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1
p. 146-150
ARGUMENT Proposé à Mr Colbert d'Ormoy, apres l'Acte public de Philosophie qu'il a soûtenu, n'ayant que treize ans, sous Monsieur l'Abbé Colbert son Frere.
Début :
Voicy des Vers qui ont esté faits sur ce sujet / Aimable Enfant, jeune Merveille, [...]
Mots clefs :
Esprit, Mémoire, Enfant, Philosophe, Jugement
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texteReconnaissance textuelle : ARGUMENT Proposé à Mr Colbert d'Ormoy, apres l'Acte public de Philosophie qu'il a soûtenu, n'ayant que treize ans, sous Monsieur l'Abbé Colbert son Frere.
Voicydes Vers quiont eſté faits fur ce ſujet , & qui font dans une eſtime generale.
ARGUMENT
Propoſé à Monfieur Colbert d'Or- moy,apres l'Acte public de Phi- loſophie qu'il a ſoûtenu , n'ayant que treize ans : ſous Monfieur l'Abbé Colbert ſon Frere.
A
:
Imable Enfant , jeune Mer- veille
Vouss avez charmé tout Paris ,
I
GALANT 103 Etlesplus Sagesſontſurpris Devoſtre ActionSans pareille.
En vous l'esprites l'Agrément ,
LaMemoire &le lugement,
Font une parfaite harmonie :
Souffrezdoncqu'avec liberté ,
Lepropose àce beau Génie Encore une difficulté.
Faites moy , s'il vousplaist , com prendre
:
Parquel compduCiel ou du Sort
Vous avez un Efpritfifort Dans un Corpsſi jeune &fi tendre!
Eſtre Philosophe àtreize ans !
N'est-ce passemoquerdu temps ?
VnEnfantsçavoirtantde choses !
Lelevoy,maisj'ay beaule voir,
Ievous endemande les caufes,
Etje n'y puis rien concevoir ,
Dans tout ce que l'Histoire af
۲۰
femble
Etramaffede tous costez,
Succés,prodiges, nouveautez,
Ienevoy rienqui vous reſſemble.
Ieaberche dans le cours des temps I j
104 LE MERCVRE Quelque Philosophe à treize ans Enqui je trouve vos lumieres.
Ierencontre effez de vieux Fous ,
Mais pourdes Sages impuberes ,
On n'en vit jamais avant vous.
Quoy donc , vous aurez fçen ré- pondre Avantl'âge depuberté Atoute l'Univerſité ,
Et rien n'aura pù vousconfondre ?
Iefoûtiensque cette Action Eft une contradition ,
Etvoicy comment je raiſonne Voſtre Esprit en ce nouveau Cas ,
Napoint eu l'exemple qu'ildenne Doncildonne ce qu'il n'apas.
C
L
Avoſtre âgeparler en Maître Del' Ame &deſes mouvemens!
Voir le fonds des raiſonnemens !
Difcourir des Canſes de l'Etre !
Répondre à tout , &tout prouver !
Cela ne sçauroit arriver Queparquelque métempsicose.
Nousn'en croyons point parmy nous Maisenfin,quoy quel'onm'opose
1 ازو
GALANT. τος Vostre Esprit est plus vieuxquevous.
Mais pourquoy ( dit la voixpubli
que)
N'auroit-il pas toûjours raison ,
Puis qu'il est decette Maison
Où la Science eft domestique ?
Ilfautque fur tout il ſoit preft,
Estant Disciple comme it l'eft ,
D'unſi docte & fifage Frere... C'est ce qu'on dit de toutes parts
Outre que vostre Illustre Pere
Eftle Pere mesme des Arts.
C
Il est vray; maisje vous confeſſe Quejenesçaurois concevoir Comment si jeune on peut avoir Lesplus beaux fruits de la vieilleſſe,
Hé comment donc avez-vous fait ?
Quelest ce merveilleuxfecret ,
Dejoindre au Printemps un Automne?
Voilatonte ma Question ,
Etje ne croy pas que personne Enſcache laſolution.
ARGUMENT
Propoſé à Monfieur Colbert d'Or- moy,apres l'Acte public de Phi- loſophie qu'il a ſoûtenu , n'ayant que treize ans : ſous Monfieur l'Abbé Colbert ſon Frere.
A
:
Imable Enfant , jeune Mer- veille
Vouss avez charmé tout Paris ,
I
GALANT 103 Etlesplus Sagesſontſurpris Devoſtre ActionSans pareille.
En vous l'esprites l'Agrément ,
LaMemoire &le lugement,
Font une parfaite harmonie :
Souffrezdoncqu'avec liberté ,
Lepropose àce beau Génie Encore une difficulté.
Faites moy , s'il vousplaist , com prendre
:
Parquel compduCiel ou du Sort
Vous avez un Efpritfifort Dans un Corpsſi jeune &fi tendre!
Eſtre Philosophe àtreize ans !
N'est-ce passemoquerdu temps ?
VnEnfantsçavoirtantde choses !
Lelevoy,maisj'ay beaule voir,
Ievous endemande les caufes,
Etje n'y puis rien concevoir ,
Dans tout ce que l'Histoire af
۲۰
femble
Etramaffede tous costez,
Succés,prodiges, nouveautez,
Ienevoy rienqui vous reſſemble.
Ieaberche dans le cours des temps I j
104 LE MERCVRE Quelque Philosophe à treize ans Enqui je trouve vos lumieres.
Ierencontre effez de vieux Fous ,
Mais pourdes Sages impuberes ,
On n'en vit jamais avant vous.
Quoy donc , vous aurez fçen ré- pondre Avantl'âge depuberté Atoute l'Univerſité ,
Et rien n'aura pù vousconfondre ?
Iefoûtiensque cette Action Eft une contradition ,
Etvoicy comment je raiſonne Voſtre Esprit en ce nouveau Cas ,
Napoint eu l'exemple qu'ildenne Doncildonne ce qu'il n'apas.
C
L
Avoſtre âgeparler en Maître Del' Ame &deſes mouvemens!
Voir le fonds des raiſonnemens !
Difcourir des Canſes de l'Etre !
Répondre à tout , &tout prouver !
Cela ne sçauroit arriver Queparquelque métempsicose.
Nousn'en croyons point parmy nous Maisenfin,quoy quel'onm'opose
1 ازو
GALANT. τος Vostre Esprit est plus vieuxquevous.
Mais pourquoy ( dit la voixpubli
que)
N'auroit-il pas toûjours raison ,
Puis qu'il est decette Maison
Où la Science eft domestique ?
Ilfautque fur tout il ſoit preft,
Estant Disciple comme it l'eft ,
D'unſi docte & fifage Frere... C'est ce qu'on dit de toutes parts
Outre que vostre Illustre Pere
Eftle Pere mesme des Arts.
C
Il est vray; maisje vous confeſſe Quejenesçaurois concevoir Comment si jeune on peut avoir Lesplus beaux fruits de la vieilleſſe,
Hé comment donc avez-vous fait ?
Quelest ce merveilleuxfecret ,
Dejoindre au Printemps un Automne?
Voilatonte ma Question ,
Etje ne croy pas que personne Enſcache laſolution.
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Résumé : ARGUMENT Proposé à Mr Colbert d'Ormoy, apres l'Acte public de Philosophie qu'il a soûtenu, n'ayant que treize ans, sous Monsieur l'Abbé Colbert son Frere.
