Résultats : 11 texte(s)
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1
p. 229-231
PORTRAIT.
Début :
Croyez, sans craindre de faire Un Jugement teméraire, [...]
Mots clefs :
Jugement, Portrait, Agrément, Bel esprit, Politesse, Modèle, Galanterie, Éclat, Visage, Cheveux, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT.
PORTRAIT.
Royez ,fans craindre defaire
On
Un Jugement teméraire,
Queje ne vous diray que des chofes defait.
Pour donc de mon Portrait
Commencer l'image agreable,
Fay beaucoup d'enjoûment,
Et dans ce que je fais je mefle un agré
ment
Qui merendfort aimable.
&A
Fay l'efprit vif, brillant, joly,
Qui cependant n'ôte rien du folide;
Fay le langage fi poly,
Que je paffe déja pour modelle & pour
guide:
M'eftant fort appliquée à lire les Romans ,
230
Extraordinaire
Fay tiré par bonheur de ces bonnes lectures
L'Art d'inventer à tous momens
Mille Contes, mille Avantures.
VA
cherche à m'enfaire conter;
Mais toute magalanterie
Neva qu'à la badinerie,
Mon deffein n'eft que d'écouter.
Ainfi mon humeur eft coquette,
Et maconduite ne l'eft pas;
En aimant lafleurette,
J'enfçais éviter l'embarras.
&A
Chez moy lefard n'eft point d'usage,
Car, grace au Ciel,
L'éclat de mon visage
Eft un Vermeillon naturel.
Jay lefront gros, qui porte en guife de
Moutonne
Des cheveux blondsfrifezfans art,
Mon nez n'eft ny long, ny camard,
Mes yeuxfont affez vifs pour n'épargner
perfonne,
du Mercure Galant.
zzī
Etferoient beaux s'ils eftoient moins
petits;
Fay la bouchefort belle
Lors que je ne ris pas, fort grande quand
je ris,
Et je ris, par malheur pour elle,
D'un rien, & d'une bagatelle.
RA
Fay le teint vif, délicat, éclatant,
La gorge bien garnie, & la main porelée,
Ma taille eftfort petite, & j'enfuis confolée,
Elle eftfine, & le reste eft affez ragouftant.
Ceux qui liront cesVers,feront ravis peuteftre
De pouvoiraisément connoistre
Si je ne leur impoſe rien;
Qu'ils s'informent, je le veux bien,
Sij'ay ce prétendu mérite;
Et pourmarquer que j'aime ce party,
Qu'ils apprennent mon nom ; pour eftre
un peu petite,
On m'a donné celuy de RAT- GENTY.
Royez ,fans craindre defaire
On
Un Jugement teméraire,
Queje ne vous diray que des chofes defait.
Pour donc de mon Portrait
Commencer l'image agreable,
Fay beaucoup d'enjoûment,
Et dans ce que je fais je mefle un agré
ment
Qui merendfort aimable.
&A
Fay l'efprit vif, brillant, joly,
Qui cependant n'ôte rien du folide;
Fay le langage fi poly,
Que je paffe déja pour modelle & pour
guide:
M'eftant fort appliquée à lire les Romans ,
230
Extraordinaire
Fay tiré par bonheur de ces bonnes lectures
L'Art d'inventer à tous momens
Mille Contes, mille Avantures.
VA
cherche à m'enfaire conter;
Mais toute magalanterie
Neva qu'à la badinerie,
Mon deffein n'eft que d'écouter.
Ainfi mon humeur eft coquette,
Et maconduite ne l'eft pas;
En aimant lafleurette,
J'enfçais éviter l'embarras.
&A
Chez moy lefard n'eft point d'usage,
Car, grace au Ciel,
L'éclat de mon visage
Eft un Vermeillon naturel.
Jay lefront gros, qui porte en guife de
Moutonne
Des cheveux blondsfrifezfans art,
Mon nez n'eft ny long, ny camard,
Mes yeuxfont affez vifs pour n'épargner
perfonne,
du Mercure Galant.
zzī
Etferoient beaux s'ils eftoient moins
petits;
Fay la bouchefort belle
Lors que je ne ris pas, fort grande quand
je ris,
Et je ris, par malheur pour elle,
D'un rien, & d'une bagatelle.
RA
Fay le teint vif, délicat, éclatant,
La gorge bien garnie, & la main porelée,
Ma taille eftfort petite, & j'enfuis confolée,
Elle eftfine, & le reste eft affez ragouftant.
Ceux qui liront cesVers,feront ravis peuteftre
De pouvoiraisément connoistre
Si je ne leur impoſe rien;
Qu'ils s'informent, je le veux bien,
Sij'ay ce prétendu mérite;
Et pourmarquer que j'aime ce party,
Qu'ils apprennent mon nom ; pour eftre
un peu petite,
On m'a donné celuy de RAT- GENTY.
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Résumé : PORTRAIT.
Le texte décrit une personne au caractère agréable et aimable, dotée d'un esprit vif et brillant. Elle se distingue par un langage poli, influencé par la lecture de romans, ce qui lui permet d'inventer des contes et des aventures. Elle apprécie les histoires mais évite les compliments excessifs, préférant la badinerie. Son comportement est coquet, mais elle évite les embarras en aimant les flatteries légères. Physiquement, elle ne porte pas de fard, car son visage a un éclat naturel. Elle possède un front large avec des cheveux blonds frisés naturellement, un nez ni long ni camard, et des yeux vifs. Sa bouche est belle lorsqu'elle ne rit pas, mais devient grande lorsqu'elle rit facilement. Son teint est vif et délicat, sa gorge bien garnie, et sa main délicate. Sa taille est petite, mais elle est fine et le reste de sa personne est agréable. Le texte se conclut par une invitation à vérifier ses qualités, révélant que son nom est Rat-Genty.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1788
PORTRAIT DE PHILIS.
Début :
Qu'en vous on voit briller de charmes ! [...]
Mots clefs :
Beauté, Portrait
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE PHILIS.
PORTRAIT DE PHILIS.
Q
U'en vous on voit briller de charmes !
On ne balance point à vous rendre les armes.
Quel vifage ! quels yeux ! quel éclat de beauté !
Quel air ! quelle vivacité !
Voilà , Philis , votre portrait fidele ;
Mais l'amour à mes yeux vous peint encor plus
belle.
Par M. L'Affichard.
Q
U'en vous on voit briller de charmes !
On ne balance point à vous rendre les armes.
Quel vifage ! quels yeux ! quel éclat de beauté !
Quel air ! quelle vivacité !
Voilà , Philis , votre portrait fidele ;
Mais l'amour à mes yeux vous peint encor plus
belle.
Par M. L'Affichard.
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3
p. [1903]-1912
PORTRAIT DE L'HOMME.
Début :
Las de perdre le tems à lire des Volumes, [...]
Mots clefs :
Homme, Repos, Âme, Coeur, Yeux
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE L'HOMME.
PORTRAIT,
ZOON
DE L'HOMME.
As de perdre le tems à lire des Volu
mes ,
Et de gâter fans fin du papier & desi
plumes ,
Pour conferver les yeux que le Ciel t'a donnés
Abandonne , Daphnis , tęs travaux obftinés.
Il vaut mieux déformais embraffer une étude
Qui donne plus de fruit & moins d'inquiétude
A ij Les
1904 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs ont des fens où l'on ne peut entrer
Et des nuits que l'efprit ne fçauroit penetrer ;
Plus on devient fçavant , plus on eft plein de
doutes ;
On s'égare enchemin , pour avoir tro p de routes
Et loin de parvenir jufqu'à la verité ,
On s'éloigne , on fe perd à force de clarté.
Permets que l'homme feul foit l'objet de tes veilles
;
Contemple la Nature , admires ſes merveilles
Et comparant enſemble & fes biens & ſes maux
Juge de fa grandeur même par fes défauts.
Je vais , pour applanir cette rude carriere ,
T'ébaucher de mes Vers l'importante matiere,
L'homme eft un noeud fubtil , dont fans un grand
Lecours ,
€
On ne peut demêler les plis & les detours ;;
On ne fçauroit à fond tracer fon caractere ;
Tout au dedans eft nuit , tout au dehors mistere;
Il fe cherche , il s'évite , il s'aime , il fe deplaît ,
Et lorfqu'il s'examine , il ne fçait ce qu'il eft.
Il fent bien toutes fois que dans fon ame impure
It conferve l'inftinct d'une heureuſe nature >
fes momens reveillent tous dans fon coeur
que
Les reftes d'un état qui fut plein de bonheur.
Rien ne peut arracher du ſein de fa mémoire
Les marques du débris de fa premiere gloire ;
Un veftige leger , un fillon délicat
Lui préfente toujours l'ombre de cet étag ;
Et
Ses
SEPTEMBRE. 1730. 1905
Ses fens ingénieux à réparer fa perte
Font paffer mille objets dans fon ame deferte
Joindre à fon Etre feul tous les Etres divers ,
Et dans ce petit monde entrer tout l'Univers .
Mais par Les
propres fens , fon ame mal fervic
Ne trouve point de bien qui borne ſon envie.
Ils ont beau fe charger de la Terre & des Cieux
Pour tâcher de remplir ce vuide ſpacieux ,
Tout ce qui n'eft pas Dieu la laiffe toujours vuide
,
Et n'éteint point l'ardeur de fon défir avide :
Cette foif l'accompagne en tous lieux , en tous
tems
Et fes vaftes fouhaits ne font jamais contens.
Cependant, engagé dans une erreur extrême ,
Il fe croit tout rempli quand il l'eft de lui -même,'
Et que fa vanité par un foin decevant
Le fait grand à fes yeux & le groffit de vent.
Les Titres faftueux qu'il ente fur fon Etre
Lui cachent fa nature & le font méconnoître ;
C'eſt un maſque trompeur dont il fe contrefait ,
Et ce mafque eft pourtant ce qui le fatisfait.
On le voit quelquefois , erigeant fon idole ,
Promener fes grands noms de l'un à l'autre Pole
Et fans nul autre droit vouloir être adoré
De quiconque à fes yeux n'en eft pas honoré.
Mais qu'il tranche du grand , & qu'il faffe l'habile
,
D'abaiffer fa hauteur il n'eft que trop facile.
A j Qu'il
1906 MERCURE DE FRANCE
Qu'il porte fes regards dans cette immenſe Tour
Que le Soleil décrit en nous donnant le jour ;
Qu'il meſure des yeux ces machines roulantes
Qu'un luftre mandié rend claires & brillantes ,
Et qu'il compare enfin fous des yeux mieux ouverts
Ce qu'il a de matiere avec tout l'Univers ,
Que pourra - t'il alors à lui-même paroître
Qu'un âtome englouti dans l'ocean de l'être ?
Et qu'un ciron flottant entre le rien & Dieu
Dont la bonté l'a mis dans ce vafte milieu ?
Cet atôme orgueilleux , aidé d'autres atomes
Peut changer , dira-t'on , la face des Royaumes ,
Et quand rien ne s'oppofe à fon defir altier
On le voit décider du fort du monde entier.
Oui ; mais que fon pouvoir eft leger & fragile !
Un petit grain de fable , une vapeur fubtile ,
Que les yeux les plus fins ont peine à demêler ,
L'abat en un inftant , ou le fait chanceler.
C'eft en vain qu'élevé dans une haute place
Il brave des Deftins la fecrette menace ;
Une grimace , un mot le peut à tout propos
Enlever aux douceurs du plus profond repos.
Un fot que la Fortune a tiré de la bouë ,
Pour le faire monter au plus haut de ſa Rouë
Jure qu'il peut aller , fans changer de couleur ,
Du faîte de la gloire au comble du malheur ;
Mais fide l'embraffer la Fortune fe laffe ,
S'il
SEPTEMBRE. 1730. 1907
S'il fe voit accueilli de la moind re difgrace ,
Sa conftance peu propre à fouffrir un revers
Met fon coeur à la gêne , & ſa tête à l'envers. !
