Résultats : 18 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 6-14
L'AMOUR COMMODE.
Début :
Hé bien, mon coeur facile & qui par tout se rend, [...]
Mots clefs :
Amour, Chagrin, Règles, Commode, Heureux, Badiner, Rire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR COMMODE.
L'AMOUR COMMODE.
H
T
E' bien , mon cœur facile &qui partout se rend,
Pourquaire ou cing Beautez en mefime temps, foupire Entre nous , pelle be Iris, est-ce un crimefi
grand
Mon Qu'ilfailley trouver tant à dire ?
ધોની
:
GALANT.
Si j'ay dequoy vous engager ,
Parceque j'aymeailleurs en dois-jemoins
vousplaire,
Etpourquelques douceurs qu'on me voit
partager,
Nesçaurois- je estre vôtre affaire ?
Rendez plus dejustice à mafincerité.
Sij'en conte en tous lieux, c'eſtſans estre
volage,
P'aime tant que l'on m'aime , & cette fermeté Vant bien qu'auecmoy l'on s'engage.
Ilest vray qu'absent desbeauxyeux Dontmon amecharmée adore la lumiere,
Pourfinirdes jours ennuyeux.
Ien'aypaslamain meurtriere.
Ie cours oùje prétens qu'on seplaiſe à
me voir ,
Ie ris ,je chante,jefolâtre ,
Etregarde leDesespoir Commeune vertudeTheatre.
A iij
6 LE MERCVRE
C'est estre , je l'avoue , Amant peu regulier ,
Maisjefuis tous les mauxque le chagrin fait naiftre ,
Etsi c'eſt làn'aimer qu'en Ecolier ,
Dien me garde d'aimer en Maistre.
Apres tout , le repos estant un bien fi doux,
Aime-t-on afin qu'on enrage
Etpour sécher d'ennuy d'estre éloignéde
vous,
Vousen verray-je davantage? 1
Lesplaintes, les langueurs , les foûpirs,
lesfanglots,
Merendront- ils ceque m'ofte l'absence,
Etn'est - ilpas plus àpropos Qu'apres l'avoir perdu je prenne pa- tience ?
L'amourde tous les maux est leplus dangereux ,
Quand trop d'attachement nous livre à
Soncaprice,
GALAN Τ. 7
Et je ne ſcache point d'employ si malhenreux ,
Quede sefaire Amant d'office.
Achaque occafion il faut avectransport S'arracherles cheveux, se battre la poitrine د
Eftre tout prest decourir àla mort ,
Oudumoins en avoirla mine.
i
Franchement, ce mestier est des plusfatigans,
Ilamillechagrins qui rarement s'appai- Sent,
Et cen'est n' pasà
vagans
tart qu'on nommeextraLespauvres Dupesqui s'y plassent.
BIBLE
Aimeparregles qui voudr
lamais cenefut ma methode ,
Ie m'offre , &fansſonger comme le tour
ira ,
Ie prens d'abord du plus commode.
Mesvœuxn'ayantpour tout objet A iiij
ILE MERCVRE
Quede rendre heureux ce que j'aime,
Pourreüffir dans ceprojet Je croy devoir toûjours commencerpar moy-mefme.
Ainfi, charmante Iris, fi mon humeur
vousplaiſt ,
N'examinezrien autrechose,
Aimez- moyfansprendre interest Si de mon cœur quelqu'autre ainſi que vous dispose.
Tantque je vous verray ,je ſeray tout à
vous,
Point deſouvenirdesAbſentes ,
Vous allumerez ſeule en des momensfi doux
Mespaßions lesplus ardentes.
Dansquelquepaffe temps que vous väeil- *liez donner ,
I'ydonn erayfans le combattre ;
Etfi vous voulez badiner ,
Ieferaybadin comme quatre.
Iene dispas ,quandvous m'aurez quité,
و .GALANT
Qu'attendant que je vous revoye ,
Jen'aille d'un autre costé
Faire un nouvel amas de joye.
L
Mais ces égaremens facheux aux cœurs jaloux,
Nepeuvent estre àvoſtre honte;
Cequejeferay loin de vous ,
Neferapointfur vostre compte.
Dans le temps oùtousdeux nous nenous
verronspas ,
Comme d'aucunplaisir je ne veux medefendre ,
Nevousfaitespoint d'embarras Detous ceuxque vouspourrezprendre.
Recevezdes Amans, écoutez leurs douceurs ,
Et quand de nous revoir l'heure ſera venue دو Prenonsce que chacun nous aurons fait
ailleurs,
Comme chosenon avenuë.
*
Sans nous inquieter de rich 0
A V
LE MERCVRE
1
Faiſons -nous le mesme visage Quesi vostre cœur &le mien Estoient demeurezfanspartage.
Commed'amour tout tranſporté,
Ievousferay mille careſſes ,
Vous pourrez y répondre en toute sou- reté
Parvosplusflateuſes tendreſſes.
Mefaire des faveurs , c'eſt ne rien ha- zarder,
Ieſuis diferet , &recevant des vostres,
Vous aurez beau m'en accorder,
Ien'en parleraypoint aux autres.
Aces conditionsſi jeſuis voſtrefait,
Belle Iris, vous n'avez qu'àdire,
Cherchons en nous aimant l'amour leplus
parfait,
Mais n'aimonsjamaisque pour rire.
H
T
E' bien , mon cœur facile &qui partout se rend,
Pourquaire ou cing Beautez en mefime temps, foupire Entre nous , pelle be Iris, est-ce un crimefi
grand
Mon Qu'ilfailley trouver tant à dire ?
ધોની
:
GALANT.
Si j'ay dequoy vous engager ,
Parceque j'aymeailleurs en dois-jemoins
vousplaire,
Etpourquelques douceurs qu'on me voit
partager,
Nesçaurois- je estre vôtre affaire ?
Rendez plus dejustice à mafincerité.
Sij'en conte en tous lieux, c'eſtſans estre
volage,
P'aime tant que l'on m'aime , & cette fermeté Vant bien qu'auecmoy l'on s'engage.
Ilest vray qu'absent desbeauxyeux Dontmon amecharmée adore la lumiere,
Pourfinirdes jours ennuyeux.
Ien'aypaslamain meurtriere.
Ie cours oùje prétens qu'on seplaiſe à
me voir ,
Ie ris ,je chante,jefolâtre ,
Etregarde leDesespoir Commeune vertudeTheatre.
A iij
6 LE MERCVRE
C'est estre , je l'avoue , Amant peu regulier ,
Maisjefuis tous les mauxque le chagrin fait naiftre ,
Etsi c'eſt làn'aimer qu'en Ecolier ,
Dien me garde d'aimer en Maistre.
Apres tout , le repos estant un bien fi doux,
Aime-t-on afin qu'on enrage
Etpour sécher d'ennuy d'estre éloignéde
vous,
Vousen verray-je davantage? 1
Lesplaintes, les langueurs , les foûpirs,
lesfanglots,
Merendront- ils ceque m'ofte l'absence,
Etn'est - ilpas plus àpropos Qu'apres l'avoir perdu je prenne pa- tience ?
L'amourde tous les maux est leplus dangereux ,
Quand trop d'attachement nous livre à
Soncaprice,
GALAN Τ. 7
Et je ne ſcache point d'employ si malhenreux ,
Quede sefaire Amant d'office.
Achaque occafion il faut avectransport S'arracherles cheveux, se battre la poitrine د
Eftre tout prest decourir àla mort ,
Oudumoins en avoirla mine.
i
Franchement, ce mestier est des plusfatigans,
Ilamillechagrins qui rarement s'appai- Sent,
Et cen'est n' pasà
vagans
tart qu'on nommeextraLespauvres Dupesqui s'y plassent.
BIBLE
Aimeparregles qui voudr
lamais cenefut ma methode ,
Ie m'offre , &fansſonger comme le tour
ira ,
Ie prens d'abord du plus commode.
Mesvœuxn'ayantpour tout objet A iiij
ILE MERCVRE
Quede rendre heureux ce que j'aime,
Pourreüffir dans ceprojet Je croy devoir toûjours commencerpar moy-mefme.
Ainfi, charmante Iris, fi mon humeur
vousplaiſt ,
N'examinezrien autrechose,
Aimez- moyfansprendre interest Si de mon cœur quelqu'autre ainſi que vous dispose.
Tantque je vous verray ,je ſeray tout à
vous,
Point deſouvenirdesAbſentes ,
Vous allumerez ſeule en des momensfi doux
Mespaßions lesplus ardentes.
Dansquelquepaffe temps que vous väeil- *liez donner ,
I'ydonn erayfans le combattre ;
Etfi vous voulez badiner ,
Ieferaybadin comme quatre.
Iene dispas ,quandvous m'aurez quité,
و .GALANT
Qu'attendant que je vous revoye ,
Jen'aille d'un autre costé
Faire un nouvel amas de joye.
L
Mais ces égaremens facheux aux cœurs jaloux,
Nepeuvent estre àvoſtre honte;
Cequejeferay loin de vous ,
Neferapointfur vostre compte.
Dans le temps oùtousdeux nous nenous
verronspas ,
Comme d'aucunplaisir je ne veux medefendre ,
Nevousfaitespoint d'embarras Detous ceuxque vouspourrezprendre.
Recevezdes Amans, écoutez leurs douceurs ,
Et quand de nous revoir l'heure ſera venue دو Prenonsce que chacun nous aurons fait
ailleurs,
Comme chosenon avenuë.
*
Sans nous inquieter de rich 0
A V
LE MERCVRE
1
Faiſons -nous le mesme visage Quesi vostre cœur &le mien Estoient demeurezfanspartage.
Commed'amour tout tranſporté,
Ievousferay mille careſſes ,
Vous pourrez y répondre en toute sou- reté
Parvosplusflateuſes tendreſſes.
Mefaire des faveurs , c'eſt ne rien ha- zarder,
Ieſuis diferet , &recevant des vostres,
Vous aurez beau m'en accorder,
Ien'en parleraypoint aux autres.
Aces conditionsſi jeſuis voſtrefait,
Belle Iris, vous n'avez qu'àdire,
Cherchons en nous aimant l'amour leplus
parfait,
Mais n'aimonsjamaisque pour rire.
Fermer
Résumé : L'AMOUR COMMODE.
Le texte relate un dialogue entre un Galant et Iris sur la nature de l'amour. Le Galant décrit l'amour comme facile et ouvert à plusieurs beautés simultanément. Il cherche à éviter les souffrances causées par le chagrin et l'attachement excessif, préférant un amour sans contraintes et sans souffrances inutiles. Il privilégie le repos et le plaisir. Le Galant propose à Iris une relation basée sur le plaisir mutuel et la liberté. Il promet de lui être entièrement dévoué tant qu'ils seront ensemble, sans se soucier des absences ou des autres amours. Il suggère qu'ils puissent tous deux profiter de plaisirs ailleurs sans que cela affecte leur relation. Il insiste sur la discrétion et la fidélité dans leurs échanges, proposant de ne pas parler des faveurs reçues d'autres personnes. En résumé, le Galant prône un amour léger, sans attachement excessif, et basé sur le plaisir partagé et la liberté individuelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 11-31
LIVRE Nouveau.
Début :
Il paroist depuis peu un livre intitulé, Regles pour former [...]
Mots clefs :
Règles, Droit, Avocat, Éloquence, Génies, Barreau, Justice
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LIVRE Nouveau.
LIVRE
Nouveau
Il paroist depuis peuun
Livre intitulé,, Réglés
pourformer un Avocat,
tirées des plusfameux
Auteurs , tant Anciens
que Modernes.
Dans le premier Chapitre
,
l'Auteur parle de
l'Eloquence en général.,
& montre que lanature
seule, toute éloquente
qu'elle est, ne suffit pas
pour former un parfait
Orateur.
Au second Chapitre,
de la noblesse &prérogative
de laproffession d'A..-
avocat,ilrapporte que
parmi les Grecs & les
Romains
,
les Conque.
rans même descendant
du char de leur triomphe
,
venoient immoler
aux pieds de la Justice,
l'ambition de perdre les
hommes
? pour suivre
celle de les deffendre.
C'estainsi que le Roya
rravaillé luy même à former
ce Chef- d'oeuvre de
nouvelles Ordonnances:
monument immortel de
la Ggcife & dela justice
de Louis LE GRAND.
Apres avoir parlé de
l'Eloquence en général.,
l'Auteur traite à fond celle
du Barreau, qui est
son objet particulier.
Je fais consister,dit il
l'Eloquence du Barreau dans
quatre principales choses.
La premiere ,
Sciencedan.s la
La seconde,à bien Composer.
nLaotroinsiémce,eà biren.proLaquatrième&
dernière,
à possederles vertus que
doit avoir un Avocar.
Sur chaque partie je rapporteray
les Regles qui y
conviennent
,
& voila tout
mon dessein.
L'Auteur marque enfuite
les differens carac.
teres de l'Eloquence
,
que chaque Avocat peut
chofir par rapport à ses
talens naturels, & à l'étenduë
de son esprit. Il
marque à ce propos les
differens genies de quelques
Orateurs anciens.
Cefary parloir avec force
&. vehemence.
Celius, se faisoit admirer
dans ses discours parunge
nietoutsingulier.
Calledus, estoit subtil dans
ses raisonnemens.
Brutus,avoit de la gravi
té en parlant en Public.
Sulpicius, avoir des poin
ces trésagréables.
Casseus,plaidoit avec
chaleur.
Pollion, composoit avc
majesté.
Calvus, avec scrupule &
circonspection.
Seneque, avoit la secondite
en partage.
Africain, l'énergie.
- Crispus) l'agrément.
Tracallus
, une belle déclamation.
Secundus, l'élegance.
Demosthene )cnlporroit la
piéce ( si on peut se sevir
de ce mot)
Ciceron, semble avoir luy;
fqculutouarels icetseémzine.ntes,¡
i,
Ensuite l'Auteuraprés
avoir établi plusieurs Regles
generales pour devenir
excellent Avocat,
convient que la grande
difficulté, est de mettre
ces Regles enusage.
Il faut, dit il, à un Avocat
un esprit profond pour
penecrerle fond des Regles,
son discernement les distingue,&
les compare,sa Justice
n'y voit que ce qu'il y
faut voir, sa droiture les
prend toûjours par le bon
costé,& sa délicatesse apperçoit
celles qui patoissent
imperceptibles ; tout cela
fait qu'on ne peut donner
pour l'usage
,
des Regles
fixes ôc immuables,
Eneffet les Regles generales
sont des écueils
pour les petits genies qui
les suivent à la lettre, les
genies fauxméprisent les
Regles- parce qu'ils n'en
sentent pas la justesse,&
les grands genies s'élevent
au-dessus des Regles,
parce qu'ils sçavent
- plus que les Regles.
Tout le reste du Livre
est conformement à son
titre,unreceüil avec ordre
de Regles, de Maximes
& de Conseils:
j'en rapporterai quelques
traits en abregé sans les
choisir, plutost pour
vous donner une idée
generale du Livre, que
pour vous en citer les plus
beaux endroits.
Le sublime & les ornemens
ne sont pas bons dans
toutes sortes de caures; il
fauttraiter les petits sujets
d&'un aircsimp.le& naturel,
, Vous allez voir une ma-
- xime qui paroist d'abord
un peu obscure,l'Auteur
la développe tres-sinement
& tres - nette..
ment; mais ce qu'il en
dit est trop étendu pour
estreplacé icy; clïofesexcellenteilsy^daodieist
on ne peut faite l'exerait
sans en diminuer la beauté
,
voici la maxime.
Il y a de l'art à paroistre
quelques fois douter de ce
que nous disons pour mieux
persuader la verité,&c.
Undes cas ou l'Avocat
peut utilement paroistre
douter de la bonté
de sa cause
,
c'est
quand il s'agit de prouver
aux Juges qu'il ne la
soûtient point paropiniâtreté,
& qu'il n'estpoint
aveuglé par la prévennon,.
Ce n'est pas peu dans
l'Eloquence de bien sçavoir
ce qui doit estre negligé,
&ce qui nele doit
pas estre.
Laveritable Eloquen
• ce doit estre proportionnée
à la capacité de ceux
à qui elle parle.
Que vostre stile foit pur
sans estre énervé parune
exactitude scrupuleuse.,
Lacomposition de l'AvocatDemandeur
doit
estredifférente decelle
du Dessendeur. Le premier
doit établir simplement
Ca.demande ; le second
est toûjours en action
,
il nie, il refute
,
il
excuse, il supplie, il adoucit
& diminuë. Atout
prendre il est bien plus
difficile de soûtenir le
Deffendeur, que le Demandeur.
:
Si Vous plaidezpour
unaccusateur,vostre
composition doit estre
1-iardic, feyerc.,&:vigoareuse,
reuse, parce que vous avez
à combattre la douceur
& la clemence des
Juges; sivous desfendez
un accusé, vostre composition
doit exciter &
soûtenir par sa douceur,
la clemence de ces mêmes
Juges combatuë par
la feyerité des Loix.
UnPlaidoyerqui manque
d'art doit se soûtenir
par l'assemblage deses
forces, par le poids &
par les secousses redoublées
des raisonnemens,
& des preuves.
Un Avocat doit si
bien ménager son Eloquence
qu'onimpute à
la bonté de sa cause, les
traits que son habileté
luy fournit..
Pour bien exprimer les
choses, le tour le plus
~~re!. çlt-J Jeplus cliffir
cile àtrouverà ceux qui
le cherchent, ceux qui
le trouvent sansle cherçker,
jfoAt ..prçjÇjqs les
seuls qui le trouvent. >u
Ce n'est pasassezàun.
Orateur d'estre Eloquent;
il doitconformer
son Eloquenceau goût
de (on siécle.
- La mode n'est. pas à
negliger dans leschofès*
où il est essentiel deplaire
au plus grand nombre.
Il cft dangereux de faire
voir les Factums aux Juges,
avant qu'on ait plaidé-la cause,
car se flatantqu'ils fçaventparavance
tout ceqi*±
on leur peut dire sur l'affaite,
ilsn'écouteront point
l'Avocat avec attention,&
vous perdrez le fruit de certains
traits d'éloquence, qui
touchent & qui émeuvent
les Juges; quand on les prononce
, & qui font peu d'esset
dans la lecture.
Le dernier conseil que
l'Auteur donneà unfameux
Avocat, c'efi; de
se retrancherauCabinet
quand il commence à
moins briller au Barreau,
Il cite là-dessusAsser, le
plus celcbre Orateur de
son siécle, qui à quatrevingt
ans, croyoit plaider
aussi bien qu'à trente;
on disoit de luy qu'il
aimoit mieux renoncerà
sa réputation
,
qu'à sa
profession. Cet exemple
doit rendre Cage les Auteurs
,
dont le feu & la
délicatesse commence à
s'émousser par le grand
âge, car la malignité se
plaist à juger d'un Auteur
par ses derniers 0Uf
vrages , ou par ses premiers
quelle injustice?
de condamner un bel et
prit par des essais qui luy
sont échappez en fortant
du College ; il est
moins injustedeblâmer
celuy qui ne peut se resoudre
à cesser d'êtreAuteur,
car il est plus pardonnable
à un jeune étourdy
de commencer
trop tost
,
qu'à unhomme
censé de finir trop
tard*
Il se vend à. Paris, chez
Daniel Joller, sur le Pont S.
Michel, ducosté du Marché-
Neuf, au Livre Royal.
Nouveau
Il paroist depuis peuun
Livre intitulé,, Réglés
pourformer un Avocat,
tirées des plusfameux
Auteurs , tant Anciens
que Modernes.
Dans le premier Chapitre
,
l'Auteur parle de
l'Eloquence en général.,
& montre que lanature
seule, toute éloquente
qu'elle est, ne suffit pas
pour former un parfait
Orateur.
Au second Chapitre,
de la noblesse &prérogative
de laproffession d'A..-
avocat,ilrapporte que
parmi les Grecs & les
Romains
,
les Conque.
rans même descendant
du char de leur triomphe
,
venoient immoler
aux pieds de la Justice,
l'ambition de perdre les
hommes
? pour suivre
celle de les deffendre.
C'estainsi que le Roya
rravaillé luy même à former
ce Chef- d'oeuvre de
nouvelles Ordonnances:
monument immortel de
la Ggcife & dela justice
de Louis LE GRAND.
Apres avoir parlé de
l'Eloquence en général.,
l'Auteur traite à fond celle
du Barreau, qui est
son objet particulier.
Je fais consister,dit il
l'Eloquence du Barreau dans
quatre principales choses.
La premiere ,
Sciencedan.s la
La seconde,à bien Composer.
nLaotroinsiémce,eà biren.proLaquatrième&
dernière,
à possederles vertus que
doit avoir un Avocar.
Sur chaque partie je rapporteray
les Regles qui y
conviennent
,
& voila tout
mon dessein.
L'Auteur marque enfuite
les differens carac.
teres de l'Eloquence
,
que chaque Avocat peut
chofir par rapport à ses
talens naturels, & à l'étenduë
de son esprit. Il
marque à ce propos les
differens genies de quelques
Orateurs anciens.
Cefary parloir avec force
&. vehemence.
Celius, se faisoit admirer
dans ses discours parunge
nietoutsingulier.
Calledus, estoit subtil dans
ses raisonnemens.
Brutus,avoit de la gravi
té en parlant en Public.
Sulpicius, avoir des poin
ces trésagréables.
Casseus,plaidoit avec
chaleur.
Pollion, composoit avc
majesté.
Calvus, avec scrupule &
circonspection.
Seneque, avoit la secondite
en partage.
Africain, l'énergie.
- Crispus) l'agrément.
Tracallus
, une belle déclamation.
Secundus, l'élegance.
Demosthene )cnlporroit la
piéce ( si on peut se sevir
de ce mot)
Ciceron, semble avoir luy;
fqculutouarels icetseémzine.ntes,¡
i,
Ensuite l'Auteuraprés
avoir établi plusieurs Regles
generales pour devenir
excellent Avocat,
convient que la grande
difficulté, est de mettre
ces Regles enusage.
Il faut, dit il, à un Avocat
un esprit profond pour
penecrerle fond des Regles,
son discernement les distingue,&
les compare,sa Justice
n'y voit que ce qu'il y
faut voir, sa droiture les
prend toûjours par le bon
costé,& sa délicatesse apperçoit
celles qui patoissent
imperceptibles ; tout cela
fait qu'on ne peut donner
pour l'usage
,
des Regles
fixes ôc immuables,
Eneffet les Regles generales
sont des écueils
pour les petits genies qui
les suivent à la lettre, les
genies fauxméprisent les
Regles- parce qu'ils n'en
sentent pas la justesse,&
les grands genies s'élevent
au-dessus des Regles,
parce qu'ils sçavent
- plus que les Regles.
Tout le reste du Livre
est conformement à son
titre,unreceüil avec ordre
de Regles, de Maximes
& de Conseils:
j'en rapporterai quelques
traits en abregé sans les
choisir, plutost pour
vous donner une idée
generale du Livre, que
pour vous en citer les plus
beaux endroits.
Le sublime & les ornemens
ne sont pas bons dans
toutes sortes de caures; il
fauttraiter les petits sujets
d&'un aircsimp.le& naturel,
, Vous allez voir une ma-
- xime qui paroist d'abord
un peu obscure,l'Auteur
la développe tres-sinement
& tres - nette..
ment; mais ce qu'il en
dit est trop étendu pour
estreplacé icy; clïofesexcellenteilsy^daodieist
on ne peut faite l'exerait
sans en diminuer la beauté
,
voici la maxime.
Il y a de l'art à paroistre
quelques fois douter de ce
que nous disons pour mieux
persuader la verité,&c.
Undes cas ou l'Avocat
peut utilement paroistre
douter de la bonté
de sa cause
,
c'est
quand il s'agit de prouver
aux Juges qu'il ne la
soûtient point paropiniâtreté,
& qu'il n'estpoint
aveuglé par la prévennon,.
Ce n'est pas peu dans
l'Eloquence de bien sçavoir
ce qui doit estre negligé,
&ce qui nele doit
pas estre.
Laveritable Eloquen
• ce doit estre proportionnée
à la capacité de ceux
à qui elle parle.
Que vostre stile foit pur
sans estre énervé parune
exactitude scrupuleuse.,
Lacomposition de l'AvocatDemandeur
doit
estredifférente decelle
du Dessendeur. Le premier
doit établir simplement
Ca.demande ; le second
est toûjours en action
,
il nie, il refute
,
il
excuse, il supplie, il adoucit
& diminuë. Atout
prendre il est bien plus
difficile de soûtenir le
Deffendeur, que le Demandeur.
:
Si Vous plaidezpour
unaccusateur,vostre
composition doit estre
1-iardic, feyerc.,&:vigoareuse,
reuse, parce que vous avez
à combattre la douceur
& la clemence des
Juges; sivous desfendez
un accusé, vostre composition
doit exciter &
soûtenir par sa douceur,
la clemence de ces mêmes
Juges combatuë par
la feyerité des Loix.
UnPlaidoyerqui manque
d'art doit se soûtenir
par l'assemblage deses
forces, par le poids &
par les secousses redoublées
des raisonnemens,
& des preuves.
Un Avocat doit si
bien ménager son Eloquence
qu'onimpute à
la bonté de sa cause, les
traits que son habileté
luy fournit..
Pour bien exprimer les
choses, le tour le plus
~~re!. çlt-J Jeplus cliffir
cile àtrouverà ceux qui
le cherchent, ceux qui
le trouvent sansle cherçker,
jfoAt ..prçjÇjqs les
seuls qui le trouvent. >u
Ce n'est pasassezàun.
Orateur d'estre Eloquent;
il doitconformer
son Eloquenceau goût
de (on siécle.
- La mode n'est. pas à
negliger dans leschofès*
où il est essentiel deplaire
au plus grand nombre.
Il cft dangereux de faire
voir les Factums aux Juges,
avant qu'on ait plaidé-la cause,
car se flatantqu'ils fçaventparavance
tout ceqi*±
on leur peut dire sur l'affaite,
ilsn'écouteront point
l'Avocat avec attention,&
vous perdrez le fruit de certains
traits d'éloquence, qui
touchent & qui émeuvent
les Juges; quand on les prononce
, & qui font peu d'esset
dans la lecture.
Le dernier conseil que
l'Auteur donneà unfameux
Avocat, c'efi; de
se retrancherauCabinet
quand il commence à
moins briller au Barreau,
Il cite là-dessusAsser, le
plus celcbre Orateur de
son siécle, qui à quatrevingt
ans, croyoit plaider
aussi bien qu'à trente;
on disoit de luy qu'il
aimoit mieux renoncerà
sa réputation
,
qu'à sa
profession. Cet exemple
doit rendre Cage les Auteurs
,
dont le feu & la
délicatesse commence à
s'émousser par le grand
âge, car la malignité se
plaist à juger d'un Auteur
par ses derniers 0Uf
vrages , ou par ses premiers
quelle injustice?
de condamner un bel et
prit par des essais qui luy
sont échappez en fortant
du College ; il est
moins injustedeblâmer
celuy qui ne peut se resoudre
à cesser d'êtreAuteur,
car il est plus pardonnable
à un jeune étourdy
de commencer
trop tost
,
qu'à unhomme
censé de finir trop
tard*
Il se vend à. Paris, chez
Daniel Joller, sur le Pont S.
Michel, ducosté du Marché-
Neuf, au Livre Royal.
Fermer
Résumé : LIVRE Nouveau.
Le livre 'Règles pour former un Avocat' compile des conseils d'auteurs anciens et modernes pour former des avocats. Il commence par discuter de l'éloquence, soulignant que la nature seule ne suffit pas pour créer un orateur parfait. Le texte aborde ensuite la noblesse et les prérogatives de la profession d'avocat, en citant des exemples de Grecs et de Romains qui vénéraient la justice. L'auteur divise l'éloquence du barreau en quatre éléments principaux : la science, la composition, la prononciation et les vertus nécessaires à un avocat. Il décrit divers caractères d'éloquence que chaque avocat peut adopter selon ses talents naturels. Le livre établit également des règles générales pour devenir un excellent avocat, tout en reconnaissant la difficulté de les appliquer. Le texte mentionne plusieurs maximes et conseils pratiques pour les avocats. Il insiste sur l'importance de douter parfois pour persuader, de proportionner l'éloquence à l'audience, et de différencier la composition du demandeur de celle du défendeur. Il conclut par un conseil à un avocat célèbre de se retirer au cabinet lorsqu'il commence à moins briller, illustré par l'exemple d'Asser, un orateur célèbre qui préférait renoncer à sa réputation plutôt qu'à sa profession.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 30-54
Livre nouveau.
Début :
On vient de me mettre entre les mains un Manuscrit [...]
Mots clefs :
Cercle, Soleil, Monde, Milieu, Terre, Copernic, Zodiaque, Méridien, Longitude, Mer, Règles, Degré
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Livre nouveau.
oNvient de me mettre
entre les mains un Manuscrit
tout neuf, dont j'espere
vous donner un Extrait
quand je l'auray parcouru
à loisir. Comme
il y a dans ce Livre quelque
chose de très interessant
pour la navigation,
j'ay eu impatience de
l'annoncer. Quoyque ce qt-le.ce soit unfujçtfèi-ieux Ôc
Important, on n'a pas
laissé d'y meller du badi-
;
nage pour le rendre plus
à la portéede tour le monde.
Voicy par exemple le
titre:
- Le Chemin des gens d'esprit,
Dialogueenjoué & sèrieux
entre Mr Du petit C- Mr
Augrand J'Vol. in li.
Contenant plusieurs Historiettes
,
& autres petites
pieces curieuses ; une Reformation
des Systesmes
du Monde des Anciens &
des Modernes; & un
Moyen pour trouver les
Longirndes
, avec autant
de preçision qu'ontrouve
lesLatitudes.
ParR. MAUNY.
En attendant (monvous
en donne un ample Ex*,
traie, en voicy uneidée
qui m'aestecommuniquée
par un des amis de l'Aurteur
: car il est juste de
vous donner, autant qu'-
on pourra, des nouveautez
avantmesme qu'elles
paroissent, pour vous dédommager
de l'ancienneté
de quelques morceaux
qu'on donnefinr.
plement, parce qu'ils font
bons., ou parce que n'eflant
pas imprimez, ils
- peuvent estre nouveaux,
pour beaucoup de persons.
nes.. 1,
Letitre deceLivreconvient
à la maniere dont les
sujets y sont traitez: on y
commence d'abord par les
fujcrs. les plus petits, qui
conduisent insensiblement
aux plus grands,&c c'est la
route que suivent ordinairement
les gensd'esprit.
Le commencement est
un badinage qui conduit
insensiblement, par le recit
de plusieurs historiettes,.
à la morale la plus serieuse.
Il donne ensuite un petit
Systeme du Monde, figuré,
qui donne occasîon
de détruire les opinions de
Pcolemée
,
de Copernic,
de Tichobrahé & de Def.
carres, sur la sicuarion &
sur les mouvements du Soleil
& de la Terre, & particulièrement
celle de Copernic
qu'il combaten dif-
Ferens endroits par des raisons
tres fimples & tres na. turelles.Voicyl'opinion
du nouvel. Auteur, & dans
ses propres termes.
;
Je suppose quelaTerre
est directement dans le
ce milieu du Monde,com- *
me l'ont suppose Prole-
,
mée&Tichobrahémais
qu'au lieu d'y être immo-$c
bile, elle s'y meut sur son
Axe; que cet Axe ou plu- «
stoit la Ligne que l'on a*
imaginée palier d'u npolecc.
à l'autre )efl: inclinée vers
le Septentrion, ainsi que«
le marquent les Globes
cc ordinaires;que la Terre«
tourne dessus du mefLnecc
costéque tourne le Soleil«
dans sonCiel,qu'elle ne»
fait son tour qu'en un an,
»& quele Soleil n'a qu'un
»mouvement qu'ilfait aur
»,rour,de „ son Ciel en k? heuresou un jour nacu-
'Ife!.,
Voicyce qu'il dit enfuile
pour faire connoistre
quecesmouvementsde la
Terre & du Soleil peuvent
assez bien se rapporter
pour operer l'accroisseiiient&
la diminution des
jours& des nuits avec le
changement desSaisons,
Pour le bien comprendreimaginez-
vous que
nous
nous fommesaun.Juin"
qui est Je pluslong Jourcc
de l'année: que ce jourlà
la partie de la surface
de la Terre que nous ha- cc
bitons, est leplus prés
du Cercle ou tourne le-e"
Soleilqu'elle puisse en Cf
approcher; quele Cer- Ce
cle où tourne Je Soleil
Cafixe)& noncetAstre;
que la partie de lafurface
de la Terre -que nous"
habitons, s'esloigne ducc
Cercle où tourne le So-f* leiljusqu'au22.Decem cc'
brequi est leplus court
,, jour de Iannee, & que
,, depuis le 22. Décembre
jusqu'au 11. Juin de 1an-
„ née suivante,cette mes-
„ me partie de la surface
/, de la Terre, s'approche
,, du Cercle ou tourne le Soleil. Il me semble que
;y
cela est aisé à concevoir,
5) en supposant que la Ter-
,, re fait son tour en un an
,,,de la manière que je vous l'ayexpliqué,& que c'est ce mouvement de laTer-
,, re qui fait les Equinoxes
) & les Solstices
,
& non
,),
le Soleil, qui ne n-ionte,
'& ne baisse pas plus dans (jC
un tempsque dansun au- €c
cre~&: qui ne tourne point
en biaifanc comme une"
éTcharpee,rmraies bi,en«la" Monopinion à cet égard
est fondée sur une"
experienceque vous pouyez
faire facilement. Pre-,,,r
nez un cercle de dernli-ce
muid, divisez-"
tre parties égales avec"
un compas ; marquez yee
Içs points de .diviGon'c
dans le milieudela lar- cc
geur en dedans;atta-f<
»
chez-le sur une tabie ou
,, sur une planche avec une
5> pointe que vous ferez ,,,,passer dans un de ces pints de division
, ,, en observantquececercle
„n'incline d'aucun costé;
c'està-dire
,
qui1 soit fr
droit, que le point d'en-
;) haut soit à plomb sur ce-
J" luy d'enbas; faites deux
,, petites mortoises surla
table ou la planche dont
,, le milieu foit vis-à-vis la
testede sa pointe, & qui
33
soientesloignees decette
JJ pointe chacune de trois
poucesafin qu'il yaitun'"
espace de six bons pou-,,'"
ces entre ces deux mor
toises
,
dans lesquelles
vous serezentrer un peu
à force deux petites re- cc,
gles assez hautes pour(C
deborder d'un pouce au'*
dessusdu cercle; cela
vous donnera.lafacilitétÇ
de les cloüer aux bouts
d'une petite barre -quite
aura aussi six bons pouces
de longueur
, que
vousattacherezen cra.cc
vers sur lehaut duCer-"
clevis-à-vis du point
"que vous y aurez mar-
,>
qué.Lorsqueces regles,
aurontesté affermies de
"cette maniere,vous marquerez
dans le milieu de
"leur hauteur:"& de leur
,)
largeur, le point central
>}
du Cercle:ce pointcentral.
ellant marque, vous
"prendrez avec un com-
"pas environ la troisiéme
partie du demi diametre
iyde ce Cercle que vous
"marquerez sur l'une dei,
Regles au dessus du point
central, & sur l'autre au
"deiT?us de ce mesme
point central;aprés quoy
vous percerez les deux CCt
Regles avec une fort petite
vrille, à l'endroit où
vous aurez faitces deux"
marques,afin qu'en par.
fant dans les deux trollS,cc
un morceau de fil dtar.(C
chal bien droit, il se trou-"
ve en ligne diagonale.
Prenez ensuiteune boule
dont le diamerren'exce- <c
de pas l'espace qu'il y aura
entre les deux Regles;
percez la de part en part,
ensorte que l'épaisseur se cl
trouveégale tour à l'en- el
"tour du trou; placez î&
"entrevos deux Regles otb
vous la ferez tenir par lé
3> moy en de vostre broche
de fil d'arc hal
,
de laquelyy
le vous courberez un peei
9)
le bout qui fera en haut,
yyâSn de l'empescher de
"glisseren bas. Cette boule
estant ainsi place'e;»
„ vous marquerez quatre
points dessus
,
dire6leiment
vis-à-vis des quatre
"que vous aurezmarquez
3y(ur leCercle. Vous su p*. "parerez que ce Cercle
JJ
sera celuy où tournera le
Soleil, & que cette bou- 1r- leseralaTerre; que le'&.
point d'enhaut &, celuy <f
,. d'en bas,marquez sur la
boule, seront les points Ct:
des deux Solstices, & quec<
ceux des deux costez fe-((
ront les deux pointsdes"
Equinoxesvous suppo- c.,
ferez aussi que le Soleil<c
fait letour de sonCercle
en 24.heures, ou un jour"
naturel, & que laTerre"
ne fait le sien qu'en une cc
année.Celasuppose,vous"
verrez qu'en faisanttour-c,"
ner la boulctot,,sioursdu,",e
mesme costé, les points
desSolstices s'éloigne-
,, ront pendant six mois du
Cercle oùtourne leSoleil,
& s'en raprocheront
3,
pendant six autres mois,
',,& quelespointsdesEqui-
"noxes passeront tous les
fîxjjiois d'un costé de ce cercle àJautre.
Decette experience artificielle,
on passe à une
nouvelle définition duflus
& reflus de la Mer, qui est
aussi tres sensible
,
& enfiiitc
au moyen de pouvoir
trouver les Longitudes
dans tous les points dit
Monde, avec autant de
précisionqu'on trouve les
Latitudes. L'Autheur dit
en un endroit:
-- Je crois que la Terre
se meut de la maniere«
dont je l'ay expliqué; que
te Soleilpasse vis-àvis les"-
douze Signes du Zodiaque
en 24.. heures ou un «
jour naturel; que la par.,
tie du premier Meridien
quiest dans la Zone Tor- «
ride, paÍfe vis- à -vis de «
ces douze Signes dans le.ùcours
d'une année; que*
,)C0111111e dans toutes les
»obfervarions astronomi-
» ques que l'on a faitesjus-
« qu'à present, l'onatous-
"jours supposé que le Globe
de la Terre estoit im-
«mobile ou qu'il se mou-
»voit autrement qu'il Ce,
MCIIT, c'est ce qui doit
t) avoir empesché que l'on.
n'é1ie encore pû sçavoir
« le véritable & le plus seur
Mmoyen de trouver les
» Longitudes dans tous les
points du Monde;& que.
«
si l'on fixoit un point dans
le Zodiaquevis-a vis duquel
lepremier Meri- «
diense trouveroitJepre-cc
mier jour de l an, ou un «
autre jour remarquable,«
on connoiftroit dans quel«
point il seroit tous les au-«
tres jours del'année, & «
par le mesme moyen )es«
Longitudes dans tous les
pointsdu Monde,avec «
plusde précision que l'on
n'aencorefait,parceque
pour connoistre précise
ment en quel lieu on feroit,
on n'auroit qu'à observer
vis- à -vis de quel"
point du Zodiaque on se
"trouveroit ,&compter
ensuitecombien il y au-
« roit de degrez. depuis ce
point duZodiaque juf-
""qu'à celuy vis-à-vis du-
-»
quel lepremier Meridien
devroit se trouver.
1.
