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p. 121-185
SUITE DU III. MEMOIRE de la MELODIE. De la Quinte, Complement, & Répliques.
Début :
Si l'on fait sonner en même temps deux cordes [...]
Mots clefs :
Consonnance, Quinte, Cordes, Vibrations, Musique, Mélodie, Harmonie, Dissonance
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texteReconnaissance textuelle : SUITE DU III. MEMOIRE de la MELODIE. De la Quinte, Complement, & Répliques.
SUITEDUIII. MEMOIRE
de la Melodie.
DeUQuinte, Comblement
6.Sil'onfaitsonnercft
mêmetempsdeux cordes
égalesLengrosseur & en
ienfion) dont l'une ne soit
que les 7 de Lautre , un
pcurmpins, on - entendra
encore uneconsonancetrésharmonieufe^
ueIon nomme
quinte,dunombre des
fons qu'elle comprend,
comme(UT-, re, mi *sah
sol Les deuxsons quilaforment
sont à la vérité moins !.. unis entreux, que ceux de
l'nniuon &dc l'a^ay^o^
me on l'a dit
leur harmonie est plus glepveéuet<&
i:onpclu;:sf:apnicqpanarci^cdattlf£ir>éjr>:i
comtneiidàio
precodentes
queu cercc' '! harmqak-riui
vient desaritmique(2, GVp,
~mdR&pcvpofensiibfpULpq
où ~£ selon le befoia ; qudia
que chofod'aulfbp^iitfi&i
~d'auffiaigrcatalxb^l'fifprjiîkï
pouvantproceder quedu parfaite
* Le complément de la
quinte est la quarte,parce
que leurs intervales pris de
fuite renferment tous les
sonsquel'octave comprend.
La quarte tient sonnom des
4 sons quellecontient,com-*
me (sol,la,ut.)On la trouve
en faisant sonner enmême
temps deux cordes égales
en longueur & en tenlion,
dÓt l'une n'est que les;
de l'autre,un peu moins.
Elle n'a gueres moins d'harmonie
que la quinte, étant
ouie feule
; c'est pourquoy
on a raison de conclure
aussi que cette perfection
lui convient de sa ritmique
{5,i,i,t,i,3)ou de ses
exposans
, par les raisons
rapportées. On peut aussi
prendre pour ses exposans
96, 'Hr 1 l b r ou lot3 lelon lebesoin.
Au reste la quarte s'employe
avec beaucoup de
succés dans la mélopée,
soit en commençant, soit
dans le progrés du chant,
ou dans sa fin.,& même
plus fréquemment que les
quintes,sixtes & oftaves.,
parce qu'elle estplus aisée
à entonner, & qu'elle est
moins suave que roétave
la quinte, & davantage que
les sextes.C'est pour celaque
les Grecs & les peuplesasiatiques
en ont-fait le fondement
de leur musique,
n'aïant pas eu de conoissance
de la composition. Elle
sert àtemperer la trop grande
douceur des unissons,des
occaves &: des quintes, en
empêchant qu'elles n'affadissent.
Les répliqués de la quin.
te font la ii3 la 19 ,
la 16,
dont les noms se trouvent
tou1\ jours, en ajoutant continuellement
7 au nombre
5
dela quinte; leursexposans
sont(~, '~) qui fc
forment aisément avec
ceux de la quinte ~, comme
il efl évident. Pour entendre
ces répliqués,il faut
faire sonner à la fois deux
cordes égales en tensîon ôc
en grosseur, dont l'une soit
le ~, ou "6, ou de l'autre.
On connoît alors que la
douzième ne cede en rien
à la quinte, &que peutêtre
elle la surpasse en douceur,
les autres allant toujours
en diminuant de beaute
à mesure quelles s'éloignenti
de celles-ci.Et l'on
doit bienremarquerque la
douzième encoresi nanaturelle
;que nonseulementelle
se forme comme
mens a,ventensoufisant
deplus fort en plus fort,
ainsi que l'octave: mais même!
oa l'entend presque
toujoursdans le son des
grands corps mêlée avec
l'oëcave;cë. qui nous fait
connqîtré queles corpsfufiîkmment
longs ne se di-
-vifent- pas feulement en
deux&en quatreparties
par la vertu de leur refforfc
& par le choq de l'air:mais
encore en trois parties égales
& plus, comme on va
le voir. Al'égard des ritmiques
de ces.répliqués,on
voit bien que ce ne sont que
des unités, sçavoir, Ill;
min, ôcc. u-.
•
Enfin les répliqués de la
quarte sont ru,la i8,ia£
qui tirent toujours leurs
noms du nombre:des sons
qu'on y conçoit, lesquels-se
trouvent en ajoutant continuellement
7 à 4. Leursexposans
sont. j,,qu'ilest
aiséde former avec ceux de
la quarte -fj & pour avoir
ces repliques, il faut faire
sonner en,même temps
ddeux coordesnégalets en gros- l'une
soit ou r6, ou de l'autre;
alors on entendra de nou- vellesconsonances,qui
vontcontinuellement en
diminuantde beauté,àmesure
qu'on s'éloigne de là
quarte. Les momens ou
temps de leursritmiques
sont, (3) 3 2.y 1>3* 3>1> 1> J,J)(3,3,3,3,3,1,2.,3,5.
3* b1>l>3)3y3>3>5)
Au reste on peut regarder
la quarte comme une conl
ionanceneutreJdè même
que l'octave, & leurs rei
pliques,ence quelles entrent
danstoutesfortes-de
paillons/-•-ct c.) i » t De la Tierce majeurey cornlement
&répliqués.
#.
7. Sil'on fait sonner cm
semble deux cordes égales
en grosseur & en tension)
dont l'une soit les de/l'autre,
vin peu moins, on en.
tendra.unecontenance, un
peumoins suavequelesprp*
cedentes, c'est à dire un
peuplus piquante, quel'on
peut aappeller aigredouce
,& que l'on nomme tierce
majeure, à cause qu'elle
renferme rrois sons sans
demi-ton,comme(ut,re,
mi ;
sa, loi, la) &c. d'où
l'on peut conclure quecette
douceur, que plusieurs
pareferent même àcelle de
quarte, ne lui vient encore
que de la perfection
de ses exposans (4) On en
peut juger aussi par sa rirmique
(4,1,3,2.2,1,3,4)
qui est médiocrement va-
.i.?
ricç,sansconfusion,&qui
produit un effettrès agreable
à l'oreille. On peur pren..
dre aussi poursesexpolans
~, ou ~- ,
selon l'occasion.
Son aigre-doux a fait que
l'on a été prés de 5000 ans
à la recevoir pour consonance
: mais il y avoic encore
:d'autres raisons qui
combattoient contrelle ,
que l'on verra ci-aprés. Du
reste elle a toujours la préference
dans les passions
vivesaussi-bien que la
quinte, & leurs repliques
comme on le dira en Ion
lieu.
Son complementestla
sixte mineure, ainsinommée
à cause des six fons
qu'elle renferme
,
qui contiennent
-deux demi-tons,
comme (mi,sa, fol^la,si,
ut. ) Pour l'entendreil faut
faire sonner deux cordes
égales en tension & grosseur,
dont l'une soit presque
les de l'autre
;
alors
on a une nouvelle consonance
moins gracieuse que
la precedente, & pour ainsi
dire la moindre de toutes
les consonances reçûës;vulgSiffWnfo
dont-expQfanç
est~,comme onn'en peut
douter par les raisonscidessus
;& par consequent
aussi sa,ritmiquecftCy> 5, *>5>1 4-J) laquellecommence à être
êo.nfti!?;fcomme il est évident.
Aussi rie fait-elle pas
tantdeplaisiràl'oreille que
celle de latierce majeure.
On peut prendre encore
, pour sesexposans~,com-
{hé: 31elpmanifefle. Au
têsté cette consonance est
unede celles qui ont été
rejettéespar les- anciens,
~~?0~~diec~de~an~
?ikes.rçpljquesdéjà tierce
majeure sontla10, la17,-
hbzqy qui tirent toujours
leur?nom&.dtt nombrede
kjuts tons commeilest
ziÇédeIç voir.On.trouve
cesrepliques en faisant sonnçj::
ëxifembiq.dmxcordes?
égales;cml tenGonr
grofleur,dûnfcla- moindre
<ift.prçfque ( dela
pW,Ic)nga)è;-EpqiDÏenaarii
que quela dixmiïiojèfbMoe
peuplusgracieusequela
tiercû:.rrtajcureiy,lai^iefl:
eimàccprkçrpJlufstdloà^ixrc^c-p^mluaiis
5m5m.
fade &plus confuse.Les
rapports de ces repliques
sont donc( K,f,7) parles'
raisons tant rebattuës,ôc
leurs ritmiques font pari
consequent (2,2,1.1, iyzJÇ111r1
) &c. D'où l'on ne
peut douterqu'ellesnempruntenttouteleur
doO^
ceur Aquoyilfaut ajoûter
que la 1,7 est encore Ji,
naturelle ,qu'eliefeforme;
non seulement dans» des
trompettes,&autres inftrûmen$.
à vent, ensoufflant
pandegrejc,demê*n£ que
foQaMCLi tiC?1A même
même on l'entend encore
dans les sons des grands
corps mêlée avec ces trois
dernieres consonances. Ce
qui ne laisse point à douter
que les grands corps ne
se subdivisent encore en
cinq parties égales,tant par
l'action de leur ressort, que
par la resistance de l'air.
Au reste ces divisions naturelles
ne doivent pas être
regardées comme imaginaires,
puis qu'on les apperçoit
à la vue même dans
les tremblemens des longues
cordes tendues, & des
longues tringues de fer retenuës
par un bout fous un
valet de menuisierou dans
un étau de serrurier
,
le
reste demeurant en l'air.
Enfinil est difficile de comprendre
jusqu'oùa été l'entêtement
& la prévention
des anciens, de n'avoir pas
voulu reconnoître ces répliques
pour des consonances,
veu qu'elles necedent
presque en rien à la quinte
& à la quarte, & que la 17
a même une prérogative
que la nature n'a pas accordée
à ces dernieres,C'est
&inùquesouvent,pourvouiloir
rrop.philosophera on
gâte tout. Mais passonsourre,
? z:/ :i:r::iG
- Lesrépliquésde lasi-x.t,e.
mineure sont la 15, la 20,
la*7 mineures, quitirent
tpûjours, leurs!> npms, xlu
nombrede leurs sons. Pour
Jes entendre il fautagiter
enfqmjblç deux cordes égaies
en grqfïeur & jea tçn~ fim » dont la plus courte
fok presque (~, ~, i-) de la
.plus longue , êc on verra
avueemlleenscdiminuent succesde
grâce, à proportion
qu'elles s'eloignent
de la sixte mineure, à commencer
à cette derniere.
On ne peut donc pas douter
que les exposans de
leurs vibrations ne soient
(7> r> )par les raisonsrapportées,
lesquels exposans
se tirent aisément de -5
leurs ritmiques sont (5,5,
5> 1>4> S>S>z>3>S* $"',3il
*»5>5y1> 5'9 5,f}&c.
d'où elles empruntent tout
ce qu'elles ont d'agrément,
puisque c'est. tout ce qui
constituë leur être. Ces contsonances
sont encore de
celles qui ontété rejertées
parles anciens, & ils n'ont
pas eu encela grandtort,
puis qu'ilsignoroient la
composition,&qu'elles ne
sçauroientpresque entrer
dans la melopée qu'en relations.
De la Tierce mineure
, com<• plement,&repliques.
1S. Si l'on fait sonneren
même temps deux cordes
égales en grosseur & en
tension , -& dont la plus
courte soit presque les de
la pluslongue, onaura encore
uneçonfo/itfnçej-^'qui
prend toujourssonnom-du
nombre de ses,£onscomme(
mi,sa,fol,")& dont
le rapport des vibrations
sera ~- par les raisons tant
repetées
, 6c parconsequent
sa ritmique sera (j*i,14 j 3*3>1>4>155)4P*
un peu moins confuse que
celle de la sixte mineure cidessusyaussîcett£
:confonance
est elle un peu plus
gracieuse:mais elle l'est cependantbien
moinsque la
tierce majeure. Onnepeut
donc aussidouterque cet
agrément ne procede de
cette ritmique, ou, ce qui
est le même, du rapport des
vibrations ~,quel'on peut
encore exprimer ainsi ( gi ,
04144) selon le besoin. Au
reste cette consonance 9ojointe
avec la tierce maj7eure
(,) composent la ou :-)canl111e on
le voit en (UT, mi, fol,)
& la même tierce mineure
~76 jointe avec la quarte lÕ8,
composèntla sixte mineure
comme on le,-voIr, en
(MI, sol,ut. )Cettetierce a
eu la même infortune que
les confonáces rejettées par
les anciens, & generalement
par tous les peuples
Orientaux: mais elleen est
recompensée par leprivilege
qu'elle a d'exprimer
la compassion & la tendresse,
en un mot les passions
languissantes, aussibien
que la sexte mineure,
& leurs repliques, comme
on le dira dans son lieu.
Le complement de la
tierce mineure est la sixte
majeure,qui tient son nom
des six sons qu'elle renferme,
entre lesquels il ne se
troutrouve
qu'un demi-ton,
comme dans (UT, re, mi,
sa, sol,la.) On forme cette
consonance en touchant
en même temps deux cordes,
dont l'une est presque
les jr de l'autre. Aprés quoy
l'on ne peut douter que le
rapport de ses vibrations ne
foit }, ou 12 ôcsa ritmique
(5,1,1.3.1,1,3,)qui peut
aller de pair avec celle de
la tierce majeure. Aussi cette
consonance ne lui cedet-
elle point en douceur,
étant même un peu plus fade
: mais la grandeur de son
intervale la rend peu propre
à la melodie
, par la difficulté
qu'il y a de l'entonn,
èr; ainsiellen'y entre qu'
en relation. Au reste elle
èlt cornposée de la tierce
majeure ^} & de la quarte
~>jointes ensemble, comme
on le voit en (UT, sa,
la.) Les anciens & tous les
Orientaux n'ont donc pas
eutant de tort dercjettfcr
cette belle consonance,puis
qu'ilsn'en sçavoient faire
aucun usetquils ne
connoissoientpas mêmeles
relations -.'
4 9.
Lesrepliques de latierce
mineure ~1 sontla10e, la 17e,
la 24emineures, qui tirent
toutes leurs noms dunombre
de> fons qu'elles renferment
On entend ces ret
pliques lors qu'on fait son-
[ ner deuxcordesdont l'unç
cft (h> >i) del'autre,un
peumoins ; &on trouve
qu'elles diminuent continuellement
de beauté, à
{ mesure qu'elles s'éloignent ldela tierce mineure,àcom-
! mencer à celle-ci.On - ne peut pas cependant douter
! que lesexposant de leurs
^hbratiortsne-u>*ent 7"
fy) par les raisonsrapportées:
lesquels exposans se
tirent aisément de ceux de
!â::tîercé mineure {Jb ) & , , que leuragrémentne procedede
leurs ritmiques(5,
1,z,j3; S>4>.rjS*'Si
5>2'>5v5)&c«
Erifirflesrépliquerdelà
sexte majeure ~7 font la;13e;
la 20e ,
la 17? majeures,qui
tirent toûjoursleursnoms
du nombre de leurs [Óns.
On les entend en faisant
sonner ensembledeuxcordeségalesd'alleurs
en tout.
dotit.l'une-est ( ,lu,h,L)tde
l'autre eniçagueur•& on
trouve qu'elles vont toutes
encore en diminuant de
beauté, à mesure qu'elles
s'éloignent dela sextemajeure,
à commencer à celle-
ci. Les exposans de leurs
vibrations sont donc ( lfy 't',
~j )qui se tirentaisément de
~f, & leurs ritmiques sont (3>3>3>1>3-1*3 3yhr)3313ji, , 1>
-3*<3>5*-3>•$•>31»3>3J3>3»
3,3,)"&c., d'oùl'onne peut
douter qu'elles n'empruntentcequellesont4ebeauqtéu,
piulisequse c'est là tout ce constituë.
Des
-
conjôntnces qu'on peut
ajoûter aux precedentes.
-.' 9. Il estévidentque les
consonances considerées.
ainsi par - complemens ôc
répliques se reduisent au
nombre decinqfondament- :
tales
,
tant anciennesque
modernes, majeures & mineures
;fçavqir,l'viaiflAn.f,
l'odrave ,? la;quinte î"at
tierce majeure \,&la tierce
mineure --• ce quidonne
une grande facilité pourles1
retrouver toutes, & les
comparer entr'elles., Suivant
cela l'octave comprend
huit consonances en
tout, en ajoutant aux precedentes
la quatre (-, complément
de la quinte; la
sixte mineure~', complement
de la tierce majeure;
& la sixtemajeure~ complément
de la tierce mineure.
Ausquelles consonances
si l'onajoute trois
repliques pour chacune,
«(lnniflon excepté.) on aura
vingtineuf consonances en
,tp4ç ornais en mê,.me temps
on trouve plusieurs autres
rapports tirez des precedens,
( & qu'on peut par
consèquent nommer musicaux
) lesquels font aussi
simples que plusieurs de
ceux-là. Ces rapports sont
l~es3on(ze5sju3iva4n)s,)( 4-,>~t dont
les ritmiques égalent en
simplicité, en symetrie,Ôc
en variété plusieurs de celles
des consonances reçûës;
ces ritmiques sont (5, 4,1,
5>?>5*hl>4r5H4>4*
J,;,4, l,4,3, '>4>4)'U>2->
1.iji}1 i,z)&c»(4,4?
: 1
4>3>4>4>4> 4> 4>4>1>
h4>4j4)^c* (ï)5y553>5»
5>5>I>4>5*5>4j'J5Î5J5>2'J3>
5,5, 5 &c-&(J>3>3>5»Î»
3>3>3>1>1> 3 , 3>3*3*3 , 3> 3j1?133>5)3>3>3>3>3>3-î
&c. Si l'on veut donc se
donner la peine d'accoûtumer
l'oreille à ces nouveaux
intervales
, comme ona faità la tierce, à la sexte
mineures, & à leurs répliqués,
on aura une nouvelle
conlonance dans l'octave,
dont la replique est*,
-& en tout quarante consonances.
On verra ci-aprés
d'où ces onze nouvelles
consonances sont tirées;
car elles tiennent leur origine
des dissonances,dont
on va parler incontinent,
quoique les intervales-;,
~7, It r, ~n'en retiennent
presque rien du tout,ne
cedant en rien aux consonances
reçûës; ce qui pourroit
même paÍffr pour un
3e paradoxe en musique.
A,'
Mais ce qui doit certainement
passer pour un quatriéme
paradoxe. encette
fciencc, c'est que les inrer-
~Va\l-seisy(t-737i7 --n-- M)IJ<i J>
Tjt ?,tï:r,5)&c.qui
renferment dans leurs ex,
pofans d'autres nombres
premiers que (t93,5) soient
des dissonances, quoique
ces exposans soient aussi
(impies , & leursritmiques
aussi symerrisées & aussi variées
que les precedentes,
comme on peur le voir ici, (ni,&:c ) (i,i, 2, 1. 1,
2.,2.,2.)(),3,1,2..3.2.,1,
3, 3.)453> 1,4 ,z.2.., 4, (mï,&c. ) (z,
~,2. )2, ,1, 1.1, 1, 1, 2.,2;;
a) (î»-3»î»*»*y3- 3-3 ,1)i)
3»3$il(4» 4->Jj4j4>
2..2,,4-)4,,,3,4,4)&c.
D'ailleursces ritmiques
font autant deplaisir à loi
reille
,
étant destituées de
son, que les precedenres,
comme chacun peut le^.
pprroouuvveer rlsooyy--mmêemmee. ..DOolut
peut donc venir cette difference,
qui semblerenverser
toute la theorie dessons
& des vibrations ? pourquoy
faut-il que les exposans
des consonances ne
soient point camposez d'autres
nombres premiers que
des trois ( i,$,y?) & quel
privilege onp ces tro4 &<'
tousles autres 7,11,15, &c.
qui sont en nombre infini?
Certes ce privilege ne peut
venirque de la conformation
de nôtre organe, qui
ne peut admettre d'autres
nombres premiers que ces
trois plus simples. Demême
que ce qui fait que tous
les peuples de cet ancien
continent comptent seulement
jusqu'à dix, & non
.Pasjufqu.,àdouze, cela vient
certainement de ce que la
nature ne nous a donné que
dix doigts , puis qu'ilseroit
>bie#; pluscommode, de
compter jusqu'à douze, par
exemple. Il faut donc necessairement
rappeller ici
la structure de l'oreille humaine,
que nous avons expliquée
exprés assez en détail
dans le premier me- 1
moiredenôtre Mellodie- , où nous avons remarque
que les trois canaux fèmi-j
circulaires du labyrinthe
s'abouchent dans sa cavice
par cinq embouchures seulement,
& non pas par six, 1
commeils le devroient naturellement
û lanature.
ji'avoiirien-affediîé ici de
particulier, deux deces canaux
ayant une embouchure
commune; & cela
non seulement dans tous les
hommes, mais même dans
la plûpart des animaux qui
ont le labyrinthe, comme
on trouve cinq doigts aux
pieds de plusieurs animaux,
de même qu'aux mains ôc
aux pieds de l'homme. Ce
qui faitassez connoître que
cettestructure si singuliere
n'est point un effet ou du
hazard ou d'aucun dérangtement.
Au contraire elle cAfafM telle,pour êtrepro.
pre à recevoir les cinq branches
du nerf auditif, sçavoir
de la partie de ce nerf
bqausie aprés avoir quitté la
du limaçon, entre dans
la voûte, où elle se divise
en cinq rameaux, (demême
que la main en cinq
doigts) dont chacun entre
en chacune des cinq embouchures
de ces trois canaux,
pour se distribuer , &
se perdre ensuitedans leur
perioste. Ilrestedoncmaintenant
d'expliquer commenttoutesles
consonances
precedentes peuvent
s'exs'exprimer
sur ces cinq rameaux
comme sur les cinq
cordesd'unviolon,&d'où
vient;'qu^ils; n'admettent
point d'autresintervales.
Pourentendre ceci, il faut
se souvenir de ce que nous
ayons établi en parlantde
l'oreille,article 15,sçavoir,
qchuaesqsiusnoeiqsouieensets differens
en aucune.
consonanceprochaine avec
leson quilesfrape, ils ne
laissent pas de trembler,
priais d'un tremblement
forcé, ôc qui nedure qu'autant
que dure le son qui les
Juin 1713. O
meut; au lieu que quand le
chassis exterieuraété mis
enconsonance prochaine
avec leson dedehors. par
ses muscles, il en reçoit
alors les vibrations avec facilité
, & les conferve me*4
meaprésque le fonnlagicj
plusdessus.Ilenestdemê- :
me des cinq rameaux du
nerf auditif queje distin- 1
gue en premier second , J
troisiéme, quatriéme &cin- ,
quiéme, en supposant que j
le premierpar sagrandeur,
A: par lanaturedes e/prib
: qu'ilcontient, étant dans j
sonétatnaturel, est disposé
à fairecinq vibrationscontrelesecond
six ,.aii0idans
foudm:naturel aixiQ xres
deux puneaux- sont natuxelleraent
,-entr)eux entier*
•c.c mineure: Ájue Jp même
premier rameaueûHeîmê>-
me avec le troiséime.,aussi
dans son état naturel, en
tiercemajeure ; c'çfi: à dire
AU.II. faitqtaaroe viliraciID-m
contrecelui-ci cinq;qu'il
cil avec le quatriéme, aussi
dans son état naturel, eu
quinte: de sortequ'il fait
deux tremblemens contre
celui-ci trois. Enfinque te
même premier rameau est
en octave avec le cinquième
, ou fait un tremblement
contre lecinquième
deux. Ce qui servira a rectifier
ce qui n'-efl:qu'ébauché
dan^iràrticloi17;dumémoire
cité.!.•: Ceci étant supposé, on
voit déja comme on peut
exprimer les sons /iU'T^
rnifoi,ut) sur lê,premieri
le troisiéme, le quatriéme
Jôc cinquiéme rameaux du
nerf auditif, puisquepour
ceteffet il suffitque l'âme
les mette chacun a l'unisson
des vibrations de ces
quatre. sons, en accelerant
ou retardantle mouvement
des esprits qu'ils contien-,
nent. Pour y exprimer en:,
suite unsa, qui fait la quartravée
UTj il suffitque le
premier rameauUT sesubdivise
en quatre partieségalesparlechoqdel'air,
afin
que trois deces parties ensembleen
puissent recevoir
les tremblemens. De même
le son las'exprimera sur
[le troisiéme rameau ,
qui
yFait mi.) avec lequel il fait
SLuffi [laqu^rtcj.Lefi$cXr
primerasurlesol,avec lequel
ilfait JatierceTnZr
jeure; & pourcelail fuoo
que le ranicau sol se (ubdivise
en cinqpartieségales
par le choqdeTatt\,.,aftù
quequatre de' icçspartie*
faisent ensemble le.si : mais
le, mêmesi s'exprimera encoremieux
surlemi,quand
lelajnefondera pas;car
puis qu'ilfaitla quinté avec
le mi, il suffira que le ra-,
meau mi se divise en trois
parties égales,afinque deux
decesparties eufc-mbl-e fas- i
fent lesi; au lieuque si lç
1a sonnoiten mêmetemps,
ilfaudroitquelechoqde
l'air pûc.exiger-jCCrameau
[deTe subdiviseren douze
parties e'gàles^fïn queneuf
ide cesparties ensemble
[fendillent-«leh^ôc huit le
si'i ce qui n'éstpeut-lêtrç
pasfortdifficile. Enfinpour
le re,ilnepeut mieuxs'exprimerque
sur le loi : mais
comme ilestplus basque
tee sol,il fautpour ceteffet
'l'quelesol lui
-
mêmedescendeàson
o:étqve) & se
diviseensix partieségales,
afinerenl
de le fol naturel, ôc que quatreensemble puissent
fcnnerleJredesire.^
r. Les répliquesbafïess'exj
primeront demêmesur les
mêmes filet?&rclâchez4propos
:maispour lesrepliqués
hautes, ilsuffira que lJait;
du labyrinthe divise les cinq
rameaux musicaux ; par
exemplela replique haute
du sa divisera le cinquiéme
rameau, de même que le
sa bas divise le premier
Pour la repliquédu la, l'aiir
divAlerale troifiélnc: ra- meanJ
meaumien8afin que six
ensemble rendent le la, 6c
trois ensemble sa replique.
Pour le si il y aura deux par.
ties du quatriémerameau
sol, divisé en cinq comme
ci-dessus
, qui fremissant
| ensemble rendront sa repli-
; que.Le mi se diviseraaussi
en trois parties égales, donc
chacune à part sonnera si
replique, lorsque le la ne
sonnera point; & si le la s'y
1 trouve, alors le mi étant di- :vile en douze, comme cidessus,
quatre rendronc la
replique du si, deux sa duplique,
ôc 1
sa tripliquc:
le tout selon les principes
de la division des cordes
ex pliquez ci-devant.
Des consonances composées >
ou accords,
'.:: 10. A l'égard des confoinnaannccees.
s ccoormnppoofsééeess nnoo,mm~r,
méesaccords,comme(UT,
mi, sol,ut) ( LA, ut, mi,
la)&c. je n'en traiterai poinc
exprés,cesujet appartenant
plûtôtà la compofinon.Je
dirai seulement qu'ayant
trouvé leurs exposans (-4',
5,6,8)(10, 1z, 15, 2°-)
&c. on pourra se representer
les ritmiques de ces accords,
en divisant d'abord
une ligne droite en quatre
parties égales, puis en cinq,
en six, & en huit; ou d'abord
en dix, puis en douze,
en quinze, & en vingt, &c.
Ce qui se fait endivisant la
premiere en 120 parties égales
,& la secondeen 60 seulelllent,
&pour les autres à
proportion, & observant les
points où deux ou plus de
fons se rencontrent à fraper
ensemble
: ce que je marque
par des points ainsi,
4>S::**•»
i3,)i5,,i:1i0,:t6,,i,4i,J;,ij : )'($,' 3:1,2:
1: 1,3 : 1,1,1,2:i,1>
1 •1)1:2.:1j1: 3: 1.JI,l"
2: 1,1,1, 3=) & demême
pour toutes les autres
ritmiques plus simples , ou
plus composees indéfiniment;
où ilfaut remarquer
que quoique ces deux-ci
paroissent plus composées
qu'aucunes des consonances
precedentes,cependant
elles le sont moins en urt
sens, en ce qu'elles sont di{.,,
tinguées en plulieurs ritmiquesparticulieres
par differentes
chûtes de coups
forts;ce qui les rend intelligibles.
De la maniere dont les bêtes
goûtent la musique.
11. Il resteroit de dire
quelque chose sur la maniere
dont les bêtes apperçoivent
les consonances,
puisque l'experience nous
apprend que plusieurs sont
trés-sensibles à la musique,
comme nous l'avons déja
remarqué dans le premier
Qaçirçojre. Otlc:s consonances
s'apperçoivent en deua
manieres :
la premiere, par
le plus ou le moins d'ébranlement
qu'elles causent suc
les filets du nerf auditif
comme nous avons dit cidevant,
qu'une corde ébranlée
en meut une autre qui
est avec elle en quelque
consonance prochaine. La
feconde, par leur ritmique.
Mais on ne sçauroit penser
que la ritmique des consonances
cause en elles le plarJ
sir de l'harmonie, sans leur
donneren même tempsune
ame toute semblable à la
nôtre. D'ailleurs on ne remarque
point queles ritmiques
destituées de son leur
causent aucun plaisir,ni qu'0#
elles en marquent aucune
dans leurs cris ou dans leurs
chants; ce qui nous doit
convaincre que leur ame
sensitive est purement Ina.
terietle, & qu'elle n'apperçoit
les consonances que de
>
la premiere maniere,&nul.
lement par leurs ritmiques.
DesDissonances.
12. Il y a de deux especes
de dissonances:sçavoir,les
premières, qu>on peut appeller
musicales, puis quelles
sont cirées des consonances
reçues ou anciennes,&
qu'elles ne sont composées
que des trois mêmes
nombres premiers (z*,3)5 )
qu'elles. Les autres sont étrangeres)
ne pouvant être
tirées en aucune façon de
ces consonances,parce Qlll.,
elles renferment d'autres
nombres premiers comme
(7, 11,13, &c. ) Les dissonances
musicales les plus
communes font le ton majeur
;, qui est la différence
d,e la quarte à la quinte comme sa fol,
différence
de UT saàUT sol,son
complément est la septième
mineure~£, sol sa, &
ses repliques la ,majeure
l, la 16e majeure9r, la 13e
majeure ~f, dont on a fait
de nouvelles consonances :
le ton mineur ~différence
de la quinte 1, à la sixte
majeure ;.', comme sol la,
différence de UT sol à UT
,1a
; son complément est la
7e moyenne }., ou ~i la sol,
ôc sa réplique la9e moyens
ne~r,qu'on a mises avec
les mêmes consonances
:
le
semi-ton majeur différence
de la tierce majeure~5 à
la quarte £, comme mi sa,
différence de Ut mià UT
sa
;
son,complément est la
7e mineure V; sa mi
,
qui a
pour répliques les nouvel-
1les con{f"onances ( J~ l~ )
¡, v, ï; & ses répliqués font la 9e
mineure la 16e mineure &c. le semi-ton mineur,
ou dieze moderne 1; différence
de la tierce majeure.
2 à la tierce mineure £:
comme mib mi, fib si
;
son
complément eR:, la 7e crofmatique
£ mi mib
,
si sib;
& ses repliques sont la 9e
cromatique ~g, la 16e cromanquer,
la 13e cromatique
?y qu'on a mile encore
au rang des nouvelles con-
[onances, aussi- bien que la
26efuperfluër. Outre ces
rdiflonances, il y a encore
les fausses consonances;sçavoir,
la fausse quinte ~3, qui
est composéede la quarte i, & dufemi-tonmajeur ~£,
comme si sa, composée de
si mi, & de mi sa, ou encore
de deux tierces mineures
si re, re sa,& dont le
complément est la fausse
quarrcappeilée triton H, ôc
lesrepliques la fausseuc :£,
&c. la quinte to diminuée
d'un comma) dont 8 r font
le ton majeur)qui est la difserence
de la sixte *-° au ton
majeur,comme re la, en
faisant UT re, ton majeur;
ion complément est la quarte
forte d'un comma la re, sesrépliqués &c.& la tiercemineurefoibled'un
comma
,1'
,
qui est la différence
de la quarte au ton majeur
~%, comme resa,en faisant
toujoursUTre ton majeur.
Son complément eu: la -
sixte majeure force d'un
comma ; & leurs repliques
sont ôce. 27 y-;
&c.dontladernière pour-,
roit encore dans un besoin
servir de nouvelle conso.
nance: ou si l'on fait UT re,
tonmineur, alors la quinte
foible d'un comma est fol
re, ôc son complément la
quarte forte re fol: la tierce
mineure foibled'un comma
est sire, & la sixte majeure
forte re si.
Si l'on veut entendre la
diffoaaflcc'f, quiest une
10e mineure foible, d'un
comma, il ne faudra qu'accorder
quatre cordes d'une
viole de quarte en quarte,
alors la premiere ôc la derniere
touchées. ensemble
rendront cette 10e ; & si
l'on souhaite oüir la difïo—;
nance ~V, qui est une 13e majeure
forte d'un comma ,
on accordera les 4 cordes
d'un violon de quinte en
quinte,&ontouchera feulement
la premiere ôc la
derniere à la fois,quirendront
cette 13e. Au reste
toutes cesdissonances font
d'autant plus dures, que
leurs exposans sont plus
composez, ou leurs ritmiques
plus confuses; ce qu'il
seroit trop long d'examiner
ici.Quant à la maniéré dont
les dissonances s'apperçoivent,
il faut remarquer qu\.
elles se prèsentent de deux
manieres ;sçavoir) comme
sommes ou différences des
consonances ou de leurs repliqués
,comme quand on
sonne à la fois les huit sons (UT, re,mi, sa,sol, la, si,
rut,) oubien seules;dans le
prermier cas elles sont ex*-
primées sur les 5 rameaux
du nerf auditif
; dans le sécond
chacun de leurs sons
rend à ébranler chacun de
ces rameaux, ôc ne le pouvanc
tous à la fois, parce
que ces rameaux sont trop
courts pourune si grande
division, on sent alors une
espèce de combat fort defagreable
,
qu'on appelle dit
sonance, à cause que la divisionque,
chaqueson à
partyproduit est auflitoc^
dértuite par celle d'un au-1
tre. C'est pour cela que
les
incervales qui renferment
d'aud'autres
nombres premiers
que les musicaux 1, 3,5,
sont tous dissonanans,parce
qu'ils ne se presentent ja-
: mais de la premiere maniere,
mais feulement de la féconde,
pour laquellelenerf
auditif n'a point, de fijets
convenables.
de la Melodie.
DeUQuinte, Comblement
6.Sil'onfaitsonnercft
mêmetempsdeux cordes
égalesLengrosseur & en
ienfion) dont l'une ne soit
que les 7 de Lautre , un
pcurmpins, on - entendra
encore uneconsonancetrésharmonieufe^
ueIon nomme
quinte,dunombre des
fons qu'elle comprend,
comme(UT-, re, mi *sah
sol Les deuxsons quilaforment
sont à la vérité moins !.. unis entreux, que ceux de
l'nniuon &dc l'a^ay^o^
me on l'a dit
leur harmonie est plus glepveéuet<&
i:onpclu;:sf:apnicqpanarci^cdattlf£ir>éjr>:i
comtneiidàio
precodentes
queu cercc' '! harmqak-riui
vient desaritmique(2, GVp,
~mdR&pcvpofensiibfpULpq
où ~£ selon le befoia ; qudia
que chofod'aulfbp^iitfi&i
~d'auffiaigrcatalxb^l'fifprjiîkï
pouvantproceder quedu parfaite
* Le complément de la
quinte est la quarte,parce
que leurs intervales pris de
fuite renferment tous les
sonsquel'octave comprend.
La quarte tient sonnom des
4 sons quellecontient,com-*
me (sol,la,ut.)On la trouve
en faisant sonner enmême
temps deux cordes égales
en longueur & en tenlion,
dÓt l'une n'est que les;
de l'autre,un peu moins.
Elle n'a gueres moins d'harmonie
que la quinte, étant
ouie feule
; c'est pourquoy
on a raison de conclure
aussi que cette perfection
lui convient de sa ritmique
{5,i,i,t,i,3)ou de ses
exposans
, par les raisons
rapportées. On peut aussi
prendre pour ses exposans
96, 'Hr 1 l b r ou lot3 lelon lebesoin.
Au reste la quarte s'employe
avec beaucoup de
succés dans la mélopée,
soit en commençant, soit
dans le progrés du chant,
ou dans sa fin.,& même
plus fréquemment que les
quintes,sixtes & oftaves.,
parce qu'elle estplus aisée
à entonner, & qu'elle est
moins suave que roétave
la quinte, & davantage que
les sextes.C'est pour celaque
les Grecs & les peuplesasiatiques
en ont-fait le fondement
de leur musique,
n'aïant pas eu de conoissance
de la composition. Elle
sert àtemperer la trop grande
douceur des unissons,des
occaves &: des quintes, en
empêchant qu'elles n'affadissent.
Les répliqués de la quin.
te font la ii3 la 19 ,
la 16,
dont les noms se trouvent
tou1\ jours, en ajoutant continuellement
7 au nombre
5
dela quinte; leursexposans
sont(~, '~) qui fc
forment aisément avec
ceux de la quinte ~, comme
il efl évident. Pour entendre
ces répliqués,il faut
faire sonner à la fois deux
cordes égales en tensîon ôc
en grosseur, dont l'une soit
le ~, ou "6, ou de l'autre.
On connoît alors que la
douzième ne cede en rien
à la quinte, &que peutêtre
elle la surpasse en douceur,
les autres allant toujours
en diminuant de beaute
à mesure quelles s'éloignenti
de celles-ci.Et l'on
doit bienremarquerque la
douzième encoresi nanaturelle
;que nonseulementelle
se forme comme
mens a,ventensoufisant
deplus fort en plus fort,
ainsi que l'octave: mais même!
oa l'entend presque
toujoursdans le son des
grands corps mêlée avec
l'oëcave;cë. qui nous fait
connqîtré queles corpsfufiîkmment
longs ne se di-
-vifent- pas feulement en
deux&en quatreparties
par la vertu de leur refforfc
& par le choq de l'air:mais
encore en trois parties égales
& plus, comme on va
le voir. Al'égard des ritmiques
de ces.répliqués,on
voit bien que ce ne sont que
des unités, sçavoir, Ill;
min, ôcc. u-.
•
Enfin les répliqués de la
quarte sont ru,la i8,ia£
qui tirent toujours leurs
noms du nombre:des sons
qu'on y conçoit, lesquels-se
trouvent en ajoutant continuellement
7 à 4. Leursexposans
sont. j,,qu'ilest
aiséde former avec ceux de
la quarte -fj & pour avoir
ces repliques, il faut faire
sonner en,même temps
ddeux coordesnégalets en gros- l'une
soit ou r6, ou de l'autre;
alors on entendra de nou- vellesconsonances,qui
vontcontinuellement en
diminuantde beauté,àmesure
qu'on s'éloigne de là
quarte. Les momens ou
temps de leursritmiques
sont, (3) 3 2.y 1>3* 3>1> 1> J,J)(3,3,3,3,3,1,2.,3,5.
3* b1>l>3)3y3>3>5)
Au reste on peut regarder
la quarte comme une conl
ionanceneutreJdè même
que l'octave, & leurs rei
pliques,ence quelles entrent
danstoutesfortes-de
paillons/-•-ct c.) i » t De la Tierce majeurey cornlement
&répliqués.
#.
7. Sil'on fait sonner cm
semble deux cordes égales
en grosseur & en tension)
dont l'une soit les de/l'autre,
vin peu moins, on en.
tendra.unecontenance, un
peumoins suavequelesprp*
cedentes, c'est à dire un
peuplus piquante, quel'on
peut aappeller aigredouce
,& que l'on nomme tierce
majeure, à cause qu'elle
renferme rrois sons sans
demi-ton,comme(ut,re,
mi ;
sa, loi, la) &c. d'où
l'on peut conclure quecette
douceur, que plusieurs
pareferent même àcelle de
quarte, ne lui vient encore
que de la perfection
de ses exposans (4) On en
peut juger aussi par sa rirmique
(4,1,3,2.2,1,3,4)
qui est médiocrement va-
.i.?
ricç,sansconfusion,&qui
produit un effettrès agreable
à l'oreille. On peur pren..
dre aussi poursesexpolans
~, ou ~- ,
selon l'occasion.
Son aigre-doux a fait que
l'on a été prés de 5000 ans
à la recevoir pour consonance
: mais il y avoic encore
:d'autres raisons qui
combattoient contrelle ,
que l'on verra ci-aprés. Du
reste elle a toujours la préference
dans les passions
vivesaussi-bien que la
quinte, & leurs repliques
comme on le dira en Ion
lieu.
Son complementestla
sixte mineure, ainsinommée
à cause des six fons
qu'elle renferme
,
qui contiennent
-deux demi-tons,
comme (mi,sa, fol^la,si,
ut. ) Pour l'entendreil faut
faire sonner deux cordes
égales en tension & grosseur,
dont l'une soit presque
les de l'autre
;
alors
on a une nouvelle consonance
moins gracieuse que
la precedente, & pour ainsi
dire la moindre de toutes
les consonances reçûës;vulgSiffWnfo
dont-expQfanç
est~,comme onn'en peut
douter par les raisonscidessus
;& par consequent
aussi sa,ritmiquecftCy> 5, *>5>1 4-J) laquellecommence à être
êo.nfti!?;fcomme il est évident.
Aussi rie fait-elle pas
tantdeplaisiràl'oreille que
celle de latierce majeure.
On peut prendre encore
, pour sesexposans~,com-
{hé: 31elpmanifefle. Au
têsté cette consonance est
unede celles qui ont été
rejettéespar les- anciens,
~~?0~~diec~de~an~
?ikes.rçpljquesdéjà tierce
majeure sontla10, la17,-
hbzqy qui tirent toujours
leur?nom&.dtt nombrede
kjuts tons commeilest
ziÇédeIç voir.On.trouve
cesrepliques en faisant sonnçj::
ëxifembiq.dmxcordes?
égales;cml tenGonr
grofleur,dûnfcla- moindre
<ift.prçfque ( dela
pW,Ic)nga)è;-EpqiDÏenaarii
que quela dixmiïiojèfbMoe
peuplusgracieusequela
tiercû:.rrtajcureiy,lai^iefl:
eimàccprkçrpJlufstdloà^ixrc^c-p^mluaiis
5m5m.
fade &plus confuse.Les
rapports de ces repliques
sont donc( K,f,7) parles'
raisons tant rebattuës,ôc
leurs ritmiques font pari
consequent (2,2,1.1, iyzJÇ111r1
) &c. D'où l'on ne
peut douterqu'ellesnempruntenttouteleur
doO^
ceur Aquoyilfaut ajoûter
que la 1,7 est encore Ji,
naturelle ,qu'eliefeforme;
non seulement dans» des
trompettes,&autres inftrûmen$.
à vent, ensoufflant
pandegrejc,demê*n£ que
foQaMCLi tiC?1A même
même on l'entend encore
dans les sons des grands
corps mêlée avec ces trois
dernieres consonances. Ce
qui ne laisse point à douter
que les grands corps ne
se subdivisent encore en
cinq parties égales,tant par
l'action de leur ressort, que
par la resistance de l'air.
Au reste ces divisions naturelles
ne doivent pas être
regardées comme imaginaires,
puis qu'on les apperçoit
à la vue même dans
les tremblemens des longues
cordes tendues, & des
longues tringues de fer retenuës
par un bout fous un
valet de menuisierou dans
un étau de serrurier
,
le
reste demeurant en l'air.
Enfinil est difficile de comprendre
jusqu'oùa été l'entêtement
& la prévention
des anciens, de n'avoir pas
voulu reconnoître ces répliques
pour des consonances,
veu qu'elles necedent
presque en rien à la quinte
& à la quarte, & que la 17
a même une prérogative
que la nature n'a pas accordée
à ces dernieres,C'est
&inùquesouvent,pourvouiloir
rrop.philosophera on
gâte tout. Mais passonsourre,
? z:/ :i:r::iG
- Lesrépliquésde lasi-x.t,e.
mineure sont la 15, la 20,
la*7 mineures, quitirent
tpûjours, leurs!> npms, xlu
nombrede leurs sons. Pour
Jes entendre il fautagiter
enfqmjblç deux cordes égaies
en grqfïeur & jea tçn~ fim » dont la plus courte
fok presque (~, ~, i-) de la
.plus longue , êc on verra
avueemlleenscdiminuent succesde
grâce, à proportion
qu'elles s'eloignent
de la sixte mineure, à commencer
à cette derniere.
On ne peut donc pas douter
que les exposans de
leurs vibrations ne soient
(7> r> )par les raisonsrapportées,
lesquels exposans
se tirent aisément de -5
leurs ritmiques sont (5,5,
5> 1>4> S>S>z>3>S* $"',3il
*»5>5y1> 5'9 5,f}&c.
d'où elles empruntent tout
ce qu'elles ont d'agrément,
puisque c'est. tout ce qui
constituë leur être. Ces contsonances
sont encore de
celles qui ontété rejertées
parles anciens, & ils n'ont
pas eu encela grandtort,
puis qu'ilsignoroient la
composition,&qu'elles ne
sçauroientpresque entrer
dans la melopée qu'en relations.
De la Tierce mineure
, com<• plement,&repliques.
1S. Si l'on fait sonneren
même temps deux cordes
égales en grosseur & en
tension , -& dont la plus
courte soit presque les de
la pluslongue, onaura encore
uneçonfo/itfnçej-^'qui
prend toujourssonnom-du
nombre de ses,£onscomme(
mi,sa,fol,")& dont
le rapport des vibrations
sera ~- par les raisons tant
repetées
, 6c parconsequent
sa ritmique sera (j*i,14 j 3*3>1>4>155)4P*
un peu moins confuse que
celle de la sixte mineure cidessusyaussîcett£
:confonance
est elle un peu plus
gracieuse:mais elle l'est cependantbien
moinsque la
tierce majeure. Onnepeut
donc aussidouterque cet
agrément ne procede de
cette ritmique, ou, ce qui
est le même, du rapport des
vibrations ~,quel'on peut
encore exprimer ainsi ( gi ,
04144) selon le besoin. Au
reste cette consonance 9ojointe
avec la tierce maj7eure
(,) composent la ou :-)canl111e on
le voit en (UT, mi, fol,)
& la même tierce mineure
~76 jointe avec la quarte lÕ8,
composèntla sixte mineure
comme on le,-voIr, en
(MI, sol,ut. )Cettetierce a
eu la même infortune que
les confonáces rejettées par
les anciens, & generalement
par tous les peuples
Orientaux: mais elleen est
recompensée par leprivilege
qu'elle a d'exprimer
la compassion & la tendresse,
en un mot les passions
languissantes, aussibien
que la sexte mineure,
& leurs repliques, comme
on le dira dans son lieu.
