Philosophe dans
ses interêts, en lui faisant croire qu'il l'aime, et que ce n'est que par le bruit de ses
perfections , qui lui tiennent lieu de tout
ce que la beauté a de plus piquant , qu'il
est venu la chercher dans saretraite; l'aústerité de cette prude est d'abord effarouchée ; elle ne sçauroit consentir à laisser
entrer et séjourner chez elle , un homme
dont elle est aimée ; mais l'amour qui
commence àtriompher de son cœur , lui
fait insensiblement oublier ce qu'elle doit
à sa gloire ; elle lui promet de faire con-- sentir Hermocrate son Frere , à le recevoir chez lui et à l'y souffrir pour quelques jours , par droit d'hospitalité ; ce
premier obstacle franchi , le prétendu
Phocion n'a pas beaucoup de peine à lier
4
›
un
الم
780 MERCURE DE FRANCE
1
un commerce d'amitié avec Agis , c'est le
nom de son amant ; cependant comme
tout est suspect aux yeux d'Hermocrate ,
ce Philosophe ne consent pas encore à recevoir Phocion dans sa retraite ; les jours
d'Agis lui sont trop chers pour le laisser
approcher de qui que ce soit ; nouvel embarras pour Phocion ; mais il a pourvû à
tout , et sa batterie est dressée de loin. Il a
une conversation avec Hermocrate: Autre
incident, par un hazard que l'Auteur a
pris soin d'expo.er dans la premiere Scene.
Hermocrate a vû Phocion depuis peu dans
la Forêt prochaine , sous les habits de son
sexe ; il reconnoît ses traits malgré son
travestissement ; le faut Cavalier a pris
ses mesures contre cet inconvenient; il se
donne pour ce qu'il est , et joue avec le
Frere le même Rôle qui lui a si -bien réüssi avec la sœur ; deux portraits qu'il a fait
faire de l'un er de l'autre , présentez à
propos , le font passer pour l'amant le
plus passionné , et l'amante la plus sincere qui fut jamais.
Egalement aimé de la Prude et du Phi-
-losophe , il ne lui reste plus que de l'être
de son cher Agis ; dans une Scene ingénieusement traitée , l'ami prétendu se déclare tendre amant; l'amitié d'Agis devient
amour , et l'amour produit en lui la jalousie
AVRIL. 1732 781
lousie dès qu'il apprend qu'Hermocrate
est aimé. Leonide , c'est le veritable nom
de la Princesse , n'a pas beaucoup de pei
ne à dissiper ses soupçons ; le nom de
fide que son Amant lui a donné dans sa
colere , nesert qu'à lui faire voir qu'elle
est aimée autant qu'elle aime.
per.
Le dénouement de cette avanture est
des plus Comiques. Léonide , pour écar
ter le Philosophe et sa sœur , leur dit de
l'aller attendre à Athénes , où elle doit
les épouser solemnellement ; ils se font
une confidence reciproque de leut amour
qu'ils cessent d'envisager comme une foiblesse. Léontine nomme son vainqueur
au Philosophe qui ne lui répond que par
un grand éclat de rire ; il lui dit que Phocion est une fille , et que c'est l'amour
qu'elle a pour lui qui l'a obligée à déguiser son sexe ; mais le pauvre Philosophe
est confondu à son tour , quand il aprend
de la bouche d'Agis , que c'est lui qui est
l'Amant favorisé et qui doit devenir son
heureux Epoux. Hermocrate a beau vouloir s'y opposer et prendre le ton de Maître ; on vient lui dire que sa Maison est
entourée de Soldats , commandez par le
Capitaine des Gardes de la Princesse. Léonide vient et se fait reconnoître pour la
Princesse de Sparthe ; elle rend à son cher
Agis ,
782 MERCURE DE FRANCE
Agis , Fils de Cléomene , le Thrône que
son Pere avoit usurpé sur lui. Voilà à peu
près le sujet de cette Comédie ; tout le
monde convient que les Scenes en sont
parfaitement bien dialoguées et remplies
de pensées et de sentimens ; mais on croit
que cette intrigue auroit encore mieux
convenuà une simple Bourgeoise qu'à une
Princesse de Sparthe.
Le 29 , les mêmes Comédiens donnerent la Tragi- Comédie de Samson , pour
la clôture du Théatre.
Le 21 Avril , ils rouvrirent le Théatre
par une Comédie-nouvelle en Vers et en
trois Actes , de la composition des sieurs,
Romagnesy et Lélio le fils , intitulée , les
Amusemens à la mode , précédée d'un Prologue. La Dile Silvia fit le complimen.
qu'on a accoutumé de faire toutes les an
nées à la rentrée du Théatre , lequel fut
fort applaudi , ainsi que la Piece dont on
parlera plus au long.
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Résumé : Le Triomphe de l'Amour, Piece nouvelle, Extrait, [titre d'après la table]
Le 12 mars, les Comédiens Italiens ont présenté la première représentation de la comédie en trois actes et en prose intitulée 'Le Triomphe de l'Amour' de Marivaux. Cette pièce, bien que bien construite, n'a pas rencontré le succès escompté. L'intrigue suit une jeune princesse, Léonide, amoureuse d'un prince opprimé, Agis. Ce dernier se réfugie chez un philosophe nommé Hermocrate. Pour se rapprocher du prince, Léonide se déguise en homme sous le nom de Phocion et gagne la confiance de Léontine, la sœur austère du philosophe. Phocion parvient à convaincre Léontine de l'accueillir, puis à se lier d'amitié avec Agis. Hermocrate, méfiant, refuse d'abord de recevoir Phocion. Cependant, Phocion révèle son identité à Hermocrate et à Léontine, utilisant des portraits pour prouver son amour. Léonide doit finalement révéler sa véritable identité pour écarter le philosophe et sa sœur. Elle les envoie à Athènes pour les épouser, révélant ainsi son amour pour Agis. Léonide se fait reconnaître comme la princesse de Sparthe et rend le trône à Agis, fils de Cléomène. La pièce est appréciée pour ses dialogues et ses pensées, mais certains estiment que l'intrigue aurait mieux convenu à une bourgeoise qu'à une princesse. Le 29 mars, les Comédiens Italiens ont joué la tragédie-comédie de 'Samson' pour la clôture du théâtre. Le 21 avril, ils ont rouvert le théâtre avec la comédie en vers 'Les Amusements à la mode' de Romagnesy et Lélio le fils.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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697
p. 782-783
« Le 29, les mêmes Comédiens donnerent la Tragi-Comédie de [...] »
Début :
Le 29, les mêmes Comédiens donnerent la Tragi-Comédie de [...]
Mots clefs :
Samson, Polyeucte, Eryphile
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 29, les mêmes Comédiens donnerent la Tragi-Comédie de [...] »
Le 29 , les mêmes Comédiens donnerent la Tragi- Comédie de Samson , pour
la clôture du Théatre.
Le 21 Avril , ils rouvrirent le Théatre
par une Comédie-nouvelle en Vers et en
trois Actes , de la composition des sieurs,
Romagnesy et Lélio le fils , intitulée , les
Amusemens à la mode , précédée d'un Prologue. La Dile Silvia fit le complimen.
qu'on a accoutumé de faire toutes les an
nées à la rentrée du Théatre , lequel fut
fort applaudi , ainsi que la Piece dont on
parlera plus au long.
Le même jour , les Comédiens François ouvrirent leur Sale par la Tragédie
de Polieucte , et par la petite Comédie de
l'Amour Diable, du feu sieur le Grand ,
qu'ils ont remise au Théatre.
Le Jeudy 24. de ce mois , on reprit lá
Tragédie d'Eryphile de M. de Voltaire ,
avec plusieurs changemens que le Public
AVRIL. 1732. 783
a approuvez. Le sieur Dufresne , prononça avant la Piece un Discours en Vers ,
composé par l'Auteur, qui fut fort applaudi.
la clôture du Théatre.
Le 21 Avril , ils rouvrirent le Théatre
par une Comédie-nouvelle en Vers et en
trois Actes , de la composition des sieurs,
Romagnesy et Lélio le fils , intitulée , les
Amusemens à la mode , précédée d'un Prologue. La Dile Silvia fit le complimen.
qu'on a accoutumé de faire toutes les an
nées à la rentrée du Théatre , lequel fut
fort applaudi , ainsi que la Piece dont on
parlera plus au long.
Le même jour , les Comédiens François ouvrirent leur Sale par la Tragédie
de Polieucte , et par la petite Comédie de
l'Amour Diable, du feu sieur le Grand ,
qu'ils ont remise au Théatre.
Le Jeudy 24. de ce mois , on reprit lá
Tragédie d'Eryphile de M. de Voltaire ,
avec plusieurs changemens que le Public
AVRIL. 1732. 783
a approuvez. Le sieur Dufresne , prononça avant la Piece un Discours en Vers ,
composé par l'Auteur, qui fut fort applaudi.
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Résumé : « Le 29, les mêmes Comédiens donnerent la Tragi-Comédie de [...] »
En avril 1732, plusieurs événements marquèrent le monde du théâtre. Le 29 avril, les comédiens jouèrent 'Samson' pour la clôture du théâtre. Le 21 avril, ils rouvrirent avec 'Les Amusements à la mode' et un prologue de la Dile Silvia. Les Comédiens Français ouvrirent avec 'Polyeucte' et 'L'Amour Diable'. Le 24 avril, 'Eryphile' de Voltaire fut reprise avec des changements approuvés. Le discours de Dufresne fut également applaudi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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698
p. 950-959
Bibliotheque choisie de Colomiés, [titre d'après la table]
Début :
LA BIBLIOTHEQUE CHOISIE de M. Colomiés. Nouvelle Edition, augmentée des [...]