Il ditdans un autre endroit:
» Vous comprenez bien
« qu'il seraaussi facile de
«trouver le Degré du pre-
"mier Meridien,qu'il a
» esté facilejusqu'à prefenc
» de trouver le Degré du
» Soleil, ea supposant qu'il
avoit un cours annuel, «
& que j'attribuë à la par-«
tie du premier Meridien«
qui est entre les Cercles
(C des Tropiques, ce quecc
Ptolemée&Tichobrahé «
ont attribué au Soleil. «
Dans un autre,en parlant
de l'observation qu'on
dcvroit faire pourconnoistre
dans quel Degré de
tel Signe se trouveroit le
premier Meridien un certain
jour de l'année,il dit:
Mais en disantun cer- «
tain jour de l'année
,
je"
ne dis pas qu'on ne de- «
') vroit faire cette observa-
3)
tion qu'un seul jour; je
„ veux dire qu'a prés l'avoir
5, faire pendantunan,&
marqué chaque jour vis-
„ à-vis de quel Degré de
„ tel Signe lé trouveroit le
„ premier Meridien
, on
choisiroit un jour remarj9
quabledans l'année,d'où
„ l'on comenceroità com- „pterle „ Degré du premier Meridien; & j'ajouste
„ que pourque cette observation
fust juste
,
il fau-
„ droit la faire de dessus
,, la pointe occidentale de
Tille
i-sie.où,l'on fait passer“
le premier Meridien. (C
Ces endroits, ainsi que,
tous lesautres.sont entremeslenzM
de contradiét.ions.
Ci derépliqués qui y donnent
encore plus de forcer
mais cependant l'Autheur
finit en disant qu'il n'a
point allez de sagacitény
de présomption pour croire
pouvoir donner au public
un ouvrage parfait, ôc
que s'ille publie , c'est
particulièrement dans le
dessein que si lesSçavants
trouvent sonopinion sur le"
mouvement du Soleil, ôC
sur celuy de la Terre, digne
de leur atrention ,ils
travailleront aux moyens
de la rendre utileà la marine.
entre les mains un Manuscrit
tout neuf, dont j'espere
vous donner un Extrait
quand je l'auray parcouru
à loisir. Comme
il y a dans ce Livre quelque
chose de très interessant
pour la navigation,
j'ay eu impatience de
l'annoncer. Quoyque ce qt-le.ce soit unfujçtfèi-ieux Ôc
Important, on n'a pas
laissé d'y meller du badi-
;
nage pour le rendre plus
à la portéede tour le monde.
Voicy par exemple le
titre:
- Le Chemin des gens d'esprit,
Dialogueenjoué & sèrieux
entre Mr Du petit C- Mr
Augrand J'Vol. in li.
Contenant plusieurs Historiettes
,
& autres petites
pieces curieuses ; une Reformation
des Systesmes
du Monde des Anciens &
des Modernes; & un
Moyen pour trouver les
Longirndes
, avec autant
de preçision qu'ontrouve
lesLatitudes.
ParR. MAUNY.
En attendant (monvous
en donne un ample Ex*,
traie, en voicy uneidée
qui m'aestecommuniquée
par un des amis de l'Aurteur
: car il est juste de
vous donner, autant qu'-
on pourra, des nouveautez
avantmesme qu'elles
paroissent, pour vous dédommager
de l'ancienneté
de quelques morceaux
qu'on donnefinr.
plement, parce qu'ils font
bons., ou parce que n'eflant
pas imprimez, ils
- peuvent estre nouveaux,
pour beaucoup de persons.
nes.. 1,
Letitre deceLivreconvient
à la maniere dont les
sujets y sont traitez: on y
commence d'abord par les
fujcrs. les plus petits, qui
conduisent insensiblement
aux plus grands,&c c'est la
route que suivent ordinairement
les gensd'esprit.
Le commencement est
un badinage qui conduit
insensiblement, par le recit
de plusieurs historiettes,.
à la morale la plus serieuse.
Il donne ensuite un petit
Systeme du Monde, figuré,
qui donne occasîon
de détruire les opinions de
Pcolemée
,
de Copernic,
de Tichobrahé & de Def.
carres, sur la sicuarion &
sur les mouvements du Soleil
& de la Terre, & particulièrement
celle de Copernic
qu'il combaten dif-
Ferens endroits par des raisons
tres fimples & tres na. turelles.Voicyl'opinion
du nouvel. Auteur, & dans
ses propres termes.
;
Je suppose quelaTerre
est directement dans le
ce milieu du Monde,com- *
me l'ont suppose Prole-
,
mée&Tichobrahémais
qu'au lieu d'y être immo-$c
bile, elle s'y meut sur son
Axe; que cet Axe ou plu- «
stoit la Ligne que l'on a*
imaginée palier d'u npolecc.
à l'autre )efl: inclinée vers
le Septentrion, ainsi que«
le marquent les Globes
cc ordinaires;que la Terre«
tourne dessus du mefLnecc
costéque tourne le Soleil«
dans sonCiel,qu'elle ne»
fait son tour qu'en un an,
»& quele Soleil n'a qu'un
»mouvement qu'ilfait aur
»,rour,de „ son Ciel en k? heuresou un jour nacu-
'Ife!.,
Voicyce qu'il dit enfuile
pour faire connoistre
quecesmouvementsde la
Terre & du Soleil peuvent
assez bien se rapporter
pour operer l'accroisseiiient&
la diminution des
jours& des nuits avec le
changement desSaisons,
Pour le bien comprendreimaginez-
vous que
nous
nous fommesaun.Juin"
qui est Je pluslong Jourcc
de l'année: que ce jourlà
la partie de la surface
de la Terre que nous ha- cc
bitons, est leplus prés
du Cercle ou tourne le-e"
Soleilqu'elle puisse en Cf
approcher; quele Cer- Ce
cle où tourne Je Soleil
Cafixe)& noncetAstre;
que la partie de lafurface
de la Terre -que nous"
habitons, s'esloigne ducc
Cercle où tourne le So-f* leiljusqu'au22.Decem cc'
brequi est leplus court
,, jour de Iannee, & que
,, depuis le 22. Décembre
jusqu'au 11. Juin de 1an-
„ née suivante,cette mes-
„ me partie de la surface
/, de la Terre, s'approche
,, du Cercle ou tourne le Soleil. Il me semble que
;y
cela est aisé à concevoir,
5) en supposant que la Ter-
,, re fait son tour en un an
,,,de la manière que je vous l'ayexpliqué,& que c'est ce mouvement de laTer-
,, re qui fait les Equinoxes
) & les Solstices
,
& non
,),
le Soleil, qui ne n-ionte,
'& ne baisse pas plus dans (jC
un tempsque dansun au- €c
cre~&: qui ne tourne point
en biaifanc comme une"
éTcharpee,rmraies bi,en«la" Monopinion à cet égard
est fondée sur une"
experienceque vous pouyez
faire facilement. Pre-,,,r
nez un cercle de dernli-ce
muid, divisez-"
tre parties égales avec"
un compas ; marquez yee
Içs points de .diviGon'c
dans le milieudela lar- cc
geur en dedans;atta-f<
»
chez-le sur une tabie ou
,, sur une planche avec une
5> pointe que vous ferez ,,,,passer dans un de ces pints de division
, ,, en observantquececercle
„n'incline d'aucun costé;
c'està-dire
,
qui1 soit fr
droit, que le point d'en-
;) haut soit à plomb sur ce-
J" luy d'enbas; faites deux
,, petites mortoises surla
table ou la planche dont
,, le milieu foit vis-à-vis la
testede sa pointe, & qui
33
soientesloignees decette
JJ pointe chacune de trois
poucesafin qu'il yaitun'"
espace de six bons pou-,,'"
ces entre ces deux mor
toises
,
dans lesquelles
vous serezentrer un peu
à force deux petites re- cc,
gles assez hautes pour(C
deborder d'un pouce au'*
dessusdu cercle; cela
vous donnera.lafacilitétÇ
de les cloüer aux bouts
d'une petite barre -quite
aura aussi six bons pouces
de longueur
, que
vousattacherezen cra.cc
vers sur lehaut duCer-"
clevis-à-vis du point
"que vous y aurez mar-
,>
qué.Lorsqueces regles,
aurontesté affermies de
"cette maniere,vous marquerez
dans le milieu de
"leur hauteur:"& de leur
,)
largeur, le point central
>}
du Cercle:ce pointcentral.
ellant marque, vous
"prendrez avec un com-
"pas environ la troisiéme
partie du demi diametre
iyde ce Cercle que vous
"marquerez sur l'une dei,
Regles au dessus du point
central, & sur l'autre au
"deiT?us de ce mesme
point central;aprés quoy
vous percerez les deux CCt
Regles avec une fort petite
vrille, à l'endroit où
vous aurez faitces deux"
marques,afin qu'en par.
fant dans les deux trollS,cc
un morceau de fil dtar.(C
chal bien droit, il se trou-"
ve en ligne diagonale.
Prenez ensuiteune boule
dont le diamerren'exce- <c
de pas l'espace qu'il y aura
entre les deux Regles;
percez la de part en part,
ensorte que l'épaisseur se cl
trouveégale tour à l'en- el
"tour du trou; placez î&
"entrevos deux Regles otb
vous la ferez tenir par lé
3> moy en de vostre broche
de fil d'arc hal
,
de laquelyy
le vous courberez un peei
9)
le bout qui fera en haut,
yyâSn de l'empescher de
"glisseren bas. Cette boule
estant ainsi place'e;»
„ vous marquerez quatre
points dessus
,
dire6leiment
vis-à-vis des quatre
"que vous aurezmarquez
3y(ur leCercle. Vous su p*. "parerez que ce Cercle
JJ
sera celuy où tournera le
Soleil, & que cette bou- 1r- leseralaTerre; que le'&.
point d'enhaut &, celuy <f
,. d'en bas,marquez sur la
boule, seront les points Ct:
des deux Solstices, & quec<
ceux des deux costez fe-((
ront les deux pointsdes"
Equinoxesvous suppo- c.,
ferez aussi que le Soleil<c
fait letour de sonCercle
en 24.heures, ou un jour"
naturel, & que laTerre"
ne fait le sien qu'en une cc
année.Celasuppose,vous"
verrez qu'en faisanttour-c,"
ner la boulctot,,sioursdu,",e
mesme costé, les points
desSolstices s'éloigne-
,, ront pendant six mois du
Cercle oùtourne leSoleil,
& s'en raprocheront
3,
pendant six autres mois,
',,& quelespointsdesEqui-
"noxes passeront tous les
fîxjjiois d'un costé de ce cercle àJautre.
Decette experience artificielle,
on passe à une
nouvelle définition duflus
& reflus de la Mer, qui est
aussi tres sensible
,
& enfiiitc
au moyen de pouvoir
trouver les Longitudes
dans tous les points dit
Monde, avec autant de
précisionqu'on trouve les
Latitudes. L'Autheur dit
en un endroit:
-- Je crois que la Terre
se meut de la maniere«
dont je l'ay expliqué; que
te Soleilpasse vis-àvis les"-
douze Signes du Zodiaque
en 24.. heures ou un «
jour naturel; que la par.,
tie du premier Meridien
quiest dans la Zone Tor- «
ride, paÍfe vis- à -vis de «
ces douze Signes dans le.ùcours
d'une année; que*
,)C0111111e dans toutes les
»obfervarions astronomi-
» ques que l'on a faitesjus-
« qu'à present, l'onatous-
"jours supposé que le Globe
de la Terre estoit im-
«mobile ou qu'il se mou-
»voit autrement qu'il Ce,
MCIIT, c'est ce qui doit
t) avoir empesché que l'on.
n'é1ie encore pû sçavoir
« le véritable & le plus seur
Mmoyen de trouver les
» Longitudes dans tous les
points du Monde;& que.
«
si l'on fixoit un point dans
le Zodiaquevis-a vis duquel
lepremier Meri- «
diense trouveroitJepre-cc
mier jour de l an, ou un «
autre jour remarquable,«
on connoiftroit dans quel«
point il seroit tous les au-«
tres jours del'année, & «
par le mesme moyen )es«
Longitudes dans tous les
pointsdu Monde,avec «
plusde précision que l'on
n'aencorefait,parceque
pour connoistre précise
ment en quel lieu on feroit,
on n'auroit qu'à observer
vis- à -vis de quel"
point du Zodiaque on se
"trouveroit ,&compter
ensuitecombien il y au-
« roit de degrez. depuis ce
point duZodiaque juf-
""qu'à celuy vis-à-vis du-
-»
quel lepremier Meridien
devroit se trouver.
1.
Il ditdans un autre endroit:
» Vous comprenez bien
« qu'il seraaussi facile de
«trouver le Degré du pre-
"mier Meridien,qu'il a
» esté facilejusqu'à prefenc
» de trouver le Degré du
» Soleil, ea supposant qu'il
avoit un cours annuel, «
& que j'attribuë à la par-«
tie du premier Meridien«
qui est entre les Cercles
(C des Tropiques, ce quecc
Ptolemée&Tichobrahé «
ont attribué au Soleil. «
Dans un autre,en parlant
de l'observation qu'on
dcvroit faire pourconnoistre
dans quel Degré de
tel Signe se trouveroit le
premier Meridien un certain
jour de l'année,il dit:
Mais en disantun cer- «
tain jour de l'année
,
je"
ne dis pas qu'on ne de- «
') vroit faire cette observa-
3)
tion qu'un seul jour; je
„ veux dire qu'a prés l'avoir
5, faire pendantunan,&
marqué chaque jour vis-
„ à-vis de quel Degré de
„ tel Signe lé trouveroit le
„ premier Meridien
, on
choisiroit un jour remarj9
quabledans l'année,d'où
„ l'on comenceroità com- „pterle „ Degré du premier Meridien; & j'ajouste
„ que pourque cette observation
fust juste
,
il fau-
„ droit la faire de dessus
,, la pointe occidentale de
Tille
i-sie.où,l'on fait passer“
le premier Meridien. (C
Ces endroits, ainsi que,
tous lesautres.sont entremeslenzM
de contradiét.ions.
Ci derépliqués qui y donnent
encore plus de forcer
mais cependant l'Autheur
finit en disant qu'il n'a
point allez de sagacitény
de présomption pour croire
pouvoir donner au public
un ouvrage parfait, ôc
que s'ille publie , c'est
particulièrement dans le
dessein que si lesSçavants
trouvent sonopinion sur le"
mouvement du Soleil, ôC
sur celuy de la Terre, digne
de leur atrention ,ils
travailleront aux moyens
de la rendre utileà la marine.
Fermer
Résumé : Livre nouveau.
Le manuscrit 'Le Chemin des gens d'esprit' est un dialogue entre Monsieur Du Petit C- et Monsieur Augrand. Il contient des historiettes, des pièces curieuses, une réforme des systèmes du monde anciens et modernes, et une méthode pour déterminer les longitudes avec la même précision que les latitudes. L'auteur, R. Mauny, propose une nouvelle théorie sur les mouvements de la Terre et du Soleil. Selon cette théorie, la Terre est au centre de l'univers et tourne sur son axe incliné, effectuant une rotation annuelle. Cette théorie explique les variations des jours et des nuits ainsi que les saisons. L'auteur utilise une expérience avec un cercle et une boule représentant respectivement le Soleil et la Terre pour illustrer sa théorie. Il suggère également une nouvelle méthode pour observer les longitudes en fixant un point dans le Zodiaque. Le manuscrit inclut des contradictions et des erreurs, mais l'auteur espère que les savants pourront améliorer et utiliser ses idées pour la navigation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 253-263
OBSERVATIONS sur la Méthode d'Accompagnement pour le Clavecin qui est en usage, & qu'on appelle Echelle ou Regle de l'Octave.
Début :
Les premiers élemens de la rgele de l'Octave consistent à donner aux [...]
Mots clefs :
Octave, Musique, Accords, Règles, Exceptions, Musicien, Triton
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OBSERVATIONS sur la Méthode d'Accompagnement pour le Clavecin qui est en usage, & qu'on appelle Echelle ou Regle de l'Octave.
OBSERF ATIONS fur U Mé
thode d' Accompagnement four le Cla~,
vecin qui est en usage , & qu'on ap
pelle Echelle ou Règle de l'Ottave.
LEs premiers Siemens de la règle de
i' Octave consistent à donner aux
doigts des habitudes conformes aux ac
cords qu'elle prescrit Xur jes degrés xonscíutifs
d'un Mode.
Cette règle renferme quelque chose
de bon ; mais elle est tellement bornée,
qu'il faut dans Ja fuite y faire un nom
bre infini d'exceptions , que les Maîtres
se réservent d'enseigner, à mesure que
les cas s'en présentent.
Le détail de ces exceptions est prodi
gieux i la.connoiflance & la pratique en
font- remplies de difficultés presque in
surmontables , par la multiplicité des ac
cords , par la variation infinie de leurs
Accorhpagnemens , par la surprise où
jettent sans cesse les différentes formes
de succession dont chaque accord en
particulier est susceptible , & qui sont sou
vent contraires aux habitudes déja for
mées , par la confusion des règles fondaoiçntíks
syeç ççUes de gout , par le
154 MERCURE DE FRANCE,
vuide que l'harmonie y souffre le plus
íbuvent , par le peu de ressource que I'ot
reille y trouve pour se former aux. véri
tables progrès des sons , par l'assujetifsement
trop servile aux chifres souvent
fautifs , enfin par les fausses applications
auxquelles des règles de détail éc des ex
ceptions innombrables ne peuvent man
quer d'être sujettes.
La Règle de l'Octave, avec ses excep»
tions , contient 12. Accords dans cha
que Mode , dont yoici l'énumération ca
abrégé. • -
U Accord parfait , la 6e , la 6* ÔC 4 e,
la 7e , la petite 7e , la fausse 5e , la petite
6e , le Triton , la 7e superflue' , la $e su
perflue , la 2e , la 6e'& 5e, la $e com-
{úette , la 9e simple , la 4e , la 9e & 4e,
5ejía 2e superflue , la 7 e dimi
nuée , la 6e majeure avec la fausse j* , le
Triton avec la 5 e mineure, & la 7e super
flue avec la 6e mineure , fans parler de la
<?e doublée, ôc encore moins de la 6e
mineure avec la je majeure , que quelques-
iins ont introduit assez mal à pro
pos , de lâ 6* superflue , que le gont au.
torife depuis quelque tems , ni de la j«
supe-fliië avec la 4 e -, qui pourroit plu
tôt avoir lieu que les deux derniirs.
Chacun de ces accords a ses Accompagnemens
difterens , qui consistent en
FEVRÏEft. 1730. 35s
«leux ou trois intcrvalcs de plus que ceux
dont ces Accords portent le nom ; dtì
forte qu'à la vûë du chiffre , ou par le
moyen de quelques autres notions , il
faut fe représenter tous les intervales qui
composent l'Accord , & y porter incon^
tinent les doigts.
Chaque Accord a d'ailleurs trois faces'
ou permutations fur le Clavier ; & tel
qui connoît la première n'en est pas beau
coup plus avancé pour la seconde , nì
après celle-ci pour la troisième , quanc
à la pratique ; chacun des 2 2 . Accords
exprimés en produit donc trois differens
dans l'execution , ce qui fait k nombre
de 66*
Outre cela , il f a Ì4. Modes i & ft
l'on veut être en état d'accompagner
toute forte de Musique , ou de transpo
ser-,, il faut absolument fe procurer un©
connoiffance locale des 6 6. Accords précedens
dans chacun de ces Modes , car
tel «qui fçait toucher les Accords d'u»
Mode a encore bien à faire pour trouveç
ceux d'un autre j il faut donc multiplier
les tftf». Accords ci- dessus par 24. ce qui
fait le nombre de i584.fi ce n'est pour
ì'esprit , du moins pour' les doigts.
Chacun des- 2 2. Accords primitifs a f*
tegle patticulicfc -, tant pour ce qui doic
ïe préceder, que pour ce qui doit le
C ù\ suivre
9 jtf MERCURE DE FRANCB;
suivre ; par exemple , il faut faire la pe*
tite 6 e pour descendre sur V Accord par
fait , sur 1* 7e ou sur la 4e , il ne faut
{dus faire que la 6e , sil?on descend sûr
a petite 6e , Si si l'on passe en montant
par les mêmes accords, tout change;
ce détail ne finit point. Comment la
mémoire , le jugement &c les doigts peuvent-
ils fur le champ , & tout à la_fois ,
suffire à tant de règles ?
On dira peut-être que la connoiíTance
-du Mode soulage l'Accompagnateur en
pareil cas , puisque la règle spécifie que
tel Accord se fait sur une telle Note du
Mode , en montant ou en 'descendant ;
mais si tant est quron eonnoisse le Modey
ne faut il pas découvrir aussi-tôt quel rang
y tient la Note présente , puis son Accord,
puis les DUz.es ou les- Bémols affectés à ce
Moie , 8c si eníìn on parvient à se rendre
tout cela présent dans la promtitude de
l'execlition , qu'a t'on gagné , si la Note
en question ne porte point l'Accord atta
ché au rang qu'elle tient dans le Mode ?
car , par exemple , au lieu de Y Accord
f>arfait au premier degré, aurrement dit
a Note tonitfnt-, il peut y avoir la 64&
5e , la 5e Sc 4*, la 4e & 3* , la :e Ott
la ?' superflu* , même avec la 6e mineure,
pareillement au lieu de la petite 6e au
deuxième degré , il peut se trouver la 7'
ou
F E V R î É R. ttltì. ìff
étì la 9e tk 4e , ainsi de tous les autre»
degrés , excepté le septième , appelle Nu*
te sensible. 11 faut donc ki bien des ex*
ceptions aux règles que l'on s'est efíbrc«
d'apprendre , & présumer encore que les
doigts accoutumés à n'enchaîner que dans
le mérae ordre leí Accords qu'elles ten*
ferment , prendront facilement la route
contraire que demandent toutes les suc
cessions différentes , dont chaque Accord
est susceptible.
Les chiffres , ajoutera- t'on j doivent
suppléer ici au deffaut de la règle ; mais*
peut-on s'assurer que le Compositeur les?
aura mis régulièrement par tout s & que
íe Copiste ou l'Imprimeur n'J' aura rietï
oublié. Oh a fait voir dans \t nouveau
sistême de Musique que le plus habile
Compositeur de notre siécle n'avoit pas
été exemt de méprise à cet égard ; & c'en,
est assez pour bannir la trop grande con
fiance dans les chiffres ; au reste , qu'estte
qu'une Méthode qui nous rend escla
ves des erreurs d'autrui , ne devroit-elltf
pas plutôt nous enseigner à les rectifier ;
niais bien loin de cela , dans quel em
barras ne met- elle pas l'AccompagnateUir
lorsqu'il n'y a point de chiffres ? le chant"
du Dessus lui indiquera-t'il les Accords?
fi ce chant , par exemple , fait la j* de
la Baffe , cette 3e pourra être accompa-
C iiij, gnéof
iÇS MERCURE 0E FRANCE;
gnéede la 4e , de la 5e , de la 6e , de I»
7e ou de la 9e ; or quelle raison de pré
férence pourra-t'il tirer d'une multiplicité
de règles !
D'ailleurs , on surcharge les comment
çans par le mélange de certaines règles
de gout avec celles de fond , fans penser
que celles -ci font la baze Ôc le modelé
de celles-là ,,& qu'elles seules peuvent
* former essentiellement l'oreille , procurée
aux doigts des habitudes générales ôc ré
gulières , & mettre dans l'esprit la cer
titude avec laquelle Poreille peut secon
der l'exeeution. Ces> règles de gout ne
font pas simplement les harpegemens-,
les fredons 5c te choix des faces , dont
quelque échantillon fait pour certaine*
personnes tout le mérite ôc rout le char
me de P Accompagnement. C'est fur-tout
la règle qui deffend deux Oílaves de fuite,,
desquelles on fait un monstre , Sc dònt la
prohibition , pour éviter une faute ima
ginaire , en fait commettre de véritables.
Pour ne pas blesser ce prejugédes deux
Octaves de fuite , on fait retrancher celle
de la Basse dans presque tous les Accords
dissonans , d'où il arrive que si la Basse
parcourt successivement toutes les Notes
d'un même Accord , il faut à chacune de
ces Notes deux opérations , l'une de lé
ser lc doigt de l'Òctave , l'autre de remetus
FEVRIER. 1730. âyj
mettre celui qu'on a levé précédemment
si l'on ne veut en denuer Pharmonie ,
ce qui varie à tous momens les Accom
pagnement d'un même Accord , & le
présente sans cesse fous des dénominations
diffetentes; or quel retardement cela n'apporte-
t'il pas à la connoissance , 8c quel
préjudice n'est-ce pas pour Pexecution ?
car si les positions changent si fréquem
ment ,.& qu'en même-tems toutes les
faces du Clavier ne soient pas également
familières , il arrive souvent que les
doigts.fe refusent à l'accord qui doit suc
céder à un autre dans une certaine face ;
d'où l'on est obligé de faire aller la main
par sauts , & de la porter précipitamment
à l'endroic où la face est plus familière &
plus commode , ce qui ne se fait point
encore sans le désagrément de partager
continuellement sa- vue" entre le Pupitre
& le Clavier.
Le retranchement de l'Octave multiplie
un même accord jusqu'à cinq ou six , tant
pour l'esptit que pour les doigts , & la
forme de succession naturelle à cet Ac
cord est multipliée à proportion ; si cet
Accord en admet cinq ou six autres diffe- *
rens dans fa succession , ce sonr pour cha
cun autant de successions différentes fut
le Clavier , & autant de nouvelles règlesà-
observer ,.ce qui accable les doigts de
C y tan?
4<îo MERCURE DE FRANCE.' v
tant de positions , & de marches diffé
rentes , qu'il est impossible de ne s'y pas
tromper le plus souvent ; c'est une vérité
dont presque tous les amateurs , & mê
me plusieurs Maîtres peuvent rendre té»
moignage , pour peu qu'ils soient sincè
res. Combien de fois ont-ils senti en ac
compagnant certaines Musiques que leur»
règles , leurs connoiflances , leur oreille
même , Ôc leurs doigts se trouvoient ert
desfaut ?
On peut juger aisément de là que l'o*
reille , de concert avec Les doigts , fè
formeroit bfcn plus sûrement, Ôc s'accoutumeroit
bien plutôt à une successions
Uniforme d'accords qu'elle ne le peut fair$
à plusieurs successions , qui lui paroiflene:
différentes les unes des autres , Ôc qu'elfeprésente
même comme telles- à Pesprit ;
car suivant toutes les Méthodes d'Ac
compagnement qui ont paru jufqu'icr,:
nos Musiciens pratiquent comme diffé
rentes , plusieurs successions d'Accords*
qui dans le fond ne font qu'une , & ils
ont établi en conséquence plusieurs règles;
qui se réduisent toutes à une feule*, par
exemple, quand on dit que leTritan doit
être fauve de la 6e, la fausse 5e de 1a je
la 6e majeure- de la 8e ou de la 6e , lá 7e
/Stperfi 'f de la 8e , la ^'superflue de la-
4e,. & la z* superflue de la ^ consonantey
'*. -, tout
FEVRIER. 1730. 2Í-1
*>ut cela se réunie dans l'Accord de 1*
Note sensible qui doit être suivi de l'Ac
cord parfait de la Note tonique ; mais il
ne saur pas s'étonner du grand nombre de
règles instituées jusqu'à présent sur la
succession des Accords 5 le Muíicien que
le sentiment seul a conduit pendant si long
tems , n?en a décidé que relativement à
l'impression que les différentes dispositions*-
d'un même Accord faifoient fut son oreil
le ; la réunion de toutes ces successions'
en une feule pasloit la portée de cet or
gane.
Au reste , il n'y a presque pas une de"
ces dernieres règles de détail qui ne soit
fausse en cettains cas , puisque si les intervales
de Triton, de fau/se 5e , de 6e ma*
je ure , de 3 e rnajf.ure & de 7 e superflue' t
se trouvent dans un autre Accord que
dans le sensible , comme il arrive trèssouvent
, tantôt ils font consonans , tan--
rôt de dissonances majeures ilv deviennentdissonances
mineures , & tantôt ils font
diflonans fans être foumiïà la succession;
déterminée en premier lieu. Que devien*
fient alors les susdites règles , &c dequoi
fers encore leur multiplicité ? Tel qui
entreprendra de contester ces vérités ne
scra pas Musicien , ou se perdra dans des
distinctions frivoles & dans des éxeep"
tions- fans fin»
.. Gvj; om
ZSi MERCURE DE FRANCE."
On pourroit rapporter plusieurs autreí
exemples des difsererís cas où ces régies
échouent; mais pour achever de prouver
combien elles font vagues , & même pré
judiciables , il suffira de Pexception qu'il
faut faire à l'égard du Triton , qui selon sa
regle,doit être sauvé de la 6e en montant,
&qui selon d'autres règles que l'experience
oblige de suivre à préfent.rcste furie mêmedegré
pour former la 8e , la }e , la 6e ou.
la 5e ; ne voilà Vil pas un conflit de rè
gles opposées ? & ne font- elles pas réci
proquement sujettes à de "fausses applir
cations, vâ que l'une peut se présenter às
Tesprit ^lorsqu'il est question de l'autre?
Cette Méthode , si l'on peut qualifiée
ainsi un amas confus de règles , ne sembleroit
pas un labirinte , & ne rebuteroit
pas tant de personnes de l'Accompagnement
, si elle, étoit plus instructive du.
fond ; cependant on ne doit pas nier qu'il
ne foie possible de posséder entièrement
toutes les regles-du détail & toutes leurs
exceptions , d'en faite la juste applica
tion , & de les mettre en pratique fur les
I58 4. Accords , dont elle exige la conaoissànce.
Mais quel tems &c quels tra
vaux ne faut-il pas pour cela ? D'ailleurs
quelle confusion pour l'esprit ! quelle
charge à la mémoire , & même quel
•bstacle à la précision de l'exeCution ì
FEVRIER; t7yoï *<f?
On donnera dans le Mercure prochai*
le Plan d'une nouvelle Méthode fur le
même sujet.
thode d' Accompagnement four le Cla~,
vecin qui est en usage , & qu'on ap
pelle Echelle ou Règle de l'Ottave.
LEs premiers Siemens de la règle de
i' Octave consistent à donner aux
doigts des habitudes conformes aux ac
cords qu'elle prescrit Xur jes degrés xonscíutifs
d'un Mode.
Cette règle renferme quelque chose
de bon ; mais elle est tellement bornée,
qu'il faut dans Ja fuite y faire un nom
bre infini d'exceptions , que les Maîtres
se réservent d'enseigner, à mesure que
les cas s'en présentent.
Le détail de ces exceptions est prodi
gieux i la.connoiflance & la pratique en
font- remplies de difficultés presque in
surmontables , par la multiplicité des ac
cords , par la variation infinie de leurs
Accorhpagnemens , par la surprise où
jettent sans cesse les différentes formes
de succession dont chaque accord en
particulier est susceptible , & qui sont sou
vent contraires aux habitudes déja for
mées , par la confusion des règles fondaoiçntíks
syeç ççUes de gout , par le
154 MERCURE DE FRANCE,
vuide que l'harmonie y souffre le plus
íbuvent , par le peu de ressource que I'ot
reille y trouve pour se former aux. véri
tables progrès des sons , par l'assujetifsement
trop servile aux chifres souvent
fautifs , enfin par les fausses applications
auxquelles des règles de détail éc des ex
ceptions innombrables ne peuvent man
quer d'être sujettes.
La Règle de l'Octave, avec ses excep»
tions , contient 12. Accords dans cha
que Mode , dont yoici l'énumération ca
abrégé. • -
U Accord parfait , la 6e , la 6* ÔC 4 e,
la 7e , la petite 7e , la fausse 5e , la petite
6e , le Triton , la 7e superflue' , la $e su
perflue , la 2e , la 6e'& 5e, la $e com-
{úette , la 9e simple , la 4e , la 9e & 4e,
5ejía 2e superflue , la 7 e dimi
nuée , la 6e majeure avec la fausse j* , le
Triton avec la 5 e mineure, & la 7e super
flue avec la 6e mineure , fans parler de la
<?e doublée, ôc encore moins de la 6e
mineure avec la je majeure , que quelques-
iins ont introduit assez mal à pro
pos , de lâ 6* superflue , que le gont au.
torife depuis quelque tems , ni de la j«
supe-fliië avec la 4 e -, qui pourroit plu
tôt avoir lieu que les deux derniirs.
Chacun de ces accords a ses Accompagnemens
difterens , qui consistent en
FEVRÏEft. 1730. 35s
«leux ou trois intcrvalcs de plus que ceux
dont ces Accords portent le nom ; dtì
forte qu'à la vûë du chiffre , ou par le
moyen de quelques autres notions , il
faut fe représenter tous les intervales qui
composent l'Accord , & y porter incon^
tinent les doigts.
Chaque Accord a d'ailleurs trois faces'
ou permutations fur le Clavier ; & tel
qui connoît la première n'en est pas beau
coup plus avancé pour la seconde , nì
après celle-ci pour la troisième , quanc
à la pratique ; chacun des 2 2 . Accords
exprimés en produit donc trois differens
dans l'execution , ce qui fait k nombre
de 66*
Outre cela , il f a Ì4. Modes i & ft
l'on veut être en état d'accompagner
toute forte de Musique , ou de transpo
ser-,, il faut absolument fe procurer un©
connoiffance locale des 6 6. Accords précedens
dans chacun de ces Modes , car
tel «qui fçait toucher les Accords d'u»
Mode a encore bien à faire pour trouveç
ceux d'un autre j il faut donc multiplier
les tftf». Accords ci- dessus par 24. ce qui
fait le nombre de i584.fi ce n'est pour
ì'esprit , du moins pour' les doigts.
Chacun des- 2 2. Accords primitifs a f*
tegle patticulicfc -, tant pour ce qui doic
ïe préceder, que pour ce qui doit le
C ù\ suivre
9 jtf MERCURE DE FRANCB;
suivre ; par exemple , il faut faire la pe*
tite 6 e pour descendre sur V Accord par
fait , sur 1* 7e ou sur la 4e , il ne faut
{dus faire que la 6e , sil?on descend sûr
a petite 6e , Si si l'on passe en montant
par les mêmes accords, tout change;
ce détail ne finit point. Comment la
mémoire , le jugement &c les doigts peuvent-
ils fur le champ , & tout à la_fois ,
suffire à tant de règles ?
On dira peut-être que la connoiíTance
-du Mode soulage l'Accompagnateur en
pareil cas , puisque la règle spécifie que
tel Accord se fait sur une telle Note du
Mode , en montant ou en 'descendant ;
mais si tant est quron eonnoisse le Modey
ne faut il pas découvrir aussi-tôt quel rang
y tient la Note présente , puis son Accord,
puis les DUz.es ou les- Bémols affectés à ce
Moie , 8c si eníìn on parvient à se rendre
tout cela présent dans la promtitude de
l'execlition , qu'a t'on gagné , si la Note
en question ne porte point l'Accord atta
ché au rang qu'elle tient dans le Mode ?
car , par exemple , au lieu de Y Accord
f>arfait au premier degré, aurrement dit
a Note tonitfnt-, il peut y avoir la 64&
5e , la 5e Sc 4*, la 4e & 3* , la :e Ott
la ?' superflu* , même avec la 6e mineure,
pareillement au lieu de la petite 6e au
deuxième degré , il peut se trouver la 7'
ou
F E V R î É R. ttltì. ìff
étì la 9e tk 4e , ainsi de tous les autre»
degrés , excepté le septième , appelle Nu*
te sensible. 11 faut donc ki bien des ex*
ceptions aux règles que l'on s'est efíbrc«
d'apprendre , & présumer encore que les
doigts accoutumés à n'enchaîner que dans
le mérae ordre leí Accords qu'elles ten*
ferment , prendront facilement la route
contraire que demandent toutes les suc
cessions différentes , dont chaque Accord
est susceptible.
Les chiffres , ajoutera- t'on j doivent
suppléer ici au deffaut de la règle ; mais*
peut-on s'assurer que le Compositeur les?
aura mis régulièrement par tout s & que
íe Copiste ou l'Imprimeur n'J' aura rietï
oublié. Oh a fait voir dans \t nouveau
sistême de Musique que le plus habile
Compositeur de notre siécle n'avoit pas
été exemt de méprise à cet égard ; & c'en,
est assez pour bannir la trop grande con
fiance dans les chiffres ; au reste , qu'estte
qu'une Méthode qui nous rend escla
ves des erreurs d'autrui , ne devroit-elltf
pas plutôt nous enseigner à les rectifier ;
niais bien loin de cela , dans quel em
barras ne met- elle pas l'AccompagnateUir
lorsqu'il n'y a point de chiffres ? le chant"
du Dessus lui indiquera-t'il les Accords?
fi ce chant , par exemple , fait la j* de
la Baffe , cette 3e pourra être accompa-
C iiij, gnéof
iÇS MERCURE 0E FRANCE;
gnéede la 4e , de la 5e , de la 6e , de I»
7e ou de la 9e ; or quelle raison de pré
férence pourra-t'il tirer d'une multiplicité
de règles !
D'ailleurs , on surcharge les comment
çans par le mélange de certaines règles
de gout avec celles de fond , fans penser
que celles -ci font la baze Ôc le modelé
de celles-là ,,& qu'elles seules peuvent
* former essentiellement l'oreille , procurée
aux doigts des habitudes générales ôc ré
gulières , & mettre dans l'esprit la cer
titude avec laquelle Poreille peut secon
der l'exeeution. Ces> règles de gout ne
font pas simplement les harpegemens-,
les fredons 5c te choix des faces , dont
quelque échantillon fait pour certaine*
personnes tout le mérite ôc rout le char
me de P Accompagnement. C'est fur-tout
la règle qui deffend deux Oílaves de fuite,,
desquelles on fait un monstre , Sc dònt la
prohibition , pour éviter une faute ima
ginaire , en fait commettre de véritables.
Pour ne pas blesser ce prejugédes deux
Octaves de fuite , on fait retrancher celle
de la Basse dans presque tous les Accords
dissonans , d'où il arrive que si la Basse
parcourt successivement toutes les Notes
d'un même Accord , il faut à chacune de
ces Notes deux opérations , l'une de lé
ser lc doigt de l'Òctave , l'autre de remetus
FEVRIER. 1730. âyj
mettre celui qu'on a levé précédemment
si l'on ne veut en denuer Pharmonie ,
ce qui varie à tous momens les Accom
pagnement d'un même Accord , & le
présente sans cesse fous des dénominations
diffetentes; or quel retardement cela n'apporte-
t'il pas à la connoissance , 8c quel
préjudice n'est-ce pas pour Pexecution ?
car si les positions changent si fréquem
ment ,.& qu'en même-tems toutes les
faces du Clavier ne soient pas également
familières , il arrive souvent que les
doigts.fe refusent à l'accord qui doit suc
céder à un autre dans une certaine face ;
d'où l'on est obligé de faire aller la main
par sauts , & de la porter précipitamment
à l'endroic où la face est plus familière &
plus commode , ce qui ne se fait point
encore sans le désagrément de partager
continuellement sa- vue" entre le Pupitre
& le Clavier.
Le retranchement de l'Octave multiplie
un même accord jusqu'à cinq ou six , tant
pour l'esptit que pour les doigts , & la
forme de succession naturelle à cet Ac
cord est multipliée à proportion ; si cet
Accord en admet cinq ou six autres diffe- *
rens dans fa succession , ce sonr pour cha
cun autant de successions différentes fut
le Clavier , & autant de nouvelles règlesà-
observer ,.ce qui accable les doigts de
C y tan?
4<îo MERCURE DE FRANCE.' v
tant de positions , & de marches diffé
rentes , qu'il est impossible de ne s'y pas
tromper le plus souvent ; c'est une vérité
dont presque tous les amateurs , & mê
me plusieurs Maîtres peuvent rendre té»
moignage , pour peu qu'ils soient sincè
res. Combien de fois ont-ils senti en ac
compagnant certaines Musiques que leur»
règles , leurs connoiflances , leur oreille
même , Ôc leurs doigts se trouvoient ert
desfaut ?