Le texte relate un dialogue admiratif et interrogatif concernant un jeune prodige, probablement issu de la famille Colbert, qui a soutenu un acte public de philosophie à l'âge de treize ans. L'interlocuteur exprime son étonnement face à cette performance intellectuelle, soulignant que l'enfant a charmé tout Paris et surpris même les plus sages. Il se demande comment un esprit si fort peut résider dans un corps si jeune et tendre, et s'interroge sur les causes de ce phénomène exceptionnel. L'interlocuteur explore l'histoire à la recherche de précédents similaires, mais ne trouve que des 'vieux fous' et aucun sage impubère comparable. Il exprime son incrédulité face à la capacité du jeune prodige de répondre à toute l'Université sans être confondu, qualifiant cette action de contradiction. Il suggère que cela pourrait être dû à une métempsycose, bien qu'il n'y croie pas. Le dialogue se poursuit en admettant que l'esprit du jeune prodige est plus vieux que lui, et que cela pourrait être dû à son environnement familial, où la science est domestique. L'interlocuteur reconnaît l'influence de son frère, l'abbé Colbert, et de son père, le père des Arts, mais reste perplexe quant à la manière dont un si jeune âge peut produire les fruits de la vieillesse. Il conclut en avouant qu'il ne croit pas que quelqu'un puisse résoudre cette énigme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 144-172
Tout ce qui s'est passé de remarquable au Parlement le lendemain de la S. Martin, le jour des Harangues & celuy des Mercuriales. [titre d'après la table]
Début :
Voyez, Madame, comme je me laisse insensiblement emporter à l'enchaînement [...]
Mots clefs :
Juges, Parlement, Harangues, Ouverture, Messe, Cour des aides, Présidents, Avocat général, Satyre, Audiences, Premier président, Avocats, Séances, Justice, Barreau, Monarque, Mercuriale, Mr de Lamoignon, Procureur général, Jugement
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texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passé de remarquable au Parlement le lendemain de la S. Martin, le jour des Harangues & celuy des Mercuriales. [titre d'après la table]
Voyez , Madame, comme je me laiſſe inſenſiblement em- porter à l'enchaînement de la matiere. Je vous devois faire
part dés le Mois paffé des Ce- remonies qui s'obſervent à l'ouverture
GALANT. 97
verture du Parlement. Le nou -
veau fuccés des armes du Roy en Allemagne dont j'ay eu à
vous écrire , me les ayant fait remettre juſqu'à celuy-cy , cet Article ſembloit devoir eſtre un
des premiers de ma Lettre , &
je ne vous en ay pas encore dit la moindre choſe. On ſçait que la couſtume eſt tous les *
1896*
ans de faire des Harangues à
cette Ouverture. Ceux qui n'y vont point n'en ſçavent rien davantage , & peut-eſtre même que la plupart de ceux qui y
vont n'en reviennent gueres plus ſçavans. Voicy par ordre tout ce qui s'y paffe.
Le lendemain de la Saint
Martin , le Parlement en Corps &en Robes rouges entend la Meſſe dans la GrandSalle du
Palais. C'eſt toûjours un EvêTome X. E
98 LE MERCVRE que qui la dit. Elle a eſté ce-- lebrée cette année par celuy de S. Omer. Le Parlement rentre
apres l'avoir entenduë , &re- mercie l'Eveſque , qui luy té- moigne de fon,coſte tenir à
honneur d'avoir eſté choiſi
pour cette Ceremonie par un fi Auguſte Corps. Les Avocats &ales Procureurs preſtent le Serment en ſuite; apres quoy Monfieur le Premier Preſident
traite une partie de la Com- pagnie , & quelques - uns de Meſſieurs des Enqueſtes. Les Séances ne recommencent
que le Lundy de la huitaine franche d'apres la S. Martin. -
Le meſme jour de cette Ou- verture , Meſſieurs de la Cour
desAydes fontdes Harangues entr'eux qu'on peut appeller Mercuriales, puisqu'elles n'ont EQUE DELA
GALANT. 99 A
Conſeil TO THEOU
pour but que de faire voir en quoy les Juges manquent , &
ce qu'ils doivent faire pour ré- pondre dignement aux obliga- tions de leurs Charges. Mef- fieurs les Preſidens &
lers de cette Cour s'eſtant af
ſemblez cette année à leur or
dinaire,Monfieur le Camusqui en eſt le Chefprit la parole ,&
apres s'eſtre long-temps étendu ſur la difference qu'ily avoit de l'integrité &de la pureté devie des Siecles paſſez , à la corru- ption qui s'eſt gliſſée dans ce- -Iuy-cy , &avoir montré parun diſcours fort net & fort éloquent, que nous eſtions tres- éloignez de cette candeur qui eſtoit inséparable de tout ce qui ſe faiſoit dans ces temps heureux, il fit voir les deſordres
qui naiſſent des Jugemens trop
*
E ij
100 LE MERCVRE
précipitez , & marqua forte- ment que les Juges ne pou- voient apporter trop de pré- caution avant que de pronon-- cer ſur l'intereſt des Parties.
Voicy une comparaiſon dont il ſe ſervit. Souvenez-vous , Маdame, que tout ce que je vous dis eſt fort imparfait, & que les penſées que je vous explique perdentbeaucoup de leurgrace,
dénüées des vives expreſſions qui les mettoient dans leur
jour.
De meſme , dit - il , que les Eaux qui fe répandent dansles Campagnes par divers détours,
y portent la fertilité & l'abondance , ainſi quand lcs Magi- ſtrats accompagnent leurs Iu- gemens de toutes les reflexions neceſſaires pourdéveloper avec ſoin les differens intereſts des
GALAN T. 101
Particuliers , leurs Arreſts ſe trouvent ſoûtenus de cette
équité dont Dieu recommande
aux Hommes de ne s'éloigner jamais. Au contraire lors que cesEauxſe débordent avecl'impétuoſité d'un Torrent , elles les gaſtent , elles y mettent la ſterilité, ce qui eſt en quelque façon l'image des Juges, qui ſe laiſſant emporter au premier feu de leur génie , & ne pre- nant pour reglede leurs Déci- fions que leur enteſtement, &
leur opiniâtreté , confondent le
bon droit avec le mauvais , &
font injuſtement des malheureux.
Le ſujet que M. du Boiſme- nillet , Avocat General de la
Cour des Aydes , prit pour fon Diſcours , fut la connoiſſance
de la Verité. Il montra qu'elle Eij
1102 LE MERCVRE
*étoit fi neceffaire aux Juges, que fans elle ils ne pouvoientgoûter * de veritable plaifir danslemon- de , ny joüir d'une fortune affurée. Il fit voir que ce que l'Homme appelle Fortune, con- fiftoit dans la ſeule elevation,
que nous cherchions cette éle- *vation par tout , &que nous tâ- chions de nous la procurer à
1nous-mefme, en abaiffant ceux en qui nous décotivtions plus de merite qu'en notis , ce qui eftoit caufe qu'il nous fachoit naturellement d'entendre loüer,
-au lieu que la Satyre nons don- noit toûjours de la joye , parce qu'elle a l'adreſſe de changer les vertus en defauts , & que nous ne trouvons point d'abaif- ſement pour les autres qui ne nous ſemble une eſpece d'éle- vation pour nous ; mais qu'en
GALAN T. 103 fin cette Fortune eſtoit injuſte fans la connoiſſance de la Verité. Il adjoûta que la Fortune & les Plaiſirs eſtoient les deux
principaux motifs qui nous fai- *foient agir dans la vie , quec'é- toit ſur eux que tous les autres rouloient , & que nous eſtions *obligez de prendre party. Ce raiſonnement fut ſuivy d'un grand Eloge de Monfieur le Chancelier, qui attira un ap- - plaudiſſement general.