Le complement de la
tierce mineure est la sixte
majeure,qui tient son nom
des six sons qu'elle renferme,
entre lesquels il ne se
troutrouve
qu'un demi-ton,
comme dans (UT, re, mi,
sa, sol,la.) On forme cette
consonance en touchant
en même temps deux cordes,
dont l'une est presque
les jr de l'autre. Aprés quoy
l'on ne peut douter que le
rapport de ses vibrations ne
foit }, ou 12 ôcsa ritmique
(5,1,1.3.1,1,3,)qui peut
aller de pair avec celle de
la tierce majeure. Aussi cette
consonance ne lui cedet-
elle point en douceur,
étant même un peu plus fade
: mais la grandeur de son
intervale la rend peu propre
à la melodie
, par la difficulté
qu'il y a de l'entonn,
èr; ainsiellen'y entre qu'
en relation. Au reste elle
èlt cornposée de la tierce
majeure ^} & de la quarte
~>jointes ensemble, comme
on le voit en (UT, sa,
la.) Les anciens & tous les
Orientaux n'ont donc pas
eutant de tort dercjettfcr
cette belle consonance,puis
qu'ilsn'en sçavoient faire
aucun usetquils ne
connoissoientpas mêmeles
relations -.'
4 9.
Lesrepliques de latierce
mineure ~1 sontla10e, la 17e,
la 24emineures, qui tirent
toutes leurs noms dunombre
de> fons qu'elles renferment
On entend ces ret
pliques lors qu'on fait son-
[ ner deuxcordesdont l'unç
cft (h> >i) del'autre,un
peumoins ; &on trouve
qu'elles diminuent continuellement
de beauté, à
{ mesure qu'elles s'éloignent ldela tierce mineure,àcom-
! mencer à celle-ci.On - ne peut pas cependant douter
! que lesexposant de leurs
^hbratiortsne-u>*ent 7"
fy) par les raisonsrapportées:
lesquels exposans se
tirent aisément de ceux de
!â::tîercé mineure {Jb ) & , , que leuragrémentne procedede
leurs ritmiques(5,
1,z,j3; S>4>.rjS*'Si
5>2'>5v5)&c«
Erifirflesrépliquerdelà
sexte majeure ~7 font la;13e;
la 20e ,
la 17? majeures,qui
tirent toûjoursleursnoms
du nombre de leurs [Óns.
On les entend en faisant
sonner ensembledeuxcordeségalesd'alleurs
en tout.
dotit.l'une-est ( ,lu,h,L)tde
l'autre eniçagueur•& on
trouve qu'elles vont toutes
encore en diminuant de
beauté, à mesure qu'elles
s'éloignent dela sextemajeure,
à commencer à celle-
ci. Les exposans de leurs
vibrations sont donc ( lfy 't',
~j )qui se tirentaisément de
~f, & leurs ritmiques sont (3>3>3>1>3-1*3 3yhr)3313ji, , 1>
-3*<3>5*-3>•$•>31»3>3J3>3»
3,3,)"&c., d'oùl'onne peut
douter qu'elles n'empruntentcequellesont4ebeauqtéu,
piulisequse c'est là tout ce constituë.
Des
-
conjôntnces qu'on peut
ajoûter aux precedentes.
-.' 9. Il estévidentque les
consonances considerées.
ainsi par - complemens ôc
répliques se reduisent au
nombre decinqfondament- :
tales
,
tant anciennesque
modernes, majeures & mineures
;fçavqir,l'viaiflAn.f,
l'odrave ,? la;quinte î"at
tierce majeure \,&la tierce
mineure --• ce quidonne
une grande facilité pourles1
retrouver toutes, & les
comparer entr'elles., Suivant
cela l'octave comprend
huit consonances en
tout, en ajoutant aux precedentes
la quatre (-, complément
de la quinte; la
sixte mineure~', complement
de la tierce majeure;
& la sixtemajeure~ complément
de la tierce mineure.
Ausquelles consonances
si l'onajoute trois
repliques pour chacune,
«(lnniflon excepté.) on aura
vingtineuf consonances en
,tp4ç ornais en mê,.me temps
on trouve plusieurs autres
rapports tirez des precedens,
( & qu'on peut par
consèquent nommer musicaux
) lesquels font aussi
simples que plusieurs de
ceux-là. Ces rapports sont
l~es3on(ze5sju3iva4n)s,)( 4-,>~t dont
les ritmiques égalent en
simplicité, en symetrie,Ôc
en variété plusieurs de celles
des consonances reçûës;
ces ritmiques sont (5, 4,1,
5>?>5*hl>4r5H4>4*
J,;,4, l,4,3, '>4>4)'U>2->
1.iji}1 i,z)&c»(4,4?
: 1
4>3>4>4>4> 4> 4>4>1>
h4>4j4)^c* (ï)5y553>5»
5>5>I>4>5*5>4j'J5Î5J5>2'J3>
5,5, 5 &c-&(J>3>3>5»Î»
3>3>3>1>1> 3 , 3>3*3*3 , 3> 3j1?133>5)3>3>3>3>3>3-î
&c. Si l'on veut donc se
donner la peine d'accoûtumer
l'oreille à ces nouveaux
intervales
, comme ona faità la tierce, à la sexte
mineures, & à leurs répliqués,
on aura une nouvelle
conlonance dans l'octave,
dont la replique est*,
-& en tout quarante consonances.
On verra ci-aprés
d'où ces onze nouvelles
consonances sont tirées;
car elles tiennent leur origine
des dissonances,dont
on va parler incontinent,
quoique les intervales-;,
~7, It r, ~n'en retiennent
presque rien du tout,ne
cedant en rien aux consonances
reçûës; ce qui pourroit
même paÍffr pour un
3e paradoxe en musique.
A,'
Mais ce qui doit certainement
passer pour un quatriéme
paradoxe. encette
fciencc, c'est que les inrer-
~Va\l-seisy(t-737i7 --n-- M)IJ<i J>
Tjt ?,tï:r,5)&c.qui
renferment dans leurs ex,
pofans d'autres nombres
premiers que (t93,5) soient
des dissonances, quoique
ces exposans soient aussi
(impies , & leursritmiques
aussi symerrisées & aussi variées
que les precedentes,
comme on peur le voir ici, (ni,&:c ) (i,i, 2, 1. 1,
2.,2.,2.)(),3,1,2..3.2.,1,
3, 3.)453> 1,4 ,z.2.., 4, (mï,&c. ) (z,
~,2. )2, ,1, 1.1, 1, 1, 2.,2;;
a) (î»-3»î»*»*y3- 3-3 ,1)i)
3»3$il(4» 4->Jj4j4>
2..2,,4-)4,,,3,4,4)&c.
D'ailleursces ritmiques
font autant deplaisir à loi
reille
,
étant destituées de
son, que les precedenres,
comme chacun peut le^.
pprroouuvveer rlsooyy--mmêemmee. ..DOolut
peut donc venir cette difference,
qui semblerenverser
toute la theorie dessons
& des vibrations ? pourquoy
faut-il que les exposans
des consonances ne
soient point camposez d'autres
nombres premiers que
des trois ( i,$,y?) & quel
privilege onp ces tro4 &<'
tousles autres 7,11,15, &c.
qui sont en nombre infini?
Certes ce privilege ne peut
venirque de la conformation
de nôtre organe, qui
ne peut admettre d'autres
nombres premiers que ces
trois plus simples. Demême
que ce qui fait que tous
les peuples de cet ancien
continent comptent seulement
jusqu'à dix, & non
.Pasjufqu.,àdouze, cela vient
certainement de ce que la
nature ne nous a donné que
dix doigts , puis qu'ilseroit
>bie#; pluscommode, de
compter jusqu'à douze, par
exemple. Il faut donc necessairement
rappeller ici
la structure de l'oreille humaine,
que nous avons expliquée
exprés assez en détail
dans le premier me- 1
moiredenôtre Mellodie- , où nous avons remarque
que les trois canaux fèmi-j
circulaires du labyrinthe
s'abouchent dans sa cavice
par cinq embouchures seulement,
& non pas par six, 1
commeils le devroient naturellement
û lanature.
ji'avoiirien-affediîé ici de
particulier, deux deces canaux
ayant une embouchure
commune; & cela
non seulement dans tous les
hommes, mais même dans
la plûpart des animaux qui
ont le labyrinthe, comme
on trouve cinq doigts aux
pieds de plusieurs animaux,
de même qu'aux mains ôc
aux pieds de l'homme. Ce
qui faitassez connoître que
cettestructure si singuliere
n'est point un effet ou du
hazard ou d'aucun dérangtement.
Au contraire elle cAfafM telle,pour êtrepro.
pre à recevoir les cinq branches
du nerf auditif, sçavoir
de la partie de ce nerf
bqausie aprés avoir quitté la
du limaçon, entre dans
la voûte, où elle se divise
en cinq rameaux, (demême
que la main en cinq
doigts) dont chacun entre
en chacune des cinq embouchures
de ces trois canaux,
pour se distribuer , &
se perdre ensuitedans leur
perioste. Ilrestedoncmaintenant
d'expliquer commenttoutesles
consonances
precedentes peuvent
s'exs'exprimer
sur ces cinq rameaux
comme sur les cinq
cordesd'unviolon,&d'où
vient;'qu^ils; n'admettent
point d'autresintervales.
Pourentendre ceci, il faut
se souvenir de ce que nous
ayons établi en parlantde
l'oreille,article 15,sçavoir,
qchuaesqsiusnoeiqsouieensets differens
en aucune.
consonanceprochaine avec
leson quilesfrape, ils ne
laissent pas de trembler,
priais d'un tremblement
forcé, ôc qui nedure qu'autant
que dure le son qui les
Juin 1713. O
meut; au lieu que quand le
chassis exterieuraété mis
enconsonance prochaine
avec leson dedehors. par
ses muscles, il en reçoit
alors les vibrations avec facilité
, & les conferve me*4
meaprésque le fonnlagicj
plusdessus.Ilenestdemê- :
me des cinq rameaux du
nerf auditif queje distin- 1
gue en premier second , J
troisiéme, quatriéme &cin- ,
quiéme, en supposant que j
le premierpar sagrandeur,
A: par lanaturedes e/prib
: qu'ilcontient, étant dans j
sonétatnaturel, est disposé
à fairecinq vibrationscontrelesecond
six ,.aii0idans
foudm:naturel aixiQ xres
deux puneaux- sont natuxelleraent
,-entr)eux entier*
•c.c mineure: Ájue Jp même
premier rameaueûHeîmê>-
me avec le troiséime.,aussi
dans son état naturel, en
tiercemajeure ; c'çfi: à dire
AU.II. faitqtaaroe viliraciID-m
contrecelui-ci cinq;qu'il
cil avec le quatriéme, aussi
dans son état naturel, eu
quinte: de sortequ'il fait
deux tremblemens contre
celui-ci trois. Enfinque te
même premier rameau est
en octave avec le cinquième
, ou fait un tremblement
contre lecinquième
deux. Ce qui servira a rectifier
ce qui n'-efl:qu'ébauché
dan^iràrticloi17;dumémoire
cité.!.•: Ceci étant supposé, on
voit déja comme on peut
exprimer les sons /iU'T^
rnifoi,ut) sur lê,premieri
le troisiéme, le quatriéme
Jôc cinquiéme rameaux du
nerf auditif, puisquepour
ceteffet il suffitque l'âme
les mette chacun a l'unisson
des vibrations de ces
quatre. sons, en accelerant
ou retardantle mouvement
des esprits qu'ils contien-,
nent. Pour y exprimer en:,
suite unsa, qui fait la quartravée
UTj il suffitque le
premier rameauUT sesubdivise
en quatre partieségalesparlechoqdel'air,
afin
que trois deces parties ensembleen
puissent recevoir
les tremblemens. De même
le son las'exprimera sur
[le troisiéme rameau ,
qui
yFait mi.) avec lequel il fait
SLuffi [laqu^rtcj.Lefi$cXr
primerasurlesol,avec lequel
ilfait JatierceTnZr
jeure; & pourcelail fuoo
que le ranicau sol se (ubdivise
en cinqpartieségales
par le choqdeTatt\,.,aftù
quequatre de' icçspartie*
faisent ensemble le.si : mais
le, mêmesi s'exprimera encoremieux
surlemi,quand
lelajnefondera pas;car
puis qu'ilfaitla quinté avec
le mi, il suffira que le ra-,
meau mi se divise en trois
parties égales,afinque deux
decesparties eufc-mbl-e fas- i
fent lesi; au lieuque si lç
1a sonnoiten mêmetemps,
ilfaudroitquelechoqde
l'air pûc.exiger-jCCrameau
[deTe subdiviseren douze
parties e'gàles^fïn queneuf
ide cesparties ensemble
[fendillent-«leh^ôc huit le
si'i ce qui n'éstpeut-lêtrç
pasfortdifficile. Enfinpour
le re,ilnepeut mieuxs'exprimerque
sur le loi : mais
comme ilestplus basque
tee sol,il fautpour ceteffet
'l'quelesol lui
-
mêmedescendeàson
o:étqve) & se
diviseensix partieségales,
afinerenl
de le fol naturel, ôc que quatreensemble puissent
fcnnerleJredesire.^
r. Les répliquesbafïess'exj
primeront demêmesur les
mêmes filet?&rclâchez4propos
:maispour lesrepliqués
hautes, ilsuffira que lJait;
du labyrinthe divise les cinq
rameaux musicaux ; par
exemplela replique haute
du sa divisera le cinquiéme
rameau, de même que le
sa bas divise le premier
Pour la repliquédu la, l'aiir
divAlerale troifiélnc: ra- meanJ
meaumien8afin que six
ensemble rendent le la, 6c
trois ensemble sa replique.
Pour le si il y aura deux par.
ties du quatriémerameau
sol, divisé en cinq comme
ci-dessus
, qui fremissant
| ensemble rendront sa repli-
; que.Le mi se diviseraaussi
en trois parties égales, donc
chacune à part sonnera si
replique, lorsque le la ne
sonnera point; & si le la s'y
1 trouve, alors le mi étant di- :vile en douze, comme cidessus,
quatre rendronc la
replique du si, deux sa duplique,
ôc 1
sa tripliquc:
le tout selon les principes
de la division des cordes
ex pliquez ci-devant.
Des consonances composées >
ou accords,
'.:: 10. A l'égard des confoinnaannccees.
s ccoormnppoofsééeess nnoo,mm~r,
méesaccords,comme(UT,
mi, sol,ut) ( LA, ut, mi,
la)&c. je n'en traiterai poinc
exprés,cesujet appartenant
plûtôtà la compofinon.Je
dirai seulement qu'ayant
trouvé leurs exposans (-4',
5,6,8)(10, 1z, 15, 2°-)
&c. on pourra se representer
les ritmiques de ces accords,
en divisant d'abord
une ligne droite en quatre
parties égales, puis en cinq,
en six, & en huit; ou d'abord
en dix, puis en douze,
en quinze, & en vingt, &c.
Ce qui se fait endivisant la
premiere en 120 parties égales
,& la secondeen 60 seulelllent,
&pour les autres à
proportion, & observant les
points où deux ou plus de
fons se rencontrent à fraper
ensemble
: ce que je marque
par des points ainsi,
4>S::**•»
i3,)i5,,i:1i0,:t6,,i,4i,J;,ij : )'($,' 3:1,2:
1: 1,3 : 1,1,1,2:i,1>
1 •1)1:2.:1j1: 3: 1.JI,l"
2: 1,1,1, 3=) & demême
pour toutes les autres
ritmiques plus simples , ou
plus composees indéfiniment;
où ilfaut remarquer
que quoique ces deux-ci
paroissent plus composées
qu'aucunes des consonances
precedentes,cependant
elles le sont moins en urt
sens, en ce qu'elles sont di{.,,
tinguées en plulieurs ritmiquesparticulieres
par differentes
chûtes de coups
forts;ce qui les rend intelligibles.
De la maniere dont les bêtes
goûtent la musique.
11. Il resteroit de dire
quelque chose sur la maniere
dont les bêtes apperçoivent
les consonances,
puisque l'experience nous
apprend que plusieurs sont
trés-sensibles à la musique,
comme nous l'avons déja
remarqué dans le premier
Qaçirçojre. Otlc:s consonances
s'apperçoivent en deua
manieres :
la premiere, par
le plus ou le moins d'ébranlement
qu'elles causent suc
les filets du nerf auditif
comme nous avons dit cidevant,
qu'une corde ébranlée
en meut une autre qui
est avec elle en quelque
consonance prochaine. La
feconde, par leur ritmique.
Mais on ne sçauroit penser
que la ritmique des consonances
cause en elles le plarJ
sir de l'harmonie, sans leur
donneren même tempsune
ame toute semblable à la
nôtre. D'ailleurs on ne remarque
point queles ritmiques
destituées de son leur
causent aucun plaisir,ni qu'0#
elles en marquent aucune
dans leurs cris ou dans leurs
chants; ce qui nous doit
convaincre que leur ame
sensitive est purement Ina.
terietle, & qu'elle n'apperçoit
les consonances que de
>
la premiere maniere,&nul.
lement par leurs ritmiques.
DesDissonances.
12. Il y a de deux especes
de dissonances:sçavoir,les
premières, qu>on peut appeller
musicales, puis quelles
sont cirées des consonances
reçues ou anciennes,&
qu'elles ne sont composées
que des trois mêmes
nombres premiers (z*,3)5 )
qu'elles. Les autres sont étrangeres)
ne pouvant être
tirées en aucune façon de
ces consonances,parce Qlll.,
elles renferment d'autres
nombres premiers comme
(7, 11,13, &c. ) Les dissonances
musicales les plus
communes font le ton majeur
;, qui est la différence
d,e la quarte à la quinte comme sa fol,
différence
de UT saàUT sol,son
complément est la septième
mineure~£, sol sa, &
ses repliques la ,majeure
l, la 16e majeure9r, la 13e
majeure ~f, dont on a fait
de nouvelles consonances :
le ton mineur ~différence
de la quinte 1, à la sixte
majeure ;.', comme sol la,
différence de UT sol à UT
,1a
; son complément est la
7e moyenne }., ou ~i la sol,
ôc sa réplique la9e moyens
ne~r,qu'on a mises avec
les mêmes consonances
:
le
semi-ton majeur différence
de la tierce majeure~5 à
la quarte £, comme mi sa,
différence de Ut mià UT
sa
;
son,complément est la
7e mineure V; sa mi
,
qui a
pour répliques les nouvel-
1les con{f"onances ( J~ l~ )
¡, v, ï; & ses répliqués font la 9e
mineure la 16e mineure &c. le semi-ton mineur,
ou dieze moderne 1; différence
de la tierce majeure.
2 à la tierce mineure £:
comme mib mi, fib si
;
son
complément eR:, la 7e crofmatique
£ mi mib
,
si sib;
& ses repliques sont la 9e
cromatique ~g, la 16e cromanquer,
la 13e cromatique
?y qu'on a mile encore
au rang des nouvelles con-
[onances, aussi- bien que la
26efuperfluër. Outre ces
rdiflonances, il y a encore
les fausses consonances;sçavoir,
la fausse quinte ~3, qui
est composéede la quarte i, & dufemi-tonmajeur ~£,
comme si sa, composée de
si mi, & de mi sa, ou encore
de deux tierces mineures
si re, re sa,& dont le
complément est la fausse
quarrcappeilée triton H, ôc
lesrepliques la fausseuc :£,
&c. la quinte to diminuée
d'un comma) dont 8 r font
le ton majeur)qui est la difserence
de la sixte *-° au ton
majeur,comme re la, en
faisant UT re, ton majeur;
ion complément est la quarte
forte d'un comma la re, sesrépliqués &c.& la tiercemineurefoibled'un
comma
,1'
,
qui est la différence
de la quarte au ton majeur
~%, comme resa,en faisant
toujoursUTre ton majeur.
Son complément eu: la -
sixte majeure force d'un
comma ; & leurs repliques
sont ôce. 27 y-;
&c.dontladernière pour-,
roit encore dans un besoin
servir de nouvelle conso.
nance: ou si l'on fait UT re,
tonmineur, alors la quinte
foible d'un comma est fol
re, ôc son complément la
quarte forte re fol: la tierce
mineure foibled'un comma
est sire, & la sixte majeure
forte re si.
Si l'on veut entendre la
diffoaaflcc'f, quiest une
10e mineure foible, d'un
comma, il ne faudra qu'accorder
quatre cordes d'une
viole de quarte en quarte,
alors la premiere ôc la derniere
touchées. ensemble
rendront cette 10e ; & si
l'on souhaite oüir la difïo—;
nance ~V, qui est une 13e majeure
forte d'un comma ,
on accordera les 4 cordes
d'un violon de quinte en
quinte,&ontouchera feulement
la premiere ôc la
derniere à la fois,quirendront
cette 13e. Au reste
toutes cesdissonances font
d'autant plus dures, que
leurs exposans sont plus
composez, ou leurs ritmiques
plus confuses; ce qu'il
seroit trop long d'examiner
ici.Quant à la maniéré dont
les dissonances s'apperçoivent,
il faut remarquer qu\.
elles se prèsentent de deux
manieres ;sçavoir) comme
sommes ou différences des
consonances ou de leurs repliqués
,comme quand on
sonne à la fois les huit sons (UT, re,mi, sa,sol, la, si,
rut,) oubien seules;dans le
prermier cas elles sont ex*-
primées sur les 5 rameaux
du nerf auditif
; dans le sécond
chacun de leurs sons
rend à ébranler chacun de
ces rameaux, ôc ne le pouvanc
tous à la fois, parce
que ces rameaux sont trop
courts pourune si grande
division, on sent alors une
espèce de combat fort defagreable
,
qu'on appelle dit
sonance, à cause que la divisionque,
chaqueson à
partyproduit est auflitoc^
dértuite par celle d'un au-1
tre. C'est pour cela que
les
incervales qui renferment
d'aud'autres
nombres premiers
que les musicaux 1, 3,5,
sont tous dissonanans,parce
qu'ils ne se presentent ja-
: mais de la premiere maniere,
mais feulement de la féconde,
pour laquellelenerf
auditif n'a point, de fijets
convenables.
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Résumé : SUITE DU III. MEMOIRE de la MELODIE. De la Quinte, Complement, & Répliques.
Le texte explore les consonances musicales et leurs propriétés. Il explique que deux cordes égales en longueur et en tension, dont l'une est les 7/8 de l'autre, produisent une quinte, une consonance harmonique mais moins unie que l'unisson et l'octave. La quinte est plus grave et piquante. Son complément est la quarte, presque aussi harmonieuse et utilisée fréquemment dans la mélopée. La quarte était le fondement de la musique grecque et asiatique. Les répliques de la quinte sont la douzième, la dix-neuvième et la seizième, formées en ajoutant 7 au nombre 5. La douzième est aussi douce que la quinte et naturelle. Les répliques de la quarte sont la onzième, la dix-huitième et la quinzième, diminuant en beauté à mesure qu'elles s'éloignent de la quarte. La tierce majeure, formée par deux cordes dont l'une est les 5/4 de l'autre, est une consonance aigre-douce, reconnue après 5000 ans de débat. Son complément est la sixte mineure, moins gracieuse. Les répliques de la tierce majeure sont la dixième, la dix-septième et la vingt-quatrième mineures. La tierce mineure, formée par deux cordes dont l'une est les 6/5 de l'autre, est moins gracieuse que la tierce majeure mais plus que la sixte mineure. Son complément est la sixte majeure, composée de la tierce majeure et de la quarte. Les consonances se réduisent à cinq fondamentales : l'unisson, l'octave, la quinte, la tierce majeure et la tierce mineure. En ajoutant leurs compléments et répliques, on obtient vingt-neuf consonances. Avec des rapports musicaux supplémentaires, on peut atteindre quarante consonances dans l'octave. Le texte aborde également les dissonances, perçues comme des combinaisons de nombres premiers autres que 2, 3 et 5, qui sont acceptés dans les consonances traditionnelles. L'oreille humaine, adaptée pour percevoir ces trois nombres premiers simples, possède trois canaux circulaires dans le labyrinthe, se terminant par cinq embouchures correspondant aux rameaux du nerf auditif. Les dissonances sont divisées en deux types : les dissonances musicales, dérivées des consonances traditionnelles, et les dissonances étrangères, incluant d'autres nombres premiers comme 7, 11 et 13. Les dissonances musicales incluent des intervalles comme le ton majeur, le ton mineur, le semi-ton majeur et mineur, ainsi que des fausses consonances. Les dissonances apparaissent comme des sommes ou des différences de consonances ou de leurs répliques, créant une sensation désagréable due à la perturbation des divisions produites par chaque son.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 3-62
Dissertation sur la Musique Italienne & Françoise.
Début :
C'est apparemment, Monsieur, pour m'éprouver & nous connoître ce que [...]
Mots clefs :
Musique italienne, Harmonie, Chant, Paroles, Musique française, Expression, Goût naturel, Composition, Ornementation, Genres musicaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dissertation sur la Musique Italienne & Françoise.
Dissertationsur la Musique
Italienne &Françoise.
,P,ar M. de L. T. ) - -E1 S\.- ,T apparemment,
Monsieur,
pourm'éprouver
& DOUÇ connoître ce que
je puissçavoir en musique,
que
vous me demandez
mon sentiment
sur le goût Italien qui yregneapresent plus
quejamais. Il n'y a personnequipuisse
decider
avec plus de justesse sur
cet a t que vous,qui le
possedez parfaitement,
& quijoignez au beau
naturel une science profonde
dans l'harmonie.
Je vous obeïs donc. Ce
ne fera point comme
Musicien prevenu en saveurde
l'uneoude l'autre
que je vous dirai
mon sentiment ; je parlerai
suivant le goût naturel
qui m'est échû en
naissant pour cette fcience
, & qui doit peu de
choses à l'art: & laissant
là les termes dont les
Musiciens font obligez
de charger leurs traitez
demusîque, & qui loin
d'instruire ne fervent
souvent qu'à embroüil1er
les idées deslesteurs
]c-râcheraydemerendre
sensîble à ceux qui me
liront, en fortequ'ils me
pourront comprend re
sans scavoirlamusique.
J'essayerai donc de vous
faire une peinture de l'une
Sede^ l'autre,ainsi
qu'elles m'ont frapéaprés
les avoir pratiquées
toutes le^sdeùx^.b
n IL y a presentement
icideux partis formez
dans làMusique : Tun
admirateur outré de la
Musique Italienne, proscrit
absolument la Musique
Françoise, comme
fade & sans goût;l'autre,
fidele au goût de sa patrie,
ne peut souffrir sans
indignation que l'on méprise
le bon goût François
, & traite la Muse
Italienne de bizarre &
de capricieuse. Il y a à
tout cela un milieu plus
raisonnable, qui est de
rendre justice à l'une & à
J'ay^re., & delesprendre
cthaecunre deans.leur carac-
-v^ll faudroic être dépourvu
de goût & de
conoissance,pournepas
avoüer que la bonne Musique
Italienne renferme
en general ce qu'il y a de
plussçavant & deplus
recherché dans cet art;
que nous lui devons une
grande partie des agrémensde
lanôtre;que les
Italiens font nos maîtres
pour les Cãcates &: pour
les Sonnattes. J'admire
dans ces picces les desfeins
nouveaux de leurs
figures,si bien imaginez
& si heureusement conduits,
la vivacitépetillantede
leurs imitations
redoublées,lavariétéde
leurs chants, la diversité
de leurs tons & de leurs
modes si bien enchaînez
les uns aux autres, leur
harmonie recherchée S£
sçavante: mais si nous
leur cedons lascience &I
l'invention, ne doiventils
pas nous ceder le bon
goût naturel dont nous
sommes en possession,&
l'execution tendre & noble
où nous excellons?les
enrichissement que nous
y avonsajoutez de nôtre
propre fond ne doiventils
pas prévaloir? & ne
sommes-nous pas de ces
écoliers qui ayant bien
profité des leçons denos
maîtres, sommes à la fin
devenus plus sçavans
qu'eux? Ne pourroit-on
pas dire, sansossenser les
sectateurs de laMusique
Italienne, que leurs ornemenstropfrequens
&
déplacez en étouffent
l'expression,qu'ils ne caracterisent
point assez
leurs ouvrages? semblables
en cela à cette arc hitecture
gothique, qui
trop chargéed'ornemens
en est obscurcie
,
& où
l'oni~ démêle plus le
corpsde louvrage.,Que
laMusique Italienne ressemble
encorea une coquette
aimable pleine de
rouge & de mouches
y toujours vive, toujours
le pied en l'air, qui chercheàbriller
partout sans
raison & sans sçavoir
pourquoy, toujours emportée
dans quelques sujets
qu'elle traite;que l'amour
tendre y danse le
plussouvent la gavotte
ou la gigue. Ne diroiton
pas que le serieuxdevient
comique entre ses
mains, &qu'elle est plus
propre auxarietes St aux
chansonnettes qu'à traiter
de grands sujets? fem- - blableen celaàces Comédiens
quin'ayant que
du talent pour le ÇOOIH
que, reüssissentfort mal
,t>-
&tournentletragiqueenridicule
quànçl
ils veulent s'erî mêler.
Il faut avoüer que la
majestéde le Musique
Françoisetraiteles sujets
heroïques avec plus de
noblesse, & convient
bien mieux au cothurne
DanslaMusiqueItalienne
tout y paroît uniforme,
la joye, la colere,
la douleurl'amourheureuxv
bb t ou quiespere:tout y semblepeintaveclesmêmes
traits&dumêmecaractere,
c'estunegiguecontinuelle,
toujours petit
ki\tfcy LreujoLWs bondisante
; la voix commence
eule, l'instrument repee
ce chant en écho. Ce
esseinsouvent d'un chat
bizarrese promene noneulement
sur toutes les
cordes du mode,mais en-
:orc sur toutes lesétrangeres
où ils peuvents'accrocher
bien ou mal, telement
queleurs pieces
roulent sur tous les tons,
& changent de mode à
chaque instant, en forte
que l'on nesçauroitdire
à la fin duquel ils font.
Après avoir fait cette
longue promenade, où
l'on repete vingt fois le
même changeant la voix
que l'instrument, il faut
encore retourner da cfr
po. Ce passage est quelquefois
très-rude à l'oreille,
étant souvent de
deux cordes, voisines:
mais il arrive souvent
quel'on passe outre,pour
éviter à prolixité&pour
eix/iiminuCerl'e'nenusi.t
C'est un grand défaut
dans tous les ouvrages
d'espit, 8C principalement,
en musique, de ne
pouvoir finir: il faut sçavoir
se modérer. Un bon
ouvrage perd la moitié
de son merite quand il
est trop diffus.
-
Nous avons peine encoreànous
accoutumer
aux intervales bizarres
des chants de leurs recits
qui passent quelquefois
l'étenduëde l'odave»éc
que les. plus habiles ont
peine àentonner juste;les
tenuessurtout,yimpatientent
l'audireur,pour
estredéplacées. Ces tenuës,
qlle nous neiaifons
&i qui ne conviennent
gueres que surles mots
de repos &quelques autees,
sy font indifferemmenusurtouslesmots
qui finissent par des
voyelles. Je ne dispas
qu'il; n'y ait beaucoup
d'art à faire badiner un
violon & une baffe Sous
une de ceslongues tenues
: mais quel rapport
a la liberté avec ce son
qui dure un quart-d'heure
?où cft le goût & l'expression
de tout cela? Il
arrive même souvét que
la Musique Italienne exprime
toute autre chofc
que ceque les paroles
signifient ; j'entens un
prelude vif & emporté.
Je crois que quelque amant
rebuté des rigueurs
de sa belleva se livrer au
dépit &chanter poüiller
à l'amour, pointdu tout.
C'est un amant tendre
qui vante le prix de sa
cpn stance, qui appelle
l'esperance à son secours,
ou qui fait une declaration
à sa bien-aimée.les
„J Passe encore à ceux
qui travaillent pour le
violon, de se livrer tout
entiers dans leurs Sonnatesau
feu de leurimagination,
&de promenet
leurs fugues &leurs
imitations par tous les
modes, eux qui ne font
point gamez par l'expression
des paroles,
qui doit faire la regle
des compositeurs. Nous
sommes redevables à Fttaliede
ces fortes de pieces;
les Corelli,lesAlbinoni,
les Miquels, ÔC
plusieurs autres ont produit
dans ce caractere
despieces qui feront immortelles,
& où peu de
gens peuvent atteindre.
Cependant mille autres
veulent les imiter. J'ai
vû deces pieces d'un
chant si bizarre&d'une
composition si extraordinaire,
qu'on auroit dit
qu'on eustjetté au hazard
des pâtezd'encre
sur du papier reglé, qu'
on y eust ensuite ajouté
des queuës & divisé par
mcfures.
La musique de leurs
Cantates paroît plutôt
convenir aux concerts
de chambrequ'à nos spectacles;
leurs Sonnates
à deux partiesnedoivent
êtrejoüéesqu'à violon
seul ,qui frise & qui
pretintaille autant qu'il
luyplaît, &deviendroient
trèsconfu ses si
la même partie étoit executéeparplusieurs
instrumens
-,
qui feroient
des diminutions differentes,
8k ainsi doit être
bannie d'une grande orchestre.
L'on n'entend en gêneral
dans la musique
qu'une basse continuë
toujours doublée, qui
souvent est une espece
de batterie d'accord,&
un harpegnement qui
jette de la poudre aux
yeux de ceux qui ne s'y
connoissent pas, & qui
reduites au simple reviendroient
aux nôtres.
CesB. C. ne font bonnes
qu'à faire briller la
vîtesse de la main de
ceux
ceux qui accompagnentou
du clavecin ou de la viole;
encore pour rencherir sur
ces; basses déjà trop doublées
d'elles-mêmes,ils les
doublent encore, & c'est
ce quidoublera le plus, de
sorte qu'on n'entend plus
le sujet, quiparoît trop nud
auprès de ce grandbrillant,
& demeureenseveli fous un
cahos de fons tricotez ôc
petillans, qui passant trop
legerement, ne peuvent
faire d'harmonie contre le
sujet.Ilfaudrait donc que
des deuxinstrumens il y
en eût un qui jouât le simple
de la baffe, & l'autre le
double ; ces B. C. passeroient
plûtôt pour des pieces
de viole que. pour un
accompagnement, qui doit
être soûmis au sujet & ne
point, prévaloir. Il faut que
la voix domine & attire la
principale atttention. Tout
le contrairearrive ici, l'on
n'entend que la B. C. qui
petille roûjours, la voix en
est étouffée. Ille trouve un
inconvenient dans les bassesen
batteries &doublées
sur le champ;c'estqu'il est
,
difficile qu'un clavecin,une
viole&une theorbe se puissent
rencontrer juste dans
la même maniere de doubler
; l'un prend un tour &
l'aurre un autre: ce qui
cause une cacophonie extraordinaire.
Un compositeur
ne reconnoît point au
milieu de tout cela son pauvre
ouvrage tout défiguré,
& se contente d'admirer la
vîtesse de la main de ceux
qui l'executent. Voila cependantle
goût de l'executionde
la Musique Italienne.
iCe
nétoit point celui de
Lully,sectateur du beau ôc
du vrai
,
qui auroit banni
de son orchestre un violon
qui eût gâté son harmonie
par quelque diminution ôc
quelque miaulement mal placé.
Ne peut-on pas s'assujettir
àjoüer la musique
comme elle est? est-ce le
goût Italien de faire de faux
accords à tout bout de
champ? J'ai vû des Musiciens
si amoureux des vîtesses
& de ces basses figu.
rées, qu'ils ne pouvoient
souffrir les adagio, c'est à
dire les endroits de recitatifs
lents, ëc. passoient ces
morceaux comme ennuyeux.
C'est cependant
dans ces endroits oùl'harmonie
peut se faire mieux
sentir que dans ces vivacitez,
où, comme je viens de
dire, la baffe passant trop
legerement, & ne faisant
que friser le dessus,ne peut
faire d'harmonie.
Mais si cette musique figurée
convient aux paroles
Italiennes & Latines, pourquoy
y veut-on assujettir la
Langue Françoise ?Un Italien
se gouverne-t-ilcomme
un François? Leurs
goûts, leurs habits, leurs
moeurs, leurs manieres leurs plaisirs , ne sont-ils pas
differens ? Pourquoy ne
veut,on pas qu'ils le soient
aussi dans leurs chants?Un
Italien chante-t-il comme
le François?Pourquoy veuton
que le François chante
comme l'Italien? Chaque
pays, chaque guise, il faut
que chacun demeure chez
soy. Pourquoy veut-on ha- 1* ~ndo tris Rome more tu vivito Roma; 10- nido tris alibi, vivito sientibi.
biller la Mufe Françoise en
masque
, & la rendre extravagante,
elle dont la
langue est si sage & si naïve,
& ne peut souffrir la
moindre violence, est en-
-
nemie des fréquentes repetitions,
de ces grands roulemens,
de ces longues tenuës
que l'on supporte dans
la Musique Italienne ou
Latine ?
On peut ici comparer la
Musique Françoise à une
belle
femme
dont la beauté
simple naturelle & sans art,
attire les coeurs de tous ceux
qui la regardent, quin'a
qu'à se montrer pour plaire,
sans craindre d'être défaite
par les minauderies affectées
d'une coquette outrée- v
qui cherche à mettre les
gens-dans son parti à quelque
prix que ce soit, à qui
nous avons comparé la
Musique Italienne. .j! u* Je pourrois encore ici,
rapporter l'autorité du beau
sexe, auprés de qui la Muse
Italienne a peine à trouver
grâce, quis'ennuye
d'un quart-d'heurede fonnates
, & qui aime mieux
entendre chanter Sangaride
ce jour,& jouer les songes
agreables, que toutes les
batteries & les harpegnemens
d'un violon touché
sçavamment auquel elles
ne connoissent rien, & ne
sentent rien qui les attire:
on a beau lui dire que cela
est sçavant,beau, sublime,
que c'est un tel auteur Italien
qui les à faits, cela est
fort beau,disent les Dames,
mais - nous n'en voulons
plus, ce font pourtant elles
qui decident du mérite 6c
du dessin des ouvrages, ôc
a qui. nous devons chercher
à plaire, & sur-tout
dans cet art qui semble être,
fait pour elles. Ilfautcependantavouer
que quelques-uns de nos
habilesMaîtres ont trouvé
le secret d'allier fort sçavamment
le goût naturel
du François avec le brillant
&.le sçavant de l'Italien,
dans des cantates qui font
entre les mains de tout le
monde, & qui font des
chef-d'oeuvres en cette espece,&
pour la Musique-
& pourlaPoësie, qu'il leur
suffise donc d'avoir montré
aux Italiens que les François
pouvoient porter aussi loin
qu'eux le génie&;le sçavoir
tant dans les cantates
que dans les sonnates:mais
pour cela le bon goût simple
& naturel du François
doit-il être méprisé, quand
les Italiens pour le perfectionnercommencent
euxmêmes
à l'imiter?
Ces sortes d'ouvrages en
ont produit une infinité
d'autres ,les cantates & les
sonnates naissent ici fous
les pas, un Musicienn'arrive
plus que la sonnate ou
la cantate en poche, il n'y
en a point qui neveuillefaire
son livre, être buriné, &
ne pretende faire assaut
contre les Italiens, & leur
damer le pion, à peinele
Poëte y peut-il suffire;il y
a même telles paroles qui
ont souffertplus d'une fois
Ja torture, de la Musique
Italienne, enfin les cantates
nous étouffent ici: j'en ai
entendu qui duroient une
heure, montre sur la table,
ensorte qu'on étoit obligé
de demander quartier, ou
de quitter la place.Qu'est
donc devenu le bon goût t
faudra-t-il qu'il expire ainsi
sous le fatras de toutes ces
cantates? que diroient les
Lambert, les Boësset, les
le Camus, les Babtistes,s'ils
revenoient au monde, de
voir le chant françois si
changé, si avili & si défiguré?
Je suis persuadé que
nos illustres Maistres ont
trop de goût & trop de
science pour l'abandonner
comme il paroist par leurs
propres ouvrages, dont les
endroits les plus gracieux,
& qui plaisent le plus, font
traitez dans le goust fran- * çois, où ils ont sçû mélanger
le bon des Italiens,'
&en ont laissé là le mauvais
, qu'ils rendent justice
au héros & au Ciceron de
la Musique francoise, je
veux dire à Lully *,qu'ils
admirent la grandeur ôc
l'élevation de son genie
au milieude cette naïve
simplicitédépourvûë de
tous ornemens étrangers,
& qui semble devoir tomber
fous les sens de tout Ic
'*l\ogtitLully.
monde. A-t-il voulu peindre
l'amour rendre, quel
coeur ne s'attendrit-il pas,
quel chant, quel naturel,
quelle harmonie dans ses
duo? ne devineroit-on pas
les paroles de ses recits à
en entendre feulement les
chants? ôc n'est-ce pas une
veritable declamation que
son récitatif? A-t-il voulu
exprimer la douleur, les
rochers ne gemissent-ils pas
avec lui? a-t-il voulu peindre
la fureur, lavengeance
,quel coeur ne ressent
pas de secrets fremissemens
? quel feu & quelle
vivacité dans ses airs de vid
Ion, quand il a voulu exprimer
la vitesse dessougueux
aquilons ou des
transports des furies? Si la
joye s'empare de la scene,
tous les peuples, tous les
bergers fautent & dansent
au
son
de ses musettes;l'horreur
& l'effroy s'empare de
nôtreame,s'il veut faire
quelque enchantement ou
evoquer les manes des enfers
; quelle tranquilitéassoupissante
nese répand
pas dans l'ame s'il veut endormir
dormir ou calmer ses heros
agitez ? s'il fait sonner la
trompette l'humeur martialle
ne saisit-elle pas ses
auditeurs, & n'est-on pas
prêt de courir aux armes
& de monter à l'assaut?s'il
veut préparer ou annoncer
quelque oracle,quelle gravité
ou quelle noblesse dans
ses fimphonies ? on diroit
que comme un scavant
Peintre il a scû avec ses
fons peindre pour ainsidire
les mouvemens de toutes
les passions du coeur de
l'homme. A t, il eu recours
pour. cela à tous ces faux
brillans & les ornemens deplacez
de la Musique Italienne
? rien n'est il plus
simple & plus naturel que
sa composition qui est à la
portée de tout le monde, &
en même temps riens desi
élevé, de si noble, & de si
spirituelle pour l'expres.
fion ? Quoy qu'il soit fort
scavant, le goût seul & le ,
genie semblent avoir été
ses guides, lk capable de
préscrire des regles nouvelles
àceux qui les suivroient
il semble quelquefois
avoir negligé les anciennes
, & s'être mis audessus
d'elles. Il faut avouer
aussiquec'est ce qui fait la
meilleure partie du Musicien
que le génie,c'est lui
qui fait aussi les Peintres
& les Poëtes ; car on peut
dire queces trois sciences
se donnent la main,&
peuventpasser pour trois
soeurs:onvoit peu de Peintresqui
nesoientaussi uti
peu ., Musiciens, &.;; qui
n'ayent du goût pour ces
deuxarts; la Musique n'est
elle pas une poësie &une
peinture sonore & harmonieufe?
la peinture & la poësie
ne sont-elles pas conu
posées d'une aimable harmonie
, d'un mélange &
d'un contraste de couleurs,
& de pensées melodieusement
enchaînées? J.
?'J
Il nesuffit doncpas seulement
de régles dans les
arts; il faut être encore inspiré&
animé dece beau
feu quelamaigrenedonne
pasà tout le monde,&qui
àfaitles Titiens & les Lebrun,
lesCorneilles & les
Racines, lesCarissimi &
les Babtistes, & tant d'autres.
Il faut dans ces arts
sçavoir inventer bercer,
outre qu'il faut qu'un CQm-,
positeur possede parfaitement
la langue dans laquelle
il travaille, connoisse
les syllabes rudes surlesquelles
il faut passer legerement
, & celles qui sont
harmonieuses & amies du
chant.Il seroit même àsouhaiter
que le Musicien fût
aussiPoëte pour ajusterles
paroles à on chant,&que
tour, l'ouvrage coulât, de source.
Ce n'est point assez de
sçavoir préparer ou sauver
des dissonances; il faut encore
sçavoir les placer à
propos ou elles conviennent
pour l'expression, les
mettre dans leur jour pour
qu'elles fassent leur effet,
ôc qu'elles fervent comme
d'ombres au tableau, en
faisant valoir les consonances
par opposition, n'en pas
diminuer la force par le.
trop frequent usage, comme
font les Italiens, dont
la musique trop rempliede
dissonances revolte quelquefois
les oreilles: mais
se garder de tomber dans
la monotomie
,
qui est le
vice contraire, & que les
Italiens pourroient plûtôt
nous reprocher.
Les réglés de l'harmonie
ne montrent pas àfaire un
beau chant, qui en est l'ame,
à imaginer un dessein,
à bien rendre l'expression
des paroles, à sçavoir placer
les cadences aux sens
finis, comme les points &
les virgules dans le discours;
à sçavoir changer de
mode quand les paroles
changent decaractere &
de sentiment. Un bon Matematicien
possède à fonds
les regles de la composition&
est un fort mauvais
compositeur. J'ai composé
jadis sans regle & sans science
; & ayantacquis depuis
quelques connoissances,j'ai
revu mes premiers ouvrages,
& j'ai trouve quej'aurois
peine à mieux faire
avec des regles. Il y en a
cependant d'essentielles,&
dont la connoissance est necessaire
: mais lesveritables
ôc lesmeilleures sont celles
que
que le goût &l'oreille vous
inspire. Vous trouvez dans
ces regles beaucoup de con- traditions, & les Italiens
n'en paroissent pas de fort
rigides observateurs : elles
ne font la plûpart fondées
que sur le caprice. J'ai vû
quelques-uns de ces traitez
de musique, & quoique
fort profonds & sçavans,
je n'ensuis pas devenu plus
habile en les lisant
; au contraire
j'en fuis forci plus embarassé.
Ils vous apprennent
bien ce qu'il faut éviter,
qui sont desinconveniens.
où l'oreille feule
nous défend de tomber
mais ils ne nous instruisent
point comment il faut s'y
prendre pour faire une
compoficion gracieuse &
de bon goût C'est donc le
genie naturel seul qui fait
le Musicien.
Si l'on reproche à Lully
d'avoir employé rarement
les tons transposez, ce n'est
pas qu'ilen ignorât l'usage:
mais c'est qu'il s'accommodoit
aux
lujets qu'il avoir
& au goût du temps;qu'il
sentoit qu'un chant n'en
étoit pasplus beau pour être
transposé d'un demi ton
plus haut ou plus bas; &
qu'une musique difficile ou
recherchée, quoique belle,
ne laisse pas que d'avoir un
défaut, qui est que rarement
elle est bien executée,
parce que le nombre
des sçavans est rare, & ainsi
rejettée; au lieu qu'une
bonne musique en est encore
meilleure quand elle
est facile, puis qu'elle est
susceptible d'une meilleure
execution, qui est l'ame de
lamusique; qu'elle invite
d'elle-même à être chantées
quelle est plus de commerce
dans le monde
, étant
plus à laportée des honnêtes
gens qui l'executent ce
qui doit être son but& sa
recompense
; au lieu que
la musique difficile effarouche
& dégoûte
,
ôc n'est
bonne que pour les Musiciens
de profession.