Mots clefs :
Bibliothèque choisie, Colomiés, Éditions, Livres, Belles-lettres, Vie de l'auteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Bibliotheque choisie de Colomiés, [titre d'après la table]
LA BIBLIOTHEQUE CHOISIE de M. Co
lomiés. Nouvelle Edition , augmentée des
Notes de M M. Bourdelot et de la Monnoye et autres , avec quelques Opuscules
du même Colomiés , qui n'avoient point
été recueillis. Vol. in 12. de 376. pages
sans la Préface et les Tables. A Paris
chez Gabriel Martin , ruë S. Jacques
P'Etoile , 1731.
On peut juger du mérite de cet Ouvrage par les Editions qui en ont été faites. La premiere fut publiée à la Rochelle
en 1682. in 8. La deuxieme à Amsterdam en 1750. in 8. Dans cette Edition
M. Colomiés retrancha quelques traits
qui se trouvoient dans la premiere , et
y insera quelques Additions , comme il
nous l'apprend lui-même dans l'Avertissement
MAY. 17328 958
sement qu'il met à la tête. La troisiéme
fut publiée à Hambourg, réunie avec les
autres Ouvrages du même Auteur , dont
M. Fabricius donna la collection en 1709.
Dans celle- cy on a suivi la seconde Edition donnée par l'Auteur , comme avoit
fait M. Fabricius ; on y a même ajoûté
aubas des pages plusieurs traits queM.Colomiés avoir retranchez de la premiere
Edition : Elle est encore enrichie des Notes que Pierre Bonet Bourdelot , avoit faites sur cette Biblio.heque et de celles que
M. de la Monnoye y ajoûta depuis.
Cette Bibliotheque ne renferme pas le
détail de toute sorte de Livres; M. Colomiés n'a eu en vûë dans cet Ouvrage
que quelques- uns de ceux qui regardent
les Belles Lettres ou qui ont fait et font
encore les délices des Sçavans ; c'est ce
qu'il dit lui-même dans l'Avertissement
dont nous avons parlé plus haut. Il ne
rend compte qued'une centaine de Livres.
Son but principal , est de nous en faire connoître les vrais Auteurs , lorsqu'ils se
sont déguisez sous des noms étrangers ,
ou que faute d'avoir mis leur nom à la
tête de leurs Ouvrages , on est en peine
de sçavoir à qui les attribuer, Il à soin de marquer les meilleures Editions qui
ca ont été faites de son temps ; il y mêle
des
952 MERCURE DE FRANCE
des Anecdotes qui servent à faire connoî
tre le caractere de chaque Auteur , et
l'occasion qui a fait naître son Ouvrage.
Il s'attache à recueillir tous les Eloges que
lesSçavans ont donnés à celui dont il parle.
Quelquefois il assaisonne ses Remarques
Historiques de quelques traits de Criti
que , par lesquels il releve des fautes
mais il le fait toujours avec une moderation qui lui fait honneur et dont personne
ne peut lui sçavoir mauvais gré. Et ce qui
n'est pas peu rare , et qui devroit servir
de modele aux Ecrivains de Religion differente , M. Colomiés , quoique né et
mort Protestant , en donnant aux Sçavans
de son parti les louanges qu'ils méritent
n'a pas frustré les Catholiques de celles qui
leur étoient dûës. Les Auteurs de la Bibliotheque Raisonnée , imprimée à Amsterdam , et ceux de la Bibliotheque Germanique , pourront-ils rendre compte de
celle- cy au Public sans y reconnoître la
condamnation de leur partialité ? M. Colomiés a fait plus , car il a composé la vie
de l'illustre P. Sirmond , Jesuite ; il a
même poussé son impartialité jusqu'à
donner des éloges à ceux d'entre les Protestans qui s'étoient de son temps soumis
à l'Eglise Romaine, il en donne une es
pece de Catalogue dans un des articles de
sa
M A Y. 17320 953
sa Bibliotheque choisie , pag. 191. et 192.
Entre tant d'articles , tous plus interessans les uns que les autres , dont cette
Bibliotheque est composée ; nous n'en
cho sirons que deux. Le premier peut faire connoître que M. Colomiés étoit en
état de hazarder des conjectures aussi justes que celles des Turnebes , des Lipses ,
des Scaliger , &c. C'est à la page 124.
l'Auteur y parte d'un Ouvrage intitulé :
Ezech. Spanhemii Dissertationes de prastantia et usu numismatum. Amstel. 1671.
in 4. deux volumes.
Il n'est jamais sorti de la Presse des Imprimeurs , dit M. Colamiés , un si docte Livre que celui - cy touchant les Médailles. Feu M. Seguin en avoit loüé l'ébauche dès l'an 1665. dans ses Médailles
choisies ; aujourd'hui tous les Antiquaires font , comme à l'envi , l'éloge de cette
seconde Edition , qui est beaucoup plus
ample que celle de Rome. Il y a un seul
endroit qui me fait de la peine ; c'est à la
page 385. où ce sçavant homme prétend
que Scaliger s'est trompé , assurant sur
la foi d'une Médaille de Cléopatre , que
cette Reine fut surnommée en Egyptien
Daravow Tespa. Que dira M. Spanheim de
la Médaille de Cléopatre , dont parle Antoine le Pois , qui avoit pour Inscription
BA-
954 MERCURE DE FRANCE
ΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ ΚΛΗΟΠΑΤΡΑΣ ΩΣΣΑΝ
ENTHPAZ , que ce même Le Pois interprete , Regina Cleopatra omnium (sive uni
versi ) Servatricis Soutiendra - t'il aussi
que Le Pois s'est trompé ? Pour moi , j'in.
clinerois volontiers à croire qu'OZEAN
seroit un mot Egyptien , signifiant Tout
ou l'Univers , me souvenant d'avoir lû
dans le Traité de Plutarque d'Isis et d'Osiris, qu'o en Egyptien , vouloit dire
plusieurs d'où j'infere qu'OZZAN pourroit
biendans la même LanguesignifierTout.Je
m'en rapporte pourtant à M" Spanheim,
Carcavi , Patin , Spon , dont les décisions
me seront toûjours des Loix. Depuis la
premiere Edition de cet Ouvrage sur une
Médaille de Marc- Antoine et de Cléopatre, rapportée par M. Spanheim , dans
son Commentaire sur les Cesars de l'Empereur Julien, je conjecture qu'il faut lire,
dans celle de Le Poix , ΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ
ΚΑΜΟΠΑΤΡΑΣ ΘΗΑΣ ΝΕΩΤΕΡΑΣ.
Le reste de cet Article est une énumération des Ouvrages de M. Spanheim ; le
même Auteur le croit Auteur d'une Lettre anonime écrite à un ami , sur l'Histoire Critique du vieux Testament du
P. Simon.
Lesecond article est à la page 196. il
sontient des Anecdotes curieuses. Le voicy.
MAY.
•
&
1732.
cy.
Desiderii Erasmi Colloquia , cum notis 955
Arnoldi Montani,
Amstelodami , 1658. in
12.
Bien que l'on ait fait à diverses fois des Notes sur les Entretiens d'Erasme
c'est encore M. Colomiés qui parle , il
reste pourtant des endroits que l'on n'a
pas encore éclaircis. Par exemple , quand
Erasme parle sur la fin de l'Entretien qui
a pour titre Abbatis et Erudita , de quelques femmes sçavantes de l'Angleterre
et de l'Allemagne , qu'il nomme Moricas ,
Bilibaldicas et Blaurericas , personne ne nous a dit bien distinctement qui
elles étoient. Il faut donc sçavoir que
Morica sont les filles de Thomas Morus,
Chancelier d'Angleterre ,
Marguerite ,
Elizabeth et Cecile.
Marguerite entre les
autres étoit fort heureuse à corriger les
Auteurs. Jean Costerius dans ses Notes
sur Vincent de Lerins , rapporte d'elle
une correction d'un passage de S.Cyprien
qui ne cede point , à mon avis , à celles
des Scaligers , des Tunerbes et des Saumaises. B.libal lica sont les sœurs de Bilibaldus Pirck. ymerus , Conseiller de l'Empereur, dont l'une se nommoit Charité
et l'autre Claire , toutes deux Religieuses.
Ce Pirckeymerus , de qui le sçavant et
pieux Rittershusius a écrit la Vie , dédie
956 MERCURE DE FRANCE
sa sœur Charité la Traduction d'un
Traité de Plutarque , et ses œuvres de
S. Fulgence ; et à Claire son autre sœur
la Traduction des Sentences de Nilus Evêque et Martyr. Voici comme il parle de
ses deux sœurs dans une Lettre à Erasme
écrite de Nuremberg le 20. Mars 1516.
Salutant te gemina mea sorores , Abbatissa
S. Clare una ( c'est Charité qui étoit l'aînée ) altera ejusd. Regula Sectatrix , qua
assiduè tua scripta manibus retinent; maximè veròjam novo ablectanturTestamento :
quo mirè afficiuntur mulieres , multis viris
qui sibi scioli videntur , doctiores. Scribe-.
rent ad te latinè nisi indignas suas existimarent Litteras. Il y a plusieurs Lettres
de Charité dans les Oeuvres de Pirckeymerus, recueillies et publiées par Goldart.