De quelque fermeté que l'homme foit capable
Un foufle le remuë , un accident l'accable ;
Il ne paroît conſtant dans ſa force d'efprit
Que dans des tems heureux , & lorfque tout lu
rit.
Pour fufpendre l'effort du plus rare génie ,
Je ne demande pas une force infinie ;
Tout ce qui vient heurter à la porte des fens
Peut rendre fes travaux ou vains ou languiffans;
Le voilà fur le point d'enfanter un miracle ;
Eh bien ! un Moucheron fans peine y met obſtacle
,
Et fon bourdonnement démontant fa raifon
L'oblige de quitter fa plume & fa maiſon .
Une ombre qui fuccede au faux jour qui l'éclaire
Le privant de l'aſpect de l'étoile Polaire ,
Il ne va qu'à tatons dans ſes raiſonnemens ;
L'amour propre toujours regle fes fentimens ;
Loin qu'un plaifir extrême arrête ſa pourſuite ,
Au lieu de s'y fixer , il en aime la fuite ,
Et les Jeux & les Ris ne lui font de beaux jours
Que parceque leur tems ne dure pas toujours.
Quand la douceur chez lui fans intervale abonde
,
Il ne fent point de gout au Nectar qui l'inonde
Un éclat vif & long importune fes yeux ,
A iiij
Un
1908 MERCURE DE FRANCE
Un chemin tout uni lui devient ennuyeux ;
Il veut trouver du haut & du bas dans la vie ;
Il veut que la clarté foit des ombres ſuivie ;
Et qu'un peu de travail ſe mêle à ſes plaifirs
,
Pour ranimer l'ardeur de fes mourans défirs.
Son coeur dans le repos ne trouve point de charmes
>
S'il n'eft le fruit tardif du trouble & des allarmes
,
Et la gloire pour lui ne peut avoir d'appas ,
S'il ne la voit briller au milieu des Combats.
Plus vite qu'un éclair , fans ceffe il paffe , il
erre ,
Du fouhait au dégoût , de la paix à la guerre ,
Le moindre paffe- temps étourdit fes regrets ,
Et le plus foible ennui rend fes plaifirs muets.
Un abord imprévu le releve ou l'opprime ;
Un trait inopiné le tue ou le ranime ;
Sa joye & fes plaifirs naiffent prefque de rien ,
peu de chofe fait ou fon mal ou fon bien .
Le jeune Licidas , vient de perdre ſa mere ;
Cette perte lui caufe une douleur amere :
Il eſt pâle , défait , il pouffe des fanglots ,
Et répand jour & nuit des larmes à grands
Et
flots ;
Si bien - tôt le hazard excite une cohuë
Qui l'oblige en paffant de détourner la vuë.
Ce foible amuſement fait taire fa douleur
Et
SEPTEMBRE. 1730. 1909
Et redonne à fon teint fa premiere couleur.
L'homme en fes changemens eft plus prompt
que la flamme ;
Il ne faut que toucher un reffort de fon ame ;
A cette heure'il eft doux , à cette autre il s'aid
grit ,
D'où lui vient cette humeur ? d'un petit tour
d'eſprit ;
Une fombre penfée , un bizare caprice ,
Altere fon vifage & le met au fupplice ;
Il n'eft point de penfée , il n'eft point de def
fein ,
Qu'un ombrage leger ne dérange foudain .
Il a beau confulter une glace polie ,
Il ne s'y voit jamais fans trouble & fans fo
lie
›
Et s'il découvre en lui quelqu'infenfible trait ,
D'une haute fageffe & d'un repos parfait ,
Sa raison dont la vuë en mille lieux guidée ,
Ne trouve point d'état fortable à cette idée ,
Reconnoît que fon coeur , dans les plus heureux
temps , (
Jouit d'une fortune expofées à equs vens.
Mais fon orgueil dément par fa délicateffe
L'aveu de fa raifon fur fa propre foibleffe
2
Et faſcinant les yeux par un charme trom
peur ,
Lui déguiſe un phantofme en folide bonheur,
Pour faire évanouir cette vaine chimere ,
A v E&
1910 MERCURE DE FRANCE
Et rendre à fes regards l'horreur de fa mifere
;
Il n'a qu'à rappeller la fuite de les jours ,
Et fe fuivre lui même en leur rapide cours ,
Il n'apporte en naiffant ni force ni fcience ,
Et fans en acquerir , il paffe fon enfance ;
La jeuneffe les livre à cent tyrans divers ,
Dont l'adreffe s'applique à lui cacher fes fers ;
Dans cet état fleuri fon coeur , fans le cons
noîrre ,
Change infenfiblement de prifon & de Maître
,
Et ne pouvant fouffrir qu'on lui faffe la Loi ,
Il obéït toujours , & n'eſt jamais à ſoi.
La colere l'émeût , le plaifir le chatouille ;
La vanité le flatte , & l'intrigue le broüille ;
Il s'éleve , il defcend , il s'écarte , il revient ;
A peine en même affiete uue heure le contient ;
Par la rapidité d'une invincible pente ;
Il fe laiffe entraîner vers l'objet qui le tente
Et donnant tout aux fens qu'il nourrit de
poiſon ,
Il prend ce qu'il lui plaît pour la droite raifon.
Que de faux préjugez , dans fon ame fé
duite ,
S'érigent fierement en régles de conduite !
Que d'épaiffes erreurs , & que d'entêtemens
Dérobent fa défaite aux plus forts argumens !
Il marche fans repos dans une nuit profonde ;
Il
SEPTEMBRE . 1730. 1911
Il flotte au gré des vens dans la Mer de ce
mónde
;
Tout eft écueil pour lui , tout lui fait avoüer
Qu'au moindre fort contraire il eft prêt d'é
chotier.
Quand il eft parvenu dans l'extrême vieilleffe ,
Ses défirs impuiffans atteſtent ſa foibleffe ;
Et de leurs doux objets ſe ſentant déſunir ;
Il s'y rattache encor par le reffouvenir.
Mais la Parque s'apprête à lever la barriere ;
Elle lui vient ouvrir une obfcure carriere ,
Dont l'immenſe étendue eft une éternité ,
Ou de malheurs affreux , ou de felicité.
Comment , regarde- t'il eft dangereux paffage
?
Quels Dieux invoque-t-il pour détourner l'orage
?
Helas prefque toujours on voit qu'en
étourdi ,
>
Faifant contre le Ciel le brave & le hardi ,
Et s'étant raffuré par ce vain artifice ,
La main devant les yeux , il court au préci
pice ,
Et d'un air intrépide , & fans étonnement ,
Va tenter le hazard de cet évenement.
C'eft de cette façon que l'homme Philofo
phe ,
Des malheurs de fa vie ourdit la Cataftrophe
,
Et que fans redouter fon Auteur ni fa fin ,
A vj
Il
1912 MERCURE DE FRANCE
Il fe livre aux rigueurs de fon dernier deftin.
Crains , Daphnis , d'encourir ce terrible défaſtre
;
La foi pour l'éviter nous fert de Phare &
d'Aftre ,
Elle démafqué l'homme & fon divin pinceau ,
Lui fait de fa nature un fidele Tableau.
Je devois l'emprunter pour t'en tracer l'image
;
Mais à ce foible effai , je borne mon ouvrage
,
Et je laiffe à ta main capable de travail ,
Le foin d'entrer un jour dans un plus long
détail.
Androl. Celeftin , âge de 87. ans.
ZOON
DE L'HOMME.
As de perdre le tems à lire des Volu
mes ,
Et de gâter fans fin du papier & desi
plumes ,
Pour conferver les yeux que le Ciel t'a donnés
Abandonne , Daphnis , tęs travaux obftinés.
Il vaut mieux déformais embraffer une étude
Qui donne plus de fruit & moins d'inquiétude
A ij Les
1904 MERCURE DE FRANCE
Les Auteurs ont des fens où l'on ne peut entrer
Et des nuits que l'efprit ne fçauroit penetrer ;
Plus on devient fçavant , plus on eft plein de
doutes ;
On s'égare enchemin , pour avoir tro p de routes
Et loin de parvenir jufqu'à la verité ,
On s'éloigne , on fe perd à force de clarté.
Permets que l'homme feul foit l'objet de tes veilles
;
Contemple la Nature , admires ſes merveilles
Et comparant enſemble & fes biens & ſes maux
Juge de fa grandeur même par fes défauts.
Je vais , pour applanir cette rude carriere ,
T'ébaucher de mes Vers l'importante matiere,
L'homme eft un noeud fubtil , dont fans un grand
Lecours ,
€
On ne peut demêler les plis & les detours ;;
On ne fçauroit à fond tracer fon caractere ;
Tout au dedans eft nuit , tout au dehors mistere;
Il fe cherche , il s'évite , il s'aime , il fe deplaît ,
Et lorfqu'il s'examine , il ne fçait ce qu'il eft.
Il fent bien toutes fois que dans fon ame impure
It conferve l'inftinct d'une heureuſe nature >
fes momens reveillent tous dans fon coeur
que
Les reftes d'un état qui fut plein de bonheur.
Rien ne peut arracher du ſein de fa mémoire
Les marques du débris de fa premiere gloire ;
Un veftige leger , un fillon délicat
Lui préfente toujours l'ombre de cet étag ;
Et
Ses
SEPTEMBRE. 1730. 1905
Ses fens ingénieux à réparer fa perte
Font paffer mille objets dans fon ame deferte
Joindre à fon Etre feul tous les Etres divers ,
Et dans ce petit monde entrer tout l'Univers .
Mais par Les
propres fens , fon ame mal fervic
Ne trouve point de bien qui borne ſon envie.
Ils ont beau fe charger de la Terre & des Cieux
Pour tâcher de remplir ce vuide ſpacieux ,
Tout ce qui n'eft pas Dieu la laiffe toujours vuide
,
Et n'éteint point l'ardeur de fon défir avide :
Cette foif l'accompagne en tous lieux , en tous
tems
Et fes vaftes fouhaits ne font jamais contens.
Cependant, engagé dans une erreur extrême ,
Il fe croit tout rempli quand il l'eft de lui -même,'
Et que fa vanité par un foin decevant
Le fait grand à fes yeux & le groffit de vent.
Les Titres faftueux qu'il ente fur fon Etre
Lui cachent fa nature & le font méconnoître ;
C'eſt un maſque trompeur dont il fe contrefait ,
Et ce mafque eft pourtant ce qui le fatisfait.
On le voit quelquefois , erigeant fon idole ,
Promener fes grands noms de l'un à l'autre Pole
Et fans nul autre droit vouloir être adoré
De quiconque à fes yeux n'en eft pas honoré.
Mais qu'il tranche du grand , & qu'il faffe l'habile
,
D'abaiffer fa hauteur il n'eft que trop facile.
A j Qu'il
1906 MERCURE DE FRANCE
Qu'il porte fes regards dans cette immenſe Tour
Que le Soleil décrit en nous donnant le jour ;
Qu'il meſure des yeux ces machines roulantes
Qu'un luftre mandié rend claires & brillantes ,
Et qu'il compare enfin fous des yeux mieux ouverts
Ce qu'il a de matiere avec tout l'Univers ,
Que pourra - t'il alors à lui-même paroître
Qu'un âtome englouti dans l'ocean de l'être ?
Et qu'un ciron flottant entre le rien & Dieu
Dont la bonté l'a mis dans ce vafte milieu ?
Cet atôme orgueilleux , aidé d'autres atomes
Peut changer , dira-t'on , la face des Royaumes ,
Et quand rien ne s'oppofe à fon defir altier
On le voit décider du fort du monde entier.
Oui ; mais que fon pouvoir eft leger & fragile !
Un petit grain de fable , une vapeur fubtile ,
Que les yeux les plus fins ont peine à demêler ,
L'abat en un inftant , ou le fait chanceler.
C'eft en vain qu'élevé dans une haute place
Il brave des Deftins la fecrette menace ;
Une grimace , un mot le peut à tout propos
Enlever aux douceurs du plus profond repos.
