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1
p. 29-48
POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
Début :
Les Dieux sont pour César, & Caton pour Pompée. [...]
Mots clefs :
Dieux, Jugement, Muse, République, Caton, Rome
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texteReconnaissance textuelle : POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
POLLICHON.
Poëme par M. de N it -il: * Directeur
de l'Hôtel-Dita
de Vienne en Dauphiné.
Lesujetest tiré d'une Echop,
f) souslaporte d'entrée
de tHôtcLDteu, demandéeàl'Auteur
par une infinitédepersonnesstes
unes
pour Pollichon, & les
autres pour Henriette.
LES Dieux sontpour
César, & Caton pour
Pompée.
Bon jadis, mais les
Dieux, les Catons
1 de ce temps
Ont de plus grands
soucis la cervelle
occupée,
Et se partagent bien
pour d'autres combattans,
-0 Pollichon d'une part,
& de loutre Henriette.
Quelle verve vous préd
Poëte,
Et quel debut? qu'ont
de commun entr'eux
Deux inconnus & ces
Romains fameux? -
Je le dirai: c'est que
l'un & l'autre homme
Veut estre seul maître
absolu dans Rome,
En leur faveur il se fait
des partis,
Adolescens, hommes
faits, cheveux gris,
Sages & fols
,
chacun
pour euxs'engage;
Les dieux contre les
dieux l'Olimpe se
partage
Tout comme à Troye,
Apollon d'un côté,
Et d'autre part quelque
autre Deïté.
Rome voit une guerre
en cruauté feconde;
Ilse verse du fang sur
la terre& surl'onde,
Ettoutcela pourquoi ?
seulemet pour sçavoir
Qui sur la République
, aura le plein pouir
Du fier Beau- pere ou
de l'obstiné Gendre;
Ces deux Maîtres d'escrime
en pouffant
tout à bout A
Firent tantqu'ils gâterent
tout.
Catule en fut témoin
, il pourra vous rapprend
re;
Or, ce fait entendu,le
mien se peutcom-
1
prendre,
Ilne fauttout au plus
que changer quelque
nom:
Par exemple au mot
Republique,
Substituez le mot boutique:
A PompéeHenriette,à
CesarPollichon,
Au fonds voustrouverez
que lachoseest
égale;
Au fang prés répandu
c'est un autre Pharsale,
Dans les esprits même
chaleur,
Même espoirdu succés,
même amour dela
gloire,
Même attente de la
Vctoire,
Même bruit, & même
fureur,
Mêmes détours,&mêmes
ruses.
OLucain!ôBreboeuf!
j'invoque ici vos
Mu[es,
Venez entousiasme, hyperbole,
grands
mots;
Je ne sçaurois sans vous
celebrer mes Héros,
Dire de leurs desirs l'ardeur
impatiente,
Et dans cous leurs projets
l'audace triomphante;
Prêtez-moy vôtreemphase
&: vos plus
vifs crayons.
Encor pourrai je à peine
entreprendre;
essayons.
Sous un portiqueétroit
dont l'antiq ue ftruétUfC
Nlo"qfe-aux yeux des
passans qu'une caverne
obscure,
HabitePollichon l'honneur
de son quartlert
Demi porteur de chaise
& demi savetier:
Non, loin de là se montre
une jeune Amphibie,
Et Fille & femme.ô£
veuve , engageante
& hardie
Henriette, en un mot
qui de dessein
formé
Veut ravir au vieillard
fou Palais enfumé.
Muse , raconte-moy
quelles furent ses
brigues,
Que! art ou quel demon
a noüé cette
intrigue:
Mais je le prens trop
haut; parlons plus
simplement :
La verité s'explique
avec moins d'ornement.
Mes gens en veulent
donc à la même demeure,
On m'en romptlatête
à toute heure ;
Dés que pour l'un des
deux je vais me déclarer,
A quoy dois-je me preparer?
Les Pollichons vont
direrage,
Est- ce là ce Juge si
sage?
Etles Henrietsd'autre
part
Me le revaudront tôt
ou tard
Cruel relfeét humain,
quelles loixtum'imposes!
1
Mais non, c'est par le
fond qu'il fautregler
les choses;
Quiconque aura raisonchez
moy l'em-
- portera,
Aprés grondera qui
voudra:
GronGronder
est chose juridique;
Ca, parlez donc
, on
vous écoutera.
Commencez, Pollichon,
vous aurez la
replique,
Henriette elle durera
Autant de temps qu'il
luy plaira;
LairtezàPollichon ensser
sa Rhetorique,
Aprés luy la vôtre viendra,
Qui ne. fera pas laconique;
Car tout vieux Avocat
se pique
De ne pas s'expliquer
par un & cætera.
Quoy tous deux àla
fois? O bruit diabolique!
Un Huissier pour crier,
paix là.
Je m'enfuis, je n'ai pas
laeste assez stoïque
Pour supporter cette
musique:
Finissons ; à tous deux
j'adjuge la boutique;
A tous deux! Mais
voyons si cela se
pourra:
Tous deux insolidum!
nenny, la chose
implique;
Faisons donc mieux,
hé bien!on la partagera.
Salomon, Prince Pacifique,
D'un semblable procès
de même se tira.
Voila mon Jugement,
on l'executera.
L'executer
,
répond la
Nymphecolérique,
Quoy l'on m'enpollichonnera!
Moy Dres de Pollichon!
oh la belle repliquéi
Surelle le vieillard jette
un regard oblique,
Et qui te dit, qu'on le
voudra?
Les passans me feroient
la nique,
Moy vivre auprés de
toy? plûtôt dans
l'Amérique,
Pollichon plein d'honneurira,
VIvra,
mourra.
Quefaire donc?en vain
mon e sprit s a llambique.
T hemis, sage Themis,
toy ma ressource
unique,
Inspire-moy ce qu'on
se1a;
Quel nouveau jugement
faut-il que je
fabrique?
Le voici, nuls des deux
la boutiquen'aura :
Donner tout, partager,
ôter tout: la sottise
N'est pas où l'on la
croit; maint Juge
comme moy
Donne, ôteou fait partage
en dépit de
la loy ;
Nul par ce Jugement,
donné vaille que
vaille
N'aura ni l'huïtre ni
l'écaille.
Belle Leçon, pour tous
grands, petitsMagistrats,
Ne tombez jamais dans
1.. mon cas.
Mais j'entens des cenfeurs,
qui d'un ton
pedantesque,
S'acharnent sur mes
vers, & disent, quel
grotesque?
Cest justement celuy
dont Horace a parlé:
Sur une tére humaine
uncheval est colé;
Plumes, membres divers,
assemblage
bizare,
Au dessus belle femme
-
au dessous monstre
affreux;
Messieurs qui ne riroit
duncontraste sirare?
Qui ne riroir? riez, c'est
tout ce que je veux.
Poëme par M. de N it -il: * Directeur
de l'Hôtel-Dita
de Vienne en Dauphiné.
Lesujetest tiré d'une Echop,
f) souslaporte d'entrée
de tHôtcLDteu, demandéeàl'Auteur
par une infinitédepersonnesstes
unes
pour Pollichon, & les
autres pour Henriette.
LES Dieux sontpour
César, & Caton pour
Pompée.
Bon jadis, mais les
Dieux, les Catons
1 de ce temps
Ont de plus grands
soucis la cervelle
occupée,
Et se partagent bien
pour d'autres combattans,
-0 Pollichon d'une part,
& de loutre Henriette.
Quelle verve vous préd
Poëte,
Et quel debut? qu'ont
de commun entr'eux
Deux inconnus & ces
Romains fameux? -
Je le dirai: c'est que
l'un & l'autre homme
Veut estre seul maître
absolu dans Rome,
En leur faveur il se fait
des partis,
Adolescens, hommes
faits, cheveux gris,
Sages & fols
,
chacun
pour euxs'engage;
Les dieux contre les
dieux l'Olimpe se
partage
Tout comme à Troye,
Apollon d'un côté,
Et d'autre part quelque
autre Deïté.
Rome voit une guerre
en cruauté feconde;
Ilse verse du fang sur
la terre& surl'onde,
Ettoutcela pourquoi ?
seulemet pour sçavoir
Qui sur la République
, aura le plein pouir
Du fier Beau- pere ou
de l'obstiné Gendre;
Ces deux Maîtres d'escrime
en pouffant
tout à bout A
Firent tantqu'ils gâterent
tout.
Catule en fut témoin
, il pourra vous rapprend
re;
Or, ce fait entendu,le
mien se peutcom-
1
prendre,
Ilne fauttout au plus
que changer quelque
nom:
Par exemple au mot
Republique,
Substituez le mot boutique:
A PompéeHenriette,à
CesarPollichon,
Au fonds voustrouverez
que lachoseest
égale;
Au fang prés répandu
c'est un autre Pharsale,
Dans les esprits même
chaleur,
Même espoirdu succés,
même amour dela
gloire,
Même attente de la
Vctoire,
Même bruit, & même
fureur,
Mêmes détours,&mêmes
ruses.
OLucain!ôBreboeuf!
j'invoque ici vos
Mu[es,
Venez entousiasme, hyperbole,
grands
mots;
Je ne sçaurois sans vous
celebrer mes Héros,
Dire de leurs desirs l'ardeur
impatiente,
Et dans cous leurs projets
l'audace triomphante;
Prêtez-moy vôtreemphase
&: vos plus
vifs crayons.
Encor pourrai je à peine
entreprendre;
essayons.
Sous un portiqueétroit
dont l'antiq ue ftruétUfC
Nlo"qfe-aux yeux des
passans qu'une caverne
obscure,
HabitePollichon l'honneur
de son quartlert
Demi porteur de chaise
& demi savetier:
Non, loin de là se montre
une jeune Amphibie,
Et Fille & femme.ô£
veuve , engageante
& hardie
Henriette, en un mot
qui de dessein
formé
Veut ravir au vieillard
fou Palais enfumé.
Muse , raconte-moy
quelles furent ses
brigues,
Que! art ou quel demon
a noüé cette
intrigue:
Mais je le prens trop
haut; parlons plus
simplement :
La verité s'explique
avec moins d'ornement.
Mes gens en veulent
donc à la même demeure,
On m'en romptlatête
à toute heure ;
Dés que pour l'un des
deux je vais me déclarer,
A quoy dois-je me preparer?
Les Pollichons vont
direrage,
Est- ce là ce Juge si
sage?
Etles Henrietsd'autre
part
Me le revaudront tôt
ou tard
Cruel relfeét humain,
quelles loixtum'imposes!
1
Mais non, c'est par le
fond qu'il fautregler
les choses;
Quiconque aura raisonchez
moy l'em-
- portera,
Aprés grondera qui
voudra:
GronGronder
est chose juridique;
Ca, parlez donc
, on
vous écoutera.
Commencez, Pollichon,
vous aurez la
replique,
Henriette elle durera
Autant de temps qu'il
luy plaira;
LairtezàPollichon ensser
sa Rhetorique,
Aprés luy la vôtre viendra,
Qui ne. fera pas laconique;
Car tout vieux Avocat
se pique
De ne pas s'expliquer
par un & cætera.
Quoy tous deux àla
fois? O bruit diabolique!
Un Huissier pour crier,
paix là.
Je m'enfuis, je n'ai pas
laeste assez stoïque
Pour supporter cette
musique:
Finissons ; à tous deux
j'adjuge la boutique;
A tous deux! Mais
voyons si cela se
pourra:
Tous deux insolidum!
nenny, la chose
implique;
Faisons donc mieux,
hé bien!on la partagera.
Salomon, Prince Pacifique,
D'un semblable procès
de même se tira.
Voila mon Jugement,
on l'executera.
L'executer
,
répond la
Nymphecolérique,
Quoy l'on m'enpollichonnera!
Moy Dres de Pollichon!
oh la belle repliquéi
Surelle le vieillard jette
un regard oblique,
Et qui te dit, qu'on le
voudra?
Les passans me feroient
la nique,
Moy vivre auprés de
toy? plûtôt dans
l'Amérique,
Pollichon plein d'honneurira,
VIvra,
mourra.
Quefaire donc?en vain
mon e sprit s a llambique.
T hemis, sage Themis,
toy ma ressource
unique,
Inspire-moy ce qu'on
se1a;
Quel nouveau jugement
faut-il que je
fabrique?
Le voici, nuls des deux
la boutiquen'aura :
Donner tout, partager,
ôter tout: la sottise
N'est pas où l'on la
croit; maint Juge
comme moy
Donne, ôteou fait partage
en dépit de
la loy ;
Nul par ce Jugement,
donné vaille que
vaille
N'aura ni l'huïtre ni
l'écaille.
Belle Leçon, pour tous
grands, petitsMagistrats,
Ne tombez jamais dans
1.. mon cas.
Mais j'entens des cenfeurs,
qui d'un ton
pedantesque,
S'acharnent sur mes
vers, & disent, quel
grotesque?
Cest justement celuy
dont Horace a parlé:
Sur une tére humaine
uncheval est colé;
Plumes, membres divers,
assemblage
bizare,
Au dessus belle femme
-
au dessous monstre
affreux;
Messieurs qui ne riroit
duncontraste sirare?
Qui ne riroir? riez, c'est
tout ce que je veux.
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Résumé : POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
Le texte présente un poème intitulé 'Pollichon' écrit par M. de N, directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné. L'auteur explique que l'idée du poème lui a été suggérée par des personnes demandant des histoires sur Pollichon ou Henriette, deux personnages en conflit. Le poème compare cette situation à des conflits historiques, comme celui entre César et Pompée, où des factions se forment pour soutenir l'un ou l'autre. Dans le poème, Pollichon et Henriette se disputent la maîtrise d'une boutique, chacun cherchant à être le seul maître absolu. Cette rivalité divise les habitants, y compris les dieux, et entraîne des conflits similaires à ceux de l'Antiquité. L'auteur décrit Pollichon comme un demi-porteur de chaise et demi-savetier, tandis qu'Henriette est une jeune veuve ambitieuse. L'auteur, jouant le rôle de juge, doit trancher entre les deux protagonistes. Après avoir écouté leurs arguments, il décide de ne donner la boutique à aucun des deux, soulignant la sottise de certains jugements. Il conclut en invitant les critiques à rire de ce contraste grotesque, faisant référence à une métaphore d'Horace sur un cheval à tête humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 384-386
ITALIE.
Début :
On écrit de Livourne que l'Agneau blanc, Vaisseau Hollandois, y étoit arrivé le [...]
Mots clefs :
Pape, République
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
I ? A l 1 E«
ON écrit de Livourne que Y Agneau lìnnc t
Vaisseau Hollandois , y étoh arrivé le
ínois dernier , venant du Levant , après s'être
échapé heureusement d'un Corsaire d'Alger
qui s'en étoit emparé , sous prétexte que fou
Passeport étoit trop vieux. Douze Turcs dé
voient le conduire à Alger; mais une terri -
père étant survenue sort à propos , & ce Bâ
timent ayant perdu le Corsaire de vuë , dix
Matelots Hollandois qui étoient restez fur ce
íîavire , attaquèrent les douze Turcs , en tuè
rent six j & se rendirent maîtres des autres.
Le Comte d'Almenera , ci-devant Viceroy
de Sicile, » qu* étoit allé à Rome pour entrer
dans les Ordres5re$ut le Dimanche if. Janvier
le Diaconat » & le lendemain le Pape lui con
féra l'Ordre de Prêtrise.
On a publié à Florence une Ordonnance du
Grand
FEVRIER, f 75 è:' ifs
CrandDuc, portant deffenses de se masques'
avant quatre heures du soir , & de l'étre en
core après huit , comme aussi de commettre
aucune irrévérence devant les Eglises , & au
cun desordre aux Spectacles & Feílins pu
blics.
La République de Luques a fait offrir une
pension considérable à 'M. Servioni , s'il veut
K démettre de l'Evêché de cette ville, auquel
le Pape l'a nommé. Il a demandé le coníen»
fentement de Sa Sainteté , pour se déterminer
à accepter cette offre > & on croit qu'il lui seta
accordé pour ne pas compromettre le S. Siège
avec cette Republique , qui veut absolument'
avoir un Ecclésiastique Luquois pour son Evê
que.
Le 19. Janvier , le Chapitre de S. Pierre fk
Célébrer la première Messe solemnelle qu'il a>
fondée, pour demander à Dieu la conserva
tion de la santé du Pape , & le repos de son
ame après fa mort, en reconnoissance de ce
que Sa Sainteté a déchargé let Chanoines da
payement d'une somme considérable qu'ils dé
voient à la Chambre Apostolique.
La Cérémonie de la Béatification du Véné
rable Pierre Fourier , Curé de Matincourt »
Fondateur des Chanoines Réguliers de la
Paix , se fit ce méme jour dansl'Eglise de saint
Pierre , avec la solemnité accoutumée.
Le Gouverneur de Milan a donné ordre $
tous les ouvriers ausquels on avoit permis
de travailler à leurs ouvrages dans les Corpsde-
Garde de la Porte Tosa , d'en emporter
leurs métiers . pour faire place aux troupes
Impériales qu'on attend incessamment à Milan*
On écrit de Gènes que le 24. du mois der
nier M. Marie Balbi y .avoit été éiw Doge de
cette
}8é MERCURE DE FRANCE.
cette République , à la place de M. Grimaldi,
dont les deux années e'toient expirées.
ON écrit de Livourne que Y Agneau lìnnc t
Vaisseau Hollandois , y étoh arrivé le
ínois dernier , venant du Levant , après s'être
échapé heureusement d'un Corsaire d'Alger
qui s'en étoit emparé , sous prétexte que fou
Passeport étoit trop vieux. Douze Turcs dé
voient le conduire à Alger; mais une terri -
père étant survenue sort à propos , & ce Bâ
timent ayant perdu le Corsaire de vuë , dix
Matelots Hollandois qui étoient restez fur ce
íîavire , attaquèrent les douze Turcs , en tuè
rent six j & se rendirent maîtres des autres.
Le Comte d'Almenera , ci-devant Viceroy
de Sicile, » qu* étoit allé à Rome pour entrer
dans les Ordres5re$ut le Dimanche if. Janvier
le Diaconat » & le lendemain le Pape lui con
féra l'Ordre de Prêtrise.
On a publié à Florence une Ordonnance du
Grand
FEVRIER, f 75 è:' ifs
CrandDuc, portant deffenses de se masques'
avant quatre heures du soir , & de l'étre en
core après huit , comme aussi de commettre
aucune irrévérence devant les Eglises , & au
cun desordre aux Spectacles & Feílins pu
blics.
La République de Luques a fait offrir une
pension considérable à 'M. Servioni , s'il veut
K démettre de l'Evêché de cette ville, auquel
le Pape l'a nommé. Il a demandé le coníen»
fentement de Sa Sainteté , pour se déterminer
à accepter cette offre > & on croit qu'il lui seta
accordé pour ne pas compromettre le S. Siège
avec cette Republique , qui veut absolument'
avoir un Ecclésiastique Luquois pour son Evê
que.
Le 19. Janvier , le Chapitre de S. Pierre fk
Célébrer la première Messe solemnelle qu'il a>
fondée, pour demander à Dieu la conserva
tion de la santé du Pape , & le repos de son
ame après fa mort, en reconnoissance de ce
que Sa Sainteté a déchargé let Chanoines da
payement d'une somme considérable qu'ils dé
voient à la Chambre Apostolique.
La Cérémonie de la Béatification du Véné
rable Pierre Fourier , Curé de Matincourt »
Fondateur des Chanoines Réguliers de la
Paix , se fit ce méme jour dansl'Eglise de saint
Pierre , avec la solemnité accoutumée.
Le Gouverneur de Milan a donné ordre $
tous les ouvriers ausquels on avoit permis
de travailler à leurs ouvrages dans les Corpsde-
Garde de la Porte Tosa , d'en emporter
leurs métiers . pour faire place aux troupes
Impériales qu'on attend incessamment à Milan*
On écrit de Gènes que le 24. du mois der
nier M. Marie Balbi y .avoit été éiw Doge de
cette
}8é MERCURE DE FRANCE.
cette République , à la place de M. Grimaldi,
dont les deux années e'toient expirées.
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Résumé : ITALIE.
Le texte décrit plusieurs événements historiques. À Livourne, le vaisseau hollandais 'L'Agneau' a été capturé par un corsaire algérien en raison d'un passeport périmé. Douze Turcs devaient le conduire à Alger, mais une tempête a permis aux matelots hollandais de reprendre le contrôle du navire. Le Comte d'Almenera, ancien vice-roi de Sicile, a reçu les ordres du diaconat et de prêtrise à Rome. À Florence, une ordonnance du Grand-Duc a interdit le port de masques avant 16h et après 20h, ainsi que les comportements irrévérencieux devant les églises et les désordres lors des spectacles publics. La République de Lucques a proposé une pension à M. Servioni pour qu'il démissionne de son poste d'évêque, offre qu'il a acceptée après avoir obtenu le consentement du Pape. Le 19 janvier, le Chapitre de Saint-Pierre a célébré une messe solennelle pour la santé du Pape et le repos de son âme, ainsi que la béatification du vénérable Pierre Fourier. À Milan, le gouverneur a ordonné aux ouvriers de retirer leurs métiers des corps de garde pour faire place aux troupes impériales. Enfin, à Gênes, M. Marie Balbi a été élu doge, succédant à M. Grimaldi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 813-818
ITALIE.
Début :
Le 25 Février, les Cardinaux, Chefs d'Ordre, eurent le P. Gaspard Lérati, de la Congrégation [...]
Mots clefs :
Cardinal, Cardinaux, République, Naples
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALIE.
E 25 Février, les Cardinaux, Chefs d'Ordre ;.
Laurent le 1. Gafpard Lérati , de la Congré
gation
814 MERCURE DE FRANCE
gation des Prêtres de l'Oratoire de S. Philippe
de Néri , pour être Confeffeur du Conclave. Et
le 28 on tira au fort les Cellules du Conclave.
Le 2 de Mars , les mêmes Cardinaux , Chefs
d'Ordres , tinrent la neuviéme Congrégation ,
dans laquelle ils reçurent , au nom du facré Col
lége , les complimens de condoléance des Ambaffadeurs
de la République de Veniſe & de la
Religion de Malte , du Miniftre du Roy de Sardaigne
, & de l'Ambaffadeur de la Ville de Bologne.
Les Mars , après la Meffe , que le Cardinal
Barberin célebra dans l'Eglife de S. Pierre , & le
Sermon de l'Abbé Lanfredini , fur l'Election du
Pape ; le même Cardinal François . Barberin
-Sous- Doyen , Romain , entra dans le Conclave
avec les Cardinaux Pierre Ottoboni , ~)Venitien .
Antoine- Felix Zondodary , Sienois . Pierre -Marcellin
Corradini , de Sezza. Curce Orighi , Romain.
Louis Belluga , Efpagnol . Bernard-Marie
Conti , Romain . Vincent Petra , Napolitain.
Laurent & Jean- Baptifte Altiery, Romains. Les
Cardinaux Profper Marefoſchi , de Macerata . -
Ange - Marie Querini , Venitien . Leandre Porzia.
du Frioul. Pierre-Louis Caraffa , Napolitain . -
Camille Cibo , de Maffa -Carrara . Nicolas -Marie
Lercari , Genois. Vincent Ferreri , Piemontois
, & François Borghefe , Romain . Les Cardinaux
Melchior de Polignac , chargé des affaires
du Roy de France , François . Antoine Banchieri,
de Siftoye. Alexandre Falconieri , Romain.
Charles Colonne, Romain . Annibal & Alexandre
Albani , de Pefaro. François-Antoine Fini , Napolitain
de Minerino. Charles Colligola , de Spolete.
Jofeph- René Imperiali , Genois , Chef des
Prêtres . Vincent-Louis Gotti ; Bolonois. Alamanno
Salviati , Florentin , & Laurent Corfini,
Florentins
AVRIL. 1730. 815
Florentin , y entrerent l'après midi , vers les
quatre heures le Sacré college y reçut les vifites
des Miniftres Etrangers , des Princes Romains &
de la principale Nobleffe.
Le Cardinal de Sainte- Agnez entra au Conclave
le 8. au matin , avec le Cardinal Charles-
Marini , Genois . Le Cardinal Joſeph Accoramboni
, de Spolete , y entra le même jour au foir,
& le Cardinal Fabio Olivieri , de Pefaro le 9. au
matin. Corneille Bentivoglio , Ferrarois , chargé
des affaires du Roy d'Efpagne , le 12. au foir.
Jean-Antoine Davia , Boulonnois. Jules Alberoni
, de Plaifance. Louis Pie de la Mirandole ,
Milanois. Nicolas Del Gindice , Napolitain. Le
17. au foir , Thomas Ruffo , auffi Napolitain ,.
le 30. ainfi que Jacques Buon- Compagnie , Boulonnois.
Le 31. Henri de Thiard de Biffy,François
, & Philippe- Louis Zinzenderf, Allemand.
Le 1. Avril , Sigifmond Collonitz , auffi Alle--
mand. Le Nicolas Cofcia , de Benevent .
Le 13. Mars , le Sacré College reçût une Let--
tre du Cardinal Cofcia , par laquelle il promerde
venir au Conclave auffi - tôt qu'on lui aura
fait rendre fa Bibliotheque , fes Meubles & fa
Vaiffelle d'argent , qu'on a enlevés du Palaisdu
Marquis Abbati , pour les porter au Château
Saint-Ange. Il reprefente en même-temps qu'on
n'a pu proceder contre lui , pendant le Siége
vacant, fans donner atteinte aux Bulles des Papes
Clement V. & S. Pie V. Les Cardinaux Otthoboni
, Zondodari & Colonne lui firent réponfe
au nom du Sacré College , que s'il fe déterminoit
à venir au Conclave on lui feroit rendre
Tout ce qui lui feroit neceffaire pour foûtenir fa
dignité. On a appris depuis que le Cardinal Cof--
cia étoit arrivé à Rome le 28. au foir , dans le
Caroffe du Prince de Caferte . chez lequel il alla
defcendre.
›
On
$ 16 MERCURE DE FRANCE
On a appris auffi que le 26. Mars , les Cardi
naux Barberin, Spinola & Colligola qui étoient
Chef- d'Ordre ce jour- là , reçurent un Mémoire
de la part des habitans de la Ville de Benevent.
Is le communiquerent le même jour au Sacré
Collége , qui nomma M. Bondelmonti, Gouverneur
d'Afcoli , pour Visiteur Apoftoliqué de ce
Diocéfe , à la place du Grand Vicaire que le
Cardinal Cofcia avoit nommé , & que le Chapitre
de Benevent a refufé de reconnoître. Le Cardinal
Cofcia ayant fait des proteftations contre
cette nomination & menacé d'excommunier le
nouveau Vifiteur Apoftolique : le Sacré College
a changé de réfolution pour ne pas compromettre
fon autorité , & il s'eft contenté de faire au
Mémoire des Beneventins , une réponſe par laquelle
ils renvoyent la décifion de cette affaire au
Pape qui fera élu.
On publia à Naples le 7. du mois dernier, une
nouvelle Ordonnance de l'Empereur , par laquelle
S. M. I. exige à titre d'emprunt , une année
entiere du revenu des Fiefs que les Etrangers pof--
fedent dans le Royaume de Naples : le cinquiénte
denier du prix des Terres donnés pár S. M. I.
à titre de récompenfe ; le Cheval monté de tous
les Barons pour chaque Fief, relevant de la Coùronne
, ou 80 Ducats par Fief.
Les maladies de Poitrine , Fluxions & Catha
res, dont on a été attaqué pendant l'Hyver ,dans
prefque toute l'Italie, & qui ont emporté bien du
monde , fe font communiquées à Naples , en
forte qu'il y a eu un tres- grand nombre de malades
, tant dans les Maifons particulieres , que
dans les Communautez ; ce qui comprend la
plus grande partie des habitans . Le Cardinal ,
Archevêque de cette Ville , fit commencer le 13 .
Mars, des Prieres publiques dans l'Eglife Métropolitaine
"
AVRIL. 1730. 817
tropolitaine , pour en demander à Dieu la ceffation.
Vers le 20. du mois dernier , le Mont-Vefuve
commença à jetter une grande quantité de flammes
& de matieres bitumineufes embrafées , qui
couvrirent une Plaine de quatre milles d'éten
duë , du côté de la Terre d'Ottoiano , dont les
Vignes & les Maiſons ont été embraſées ou ren
verfées , & tous les habitans des Bourgs & Vilages
qui font aux environs de cette Montagne ,
' ont été obligez d'abandonner leurs demeures &
de fe retirer beaucoup plus loin . ..
On mande auffi de Naples que les Fiévres
malignes ont fuccedé aux maladies de poitrine ,
& que beaucoup de gens en meurent.
On mande de Genes , que le nombre des Mécontens
de l'Ile de Corfe avoit augménté jufqu'à
22000 hommes , prefque tous armez , & la
plupart Bandits & Montagnards ; qu'ils avoient
pillé & brûlé tous les environs de Baftia , qu'ils
avoient tenté de furprendre cette Place , de devant
laquelle ils ne s'étoient retirez que parce
que l'Evêque d'Aléria avoit promis d'écrire à
Génes en leur faveur , & de faire tous fes efforts
pour obtenir de la République une diminution
des Impofitions qu'on léve fur eux.
On a appris enfuite que les Corfes s'étoient
retirez de Baftia , après l'avoir pillé , que l'Evêque
d'Aléria leur avoit fait promettre de rentrer
dans leur devoir , auffi -tôt que la République de
Genes auroit diminué les Impofitions & le prix
du Sel ; que M. Venerofo ; chargé des pouvoirs
de la Républiqué , les avoit affurez qu'on les fatisferoit
aufli -tôt qu'ils fe feroient retirez chez
eux ; & qu'on efperois que la tranquillité feroit
bien-tôt rétablie dans cette Ifle. Et les Lettres de
Genes portent que le Podeſtard de la Nation
Corfe
818 MERCURE DE FRANCE
Corfe avoit eu le 31. du mois dernier une audience
publique du Grand Confeil , auquel il fit
un long Difcours pour défavoüer la Rebellion
des Bandits de l'Ile de Corfe , qui ont pillé la
Ville de Baftia. Il affura la République de la fidelité
des habitans de cette Ile ; la priant de ne
les pas confondre avec les Montagnars.
On mande de Venife que M.Louis Mocenigo
en partit au commencement du mois dernier
pour la Cour de France , où il va relever le
Chevalier J. B. Canale , Ambaffadeur de cette
République
E 25 Février, les Cardinaux, Chefs d'Ordre ;.
Laurent le 1. Gafpard Lérati , de la Congré
gation
814 MERCURE DE FRANCE
gation des Prêtres de l'Oratoire de S. Philippe
de Néri , pour être Confeffeur du Conclave. Et
le 28 on tira au fort les Cellules du Conclave.
Le 2 de Mars , les mêmes Cardinaux , Chefs
d'Ordres , tinrent la neuviéme Congrégation ,
dans laquelle ils reçurent , au nom du facré Col
lége , les complimens de condoléance des Ambaffadeurs
de la République de Veniſe & de la
Religion de Malte , du Miniftre du Roy de Sardaigne
, & de l'Ambaffadeur de la Ville de Bologne.
Les Mars , après la Meffe , que le Cardinal
Barberin célebra dans l'Eglife de S. Pierre , & le
Sermon de l'Abbé Lanfredini , fur l'Election du
Pape ; le même Cardinal François . Barberin
-Sous- Doyen , Romain , entra dans le Conclave
avec les Cardinaux Pierre Ottoboni , ~)Venitien .
Antoine- Felix Zondodary , Sienois . Pierre -Marcellin
Corradini , de Sezza. Curce Orighi , Romain.
Louis Belluga , Efpagnol . Bernard-Marie
Conti , Romain . Vincent Petra , Napolitain.
Laurent & Jean- Baptifte Altiery, Romains. Les
Cardinaux Profper Marefoſchi , de Macerata . -
Ange - Marie Querini , Venitien . Leandre Porzia.
du Frioul. Pierre-Louis Caraffa , Napolitain . -
Camille Cibo , de Maffa -Carrara . Nicolas -Marie
Lercari , Genois. Vincent Ferreri , Piemontois
, & François Borghefe , Romain . Les Cardinaux
Melchior de Polignac , chargé des affaires
du Roy de France , François . Antoine Banchieri,
de Siftoye. Alexandre Falconieri , Romain.
Charles Colonne, Romain . Annibal & Alexandre
Albani , de Pefaro. François-Antoine Fini , Napolitain
de Minerino. Charles Colligola , de Spolete.
Jofeph- René Imperiali , Genois , Chef des
Prêtres . Vincent-Louis Gotti ; Bolonois. Alamanno
Salviati , Florentin , & Laurent Corfini,
Florentins
AVRIL. 1730. 815
Florentin , y entrerent l'après midi , vers les
quatre heures le Sacré college y reçut les vifites
des Miniftres Etrangers , des Princes Romains &
de la principale Nobleffe.
Le Cardinal de Sainte- Agnez entra au Conclave
le 8. au matin , avec le Cardinal Charles-
Marini , Genois . Le Cardinal Joſeph Accoramboni
, de Spolete , y entra le même jour au foir,
& le Cardinal Fabio Olivieri , de Pefaro le 9. au
matin. Corneille Bentivoglio , Ferrarois , chargé
des affaires du Roy d'Efpagne , le 12. au foir.
Jean-Antoine Davia , Boulonnois. Jules Alberoni
, de Plaifance. Louis Pie de la Mirandole ,
Milanois. Nicolas Del Gindice , Napolitain. Le
17. au foir , Thomas Ruffo , auffi Napolitain ,.
le 30. ainfi que Jacques Buon- Compagnie , Boulonnois.
Le 31. Henri de Thiard de Biffy,François
, & Philippe- Louis Zinzenderf, Allemand.
Le 1. Avril , Sigifmond Collonitz , auffi Alle--
mand. Le Nicolas Cofcia , de Benevent .
Le 13. Mars , le Sacré College reçût une Let--
tre du Cardinal Cofcia , par laquelle il promerde
venir au Conclave auffi - tôt qu'on lui aura
fait rendre fa Bibliotheque , fes Meubles & fa
Vaiffelle d'argent , qu'on a enlevés du Palaisdu
Marquis Abbati , pour les porter au Château
Saint-Ange. Il reprefente en même-temps qu'on
n'a pu proceder contre lui , pendant le Siége
vacant, fans donner atteinte aux Bulles des Papes
Clement V. & S. Pie V. Les Cardinaux Otthoboni
, Zondodari & Colonne lui firent réponfe
au nom du Sacré College , que s'il fe déterminoit
à venir au Conclave on lui feroit rendre
Tout ce qui lui feroit neceffaire pour foûtenir fa
dignité. On a appris depuis que le Cardinal Cof--
cia étoit arrivé à Rome le 28. au foir , dans le
Caroffe du Prince de Caferte . chez lequel il alla
defcendre.
›
On
$ 16 MERCURE DE FRANCE
On a appris auffi que le 26. Mars , les Cardi
naux Barberin, Spinola & Colligola qui étoient
Chef- d'Ordre ce jour- là , reçurent un Mémoire
de la part des habitans de la Ville de Benevent.
Is le communiquerent le même jour au Sacré
Collége , qui nomma M. Bondelmonti, Gouverneur
d'Afcoli , pour Visiteur Apoftoliqué de ce
Diocéfe , à la place du Grand Vicaire que le
Cardinal Cofcia avoit nommé , & que le Chapitre
de Benevent a refufé de reconnoître. Le Cardinal
Cofcia ayant fait des proteftations contre
cette nomination & menacé d'excommunier le
nouveau Vifiteur Apoftolique : le Sacré College
a changé de réfolution pour ne pas compromettre
fon autorité , & il s'eft contenté de faire au
Mémoire des Beneventins , une réponſe par laquelle
ils renvoyent la décifion de cette affaire au
Pape qui fera élu.
On publia à Naples le 7. du mois dernier, une
nouvelle Ordonnance de l'Empereur , par laquelle
S. M. I. exige à titre d'emprunt , une année
entiere du revenu des Fiefs que les Etrangers pof--
fedent dans le Royaume de Naples : le cinquiénte
denier du prix des Terres donnés pár S. M. I.
à titre de récompenfe ; le Cheval monté de tous
les Barons pour chaque Fief, relevant de la Coùronne
, ou 80 Ducats par Fief.
Les maladies de Poitrine , Fluxions & Catha
res, dont on a été attaqué pendant l'Hyver ,dans
prefque toute l'Italie, & qui ont emporté bien du
monde , fe font communiquées à Naples , en
forte qu'il y a eu un tres- grand nombre de malades
, tant dans les Maifons particulieres , que
dans les Communautez ; ce qui comprend la
plus grande partie des habitans . Le Cardinal ,
Archevêque de cette Ville , fit commencer le 13 .
Mars, des Prieres publiques dans l'Eglife Métropolitaine
"
AVRIL. 1730. 817
tropolitaine , pour en demander à Dieu la ceffation.
Vers le 20. du mois dernier , le Mont-Vefuve
commença à jetter une grande quantité de flammes
& de matieres bitumineufes embrafées , qui
couvrirent une Plaine de quatre milles d'éten
duë , du côté de la Terre d'Ottoiano , dont les
Vignes & les Maiſons ont été embraſées ou ren
verfées , & tous les habitans des Bourgs & Vilages
qui font aux environs de cette Montagne ,
' ont été obligez d'abandonner leurs demeures &
de fe retirer beaucoup plus loin . ..
On mande auffi de Naples que les Fiévres
malignes ont fuccedé aux maladies de poitrine ,
& que beaucoup de gens en meurent.
On mande de Genes , que le nombre des Mécontens
de l'Ile de Corfe avoit augménté jufqu'à
22000 hommes , prefque tous armez , & la
plupart Bandits & Montagnards ; qu'ils avoient
pillé & brûlé tous les environs de Baftia , qu'ils
avoient tenté de furprendre cette Place , de devant
laquelle ils ne s'étoient retirez que parce
que l'Evêque d'Aléria avoit promis d'écrire à
Génes en leur faveur , & de faire tous fes efforts
pour obtenir de la République une diminution
des Impofitions qu'on léve fur eux.
On a appris enfuite que les Corfes s'étoient
retirez de Baftia , après l'avoir pillé , que l'Evêque
d'Aléria leur avoit fait promettre de rentrer
dans leur devoir , auffi -tôt que la République de
Genes auroit diminué les Impofitions & le prix
du Sel ; que M. Venerofo ; chargé des pouvoirs
de la Républiqué , les avoit affurez qu'on les fatisferoit
aufli -tôt qu'ils fe feroient retirez chez
eux ; & qu'on efperois que la tranquillité feroit
bien-tôt rétablie dans cette Ifle. Et les Lettres de
Genes portent que le Podeſtard de la Nation
Corfe
818 MERCURE DE FRANCE
Corfe avoit eu le 31. du mois dernier une audience
publique du Grand Confeil , auquel il fit
un long Difcours pour défavoüer la Rebellion
des Bandits de l'Ile de Corfe , qui ont pillé la
Ville de Baftia. Il affura la République de la fidelité
des habitans de cette Ile ; la priant de ne
les pas confondre avec les Montagnars.
On mande de Venife que M.Louis Mocenigo
en partit au commencement du mois dernier
pour la Cour de France , où il va relever le
Chevalier J. B. Canale , Ambaffadeur de cette
République
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Résumé : ITALIE.
En février 1730, les cardinaux chefs d'ordre, dont Laurent Lérati de la Congrégation des Prêtres de l'Oratoire de Saint Philippe Néri, furent désignés comme confesseurs du conclave. Le 28 février, les cellules du conclave furent tirées au sort. Le 3 mars, après la messe célébrée par le cardinal Barberini et le sermon de l'abbé Lanfredini sur l'élection du pape, plusieurs cardinaux, dont François Barberini, Pierre Ottoboni, Antoine-Félix Zondodari et Pierre-Marcellin Corradini, entrèrent dans le conclave. Le 13 mars, le cardinal Coscia demanda la restitution de sa bibliothèque, de ses meubles et de sa vaisselle d'argent, enlevés du palais du marquis Abbati. Le Sacré Collège lui répondit qu'il lui rendrait tout ce qui lui était nécessaire pour maintenir sa dignité. Le 26 mars, les cardinaux Barberini, Spinola et Colligola reçurent un mémoire des habitants de la ville de Benevent, qui fut communiqué au Sacré Collège. Ce dernier nomma M. Bondelmonti comme visiteur apostolique du diocèse de Benevent, à la place du grand vicaire nommé par le cardinal Coscia. Le cardinal Coscia protesta contre cette nomination et menaça d'excommunier le nouveau visiteur apostolique. Le Sacré Collège décida de renvoyer la décision de cette affaire au pape élu. À Naples, une ordonnance de l'empereur exigea une année entière du revenu des fiefs possédés par des étrangers, le cinquantième denier du prix des terres données par l'empereur, et un cheval monté ou 80 ducats par fief relevant de la couronne. Des maladies de poitrine, fluxions et catarrhes sévirent en Italie, entraînant un grand nombre de malades et de décès. Le cardinal archevêque de Naples fit commencer des prières publiques pour demander la cessation de ces maladies. Vers le 20 mars, le mont Vésuve entra en éruption, jetant des flammes et des matières bitumineuses qui embrasèrent et renversèrent des vignes et des maisons. Les habitants des environs durent abandonner leurs demeures. À Gênes, le nombre de mécontents sur l'île de Corse augmenta, atteignant 22 000 hommes, principalement des bandits et des montagnards. Ils pillèrent et brûlèrent les environs de Bastia avant de se retirer après une promesse de l'évêque d'Aléria d'intercéder en leur faveur auprès de la République de Gênes. À Venise, Louis Mocenigo partit pour la cour de France afin de relever le chevalier J. B. Canale en tant qu'ambassadeur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 312-314
La Mort des Enfans de Brute, Tragédie, [titre d'après la table]
Début :
En 1648. au mois de Mai, il parut sans nom d'Auteur une Tragédie intitulée La mort des [...]
Mots clefs :
Tragédie, Brutus , Conjuration , République, Rome, Théâtre, Versification
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Mort des Enfans de Brute, Tragédie, [titre d'après la table]
En 1648. au mois de Mai , il parut sans nom
d'Auteur une Tragédie intitulée La mort des
Enfans deBrute ; elle a été imprimée deux fois
chez Toussaints Quinet.
Cette Piece , quelque defectueuse qu'elle puisse
être , n'est pas sans quelque mérite , et nous eu
parlons ici d'autant plus librement que ni Mademoiselle
Bernard , ni M. de Voltaire ne lui sont
redevables d'aucune des beautés , ni même d'au
cune des situations qu'on a admirées dans leur
Ouvrage.
Le sujet est extrémement chargé , selon la coûttume
de ce tems - là ; mais parmi beaucoup d'incidens
qui ne servent gueres qu'à ralentir l'action
principale , il s'en trouve quelques- uns qui pourroient
interesser des spectateurs moins délicats
qu'ils ne le sont devenus ensuite.
›
On suppose que dans l'instant de la révolution
qui fit perdre la Couronne à Tarquin et qui
Pobligea de prendre la fuite , une partie de sa famille
ne put échaper à la fureur du peuple , et
que Servilie et Tullie , toutes deux filles du Roi ,
y périrent . La premiere avoit épousé Vitellius
qui se trouve en même- tems beau- frere de Brutus
, et la seconde étoit aimée des deux fils du
Consul.
Tandis que ces deux freres , après avoir donné
des regrets à la perte de la Princesse , comptent
n'avoir plus d'autre obstacle à surmonter pour
se livrer tout entiers aux sentimens qu'ils doiven:
à la République , Vitellius , leur oncle , fait
paroître Tullie qu'il a heureusement sauvée , ent
substituant une Esclave & c.
Suivant ce Plan , Tullie se trouve au milieu
de Rome d'une façon assez naturelle , obligée.
qu'elle
FEVRIER. 1731. 313
qu'elle est à demeurer cachée dans le Palais de
son beau- frere , elle a toute la liberté d'appuyer
la conjuration , et l'on sent assez , sans qu'il soit
besoin d'Ambassadeur , les divers interêts qui engagent
Vitellius à conspirer en faveur de Tarquin
dont il est le gendre , et de Tullie , sa belle- soeur.
On voit aussi ce qui le détermine à émouvoir
Titus et Tiberinus , ses neveux , sur le sort d'une
Maîtresse qui venoit de courir un si grand danger.
ན
Il y a peu de vers assez beaux de suite pour
pouvoir en donner des Scenes entieres , cependant
en voici quelques morceaux sur lesquels on
pourra juger.
Acte III. Au milieu de la premiere Scene ,
Titus cherche à raffermir . son frere , et dit en
parlant de Brutus :
Cessons de nous flater ·
L'ennemi des Tarquins , et l'Auteur de leur .
chute ,
De quel oeil verra - t - il que son sang ait osé
Remettre Rome au joug que sa main a brisé ?
Il a crú , suggeré par un fatal génie ,
En bannissant les Rois , bannir la tyrannie î
Blesser par nos complots l'objet de son amour ,
C'est plus que lui ravir la lumiere du jour ,
Et dans son sentiment , à Rome être perfide -
C'est être plus qu'impie et plus que parricide.
44
>
ne
Au même Acte , Scene troisiéme , Vitellius dé-
Couvert et qu'on a mené devant Brutus ,
craint point d'embrasser la querelle du Roi chassé.
Est-ce à vous , dit -il au Consul ,
314 MERCURE DE FRANCE
1
Est- ce à vous à punir ? est- ce à vous àjuger?
Les Dieux portent la foudre et sçavent se venger.
Pourquoi si leur clemence et leurs soins nous
conservent ,
Vouloir vous usurper un droit qu'ils se reservent?
Malgré sa pesanteur , c'est avoir trop osé ,
Que de rompre le joug qu'ils nous ont imposé
& c.
Brutus répond :
Souvent de leur courroux nous sommes les or
ganes ,
Les Dieux ne daignant pas les fraper de leurs
mains
Ont voulu se servir de celle des Romains ;
1
Et s'ils eussent voulu condamner notre Ouvrage
Son retablissement en rendroit témoignage.
Au dernier Acte , Junie , mere de Titus et de
Tiberinus , déplore leur mort avec amertume
Brutus lui dit :
> et
Cache mieux tes douleurs ,
Souviens- toi qu'un Romain punit jusques aux
pleurs.
On peut juger à ce dernier trait que l'Auteur
avoit en vue la Scene d'Horace qui avoit déja été
mise au Théatre , d'autant plus que Brutus le
cite à la premiere Scene où il paroît dans cette
ancienne Tragédie.
d'Auteur une Tragédie intitulée La mort des
Enfans deBrute ; elle a été imprimée deux fois
chez Toussaints Quinet.
Cette Piece , quelque defectueuse qu'elle puisse
être , n'est pas sans quelque mérite , et nous eu
parlons ici d'autant plus librement que ni Mademoiselle
Bernard , ni M. de Voltaire ne lui sont
redevables d'aucune des beautés , ni même d'au
cune des situations qu'on a admirées dans leur
Ouvrage.
Le sujet est extrémement chargé , selon la coûttume
de ce tems - là ; mais parmi beaucoup d'incidens
qui ne servent gueres qu'à ralentir l'action
principale , il s'en trouve quelques- uns qui pourroient
interesser des spectateurs moins délicats
qu'ils ne le sont devenus ensuite.
›
On suppose que dans l'instant de la révolution
qui fit perdre la Couronne à Tarquin et qui
Pobligea de prendre la fuite , une partie de sa famille
ne put échaper à la fureur du peuple , et
que Servilie et Tullie , toutes deux filles du Roi ,
y périrent . La premiere avoit épousé Vitellius
qui se trouve en même- tems beau- frere de Brutus
, et la seconde étoit aimée des deux fils du
Consul.
Tandis que ces deux freres , après avoir donné
des regrets à la perte de la Princesse , comptent
n'avoir plus d'autre obstacle à surmonter pour
se livrer tout entiers aux sentimens qu'ils doiven:
à la République , Vitellius , leur oncle , fait
paroître Tullie qu'il a heureusement sauvée , ent
substituant une Esclave & c.
Suivant ce Plan , Tullie se trouve au milieu
de Rome d'une façon assez naturelle , obligée.
qu'elle
FEVRIER. 1731. 313
qu'elle est à demeurer cachée dans le Palais de
son beau- frere , elle a toute la liberté d'appuyer
la conjuration , et l'on sent assez , sans qu'il soit
besoin d'Ambassadeur , les divers interêts qui engagent
Vitellius à conspirer en faveur de Tarquin
dont il est le gendre , et de Tullie , sa belle- soeur.
On voit aussi ce qui le détermine à émouvoir
Titus et Tiberinus , ses neveux , sur le sort d'une
Maîtresse qui venoit de courir un si grand danger.
ན
Il y a peu de vers assez beaux de suite pour
pouvoir en donner des Scenes entieres , cependant
en voici quelques morceaux sur lesquels on
pourra juger.
Acte III. Au milieu de la premiere Scene ,
Titus cherche à raffermir . son frere , et dit en
parlant de Brutus :
Cessons de nous flater ·
L'ennemi des Tarquins , et l'Auteur de leur .
chute ,
De quel oeil verra - t - il que son sang ait osé
Remettre Rome au joug que sa main a brisé ?
Il a crú , suggeré par un fatal génie ,
En bannissant les Rois , bannir la tyrannie î
Blesser par nos complots l'objet de son amour ,
C'est plus que lui ravir la lumiere du jour ,
Et dans son sentiment , à Rome être perfide -
C'est être plus qu'impie et plus que parricide.
44
>
ne
Au même Acte , Scene troisiéme , Vitellius dé-
Couvert et qu'on a mené devant Brutus ,
craint point d'embrasser la querelle du Roi chassé.
Est-ce à vous , dit -il au Consul ,
314 MERCURE DE FRANCE
1
Est- ce à vous à punir ? est- ce à vous àjuger?
Les Dieux portent la foudre et sçavent se venger.
Pourquoi si leur clemence et leurs soins nous
conservent ,
Vouloir vous usurper un droit qu'ils se reservent?
Malgré sa pesanteur , c'est avoir trop osé ,
Que de rompre le joug qu'ils nous ont imposé
& c.
Brutus répond :
Souvent de leur courroux nous sommes les or
ganes ,
Les Dieux ne daignant pas les fraper de leurs
mains
Ont voulu se servir de celle des Romains ;
1
Et s'ils eussent voulu condamner notre Ouvrage
Son retablissement en rendroit témoignage.
Au dernier Acte , Junie , mere de Titus et de
Tiberinus , déplore leur mort avec amertume
Brutus lui dit :
> et
Cache mieux tes douleurs ,
Souviens- toi qu'un Romain punit jusques aux
pleurs.
On peut juger à ce dernier trait que l'Auteur
avoit en vue la Scene d'Horace qui avoit déja été
mise au Théatre , d'autant plus que Brutus le
cite à la premiere Scene où il paroît dans cette
ancienne Tragédie.
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Résumé : La Mort des Enfans de Brute, Tragédie, [titre d'après la table]
En mai 1648, une tragédie intitulée 'La mort des Enfans de Brute' fut publiée anonymement et imprimée deux fois chez Toussaint Quinet. Bien que présentant des défauts, cette pièce possède un certain mérite et n'a aucune influence sur les œuvres de Mademoiselle Bernard ou de M. de Voltaire. Elle relate la révolution qui fit perdre la couronne à Tarquin et la fuite de sa famille. Servilie et Tullie, filles du roi, périssent lors de cette révolution. Servilie est mariée à Vitellius, beau-frère de Brutus, tandis que Tullie est aimée des deux fils du consul. La pièce imagine que Tullie, sauvée par Vitellius, est substituée par une esclave. Tullie se retrouve ainsi à Rome, cachée dans le palais de son beau-frère, et peut appuyer la conjuration. Vitellius, en tant que gendre de Tarquin et beau-frère de Tullie, a des intérêts divergents qui le poussent à conspirer. Il incite également ses neveux, Titus et Tiberinus, à s'intéresser au sort de leur maîtresse. La pièce contient quelques vers remarquables. Par exemple, dans l'acte III, Titus exprime ses doutes sur la réaction de Brutus face à leur complot. Vitellius, découvert et amené devant Brutus, conteste l'autorité du consul de punir et de juger. Brutus répond que les Romains sont souvent les instruments de la vengeance divine. Dans le dernier acte, Junie, mère de Titus et Tiberinus, déplore leur mort, et Brutus lui rappelle la stoïcité romaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 532-544
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
Début :
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République [...]
Mots clefs :
Elena Cornaro Piscopia, Grecque, Valbonnais, Padoue, Catalogue, Épitaphe, Rigord, Docteur, Journal, République
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. Tome XIX . de 408.
pages . A Paris , chez Briasson , à la
Science , M. DCC . XXXII.
Dans ce nouveau Volume des Memoires
du R. P. Niceron , executé sur le
même plan de ceux qui ont precedé , on
trouve un abregé de la vie de XXIX.
Sçavans en divers genres d'érudition ,
avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages
, ce qui fait la matiere d'une lecture
également agréable et instructive ;
on en pourra juger par le nom et le
mérite de ces Sçavans , qui sont ainsi rangez
dans la Table qui suit le Frontispice
' du Livre .
Ambroise Camaldule , Marc Battaglini ,
Olans
MARS. 1733.
$33
Olaus Borrichius , fean de la Bruyere , Joachim
Camerarius, Herman Conringius, Jean
de Cordes , Helene Lucrece Cornara Piscopia
, Quinto Mario Corrado , Sébastien
Corrado , Pierre Danés , Antoine Faure
Claude Faure de Vaugelas , foachim Frideric
Feller , Nicodême Frischlin , Jacques
Goar, Hugues Grotius , Pierre Guilleband
Chrétien Huygens , Thomas James , Engelbert
Kaemfer , Martin Lippenius , Hippolyte
Jule Pilet de la Menardiere , François
de la Mothe le Vayer , Bernardin Ochin ,
Jean- Isaac Pontamus , Jean- Pierre de Valbonnais
, Degorée Whear , Guillaume Xi ,
lander.
Le plus ancien de tous ces Sçavans est
Ambroise Camaldule , qui étant né en
1378. mourut en l'année 1439. C'est aussi
l'un des plus recommandables par sa pieté
et par son Erudition.L'Article qui le concerne
est fort bien rempli , ct le Catalogue
de ses Ouvrages travaillé avec soin .
L'Article de Bernardin Ochin , mort
en 1564. est curieux dans son genre. Ce
Personnage est une espece de Problême,
parmi les Sçavans ; on peut en dire du
bien et du mal sans s'écarter de la verité.
Notre Editeur n'a rien oublié pour débrouiller
tout ce qui regarde Ochin , en
quoi on peut dire qu'il a réussi beaucoup
Fii mieux
634 MERCURE DE FRANCE
mieux que les Critiques qui l'ont precedé
, sans en excepter M. Bayle , qui dans
son Dictionnaire s'est fort égayé sur
son Chapitre. Au reste , loin qu'Ochin ait
été l'Instituteur des Capucins , selon l'erreur
de plusieurs Ecrivains , on soutient
ici qu'il n'entra chez eux qu'en l'année
1534. dans le temps que cette Réforme
de l'Ordre de S. François commençoit
à faire du bruit. On avertit en mêmetemps
que pour être bien et sûrement
instruit au sujet de cet Auteur , il ne
faut point se fier tout- à - fait à l'Ecrivain
des Annales des Capucins.
Parmi les plus modernes d'entre les
Sçavans , dont il est fait mention dans
ce Volume , il n'en est point dont l'Article
fasse plus de plaisir à lire que celui
de Jean Pierre Moret de Bourchenu , Marquis
de Valbonnais , né à Grenoble en
1651. et mort le 2. Mars 1730. Premier
Président de la Chambre des Comp-"
tes de Dauphiné. Il a tenu un rang considerable
dans la République des Lettres
et il l'a enrichie de plusieurs Ouvrages ,
dont le Catalogue paroît ici avec une
Critique exacte de la part de l'Editeur.
L'Article VIII . de ce Catalogue indique
une Lettre de notre sçavant Magistrat
sur une Epitaphe Grecque, inserée dans
les
MARS. 1733.
535
les Memoires de Trévoux, Décembre 1715.
page 2246. Cette Epitaphe , pour le dire
en passant et par occasion , est celle d'une
Dame Grecque , trouvée à Marseille il
y a déja bien des années , sur une petite
Colomne de Marbre blanc , que M. Rigord
, Subdelegué de l'Intendant de Provence
en cette Ville , fit enlever et placer
à l'entrée de son Cabinet. Il en envoya
peu de temps après une copie à
Paris à un de ses Amis , pour la communiquer
aux Antiquaires .
Cet Ami l'ayant examinée , il en envoya
une Explication à M. Rigord dans
ane Lettre qui fut imprimée dans le Journal
de Trévoux du mois d'Octobre 1714.
à laquelle les Auteurs du Journal donnerent
en même- temps une autre Expli
cation .
M. Rigord , de son côté , ayant trouvé
quelque difficulté dans ces deux Explications
, en proposa une autre dans une
Dissertation adressée à M.le PrésidentBon,
qui fut rendue publique dans le même
Journal , Juillet 1715 .
Ces differentes Explications réveillerent
l'attention de M. de Valbonnais , qui dans
une Lettre aussi adressée au Président
Bon , et imprimée dans le mois de Décembre
1716. du même Journal , prit le
Fiiij ton
536 MERCURE DE FRANCE
ton de Maître , et censurant tout ce qui
avoit parû sur ce sujet , donna sa propre
Explication de l'Epitaphe Grecque ,
Explication qui , pour ne rien dissimuler
, ne fut pas heureuse .
Car l'Auteur de la premiere Interpretation
dont le sens avoit paru le plus
naturel à M. Rigord , à M. Galland et
à d'autres Antiquaires distinguez , démontra
par une Lettre imprimée dans le
Mercure du mois d'Août 1721. que celle
de M. de Valbonnais étoit insoutenable,
en ce que , pour l'admettre , il falloit admettre
aussi un Paradoxe capable de ré
volter tous les Antiquaires , sçavoir que
du temps de Marseille Payenne , temps
de la composition de l'Epitaphe , la Langue
Grecque étoit éttangere dans cette
Ville , et qu'un Grec n'entendoit rien
dans la Langue qu'on y parloit ; à Marseille
Colonie Grecque , où l'on a trouvé
tant de Monumens Grecs , et où encore
aujourd'hui on reconnoît des traces
de son origine dans la Langue vulgaire
qu'on y parle , &c.
Il faut rendre ici justice à M. de Valbonnais
, qui ayant vécu encore près de
dix ans depuis la publication de cette Lettre
dans le Mercure , n'a pas jugé à propos
d'y répondre , plus amateur de la
verité
MARS. 1733 .
537
verité , qu'il avoit sans doute reconnue
la reflexion , qu'attaché à ses propres
sentimens.
par
Pour ne pas déroger à notre coûtume
, sans exceder les bornes qui nous sont
prescrites , nous employerons ici l'Article
entier qui précede celui de M. de Valbonnais
et qui regarde l'Illustre Lucrece Cornara,
prasuadez que tous nos Lecteurs , et
surtout les Dames , nous en sçaurons gré.
HELENE Lucrece Cornara Piscopia,
naquit à Venise le 5. Juin 1646. de Jean-
Baptiste Cornaro , Procurateur de Saint
Marc. Dès sa plus tendre Enfance elle
donna des marques de ce qu'elle devien
droit un jour. Jean - Baptiste Fabris , homme
docte , et ami de son pere , ayant remarqué
en elle des dispositions heureuses
pour les Sciences , l'engagea à s'y appliquer.
A peine avoit elle sept ans -
qu'on lui donna des Maîtres pour lui apprendre
la Langue Latine. Ce furent Jean
Valesio , Chanoine de S. Marc , et le Docteur
Bartolotti . Les progrès qu'elle fit
bien-tôt en cette Langue par leurs instructions
, déterminerent son Pere à lui
faire apprendre aussi la Langue Grecque.
Fabris lui en donna les premieres leçons;
mais étant mort peu de temps après , Loüis
Gradenigo , Préfet de la Bibliotheque pu-
Fy blique
$ 38 MERCURE DE FRANCE
blique de Venise , prit sa place et continua
ce qu'il avoit commencé.
La june Cornara apprit ces Langues
avec beaucoup de facilité, et passa ensuite
à l'Hébraïque , à la Grecque vulgaire , à
l'Espagnole et à la Françoise , dans lesquelles
elle ne fit pas de moindres progrès
, elle voulut aussi sçavoir quelque
chose de l'Arabe.
Lorsqu'elle fut suffisamment instruite
de ce côté là , on l'appliqua à la Philosophie
et aux Mathématiques , dans lesquelles
elle eut pour Maître Charles Ri
naldini , qui les professoit à Padoue , et
ensuite à la Théologie , dont Hipolite
Marcheti , Prêtre de l'Oratoire , lui donna
des leçons.
Cette science lui plut particulierement
et elle s'y rendit si habile , que l'on consulta
les plus habiles gens de la France
et de l'Italie , pour sçavoir si l'on pouvoit
lui donner les degrez du Doctorat
en Théologie ; quelques Italiens composerent
même des Dissertations pour prouver
que cela se pouvoit , et que ce n'étoit
pas une chose opposée au précepte de l'Apôtre,
qui deffend aux femmes de parler
dans l'Eglise Charles Rinaldini son
Maître de Philosophie , fut de ce nombre.
Mais quelques obstacles qui se rencontrerent
MARS. 1733. 539
trerent dans cette affaire , obligerent le
Pere de la jeune Cornara , qui souhaitoit
avec passion de voir sa fille honorée
d'un titre singulier , à renoncer à son
premier dessein et à se tourner du côté
de la Philosophie , où il esperoit trouver
moins d'oppositions.
Il songea donc alors à la faire recevoir
Docteur en Philosophie dans l'Université
de Padoüe ; l'exemple étoit nouveau.
On n'avoit point encore vû de
Fille élevée au Doctorat. On sçavoit bien
que sainte Gertrude parloit souvent des
Mysteres de la Religion dans des Assemblées
nombreuses , et que sainte Catherine
de Sienne avoit harangué un jour
le Pape en présence des Cardinaux ; mais
ces actions particulieres étoicnt quelque
chose de moins considerable que de donner
en forme le Bonnet de Docteur à
une Fille . Quelques inconveniens qu'il y
cût à craindre de celle - cy, on crut devoir
passer par- dessus. On marquà le jour pour
la leçon d'épreuve de Lucrece Cornara ,
qui aussi humble que sçavante , eut d'abord
de la peine à accepter l'honneur que
l'on vouloit lui faire , et ne se rendit
que par obéîssance pour la volonté de
son Pere.
Ce jour qui étoit le 25. Juin 1678 .
Fvj étant
$40 MERCURE DE FRANCE
étant venu , on s'assembla , non point
dans les Ecoles publiques , suivant la coûtume
mais dans une Chip lle de la Cathédrale
, dédiée à la Vierge , que l'on
crut plus propre à contenir l'affluence
du Monde que la nouveauté du Spectacle
sembloit devoir y attirer. Cornara
y fit un Discours très-sc vant et trèséloquent
sur un Texte d'Aristote , qui
mérita les applaudissemens de toute l'Assemblée
et reçut ensuite le Bonnet de
Docteur , avec toutes les ceremonies usitées
en cette occasion .
Cette action attira sur elle les
yeux de toute l'Europe , et depuis ce
temps là elle fut visitée par tous les Curieux
qui voyagerent en Italie.
Elle avoit déja été auparavant aggrégée
à plusieurs Académies comme à celles
des Infecondi de Rome , des Intronati
de Sienne , & c .
Plusieurs personnes de mérite la rechercherent
en mariage , mais elle avoit
fait voeu de virginité dès l'âge d'onze ans,
et elle persista toute sa vie , dans le dessein
de l'observer quoique ses paren en
eussent obtenu la dispense de Rome
pour l'engager à se marier Elle vouloit
même se retirer entierement du Monde ;
mais la répugnance que sa famille témoigna
MARS .
540 1733
permoigna
pour cette résolution , ne lui
mit pas de l'exécuter; elle se contenta donc
de faire des voeux simples de Religion , en
qualité d'Oblate, de l'Ordre de S Benoît ,
entre les mains de Corneille Codanini
Abbé de S. George , et de recevoir de lui
l'habit des Religieuses de cet Ordre , qu'el
le porta toujours depuis , sous ses habits,
séculiers.
Son attachement extraordinaire à l'étu
de , et particulierement à celle des Langues
Grecque et Hébraïque , affoiblir si
fort sa complexion , qui étoit déja foible
d'elle - même, qu'elle tomba dans une langueur
et dans differentes infirmitez , qui
la conduisirent peu à peu au tombeau.
Elle mourut le 25 Juillet 1604. dans la
38 année de son âge , et fut enterrée à
Sainte Justine de Padoue , avec cette Epitaphe.
D. O. M.
HELENA Lucretia Cornelia Piscopia
, Joan. Bapti te D Marci Procuratoris
Filia , que moribus et Doctrina supra sexum
, et Laurea ad memoriam Posteritatis.
insignis , privatis votis coram Cornelio Codanino
Abbate S. Georgii Majoris emissis,
S. Benedicti Institutum ab ineunte alate
complexa , et religiosè prosecuta , in Monachorum
$42 MERCURE DE FRANCE
chorum Conditorium ut vivens optaverat ,
post acerba fata , admissa est Monachis H.
M. PP. Anno D. 1684.
Les Académies dont elle étoit , s'empresserent
à lui faire des Pompes Funebres
, et l'on a sur ce sujet l'Ouvrage suivant
: Le Pompe Funebri celebrate da Signori
Academici Infecondi in Roma per la
morte dell' Illust. Sign. Elena Lucretia Cornara
Piscopia , Accademica detta linalterabile.
In Padoua 1685. infol.
Catalogue de ses Ouvrages.
1º . Lettera o vero colloquio di Christo nostro
Redentore all' Anima devota composta
dal R.P. D. Giovanni Lanspergio Cartusiano
in Lingua Latina Transportata poscia
in idioma Spagnuolo dal P. F. Andrea Capiglia
, Monaco della Certosa , Prior del
Paular: Or vien tradotte di Spagnulo in
Italiano dall' Ill. Sign . Elena Lucretia Cornara
Piscopia , In Venezia , 1673. in 24.
Cette traduction a été réimprimée dans le
Recueil suivant .
2º . Helena Lucretia ( que et Scholastica)
Cornelia Piscopia l'irginis pietate et eruditione
admirabilis Ordinis D. Benedicti privatis
votis adscripta Opera que quidem haberi
potuerunt. Parma 1688. in 8. pag. 310
Cette
MARS. 1733.
548
Cette Edition des Ouvrages de Cornara
donnée par Benoit Bacchini , qui a mis
la tête une vie fort ample de cette Sças
vante , est divisée en trois Parties ; la
premiere contient un Panégyrique Italien
de la République de Venise , tout
rempli de Fleurs et de Saillies Italiennes ,
et l'Explication de deux Problêmes de
Politique , aussi en Italien . On voit dans
la seconde , des Eloges Latins , en Stile
Lapidaire , de l'Empereur , du Roy de
Pologne , du Pape Innocent XI . &c. Enfin
la troisiéme renferme quelques Lettres
Latines et Italiennes de notre Sçavante
, ou qui lui ont été écrites , avec
la Traduction dont il est parlé cydessus.
C'est à cela que se termine tout le
contenu de ce Recueil . Le nom de Scholastique
, qu'elle porte dans le titre , lui
avoit été donné par l'Abbé Codadini, lorsqu'elle
fit ses voeux entre ses mains .
Voyez sa Vie par Benoît Bicchini , à la
tête de ses Oeuvres , et dans un Recueil
intitulé , Vita Selecta Vratislavia , 1711.
in 8. Sa Vie écrite en Italien pir Maximilien
Deza , et imprimée en 1617 Les
Pompes, funebres des Infecondi de Rome.
Gregorio Leti Italia Regnante; T. 4. p. 44 .
Nous ajoûterons , avec la permission
du
344 MERCURE DE FRANCE
du R. P. Niceron , que cette celebre Fille
étant aussi aggregée à l'Académie des Ricovrati
de Padoüe , on fit son Eloge dans
cette Académie , dans une Assemblée publique
à laquelle présida un illustre Acadé
micien François; sçavoir Charles Patin ,fils
du fameux Guy , Professeur en Medecine
dans l'Université de Padoüe et Chevalier
de S. Marc .
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. Tome XIX . de 408.
pages . A Paris , chez Briasson , à la
Science , M. DCC . XXXII.
Dans ce nouveau Volume des Memoires
du R. P. Niceron , executé sur le
même plan de ceux qui ont precedé , on
trouve un abregé de la vie de XXIX.
Sçavans en divers genres d'érudition ,
avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages
, ce qui fait la matiere d'une lecture
également agréable et instructive ;
on en pourra juger par le nom et le
mérite de ces Sçavans , qui sont ainsi rangez
dans la Table qui suit le Frontispice
' du Livre .
Ambroise Camaldule , Marc Battaglini ,
Olans
MARS. 1733.
$33
Olaus Borrichius , fean de la Bruyere , Joachim
Camerarius, Herman Conringius, Jean
de Cordes , Helene Lucrece Cornara Piscopia
, Quinto Mario Corrado , Sébastien
Corrado , Pierre Danés , Antoine Faure
Claude Faure de Vaugelas , foachim Frideric
Feller , Nicodême Frischlin , Jacques
Goar, Hugues Grotius , Pierre Guilleband
Chrétien Huygens , Thomas James , Engelbert
Kaemfer , Martin Lippenius , Hippolyte
Jule Pilet de la Menardiere , François
de la Mothe le Vayer , Bernardin Ochin ,
Jean- Isaac Pontamus , Jean- Pierre de Valbonnais
, Degorée Whear , Guillaume Xi ,
lander.
Le plus ancien de tous ces Sçavans est
Ambroise Camaldule , qui étant né en
1378. mourut en l'année 1439. C'est aussi
l'un des plus recommandables par sa pieté
et par son Erudition.L'Article qui le concerne
est fort bien rempli , ct le Catalogue
de ses Ouvrages travaillé avec soin .
L'Article de Bernardin Ochin , mort
en 1564. est curieux dans son genre. Ce
Personnage est une espece de Problême,
parmi les Sçavans ; on peut en dire du
bien et du mal sans s'écarter de la verité.
Notre Editeur n'a rien oublié pour débrouiller
tout ce qui regarde Ochin , en
quoi on peut dire qu'il a réussi beaucoup
Fii mieux
634 MERCURE DE FRANCE
mieux que les Critiques qui l'ont precedé
, sans en excepter M. Bayle , qui dans
son Dictionnaire s'est fort égayé sur
son Chapitre. Au reste , loin qu'Ochin ait
été l'Instituteur des Capucins , selon l'erreur
de plusieurs Ecrivains , on soutient
ici qu'il n'entra chez eux qu'en l'année
1534. dans le temps que cette Réforme
de l'Ordre de S. François commençoit
à faire du bruit. On avertit en mêmetemps
que pour être bien et sûrement
instruit au sujet de cet Auteur , il ne
faut point se fier tout- à - fait à l'Ecrivain
des Annales des Capucins.
Parmi les plus modernes d'entre les
Sçavans , dont il est fait mention dans
ce Volume , il n'en est point dont l'Article
fasse plus de plaisir à lire que celui
de Jean Pierre Moret de Bourchenu , Marquis
de Valbonnais , né à Grenoble en
1651. et mort le 2. Mars 1730. Premier
Président de la Chambre des Comp-"
tes de Dauphiné. Il a tenu un rang considerable
dans la République des Lettres
et il l'a enrichie de plusieurs Ouvrages ,
dont le Catalogue paroît ici avec une
Critique exacte de la part de l'Editeur.