Peut-être auroit-ilsuivi
une autre route ,
maintenant
que tous les Musiciens
sont autant d'illustres compofiteurs
,
& que tousles
écoliers sont autantde maîtres.
:.;.
Cependant ceux qui sont
aujourd'hui entêtez de la
MusiqueItalienne ne peuvent
souffrir la Musique
Françoise, & la regardent
comme une musique fade
,&; sans goût: les Opera anciens
les endorment, ils n'y
sentent rien qui les rappelle,
ils n'y trouvent que des
tons naturels, des mouvemens
faciles;ils veulent
quela clefsoit surchargée
de dieses ou de b mois;que
la B. C.soit brodée & remplie
de tous les chiffres d'arithmetique;
qu'on invente
pour eux des tons transposez,&,
nouveaux ,&,,des
mouvemens extraordinaires;
que la baffe herissée
d'harpegnemes &d'acords
coure toûjours la poste ;enfin
ne trouvent pas une musique
bonne qu'elle ne soit
difficile. A peine peuventils
se resoudre à la regarder
quand il n'y a quedes blanches
ou des noires,& des
mouvemensà2 &a3temps,
cw.o» mme si toutes les mesu-
'"-- .t t »
,
res Italiennes ne revenoient
pas à ces deux mesures. Ne
va-t-on pas reduire la mesure
à deux temps à celle de
quatre, en renfermant deux
mesures en uneseule? Le 4
pour 8 nerevient-il pas à
nos deux temps legers? ôc
les mesures de 6 pour 8,
de 3 pour 8 & de 12 pour
8 ne reviennent-elles pas
toutes à la mesure de trois
temps, battuë plus ou moins
vîte, quoy qu'elles se battent
a 2 & à 4 temps,dont
chaque temps renferme
une de nos mesures à trois
temps?Ce n'est donc qu'une
maniere differente de
s'exprimer, qui est bonne
en soy <3e donne le caractere
de la piece pour la lenteur
ou la legereté, & a plus
defacilité pour être battuë;
carcommeil n'y a en general
que 2. modes differens,
le mineur & le majeur,ilny
a aussi en general que 2.mesures
,
celle à 2. temps ôc
celle à
3. Envainvoudroiton
en imaginer d'autres. Il
seroit aisé, pour contenter
ceux qui, aimentle ragoût
sduesrteosnesxttrraanosrpdoinsaezir,else&s mlees^
basses doublées, de transposer
un de nos Operaun
demi-ton plus bas ou plus
haut, doubler leurs basses
continuës ';& en reduire les
mesures à la maniere Italienne.
- Ils deviendroient
alors deplus difficile execution
,
mais perdroient la
moitié de leur beauté.Un
compositeur n'est-il pas
bien glorieux d'avoir fait
une piecesitransposée,pleine
de si & de mi b quatre,
& d'une si grande vîtesse,
que personnenesçauroit y
mordre,qu'il déchiffre à
peine lui-même. Voila une
piece, dit-il, que je défie à ,
tous les violonsd'execucer
y & à tous les clavecins d'en
trouver les accords sur le
champ; gardez -la donc
pour vous, mon ami: ces
forces de pieces ne font bonnes
qu'à renfermer dansle
cabinet pour la rareté, &
pour montrer qu on en peut
faire
: mais ne peuvent être
d'aucun usage que parmi
- les maîtres de l'art.
Les chants en deviennent-
ils plus beaux & plus
harmonieux pour être sur
des tons transposez ? l'harmonie
en est-elle meillcure
? Au contraire, on peut
dire qu'elleest forcée, que
ces tons ont peu de justesse
sur les instrumens
,
& princi
palement sur le clavecin,
où les seintes devroient être
coupées pour y donner le
veritable temperament;
car quelle apparence qu'une
touche serve de b mol &
deb quarre dans l'autre,
sans perdre de sa justesse?
l'asse encore sur les autres
instrumens comme sur le
violon, où avançant plus
ou moins le doigt sur la
corde,on peutmodifierces
sortes de demi-tons & les
rendre plus justes. J'ai entendu
un de nos illustres
preluder sur son violon, de
quelque maniere qu'ilfût
accordé, &ne suivre, pour
tirerses sons,d'autre regle
que son oreille, & non celle
du manche qui se trouvoit
alors dérangé.
Enfin de ces deux partis
differens il en resulte un
troisiéme plus raisonnable,
& moins entêté que ces
deuxautres, qui est celui
des gens sages & des gens
de goût, qui ne se laissant
point prévenir ni pour l'un
ni pour l'autre, vrais amateurs
de la musique, goûtent
l'une & l'autre composition,
quandelle est bonne
& bien executée,& sans
donner dansle goût pedant
&sçavant, ne vont point
épiloguer sur deux octaves
de [ujrc, sur une septiéme
ou une neuviéme bien ou
mal preparéeou sauvée;ne
méprisent point une musque
,parce qu'elle est trop
aisée, ou parce qu'elle est :
trop difficile
} ne la condamnent
point commepillée,
parce qu'il y aura quelques
bouts de chant que
ressembleront
: mais rendent
justice à la Musique
Françoise dans son caractere
& à la Musique Italienne
dans le sien, & conviennent
que l'on pourroit
faire ungenre de musique
parfait, si l'on pouvoit joindre
le goût sçavant & ingenieux
de l'Italien au bon
goût naturel Ôc simple du
François: mais cependant
qu'un Italien doit chanter
en Italien,&leFrançois
enFrançois. Je suis,&c.
Italienne &Françoise.
,P,ar M. de L. T. ) - -E1 S\.- ,T apparemment,
Monsieur,
pourm'éprouver
& DOUÇ connoître ce que
je puissçavoir en musique,
que
vous me demandez
mon sentiment
sur le goût Italien qui yregneapresent plus
quejamais. Il n'y a personnequipuisse
decider
avec plus de justesse sur
cet a t que vous,qui le
possedez parfaitement,
& quijoignez au beau
naturel une science profonde
dans l'harmonie.
Je vous obeïs donc. Ce
ne fera point comme
Musicien prevenu en saveurde
l'uneoude l'autre
que je vous dirai
mon sentiment ; je parlerai
suivant le goût naturel
qui m'est échû en
naissant pour cette fcience
, & qui doit peu de
choses à l'art: & laissant
là les termes dont les
Musiciens font obligez
de charger leurs traitez
demusîque, & qui loin
d'instruire ne fervent
souvent qu'à embroüil1er
les idées deslesteurs
]c-râcheraydemerendre
sensîble à ceux qui me
liront, en fortequ'ils me
pourront comprend re
sans scavoirlamusique.
J'essayerai donc de vous
faire une peinture de l'une
Sede^ l'autre,ainsi
qu'elles m'ont frapéaprés
les avoir pratiquées
toutes le^sdeùx^.b
n IL y a presentement
icideux partis formez
dans làMusique : Tun
admirateur outré de la
Musique Italienne, proscrit
absolument la Musique
Françoise, comme
fade & sans goût;l'autre,
fidele au goût de sa patrie,
ne peut souffrir sans
indignation que l'on méprise
le bon goût François
, & traite la Muse
Italienne de bizarre &
de capricieuse. Il y a à
tout cela un milieu plus
raisonnable, qui est de
rendre justice à l'une & à
J'ay^re., & delesprendre
cthaecunre deans.leur carac-
-v^ll faudroic être dépourvu
de goût & de
conoissance,pournepas
avoüer que la bonne Musique
Italienne renferme
en general ce qu'il y a de
plussçavant & deplus
recherché dans cet art;
que nous lui devons une
grande partie des agrémensde
lanôtre;que les
Italiens font nos maîtres
pour les Cãcates &: pour
les Sonnattes. J'admire
dans ces picces les desfeins
nouveaux de leurs
figures,si bien imaginez
& si heureusement conduits,
la vivacitépetillantede
leurs imitations
redoublées,lavariétéde
leurs chants, la diversité
de leurs tons & de leurs
modes si bien enchaînez
les uns aux autres, leur
harmonie recherchée S£
sçavante: mais si nous
leur cedons lascience &I
l'invention, ne doiventils
pas nous ceder le bon
goût naturel dont nous
sommes en possession,&
l'execution tendre & noble
où nous excellons?les
enrichissement que nous
y avonsajoutez de nôtre
propre fond ne doiventils
pas prévaloir? & ne
sommes-nous pas de ces
écoliers qui ayant bien
profité des leçons denos
maîtres, sommes à la fin
devenus plus sçavans
qu'eux? Ne pourroit-on
pas dire, sansossenser les
sectateurs de laMusique
Italienne, que leurs ornemenstropfrequens
&
déplacez en étouffent
l'expression,qu'ils ne caracterisent
point assez
leurs ouvrages? semblables
en cela à cette arc hitecture
gothique, qui
trop chargéed'ornemens
en est obscurcie
,
& où
l'oni~ démêle plus le
corpsde louvrage.,Que
laMusique Italienne ressemble
encorea une coquette
aimable pleine de
rouge & de mouches
y toujours vive, toujours
le pied en l'air, qui chercheàbriller
partout sans
raison & sans sçavoir
pourquoy, toujours emportée
dans quelques sujets
qu'elle traite;que l'amour
tendre y danse le
plussouvent la gavotte
ou la gigue. Ne diroiton
pas que le serieuxdevient
comique entre ses
mains, &qu'elle est plus
propre auxarietes St aux
chansonnettes qu'à traiter
de grands sujets? fem- - blableen celaàces Comédiens
quin'ayant que
du talent pour le ÇOOIH
que, reüssissentfort mal
,t>-
&tournentletragiqueenridicule
quànçl
ils veulent s'erî mêler.
Il faut avoüer que la
majestéde le Musique
Françoisetraiteles sujets
heroïques avec plus de
noblesse, & convient
bien mieux au cothurne
DanslaMusiqueItalienne
tout y paroît uniforme,
la joye, la colere,
la douleurl'amourheureuxv
bb t ou quiespere:tout y semblepeintaveclesmêmes
traits&dumêmecaractere,
c'estunegiguecontinuelle,
toujours petit
ki\tfcy LreujoLWs bondisante
; la voix commence
eule, l'instrument repee
ce chant en écho. Ce
esseinsouvent d'un chat
bizarrese promene noneulement
sur toutes les
cordes du mode,mais en-
:orc sur toutes lesétrangeres
où ils peuvents'accrocher
bien ou mal, telement
queleurs pieces
roulent sur tous les tons,
& changent de mode à
chaque instant, en forte
que l'on nesçauroitdire
à la fin duquel ils font.
Après avoir fait cette
longue promenade, où
l'on repete vingt fois le
même changeant la voix
que l'instrument, il faut
encore retourner da cfr
po. Ce passage est quelquefois
très-rude à l'oreille,
étant souvent de
deux cordes, voisines:
mais il arrive souvent
quel'on passe outre,pour
éviter à prolixité&pour
eix/iiminuCerl'e'nenusi.t
C'est un grand défaut
dans tous les ouvrages
d'espit, 8C principalement,
en musique, de ne
pouvoir finir: il faut sçavoir
se modérer. Un bon
ouvrage perd la moitié
de son merite quand il
est trop diffus.
-
Nous avons peine encoreànous
accoutumer
aux intervales bizarres
des chants de leurs recits
qui passent quelquefois
l'étenduëde l'odave»éc
que les. plus habiles ont
peine àentonner juste;les
tenuessurtout,yimpatientent
l'audireur,pour
estredéplacées. Ces tenuës,
qlle nous neiaifons
&i qui ne conviennent
gueres que surles mots
de repos &quelques autees,
sy font indifferemmenusurtouslesmots
qui finissent par des
voyelles. Je ne dispas
qu'il; n'y ait beaucoup
d'art à faire badiner un
violon & une baffe Sous
une de ceslongues tenues
: mais quel rapport
a la liberté avec ce son
qui dure un quart-d'heure
?où cft le goût & l'expression
de tout cela? Il
arrive même souvét que
la Musique Italienne exprime
toute autre chofc
que ceque les paroles
signifient ; j'entens un
prelude vif & emporté.
Je crois que quelque amant
rebuté des rigueurs
de sa belleva se livrer au
dépit &chanter poüiller
à l'amour, pointdu tout.
C'est un amant tendre
qui vante le prix de sa
cpn stance, qui appelle
l'esperance à son secours,
ou qui fait une declaration
à sa bien-aimée.les
„J Passe encore à ceux
qui travaillent pour le
violon, de se livrer tout
entiers dans leurs Sonnatesau
feu de leurimagination,
&de promenet
leurs fugues &leurs
imitations par tous les
modes, eux qui ne font
point gamez par l'expression
des paroles,
qui doit faire la regle
des compositeurs. Nous
sommes redevables à Fttaliede
ces fortes de pieces;
les Corelli,lesAlbinoni,
les Miquels, ÔC
plusieurs autres ont produit
dans ce caractere
despieces qui feront immortelles,
& où peu de
gens peuvent atteindre.
Cependant mille autres
veulent les imiter. J'ai
vû deces pieces d'un
chant si bizarre&d'une
composition si extraordinaire,
qu'on auroit dit
qu'on eustjetté au hazard
des pâtezd'encre
sur du papier reglé, qu'
on y eust ensuite ajouté
des queuës & divisé par
mcfures.
La musique de leurs
Cantates paroît plutôt
convenir aux concerts
de chambrequ'à nos spectacles;
leurs Sonnates
à deux partiesnedoivent
êtrejoüéesqu'à violon
seul ,qui frise & qui
pretintaille autant qu'il
luyplaît, &deviendroient
trèsconfu ses si
la même partie étoit executéeparplusieurs
instrumens
-,
qui feroient
des diminutions differentes,
8k ainsi doit être
bannie d'une grande orchestre.
L'on n'entend en gêneral
dans la musique
qu'une basse continuë
toujours doublée, qui
souvent est une espece
de batterie d'accord,&
un harpegnement qui
jette de la poudre aux
yeux de ceux qui ne s'y
connoissent pas, & qui
reduites au simple reviendroient
aux nôtres.
CesB. C. ne font bonnes
qu'à faire briller la
vîtesse de la main de
ceux
ceux qui accompagnentou
du clavecin ou de la viole;
encore pour rencherir sur
ces; basses déjà trop doublées
d'elles-mêmes,ils les
doublent encore, & c'est
ce quidoublera le plus, de
sorte qu'on n'entend plus
le sujet, quiparoît trop nud
auprès de ce grandbrillant,
& demeureenseveli fous un
cahos de fons tricotez ôc
petillans, qui passant trop
legerement, ne peuvent
faire d'harmonie contre le
sujet.Ilfaudrait donc que
des deuxinstrumens il y
en eût un qui jouât le simple
de la baffe, & l'autre le
double ; ces B. C. passeroient
plûtôt pour des pieces
de viole que. pour un
accompagnement, qui doit
être soûmis au sujet & ne
point, prévaloir. Il faut que
la voix domine & attire la
principale atttention. Tout
le contrairearrive ici, l'on
n'entend que la B. C. qui
petille roûjours, la voix en
est étouffée. Ille trouve un
inconvenient dans les bassesen
batteries &doublées
sur le champ;c'estqu'il est
,
difficile qu'un clavecin,une
viole&une theorbe se puissent
rencontrer juste dans
la même maniere de doubler
; l'un prend un tour &
l'aurre un autre: ce qui
cause une cacophonie extraordinaire.
Un compositeur
ne reconnoît point au
milieu de tout cela son pauvre
ouvrage tout défiguré,
& se contente d'admirer la
vîtesse de la main de ceux
qui l'executent. Voila cependantle
goût de l'executionde
la Musique Italienne.
iCe
nétoit point celui de
Lully,sectateur du beau ôc
du vrai
,
qui auroit banni
de son orchestre un violon
qui eût gâté son harmonie
par quelque diminution ôc
quelque miaulement mal placé.
Ne peut-on pas s'assujettir
àjoüer la musique
comme elle est? est-ce le
goût Italien de faire de faux
accords à tout bout de
champ? J'ai vû des Musiciens
si amoureux des vîtesses
& de ces basses figu.
rées, qu'ils ne pouvoient
souffrir les adagio, c'est à
dire les endroits de recitatifs
lents, ëc. passoient ces
morceaux comme ennuyeux.
C'est cependant
dans ces endroits oùl'harmonie
peut se faire mieux
sentir que dans ces vivacitez,
où, comme je viens de
dire, la baffe passant trop
legerement, & ne faisant
que friser le dessus,ne peut
faire d'harmonie.
Mais si cette musique figurée
convient aux paroles
Italiennes & Latines, pourquoy
y veut-on assujettir la
Langue Françoise ?Un Italien
se gouverne-t-ilcomme
un François? Leurs
goûts, leurs habits, leurs
moeurs, leurs manieres leurs plaisirs , ne sont-ils pas
differens ? Pourquoy ne
veut,on pas qu'ils le soient
aussi dans leurs chants?Un
Italien chante-t-il comme
le François?Pourquoy veuton
que le François chante
comme l'Italien? Chaque
pays, chaque guise, il faut
que chacun demeure chez
soy. Pourquoy veut-on ha- 1* ~ndo tris Rome more tu vivito Roma; 10- nido tris alibi, vivito sientibi.
biller la Mufe Françoise en
masque
, & la rendre extravagante,
elle dont la
langue est si sage & si naïve,
& ne peut souffrir la
moindre violence, est en-
-
nemie des fréquentes repetitions,
de ces grands roulemens,
de ces longues tenuës
que l'on supporte dans
la Musique Italienne ou
Latine ?
On peut ici comparer la
Musique Françoise à une
belle
femme
dont la beauté
simple naturelle & sans art,
attire les coeurs de tous ceux
qui la regardent, quin'a
qu'à se montrer pour plaire,
sans craindre d'être défaite
par les minauderies affectées
d'une coquette outrée- v
qui cherche à mettre les
gens-dans son parti à quelque
prix que ce soit, à qui
nous avons comparé la
Musique Italienne. .j! u* Je pourrois encore ici,
rapporter l'autorité du beau
sexe, auprés de qui la Muse
Italienne a peine à trouver
grâce, quis'ennuye
d'un quart-d'heurede fonnates
, & qui aime mieux
entendre chanter Sangaride
ce jour,& jouer les songes
agreables, que toutes les
batteries & les harpegnemens
d'un violon touché
sçavamment auquel elles
ne connoissent rien, & ne
sentent rien qui les attire:
on a beau lui dire que cela
est sçavant,beau, sublime,
que c'est un tel auteur Italien
qui les à faits, cela est
fort beau,disent les Dames,
mais - nous n'en voulons
plus, ce font pourtant elles
qui decident du mérite 6c
du dessin des ouvrages, ôc
a qui. nous devons chercher
à plaire, & sur-tout
dans cet art qui semble être,
fait pour elles. Ilfautcependantavouer
que quelques-uns de nos
habilesMaîtres ont trouvé
le secret d'allier fort sçavamment
le goût naturel
du François avec le brillant
&.le sçavant de l'Italien,
dans des cantates qui font
entre les mains de tout le
monde, & qui font des
chef-d'oeuvres en cette espece,&
pour la Musique-
& pourlaPoësie, qu'il leur
suffise donc d'avoir montré
aux Italiens que les François
pouvoient porter aussi loin
qu'eux le génie&;le sçavoir
tant dans les cantates
que dans les sonnates:mais
pour cela le bon goût simple
& naturel du François
doit-il être méprisé, quand
les Italiens pour le perfectionnercommencent
euxmêmes
à l'imiter?
Ces sortes d'ouvrages en
ont produit une infinité
d'autres ,les cantates & les
sonnates naissent ici fous
les pas, un Musicienn'arrive
plus que la sonnate ou
la cantate en poche, il n'y
en a point qui neveuillefaire
son livre, être buriné, &
ne pretende faire assaut
contre les Italiens, & leur
damer le pion, à peinele
Poëte y peut-il suffire;il y
a même telles paroles qui
ont souffertplus d'une fois
Ja torture, de la Musique
Italienne, enfin les cantates
nous étouffent ici: j'en ai
entendu qui duroient une
heure, montre sur la table,
ensorte qu'on étoit obligé
de demander quartier, ou
de quitter la place.Qu'est
donc devenu le bon goût t
faudra-t-il qu'il expire ainsi
sous le fatras de toutes ces
cantates? que diroient les
Lambert, les Boësset, les
le Camus, les Babtistes,s'ils
revenoient au monde, de
voir le chant françois si
changé, si avili & si défiguré?
Je suis persuadé que
nos illustres Maistres ont
trop de goût & trop de
science pour l'abandonner
comme il paroist par leurs
propres ouvrages, dont les
endroits les plus gracieux,
& qui plaisent le plus, font
traitez dans le goust fran- * çois, où ils ont sçû mélanger
le bon des Italiens,'
&en ont laissé là le mauvais
, qu'ils rendent justice
au héros & au Ciceron de
la Musique francoise, je
veux dire à Lully *,qu'ils
admirent la grandeur ôc
l'élevation de son genie
au milieude cette naïve
simplicitédépourvûë de
tous ornemens étrangers,
& qui semble devoir tomber
fous les sens de tout Ic
'*l\ogtitLully.
monde. A-t-il voulu peindre
l'amour rendre, quel
coeur ne s'attendrit-il pas,
quel chant, quel naturel,
quelle harmonie dans ses
duo? ne devineroit-on pas
les paroles de ses recits à
en entendre feulement les
chants? ôc n'est-ce pas une
veritable declamation que
son récitatif? A-t-il voulu
exprimer la douleur, les
rochers ne gemissent-ils pas
avec lui? a-t-il voulu peindre
la fureur, lavengeance
,quel coeur ne ressent
pas de secrets fremissemens
? quel feu & quelle
vivacité dans ses airs de vid
Ion, quand il a voulu exprimer
la vitesse dessougueux
aquilons ou des
transports des furies? Si la
joye s'empare de la scene,
tous les peuples, tous les
bergers fautent & dansent
au
son
de ses musettes;l'horreur
& l'effroy s'empare de
nôtreame,s'il veut faire
quelque enchantement ou
evoquer les manes des enfers
; quelle tranquilitéassoupissante
nese répand
pas dans l'ame s'il veut endormir
dormir ou calmer ses heros
agitez ? s'il fait sonner la
trompette l'humeur martialle
ne saisit-elle pas ses
auditeurs, & n'est-on pas
prêt de courir aux armes
& de monter à l'assaut?s'il
veut préparer ou annoncer
quelque oracle,quelle gravité
ou quelle noblesse dans
ses fimphonies ? on diroit
que comme un scavant
Peintre il a scû avec ses
fons peindre pour ainsidire
les mouvemens de toutes
les passions du coeur de
l'homme. A t, il eu recours
pour. cela à tous ces faux
brillans & les ornemens deplacez
de la Musique Italienne
? rien n'est il plus
simple & plus naturel que
sa composition qui est à la
portée de tout le monde, &
en même temps riens desi
élevé, de si noble, & de si
spirituelle pour l'expres.
fion ? Quoy qu'il soit fort
scavant, le goût seul & le ,
genie semblent avoir été
ses guides, lk capable de
préscrire des regles nouvelles
àceux qui les suivroient
il semble quelquefois
avoir negligé les anciennes
, & s'être mis audessus
d'elles. Il faut avouer
aussiquec'est ce qui fait la
meilleure partie du Musicien
que le génie,c'est lui
qui fait aussi les Peintres
& les Poëtes ; car on peut
dire queces trois sciences
se donnent la main,&
peuventpasser pour trois
soeurs:onvoit peu de Peintresqui
nesoientaussi uti
peu ., Musiciens, &.;; qui
n'ayent du goût pour ces
deuxarts; la Musique n'est
elle pas une poësie &une
peinture sonore & harmonieufe?
la peinture & la poësie
ne sont-elles pas conu
posées d'une aimable harmonie
, d'un mélange &
d'un contraste de couleurs,
& de pensées melodieusement
enchaînées? J.
?'J
Il nesuffit doncpas seulement
de régles dans les
arts; il faut être encore inspiré&
animé dece beau
feu quelamaigrenedonne
pasà tout le monde,&qui
àfaitles Titiens & les Lebrun,
lesCorneilles & les
Racines, lesCarissimi &
les Babtistes, & tant d'autres.
Il faut dans ces arts
sçavoir inventer bercer,
outre qu'il faut qu'un CQm-,
positeur possede parfaitement
la langue dans laquelle
il travaille, connoisse
les syllabes rudes surlesquelles
il faut passer legerement
, & celles qui sont
harmonieuses & amies du
chant.Il seroit même àsouhaiter
que le Musicien fût
aussiPoëte pour ajusterles
paroles à on chant,&que
tour, l'ouvrage coulât, de source.
Ce n'est point assez de
sçavoir préparer ou sauver
des dissonances; il faut encore
sçavoir les placer à
propos ou elles conviennent
pour l'expression, les
mettre dans leur jour pour
qu'elles fassent leur effet,
ôc qu'elles fervent comme
d'ombres au tableau, en
faisant valoir les consonances
par opposition, n'en pas
diminuer la force par le.
trop frequent usage, comme
font les Italiens, dont
la musique trop rempliede
dissonances revolte quelquefois
les oreilles: mais
se garder de tomber dans
la monotomie
,
qui est le
vice contraire, & que les
Italiens pourroient plûtôt
nous reprocher.
Les réglés de l'harmonie
ne montrent pas àfaire un
beau chant, qui en est l'ame,
à imaginer un dessein,
à bien rendre l'expression
des paroles, à sçavoir placer
les cadences aux sens
finis, comme les points &
les virgules dans le discours;
à sçavoir changer de
mode quand les paroles
changent decaractere &
de sentiment. Un bon Matematicien
possède à fonds
les regles de la composition&
est un fort mauvais
compositeur. J'ai composé
jadis sans regle & sans science
; & ayantacquis depuis
quelques connoissances,j'ai
revu mes premiers ouvrages,
& j'ai trouve quej'aurois
peine à mieux faire
avec des regles. Il y en a
cependant d'essentielles,&
dont la connoissance est necessaire
: mais lesveritables
ôc lesmeilleures sont celles
que
que le goût &l'oreille vous
inspire. Vous trouvez dans
ces regles beaucoup de con- traditions, & les Italiens
n'en paroissent pas de fort
rigides observateurs : elles
ne font la plûpart fondées
que sur le caprice. J'ai vû
quelques-uns de ces traitez
de musique, & quoique
fort profonds & sçavans,
je n'ensuis pas devenu plus
habile en les lisant
; au contraire
j'en fuis forci plus embarassé.
Ils vous apprennent
bien ce qu'il faut éviter,
qui sont desinconveniens.
où l'oreille feule
nous défend de tomber
mais ils ne nous instruisent
point comment il faut s'y
prendre pour faire une
compoficion gracieuse &
de bon goût C'est donc le
genie naturel seul qui fait
le Musicien.
Si l'on reproche à Lully
d'avoir employé rarement
les tons transposez, ce n'est
pas qu'ilen ignorât l'usage:
mais c'est qu'il s'accommodoit
aux
lujets qu'il avoir
& au goût du temps;qu'il
sentoit qu'un chant n'en
étoit pasplus beau pour être
transposé d'un demi ton
plus haut ou plus bas; &
qu'une musique difficile ou
recherchée, quoique belle,
ne laisse pas que d'avoir un
défaut, qui est que rarement
elle est bien executée,
parce que le nombre
des sçavans est rare, & ainsi
rejettée; au lieu qu'une
bonne musique en est encore
meilleure quand elle
est facile, puis qu'elle est
susceptible d'une meilleure
execution, qui est l'ame de
lamusique; qu'elle invite
d'elle-même à être chantées
quelle est plus de commerce
dans le monde
, étant
plus à laportée des honnêtes
gens qui l'executent ce
qui doit être son but& sa
recompense
; au lieu que
la musique difficile effarouche
& dégoûte
,
ôc n'est
bonne que pour les Musiciens
de profession.
Peut-être auroit-ilsuivi
une autre route ,
maintenant
que tous les Musiciens
sont autant d'illustres compofiteurs
,
& que tousles
écoliers sont autantde maîtres.
:.;.
Cependant ceux qui sont
aujourd'hui entêtez de la
MusiqueItalienne ne peuvent
souffrir la Musique
Françoise, & la regardent
comme une musique fade
,&; sans goût: les Opera anciens
les endorment, ils n'y
sentent rien qui les rappelle,
ils n'y trouvent que des
tons naturels, des mouvemens
faciles;ils veulent
quela clefsoit surchargée
de dieses ou de b mois;que
la B. C.soit brodée & remplie
de tous les chiffres d'arithmetique;
qu'on invente
pour eux des tons transposez,&,
nouveaux ,&,,des
mouvemens extraordinaires;
que la baffe herissée
d'harpegnemes &d'acords
coure toûjours la poste ;enfin
ne trouvent pas une musique
bonne qu'elle ne soit
difficile. A peine peuventils
se resoudre à la regarder
quand il n'y a quedes blanches
ou des noires,& des
mouvemensà2 &a3temps,
cw.o» mme si toutes les mesu-
'"-- .t t »
,
res Italiennes ne revenoient
pas à ces deux mesures. Ne
va-t-on pas reduire la mesure
à deux temps à celle de
quatre, en renfermant deux
mesures en uneseule? Le 4
pour 8 nerevient-il pas à
nos deux temps legers? ôc
les mesures de 6 pour 8,
de 3 pour 8 & de 12 pour
8 ne reviennent-elles pas
toutes à la mesure de trois
temps, battuë plus ou moins
vîte, quoy qu'elles se battent
a 2 & à 4 temps,dont
chaque temps renferme
une de nos mesures à trois
temps?Ce n'est donc qu'une
maniere differente de
s'exprimer, qui est bonne
en soy <3e donne le caractere
de la piece pour la lenteur
ou la legereté, & a plus
defacilité pour être battuë;
carcommeil n'y a en general
que 2. modes differens,
le mineur & le majeur,ilny
a aussi en general que 2.mesures
,
celle à 2. temps ôc
celle à
3. Envainvoudroiton
en imaginer d'autres. Il
seroit aisé, pour contenter
ceux qui, aimentle ragoût
sduesrteosnesxttrraanosrpdoinsaezir,else&s mlees^
basses doublées, de transposer
un de nos Operaun
demi-ton plus bas ou plus
haut, doubler leurs basses
continuës ';& en reduire les
mesures à la maniere Italienne.
- Ils deviendroient
alors deplus difficile execution
,
mais perdroient la
moitié de leur beauté.Un
compositeur n'est-il pas
bien glorieux d'avoir fait
une piecesitransposée,pleine
de si & de mi b quatre,
& d'une si grande vîtesse,
que personnenesçauroit y
mordre,qu'il déchiffre à
peine lui-même. Voila une
piece, dit-il, que je défie à ,
tous les violonsd'execucer
y & à tous les clavecins d'en
trouver les accords sur le
champ; gardez -la donc
pour vous, mon ami: ces
forces de pieces ne font bonnes
qu'à renfermer dansle
cabinet pour la rareté, &
pour montrer qu on en peut
faire
: mais ne peuvent être
d'aucun usage que parmi
- les maîtres de l'art.
Les chants en deviennent-
ils plus beaux & plus
harmonieux pour être sur
des tons transposez ? l'harmonie
en est-elle meillcure
? Au contraire, on peut
dire qu'elleest forcée, que
ces tons ont peu de justesse
sur les instrumens
,
& princi
palement sur le clavecin,
où les seintes devroient être
coupées pour y donner le
veritable temperament;
car quelle apparence qu'une
touche serve de b mol &
deb quarre dans l'autre,
sans perdre de sa justesse?
l'asse encore sur les autres
instrumens comme sur le
violon, où avançant plus
ou moins le doigt sur la
corde,on peutmodifierces
sortes de demi-tons & les
rendre plus justes. J'ai entendu
un de nos illustres
preluder sur son violon, de
quelque maniere qu'ilfût
accordé, &ne suivre, pour
tirerses sons,d'autre regle
que son oreille, & non celle
du manche qui se trouvoit
alors dérangé.
Enfin de ces deux partis
differens il en resulte un
troisiéme plus raisonnable,
& moins entêté que ces
deuxautres, qui est celui
des gens sages & des gens
de goût, qui ne se laissant
point prévenir ni pour l'un
ni pour l'autre, vrais amateurs
de la musique, goûtent
l'une & l'autre composition,
quandelle est bonne
& bien executée,& sans
donner dansle goût pedant
&sçavant, ne vont point
épiloguer sur deux octaves
de [ujrc, sur une septiéme
ou une neuviéme bien ou
mal preparéeou sauvée;ne
méprisent point une musque
,parce qu'elle est trop
aisée, ou parce qu'elle est :
trop difficile
} ne la condamnent
point commepillée,
parce qu'il y aura quelques
bouts de chant que
ressembleront
: mais rendent
justice à la Musique
Françoise dans son caractere
& à la Musique Italienne
dans le sien, & conviennent
que l'on pourroit
faire ungenre de musique
parfait, si l'on pouvoit joindre
le goût sçavant & ingenieux
de l'Italien au bon
goût naturel Ôc simple du
François: mais cependant
qu'un Italien doit chanter
en Italien,&leFrançois
enFrançois. Je suis,&c.
Fermer
Résumé : Dissertation sur la Musique Italienne & Françoise.
L'auteur d'une dissertation sur la musique italienne et française exprime son opinion sur la prédominance actuelle du goût italien. Il reconnaît la supériorité de la musique italienne dans la science et l'invention, notamment dans les cantates et les sonates, admirant la vivacité des imitations, la variété des chants et l'harmonie savante des Italiens. Cependant, il critique les ornements trop fréquents et déplacés de la musique italienne, qui étouffent l'expression et rendent les œuvres obscures. L'auteur compare la musique italienne à une coquette, toujours en mouvement et cherchant à briller sans raison. Il note que la musique italienne traite souvent des sujets sérieux de manière comique et est plus adaptée aux ariettes et aux chansonnettes qu'aux grands sujets. En revanche, la musique française traite les sujets héroïques avec plus de noblesse et convient mieux au cothurne. Il critique également les intervalles bizarres et les tenues des chants italiens, difficiles à entonner juste et impatientes pour l'auditeur. L'auteur apprécie les sonates italiennes pour le violon mais les trouve inadaptées à une grande orchestration. Il conclut en comparant la musique française à une belle femme naturelle et sage, contrairement à la musique italienne, coquette et affectée. Il reconnaît que certains maîtres français ont su allier le goût naturel français au brillant italien, créant ainsi des chefs-d'œuvre. Cependant, il déplore que la mode des cantates et des sonates en France ait conduit à une surproduction d'œuvres imitant les Italiens, souvent au détriment du bon goût français. L'auteur exprime son admiration pour les maîtres français comme Lully, dont la musique est simple, naturelle et expressive. Lully sait mélanger le bon des Italiens tout en évitant leurs excès. Sa musique est capable de peindre toutes les passions humaines avec une grande simplicité et noblesse. Le texte se termine par un appel à un genre de musique parfait, combinant le goût italien et le naturel français, tout en respectant les caractéristiques de chaque tradition.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 489-501
PLAN abregé d'une Méthode nouvelle d'accompagnement pour le Clavecin.
Début :
Une Méthode en musique est un morceau tout neuf. Celles qu'on a données [...]
Mots clefs :
Harmonie, Musique, Méthode, Accords, Notes, Succession des accords, Note tonique, Dissonance, Progrès, Oreille, Clavecin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PLAN abregé d'une Méthode nouvelle d'accompagnement pour le Clavecin.
PLAN abregé d'une Méthode nouvelle
d'accompagnement pour le Clavecin.
U
Ne Méthode en mufique eft un mor
ceau tout neuf. Celles qu'on a don
nées jufqu'à prefent n'en ont que le titres
on n'y voit qu'une pratique à demi détaillée
, des regles arbitraires , remplies
d'exceptions , & deftituées de tout fondement.
La Méthode nouvelle eft appuyée ſur
la Baffe fondamentale , feul & premier
principe , où tout fe rapporte en Muſique
, & d'où émanent des regles auffi
certaines que fimples.
C'eft par les définitions de l'Art & de
fes
490 MERCURE DE FRANCE .
fes parties qu'on commence à developer
cette Méthode.
L'accompagnement du Clavecin eſt
l'Art d'executer fucceffivement une harmonie
complete & parfaite fur un Chant
donné qu'on appelle Baffe continuë.
La connoiffance de l'harmonie eft le
premier mobile de cette execution ; l'habitude
des doigts & de l'oreille en fait la
promptitude .
Le premier objet de la Méthode eft
donc d'examiner en quoi confiftent l'harmonie
, fa plenitude , fa perfection , fa
fucceffion , & la marche de la Baffe.
Le deuxième objet eft de faciliter aux
doigts les habitudes neceffaires , & de rendre
l'oreille fenfible à l'harmonie & à fes
fucceffions les plus régulieres.
L'harmonie fe conçoit dans la pratique
fous le nom d'Accord ; elle est complete
& parfaite quand l'Accord eft tel .
Un Accord eft primitivement l'affemblage
de plufieurs fons difpofés par 3 .
Il n'y a que deux Accords ; le Conſonant
& le Diffonant.
Le Confonant eft compofé de trois Notes
, à la 3e l'une 3º de l'autre , & eft renfermé
dans l'intervale de 5º , comine par
exemple , fol , fi , re.
Le Diffonant eft de deux efpeces ; l'un
eft fondamental , l'autre eft de gout , &
par fuppofition. L'Accord
1
MARS. 1730. 491
L'Accord diffonant fondamental eſt compofé
de quatre Notes diftantes pareillement
d'une 3 , & eft renfermé dans l'intervale
de 7. Cet Accord contient le
Confonant & une Note de plus , comme
par exemple , fol , fi , re , fa ; tous deux
font compris dans l'étendue de l'8 , &
la premiere Note des 3e confecutives qui
les compofent , en est toujours la Baffe
fondamentale.
es
L'Acord diffonant par ſuppoſition eft
compofé de cinq Notes differentes , &
excede par conféquent l'étendue de l'ge ;
c'est - à- dire , qu'il contient l'Accord diffonant
fondamental , & une Note de plus ;
mais cette Note n'eft jamais que la 3 ,
ou la 5 au deffous de la premiere des
3 , qui compofent cet Accord , & c'eft
alors la Baffe qui eft par fuppofition ,
comme, par exemple , mi , fol, fi , re , fa,
& ut , fol , fi , re , fa,
с
Un Accord n'eft complet qu'autant
qu'il renferme le nombre de Notes qu'on
vient de rapporter , & il ne l'eft plus dès
qu'on en retranche quelques-unes , comme
il arrive dans l'Accord diffonant
appellé Accord de 4º ; ce qui n'empêche
pas qu'il ne demeure foûmis à toutes les
loix des autres Accords diffonans .
Un Accord eft parfait dans fa conftrution
, lorfque toutes les 3es qui le com
pofent
492 MERCURE DE FRANCE.
pofent font formées des Notes du Mode
qui exifte.
L'Accord confonant & le diffonant fondamental
peuvent recevoir autant de formes
differentes qu'ils contiennent de Notes
; & ce renverlement n'en change point
le fond.
Ainfi l'Accord confonant reçoit trois
formes differentes , & l'Accord diffonant
fondamental en reçoit quatre.
Mais fi l'on donne à ce dernier Accordune
Baffe par fuppofition , à la 3º ou à
la sau deffous , comme il a été dit ,
l'addition de cette cinquiéme Note change
la gradation refpective des quatre Notes
par 3 dont il eft compofé , & préfente
l'Accord fous deux formes de plus;
ainfi l'Accord diffonant en general reçoit
fix formes differentes.
Le renversement de l'Accord diffonant
fondamental n'eft point reciproque avec
la Note de la Baffe par fuppofition , &
n'a lieu qu'entre les quatre Notes fol , fi,
re , fa , où l'on reconnoît la jonction
de deux Notes , c'est - à - dire , un intervale
de 2 , comme entre fa & fol .
Cette jonction de deux Nores , qui feule
fait la diftinction de l'Accord confonant
d'avec le diffonant , ſemble auffi deſtinée
feule à faire reconnoître ce dernier par
deux chiffres de valeur immédiate , où
l'interMARS.
1730. 493
Pintervale de 2 fe découvre ; & l'ufage
où l'on eft de chiffrer l'Accord de 4º par
, celui de grande 6 par , & même
celui de petite 6 ° par , y eft entierement
conforme.
Mais fi l'intervale de 2 eût guidé en
cela la maniere de chiffrer , il femble
qu'on auroit dû proceder également à l'égard
des trois autres formes de l'Accord
diffonant , puifque par rapport à la Baffe
actuelle de l'Accord , on ne peut confiderer
celui de 2e que comme , celui de
9 comme , & celui de 7 comme ; il
y a donc même railon pour défigner les
uns & les autres par les chiffres où l'intervale
de 2 a lieu ; ce qui prefente toutes
les formes de l'Accord diffonant en
cette maniere fimple & uniforme 234568
& donne déja une ouverture importante
fur l'harmonie; puifque des deux chiffres
immédiats , le plus grand marque toû
jours la Baffe fondamentale , & le plus
petit la diffonance , obfervation qui fair
feule tout le principe de cette Méthode
fur la fucceffion des Accords .
2
123457
L'avantage qu'on tire de cette maniere
de concevoir toutes les formes de
l'Accord diffonant , n'eft pas moins fenfible
dans la pratique ; mais avant que de
faire agir les doigts , il faut obferver que
pour des raifons capitales que la Métho
de
494 MERCURE DE FRANCE.
de expofe , on doit fufpendre l'ufage du
pouce ; ce qui ne doit point rebuter les
petites mains , auxquelles elle fournit des
expediens.
S'il s'agit maintenant de trouver l'Accord
fur le Clavier par le moyen des
deux chiffres immédiats il fuffit de
connoître une feule des deux touches qui
répondent aux intervales défignés par ces
chiffres , pour connoître l'autre fur le
champ , puifque plaçant un doigt fur
cette touche , un des deux doigts voisins
ne peut que tomber naturellement fur
Pautre, & quant aux deux doigts reftans ,
il ne s'agit plus que de les difpofer par
3es
S'il arrive que le doigt voifin de celui
qu'on a placé d'abord ne fe trouve pas
tout portéfur la touche défignée par l'autre
chiffre , il ne faut que l'écarter par
3e , & les deux autres pareillement , on
aura toûjours le même Accord diffonant
complet ; car alors la touche occupée par
le doigt d'en haut n'eft que la réplique du
fon qui réuniroit deux doigts pour former
l'intervale de 2 , ce qui revient au
même pour l'efprit & pour les doigts ,
puifqu'il ne s'agit jamais que de les difpofer
tous par 3es , ou d'en joindre deux
feulement ; habitude qui ne les affujettit
qu'à deux fituations , & qui rend tous les
endroits
MAR S. 1730. 495
endroits du Clavier également familiers.
Chacun peut éprouver la facilité qu'il
y a de trouver ainfi tous les Accords diffonans
poffibles , & l'on verra qu'ils ne font
tous qu'un même arrangement par 3 ,
foit majeures , foit mineures , & que par
tout la Baffe fondamentale & la diffonance
font les mêmes , quoique les Accords
puiffent ne pas être complets.
Pour ce qui eft de la fucceffion des
Accords , il eft clair qu'étant tous confonans
ou diffonans , elle ne peut confifter
dans celle des confonans entre
que
eux , des diffonans entre eux , & des confonans
mêlés avec les diffonans.
Le principe de ces fucceffions réfide dans
deux cadences fondamentales , dont l'une
qui defcend de se , comme de fol à ut
s'appelle parfaite , & dont l'autre qui
monte des , comme de fa à ut , s'appelle
imparfaite ou irréguliere ; les Notes
qui forment ces cadences , portent chacune
l'Accord confonant , & la derniere
de chaque cadence eft toûjours la Tonique,
c'est- à- dire , la principale Note du ton .
Ces deux cadences ordonnent d'abord
de la fucceffion des Accords conforans
entr'eux ; mais comme le principal but
de la fucceffion des Accords eft d'entretenir
à l'oreille la modulation ou le ton qui
exifte , & que pour cet effet , l'art & l'ex-
D perience
496 MERCURE
DE FRANCE .
perience ont revêtu l'harmonie
de la diffonance
; on l'ajoûte en confequence
à la
premiere Note de chacune de ces deux cadences ; & delà naît la fucceffion
des
Accords confonans
mêlés de diffonans .
Si au lieu de terminer la cadence parfaite
par l'Accord confonant , on ajoûte
encore à celui - ci la même diffonance ;
il en refulte un progrès obligé d'Accords
diffonans , dont la conclufion ne fe peut
faire que par le feul Accord confonant ,
& ce n'eſt qu'alors que la cadence parfaite
apparoît ; car celles qui fe font d'un
Accord diffonant à un autre diffonant ,
n'en font que l'imitation.
Ainfi l'imitation de la cadence parfaite
eft l'origine de la fucceffion des Accords
diffonans entr'eux , & c'eft en ces deux
mouvemens de la même cadence que gir
tout l'artifice de la compofition & de
l'Accompagnement
; car la cadence irré
guliere eft toujours concluante , & ne
s'imite point.
Après le progrès obligé des Accords ,
ce qui refte à examiner , eft l'interruption
fréquente de ce progrès , par les differens
points de conclufion
que l'Accord confonant
y apporte ; & c'eft à quoi l'oreille
doit principalement
fe rendre fenfible ;
mais ce ne peut être qu'avec beaucoup
de tems & de peine , fans les lumieres
de
MARS 1730. 497
de l'efprit ; c'est pourquoi l'on s'attache
à faire raporter tous les Accords à la Note
tonique , & l'on fait obferver que confequemment
à la diffonance appliquée à
la premiere Note de chacune des deux
cadences , il n'y a dans un Mode que
trois Accords , celui de la tonique , celui
de fa 2º & le fenfible.
Le ton au-deffus de la tonique indique
fon Accord de 2º , & le femiton au - deffous,
indique fon Accord fenfible.
L'Accord confonant de la tonique commence
& termine toutes les fucceffions ;
& comme tout Mode ne contient que trois
Accords , il est évident que celui de la
tonique ne peut être précedé que de l'un
des deux autres , & qu'il doit en être
fuivi pareillement , fi ce n'eſt d'un autre
Accord , qu'un progrès obligé peut occafionner
après celui de la tonique.
Mais la marche de la Baffe détermine
alors l'Accord diffonant qui doit fuivre
le confonant ; & comme celui- ci ne peut
jamais être precedé que de fon Accord
de ze , & bien plus fréquemment de fon
Accord fenfible , on continue le progrès
obligé , jufqu'à ce que l'un des deux derniers
paroiffe ; & quand on eft arrivé à
celui de la 2º ,la Baffe montre clairement,
file fenfible ou le confonant doit le fuivre ;
Car fi ce n'eft le confonant, c'est le fenfible.
Dij
Si
498 MERCURE DE FRANCE .
Si le ton vient à changer après l'Accord
confonant de la tonique , ou après fon
Accord de 2 , cela eft infailliblement
marqué par la marche de la Baffe , par
un diéze , par un bémol , ou par un béquarre
; & le ton connû , tout le refte
l'eft.