Un fot que la Fortune a tiré de la bouë ,
Pour le faire monter au plus haut de ſa Rouë
Jure qu'il peut aller , fans changer de couleur ,
Du faîte de la gloire au comble du malheur ;
Mais fide l'embraffer la Fortune fe laffe ,
S'il
SEPTEMBRE. 1730. 1907
S'il fe voit accueilli de la moind re difgrace ,
Sa conftance peu propre à fouffrir un revers
Met fon coeur à la gêne , & ſa tête à l'envers. !
De quelque fermeté que l'homme foit capable
Un foufle le remuë , un accident l'accable ;
Il ne paroît conſtant dans ſa force d'efprit
Que dans des tems heureux , & lorfque tout lu
rit.
Pour fufpendre l'effort du plus rare génie ,
Je ne demande pas une force infinie ;
Tout ce qui vient heurter à la porte des fens
Peut rendre fes travaux ou vains ou languiffans;
Le voilà fur le point d'enfanter un miracle ;
Eh bien ! un Moucheron fans peine y met obſtacle
,
Et fon bourdonnement démontant fa raifon
L'oblige de quitter fa plume & fa maiſon .
Une ombre qui fuccede au faux jour qui l'éclaire
Le privant de l'aſpect de l'étoile Polaire ,
Il ne va qu'à tatons dans ſes raiſonnemens ;
L'amour propre toujours regle fes fentimens ;
Loin qu'un plaifir extrême arrête ſa pourſuite ,
Au lieu de s'y fixer , il en aime la fuite ,
Et les Jeux & les Ris ne lui font de beaux jours
Que parceque leur tems ne dure pas toujours.
Quand la douceur chez lui fans intervale abonde
,
Il ne fent point de gout au Nectar qui l'inonde
Un éclat vif & long importune fes yeux ,
A iiij
Un
1908 MERCURE DE FRANCE
Un chemin tout uni lui devient ennuyeux ;
Il veut trouver du haut & du bas dans la vie ;
Il veut que la clarté foit des ombres ſuivie ;
Et qu'un peu de travail ſe mêle à ſes plaifirs
,
Pour ranimer l'ardeur de fes mourans défirs.
Son coeur dans le repos ne trouve point de charmes
>
S'il n'eft le fruit tardif du trouble & des allarmes
,
Et la gloire pour lui ne peut avoir d'appas ,
S'il ne la voit briller au milieu des Combats.
Plus vite qu'un éclair , fans ceffe il paffe , il
erre ,
Du fouhait au dégoût , de la paix à la guerre ,
Le moindre paffe- temps étourdit fes regrets ,
Et le plus foible ennui rend fes plaifirs muets.
Un abord imprévu le releve ou l'opprime ;
Un trait inopiné le tue ou le ranime ;
Sa joye & fes plaifirs naiffent prefque de rien ,
peu de chofe fait ou fon mal ou fon bien .
Le jeune Licidas , vient de perdre ſa mere ;
Cette perte lui caufe une douleur amere :
Il eſt pâle , défait , il pouffe des fanglots ,
Et répand jour & nuit des larmes à grands
Et
flots ;
Si bien - tôt le hazard excite une cohuë
Qui l'oblige en paffant de détourner la vuë.
Ce foible amuſement fait taire fa douleur
Et
SEPTEMBRE. 1730. 1909
Et redonne à fon teint fa premiere couleur.
L'homme en fes changemens eft plus prompt
que la flamme ;
Il ne faut que toucher un reffort de fon ame ;
A cette heure'il eft doux , à cette autre il s'aid
grit ,
D'où lui vient cette humeur ? d'un petit tour
d'eſprit ;
Une fombre penfée , un bizare caprice ,
Altere fon vifage & le met au fupplice ;
Il n'eft point de penfée , il n'eft point de def
fein ,
Qu'un ombrage leger ne dérange foudain .
Il a beau confulter une glace polie ,
Il ne s'y voit jamais fans trouble & fans fo
lie
›
Et s'il découvre en lui quelqu'infenfible trait ,
D'une haute fageffe & d'un repos parfait ,
Sa raison dont la vuë en mille lieux guidée ,
Ne trouve point d'état fortable à cette idée ,
Reconnoît que fon coeur , dans les plus heureux
temps , (
Jouit d'une fortune expofées à equs vens.
Mais fon orgueil dément par fa délicateffe
L'aveu de fa raifon fur fa propre foibleffe
2
Et faſcinant les yeux par un charme trom
peur ,
Lui déguiſe un phantofme en folide bonheur,
Pour faire évanouir cette vaine chimere ,
A v E&
1910 MERCURE DE FRANCE
Et rendre à fes regards l'horreur de fa mifere
;
Il n'a qu'à rappeller la fuite de les jours ,
Et fe fuivre lui même en leur rapide cours ,
Il n'apporte en naiffant ni force ni fcience ,
Et fans en acquerir , il paffe fon enfance ;
La jeuneffe les livre à cent tyrans divers ,
Dont l'adreffe s'applique à lui cacher fes fers ;
Dans cet état fleuri fon coeur , fans le cons
noîrre ,
Change infenfiblement de prifon & de Maître
,
Et ne pouvant fouffrir qu'on lui faffe la Loi ,
Il obéït toujours , & n'eſt jamais à ſoi.
La colere l'émeût , le plaifir le chatouille ;
La vanité le flatte , & l'intrigue le broüille ;
Il s'éleve , il defcend , il s'écarte , il revient ;
A peine en même affiete uue heure le contient ;
Par la rapidité d'une invincible pente ;
Il fe laiffe entraîner vers l'objet qui le tente
Et donnant tout aux fens qu'il nourrit de
poiſon ,
Il prend ce qu'il lui plaît pour la droite raifon.
Que de faux préjugez , dans fon ame fé
duite ,
S'érigent fierement en régles de conduite !
Que d'épaiffes erreurs , & que d'entêtemens
Dérobent fa défaite aux plus forts argumens !
Il marche fans repos dans une nuit profonde ;
Il
SEPTEMBRE . 1730. 1911
Il flotte au gré des vens dans la Mer de ce
mónde
;
Tout eft écueil pour lui , tout lui fait avoüer
Qu'au moindre fort contraire il eft prêt d'é
chotier.
Quand il eft parvenu dans l'extrême vieilleffe ,
Ses défirs impuiffans atteſtent ſa foibleffe ;
Et de leurs doux objets ſe ſentant déſunir ;
Il s'y rattache encor par le reffouvenir.
Mais la Parque s'apprête à lever la barriere ;
Elle lui vient ouvrir une obfcure carriere ,
Dont l'immenſe étendue eft une éternité ,
Ou de malheurs affreux , ou de felicité.
Comment , regarde- t'il eft dangereux paffage
?
Quels Dieux invoque-t-il pour détourner l'orage
?
Helas prefque toujours on voit qu'en
étourdi ,
>
Faifant contre le Ciel le brave & le hardi ,
Et s'étant raffuré par ce vain artifice ,
La main devant les yeux , il court au préci
pice ,
Et d'un air intrépide , & fans étonnement ,
Va tenter le hazard de cet évenement.
C'eft de cette façon que l'homme Philofo
phe ,
Des malheurs de fa vie ourdit la Cataftrophe
,
Et que fans redouter fon Auteur ni fa fin ,
A vj
Il
1912 MERCURE DE FRANCE
Il fe livre aux rigueurs de fon dernier deftin.
Crains , Daphnis , d'encourir ce terrible défaſtre
;
La foi pour l'éviter nous fert de Phare &
d'Aftre ,
Elle démafqué l'homme & fon divin pinceau ,
Lui fait de fa nature un fidele Tableau.
Je devois l'emprunter pour t'en tracer l'image
;
Mais à ce foible effai , je borne mon ouvrage
,
Et je laiffe à ta main capable de travail ,
Le foin d'entrer un jour dans un plus long
détail.
Androl. Celeftin , âge de 87. ans.
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Résumé : PORTRAIT DE L'HOMME.
Le texte 'Portrait, Zoön de l'Homme' examine la nature humaine complexe et contradictoire. L'auteur suggère de se concentrer sur l'étude de l'homme plutôt que de lire des ouvrages inutiles. Il observe que plus on acquiert de connaissances, plus on est rempli de doutes et on risque de s'égarer. L'homme est comparé à un nœud subtil, difficile à démêler, se cherchant et s'évitant à la fois. Il est sujet à des sentiments contradictoires, s'aimant et se déplaisant, et ignorant sa propre nature lorsqu'il s'examine. L'homme conserve un instinct de nature heureuse, mais ses sens ingénieux ne trouvent pas de bien qui satisfait son envie. Il est perpétuellement insatisfait et trompé par sa vanité. Il se croit grand et utilise des masques trompeurs pour se contrefaire. Bien qu'il puisse influencer le sort du monde, son pouvoir est fragile et peut être renversé par des accidents mineurs. L'homme est inconstant et changeant, passant rapidement du bonheur au malheur. Il est sujet à des humeurs capricieuses et trouve du charme dans le trouble et les alarmes. Sa raison est souvent troublée par des pensées légères. L'auteur conclut en recommandant la foi comme moyen d'éviter les malheurs de la vie et de tracer un portrait fidèle de la nature humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2379-2380
PORTRAIT DE L'AMANT. Fait par Madame de B...
Début :
Des yeux noirs & de blonds cheveux, [...]
Mots clefs :
Amant, Portrait, Nature
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE L'AMANT. Fait par Madame de B...
PORTRAIT DE L'AMANT.
Fait
par
Madame de B ...
DEs yeux noirs & de blonds cheveur ,
Des dents blanches comme l'yvoire ,
Un fouris doux & gracieux ,
De l'efprit & de la mémoire ,
Se préfenter très- noblement ;
C'est le portrait de mon Amant
Une élégante propreté
Fait tout le foin de ſa parure ;
• Il n'eft rien en lui d'affecté ,
On y voit la fimple nature
Cij
Sans
2380 MERCURE DE FRANCE
Sans détour , fans déguiſement ;
C'eft le portrait de mon Amant.
Sçavoir tout & parler fort bien
Exceller dans l'art de fe taire ,
Ne décider jamais fur rien ,
Se prêter au difcours vulgaire ,
N'avoir jamais d'entêtement ;
C'eſt le portrait de mon Amant.
'Amant conftant , fidele ami
Genereux , difcret & fincere
Ne fervir jamais à demi ,
Délicat dans le doux miſtere ,
Des feftins faire l'ornement ;"
C'eft le portrait de mon Amant.
4
L'on doit aimer jufqu'au tombeau
Ce Chef-d'oeuvre de la nature ;
Vit- on jamais rien de fi beau ?
D'un Dieu même c'eft la peinture,
Ne choififfez point autrement ,
Belles , qui voulez un Amant.
Fait
par
Madame de B ...
DEs yeux noirs & de blonds cheveur ,
Des dents blanches comme l'yvoire ,
Un fouris doux & gracieux ,
De l'efprit & de la mémoire ,
Se préfenter très- noblement ;
C'est le portrait de mon Amant
Une élégante propreté
Fait tout le foin de ſa parure ;
• Il n'eft rien en lui d'affecté ,
On y voit la fimple nature
Cij
Sans
2380 MERCURE DE FRANCE
Sans détour , fans déguiſement ;
C'eft le portrait de mon Amant.
Sçavoir tout & parler fort bien
Exceller dans l'art de fe taire ,
Ne décider jamais fur rien ,
Se prêter au difcours vulgaire ,
N'avoir jamais d'entêtement ;
C'eſt le portrait de mon Amant.
'Amant conftant , fidele ami
Genereux , difcret & fincere
Ne fervir jamais à demi ,
Délicat dans le doux miſtere ,
Des feftins faire l'ornement ;"
C'eft le portrait de mon Amant.
4
L'on doit aimer jufqu'au tombeau
Ce Chef-d'oeuvre de la nature ;
Vit- on jamais rien de fi beau ?
D'un Dieu même c'eft la peinture,
Ne choififfez point autrement ,
Belles , qui voulez un Amant.
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Résumé : PORTRAIT DE L'AMANT. Fait par Madame de B...