Le Lundy quele Parlement recommence ſes Séances,qui eſt le jour où les Audiances font ouvertes , & qu'on appelle lour - des Harangues , M. le Premier Prefident parle aux Avocats, &
apres leur avoir fait connoiſtre
leur devoir il finit en adreſſant
la parole aux Procureurs. C'eſt ce qui s'eſt toûjours pratiqué ,
Eij
104 LE MERCVRE
& ce qui ſe pratiqua encor la derniere fois. Monfieur de Lamoignon , avec cette gravité de Magiſtrat fi digne de celuy qui tient le premier rang dans ce grand Corps , dit d'abord que c'eſtoit pour la vingtième fois qu'il voyoit renouveller l'an- cienne Ceremonie depuis que la Iuftice s'expliquoit par ſa bouche ſur toutes les obliga- tions que les Avocats avoient contractées avec elle par le
Serment de fidelité qu'ils luy avoient folemnellement juré;
que dans cette longue révolu- tion d'années qui avoit paſſé comme un fonge , il avoit veu changer preſque tout le Bar- reau , & qu'à peine y reftoit- il encor quelques - uns de ceux qui estoient alors dans une ſi haute reputation , & que l'age
GALANT. 105 ou l'infirmité avoient contraints
d'abandonner un employ fi labourieux. Il exagera fort le merite de ces Avocats celebres,
&dit qu'il ſembloit qu'ils n'euf- ſent pas eu plus de durée que cos Etoilles élementaires qu'on
voit ſe détacher du Ciel dans
un temps calme , qui marquent par une trace de lumiere leur chute précipitée & qui ſe per- dent pour jamaisdansl'obſcuri- té dela nuit. Il les compara en fuite à des Torches ardentes
qui jettent une fort grande lueur, qu'on ne voit paroiſtre quepour la voirs'évanoüir dans lemeſme temps. Il adjoûta que leur memoire vivroit toûjours dans le Parlement , où l'idée en eſtoit fi forte , & le ſouvenir fi
agreable, qu'il eſtoit comme im- poſſible de ne pas croire qu'ils
Ev
1106 LE MERCVRE
fuffent encor prefens , &qu'on *entendiſt leur voix parmy cette multitude d'Avocats qui ve- noient en foule pour écouter. Il *les exhorta tous à ſe rendre infatigables dans leur employ comme avoient fait ceux dont
il leur parloit , & leur fit voir qu'ils estoient d'autant plusobli- gez de s'en acquiterdignement,
que noftre grandMonarque, au *milieu des foins qui demandoiet totute ſon application pour ce qui regardoit la Guerre , ne * perdoir jamais celuyde confer- ver l'éclat de la Justice & de
*maintenir ſes intereſts , ce qu'il avoit encor fait paroiſtre depuis *peu de jours en luy donnant pour Chefun grand Homme -dontle choix avoiteſté prévenu par les vœux de toute la France,
&fuivy de fes plus finceres ac- clamations.
GALANT. 107
M. l'Avocat General Lamoignon ſon Fils parla apres luy , M. Talon eftant tout cou- vert de la gloire que ces fortes de Harangues font acquerir.
Son Exorde fut que ſi les Dif- cours que la couſtume veut qu'on faſſe en de pareils temps n'eſtoient confiderez que com- me des Effais d'Eloquence ſem- blables à ces Concerts de Muſique qui flatent l'oreille ſans pe- netrer le cœur , ce feroit un
abus de porter la parole dans un ſi Auguſte Parlement pour maintenir les intereſts de la Juſtice, en repreſentant aux Avo-- cats à quoy les oblige le Ser- ment qu'ils renouvellent tous Ies ans. Il pourſuivit en faiſant connoiſtre que la perfection de ce Serment confiftoit dans la
-verité,la juſtice &le jugement ;
Evj
108 LE MERCVRE
Que fans ces trois conditions
tous les Sermens estoient des
Parjures, &les Parjures, la four- cede tous les malheurs; Qu'ainfi les Payens avoient dévoie à la colere du Ciel , &àl'execration
de la Terre , ceux qui ſe trou- voient coupables des deux plus grands crimes qu'on puiſſe commettre dans le monde , l'un d'avoir mépriſé la Divinité qui préſide aux Sermens , &l'autre d'avoir violé la Verité , ſans la.-
quelle les plus ſages Legiſlateurs marquoient qu'il n'y avoit point deReligion parmy les Hommes,
ny de fidelité parmy les Dieux.
Il finit par une peinture de l'honneſte Hommequ'il exhor- ta les Avocats de ſe propofer pour modelle , afin que s'ap- pliquant avec plus d'ardeur à
rendre juſtice qu'à chercher les
GALAN T. 109
occafions de s'enrichir , ils euffent unzele parfait à défendre la verité.
LeMercredy ſuivant on tient la Mercuriale. M le Premier
Preſident parle à Meſſieurs les Gens du Roy , qui luy ayant adreſſé la parole enſuite , con- tinuent en l'adreſſant aux Juges en general. M. de Lamoignon,
Chefde ce grand Corps,tourna fonDiſcours la derniere fois fur
la Verité. Il dit que les Juges eſtoient dans une obligation in- diſpenſable de la chercher ſans ſe mettre enpeine de la calom- nie , ny de ce qu'on pourroit dire contre eux quand ils fe- roiet leur devoir; Qu'ils étoient dans un rang élevé , mais expo- ſe àtout,Qu'en cherchant cette Verité , ils devoient craindre
qu'on ne les perfuadat trop ai
TIO LE MERCVRE
fément ; Que chacun croyant avoir droit , croyoit en même- temps que la Verité eſtoit pour luy , & que cependant elle ne pouvoit eftre que d'un coſté ;
Que pour la bien découvrir au travers des voiles qui l'envelopent , ils devoient tout enten- dre , ne rebuter perſonne , & fi cela ſe peut dire , écouter juf- qu'àl'injuſtice meſme, pour n'avoir aucune negligence à ſe re- procher ; Que tout leurdevant eſtre ſuſpects , ils le devoient eſtre à eux-meſmes ; que les Amis ſe laiſſant aveugler par leurs Amis, tâchoient àperfua- der des injuftices aux Iuges ,
dans la penſée qu'ils ne leurde- -< mandoient rien que de juſte, &
qu'ainſi ils avoient ſujet de fe défier de tout , &particulierement d'un Sexe qui ayant des
GALANT. III
privileges particuliers , vouloit toûjours eftre crû , & ne prioit jamais qu'avec quelque forte d'autorité. Il finit par quantité de belles choses qu'il dit ſur la grandeur du Roy , &fur la fide- lité que les Juges doivent à leur
confcience , à ſa Majesté , & à
leur miniſtere.