Si enfin l'Accord diffonant pris aprés le
confonant , n'eſt pas le fenfible du ton où
l'on paffe , on fait fucceder pour lors les
Accords diffonans par le progrès obligé,
comme on l'a déja dit.
Ces regles établies fur toutes les marches
poffibles de la Baffe fondamentale
inftruifent parfaitement de la fucceffion
de l'harmonie ; mais tout ainfi que la
pratique la plus confommée ne fçauroit
procurer une entiere poffeffion de l'art ,
fi l'efprit n'est pourvû de ces connoiſſances
, de même auffi la pratique eft- elle
neceffaire pour les y graver mieux , &
plus promtement ; cependant on ne peut
trop obferver de fimplifier extrêmement
les objets , & de ne les lier qu'à meſure
qu'ils fe prefentent d'eux- mêmes.
C'eft dans cette vûë que la Méthode
prefcrit d'exercer d'abord les Accords fans
la Baffe ; & comme la diffonance eft le
guide le plus affuré des fucceffions , on
commence par celle des Accords diffomans
entr'eux , où il ne s'agit que de faire
defcen
MARS. 1730. 499
defcendre alternativement deux doigts
contigus fur les touches voifines de celles.
qu'ils occupent , & cela d'un Accord à
un autre ; de forte que les diffonances y
font toujours préparées & fauvées dans la
derniere rigueur . Voyez fur ce fujet l'exemple
du Traité de l'harmonie , page
396.
Le feul arrangement des doigts fait
fentir ceux qu'il faut mouvoir ; fi tous
les doigts font par 3 , le petit doigt demande
à deſcendre le premier , & de deux
doigts qui le joignent , celui d'au - deffous
peut feul partir , & ainfi du fuivant.
On apprend dans ce progrès obligé à
reconnoître l'Accord fenfible fi decifif
dans la modulation ; on y remarque que
l'Accord de la 2 tonique le précede toûjours
, ce qui facilite à l'oreille la diftinction
qu'elle en doit faire ; d'où l'on
fçait & l'on fent que l'Accord confonant
de la tonique doit le fuivre .
De cet exercice on paffe à celui des ca
dences , où l'on s'accoutume à entrelaffer
l'Accord confonant avec celui de la 2º
tonique , & le fenfible ; on fait fucceder
ces cadences d'un ton à l'autre , & lorf
qu'elles font familieres en differens tons ,
on y fait joindre une Baffe qu'on varie
autant qu'il eft neceffaire .
En exerçant ces cadences , on apprend
D iij
à
500 MERCURE DE FRANCE ;
à diftinguer les tons majeurs des mineurs,
& leurs rapports , combien chacun d'eux
contient de diézes ou de bémols , & par
quel moyen le nombre peut toûjours en
étre préfent .
Ces dernieres remarques jointes à la
marche de la Baffe font connoître le ton
qui exifte , & decident abfolument de
PAccord diffonant qui doit fucceder au
confonant ; mais la plus belle regle qu'on
y joint , & qui eft peu connue , eft celle
qui enfeigne le moment précis où chaque
ton commence & finit .
A mesure que l'efprit , les doigts &
P'oreille concourent à faifir les changemens
de ton , & que les conclufions fe
multiplient , on acquiert l'habitude de
faire fucceder les Accords confonans entr'eux
; car de cette fucceffion à celle des.
diffonans , il n'y a de difference que la
diffonance ajoûtée pour entretenir la mo- -
dulation , & pour fixer la fucceffion des
uns & des autres , puiſque s'il n'y a que
deux Accords , il n'y a pareillement que
deux fucceffions & deux marches fondamentales
de laBaffe , auxquelles les Accords
confonans ne font pas moins affujettis que
les diffonans .
On fait enfuite un corps féparé des licences
comme de la cadence rompuë , où
la Baffe fondamentale monte diatoniquement,
MARS.
1730: Sor
ment , de la cadence interrompuë , où elle
defcend de 3º , & de la fufpenfion , dont
tout l'artifice dans la pratique confifte à
faire defcendre un doigt de plus ou de
moins , après l'Accord diffonant.
Entre les fix manieres de chiffrer l'Accord
diffonant , adoptées par cette Méthode
, il y en a trois qui ne répondent pas
à l'ufage établi ; mais au prix de l'utilité
qu'en retirent les commençans , la peine
de s'accoûtumer aux autres chiffres n'eft
rien , & il leur fuffit qu'ils foient pairs ou
impairs , pour fe déterminer fur le champ;
d'ailleurs l'intelligence du principe , la
fenfibilité de l'oreille & la mécanique des
doigts les met bientôt en état de s'en
paffer.
L'Extrait qu'on donne ici ne permet pas
de prévenir les difficultés que peut faire
l'ancienne Ecole ; mais on imprime actuellement
le Plan entier chez M. Ballard ,
au Mont-Parnaffe , où l'on en trouvera
la folution , & même un parallele en forme
de toutes les Méthodes de compofition
& d'Accompagnement.
d'accompagnement pour le Clavecin.
U
Ne Méthode en mufique eft un mor
ceau tout neuf. Celles qu'on a don
nées jufqu'à prefent n'en ont que le titres
on n'y voit qu'une pratique à demi détaillée
, des regles arbitraires , remplies
d'exceptions , & deftituées de tout fondement.
La Méthode nouvelle eft appuyée ſur
la Baffe fondamentale , feul & premier
principe , où tout fe rapporte en Muſique
, & d'où émanent des regles auffi
certaines que fimples.
C'eft par les définitions de l'Art & de
fes
490 MERCURE DE FRANCE .
fes parties qu'on commence à developer
cette Méthode.
L'accompagnement du Clavecin eſt
l'Art d'executer fucceffivement une harmonie
complete & parfaite fur un Chant
donné qu'on appelle Baffe continuë.
La connoiffance de l'harmonie eft le
premier mobile de cette execution ; l'habitude
des doigts & de l'oreille en fait la
promptitude .
Le premier objet de la Méthode eft
donc d'examiner en quoi confiftent l'harmonie
, fa plenitude , fa perfection , fa
fucceffion , & la marche de la Baffe.
Le deuxième objet eft de faciliter aux
doigts les habitudes neceffaires , & de rendre
l'oreille fenfible à l'harmonie & à fes
fucceffions les plus régulieres.
L'harmonie fe conçoit dans la pratique
fous le nom d'Accord ; elle est complete
& parfaite quand l'Accord eft tel .
Un Accord eft primitivement l'affemblage
de plufieurs fons difpofés par 3 .
Il n'y a que deux Accords ; le Conſonant
& le Diffonant.
Le Confonant eft compofé de trois Notes
, à la 3e l'une 3º de l'autre , & eft renfermé
dans l'intervale de 5º , comine par
exemple , fol , fi , re.
Le Diffonant eft de deux efpeces ; l'un
eft fondamental , l'autre eft de gout , &
par fuppofition. L'Accord
1
MARS. 1730. 491
L'Accord diffonant fondamental eſt compofé
de quatre Notes diftantes pareillement
d'une 3 , & eft renfermé dans l'intervale
de 7. Cet Accord contient le
Confonant & une Note de plus , comme
par exemple , fol , fi , re , fa ; tous deux
font compris dans l'étendue de l'8 , &
la premiere Note des 3e confecutives qui
les compofent , en est toujours la Baffe
fondamentale.
es
L'Acord diffonant par ſuppoſition eft
compofé de cinq Notes differentes , &
excede par conféquent l'étendue de l'ge ;
c'est - à- dire , qu'il contient l'Accord diffonant
fondamental , & une Note de plus ;
mais cette Note n'eft jamais que la 3 ,
ou la 5 au deffous de la premiere des
3 , qui compofent cet Accord , & c'eft
alors la Baffe qui eft par fuppofition ,
comme, par exemple , mi , fol, fi , re , fa,
& ut , fol , fi , re , fa,
с
Un Accord n'eft complet qu'autant
qu'il renferme le nombre de Notes qu'on
vient de rapporter , & il ne l'eft plus dès
qu'on en retranche quelques-unes , comme
il arrive dans l'Accord diffonant
appellé Accord de 4º ; ce qui n'empêche
pas qu'il ne demeure foûmis à toutes les
loix des autres Accords diffonans .
Un Accord eft parfait dans fa conftrution
, lorfque toutes les 3es qui le com
pofent
492 MERCURE DE FRANCE.
pofent font formées des Notes du Mode
qui exifte.
L'Accord confonant & le diffonant fondamental
peuvent recevoir autant de formes
differentes qu'ils contiennent de Notes
; & ce renverlement n'en change point
le fond.
Ainfi l'Accord confonant reçoit trois
formes differentes , & l'Accord diffonant
fondamental en reçoit quatre.
Mais fi l'on donne à ce dernier Accordune
Baffe par fuppofition , à la 3º ou à
la sau deffous , comme il a été dit ,
l'addition de cette cinquiéme Note change
la gradation refpective des quatre Notes
par 3 dont il eft compofé , & préfente
l'Accord fous deux formes de plus;
ainfi l'Accord diffonant en general reçoit
fix formes differentes.
Le renversement de l'Accord diffonant
fondamental n'eft point reciproque avec
la Note de la Baffe par fuppofition , &
n'a lieu qu'entre les quatre Notes fol , fi,
re , fa , où l'on reconnoît la jonction
de deux Notes , c'est - à - dire , un intervale
de 2 , comme entre fa & fol .
Cette jonction de deux Nores , qui feule
fait la diftinction de l'Accord confonant
d'avec le diffonant , ſemble auffi deſtinée
feule à faire reconnoître ce dernier par
deux chiffres de valeur immédiate , où
l'interMARS.
1730. 493
Pintervale de 2 fe découvre ; & l'ufage
où l'on eft de chiffrer l'Accord de 4º par
, celui de grande 6 par , & même
celui de petite 6 ° par , y eft entierement
conforme.
Mais fi l'intervale de 2 eût guidé en
cela la maniere de chiffrer , il femble
qu'on auroit dû proceder également à l'égard
des trois autres formes de l'Accord
diffonant , puifque par rapport à la Baffe
actuelle de l'Accord , on ne peut confiderer
celui de 2e que comme , celui de
9 comme , & celui de 7 comme ; il
y a donc même railon pour défigner les
uns & les autres par les chiffres où l'intervale
de 2 a lieu ; ce qui prefente toutes
les formes de l'Accord diffonant en
cette maniere fimple & uniforme 234568
& donne déja une ouverture importante
fur l'harmonie; puifque des deux chiffres
immédiats , le plus grand marque toû
jours la Baffe fondamentale , & le plus
petit la diffonance , obfervation qui fair
feule tout le principe de cette Méthode
fur la fucceffion des Accords .
2
123457
L'avantage qu'on tire de cette maniere
de concevoir toutes les formes de
l'Accord diffonant , n'eft pas moins fenfible
dans la pratique ; mais avant que de
faire agir les doigts , il faut obferver que
pour des raifons capitales que la Métho
de
494 MERCURE DE FRANCE.
de expofe , on doit fufpendre l'ufage du
pouce ; ce qui ne doit point rebuter les
petites mains , auxquelles elle fournit des
expediens.
S'il s'agit maintenant de trouver l'Accord
fur le Clavier par le moyen des
deux chiffres immédiats il fuffit de
connoître une feule des deux touches qui
répondent aux intervales défignés par ces
chiffres , pour connoître l'autre fur le
champ , puifque plaçant un doigt fur
cette touche , un des deux doigts voisins
ne peut que tomber naturellement fur
Pautre, & quant aux deux doigts reftans ,
il ne s'agit plus que de les difpofer par
3es
S'il arrive que le doigt voifin de celui
qu'on a placé d'abord ne fe trouve pas
tout portéfur la touche défignée par l'autre
chiffre , il ne faut que l'écarter par
3e , & les deux autres pareillement , on
aura toûjours le même Accord diffonant
complet ; car alors la touche occupée par
le doigt d'en haut n'eft que la réplique du
fon qui réuniroit deux doigts pour former
l'intervale de 2 , ce qui revient au
même pour l'efprit & pour les doigts ,
puifqu'il ne s'agit jamais que de les difpofer
tous par 3es , ou d'en joindre deux
feulement ; habitude qui ne les affujettit
qu'à deux fituations , & qui rend tous les
endroits
MAR S. 1730. 495
endroits du Clavier également familiers.
Chacun peut éprouver la facilité qu'il
y a de trouver ainfi tous les Accords diffonans
poffibles , & l'on verra qu'ils ne font
tous qu'un même arrangement par 3 ,
foit majeures , foit mineures , & que par
tout la Baffe fondamentale & la diffonance
font les mêmes , quoique les Accords
puiffent ne pas être complets.
Pour ce qui eft de la fucceffion des
Accords , il eft clair qu'étant tous confonans
ou diffonans , elle ne peut confifter
dans celle des confonans entre
que
eux , des diffonans entre eux , & des confonans
mêlés avec les diffonans.
Le principe de ces fucceffions réfide dans
deux cadences fondamentales , dont l'une
qui defcend de se , comme de fol à ut
s'appelle parfaite , & dont l'autre qui
monte des , comme de fa à ut , s'appelle
imparfaite ou irréguliere ; les Notes
qui forment ces cadences , portent chacune
l'Accord confonant , & la derniere
de chaque cadence eft toûjours la Tonique,
c'est- à- dire , la principale Note du ton .
Ces deux cadences ordonnent d'abord
de la fucceffion des Accords conforans
entr'eux ; mais comme le principal but
de la fucceffion des Accords eft d'entretenir
à l'oreille la modulation ou le ton qui
exifte , & que pour cet effet , l'art & l'ex-
D perience
496 MERCURE
DE FRANCE .
perience ont revêtu l'harmonie
de la diffonance
; on l'ajoûte en confequence
à la
premiere Note de chacune de ces deux cadences ; & delà naît la fucceffion
des
Accords confonans
mêlés de diffonans .
Si au lieu de terminer la cadence parfaite
par l'Accord confonant , on ajoûte
encore à celui - ci la même diffonance ;
il en refulte un progrès obligé d'Accords
diffonans , dont la conclufion ne fe peut
faire que par le feul Accord confonant ,
& ce n'eſt qu'alors que la cadence parfaite
apparoît ; car celles qui fe font d'un
Accord diffonant à un autre diffonant ,
n'en font que l'imitation.
Ainfi l'imitation de la cadence parfaite
eft l'origine de la fucceffion des Accords
diffonans entr'eux , & c'eft en ces deux
mouvemens de la même cadence que gir
tout l'artifice de la compofition & de
l'Accompagnement
; car la cadence irré
guliere eft toujours concluante , & ne
s'imite point.
Après le progrès obligé des Accords ,
ce qui refte à examiner , eft l'interruption
fréquente de ce progrès , par les differens
points de conclufion
que l'Accord confonant
y apporte ; & c'eft à quoi l'oreille
doit principalement
fe rendre fenfible ;
mais ce ne peut être qu'avec beaucoup
de tems & de peine , fans les lumieres
de
MARS 1730. 497
de l'efprit ; c'est pourquoi l'on s'attache
à faire raporter tous les Accords à la Note
tonique , & l'on fait obferver que confequemment
à la diffonance appliquée à
la premiere Note de chacune des deux
cadences , il n'y a dans un Mode que
trois Accords , celui de la tonique , celui
de fa 2º & le fenfible.
Le ton au-deffus de la tonique indique
fon Accord de 2º , & le femiton au - deffous,
indique fon Accord fenfible.
L'Accord confonant de la tonique commence
& termine toutes les fucceffions ;
& comme tout Mode ne contient que trois
Accords , il est évident que celui de la
tonique ne peut être précedé que de l'un
des deux autres , & qu'il doit en être
fuivi pareillement , fi ce n'eſt d'un autre
Accord , qu'un progrès obligé peut occafionner
après celui de la tonique.
Mais la marche de la Baffe détermine
alors l'Accord diffonant qui doit fuivre
le confonant ; & comme celui- ci ne peut
jamais être precedé que de fon Accord
de ze , & bien plus fréquemment de fon
Accord fenfible , on continue le progrès
obligé , jufqu'à ce que l'un des deux derniers
paroiffe ; & quand on eft arrivé à
celui de la 2º ,la Baffe montre clairement,
file fenfible ou le confonant doit le fuivre ;
Car fi ce n'eft le confonant, c'est le fenfible.
Dij
Si
498 MERCURE DE FRANCE .
Si le ton vient à changer après l'Accord
confonant de la tonique , ou après fon
Accord de 2 , cela eft infailliblement
marqué par la marche de la Baffe , par
un diéze , par un bémol , ou par un béquarre
; & le ton connû , tout le refte
l'eft.
Si enfin l'Accord diffonant pris aprés le
confonant , n'eſt pas le fenfible du ton où
l'on paffe , on fait fucceder pour lors les
Accords diffonans par le progrès obligé,
comme on l'a déja dit.
Ces regles établies fur toutes les marches
poffibles de la Baffe fondamentale
inftruifent parfaitement de la fucceffion
de l'harmonie ; mais tout ainfi que la
pratique la plus confommée ne fçauroit
procurer une entiere poffeffion de l'art ,
fi l'efprit n'est pourvû de ces connoiſſances
, de même auffi la pratique eft- elle
neceffaire pour les y graver mieux , &
plus promtement ; cependant on ne peut
trop obferver de fimplifier extrêmement
les objets , & de ne les lier qu'à meſure
qu'ils fe prefentent d'eux- mêmes.
C'eft dans cette vûë que la Méthode
prefcrit d'exercer d'abord les Accords fans
la Baffe ; & comme la diffonance eft le
guide le plus affuré des fucceffions , on
commence par celle des Accords diffomans
entr'eux , où il ne s'agit que de faire
defcen
MARS. 1730. 499
defcendre alternativement deux doigts
contigus fur les touches voifines de celles.
qu'ils occupent , & cela d'un Accord à
un autre ; de forte que les diffonances y
font toujours préparées & fauvées dans la
derniere rigueur . Voyez fur ce fujet l'exemple
du Traité de l'harmonie , page
396.
Le feul arrangement des doigts fait
fentir ceux qu'il faut mouvoir ; fi tous
les doigts font par 3 , le petit doigt demande
à deſcendre le premier , & de deux
doigts qui le joignent , celui d'au - deffous
peut feul partir , & ainfi du fuivant.
On apprend dans ce progrès obligé à
reconnoître l'Accord fenfible fi decifif
dans la modulation ; on y remarque que
l'Accord de la 2 tonique le précede toûjours
, ce qui facilite à l'oreille la diftinction
qu'elle en doit faire ; d'où l'on
fçait & l'on fent que l'Accord confonant
de la tonique doit le fuivre .
De cet exercice on paffe à celui des ca
dences , où l'on s'accoutume à entrelaffer
l'Accord confonant avec celui de la 2º
tonique , & le fenfible ; on fait fucceder
ces cadences d'un ton à l'autre , & lorf
qu'elles font familieres en differens tons ,
on y fait joindre une Baffe qu'on varie
autant qu'il eft neceffaire .
En exerçant ces cadences , on apprend
D iij
à
500 MERCURE DE FRANCE ;
à diftinguer les tons majeurs des mineurs,
& leurs rapports , combien chacun d'eux
contient de diézes ou de bémols , & par
quel moyen le nombre peut toûjours en
étre préfent .
Ces dernieres remarques jointes à la
marche de la Baffe font connoître le ton
qui exifte , & decident abfolument de
PAccord diffonant qui doit fucceder au
confonant ; mais la plus belle regle qu'on
y joint , & qui eft peu connue , eft celle
qui enfeigne le moment précis où chaque
ton commence & finit .
A mesure que l'efprit , les doigts &
P'oreille concourent à faifir les changemens
de ton , & que les conclufions fe
multiplient , on acquiert l'habitude de
faire fucceder les Accords confonans entr'eux
; car de cette fucceffion à celle des.
diffonans , il n'y a de difference que la
diffonance ajoûtée pour entretenir la mo- -
dulation , & pour fixer la fucceffion des
uns & des autres , puiſque s'il n'y a que
deux Accords , il n'y a pareillement que
deux fucceffions & deux marches fondamentales
de laBaffe , auxquelles les Accords
confonans ne font pas moins affujettis que
les diffonans .
On fait enfuite un corps féparé des licences
comme de la cadence rompuë , où
la Baffe fondamentale monte diatoniquement,
MARS.
1730: Sor
ment , de la cadence interrompuë , où elle
defcend de 3º , & de la fufpenfion , dont
tout l'artifice dans la pratique confifte à
faire defcendre un doigt de plus ou de
moins , après l'Accord diffonant.
Entre les fix manieres de chiffrer l'Accord
diffonant , adoptées par cette Méthode
, il y en a trois qui ne répondent pas
à l'ufage établi ; mais au prix de l'utilité
qu'en retirent les commençans , la peine
de s'accoûtumer aux autres chiffres n'eft
rien , & il leur fuffit qu'ils foient pairs ou
impairs , pour fe déterminer fur le champ;
d'ailleurs l'intelligence du principe , la
fenfibilité de l'oreille & la mécanique des
doigts les met bientôt en état de s'en
paffer.
L'Extrait qu'on donne ici ne permet pas
de prévenir les difficultés que peut faire
l'ancienne Ecole ; mais on imprime actuellement
le Plan entier chez M. Ballard ,
au Mont-Parnaffe , où l'on en trouvera
la folution , & même un parallele en forme
de toutes les Méthodes de compofition
& d'Accompagnement.
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Résumé : PLAN abregé d'une Méthode nouvelle d'accompagnement pour le Clavecin.
Le texte présente une 'Méthode nouvelle' pour l'accompagnement au clavecin, critiquant les méthodes existantes comme incomplètes et arbitraires. Cette nouvelle méthode repose sur la 'Basse fondamentale', principe essentiel de la musique. Elle commence par définir l'art et ses parties, et explique que l'accompagnement au clavecin consiste à exécuter une harmonie complète et parfaite sur une mélodie donnée, appelée 'Basse continue'. La connaissance de l'harmonie et l'habitude des doigts et de l'oreille sont cruciales pour cette exécution. La méthode distingue deux types d'accords : le 'Consonant' et le 'Dissonant'. L'accord consonant est composé de trois notes à la tierce, tandis que l'accord dissonant peut être fondamental ou par supposition, contenant respectivement quatre ou cinq notes. Un accord est complet s'il contient le nombre de notes requis et parfait s'il est formé des notes du mode existant. La méthode explore les différentes formes des accords et leur succession, basée sur deux cadences fondamentales : parfaite (descendante) et imparfaite (ascendante). Ces cadences déterminent la succession des accords et l'entretien de la modulation. La pratique des accords sans la Basse est recommandée pour simplifier l'apprentissage, en commençant par les accords dissonants et en progressant vers les cadences. Cet exercice permet de reconnaître les accords sensibles et de distinguer les tons majeurs des mineurs. Le texte traite également des principes de la musique, en particulier des accords et des changements de ton. Il souligne que la marche de la basse (ou basse continue) et les accords dissonants déterminent le ton existant et l'accord suivant. Une règle importante, peu connue, enseigne le moment précis où chaque ton commence et finit. À mesure que l'esprit, les doigts et l'oreille collaborent pour effectuer les changements de ton, on acquiert l'habitude de faire succéder les accords consonants. La différence entre les accords consonants et dissonants réside dans la dissonance ajoutée pour moduler et fixer la succession des accords. Le texte mentionne différentes manières de chiffrer l'accord dissonant, dont trois ne correspondent pas à l'usage établi. Cependant, l'utilité pour les débutants justifie l'effort d'apprentissage. L'intelligence du principe, la sensibilité de l'oreille et la mécanique des doigts permettent rapidement de maîtriser ces chiffres. Enfin, le texte indique que l'extrait ne permet pas de prévenir les difficultés posées par l'ancienne école, mais que le plan entier est disponible chez M. Ballard au Mont-Parnasse, où l'on peut trouver la solution et un parallèle des méthodes de composition et d'accompagnement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 880-892
REPONSE du second Musicien au premier Musicien, Auteur de l'Examen inseré dans le Mercure d'Octobre 1729. page 2369.
Début :
Je vous addresse la parole, Monsieur, pour bannir toute confusion de notre [...]
Mots clefs :
Accords, Son fondamental, Harmonie, Compositeurs, Variété, Musique, Octave
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texteReconnaissance textuelle : REPONSE du second Musicien au premier Musicien, Auteur de l'Examen inseré dans le Mercure d'Octobre 1729. page 2369.
REPONSE du fecond Muficien au
premier Muficien Auteur de l'Examen
, inferé dans le Mercure d'Octobre
1729. page 2369.
J
E vous addreffe la parole , Monfieur ,
pour bannir toute confufion de notre
difpute. Je vous exhorte à la fincerité &
à la moderation qui convient entre deux
Confreres ; je vous en ai donné l'exemple.
dans l'expofé que j'ai fait de notre Conference
; vous le fçavez ; comment ofezvous
donc m'accufer de calomnie au fujet
du defaveu que vous avez fait de votre
Livre je pourrois nommer huit ou dix:
témoins qui l'ont entendu : fi je ne-craignois
de commettre des perfonnes refpectables
, peut-être que vous l'avez oublié
dans ce cas , je vous prie de vous
reffouvenir que je vous dis alors , mais
fi vous vous êtes trompé dans un Ouvrage
ou
MAY. 1730 881
•
où vous avez refléchi pendant dix ans ,
ne devez - vous pas craindre de vous trom .
per encore ? Non , répondîtes-vous , je
fuis préfentement certain de mon fait.
Revenez à votre Livre , j'y confens ; je
prendrai la même licence fi je me trompe
en quelque chofe .
Je n'ai nul interêt de décrier ce Livre
comme vous m'en accufez ,& fi je me pare
de la Baffe fondamentale , je puis dire en
même tems , que je ne vous en furs point
redevable ; on n'en peut point douter
puifque je vous accufe de la mal expliquer.
Je pourrois rabattre beaucoup deslouanges
que vous donnez à cet Ouvrage; 、
mais je me contenterai préfentement de
blâmer la temerité que vous avez de ſoutenir
dans votre Préface que tout ce que
l'on a compofé jufqu'à préfent d'excellent
ne l'a été que par goût , fans principes
clairs & certains. Avez-vous penetré au
fond de l'ame de tous ces grands Auteurs,
pour connoître leur fçavoir : Des Ouvrages
charmans & admirables , felon votre
où l'ordre , la fcience , vos meilleurs
principes, & beaucoup d'autres , font
conftamment pratiquez par tout , peuvent-
ils être des enfans de l'aveugle goût
qui ne marche qu'à tatons ; ces excellens
Auteurs n'ont point mis au jour leurs
principes , donc vous n'en pouvez pas ju-
,
ger.
882 MERCURE DE FRANCE
ger. Parceque vous êtes le premier qui
avez fait imprimer le fon fondamental
d'un Accord , s'enfuit- il que vous êtes le
premier qui l'avez connu ; combien voiton
dans les Arts de principes pratiqués
long- tems avant qu'on les imprime. Ce
que vous voulez avoir mis au jour depuis
peu eft commun daris Paris depuis trente
ans , & bien plus , je connois celui qui
dit vous l'avoir enfeigné vers votre
trentiéme année ; vous fçavez qu'il demeure
rue Planche Mibray , à côté d'une
Lingere. Mais fuppofons que vous l'aycz
trouvé après les autres , je foutiens que
vous l'avez mal deviné ; c'eft le fecond
Article de notre difpute. Je ne prétens
pas infinuer que votre Traité d'harmonie'
n'ait beaucoup de bon , malgré fes deffauts
; au contraire , j'avoue que c'eft un
mérite de l'avoir compilé , mais inférieur
au mérite des excellens Auteurs dont
vous niez les lumieres ; car enfin l'harmonie
feule comparée à une piece qui
raffemble toutes les beautés de la Mufique
, eft comme un Rudiment contre une
Piece d'Eloquence. Au refte , ces M M.
n'ont pas befoin de défenfeur ; leurs Ouvrages
en font plus fentir que je n'en
puis dire ces fources fecondes où vous
avez puifé ce que vous fçavez de mieux ,
feront toûjours des témoins qui vous
accufoMAY.
1730. 883
accuferont d'ingratitude envers leurs Auteurs.
;
Ne croyez pas que le ton décifif &
les invectives qui regnent dans votre
Examen , vous donnent gain de caufe
parmi les perfonnes qui penfent bien ; il
faut des raifons pour les perfuader ; c'eſt
vouloir juger fa propre caufe que de trairer
fon adverfaire d'ignorant le Public
en doit décider , il eft notre juge dès que
nous lui addreffons nos Ecrits . Vous ne
prenez pas garde que vos mépris retombent
fur vous- même ; auriez- vous oublié
qu'à la fin de notre Conference , en préfence
de la Compagnie , vous avez refufé
un pari de cent louis que je vous ai propofé
, pour ceux de nos fentimens qut
l'emporteroient au jugement des plus renommés
compofiteurs du Royaume : Ne
vous flattez pas que la Compagnie ait
approuvé cette défaite ; voici vos propres
paroles je ne reconnois perfonne capable
de me juger; je ſuis feul fçavant en
harmonie. Quelle certitude , que celle qui
n'eft fondée que fur l'opinion d'une seule
tête.
Venons au fait. Toute notre difpute
roule fur quatre chefs. 1 ° Si le premier
fondement de l'harmonie doit fe tirer des
proportions qui fe trouvent dans les vibrations
des fons on de la refonnance du
corps
884 MERCURE DE FRANCE
corps fonore. 20 quel eft le fon fondamental
dans l'Accord de 4° & celui de 9º.-
3 files renverfemens de ces deux Ac--
cords peuvent fe pratiquer . 40 Si la façon
ordinaire d'accompagner du Clavecin eft
plus parfaite que la vôtre .
Le premier chef eft un fait de pure
Phyfique ; comme vous n'avez point étudié
cette Science , je ne fuis point étonné
que vous ne vous rendiez pas à mes
raifons alleguées dans la Conference . Cependant
il faut ou vous faire inftruire
fur cet article , ou me le ceder . Je ne fçai
point de moyen plus éfficace pour vous
y engager que de vous propofer un pari
de cent piftoles , plus ou moins fi vous
voulez , & nous prierons M M. de l'Académie
des Sciences de nous juger ; a
leur refus , des Profeffeurs de Philofophie
pourront être nos juges .
Le fecond chef eft de la compétence
des compofiteurs de Mufique , auffi bien
que des Phyficiens , & parceque c'eſt à
ces premiers principalement que nous
adreffons nos raifons , je l'approfondirai
autant qu'il me fera poffible. Mes preuves
écrites dans la Conference me paroiffent
fi fort au-deffus de la réponfe que.
Vous y avez faite , que je ne puis me
difpenfer de vous y renvoyer , perfuadé
que fi vous pouvez les méditer fans pré-
1 ventionMAY.
1730.* 885
vention , vous en ferez convaincu . J'ajoûte
à ces preuves l'argument fuivant ,
qui fervira en même- tems à déveloper
Fendroit où votre réponſe péche.
Le fon fondamental d'un Accord eft
celui qui donne la difpofition de l'Accord
parfait , lorfqu'on le met au bas des autres
fons , auquel Accord parfait on peut
fouvent ajoûter la 7 ; vous convenez avec
moi de ce principe ; ainfi dans ces Accords
fa la ut ré fa , la ut ré fa la , ut ré fa llaa ,
le fon fondamental eft le ré , parceque
Jui feul mis au plus bas donne ré fa la ut
ré , qui eft la difpofition requife. Si l'on
diéze le fa , le ré ne fera pas moins fondamental
, parceque la difpofition fera la
même ; jufqu'ici nous fommes d'accord .
Mais fi l'on fupprime plufieurs fons , ne
laiffant que ré ut , on ne pourra pas dire
que ces deux fons font un Accord de fep--
tiéme , comme vous dites , ce fera feulement
un intervale de 7° ; car nous entendons
par Accord de feptiéme un Accord
parfait auquel on a ajoûté la 7° , & c'eft
ici le défaut de votre preuve ; vous dites
ré ut font un Accord de 7 , que
que
fi
vous mettez un fol au lieu de la
n'aurez pas moins un Accord de 7º , &
que le ré felon notre principe eft fondamental
, je réponds que ce n'eft point un
compofé de 3 , 4 , 7 & 8° , qui eft la
diſpo
, vous
886 MERCURE DE FRANCE
diſpoſition dont nous convenons dans notre
principe , que c'eft , au contraire , un
compofé de tierce , quinte & octave , auquel
on peut ajoûter la feptiéme. Vous
avez fuppofé faux ; ainfi votre conclufion
cft fauffe. Mais , direz- vous , on ne peut
pas trouver la difpofition d'Accord parfait
dans l'Accord de quarte , ni celui de
neuviéme ; je réponds que lorfque cette
difpofition eft impoffible , ce doit être
celle qui en approche le plus qui doit y
étre fubftituée. Car enfin fi la feule dif
pofition d'Accord parfait nous indique le
fon fondamental , à quelle difpofition
pouvons -nous le plus raifonnablement
avoir recours, lorfque celle- ci nous manque
, fi ce n'eft à celle qui en approche le
plus. Cela me paroît d'une évidence fi
fenfible , que perfonne, je croi , n'enpeut
douter.
Or il eft certain que dans l'Accord de
quarte & celui de neuviéme , dans les
circonftances que l'on voit à l'exemple
mis au bas de l'Air noté de ce Livre , la
baffe actuelle donne la difpofition la plus
approchante de l'Accord parfait ou de
feptiéme , car elle n'en differe que par un
fon retardant , pareffeux , pour ainfi dire ,
à fe rendre à fa place ; donc la baffe actuelle
dans ces deux Accords eſt fondamentale
Yous!
MAY. 1730. 887
Vous avez marqué dans votre Examen
que l'Accord complet fol ré fa la ut , fait
voir que ré eft fondamental , étant la baffe
d'un Accord de feptiéme complet ; mais
cette raifon n'a point de lieu dans les
exemples que je rapporte , parceque tous
les fons que vous propofez ne peuvent
pas s'y trouver , & quoique l'on puiffe
les admettre tous dans deux cas que j'expliquerai
ci après , cela ne conclud rien
pour les cas où l'on ne peut pas les admettre
tous ; les accords que je propofe
font differens.
Vous dites encore pour votre défenſe ,
que à tout Accord de neuviéme on peut
ajoûter la 7 , ainfi le fon qui fait la tierce
eft fondamental , puiſqu'il porte un Accord
de feptiéme complet ; vous m'avez
fait cette objection le jour de notre Conference
, vous prétendiez que dans l'Accord
de neuvième , marqué B , on peut
y mettre la 7 pour la faire monter enfuite
à l'octave , ce que je nie par deux
raifons. 1 Parceque la note fenfible ayant
déja monté à la note finale par obligation ,
on ne peut plus fuppofer qu'elle eft encore
à fa place , & la faire monter une feconde
fois pour fatisfaire à la même obligation .
2º Parceque la note fenfible fur la finale
ne peut fubftituer fans la 4* ; quand au lieu
de cette quarte on met la tierce , on eft
obligé
888 MERCURE DE FRANCE
obligé de reconnoitre que cette 7 n'eft
plus note fenfible , on doit la faire def
cendre parceque le mode eft changé ; cette
7 qui eft majeure , feroit encore moins
compatible avec la tierce mineure , parcequ'elles
font en relation de quinte fuperflue.
Mais je dis plus , lors même que
la feptiéme peut aller avec la neuviéme
la buffe actuelle eft encore fondamentale :
Voici mes raifons.
pas
Vous reconnoiffez réé, pour fondamental
dans l'accord ré , fa , la , ut , ré ;
fi au lieu de l'Octave ou uniffon , je mets
un mi , par continuation , que ce mi fe
rende inceffamment au ré , où il auroit
dû être , pourquoi le ré ne feroit- il plus
fondamental ? ce mi n'a rien changé à la
premiere difpofition . Le fa , que vous
foutenez être fondamental , ne donne
une difpofition plus approchante de l'ac
cord parfait que le ré , au contraire ; &
quand même cela feroit égal , il femble
que le ré devroit refter tel, fur tout lorfque
la baffe fondamentale a précedé fur
le la , parce que le progrès le plus naturel
de cette baffe eft d'aller par quarte
ou par quinte , comme j'ai marqué dans
l'exemple C ; mais de plus, je foutiens
la difpofition n'eft pas égale , par deux
raifons. 1. Selon vous le fon ré eft entierement
étranger au véritable accord ,
que
que
MAY . 1730. 889
que vous dites être fa , la , ut , mi , ce ré
eft ftable & indépendant , comme un fon
fondamental doit être . Selon moi , le fon
mi n'eft point abfolument étranger au
veritable accord , que je dis être rê , fa ,
la , ut , ré , ce mi n'eft point ftable , il ne
peut durer beaucoup , ce n'eft qu'un allongement
d'un mi , qui a précedé , il dépend
abfolument du ré , où il doit fe rendre
inceffamment , on ne permet ce retardement
que pour faire fouhaiter le ré.
& le faire trouver meilleur . 2 ° . Selon
vous , le ré ne peut trouver place , que
hors l'étendue de l'Octave ; cependant
toutes les proportions harmoniques doivent
trouver place dans cette étenduë ,
c'eſt le ſentiment de tous ceux qui en ont
écrit. Selon moi , ma neuviéme fe trouve
dans cette étendue , elle fe peut faire également
au fecond degré comme un retardement
de l'uniffon ; c'eft réellement
une 2 ; chacun fçait qu'on ne lui donne le
nom de neuviême , que pour la diftinguer
de la 2º ou la baffe fincope , ces deux .
2es exigent des mouvemens & des accompagnemens
differens.
Il reste encore à expliquer les deux
cas où tous ces fons , fol , ré , fa , la , ut,
peuvent le rencontrer. Le premier que
l'on voit à l'exemple D. eft femblable à
l'accord , tiré du Confitebor de M. de la
Lande,
890 MERCURE DE FRANCE
ג
Lande , marqué F. excepté que la tierce.
eft obmife ; parconfequent l'accord que
vous propofez eft incomplet.Si l'on y ajoûte
le fi bemol , qui eft obmis , il est évident
qu'on aura un accord de 7 & 9 , ou au
lieu de doubler la tierce dès le premier
temps on a fait une quarte pour retarder
ce doublement de la tierce. Or , felon
l'explication que je viens de donner de
l'accord de 7 & 9 , marqué C. la baffe
actuelle y eft fondamentale. Donc dans
l'accord que vous propofez le fol eft fondamental
; ce qui n'eft pas votre ſentiment.
Remarquez que dans mes Explications
, l'harmonie ne fort point de l'étendue
de l'Octave , comme vous la faites
fortir car dans l'accord dont je viens de
parler , la 9 & 4* fe peuvent également
faire au fecond & au quatrième degré .
;
Le fecond cas où tous ces fons que vous
propofez , fol , ré , fa , la , ut , peuvent fe
rencontrer , c'eft l'accord que vous nommez
de 7 fuperfluë , marqué E. je conviens
que ré eft fondamental dans cet accord
; mais il y a deux raifons de le dif
tinguer . L'une que ré eft dominante . L'au
tre , que ce n'eft point veritablement un
bon accord ; on ne l'admet que par li
cence , pour favorifer le point d'Orgue
dont l'harmonie eft fort bornée ; & l'idée
l'on a de cet accord , eft la baffe
devroit
que que
MA Y. 1730.
891
devroit être alors à la dominante ; mais
qu'elle refte à la finale comme par entêtement
ou par une immobilité inébran
lable , on fent que l'harmonie , pour rem.
plir fon miniftere , qui eft de donner de
la varieté , touche l'accord de la dominante
, mais que la baffe manque , pour
ainfi- dire , à fon devoir.
Votre baffe fondamentale a encore , de
votre aveu , le deffaut de ne pouvoir pas
être admife dans la pratique ; mais on y
admet la mienne .
Le troifiéme Chef confifte en des faits
de pratique de compofition , dont l'oreille
eft contente. Pour prouver la bonté
de cette pratique , voici comme je rai
fonné.
Dans les Arts où la varieté eft neceffaire,
c'eſt un bien de multiplier les fondemens
de cette varieté , fur tout lorfque cefdits
fondemens font très-bornez,
Or , dans la Mufique , la varieté eft ne
ceffaire. Les fondemens de cette varieté
font les accords , dont le nombre eſt trèspetit
; donc dans la Mufique , l'augmentation
des accords eft un bien , principalement
lorsque l'experience dans la pratique
en a fait fentir la bonté.
Si vous continuez à me difputer ce troifiéme
Chef, je me fais fort de vous faire
condamner par les Compofiteurs à grands
Choeurs
892 MERCURE DE FRANCE
Choeurs , les plus renommez , dont j'aurai
des Certificats.
Pour ce qui concerne votre accompagnement
, on voit affez que je n'ai point
donné mes Objections écrites , comme
prouvées , mais comme prêt à les prouver,
ce détail demandant un écrit particulier.
Le prétendu parallele de nos accompagnemens
, que vous venez de mettre au
jour dans les derniers Mercures , eft une
occafion bien naturelle de donner ce détail
. En attendant , permettez - moi devous
dire , que l'expolé que vous y faites
de la maniere dont les habiles enſeignent
l'accompagnement , n'eft point fidele.
Vous vous appropriez des principes qu'on
enfeignoit avant vous.
premier Muficien Auteur de l'Examen
, inferé dans le Mercure d'Octobre
1729. page 2369.
J
E vous addreffe la parole , Monfieur ,
pour bannir toute confufion de notre
difpute. Je vous exhorte à la fincerité &
à la moderation qui convient entre deux
Confreres ; je vous en ai donné l'exemple.
dans l'expofé que j'ai fait de notre Conference
; vous le fçavez ; comment ofezvous
donc m'accufer de calomnie au fujet
du defaveu que vous avez fait de votre
Livre je pourrois nommer huit ou dix:
témoins qui l'ont entendu : fi je ne-craignois
de commettre des perfonnes refpectables
, peut-être que vous l'avez oublié
dans ce cas , je vous prie de vous
reffouvenir que je vous dis alors , mais
fi vous vous êtes trompé dans un Ouvrage
ou
MAY. 1730 881
•
où vous avez refléchi pendant dix ans ,
ne devez - vous pas craindre de vous trom .
per encore ? Non , répondîtes-vous , je
fuis préfentement certain de mon fait.
Revenez à votre Livre , j'y confens ; je
prendrai la même licence fi je me trompe
en quelque chofe .
Je n'ai nul interêt de décrier ce Livre
comme vous m'en accufez ,& fi je me pare
de la Baffe fondamentale , je puis dire en
même tems , que je ne vous en furs point
redevable ; on n'en peut point douter
puifque je vous accufe de la mal expliquer.
Je pourrois rabattre beaucoup deslouanges
que vous donnez à cet Ouvrage; 、
mais je me contenterai préfentement de
blâmer la temerité que vous avez de ſoutenir
dans votre Préface que tout ce que
l'on a compofé jufqu'à préfent d'excellent
ne l'a été que par goût , fans principes
clairs & certains. Avez-vous penetré au
fond de l'ame de tous ces grands Auteurs,
pour connoître leur fçavoir : Des Ouvrages
charmans & admirables , felon votre
où l'ordre , la fcience , vos meilleurs
principes, & beaucoup d'autres , font
conftamment pratiquez par tout , peuvent-
ils être des enfans de l'aveugle goût
qui ne marche qu'à tatons ; ces excellens
Auteurs n'ont point mis au jour leurs
principes , donc vous n'en pouvez pas ju-
,
ger.
882 MERCURE DE FRANCE
ger. Parceque vous êtes le premier qui
avez fait imprimer le fon fondamental
d'un Accord , s'enfuit- il que vous êtes le
premier qui l'avez connu ; combien voiton
dans les Arts de principes pratiqués
long- tems avant qu'on les imprime. Ce
que vous voulez avoir mis au jour depuis
peu eft commun daris Paris depuis trente
ans , & bien plus , je connois celui qui
dit vous l'avoir enfeigné vers votre
trentiéme année ; vous fçavez qu'il demeure
rue Planche Mibray , à côté d'une
Lingere. Mais fuppofons que vous l'aycz
trouvé après les autres , je foutiens que
vous l'avez mal deviné ; c'eft le fecond
Article de notre difpute. Je ne prétens
pas infinuer que votre Traité d'harmonie'
n'ait beaucoup de bon , malgré fes deffauts
; au contraire , j'avoue que c'eft un
mérite de l'avoir compilé , mais inférieur
au mérite des excellens Auteurs dont
vous niez les lumieres ; car enfin l'harmonie
feule comparée à une piece qui
raffemble toutes les beautés de la Mufique
, eft comme un Rudiment contre une
Piece d'Eloquence. Au refte , ces M M.
n'ont pas befoin de défenfeur ; leurs Ouvrages
en font plus fentir que je n'en
puis dire ces fources fecondes où vous
avez puifé ce que vous fçavez de mieux ,
feront toûjours des témoins qui vous
accufoMAY.
1730. 883
accuferont d'ingratitude envers leurs Auteurs.
;
Ne croyez pas que le ton décifif &
les invectives qui regnent dans votre
Examen , vous donnent gain de caufe
parmi les perfonnes qui penfent bien ; il
faut des raifons pour les perfuader ; c'eſt
vouloir juger fa propre caufe que de trairer
fon adverfaire d'ignorant le Public
en doit décider , il eft notre juge dès que
nous lui addreffons nos Ecrits . Vous ne
prenez pas garde que vos mépris retombent
fur vous- même ; auriez- vous oublié
qu'à la fin de notre Conference , en préfence
de la Compagnie , vous avez refufé
un pari de cent louis que je vous ai propofé
, pour ceux de nos fentimens qut
l'emporteroient au jugement des plus renommés
compofiteurs du Royaume : Ne
vous flattez pas que la Compagnie ait
approuvé cette défaite ; voici vos propres
paroles je ne reconnois perfonne capable
de me juger; je ſuis feul fçavant en
harmonie. Quelle certitude , que celle qui
n'eft fondée que fur l'opinion d'une seule
tête.
Venons au fait. Toute notre difpute
roule fur quatre chefs. 1 ° Si le premier
fondement de l'harmonie doit fe tirer des
proportions qui fe trouvent dans les vibrations
des fons on de la refonnance du
corps
884 MERCURE DE FRANCE
corps fonore. 20 quel eft le fon fondamental
dans l'Accord de 4° & celui de 9º.-
3 files renverfemens de ces deux Ac--
cords peuvent fe pratiquer . 40 Si la façon
ordinaire d'accompagner du Clavecin eft
plus parfaite que la vôtre .
Le premier chef eft un fait de pure
Phyfique ; comme vous n'avez point étudié
cette Science , je ne fuis point étonné
que vous ne vous rendiez pas à mes
raifons alleguées dans la Conference . Cependant
il faut ou vous faire inftruire
fur cet article , ou me le ceder . Je ne fçai
point de moyen plus éfficace pour vous
y engager que de vous propofer un pari
de cent piftoles , plus ou moins fi vous
voulez , & nous prierons M M. de l'Académie
des Sciences de nous juger ; a
leur refus , des Profeffeurs de Philofophie
pourront être nos juges .
Le fecond chef eft de la compétence
des compofiteurs de Mufique , auffi bien
que des Phyficiens , & parceque c'eſt à
ces premiers principalement que nous
adreffons nos raifons , je l'approfondirai
autant qu'il me fera poffible. Mes preuves
écrites dans la Conference me paroiffent
fi fort au-deffus de la réponfe que.