On peut juger aisément de là que l'o*
reille , de concert avec Les doigts , fè
formeroit bfcn plus sûrement, Ôc s'accoutumeroit
bien plutôt à une successions
Uniforme d'accords qu'elle ne le peut fair$
à plusieurs successions , qui lui paroiflene:
différentes les unes des autres , Ôc qu'elfeprésente
même comme telles- à Pesprit ;
car suivant toutes les Méthodes d'Ac
compagnement qui ont paru jufqu'icr,:
nos Musiciens pratiquent comme diffé
rentes , plusieurs successions d'Accords*
qui dans le fond ne font qu'une , & ils
ont établi en conséquence plusieurs règles;
qui se réduisent toutes à une feule*, par
exemple, quand on dit que leTritan doit
être fauve de la 6e, la fausse 5e de 1a je
la 6e majeure- de la 8e ou de la 6e , lá 7e
/Stperfi 'f de la 8e , la ^'superflue de la-
4e,. & la z* superflue de la ^ consonantey
'*. -, tout
FEVRIER. 1730. 2Í-1
*>ut cela se réunie dans l'Accord de 1*
Note sensible qui doit être suivi de l'Ac
cord parfait de la Note tonique ; mais il
ne saur pas s'étonner du grand nombre de
règles instituées jusqu'à présent sur la
succession des Accords 5 le Muíicien que
le sentiment seul a conduit pendant si long
tems , n?en a décidé que relativement à
l'impression que les différentes dispositions*-
d'un même Accord faifoient fut son oreil
le ; la réunion de toutes ces successions'
en une feule pasloit la portée de cet or
gane.
Au reste , il n'y a presque pas une de"
ces dernieres règles de détail qui ne soit
fausse en cettains cas , puisque si les intervales
de Triton, de fau/se 5e , de 6e ma*
je ure , de 3 e rnajf.ure & de 7 e superflue' t
se trouvent dans un autre Accord que
dans le sensible , comme il arrive trèssouvent
, tantôt ils font consonans , tan--
rôt de dissonances majeures ilv deviennentdissonances
mineures , & tantôt ils font
diflonans fans être foumiïà la succession;
déterminée en premier lieu. Que devien*
fient alors les susdites règles , &c dequoi
fers encore leur multiplicité ? Tel qui
entreprendra de contester ces vérités ne
scra pas Musicien , ou se perdra dans des
distinctions frivoles & dans des éxeep"
tions- fans fin»
.. Gvj; om
ZSi MERCURE DE FRANCE."
On pourroit rapporter plusieurs autreí
exemples des difsererís cas où ces régies
échouent; mais pour achever de prouver
combien elles font vagues , & même pré
judiciables , il suffira de Pexception qu'il
faut faire à l'égard du Triton , qui selon sa
regle,doit être sauvé de la 6e en montant,
&qui selon d'autres règles que l'experience
oblige de suivre à préfent.rcste furie mêmedegré
pour former la 8e , la }e , la 6e ou.
la 5e ; ne voilà Vil pas un conflit de rè
gles opposées ? & ne font- elles pas réci
proquement sujettes à de "fausses applir
cations, vâ que l'une peut se présenter às
Tesprit ^lorsqu'il est question de l'autre?
Cette Méthode , si l'on peut qualifiée
ainsi un amas confus de règles , ne sembleroit
pas un labirinte , & ne rebuteroit
pas tant de personnes de l'Accompagnement
, si elle, étoit plus instructive du.
fond ; cependant on ne doit pas nier qu'il
ne foie possible de posséder entièrement
toutes les regles-du détail & toutes leurs
exceptions , d'en faite la juste applica
tion , & de les mettre en pratique fur les
I58 4. Accords , dont elle exige la conaoissànce.
Mais quel tems &c quels tra
vaux ne faut-il pas pour cela ? D'ailleurs
quelle confusion pour l'esprit ! quelle
charge à la mémoire , & même quel
•bstacle à la précision de l'exeCution ì
FEVRIER; t7yoï *<f?
On donnera dans le Mercure prochai*
le Plan d'une nouvelle Méthode fur le
même sujet.
Fermer
Résumé : OBSERVATIONS sur la Méthode d'Accompagnement pour le Clavecin qui est en usage, & qu'on appelle Echelle ou Regle de l'Octave.
Le texte aborde la méthode d'accompagnement au clavecin appelée 'Règle de l'Octave'. Cette méthode vise à familiariser les doigts avec les accords spécifiques de chaque degré d'un mode. Cependant, elle présente de nombreuses limitations et exceptions, rendant son apprentissage complexe et propice aux erreurs. La Règle de l'Octave inclut 12 accords par mode, chacun ayant plusieurs accompagnements et permutations sur le clavier. Chaque accord doit être maîtrisé dans 24 modes différents, ce qui totalise 1584 accords à mémoriser. Les règles sont souvent contradictoires et dépendent des successions des accords, des indications du compositeur et des habitudes déjà acquises. Les exceptions et les règles de goût ajoutent encore à la complexité, posant des défis pour la mémoire, le jugement et la dextérité des doigts. Le texte critique également l'interdiction des deux octaves de fuite, qui engendre des complications inutiles et des erreurs dans l'exécution. Enfin, il annonce la présentation d'une nouvelle méthode plus instructive et moins confuse dans un prochain numéro du Mercure de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 363-365
EXTRAIT du Discours que lût M. l'Abbé Souchay, à l'Assemblée publique de l'Academie Royale des Belles-Lettres, le mardi 15. Novembre de l'année derniere.
Début :
Monsieur l'Abbé Souchay s'étant proposé de faire un parallele de [...]
Mots clefs :
Ovide, Règles, Académie des Belles-Lettres, Parallèle, Poésie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Discours que lût M. l'Abbé Souchay, à l'Assemblée publique de l'Academie Royale des Belles-Lettres, le mardi 15. Novembre de l'année derniere.
JÊ XTRAtT da ttifeouri que lût M*
VAbbé Souchay , a FAssemblée publi
que de l' Académie Royale des Bellesm
Lettres , le mardi 1 5. Novembre d§
Vannée derniere* ,
TLyT Onííenr í'Abbc Soucnay s'c'tané
XVJL proposé de faire un parallèle de
Tibulle , de Properce , 8c d'Ovide , trois
Poètes Latins qui se íont distingués dans
Je genre Elegiaque , il commença par ex
poser les divers jugemens que l'on a por
tés fur le mérite de ces Auteurs , les uns
donnant la préférence à Tibulle , d'autres
à Properce y & le grand nombre des Mo
dernes la donnant à Ovide.
L'Auteur , avant que d'examiner qui la
mente , établit en peu de mots la règle
4ç comparaison dont il doit se servir. Cet
te
fé4 MERCtfRE DE FRÁHÒÈ:
íe règle est , que tout .genre de Poésie est
nne imitation , mais une forte d'imitation
qui, pour être parfaite , doit exciter dans
í'inagination les mêmes mouvemens qu'y
exciteraient les objets réels , & produire
les mêmes effets que produiroit la vérité
íte ce principí. M. l'Abbé Souchay tire?'
plusieurs conséquences , celle-ci entre-au
tres : Qu'il faût que les images qu'em-
|?loye la Poésie , soient vives & naturelles*
roút ensemble ; parce que si ks imageS
ft'exprimoienf pas la nature , I'esprit s'apìpercevroit
aise'ment de la fiction , &c que'
fi elles étoient foib'îés', I'esprit ne se prê
te roir point à 'cette mém-e fìctiòft. "" * *
*~ L*/Suteaf -•appíiquc' etisuite terre règle
auxtrois Poètes dont it est cjuc'ftíon. í/oii
íl résulte, /eloil Uri, que le? images de
^r'o'p'ercè ni celles d'Ovide n'exprímeBt
point h narufe , quoiqu'il convienne qtie
îroperce s'en éloigne moins qu'Ovide,
qui est presque toujours fardé 5 & far ce
la il entre dans des détails dans lesquels
nous né pouvons le suivre ici. Il Dancher
:donc vers Tíbqlle , qu'il croît être le
seul qur ait connu le vrai caractère de
FËtegie. » Çe désordre ingénieux, (c'est
jj.l'Auteur qui parle ) qui est corrrrhe l'arrre
Ji de la Poésie Elegîaque, parce qu'il est
w si conforme à ía nature ; il a fçû le jettet
Mí áansses Êlcjiesi On drroìt qu'elles font
» uniquement
FÉVRIER. 173a. íí§
55 iniquement le fruic de la passion. Les'
5? différentes parties qui les composent ,
r> dc'sunies , séparées , íemblent ne former
»que des tours irreguliers. Un écart el|
» suivi d'un nouvel écart , une digression
« attire une autre digression. Mais le dé-
» sordre qui règne dans ces mêmes Ele-
»gies , n'eff.-il pas un tour secret qui en'
» lie le deslein , & quf leur donne toute
>>la justesse &c toute la régularité dont elles1
>> étoient susceptibles.
. L'Auteur , après s'être eomme déclare
cn faveur de Tibulie , appuyé ion senti
ssent de celui de Quiutilieii , Si des deux
Seneques parmi les Anciens, & parmi lejÇ.
jpitri>es de cei;x de Parru & de Grayina
: «quoiqu'au fend y dit il., Ces tés
j>moignages ne prouvent rien par eiix^
» mêmes , contraires ou favorables , a
» moins qu'ils ne soient précédés d'un
5? exameo sérieux , & qu'ils ne soient ap*
»_puye'ssur de solides raisonnemens.
VAbbé Souchay , a FAssemblée publi
que de l' Académie Royale des Bellesm
Lettres , le mardi 1 5. Novembre d§
Vannée derniere* ,
TLyT Onííenr í'Abbc Soucnay s'c'tané
XVJL proposé de faire un parallèle de
Tibulle , de Properce , 8c d'Ovide , trois
Poètes Latins qui se íont distingués dans
Je genre Elegiaque , il commença par ex
poser les divers jugemens que l'on a por
tés fur le mérite de ces Auteurs , les uns
donnant la préférence à Tibulle , d'autres
à Properce y & le grand nombre des Mo
dernes la donnant à Ovide.
L'Auteur , avant que d'examiner qui la
mente , établit en peu de mots la règle
4ç comparaison dont il doit se servir. Cet
te
fé4 MERCtfRE DE FRÁHÒÈ:
íe règle est , que tout .genre de Poésie est
nne imitation , mais une forte d'imitation
qui, pour être parfaite , doit exciter dans
í'inagination les mêmes mouvemens qu'y
exciteraient les objets réels , & produire
les mêmes effets que produiroit la vérité
íte ce principí. M. l'Abbé Souchay tire?'
plusieurs conséquences , celle-ci entre-au
tres : Qu'il faût que les images qu'em-
|?loye la Poésie , soient vives & naturelles*
roút ensemble ; parce que si ks imageS
ft'exprimoienf pas la nature , I'esprit s'apìpercevroit
aise'ment de la fiction , &c que'
fi elles étoient foib'îés', I'esprit ne se prê
te roir point à 'cette mém-e fìctiòft. "" * *
*~ L*/Suteaf -•appíiquc' etisuite terre règle
auxtrois Poètes dont it est cjuc'ftíon. í/oii
íl résulte, /eloil Uri, que le? images de
^r'o'p'ercè ni celles d'Ovide n'exprímeBt
point h narufe , quoiqu'il convienne qtie
îroperce s'en éloigne moins qu'Ovide,
qui est presque toujours fardé 5 & far ce
la il entre dans des détails dans lesquels
nous né pouvons le suivre ici. Il Dancher
:donc vers Tíbqlle , qu'il croît être le
seul qur ait connu le vrai caractère de
FËtegie. » Çe désordre ingénieux, (c'est
jj.l'Auteur qui parle ) qui est corrrrhe l'arrre
Ji de la Poésie Elegîaque, parce qu'il est
w si conforme à ía nature ; il a fçû le jettet
Mí áansses Êlcjiesi On drroìt qu'elles font
» uniquement
FÉVRIER. 173a. íí§
55 iniquement le fruic de la passion. Les'
5? différentes parties qui les composent ,
r> dc'sunies , séparées , íemblent ne former
»que des tours irreguliers. Un écart el|
» suivi d'un nouvel écart , une digression
« attire une autre digression. Mais le dé-
» sordre qui règne dans ces mêmes Ele-
»gies , n'eff.-il pas un tour secret qui en'
» lie le deslein , & quf leur donne toute
>>la justesse &c toute la régularité dont elles1
>> étoient susceptibles.
. L'Auteur , après s'être eomme déclare
cn faveur de Tibulie , appuyé ion senti
ssent de celui de Quiutilieii , Si des deux
Seneques parmi les Anciens, & parmi lejÇ.
jpitri>es de cei;x de Parru & de Grayina
: «quoiqu'au fend y dit il., Ces tés
j>moignages ne prouvent rien par eiix^
» mêmes , contraires ou favorables , a
» moins qu'ils ne soient précédés d'un
5? exameo sérieux , & qu'ils ne soient ap*
»_puye'ssur de solides raisonnemens.
Fermer
Résumé : EXTRAIT du Discours que lût M. l'Abbé Souchay, à l'Assemblée publique de l'Academie Royale des Belles-Lettres, le mardi 15. Novembre de l'année derniere.
L'abbé Souchay a comparé Tibulle, Properce et Ovide, trois poètes latins élégiaques, lors d'une assemblée de l'Académie Royale des Belles-Lettres le 15 novembre précédent. Il a noté que les avis divergeaient, certains préférant Tibulle, d'autres Properce, et la majorité des modernes favorisant Ovide. Souchay a défini la poésie comme une imitation visant à stimuler l'imagination de manière naturelle et vive. Selon lui, les images de Properce et d'Ovide ne reflètent pas suffisamment la nature, bien que Properce s'en rapproche plus qu'Ovide. Il a donc privilégié Tibulle, estimant que ce dernier incarnait mieux l'élégie. Tibulle a su créer un désordre ingénieux conforme à la nature, rendant ses élégies authentiques et passionnées. Ses œuvres, bien que désordonnées, forment un ensemble cohérent. Souchay a appuyé son jugement sur les avis de Quintilien, Sénèque, Parrhasius et Graynius, tout en insistant sur la nécessité d'un examen sérieux et de raisonnements solides.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 1581-1595
LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
Début :
MONSIEUR, Les Ouvrages & la réputation de Mr l'Abé de S. P. sont si conus dans la République [...]
Mots clefs :
Orthographe, Voyelles, Consonnes, Alphabet, Règles, Prononciation, Figures, Sons, Lecteurs, Grammairien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
LETTRE fur le Projet , pour perfection
ner l'Ortografe des Langues de l'Europe .
Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in
8. de 266.pag. chez Briaffon , ruë faint
Jacques. 1730.
MONSIEUR ,
Les Ouvrages & la réputation de M*
l'Abé de S. P. font fi conus dans la République
des Letres , qu'à la feule infpection
d'un de fes livres , on peut hardiment conclure
que c'eſt un nouveau Projet pour la
perfection des Arts & des Siences . Cet
Auteur infatigable après avoir doné bien
des Projets fur les matieres les plus relevées
, vient d'en doner un autre pour perfectioner
l'Ortografe des Langues de l'Eu
rope . Le fujet , quelque petit qu'il parolffe
par lui-même , devient important entre
fes mains ; intereffe dans ce qu'il propoſe
toutes les Nations de l'Univers ; & s'il n'a
as la fatisfaction de voir metre en prati
Εν
1 que
P
1582 MERCURE DE FRANCE
que ce Projet , il a du moins l'avantage de
perfuader les perfones bien intentionées &
amies du bien public.
M. l'Abé de S. P. ne perdant jamais de
vue l'ordre qu'il a fuivi dans tous les ouvr
ges , comance par des Obfervations préliminaires
; & pour difpofer le lecteur à etre
moins choqué d'un nouveau fiftême d'ortographe
, ce favant Abé fuit d'abord une
ortografe melée de toutes les autres , pour
y acoutumer peu à peu les ieux des lecteurs
qui fans cete précaution feroient
fcandalifés de fe mélange bifare aux ïeux
des ignorans , ou des gens prévenus , mais
tres-neceffaires dans les vues d'un profond
grammairien. Il ne faudra pas metre fur
fon conte les fautes du Graveur , ni celles
de l'Imprimeur ; cependant il eft à craindre
que la vanité des lecteurs ne trouve:
plus aifé de condaner l'auteur , que d'aler
examiner de qui peuvent etre les fautes.
Je dis ceci par raport aus trois caracteres
a , f. g , que le graveur a trop couchés , &
qu'il a rendus italiques , au lieu de les
arondir & de les rendre quarés & romains
corps des autres letres.
ou du
Il eft de la nature du meilleur & fur tout du
beaucoup meilleur de faire perir peu à peu le
bon & de l'anéantir entierement , c'eft pourquoi
l'écriture hieroglifique des Egiptiens
anciens à peri peu de tems après que le
Legrer
JUILLET . 1730. 1583.
fegret d'écrire non les penfées , mais d'écrire
les paroles prononcées , a été publié.
L'ecriture des Tartares,fouverains dans
la Chine fera perir entierement & dans
peu de fiecles l'ecriture Chinoife ; & les
Chinois eux- memes adopteront peu à peu
l'Afabet Tartare, come beaucoup plus comode
; & peut-etre que notre Alfabet Européen
perfectioné , fervira un jour à perfectioner
le leur.
Le but de l'ortografe , eft certainement
d'exprimer exactement & fans laiffer aucun
doute , par un petit nombre defiguresfimples,
faciles àformer à diftinguer tous les mots
dont les hommes fe fervent enparlant.
Notre Ortografe doit toujours répondre , au
· tant qu'il eft poffible , non immediatement à la
penfee , mais au mot prononcé qui fignifie im
mediatement la pensée.
I1 y a trois ou quatre cens ans que l'ortografe
etoit beaucoup meilleure que la
nôtre, c'eft-à- dire qu'elle reffembloit beaucoup
plus à la maniere de prononcer , qui
étoit alors en ufage , que notre Ortografe
prefente ne reffemble à notre prononciation
prefente.
Durant le tems qu'un mot met à changer
tout à fait la premiere prononciation , il
continue toujours à conſerver ſa même ortografe.
Or y aïant peu
de gens intereffés à chan-
E vi ger
1584 MERCURE DE FRANCE
ger l'Ortografe de ce mot , & beaucoup
de gens intereffés à n'y rien changer ; il
paroit , dit le judicieux Auteur , que c'eft
une efpecede neceffité que les vices de l'ortografe
croiffent par l'autorité de l'ufage
abufif , & que ce fera une efpece de merveille
fi quelques- unes des regles que propoſe
la raifon , font fuivies de nos jours en
Europe,enFrance & en Angleterre, Royaumes
où la raifon eft plus refpectée , & où
elle a , ce femble , plus de credit qu'en aucune
autre partie de la terre.
Une autre caufe de la multitude épouventable
de défauts dans notre Ortografe,
c'eft le manque de figures ou de caracteres
dans l'alfabet ; car il faut une figure particuliere
, ou une voyele particuliere pour
fignifier chaque fon particulier fimple,
Nous connoiffons quinze fons fimples ,
& nous n'avons pour les exprimer que
ces cinq figures a , e , i , o , u.
De même nous conoiffons vint articuculations
diferentes , & nous n'avons que
quatorze caracteres ou confones écrites ancienes
, & deux nouveles ; favoir le carac
te J , & le caractere V. Ce defaut de figures
a fait employer les mêmes caracteres
pour des fonctions diferentes , & a caufé
bien des équivoques dans l'ortografe , &
fur rout dans l'ortografe des noms propres.
I
JUILLET .* 1730. 1585
1º. Négligence à fuivre dans l'Orto
grafe les changemens qui arrivent dans la
prononciation.
2º. Négligence à inventer autant de figures
qu'il y a de fons & d'articulations:
conuës.
3. Négligence à doner quelques marques
aux lettres quand on les employoit
quelqu'autre fonction qu'à leur fonction
ordinaire .
4° . Négligence à marquer dans chaque
mot les letres qui ne s'y prononcent plus
5º. Négligence à marquer les voyeles
longues.
M. l'Abbé de S. P. s'eft propofé d'indiquer
des remedes éficaces à ces fources &
à ces inconveniens de la coruption prefente
& de la coruption future de l'ortografe
: & pour ce perfectionement defirable
il fuit la fage maxime qui confeille de ne réformer
les abus univerfels introduis par voie
prefque infenfible, que par une voie femblable
prefque infenfible. Je fouhaite que le ри-
blic ne trouve point que l'auteur fe ſoit
écarté de cette maxime dans cet ouvrage,
& qu'on ne foit point fcandalifé de la li
berté d'ortografe que notre zele grammairien
demande : la feule tolerance en fait
d'ortografe , fera triomfer la moderne ; &
à la fin l'ortografe fera telle , que le lecteur
conoitra facilement fans aucun doute , fans
aucune
1586 MERCURE DE FRANCE
•
aucune équivoque , & avec certitude, la pro-
"nonciacion précife de tous les mots écrits.
Pour démontrer jufqu'où nous a conduit
infenfiblement l'ufage tiranique ,
M. l'Abbé de S. P. prend les trois lignes
du premier article de la preface du dic
tionaire de l'Academie françoife de l'édition
de 1718. ces trois lignes contienent
vingt - huit mots , & pour écrire fans
faute , felon la regle de la raifon & de
F'oreille , il y faudroit faire quarante
cinq changemens , c'eft- à - dire qu'il y a
quarante- cinq fautes contre la regle generale
de la bone ortografe de toute langue.
Le lecteur trouvera dans le livre de cet
Abé , les trois lignes & les quarante - cinq
fautes, letre à letre , mot à mot , & c.
Dans ces trois lignes il n'y a que les mots
une , de , ne, où M. l'Abbé de S. P. n'ait
trouvé aucune faute ; il en trouve quatre
dans le mot eft , il le démontre felon fes
principes , & établit en même-tems pour
regle importante que vu cette prodigieufe
quantité de fautes , il feroit ridicule de prétendre
les coriger toutes en même-tems , par
e qu'il faut avoir le loifir de nous acoutumer
peu peu à quelques-unes de ces com
rections avant que de fonger à en adopter
quelques autres.
à
Je dois ajoûter , au refte , qu'on auroit
tort de vouloir faire le mauvais plaifant
fur
JUILLET. 1730. 1587
fur les quarante-cinq fautes & fur les vinthuit
mots des trois lignes de la préface
du dictionaire de l'Academie Françoiſe ;
ces trois lignes font fans faute, felon l'ufage
abufif fuivi dans le dictionaire , come
dans les autres livres.
A l'égard des noms de famille , il faudroit
les écrire d'abord felon l'ortografe
reguliere & par rapport à la prononciacion
par exemple , le nom Danjo , &
écrire enfuite entre deux crochets & en
italique le même nom ( Dangean ) felon
fon ortografe anciene , qui répond aparament
à la prononciacion anciene.
Les écrivains doivent aprocher toûjours
mais
peu à peu
leur
ortografe
favante
&
vicieufe de l'ortografe ignorante & re
guliere ; parceque l'ortografe prefente doit
vifer à reprefenter à tout le monde , aus favans
, aus ignorans , aus femmes, aus enfans ,
& fur tout aus étrangers & à notre pofterité ,
notre veritable prononciacion prefente.
Notre zelé grammairien finit fes obfervations
préliminaires , en difant qu'on
ne doit point faire de reproche à celui
qui écrit le même mot de deux ou trois:
manieres differentes ; il fatisfait ainfi à
deux regles raifonables , la premiere eft
qu'il ne faut pas abandoner tout d'un coup
& entierement l'ufage abufif lorsqu'il eft univerfel
la fegonde eft qu'il faut s'éloigner
588 MERCURE DE FRANCE
a
gner quelquefois de cet ufage abufif, afin de
le rendre lui-même peu à peu raiſonable.
Après les obfervations préliminaires
M. l'Abé de S. P. en done fur les regles
qu'il divife en perpetueles & en paffageres.
Les perpetueles font pour tous les tems &
generales pour toutes les lingues écrites.
Les regles paffageres & particulieres ici
pour la langue françoife, ne doivent durer
qu'autant de tems que durera le paffage-de
Portografe vicieuſe à l'ortografe reguliere,
tant pour ffee defacoutumer
defacoutumer peu à peu de
P'une , que pour s'acoutumer peu à peu
à l'autre. Il y a onfe regles dont la plupart
ont des éclairciffemens & des confequences
dignes de la curiofité du lecteur.
La quantité d'équivoques dans notre
langue écrite , eft fi prodigieufe , que l'on
peut écrire de plus de trois cens manieres
le mot prononcé Haynault , province
dont Mons eft la capitale , & ces manieres
font toutes differentes en quelque chofe
& peuvent pourtant fignifier ce mot de
de ux filabes .
On lit dans les éclairciffemens de la quatriéme
regle les raifons qui ont obligé
M. l'Abé de S. P. à faire graver & fraper
huit caracteres diferens pour les fons a ,
ĩ , Sũ , cũyên , on ,en liant la confone
vec la voyele , ou les voyeles enfemble
par le trait de jo nction d'une letre à l'au-
> › > >
tre.
JULLLET. 1730. 1589
tre. A l'égard des fons exprimés par les
caracteres ch , gn , ill , notre auteur a mis
un petit trait entre le c , & l'h , lié leg,
avec l'n , & mis un point fous l'?, voilà
donc déja onfe caracteres de fa façon , &
pour achever la doufaine il a mis un point
fur la letre en faveur de l'articulation
guturale Efpagnole du mot D. Quixot.
Après une dépenfe fi genereufe de la part
de M. l'Abé de S. P. on devroit lui facrifier
fans regret d'ortografe , l'y grec & la
letre h des mots myftere , Phylofophe, Bacchus
, Rheteur , Theme , qu'il feroit mieux
d'écrire miftere , filofofe , bacus, reteur, tème.
Cet Alfabet eft encore enrichi de plufieurs
autres caracteres foulignez qui marquent
les voyeles longues & d'autres caracteres
furlignez qui marquent les letres muetes ;
ces caracteres foulignez feroient d'une
grande comodité pour les idolâtres de la
vielle ortografe; car moyenant ce furlignement
ils pouroient doubler & tripler inutilement
les cofones qu'ils afectioneroient
le plus , fans craindre d'expofer les lecteurs
aus équivoques de l'ufage abufif de la pre
fente ortografe .
Il y a enfuite dix regles paffageres que.
M. l'Abé de S. P. expofe come autant de
moyens de paffer par degrés prefque infenfibles
, par une augmentation continuele
, journaliere & anuele , de petits
chan1590
MERCURE DE FRANCE
changemens durant deux ou trois gene
fations de l'ortografe vicieufe à l'ortografe
reguliere , qui n'auroit pas befoin de mai
tre : en aprenant à lire on aprendroit l'or
tografe , aulieu qu'aujourd'ui il faut des
maitres pour aprendre l'ortografe ſavante ,
irreguliere & pleine d'exceptions.
Ces règles paffageres exigent que l'on
furligne les voyeles & les confones muetes;
que l'on écrive & que l'on imprime de
tėms en tems le même mot de diferentes
maniere ; & c'est ce que l'auteur a prati
qué dans cet ouvrage , où l'on trouvera
quelquefois les mots dictionaire , genre ,
Egiptiens , écriture, & c. écrits , digfionaires,
janre , Ejipfiens ; éqriture , &c. ce qui fufit
pour doner au lecteur une idée de ce
mêlange & de cette tolerance d'ortografe
à défirer dans la république des letres. On
peut donc fuivre à prefent dans ce tems
de trouble , de confufion & de fchifme
ortographique , l'ortografe que l'on voudra
, avec l'unique regle de reprefenter le
vrai fon des mots , & l'unique maniere
de lire fans équivoque , come dans les
mots çaje , qeur , oqcilière , & c. au lieu de
fage, coeur, auxiliaire, &c. en un mot écrire
come l'on prononce , & avoir plus d'égard
pour l'oreille que pour les ïeux . Cette regle
fera toujours dificile à fuivre par les
perfones qui ne favent pas bien lire , &
ic
JUILLET. 1730. 1591
je mets dans ce rang ceux qui écrivent ,
par exemple , gai fe de bones piques &
louvrage ave pafiance , & c. au lieu d'écrire
j'ai fait des bonèts piqués l'ouvrage
avec paffiance , pacience ou patience , &c.
- La dixiéme regle paffagere exorte les
imprimeurs à metre au comencement de
chaque ouvrage l'abregé du nouvel alfabet
fuivi dans le livre nouveau : cet alfabet
devroit être le plus fimple & le plus com →
plet qu'il feroit poffible , & contenir
non-feulement les letres regulieres , immuables
, mais encore les lettres ou figures
irregulieres , équivalentes , paffageres,
& c .
M. l'Abé de S. P. bien loin de mêler les
voyeles & les confones par une imitation
fervile dans notre a b c françois , a crû plus
raiſonable de metre toutes les voyeles de
fuite , avant que de doner les confones.
Les quinfe voyeles font a , a , e , é‚é‚è ,
i‚í‚o¸ó , u , ú , eu , eu , par où l'on voit
que cet Abé, trouve quinfe voyeles dans
notre langue , fans y faire entrer le fon
de l'au quelquefois diferent du fon de l'o,
Je ne crois pas que tout le monde conviene
de la diference de fon entre celui
d'й & d'eй , ni de la diference de fon entre
celui d'i & d'èn ou d'én , &c, il en fera
parlé plus au long dans l'A B C de Candiac
, ou dans le livre intitulé la Bibliote
que des enfans.
1592 MERCURE DE FRANCE
ples ,
Après les quinfe voyeles ou fons fimə
que notre favant grammairien trou.
ve dans la langue françoife , vienent les
vint confones ou les vint articulations
diferentes combinées avec les voyeles : il
eft vrai que le caractere h & le x des Efpagnols
font mis dans le nombre des vint
confones , ce qui fait en tout trente cinq
caracteres , aufquels ajoutant les quinfe
caracteres foulignés & les trente- cing furlignés
, cela fait quatre-vint-cinq poinçons :
& autant de matrices contenant la gravure
d'environ cent quinfe letres pour
le bas de cafe romain , il en faudroit autant
pour l'italique , autant pour le ca
pital , autant pour le petit majufcule du
corps , ce qui feroit quatre cens foixanteletres
à graver pour une fonte : de forte
que pour une vintaine de corps diferens
fuivis & reguliers , il faudroit faire graver
fondre & fraper neuf mile deux cens letres
caracteres , avec environ fix mile huit cens
poinçons , dépenfe digne du loifir pacifi
fique de quelque grand monarque.
Notre auteur, après avoir parle de l'Alfabet
regulier , parle enfuite des figures
équivalentes , la plupart paffageres , dont
on fe fert mal à propos à la place des
voyeles & des confones de l'Alfabet regulier.
M. l'Abé de S. P. done ſes obfervations
fur les trente- cinq caracteres &
les
JUILLET. 1730. 1593
•
?
feurs équivalens en trente- cinq articles
qu'un lecteur curieux fur cette matiere
lira toujours avec plaifir. On apele carac→
tere équivalent , celui ou ceux que l'on
emploie abufivement & ignorament pour
un autre , come em , en , eam pour le fon a
dans les mots employer , enfant, Jean , &c.
au lieu d'écrire felon la prononciation &
l'ortografe reguliere , aployer , afant , fã ‚
&c. fi quelqu'un invente de plus beaus'
caracteres que ceux de M. l'Abé de S. P. il
en fera bien -aife .
A l'égard de la denomination des confones
, ce Grammairien Filofofe- Geometre
dit qu'il conviendroit mieux , ce femble,
de döner un nom à chaque confone , dans
lequel on fentit l'articulation tant avant
qu'après la voyele , come dans les filabes
bab , faf, &c. & qu'on devroit preferer l'a
aux autres voyeles , pour la voyele auxiliaire
de l'articulation des confones, & dire.
lal, par ex, plutor que lel ou le ; ceci doit
s'entendre de l'alfabet regulier , & nom de
l'alfabet irregulier dont nous nous fervons.
On
peut, felon
notre
auteur
, continuer
l'ufage
des caracteres
italiques
dans
l'impreffion
, pour
avertir
le Lecteur
de
faire
plus
d'atention
à certains
mots
qu'à
d'autres
, ce qui eft tres comode
. On peut
auffi
fe fervir
encore
de la figure
& , &
de
1594 MERCURE DE FRANCE
de la figure & c.pour fignifier les conjonctions
, & les mots latins & cætera.Mais
je fouhaiterois que les Imprimeurs employaffent
quelquefois les deux letres, e, t,
au lieu du feul caractere & , pour la conjonction
& , fur tout après une virgule ,
& que l'on mit feulement le caractere &
loin des virgules , parce que l'union des
idées & des chofes eft plus grande .
M. l'Abé de S.P. toujours animé de l'efprit
du bien public, propofe modeftement
les Projets & les changemens qu'il a le
plus medités ; il écoute tout le monde , il
invite les bons citoyens à lui faire des objections
; il en raporte ici vint & unes ,
avec autant de réponſes. Ce qui mis en
deliberation entre les Partifans des Ortografes
diferentes , augmenteroit peut-être
le fchifme , bien loin de réunir les efprits
enemis de la raiſon & efclaves des ufages
& des abus quelconques.
Notre auteur ne fe contente pas d'inviter
les François libres du préjugé tirannique
; il ofre encore aux étrangers fon
ouvrage , & les exhorte à l'acomoder à
leur langue ; l'avertiffement eft bon pour
les Anglois dont l'ortografe eft encore
plus fauffe , plus dificile que la nôtre par
raport à la prononciation , Des efprits bornés
mepriſent cette partie de la grammaire
, mais on fera voir dans l'A , B , C ,
de
1
JUILLET . 1730. 1595
de Candiac que l'ortografe reguliere ne
doneroit pas lieu à tant d'équivoques
dans la lecture & dans la copie des actes
juridiques , dont la prononciation eft perdue
, faute d'avoir été bien reprefentée
par des caracteres reguliers.
Le Lecteur trouvera à la fin du livre
un abregé de l'ortografe reguliere , & un
Projet pour perfectioner les langues. Ce
n'a pas été fans quelque peine & même
fans quelque degout que M. l'Abé de S.P,
a mis cet ouvrage en l'état où il eft ; il a
confideré que peu de gens un peu habiles
fe refoudroient à travailler avec conftance
fur une matiere fi meprifée par le gros
des Lecteurs , fi dificile à bien traiter , &
cependant fi importante dans le fond au
bonheur des enfans & à l'honeur de la nation.
Ce genereux & bienfefant Abé croit
avoir lieu d'efperer qu'il aura des fucceffeurs
dans les fieçles fuivans qui travailleront
fur ce fujet , avec plus de facilité &
avec plus de fuccès qu'il n'a fait. Je fuis ,
Monfieur , &c.
ner l'Ortografe des Langues de l'Europe .
Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in
8. de 266.pag. chez Briaffon , ruë faint
Jacques. 1730.
MONSIEUR ,
Les Ouvrages & la réputation de M*
l'Abé de S. P. font fi conus dans la République
des Letres , qu'à la feule infpection
d'un de fes livres , on peut hardiment conclure
que c'eſt un nouveau Projet pour la
perfection des Arts & des Siences . Cet
Auteur infatigable après avoir doné bien
des Projets fur les matieres les plus relevées
, vient d'en doner un autre pour perfectioner
l'Ortografe des Langues de l'Eu
rope . Le fujet , quelque petit qu'il parolffe
par lui-même , devient important entre
fes mains ; intereffe dans ce qu'il propoſe
toutes les Nations de l'Univers ; & s'il n'a
as la fatisfaction de voir metre en prati
Εν
1 que
P
1582 MERCURE DE FRANCE
que ce Projet , il a du moins l'avantage de
perfuader les perfones bien intentionées &
amies du bien public.
M. l'Abé de S. P. ne perdant jamais de
vue l'ordre qu'il a fuivi dans tous les ouvr
ges , comance par des Obfervations préliminaires
; & pour difpofer le lecteur à etre
moins choqué d'un nouveau fiftême d'ortographe
, ce favant Abé fuit d'abord une
ortografe melée de toutes les autres , pour
y acoutumer peu à peu les ieux des lecteurs
qui fans cete précaution feroient
fcandalifés de fe mélange bifare aux ïeux
des ignorans , ou des gens prévenus , mais
tres-neceffaires dans les vues d'un profond
grammairien. Il ne faudra pas metre fur
fon conte les fautes du Graveur , ni celles
de l'Imprimeur ; cependant il eft à craindre
que la vanité des lecteurs ne trouve:
plus aifé de condaner l'auteur , que d'aler
examiner de qui peuvent etre les fautes.
Je dis ceci par raport aus trois caracteres
a , f. g , que le graveur a trop couchés , &
qu'il a rendus italiques , au lieu de les
arondir & de les rendre quarés & romains
corps des autres letres.
ou du
Il eft de la nature du meilleur & fur tout du
beaucoup meilleur de faire perir peu à peu le
bon & de l'anéantir entierement , c'eft pourquoi
l'écriture hieroglifique des Egiptiens
anciens à peri peu de tems après que le
Legrer
JUILLET . 1730. 1583.
fegret d'écrire non les penfées , mais d'écrire
les paroles prononcées , a été publié.
L'ecriture des Tartares,fouverains dans
la Chine fera perir entierement & dans
peu de fiecles l'ecriture Chinoife ; & les
Chinois eux- memes adopteront peu à peu
l'Afabet Tartare, come beaucoup plus comode
; & peut-etre que notre Alfabet Européen
perfectioné , fervira un jour à perfectioner
le leur.
Le but de l'ortografe , eft certainement
d'exprimer exactement & fans laiffer aucun
doute , par un petit nombre defiguresfimples,
faciles àformer à diftinguer tous les mots
dont les hommes fe fervent enparlant.
Notre Ortografe doit toujours répondre , au
· tant qu'il eft poffible , non immediatement à la
penfee , mais au mot prononcé qui fignifie im
mediatement la pensée.
I1 y a trois ou quatre cens ans que l'ortografe
etoit beaucoup meilleure que la
nôtre, c'eft-à- dire qu'elle reffembloit beaucoup
plus à la maniere de prononcer , qui
étoit alors en ufage , que notre Ortografe
prefente ne reffemble à notre prononciation
prefente.
Durant le tems qu'un mot met à changer
tout à fait la premiere prononciation , il
continue toujours à conſerver ſa même ortografe.
Or y aïant peu
de gens intereffés à chan-
E vi ger
1584 MERCURE DE FRANCE
ger l'Ortografe de ce mot , & beaucoup
de gens intereffés à n'y rien changer ; il
paroit , dit le judicieux Auteur , que c'eft
une efpecede neceffité que les vices de l'ortografe
croiffent par l'autorité de l'ufage
abufif , & que ce fera une efpece de merveille
fi quelques- unes des regles que propoſe
la raifon , font fuivies de nos jours en
Europe,enFrance & en Angleterre, Royaumes
où la raifon eft plus refpectée , & où
elle a , ce femble , plus de credit qu'en aucune
autre partie de la terre.
Une autre caufe de la multitude épouventable
de défauts dans notre Ortografe,
c'eft le manque de figures ou de caracteres
dans l'alfabet ; car il faut une figure particuliere
, ou une voyele particuliere pour
fignifier chaque fon particulier fimple,
Nous connoiffons quinze fons fimples ,
& nous n'avons pour les exprimer que
ces cinq figures a , e , i , o , u.
De même nous conoiffons vint articuculations
diferentes , & nous n'avons que
quatorze caracteres ou confones écrites ancienes
, & deux nouveles ; favoir le carac
te J , & le caractere V. Ce defaut de figures
a fait employer les mêmes caracteres
pour des fonctions diferentes , & a caufé
bien des équivoques dans l'ortografe , &
fur rout dans l'ortografe des noms propres.