Monfieur de Harlay Procu- reur General parla en ſuite. II dit que le repos faiſoit fubfifter toute la Nature ; Que Dieu même en avoit étably un jour dans chaque Semaine; que les Corps apres avoir travaillé tout lejour,
eſtoient obligez de ſe délaſſer
*la nuit pour reprendre de nou- velles forces , & qu'ainſi on avoit ordonné lesVacations afin
que l'Eſprit ſe repoſaſt des fati- gues de l'année , & puſt s'ap- pliquer aux Affaires avec une
112 LE MERCVRE
nouvelle vigueur ; mais qu'au lieu d'employer ce relâchement à l'uſage auquel on l'a deſtiné,
beaucoup de Juges rentroient auffi crus qu'auparavant , il ex- plique ce terme,adjoûtant qu'ils n'avoient point aſſez digeré les preſſans devoirs qui leur font impoſez par leurs Charges , &
qu'ils ne s'eſtoint pointmis dans l'eſtat oùil faut eſtre pour s'en acquiter ; Qu'il les conjuroit de mieux profiter du temps, &que ce fuſt pour la derniere fois ,
s'ils remarquoient qu'ils en euſſent jamais abuſé.Apres cela il entra dans le détail de ce que doit ſçavoir un Juge , & ayant parlé des Ordonnances , du Droit Ciuil , & de quelques autres dont la connoiſſance luy eſtoit abfolument neceſſaire , il tomba furlafoibleſſe des Hom-
GALANT. 113 mes ſi ſujets à ſe tromper eux- meſmes , ou àſe laiſſer tromper.
Il leur fit connoiſtre que la pré- vention eſtoit lachoſedu monde la plusdangereuſe , puis que l'Innocence en pouvoit ſuffrir ;
&leur ayant marqué ce defaut comme undes plus grands &
des plus préjudiciables qu'ils puſſent avoit , il les exhorta à
fonger ſerieuſement à s'en de- fendre , &à ne donner jamais deJugement fans avoir examiné juſqu'aux moindres circonſtan- cesdes Affaires ſur leſquelles ils avoient à prononcer.
Je vous ay déja priće ,Mada- me , de ne regarder ce quej'a- vois àvous dire ſurcette matiere , que comme une ébauche qui a eftéfaite confufément fur des Portraits achevez. Ce ſont
moins en effet les penſeées de
114 LE MERCVRE
ces grands Hommes , que quel- que choſe de leurs penſées. Ils leur ont donné un tour qu'il ne m'eſt pas poſſible de trouver ,
*& j'en laiſſe beaucoup que la memoire de ceux qui les ont Sentenduës avec admiration ne
m'apûfournir.
part dés le Mois paffé des Ce- remonies qui s'obſervent à l'ouverture
GALANT. 97
verture du Parlement. Le nou -
veau fuccés des armes du Roy en Allemagne dont j'ay eu à
vous écrire , me les ayant fait remettre juſqu'à celuy-cy , cet Article ſembloit devoir eſtre un
des premiers de ma Lettre , &
je ne vous en ay pas encore dit la moindre choſe. On ſçait que la couſtume eſt tous les *
1896*
ans de faire des Harangues à
cette Ouverture. Ceux qui n'y vont point n'en ſçavent rien davantage , & peut-eſtre même que la plupart de ceux qui y
vont n'en reviennent gueres plus ſçavans. Voicy par ordre tout ce qui s'y paffe.
Le lendemain de la Saint
Martin , le Parlement en Corps &en Robes rouges entend la Meſſe dans la GrandSalle du
Palais. C'eſt toûjours un EvêTome X. E
98 LE MERCVRE que qui la dit. Elle a eſté ce-- lebrée cette année par celuy de S. Omer. Le Parlement rentre
apres l'avoir entenduë , &re- mercie l'Eveſque , qui luy té- moigne de fon,coſte tenir à
honneur d'avoir eſté choiſi
pour cette Ceremonie par un fi Auguſte Corps. Les Avocats &ales Procureurs preſtent le Serment en ſuite; apres quoy Monfieur le Premier Preſident
traite une partie de la Com- pagnie , & quelques - uns de Meſſieurs des Enqueſtes. Les Séances ne recommencent
que le Lundy de la huitaine franche d'apres la S. Martin. -
Le meſme jour de cette Ou- verture , Meſſieurs de la Cour
desAydes fontdes Harangues entr'eux qu'on peut appeller Mercuriales, puisqu'elles n'ont EQUE DELA
GALANT. 99 A
Conſeil TO THEOU
pour but que de faire voir en quoy les Juges manquent , &
ce qu'ils doivent faire pour ré- pondre dignement aux obliga- tions de leurs Charges. Mef- fieurs les Preſidens &
lers de cette Cour s'eſtant af
ſemblez cette année à leur or
dinaire,Monfieur le Camusqui en eſt le Chefprit la parole ,&
apres s'eſtre long-temps étendu ſur la difference qu'ily avoit de l'integrité &de la pureté devie des Siecles paſſez , à la corru- ption qui s'eſt gliſſée dans ce- -Iuy-cy , &avoir montré parun diſcours fort net & fort éloquent, que nous eſtions tres- éloignez de cette candeur qui eſtoit inséparable de tout ce qui ſe faiſoit dans ces temps heureux, il fit voir les deſordres
qui naiſſent des Jugemens trop
*
E ij
100 LE MERCVRE
précipitez , & marqua forte- ment que les Juges ne pou- voient apporter trop de pré- caution avant que de pronon-- cer ſur l'intereſt des Parties.
Voicy une comparaiſon dont il ſe ſervit. Souvenez-vous , Маdame, que tout ce que je vous dis eſt fort imparfait, & que les penſées que je vous explique perdentbeaucoup de leurgrace,
dénüées des vives expreſſions qui les mettoient dans leur
jour.
De meſme , dit - il , que les Eaux qui fe répandent dansles Campagnes par divers détours,
y portent la fertilité & l'abondance , ainſi quand lcs Magi- ſtrats accompagnent leurs Iu- gemens de toutes les reflexions neceſſaires pourdéveloper avec ſoin les differens intereſts des
GALAN T. 101
Particuliers , leurs Arreſts ſe trouvent ſoûtenus de cette
équité dont Dieu recommande
aux Hommes de ne s'éloigner jamais. Au contraire lors que cesEauxſe débordent avecl'impétuoſité d'un Torrent , elles les gaſtent , elles y mettent la ſterilité, ce qui eſt en quelque façon l'image des Juges, qui ſe laiſſant emporter au premier feu de leur génie , & ne pre- nant pour reglede leurs Déci- fions que leur enteſtement, &
leur opiniâtreté , confondent le
bon droit avec le mauvais , &
font injuſtement des malheureux.
Le ſujet que M. du Boiſme- nillet , Avocat General de la
Cour des Aydes , prit pour fon Diſcours , fut la connoiſſance
de la Verité. Il montra qu'elle Eij
1102 LE MERCVRE
*étoit fi neceffaire aux Juges, que fans elle ils ne pouvoientgoûter * de veritable plaifir danslemon- de , ny joüir d'une fortune affurée. Il fit voir que ce que l'Homme appelle Fortune, con- fiftoit dans la ſeule elevation,
que nous cherchions cette éle- *vation par tout , &que nous tâ- chions de nous la procurer à
1nous-mefme, en abaiffant ceux en qui nous décotivtions plus de merite qu'en notis , ce qui eftoit caufe qu'il nous fachoit naturellement d'entendre loüer,
-au lieu que la Satyre nons don- noit toûjours de la joye , parce qu'elle a l'adreſſe de changer les vertus en defauts , & que nous ne trouvons point d'abaif- ſement pour les autres qui ne nous ſemble une eſpece d'éle- vation pour nous ; mais qu'en
GALAN T. 103 fin cette Fortune eſtoit injuſte fans la connoiſſance de la Verité. Il adjoûta que la Fortune & les Plaiſirs eſtoient les deux
principaux motifs qui nous fai- *foient agir dans la vie , quec'é- toit ſur eux que tous les autres rouloient , & que nous eſtions *obligez de prendre party. Ce raiſonnement fut ſuivy d'un grand Eloge de Monfieur le Chancelier, qui attira un ap- - plaudiſſement general.