Madame de B... décrit un amant idéalisé doté de traits physiques distinctifs : yeux noirs, cheveux blonds, dents blanches et un front gracieux. Il se distingue par une élégante propreté et une absence d'affectation, incarnant simplicité et authenticité. Son esprit et sa mémoire sont remarquables, et il excelle dans l'art du silence, évitant les décisions hâtives. Fidèle, constant, généreux, discret et sincère, il ne sert jamais à moitié et se montre délicat dans les moments intimes, ajoutant de l'éclat aux festins. Le texte le qualifie de chef-d'œuvre de la nature, digne d'amour jusqu'au tombeau, et le compare à la perfection d'un dieu. Les femmes sont encouragées à ne pas chercher autre chose si elles souhaitent un amant.
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5
p. 2381-2382
PORTRAIT DE LA MAITRESSE. Fait par M. d'Hautefeuille.
Début :
Deux rangs de perles dans la bouche, [...]
Mots clefs :
Portrait, Maîtresse, Plaire
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE LA MAITRESSE. Fait par M. d'Hautefeuille.
PORTRAIT DE LA MAITRESSE
Y
Fait
par M. d'Hautefeuilles
D
>
Eux rangs de perles dans la bouche,
Des cheveux noirs , de beaux yeux bleus
Un teint où la rofe fe couche
Un fourire miſterieux ,
L'air plein d'une fage nobleffe ;
C'eſt le portrait de ma Maîtreffe.
Toujours parée & fans parure ,
"Au -deffus des fecrets de l'art ,
-Des feules mains de la nature'
Elle fçait compofer fon fard
L'efprit ſouple & de la juſteſſe ;
Geft le portrait de ma Maitreffe.
Sans bruit , fans humeur , fans caprice }
Śçachant le monde fans l'aimer ;
Et n'ayant pour moi d'autre vice
Que de plaire & de tout charmer;
Un coeur neuf, & que feul je bleſſe
C'eſt le portrait de ma Maitreffe.
Douce , difcrete , genéreufe ,
Contente d'un engagement ,
Dans fa tendreffe ingénieufe
Cij
Elle
2382 MERCURE DE FRANCE
&
Elle fixeroit un Amant
Par fa feule délicateffe ;
C'eft le portrait de ma Maîtreffe.
La Mere du Dieu de Cythere
Fut moins aimée , eut moins d'attraits
Que la Beauté qui m'a fçû plaire ,
Et dont j'ébauche quelques traits :
Ne faites choix , tendre Jeuneffe ,
Que d'une pareille Maîtreffe.
Y
Fait
par M. d'Hautefeuilles
D
>
Eux rangs de perles dans la bouche,
Des cheveux noirs , de beaux yeux bleus
Un teint où la rofe fe couche
Un fourire miſterieux ,
L'air plein d'une fage nobleffe ;
C'eſt le portrait de ma Maîtreffe.
Toujours parée & fans parure ,
"Au -deffus des fecrets de l'art ,
-Des feules mains de la nature'
Elle fçait compofer fon fard
L'efprit ſouple & de la juſteſſe ;
Geft le portrait de ma Maitreffe.
Sans bruit , fans humeur , fans caprice }
Śçachant le monde fans l'aimer ;
Et n'ayant pour moi d'autre vice
Que de plaire & de tout charmer;
Un coeur neuf, & que feul je bleſſe
C'eſt le portrait de ma Maitreffe.
Douce , difcrete , genéreufe ,
Contente d'un engagement ,
Dans fa tendreffe ingénieufe
Cij
Elle
2382 MERCURE DE FRANCE
&
Elle fixeroit un Amant
Par fa feule délicateffe ;
C'eft le portrait de ma Maîtreffe.
La Mere du Dieu de Cythere
Fut moins aimée , eut moins d'attraits
Que la Beauté qui m'a fçû plaire ,
Et dont j'ébauche quelques traits :
Ne faites choix , tendre Jeuneffe ,
Que d'une pareille Maîtreffe.
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Résumé : PORTRAIT DE LA MAITRESSE. Fait par M. d'Hautefeuille.
Le texte décrit une maîtresse, telle que la perçoit M. d'Hautefeuilles. Elle se distingue par des traits physiques marquants : des perles dans la bouche, des cheveux noirs, des yeux bleus, un teint rosé et un sourire énigmatique. Son élégance est naturelle et sans ostentation. Son esprit est flexible et équitable. Elle navigue dans la société sans l'apprécier vraiment, son seul défaut étant de vouloir plaire et charmer. Elle réserve son cœur au narrateur, se montrant douce, discrète et généreuse. Sa beauté et ses qualités surpassent celles de la mère du dieu de Cythère. Le narrateur recommande aux jeunes femmes de choisir une maîtresse de cette trempe.
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6
p. 1040-1042
A MADEMOISELLE S***
Début :
Travailler à votre Portrait, [...]
Mots clefs :
Portrait, Peinture, Traits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE S***
A MADEMOISELLE S ***
Travailler à votre Portrait ,
C'est , je Péprouve assez , une rude entreprise.
Mille difficultez s'offrent à mon projet ,
Mais le tendre amour l'authorise ;
Quoique ce Dieu s'en mêle , il pourroit arrivere
Que dans les Traits de ma peinture ,
On ne puisse pas retrouver
Tous les dons que vous fit la prodigue nature ;.
Mais qui pourroit , s'en étonner !
Il est plus glorieux de choisir un modele ,
Qu'eut manqué le Pinceau d'Apelle ,
Que d'étre obligé de l'orner.
Si mon cœur pouvoit par lui même ,
Exécuter votre Portrait ,
Je le garantirois , ressemblant trait pour trait ,
Mais l'esprit qui n'a pas , cette justesse extrême
Et que vous connoissez pour être un barbouil
leur ,
N'a rien pû faire de meilleur.
Heureux, si des apas que vous faites paroître ,
J'en pouvois representer un >
En vous il n'est rien de commun ,
On ne pourroit vous méconnoître.
PRO
MAY 17320 104T
PORTRAIT.
Quand la nature manque , on a recours
Part,
Et de toute beauté , la louange ordinaire ,
Est qu'elle effaceroit la Reine de Cithere' ;
Mon Pinceau ne tient point de fard ,
Il me suffit d'être sincere.
Sans avoir de Venus , la divine beauté,
S *** est aussi ravissante ;
L'exacte régularité ,
N'est pas toujours assez touchante.
Tous ses traits ne sont pas également finis
Mais ils sont si bien assortis ,,
Que leur ensemble nous enchante ;
Ses yeux , par qui le Dieu des cœurs
Semble nous dire des douceurs
Vailent ses cruautez d'une feinte tendresse ;
Un charme secret interesse
A tout ce qu'elle dit , et mon cœur malheureux,
S'étonne que l'amour assis dessus sa bouche,
Lui souffre de donner tant d'Arrêts rigoureux ;
En des objets communs, un rien peut être heu
reux ,
Mais en elle , ce rien nous touche
Je m'en rapporte à tous les yeux.
Ces
1042 MERCURE DE FRANCE
Ses Cheveux terniroient la couleur agréable ,
a
De ceux qui brillent dans les cieux , ( « )
Et leur arrangement simple, mais convenable
N'a rien à désirer des soins industrieux.
Sa tailie est libre , avantageuse ,
Elle a cet air enfin qui n'a rien d'imparfait
Et dont la nature est soigneuse
De cacher à l'art le secret.
Son sexe curieux de plaire ,
Demande aux Dieux ses graces , ses at¬ traits ;
Le nôtre , qui lui rend un tribut volontaire ,
Voudroit la voir toujours ou ne la voir jamais.
Pourtant quand on la quitte , après l'avoir con nuë ,
Le regret de ne la plus voir
Se tourneroit en désespoir ,
Si l'ame n'étoit soûtenuë
Par le tendre pla sir qu'on sent à l'avoir vuë.
Qui mieux que moi peut le savoir à
Elle dispute à Philomelle
Le charme délicat d'une brillante voix.
O vous qui de l'amour redoutez le Carquois
Ou qui ne voulez point devenir infidelle ,
Deffendez-vous d'entendre et de voir cette Belle
Ou bien di posez-vous à recevoir ses loix.
(a) La Chevelure de Berenice
Travailler à votre Portrait ,
C'est , je Péprouve assez , une rude entreprise.
Mille difficultez s'offrent à mon projet ,
Mais le tendre amour l'authorise ;
Quoique ce Dieu s'en mêle , il pourroit arrivere
Que dans les Traits de ma peinture ,
On ne puisse pas retrouver
Tous les dons que vous fit la prodigue nature ;.
Mais qui pourroit , s'en étonner !
Il est plus glorieux de choisir un modele ,
Qu'eut manqué le Pinceau d'Apelle ,
Que d'étre obligé de l'orner.
Si mon cœur pouvoit par lui même ,
Exécuter votre Portrait ,
Je le garantirois , ressemblant trait pour trait ,
Mais l'esprit qui n'a pas , cette justesse extrême
Et que vous connoissez pour être un barbouil
leur ,
N'a rien pû faire de meilleur.
Heureux, si des apas que vous faites paroître ,
J'en pouvois representer un >
En vous il n'est rien de commun ,
On ne pourroit vous méconnoître.
PRO
MAY 17320 104T
PORTRAIT.
Quand la nature manque , on a recours
Part,
Et de toute beauté , la louange ordinaire ,
Est qu'elle effaceroit la Reine de Cithere' ;
Mon Pinceau ne tient point de fard ,
Il me suffit d'être sincere.
Sans avoir de Venus , la divine beauté,
S *** est aussi ravissante ;
L'exacte régularité ,
N'est pas toujours assez touchante.
Tous ses traits ne sont pas également finis
Mais ils sont si bien assortis ,,
Que leur ensemble nous enchante ;
Ses yeux , par qui le Dieu des cœurs
Semble nous dire des douceurs
Vailent ses cruautez d'une feinte tendresse ;
Un charme secret interesse
A tout ce qu'elle dit , et mon cœur malheureux,
S'étonne que l'amour assis dessus sa bouche,
Lui souffre de donner tant d'Arrêts rigoureux ;
En des objets communs, un rien peut être heu
reux ,
Mais en elle , ce rien nous touche
Je m'en rapporte à tous les yeux.
Ces
1042 MERCURE DE FRANCE
Ses Cheveux terniroient la couleur agréable ,
a
De ceux qui brillent dans les cieux , ( « )
Et leur arrangement simple, mais convenable
N'a rien à désirer des soins industrieux.
Sa tailie est libre , avantageuse ,
Elle a cet air enfin qui n'a rien d'imparfait
Et dont la nature est soigneuse
De cacher à l'art le secret.
Son sexe curieux de plaire ,
Demande aux Dieux ses graces , ses at¬ traits ;
Le nôtre , qui lui rend un tribut volontaire ,
Voudroit la voir toujours ou ne la voir jamais.
Pourtant quand on la quitte , après l'avoir con nuë ,
Le regret de ne la plus voir
Se tourneroit en désespoir ,
Si l'ame n'étoit soûtenuë
Par le tendre pla sir qu'on sent à l'avoir vuë.
Qui mieux que moi peut le savoir à
Elle dispute à Philomelle
Le charme délicat d'une brillante voix.
O vous qui de l'amour redoutez le Carquois
Ou qui ne voulez point devenir infidelle ,
Deffendez-vous d'entendre et de voir cette Belle
Ou bien di posez-vous à recevoir ses loix.
(a) La Chevelure de Berenice
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Résumé : A MADEMOISELLE S***
L'auteur d'une lettre évoque les défis rencontrés en peignant le portrait d'une demoiselle. Il reconnaît que son œuvre ne pourra peut-être pas rendre justice à tous ses dons naturels, mais il choisit de rester fidèle à son modèle plutôt que d'ajouter des artifices. Il admire la beauté unique de la demoiselle, notant que ses traits, bien que non parfaitement réguliers, sont harmonieusement assortis et enchanteurs. Il met en avant ses yeux, sa voix et un charme secret qui touchent profondément. La lettre se conclut par un avertissement aux lecteurs de se méfier de l'amour que la demoiselle inspire, comparant sa voix à celle de Philomèle.