I
JUILLET .* 1730. 1585
1º. Négligence à fuivre dans l'Orto
grafe les changemens qui arrivent dans la
prononciation.
2º. Négligence à inventer autant de figures
qu'il y a de fons & d'articulations:
conuës.
3. Négligence à doner quelques marques
aux lettres quand on les employoit
quelqu'autre fonction qu'à leur fonction
ordinaire .
4° . Négligence à marquer dans chaque
mot les letres qui ne s'y prononcent plus
5º. Négligence à marquer les voyeles
longues.
M. l'Abbé de S. P. s'eft propofé d'indiquer
des remedes éficaces à ces fources &
à ces inconveniens de la coruption prefente
& de la coruption future de l'ortografe
: & pour ce perfectionement defirable
il fuit la fage maxime qui confeille de ne réformer
les abus univerfels introduis par voie
prefque infenfible, que par une voie femblable
prefque infenfible. Je fouhaite que le ри-
blic ne trouve point que l'auteur fe ſoit
écarté de cette maxime dans cet ouvrage,
& qu'on ne foit point fcandalifé de la li
berté d'ortografe que notre zele grammairien
demande : la feule tolerance en fait
d'ortografe , fera triomfer la moderne ; &
à la fin l'ortografe fera telle , que le lecteur
conoitra facilement fans aucun doute , fans
aucune
1586 MERCURE DE FRANCE
•
aucune équivoque , & avec certitude, la pro-
"nonciacion précife de tous les mots écrits.
Pour démontrer jufqu'où nous a conduit
infenfiblement l'ufage tiranique ,
M. l'Abbé de S. P. prend les trois lignes
du premier article de la preface du dic
tionaire de l'Academie françoife de l'édition
de 1718. ces trois lignes contienent
vingt - huit mots , & pour écrire fans
faute , felon la regle de la raifon & de
F'oreille , il y faudroit faire quarante
cinq changemens , c'eft- à - dire qu'il y a
quarante- cinq fautes contre la regle generale
de la bone ortografe de toute langue.
Le lecteur trouvera dans le livre de cet
Abé , les trois lignes & les quarante - cinq
fautes, letre à letre , mot à mot , & c.
Dans ces trois lignes il n'y a que les mots
une , de , ne, où M. l'Abbé de S. P. n'ait
trouvé aucune faute ; il en trouve quatre
dans le mot eft , il le démontre felon fes
principes , & établit en même-tems pour
regle importante que vu cette prodigieufe
quantité de fautes , il feroit ridicule de prétendre
les coriger toutes en même-tems , par
e qu'il faut avoir le loifir de nous acoutumer
peu peu à quelques-unes de ces com
rections avant que de fonger à en adopter
quelques autres.
à
Je dois ajoûter , au refte , qu'on auroit
tort de vouloir faire le mauvais plaifant
fur
JUILLET. 1730. 1587
fur les quarante-cinq fautes & fur les vinthuit
mots des trois lignes de la préface
du dictionaire de l'Academie Françoiſe ;
ces trois lignes font fans faute, felon l'ufage
abufif fuivi dans le dictionaire , come
dans les autres livres.
A l'égard des noms de famille , il faudroit
les écrire d'abord felon l'ortografe
reguliere & par rapport à la prononciacion
par exemple , le nom Danjo , &
écrire enfuite entre deux crochets & en
italique le même nom ( Dangean ) felon
fon ortografe anciene , qui répond aparament
à la prononciacion anciene.
Les écrivains doivent aprocher toûjours
mais
peu à peu
leur
ortografe
favante
&
vicieufe de l'ortografe ignorante & re
guliere ; parceque l'ortografe prefente doit
vifer à reprefenter à tout le monde , aus favans
, aus ignorans , aus femmes, aus enfans ,
& fur tout aus étrangers & à notre pofterité ,
notre veritable prononciacion prefente.
Notre zelé grammairien finit fes obfervations
préliminaires , en difant qu'on
ne doit point faire de reproche à celui
qui écrit le même mot de deux ou trois:
manieres differentes ; il fatisfait ainfi à
deux regles raifonables , la premiere eft
qu'il ne faut pas abandoner tout d'un coup
& entierement l'ufage abufif lorsqu'il eft univerfel
la fegonde eft qu'il faut s'éloigner
588 MERCURE DE FRANCE
a
gner quelquefois de cet ufage abufif, afin de
le rendre lui-même peu à peu raiſonable.
Après les obfervations préliminaires
M. l'Abé de S. P. en done fur les regles
qu'il divife en perpetueles & en paffageres.
Les perpetueles font pour tous les tems &
generales pour toutes les lingues écrites.
Les regles paffageres & particulieres ici
pour la langue françoife, ne doivent durer
qu'autant de tems que durera le paffage-de
Portografe vicieuſe à l'ortografe reguliere,
tant pour ffee defacoutumer
defacoutumer peu à peu de
P'une , que pour s'acoutumer peu à peu
à l'autre. Il y a onfe regles dont la plupart
ont des éclairciffemens & des confequences
dignes de la curiofité du lecteur.
La quantité d'équivoques dans notre
langue écrite , eft fi prodigieufe , que l'on
peut écrire de plus de trois cens manieres
le mot prononcé Haynault , province
dont Mons eft la capitale , & ces manieres
font toutes differentes en quelque chofe
& peuvent pourtant fignifier ce mot de
de ux filabes .
On lit dans les éclairciffemens de la quatriéme
regle les raifons qui ont obligé
M. l'Abé de S. P. à faire graver & fraper
huit caracteres diferens pour les fons a ,
ĩ , Sũ , cũyên , on ,en liant la confone
vec la voyele , ou les voyeles enfemble
par le trait de jo nction d'une letre à l'au-
> › > >
tre.
JULLLET. 1730. 1589
tre. A l'égard des fons exprimés par les
caracteres ch , gn , ill , notre auteur a mis
un petit trait entre le c , & l'h , lié leg,
avec l'n , & mis un point fous l'?, voilà
donc déja onfe caracteres de fa façon , &
pour achever la doufaine il a mis un point
fur la letre en faveur de l'articulation
guturale Efpagnole du mot D. Quixot.
Après une dépenfe fi genereufe de la part
de M. l'Abé de S. P. on devroit lui facrifier
fans regret d'ortografe , l'y grec & la
letre h des mots myftere , Phylofophe, Bacchus
, Rheteur , Theme , qu'il feroit mieux
d'écrire miftere , filofofe , bacus, reteur, tème.
Cet Alfabet eft encore enrichi de plufieurs
autres caracteres foulignez qui marquent
les voyeles longues & d'autres caracteres
furlignez qui marquent les letres muetes ;
ces caracteres foulignez feroient d'une
grande comodité pour les idolâtres de la
vielle ortografe; car moyenant ce furlignement
ils pouroient doubler & tripler inutilement
les cofones qu'ils afectioneroient
le plus , fans craindre d'expofer les lecteurs
aus équivoques de l'ufage abufif de la pre
fente ortografe .
Il y a enfuite dix regles paffageres que.
M. l'Abé de S. P. expofe come autant de
moyens de paffer par degrés prefque infenfibles
, par une augmentation continuele
, journaliere & anuele , de petits
chan1590
MERCURE DE FRANCE
changemens durant deux ou trois gene
fations de l'ortografe vicieufe à l'ortografe
reguliere , qui n'auroit pas befoin de mai
tre : en aprenant à lire on aprendroit l'or
tografe , aulieu qu'aujourd'ui il faut des
maitres pour aprendre l'ortografe ſavante ,
irreguliere & pleine d'exceptions.
Ces règles paffageres exigent que l'on
furligne les voyeles & les confones muetes;
que l'on écrive & que l'on imprime de
tėms en tems le même mot de diferentes
maniere ; & c'est ce que l'auteur a prati
qué dans cet ouvrage , où l'on trouvera
quelquefois les mots dictionaire , genre ,
Egiptiens , écriture, & c. écrits , digfionaires,
janre , Ejipfiens ; éqriture , &c. ce qui fufit
pour doner au lecteur une idée de ce
mêlange & de cette tolerance d'ortografe
à défirer dans la république des letres. On
peut donc fuivre à prefent dans ce tems
de trouble , de confufion & de fchifme
ortographique , l'ortografe que l'on voudra
, avec l'unique regle de reprefenter le
vrai fon des mots , & l'unique maniere
de lire fans équivoque , come dans les
mots çaje , qeur , oqcilière , & c. au lieu de
fage, coeur, auxiliaire, &c. en un mot écrire
come l'on prononce , & avoir plus d'égard
pour l'oreille que pour les ïeux . Cette regle
fera toujours dificile à fuivre par les
perfones qui ne favent pas bien lire , &
ic
JUILLET. 1730. 1591
je mets dans ce rang ceux qui écrivent ,
par exemple , gai fe de bones piques &
louvrage ave pafiance , & c. au lieu d'écrire
j'ai fait des bonèts piqués l'ouvrage
avec paffiance , pacience ou patience , &c.
- La dixiéme regle paffagere exorte les
imprimeurs à metre au comencement de
chaque ouvrage l'abregé du nouvel alfabet
fuivi dans le livre nouveau : cet alfabet
devroit être le plus fimple & le plus com →
plet qu'il feroit poffible , & contenir
non-feulement les letres regulieres , immuables
, mais encore les lettres ou figures
irregulieres , équivalentes , paffageres,
& c .
M. l'Abé de S. P. bien loin de mêler les
voyeles & les confones par une imitation
fervile dans notre a b c françois , a crû plus
raiſonable de metre toutes les voyeles de
fuite , avant que de doner les confones.
Les quinfe voyeles font a , a , e , é‚é‚è ,
i‚í‚o¸ó , u , ú , eu , eu , par où l'on voit
que cet Abé, trouve quinfe voyeles dans
notre langue , fans y faire entrer le fon
de l'au quelquefois diferent du fon de l'o,
Je ne crois pas que tout le monde conviene
de la diference de fon entre celui
d'й & d'eй , ni de la diference de fon entre
celui d'i & d'èn ou d'én , &c, il en fera
parlé plus au long dans l'A B C de Candiac
, ou dans le livre intitulé la Bibliote
que des enfans.
1592 MERCURE DE FRANCE
ples ,
Après les quinfe voyeles ou fons fimə
que notre favant grammairien trou.
ve dans la langue françoife , vienent les
vint confones ou les vint articulations
diferentes combinées avec les voyeles : il
eft vrai que le caractere h & le x des Efpagnols
font mis dans le nombre des vint
confones , ce qui fait en tout trente cinq
caracteres , aufquels ajoutant les quinfe
caracteres foulignés & les trente- cing furlignés
, cela fait quatre-vint-cinq poinçons :
& autant de matrices contenant la gravure
d'environ cent quinfe letres pour
le bas de cafe romain , il en faudroit autant
pour l'italique , autant pour le ca
pital , autant pour le petit majufcule du
corps , ce qui feroit quatre cens foixanteletres
à graver pour une fonte : de forte
que pour une vintaine de corps diferens
fuivis & reguliers , il faudroit faire graver
fondre & fraper neuf mile deux cens letres
caracteres , avec environ fix mile huit cens
poinçons , dépenfe digne du loifir pacifi
fique de quelque grand monarque.
Notre auteur, après avoir parle de l'Alfabet
regulier , parle enfuite des figures
équivalentes , la plupart paffageres , dont
on fe fert mal à propos à la place des
voyeles & des confones de l'Alfabet regulier.
M. l'Abé de S. P. done ſes obfervations
fur les trente- cinq caracteres &
les
JUILLET. 1730. 1593
•
?
feurs équivalens en trente- cinq articles
qu'un lecteur curieux fur cette matiere
lira toujours avec plaifir. On apele carac→
tere équivalent , celui ou ceux que l'on
emploie abufivement & ignorament pour
un autre , come em , en , eam pour le fon a
dans les mots employer , enfant, Jean , &c.
au lieu d'écrire felon la prononciation &
l'ortografe reguliere , aployer , afant , fã ‚
&c. fi quelqu'un invente de plus beaus'
caracteres que ceux de M. l'Abé de S. P. il
en fera bien -aife .
A l'égard de la denomination des confones
, ce Grammairien Filofofe- Geometre
dit qu'il conviendroit mieux , ce femble,
de döner un nom à chaque confone , dans
lequel on fentit l'articulation tant avant
qu'après la voyele , come dans les filabes
bab , faf, &c. & qu'on devroit preferer l'a
aux autres voyeles , pour la voyele auxiliaire
de l'articulation des confones, & dire.
lal, par ex, plutor que lel ou le ; ceci doit
s'entendre de l'alfabet regulier , & nom de
l'alfabet irregulier dont nous nous fervons.
On
peut, felon
notre
auteur
, continuer
l'ufage
des caracteres
italiques
dans
l'impreffion
, pour
avertir
le Lecteur
de
faire
plus
d'atention
à certains
mots
qu'à
d'autres
, ce qui eft tres comode
. On peut
auffi
fe fervir
encore
de la figure
& , &
de
1594 MERCURE DE FRANCE
de la figure & c.pour fignifier les conjonctions
, & les mots latins & cætera.Mais
je fouhaiterois que les Imprimeurs employaffent
quelquefois les deux letres, e, t,
au lieu du feul caractere & , pour la conjonction
& , fur tout après une virgule ,
& que l'on mit feulement le caractere &
loin des virgules , parce que l'union des
idées & des chofes eft plus grande .
M. l'Abé de S.P. toujours animé de l'efprit
du bien public, propofe modeftement
les Projets & les changemens qu'il a le
plus medités ; il écoute tout le monde , il
invite les bons citoyens à lui faire des objections
; il en raporte ici vint & unes ,
avec autant de réponſes. Ce qui mis en
deliberation entre les Partifans des Ortografes
diferentes , augmenteroit peut-être
le fchifme , bien loin de réunir les efprits
enemis de la raiſon & efclaves des ufages
& des abus quelconques.
Notre auteur ne fe contente pas d'inviter
les François libres du préjugé tirannique
; il ofre encore aux étrangers fon
ouvrage , & les exhorte à l'acomoder à
leur langue ; l'avertiffement eft bon pour
les Anglois dont l'ortografe eft encore
plus fauffe , plus dificile que la nôtre par
raport à la prononciation , Des efprits bornés
mepriſent cette partie de la grammaire
, mais on fera voir dans l'A , B , C ,
de
1
JUILLET . 1730. 1595
de Candiac que l'ortografe reguliere ne
doneroit pas lieu à tant d'équivoques
dans la lecture & dans la copie des actes
juridiques , dont la prononciation eft perdue
, faute d'avoir été bien reprefentée
par des caracteres reguliers.
Le Lecteur trouvera à la fin du livre
un abregé de l'ortografe reguliere , & un
Projet pour perfectioner les langues. Ce
n'a pas été fans quelque peine & même
fans quelque degout que M. l'Abé de S.P,
a mis cet ouvrage en l'état où il eft ; il a
confideré que peu de gens un peu habiles
fe refoudroient à travailler avec conftance
fur une matiere fi meprifée par le gros
des Lecteurs , fi dificile à bien traiter , &
cependant fi importante dans le fond au
bonheur des enfans & à l'honeur de la nation.
Ce genereux & bienfefant Abé croit
avoir lieu d'efperer qu'il aura des fucceffeurs
dans les fieçles fuivans qui travailleront
fur ce fujet , avec plus de facilité &
avec plus de fuccès qu'il n'a fait. Je fuis ,
Monfieur , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
La lettre expose un projet de l'Abbé de Saint-Pierre visant à améliorer l'orthographe des langues européennes. L'auteur, reconnu pour ses nombreuses propositions innovantes, présente une réforme orthographique qui, bien que modeste, suscite l'intérêt de diverses nations. Bien que ce projet n'ait pas été mis en pratique, il convainc les personnes bien intentionnées et soucieuses du bien public. L'Abbé de Saint-Pierre commence par des observations préliminaires pour préparer les lecteurs à un nouveau système orthographique. Il introduit une orthographe mélangée pour habituer progressivement les lecteurs et souligne que les erreurs du graveur ou de l'imprimeur ne doivent pas être imputées à l'auteur. L'objectif de l'orthographe est de représenter précisément les mots parlés à l'aide de figures simples et faciles à former. L'orthographe actuelle est critiquée pour ne pas refléter la prononciation actuelle et pour contenir de nombreux défauts dus au manque de caractères dans l'alphabet. L'Abbé identifie plusieurs causes de ces défauts, notamment la négligence à suivre les changements de prononciation, à inventer de nouveaux caractères, et à marquer les lettres muettes ou les voyelles longues. Il propose des remèdes pour ces problèmes et suggère une réforme progressive et tolérante. Le texte illustre les erreurs orthographiques actuelles en analysant trois lignes d'un dictionnaire de l'Académie française, où vingt-huit mots contiennent quarante-cinq fautes. L'auteur recommande d'écrire les noms de famille selon l'orthographe régulière et de noter l'ancienne orthographe entre crochets. L'Abbé de Saint-Pierre divise les règles en perpétuelles et passagères. Les règles perpétuelles sont générales pour toutes les langues, tandis que les règles passagères sont spécifiques à la langue française et visent à transitionner vers une orthographe régulière. Il propose également des caractères nouveaux pour représenter certains sons et des marques pour les voyelles longues et les lettres muettes. Enfin, l'auteur encourage les imprimeurs à inclure un abrégé du nouvel alphabet au début de chaque ouvrage pour faciliter la transition vers la nouvelle orthographe. Le texte traite également des observations de l'Abbé sur l'orthographe et la typographie de la langue française. Il suggère de nommer chaque consonne en fonction de son articulation avant et après la voyelle, et de préférer la voyelle 'a' comme auxiliaire. Il recommande l'utilisation des caractères italiques pour attirer l'attention sur certains mots et propose des améliorations pour l'utilisation du caractère '&'. Le texte se termine par une invitation aux lecteurs, notamment aux étrangers et aux Anglais, à adopter une orthographe régulière pour éviter les équivoques dans la lecture et la copie des actes juridiques. L'Abbé exprime son espoir de voir des successeurs poursuivre son travail sur cette matière importante mais méprisée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 2117-2141
CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
Début :
J'aprens avec bien du plaisir, Monsieur, que vous ètes à présent un peut au faìt. [...]
Mots clefs :
Mots, Enfants, Enfant, Cartes, Méthode, Verbes, Pratique de la langue latine, Collège, Écoliers, Exercice, Langue, Dictionnaire, A, B, C Latin, Français, Ignorance, Savant, Conjugaison, Pratique, Règles, Expérience
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
CINQUIE'ME LETRE sur l'usage des
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129
›
dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.
›
C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
Caries pour l'essai du rudiment pratique
de la langue latine , &c.
J'
'Aprens avec bien du plaisir,Monsieur,
que vous ètes à present un peu au fait
du bureau tipografique . L'auteur donera
encore bien des reflexions et des instruc-
A iij
tions
2118 MERCURE DE FRANCE
tions préliminaires sur la suite de l'atirail
literaire d'un enfant ; et le livre sur les
cinquante leçons des trois A , B , C latins
achevera de mètre cette métode dans
un plus grand jour : en atendant ce petit
ouvrage, voici quelques reflexions sur l'usage
des cartes , pour le rudiment pratique
de la langue latine. C'est l'auteur qui
parle.
La métode que j'ai donée pour montrer
les premiers élémens des lètres à un enfant
de 2 à 3 ans , peut également servir pour
lui enseigner ensuite les rudimens pratiques
de la langue latine ou de quelque
autre langue. Il faut toujours continuer
l'usage inftructif des cartes , et varier ce
jeu de tant de manieres , que l'enfant puisse
aprendre beaucoup en ne croyant que se
divertir. Ceus qui feront l'essai de ce jeu.
literaire en conoitront bientot l'utilité.
On a de la peine à s'écarter des vieilles
routes , et à s'éloigner des ancienes méto
des . On montre come l'on a été enseigné
soi-même , et l'on croit ordinaire-,
ment avoir été bien enseigné. Un sofisme
trivial d'autorité et d'imitation tient lieu
de raison : on suit aveuglément la pratique
des autres , au lieu de prendre de
tems en tems des voies diferentes. Que
risqueroit on dans cet essaì ? De perdre
tout au plus quelques anées : on auroit
cela
OCTOBRE . 1730. 2119
cela de comun avec la plupart des écoliers
enseignés selon les métodes vulgat→
res . Mais bien loin de perdre son tems
sans avoir apris ni les choses , ni la maniere
de les étudier , on sera étoné de voir
la rapidité des progrès d'un enfant exercé
suivant la métode du bureau tipografique.
On trouve bien des écoliers qui aïant
étudié des dis et douse ans sous d'habiles
maîtres , travaillé jour et nuit pour
ètre des premiers de leur classe , reçu
bien des pris et des aplaudissemens ; ne
laissent pas néanmoins ensuite de s'apercevoir
de leur ignorance et qu'ils ont mal
employé le tems pendant le long cours de
leurs classes. On doit conciure , par respect
pour les regens , qu'abusés par les métodes
ordinaires , l'abus passoit ensuite sur
leurs écoliers ; le tout de bone foi de la
part des uns , et selon le préjugé de la
part des autres. On se passione ordinairement
contre toutes les nouveles métodes ;
on les condane par provision et sans aucun
examen. Est - ce injustice , est- ce ignorance
; c'est peut-ètre quelquefois l'un et
l'autre ensemble.
Pour faire usage des cartes , on doit les
numeroter
, chifrer ou coter ,
chifrer ou coter , come étant
les feuillets
du livre de l'enfant : ce chifre
sert à ranger les cartes selon le jeu de la
A iiij
suite
2120 MERCURE DE FRANCE
suite grammaticale de l'article , des déclinaisons
, des noms , et des pronoms , et
de la conjugaison du verbe substantif
Sum ( je suis ), et des autres verbes qu'on
trouvera dans l'essal du rudiment pratique.
L'enfant aprendra donc à ranger sur
quelque table les déclinaisons et les conjugaisons
, mais il est mieus qu'il aprene
à les ranger sur le bureau tipografique.
On poura batre et mèler de tems en tems
ces petits jeus de cartes , afin que l'enfant
s'exerce à les remetre lui - mème dans
leur ordre ; ce qu'il fera aisément par le
moyen des chifres dont elles sont marquées.
Il faut qu'il lise ou recite ces cartes
à mesure qu'il les rangera ; et l'on aura
soin de lui doner en abregé les termes de
singulier, pluriel , nominat. gen. dat. ac.
voc. ablat. par les seules letres initiales :
S. P. N. G. D. A.V. Ab . metant sur une
carte en sis colones , les nombres , les cas ,
le mot latin , & c. en sorte que tout parolsse
distingué par les colones , les couleurs
, ou la diference des caracteres
Nom . Lun-a la Lune.
Gen. Lun- a de la Lune.
Dat. Lund à la Lune,&c.
Un enfant peut ensuite décliner les
cinq paradigmes des déclinaisons ou les
seules
OCTOBRE . 1730. 2121
seules terminaisons latines , tantot avec
françois , tantot sans françois , pour va
rier le jeu et se rendre plus fort sur cet
exercice ; il pratiquera la mème chose
pour le jeu des pronoms et des nombres.
Il faudra aussi imprimer ou écrire en
abregé sur des cartes les termes des tems,
des modes , des gerondifs , des supins , et
des participes ; les terminaisons actives et
passives des verbes latins et des verbes
françois , de mème que l'on a doné les
terminaisons des noms et des pronoms ;
ce qui joint à la totalité des combinai
sons des lètres , des sons , des chifres , et
des signes dont on se sert pour la ponctuation
, l'accentuation et la quantité ,
done l'abondance necessaire pour la casse
de l'imprimerie ; ainsi qu'onpoura le voir
dans la planche gravée exprès , et dans
l'article de la garniture du bureau .
>
Pour varier les jeus de cartes on poura
doner celui des déclinaisons avec les
scules terminaisons des cas , le mot latin
et le mot françois étant mis seulement
une fois come un titre , au haut de la
carte, partagée en deus colones , une moitié
pour le sing. et l'autre pour le plur.avec
l'article ou sans l'article pour les noms et
pour les pronoms. Exemple ,
A v Rofa
2122 MERCURE DE FRANCE
Rofa
Sing.
N ...
·
• a
la rose.
Plur.
arum
G.
D.
·
A.
V
&
am as ....
a
â is Ab ...
On fera la mème chose pour les tems
de l'Indicatif et du Subjonctif des verbes
, ne metant le françois qu'à la premiere
persone.
IND .
Pref.
SUB J.
S. S.
Amo , j'aime
Amem , que j'aime,
as
es
et at
P.
amus
atis
ant
P.
emus
etis
ent
Ces jeus de cartes doivent aussi ètre numerotés,
afin que l'enfant puisse les ranger
en une seule colone , les voir d'un coup
d'euil et les lire ou les reciter facilement
de suite , à mesure qu'il les rangera sur la
table du bureau , ou qu'il les parcoûra les
tenant dans sa main. Quand l'enfant saura
bien
OCTOBRE. 1730 , 2123
bien les terminaisons des noms et des
verbes , il déclinera et conjuguera tous
les mots qu'on lui donera. On ne sauroit
trop insister sur cet article , et l'on
poura pour lors se servir utilement des
tables analitiques et à crochets , faites
pour faciliter l'usage des declinaisons et
des conjugaisons , et pour orner le cabinet
d'un enfant .
Lorsqu'on voudra interoger l'écolier
sur les déclinaisons et sur les conjugaisons
, il ne faut pas suivre la métode
peu judicieuse de ces maitres qui demandent
trop tot , par exemple : Coment fait
Musa à l'acusatif plur? Quel est le genit.
plur. de Dominus ? Quelle est la troisiéme
persone du futur indicatif du verbe Amo ?
coment dit-on en latin , ils auroient aimé ?
&c. Ceux-là ne raisonent pas mieus , qui
demandent aus enfans : Combien y a -t - il
de sortes de noms ,
pronoms , de verbes ,
&c. Combien y a-t- il de terminaisons à la
troisiéme déclinaison , &c. Il est visible
que ces questions sont inutiles et hors la
portée d'un petit enfant . D'ailleurs c'est
une erreur de s'imaginer que parce qu'un
enfant aura apris par coeur et de suite un
rudiment latin françois pour la version
, il doiveensuite répondre sur le
champ à des questions détachées ; ou , ce
qui est encore plus dificile , à des quesde
A vj
tions
2124 MERCURE DE FRANCE
tions qui regardent la composition ; il
faudroit pour cet éfet qu'il ût vu et étudié
un rudiment françois- latin , et encore
seroit - il embarassé pour répondre
sur des questions détachées ou de purc
téorie: il est surprenant de voir que l'expérience
n'alt pas désabusé la plupart des
måltres.
Pour examiner un enfant et l'interoger
à propos , il faut lui faciliter la rêponse
, autrement cela le dégoute et le
dépite. On preche trop tot aus enfans la
doctrine de téorie ; on insiste mème trop
là dessus , il sufit de la debiter dansa
pratique et d'en faire sentir pour lors l'usage
et l'aplication ; l'experience demontre
la verité de cete remarque. On peut
aisément embarasser non seulement un
enfant , mais un savant , s'il est permis
d'interoger à sa fantaisie. Ce que je dis à
l'égard des noms , des pronoms , et des
verbes , n'est pas moins vraì à l'égard des
genres , des déclinaisons , des conjugalsons
, de la sintaxe , de toute la grammaire
, et mème de toutes les siénces : savoir
une regle par coeur , la chose est aisée ;
en faire l'aplication , c'est l'éfort de l'esprit
humain. Bien des savans latinistes
seroient peut être embarassés sur le champ,
si on leur demandoit , par exemple :
Quelle est la treisième lètre de l'A , B , C ;
pourquoi
OCTOBRE. 1730. 2125
pourquoi les anciens ont mis le B après l'A
dans l'ordre des lètres pourquoi les mots
dies , facies , &c. ont été apelés de la cinquième
declinaison ; pourquoi l'on a choisi
pour l'exemple de la premiere conjugaison ,
le verbe amo ( j'aime ) , plutôt que canto
(je chante) où le pronom je est sans élision;
ce que fignifient les mots gerondifs, supins .
&c. on doit donc menager un peu plus
les enfans.
Dès que l'enfant a décliné et conjugué
avec des cartes , selon le jeu du rudiment
pratique , il lui sera aisé de composer
sur la table du bureau les tèmes
qu'on lui donera mot à mot sur des cartes
, selon la métode des textes interlinaires
, le françois en noir , et le latin en
rouge , en caractere italique , et encore
mieus , en caractere de bèle écriture pour
instruire et disposer utilement l'imagination
de l'enfant , en atendant qu'il
aprene à former sur le papie. les caracteres
avec lesquels il se sera familiarisé
sur la table de son bureau . C'est pour
lors que l'enfant comencera à se servir
des terminaisons des noms , des pronoms,
et des verbes , en atendant le dictionaire
fait aussi en colombier , dans les
celules duquel on metra les mots écrits.
sur autant de cartes seulement quand
l'enfant en aura besoin ; c'est - à - dire D.
qu'il
2126 MERCURE DE FRANCE
qu'il verra croitre et augmenter son dictionaire
à mesure qu'il croitra lui- mème
en age et en sience , et à mesure qu'il
aprendra sa propre langue.
>
Quoique l'enfant ait le latin de son
tème sur une carte , il ne laisse pas de
faire un exercice qui aproche de la veritable
composition ; car s'il a , par exemple
, dans son tème oramus deum , il
trouvera le mot oro dans la logete des
verbes de la colone O , et le mot deus
à la logete des noms apellatifs de la colone
D; mais il sera obligé de chercher
et de prendre amus dans la logète des
tems où des terminaisons des verbes , etc.
ce que l'on vèra d'une manière sensible
au bas de la planche que j'ai fait graver
exprès. Les cartes des logetes étant étiquetées
, l'enfant aprend d'abord par pratique
et par sentiment le jeu des déclinaisons
, des conjugaisons , et des parties d'oraison
, et se met par là en état de passer
bientot à l'explication d'un texte aisé ,
ou de ses propres tèmes , dont le françois
et le latin sont copiés mot à mot
P'un sous l'autre , et ensuite recopiés sans
aucun françois sous le latin.
L'on peut prendre pour texte des tèmes
, l'abregé historique de la bible , l'abregé
du petit catechisme historique et
de la doctrine cretiène , en latin et en
françois
OCTOBRE . 1730. 2127
françois , l'apendix de la fable du pere
de Jouvenci , l'extrait du Pantheum du
P. Pomey . On poura aussi prendre des
tèmes dans le rudiment pratique sur les
parties d'oraison , en choisissant toujours
les mots du plus grand usage. Les Au
teurs expliqués et construits selon la métode
de M. du Marsais seront d'un grand
secours au comancement pour la lecture
pour l'explication , et pour la composition
dans les deus langues.
termes , pour
D
En suivant la métode du bureau tipografique
, un enfant se voit bientot en
état d'expliquer le latin du nouveau testament
et de l'imitation de Jesus - Christ ;
ce latin sufit pour doner l'abondance des
former l'oreille aus terminaisons
des noms , des pronoms ,, des verbes
, etc. sans que l'on doive craindre
l'impression de la mauvaise latinité sur
l'oreille d'un enfant qui n'est ocupé qu'à
retenir des mots et nulement à charger
sa mémoire d'un stile ou d'un genie auquel
il n'est pas encore sensible ; car je
parle d'un enfant de quatre à cinq ans ,
et quand il en auroit davantage , le nouveau
testament et l'imitation de Jesus-
Christ ne sont pas indignes de ce petit
sacrifice , malgré la fausse délicatesse de
certains, latinistes qui en fesant parade de
leur esprit , manquent souvent de jugement.
On
2128 MERCURE DE FRANCE
On trouvera dans peu l'enfant assés
fort pour lui faire entreprendre la lecture
et la version des fables de Phèdre
dont le texte est numeroté pour la construction
des parties d'oraison ; ou bien
pour lui faire expliquer les textes interlineaires
et construits selon le métode de
M. du Marsais ; l'experience de cet exercice
sur un enfant de cinq à sis ans qui
voyoit Phèdre pour la segonde fois , m'oblige
d'en conseiller l'essai et la pratique
aus maitres non prévenus. Quand je dis
néanmoins que cète métode est simple et
aisée , cela doit s'entendre des principes
dont elle fait usage : la composition et la
multiplicité des outils literaires divertit
et instruit l'enfant ; la peine ne regarde
le maitre et l'ouvrier de tout l'atirail
que l'on done à l'écolier : il n'y est lui
que pour le plaisir varié et instructif de
passer agréablement d'un objet à un autre
en changeant de cartes , de jeu , et de sujet;
ce qui est d'un mérite conu du seuł
artisan et des seuls témoins capables de
juger de l'ouvrage et des progrès . Un
livre alarme un enfant , au lieu que par le
jeu des cartes il ne voit que les pages des
leçons courantes , il forme son livre luimème
, ce qui augmente sa curiosité
bien loin de le dégoûter.
que
Beaucoup de maitres blament cependant
OCTOBRE . 1730. 2129
›
dant l'usage des textes interlinéaires ou
des textes construits et numerotés , et
pretendent que l'esprit des enfans aïant
moins à faire , cela les retarde de beaucoup
: les persones rigides qui veulent
laisser toutes les dificultés aus enfans,bien
loin de leur en épargner ou diminuer
quelqu'une , ne craignent èles pas de les
trop fatiguer, et de les rebuter ? le fruit des
colèges et du grand nombre en
peut décider
; il est plus aisé de blamer l'usage
de certaines métodes , que d'en inventer
de meilleures . On peut voir là dessus ce
qu'en a écrit M. du Marsais dans l'exposition
de sa métode raifonée , et faire en
mème tems réflexion que les métodes interlineaires
ont toujours été utilement
pratiquées , non seulement pour des en-
Fans , mais pour des homes , quand on a
voulu abreger la peine à ceux qui étudient
quelque langue morte ou vivante .
Nous avons l'ancien testament avec l'interpretation
en latin mot à mot sous l'ebreu
; nous avons de mème le nouveau
testament grec & latin , une langue sous
l'autre mot à mot : j'ai vu une gramatre
imprimée à Lisbone en 1535 dans laquèle
le latin et le portugais , et ensuite l'espagnol
et le portugais , sont une langue
sous l'autre. On a autrefois imprimé à
Strasbourg le parlement nouveau ou centurie
2130 MERCURE DE FRANCE
rie interlinéaire de DANIEL MARTIN LINGUISTE
, dans lequel livre on trouve l'aleman
pur dans une colone et le pur
françois dans l'autre , avec le mot aleman
sous chaque mot françois , et c'est peut
ètre ainsi qu'on devroit le pratiquer ou
l'essayer quelquefois pour la langue latine
, en métant le mot françols du dictionaire
sous chaque mot du pur texte
latin , ce qui au comancement épargneroit
à l'enfant le tems qu'il perd à chercher
les mots dans un dictionaire : exem
ple :
Numquam est fidelis cum potente focietas.
Jamais ètre fidele avec puissant societé.
Si des Téologiens ont cru tirer quel
que utilité de la glose ordinaire de la
bible de Nicolas de Lira , et de l'interprétation
interlinéaire d'Arias Montanus,
pourquoi les enfans doivent ils ètre privés
des livres classiques à glose interlinéaire
s'il est permis de condaner un
usage parcequ'il ne produit pas toujours
le bon éfet dont on s'étoit flaté , il y en
aura bien peu à l'abri de cète critique :
les écoles publiques ne produisent pas
des éfets proportionés au cours des anées
d'étude. S'agit il de nouvele métode , on
deOCTOBRE.
1730. 2131
demande à voir des exemples dans une
pratique continuée : nous en voyons tous
les jours de ces exemples dans les écoles
et dans les coleges ; le grand nombre des
écoliers. ne profite pas ; on auroit tort
cependant d'en conclure l'inferiorité des
éducations publiques ou la superiorité
des éducations particulieres. Il faut com
parer, raisoner, et examiner avant que de
prononcer pour ou contre une métode
qui regarde le coeur et l'esprit.
On poura voir les ouvrages de M. du
Marsals sur les articles 52 & 53 des mémoires
de Trévoux du mois de mai 1723
au sujet de l'interprétation interliné re
page 35. Nous avons aussi , dit ce filosofe
gramairien , quelques interprétations inter
linéaires du latin avec le françois , entr'autres
cèle de M. Waflard , fous le titre de
Premiers fondemens de biblioteque royale
à Paris chés Boulanger , dans les premieres
anées de la minorité de LourS
XIV. mais ces traductions sont fort mal exe•
cutées dans un petit in 12 ° , où les mots sont
fort prèssés , et où le françois qui n'eft qưéquivalant
ne fe trouve jamais juste sous le
latin. Il en est de mème de la version interlinéaire
des fables de Fédre , imprimée en
1654 , chés Benard , libraire du colege des
RR. P P. Jesuites &c.
›
C'est aux maitres au reste à voir
quand
2132 MERCURE DE FRANCE
quand il faudra oter à un enfant les gloses
interlinéaires : le plu-tot ne sera que
le mieus , si l'écolier peut s'en passer. La
pratique et l'experience guideront plus
surement que les vains raisonemens sur
cet exercice. Lorsque l'enfant faura expliquer
un texte construit ou numeroté
pour la construction , il faut quelques
jours après lui redoner le mème texte
qui ne soit ni construit ni numeroté : c'est
le moyen de juger des progrès de l'enfint,
et de l'utilité des textes interlinéaires ,
ou de la glose proposée et pratiquée pour
les premiers livres classiques que l'on fait
voir à un enfant ; la glose paroit plus necessaire
dans une classe de cent écoliers
pour un seul regent que dans une chambre
où l'enfant a un maitre pour lui seul .
C'est pourtant le regent à la tète de cent
écoliers qui afecte de mépriser le secours
de la glose interlinéaire , pendant qu'un
precepteur s'en acomode chargé d'un
seul enfant ; est - ce sience ou vanité dans
l'un , et paresse ou ignorance dans l'autre ?
La repugnance et le dégout que font
paroitre la plupart des enfans dans l'étude
du latin , du grec, et des langues mor
tes , prouvent en même tems qu'il y a
dans cet exercice literaire ou dans les métodes
vulgaires quelque chose d'étrange
et de contraire au naturel des enfans ; la
graOCTOBRE
. 1730. 2133
gramaire des écoles et leur maniere d'enseigner
la langue latine ont quelque chose
de rebutant et de peu convenable à
l'age et à la portée des enfans ; les rudimens
vulgaires sont ordinairement trop
abstraits ; il faut du sensible , et c'est ce
qu'on pouroit faire dans un rudiment
pratique j'en done l'essai en atendant
qu'un gramairien filosofe et métodiste
veuille bien y travailler lui mème , pendant
que d'autres latinistes s'amuseront
à augmenter le nombre des pieces d'éloquence
qui expirent en naissant , come
celes de téatre qu'on ne represente qu'une
fois.
n'en
On reprend mile et mile fois un enfant
sur la mème regle avant que de le
metre en état de ne plus faire le mème
solecisme : d'où vient cela ? est - ce faute
de mémoire ? les enfans , dit on ,
manquent pas ; ils aprènent facilement
par coeur des centaines de vers et de régles
; il faut donc conclure qu'aprendre
par coeur une régle , ou la metre en pratique
, sont deus choses très diferentes ;
l'une ne dépend que de la mémoire , et
l'autre dépend de l'aplication et de la sagacité
d'un home fait : je l'ai dit bien des
fois ; on peut savoir les régles d'aritmé
tique , d'algebre , 'de géometrie , de logique
etc. et ètre très ignorant dans la pratique
2134 MERCURE DE FRANCE
tique de ces mèmes régles : pourquoi
donc demander tant de sience pratique
dans un enfant qui n'a encore perdu que
sis mois ou un an à aprendre par coeur
quelques régles de gramaìre latine ? n'est
ce pas ignorance ou injustice d'atendre
et d'exiger d'un enfant l'éfort de genie
dont nous somes souvent incapables nous
mèmes.