Le Lundy quele Parlement recommence ſes Séances,qui eſt le jour où les Audiances font ouvertes , & qu'on appelle lour - des Harangues , M. le Premier Prefident parle aux Avocats, &
apres leur avoir fait connoiſtre
leur devoir il finit en adreſſant
la parole aux Procureurs. C'eſt ce qui s'eſt toûjours pratiqué ,
Eij
104 LE MERCVRE
& ce qui ſe pratiqua encor la derniere fois. Monfieur de Lamoignon , avec cette gravité de Magiſtrat fi digne de celuy qui tient le premier rang dans ce grand Corps , dit d'abord que c'eſtoit pour la vingtième fois qu'il voyoit renouveller l'an- cienne Ceremonie depuis que la Iuftice s'expliquoit par ſa bouche ſur toutes les obliga- tions que les Avocats avoient contractées avec elle par le
Serment de fidelité qu'ils luy avoient folemnellement juré;
que dans cette longue révolu- tion d'années qui avoit paſſé comme un fonge , il avoit veu changer preſque tout le Bar- reau , & qu'à peine y reftoit- il encor quelques - uns de ceux qui estoient alors dans une ſi haute reputation , & que l'age
GALANT. 105 ou l'infirmité avoient contraints
d'abandonner un employ fi labourieux. Il exagera fort le merite de ces Avocats celebres,
&dit qu'il ſembloit qu'ils n'euf- ſent pas eu plus de durée que cos Etoilles élementaires qu'on
voit ſe détacher du Ciel dans
un temps calme , qui marquent par une trace de lumiere leur chute précipitée & qui ſe per- dent pour jamaisdansl'obſcuri- té dela nuit. Il les compara en fuite à des Torches ardentes
qui jettent une fort grande lueur, qu'on ne voit paroiſtre quepour la voirs'évanoüir dans lemeſme temps. Il adjoûta que leur memoire vivroit toûjours dans le Parlement , où l'idée en eſtoit fi forte , & le ſouvenir fi
agreable, qu'il eſtoit comme im- poſſible de ne pas croire qu'ils
Ev
1106 LE MERCVRE
fuffent encor prefens , &qu'on *entendiſt leur voix parmy cette multitude d'Avocats qui ve- noient en foule pour écouter. Il *les exhorta tous à ſe rendre infatigables dans leur employ comme avoient fait ceux dont
il leur parloit , & leur fit voir qu'ils estoient d'autant plusobli- gez de s'en acquiterdignement,
que noftre grandMonarque, au *milieu des foins qui demandoiet totute ſon application pour ce qui regardoit la Guerre , ne * perdoir jamais celuyde confer- ver l'éclat de la Justice & de
*maintenir ſes intereſts , ce qu'il avoit encor fait paroiſtre depuis *peu de jours en luy donnant pour Chefun grand Homme -dontle choix avoiteſté prévenu par les vœux de toute la France,
&fuivy de fes plus finceres ac- clamations.
GALANT. 107
M. l'Avocat General Lamoignon ſon Fils parla apres luy , M. Talon eftant tout cou- vert de la gloire que ces fortes de Harangues font acquerir.
Son Exorde fut que ſi les Dif- cours que la couſtume veut qu'on faſſe en de pareils temps n'eſtoient confiderez que com- me des Effais d'Eloquence ſem- blables à ces Concerts de Muſique qui flatent l'oreille ſans pe- netrer le cœur , ce feroit un
abus de porter la parole dans un ſi Auguſte Parlement pour maintenir les intereſts de la Juſtice, en repreſentant aux Avo-- cats à quoy les oblige le Ser- ment qu'ils renouvellent tous Ies ans. Il pourſuivit en faiſant connoiſtre que la perfection de ce Serment confiftoit dans la
-verité,la juſtice &le jugement ;
Evj
108 LE MERCVRE
Que fans ces trois conditions
tous les Sermens estoient des
Parjures, &les Parjures, la four- cede tous les malheurs; Qu'ainfi les Payens avoient dévoie à la colere du Ciel , &àl'execration
de la Terre , ceux qui ſe trou- voient coupables des deux plus grands crimes qu'on puiſſe commettre dans le monde , l'un d'avoir mépriſé la Divinité qui préſide aux Sermens , &l'autre d'avoir violé la Verité , ſans la.-
quelle les plus ſages Legiſlateurs marquoient qu'il n'y avoit point deReligion parmy les Hommes,
ny de fidelité parmy les Dieux.
Il finit par une peinture de l'honneſte Hommequ'il exhor- ta les Avocats de ſe propofer pour modelle , afin que s'ap- pliquant avec plus d'ardeur à
rendre juſtice qu'à chercher les
GALAN T. 109
occafions de s'enrichir , ils euffent unzele parfait à défendre la verité.
LeMercredy ſuivant on tient la Mercuriale. M le Premier
Preſident parle à Meſſieurs les Gens du Roy , qui luy ayant adreſſé la parole enſuite , con- tinuent en l'adreſſant aux Juges en general. M. de Lamoignon,
Chefde ce grand Corps,tourna fonDiſcours la derniere fois fur
la Verité. Il dit que les Juges eſtoient dans une obligation in- diſpenſable de la chercher ſans ſe mettre enpeine de la calom- nie , ny de ce qu'on pourroit dire contre eux quand ils fe- roiet leur devoir; Qu'ils étoient dans un rang élevé , mais expo- ſe àtout,Qu'en cherchant cette Verité , ils devoient craindre
qu'on ne les perfuadat trop ai
TIO LE MERCVRE
fément ; Que chacun croyant avoir droit , croyoit en même- temps que la Verité eſtoit pour luy , & que cependant elle ne pouvoit eftre que d'un coſté ;
Que pour la bien découvrir au travers des voiles qui l'envelopent , ils devoient tout enten- dre , ne rebuter perſonne , & fi cela ſe peut dire , écouter juf- qu'àl'injuſtice meſme, pour n'avoir aucune negligence à ſe re- procher ; Que tout leurdevant eſtre ſuſpects , ils le devoient eſtre à eux-meſmes ; que les Amis ſe laiſſant aveugler par leurs Amis, tâchoient àperfua- der des injuftices aux Iuges ,
dans la penſée qu'ils ne leurde- -< mandoient rien que de juſte, &
qu'ainſi ils avoient ſujet de fe défier de tout , &particulierement d'un Sexe qui ayant des
GALANT. III
privileges particuliers , vouloit toûjours eftre crû , & ne prioit jamais qu'avec quelque forte d'autorité. Il finit par quantité de belles choses qu'il dit ſur la grandeur du Roy , &fur la fide- lité que les Juges doivent à leur
confcience , à ſa Majesté , & à
leur miniſtere.