Pour Blaurerice, je crois qu'Erasme entend
par là Marguerite Blaurer , dont Bullinger
fait l'éloge à la page 339. de son Commentaire sur les Epitres. Rodolphe Gualter
Théologien de Zurich, a fait des Vers Lagins sur sa mort , qu'il adresse à Ambroise
et à Thomas Blaurer ses freres. On ne nous
a point dit non-plus qui étoit ce Cephalus,
wir trium linguarum gnarus , dont Erasme
parle dans l'Entretien de Piscium esu. Ce
Cephalus est Wolphgang Fabrice Lapito,
Théologien de Strasbourg , qui mourut
Pan
MAY. 1732. 957
l'an 1541. et qui a fait plusieurs Livres.
Les Entretiens d'Erasme ont été fort bien
traduits en Italien par Pietro Lauro de
Modéne , qui a aussi traduit Joseph; mais
ils ont été mal tournez en notre Langue
par un nommé Chapuzeau. Touchant ces
Entretiens voici ce qu'écrit Clenard à un
Evêque nommé Jean Petit de Fez le 4.
Decembre 1540. Scripsit modo ad me Bominus Marchio Granatensis Colloquia Erasmi ignibus destinata esse ; periclitari etiam
vivum. Quid mefuturum censes ubi nomen
Aiccrani audiverint. Finissons par ce joli
distique de Louis Mosius sur la mort d'Erasme.
Fatalis series nobis invidit Erasmum ;
Sed Desiderium tollere non potuit.
Nous finirons le compte que nous rendons au Public de cet Ouvrage , par donner une idée de la vie de notre Auteur.
Paul Colomiés naquit à la Rochelle en
1638. de parens élevez dans la Religion
Protestante. Il étoit fils d'un Docteur en
Medecine , et petit-fils d'un Ministre.
Jean Colomies son pere , qui étoit sçavant , lui fit faire ses prémieres études
sous ses yeux , et l'envoya ensuite à Saumur, âgé de 16. ans , où le jeune homme
Fij fit
MERCURE
DE FRANCE
fit son cours de Philosophie et de Théologie et apprit l'Hebreu sous Louis Cappel. En 1664. il vint à Paris , âgé alors
de 26. ans. Il y lia avec Isaac Vossius une
amitié très-étroite qui dura toute sa vie.
Vossius l'emmena avec lui en Hollande,
d'où Colomiés revint en France un an
après. Il y demeura jusqu'en 1681. qu'il
passa en Angleterre où Vossius le reçut encore chez lui. Là il fut fait Lecteur
d'une Eglise Françoise qu'on y érigea ,
selon le Rit des Episcopaux , pour le
parti desquels il inclinoit depuis quelque temps, comme il le fit assez entendre
dans un Ouvrage intitulé , Theologorum Presbyterianorum Icon , qui lui attira bien
des ennemis.
-Deux ans après Colomiés quitta Londres pour aller à Lambeth , en qualité
de Bibliothecaire de l'Archevêque de
Cantorbery Guillaume Sancrost. Ĉe Prélat ayant été disgracié de la Cour d'Angleterre et dépouillé de son Temporel,
Colomiés perdit son emploi et en conçut
un tel chagrin qu'il en tomba dabord
malade, et ensuite dans une langueur
qui le conduisit enfin à la mort , ce fur
à Londres , âgé seulement de 54. ans en
1692 , dans le temps même qu'on parloit
delui faire avoir la Direction de la belle
Bibliotheque
MAY. 1732 95%
Bibliotheque de Gottorp , qui est dans le
Palais d'Holstein ; ses Livres et ses Manuscrits passerent entre les mains de son
cousin germain et son heritier M. Ha
melot.
Les deux Pieces de Colòmiés , qui sont
ajoûtées dans cette derniere Edition de sa
Bibliotheque choisie, sont la Vie du P. Sitmond, Jesuite , imprimée à la Rochelle
en 1671. petit in 8. et l'Exhortation aux
Martyrs , traduite de Tertullien , imprimée à la Rochelle en 1673. petit in 8.
Ilya à la fin de cette Edition , des Notes de M. de là Monnoye , sur plusieurs
autres Ouvrages de Colomiés ; et enfin
une Table des Auteurs dont il est parlé
dans cette Bibliothèque choisie.
lomiés. Nouvelle Edition , augmentée des
Notes de M M. Bourdelot et de la Monnoye et autres , avec quelques Opuscules
du même Colomiés , qui n'avoient point
été recueillis. Vol. in 12. de 376. pages
sans la Préface et les Tables. A Paris
chez Gabriel Martin , ruë S. Jacques
P'Etoile , 1731.
On peut juger du mérite de cet Ouvrage par les Editions qui en ont été faites. La premiere fut publiée à la Rochelle
en 1682. in 8. La deuxieme à Amsterdam en 1750. in 8. Dans cette Edition
M. Colomiés retrancha quelques traits
qui se trouvoient dans la premiere , et
y insera quelques Additions , comme il
nous l'apprend lui-même dans l'Avertissement
MAY. 17328 958
sement qu'il met à la tête. La troisiéme
fut publiée à Hambourg, réunie avec les
autres Ouvrages du même Auteur , dont
M. Fabricius donna la collection en 1709.
Dans celle- cy on a suivi la seconde Edition donnée par l'Auteur , comme avoit
fait M. Fabricius ; on y a même ajoûté
aubas des pages plusieurs traits queM.Colomiés avoir retranchez de la premiere
Edition : Elle est encore enrichie des Notes que Pierre Bonet Bourdelot , avoit faites sur cette Biblio.heque et de celles que
M. de la Monnoye y ajoûta depuis.
Cette Bibliotheque ne renferme pas le
détail de toute sorte de Livres; M. Colomiés n'a eu en vûë dans cet Ouvrage
que quelques- uns de ceux qui regardent
les Belles Lettres ou qui ont fait et font
encore les délices des Sçavans ; c'est ce
qu'il dit lui-même dans l'Avertissement
dont nous avons parlé plus haut. Il ne
rend compte qued'une centaine de Livres.
Son but principal , est de nous en faire connoître les vrais Auteurs , lorsqu'ils se
sont déguisez sous des noms étrangers ,
ou que faute d'avoir mis leur nom à la
tête de leurs Ouvrages , on est en peine
de sçavoir à qui les attribuer, Il à soin de marquer les meilleures Editions qui
ca ont été faites de son temps ; il y mêle
des
952 MERCURE DE FRANCE
des Anecdotes qui servent à faire connoî
tre le caractere de chaque Auteur , et
l'occasion qui a fait naître son Ouvrage.
Il s'attache à recueillir tous les Eloges que
lesSçavans ont donnés à celui dont il parle.
Quelquefois il assaisonne ses Remarques
Historiques de quelques traits de Criti
que , par lesquels il releve des fautes
mais il le fait toujours avec une moderation qui lui fait honneur et dont personne
ne peut lui sçavoir mauvais gré. Et ce qui
n'est pas peu rare , et qui devroit servir
de modele aux Ecrivains de Religion differente , M. Colomiés , quoique né et
mort Protestant , en donnant aux Sçavans
de son parti les louanges qu'ils méritent
n'a pas frustré les Catholiques de celles qui
leur étoient dûës. Les Auteurs de la Bibliotheque Raisonnée , imprimée à Amsterdam , et ceux de la Bibliotheque Germanique , pourront-ils rendre compte de
celle- cy au Public sans y reconnoître la
condamnation de leur partialité ? M. Colomiés a fait plus , car il a composé la vie
de l'illustre P. Sirmond , Jesuite ; il a
même poussé son impartialité jusqu'à
donner des éloges à ceux d'entre les Protestans qui s'étoient de son temps soumis
à l'Eglise Romaine, il en donne une es
pece de Catalogue dans un des articles de
sa
M A Y. 17320 953
sa Bibliotheque choisie , pag. 191. et 192.
Entre tant d'articles , tous plus interessans les uns que les autres , dont cette
Bibliotheque est composée ; nous n'en
cho sirons que deux. Le premier peut faire connoître que M. Colomiés étoit en
état de hazarder des conjectures aussi justes que celles des Turnebes , des Lipses ,
des Scaliger , &c. C'est à la page 124.
l'Auteur y parte d'un Ouvrage intitulé :
Ezech. Spanhemii Dissertationes de prastantia et usu numismatum. Amstel. 1671.
in 4. deux volumes.