A l'exemple des prédicateurs , je redis
souvent les mèmes choses , et je risque
come eus de ne persuader que peu de
persones. J'ignore le sort et le succès de
cet ouvrage ,
il me sufit le
pour present
de voir que mon déssein est louable et
utile , et de souhaiter , si cela est vrai ,
que le public en pense de mème. Il semble
que peu à peu je m'éloigne de mon sujet ,
quoique je ne perde jamais de vue la meilleure
route à suivre pour avancer les enfans
dans les exercices literaires . Je reviens
donc aus jeus de cartes : on peut
en doner pour les déclinaisons des noms
grecs , come pour cèles des noms latins ;
on peut doner sur des cartes la liste des
mots latins que l'enfant sait , et y metre
le grec au lieu du françois. Dans la suite
on poura y metre le mot ebreu il ne
s'agit d'abord que de lire ; mais à force
de lecture , l'enfant aprend les termes en
l'une & en l'autre langue , come il aprend
sa
OCTOBRE. 1730. 213.5
sa langue maternele à force d'actes réiterés
, et c'est à quoi les maîtres ne font
pas assés d'atention . On poura aussi metre
sur la longueur des cartes , et en trois
colones , le positif , le comparatif, et le
superlatif de quelques adjectifs réguliers,
et ensuite des réguliers de plusieurs
langues , et toujours simplement pour li
re et pour composer sur le bureau tipografique
, afin que l'enfant comance de
bone heure à voir et à sentir un peu le
raport , le genie , et l'esprit diferent des
langues sur chaque partie d'oraison .
Quand on voudra tenir dans une mème
logete du dictionaire des mots latins , des
mots françois , des mots grecs , et des
mots ebreus on poura , come il a été
dit , séparer les especes diferentes avec de
doubles , de triples cartes , ou de petits
cartons afın l'enfant
que puisse tenir en
ordre et trouver plus facilement toutes les
cartes dont il aura besoin , ainsi qu'on l'a
pratiqué pour séparer les cartes des letres
noires et des letres rouges lorsqu'on a été
obligé de les tenir dans le même trou ,
et que l'on a voulu multiplier la casse de
l'imprimerie pour l'usage du françois
du latin , du grec , de l'ebreu , de l'arabe
etc.
>
>
Quoique l'enfant soit en état d'expliquer
un livre , et de faire la plume à la
main
2136 MERCURE
DE FRANCE
main , un petit tème de composition en
latin , il ne doit pas pour
cela renoncer
à l'exercice du bureau tipografique ; il
poura y travailler seul pendant l'absence
du maître , et suivre pour le grec et l'ebreu
la métode pratiquée pour le latin :
c'est le moyen le plus facile pour faire
entretenir la lecture et l'étude de ces
quatre langues, et pour s'assurerdel'ocupation
d'un enfant , bien loin de l'abandoner
à lui mème et à l'oisiveté trop tolerée
dans enfance ; cète oisiveté produit
la fainéantise et le dégout , pour ne
pas dire l'aversion invincible que
que font
roitre pour l'étude la plupart des enfans
livrés à des domestiques. Tel parle ensuite
de punir les enfans, qui est plus coupable
qu'eus , faute de s'y être pris de bone
heure et d'une maniere plus judicieuse.
Quand on veut redresser un arbre , ou
dresser un animal , on , on profite de leurs
premieres anées : pourquoi ne fait on pas
de mème à l'égard des enfans ? à quoi
veut on les ocuper depuis deus jusqu'à
sis & sèt ans ? c'est là le premier , le vrai,
et souvent l'unique tems qui promete ,
qui produise , et qui assure les succès et le
fruit de l'éducation tant desirée par les
parens.
pa-
Tout le monde convient assés que les
études de colege se réduiroie ntàpeu de
chose
OCTOBRE. 1730. 2137
:
chose si l'on n'avoit ensuite l'art ou la
maniere d'étudier seul avec le secours des
livres et la conversation des savans , il est
donc très important de doner de bone
heure à la jeunesse cet art d'étudier seul,
et enfin ce gout pour les livres et pour
les savans , gout que peu d'écoliers ont
au sortir des classes : ils n'aspirent la plupart
qu'à ètre delivrés de l'esclavage , et
à sortir de leur prétendue galère d'où
peut donc naitre une si grande aversion ?
ce ne sauroit ètre le fruit d'une noble
émulation : mais d'où vient d'un autre
coté que les études domestiques et particulieres
ne produisent pas , ce semble
dans les enfans le dégout que produisent
l'esprit et la métode des coleges ? bien des
enfans au sortir des classes vendent ou
donent leurs livres come des meubles inu-.
tiles et des objets odieus ; ceus qui étudient
dans la maison paternele raisonent
un peu plus sensément , et ne regardent
ordinairement come un martire leurs
exercices literaires ; ils conoissent un peu
plus le monde dans lequel ils vivents au
lieu les enfans des coleges regardent
que
souvent come un suplice d'ètre obligés
de vivre ensemble sequestrés loin du monde
; ils n'ont de bon tems selon eus que
celui du refectoir , de la recréation et de
l'eglise ; ils trouvent mauvais qu'on les
pas
B aille
2138 MERCURE DE FRANCE
aille voir pendant leur recréation ; ils
aiment mieus qu'on les demande pendant
qu'ils sont en classe , afin d'en abreger le
tems ; un enfant qui travaille au bureau
tipografique est animé de tout autre esprit
quèle est donc la cause de cète
grande diference ? la voici :
Si avant que d'envoyer un enfant aus
écoles et en classe , sous pretexte de jeunesse
, de vivacité et de santé , on lui a
laissé aprendre pendant bien des anées le
métier de fainéant , de vaurien et de petit
libertin , il n'est pas extraordinaire de
trouver qu'ensuite il ne veuille pas quiter
ses habitudes , ni changer ses amusemens
frivoles pour d'autres exercices plus
penibles ou moins agréables . On met souvent
et avec injustice sur le conte des coleges
la faute des parens qui n'envoient
leurs enfans en cinquième ou en quatrième
qu'à l'age de 13 à 14 ans , age où ils
se dégoutent facilement des études , et où
ils sentent la honte de se voir au milieu
de bien des écoliers plus petits , plus
jeunes et plus avancés qu'eus. Chacun sait
que quand on veut élever des animaus
ou redresser des plantes , il faut s'y prendre
de bone heure : ignore t'on que c'est
aussi la vraie et la seule manière de réussir
dans l'éducation des enfans le jeu du
bureau tipografique done cète manière
dans
?
OCTOBRE. 1730. 2139
› dans toute son étendue ; il amuse il
instruit les enfans , et les met en état de
faire plu-tot leur entrée honorable au pays
latin , et d'y gouter avec plus de fruit et
moins d'ennui les bones instructions des
habiles maîtres ; enfin le bureau est le
chemin qui conduit à la porte des écoles
publiques , et le bureau formera toujours
de bons sujets capables de faire honeur
aus parens , aus regens , aus coleges et à
l'état. Je n'entre point ici dans la question
indecise sur la préference des éducations
publiques ou particulieres ; on peut
lire là dessus les principaus auteurs qui en
ont parlé depuis Quintilien jusqu'à M.
Rollin et à M. l'abé de S. Pière. Mais
on ne sauroit disconvenir de la necessité
et de l'utilité des écoles publiques ; il
semble mème qu'en general les enfans
destinés à l'eglise ou à la robe devroient
tous passer par les coleges : à l'égard des
gens d'épée ou des enfans destinés à la
guère , il me semble que pour les bien
élever on pouroit s'y prendre d'une autre
manière , et en atendant l'établissement
de quelque colege politique et militaire
, la pratique du bureau me paroit
la meilleure à suivre ; elle abregera bien
du tems à la jeune noblesse , et lui permetra
l'étude de beaucoup de choses inutiles
à un prètre , à un avocat et à un me
Bij decia
2140 MERCURE DE FRANCE
decin , mais qu'il est honteus à un guerier
d'ignorer ; c'est pourquoi je me flate
que la métode du bureau tipografique
sera tot ou tard aprouvée non seulement
des gens du monde , mais encore des plus
savans professeurs de l'université , suposé
qu'ils veuillent bien prendre la peine
d'en aler voir l'usage et l'exercice dans
un de leurs fameus coleges . Si après cela ,
quelque persone desaprouve le ton de
confiance que l'amour du bien public et
de la verité me permet de prendre , j'avoûrai
ingénûment ma faute devant nos
maitres qui enseignant les letres font aussi
profession de cète mème verité ; et je
soumets dès à present avec une déference
respectueuse mes idées et mes raisonemens
à leur examen et à leur décision.
Pour revenir à la métode du bureau
je dis donc qu'èle est propre à doner du
gout pour l'étude , à metre bientot un
enfant en état de travailler seul avec les
livres , avantage si considerable qu'il n'en
faudroit pas d'autres pour lui doner la superiorité
sur toutes les métodes vulgaires.
On comence de bone heure à lui montrer
les letres , les sons , l'art d'épeler
de lire et de composer sur le bureau ; on
lit avec lui , on s'assure peu à peu de
l'intelligence de l'enfant , on l'instruit ,
on l'interoge à propos , on lui ' faît un
jeu
OCTOBRE . 1730. 214: 1
jeu et un vrai badinage de toutes les
questions , on lui enseigne la maniere de
fe fervir des livres françois , et sur tout
des tables des livres qui servent d'introduction
à l'histoire , à la géografie , à la
cronologie , au blason , et enfin aus siences
et aus arts dont il faut avoir quelque
conoissance , come des livres d'élemens
de principes , d'essais , de métodes , d'instituts
, afin de pouvoir passer ensuite aus
meilleurs traités des meilleurs auteurs
sur chaque matière , mais principalement
sur la profession qu'un enfant doit embrasser
, et à laquelle on le destine . Les
savans se fesant toujours un plaisir de
faire part de leurs lumières à ceus qui
les consultent , on ne doit jamais perdre
l'ocasion favorable de les voir et de les
entendre. Quand les parens au reste en
ont les moyens , ils ne doivent jamais
épargner ce qu'il en coute pour choisir
et se procurer les meilleurs maîtres , er
tous les secours possibles dans quelque
vile que l'on se trouve , cela influe dans
toute la vie qui doit être une étude continuèle
, si l'on veut s'aquiter de son devoir
, de quelque condition que l'on soit,
et quelque profession que l'on ait embrassée.
Je fuis etc.
Fermer
Résumé : CINQUIÈME LÈTRE sur l'usage des Cartes pour l'essaì du rudiment pratique de la langue latine, &c.
Le texte présente une méthode pédagogique pour l'apprentissage de la langue latine à travers l'usage de cartes, adaptée aux enfants dès l'âge de 2 à 3 ans. Cette approche vise à rendre l'apprentissage ludique et efficace. Les cartes, numérotées et organisées, structurent l'apprentissage des déclinaisons, conjugaisons et autres éléments grammaticaux. L'enfant apprend à ranger et à réciter ces cartes, facilitant ainsi la mémorisation et la compréhension. L'auteur critique les méthodes traditionnelles, jugées inefficaces et trop théoriques, et prône une approche pratique et interactive. Les cartes sont également utilisées pour des exercices variés et progressifs, comme la déclinaison des paradigmes et la conjugaison des verbes. Elles servent aussi pour des exercices de composition et de version, en s'appuyant sur des textes historiques ou religieux. Cette méthode prépare l'enfant à des lectures plus complexes, comme le Nouveau Testament ou les fables de Phèdre, tout en évitant de surcharger sa mémoire. Le texte discute également des jeux de cartes pour rendre l'apprentissage plus agréable et instructif, permettant aux enfants de passer d'un sujet à un autre sans se lasser. Les livres peuvent alarmer les enfants, mais les cartes leur permettent de créer leur propre livre, augmentant ainsi leur curiosité. Certains maîtres critiquent l'usage des textes interlinéaires, mais l'auteur note leur utilité pour apprendre des langues mortes ou vivantes, citant des exemples comme l'Ancien et le Nouveau Testament avec des interprétations mot à mot. L'auteur critique les méthodes traditionnelles d'enseignement du latin et du grec, les trouvant trop abstraites et rebutantes pour les enfants. Il propose des rudiments pratiques et l'utilisation de cartes pour enseigner les déclinaisons et les adjectifs. Il insiste sur l'importance de commencer tôt l'éducation des enfants et de leur apprendre à étudier seul. Le texte compare également les écoles publiques et les éducations privées, notant que les premières ne produisent pas toujours des résultats proportionnés aux années d'étude. Il critique les méthodes vulgaires d'enseignement et propose des approches plus adaptées à l'âge et à la portée des enfants. Enfin, l'auteur souligne la différence entre apprendre par cœur des règles et les appliquer en pratique, insistant sur la nécessité de méthodes éducatives plus judicieuses dès le jeune âge.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 296-299
« REGLES CHRÉTIENNES pour faire saintement toutes ses actions, dressées en [...] »
Début :
REGLES CHRÉTIENNES pour faire saintement toutes ses actions, dressées en [...]
Mots clefs :
Règles, Cantiques, Instruction, Prière, Observations, Nature
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « REGLES CHRÉTIENNES pour faire saintement toutes ses actions, dressées en [...] »
REGLES CHRETIENNES pour faire
saintement toutes ses actions , dressées
en faveur des Enfans qui se font instruire
dans les Ecoles Chrétiennes . Outrès
- utile à toutes sortes de pervrage
sonnes qui veulent vivre dans la vraye
pieté
FEVRIER. 1731 297
pieté en Jesus-Christ , divisé en deux
Parties. Derniere Edition. Qua in juventute
tuâ non congregasti , quomodo in senectute
tuâ invenies ? Eccl. 25. 27. Com- 25.27.
ment trouverez- vous dans votre vieillesse
les vertus que vous n'aurez point acquises
dans votre jeunesse ? A Paris , chez
Gabr. Charles Berton , proche S. Nicolas
du Chardonnet , 1731.
CANTIQUES SPIRITUELS , sut
plusieurs points importans de la Religion
et de la Morale Chrétienne , pour les
Catéchismes et les Missions. Sur les plus
beaux Airs anciens et nouveaux.Vol.in 8.
A Paris , chez le même , 1731 .
INSTRUCTION Chrétienne pour les
personnes qui aspirent au Mariage , ou
qui y sont déja engagées. Avec un Traité
de l'Education Chrétienne des enfans
tirée de S. Jean Chrysostôme. In 12.
Nouvelle Edition , revûë et augmentée.
Idem.
PRIERE qui se chante aux Eglises
de S. Paul et de l'Oratoire , et à plusieurs
Paroisses , depuis le Samedi de devant
le premier Dimanche de l'Avent , jusqu'à
la veille de Noël inclusivement , avec
les Antiennes appellées O de Noël. Chez
le même Libraire.
E Nou298
MERCURE DE FRANCE
NOUVELLE METHODE pour réfùter
l'établissement des Eglises Prétendues
Réformées et de leur Religion , et pour
deffendre la stabilité de l'Eglise et de la
"Religion Catholique , Apostolique , et
Romaine dans sa possession perpetuelle .
Par M. Chardon de Lugny , Prêtre , Député
du Roi et du Clergé de France pour
les Controverses . Quay des Augustins ,
chez les freres Osmont , 1730. in 12 .
MEMOIRE Sur l'Article 497. de la
Coûtume de Bretagne , au sujet de la'
Subornation des filles mineures. A Paris ,
ruë de la Huchette , chez la Veuve Knapen,
1730. Brochure in folio .
OBSERVATIONS CURIEUSES Sur
toutes les parties de la Physique , extraites
et recueillies des meilleurs Auteurs .
Rue S. Jacques , chez Cl. Fombert , 1730 .
in 12. de cinq cens quatre-vingt six pages.
Tome troisiéme.
GRAMMAIRE HEBRAIQUE sans
points. Par M. Masclef, Chanoine d'Amiens.
Seconde Edition , dans laquelle
l'Auteur a ajoûté trois autres Grammaires,
suivant le même Méthode , sçavoir , · la
Chaldaïque , la Syriaque et la Samaritaine .
Chez
FEVRIER. 1731. 299
Chez la veuve Paulus Dumesnil , rue Fromentel
, prés la Puits Certain , 1731. in
12. 2. vol . en Latin.
LES PRINCIPES DE LA NATURE
ou de la Generation des choses , par
M. Colonne . Chez André Cailleau , Pont
S. Michel , 1730. in 12.
INSTRUCTION D'UN PERE A SON FILS ,
sur la maniere de se conduire dans le
monde , dédiée à la Reine . Par M. Dupuy,
cy-devant Secretaire au Traité de la Paix
de Riswick. Chez J. Etienne , ruë S. Jacques
, 1730. in 12 .
HISTOIRE de Mademoiselle de
la Charce , de la Maison de la Tour du
Pin , en Dauphiné , ou Memoires de ce
qui s'est passé sous le Regne de Louis XIV.
Quay des Augustins , chez P. Gandouin,
1731. in 12.
saintement toutes ses actions , dressées
en faveur des Enfans qui se font instruire
dans les Ecoles Chrétiennes . Outrès
- utile à toutes sortes de pervrage
sonnes qui veulent vivre dans la vraye
pieté
FEVRIER. 1731 297
pieté en Jesus-Christ , divisé en deux
Parties. Derniere Edition. Qua in juventute
tuâ non congregasti , quomodo in senectute
tuâ invenies ? Eccl. 25. 27. Com- 25.27.
ment trouverez- vous dans votre vieillesse
les vertus que vous n'aurez point acquises
dans votre jeunesse ? A Paris , chez
Gabr. Charles Berton , proche S. Nicolas
du Chardonnet , 1731.
CANTIQUES SPIRITUELS , sut
plusieurs points importans de la Religion
et de la Morale Chrétienne , pour les
Catéchismes et les Missions. Sur les plus
beaux Airs anciens et nouveaux.Vol.in 8.
A Paris , chez le même , 1731 .
INSTRUCTION Chrétienne pour les
personnes qui aspirent au Mariage , ou
qui y sont déja engagées. Avec un Traité
de l'Education Chrétienne des enfans
tirée de S. Jean Chrysostôme. In 12.
Nouvelle Edition , revûë et augmentée.
Idem.
PRIERE qui se chante aux Eglises
de S. Paul et de l'Oratoire , et à plusieurs
Paroisses , depuis le Samedi de devant
le premier Dimanche de l'Avent , jusqu'à
la veille de Noël inclusivement , avec
les Antiennes appellées O de Noël. Chez
le même Libraire.
E Nou298
MERCURE DE FRANCE
NOUVELLE METHODE pour réfùter
l'établissement des Eglises Prétendues
Réformées et de leur Religion , et pour
deffendre la stabilité de l'Eglise et de la
"Religion Catholique , Apostolique , et
Romaine dans sa possession perpetuelle .
Par M. Chardon de Lugny , Prêtre , Député
du Roi et du Clergé de France pour
les Controverses . Quay des Augustins ,
chez les freres Osmont , 1730. in 12 .
MEMOIRE Sur l'Article 497. de la
Coûtume de Bretagne , au sujet de la'
Subornation des filles mineures. A Paris ,
ruë de la Huchette , chez la Veuve Knapen,
1730. Brochure in folio .
OBSERVATIONS CURIEUSES Sur
toutes les parties de la Physique , extraites
et recueillies des meilleurs Auteurs .
Rue S. Jacques , chez Cl. Fombert , 1730 .
in 12. de cinq cens quatre-vingt six pages.
Tome troisiéme.
GRAMMAIRE HEBRAIQUE sans
points. Par M. Masclef, Chanoine d'Amiens.
Seconde Edition , dans laquelle
l'Auteur a ajoûté trois autres Grammaires,
suivant le même Méthode , sçavoir , · la
Chaldaïque , la Syriaque et la Samaritaine .
Chez
FEVRIER. 1731. 299
Chez la veuve Paulus Dumesnil , rue Fromentel
, prés la Puits Certain , 1731. in
12. 2. vol . en Latin.
LES PRINCIPES DE LA NATURE
ou de la Generation des choses , par
M. Colonne . Chez André Cailleau , Pont
S. Michel , 1730. in 12.
INSTRUCTION D'UN PERE A SON FILS ,
sur la maniere de se conduire dans le
monde , dédiée à la Reine . Par M. Dupuy,
cy-devant Secretaire au Traité de la Paix
de Riswick. Chez J. Etienne , ruë S. Jacques
, 1730. in 12 .
HISTOIRE de Mademoiselle de
la Charce , de la Maison de la Tour du
Pin , en Dauphiné , ou Memoires de ce
qui s'est passé sous le Regne de Louis XIV.
Quay des Augustins , chez P. Gandouin,
1731. in 12.
Fermer
Résumé : « REGLES CHRÉTIENNES pour faire saintement toutes ses actions, dressées en [...] »
Le document énumère des publications et textes imprimés en 1730 et 1731. Parmi les ouvrages religieux figurent les 'Règles chrétiennes' pour enfants et adultes, les 'Cantiques spirituels' pour les catéchismes et missions, et une 'Instruction chrétienne' pour les couples mariés ou futurs mariés. Il mentionne aussi des prières chantées pendant l'Avent. En dehors des publications religieuses, le texte inclut des ouvrages variés tels qu'une 'Nouvelle méthode' pour réfuter les Églises réformées, un 'Mémoire' sur un article de la coutume de Bretagne, des 'Observations curieuses' sur la physique, une 'Grammaire hébraïque' avec des grammaires supplémentaires, les 'Principes de la nature' sur la génération des choses, une 'Instruction d'un père à son fils' sur la conduite dans le monde, et l''Histoire de Mademoiselle de la Charce' relatant des événements sous le règne de Louis XIV. Ces publications proviennent de divers libraires et éditeurs à Paris et dans d'autres régions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 553
« REGLES pour vivre chrétiennement dans l'engagement du mariage et dans [...] »
Début :
REGLES pour vivre chrétiennement dans l'engagement du mariage et dans [...]
Mots clefs :
Règles, Famille, Engagement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « REGLES pour vivre chrétiennement dans l'engagement du mariage et dans [...] »
REGLES pour vivre chrétiennement
dans l'engagement du mariage et dans la
conduite d'une famille . Vol. in 12. Ruë
S. Jacques , chez Lettin.
dans l'engagement du mariage et dans la
conduite d'une famille . Vol. in 12. Ruë
S. Jacques , chez Lettin.
Fermer
10
p. 1907-1912
LES PROGREZ de la Tragédie, sous LOUIS XIV.
Début :
Descends, Divine Melpoméne [...]
Mots clefs :
Prière, Louis XIV, Tragédie, Règles, Progrès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES PROGREZ de la Tragédie, sous LOUIS XIV.
LES PROGREZ de la Tragédie ,
sous LOUIS XIV.
DEscends , Divine Melpoméne ( 1 ) ,
Prête à ma voix ces sons vainqueurs ;
Qui savent sur ta double scene ,
Ravir et charmer tous les cœurs.
Je celebre aujourd'hui ta gloire ,
Sous un Monarque dont l'histoire ,
Efface les noms les plus grands ( 2 ),
Et qui joignit à sa puissance ,
2
Ce goût , cette magnificence ,
Si glorieuse aux Conquerans.
Quel noir cahos s'offre à ma vûë ( 3 )
Où vais-je en cette affreuse nuit ?
Un foible éclair perce la nuë ,`
Je n'entrevois qu'un jour qui fuit ;
Sur nos bords , un Théatre s'ouvre ,
Quels fantômes mon œil découvre ,
Sous le Cothurne des Héros ;
O Dieux , Melpomene avilie ( 4 )
(1 )L'Opera et la Comédie.
( 2 ) LOUIS XIV,
(3 )Etat de l'ancienne Tragédie en France.
(4 ) Pieces de Jodelle , Garnier , Hardy.
Porte
1908 MERCURE DE FRANCE
Porte le masque de Thalie ,
Orné des Myrthes de Paphos,
Disparoissez , nuages sombres ( 1 );
Tout change ; à mes yeux éblouis ,
Le plus beau jour chassant les ombres ,
Se leve en faveur de Louis ;
Armand fait briller son Aurore ( 2 ) ;
Que de Fleurs s'empressent d'éclorre ,
Le temps augmente leurs attraits ;
Le Théatre se renouvelle ,
Le Dieu des Muses me révele ,
Le cours de ses heureux progrès.
Que vois-je ? d'une aîle hardie,
Un Aigle fend le sein des airs ; ( 3)
Par sa touchante Mélodie ,
Un Cygne attendrit l'Univers ( 4 ) ;
Oprodige ; à la voix d'un homme ,
Renaissent les Héros de Rome , ( s ) ;
Plus grands encor , plus généreux ;
Est-ce la vertu qui s'exprime ( 6 ) .
( 1 ) Progrès de laTragédie.
( 2 ) Le Cardinal de Richelieu. Pieces des s Au
geurs.
(3) Corneille , l'aîné.
(4 ) Racine.
(s )Pieces de Corneille
( 6 ) Mitridate.
Est-ex
SEPTEMBR E. 1732 1909
Est-ce l'amour tendre Monime , ( 1 ) ,
Vous les réunissez tous deux.
Les Regles long-temps négligées ,
Rentrent enfin dans tous leurs droits ;
Les bien- séances sont vangées ,
J'entens les Rois , parler en Rois ;
Du fard méprisant l'imposture
Melpomene dans la nature ,
Puise sa nouvelle splendeur ;
Et sa Pompe moins fastueuse ,
En devient plus majestueuse ,
Et plus digne de sa grandeur.
A tes Progrès , Muse sublime , ( 2)
L'Etranger dresse des Autels ;
L'Anglois , Emule magnanime ,
Leur rend des honneurs immortels ;
Nos Sophocles portent ta gloire ,
Aussi-loin que par la victoire ,
Le nom de Louis fut porté.
Tel du Midy , jusques à l'Ourse ,
(1 )Mitridate, Piece de Racine.
(2) Les Progrès de la Tragedie se sont étendus
fort loin sous LOUIS XI V. et continuent encore
après lui. Les Anglois ont traduit plusieurs de nos
Pieces , le Cid , l'Andromaque , le Caton,
B Phœbus
1910 MERCURE DE FRANCE
Phoebus dans sa brillante course ,
Dispense au monde la clarëté.
Suis-je dans l'Empire des Fées ?
Est- ce icy le Palais des Dieux ? ( 1 )
L'Art des Zeuxis et des Orphées ,
Triomphe en ces superbes lieux ;
Nouveau genre où le fier tragique ,
S'unit aux sons de la Musique!
Où le chant nous peint les douleurs !
Triste Eglé , malheureuse Armide ,
Thétis , Clorinde , Sangaride ,
Vos accens m'arrachent des pleurs.
Le François est né trop sensible
Son goût par les amours flatté ,
Sembloit oublier le terrible ,
Qu'idolatroit l'antiquité ( 2 )
>
3 ) Echyle revit ; mais plus sage ;
S'il m'offre une barbare image ›
Il sait en adoucir l'horreur ( 4 ) ;
Et sur sa scene interressante >
Toujours la pitié gémissante ,
Est compagne de la terreur.
( 1 ) L'Opera,
( 2 ) Pieces de Sophocle et d'Euripe.
( 3 ) M. de Crebillon.
.14 ) Astrée , Electre ,
Zénobie.
Dieuz
SEPTEMBR E. 1732 1911
Dieux vains que celebre ma Lyre ,
Cedez au Dieu de vérité ;
Un Spectacle auguste m'attire ,
Où préside la Piété. ( 1 )
Icy la grace est triomphante ; ( 2 )
C'est dans les tourmens qu'elle enfante , ( 3 )
Des Chrétiens vainqueurs du trépas ; ( 4 )
Là , périt une Reine impie, ( s )
Plus loin , un fils rebelle expie ,
Ses Parricides attentats. ( 6 )
Des grands Maîtres suivons l'exemple;
Que notre Théatre épuré,
Par nos mains se change en un Temple,
Aux seules vertus consacré ;
Heureux qui les choisit pour guides ;
Et qui mêle les fruits solides
Avec le vif éclat des fleurs !
Fidele au flambeau qui l'éclaire ,
Il n'a recours à l'art de plaire ,
Que pour faire regner les mœurs.
( 1 ) Pieces Saintes.
( 2 ) Polyeucte de Corneille.
( 3 ) Gabinie , de M. Bruys. "
( 4 ) Adrien , de M. de Campist
PRIERE.
Toi , qui regles des Rois les hautes destinées ;
En faveur de Louis , exauce nos souhaits;
Dieu saint , à ses vertus égale ses années ,
Et rends toujours son cœur digne de tes bienfaits.
- Vivat io , LODOIX , hoc unum poscimus omnes.
Par M. l'Abbé PONCY DE NEUVILLE.
sous LOUIS XIV.
DEscends , Divine Melpoméne ( 1 ) ,
Prête à ma voix ces sons vainqueurs ;
Qui savent sur ta double scene ,
Ravir et charmer tous les cœurs.
Je celebre aujourd'hui ta gloire ,
Sous un Monarque dont l'histoire ,
Efface les noms les plus grands ( 2 ),
Et qui joignit à sa puissance ,
2
Ce goût , cette magnificence ,
Si glorieuse aux Conquerans.
Quel noir cahos s'offre à ma vûë ( 3 )
Où vais-je en cette affreuse nuit ?
Un foible éclair perce la nuë ,`
Je n'entrevois qu'un jour qui fuit ;
Sur nos bords , un Théatre s'ouvre ,
Quels fantômes mon œil découvre ,
Sous le Cothurne des Héros ;
O Dieux , Melpomene avilie ( 4 )
(1 )L'Opera et la Comédie.
( 2 ) LOUIS XIV,
(3 )Etat de l'ancienne Tragédie en France.
(4 ) Pieces de Jodelle , Garnier , Hardy.
Porte
1908 MERCURE DE FRANCE
Porte le masque de Thalie ,
Orné des Myrthes de Paphos,
Disparoissez , nuages sombres ( 1 );
Tout change ; à mes yeux éblouis ,
Le plus beau jour chassant les ombres ,
Se leve en faveur de Louis ;
Armand fait briller son Aurore ( 2 ) ;
Que de Fleurs s'empressent d'éclorre ,
Le temps augmente leurs attraits ;
Le Théatre se renouvelle ,
Le Dieu des Muses me révele ,
Le cours de ses heureux progrès.
Que vois-je ? d'une aîle hardie,
Un Aigle fend le sein des airs ; ( 3)
Par sa touchante Mélodie ,
Un Cygne attendrit l'Univers ( 4 ) ;
Oprodige ; à la voix d'un homme ,
Renaissent les Héros de Rome , ( s ) ;
Plus grands encor , plus généreux ;
Est-ce la vertu qui s'exprime ( 6 ) .
( 1 ) Progrès de laTragédie.
( 2 ) Le Cardinal de Richelieu. Pieces des s Au
geurs.
(3) Corneille , l'aîné.
(4 ) Racine.
(s )Pieces de Corneille
( 6 ) Mitridate.
Est-ex
SEPTEMBR E. 1732 1909
Est-ce l'amour tendre Monime , ( 1 ) ,
Vous les réunissez tous deux.
Les Regles long-temps négligées ,
Rentrent enfin dans tous leurs droits ;
Les bien- séances sont vangées ,
J'entens les Rois , parler en Rois ;
Du fard méprisant l'imposture
Melpomene dans la nature ,
Puise sa nouvelle splendeur ;
Et sa Pompe moins fastueuse ,
En devient plus majestueuse ,
Et plus digne de sa grandeur.
A tes Progrès , Muse sublime , ( 2)
L'Etranger dresse des Autels ;
L'Anglois , Emule magnanime ,
Leur rend des honneurs immortels ;
Nos Sophocles portent ta gloire ,
Aussi-loin que par la victoire ,
Le nom de Louis fut porté.
Tel du Midy , jusques à l'Ourse ,
(1 )Mitridate, Piece de Racine.
(2) Les Progrès de la Tragedie se sont étendus
fort loin sous LOUIS XI V. et continuent encore
après lui. Les Anglois ont traduit plusieurs de nos
Pieces , le Cid , l'Andromaque , le Caton,
B Phœbus
1910 MERCURE DE FRANCE
Phoebus dans sa brillante course ,
Dispense au monde la clarëté.
Suis-je dans l'Empire des Fées ?
Est- ce icy le Palais des Dieux ? ( 1 )
L'Art des Zeuxis et des Orphées ,
Triomphe en ces superbes lieux ;
Nouveau genre où le fier tragique ,
S'unit aux sons de la Musique!
Où le chant nous peint les douleurs !
Triste Eglé , malheureuse Armide ,
Thétis , Clorinde , Sangaride ,
Vos accens m'arrachent des pleurs.
Le François est né trop sensible
Son goût par les amours flatté ,
Sembloit oublier le terrible ,
Qu'idolatroit l'antiquité ( 2 )
>
3 ) Echyle revit ; mais plus sage ;
S'il m'offre une barbare image ›
Il sait en adoucir l'horreur ( 4 ) ;
Et sur sa scene interressante >
Toujours la pitié gémissante ,
Est compagne de la terreur.
( 1 ) L'Opera,
( 2 ) Pieces de Sophocle et d'Euripe.
( 3 ) M. de Crebillon.
.14 ) Astrée , Electre ,
Zénobie.
Dieuz
SEPTEMBR E. 1732 1911
Dieux vains que celebre ma Lyre ,
Cedez au Dieu de vérité ;
Un Spectacle auguste m'attire ,
Où préside la Piété. ( 1 )
Icy la grace est triomphante ; ( 2 )
C'est dans les tourmens qu'elle enfante , ( 3 )
Des Chrétiens vainqueurs du trépas ; ( 4 )
Là , périt une Reine impie, ( s )
Plus loin , un fils rebelle expie ,
Ses Parricides attentats. ( 6 )
Des grands Maîtres suivons l'exemple;
Que notre Théatre épuré,
Par nos mains se change en un Temple,
Aux seules vertus consacré ;
Heureux qui les choisit pour guides ;
Et qui mêle les fruits solides
Avec le vif éclat des fleurs !
Fidele au flambeau qui l'éclaire ,
Il n'a recours à l'art de plaire ,
Que pour faire regner les mœurs.
( 1 ) Pieces Saintes.
( 2 ) Polyeucte de Corneille.
( 3 ) Gabinie , de M. Bruys. "
( 4 ) Adrien , de M. de Campist
PRIERE.
Toi , qui regles des Rois les hautes destinées ;
En faveur de Louis , exauce nos souhaits;
Dieu saint , à ses vertus égale ses années ,
Et rends toujours son cœur digne de tes bienfaits.
- Vivat io , LODOIX , hoc unum poscimus omnes.
Par M. l'Abbé PONCY DE NEUVILLE.
Fermer
Résumé : LES PROGREZ de la Tragédie, sous LOUIS XIV.
Le texte traite des progrès de la tragédie sous le règne de Louis XIV. Il commence par une invocation à Melpomène, la muse de la tragédie, pour célébrer la gloire de Louis XIV, dont l'histoire efface celle des plus grands monarques. Avant Louis XIV, la tragédie en France était marquée par des œuvres médiocres de Jodelle, Garnier et Hardy. Sous Louis XIV, la tragédie connaît un renouveau grâce à des figures comme le Cardinal de Richelieu, Corneille et Racine. Corneille est comparé à un aigle, symbolisant son audace, tandis que Racine est comparé à un cygne, représentant sa mélodie touchante. Les héros romains revivent dans les pièces de Corneille, plus grands et plus généreux. Le texte souligne également le respect des règles et des bienséances dans les tragédies, avec des rois parlant en rois et Melpomène puisant sa splendeur dans la nature. Les progrès de la tragédie française sont reconnus à l'étranger, notamment en Angleterre, où des pièces comme 'Le Cid', 'Andromaque' et 'Caton' sont traduites. Le texte mentionne aussi l'influence de l'opéra et la sensibilité du public français, qui préfère les amours aux sujets terribles de l'antiquité. Il conclut par une prière à Dieu pour prolonger la vie et les vertus de Louis XIV.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 426-431
RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
Début :
Je voudrois, MADAME, pouvoir me dispenser de répondre aux raisons [...]
Mots clefs :
Emilie, Lecteur, Règles, Amour, Sentiments, Héroïne, Caractère, Histoire d'Émilie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
REPONSE à Madame MEHEULT
Auteur de l'Histoire d'Emilie , on
des Amours de Mule de...
J
E voudrois , MADAME , pouvoir
me dispenser de répondre aux raisons
que vous venez d'alléguer pour la deffence
d'Emilie. Outre que j'ai quelque confusjon
de combattre les sentimens d'une
Dame dont j'honore et respecte infiniment
le mérite , je sens bien que c'est
mal reconnoître la confiance que vous
avez euë pour moi ; j'aurois sans doute
sacrifié à ces considérations la vanité que
l'on peut gouter , en soûtenant ses sentimens
contre un adversaire tel que
vous , si de pressantes sollicitations ne
m'avoient pas , pour ainsi dire , forcé à
répli
MARS. 1733 . 427
répliquer ; quoiqu'il en soit , si je rentre
dans la carriere , si j'ose faire quelques
nouvelles observations , ce sera toujours
avec ces égards que l'émulation et que
les Regles de la politesse nous prescrivent.
Dès que l'on est infortuné que l'amour
d'Emilie, n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe . Voilà l'objection ;
mais vous avez négligé d'y répondre ;
on convient avec les Maitres de l'Art, que
vos Entretiens sont beaux ; s'ils sont ennu
yeux,c'est parce qu'il n'y a plus d'interêt,
et qu'ils ne concourent à rien. Vous conviendrez
que les plus grandes beautez ne
font plus d'effet , dès le moment qu'elles
sont déplacées . Les Allarmes , dites- vous,
sont le partage des Amans , il est vrai. La
crainte de l'infidélité , le moindre éloignement
de l'objet que l'on aime; les dangers
ausquels on est exposé dans le cours
de la Vie , sont pour eux des sources intarissables
de craintes et d'allarmes . Celles
que l'on reproche à Emilie ne sont pas de
cette nature ; elle craint, sans cesse , que
sa mere ne veuille pas l'unir à son cher
Comte. Mais cette appréhension est- elle
fondée ? Au contraire, il semble que tout
conspire à son bonheur ; l'union intime
des deux familles ; la naissance de l'une ,
les
$28 MERCURE DE FRANCE
}
les grands biens de l'autre , sont des rai
sons qui doivent lever tous ses doutes.
On vous reproche aussi d'avoir fait
mourir trop de personnes sans utilité
pour votre sujet. Ce raisonnement , ditesvous
, est si frivole qu'il ne merite pas la peine
d'être rélévé. Je m'en tiendrai, si vous le
souhaittez , à cette décision . Mais est- elle
sans replique ? Pour rendre les évenemens
vrai-semblables , ajoutez -vous , il faut puiser
dans les sentimens et chercher des incidens
ordinaires. Rien ne l'est plus que la morts
la douleur que nous cause un si triste moment
nous touche , nous émeut , et nous fait répandre
des larmes.Cela est incontestable .Aussi
dans une Tragédie rien n'est plus tou
chant , rien n'est si pathetique qu'une
belle reconnoissance , qu'une déclaration
d'amour , et que le récit d'une mort héroïque
et courageuse ; cependant si ces
mêmes beautez se trouvoient sept ou huit
fois dans la même Piéce , au lieu de toucher
et de plaire , elles ennuyeroient et
rebuteroient le Lecteur ; l'esprit , ainsi
que nos sens , rejette une trop grande
uniformité ; il faut émouvoir , mais diver
sement ; vous me direz peut être , que
cela est bon dans un Poëme Dragmatioù
l'action est de peu de durée ; ne
Vous y trompez pas , Madame , les Regles
que ,
MAR S. 17337 429
gles sont à peu près les mêmes dans le
Roman , et dans une pièce de Théatre; du
moins leur but est égal , et le Lecteur ne
met guere de différence entre une Tragedie
et une Histoiriette qui n'occupe qu'un
volume .