L'Article VIII . de ce Catalogue indique
une Lettre de notre sçavant Magistrat
sur une Epitaphe Grecque, inserée dans
les
MARS. 1733.
535
les Memoires de Trévoux, Décembre 1715.
page 2246. Cette Epitaphe , pour le dire
en passant et par occasion , est celle d'une
Dame Grecque , trouvée à Marseille il
y a déja bien des années , sur une petite
Colomne de Marbre blanc , que M. Rigord
, Subdelegué de l'Intendant de Provence
en cette Ville , fit enlever et placer
à l'entrée de son Cabinet. Il en envoya
peu de temps après une copie à
Paris à un de ses Amis , pour la communiquer
aux Antiquaires .
Cet Ami l'ayant examinée , il en envoya
une Explication à M. Rigord dans
ane Lettre qui fut imprimée dans le Journal
de Trévoux du mois d'Octobre 1714.
à laquelle les Auteurs du Journal donnerent
en même- temps une autre Expli
cation .
M. Rigord , de son côté , ayant trouvé
quelque difficulté dans ces deux Explications
, en proposa une autre dans une
Dissertation adressée à M.le PrésidentBon,
qui fut rendue publique dans le même
Journal , Juillet 1715 .
Ces differentes Explications réveillerent
l'attention de M. de Valbonnais , qui dans
une Lettre aussi adressée au Président
Bon , et imprimée dans le mois de Décembre
1716. du même Journal , prit le
Fiiij ton
536 MERCURE DE FRANCE
ton de Maître , et censurant tout ce qui
avoit parû sur ce sujet , donna sa propre
Explication de l'Epitaphe Grecque ,
Explication qui , pour ne rien dissimuler
, ne fut pas heureuse .
Car l'Auteur de la premiere Interpretation
dont le sens avoit paru le plus
naturel à M. Rigord , à M. Galland et
à d'autres Antiquaires distinguez , démontra
par une Lettre imprimée dans le
Mercure du mois d'Août 1721. que celle
de M. de Valbonnais étoit insoutenable,
en ce que , pour l'admettre , il falloit admettre
aussi un Paradoxe capable de ré
volter tous les Antiquaires , sçavoir que
du temps de Marseille Payenne , temps
de la composition de l'Epitaphe , la Langue
Grecque étoit éttangere dans cette
Ville , et qu'un Grec n'entendoit rien
dans la Langue qu'on y parloit ; à Marseille
Colonie Grecque , où l'on a trouvé
tant de Monumens Grecs , et où encore
aujourd'hui on reconnoît des traces
de son origine dans la Langue vulgaire
qu'on y parle , &c.
Il faut rendre ici justice à M. de Valbonnais
, qui ayant vécu encore près de
dix ans depuis la publication de cette Lettre
dans le Mercure , n'a pas jugé à propos
d'y répondre , plus amateur de la
verité
MARS. 1733 .
537
verité , qu'il avoit sans doute reconnue
la reflexion , qu'attaché à ses propres
sentimens.
par
Pour ne pas déroger à notre coûtume
, sans exceder les bornes qui nous sont
prescrites , nous employerons ici l'Article
entier qui précede celui de M. de Valbonnais
et qui regarde l'Illustre Lucrece Cornara,
prasuadez que tous nos Lecteurs , et
surtout les Dames , nous en sçaurons gré.
HELENE Lucrece Cornara Piscopia,
naquit à Venise le 5. Juin 1646. de Jean-
Baptiste Cornaro , Procurateur de Saint
Marc. Dès sa plus tendre Enfance elle
donna des marques de ce qu'elle devien
droit un jour. Jean - Baptiste Fabris , homme
docte , et ami de son pere , ayant remarqué
en elle des dispositions heureuses
pour les Sciences , l'engagea à s'y appliquer.
A peine avoit elle sept ans -
qu'on lui donna des Maîtres pour lui apprendre
la Langue Latine. Ce furent Jean
Valesio , Chanoine de S. Marc , et le Docteur
Bartolotti . Les progrès qu'elle fit
bien-tôt en cette Langue par leurs instructions
, déterminerent son Pere à lui
faire apprendre aussi la Langue Grecque.
Fabris lui en donna les premieres leçons;
mais étant mort peu de temps après , Loüis
Gradenigo , Préfet de la Bibliotheque pu-
Fy blique
$ 38 MERCURE DE FRANCE
blique de Venise , prit sa place et continua
ce qu'il avoit commencé.
La june Cornara apprit ces Langues
avec beaucoup de facilité, et passa ensuite
à l'Hébraïque , à la Grecque vulgaire , à
l'Espagnole et à la Françoise , dans lesquelles
elle ne fit pas de moindres progrès
, elle voulut aussi sçavoir quelque
chose de l'Arabe.
Lorsqu'elle fut suffisamment instruite
de ce côté là , on l'appliqua à la Philosophie
et aux Mathématiques , dans lesquelles
elle eut pour Maître Charles Ri
naldini , qui les professoit à Padoue , et
ensuite à la Théologie , dont Hipolite
Marcheti , Prêtre de l'Oratoire , lui donna
des leçons.
Cette science lui plut particulierement
et elle s'y rendit si habile , que l'on consulta
les plus habiles gens de la France
et de l'Italie , pour sçavoir si l'on pouvoit
lui donner les degrez du Doctorat
en Théologie ; quelques Italiens composerent
même des Dissertations pour prouver
que cela se pouvoit , et que ce n'étoit
pas une chose opposée au précepte de l'Apôtre,
qui deffend aux femmes de parler
dans l'Eglise Charles Rinaldini son
Maître de Philosophie , fut de ce nombre.
Mais quelques obstacles qui se rencontrerent
MARS. 1733. 539
trerent dans cette affaire , obligerent le
Pere de la jeune Cornara , qui souhaitoit
avec passion de voir sa fille honorée
d'un titre singulier , à renoncer à son
premier dessein et à se tourner du côté
de la Philosophie , où il esperoit trouver
moins d'oppositions.
Il songea donc alors à la faire recevoir
Docteur en Philosophie dans l'Université
de Padoüe ; l'exemple étoit nouveau.
On n'avoit point encore vû de
Fille élevée au Doctorat. On sçavoit bien
que sainte Gertrude parloit souvent des
Mysteres de la Religion dans des Assemblées
nombreuses , et que sainte Catherine
de Sienne avoit harangué un jour
le Pape en présence des Cardinaux ; mais
ces actions particulieres étoicnt quelque
chose de moins considerable que de donner
en forme le Bonnet de Docteur à
une Fille . Quelques inconveniens qu'il y
cût à craindre de celle - cy, on crut devoir
passer par- dessus. On marquà le jour pour
la leçon d'épreuve de Lucrece Cornara ,
qui aussi humble que sçavante , eut d'abord
de la peine à accepter l'honneur que
l'on vouloit lui faire , et ne se rendit
que par obéîssance pour la volonté de
son Pere.
Ce jour qui étoit le 25. Juin 1678 .
Fvj étant
$40 MERCURE DE FRANCE
étant venu , on s'assembla , non point
dans les Ecoles publiques , suivant la coûtume
mais dans une Chip lle de la Cathédrale
, dédiée à la Vierge , que l'on
crut plus propre à contenir l'affluence
du Monde que la nouveauté du Spectacle
sembloit devoir y attirer. Cornara
y fit un Discours très-sc vant et trèséloquent
sur un Texte d'Aristote , qui
mérita les applaudissemens de toute l'Assemblée
et reçut ensuite le Bonnet de
Docteur , avec toutes les ceremonies usitées
en cette occasion .
Cette action attira sur elle les
yeux de toute l'Europe , et depuis ce
temps là elle fut visitée par tous les Curieux
qui voyagerent en Italie.
Elle avoit déja été auparavant aggrégée
à plusieurs Académies comme à celles
des Infecondi de Rome , des Intronati
de Sienne , & c .
Plusieurs personnes de mérite la rechercherent
en mariage , mais elle avoit
fait voeu de virginité dès l'âge d'onze ans,
et elle persista toute sa vie , dans le dessein
de l'observer quoique ses paren en
eussent obtenu la dispense de Rome
pour l'engager à se marier Elle vouloit
même se retirer entierement du Monde ;
mais la répugnance que sa famille témoigna
MARS .
540 1733
permoigna
pour cette résolution , ne lui
mit pas de l'exécuter; elle se contenta donc
de faire des voeux simples de Religion , en
qualité d'Oblate, de l'Ordre de S Benoît ,
entre les mains de Corneille Codanini
Abbé de S. George , et de recevoir de lui
l'habit des Religieuses de cet Ordre , qu'el
le porta toujours depuis , sous ses habits,
séculiers.
Son attachement extraordinaire à l'étu
de , et particulierement à celle des Langues
Grecque et Hébraïque , affoiblir si
fort sa complexion , qui étoit déja foible
d'elle - même, qu'elle tomba dans une langueur
et dans differentes infirmitez , qui
la conduisirent peu à peu au tombeau.
Elle mourut le 25 Juillet 1604. dans la
38 année de son âge , et fut enterrée à
Sainte Justine de Padoue , avec cette Epitaphe.
D. O. M.
HELENA Lucretia Cornelia Piscopia
, Joan. Bapti te D Marci Procuratoris
Filia , que moribus et Doctrina supra sexum
, et Laurea ad memoriam Posteritatis.
insignis , privatis votis coram Cornelio Codanino
Abbate S. Georgii Majoris emissis,
S. Benedicti Institutum ab ineunte alate
complexa , et religiosè prosecuta , in Monachorum
$42 MERCURE DE FRANCE
chorum Conditorium ut vivens optaverat ,
post acerba fata , admissa est Monachis H.
M. PP. Anno D. 1684.
Les Académies dont elle étoit , s'empresserent
à lui faire des Pompes Funebres
, et l'on a sur ce sujet l'Ouvrage suivant
: Le Pompe Funebri celebrate da Signori
Academici Infecondi in Roma per la
morte dell' Illust. Sign. Elena Lucretia Cornara
Piscopia , Accademica detta linalterabile.
In Padoua 1685. infol.
Catalogue de ses Ouvrages.
1º . Lettera o vero colloquio di Christo nostro
Redentore all' Anima devota composta
dal R.P. D. Giovanni Lanspergio Cartusiano
in Lingua Latina Transportata poscia
in idioma Spagnuolo dal P. F. Andrea Capiglia
, Monaco della Certosa , Prior del
Paular: Or vien tradotte di Spagnulo in
Italiano dall' Ill. Sign . Elena Lucretia Cornara
Piscopia , In Venezia , 1673. in 24.
Cette traduction a été réimprimée dans le
Recueil suivant .
2º . Helena Lucretia ( que et Scholastica)
Cornelia Piscopia l'irginis pietate et eruditione
admirabilis Ordinis D. Benedicti privatis
votis adscripta Opera que quidem haberi
potuerunt. Parma 1688. in 8. pag. 310
Cette
MARS. 1733.
548
Cette Edition des Ouvrages de Cornara
donnée par Benoit Bacchini , qui a mis
la tête une vie fort ample de cette Sças
vante , est divisée en trois Parties ; la
premiere contient un Panégyrique Italien
de la République de Venise , tout
rempli de Fleurs et de Saillies Italiennes ,
et l'Explication de deux Problêmes de
Politique , aussi en Italien . On voit dans
la seconde , des Eloges Latins , en Stile
Lapidaire , de l'Empereur , du Roy de
Pologne , du Pape Innocent XI . &c. Enfin
la troisiéme renferme quelques Lettres
Latines et Italiennes de notre Sçavante
, ou qui lui ont été écrites , avec
la Traduction dont il est parlé cydessus.
C'est à cela que se termine tout le
contenu de ce Recueil . Le nom de Scholastique
, qu'elle porte dans le titre , lui
avoit été donné par l'Abbé Codadini, lorsqu'elle
fit ses voeux entre ses mains .
Voyez sa Vie par Benoît Bicchini , à la
tête de ses Oeuvres , et dans un Recueil
intitulé , Vita Selecta Vratislavia , 1711.
in 8. Sa Vie écrite en Italien pir Maximilien
Deza , et imprimée en 1617 Les
Pompes, funebres des Infecondi de Rome.
Gregorio Leti Italia Regnante; T. 4. p. 44 .
Nous ajoûterons , avec la permission
du
344 MERCURE DE FRANCE
du R. P. Niceron , que cette celebre Fille
étant aussi aggregée à l'Académie des Ricovrati
de Padoüe , on fit son Eloge dans
cette Académie , dans une Assemblée publique
à laquelle présida un illustre Acadé
micien François; sçavoir Charles Patin ,fils
du fameux Guy , Professeur en Medecine
dans l'Université de Padoüe et Chevalier
de S. Marc .
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Résumé : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. [titre d'après la table]
Le Tome XIX des 'Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres' du R. P. Niceron, publié en 1732 à Paris, présente des résumés biographiques de 29 savants de divers domaines, accompagnés d'un catalogue raisonné de leurs œuvres. Parmi les savants mentionnés figurent Ambroise Camaldule, Bernardin Ochin, et Jean-Pierre de Valbonnais. Ambroise Camaldule, né en 1378 et mort en 1439, est particulièrement recommandé pour sa piété et son érudition. L'article sur Bernardin Ochin, mort en 1564, est noté pour sa complexité et les divergences d'opinions qu'il suscite. Jean-Pierre de Valbonnais, né en 1651 et mort en 1730, est souligné pour ses contributions significatives à la République des Lettres. Le texte mentionne également une controverse académique concernant une épitaphe grecque trouvée à Marseille, à laquelle Valbonnais a participé. Le texte inclut également une biographie détaillée de Hélène Lucrece Cornara Piscopia, née en 1646 à Venise, qui a reçu un doctorat en philosophie à l'Université de Padoue en 1678. Elle était polyglotte et a traduit plusieurs œuvres. Cornara est décédée en 1684 et a été honorée par diverses académies. Par ailleurs, le texte traite de la vie et des œuvres d'une femme nommée Scholastique. Le nom de Scholastique lui a été donné par l'Abbé Codadini lors de ses vœux. Plusieurs sources documentent sa vie, notamment une biographie par Benoît Bicchini, publiée dans un recueil intitulé 'Vita Selecta Vratislavia' en 1711. Une autre biographie en italien a été écrite par Maximilien Deza et imprimée en 1617. Les pompes funèbres des Infecondi de Rome, décrites par Gregorio Leti dans 'Italia Regnante', volume 4, page 44, mentionnent également Scholastique. Le texte mentionne aussi que Scholastique était membre de l'Académie des Ricovrati de Padoue. Un éloge en son honneur a été prononcé lors d'une assemblée publique présidée par Charles Patin, fils du célèbre Guy Patin, professeur de médecine à l'Université de Padoue et chevalier de Saint-Marc.
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6
p. 1445-1447
POLOGNE.
Début :
La Diette de convocation, avant que de se séparer, a reglé, qu'on ne presentera au Roy [...]
Mots clefs :
Diète, Diète d'élection, Empereur, République, Tsarine, Primat, Sénateurs
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texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE.
A Diette de convocation , avant que de se
séparer a reglé , qu'on ne presentera au Roy
qui sera élu , les Pacta Conventa , qu'après qu'ils
auront été examinez dans la Diette d'Election ;
que cette Diette connoîtra de tous les excès qui
auront été commis pendant l'interregne , que les
Diettes particulieres des Palatinats commenceront
à s'assembler le 24. du mois prochain ; que
personne ne pourra être admis à donner sa voix
pour l'Election du Roy, sans avoir prêté le même
serment qn'ont prêté les Sénateurs et les
Nonces , que ceux qui refuseront de prêter ce
serment , seront non-seulement privez du droit
de suffrage , mais encore déclarez ennemis de la
Patrie.
Il a été ordonné aussi qu'aucune Charge , de
quelque nature qu'elle soit , ni même aucune
place dans les Finances , ne pourront être possedées
que par les Catholiques; qu'on donneroit au
Primat et au Sénat,des pleins pouvoirs pour augmenter
les Troupes de la République, soit avant,
soit pendant la Diettt d'Election , selon que les
Occurences l'exigeroient.
les .
L'Acte de Conféderation , signé par tous les
Sénateurs et par les Nonces qui ont assisté à la
Diette génerale de Convocation , renferme quelques
articles qui n'étoient pas contenus dans le
Projet présenté par M. Maschalski , Maréchal de
la Diette , et dont les principaux sont , que la
Diette d'Election ne pourra durer plus de six semaines
; que le Primat ne proclamera point le
Roy qu'après qu'il aura demandé trois fois si on
est d'accord sur le Sujet qu'on veut élire , et qu'on
lui aura répondu chaque fois qu'il y a unanimité
II. Vol. de
1446 MERCURE DE FRANCE
de suffrages ; que le Roy qui sera élu , s'enga.
gera par serment avant son Couronnement ,
observer les nouveaux Pacta Conventa dont on
sera convenu dans la Diette ; que la formule de
ce serment sera la même que celle du serment de
Sigismond II. Henry , Etienne , Sigismond III.
Uladislas IV . Jean Casimir, Michel , Jean III . et le
feu Roi , ont preté ; qu'après le Couronnement ,
les nouveaux Pacta Conventa seront confirmez
par une Diette generale qui se tiendra pour cet
effet , que la Répblique accordera aux Eglises du
Rit Grec , qui sont dans les Terres de son obéïssance
, sa protection , et qu'on les maintiendra
dans tous leurs droits et dans toutes leurs prérogatives
.
Dans l'Assemblée du premier , il fut résolu
qu'avant de rien déterminer on députeroit aux
Ambassadeurs de l'Empereur et de la Czarine ,
et que les Sénateurs qu'on leur envoyeroit , seroient
chargez de les prier de faire de nouvelles
instances auprès de S. Majesté Impériale er de Sa
Majesté Czarienne, pour qu'elles retirassent incessamment
les Troupes qu'elles ont dans la Silesie
et dans la Curlande. Dans l'Assemblée du jour
suivant , le Primat présenta au Sénat une Lettre
que l'Empereur écrivoit à la République , et qui
ne fut point ouverte , parce que ce Prince n'y
donnoit pas à la République le titre de Sérénissime.
Les Députez qu'on avoit envoyez à l'Ambassadeur
de S. M. Imp. et à celui de S. M. Cz.
rapporterent que ces Ministres leur avoient répondu
que l'Empereur et la Czarine avoient fait
avancer des Troupes sur les Frontieres de Pologne,
uniquement dans le dessein de mettre leurs
Provinces à couvert des incursions de quelques
Polonois vagabons qui y avoient causé plusieurs
II. Vol.
déJUIN.
1733.
1447
désordres , et que le petit nombre de ces Troupes.
n'étoit pas capable de donner aucune inquiétude
à la République. Cette réponse n'ayant pas para
satisfaisante , on convint que le Primat écriroit
à l'Empereur et à la Czarine , pour les presser
de faire cesser les sujets d'allarmes que le voisinage
de leurs Troupes donnoit à la Nation : quelques
Sénateurs proposerent de faire monter la
Noblesse à cheval , mais cet avis ne passa point ,
et l'on croit que le Sénat se contentera d'envoyer
des Lettres circulaires dans tous les Palatinats ,
pour qu'elle se tienne prête à marcher au premier
ordre.
On prépare entre Warsovie et Wola, le lieu
où la Diette d'Election se tiendra , suivant la
coutume , et l'on commence à travailler aux fossez
et aux autres ouvrages qui y sont nécessaires,
A Diette de convocation , avant que de se
séparer a reglé , qu'on ne presentera au Roy
qui sera élu , les Pacta Conventa , qu'après qu'ils
auront été examinez dans la Diette d'Election ;
que cette Diette connoîtra de tous les excès qui
auront été commis pendant l'interregne , que les
Diettes particulieres des Palatinats commenceront
à s'assembler le 24. du mois prochain ; que
personne ne pourra être admis à donner sa voix
pour l'Election du Roy, sans avoir prêté le même
serment qn'ont prêté les Sénateurs et les
Nonces , que ceux qui refuseront de prêter ce
serment , seront non-seulement privez du droit
de suffrage , mais encore déclarez ennemis de la
Patrie.
Il a été ordonné aussi qu'aucune Charge , de
quelque nature qu'elle soit , ni même aucune
place dans les Finances , ne pourront être possedées
que par les Catholiques; qu'on donneroit au
Primat et au Sénat,des pleins pouvoirs pour augmenter
les Troupes de la République, soit avant,
soit pendant la Diettt d'Election , selon que les
Occurences l'exigeroient.
les .
L'Acte de Conféderation , signé par tous les
Sénateurs et par les Nonces qui ont assisté à la
Diette génerale de Convocation , renferme quelques
articles qui n'étoient pas contenus dans le
Projet présenté par M. Maschalski , Maréchal de
la Diette , et dont les principaux sont , que la
Diette d'Election ne pourra durer plus de six semaines
; que le Primat ne proclamera point le
Roy qu'après qu'il aura demandé trois fois si on
est d'accord sur le Sujet qu'on veut élire , et qu'on
lui aura répondu chaque fois qu'il y a unanimité
II. Vol. de
1446 MERCURE DE FRANCE
de suffrages ; que le Roy qui sera élu , s'enga.
gera par serment avant son Couronnement ,
observer les nouveaux Pacta Conventa dont on
sera convenu dans la Diette ; que la formule de
ce serment sera la même que celle du serment de
Sigismond II. Henry , Etienne , Sigismond III.
Uladislas IV . Jean Casimir, Michel , Jean III . et le
feu Roi , ont preté ; qu'après le Couronnement ,
les nouveaux Pacta Conventa seront confirmez
par une Diette generale qui se tiendra pour cet
effet , que la Répblique accordera aux Eglises du
Rit Grec , qui sont dans les Terres de son obéïssance
, sa protection , et qu'on les maintiendra
dans tous leurs droits et dans toutes leurs prérogatives
.
Dans l'Assemblée du premier , il fut résolu
qu'avant de rien déterminer on députeroit aux
Ambassadeurs de l'Empereur et de la Czarine ,
et que les Sénateurs qu'on leur envoyeroit , seroient
chargez de les prier de faire de nouvelles
instances auprès de S. Majesté Impériale er de Sa
Majesté Czarienne, pour qu'elles retirassent incessamment
les Troupes qu'elles ont dans la Silesie
et dans la Curlande. Dans l'Assemblée du jour
suivant , le Primat présenta au Sénat une Lettre
que l'Empereur écrivoit à la République , et qui
ne fut point ouverte , parce que ce Prince n'y
donnoit pas à la République le titre de Sérénissime.
Les Députez qu'on avoit envoyez à l'Ambassadeur
de S. M. Imp. et à celui de S. M. Cz.
rapporterent que ces Ministres leur avoient répondu
que l'Empereur et la Czarine avoient fait
avancer des Troupes sur les Frontieres de Pologne,
uniquement dans le dessein de mettre leurs
Provinces à couvert des incursions de quelques
Polonois vagabons qui y avoient causé plusieurs
II. Vol.
déJUIN.
1733.
1447
désordres , et que le petit nombre de ces Troupes.
n'étoit pas capable de donner aucune inquiétude
à la République. Cette réponse n'ayant pas para
satisfaisante , on convint que le Primat écriroit
à l'Empereur et à la Czarine , pour les presser
de faire cesser les sujets d'allarmes que le voisinage
de leurs Troupes donnoit à la Nation : quelques
Sénateurs proposerent de faire monter la
Noblesse à cheval , mais cet avis ne passa point ,
et l'on croit que le Sénat se contentera d'envoyer
des Lettres circulaires dans tous les Palatinats ,
pour qu'elle se tienne prête à marcher au premier
ordre.
On prépare entre Warsovie et Wola, le lieu
où la Diette d'Election se tiendra , suivant la
coutume , et l'on commence à travailler aux fossez
et aux autres ouvrages qui y sont nécessaires,
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Résumé : POLOGNE.
Lors de la Diète de convocation en Pologne, plusieurs décisions importantes ont été prises. Les Pacta Conventa doivent être présentés au roi élu après examen. La gestion des excès commis pendant l'interrègne est également abordée, ainsi que la convocation des Diètes particulières des Palatinats. Seuls les catholiques peuvent occuper des charges ou des postes financiers. Le Primat et le Sénat reçoivent des pleins pouvoirs pour augmenter les troupes de la République. L'Acte de Confédération, signé par les Sénateurs et les Nonces, stipule que la Diète d'Élection ne durera pas plus de six semaines et que le roi élu devra prêter serment d'observer les nouveaux Pacta Conventa. La République accorde sa protection aux Églises du Rite Grec. Lors des assemblées, il est décidé d'envoyer des députés aux ambassadeurs de l'Empereur et de la Czarine pour demander le retrait des troupes en Silésie et en Courlande. La réponse des ambassadeurs, jugée insatisfaisante, conduit le Sénat à envisager des mesures de préparation militaire. Enfin, des préparatifs sont en cours pour la tenue de la Diète d'Élection entre Varsovie et Wola.
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7
p. 1868-1870
POLOGNE.
Début :
Le Primat et le Sénat prennent des mesures pour que la République puisse mettre une [...]
Mots clefs :
République, Royaume, Noblesse, Liberté, Nation, Sénat, Prérogatives, Empereur
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texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE.
E Primat et le Sénat prennent des mesures
pour que la République puisse mettre une
Armée considerable sur pied le mois prochain ;
on fait des levées dans tout le Royaume , et le
Régimentaire de la Couronne a reçû ordre de
faire prendre les armes à la trentiéme partie des
habitans du Pays qui ne sont pas Gentilshommes
, et qui sont en état de servir . La Noblesse
est
A O UST. 1733. 1869.
est prête aussi à monter à cheval , et elle parofe
résolue à deffendre jusqu'à la derniere extrémité
ses prérogatives contre les entreprises des Puissances
qui y voudroient donner atteinte.
On a fait avancer des Troupes sur les
Frontieres de Silesie , et elles doivent entrer dans
cette Province , si les Troupes Imperiales marchent
en Pologne.
Le 22. Juillet , le Primat remit au Comte de
Wilsech , la réponse à la déclaration que ce Ministre
lui avoit faite le 20. Juin de la part de
l'Empereur. Cette réponse contient que le Pri
mat et le Sénat n'ayant eu d'autre vûë que de
conserver l'union parmi la Noblesse et d'assurer '
sa liberté , et n'ayant fait depuis la mort du feu
Roy , aucune démarche qui ne tendît à ce but
ils ont lieu d'être surpris qu'on essaye de rendre,
leurs intentions suspectes à la Nation ; que c'est
faire une injure sensible à la Noblesse Polonoise .
que d'avancer qu'il y ait dans un Corps si jaloux
de ses prérogatives , quelqu'un qui ose impunément
entreprendre de contraindre les suffrages ,
employer pour cet effet les menaces et même la
violence , et qui fait dépendre les Déliberations
publiques de sa volonté particuliere ; que la République
verra toujours avec plaisir les Puissan
ces voisines la proteger , lorsque cette protection ,
ne deviendra pas une oppression , et que sous
prétexte de vouloir que la Nation soit libre , on
ne cherchera pas à lui ôter sa liberté , en se rendant
l'Arbitre et l'Interprete des Loix et des
Constitutions du Royaume ; qu'il appartient
aux seuls Polonois de les maintenir , de les abroger
ou de les interpreter ; et que comme ils ne
sont obligez de consulter aucune Puissance
Etrangere lorsqu'ils jugent à propos d'établir
quel
1370 MERCURE DE FRANCE
quelque nouvelle Loi dans leur Pays , ils n'ont
pas besoin du consentement d'aucun de leurs '
voisins pour déroger aux anciennes , quand ils
croyent que les circonstances le demandent ; que
si l'Empereur veut sincerement deffendre la liberté
de la Nation , c'est - à- dire , lui conserver le
droit d'être seule l'Arbitre et l'Interprete de ses
Loix , Sa Majesté Impériale satisfera en mêmetemps
à ce qu'elle se doit à elle-mê ‹ne , à
qu'elle doit à une République qui depuis longtemps
est son alliée , et qu'un dessein si conforme
aux regles de la justice , et si avantageux
au Royaume , excitera une sincere reconnoissance
dans les coeurs de tous les Polonois zelez
pour le bien public .
E Primat et le Sénat prennent des mesures
pour que la République puisse mettre une
Armée considerable sur pied le mois prochain ;
on fait des levées dans tout le Royaume , et le
Régimentaire de la Couronne a reçû ordre de
faire prendre les armes à la trentiéme partie des
habitans du Pays qui ne sont pas Gentilshommes
, et qui sont en état de servir . La Noblesse
est
A O UST. 1733. 1869.
est prête aussi à monter à cheval , et elle parofe
résolue à deffendre jusqu'à la derniere extrémité
ses prérogatives contre les entreprises des Puissances
qui y voudroient donner atteinte.
On a fait avancer des Troupes sur les
Frontieres de Silesie , et elles doivent entrer dans
cette Province , si les Troupes Imperiales marchent
en Pologne.
Le 22. Juillet , le Primat remit au Comte de
Wilsech , la réponse à la déclaration que ce Ministre
lui avoit faite le 20. Juin de la part de
l'Empereur. Cette réponse contient que le Pri
mat et le Sénat n'ayant eu d'autre vûë que de
conserver l'union parmi la Noblesse et d'assurer '
sa liberté , et n'ayant fait depuis la mort du feu
Roy , aucune démarche qui ne tendît à ce but
ils ont lieu d'être surpris qu'on essaye de rendre,
leurs intentions suspectes à la Nation ; que c'est
faire une injure sensible à la Noblesse Polonoise .
que d'avancer qu'il y ait dans un Corps si jaloux
de ses prérogatives , quelqu'un qui ose impunément
entreprendre de contraindre les suffrages ,
employer pour cet effet les menaces et même la
violence , et qui fait dépendre les Déliberations
publiques de sa volonté particuliere ; que la République
verra toujours avec plaisir les Puissan
ces voisines la proteger , lorsque cette protection ,
ne deviendra pas une oppression , et que sous
prétexte de vouloir que la Nation soit libre , on
ne cherchera pas à lui ôter sa liberté , en se rendant
l'Arbitre et l'Interprete des Loix et des
Constitutions du Royaume ; qu'il appartient
aux seuls Polonois de les maintenir , de les abroger
ou de les interpreter ; et que comme ils ne
sont obligez de consulter aucune Puissance
Etrangere lorsqu'ils jugent à propos d'établir
quel
1370 MERCURE DE FRANCE
quelque nouvelle Loi dans leur Pays , ils n'ont
pas besoin du consentement d'aucun de leurs '
voisins pour déroger aux anciennes , quand ils
croyent que les circonstances le demandent ; que
si l'Empereur veut sincerement deffendre la liberté
de la Nation , c'est - à- dire , lui conserver le
droit d'être seule l'Arbitre et l'Interprete de ses
Loix , Sa Majesté Impériale satisfera en mêmetemps
à ce qu'elle se doit à elle-mê ‹ne , à
qu'elle doit à une République qui depuis longtemps
est son alliée , et qu'un dessein si conforme
aux regles de la justice , et si avantageux
au Royaume , excitera une sincere reconnoissance
dans les coeurs de tous les Polonois zelez
pour le bien public .
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Résumé : POLOGNE.
En 1733, en Pologne, le Primat et le Sénat entreprennent de lever une armée importante. Des levées sont organisées dans tout le royaume, et le Régimentaire de la Couronne doit armer un tiers des habitants non nobles aptes au service. La noblesse se prépare à défendre ses prérogatives contre les ingérences étrangères. Des troupes sont déployées aux frontières de Silésie, prêtes à intervenir si les forces impériales pénètrent en Pologne. Le 22 juillet, le Primat remet au Comte de Wilsech la réponse à une déclaration faite par ce ministre le 20 juin au nom de l'Empereur. La réponse souligne que le Primat et le Sénat ont toujours cherché à préserver l'union et la liberté au sein de la noblesse. Ils expriment leur surprise face aux suspicions sur leurs intentions et rejettent les accusations de contrainte ou de violence dans les délibérations publiques. La République polonaise affirme son droit de maintenir, abroger ou interpréter ses lois sans ingérence étrangère. Elle invite l'Empereur à défendre sincèrement la liberté de la nation en respectant son autonomie législative et constitutionnelle.
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8
p. 1870-1871
LETTRE du Roy de France au Primat.
Début :
MON COUSIN, Je vois avec plaisir par votre Lettre du 10. [...]
Mots clefs :
République, Pologne, Sentiments, Gloire, Europe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE du Roy de France au Primat.
LETTRE du Roy de France au Primat.
MON ON COUSIN ,
Je vois avec plaisir par votre Lettre du 10.
Juin , que la Sérenissime République de Pologne
attend de moi les mêmes sentimens d'amitié dont les
Rois mes prédecesseurs ont toujours cherché à lui
donner des marques les plus distinguées . Animé du
seul amour de la liberté qui est le droit naturel et
fondamental de votre Patrie , vous n'en desirez
pour elle que l'entiere jouissance, et vous lui préparés
une gloire immortelle en annonçant à toute l'Europe
que quelque choix que la Serenissime République
fasse , elle veut toujours observer exactement et religieusement
les Traitez d'Alliance faits et renouvellez
avec ses Voisins . Quel appui et quelle pro¬
tection ne doit pas esperer un Royaume qui se conduis
avec des sentimens aussi purs , et dont il n'est
pas
AOUST. 1732 . 1871
paspermis de douter lors u'un Prélat aussi bien instruit
des Maximes de sa Nation en porte l'assuran
ce aux yeux detoutes les Puissances de l'Europe. Jela
reçois personnellement avec une veritable satisfaction
, et prét à seconder et soutenir en toutes occasions
des principes si justes et si conformes au bon→
heur de la Couronne de Pologne et à la tranquillité
du Nord, j'en ferai avec joye le fondement de la
protection dont j'ai chargé le Marquis de Monti ,
de donner les plus fortes assurances à la Serenissime
Republique . Veville le Seigneur , par une suite
de benedictions qu'il a si souvent et si visiblement
répandues sur la Pologne , inspirer l'esprit d'union
et de concorde , et réunir les suffrages sur un sujet
dont les sentimens lui sorent assez connus pour
qu'elle puisse compter qu'il ne se souviendra que de
ce qu'il devra au bonheur et au maintien de sa
Patrie , aussi-bien qu'à la gloire et à la propaga
tion de notre sainte Foy . Sur ce , je prie Dieu qu'il
vous ait , Mon Cousin , en sa sainte et digne
garde. Signé, LOUIS.
Ecrit à Compiegne le 6. Juillet 1733 .
MON ON COUSIN ,
Je vois avec plaisir par votre Lettre du 10.
Juin , que la Sérenissime République de Pologne
attend de moi les mêmes sentimens d'amitié dont les
Rois mes prédecesseurs ont toujours cherché à lui
donner des marques les plus distinguées . Animé du
seul amour de la liberté qui est le droit naturel et
fondamental de votre Patrie , vous n'en desirez
pour elle que l'entiere jouissance, et vous lui préparés
une gloire immortelle en annonçant à toute l'Europe
que quelque choix que la Serenissime République
fasse , elle veut toujours observer exactement et religieusement
les Traitez d'Alliance faits et renouvellez
avec ses Voisins . Quel appui et quelle pro¬
tection ne doit pas esperer un Royaume qui se conduis
avec des sentimens aussi purs , et dont il n'est
pas
AOUST. 1732 . 1871
paspermis de douter lors u'un Prélat aussi bien instruit
des Maximes de sa Nation en porte l'assuran
ce aux yeux detoutes les Puissances de l'Europe. Jela
reçois personnellement avec une veritable satisfaction
, et prét à seconder et soutenir en toutes occasions
des principes si justes et si conformes au bon→
heur de la Couronne de Pologne et à la tranquillité
du Nord, j'en ferai avec joye le fondement de la
protection dont j'ai chargé le Marquis de Monti ,
de donner les plus fortes assurances à la Serenissime
Republique . Veville le Seigneur , par une suite
de benedictions qu'il a si souvent et si visiblement
répandues sur la Pologne , inspirer l'esprit d'union
et de concorde , et réunir les suffrages sur un sujet
dont les sentimens lui sorent assez connus pour
qu'elle puisse compter qu'il ne se souviendra que de
ce qu'il devra au bonheur et au maintien de sa
Patrie , aussi-bien qu'à la gloire et à la propaga
tion de notre sainte Foy . Sur ce , je prie Dieu qu'il
vous ait , Mon Cousin , en sa sainte et digne
garde. Signé, LOUIS.
Ecrit à Compiegne le 6. Juillet 1733 .
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Résumé : LETTRE du Roy de France au Primat.
Le roi de France écrit au Primat de Pologne pour exprimer sa satisfaction quant à l'amitié et à la liberté que la République de Pologne souhaite préserver. Il souligne l'importance de la liberté comme droit naturel et fondamental de la Pologne et approuve son désir de jouir pleinement de cette liberté. Le roi salue également l'engagement de la Pologne à respecter les traités d'alliance avec ses voisins. Il se déclare prêt à soutenir et protéger ces principes pour le bonheur de la Couronne de Pologne et la tranquillité du Nord. Le Marquis de Monti est chargé de transmettre ces assurances à la République. Le roi prie pour que l'union et la concorde soient inspirées en Pologne. La lettre est signée Louis et datée du 6 juillet 1733 à Compiègne.
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9
p. 2060-2063
POLOGNE.
Début :
Le Primat a répondu à la Lettre de l'Electeur de Saxe, qu'il seroit fondé à demander [...]
Mots clefs :
Stanislaw Poniatowski, Diète, République, Varsovie, Caractère, Pologne, Ministre, Électeur, Maréchal de la Diète
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texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE.
E Primat a répondu à la Lettre de l'Electeur
de Saxe, qu'il seroit fondé à demander
une satisfaction à la République , si l'on avoit
violé le Droit des Gens en la personne de son
Ministre, que le Sénat est instruit de ce qui
est dû au caractere des Ministres des Princes ;
qu'il sçait qu'ils ne sont responsables de leurs
actions qu'à leurs Maîtres , lorsqu'ils n'abusent
point de leur caractere pour enfraindre les Loix
des Etats où ils résident , et pour en troubler la
tranquillité ; mais qu'il sçait aussi , et que plusieurs
exemples le lui ont appris , comment on
en doit user avec ces Ministres , quand ils ne se
tiennent point dans les bornes que la raison et
l'équité leur prescrivent ; que les Polonois prétendent
avoir des raisons suffisantes. pour croire
que le Comte de Wackerbart Salmour a fait régandre
dans le Public l'Eerit intitulé : Lettre
dun Nonce à son Ami , et qu'ainsi ils auroient
pû ne pas respecter le Droit des Gens dans la
personne d'un- Ministre qu'ils jugent ne l'avoir
pas respecté lui-même , que cependant la République
, sans se faire justice , comme l'Electeur
l'ent
SEPTEMBRE. 1733. 2061
Pen accuse , s'est contentée de lui porter ses
plaintes, que dans le Decret qui condamne au feu
l'Ecrit dont le Sénat se plaint , le Comte de Vackerbar
n'est pas nommé , si ce n'est dans la Déclaration
du Prêtre qui a été arreté pour l'avoir
distribué , qu'ainsi ce Ministre avance sans fondement
qu'on a blessé le respect dû à son caractere
, qu'il pourroit tout au plus , si la déclaration
du Prêtre étoit fausse , exiger qu'on le punît
comme un imposteur . Qu'au reste ce n'est pas
seulement sur la déposition de ce Témoin , mais
sur plusieurs autres indices que la République
appuye son accusation contre le Comte de Vackerbar
, et qu'elle persiste à demander justice de
Pabus qu'elle prétend qu'il a fait de son caractere
.
Il paroît à Warsovie une Réponse au Manifeste
, que la Czarine a fait répandre dans le
Royaume, et par lequel S. M. Czarienne assure les
Polonois,que si elle se détermine à faire entrer des
Troupes en Pologne , ce ne sera que pour leur
fournir les moyens d'élire librement un Roy ,
et que les Moscovites y observeront une si exacte
discipline , qu'aucun Sujet de la République
ne pourra se plaindre . L'Auteur de cette Répon
se remarque qu'on n'a jamais forcé une Nation
d'accepter un secours qu'elle ne demande pas ,
et que c'est mal prouver qu'on désire que les
Polonois soient libres , que de vouloir les proteger
malgré eux . Il ajoute que les instances que
les habitans de la Curlande ont fait à la Czarin e
pour qu'elle retirât ses Troupes de ce Duché ,
ne donnent pas lieu d'esperer qu'elles seront fort
disciplinées en Pologne. Le Comte de Lewolde ,
Ambassadeur Extraordinaire de la Czarine auprès
de la République , a fait entendre qu'il par
tiroit
2062 MERCURE DE FRANCE
tiroit de Warsovie pour se retirer à Konisberg
Le 13. Août , jour auquel on avoit fixé le
transport des Corps du Roy Jean III . et de celui
du feu Roy , du Château de Warsovie , au Palais
du Fauxbourg de Cracovie , on celebra dans la
Chapelle du Château , où ils étoient en dépôt
depuis trois jours , une Messe solemnelle de Requiem
, après laquelle M. Zaluski , Evêque de
Plocko , prononça l'Oraison Funebre du feu
Roy , et le Convoi se mit ensuite en marche
dans l'ordre suivant.
Les Décurions portant leurs Drapeaux cou
verts de crêpe , le Clergé Régulier , les Communautez
des Marchands , les Peres Missionnaires ,
les Evêques , un Maître et un Ayde des Cérémonies
, un Détachement des Gardes du Corps ; un
Carosse , dans lequel étoit le Corps du Roy
Jean III . les marques de sa dignité , portées
par
le Comte Szembeck , Palatin de Siradie, par
le Comte Plembocki , Palatin de Rava , et par
M.Lasceuscki, Castelan de Sochaczew ; les Gentilshommes-
Gardes , le Corps du feu Roy dans
un autre Carosse ; les marques de sa dignité ,
portées par le Comte Potoscki , Palatin de Kiovie
et par M. Rudzinski , Castelan de Czersk , le
Comte Pomatowsck , Régimentaire de la Cou-
'ronne , suivi des principaux Officiers Militaires ;
les Grands - Mousquetaires , ayant à leur tête
M. Potoscki, leur Colonel , fermoient la`marche.
Les Carosses étoient couverts de velours cramoisi
avec des galons et des crêpines d'or ; les
habits des Cochers , des Postillons et des Valets
de Pied , qui étoient aux Portieres , étoient de
velours de la même couleur , galonné d'or. Pendant
la marche du Convoi , il y eut plusieurs
décharges de l'Artillerie du Château et des Remparts
SEPTEMBRE . 1733. 2063
parts , et lorsqu'il fut arrivé au Palais du Fauxbourgs
de Cracovie , M. Kobielski , Suffragant
de l'Evêque de Cujavie , prononça une seconde
Oraison Funebre.
L'ouverture de la Diette d'Election se fit le 25.
Août , dans le Camp près de Warsovie. Le Pri- .
mat , M. Maschalski , Maréchal de la Diette générale
de Convocation , le Comte de Poniatowski
, Régimentaire de la Couronne , et plusieurs
Sénateurs , prononcerent des Discours
fort éloquens , pour déterminer la Noblesse à
ne point se laisser intimider par les menaces des
Puissances qui paroissent vouloir contraindre sa
liberté , et pour l'exhorter à ne connoître qu'el
le- même pour Interprete des Loix et des Conetitutions
du Royaume.
Dans la seconde Séance qui se tint le lendemain
, on commença à proceder à l'Election
du Maréchal de la Diette , et les Sujets proposez
furent Mrs Radziewski et Malachuski . La troi
siéme et la quatriéme Séance , qu ise sont tenuës
avant le 23. er le 24. ont été employées à
recueillir les suffrages ; M. Radziewski a cu
1422. voix , et M. Malachouski n'en ayant cu
que 67. s'est désisté de ses prétentions en fayeur
de son Concurrent , qui dans la huitiéme
Séance du 2. Septembre fut élû unanimement
Maréchal de la Dierre.
C
Quelques personnes ont affecté de publier que
les Troupes Moscovites , commandées par le
Général Lucci , s'étoient avancées en Lithuanie,
mais il ne paroît point que ce bruit donne beau
coup d'inquietude au Primat ni à la Noblesse."
E Primat a répondu à la Lettre de l'Electeur
de Saxe, qu'il seroit fondé à demander
une satisfaction à la République , si l'on avoit
violé le Droit des Gens en la personne de son
Ministre, que le Sénat est instruit de ce qui
est dû au caractere des Ministres des Princes ;
qu'il sçait qu'ils ne sont responsables de leurs
actions qu'à leurs Maîtres , lorsqu'ils n'abusent
point de leur caractere pour enfraindre les Loix
des Etats où ils résident , et pour en troubler la
tranquillité ; mais qu'il sçait aussi , et que plusieurs
exemples le lui ont appris , comment on
en doit user avec ces Ministres , quand ils ne se
tiennent point dans les bornes que la raison et
l'équité leur prescrivent ; que les Polonois prétendent
avoir des raisons suffisantes. pour croire
que le Comte de Wackerbart Salmour a fait régandre
dans le Public l'Eerit intitulé : Lettre
dun Nonce à son Ami , et qu'ainsi ils auroient
pû ne pas respecter le Droit des Gens dans la
personne d'un- Ministre qu'ils jugent ne l'avoir
pas respecté lui-même , que cependant la République
, sans se faire justice , comme l'Electeur
l'ent
SEPTEMBRE. 1733. 2061
Pen accuse , s'est contentée de lui porter ses
plaintes, que dans le Decret qui condamne au feu
l'Ecrit dont le Sénat se plaint , le Comte de Vackerbar
n'est pas nommé , si ce n'est dans la Déclaration
du Prêtre qui a été arreté pour l'avoir
distribué , qu'ainsi ce Ministre avance sans fondement
qu'on a blessé le respect dû à son caractere
, qu'il pourroit tout au plus , si la déclaration
du Prêtre étoit fausse , exiger qu'on le punît
comme un imposteur . Qu'au reste ce n'est pas
seulement sur la déposition de ce Témoin , mais
sur plusieurs autres indices que la République
appuye son accusation contre le Comte de Vackerbar
, et qu'elle persiste à demander justice de
Pabus qu'elle prétend qu'il a fait de son caractere
.
Il paroît à Warsovie une Réponse au Manifeste
, que la Czarine a fait répandre dans le
Royaume, et par lequel S. M. Czarienne assure les
Polonois,que si elle se détermine à faire entrer des
Troupes en Pologne , ce ne sera que pour leur
fournir les moyens d'élire librement un Roy ,
et que les Moscovites y observeront une si exacte
discipline , qu'aucun Sujet de la République
ne pourra se plaindre . L'Auteur de cette Répon
se remarque qu'on n'a jamais forcé une Nation
d'accepter un secours qu'elle ne demande pas ,
et que c'est mal prouver qu'on désire que les
Polonois soient libres , que de vouloir les proteger
malgré eux . Il ajoute que les instances que
les habitans de la Curlande ont fait à la Czarin e
pour qu'elle retirât ses Troupes de ce Duché ,
ne donnent pas lieu d'esperer qu'elles seront fort
disciplinées en Pologne. Le Comte de Lewolde ,
Ambassadeur Extraordinaire de la Czarine auprès
de la République , a fait entendre qu'il par
tiroit
2062 MERCURE DE FRANCE
tiroit de Warsovie pour se retirer à Konisberg
Le 13. Août , jour auquel on avoit fixé le
transport des Corps du Roy Jean III . et de celui
du feu Roy , du Château de Warsovie , au Palais
du Fauxbourg de Cracovie , on celebra dans la
Chapelle du Château , où ils étoient en dépôt
depuis trois jours , une Messe solemnelle de Requiem
, après laquelle M. Zaluski , Evêque de
Plocko , prononça l'Oraison Funebre du feu
Roy , et le Convoi se mit ensuite en marche
dans l'ordre suivant.
Les Décurions portant leurs Drapeaux cou
verts de crêpe , le Clergé Régulier , les Communautez
des Marchands , les Peres Missionnaires ,
les Evêques , un Maître et un Ayde des Cérémonies
, un Détachement des Gardes du Corps ; un
Carosse , dans lequel étoit le Corps du Roy
Jean III . les marques de sa dignité , portées
par
le Comte Szembeck , Palatin de Siradie, par
le Comte Plembocki , Palatin de Rava , et par
M.Lasceuscki, Castelan de Sochaczew ; les Gentilshommes-
Gardes , le Corps du feu Roy dans
un autre Carosse ; les marques de sa dignité ,
portées par le Comte Potoscki , Palatin de Kiovie
et par M. Rudzinski , Castelan de Czersk , le
Comte Pomatowsck , Régimentaire de la Cou-
'ronne , suivi des principaux Officiers Militaires ;
les Grands - Mousquetaires , ayant à leur tête
M. Potoscki, leur Colonel , fermoient la`marche.
Les Carosses étoient couverts de velours cramoisi
avec des galons et des crêpines d'or ; les
habits des Cochers , des Postillons et des Valets
de Pied , qui étoient aux Portieres , étoient de
velours de la même couleur , galonné d'or. Pendant
la marche du Convoi , il y eut plusieurs
décharges de l'Artillerie du Château et des Remparts
SEPTEMBRE . 1733. 2063
parts , et lorsqu'il fut arrivé au Palais du Fauxbourgs
de Cracovie , M. Kobielski , Suffragant
de l'Evêque de Cujavie , prononça une seconde
Oraison Funebre.
L'ouverture de la Diette d'Election se fit le 25.
Août , dans le Camp près de Warsovie. Le Pri- .
mat , M. Maschalski , Maréchal de la Diette générale
de Convocation , le Comte de Poniatowski
, Régimentaire de la Couronne , et plusieurs
Sénateurs , prononcerent des Discours
fort éloquens , pour déterminer la Noblesse à
ne point se laisser intimider par les menaces des
Puissances qui paroissent vouloir contraindre sa
liberté , et pour l'exhorter à ne connoître qu'el
le- même pour Interprete des Loix et des Conetitutions
du Royaume.
Dans la seconde Séance qui se tint le lendemain
, on commença à proceder à l'Election
du Maréchal de la Diette , et les Sujets proposez
furent Mrs Radziewski et Malachuski . La troi
siéme et la quatriéme Séance , qu ise sont tenuës
avant le 23. er le 24. ont été employées à
recueillir les suffrages ; M. Radziewski a cu
1422. voix , et M. Malachouski n'en ayant cu
que 67. s'est désisté de ses prétentions en fayeur
de son Concurrent , qui dans la huitiéme
Séance du 2. Septembre fut élû unanimement
Maréchal de la Dierre.
C
Quelques personnes ont affecté de publier que
les Troupes Moscovites , commandées par le
Général Lucci , s'étoient avancées en Lithuanie,
mais il ne paroît point que ce bruit donne beau
coup d'inquietude au Primat ni à la Noblesse."
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Résumé : POLOGNE.
En septembre 1733, le Primat de Pologne a répondu à une lettre de l'Électeur de Saxe concernant une affaire diplomatique. Il a souligné que la République polonaise respecte le droit des gens et le rôle des ministres des princes, mais peut prendre des mesures en cas d'abus de leur part. La République accuse le Comte de Wackerbarth Salmour d'avoir diffusé un écrit intitulé 'Lettre d'un Nonce à son Ami', justifiant ainsi une violation du droit des gens. Bien que le Comte n'ait pas été nommé dans le décret condamnant l'écrit, la République insiste sur la demande de justice pour les abus présumés. À Varsovie, une réponse au manifeste de la Czarine a été publiée, critiquant l'intervention militaire russe en Pologne. Le Comte de Lewolde, ambassadeur de la Czarine, a annoncé son départ pour Königsberg. Le 13 août, les corps du roi Jean III et du feu roi ont été transférés du Château de Varsovie au Palais du Faubourg de Cracovie, accompagnés d'une messe solennelle et d'oraisons funèbres. L'ouverture de la Diète d'Élection a eu lieu le 25 août près de Varsovie. Le Primat et plusieurs sénateurs ont prononcé des discours exhortant la noblesse à défendre sa liberté face aux menaces des puissances étrangères. Lors des séances suivantes, M. Radziewski a été élu Maréchal de la Diète. Quelques rumeurs ont circulé sur l'avancée des troupes moscovites en Lituanie, mais elles n'ont pas suscité d'inquiétude majeure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 2251-2255
MANIFESTE que les Etats de la République de Pologne, assemblez en Diette pour l'Election d'un Roy, ont publié à l'occasion de l'entrée des Troupes Russiennes dans le Grand-Duché de Lithuanie.
Début :
NOUS, les Sénateurs Spirituels et Séculiers, et toute la Noblesse de la Couronne de Pologne [...]
Mots clefs :
Élection, Royaume, République, Troupes étrangères, Libre, Patrie, Sang, Puissances, Grand-duché de Lituanie, Pologne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MANIFESTE que les Etats de la République de Pologne, assemblez en Diette pour l'Election d'un Roy, ont publié à l'occasion de l'entrée des Troupes Russiennes dans le Grand-Duché de Lithuanie.
MANIFESTE que les Etats de la
République de Pologne , assemblez en
Diette pour l'Election d'un Roy , one
publié à l'occasion de l'entrée des
Troupes Russiennes dans le Grand-
Duché de Lithuanie.
No
OUS , les Sénateurs Spirituels et Séculiers;
er toute la Noblesse de la Couronne de Polo-
Ene et du Grand-Duché de Lithuanie , voulant
derniser à jamais une Procedure aussi injuste , que
2262 MERCURE DE FRANCE
elle de l'entrée des Russiens , sçavoir faisons par la
Présente , a tous un chacun .
Nous avons toujours observé inviolablement es
saintement les Traitez d'Alliance et d'Amitié avec
les très - illustres Puissances voisines. Dans la derniere
Diette generale de Convocation , nous avons
non- seulement confirmé ces Traitez , mais nous y
avons donné , tant en notre nom , qu'au nom de
nos très - illustres Rois , les assurances les plus fortes
que nous entretiendrions religieusement et avecj oye
une amitié sincere avec lesdites Puissances .
Notre intention n'a jamais été de causer le moindre
préjudice à nos Voisins ; nous en prenons à témoin
le Grand-Dieu , notre Juge suprême : Nous
sommes assemblz ici au lieu ordinaire, entre Vvarsovie
et vola,selon l'ancienne pratique en usage depuis
le Regne du très- illustre Roy Sigismond Auguste ,
conformement aux Loix fondamentales et Constitutions
du Royaume et en vertu de nos Privileges et
des Pacta Conventa , faits avec nos très-illustres
Rois , afin d'y preceder d'un suffrage libre et una-
Aime , et de notre propre mouvement et volonté , à
l'Election d'un Roy , ainsi qu'il appartient à une
Nation libre , qui ne veut être contrainte ni dépendre
de qui que ce soit ; nous avons commencé pour
cet effet nos déliberations , en će qui regarde l'Election
et les affaires de notre Royaume, et nous l'avons
fait jusqu'à présent d'une maniere paisible , n'ayant
ni guerre ni aucun differend avec qui que ce soit, et
ne voulant pas nous méler des affaires étrangeres,
Mais comme nous avons appris que l'Armée de
la très-illustre Czarienne est entrée en Lithuanie es
qu'elle poursuit sa marche vers les Frontieres de
Pologne , dans le dessein d'opprimer , sous un pou
voir arbitraire notre libre Election , indépendante
de qui que ce soit; de violenter le premier et le plus
autheng
OCTOBRE. 17337 2253
Authentique de nos droits , qui est celui de l'Election;
de violer les Pacta et les Traitez conclus cy -devant
et en particulier celui du Pruth , de maîtriser notre
Patrie exempte de tout reproche , d'y faire couler des
ruisseaux de sang et de soüiller notre Pais d'un sang
innocent ; nous ne pouvons plus nous retenir ni nous
empêcher de manifester devant Dieu , les Puissances
voisines et le Monde entier , les injustices et les
violences qu'on commet envers nous , au moyen d'u
ne procedure aussi illégale que celle de l'entrée desdites
Troupes Czariennes dans ce Royaume , sans
que nous y ayons donné le moindre sujet , et qui no
rend qu'a ravager notre Pays par des attentats injustes
, et à opprimer les droits incontestables d'une
ibre Election , acquis par nos Ancêtres au prix de
feur sang et reconnus de tout temps par les Puissances
voisines,
- Nous nous adressons à tous les Potentats , et nous
Leur déclarons par la Présente , que notre intention
n'étant pas d'agir offensivement ( Dieu en est témoin )
nous avons résolu , selon le droit naturel , et permis
à un chacun pour sa propre deffense , de sacrifier notre
sang, nos vies et tout ce qui est en notre pouvoir
, à l'exemple de nos Ancêtres , pour le maintien
d'une Prérogative et d'un droit aussi précieux
que celui d'une libre Election , et d'appeller à notre
secours celui dont la vengeance poursuit les coupables
et dont la justice prend la defense des innocens
et les maintient dans leurs Droits , Libertez et Pré-
Kogatives : Ultima pro nobis vibrabit fulmina celum
, enfin le Ciel lancerases foudres en notre faveur.
par ··Comme nous avons appris , tant les Manifestes
des Moscovites, que par la voix publique , qu'il
se trouve quelques Membres de la République , tanı
de l'Ordre Ecclesiastique que de l'Ordre Séculier,
qui
254 MERCURE DE FRANCE
qui ont appellé lesdites Troupes étrangeres pour op➡
primer avec violence et à main armée la libre Elec
tion et troubler la tranquillité, tant interieure qu'exserieure
de la Patrie, la République les regarde com
me de veritables Monstres dégénérez de leur Race,
et une engeance de Vipere dénaturée et déchaînée
contre leur propre Mere ; Elle les desavoie et les
raye du Livre des vivans et de ceux qui sont éle
wex dans l'état de liberté , comme des gens indignes
de ce précieux gage ; elle les retranche et sépare du
Corps de la République comme des Membres pourris
et infectez du feu d'une rage infernale ; elle les déseste
comme des enfans illegitimes, qui n'appartienment
pas à l'héritage de leur commune Mere, parse
qu'ils ont osé lever leurs mains cruelles contre
elle. Elle les déclare ennemis de la Patrie , rebelles
infâmes et invindicabilia Capita , ainsi que tous
seux qui à l'avenir pourront les aller joindre , enwretenir
correspondance avec eux , ou qui les assisseront
directement ou indirectement , ces sortes de
gens étant véritablement des exnemis capitaux de
la Patrie, puisqu'ils ont entrepris d'y introduire des
Troupes ennemies et de l'inonder d'un Déluge da
sang et de larmes.
Les Etats de la République s'engagent de s'élever
Contre un tel ou tels , quelqu'en puisse être le
nombre ; de se saisir de leurs biens et de ceux de
Beurs Successeurs , pour les joindre au fisc , et s'em
servir ensuite pour dédommager ceux dont les biens
auront été ravagez par les Troupes étrangeres ,
introduites dans le Royaume d'une maniere så
impie.
La maison dans laquelle un tel ou tels ont habité,
sera razée, pour une marque éternelle de leur
trahison ; on ne leur accordera point d'Amnistie,
ils ne pourrons jamais être réhabilitez dans
Lesn
OCTOBRE. 1733. 2255
Teur précédente égalité ; leurs femmes même se
vont privées de leurs Privileges et prerogatives.
S'i arrive qu'un Evêque soit du nombre de tels
Sujets , il sera frustré de sa dignité , autorité et ac-
Sivité dans les Assemblées publiques , et les revenus
de ses biens seront mis en sequestre jusqu'à une dér
ision définitive à cet égard.
Il est expressément stipulé qu'aucun Evêque ni
Sénateur Séculier , ne pourra pendant ce temps de
rouble , sortir du Royaume ou envoyer quelqu'un
dans les Pays Etrangers , sous les peines portées cy
dessus contre les Rebelles , outre la confiscation de
ses biens et la perte de ses Charges , et ceux qui se
Prouveront actuellement hors du Royaume , seront
obligez d'y revenir sous les mêmes peines.
A cet effet , nous avons signé le présent Manifesta
dans tous ses points et clauses ; et si quelqu'un des
Evêques , Sénateurs , Ministres ou des Membres de
la Noblesse des deux Nations refusede le signerrfpa
reillement, il sera tenu , ipso facto , pour ennemi de
Ja Patrie. Fait au Camp Electoral , entre Vvar
sovie et Vvola, le 4. Septembre 1733.
République de Pologne , assemblez en
Diette pour l'Election d'un Roy , one
publié à l'occasion de l'entrée des
Troupes Russiennes dans le Grand-
Duché de Lithuanie.
No
OUS , les Sénateurs Spirituels et Séculiers;
er toute la Noblesse de la Couronne de Polo-
Ene et du Grand-Duché de Lithuanie , voulant
derniser à jamais une Procedure aussi injuste , que
2262 MERCURE DE FRANCE
elle de l'entrée des Russiens , sçavoir faisons par la
Présente , a tous un chacun .
Nous avons toujours observé inviolablement es
saintement les Traitez d'Alliance et d'Amitié avec
les très - illustres Puissances voisines. Dans la derniere
Diette generale de Convocation , nous avons
non- seulement confirmé ces Traitez , mais nous y
avons donné , tant en notre nom , qu'au nom de
nos très - illustres Rois , les assurances les plus fortes
que nous entretiendrions religieusement et avecj oye
une amitié sincere avec lesdites Puissances .
Notre intention n'a jamais été de causer le moindre
préjudice à nos Voisins ; nous en prenons à témoin
le Grand-Dieu , notre Juge suprême : Nous
sommes assemblz ici au lieu ordinaire, entre Vvarsovie
et vola,selon l'ancienne pratique en usage depuis
le Regne du très- illustre Roy Sigismond Auguste ,
conformement aux Loix fondamentales et Constitutions
du Royaume et en vertu de nos Privileges et
des Pacta Conventa , faits avec nos très-illustres
Rois , afin d'y preceder d'un suffrage libre et una-
Aime , et de notre propre mouvement et volonté , à
l'Election d'un Roy , ainsi qu'il appartient à une
Nation libre , qui ne veut être contrainte ni dépendre
de qui que ce soit ; nous avons commencé pour
cet effet nos déliberations , en će qui regarde l'Election
et les affaires de notre Royaume, et nous l'avons
fait jusqu'à présent d'une maniere paisible , n'ayant
ni guerre ni aucun differend avec qui que ce soit, et
ne voulant pas nous méler des affaires étrangeres,
Mais comme nous avons appris que l'Armée de
la très-illustre Czarienne est entrée en Lithuanie es
qu'elle poursuit sa marche vers les Frontieres de
Pologne , dans le dessein d'opprimer , sous un pou
voir arbitraire notre libre Election , indépendante
de qui que ce soit; de violenter le premier et le plus
autheng
OCTOBRE. 17337 2253
Authentique de nos droits , qui est celui de l'Election;
de violer les Pacta et les Traitez conclus cy -devant
et en particulier celui du Pruth , de maîtriser notre
Patrie exempte de tout reproche , d'y faire couler des
ruisseaux de sang et de soüiller notre Pais d'un sang
innocent ; nous ne pouvons plus nous retenir ni nous
empêcher de manifester devant Dieu , les Puissances
voisines et le Monde entier , les injustices et les
violences qu'on commet envers nous , au moyen d'u
ne procedure aussi illégale que celle de l'entrée desdites
Troupes Czariennes dans ce Royaume , sans
que nous y ayons donné le moindre sujet , et qui no
rend qu'a ravager notre Pays par des attentats injustes
, et à opprimer les droits incontestables d'une
ibre Election , acquis par nos Ancêtres au prix de
feur sang et reconnus de tout temps par les Puissances
voisines,
- Nous nous adressons à tous les Potentats , et nous
Leur déclarons par la Présente , que notre intention
n'étant pas d'agir offensivement ( Dieu en est témoin )
nous avons résolu , selon le droit naturel , et permis
à un chacun pour sa propre deffense , de sacrifier notre
sang, nos vies et tout ce qui est en notre pouvoir
, à l'exemple de nos Ancêtres , pour le maintien
d'une Prérogative et d'un droit aussi précieux
que celui d'une libre Election , et d'appeller à notre
secours celui dont la vengeance poursuit les coupables
et dont la justice prend la defense des innocens
et les maintient dans leurs Droits , Libertez et Pré-
Kogatives : Ultima pro nobis vibrabit fulmina celum
, enfin le Ciel lancerases foudres en notre faveur.
par ··Comme nous avons appris , tant les Manifestes
des Moscovites, que par la voix publique , qu'il
se trouve quelques Membres de la République , tanı
de l'Ordre Ecclesiastique que de l'Ordre Séculier,
qui
254 MERCURE DE FRANCE
qui ont appellé lesdites Troupes étrangeres pour op➡
primer avec violence et à main armée la libre Elec
tion et troubler la tranquillité, tant interieure qu'exserieure
de la Patrie, la République les regarde com
me de veritables Monstres dégénérez de leur Race,
et une engeance de Vipere dénaturée et déchaînée
contre leur propre Mere ; Elle les desavoie et les
raye du Livre des vivans et de ceux qui sont éle
wex dans l'état de liberté , comme des gens indignes
de ce précieux gage ; elle les retranche et sépare du
Corps de la République comme des Membres pourris
et infectez du feu d'une rage infernale ; elle les déseste
comme des enfans illegitimes, qui n'appartienment
pas à l'héritage de leur commune Mere, parse
qu'ils ont osé lever leurs mains cruelles contre
elle. Elle les déclare ennemis de la Patrie , rebelles
infâmes et invindicabilia Capita , ainsi que tous
seux qui à l'avenir pourront les aller joindre , enwretenir
correspondance avec eux , ou qui les assisseront
directement ou indirectement , ces sortes de
gens étant véritablement des exnemis capitaux de
la Patrie, puisqu'ils ont entrepris d'y introduire des
Troupes ennemies et de l'inonder d'un Déluge da
sang et de larmes.
Les Etats de la République s'engagent de s'élever
Contre un tel ou tels , quelqu'en puisse être le
nombre ; de se saisir de leurs biens et de ceux de
Beurs Successeurs , pour les joindre au fisc , et s'em
servir ensuite pour dédommager ceux dont les biens
auront été ravagez par les Troupes étrangeres ,
introduites dans le Royaume d'une maniere så
impie.
La maison dans laquelle un tel ou tels ont habité,
sera razée, pour une marque éternelle de leur
trahison ; on ne leur accordera point d'Amnistie,
ils ne pourrons jamais être réhabilitez dans
Lesn
OCTOBRE. 1733. 2255
Teur précédente égalité ; leurs femmes même se
vont privées de leurs Privileges et prerogatives.
S'i arrive qu'un Evêque soit du nombre de tels
Sujets , il sera frustré de sa dignité , autorité et ac-
Sivité dans les Assemblées publiques , et les revenus
de ses biens seront mis en sequestre jusqu'à une dér
ision définitive à cet égard.
Il est expressément stipulé qu'aucun Evêque ni
Sénateur Séculier , ne pourra pendant ce temps de
rouble , sortir du Royaume ou envoyer quelqu'un
dans les Pays Etrangers , sous les peines portées cy
dessus contre les Rebelles , outre la confiscation de
ses biens et la perte de ses Charges , et ceux qui se
Prouveront actuellement hors du Royaume , seront
obligez d'y revenir sous les mêmes peines.
A cet effet , nous avons signé le présent Manifesta
dans tous ses points et clauses ; et si quelqu'un des
Evêques , Sénateurs , Ministres ou des Membres de
la Noblesse des deux Nations refusede le signerrfpa
reillement, il sera tenu , ipso facto , pour ennemi de
Ja Patrie. Fait au Camp Electoral , entre Vvar
sovie et Vvola, le 4. Septembre 1733.
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Résumé : MANIFESTE que les Etats de la République de Pologne, assemblez en Diette pour l'Election d'un Roy, ont publié à l'occasion de l'entrée des Troupes Russiennes dans le Grand-Duché de Lithuanie.
En 1733, les États de la République de Pologne, réunis en Diète pour l'élection d'un roi, ont publié un manifeste en réponse à l'entrée des troupes russes dans le Grand-Duché de Lituanie. Les sénateurs spirituels et séculiers, ainsi que la noblesse des couronnes de Pologne et de Lituanie, expriment leur volonté de mettre fin à une procédure injuste déclenchée par cette intrusion. Ils affirment avoir toujours respecté les traités d'alliance et d'amitié avec les puissances voisines et déclarent que leur intention n'a jamais été de causer du préjudice à leurs voisins. Les États de Pologne soulignent qu'ils se sont réunis conformément aux lois fondamentales et aux constitutions du royaume pour procéder à l'élection libre d'un roi, sans guerre ni différend avec quiconque. Ils dénoncent l'entrée des troupes russes comme une violation de leurs droits et des traités antérieurs, notamment celui du Pruth, et comme une tentative d'opprimer leur élection libre et indépendante. Le manifeste appelle à la défense des droits et des libertés de la nation polonaise. Il stipule que ceux qui ont invité les troupes étrangères seront considérés comme des ennemis de la patrie et des rebelles. Les États s'engagent à confisquer les biens de ces individus et à les exclure de la République. Ils interdisent également aux évêques et sénateurs de quitter le royaume pendant cette période de trouble, sous peine de confiscation de leurs biens et de perte de leurs charges. Le manifeste est signé au camp électoral entre Varsovie et Vola, le 4 septembre 1733.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 2267-2275
Motifs des Résolutions du Roy, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 15 de ce mois, on distribua à l'Imprimerie Royale, un imprimé, intitulé : Motifs [...]
Mots clefs :
Roi de Pologne, Pologne, Empereur, République, Prince, Cour de Vienne, Armes, Électeur de Saxe, Europe, Liberté, Troupes, Trône, Élection, Couronne, Paix, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Motifs des Résolutions du Roy, &c. [titre d'après la table]
L
E. 1s de ce mois , on distribua à l'Imprimerie
Royale , un imprimé , intitulé : Motifs
des Résolutions du Roy , dont voici la teneur.
LE ROY a donné depuis son avenement à la
Couronne , des preuves éclatantes de sa modération
et de son amour pour la Paix , peut- être
même pourroit-on lui imputer de les avoir portées
trop loin : Cependant il a préféré le repos et
la félicité de ses peuples , à la funeste ambition
d'étendre les Limites de son Empire. Mais la mo,"
dération a ses bornes comme les autres vertus , ét
l'Europe jouiroit encore d'une tranquillité profonde
, si lès Ennemis de la France n'avoient pas
G vj forcé
·
2263 MERCURE DE FRANCE
forcé Sa Majesté à prendre les armes pour def
fendre la dignité de sa Couronne , la gloire de
la Nation Françoise , l'honneur et la liberté de
la Pologne.
*
Depuis que le Thrône de Pologne a été va
cant , le Roy a constamment, respecté la liberte
Polonoise , il n'a rien cxigé d'un peuple libre , et
seul arbitre de son sort. La République elle- mê--
me a imploré son secours, elle a redoublé ses instances
, à mesure que ses allarmes croissoient ,
et qu'elle se voyoit environnée d'armées ennemies
; elle a cherché dans l'équité et dans les for,
ces de Sa Majesté , un azyle toujours ouvert aux
Puissances qui sont menacées d'être opprimées,
Le Roy, a l'exemple de ses Ancêtres , a assuré sa
protection à la Pologne , il l'a déclaré 1 à tous
fes Souverains, mais dans, les termes les plus mesurez
, et avec cette modération digne des grands .
Princes. Il a même , dès les premiers momens.
fait connoître à la Cour de Vienne ce qui pou
voit seul prévenir les troubles en Europe ; et tou--
tes les démarches qu'il a faites depuis , sont autant
de monumens illustres de son amour pour
le maintien de la tranquillité publique..