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7
p. 875-877
LETTRE de M. D.... à Mad. la Marquise de Saint A... en lui envoyant le Portrait en Vers de Mlle Malcrais de la Vigne. / PORTRAIT DE MLLE MALCRAIS DE LA VIGNE.
Début :
Il y a long-temps, Madame, que vous m'avez demandé le Portrait de / A la plus touchante Beauté, [...]
Mots clefs :
Portrait, Mlle Malcrais de La Vigne, Vers
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D.... à Mad. la Marquise de Saint A... en lui envoyant le Portrait en Vers de Mlle Malcrais de la Vigne. / PORTRAIT DE MLLE MALCRAIS DE LA VIGNE.
LETTRE de M. D.... à Mad. la
Marquise de Saint A ... en lui envoyant
Le Portrait en Vers de Mlle Malcrais
de la Vigne.
L
I y a long - temps , Madame , que
vous m'avez demandé le Portrait de
Mile Malcrais de la Vigne , qui vous est
connue si avantageusement par ses Ouvrages
, par les jolies choses qu'elle a
données au Public ; et il y a long- temps
que moi - même j'ai eû l'honneur de vous
le promettre. Mais des obstacles invincibles
m'ont empêché jusqu'ici de satis
faire une curiosité aussi aimable que la
vôtre. Les Peintres d'un certain goût sont
très- rares en basse Bretagne ; que viendroient-
ils y chercher ? Quelle sorte de
hazard les y attireroit ? Et cependant ,
Madame , vous sçavez que pour peindre
une Deshoulieres , il ne faut rien moins
qu'une
36 MERCURE DE FRANCE
qu'une Cheron. Pour bien représenter
un objet distingué , il faut un Pinceau
qui donne de la vie et une sorte d'ame
à tout ce qu'il touche. Tel seroit le Portrait
de Mlle Malcrais de la Vigne , si
j'avois trouvé une main assez legere et
assez sçavante pour le tracer. Mais cette
main , j'aurois dû m'y attendre , m'a manqué
tout-à- fait. A son défaut , contentez
vous d'un Portait en Vers , et pour tout
dire , d'un Portrait de ma façon. J'avoûë ,
Madame , que c'est perdre au change et
y perdre infiniment. Les Vers ne disent
point tout ce qu'on sent à la vûë d'une
personne aimable , tout ce qu'elle inspire.
A peine méritent- ils d'être comparez à
une gravûre , à qui manque cette expression
de la verité que donne le coloris.
PORTRAIT
DE MLLE MALCRAIS DE LA VIGNE
A La plus touchante Beauté ,
Joindre un air de délicatesse ;
Pour s'entendre louer sans cesse ,
Ne point avoir plus de fierté ;
Voyez le Poëme qui commence par ces mots ,
La sçavante Cheron , &c. parmi les Oeuvres de
Mad. Deshoulieres.
Des
MAY. $739 1733.
Des Vers qu'enfante le Génie ,
Se faire un doux amusement ;
Dans une lecture choisie
Trouver toujours de l'Agrément ;
A ces fleurs qu'offre le Parnasse
Donner encore un nouveau prix ,
Pour en couronner avec grace ,
Ceux qui brillent par leurs Ecrits ;
Sçavoir penser dans le bel âge
Où l'on pense si rarement ,
Et de l'amoureux badinage .
Se défendre avec jugement ;
Etre toujours ce qu'on doit être ,
Dérober encor plus d'esprit ,
Qu'en parlant on n'en fait paroître ;
Laisser douter quand on soûrit ,
Si l'on approuve ou si l'on blâme ,
Rallier enfin dans son ame ,
Tout ce qu'offrent de plus flateur ,
Et le bon sens et le bon coeur.
Voila , me direz-vous , une belle chimere ,
Un objet recherché , peint des plus nobles traits į
Non , de l'adorable Malcrais ,
C'est l'image naïve et le vrai caractere,
Marquise de Saint A ... en lui envoyant
Le Portrait en Vers de Mlle Malcrais
de la Vigne.
L
I y a long - temps , Madame , que
vous m'avez demandé le Portrait de
Mile Malcrais de la Vigne , qui vous est
connue si avantageusement par ses Ouvrages
, par les jolies choses qu'elle a
données au Public ; et il y a long- temps
que moi - même j'ai eû l'honneur de vous
le promettre. Mais des obstacles invincibles
m'ont empêché jusqu'ici de satis
faire une curiosité aussi aimable que la
vôtre. Les Peintres d'un certain goût sont
très- rares en basse Bretagne ; que viendroient-
ils y chercher ? Quelle sorte de
hazard les y attireroit ? Et cependant ,
Madame , vous sçavez que pour peindre
une Deshoulieres , il ne faut rien moins
qu'une
36 MERCURE DE FRANCE
qu'une Cheron. Pour bien représenter
un objet distingué , il faut un Pinceau
qui donne de la vie et une sorte d'ame
à tout ce qu'il touche. Tel seroit le Portrait
de Mlle Malcrais de la Vigne , si
j'avois trouvé une main assez legere et
assez sçavante pour le tracer. Mais cette
main , j'aurois dû m'y attendre , m'a manqué
tout-à- fait. A son défaut , contentez
vous d'un Portait en Vers , et pour tout
dire , d'un Portrait de ma façon. J'avoûë ,
Madame , que c'est perdre au change et
y perdre infiniment. Les Vers ne disent
point tout ce qu'on sent à la vûë d'une
personne aimable , tout ce qu'elle inspire.
A peine méritent- ils d'être comparez à
une gravûre , à qui manque cette expression
de la verité que donne le coloris.
PORTRAIT
DE MLLE MALCRAIS DE LA VIGNE
A La plus touchante Beauté ,
Joindre un air de délicatesse ;
Pour s'entendre louer sans cesse ,
Ne point avoir plus de fierté ;
Voyez le Poëme qui commence par ces mots ,
La sçavante Cheron , &c. parmi les Oeuvres de
Mad. Deshoulieres.
Des
MAY. $739 1733.
Des Vers qu'enfante le Génie ,
Se faire un doux amusement ;
Dans une lecture choisie
Trouver toujours de l'Agrément ;
A ces fleurs qu'offre le Parnasse
Donner encore un nouveau prix ,
Pour en couronner avec grace ,
Ceux qui brillent par leurs Ecrits ;
Sçavoir penser dans le bel âge
Où l'on pense si rarement ,
Et de l'amoureux badinage .
Se défendre avec jugement ;
Etre toujours ce qu'on doit être ,
Dérober encor plus d'esprit ,
Qu'en parlant on n'en fait paroître ;
Laisser douter quand on soûrit ,
Si l'on approuve ou si l'on blâme ,
Rallier enfin dans son ame ,
Tout ce qu'offrent de plus flateur ,
Et le bon sens et le bon coeur.
Voila , me direz-vous , une belle chimere ,
Un objet recherché , peint des plus nobles traits į
Non , de l'adorable Malcrais ,
C'est l'image naïve et le vrai caractere,
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Résumé : LETTRE de M. D.... à Mad. la Marquise de Saint A... en lui envoyant le Portrait en Vers de Mlle Malcrais de la Vigne. / PORTRAIT DE MLLE MALCRAIS DE LA VIGNE.
La lettre de M. D.... à Madame la Marquise de Saint A... traite de l'envoi du portrait en vers de Mlle Malcrais de la Vigne. La Marquise avait demandé ce portrait depuis longtemps, mais des obstacles, notamment la rareté des peintres de talent en Basse-Bretagne, ont retardé sa réalisation. M. D.... souligne la nécessité d'un artiste exceptionnel pour peindre une personne distinguée. En l'absence de tel artiste, il propose un portrait en vers, qu'il reconnaît moins expressif qu'une peinture. Le portrait en vers décrit Mlle Malcrais de la Vigne comme une personne à la beauté touchante et à l'air délicat, évitant la fierté malgré ses talents. Elle apprécie les vers inspirés par le génie, trouve du plaisir dans la lecture choisie et sait couronner les écrivains brillants. Elle pense avec sagesse à un âge où cela est rare et se défend avec jugement contre les badinages amoureux. Elle sait également cacher son esprit et laisse douter de ses approbations ou désapprobations. Enfin, elle allie bon sens et bon cœur, offrant une image naïve et véritable de sa personnalité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 884-885
PORTRAIT DE MLLE C***. Par M. Carolet.
Début :
Ce n'est point à Phébus que j'adresse mes voeux, [...]
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texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE MLLE C***. Par M. Carolet.
PORTRAIT DE MLLE C ***
Par M. Carolet.
E n'est point à Phébus que j'adresse mes
CE voeux
Pour faire le Portrait de l'aimable Uranie ;
L'Amour , le seul Amour , qui regne dans ses
yeux ,
Doit fertiliser mon génie.
Ce Dieu qui sçait si bien la graver dans les
coeurs ,
Mais
De mon foible Pinceau peut seconder l'audace ,
Que vais- je faire, hélas ! quelle frayeur me glace
Je redoute l'éclat de ses attrats vainqueurs.
que dis je tentons cette noble entreprise ,
Aux avides regards exposons ce Tableau ;
Qu'on manque ce Portrait , il sera toujours beaus
D'un seul trait entrevû l'ame doit être éprise,
Commençons et d'abord peignons cette douceur,
Qui saisissant les yeux , sçait maîtriser le coeur ,
Cette naïveté toute spirituelle ,
Et ce je ne sçai quoi , qui , joint à lafierté ,
Fait de la beauté naturelle ,
L'Ecueil fatal de notre liberté;
De l'objet que je peins ce sont les moindres
@harmes
Charmes
MAY. 1733. 889
Charmes pourtant à qui tout rend les armes ,
Qui surs de la victoire enchaînent les Mortels ,
Et disputent aux Dieux l'Encens et les Autels.
Mais sur des appas plus solides ,
Jettons nos regards étonnez ,
Les Ris modostement timides ,
Relevent des talens par cent vertus ornez ;
La sagesse , trésor aussi rare qu'utile ,
Est un don qu'Uranie eut pour lot en naissant ,
Son esprit , ses discours , ont un charme puis
sant ,
Qui dans les coeurs trouve un accès facile .
Mais ou m'emporte mon ardeur ,
Je suis sûr de déplaire à là belle Uranie ,
Je n'ai consulté que mon coeur
Sans consulter sa modestie,
Par M. Carolet.
E n'est point à Phébus que j'adresse mes
CE voeux
Pour faire le Portrait de l'aimable Uranie ;
L'Amour , le seul Amour , qui regne dans ses
yeux ,
Doit fertiliser mon génie.
Ce Dieu qui sçait si bien la graver dans les
coeurs ,
Mais
De mon foible Pinceau peut seconder l'audace ,
Que vais- je faire, hélas ! quelle frayeur me glace
Je redoute l'éclat de ses attrats vainqueurs.
que dis je tentons cette noble entreprise ,
Aux avides regards exposons ce Tableau ;
Qu'on manque ce Portrait , il sera toujours beaus
D'un seul trait entrevû l'ame doit être éprise,
Commençons et d'abord peignons cette douceur,
Qui saisissant les yeux , sçait maîtriser le coeur ,
Cette naïveté toute spirituelle ,
Et ce je ne sçai quoi , qui , joint à lafierté ,
Fait de la beauté naturelle ,
L'Ecueil fatal de notre liberté;
De l'objet que je peins ce sont les moindres
@harmes
Charmes
MAY. 1733. 889
Charmes pourtant à qui tout rend les armes ,
Qui surs de la victoire enchaînent les Mortels ,
Et disputent aux Dieux l'Encens et les Autels.
Mais sur des appas plus solides ,
Jettons nos regards étonnez ,
Les Ris modostement timides ,
Relevent des talens par cent vertus ornez ;
La sagesse , trésor aussi rare qu'utile ,
Est un don qu'Uranie eut pour lot en naissant ,
Son esprit , ses discours , ont un charme puis
sant ,
Qui dans les coeurs trouve un accès facile .