Si l'on vous condamne d'avoir rapporté
les exemples de Julie , de Messaline et
de Marguerite de Valois . Il faut , ditesvous
, proscrire les Livres qui sont entre les
mains de tout le monde ; sans vouloir icy
trancher du critique , je crois qu'on peut
hardiment avancer qu'il y a beaucoup de
Livres non-seulement inutiles , mais mê
me très- dangereux ; enfin pour exprimer
cette pensée en deux mots , je dirai seulement
qu'il est toujours d'une dangereuse
conséquence de donner l'idée du vice
à la jeunesse ; qu'il est à craindre qu'elle
n'envisage pas tant l'infamie qui suit le
crime , que l'appas du vain plaisir qui l'y
entraîne ; en un mot , point d'ignorance
avec le vice .
Vous auriez mal soutenu le caractere de
votre Héroïne , en lui faisant refuser M. de
S. Hilaire , pour Punique motif qu'elle ne
se croioit plus digne de lui.
Enfin pour la premiere fois vous vous
exprimez dans les termes de l'Art ; vous
deviez bien , suivant ces mêmes princi-.
pes
430 MERCURE DE FRANCE
pes , répondre aux objections qui vous
ont été faites , d'avoir laissé le lecteur si
long-temps en suspens ', lorsqu'Emilie a
déclaré que son amour étoit simulé ;
pourquoi les Amours du Comte et d'Emilie
viennent trop subitement; et quelle
nécessité il y avoit à faire périr tant de
personnes ; mais vous l'avez négligé, vous
avez éludé , par des raisonnemens vagues
, des accusations réclles , de sorte
que la plupart de vos repliques ne tom
bent pas même sur l'imputation . Revenons
à notre examen,
Vous avez voulu soutenir le caractere
de votre Héroïne en lui faisant conserver
toute sa fierté ; ou, je me trompe , ou
l'intervale est bien court depuis son refus
jusqu'au temps de sa retraite ; cependant
on ne voit pas que cette résolution d'entrer
dans un Convent , soit la démarche
d'une Coquette des plus étourdies, done
elle est devenue bien- tôt raisonnable ;
d'ailleurs , il faut sçavoir quelquefois sor-.
tir des Regles , sur tout lorsque cela sert
à rendre une circonstance moins désagréable.
Voilà , Madame , ce que j'ai cru neces-.
saire d'expliquer pour soûtenir ce que
j'avois avancé, et pour satisfaire le Public; ›
au reste , on ne sçauroit nier que votre
Lettre
M A R⚫S, 1733. 43 %
Lettre ne soit bien écrite , et qu'elle ne
confirme bien dans les esprits , la haute
opinion qu'on a de vos heureux talens ;
pour moi , si je me sçai quelque gré d'avoir
écrit ma Lettre , ce n'est pas tant le
succès qu'elle a eu , qui me flatte , que le
bonheur d'avoir occasionné une réponse
qui m'est si honorable , et dont je ne perdrai
jamais le souvenir , non plus que
l'occasion de vous prouver le dévoliment
respectueux avec lequel je suis , Madame,
votre , &c.
C ***
Auteur de l'Histoire d'Emilie , on
des Amours de Mule de...
J
E voudrois , MADAME , pouvoir
me dispenser de répondre aux raisons
que vous venez d'alléguer pour la deffence
d'Emilie. Outre que j'ai quelque confusjon
de combattre les sentimens d'une
Dame dont j'honore et respecte infiniment
le mérite , je sens bien que c'est
mal reconnoître la confiance que vous
avez euë pour moi ; j'aurois sans doute
sacrifié à ces considérations la vanité que
l'on peut gouter , en soûtenant ses sentimens
contre un adversaire tel que
vous , si de pressantes sollicitations ne
m'avoient pas , pour ainsi dire , forcé à
répli
MARS. 1733 . 427
répliquer ; quoiqu'il en soit , si je rentre
dans la carriere , si j'ose faire quelques
nouvelles observations , ce sera toujours
avec ces égards que l'émulation et que
les Regles de la politesse nous prescrivent.
Dès que l'on est infortuné que l'amour
d'Emilie, n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe . Voilà l'objection ;
mais vous avez négligé d'y répondre ;
on convient avec les Maitres de l'Art, que
vos Entretiens sont beaux ; s'ils sont ennu
yeux,c'est parce qu'il n'y a plus d'interêt,
et qu'ils ne concourent à rien. Vous conviendrez
que les plus grandes beautez ne
font plus d'effet , dès le moment qu'elles
sont déplacées . Les Allarmes , dites- vous,
sont le partage des Amans , il est vrai. La
crainte de l'infidélité , le moindre éloignement
de l'objet que l'on aime; les dangers
ausquels on est exposé dans le cours
de la Vie , sont pour eux des sources intarissables
de craintes et d'allarmes . Celles
que l'on reproche à Emilie ne sont pas de
cette nature ; elle craint, sans cesse , que
sa mere ne veuille pas l'unir à son cher
Comte. Mais cette appréhension est- elle
fondée ? Au contraire, il semble que tout
conspire à son bonheur ; l'union intime
des deux familles ; la naissance de l'une ,
les
$28 MERCURE DE FRANCE
}
les grands biens de l'autre , sont des rai
sons qui doivent lever tous ses doutes.
On vous reproche aussi d'avoir fait
mourir trop de personnes sans utilité
pour votre sujet. Ce raisonnement , ditesvous
, est si frivole qu'il ne merite pas la peine
d'être rélévé. Je m'en tiendrai, si vous le
souhaittez , à cette décision . Mais est- elle
sans replique ? Pour rendre les évenemens
vrai-semblables , ajoutez -vous , il faut puiser
dans les sentimens et chercher des incidens
ordinaires. Rien ne l'est plus que la morts
la douleur que nous cause un si triste moment
nous touche , nous émeut , et nous fait répandre
des larmes.Cela est incontestable .Aussi
dans une Tragédie rien n'est plus tou
chant , rien n'est si pathetique qu'une
belle reconnoissance , qu'une déclaration
d'amour , et que le récit d'une mort héroïque
et courageuse ; cependant si ces
mêmes beautez se trouvoient sept ou huit
fois dans la même Piéce , au lieu de toucher
et de plaire , elles ennuyeroient et
rebuteroient le Lecteur ; l'esprit , ainsi
que nos sens , rejette une trop grande
uniformité ; il faut émouvoir , mais diver
sement ; vous me direz peut être , que
cela est bon dans un Poëme Dragmatioù
l'action est de peu de durée ; ne
Vous y trompez pas , Madame , les Regles
que ,
MAR S. 17337 429
gles sont à peu près les mêmes dans le
Roman , et dans une pièce de Théatre; du
moins leur but est égal , et le Lecteur ne
met guere de différence entre une Tragedie
et une Histoiriette qui n'occupe qu'un
volume .
Si l'on vous condamne d'avoir rapporté
les exemples de Julie , de Messaline et
de Marguerite de Valois . Il faut , ditesvous
, proscrire les Livres qui sont entre les
mains de tout le monde ; sans vouloir icy
trancher du critique , je crois qu'on peut
hardiment avancer qu'il y a beaucoup de
Livres non-seulement inutiles , mais mê
me très- dangereux ; enfin pour exprimer
cette pensée en deux mots , je dirai seulement
qu'il est toujours d'une dangereuse
conséquence de donner l'idée du vice
à la jeunesse ; qu'il est à craindre qu'elle
n'envisage pas tant l'infamie qui suit le
crime , que l'appas du vain plaisir qui l'y
entraîne ; en un mot , point d'ignorance
avec le vice .
Vous auriez mal soutenu le caractere de
votre Héroïne , en lui faisant refuser M. de
S. Hilaire , pour Punique motif qu'elle ne
se croioit plus digne de lui.
Enfin pour la premiere fois vous vous
exprimez dans les termes de l'Art ; vous
deviez bien , suivant ces mêmes princi-.
pes
430 MERCURE DE FRANCE
pes , répondre aux objections qui vous
ont été faites , d'avoir laissé le lecteur si
long-temps en suspens ', lorsqu'Emilie a
déclaré que son amour étoit simulé ;
pourquoi les Amours du Comte et d'Emilie
viennent trop subitement; et quelle
nécessité il y avoit à faire périr tant de
personnes ; mais vous l'avez négligé, vous
avez éludé , par des raisonnemens vagues
, des accusations réclles , de sorte
que la plupart de vos repliques ne tom
bent pas même sur l'imputation . Revenons
à notre examen,
Vous avez voulu soutenir le caractere
de votre Héroïne en lui faisant conserver
toute sa fierté ; ou, je me trompe , ou
l'intervale est bien court depuis son refus
jusqu'au temps de sa retraite ; cependant
on ne voit pas que cette résolution d'entrer
dans un Convent , soit la démarche
d'une Coquette des plus étourdies, done
elle est devenue bien- tôt raisonnable ;
d'ailleurs , il faut sçavoir quelquefois sor-.
tir des Regles , sur tout lorsque cela sert
à rendre une circonstance moins désagréable.
Voilà , Madame , ce que j'ai cru neces-.
saire d'expliquer pour soûtenir ce que
j'avois avancé, et pour satisfaire le Public; ›
au reste , on ne sçauroit nier que votre
Lettre
M A R⚫S, 1733. 43 %
Lettre ne soit bien écrite , et qu'elle ne
confirme bien dans les esprits , la haute
opinion qu'on a de vos heureux talens ;
pour moi , si je me sçai quelque gré d'avoir
écrit ma Lettre , ce n'est pas tant le
succès qu'elle a eu , qui me flatte , que le
bonheur d'avoir occasionné une réponse
qui m'est si honorable , et dont je ne perdrai
jamais le souvenir , non plus que
l'occasion de vous prouver le dévoliment
respectueux avec lequel je suis , Madame,
votre , &c.
C ***
Fermer
Résumé : RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
Le texte est une réponse à Madame Meheult, autrice de l'Histoire d'Émilie. L'auteur commence par exprimer sa réticence à répondre aux arguments de Madame Meheult, par respect pour son mérite et sa confiance. Cependant, il se sent obligé de répliquer en raison de pressantes sollicitations. Il souligne que les objections à l'histoire d'Émilie sont fondées sur l'absence d'intérêt et la déplacation des beautés littéraires. L'auteur critique également la mort de plusieurs personnages sans utilité pour le sujet et l'excès de scènes similaires, qui peuvent ennuyer le lecteur. Il mentionne aussi la dangerosité de donner des exemples de vice à la jeunesse. L'auteur reproche à Madame Meheult de ne pas avoir répondu aux objections sur la simulation de l'amour d'Émilie et la nécessité de la mort de certains personnages. Enfin, il reconnaît la qualité de la lettre de Madame Meheult et exprime son respect et sa gratitude pour sa réponse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 1163-1168
Essay sur le bon goût en Musique, &c. [titre d'après la table]
Début :
ESSAY sur le bon goût en Musique. Par M. Grandval. A Paris, Quai de Gévres, [...]
Mots clefs :
Goût, Sentiment, Règles, Bon goût, Savants, Peuple, Oreilles, Connaître
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Essay sur le bon goût en Musique, &c. [titre d'après la table]
ESSAY sur le bon goût en Musique.Par
M. Grandval. A Paris , Quai de Gévres ,
chez P. Prault.173 2. brochure de 76 pag.
prix , 15 sols.
4
Voicy une matiere toute neuve , comme
l'Auteur l'expose dans une courte
Préface , en réfléchissant sur la difficulté
et la délicatesse de l'entreprise. Selon lui,
il y a deux grandes manieres de connoitre
les bonnes et les mauvaises choses ; le
sentiment intérieur et les Regles . Par le
sentiment on dira , il me semble , que
cela est bien , ou il me semble que cela
est mauvais. Par les Regles , on dira , cela
est bon ou mauvais , par telle raison, & c.
Or le plus sûr moyen de juger sainement
est de joindre le sentiment intérieur aux
Regles , d'appliquer l'un à l'autre ; de
bien démêler l'impression de l'un à l'effet
de l'autre ; ensorte qu'ils se prêtent un
mutuel secours équitable , et qu'il en ré-
-sulte un jugement sensé , qui fasse honneur
au goût de celui qui le rend .
I. Vol.
F Le
1164 MERCURE DE FRANCE
}
Le bon goût se distingue par les de
grez où l'on place les bonnes choses , les
mauvaises , les médiocres, les excellentes
et les détestables.
;
Il y a dans les Arts , dit l'Auteur , un
point de perfection ; celui qui le sent a le
goût parfait celui qui ne le sent pas et
qui va trop loin ou reste en deçà , a le
goût défectueux ; sur ce pied- là le bon
goût n'est autre chose que le sentiment
naturel , purifié par les Régles. 11 consiste
à sçavoir faire cas des choses , à. proportion
de ce qu'elles valent , et à les estimer
selon qu'elles sont estimables , par
de génie et l'art qui y sont employez , et
bien ou mal mis en oeuvre.
-
Il y a deux sortes d'oreilles ; l'une pour
le son , l'autre pour la mesure ou le mouvenient;
la premiere est blessée d'un faux
ton , qui fait connoître quand on chante
ou qu'on touche faux ; celle-là est impossible
à donner. L'autre fait chanter de
mesure , fait connoître quand on en est
sorti , et enseigne l'exacte précision de la
valeur des temps. Quelques uns ont l'une
au suprême dégré , à qui l'autre manque
entierement. J'ai connu des Musiciens ,
poursuit l'Auteur , qui avoient l'oreille
du son si parfaite , qu'ils auroient discerné
jusqu'à un demi ton de fausseté ,
L. Vol.
et
JUIN. 1733 1165
et qui ne pouvoient danser un Menuet
en cadance ; et des Maîtres à Danser qui
ne s'appercevoient pas quand on chantoit
faux .
⚫ M. Granval , veut sur tout qu'on sçache
promptement connoître le ton ma
jeur et le ton mineur , et qu'on y ait l'oreille
bien rompuë , afin d'être d'abord
sensible à la difference de l'un et de l'autre.
C'est pour cela , dit-il , qu'il n'y a
rien de si dangereux que d'être commencé
par de méchans Maîtres , soit à chanter
, soit à jouer des Instrumens , ou à
danser ; ils donnent un mauvais pli , de
mauvais principes ; ils gâtent la voix , la
main , la jambe , et qui pis est le goût ,
bien loin d'en donner.
Pour parvenir au bon goût en question
, il faut s'accoûtumer à juger , &c.
J'ai pris garde à l'Opéra et aux Concerts
que bien des personnes ne jugent point ,
ils tâchent de lire dans les yeux des autres
ce qu'ils doivent penser et sentir. Il
faut se demander à soi -même : Cet Air
m'a-t- il flaté l'oreille , m'a - t - il ému le
coeur ? oui. Voilà le sentiment qui approuve
; il reste à consulter les Regles ,
& c .
Le plaisir du coeur étant au- dessus de
celui des oreilles ; une Musique qui pê-
1. Vol.
Fij che
1166 MERCURE DE FRANCE
che contre les Loix qui vont à toucher le
coeur , pêche davantage que celle qui ne
manque qu'à celles qui visent à contenter
les oreilles . Pardonnons à deux cadences
semblables , trop voisines l'une de
l'autre , à quelques fautes contre les regles
de la compositions et ne pardonnons
point à un shant froid , ou forcé ,
ou sans expression , ni à une-Musique trop
chargée d'agrémens et pleine de richesses
, hors de saison. Tout cela est en purc
perte.
Les belles chofes ne le sont plus , hors
de leur place.
La raison met les bienséances , et les
bienséances mettent la perfection .
L'Auteur préfére l'approbation du peu
ple à celle des Sçavans , avec des modifications
; il donne de tres bonnes raisons
pour appuyer son sentiment , et il soutient
que ce qui emporte generalement
l'admiration du peuple qui va à l'Opéra ,
Sans emporter celle des Sçavans , est au
dessus de ce qui emporte celle des Sçavans
, sans toucher le peuple.
·
Par le Peuple , dit il , j'entends toujours
les honnêtes gens , conduits par la
nature , à laquelle ils s'abandonnent ,
S'entreprêtant chacun ses lumieres , se
redressant l'un l'autre , et prononçant ,
I. Vel. selon
JUIN. 1733. 1167
selon un sentiment commun et libre
C'est là le grand Juge. Ce sont plus d'oreilles
et plus d'yeux ; la nature parle davantage
et plus haut ; la verité sort du
milieu du Parterre , comme elle sortoit
autrefois de la multitude d'Athénes.
Pour se perfectionner le goût , il croit
qu'il faut écouter les raisonnemens des
Sçavans , déférer aux sentimens des connoisseurs
, et étudier les mouvemens du
Peuple .
Comme malgré tous nos soins et notre
application nous pouvons encore nous
tromper , il faut se faire une régle et une
habitude d'observer et d'éplucher nos
méprises , d'éxaminer nos propres jugemens
avec la même séverité que les ouvrages
d'autrui , de remonter jusqu'à la
cause de notre méprise , que nous remarquerons
nettement , pour être en
garde contre nos erreurs et n'être pas
si sujets à y retomber. L'utilité de cette
pratique , dit M. Granval , mene au bor
goût bien droit et bien vîte .... Rapellons-
nous souvent nos méprises , considérons
attentivement le ridicule que
nous nous serions attiré , si elles avoient
été connuës, La méditation n'est pas flateuse
mais ce sera son amertume qui
nous la rendra utile.
›
1. Vol Fiij L'Au1168
MERCURE DE FRANCE
L'Auteur estimeroit le goût d'une personne
qui diroit sûrement : Cette simphonie
est belle , mais elle a été mal éxécutée.
Celle- ci a été bien éxécuté , mais elle ne
vant rien.'
En parlant de Lully , qu'il recommande
de ne pas perdre de vuë , il
dit , que ses chants prouvent qu'il étoit
capable de penser ce qu'il exprimoit.
Quels tons fins , vifs , délicats , expressifs
, &c. Il croit qu'il est toujours tresavantageux
aux Artistes , de se proposer
un point de perfection au- delà même de
leur portée. Ils ne se mettroient jamais
en chemin , s'ils croyoient n'arriver qu'où
ils arrivent effectivement . Toutes les
Sciences ont leur chimere ; elles courent
après sans la pouvoir attrapef , mais elles
font en chemin de tres- heureuses dé-
-couvertes .
M. Grandval. A Paris , Quai de Gévres ,
chez P. Prault.173 2. brochure de 76 pag.
prix , 15 sols.
4
Voicy une matiere toute neuve , comme
l'Auteur l'expose dans une courte
Préface , en réfléchissant sur la difficulté
et la délicatesse de l'entreprise. Selon lui,
il y a deux grandes manieres de connoitre
les bonnes et les mauvaises choses ; le
sentiment intérieur et les Regles . Par le
sentiment on dira , il me semble , que
cela est bien , ou il me semble que cela
est mauvais. Par les Regles , on dira , cela
est bon ou mauvais , par telle raison, & c.
Or le plus sûr moyen de juger sainement
est de joindre le sentiment intérieur aux
Regles , d'appliquer l'un à l'autre ; de
bien démêler l'impression de l'un à l'effet
de l'autre ; ensorte qu'ils se prêtent un
mutuel secours équitable , et qu'il en ré-
-sulte un jugement sensé , qui fasse honneur
au goût de celui qui le rend .
I. Vol.
F Le
1164 MERCURE DE FRANCE
}
Le bon goût se distingue par les de
grez où l'on place les bonnes choses , les
mauvaises , les médiocres, les excellentes
et les détestables.
;
Il y a dans les Arts , dit l'Auteur , un
point de perfection ; celui qui le sent a le
goût parfait celui qui ne le sent pas et
qui va trop loin ou reste en deçà , a le
goût défectueux ; sur ce pied- là le bon
goût n'est autre chose que le sentiment
naturel , purifié par les Régles. 11 consiste
à sçavoir faire cas des choses , à. proportion
de ce qu'elles valent , et à les estimer
selon qu'elles sont estimables , par
de génie et l'art qui y sont employez , et
bien ou mal mis en oeuvre.
-
Il y a deux sortes d'oreilles ; l'une pour
le son , l'autre pour la mesure ou le mouvenient;
la premiere est blessée d'un faux
ton , qui fait connoître quand on chante
ou qu'on touche faux ; celle-là est impossible
à donner. L'autre fait chanter de
mesure , fait connoître quand on en est
sorti , et enseigne l'exacte précision de la
valeur des temps. Quelques uns ont l'une
au suprême dégré , à qui l'autre manque
entierement. J'ai connu des Musiciens ,
poursuit l'Auteur , qui avoient l'oreille
du son si parfaite , qu'ils auroient discerné
jusqu'à un demi ton de fausseté ,
L. Vol.
et
JUIN. 1733 1165
et qui ne pouvoient danser un Menuet
en cadance ; et des Maîtres à Danser qui
ne s'appercevoient pas quand on chantoit
faux .
⚫ M. Granval , veut sur tout qu'on sçache
promptement connoître le ton ma
jeur et le ton mineur , et qu'on y ait l'oreille
bien rompuë , afin d'être d'abord
sensible à la difference de l'un et de l'autre.
C'est pour cela , dit-il , qu'il n'y a
rien de si dangereux que d'être commencé
par de méchans Maîtres , soit à chanter
, soit à jouer des Instrumens , ou à
danser ; ils donnent un mauvais pli , de
mauvais principes ; ils gâtent la voix , la
main , la jambe , et qui pis est le goût ,
bien loin d'en donner.
Pour parvenir au bon goût en question
, il faut s'accoûtumer à juger , &c.
J'ai pris garde à l'Opéra et aux Concerts
que bien des personnes ne jugent point ,
ils tâchent de lire dans les yeux des autres
ce qu'ils doivent penser et sentir. Il
faut se demander à soi -même : Cet Air
m'a-t- il flaté l'oreille , m'a - t - il ému le
coeur ? oui. Voilà le sentiment qui approuve
; il reste à consulter les Regles ,
& c .
Le plaisir du coeur étant au- dessus de
celui des oreilles ; une Musique qui pê-
1. Vol.
Fij che
1166 MERCURE DE FRANCE
che contre les Loix qui vont à toucher le
coeur , pêche davantage que celle qui ne
manque qu'à celles qui visent à contenter
les oreilles . Pardonnons à deux cadences
semblables , trop voisines l'une de
l'autre , à quelques fautes contre les regles
de la compositions et ne pardonnons
point à un shant froid , ou forcé ,
ou sans expression , ni à une-Musique trop
chargée d'agrémens et pleine de richesses
, hors de saison. Tout cela est en purc
perte.
Les belles chofes ne le sont plus , hors
de leur place.
La raison met les bienséances , et les
bienséances mettent la perfection .
L'Auteur préfére l'approbation du peu
ple à celle des Sçavans , avec des modifications
; il donne de tres bonnes raisons
pour appuyer son sentiment , et il soutient
que ce qui emporte generalement
l'admiration du peuple qui va à l'Opéra ,
Sans emporter celle des Sçavans , est au
dessus de ce qui emporte celle des Sçavans
, sans toucher le peuple.
·
Par le Peuple , dit il , j'entends toujours
les honnêtes gens , conduits par la
nature , à laquelle ils s'abandonnent ,
S'entreprêtant chacun ses lumieres , se
redressant l'un l'autre , et prononçant ,
I. Vel. selon
JUIN. 1733. 1167
selon un sentiment commun et libre
C'est là le grand Juge. Ce sont plus d'oreilles
et plus d'yeux ; la nature parle davantage
et plus haut ; la verité sort du
milieu du Parterre , comme elle sortoit
autrefois de la multitude d'Athénes.
Pour se perfectionner le goût , il croit
qu'il faut écouter les raisonnemens des
Sçavans , déférer aux sentimens des connoisseurs
, et étudier les mouvemens du
Peuple .
Comme malgré tous nos soins et notre
application nous pouvons encore nous
tromper , il faut se faire une régle et une
habitude d'observer et d'éplucher nos
méprises , d'éxaminer nos propres jugemens
avec la même séverité que les ouvrages
d'autrui , de remonter jusqu'à la
cause de notre méprise , que nous remarquerons
nettement , pour être en
garde contre nos erreurs et n'être pas
si sujets à y retomber. L'utilité de cette
pratique , dit M. Granval , mene au bor
goût bien droit et bien vîte .... Rapellons-
nous souvent nos méprises , considérons
attentivement le ridicule que
nous nous serions attiré , si elles avoient
été connuës, La méditation n'est pas flateuse
mais ce sera son amertume qui
nous la rendra utile.
›
1. Vol Fiij L'Au1168
MERCURE DE FRANCE
L'Auteur estimeroit le goût d'une personne
qui diroit sûrement : Cette simphonie
est belle , mais elle a été mal éxécutée.
Celle- ci a été bien éxécuté , mais elle ne
vant rien.'
En parlant de Lully , qu'il recommande
de ne pas perdre de vuë , il
dit , que ses chants prouvent qu'il étoit
capable de penser ce qu'il exprimoit.
Quels tons fins , vifs , délicats , expressifs
, &c. Il croit qu'il est toujours tresavantageux
aux Artistes , de se proposer
un point de perfection au- delà même de
leur portée. Ils ne se mettroient jamais
en chemin , s'ils croyoient n'arriver qu'où
ils arrivent effectivement . Toutes les
Sciences ont leur chimere ; elles courent
après sans la pouvoir attrapef , mais elles
font en chemin de tres- heureuses dé-
-couvertes .
Fermer
Résumé : Essay sur le bon goût en Musique, &c. [titre d'après la table]
L'essai 'Sur le bon goût en Musique' de M. Grandval, publié à Paris en 1732, examine la délicatesse et la difficulté de juger le bon goût en musique. L'auteur propose deux méthodes pour évaluer les œuvres musicales : le sentiment intérieur et les règles. Il recommande de combiner ces deux approches pour obtenir un jugement équilibré et sensé. Le bon goût se manifeste par la capacité à classer les œuvres musicales en fonction de leur qualité, allant de la médiocre à l'excellente. Il réside dans le sentiment naturel purifié par les règles, permettant de valoriser les œuvres en fonction de leur mérite. L'auteur distingue deux types d'oreilles : l'une pour le son, l'autre pour la mesure. Il insiste sur l'importance de bien distinguer le ton majeur du ton mineur et de se méfier des mauvais maîtres qui peuvent fausser le goût. Pour développer le bon goût, il est essentiel de juger par soi-même et de consulter les règles après avoir écouté son sentiment. L'auteur privilégie l'approbation du peuple, guidé par la nature, tout en reconnaissant la valeur des savants et des connaisseurs. Il recommande de se perfectionner en observant et en corrigeant ses erreurs. L'auteur admire Jean-Baptiste Lully pour sa capacité à exprimer des émotions fines et délicates. Il encourage les artistes à viser un point de perfection au-delà de leurs capacités actuelles, ce qui favorise les découvertes et les progrès.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 2369-2380
MEMOIRE sur la question proposée dans le Mercure de Juin 1733. seconde Partie, pag. 1410.
Début :
La question est proposée en ces termes : Si les Musiciens peuvent et doivent [...]
Mots clefs :
Musique, Plain-chant, Goût, Musiciens, Composition, Règles, Ouvrages, Office, Offices, Anciens, Nouveaux, Chant ecclésiastique, Maîtres, Antiphonaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE sur la question proposée dans le Mercure de Juin 1733. seconde Partie, pag. 1410.
MEMOIRE sur la question proposée
dans le Mercure de Juin 1733. seconde
Partie , pag. 1410.
LA
A question est proposée en ces teres
mes : Si les Musiciens peuvent et doivent
être écoutez, et suivis dans les raisonnemens
qu'ils tiennent sur le Plain - chant
ou chant d'Eglise , s'ils sont en état de raisonner
et d'être crûs sur les manieres dont il
est varié dans les Eglises différentes ; et s'ils
en sont juges tout- à -fait compétens et irréfragables
? S'il n'y a pas deux extrêmitez à
éviter ; l'une de ne les croire juges en rien
l'autre de les crcire juges en tout , et en quoi
donc ils peuvent être consultez et écoutez ?
>
Il ne me seroit pas aisé de répondre à
toutes les parties de cette question . Je ne
suis pas instruit de tous les raisonnemens
que tiennent les Musiciens sur le Plainchant.
Il peut y en avoir de mauvais , il
peut aussi y en avoir de bons ; il y a quel-'
que chose que je n'entends pas bien dans
ce qui suit , s'ils sont en état de raisonner
et d'être crûs sur les différentes maniéres
dont il est varié dans les différentes Eglises.
Je m'en tiendrai donc à la derniere partie
de la question , que je réduits à ces
ter
2370. MERCURE DE FRANCE
termes fort simples , jusqu'à quel point on
doit déférer à l'autorité des Musiciens en
matiére de Chant Ecclesiastique ?
C'est un préjugé presque universellement
répandu , que la science du Plainchant
est inséparable de celle de la Musique
, et que tout homme qui est assez
hable pour réussir dans la composition
des Piéces de Musique d'Eglise , réussira
à plus forte raison à composer du Plainchant,
qui est sans comparaison plus simple
et plus aisé ; ainsi dès qu'il s'agit de
mettre en chant de nouveaux Offices , it
est ordinaire qu'on en charge quelques
Musiciens , et qu'on adopte leurs Ouvrages
sans beaucoup d'examen : Je dis sansbeaucoup
d'examen, mais je pourrois dire
absolument , sans examen ; car on croit
ne pouvoir rien faire de mieux , que de
s'en rapporter entierement au goût et au
jugement de ce qu'on appelle les Gens
du métier.
A la faveur de ce préjugé , les Musi
ciens se sont emparez presque par tout du
Chant Ecclésiastique,ils l'ajustent à leurs
idées ; ils changent , ils ajoûtent , ils retranchent
tout ce qu'il leur plaît , et leur
goût décide seul dans les choses mêmes
où les régles et les usages de l'antiquité
devroient seuls être écoutez et suivis.
Pour
NOVEMBRE. 1733. 2371.
Pour sçavoir si le préjugé commun est
bien fondé , il n'y a qu'à prendre la pluspart
des Chants nouveaux , qui sont de
la composition des Musiciens , et examinet
s'ils sont selon les regles et dans le
goût de l'ancien Plain- chant , ou Chant
Grégorien ; car c'est à ces deux choses ,
les regles et le goût, qu'il faut faire attention
dans l'examen des Ouvrages de
Plain chant ; et c'est sur ce pied là qu'on
doit juger de leur mérite.
Premiérement , les regles de la composition
y sont elles exactement suivies &
Conserve t on à chaque Ton ses proprié
tez? Y fait-on sentir la différence du Ton
Plagal ou Pair , d'avec l'Authente ou Impair
? Les chûtes et les repos quadrent-ils
avec la ponctuation? Les Antiennes et lest
Modes de psalmodie sont- ils en proportion
réciproque ? Le Chant est - il varié
selon la diversité des Piéces et selon ce qui
est propre à chacune? Y voit- on une dif
férence bien marquée , non seulement entre
les Antiennes et les Répons , entre
les Chants de la Messe et ceux des autres
Offices ; mais encore entre les diverses ,
Parties de la Messe , dont chacune a sa
propriété , et, pour ainsi dire , son gé
nie particulier
Secondement , la Mélodie de ces nouvelles
SEA
372 MERCURE DE FRANCE
velles Piéces est- elle dans le goût de l'antiquité
et dans celui des Chants modernes
, dont les Auteurs se sont attachez à
prendre pour modéles les Ouvrages des
anciens Maîtres ? A- t'elle la gravité , la
simplicité , la modestie , la douceur que
tout le monde admire dans les Chants
des Offices du Saint Sacrement , ( 1 ) de la
Trinité , et dans plusieurs autres ? Du
moins en approche - t-elle ? Et peut - on
dire, en comparant ces nouvelles compositions
avec les anciennes, que quoiqu'elles
leur soient inférieures en beauté, il paroît
néanmoins que leurs Auteurs ont
travaillé dans le même goût.
Voilà , si je ne me trompe , les princi
pés suivant lesquels nous devons juger
des nouveaux Ouvrages de Plain- chant.
Si tous , ou du moins la plûpart , y sont
conformes; je souscris au sentiment commun
; et je reconnois avec plaisir que la
composition du Plain - chant ne peut- être
dans de meilleures mains que dans celles
de nos Musiciens. Si au contraire ces Ouvrages
montrent le plus souvent dans
leurs Auteurs une ignorance inexcusable
( 1 )Je regarde principalement eet Office comme
il est aujourd'hui dans l'Antiphonaire de Paris , où
l'on a été attentif à faire quadrer les repos des
Chant avec la ponctuation de la Lettre.
ou
NOVEMBRE . 1733. 2371
ou un mépris formel des régles ; si j'y vol
regner une dépravation de goût, qui tend
évidemment à faire disparoître des Offices
divins l'ancien Chant Grégorien , pour
y substituer une composition guindée et
bizarre , qui n'est ni Plain- chant ni Musique
; j'en conclurai que c'est mal-à- propos
qu'on défére sans discernement une
autorité absolue aux Musiciens dans cesmatieres,
Qu'on prenne donc les Offices
propres
de la Paroisse de S. Eustache , du Séminaire
des Bons Enfans , de S. Etienne du
Mont , les nouveaux Chants qu'on a
insérez dans le Rituel de Paris , l'Office
des Morts du prétendu nouveau Manuel
de Beauvais , dont le Chant est d'un
tres-habile Maître de Musique . Qu'on
prenne l'Antiphonaire de l'Ordre de Cluny
, qui est de la composition de Nivers,
le Graduel du même Ordre , qu'on imprime
actuellement ; les nouvelles Hymnes
de l'Antiphonaire , et plusieurs Proses
du Graduel de Rouen, Qu'on examine
, sans prévention , tous ces Ouvrages
de Plain - chant moderne , et qu'on les
compare avec l'ancien Chant ; je m'assure
qu'il n'y a personne parmi ceux qui s'y
connoissent tant soit peu , à qui la diffe
rence , ou plutôt l'opposition de l'un à
Pau2374
MERCURE DE FRANCE
l'autre ne saute aux yeux . Les uns pêchent
contre les régles , les autres contre le bon
goût , plusieurs contre les deux ensémble.
Il me seroit aisé de justifier par des
exemples ce que j'avance ; mais ces sortes
de démonstrations ne peuvent se faire
qu'en représentant les Piéces mêmes , qui
ne peuvent entrer icy . J'y renvoye donc
ceux qui sçavent les régles et qui ont étudié
le vrai caractére du Plain- chant.
Il paroît d'abord étonnant que des
gens nourris dès l'enfance dans l'étude et
dans l'exercice du Chant , contribuent
plus que tous les autres à le gâter. Cependant
rien n'est plus vrai , et il n'est pas ,
ce me semble , bien difficile d'en appercevoir
les raisons ; elles se tirent du génie
même de la Musique moderne et de l'éducation
qu'on donne aux Enfans de
Choeur dans les Maîtrises ou Ecoles de
Chant , d'où sont sortis la plupart des
Musiciens.
Le Plain- chant et la Musique ont les
mêmes principes , et , pour ainsi dire , la
même origine et le même berceau ; mais
à cela près , ils se ressemblent fort peu ,
sur tout dans ces derniers temps , où la
Musique , qui autrefois ne différoit guére
du Plain-chant que par la mesure et
l'harmonie , est aussi différente d'ellemême
NOVEMBRE . 1733. 2375
même, que la seroit une femme, qui après
avoir paru dans le monde , vétuë et coëffée
très- simplement et avec une contenance
modeste et sérieuse , se montreroit
parée de riches étoffes , la tête chargée
des ornemens les plus recherchez , avec
-la démarche affectée , et les airs enjouez
-d'une Coquette.
Doit-on être surpris que des Gens qui
sont élevez dans l'estime et dans le goût
-d'une telle Musique , qui passent toute
leur jeunesse à l'étudier , et à s'y perfectionner
; qui enchérissént les uns sur les
autres pour trouver de nouveaux raffinemens
dans cet Art ; doit - on , ' dis -je , être
surpris que de telles gens ne puissent
communément revenir à cette noble sim,
plicité , qui fait le caractére essentiel du
Plain - chant. Les idées de Musique dont
ils sont pleins , se présentent à chaque
moment ; tout se montre à eux sous cette
forme. S'ils s'abandonnent à leur génie ,
ils ne peuvent produire qu'un Chant
musical . S'ils font effort pour se contraindre
, leur composition se sent presque pár
tour de la gêne où est leur esprit , elle
est dure , inégale et n'a rien de cet air
aisé , simple et naturel , qu'on admire
dans les Chants anciens ; marchant sans
régle , sans dessein, sans autre art qu'une
froide
1376 MERCURE DE FRANCE
•
froide expression , qui consiste le plus
souvent à appliquer au hazard certains
tons sur certaines paroles , sans s'embar
rasser de l'effet que cela peut produire ,
avec ce qui peut précéder ou ce qui suit.
Je m'imagine voir un Cheval fougueux
à qui l'on tient la bride courte ; son allure
n'a rien de réglé , il va à droit , à gau
che , il avance , il recule , parce qu'il est
contraint et qu'on ne lui permet pas de
suivre sa fougue. Une imagination livrée
de longue main à ses caprices et exercée ,
pour ainsi dire , à des sauts périlleux , se
trouve à la gêne , lorsqu'on veut la faire
marcher d'un pas égal dans un chemin
droit et uni; elle s'échappe , malgré qu'on
en ait , ou , si elle est retenuë , tous ses
mouvemens sont forcez et de mauvaise
grace.
D'ailleurs les Musiciens sçavent peu les
regles et les respectent encore moins ; ils
les sçavent peu , parce qu'on n'a pas eu
soin de les en instruire, et qu'eux- mêmes
tout occupez de leur grand objet qui est
la Musique , négligent de les apprendre.
Il y a à la tête de l'Antiphonaire Parisien
plusieurs observations tres-utiles , sur tout
en ce qui regarde les usages de l'Eglise de
Paris ; mais il y a tres - peu de gens , même
parmi les Maîtres , qui prennent la peine
de
NOVEMBRE. , 1733. 2377
de les lire. Celui qui a composé le Chant
du Propre de S. Germain l'Auxerrois ,
està Paris depuis près de trente ans, chargé
d'apprendre le Chant aux Enfans , et c'est
peut-être le plus sçavant Musicien qu'il
yait en France. Il ne paroît pas cependant
qu'il ait jamais lû les observations
dont je parle ; ou , s'il les a lûës , il s'est
peu soucié de les réduire en pratique ;
car ces Messieurs traitent le Plain- chant
cavalierement , et ne se mettent pas fort
en peine de marcher sur les traces des anciens
Maîtres. Ils cherchent de nouvelles
routes et des beautez d'un autre genre ;
et dédaignant d'être de bons et de judicieux
imitateurs , ils deviennent de mauvais
originaux.