Une conduite aussi sage n'a pas empêché la
Cour de Vienne , d'éclater contre un Prince né
dans le sein de la Pologne , et attaché au Roy
par des liens aussi étroits. Cette Cour encoura
gée par tant de mesures antérieures , favorables
a ses projets particuliers, a prodigué pour répondre
2 à la déclaration de Sa Majesté , les termes
les plus offensans , et qui devroient être inconnus
entre Princes que leurs Sceptres rendent égaux.Le
Roy n'est point sorti des bornes que sa sagesse
1. Cette declaration est imprimée N. 1.
2.Cette réponse est imprimée N. a.
lui
OCTOBRE 135 2269
lui avoit prefcrites : Il ne s'est point pressé de
tirer la vengeance que demandoit une insulte qui
lui devenoit personnelle ; et si les préparatifs necessaires
ont annoncé son juste ressentiment , il
en a suspendu les effets jusqu'au moment où il
ne lui a plus été possible de conserver la paix
sans blesser la dignité de sa Couronne , et l'honneur
de son Sang..
Peut-on douter que l'interêt personnel de l'Empereur
n'ait décidé de sa conduite , et n'ait dé◄
terminé les engagemens qu'il avoit pris pour dis
poser d'une Couronne indépendante de l'Empi
re , et qui n'étoit pas même encore vacante ID
prétendoit exclure également le Roy. Stanislaa
par le seul motif de ses liaisons avec la Francel'Electeur
de Saxe , parce qu'il paroissoit alors
avoir des interêts opposez à ceux de la Maison
d'Autriche. La mort du Roy Auguste a donné
lieu à de nouveaux projets : Cet Electeur s'est
hâté d'entrer dans toutes les vûës de l'Empereur,
et dès- lors il a cessé de mériter l'exclusion que
çe Prince et la Czarine lui avoient donnée . Cette
exclusion a été levée ; l'on a promis par un nou
veau Traité , d'élever l'Electeur de Saxe sur le
Thrône de Pologne , et les Troupes ennemies se
sont rapprochées de la République , pour la forcer
à souscrire à ces arrangemens ..
Les Polonois ont crú necessaire à leur liberté ,
d'exclure tout Prince étranger de la Couronne
qui étoit vacante. Cette exclusion a été pronon
cée par la Dictte de convocation , et elle a para
si essentielle , qu'elle a été affermie par un serment
solemnel. La Cour de Vienne a voulu franchir
cette nouvelle Barriere ; il n'est rien qu'elle
n'ait tenté pour procurer l'absolution de ce ser
ment ; comme si les interêts , et les projets sans
bor2270
MERCURE DE FRANCE
bornes ; de la Maison d'Autriche , devoient dé
cider d'un engagement, consacré par la Religion.
L'Empereur a redoublé ses efforts ; il avoit annoncé:
Qu'il ne permettroit jamais que Scanis-
» las remontât sur le Throne , sous prétexee de
sa premiere Election , ou de quelqu'autre ma-
» niere que ce fut. Ses Ministres près de la République
ont agi dans une parfaite intelligence
avec ceux de Saxe et de Moscovie ; il ont même
fait trophée de leur union, ils l'ont publiée avec
éclat à Warsovie ; toutes leurs déclarations ont
été faites dans le même esprit , mêmes insultes
au Roy de Pologne , mêmes ordres à la Répu
blique ; les menaces , les intrigues , les supposi
tions les plus calomnieuses, la marche des Troupes
, tout a été concerté entr'eux , tout leur a été
commun. Les Ministres de Saxe et de Moscovie,
fors de l'Election , se sont retirez chez celui de
l'Empereur ; et afin qu'il ne restår plus aucun
doute de leur union , le Ministre de l'Empereur
s'est joint à celui de Moscovie , pour notifier pus
bliquement au Primat l'entrée des Moscovites en
Pologne , et pour montrer à la République as➡
semblée les Fers qu'on lui avoit préparez. 1
"
La Cour de Vienne a -t-elle pu penser en im
poser à l'Europe , et se flatter de dissiper l'oras
ge, en differant de faire entrer ses Troupes en Po
logne , lors même qu'elle détérminoit les Moscovites
à y faire une irruption ? Elle a esperé que
les armes des Moscovites suffiroient pour intimider
et asservir les Polonois et d'ailleurs les
Troupes Imperiales et Saxones'n'étoient- elles
pas toujours sur les Frontieres de la Pologne
prêtes à y entrer pour soutenir leur violence !
** Cette déclaration est imprimée Nutz& A
A
OCTOBR E. 1733. 2271
A tous ces traits , il est difficile de reconnof
tre l'aggresseur. Les Traitez, par lesquels l'Empereur
a voulu disposer en Maître absolu de la
Couronne de Pologne ; l'exclusion qu'il s'est ef-
' forcé de donner sans authorité et sans pouvoir,
à un Prince que ses vertus rendent digne du
Thrône ; les assurances données à l'Electeur de
Saxe, pour le récompenser de sa docilité; la marche
des Troupes Impériales , de concert avec
celles de Saxe et de Moscovie; l'hoftilité que les
Moscovites ont commise dans le temps même de :
l'Election , pour assûrer par la force des armes
l'execution des projets de l'Empereur; cette hostilité
approuvée , et même annoncée par son Mi--
nistre. Toute cette conduite sera à jamais un té---
moignage public que ce Prince est seul autheur
de la guerre ; qu'il a forcé le Roy à prendre les
armes , par l'outrage qu'il a voulu faire à S. M.
et par les violences exercées ou par lui , on de
-son aveu , contre la République de Pologne.
>
Si tous ces efforts ont été inutiles lors de l'E- -
lection , le Roy et le Royaume de Pologne en
sont uniquement redevables à celui à qui seul
appartient de disposer des Couronnes , et qui
tient en ses mains les coeurs des Peuples, comme
ceux des Rois. Le courage des Polonois les a af
franchis de la servitude dans laquelle la Cour
'de Vienne vouloit les précipiter ; mais le Roy
ne peut demander raison qu'à l'Empereur, de son
opposition au rétablissement du Roy de Pologne
, de ses déclarations injurieuses , répandues
dans toute l'Europe par les Ennemis qu'il a suscitez
à la France et à la Pologne qui ne désiroient
que la paix et la liberté , des conseils qu'il
a donnez à la Cour de Russie des esperances
dont il a flatté celle de Saxe ; enfin de tous less
efforts
»
2272 MERCURE DE FRANCE
1
afforts qu'il fait encore pour soûtenir ses premiers
projets.
Envain la Cour de Vienne espere de cacher ses
intrigues aux yeux de l'Europe. On retrouve par
tout ses conseils , ses principes , ses expressions
indécentes , ses desseins formez contre la liberté
Polonoise.
›
Le Prince respectable contre lequel l'Empereur
s'éleve , est le même en qui la plus grande partie
des Souverains de l'Europe , et nommément
P'Empereur Joseph avoient reconnu le sacré
caractere de la Rayauté . L'alliance que le Roy
Stanislas avoit contractée avec le Roy , a changé
les dispositions et le langage de la Cour de Vienne
: Ce Prince est devenu dèslors,selon l'expics
sion des Alliez , un Citoyen proscrit de sa
Patrie . Cette variation auroit de quoi surpren
dre , si l'on n'en voyoit pas le principe dans le
projet que l'Empereur a formé d'offenser S. M.
dans la personne d'un Prince qui lui est cher , er
de se rendre le dispenrateur des Couronnes.
La République de Pologne n'a point de pré-
10gative plus précieuse que celle de disposer de
son Throne , attribut éminent de sa liberté , et
pour la conservation duquel on l'a vu verser son
sang. L'Empereur a voulu y donner atteinte ; il
n'a pas craint de marquer et le Prince qu'il vou
Toit exclure , et celui qu'il vouloit porter sur le
Throne. Il a entrepris de prononcer sans autho
rité , sur ce qui s'étoit passé dans l'intérieur de
la République au sujet de la premiere Election du
Roy de Pologne , il a décidé en Legislateur sou
verain des Loix qui doivent subsister en Pologne,
et des fondemens de la liberté qu'il a voulu ren-.
verser. Le seul menagement qu'il a cû pour elle ,
a été de déguiser ses entreprises sous les appa
rences
OCTOBRE . 1733. 2273
rences d'une protection trompeuse , et sous le
voile d'un prétendu Traité que le tumulte des
armes enfanta avec précipitation , et que la Republique
rendue à elle- même n'a pas crû devoir
suivre .
1
L'Empereur et la Czarine se sont toujours expliquez
à la République , comme on parle à un
Royaume tributaire , ou à une Nation subjugée .
Leurs menaces ont été accompagnées de la marche
de leurs Troupes jusques sur les Frontieres
P'armée Moscovite est entrée en Pologne . afin
de remplir ses engagemens avec l'Empereur , dans
le temps même de l'Election , dans la vue et pour
étouffer par le bruit des armes les Loix et les suf
frages de la République .
Cependant la Nation Polonoise a délibéré sur
l'Election de son Roy , avec cette tranquillité
que la justice seule peut inspirer au milieu des
dangers . Les voeux de la République avoient prévenu
le retour du Roy de Pologne , sa presence
a réuni les esprits , le Champ d'Election n'a retenti
que d'une voix en sa faveur , et cette déliberation
a été consommée avec une unanimité
dont on n'a pas vû d'exemple dans les Faftes de
la Pologne.
C'est cette unanimité qui devoit imposer un
silence eternel à ses Ennemis , puisqu'elle annonçoit
la volonté du Maître des Rois ; et c'est cependant
ce qui les détermine à se porter aux derniers
excès. Le comble est mis à la violence ; l'ar-'
mée Moscovite,par le concert des Alliez,s'avance
vers Varsovie ; les Troupes de l'Empereur et
de l'Electeur de Saxe sont prêtes à marcher sur
les mêmes traces , si les armes Moscovites ne
suffisent pas pour accabler un Peuple libre , qui
reclame ses droits les plus incontestables , et le
glorieux usage de sa liberté.
•
2174 MERCURE DE FRANCE
Que les Cours de Vienne et de Russie cessent
d'usurper l'auguste titre de Protecteurs de lo Pologne
: A ce titre même auroient - elles le droit
d'ouvrir et de fermer les Barrieres qui deffendent
l'accès du Throne vacant ? Ce n'est point e
touffant les droits d'une Nation , qu'on merite
le nom de son Protecteur , mais en la deffendant
contre ceux qui la voudroient opprimer.Le Roy
en avoit donné l'exemple à l'Empereur : Il no
craint point d'en prendre à témoin la Républi
que même et toute l'Europe : Quoique S. M.
dut souhaiter le rétablissement d'un Prince que
la France avoit reçu dans ses malheurs , et qui
lui est uni par les liens les plus sacrez , Elle n'a
rien exigé des Polonois , persuadée qu'il n'ap
partient qu'à la Nation Polonoise de rappeller
un Prince que les malheurs des temps avoient
long- temps séparé d'elle. La Lettre i de S. M.
au Primat du... ne réspire que la juftice et la
paix : l'Europe y reconnoîtra la droiture des intentions
du Roy; elle y verra combien le Roy
est éloigné d'inspirer au Roy de Pologne des
sentimens opposez aux interêts de la Républi
que ; et que s'il a souhaité avec empressement le
rétablissement de ce Prince , c'est pour concou
rir avec lui à l'observation des Traitez qui interessent
la Pologne, et contribuer en même- temps
à la félicité et à la gloire de cette République
à la tranquillité du Nord .
Ce n'est donc point par des vues d'ambition
ou d'interêt que le Roy prend les armes . Contente
de posseder un Royaume florissant , et de
regner sur un Peuple fidelle , Sa Majesté ne cherthe
point à reculer les bornes de sa domination.
Cette Lettre est imprimée N. 4
Ex
OCTOBRE. 17337 2275
Envain l'Empereur , pour interesser l'Empire
dans ses projets , cherche - t - il à l'allarmer sur
les desseins qu'il attribuë faussement à Sa Marsté.
L'Empereur a voulu la guerre , qu'il a renue
necessaire en outrageant le Roy dans ce qui
doit être le plus sacré parmi les Souverains . S
M. se propose d'effacer jusques aux moindres
traces de l'outrage que la Cour de Vienne a cru
lui faire , et de soutenir l'honneur de la France.
D'aussi justes motifs redoubleront encore l'ar
deur des Troupes Françoises : Elles prennent les
armes avec empressement pour vanger leur
Roy, et pour empêcher d'illustres Alliez de succomber
sous les forces que l'Empereur a suscitées
contre eux.C'est au Dieu des armées à donner
la Victoire. Le Roy peut l'invoquer avec
confiance , et esperer que ses succès respondront
à sa modération , à sa patience et à la pureté de
ses sentimens.
E. 1s de ce mois , on distribua à l'Imprimerie
Royale , un imprimé , intitulé : Motifs
des Résolutions du Roy , dont voici la teneur.
LE ROY a donné depuis son avenement à la
Couronne , des preuves éclatantes de sa modération
et de son amour pour la Paix , peut- être
même pourroit-on lui imputer de les avoir portées
trop loin : Cependant il a préféré le repos et
la félicité de ses peuples , à la funeste ambition
d'étendre les Limites de son Empire. Mais la mo,"
dération a ses bornes comme les autres vertus , ét
l'Europe jouiroit encore d'une tranquillité profonde
, si lès Ennemis de la France n'avoient pas
G vj forcé
·
2263 MERCURE DE FRANCE
forcé Sa Majesté à prendre les armes pour def
fendre la dignité de sa Couronne , la gloire de
la Nation Françoise , l'honneur et la liberté de
la Pologne.
*
Depuis que le Thrône de Pologne a été va
cant , le Roy a constamment, respecté la liberte
Polonoise , il n'a rien cxigé d'un peuple libre , et
seul arbitre de son sort. La République elle- mê--
me a imploré son secours, elle a redoublé ses instances
, à mesure que ses allarmes croissoient ,
et qu'elle se voyoit environnée d'armées ennemies
; elle a cherché dans l'équité et dans les for,
ces de Sa Majesté , un azyle toujours ouvert aux
Puissances qui sont menacées d'être opprimées,
Le Roy, a l'exemple de ses Ancêtres , a assuré sa
protection à la Pologne , il l'a déclaré 1 à tous
fes Souverains, mais dans, les termes les plus mesurez
, et avec cette modération digne des grands .
Princes. Il a même , dès les premiers momens.
fait connoître à la Cour de Vienne ce qui pou
voit seul prévenir les troubles en Europe ; et tou--
tes les démarches qu'il a faites depuis , sont autant
de monumens illustres de son amour pour
le maintien de la tranquillité publique..
Une conduite aussi sage n'a pas empêché la
Cour de Vienne , d'éclater contre un Prince né
dans le sein de la Pologne , et attaché au Roy
par des liens aussi étroits. Cette Cour encoura
gée par tant de mesures antérieures , favorables
a ses projets particuliers, a prodigué pour répondre
2 à la déclaration de Sa Majesté , les termes
les plus offensans , et qui devroient être inconnus
entre Princes que leurs Sceptres rendent égaux.Le
Roy n'est point sorti des bornes que sa sagesse
1. Cette declaration est imprimée N. 1.
2.Cette réponse est imprimée N. a.
lui
OCTOBRE 135 2269
lui avoit prefcrites : Il ne s'est point pressé de
tirer la vengeance que demandoit une insulte qui
lui devenoit personnelle ; et si les préparatifs necessaires
ont annoncé son juste ressentiment , il
en a suspendu les effets jusqu'au moment où il
ne lui a plus été possible de conserver la paix
sans blesser la dignité de sa Couronne , et l'honneur
de son Sang..
Peut-on douter que l'interêt personnel de l'Empereur
n'ait décidé de sa conduite , et n'ait dé◄
terminé les engagemens qu'il avoit pris pour dis
poser d'une Couronne indépendante de l'Empi
re , et qui n'étoit pas même encore vacante ID
prétendoit exclure également le Roy. Stanislaa
par le seul motif de ses liaisons avec la Francel'Electeur
de Saxe , parce qu'il paroissoit alors
avoir des interêts opposez à ceux de la Maison
d'Autriche. La mort du Roy Auguste a donné
lieu à de nouveaux projets : Cet Electeur s'est
hâté d'entrer dans toutes les vûës de l'Empereur,
et dès- lors il a cessé de mériter l'exclusion que
çe Prince et la Czarine lui avoient donnée . Cette
exclusion a été levée ; l'on a promis par un nou
veau Traité , d'élever l'Electeur de Saxe sur le
Thrône de Pologne , et les Troupes ennemies se
sont rapprochées de la République , pour la forcer
à souscrire à ces arrangemens ..
Les Polonois ont crú necessaire à leur liberté ,
d'exclure tout Prince étranger de la Couronne
qui étoit vacante. Cette exclusion a été pronon
cée par la Dictte de convocation , et elle a para
si essentielle , qu'elle a été affermie par un serment
solemnel. La Cour de Vienne a voulu franchir
cette nouvelle Barriere ; il n'est rien qu'elle
n'ait tenté pour procurer l'absolution de ce ser
ment ; comme si les interêts , et les projets sans
bor2270
MERCURE DE FRANCE
bornes ; de la Maison d'Autriche , devoient dé
cider d'un engagement, consacré par la Religion.
L'Empereur a redoublé ses efforts ; il avoit annoncé:
Qu'il ne permettroit jamais que Scanis-
» las remontât sur le Throne , sous prétexee de
sa premiere Election , ou de quelqu'autre ma-
» niere que ce fut. Ses Ministres près de la République
ont agi dans une parfaite intelligence
avec ceux de Saxe et de Moscovie ; il ont même
fait trophée de leur union, ils l'ont publiée avec
éclat à Warsovie ; toutes leurs déclarations ont
été faites dans le même esprit , mêmes insultes
au Roy de Pologne , mêmes ordres à la Répu
blique ; les menaces , les intrigues , les supposi
tions les plus calomnieuses, la marche des Troupes
, tout a été concerté entr'eux , tout leur a été
commun. Les Ministres de Saxe et de Moscovie,
fors de l'Election , se sont retirez chez celui de
l'Empereur ; et afin qu'il ne restår plus aucun
doute de leur union , le Ministre de l'Empereur
s'est joint à celui de Moscovie , pour notifier pus
bliquement au Primat l'entrée des Moscovites en
Pologne , et pour montrer à la République as➡
semblée les Fers qu'on lui avoit préparez. 1
"
La Cour de Vienne a -t-elle pu penser en im
poser à l'Europe , et se flatter de dissiper l'oras
ge, en differant de faire entrer ses Troupes en Po
logne , lors même qu'elle détérminoit les Moscovites
à y faire une irruption ? Elle a esperé que
les armes des Moscovites suffiroient pour intimider
et asservir les Polonois et d'ailleurs les
Troupes Imperiales et Saxones'n'étoient- elles
pas toujours sur les Frontieres de la Pologne
prêtes à y entrer pour soutenir leur violence !
** Cette déclaration est imprimée Nutz& A
A
OCTOBR E. 1733. 2271
A tous ces traits , il est difficile de reconnof
tre l'aggresseur. Les Traitez, par lesquels l'Empereur
a voulu disposer en Maître absolu de la
Couronne de Pologne ; l'exclusion qu'il s'est ef-
' forcé de donner sans authorité et sans pouvoir,
à un Prince que ses vertus rendent digne du
Thrône ; les assurances données à l'Electeur de
Saxe, pour le récompenser de sa docilité; la marche
des Troupes Impériales , de concert avec
celles de Saxe et de Moscovie; l'hoftilité que les
Moscovites ont commise dans le temps même de :
l'Election , pour assûrer par la force des armes
l'execution des projets de l'Empereur; cette hostilité
approuvée , et même annoncée par son Mi--
nistre. Toute cette conduite sera à jamais un té---
moignage public que ce Prince est seul autheur
de la guerre ; qu'il a forcé le Roy à prendre les
armes , par l'outrage qu'il a voulu faire à S. M.
et par les violences exercées ou par lui , on de
-son aveu , contre la République de Pologne.
>
Si tous ces efforts ont été inutiles lors de l'E- -
lection , le Roy et le Royaume de Pologne en
sont uniquement redevables à celui à qui seul
appartient de disposer des Couronnes , et qui
tient en ses mains les coeurs des Peuples, comme
ceux des Rois. Le courage des Polonois les a af
franchis de la servitude dans laquelle la Cour
'de Vienne vouloit les précipiter ; mais le Roy
ne peut demander raison qu'à l'Empereur, de son
opposition au rétablissement du Roy de Pologne
, de ses déclarations injurieuses , répandues
dans toute l'Europe par les Ennemis qu'il a suscitez
à la France et à la Pologne qui ne désiroient
que la paix et la liberté , des conseils qu'il
a donnez à la Cour de Russie des esperances
dont il a flatté celle de Saxe ; enfin de tous less
efforts
»
2272 MERCURE DE FRANCE
1
afforts qu'il fait encore pour soûtenir ses premiers
projets.
Envain la Cour de Vienne espere de cacher ses
intrigues aux yeux de l'Europe. On retrouve par
tout ses conseils , ses principes , ses expressions
indécentes , ses desseins formez contre la liberté
Polonoise.
›
Le Prince respectable contre lequel l'Empereur
s'éleve , est le même en qui la plus grande partie
des Souverains de l'Europe , et nommément
P'Empereur Joseph avoient reconnu le sacré
caractere de la Rayauté . L'alliance que le Roy
Stanislas avoit contractée avec le Roy , a changé
les dispositions et le langage de la Cour de Vienne
: Ce Prince est devenu dèslors,selon l'expics
sion des Alliez , un Citoyen proscrit de sa
Patrie . Cette variation auroit de quoi surpren
dre , si l'on n'en voyoit pas le principe dans le
projet que l'Empereur a formé d'offenser S. M.
dans la personne d'un Prince qui lui est cher , er
de se rendre le dispenrateur des Couronnes.
La République de Pologne n'a point de pré-
10gative plus précieuse que celle de disposer de
son Throne , attribut éminent de sa liberté , et
pour la conservation duquel on l'a vu verser son
sang. L'Empereur a voulu y donner atteinte ; il
n'a pas craint de marquer et le Prince qu'il vou
Toit exclure , et celui qu'il vouloit porter sur le
Throne. Il a entrepris de prononcer sans autho
rité , sur ce qui s'étoit passé dans l'intérieur de
la République au sujet de la premiere Election du
Roy de Pologne , il a décidé en Legislateur sou
verain des Loix qui doivent subsister en Pologne,
et des fondemens de la liberté qu'il a voulu ren-.
verser. Le seul menagement qu'il a cû pour elle ,
a été de déguiser ses entreprises sous les appa
rences
OCTOBRE . 1733. 2273
rences d'une protection trompeuse , et sous le
voile d'un prétendu Traité que le tumulte des
armes enfanta avec précipitation , et que la Republique
rendue à elle- même n'a pas crû devoir
suivre .
1
L'Empereur et la Czarine se sont toujours expliquez
à la République , comme on parle à un
Royaume tributaire , ou à une Nation subjugée .
Leurs menaces ont été accompagnées de la marche
de leurs Troupes jusques sur les Frontieres
P'armée Moscovite est entrée en Pologne . afin
de remplir ses engagemens avec l'Empereur , dans
le temps même de l'Election , dans la vue et pour
étouffer par le bruit des armes les Loix et les suf
frages de la République .
Cependant la Nation Polonoise a délibéré sur
l'Election de son Roy , avec cette tranquillité
que la justice seule peut inspirer au milieu des
dangers . Les voeux de la République avoient prévenu
le retour du Roy de Pologne , sa presence
a réuni les esprits , le Champ d'Election n'a retenti
que d'une voix en sa faveur , et cette déliberation
a été consommée avec une unanimité
dont on n'a pas vû d'exemple dans les Faftes de
la Pologne.
C'est cette unanimité qui devoit imposer un
silence eternel à ses Ennemis , puisqu'elle annonçoit
la volonté du Maître des Rois ; et c'est cependant
ce qui les détermine à se porter aux derniers
excès. Le comble est mis à la violence ; l'ar-'
mée Moscovite,par le concert des Alliez,s'avance
vers Varsovie ; les Troupes de l'Empereur et
de l'Electeur de Saxe sont prêtes à marcher sur
les mêmes traces , si les armes Moscovites ne
suffisent pas pour accabler un Peuple libre , qui
reclame ses droits les plus incontestables , et le
glorieux usage de sa liberté.
•
2174 MERCURE DE FRANCE
Que les Cours de Vienne et de Russie cessent
d'usurper l'auguste titre de Protecteurs de lo Pologne
: A ce titre même auroient - elles le droit
d'ouvrir et de fermer les Barrieres qui deffendent
l'accès du Throne vacant ? Ce n'est point e
touffant les droits d'une Nation , qu'on merite
le nom de son Protecteur , mais en la deffendant
contre ceux qui la voudroient opprimer.Le Roy
en avoit donné l'exemple à l'Empereur : Il no
craint point d'en prendre à témoin la Républi
que même et toute l'Europe : Quoique S. M.
dut souhaiter le rétablissement d'un Prince que
la France avoit reçu dans ses malheurs , et qui
lui est uni par les liens les plus sacrez , Elle n'a
rien exigé des Polonois , persuadée qu'il n'ap
partient qu'à la Nation Polonoise de rappeller
un Prince que les malheurs des temps avoient
long- temps séparé d'elle. La Lettre i de S. M.
au Primat du... ne réspire que la juftice et la
paix : l'Europe y reconnoîtra la droiture des intentions
du Roy; elle y verra combien le Roy
est éloigné d'inspirer au Roy de Pologne des
sentimens opposez aux interêts de la Républi
que ; et que s'il a souhaité avec empressement le
rétablissement de ce Prince , c'est pour concou
rir avec lui à l'observation des Traitez qui interessent
la Pologne, et contribuer en même- temps
à la félicité et à la gloire de cette République
à la tranquillité du Nord .
Ce n'est donc point par des vues d'ambition
ou d'interêt que le Roy prend les armes . Contente
de posseder un Royaume florissant , et de
regner sur un Peuple fidelle , Sa Majesté ne cherthe
point à reculer les bornes de sa domination.
Cette Lettre est imprimée N. 4
Ex
OCTOBRE. 17337 2275
Envain l'Empereur , pour interesser l'Empire
dans ses projets , cherche - t - il à l'allarmer sur
les desseins qu'il attribuë faussement à Sa Marsté.
L'Empereur a voulu la guerre , qu'il a renue
necessaire en outrageant le Roy dans ce qui
doit être le plus sacré parmi les Souverains . S
M. se propose d'effacer jusques aux moindres
traces de l'outrage que la Cour de Vienne a cru
lui faire , et de soutenir l'honneur de la France.
D'aussi justes motifs redoubleront encore l'ar
deur des Troupes Françoises : Elles prennent les
armes avec empressement pour vanger leur
Roy, et pour empêcher d'illustres Alliez de succomber
sous les forces que l'Empereur a suscitées
contre eux.C'est au Dieu des armées à donner
la Victoire. Le Roy peut l'invoquer avec
confiance , et esperer que ses succès respondront
à sa modération , à sa patience et à la pureté de
ses sentimens.
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Résumé : Motifs des Résolutions du Roy, &c. [titre d'après la table]
En octobre 1733, un imprimé intitulé 'Motifs des Résolutions du Roy' est distribué à l'Imprimerie Royale. Le roi de France y expose sa modération et son amour pour la paix, tout en soulignant que les ennemis de la France l'ont contraint à prendre les armes. Cette décision vise à défendre la dignité de sa couronne, la gloire de la nation française, ainsi que l'honneur et la liberté de la Pologne. Depuis la vacance du trône de Pologne, le roi a respecté la liberté polonaise et a protégé la Pologne face aux menaces extérieures. Cependant, la Cour de Vienne, encouragée par des mesures favorables à ses projets, a adopté des termes offensants et a incité des troupes ennemies à menacer la Pologne. Le roi de France a suspendu ses préparatifs de vengeance jusqu'à ce qu'il ne puisse plus conserver la paix sans blesser sa dignité. L'Empereur et la Czarine ont tenté d'imposer leurs choix pour le trône de Pologne, malgré les serments et les lois polonaises. Les troupes moscovites, saxonnes et impériales ont menacé et envahi la Pologne pour imposer leurs projets. Le roi de France affirme que ces actions sont la preuve que l'Empereur est l'agresseur et que la France ne cherche pas à étendre son empire mais à défendre la liberté et la paix. Les troupes françaises sont déterminées à défendre l'honneur de la France et à soutenir leur roi. Elles prennent les armes avec empressement pour venger leur souverain et protéger leurs alliés illustres menacés par les forces de l'empereur. La victoire est confiée au 'Dieu des armées'. Le roi peut invoquer ce divin soutien avec confiance, espérant que ses succès refléteront sa modération, sa patience et la pureté de ses sentiments.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 2276-2277
DECLARATION de l'Empereur, en réponse de celle de Sa Majesté.
Début :
No 2. L'Empereur n'a pas jugé digne de son attention, les insinuations mal fondées, [...]
Mots clefs :
Empereur, République, Pologne, Droits, Alliés
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texteReconnaissance textuelle : DECLARATION de l'Empereur, en réponse de celle de Sa Majesté.
·DECLARATION de l'Empereur.
réponse de celle de Sa Majesté.
N° 2.
"
en
L'Empereur n'a pas jugé digne de son
>
dées , qu'on employoit en Pologne pour détourner
les bons Patriotes à mettre leur confiance en
un Prince ami , voisin et allié , qui , à l'exemple
de ses augustes Prédécesseurs , bien loin de permettre
qu'on donne la moindre atteinte à la liberté
de la République , et à sa constitution
telle qu'elle se trouve établie par les Loix , en
sera toujours le plus ferme appuyy..Garant de cette
liberté , en vertu des Pacta conventa qui depuis
deux siécles subsistent entre l'auguste Maison
d'Austriche, et les Sérénissimes Rois de Pologne,
et la République de ce nom , le soin de la maintenir
contre les entreprises de qui que ce soit , le
touche principalement ; et bien loin que ses Ministres
ayent imité ceux qui prétendent borner
les suffrages d'une Nation libre , à un seul sujet,
ils ont déclaré dès le commencement de l'interregne
, tant de vive voix , que par écrit : Que
PEmpereur ne souffrira pas , qu'aucuns moyens.
con-
1
OCTOBRE . 1733 2277
contraires aux droits d'une libre Election , tels
qu'ils se trouvent établis par les constitutions du
Royaume , y soient employez , quand même on
voudroit s'en servir pour faire monter sur le
Trône de Pologne un Candidat , qui d'ailleurs
useroit agréable .
Tels étant donc les sentimens de ce Prince , et
tels étant encore ceux de ses Alliez , dont il est
inséparable , il ne pouvoit qu'être extrêmement
surpris , que par une déclaration conçue en des
termes peu mesurez , et répandue avec une affectation
indécente , on ait voulu faire tomber sur
lui un reproche qui conviendroit mieux à ceux
qui agissent par des voies et des principes opposez.
Souverain dans ses Etats hereditaires , il n'a
à rendre aucun compte de la marche de ses Troupes
en Silesie ; la justice qui regle toutes ses actions
, ne laisse aucun doute sur le but qu'il s'est
proposé , et il fera paroître en cette occasion
comme en toute autre , autant de droiture en ce
qui regarde les droits d'autrui , que de fermeté
à soutenir les siens et ceux de ses alliez.
réponse de celle de Sa Majesté.
N° 2.
"
en
L'Empereur n'a pas jugé digne de son
>
dées , qu'on employoit en Pologne pour détourner
les bons Patriotes à mettre leur confiance en
un Prince ami , voisin et allié , qui , à l'exemple
de ses augustes Prédécesseurs , bien loin de permettre
qu'on donne la moindre atteinte à la liberté
de la République , et à sa constitution
telle qu'elle se trouve établie par les Loix , en
sera toujours le plus ferme appuyy..Garant de cette
liberté , en vertu des Pacta conventa qui depuis
deux siécles subsistent entre l'auguste Maison
d'Austriche, et les Sérénissimes Rois de Pologne,
et la République de ce nom , le soin de la maintenir
contre les entreprises de qui que ce soit , le
touche principalement ; et bien loin que ses Ministres
ayent imité ceux qui prétendent borner
les suffrages d'une Nation libre , à un seul sujet,
ils ont déclaré dès le commencement de l'interregne
, tant de vive voix , que par écrit : Que
PEmpereur ne souffrira pas , qu'aucuns moyens.
con-
1
OCTOBRE . 1733 2277
contraires aux droits d'une libre Election , tels
qu'ils se trouvent établis par les constitutions du
Royaume , y soient employez , quand même on
voudroit s'en servir pour faire monter sur le
Trône de Pologne un Candidat , qui d'ailleurs
useroit agréable .
Tels étant donc les sentimens de ce Prince , et
tels étant encore ceux de ses Alliez , dont il est
inséparable , il ne pouvoit qu'être extrêmement
surpris , que par une déclaration conçue en des
termes peu mesurez , et répandue avec une affectation
indécente , on ait voulu faire tomber sur
lui un reproche qui conviendroit mieux à ceux
qui agissent par des voies et des principes opposez.
Souverain dans ses Etats hereditaires , il n'a
à rendre aucun compte de la marche de ses Troupes
en Silesie ; la justice qui regle toutes ses actions
, ne laisse aucun doute sur le but qu'il s'est
proposé , et il fera paroître en cette occasion
comme en toute autre , autant de droiture en ce
qui regarde les droits d'autrui , que de fermeté
à soutenir les siens et ceux de ses alliez.
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Résumé : DECLARATION de l'Empereur, en réponse de celle de Sa Majesté.
L'Empereur répond à une accusation concernant les événements en Pologne en affirmant qu'il n'a jamais cherché à restreindre la liberté de la République polonaise. Il se présente comme garant de cette liberté, conformément aux Pacta conventa, des accords existants depuis deux siècles entre la Maison d'Autriche et les rois de Pologne. L'Empereur souligne que ses ministres ont toujours soutenu le droit à une élection libre en Pologne, sans favoriser un candidat particulier. Il exprime sa surprise face à une déclaration hostile qui lui attribue des intentions contraires à ses principes. L'Empereur affirme également son droit souverain de déplacer ses troupes en Silésie et assure qu'il agira avec justice et fermeté pour défendre ses droits et ceux de ses alliés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 2387-2391
TRADUCTION du Testament de Pierre Pithou.
Début :
Né dans un siecle corrompu et parmi des moeurs entierement perduës, [...]
Mots clefs :
Testament, Amis, Avarice, Justice, République, Guerres, Gens de bien, Ennemis, Religion
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texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION du Testament de Pierre Pithou.
TRADUCTION du Testament de
Pierre Pithou.
N
E' dans un siecle corrompu et parmi
des moeurs entierement perduës
, j'ai conservé la bonne foy et la
droiture autant que j'ay pû.
J'ai chéri , j'ai cultivé mes amis avec
une affection entiere, J'ai été plus sensible
au plaisir de vaincre mes ennemis
par des bienfaits , ou de les laisser dans
l'indifference , qu'à celui de me venger.
Ma femme m'a tenu lieu d'un autre
C vj moi2388
MERCURE DE FRANCE
moi- même j'ai élevé mes enfans avec
indulgence ; j'ai agi avec mes Domesti
ques comme avec des hommes .
J'ai haï le vice , même dans mes plus
proches ; mais j'ai adoré la vertu jusques
dans les Etrangers et dans mes ennemis .
J'ai eu plus de soin de conserver que
d'augmenter mon bien .
Je n'ai point fait et n'ai point souffert
qu'il fût fait aux autres ce que je
n'aurois point voulu que l'on me fit.
Une grace injuste où difficilement ob
tenuë , m'a parû trop cherement achetée.
J'ai regardé la crapule et l'avarice
comme des Monstres détestables dans
tous les hommes , mais sur tout dans les
Ministres de l'Eglise et dans ceux de la
Justice.
Adolescent , jeune homme , homme
fait , j'ai toûjours déféré à la vieillesse .
J'ai aimé uniquement ma Patrie .
Le rang , les honneurs , la Magistra-.
ture , ont eu moins d'attraits pour moi
que le désir d'être occupé ; plus content
d'agir que de commander.
Bien que je ne fusse que Particulier ,
je me suis empressé à être utile au Public;
je l'ai préferé à tout, et j'ai crû que
le parti le plus sûr et le plus avantageux
étoit d'y demeurer attaché .
Ma
NOVEMBRE. 1733 2389
Ma plus chere envie a été de soutenir
et de réparer la République chancelante;
les nouveautez , les changemens , les renversemens
, ne m'ont jamais plû.
Une paix même injuste , ( que les gens
de bien soient de mon avis , ) est plus
avantageuse que les discordes et les
guerres
civiles.
J'ai vu ( a ) avec douleur la Religion ,
la pieté , profanées jusqu'au point de servir
de voile et de prétexte à l'avarice , à
l'ambition et au crime.
Curieux admirateur de la bonne Antiquité
, l'ayant étudiée avec soin , je l'ai
placée au- dessus de la Nouveauté.
J'ai évité , j'ai fui les vaines questions,
les disputes subtiles sur les matieres divines
, comme trop dangereuses.
J'ai connu par experience que la simplicité
accompagnée et comme enveloppée
de la prudence , réussit plus sûrement
et plus heureusement dans ses projets
, que l'artifice et le déguisement.
J'ai moins étudié l'Art de bien dire ,
que la Science qui apprend à juger sai
nement de tour.
(a) Pour l'intelligence de cet article et de quelques
autres, ilfaut se transporter dans les temps ausquels
Pithou vivoit , pendant les guerres de la Religion
et de la Ligue sous les Rois Charles IX. Henry III.
at Henry IV.
2390 MERCURE DE FRANCE
Loin de la foule ambitieuse , sans avarice
, sans envie , au milieu de plusieurs
amis , gens de bien et puissants , dans une
fortune assez commode , j'ai ressenti des
inquiétudes inconnues aux Particuliers .
Il est vrai que les affaires de la République
et celles de mes amis , me les attirerent
plus que les miennes propres.
J'ai compté pour les jours de ma vie
les plus agréables , ceux où j'ai servi le-
Public et mes amis.
Les maux présens m'ont parû plus aisez
à supporter que la vûë de ceux qui me
menaçoient. J'ai soutenu les dernieres
extrémitez avec plus de fermeté qu'un
état flotant et irrésolu .
Pour faire taire la censure la plus maligne,
et pour réprimer les traits plus violens,
j'ay éprouvé qu'il falloit être ferme,
constant , sincere , égal pour tous , dans
l'administration de la Justice .
Que les Loix plutôt que ma volonté ,
décident sur mes biens, quels qu'ils puissent
être après ma mort.
Je ne desire qu'une chose et je l'espere ,
c'est que ma femme , si remplie de vertu
et qui me fut si chere , ait pour nos enfans
les sentimens , les bontez et les mêmes
soins , dont elle m'a comblé pendant
ma vie.
Tes
NOVEMBRE. 1733. 2391
Tels ont été mes sentimens ; tel est le
témoignage de ma conscience ; demandant
en grace à ceux de la Posterité qui
le liront , de le recevoir avec bonté et
de l'interpréter dans un esprit aussi simple
et aussi droit que celui dont je l'ai
écrit.
Fait à Paris. par moi Pierre Pithou , en
l'année 1,87. le premier de Novembre ,
à pareil jour que celui de ma naissance .
Pierre Pithou.
N
E' dans un siecle corrompu et parmi
des moeurs entierement perduës
, j'ai conservé la bonne foy et la
droiture autant que j'ay pû.
J'ai chéri , j'ai cultivé mes amis avec
une affection entiere, J'ai été plus sensible
au plaisir de vaincre mes ennemis
par des bienfaits , ou de les laisser dans
l'indifference , qu'à celui de me venger.
Ma femme m'a tenu lieu d'un autre
C vj moi2388
MERCURE DE FRANCE
moi- même j'ai élevé mes enfans avec
indulgence ; j'ai agi avec mes Domesti
ques comme avec des hommes .
J'ai haï le vice , même dans mes plus
proches ; mais j'ai adoré la vertu jusques
dans les Etrangers et dans mes ennemis .
J'ai eu plus de soin de conserver que
d'augmenter mon bien .
Je n'ai point fait et n'ai point souffert
qu'il fût fait aux autres ce que je
n'aurois point voulu que l'on me fit.
Une grace injuste où difficilement ob
tenuë , m'a parû trop cherement achetée.
J'ai regardé la crapule et l'avarice
comme des Monstres détestables dans
tous les hommes , mais sur tout dans les
Ministres de l'Eglise et dans ceux de la
Justice.
Adolescent , jeune homme , homme
fait , j'ai toûjours déféré à la vieillesse .
J'ai aimé uniquement ma Patrie .
Le rang , les honneurs , la Magistra-.
ture , ont eu moins d'attraits pour moi
que le désir d'être occupé ; plus content
d'agir que de commander.
Bien que je ne fusse que Particulier ,
je me suis empressé à être utile au Public;
je l'ai préferé à tout, et j'ai crû que
le parti le plus sûr et le plus avantageux
étoit d'y demeurer attaché .
Ma
NOVEMBRE. 1733 2389
Ma plus chere envie a été de soutenir
et de réparer la République chancelante;
les nouveautez , les changemens , les renversemens
, ne m'ont jamais plû.
Une paix même injuste , ( que les gens
de bien soient de mon avis , ) est plus
avantageuse que les discordes et les
guerres
civiles.
J'ai vu ( a ) avec douleur la Religion ,
la pieté , profanées jusqu'au point de servir
de voile et de prétexte à l'avarice , à
l'ambition et au crime.
Curieux admirateur de la bonne Antiquité
, l'ayant étudiée avec soin , je l'ai
placée au- dessus de la Nouveauté.
J'ai évité , j'ai fui les vaines questions,
les disputes subtiles sur les matieres divines
, comme trop dangereuses.
J'ai connu par experience que la simplicité
accompagnée et comme enveloppée
de la prudence , réussit plus sûrement
et plus heureusement dans ses projets
, que l'artifice et le déguisement.
J'ai moins étudié l'Art de bien dire ,
que la Science qui apprend à juger sai
nement de tour.
(a) Pour l'intelligence de cet article et de quelques
autres, ilfaut se transporter dans les temps ausquels
Pithou vivoit , pendant les guerres de la Religion
et de la Ligue sous les Rois Charles IX. Henry III.
at Henry IV.
2390 MERCURE DE FRANCE
Loin de la foule ambitieuse , sans avarice
, sans envie , au milieu de plusieurs
amis , gens de bien et puissants , dans une
fortune assez commode , j'ai ressenti des
inquiétudes inconnues aux Particuliers .
Il est vrai que les affaires de la République
et celles de mes amis , me les attirerent
plus que les miennes propres.
J'ai compté pour les jours de ma vie
les plus agréables , ceux où j'ai servi le-
Public et mes amis.
Les maux présens m'ont parû plus aisez
à supporter que la vûë de ceux qui me
menaçoient. J'ai soutenu les dernieres
extrémitez avec plus de fermeté qu'un
état flotant et irrésolu .
Pour faire taire la censure la plus maligne,
et pour réprimer les traits plus violens,
j'ay éprouvé qu'il falloit être ferme,
constant , sincere , égal pour tous , dans
l'administration de la Justice .
Que les Loix plutôt que ma volonté ,
décident sur mes biens, quels qu'ils puissent
être après ma mort.
Je ne desire qu'une chose et je l'espere ,
c'est que ma femme , si remplie de vertu
et qui me fut si chere , ait pour nos enfans
les sentimens , les bontez et les mêmes
soins , dont elle m'a comblé pendant
ma vie.
Tes
NOVEMBRE. 1733. 2391
Tels ont été mes sentimens ; tel est le
témoignage de ma conscience ; demandant
en grace à ceux de la Posterité qui
le liront , de le recevoir avec bonté et
de l'interpréter dans un esprit aussi simple
et aussi droit que celui dont je l'ai
écrit.
Fait à Paris. par moi Pierre Pithou , en
l'année 1,87. le premier de Novembre ,
à pareil jour que celui de ma naissance .
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Résumé : TRADUCTION du Testament de Pierre Pithou.
Dans son testament, Pierre Pithou expose ses valeurs et principes de vie. Il affirme avoir maintenu la bonne foi et la droiture malgré un siècle corrompu. Il a chéri ses amis et préféré vaincre ses ennemis par des bienfaits plutôt que par la violence. Il a élevé ses enfants avec indulgence et a traité ses domestiques avec humanité. Pithou a haï le vice même chez ses proches et a admiré la vertu chez tous. Il a choisi de conserver son bien plutôt que de l'augmenter et a évité de faire ou de subir ce qu'il n'aurait pas voulu endurer. Il a méprisé la crapule et l'avarice, surtout chez les ministres de l'Église et de la justice. Il a toujours respecté la vieillesse et aimé sa patrie plus que les honneurs. Bien qu'étant un particulier, il s'est efforcé d'être utile au public et a soutenu la République chancelante. Il a été attristé par la profanation de la religion et a étudié la bonne antiquité avec soin. Pithou a évité les disputes subtiles sur les matières divines et a préféré la simplicité à l'artifice. Il a vécu sans avarice ni envie, mais avec des inquiétudes dues aux affaires de la République et de ses amis. Il souhaite que ses biens soient répartis selon les lois et que sa femme continue de prendre soin de leurs enfants avec les mêmes soins qu'elle lui a portés. Enfin, il demande à la postérité de recevoir son témoignage avec bonté et droiture.
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14
p. 2697-2704
PARALLELE, de l'Election à la Couronne de Pologne, faite en faveur du Serénissime STANISLAS LESZCZYNSKI, & du Sérénissime FREDERIC AUGUSTE.
Début :
1o. Le Serénissime Stanislas Leszczynski a eu pour lui les suffrages unanimes et prompts de [...]
Mots clefs :
Élection, Stanislas Leszczynski, Auguste III de Pologne, République, Royaume, Nomination, Constitution, Pologne, Diète de convocation, Suffrages
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texteReconnaissance textuelle : PARALLELE, de l'Election à la Couronne de Pologne, faite en faveur du Serénissime STANISLAS LESZCZYNSKI, & du Sérénissime FREDERIC AUGUSTE.
PARALLELE , de l'Election à la
Couronne de Pologne , faite en faveur du
Serenissime STANISLAS LESZCZYNSKI ,
du Serénissime FREDERIC AUGUSTE.
de
1°. Le Serénissime Stanislas Leszczynski a en
pour lui les suffrages unanimes et prompts
la Republique entiere , assemblée légitimement ,
c'est- à-dire de tous les Palatinats , Territoires
et Districts , au nombre de plus de 60000 hommes,
après que S. A.le Primat leur a eu demandễ
qui on devoit nommer Roi de Pologne ; et le
Grand Maréchal de la Couronne a proclamé ce
Prince en cette qualité .
I. De tant de milliers d'Hommes qui étoient ,
dans le Camp Electoral , pas un n'a nommé le
Serenissime Frédéric Auguste , et par conséquent
s'il n'a été proposé ni à la République ni par la
L. Voli
Ré
2698 MERCURE DE FRANCE
République , il n'a på en aucune maniere êtrè
nommé.
En quel tems .
2°. Le S. Stanislas a été élû dans le terme fixé
par unc constitution de la Diette de convocation
tenue cette année. Ainsi , on s'est conformé en
l'élisant à cette constitution qui prescrit pour des
raisons très importantes de terminer sans délai
P'Election du Roy , outre que dans le tempsmême
de l'Election , les Palatinats demandoient
qu'on pressa la nomination , comme il s'étoit
pratiqué dans un cas semblable ; sçavoir à l'Election
d'Uladislas IV. à laquelle les Russiens vou
loient mettre obstacle .
II. Lorsque le S. Frédéric Auguste a été élû ,
le temps de l'Election étoit passé , parce que cel
le du S Stanislas étant légitimement terminée
par la même , la Dietre d'Election l'étoit aussi ,
et que tous les Palatinats, Territoires et Districts
s'étoient retirez du Champ d'Election , après
avoir reçu les adieux de leur Maréchal , sans
avoir limité l'Acte d'Election , de sorte que si la
premiere Election avoit été deffectueuse , il en
faudroit faire une nouvelle , indiquer une nouvelle
Diette de Convocation , assembler de nouveau
les Diettines, expédier pour ce sujet de noupeaux
Universaux , & c,
En quel lieu.
3 °. Le S. Stanislas a été élû dans le lieu désigné
par une foule de Constitutions du Royaume,
et dernierement encore par celle de la Distte de
Convocation , tenue cette année ; c'est - à-dire
dans le Champ Electoral , ainsi qu'on l'appelle
proprement , entre Warsovie et le Village de
I. Vol. Vuola
DECEMBRE. 1733. 2899.
Vvola , où de temps immémorial des Elections
ont coûtume de se faire selon les anciennes Cons◄
titutions.
III. Le S. Frédéric- Auguste a été élû de l'autre
côté de la Vistule , dans la Plaine de Praage
joignant un Bois , près d'un Village , nommé
Kamien ; et là un grand Chemin a servi de
Champ Electoral , et une Hôtellerie de Szopa .
pour les Sénateurs au mépris des Constitutions,
Usages et Coutumes , et quoique les Dieures de
Convocation fixent toujours le temps et le lieu
où de tels Actes se doivent passer; tellement qu'un
Acte célébré hors du lieu , marqué par la Loy
est déslois absolument nul.
Par qui él .
4°. Le S. Stanislas a eu dans son E'ection , ce
qui en fait le point le plus essentiel ; sçavoir , la,
présence de tous les Palatinats , Terres , et Disericts
, sans en excepter un seul , qui après les
solemnitez ordinaires , Pont élû librement et de
plein gré, tellement que pour lui se sont réunies
les voix de plus de 60000 hommes , et d'un Peu-,
ple Electeur , dont la conduite et le droit song
irreprochables.
IV. Il ne s'est trouvé à l'Election du S. Frédéric-
Auguste, aucun Palatinar , Territoire , ni
District. li n'a été élû que par un petit nombre
de Gens et par de simples Particuliers , à qui la,
République n'avoit point donné pouvoir de le.
faire. Il a été élû par des Gens qu'on arrêta
lorsqu'ils retournoient chez eux après l'Election
et dont les uns donnérent leurs voix , ‹ffrayez,
par les Universaux du Général Lesci , qui menaçoit
de mettre tout à feu et à sang , tandis que
les autres vendirent bien leurs suffrages.
J. Vol.
ป
2700 MERCURE DE FRANCE
Il a été élû par des Parjures , dont quelques
uns avoient juré deux ou trois fois , que , se con
formant à l'intention unanime de la République
et aux Instructions expresses de la plupart des
Palatinats , Terres et Districts , ils n'éliroient
point de Candidat qui ne fut né de pere et de
mere Catholiques Romains , et qui cût des Domaines
ou des Armées hots du Royaume.
Il a eu pour Electeurs des Proscrits et des Ennemis
de la Patrie , déclarez tels , en partie par la
Constitution de la Diette de Convocation , contre
ceux qui éliroient un Roy étranger et ayant
des Domaines hors du Royaume, et en partie par
le Decret de la République entiere , assemblée
dans le Champ Electoral, Décret qu'elle a inséré
dans son Manifeste , contre l'invasion des Russiens
, et que signérent ceux - là même qui ont
adhéré à ces Russiens dans l'Election du S. Fré
deric- Auguste.
Au reste , je dis par le Décret , parce qu'effec
tivement il comprend , non seulement ceux qui
ont attiré l'Armée Russienne , mais encore tous
ceux qui pourroient dans la suite adhérer aux
Russiens , et que la République les y a déclareztous
également Ennemis de la Patrie , abandonnez
à la vengeance d'un chacun , &c.
Il faut aussi remarquer que n'y ayant à l'E
Tection aucun Député de la Grande Pologne , on
ya appellé deux jeunes Seigneurs du nom de
Dzialynski , qui faisoient leurs Etudes à Varsovie.
Ce qu'il y a de plus étrange , c'est qu'ur
Enfant de sept ans , Fils de l'Illustrissime Seigneur
Potocki, Maréchal de la Cour du Royaume
, a été invité à l'Election , et qu'on lui en a
fait signer l'Acte, afin , sans doute , qu'en voyant
ce nom parmi les autres , on puisse croire que
I. Fol. quel
DECEMBRE. 1733. 2701
quelqu'un de la Maison Potocki adhére au parti
de l'Electeur de Saxe.
Par qui nommé.
s . Le S. Stanislas a été nommé par Monsei
gneur Théodore Potocki , Archevêque de Gnêsne,
Primat du Royaume , c'est - à dire , un Prélat à
qui les Loix du Royaume , les Bulles des Papes ,
et particulierement la Constitution de la Diette
de Convocation , Constitution confirmée par le
serment des Evêques , conférent expres ément
et privativement à tous autres Evêques , le droit
de nommer le Roy. Tous sont donc exclus par
leurs sermens et sous certaines peines du droit
de nommer les Rois. Il y a même une Bulle du
Pape Sixte V. qui porté que , si un Roy a été
nommé par un autre que par le Primat du
Royaume , non - seulement l'Evêque qui a fait la
nomination , encourt des peines exprimées dans
cette Bulle , mais encore que cette nomination
est nulle et sans force.
V. Le S. Frederic Auguste a été nommé , non
par le Primat , mais par M. Hostus , Evêque de
Posnanie , en quoi ce Prélat a violé p.emierement
le serment géneral qu'il a prêté comme
Sénateur , de détourner tout ce qui peut être préjudiciable
à la République , puisque par sa nomination
il a attiré sur elle les plus grands maux,
porté atteinte à la liberté des Elections , occasionné
le renversement de l'Etat et des Loix ,
procuré l'effusion du sang humain , la désolation
du Royaume , l'oppression des Pauvres , la vio
lation des immunitez Ecclesiastiques , et enfin
le pillage des biens appartenans au Clergé .
Il a violé en second lieu le serment general
par lequel il s'est obligé dans la Diette de Con-
L. Vol. Vocation
2702 MERCURE DE FRANCE
vocation , de ne point élire de Roy étranger , on
ayant ses Domaines hors du Royaume.
Il a violé enfin le serment particulier que les au
tres Evêques et lui - même ont fait dans la susdite
Diette, de ne point attenter au droit de nommer
le Roy , droit que les Loix ont attaché à la dignité
du Primat. En un mot , le S. Auguste s'est
trouvé n'avoir que la nomination d'un Prélat ,
qui par cette nomination - là même , violoit tout
la fois trois sermens , et qui en même temps
encouroit les peines exprimées par le Decret que
la République entiere a inseré dans son Manifeste
et auquel lui - même a souscrit,
De quelle maniere ?
6. Le S. Stanillas a été élû par la République
avec une entiere liberté , et sans qu'il y cûr ni
Armée ni Troupes qui arrachassent les suffrages
de qui que ce soit en faveur d'un Candidat. Il a
été élú avec le consentement unanime de tous
ceux qui étoient dans le Champ Electoral , et sans
la moindre contradiction : Car il ne faut pas regarder
comme telles ni les oppositions que
M. Kaminski commençoit à faire dans le lieu
de la nomination , ni la retraite du Staroste d'O
poczyn , qui la veille de l'Election sortit du
Champ Electoral; le premier ramené par des re
montrances amiables et par de bons conseils , ré.
voqua son opposition de bon coeur et sans qu'on
lui fit la moindre violence ; il la révoqua à l'instant
et sur le lieu même , et il cria Vive Stanislase
Le second marqua par une Lettre la joye qu'il
avoit de l'heureux succès de l'Election et félicita
le Prince , sur qui elle étoit tombée , et quant
aux autres Electeurs , le lendemain de l'Election
ils allerent saluer l'Elû et l'assurer d'une parfaite
soumission.
DECEMBRE. 1733. 2703.
VI. Le S. Frederic Auguste a été élû avec
tout ce qui marque la derniere violence, puisque
les Electeurs étoient environnez d'une Armée
nombreuse , et qu'on n'obtint leurs suffrages
que par des persuasions armées . L'Election n'a
donc pas été libre. Mais comment eût - ele pů
l'être , lorsqu'un petit nombre de Citoyens pri-"
vez partagez en quatre Candidats , et devant
élire un Roy par confédération , voyoient dans
le parti du S. Frederic Auguste , le General Lesci,
agissant avec une autorité souveraine , nommer
et proclamer le premier ce Prince ? entraînez par.
la force superieure , ils ont accedé à cette Election
avec moins de joye que d'apparence de respect
, et on en trouve les preuves dans une Let-'
tre originale du même General Lesci au Comte
d'Osterman , où il s'exprime en ces termes :
Les Seigneurs Polonois étant divisez entre eux
sur le choix d'un Candidat , je les ai obligez par
des promesses et plus encore par des menaces , à dé
ferer la Couronne à l'Electeur de Saxe. Il sera assez
puissant pour se maintenir sur le Trône et pour
deffendre ceux qui l'y ont élevé.
L'Election du Sérenissime Auguste II. de
glorieuse mémoire , quoique faite par une Session
, a de grands avantages sur la prétendue
Election du S. Frederic Auguste. La premiere
fut l'ouvrage d'une partie considerable de la République
, légitimement assemblée dans le lieu
accoûtumé et désigné par la Constitution et le
temps de l'Election n'étoit pas encore écoulé ,
de sorte qu'en même- temps et au même endroit,
on nomma les deux Candidats en présence de
tous les Palatinats , Terres et Districts . La se
conde n'a été faite ni dans le lieu ni au temps
que les Loix marquaient , ni à la face de la Ré
山
1. Vol. publique
2704 MERCURE DE FRANCE
publique assemblée , et le S. Frederic Augusté a
été proclamé par une poignée d'hommes desti ."
tuez de tout pouvoir et autorité , par des hommes
que les Loix ont notez , par des hommes"
Sujets aux peines décernées contre les Traîtres ,'
et enfin sans qu'il ait assisté à cet Acte aucun
Palatinat , Territoire ni District.
Sans y être mieux
autorisé
, on a transferé
de
Praage
à Warsovie
, les Séances
touchant
les
Pacta
Conventa
, et on les y a continuées
15.
jours de suite aprés cette fausse
Election
. Par les´
mêmes
Pacta-Conventa
, on a ouvert
aux Trou."
pes Russiennes
le passage
en Pologne
, et on leur
a permis
d'y aller en tels lieux qu'il leur plairoit.
On a bien voulu
fournir
par là une occasion
continuelle
à des troubles
domestiques
, et
de justes
raisons
aux Etrangers
de nous déclarer
la guerre
, et on s'est peu soucié
d'einbarasser
la République.
Nous soumettons ce fidelle et exact Parallele
au jugement de l'Univers . Qu'on juge qui il
faut reconnoître pour légitime Roy de Pologne,
ou d'un Prince élû contre toutes sortes de Loix
et Constitutions et par la seule force des Armes
ou d'un autre qui a été élû selon ces Loix er
Constitutions , et que les suffrages libres et unanimes
de tout ce qu'il y avoit d'Electeurs , ont
élevé sur le Trône.
Couronne de Pologne , faite en faveur du
Serenissime STANISLAS LESZCZYNSKI ,
du Serénissime FREDERIC AUGUSTE.
de
1°. Le Serénissime Stanislas Leszczynski a en
pour lui les suffrages unanimes et prompts
la Republique entiere , assemblée légitimement ,
c'est- à-dire de tous les Palatinats , Territoires
et Districts , au nombre de plus de 60000 hommes,
après que S. A.le Primat leur a eu demandễ
qui on devoit nommer Roi de Pologne ; et le
Grand Maréchal de la Couronne a proclamé ce
Prince en cette qualité .
I. De tant de milliers d'Hommes qui étoient ,
dans le Camp Electoral , pas un n'a nommé le
Serenissime Frédéric Auguste , et par conséquent
s'il n'a été proposé ni à la République ni par la
L. Voli
Ré
2698 MERCURE DE FRANCE
République , il n'a på en aucune maniere êtrè
nommé.
En quel tems .
2°. Le S. Stanislas a été élû dans le terme fixé
par unc constitution de la Diette de convocation
tenue cette année. Ainsi , on s'est conformé en
l'élisant à cette constitution qui prescrit pour des
raisons très importantes de terminer sans délai
P'Election du Roy , outre que dans le tempsmême
de l'Election , les Palatinats demandoient
qu'on pressa la nomination , comme il s'étoit
pratiqué dans un cas semblable ; sçavoir à l'Election
d'Uladislas IV. à laquelle les Russiens vou
loient mettre obstacle .
II. Lorsque le S. Frédéric Auguste a été élû ,
le temps de l'Election étoit passé , parce que cel
le du S Stanislas étant légitimement terminée
par la même , la Dietre d'Election l'étoit aussi ,
et que tous les Palatinats, Territoires et Districts
s'étoient retirez du Champ d'Election , après
avoir reçu les adieux de leur Maréchal , sans
avoir limité l'Acte d'Election , de sorte que si la
premiere Election avoit été deffectueuse , il en
faudroit faire une nouvelle , indiquer une nouvelle
Diette de Convocation , assembler de nouveau
les Diettines, expédier pour ce sujet de noupeaux
Universaux , & c,
En quel lieu.
3 °. Le S. Stanislas a été élû dans le lieu désigné
par une foule de Constitutions du Royaume,
et dernierement encore par celle de la Distte de
Convocation , tenue cette année ; c'est - à-dire
dans le Champ Electoral , ainsi qu'on l'appelle
proprement , entre Warsovie et le Village de
I. Vol. Vuola
DECEMBRE. 1733. 2899.
Vvola , où de temps immémorial des Elections
ont coûtume de se faire selon les anciennes Cons◄
titutions.
III. Le S. Frédéric- Auguste a été élû de l'autre
côté de la Vistule , dans la Plaine de Praage
joignant un Bois , près d'un Village , nommé
Kamien ; et là un grand Chemin a servi de
Champ Electoral , et une Hôtellerie de Szopa .
pour les Sénateurs au mépris des Constitutions,
Usages et Coutumes , et quoique les Dieures de
Convocation fixent toujours le temps et le lieu
où de tels Actes se doivent passer; tellement qu'un
Acte célébré hors du lieu , marqué par la Loy
est déslois absolument nul.
Par qui él .
4°. Le S. Stanislas a eu dans son E'ection , ce
qui en fait le point le plus essentiel ; sçavoir , la,
présence de tous les Palatinats , Terres , et Disericts
, sans en excepter un seul , qui après les
solemnitez ordinaires , Pont élû librement et de
plein gré, tellement que pour lui se sont réunies
les voix de plus de 60000 hommes , et d'un Peu-,
ple Electeur , dont la conduite et le droit song
irreprochables.
IV. Il ne s'est trouvé à l'Election du S. Frédéric-
Auguste, aucun Palatinar , Territoire , ni
District. li n'a été élû que par un petit nombre
de Gens et par de simples Particuliers , à qui la,
République n'avoit point donné pouvoir de le.
faire. Il a été élû par des Gens qu'on arrêta
lorsqu'ils retournoient chez eux après l'Election
et dont les uns donnérent leurs voix , ‹ffrayez,
par les Universaux du Général Lesci , qui menaçoit
de mettre tout à feu et à sang , tandis que
les autres vendirent bien leurs suffrages.
J. Vol.
ป
2700 MERCURE DE FRANCE
Il a été élû par des Parjures , dont quelques
uns avoient juré deux ou trois fois , que , se con
formant à l'intention unanime de la République
et aux Instructions expresses de la plupart des
Palatinats , Terres et Districts , ils n'éliroient
point de Candidat qui ne fut né de pere et de
mere Catholiques Romains , et qui cût des Domaines
ou des Armées hots du Royaume.
Il a eu pour Electeurs des Proscrits et des Ennemis
de la Patrie , déclarez tels , en partie par la
Constitution de la Diette de Convocation , contre
ceux qui éliroient un Roy étranger et ayant
des Domaines hors du Royaume, et en partie par
le Decret de la République entiere , assemblée
dans le Champ Electoral, Décret qu'elle a inséré
dans son Manifeste , contre l'invasion des Russiens
, et que signérent ceux - là même qui ont
adhéré à ces Russiens dans l'Election du S. Fré
deric- Auguste.
Au reste , je dis par le Décret , parce qu'effec
tivement il comprend , non seulement ceux qui
ont attiré l'Armée Russienne , mais encore tous
ceux qui pourroient dans la suite adhérer aux
Russiens , et que la République les y a déclareztous
également Ennemis de la Patrie , abandonnez
à la vengeance d'un chacun , &c.
Il faut aussi remarquer que n'y ayant à l'E
Tection aucun Député de la Grande Pologne , on
ya appellé deux jeunes Seigneurs du nom de
Dzialynski , qui faisoient leurs Etudes à Varsovie.
Ce qu'il y a de plus étrange , c'est qu'ur
Enfant de sept ans , Fils de l'Illustrissime Seigneur
Potocki, Maréchal de la Cour du Royaume
, a été invité à l'Election , et qu'on lui en a
fait signer l'Acte, afin , sans doute , qu'en voyant
ce nom parmi les autres , on puisse croire que
I. Fol. quel
DECEMBRE. 1733. 2701
quelqu'un de la Maison Potocki adhére au parti
de l'Electeur de Saxe.
Par qui nommé.
s . Le S. Stanislas a été nommé par Monsei
gneur Théodore Potocki , Archevêque de Gnêsne,
Primat du Royaume , c'est - à dire , un Prélat à
qui les Loix du Royaume , les Bulles des Papes ,
et particulierement la Constitution de la Diette
de Convocation , Constitution confirmée par le
serment des Evêques , conférent expres ément
et privativement à tous autres Evêques , le droit
de nommer le Roy. Tous sont donc exclus par
leurs sermens et sous certaines peines du droit
de nommer les Rois. Il y a même une Bulle du
Pape Sixte V. qui porté que , si un Roy a été
nommé par un autre que par le Primat du
Royaume , non - seulement l'Evêque qui a fait la
nomination , encourt des peines exprimées dans
cette Bulle , mais encore que cette nomination
est nulle et sans force.
V. Le S. Frederic Auguste a été nommé , non
par le Primat , mais par M. Hostus , Evêque de
Posnanie , en quoi ce Prélat a violé p.emierement
le serment géneral qu'il a prêté comme
Sénateur , de détourner tout ce qui peut être préjudiciable
à la République , puisque par sa nomination
il a attiré sur elle les plus grands maux,
porté atteinte à la liberté des Elections , occasionné
le renversement de l'Etat et des Loix ,
procuré l'effusion du sang humain , la désolation
du Royaume , l'oppression des Pauvres , la vio
lation des immunitez Ecclesiastiques , et enfin
le pillage des biens appartenans au Clergé .
Il a violé en second lieu le serment general
par lequel il s'est obligé dans la Diette de Con-
L. Vol. Vocation
2702 MERCURE DE FRANCE
vocation , de ne point élire de Roy étranger , on
ayant ses Domaines hors du Royaume.
Il a violé enfin le serment particulier que les au
tres Evêques et lui - même ont fait dans la susdite
Diette, de ne point attenter au droit de nommer
le Roy , droit que les Loix ont attaché à la dignité
du Primat. En un mot , le S. Auguste s'est
trouvé n'avoir que la nomination d'un Prélat ,
qui par cette nomination - là même , violoit tout
la fois trois sermens , et qui en même temps
encouroit les peines exprimées par le Decret que
la République entiere a inseré dans son Manifeste
et auquel lui - même a souscrit,
De quelle maniere ?
6. Le S. Stanillas a été élû par la République
avec une entiere liberté , et sans qu'il y cûr ni
Armée ni Troupes qui arrachassent les suffrages
de qui que ce soit en faveur d'un Candidat. Il a
été élú avec le consentement unanime de tous
ceux qui étoient dans le Champ Electoral , et sans
la moindre contradiction : Car il ne faut pas regarder
comme telles ni les oppositions que
M. Kaminski commençoit à faire dans le lieu
de la nomination , ni la retraite du Staroste d'O
poczyn , qui la veille de l'Election sortit du
Champ Electoral; le premier ramené par des re
montrances amiables et par de bons conseils , ré.
voqua son opposition de bon coeur et sans qu'on
lui fit la moindre violence ; il la révoqua à l'instant
et sur le lieu même , et il cria Vive Stanislase
Le second marqua par une Lettre la joye qu'il
avoit de l'heureux succès de l'Election et félicita
le Prince , sur qui elle étoit tombée , et quant
aux autres Electeurs , le lendemain de l'Election
ils allerent saluer l'Elû et l'assurer d'une parfaite
soumission.
DECEMBRE. 1733. 2703.
VI. Le S. Frederic Auguste a été élû avec
tout ce qui marque la derniere violence, puisque
les Electeurs étoient environnez d'une Armée
nombreuse , et qu'on n'obtint leurs suffrages
que par des persuasions armées . L'Election n'a
donc pas été libre. Mais comment eût - ele pů
l'être , lorsqu'un petit nombre de Citoyens pri-"
vez partagez en quatre Candidats , et devant
élire un Roy par confédération , voyoient dans
le parti du S. Frederic Auguste , le General Lesci,
agissant avec une autorité souveraine , nommer
et proclamer le premier ce Prince ? entraînez par.
la force superieure , ils ont accedé à cette Election
avec moins de joye que d'apparence de respect
, et on en trouve les preuves dans une Let-'
tre originale du même General Lesci au Comte
d'Osterman , où il s'exprime en ces termes :
Les Seigneurs Polonois étant divisez entre eux
sur le choix d'un Candidat , je les ai obligez par
des promesses et plus encore par des menaces , à dé
ferer la Couronne à l'Electeur de Saxe. Il sera assez
puissant pour se maintenir sur le Trône et pour
deffendre ceux qui l'y ont élevé.
L'Election du Sérenissime Auguste II. de
glorieuse mémoire , quoique faite par une Session
, a de grands avantages sur la prétendue
Election du S. Frederic Auguste. La premiere
fut l'ouvrage d'une partie considerable de la République
, légitimement assemblée dans le lieu
accoûtumé et désigné par la Constitution et le
temps de l'Election n'étoit pas encore écoulé ,
de sorte qu'en même- temps et au même endroit,
on nomma les deux Candidats en présence de
tous les Palatinats , Terres et Districts . La se
conde n'a été faite ni dans le lieu ni au temps
que les Loix marquaient , ni à la face de la Ré
山
1. Vol. publique
2704 MERCURE DE FRANCE
publique assemblée , et le S. Frederic Augusté a
été proclamé par une poignée d'hommes desti ."
tuez de tout pouvoir et autorité , par des hommes
que les Loix ont notez , par des hommes"
Sujets aux peines décernées contre les Traîtres ,'
et enfin sans qu'il ait assisté à cet Acte aucun
Palatinat , Territoire ni District.
Sans y être mieux
autorisé
, on a transferé
de
Praage
à Warsovie
, les Séances
touchant
les
Pacta
Conventa
, et on les y a continuées
15.
jours de suite aprés cette fausse
Election
. Par les´
mêmes
Pacta-Conventa
, on a ouvert
aux Trou."
pes Russiennes
le passage
en Pologne
, et on leur
a permis
d'y aller en tels lieux qu'il leur plairoit.
On a bien voulu
fournir
par là une occasion
continuelle
à des troubles
domestiques
, et
de justes
raisons
aux Etrangers
de nous déclarer
la guerre
, et on s'est peu soucié
d'einbarasser
la République.
Nous soumettons ce fidelle et exact Parallele
au jugement de l'Univers . Qu'on juge qui il
faut reconnoître pour légitime Roy de Pologne,
ou d'un Prince élû contre toutes sortes de Loix
et Constitutions et par la seule force des Armes
ou d'un autre qui a été élû selon ces Loix er
Constitutions , et que les suffrages libres et unanimes
de tout ce qu'il y avoit d'Electeurs , ont
élevé sur le Trône.