Mais ou m'emporte mon ardeur ,
Je suis sûr de déplaire à là belle Uranie ,
Je n'ai consulté que mon coeur
Sans consulter sa modestie,
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Résumé : PORTRAIT DE MLLE C***. Par M. Carolet.
Le poème 'Portrait de Mlle C ***' a été écrit par M. Carolet en mai 1733. L'auteur y exprime son admiration pour une jeune femme nommée Uranie, dont la beauté et les qualités intérieures l'inspirent. Il reconnaît que l'Amour, présent dans les yeux d'Uranie, doit guider son écriture. L'auteur avoue sa crainte de ne pas rendre justice à la beauté et aux charmes d'Uranie, mais il décide de tenter de décrire sa douceur, sa naïveté spirituelle et sa fierté, qui forment une beauté naturelle irrésistible. Il mentionne également les talents, les vertus et la sagesse d'Uranie, des dons rares et utiles. Le poème se termine par une réflexion sur l'ardeur de l'auteur, qui craint de déplaire à Uranie en ne consultant que son propre cœur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 47
PORTRAIT DE Mlle D... OU L'AMOUR GRAVEUR.
Début :
L'Amour est un enfant, mais l'amour sçait tout faire. [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Graveur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE Mlle D... OU L'AMOUR GRAVEUR.
PORTRAIT DE Mlle D ...
O U
L'AMOUR GRAVEUR.
L'Amour eft un enfant , mais l'amour ſçait tout
faire.
Je fuis , dit-il un jour excellent Orateur ,
Bon Muficien , bon Peintre , bon rimeur ;
Un ſeul talent me manque , & c'eſt une miſere ;
Je n'ai jamais gravé : je veux être graveur.
L'Artiſte ingénieux prend une flèche , un coeur ,
Et d'une main délicate & légere ,
Il y deffine un front où regne la candeur ,
Un oeil vif & charmant où brille la douceur
Une bouche ſemblable à celle de fa mere.
L'amour dans ce qu'il fait ignore la lenteur.
L'ouvrage en peu de tems fut tel qu'il devoit
être ,
Et le petit deffinateur
Dit en s'applaudiffant : j'ai fait un coup de maî
tre !
Voilà le plus joli minois ,
L'air le plus fin , les plus beaux traits du monde ;
Mais feroit-ce une erreur ? & qu'est -ce que je vois?
C'eft le portrait de Life , & le coeur de L... ois !
Le pauvre coeur en tient ;la gravure eft profonde.
O U
L'AMOUR GRAVEUR.
L'Amour eft un enfant , mais l'amour ſçait tout
faire.
Je fuis , dit-il un jour excellent Orateur ,
Bon Muficien , bon Peintre , bon rimeur ;
Un ſeul talent me manque , & c'eſt une miſere ;
Je n'ai jamais gravé : je veux être graveur.
L'Artiſte ingénieux prend une flèche , un coeur ,
Et d'une main délicate & légere ,
Il y deffine un front où regne la candeur ,
Un oeil vif & charmant où brille la douceur
Une bouche ſemblable à celle de fa mere.
L'amour dans ce qu'il fait ignore la lenteur.
L'ouvrage en peu de tems fut tel qu'il devoit
être ,
Et le petit deffinateur
Dit en s'applaudiffant : j'ai fait un coup de maî
tre !
Voilà le plus joli minois ,
L'air le plus fin , les plus beaux traits du monde ;
Mais feroit-ce une erreur ? & qu'est -ce que je vois?
C'eft le portrait de Life , & le coeur de L... ois !
Le pauvre coeur en tient ;la gravure eft profonde.
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Résumé : PORTRAIT DE Mlle D... OU L'AMOUR GRAVEUR.
Le texte 'Portrait de Mlle D...' utilise la métaphore artistique pour décrire l'amour comme un enfant doué voulant maîtriser la gravure. Un artiste crée une gravure représentant Mlle de S..., mais l'amour découvre qu'elle touche le cœur de M. de L...ois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 46-55
Portrait d'un honnête homme.
Début :
C'est moi-même qui me dépeins ici, non pas par ostentation, mais par [...]
Mots clefs :
Coeur, Vertu, Plaisir, Esprit, Homme, Bonté, Bonheur, Société, Amour, Goût
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Portrait d'un honnête homme.
Portrait d'un honnête homme.
' Eft moi - même qui me dépeins ici ,
non pas par oftentation , mais par
franchife : auffi ce n'eft pas l'efprit , mais
le coeur feul , qui a part à ce portrait.
Je commence , où j'ai commencé à être
homme.
Nous apportons tous en naiffant une
efpece de vertu , les uns plus , les autres
moins , fuivant les occurrences. Cette vertu
eft fauvage ; il faut la rectifier par le
goût , & la plier aux moeurs du fiecle , fi
on veut faire membre dans la fociété. La
vertu que le ciel m'a donné en partage , eft
un fonds de bonté inaltérable . Si j'avois eu
une éducation telle que je me fens en état de
la donner , j'aurois connu ce caractere , &
je ne me ferois pas égaré dans ma philofophie.
J'ai eu des paffions que je prenois
fans doute pour des goûts , & des caprices
que j'appellois peut- être vivacité d'efprit
; ajoutons à ces défauts une inconftance
invincible , un dégoût pour ce que j'avois
le plus aimé. Avec de telles imperfections
, je n'étois guere bon à rien de folide
ni d'agréable : avec de la vertu de la bonté,
du génie & de l'efprit , n'être d'aucun
DECEMBRE. 1755. 47
avantage pour la fociété ni pour foi , on
trouvera cela fingulier : auffi mon caractere
eft- il un vrai paradoxe .
Ce que j'avois de bon eft resté en friche :
le mauvais a pris le deffus , & m'a entraîné.
Les ſciences ont eu de l'attrait pour
mon efprit. Je m'y fuis livré fans jugement.
Je les dévorois. Je les ai effleurées prefque
toutes . Mais enfin j'en ai connu le vuide,
Ma raiſon a paru , & a diffipé ce goût
prématuré. A préfent , c'eft dans le fond
de mon coeur que je cherche la nature :
c'eſt- là où fe place le vrai bonheur . J'ai
profcrit mes livres de fciences ; je ne lis
que ceux qui peuvent me former le
coeur & l'efprit.
Je me fuis fait un fiftême de bonheur: aimer
& être aimé. J'ai cru qu'il étoit facile de
fe faire aimer , quand on aimoit facile
ment. J'agiffois en conféquence . J'aimois
dans toute la franchiſe de mon coeur , &
je n'étois pas aimé , parce que j'aimois
trop. C'eft quelquefois un défaut de laiffer
voir le fond de fon coeur , quand il
péche par un excès de bonté.
Comme je n'ai ni ambition , ni pru
dence , ni politique , on me tourne comme
l'on veut . On me trompe fans que je
m'en apperçoive. Je ne fçais pas primer ;
je n'ai jamais pu attraper ce ton d'impor
48 MERCURE DE FRANCE.
tance , ces airs fuffifans , enfans de la fublime
vanité , cet art délicat de fe faire
craindre & défirer tout à la fois.
Cependant ces petits défauts galans , ce
mérite ridicule eft effentiel pour la fociété.
( La belle fociété s'entend ce qu'on appelle
le grand monde. ) J'euſſe brillé , ſi j'avois
voulu ceffer d'être bon , & acquérir un
peu de fauffeté & d'amour-propre ; mais
ce ne pouvoit être qu'aux dépens des
biens que la nature a mis dans mon coeur.
Que le ciel me puniffe , fi jamais je facrifie
ces tréfors précieux ! On m'appellera
bizarre , mifantrope , fauvage , j'aurai
toujours quelques amis qui penferont comme
moi , & à qui je m'ouvrirai fans paroître
ridicule. Je négligerai ma fortune ,
il eft vrai . Hé ! n'eft- on pas affez riche ,
quand on fçait fe contenter ? Je n'ai point
l'art de donner , ni de recevoir , ni de
demander ; cela empêche- t'il que je ne fois
libéral , reconnoiffant ? & c.
Avec un coeur fi tendre , on penſe bien
que j'ai fenti quelquefois les impreffions
de l'amour ; mais on penfe auffi que je
ne fuis pas un homme à bonnes fortunes.
Ce n'eft plus l'amour qui fait les intrigues.
amoureufes. Je penfe trop , pour être aimé
des femmes , & je fuis trop digne d'en être
aimé pour en être haï. Avare de mon tems ,
je
DECEMBRE . 1755 . 49
je néglige l'art des mines , & j'avoue tout
net que je ne fuis pas galant. Je ne laiffe
pourtant pas que d'eflayer la galanterie
avec fuccès , furtout quand l'humeur m'y
porte. Ce n'eft pas par goût , mais le devoir
focial l'exige : il m'eft facré . Ainſi je
fçais me conformer aux ufages les plus frivoles
, fans les adopter.
Je ne fuis pas pédant , mais j'ai du bon
fens ;je ne fuis pas fat ,mais je fçais le copier
; je ne fuis pas bel efprit , mais j'ai
des faillies heureuſes . Tout ce que je dis eft
utile : je ne fçais pas employer les termes
inutilement ; je m'en apperçois , lorfque
je fuis obligé de flatter une femme , & de
lui faire une déclaration d'amour fans
l'aimer.
Ma converfation avec les petits maîtres,
tarit tout de fuite , parce que je ne fçais
pas médire & faifir les ridicules : mon
caractere eft un emblême pour eux ; ils
y voyent une bonté qu'ils ne connoiffent
pas. Au contraire , je me plais avec le
Philofophe , & il fe plaît avec moi : c'eſt
ce qui m'a fait voir que je l'étois moimême.
Je parle également à l'homme de lettres
comme au fat , au riche comme au pauvre
, à l'heureux comme au malheureux :
il n'y a que le fot vraiment fot , & le fou
I. Vol. C
30 MERCURE DE FRANCE.
vraiment fou , que j'évite foigneufement.
Je ne me flatte jamais ; au contraire , il
m'en coute , pour convenir de mon mérite.
Ce n'eft pas par modeftie , mais par
défaut d'amour-propre . Que fçai -je ? Peutêtre
que je vaux bien des gens qui valent
quelque chofe. A l'âge de vingt- deux ans,
on ne s'eft point encore affez connu , on
n'a pas appris tout ce qu'on doit fçavoir ,
la raifon n'a pas atteint fon dégré de vigueur
, on n'a pas encore formě fon caractere.
La trop grande fougue des paffions
, le defir trop violent d'avoir da
plaifir , font qu'on néglige la ſcience de
la raifon , & qu'on court après la perte du
tems . On cherche à s'enlevelir dans la
volupté , non pas dans les réflexions . Ce
n'eft pas à mon âge que Platon réfléchiffoit
fi bien. Il fut peintre & poëte , &
fans doute voluptueux , avant que d'être
philofophe. Je l'imite peut-être, fans m'en
appercevoir. Quand on a des femences
de bonté , qu'on defire la vertu , &
qu'on fuce de bons principes , la fageffe
fe gliffe infenfiblement dans le coeur , &
l'on eft tout furpris de fe fentir embrafé
de ce feu divin .
Cependant je ne fuis pas en tour point
Thomme que j'ai nommé. Le bonheur
qu'il propofe , me paroît équivoque , à
DECEMBRE. 1755. S.E
moins que certains
plaifirs , que je me
permets
, ne foient les grades requis pour
parvenir
à fon bonheur
. En vain je m'abîme
dans l'étude , en vain j'approfondis
mon coeur , & je tâche d'y déchirer
le voile
qui m'en dérobe la connoiffance
, ce coeur
fe refuſe toujours
à mes réflexions
: je me
trouve caché à moi - même dans la profondeur
que j'y creufe. On connoît
la matiere
dont la nature fe fert , pour créer les
différens
êtres , on apperçoit
cette fage
mere, jufques
dans l'infecte
le plus abject;
on découvre
tous les jours des portions
de
notre globe , on découvre
des nouveaux
globes dans le ciel ; notre coeur feul nous
eſt inconnu
, & le fera toujours
, felon
toute apparence
, à moins que la bonté
fouveraine
ne prenne pitié de notre mifere.