Il y a donc peu de Musiciens , même
parmi les Maîtres , à qui on puisse confier
sûrement la composition du Chant
Ecclésiastique ; et un homme tel que feu
M. l'Abbé Chastelain , Auteur de l'Antiphonaire
Parisien , qui avec quelque
teinture de Musique , a bien étudié et
médité les bons Ouvrages de Plain- chant,
et qui s'est rempli des justes et nobles
idées des anciens Maîtres , est plus capaẻ
ble de faire d'excellentes compositions
dans ce genre , que plusieurs de ceux qui
passent pour les meilleurs Musicien ,
C Ja
2378 MERCURE DE FRANCE
4
ges
Je ne prétens pas , au reste , les récuser
absolument pour juges dans cette matiére;
et je suis bien éloigné de penser qu'il
ne doivent pas être consultez ; ils sentent.
parfaitement les beautez d'une Piéce de
Chant ; ils ne sont pas moins que nous ,
passionnez admirateurs des bons Ouvraanciens
et modernes . L'Office du saint
Sacrement , l'ancien Office de la Trinité ;
le Chant Parisien de l'Hymne Deus tuorum
militum , celui du dernier Répons de
l'Office nocturne du Samedi Saint ; l'Antienne
, Qui docti fuerint ; les Répons de
l'Office des Morts ; les Hymnes O quam
glorifica . Ave maris stella.Ut queant laxis;
les Proses Veni sancte Spiritus. Mittit ad
Virginem , et plusieurs autres Piéces les
charment et les enlevent, J'ai oui dire
que le fameux Lully ne trouvoit rien de
plus beau ni de plus touchant que la
modulation si simple de la Préface de la
Messe . La bénédiction du Cierge Paschal
, selon l'usage de Rouen , paroissoit
à un habile Organiste de la Cathédrale
de cette Ville un chef d'oeuvre inimitable.
J'ajoûte que la Musique donne à co
Messieurs une grande délicatesse de dis
cernement pour appercevoir dans ur-
Piéce , de petites négligences qui échaj:
pent à d'autres moins habiles qu'eux da
la science des sons, }
NOVEMBRE . 1733. 2379
Ils sont donc en état de juger par le
sentiment et le goût du mérite d'une
Piéce ; et par conséquent on doit les consulter
pour ce qui regarde la mélodie et
profiter de leurs avis.
Je suis même persuadé qu'il y a des
Musiciens , dont l'heureux génie réünit
ensemble le goût du Plain - chant et celui
de la Musique, sans mélange et sans confusion
. Il est bien sûr qu'avec la connoissance
de l'histoire du Chant et des anciens
usages, et l'attention aux Régles, de
tels Musiciens feroient de très - beaux
Ouvrages dans le genre de Chant Ecclésiastique.
Mais je persiste à croire que la qualité
de Musicien et d'habile Musicien , ne
donne point par elle- même à ceux de cette
profession la capacité de bien composer
en Plain- chant , ni le droit de juger
souverainement de ces matiéres. Qu'ils
donnent leurs avis , à la bonne heure ,
sur les compositions des autres , pour ce
qui ne dépend que d'un certain goût que
la Musique peut donner.Mais on ne peut,
sans risque d'altérer le Chant Ecclésiastique,
ni leur abandonner la composition
des nouveaux Offices , ni s'en rapporter à
leur jugement dans les choses qui dépendent
de la connoissance des régles et des
Cij
usi2330
MERCURE DE FRANCE
usages ; à moins qu'ils n'ayent fait preuve
qu'ils sçavent ces régles , qu'ils les respectent,
et qu'ils sont capables d'une compo
sition sage , modeste , grave , conforme
au génie et au goût des Anciens.
Par M ***
dans le Mercure de Juin 1733. seconde
Partie , pag. 1410.
LA
A question est proposée en ces teres
mes : Si les Musiciens peuvent et doivent
être écoutez, et suivis dans les raisonnemens
qu'ils tiennent sur le Plain - chant
ou chant d'Eglise , s'ils sont en état de raisonner
et d'être crûs sur les manieres dont il
est varié dans les Eglises différentes ; et s'ils
en sont juges tout- à -fait compétens et irréfragables
? S'il n'y a pas deux extrêmitez à
éviter ; l'une de ne les croire juges en rien
l'autre de les crcire juges en tout , et en quoi
donc ils peuvent être consultez et écoutez ?
>
Il ne me seroit pas aisé de répondre à
toutes les parties de cette question . Je ne
suis pas instruit de tous les raisonnemens
que tiennent les Musiciens sur le Plainchant.
Il peut y en avoir de mauvais , il
peut aussi y en avoir de bons ; il y a quel-'
que chose que je n'entends pas bien dans
ce qui suit , s'ils sont en état de raisonner
et d'être crûs sur les différentes maniéres
dont il est varié dans les différentes Eglises.
Je m'en tiendrai donc à la derniere partie
de la question , que je réduits à ces
ter
2370. MERCURE DE FRANCE
termes fort simples , jusqu'à quel point on
doit déférer à l'autorité des Musiciens en
matiére de Chant Ecclesiastique ?
C'est un préjugé presque universellement
répandu , que la science du Plainchant
est inséparable de celle de la Musique
, et que tout homme qui est assez
hable pour réussir dans la composition
des Piéces de Musique d'Eglise , réussira
à plus forte raison à composer du Plainchant,
qui est sans comparaison plus simple
et plus aisé ; ainsi dès qu'il s'agit de
mettre en chant de nouveaux Offices , it
est ordinaire qu'on en charge quelques
Musiciens , et qu'on adopte leurs Ouvrages
sans beaucoup d'examen : Je dis sansbeaucoup
d'examen, mais je pourrois dire
absolument , sans examen ; car on croit
ne pouvoir rien faire de mieux , que de
s'en rapporter entierement au goût et au
jugement de ce qu'on appelle les Gens
du métier.
A la faveur de ce préjugé , les Musi
ciens se sont emparez presque par tout du
Chant Ecclésiastique,ils l'ajustent à leurs
idées ; ils changent , ils ajoûtent , ils retranchent
tout ce qu'il leur plaît , et leur
goût décide seul dans les choses mêmes
où les régles et les usages de l'antiquité
devroient seuls être écoutez et suivis.
Pour
NOVEMBRE. 1733. 2371.
Pour sçavoir si le préjugé commun est
bien fondé , il n'y a qu'à prendre la pluspart
des Chants nouveaux , qui sont de
la composition des Musiciens , et examinet
s'ils sont selon les regles et dans le
goût de l'ancien Plain- chant , ou Chant
Grégorien ; car c'est à ces deux choses ,
les regles et le goût, qu'il faut faire attention
dans l'examen des Ouvrages de
Plain chant ; et c'est sur ce pied là qu'on
doit juger de leur mérite.
Premiérement , les regles de la composition
y sont elles exactement suivies &
Conserve t on à chaque Ton ses proprié
tez? Y fait-on sentir la différence du Ton
Plagal ou Pair , d'avec l'Authente ou Impair
? Les chûtes et les repos quadrent-ils
avec la ponctuation? Les Antiennes et lest
Modes de psalmodie sont- ils en proportion
réciproque ? Le Chant est - il varié
selon la diversité des Piéces et selon ce qui
est propre à chacune? Y voit- on une dif
férence bien marquée , non seulement entre
les Antiennes et les Répons , entre
les Chants de la Messe et ceux des autres
Offices ; mais encore entre les diverses ,
Parties de la Messe , dont chacune a sa
propriété , et, pour ainsi dire , son gé
nie particulier
Secondement , la Mélodie de ces nouvelles
SEA
372 MERCURE DE FRANCE
velles Piéces est- elle dans le goût de l'antiquité
et dans celui des Chants modernes
, dont les Auteurs se sont attachez à
prendre pour modéles les Ouvrages des
anciens Maîtres ? A- t'elle la gravité , la
simplicité , la modestie , la douceur que
tout le monde admire dans les Chants
des Offices du Saint Sacrement , ( 1 ) de la
Trinité , et dans plusieurs autres ? Du
moins en approche - t-elle ? Et peut - on
dire, en comparant ces nouvelles compositions
avec les anciennes, que quoiqu'elles
leur soient inférieures en beauté, il paroît
néanmoins que leurs Auteurs ont
travaillé dans le même goût.
Voilà , si je ne me trompe , les princi
pés suivant lesquels nous devons juger
des nouveaux Ouvrages de Plain- chant.
Si tous , ou du moins la plûpart , y sont
conformes; je souscris au sentiment commun
; et je reconnois avec plaisir que la
composition du Plain - chant ne peut- être
dans de meilleures mains que dans celles
de nos Musiciens. Si au contraire ces Ouvrages
montrent le plus souvent dans
leurs Auteurs une ignorance inexcusable
( 1 )Je regarde principalement eet Office comme
il est aujourd'hui dans l'Antiphonaire de Paris , où
l'on a été attentif à faire quadrer les repos des
Chant avec la ponctuation de la Lettre.
ou
NOVEMBRE . 1733. 2371
ou un mépris formel des régles ; si j'y vol
regner une dépravation de goût, qui tend
évidemment à faire disparoître des Offices
divins l'ancien Chant Grégorien , pour
y substituer une composition guindée et
bizarre , qui n'est ni Plain- chant ni Musique
; j'en conclurai que c'est mal-à- propos
qu'on défére sans discernement une
autorité absolue aux Musiciens dans cesmatieres,
Qu'on prenne donc les Offices
propres
de la Paroisse de S. Eustache , du Séminaire
des Bons Enfans , de S. Etienne du
Mont , les nouveaux Chants qu'on a
insérez dans le Rituel de Paris , l'Office
des Morts du prétendu nouveau Manuel
de Beauvais , dont le Chant est d'un
tres-habile Maître de Musique . Qu'on
prenne l'Antiphonaire de l'Ordre de Cluny
, qui est de la composition de Nivers,
le Graduel du même Ordre , qu'on imprime
actuellement ; les nouvelles Hymnes
de l'Antiphonaire , et plusieurs Proses
du Graduel de Rouen, Qu'on examine
, sans prévention , tous ces Ouvrages
de Plain - chant moderne , et qu'on les
compare avec l'ancien Chant ; je m'assure
qu'il n'y a personne parmi ceux qui s'y
connoissent tant soit peu , à qui la diffe
rence , ou plutôt l'opposition de l'un à
Pau2374
MERCURE DE FRANCE
l'autre ne saute aux yeux . Les uns pêchent
contre les régles , les autres contre le bon
goût , plusieurs contre les deux ensémble.
Il me seroit aisé de justifier par des
exemples ce que j'avance ; mais ces sortes
de démonstrations ne peuvent se faire
qu'en représentant les Piéces mêmes , qui
ne peuvent entrer icy . J'y renvoye donc
ceux qui sçavent les régles et qui ont étudié
le vrai caractére du Plain- chant.
Il paroît d'abord étonnant que des
gens nourris dès l'enfance dans l'étude et
dans l'exercice du Chant , contribuent
plus que tous les autres à le gâter. Cependant
rien n'est plus vrai , et il n'est pas ,
ce me semble , bien difficile d'en appercevoir
les raisons ; elles se tirent du génie
même de la Musique moderne et de l'éducation
qu'on donne aux Enfans de
Choeur dans les Maîtrises ou Ecoles de
Chant , d'où sont sortis la plupart des
Musiciens.
Le Plain- chant et la Musique ont les
mêmes principes , et , pour ainsi dire , la
même origine et le même berceau ; mais
à cela près , ils se ressemblent fort peu ,
sur tout dans ces derniers temps , où la
Musique , qui autrefois ne différoit guére
du Plain-chant que par la mesure et
l'harmonie , est aussi différente d'ellemême
NOVEMBRE . 1733. 2375
même, que la seroit une femme, qui après
avoir paru dans le monde , vétuë et coëffée
très- simplement et avec une contenance
modeste et sérieuse , se montreroit
parée de riches étoffes , la tête chargée
des ornemens les plus recherchez , avec
-la démarche affectée , et les airs enjouez
-d'une Coquette.
Doit-on être surpris que des Gens qui
sont élevez dans l'estime et dans le goût
-d'une telle Musique , qui passent toute
leur jeunesse à l'étudier , et à s'y perfectionner
; qui enchérissént les uns sur les
autres pour trouver de nouveaux raffinemens
dans cet Art ; doit - on , ' dis -je , être
surpris que de telles gens ne puissent
communément revenir à cette noble sim,
plicité , qui fait le caractére essentiel du
Plain - chant. Les idées de Musique dont
ils sont pleins , se présentent à chaque
moment ; tout se montre à eux sous cette
forme. S'ils s'abandonnent à leur génie ,
ils ne peuvent produire qu'un Chant
musical . S'ils font effort pour se contraindre
, leur composition se sent presque pár
tour de la gêne où est leur esprit , elle
est dure , inégale et n'a rien de cet air
aisé , simple et naturel , qu'on admire
dans les Chants anciens ; marchant sans
régle , sans dessein, sans autre art qu'une
froide
1376 MERCURE DE FRANCE
•
froide expression , qui consiste le plus
souvent à appliquer au hazard certains
tons sur certaines paroles , sans s'embar
rasser de l'effet que cela peut produire ,
avec ce qui peut précéder ou ce qui suit.
Je m'imagine voir un Cheval fougueux
à qui l'on tient la bride courte ; son allure
n'a rien de réglé , il va à droit , à gau
che , il avance , il recule , parce qu'il est
contraint et qu'on ne lui permet pas de
suivre sa fougue. Une imagination livrée
de longue main à ses caprices et exercée ,
pour ainsi dire , à des sauts périlleux , se
trouve à la gêne , lorsqu'on veut la faire
marcher d'un pas égal dans un chemin
droit et uni; elle s'échappe , malgré qu'on
en ait , ou , si elle est retenuë , tous ses
mouvemens sont forcez et de mauvaise
grace.
D'ailleurs les Musiciens sçavent peu les
regles et les respectent encore moins ; ils
les sçavent peu , parce qu'on n'a pas eu
soin de les en instruire, et qu'eux- mêmes
tout occupez de leur grand objet qui est
la Musique , négligent de les apprendre.
Il y a à la tête de l'Antiphonaire Parisien
plusieurs observations tres-utiles , sur tout
en ce qui regarde les usages de l'Eglise de
Paris ; mais il y a tres - peu de gens , même
parmi les Maîtres , qui prennent la peine
de
NOVEMBRE. , 1733. 2377
de les lire. Celui qui a composé le Chant
du Propre de S. Germain l'Auxerrois ,
està Paris depuis près de trente ans, chargé
d'apprendre le Chant aux Enfans , et c'est
peut-être le plus sçavant Musicien qu'il
yait en France. Il ne paroît pas cependant
qu'il ait jamais lû les observations
dont je parle ; ou , s'il les a lûës , il s'est
peu soucié de les réduire en pratique ;
car ces Messieurs traitent le Plain- chant
cavalierement , et ne se mettent pas fort
en peine de marcher sur les traces des anciens
Maîtres. Ils cherchent de nouvelles
routes et des beautez d'un autre genre ;
et dédaignant d'être de bons et de judicieux
imitateurs , ils deviennent de mauvais
originaux.
Il y a donc peu de Musiciens , même
parmi les Maîtres , à qui on puisse confier
sûrement la composition du Chant
Ecclésiastique ; et un homme tel que feu
M. l'Abbé Chastelain , Auteur de l'Antiphonaire
Parisien , qui avec quelque
teinture de Musique , a bien étudié et
médité les bons Ouvrages de Plain- chant,
et qui s'est rempli des justes et nobles
idées des anciens Maîtres , est plus capaẻ
ble de faire d'excellentes compositions
dans ce genre , que plusieurs de ceux qui
passent pour les meilleurs Musicien ,
C Ja
2378 MERCURE DE FRANCE
4
ges
Je ne prétens pas , au reste , les récuser
absolument pour juges dans cette matiére;
et je suis bien éloigné de penser qu'il
ne doivent pas être consultez ; ils sentent.
parfaitement les beautez d'une Piéce de
Chant ; ils ne sont pas moins que nous ,
passionnez admirateurs des bons Ouvraanciens
et modernes . L'Office du saint
Sacrement , l'ancien Office de la Trinité ;
le Chant Parisien de l'Hymne Deus tuorum
militum , celui du dernier Répons de
l'Office nocturne du Samedi Saint ; l'Antienne
, Qui docti fuerint ; les Répons de
l'Office des Morts ; les Hymnes O quam
glorifica . Ave maris stella.Ut queant laxis;
les Proses Veni sancte Spiritus. Mittit ad
Virginem , et plusieurs autres Piéces les
charment et les enlevent, J'ai oui dire
que le fameux Lully ne trouvoit rien de
plus beau ni de plus touchant que la
modulation si simple de la Préface de la
Messe . La bénédiction du Cierge Paschal
, selon l'usage de Rouen , paroissoit
à un habile Organiste de la Cathédrale
de cette Ville un chef d'oeuvre inimitable.
J'ajoûte que la Musique donne à co
Messieurs une grande délicatesse de dis
cernement pour appercevoir dans ur-
Piéce , de petites négligences qui échaj:
pent à d'autres moins habiles qu'eux da
la science des sons, }
NOVEMBRE . 1733. 2379
Ils sont donc en état de juger par le
sentiment et le goût du mérite d'une
Piéce ; et par conséquent on doit les consulter
pour ce qui regarde la mélodie et
profiter de leurs avis.
Je suis même persuadé qu'il y a des
Musiciens , dont l'heureux génie réünit
ensemble le goût du Plain - chant et celui
de la Musique, sans mélange et sans confusion
. Il est bien sûr qu'avec la connoissance
de l'histoire du Chant et des anciens
usages, et l'attention aux Régles, de
tels Musiciens feroient de très - beaux
Ouvrages dans le genre de Chant Ecclésiastique.
Mais je persiste à croire que la qualité
de Musicien et d'habile Musicien , ne
donne point par elle- même à ceux de cette
profession la capacité de bien composer
en Plain- chant , ni le droit de juger
souverainement de ces matiéres. Qu'ils
donnent leurs avis , à la bonne heure ,
sur les compositions des autres , pour ce
qui ne dépend que d'un certain goût que
la Musique peut donner.Mais on ne peut,
sans risque d'altérer le Chant Ecclésiastique,
ni leur abandonner la composition
des nouveaux Offices , ni s'en rapporter à
leur jugement dans les choses qui dépendent
de la connoissance des régles et des
Cij
usi2330
MERCURE DE FRANCE
usages ; à moins qu'ils n'ayent fait preuve
qu'ils sçavent ces régles , qu'ils les respectent,
et qu'ils sont capables d'une compo
sition sage , modeste , grave , conforme
au génie et au goût des Anciens.
Par M ***
Fermer
Résumé : MEMOIRE sur la question proposée dans le Mercure de Juin 1733. seconde Partie, pag. 1410.
Le texte discute de la question de savoir si les musiciens doivent être écoutés et suivis dans leurs raisonnements sur le plain-chant ou chant d'Église. L'auteur reconnaît qu'il n'est pas suffisamment informé pour répondre à toutes les parties de la question et se concentre sur la portée de l'autorité des musiciens en matière de chant ecclésiastique. Le mémoire critique un préjugé selon lequel la science du plain-chant est inséparable de celle de la musique. Les musiciens sont souvent chargés de composer de nouveaux offices sans examen approfondi, car on croit qu'ils sont les mieux placés pour cette tâche. Cependant, l'auteur affirme que les musiciens modifient souvent le chant ecclésiastique selon leurs propres idées, au détriment des règles et des usages anciens. Pour évaluer la validité de ce préjugé, l'auteur propose d'examiner les chants nouveaux composés par les musiciens en fonction des règles et du goût de l'ancien plain-chant grégorien. Il souligne l'importance de respecter les propriétés de chaque ton, la ponctuation, la proportion des antiennes et des modes de psalmodie, ainsi que la variété du chant selon les pièces et les offices. L'auteur conclut que si les nouveaux ouvrages de plain-chant respectent ces principes, il reconnaîtra l'autorité des musiciens. Sinon, il estime que leur autorité ne doit pas être déférée sans discernement. Il cite plusieurs exemples de chants modernes qui montrent une ignorance des règles ou un mépris des traditions. Le mémoire explique également que les musiciens, formés dans la musique moderne, ont du mal à revenir à la simplicité du plain-chant. Leur éducation et leur goût pour la musique moderne influencent leurs compositions, les rendant souvent guindées et bizarres. Enfin, l'auteur reconnaît que certains musiciens peuvent avoir un goût pour le plain-chant et la musique, et qu'ils peuvent être consultés pour juger de la mélodie. Cependant, il insiste sur le fait que la qualité de musicien ne garantit pas automatiquement une compétence en matière de plain-chant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 2653-2656
« ALMANACH DU MARIAGE, pour l'année 1734. Ouvrage instructif et [...] »
Début :
ALMANACH DU MARIAGE, pour l'année 1734. Ouvrage instructif et [...]
Mots clefs :
Arithmétique, Règles, Mariage, Almanach du mariage, Arithmétique démontrée, Arithmétique militaire, Segrais
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « ALMANACH DU MARIAGE, pour l'année 1734. Ouvrage instructif et [...] »
LMANACH DU MARIAGE , pour ,
l'année 1734. Ouvrage instructif et
Epigrammatique , nouvelle Edition , aug-
I. Vol. mentée
2654 MERCURE DE FRANCE
mentée de la Carte de l'Isle du Mariage ,-
avec la Description litterale du Pays.
Dédié à la Jeunesse amoureuse , par un
Philosophe Garçon. A Paris , chez Charles
Guillaume , Quay des Augustins , à
S. Charles , in 24.
L'ARITHMETIQUE DE MONTREE,
Ouvrage nouveau , par un Prêtre de l'O
ratoire , ancien Professeur de Mathématique
de l'Université d'Angers ; à Rouen,
et se vend à Paris , rue S. Jacques , chez
Pierre Witte , 1733. in 12. de 216. pages,
Le Pere Jean- Baptiste- Adrien de Mercastel
, Auteur de ce Livre , dit dans sa
Préface que les Maîtres à écrire ensei
gnent des Pratiques très- certaines , qu'il
n'en a point d'autres à mettre en usage
dans tous ses Calculs , et que ce sont les
Regles qu'ils ont coûtume de donner
qu'il entreprend d'expliquer.
Cet Ouvrage est divisé en deux Parties.
Dans la premiere , on explique les
Regles du Calcul ; dans la seconde , on
en montre l'usage dans les questions qui
demandent plusieurs Operations. Ceux
qui ne veulent que la Pratique , la trouveront
ici très bien expliquée ; ils en auront
un Traité bien complet , si en abandonnant
tout ce qui est sous les Titres
La Vel de
DECEM BR E. 1733. 26.58
de Théorêmes et de Démonstrations , ils .
getiennent tout le reste.
L'ARITHMETIQUE MILITAIRE , ou l'Arithmétique-
Pratique de l'Ingénieur et
de l'Officier , divisée en trois Parties ;
Ouvrage également nécessaire aux Offi
ciers , aux Ingénieurs et aux Commerçans.
Troisiéme Edition , corrigée et de.
beaucoup augmentée par M. de Clermont,
Commissaire d'Artillerie. A Paris , chez
P. Witte , rue S. Jacques , et chez Didot ,
Quay des Augustins , 1733. in 4.
L'Auteur s'attache dans la premiere.
Partie de cet Ouvrage , à établir les fondemens
de l'Arithmétique , qui consis
fent en quatre Regles generales. 11 passe
ensuite à l'explication de la Regle de Trois
ou de Proportion , puis à celle de la Raeine
quarrée , &c.
Il explique dans la seconde Partie les
Fractions , d'une maniere claire et convaincante
, et j'ose même dire , ajoûte .
Auteur , qu'on ne trouvera point de
Traité d'Arithmétique en norre Langue,
où elles soient expliquées plus à fond :
et plus nettement.
La troisiéme Partie renferme les Regles
Vulgaires , qui , selon notre Auteur,
sont d'un grand secours dans les diffi
I. Vol. cultez
2056 MERCURE DE FRANCE
cultez qui arrivent dans l'emploi d'um
Ingénieur et dans le détail des affaires
qui regardent les Troupes , aussi - bien
que dans le Commerce , qu'on auroit
peine à développer sans le secours de
ces mêmes Regles . Outre que , dit-il ,
le bien prendre , elles contiennent ce
qu'il y a de plus curieux dans l'Arithmétique
, et qui paroit surprenant à ceux
qui ne sont pas versez dans le Calcul.
AVANTURES de Clamades et de Clar
monde , tirées de l'Espagnol . Par Madame
E. G. D. R. A Paris , rue S. Jacques ,
shez Morin , 17; 3 . in 12. de 348. pages.
POESIES DIVERSES de M. de Segrais
de l'Académie Françoise , les Eglogues ,
l'Athis , Poëme. Pastoral , les Odes , Epitres
, Elegies , Chansons , Stances . Nou .
velle Edition . Rue du Foin , chez la veuve
Delormel , et au Petit Pont , chez René
Josse 1733. in s.
l'année 1734. Ouvrage instructif et
Epigrammatique , nouvelle Edition , aug-
I. Vol. mentée
2654 MERCURE DE FRANCE
mentée de la Carte de l'Isle du Mariage ,-
avec la Description litterale du Pays.
Dédié à la Jeunesse amoureuse , par un
Philosophe Garçon. A Paris , chez Charles
Guillaume , Quay des Augustins , à
S. Charles , in 24.
L'ARITHMETIQUE DE MONTREE,
Ouvrage nouveau , par un Prêtre de l'O
ratoire , ancien Professeur de Mathématique
de l'Université d'Angers ; à Rouen,
et se vend à Paris , rue S. Jacques , chez
Pierre Witte , 1733. in 12. de 216. pages,
Le Pere Jean- Baptiste- Adrien de Mercastel
, Auteur de ce Livre , dit dans sa
Préface que les Maîtres à écrire ensei
gnent des Pratiques très- certaines , qu'il
n'en a point d'autres à mettre en usage
dans tous ses Calculs , et que ce sont les
Regles qu'ils ont coûtume de donner
qu'il entreprend d'expliquer.
Cet Ouvrage est divisé en deux Parties.
Dans la premiere , on explique les
Regles du Calcul ; dans la seconde , on
en montre l'usage dans les questions qui
demandent plusieurs Operations. Ceux
qui ne veulent que la Pratique , la trouveront
ici très bien expliquée ; ils en auront
un Traité bien complet , si en abandonnant
tout ce qui est sous les Titres
La Vel de
DECEM BR E. 1733. 26.58
de Théorêmes et de Démonstrations , ils .
getiennent tout le reste.
L'ARITHMETIQUE MILITAIRE , ou l'Arithmétique-
Pratique de l'Ingénieur et
de l'Officier , divisée en trois Parties ;
Ouvrage également nécessaire aux Offi
ciers , aux Ingénieurs et aux Commerçans.
Troisiéme Edition , corrigée et de.
beaucoup augmentée par M. de Clermont,
Commissaire d'Artillerie. A Paris , chez
P. Witte , rue S. Jacques , et chez Didot ,
Quay des Augustins , 1733. in 4.
L'Auteur s'attache dans la premiere.
Partie de cet Ouvrage , à établir les fondemens
de l'Arithmétique , qui consis
fent en quatre Regles generales. 11 passe
ensuite à l'explication de la Regle de Trois
ou de Proportion , puis à celle de la Raeine
quarrée , &c.
Il explique dans la seconde Partie les
Fractions , d'une maniere claire et convaincante
, et j'ose même dire , ajoûte .
Auteur , qu'on ne trouvera point de
Traité d'Arithmétique en norre Langue,
où elles soient expliquées plus à fond :
et plus nettement.
La troisiéme Partie renferme les Regles
Vulgaires , qui , selon notre Auteur,
sont d'un grand secours dans les diffi
I. Vol. cultez
2056 MERCURE DE FRANCE
cultez qui arrivent dans l'emploi d'um
Ingénieur et dans le détail des affaires
qui regardent les Troupes , aussi - bien
que dans le Commerce , qu'on auroit
peine à développer sans le secours de
ces mêmes Regles . Outre que , dit-il ,
le bien prendre , elles contiennent ce
qu'il y a de plus curieux dans l'Arithmétique
, et qui paroit surprenant à ceux
qui ne sont pas versez dans le Calcul.
AVANTURES de Clamades et de Clar
monde , tirées de l'Espagnol . Par Madame
E. G. D. R. A Paris , rue S. Jacques ,
shez Morin , 17; 3 . in 12. de 348. pages.
POESIES DIVERSES de M. de Segrais
de l'Académie Françoise , les Eglogues ,
l'Athis , Poëme. Pastoral , les Odes , Epitres
, Elegies , Chansons , Stances . Nou .
velle Edition . Rue du Foin , chez la veuve
Delormel , et au Petit Pont , chez René
Josse 1733. in s.
Fermer
Résumé : « ALMANACH DU MARIAGE, pour l'année 1734. Ouvrage instructif et [...] »
Le document présente plusieurs ouvrages publiés en 1733 et 1734. L' 'Almanach du Mariage' pour l'année 1734 est un ouvrage instructif et épigrammatique, dédié à la jeunesse amoureuse, et inclut une carte de l'île du Mariage avec une description littérale du pays. L' 'Arithmétique de Montree' est un ouvrage de mathématiques écrit par le Père Jean-Baptiste-Adrien de Mercastel, ancien professeur à l'Université d'Angers. Il est divisé en deux parties : la première explique les règles du calcul, et la seconde montre leur usage dans des questions nécessitant plusieurs opérations. L' 'Arithmétique Militaire' est un ouvrage pratique pour les officiers, ingénieurs et commerçants, divisé en trois parties. La première partie établit les fondements de l'arithmétique et explique la règle de trois et la racine carrée. La seconde partie traite des fractions de manière claire et détaillée. La troisième partie présente les règles vulgaires utiles dans les affaires militaires et commerciales. Enfin, le document mentionne les 'Aventures de Clamades et de Clarimonde', traduites de l'espagnol, et les 'Poésies Diverses' de M. de Segrais, incluant des églogues, un poème pastoral, des odes, épîtres, élégies, chansons et stances.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 31-46
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Début :
L'erreur n'est que trop commune aujourd'hui de croire que les Musiciens, [...]
Mots clefs :
Chant, Plain-chant, Musique, Musiciens, Composer, Modes, Règles, Attention, Musicien, Maîtres de musique, Chanter, Chant ecclésiastique, Maître de musique, Connaisseurs, Accords, Science, Églises
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
Fermer
Résumé : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Le texte 'Mémoire sur l'autorité des Musiciens en matière de Plainchant' examine la croyance erronée selon laquelle les musiciens, notamment les maîtres de musique, sont les mieux placés pour juger du chant ecclésiastique. Cette opinion repose sur l'idée que les musiciens, formés dès leur jeunesse et capables de jouer d'instruments, possèdent une expertise unique en la matière. Cependant, le texte met en garde contre les dangers de cette confiance excessive, soulignant que certains responsables de la célébration de l'office divin peuvent entraîner d'autres dans l'erreur en suivant cette croyance. Les partisans de cette idée argumentent que les musiciens, ayant appris la gamme dès l'enfance et pratiqué quotidiennement, doivent nécessairement connaître parfaitement le plain-chant. Ils croient également que l'utilisation d'instruments a inculqué aux musiciens la connaissance des modes du chant ecclésiastique. En revanche, d'autres personnes estiment que les ecclésiastiques, qui ne sont pas nécessairement musiciens au sens strict, sont souvent de meilleurs connaisseurs du chant ecclésiastique. Ils suggèrent que, en cas de contestation, il faudrait choisir un plus grand nombre d'arbitres parmi ces ecclésiastiques. Le texte souligne la nécessité de peser les arguments des deux côtés pour déterminer la meilleure approche. Il expose les raisons pour lesquelles les musiciens sont considérés comme compétents, tout en mettant en lumière leur insuffisance et leur incapacité à juger du plain-chant de manière scientifique. Les musiciens, bien qu'excellents dans l'exécution et l'enseignement du chant, manquent souvent de la capacité à en raisonner ou à en composer de manière savante. Le texte insiste sur l'importance de suivre les règles des anciens et de considérer les aspects mélodiques, rythmiques et dictionnels pour composer un chant parfait. Le texte traite également de la différence entre la composition du plain-chant et celle de la musique. La simplicité et la liberté de mouvement du plain-chant permettent au compositeur de rester concentré sur la nature du texte et de respecter les règles de construction. En revanche, un compositeur de musique, habitué à des licences et répétitions, trouve difficile de composer un plain-chant régulier. Les fautes dans le plain-chant sont plus facilement remarquées en raison de sa simplicité et de l'absence d'éléments accessoires pour les masquer. Le plain-chant est présenté comme plus ancien que la musique dans l'usage ecclésiastique et comme ayant donné naissance à la musique dans les églises. Le texte conclut que pour juger sainement du plain-chant, il est nécessaire de connaître l'ancienne musique grecque et romaine ainsi que l'histoire du plain-chant. Les auteurs exhortent un expert en plain-chant à partager ses connaissances pour éviter les décisions de juges incompétents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 698-706
LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
Début :
Enfin, Monsieur, le Systême Typographique paroît en son entier ; il y a des Bureaux, [...]
Mots clefs :
Système typographique, Système, Enfant, Bureau, Maître, Livre, Jouer, Travailler, Enfants, Règles, Beau, Apprendre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
LETTRE de ..... à M. Pilleret
Maitre d'Ecole à Cousance en Barrois ,
au sujet du Systême Typographique .
Enfin,
Nfin , Monsieur , le Systême Typographique
paroît en son entier ; il y a des Bureaux ,
et nous avons le Livre dans lequel cette matiere
est amplement traitée . Tout préambule à part ,
je vous dirai librement ce que je pense et du Systême
et du Livre.
Un Sçavant du premier ordre dit qu'une des
premieres regles de critique , pour entrer dans l'esprit
d'un Auteur est d'examiner quel caractere il
soutient dans l'Ouvrage dont il est question . Ce
n'est , sans doute , qu'en partant de ce principe
et en s'y tenant fortement attaché , qu'on peut
éviter deux écueils également dangereux , ou de
tout approuver sans discernement , ou de tout
condamner sans réserve . Telle est cependant la
disposition des Partisans et des ennemis du nouveau
Systême , que les premiers suivent aveuglement
toutes les idées de l'Auteur et que les autres
ne veulent y reconnoître rien de bon.
Qu'on se donne donc la peine d'étudier le caractere
de M.D.M.soit dans son Systême , soit dans
ce qu'il en a écrit , on y découvrira par tout cet
esprit de franchise et d'amour pour la Patrie
qui doit toujours être l'ame de ce que nous entreprenons.
On y verra sans peine que c'est uniquement
pour le bien et l'avancement de notre
Jeunesse, qui , après s'être rendu habile dans les
Sciences les plus abstraites et les plus épineuses,
M.
AVRIL. 1734. 699
M. D. ne dédaigne pas de descendre jusqu'à
l'A. B. C. il se montre peu jaloux de l'encens
après lequel nous voyons courir tant de froids
Ecrivains , et que nous prodiguons sottement à
ceux qui pour faire parade d'une vaine érudition
plutôt que pour se rendre utiles au Public , composent
des Ouvrages dont il est vrai que souvent
la lecture est agréable ; mais qui ne contribuent
en rien ni à nous rendre meilleurs , ni à nous
faciliter les moyens de le devenir. Encore si nous
nous contentions de ceux-cy ; mais n'est - il pas
honteux que tant de conteurs de nouveaux riens
et de riens dangereux , enlevent notre estime et
notre approbation , que nous ne devons qu'au
vrai que nous négligeons , que nous méprisons
et que souvent nous combattons.
Nous faisons cas du beau , nous méprisons l'utile .
Voila le mal commun ; et si quelques génies
supérieurs se sont élevez au - dessus et nous en
ont fait voir le danger et le ridicule , nous les
admirons ; mais nous en demeurons-là , nous
persuadant facilement que nous ne sommes pas
dans le cas. Ce qui nous trompe en cela , c'est
que nous prenons le faux pour le vrai , le beau
pour l'utile , le brillant pour le veritable beau ;
que nous croyons veritablement tenir pour le
bon , et que ceux qui ne pensent pas comme
nous sont dans l'erreur . C'est aussi ce qui a suscité
tant d'adversaires aux nouvelles idées de
M. D. qui fait tout revenir dans son Systême ,
au point de vue que se doit proposer tout Auteur
désinteressé, c'est - à - dire , au vrai , à l'utile , au
veritable beau . Des intentions si droites , quand
elles ne se trouveroient pas exactement remplies,
devroient , sans doute , imposer silence à l'envie
D iiij
et
700 MERCURE DE + FRANCE
et à la mauvaise humeur de quelques petits esprits
pleins d'eux- mêmes ; mais dès-lors ils ne
seroient plus ce qu'ils sont,
-
L'usage du Bureau Typographique a de grands
avantages , il en faut convenir ; mais on les trouve
mêlez avec des inconveniens très considerables
qui en ralentiront peut - être encore
long-temps le succès . Je ne parle pas de la dépense
de la machine que tout le monde ne peut
pas faire , ni de la difficulté de trouver des Maîtres
instruits du Systême , ce qu'on a déja objecté
à l'Auteur ; mais il n'est pas facile de comprendre
comment un Maître d'Ecole pourroit
s'en servir utilement . J'ai vu travailler des Enfans
au Bureau , je les ai suivis , et s'il y a un profil réel
dans l'usage de cette Machine , je crois que ce ne
peut être que dans la pratique assidue, le Maître
toujours présent et attentifà ce que fait l'Enfant.
On ne peut faire travailler qu'un Enfant à la fois ;
s'ils sont deux ou trois , ils s'embarassent, ilsjouent
et perdent leur temps. De plus l'étude , pour lui
être utile, doit être d'une heure au moins le matin
et autant le soir. Où en seroit un Maître qui
auroit , je ne dis pas cent , mais seulement quinze
ou vingt Ecoliers ? Comment exercer chacun
d'eux en particulier ? Lui donner une heure le
matin et autant le soir ? Etre présent là pendant
qu'il opere ? Le guider , l'animer , et rire ? Car
tout cela est du Systême. Que feront tous les
autres pendant ce temps-là ? Leur donner des leçons
à apprendre ? Rien n'est plus ridicule selon
le nouveau Systême , c'est même une injustice.On
doit toujours travailler avec l'Enfant , aller au devant
de toutes les difficultez , et étudier avec lui.
Qu'on les oblige d'écouter et de voir celui qui
travaille , cela est , sans doute , impraticable . Il
faudra
AVRIL. 1734 .
701
faudra donc
que tous les autres demeurent oisifs,
tandis qu'un seul sera occupé. Il est vrai que
tous ces inconveniens se trouvent aussi liez avec
la Méthode ordinaire ; mais le nouveau Systême
n'y obviant pas , et ayant même ceci de plus qu'il
coûte et qu'il est d'un grand embarras , je ne
yois pas pourquoi on le préfereroit.
Ce qui fait le fort du Systême Typographi
que , c'est que l'Enfant passant continuellement
d'un objet à un autre , peut bien apprendre avec
plus d'agrément et peut- être avec plus de profit
pour le présent ; mais il y a tout lieu de Graindre
qu'il ne s'y forme un grand fond d'inconstance
et de legereté , ce qui n'est pas un petit défaut.
Je me trouvai un jour chez un des plus zelez
Typographistes , où , après avoir caressé un
Enfant qu'il instruisoit selon le Systême , je lui
témoignai l'envie que j'avois de le voir travailler
au Bureau.La personne qui le conduisoit, s'étant
approchée , m'avertit secrettement de ne point
me servir du mot travailler , mais de jouer ; et
en même-temps prenant la parole , eh bien , mon
fils , dit- il , voulez- vous jouer à present. Comment
un Enfant élevé de cette maniere , passera- t'il à
une étude sérieuse ? Comment en supportera- t'il
la peine et le travail , lui à qui on n'aura jamais
parlé que de jeu ? Comment enfin y apporterat'il
une application qu'on ne lui aura jamais demandée.
C'est pour entretenir dans l'Enfant cet
esprit de satisfaction que lui procure cette pensée
qu'il joue ; qu'il ne faut jamais le contraindre
; que s'il ne lui plaisoir pas de jouer , il
ne faudroit pas l'y forcer. Il faut attendre ses
momens et se conformer à ses petites volontez.