Fermer
Résumé : PARALLELE, de l'Election à la Couronne de Pologne, faite en faveur du Serénissime STANISLAS LESZCZYNSKI, & du Sérénissime FREDERIC AUGUSTE.
Le texte compare les élections de Stanislas Leszczynski et Frédéric Auguste au trône de Pologne. Stanislas Leszczynski a été élu de manière unanime par plus de 60 000 hommes représentant tous les palatinats, territoires et districts de la République. Cette élection a eu lieu dans le champ électoral entre Varsovie et le village de Wola, conformément aux usages traditionnels et aux constitutions. Elle s'est déroulée dans le lieu et le temps prescrits par les lois en vigueur. En revanche, l'élection de Frédéric Auguste a eu lieu après l'expiration du délai légal et dans un lieu non désigné par les constitutions. Elle n'a pas impliqué la présence des palatinats, territoires et districts. Frédéric Auguste a été élu par un petit nombre de particuliers, souvent sous la contrainte et la menace, notamment de l'armée russe. De plus, il a été nommé par un évêque qui a violé plusieurs serments et constitutions, contrairement à Stanislas Leszczynski, nommé par le Primat du Royaume, en conformité avec les lois. L'élection de Stanislas Leszczynski s'est faite librement et sans violence, tandis que celle de Frédéric Auguste a été marquée par la présence de l'armée et des menaces. Le texte conclut en soumettant ce parallèle au jugement de l'univers pour déterminer le roi légitime de Pologne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 2704-2712
MANIFESTE du Primat de Pologne.
Début :
Les faux rapports répandus dans le Public, à l'occasion de ce qui s'est passé en Pologne [...]
Mots clefs :
Élection, Roi, République, Interrègne, Liberté, Diète de convocation, Serment, Royaume, Primat, Ministres, Nation, Stanislas Leszczynski, Ennemis, Conduite, Assemblée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MANIFESTE du Primat de Pologne.
MANIFESTE du Primat de Pologne:
Es faux rapports répandus dans le Public , à
l'occasion de ce qui s'est passé en Pologne
pendant l'interregne , les insinuations injustes ,
et malicieuses dont les ennemis du repos de la
République ont tâché de noircir ma conduite ,
J. Vel.
DECEMBRE. 1733 2705
en m'accusant d'avoir gouverné le Royaume d'une
maniere affectée et interessé , ont arrêté la liberté
des suffrages et violé les droits sur lesquels cette
liberté est fondée , et la necessité enfin de faire
voir au Monde entier que nos ennemis par de
pareils procedez , n'ont eu et n'ont encore pour
but que de ruiner et renverser totalement les
droits , les prérogatives et la liberté de notre
chere Patrie , sont des motifs trop pressans , pour
que je differe plus long- temps à justifier ma
conduite , afin de convaincre tout l'Univers par
une narration succincte et sincere de ce qui s'est
passé avant et après l'Election , la fausseté de ce
qu'on a publié de contraire,
Mon premier soin , depuis la mort du Roy
Auguste, de glorieuse memoire , a été de concilier
et de réunir nos Freres , et j'eus le bonheur
d'y réussir . Je n'entrepris rien que
du consentement
et de l'aveu du Sénat et de la Noblesse encore
assemblée à l'occasion de la Diette extraor
dinaire, convoquée par le feu Roy; j'envoyai des
Ministres aux Cours voisines , je tins de fréquens
Conseils avec les Sénateurs et les Minis
tres des deux Nations ; je ne signai que ce qui
avoit été unanimement résolu ; je pris les mesu
res convenables avec les Régimentaires des deux
Nations pour assurer la sureté interieure et exte
rieure du Royaume et prévenir les inconvéniens
qui pourroient résulter des Assemblées particu
lieres et illicites ; en un mot , afin de n'avoir
rien à me reprocher , je communiquai tout à la
République et ne fis rien sans son approbation ,
quoiqu'en qualité de Primat j'usse pû m'en dis
penser en bien des choses.
Le jour de l'assemblée de la Diette de Convo
Cation étant yenu , je me contentai d'y represen
J. Vol.
2756 MERCURE DE FRANCE
ter le danger auquel le Royaume se trouvoit ex
posé , et je laissai à la prudence d'une Nation libre
le soin de le prévenir. Il y eut au commence
ment de cette Diette de grands débats pour l'E
Jection d'un Maréchal ; les esprits parurent fort
animez , ce qui dura quelques jours et retarda
l'expedition des affaires ; mais par mes soins et
ceux du Sénat , le calmne fut enfin rétabli ; on
élût le Maréchal , et la Noblesse se joignit ensui
te au Sénat ; en qualité de Primat j'écoutai les
avis des Nonces, et me conformai à ce qu'ils désiroient
et à ce qu'ils rejettoient. Le principal
objet de leur délibération regardoit la résolution
prise cy- devant, d'exclure du Trône tout Piaste;
ils ressenroient vivement l'injustice d'une telle
résolution ; ils voyoient , avec indignation , la
honte qui en résultoit à la Nation ; et afin de le
rendre plus efficace , on résolut de le confirmer
par un serment. Cette résolution passa aussi unanimement.
Il est vrai qu'il y a eu à ce sujet des
débats tres vifs , mais ils n'ont eu pour objet que
le formulaire du Serment , et non le Serment
même. Après qu'en qualité de Primat , j'eus
prêté ce Serment , par lequel non seulement
tout Erranger , mais aussi tous ceux qui posse
dent des Provinces Etrangeres , ou qui ont des
Troupes sur pied , qui ne sont pas nez de peres et
de meres Catholiques , sont exclus du Trône.
Les Evêques, Sénateurs et autres le prêterent après
moi , et le firent tous avec joie et sans la moindre
contrainte Les Evêques jurerent aussi qu'ils
m'empiéteroient point sur les Droits du Primat.
La République déclara ensuite ce Serment com
me une Loy fondamentale du Royaume. Oa
dressa quelques Constitutions , et on fixa le jour
pour la Diette d'Election, au lieu ordinaire, con
CI. Vol.
forDECEMBRE.
1733 2707
formément aux Droits ; c'est par là que finit la
Diette de Convocation.
En attendant ce jour important je m'abstins de
toute intrigue , préjudiciab.e à la République ,
et bien loin que je fusse porté par un amour
aveugle pour aucun particulier, l'évitai avec soin
d'entrer dans aucune faction , j'avoue cepen ant
que je souhaitois fort que le Serenissime Roy
Stanislas fut élevé au Trône; je l'en croyois tres
digne, et même plus qu'aucun autre , à cause de
ses éminentes qualitez ; mais je declare en même.
temps que quelque fussent mes souhaits , mon
obstination n'alloit pas jusqu'à le vouloir au
préjudice de la République. J'avois mis toute
ma confiance en Dieu ; c'est par son secours et
celui de la libre Nation Polonoise que j'esperois
voir finir les maux de la République par l'E
lection d'un Roy désiré.
On me fit des offres avantageuses , on me fir
même des menaces , mais je rejettai les premieres
et méprisai les autres ; je n'ai jamais voulų
donner les mains directement ni indirectement
à l'entrée de quelqu'Armée Etrangere. J'ai rejetté
constamment les Instances faites par les
Ministres des Puissances voisines, pour une exclusion
, parce que je voyois qu'elle n'avoit pour
but que leur interêt et leur utilité particuliere ,
et qu'une pareille exclusion ne pouvoit être que
deshonorable à la République et tendre à sa totale
ruine . Comme lesdites Puissances ne laissoient
pas de continuer leurs Instances à ce sujet
, je m'apperçûs bien- tôt qu'on avoit dessein
d'enfoncer le Poignard dans le sein de notre -
berté . J'écrivis pour cet effet au nom de la République
, representée par ceux que les deux Na-
Lions avoient nommés à la Diette de Convoca-
I. Vol. tion
2708 MERCURE DE FRANCE
tion , pour me servir de conseil , à toutes le
Cours de l'Europe , pour les prier de ne pas per
mettre qu'on opprimâ: la Répub ique , d'envoir
des Ministres à S. M 1. et à l'Illustrissime Czarine
pour leur representer que nout ctions une
Nution libre que nous ne dépen tions de personne
, que nous ne permettrions jamais qu'on
donna: Pexclusion , les pliant de se désister de
leurs Instances à ce sujet , et de ne pas se mêlet
de notre Election qui ne dépend que de nous
seuls .
Le jour de l'ouverture de la Diette d'Election
étant venu , je n'eus en vue que l'exacte exécution
des Loix établies dans la Diette de Convocation
, en ce qui regarde l'Election et le maintien
inviolable de la liberté de la Patrie , les commencemens
de cette Diette furent fort paisibles,
et le Maréchal fut élû en peu de jours ; mais cette
tranquilité ne , dura guere ; les esprits s'échaufferent
à la nouvelle de l'entrée des Russiens
dans le Royaume , certifiée et affirmée par le
Chancelier et Régimentaire de Lithuanie toute
l'Assemblée en fut troublée , on fut surpris de
la conduite du Régimentaire en cette occasion ,
et après plusieurs Discours qui ne pouvoient lui
être agréables , on résolut de ne rien négliger
pour découvrir ceux qui avoient appellé les Russiens
dans le Royaume .
·
La peur ayant saisi le Régimentaire , apparemment
par un remords de conscience , il quitta
le Champ Electoral, sans faire aucune protes-
Lation et se retira à Praage,
-On lui envoya des Députez pour demander la
cause de sa Retraite ; sa réponse fut que sa Retraite
ne troubleroit en aucune maniere l'Elec
tion .
I. Vol. Peu
DECEMBRE . 1733. 2709
Peu de jours après, les Etats dresserent un Manifeste
contre ceux qui avoient appellé les Kussiens
dans le Royaume. Nous résolumes là - dessus
de proceder incessament à l'Election ,
selon
la teneur de la Constitution de la Diette de Convocation
, qui porte que l'Election se feroit dans
le terme le plus court qu'il seroit possible , mais
qu'au cas qu'elle ne se pût faire si- tôt qu'on le
souhaiteroit , la Diette ne dureroit neanmoins
que six semaines.
·
Avant que de proceder à l'Acte d'Election je
parcourus , à Cheval , selon le Cérémonial , les
Palatinats , les Starosties et les Districts assemblez
, pour
leur demander quel Roy ils souhaitoient
, et pour leur notifier en même temps
que la Proclamation se feroit le lendemain . Pendant
que j'en faisois le tour , on n'entendit
crier par tout que Vive le Roy Stanislas. Je conviens
cependant qu'il paroissoit qu'il y en avoit
quelques- uns qui y étoient contraires , ceux - cy
se retirreent dans leurs Quartiers, apparemment
pour y dresser le Niepozvalam.
Le lendemain j'achevai le tour des Palatinats , *
Starosties et Districts , je fus obligé dele faire à
pied , mon Cheval étant devenu ombrageux
par les cris réiterez de Vive le Roy Stanislas . Ces
cris se redoublerent avec tant de zéle que je ne
pus m'empêcher de me conformer aux pressantes
Instances de l'Assemblée , et de proceder incessamment
à la nomination du Roy ; mais
avant que de le faire, je déclarai absens ceux qui
s'étoient rendus à Praage ; et comme il ne paroissoit
personne pour contre- dire , car les uns se
tûrent , les autres partirent pour leurs Terres .
parmi ces derniers , le Staroste Opoczynski
1. Vol. ᏗᏤ gu
H
2710 MERCURE DE FRANCE
qui m'assura par une Lettre , qu'il s'étoit retiré
sans contradiction .
Je procedai , en vertu de ma Charge , à la no
mination du Roy , mais je fus interrompu park:
S.Kamienski, Capitaine du District de Krziemit,
dans le Palatinat de Vobhinie , qui me présenta
son Niepozwalam , ce qui m'obligea à garder k
silence pendant quelque temps , jusqu'à ce que
s'étant enfin désisté de sa contradiction , je pro
clamé le Serenissime Roy Stanislas , à present
regnant , sans aucune opposition , dont Dieu ,
qui connoît ce qu'il y a de plus caché dans nos
coeurs , est le témoin , ainsi que le Peuple , con
sistant en plus de 100 Enseignes , et criant una
nimement et sans cesse ; Vive le Roy Stanislas,
Je regarde comme un bonheur particulier d'
voir proclamé pour Roy , celui que des Nation
envieuses ont voulu exclure du Trône ; car
elles avoient réussi dans leur dessein , c'éto
fait à jamais de notre liberté , on nous auro
toujours forcé à élire un Roy à leur gré.
Voilà le récit sincere et veritable de tout
qui s'est passé à l'égard de l'Election de not
Roy , cependant , quelqu'unanime et légitin
qu'ait été cette Election , il se trouve de fau
Freres qui la révoquent en doute ; ils osent avar
cer qu'elle n'a été faite qu'en violant la liberté
et par là , ainsi que par toute la conduite qu'i
ont tenue depuis leur retraite à Praage , ils for
voir évidemment qu'ils ont appellé les Russier
dans le Royaume , ce qui les rend coupables e
tant de sang innocent qui sera peut- être vers
Mais supposé qu'il se soit trouvé quelques Pa
sonnes d'un sentiment opposé , le nombre e
étoit tres- petit , et elles n'ont paru que le jo
I.Vel
.qu'o
DECEMBRE. 1732. 2711
qu'on annonçoit au Peuple la prochaine Election
fixée au lendemain , et non le jour de la nomination
du Roy , qui , selon les Loix ou l'usage
ne se fait jamais à Cheval , mais dans les Tran
chées ou Quartiers préparez pour cet effet , et
où il étoit libre encore à ceux qui vouloient contredire
, d'exhiber leur Niepozvalam.
Les Ennemis du Roy voulant exécuter les pernicieux
desseins qu'ils avoient tramez à Praage ,
allérent joindre les Russiens , et formérent entr'eux
une prétendue République, ou, pour mieux
dire ,un Complot tumultueux de gens qui s'é
tant déclarez eux - mêmes Ennemis de la Patrie ,
en conséquence du Manifeste qu'ils avoient signé
, ne cherchent qu'à renverser la liberté , en
opprimant la veritable et innocente République.
Ce qu'il y a de plus déplorable , c'est qu'il se
trouve parmi eux des Apôtres du Seigneur , des
Evêques , qui comme Judas , trahissent leur propre
Mere , c'est- à- dire , leur Patrie. Ce sont ces.
Evêques qui coupables d'un triple parjure endure
cissent encore davantage les coeurs des Seigneurs
séculiers , en autorisant leur témérité ,
en leur faisant accroire qu'elle est juste et per
mise.
Les Opposans retournerent enfin à Praage ; Ils,
s'imaginoient que pourvu qu'ils pûssent proceder
à une nouvelle Election avant l'échéance des
six semaines que la Diette pouvoit durer , cette
Election seroit légitime ; mais ce terme n'ayant
point été établi comme une Loy , mais comme
une prolongation , au cas qu'on ne pût parvenir
plutôt à une Election , ne peut être regardé que
comme une chimere , puisque l'Election avoit
Jéja été faite légitimement et selon les Loix. Ils
crurent aussi que s'ils pouvoient se rendre sur
1
No I. Vol.
le Hij
2712 MERCURE DE FRANCE
le Champ Electoral , entre Varsovie et Vvola ,
leur Election seroit plus valide ; ils firent tous les
efforts imaginables , mais inutiles , afin d'y parvenir,
employant pour cet effet le fer et le feu.
Pendant ce temps-là on découvrit que les Ministres
de Russie et de Saxe entretenoient une
correspondance avec les Opposans; le Régimentaire
résolut là - dessus de les faire sortir de Varsovie,
et de les attaquer, en cas de refus , ce qu'il
fit , les Ministres Etrangers ne doivent jouir des
prérogatives du Droit des Gens , qu'aussi long.
temps qu'ils observent eux- mêmes les Loix qui
y sont attachéts.
Enfin les Opposans voyant qu'ils ne pouvoient
passer la Vistule , se retirerent dans un Bois , y
dressérent une espece de Kolo , et élurent un
Roy , mais quel Roy ? Un Etranger , un Prince
qui possede des Provinces hors du Royaume , et
qui a des Troupes sur pied , un Prince né d'une
Mere Luthérienne , un Prince enfin qui veut employer
ses Troupes pour réduire une Nation libre
, à une obéissance aveugle. Grand Dieu , à
quoi servent les Constitutions établies dans la
Diette de Convocation ? A quoi sert le serment
qu'on y a prêté ? A quoi sert cette Confédéra¬
tion si solemnelle, pour n'élire qu'un Piaste? &c.
Fait à Dantzick , le 10 Octobre 1733 .
Es faux rapports répandus dans le Public , à
l'occasion de ce qui s'est passé en Pologne
pendant l'interregne , les insinuations injustes ,
et malicieuses dont les ennemis du repos de la
République ont tâché de noircir ma conduite ,
J. Vel.
DECEMBRE. 1733 2705
en m'accusant d'avoir gouverné le Royaume d'une
maniere affectée et interessé , ont arrêté la liberté
des suffrages et violé les droits sur lesquels cette
liberté est fondée , et la necessité enfin de faire
voir au Monde entier que nos ennemis par de
pareils procedez , n'ont eu et n'ont encore pour
but que de ruiner et renverser totalement les
droits , les prérogatives et la liberté de notre
chere Patrie , sont des motifs trop pressans , pour
que je differe plus long- temps à justifier ma
conduite , afin de convaincre tout l'Univers par
une narration succincte et sincere de ce qui s'est
passé avant et après l'Election , la fausseté de ce
qu'on a publié de contraire,
Mon premier soin , depuis la mort du Roy
Auguste, de glorieuse memoire , a été de concilier
et de réunir nos Freres , et j'eus le bonheur
d'y réussir . Je n'entrepris rien que
du consentement
et de l'aveu du Sénat et de la Noblesse encore
assemblée à l'occasion de la Diette extraor
dinaire, convoquée par le feu Roy; j'envoyai des
Ministres aux Cours voisines , je tins de fréquens
Conseils avec les Sénateurs et les Minis
tres des deux Nations ; je ne signai que ce qui
avoit été unanimement résolu ; je pris les mesu
res convenables avec les Régimentaires des deux
Nations pour assurer la sureté interieure et exte
rieure du Royaume et prévenir les inconvéniens
qui pourroient résulter des Assemblées particu
lieres et illicites ; en un mot , afin de n'avoir
rien à me reprocher , je communiquai tout à la
République et ne fis rien sans son approbation ,
quoiqu'en qualité de Primat j'usse pû m'en dis
penser en bien des choses.
Le jour de l'assemblée de la Diette de Convo
Cation étant yenu , je me contentai d'y represen
J. Vol.
2756 MERCURE DE FRANCE
ter le danger auquel le Royaume se trouvoit ex
posé , et je laissai à la prudence d'une Nation libre
le soin de le prévenir. Il y eut au commence
ment de cette Diette de grands débats pour l'E
Jection d'un Maréchal ; les esprits parurent fort
animez , ce qui dura quelques jours et retarda
l'expedition des affaires ; mais par mes soins et
ceux du Sénat , le calmne fut enfin rétabli ; on
élût le Maréchal , et la Noblesse se joignit ensui
te au Sénat ; en qualité de Primat j'écoutai les
avis des Nonces, et me conformai à ce qu'ils désiroient
et à ce qu'ils rejettoient. Le principal
objet de leur délibération regardoit la résolution
prise cy- devant, d'exclure du Trône tout Piaste;
ils ressenroient vivement l'injustice d'une telle
résolution ; ils voyoient , avec indignation , la
honte qui en résultoit à la Nation ; et afin de le
rendre plus efficace , on résolut de le confirmer
par un serment. Cette résolution passa aussi unanimement.
Il est vrai qu'il y a eu à ce sujet des
débats tres vifs , mais ils n'ont eu pour objet que
le formulaire du Serment , et non le Serment
même. Après qu'en qualité de Primat , j'eus
prêté ce Serment , par lequel non seulement
tout Erranger , mais aussi tous ceux qui posse
dent des Provinces Etrangeres , ou qui ont des
Troupes sur pied , qui ne sont pas nez de peres et
de meres Catholiques , sont exclus du Trône.
Les Evêques, Sénateurs et autres le prêterent après
moi , et le firent tous avec joie et sans la moindre
contrainte Les Evêques jurerent aussi qu'ils
m'empiéteroient point sur les Droits du Primat.
La République déclara ensuite ce Serment com
me une Loy fondamentale du Royaume. Oa
dressa quelques Constitutions , et on fixa le jour
pour la Diette d'Election, au lieu ordinaire, con
CI. Vol.
forDECEMBRE.
1733 2707
formément aux Droits ; c'est par là que finit la
Diette de Convocation.
En attendant ce jour important je m'abstins de
toute intrigue , préjudiciab.e à la République ,
et bien loin que je fusse porté par un amour
aveugle pour aucun particulier, l'évitai avec soin
d'entrer dans aucune faction , j'avoue cepen ant
que je souhaitois fort que le Serenissime Roy
Stanislas fut élevé au Trône; je l'en croyois tres
digne, et même plus qu'aucun autre , à cause de
ses éminentes qualitez ; mais je declare en même.
temps que quelque fussent mes souhaits , mon
obstination n'alloit pas jusqu'à le vouloir au
préjudice de la République. J'avois mis toute
ma confiance en Dieu ; c'est par son secours et
celui de la libre Nation Polonoise que j'esperois
voir finir les maux de la République par l'E
lection d'un Roy désiré.
On me fit des offres avantageuses , on me fir
même des menaces , mais je rejettai les premieres
et méprisai les autres ; je n'ai jamais voulų
donner les mains directement ni indirectement
à l'entrée de quelqu'Armée Etrangere. J'ai rejetté
constamment les Instances faites par les
Ministres des Puissances voisines, pour une exclusion
, parce que je voyois qu'elle n'avoit pour
but que leur interêt et leur utilité particuliere ,
et qu'une pareille exclusion ne pouvoit être que
deshonorable à la République et tendre à sa totale
ruine . Comme lesdites Puissances ne laissoient
pas de continuer leurs Instances à ce sujet
, je m'apperçûs bien- tôt qu'on avoit dessein
d'enfoncer le Poignard dans le sein de notre -
berté . J'écrivis pour cet effet au nom de la République
, representée par ceux que les deux Na-
Lions avoient nommés à la Diette de Convoca-
I. Vol. tion
2708 MERCURE DE FRANCE
tion , pour me servir de conseil , à toutes le
Cours de l'Europe , pour les prier de ne pas per
mettre qu'on opprimâ: la Répub ique , d'envoir
des Ministres à S. M 1. et à l'Illustrissime Czarine
pour leur representer que nout ctions une
Nution libre que nous ne dépen tions de personne
, que nous ne permettrions jamais qu'on
donna: Pexclusion , les pliant de se désister de
leurs Instances à ce sujet , et de ne pas se mêlet
de notre Election qui ne dépend que de nous
seuls .
Le jour de l'ouverture de la Diette d'Election
étant venu , je n'eus en vue que l'exacte exécution
des Loix établies dans la Diette de Convocation
, en ce qui regarde l'Election et le maintien
inviolable de la liberté de la Patrie , les commencemens
de cette Diette furent fort paisibles,
et le Maréchal fut élû en peu de jours ; mais cette
tranquilité ne , dura guere ; les esprits s'échaufferent
à la nouvelle de l'entrée des Russiens
dans le Royaume , certifiée et affirmée par le
Chancelier et Régimentaire de Lithuanie toute
l'Assemblée en fut troublée , on fut surpris de
la conduite du Régimentaire en cette occasion ,
et après plusieurs Discours qui ne pouvoient lui
être agréables , on résolut de ne rien négliger
pour découvrir ceux qui avoient appellé les Russiens
dans le Royaume .
·
La peur ayant saisi le Régimentaire , apparemment
par un remords de conscience , il quitta
le Champ Electoral, sans faire aucune protes-
Lation et se retira à Praage,
-On lui envoya des Députez pour demander la
cause de sa Retraite ; sa réponse fut que sa Retraite
ne troubleroit en aucune maniere l'Elec
tion .
I. Vol. Peu
DECEMBRE . 1733. 2709
Peu de jours après, les Etats dresserent un Manifeste
contre ceux qui avoient appellé les Kussiens
dans le Royaume. Nous résolumes là - dessus
de proceder incessament à l'Election ,
selon
la teneur de la Constitution de la Diette de Convocation
, qui porte que l'Election se feroit dans
le terme le plus court qu'il seroit possible , mais
qu'au cas qu'elle ne se pût faire si- tôt qu'on le
souhaiteroit , la Diette ne dureroit neanmoins
que six semaines.
·
Avant que de proceder à l'Acte d'Election je
parcourus , à Cheval , selon le Cérémonial , les
Palatinats , les Starosties et les Districts assemblez
, pour
leur demander quel Roy ils souhaitoient
, et pour leur notifier en même temps
que la Proclamation se feroit le lendemain . Pendant
que j'en faisois le tour , on n'entendit
crier par tout que Vive le Roy Stanislas. Je conviens
cependant qu'il paroissoit qu'il y en avoit
quelques- uns qui y étoient contraires , ceux - cy
se retirreent dans leurs Quartiers, apparemment
pour y dresser le Niepozvalam.
Le lendemain j'achevai le tour des Palatinats , *
Starosties et Districts , je fus obligé dele faire à
pied , mon Cheval étant devenu ombrageux
par les cris réiterez de Vive le Roy Stanislas . Ces
cris se redoublerent avec tant de zéle que je ne
pus m'empêcher de me conformer aux pressantes
Instances de l'Assemblée , et de proceder incessamment
à la nomination du Roy ; mais
avant que de le faire, je déclarai absens ceux qui
s'étoient rendus à Praage ; et comme il ne paroissoit
personne pour contre- dire , car les uns se
tûrent , les autres partirent pour leurs Terres .
parmi ces derniers , le Staroste Opoczynski
1. Vol. ᏗᏤ gu
H
2710 MERCURE DE FRANCE
qui m'assura par une Lettre , qu'il s'étoit retiré
sans contradiction .
Je procedai , en vertu de ma Charge , à la no
mination du Roy , mais je fus interrompu park:
S.Kamienski, Capitaine du District de Krziemit,
dans le Palatinat de Vobhinie , qui me présenta
son Niepozwalam , ce qui m'obligea à garder k
silence pendant quelque temps , jusqu'à ce que
s'étant enfin désisté de sa contradiction , je pro
clamé le Serenissime Roy Stanislas , à present
regnant , sans aucune opposition , dont Dieu ,
qui connoît ce qu'il y a de plus caché dans nos
coeurs , est le témoin , ainsi que le Peuple , con
sistant en plus de 100 Enseignes , et criant una
nimement et sans cesse ; Vive le Roy Stanislas,
Je regarde comme un bonheur particulier d'
voir proclamé pour Roy , celui que des Nation
envieuses ont voulu exclure du Trône ; car
elles avoient réussi dans leur dessein , c'éto
fait à jamais de notre liberté , on nous auro
toujours forcé à élire un Roy à leur gré.
Voilà le récit sincere et veritable de tout
qui s'est passé à l'égard de l'Election de not
Roy , cependant , quelqu'unanime et légitin
qu'ait été cette Election , il se trouve de fau
Freres qui la révoquent en doute ; ils osent avar
cer qu'elle n'a été faite qu'en violant la liberté
et par là , ainsi que par toute la conduite qu'i
ont tenue depuis leur retraite à Praage , ils for
voir évidemment qu'ils ont appellé les Russier
dans le Royaume , ce qui les rend coupables e
tant de sang innocent qui sera peut- être vers
Mais supposé qu'il se soit trouvé quelques Pa
sonnes d'un sentiment opposé , le nombre e
étoit tres- petit , et elles n'ont paru que le jo
I.Vel
.qu'o
DECEMBRE. 1732. 2711
qu'on annonçoit au Peuple la prochaine Election
fixée au lendemain , et non le jour de la nomination
du Roy , qui , selon les Loix ou l'usage
ne se fait jamais à Cheval , mais dans les Tran
chées ou Quartiers préparez pour cet effet , et
où il étoit libre encore à ceux qui vouloient contredire
, d'exhiber leur Niepozvalam.
Les Ennemis du Roy voulant exécuter les pernicieux
desseins qu'ils avoient tramez à Praage ,
allérent joindre les Russiens , et formérent entr'eux
une prétendue République, ou, pour mieux
dire ,un Complot tumultueux de gens qui s'é
tant déclarez eux - mêmes Ennemis de la Patrie ,
en conséquence du Manifeste qu'ils avoient signé
, ne cherchent qu'à renverser la liberté , en
opprimant la veritable et innocente République.
Ce qu'il y a de plus déplorable , c'est qu'il se
trouve parmi eux des Apôtres du Seigneur , des
Evêques , qui comme Judas , trahissent leur propre
Mere , c'est- à- dire , leur Patrie. Ce sont ces.
Evêques qui coupables d'un triple parjure endure
cissent encore davantage les coeurs des Seigneurs
séculiers , en autorisant leur témérité ,
en leur faisant accroire qu'elle est juste et per
mise.
Les Opposans retournerent enfin à Praage ; Ils,
s'imaginoient que pourvu qu'ils pûssent proceder
à une nouvelle Election avant l'échéance des
six semaines que la Diette pouvoit durer , cette
Election seroit légitime ; mais ce terme n'ayant
point été établi comme une Loy , mais comme
une prolongation , au cas qu'on ne pût parvenir
plutôt à une Election , ne peut être regardé que
comme une chimere , puisque l'Election avoit
Jéja été faite légitimement et selon les Loix. Ils
crurent aussi que s'ils pouvoient se rendre sur
1
No I. Vol.
le Hij
2712 MERCURE DE FRANCE
le Champ Electoral , entre Varsovie et Vvola ,
leur Election seroit plus valide ; ils firent tous les
efforts imaginables , mais inutiles , afin d'y parvenir,
employant pour cet effet le fer et le feu.
Pendant ce temps-là on découvrit que les Ministres
de Russie et de Saxe entretenoient une
correspondance avec les Opposans; le Régimentaire
résolut là - dessus de les faire sortir de Varsovie,
et de les attaquer, en cas de refus , ce qu'il
fit , les Ministres Etrangers ne doivent jouir des
prérogatives du Droit des Gens , qu'aussi long.
temps qu'ils observent eux- mêmes les Loix qui
y sont attachéts.
Enfin les Opposans voyant qu'ils ne pouvoient
passer la Vistule , se retirerent dans un Bois , y
dressérent une espece de Kolo , et élurent un
Roy , mais quel Roy ? Un Etranger , un Prince
qui possede des Provinces hors du Royaume , et
qui a des Troupes sur pied , un Prince né d'une
Mere Luthérienne , un Prince enfin qui veut employer
ses Troupes pour réduire une Nation libre
, à une obéissance aveugle. Grand Dieu , à
quoi servent les Constitutions établies dans la
Diette de Convocation ? A quoi sert le serment
qu'on y a prêté ? A quoi sert cette Confédéra¬
tion si solemnelle, pour n'élire qu'un Piaste? &c.
Fait à Dantzick , le 10 Octobre 1733 .
Fermer
Résumé : MANIFESTE du Primat de Pologne.
En décembre 1733, le Primat de Pologne publie un manifeste pour répondre aux accusations portées contre lui concernant sa conduite pendant l'interrègne. L'auteur, J. Vel., réfute les insinuations selon lesquelles il aurait gouverné de manière intéressée et violé les droits de la République. Il affirme avoir agi dans l'intérêt du royaume, en conciliant les frères et en prenant des mesures avec l'approbation du Sénat et de la Noblesse. Il mentionne avoir envoyé des ministres aux cours voisines et avoir pris des mesures pour assurer la sécurité intérieure et extérieure du royaume. Le Primat décrit les événements entourant l'élection du roi, soulignant les débats initiaux et les efforts pour rétablir le calme. Il précise avoir écouté les avis des nonces et s'être conformé à leurs désirs. La principale résolution prise fut l'exclusion des Piastes du trône, confirmée par un serment. Il déclare avoir souhaité l'élection de Stanislas, mais sans préjudice pour la République. Il rejette les offres et menaces des puissances étrangères visant à influencer l'élection. Le manifeste détaille les actions entreprises pour maintenir la liberté de la Pologne et la légitimité de l'élection de Stanislas. Il mentionne les tentatives des opposants de contester l'élection et leur alliance avec les Russiens. Le Primat conclut en affirmant la légitimité de l'élection de Stanislas et en dénonçant les actions des opposants, qu'il qualifie de traîtres à la patrie. Un autre document, daté du 10 octobre 1733 et rédigé à Dantzick, dénonce un prince possédant des provinces en dehors du Royaume et ayant des troupes armées. Ce prince, né d'une mère luthérienne, souhaite utiliser ses troupes pour soumettre une nation libre à une obéissance aveugle. Le texte s'interroge sur l'utilité des constitutions établies lors de la Diète de Convocation, du serment prêté et de la solennelle confédération, qui semblent n'avoir servi qu'à élire un Piaste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 149-151
POLOGNE.
Début :
On a publié à Dantzik un Mandement du Roy, adressé aux Palatinats et Territoires [...]
Mots clefs :
Royaume, Liberté de la nation, Roi, Palatinats et territoires, Élection, République, Puissances, Couronne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE .
Na publié à Dantzik un Mandement du
Roy , adressé aux Palatinats et Territoires
du Royaume , pour les exhorter de ne point assister
aux Diettes convoquées par M. Poninski ,
Instigateur du Royaume , dont voici l'Extrait.
Après avoir représenté aux Palatinats et Territoires
respectifs , les calamitez ausquelles la
République se trouve exposée par la malice de
eux qui, mettant leur confiance dans les forces
des Puissances Etrangeres , ne cherchent qu'à
renverser entierement la liberté des Polonois . Le
Roy y fait une récapitulation de tout ce qui s'est
passé pendant et après son Election , et S. M dit
à ce sujet , que quelque droit qu'elle eût à la
Couronne , incontestablement mieux fondé que
celui de ceux qui la disputent à présent par la
force des Armes , elle ne s'est point renduë dans
le Royaume pour disputer ce droit , mais uniquement
pour maintenir la liberté de la Nation ,
en se soumettant aux Loix et Constitutions du
Royaume :J'ai abandonné le Sceptre , ajoûte le
Roy dans son Mandement, je me suis dépouillé de
La dignité Royale, et je me suis mis entre vos mains
comme unsimple Particulier , afin que vous puissiez
proceder avec une entiere liberté à l'Election d'un
Roy : Vous m'avez élû , et Dieu a visiblement prategé
cette Election , en inspirant dans le coeur de
tant de milliers de personnes une unanimité si génerale.
Je ne suis pas venu à main arméo dans le
Royaume
150 MERCURE DE FRANCE
Royaume pour attaquer la République , détruire
ses droits et regner malgré vous et quoiqu'au
moyen de l'amitié étroite qui m'unit avec le très-“.
illustre Roy de France , j'eusse pú me servir d'une
partie de ses Troupes pour me frayer le chemin au
Trône , je n'ai jamais eu la moindre pensée d'acquérir
avec violence la Couronne , comma font actuellement
les Partisans des Factions Etrangeres ;
conduite si contraire aux Constitutions du Royaume,
et qui tend si ouvertement à la ruine totale de la
liberté de la Nation , acheptée par nos Ancêtres au
prix de tant de sang.
Le Roy passe ensuite à l'Election qui s'est faite
à Praage , d'un Prince Etranger , sous la protection
d'une Armée ennemie , et après avoir fait
voir l'irrégularité et l'invalidité de cette Election ,
il insinue que les Cours de Vienne et de Russie
étoient convenues depuis long- temps que ce
Prince ni nul autre , ne seroit élevé au Trône de
Pologne ; il y insinue encore que la Cour de
Vienne , jalouse de la liberté dont jouit la Nation
Polonoise , n'a jamais perdu de vûë le dessein de
la détruire et de lui imposer le même joug sous
lequel gémissent les Bohémiens et les Hongrois;
il ajoûte que cette Cour se couvrant du Manteau
des Moscovites , avec lesquels elle est d'accord ,
fait semblant de n'avoir aucune part aux maux
de la République , commis par d'autres , pendant
qu'en effet elle fait jouer tous les ressorts
imaginables pour renverser la liberté de la Nation
, et emporter la Couronne par la force des
Armes : Sijamais elle parvient à son but , poursuit
le Roy , c'en est fait de notre chere Patrie,
c'en est fait de notre liberté et nous ne serons jamais
affranchis du joug de la Nation Allemande.
Après avoir exhorté les Palatinats et Distries
respectifs
JANVIER . 1734.
ISI
respectifs du Royaume , à n'avoir aucun
égard aux Universaux publiez par le Parti contraire
, se confiant à la genereuse émulation de la
Noblesse Po onoise, qui ne permettra jamais que
qui que ce soit empiete sur ses droits , il finit en
disant : Quelque grande que soit la puissance de nos
Ennemis , elle ne doit en aucune maniere nous intimider
, nos forces augmentent tous les jours et
nous recevrons sans doute , un puissant secours
d'ailleurs ; diverses Puissances s'interposent en notre
faveur ; elles combattent pour notre konneur et
pour la liberté de la République ; nous en voyons
des preuves dans les opérations qui se font sur le
Rhin et en Italie , par les Armes des François ,
Espagne et de Sardaigne ; quoique nous ne soyons
pas alliez avec ces deux dernieres Puissances , elles
ne peuvent neantmoins souffrir qu'on employe
la force pour mettre sur le Trône de Pologne un
Prince que toute la Nation a abjuré ; ces Rois s'allieront
avec d'autres Puissances pour la conservation
de l'honneur de notre Royaume ; nous ne manquerons
pas d'autres moyens favorables . Une puissante
diversion se manifestera en notrefaveur plutôt
qu'on ne pense ; elle nous mettra à l'abri des
machinations de nos Ennemis, et ceux qui nous ont
dressé des embuches y seront pris eux mêmes , &c,
Na publié à Dantzik un Mandement du
Roy , adressé aux Palatinats et Territoires
du Royaume , pour les exhorter de ne point assister
aux Diettes convoquées par M. Poninski ,
Instigateur du Royaume , dont voici l'Extrait.
Après avoir représenté aux Palatinats et Territoires
respectifs , les calamitez ausquelles la
République se trouve exposée par la malice de
eux qui, mettant leur confiance dans les forces
des Puissances Etrangeres , ne cherchent qu'à
renverser entierement la liberté des Polonois . Le
Roy y fait une récapitulation de tout ce qui s'est
passé pendant et après son Election , et S. M dit
à ce sujet , que quelque droit qu'elle eût à la
Couronne , incontestablement mieux fondé que
celui de ceux qui la disputent à présent par la
force des Armes , elle ne s'est point renduë dans
le Royaume pour disputer ce droit , mais uniquement
pour maintenir la liberté de la Nation ,
en se soumettant aux Loix et Constitutions du
Royaume :J'ai abandonné le Sceptre , ajoûte le
Roy dans son Mandement, je me suis dépouillé de
La dignité Royale, et je me suis mis entre vos mains
comme unsimple Particulier , afin que vous puissiez
proceder avec une entiere liberté à l'Election d'un
Roy : Vous m'avez élû , et Dieu a visiblement prategé
cette Election , en inspirant dans le coeur de
tant de milliers de personnes une unanimité si génerale.
Je ne suis pas venu à main arméo dans le
Royaume
150 MERCURE DE FRANCE
Royaume pour attaquer la République , détruire
ses droits et regner malgré vous et quoiqu'au
moyen de l'amitié étroite qui m'unit avec le très-“.
illustre Roy de France , j'eusse pú me servir d'une
partie de ses Troupes pour me frayer le chemin au
Trône , je n'ai jamais eu la moindre pensée d'acquérir
avec violence la Couronne , comma font actuellement
les Partisans des Factions Etrangeres ;
conduite si contraire aux Constitutions du Royaume,
et qui tend si ouvertement à la ruine totale de la
liberté de la Nation , acheptée par nos Ancêtres au
prix de tant de sang.
Le Roy passe ensuite à l'Election qui s'est faite
à Praage , d'un Prince Etranger , sous la protection
d'une Armée ennemie , et après avoir fait
voir l'irrégularité et l'invalidité de cette Election ,
il insinue que les Cours de Vienne et de Russie
étoient convenues depuis long- temps que ce
Prince ni nul autre , ne seroit élevé au Trône de
Pologne ; il y insinue encore que la Cour de
Vienne , jalouse de la liberté dont jouit la Nation
Polonoise , n'a jamais perdu de vûë le dessein de
la détruire et de lui imposer le même joug sous
lequel gémissent les Bohémiens et les Hongrois;
il ajoûte que cette Cour se couvrant du Manteau
des Moscovites , avec lesquels elle est d'accord ,
fait semblant de n'avoir aucune part aux maux
de la République , commis par d'autres , pendant
qu'en effet elle fait jouer tous les ressorts
imaginables pour renverser la liberté de la Nation
, et emporter la Couronne par la force des
Armes : Sijamais elle parvient à son but , poursuit
le Roy , c'en est fait de notre chere Patrie,
c'en est fait de notre liberté et nous ne serons jamais
affranchis du joug de la Nation Allemande.
Après avoir exhorté les Palatinats et Distries
respectifs
JANVIER . 1734.
ISI
respectifs du Royaume , à n'avoir aucun
égard aux Universaux publiez par le Parti contraire
, se confiant à la genereuse émulation de la
Noblesse Po onoise, qui ne permettra jamais que
qui que ce soit empiete sur ses droits , il finit en
disant : Quelque grande que soit la puissance de nos
Ennemis , elle ne doit en aucune maniere nous intimider
, nos forces augmentent tous les jours et
nous recevrons sans doute , un puissant secours
d'ailleurs ; diverses Puissances s'interposent en notre
faveur ; elles combattent pour notre konneur et
pour la liberté de la République ; nous en voyons
des preuves dans les opérations qui se font sur le
Rhin et en Italie , par les Armes des François ,
Espagne et de Sardaigne ; quoique nous ne soyons
pas alliez avec ces deux dernieres Puissances , elles
ne peuvent neantmoins souffrir qu'on employe
la force pour mettre sur le Trône de Pologne un
Prince que toute la Nation a abjuré ; ces Rois s'allieront
avec d'autres Puissances pour la conservation
de l'honneur de notre Royaume ; nous ne manquerons
pas d'autres moyens favorables . Une puissante
diversion se manifestera en notrefaveur plutôt
qu'on ne pense ; elle nous mettra à l'abri des
machinations de nos Ennemis, et ceux qui nous ont
dressé des embuches y seront pris eux mêmes , &c,
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Résumé : POLOGNE.
En janvier 1734, un mandement royal est publié à Dantzig, exhortant les palatinats et territoires de Pologne à ne pas participer aux diètes convoquées par Stanislas Leszczynski, soutenu par M. Poninski. Le roi dénonce les dangers que la République polonaise encourt de la part de ceux qui cherchent à renverser la liberté des Polonais avec l'appui de puissances étrangères. Il rappelle son élection et son engagement à préserver la liberté de la nation en respectant les lois et constitutions du royaume. Le roi affirme avoir renoncé au pouvoir pour permettre une élection libre et souligne que son élection a été divinement protégée. Le roi critique l'élection d'un prince étranger à Prague, sous la protection d'une armée ennemie, et suggère que les cours de Vienne et de Russie avaient convenu de ne pas soutenir ce prince pour le trône de Pologne. Il accuse la cour de Vienne de vouloir détruire la liberté polonaise et de se servir des Moscovites pour atteindre ses objectifs. Le roi appelle les palatinats et districts à ignorer les proclamations du parti adverse, se fiant à la noblesse polonaise. Il mentionne que des puissances comme la France, l'Espagne et la Sardaigne soutiennent la Pologne et la liberté de la République, et que d'autres aides favorables ne manqueront pas de se manifester.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 596-601
POLOGNE.
Début :
Les Troupes du Roy, destinées à composer la Garnison de Dantzick, y sont entrées quelques [...]
Mots clefs :
Roi, Troupes, Gdańsk, Électeur de Saxe, Couronne, République, Couronnement, Général, Majesté, Primat
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texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLO G N E.
Es Troupes du Roy , destinées à composer
Lla Garnison de Danizicky sont entrées quelques
jours plustard qu'il n'avoit été résolu , à
cause de quelques difficultez faues par les Magistrats
; quelques - uns d'eux vouloient que dès
qu'elles y seroient , elles ne reçussent plus l'ordre
que d'un General qui eût prêté serment à la
Ville ; ils désiroient aussi qu'on ne permit point
l'en-
J
MARS 1734. 597
Pentrée au Regiment des Gardes de la Couronne
, parce que c'est un Corps attaché plus immédiatement
au Roy qu'à la République ; mais
toutes ces difficultez ont été levées à la satisfaction
de Sa Majesté , et ses Troupes ont été reçues
dans cette Ville , et dans tous les lieux de sa
dépendance , où elles gardent une exacte dis
cipline.
Le 11 Février , ces Troupes prêterent serment
entre les mains des Magistrats , suivant ce qui
été convenu , et plusieurs des Officiers de l'etat
Major et des Capitaines dés Gardes de la Couronne
ayant refusé de le faire , sous prétexte
que cela étoit contraire à leurs prérogatives ,
le Roy a ordonné qu'ils n'auroient aucun commandement
tant que le Régiment seroit à Dantzick
, et Sa Majesté a nommé d'autres Officiers
pour commander à leur place .
Le Roy a fait fignifier aux Agens , qui résident
à Dantzick , de la part de la Czarine , et de
l'Electeur de Saxe , d'en sortir. Ils seront gardez
à vue jusqu'à leur départ. On vient d'apprendre
qu'ils ont obéi aux Ordres du Roy , et qu'ils ont
été accompagnez par une Escorte, jusqu'au Camp
du Général Lesci .
L'Avant-garde des Troupes Moscovites que ce
Général commande , s'étoit avancée jusqu'aux
environs de Prest , Village qui n'est éloigné de
Dantzick que de quelques lieuës ; mais le Général
Lesci n'ayant point une Armée assez nombreuse
pour former le Blocus de la Ville , a pris
le parti de se retirer du côté de Langfuhr. On
croit qu'il a dessein d'y former quelques retranehemens
pour empêcher les débarquemens que
l'on pourroit tenter de faire à la Rade de cet
endroit.
Qwel598
MERCURE DE FRANCE
Quelques Prisonniers de l'Armée ennemie ont
rapporté qu'il avoit été résolu d'attaquer Wechselmunde
, afin de pouvoir , en s'en emparant ,
ôter à Dantzick la communication avec la Mer ,
mais que les Moscovites avoient renoncé à cette
entreprise , en apprenant que ce Fort étoit abondamment
pourvû de toutes sortes de Munitions,
et qu'il étoit en état , non seulement par la maniere
dont il est fortifié, mais encore pat le nombre
des Troupes qui y sont en garnison , de soû
tenir un long Siége .
Les Fortifications de cette Ville sont entiere
ment réparées , et l'on y a ajouté divers Ouvra
ges exterieurs qui en rendent les approches extrémement
difficiles . On a inondé , au moyen
des Ecluses, toutes les Prairies qui sont à l'Ouest,
et il est impossible aux Ennemis d'y arriver de
ce côté -là.
Outre les Troupes que le Roy a fait entrer
Dantzick , du consentement des Magistrats , la
Ville entretient pour sa deffense une Garnison
considérable , laquelle sera encore augmentée.
On apprend de Cracovie que les opposants
ont demandé au Comte de Hewolde , Ambassadeur
de la Czarine près l'Electeur de Saxe , que
les Troupes Moscovites payassent à l'avenir les
Vivres et les Fourages qu'elles consommeroient,
mais qu'ils n'ont point reçû de ce Ministre une
réponse telle qu'ils la désiroient.
Les dernieres Lettres de Dantzick , portent
que le Roy y tint le 20. du mois dernier un
grand Conseil , auquel assisterent le Primat , les
Sénateurs et tous les Députez que les Palatinats
ont nommez pour demeurer auprès de la personne
de Sa Majesté ; on y lût le Projet du Manifeste
contre le Couronnement de l'Electeur de
Saxe,
MARS. 1734
599
Baxe, et Sa Majesté , après qu'il eut été approuvé
, ordonna qu'il seroit rendu public , et qu'on
en déposeroit dans le Trésor des Archives une
copic qui seroit signée par le Primat et par le
sieur Radzieuscki, Maréchal de la Diette d'Election.
Ce Manifeste contient une Protestation du
Sénat et de la Noblesse , contre tous les Actes de
Souveraineté que l'Electeur de Saxe pourroit
exercer en vertu de son Couronnement ,et l'on y
fait un long dédail des violences que les Troupes
Moscovites et Saxones commettent dans le
Royaume pour procurer à ce Prince une Couronne
que le consentement unanime de la Nation
a donnée au Roy.
Sur la fin du mois dernier le General Lesci
tenta de surprendre le Fort de Wechselmunde
mais il fut repoussé avec perte , et depuis il n'a
formé aucune autre entreprise.
>
Le Manifeste dont on vient de parler porte en
substance , qu'une poignée d'Enfans dénaturez de
La Patrie , ayant fait à Praage une Election toutà-
fait illegitime , et craignant que la République
ne leur demande raison de leur procedé criminel
ils aiment mieux poursuivre leurs Entreprises dont
ils connoissent déja eux mêmes l'injustice , que de
se soumettre au Jugement de la République qu'ils
ont outragée ; qu'il ne faut pas s'étonner , après
leurs démarches desesperées de la résolution que
l'Electeur de Saxe a prise de se faire couronner
après une Election qu'il ne peut pas ignorer être
tout à -fait invalide ; que le Roy Stanislas étant le
seul légitimement et unanimement élû , il n'y avoit
que lui qui ait pu être couronné Roy de Pologne ;
qu'il étoit le maître de se faire d'abord couronner à
Varsovie par le Primat , en présence d'environ
60000.
Gentilshommes qui l'avoient élú ; qu'il
pourroit
foo MERCURE DE FRANCE
>
pourroit bien aller à Cracovie pour y reprendre la
Couronne avec plus de solemnité , que même il
pourroit se faire couronner avec les Diademes ordinaires
et usite dans la Province où il se trouve
accompagné d'un si grand nombre d'illustres Citoyens
, dont plusieurs y seroient encore survenus en
foule mais que Sa Majesté n'ayant rien voulu
précipiter , a mieux aimé observer tous les degrez
es toutes les formalitez requises ; qu'au contraire
la Proclamation de l'Electeur de Saxe étant
tout à fait nulle son Couronnement ne peut
étre qu'illégitime , et de xulle valeur : que cependant
pour le faire par force on a fait entrer
les Troupes Saxones dans le Royaume déja opprimé
par celles de Russie ; que le Prince VVeissen➡
feld's, Commandant des Troupes Saxones , a commis
d'abord à son Entrée un attentat contre les
Loix les plus fondamentales de la République , en
donnant un Edit par lequel il deffend aux Officiers
des Finances de la République de remettre les de-,
niers publics aux Grands Trésoriers du Royaume ;
et de Lithuanie : Que la prétenduë Diette du Couronnement
, et les prétendues Diestines qui l'ont précédé
, n'ont été convoquées quepar les Universaux
du Sieur Poninski , qui n'avoit aucun droit de le
faire , n'ayant pas même été du nombre des Nonces
à la Diette d'Election : Que le prétendu Couronnement
ne s'est pas fait avec les Diadémes anciens
et usitez , mais avec d'autres qu'on afabriquez &
set effet en Saxe : Que cet acte s'est fait sous les
armes et au préjudice du Primat , à qui seul il
appartient de couronner les Rois de Pologne ; que
Evêque de Cracovie ayant préfumé de le faire
sans aucun droit , a méprisé par- là la constitution
de Sixte V, et le Jugement du S. Siége , qui avoit
déja reconnu Stanislas I. pour légitime Roy. Qu'il
a agi
MARS 1734
agi en cela contre les sentimens de toute la République
qui se confédere et prend les Armes pour sousenir
sa liberté , et la Couronne de son Roy contre
ceux qui la lui veulent ravir. Et que pour toutes
ces raisons le Sénat , et l'Ordre Equestre , conformément
au serment prêté à la Diette de Convocation
sur l'exclusion de l'Etranger , proteste trèsfolemnellement
contre le Couronnement illégitime
de l'Electeur de Saxe : et contre tous les Acres qui
en dépendent , &c. fait à Dantzick le 10 Février
1734. Signé Theodore Potocski , Archevêque et
Primat, François de Brien Radzevvski , Chambelan
de Posnanie , Maréchal de l'Ordre Equestre à
la Diette d'Election .
On a appris d'Elbing , que les Polonois y
avoient fait créver les Canons et les Mortiers qui
y sont , pour empêcher que les Russiens et les
Saxons ne pussent s'en servir contre la Ville de
Dantzick.
Es Troupes du Roy , destinées à composer
Lla Garnison de Danizicky sont entrées quelques
jours plustard qu'il n'avoit été résolu , à
cause de quelques difficultez faues par les Magistrats
; quelques - uns d'eux vouloient que dès
qu'elles y seroient , elles ne reçussent plus l'ordre
que d'un General qui eût prêté serment à la
Ville ; ils désiroient aussi qu'on ne permit point
l'en-
J
MARS 1734. 597
Pentrée au Regiment des Gardes de la Couronne
, parce que c'est un Corps attaché plus immédiatement
au Roy qu'à la République ; mais
toutes ces difficultez ont été levées à la satisfaction
de Sa Majesté , et ses Troupes ont été reçues
dans cette Ville , et dans tous les lieux de sa
dépendance , où elles gardent une exacte dis
cipline.
Le 11 Février , ces Troupes prêterent serment
entre les mains des Magistrats , suivant ce qui
été convenu , et plusieurs des Officiers de l'etat
Major et des Capitaines dés Gardes de la Couronne
ayant refusé de le faire , sous prétexte
que cela étoit contraire à leurs prérogatives ,
le Roy a ordonné qu'ils n'auroient aucun commandement
tant que le Régiment seroit à Dantzick
, et Sa Majesté a nommé d'autres Officiers
pour commander à leur place .
Le Roy a fait fignifier aux Agens , qui résident
à Dantzick , de la part de la Czarine , et de
l'Electeur de Saxe , d'en sortir. Ils seront gardez
à vue jusqu'à leur départ. On vient d'apprendre
qu'ils ont obéi aux Ordres du Roy , et qu'ils ont
été accompagnez par une Escorte, jusqu'au Camp
du Général Lesci .
L'Avant-garde des Troupes Moscovites que ce
Général commande , s'étoit avancée jusqu'aux
environs de Prest , Village qui n'est éloigné de
Dantzick que de quelques lieuës ; mais le Général
Lesci n'ayant point une Armée assez nombreuse
pour former le Blocus de la Ville , a pris
le parti de se retirer du côté de Langfuhr. On
croit qu'il a dessein d'y former quelques retranehemens
pour empêcher les débarquemens que
l'on pourroit tenter de faire à la Rade de cet
endroit.
Qwel598
MERCURE DE FRANCE
Quelques Prisonniers de l'Armée ennemie ont
rapporté qu'il avoit été résolu d'attaquer Wechselmunde
, afin de pouvoir , en s'en emparant ,
ôter à Dantzick la communication avec la Mer ,
mais que les Moscovites avoient renoncé à cette
entreprise , en apprenant que ce Fort étoit abondamment
pourvû de toutes sortes de Munitions,
et qu'il étoit en état , non seulement par la maniere
dont il est fortifié, mais encore pat le nombre
des Troupes qui y sont en garnison , de soû
tenir un long Siége .
Les Fortifications de cette Ville sont entiere
ment réparées , et l'on y a ajouté divers Ouvra
ges exterieurs qui en rendent les approches extrémement
difficiles . On a inondé , au moyen
des Ecluses, toutes les Prairies qui sont à l'Ouest,
et il est impossible aux Ennemis d'y arriver de
ce côté -là.
Outre les Troupes que le Roy a fait entrer
Dantzick , du consentement des Magistrats , la
Ville entretient pour sa deffense une Garnison
considérable , laquelle sera encore augmentée.
On apprend de Cracovie que les opposants
ont demandé au Comte de Hewolde , Ambassadeur
de la Czarine près l'Electeur de Saxe , que
les Troupes Moscovites payassent à l'avenir les
Vivres et les Fourages qu'elles consommeroient,
mais qu'ils n'ont point reçû de ce Ministre une
réponse telle qu'ils la désiroient.
Les dernieres Lettres de Dantzick , portent
que le Roy y tint le 20. du mois dernier un
grand Conseil , auquel assisterent le Primat , les
Sénateurs et tous les Députez que les Palatinats
ont nommez pour demeurer auprès de la personne
de Sa Majesté ; on y lût le Projet du Manifeste
contre le Couronnement de l'Electeur de
Saxe,
MARS. 1734
599
Baxe, et Sa Majesté , après qu'il eut été approuvé
, ordonna qu'il seroit rendu public , et qu'on
en déposeroit dans le Trésor des Archives une
copic qui seroit signée par le Primat et par le
sieur Radzieuscki, Maréchal de la Diette d'Election.
Ce Manifeste contient une Protestation du
Sénat et de la Noblesse , contre tous les Actes de
Souveraineté que l'Electeur de Saxe pourroit
exercer en vertu de son Couronnement ,et l'on y
fait un long dédail des violences que les Troupes
Moscovites et Saxones commettent dans le
Royaume pour procurer à ce Prince une Couronne
que le consentement unanime de la Nation
a donnée au Roy.
Sur la fin du mois dernier le General Lesci
tenta de surprendre le Fort de Wechselmunde
mais il fut repoussé avec perte , et depuis il n'a
formé aucune autre entreprise.
>
Le Manifeste dont on vient de parler porte en
substance , qu'une poignée d'Enfans dénaturez de
La Patrie , ayant fait à Praage une Election toutà-
fait illegitime , et craignant que la République
ne leur demande raison de leur procedé criminel
ils aiment mieux poursuivre leurs Entreprises dont
ils connoissent déja eux mêmes l'injustice , que de
se soumettre au Jugement de la République qu'ils
ont outragée ; qu'il ne faut pas s'étonner , après
leurs démarches desesperées de la résolution que
l'Electeur de Saxe a prise de se faire couronner
après une Election qu'il ne peut pas ignorer être
tout à -fait invalide ; que le Roy Stanislas étant le
seul légitimement et unanimement élû , il n'y avoit
que lui qui ait pu être couronné Roy de Pologne ;
qu'il étoit le maître de se faire d'abord couronner à
Varsovie par le Primat , en présence d'environ
60000.
Gentilshommes qui l'avoient élú ; qu'il
pourroit
foo MERCURE DE FRANCE
>
pourroit bien aller à Cracovie pour y reprendre la
Couronne avec plus de solemnité , que même il
pourroit se faire couronner avec les Diademes ordinaires
et usite dans la Province où il se trouve
accompagné d'un si grand nombre d'illustres Citoyens
, dont plusieurs y seroient encore survenus en
foule mais que Sa Majesté n'ayant rien voulu
précipiter , a mieux aimé observer tous les degrez
es toutes les formalitez requises ; qu'au contraire
la Proclamation de l'Electeur de Saxe étant
tout à fait nulle son Couronnement ne peut
étre qu'illégitime , et de xulle valeur : que cependant
pour le faire par force on a fait entrer
les Troupes Saxones dans le Royaume déja opprimé
par celles de Russie ; que le Prince VVeissen➡
feld's, Commandant des Troupes Saxones , a commis
d'abord à son Entrée un attentat contre les
Loix les plus fondamentales de la République , en
donnant un Edit par lequel il deffend aux Officiers
des Finances de la République de remettre les de-,
niers publics aux Grands Trésoriers du Royaume ;
et de Lithuanie : Que la prétenduë Diette du Couronnement
, et les prétendues Diestines qui l'ont précédé
, n'ont été convoquées quepar les Universaux
du Sieur Poninski , qui n'avoit aucun droit de le
faire , n'ayant pas même été du nombre des Nonces
à la Diette d'Election : Que le prétendu Couronnement
ne s'est pas fait avec les Diadémes anciens
et usitez , mais avec d'autres qu'on afabriquez &
set effet en Saxe : Que cet acte s'est fait sous les
armes et au préjudice du Primat , à qui seul il
appartient de couronner les Rois de Pologne ; que
Evêque de Cracovie ayant préfumé de le faire
sans aucun droit , a méprisé par- là la constitution
de Sixte V, et le Jugement du S. Siége , qui avoit
déja reconnu Stanislas I. pour légitime Roy. Qu'il
a agi
MARS 1734
agi en cela contre les sentimens de toute la République
qui se confédere et prend les Armes pour sousenir
sa liberté , et la Couronne de son Roy contre
ceux qui la lui veulent ravir. Et que pour toutes
ces raisons le Sénat , et l'Ordre Equestre , conformément
au serment prêté à la Diette de Convocation
sur l'exclusion de l'Etranger , proteste trèsfolemnellement
contre le Couronnement illégitime
de l'Electeur de Saxe : et contre tous les Acres qui
en dépendent , &c. fait à Dantzick le 10 Février
1734. Signé Theodore Potocski , Archevêque et
Primat, François de Brien Radzevvski , Chambelan
de Posnanie , Maréchal de l'Ordre Equestre à
la Diette d'Election .
On a appris d'Elbing , que les Polonois y
avoient fait créver les Canons et les Mortiers qui
y sont , pour empêcher que les Russiens et les
Saxons ne pussent s'en servir contre la Ville de
Dantzick.
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Résumé : POLOGNE.
En mars 1734, les troupes du roi destinées à la garnison de Dantzick entrèrent dans la ville avec retard en raison des difficultés soulevées par les magistrats. Ces derniers exigeaient que les troupes ne reçoivent d'ordres que d'un général ayant prêté serment à la ville et refusaient l'entrée des Gardes de la Couronne. Ces problèmes furent résolus à la satisfaction du roi, et les troupes furent accueillies dans la ville et ses dépendances, où elles maintinrent une discipline stricte. Le 11 février, les troupes prêtèrent serment entre les mains des magistrats. Plusieurs officiers refusèrent de prêter serment, invoquant leurs prérogatives. Le roi ordonna alors qu'ils n'aient aucun commandement tant que le régiment resterait à Dantzick et nomma d'autres officiers pour les remplacer. Le roi fit également expulser les agents résidant à Dantzick au nom de la czarine et de l'électeur de Saxe, qui furent gardés à vue jusqu'à leur départ. Les troupes moscovites, commandées par le général Lesci, s'étaient avancées jusqu'aux environs de Prest, mais se retirèrent vers Langfuhr pour former des retranchements et empêcher les débarquements. Les fortifications de Dantzick furent entièrement réparées et renforcées par divers ouvrages extérieurs. Les prairies à l'ouest furent inondées pour empêcher l'accès des ennemis. Outre les troupes du roi, la ville entretenait une garnison considérable pour sa défense. À Cracovie, les opposants demandèrent aux troupes moscovites de payer les vivres et les fourrages qu'elles consommaient, mais n'obtinrent pas la réponse souhaitée. Le roi tint un grand conseil à Dantzick le 20 février, où fut approuvé un manifeste contre le couronnement de l'électeur de Saxe. Ce manifeste protestait contre les actes de souveraineté de l'électeur et détaillait les violences commises par les troupes moscovites et saxonnes. Le manifeste affirmait que Stanislas était le seul roi légitimement élu et que son couronnement à Varsovie avait été validé par environ 60 000 gentilshommes. Il dénonçait le couronnement illégitime de l'électeur de Saxe, soutenu par les troupes saxonnes et russes, et les violations des lois fondamentales de la République. Le Sénat et la noblesse protestèrent solennellement contre ce couronnement et les actes qui en découlaient. À Elbing, les Polonais firent crever les canons et mortiers pour empêcher les Russiens et les Saxons de s'en servir contre Dantzick.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 107-108
AUTRE.
Début :
Je fus jadis, Lecteur, très-florissante à Rome, [...]
Mots clefs :
République
19
p. 77-104
Analyse de l'Esprit des Loix, contenue dans la note qui accompagne l'Eloge de M. de Montesquieu par M. d'Alembert. Nous l'avions annoncée pour le premier Mercure de ce mois, & nous acquittons notre parole.
Début :
La plûpart des gens de Lettres qui ont parlé de l'Esprit des Loix, s'étant plus [...]
Mots clefs :
Montesquieu, De l'esprit des lois, Gouvernement, Peuple, Nature, Hommes, Lois, États, Esprit, Pays, Peuple, Peuples, Liberté, Religion, Gouvernement, Monarchie, Égalité, République, Servitude, Crimes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Analyse de l'Esprit des Loix, contenue dans la note qui accompagne l'Eloge de M. de Montesquieu par M. d'Alembert. Nous l'avions annoncée pour le premier Mercure de ce mois, & nous acquittons notre parole.
Analyfe de l'Esprit des Loix , contenue dans
la note qui accompagne l'Eloge de M. de
Montefquieu par M. d'Alembert. Nous
l'avions annoncée pour le premier Mercure
de ce mois , & nous acquittons notre
parole.
Lparle de l'efprit des Loix , s étant plus
A plupart des gens de Lettres qui ont
attachés à le critiquer qu'à en donner une
idée juſte , nous allons tâcher de fuppléer
à ce qu'ils auroient dû faire , & d'en développer
le plan , le caractere & l'objet.
Ceux qui en trouveront l'analy fe trop longue
, jugeront peut être, après l'avoir lue ,
qu'il n'y avoit que ce feul moyen de bien
faire faifir la méthode de l'Auteur . On
doit fe fouvenir d'ailleurs que l'hiftoire
des écrivains célebres n'eft que celle de
leurs penfées & de leurs travaux , & que
cette partie de leur éloge en eft la plus
effentielle & la plus utile , fur-tout à la
tête d'un ouvrage rel que l'Encyclopédie.
Les homme dans l'état de nature , abf-
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
traction faite de toute religion , ne connoiffant
dans les différends qu'ils peuvent
avoir , d'autre loi que celle des animaux ,
le droit du plus fort, on doit regarder l'établiffement
des fociétés comme une espece
de traité contre ce droit injufte ; traité
deftiné à établir entre les différentes parties
du genre humain une forte de balance.
Mais il en eft de l'équilibre moral
comme du phyſique : il eft rare qu'il foit
parfait & durable ; & les traités du genre
humain font , comme les traités entre nos
Princes , une femence continuelle de divifion.
L'intérêt , le befoin & le plaifir ,
ont rapproché les hommes ; mais ces mêmes
motifs les pouffent fans ceffe à vouloir
jouir des avantages de la focieté fans en
porter les charges ; & c'eft en ce fens qu'on
peut dire avec l'Auteur , que les hommes ,
dès qu'ils font en focieté , font en état de
guerre. Car la guerre fuppofe dans ceux
qui fe la font , finon l'égalité de force ,
au moins l'opinion de cette égalité , d'où
naît le defir & l'efpoir mutuel de fe vaincre
. Or dans l'état de focieté , fi la balance
n'eft jamais parfaite entre les hommes ,
elle n'eft pas non plus trop inégale : au contraire
, où ils n'auroient rien à fe difputer
dans l'état de nature , ou fi la néceffité les
y obligeoit , on ne verroit que la foibleffe
DECEMBRE. 1755 . 79
fuyant devant la force , des oppreffeurs
fans combat , & des opprimés fans réfiftance .
Voilà donc les hommes réunis & armés
tout-à- la-fois , s'embraffant d'un côté , fi
on peut parler ainfi , & cherchant de l'autre
à fe bleffer mutuellement : les loix font
le lien plus ou moins efficace , deſtiné à
fufpendre ou à retenir leurs coups. Mais
l'étendue prodigieufe du globe que nous
habitons , la nature différente des régions
de la terre & des peuples qui la couvrent ,
ne permettant pas que tous les hommes
vivent fous un feul & même gouvernement
, le humain a dû fe partager
genre
en un certain nombre d'Etats , diftingués
par la différence des loix auxquelles ils
obéiffent. Un feul gouvernement n'auroit
fait du genre humain qu'un corps exténué
& languiffant , étendu fans vigueur fur la
furface de la terre . Les différens Etats font
autant de corps agiles & robuftes , qui en
fe donnant la main les uns aux autres ,
n'en forment qu'un , & dont l'action réciproque
entretient partout le mouvement
& la vie .
On peut diftinguer trois fortes de gouvernemens
; le Républicain , le Monarchique
, le Defpotique . Dans le Républicain ,
le peuple en corps a la fouveraine puiffance
; dans le Monarchique , un feul
Div
So MERCURE DE FRANCE.
gouverne par des loix fondamentales ;
dans le Defpotique , on ne connoît d'autre
loi que la volonté du maître , ou plutôt
du tyran. Ce n'eft pas à dire qu'il n'y
ait dans l'univers que ces trois efpeces
d'Etats , ce n'eft pas à dire même qu'il y
ait des Etats qui appartiennent uniquement
& rigoureufement à quelqu'une de
ces formes : la plupart font , pour ainfi
dire , mi partis ou nuancés les uns des autres.
Ici la Monarchie incline au Defpotifme
; là le gouvernement monarchique eft
combiné avec le Républicain ; ailleurs ce
n'eft pas le peuple entier , c'eft feulement
une partie du peuple qui fait les loix .
Mais la divifion précédente n'en eft pas
moins exacte & moins jufte : les trois efpeces
de gouvernement qu'elle renferme
font tellement diftingués , qu'elles n'ont
proprement rien de commun ; & d'ailleurs
tous les Etats que nous connoiffons , participent
de l'une ou de l'autre. Il étoit
donc néceffaire de former de ces trois
efpeces des claffes particulieres , & de
s'appliquer à déterminer les loix qui leur
font propres ; il fera facile enfuite de modifier
ces loix dans l'application à quelque
gouvernement que ce foit , felon
qu'il appartiendra plus ou moins à ces différentes
formes.
DECEMBRE . 1755 .
Dans les divers Etats , les loix doivent
être relatives à leur nature , c'est- à- dire à
ce qui les conftitue , & à leur principe ,
c'eft-à- dire à ce qui les foutient & les fait
agir ; diftinction importante , la clef d'une
infinité de loix , & dont l'Auteur tire bien
des conféquences.
Les principales loix relatives à la nature
de la Démocratie font , que le peuple
y foit à certains égards le Monarque ,
à d'autres le Sujet ; qu'il élife & juge fes
Magiftrats , & que les Magiftrats en certaines
occafions décident. La nature de la
Monarchie demande qu'il y ait entre le
Monarque & le peuple beaucoup de pouvoirs
& de rangs intermédiaires , & un
corps , dépofitaire des loix médiateur
entre les fujets & le Prince . La nature du
Defpotifme exige que le tyran exerce fon
autorité , ou par lui feul , ou par un feul
qui le repréfente.
>
Quant au principe des trois gouvernemens
, celui de la Démocratie eft l'amour
de la République , c'eft à dire de l'égalité
dans les Monarchies où un feul eft le
difpenfareur des diftinctions & des ré- ,
compenfes , & où l'on s'accoutume à conconfondre
l'Etat avec ce feul homme , le
principe eft l'honneur , c'eft- à- dire l'ambition
& l'amour de l'eftime : fous le Def-
Dv
82
MERCURE DE FRANCE.
potifme enfin , c'eft la crainte. Plus ces
principes font en vigueur , plus le gouvernement
eft ftable ; plus ils s'alterent &
fe corrompent , plus il incline à fa deftruction
. Quand l'Auteur parle de l'égalité
dans les Démocraties , il n'entend pas
une égalité extrême , abfolue , & par conféquent
chimérique ; il entend cet heureux
équilibre qui rend tous les citoyens
également foumis aux loix , & également
intéreffés à les obferver.