La morale que j'avois embraffée , m'entraînoit
dans une mélancolie trop funefte ,
pour ne pas m'en dégager. Mais en fottant
de ce labyrinthe , il falloit craindre un
contraire. Le pas eft gliffant , comme on
fçait . L'homme en quittant un extrême ,
tombe dans un autre extrême. La raifon
qui l'avoit guidé pour fe débarraffer d'une
vertu trop auftere , le quitte dans le beau
chemin ; il craint , s'égare , chancele , tombe
dans le tolérantiſme.
Peut- être fais je là le récit de mon
·
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
crime. Je puis protefter du moins que j'ai
fait mon poffible pour m'aflurer dans ce
fentier étroit , qui fe trouve entre les deux
gouffres. Les amis de la vertu pourront
m'avertir fi j'ai failli : il leur importe
autant qu'à moi que je fois parfait ; à
eux , pour avoir en moi un modele de fageffe
; à moi , pour mon bonheur. Faſſe le
monarque de nos amis , qu'on puiffe dire
de moi , qu'il a exifté un fage en France
comme à Athenes .
Dorénavant je fuivrai volontiers Montagne.
Ce fage voluptueux pénetre mon
ame d'une rofée qui me rend toujours
content. Je puife chez lui , ( du moins je
le crois ) des fentimens élevés , dont le
progrès m'étonne. Voici la maniere d'être.
heureux , qu'il m'a comme infinuée : ni
Stoïcien , ni parfait Epicurien , je regarde
le malheur d'un oeil ftoïque , & le bonheur
d'un oeil épicurien . Plus fenfible au
plaifir qu'à la peine , & plus à la pitié qu'au
plaifir , je fçais jouir de ce dernier , maist
jamais aux dépens de la vertu je fçais
m'en arracher quand mon devoir l'exige .
Je fuis la peine & cherche le plaifir : mais
pour moi , la privation du plaifir n'eft pas
une peine , & l'exemption de la peine eft
un plaifir. Je ne connois que les plaifirs
du coeur & de l'efprit ; je fuis affez EpicuDECEMBRE
. 1755. 53
rien pour les préparer , les compofer , les
étudier , les raffiner. Quelquefois le fens
s'y mêle , mais ce n'eft que comme l'agent
de l'ame : je ne cherche que la tranquillité
de la mienne , & je crois que le plaifir en
eft la compagne inféparable ; il faut en
calculer les dégrés de vivacité , fuivant fa
propre fenfibilité . Quoiqu'extrême , par
rapport à l'imagination , un petit plaifit
varié à propos & avec goût , me tient dans
la douce férénité qui me convient. Pourrendre
un peuple parfaitement heureux ,
il devroit y avoir dans l'Etat une conftitution
fondamentale , qui commît des Philofophes
pour combiner ce rapport du climat
au plaifir , & en difpenfer au peuple
une qualité gratuite. Je fçais par ma propre
expérience , que ce plaifir au lieu d'énerver
l'ame , l'éleve au contraire , & la
rend plus propre à fes devoirs. Suivant.ce
plan , je fuis à l'abri des traits de la fortune.
Sans m'affujettir à la méthode des voluptueux
du fiecle , je trouve le moyen de
diminuer mes peines , & de doubler mes
plaifirs ; & par - là , je me rapproche de la
pureté de la nature . Enfin je refpecte la
vertu , la patrie , la fociété ; j'adore la
juftice , l'égalité , la liberté ; j'aime la fanté
, les plaifirs , mes amis ; je ne hais que
le vice.
' Eft moi - même qui me dépeins ici ,
non pas par oftentation , mais par
franchife : auffi ce n'eft pas l'efprit , mais
le coeur feul , qui a part à ce portrait.
Je commence , où j'ai commencé à être
homme.
Nous apportons tous en naiffant une
efpece de vertu , les uns plus , les autres
moins , fuivant les occurrences. Cette vertu
eft fauvage ; il faut la rectifier par le
goût , & la plier aux moeurs du fiecle , fi
on veut faire membre dans la fociété. La
vertu que le ciel m'a donné en partage , eft
un fonds de bonté inaltérable . Si j'avois eu
une éducation telle que je me fens en état de
la donner , j'aurois connu ce caractere , &
je ne me ferois pas égaré dans ma philofophie.
J'ai eu des paffions que je prenois
fans doute pour des goûts , & des caprices
que j'appellois peut- être vivacité d'efprit
; ajoutons à ces défauts une inconftance
invincible , un dégoût pour ce que j'avois
le plus aimé. Avec de telles imperfections
, je n'étois guere bon à rien de folide
ni d'agréable : avec de la vertu de la bonté,
du génie & de l'efprit , n'être d'aucun
DECEMBRE. 1755. 47
avantage pour la fociété ni pour foi , on
trouvera cela fingulier : auffi mon caractere
eft- il un vrai paradoxe .
Ce que j'avois de bon eft resté en friche :
le mauvais a pris le deffus , & m'a entraîné.
Les ſciences ont eu de l'attrait pour
mon efprit. Je m'y fuis livré fans jugement.
Je les dévorois. Je les ai effleurées prefque
toutes . Mais enfin j'en ai connu le vuide,
Ma raiſon a paru , & a diffipé ce goût
prématuré. A préfent , c'eft dans le fond
de mon coeur que je cherche la nature :
c'eſt- là où fe place le vrai bonheur . J'ai
profcrit mes livres de fciences ; je ne lis
que ceux qui peuvent me former le
coeur & l'efprit.
Je me fuis fait un fiftême de bonheur: aimer
& être aimé. J'ai cru qu'il étoit facile de
fe faire aimer , quand on aimoit facile
ment. J'agiffois en conféquence . J'aimois
dans toute la franchiſe de mon coeur , &
je n'étois pas aimé , parce que j'aimois
trop. C'eft quelquefois un défaut de laiffer
voir le fond de fon coeur , quand il
péche par un excès de bonté.
Comme je n'ai ni ambition , ni pru
dence , ni politique , on me tourne comme
l'on veut . On me trompe fans que je
m'en apperçoive. Je ne fçais pas primer ;
je n'ai jamais pu attraper ce ton d'impor
48 MERCURE DE FRANCE.
tance , ces airs fuffifans , enfans de la fublime
vanité , cet art délicat de fe faire
craindre & défirer tout à la fois.
Cependant ces petits défauts galans , ce
mérite ridicule eft effentiel pour la fociété.
( La belle fociété s'entend ce qu'on appelle
le grand monde. ) J'euſſe brillé , ſi j'avois
voulu ceffer d'être bon , & acquérir un
peu de fauffeté & d'amour-propre ; mais
ce ne pouvoit être qu'aux dépens des
biens que la nature a mis dans mon coeur.
Que le ciel me puniffe , fi jamais je facrifie
ces tréfors précieux ! On m'appellera
bizarre , mifantrope , fauvage , j'aurai
toujours quelques amis qui penferont comme
moi , & à qui je m'ouvrirai fans paroître
ridicule. Je négligerai ma fortune ,
il eft vrai . Hé ! n'eft- on pas affez riche ,
quand on fçait fe contenter ? Je n'ai point
l'art de donner , ni de recevoir , ni de
demander ; cela empêche- t'il que je ne fois
libéral , reconnoiffant ? & c.
Avec un coeur fi tendre , on penſe bien
que j'ai fenti quelquefois les impreffions
de l'amour ; mais on penfe auffi que je
ne fuis pas un homme à bonnes fortunes.
Ce n'eft plus l'amour qui fait les intrigues.
amoureufes. Je penfe trop , pour être aimé
des femmes , & je fuis trop digne d'en être
aimé pour en être haï. Avare de mon tems ,
je
DECEMBRE . 1755 . 49
je néglige l'art des mines , & j'avoue tout
net que je ne fuis pas galant. Je ne laiffe
pourtant pas que d'eflayer la galanterie
avec fuccès , furtout quand l'humeur m'y
porte. Ce n'eft pas par goût , mais le devoir
focial l'exige : il m'eft facré . Ainſi je
fçais me conformer aux ufages les plus frivoles
, fans les adopter.
Je ne fuis pas pédant , mais j'ai du bon
fens ;je ne fuis pas fat ,mais je fçais le copier
; je ne fuis pas bel efprit , mais j'ai
des faillies heureuſes . Tout ce que je dis eft
utile : je ne fçais pas employer les termes
inutilement ; je m'en apperçois , lorfque
je fuis obligé de flatter une femme , & de
lui faire une déclaration d'amour fans
l'aimer.
Ma converfation avec les petits maîtres,
tarit tout de fuite , parce que je ne fçais
pas médire & faifir les ridicules : mon
caractere eft un emblême pour eux ; ils
y voyent une bonté qu'ils ne connoiffent
pas. Au contraire , je me plais avec le
Philofophe , & il fe plaît avec moi : c'eſt
ce qui m'a fait voir que je l'étois moimême.
Je parle également à l'homme de lettres
comme au fat , au riche comme au pauvre
, à l'heureux comme au malheureux :
il n'y a que le fot vraiment fot , & le fou
I. Vol. C
30 MERCURE DE FRANCE.
vraiment fou , que j'évite foigneufement.
Je ne me flatte jamais ; au contraire , il
m'en coute , pour convenir de mon mérite.
Ce n'eft pas par modeftie , mais par
défaut d'amour-propre . Que fçai -je ? Peutêtre
que je vaux bien des gens qui valent
quelque chofe. A l'âge de vingt- deux ans,
on ne s'eft point encore affez connu , on
n'a pas appris tout ce qu'on doit fçavoir ,
la raifon n'a pas atteint fon dégré de vigueur
, on n'a pas encore formě fon caractere.
La trop grande fougue des paffions
, le defir trop violent d'avoir da
plaifir , font qu'on néglige la ſcience de
la raifon , & qu'on court après la perte du
tems . On cherche à s'enlevelir dans la
volupté , non pas dans les réflexions . Ce
n'eft pas à mon âge que Platon réfléchiffoit
fi bien. Il fut peintre & poëte , &
fans doute voluptueux , avant que d'être
philofophe. Je l'imite peut-être, fans m'en
appercevoir. Quand on a des femences
de bonté , qu'on defire la vertu , &
qu'on fuce de bons principes , la fageffe
fe gliffe infenfiblement dans le coeur , &
l'on eft tout furpris de fe fentir embrafé
de ce feu divin .
Cependant je ne fuis pas en tour point
Thomme que j'ai nommé. Le bonheur
qu'il propofe , me paroît équivoque , à
DECEMBRE. 1755. S.E
moins que certains
plaifirs , que je me
permets
, ne foient les grades requis pour
parvenir
à fon bonheur
. En vain je m'abîme
dans l'étude , en vain j'approfondis
mon coeur , & je tâche d'y déchirer
le voile
qui m'en dérobe la connoiffance
, ce coeur
fe refuſe toujours
à mes réflexions
: je me
trouve caché à moi - même dans la profondeur
que j'y creufe. On connoît
la matiere
dont la nature fe fert , pour créer les
différens
êtres , on apperçoit
cette fage
mere, jufques
dans l'infecte
le plus abject;
on découvre
tous les jours des portions
de
notre globe , on découvre
des nouveaux
globes dans le ciel ; notre coeur feul nous
eſt inconnu
, & le fera toujours
, felon
toute apparence
, à moins que la bonté
fouveraine
ne prenne pitié de notre mifere.
La morale que j'avois embraffée , m'entraînoit
dans une mélancolie trop funefte ,
pour ne pas m'en dégager. Mais en fottant
de ce labyrinthe , il falloit craindre un
contraire. Le pas eft gliffant , comme on
fçait . L'homme en quittant un extrême ,
tombe dans un autre extrême. La raifon
qui l'avoit guidé pour fe débarraffer d'une
vertu trop auftere , le quitte dans le beau
chemin ; il craint , s'égare , chancele , tombe
dans le tolérantiſme.