Il n'est jamais sorti de la Presse des Imprimeurs , dit M. Colamiés , un si docte Livre que celui - cy touchant les Médailles. Feu M. Seguin en avoit loüé l'ébauche dès l'an 1665. dans ses Médailles
choisies ; aujourd'hui tous les Antiquaires font , comme à l'envi , l'éloge de cette
seconde Edition , qui est beaucoup plus
ample que celle de Rome. Il y a un seul
endroit qui me fait de la peine ; c'est à la
page 385. où ce sçavant homme prétend
que Scaliger s'est trompé , assurant sur
la foi d'une Médaille de Cléopatre , que
cette Reine fut surnommée en Egyptien
Daravow Tespa. Que dira M. Spanheim de
la Médaille de Cléopatre , dont parle Antoine le Pois , qui avoit pour Inscription
BA-
954 MERCURE DE FRANCE
ΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ ΚΛΗΟΠΑΤΡΑΣ ΩΣΣΑΝ
ENTHPAZ , que ce même Le Pois interprete , Regina Cleopatra omnium (sive uni
versi ) Servatricis Soutiendra - t'il aussi
que Le Pois s'est trompé ? Pour moi , j'in.
clinerois volontiers à croire qu'OZEAN
seroit un mot Egyptien , signifiant Tout
ou l'Univers , me souvenant d'avoir lû
dans le Traité de Plutarque d'Isis et d'Osiris, qu'o en Egyptien , vouloit dire
plusieurs d'où j'infere qu'OZZAN pourroit
biendans la même LanguesignifierTout.Je
m'en rapporte pourtant à M" Spanheim,
Carcavi , Patin , Spon , dont les décisions
me seront toûjours des Loix. Depuis la
premiere Edition de cet Ouvrage sur une
Médaille de Marc- Antoine et de Cléopatre, rapportée par M. Spanheim , dans
son Commentaire sur les Cesars de l'Empereur Julien, je conjecture qu'il faut lire,
dans celle de Le Poix , ΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ
ΚΑΜΟΠΑΤΡΑΣ ΘΗΑΣ ΝΕΩΤΕΡΑΣ.
Le reste de cet Article est une énumération des Ouvrages de M. Spanheim ; le
même Auteur le croit Auteur d'une Lettre anonime écrite à un ami , sur l'Histoire Critique du vieux Testament du
P. Simon.
Lesecond article est à la page 196. il
sontient des Anecdotes curieuses. Le voicy.
MAY.
•
&
1732.
cy.
Desiderii Erasmi Colloquia , cum notis 955
Arnoldi Montani,
Amstelodami , 1658. in
12.
Bien que l'on ait fait à diverses fois des Notes sur les Entretiens d'Erasme
c'est encore M. Colomiés qui parle , il
reste pourtant des endroits que l'on n'a
pas encore éclaircis. Par exemple , quand
Erasme parle sur la fin de l'Entretien qui
a pour titre Abbatis et Erudita , de quelques femmes sçavantes de l'Angleterre
et de l'Allemagne , qu'il nomme Moricas ,
Bilibaldicas et Blaurericas , personne ne nous a dit bien distinctement qui
elles étoient. Il faut donc sçavoir que
Morica sont les filles de Thomas Morus,
Chancelier d'Angleterre ,
Marguerite ,
Elizabeth et Cecile.
Marguerite entre les
autres étoit fort heureuse à corriger les
Auteurs. Jean Costerius dans ses Notes
sur Vincent de Lerins , rapporte d'elle
une correction d'un passage de S.Cyprien
qui ne cede point , à mon avis , à celles
des Scaligers , des Tunerbes et des Saumaises. B.libal lica sont les sœurs de Bilibaldus Pirck. ymerus , Conseiller de l'Empereur, dont l'une se nommoit Charité
et l'autre Claire , toutes deux Religieuses.
Ce Pirckeymerus , de qui le sçavant et
pieux Rittershusius a écrit la Vie , dédie
956 MERCURE DE FRANCE
sa sœur Charité la Traduction d'un
Traité de Plutarque , et ses œuvres de
S. Fulgence ; et à Claire son autre sœur
la Traduction des Sentences de Nilus Evêque et Martyr. Voici comme il parle de
ses deux sœurs dans une Lettre à Erasme
écrite de Nuremberg le 20. Mars 1516.
Salutant te gemina mea sorores , Abbatissa
S. Clare una ( c'est Charité qui étoit l'aînée ) altera ejusd. Regula Sectatrix , qua
assiduè tua scripta manibus retinent; maximè veròjam novo ablectanturTestamento :
quo mirè afficiuntur mulieres , multis viris
qui sibi scioli videntur , doctiores. Scribe-.
rent ad te latinè nisi indignas suas existimarent Litteras. Il y a plusieurs Lettres
de Charité dans les Oeuvres de Pirckeymerus, recueillies et publiées par Goldart.
Pour Blaurerice, je crois qu'Erasme entend
par là Marguerite Blaurer , dont Bullinger
fait l'éloge à la page 339. de son Commentaire sur les Epitres. Rodolphe Gualter
Théologien de Zurich, a fait des Vers Lagins sur sa mort , qu'il adresse à Ambroise
et à Thomas Blaurer ses freres. On ne nous
a point dit non-plus qui étoit ce Cephalus,
wir trium linguarum gnarus , dont Erasme
parle dans l'Entretien de Piscium esu. Ce
Cephalus est Wolphgang Fabrice Lapito,
Théologien de Strasbourg , qui mourut
Pan
MAY. 1732. 957
l'an 1541. et qui a fait plusieurs Livres.
Les Entretiens d'Erasme ont été fort bien
traduits en Italien par Pietro Lauro de
Modéne , qui a aussi traduit Joseph; mais
ils ont été mal tournez en notre Langue
par un nommé Chapuzeau. Touchant ces
Entretiens voici ce qu'écrit Clenard à un
Evêque nommé Jean Petit de Fez le 4.
Decembre 1540. Scripsit modo ad me Bominus Marchio Granatensis Colloquia Erasmi ignibus destinata esse ; periclitari etiam
vivum. Quid mefuturum censes ubi nomen
Aiccrani audiverint. Finissons par ce joli
distique de Louis Mosius sur la mort d'Erasme.
Fatalis series nobis invidit Erasmum ;
Sed Desiderium tollere non potuit.
Nous finirons le compte que nous rendons au Public de cet Ouvrage , par donner une idée de la vie de notre Auteur.
Paul Colomiés naquit à la Rochelle en
1638. de parens élevez dans la Religion
Protestante. Il étoit fils d'un Docteur en
Medecine , et petit-fils d'un Ministre.
Jean Colomies son pere , qui étoit sçavant , lui fit faire ses prémieres études
sous ses yeux , et l'envoya ensuite à Saumur, âgé de 16. ans , où le jeune homme
Fij fit
MERCURE
DE FRANCE
fit son cours de Philosophie et de Théologie et apprit l'Hebreu sous Louis Cappel. En 1664. il vint à Paris , âgé alors
de 26. ans. Il y lia avec Isaac Vossius une
amitié très-étroite qui dura toute sa vie.
Vossius l'emmena avec lui en Hollande,
d'où Colomiés revint en France un an
après. Il y demeura jusqu'en 1681. qu'il
passa en Angleterre où Vossius le reçut encore chez lui. Là il fut fait Lecteur
d'une Eglise Françoise qu'on y érigea ,
selon le Rit des Episcopaux , pour le
parti desquels il inclinoit depuis quelque temps, comme il le fit assez entendre
dans un Ouvrage intitulé , Theologorum Presbyterianorum Icon , qui lui attira bien
des ennemis.
-Deux ans après Colomiés quitta Londres pour aller à Lambeth , en qualité
de Bibliothecaire de l'Archevêque de
Cantorbery Guillaume Sancrost. Ĉe Prélat ayant été disgracié de la Cour d'Angleterre et dépouillé de son Temporel,
Colomiés perdit son emploi et en conçut
un tel chagrin qu'il en tomba dabord
malade, et ensuite dans une langueur
qui le conduisit enfin à la mort , ce fur
à Londres , âgé seulement de 54. ans en
1692 , dans le temps même qu'on parloit
delui faire avoir la Direction de la belle
Bibliotheque
MAY. 1732 95%
Bibliotheque de Gottorp , qui est dans le
Palais d'Holstein ; ses Livres et ses Manuscrits passerent entre les mains de son
cousin germain et son heritier M. Ha
melot.
Les deux Pieces de Colòmiés , qui sont
ajoûtées dans cette derniere Edition de sa
Bibliotheque choisie, sont la Vie du P. Sitmond, Jesuite , imprimée à la Rochelle
en 1671. petit in 8. et l'Exhortation aux
Martyrs , traduite de Tertullien , imprimée à la Rochelle en 1673. petit in 8.
Ilya à la fin de cette Edition , des Notes de M. de là Monnoye , sur plusieurs
autres Ouvrages de Colomiés ; et enfin
une Table des Auteurs dont il est parlé
dans cette Bibliothèque choisie.
Fermer
Résumé : Bibliotheque choisie de Colomiés, [titre d'après la table]
Le texte présente la 'Bibliothèque choisie' de Paul Colomiés, une œuvre enrichie des notes de Bourdelot et de la Monnoye, ainsi que de quelques opuscules de Colomiés. Cette édition, publiée en 1731 à Paris chez Gabriel Martin, compte 376 pages sans la préface et les tables. L'ouvrage a connu plusieurs éditions : la première à La Rochelle en 1682, la deuxième à Amsterdam en 1750, et la troisième à Hambourg en 1709, réunie avec d'autres œuvres de Colomiés par Fabricius. La 'Bibliothèque choisie' ne couvre pas tous les livres, mais se concentre sur ceux relatifs aux Belles Lettres et aux délices des savants. Colomiés y identifie les vrais auteurs de certains ouvrages, marque les meilleures éditions de son temps, et inclut des anecdotes sur les auteurs et les circonstances de publication de leurs œuvres. Il rend également hommage aux savants, qu'ils soient protestants ou catholiques, et critique avec modération les erreurs qu'il relève. L'ouvrage contient des articles notables, comme celui sur les 'Dissertationes de præstantia et usu numismatum' d'Ezechiel Spanheim, et un autre sur les 'Colloquia' d'Érasme. Colomiés y partage des conjectures sur des médailles antiques et des anecdotes sur des femmes savantes. Paul Colomiés, né en 1638 à La Rochelle dans une famille protestante, a étudié à Saumur et à Paris. Il a entretenu une amitié avec Isaac Vossius et a travaillé comme lecteur et bibliothécaire en Angleterre. Il est décédé à Londres en 1692 à l'âge de 54 ans. Cette édition inclut également la vie du Père Sirmond et une traduction de Tertullien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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699
p. 982-993
Amusemens à la mode, [titre d'après la table]
Début :
Le 21 Avril, les Comédiens Italiens donnerent la premiere Représentation [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Les Amusements à la mode, Romagnesi, Riccoboni, Comédie, Théâtre, Acteurs, Actes, Danse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Amusemens à la mode, [titre d'après la table]
SPECTACLES.