Dans chaque gouvernement les loix de
l'éducation doivent être relatives au principe
; on entend ici par éducation celle
qu'on reçoit en entrant dans le monde , &
non celle des parens & des maîtres , qui
fouvent y eft contraire , fur- tout dans cerrains
Etats . Dans les Monarchies , l'éducation
doit avoir pour objet l'urbanité &
les égards réciproques : dans les Etats defpotiques
, la terreur & l'aviliffement des
efprits : dans les Républiques on a befoin
de toute la puiffance de l'éducation : elle
doit infpirer un fentiment noble , mais
pénible , le renoncement à foi-même , d'où
naît l'amour de la patrie.
Les loix que le Législateur donne , doivent
être conformes au principe de chaque
gouvernement ; dans la République ,
entretenir l'égalité & la frugalité ; dans
DECEMBRE. 1755. 83
la Monarchie , foutenir la nobleffe fans
écrafer le peuple ; fous le gouvernement
defpotique , tenir également tous les Etats
dans le filence. On ne doit point accufer
M. de Montefquieu d'avoir ici tracé aux
Souverains les principes du pouvoir arbitraire
, dont le nom feul eft fi odieux aux
Princes juftes , & à plus forte raifon au citoyen
fage & vertueux . C'eft travailler à
l'anéantir que de montrer ce qu'il faut faire
pour le conferver : la perfection de ce
gouvernement en eft la ruine ; & le code
exact de la tyrannie , tel que l'Auteur le
donne , eft en même tems la fatyre & le
fléau le plus redoutable des tyrans. A l'égard
des autres gouvernemens, ils ont chacun
leurs avantages ; le républicain eft plus
propte aux petits Etats ; le monarchique ,
aux grands ; le républicain plus fujer aux
excès , le monarchique, aux abus ; le républicain
apporte plus de maturité dans l'exécution
des loix , le monarchique plus de
promptitude.
La différence des principes des trois
gouvernemens doit en produire dans le
nombre & l'objet des loix , dans la forme
des jugemens & la nature des peines. La
conftitution des Monarchies étant invariable
& fondamentale , exige plus de loix
civiles & de tribunaux , afin que la juftice
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
foit rendue d'une maniere plus uniforme
& moins arbitraire ; dans les Etats modérés
, foit Monarchies , foit Républiques ,
on ne fçauroit apporter trop de formalités
aux loix criminelles. Les peines doivent
non feulement être en proportion avec le
crime , mais encore les plus douces qu'il
eft poffible , fur- tout dans la Démocratie ;
l'opinion attachée aux peines fera fouvent
plus d'effet que leur grandeur même. Dans
les Républiques , il faut juger felon la loi ,
parce qu'aucun particulier n'eft le maître
de l'altérer. Dans les Monarchies , la clémence
du Souverain peut quelquefois l'adoucir
; mais les crimes ne doivent jamais
y être jugés que par les Magiftrats expreffément
chargés d'en connoître. Enfin c'eft
principalement dans les Démocraties que
les loix doivent être féveres contre le luxe,
le relâchement des moeurs & la féduction
des femmes. Leur douceur & leur foibleffe
même les rend affez propres à gouverner
dans les Monarchies , & l'Hiftoire prouve
que fouvent elles ont porté la couronne
avec gloire.
M. de Montefquieu ayant ainfi parcouru
chaque gouvernement en particulier ,
les examine enfuite dans le rapport qu'ils
peuvent avoir les uns aux autres , mais
feulement fous le point de vue le plus
DECEM BRE. 1755. 85
"
général , c'est-à-dire fous celui qui eft uniquement
relatif à leur nature & à leur
principe. Envifagés de cette maniere , les
Etats ne peuvent avoir d'autres rapports
que celui de fe défendre , ou d'attaquer.
Les Républiques devant , par leur nature ,
renfermer un petit Etat , elles ne peuvent
fe défendre fans alliance ; mais c'eft avec
des Républiques qu'elles doivent s'allier .
La force defenfive de la Monarchie confifte
principalement à avoir des frontieres
hors d'infulte. Les Etats ont , comme les
hommes , le droit d'attaquer pour leur propre
confervation. Du droit de la guerre
dérive celui de conquête ; droit nécellaire ,
légitime & malheureux , qui laiſſe toujours
à payer une dette immenfe pour s'acquitter
envers la nature humaine , & dont la loi
générale eft de faire aux vaincus le moins
de mal qu'il eft poffible . Les Républiques
peuvent moins conquérir que les Monarchies
; des conquêtes immenfes fuppofent
le defpotifme ou l'affurent . Un des grands
principes de l'efprit de conquête doit être
de rendre meilleure , autant qu'il eft poffible
, la condition du peuple conquis :
c'eft fatisfaire tout- à - la-fois la loi naturelle
& la maxime , d'Etat . Rien n'eft plus
beau que le traité de paix de Gelon avec
les Carthaginois , par lequel il leur défen86
MERCURE DE FRANCE.
dit d'immoler à l'avenir leurs propres enfans.
Les Efpagnols , en conquérant le Pérou
, auroient dû obliger de même les habitans
à ne plus immoler des hommes à
leurs Dieux ; mais ils crurent plus avantageux
d'immoler ces peuples mêmes . Ils
n'eurent plus pour conquête qu'un vafte
défert : ils furent forcés à dépeupler leur
pays , & s'affoiblirent pour toujours par
leur propre victoire . On peut être obligé
quelquefois de changer les loix du peuple
vaincu ; rien ne peut jamais obliger de lui
ôter fes moeurs ou même fes coutumes ,
qui font fouvent toutes les moeurs . Mais
le moyen le plus für de conferver une conquête
, c'eft de mettre , s'il eft poffible , le
peuple vaincu au niveau du peuple conquerant
; de lui accorder les mêmes droits
& les mêmes privileges : c'eft ainfi qu'en
ont fouvent ufé les Romains ; c'eft ainfi
fur-tout qu'en ufa Céfar à l'égard des
Gaulois.
Jufqu'ici , en confiderant chaque gouvernement
, tant en lui-même , que dans
fon rapport aux autres , nous n'avons eu
égard ni à ce qui doit leur être commun ,
ni aux circonftances particulieres tirées
ou de la nature du pays , ou du génie des
peuples : c'eft ce qu'il faut maintenant développer.
DECEMBRE . 1755. 87
La loi commune de tous les gouvernemens
, du moins des gouvernemens modérés
, & par conféquent juftes , eft la liberté
politique dont chaque citoyen doit
jouir. Cette liberté n'eft point la licence
abfurde de faire tout ce qu'on veut , mais
le pouvoir de faire tout ce que les loix
permettent. Elle peut être envisagée , ou
dans fon rapport à la conftitution
dans fon rapport au citoyen.
ou
Il y a dans la conftitution de chaque
Etat deux fortes de pouvoirs , la puiflance
législative & l'exécutrice ; & cette derniere
a deux objets , l'intérieur de l'Etat
& le dehors . C'eft de la diftribution légitime
& de la répartition convenable de
ces différentes efpeces de pouvoirs que dépend
la plus grande perfection de la liberté
politique par rapport à la conftitution.
M. de Montefquieu en apporte pour
preuve la conftitution de la République
Romaine & celle de l'Angleterre . Il trouve
le principe de celle- ci dans cette loi
fondamentale du gouvernement des anciens
Germains , que les affaires peu importantes
y étoient décidées par les chefs ,
& que les grandes étoient portées au tribunal
de la nation , après avoir auparavant
été agitées par les chefs. M. de Monrefquieu
n'examine point fi les Anglois
8S MERCURE DE FRANCE.
jouiffent ou non de cette extrême liberté
politique que leur conftitution leur donne
, il lui fuffit qu'elle foit établie par
leurs loix : il eft encore plus éloigné de
vouloir faire la fatyre des autres Etats. Il
croit au contraire que l'excès , même dans
le bien , n'eft pas toujours défirable ; que
la liberté extrême a fes inconveniens ›
comme l'extrême fervitude ; & qu'en général
la nature humaine s'accommode
mieux d'un état moyen.
La liberté politique confidérée par rapport
au citoyen , confifte dans la fureté
où il eft à l'abri des loix , ou du moins
dans l'opinion de cette fureté, qui fait qu'un
citoyen n'en craint point un autre . C'eſt
principalement par la nature & la proportion
des peines , que cette liberté s'établit
ou fe détruit. Les crimes contre la Religion
doivent être punis par la privation
des biens que la Religion procure ; les
crimes contre les moeurs , par la honte
les crimes contre la tranquillité publique ,
par la prifon ou l'exil ; les crimes contre
la fureté , par les fupplices . Les écrits doivent
être moins punis que les actions , jamais
les fimples penfées ne doivent l'être :
accufations non juridiques , efpions , lettres
anonymes , toutes ces reffources de la
tyrannie , également honteufes à ceux qui
;
DECEMBRE . 1755. Se
en font l'inftrument, & à ceux qui s'en fervent
, doivent être profcrites dans un bon
gouvernement monarchique . Il n'eft permis
d'accufer qu'en face de la loi , qui punit
toujours ou l'accufé , ou le calomniateur.
Dans tout autre cas , ceux qui
gouvernent doivent dire avec l'Empereur
Conftance : Nous ne sçaurions foupçonner
celui à qui il a manqué un accuſateur , lorf
qu'il ne lui manquoit pas un ennemi . C'eſt
une très -bonne inftitution que celle d'une
partie publique qui fe charge , au nom de
l'Etat , de pourfuivre les crimes , & qui ait
toute l'utilité des délateurs , fans en avoir
les vils intérêts , les inconvéniens , & l'infamie.
La grandeur des impôts doit être en
proportion directe avec la liberté . Ainfi
dans les Démocraties ils peuvent être plus
grands qu'ailleurs, fans être onéreux , parce
que chaque citoyen les regarde comme
un tribut qu'il fe paye à lui-même , & qui
affure la tranquillité & le fort de chaque
membre. De plus , dans un Etat démocratique
, l'emploi infidele des deniers pu-,
blics eft plus difficile , parce qu'il eft plus
aifé de le connoître & de le punir , le dépofitaire
en devant compte , pour ainsi
dire , au premier citoyen qui l'exige .
Dans quelque gouvernement que ce foit,
90 MERCURE DE FRANCE.
l'efpece de tributs la moins onéreuſe , eft
celle qui eft établie fur les marchandiſes ;
parce que le citoyen paye
fans s'en appercevoir.
La quantité exceffive de troupes
en tems de paix , n'eft qu'un prétexte pour
charger le peuple d'impôts , un moyen
d'énerver l'Etat , & un inftrument de fervitude.
La régie des tributs qui en fait
rentrer le produit en entier dans le fifc
public , eft fans comparaifon moins à charge
au peuple, & par conféquent plus avantageufe
, lorfqu'elle peut avoir lieu , que
la ferme de ces mêmes tributs , qui laiſſe
toujours entre les mains de quelques particuliers
une partie des revenus de l'Etat.
Tout eft perdu furtout ( ce font ici les
termes de l'Auteur ) lorfque la profeffion
de traitant devient honorable ; & elle le
devient dès que le luxe eft en vigueur.
Laiffer quelques hommes fe nourrir de la
fubftance publique , pour les dépouiller à
leur tour , comme on l'a autrefois pratiqué
dans certains Etats , c'eft réparer une
injuftice par une autre , & faire deux maux
au lieu d'un .
Venons maintenant , avec M. de Montefquieu
, aux circonftances particulieres
indépendantes de la nature du gouvernement
, & qui doivent en modifier les loix.
Les circonftances qui viennent de la naDECEMBRE
1755. 91
ture du pays font de deux fortes ; les unes
ont rapport au climat , les autres au terrein.
Perfonne ne doute que le climat
n'influe fur la difpofition habituelle des
corps , & par conféquent fur les caracteres.
C'eft pourquoi les loix doivent fe conformer
au phyfique du climat dans les
chofes indifférentes , & au contraire le
combattre dans les effets vicieux : ainfi
dans les pays où l'ufage du vin eft nuifible
, c'eft une très -bonne loi que celle qui
l'interdit. Dans les pays où la chaleur du
climat porte à la pareffe , c'eft une trèsbonne
loi que celle qui encourage au travail.
Le gouvernement peut donc corriger
les effets du climat , & cela fuffit pour
mettre l'Esprit des Loix à couvert du reproche
très- injufte qu'on lui a fait d'attribuer
tout au froid & à la chaleur : car
outre que la chaleur & le froid ne font
pas la feule chofe par laquelle les climats
foient diftingués , il feroit auffi abfurde
de nier certains effets du climat que de
vouloir lui attribuer tout.
L'ufage des Efclaves établi dans les Pays
chauds de l'Afie & de l'Amérique , & réprouvé
dans les climats tempérés de l'Europe
, donne fujet à l'Auteur de traiter de
l'Esclavage civil. Les hommes n'ayant pas
plus de droit fur la liberté que fur la vie
92 MERCURE DE FRANCE.
les uns des autres , il s'enfuit que l'efclavage
, généralement parlant , eft contre la
loi naturelle. En effet , le droit d'esclavage
ne peut venir ni de la guerre , puifqu'il ne
pourroit être alors fondé que fur le rachat.
de la vie , & qu'il n'y a plus de droit fur la
vie de ceux qui n'attaquent plus ; ni de la
vente qu'un homme fait de lui- même à un
autre , puifque tout citoyen étant redevable
de fa vie à l'Etat , lui eft à plus forte
raifon redevable de fa liberté , & par conféquent
n'eft pas le maître de la vendre .
D'ailleurs quel feroit le prix de cette vente
? Ce ne peut être l'argent donné au vendeur
, puifqu'au moment qu'on fe rend
efclave , toutes les poffeffions appartiennent
au maître : or une vente fans prix eft
auffi chimérique qu'un contrat fans condition.
Il n'y a peut- être jamais eu qu'une
loi jufte en faveur de l'efclavage , c'étoit
la loi Romaine qui rendoit le débiteur efclave
du créancier ; encore cette loi ,
pour
être équitable , devoit borner la fervitude
quant au dégré & quant au tems. L'efclavage
peut tout au plus être toléré dans les
Etats defpotiques , où les hommes libres ,
trop foibles contre le gouvernement, cherchent
à devenir , pour leur propre utilité ,
les efclaves de ceux qui tyrannifent l'Etat ;
ou bien dans les climats dont la chaleur
2
DECEMBRE . 1755. 93
énerve fi fort le corps , & affoiblit tellement
le courage , que les hommes n'y font
portés à un devoir pénible , que par la
crainte du châtiment.
A côté de l'esclavage civil on peut placer
la fervitude domeftique , c'eft- à-dire ,
celle où les femmes font dans certains climats
: elle peut avoir lieu dans ces contrées
de l'Afie où elles font en état d'habiter
avec les hommes avant que de pouvoir
faire ufage de leur raifon ; nubiles par la
loi du climat , enfans par celle de la nature.
Cette fujétion devient encore plus néceffaire
dans les Pays où la polygamie eft
établie ; ufage que M. de Montefquieu ne
prétend pas juftifier dans ce qu'il a de contraire
à la Religion , mais qui dans les
lieux où il eft reçu ( & à ne parler que politiquement
) peut être fondé jufqu'à`un
certain point , ou fur la nature du Pays
ou fur le rapport du nombre des femmes
au nombre des hommes. M. de Montefquieu
parle à cette occafion de la Répudiation
& du Divorce ; & il établit fur de
bonnes raifons , que la répudiation une
fois admife , devroit être permife aux femmes
comme aux hommes.
Si le climat a tant d'influence fur la fervitude
domestique & civile , il n'en a pas
moins fur la fervitude politique , c'est- à94
MERCURE DE FRANCE.
dire fur celle qui foumet un peuple à un
autre. Les peuples du Nord font plus forts
& plus courageux que ceux du Midi ; ceux
ci doivent donc en géneral être fubjugués ,
ceux - là conquérans ; ceux - ci efclaves ,
ceux -là libres : c'eft auffi ce que l'Hiftoire
confirme . L'Afie a été conquiſe onze fois
par lès peuples du Nord ; l'Europe a fouffert
beaucoup moins de révolutions .
A l'égard des loix relatives à la nature
du terrein , il eft clair que la Démocratie
convient mieux que la Monarchie aux
Pays ftériles , où la terre a befoin de toute
l'induftrie des hommes. La liberté d'ailleurs
eft en ce cas une efpece de dédommagement
de la dureté du travail . Il faut
plus de loix pour un peuple agriculteur que
pour un peuple qui nourrit des troupeaux,
pour celui - ci que pour un peuple chaffeur,
pour un peuple qui fait ufage de la monnoie
, que pour celui qui l'ignore.
Enfin on doit avoir égard au génie particulier
de la Nation . La vanité qui groffit
les objets , eft un bon reffort pour le gouvernement
; l'orgueil qui les dépriſe eft un
reffort dangereux . Le Légiflateur doit ref
pecter jufqu'à un certain point les préjugés
, les paffions , les abus. Il doit imiter
Solon , qui avoit donné aux Athéniens ,
non les meilleures loix en elles-mêmes ,
DECEMBRE
1755. 95
mais les meilleures qu'ils puffent avoir . Le
caractere gai de ces peuples demandoit des
loix plus faciles ; le caractere dur des Lacédémoniens
, des loix plus féveres. Les
loix font un mauvais moyen pour changer
les manieres & les ufages ; c'eft par les récompenfes
& l'exemple qu'il faut tâcher
d'y parvenir. Il eft pourtant vrai en mêmetems
, que les loix d'un peuple , quand on
n'affecte pas d'y choquer groffierement &
directement fes moeurs , doivent influer
infenfiblement fur elles , foit pour les affermir,
foit pour les changer.
Après avoir approfondi de cette maniere
la nature & l'efprit des Loix par rapport
aux différentes efpeces de Pays & de
peuples , l'Auteur revient de nouveau à
confidérer les Etats les uns par rapport aux
autres. D'abord en les comparant entre
eux d'une maniere générale , il n'avoit
pu les envifager que par rapport au mal
qu'ils peuvent fe faire. Ici il les envifage
par rapport aux fecours mutuels
qu'ils peuvent le donner : or ces fecours
font principalement fondés fur le Commerce.
Si l'efprit de Commerce produit
naturellement un efprit d'intérêt oppofé
à la fublimité des vertus morales , il
rend auffi un peuple naturellement jufte ,
& en éloigne l'oifiveté & le brigandage.
96 MERCURE DE FRANCE.
Les Nations libres qui vivent fous des
gouvernemens modérés , doivent s'y livrer
plus que les Nations efclaves. Jamais une
Nation ne doit exclure de fon commerce
une autre Nation , fans de grandes raifons.
Au refte la liberté en ce genre n'eft pas une
faculté abfolue accordée aux Négocians de
faire ce qu'ils veulent ; faculté qui leur
feroit fouvent préjudiciable : elle confifte
à ne gêner les Négocians qu'en faveur du
Commerce. Dans la Monarchie la Nobleffe
ne doit point s'y adonner , encore
moins le Prince . Enfin il eft des Nations
auxquelles le Commerce eft défavantageux
; ce ne font pas celles qui n'ont befoin
de rien , mais celles qui ont besoin de
tout : paradoxe que l'Auteur rend fenfible
par l'exemple de la Pologne , qui manque
de tout , excepté de bled , & qui , par
le commerce qu'elle en fait , prive les
payfans de leur nourriture , pour fatisfaire
au luxe des Seigneurs. M. de Montefquieu ,
à l'occafion des loix que le Commerce
exige , fait l'hiftoire de fes différentes révolutions
; & cette partie de fon livre
n'eft ni la moins intéreffante , ni la moins
curieufe. Il compare l'appauvriffement de
l'Espagne ,, par la découverte de l'Amérique
, au fort de ce Prince imbécille de la
Fable , prêt à mourir de faim , pour avoir
demandé
1
DECEMBRE. 1755 : 97
demandé aux Dieux que tout ce qu'il toucheroit
fe convertit en or. L'ufage de la
monnoie étant une partie confidérable de
l'objet du Commerce , & fon principal
inftrument , il a cru devoir , en conféquence
, traiter des opérations fur la monnoie
, du change , du payement des dettes
publiques , du prêt à intérêt dont il fixe
les loix & les limites , & qu'il ne confond
nullement avec les excès fi juftement condamnés
de l'ufure.
La population & le nombre des habitans
ont avec le Commerce un rapport
immédiat ; & les mariages ayant pour objet
la population , M. de Montefquieu approfondit
ici cette importante matiere. Če
qui favorife le plus la propagation eft la
continence publique ; l'expérience prouve
que les conjonctions illicites y contribuent
peu , & même y nuifent. On a établi avec
juftice , pour les mariages , le confentement
des peres ; cependant on y doit mettre
des reftrictions : car la loi doit en général
favorifer les mariages. La loi qui
défend le mariage des meres avec les fils ,
oft ( indépendamment des préceptes de la
Religion ) une très-bonne loi civilę ; car
fans parler de plufieurs autres raifons , les
contractans étant d'âge très- différent , ces
fortes de mariages peuvent rarement avoir
I. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
>
la propagation pour objet. La loi qui défend
le mariage du pere avec la fille , eſt
fondée fur les mêmes motifs : cependant
( à ne parler que civilement ) elle n'eft pas
fi indifpenfablement néceffaire que l'autre
à l'objet de la population , puifque la vertu
d'engendrer finit beaucoup plus tard
dans les hommes ; auffi l'ufage contraire
a t'il eu lieu chez certains peuples que la
lumiere du Chriftianifme n'a point éclairés.
Comme la nature porte d'elle -même
au mariage , c'eft un mauvais gouvernement
que celui où on aura befoin d'y encourager.
La liberté , la fûreté , la modération
des impôts , la profcription du luxe,
font les vrais principes & les vrais foutiens
de la population : cependant on peut
avec fuccès faire des loix pour encourager
les mariages , quand , malgré la corruption
, il reste encore des refforts dans
le peuple qui l'attachent à fa patrie. Rien
n'eft plus beau que les loix d'Augufte pour
favorifer la propagation de l'efpece : par
malheur il fit ces loix dans la décadence ,
ou plutôt dans la chute de la République ;
& les citoyens découragés devoient prévoir
qu'ils ne mettroient plus au monde
que
des efclaves : auffi l'exécution de ces
loix fut elle bien foible durant tout le
tems des Empereurs payens. Conftantin
DECEM BRE . 1755. 99
enfin les abolit en fe faifant Chrétien ,
comme fi le Chriftianifme avoit pour but
de dépeupler la fociété , en confeillant à
un petit nombre la perfection du célibat.
L'établiſſement des hôpitaux , felon l'efprit
dans lequel il eft fait , peut nuire à la;
population , ou la favorifer. Il peut & il
doit même y avoir des hôpitaux dans un
Etat dont la plupart des citoyens n'ont que
leur , induftrie pour reffource , parce que
cette induftrie peut quelquefois être malheureuſe
; mais les fecours que ces hôpitaux
donnent , ne doivent être que paffagers
, pour ne point encourager la mendicité
& la fainéantife. Il faut commencer
par rendre le peuple riche , & bâtir enfuite
des hôpitaux pour les befoins imprévus
& preffans . Malheureux les Pays où
la multitude des hôpitaux & des monafteres
, qui ne font que des hôpitaux perpétuels
, fait que tout le monde eft à fon
aife , excepté ceux qui travaillent.
M. de Montefquieu n'a encore parlé
que des loix humaines. Il paffe maintenant
à celles de la Religion , qui dans prefque
tous les Etats font un objet fi effentiel
du gouvernement. Par- tout il fait l'éloge
du Chriftaifine ; il en montre les avantages
& la grandeur ; il cherche à le faire
aimer. Il foutient qu'il n'eft pas impoffi
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
ble , comme Bayle l'a prétendu , qu'une
fociété de parfaits Chrétiens forme un
Etat fubfiftant & durable . Mais il s'eft cru
permis auffi d'examiner ce que les différentes
Religions ( humainement parlant )
peuvent avoir de conforme ou de contraire
au génie & à la fituation des peuples
qui les profeffent. C'est dans ce point de
vue qu'il faut lire tout ce qu'il a écrit fur
cette matiere , & qui a été l'objet de tant
de déclamations injuftes. Il eft furprenant
furtout que dans un fiecle qui en appelle
tant d'autres barbares , on lui ait fait un
crime de ce qu'il dit de la tolérance ; comme
fi c'étoit approuver une religion que
de la tolérer comme fi enfin l'Evangile
même ne profcrivoit pas tout autre moyende
le répandre , que la douceur & la perfuafion.
Ceux en qui la fuperftition n'a
pas éteint tout fentiment de compaflion
& de juftice , ne pourront lire , fans être
attendris , la remontrance aux Inquifiteurs,
ce tribunal odieux , qui outrage la Religion
en paroiffant la venger.
Enfin après avoir traité en particulier
des différentes efpeces de loix que les
hommes peuvent avoir , il ne reste plus
qu'à les comparer toutes enfemble , & à
les examiner dans leur rapport avec les
chofes fur lefquelles elles ftatuent. Les
DECEMBRE. 1755. 101
hommes font gouvernés par différentes efpeces
de loix ; par le droit naturel , commun
à chaque individu ; par le droit divin
, qui eft celui de la Religion ; par le
droit eccléfiaftique , qui eft celui de la
police de la Religion ; par le droit civil ,
qui eft celui des membres d'une même
fociété
; par
le droit politique , qui eft celui
du gouvernement de cette fociété ; par
le droit des gens , qui eft celui des fociétés
les unes par rapport aux autres. Ces droits
ont chacun leurs objets diftingués , qu'il
faut bien fe garder de confondre. On
ne doit jamais régler par l'un ce qui appar
tient à l'autre , pour ne point mettre de dé
fordre ni d'injuftice dans les principes qui
gouvernent les hommes . Il faut enfin que
les principes qui prefcrivent le genre des
loix , & qui en circonfcrivent l'objet , regnent
auffi dans la maniere de les compofer.
L'efprit de modération doit , autant qu'il eft
poffible , en dicter toutes les difpofitions.
Des loix bien faites feront conformes à
l'efprit du Législateur , même en paroiffant
s'y oppofer. Telle étoit la fameuſe
loi de Solon , par laquelle tous ceux qui
ne prenoient point de part dans les féditions
, étoient déclarés infâmes . Elle prévenoit
les féditions , ou les rendoit utiles.
en forçant tous les membres de la Répu
1
1
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
blique à s'occuper de fes vrais intérêts .
L'Oftracifime même étoit une très - bonne
loi ; car d'un côté elle étoit honorable au
citoyen qui en étoit l'objet , & prévenoit
de l'autre les effets de l'ambition ; il falloit
d'ailleurs un très - grand nombre de fuffrages,
& on ne pouvoit bannir que tous les
cinq ans. Souvent les loix qui paroiffent les
mêmes, n'ont ni le même motif, ni le même
effet , ni la même équité : la forme du gouvernement
, les conjonctures & le génie du
peuple changent tout . Enfin le ftyle des
loix doit être fimple & grave : elles peuvent
fe difpenfer de motiver , parce que
le motif eft fuppofé exifter dans l'efprit
du Législateur ; mais quand elles motivent
, ce doit être fur des principes évidens
elles ne doivent pas reffembler à
cette loi qui , défendant aux aveugles de
plaider , apporte pour raifon qu'ils ne peuvent
pas voir les ornemens de la Magiftrature
.
M. de Montefquieu , pour montrer par
des exemples l'application de fes principes
, a choifi deux différens peuples , le
plus célébre de la terre , & celui dont
'Hiftoire nous intéreffe le plus , les Romains
& les François. Il ne s'attache qu'a
une partie de la Jurifprudence du premier;
celle qui regarde les fucceffions . A l'égard
DECEMBRE. 1755. 103
turs ,
des François , il entre dans le plus grand
détail fur l'origine & les révolutions de
leurs loix civiles , & fur les différens
ufages abolis ou fubfiftans , qui en ont été
la fuite il s'étend principalement fur les
loix féodales , cette efpece de gouvernement
inconnu à toute l'antiquité , qui le
fera peut- être pour toujours aux fiecles fur-
& qui a fait tant de biens & tant
de maux. Il difcute fur-tout ces loix dans
le rapport qu'elles ont à l'établiffement &
aux révolutions de la Monarchie Françoife
; il prouve , contre M. l'Abbé du
Bos , que les Francs font réellement entrés
en conquérans dans les Gaules , &
qu'il n'eft pas vrai , comme cet Auteur le
prétend , qu'ils ayent été appellés par les
peuples pour fuccéder aux droits des Empereurs
Romains qui les opprimoient :
détail profond , exact & curieux , mais
dans lequel il nous eft impoffible de le
fuivre , & dont les points principaux fe
trouveront d'ailleurs répandus dans différens
endroits de ce Dictionnaire , aux articles
qui s'y rapportent.
Telle eft l'analyfe générale , mais trèsinforme
& très-imparfaite , de l'ouvrage
de M. de Montefquieu : nous l'avons féparée
du refte de fon éloge , pour ne pas
trop interrompre la fuite de notre récit.
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
M. Dalembert nous permettra de combattre
ici fa modeftie . Nous ofons dire , d'après
la voix publique , que cette analyſe
eft un modele, qu'elle met l'Efprit des Loix
dans tout fon jour , & qu'il n'eft pas poffible
d'en faire une meilleure . Heureux
le texte , quelque mérite qu'il ait en foi ,
qui eft ainfi commenté !
la note qui accompagne l'Eloge de M. de
Montefquieu par M. d'Alembert. Nous
l'avions annoncée pour le premier Mercure
de ce mois , & nous acquittons notre
parole.
Lparle de l'efprit des Loix , s étant plus
A plupart des gens de Lettres qui ont
attachés à le critiquer qu'à en donner une
idée juſte , nous allons tâcher de fuppléer
à ce qu'ils auroient dû faire , & d'en développer
le plan , le caractere & l'objet.
Ceux qui en trouveront l'analy fe trop longue
, jugeront peut être, après l'avoir lue ,
qu'il n'y avoit que ce feul moyen de bien
faire faifir la méthode de l'Auteur . On
doit fe fouvenir d'ailleurs que l'hiftoire
des écrivains célebres n'eft que celle de
leurs penfées & de leurs travaux , & que
cette partie de leur éloge en eft la plus
effentielle & la plus utile , fur-tout à la
tête d'un ouvrage rel que l'Encyclopédie.
Les homme dans l'état de nature , abf-
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
traction faite de toute religion , ne connoiffant
dans les différends qu'ils peuvent
avoir , d'autre loi que celle des animaux ,
le droit du plus fort, on doit regarder l'établiffement
des fociétés comme une espece
de traité contre ce droit injufte ; traité
deftiné à établir entre les différentes parties
du genre humain une forte de balance.
Mais il en eft de l'équilibre moral
comme du phyſique : il eft rare qu'il foit
parfait & durable ; & les traités du genre
humain font , comme les traités entre nos
Princes , une femence continuelle de divifion.
L'intérêt , le befoin & le plaifir ,
ont rapproché les hommes ; mais ces mêmes
motifs les pouffent fans ceffe à vouloir
jouir des avantages de la focieté fans en
porter les charges ; & c'eft en ce fens qu'on
peut dire avec l'Auteur , que les hommes ,
dès qu'ils font en focieté , font en état de
guerre. Car la guerre fuppofe dans ceux
qui fe la font , finon l'égalité de force ,
au moins l'opinion de cette égalité , d'où
naît le defir & l'efpoir mutuel de fe vaincre
. Or dans l'état de focieté , fi la balance
n'eft jamais parfaite entre les hommes ,
elle n'eft pas non plus trop inégale : au contraire
, où ils n'auroient rien à fe difputer
dans l'état de nature , ou fi la néceffité les
y obligeoit , on ne verroit que la foibleffe
DECEMBRE. 1755 . 79
fuyant devant la force , des oppreffeurs
fans combat , & des opprimés fans réfiftance .
Voilà donc les hommes réunis & armés
tout-à- la-fois , s'embraffant d'un côté , fi
on peut parler ainfi , & cherchant de l'autre
à fe bleffer mutuellement : les loix font
le lien plus ou moins efficace , deſtiné à
fufpendre ou à retenir leurs coups. Mais
l'étendue prodigieufe du globe que nous
habitons , la nature différente des régions
de la terre & des peuples qui la couvrent ,
ne permettant pas que tous les hommes
vivent fous un feul & même gouvernement
, le humain a dû fe partager
genre
en un certain nombre d'Etats , diftingués
par la différence des loix auxquelles ils
obéiffent. Un feul gouvernement n'auroit
fait du genre humain qu'un corps exténué
& languiffant , étendu fans vigueur fur la
furface de la terre . Les différens Etats font
autant de corps agiles & robuftes , qui en
fe donnant la main les uns aux autres ,
n'en forment qu'un , & dont l'action réciproque
entretient partout le mouvement
& la vie .
On peut diftinguer trois fortes de gouvernemens
; le Républicain , le Monarchique
, le Defpotique . Dans le Républicain ,
le peuple en corps a la fouveraine puiffance
; dans le Monarchique , un feul
Div
So MERCURE DE FRANCE.
gouverne par des loix fondamentales ;
dans le Defpotique , on ne connoît d'autre
loi que la volonté du maître , ou plutôt
du tyran. Ce n'eft pas à dire qu'il n'y
ait dans l'univers que ces trois efpeces
d'Etats , ce n'eft pas à dire même qu'il y
ait des Etats qui appartiennent uniquement
& rigoureufement à quelqu'une de
ces formes : la plupart font , pour ainfi
dire , mi partis ou nuancés les uns des autres.
Ici la Monarchie incline au Defpotifme
; là le gouvernement monarchique eft
combiné avec le Républicain ; ailleurs ce
n'eft pas le peuple entier , c'eft feulement
une partie du peuple qui fait les loix .
Mais la divifion précédente n'en eft pas
moins exacte & moins jufte : les trois efpeces
de gouvernement qu'elle renferme
font tellement diftingués , qu'elles n'ont
proprement rien de commun ; & d'ailleurs
tous les Etats que nous connoiffons , participent
de l'une ou de l'autre. Il étoit
donc néceffaire de former de ces trois
efpeces des claffes particulieres , & de
s'appliquer à déterminer les loix qui leur
font propres ; il fera facile enfuite de modifier
ces loix dans l'application à quelque
gouvernement que ce foit , felon
qu'il appartiendra plus ou moins à ces différentes
formes.
DECEMBRE . 1755 .
Dans les divers Etats , les loix doivent
être relatives à leur nature , c'est- à- dire à
ce qui les conftitue , & à leur principe ,
c'eft-à- dire à ce qui les foutient & les fait
agir ; diftinction importante , la clef d'une
infinité de loix , & dont l'Auteur tire bien
des conféquences.
Les principales loix relatives à la nature
de la Démocratie font , que le peuple
y foit à certains égards le Monarque ,
à d'autres le Sujet ; qu'il élife & juge fes
Magiftrats , & que les Magiftrats en certaines
occafions décident. La nature de la
Monarchie demande qu'il y ait entre le
Monarque & le peuple beaucoup de pouvoirs
& de rangs intermédiaires , & un
corps , dépofitaire des loix médiateur
entre les fujets & le Prince . La nature du
Defpotifme exige que le tyran exerce fon
autorité , ou par lui feul , ou par un feul
qui le repréfente.
>
Quant au principe des trois gouvernemens
, celui de la Démocratie eft l'amour
de la République , c'eft à dire de l'égalité
dans les Monarchies où un feul eft le
difpenfareur des diftinctions & des ré- ,
compenfes , & où l'on s'accoutume à conconfondre
l'Etat avec ce feul homme , le
principe eft l'honneur , c'eft- à- dire l'ambition
& l'amour de l'eftime : fous le Def-
Dv
82
MERCURE DE FRANCE.
potifme enfin , c'eft la crainte. Plus ces
principes font en vigueur , plus le gouvernement
eft ftable ; plus ils s'alterent &
fe corrompent , plus il incline à fa deftruction
. Quand l'Auteur parle de l'égalité
dans les Démocraties , il n'entend pas
une égalité extrême , abfolue , & par conféquent
chimérique ; il entend cet heureux
équilibre qui rend tous les citoyens
également foumis aux loix , & également
intéreffés à les obferver.
Dans chaque gouvernement les loix de
l'éducation doivent être relatives au principe
; on entend ici par éducation celle
qu'on reçoit en entrant dans le monde , &
non celle des parens & des maîtres , qui
fouvent y eft contraire , fur- tout dans cerrains
Etats . Dans les Monarchies , l'éducation
doit avoir pour objet l'urbanité &
les égards réciproques : dans les Etats defpotiques
, la terreur & l'aviliffement des
efprits : dans les Républiques on a befoin
de toute la puiffance de l'éducation : elle
doit infpirer un fentiment noble , mais
pénible , le renoncement à foi-même , d'où
naît l'amour de la patrie.
Les loix que le Législateur donne , doivent
être conformes au principe de chaque
gouvernement ; dans la République ,
entretenir l'égalité & la frugalité ; dans
DECEMBRE. 1755. 83
la Monarchie , foutenir la nobleffe fans
écrafer le peuple ; fous le gouvernement
defpotique , tenir également tous les Etats
dans le filence. On ne doit point accufer
M. de Montefquieu d'avoir ici tracé aux
Souverains les principes du pouvoir arbitraire
, dont le nom feul eft fi odieux aux
Princes juftes , & à plus forte raifon au citoyen
fage & vertueux . C'eft travailler à
l'anéantir que de montrer ce qu'il faut faire
pour le conferver : la perfection de ce
gouvernement en eft la ruine ; & le code
exact de la tyrannie , tel que l'Auteur le
donne , eft en même tems la fatyre & le
fléau le plus redoutable des tyrans. A l'égard
des autres gouvernemens, ils ont chacun
leurs avantages ; le républicain eft plus
propte aux petits Etats ; le monarchique ,
aux grands ; le républicain plus fujer aux
excès , le monarchique, aux abus ; le républicain
apporte plus de maturité dans l'exécution
des loix , le monarchique plus de
promptitude.
La différence des principes des trois
gouvernemens doit en produire dans le
nombre & l'objet des loix , dans la forme
des jugemens & la nature des peines. La
conftitution des Monarchies étant invariable
& fondamentale , exige plus de loix
civiles & de tribunaux , afin que la juftice
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
foit rendue d'une maniere plus uniforme
& moins arbitraire ; dans les Etats modérés
, foit Monarchies , foit Républiques ,
on ne fçauroit apporter trop de formalités
aux loix criminelles. Les peines doivent
non feulement être en proportion avec le
crime , mais encore les plus douces qu'il
eft poffible , fur- tout dans la Démocratie ;
l'opinion attachée aux peines fera fouvent
plus d'effet que leur grandeur même. Dans
les Républiques , il faut juger felon la loi ,
parce qu'aucun particulier n'eft le maître
de l'altérer. Dans les Monarchies , la clémence
du Souverain peut quelquefois l'adoucir
; mais les crimes ne doivent jamais
y être jugés que par les Magiftrats expreffément
chargés d'en connoître. Enfin c'eft
principalement dans les Démocraties que
les loix doivent être féveres contre le luxe,
le relâchement des moeurs & la féduction
des femmes. Leur douceur & leur foibleffe
même les rend affez propres à gouverner
dans les Monarchies , & l'Hiftoire prouve
que fouvent elles ont porté la couronne
avec gloire.
M. de Montefquieu ayant ainfi parcouru
chaque gouvernement en particulier ,
les examine enfuite dans le rapport qu'ils
peuvent avoir les uns aux autres , mais
feulement fous le point de vue le plus
DECEM BRE. 1755. 85
"
général , c'est-à-dire fous celui qui eft uniquement
relatif à leur nature & à leur
principe. Envifagés de cette maniere , les
Etats ne peuvent avoir d'autres rapports
que celui de fe défendre , ou d'attaquer.
Les Républiques devant , par leur nature ,
renfermer un petit Etat , elles ne peuvent
fe défendre fans alliance ; mais c'eft avec
des Républiques qu'elles doivent s'allier .
La force defenfive de la Monarchie confifte
principalement à avoir des frontieres
hors d'infulte. Les Etats ont , comme les
hommes , le droit d'attaquer pour leur propre
confervation. Du droit de la guerre
dérive celui de conquête ; droit nécellaire ,
légitime & malheureux , qui laiſſe toujours
à payer une dette immenfe pour s'acquitter
envers la nature humaine , & dont la loi
générale eft de faire aux vaincus le moins
de mal qu'il eft poffible . Les Républiques
peuvent moins conquérir que les Monarchies
; des conquêtes immenfes fuppofent
le defpotifme ou l'affurent . Un des grands
principes de l'efprit de conquête doit être
de rendre meilleure , autant qu'il eft poffible
, la condition du peuple conquis :
c'eft fatisfaire tout- à - la-fois la loi naturelle
& la maxime , d'Etat . Rien n'eft plus
beau que le traité de paix de Gelon avec
les Carthaginois , par lequel il leur défen86
MERCURE DE FRANCE.
dit d'immoler à l'avenir leurs propres enfans.
Les Efpagnols , en conquérant le Pérou
, auroient dû obliger de même les habitans
à ne plus immoler des hommes à
leurs Dieux ; mais ils crurent plus avantageux
d'immoler ces peuples mêmes . Ils
n'eurent plus pour conquête qu'un vafte
défert : ils furent forcés à dépeupler leur
pays , & s'affoiblirent pour toujours par
leur propre victoire . On peut être obligé
quelquefois de changer les loix du peuple
vaincu ; rien ne peut jamais obliger de lui
ôter fes moeurs ou même fes coutumes ,
qui font fouvent toutes les moeurs . Mais
le moyen le plus für de conferver une conquête
, c'eft de mettre , s'il eft poffible , le
peuple vaincu au niveau du peuple conquerant
; de lui accorder les mêmes droits
& les mêmes privileges : c'eft ainfi qu'en
ont fouvent ufé les Romains ; c'eft ainfi
fur-tout qu'en ufa Céfar à l'égard des
Gaulois.
Jufqu'ici , en confiderant chaque gouvernement
, tant en lui-même , que dans
fon rapport aux autres , nous n'avons eu
égard ni à ce qui doit leur être commun ,
ni aux circonftances particulieres tirées
ou de la nature du pays , ou du génie des
peuples : c'eft ce qu'il faut maintenant développer.
DECEMBRE . 1755. 87
La loi commune de tous les gouvernemens
, du moins des gouvernemens modérés
, & par conféquent juftes , eft la liberté
politique dont chaque citoyen doit
jouir. Cette liberté n'eft point la licence
abfurde de faire tout ce qu'on veut , mais
le pouvoir de faire tout ce que les loix
permettent. Elle peut être envisagée , ou
dans fon rapport à la conftitution
dans fon rapport au citoyen.
ou
Il y a dans la conftitution de chaque
Etat deux fortes de pouvoirs , la puiflance
législative & l'exécutrice ; & cette derniere
a deux objets , l'intérieur de l'Etat
& le dehors . C'eft de la diftribution légitime
& de la répartition convenable de
ces différentes efpeces de pouvoirs que dépend
la plus grande perfection de la liberté
politique par rapport à la conftitution.
M. de Montefquieu en apporte pour
preuve la conftitution de la République
Romaine & celle de l'Angleterre . Il trouve
le principe de celle- ci dans cette loi
fondamentale du gouvernement des anciens
Germains , que les affaires peu importantes
y étoient décidées par les chefs ,
& que les grandes étoient portées au tribunal
de la nation , après avoir auparavant
été agitées par les chefs. M. de Monrefquieu
n'examine point fi les Anglois
8S MERCURE DE FRANCE.
jouiffent ou non de cette extrême liberté
politique que leur conftitution leur donne
, il lui fuffit qu'elle foit établie par
leurs loix : il eft encore plus éloigné de
vouloir faire la fatyre des autres Etats. Il
croit au contraire que l'excès , même dans
le bien , n'eft pas toujours défirable ; que
la liberté extrême a fes inconveniens ›
comme l'extrême fervitude ; & qu'en général
la nature humaine s'accommode
mieux d'un état moyen.
La liberté politique confidérée par rapport
au citoyen , confifte dans la fureté
où il eft à l'abri des loix , ou du moins
dans l'opinion de cette fureté, qui fait qu'un
citoyen n'en craint point un autre . C'eſt
principalement par la nature & la proportion
des peines , que cette liberté s'établit
ou fe détruit. Les crimes contre la Religion
doivent être punis par la privation
des biens que la Religion procure ; les
crimes contre les moeurs , par la honte
les crimes contre la tranquillité publique ,
par la prifon ou l'exil ; les crimes contre
la fureté , par les fupplices . Les écrits doivent
être moins punis que les actions , jamais
les fimples penfées ne doivent l'être :
accufations non juridiques , efpions , lettres
anonymes , toutes ces reffources de la
tyrannie , également honteufes à ceux qui
;
DECEMBRE . 1755. Se
en font l'inftrument, & à ceux qui s'en fervent
, doivent être profcrites dans un bon
gouvernement monarchique . Il n'eft permis
d'accufer qu'en face de la loi , qui punit
toujours ou l'accufé , ou le calomniateur.
Dans tout autre cas , ceux qui
gouvernent doivent dire avec l'Empereur
Conftance : Nous ne sçaurions foupçonner
celui à qui il a manqué un accuſateur , lorf
qu'il ne lui manquoit pas un ennemi . C'eſt
une très -bonne inftitution que celle d'une
partie publique qui fe charge , au nom de
l'Etat , de pourfuivre les crimes , & qui ait
toute l'utilité des délateurs , fans en avoir
les vils intérêts , les inconvéniens , & l'infamie.
La grandeur des impôts doit être en
proportion directe avec la liberté . Ainfi
dans les Démocraties ils peuvent être plus
grands qu'ailleurs, fans être onéreux , parce
que chaque citoyen les regarde comme
un tribut qu'il fe paye à lui-même , & qui
affure la tranquillité & le fort de chaque
membre. De plus , dans un Etat démocratique
, l'emploi infidele des deniers pu-,
blics eft plus difficile , parce qu'il eft plus
aifé de le connoître & de le punir , le dépofitaire
en devant compte , pour ainsi
dire , au premier citoyen qui l'exige .
Dans quelque gouvernement que ce foit,
90 MERCURE DE FRANCE.
l'efpece de tributs la moins onéreuſe , eft
celle qui eft établie fur les marchandiſes ;
parce que le citoyen paye
fans s'en appercevoir.
La quantité exceffive de troupes
en tems de paix , n'eft qu'un prétexte pour
charger le peuple d'impôts , un moyen
d'énerver l'Etat , & un inftrument de fervitude.
La régie des tributs qui en fait
rentrer le produit en entier dans le fifc
public , eft fans comparaifon moins à charge
au peuple, & par conféquent plus avantageufe
, lorfqu'elle peut avoir lieu , que
la ferme de ces mêmes tributs , qui laiſſe
toujours entre les mains de quelques particuliers
une partie des revenus de l'Etat.
Tout eft perdu furtout ( ce font ici les
termes de l'Auteur ) lorfque la profeffion
de traitant devient honorable ; & elle le
devient dès que le luxe eft en vigueur.
Laiffer quelques hommes fe nourrir de la
fubftance publique , pour les dépouiller à
leur tour , comme on l'a autrefois pratiqué
dans certains Etats , c'eft réparer une
injuftice par une autre , & faire deux maux
au lieu d'un .
Venons maintenant , avec M. de Montefquieu
, aux circonftances particulieres
indépendantes de la nature du gouvernement
, & qui doivent en modifier les loix.
Les circonftances qui viennent de la naDECEMBRE
1755. 91
ture du pays font de deux fortes ; les unes
ont rapport au climat , les autres au terrein.
Perfonne ne doute que le climat
n'influe fur la difpofition habituelle des
corps , & par conféquent fur les caracteres.
C'eft pourquoi les loix doivent fe conformer
au phyfique du climat dans les
chofes indifférentes , & au contraire le
combattre dans les effets vicieux : ainfi
dans les pays où l'ufage du vin eft nuifible
, c'eft une très -bonne loi que celle qui
l'interdit. Dans les pays où la chaleur du
climat porte à la pareffe , c'eft une trèsbonne
loi que celle qui encourage au travail.
Le gouvernement peut donc corriger
les effets du climat , & cela fuffit pour
mettre l'Esprit des Loix à couvert du reproche
très- injufte qu'on lui a fait d'attribuer
tout au froid & à la chaleur : car
outre que la chaleur & le froid ne font
pas la feule chofe par laquelle les climats
foient diftingués , il feroit auffi abfurde
de nier certains effets du climat que de
vouloir lui attribuer tout.
L'ufage des Efclaves établi dans les Pays
chauds de l'Afie & de l'Amérique , & réprouvé
dans les climats tempérés de l'Europe
, donne fujet à l'Auteur de traiter de
l'Esclavage civil. Les hommes n'ayant pas
plus de droit fur la liberté que fur la vie
92 MERCURE DE FRANCE.
les uns des autres , il s'enfuit que l'efclavage
, généralement parlant , eft contre la
loi naturelle. En effet , le droit d'esclavage
ne peut venir ni de la guerre , puifqu'il ne
pourroit être alors fondé que fur le rachat.
de la vie , & qu'il n'y a plus de droit fur la
vie de ceux qui n'attaquent plus ; ni de la
vente qu'un homme fait de lui- même à un
autre , puifque tout citoyen étant redevable
de fa vie à l'Etat , lui eft à plus forte
raifon redevable de fa liberté , & par conféquent
n'eft pas le maître de la vendre .
D'ailleurs quel feroit le prix de cette vente
? Ce ne peut être l'argent donné au vendeur
, puifqu'au moment qu'on fe rend
efclave , toutes les poffeffions appartiennent
au maître : or une vente fans prix eft
auffi chimérique qu'un contrat fans condition.
Il n'y a peut- être jamais eu qu'une
loi jufte en faveur de l'efclavage , c'étoit
la loi Romaine qui rendoit le débiteur efclave
du créancier ; encore cette loi ,
pour
être équitable , devoit borner la fervitude
quant au dégré & quant au tems. L'efclavage
peut tout au plus être toléré dans les
Etats defpotiques , où les hommes libres ,
trop foibles contre le gouvernement, cherchent
à devenir , pour leur propre utilité ,
les efclaves de ceux qui tyrannifent l'Etat ;
ou bien dans les climats dont la chaleur
2
DECEMBRE . 1755. 93
énerve fi fort le corps , & affoiblit tellement
le courage , que les hommes n'y font
portés à un devoir pénible , que par la
crainte du châtiment.
A côté de l'esclavage civil on peut placer
la fervitude domeftique , c'eft- à-dire ,
celle où les femmes font dans certains climats
: elle peut avoir lieu dans ces contrées
de l'Afie où elles font en état d'habiter
avec les hommes avant que de pouvoir
faire ufage de leur raifon ; nubiles par la
loi du climat , enfans par celle de la nature.
Cette fujétion devient encore plus néceffaire
dans les Pays où la polygamie eft
établie ; ufage que M. de Montefquieu ne
prétend pas juftifier dans ce qu'il a de contraire
à la Religion , mais qui dans les
lieux où il eft reçu ( & à ne parler que politiquement
) peut être fondé jufqu'à`un
certain point , ou fur la nature du Pays
ou fur le rapport du nombre des femmes
au nombre des hommes. M. de Montefquieu
parle à cette occafion de la Répudiation
& du Divorce ; & il établit fur de
bonnes raifons , que la répudiation une
fois admife , devroit être permife aux femmes
comme aux hommes.
Si le climat a tant d'influence fur la fervitude
domestique & civile , il n'en a pas
moins fur la fervitude politique , c'est- à94
MERCURE DE FRANCE.
dire fur celle qui foumet un peuple à un
autre. Les peuples du Nord font plus forts
& plus courageux que ceux du Midi ; ceux
ci doivent donc en géneral être fubjugués ,
ceux - là conquérans ; ceux - ci efclaves ,
ceux -là libres : c'eft auffi ce que l'Hiftoire
confirme . L'Afie a été conquiſe onze fois
par lès peuples du Nord ; l'Europe a fouffert
beaucoup moins de révolutions .
A l'égard des loix relatives à la nature
du terrein , il eft clair que la Démocratie
convient mieux que la Monarchie aux
Pays ftériles , où la terre a befoin de toute
l'induftrie des hommes. La liberté d'ailleurs
eft en ce cas une efpece de dédommagement
de la dureté du travail . Il faut
plus de loix pour un peuple agriculteur que
pour un peuple qui nourrit des troupeaux,
pour celui - ci que pour un peuple chaffeur,
pour un peuple qui fait ufage de la monnoie
, que pour celui qui l'ignore.
Enfin on doit avoir égard au génie particulier
de la Nation . La vanité qui groffit
les objets , eft un bon reffort pour le gouvernement
; l'orgueil qui les dépriſe eft un
reffort dangereux . Le Légiflateur doit ref
pecter jufqu'à un certain point les préjugés
, les paffions , les abus. Il doit imiter
Solon , qui avoit donné aux Athéniens ,
non les meilleures loix en elles-mêmes ,
DECEMBRE
1755. 95
mais les meilleures qu'ils puffent avoir . Le
caractere gai de ces peuples demandoit des
loix plus faciles ; le caractere dur des Lacédémoniens
, des loix plus féveres. Les
loix font un mauvais moyen pour changer
les manieres & les ufages ; c'eft par les récompenfes
& l'exemple qu'il faut tâcher
d'y parvenir. Il eft pourtant vrai en mêmetems
, que les loix d'un peuple , quand on
n'affecte pas d'y choquer groffierement &
directement fes moeurs , doivent influer
infenfiblement fur elles , foit pour les affermir,
foit pour les changer.
Après avoir approfondi de cette maniere
la nature & l'efprit des Loix par rapport
aux différentes efpeces de Pays & de
peuples , l'Auteur revient de nouveau à
confidérer les Etats les uns par rapport aux
autres. D'abord en les comparant entre
eux d'une maniere générale , il n'avoit
pu les envifager que par rapport au mal
qu'ils peuvent fe faire. Ici il les envifage
par rapport aux fecours mutuels
qu'ils peuvent le donner : or ces fecours
font principalement fondés fur le Commerce.
Si l'efprit de Commerce produit
naturellement un efprit d'intérêt oppofé
à la fublimité des vertus morales , il
rend auffi un peuple naturellement jufte ,
& en éloigne l'oifiveté & le brigandage.
96 MERCURE DE FRANCE.
Les Nations libres qui vivent fous des
gouvernemens modérés , doivent s'y livrer
plus que les Nations efclaves. Jamais une
Nation ne doit exclure de fon commerce
une autre Nation , fans de grandes raifons.
Au refte la liberté en ce genre n'eft pas une
faculté abfolue accordée aux Négocians de
faire ce qu'ils veulent ; faculté qui leur
feroit fouvent préjudiciable : elle confifte
à ne gêner les Négocians qu'en faveur du
Commerce. Dans la Monarchie la Nobleffe
ne doit point s'y adonner , encore
moins le Prince . Enfin il eft des Nations
auxquelles le Commerce eft défavantageux
; ce ne font pas celles qui n'ont befoin
de rien , mais celles qui ont besoin de
tout : paradoxe que l'Auteur rend fenfible
par l'exemple de la Pologne , qui manque
de tout , excepté de bled , & qui , par
le commerce qu'elle en fait , prive les
payfans de leur nourriture , pour fatisfaire
au luxe des Seigneurs. M. de Montefquieu ,
à l'occafion des loix que le Commerce
exige , fait l'hiftoire de fes différentes révolutions
; & cette partie de fon livre
n'eft ni la moins intéreffante , ni la moins
curieufe. Il compare l'appauvriffement de
l'Espagne ,, par la découverte de l'Amérique
, au fort de ce Prince imbécille de la
Fable , prêt à mourir de faim , pour avoir
demandé
1
DECEMBRE. 1755 : 97
demandé aux Dieux que tout ce qu'il toucheroit
fe convertit en or. L'ufage de la
monnoie étant une partie confidérable de
l'objet du Commerce , & fon principal
inftrument , il a cru devoir , en conféquence
, traiter des opérations fur la monnoie
, du change , du payement des dettes
publiques , du prêt à intérêt dont il fixe
les loix & les limites , & qu'il ne confond
nullement avec les excès fi juftement condamnés
de l'ufure.
La population & le nombre des habitans
ont avec le Commerce un rapport
immédiat ; & les mariages ayant pour objet
la population , M. de Montefquieu approfondit
ici cette importante matiere. Če
qui favorife le plus la propagation eft la
continence publique ; l'expérience prouve
que les conjonctions illicites y contribuent
peu , & même y nuifent. On a établi avec
juftice , pour les mariages , le confentement
des peres ; cependant on y doit mettre
des reftrictions : car la loi doit en général
favorifer les mariages. La loi qui
défend le mariage des meres avec les fils ,
oft ( indépendamment des préceptes de la
Religion ) une très-bonne loi civilę ; car
fans parler de plufieurs autres raifons , les
contractans étant d'âge très- différent , ces
fortes de mariages peuvent rarement avoir
I. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
>
la propagation pour objet. La loi qui défend
le mariage du pere avec la fille , eſt
fondée fur les mêmes motifs : cependant
( à ne parler que civilement ) elle n'eft pas
fi indifpenfablement néceffaire que l'autre
à l'objet de la population , puifque la vertu
d'engendrer finit beaucoup plus tard
dans les hommes ; auffi l'ufage contraire
a t'il eu lieu chez certains peuples que la
lumiere du Chriftianifme n'a point éclairés.
Comme la nature porte d'elle -même
au mariage , c'eft un mauvais gouvernement
que celui où on aura befoin d'y encourager.
La liberté , la fûreté , la modération
des impôts , la profcription du luxe,
font les vrais principes & les vrais foutiens
de la population : cependant on peut
avec fuccès faire des loix pour encourager
les mariages , quand , malgré la corruption
, il reste encore des refforts dans
le peuple qui l'attachent à fa patrie. Rien
n'eft plus beau que les loix d'Augufte pour
favorifer la propagation de l'efpece : par
malheur il fit ces loix dans la décadence ,
ou plutôt dans la chute de la République ;
& les citoyens découragés devoient prévoir
qu'ils ne mettroient plus au monde
que
des efclaves : auffi l'exécution de ces
loix fut elle bien foible durant tout le
tems des Empereurs payens. Conftantin
DECEM BRE . 1755. 99
enfin les abolit en fe faifant Chrétien ,
comme fi le Chriftianifme avoit pour but
de dépeupler la fociété , en confeillant à
un petit nombre la perfection du célibat.
L'établiſſement des hôpitaux , felon l'efprit
dans lequel il eft fait , peut nuire à la;
population , ou la favorifer. Il peut & il
doit même y avoir des hôpitaux dans un
Etat dont la plupart des citoyens n'ont que
leur , induftrie pour reffource , parce que
cette induftrie peut quelquefois être malheureuſe
; mais les fecours que ces hôpitaux
donnent , ne doivent être que paffagers
, pour ne point encourager la mendicité
& la fainéantife. Il faut commencer
par rendre le peuple riche , & bâtir enfuite
des hôpitaux pour les befoins imprévus
& preffans . Malheureux les Pays où
la multitude des hôpitaux & des monafteres
, qui ne font que des hôpitaux perpétuels
, fait que tout le monde eft à fon
aife , excepté ceux qui travaillent.
M. de Montefquieu n'a encore parlé
que des loix humaines. Il paffe maintenant
à celles de la Religion , qui dans prefque
tous les Etats font un objet fi effentiel
du gouvernement. Par- tout il fait l'éloge
du Chriftaifine ; il en montre les avantages
& la grandeur ; il cherche à le faire
aimer. Il foutient qu'il n'eft pas impoffi
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
ble , comme Bayle l'a prétendu , qu'une
fociété de parfaits Chrétiens forme un
Etat fubfiftant & durable . Mais il s'eft cru
permis auffi d'examiner ce que les différentes
Religions ( humainement parlant )
peuvent avoir de conforme ou de contraire
au génie & à la fituation des peuples
qui les profeffent. C'est dans ce point de
vue qu'il faut lire tout ce qu'il a écrit fur
cette matiere , & qui a été l'objet de tant
de déclamations injuftes. Il eft furprenant
furtout que dans un fiecle qui en appelle
tant d'autres barbares , on lui ait fait un
crime de ce qu'il dit de la tolérance ; comme
fi c'étoit approuver une religion que
de la tolérer comme fi enfin l'Evangile
même ne profcrivoit pas tout autre moyende
le répandre , que la douceur & la perfuafion.
Ceux en qui la fuperftition n'a
pas éteint tout fentiment de compaflion
& de juftice , ne pourront lire , fans être
attendris , la remontrance aux Inquifiteurs,
ce tribunal odieux , qui outrage la Religion
en paroiffant la venger.
Enfin après avoir traité en particulier
des différentes efpeces de loix que les
hommes peuvent avoir , il ne reste plus
qu'à les comparer toutes enfemble , & à
les examiner dans leur rapport avec les
chofes fur lefquelles elles ftatuent. Les
DECEMBRE. 1755. 101
hommes font gouvernés par différentes efpeces
de loix ; par le droit naturel , commun
à chaque individu ; par le droit divin
, qui eft celui de la Religion ; par le
droit eccléfiaftique , qui eft celui de la
police de la Religion ; par le droit civil ,
qui eft celui des membres d'une même
fociété
; par
le droit politique , qui eft celui
du gouvernement de cette fociété ; par
le droit des gens , qui eft celui des fociétés
les unes par rapport aux autres. Ces droits
ont chacun leurs objets diftingués , qu'il
faut bien fe garder de confondre. On
ne doit jamais régler par l'un ce qui appar
tient à l'autre , pour ne point mettre de dé
fordre ni d'injuftice dans les principes qui
gouvernent les hommes . Il faut enfin que
les principes qui prefcrivent le genre des
loix , & qui en circonfcrivent l'objet , regnent
auffi dans la maniere de les compofer.
L'efprit de modération doit , autant qu'il eft
poffible , en dicter toutes les difpofitions.
Des loix bien faites feront conformes à
l'efprit du Législateur , même en paroiffant
s'y oppofer. Telle étoit la fameuſe
loi de Solon , par laquelle tous ceux qui
ne prenoient point de part dans les féditions
, étoient déclarés infâmes . Elle prévenoit
les féditions , ou les rendoit utiles.
en forçant tous les membres de la Répu
1
1
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
blique à s'occuper de fes vrais intérêts .
L'Oftracifime même étoit une très - bonne
loi ; car d'un côté elle étoit honorable au
citoyen qui en étoit l'objet , & prévenoit
de l'autre les effets de l'ambition ; il falloit
d'ailleurs un très - grand nombre de fuffrages,
& on ne pouvoit bannir que tous les
cinq ans. Souvent les loix qui paroiffent les
mêmes, n'ont ni le même motif, ni le même
effet , ni la même équité : la forme du gouvernement
, les conjonctures & le génie du
peuple changent tout . Enfin le ftyle des
loix doit être fimple & grave : elles peuvent
fe difpenfer de motiver , parce que
le motif eft fuppofé exifter dans l'efprit
du Législateur ; mais quand elles motivent
, ce doit être fur des principes évidens
elles ne doivent pas reffembler à
cette loi qui , défendant aux aveugles de
plaider , apporte pour raifon qu'ils ne peuvent
pas voir les ornemens de la Magiftrature
.
M. de Montefquieu , pour montrer par
des exemples l'application de fes principes
, a choifi deux différens peuples , le
plus célébre de la terre , & celui dont
'Hiftoire nous intéreffe le plus , les Romains
& les François. Il ne s'attache qu'a
une partie de la Jurifprudence du premier;
celle qui regarde les fucceffions . A l'égard
DECEMBRE. 1755. 103
turs ,
des François , il entre dans le plus grand
détail fur l'origine & les révolutions de
leurs loix civiles , & fur les différens
ufages abolis ou fubfiftans , qui en ont été
la fuite il s'étend principalement fur les
loix féodales , cette efpece de gouvernement
inconnu à toute l'antiquité , qui le
fera peut- être pour toujours aux fiecles fur-
& qui a fait tant de biens & tant
de maux. Il difcute fur-tout ces loix dans
le rapport qu'elles ont à l'établiffement &
aux révolutions de la Monarchie Françoife
; il prouve , contre M. l'Abbé du
Bos , que les Francs font réellement entrés
en conquérans dans les Gaules , &
qu'il n'eft pas vrai , comme cet Auteur le
prétend , qu'ils ayent été appellés par les
peuples pour fuccéder aux droits des Empereurs
Romains qui les opprimoient :
détail profond , exact & curieux , mais
dans lequel il nous eft impoffible de le
fuivre , & dont les points principaux fe
trouveront d'ailleurs répandus dans différens
endroits de ce Dictionnaire , aux articles
qui s'y rapportent.
Telle eft l'analyfe générale , mais trèsinforme
& très-imparfaite , de l'ouvrage
de M. de Montefquieu : nous l'avons féparée
du refte de fon éloge , pour ne pas
trop interrompre la fuite de notre récit.
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
M. Dalembert nous permettra de combattre
ici fa modeftie . Nous ofons dire , d'après
la voix publique , que cette analyſe
eft un modele, qu'elle met l'Efprit des Loix
dans tout fon jour , & qu'il n'eft pas poffible
d'en faire une meilleure . Heureux
le texte , quelque mérite qu'il ait en foi ,
qui eft ainfi commenté !
Fermer
Résumé : Analyse de l'Esprit des Loix, contenue dans la note qui accompagne l'Eloge de M. de Montesquieu par M. d'Alembert. Nous l'avions annoncée pour le premier Mercure de ce mois, & nous acquittons notre parole.
Le texte présente une analyse de l'œuvre 'De l'esprit des lois' de Montesquieu, souvent mal comprise par les critiques. L'auteur de l'analyse se propose d'explorer le plan, le caractère et l'objet de l'ouvrage, en se concentrant sur les pensées et travaux de Montesquieu, ce qui est pertinent dans le contexte de l'Encyclopédie. L'analyse examine les concepts d'état de nature et de société, où les hommes, initialement régis par le droit du plus fort, établissent des sociétés pour créer un équilibre moral. Cet équilibre est rare et durable, et les hommes cherchent souvent à jouir des avantages de la société sans en porter les charges, ce qui les met en état de guerre. Le texte distingue trois types de gouvernements : républicain, monarchique et despotique. Dans le gouvernement républicain, le peuple détient la souveraineté ; dans le monarchique, un seul gouvernant règne selon des lois fondamentales ; dans le despotique, la loi est la volonté du maître. Ces formes de gouvernement peuvent se combiner ou se nuancer. Les lois doivent être adaptées à la nature et au principe de chaque gouvernement. Par exemple, dans une démocratie, le peuple est à la fois monarque et sujet, élisant et jugeant ses magistrats. Dans une monarchie, il existe des pouvoirs intermédiaires entre le monarque et le peuple. Dans un despotisme, le tyran exerce son autorité seul ou par un représentant. Les principes des gouvernements sont l'amour de la République pour la démocratie, l'honneur pour la monarchie, et la crainte pour le despotisme. L'éducation doit également être adaptée à ces principes. Les lois doivent être conformes au principe de chaque gouvernement, et les peines doivent être proportionnées aux crimes, avec une préférence pour les peines douces dans les démocraties. Le texte examine ensuite les rapports entre les gouvernements, soulignant que les républiques doivent s'allier entre elles pour se défendre, tandis que les monarchies doivent avoir des frontières sûres. Le droit de conquête est légitime mais doit être utilisé pour améliorer la condition des peuples conquis. Enfin, l'analyse aborde la liberté politique, définie comme le pouvoir de faire ce que les lois permettent. Cette liberté dépend de la distribution légitime et de la répartition convenable des pouvoirs législatif et exécutif dans chaque État. Montesquieu examine les constitutions de la République romaine et de l'Angleterre, soulignant que l'excès de liberté ou de servitude a des inconvénients et que la nature humaine s'accommode mieux d'un état moyen. Les crimes doivent être punis de manière proportionnée à leur gravité. Les impôts doivent être proportionnés à la liberté, et dans les démocraties, ils peuvent être plus élevés sans être onéreux. Une quantité excessive de troupes en temps de paix est un moyen d'énerver l'État et d'instaurer la servitude. Le texte aborde également les circonstances particulières qui modifient les lois, telles que le climat et le terrain. L'esclavage civil est jugé contraire à la loi naturelle et peut être toléré uniquement dans les États despotiques ou dans les climats chauds. Montesquieu traite des lois relatives à la nature du terrain et au génie particulier de la nation, soulignant que la démocratie convient mieux aux pays stériles où la terre nécessite toute l'industrie des hommes. Le texte discute également des lois concernant le mariage et la population, ainsi que des principes de gouvernement et des lois religieuses. Les lois contre les mariages incestueux sont fondées sur des motifs naturels, bien que leur nécessité puisse varier selon les cultures. La propagation de l'espèce est favorisée par la liberté, la sécurité, la modération des impôts et la prohibition du luxe. Montesquieu examine les lois humaines et religieuses, soulignant les avantages du christianisme tout en discutant de la tolérance religieuse. Il compare différentes espèces de lois, insistant sur l'importance de ne pas les confondre. Les lois doivent être simples, graves et motivées par des principes évidents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 59-112
SUITE De l'Extrait de l'Histoire de Simonide, & du siecle où il a vécu, &c.
Début :
Nous avons rendu compte de la premiere partie de cet Ouvrage dans les [...]
Mots clefs :
Simonide, Auteur, Poète, Histoire, Prince, Règne, Témoignage, Carthaginois, Juifs, Sacrifices, Syracusains, Syracuse, Hippocrate, Écrivains, Guerre, Reine, Armée, Pythagore, Sacrifices humains, République, Ruines, Royauté, Nature, Hommes, Jéhovah, Coutume, Livres, Avarice, Habitants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE De l'Extrait de l'Histoire de Simonide, & du siecle où il a vécu, &c.
SUIT E
De l'Extrait de l'Hiftoire de Simonide ;
& dufiecle où il a vécu , &c .
Ous avons rendu de la
Nmierepartie de cet Ouvrage dans les
Nouvelles du mois d'Octobre. Nous nous
engageâmes alors à donner l'Extrait de la
feconde pour le mois fuivant ; mais des raifons
particulieres nous ont mis dans le cas
de différer plus longtems que nous ne penfions
à remplir notre engagement. Quoiqu'il
en foit , nous y fatisfaifons aujourd'hui
; & nous allons parler de ce que contient
cette feconde partie , qui commence
par un expofé de la conduite que tint
Gelon après avoir triomphé des Carthaginois.
Pour peu que l'on veuille fe fouvenir
du titre de cette hiftoire , & de fon
objet , l'on ceffera d'être furpris de voir
difparoître Simonide pour quelque temps
de deffus la fcene . Il faut d'abord fçavoir
que les Carthaginois étoient entrés en con
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
fédération avec Xerxès qui les avoit attirés
dans fon parti , & étoit convenu avec eux
que tandis qu'il envahiroit la Grece , ils
feroient une irruption en Sicile & en Italie,
pour empêcher ceux qui habitoient ces
contrées de venir au fecours les uns des autres
. Ils choifirent pour Général Hamilcar
qui ayant affemblé une armée de trois cens
mille hommes , & équipé des vaiffeaux à
proportion pour le tranfport de fes troupes
, fit voile vers la Sicile . Il vint débarquer
à Panorme , un des Ports de cette Ifle,
& mit le fiege devant Himéré , ville maritime
du voisinage. Mais les chofes tournerent
au défavantage des Carthaginois
que défirent ceux de cette Ifle fous la conduite
de Gelon qui commandoit l'armée
qu'ils avoient levée à la nouvelle de cette
invafion fubite. Un gros de fa cavalerie
brûla la flotte d'Hamilcar qui fut tué dans
la mêlée ; cent cinquante mille hommes
demeurerent fur le champ de bataille : le
refte fut fait prifonnier & vendu comme
efclave . Une infcription en vers que l'opinion
commune attribue à Simonide , apprend
que Gelon fut aidé dans cette conjoncture
par fes trois freres , Hieron , Polyzele
& Thrafibule , qui contribuerent
par leur courage au fuccès de fes armes.