Peut- être fais je là le récit de mon
·
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
crime. Je puis protefter du moins que j'ai
fait mon poffible pour m'aflurer dans ce
fentier étroit , qui fe trouve entre les deux
gouffres. Les amis de la vertu pourront
m'avertir fi j'ai failli : il leur importe
autant qu'à moi que je fois parfait ; à
eux , pour avoir en moi un modele de fageffe
; à moi , pour mon bonheur. Faſſe le
monarque de nos amis , qu'on puiffe dire
de moi , qu'il a exifté un fage en France
comme à Athenes .
Dorénavant je fuivrai volontiers Montagne.
Ce fage voluptueux pénetre mon
ame d'une rofée qui me rend toujours
content. Je puife chez lui , ( du moins je
le crois ) des fentimens élevés , dont le
progrès m'étonne. Voici la maniere d'être.
heureux , qu'il m'a comme infinuée : ni
Stoïcien , ni parfait Epicurien , je regarde
le malheur d'un oeil ftoïque , & le bonheur
d'un oeil épicurien . Plus fenfible au
plaifir qu'à la peine , & plus à la pitié qu'au
plaifir , je fçais jouir de ce dernier , maist
jamais aux dépens de la vertu je fçais
m'en arracher quand mon devoir l'exige .
Je fuis la peine & cherche le plaifir : mais
pour moi , la privation du plaifir n'eft pas
une peine , & l'exemption de la peine eft
un plaifir. Je ne connois que les plaifirs
du coeur & de l'efprit ; je fuis affez EpicuDECEMBRE
. 1755. 53
rien pour les préparer , les compofer , les
étudier , les raffiner. Quelquefois le fens
s'y mêle , mais ce n'eft que comme l'agent
de l'ame : je ne cherche que la tranquillité
de la mienne , & je crois que le plaifir en
eft la compagne inféparable ; il faut en
calculer les dégrés de vivacité , fuivant fa
propre fenfibilité . Quoiqu'extrême , par
rapport à l'imagination , un petit plaifit
varié à propos & avec goût , me tient dans
la douce férénité qui me convient. Pourrendre
un peuple parfaitement heureux ,
il devroit y avoir dans l'Etat une conftitution
fondamentale , qui commît des Philofophes
pour combiner ce rapport du climat
au plaifir , & en difpenfer au peuple
une qualité gratuite. Je fçais par ma propre
expérience , que ce plaifir au lieu d'énerver
l'ame , l'éleve au contraire , & la
rend plus propre à fes devoirs. Suivant.ce
plan , je fuis à l'abri des traits de la fortune.
Sans m'affujettir à la méthode des voluptueux
du fiecle , je trouve le moyen de
diminuer mes peines , & de doubler mes
plaifirs ; & par - là , je me rapproche de la
pureté de la nature . Enfin je refpecte la
vertu , la patrie , la fociété ; j'adore la
juftice , l'égalité , la liberté ; j'aime la fanté
, les plaifirs , mes amis ; je ne hais que
le vice.
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Résumé : Portrait d'un honnête homme.
Le texte présente un portrait introspectif d'un individu qui se décrit avec franchise. Il affirme que son portrait est guidé par le cœur plutôt que par l'esprit. Il reconnaît une vertu innée, sauvage, nécessitant d'être rectifiée par les mœurs du siècle pour s'intégrer à la société. Sa vertu principale est une bonté inaltérable, mais il admet des passions, des caprices et une inconsistance qui l'ont rendu inapte à des rôles solides ou agréables dans la société. L'auteur a été attiré par les sciences, mais les a trouvées vides. Il cherche désormais le bonheur dans le fond de son cœur, préférant les livres qui forment le cœur et l'esprit. Il s'est fixé un système de bonheur basé sur l'amour et le fait d'être aimé, bien qu'il ait souvent été déçu dans ses attentes. Il se décrit comme quelqu'un sans ambition, prudence ou politique, facilement manipulable et trompé. Il ne possède pas les qualités nécessaires pour briller dans la société, préférant rester bon et authentique. Il évite les médisances et les ridicules, se plaisant davantage en compagnie de philosophes. L'auteur reconnaît ses limites et ses défauts, tout en affirmant sa bonté et sa dignité. Il évite les flatteries inutiles et les déclarations d'amour insincères. Il parle à tous avec respect, évitant seulement les fous véritables. Il réfléchit sur sa jeunesse, marquée par la fougue des passions et le désir de plaisir, au détriment de la raison. Il aspire à une sagesse qui se glisse insensiblement dans le cœur. Cependant, il se trouve encore caché à lui-même, son cœur restant inconnu. Il critique la morale austère qui l'a conduit à une mélancolie funeste, et il craint de tomber dans le tolérantisme en cherchant à éviter les extrêmes. Il suit désormais Montaigne, cherchant un bonheur modéré, ni stoïcien ni épicurien extrême. Il privilégie les plaisirs du cœur et de l'esprit, calculant leur vivacité selon sa sensibilité. L'auteur respecte la vertu, la patrie, la société, la justice, l'égalité et la liberté, aimant la santé, les plaisirs et ses amis, tout en haïssant le vice.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 62-63
Portrait de M. Jean-Baptiste Bosc, Conseiller d'Etat, ancien Procureur-Général de la Cour des Aides, Chancélier-Garde des Sceaux de l'Ordre de S. Lazare, né le 29 Mars 1673, & mort le .... Août 1755.
Début :
Cet illustre Magistrat avoit une physionomie qui annonçoit toutes les [...]
Mots clefs :
Vertus, Jean-Baptiste Bosc, Conseiller d'État, Procureur général de la Cour des aides, Chancelier-garde des sceaux de l'Ordre de Saint-Lazare
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texteReconnaissance textuelle : Portrait de M. Jean-Baptiste Bosc, Conseiller d'Etat, ancien Procureur-Général de la Cour des Aides, Chancélier-Garde des Sceaux de l'Ordre de S. Lazare, né le 29 Mars 1673, & mort le .... Août 1755.
Portrait de M. Jean-Baptiste Bofc , Confeiller
d'Etat , ancien Procureur - Général de la
Cour des Aides , Chancelier - Garde des -
Sceaux de l'Ordre de S. Lazare , né le
29 Mars 1673 , & mort le .... Août
1755-
ET illuftre Magiftrat avoit une phy-
Cfionomie qui annonçoit toutes les
vertus de fon ame , & qui infpiroit à la
fois le refpect & la confiance.
La dignité de fon maintien n'avoit jamais
rien pris fur l'affabilité : fa politeffe
obligeoit & honoroit. Il avoit le langage
de la bonté & de la haute naiffance.
Quoiqu'il fût né avec beaucoup d'élévation
dans le caractere , l'orgueil n'avoit
jamais pu trouver entrée dans fon coeur ni
dans fes manieres.
Un profond refpect pour la religion
une équité reglée fur une parfaite connoiffance
des Loix , & un amour violent
pour le travail en ont fait pendant près
de cinquante ans un modele accompli pour
ceux qui voudront entrer dans la Magif
trature ; & toutes les actions de fa vie privée
pourront fervir d'exemple à l'humanité.
Cet accord parfait des plus grandes qua
DECEMBRE. 1755. 64
lités lui mérita à jufte titre l'eftime & l'amitié
de M. le Duc d'Orleans , Régent du
Royaume , & du Prince fon fils , dont le
zele & la piété feront à jamais l'édification
de toute l'Europe Chrétienne. Son efprit
& fes talens lui attirerent la confiance du
premier , & fes vertus la confidération du
fecond.
Compatiffant , libéral , bon pere , bon
mari , incomparable ami , croiroit - on
qu'avec de fi rares qualités il avoit cependant
éprouvé l'ingratitude ?
La fortune lui avoit fait auffi effuyer
fes caprices ; mais fes faveurs comme fes
difgraces n'ont fervi qu'à mettre les vertus
dans un plus beau jour.
A l'âge de quatre - vingt - deux ans il
montroit encore tout le feu de fa premiere
jeuneffe ; & dans les occafions où il s'agiffoit
d'obliger , il employoit tout fon
crédit pour
le foulagement des malheureux
,
Sa converfation étoit délicieuſe , fes
lettres charmantes ; il y peignoit la gaieté
naturelle de fon efprit , & la candeur de
fes moeurs.
2
Sa bonne fanté & le voeu public faifoient
efperer qu'avec la fageffe de Neftor
il en verroit les années .
Par une Dame de fes amies.
d'Etat , ancien Procureur - Général de la
Cour des Aides , Chancelier - Garde des -
Sceaux de l'Ordre de S. Lazare , né le
29 Mars 1673 , & mort le .... Août
1755-
ET illuftre Magiftrat avoit une phy-
Cfionomie qui annonçoit toutes les
vertus de fon ame , & qui infpiroit à la
fois le refpect & la confiance.
La dignité de fon maintien n'avoit jamais
rien pris fur l'affabilité : fa politeffe
obligeoit & honoroit. Il avoit le langage
de la bonté & de la haute naiffance.
Quoiqu'il fût né avec beaucoup d'élévation
dans le caractere , l'orgueil n'avoit
jamais pu trouver entrée dans fon coeur ni
dans fes manieres.
Un profond refpect pour la religion
une équité reglée fur une parfaite connoiffance
des Loix , & un amour violent
pour le travail en ont fait pendant près
de cinquante ans un modele accompli pour
ceux qui voudront entrer dans la Magif
trature ; & toutes les actions de fa vie privée
pourront fervir d'exemple à l'humanité.
Cet accord parfait des plus grandes qua
DECEMBRE. 1755. 64
lités lui mérita à jufte titre l'eftime & l'amitié
de M. le Duc d'Orleans , Régent du
Royaume , & du Prince fon fils , dont le
zele & la piété feront à jamais l'édification
de toute l'Europe Chrétienne. Son efprit
& fes talens lui attirerent la confiance du
premier , & fes vertus la confidération du
fecond.
Compatiffant , libéral , bon pere , bon
mari , incomparable ami , croiroit - on
qu'avec de fi rares qualités il avoit cependant
éprouvé l'ingratitude ?
La fortune lui avoit fait auffi effuyer
fes caprices ; mais fes faveurs comme fes
difgraces n'ont fervi qu'à mettre les vertus
dans un plus beau jour.
A l'âge de quatre - vingt - deux ans il
montroit encore tout le feu de fa premiere
jeuneffe ; & dans les occafions où il s'agiffoit
d'obliger , il employoit tout fon
crédit pour
le foulagement des malheureux
,
Sa converfation étoit délicieuſe , fes
lettres charmantes ; il y peignoit la gaieté
naturelle de fon efprit , & la candeur de
fes moeurs.
2
Sa bonne fanté & le voeu public faifoient
efperer qu'avec la fageffe de Neftor
il en verroit les années .
Par une Dame de fes amies.
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Résumé : Portrait de M. Jean-Baptiste Bosc, Conseiller d'Etat, ancien Procureur-Général de la Cour des Aides, Chancélier-Garde des Sceaux de l'Ordre de S. Lazare, né le 29 Mars 1673, & mort le .... Août 1755.
Le texte présente Jean-Baptiste Bofc, conseiller d'État, ancien procureur général de la Cour des Aides et chancelier-garde des sceaux de l'Ordre de Saint-Lazare. Né le 29 mars 1673 et décédé en août 1755, Bofc était un magistrat respecté, dont la physionomie reflétait ses vertus. Sa dignité n'altérait jamais son affabilité, et son langage témoignait de sa bonté et de sa haute naissance. Il se distinguait par son respect pour la religion, son équité, sa connaissance des lois et son amour pour le travail. Ces qualités en firent un modèle pour la magistrature pendant près de cinquante ans. Ses actions privées servaient également d'exemple à l'humanité. Bofc était compatissant, libéral, bon père, mari et ami. Malgré l'ingratitude et les caprices de la fortune, ses vertus ressortaient toujours plus brillantes. À quatre-vingt-deux ans, il conservait l'énergie de sa jeunesse et employait son crédit pour soulager les malheureux. Sa conversation et ses lettres étaient charmantes, reflétant la gaieté de son esprit et la candeur de ses mœurs. Sa bonne santé et le vœu public laissaient espérer une longue vieillesse.
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