L
E 21 Avril , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere Représentation
d'une Piece en trois - Actes, intitulée : Les
Amusemens àla mode. Cette Comédie
dont les Sieurs Romagnesy et Riccoboni
sont Auteurs , fut précédée d'un Prologue. Voici l'Extrait de cet Ouvrage , que
le Public a reçu tres- favorablement , en
ayant trouvé le titre bien rempli , a beaucoup d'égards , et heureusement saisi , car
on n'a jamais tant vû de gens de tous
Etats , se faire un amusement de jouer la
Comédie, &c.
Au Prologue , Le Théatre représente le Théatre même. La De Sylvia y
paroît assise dans un Fauteuil. Le St Romagnési vient interrompre sa profonde
rêverie, dont il-lui demande la cause ; elle
lui dit qu'elle pense tres- sérieusement à
la sottise qu'ils vont faire de donner une
si mauvaise Piéce au public ; Piece qu'ils
n'auroient jamais dû recevoir.Romagnesi
lui dit que c'est à juste titre qu'on l'a reçue, et la premiere raison qu'il en donne,
C'est qu'il en est l'Auteur. Sylvia témoigne
MAY. 1732 १६
gnë sa surprise , attendu le peu de bon
sens qui regne dans tout l'Ouvrage, Romagnesi ne croit pas pouvoir mieux imposer silence à sa critique , qu'en ajoûtant , qu'elle est interressée plus qu'elle ne
pense à épargner l'Ouvrage , puisque son
parent Riccoboni ya travaillé conjointement avec lui : La Piece n'est donc pas
mauvaise , répond Sylvia ; elle fait plus
elle se charge de faire un Compliment au
public , pour le prévenir en faveur de
Ouvrage. Ce Compliment a paru tresjoli , aussi bien que le Prologue. La Dile
Silvia restée seule , s'exprime ainsi :
si
MESSIEURS , c'est vainement qu'il
pense ,
Que j'ose me charger du soin
De lasser votre patience ;
Quelle que soit votre indulgence
Ce seroit la pousser trop loin ,
De la mésurer au besoin
Qu'en aura notre insuffisance.
D'ailleurs , je tenterois des efforts superflus
Et c'est en vain qu'on se propose ,
D'adoucir un Public que l'Ouvrage indispose
Il ne le siffle point , mais il n'y revient plus ,
C'est à peu près la même chose.
Il faut pourtant vous demander ,
Car vous sçavez que c'est l'usage ,
G iij Et
984 MERCURE DE FRANCE
Et si vous daignez m'accorder
Le bien dont je me fais la plus fateuse image
Tout autre sort au nôtre doit ceder;
C'est d'être convainca de notre ardent hom
mage
De croire , que le soin qui peut seul nous guider
but que votre suffrage ,
Que dis je il est notre unique partage ;
N'a
pour
In douter un moment , c'est nous déposseder
Des droits d'un si juste héritage.
Acteurs de la Piece.
Mr Oronte, pere de Lucile,le sieur Pagheti.
MmeOronte , mere de Lucile , la Dille Belmont.
1102 5
Eraste, Amant de Lucile, le St Theveneau.
Lucile , fille de Met de Mme Oronte , la
Dlla Sylvia.
Rigolet , amoureux de Lucile , le sieur
Sticotti.
Lisidor et Coqueluche , amis de Rigolet,
joüans la Comédie de même que Ri
golet , les sieurs Mario et Romagnesi.
Valentin , Valet d'Eraste , le sieur Lelio.
Spinette , suivante de Lucile,la Dile Lelio.
La Scene est dans la Maison de Monsieur Oronte.
Acte
M AY. 17327 98
Acte Scene ; Oronte veut marier sa fille à Mr
Rigolet , parce qu'il déclame bien ; Mate
Oronté qui a autánt d'aversion pour le
talent de déclamer, que son mari ya de
panchant, s'oppose à son choix; Mr Oronte lui dit qu'elle seroit d'accord avec lui ,
s'il panchoit du côté d'Eraste , pár la seule raison qu'il chante bien , parce qu'elle
aime le chant. Made Oronte lui répond
qu'elle ne donnera sa fille ni à lun, ni à
l'autre , et s'en va.
Mr et Mme Oronte ouvrent la
Oronte se plaint de l'indocilité de sa femme, Lucile vient,suivie de Spinette; elle demande à son pere, d'où peut venir sa có
lere: M'Oronte lui dit que ce n'est rien,
qu'il vient de quereller avec sa femme ,
qui , selon sa coûtume , n'est pas , de son
sentiment ; qu'il s'agit d'un mariage qu'il
vient de lui proposer. Lucile lui demande quel choix il a proposé à sa mere ; l'éloge que M'Oronte fait de l'époux qu'il
veut lui donner, persuadant à Lucile que
ce'ne peut être qu'Eraste ; elle y donne
un plein consentement ; mais dès qu'elle
est mieux éclaircie , elle lui fait entendre
qu'elle ne sçauroit aimer Rigolet. Oronte
fait valoir l'authorité de pere , et prétend
absolument qu'elle épouse celui qu'elle
fui destine.
Fiiij Lucile
986 MERCURE DE FRANCE
:
Lucile témoigne sa douleur à Spinette,
qui lui conseille de ne point obéir à son
Pere. Eraste survient. Lucile lui apprend
son malheur Valentin , Valet d'Eraste,
leur promet de parer ce coup fatal par un
stratagême qu'il vient d'imaginer.
Eraste , pour remercier Lucile des bontez qu'elle a pour lui , se jette à ses pieds,
Valentin se jette à son tour aux pieds de
Spinette.Oronte rentre et surprend le Maî
tre et le Valet dans cette posture tendre et
suppliante. Valentin lui veut persuader
que c'est une Scene de Tragedie que Lucile et Eraste répetent , et qu'il vient lui
même d'y ajouter un troisiéme personnage; c'est-à-dire , celui de César , surprenant Antoine aux pieds de Cléopatre. Ce
faux -fuyant plaît d'abord à M. Oronte
par rapport au panchant qu'il a pour le
Théatre , mais il ne change pas de résolution ; il dit à Madame Öronte qui survient , la situation où il a trouvé Eraste.
Madame Oronte trouve tres - mauvais
qu'Eraste soit entré sans se faire annoncer. Valentin lui répond que M. Oronte
vient de faire de même. Madame Oronte
les congédie tous.
Valentin reste et fait entendre à Mad.
Oronte que la victoire qu'elle prétend
remporter sur son mari n'est pas assez
com-
MAY. 17328 987
complette , si elle ne fait voir qu'elle est
la maîtresse absoluë , en mariant sa fille à
Eraste dont il rejette le choix. Madame.
Oronte lui dit qu'elle n'acceptera jamais
pour gendre un homme qui sçachant
qu'elle aime le chant , va chanter autre
part que chez elle. Valentin jugeant parlà que Madame Oronte est picquée de la
préférence qu'Eraste donne à une autre ,
Tui fait entendre que si son Maître chante chez sa tante, plutôt que chez elle, c'est
parce qu'elle l'a menace de le deshériter ,
S'il ne lui consacre tous ses Concerts ; il
ajoute que le péril de l'exhérédation néne l'a
pas empêché de se livrer enfin à son inelination , et qu'il étoit venu chez elle
pour la prier de vouloir entendre un Ope-
-ra qu'il vouloit faire représenter chez elle.
Au nom d'Opera, Mad. Oronte est transportée et dit à Valentin d'aller faire revenir son Maître ; Valentin qui ne croyoit
pas être pris au mot , paroît très embarrassé; il fait entendre à Mad. Oronte qu'il
craint qu'Eraste au désespoir n'ait déja
contremandé tous les Acteurs. Madame
Oronte le presse de les aller rassembler ;
Valentin enrage de s'être embarqué si
avant , mais il se détermine enfin à s'en
tirer comme il pourra , &c.
Ce premier Acte a paru un peu froid .
Gv mais
988 MERCURE DE FRANCES
maisil ne laisse pas d'être dans les regles ,.
et de promette du plaisir aux Spectateurs.
Les Auteurs leur tiendront parole dans le second.
3
Eraste et Valentin commencent ce se--
cond Acte : le Maître est fort irrité contre le Valet,de ce qu'il a promis un Opéra
à Mad. Oronte, et lui dit que puisquec'est
lui qui l'a mis dans cet embarras ; ce sera
lui-même qui l'en tirera ; Valentin convient de tout et sort avec son Maître,
pour aller chercher des Musiciens qu'il
compte de trouver tous assemblez chezDupuy; c'est un celebre Caffé. M. Oron--
te vient , suivi de son gendre futur pré--
tendu , de Lisidor , et de Coqueluche , l'un
Comédien , l'autre Auteur, Il se promet
beaucoup de plaisir à entendre déclamer
par Rigolet des Stances de Coqueluche.