Le bruit de cette défaite répandit l'allarme
DECEMBRE. 1755. 61 .
dans Carthage , & il ne fut malheureuſement
que trop confirmé par le petit nombre
de ceux qui avoient eu le bonheur de
fe fauver dans un efquif. Il jetta la confternation
dans l'efprit de fes habitans qui
appréhendoient déja que Gelon ufant de fa
victoire , ne portât à fon tour la guerre jufque
dans leurs murs. Ils députerent auffitôt
des Amballadeurs à Syracufe pour im-.
plorer la clémence du vainqueur , & le
folliciter par les plus vives inftances à procurer
la paix. La modération qui étoit naturelle
à Gelon , lui fit écouter leurs propofitions.
Il n'abufa point de la malheureufe
circonftance qui réduifoit les Carthaginois
à la néceflité de paffer par toutes
les conditions qu'il lui auroit plu de leur
impofer. Celles qu'il exigea ne démentirent
point l'équité de fon caractere . Il y
- en eut une entr'autres qui témoigne qu'il
étoit auffi attentif à remplir les devoirs de
l'humanité que ceux de grand Capitaine ;
deux qualités qui le rendoient d'autant
plus eftimable , qu'elles ne fe trouvent
pas toujours réunies. Avant que de foufcrire
à aucun accommodement avec les
Carthaginois , il voulut que l'abolition
des facrifices humains qu'ils faifoient à
leur dieu Saturne , entrât dans la conclufion
du traité de paix qu'il s'agiffoit de
62 MERCURE DE FRANCE.
ratifier. Il ne pouvoit fans doute concevoir
fans horreur qu'ils lui facrifiaffent
jufqu'à leurs propres enfans ; & qu'ils
fiffent de cette barbare coutume une pratique
religieufe qui armoit leurs mains
contre ce qu'ils avoient de plus cher au
monde . Tout engagé qu'étoit Gelon dans
les erreurs groffieres du Paganifme , il lui
fuffifoit de faire ufage de fa raifon guidée
par les lumieres naturelles , pour fe convaincre
qu'un femblable culte étoit nonfeulement
injurieux & contraire à l'inſtitution
des Loix Divines , mais répugnoit
même à l'idée qu'il eft convenable de ſe
former de la Divinité . En effet , de l'invoquer
de cette façon , c'étoit la croire altérée
du fang humain , & qui plus eft du
fang innocent. C'étoit par conféquent faire
plutôt un monftre qu'un Dieu dont on
anéantiffoit par - là les attributs les plus
effentiels , tels que la fouveraine bonté &
la fouveraine juftice , en un mot toutes les
perfections morales , en vertu defquelles
il ne doit vouloir que ce qui eft abfolument
digne de lui. Il falloit affurément
pouffer l'extravagance auffi loin que la
cruauté , pour s'imaginer que la colere
divine ne fût capable d'être appaifée que
par ces fortes de facrifices qui eurent cours
à Carthage & dans plufieurs autres conDECEMBRE
1755. 63
trées. Il y avoit dans cette ville un Temple
élevé à Saturne , où étoit ſa ſtatue d'airain
, dont la défcription qu'en donnent
Diodore de Sicile & Eufebe , reffemble
beaucoup à celle que des Ecrivains Juifs.
font de la ftatue de Moloch , cette fameufe
idole dont l'Ecriture parle en divers endroits
. On fçait qu'elle étoit l'objet du
culte des Ammonites & de quelques nations
voifines : de- là vient que la plupart
des Critiques font perfuadés que Saturne
& Moloch n'étoient qu'une même Divinité
, qui avoit été adorée fous des dénominations
différentes. Les perfonnes curieufes
de vérifier cette remarque , peuvent
confulter ce qu'ont écrit à ce fujet , Selden ,
Beyer , Voffius , Goodwin , les PP . Kircher
& Calmet qui font ceux aufquels on
renvoie pour s'inftruire de ces chofes. Les
facrifices humains paffent communément
pour avoir pris naiffance chez les Phéniciens
, dont les Carthaginois étoient une
colonie . Il n'eft donc pas furprenant que
ces derniers ayent marqué autant d'attachement
qu'ils en avoient pour un ufage
qu'ils tenoient d'origine , & qui s'étoit
introduit chez plufieurs peuples qui l'avoient
reçu d'eux , ou immédiatement des
Phéniciens , comme on le prouve par le
rapport d'une foule d'écrivains que l'on cite
64 MERCURE DE FRANCE.
pour garantir la vérité de ce fait. Un paffage
de Porphyre dont on produit les paroles
fondées fur le témoignage de Sanchoniaton
, apprend quelles étoient les circonftances
où ceux- ci offroient à Saturne
des facrifices fanglans . La maniere dont la
chofe eft atteftée par Sanchoniaton , montre
affez que le culte qu'on rendoit à cette
fauffe divinité étoit très ancien. On infifte
particulierement fur cet Auteur Phénicien
que Porphyre fait contemporain de Sémiramis
Reine d'Affyrie , & dit avoir approché
du tems où vivoit Moyfe. Il avoit
compofé une histoire des antiquités de
fon pays , qu'il avoit dédiée à Abibal , Roi
de Beryte fa patrie , & que Philon de Byblos
avoit traduite en Grec fous l'empire
d'Adrien . Il n'en refte plus qu'un fragment
qui nous a été confervé par Eufebe. Comme
l'efpece de Synchroniſme que le récit
de Porphyre tend à établir , fe trouve liée à
deux Époques incompatibles l'une avec
l'autre , & qui feroient par cela même plus
propres à le détruire qu'à le conftater , on
pourroit croire que la cenfure de Scaliger ,
de Voffius & de Bochart , n'eft pas dépourvue
de fondement , lorfqu'ils le qualifient
d'erreur groffiere , qu'ils jugent à propos
d'imputer au peu d'exactitude de Porphyre
en matiere de chronologie. Ils auroient
DECEMBRE . 1755 65
fans doute raifon , fi l'on entendoit par
Sémiramis la fameufe Reine d'Affyrie de
ce nom , qui fut femme de Ninus , & qui
gouverna avec beaucoup d'habileté let
royaume dont fon mari avoit été le Fondateur
, & dont il l'avoit laiffée en poffeffion
par fa mort. En effet , le regne de cette
Sémiramis eft antérieur de plus de Soo ans
à la prife de Troye ; date qui eft affurément
fort éloignée de confirmer la proximité
de tems que Porphyre met entre
cette Reine & Moyfe de qui la mort ne
précede la ruine de cette ville que d'environ
d'eux fiecles & demi , felon la chrono-'
logie du Texte Hébreu. Il faut avouer que
fi les chofes étoient fur le pied que le pren
nent les Sçavans modernes que nous avons
cités , la faute feroit fenfible : mais le devoir
d'un Critique étant d'interpréter ce'
que dit un Auteur dans le fens le plus favorable
, on faifit l'occafion qui s'offre naturellement
de juftifier Porphyre du reproche
qu'il s'eft attiré de leur part. On fait
donc voir qu'il ne s'agit point ici de la
Sémiramis dont nous venons de parler ,
mais d'une autre Reine d'Affyrie , qui a
porté le même nom , & qui eft venue plufieurs
fiecles après la premiere . Elle eft auffi
connue fous celui d'Atoffe , & elle eut
pour pere Beloch II . Roi d'Affyrie , qui'
66 MERCURE DE FRANCE.
l'affocia à l'Empire dans la douzieme année
de fon regne , & avec qui elle régna
conjointement treize ans. Eufebe qui nous
apprend qu'elle fut également appellée Sémiramis
, ne nous inftruit pas de la caufe
qui lui mérita un pareil furnom. Il y a
apparence que des traits de reffemblance
qu'elle put avoir dans les actions de fa vie
avec la Sémiramis femme de Ninus , que
fes grandes qualités & fes vices ont rendue
fi célebre dans l'Hiftoire , fuffirent
pour le lui faire donner . L'identité d'un
nom qui a été commun à deux Reines , qui
ont eu les mêmes Etats fous leur dépendance
, les aura fait confondre enfemble ;
en attribuant à l'une ce qui appartient à
l'autre. C'eft ce qui avoit été déja très - bien
rémarqué par Photius , qui a repris un ancien
Ecrivain dont il a extrait l'Ouvrage
pour être tombé dans une femblable confufion
. On traite incidemment cette queftion
de chronologie , que l'on éclaircit
par un calcul qui fert à prouver que le rapport
de Porphyre ne péche en aucune façon
contre l'ordre exact des temps. Les facrifices
humains ne cefferent que pour un
temps à Carthage . Quoique leur abolition
fit une partie eflentielle du traité que Gelon
avoit conclu avec ceux de cette République
, il femble pourtant qu'elle n'eut
DECEMBRE. 1755. 67
lieu qu'autant que ce Prince vécut depuis
ce traité. Ils les renouvellerent après fa
mort , qui vraisemblablement leur parut
une raifon fuffifante pour rompre l'engagement
qu'ils avoient contracté. C'est ce
que prouve évidemment une circonstance ,
où étant réduits au défefpoir par Agatocle
Tyran de Syracufe , qui les avoit battus ,
ils facrifierent à leur dieu Saturne deux
cens d'entre les fils de leurs plus illuftres
concitoyens , afin de fe le rendre propice.
Tertullien nous apprend que cette abominable
coutume fe perpétua en Afrique , &
dura publiquement jufqu'au temps du Proconfulat
de Tibere qui fit mettre en croix
les Prêtres auteurs d'une femblable impiété.
Il eft à propos de remarquer qu'il ne
faut pas confondre ce Tibere Proconful
d'Afrique avec l'Empereur du même nom,
lequel fut fucceffeur d'Augufte . Celui dont
il eft question , eft poftérieur à ce Prince
d'environ un fiecle , & ne doit avoir vécu
que fous Adrien qui l'avoit revêtu de la
dignité Proconfulaire. Cette remarque eft
fortifiée par le témoignage de Porphyre
, de Lactance & d'Eufebe , qui rappor
tent la ceffation des facrifices humains au
temps d'Adrien , fous le regne duquel
ils furent abolis dans prefque tous les
lieux où ils étoient en ufage. Au cas qu'on
68 MERCURE DE FRANCE.
fouhaite des preuves plus directes de ce
que nous venons de dire à ce fujer , on n'a
qu'à confulter Saumaiſe ( 1 ) Henri de Valois
( 2 ) , & le P. Pagi ( 3) , qui ont fait
l'obfervation dont nous parlons , & qui
ont très- bien difcuté ce point de critique.
Si le traitement rigoureux dont on avoit
ufé en Afrique envers les Prêtres qui
avoient prêté leur ministère à de pareils
crimes , fervit d'abord à intimider les autres
, il ne put pourtant pas réprimer leur
penchant pour ces fortes de facrifices qui
fe continuerent fecrétement dans la fuite ;
& cela fe pratiquoit ainfi au commencement
du troifieme fiecle , comme le témoigne
Tertullien qui écrivoit vers ce tempsla
fon Apologétique . La victoire que ceux
de la Sicile avoient remportée fur les Carthaginois
, avoit été le fruit de l'habileté
de Gelon , & de fon expérience dans l'art
de la guerre. Auffi avoit- elle contribué à
redoubler l'affection que les Syracufains
avoit pour lui. Il avoit fçu la mériter par
fon humeur populaire , & furtout par la
fagelle avec laquelle il fe conduifoit dans
l'adminiftration des affaires de la Républi-
( 1 ) Cl. Salmafi. Not. in Spartian. ( 2 ) Henric.
Valefi. Annotation . in oration . Eufeb. de Laudib.
Conftantin. pag. 287. ( 3) Pag . Critic, in Annal.
Baron. fub ann. c. 11. n . 14. p . 12 .
DECEMBRE 1755 . 69
que , qui ne pouvoit tomber en de meilleures
mains que les fiennes. Ces motifs
réunis concoururent à affermir l'autorité
dont il jouiffoir longtems avant la défaite
de la flotte des Carthaginois, Le ſervice
important qu'il venoit de rendre à ſa patrie
, trouva dans les Syracufains un peuple
reconnoiffant qui confentit à le payer
du facrifice de fa liberté , en lui déférant
alors la royauté. Quoique le pouvoir de
Gelon fût déja très- abfolu , il lui manquoit
encore la qualité de Roi pour le confirmers
ce n'eft pas qu'il n'eût pu l'ufurper , à
l'exemple de bien d'autres , s'il avoit eu
deffein d'employer comme eux les voies
de la force & de la violence pour l'acquérir
: mais content de gouverner à Syracufe
fous le nom de Généraliffime ou de Préteur
, il ne fe mit pas fort en peine d'afpirer
à un titre qui auroit fans doute indifpofé
les efprits , & lui auroit attiré l'indignation
de fes concitoyens , s'il eût ofé
le prendre fans leur aveu , & qui d'ailleurs
n'eût pas augmenté davantage fa puiffance.
Les traits fous lefquels on nous le repréfente
dans le rang où il fe vit élevé ,
font l'éloge de fon caractere ; ce Prince ,
bien loin d'affecter la pompe qui en paroît
inféparable , & d'abufer du pouvoir attaché
à fa nouvelle dignité , fembloit ne l'a
70 MERCURE DE FRANCE.
•
voir acceptée que pour obliger fes concitoyens
, & céder à leurs inftances réitérées
qui ne purent le diſpenſer de fe foumettre
à leur volonté. C'eft pourquoi il difoit
que l'intention des Syracuſains, en lui mettant
la couronne fur la tête , avoit été de
l'engager par une faveur auffi marquée à
protéger la juftice & l'innocence. Le foin
de maintenir entr'eux la paix & l'union , &
de gagner le coeur de fes fujets par fes manieres
affables & pleines d'humanité , faifoit
fon unique occupation . C'eft ainfi que
fes vertus lui frayerent le chemin du trône,
dont perfonne ne s'étoit vu en poffeffion
depuis la mort d'Archias fondateur de
Syracufe. Ce dernier étoit né à Corinthe
& iffu de la race des Bacchiades , famille
diftinguée & puiffante dans cette ville. Une
aventure finguliere que l'on pourra voir
détaillée dans l'ouvrage , l'ayant contraint
d'abandonner les lieux de fa naiſſance , il
fe retira en Sicile , où s'étant établi avec une
colonie de fes compatriotes qui l'avoient
fuivi , il bâtit Syracufe. Après y avoir
regné plufieurs années , il fut tué par un
jeune homme pour qui il avoit eu une
tendreffe criminelle , & dont il avoit abufé
dans l'enfance : le temps où tombe la
fondation de cette ville , forme une Epoque
affez curieufe pour mériter qu'on s'arDECEMBRE.
1755. 71
rête à la déterminer conformément à la
fupputation qui réfulte d'une particularité
que fourniffent les Marbres. On touche
auffi un mot de la grandeur de Syracufe ,
qui comprenoit dans fon enceinte quatre
villes voifines l'une de l'autre , & dont
Archias n'en compofa qu'une feule. La
forme de fon gouvernement éprouva du
changement depuis la mort de celui qui en
avoit jetté les fondemens. Les Syracufains
abolirent l'Etat Monarchique pour lui fubftituer
le Démocratique qui fe maintint
fort longtems. Hippocrate Tyran de Gele,
tenta dans la fuite de leur ravir la liberté.
Après avoir réduit divers Peuples de la
Sicile fous fon obéiffance , il tourna fes armes
contre les Syracufains qu'il défit auprès
du fleuve Elore. Ceux ci n'auroient
point évité la fervitude qui les ménaçoit ,
s'ils n'avoient été fecourus des Corinthiens
& des Corcyréens qui prirent leur défenfe,
à condition qu'ils céderoient à Hippocrate
la ville de Camarine qui avoit été jufqueslà
fous leur dépendance. Dans le temps
qu'Hippocrate continuoit à faire la guerre,
il mourut devant la ville d'Hybla . Gelon ,
dont les ancêtres avoient depuis bien des
années leur établiſſement dans Gele , &
defcendu du Sacrificateur Telinès , ayant
reçu d'Hippocrate le commandement de la
72 MERCURE DE FRANCE.
cavalerie s'étoit fignalé par fon courage
dans toutes ces occafions. Les Gelois las de
fe voir opprimés par la tyrannie , refuſerent
de reconnoître pour leurs Souverains
Euclide & Cléandre , les deux fils qu'Hippocrate
avoit laiffés. Gelon , fous prétexte
de réprimer la révolte des Gelois , envahit
la domination , & en priva les enfans
d'Hippocrate , dès qu'il eut fait rentrer les
rebelles dans leur devoir. Gelon ramena
enfuite de Cafmene dans Syracufe quelques
uns de fes habitans nommés Gamores
, qui en avoient été chaffés. Les Syracufains
qui le virent approcher , livrerent
en fon pouvoir leur ville & leurs perfonnes.
On ne fçauroit dire s'ils crurent qu'il
leur feroit plus avantageux d'agir de la
forte que de s'expofer aux maux que les
fuites d'un fiege ont coutume d'occafionner.
Ce qu'il y a de vrai , c'eſt que Gelon
devint maître abfolu de cette ville fans
qu'il lui en coutât le moindre combat . Il
abandonna la principauté de Gele à fon
frere Hieron , & fe réferva celle de Syracufe
qu'il peupla de nouveaux habitans ,
& qu'il rendit plus que jamais floriffante.
Une réflexion très - naturelle porte l'Auteur
à conclure que la conduite de Gelon
en cette circonftance dément le caractere
qu'on lui attribue. Il y auroit fans doute
de
DECEMBRE 1755. 73
pour
de l'injuftice à le juger fur cette feule
action ; qui , quoiqu'elle ne foit pas à la
vérité fort honorable à fa mémoire , ne
doit pourtant point influer fur le refte de
fa vie : au moins c'eſt ce qu'on eft en droit
d'inférer du témoignage des Ecrivains de
l'antiquité qui ont parlé de lui . Il paroît
feulement par- là que Gelon , tout vertueux
qu'on nous le dépeint d'ailleurs , ne fut
pas toujours exempt de la paffion de dominer
, qui le fit ufer de perfidie envers
les héritiers légitimes , en les dépouillant
de l'autorité fouveraine , & l'engagea dans
des pratiques criminelles fatisfaire
fon ambition. Comme les Anciens qui ont
déterminé le tems de fon regne , varient
confidérablement entr'eux , lorfqu'il s'agit
d'en conftater la durée , qu'ils étendent
plus ou moins , felon la fupputation à
laquelle ils s'attachent , on infifte conféquemment
fur les contradictions apparentes
qui naiffent de la différence de leur calcul
, & afin d'être en état de les concilier
on recherche la caufe qui a produit ces
variétés. Il fuffit pour la découvrir de
comparer exactement leur rapport ,
dont
la diverfité vient de ce que le commencement
de la domination de Gelon pouvant
fe fixer à différentes dates , cela à donné
lieu à la différente maniere d'en compter
II.Vol. Ꭰ
7 MERCURE DE FRANCE.
les années. Les uns ont daté l'Epoque de
fon regne, dumoment qu'il fut maître dans
Syracufe dont les habitans s'étoient foumis
à lui ; parce qu'il y avoit un pouvoir
prefque aufli abfolu que celui qui eft affecté
à la Royauté . Les autres qui ont niarqué
les chofes avec plus de précifion , re
l'ont commencé que depuis qu'il fut proclané
Roi , titre que lui mériterent l'importance
de fes fervices & fon dévouement
au bien de la République. Nous ferions
trop longs , s'il nous falloit entrer dans
le détail de preuves qui fervent à établir
la vérité de cette remarque que nous ne
faifons qu'indiquer. C'eft pourquoi nous
aimons mieux renvoyer les Lecteurs curieux
d'approfondir les matieres de cette
nature à l'ouvrage même , où il leur fera
plus facile de prendre une idée jufte &
précife des calculs qui accompagnent cette
difcuffion chronologique. Gelon mourut
après avoir gouverné Syracufe fept
ans , avec la qualité de Roi. Il laiffa pour
fon fucceffeur Hieron , le plus âgé de fes
deux freres qui reftoient. Il ordonna en
mourant , à Damareté fa femme & fille de
Theron Tyran d'Agrigente , d'époufer
Polyzele qui fut pourvu du commandement
de l'armée , que l'on avoit fans doute
foin de tenir toujours prête à marcher
DECEMBRE. 1755- 75
en cas que le peuple de Syracufe fût inquieté
par fes voifins , ou attaqué par
des nations étrangeres. Hieron parvenu
à jouir de la Royauté , fe comporta bien
différemment de fon prédéceffeur. Il hérita
du rang de fon frere , mais non pas
de fes vertus . Il étoit avare , violent &
auffi éloigné de la probité de Gelon que
de fa candeur. Son humeur cruelle &
fanguinaire n'auroit pas manqué d'exciter
un foulevement général parmi les Syracufains
, fi le fouvenir des bienfaits de Gelon
, dont la mémoire leur étoit par conféquent
très -chere n'eût été un motif
capable de les retenir. Les foupçons & la
défiance , vices inféparables d'une conduite
tyrannique , l'armerent contre fes propres
fujets , dont il craignoit les complots,
Il s'imagina que pour mettre fa vie en fureté
, la force feroit une voie moins douteufe
que leur affection qu'il auroit fallu
captiver. Il leva pour cet effet des troupes
mercenaires , & compofa fa garde de
foldats étrangers. Comme il s'apperçut de
l'attachement des Syracufains pour Polyzele
qu'ils cheriffoient autant qu'ils le
haïffoient , ce fut affez pour lui faire foupçonner
fon frere d'afpirer à la Royauté , &
pour lui rendre toutes fes démarches fufpectes.
Il ne vit plus en lui qu'un rival
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
dangereux , qu'il étoit de fon intérêt de
perdre. Un événement parut favorable à
les deffeins . Il s'agiffoit de prendre la défenfe
des Sybarites qui avoient imploré
fon fecours contre les Crotoniates, par qui
ils étoient affiégés . Il faifit cette occafion
de fe défaire de fon frere qui étant chargé
du commandement de l'armée , reçut ordre
de lui de les aller fecourir.
Il avoit , felon toutes les apparences ,
travaillé aux moyens de le faire périr dans
le combat . Au moins c'eft ce que crut
Polyzele qui , pénétrant fes intentions , &
connoiffant d'ailleurs fa jaloufie , refuſa
d'obeir. Hieron irrité de fe voir fruftré
dans fes projets , éclata en menaces. Polyzele
n'auroit certainement pas tardé à
éprouver les effets de fon reffentiment ,
s'il n'avoit pris le parti de s'en garantir
en fe refugiant à la Cour de Theron dont
il avoit épousé la fille . Il n'en fallut pas
davantage pour brouiller ces deux Princes
, qui auparavant étoient amis . Hieron
reclama Polyzele comme un rebelle qu'il
vouloit punir , & fut indigné de ce que le
Roi d'Agrigente lui donnoit une retraite
dans fes Etats. D'un autre côté , la violence
que l'on faifoit à Polyzele , touchoit
trop Theron pour ne pas l'engager à foutenir
la cauſe de ſon gendre , & à le déDECEMBRE.
1755, 77
fendre des injuftes pourfuites de fon frere.
On fe difpofoit déja de part & d'autre à
la guerre , lorfque Hieron tomba dangereufement
malade . Ce qu'il y a de fingulier
, c'eft que cette maladie toute fâcheufe
qu'elle devoit être pour ce Prince , lui
fut pourtant néceffaire , puifqu'elle occafionna
un changement dans fa perfonne ,
auquel on n'avoit pas lieu de s'attendre.
Pour adoucir l'ennui que lui caufoit la
longueur de fa convalefcence , il invita
par fes largeffes les plus fameux Poëtes de
fon tems à fe rendre auprès de lui . Il efperoit
trouver dans leurs entretiens un remede
à fes chagrins domeftiques. On peut
croire que Simonide , de qui Pindare luimême
avoit appris les principes de fon
art , ne fut pas oublié dans le nombre de
ceux qu'Hieron attira à fa Cour. Il fut celui
qui fçut le mieux s'infinuer dans l'efprit
de ce Prince , & obtenir fa confiance.
Ce Prince eut l'obligation au commerce
qu'il lia avec les Sçavans qu'il avoit
fait venir , d'avoir poli fes moeurs & orné
fon efprit qui étoit naturellement capable
des plus grandes chofes , mais qu'une
application continuelle aux exercices militaires
ne lui avoit pas permis jufques là
de cultiver. Il profita beaucoup dans les
fréquentes converfations qu'il avoit avec
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
Simonide . Elles furent autant de leçons
qui lui infpirerent l'amour de la vertu , &
l'accoutumerent par dégrés à en remplir
les devoirs . Elles lui firent ouvrir les yeux
fur fes égaremens , & fentir toute l'injuftice
de la guerre qu'il alloit fe mettre fur
les bras . Les confeils de notre Poëte lui furent
d'une grande reffource pour tourner
les chofes vers la pacification . Voici de
quoi il eft queftion. Theron ayant donné
Thrafydée fon fils pour maître aux Himerens
, celui-ci rendit fa domination infupportable
par fon orgueil & par fes violences
, qui les contraignirent de fe foulever
contre lui . Ils n'oferent fe plaindre de fa
conduite à Theron , parce qu'ils craignirent
que l'oppreflion devînt encore plus
forte , en cas que le pere fe montrât juge
peu équitable dans la caufe de fon fils.
C'est pourquoi ils fe déterminerent à envoyer
des Députés à Hieron pour lui offrir
du fecours contre Theron , & lui déclarer
en même tems qu'ils fouhaitoient à l'avcnir
dépendre de lui . Cette conjoncture
fournir à Simonide les moyens de remettre
la paix entre les deux Princes , & de faire
l'office de médiateur. Ce fut par fes avis
que Hieron inftruifit le Roi d'Agrigente
du complot formé par les habitans d'Himere
, & l'avertit de prendre fes mesures
pour le faire avorter.
DECEMBRE. 1755. 79
La reconnoiffance de Theron fut égale
à la générosité du procedé d'Hieron , avec
qui il ne fongea plus qu'à fe réconcilier ,
& leurs démêlés mutuels furent dès- lors
pacifiés. Hieron , pour affermir davantage
cette union , époufa la foeur de ce Prince .
Il rendit fon amitié à Polyzele , & les deux
freres vécurent depuis en bonne intelligence.
« Hieron commença ( dit l'Auteur )
à facrifier fes intérêts au bien public. Il
38
ne s'occupa plus que du foin d'acquerir,
» à l'exemple de Gelon , par fes manieres
» affables & par fa clémence , le coeur &
» l'eftime de fes fujets . Ses libéralités qu'ils
» éprouverent dans la fuite , effacerent
» entierement de leur mémoire les traits
" d'avarice qu'ils avoient d'abord remar-
» qués en lui . Sa Cour devint l'afyle des
» fciences , par la protection qu'il accor-
» doit aux perfonnes qui les cultivoient
» avec fuccès. Il montroit plus d'ardeur à
» les prévenir par des récompenfes , que
» les autres n'en avoient à les obtenir.
و د
L'Auteur accompagne fon récit de cette
réflexion qui fe préfente naturellement .
» Comme il réjaillit autant de gloire fur
le Prince qui répand fes bienfaits , que
» fur le particulier qui les reçoit , com-
" bien de Souverains ne font un accueil
» favorable au mérite , peut - être moins
Div
80 MERCURE DE FRANCE .
"3
» pour l'honorer , que pour fatisfaire euxmêmes
leur vanité ! Si l'on compare cet-
» te derniere conduite d'Hieron avec celle
qu'il avoit tenue en premier lieu , on
» fera furpris d'un contrafte auffi frappant.
Il devoit du moins avoir un fond de
» vertu ; car les fciences toutes feules ne
produifent point de pareils changemens.
» Elles perfectionnent à la vérité un heu-
» reux naturel ; mais il eft rare qu'elles
» réforment un coeur vicieux . >>
ود
Nous avons déja infinué quelque chofe
de l'avarice de Simonide . On peut affurer
qu'il n'y a point d'endroit où elle parut
plus à découvert qu'à la Cour d'Hieron .
Elle s'eft caractérisée jufques dans les reparties
qu'on lui attribue . Nous allons citer
quelques - unes de celles que l'on a recueillies.
On apprend d'Ariftote que la
femme d'Hieron ayant demandé à ce Poëte
, lequel étoit le plus à défirer , d'être riche
on fçavant ? il répondit , qu'il préferoit les
richeſſes , puisqu'on ne voyoit tous les jours
à la porte de riches que des fçavans . Hieron
avoit donné ordre qu'on lui fournît
chaque jour les provifions néceffaires pour
le faire vivre dans l'abondance , & Simonide
pouffoit l'épargne jufqu'à en vendre
la principale partie. Lorfqu'on voulut fçavoir
pourquoi il fe comportoit de la forte.
DECEMBRE. 1755. 81
C'est ( reprit- il auffi - tôt ) pour montrer en
public la magnificence du Prince , & ma
grande frugalité. Cette réponſe paroit à
M. Bayle un pauvre fubterfuge , & l'on
ne peut nier que fa remarque ne foit jufte.
Mais c'eft affez l'ordinaire des Beaux-
Efprits de payer de traits ingénieux pour
excufer les défauts qui choquent en eux
& fur lefquels on les preffe de s'expliquer ,
quand ils n'ont point de bonnes raifons à
alléguer pour leur juftification. Toutes
les fois que l'avarice infatiable de ce Poëte
l'expofoit à des railleries & à des reproches
, il avoit fon excufe prête , en difant
, qu'il aimoit mieux enrichir fes ennemis
après fa mort , qu'avoir besoin de fes
amis pendant fa vie. Auffi n'étoit - il rien
moins que difpofé à écrire gratuitement :
c'eft ce qu'il fit fentir à un homme qui
l'avoit follicité à compofer des vers à fa
louange , en fe contentant de l'affurer qu'il
lui en auroit des obligations infinies. Une
pareille propofition fatisfit peu Simonide ,
qui lui répondit , qu'il avoit chez lui deux
caffettes , l'une pour les payemens qu'il exigeoit,
& l'autre pour les obligations qu'on pouvoit
lui avoir, que la premiere reftoit toujours
vuide , au lieu que celle- ci ne ceffoit jamais
d'être pleine. On conçoit aifément que fon
humeur intéreffée devoit rendre fa plume
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
fort venale . Ce qu'il y a de certain , c'est
qu'il a la réputation d'avoir été le premier
des Poëtes Grecs qui ayent mis les Mufes
à louage. On ne fçauroit difconvenir que
cette tache n'obfcurciffe la gloire qu'il s'eft
acquife par la beauté de fon génie. L'indigne
trafic qu'il faifoit de fes ouvrages
donna naiffance à un proverbe honteux à
fa mémoire . Il fuffifoit que des vers fuffent
vendus au plus offrant pour porter le nom
de vers de Simonide. Comme le mot grec
dont fe font fervis des Auteurs anciens ,
pour exprimer l'avarice de Simonide , reçoit
des acceptions différentes , felon l'ufage
auquel on l'applique , il a induit en
erreur Lilio Giraldi , qui à attaché à ce terme
une fignification contraire à fon analogie
, quelle que foit la racine d'où on
veuille le dériver , & dont , à plus forte
raifon , il ne peut être fufceptible dans
l'occafion où il fe trouve employé. C'eſt
ce qui eft fpécifié plus particuliérement
dans l'ouvrage auquel il faut recourir , fi
l'on fouhaite s'en inftruire. Nous ajouterons
encore à ce que nous venons de dire
de ce Poëte , une circonftance qui dévoile
entierement l'exceffive paffion qu'il avoit
de thefaurifer. Un Athlete vainqueur à la
courfe des Mules , ayant voulu l'engager
a célébrer la victoire , lui offroit une fomDECEMBRE.
1755 .
83
me trop modique
, Simonide
refufa de le
fatisfaire
fur fa demande
, fous prétexte
qu'il
à un homme
comme lui
conviendroit
peu
de louer des Mules . Mais l'autre ayant pre- pofé un prix raifonnable
, notre Poëte
confentit
à faire l'éloge de ces Mules, qu'il
qualifia de filles de chevaux
aux pieds légers, expreffion
emphatique
qui a été défapprouvée
avec juftice par des Critiques
. Nous ne croyons
pas devoir nous arrêter à une
autre repartie
à peu-près du même genre, qui lui eft attribuée
par Tzetzes
, Auteur
peu exact en fait de narration
hiftorique
, parce qu'elle porte fur une fuppofition
évidemment
fauffe qui rend fon récit fufpect
, pour ne rien dire de plus. Il faut
confulter
l'ouvrage
pour avoir une pleine
conviction
de ce que nous remarquons
à ce fujet. Simonide
poffeda jufqu'à la mort
les bonnes graces d'Hieron
, dans lefquelles
il étoit entré fort avant . Il ne fut point confideré
à la Cour comme
un homme
dont le talent confiftoit
uniquement
à faire
des vers , & à donner
quelques
leçons
de morale ; ce Prince le jugea capable
de l'aider de fes confeils
dans le gouverne- ment des affaires , & il eut lieu de s'en louer
dans plus d'une occafion
. Auffi s'ouvroitil
familiérement
à ce Poëte , dont il connoiffoit
la prudence
, & il ne faifoit au-
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
cune difficulté de lui communiquer fes
penfées les plus fecrétes. Les entretiens
qu'ils avoient enſemble là - deffus , ont fans
doute fourni à Xenophon le fujet d'un
Dialogue de fa façon , où les introduifant
l'un & l'autre pour interlocuteurs , il produit
lui-même fous ces noms empruntés ,
fes réflexions politiques. C'est une excellente
piece qui renferme un parallele entre
la condition des Rois & celle des Particuliers.
Comme Hieron avoit paffé par ces
deux états , cet ingénieux Ecrivain ne pouvoit
choifir perfonne qui fût censé être
mieux à portée que ce Prince d'en apprécier
les différences. La maniere dont il
fait parler Simonide , eft analogue au caractere
de ce Poëte qui foutient par la
folidité des avis qu'Hieron reçoit de lui ,
la réputation de fage qu'il a méritée
par l'honnêteté de fes moeurs : En effet ,
quelques légeres taches répandues fur fa
vie , que l'on devroit taxer plutôt de foibleffes
inféparables de l'humanité , ne
pourroient balancer toutes les belles qualités
que la nature lui avoit accordées , s'il
n'avoit témoigné dans fes actions un penchant
trop marqué pour l'avarice la plus
fordide , vice fi honteux qu'il fuffit lui
feul pour diminuer l'éclat des vertus qui
l'ont rendu d'ailleurs recommandable.
DECEMBRE. 1755 . 85
da ce
que
Les fréquentes converfations d'Hieron
& de Simonide ne rouloient point feulement
fur des matieres de pure politique ;
elles avoient encore pour objet l'examen
des queftions les plus philofophiques . C'eſt
ce qui paroît par la célebre réponſe que
notre Poëte fit à ce Prince , qui lui demanc'étoit
que Dien ? Il faut convenir
que la queftion étoit des plus épineufes ,
& par conféquent très- propre à embarraffer.
Auffi Simonide ne manqua pas de
prétexte pour juftifier l'impuiffance où il
fe voyoit d'y fatisfaire fur le champ , &
il obtint du tems pour y rêver plus à fon
aiſe. Le terme étant expiré , Hieron étonné
de tous les délais dont ce Poëte ufoit
pour éluder l'explication qu'on exigeoit
de lui , en voulut apprendre la caufe . Simonide
avoua ingénuement , que plus il
approfondiffoit la chofe , plus elle lui fembloit
difficile à réfoudre.
Si l'on inféroit de fa réponſe à Hieron ,
que ce Poëte avoit formé quelque doute
fur l'existence d'un Etre Suprême, ce feroit
non-feulement étendre la conclufion beaucoup
plus loin que ne l'eft la prémiffe ; mais
ce feroit déduire une conféquence trèsfauffe.
Car Simonide étoit fi peu porté à
nier qu'il y eût une Divinité , que jamais.
Poëte Payen n'a peut -être eu une perfuaS6
MERCURE DE FRANCE.
fion plus vive des effets de fa puiffance ;
c'est ce que témoignent affez les fragmens
qui nous reftent de fes Poélies , & principalement
quelques vers de lui , qui font
cités par Théophile d'Antioche . « Il y eft
dit , qu'il n'arrive aux hommes aucun
" mal inopiné : que Dieu fait en un feul
» moment changer de face à toutes chofes,
» & que perfonne ne fçauroit fe flatter
d'acquérir la vertu fans une affiftance
» particuliere de fa part ».
Simonide termina fa vie à l'âge de quatre
-vingt-dix ans , dont il paffa les trois
derniers à la Cour d'Hieron. Le tombeau
qu'on lui avoit élevé à Syracufe , fut dans
la fuite du temps démoli par un Général
des Agrigentins , appellé Phoenix , qui en
fit fervir les matériaux à la conftruction
d'une tour. On marque le temps dont fa
mort précede celle d'Hieron , & pour le
conftater d'une maniere préciſe , il a fallu
néceffairement fixer celui où tombe le
commencement & la fin du regne de cè
Prince , duquel on détermine conféquemment
la durée. On fent bien que tout celá
eft accompagné de détails chronologiques
dans lesquels nous évitons ici de nous engager
parce qu'ils n'intéreffent qu'un
très -petit nombre de Sçavans exercés à ce
genre d'étude. L'Auteur conduit plus loin
DECEMBRE. 1755. $7
que la mort de notre Poëte , le fil de fa
narration qui offre en raccourci l'hiftoire
de Syracufe . Il parcourt avec rapidité les
révolutions qui arriverent à cette République
depuis l'expulfion de Thrafybule
frere & fucceffeur d'Hieron , que fa conduite
violente avoit fait chaffer de Syra--
cufe , jufqu'au temps qu'elle éprouva le
fort ordinaire aux Villes que les Romain's
foumettoient
à leurs armes . Comme le récit
de ces chofes femble au premier coup
d'oeil ne tenir en aucune façon au plan général
de l'Ouvrage , on ne manquera pas
de le trouver abfolument hors d'oeuvre.
En tout cas , l'Auteur a prévenu lui-même
l'objection qui peut avoir lieu . «< Ayant ,
» dit-il , donné la plus grande partie de
» l'histoire de cette fameufe République ,
» que j'ai eu occafion de prendre dès fon
» origine , je me ferois reproché mon peu
» d'attention à procurer au Lecteur une
» entiere fatisfaction , fi je n'avois rendu
fon inftruction complette , en mettant
» devant fes yeux un précis de la fuite
» des affaires de Syracufe , jufqu'au temps
» qu'elle tomba au pouvoir des Romains ,
"
"
qui l'affujettirent à leur Empire. Je pen-
» fe avoir été d'autant plus fondé à le
faire , qu'un des derniers de ceux qui
ont gouverné defpotiquement en cette
Ville , étoit defcendu de Gélon , &
1
88 MERCURE DE FRANCE.
و ر
porté le nom d'Hieron , ainfi que le
» frere de ce Prince. Il marcha fi parfaite-
» tement fur les traces du premier , que
» de Préteur qu'il étoit auparavant à Sy-
» racufe , il s'ouvrit également par fes
» vertus un chemin à la royauté. Il eft
» furtout célebre par fes démêlés avec les
» Romains qui le défirent plus d'une fois :
» ce qui l'obligea de contracter avec eux
» une alliance dans laquelle il perfifta le
» refte de fes jours . Il étoit donc naturel
» de toucher légerement ce qui regarde ce
» Monarque de qui l'hiftoire ne doit pas
» être détachée de celle de fes Ancêtres ,
» dont il n'a point démenti les belles actions.
Enfin quand on trouveroit que
» la relation de ces chofes fort des bornes
» que mon principal fujet me prefcrivoit ,
» s'il réfulte pour le Lecteur quelque avan-
» tage de voir réunies dans un feul point de
» vue toutes les différentes révolutions
particulieres à l'état de cette Républi-
» que , depuis l'époque de fa fondation ,
jufqu'à celle de fa ruine ; c'eft lui feul
» qui fera mon apologie
"3
L'Auteur , après avoir fait l'hiftoire de
Simonide & celle de fon Siecle , paffe enfuite
au détail de fes Poéfies. Quoiqu'il en
eût compofé un grand nombre , il en refte
à peine des fragmens qui font comme des
débris échappés aux injures du temps. Ils
DECEMBRE. 1755 . 89
ont été recueillis par Fulvius Urfinus , &
en partie par Leo Allatius. Le premier les
a accompagnés de notes de fa façon . Il
n'eftfouvent parvenu jufqu'à nous que les
titres de plufieurs de ces Poéfies qui ont
tranfmis avec honneur le nom de Simonide
à la postérité. Les perfonnes curieufes
de les connoître , n'auront qu'à recourir
à la Bibliotheque Grecque du fçavant
M. Fabricius. Comme fon objet principal
eft d'y offrir une notice des ouvrages
des Auteurs Grecs , & d'y détailler les circonftances
qui en dépendent , il a dreffé
avec fon exactitude ordinaire un catalogue
de toutes les différentes fortes de Poëmes
qu'avoit écrits Simonide , autant qu'il
a pu en avoir connoiffance , en feuilletant
ceux d'entre les Anciens qui ont eu occafion
de les indiquer , lorfqu'ils ont cité des
vers de ce Poëte . On n'a pas cru devoir
s'arrêter dans cette Hiftoire à ces fortes de
détails , dont on ne tire d'autre fruit que
celui de fatisfaire fa curiofité. Ils peuvent
être fupportables en Latin , où l'on n'affecte
pas la même délicateffe qu'en notre Langue
, lorfqu'il s'agit de chofes auffi feches :
elles caufent de l'ennui & du dégout au
Lecteur François qui s'attend à des inftructions
plus folides. Quand on confidere la
perte de beaucoup de bons ouvrages que
90 MERCURE DE FRANCE.
le temps nous a ravis , tandis qu'il a épargné
tant de foibles productions qui , bien
loin d'être enviées , ne méritoient pas même
de voir le jour , on ne fçauroit s'empêcher
d'avouer que c'eft -là un de ces caprices du
fort qui prend plaifir à fe jouer de tous les
moyens que l'induftrie humaine peut imaginer
pour fe garantir de fes injuftices.
Si on demande à l'Auteur pourquoi il ne
s'eft point fait un devoir de traduire en
notre langue ces fragmens poétiques , ( car
quelques imparfaits que foient les morceaux
qu'ils renferment , ils ferviroient du
moins à donner une idée de la beauté du
génie de Simonide ) il répondra que la
défunion des parties qui forment l'enchaînement
du difcours , rend trop difparates les
chofes qui font énoncées dans les vers de
ce Poëte : comme elles n'ont aucune relation
les unes avec les autres , elles font par
cela même incapables d'offrir un fens fuivi
; « de forte que ce feroit , ( dit-il , ) per-
» dre fes peines , que d'expofer ces frag-
» mens en l'état actuel où ils font , fous
les yeux du Lecteur François qui aime
qu'on ne lui préfente que des idées bien
afforties , & parfaitement liées enſem-
» ble . On trouve dans un recueil qu'on
a fait de ces fragmens , deux pieces écrites
en vers ïambes , qui ont été mises à ce
DECEMBRE. 1755. 91
qu'il paroît , fur le compre de notre Simo
nide : c'eft ce qu'il y a de plus entier de
tout ce qui eft venu jufqu'à nous de fes
Poéfies. L'une roule fur le peu de durée de
la vie humaine , & l'autre eft une efpece
de fatyre ridicule contre les femmes , où
F'on ne produit que des injures groffieres
pour reprendre les défauts qu'on peut leur
reprocher. On y fait une application continuelle
des vices de ce fexe , aux diverfes
propriétés attachées à la nature des animaux
defquels on feint qu'il a été formé.
On y fuppofe que l'origine de l'ame des
femmes eft différente felon la diverfité de
leur humeur ; que l'ame des unes est tirée
d'un cheval , ou d'un renard , ou d'un finge
, 8 que celle des autres vient de la
terre & de la mer. Elien cite un vers qui
a rapport aux femmes qui aiment la parure.
On reconnoît difficilement Simonide
à ces traits qui font indignes de lui , &
affurément certe piece n'eft pas marquée
au coin qui caractérife communement fes
productions. Enfin il eft inconteſtable que
ces deux Poëmes n'appartiennent en aucune
maniere au Simonide dont on écrit
la vie; puifque les Anciens ne nous appren
nent point qu'il fe foit jamais exercé dans
ce genre de poéfie . Il les faut reftituer à
un autre Simonide qui a précédé le nôtre
92 MERCURE DE FRANCE.
de plus de deux fiecles. C'est lui qui doit
en être regardé comme le véritable auteur.
Il ne feroit pas étonnant que l'identité de
nom eût fait confondre enfemble ces deux
Poëtes , qui font du refte très- différens l'un
de l'autre. C'est ce que l'on confirme par
une preuve que fournit le témoignage des
Anciens qui ont pris foin de les diftinguer,
l'un , par la qualité de Poëte Lyrique , &
l'autre , par celle de Poëte Iambique. Celui
qui eft renommé dans l'antiquité par la
compofition de fes ïambes , étoit né à
Minoa , ville de l'ifle Amorgos. Suidas le
dit fils d'un certain Crinée qui ne nous
eft pas autrement connu . Ses travaux poétiques
ont eu le même fort que ceux de
notre Simonide. Il n'en fubfifte plus que
des fragmens qui confiftent uniquement
en ces deux poëmes dont nous venons de
parler , & en quelques vers détachés qui
nous ont été confervés par Athénée , Galien
, Clément d'Alexandrie & Stobée .
On recherche le temps où il vivoit ; &
comme une date que produit Suidas , conconcourt
à le déterminer par celle de la
ruine de Troye , l'Auteur piend de-là occafion
d'entrer dans un examen chronologique
des différentes Epoques que les Anciens
affignent à la prife de cette Ville.
Nous nous bornerons à en expofer ici le
DECEMBRE . 1755 . +3
"
"3
réſultat qu'il en donne lui - même dans fa
préface. Quelque foit le calcul auquel on
veuille s'attacher , « il eft conftant , (dit-il)
» que celui du LexicographeGrec eft fautif,
» à moins qu'on ne fubftitue dans fon
» texteune lettre numérale à l'autre , ainfi
que Voffius l'a parfaitement obfervé. Il
»y a d'autant plus d'apparence qu'il aura
fouffert en cela de l'inadvertance des
Copiftes qui font fujets à commettre de
» femblables mépriſes ; que la validité de
» la leçon qu'on propofe fe peut inférer
» d'un paffage formel qui fe tire de Tatien.
C'eft par-là feulement qu'on vient à bout
» de fauver la contradiction fenfible qui
» naîtroit de fon témoignage , & de celui
» de quelques - uns des Anciens , qui font
» ce Simonide contemporain d'Archiloque
, & par conféquent le renvoyent
» bien en- deça du fiecle où il le place.
» Comme il s'accorde à dire qu'Archilo-
» que fleuriffoit fous Gygès Roi de Lydie,
» dans la perfonne duquel commence la
» Dynaſtie des Mermnades , il s'enfuit de-
>> là que le temps du Simonide en queftion
»fe trouve étroitement lié à celui du regne
» de ce Prince & de fes fucceffeurs. C'eſt
pourquoi il réfulte des moyens que j'ai
employés pour fixer l'un par l'autre , une
» difcuffion qui m'a paru propre à répan-
"
39
94 MERCURE DE FRANCE.
» dre une nouvelle clarté fur la Chronolo-
» gie des Rois de Lydie ». Nous ajouterons
que la matiere eft affez importante
par elle-même pour fixer la curiofité des
Sçavans que leur propre expérience a mis
en état de fe convaincre de l'obſcurité qui
regne fur cette partie de l'Hiftoire ancienne.
La maniere avantageufe dont on nous
parle du Simonide fameux par fes productions
Lyriques , ne permet pas d'hésiter à
le placer au rang des meilleuts Poëtes de
l'Antiquité ce qu'on ne fçauroit dire
également de celui qui a écrit des vers
iambes. Il eft certain qu'il n'a pas joui de
la même célébrité , & que notre Simonide
l'emporte à tous égards fur l'autre. D'ailleurs
fon talent s'étendoit plus loin qu'à
faire des vers. C'est ce qu'on a été à portée
de voir plus d'une fois dans le cours
de cet Extrait. Cela paroît encore par l'invention
des quatre Lettres Grecques ( ou
,, » & , qui lui eft communément
attribuée. Il faut pourtant avouer qu'elle
lui eft conteſtée par quelques- uns qui en
font honneur à Epicharme né en Sicile .
Tzetzes balance même auquel des deux il
doit la rapporter , ou à notre Simonide ,
ou à Simonide le Samien qu'il dit être fils
d'un certain Amorgus. Il n'eft pas douteux
que ce dernier ne foit le même que
DECEMBRE. 1755.
95
le Poëte iambique de ce nom , à qui quelques
anciens Ecrivains donnent Samos
pour patrie , quoique le plus grand nombre
le faffe naître à Amorgos . Il n'eft pas
difficile de s'appercevoir de la méprife
grolliere de Tzetzes , qui transforme le
nom du lieu de la naiffance de ce Simonide
, en celui du pere de ce Poëte. On
n'infifte point fur cesLettres qui auroient
pu fournir le fujet d'une difcuffion , fi
Scaliger , Saumaife , Samuel Petit , Voffius
, Bochart , Ezéchiel Spanheim , Etienne
Morin , & le P. Montfaucon , n'avoient
déja épuifé tout ce que l'on peut produire
fur l'origine de l'Alphabeth Grec. On a
cru qu'il étoit plus à propos de renvoyer
à ces doctes Critiques , en citant au bas
de la page les endroits de leurs ouvrages ,
où ils ont traité cette matiere , que de redire
en gros des chofes qu'ils ont fi bien approfondies
en détail . Notre Simonide paffe
encore pour avoir ajouté une huitième
corde à la Lyre dont il fe propofa par- là
de perfectionner l'ufage , comme nous
l'apprenons expreffément de Pline . On
trouve parmi les fragmens de fes Poéfies
quelques vers qui ont été allégués par Platon
, Lucien , Athenée , Clément d'Alexandrie
, & Théodoret. Ils valent bien
la peine d'être cités pour leur fingularité.
96 MERCURE DE FRANCE.
Leur objet eft de définir quels font les biens
préférables de la vie. Voici ce qu'ils renferment.
« De tous les biens dont les hommes
peuvent jouir , le premier eft la fan-
»té , le fecond la beauté , le troiſieme les
richeffes amaffées fans fraude , & le
quatrieme la jeuneſſe qu'on paffe avec
» fes amis ».
22.
De tous les ouvrages que Simonide
avoit compofés , il n'y en a point afſurément
qui l'ait plus illuftré , & lui ait attiré
plus de louanges des Anciens , que ceux
qui portoient le titre de Threnes ou de
Lamentations. Ce font elles que Catulle
défigne par cette expreffion , mæftius lacrymis
Simonideis. Horace les a également en
vue , lorfqu'il dit pour repréfenter des
Mufes plaintives , Cea retractes munera
Nama. Son talent principal étoit d'émouvoir
la pitié ; & l'on peut affurer qu'il excelloit
dans le genre pathétique. Au moins
c'est l'aveu que fait Denys d'Halicarnaffe ,
qui le préfere à tous les Poëtes qui avoient
travaillé dans la même partie , après l'avoir
d'ailleurs regardé comme un modele
dans le choix des mots. La leçon de cet
endroit du Traité de l'Auteur Grec dont
on cite les paroles , eft d'autant plus défectueufe
, qu'elle forme un fens tout contraire
à celui que cet ancien Critique veut
exprimer.
DECEMBRE. 1755. 97
exprimer. Cela paroît avoir été occafionné
par la tranfpofition de deux mots qu'il s'agit
de remettre à la place qui leur eft propre
, pour réduire l'énoncé de la phraſe
grecque à un fens naturel & raifonnable.
C'est ce que l'Hiftorien a entrepris dans
une note dont le but est de rectifier ce paffage
qui a été étrangement altéré par l'inadvertence
des Copiftes. Le jugement que
Quintilien porte de Simonide confirme
celui de Denys d'Halicarnaffe , qui rapporte
un morceau d'une de ces Lamentations
de notre Poëte. Danaë déplorant fes malheurs
en faifoit le fujer . On fçait que fuivant
la fable , cette Princeffe infortunée
fut enfermée par l'ordre d'Acrifius fon
pere , dans un coffre d'airain avec l'enfant
qu'elle avoit mis au jour pour être jettée
dans la mer. Simonide fuppofe que dans
le temps qu'elle erroit au gré des vents &
des flots , elle parla en ces termes à Perfée.
" O mon fils , de combien de maux tà
» mere eft accablée . Tu te mets peu en
peine du fifflement des vents , & de l'im-
» pétuofité des vagues qui roulent fur ta
» tête : Ah ! fi tu pouvois connoître la
grandeur du péril qui nous menace , tu
prêterois fans doute l'oreille à mes dif-
» cours. Mais non . Dors, cher enfant , dors ,
je l'ordonne. Ainfi que lui, puiffiez- vous
"
"
11. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
éprouver le même calme , flots d'une
» mer agitée , & vous auffi mes maux dont
la mefure ne fçauroit être comblée » .
C'eft relativement à ce don d'attendrir
que Grotius a cru pouvoir lui comparer le
Prophéte Jéremie. Ces fortes de paralleles
qu'on établit entre des Ecrivains Sacrés
& des Auteurs Profanes , femblent avoir
d'abord quelque chofe de choquant : mais
pour peu qu'on veuille faire un moment
abstraction du caractere de prophéte qui
appartient à ce dernier , & qui par conféquent
le met hors de toute comparaifon
avec un Poëte Payen , il ne fera plus queftion
que de les envisager l'un & l'autre du
côté du mérite perfonnel . On ne pourra
s'empêcher pour lors de convenit que le
parallele ne foit jufte . En effet , on ne doit
pas ignorer que Jéremie ait réuni toutes
les qualités effentielles à la poéfie dans fes
Lamentations , qui offrent le tableau le plus
touchant de la défolation & de la ruine
de Jérutalem .
Simonide ne réuffiffoit pas moins dans
la peinture des images ; c'eft le témoignage
que lui rend Longin , ce célebre Critique
de l'antiquité , dont la déciſion eſt
d'un fi grand poids en pareil cas . Aucun
Poëte n'avoit , felon ce Rhéteur , décrit
plus vivement l'apparition d'Achille fur
DECEMBRE. 1755. 99
fon tombeau , dans le tems que les Grecs
fe préparoient à partir . Nous finirons par
dire que la douceur qui regnoit dans fes
vers ,l'avoit fait furnommer Melicerie , &
cependant il avoit employé en écrivant le-
Dialecte Dorique , qui paroît être le moins
fufceptible de cette douceur qui caractérifoit
fes Poéfies.
On a renvoyé à la fin de cette Hiſtoire
deux Remarques qui valent deux Differtations
: Quoiqu'elles ne femblent avoir
qu'une liaifon fort indirecte avec fon
plan , elles ne laiffent pas de fervir d'éclairciffement
à deux endroits de fon texte .
L'une eft deftinée à examiner fi le nom de
Jao cité dans un paffage de Porphyre que
l'on rapporte , eft le même que celui de
Jehovah ufité particuliérement chez les
Juifs pour défigner Dieu : A cet égard la
chofe eft hors de conteftation. Il s'agit
feulement de fçavoir laquelle de ces deux
différentes prononciations attachées à un
même nom , doit être réputée pour l'anciemne
, & par conféquent pour la véritable.
C'est une matiere qui a déja exercé
d'habiles Critiques , tels que Genebrard ,
Fuller , Louis Cappel , Drufius , Sixtinus
'Amama , Buxtorfe le fils , Gataker & Leufden.
Cette queftion entraîne néceffairement
dans une difcuffion grammaticale ,
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
qui n'est à portée d'être bien entendue que
des perfonnes qui ont acquis quelque intelligence
de l'Hébreu . On a mis en un,
caractere lifible pour tout le monde les
paffages qu'on a été obligé de produire
dans cette Langue , & cela pour des motifs
que l'Auteur a eu foin d'expliquer dans
fa préface. Les Sçavans fe partagent fur
çet article. Les uns, comme Cappel, Walton
& M. Le Clerc fe déclarent pour la
prononciation de Jao ou Jauoh , & rejertent
celle de Jehovah , qu'ils difent n'avoir
prévalu que depuis la ponctuation de
la Maffore , d'après laquelle Galatin Ecriyain
du feizieme fiecle , a le premier introduit
parmi nous cette Leçon du nom de
Dieu , qui eft actuellement la feule accréditée
. Ils penfent être d'autant plus difpenfés
d'acquiefcer à l'autorité de la Maffore
, qu'ils la combattent par des raifons
que leur fournit la nouveauté de fon invention
, qui , felon la plupart d'entr'eux ,
ne remonte pas au - delà du fixieme fiecle ,
& dont quelques - uns reculent l'époque
jufqu'au onzieme. Il y en a d'autres au
contraire qui demeurent attachés à la Lede
Jehovah dont ils foutiennent la validité
, parce qu'elle leur paroît beaucoup
mieux conferver l'analogie de l'Hébreu ;
ils s'efforcent de la défendre contre toutes
çon
DECEMBRE. 1755. ioi
les objections qui peuvent avoir lieu , &
ils ne balancent pas à croire que les Grecs
à qui les Phéniciens avoient tranfmis ce
nom , ne l'ayent ainfi altéré par une maniere
défectueuse de le prononcer. Il faut
avouer qu'ils font valoir des argumens (pécieux
pour fortifier leur opinion : cependant
, comme ce n'eft point ici un fujer
qui foit capable de recevoir ce dégré de
certitude que communiquent des preuves
qui mettent l'état des chofes dans la derniere
évidence , on ne doit s'attendre qu'à de
fimples conjectures qui ont de part & d'autre
une égale probabilité : ainfi le parti le
plus fage eft de ne point décider affirmati
vement dans de pareilles matieres. En effet,
comment vouloir déterminer pofitivement
l'ancienne prononciation de ce nom , s'il
eft conftant par le témoignage de Philon
& de Jofephe , qu'elle avoit été interdite
aux Juifs avant que J. C. vînt au monde
. Le premier la reftreint aux bornes du
Sanctuaire , où les Prêtres , fpécialement
le fouverain Sacrificateur , avoient le privilege
exclufif de le prononcer tous les ans
le jour que fe célébroit la fête des Expiations
. Ce nom n'étant donc point d'ufage
hors du Sanctuaire , où la maniere de le
proférer fe maintenoit par tradition , &
la permiffion de le prononcer étant une
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
des prérogatives affectées à la Sacrificature
, elle n'a pas dû fubfifter plus long-tems
que le Temple , & la tradition de ce nom
s'eft affurément perdue à travers tant de
fiecles qui fe font écoulés depuis la ruine
de Jérufalem. Peut on après cela fe flatter
d'en fixer aujourd'hui la prononciation.Les
Docteurs Juifs poftérieurs à cet événement
ont encore encheri fur la vénération que
leurs ancêtres avoient pour ce nom de
Dieu , & fur l'idée qu'ils fe formoient de
fa fainteté qui le rendoit ineffable à leur
égard. Ceux qui font venus après , felon
leur louable coutume d'outrer les fentimens
de leurs peres , ont pouffé les chofes
fi loin que cette vénération eft dégénérée
en une fuperftition exceffive qui fe
perpétue chez cette nation . Des Rabbins
ont étrangement raffiné fur les propriétés de
ce nom , & fur l'analogie grammaticale de
trois de fes lettres , qu'ils difent réunir les
trois différentes manieres d'exifter qui
n'appartiennent qu'à Dieu . Quiconque
ofoit violer cette défenfe de proférer le
nom Jehovah étoit puni de mort , s'il falloit
croire tout ce qu'ils nous débitent
hardiment à ce fujer. Ils ont fait plus , ils
l'ont érigée en article de foi , & menacent
les infracteurs de l'exclufion de la
vie éternelle . Toutes les fois que le Texte
DECEMBRE. 1755. 103
,
Hébreu porte la Leçon de Jehovah , ils lui
fubftituent le nom Adonaï , & tantôt celui
d'Elohim , lorfqu'il arrive que le Jehovah
eft précédé d'Adonai , & alors ces deux
noms fe trouvent joints enſemble . Il leur
eft auffi ordinaire d'ufer de mots compofés
pour caracterifer ce nom ineffable
comme ceux de Schem Hammiouchad , ou
de Schem Hamphorafch , le nom propre de
Dieu , & de Schern Schel arba othioth , le
nom formé de quatre lettres. Quand on les
preffe de dire fur quoi ils fondent cette
interdiction , ils alléguent en leur faveur
des paffages de l'Exode & du Lévitique
dont ils détournent ou changent le fens
pour la pouvoir autorifer. Les paroles de
l'Ecriture qu'ils nous oppofent , ne fignifient
pourtant rien moins que ce qu'ils
veulent leur faire fignifier. Il n'en a pas
fallu davantage pour les expofer au reproche
de falfification , qui leur a été intenté
par
Galatin . On entre relativement à cet
objet dans quelques détails hiftoriques ,
qui pourront compenfer ce qu'il y a de
fec dans un travail de cette nature.
On obferve que ce nom de Dieu n'a pas
été inconnu dans les premiers tems . aux
nations étrangeres , & furtout à celles qui
étoient voifines de la Judée . C'est ce qui
paroît confirmé par plufieurs exemples que
trop
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
par
Selden & M. Ferrand ont apportés , & qui
mettent ce fait hors de doute. Le Critique
Anglois & M. Huet foupçonnent même
que Pythagore pourroit avoir tiré l'idée
des propriétés mystérieuses de fa Quaternité
de celles que renferment les quatre
lettres qui conftituent le nom Jehovah. On
n'ignore pas que les Sectateurs du Philofophe
Grec , quand il s'agiffoit de fe lier
un ferment inviolable , juroient par cette
Quaternité à laquelle ils attribuoient toutes
les perfections , & qu'ils nommoient la
fource de vie , & le fondement de l'éternité,
Ils ne vouloient exprimer autre choſe parlà
que Dieu lui- même appellé par Pyihagore
le nombre des nombres . Ce Philofophe
paffe pour avoir emprunté des Juifs
plufieurs Dogmes " importans qu'il s'étoit
appropriés. C'est une circonftance dont la
vérité eft atteftée par Hermippus Hiftorien
Grec qui Heuriffoit du tems de Prolemée
Evergere, & par le Juif Ariftobule qui
vivoit à la Cour de Ptolemée Philometor,
Jofephe témoigne expreffément qu'il affecta
de fe montrer en bien des chofes zelé
imitateur des rites de fa nation . S. Ambroife
le fait même Juif d'origine : mais
on ne fçait où ce Pere de l'Eglife peut
avoir puifé cette particularité qui eft deftituée
de fondement . On reprend Lactan-
L
DECEMBRE . 1755. 105
ce d'avoir nié mal - à - propos que Pythagore
ait jamais eu aucun commerce avec les
Juifs , fans donner des raifons folides de
ce qu'il avançoit. On infifte particuliérement
fur fon voyage à Babylone , où il
s'offrit affez d'occafions qui mirent ce Phifofophe
à portée de s'entretenir avec plufieurs
d'entre ce peuple , dont une partie
y réfidoit encore pendant le féjour de Pythagore
en cette ville. Il y conféra fréquemment
avec les Mages dont il fçur fi
bien gagner l'amitié , qu'ils lui firent part
de leurs connoiffances , & l'initierent dans
leurs mysteres. Porphyre rapporte qu'il y
devint difciple d'un certain Zabratus ,
duquel il apprit tout ce qui concerne la
nature & les principes de l'univers . Il y a
eu dès les premiers tems du Chriftianif
me des Ecrivains qui fe font imaginés que
ce Zabratus ou Zaratus , & que Clement
d'Alexandrie appelle Nazaratus , étoit
le même que le Prophète Ezechiel , comme
le certifie ce Pere Grec qui écrivoit fur
la fin du fecond fiecle , & qui rejette
d'ailleurs l'opinion de ces gens là : néanmoins
Ménaffeh Ben - Ifraël , & quelques
autres , n'ont pas laiffé d'avoir une feniblable
penſée . Ce qu'il y a de plus éton -
nant , c'eft qu'un auffi habile homme que
l'étoit Selden , ait pu pencher vers ce fen-
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
timent d'autant plus infoutenable , qu'il
eft incompatible avec l'exacte chronologie.
C'eft ce qu'il n'a pas été fort difficile
de prouver. MM. Hyde & Prideaux ont entendu
par ce Zabratus le fameux Zoroaf
tre. Ils fe font fondés fur un paffage
d'Apulée qui veut que Pythagore ait été
difciple de ce Législateur des Mages ; ce
qui eft pourtant fujet à un grand nombre
de difficultés , comme de célebres Modernes
l'ont fuffifamment démontré . On
pourroit peut-être les lever , en fuppofant
deux perfonnages de ce nom qui auront
fleuri à différens tems l'un de l'autre , &
dont le premier aura été le fondateur de
la Secte des Mages, & le fecond le réformateur
de leur religion ; fuppofition que l'on
peut d'un côté appuyer fur le témoignage
des Hiftoriens Orientaux , qui font vivre
un Zoroastre fous le regne de Darius fils
d'Hyftafpe , & de l'autre fur le récit d'Agathias
qui avoue que de fon tems ( c'eſtà-
dire dans le fixieme fiecle ) les Perfans
étoient dans cette perfuafion . Au refte , ce
n'est là qu'une conjecture, qu'on fe contente
d'infinuer , & l'on laiffe à chacun
la liberté de penfer à cet égard ce qu'il
voudra. Quant à l'autre Differtation , elle
traite des moyens qu'il y a de concilier les
différences qui fe rencontrent entre les AnDECEMBRE.
1755. 107
ciens au fujet des dates qui tendent à
fixer , foit le commencement
ou la durée
du regne de divers Princes. Les regnes de
Prolemée Soter , de Seleucus Nicator , &
de l'Empereur Julien fourniffent les exemples
que l'on produit . On leur a joint encore
celui du regne de Dagobert I , fur la
date duquel les Hiftoriens varient , afin de
rendre la vérité de cette remarque plus
fenfible aux perfonnes qui fe font rendues
l'Hiftoire de France plus familiere que
l'Hiftoire Ancienne . Ces exemples réunis
fous un même point de vue , concourent
à confirmer tout ce qui a été dit
touchant la maniere d'accorder les différentes
Epoques d'où l'on a compté les années
de la fouveraineté deGelon à Syracufe.
L'ouvrage eft terminé par le Projet d'une
Hiftoire des Juifs à laquelle travaille l'Auteur
, & qu'il a annoncée dans fa préface.
Elle comprendra
l'expofition de toutes
les révolutions
qui font arrivées à ce peuple
dans l'Orient depuis la ruine de Jérufalem
jufqu'au douzieme fiecle , où l'établiffement
qu'il s'y étoit fait , fût entièrement
ruiné. Comme l'Auteur s'eft livré
aux Etudes Théologiques
qu'il a pris à tâche
de fortifier par l'intelligence
des Langues
Sçavantes, les recherches où elles l'ont
néceffairement
engagé , l'ont mis en état
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
d'affembler les matériaux qui ferviront à la
compofition de cet ouvrage, On le deftine
à éclaircir les points les plus embarraffés
de l'Histoire Judaïque , & à difcuter
quelques - uns des Rites & des Dogmes de
cette nation , furtout lorsqu'ils lui font
communs avec les Chretiens. On y parlera
auffi des cérémonies , & en général des
affaires de difcipline que l'Eglife peut avoir
empruntées de la Synagogue. Elles ont
routes deux , par rapport à leur Hiſtoire. ,
une influence d'autant plus réciproque que
l'une eft fortie de l'autre , & par conféquent
on ne fçauroit approfondir l'Hiftoire
de l'Eglife , qu'on ne foit en mêmetems
obligé d'approfondir celle des Juifs ,
qui lui eft intimément unie. On fe flatte
qu'on ne fera pas fâché de voir inferé ici
en entier ce Projet , qui fert à donner une
idée de la grandeur de l'entreprife , du
but
que l'on s'y propofe , & de la méthode
à laquelle on doit s'attacher dans l'exécution
: mais la longueur que comporte
déja cet extrait , eft une raifon plus que
fuffifante pour renvoyer la chofe au mois
prochain . Si l'on fe récrie fur l'étendue de
cette analyfe , qui paffe de beaucoup les
bornes dans lesquelles nous avons coutume
de refferrer nos extraits , nous répon
drons que comme cette hiftoire de SimoDECEMBRE.
1755 109
nide eft remplie d'un grand nombre de difcuffions,
qui , quoiqu'effentielles aux vues
dans lesquelles on l'a compofée, font pourtant
de nature à rebuter bien des Lecteurs
pour qui elles ont quelque chofe de trop
épineux , on a profité de la voie de ce
Journal pour mettre tout le monde à portée
de connoître les faits dont le récit entre
dans le plan de l'Hiftoire . Pour cet
effet , on a retracé ici dans le même ordre
qui a été obfervé dans fa marche les différens
traits de la vie de ce Poëre , avec les
événemens de fon tems qui y font liés , &
l'on n'a fait qu'indiquer fimplement les
détails chronologiques qui en conftituent
le fonds : Ainfi cette analyfe doit être confiderée
moins comme un extrait que comme
un abregé de l'Ouvrage.
Delaguene , Libraire - Imprimeur de
l'Académie Royale de Chirurgie , rue faint
Jacques , à l'Olivier d'or , diftribue un
Mémoire auffi nouveau par fon objet que
par fa publication . Il eft intitulé Témoi
gnage public rendu à M. Dibon , Chirurgien
ordinaire du Roi dans la Compagnie des
Cent Suiffes de la Garde du Corps de Sa
Majefte ; par Pierre Dedyn d'Anvers . On
ya joint les preuves de la Cure avec quel
ques Réflexions concernant M. de Torrès
110 MERCURE DE FRANCE.
par qui le Malade avoit été manqué. L'Avertiffement
qu'on a mis à la tête de ce
Mémoire , nous en fournira la notice.
« Cet écrit , dit - on , eft l'ouvrage d'un
» Malade jugé incurable par de célebres
» Praticiens, & qui , contre toute efpéran-
» ce , a été guéri radicalement par le re-
» mede de M. Dibon . C'eft une espece de
و د
.30
confeffion publique dictée par la recon-
>> noiffance ; une defcription vraie & naïve
» de la maladie de l'Auteur , & des mal-
» heureuſes épreuves par lefquelles il a
» paffé jufqu'à fa parfaite guérifon . On a
» cru devoir conferver fon langage & fon
ortographe , moitié Wallon , & moitié
François ils pourront amufer quelques
" Lecteurs. Mais on a traduit toute la
» piece pour
la faire entendre des autres ,
» & on a mis la verfion à côté du texte ,
» pour n'y pas laiffer foupçonner la plus
légere altération. Ce Mémoire eft fuivi
» des Certificats de Meffieurs Goulard Mé-
» decin ordinaire du Roi , Le Dran , Henriques
, Morand , & Hebrard , Maîtres
» en Chirurgie ».
""
On trouve chez le même Libraire un
autre écrit qui a pour titre : Lettre à M. de
Torrès ,fervant de réponse , &c. Cette Lettre
contient un témoignage pareil à celui
de Pierre Dedyn , & publié par un BourDECEMBRE
, 1755 .
geois de Paris dont le nom & la demeure
y font défignés. Nous ne prononçons rien
là- deffus. Comme fimples Hiftoriens nous
en laiffons le jugement aux Maîtres de
l'Art.
CATALOGUE DES ESTAMPES &
livres nouveaux d'Italie , la plupart de
Rome , qui fe trouvent chez N. Tilliard ,
quai des Auguftins. 1755.