Monfieur de Harlay Procu- reur General parla en ſuite. II dit que le repos faiſoit fubfifter toute la Nature ; Que Dieu même en avoit étably un jour dans chaque Semaine; que les Corps apres avoir travaillé tout lejour,
eſtoient obligez de ſe délaſſer
*la nuit pour reprendre de nou- velles forces , & qu'ainſi on avoit ordonné lesVacations afin
que l'Eſprit ſe repoſaſt des fati- gues de l'année , & puſt s'ap- pliquer aux Affaires avec une
112 LE MERCVRE
nouvelle vigueur ; mais qu'au lieu d'employer ce relâchement à l'uſage auquel on l'a deſtiné,
beaucoup de Juges rentroient auffi crus qu'auparavant , il ex- plique ce terme,adjoûtant qu'ils n'avoient point aſſez digeré les preſſans devoirs qui leur font impoſez par leurs Charges , &
qu'ils ne s'eſtoint pointmis dans l'eſtat oùil faut eſtre pour s'en acquiter ; Qu'il les conjuroit de mieux profiter du temps, &que ce fuſt pour la derniere fois ,
s'ils remarquoient qu'ils en euſſent jamais abuſé.Apres cela il entra dans le détail de ce que doit ſçavoir un Juge , & ayant parlé des Ordonnances , du Droit Ciuil , & de quelques autres dont la connoiſſance luy eſtoit abfolument neceſſaire , il tomba furlafoibleſſe des Hom-
GALANT. 113 mes ſi ſujets à ſe tromper eux- meſmes , ou àſe laiſſer tromper.
Il leur fit connoiſtre que la pré- vention eſtoit lachoſedu monde la plusdangereuſe , puis que l'Innocence en pouvoit ſuffrir ;
&leur ayant marqué ce defaut comme undes plus grands &
des plus préjudiciables qu'ils puſſent avoit , il les exhorta à
fonger ſerieuſement à s'en de- fendre , &à ne donner jamais deJugement fans avoir examiné juſqu'aux moindres circonſtan- cesdes Affaires ſur leſquelles ils avoient à prononcer.
Je vous ay déja priće ,Mada- me , de ne regarder ce quej'a- vois àvous dire ſurcette matiere , que comme une ébauche qui a eftéfaite confufément fur des Portraits achevez. Ce ſont
moins en effet les penſeées de
114 LE MERCVRE
ces grands Hommes , que quel- que choſe de leurs penſées. Ils leur ont donné un tour qu'il ne m'eſt pas poſſible de trouver ,
*& j'en laiſſe beaucoup que la memoire de ceux qui les ont Sentenduës avec admiration ne
m'apûfournir.
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Résumé : Tout ce qui s'est passé de remarquable au Parlement le lendemain de la S. Martin, le jour des Harangues & celuy des Mercuriales. [titre d'après la table]
Le texte décrit les cérémonies observées lors de l'ouverture du Parlement, initialement retardées par les succès militaires du roi en Allemagne. Les événements débutent le lendemain de la Saint-Martin avec une messe, suivie des serments des avocats et procureurs. Les séances reprennent le lundi suivant. Les harangues, appelées 'mercuriales', rappellent aux juges leurs obligations et les erreurs à éviter. Monsieur le Premier Président et Monsieur du Boisménillet, Avocat Général, insistent sur l'intégrité et la prudence dans les jugements. Monsieur de Lamoignon, Premier Président, adresse une harangue aux avocats, les exhortant à imiter les grands avocats du passé et à servir la justice avec dévouement. Monsieur Talon, Avocat Général, met l'accent sur la vérité, la justice et le jugement comme fondements du serment des avocats. Le mercredi suivant, une autre mercuriale est tenue, où Monsieur de Lamoignon parle de la nécessité de chercher la vérité sans se soucier des calomnies. Monsieur de Harlay, Procureur Général, conclut en exhortant les juges à bien utiliser les vacances pour se préparer aux affaires judiciaires et à éviter les préventions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 229-231
PORTRAIT.
Début :
Croyez, sans craindre de faire Un Jugement teméraire, [...]
Mots clefs :
Jugement, Portrait, Agrément, Bel esprit, Politesse, Modèle, Galanterie, Éclat, Visage, Cheveux, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT.
PORTRAIT.
Royez ,fans craindre defaire
On
Un Jugement teméraire,
Queje ne vous diray que des chofes defait.
Pour donc de mon Portrait
Commencer l'image agreable,
Fay beaucoup d'enjoûment,
Et dans ce que je fais je mefle un agré
ment
Qui merendfort aimable.
&A
Fay l'efprit vif, brillant, joly,
Qui cependant n'ôte rien du folide;
Fay le langage fi poly,
Que je paffe déja pour modelle & pour
guide:
M'eftant fort appliquée à lire les Romans ,
230
Extraordinaire
Fay tiré par bonheur de ces bonnes lectures
L'Art d'inventer à tous momens
Mille Contes, mille Avantures.
VA
cherche à m'enfaire conter;
Mais toute magalanterie
Neva qu'à la badinerie,
Mon deffein n'eft que d'écouter.
Ainfi mon humeur eft coquette,
Et maconduite ne l'eft pas;
En aimant lafleurette,
J'enfçais éviter l'embarras.
&A
Chez moy lefard n'eft point d'usage,
Car, grace au Ciel,
L'éclat de mon visage
Eft un Vermeillon naturel.
Jay lefront gros, qui porte en guife de
Moutonne
Des cheveux blondsfrifezfans art,
Mon nez n'eft ny long, ny camard,
Mes yeuxfont affez vifs pour n'épargner
perfonne,
du Mercure Galant.
zzī
Etferoient beaux s'ils eftoient moins
petits;
Fay la bouchefort belle
Lors que je ne ris pas, fort grande quand
je ris,
Et je ris, par malheur pour elle,
D'un rien, & d'une bagatelle.
RA
Fay le teint vif, délicat, éclatant,
La gorge bien garnie, & la main porelée,
Ma taille eftfort petite, & j'enfuis confolée,
Elle eftfine, & le reste eft affez ragouftant.
Ceux qui liront cesVers,feront ravis peuteftre
De pouvoiraisément connoistre
Si je ne leur impoſe rien;
Qu'ils s'informent, je le veux bien,
Sij'ay ce prétendu mérite;
Et pourmarquer que j'aime ce party,
Qu'ils apprennent mon nom ; pour eftre
un peu petite,
On m'a donné celuy de RAT- GENTY.
Royez ,fans craindre defaire
On
Un Jugement teméraire,
Queje ne vous diray que des chofes defait.
Pour donc de mon Portrait
Commencer l'image agreable,
Fay beaucoup d'enjoûment,
Et dans ce que je fais je mefle un agré
ment
Qui merendfort aimable.
&A
Fay l'efprit vif, brillant, joly,
Qui cependant n'ôte rien du folide;
Fay le langage fi poly,
Que je paffe déja pour modelle & pour
guide:
M'eftant fort appliquée à lire les Romans ,
230
Extraordinaire
Fay tiré par bonheur de ces bonnes lectures
L'Art d'inventer à tous momens
Mille Contes, mille Avantures.
VA
cherche à m'enfaire conter;
Mais toute magalanterie
Neva qu'à la badinerie,
Mon deffein n'eft que d'écouter.
Ainfi mon humeur eft coquette,
Et maconduite ne l'eft pas;
En aimant lafleurette,
J'enfçais éviter l'embarras.
&A
Chez moy lefard n'eft point d'usage,
Car, grace au Ciel,
L'éclat de mon visage
Eft un Vermeillon naturel.
Jay lefront gros, qui porte en guife de
Moutonne
Des cheveux blondsfrifezfans art,
Mon nez n'eft ny long, ny camard,
Mes yeuxfont affez vifs pour n'épargner
perfonne,
du Mercure Galant.
zzī
Etferoient beaux s'ils eftoient moins
petits;
Fay la bouchefort belle
Lors que je ne ris pas, fort grande quand
je ris,
Et je ris, par malheur pour elle,
D'un rien, & d'une bagatelle.