Vous y avez faite , que je ne puis me
difpenfer de vous y renvoyer , perfuadé
que fi vous pouvez les méditer fans pré-
1 ventionMAY.
1730.* 885
vention , vous en ferez convaincu . J'ajoûte
à ces preuves l'argument fuivant ,
qui fervira en même- tems à déveloper
Fendroit où votre réponſe péche.
Le fon fondamental d'un Accord eft
celui qui donne la difpofition de l'Accord
parfait , lorfqu'on le met au bas des autres
fons , auquel Accord parfait on peut
fouvent ajoûter la 7 ; vous convenez avec
moi de ce principe ; ainfi dans ces Accords
fa la ut ré fa , la ut ré fa la , ut ré fa llaa ,
le fon fondamental eft le ré , parceque
Jui feul mis au plus bas donne ré fa la ut
ré , qui eft la difpofition requife. Si l'on
diéze le fa , le ré ne fera pas moins fondamental
, parceque la difpofition fera la
même ; jufqu'ici nous fommes d'accord .
Mais fi l'on fupprime plufieurs fons , ne
laiffant que ré ut , on ne pourra pas dire
que ces deux fons font un Accord de fep--
tiéme , comme vous dites , ce fera feulement
un intervale de 7° ; car nous entendons
par Accord de feptiéme un Accord
parfait auquel on a ajoûté la 7° , & c'eft
ici le défaut de votre preuve ; vous dites
ré ut font un Accord de 7 , que
que
fi
vous mettez un fol au lieu de la
n'aurez pas moins un Accord de 7º , &
que le ré felon notre principe eft fondamental
, je réponds que ce n'eft point un
compofé de 3 , 4 , 7 & 8° , qui eft la
diſpo
, vous
886 MERCURE DE FRANCE
diſpoſition dont nous convenons dans notre
principe , que c'eft , au contraire , un
compofé de tierce , quinte & octave , auquel
on peut ajoûter la feptiéme. Vous
avez fuppofé faux ; ainfi votre conclufion
cft fauffe. Mais , direz- vous , on ne peut
pas trouver la difpofition d'Accord parfait
dans l'Accord de quarte , ni celui de
neuviéme ; je réponds que lorfque cette
difpofition eft impoffible , ce doit être
celle qui en approche le plus qui doit y
étre fubftituée. Car enfin fi la feule dif
pofition d'Accord parfait nous indique le
fon fondamental , à quelle difpofition
pouvons -nous le plus raifonnablement
avoir recours, lorfque celle- ci nous manque
, fi ce n'eft à celle qui en approche le
plus. Cela me paroît d'une évidence fi
fenfible , que perfonne, je croi , n'enpeut
douter.
Or il eft certain que dans l'Accord de
quarte & celui de neuviéme , dans les
circonftances que l'on voit à l'exemple
mis au bas de l'Air noté de ce Livre , la
baffe actuelle donne la difpofition la plus
approchante de l'Accord parfait ou de
feptiéme , car elle n'en differe que par un
fon retardant , pareffeux , pour ainfi dire ,
à fe rendre à fa place ; donc la baffe actuelle
dans ces deux Accords eſt fondamentale
Yous!
MAY. 1730. 887
Vous avez marqué dans votre Examen
que l'Accord complet fol ré fa la ut , fait
voir que ré eft fondamental , étant la baffe
d'un Accord de feptiéme complet ; mais
cette raifon n'a point de lieu dans les
exemples que je rapporte , parceque tous
les fons que vous propofez ne peuvent
pas s'y trouver , & quoique l'on puiffe
les admettre tous dans deux cas que j'expliquerai
ci après , cela ne conclud rien
pour les cas où l'on ne peut pas les admettre
tous ; les accords que je propofe
font differens.
Vous dites encore pour votre défenſe ,
que à tout Accord de neuviéme on peut
ajoûter la 7 , ainfi le fon qui fait la tierce
eft fondamental , puiſqu'il porte un Accord
de feptiéme complet ; vous m'avez
fait cette objection le jour de notre Conference
, vous prétendiez que dans l'Accord
de neuvième , marqué B , on peut
y mettre la 7 pour la faire monter enfuite
à l'octave , ce que je nie par deux
raifons. 1 Parceque la note fenfible ayant
déja monté à la note finale par obligation ,
on ne peut plus fuppofer qu'elle eft encore
à fa place , & la faire monter une feconde
fois pour fatisfaire à la même obligation .
2º Parceque la note fenfible fur la finale
ne peut fubftituer fans la 4* ; quand au lieu
de cette quarte on met la tierce , on eft
obligé
888 MERCURE DE FRANCE
obligé de reconnoitre que cette 7 n'eft
plus note fenfible , on doit la faire def
cendre parceque le mode eft changé ; cette
7 qui eft majeure , feroit encore moins
compatible avec la tierce mineure , parcequ'elles
font en relation de quinte fuperflue.
Mais je dis plus , lors même que
la feptiéme peut aller avec la neuviéme
la buffe actuelle eft encore fondamentale :
Voici mes raifons.
pas
Vous reconnoiffez réé, pour fondamental
dans l'accord ré , fa , la , ut , ré ;
fi au lieu de l'Octave ou uniffon , je mets
un mi , par continuation , que ce mi fe
rende inceffamment au ré , où il auroit
dû être , pourquoi le ré ne feroit- il plus
fondamental ? ce mi n'a rien changé à la
premiere difpofition . Le fa , que vous
foutenez être fondamental , ne donne
une difpofition plus approchante de l'ac
cord parfait que le ré , au contraire ; &
quand même cela feroit égal , il femble
que le ré devroit refter tel, fur tout lorfque
la baffe fondamentale a précedé fur
le la , parce que le progrès le plus naturel
de cette baffe eft d'aller par quarte
ou par quinte , comme j'ai marqué dans
l'exemple C ; mais de plus, je foutiens
la difpofition n'eft pas égale , par deux
raifons. 1. Selon vous le fon ré eft entierement
étranger au véritable accord ,
que
que
MAY . 1730. 889
que vous dites être fa , la , ut , mi , ce ré
eft ftable & indépendant , comme un fon
fondamental doit être . Selon moi , le fon
mi n'eft point abfolument étranger au
veritable accord , que je dis être rê , fa ,
la , ut , ré , ce mi n'eft point ftable , il ne
peut durer beaucoup , ce n'eft qu'un allongement
d'un mi , qui a précedé , il dépend
abfolument du ré , où il doit fe rendre
inceffamment , on ne permet ce retardement
que pour faire fouhaiter le ré.
& le faire trouver meilleur . 2 ° . Selon
vous , le ré ne peut trouver place , que
hors l'étendue de l'Octave ; cependant
toutes les proportions harmoniques doivent
trouver place dans cette étenduë ,
c'eſt le ſentiment de tous ceux qui en ont
écrit. Selon moi , ma neuviéme fe trouve
dans cette étendue , elle fe peut faire également
au fecond degré comme un retardement
de l'uniffon ; c'eft réellement
une 2 ; chacun fçait qu'on ne lui donne le
nom de neuviême , que pour la diftinguer
de la 2º ou la baffe fincope , ces deux .
2es exigent des mouvemens & des accompagnemens
differens.
Il reste encore à expliquer les deux
cas où tous ces fons , fol , ré , fa , la , ut,
peuvent le rencontrer. Le premier que
l'on voit à l'exemple D. eft femblable à
l'accord , tiré du Confitebor de M. de la
Lande,
890 MERCURE DE FRANCE
ג
Lande , marqué F. excepté que la tierce.
eft obmife ; parconfequent l'accord que
vous propofez eft incomplet.Si l'on y ajoûte
le fi bemol , qui eft obmis , il est évident
qu'on aura un accord de 7 & 9 , ou au
lieu de doubler la tierce dès le premier
temps on a fait une quarte pour retarder
ce doublement de la tierce. Or , felon
l'explication que je viens de donner de
l'accord de 7 & 9 , marqué C. la baffe
actuelle y eft fondamentale. Donc dans
l'accord que vous propofez le fol eft fondamental
; ce qui n'eft pas votre ſentiment.
Remarquez que dans mes Explications
, l'harmonie ne fort point de l'étendue
de l'Octave , comme vous la faites
fortir car dans l'accord dont je viens de
parler , la 9 & 4* fe peuvent également
faire au fecond & au quatrième degré .
;
Le fecond cas où tous ces fons que vous
propofez , fol , ré , fa , la , ut , peuvent fe
rencontrer , c'eft l'accord que vous nommez
de 7 fuperfluë , marqué E. je conviens
que ré eft fondamental dans cet accord
; mais il y a deux raifons de le dif
tinguer . L'une que ré eft dominante . L'au
tre , que ce n'eft point veritablement un
bon accord ; on ne l'admet que par li
cence , pour favorifer le point d'Orgue
dont l'harmonie eft fort bornée ; & l'idée
l'on a de cet accord , eft la baffe
devroit
que que
MA Y. 1730.
891
devroit être alors à la dominante ; mais
qu'elle refte à la finale comme par entêtement
ou par une immobilité inébran
lable , on fent que l'harmonie , pour rem.
plir fon miniftere , qui eft de donner de
la varieté , touche l'accord de la dominante
, mais que la baffe manque , pour
ainfi- dire , à fon devoir.
Votre baffe fondamentale a encore , de
votre aveu , le deffaut de ne pouvoir pas
être admife dans la pratique ; mais on y
admet la mienne .
Le troifiéme Chef confifte en des faits
de pratique de compofition , dont l'oreille
eft contente. Pour prouver la bonté
de cette pratique , voici comme je rai
fonné.
Dans les Arts où la varieté eft neceffaire,
c'eſt un bien de multiplier les fondemens
de cette varieté , fur tout lorfque cefdits
fondemens font très-bornez,
Or , dans la Mufique , la varieté eft ne
ceffaire. Les fondemens de cette varieté
font les accords , dont le nombre eſt trèspetit
; donc dans la Mufique , l'augmentation
des accords eft un bien , principalement
lorsque l'experience dans la pratique
en a fait fentir la bonté.
Si vous continuez à me difputer ce troifiéme
Chef, je me fais fort de vous faire
condamner par les Compofiteurs à grands
Choeurs
892 MERCURE DE FRANCE
Choeurs , les plus renommez , dont j'aurai
des Certificats.
Pour ce qui concerne votre accompagnement
, on voit affez que je n'ai point
donné mes Objections écrites , comme
prouvées , mais comme prêt à les prouver,
ce détail demandant un écrit particulier.
Le prétendu parallele de nos accompagnemens
, que vous venez de mettre au
jour dans les derniers Mercures , eft une
occafion bien naturelle de donner ce détail
. En attendant , permettez - moi devous
dire , que l'expolé que vous y faites
de la maniere dont les habiles enſeignent
l'accompagnement , n'eft point fidele.
Vous vous appropriez des principes qu'on
enfeignoit avant vous.
Fermer
Résumé : REPONSE du second Musicien au premier Musicien, Auteur de l'Examen inseré dans le Mercure d'Octobre 1729. page 2369.
Le texte est une série d'échanges publiés dans le Mercure de France en octobre 1729 et mai 1730 entre deux musiciens. Le premier, appelé le 'fecond Muficien,' répond à une dispute concernant un livre sur la musique. Il appelle à la sincérité et à la modération, rappelant que plusieurs témoins ont entendu son adversaire désavouer le livre. Le 'fecond Muficien' conteste l'idée que les œuvres excellentes sont créées sans principes clairs, affirmant que de nombreux auteurs ont pratiqué l'ordre et la science. Il soutient que les principes fondamentaux de l'harmonie ne sont pas nouveaux et que son adversaire les a mal interprétés. La dispute porte sur quatre points principaux : les fondements de l'harmonie, le son fondamental dans certains accords, la pratique des renversements d'accords, et la méthode d'accompagnement au clavecin. Le 'fecond Muficien' propose un pari pour résoudre la première question et approfondit les arguments concernant le son fondamental dans les accords de quarte et de neuvième. Il critique également l'attitude arrogante de son adversaire, qui refuse de reconnaître des juges compétents et se proclame seul expert en harmonie. Un autre échange implique deux interlocuteurs, identifiés par 'de 7 fuperfluë, marqué E' et 'MA Y. 1730'. Le premier affirme que la note 'ré' est fondamentale dans un accord, mais distingue deux raisons pour la différencier : sa dominance et le fait qu'elle n'est pas un véritable bon accord, admise par licence pour favoriser le point d'orgue. Il explique que la basse devrait être à la dominante mais reste à la finale, obligeant l'harmonie à toucher l'accord de la dominante, manquant ainsi à son devoir de variété. Le second interlocuteur reconnaît les défauts pratiques de la basse fondamentale mais insiste sur son importance dans la pratique. Il souligne l'importance de la variété en musique et soutient que multiplier les accords est bénéfique pour augmenter cette variété. Il menace de faire condamner son opposant par des compositeurs renommés s'il continue à contester ce point. Concernant l'accompagnement, le premier interlocuteur mentionne qu'il n'a pas encore fourni ses objections écrites mais est prêt à le faire. Il critique l'exposé de son opposant sur l'enseignement de l'accompagnement, affirmant que celui-ci s'approprie des principes enseignés avant lui.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1337-1344
REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
Début :
Parmi les faits que vous supposez, Monsieur, dans votre Réponse, il y [...]
Mots clefs :
Harmonie, Accords, Méthode, Accompagnement, Musique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
REPLIQUE du premier Musicien à
la réponse du fecond , inferée dans le Mer
cure du mois de May dernier.
P
Armi les faits que vous fuppofez ,
Monfieur , dans votre Réponſe , il y
en a deux où l'on peut voir clairement
que vous manquez de bonne foy; le premier
que vous avez déja avancé dans vo
tre conférence , regarde mon prétendu
defaveu du Traité de l'Harmonie , & le fecond
regarde la perfonne à qui vous fai
tes dire qu'elle m'a enfeigné tout ce que
j'ai mis au jour depuis peu , & où vous
confondez la Baffe fondamentale.
Si j'ai prouvé dans l'examen de votre
conférence , pag. 2373. la fauffeté de votre
application à un paffage du Traité de
Harmonie , à l'occafion de laquelle application
vous me faites prononcer contre
cet ouvrage ; il falloit détruire ma
preuve, avant que'd'infifter ; puis-je avoir
défavoué mon ouvrage à propos de rien ?
& prétendez - vous en impofer par vos témoins
? Confultez - les , ils ne font pas fG
préoccupez que vous ; votre condamna
tion fuivra de près leur jugement.
Je me fuis toujours fait un plaifir de
publier dans l'occafion, que M. Lacroix,
H.Vol
Diij de
1333 MERCURE DE FRANCE
de Montpelier , dont vous avez marqué
la demeure , m'avoit donné une connoiffance
diftincte de la regle de l'8 , à l'âge
de 20 ans ; mais il y a loin delà à la Bre
F. dont nul ne peut fe vanter de m'avoir
jamais donne la moindre notion ;j'ofe
même avancer , que nul ne la connoît encore
parfaitement. En proférer le nom ,
en avoir quelques idées , la difcerner en
certains cas , fentir ce qui en peut naître,
ce n'eft encore-là que l'entrevoir; en vain
la mettez - vous au rang des principes pratiquez
avant l'Edition de mon Livre; fr
cela étoit , on en auroit du moins touché
quelque chofe dans quelques- unes des
Méthodes de compofition ou d'accompagnement
, imprimées ou manufcrites ,
qui ont paru avant cette Edition ; & co
feroit rendre leurs Auteurs fufpects de
la plus grande charlatanerie , que de faire
entendre qu'ils ne l'ont profeffée que
dans des leçons de vive voie . Où font ces
leçons? où font ceux qui les ont données?
A l'égard des 4 chefs qui font , dites
vous , toute notre difpute , j'entamerai
encore moins la matiére que je ne l'ai fait
dans l'examen de votre conférence , parce
que je dois bien-tôt mettre au jour un
Ouvrage intitulé: Génération Harmonique,
où vous trouverez plus que vous ne demandez
à prefent ; mais comme je veux
II. Vol
mettre
JUIN 1730. 1339
mettre fin à votre critique , je vais feule
ment tâcher de vous prouver que ce que
vous m'oppofez de plus férieux,fe détruit
de lui-même.
Vous prétendez d'abord que le premier
fondement de l'Harmonie doit fe tirer despro
portions qui fe trouvent dans les Vibrations
des fons, pour me fervir de vos propres
termes ; & moi je foutiens qu'il éxifte
dans l'Harmonie qui réſulte de la réſonnance
d'un corps fonore . Vous dites que
c'eft un fait de Phyfique ; mais avez vous
bien pris garde que ce fait , qui vérita
blement eft Phyfique dans la maniére que
je l'expofe , devient purement Géométri
que de la façon que vous le préfentez
Ne fçavez-vous pas que la Mufique eft
une fcience Phificomathématique , que le
fon en eft l'objet Physique , & que les
rapports trouvez entre différens fons en
font l'objet Mathématique ou Géomé
trique ? Je m'étonne qu'avec un argument
tel que celui que vous me faites à
ce fujet , vous confondiez ainfi les cho
fess mais c'eft apparamment là votre intention
,comme la fuite en eft une preuve .
Car , fi nous paffons au 2. chef , nous
Vous y verrons retomber dans les contradictions
dont votre conférence eft
remplie , nous vous y verrons approuver
& défapprouver fucceffivement la même
HVol Dilj
chofe;
340 MERCURE DE FRANCE.
chofe ; vous n'y cachez pas même affez
l'embarras que vous voulez y jetter .Vous
imaginez - vous que la diftinction fubtile
& frivole que vous y faites entre l'accord
& l'intervale de 7 , change la nature de
cette même 7 °, & empêche qu'elle ne foit
toujours la même diffonance , pendant
que le fon grave , qui fait qu'elle eft 7° ,
en eft toujours la Be, Fle ? c'eft cependantlà
dequoi il sagit , & ce qui décide la
queſtion.
Au lieu de fimplifier les objets , de les
ramener au même point , & de faciliter
par ce moyen , l'intelligence de votre
art ; vous ne faites qu'obfcurcir l'idée de
la diffonnance, fi claire par elle - même ,
& fi importante pour la fucceffion de
T'Harmonie , dont apparemment vous faites
peu de compte. Croyez - vous parvenir
jamais à pouvoir m'enfeigner la Be, Fle ,
tant que vous y admettrez des 2es & des
4es ? Dites- nous franchement fi vous vous
foumettez au principe dont vous vous
autoriſez , ou fi ce principe vous eſt ſoumis
? Si c'eſt à vous de lui donner la loy ,
il n'y a rien à dire ; mais fi c'eft à vous
de fuivre celle qu'il vous impofe ; de
quel droit lui attribuez-vous donc gra
tuitement & directement des 2es & des
4 , tandis qu'au moment que vous vous
le propofez ( pag. 885. ) vous lui refufez
ces II. Vol.
JUIN. 1730 1341
es
ces mêmes Diffonances , que fourniffent
les renverſemens de cet accord de 7º, ré ,
fa , la , ut , où vous voulez que ré foit fondamental
de tous côtez ? Et tandis qu'a
près avoir confondu la fuppofition , & la
Sufpenfion avec l'Harmonie fondamentale
, en donnant indifféremment des ger ,
des 2es & des 4 au fondement , vous ne
fçauriez vous empêcher de renoncer à
ce même fondement dans cet accord par
fuppofition , fol , ré , fa , la , ut , ( p.890 . )
vous n'y regardez plus la Baffe actuelle ,
fol, comme fondamentale , & vous y rendez
à ré , ce que vous lui aviez d'abord
accordé ; quelles contradictions ! Mais ne
ne ferois- je pas moi -même dans l'erreur,
& ne doit-on pas avoir égard aux raiſons
qui vous en ont fait ufer de la forte ? Ici ,
felon vous , c'est un fon retardant , paref
feux pour ainsi dire , à fe rendre à japla
ce ; là c'eft une difpofition approchante ; là
c'est une Baffe qui reste à la finale comme
par entêtement , ou par une immobilité inébranlable
on fent que l'Harmonie , pour
remplirfon miniftere , qui eft de donner de la
variété , touche l'accord de la Dominante
mais que la Baffe manque , pour ainsi dire ,
à fun devoir. Je ne fçavois pas effectivement,
que ce fuffent -là des raifons ; dites
plutôt , pour vous juftifier , que la raifon
eft fuperfluë en Mufique ; mais avouez en
a
Mr.Vol même
1342 MERCURE, DE FRANCE
même-tems que vous avez tort de vouloir
y en admettre.
N'eft-ce pas vous feul , M. qui avez
bâti cette Tour de Babel , par un entaffement
de 3 fur 3 , où, en effet, la confufion
fe mêle ? Heureufe audace que la
vôtre ! Cet accord ut , mi , fol , fi , ré, fa
que vous citez ( pag. 890. ) & qui vient fi
dignement à la fuite de votre Trio , E,
eft il donc un enrichiffement de l'Harmonie
, un prodige de variété ? Je ferois
bien curieux de voir les Certificats des
Compofiteurs à grand Choeur fur cette
découverte , & fur ce qui regarde votre
3me chef; car je m'attends qu'on recevra
une grande fatisfaction du renverſement
d'un pareil accord par l'union de ces fix
notes , fi , ut, re , mi ,fa , fol ; encore une
note , & vous auriez eû la gloire de ne
faire qu'un accord de toute la Gamme.
des
Quant au 4me chef , on devine affez le
motif qui vous fait parler : Dites tant
qu'il vous plaira que je ne fuis qu'un
compilateur ; ce qui eft cependant bien
éloigné de la vérité ; il me fuffira
efprits d'ordre & de fyftême reconnoiffent
ma Méthode d'accompagnement
pour ce qui s'appelle une Methode , &
pour l'unique qui ait encore paru dans
ce genre.
que
Au furplus , M. vous juftifiez pleine-
11.Vob.
ment
JUIN. 1730. 1343
ment ce que j'ai avancé dans la Préface
de mon Livre , fur le peu de connoiffan
ce & de fond qui ont accompagné juf
qu'ici la pratique des Muficiens . Vous ne
jugez de votre Art que par la voye des
fens , vous vous y laiffez prévenir par les
effets , & n'en cherchez la caufe que dans
vos affections . Delà naît cette confufion
que vous faites de l'objet Phyſique avec
Le Géométrique , auffi -bien que de la fuppofition
& de la fufpenfion avec l'Harmonie
fordamentale ; delà naiffent tous vos
grands mots qui n'aboutiffent tout au
plus qu'à éblouir ceux qui ne font point
au fait delà naît enfin votre Accord à ;
fix cornes , qui eft le plus fidele interprete
de toutes vos connoiffances . Comment
vous démontrer des véritez , fi vous n'avez
pour principes que des autoritez, des
certificats , des difpofitions approchan
tes, des fons pareffeux , des Baffes entêtées,
des comparaifons , & pour derniere ref
fource , des défis , des rodomontades ?
Que prouve tout cela en fait de fcience,
& que peuvent des gens à talens , même
leurs productions les plus heureufes , contre
un fyftême raiſonné ?
Je finis , M. en vous avertiffant que
la
qualité donnée dans l'examen à celui qui
récuſe une Méthode d'accompagnement ,
fur ce qu'elle exige la connoiffance di
II.Vol.
D vj Mod
1344 MERCURE DE FRANCE.
Mode,lui reftera toujours , juſqu'à ce qu'il
reconnoiffe & confeffe fon erreur ; mais
faites bien attention que j'ai toujours compté
parler à un Anonime, & que je ne l'ai
défigné ni par fes ouvrages , ni autrement.
la réponse du fecond , inferée dans le Mer
cure du mois de May dernier.
P
Armi les faits que vous fuppofez ,
Monfieur , dans votre Réponſe , il y
en a deux où l'on peut voir clairement
que vous manquez de bonne foy; le premier
que vous avez déja avancé dans vo
tre conférence , regarde mon prétendu
defaveu du Traité de l'Harmonie , & le fecond
regarde la perfonne à qui vous fai
tes dire qu'elle m'a enfeigné tout ce que
j'ai mis au jour depuis peu , & où vous
confondez la Baffe fondamentale.
Si j'ai prouvé dans l'examen de votre
conférence , pag. 2373. la fauffeté de votre
application à un paffage du Traité de
Harmonie , à l'occafion de laquelle application
vous me faites prononcer contre
cet ouvrage ; il falloit détruire ma
preuve, avant que'd'infifter ; puis-je avoir
défavoué mon ouvrage à propos de rien ?
& prétendez - vous en impofer par vos témoins
? Confultez - les , ils ne font pas fG
préoccupez que vous ; votre condamna
tion fuivra de près leur jugement.
Je me fuis toujours fait un plaifir de
publier dans l'occafion, que M. Lacroix,
H.Vol
Diij de
1333 MERCURE DE FRANCE
de Montpelier , dont vous avez marqué
la demeure , m'avoit donné une connoiffance
diftincte de la regle de l'8 , à l'âge
de 20 ans ; mais il y a loin delà à la Bre
F. dont nul ne peut fe vanter de m'avoir
jamais donne la moindre notion ;j'ofe
même avancer , que nul ne la connoît encore
parfaitement. En proférer le nom ,
en avoir quelques idées , la difcerner en
certains cas , fentir ce qui en peut naître,
ce n'eft encore-là que l'entrevoir; en vain
la mettez - vous au rang des principes pratiquez
avant l'Edition de mon Livre; fr
cela étoit , on en auroit du moins touché
quelque chofe dans quelques- unes des
Méthodes de compofition ou d'accompagnement
, imprimées ou manufcrites ,
qui ont paru avant cette Edition ; & co
feroit rendre leurs Auteurs fufpects de
la plus grande charlatanerie , que de faire
entendre qu'ils ne l'ont profeffée que
dans des leçons de vive voie . Où font ces
leçons? où font ceux qui les ont données?
A l'égard des 4 chefs qui font , dites
vous , toute notre difpute , j'entamerai
encore moins la matiére que je ne l'ai fait
dans l'examen de votre conférence , parce
que je dois bien-tôt mettre au jour un
Ouvrage intitulé: Génération Harmonique,
où vous trouverez plus que vous ne demandez
à prefent ; mais comme je veux
II. Vol
mettre
JUIN 1730. 1339
mettre fin à votre critique , je vais feule
ment tâcher de vous prouver que ce que
vous m'oppofez de plus férieux,fe détruit
de lui-même.
Vous prétendez d'abord que le premier
fondement de l'Harmonie doit fe tirer despro
portions qui fe trouvent dans les Vibrations
des fons, pour me fervir de vos propres
termes ; & moi je foutiens qu'il éxifte
dans l'Harmonie qui réſulte de la réſonnance
d'un corps fonore . Vous dites que
c'eft un fait de Phyfique ; mais avez vous
bien pris garde que ce fait , qui vérita
blement eft Phyfique dans la maniére que
je l'expofe , devient purement Géométri
que de la façon que vous le préfentez
Ne fçavez-vous pas que la Mufique eft
une fcience Phificomathématique , que le
fon en eft l'objet Physique , & que les
rapports trouvez entre différens fons en
font l'objet Mathématique ou Géomé
trique ? Je m'étonne qu'avec un argument
tel que celui que vous me faites à
ce fujet , vous confondiez ainfi les cho
fess mais c'eft apparamment là votre intention
,comme la fuite en eft une preuve .
Car , fi nous paffons au 2. chef , nous
Vous y verrons retomber dans les contradictions
dont votre conférence eft
remplie , nous vous y verrons approuver
& défapprouver fucceffivement la même
HVol Dilj
chofe;
340 MERCURE DE FRANCE.
chofe ; vous n'y cachez pas même affez
l'embarras que vous voulez y jetter .Vous
imaginez - vous que la diftinction fubtile
& frivole que vous y faites entre l'accord
& l'intervale de 7 , change la nature de
cette même 7 °, & empêche qu'elle ne foit
toujours la même diffonance , pendant
que le fon grave , qui fait qu'elle eft 7° ,
en eft toujours la Be, Fle ? c'eft cependantlà
dequoi il sagit , & ce qui décide la
queſtion.
Au lieu de fimplifier les objets , de les
ramener au même point , & de faciliter
par ce moyen , l'intelligence de votre
art ; vous ne faites qu'obfcurcir l'idée de
la diffonnance, fi claire par elle - même ,
& fi importante pour la fucceffion de
T'Harmonie , dont apparemment vous faites
peu de compte. Croyez - vous parvenir
jamais à pouvoir m'enfeigner la Be, Fle ,
tant que vous y admettrez des 2es & des
4es ? Dites- nous franchement fi vous vous
foumettez au principe dont vous vous
autoriſez , ou fi ce principe vous eſt ſoumis
? Si c'eſt à vous de lui donner la loy ,
il n'y a rien à dire ; mais fi c'eft à vous
de fuivre celle qu'il vous impofe ; de
quel droit lui attribuez-vous donc gra
tuitement & directement des 2es & des
4 , tandis qu'au moment que vous vous
le propofez ( pag. 885. ) vous lui refufez
ces II. Vol.
JUIN. 1730 1341
es
ces mêmes Diffonances , que fourniffent
les renverſemens de cet accord de 7º, ré ,
fa , la , ut , où vous voulez que ré foit fondamental
de tous côtez ? Et tandis qu'a
près avoir confondu la fuppofition , & la
Sufpenfion avec l'Harmonie fondamentale
, en donnant indifféremment des ger ,
des 2es & des 4 au fondement , vous ne
fçauriez vous empêcher de renoncer à
ce même fondement dans cet accord par
fuppofition , fol , ré , fa , la , ut , ( p.890 . )
vous n'y regardez plus la Baffe actuelle ,
fol, comme fondamentale , & vous y rendez
à ré , ce que vous lui aviez d'abord
accordé ; quelles contradictions ! Mais ne
ne ferois- je pas moi -même dans l'erreur,
& ne doit-on pas avoir égard aux raiſons
qui vous en ont fait ufer de la forte ? Ici ,
felon vous , c'est un fon retardant , paref
feux pour ainsi dire , à fe rendre à japla
ce ; là c'eft une difpofition approchante ; là
c'est une Baffe qui reste à la finale comme
par entêtement , ou par une immobilité inébranlable
on fent que l'Harmonie , pour
remplirfon miniftere , qui eft de donner de la
variété , touche l'accord de la Dominante
mais que la Baffe manque , pour ainsi dire ,
à fun devoir. Je ne fçavois pas effectivement,
que ce fuffent -là des raifons ; dites
plutôt , pour vous juftifier , que la raifon
eft fuperfluë en Mufique ; mais avouez en
a
Mr.Vol même
1342 MERCURE, DE FRANCE
même-tems que vous avez tort de vouloir
y en admettre.
N'eft-ce pas vous feul , M. qui avez
bâti cette Tour de Babel , par un entaffement
de 3 fur 3 , où, en effet, la confufion
fe mêle ? Heureufe audace que la
vôtre ! Cet accord ut , mi , fol , fi , ré, fa
que vous citez ( pag. 890. ) & qui vient fi
dignement à la fuite de votre Trio , E,
eft il donc un enrichiffement de l'Harmonie
, un prodige de variété ? Je ferois
bien curieux de voir les Certificats des
Compofiteurs à grand Choeur fur cette
découverte , & fur ce qui regarde votre
3me chef; car je m'attends qu'on recevra
une grande fatisfaction du renverſement
d'un pareil accord par l'union de ces fix
notes , fi , ut, re , mi ,fa , fol ; encore une
note , & vous auriez eû la gloire de ne
faire qu'un accord de toute la Gamme.
des
Quant au 4me chef , on devine affez le
motif qui vous fait parler : Dites tant
qu'il vous plaira que je ne fuis qu'un
compilateur ; ce qui eft cependant bien
éloigné de la vérité ; il me fuffira
efprits d'ordre & de fyftême reconnoiffent
ma Méthode d'accompagnement
pour ce qui s'appelle une Methode , &
pour l'unique qui ait encore paru dans
ce genre.
que
Au furplus , M. vous juftifiez pleine-
11.Vob.
ment
JUIN. 1730. 1343
ment ce que j'ai avancé dans la Préface
de mon Livre , fur le peu de connoiffan
ce & de fond qui ont accompagné juf
qu'ici la pratique des Muficiens . Vous ne
jugez de votre Art que par la voye des
fens , vous vous y laiffez prévenir par les
effets , & n'en cherchez la caufe que dans
vos affections . Delà naît cette confufion
que vous faites de l'objet Phyſique avec
Le Géométrique , auffi -bien que de la fuppofition
& de la fufpenfion avec l'Harmonie
fordamentale ; delà naiffent tous vos
grands mots qui n'aboutiffent tout au
plus qu'à éblouir ceux qui ne font point
au fait delà naît enfin votre Accord à ;
fix cornes , qui eft le plus fidele interprete
de toutes vos connoiffances . Comment
vous démontrer des véritez , fi vous n'avez
pour principes que des autoritez, des
certificats , des difpofitions approchan
tes, des fons pareffeux , des Baffes entêtées,
des comparaifons , & pour derniere ref
fource , des défis , des rodomontades ?
Que prouve tout cela en fait de fcience,
& que peuvent des gens à talens , même
leurs productions les plus heureufes , contre
un fyftême raiſonné ?
Je finis , M. en vous avertiffant que
la
qualité donnée dans l'examen à celui qui
récuſe une Méthode d'accompagnement ,
fur ce qu'elle exige la connoiffance di
II.Vol.
D vj Mod
1344 MERCURE DE FRANCE.
Mode,lui reftera toujours , juſqu'à ce qu'il
reconnoiffe & confeffe fon erreur ; mais
faites bien attention que j'ai toujours compté
parler à un Anonime, & que je ne l'ai
défigné ni par fes ouvrages , ni autrement.
Fermer
Résumé : REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
En mai 1730, un musicien publie une réplique dans le Mercure de France pour contester deux points soulevés par un interlocuteur. Il nie avoir désavoué son Traité de l'Harmonie et affirme avoir prouvé la fausseté des arguments de son adversaire à ce sujet. Il reconnaît avoir appris la règle de l'octave de M. Lacroix de Montpellier, mais nie avoir reçu des enseignements sur la Basse fondamentale. Il soutient que cette connaissance n'était pas pratiquée avant la publication de son livre et critique ceux qui prétendent le contraire comme étant des charlatans. Le musicien annonce la publication prochaine d'un ouvrage intitulé 'Génération Harmonique' pour répondre aux critiques concernant les quatre points de la dispute. Il critique l'approche de son adversaire, qui mélange les aspects physiques et géométriques de la musique, et souligne les contradictions dans ses arguments. Il accuse son adversaire de confondre les concepts de supposition, suspension et harmonie fondamentale, créant ainsi une confusion inutile. Le musicien conclut en affirmant que son adversaire juge la musique uniquement par les sens et les effets, sans chercher les causes. Il critique l'utilisation de grands mots et de concepts vagues par son adversaire et affirme que son propre système est basé sur des principes raisonnés. Il termine en avertissant son interlocuteur de reconnaître son erreur concernant une méthode d'accompagnement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1945-1950
RÉPLIQUE du premier Musicien à l'Ecrit du second, inseré au Mercure de Juin 1730.
Début :
Quelle difference, Monsieur, de votre Conférence à votre derniere [...]
Mots clefs :
Harmonie, Triton, Musique, Accompagnement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPLIQUE du premier Musicien à l'Ecrit du second, inseré au Mercure de Juin 1730.
REPLIQUE du premier Muficien
à l'Ecrit du fecond , inferé au Mercure
de Juin 1730 .
Q
Uelle difference , Monfieur, de votre
Conférence à votre derniere
Réponse ! Là , vous fappiez jufqu'aux
fondemens de ma Méthode d'Accompa
gnement ; ici , vous convenez qu'elle
fuffit
1946 MERCURE DE FRANCE
fuffit feule , & qu'elle a ce merite au -deffus
de toutes les autres.
On doit affez juger de - là , que vous
ne connoiffiez pas ma Méthode , lorfque
vous l'avez attaquée ; puifqu'à la vûë du
feul Plan que je vous en ai donné , vous
paffez tout d'un coup de la Critique à
Approbation ; car lorfque vous dites
page 1082. Tout confideré , je conclus qu'il
étoit plus à propos de l'enfeigner plus tard ;
cela ne fignifie autre chofe , finon , que
comme la meilleure , vous voulez la garder
pour fuppléer aux autres , qui fuivant
ce que vous ajoutez fix lignes plus
bas , ne fuffifent pas pour perfectionner entierement
, fans quelques explications réſervées
aux Maitres : C'eft à ce coup que
la force de la verité vous a fait parler ;
mais il vous fied mal , après un tel aveu ,
de dire que ma Méthode ne vous a pas
réuffi auprès des Commençans : fi cela
eft , il faut que vous l'ayez expliquée
fans fuivre l'ordre du Plan , qui renferme
feul , j'ofe le dire , l'idée la plus claire
, la plus fimple , & la plus préciſe
qu'on ait jamais donné de l'harmonie ,
qui fournit les moyens de pratique les
plus faciles & les plus courts , qu'aucun
Maître ait jamais employés , & qui par
conféquent doit procurer à toutes fortes
de perfonnes , la connoiffance la plus
par
SEPTEMBRE. 1730. 1947
parfaite , & la poffeffion la plus rapide
de l'Accompagnement.
C'eft envain , Monfieur , que pour ravir
de nouveau à ma Méthode le merite
de fuffire feule , vous affectez de dire
qu'elle eft difficile , & que vous m'accufez
de l'avoir remplie de deffauts dans
fa pratique , deffauts qui forment les
fix Objections écrites dans votre Conférence
; vous ne prenez donc pas garde
que vous n'avez rien prouvé ni répliqué
à cet égard : En ai-je agi de même lorfque
j'ai fait voir le cahos qui régné dans
votre Méthode , ou fi vous voulez , dans
votre maniere d'enfeigner . Vos fix Objections
font tombées dès l'examen que
j'ai fait de votre Conférence , & le Plan
donné les anéantit tellement , qu'on peut
prononcer dès à préfent fur ce fujet
fans attendre l'entiere impreffion de la
Méthode ; ce délai que vous prenez ne
vous difpenfe point d'entrer en preuve ;
fi non , ma Méthode comme vous dites
, fuffit feule , & a ce merite au - deffus
des autres ; je m'en tiens à vos termes.
و
9
A quelle extrêmité n'êtes vous pas
réduit , M. après un tel aveu , lorfque
vous vous efforcez de jetter fur ma Méthode
un foupçon de difficulté les
exemples que vous rapportez à cet égard
con1948
MERCURE DE FRANCE
confiftent en un feul fait que vous ne
fçavez pas bien , & qui prouveroit , tout
au plus , le peu de juftice qu'une perſonne
a rendue à fa propre difpofition ; tandis
qu'elle n'a pu s'empêcher de reconnoître
autentiquement la fuperiorité que
Vous venez vous - même , de garantir.
Qu'entendez - vous d'ailleurs par ces explications,
que vous dites être réfervées
aux Maîtres, pour fuppléer aux deffauts de
leur méthode ? S'ils fe réfervent d'explique
les principes qu'ils nous ont donnés,
à la bonne heure ; mais fi ces principes font
encore peu de chofe , en comparaifon
de ceux dont ils n'ont jamais fait mention
; furquoi tombe leur réſerve , fi ce
n'eft fur ce qu'il y a de plus effentiel ?
Rendez leur plus de juftice , & ne leur
imputez pas , comme je l'ai déja dit ailleurs
, une pareille charlatanerie . Pour
vous , M. vous n'en êtes point fufpe &t ;
vous profeffiez la Baffe fondamentale
avant la découverte ; vous critiquiez , ou
enfeigniez ma Méthode d'Accompagnement
avant que de la connoître : mais il
eft bien étonnant , qu'avec de fi grands
avantages , s'il s'agit de réfoudre une
fimple question , vous ne manquiez jamais
de prendre à gauche ; en voici la
preuve.
Vous venez de développer bien du faux,
ditesSEPTEMBRE
. 1730. 1949
dites-vous , dans mon expofé ( Mercure
de Février 1730 , page 262. ) ne vous
avois- je pas affez averti qu'il y avoit là
un conflit de régles oppofées , & réciproquement
fujettes à de fauffes applications
, pour que vous dûffiez bien prendre
garde à ne pas vous y tromper ? Si
c'eft ainfi que vous avez fait ufage de ma
Méthode , je ne fuis plus furpris de fa
mauvaiſe fortune.
Je n'ai parlé en cet endroit que du
feul intervale compofé de trois tons ,
appellé Triton ; ma comparaifon y roule
fur la maniere , dont il eft dit communément
qu'il fe fauve , où par conféquent
il s'agit de deux differents fonds
d'harmonie , l'un pour le Triton , & l'au
tre pour la 6° ; & vous, pour me relever,
vous y faites toujours fubfifter le même
fond d'harmonie , où le Triton peut fe
changer en 8 , en 6 ° , en 3 ° , & en se
Si la chofe peut s'entendre ainfi , je n'y
ai donc pas tout fpecifié ; & vous deviez
me le reprocher ; car ce Triton peut fe
changer encore en une fuperfluë , &
& en une 7 fuperflue , avec le même fond
d'harmonie : ce que j'aurois dû dire¸ £
j'euffe voulu parler d'un pareil changement
, & c'est ce qu'il falloit examiner
avant que de me faire votre objection.
Suppofons cependant que vous ayez
C bien
1950 MERCURE DE FRANCE
>
3
bien rencontré , ce ne fera encore là
qu'un côté de l'objet ; s'il y en a d'autres
, ils ne devoient pas vous échapper :
or fans vous affujettir davantage au
fond des chofes , ouvrez le livre d'Accompagnement
de l'Organifte renommé
que vous citez , vous y verrez , page
XVII. unTriton particulier, qui refte fur
le même degré , pour former enfuite la
se vous verrez deux accords differens
deux differens fonds d'harmonie dans
cette fucceffion , comme dans celle du
Triton , fauvé de la 6° ; & vous pourrez
voir , à votre loifir , qu'en fubftituant
certaines autres Notes à celle qui
porte ici la se , ce même Triton pourra
toujours refter fur le même degré , pour
en former l'8 , la 3 * , ou laj 6. Ĵ'aurois
pû y ajouter la 7 ; mais j'ai craint
que la fuppofition qui y régne pour lors ,
ne fervit à vous écarter encore du point
de la queſtion.
e
Il faut plus de fagacité pour critiquer ;
ne voir qu'un côté de l'objet , c'eft prefque
ne rien voir ; & ne pas voir celui
qui a le plus de rapport à la queftion
c'eft le comble de l'aveuglement , & le
prix ordinaire de toutes vos Objec
tions.
à l'Ecrit du fecond , inferé au Mercure
de Juin 1730 .
Q
Uelle difference , Monfieur, de votre
Conférence à votre derniere
Réponse ! Là , vous fappiez jufqu'aux
fondemens de ma Méthode d'Accompa
gnement ; ici , vous convenez qu'elle
fuffit
1946 MERCURE DE FRANCE
fuffit feule , & qu'elle a ce merite au -deffus
de toutes les autres.
On doit affez juger de - là , que vous
ne connoiffiez pas ma Méthode , lorfque
vous l'avez attaquée ; puifqu'à la vûë du
feul Plan que je vous en ai donné , vous
paffez tout d'un coup de la Critique à
Approbation ; car lorfque vous dites
page 1082. Tout confideré , je conclus qu'il
étoit plus à propos de l'enfeigner plus tard ;
cela ne fignifie autre chofe , finon , que
comme la meilleure , vous voulez la garder
pour fuppléer aux autres , qui fuivant
ce que vous ajoutez fix lignes plus
bas , ne fuffifent pas pour perfectionner entierement
, fans quelques explications réſervées
aux Maitres : C'eft à ce coup que
la force de la verité vous a fait parler ;
mais il vous fied mal , après un tel aveu ,
de dire que ma Méthode ne vous a pas
réuffi auprès des Commençans : fi cela
eft , il faut que vous l'ayez expliquée
fans fuivre l'ordre du Plan , qui renferme
feul , j'ofe le dire , l'idée la plus claire
, la plus fimple , & la plus préciſe
qu'on ait jamais donné de l'harmonie ,
qui fournit les moyens de pratique les
plus faciles & les plus courts , qu'aucun
Maître ait jamais employés , & qui par
conféquent doit procurer à toutes fortes
de perfonnes , la connoiffance la plus
par
SEPTEMBRE. 1730. 1947
parfaite , & la poffeffion la plus rapide
de l'Accompagnement.
C'eft envain , Monfieur , que pour ravir
de nouveau à ma Méthode le merite
de fuffire feule , vous affectez de dire
qu'elle eft difficile , & que vous m'accufez
de l'avoir remplie de deffauts dans
fa pratique , deffauts qui forment les
fix Objections écrites dans votre Conférence
; vous ne prenez donc pas garde
que vous n'avez rien prouvé ni répliqué
à cet égard : En ai-je agi de même lorfque
j'ai fait voir le cahos qui régné dans
votre Méthode , ou fi vous voulez , dans
votre maniere d'enfeigner . Vos fix Objections
font tombées dès l'examen que
j'ai fait de votre Conférence , & le Plan
donné les anéantit tellement , qu'on peut
prononcer dès à préfent fur ce fujet
fans attendre l'entiere impreffion de la
Méthode ; ce délai que vous prenez ne
vous difpenfe point d'entrer en preuve ;
fi non , ma Méthode comme vous dites
, fuffit feule , & a ce merite au - deffus
des autres ; je m'en tiens à vos termes.
و
9
A quelle extrêmité n'êtes vous pas
réduit , M. après un tel aveu , lorfque
vous vous efforcez de jetter fur ma Méthode
un foupçon de difficulté les
exemples que vous rapportez à cet égard
con1948
MERCURE DE FRANCE
confiftent en un feul fait que vous ne
fçavez pas bien , & qui prouveroit , tout
au plus , le peu de juftice qu'une perſonne
a rendue à fa propre difpofition ; tandis
qu'elle n'a pu s'empêcher de reconnoître
autentiquement la fuperiorité que
Vous venez vous - même , de garantir.
Qu'entendez - vous d'ailleurs par ces explications,
que vous dites être réfervées
aux Maîtres, pour fuppléer aux deffauts de
leur méthode ? S'ils fe réfervent d'explique
les principes qu'ils nous ont donnés,
à la bonne heure ; mais fi ces principes font
encore peu de chofe , en comparaifon
de ceux dont ils n'ont jamais fait mention
; furquoi tombe leur réſerve , fi ce
n'eft fur ce qu'il y a de plus effentiel ?
Rendez leur plus de juftice , & ne leur
imputez pas , comme je l'ai déja dit ailleurs
, une pareille charlatanerie . Pour
vous , M. vous n'en êtes point fufpe &t ;
vous profeffiez la Baffe fondamentale
avant la découverte ; vous critiquiez , ou
enfeigniez ma Méthode d'Accompagnement
avant que de la connoître : mais il
eft bien étonnant , qu'avec de fi grands
avantages , s'il s'agit de réfoudre une
fimple question , vous ne manquiez jamais
de prendre à gauche ; en voici la
preuve.