3
Mad. Oronte survient avec Lucile. et
Spinette elles se préparent bien toutes &
trois à rire deces Originaux qu'elles trouvent avec M. Oronte. Rigolet fait son
compliment à Lucile , qui loin d'y prêter
attention , écoute l'éloge que Coquelu
che fait de son sçavoir. Rigolet déclame
les Stances de Coqueluche , dont le sujet
est Marius , se plaignant du sort qui l'a
abandonné , pour se ranger du parti de
Sylla; mais il gesticule si mal , que Coqueluche
M A Y. 1732. 989
fuche ne pouvant souffrir qu'on gâte son
ouvrage , se met en état de faire les gestes
à mesure que Rigolet ne fera que prononcer. Cette Scene a paru originale au Théatre , et a excité de grands éclats de rire.
Valentin vient donner un plat de son
métier , déguisé en Comédien; il embrasse Rigolet, comme étant un de ses plus
chers camarades ; il contrefait si-bien un
des meilleurs Acteurs de la Comédie Françoise , qu'on croit le voir lui- même ;
cette imitation a fait un honneur infini
au jeune Lélio , qui fait tous les jours de
nouveaux progrès dans sa profession ;
Rigolet passant pour Comédien , malgré
tout ce qu'il dit , pour détruire l'imposture , est congédié non seulement par
Mad. Oronte , mais par mári même
qui dit qu'il est si faché que sa femme
ait raison , qu'il ne veut plus désormais se
mêler de marier sa fille. Mad. Oronte se
charge de ce soin , et se déclaré pour Eraste. La Piece paroît dénoüée par cet inci- "
dent , et Valentin qui se fait connoître
pour ce qu'il est en effet, pourroit se dispenser de donner à Mad. Oronte l'Opéra
qu'il lui a promis; mais elle s'y attend et
il faut la satisfaire ; nous allons dire en
peu de mots de quoi il s'agit dans ce troisiéme Acte , qui à pour titre: Les Catasson
*
Gvj rophes
990 MERCURE DE FRANCE
trophes Lyri-tragi - Comiques. C'est une espece de Parodie de l'Opéra de Jephié , et
de la Tragédie d'Eryphile.
Acteurs
Le Roy, amoureux de Buquemeque , le
sieur Theveneau.
Amphigourie , fille du Roy , la De Sylvia.
Buquemeque , mere d'Albumazar , la D'leBelmont.
Albumazar , amant d'Amphigourie , le
sieur Romagnesi.
Venus , la Chanteuse.
Troupe de Guerriers , de Démons , &c.
Les noms Burlesques qu'on a pris soin
de donner aux Héros de cette Parodie ,
Lyri-tragi-Comique , n'ont pas fait prendre le change sur les deux sujets qui y
ont donné lieu ; on n'a pas osé nommer
les principaux personnages , mais on les
a trop bien indiquez , pour donner lieu
aux Spectateurs de s'y méprendre : En
voici un petit Extrait..
Buquemeque et Amphigourie se font
une confidence réciproque de leurs sentimens ; la premiere,destinée à épouser le
Roy, craint qu'il ne devienne volage après
'Hymen, et s'exprime ainsi :
&
Le
MAY. 17320 991
Le plus fidelle Amant ,
Du nœud le plus charmant ,
Quelquefois se dégage ;
Et le plus tendre Epoux ,
Dans un lieu moins doux,
Peut devenir volage.
La seconde fait entendre qu'elle craint
d'avoir fait une folie , en donnant son
cœur au Fils de cette même Buquemeque
à qui elle parle ; elle assaisonne ce petit aveu de cette maxime :
Quand l'Amour de sestraits nous blesse,
Nous ne sentons que son poison ;
S'il pouvoit suivre la raison
Auroit- il le com de foiblesse
Un bruit de Trompettes annonce le retour et la victoire du Roy et d'Albumazar ; ce sont les deu Héros pour lesquels
ces deux Amantes s'interessent ; après la
fetele Roy ordonne à tout le monde de "
se retirer , comme au commencement du
troisiéme Acte de Jephré , le seul Albumazar reste ; autre confidence réciproque
de sentimens , ils sont tous deux consternez ; l'un par un serment indiscret , a
promis aux Dieux de leur immoler sa
fille Buquemeque; voilà Jephté et Iphise 3
l'autre par l'ordre de l'ombre de son pere
}
doit
991 MERCURE DE FRANCE
doit donner la mort à sa mere ; voilà Alcméon et Eryphile ; un bruit infernal leur
fait dire à tous deux
C'est l'Enfer qui vient en ces lieux ,
Nous prier d'obéir aux Dieux. ·
Cette Entrée de Démons et l'arrivée de
Vénus n'ayant plus rien qu'on puisse ap--
peller Parodie , nous en épargnons le déTail aux Lecteurs, et nous nous contentons
de dire , que Buquemeque et Amphigourie en sont quittes pour la peur,parce que·
l'Amour combat pour elle's.
Les mêmes Comédiens doivent jouer
dans peu une Piece nouvelle , en 3 Actès,
avec un Divertissement, elle a pour titre :
LeTuteur Genereux , ou l' Amour trompé par
Papparence, dont on parlera plus au long. -
Le 1 May , le S Roland , originaire de
Provence , cy-devant premier Danseur du
feu Duc de Mantouë , qui l'avoit amené -
à Paris en 1704. et la De Roland sa fille,
née à Venise , âgée de 17 ans , parurent
pour la premiere fois sur le Theatre de
l'Hôtel de Bourgogne ; le premier exécuta une Danse comique et grotesque en
Païsan , qui fut applaudie du public. La Dile Roland dansa à la fin de la Pièce les
caracteres de la Danse , avec beaucoup . '
din
MAY 17323 9935
d'intelligence et de vivacité ; les Cabrioles et les Entrechats ne lui coutent rien ;
et quoiqu'elle ait encore bien des perfections à acquerir , le public qui la regarde
comme un tres-bon sujet, l'a fort applau
die. Il n'y a pas long-tems qu'elle a dansé
à l'Opéra de Londres et dans ceux des
Provinces de France. Outre ses talenspour la Danse , elle est encore bonne
Comédienne , ayant joué différens Rôles en François et en Italien dans diverses
Troupes.
L
E 21 Avril , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere Représentation
d'une Piece en trois - Actes, intitulée : Les
Amusemens àla mode. Cette Comédie
dont les Sieurs Romagnesy et Riccoboni
sont Auteurs , fut précédée d'un Prologue. Voici l'Extrait de cet Ouvrage , que
le Public a reçu tres- favorablement , en
ayant trouvé le titre bien rempli , a beaucoup d'égards , et heureusement saisi , car
on n'a jamais tant vû de gens de tous
Etats , se faire un amusement de jouer la
Comédie, &c.
Au Prologue , Le Théatre représente le Théatre même. La De Sylvia y
paroît assise dans un Fauteuil. Le St Romagnési vient interrompre sa profonde
rêverie, dont il-lui demande la cause ; elle
lui dit qu'elle pense tres- sérieusement à
la sottise qu'ils vont faire de donner une
si mauvaise Piéce au public ; Piece qu'ils
n'auroient jamais dû recevoir.Romagnesi
lui dit que c'est à juste titre qu'on l'a reçue, et la premiere raison qu'il en donne,
C'est qu'il en est l'Auteur. Sylvia témoigne
MAY. 1732 १६
gnë sa surprise , attendu le peu de bon
sens qui regne dans tout l'Ouvrage, Romagnesi ne croit pas pouvoir mieux imposer silence à sa critique , qu'en ajoûtant , qu'elle est interressée plus qu'elle ne
pense à épargner l'Ouvrage , puisque son
parent Riccoboni ya travaillé conjointement avec lui : La Piece n'est donc pas
mauvaise , répond Sylvia ; elle fait plus
elle se charge de faire un Compliment au
public , pour le prévenir en faveur de
Ouvrage. Ce Compliment a paru tresjoli , aussi bien que le Prologue. La Dile
Silvia restée seule , s'exprime ainsi :
si
MESSIEURS , c'est vainement qu'il
pense ,
Que j'ose me charger du soin
De lasser votre patience ;
Quelle que soit votre indulgence
Ce seroit la pousser trop loin ,
De la mésurer au besoin
Qu'en aura notre insuffisance.
D'ailleurs , je tenterois des efforts superflus
Et c'est en vain qu'on se propose ,
D'adoucir un Public que l'Ouvrage indispose
Il ne le siffle point , mais il n'y revient plus ,
C'est à peu près la même chose.
Il faut pourtant vous demander ,
Car vous sçavez que c'est l'usage ,
G iij Et
984 MERCURE DE FRANCE
Et si vous daignez m'accorder
Le bien dont je me fais la plus fateuse image
Tout autre sort au nôtre doit ceder;
C'est d'être convainca de notre ardent hom
mage
De croire , que le soin qui peut seul nous guider
but que votre suffrage ,
Que dis je il est notre unique partage ;
N'a
pour
In douter un moment , c'est nous déposseder
Des droits d'un si juste héritage.
Acteurs de la Piece.
Mr Oronte, pere de Lucile,le sieur Pagheti.
MmeOronte , mere de Lucile , la Dille Belmont.
1102 5
Eraste, Amant de Lucile, le St Theveneau.
Lucile , fille de Met de Mme Oronte , la
Dlla Sylvia.