Ces caprices doivent servir de regles , et ce seroit
une injustice que de vouloir que les regles res-
DY traignissent
702 MERCURE DE FRANCE
traignissent ses fantaisies. Dira - t'on que tout
cela n'est rien ; que ce ne sont que préventions ,
que préjugez.
Ce que je crois de plus fort contre le nouveau
Systême , c'est que l'amour propre y est érigé en
premier Maître des Enfans , et que ce vice dangereux
s'y trouve l'ame et le grand mobile de
tout ce qu'on leur fait faire. Leur petite imagination
se repaît agréablement des loüanges qu'il
faut leur prodiguer , ce qui les remplit insensiblement
de sentimens d'estime pour eux - mêmes
et de mépris pour les autres. En voici un trait
que je tiens de personnes non suspectes. On faisoit
jouer un Enfant au Bureau , ou plutôt on
jouoit avec lui . Le pere voulut aussi s'en mêler ;
mais par malheur ayant mis une lettre pour une
autre , un j consone , à ce qu'on m'a dit , pour
un i voyele dans le mot jgnorant au lieu -d'ignorant
; l'enfant se retourna et dit tout bas à l'oreille
de son Maître , je crois que mon cher Pere
est un peu bête ; on l'entendit , mais on jugea à
propos de faire la sourde oreille. Que n'y a t'il
pas à craindre pour des Enfans élevez dans ces
principes ! Ajoutons à cela que la conviction du
Mérite qu'ils s'imaginent avoir , les remplit
de vanité , de hauteur et d'impatience . J'en ai vû
qui écoutoient d'un air dédaigneux et moqueur
d'autres Enfans qui n'avoient pas été élevez
comme eux , et qui railloient des personnes qu'ils
devoient respecter , parce qu'ils prononçoient leslettres
autrement qu'eux . Quand une fois ils ont
fait ce qu'on appelle leurs Thêmes , on n'oseroit
y toucher, c'est -à - dire , y déranger quelque cho
se , sans les irriter. Je fus un jour témoin oculaire
d'un soufflet très - sec qu'un Enfant élevé
selon le Systême , donna à un autre Enfant qui
Dai
AVRIL 1734. 703
lui avoit brouillé un mot qu'il venoit d'imprimer.
Voilà , Monsieur , ce qui a suspendu jusqu'ici
le jugement de plusieurs ; la difficulté ou
plutot l'impossibilité de se servir du Bureau dans
les Ecoles publiques ; la nécessité de la préfence
du Maître à tout ce que fait l'Enfant , si on veut
qu'il avance plus que par la Méthode ordinaire ;
celle de jouer , de badiner et de rire avec l'Enfant,
quand il opere , le danger qu'il y a que l'Enfant
ne retire de tout ce manége , qu'un esprit d'inconstance
et de legereté , et enfin celui de prendre
l'Enfant la vanité et de faire l'amour
par
propre l'ame et le grand mobile de son étude.
Mais venons au Livre.
Tout Livre de Grammaire porte avec soi quelque
chose d'aride , le titre même rebute et ne
rappelle point le Lecteur. Il faut donc , pour
vaincre ce dégoût , présenter cette sorte de matiere
avec quelque apprêt , sans quoi un Livrede.
cette espece ne sera jamais lû que par ceux qui en
ont unbesoin extrême . Beaucoup de gens croyent
en sçavoir assez , et il y en a peu qui en fassent
une étude sérieuse. Le Systême Typographique
a cela de particulier , qu'il ett susceptible d'une
infinité d'agrémens , malgré la secheiesse apparente
des instructions qu'il renferme, et l'Auteur,
par je ne sçai quelles idées , a répandu sur tout
son Ouvrage une mélancolie , une tristesse qui
rebutera bien des Lecteurs ; et par consequent
arrêtera dès le commencement , les progrès de
cette invention . On rencontre presque à chaque
page un M. G. Professeur de l'Université , qui
semble être l'unique objet de l'Auteur , pour qui
ce Régent est une source perpetuelle de chagrin
et de déclamations qui n'éclaircissent en rien le
fond du Systême. C'eût été répondre solidement
D vj
aux
704 MERCURE DE FRANCE.
aux frivoles objections de ce Professeur , que de
garder un silence profond à cet égard ; enfin ôtez
de tout le Livre ce qui regarde cete dispute particuliere
, les redites fréquentes des mêmes choses
, les citations trop réiterées de gens favorables
au Systême et d'Enfans qu'on instruit
par le Bureau , choses qui interessent fort peu lc
Lecteur avide d'être au fait ; voici à quoi se reduit
cet Ouvrage.
i
Il faut , suivant l'Auteur , nommer un C. lé ké;
PF. fé ; le Ph. fé ; le G. gné, guéné ; le H. hê ;
le J. je -ja ; le K. ka- ku ; le L. lé ; le M. mé ; le
Q. qu - ka ; le R. rê ; le S. lé- zé; le T. te-ci ; le
V. vé ; le X. ksé , quézé ; le Y. i- ié , le Z. zé- sé ;
le &t . cté- csi ; le ft. sté ; le &. et ; le æ. é ; le oe . é;
le è. ais ; le ê. ais ; le ch. ché- ké , &c. Il faut remarquer
que ces lettres ausquelles il a donné une
double valeur , comme au C. ne seront appelées
que d'une de ces valeurs , suivant le lieu où elles
se trouveront , par exemple , dans Ciconia , on
dira sé , i , ci : ké , o , co : cico , & c ainsi des
autres.
De-là on vient aux sons , découverte des plus
importantes qu'on ait jamais faites pour faciliter
la lecture et abreger le temps qu'on y employe
ordinairement ; il appelle donc par un seul son
toutes les lettres qui , unies ensemble , n'en font
qu'un. Par exemple , Caux , on l'appelle o simplement.
Les nazales an , en , in , on , un. Ensuite
les autres sons que vous pourrez voir dans son
A. B. C. comme oient , qu'il appelle ais ou ê.
Voilà pour la lecture.
A l'égard des premiers principes de la Langue
Latine ou de la Grecque , car ce seroit la même
chose , il faut donner un thême ou une version
interlineaire à l'Enfant , qu'il imprimera sur le
Bureau
AVRIL 1734 70s
Bureau. Donnons un exemble dans lequel on
peat voit tout le Systême , tant pour apprendre
à lire , que pour apprendre les principes de la
Langue Latine, ou de telle autre qu'on voudra enseigner
à l'Enfant . On pourroit faire un Thême
ou un Exemple dans lequel se trouveroit une
chose de chaque Logette du Bureau. Mais comme
cela nous meneroit trop loin , contentonsnous
de celui - cy : Mon Dieu , je vous aime bienè
Supposons qu'un Enfant connoît déja les lettres
simplement sans les sons , on lui fait ranger sur
le Bureau : m , o , n , D , i , c , u , j , e , v , o , u , s,
a , i , m , e , b e , n. S'il connoît les sons ,
en lui fait ranger de cette sorte ; m, on, D, i , eu,
j , e , v , ou , s , ai , m , e , b , i ,en.
S'il commence à lire , on lui fait ranger par
mots de cette maniere : mon , dans le pronom
possessif. Dieu , dans les noms substantifs . je,
dans le pronom de la premiere personne . vous
dans le pronom de la seconde personne. aime ,
dans les verbes François. bien , dans les indéclinables
François. Voilà pour la Langue Françoise,'
ainsi de même pour le Latin. Car les Logettes
pour le Latin sont aussi dans le Bureau . Il faut
donner le Thême tout fait à l'Enfant ; et en lui
faisant prendre mi dans la Logette des pronoms
possessifs , on lui fait remarquer que s'est le vocatif
: Deus , dans les noms substantifs Latins
&c. on doir en même- temps lui expliquer les
regles de la Sintaxe. Voilà à peu près à quoi se
réduit tout le Systême . L'Auteur ayant une fois
posé ses principes , pouvoit , par le moyen d'un
seul exemple , mettre le Lecteur au fait , et il se
seroit épargné la dépense d'un gros Livre , qui
dans l'état où il est , ne servira qu'à rebuter
ceux qui veulent sçavoir son Systême. J'ai l'hon
neur d'être , Monsieur , &c.
>
706 MERCURE DE FRANCE
Nota. Nous donnerons dans le mois prochain la
Réponse à cette Lettre , que la longueur ne nous
permet pas d'inserer ici . comme nous l'avions déja
promis sur cette matiere.
Maitre d'Ecole à Cousance en Barrois ,
au sujet du Systême Typographique .
Enfin,
Nfin , Monsieur , le Systême Typographique
paroît en son entier ; il y a des Bureaux ,
et nous avons le Livre dans lequel cette matiere
est amplement traitée . Tout préambule à part ,
je vous dirai librement ce que je pense et du Systême
et du Livre.
Un Sçavant du premier ordre dit qu'une des
premieres regles de critique , pour entrer dans l'esprit
d'un Auteur est d'examiner quel caractere il
soutient dans l'Ouvrage dont il est question . Ce
n'est , sans doute , qu'en partant de ce principe
et en s'y tenant fortement attaché , qu'on peut
éviter deux écueils également dangereux , ou de
tout approuver sans discernement , ou de tout
condamner sans réserve . Telle est cependant la
disposition des Partisans et des ennemis du nouveau
Systême , que les premiers suivent aveuglement
toutes les idées de l'Auteur et que les autres
ne veulent y reconnoître rien de bon.
Qu'on se donne donc la peine d'étudier le caractere
de M.D.M.soit dans son Systême , soit dans
ce qu'il en a écrit , on y découvrira par tout cet
esprit de franchise et d'amour pour la Patrie
qui doit toujours être l'ame de ce que nous entreprenons.
On y verra sans peine que c'est uniquement
pour le bien et l'avancement de notre
Jeunesse, qui , après s'être rendu habile dans les
Sciences les plus abstraites et les plus épineuses,
M.
AVRIL. 1734. 699
M. D. ne dédaigne pas de descendre jusqu'à
l'A. B. C. il se montre peu jaloux de l'encens
après lequel nous voyons courir tant de froids
Ecrivains , et que nous prodiguons sottement à
ceux qui pour faire parade d'une vaine érudition
plutôt que pour se rendre utiles au Public , composent
des Ouvrages dont il est vrai que souvent
la lecture est agréable ; mais qui ne contribuent
en rien ni à nous rendre meilleurs , ni à nous
faciliter les moyens de le devenir. Encore si nous
nous contentions de ceux-cy ; mais n'est - il pas
honteux que tant de conteurs de nouveaux riens
et de riens dangereux , enlevent notre estime et
notre approbation , que nous ne devons qu'au
vrai que nous négligeons , que nous méprisons
et que souvent nous combattons.
Nous faisons cas du beau , nous méprisons l'utile .
Voila le mal commun ; et si quelques génies
supérieurs se sont élevez au - dessus et nous en
ont fait voir le danger et le ridicule , nous les
admirons ; mais nous en demeurons-là , nous
persuadant facilement que nous ne sommes pas
dans le cas. Ce qui nous trompe en cela , c'est
que nous prenons le faux pour le vrai , le beau
pour l'utile , le brillant pour le veritable beau ;
que nous croyons veritablement tenir pour le
bon , et que ceux qui ne pensent pas comme
nous sont dans l'erreur . C'est aussi ce qui a suscité
tant d'adversaires aux nouvelles idées de
M. D. qui fait tout revenir dans son Systême ,
au point de vue que se doit proposer tout Auteur
désinteressé, c'est - à - dire , au vrai , à l'utile , au
veritable beau . Des intentions si droites , quand
elles ne se trouveroient pas exactement remplies,
devroient , sans doute , imposer silence à l'envie
D iiij
et
700 MERCURE DE + FRANCE
et à la mauvaise humeur de quelques petits esprits
pleins d'eux- mêmes ; mais dès-lors ils ne
seroient plus ce qu'ils sont,
-
L'usage du Bureau Typographique a de grands
avantages , il en faut convenir ; mais on les trouve
mêlez avec des inconveniens très considerables
qui en ralentiront peut - être encore
long-temps le succès . Je ne parle pas de la dépense
de la machine que tout le monde ne peut
pas faire , ni de la difficulté de trouver des Maîtres
instruits du Systême , ce qu'on a déja objecté
à l'Auteur ; mais il n'est pas facile de comprendre
comment un Maître d'Ecole pourroit
s'en servir utilement . J'ai vu travailler des Enfans
au Bureau , je les ai suivis , et s'il y a un profil réel
dans l'usage de cette Machine , je crois que ce ne
peut être que dans la pratique assidue, le Maître
toujours présent et attentifà ce que fait l'Enfant.
On ne peut faire travailler qu'un Enfant à la fois ;
s'ils sont deux ou trois , ils s'embarassent, ilsjouent
et perdent leur temps. De plus l'étude , pour lui
être utile, doit être d'une heure au moins le matin
et autant le soir. Où en seroit un Maître qui
auroit , je ne dis pas cent , mais seulement quinze
ou vingt Ecoliers ? Comment exercer chacun
d'eux en particulier ? Lui donner une heure le
matin et autant le soir ? Etre présent là pendant
qu'il opere ? Le guider , l'animer , et rire ? Car
tout cela est du Systême. Que feront tous les
autres pendant ce temps-là ? Leur donner des leçons
à apprendre ? Rien n'est plus ridicule selon
le nouveau Systême , c'est même une injustice.On
doit toujours travailler avec l'Enfant , aller au devant
de toutes les difficultez , et étudier avec lui.
Qu'on les oblige d'écouter et de voir celui qui
travaille , cela est , sans doute , impraticable . Il
faudra
AVRIL. 1734 .
701
faudra donc
que tous les autres demeurent oisifs,
tandis qu'un seul sera occupé. Il est vrai que
tous ces inconveniens se trouvent aussi liez avec
la Méthode ordinaire ; mais le nouveau Systême
n'y obviant pas , et ayant même ceci de plus qu'il
coûte et qu'il est d'un grand embarras , je ne
yois pas pourquoi on le préfereroit.
Ce qui fait le fort du Systême Typographi
que , c'est que l'Enfant passant continuellement
d'un objet à un autre , peut bien apprendre avec
plus d'agrément et peut- être avec plus de profit
pour le présent ; mais il y a tout lieu de Graindre
qu'il ne s'y forme un grand fond d'inconstance
et de legereté , ce qui n'est pas un petit défaut.
Je me trouvai un jour chez un des plus zelez
Typographistes , où , après avoir caressé un
Enfant qu'il instruisoit selon le Systême , je lui
témoignai l'envie que j'avois de le voir travailler
au Bureau.La personne qui le conduisoit, s'étant
approchée , m'avertit secrettement de ne point
me servir du mot travailler , mais de jouer ; et
en même-temps prenant la parole , eh bien , mon
fils , dit- il , voulez- vous jouer à present. Comment
un Enfant élevé de cette maniere , passera- t'il à
une étude sérieuse ? Comment en supportera- t'il
la peine et le travail , lui à qui on n'aura jamais
parlé que de jeu ? Comment enfin y apporterat'il
une application qu'on ne lui aura jamais demandée.
C'est pour entretenir dans l'Enfant cet
esprit de satisfaction que lui procure cette pensée
qu'il joue ; qu'il ne faut jamais le contraindre
; que s'il ne lui plaisoir pas de jouer , il
ne faudroit pas l'y forcer. Il faut attendre ses
momens et se conformer à ses petites volontez.
Ces caprices doivent servir de regles , et ce seroit
une injustice que de vouloir que les regles res-
DY traignissent
702 MERCURE DE FRANCE
traignissent ses fantaisies. Dira - t'on que tout
cela n'est rien ; que ce ne sont que préventions ,
que préjugez.
Ce que je crois de plus fort contre le nouveau
Systême , c'est que l'amour propre y est érigé en
premier Maître des Enfans , et que ce vice dangereux
s'y trouve l'ame et le grand mobile de
tout ce qu'on leur fait faire. Leur petite imagination
se repaît agréablement des loüanges qu'il
faut leur prodiguer , ce qui les remplit insensiblement
de sentimens d'estime pour eux - mêmes
et de mépris pour les autres. En voici un trait
que je tiens de personnes non suspectes. On faisoit
jouer un Enfant au Bureau , ou plutôt on
jouoit avec lui . Le pere voulut aussi s'en mêler ;
mais par malheur ayant mis une lettre pour une
autre , un j consone , à ce qu'on m'a dit , pour
un i voyele dans le mot jgnorant au lieu -d'ignorant
; l'enfant se retourna et dit tout bas à l'oreille
de son Maître , je crois que mon cher Pere
est un peu bête ; on l'entendit , mais on jugea à
propos de faire la sourde oreille. Que n'y a t'il
pas à craindre pour des Enfans élevez dans ces
principes ! Ajoutons à cela que la conviction du
Mérite qu'ils s'imaginent avoir , les remplit
de vanité , de hauteur et d'impatience . J'en ai vû
qui écoutoient d'un air dédaigneux et moqueur
d'autres Enfans qui n'avoient pas été élevez
comme eux , et qui railloient des personnes qu'ils
devoient respecter , parce qu'ils prononçoient leslettres
autrement qu'eux . Quand une fois ils ont
fait ce qu'on appelle leurs Thêmes , on n'oseroit
y toucher, c'est -à - dire , y déranger quelque cho
se , sans les irriter. Je fus un jour témoin oculaire
d'un soufflet très - sec qu'un Enfant élevé
selon le Systême , donna à un autre Enfant qui
Dai
AVRIL 1734. 703
lui avoit brouillé un mot qu'il venoit d'imprimer.
Voilà , Monsieur , ce qui a suspendu jusqu'ici
le jugement de plusieurs ; la difficulté ou
plutot l'impossibilité de se servir du Bureau dans
les Ecoles publiques ; la nécessité de la préfence
du Maître à tout ce que fait l'Enfant , si on veut
qu'il avance plus que par la Méthode ordinaire ;
celle de jouer , de badiner et de rire avec l'Enfant,
quand il opere , le danger qu'il y a que l'Enfant
ne retire de tout ce manége , qu'un esprit d'inconstance
et de legereté , et enfin celui de prendre
l'Enfant la vanité et de faire l'amour
par
propre l'ame et le grand mobile de son étude.
Mais venons au Livre.
Tout Livre de Grammaire porte avec soi quelque
chose d'aride , le titre même rebute et ne
rappelle point le Lecteur. Il faut donc , pour
vaincre ce dégoût , présenter cette sorte de matiere
avec quelque apprêt , sans quoi un Livrede.
cette espece ne sera jamais lû que par ceux qui en
ont unbesoin extrême . Beaucoup de gens croyent
en sçavoir assez , et il y en a peu qui en fassent
une étude sérieuse. Le Systême Typographique
a cela de particulier , qu'il ett susceptible d'une
infinité d'agrémens , malgré la secheiesse apparente
des instructions qu'il renferme, et l'Auteur,
par je ne sçai quelles idées , a répandu sur tout
son Ouvrage une mélancolie , une tristesse qui
rebutera bien des Lecteurs ; et par consequent
arrêtera dès le commencement , les progrès de
cette invention . On rencontre presque à chaque
page un M. G. Professeur de l'Université , qui
semble être l'unique objet de l'Auteur , pour qui
ce Régent est une source perpetuelle de chagrin
et de déclamations qui n'éclaircissent en rien le
fond du Systême. C'eût été répondre solidement
D vj
aux
704 MERCURE DE FRANCE.
aux frivoles objections de ce Professeur , que de
garder un silence profond à cet égard ; enfin ôtez
de tout le Livre ce qui regarde cete dispute particuliere
, les redites fréquentes des mêmes choses
, les citations trop réiterées de gens favorables
au Systême et d'Enfans qu'on instruit
par le Bureau , choses qui interessent fort peu lc
Lecteur avide d'être au fait ; voici à quoi se reduit
cet Ouvrage.
i
Il faut , suivant l'Auteur , nommer un C. lé ké;
PF. fé ; le Ph. fé ; le G. gné, guéné ; le H. hê ;
le J. je -ja ; le K. ka- ku ; le L. lé ; le M. mé ; le
Q. qu - ka ; le R. rê ; le S. lé- zé; le T. te-ci ; le
V. vé ; le X. ksé , quézé ; le Y. i- ié , le Z. zé- sé ;
le &t . cté- csi ; le ft. sté ; le &. et ; le æ. é ; le oe . é;
le è. ais ; le ê. ais ; le ch. ché- ké , &c. Il faut remarquer
que ces lettres ausquelles il a donné une
double valeur , comme au C. ne seront appelées
que d'une de ces valeurs , suivant le lieu où elles
se trouveront , par exemple , dans Ciconia , on
dira sé , i , ci : ké , o , co : cico , & c ainsi des
autres.
De-là on vient aux sons , découverte des plus
importantes qu'on ait jamais faites pour faciliter
la lecture et abreger le temps qu'on y employe
ordinairement ; il appelle donc par un seul son
toutes les lettres qui , unies ensemble , n'en font
qu'un. Par exemple , Caux , on l'appelle o simplement.
Les nazales an , en , in , on , un. Ensuite
les autres sons que vous pourrez voir dans son
A. B. C. comme oient , qu'il appelle ais ou ê.
Voilà pour la lecture.
A l'égard des premiers principes de la Langue
Latine ou de la Grecque , car ce seroit la même
chose , il faut donner un thême ou une version
interlineaire à l'Enfant , qu'il imprimera sur le
Bureau
AVRIL 1734 70s
Bureau. Donnons un exemble dans lequel on
peat voit tout le Systême , tant pour apprendre
à lire , que pour apprendre les principes de la
Langue Latine, ou de telle autre qu'on voudra enseigner
à l'Enfant . On pourroit faire un Thême
ou un Exemple dans lequel se trouveroit une
chose de chaque Logette du Bureau. Mais comme
cela nous meneroit trop loin , contentonsnous
de celui - cy : Mon Dieu , je vous aime bienè
Supposons qu'un Enfant connoît déja les lettres
simplement sans les sons , on lui fait ranger sur
le Bureau : m , o , n , D , i , c , u , j , e , v , o , u , s,
a , i , m , e , b e , n. S'il connoît les sons ,
en lui fait ranger de cette sorte ; m, on, D, i , eu,
j , e , v , ou , s , ai , m , e , b , i ,en.
S'il commence à lire , on lui fait ranger par
mots de cette maniere : mon , dans le pronom
possessif. Dieu , dans les noms substantifs . je,
dans le pronom de la premiere personne . vous
dans le pronom de la seconde personne. aime ,
dans les verbes François. bien , dans les indéclinables
François. Voilà pour la Langue Françoise,'
ainsi de même pour le Latin. Car les Logettes
pour le Latin sont aussi dans le Bureau . Il faut
donner le Thême tout fait à l'Enfant ; et en lui
faisant prendre mi dans la Logette des pronoms
possessifs , on lui fait remarquer que s'est le vocatif
: Deus , dans les noms substantifs Latins
&c. on doir en même- temps lui expliquer les
regles de la Sintaxe. Voilà à peu près à quoi se
réduit tout le Systême . L'Auteur ayant une fois
posé ses principes , pouvoit , par le moyen d'un
seul exemple , mettre le Lecteur au fait , et il se
seroit épargné la dépense d'un gros Livre , qui
dans l'état où il est , ne servira qu'à rebuter
ceux qui veulent sçavoir son Systême. J'ai l'hon
neur d'être , Monsieur , &c.
>
706 MERCURE DE FRANCE
Nota. Nous donnerons dans le mois prochain la
Réponse à cette Lettre , que la longueur ne nous
permet pas d'inserer ici . comme nous l'avions déja
promis sur cette matiere.
Fermer
Résumé : LETTRE de ..... à M. Pilleret, Maître d'Ecole à Cousance en Barrois, au sujet du Systême Typographique.
La lettre traite du Système Typographique, récemment publié dans un livre et disponible dans divers bureaux. L'auteur examine les critiques et les partisans du système, notant que les premiers approuvent sans discernement tandis que les seconds ne reconnaissent rien de bon. Il recommande d'évaluer le caractère de l'auteur, M. D. M., qui démontre un esprit de franchise et d'amour pour la patrie, visant à l'avancement de la jeunesse. L'auteur critique les écrivains qui cherchent la reconnaissance plutôt que l'utilité. Il souligne que, bien que le système typographique présente des avantages, il comporte des inconvénients majeurs, notamment la difficulté de son utilisation dans les écoles publiques. Ce système nécessite la présence constante du maître pour chaque élève, ce qui est impraticable avec un grand nombre d'élèves. Le texte mentionne également les dangers de l'inconstance et de la légèreté chez les enfants formés par ce système, ainsi que le risque de développer de la vanité et de l'amour-propre. Les enfants élevés selon ce système peuvent devenir impatients et moqueurs envers ceux qui ne suivent pas la même méthode. Concernant le livre, l'auteur note qu'il est aride et rebutant, malgré les efforts de l'auteur pour le rendre agréable. Le livre contient des disputes inutiles et des redites fréquentes, ce qui le rend peu attrayant pour les lecteurs. Le système typographique propose de nommer les lettres et les sons de manière spécifique pour faciliter la lecture et l'apprentissage des langues. Par exemple, les lettres comme le C peuvent avoir une double valeur selon leur position dans un mot. Le texte fournit un exemple pratique avec la phrase 'Mon Dieu, je vous aime bien' pour illustrer l'application du système. Le texte discute également d'une méthode pédagogique pour enseigner la grammaire latine. L'auteur suggère de présenter directement le thème à l'élève et de lui faire comprendre l'utilisation des pronoms possessifs et du vocatif dans les noms substantifs latins. Il insiste sur l'importance d'expliquer simultanément les règles de la syntaxe. Selon l'auteur, ce système pourrait être expliqué en un seul exemple, rendant ainsi inutile la publication d'un gros livre qui pourrait décourager les lecteurs intéressés par ce système. Le Mercure de France annonce qu'il publiera la réponse à cette lettre dans le mois suivant, en raison de la longueur qui ne permet pas son insertion immédiate.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 89-90
« Voici les quatre premiers vers d'un troisiéme Logogryphe que l'Auteur nous [...] »
Début :
Voici les quatre premiers vers d'un troisiéme Logogryphe que l'Auteur nous [...]
Mots clefs :
Logogriphe, Règles, Vers, Nom, Licence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Voici les quatre premiers vers d'un troisiéme Logogryphe que l'Auteur nous [...] »
Voici les quatre premiers vers d'un
troifiéme Logogryphe que l'Auteur nous
difpenfera d'inférer dans notre recueil.
Quatorze lettres en cinq membres renfermées
Me font une des villes les plus renommées.
Capitale d'un Empire Puiffant
Connue des anciens fous un nom différent.
Nous les citons exprès pour faire voir
à quel point on porte aujourd'hui l'oubli
des regles , & pour juftifier les plaintes
que nous avons faites à ce fujet dans le
fecond volume de Janvier . Nous fçavons
qu'une Enigme ou qu'unLogogryphe n'exi
90 MERCURE
DE FRANCE
.
pomgent
pas une exactitude
fcrupuleuſe
, mais
on doit au moins obferver la mefure . Souvent
on n'eft pas plus régulier pour des
piéces d'un gente plus élevé. On y rime
an hafard une profe des plus familieres
, & l'on lui donne fiérement
le nom de
Stances , quelquefois
même le titre
peux d'Ode. Le pis eft encore que cette
licence regne jufques dans des ouvrages
où brille d'ailleurs le vrai talent de la poéfie.
Nous fçavons qu'aux yeux de la raifon
une rime fauffe , ou une fyllabe de
trop ou de moins , font une petite taché , mais enfin c'en eft une ; & l'on eft d'autant
plus faché de la trouver dans de jolis
vers , qu'ils font faits
pour
& pour fervir de modele.
troifiéme Logogryphe que l'Auteur nous
difpenfera d'inférer dans notre recueil.
Quatorze lettres en cinq membres renfermées
Me font une des villes les plus renommées.
Capitale d'un Empire Puiffant
Connue des anciens fous un nom différent.
Nous les citons exprès pour faire voir
à quel point on porte aujourd'hui l'oubli
des regles , & pour juftifier les plaintes
que nous avons faites à ce fujet dans le
fecond volume de Janvier . Nous fçavons
qu'une Enigme ou qu'unLogogryphe n'exi
90 MERCURE
DE FRANCE
.
pomgent
pas une exactitude
fcrupuleuſe
, mais
on doit au moins obferver la mefure . Souvent
on n'eft pas plus régulier pour des
piéces d'un gente plus élevé. On y rime
an hafard une profe des plus familieres
, & l'on lui donne fiérement
le nom de
Stances , quelquefois
même le titre
peux d'Ode. Le pis eft encore que cette
licence regne jufques dans des ouvrages
où brille d'ailleurs le vrai talent de la poéfie.
Nous fçavons qu'aux yeux de la raifon
une rime fauffe , ou une fyllabe de
trop ou de moins , font une petite taché , mais enfin c'en eft une ; & l'on eft d'autant
plus faché de la trouver dans de jolis
vers , qu'ils font faits
pour
& pour fervir de modele.
Fermer
Résumé : « Voici les quatre premiers vers d'un troisiéme Logogryphe que l'Auteur nous [...] »
Le texte traite d'un logogryphe, un jeu littéraire composé de quatre vers, contenant quatorze lettres réparties en cinq mots. Ce logogryphe fait référence à une ville célèbre, capitale d'un puissant empire, connue des anciens sous un nom différent. L'auteur utilise cet exemple pour illustrer l'oubli des règles de la versification et justifier des critiques précédentes. Bien que les énigmes et logogryphes n'exigent pas une exactitude rigoureuse, il est essentiel de respecter la mesure. Le texte déplore également l'absence de régularité dans la rime, même dans des œuvres poétiques de qualité, où des rimes incorrectes ou des erreurs de syllabes sont fréquentes. Cette liberté est regrettable, surtout dans des œuvres servant de modèle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 103-106
PHILOSOPHIA, Adusum scholarum accommodata, authore Antonio SEGUY facræ Facultatis Parisiensis Licentiato Theologo, atque in studii Parisiensis Universitate Philosophiae Professore, docente in Collegio Marchiano. Logica. Parisiis, apud Dessaint & Saillant, viâ Sancti Joannis Bellovaci, Savoye, Barbou, Duchesne, Brocas, viâ Jacobeâ ; 1763 ; vol. in-12.
Début :
Depuis quelque tems le Public est inondé d'une multitude de projets sur [...]
Mots clefs :
Auteur, Logique, Règles, Érudition, Métaphysique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PHILOSOPHIA, Adusum scholarum accommodata, authore Antonio SEGUY facræ Facultatis Parisiensis Licentiato Theologo, atque in studii Parisiensis Universitate Philosophiae Professore, docente in Collegio Marchiano. Logica. Parisiis, apud Dessaint & Saillant, viâ Sancti Joannis Bellovaci, Savoye, Barbou, Duchesne, Brocas, viâ Jacobeâ ; 1763 ; vol. in-12.
PHILOSOPHIA , Adufum fcholarum
accommodata , authore Antonio SEGUY
facræ Facultatis Parifienfis
Licentiato Theologo , atque in ftudii
Parifienfis Univerfitate Philofophiae
Profeffore , docente in Collegio Mar
chiano . Logica. Parifiis , apud Deffaint
& Saillant , vid Sancti Joannis Bellovaci,
Savoye, Barbou, Duchefne, Brocas
, via Jacobea ; 1763 ; vol. in- 12:
Depuis quelque tems le Public eft
inondé d'une multitude de projets fur
l'enfeignement public & particulier ,
E iv
704 MERCURE DE FRANCE.
dans lefquels on propoſe de faire appren
dre aux enfans différentes parties de
la Philofophie. Les favans en rient ,
parce que les Auteurs de ces projets
fuppofent dans les enfans autant de
difpofitions & de force de raiſonnement
, qu'ils en ont eux-mêmes.
Quand on a enfeigné longtemps , on
fait par expérience , que ceux qui commencent
leur cours de Philofophie ,
n'y font prefque rien s'ils font trop jeunes
; & que les meilleurs efprits ont de
la peine , dans les commencements , à
faifir les raifonnemens les plus fimples ;
qu'il faut les former peu-à-peu à lier
deux idées enfemble , à concevoir leurs
rapports ; & c.
M. l'Abbé Seguy connu par fa
Métaphyfique en 2 vol . in 12 , dont
nos prédeceffeurs & les autres journaliftes
firent dans le tems beaucoup d'éloges
, & que les favans continuent à
eftimer & à rechercher , a donné une
Logique dans laquelle il fuit la méthode
la plus propre à l'inftruction des jeunes
gens . Il les prépare au raifonnement
par des définitions claires , 1 ° . fur les
idées , 2º . fur le langage , & les différentes
fortes de mots , 3 ° . fur le juge_
ment , 4° . fur les différentes fortes de
propofitions, où il explique ce qui eft n
FORAVRIL. 1763 105
ceffaire pour leur vérité , leur fauffeté ,
leur contradictoire. Cette partie fi né
ceffaire à la clarté & à la jufteffe de l'ef
prit, l'Auteur la traite avec plus d'exactitude
que
la Logique de Port- Royal ,
qu'on eftime fi fort par cet endroit.
Après ces notions néceffaires , il démontre
les régles des fyllogifmes fimples
& compofés , fait voir en peu de mots
quoi fe réduifent les régles d'Ariftote ,
celle de l'Art de penfer , & du P. Buffier.
Il finit cette première partie par
des régles de la méthode.
La fecondes Partie contient i quatre
Differtations : la premiére fur les fenfations
dans laquelle fes Sçavans trou
veront beaucoup de chofes qui leur
feront plaifir , entre- autres la réfutation
du Livre de l'Efpris & du Traité des
fenfations , avec beaucoup de queſtions
importantes & curieufes. La feconde
differtation eft fur les idées innées ,
vraies fauffes , claires , diftin &tes & c,
& fur l'évidence, La troifième fur tousles
-motifs de certitude , & fur la probabilité.
La quatriéme fur le doute et
Voilà une Logique complette , d'où
Auteur a banni les questions inutiles
qui dégoutoient les meilleurs efprits,
Tout y elt traité avec beaucoup de
E v
106 MERCURE DE FRANCE,
clarté , de précifion , & d'érudition. Cer
Ouvrage foutient la réputation que l'Auteur
a méritée par fa niétaphyfique .
Les trois volumes in -12 fe vendent
thez l'Auteur & chez les Libraires ci-
: it empls nomo
deffus nommés.
accommodata , authore Antonio SEGUY
facræ Facultatis Parifienfis
Licentiato Theologo , atque in ftudii
Parifienfis Univerfitate Philofophiae
Profeffore , docente in Collegio Mar
chiano . Logica. Parifiis , apud Deffaint
& Saillant , vid Sancti Joannis Bellovaci,
Savoye, Barbou, Duchefne, Brocas
, via Jacobea ; 1763 ; vol. in- 12:
Depuis quelque tems le Public eft
inondé d'une multitude de projets fur
l'enfeignement public & particulier ,
E iv
704 MERCURE DE FRANCE.
dans lefquels on propoſe de faire appren
dre aux enfans différentes parties de
la Philofophie. Les favans en rient ,
parce que les Auteurs de ces projets
fuppofent dans les enfans autant de
difpofitions & de force de raiſonnement
, qu'ils en ont eux-mêmes.
Quand on a enfeigné longtemps , on
fait par expérience , que ceux qui commencent
leur cours de Philofophie ,
n'y font prefque rien s'ils font trop jeunes
; & que les meilleurs efprits ont de
la peine , dans les commencements , à
faifir les raifonnemens les plus fimples ;
qu'il faut les former peu-à-peu à lier
deux idées enfemble , à concevoir leurs
rapports ; & c.
M. l'Abbé Seguy connu par fa
Métaphyfique en 2 vol . in 12 , dont
nos prédeceffeurs & les autres journaliftes
firent dans le tems beaucoup d'éloges
, & que les favans continuent à
eftimer & à rechercher , a donné une
Logique dans laquelle il fuit la méthode
la plus propre à l'inftruction des jeunes
gens . Il les prépare au raifonnement
par des définitions claires , 1 ° . fur les
idées , 2º . fur le langage , & les différentes
fortes de mots , 3 ° . fur le juge_
ment , 4° . fur les différentes fortes de
propofitions, où il explique ce qui eft n
FORAVRIL. 1763 105
ceffaire pour leur vérité , leur fauffeté ,
leur contradictoire. Cette partie fi né
ceffaire à la clarté & à la jufteffe de l'ef
prit, l'Auteur la traite avec plus d'exactitude
que
la Logique de Port- Royal ,
qu'on eftime fi fort par cet endroit.
Après ces notions néceffaires , il démontre
les régles des fyllogifmes fimples
& compofés , fait voir en peu de mots
quoi fe réduifent les régles d'Ariftote ,
celle de l'Art de penfer , & du P. Buffier.
Il finit cette première partie par
des régles de la méthode.
La fecondes Partie contient i quatre
Differtations : la premiére fur les fenfations
dans laquelle fes Sçavans trou
veront beaucoup de chofes qui leur
feront plaifir , entre- autres la réfutation
du Livre de l'Efpris & du Traité des
fenfations , avec beaucoup de queſtions
importantes & curieufes. La feconde
differtation eft fur les idées innées ,
vraies fauffes , claires , diftin &tes & c,
& fur l'évidence, La troifième fur tousles
-motifs de certitude , & fur la probabilité.
La quatriéme fur le doute et
Voilà une Logique complette , d'où
Auteur a banni les questions inutiles
qui dégoutoient les meilleurs efprits,
Tout y elt traité avec beaucoup de
E v
106 MERCURE DE FRANCE,
clarté , de précifion , & d'érudition. Cer
Ouvrage foutient la réputation que l'Auteur
a méritée par fa niétaphyfique .
Les trois volumes in -12 fe vendent
thez l'Auteur & chez les Libraires ci-
: it empls nomo
deffus nommés.
Fermer
Résumé : PHILOSOPHIA, Adusum scholarum accommodata, authore Antonio SEGUY facræ Facultatis Parisiensis Licentiato Theologo, atque in studii Parisiensis Universitate Philosophiae Professore, docente in Collegio Marchiano. Logica. Parisiis, apud Dessaint & Saillant, viâ Sancti Joannis Bellovaci, Savoye, Barbou, Duchesne, Brocas, viâ Jacobeâ ; 1763 ; vol. in-12.
Le texte présente 'Philosophia, Adufum fcholarum accommodata', un ouvrage de logique écrit par Antonio Seguy, licencié en théologie et professeur de philosophie à l'Université de Paris, enseignant au Collège Marchian. Publié en 1763, ce livre vise à instruire les jeunes en philosophie. Seguy critique les projets éducatifs qui surestiment les capacités des enfants et propose une méthode progressive pour les initier au raisonnement. L'ouvrage se distingue par des définitions claires sur les idées, le langage, le jugement et les propositions. Il traite des règles des syllogismes et des méthodes de pensée, simplifiant celles d'Aristote, de l'Art de penser et du Père Buffier. La première partie se conclut par des règles méthodologiques. La seconde partie comprend quatre dissertations : la première réfute des ouvrages sur les sensations, la seconde traite des idées innées et de l'évidence, la troisième aborde les motifs de certitude et la probabilité, et la quatrième explore le doute. L'ouvrage est loué pour sa clarté, sa précision et son érudition, renforçant la réputation de Seguy, déjà connue grâce à sa 'Métaphysique'. Les trois volumes sont disponibles chez l'auteur et chez plusieurs libraires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
PHILOSOPHIA, Adusum scholarum accommodata, authore Antonio SEGUY facræ Facultatis Parisiensis Licentiato Theologo, atque in studii Parisiensis Universitate Philosophiae Professore, docente in Collegio Marchiano. Logica. Parisiis, apud Dessaint & Saillant, viâ Sancti Joannis Bellovaci, Savoye, Barbou, Duchesne, Brocas, viâ Jacobeâ ; 1763 ; vol. in-12.