CATALOGUE DE LIVRES DE PIETE ,
de morale & d'éducation ; livres d'hiftoire
, de belles lettres , fciences & arts ; livres
de droit & de finances , livres amufans
& de théatres , qui fe vendent à Paris
, chez Prault pere , quai de Gèvres ,
1755.
L'ENFANT GRAMMAIRIEN , ouvrage
qui contient des principes de grammaire
génerale , mis à la portée des enfans.
Une Grammaire latine , & une Méthode
françoife- latine , ou maniere de traduire
le françois en latin . A Blois , chez Pierre-
Paul Charles ; & fe vend à Paris , chez la
veuve Robinot , quai des grands Auguftins.
<
FRAGMENS CHOISIS d'éloquence , efpece
de Rhétorique moins en préceptes qu'en
112 MERCURE DE FRANCE.
exemples , également utile aux Gens de
lettres , & à tous ceux qui veulent fe former
à l'éloquence de la chaire , par M. de
Gerard de Benat , 2 vol . A Avignon , chez
Jofeph Payen , Imprimeur Libraire , place
S. Didier. A Marſeille , chez Jean Moffy ,
à la Combriere : & à Paris , chez Defaint
& Saillant , rue S. Jean de Beauvais.
Nous croyons que cette maniere d'écrire
fur l'éloquence , eft une des plus utiles.
Les exemples frappent bien plus , &
en conféquence perfuadent mieux que les
préceptes. Ceux ci ne peuvent même être
bien développés & bien fentis que par le
fecours des premiers. L'Auteur nous paroît
montrer du goût dans le choix , &
nous penfons que fon travail mérite des
louanges.
RAISON ou idée de la Poéfie Grecque ,
Latine & Italienne , ouvrage traduit de
l'Italien de Gravina , par M. Reguier. 2 vol .
petit in- 12 , à Paris , chez Lottin , rue S. Jacques
, au Coq ; & chez J. B. Defpilly , rue
S. Jacques , à la vieille Pofte.
De l'Extrait de l'Hiftoire de Simonide ;
& dufiecle où il a vécu , &c .
Ous avons rendu de la
Nmierepartie de cet Ouvrage dans les
Nouvelles du mois d'Octobre. Nous nous
engageâmes alors à donner l'Extrait de la
feconde pour le mois fuivant ; mais des raifons
particulieres nous ont mis dans le cas
de différer plus longtems que nous ne penfions
à remplir notre engagement. Quoiqu'il
en foit , nous y fatisfaifons aujourd'hui
; & nous allons parler de ce que contient
cette feconde partie , qui commence
par un expofé de la conduite que tint
Gelon après avoir triomphé des Carthaginois.
Pour peu que l'on veuille fe fouvenir
du titre de cette hiftoire , & de fon
objet , l'on ceffera d'être furpris de voir
difparoître Simonide pour quelque temps
de deffus la fcene . Il faut d'abord fçavoir
que les Carthaginois étoient entrés en con
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
fédération avec Xerxès qui les avoit attirés
dans fon parti , & étoit convenu avec eux
que tandis qu'il envahiroit la Grece , ils
feroient une irruption en Sicile & en Italie,
pour empêcher ceux qui habitoient ces
contrées de venir au fecours les uns des autres
. Ils choifirent pour Général Hamilcar
qui ayant affemblé une armée de trois cens
mille hommes , & équipé des vaiffeaux à
proportion pour le tranfport de fes troupes
, fit voile vers la Sicile . Il vint débarquer
à Panorme , un des Ports de cette Ifle,
& mit le fiege devant Himéré , ville maritime
du voisinage. Mais les chofes tournerent
au défavantage des Carthaginois
que défirent ceux de cette Ifle fous la conduite
de Gelon qui commandoit l'armée
qu'ils avoient levée à la nouvelle de cette
invafion fubite. Un gros de fa cavalerie
brûla la flotte d'Hamilcar qui fut tué dans
la mêlée ; cent cinquante mille hommes
demeurerent fur le champ de bataille : le
refte fut fait prifonnier & vendu comme
efclave . Une infcription en vers que l'opinion
commune attribue à Simonide , apprend
que Gelon fut aidé dans cette conjoncture
par fes trois freres , Hieron , Polyzele
& Thrafibule , qui contribuerent
par leur courage au fuccès de fes armes.
Le bruit de cette défaite répandit l'allarme
DECEMBRE. 1755. 61 .
dans Carthage , & il ne fut malheureuſement
que trop confirmé par le petit nombre
de ceux qui avoient eu le bonheur de
fe fauver dans un efquif. Il jetta la confternation
dans l'efprit de fes habitans qui
appréhendoient déja que Gelon ufant de fa
victoire , ne portât à fon tour la guerre jufque
dans leurs murs. Ils députerent auffitôt
des Amballadeurs à Syracufe pour im-.
plorer la clémence du vainqueur , & le
folliciter par les plus vives inftances à procurer
la paix. La modération qui étoit naturelle
à Gelon , lui fit écouter leurs propofitions.
Il n'abufa point de la malheureufe
circonftance qui réduifoit les Carthaginois
à la néceflité de paffer par toutes
les conditions qu'il lui auroit plu de leur
impofer. Celles qu'il exigea ne démentirent
point l'équité de fon caractere . Il y
- en eut une entr'autres qui témoigne qu'il
étoit auffi attentif à remplir les devoirs de
l'humanité que ceux de grand Capitaine ;
deux qualités qui le rendoient d'autant
plus eftimable , qu'elles ne fe trouvent
pas toujours réunies. Avant que de foufcrire
à aucun accommodement avec les
Carthaginois , il voulut que l'abolition
des facrifices humains qu'ils faifoient à
leur dieu Saturne , entrât dans la conclufion
du traité de paix qu'il s'agiffoit de
62 MERCURE DE FRANCE.
ratifier. Il ne pouvoit fans doute concevoir
fans horreur qu'ils lui facrifiaffent
jufqu'à leurs propres enfans ; & qu'ils
fiffent de cette barbare coutume une pratique
religieufe qui armoit leurs mains
contre ce qu'ils avoient de plus cher au
monde . Tout engagé qu'étoit Gelon dans
les erreurs groffieres du Paganifme , il lui
fuffifoit de faire ufage de fa raifon guidée
par les lumieres naturelles , pour fe convaincre
qu'un femblable culte étoit nonfeulement
injurieux & contraire à l'inſtitution
des Loix Divines , mais répugnoit
même à l'idée qu'il eft convenable de ſe
former de la Divinité . En effet , de l'invoquer
de cette façon , c'étoit la croire altérée
du fang humain , & qui plus eft du
fang innocent. C'étoit par conféquent faire
plutôt un monftre qu'un Dieu dont on
anéantiffoit par - là les attributs les plus
effentiels , tels que la fouveraine bonté &
la fouveraine juftice , en un mot toutes les
perfections morales , en vertu defquelles
il ne doit vouloir que ce qui eft abfolument
digne de lui. Il falloit affurément
pouffer l'extravagance auffi loin que la
cruauté , pour s'imaginer que la colere
divine ne fût capable d'être appaifée que
par ces fortes de facrifices qui eurent cours
à Carthage & dans plufieurs autres conDECEMBRE
1755. 63
trées. Il y avoit dans cette ville un Temple
élevé à Saturne , où étoit ſa ſtatue d'airain
, dont la défcription qu'en donnent
Diodore de Sicile & Eufebe , reffemble
beaucoup à celle que des Ecrivains Juifs.
font de la ftatue de Moloch , cette fameufe
idole dont l'Ecriture parle en divers endroits
. On fçait qu'elle étoit l'objet du
culte des Ammonites & de quelques nations
voifines : de- là vient que la plupart
des Critiques font perfuadés que Saturne
& Moloch n'étoient qu'une même Divinité
, qui avoit été adorée fous des dénominations
différentes. Les perfonnes curieufes
de vérifier cette remarque , peuvent
confulter ce qu'ont écrit à ce fujet , Selden ,
Beyer , Voffius , Goodwin , les PP . Kircher
& Calmet qui font ceux aufquels on
renvoie pour s'inftruire de ces chofes. Les
facrifices humains paffent communément
pour avoir pris naiffance chez les Phéniciens
, dont les Carthaginois étoient une
colonie . Il n'eft donc pas furprenant que
ces derniers ayent marqué autant d'attachement
qu'ils en avoient pour un ufage
qu'ils tenoient d'origine , & qui s'étoit
introduit chez plufieurs peuples qui l'avoient
reçu d'eux , ou immédiatement des
Phéniciens , comme on le prouve par le
rapport d'une foule d'écrivains que l'on cite
64 MERCURE DE FRANCE.
pour garantir la vérité de ce fait. Un paffage
de Porphyre dont on produit les paroles
fondées fur le témoignage de Sanchoniaton
, apprend quelles étoient les circonftances
où ceux- ci offroient à Saturne
des facrifices fanglans . La maniere dont la
chofe eft atteftée par Sanchoniaton , montre
affez que le culte qu'on rendoit à cette
fauffe divinité étoit très ancien. On infifte
particulierement fur cet Auteur Phénicien
que Porphyre fait contemporain de Sémiramis
Reine d'Affyrie , & dit avoir approché
du tems où vivoit Moyfe. Il avoit
compofé une histoire des antiquités de
fon pays , qu'il avoit dédiée à Abibal , Roi
de Beryte fa patrie , & que Philon de Byblos
avoit traduite en Grec fous l'empire
d'Adrien . Il n'en refte plus qu'un fragment
qui nous a été confervé par Eufebe. Comme
l'efpece de Synchroniſme que le récit
de Porphyre tend à établir , fe trouve liée à
deux Époques incompatibles l'une avec
l'autre , & qui feroient par cela même plus
propres à le détruire qu'à le conftater , on
pourroit croire que la cenfure de Scaliger ,
de Voffius & de Bochart , n'eft pas dépourvue
de fondement , lorfqu'ils le qualifient
d'erreur groffiere , qu'ils jugent à propos
d'imputer au peu d'exactitude de Porphyre
en matiere de chronologie. Ils auroient
DECEMBRE . 1755 65
fans doute raifon , fi l'on entendoit par
Sémiramis la fameufe Reine d'Affyrie de
ce nom , qui fut femme de Ninus , & qui
gouverna avec beaucoup d'habileté let
royaume dont fon mari avoit été le Fondateur
, & dont il l'avoit laiffée en poffeffion
par fa mort. En effet , le regne de cette
Sémiramis eft antérieur de plus de Soo ans
à la prife de Troye ; date qui eft affurément
fort éloignée de confirmer la proximité
de tems que Porphyre met entre
cette Reine & Moyfe de qui la mort ne
précede la ruine de cette ville que d'environ
d'eux fiecles & demi , felon la chrono-'
logie du Texte Hébreu. Il faut avouer que
fi les chofes étoient fur le pied que le pren
nent les Sçavans modernes que nous avons
cités , la faute feroit fenfible : mais le devoir
d'un Critique étant d'interpréter ce'
que dit un Auteur dans le fens le plus favorable
, on faifit l'occafion qui s'offre naturellement
de juftifier Porphyre du reproche
qu'il s'eft attiré de leur part. On fait
donc voir qu'il ne s'agit point ici de la
Sémiramis dont nous venons de parler ,
mais d'une autre Reine d'Affyrie , qui a
porté le même nom , & qui eft venue plufieurs
fiecles après la premiere . Elle eft auffi
connue fous celui d'Atoffe , & elle eut
pour pere Beloch II . Roi d'Affyrie , qui'
66 MERCURE DE FRANCE.
l'affocia à l'Empire dans la douzieme année
de fon regne , & avec qui elle régna
conjointement treize ans. Eufebe qui nous
apprend qu'elle fut également appellée Sémiramis
, ne nous inftruit pas de la caufe
qui lui mérita un pareil furnom. Il y a
apparence que des traits de reffemblance
qu'elle put avoir dans les actions de fa vie
avec la Sémiramis femme de Ninus , que
fes grandes qualités & fes vices ont rendue
fi célebre dans l'Hiftoire , fuffirent
pour le lui faire donner . L'identité d'un
nom qui a été commun à deux Reines , qui
ont eu les mêmes Etats fous leur dépendance
, les aura fait confondre enfemble ;
en attribuant à l'une ce qui appartient à
l'autre. C'eft ce qui avoit été déja très - bien
rémarqué par Photius , qui a repris un ancien
Ecrivain dont il a extrait l'Ouvrage
pour être tombé dans une femblable confufion
. On traite incidemment cette queftion
de chronologie , que l'on éclaircit
par un calcul qui fert à prouver que le rapport
de Porphyre ne péche en aucune façon
contre l'ordre exact des temps. Les facrifices
humains ne cefferent que pour un
temps à Carthage . Quoique leur abolition
fit une partie eflentielle du traité que Gelon
avoit conclu avec ceux de cette République
, il femble pourtant qu'elle n'eut
DECEMBRE. 1755. 67
lieu qu'autant que ce Prince vécut depuis
ce traité. Ils les renouvellerent après fa
mort , qui vraisemblablement leur parut
une raifon fuffifante pour rompre l'engagement
qu'ils avoient contracté. C'est ce
que prouve évidemment une circonstance ,
où étant réduits au défefpoir par Agatocle
Tyran de Syracufe , qui les avoit battus ,
ils facrifierent à leur dieu Saturne deux
cens d'entre les fils de leurs plus illuftres
concitoyens , afin de fe le rendre propice.
Tertullien nous apprend que cette abominable
coutume fe perpétua en Afrique , &
dura publiquement jufqu'au temps du Proconfulat
de Tibere qui fit mettre en croix
les Prêtres auteurs d'une femblable impiété.
Il eft à propos de remarquer qu'il ne
faut pas confondre ce Tibere Proconful
d'Afrique avec l'Empereur du même nom,
lequel fut fucceffeur d'Augufte . Celui dont
il eft question , eft poftérieur à ce Prince
d'environ un fiecle , & ne doit avoir vécu
que fous Adrien qui l'avoit revêtu de la
dignité Proconfulaire. Cette remarque eft
fortifiée par le témoignage de Porphyre
, de Lactance & d'Eufebe , qui rappor
tent la ceffation des facrifices humains au
temps d'Adrien , fous le regne duquel
ils furent abolis dans prefque tous les
lieux où ils étoient en ufage. Au cas qu'on
68 MERCURE DE FRANCE.
fouhaite des preuves plus directes de ce
que nous venons de dire à ce fujer , on n'a
qu'à confulter Saumaiſe ( 1 ) Henri de Valois
( 2 ) , & le P. Pagi ( 3) , qui ont fait
l'obfervation dont nous parlons , & qui
ont très- bien difcuté ce point de critique.
Si le traitement rigoureux dont on avoit
ufé en Afrique envers les Prêtres qui
avoient prêté leur ministère à de pareils
crimes , fervit d'abord à intimider les autres
, il ne put pourtant pas réprimer leur
penchant pour ces fortes de facrifices qui
fe continuerent fecrétement dans la fuite ;
& cela fe pratiquoit ainfi au commencement
du troifieme fiecle , comme le témoigne
Tertullien qui écrivoit vers ce tempsla
fon Apologétique . La victoire que ceux
de la Sicile avoient remportée fur les Carthaginois
, avoit été le fruit de l'habileté
de Gelon , & de fon expérience dans l'art
de la guerre. Auffi avoit- elle contribué à
redoubler l'affection que les Syracufains
avoit pour lui. Il avoit fçu la mériter par
fon humeur populaire , & furtout par la
fagelle avec laquelle il fe conduifoit dans
l'adminiftration des affaires de la Républi-
( 1 ) Cl. Salmafi. Not. in Spartian. ( 2 ) Henric.
Valefi. Annotation . in oration . Eufeb. de Laudib.
Conftantin. pag. 287. ( 3) Pag . Critic, in Annal.
Baron. fub ann. c. 11. n . 14. p . 12 .
DECEMBRE 1755 . 69
que , qui ne pouvoit tomber en de meilleures
mains que les fiennes. Ces motifs
réunis concoururent à affermir l'autorité
dont il jouiffoir longtems avant la défaite
de la flotte des Carthaginois, Le ſervice
important qu'il venoit de rendre à ſa patrie
, trouva dans les Syracufains un peuple
reconnoiffant qui confentit à le payer
du facrifice de fa liberté , en lui déférant
alors la royauté. Quoique le pouvoir de
Gelon fût déja très- abfolu , il lui manquoit
encore la qualité de Roi pour le confirmers
ce n'eft pas qu'il n'eût pu l'ufurper , à
l'exemple de bien d'autres , s'il avoit eu
deffein d'employer comme eux les voies
de la force & de la violence pour l'acquérir
: mais content de gouverner à Syracufe
fous le nom de Généraliffime ou de Préteur
, il ne fe mit pas fort en peine d'afpirer
à un titre qui auroit fans doute indifpofé
les efprits , & lui auroit attiré l'indignation
de fes concitoyens , s'il eût ofé
le prendre fans leur aveu , & qui d'ailleurs
n'eût pas augmenté davantage fa puiffance.
Les traits fous lefquels on nous le repréfente
dans le rang où il fe vit élevé ,
font l'éloge de fon caractere ; ce Prince ,
bien loin d'affecter la pompe qui en paroît
inféparable , & d'abufer du pouvoir attaché
à fa nouvelle dignité , fembloit ne l'a
70 MERCURE DE FRANCE.
•
voir acceptée que pour obliger fes concitoyens
, & céder à leurs inftances réitérées
qui ne purent le diſpenſer de fe foumettre
à leur volonté. C'eft pourquoi il difoit
que l'intention des Syracuſains, en lui mettant
la couronne fur la tête , avoit été de
l'engager par une faveur auffi marquée à
protéger la juftice & l'innocence. Le foin
de maintenir entr'eux la paix & l'union , &
de gagner le coeur de fes fujets par fes manieres
affables & pleines d'humanité , faifoit
fon unique occupation . C'eft ainfi que
fes vertus lui frayerent le chemin du trône,
dont perfonne ne s'étoit vu en poffeffion
depuis la mort d'Archias fondateur de
Syracufe. Ce dernier étoit né à Corinthe
& iffu de la race des Bacchiades , famille
diftinguée & puiffante dans cette ville. Une
aventure finguliere que l'on pourra voir
détaillée dans l'ouvrage , l'ayant contraint
d'abandonner les lieux de fa naiſſance , il
fe retira en Sicile , où s'étant établi avec une
colonie de fes compatriotes qui l'avoient
fuivi , il bâtit Syracufe. Après y avoir
regné plufieurs années , il fut tué par un
jeune homme pour qui il avoit eu une
tendreffe criminelle , & dont il avoit abufé
dans l'enfance : le temps où tombe la
fondation de cette ville , forme une Epoque
affez curieufe pour mériter qu'on s'arDECEMBRE.
1755. 71
rête à la déterminer conformément à la
fupputation qui réfulte d'une particularité
que fourniffent les Marbres. On touche
auffi un mot de la grandeur de Syracufe ,
qui comprenoit dans fon enceinte quatre
villes voifines l'une de l'autre , & dont
Archias n'en compofa qu'une feule. La
forme de fon gouvernement éprouva du
changement depuis la mort de celui qui en
avoit jetté les fondemens. Les Syracufains
abolirent l'Etat Monarchique pour lui fubftituer
le Démocratique qui fe maintint
fort longtems. Hippocrate Tyran de Gele,
tenta dans la fuite de leur ravir la liberté.
Après avoir réduit divers Peuples de la
Sicile fous fon obéiffance , il tourna fes armes
contre les Syracufains qu'il défit auprès
du fleuve Elore. Ceux ci n'auroient
point évité la fervitude qui les ménaçoit ,
s'ils n'avoient été fecourus des Corinthiens
& des Corcyréens qui prirent leur défenfe,
à condition qu'ils céderoient à Hippocrate
la ville de Camarine qui avoit été jufqueslà
fous leur dépendance. Dans le temps
qu'Hippocrate continuoit à faire la guerre,
il mourut devant la ville d'Hybla . Gelon ,
dont les ancêtres avoient depuis bien des
années leur établiſſement dans Gele , &
defcendu du Sacrificateur Telinès , ayant
reçu d'Hippocrate le commandement de la
72 MERCURE DE FRANCE.
cavalerie s'étoit fignalé par fon courage
dans toutes ces occafions. Les Gelois las de
fe voir opprimés par la tyrannie , refuſerent
de reconnoître pour leurs Souverains
Euclide & Cléandre , les deux fils qu'Hippocrate
avoit laiffés. Gelon , fous prétexte
de réprimer la révolte des Gelois , envahit
la domination , & en priva les enfans
d'Hippocrate , dès qu'il eut fait rentrer les
rebelles dans leur devoir. Gelon ramena
enfuite de Cafmene dans Syracufe quelques
uns de fes habitans nommés Gamores
, qui en avoient été chaffés. Les Syracufains
qui le virent approcher , livrerent
en fon pouvoir leur ville & leurs perfonnes.
On ne fçauroit dire s'ils crurent qu'il
leur feroit plus avantageux d'agir de la
forte que de s'expofer aux maux que les
fuites d'un fiege ont coutume d'occafionner.
Ce qu'il y a de vrai , c'eſt que Gelon
devint maître abfolu de cette ville fans
qu'il lui en coutât le moindre combat . Il
abandonna la principauté de Gele à fon
frere Hieron , & fe réferva celle de Syracufe
qu'il peupla de nouveaux habitans ,
& qu'il rendit plus que jamais floriffante.
Une réflexion très - naturelle porte l'Auteur
à conclure que la conduite de Gelon
en cette circonftance dément le caractere
qu'on lui attribue. Il y auroit fans doute
de
DECEMBRE 1755. 73
pour
de l'injuftice à le juger fur cette feule
action ; qui , quoiqu'elle ne foit pas à la
vérité fort honorable à fa mémoire , ne
doit pourtant point influer fur le refte de
fa vie : au moins c'eſt ce qu'on eft en droit
d'inférer du témoignage des Ecrivains de
l'antiquité qui ont parlé de lui . Il paroît
feulement par- là que Gelon , tout vertueux
qu'on nous le dépeint d'ailleurs , ne fut
pas toujours exempt de la paffion de dominer
, qui le fit ufer de perfidie envers
les héritiers légitimes , en les dépouillant
de l'autorité fouveraine , & l'engagea dans
des pratiques criminelles fatisfaire
fon ambition. Comme les Anciens qui ont
déterminé le tems de fon regne , varient
confidérablement entr'eux , lorfqu'il s'agit
d'en conftater la durée , qu'ils étendent
plus ou moins , felon la fupputation à
laquelle ils s'attachent , on infifte conféquemment
fur les contradictions apparentes
qui naiffent de la différence de leur calcul
, & afin d'être en état de les concilier
on recherche la caufe qui a produit ces
variétés. Il fuffit pour la découvrir de
comparer exactement leur rapport ,
dont
la diverfité vient de ce que le commencement
de la domination de Gelon pouvant
fe fixer à différentes dates , cela à donné
lieu à la différente maniere d'en compter
II.Vol. Ꭰ
7 MERCURE DE FRANCE.
les années. Les uns ont daté l'Epoque de
fon regne, dumoment qu'il fut maître dans
Syracufe dont les habitans s'étoient foumis
à lui ; parce qu'il y avoit un pouvoir
prefque aufli abfolu que celui qui eft affecté
à la Royauté . Les autres qui ont niarqué
les chofes avec plus de précifion , re
l'ont commencé que depuis qu'il fut proclané
Roi , titre que lui mériterent l'importance
de fes fervices & fon dévouement
au bien de la République. Nous ferions
trop longs , s'il nous falloit entrer dans
le détail de preuves qui fervent à établir
la vérité de cette remarque que nous ne
faifons qu'indiquer. C'eft pourquoi nous
aimons mieux renvoyer les Lecteurs curieux
d'approfondir les matieres de cette
nature à l'ouvrage même , où il leur fera
plus facile de prendre une idée jufte &
précife des calculs qui accompagnent cette
difcuffion chronologique. Gelon mourut
après avoir gouverné Syracufe fept
ans , avec la qualité de Roi. Il laiffa pour
fon fucceffeur Hieron , le plus âgé de fes
deux freres qui reftoient. Il ordonna en
mourant , à Damareté fa femme & fille de
Theron Tyran d'Agrigente , d'époufer
Polyzele qui fut pourvu du commandement
de l'armée , que l'on avoit fans doute
foin de tenir toujours prête à marcher
DECEMBRE. 1755- 75
en cas que le peuple de Syracufe fût inquieté
par fes voifins , ou attaqué par
des nations étrangeres. Hieron parvenu
à jouir de la Royauté , fe comporta bien
différemment de fon prédéceffeur. Il hérita
du rang de fon frere , mais non pas
de fes vertus . Il étoit avare , violent &
auffi éloigné de la probité de Gelon que
de fa candeur. Son humeur cruelle &
fanguinaire n'auroit pas manqué d'exciter
un foulevement général parmi les Syracufains
, fi le fouvenir des bienfaits de Gelon
, dont la mémoire leur étoit par conféquent
très -chere n'eût été un motif
capable de les retenir. Les foupçons & la
défiance , vices inféparables d'une conduite
tyrannique , l'armerent contre fes propres
fujets , dont il craignoit les complots,
Il s'imagina que pour mettre fa vie en fureté
, la force feroit une voie moins douteufe
que leur affection qu'il auroit fallu
captiver. Il leva pour cet effet des troupes
mercenaires , & compofa fa garde de
foldats étrangers. Comme il s'apperçut de
l'attachement des Syracufains pour Polyzele
qu'ils cheriffoient autant qu'ils le
haïffoient , ce fut affez pour lui faire foupçonner
fon frere d'afpirer à la Royauté , &
pour lui rendre toutes fes démarches fufpectes.
Il ne vit plus en lui qu'un rival
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
dangereux , qu'il étoit de fon intérêt de
perdre. Un événement parut favorable à
les deffeins . Il s'agiffoit de prendre la défenfe
des Sybarites qui avoient imploré
fon fecours contre les Crotoniates, par qui
ils étoient affiégés . Il faifit cette occafion
de fe défaire de fon frere qui étant chargé
du commandement de l'armée , reçut ordre
de lui de les aller fecourir.
Il avoit , felon toutes les apparences ,
travaillé aux moyens de le faire périr dans
le combat . Au moins c'eft ce que crut
Polyzele qui , pénétrant fes intentions , &
connoiffant d'ailleurs fa jaloufie , refuſa
d'obeir. Hieron irrité de fe voir fruftré
dans fes projets , éclata en menaces. Polyzele
n'auroit certainement pas tardé à
éprouver les effets de fon reffentiment ,
s'il n'avoit pris le parti de s'en garantir
en fe refugiant à la Cour de Theron dont
il avoit épousé la fille . Il n'en fallut pas
davantage pour brouiller ces deux Princes
, qui auparavant étoient amis . Hieron
reclama Polyzele comme un rebelle qu'il
vouloit punir , & fut indigné de ce que le
Roi d'Agrigente lui donnoit une retraite
dans fes Etats. D'un autre côté , la violence
que l'on faifoit à Polyzele , touchoit
trop Theron pour ne pas l'engager à foutenir
la cauſe de ſon gendre , & à le déDECEMBRE.
1755, 77
fendre des injuftes pourfuites de fon frere.
On fe difpofoit déja de part & d'autre à
la guerre , lorfque Hieron tomba dangereufement
malade . Ce qu'il y a de fingulier
, c'eft que cette maladie toute fâcheufe
qu'elle devoit être pour ce Prince , lui
fut pourtant néceffaire , puifqu'elle occafionna
un changement dans fa perfonne ,
auquel on n'avoit pas lieu de s'attendre.
Pour adoucir l'ennui que lui caufoit la
longueur de fa convalefcence , il invita
par fes largeffes les plus fameux Poëtes de
fon tems à fe rendre auprès de lui . Il efperoit
trouver dans leurs entretiens un remede
à fes chagrins domeftiques. On peut
croire que Simonide , de qui Pindare luimême
avoit appris les principes de fon
art , ne fut pas oublié dans le nombre de
ceux qu'Hieron attira à fa Cour. Il fut celui
qui fçut le mieux s'infinuer dans l'efprit
de ce Prince , & obtenir fa confiance.
Ce Prince eut l'obligation au commerce
qu'il lia avec les Sçavans qu'il avoit
fait venir , d'avoir poli fes moeurs & orné
fon efprit qui étoit naturellement capable
des plus grandes chofes , mais qu'une
application continuelle aux exercices militaires
ne lui avoit pas permis jufques là
de cultiver. Il profita beaucoup dans les
fréquentes converfations qu'il avoit avec
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
Simonide . Elles furent autant de leçons
qui lui infpirerent l'amour de la vertu , &
l'accoutumerent par dégrés à en remplir
les devoirs . Elles lui firent ouvrir les yeux
fur fes égaremens , & fentir toute l'injuftice
de la guerre qu'il alloit fe mettre fur
les bras . Les confeils de notre Poëte lui furent
d'une grande reffource pour tourner
les chofes vers la pacification . Voici de
quoi il eft queftion. Theron ayant donné
Thrafydée fon fils pour maître aux Himerens
, celui-ci rendit fa domination infupportable
par fon orgueil & par fes violences
, qui les contraignirent de fe foulever
contre lui . Ils n'oferent fe plaindre de fa
conduite à Theron , parce qu'ils craignirent
que l'oppreflion devînt encore plus
forte , en cas que le pere fe montrât juge
peu équitable dans la caufe de fon fils.
C'est pourquoi ils fe déterminerent à envoyer
des Députés à Hieron pour lui offrir
du fecours contre Theron , & lui déclarer
en même tems qu'ils fouhaitoient à l'avcnir
dépendre de lui . Cette conjoncture
fournir à Simonide les moyens de remettre
la paix entre les deux Princes , & de faire
l'office de médiateur. Ce fut par fes avis
que Hieron inftruifit le Roi d'Agrigente
du complot formé par les habitans d'Himere
, & l'avertit de prendre fes mesures
pour le faire avorter.
DECEMBRE. 1755. 79
La reconnoiffance de Theron fut égale
à la générosité du procedé d'Hieron , avec
qui il ne fongea plus qu'à fe réconcilier ,
& leurs démêlés mutuels furent dès- lors
pacifiés. Hieron , pour affermir davantage
cette union , époufa la foeur de ce Prince .
Il rendit fon amitié à Polyzele , & les deux
freres vécurent depuis en bonne intelligence.
« Hieron commença ( dit l'Auteur )
à facrifier fes intérêts au bien public. Il
38
ne s'occupa plus que du foin d'acquerir,
» à l'exemple de Gelon , par fes manieres
» affables & par fa clémence , le coeur &
» l'eftime de fes fujets . Ses libéralités qu'ils
» éprouverent dans la fuite , effacerent
» entierement de leur mémoire les traits
" d'avarice qu'ils avoient d'abord remar-
» qués en lui . Sa Cour devint l'afyle des
» fciences , par la protection qu'il accor-
» doit aux perfonnes qui les cultivoient
» avec fuccès. Il montroit plus d'ardeur à
» les prévenir par des récompenfes , que
» les autres n'en avoient à les obtenir.
و د
L'Auteur accompagne fon récit de cette
réflexion qui fe préfente naturellement .
» Comme il réjaillit autant de gloire fur
le Prince qui répand fes bienfaits , que
» fur le particulier qui les reçoit , com-
" bien de Souverains ne font un accueil
» favorable au mérite , peut - être moins
Div
80 MERCURE DE FRANCE .
"3
» pour l'honorer , que pour fatisfaire euxmêmes
leur vanité ! Si l'on compare cet-
» te derniere conduite d'Hieron avec celle
qu'il avoit tenue en premier lieu , on
» fera furpris d'un contrafte auffi frappant.
Il devoit du moins avoir un fond de
» vertu ; car les fciences toutes feules ne
produifent point de pareils changemens.
» Elles perfectionnent à la vérité un heu-
» reux naturel ; mais il eft rare qu'elles
» réforment un coeur vicieux . >>
ود
Nous avons déja infinué quelque chofe
de l'avarice de Simonide . On peut affurer
qu'il n'y a point d'endroit où elle parut
plus à découvert qu'à la Cour d'Hieron .
Elle s'eft caractérisée jufques dans les reparties
qu'on lui attribue . Nous allons citer
quelques - unes de celles que l'on a recueillies.
On apprend d'Ariftote que la
femme d'Hieron ayant demandé à ce Poëte
, lequel étoit le plus à défirer , d'être riche
on fçavant ? il répondit , qu'il préferoit les
richeſſes , puisqu'on ne voyoit tous les jours
à la porte de riches que des fçavans . Hieron
avoit donné ordre qu'on lui fournît
chaque jour les provifions néceffaires pour
le faire vivre dans l'abondance , & Simonide
pouffoit l'épargne jufqu'à en vendre
la principale partie. Lorfqu'on voulut fçavoir
pourquoi il fe comportoit de la forte.
DECEMBRE. 1755. 81
C'est ( reprit- il auffi - tôt ) pour montrer en
public la magnificence du Prince , & ma
grande frugalité. Cette réponſe paroit à
M. Bayle un pauvre fubterfuge , & l'on
ne peut nier que fa remarque ne foit jufte.
Mais c'eft affez l'ordinaire des Beaux-
Efprits de payer de traits ingénieux pour
excufer les défauts qui choquent en eux
& fur lefquels on les preffe de s'expliquer ,
quand ils n'ont point de bonnes raifons à
alléguer pour leur juftification. Toutes
les fois que l'avarice infatiable de ce Poëte
l'expofoit à des railleries & à des reproches
, il avoit fon excufe prête , en difant
, qu'il aimoit mieux enrichir fes ennemis
après fa mort , qu'avoir besoin de fes
amis pendant fa vie. Auffi n'étoit - il rien
moins que difpofé à écrire gratuitement :
c'eft ce qu'il fit fentir à un homme qui
l'avoit follicité à compofer des vers à fa
louange , en fe contentant de l'affurer qu'il
lui en auroit des obligations infinies. Une
pareille propofition fatisfit peu Simonide ,
qui lui répondit , qu'il avoit chez lui deux
caffettes , l'une pour les payemens qu'il exigeoit,
& l'autre pour les obligations qu'on pouvoit
lui avoir, que la premiere reftoit toujours
vuide , au lieu que celle- ci ne ceffoit jamais
d'être pleine. On conçoit aifément que fon
humeur intéreffée devoit rendre fa plume
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
fort venale . Ce qu'il y a de certain , c'est
qu'il a la réputation d'avoir été le premier
des Poëtes Grecs qui ayent mis les Mufes
à louage. On ne fçauroit difconvenir que
cette tache n'obfcurciffe la gloire qu'il s'eft
acquife par la beauté de fon génie. L'indigne
trafic qu'il faifoit de fes ouvrages
donna naiffance à un proverbe honteux à
fa mémoire . Il fuffifoit que des vers fuffent
vendus au plus offrant pour porter le nom
de vers de Simonide. Comme le mot grec
dont fe font fervis des Auteurs anciens ,
pour exprimer l'avarice de Simonide , reçoit
des acceptions différentes , felon l'ufage
auquel on l'applique , il a induit en
erreur Lilio Giraldi , qui à attaché à ce terme
une fignification contraire à fon analogie
, quelle que foit la racine d'où on
veuille le dériver , & dont , à plus forte
raifon , il ne peut être fufceptible dans
l'occafion où il fe trouve employé. C'eſt
ce qui eft fpécifié plus particuliérement
dans l'ouvrage auquel il faut recourir , fi
l'on fouhaite s'en inftruire. Nous ajouterons
encore à ce que nous venons de dire
de ce Poëte , une circonftance qui dévoile
entierement l'exceffive paffion qu'il avoit
de thefaurifer. Un Athlete vainqueur à la
courfe des Mules , ayant voulu l'engager
a célébrer la victoire , lui offroit une fomDECEMBRE.
1755 .
83
me trop modique
, Simonide
refufa de le
fatisfaire
fur fa demande
, fous prétexte
qu'il
à un homme
comme lui
conviendroit
peu
de louer des Mules . Mais l'autre ayant pre- pofé un prix raifonnable
, notre Poëte
confentit
à faire l'éloge de ces Mules, qu'il
qualifia de filles de chevaux
aux pieds légers, expreffion
emphatique
qui a été défapprouvée
avec juftice par des Critiques
. Nous ne croyons
pas devoir nous arrêter à une
autre repartie
à peu-près du même genre, qui lui eft attribuée
par Tzetzes
, Auteur
peu exact en fait de narration
hiftorique
, parce qu'elle porte fur une fuppofition
évidemment
fauffe qui rend fon récit fufpect
, pour ne rien dire de plus. Il faut
confulter
l'ouvrage
pour avoir une pleine
conviction
de ce que nous remarquons
à ce fujet. Simonide
poffeda jufqu'à la mort
les bonnes graces d'Hieron
, dans lefquelles
il étoit entré fort avant . Il ne fut point confideré
à la Cour comme
un homme
dont le talent confiftoit
uniquement
à faire
des vers , & à donner
quelques
leçons
de morale ; ce Prince le jugea capable
de l'aider de fes confeils
dans le gouverne- ment des affaires , & il eut lieu de s'en louer
dans plus d'une occafion
. Auffi s'ouvroitil
familiérement
à ce Poëte , dont il connoiffoit
la prudence
, & il ne faifoit au-
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
cune difficulté de lui communiquer fes
penfées les plus fecrétes. Les entretiens
qu'ils avoient enſemble là - deffus , ont fans
doute fourni à Xenophon le fujet d'un
Dialogue de fa façon , où les introduifant
l'un & l'autre pour interlocuteurs , il produit
lui-même fous ces noms empruntés ,
fes réflexions politiques. C'est une excellente
piece qui renferme un parallele entre
la condition des Rois & celle des Particuliers.
Comme Hieron avoit paffé par ces
deux états , cet ingénieux Ecrivain ne pouvoit
choifir perfonne qui fût censé être
mieux à portée que ce Prince d'en apprécier
les différences. La maniere dont il
fait parler Simonide , eft analogue au caractere
de ce Poëte qui foutient par la
folidité des avis qu'Hieron reçoit de lui ,
la réputation de fage qu'il a méritée
par l'honnêteté de fes moeurs : En effet ,
quelques légeres taches répandues fur fa
vie , que l'on devroit taxer plutôt de foibleffes
inféparables de l'humanité , ne
pourroient balancer toutes les belles qualités
que la nature lui avoit accordées , s'il
n'avoit témoigné dans fes actions un penchant
trop marqué pour l'avarice la plus
fordide , vice fi honteux qu'il fuffit lui
feul pour diminuer l'éclat des vertus qui
l'ont rendu d'ailleurs recommandable.
DECEMBRE. 1755 . 85
da ce
que
Les fréquentes converfations d'Hieron
& de Simonide ne rouloient point feulement
fur des matieres de pure politique ;
elles avoient encore pour objet l'examen
des queftions les plus philofophiques . C'eſt
ce qui paroît par la célebre réponſe que
notre Poëte fit à ce Prince , qui lui demanc'étoit
que Dien ? Il faut convenir
que la queftion étoit des plus épineufes ,
& par conféquent très- propre à embarraffer.
Auffi Simonide ne manqua pas de
prétexte pour juftifier l'impuiffance où il
fe voyoit d'y fatisfaire fur le champ , &
il obtint du tems pour y rêver plus à fon
aiſe. Le terme étant expiré , Hieron étonné
de tous les délais dont ce Poëte ufoit
pour éluder l'explication qu'on exigeoit
de lui , en voulut apprendre la caufe . Simonide
avoua ingénuement , que plus il
approfondiffoit la chofe , plus elle lui fembloit
difficile à réfoudre.
Si l'on inféroit de fa réponſe à Hieron ,
que ce Poëte avoit formé quelque doute
fur l'existence d'un Etre Suprême, ce feroit
non-feulement étendre la conclufion beaucoup
plus loin que ne l'eft la prémiffe ; mais
ce feroit déduire une conféquence trèsfauffe.
Car Simonide étoit fi peu porté à
nier qu'il y eût une Divinité , que jamais.
Poëte Payen n'a peut -être eu une perfuaS6
MERCURE DE FRANCE.
fion plus vive des effets de fa puiffance ;
c'est ce que témoignent affez les fragmens
qui nous reftent de fes Poélies , & principalement
quelques vers de lui , qui font
cités par Théophile d'Antioche . « Il y eft
dit , qu'il n'arrive aux hommes aucun
" mal inopiné : que Dieu fait en un feul
» moment changer de face à toutes chofes,
» & que perfonne ne fçauroit fe flatter
d'acquérir la vertu fans une affiftance
» particuliere de fa part ».
Simonide termina fa vie à l'âge de quatre
-vingt-dix ans , dont il paffa les trois
derniers à la Cour d'Hieron. Le tombeau
qu'on lui avoit élevé à Syracufe , fut dans
la fuite du temps démoli par un Général
des Agrigentins , appellé Phoenix , qui en
fit fervir les matériaux à la conftruction
d'une tour. On marque le temps dont fa
mort précede celle d'Hieron , & pour le
conftater d'une maniere préciſe , il a fallu
néceffairement fixer celui où tombe le
commencement & la fin du regne de cè
Prince , duquel on détermine conféquemment
la durée. On fent bien que tout celá
eft accompagné de détails chronologiques
dans lesquels nous évitons ici de nous engager
parce qu'ils n'intéreffent qu'un
très -petit nombre de Sçavans exercés à ce
genre d'étude. L'Auteur conduit plus loin
DECEMBRE. 1755. $7
que la mort de notre Poëte , le fil de fa
narration qui offre en raccourci l'hiftoire
de Syracufe . Il parcourt avec rapidité les
révolutions qui arriverent à cette République
depuis l'expulfion de Thrafybule
frere & fucceffeur d'Hieron , que fa conduite
violente avoit fait chaffer de Syra--
cufe , jufqu'au temps qu'elle éprouva le
fort ordinaire aux Villes que les Romain's
foumettoient
à leurs armes . Comme le récit
de ces chofes femble au premier coup
d'oeil ne tenir en aucune façon au plan général
de l'Ouvrage , on ne manquera pas
de le trouver abfolument hors d'oeuvre.
En tout cas , l'Auteur a prévenu lui-même
l'objection qui peut avoir lieu . «< Ayant ,
» dit-il , donné la plus grande partie de
» l'histoire de cette fameufe République ,
» que j'ai eu occafion de prendre dès fon
» origine , je me ferois reproché mon peu
» d'attention à procurer au Lecteur une
» entiere fatisfaction , fi je n'avois rendu
fon inftruction complette , en mettant
» devant fes yeux un précis de la fuite
» des affaires de Syracufe , jufqu'au temps
» qu'elle tomba au pouvoir des Romains ,
"
"
qui l'affujettirent à leur Empire. Je pen-
» fe avoir été d'autant plus fondé à le
faire , qu'un des derniers de ceux qui
ont gouverné defpotiquement en cette
Ville , étoit defcendu de Gélon , &
1
88 MERCURE DE FRANCE.
و ر
porté le nom d'Hieron , ainfi que le
» frere de ce Prince. Il marcha fi parfaite-
» tement fur les traces du premier , que
» de Préteur qu'il étoit auparavant à Sy-
» racufe , il s'ouvrit également par fes
» vertus un chemin à la royauté. Il eft
» furtout célebre par fes démêlés avec les
» Romains qui le défirent plus d'une fois :
» ce qui l'obligea de contracter avec eux
» une alliance dans laquelle il perfifta le
» refte de fes jours . Il étoit donc naturel
» de toucher légerement ce qui regarde ce
» Monarque de qui l'hiftoire ne doit pas
» être détachée de celle de fes Ancêtres ,
» dont il n'a point démenti les belles actions.
Enfin quand on trouveroit que
» la relation de ces chofes fort des bornes
» que mon principal fujet me prefcrivoit ,
» s'il réfulte pour le Lecteur quelque avan-
» tage de voir réunies dans un feul point de
» vue toutes les différentes révolutions
particulieres à l'état de cette Républi-
» que , depuis l'époque de fa fondation ,
jufqu'à celle de fa ruine ; c'eft lui feul
» qui fera mon apologie
"3
L'Auteur , après avoir fait l'hiftoire de
Simonide & celle de fon Siecle , paffe enfuite
au détail de fes Poéfies. Quoiqu'il en
eût compofé un grand nombre , il en refte
à peine des fragmens qui font comme des
débris échappés aux injures du temps. Ils
DECEMBRE. 1755 . 89
ont été recueillis par Fulvius Urfinus , &
en partie par Leo Allatius. Le premier les
a accompagnés de notes de fa façon . Il
n'eftfouvent parvenu jufqu'à nous que les
titres de plufieurs de ces Poéfies qui ont
tranfmis avec honneur le nom de Simonide
à la postérité. Les perfonnes curieufes
de les connoître , n'auront qu'à recourir
à la Bibliotheque Grecque du fçavant
M. Fabricius. Comme fon objet principal
eft d'y offrir une notice des ouvrages
des Auteurs Grecs , & d'y détailler les circonftances
qui en dépendent , il a dreffé
avec fon exactitude ordinaire un catalogue
de toutes les différentes fortes de Poëmes
qu'avoit écrits Simonide , autant qu'il
a pu en avoir connoiffance , en feuilletant
ceux d'entre les Anciens qui ont eu occafion
de les indiquer , lorfqu'ils ont cité des
vers de ce Poëte . On n'a pas cru devoir
s'arrêter dans cette Hiftoire à ces fortes de
détails , dont on ne tire d'autre fruit que
celui de fatisfaire fa curiofité. Ils peuvent
être fupportables en Latin , où l'on n'affecte
pas la même délicateffe qu'en notre Langue
, lorfqu'il s'agit de chofes auffi feches :
elles caufent de l'ennui & du dégout au
Lecteur François qui s'attend à des inftructions
plus folides. Quand on confidere la
perte de beaucoup de bons ouvrages que
90 MERCURE DE FRANCE.
le temps nous a ravis , tandis qu'il a épargné
tant de foibles productions qui , bien
loin d'être enviées , ne méritoient pas même
de voir le jour , on ne fçauroit s'empêcher
d'avouer que c'eft -là un de ces caprices du
fort qui prend plaifir à fe jouer de tous les
moyens que l'induftrie humaine peut imaginer
pour fe garantir de fes injuftices.
Si on demande à l'Auteur pourquoi il ne
s'eft point fait un devoir de traduire en
notre langue ces fragmens poétiques , ( car
quelques imparfaits que foient les morceaux
qu'ils renferment , ils ferviroient du
moins à donner une idée de la beauté du
génie de Simonide ) il répondra que la
défunion des parties qui forment l'enchaînement
du difcours , rend trop difparates les
chofes qui font énoncées dans les vers de
ce Poëte : comme elles n'ont aucune relation
les unes avec les autres , elles font par
cela même incapables d'offrir un fens fuivi
; « de forte que ce feroit , ( dit-il , ) per-
» dre fes peines , que d'expofer ces frag-
» mens en l'état actuel où ils font , fous
les yeux du Lecteur François qui aime
qu'on ne lui préfente que des idées bien
afforties , & parfaitement liées enſem-
» ble . On trouve dans un recueil qu'on
a fait de ces fragmens , deux pieces écrites
en vers ïambes , qui ont été mises à ce
DECEMBRE. 1755. 91
qu'il paroît , fur le compre de notre Simo
nide : c'eft ce qu'il y a de plus entier de
tout ce qui eft venu jufqu'à nous de fes
Poéfies. L'une roule fur le peu de durée de
la vie humaine , & l'autre eft une efpece
de fatyre ridicule contre les femmes , où
F'on ne produit que des injures groffieres
pour reprendre les défauts qu'on peut leur
reprocher. On y fait une application continuelle
des vices de ce fexe , aux diverfes
propriétés attachées à la nature des animaux
defquels on feint qu'il a été formé.
On y fuppofe que l'origine de l'ame des
femmes eft différente felon la diverfité de
leur humeur ; que l'ame des unes est tirée
d'un cheval , ou d'un renard , ou d'un finge
, 8 que celle des autres vient de la
terre & de la mer. Elien cite un vers qui
a rapport aux femmes qui aiment la parure.
On reconnoît difficilement Simonide
à ces traits qui font indignes de lui , &
affurément certe piece n'eft pas marquée
au coin qui caractérife communement fes
productions. Enfin il eft inconteſtable que
ces deux Poëmes n'appartiennent en aucune
maniere au Simonide dont on écrit
la vie; puifque les Anciens ne nous appren
nent point qu'il fe foit jamais exercé dans
ce genre de poéfie . Il les faut reftituer à
un autre Simonide qui a précédé le nôtre
92 MERCURE DE FRANCE.
de plus de deux fiecles. C'est lui qui doit
en être regardé comme le véritable auteur.
Il ne feroit pas étonnant que l'identité de
nom eût fait confondre enfemble ces deux
Poëtes , qui font du refte très- différens l'un
de l'autre. C'est ce que l'on confirme par
une preuve que fournit le témoignage des
Anciens qui ont pris foin de les diftinguer,
l'un , par la qualité de Poëte Lyrique , &
l'autre , par celle de Poëte Iambique. Celui
qui eft renommé dans l'antiquité par la
compofition de fes ïambes , étoit né à
Minoa , ville de l'ifle Amorgos. Suidas le
dit fils d'un certain Crinée qui ne nous
eft pas autrement connu . Ses travaux poétiques
ont eu le même fort que ceux de
notre Simonide. Il n'en fubfifte plus que
des fragmens qui confiftent uniquement
en ces deux poëmes dont nous venons de
parler , & en quelques vers détachés qui
nous ont été confervés par Athénée , Galien
, Clément d'Alexandrie & Stobée .
On recherche le temps où il vivoit ; &
comme une date que produit Suidas , conconcourt
à le déterminer par celle de la
ruine de Troye , l'Auteur piend de-là occafion
d'entrer dans un examen chronologique
des différentes Epoques que les Anciens
affignent à la prife de cette Ville.
Nous nous bornerons à en expofer ici le
DECEMBRE . 1755 . +3
"
"3
réſultat qu'il en donne lui - même dans fa
préface. Quelque foit le calcul auquel on
veuille s'attacher , « il eft conftant , (dit-il)
» que celui du LexicographeGrec eft fautif,
» à moins qu'on ne fubftitue dans fon
» texteune lettre numérale à l'autre , ainfi
que Voffius l'a parfaitement obfervé. Il
»y a d'autant plus d'apparence qu'il aura
fouffert en cela de l'inadvertance des
Copiftes qui font fujets à commettre de
» femblables mépriſes ; que la validité de
» la leçon qu'on propofe fe peut inférer
» d'un paffage formel qui fe tire de Tatien.
C'eft par-là feulement qu'on vient à bout
» de fauver la contradiction fenfible qui
» naîtroit de fon témoignage , & de celui
» de quelques - uns des Anciens , qui font
» ce Simonide contemporain d'Archiloque
, & par conféquent le renvoyent
» bien en- deça du fiecle où il le place.
» Comme il s'accorde à dire qu'Archilo-
» que fleuriffoit fous Gygès Roi de Lydie,
» dans la perfonne duquel commence la
» Dynaſtie des Mermnades , il s'enfuit de-
>> là que le temps du Simonide en queftion
»fe trouve étroitement lié à celui du regne
» de ce Prince & de fes fucceffeurs. C'eſt
pourquoi il réfulte des moyens que j'ai
employés pour fixer l'un par l'autre , une
» difcuffion qui m'a paru propre à répan-
"
39
94 MERCURE DE FRANCE.
» dre une nouvelle clarté fur la Chronolo-
» gie des Rois de Lydie ». Nous ajouterons
que la matiere eft affez importante
par elle-même pour fixer la curiofité des
Sçavans que leur propre expérience a mis
en état de fe convaincre de l'obſcurité qui
regne fur cette partie de l'Hiftoire ancienne.
La maniere avantageufe dont on nous
parle du Simonide fameux par fes productions
Lyriques , ne permet pas d'hésiter à
le placer au rang des meilleuts Poëtes de
l'Antiquité ce qu'on ne fçauroit dire
également de celui qui a écrit des vers
iambes. Il eft certain qu'il n'a pas joui de
la même célébrité , & que notre Simonide
l'emporte à tous égards fur l'autre. D'ailleurs
fon talent s'étendoit plus loin qu'à
faire des vers. C'est ce qu'on a été à portée
de voir plus d'une fois dans le cours
de cet Extrait. Cela paroît encore par l'invention
des quatre Lettres Grecques ( ou
,, » & , qui lui eft communément
attribuée. Il faut pourtant avouer qu'elle
lui eft conteſtée par quelques- uns qui en
font honneur à Epicharme né en Sicile .
Tzetzes balance même auquel des deux il
doit la rapporter , ou à notre Simonide ,
ou à Simonide le Samien qu'il dit être fils
d'un certain Amorgus. Il n'eft pas douteux
que ce dernier ne foit le même que
DECEMBRE. 1755.
95
le Poëte iambique de ce nom , à qui quelques
anciens Ecrivains donnent Samos
pour patrie , quoique le plus grand nombre
le faffe naître à Amorgos . Il n'eft pas
difficile de s'appercevoir de la méprife
grolliere de Tzetzes , qui transforme le
nom du lieu de la naiffance de ce Simonide
, en celui du pere de ce Poëte. On
n'infifte point fur cesLettres qui auroient
pu fournir le fujet d'une difcuffion , fi
Scaliger , Saumaife , Samuel Petit , Voffius
, Bochart , Ezéchiel Spanheim , Etienne
Morin , & le P. Montfaucon , n'avoient
déja épuifé tout ce que l'on peut produire
fur l'origine de l'Alphabeth Grec. On a
cru qu'il étoit plus à propos de renvoyer
à ces doctes Critiques , en citant au bas
de la page les endroits de leurs ouvrages ,
où ils ont traité cette matiere , que de redire
en gros des chofes qu'ils ont fi bien approfondies
en détail . Notre Simonide paffe
encore pour avoir ajouté une huitième
corde à la Lyre dont il fe propofa par- là
de perfectionner l'ufage , comme nous
l'apprenons expreffément de Pline . On
trouve parmi les fragmens de fes Poéfies
quelques vers qui ont été allégués par Platon
, Lucien , Athenée , Clément d'Alexandrie
, & Théodoret. Ils valent bien
la peine d'être cités pour leur fingularité.
96 MERCURE DE FRANCE.
Leur objet eft de définir quels font les biens
préférables de la vie. Voici ce qu'ils renferment.
« De tous les biens dont les hommes
peuvent jouir , le premier eft la fan-
»té , le fecond la beauté , le troiſieme les
richeffes amaffées fans fraude , & le
quatrieme la jeuneſſe qu'on paffe avec
» fes amis ».
22.
De tous les ouvrages que Simonide
avoit compofés , il n'y en a point afſurément
qui l'ait plus illuftré , & lui ait attiré
plus de louanges des Anciens , que ceux
qui portoient le titre de Threnes ou de
Lamentations. Ce font elles que Catulle
défigne par cette expreffion , mæftius lacrymis
Simonideis. Horace les a également en
vue , lorfqu'il dit pour repréfenter des
Mufes plaintives , Cea retractes munera
Nama. Son talent principal étoit d'émouvoir
la pitié ; & l'on peut affurer qu'il excelloit
dans le genre pathétique. Au moins
c'est l'aveu que fait Denys d'Halicarnaffe ,
qui le préfere à tous les Poëtes qui avoient
travaillé dans la même partie , après l'avoir
d'ailleurs regardé comme un modele
dans le choix des mots. La leçon de cet
endroit du Traité de l'Auteur Grec dont
on cite les paroles , eft d'autant plus défectueufe
, qu'elle forme un fens tout contraire
à celui que cet ancien Critique veut
exprimer.
DECEMBRE. 1755. 97
exprimer. Cela paroît avoir été occafionné
par la tranfpofition de deux mots qu'il s'agit
de remettre à la place qui leur eft propre
, pour réduire l'énoncé de la phraſe
grecque à un fens naturel & raifonnable.
C'est ce que l'Hiftorien a entrepris dans
une note dont le but est de rectifier ce paffage
qui a été étrangement altéré par l'inadvertence
des Copiftes. Le jugement que
Quintilien porte de Simonide confirme
celui de Denys d'Halicarnaffe , qui rapporte
un morceau d'une de ces Lamentations
de notre Poëte. Danaë déplorant fes malheurs
en faifoit le fujer . On fçait que fuivant
la fable , cette Princeffe infortunée
fut enfermée par l'ordre d'Acrifius fon
pere , dans un coffre d'airain avec l'enfant
qu'elle avoit mis au jour pour être jettée
dans la mer. Simonide fuppofe que dans
le temps qu'elle erroit au gré des vents &
des flots , elle parla en ces termes à Perfée.
" O mon fils , de combien de maux tà
» mere eft accablée . Tu te mets peu en
peine du fifflement des vents , & de l'im-
» pétuofité des vagues qui roulent fur ta
» tête : Ah ! fi tu pouvois connoître la
grandeur du péril qui nous menace , tu
prêterois fans doute l'oreille à mes dif-
» cours. Mais non . Dors, cher enfant , dors ,
je l'ordonne. Ainfi que lui, puiffiez- vous
"
"
11. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
éprouver le même calme , flots d'une
» mer agitée , & vous auffi mes maux dont
la mefure ne fçauroit être comblée » .
C'eft relativement à ce don d'attendrir
que Grotius a cru pouvoir lui comparer le
Prophéte Jéremie. Ces fortes de paralleles
qu'on établit entre des Ecrivains Sacrés
& des Auteurs Profanes , femblent avoir
d'abord quelque chofe de choquant : mais
pour peu qu'on veuille faire un moment
abstraction du caractere de prophéte qui
appartient à ce dernier , & qui par conféquent
le met hors de toute comparaifon
avec un Poëte Payen , il ne fera plus queftion
que de les envisager l'un & l'autre du
côté du mérite perfonnel . On ne pourra
s'empêcher pour lors de convenit que le
parallele ne foit jufte . En effet , on ne doit
pas ignorer que Jéremie ait réuni toutes
les qualités effentielles à la poéfie dans fes
Lamentations , qui offrent le tableau le plus
touchant de la défolation & de la ruine
de Jérutalem .
Simonide ne réuffiffoit pas moins dans
la peinture des images ; c'eft le témoignage
que lui rend Longin , ce célebre Critique
de l'antiquité , dont la déciſion eſt
d'un fi grand poids en pareil cas . Aucun
Poëte n'avoit , felon ce Rhéteur , décrit
plus vivement l'apparition d'Achille fur
DECEMBRE. 1755. 99
fon tombeau , dans le tems que les Grecs
fe préparoient à partir . Nous finirons par
dire que la douceur qui regnoit dans fes
vers ,l'avoit fait furnommer Melicerie , &
cependant il avoit employé en écrivant le-
Dialecte Dorique , qui paroît être le moins
fufceptible de cette douceur qui caractérifoit
fes Poéfies.
On a renvoyé à la fin de cette Hiſtoire
deux Remarques qui valent deux Differtations
: Quoiqu'elles ne femblent avoir
qu'une liaifon fort indirecte avec fon
plan , elles ne laiffent pas de fervir d'éclairciffement
à deux endroits de fon texte .
L'une eft deftinée à examiner fi le nom de
Jao cité dans un paffage de Porphyre que
l'on rapporte , eft le même que celui de
Jehovah ufité particuliérement chez les
Juifs pour défigner Dieu : A cet égard la
chofe eft hors de conteftation. Il s'agit
feulement de fçavoir laquelle de ces deux
différentes prononciations attachées à un
même nom , doit être réputée pour l'anciemne
, & par conféquent pour la véritable.
C'est une matiere qui a déja exercé
d'habiles Critiques , tels que Genebrard ,
Fuller , Louis Cappel , Drufius , Sixtinus
'Amama , Buxtorfe le fils , Gataker & Leufden.
Cette queftion entraîne néceffairement
dans une difcuffion grammaticale ,
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
qui n'est à portée d'être bien entendue que
des perfonnes qui ont acquis quelque intelligence
de l'Hébreu . On a mis en un,
caractere lifible pour tout le monde les
paffages qu'on a été obligé de produire
dans cette Langue , & cela pour des motifs
que l'Auteur a eu foin d'expliquer dans
fa préface. Les Sçavans fe partagent fur
çet article. Les uns, comme Cappel, Walton
& M. Le Clerc fe déclarent pour la
prononciation de Jao ou Jauoh , & rejertent
celle de Jehovah , qu'ils difent n'avoir
prévalu que depuis la ponctuation de
la Maffore , d'après laquelle Galatin Ecriyain
du feizieme fiecle , a le premier introduit
parmi nous cette Leçon du nom de
Dieu , qui eft actuellement la feule accréditée
. Ils penfent être d'autant plus difpenfés
d'acquiefcer à l'autorité de la Maffore
, qu'ils la combattent par des raifons
que leur fournit la nouveauté de fon invention
, qui , felon la plupart d'entr'eux ,
ne remonte pas au - delà du fixieme fiecle ,
& dont quelques - uns reculent l'époque
jufqu'au onzieme. Il y en a d'autres au
contraire qui demeurent attachés à la Lede
Jehovah dont ils foutiennent la validité
, parce qu'elle leur paroît beaucoup
mieux conferver l'analogie de l'Hébreu ;
ils s'efforcent de la défendre contre toutes
çon
DECEMBRE. 1755. ioi
les objections qui peuvent avoir lieu , &
ils ne balancent pas à croire que les Grecs
à qui les Phéniciens avoient tranfmis ce
nom , ne l'ayent ainfi altéré par une maniere
défectueuse de le prononcer. Il faut
avouer qu'ils font valoir des argumens (pécieux
pour fortifier leur opinion : cependant
, comme ce n'eft point ici un fujer
qui foit capable de recevoir ce dégré de
certitude que communiquent des preuves
qui mettent l'état des chofes dans la derniere
évidence , on ne doit s'attendre qu'à de
fimples conjectures qui ont de part & d'autre
une égale probabilité : ainfi le parti le
plus fage eft de ne point décider affirmati
vement dans de pareilles matieres. En effet,
comment vouloir déterminer pofitivement
l'ancienne prononciation de ce nom , s'il
eft conftant par le témoignage de Philon
& de Jofephe , qu'elle avoit été interdite
aux Juifs avant que J. C. vînt au monde
. Le premier la reftreint aux bornes du
Sanctuaire , où les Prêtres , fpécialement
le fouverain Sacrificateur , avoient le privilege
exclufif de le prononcer tous les ans
le jour que fe célébroit la fête des Expiations
. Ce nom n'étant donc point d'ufage
hors du Sanctuaire , où la maniere de le
proférer fe maintenoit par tradition , &
la permiffion de le prononcer étant une
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
des prérogatives affectées à la Sacrificature
, elle n'a pas dû fubfifter plus long-tems
que le Temple , & la tradition de ce nom
s'eft affurément perdue à travers tant de
fiecles qui fe font écoulés depuis la ruine
de Jérufalem. Peut on après cela fe flatter
d'en fixer aujourd'hui la prononciation.Les
Docteurs Juifs poftérieurs à cet événement
ont encore encheri fur la vénération que
leurs ancêtres avoient pour ce nom de
Dieu , & fur l'idée qu'ils fe formoient de
fa fainteté qui le rendoit ineffable à leur
égard. Ceux qui font venus après , felon
leur louable coutume d'outrer les fentimens
de leurs peres , ont pouffé les chofes
fi loin que cette vénération eft dégénérée
en une fuperftition exceffive qui fe
perpétue chez cette nation . Des Rabbins
ont étrangement raffiné fur les propriétés de
ce nom , & fur l'analogie grammaticale de
trois de fes lettres , qu'ils difent réunir les
trois différentes manieres d'exifter qui
n'appartiennent qu'à Dieu . Quiconque
ofoit violer cette défenfe de proférer le
nom Jehovah étoit puni de mort , s'il falloit
croire tout ce qu'ils nous débitent
hardiment à ce fujer. Ils ont fait plus , ils
l'ont érigée en article de foi , & menacent
les infracteurs de l'exclufion de la
vie éternelle . Toutes les fois que le Texte
DECEMBRE. 1755. 103
,
Hébreu porte la Leçon de Jehovah , ils lui
fubftituent le nom Adonaï , & tantôt celui
d'Elohim , lorfqu'il arrive que le Jehovah
eft précédé d'Adonai , & alors ces deux
noms fe trouvent joints enſemble . Il leur
eft auffi ordinaire d'ufer de mots compofés
pour caracterifer ce nom ineffable
comme ceux de Schem Hammiouchad , ou
de Schem Hamphorafch , le nom propre de
Dieu , & de Schern Schel arba othioth , le
nom formé de quatre lettres. Quand on les
preffe de dire fur quoi ils fondent cette
interdiction , ils alléguent en leur faveur
des paffages de l'Exode & du Lévitique
dont ils détournent ou changent le fens
pour la pouvoir autorifer. Les paroles de
l'Ecriture qu'ils nous oppofent , ne fignifient
pourtant rien moins que ce qu'ils
veulent leur faire fignifier. Il n'en a pas
fallu davantage pour les expofer au reproche
de falfification , qui leur a été intenté
par
Galatin . On entre relativement à cet
objet dans quelques détails hiftoriques ,
qui pourront compenfer ce qu'il y a de
fec dans un travail de cette nature.
On obferve que ce nom de Dieu n'a pas
été inconnu dans les premiers tems . aux
nations étrangeres , & furtout à celles qui
étoient voifines de la Judée . C'est ce qui
paroît confirmé par plufieurs exemples que
trop
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
par
Selden & M. Ferrand ont apportés , & qui
mettent ce fait hors de doute. Le Critique
Anglois & M. Huet foupçonnent même
que Pythagore pourroit avoir tiré l'idée
des propriétés mystérieuses de fa Quaternité
de celles que renferment les quatre
lettres qui conftituent le nom Jehovah. On
n'ignore pas que les Sectateurs du Philofophe
Grec , quand il s'agiffoit de fe lier
un ferment inviolable , juroient par cette
Quaternité à laquelle ils attribuoient toutes
les perfections , & qu'ils nommoient la
fource de vie , & le fondement de l'éternité,
Ils ne vouloient exprimer autre choſe parlà
que Dieu lui- même appellé par Pyihagore
le nombre des nombres . Ce Philofophe
paffe pour avoir emprunté des Juifs
plufieurs Dogmes " importans qu'il s'étoit
appropriés. C'est une circonftance dont la
vérité eft atteftée par Hermippus Hiftorien
Grec qui Heuriffoit du tems de Prolemée
Evergere, & par le Juif Ariftobule qui
vivoit à la Cour de Ptolemée Philometor,
Jofephe témoigne expreffément qu'il affecta
de fe montrer en bien des chofes zelé
imitateur des rites de fa nation . S. Ambroife
le fait même Juif d'origine : mais
on ne fçait où ce Pere de l'Eglife peut
avoir puifé cette particularité qui eft deftituée
de fondement . On reprend Lactan-
L
DECEMBRE . 1755. 105
ce d'avoir nié mal - à - propos que Pythagore
ait jamais eu aucun commerce avec les
Juifs , fans donner des raifons folides de
ce qu'il avançoit. On infifte particuliérement
fur fon voyage à Babylone , où il
s'offrit affez d'occafions qui mirent ce Phifofophe
à portée de s'entretenir avec plufieurs
d'entre ce peuple , dont une partie
y réfidoit encore pendant le féjour de Pythagore
en cette ville. Il y conféra fréquemment
avec les Mages dont il fçur fi
bien gagner l'amitié , qu'ils lui firent part
de leurs connoiffances , & l'initierent dans
leurs mysteres. Porphyre rapporte qu'il y
devint difciple d'un certain Zabratus ,
duquel il apprit tout ce qui concerne la
nature & les principes de l'univers . Il y a
eu dès les premiers tems du Chriftianif
me des Ecrivains qui fe font imaginés que
ce Zabratus ou Zaratus , & que Clement
d'Alexandrie appelle Nazaratus , étoit
le même que le Prophète Ezechiel , comme
le certifie ce Pere Grec qui écrivoit fur
la fin du fecond fiecle , & qui rejette
d'ailleurs l'opinion de ces gens là : néanmoins
Ménaffeh Ben - Ifraël , & quelques
autres , n'ont pas laiffé d'avoir une feniblable
penſée . Ce qu'il y a de plus éton -
nant , c'eft qu'un auffi habile homme que
l'étoit Selden , ait pu pencher vers ce fen-
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
timent d'autant plus infoutenable , qu'il
eft incompatible avec l'exacte chronologie.
C'eft ce qu'il n'a pas été fort difficile
de prouver. MM. Hyde & Prideaux ont entendu
par ce Zabratus le fameux Zoroaf
tre. Ils fe font fondés fur un paffage
d'Apulée qui veut que Pythagore ait été
difciple de ce Législateur des Mages ; ce
qui eft pourtant fujet à un grand nombre
de difficultés , comme de célebres Modernes
l'ont fuffifamment démontré . On
pourroit peut-être les lever , en fuppofant
deux perfonnages de ce nom qui auront
fleuri à différens tems l'un de l'autre , &
dont le premier aura été le fondateur de
la Secte des Mages, & le fecond le réformateur
de leur religion ; fuppofition que l'on
peut d'un côté appuyer fur le témoignage
des Hiftoriens Orientaux , qui font vivre
un Zoroastre fous le regne de Darius fils
d'Hyftafpe , & de l'autre fur le récit d'Agathias
qui avoue que de fon tems ( c'eſtà-
dire dans le fixieme fiecle ) les Perfans
étoient dans cette perfuafion . Au refte , ce
n'est là qu'une conjecture, qu'on fe contente
d'infinuer , & l'on laiffe à chacun
la liberté de penfer à cet égard ce qu'il
voudra. Quant à l'autre Differtation , elle
traite des moyens qu'il y a de concilier les
différences qui fe rencontrent entre les AnDECEMBRE.
1755. 107
ciens au fujet des dates qui tendent à
fixer , foit le commencement
ou la durée
du regne de divers Princes. Les regnes de
Prolemée Soter , de Seleucus Nicator , &
de l'Empereur Julien fourniffent les exemples
que l'on produit . On leur a joint encore
celui du regne de Dagobert I , fur la
date duquel les Hiftoriens varient , afin de
rendre la vérité de cette remarque plus
fenfible aux perfonnes qui fe font rendues
l'Hiftoire de France plus familiere que
l'Hiftoire Ancienne . Ces exemples réunis
fous un même point de vue , concourent
à confirmer tout ce qui a été dit
touchant la maniere d'accorder les différentes
Epoques d'où l'on a compté les années
de la fouveraineté deGelon à Syracufe.
L'ouvrage eft terminé par le Projet d'une
Hiftoire des Juifs à laquelle travaille l'Auteur
, & qu'il a annoncée dans fa préface.
Elle comprendra
l'expofition de toutes
les révolutions
qui font arrivées à ce peuple
dans l'Orient depuis la ruine de Jérufalem
jufqu'au douzieme fiecle , où l'établiffement
qu'il s'y étoit fait , fût entièrement
ruiné. Comme l'Auteur s'eft livré
aux Etudes Théologiques
qu'il a pris à tâche
de fortifier par l'intelligence
des Langues
Sçavantes, les recherches où elles l'ont
néceffairement
engagé , l'ont mis en état
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
d'affembler les matériaux qui ferviront à la
compofition de cet ouvrage, On le deftine
à éclaircir les points les plus embarraffés
de l'Histoire Judaïque , & à difcuter
quelques - uns des Rites & des Dogmes de
cette nation , furtout lorsqu'ils lui font
communs avec les Chretiens. On y parlera
auffi des cérémonies , & en général des
affaires de difcipline que l'Eglife peut avoir
empruntées de la Synagogue. Elles ont
routes deux , par rapport à leur Hiſtoire. ,
une influence d'autant plus réciproque que
l'une eft fortie de l'autre , & par conféquent
on ne fçauroit approfondir l'Hiftoire
de l'Eglife , qu'on ne foit en mêmetems
obligé d'approfondir celle des Juifs ,
qui lui eft intimément unie. On fe flatte
qu'on ne fera pas fâché de voir inferé ici
en entier ce Projet , qui fert à donner une
idée de la grandeur de l'entreprife , du
but
que l'on s'y propofe , & de la méthode
à laquelle on doit s'attacher dans l'exécution
: mais la longueur que comporte
déja cet extrait , eft une raifon plus que
fuffifante pour renvoyer la chofe au mois
prochain . Si l'on fe récrie fur l'étendue de
cette analyfe , qui paffe de beaucoup les
bornes dans lesquelles nous avons coutume
de refferrer nos extraits , nous répon
drons que comme cette hiftoire de SimoDECEMBRE.