Rigolet , amoureux de Lucile , le sieur
Sticotti.
Lisidor et Coqueluche , amis de Rigolet,
joüans la Comédie de même que Ri
golet , les sieurs Mario et Romagnesi.
Valentin , Valet d'Eraste , le sieur Lelio.
Spinette , suivante de Lucile,la Dile Lelio.
La Scene est dans la Maison de Monsieur Oronte.
Acte
M AY. 17327 98
Acte Scene ; Oronte veut marier sa fille à Mr
Rigolet , parce qu'il déclame bien ; Mate
Oronté qui a autánt d'aversion pour le
talent de déclamer, que son mari ya de
panchant, s'oppose à son choix; Mr Oronte lui dit qu'elle seroit d'accord avec lui ,
s'il panchoit du côté d'Eraste , pár la seule raison qu'il chante bien , parce qu'elle
aime le chant. Made Oronte lui répond
qu'elle ne donnera sa fille ni à lun, ni à
l'autre , et s'en va.
Mr et Mme Oronte ouvrent la
Oronte se plaint de l'indocilité de sa femme, Lucile vient,suivie de Spinette; elle demande à son pere, d'où peut venir sa có
lere: M'Oronte lui dit que ce n'est rien,
qu'il vient de quereller avec sa femme ,
qui , selon sa coûtume , n'est pas , de son
sentiment ; qu'il s'agit d'un mariage qu'il
vient de lui proposer. Lucile lui demande quel choix il a proposé à sa mere ; l'éloge que M'Oronte fait de l'époux qu'il
veut lui donner, persuadant à Lucile que
ce'ne peut être qu'Eraste ; elle y donne
un plein consentement ; mais dès qu'elle
est mieux éclaircie , elle lui fait entendre
qu'elle ne sçauroit aimer Rigolet. Oronte
fait valoir l'authorité de pere , et prétend
absolument qu'elle épouse celui qu'elle
fui destine.
Fiiij Lucile
986 MERCURE DE FRANCE
:
Lucile témoigne sa douleur à Spinette,
qui lui conseille de ne point obéir à son
Pere. Eraste survient. Lucile lui apprend
son malheur Valentin , Valet d'Eraste,
leur promet de parer ce coup fatal par un
stratagême qu'il vient d'imaginer.
Eraste , pour remercier Lucile des bontez qu'elle a pour lui , se jette à ses pieds,
Valentin se jette à son tour aux pieds de
Spinette.Oronte rentre et surprend le Maî
tre et le Valet dans cette posture tendre et
suppliante. Valentin lui veut persuader
que c'est une Scene de Tragedie que Lucile et Eraste répetent , et qu'il vient lui
même d'y ajouter un troisiéme personnage; c'est-à-dire , celui de César , surprenant Antoine aux pieds de Cléopatre. Ce
faux -fuyant plaît d'abord à M. Oronte
par rapport au panchant qu'il a pour le
Théatre , mais il ne change pas de résolution ; il dit à Madame Öronte qui survient , la situation où il a trouvé Eraste.
Madame Oronte trouve tres - mauvais
qu'Eraste soit entré sans se faire annoncer. Valentin lui répond que M. Oronte
vient de faire de même. Madame Oronte
les congédie tous.
Valentin reste et fait entendre à Mad.
Oronte que la victoire qu'elle prétend
remporter sur son mari n'est pas assez
com-
MAY. 17328 987
complette , si elle ne fait voir qu'elle est
la maîtresse absoluë , en mariant sa fille à
Eraste dont il rejette le choix. Madame.
Oronte lui dit qu'elle n'acceptera jamais
pour gendre un homme qui sçachant
qu'elle aime le chant , va chanter autre
part que chez elle. Valentin jugeant parlà que Madame Oronte est picquée de la
préférence qu'Eraste donne à une autre ,
Tui fait entendre que si son Maître chante chez sa tante, plutôt que chez elle, c'est
parce qu'elle l'a menace de le deshériter ,
S'il ne lui consacre tous ses Concerts ; il
ajoute que le péril de l'exhérédation néne l'a
pas empêché de se livrer enfin à son inelination , et qu'il étoit venu chez elle
pour la prier de vouloir entendre un Ope-
-ra qu'il vouloit faire représenter chez elle.
Au nom d'Opera, Mad. Oronte est transportée et dit à Valentin d'aller faire revenir son Maître ; Valentin qui ne croyoit
pas être pris au mot , paroît très embarrassé; il fait entendre à Mad. Oronte qu'il
craint qu'Eraste au désespoir n'ait déja
contremandé tous les Acteurs. Madame
Oronte le presse de les aller rassembler ;
Valentin enrage de s'être embarqué si
avant , mais il se détermine enfin à s'en
tirer comme il pourra , &c.
Ce premier Acte a paru un peu froid .
Gv mais
988 MERCURE DE FRANCES
maisil ne laisse pas d'être dans les regles ,.
et de promette du plaisir aux Spectateurs.
Les Auteurs leur tiendront parole dans le second.
3
Eraste et Valentin commencent ce se--
cond Acte : le Maître est fort irrité contre le Valet,de ce qu'il a promis un Opéra
à Mad. Oronte, et lui dit que puisquec'est
lui qui l'a mis dans cet embarras ; ce sera
lui-même qui l'en tirera ; Valentin convient de tout et sort avec son Maître,
pour aller chercher des Musiciens qu'il
compte de trouver tous assemblez chezDupuy; c'est un celebre Caffé. M. Oron--
te vient , suivi de son gendre futur pré--
tendu , de Lisidor , et de Coqueluche , l'un
Comédien , l'autre Auteur, Il se promet
beaucoup de plaisir à entendre déclamer
par Rigolet des Stances de Coqueluche.
3
Mad. Oronte survient avec Lucile. et
Spinette elles se préparent bien toutes &
trois à rire deces Originaux qu'elles trouvent avec M. Oronte. Rigolet fait son
compliment à Lucile , qui loin d'y prêter
attention , écoute l'éloge que Coquelu
che fait de son sçavoir. Rigolet déclame
les Stances de Coqueluche , dont le sujet
est Marius , se plaignant du sort qui l'a
abandonné , pour se ranger du parti de
Sylla; mais il gesticule si mal , que Coqueluche
M A Y. 1732. 989
fuche ne pouvant souffrir qu'on gâte son
ouvrage , se met en état de faire les gestes
à mesure que Rigolet ne fera que prononcer. Cette Scene a paru originale au Théatre , et a excité de grands éclats de rire.
Valentin vient donner un plat de son
métier , déguisé en Comédien; il embrasse Rigolet, comme étant un de ses plus
chers camarades ; il contrefait si-bien un
des meilleurs Acteurs de la Comédie Françoise , qu'on croit le voir lui- même ;
cette imitation a fait un honneur infini
au jeune Lélio , qui fait tous les jours de
nouveaux progrès dans sa profession ;
Rigolet passant pour Comédien , malgré
tout ce qu'il dit , pour détruire l'imposture , est congédié non seulement par
Mad. Oronte , mais par mári même
qui dit qu'il est si faché que sa femme
ait raison , qu'il ne veut plus désormais se
mêler de marier sa fille. Mad. Oronte se
charge de ce soin , et se déclaré pour Eraste. La Piece paroît dénoüée par cet inci- "
dent , et Valentin qui se fait connoître
pour ce qu'il est en effet, pourroit se dispenser de donner à Mad. Oronte l'Opéra
qu'il lui a promis; mais elle s'y attend et
il faut la satisfaire ; nous allons dire en
peu de mots de quoi il s'agit dans ce troisiéme Acte , qui à pour titre: Les Catasson
*
Gvj rophes
990 MERCURE DE FRANCE
trophes Lyri-tragi - Comiques. C'est une espece de Parodie de l'Opéra de Jephié , et
de la Tragédie d'Eryphile.
Acteurs
Le Roy, amoureux de Buquemeque , le
sieur Theveneau.
Amphigourie , fille du Roy , la De Sylvia.
Buquemeque , mere d'Albumazar , la D'leBelmont.
Albumazar , amant d'Amphigourie , le
sieur Romagnesi.
Venus , la Chanteuse.
Troupe de Guerriers , de Démons , &c.
Les noms Burlesques qu'on a pris soin
de donner aux Héros de cette Parodie ,
Lyri-tragi-Comique , n'ont pas fait prendre le change sur les deux sujets qui y
ont donné lieu ; on n'a pas osé nommer
les principaux personnages , mais on les
a trop bien indiquez , pour donner lieu
aux Spectateurs de s'y méprendre : En
voici un petit Extrait..
Buquemeque et Amphigourie se font
une confidence réciproque de leurs sentimens ; la premiere,destinée à épouser le
Roy, craint qu'il ne devienne volage après
'Hymen, et s'exprime ainsi :
&
Le
MAY. 17320 991
Le plus fidelle Amant ,
Du nœud le plus charmant ,
Quelquefois se dégage ;
Et le plus tendre Epoux ,
Dans un lieu moins doux,
Peut devenir volage.