Vous venez de développer bien du faux,
ditesSEPTEMBRE
. 1730. 1949
dites-vous , dans mon expofé ( Mercure
de Février 1730 , page 262. ) ne vous
avois- je pas affez averti qu'il y avoit là
un conflit de régles oppofées , & réciproquement
fujettes à de fauffes applications
, pour que vous dûffiez bien prendre
garde à ne pas vous y tromper ? Si
c'eft ainfi que vous avez fait ufage de ma
Méthode , je ne fuis plus furpris de fa
mauvaiſe fortune.
Je n'ai parlé en cet endroit que du
feul intervale compofé de trois tons ,
appellé Triton ; ma comparaifon y roule
fur la maniere , dont il eft dit communément
qu'il fe fauve , où par conféquent
il s'agit de deux differents fonds
d'harmonie , l'un pour le Triton , & l'au
tre pour la 6° ; & vous, pour me relever,
vous y faites toujours fubfifter le même
fond d'harmonie , où le Triton peut fe
changer en 8 , en 6 ° , en 3 ° , & en se
Si la chofe peut s'entendre ainfi , je n'y
ai donc pas tout fpecifié ; & vous deviez
me le reprocher ; car ce Triton peut fe
changer encore en une fuperfluë , &
& en une 7 fuperflue , avec le même fond
d'harmonie : ce que j'aurois dû dire¸ £
j'euffe voulu parler d'un pareil changement
, & c'est ce qu'il falloit examiner
avant que de me faire votre objection.
Suppofons cependant que vous ayez
C bien
1950 MERCURE DE FRANCE
>
3
bien rencontré , ce ne fera encore là
qu'un côté de l'objet ; s'il y en a d'autres
, ils ne devoient pas vous échapper :
or fans vous affujettir davantage au
fond des chofes , ouvrez le livre d'Accompagnement
de l'Organifte renommé
que vous citez , vous y verrez , page
XVII. unTriton particulier, qui refte fur
le même degré , pour former enfuite la
se vous verrez deux accords differens
deux differens fonds d'harmonie dans
cette fucceffion , comme dans celle du
Triton , fauvé de la 6° ; & vous pourrez
voir , à votre loifir , qu'en fubftituant
certaines autres Notes à celle qui
porte ici la se , ce même Triton pourra
toujours refter fur le même degré , pour
en former l'8 , la 3 * , ou laj 6. Ĵ'aurois
pû y ajouter la 7 ; mais j'ai craint
que la fuppofition qui y régne pour lors ,
ne fervit à vous écarter encore du point
de la queſtion.
e
Il faut plus de fagacité pour critiquer ;
ne voir qu'un côté de l'objet , c'eft prefque
ne rien voir ; & ne pas voir celui
qui a le plus de rapport à la queftion
c'eft le comble de l'aveuglement , & le
prix ordinaire de toutes vos Objec
tions.
Fermer
Résumé : RÉPLIQUE du premier Musicien à l'Ecrit du second, inseré au Mercure de Juin 1730.
Dans une réplique publiée dans le Mercure de Juin 1730, un premier musicien répond à un second musicien qui avait critiqué sa méthode d'accompagnement. Le premier musicien note que son interlocuteur a d'abord attaqué sa méthode, puis a reconnu son mérite. Il affirme que sa méthode est suffisante en elle-même et supérieure aux autres. Il accuse le second musicien de ne pas avoir suivi le plan de sa méthode, ce qui a conduit à une mauvaise compréhension. Le premier musicien défend sa méthode en la décrivant comme claire, simple et précise, permettant une acquisition rapide et parfaite de l'accompagnement. Il rejette les objections du second, les qualifiant d'infondées et affirmant que le plan de sa méthode les anéantit. Il critique également le second pour avoir jeté un soupçon de difficulté sur sa méthode, alors que celui-ci reconnaît implicitement sa supériorité. Le premier musicien conclut en accusant le second de critiquer sans comprendre pleinement la méthode et de manquer de rigueur dans son analyse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 841-856
METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
Début :
Notre siecle est fécond en nouvelles Méthodes pour toutes choses [...]
Mots clefs :
Musique, Harmonie, Méthode d'enseignement, Mémoire, Apprendre, Théorie, Zarlin, Maîtres, Écoliers, Art, Do, Ut, Diatonique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
METHODE pour apprendre la Musique
enpeu de temps. Par L. P. C. J.
Otre siecle est fécond en nouvelles
NMéthodes pour toutes choses . Rien
n'est mieux. Tôt ou tard on trouvera les
vrayes, avec cegout d'en essayer de toutes.
La Musique est donc aussi l'objet de plusieurs Méthodes nouvelles. Elle en vaut la
peine; et les Musiciens méritent bien qu'on
entre dans leur esprit et dans leurs vûës ,
et qu'on les seconde à faire mieux de jour
en jour.
La Musique n'a qu'un deffaut. Elle est
trop difficile à apprendre. Je ne parle
que du Chant : c'est peu de chose ; mais
ce peu de chose est absolument necessaire
pour aller plus loin, pour se former le goût,
pour se rendre l'oreille intelligente , pour
sentir l'harmonie , pour accompagner
pour composer.
Peu de gens vont jusques- là ; mais tout
A iiij le
842 MERCURE DE FRANCE
le monde voudroit y aller ; ceux au moins
qui apprennent la Musique. A quoi tientil donc qu'ils n'y arrivent ? Il tient à ce
peu de chose dont je parlois tout à l'heure,
lequel , tout peu qu'il est , vous arrête assez pour vous ôter le temps , le goût , ou le courage de passer au-delà.
Lire la Musique à livre ouvert , la lire
à mesure qu'on lit des paroles qui y répondent , c'est ce que j'appelle en verité
pru et très-peu de chose. C'est pourtant
l'affaire de cinq , de six , de dix , de dou.
P
ze , de quinze bonnes années pour les
trois quarts de ceux qui l'entreprennent.
Combien même y en a-t'il qui arrivent
à ce point ? il n'y a , dit- on , que les Enfans de Choeur , c'est-à-dire ceux qui
ayant commencé à l'âge de quatre ou
cinq ans , n'ont fait que cela jusqu'à 12.
15. 20. ans.
J'ai essayé de bien des sciences , et de
celles qui passent pour les plus difficiles ,
Géometrie , Algebre , Analyse , Physique,
&c. Mais je puis dire qu'il n'y a pas de
proportion entre le temps et le travail
qu'il faut pour apprendre ces sciences
fondes , je dis pour les apprendre même
toutes assez à fond , et le long temps et
le travail pénible et assidu qu'il faut pour
se rendre médiocrement possesseur d'upro-
MAY. 1732. 843
ne chose aussi médiocre que l'est la routine de la Musique et du simple Chint.
C'est , dit-on , cette routine qui fait
toute la difficulté ; je le sçais et c'est même
ce que je veux dire. On appelle la Rou
tine , l'habitude , une seconde Nature. Et
c'est par là qu'on l'estime. Mais c'est par
·là que j'en démontre le vice essentiel.
Il n'y a qu'une vraye et bonne nature ;
et je ne connois de seconde nature qu'une
contre- nature , ou une nature estropiće ,
entravée , étouffée, anéantie ; qu'on dresse
un Chien , un Cheval, qu'on siffle une Linoteou un Serin; qu'on mene un Aveugle
par la main , un Sourd par des signes ; mais
dans les Arts et dans les Sciences , je ne
voudrois pas qu'en faitd'Arts méchaniques
mêmes, on apprît rien aux enfans, parune
Méthode qui, sous prétexte de perfectionner l'humanité, commence par la dégrader.
La Musique n'est pas le seul Art , la
seule science où l'on donne trop à l'exercice et à la routine, aux dépens de l'intelligence et de la raison. Jusques à quand
traitera-t'on les enfans en machines , et
les hommes en enfans ? Jusques à quand
regardera- t'on la memoire comme la clef
des Sciences les plus abstraites et les plus
raisonnables ?
La memoire n'est la clefque de la scienA v ce
844 MERCURE DE FRANCE
ce des Perroquets ; bien définie elle même , elle n'est la science que des mots.
Encore même Horace m'apprend que l'invention , au moins celle des mots, est toute
du ressort du jugement. Verbaque provisam rem non invita sequentur. Parler de
mémoire , c'est reciter une leçon d'Ecolier. Parler après avoir pensé , c'est parler
en homme , c'est parler.
Je vais à mon but. La Musique n'est
difficile que parce qu'on l'apprend par
routine , par exercice , par habitude , par
memoire. Qu'on tourne un peu la chose
en théorie , en science , en principe , elle
va devenir tout ce qu'il y a au monde de
plus facile.
Je dis la pratique en va devenir facile.
Lorsque l'esprit est bien élairé , et qu'il
voitdistinctement de quoi il s'agit, la nature se développe , les facultez se manifestent , les talens se déploïent , la langue se délie , l'oreille devient sensible ,
les yeux clairvoyans, un air d'intelligence
se répand jusques dans les mains , dans
les doigts , dans les organes les plus méchaniques , les plus exterieurs.
Nous naissons avec un goût , une disposition , une semence de Musique qui
ne demande qu'à se developper. C'est ce
développement de la Nature qui devroit
être
M A Y. 1732. 845
être le but unique d'un Maître qui entreprend de la perfectionner. On ne perfectionne la Nature qu'en travaillant sur
le Plan même qu'elle a d'abord ébauché.
Nous autres François , sur tout , nous
entendons chanter, et bien tôt nous chantons aussi. Nous croyons donc qu'il n'y
a qu'à chanter , et que c'est- là la premiere
esquisse de la Nature. Mais ce chant pourroit bien n'être qu'une affaire d'habitude
et l'effet d'une seconde Nature.
Ceux qui sont un peu Philosophes , sçavent bien que le premier coup d'œil des
choses , est toujours imposteur ; que les
Phénomenes sensibles ont toujours des
raisons secrettes , des principes profonds ,
et qu'en un mot tout ce qui se présente
le premier dans l'ordre et dans la succession des effets , est le plus souvent le dernier dans l'ordre des generations et des
'causes.
Or ce n'est pas moi , c'est Zarlin , homme consommé dans la pratique et dans
la théorie de la Musique , qui cite Platon , pour nous dire que la mélodie , le
chant procede de l'harmonie. Et M. Rameau, qui ne le cede en rien à Zarlin,
et qui par un nombre de belles Décou-
-vertes nous a mis en état d'aller plus loin,
nous cite cet Auteur Italien pour nous
A vj repeter
846 MERCURE DE FRANCE
repeter que l'harmonie est le principe de
la mélodie. Il fait plus , il en donne des
preuves et dit tout ce qu'il faut pour l'établir solidement.
Ces grands Maîtres en parlent par rapport au grand de la Musique , à la composition , à l'accompagnement. Mais en
vain nous appellent-ils dans ce Sanctuaire,
si d'autres nous amusent au Vestibule , à
la porte, et nous ôtent l'envie , le gout, et
le temps de penetrer jusques dans cet interieur.
Ce sont ces grands Maîtres dont je
parlois à l'entrée de ce Discours , et que
je ne dédaignerai pas de seconder à perfectionner leur Art, du moins en m'efforçant d'en agrandir , d'en applanir les
avenues ; et c'est d'eux- mêmes que j'emprunterai les secours, les facilitez qui pourront m'aider , qui pourront aider au Public à allerjusqu'à eux.Un bon principe s'é- tend à tout , et celui de Platon atteint du
plus grand au plus petit, et depuis la com➡
position de l'harmonie jusqu'à la plus sim- ple execution machinale du Chant et de
la Gamme , qui est l'alphabet de la Musique.
Quoi ! dira t'on , faudra-t'il donc apprendre l'harmonie pour posseder la méIndie , et devenir Compositeur de plu- Sienn
MAY. 1732 847
sieurs Chants avant que de penser en
articuler un seul ? Quand je le dirois , je ne
croirois désesperer personne , puisque je
suis bien persuadé qu'on auroit encore
beaucoup meilleur marché de la routine
du Chant, qu'on ne prendroit ainsi qu'à
la suite d'une harmonie prise dans toute
son étendue et dans toute sa perfection.
Mais il n'en faut pas tant , et le principe seul de l'harmonie bien developpé ,
doit suffire pour cette routine de Chant
et de Mélodie ; il doit suffire et il suffit ,
bien entendu que rien ne suffit à sa place,
et que rien ne peut et ne doit le remplacer. Venons au fait.
Dans la Méthode ordinaire on chante
ou on croit chanter diatoniquement , de
proche en proche , par degrez conjoints ,
c'est- à-dire , comme on l'entend de Utà
Ré, de Ré à Mi, et tout de suite à Fa, Sol,
La, Si, Ut, Et moi, je dis que ce Systême
est faux , que cette Méthode n'a rien de
naturel , que ce chemin est scabreux , penible et long à l'infini , et que dès le
premier pas un Ecolier qu'on mene par
là , est un Ecolier manqué.
Personne ne doute , je crois , de la lon
gueur de ce chemin et de cette Méthode
Diatonique , puisque c'est l'experience de
tous les jours. Or cela seul fait assez voir
L
848 MERCURE DE FRANCE
le peu de naturel , le faux même de cette
maniere d'apprendre la Musique , n'étant pas naturel que si peu de chose coûte
tant à acquerir.
监
Suivons un Maître qui montre la Musiqué , mais sur tout rendons - nous attentif à l'Ecolier qui apprend , ou plutôt ,
pour ne révolter personne , concevons
tout ceci sous l'idée de l'Art personifié qui
à entrepris de perfectionner la nature.
L'Art décide donc que de Ut à Ré il
n'y a qu'un degré , de Ut à Mi , deux ,
de Uta Sol, cinq , et de Ut à Ut , huit
et là dessus il entonne Ut , Ré , et il exige que la Nature le repete à sa suite.
La Nature s'en mocque , son premier
degré est de Vt à Ut , le second de Ut
à Sol , le troisième , de Sol à Ut , seconde
réplique du premier , delà elle passe à
Mi, enfin ce n'est pourtant que la neuviéme marche qu'elle saisit le Ré. Jugez
d'abord de la bonté d'une Méthode dans
laquelle au lieu de multiplier les marches pour adoucir la montée , on vous
oblige du premier pas , d'enjamber le
neuvième dégré.
Je ne dis rien sans preuve , ni même
sans démonstration ; car chacun a sa Gamme, chacun son Echelle , chacun son Alphabet. Celui de l'Art est , روUt, Ré , Mì¸Fa,
MAY. .1732. 849
Fa, Sol, La , Si , Ut. Celui de la Nature est Vt, Vt , Sol , Ut, Mi , Sol , Ut,
Ré, &c. Je ne dirai rien que tous les Musiciens ne sçachent avant moi et mieux
que moi.
C'est d'eux que j'ai appris que lorsqu'on
a une corde qui sonne Ut , si on la coupe
en deux parties égales , chaque moitié
sonnera encore Vt ; si on la divise en
trois , chaque tiers sonnera Sol ; en 4 Ut,
en 5 Mi, en 6 Sol , en 8 Ut , en 9. en- fin Ré.
30
C'est un Axiome reçû des Musiciens
autant que des Physiciens et des Géométres , que les sons sont aux sons , comme
les cordes sont aux cordes , et par consequent comme les nombres sont aux
nombres.
,
Non- seulement les sons , mais là difficulté de les articuler , de les entonner ,
doit suivre le progrès des nombres. Car
non-seulement une corde mais tout
agent , tout organe sonore doit se subdiviser en 2. en 3. &c. parties pour exprimer Ut, Ut , Sol , Ut, &c. et en 9.
pour Ré.
Or il est plus naturel et plus facile ,
sans doute , de diviser en 2 qu'en 3 , en 3
qu'en 4, &c. Car pour la division en 2 , il
n'y a qu'un point à diviser; pour 3 ,
il en
faut
850 MERCURE DE FRANCE
faut 2 ; pour 4 , il en faut 3 ; et pour 9 ,
il en faut 8.
Qu'on ne dise pas que les nombres sont
quelque chose d'abstrait , qui n'influë
point dans la pratique , dans le physique
de la chose. Car je répons que tout ce
monde physique est fait avec nombre,poids
et mesure. Orla mesure et le poids sont
quelque chose de réel ; le nombre l'est
donc aussi.
Ignore- t- on d'ailleurs que le nombre
convient spécialement à l'harmonie , et
décide de tout ce qu'elle a de réel ? Enfin
la division des corps sonores, celle de l'air
même et de l'oreille , par des vibrations
ou des ondulations dont le nombre ne
peut - être que déterminé , est une chose
réelle et physique, qui ne permet pas qu'on
traite ici les nombres, ni les raisonnemens
qu'on en tire , de choses abstraites , ni de
spéculations purement géométriques ou
métaphysiques.
La Trompette n'est pas un être de rai→
son. Or lorsque dans une Trompette on
on a sonné l'Ut au plus bas, et qu'on veut
monter par dégrez , le premier dégré d'élevation donne l'octave prétenduë Vr; le
second dégré donne la quinte ou plutôt la
douzième Sol , et tout de suite , Ut , Ut ,
Sol, Ut, Mi, &c. n'arrivant et ne pouvant
MAY. 1732. 851
vant arriver au prétendu Diatonique Ré ,
qu'au neuviéme son.
Les premiers observateurs de ce Phénoméne , Mersenne , Kischer , Dechales, &c.
appelloient cela les Sautsde la Trompette,
prévenus que Ut , Ré, étoit l'échelle vraiment Diatonique. Elle l'est dans l'ordre
des effets , des Phénoménes, des apparencess
mais c'est le progrès Ut , Ut , Sol , &c.
qui l'est dans l'ordre des causes , des réa- litez de la nature.
Défions- nous , si l'on veut , de tout ce
qui est artificiel; la Trompette est un ouvrage de l'art , quoiqu'un des premiers ;
et par- là des moins suspects d'artifice et d'altération. Ne sortons pas du sujet que
nous avions d'abord proposé.
L'art , c'est-à-dire , le maître entonne
Ut, Ré; la nature , c'est-à-dire, l'enfant
le commençant, repete Ut, Ré; c'est-à- dire,
en répete les mots , car il sçait articuler
mais il n'en répete pas les sons, parce qu'il
ne sçait pas chanter , au moins sur le ton
de l'art , car il le sçait selon celui de
la nature, et en répetant Ut , Ré , il entonne Ut , Ut.
C'est un fait que la plupart des commençans , sur tout ceux que les Maîtres
disent qui ont l'oreille dure et la voix
fausse , et qui selon moi , n'ont souvent
que
852 MERCURE DE FRANCE
que trop de sensibilité et de justesse d'organes , commencent toujours par monter
à l'octave , comme la Trompette, vont de
là à la quinte , à la quarte , à la tierce, &c.
et n'arrivent au Diatonique Ut , Ré , qu'à➡
près tous ces intervalles consécutifs , et
encore même par grande déférence pour
un Maître qui l'exige du ton le plus impérieux.
Qu'un Ecolier est à plaindre , lorsque
l'art qui le dirige n'est pas sur le ton de
la nature l'art dit Ut, Ré 3 et la nature
Ut, Vt; quelle dissonance , quelle syncope , quelle convulsion pour une oreille tendre et délicate qui souffriroit à peine
dans un progrès d'harmonie une dissonance pareille , qui seroit préparée et
sauvée dans toutes les regles , et à qui
pour premier prélude , la Musique s'annonce par tout ce qu'elle a de plus dur ,
et cela fiérement et sans aucune sorte de
préparation.
Encore si cette dureté étoit sauvée,mais
l'art est impliable , et il exige son Ut,
Ré , jusqu'au dernier instant. La nature
peut se plier à force de crier Ut , Ré ; de
dire qu'on monte trop haut , de se fâcher,
de gronder, d'arracher des soupirs et des
pleurs; un pauvre enfant qui ne sçait pas
trop à qui s'en rapporter,se hazarde à monter
MA Y. 1732. 85$
ter encore plus haut , et après avoir longtems rédit , Ut , Ut , il se rapproche et
attrape Ut , Sol; mais il ne tient rien , il
revient à Ut, à Sol; mais le temps, etl'art
l'invitant toujours à descendre , il grimpe
à Mi, se balance à Sol , à Ut , à Mi , et
un beau jour , il va s'acrocher à Ré , qui
lui échape aussi- tôt , et auquel de 2 , de
3 , de 4ans , peut- être il ne pourra se fi
xer imperturbablement.
Car enfin c'est le vieux proverbe , que
de quelque fourche qu'on se serve pour
chasser la nature , elle revient toujours ,
et toujours sans fin et sans cesse , sans tréve ni quartier. Elle est toujours montée à
dire ut , après ut , comme la Trompete ;
sol après le second ut ; et à moins qu'on ne
lui alt appris en apprenant d'elle-même à
ré , sur le ton où elle est montée
pour le dire ; l'art à beau crier , il ne peut
qu'effleurer les oreilles , ou tout au plus
les déchirer , et en exiger un service forcé
qu'aucune longueur de temps ne rendra
dire ut,
naturel.
La nature est un Maître intérieur ; elle
parle tout bas, si l'on veut, mais elle est en
possession , et un enfant connoit sa voix ,
bien mieux encore que celle de sa nourde sa mere même. Les Musiciens
eux-mêmes conviennent qu'en entendant
rice ou
cer
854 MERCURE DE FRANCE
1
certains sons , l'oreille en sousentend tou
jours d'autres. Or je crois avoir prouvé ,
sans réplique , dans les Memoires de Trevoux , année 1722. Octobre , pag 1732. en
-dévelopant le systême de M. Rameau,que
cette sousentente étoit une entente réelle des
sons harmoniques ut , ut , sol , &c. dans l'ordre des nombres naturels 1 , 2 , 3 , 4.
&c.
Enfin , car il faut garder quelque chose
pour le lendemain , j'aboutis icy à conclure que pour déveloper la nature , ce qui
doit être l'unique but de tous les arts , il
faut la suivre au but qu'elle - même nous
indique icy d'une maniere qui n'a rien
d'équivoque.
Gardons la Méthode Diatonique pour
les Perroquets et pour les Serins, lesquels
pourroient peut être encore être mieux siflez, car la nature n'a qu'un systême. Mais
pour les hommes et même pour les enfans , il n'est pas question d'une aveugle
routine qui prend trop de temps , et plus
que si peu de chose n'en mérite , et qui
même n'apprend rien comme il faut.
La nature a fait icy tous les frais de ce
qu'il y a de méchanique dans la chose, les
cordes sont tendues dans l'oreille , les
tuyaux diapasones dans le gosier , la Tablature, les touches, tout l'instrument est
à
MAY. 17327 855
à son point, La nature n'a laissé à l'art ,
c'est-à- dire , à l'esprit , que la partie de
l'esprit , c'est-à- dire , l'intelligence des
sons , le rapport des tons , l'explication ,
en un mot, du systême general ut , ut ,
sol , ut , mi , sol , ut , re , mi , sol , si , ut ,
&c. qui contient tous les systêmes, diatonique , chromatique , &c. en commençant régulierement par l'harmonique qui
est la source féconde de tous les autres.
Voilà la méthode qui consiste à commencer par l'harmonique , qui est le fondement de tout, et qu'on doit bien posseder de la voix , de l'oreille , et sur tout de
l'esprit , avant que de passer au diatonique , lequel ne doit même venir que dépendamment et par voye de génération à
la suite de l'harmonique : le chromatique
venant aussi à son tour , suivi de l'enharmonique , et de tout ce que la Musique
a de plus profond.
Car pour le dire encore , une pareille
méthode mene tout de suite à la compo
sition et à
l'accompagnement , et y mene
avec une rapidité extrême; rien n'étant
plus rapide que les progrès d'une bonne
nature qu'on a laissée , comme dormir
dans une lenteur apparente , qu'elle semble affecter aux premiers , instans de sa
naissance ou de son développement.
Pour
856 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la maniere d'exécuter ce Plan general, on va la voir dans un
petit ouvrage , où je la donne par leçons
consécutives à la portée des Maîtres et
des Ecoliers.
enpeu de temps. Par L. P. C. J.
Otre siecle est fécond en nouvelles
NMéthodes pour toutes choses . Rien
n'est mieux. Tôt ou tard on trouvera les
vrayes, avec cegout d'en essayer de toutes.
La Musique est donc aussi l'objet de plusieurs Méthodes nouvelles. Elle en vaut la
peine; et les Musiciens méritent bien qu'on
entre dans leur esprit et dans leurs vûës ,
et qu'on les seconde à faire mieux de jour
en jour.
La Musique n'a qu'un deffaut. Elle est
trop difficile à apprendre. Je ne parle
que du Chant : c'est peu de chose ; mais
ce peu de chose est absolument necessaire
pour aller plus loin, pour se former le goût,
pour se rendre l'oreille intelligente , pour
sentir l'harmonie , pour accompagner
pour composer.
Peu de gens vont jusques- là ; mais tout
A iiij le
842 MERCURE DE FRANCE
le monde voudroit y aller ; ceux au moins
qui apprennent la Musique. A quoi tientil donc qu'ils n'y arrivent ? Il tient à ce
peu de chose dont je parlois tout à l'heure,
lequel , tout peu qu'il est , vous arrête assez pour vous ôter le temps , le goût , ou le courage de passer au-delà.
Lire la Musique à livre ouvert , la lire
à mesure qu'on lit des paroles qui y répondent , c'est ce que j'appelle en verité
pru et très-peu de chose. C'est pourtant
l'affaire de cinq , de six , de dix , de dou.
P
ze , de quinze bonnes années pour les
trois quarts de ceux qui l'entreprennent.
Combien même y en a-t'il qui arrivent
à ce point ? il n'y a , dit- on , que les Enfans de Choeur , c'est-à-dire ceux qui
ayant commencé à l'âge de quatre ou
cinq ans , n'ont fait que cela jusqu'à 12.
15. 20. ans.
J'ai essayé de bien des sciences , et de
celles qui passent pour les plus difficiles ,
Géometrie , Algebre , Analyse , Physique,
&c. Mais je puis dire qu'il n'y a pas de
proportion entre le temps et le travail
qu'il faut pour apprendre ces sciences
fondes , je dis pour les apprendre même
toutes assez à fond , et le long temps et
le travail pénible et assidu qu'il faut pour
se rendre médiocrement possesseur d'upro-
MAY. 1732. 843
ne chose aussi médiocre que l'est la routine de la Musique et du simple Chint.
C'est , dit-on , cette routine qui fait
toute la difficulté ; je le sçais et c'est même
ce que je veux dire. On appelle la Rou
tine , l'habitude , une seconde Nature. Et
c'est par là qu'on l'estime. Mais c'est par
·là que j'en démontre le vice essentiel.
Il n'y a qu'une vraye et bonne nature ;
et je ne connois de seconde nature qu'une
contre- nature , ou une nature estropiće ,
entravée , étouffée, anéantie ; qu'on dresse
un Chien , un Cheval, qu'on siffle une Linoteou un Serin; qu'on mene un Aveugle
par la main , un Sourd par des signes ; mais
dans les Arts et dans les Sciences , je ne
voudrois pas qu'en faitd'Arts méchaniques
mêmes, on apprît rien aux enfans, parune
Méthode qui, sous prétexte de perfectionner l'humanité, commence par la dégrader.
La Musique n'est pas le seul Art , la
seule science où l'on donne trop à l'exercice et à la routine, aux dépens de l'intelligence et de la raison. Jusques à quand
traitera-t'on les enfans en machines , et
les hommes en enfans ? Jusques à quand
regardera- t'on la memoire comme la clef
des Sciences les plus abstraites et les plus
raisonnables ?
La memoire n'est la clefque de la scienA v ce
844 MERCURE DE FRANCE
ce des Perroquets ; bien définie elle même , elle n'est la science que des mots.
Encore même Horace m'apprend que l'invention , au moins celle des mots, est toute
du ressort du jugement. Verbaque provisam rem non invita sequentur. Parler de
mémoire , c'est reciter une leçon d'Ecolier. Parler après avoir pensé , c'est parler
en homme , c'est parler.
Je vais à mon but. La Musique n'est
difficile que parce qu'on l'apprend par
routine , par exercice , par habitude , par
memoire. Qu'on tourne un peu la chose
en théorie , en science , en principe , elle
va devenir tout ce qu'il y a au monde de
plus facile.
Je dis la pratique en va devenir facile.
Lorsque l'esprit est bien élairé , et qu'il
voitdistinctement de quoi il s'agit, la nature se développe , les facultez se manifestent , les talens se déploïent , la langue se délie , l'oreille devient sensible ,
les yeux clairvoyans, un air d'intelligence
se répand jusques dans les mains , dans
les doigts , dans les organes les plus méchaniques , les plus exterieurs.
Nous naissons avec un goût , une disposition , une semence de Musique qui
ne demande qu'à se developper. C'est ce
développement de la Nature qui devroit
être
M A Y. 1732. 845
être le but unique d'un Maître qui entreprend de la perfectionner. On ne perfectionne la Nature qu'en travaillant sur
le Plan même qu'elle a d'abord ébauché.
Nous autres François , sur tout , nous
entendons chanter, et bien tôt nous chantons aussi. Nous croyons donc qu'il n'y
a qu'à chanter , et que c'est- là la premiere
esquisse de la Nature. Mais ce chant pourroit bien n'être qu'une affaire d'habitude
et l'effet d'une seconde Nature.
Ceux qui sont un peu Philosophes , sçavent bien que le premier coup d'œil des
choses , est toujours imposteur ; que les
Phénomenes sensibles ont toujours des
raisons secrettes , des principes profonds ,
et qu'en un mot tout ce qui se présente
le premier dans l'ordre et dans la succession des effets , est le plus souvent le dernier dans l'ordre des generations et des
'causes.
Or ce n'est pas moi , c'est Zarlin , homme consommé dans la pratique et dans
la théorie de la Musique , qui cite Platon , pour nous dire que la mélodie , le
chant procede de l'harmonie. Et M. Rameau, qui ne le cede en rien à Zarlin,
et qui par un nombre de belles Décou-
-vertes nous a mis en état d'aller plus loin,
nous cite cet Auteur Italien pour nous
A vj repeter
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repeter que l'harmonie est le principe de
la mélodie. Il fait plus , il en donne des
preuves et dit tout ce qu'il faut pour l'établir solidement.
Ces grands Maîtres en parlent par rapport au grand de la Musique , à la composition , à l'accompagnement. Mais en
vain nous appellent-ils dans ce Sanctuaire,
si d'autres nous amusent au Vestibule , à
la porte, et nous ôtent l'envie , le gout, et
le temps de penetrer jusques dans cet interieur.
Ce sont ces grands Maîtres dont je
parlois à l'entrée de ce Discours , et que
je ne dédaignerai pas de seconder à perfectionner leur Art, du moins en m'efforçant d'en agrandir , d'en applanir les
avenues ; et c'est d'eux- mêmes que j'emprunterai les secours, les facilitez qui pourront m'aider , qui pourront aider au Public à allerjusqu'à eux.Un bon principe s'é- tend à tout , et celui de Platon atteint du
plus grand au plus petit, et depuis la com➡
position de l'harmonie jusqu'à la plus sim- ple execution machinale du Chant et de
la Gamme , qui est l'alphabet de la Musique.
Quoi ! dira t'on , faudra-t'il donc apprendre l'harmonie pour posseder la méIndie , et devenir Compositeur de plu- Sienn
MAY. 1732 847
sieurs Chants avant que de penser en
articuler un seul ? Quand je le dirois , je ne
croirois désesperer personne , puisque je
suis bien persuadé qu'on auroit encore
beaucoup meilleur marché de la routine
du Chant, qu'on ne prendroit ainsi qu'à
la suite d'une harmonie prise dans toute
son étendue et dans toute sa perfection.
Mais il n'en faut pas tant , et le principe seul de l'harmonie bien developpé ,
doit suffire pour cette routine de Chant
et de Mélodie ; il doit suffire et il suffit ,
bien entendu que rien ne suffit à sa place,
et que rien ne peut et ne doit le remplacer. Venons au fait.
Dans la Méthode ordinaire on chante
ou on croit chanter diatoniquement , de
proche en proche , par degrez conjoints ,
c'est- à-dire , comme on l'entend de Utà
Ré, de Ré à Mi, et tout de suite à Fa, Sol,
La, Si, Ut, Et moi, je dis que ce Systême
est faux , que cette Méthode n'a rien de
naturel , que ce chemin est scabreux , penible et long à l'infini , et que dès le
premier pas un Ecolier qu'on mene par
là , est un Ecolier manqué.
Personne ne doute , je crois , de la lon
gueur de ce chemin et de cette Méthode
Diatonique , puisque c'est l'experience de
tous les jours. Or cela seul fait assez voir
L
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le peu de naturel , le faux même de cette
maniere d'apprendre la Musique , n'étant pas naturel que si peu de chose coûte
tant à acquerir.
监
Suivons un Maître qui montre la Musiqué , mais sur tout rendons - nous attentif à l'Ecolier qui apprend , ou plutôt ,
pour ne révolter personne , concevons
tout ceci sous l'idée de l'Art personifié qui
à entrepris de perfectionner la nature.
L'Art décide donc que de Ut à Ré il
n'y a qu'un degré , de Ut à Mi , deux ,
de Uta Sol, cinq , et de Ut à Ut , huit
et là dessus il entonne Ut , Ré , et il exige que la Nature le repete à sa suite.
La Nature s'en mocque , son premier
degré est de Vt à Ut , le second de Ut
à Sol , le troisième , de Sol à Ut , seconde
réplique du premier , delà elle passe à
Mi, enfin ce n'est pourtant que la neuviéme marche qu'elle saisit le Ré. Jugez
d'abord de la bonté d'une Méthode dans
laquelle au lieu de multiplier les marches pour adoucir la montée , on vous
oblige du premier pas , d'enjamber le
neuvième dégré.
Je ne dis rien sans preuve , ni même
sans démonstration ; car chacun a sa Gamme, chacun son Echelle , chacun son Alphabet. Celui de l'Art est , روUt, Ré , Mì¸Fa,
MAY. .1732. 849
Fa, Sol, La , Si , Ut. Celui de la Nature est Vt, Vt , Sol , Ut, Mi , Sol , Ut,
Ré, &c. Je ne dirai rien que tous les Musiciens ne sçachent avant moi et mieux
que moi.
C'est d'eux que j'ai appris que lorsqu'on
a une corde qui sonne Ut , si on la coupe
en deux parties égales , chaque moitié
sonnera encore Vt ; si on la divise en
trois , chaque tiers sonnera Sol ; en 4 Ut,
en 5 Mi, en 6 Sol , en 8 Ut , en 9. en- fin Ré.
30
C'est un Axiome reçû des Musiciens
autant que des Physiciens et des Géométres , que les sons sont aux sons , comme
les cordes sont aux cordes , et par consequent comme les nombres sont aux
nombres.
,
Non- seulement les sons , mais là difficulté de les articuler , de les entonner ,
doit suivre le progrès des nombres. Car
non-seulement une corde mais tout
agent , tout organe sonore doit se subdiviser en 2. en 3. &c. parties pour exprimer Ut, Ut , Sol , Ut, &c. et en 9.
pour Ré.
Or il est plus naturel et plus facile ,
sans doute , de diviser en 2 qu'en 3 , en 3
qu'en 4, &c. Car pour la division en 2 , il
n'y a qu'un point à diviser; pour 3 ,
il en
faut
850 MERCURE DE FRANCE
faut 2 ; pour 4 , il en faut 3 ; et pour 9 ,
il en faut 8.
Qu'on ne dise pas que les nombres sont
quelque chose d'abstrait , qui n'influë
point dans la pratique , dans le physique
de la chose. Car je répons que tout ce
monde physique est fait avec nombre,poids
et mesure. Orla mesure et le poids sont
quelque chose de réel ; le nombre l'est
donc aussi.
Ignore- t- on d'ailleurs que le nombre
convient spécialement à l'harmonie , et
décide de tout ce qu'elle a de réel ? Enfin
la division des corps sonores, celle de l'air
même et de l'oreille , par des vibrations
ou des ondulations dont le nombre ne
peut - être que déterminé , est une chose
réelle et physique, qui ne permet pas qu'on
traite ici les nombres, ni les raisonnemens
qu'on en tire , de choses abstraites , ni de
spéculations purement géométriques ou
métaphysiques.
La Trompette n'est pas un être de rai→
son. Or lorsque dans une Trompette on
on a sonné l'Ut au plus bas, et qu'on veut
monter par dégrez , le premier dégré d'élevation donne l'octave prétenduë Vr; le
second dégré donne la quinte ou plutôt la
douzième Sol , et tout de suite , Ut , Ut ,
Sol, Ut, Mi, &c. n'arrivant et ne pouvant
MAY. 1732. 851
vant arriver au prétendu Diatonique Ré ,
qu'au neuviéme son.
Les premiers observateurs de ce Phénoméne , Mersenne , Kischer , Dechales, &c.
appelloient cela les Sautsde la Trompette,
prévenus que Ut , Ré, étoit l'échelle vraiment Diatonique. Elle l'est dans l'ordre
des effets , des Phénoménes, des apparencess
mais c'est le progrès Ut , Ut , Sol , &c.
qui l'est dans l'ordre des causes , des réa- litez de la nature.
Défions- nous , si l'on veut , de tout ce
qui est artificiel; la Trompette est un ouvrage de l'art , quoiqu'un des premiers ;
et par- là des moins suspects d'artifice et d'altération. Ne sortons pas du sujet que
nous avions d'abord proposé.
L'art , c'est-à-dire , le maître entonne
Ut, Ré; la nature , c'est-à-dire, l'enfant
le commençant, repete Ut, Ré; c'est-à- dire,
en répete les mots , car il sçait articuler
mais il n'en répete pas les sons, parce qu'il
ne sçait pas chanter , au moins sur le ton
de l'art , car il le sçait selon celui de
la nature, et en répetant Ut , Ré , il entonne Ut , Ut.
C'est un fait que la plupart des commençans , sur tout ceux que les Maîtres
disent qui ont l'oreille dure et la voix
fausse , et qui selon moi , n'ont souvent
que
852 MERCURE DE FRANCE
que trop de sensibilité et de justesse d'organes , commencent toujours par monter
à l'octave , comme la Trompette, vont de
là à la quinte , à la quarte , à la tierce, &c.
et n'arrivent au Diatonique Ut , Ré , qu'à➡
près tous ces intervalles consécutifs , et
encore même par grande déférence pour
un Maître qui l'exige du ton le plus impérieux.
Qu'un Ecolier est à plaindre , lorsque
l'art qui le dirige n'est pas sur le ton de
la nature l'art dit Ut, Ré 3 et la nature
Ut, Vt; quelle dissonance , quelle syncope , quelle convulsion pour une oreille tendre et délicate qui souffriroit à peine
dans un progrès d'harmonie une dissonance pareille , qui seroit préparée et
sauvée dans toutes les regles , et à qui
pour premier prélude , la Musique s'annonce par tout ce qu'elle a de plus dur ,
et cela fiérement et sans aucune sorte de
préparation.
Encore si cette dureté étoit sauvée,mais
l'art est impliable , et il exige son Ut,
Ré , jusqu'au dernier instant. La nature
peut se plier à force de crier Ut , Ré ; de
dire qu'on monte trop haut , de se fâcher,
de gronder, d'arracher des soupirs et des
pleurs; un pauvre enfant qui ne sçait pas
trop à qui s'en rapporter,se hazarde à monter
MA Y. 1732. 85$
ter encore plus haut , et après avoir longtems rédit , Ut , Ut , il se rapproche et
attrape Ut , Sol; mais il ne tient rien , il
revient à Ut, à Sol; mais le temps, etl'art
l'invitant toujours à descendre , il grimpe
à Mi, se balance à Sol , à Ut , à Mi , et
un beau jour , il va s'acrocher à Ré , qui
lui échape aussi- tôt , et auquel de 2 , de
3 , de 4ans , peut- être il ne pourra se fi
xer imperturbablement.
Car enfin c'est le vieux proverbe , que
de quelque fourche qu'on se serve pour
chasser la nature , elle revient toujours ,
et toujours sans fin et sans cesse , sans tréve ni quartier. Elle est toujours montée à
dire ut , après ut , comme la Trompete ;
sol après le second ut ; et à moins qu'on ne
lui alt appris en apprenant d'elle-même à
ré , sur le ton où elle est montée
pour le dire ; l'art à beau crier , il ne peut
qu'effleurer les oreilles , ou tout au plus
les déchirer , et en exiger un service forcé
qu'aucune longueur de temps ne rendra
dire ut,
naturel.
La nature est un Maître intérieur ; elle
parle tout bas, si l'on veut, mais elle est en
possession , et un enfant connoit sa voix ,
bien mieux encore que celle de sa nourde sa mere même. Les Musiciens
eux-mêmes conviennent qu'en entendant
rice ou
cer
854 MERCURE DE FRANCE
1
certains sons , l'oreille en sousentend tou
jours d'autres. Or je crois avoir prouvé ,
sans réplique , dans les Memoires de Trevoux , année 1722. Octobre , pag 1732. en
-dévelopant le systême de M. Rameau,que
cette sousentente étoit une entente réelle des
sons harmoniques ut , ut , sol , &c. dans l'ordre des nombres naturels 1 , 2 , 3 , 4.
&c.
Enfin , car il faut garder quelque chose
pour le lendemain , j'aboutis icy à conclure que pour déveloper la nature , ce qui
doit être l'unique but de tous les arts , il
faut la suivre au but qu'elle - même nous
indique icy d'une maniere qui n'a rien
d'équivoque.
Gardons la Méthode Diatonique pour
les Perroquets et pour les Serins, lesquels
pourroient peut être encore être mieux siflez, car la nature n'a qu'un systême. Mais
pour les hommes et même pour les enfans , il n'est pas question d'une aveugle
routine qui prend trop de temps , et plus
que si peu de chose n'en mérite , et qui
même n'apprend rien comme il faut.
La nature a fait icy tous les frais de ce
qu'il y a de méchanique dans la chose, les
cordes sont tendues dans l'oreille , les
tuyaux diapasones dans le gosier , la Tablature, les touches, tout l'instrument est
à
MAY. 17327 855
à son point, La nature n'a laissé à l'art ,
c'est-à- dire , à l'esprit , que la partie de
l'esprit , c'est-à- dire , l'intelligence des
sons , le rapport des tons , l'explication ,
en un mot, du systême general ut , ut ,
sol , ut , mi , sol , ut , re , mi , sol , si , ut ,
&c. qui contient tous les systêmes, diatonique , chromatique , &c. en commençant régulierement par l'harmonique qui
est la source féconde de tous les autres.
Voilà la méthode qui consiste à commencer par l'harmonique , qui est le fondement de tout, et qu'on doit bien posseder de la voix , de l'oreille , et sur tout de
l'esprit , avant que de passer au diatonique , lequel ne doit même venir que dépendamment et par voye de génération à
la suite de l'harmonique : le chromatique
venant aussi à son tour , suivi de l'enharmonique , et de tout ce que la Musique
a de plus profond.
Car pour le dire encore , une pareille
méthode mene tout de suite à la compo
sition et à
l'accompagnement , et y mene
avec une rapidité extrême; rien n'étant
plus rapide que les progrès d'une bonne
nature qu'on a laissée , comme dormir
dans une lenteur apparente , qu'elle semble affecter aux premiers , instans de sa
naissance ou de son développement.
Pour
856 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la maniere d'exécuter ce Plan general, on va la voir dans un
petit ouvrage , où je la donne par leçons
consécutives à la portée des Maîtres et
des Ecoliers.
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Résumé : METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
Le texte 'METHODE pour apprendre la Musique' aborde les défis liés à l'apprentissage de la musique, en particulier du chant. L'auteur observe que la musique est souvent considérée comme trop difficile à maîtriser, en raison de la routine et des exercices excessifs qui étouffent l'intelligence et la raison. Il critique les méthodes traditionnelles qui privilégient la mémoire et l'habitude au détriment de la compréhension théorique. L'auteur propose d'enseigner la musique comme une science et une théorie, plutôt que par la simple répétition. Il soutient que la nature humaine possède une disposition innée pour la musique, qui ne demande qu'à se développer. Il cite des maîtres tels que Zarlino et Rameau pour appuyer l'idée que la mélodie et le chant découlent de l'harmonie. Le texte critique la méthode diatonique courante, qui consiste à chanter de proche en proche par degrés conjoints (Ut à Ré, Ré à Mi, etc.), la jugeant peu naturelle et pénible. L'auteur suggère une approche basée sur les divisions naturelles des sons, en utilisant les nombres et les proportions pour faciliter l'apprentissage. Par ailleurs, le texte traite des difficultés rencontrées par un écolier lorsqu'il apprend la musique selon une méthode qui ne respecte pas les lois naturelles de l'harmonie. L'auteur critique l'enseignement traditionnel qui impose des notes (Ut, Ré) qui ne correspondent pas à la nature (Ut, Vt), causant ainsi des dissonances et des souffrances pour l'élève. La nature, décrite comme un maître intérieur, guide l'enfant de manière plus naturelle et harmonieuse. Les musiciens reconnaissent que l'oreille perçoit des sons harmoniques de manière intuitive. L'auteur conclut en affirmant que comprendre les principes de l'harmonie peut rendre l'apprentissage du chant plus facile et plus naturel. Il propose une méthode basée sur l'harmonique, qui est la source de tous les autres systèmes musicaux (diatonique, chromatique, etc.). Cette méthode permet de progresser rapidement vers la composition et l'accompagnement, en respectant les lois naturelles de la musique. L'auteur prévoit de détailler cette méthode dans un ouvrage destiné aux maîtres et aux écoliers.
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8
s. p.
ODE. A LA POESIE.
Début :
C'est toi, divine Poësie, [...]
Mots clefs :
Poésie, Autels, Divin langage, Harmonie, Renommée
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texteReconnaissance textuelle : ODE. A LA POESIE.
OD E.
A LA POESIE.
'Est toi , divine Poësie ,
Qu'on entend seule dans les Cieur
De concert avec l'Ambroisie ,
Tu donnes l'être à tous les Dieux {
Apollon te tient lieu de Pere ;
Il commande qu'on te revere ,
Et qu'on t'éleve des Autels,
II. Vol. A ij Los
2734 MERCURE DE FRANCE
Les chastes filles de memoire ,
Ne cessent de chanter ta gloire ,
Et de l'inspirer aux Mortels,
Ils étoient avant te connoître ,
Errans dans le vaste Univers ;
Mais dès qu'ils te virent paroître ,
Charmez de tes accens divers ,
Ennemis de la solitude ,
Ils coururent en multitude ,
Jouir des fruits de ta beauté ;
Bien-tôt leurs rustiques aziles ,
Formerent de superbes Villes ,
Ou ton nom seul fut respecté.
諾
Quelle fut alors ta puissance
Tu regnois seule dans les cœurs ;
Sans effort et sans violence ,
Tout fléchissoit sous tes douceurs,
Maîtresse de toute la Terre ,
Tu sçus sans le Dieu de la guerre ,
Sur le Trône placer des Rois ;
Et des fiers Lions de la Thrace ,
Adoucir la féroce audace ,
Par les seuls charmes de ta voix.
II, Vol.
On
DECEMBRE. 1732. 2735.
On ne vit plus cet air sauvage ,
Regner parmi les Nations,
Chacun de ton divin langage .
Faisoit ses occupations.