RA
Fay le teint vif, délicat, éclatant,
La gorge bien garnie, & la main porelée,
Ma taille eftfort petite, & j'enfuis confolée,
Elle eftfine, & le reste eft affez ragouftant.
Ceux qui liront cesVers,feront ravis peuteftre
De pouvoiraisément connoistre
Si je ne leur impoſe rien;
Qu'ils s'informent, je le veux bien,
Sij'ay ce prétendu mérite;
Et pourmarquer que j'aime ce party,
Qu'ils apprennent mon nom ; pour eftre
un peu petite,
On m'a donné celuy de RAT- GENTY.
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Résumé : PORTRAIT.
Le texte décrit une personne au caractère agréable et aimable, dotée d'un esprit vif et brillant. Elle se distingue par un langage poli, influencé par la lecture de romans, ce qui lui permet d'inventer des contes et des aventures. Elle apprécie les histoires mais évite les compliments excessifs, préférant la badinerie. Son comportement est coquet, mais elle évite les embarras en aimant les flatteries légères. Physiquement, elle ne porte pas de fard, car son visage a un éclat naturel. Elle possède un front large avec des cheveux blonds frisés naturellement, un nez ni long ni camard, et des yeux vifs. Sa bouche est belle lorsqu'elle ne rit pas, mais devient grande lorsqu'elle rit facilement. Son teint est vif et délicat, sa gorge bien garnie, et sa main délicate. Sa taille est petite, mais elle est fine et le reste de sa personne est agréable. Le texte se conclut par une invitation à vérifier ses qualités, révélant que son nom est Rat-Genty.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 256-272
Histoire, [titre d'après la table]
Début :
On m'a conté une chose fort particuliere, arrivée icy sur [...]
Mots clefs :
Carnaval, Déguisements, Cavalier, Dame, Filles, Richesse, Honnêteté, Soeurs, Coeur, Charme, Belle, Correspondance, Mariage, Passion, Comédie, Galanterie, Bal, Assemblée, Amour, Divertissement, Amants, Hasard, Masques, Attaque, Diamant, Bourse, Mémoire, Jugement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire, [titre d'après la table]
On m'a conté une choſe
fort particuliere , arrivée icy
ſur la fin du Carnaval. C'eſt
la ſaiſon des Déguiſemens , &
par conféquent des Avantures.
Un Cavalier d'une Province
éloignée, eſlant venu à
Paris pour y acquerir d'air de
liberté & de politeffe qui diftingue
ceux qui ont veu le
monde , prit habitude chez
uneDame tres ſpirituelle, qui
cultiva cette connoiſſance
GALANT. 297
Voit
avec tout le ſoin qu'elle de-
Elle avoit deux Filles,
toutes deuxbien faites , & la
fortune ne luy ayant pascité
favorable , il eſtoit de l'inte
reſt de l'une & de l'autre que
ſa politique ménageaft ceux
que desviſites un peu affidues
pouvoient engager à prendre
feu Le Cavalier eſtoit
tiche , & cette ſeule raifon
euſtportéla Dame àtous les
égards qu'elle avoit pour luy,
quand mesme il n'auroit efte
confiderable par aucun merite.
Il n'eut pendant quel
que temps que des complai
Avril 1685. Y
258 MERCURE
fances genérales que l'hon
neſteté oblige d'avoir pour
toutes les Dames. On le recevoit
agréablement ,& les
deux Soeurs a l'envy luy faifoient
paroiſtre toute l'eſtime
que la bien ſéance leur pou
voit permettre , fans qu'aucunempreſſement
particulier
pour l'une ou pour l'autremarquaft
le choix de ſon coeur,
mais enfin il s'attacha à l'Aînée,&
l'égalité d'humeur qu'il
luy trouva fut pour luy un fi
grand charme qu'il mit
tous ſes foins à s'en faire
,
aimer. Vous jugez bien qu'il
GALANT. 259
n'eut pas de peine à y reüf
fir. La Belle eſtoit dans des
dipoſitions qui avoient en
quelque forte prévenu fess
voeux , & la Mere authori--
ſant la correſpondance que le
Cavalier luy demandoit, il cute
le plaifir de ſe voir aimé dés
qu'il ſe fut déclaré Amant.
Oneuſtbien voulu qu'il euſt
arreſté le Mariage , mais ill
eſtoit dangereux de l'en pref
fer , & on jugea à propos
d'attendre que fa paflion
mieux affermie l'euft mis en
état de ne point examiner les
peu d'avantage qu'il devoit
2
Yij
260 MERCURE
tirer de cette alliance. 10Gefie
pendant ce ne furent plus
que des Parties de plaifire Le
Cavalier voulant divertir das
belle Maiſtreſſe , la menoit
ſouvent à la Comédie ou à
l'Opera , & cherchoit d'ail
leurs tout ce qui pouvoit
contribuer à luy donner de la
joye. Le temps de la Foire
eſtant venu , ils yallérent
pluſieurs fois enſemble ,& ild
luy faifoir toûjours quelque
Preſent. La Mere avoit part
à ſes liberalitez , & comme il
aidoit à entretenir le Jeu chez
elle, ſes viſites affiduës luy
GALANT.261
eſtoient utiles de bien des
manieres. La fin du Carna
val approchoit , & la Belle
ayant un jour témoigné qu'
elle avoit envie de courir le
Bal , le Cavalier ſongea aufh
toftà la fatisfaire. Il alla cher ) {
cher des habits fort riches,
les fit porter chez la Dame,
& chacun choifit ce qu'il
voulut. Les deux Filles s'habillerenten
Hommes à la
Françoiſe avec des écharpes
magnifiques ,& les autres ornemens
qui pouvoient ſervin
à leur donner de l'éclat &
a. Mere & le Cavalier ſe dé262
MERCURE
guiférenten Arméniens. La
galanterie eſtoit jointe, à la
propreté & cette petite
Troupe meritoit bien qu'on
la regardaft. Le Cavalier
qui aimoit le jeu , ayant
accoûtumé de porter beaucoup
d'argent , la Belle vouloit
qu'il laiſſaſt ſa bourſe.
La Mere dit là deſſus , que
puis qu'on croyoit qu'il n'y
euſt pas feureté entiere à ſe
trouver le foir dans lesRuës,
elle aimoit mieux rompre la
Partie , que de s'expoſer
à une mauvaiſe rencontre...
Le Cavalier ne manqua pas
GALANT. 263
de répondre , qu'elle estoit fi
peu à craindre , par le bon
ordre que les Magittrats y
avoient mis , que quand il
auroit mille piſtoles , il iroit
luy ſeul par tout Paris , aufli
ſeurement que s'il eſtoit efcorté
de tous les Archersdu
Guet. En meſme temps il
donna à la Belle un Diamant
qui estoit de prix , pour tenir
fon Maſque , & ils montérent
tous en Carroffe, pour
aller dans le Fauxbourg Saint
Germain , où ils apprirent
qu'il y avoit une tres - belle
Affemblée. L'affluence des
264 MERCURE
Maſques leur permit à peine
d'y entrer , mais enfin le Ca
valier s'eſtant fait jour dans
la foule , ils arrivérent juſqu'à
la Salle du Bal. Les Luftres
dont elle eſtoit éclairée , relevoient
merveilleuſement la
beautéde leurs Habits. Toute
Affemblée les remarqua, &
cela fut cauſe qu'on les fic
d'abord dancer. Ils s'en aqui
térent avec une grace qui leur
attira de grandes honnettetez
du Maistre de la Mifon...