La seconde fait entendre qu'elle craint
d'avoir fait une folie , en donnant son
cœur au Fils de cette même Buquemeque
à qui elle parle ; elle assaisonne ce petit aveu de cette maxime :
Quand l'Amour de sestraits nous blesse,
Nous ne sentons que son poison ;
S'il pouvoit suivre la raison
Auroit- il le com de foiblesse
Un bruit de Trompettes annonce le retour et la victoire du Roy et d'Albumazar ; ce sont les deu Héros pour lesquels
ces deux Amantes s'interessent ; après la
fetele Roy ordonne à tout le monde de "
se retirer , comme au commencement du
troisiéme Acte de Jephré , le seul Albumazar reste ; autre confidence réciproque
de sentimens , ils sont tous deux consternez ; l'un par un serment indiscret , a
promis aux Dieux de leur immoler sa
fille Buquemeque; voilà Jephté et Iphise 3
l'autre par l'ordre de l'ombre de son pere
}
doit
991 MERCURE DE FRANCE
doit donner la mort à sa mere ; voilà Alcméon et Eryphile ; un bruit infernal leur
fait dire à tous deux
C'est l'Enfer qui vient en ces lieux ,
Nous prier d'obéir aux Dieux. ·
Cette Entrée de Démons et l'arrivée de
Vénus n'ayant plus rien qu'on puisse ap--
peller Parodie , nous en épargnons le déTail aux Lecteurs, et nous nous contentons
de dire , que Buquemeque et Amphigourie en sont quittes pour la peur,parce que·
l'Amour combat pour elle's.
Les mêmes Comédiens doivent jouer
dans peu une Piece nouvelle , en 3 Actès,
avec un Divertissement, elle a pour titre :
LeTuteur Genereux , ou l' Amour trompé par
Papparence, dont on parlera plus au long. -
Le 1 May , le S Roland , originaire de
Provence , cy-devant premier Danseur du
feu Duc de Mantouë , qui l'avoit amené -
à Paris en 1704. et la De Roland sa fille,
née à Venise , âgée de 17 ans , parurent
pour la premiere fois sur le Theatre de
l'Hôtel de Bourgogne ; le premier exécuta une Danse comique et grotesque en
Païsan , qui fut applaudie du public. La Dile Roland dansa à la fin de la Pièce les
caracteres de la Danse , avec beaucoup . '
din
MAY 17323 9935
d'intelligence et de vivacité ; les Cabrioles et les Entrechats ne lui coutent rien ;
et quoiqu'elle ait encore bien des perfections à acquerir , le public qui la regarde
comme un tres-bon sujet, l'a fort applau
die. Il n'y a pas long-tems qu'elle a dansé
à l'Opéra de Londres et dans ceux des
Provinces de France. Outre ses talenspour la Danse , elle est encore bonne
Comédienne , ayant joué différens Rôles en François et en Italien dans diverses
Troupes.
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Résumé : Amusemens à la mode, [titre d'après la table]
Le 21 avril, les Comédiens Italiens ont présenté pour la première fois la pièce en trois actes intitulée 'Les Amusemens à la mode', écrite par les sieurs Romagnesy et Riccoboni. Cette comédie, précédée d'un prologue, a été bien accueillie par le public, qui a trouvé le titre approprié et a noté l'engouement général pour le théâtre. Dans le prologue, Sylvia exprime ses doutes sur la qualité de la pièce, mais Romagnesy la rassure en affirmant qu'il en est l'auteur et que Riccoboni y a également contribué. Sylvia décide alors de complimenter le public pour les prévenir en faveur de l'œuvre. La pièce met en scène plusieurs personnages, dont Oronte, père de Lucile, qui souhaite marier sa fille à Rigolet en raison de ses talents de déclamateur. Mme Oronte, qui préfère le chant, s'oppose à ce mariage. Lucile, amoureuse d'Eraste, refuse également Rigolet. Valentin, valet d'Eraste, imagine un stratagème pour résoudre la situation. Le premier acte est jugé un peu froid mais prometteur. Le second acte voit Valentin promettre un opéra à Mme Oronte, ce qui conduit à des quiproquos et des révélations. La pièce se termine par une parodie lyrique et tragique, intitulée 'Les Catastrophes Lyri-tragi-comiques', qui parodie des œuvres célèbres. Les Comédiens Italiens doivent également jouer prochainement une nouvelle pièce intitulée 'Le Tuteur Généreux, ou l'Amour trompé par l'apparence'. Le 1er mai, le sieur Roland et sa fille, tous deux danseurs, ont fait leurs débuts sur la scène de l'Hôtel de Bourgogne, recevant des applaudissements pour leurs performances.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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700
p. 993-994
« Au commencement de ce mois, les Comédiens François ont remis [...] »
Début :
Au commencement de ce mois, les Comédiens François ont remis [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Opéra, Jepthé, Ballet des sens
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texteReconnaissance textuelle : « Au commencement de ce mois, les Comédiens François ont remis [...] »
Au commencement de ce mois , les Co---
médiens François ont remis au Théatre la
Comédie en Vers et en 5 Actes , du Cu--
rieux Impertinent , de MrDestouches , que
le Public revoit avec beaucoup de plaisir."
Cette Piece, quoique la premiere de l'Au--
teur, n'est pas , à beaucoup près, la moin- ·
dre. Elle est parfaitement bien représen
tée par le S Quinaut , qui y jouë le principal Rôle , par les Diles Gossin et Quinaut, et par les S" la Thorilliere , Gran--
val, Poisson et Armand.
Le 14 les mêmes
Comédiens
remirent
au Théatre
la Tragédie
d'Habits
de Ma--
dame
Gomez
, qui
eut un fort
grand
suc
cès dans
sa nouveauté
en 1713.
Elle
n'avoit
jamais
été reprise
. Elle
est fort
ap
plaudie
994 MERCURE DE FRANCE
plaudie , sur tout aux situations interessantes du se Acte. Le S Granval yjouë
le principal Rôle ; le S Sarrazin y remplit celui du Roy , et les Des Duclos et Gossin ceux de la Reine et de la Princesse.
On continue à l'Opera les Representations deJephté, que le Public ne se lasse
pas de voir. Celle du Mardy , 13 Avril ,
fut honorée de la présence du Roy Stanislas , dont S. M. parut extrêmement satisfaite.
On répete actuellement le Balet des
Sens , Piece nouvelle , dont la Musique
est de M. Mouret , et le Poëme de M ....
On a appris de Londres , que le 8 de
ce mois au soir , plusieurs jeunes Gentils- Hommes du premier rang , dont le plus
âgé n'a pas 14 ans , représenterent dans
la Sale du Bal , au Palais de S. James , la
Tragédie de l'Empereur des Indes , ou la
Conquête du Méxique , par les Espagnols ,
en présence de L. M. et des Princes et
Princesses de la Famille Royale.
médiens François ont remis au Théatre la
Comédie en Vers et en 5 Actes , du Cu--
rieux Impertinent , de MrDestouches , que
le Public revoit avec beaucoup de plaisir."
Cette Piece, quoique la premiere de l'Au--
teur, n'est pas , à beaucoup près, la moin- ·
dre. Elle est parfaitement bien représen
tée par le S Quinaut , qui y jouë le principal Rôle , par les Diles Gossin et Quinaut, et par les S" la Thorilliere , Gran--
val, Poisson et Armand.
Le 14 les mêmes
Comédiens
remirent
au Théatre
la Tragédie
d'Habits
de Ma--
dame
Gomez
, qui
eut un fort
grand
suc
cès dans
sa nouveauté
en 1713.
Elle
n'avoit
jamais
été reprise
. Elle
est fort
ap
plaudie
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plaudie , sur tout aux situations interessantes du se Acte. Le S Granval yjouë
le principal Rôle ; le S Sarrazin y remplit celui du Roy , et les Des Duclos et Gossin ceux de la Reine et de la Princesse.
On continue à l'Opera les Representations deJephté, que le Public ne se lasse
pas de voir. Celle du Mardy , 13 Avril ,
fut honorée de la présence du Roy Stanislas , dont S. M. parut extrêmement satisfaite.
On répete actuellement le Balet des
Sens , Piece nouvelle , dont la Musique
est de M. Mouret , et le Poëme de M ....
On a appris de Londres , que le 8 de
ce mois au soir , plusieurs jeunes Gentils- Hommes du premier rang , dont le plus
âgé n'a pas 14 ans , représenterent dans
la Sale du Bal , au Palais de S. James , la
Tragédie de l'Empereur des Indes , ou la
Conquête du Méxique , par les Espagnols ,
en présence de L. M. et des Princes et
Princesses de la Famille Royale.
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Résumé : « Au commencement de ce mois, les Comédiens François ont remis [...] »
Au début du mois, les comédiens François ont présenté la comédie 'Le Curieux Impertinent' de Monsieur Destouches, bien accueillie par le public. Cette pièce en vers et en cinq actes, interprétée par des acteurs tels que Quinaut, Gossin, la Thorilliere, Granval, Poisson et Armand, est la première œuvre de l'auteur. Le 14 du même mois, ils ont joué la tragédie 'd'Habits' de Madame Gomez, qui avait connu un grand succès en 1713 et n'avait jamais été reprise depuis. Cette représentation a été particulièrement applaudie pour les situations intéressantes du cinquième acte, avec Granval, Sarrazin, Duclos et Gossin dans les rôles principaux. À l'Opéra, les représentations de 'Jephté' continuent de rencontrer un grand succès, avec la présence du roi Stanislas le 13 avril. Les répétitions du ballet 'Les Sens', avec une musique de Monsieur Mouret et un poème de Monsieur M., sont en cours. À Londres, le 8 du mois, plusieurs jeunes gentilshommes ont représenté la tragédie 'L'Empereur des Indes' au Palais de Saint James, en présence du roi et des membres de la famille royale.
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