Jusques à la Philosophie ,
Cette fille du Ciel chérie ,
Emprunta l'éclat de tes sons;
Afin d'être sûre de plaire ,
Et de paroître moins severe ,
En donnant ses sages leçons.
Dans peu sur la double Colline ,
On vit monter tes Favoris ,
Soutenus de l'ardeur divine ,
Dont tu remplissois leurs esprits.
Une Couronne toute prête ,
Les attendoit au haut du faîte ,
Pour prix de leurs rares efforts ;
Les Mortels qui s'en voyoient ceindre ,
N'avoient plus desormais à craindre ,
D'augmenter le nombre des Morts.
Par ton secours le tendre Orphée,
Jadis dans l'infernal séjour ,
Se sçut élever un Trophée ,
Dont se glorifia l'Amour.
11. Vol. A
Pluton iij
736 MERCURE DE FRANCE
Pluton , Némesis , les Furies ,
Suspendirent leurs barbaries ,
Et Cerbere ses hurlemens ;
Aux premiers accords de sa Lyre ,
Les plaisirs dans le sombre Empire ,
Prirent la place des tourmens.
Arion en Proye aux Corsaires ,
'Alloit voir terminer son sort :
Déja par leurs mains sanguinaires ,
Il voyoit préparer sa mort ,
Mais par la puissance infinie ,
De ton attrayante harmonie ,
Il désarma leur cruauté ;
Et força le Peuple de l'Onde ,
A quitter sa Grotte profonde ,
Pour lui rendre la liberté.
來
Thebes vit jadis ses murailles ,
Renaître à la voix d'Amphion.
Oui, c'est ainsi que tu travailles.
Fille pleine d'invention ;
Tului fis faire ce miracle ,
Sans qu'il trouvât aucun obstacle ,
Dans son projet audacieux.1
Quel n'est pas ton bonheur suprême ?
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732 2737
Le Dieu du Tonnerre lui-même ,
Tient de toi le Sceptre des Cieux !
Qu'un Héros gagne des batailles ,
Et renverse mille remparts ;
Que la mort et les funerailles ,
Suivent par tout ses Etendarts.
Quoiqu'en dise la Renommée ,
Cette gloire n'est que fumée ,
Le temps la met vite au tombeau ;
Son bras eût-il lancé la foudre ,
Réduit tout l'Univers en poudre ,
Cela n'est rien sans ton Pinceau ,
Le Dieu qui fit armer la Grece ,
Contre les malheureux Troyens ,
Le Dieu qui nous plaît , qui nous blesse ,
Le fait souvent par tes moyens.
De l'ame la plus indocile ,
Tu lui rends la route facile ,
Tu l'y fais regner en vainqueur.
Il en seroit bien moius à craindre ,
Si tu ne l'aidois à se plaindre ,
Quand on l'accable de rigueurs.
Je ne marche dans ta carriere ,
II. Vol. A iiij En-
2738 MERCURE DE FRANCE
Encore que d'un pas tremblant ;
Depeur
de heurter la barriere ,
Qui deffend d'aller en avant.
Heureux si dans cette peinture ,
Ebauche foible et sans parure ,
De ce que peuvent tes attraits ,
Je pouvois avoir l'avantage ,
.
Que l'on reconnut ton ouvrage ,
Ou du moins quelqu'un de tes traits.
M. de S. R.
A LA POESIE.
'Est toi , divine Poësie ,
Qu'on entend seule dans les Cieur
De concert avec l'Ambroisie ,
Tu donnes l'être à tous les Dieux {
Apollon te tient lieu de Pere ;
Il commande qu'on te revere ,
Et qu'on t'éleve des Autels,
II. Vol. A ij Los
2734 MERCURE DE FRANCE
Les chastes filles de memoire ,
Ne cessent de chanter ta gloire ,
Et de l'inspirer aux Mortels,
Ils étoient avant te connoître ,
Errans dans le vaste Univers ;
Mais dès qu'ils te virent paroître ,
Charmez de tes accens divers ,
Ennemis de la solitude ,
Ils coururent en multitude ,
Jouir des fruits de ta beauté ;
Bien-tôt leurs rustiques aziles ,
Formerent de superbes Villes ,
Ou ton nom seul fut respecté.
諾
Quelle fut alors ta puissance
Tu regnois seule dans les cœurs ;
Sans effort et sans violence ,
Tout fléchissoit sous tes douceurs,
Maîtresse de toute la Terre ,
Tu sçus sans le Dieu de la guerre ,
Sur le Trône placer des Rois ;
Et des fiers Lions de la Thrace ,
Adoucir la féroce audace ,
Par les seuls charmes de ta voix.
II, Vol.
On
DECEMBRE. 1732. 2735.
On ne vit plus cet air sauvage ,
Regner parmi les Nations,
Chacun de ton divin langage .
Faisoit ses occupations.
Jusques à la Philosophie ,
Cette fille du Ciel chérie ,
Emprunta l'éclat de tes sons;
Afin d'être sûre de plaire ,
Et de paroître moins severe ,
En donnant ses sages leçons.
Dans peu sur la double Colline ,
On vit monter tes Favoris ,
Soutenus de l'ardeur divine ,
Dont tu remplissois leurs esprits.
Une Couronne toute prête ,
Les attendoit au haut du faîte ,
Pour prix de leurs rares efforts ;
Les Mortels qui s'en voyoient ceindre ,
N'avoient plus desormais à craindre ,
D'augmenter le nombre des Morts.
Par ton secours le tendre Orphée,
Jadis dans l'infernal séjour ,
Se sçut élever un Trophée ,
Dont se glorifia l'Amour.
11. Vol. A
Pluton iij
736 MERCURE DE FRANCE
Pluton , Némesis , les Furies ,
Suspendirent leurs barbaries ,
Et Cerbere ses hurlemens ;
Aux premiers accords de sa Lyre ,
Les plaisirs dans le sombre Empire ,
Prirent la place des tourmens.
Arion en Proye aux Corsaires ,
'Alloit voir terminer son sort :
Déja par leurs mains sanguinaires ,
Il voyoit préparer sa mort ,
Mais par la puissance infinie ,
De ton attrayante harmonie ,
Il désarma leur cruauté ;
Et força le Peuple de l'Onde ,
A quitter sa Grotte profonde ,
Pour lui rendre la liberté.
來
Thebes vit jadis ses murailles ,
Renaître à la voix d'Amphion.
Oui, c'est ainsi que tu travailles.
Fille pleine d'invention ;
Tului fis faire ce miracle ,
Sans qu'il trouvât aucun obstacle ,
Dans son projet audacieux.1
Quel n'est pas ton bonheur suprême ?
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1732 2737
Le Dieu du Tonnerre lui-même ,
Tient de toi le Sceptre des Cieux !
Qu'un Héros gagne des batailles ,
Et renverse mille remparts ;
Que la mort et les funerailles ,
Suivent par tout ses Etendarts.
Quoiqu'en dise la Renommée ,
Cette gloire n'est que fumée ,
Le temps la met vite au tombeau ;
Son bras eût-il lancé la foudre ,
Réduit tout l'Univers en poudre ,
Cela n'est rien sans ton Pinceau ,
Le Dieu qui fit armer la Grece ,
Contre les malheureux Troyens ,
Le Dieu qui nous plaît , qui nous blesse ,
Le fait souvent par tes moyens.
De l'ame la plus indocile ,
Tu lui rends la route facile ,
Tu l'y fais regner en vainqueur.
Il en seroit bien moius à craindre ,
Si tu ne l'aidois à se plaindre ,
Quand on l'accable de rigueurs.
Je ne marche dans ta carriere ,
II. Vol. A iiij En-
2738 MERCURE DE FRANCE
Encore que d'un pas tremblant ;
Depeur
de heurter la barriere ,
Qui deffend d'aller en avant.
Heureux si dans cette peinture ,
Ebauche foible et sans parure ,
De ce que peuvent tes attraits ,
Je pouvois avoir l'avantage ,
.
Que l'on reconnut ton ouvrage ,
Ou du moins quelqu'un de tes traits.
M. de S. R.
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Résumé : ODE. A LA POESIE.
Le poème célèbre la poésie comme une force divine et puissante, honorée par les dieux, notamment Apollon, et chantée par les filles de la mémoire. Avant la poésie, les mortels erraient dans l'univers, mais après l'avoir découverte, ils se rassemblèrent pour en jouir, formant des villes où son nom était respecté. La poésie régna dans les cœurs, plaçant des rois sur le trône sans violence et adoucissant les lions féroces de la Thrace. Elle transforma les nations et influença la philosophie pour la rendre plus agréable. Les poètes, soutenus par l'ardeur divine, reçurent des couronnes pour leurs efforts. La poésie permit à Orphée de charmer les enfers et à Arion d'échapper à la mort grâce à sa musique. Thèbes vit ses murailles renaître à la voix d'Amphion. Même le dieu du tonnerre tient son sceptre des cieux grâce à la poésie, et les héros doivent leur gloire à l'art poétique. Le poète exprime son désir de suivre la voie de la poésie, espérant que son œuvre reflète ses attraits.
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9
p. 124-125
LOGOGRYPHE.
Début :
Née pour adoucir les chagrins de la vie, [...]
Mots clefs :
Harmonie
10
p. 144-158
LETTRE DU PERE CASTEL, A M. Rondet, Mathématicien, sur sa Réponse au P. L. J. au sujet du Clavecin des couleurs.
Début :
Vous vous honorez, Monsieur, en m'honorant. J'aime sur-tout la décence [...]
Mots clefs :
Clavecin, Clavecin des couleurs, Harmonie, Public, Plaisirs, Arts, Couleurs, Jeu, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE DU PERE CASTEL, A M. Rondet, Mathématicien, sur sa Réponse au P. L. J. au sujet du Clavecin des couleurs.
LETTRE
DU PERE CASTEL ,
A M. Rondet , Mathématicien , furfa Réponſe
au P. L. J. au fujet du Clavecin
des couleurs.
pour
Ous vous honorez , Monfieur , en
m'honorant. J'aime fur -tout la décence
: je vous fçais gré d'avoir preffenti l'embarras
où j'allois être d'entrer en lice avec un
adverfaire dans lequel je devois beaucoup
me refpecter moi- même. Je ne vous con-
Hoiffois pas malin. Vous aimez à prolonger
votte triomphe , & vous gardez le plus beau
le dernier. Pour toute apologie vous
pouviez dire comme Scipion accufe devant
le peuple : Meffieurs , allons au Capitole
remercier les Dieux de ce qu'à pareil jour
Numance ou Carthage ont été foudroyées.
Car duofulmina Belli , Scipiadas , dit Virgile
) . Meffieurs , pouviez - vous dire , remercions
Dieu de ce que le clavecin a joué
avec l'applaudiffement de 200 perfonnes
le premier de l'an 1755 , pour les étrennes
du public . Il avoit bien joué devant cinquante
perfonnes , qui battirent des mains
àquatre reprifes , le 21 de Décembre 1754,
le
JUILLET . 1755. 145
le jour de faint Thomas , Apôtre , qui en
eft le Patron. Chaque art , chaque métier
a le fien.
J'aime les arts , vous le fçavez mon
cher Monfieur , je les aime dans le vrai ,
en géometre , en homme même , & avec
une forte de paffion ; je les chéris en citoyen
, ne connoiffant d'autre reffource
momentanée aux befoins renaiffans de
l'humanité . Par le ſentiment , j'ofe dire ,
plus que par la fenfation : Humani à me
nil alienum puto. Je fuis vivement affecté
des befoins de mon prochain , & je ne
m'en connois d'autre bien preffant que
celui d'y pourvoir en commun , felon la
mefure de mes petits talens , dont toute la
fingularité , ce me femble , n'eft que d'être.
en commun & fort gratuitement au fervice
du public , felon le devoir de mon état &
l'efprit de ma vocation.
Plein de cet amour affez pur pour les
arts , je gémis donc de les voir tomber par
une ambition de ſtyle & de bel-efprit qui
ne remplace point la noble émulation ni
le vrai goût du travail , caractériſé par ce
beau vers de Virgile que j'inculque à tous
venans :
Difce puer virtutem ex me , verumque laborem ;
C'eſt ce verus labor qui n'eft point affez
G
146 MERCURE DE FRANCE .
connu. J'en gémirois bien davantage fi je
pouvois me croire auteur de cette décadence
des arts. Peut- être les montai -je trop
haut , les mets-je à trop haut prix ? En
doublant la mufique , je n'ôte rien à la
mufique vulgaire , que j'ai même un peu
perfectionnée , peut- être il y a 30 ans ,
avant & depuis mon clavecin .
·
Point d'éloge en effet auquel j'aie été
plus fenfible , qu'à celui du brillant M. de
Voltaire , qui dit que j'aggrandis la carriere
des arts , de la nature des plaifirs,
Plaiſirs honnêtes , plaifirs même d'efprit ,
tels que la mufique , la peinture , les couleurs
, les belles nuances de toutes choſes.
En faveur de cet éloge , je lui en paffai un
autre moins brillant , où il dit du clavecin
il y a travaillé de fes mains. Il le dit en
grand poete ( vates ) par une forte d'infpiration
qui a droit d'infpirer ce travail .
Entre têtes , je ne dis rien des coeurs ,
l'enthoufiafme eft contagieux , fur- tour
lorfqu'il eft à l'uniffon de deux autres têtes,
telles qu'un Montefquieu & un Fontenelfe
, dont le premier en réponſe à bien des
chofes , m'écrivoit , il y a un an , faites le
clavecin , & tout ira ; & le dernier m'envoya
dire , il y a neuf mois , qu'il ne vouloit
pas mourir fans voir le clavecin : ce
qui auroit dû peut- être m'empêcher de le
JUILLET. 1755. 147
faire fi vîte , fi j'étois fuperftitieux avec
gens peu fufpects fur l'article , mais dont la
miféricorde divine peut couronner la vie
de bel-efprit d'une fin folidement religieufe
& chrétienne , comme on vient de
le voir dans un événement qui m'affligeroit
trop , fans la bonne part que Dieu a
bien voulu me donner dans cette vraie
confolation .
Bien des découvertes fe perdent avec
leurs auteurs , immortels en paroles &
mortels en réalité . Voici de quoi le public
doit remercier Dieu avec moi , c'est qu'il
m'ait laiffé furvivre 30 ans à la premiere
idée de mon clavecin. De fçavant fpéculatif
, il m'a régulierement fallu devenir
artifte de goût , & enfin artiſan de fait , &
comme de métier . Sutor erit fapiens ; c'eft
de moi qu'Horace l'a dit .
Quand j'annonçai cette bagatelle , point
fi bagatelle , dit- on , en 1725 ; ce n'étoit
en effet qu'une idée , & je n'avois nulle
intention de l'exécuter. J'en pris acte dans
le même Journal ( le Mercure ) au fujet
d'un foi-difant Philofophe Gafcon , anonyme
à cela près , qui me fommoit familierement
d'y mettre la main. A quoi je repli.
quai trop fierement peut- être : Monfieur ,
Monfieur , je fuis Geometre , je fuis Philofophe
, & ne fuis luthier , facteur , ou faiseur
G ij
148 MERCURE DE FRANCE:
d'orgues ni de clavecin. Dieu m'en a puni ,
j'ai fait un orgue en quatre jeux de rofeau
de mes mains depuis ce tems- là . Mais en
ce tems-là , je n'étois pas même artifte , &
l'anonyme , que j'ai bien reconnu depuis ,
n'étoit ni un Voltaire , ni un Fontenelle ,
ni un Montefquieu pour m'infpirer.
Je devins artiſte en 1735 , dans mes fix
grandes lettres à l'illuftre Préfident que je
n'ofe fi fouvent nommer ; & tout le monde
convint que l'art du clavecin étoit démontré
en douze dégrés bien tranchés de coloris
, & en douze octaves préciſes de clairebfcur
, faifant en tout 144 nuances ou
demi-teintes , depuis le grand noir jufqu'au
blanc extrême, en parallele exact aux douze
demi- tons chromatiques , & aux douze
octaves de grave aigu , faifant 144 demitons
de fon depuis le plus bas tuyau poffible
de 64 pieds qui râle , jufqu'à celui
de deux ou trois lignes qui glapit.
L'art eft chofe encore trop fine pour
ceux qui n'ont que des yeux pour en juger :
j'eus beau montrer & démontrer tout cela
en nature , fur des papiers colorés , dans
des rubans même & des étoffes faites exprès
, & que tout le monde a vûes avec
empreffement , je puis même dire admirées.
C'étoient bien là les propres cordes , les
propres touches du clavecin , aufquelles il
JUILLET. 1755 : 149
ne manquoit plus que la groffe facture des
ouvriers en titre pour le monter. Point du
tout , il s'éleva une voix qui dit que le
clavecin étoit démontré vrai en théorie , mais
qu'il étoit faux & infaifable en pratique . Et
de ce feul coup de langue le clavecin non
monté fut démonté , tout mon art réduit
à rien , & mes étoffes , rubans & couleurs
au pillage , comme s'il s'agiffoit de
l'élection d'un Roi de Pologne , où le fuffrage
d'un feul eft l'oracle de la multitude.
J'ai toujours dit , toujours éprouvé du
moins que les paroles de l'envie étoient de
foi efficaces : elles intimident , elles décou
ragent , elles tiennent en arrêt un inventeur.
Cela feul d'avoir déclaré le clavecin
infaifable , l'a rendu tel pendant 20 ans ;
car s'il ne m'a fallu que 10 ans pour devenir
artifte , il m'en a fallu deux fois 10 enfuite
pour devenir artifan , en me dégradant toujoursde
l'efprit au goût & du goût au travail
des mains , qui eft pourtant le vrai goût
de néceffité , de bon fens même , au lieu
de tout ce babil de bel - efprit , non faifeur
, mais fimplement difcoureur , qui
dégrade les arts & l'humanité , la raifon
même. Car homo natus ad laborem.
Je reconnois cependant avec plaifir , en
honnête-homme , que fi j'ai perdu à cela
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
du repos & une honnête fatisfaction d'efprit
, le public y a gagné. Par ces prétendues
dégradations , comme de moi - même
je me fuis toujours rapproché du public ,
de fes befoins , de fes plaifirs. C'est bien
lui qui me difoit toujours faites le claveein,
& foyez plutôt maçon ſi c'est votre talent.
Le public entend fur-tout fes intérêts . Le
clavecin lui auroit trop coûté dans fa primeur.
Je n'ai fait que le mûrir", le rendre
pratiquable. En 1725 , on ne l'auroit pas
fait pour 100 , 000 écus par les mains des
ouvriers & artiſtes qui s'offroient aſſez à
moi , mais avec des bouches plus qu'avec
des mains , & avec plus d'appétit que de
fçavoir faire. En 1735 , je n'eftimois plus
la facture du clavecin que 20 , coc écus :
en 45 , 10 , 000 écus ou même 1000 guinées
, difois -je aux Anglois. Il y a 3 ans,
que je le voyois faifable pour 100 louis ,
quelqu'un le mettoit à 2000 écus ; & voilà
qu'aujourd'hui je viens de le faire fans
ouvriers pour 50 écus.
On m'a prié de dire tout cela naïvement
, & je fuis bien aiſe de compter tout
au public pour n'avoir jamais à compter
avec lui. Qu'on s'en prenne à la langue fi
je fais des jeux de mots . Encore eft- il bon
de jouer, à propos de clavecin ; & deformais
on ne me défieroit pas impunément
JUILLET.
1755. ISL
de faire jouer tout ce que les hommes traitent
de plus férieux dans leurs prétendues
affaires qui ne font que jeu , difent les
plus experts même.
En tout cas , je ne furfais point mon
ouvrage , & j'aggrandis la carriere des arts
en écartant les artiftes , les ouvriers , les
mains , & tout ce qui n'eft que bouche &
appétit au fervice du public : car les bouches
mangent les arts , on ne fçauroit trop
le répéter. Plus on m'a difputé la poffibi
lité du clavecin , plus j'ai pris à tâche d'en
conftater la facilité & d'en fimplifier la
pratique. Et puifque toutes mes démonftrations
ne m'ont fervi de rien , me voilà
de démonftrateur devenu monftrateur , ou
montreur de curiofité , de rareté , de fingularité
, puifque ce mot plaît tant à la
pluralité de deux ou trois beaux efprits.
Je veux bien en convenir ; la chofe eft
finguliere , rare & curieufe , de colorer le
fon , de faire fonner la couleur , de rendre
l'aveugle juge des couleurs par l'oreille , &
le fourd juge du fon par l'oeil . Autrefois je
m'en défendois comme d'un beau meutre :
aujourd'hui je me livre à tout le paradoxe
de mon entrepriſe depuis que j'en ai fait
un jeu . Or je n'avois promis qu'un jeu .
Et en bonne- foi , mon cher ami , vous le
fçavez , vous le voyez , vous en avez vû
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
isz
tous les progrès nuancés ; n'eft - ce pas un
jeu de trouver même fi difficile , fi impoffible
, en tirant un cordon , une targette ;
en baiffant une touche d'ouvrir une foupape
de lumiere , lorfqu'on ouvre une foupape
de fon , & de faire voir bleu , lorfqu'on
entend ut , rouge en entendant ſol ;
de faire voir du clair , lorfqu'on entend
de l'aigu , du fombre , en entendant du
grave ?
Du refte , il n'y a que du bien dans mon
projet , & quand je ne réuffirois pas à aggrandir
la carriere des arts , je n'ôte rien à
fa grandeur , & perfonne n'a droit de la
refferrer , de la borner plus qu'elle n'eft
jufqu'ici bornée & refferrée. Ce n'eft pas
moi qui ai le premier affirmé l'harmonie
des couleurs , de la peinture , de l'architecture
. Je n'ai fait que les démontrer &
les montrer. Avant moi Pline , les Grecs
Felibien même , en avoient beaucoup difcouru
par instinct , par fentiment , en gens
d'efprit , en experts . Mais voilà peut - être
comme on aime les chofes dans le nuage ,
dans le myftere , dans ce fameux je ne fçais
quoi dont les littérateurs font tant d'éloges.
›
On a voulu voir & revoir mes couleurs ,
& je crois que je ne les ai que trop montrées
, & que je n'y ai été que trop d'abord
JUILLET. 17550 153
·
en mal habile artifte , en mauffade ouvrier.
Elles ont ébloui , fatigué , offufqué la vûe ,
les yeux. M. de Voltaire le difoit , le prédifoit
, le préfentoit ainfi il y a 20 ans. Ne
montrons donc point tant , difcourons en
fimples littérateurs , en poëtes même . Horace
, le poëte du goût , définit l'harmonie
une unité , une fimplicité : Denique fit
quod vis fimplex dum taxat & unum. Ailleurs
il la définit l'ordre , la régularité : Ordinis
hac virtus erit & verus. Les peintres la
font confifter dans l'entente des couleurs
dans l'unité du deffein , dans le beau toutenfemble.
Tout cela ne vient il pas au fimple accord
des parties confonantes des muficiens,
vrais juges en cette matiere ? Et puis la
vraie étymologie du mot harmonie décide
de tout. Apta commiſſura , junctura , difent
les Grecs , que je traduirois même plus littéralement
, ce me femble , par apta unitas ,
comme Horace , fimplex unitas ; car il y a
du monas dans harmonie. En un mot , variété
& unité , variété de parties , unité de
tout , font l'harmonie en tout genre felon
tout le monde . Eft - ce que les couleurs
manquent de variété en elles- mêmes ? Il y
en a autant que de fons . Eft- ce que la nature
, eft-ce que l'art n'en font pas tous
les jours des grouppes , des contraftes ,
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
des affortimens , des accords charmans ?
Mais c'eft l'architecture , calomniée à
mon occafion , que je me reprocherois de
laiffer retomber dans une barbarie pis qué
gothique , en l'abandonnant à l'enharmonie
où on l'a réduit. Quoi ! un grand
fuperbe & majestueux édifice , une bafili
que telle que S. Pierre de Rome , Notre
Dame de Paris , & mille autres magnifiques
temples du Seigneur. Un palais de
Roi , le Louvre , le Luxembourg , le Vatitan
même , & des millions de palais &
d'hôtels n'ont donc point d'harmonie
d'union de parties , de régularité , d'ordre
d'accord , de beau tout- enfemble , capable
d'impofer à l'oeil , de charmer l'efprit ?
›
Je vois , j'entends , je fens dequoi il s'a
git. Nos adverfaires fe trompent en habiles
gens. Ils me battent de mes armes : ils me
prennent en géometre, lorfque je leur écha
pe en artiſte , & me dérobe à leurs yeux fçavans
en artifan. Odi profanum vulgus , me
difent- ils noblement. Il y a long-tems que
j'ai obfervé que la géométrie eft une fcience
fublime , mais fiere , guindée & abftraite
, qui n'éclaire que la plus haute
région de l'efprit , dédaignant de rayoner
fur des mains. Auffi m'en fuis-je toujours
préparé l'échapatoire , fi ce terme eft permis
à un artifan , & vous ai répété vingt fois
JUILLET. 1755 155
mon cher Monfieur , que l'efprit géométrique
valoit mieux dans les arts que la géométrie
même & en perfonne.
La géométrie , qu'il me foit permis de
le redire , eft le corps fec , le fquelete décharné
de tous les objets fenfibles , réduits
non à leurs linéamens propres , comme le
deffein , mais à leurs dimenfions vagues ,
longueur , largeur , profondeur , lignes
furfaces & points extrêmes , figures marginales
, coupes & profils. Les arts net
manient point toutes ces impalpabilités là ,
vrais fpectres , vains fantômes dans l'uſage
ordinaire de la vie.
Nommément l'harmonie , les anciens
l'ont tout-à- fait alembiquée & rendue immaniable
, en la remontant aux proportions
géométriques , compliquées avec les
proportions arithmétiques , complication
qui acheve d'en débouter les arts . Or on la
voit dans ces différences de nombres combinées
avec leurs rapports : car qui dit
différence , dit de l'arithmétique ; & qui
dit rapport , dit du géométrique. Et tout
` eft dit.
Parce qu'on n'a pû ou fçû retrouver
l'harmonie des muficiens même , & à plus
forte raifon des peintres & des architectes ,
dans cette proportion foi-difant harmonique
, on a conclu néant d'harmonie pour
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
ces derniers arts , comme fi les mefures ;
par exemple , d'une colonne , de fon renflement
, de fa bafe , de fon piédeftal , focle
, couronnement , corniche , volute , architrave
, & d'un fimple fefton même ,
n'étoient pas chofes déterminées par des
nombres précis dans les fimples devis d'un
architecte comme fi la détermination du
module ne fondoit pas tous les rapports
des parties d'un ornement , d'un bâtiment
même tout entier. Or qui dit nombre ,
rapports quelconques , modules & détermination
, dit évidemment harmonie ; harmonie
même ici pour les yeux , n'y manquant
que le jeu pour en faire un clavecin .
Le feul plaifir de l'oeil ou de tout autre
de nos fens , ne peut- être qu'un plaifir
d'harmonie : car tel qui m'avoue que le
jeu de mon clavecin fait ou fera plaifir à
voir , fe croit un habile homme à me difputer
que ce plaifir foit un plaifir d'harmonie
, comme s'il pouvoit y en avoir
d'autre. On ne chicane pas les plaifirs , &
l'on feroit mieux de fe rendre acceffible à
celui- ci , que de me forcer à le tout analyfer
. La plupart de nos plaifirs analyſés
ne font plus des plaifirs : ils font faits pour
être fentis & non pour être connus . Con◄
noître eft un plaifir d'efprit , la plûpart ne
s'en foucient gueres. Dès que nos plaifirs
JUILLET. 1755. 157
font le réfultat de plufieurs fentimens caufés
par une fucceffion , ou une diverfité
d'objets , de mouvemens & d'opérations ;
il eft hors de doute que ce réſultat doit
être un & fimple , naiffant du concert &
de l'accord de toutes les parties , objets ,
mouvemens & fentimens qui le compofent.
Pour moi , je ne conçois que l'enfer ubi
nullus ordo , fed fempiternus horror inhabitat ,
& j'aime à penfer que le paradis eſt tout
harmonie .
C'eft tout franc la bonne & belle littérature
, & le bon goût même de toutes
chofes qui me paroiffent de tous les arts
les plus tombés , par un bel efprit foidifant
de philofophie bien plus que de
géométrie. Sans géométrie même ni arithmétique
, il ne m'a fallu qu'un peu de
goût de la belle nature , pour trouver que
le bleu mene au verd par le celadon , le
verd au jaune par l'olive , le jaune au
rouge par l'aurore & l'orangé , le rouge
aux violets par les cramoifis ; les violets.
nous ramenant au bleu pour recommencer
une nouuelle octave nuancée de coloris , à
l'aide du clair- obſcur , dont voici les dégrés.
Le noir ténébreux mene à l'obfcur , l'obfcur
au fombre , le fombre au brun , le
brun au foncé , le foncé au férieux , le
158 MERCURE DE FRANCE.
férieux au majeftuenx , le majestueux au
noble , le noble au beau , le beau au gracieux
, le gracieux au joli , au gai , le gai
au clair , le clair au blanc , le blanc au
lumineux éblouiffant qui ne fe laiffe point
voir , mais par qui tout eft vû . Sont-ce là
des termes mais on en a vû les échantillons
, il y a zo ans , & tous les jours ces
termes nous fervent à caractérifer les couleurs.
Eft-ce ma faute s'il y a des efprits ,
des yeux même pour qui les termes ne
font que des termes , des mots , verba &
voces.
J'aurois pû me fervir des mots un peu
plus techniques de gris noir , gris brun ,
gris d'ardoife , gris de fouris , &c . J'ai
mieux aimé me fervir des termes qui réveillent
des fentimens . Les anciens difoient
lés couleurs , c'eft le clair-obfcur qui eft unt
mêlange d'ombre & de lumiere. Je fuis
avec beaucoup de confidération , mon cher
Monfieur , & c.
L. CASTEL.
DU PERE CASTEL ,
A M. Rondet , Mathématicien , furfa Réponſe
au P. L. J. au fujet du Clavecin
des couleurs.
pour
Ous vous honorez , Monfieur , en
m'honorant. J'aime fur -tout la décence
: je vous fçais gré d'avoir preffenti l'embarras
où j'allois être d'entrer en lice avec un
adverfaire dans lequel je devois beaucoup
me refpecter moi- même. Je ne vous con-
Hoiffois pas malin. Vous aimez à prolonger
votte triomphe , & vous gardez le plus beau
le dernier. Pour toute apologie vous
pouviez dire comme Scipion accufe devant
le peuple : Meffieurs , allons au Capitole
remercier les Dieux de ce qu'à pareil jour
Numance ou Carthage ont été foudroyées.
Car duofulmina Belli , Scipiadas , dit Virgile
) . Meffieurs , pouviez - vous dire , remercions
Dieu de ce que le clavecin a joué
avec l'applaudiffement de 200 perfonnes
le premier de l'an 1755 , pour les étrennes
du public . Il avoit bien joué devant cinquante
perfonnes , qui battirent des mains
àquatre reprifes , le 21 de Décembre 1754,
le
JUILLET . 1755. 145
le jour de faint Thomas , Apôtre , qui en
eft le Patron. Chaque art , chaque métier
a le fien.
J'aime les arts , vous le fçavez mon
cher Monfieur , je les aime dans le vrai ,
en géometre , en homme même , & avec
une forte de paffion ; je les chéris en citoyen
, ne connoiffant d'autre reffource
momentanée aux befoins renaiffans de
l'humanité . Par le ſentiment , j'ofe dire ,
plus que par la fenfation : Humani à me
nil alienum puto. Je fuis vivement affecté
des befoins de mon prochain , & je ne
m'en connois d'autre bien preffant que
celui d'y pourvoir en commun , felon la
mefure de mes petits talens , dont toute la
fingularité , ce me femble , n'eft que d'être.
en commun & fort gratuitement au fervice
du public , felon le devoir de mon état &
l'efprit de ma vocation.
Plein de cet amour affez pur pour les
arts , je gémis donc de les voir tomber par
une ambition de ſtyle & de bel-efprit qui
ne remplace point la noble émulation ni
le vrai goût du travail , caractériſé par ce
beau vers de Virgile que j'inculque à tous
venans :
Difce puer virtutem ex me , verumque laborem ;
C'eſt ce verus labor qui n'eft point affez
G
146 MERCURE DE FRANCE .
connu. J'en gémirois bien davantage fi je
pouvois me croire auteur de cette décadence
des arts. Peut- être les montai -je trop
haut , les mets-je à trop haut prix ? En
doublant la mufique , je n'ôte rien à la
mufique vulgaire , que j'ai même un peu
perfectionnée , peut- être il y a 30 ans ,
avant & depuis mon clavecin .
·
Point d'éloge en effet auquel j'aie été
plus fenfible , qu'à celui du brillant M. de
Voltaire , qui dit que j'aggrandis la carriere
des arts , de la nature des plaifirs,
Plaiſirs honnêtes , plaifirs même d'efprit ,
tels que la mufique , la peinture , les couleurs
, les belles nuances de toutes choſes.
En faveur de cet éloge , je lui en paffai un
autre moins brillant , où il dit du clavecin
il y a travaillé de fes mains. Il le dit en
grand poete ( vates ) par une forte d'infpiration
qui a droit d'infpirer ce travail .
Entre têtes , je ne dis rien des coeurs ,
l'enthoufiafme eft contagieux , fur- tour
lorfqu'il eft à l'uniffon de deux autres têtes,
telles qu'un Montefquieu & un Fontenelfe
, dont le premier en réponſe à bien des
chofes , m'écrivoit , il y a un an , faites le
clavecin , & tout ira ; & le dernier m'envoya
dire , il y a neuf mois , qu'il ne vouloit
pas mourir fans voir le clavecin : ce
qui auroit dû peut- être m'empêcher de le
JUILLET. 1755. 147
faire fi vîte , fi j'étois fuperftitieux avec
gens peu fufpects fur l'article , mais dont la
miféricorde divine peut couronner la vie
de bel-efprit d'une fin folidement religieufe
& chrétienne , comme on vient de
le voir dans un événement qui m'affligeroit
trop , fans la bonne part que Dieu a
bien voulu me donner dans cette vraie
confolation .
Bien des découvertes fe perdent avec
leurs auteurs , immortels en paroles &
mortels en réalité . Voici de quoi le public
doit remercier Dieu avec moi , c'est qu'il
m'ait laiffé furvivre 30 ans à la premiere
idée de mon clavecin. De fçavant fpéculatif
, il m'a régulierement fallu devenir
artifte de goût , & enfin artiſan de fait , &
comme de métier . Sutor erit fapiens ; c'eft
de moi qu'Horace l'a dit .
Quand j'annonçai cette bagatelle , point
fi bagatelle , dit- on , en 1725 ; ce n'étoit
en effet qu'une idée , & je n'avois nulle
intention de l'exécuter. J'en pris acte dans
le même Journal ( le Mercure ) au fujet
d'un foi-difant Philofophe Gafcon , anonyme
à cela près , qui me fommoit familierement
d'y mettre la main. A quoi je repli.
quai trop fierement peut- être : Monfieur ,
Monfieur , je fuis Geometre , je fuis Philofophe
, & ne fuis luthier , facteur , ou faiseur
G ij
148 MERCURE DE FRANCE:
d'orgues ni de clavecin. Dieu m'en a puni ,
j'ai fait un orgue en quatre jeux de rofeau
de mes mains depuis ce tems- là . Mais en
ce tems-là , je n'étois pas même artifte , &
l'anonyme , que j'ai bien reconnu depuis ,
n'étoit ni un Voltaire , ni un Fontenelle ,
ni un Montefquieu pour m'infpirer.
Je devins artiſte en 1735 , dans mes fix
grandes lettres à l'illuftre Préfident que je
n'ofe fi fouvent nommer ; & tout le monde
convint que l'art du clavecin étoit démontré
en douze dégrés bien tranchés de coloris
, & en douze octaves préciſes de clairebfcur
, faifant en tout 144 nuances ou
demi-teintes , depuis le grand noir jufqu'au
blanc extrême, en parallele exact aux douze
demi- tons chromatiques , & aux douze
octaves de grave aigu , faifant 144 demitons
de fon depuis le plus bas tuyau poffible
de 64 pieds qui râle , jufqu'à celui
de deux ou trois lignes qui glapit.
L'art eft chofe encore trop fine pour
ceux qui n'ont que des yeux pour en juger :
j'eus beau montrer & démontrer tout cela
en nature , fur des papiers colorés , dans
des rubans même & des étoffes faites exprès
, & que tout le monde a vûes avec
empreffement , je puis même dire admirées.
C'étoient bien là les propres cordes , les
propres touches du clavecin , aufquelles il
JUILLET. 1755 : 149
ne manquoit plus que la groffe facture des
ouvriers en titre pour le monter. Point du
tout , il s'éleva une voix qui dit que le
clavecin étoit démontré vrai en théorie , mais
qu'il étoit faux & infaifable en pratique . Et
de ce feul coup de langue le clavecin non
monté fut démonté , tout mon art réduit
à rien , & mes étoffes , rubans & couleurs
au pillage , comme s'il s'agiffoit de
l'élection d'un Roi de Pologne , où le fuffrage
d'un feul eft l'oracle de la multitude.
J'ai toujours dit , toujours éprouvé du
moins que les paroles de l'envie étoient de
foi efficaces : elles intimident , elles décou
ragent , elles tiennent en arrêt un inventeur.
Cela feul d'avoir déclaré le clavecin
infaifable , l'a rendu tel pendant 20 ans ;
car s'il ne m'a fallu que 10 ans pour devenir
artifte , il m'en a fallu deux fois 10 enfuite
pour devenir artifan , en me dégradant toujoursde
l'efprit au goût & du goût au travail
des mains , qui eft pourtant le vrai goût
de néceffité , de bon fens même , au lieu
de tout ce babil de bel - efprit , non faifeur
, mais fimplement difcoureur , qui
dégrade les arts & l'humanité , la raifon
même. Car homo natus ad laborem.
Je reconnois cependant avec plaifir , en
honnête-homme , que fi j'ai perdu à cela
Giij
150 MERCURE DE FRANCE.
du repos & une honnête fatisfaction d'efprit
, le public y a gagné. Par ces prétendues
dégradations , comme de moi - même
je me fuis toujours rapproché du public ,
de fes befoins , de fes plaifirs. C'est bien
lui qui me difoit toujours faites le claveein,
& foyez plutôt maçon ſi c'est votre talent.
Le public entend fur-tout fes intérêts . Le
clavecin lui auroit trop coûté dans fa primeur.
Je n'ai fait que le mûrir", le rendre
pratiquable. En 1725 , on ne l'auroit pas
fait pour 100 , 000 écus par les mains des
ouvriers & artiſtes qui s'offroient aſſez à
moi , mais avec des bouches plus qu'avec
des mains , & avec plus d'appétit que de
fçavoir faire. En 1735 , je n'eftimois plus
la facture du clavecin que 20 , coc écus :
en 45 , 10 , 000 écus ou même 1000 guinées
, difois -je aux Anglois. Il y a 3 ans,
que je le voyois faifable pour 100 louis ,
quelqu'un le mettoit à 2000 écus ; & voilà
qu'aujourd'hui je viens de le faire fans
ouvriers pour 50 écus.
On m'a prié de dire tout cela naïvement
, & je fuis bien aiſe de compter tout
au public pour n'avoir jamais à compter
avec lui. Qu'on s'en prenne à la langue fi
je fais des jeux de mots . Encore eft- il bon
de jouer, à propos de clavecin ; & deformais
on ne me défieroit pas impunément
JUILLET.
1755. ISL
de faire jouer tout ce que les hommes traitent
de plus férieux dans leurs prétendues
affaires qui ne font que jeu , difent les
plus experts même.
En tout cas , je ne furfais point mon
ouvrage , & j'aggrandis la carriere des arts
en écartant les artiftes , les ouvriers , les
mains , & tout ce qui n'eft que bouche &
appétit au fervice du public : car les bouches
mangent les arts , on ne fçauroit trop
le répéter. Plus on m'a difputé la poffibi
lité du clavecin , plus j'ai pris à tâche d'en
conftater la facilité & d'en fimplifier la
pratique. Et puifque toutes mes démonftrations
ne m'ont fervi de rien , me voilà
de démonftrateur devenu monftrateur , ou
montreur de curiofité , de rareté , de fingularité
, puifque ce mot plaît tant à la
pluralité de deux ou trois beaux efprits.
Je veux bien en convenir ; la chofe eft
finguliere , rare & curieufe , de colorer le
fon , de faire fonner la couleur , de rendre
l'aveugle juge des couleurs par l'oreille , &
le fourd juge du fon par l'oeil . Autrefois je
m'en défendois comme d'un beau meutre :
aujourd'hui je me livre à tout le paradoxe
de mon entrepriſe depuis que j'en ai fait
un jeu . Or je n'avois promis qu'un jeu .
Et en bonne- foi , mon cher ami , vous le
fçavez , vous le voyez , vous en avez vû
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
isz
tous les progrès nuancés ; n'eft - ce pas un
jeu de trouver même fi difficile , fi impoffible
, en tirant un cordon , une targette ;
en baiffant une touche d'ouvrir une foupape
de lumiere , lorfqu'on ouvre une foupape
de fon , & de faire voir bleu , lorfqu'on
entend ut , rouge en entendant ſol ;
de faire voir du clair , lorfqu'on entend
de l'aigu , du fombre , en entendant du
grave ?
Du refte , il n'y a que du bien dans mon
projet , & quand je ne réuffirois pas à aggrandir
la carriere des arts , je n'ôte rien à
fa grandeur , & perfonne n'a droit de la
refferrer , de la borner plus qu'elle n'eft
jufqu'ici bornée & refferrée. Ce n'eft pas
moi qui ai le premier affirmé l'harmonie
des couleurs , de la peinture , de l'architecture
. Je n'ai fait que les démontrer &
les montrer. Avant moi Pline , les Grecs
Felibien même , en avoient beaucoup difcouru
par instinct , par fentiment , en gens
d'efprit , en experts . Mais voilà peut - être
comme on aime les chofes dans le nuage ,
dans le myftere , dans ce fameux je ne fçais
quoi dont les littérateurs font tant d'éloges.
›
On a voulu voir & revoir mes couleurs ,
& je crois que je ne les ai que trop montrées
, & que je n'y ai été que trop d'abord
JUILLET. 17550 153
·
en mal habile artifte , en mauffade ouvrier.
Elles ont ébloui , fatigué , offufqué la vûe ,
les yeux. M. de Voltaire le difoit , le prédifoit
, le préfentoit ainfi il y a 20 ans. Ne
montrons donc point tant , difcourons en
fimples littérateurs , en poëtes même . Horace
, le poëte du goût , définit l'harmonie
une unité , une fimplicité : Denique fit
quod vis fimplex dum taxat & unum. Ailleurs
il la définit l'ordre , la régularité : Ordinis
hac virtus erit & verus. Les peintres la
font confifter dans l'entente des couleurs
dans l'unité du deffein , dans le beau toutenfemble.
Tout cela ne vient il pas au fimple accord
des parties confonantes des muficiens,
vrais juges en cette matiere ? Et puis la
vraie étymologie du mot harmonie décide
de tout. Apta commiſſura , junctura , difent
les Grecs , que je traduirois même plus littéralement
, ce me femble , par apta unitas ,
comme Horace , fimplex unitas ; car il y a
du monas dans harmonie. En un mot , variété
& unité , variété de parties , unité de
tout , font l'harmonie en tout genre felon
tout le monde . Eft - ce que les couleurs
manquent de variété en elles- mêmes ? Il y
en a autant que de fons . Eft- ce que la nature
, eft-ce que l'art n'en font pas tous
les jours des grouppes , des contraftes ,
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
des affortimens , des accords charmans ?
Mais c'eft l'architecture , calomniée à
mon occafion , que je me reprocherois de
laiffer retomber dans une barbarie pis qué
gothique , en l'abandonnant à l'enharmonie
où on l'a réduit. Quoi ! un grand
fuperbe & majestueux édifice , une bafili
que telle que S. Pierre de Rome , Notre
Dame de Paris , & mille autres magnifiques
temples du Seigneur. Un palais de
Roi , le Louvre , le Luxembourg , le Vatitan
même , & des millions de palais &
d'hôtels n'ont donc point d'harmonie
d'union de parties , de régularité , d'ordre
d'accord , de beau tout- enfemble , capable
d'impofer à l'oeil , de charmer l'efprit ?
›
Je vois , j'entends , je fens dequoi il s'a
git. Nos adverfaires fe trompent en habiles
gens. Ils me battent de mes armes : ils me
prennent en géometre, lorfque je leur écha
pe en artiſte , & me dérobe à leurs yeux fçavans
en artifan. Odi profanum vulgus , me
difent- ils noblement. Il y a long-tems que
j'ai obfervé que la géométrie eft une fcience
fublime , mais fiere , guindée & abftraite
, qui n'éclaire que la plus haute
région de l'efprit , dédaignant de rayoner
fur des mains. Auffi m'en fuis-je toujours
préparé l'échapatoire , fi ce terme eft permis
à un artifan , & vous ai répété vingt fois
JUILLET. 1755 155
mon cher Monfieur , que l'efprit géométrique
valoit mieux dans les arts que la géométrie
même & en perfonne.
La géométrie , qu'il me foit permis de
le redire , eft le corps fec , le fquelete décharné
de tous les objets fenfibles , réduits
non à leurs linéamens propres , comme le
deffein , mais à leurs dimenfions vagues ,
longueur , largeur , profondeur , lignes
furfaces & points extrêmes , figures marginales
, coupes & profils. Les arts net
manient point toutes ces impalpabilités là ,
vrais fpectres , vains fantômes dans l'uſage
ordinaire de la vie.
Nommément l'harmonie , les anciens
l'ont tout-à- fait alembiquée & rendue immaniable
, en la remontant aux proportions
géométriques , compliquées avec les
proportions arithmétiques , complication
qui acheve d'en débouter les arts . Or on la
voit dans ces différences de nombres combinées
avec leurs rapports : car qui dit
différence , dit de l'arithmétique ; & qui
dit rapport , dit du géométrique. Et tout
` eft dit.
Parce qu'on n'a pû ou fçû retrouver
l'harmonie des muficiens même , & à plus
forte raifon des peintres & des architectes ,
dans cette proportion foi-difant harmonique
, on a conclu néant d'harmonie pour
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
ces derniers arts , comme fi les mefures ;
par exemple , d'une colonne , de fon renflement
, de fa bafe , de fon piédeftal , focle
, couronnement , corniche , volute , architrave
, & d'un fimple fefton même ,
n'étoient pas chofes déterminées par des
nombres précis dans les fimples devis d'un
architecte comme fi la détermination du
module ne fondoit pas tous les rapports
des parties d'un ornement , d'un bâtiment
même tout entier. Or qui dit nombre ,
rapports quelconques , modules & détermination
, dit évidemment harmonie ; harmonie
même ici pour les yeux , n'y manquant
que le jeu pour en faire un clavecin .