1755 109
nide eft remplie d'un grand nombre de difcuffions,
qui , quoiqu'effentielles aux vues
dans lesquelles on l'a compofée, font pourtant
de nature à rebuter bien des Lecteurs
pour qui elles ont quelque chofe de trop
épineux , on a profité de la voie de ce
Journal pour mettre tout le monde à portée
de connoître les faits dont le récit entre
dans le plan de l'Hiftoire . Pour cet
effet , on a retracé ici dans le même ordre
qui a été obfervé dans fa marche les différens
traits de la vie de ce Poëre , avec les
événemens de fon tems qui y font liés , &
l'on n'a fait qu'indiquer fimplement les
détails chronologiques qui en conftituent
le fonds : Ainfi cette analyfe doit être confiderée
moins comme un extrait que comme
un abregé de l'Ouvrage.
Delaguene , Libraire - Imprimeur de
l'Académie Royale de Chirurgie , rue faint
Jacques , à l'Olivier d'or , diftribue un
Mémoire auffi nouveau par fon objet que
par fa publication . Il eft intitulé Témoi
gnage public rendu à M. Dibon , Chirurgien
ordinaire du Roi dans la Compagnie des
Cent Suiffes de la Garde du Corps de Sa
Majefte ; par Pierre Dedyn d'Anvers . On
ya joint les preuves de la Cure avec quel
ques Réflexions concernant M. de Torrès
110 MERCURE DE FRANCE.
par qui le Malade avoit été manqué. L'Avertiffement
qu'on a mis à la tête de ce
Mémoire , nous en fournira la notice.
« Cet écrit , dit - on , eft l'ouvrage d'un
» Malade jugé incurable par de célebres
» Praticiens, & qui , contre toute efpéran-
» ce , a été guéri radicalement par le re-
» mede de M. Dibon . C'eft une espece de
و د
.30
confeffion publique dictée par la recon-
>> noiffance ; une defcription vraie & naïve
» de la maladie de l'Auteur , & des mal-
» heureuſes épreuves par lefquelles il a
» paffé jufqu'à fa parfaite guérifon . On a
» cru devoir conferver fon langage & fon
ortographe , moitié Wallon , & moitié
François ils pourront amufer quelques
" Lecteurs. Mais on a traduit toute la
» piece pour
la faire entendre des autres ,
» & on a mis la verfion à côté du texte ,
» pour n'y pas laiffer foupçonner la plus
légere altération. Ce Mémoire eft fuivi
» des Certificats de Meffieurs Goulard Mé-
» decin ordinaire du Roi , Le Dran , Henriques
, Morand , & Hebrard , Maîtres
» en Chirurgie ».
""
On trouve chez le même Libraire un
autre écrit qui a pour titre : Lettre à M. de
Torrès ,fervant de réponse , &c. Cette Lettre
contient un témoignage pareil à celui
de Pierre Dedyn , & publié par un BourDECEMBRE
, 1755 .
geois de Paris dont le nom & la demeure
y font défignés. Nous ne prononçons rien
là- deffus. Comme fimples Hiftoriens nous
en laiffons le jugement aux Maîtres de
l'Art.
CATALOGUE DES ESTAMPES &
livres nouveaux d'Italie , la plupart de
Rome , qui fe trouvent chez N. Tilliard ,
quai des Auguftins. 1755.
CATALOGUE DE LIVRES DE PIETE ,
de morale & d'éducation ; livres d'hiftoire
, de belles lettres , fciences & arts ; livres
de droit & de finances , livres amufans
& de théatres , qui fe vendent à Paris
, chez Prault pere , quai de Gèvres ,
1755.
L'ENFANT GRAMMAIRIEN , ouvrage
qui contient des principes de grammaire
génerale , mis à la portée des enfans.
Une Grammaire latine , & une Méthode
françoife- latine , ou maniere de traduire
le françois en latin . A Blois , chez Pierre-
Paul Charles ; & fe vend à Paris , chez la
veuve Robinot , quai des grands Auguftins.
<
FRAGMENS CHOISIS d'éloquence , efpece
de Rhétorique moins en préceptes qu'en
112 MERCURE DE FRANCE.
exemples , également utile aux Gens de
lettres , & à tous ceux qui veulent fe former
à l'éloquence de la chaire , par M. de
Gerard de Benat , 2 vol . A Avignon , chez
Jofeph Payen , Imprimeur Libraire , place
S. Didier. A Marſeille , chez Jean Moffy ,
à la Combriere : & à Paris , chez Defaint
& Saillant , rue S. Jean de Beauvais.
Nous croyons que cette maniere d'écrire
fur l'éloquence , eft une des plus utiles.
Les exemples frappent bien plus , &
en conféquence perfuadent mieux que les
préceptes. Ceux ci ne peuvent même être
bien développés & bien fentis que par le
fecours des premiers. L'Auteur nous paroît
montrer du goût dans le choix , &
nous penfons que fon travail mérite des
louanges.
RAISON ou idée de la Poéfie Grecque ,
Latine & Italienne , ouvrage traduit de
l'Italien de Gravina , par M. Reguier. 2 vol .
petit in- 12 , à Paris , chez Lottin , rue S. Jacques
, au Coq ; & chez J. B. Defpilly , rue
S. Jacques , à la vieille Pofte.
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Résumé : SUITE De l'Extrait de l'Histoire de Simonide, & du siecle où il a vécu, &c.
Le texte présente un extrait de l'histoire de Simonide, se concentrant sur les événements après la victoire de Gelon sur les Carthaginois en Sicile. Gelon, aidé par ses frères Hieron, Polyzele et Thrasibule, défit les Carthaginois à Himère, détruisit leur flotte et captura de nombreux prisonniers. Cette victoire renforça son autorité à Syracuse, où il fut offert la royauté en reconnaissance de ses services. Bien que son pouvoir fût déjà absolu, cette offre officialisa son statut de roi. Les Carthaginois, alliés de Xerxès, avaient envahi la Sicile sous le commandement d'Hamilcar avec une armée de trois cents mille hommes. Après leur défaite, Carthage envoya des ambassadeurs à Syracuse pour négocier la paix. Gelon, connu pour sa modération, accepta les propositions de paix et imposa l'abolition des sacrifices humains à Saturne, une pratique barbare et contraire à l'humanité. Les sacrifices humains étaient une pratique ancienne attribuée aux Phéniciens, dont les Carthaginois étaient une colonie. Ces sacrifices persistaient à Carthage même après le traité avec Gelon et furent renouvelés après sa mort. Tertullien rapporte que ces sacrifices continuèrent secrètement jusqu'au temps de Tibère, proconsul d'Afrique sous Adrien. Le texte mentionne également la vie et les œuvres de Simonide, un poète grec, et sa relation avec le tyran Hieron de Syracuse. La cour de Hieron devint un centre des sciences grâce à sa protection des savants et des récompenses qu'il offrait. Simonide, connu pour son avarice, fut un favori de Hieron et jouit de sa protection malgré ses défauts. Il refusa souvent de travailler gratuitement et vendait ses poèmes, ce qui lui valut une réputation de poète mercenaire. Simonide était également conseiller de Hieron et participait à des discussions politiques et philosophiques. Il termina sa vie à la cour de Hieron et fut enterré à Syracuse. Le texte discute également de la chronologie et des époques attribuées à la prise de Troie, en se basant sur des témoignages anciens. Il souligne la supériorité du Simonide lyrique, connu pour ses threnes ou lamentations, qui ont ému la pitié et illustré son talent pathétique. Denys d'Halicarnaffe et Quintilien louent son choix des mots et son émotion. Le texte mentionne également des fragments de ses poèmes, cités par des auteurs anciens, et son invention supposée des quatre lettres grecques. Enfin, le texte traite d'une question grammaticale et historique concernant la prononciation du nom de Dieu en hébreu, débattue par plusieurs érudits. Cette question est complexe et nécessite une connaissance approfondie de l'hébreu. Les savants sont divisés sur la prononciation correcte, certains préférant 'Jao' ou 'Jauoh' et rejetant 'Jehovah', tandis que d'autres soutiennent 'Jehovah', arguant qu'elle conserve mieux l'analogie de l'hébreu. Le texte souligne que la prononciation exacte est difficile à déterminer, car elle était interdite aux Juifs avant la venue de Jésus-Christ et n'était connue que des prêtres dans le sanctuaire. Après la destruction du Temple, cette tradition s'est perdue.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 244-245
DE GESNES, le 1 Mai.
Début :
On a appris ici, avec étonnement l'envoi fait par la Cour de Rome d'un [...]
Mots clefs :
République, Rome, Visiteur apostolique, Corse, Benoit XIV, Rebelles corses, Saint-Siège, Pape, Évêque
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texteReconnaissance textuelle : DE GESNES, le 1 Mai.
De GESNES , le Mai.
On a appris ici , avec étonnement l'envoi fait
par la Cour de Rome d'un Vifiteur Apoftolique
en Corfe. Cet envoi , auquel la République s'étoit
toujours oppofée , a été accompagné des circonftances
fuivantes . Il y avoit déjà plufieurs années
que la République , informée que les Eccléfiaftiques
de Corfe étoient les principaux moteurs de
la rébellion, avoit porté fes plaintes au Saint- Siége,
pour en obtenir qu'il les rappellât à leur devoir.
Et le feu Pape Benoît XIV , fenfible à ces plaintes ,
avoit projetté un bref conforme à ces vues.
La mort de ce Souverain Pontife étant furvenue,
ce brefn'eut point lieu, & le chef des rebelles,
Paſcal Paoli , s'enhardillant de plus en plus ,
par la tolérance de la Cour de Rome , faifit les
biens des Evêques & des Eccléfiaftiques qui n'éJUIN.
1760. 245
toient pas de fon parti. Il envoya à Rome des
émiffaires qui, quoique rebelles à leur Souverain ,
y trouverent allez d'appui pour déterminer le
Saint-Siége à envoyer en Corfe un Vifiteur Apoftolique
, fans le concerter avec la République.
La République fit alors piéfenter au Saint - Siége
plufieurs mémoires ; mais ils n'ébranlerent point
la Cour de Rome : fur quoi la République notifia
qu'elle ne confentoit abfolument point à l'envoi de
ce Vifiteur . Cependant, la République étoit entrée
dans une négociation propre à terminer le différend
; & elle fe flattoit de voir bientôt renaître la
bonne intelligence entre elle & la Cour de Rome ,
lorfque cette Cour a exécuté fon projet . Elle a fait
pafler en Corfe le fieur Céfare Crefcentio de Angelis
, Evêque de Segni ; & ce Prélat , pour cous
vrir fon départ, a pris la précaution de fe traveltir,
de changer de nom , & de le faire accompagner '
par un Religieux déguifé en Arménien.
Enfin ce Prélat s'eft embarqué à Civita- Vecchia
, où il a trouvé deux Frégates du Pape qui
l'attendoient . On a été depuis informé que , quand
ces Frégates ont paru à la vue de la plage
de la Brunette , les Rebelles leur ont envoyé
quatre Chaloupes qu'elles ont faluées de leur ca.
non ; & qu'ils ont rendu les mêmes honneurs avec
leurMoufquererie au fieur deAngelis, lorfqu'il a mis
pied à terre. Cette réception juftifie les foupçons
de la République , & montre le fondement de fes
reprefentations réitérées , pour que le Pape fe défiftât
d'autorifer les vues de ces rebelles par de
femblables difpofitions.
On a appris ici , avec étonnement l'envoi fait
par la Cour de Rome d'un Vifiteur Apoftolique
en Corfe. Cet envoi , auquel la République s'étoit
toujours oppofée , a été accompagné des circonftances
fuivantes . Il y avoit déjà plufieurs années
que la République , informée que les Eccléfiaftiques
de Corfe étoient les principaux moteurs de
la rébellion, avoit porté fes plaintes au Saint- Siége,
pour en obtenir qu'il les rappellât à leur devoir.
Et le feu Pape Benoît XIV , fenfible à ces plaintes ,
avoit projetté un bref conforme à ces vues.
La mort de ce Souverain Pontife étant furvenue,
ce brefn'eut point lieu, & le chef des rebelles,
Paſcal Paoli , s'enhardillant de plus en plus ,
par la tolérance de la Cour de Rome , faifit les
biens des Evêques & des Eccléfiaftiques qui n'éJUIN.
1760. 245
toient pas de fon parti. Il envoya à Rome des
émiffaires qui, quoique rebelles à leur Souverain ,
y trouverent allez d'appui pour déterminer le
Saint-Siége à envoyer en Corfe un Vifiteur Apoftolique
, fans le concerter avec la République.
La République fit alors piéfenter au Saint - Siége
plufieurs mémoires ; mais ils n'ébranlerent point
la Cour de Rome : fur quoi la République notifia
qu'elle ne confentoit abfolument point à l'envoi de
ce Vifiteur . Cependant, la République étoit entrée
dans une négociation propre à terminer le différend
; & elle fe flattoit de voir bientôt renaître la
bonne intelligence entre elle & la Cour de Rome ,
lorfque cette Cour a exécuté fon projet . Elle a fait
pafler en Corfe le fieur Céfare Crefcentio de Angelis
, Evêque de Segni ; & ce Prélat , pour cous
vrir fon départ, a pris la précaution de fe traveltir,
de changer de nom , & de le faire accompagner '
par un Religieux déguifé en Arménien.
Enfin ce Prélat s'eft embarqué à Civita- Vecchia
, où il a trouvé deux Frégates du Pape qui
l'attendoient . On a été depuis informé que , quand
ces Frégates ont paru à la vue de la plage
de la Brunette , les Rebelles leur ont envoyé
quatre Chaloupes qu'elles ont faluées de leur ca.
non ; & qu'ils ont rendu les mêmes honneurs avec
leurMoufquererie au fieur deAngelis, lorfqu'il a mis
pied à terre. Cette réception juftifie les foupçons
de la République , & montre le fondement de fes
reprefentations réitérées , pour que le Pape fe défiftât
d'autorifer les vues de ces rebelles par de
femblables difpofitions.
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Résumé : DE GESNES, le 1 Mai.
La Cour de Rome a envoyé un Visiteur Apostolique en Corse malgré l'opposition de la République. Cette dernière avait informé le Saint-Siège de l'implication des ecclésiastiques corses dans la rébellion et avait demandé leur rappel. La mort du pape Benoît XIV a empêché la mise en œuvre de cette décision. Pascal Paoli, chef des rebelles, a profité de la situation pour s'emparer des biens des ecclésiastiques opposés à lui. Des émissaires rebelles ont obtenu le soutien de Rome pour l'envoi du Visiteur Apostolique sans concertation avec la République. Malgré les mémoires envoyés par la République, Rome a persisté dans sa décision. La République a notifié qu'elle n'acceptait pas cet envoi, mais elle était engagée dans une négociation pour résoudre le différend. La Cour de Rome a envoyé l'évêque César Crescentio de Angelis déguisé à bord de deux frégates papales. À son arrivée en Corse, les rebelles ont salué le prélat, confirmant les soupçons de la République sur le soutien papal aux rebelles.
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22
p. *198-198
De LA HAYE, le 25 Juin.
Début :
On n'espére plus aucun succès de la négociation entamée pour porter [...]
Mots clefs :
Négociation, République, Armateurs anglais, Bruxelles, Tremblement de terre
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texteReconnaissance textuelle : De LA HAYE, le 25 Juin.
De LA HAYE , le 25 Juin.
On n'eſpére plus aucun fuccès de la négociation
entamée pour porter la Cour de Londres a rendre
juftice à la République , fur les déprédations des
Armateurs Anglois. C'eft pourquoi le fieur Meerman
, qui devoit aller remplacer à Londres le
fieur Boreel chargé de cette négociation , a reçu
contre-ordre .
Les Lettres de Bruxelles , de Cologne , & de
divers autres lieux des environs , parlent d'une fecouffe
de tremblement de terre qu'on y a reffentie
le 20 de ce mois , vers les onze heures du matin.
Mais elle a été encore plus légère que celle du
mois de Janvier,& elle n'a caufé aucun dommage.
On n'eſpére plus aucun fuccès de la négociation
entamée pour porter la Cour de Londres a rendre
juftice à la République , fur les déprédations des
Armateurs Anglois. C'eft pourquoi le fieur Meerman
, qui devoit aller remplacer à Londres le
fieur Boreel chargé de cette négociation , a reçu
contre-ordre .
Les Lettres de Bruxelles , de Cologne , & de
divers autres lieux des environs , parlent d'une fecouffe
de tremblement de terre qu'on y a reffentie
le 20 de ce mois , vers les onze heures du matin.
Mais elle a été encore plus légère que celle du
mois de Janvier,& elle n'a caufé aucun dommage.
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Résumé : De LA HAYE, le 25 Juin.
Le 25 juin, à La Haye, les négociations avec Londres sur les déprédations d'armateurs anglais sont jugées sans espoir. Meerman ne se rendra pas à Londres pour remplacer Boreel. Le 20 juin, un léger tremblement de terre a été ressenti à Bruxelles, Cologne et environs, sans causer de dommages.
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23
p. 206-207
SUITE de l'Article de WARSOVIE.
Début :
"Personne n'ignore la constitution de la Diète de pacification de l'année [...]
Mots clefs :
Diète, Pacification, République, Fiefs, Commission, Constitution, Duchés, Prince Feudataire, Raison d'État, Duc, Majesté impériale
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texteReconnaissance textuelle : SUITE de l'Article de WARSOVIE.
SUITE de l'Article de WARSOVIE.
PERSON ERSONNE n'ignore la conftirution de la Diète
» de pacification de l'année 1736 , faite du confentement
de tous les Ordres de la Républi-
» que , touchant les Duchés de Courlande & de
» Semigalle. On y a ftatué qu'après l'extinction
de la famille de Kettler celui à qui ces Fiefs
>> feroient conférés en jouiroit , lui & fes defcen-
» dans mâles , moyennant un diplôme en uſage
» dans de pareils cas , & qu'on conviendroit avec
>> lui des conditions féodales . La Commiſſion de
» 1727 , déléguée par la Diète de 1726 pour les
affaires de Courlande , avoit été prorogée juf-
» qu'à cette époque . Tout cela a été observé &
» exécuté felon ladite conftitution . Le Duc Er-
>> neft Jean reçut le diplôme Royal ; les Commiffaires
nommés de la République convinrent
>> avec lui des conditions féodales ; il reçut l'invel-
>> titure , felon la courume , & le diplôme de l'in-
» veftiture lui fut expédié folemnellement fous
les deux fceaux de la Couronne & du Grand
» Duché de Lithuanie , avec promelle au nouAVRIL.
1763. 207
» veau Feudataire , de la part de la République ,
de le protéger & de le défendre dans fes Du-
>> chés , lui & fes defcendans , contre qui que ce
» ſoit ; ainfi ce Dac acquit par-là un plein & in-
→ dubitable droit à ces Duchés pour lui & pour
>> fes defcendans mâles .
» Or fi un Prince Feudataire ne peut , fans être
coupable d'un crime de félonie , être privé des
Fiefs qu'il a acquis légalement , de quel droit
» foutiendra t - on que le Duc Erneſt Jean doit
» être privé de fes Duchés , fans avoir été ni en-
→ tendu ni jugé , & fans avoir commis de crime
contre le Roi ni la République ?
» Si dans le temps où l'on a voulu le dépouiller
de fes Duchés , il y avoit des raifons d'Etat
» pour l'en tenir éloigné , les raifons d'Etat qui
»l'y rappellent aujourd'hui font d'autant plus
fortes , qu'il eft juſte de rendre à chacun ce qui
>> lui appartient.
>>Par les droits de la nature & du bon voiſinage
» on eft obligé de protéger , contre la violence &
l'injuſtice , un Prince voisin & opprimé : ainf
» Sa Majefté Impériale de toutes les Ruffies ne
» peut refuſer de maintenir le Duc & les Etats de
» Courlande & de Semigalle dans leurs droits ,
→ priviléges & prérogatives.
»Sa Majefté Impériale n'ignore pa's que ces
>> Duchés font un Fief dépendant du Corps en-
→ tier de la République , & non du Trône feul
» des Rois de Pologne , felon la teneur du di-
>> plôme de l'incorporation de l'année 1569 , &
felon la conftitution de 17 36 ftatuée du conſenɔɔrement
de tous les Ordres de la République.
La fuite des Nouvelles Politiques au Mercure
prochain.
PERSON ERSONNE n'ignore la conftirution de la Diète
» de pacification de l'année 1736 , faite du confentement
de tous les Ordres de la Républi-
» que , touchant les Duchés de Courlande & de
» Semigalle. On y a ftatué qu'après l'extinction
de la famille de Kettler celui à qui ces Fiefs
>> feroient conférés en jouiroit , lui & fes defcen-
» dans mâles , moyennant un diplôme en uſage
» dans de pareils cas , & qu'on conviendroit avec
>> lui des conditions féodales . La Commiſſion de
» 1727 , déléguée par la Diète de 1726 pour les
affaires de Courlande , avoit été prorogée juf-
» qu'à cette époque . Tout cela a été observé &
» exécuté felon ladite conftitution . Le Duc Er-
>> neft Jean reçut le diplôme Royal ; les Commiffaires
nommés de la République convinrent
>> avec lui des conditions féodales ; il reçut l'invel-
>> titure , felon la courume , & le diplôme de l'in-
» veftiture lui fut expédié folemnellement fous
les deux fceaux de la Couronne & du Grand
» Duché de Lithuanie , avec promelle au nouAVRIL.
1763. 207
» veau Feudataire , de la part de la République ,
de le protéger & de le défendre dans fes Du-
>> chés , lui & fes defcendans , contre qui que ce
» ſoit ; ainfi ce Dac acquit par-là un plein & in-
→ dubitable droit à ces Duchés pour lui & pour
>> fes defcendans mâles .
» Or fi un Prince Feudataire ne peut , fans être
coupable d'un crime de félonie , être privé des
Fiefs qu'il a acquis légalement , de quel droit
» foutiendra t - on que le Duc Erneſt Jean doit
» être privé de fes Duchés , fans avoir été ni en-
→ tendu ni jugé , & fans avoir commis de crime
contre le Roi ni la République ?
» Si dans le temps où l'on a voulu le dépouiller
de fes Duchés , il y avoit des raifons d'Etat
» pour l'en tenir éloigné , les raifons d'Etat qui
»l'y rappellent aujourd'hui font d'autant plus
fortes , qu'il eft juſte de rendre à chacun ce qui
>> lui appartient.
>>Par les droits de la nature & du bon voiſinage
» on eft obligé de protéger , contre la violence &
l'injuſtice , un Prince voisin & opprimé : ainf
» Sa Majefté Impériale de toutes les Ruffies ne
» peut refuſer de maintenir le Duc & les Etats de
» Courlande & de Semigalle dans leurs droits ,
→ priviléges & prérogatives.
»Sa Majefté Impériale n'ignore pa's que ces
>> Duchés font un Fief dépendant du Corps en-
→ tier de la République , & non du Trône feul
» des Rois de Pologne , felon la teneur du di-
>> plôme de l'incorporation de l'année 1569 , &
felon la conftitution de 17 36 ftatuée du conſenɔɔrement
de tous les Ordres de la République.
La fuite des Nouvelles Politiques au Mercure
prochain.
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Résumé : SUITE de l'Article de WARSOVIE.
En 1736, la Diète de Pologne a adopté une constitution de pacification concernant les duchés de Courlande et de Semigalle, stipulant que, après l'extinction de la famille de Kettler, ces duchés seraient confiés à un nouveau seigneur et à ses descendants mâles, moyennant un diplôme féodal. Cette constitution a été respectée, et le duc Ernest Jean a reçu le diplôme royal et les conditions féodales, devenant ainsi le seigneur des duchés. La République s'est engagée à le protéger et à le défendre. Le texte pose la question de savoir pourquoi le duc Ernest Jean devrait être privé de ses duchés sans avoir été jugé ou accusé de crime. Il argue que les raisons d'État qui justifiaient son éloignement devraient aujourd'hui le rappeler, car il est juste de rendre à chacun ce qui lui appartient. Le texte appelle également à la protection du duc et des États de Courlande et de Semigalle par l'empereur, en vertu des droits de la nature et du bon voisinage. Il rappelle que ces duchés sont un fief dépendant du corps entier de la République, et non du trône des rois de Pologne, conformément aux constitutions de 1569 et de 1736.
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24
p. 180-181
SUITE de l'Article de WARSOVIE.
Début :
Loin donc que Sa Majesté Impériale veuille usurper les droits de la République [...]
Mots clefs :
Majesté impériale, République, Pologne, Duc, Assemblée, Noblesse, Régence, Honneur, Universaux, Souverain, Lettres, Conseil
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texteReconnaissance textuelle : SUITE de l'Article de WARSOVIE.
SUITE de l'Article de WARSOVIE.
„ Loin donc que Sa Majefté Impériale veuille
> ufurper les droits de la République , Elle avoue
» hautement la Suzeraineté de la République de
Pologne fur lefdits Duchés , & elle ne le pro-
» pole pas moins de les maintenir conftamment
» dans leurs dépendances féodales avec la République.
Elle ne reconnoît & ne reconnoîtra
» jamais pour Duc légitime des Duchés de Cour-
>>lande & de Semigalle que le Duc Erneſt -Jean ,
>> invefti légalement du confentement de toute la
République.
כ כ
02
Par- là Sa Majefté Impériale remplit ce qu'exigent
la juftice & le droit du voisinage , & ne
> fait que fuivre les conftitutions & les loix de la
République , à l'exemple de toutes les Puiffances
» de l'Europe qui , en vertu de fes conftitutions ,
» ont reconnu Erneft - Jean , Duc légitime de
Courlande.
Le Duc de Biren, par desUniverfaux datés de Mittau,
oùila fait un voyage leiode ce mois ,a fixé leroe
du mois prochain pour l'affemblée qu'il annonce ,
& en preffant la Régence & la Nobleffe dontelle
fera compofée , de lui rendre hommage
il s'étend fur les fervices que lui rend l'Impératrice
Catherine , en le rétabliffant dans fon
honneur & dans fes biens , fans dire un mot
AVRIL. 1763.
181
ni du Roi ni de la République de Pologne
enfin il déclare que Samedi prochain 22 de ce
mois , il s'établira à Mittau avec toute fa famille.
Le fieur Simolin', Réfident de Ruffie , a
accompagné les Univerfaux du Duc de Biren
' d'une lettre circulaire , dans laquelle il recommande
de la part de fa Cour à la Nobleffe
Courlandoife de fe foumettre à l'ancien Souverain
rappellé. Il promet à ceux qui le reconnoîtront
aujourd'hui , la protection de l'Impératrice
fa maîtreffe , & menace au contraire de l'indignation
de cette Princeffe ceux qui voudroient lui
réfifter. Le Duc Charles , qui eft toujours à Mitrau
, a cru devoir envoyer ces deux Piéces au Roi
fon père , en lui écrivant , comme à fon Seigneur
Suzerain lui dénoncer ces procédés vio- > pour
lens , dont l'effet achévera de détruire fon établiffement
en Courlande : il réclame toujours la
protection du Roi , celle de la République , & les
ordres de Sa Majefté fur la conduite qu'il doit
tenir.
Sa Majesté Polonoiſe a répondu à ce Prince
que , ne pouvant lui rien préfcrire fans l'avis du
Sénat , elle a fait expédier fes Lettres néceffaires
pour le convoquer , & que le réfultat des délibérations
de cette Affemblée fixera le parti qu'il
aura à prendre. On compte que ce Confeil aura
lieu vers la fin du mois . prochain .
„ Loin donc que Sa Majefté Impériale veuille
> ufurper les droits de la République , Elle avoue
» hautement la Suzeraineté de la République de
Pologne fur lefdits Duchés , & elle ne le pro-
» pole pas moins de les maintenir conftamment
» dans leurs dépendances féodales avec la République.
Elle ne reconnoît & ne reconnoîtra
» jamais pour Duc légitime des Duchés de Cour-
>>lande & de Semigalle que le Duc Erneſt -Jean ,
>> invefti légalement du confentement de toute la
République.
כ כ
02
Par- là Sa Majefté Impériale remplit ce qu'exigent
la juftice & le droit du voisinage , & ne
> fait que fuivre les conftitutions & les loix de la
République , à l'exemple de toutes les Puiffances
» de l'Europe qui , en vertu de fes conftitutions ,
» ont reconnu Erneft - Jean , Duc légitime de
Courlande.
Le Duc de Biren, par desUniverfaux datés de Mittau,
oùila fait un voyage leiode ce mois ,a fixé leroe
du mois prochain pour l'affemblée qu'il annonce ,
& en preffant la Régence & la Nobleffe dontelle
fera compofée , de lui rendre hommage
il s'étend fur les fervices que lui rend l'Impératrice
Catherine , en le rétabliffant dans fon
honneur & dans fes biens , fans dire un mot
AVRIL. 1763.
181
ni du Roi ni de la République de Pologne
enfin il déclare que Samedi prochain 22 de ce
mois , il s'établira à Mittau avec toute fa famille.
Le fieur Simolin', Réfident de Ruffie , a
accompagné les Univerfaux du Duc de Biren
' d'une lettre circulaire , dans laquelle il recommande
de la part de fa Cour à la Nobleffe
Courlandoife de fe foumettre à l'ancien Souverain
rappellé. Il promet à ceux qui le reconnoîtront
aujourd'hui , la protection de l'Impératrice
fa maîtreffe , & menace au contraire de l'indignation
de cette Princeffe ceux qui voudroient lui
réfifter. Le Duc Charles , qui eft toujours à Mitrau
, a cru devoir envoyer ces deux Piéces au Roi
fon père , en lui écrivant , comme à fon Seigneur
Suzerain lui dénoncer ces procédés vio- > pour
lens , dont l'effet achévera de détruire fon établiffement
en Courlande : il réclame toujours la
protection du Roi , celle de la République , & les
ordres de Sa Majefté fur la conduite qu'il doit
tenir.
Sa Majesté Polonoiſe a répondu à ce Prince
que , ne pouvant lui rien préfcrire fans l'avis du
Sénat , elle a fait expédier fes Lettres néceffaires
pour le convoquer , & que le réfultat des délibérations
de cette Affemblée fixera le parti qu'il
aura à prendre. On compte que ce Confeil aura
lieu vers la fin du mois . prochain .
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Résumé : SUITE de l'Article de WARSOVIE.
Le texte aborde les relations entre l'Empire et la République de Pologne concernant les duchés de Courlande et de Semigalle. L'empereur reconnaît la suzeraineté de la République sur ces duchés et Ernest-Jean comme duc légitime, conformément aux constitutions et lois de la République ainsi qu'aux reconnaissances des autres puissances européennes. Le duc de Biren convoque une assemblée pour prêter hommage, mettant en avant les services de l'impératrice Catherine sans mentionner le roi ou la République de Pologne. Il annonce également son installation à Mittau avec sa famille. Le résident russe, Simolin, envoie une lettre circulaire exhortant la noblesse courlandaise à se soumettre à Biren, promettant la protection de l'impératrice et menaçant les résistants. Le duc Charles informe le roi de Pologne de ces procédés violents et réclame protection. Le roi convoque le Sénat pour délibérer et prendre une décision à la fin du mois prochain.
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25
p. 205-206
DÉCLARATION de l'Impératrice de toutes les Russies, remise par son Ministre à M. le Castellan de Lipski.
Début :
Sa Majesté Impériale ne permettra jamais que S. E. M. le Castellan & M. le [...]
Mots clefs :
Majesté impériale, Commission, Acte de juridiction, Duché, Courlande, Impératrice, Fiefs, Trône, Affaires, République
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texteReconnaissance textuelle : DÉCLARATION de l'Impératrice de toutes les Russies, remise par son Ministre à M. le Castellan de Lipski.
DÉCLARATION de l'Impératrice de toutes les
Ruffies , remife parfon Miniftre à M. le Caftellan
de Lipski.
Sa Majefté Impériale ne permettra jamais
que S. E. M. lé Caftellan & M.le Palatin de
Glateo éxécutent la commiffion dont Sa Ma
» jefté Polonoiſe les a chargés , ni qu'ils éxer
cent aucun acte de Jurifdiction dans les Duchés
de Courlande & de Semigallé.
*
??
""
""
1
Les affaires actuelles de la Courlande font des
affaires d'Etat qui demandent la concurrence
de toute la République ; le Roi & le Sénat ne
peuvent feuls s'en attribuer la décifion .
L'Impératrice ne reconnoît & ne reconnoîtra
jamais d'autre Duc que S. A. S. l'ancien Due
Erneft -Jean , légitimement inveſti du conſentement
de toute la République , & pour
l'é
largiffement duquel le Roi , conjointement avec
la République , s'eft fi fouvent intéreffé.
» Sa Majefté Impériale n'ignore point que ces
Duchés font un Fief dépendant du Corps entier
de la République , & non du Trône des
Rois de Pologne ; conféquemment l'Impéra
ratrice ne fouffrira jamais qu'on faffe la moin
206 MERCURE DE FRANCE:
» dre infraction aux droits & aux immunités de
ladite République , & qu'on s'arroge des affaires
qui font de fa compétence feule .
33
( Signé ) C. DE SIMOLIN . »
Ce Sénateur Lipski a fait à cette Déclaration
la Réponse fuivante .
Ruffies , remife parfon Miniftre à M. le Caftellan
de Lipski.
Sa Majefté Impériale ne permettra jamais
que S. E. M. lé Caftellan & M.le Palatin de
Glateo éxécutent la commiffion dont Sa Ma
» jefté Polonoiſe les a chargés , ni qu'ils éxer
cent aucun acte de Jurifdiction dans les Duchés
de Courlande & de Semigallé.
*
??
""
""
1
Les affaires actuelles de la Courlande font des
affaires d'Etat qui demandent la concurrence
de toute la République ; le Roi & le Sénat ne
peuvent feuls s'en attribuer la décifion .
L'Impératrice ne reconnoît & ne reconnoîtra
jamais d'autre Duc que S. A. S. l'ancien Due
Erneft -Jean , légitimement inveſti du conſentement
de toute la République , & pour
l'é
largiffement duquel le Roi , conjointement avec
la République , s'eft fi fouvent intéreffé.
» Sa Majefté Impériale n'ignore point que ces
Duchés font un Fief dépendant du Corps entier
de la République , & non du Trône des
Rois de Pologne ; conféquemment l'Impéra
ratrice ne fouffrira jamais qu'on faffe la moin
206 MERCURE DE FRANCE:
» dre infraction aux droits & aux immunités de
ladite République , & qu'on s'arroge des affaires
qui font de fa compétence feule .
33
( Signé ) C. DE SIMOLIN . »
Ce Sénateur Lipski a fait à cette Déclaration
la Réponse fuivante .
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Résumé : DÉCLARATION de l'Impératrice de toutes les Russies, remise par son Ministre à M. le Castellan de Lipski.
La déclaration de l'Impératrice de toutes les Ruffies, transmise par son ministre à M. le Caftellan de Lipski, interdit au Caftellan et à M. le Palatin de Glateo d'exécuter la commission du roi de Pologne concernant les Duchés de Courlande et de Semigallie. Les affaires courlandaises sont considérées comme des affaires d'État nécessitant l'intervention de toute la République. Le roi et le Sénat ne peuvent donc pas décider seuls de ces questions. L'Impératrice reconnaît uniquement l'ancien Duc Ernest-Jean comme légitime, investi du consentement de toute la République. Elle souligne que les Duchés sont un fief dépendant du Corps entier de la République et non du trône des rois de Pologne. Elle ne tolérera aucune infraction aux droits et immunités de la République ni aucune usurpation des affaires relevant de sa compétence exclusive. La déclaration est signée par C. de Simolin.
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26
p. 179
De VENISE, le 23 Avril 1763.
Début :
Marc Foscarini, Doge de cette République, est morte le 30 du mois dernier, âgé [...]
Mots clefs :
Doge, République, Siège, Chevalier, Ambassadeur, Cérémonie, Couronnement
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texteReconnaissance textuelle : De VENISE, le 23 Avril 1763.
De VENISE , le 23 Avril 1763.
Marc Fofcarini , Doge de cette République
eft mort le 30 du mois dernier , âgé de foixantefept
ans . Il n'a occupé le Siége Ducal que pendant
l'espace de dix mois.
Eloy Mocenigo , Chevalier de l'Etole d'Or ,
Procurateur de S. Marc , & ci -devant Ambaffadeur
de la République près des Cours de Versailles ,
de Naples & de Rome , fut élevé le 19 de ce
mois , à la dignité de Doge de cette République ,
& le lendemain , la Cérémonie de fon Couronnement
fe fit avec la pompe accoutumée.
Marc Fofcarini , Doge de cette République
eft mort le 30 du mois dernier , âgé de foixantefept
ans . Il n'a occupé le Siége Ducal que pendant
l'espace de dix mois.
Eloy Mocenigo , Chevalier de l'Etole d'Or ,
Procurateur de S. Marc , & ci -devant Ambaffadeur
de la République près des Cours de Versailles ,
de Naples & de Rome , fut élevé le 19 de ce
mois , à la dignité de Doge de cette République ,
& le lendemain , la Cérémonie de fon Couronnement
fe fit avec la pompe accoutumée.
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Résumé : De VENISE, le 23 Avril 1763.
Le 30 mars 1763, Marc Fofcarini, Doge de Venise, est décédé à 67 ans après dix mois de mandat. Le 19 avril 1763, Eloy Mocenigo, ancien ambassadeur, a été élu Doge. Son couronnement a eu lieu le lendemain avec la pompe habituelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 187
DE LA HAYE, le 26 Octobre 1[7]63.
Début :
Le Marquis d'Havrincourt, Ambassadeur de France auprès de cette République, [...]
Mots clefs :
Marquis, Ambassadeur de France, République, Consul de France, Nomination
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE LA HAYE, le 26 Octobre 1[7]63.
DE LA HAYE , le 26 Octobre 1563 .
Le Marquis d'Havrincourt , Ambaffadeur de
France auprès de cette République , arriva ici le
23 de ce mois. Le fieur Prévost , qui étoit chargé
des affaires de France auprès de la République , fe
difpofe à retourner à la Cour , pour y recevoir les
inftructions relatives à l'Emploi de Conful de Frand
ce en Morée , auquel il vient d'être nommé .
Le Marquis d'Havrincourt , Ambaffadeur de
France auprès de cette République , arriva ici le
23 de ce mois. Le fieur Prévost , qui étoit chargé
des affaires de France auprès de la République , fe
difpofe à retourner à la Cour , pour y recevoir les
inftructions relatives à l'Emploi de Conful de Frand
ce en Morée , auquel il vient d'être nommé .
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28
p. 207-208
De WARSOVIE, le 18 Janvier 1764.
Début :
Le Primat & les Sénateurs ayant consenti à donner à l'Impératrice [...]
Mots clefs :
Primat, Sénateur, Impératrice de Russie, Note, Roi de Pologne, Décès, Ministres, Ambassadeur, République
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texteReconnaissance textuelle : De WARSOVIE, le 18 Janvier 1764.
De WARSOVIE , le 18 Janvier 1764.
Le Primat & les Sénateurs ayant conſentià
donner à l'Impératrice de Ruſſie le titre Impérial
dont ils ne s'étoient point encore ſervis , & craignant
de compromettre les droits de la République
ſur la Ruſſie Polonoife , ont remis à ce ſujet
auComte de Keyſerling la Note ſuivante : .
>> A l'occaſion de la notification qu'on va faire
>> à Sa Majesté l'Impératrice de Ruſſie du décès,
>> du Roi de Pologne , le Primat , les Sénateurs
» & les Miniſtres de la République de Pologne
> ont fait connoître à l'Ambaſſadeur Extraordi-
>> naire& Plénipotentiaire de Ruffre , qu'en con-
>>>ſéquence des égards très-diftingués qu'ils ont
*pour une Puiſſance auſſi reſpectable que celle
>>> de Ruffie , ils étoient fort éloignés de lui con
>>teſter le titre d'Impériale qui convient ſi bien à
>>> l'étendue & aux forces de ſes vaſtes Etats ;
>> mais que , comme dans l'application on y
>> joint ces mots : de toutes les Ruffies , le Primat,
>>>les Sénateurs & les Miniſtres de la République
>>>ne pouvoient s'empêcher de repréſenter que
>>>l'Ordre Equeſtre & la Nation en général pour-
>> roient concevoir quelque inquiétude ſur la généralité
de cette dénomination de toutes les
>>> Ruffies , ayant à craindre que la Cour Impé-
>> riale de Ruſſie n'en tirât peut-être un jour des
>> conféquences ſur la poſſeſſion des Provinces
>> connues ſous la même dénomination & ap-
>> partenantes à la République tant en Pologne
** qu'en Lithuanie.
Sur cette Note, l'Ambaſſadeur Extraordinaire
& Plénipotentiaire de Ruſſie a déclaré que le titre
de Majesté Impériale de toutes les Ruffies étant
donné a l'Impératrice ſa très-gracieuſe Souverai
1
208 MERCURE DE FRANCE.
ne par toutes les autres Puiſſances , il ne ſeroit
pas convenable de vouloir rien changer à cet
égard , mais qu'il aſſuroit la ſéréniſſime République
de la manière la plus poſitive que Sa
Majesté l'Impératrice étoit ſi éloignée de ſe prévaloir
jamais de ce titre de toutes les Ruffies
pour former des prétentions quelconques ſur la
Ruſſie Polonoiſe , qu'elle eſt au contraire fermement
réſolue d'obſerver religieuſement le Traité
de Paix de 1686 au point qu'en cas de démembrement
, elle aſſiſteroit la République de toutes
ſes forces pour la maintenir dans l'état actuel de
fes poffeffions.
Le Primat & les Sénateurs ayant conſentià
donner à l'Impératrice de Ruſſie le titre Impérial
dont ils ne s'étoient point encore ſervis , & craignant
de compromettre les droits de la République
ſur la Ruſſie Polonoife , ont remis à ce ſujet
auComte de Keyſerling la Note ſuivante : .
>> A l'occaſion de la notification qu'on va faire
>> à Sa Majesté l'Impératrice de Ruſſie du décès,
>> du Roi de Pologne , le Primat , les Sénateurs
» & les Miniſtres de la République de Pologne
> ont fait connoître à l'Ambaſſadeur Extraordi-
>> naire& Plénipotentiaire de Ruffre , qu'en con-
>>>ſéquence des égards très-diftingués qu'ils ont
*pour une Puiſſance auſſi reſpectable que celle
>>> de Ruffie , ils étoient fort éloignés de lui con
>>teſter le titre d'Impériale qui convient ſi bien à
>>> l'étendue & aux forces de ſes vaſtes Etats ;
>> mais que , comme dans l'application on y
>> joint ces mots : de toutes les Ruffies , le Primat,
>>>les Sénateurs & les Miniſtres de la République
>>>ne pouvoient s'empêcher de repréſenter que
>>>l'Ordre Equeſtre & la Nation en général pour-
>> roient concevoir quelque inquiétude ſur la généralité
de cette dénomination de toutes les
>>> Ruffies , ayant à craindre que la Cour Impé-
>> riale de Ruſſie n'en tirât peut-être un jour des
>> conféquences ſur la poſſeſſion des Provinces
>> connues ſous la même dénomination & ap-
>> partenantes à la République tant en Pologne
** qu'en Lithuanie.
Sur cette Note, l'Ambaſſadeur Extraordinaire
& Plénipotentiaire de Ruſſie a déclaré que le titre
de Majesté Impériale de toutes les Ruffies étant
donné a l'Impératrice ſa très-gracieuſe Souverai
1
208 MERCURE DE FRANCE.
ne par toutes les autres Puiſſances , il ne ſeroit
pas convenable de vouloir rien changer à cet
égard , mais qu'il aſſuroit la ſéréniſſime République
de la manière la plus poſitive que Sa
Majesté l'Impératrice étoit ſi éloignée de ſe prévaloir
jamais de ce titre de toutes les Ruffies
pour former des prétentions quelconques ſur la
Ruſſie Polonoiſe , qu'elle eſt au contraire fermement
réſolue d'obſerver religieuſement le Traité
de Paix de 1686 au point qu'en cas de démembrement
, elle aſſiſteroit la République de toutes
ſes forces pour la maintenir dans l'état actuel de
fes poffeffions.
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Résumé : De WARSOVIE, le 18 Janvier 1764.
Le 18 janvier 1764, à Varsovie, le Primat et les Sénateurs de la République de Pologne ont accordé à l'Impératrice de Russie le titre impérial, tout en exprimant des réserves sur l'utilisation des mots 'de toutes les Russies'. Ils ont transmis ces préoccupations au Comte de Keyserling, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de Russie. Les Polonais craignaient que ce titre ne compromette les droits de la République sur la Russie Polonoise, redoutant des conséquences sur la possession des provinces polonaises et lituaniennes. En réponse, l'Ambassadeur russe a affirmé que le titre était reconnu par toutes les autres Puissances et ne pouvait être modifié. Il a assuré la République de Pologne que l'Impératrice n'utiliserait pas ce titre pour formuler des prétentions sur la Russie Polonoise. Il a également garanti que la Russie respecterait le Traité de Paix de 1686 et assisterait la République pour maintenir ses possessions en cas de démembrement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 154-157
De WARSOVIE, le 17 Mars 1764.
Début :
L'Ambassadeur de France ayant reçu un Courier extraordinaire de sa Cour [...]
Mots clefs :
Ambassadeur, Courrier, Vacance du trône, Roi de Pologne, Déclaration, Nation, République, Candidats, Couronne, Alliés
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De WARSOVIE, le 17 Mars 1764.
De WARSOVIE , le 17 Mars 1764.
L'AMBASSADEUR de France ayant reçu un Cou
Tier extraordinaire de la Cour avec des dépêches
importantes touchant les affaires préfentes de ce
Royaume , s'eft rendu hier chez le Primat , & lui
a remis , au nom du Roi fon Maître , la Déclarasionfuivante.
JUILLET. 1764. ISS
La vacance du Trône eft l'événement le plus
important qui puiſſe arriver dans un Royaume
» Electif , & c'eſt dans une occafion fi effentielle
» que le Roi s'eft empreffé de donner à la Nation
» Polonoife de nouvelles affurances de fon amitié
» & de l'intérêt véritable qu'il prend à la gloire
» à la profpérité de cette République. Les Ambaſſa--
» deurs & les Miniftres de France dans toutes les
» Cours Etrangères,& fpécialement le Marquis de
Paulmy à Warfovie , on été chargés de faire
→ connoître › par des Déclarations verbales
quelles font les difpofitions du Roi à l'égard
» de l'élection future d'un Roi de Pologne. Mais
» Sa Majeſté ne voulant pas qu'il puiffe y avoir le
» moindre doute fur la pureté de les intentions
» & ne craignant pas de mettre au grand jour
fes vrais fentimens , a cru devoir les manifefter
par une Déclaration formelle & authentique.
» Le Roi déclaré donc de la manière la plus
>> précife & la plus folemnellé , qu'il ne confidére
» dans cette occafion que les avantages de la Ré-
» publique;qu'il ne forme d'autre voeu, & n'a dau--
> tre defir que devoir la Nation Polonoiſe main-
» tenue dans tous fes droits,dans toutes les poffef
» fions , dans toutes fes libertés , & fpécialement
2
dans la plus précieuſe de ſes prérogatives , celle
» de fe donner un Roi par une élection libre & un *
>> choix volontaire ; qu'animé de ces fentimens &
» d'un véritable intérêt pour une Nation ancienne
5s Alliée de fa Couronne , il remplira à fon égard
» tout ce que peuvent exiger de lui la juſtice , les
> traités & les noeuds mutuels de l'amitié;qu'enfin
sil l'affiftera par tous les moyens qui feront en fon
pouvoir , fi , contre toute attente , elle étoit
troublée dans l'exercice de les droits légitimes ,
& qu'elle peut compter fur fes fecours & les
G✨vj
156 MERCURE DE FRANCE.
לכ
» requérir en toute affurance , fi les priviléges de
" la Nation Polonoife étoient violés : mais Sa
» Majeſté a lieu de croire qu'un pareil cas ne sçau-
» roit exifter , puifque les Puillances voisines ont
» également déclaré , de la manière la plus folem-
» nelle, qu'elles étoient conftamment réfolues de
» maintenir la République dans fon état actuel .
ג כ
fes loix , fes libertés , ainfi que dans les pof-
" feffions , & qu'elles ne fouffriroient pas qu'elle
» éprouvât aucun préjudice de la part de qui que
» ce foit , & que ces libertés fudent gênées par les
Cours Etrangères. Des Déclarations fi préciſes ,
>> fi uniformes & fi équitables annoncent claire-
>> ment à la Nation Polonoife qu'elle peut uſer
30
de fes droits dans toute leur étendue , & qu'elle
››› n'a pas à craindre de voir ſes libertés & fon territoire
violés par l'introduction d'aucune troupe
» étrangère.
30
DO
» A l'égard des différens Candidats qui peuvent
afpirer au Trône de Pologne , S.M. n'en recom-
» mande & n'en indique aucun.Elle eſt encore plus
éloignée de donner des exclufions, puiſque ce le-
>> roit agircontre fesprincipes ,& attenter à la liberté
os des Polonois; & même Elle s'abftiendra de donner
des confeils fur une matière auffi délicate , étant
bien perfuadée que la République eft trop
p éclairée fur les vrais intérêts ,pour ne pas préférer
» le Candidat qui fera le plus en état de la gou-
» verner avec justice & avec éclat. La Pologne
» compte des grands hommes parmi les Rois
>> Piaftes ; plufieurs Maifons Souveraines lui en
» ont fourni d'auffi célébres par leurs actions qu'il-
>> luftres par leur naiffance. C'eft à la Nation elle-
>> même de déterminer fon choix en conſultant ſa
propre convenance , fans égard à des influences
étrangères , & Sa Majefté déclare qu'elle re
JUILLET. 1764. 147
>> connoîtra pour Roi de Pologne & pour Allié de
» fa Couronne , que même Elle foutiendra & pro-
» tégera quiconque fera élûpar le choix libre de la
» Nation & conformément aux loix & aux conf-
> titutions du Pays.
Le même jour , le Comte de Mercy , Ambaffadeur
de Leurs Majeſtés Impériales , remit au
Primat une Déclaration à-peu-près pareille.
L'AMBASSADEUR de France ayant reçu un Cou
Tier extraordinaire de la Cour avec des dépêches
importantes touchant les affaires préfentes de ce
Royaume , s'eft rendu hier chez le Primat , & lui
a remis , au nom du Roi fon Maître , la Déclarasionfuivante.
JUILLET. 1764. ISS
La vacance du Trône eft l'événement le plus
important qui puiſſe arriver dans un Royaume
» Electif , & c'eſt dans une occafion fi effentielle
» que le Roi s'eft empreffé de donner à la Nation
» Polonoife de nouvelles affurances de fon amitié
» & de l'intérêt véritable qu'il prend à la gloire
» à la profpérité de cette République. Les Ambaſſa--
» deurs & les Miniftres de France dans toutes les
» Cours Etrangères,& fpécialement le Marquis de
Paulmy à Warfovie , on été chargés de faire
→ connoître › par des Déclarations verbales
quelles font les difpofitions du Roi à l'égard
» de l'élection future d'un Roi de Pologne. Mais
» Sa Majeſté ne voulant pas qu'il puiffe y avoir le
» moindre doute fur la pureté de les intentions
» & ne craignant pas de mettre au grand jour
fes vrais fentimens , a cru devoir les manifefter
par une Déclaration formelle & authentique.
» Le Roi déclaré donc de la manière la plus
>> précife & la plus folemnellé , qu'il ne confidére
» dans cette occafion que les avantages de la Ré-
» publique;qu'il ne forme d'autre voeu, & n'a dau--
> tre defir que devoir la Nation Polonoiſe main-
» tenue dans tous fes droits,dans toutes les poffef
» fions , dans toutes fes libertés , & fpécialement
2
dans la plus précieuſe de ſes prérogatives , celle
» de fe donner un Roi par une élection libre & un *
>> choix volontaire ; qu'animé de ces fentimens &
» d'un véritable intérêt pour une Nation ancienne
5s Alliée de fa Couronne , il remplira à fon égard
» tout ce que peuvent exiger de lui la juſtice , les
> traités & les noeuds mutuels de l'amitié;qu'enfin
sil l'affiftera par tous les moyens qui feront en fon
pouvoir , fi , contre toute attente , elle étoit
troublée dans l'exercice de les droits légitimes ,
& qu'elle peut compter fur fes fecours & les
G✨vj
156 MERCURE DE FRANCE.
לכ
» requérir en toute affurance , fi les priviléges de
" la Nation Polonoife étoient violés : mais Sa
» Majeſté a lieu de croire qu'un pareil cas ne sçau-
» roit exifter , puifque les Puillances voisines ont
» également déclaré , de la manière la plus folem-
» nelle, qu'elles étoient conftamment réfolues de
» maintenir la République dans fon état actuel .
ג כ
fes loix , fes libertés , ainfi que dans les pof-
" feffions , & qu'elles ne fouffriroient pas qu'elle
» éprouvât aucun préjudice de la part de qui que
» ce foit , & que ces libertés fudent gênées par les
Cours Etrangères. Des Déclarations fi préciſes ,
>> fi uniformes & fi équitables annoncent claire-
>> ment à la Nation Polonoife qu'elle peut uſer
30
de fes droits dans toute leur étendue , & qu'elle
››› n'a pas à craindre de voir ſes libertés & fon territoire
violés par l'introduction d'aucune troupe
» étrangère.
30
DO
» A l'égard des différens Candidats qui peuvent
afpirer au Trône de Pologne , S.M. n'en recom-
» mande & n'en indique aucun.Elle eſt encore plus
éloignée de donner des exclufions, puiſque ce le-
>> roit agircontre fesprincipes ,& attenter à la liberté
os des Polonois; & même Elle s'abftiendra de donner
des confeils fur une matière auffi délicate , étant
bien perfuadée que la République eft trop
p éclairée fur les vrais intérêts ,pour ne pas préférer
» le Candidat qui fera le plus en état de la gou-
» verner avec justice & avec éclat. La Pologne
» compte des grands hommes parmi les Rois
>> Piaftes ; plufieurs Maifons Souveraines lui en
» ont fourni d'auffi célébres par leurs actions qu'il-
>> luftres par leur naiffance. C'eft à la Nation elle-
>> même de déterminer fon choix en conſultant ſa
propre convenance , fans égard à des influences
étrangères , & Sa Majefté déclare qu'elle re
JUILLET. 1764. 147
>> connoîtra pour Roi de Pologne & pour Allié de
» fa Couronne , que même Elle foutiendra & pro-
» tégera quiconque fera élûpar le choix libre de la
» Nation & conformément aux loix & aux conf-
> titutions du Pays.
Le même jour , le Comte de Mercy , Ambaffadeur
de Leurs Majeſtés Impériales , remit au
Primat une Déclaration à-peu-près pareille.
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Résumé : De WARSOVIE, le 17 Mars 1764.
Le 17 mars 1764, l'ambassadeur de France à Varsovie a reçu des dépêches importantes relatives aux affaires du Royaume de Pologne. Il a transmis une déclaration au Primat au nom du Roi de France. Cette déclaration met en avant l'importance de la vacance du trône en Pologne, un royaume électif, et réaffirme l'amitié et l'intérêt du Roi de France pour la gloire et la prospérité de la République polonaise. Le Roi de France déclare qu'il ne considère que les avantages de la République et souhaite que la Nation polonaise conserve tous ses droits, possessions et libertés, notamment celle de choisir librement son roi. Il assure son soutien et son assistance en cas de trouble ou de violation des droits légitimes de la Nation. La déclaration mentionne également que les puissances voisines ont fait des déclarations similaires pour maintenir la République dans son état actuel. Le Roi de France ne désigne aucun candidat pour le trône et s'abstient de donner des conseils, laissant la Nation polonaise libre de choisir le candidat le plus apte à la gouverner. Le même jour, le Comte de Mercy, ambassadeur des Majestés Impériales, a remis une déclaration similaire au Primat.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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30
p. 186-189
« L'Impératrice a fait communiquer aux différentes Cours le Mémoire [...] »
Début :
L'Impératrice a fait communiquer aux différentes Cours le Mémoire [...]
Mots clefs :
Mémoire, Impératrice, Confédération, République, Humanité, Engagement, Constitution, Sa Majesté impériale, Amitié, Circonstances, Alliance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « L'Impératrice a fait communiquer aux différentes Cours le Mémoire [...] »
L'I'MIMPPEERRAATTRRIICCEE a fait communiquer aux diffé."
rentes Cours le Mémoire ſuivant , concernant les
affaires de Pologne & particulièrement la Confédération
de Lithuanie.
« Sa Majefté Impériale , ſenſiblement touchée
>> de l'état violent où se trouve la Pologne, ne
>> peut la voir avec indifférence à la veilled'une
>> guerre inteſtine. Les droits de l'humanité ſeule
▸ ne lui permettroient pas de refter tranquille
ſpectatrice desfureurs qui , après avoir fait couler
>> des torrens deſang,entraîneroient la deſtruction
>>> totale de cette Nation. Les Souverains font
>> les défenſeurs du genre humain , & le pouvoir
qu'il ont ſur une partie des hommes leur donne
>> le droitde s'intéreſſer au bien de tous . Mais ,
indépendamment de ces motifs , Sa Majesté
Impériale a des engagemens perſonnels qui
>>>réclament ſon aſſiſtance en faveur de la Polo
>>>gne. Médiatrice naturelle & autoriſée par les
>>>Traités, entre les différens Etats qui compoſent
ככ
la République , Elle veille à l'exemple de ſes
>> Prédéceſſeurs, à ce que rien ne puifle porterat-
>>> teinte aux conſtitutions fondamentales de cette
République. Sa Majefté Impériale , qui avoit
>> prévu les circonstances toujours critiques d'un
interregne , crut , auffi- tôt après la mort du
>> Roi , remplir les devoirs ſacrés de l'humanité
» & de la foi des Traités , en faiſant aſſurer la
République par ſes Miniſtres & en l'affurant
Elle -même par ſes Lettres qu'Elle alloit redou
AOUST. 1764 . 187
לכ bler d'attention pour prévenir les dangers auxquels
laperte de ſon Chef pouvoit l'expoſer. Les
Miniſtres de S. M. I. dans toutes les Cours de
>> l'Europe ont eu ordre d'y faire connoître ces
>> diſpoſitions que ſa conduite a parfaitement juf
tifiées juſqu'a ce jour. Aux engagemens de l'amitié
& de l'alliance , l'Impératrice joint ceux
>> du voisinage qui rend les premières obligations
>>plus étroites & en forme d'autres uniquement
>>>propres à l'Etat voiſin . Une correfpondance mu-
>> tuelle eſt le fondement des avantages &le lien
>> du bonheur réciproque de deux Etats limitro-
>> trophes , quand l'un eft attaqué en quelqu'une
>> de ſes parties. Le contrecoup qu'en reſſent ſon
>> voiſin force celui- ci à prendre part à ce mal .
Alors , les motifs de l'amitié & de l'alliance re-
> çoivent de nouvelles forces & exigent de lui les
>>plus grands efforts après ceux qu'il ſe doit à
>> foi-même. Toutes ces conſidérations ont inſpiré
à Sa Majefté Impériale les démarches qu'Elle
>> a faites , ainſi que les aſſurances qui les ont précédées
& qu'Elle a rénérées autant de fois que
>> les circonstances l'ont éxigé. Aujourd'hui , ſa
gloire , la proſpérité de ſon regne , ſon atten--
driſſement ſur les malheurs de ſes voiſins & le
propre intérêt de ſon Peuple éxigent qu'Elle
>> rempliſſe des paroles qui ne ſont pas moins fa-
>> crées que dictées par l'honneur & la ſageſſe .
>>C'eſt une Nation qui vient l'en prier , qui ré
>> clame ſes engagemens , qui l'appelle à ſon ſe-
>>c>ours : Sa Majeſté Impériale ſe rendroit coupable
du mal ultérieur , fi Elle ne déféroit à des
motifs ſi preſſans. Dans la droiture des principes
qui la guident & des ſentimens qui l'ani-
❤ment, Elle a donc ordonné , auſſi- tôt après la
188 MERCURE DE FRANCE .
réclamation faite par la Confédération géné
>>>rale de Lithuanie , qu'un corps de ſes troupes
>> marchat vers cette Province pour y appuyer les
>>>bonnes intentions des vrais Patriotes , pour y
>> arrêter tout déſordre , y maintenir la liberté
>> des Citoyens & rendre aux conſtitutions de la
>> République leur première vigueur. Sa Majesté
>> Impériale devoit cette marque de confiance au
"zèle patriotique de la Confédération qui , loin
>>>de s'oppoſer à la tenue de la Dière Générale ,
>> ſeule voiepropre à conſolider les conſtitutions
" de la Républiquedans une circonſtance auffi critique
que celle de l'interregne, achargé fon
>Maréchald'y envoyer des Députés pour expo-
5ſer aux Etats de la République aſſemblés , la
>>>pureté de ſes intentions & lajuſtice de ſes de-
>> firs , & pour engager ſes frères des Provinces
>>> de la Couronne à ſecourir de concert la Patrie ,
>> en leur rappellant l'union de la Lithuanie avec
>le Royaume, union confirmée par un ferment
>>facré& maintenue inaltérablement depuis plu-
>>> fieurs fiécles.
>>La néceſſité du ſecours que l'Impératrice en-
>>voye à cette Province eſt d'autant plus preſſante
que depuis que la Confédération s'eft
>>>formée , on apprend que le Prince Radziwill ,
> armé depuis longtemps & le plus ardent à
>> troubler le repos de ſa Patrie , a fait des entrepriſes
contre la Confédération ,& ſe propoſe
»d'empêcher dès ſa naiſſance tout le bien qu'on
>> doit naturellement s'en promettre.
» Les Généraux de Sa Majeſté Impériale
>>n'ont d'autres inſtructions que de reſter tran-
>>> quilles , de s'oppoſer à toute eſpéce de violen--
>> ces & d'éviter ſcrupuleuſement d'en commer--
>> tre la plus légére , de faciliter en tout les liAOUST.
1764. 189
bres délibérations de la Nobleſſe , de garder
uniquement la défenſive , & enfin de ne faire
uſage de leurs armes que lorſqu'on les atta-
>>quera eux- mêmes ou les dépôts précieux com-
>>>mis à leur garde.
>>L'Impératrice, fondée ſur les ſentimens d'humanité
&d'amour pour la paix qu'elle a fait
>> connoître depuis le commencement de ſon ré-
>>gne , ne doute pas qu'on ne rende la juſtiće
qui eſt due à la légitimité de la démarche
>> qu'Elle ſe trouve obligée de faire. Comme Sa
>> Majesté Impériale avoit prévu cet événement ,
>>>Elle avoit tout fait pour le détourner ; &
»quoique toutes les Puillances avec leſquelles
Elle est en amitié ſoient moins intérellées
»qu'Elle aux affaires préſentes , Elle n'avoit pas
balancé à leur en faire part , & avoit cru fe de-
>> voir cette fatisfaction à Elle- même , à la pureté
>>de ſes intentions & à l'uniformité des principes
qu'elle a admis invariablement. p.
rentes Cours le Mémoire ſuivant , concernant les
affaires de Pologne & particulièrement la Confédération
de Lithuanie.
« Sa Majefté Impériale , ſenſiblement touchée
>> de l'état violent où se trouve la Pologne, ne
>> peut la voir avec indifférence à la veilled'une
>> guerre inteſtine. Les droits de l'humanité ſeule
▸ ne lui permettroient pas de refter tranquille
ſpectatrice desfureurs qui , après avoir fait couler
>> des torrens deſang,entraîneroient la deſtruction
>>> totale de cette Nation. Les Souverains font
>> les défenſeurs du genre humain , & le pouvoir
qu'il ont ſur une partie des hommes leur donne
>> le droitde s'intéreſſer au bien de tous . Mais ,
indépendamment de ces motifs , Sa Majesté
Impériale a des engagemens perſonnels qui
>>>réclament ſon aſſiſtance en faveur de la Polo
>>>gne. Médiatrice naturelle & autoriſée par les
>>>Traités, entre les différens Etats qui compoſent
ככ
la République , Elle veille à l'exemple de ſes
>> Prédéceſſeurs, à ce que rien ne puifle porterat-
>>> teinte aux conſtitutions fondamentales de cette
République. Sa Majefté Impériale , qui avoit
>> prévu les circonstances toujours critiques d'un
interregne , crut , auffi- tôt après la mort du
>> Roi , remplir les devoirs ſacrés de l'humanité
» & de la foi des Traités , en faiſant aſſurer la
République par ſes Miniſtres & en l'affurant
Elle -même par ſes Lettres qu'Elle alloit redou
AOUST. 1764 . 187
לכ bler d'attention pour prévenir les dangers auxquels
laperte de ſon Chef pouvoit l'expoſer. Les
Miniſtres de S. M. I. dans toutes les Cours de
>> l'Europe ont eu ordre d'y faire connoître ces
>> diſpoſitions que ſa conduite a parfaitement juf
tifiées juſqu'a ce jour. Aux engagemens de l'amitié
& de l'alliance , l'Impératrice joint ceux
>> du voisinage qui rend les premières obligations
>>plus étroites & en forme d'autres uniquement
>>>propres à l'Etat voiſin . Une correfpondance mu-
>> tuelle eſt le fondement des avantages &le lien
>> du bonheur réciproque de deux Etats limitro-
>> trophes , quand l'un eft attaqué en quelqu'une
>> de ſes parties. Le contrecoup qu'en reſſent ſon
>> voiſin force celui- ci à prendre part à ce mal .
Alors , les motifs de l'amitié & de l'alliance re-
> çoivent de nouvelles forces & exigent de lui les
>>plus grands efforts après ceux qu'il ſe doit à
>> foi-même. Toutes ces conſidérations ont inſpiré
à Sa Majefté Impériale les démarches qu'Elle
>> a faites , ainſi que les aſſurances qui les ont précédées
& qu'Elle a rénérées autant de fois que
>> les circonstances l'ont éxigé. Aujourd'hui , ſa
gloire , la proſpérité de ſon regne , ſon atten--
driſſement ſur les malheurs de ſes voiſins & le
propre intérêt de ſon Peuple éxigent qu'Elle
>> rempliſſe des paroles qui ne ſont pas moins fa-
>> crées que dictées par l'honneur & la ſageſſe .
>>C'eſt une Nation qui vient l'en prier , qui ré
>> clame ſes engagemens , qui l'appelle à ſon ſe-
>>c>ours : Sa Majeſté Impériale ſe rendroit coupable
du mal ultérieur , fi Elle ne déféroit à des
motifs ſi preſſans. Dans la droiture des principes
qui la guident & des ſentimens qui l'ani-
❤ment, Elle a donc ordonné , auſſi- tôt après la
188 MERCURE DE FRANCE .
réclamation faite par la Confédération géné
>>>rale de Lithuanie , qu'un corps de ſes troupes
>> marchat vers cette Province pour y appuyer les
>>>bonnes intentions des vrais Patriotes , pour y
>> arrêter tout déſordre , y maintenir la liberté
>> des Citoyens & rendre aux conſtitutions de la
>> République leur première vigueur. Sa Majesté
>> Impériale devoit cette marque de confiance au
"zèle patriotique de la Confédération qui , loin
>>>de s'oppoſer à la tenue de la Dière Générale ,
>> ſeule voiepropre à conſolider les conſtitutions
" de la Républiquedans une circonſtance auffi critique
que celle de l'interregne, achargé fon
>Maréchald'y envoyer des Députés pour expo-
5ſer aux Etats de la République aſſemblés , la
>>>pureté de ſes intentions & lajuſtice de ſes de-
>> firs , & pour engager ſes frères des Provinces
>>> de la Couronne à ſecourir de concert la Patrie ,
>> en leur rappellant l'union de la Lithuanie avec
>le Royaume, union confirmée par un ferment
>>facré& maintenue inaltérablement depuis plu-
>>> fieurs fiécles.
>>La néceſſité du ſecours que l'Impératrice en-
>>voye à cette Province eſt d'autant plus preſſante
que depuis que la Confédération s'eft
>>>formée , on apprend que le Prince Radziwill ,
> armé depuis longtemps & le plus ardent à
>> troubler le repos de ſa Patrie , a fait des entrepriſes
contre la Confédération ,& ſe propoſe
»d'empêcher dès ſa naiſſance tout le bien qu'on
>> doit naturellement s'en promettre.
» Les Généraux de Sa Majeſté Impériale
>>n'ont d'autres inſtructions que de reſter tran-
>>> quilles , de s'oppoſer à toute eſpéce de violen--
>> ces & d'éviter ſcrupuleuſement d'en commer--
>> tre la plus légére , de faciliter en tout les liAOUST.
1764. 189
bres délibérations de la Nobleſſe , de garder
uniquement la défenſive , & enfin de ne faire
uſage de leurs armes que lorſqu'on les atta-
>>quera eux- mêmes ou les dépôts précieux com-
>>>mis à leur garde.
>>L'Impératrice, fondée ſur les ſentimens d'humanité
&d'amour pour la paix qu'elle a fait
>> connoître depuis le commencement de ſon ré-
>>gne , ne doute pas qu'on ne rende la juſtiće
qui eſt due à la légitimité de la démarche
>> qu'Elle ſe trouve obligée de faire. Comme Sa
>> Majesté Impériale avoit prévu cet événement ,
>>>Elle avoit tout fait pour le détourner ; &
»quoique toutes les Puillances avec leſquelles
Elle est en amitié ſoient moins intérellées
»qu'Elle aux affaires préſentes , Elle n'avoit pas
balancé à leur en faire part , & avoit cru fe de-
>> voir cette fatisfaction à Elle- même , à la pureté
>>de ſes intentions & à l'uniformité des principes
qu'elle a admis invariablement. p.
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Résumé : « L'Impératrice a fait communiquer aux différentes Cours le Mémoire [...] »
L'Impératrice de Russie exprime sa préoccupation face à la situation violente en Pologne, particulièrement en Lituanie. Elle justifie son intervention par des motifs humanitaires et des engagements personnels, se présentant comme une médiatrice naturelle et autorisée par les traités entre les différents États de la République polonaise. L'Impératrice rappelle ses actions passées pour assurer la stabilité de la Pologne après la mort du roi et ses efforts pour prévenir les dangers liés à l'interrègne. Elle souligne les obligations de voisinage et les avantages réciproques d'une correspondance mutuelle entre États limitrophes. Les récentes réclamations de la Confédération générale de Lituanie l'ont poussée à envoyer des troupes pour soutenir les patriotes, maintenir l'ordre et restaurer les constitutions de la République. Ces troupes ont pour mission de rester tranquilles, d'éviter toute violence et de faciliter les délibérations de la noblesse. L'Impératrice espère que ses actions seront comprises et justifiées par les autres puissances, avec lesquelles elle a partagé ses intentions et ses principes. Elle mentionne également les menaces posées par le Prince Radziwill, qui trouble l'ordre public en Lituanie.
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