Le feul plaifir de l'oeil ou de tout autre
de nos fens , ne peut- être qu'un plaifir
d'harmonie : car tel qui m'avoue que le
jeu de mon clavecin fait ou fera plaifir à
voir , fe croit un habile homme à me difputer
que ce plaifir foit un plaifir d'harmonie
, comme s'il pouvoit y en avoir
d'autre. On ne chicane pas les plaifirs , &
l'on feroit mieux de fe rendre acceffible à
celui- ci , que de me forcer à le tout analyfer
. La plupart de nos plaifirs analyſés
ne font plus des plaifirs : ils font faits pour
être fentis & non pour être connus . Con◄
noître eft un plaifir d'efprit , la plûpart ne
s'en foucient gueres. Dès que nos plaifirs
JUILLET. 1755. 157
font le réfultat de plufieurs fentimens caufés
par une fucceffion , ou une diverfité
d'objets , de mouvemens & d'opérations ;
il eft hors de doute que ce réſultat doit
être un & fimple , naiffant du concert &
de l'accord de toutes les parties , objets ,
mouvemens & fentimens qui le compofent.
Pour moi , je ne conçois que l'enfer ubi
nullus ordo , fed fempiternus horror inhabitat ,
& j'aime à penfer que le paradis eſt tout
harmonie .
C'eft tout franc la bonne & belle littérature
, & le bon goût même de toutes
chofes qui me paroiffent de tous les arts
les plus tombés , par un bel efprit foidifant
de philofophie bien plus que de
géométrie. Sans géométrie même ni arithmétique
, il ne m'a fallu qu'un peu de
goût de la belle nature , pour trouver que
le bleu mene au verd par le celadon , le
verd au jaune par l'olive , le jaune au
rouge par l'aurore & l'orangé , le rouge
aux violets par les cramoifis ; les violets.
nous ramenant au bleu pour recommencer
une nouuelle octave nuancée de coloris , à
l'aide du clair- obſcur , dont voici les dégrés.
Le noir ténébreux mene à l'obfcur , l'obfcur
au fombre , le fombre au brun , le
brun au foncé , le foncé au férieux , le
158 MERCURE DE FRANCE.
férieux au majeftuenx , le majestueux au
noble , le noble au beau , le beau au gracieux
, le gracieux au joli , au gai , le gai
au clair , le clair au blanc , le blanc au
lumineux éblouiffant qui ne fe laiffe point
voir , mais par qui tout eft vû . Sont-ce là
des termes mais on en a vû les échantillons
, il y a zo ans , & tous les jours ces
termes nous fervent à caractérifer les couleurs.
Eft-ce ma faute s'il y a des efprits ,
des yeux même pour qui les termes ne
font que des termes , des mots , verba &
voces.
J'aurois pû me fervir des mots un peu
plus techniques de gris noir , gris brun ,
gris d'ardoife , gris de fouris , &c . J'ai
mieux aimé me fervir des termes qui réveillent
des fentimens . Les anciens difoient
lés couleurs , c'eft le clair-obfcur qui eft unt
mêlange d'ombre & de lumiere. Je fuis
avec beaucoup de confidération , mon cher
Monfieur , & c.
L. CASTEL.
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Résumé : LETTRE DU PERE CASTEL, A M. Rondet, Mathématicien, sur sa Réponse au P. L. J. au sujet du Clavecin des couleurs.
Le Père Castel répond à M. Rondet concernant une critique de son clavecin des couleurs. Il exprime sa gratitude pour l'éviterment d'un débat direct et se réjouit du succès public de son invention, acclamée par 200 personnes le 1er janvier 1755 et par 50 personnes le 21 décembre 1754. Castel souligne son amour pour les arts et son désir de les servir gratuitement pour le bien public. Il déplore la décadence des arts due à une ambition de style et de bel-esprit, préférant la véritable émulation et le travail honnête. Il mentionne les éloges de Voltaire et d'autres personnalités comme Montesquieu et Fontenelle, qui ont soutenu son projet. Castel raconte l'histoire de son clavecin, annoncé en 1725 mais réalisé seulement en 1755 après des années de développement et de critiques. Il insiste sur la simplicité et la praticabilité de son invention, qui a été rendue accessible au public malgré les obstacles. Il conclut en affirmant que son projet apporte du bien et ne nuit en rien à la grandeur des arts. Le texte discute également de la relation entre la géométrie et les arts, soulignant que la géométrie est une science sublime mais abstraite, dédaignant les aspects pratiques. L'auteur préfère l'esprit géométrique dans les arts plutôt que la géométrie elle-même. Il critique l'approche des anciens qui ont compliqué l'harmonie en la liant aux proportions géométriques et arithmétiques, rendant ainsi les arts inaccessibles. L'auteur affirme que l'harmonie est essentielle à tous les plaisirs sensoriels, y compris la vision. Il explique que les plaisirs résultent de la combinaison de divers sentiments et objets, créant une expérience harmonieuse. Il compare l'enfer à l'absence d'ordre et le paradis à l'harmonie. Le texte se termine par une réflexion sur les couleurs et leur transition, illustrant comment les nuances peuvent être décrites et perçues. L'auteur utilise des termes évocateurs pour décrire les dégradés de couleurs, préférant des mots qui éveillent des sentiments plutôt que des termes techniques. Il conclut en exprimant son admiration pour la beauté naturelle et l'harmonie dans les arts.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 209
« MM. les Amateurs de Musique tenants Concert dans l'Hôtel-de-Ville de Troyes, [...] »
Début :
MM. les Amateurs de Musique tenants Concert dans l'Hôtel-de-Ville de Troyes, [...]
Mots clefs :
Musique, Concert, Académie, Violon, Concerto, Symphonie, Harmonie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « MM. les Amateurs de Musique tenants Concert dans l'Hôtel-de-Ville de Troyes, [...] »
MM. les Amateurs de Muſique tenants Concert
dans l'Hôtel-de-ville de Troyes, viennent d'ob
tenir un†excluſif. Ce qui leur procure la
ſatisfaction de former une Académie capable de
donner de l'émulation à toures les Perſonnes de
goût. On en a fait l'ouverture le 25 du mois de .
Mars. Le ſieur Bryon Ancien Premier Violon de
l'Académie de Grenoble y a joué un Concerto de
ſa compoſition, ſon goût & ſon exécution lui ont
mérité l'applaudiſſement des Connoiſſeurs. -
· On y a exécuté le Pſeaume Benedictus qui docet,
Motet à grand Choeur & Symphonie de la com
poſition du ſieur de Rouſſy Ancien Maître de Mu
ſique de l'Egliſe de Troyes. La tournure de ſon
chant, les traits d'harmonie bien amenés, l'ar
rangement des choeurs , lui ont mérité l'éloge
des Connoiſſeurs.
dans l'Hôtel-de-ville de Troyes, viennent d'ob
tenir un†excluſif. Ce qui leur procure la
ſatisfaction de former une Académie capable de
donner de l'émulation à toures les Perſonnes de
goût. On en a fait l'ouverture le 25 du mois de .
Mars. Le ſieur Bryon Ancien Premier Violon de
l'Académie de Grenoble y a joué un Concerto de
ſa compoſition, ſon goût & ſon exécution lui ont
mérité l'applaudiſſement des Connoiſſeurs. -
· On y a exécuté le Pſeaume Benedictus qui docet,
Motet à grand Choeur & Symphonie de la com
poſition du ſieur de Rouſſy Ancien Maître de Mu
ſique de l'Egliſe de Troyes. La tournure de ſon
chant, les traits d'harmonie bien amenés, l'ar
rangement des choeurs , lui ont mérité l'éloge
des Connoiſſeurs.
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Résumé : « MM. les Amateurs de Musique tenants Concert dans l'Hôtel-de-Ville de Troyes, [...] »
Les Amateurs de Musique de Troyes ont créé une Académie musicale le 25 mars. Le sieur Bryon a interprété un concerto acclamé. Le sieur de Roussy a présenté un motet salué pour son chant et son harmonie. Les deux œuvres ont été appréciées par les connaisseurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 214-222
TRAITÉ de paix conclu entre sa Majesté le Roi de POLOGNE, Electeur de Saxe, & Sa Majesté le Roi de PRUSSE, au Château de Hubertzbourg, le 15 Février 1763.
Début :
Sa Majesté le Roi de Pologne, Electeur de Saxe, & Sa Majesté le Roi de Prusse, [...]
Mots clefs :
Roi de Pologne, Électeur de Saxe, Roi de Prusse, Guerre, Paix, États, Assemblée, Conseiller, Traité de paix, Articles, Voisinage, Amitié, Amnistie générale, Harmonie, Contributions, Troupes, Évacuation, Règlement, Officiers, Soldats, Artillerie, Fortifications, Obligation, Justice, Accords, Intérêts, Diète, Paiements
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAITÉ de paix conclu entre sa Majesté le Roi de POLOGNE, Electeur de Saxe, & Sa Majesté le Roi de PRUSSE, au Château de Hubertzbourg, le 15 Février 1763.
TRAITÉ de paix conclu entre Sa Majesté le Roi
de POLOGNE , Electeur de Saxe , & Sa Majesté
le Roi de PRUSSE , au Château de Hubertzbourg
,le 15 Février 1763 .
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , & Sa Majesté le Roi de Pruſſe , animés du
defir réciproque de mettre fin aux calamités de
la guerre , & de rétablir l'union , la bonne intelligence&
le bon voiſinage entre eux & leurs Etats
reſpectifs , ayant réfléchi ſur les moyens les plus
propres pour parvenir à un but ſi ſalutaire , & le
Prince Royal de Pologne & Electoral Héréditaire
de Saxe s'étant employé à concerter une aſſemblée
de Plénipotentiaires , qui fut ſuivie d'une négociation:
pour en avancer le ſuccès , & pour écarter
les retardemens que l'éloignement auroit pû faire
naître, Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur
de Saxe , a confié à Son Alteſſe Royale le ſoin d'y
ménager ſes intérêts : on eſt convenu de faire tenir
au château de Huberzbourg des conférences
depaix.
En conféquence de quoi Leurs Majeſtés ont
nommé & autoriſé des Plénipotentiaires , ſavoir :
Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe ,
le ſieur Thomas , Baron de Fritſch , ſon Conſeiller
Privé ; & Sa Majeſté le Roi de Pruſſe, le ſieur
Ewald- Frederic de Hertzberg , ſon conſeiller Privé
d'Ambaſſade, leſquels , après s'etre duement
communiqué & avoir échangé leurs pleins pouvoirs
en bonne forme, ont arrêté , conclu & figné
les Articles ſuivans d'un Traité de paix.
JUIN. 1763 . 215
ARTICLE I. Il y aura une paix ſolide , une
amitié ſincère & un bon voifinage entre S. M. le
Roi de Pologne , Electeur de Saxe , & S. M. le
Roi de Pruſie & leurs Héritiers , Etats , Pays &
Sujets : & en conféquence , il y aura une amnif
tie générale & un oubli éternel de tout ce qui eſt
arrivé entre les hautes Parties contractantes , à
l'occaſion de la préſente guerre , de quelque nature
que cela puiſſe avoir été , & il ne ſera point
demandé de dédommagement de part& d'autre ;
ſous quelque prétexte ou nom que ce puiſſe être ,
mais toutes les prétentions réciproques , occafionnées
par cette guerre , demeureront entiérement
éteintes , annullées & anéanties .
Les hautes Parties contractantes & leurs Héritiers
cultiveront à l'avenir entr'elles une bonne
harmonie & parfaite intelligence, en tâchant d'avancer
leurs intérêts réciproques , & d'écarter
tout ce qui pourroity nuire ou y donner la moindreatteinte
.
Sa Majeſté le Roi de Pruſſe promet en particulier
que , dans les occaſions qui ſe préſenteront de
pouvoir procurer des convenances à Sa Majefté
le Roi de Pologne , Electeur de Saxe , ou à la
Maiſon , ſans que ce ſoit aux dépens de Sadite
Majesté Pruſienne. Elle y contribuera avec le
plus grand zéle , & ſe concertera à cet effet avec
Sa Majesté Polonoiſe & avec leurs Amis communs
.
ART . II . Toutes les hoftilités ceſſeront entiérement
à compter du II Février incluſivement ;
&depűis le même jour Sa Majesté Pruſſienne fera
ceffer entiérement & pleinement toutes contributions
ordinaires & extraordinaires , toutes livraiſons
de proviſions de bouche , fourrages , chevaux
& autre bérail ou autres effets ; toutes demandes
216 MERCURE DE FRANCE.
1
de recrues , valets , travailleurs & voitures , &
généralement toutes fortes de preſtations , de
quelque nature & dénomination qu'elles puiffent
être , & fous quelque titre ou prétexte qu'elles
foient demandées & éxigées , comme auſſi toute
coupe de bois & autres endommagemens dans
tout l'Electorat de Saxe & toutes les parties &
dépendances , y compris la Haute & Balle- Luface.
Si les ordres que Sa Majeſté le Roi de Pruſſe a
donnés là-deſſus, n'étoient pas parvenus leditjour
en tous les endroits occupés par les Troupes de
Sa Majesté Pruſſienne , & que par cette raiſon ,
ou fous d'autres prétextes , il dût arriver qu'on
eût encore pris ou éxigé des caiſſes ou des Sujets
de Sa Majeſté Polonoiſe quelque argent ou quelque
autre preſtation de quelque nature ou valeur
qu'elle pût être , ou qu'on eût cauſé d'autres
dommages , Sa Majesté Pruſſienne fera reſtituer
ſans délai tout ce qui auroit été pris ou éxigé ,
& bonifier toutdommage & perte. En conféquence
de cette ceſſation générale de toute forte de
preſtations , Sa Majesté Pruſſienne renonce également
à tous les arrérages des contributions , livraiſons
& autres preſtations antérieurement demandées
& éxigées , & déclare que toutes les
prétentions y relatives ſeront & demeureront entiérement
éteintes , annullées & anéanties , de
forte qu'il n'en ſera jamais plus fait mention.
ART. III . Sa Majefté le Roi de Pruſſe promet
de commencer les diſpoſitions néceſſaires pour
une prompte évacuation de la Saxe , dès que le
préfent Traité ſera ſigné , & d'effectuer & achever
l'évacuation & la reſtitution de tous les Etats
& Pays , Villes , Places & Forts de S. M.Polonoiſe,
&généralement de toutes parties & dépen' ances
deldirs Etats que S. M. Polonoiſe a poſlédés avant
la
JUIN. 1763. 217
la préſente guerre , dans l'eſpace de trois ſemai
nes , à compter du jour de l'échange des ratificasions;
bien entendu que les Troupes de S. M.
l'Impératrice-Reine de Hongrie & de Bohême
évacueront toute la Saxe dans le même eſpace de
temps. Y
Dès le de Février , Sa Majeſté le Roi de
Pruffe fera nourrir ſes Troupes de ſes propres
magaſins ſans qu'elles foient à charge au pays ,
&on procédera inceſſamment au réglement des
routes que leſdites Troupes prendront en quittant
les Etats de Sa Majesté le Roi de Pologne ,
dans leſquelles elles ſeront conduites & logées
par les Commiſſaires nommés par Sa' Majeſté
Polonoile, qui auront pareillement ſoin des Vorfpanndont
les Troupes auront beſoin pour leurs
marches , &qui leur feront fournisgratuitement ,
à condition que ces Vorſpann ne feront obligés
depafler les frontières de Saxe , quejuſqu'au premier
gîte.
ART. IV. Sa Majesté le Roi de Pruſſe renverra
fans rançon & ſans délai tous lesGénéraux , Officiers
& Soldats de Sa Majesté le Roi de Pologne
, Electeur de Saxe , qui font encore priſonniers
de guerre , & les autres Sujets de Sa lite
Majesté Polonoiſe qui ne voudront pas reſter
dans le ſervice & dans les Etats de Sa Majeſté
Pruſſienne , bien entendu que chacun payera
préalablement les dettes qu'il aura contractées. I
Sadite Majeſté le Roi de Pruſſe rendra auffe
toute l'artillerie , appartenante à Sa Majeſté le
Roi de Pologne , qui ſe trouve encore en Saxe ,
&qui eft marquée aux armes de, Sadire Majesté
Polonoiſe.
En particulier les Villes de Léipfic , Torgau
&Wittemberg feront reftituées par rapport aux
K
218 MERCURE DE FRANCE.
fortifications , dans le même état où elles ſont à
préſent & avec l'artillerie qui s'y trouve marquée
aux armes de Sa Majesté Polonoife.
Sa Majesté Pruſſienne mettra auſſi en liberté
les otages& autres perſonnes qui ont été arrêtées
àl'occaſion de la préſente guerre , & fera rendre
tous les papiers qui appartiennent aux archives
de Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , ou aux autres bureaux du Pays , & à l'avenir
il n'en ſera rien allégué ou inféré contre
Sa Majeftéie Roi de Pologne , ni contre ſes Héritiers
& Etats.
ART . V. Le Traité de paix conclu à Dreſde le
25 Décembre 1745 eſt expreſſement renouvellé
&confirmé dans la meilleure forme & dans toute
fa teneur autant que le préſent Traité n'y dérogera
pas , & que les obligations y contenues ſeront
de nature à pouvoir encore avoir lieu .
ART . VI . Pour redreſſer réciproquement tous
les abus qui ſe ſont gliffés dans le commerce au
préjudice des Pays , Etats & Sujets reſpectifs des
hautesParties contractantes , on eft convenu que ,
d'abord après la paix conclue on nommera de
part & d'autre des Commiſlaires qui régleront
les affaires de Commerce fur des principes équitables
& réciproquement utiles.
ILferacaufli réciproquement adminiſtré bonne
& prompte juſtice à ceux des Sujets reſpectifs qui
aurontdesprocès&des prétentions liquides dans
1s Etats de l'une ou de l'autre Partie , & quand
il y en aura qui auront change ou voudrontencore
changer de domicile & paffer de la domination
de l'une fous celle de l'autre des hautes. Parties
contractantes , on ne leur fera point de difficulté
à cet égard.
ART. VII. Sa Majesté le Roi de Pruſſe conſent
1
JUIN. 1763 . 219
d'accéder & fera accéder ſes Sujets créanciers de
la Steuer de Saxe aux arrangemens qu'on prendra
inceſſamment par rapport aux intérêts à payer ,
& pour l'établiſſement d'un fonds d'amortiſſement
folide & durable ſans aucune préférence .
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , affure & promet d'un autre côté que ,
conformément auxdits arrangemens , tous les
Sujets de Sa Majeſté Pruſſienne , qui ont ou auront
des capitaux dans la Steuer de Saxe , recevront
leurs intérêts exactement , & que les capitaux
leur feront auſſi rembourſés en entier , ſans
la moindre réduction ni diminution , & dans un
eſpacede temps raiſonnable.
ART . VIII . L'échange de la Ville & du Péage
de Furstenberg & du Village de Schildlo contre
un equivalent an Land und Leuten , ſtipulé dans
l'Article VII de la paix de Dreſde , ayant rencontré
beaucoup de difficultés dans l'éxécution , on
eſt ultérieurement convenu que pour le faciliter
la Ville de Furstenberg , avec ſes dépendances ſituées
en-deçà de l'Oder , ne ſera pas compriſe
dans ce troc & reſtera à Sa Majesté Polonoiſe
mais que d'un autre côté Sadite Majesté le Roi
de Pologne , Électeur de Saxe , cédera à S. M.
Pruſſienne non- ſeulement le Péage de l'Oder ,
qu'Elle a perçu juſqu'ici à Furstenberg , & le
Village de Schildlo avec ſes appartenances au-delà
de l'Oder , maisauſſi généralement tout ce qu'Elle
a poſſédé juſqu'ici des bords & rives de l'Oder ,
tant du côté de la Luſace que de celui de la Marche
, de forte que la rivière de l'Oder faſſe la limite
territoriale , & que la ſupériorité des deux
rives & bords de l'Oder , & de tout ce qui eſt audelà
de l'Oder du côté de la Marche , appartienne
déſormais en entier & excluſivement à Sa Majeſté
le Roi de Pruſſe , ſes Succeſſeurs & Héritiers à
perpétuité. Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
Il eſt auſſi convenu que l'équivalent à donner à
Sa Majefté Polonoiſe ne pourra être évalué qu'à
proportion du revenu réel qu'Elle a tiré juſqu'ici
des poffeflions qu'Elle cédera àSa Majesté Pruffienne
, en conféquence de quoi Sa Majesté Polonoiſe
ſe contentera d'un équivalent an Landund
Leuten , dont le revenu réel ſeroit égal au revenu
réel des poſſeſſions qu'Eile cédera à Sa Majeſté
Brufſienne.
Au reſte dans tous les autres points relatifs à cet
échange , l'Article VII de la paix de Dreſde ſera
éxactement obſervé & éxécuté.
ART. IX. Sa Majeſté le Roi de Pruffe accorde
à Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , le libre paſſage en tout temps par la Siléfie
en Pologne , & renouvelle en particulier ce
qui a été ſtipulé là- deſſus dans l'Article X du Traitéde
paix conclu à Dreſde en 1745 .
ART. X. Les hautes Parties contractantes ſe gas
rantiſſent réciproquement l'abſervation & l'éx
cution du préſent Traité de paix , & tâcheront
d'en obtenir la garantie des Puillances avec lefquellesElles
font en amitié.
ART . XI . Le préſent Traité de paix ſera ratifié
de part & d'autre , & les ratifications feront expédiées
en bonne & due forme ,& échangéesdans
F'eſpace de quinze jours , ou plutôt fi faire ſe
peut , àcompter du jour de leur ſignature.
En foi de quoi , les ſouſſignés Plénipotentiaires
de Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe, & de Sa Majesté le Roi de Pruſſe , en vertu
de leurs pleins pouvoirs , ont ſigné le préſent
Traité de paix , & y ont fait appoſer les cachets
de leurs armes.
Fait au Château de Hubertzbourg , le is Février
1763.
THOMAS, BARON DE FRITSCH .
( Signé ) EWALD-FREDERIC DE HERTZBERG .
JUI N. 1763 . 221
ARTICLES SÉPARÉS.
ART. I. On est convenu que dans les arrérages
ou autres preſtations arriérées , qui devront
ceffer du II Février 1763 , ne ſera pascompris ce
qui eſt encore dû fur les lettres de change & autres
engagemens par écrit , énoncés dans la ſpécification
ci -jointe ,que Sa Majeſté le Roide Pruſſe
ſe réſerve expreffément , & que Sa Majesté le Roi
dePologne promet de faire acquitter éxactement ,
&ſelon la teneur deſdites lettres de change &
autres engagemens par écrit donnés là-deſſus ,
ſans le moindre rabais ou défalcation , & dans
les monnoiesy promiſes.
ART. II . Pour ne laiſſer aucun doute ſur la
rrature& la ſolidité des arrangemens à prendre
fur les affaires de la Steuer , dont il a été fait
mention dans l'Article VII du Traité de paix ,
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe ,
déclare qu'Elle prendra des arrangemens pour
qu'aucun des créanciers de la Steuer ne perde
riende ſon capital.
Qu'il eſt impoſſible de leur payer les intérêts
arriérés après que tous les revenus du pays ont
été notoirement abſorbés par les calamités de
laguerre.
Que la même raiſon doit valoir pour l'année
préſente après toutes les charges auxquelles le
pays a déja été obligé de fournir.
Mais qu'à l'avenir Sa Majeſté prendra inceſſam.
ment avec les Etats de la Saxe , aſſemblés en
Diéte , les arrangemens néceſſaires pour établir
un fonds prélevable ſur les revenus les plus clairs
du pays , lequel ſera , 10. principalement employé
pour payer éxactement les intérêts qui ne
pourront pas être fixés au-deſſous de trois pour
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE .
cent , tout comme ils ne pourront pas paffer lefdits
trois pour cent. 2°. Que le reſte fera le fonds
d'amortiſſement pour l'acquit ſucceſſif des capitaux
, qui augmentera à proportion de l'acquit
des capitaux & de la diminution des intérêts , &
dont la diſtribution ſe fera annuellement par le
fort , ſans aucune préférence pour perſonne à
quelque titre que ce ſoit. 30. Que l'adminiſtration
dudit fonds total deſtiné au payement des
intérêts & au rembourſement des capitaux ſera
fixée en la ſuſmentionnée Diete prochaine des
Etats de Saxe , de façon qu'il s'y trouve pleine
sûreté , Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur
de Saxe , promettant de donner là-deſſus
toutes les aſſurances convenables.
ART. III. Il a été convenu & arrêté que les
titres employés ou omis de part & d'autre à
l'occaſion de la préſente négociation dans les
pleins pouvoirs & autres actes , ou partout ailleurs
, ne pourront être cités ou tirés à conféquence
, & qu'il ne pourra jamais en réſulter
aucun préjudice pour aucune des Parties intéreffées.
Les trois préſens Articles ſéparés auront la
même force que s'ils étoient mot à mot inférés
dans le Traité principal , & ils ſeront également
ratifiés des deux hautes Parties contractantes .
En foi de quoi les ſouſſignés , Plénipotentiaires
de Sa Majesté le Roi de Pologne , Électeur de
Saxe , & de Sa Majeſte le Roi de Pruſſe , ont
ſigné ces préſens Articles ſéparés , & y ont fait
appoſer les cachets de leurs armes.
• Fait au Château de Huberzbourg le is Février
1763.
THOMAS , BARON DE FRITSCH .
( Signé ) EWALD- FRÉDÉRIC DE HERTZBERG ,
de POLOGNE , Electeur de Saxe , & Sa Majesté
le Roi de PRUSSE , au Château de Hubertzbourg
,le 15 Février 1763 .
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , & Sa Majesté le Roi de Pruſſe , animés du
defir réciproque de mettre fin aux calamités de
la guerre , & de rétablir l'union , la bonne intelligence&
le bon voiſinage entre eux & leurs Etats
reſpectifs , ayant réfléchi ſur les moyens les plus
propres pour parvenir à un but ſi ſalutaire , & le
Prince Royal de Pologne & Electoral Héréditaire
de Saxe s'étant employé à concerter une aſſemblée
de Plénipotentiaires , qui fut ſuivie d'une négociation:
pour en avancer le ſuccès , & pour écarter
les retardemens que l'éloignement auroit pû faire
naître, Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur
de Saxe , a confié à Son Alteſſe Royale le ſoin d'y
ménager ſes intérêts : on eſt convenu de faire tenir
au château de Huberzbourg des conférences
depaix.
En conféquence de quoi Leurs Majeſtés ont
nommé & autoriſé des Plénipotentiaires , ſavoir :
Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe ,
le ſieur Thomas , Baron de Fritſch , ſon Conſeiller
Privé ; & Sa Majeſté le Roi de Pruſſe, le ſieur
Ewald- Frederic de Hertzberg , ſon conſeiller Privé
d'Ambaſſade, leſquels , après s'etre duement
communiqué & avoir échangé leurs pleins pouvoirs
en bonne forme, ont arrêté , conclu & figné
les Articles ſuivans d'un Traité de paix.
JUIN. 1763 . 215
ARTICLE I. Il y aura une paix ſolide , une
amitié ſincère & un bon voifinage entre S. M. le
Roi de Pologne , Electeur de Saxe , & S. M. le
Roi de Pruſie & leurs Héritiers , Etats , Pays &
Sujets : & en conféquence , il y aura une amnif
tie générale & un oubli éternel de tout ce qui eſt
arrivé entre les hautes Parties contractantes , à
l'occaſion de la préſente guerre , de quelque nature
que cela puiſſe avoir été , & il ne ſera point
demandé de dédommagement de part& d'autre ;
ſous quelque prétexte ou nom que ce puiſſe être ,
mais toutes les prétentions réciproques , occafionnées
par cette guerre , demeureront entiérement
éteintes , annullées & anéanties .
Les hautes Parties contractantes & leurs Héritiers
cultiveront à l'avenir entr'elles une bonne
harmonie & parfaite intelligence, en tâchant d'avancer
leurs intérêts réciproques , & d'écarter
tout ce qui pourroity nuire ou y donner la moindreatteinte
.
Sa Majeſté le Roi de Pruſſe promet en particulier
que , dans les occaſions qui ſe préſenteront de
pouvoir procurer des convenances à Sa Majefté
le Roi de Pologne , Electeur de Saxe , ou à la
Maiſon , ſans que ce ſoit aux dépens de Sadite
Majesté Pruſienne. Elle y contribuera avec le
plus grand zéle , & ſe concertera à cet effet avec
Sa Majesté Polonoiſe & avec leurs Amis communs
.
ART . II . Toutes les hoftilités ceſſeront entiérement
à compter du II Février incluſivement ;
&depűis le même jour Sa Majesté Pruſſienne fera
ceffer entiérement & pleinement toutes contributions
ordinaires & extraordinaires , toutes livraiſons
de proviſions de bouche , fourrages , chevaux
& autre bérail ou autres effets ; toutes demandes
216 MERCURE DE FRANCE.
1
de recrues , valets , travailleurs & voitures , &
généralement toutes fortes de preſtations , de
quelque nature & dénomination qu'elles puiffent
être , & fous quelque titre ou prétexte qu'elles
foient demandées & éxigées , comme auſſi toute
coupe de bois & autres endommagemens dans
tout l'Electorat de Saxe & toutes les parties &
dépendances , y compris la Haute & Balle- Luface.
Si les ordres que Sa Majeſté le Roi de Pruſſe a
donnés là-deſſus, n'étoient pas parvenus leditjour
en tous les endroits occupés par les Troupes de
Sa Majesté Pruſſienne , & que par cette raiſon ,
ou fous d'autres prétextes , il dût arriver qu'on
eût encore pris ou éxigé des caiſſes ou des Sujets
de Sa Majeſté Polonoiſe quelque argent ou quelque
autre preſtation de quelque nature ou valeur
qu'elle pût être , ou qu'on eût cauſé d'autres
dommages , Sa Majesté Pruſſienne fera reſtituer
ſans délai tout ce qui auroit été pris ou éxigé ,
& bonifier toutdommage & perte. En conféquence
de cette ceſſation générale de toute forte de
preſtations , Sa Majesté Pruſſienne renonce également
à tous les arrérages des contributions , livraiſons
& autres preſtations antérieurement demandées
& éxigées , & déclare que toutes les
prétentions y relatives ſeront & demeureront entiérement
éteintes , annullées & anéanties , de
forte qu'il n'en ſera jamais plus fait mention.
ART. III . Sa Majefté le Roi de Pruſſe promet
de commencer les diſpoſitions néceſſaires pour
une prompte évacuation de la Saxe , dès que le
préfent Traité ſera ſigné , & d'effectuer & achever
l'évacuation & la reſtitution de tous les Etats
& Pays , Villes , Places & Forts de S. M.Polonoiſe,
&généralement de toutes parties & dépen' ances
deldirs Etats que S. M. Polonoiſe a poſlédés avant
la
JUIN. 1763. 217
la préſente guerre , dans l'eſpace de trois ſemai
nes , à compter du jour de l'échange des ratificasions;
bien entendu que les Troupes de S. M.
l'Impératrice-Reine de Hongrie & de Bohême
évacueront toute la Saxe dans le même eſpace de
temps. Y
Dès le de Février , Sa Majeſté le Roi de
Pruffe fera nourrir ſes Troupes de ſes propres
magaſins ſans qu'elles foient à charge au pays ,
&on procédera inceſſamment au réglement des
routes que leſdites Troupes prendront en quittant
les Etats de Sa Majesté le Roi de Pologne ,
dans leſquelles elles ſeront conduites & logées
par les Commiſſaires nommés par Sa' Majeſté
Polonoile, qui auront pareillement ſoin des Vorfpanndont
les Troupes auront beſoin pour leurs
marches , &qui leur feront fournisgratuitement ,
à condition que ces Vorſpann ne feront obligés
depafler les frontières de Saxe , quejuſqu'au premier
gîte.
ART. IV. Sa Majesté le Roi de Pruſſe renverra
fans rançon & ſans délai tous lesGénéraux , Officiers
& Soldats de Sa Majesté le Roi de Pologne
, Electeur de Saxe , qui font encore priſonniers
de guerre , & les autres Sujets de Sa lite
Majesté Polonoiſe qui ne voudront pas reſter
dans le ſervice & dans les Etats de Sa Majeſté
Pruſſienne , bien entendu que chacun payera
préalablement les dettes qu'il aura contractées. I
Sadite Majeſté le Roi de Pruſſe rendra auffe
toute l'artillerie , appartenante à Sa Majeſté le
Roi de Pologne , qui ſe trouve encore en Saxe ,
&qui eft marquée aux armes de, Sadire Majesté
Polonoiſe.
En particulier les Villes de Léipfic , Torgau
&Wittemberg feront reftituées par rapport aux
K
218 MERCURE DE FRANCE.
fortifications , dans le même état où elles ſont à
préſent & avec l'artillerie qui s'y trouve marquée
aux armes de Sa Majesté Polonoife.
Sa Majesté Pruſſienne mettra auſſi en liberté
les otages& autres perſonnes qui ont été arrêtées
àl'occaſion de la préſente guerre , & fera rendre
tous les papiers qui appartiennent aux archives
de Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , ou aux autres bureaux du Pays , & à l'avenir
il n'en ſera rien allégué ou inféré contre
Sa Majeftéie Roi de Pologne , ni contre ſes Héritiers
& Etats.
ART . V. Le Traité de paix conclu à Dreſde le
25 Décembre 1745 eſt expreſſement renouvellé
&confirmé dans la meilleure forme & dans toute
fa teneur autant que le préſent Traité n'y dérogera
pas , & que les obligations y contenues ſeront
de nature à pouvoir encore avoir lieu .
ART . VI . Pour redreſſer réciproquement tous
les abus qui ſe ſont gliffés dans le commerce au
préjudice des Pays , Etats & Sujets reſpectifs des
hautesParties contractantes , on eft convenu que ,
d'abord après la paix conclue on nommera de
part & d'autre des Commiſlaires qui régleront
les affaires de Commerce fur des principes équitables
& réciproquement utiles.
ILferacaufli réciproquement adminiſtré bonne
& prompte juſtice à ceux des Sujets reſpectifs qui
aurontdesprocès&des prétentions liquides dans
1s Etats de l'une ou de l'autre Partie , & quand
il y en aura qui auront change ou voudrontencore
changer de domicile & paffer de la domination
de l'une fous celle de l'autre des hautes. Parties
contractantes , on ne leur fera point de difficulté
à cet égard.
ART. VII. Sa Majesté le Roi de Pruſſe conſent
1
JUIN. 1763 . 219
d'accéder & fera accéder ſes Sujets créanciers de
la Steuer de Saxe aux arrangemens qu'on prendra
inceſſamment par rapport aux intérêts à payer ,
& pour l'établiſſement d'un fonds d'amortiſſement
folide & durable ſans aucune préférence .
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , affure & promet d'un autre côté que ,
conformément auxdits arrangemens , tous les
Sujets de Sa Majeſté Pruſſienne , qui ont ou auront
des capitaux dans la Steuer de Saxe , recevront
leurs intérêts exactement , & que les capitaux
leur feront auſſi rembourſés en entier , ſans
la moindre réduction ni diminution , & dans un
eſpacede temps raiſonnable.
ART . VIII . L'échange de la Ville & du Péage
de Furstenberg & du Village de Schildlo contre
un equivalent an Land und Leuten , ſtipulé dans
l'Article VII de la paix de Dreſde , ayant rencontré
beaucoup de difficultés dans l'éxécution , on
eſt ultérieurement convenu que pour le faciliter
la Ville de Furstenberg , avec ſes dépendances ſituées
en-deçà de l'Oder , ne ſera pas compriſe
dans ce troc & reſtera à Sa Majesté Polonoiſe
mais que d'un autre côté Sadite Majesté le Roi
de Pologne , Électeur de Saxe , cédera à S. M.
Pruſſienne non- ſeulement le Péage de l'Oder ,
qu'Elle a perçu juſqu'ici à Furstenberg , & le
Village de Schildlo avec ſes appartenances au-delà
de l'Oder , maisauſſi généralement tout ce qu'Elle
a poſſédé juſqu'ici des bords & rives de l'Oder ,
tant du côté de la Luſace que de celui de la Marche
, de forte que la rivière de l'Oder faſſe la limite
territoriale , & que la ſupériorité des deux
rives & bords de l'Oder , & de tout ce qui eſt audelà
de l'Oder du côté de la Marche , appartienne
déſormais en entier & excluſivement à Sa Majeſté
le Roi de Pruſſe , ſes Succeſſeurs & Héritiers à
perpétuité. Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
Il eſt auſſi convenu que l'équivalent à donner à
Sa Majefté Polonoiſe ne pourra être évalué qu'à
proportion du revenu réel qu'Elle a tiré juſqu'ici
des poffeflions qu'Elle cédera àSa Majesté Pruffienne
, en conféquence de quoi Sa Majesté Polonoiſe
ſe contentera d'un équivalent an Landund
Leuten , dont le revenu réel ſeroit égal au revenu
réel des poſſeſſions qu'Eile cédera à Sa Majeſté
Brufſienne.
Au reſte dans tous les autres points relatifs à cet
échange , l'Article VII de la paix de Dreſde ſera
éxactement obſervé & éxécuté.
ART. IX. Sa Majeſté le Roi de Pruffe accorde
à Sa Majeſté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , le libre paſſage en tout temps par la Siléfie
en Pologne , & renouvelle en particulier ce
qui a été ſtipulé là- deſſus dans l'Article X du Traitéde
paix conclu à Dreſde en 1745 .
ART. X. Les hautes Parties contractantes ſe gas
rantiſſent réciproquement l'abſervation & l'éx
cution du préſent Traité de paix , & tâcheront
d'en obtenir la garantie des Puillances avec lefquellesElles
font en amitié.
ART . XI . Le préſent Traité de paix ſera ratifié
de part & d'autre , & les ratifications feront expédiées
en bonne & due forme ,& échangéesdans
F'eſpace de quinze jours , ou plutôt fi faire ſe
peut , àcompter du jour de leur ſignature.
En foi de quoi , les ſouſſignés Plénipotentiaires
de Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de
Saxe, & de Sa Majesté le Roi de Pruſſe , en vertu
de leurs pleins pouvoirs , ont ſigné le préſent
Traité de paix , & y ont fait appoſer les cachets
de leurs armes.
Fait au Château de Hubertzbourg , le is Février
1763.
THOMAS, BARON DE FRITSCH .
( Signé ) EWALD-FREDERIC DE HERTZBERG .
JUI N. 1763 . 221
ARTICLES SÉPARÉS.
ART. I. On est convenu que dans les arrérages
ou autres preſtations arriérées , qui devront
ceffer du II Février 1763 , ne ſera pascompris ce
qui eſt encore dû fur les lettres de change & autres
engagemens par écrit , énoncés dans la ſpécification
ci -jointe ,que Sa Majeſté le Roide Pruſſe
ſe réſerve expreffément , & que Sa Majesté le Roi
dePologne promet de faire acquitter éxactement ,
&ſelon la teneur deſdites lettres de change &
autres engagemens par écrit donnés là-deſſus ,
ſans le moindre rabais ou défalcation , & dans
les monnoiesy promiſes.
ART. II . Pour ne laiſſer aucun doute ſur la
rrature& la ſolidité des arrangemens à prendre
fur les affaires de la Steuer , dont il a été fait
mention dans l'Article VII du Traité de paix ,
Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur de Saxe ,
déclare qu'Elle prendra des arrangemens pour
qu'aucun des créanciers de la Steuer ne perde
riende ſon capital.
Qu'il eſt impoſſible de leur payer les intérêts
arriérés après que tous les revenus du pays ont
été notoirement abſorbés par les calamités de
laguerre.
Que la même raiſon doit valoir pour l'année
préſente après toutes les charges auxquelles le
pays a déja été obligé de fournir.
Mais qu'à l'avenir Sa Majeſté prendra inceſſam.
ment avec les Etats de la Saxe , aſſemblés en
Diéte , les arrangemens néceſſaires pour établir
un fonds prélevable ſur les revenus les plus clairs
du pays , lequel ſera , 10. principalement employé
pour payer éxactement les intérêts qui ne
pourront pas être fixés au-deſſous de trois pour
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE .
cent , tout comme ils ne pourront pas paffer lefdits
trois pour cent. 2°. Que le reſte fera le fonds
d'amortiſſement pour l'acquit ſucceſſif des capitaux
, qui augmentera à proportion de l'acquit
des capitaux & de la diminution des intérêts , &
dont la diſtribution ſe fera annuellement par le
fort , ſans aucune préférence pour perſonne à
quelque titre que ce ſoit. 30. Que l'adminiſtration
dudit fonds total deſtiné au payement des
intérêts & au rembourſement des capitaux ſera
fixée en la ſuſmentionnée Diete prochaine des
Etats de Saxe , de façon qu'il s'y trouve pleine
sûreté , Sa Majesté le Roi de Pologne , Electeur
de Saxe , promettant de donner là-deſſus
toutes les aſſurances convenables.
ART. III. Il a été convenu & arrêté que les
titres employés ou omis de part & d'autre à
l'occaſion de la préſente négociation dans les
pleins pouvoirs & autres actes , ou partout ailleurs
, ne pourront être cités ou tirés à conféquence
, & qu'il ne pourra jamais en réſulter
aucun préjudice pour aucune des Parties intéreffées.
Les trois préſens Articles ſéparés auront la
même force que s'ils étoient mot à mot inférés
dans le Traité principal , & ils ſeront également
ratifiés des deux hautes Parties contractantes .
En foi de quoi les ſouſſignés , Plénipotentiaires
de Sa Majesté le Roi de Pologne , Électeur de
Saxe , & de Sa Majeſte le Roi de Pruſſe , ont
ſigné ces préſens Articles ſéparés , & y ont fait
appoſer les cachets de leurs armes.
• Fait au Château de Huberzbourg le is Février
1763.
THOMAS , BARON DE FRITSCH .
( Signé ) EWALD- FRÉDÉRIC DE HERTZBERG ,
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Résumé : TRAITÉ de paix conclu entre sa Majesté le Roi de POLOGNE, Electeur de Saxe, & Sa Majesté le Roi de PRUSSE, au Château de Hubertzbourg, le 15 Février 1763.
Le traité de paix de Hubertusbourg, signé le 15 février 1763 entre le Roi de Pologne, Électeur de Saxe, et le Roi de Prusse, vise à mettre fin aux conflits et à rétablir la paix et l'amitié entre les deux monarchies. Les points essentiels du traité incluent : 1. **Paix et amitié** : Une paix durable et une amitié sincère doivent prévaloir entre les deux souverains et leurs héritiers, avec une amnistie générale et un oubli des événements de la guerre. Aucune demande de dédommagement ne sera faite. 2. **Cessation des hostilités** : Toutes les hostilités doivent cesser à partir du 11 février 1763. La Prusse cessera toutes contributions et prestations en Saxe et restituera les sommes prises ou exigées. 3. **Évacuation de la Saxe** : La Prusse doit commencer les dispositions pour évacuer la Saxe dans les trois semaines suivant la ratification du traité. Les troupes prussiennes et celles de l'Impératrice-Reine de Hongrie et de Bohême doivent quitter la Saxe dans le même délai. 4. **Restitution des prisonniers et des biens** : La Prusse doit libérer sans rançon tous les prisonniers de guerre saxons et restituer l'artillerie saxonne. Les villes de Leipzig, Torgau et Wittenberg doivent être restituées avec leurs fortifications. 5. **Renouvellement des traités antérieurs** : Le traité de paix de Dresde de 1745 est renouvelé et confirmé, sauf en ce qui concerne les dispositions contraires au présent traité. 6. **Commerce et justice** : Des commissaires seront nommés pour régler les abus dans le commerce et administrer justice aux sujets des deux parties. Les sujets qui changent de domicile ne rencontreront pas de difficultés. 7. **Affaires de la Steuer** : La Prusse accepte les arrangements concernant les créanciers de la Steuer de Saxe, et la Saxe assure le remboursement des capitaux sans réduction. 8. **Échange territorial** : La ville de Fürstenberg reste à la Pologne, mais la Saxe cède le péage de l'Oder, le village de Schildlo et ses possessions sur les rives de l'Oder à la Prusse. Un équivalent en terres et en sujets sera donné à la Saxe. 9. **Passage en Silésie** : La Prusse accorde à la Pologne le libre passage en Silésie. 10. **Garantie du traité** : Les deux parties se garantissent réciproquement l'observation et l'exécution du traité et chercheront la garantie des puissances amies. Le traité doit être ratifié et les ratifications échangées dans les quinze jours suivant la signature.
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13
p. 209-210
« Le Public est prévenu que les personnes qui composoient ci-devant avec les Sieurs [...] »
Début :
Le Public est prévenu que les personnes qui composoient ci-devant avec les Sieurs [...]
Mots clefs :
Société d'agence, Retrait, Directeur, Harmonie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le Public est prévenu que les personnes qui composoient ci-devant avec les Sieurs [...] »
LE Public eſt prévenu que les perſonnes qui
eompoſoient ci-devant avec les Sieurs MoRE &
BoNAvENTURE, la Société d' Agence, ſe ſont ſé
parées de ces derniers, le 3o du mois de Mars
1764 , & c.
Le ſieur DE NEUvE-EGLIsE qui étoit du nom
bre de ces perſonnes retirées de la Société d'Agence,
a l'honneur d'obſerver au Public à cette
orcaſion , qu'il n'a point été DIREcTEUR de la
dite Société ; c'eſt-a-dire , CoMMIs , mais bien
Aſſocié chargé de la Direction de cette entrepri
ſe , ainſi qu'il appert par l'Article 7 de la Déli
béation du 24 Octobre 1763 ; qu'il n'a jamais
2ro MERCURE DE FRANCE.
été cautionné par aucun de ſes Co-aſſociés , &
qu'il a abandonné ſon intérêt en ladite aſſocia
tion , vu le peu d'harmonie, d'intelligence , &c.
de ceux qui l'ont qualifié à la page 2 1 1 du Mer
eure de Mai 1764 , de leur DIREcTEUR & de
leur PRETE-NoM.
eompoſoient ci-devant avec les Sieurs MoRE &
BoNAvENTURE, la Société d' Agence, ſe ſont ſé
parées de ces derniers, le 3o du mois de Mars
1764 , & c.
Le ſieur DE NEUvE-EGLIsE qui étoit du nom
bre de ces perſonnes retirées de la Société d'Agence,
a l'honneur d'obſerver au Public à cette
orcaſion , qu'il n'a point été DIREcTEUR de la
dite Société ; c'eſt-a-dire , CoMMIs , mais bien
Aſſocié chargé de la Direction de cette entrepri
ſe , ainſi qu'il appert par l'Article 7 de la Déli
béation du 24 Octobre 1763 ; qu'il n'a jamais
2ro MERCURE DE FRANCE.
été cautionné par aucun de ſes Co-aſſociés , &
qu'il a abandonné ſon intérêt en ladite aſſocia
tion , vu le peu d'harmonie, d'intelligence , &c.
de ceux qui l'ont qualifié à la page 2 1 1 du Mer
eure de Mai 1764 , de leur DIREcTEUR & de
leur PRETE-NoM.
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Résumé : « Le Public est prévenu que les personnes qui composoient ci-devant avec les Sieurs [...] »
Le 30 mars 1764, les associés de la Société d'Agence se sont séparés des sieurs MORE et BONAVENTURE. Le sieur DE NEUVE-ÉGLISE a clarifié qu'il était associé chargé de la direction, non directeur. Il a quitté la société en raison du manque d'harmonie entre les membres. Le Mercure de mai 1764 l'a incorrectement qualifié de directeur et prête-nom.
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