Il leur fit donner des ſiéges,
& le Cavalier prit place au
prés de la Belle. Tandis que
l'Amour
GALANT 265
!
l'Amour leur fourniffoit le
ſujetd'un entretien agréable,
la Mere & la Soeur n'estoient
occupées qu'à regarder ; &
s'ennuyant d'eftre toûjours
dans le meſme endroit , elles
ſe firent un divertiſſement
d'aller dans toute la Salle
nouer converſation avec les
Maſques qu'elles y trouvé
rent. On en voyoit fans cefle
entrer de nouveaux ,
confufiony devint fi grande,
qu'onfut enfin obligé de faire
ceffer les Violons. Les deux
Amans ſe leverent , & aprés
avoir cherché inutilement la
Avril1685. Z
&
266MERCURE
1
T
Mere & la Soeur , ils defoendirent
en bas , croyant les y
rencontrer. Ils n'y furent pas
plûtoſt qu'ils les apperceu
rent. Le Cavalier prit la Mere
par la main & fit paſſer
les deux Sceoeurs devant. On
ne fongea qu'à fe hater de
fortir , & ils monterent tous
quatre en Carroſſe, ſans ſe
dire rien . Le Cocher , qui
en partant du Logis avoit cu
ordre de les mener à un ſecond
Bal , en prit le chemin.
Apeine avoit il fait deux cens
pas , que le Cavalier ofta fon
maſque , pour demander à
}
GALANT. 267
7
la Mere fi elle s'estoit un peu
divertie. Cette Mere préten
düe fut fort ſurpriſe d'enten
dre une voix qu'elle ne cong
noiffoit point. Elle cria au
Cocher qu'il arreſtaſt ; & le
Cavalier & fa Maiſtreſſe ne fu
rent pas moins étonnez que
les deux autres, d'une mépriſe
qui les mettoit tous dans un
parcil embarras. Le hazard
avoit voulu qu'unHomme di
ſtingué dans la Robe, s'eſtoir
déguisé avec ſa Femme , ſa
Soeur, & fa Fille, delamesmo
forte que le Cavalier & lesq
trois Femmes dont il s'eſtoit
Zij
268 MERCURE
fait le Conducteur , c'eſt à
dire , deux en Arméniens,
&deux en habits à la Françoife.
Ils s'eſtoiem perdus
parmy la foule des Maſques,
&dans la confufion la Femme
& la Fille de l'Homme
de Robe , avoient pris le Cat
valier & la Belle pour les
deux Perſonnes qu'elles cherchoient.
Il fut queſtion de
retourner à ce premier Bal,
pour tirer de peine ceux qu'-
on y avoit laiſſez ; & lon
prenoit deja cette route , lors
que dix Hommes maſquez
approchérent duCarroffe. Ils
10
GALANT 269
forcérent le Cocher à quiter
le ſiege , & l'un d'eux s'y
eftant mis , conduiſit le Cavalier
& les trois Dames aſſez
loin dans le Fauxbourg. Le
Carroſſe s'eſtant enfin arrefté,
ceux qui l'eſcortoient leur
dirent qu'il y alloit de leur
vie s'ils faifoient du bruit , &
qu'on n'en vouloit qu'à leurs
Habits . La réſiſtance auroit
efté inutile. Ainſi le meilleur
Party qu'ils virent à prendre,
fut de defcendre fort paifiblement
, & d'entrer dans
une Maiſon de peu d'apparence,
qui leur fut ouverte
•
Z iij
270 MURCURE
Lalces Maſques un peu trop
officielux prirent la peine de
les décharger de tous d'équi
page qui avoit ſervy ales dé
guifer , & les revétirentà peu
de frais ,&feulementpourles
garantir du froid Quredes
Habits la Belle laiſſa fon Dia,
mant, de Cavalier fa bourfe,
&une fort belle Montre , &&
les deux Dames , ce qu'elles
avoient qui valoin la peine
d'eſtregardé. Apres les avoin
ainſi dépoüillez , ces Voleurs
leur demandérent où ils vou
loient qu'onlesreménaſt. Le
Cavalier & laDame ſe nom
上
GALANIM 271
mérent,&on les remit chez
eux. L'Homme de Robe ayat
retrouvé la Femmes, felper
ſuada que le Cavalier n'avoir
imité fon déguisement que
pour faire réüffir le vol qui
venoit d'eſtre commis ,& ne
doutant point qu'il n'euft
efté d'intelligence avec les
Voleurs , il commença con
tre luy des procédures qui
apparemment auront de la
fuires De l'autre coſtéle Cab
valier touché de fa perre, ſe
mit dans l'efprit que la Mere
della Belle n'avoit témoigné
vouloir rompre la partic
•
272MERCURE
€
quand on luy avoit propoſe
de laiſſer ſabourſe , que pour
Fobliger à la porter , &s'ima
ginant qu'elle s'eftoit cachée
àdeſſein parmy les Maſques
pour l'engager à fortir fans
elle, il la crut complice de
fon avanture. Ainfi fon chagrin
ayant étouffé l'amour , il
fait contr'elle les mefmes
pourſuites que fait contre luy
PHomme de Robe. L'acharnement
eft grand à plaider
de part & d'autre. Voila,
Madame , ce que portemon
Memoire.On m'aſſeure qu'il
eft vray dans toutes les cir
conſtances.
fort particuliere , arrivée icy
ſur la fin du Carnaval. C'eſt
la ſaiſon des Déguiſemens , &
par conféquent des Avantures.
Un Cavalier d'une Province
éloignée, eſlant venu à
Paris pour y acquerir d'air de
liberté & de politeffe qui diftingue
ceux qui ont veu le
monde , prit habitude chez
uneDame tres ſpirituelle, qui
cultiva cette connoiſſance
GALANT. 297
Voit
avec tout le ſoin qu'elle de-
Elle avoit deux Filles,
toutes deuxbien faites , & la
fortune ne luy ayant pascité
favorable , il eſtoit de l'inte
reſt de l'une & de l'autre que
ſa politique ménageaft ceux
que desviſites un peu affidues
pouvoient engager à prendre
feu Le Cavalier eſtoit
tiche , & cette ſeule raifon
euſtportéla Dame àtous les
égards qu'elle avoit pour luy,
quand mesme il n'auroit efte
confiderable par aucun merite.
Il n'eut pendant quel
que temps que des complai
Avril 1685. Y
258 MERCURE
fances genérales que l'hon
neſteté oblige d'avoir pour
toutes les Dames. On le recevoit
agréablement ,& les
deux Soeurs a l'envy luy faifoient
paroiſtre toute l'eſtime
que la bien ſéance leur pou
voit permettre , fans qu'aucunempreſſement
particulier
pour l'une ou pour l'autremarquaft
le choix de ſon coeur,
mais enfin il s'attacha à l'Aînée,&
l'égalité d'humeur qu'il
luy trouva fut pour luy un fi
grand charme qu'il mit
tous ſes foins à s'en faire
,
aimer. Vous jugez bien qu'il
GALANT. 259
n'eut pas de peine à y reüf
fir. La Belle eſtoit dans des
dipoſitions qui avoient en
quelque forte prévenu fess
voeux , & la Mere authori--
ſant la correſpondance que le
Cavalier luy demandoit, il cute
le plaifir de ſe voir aimé dés
qu'il ſe fut déclaré Amant.
Oneuſtbien voulu qu'il euſt
arreſté le Mariage , mais ill
eſtoit dangereux de l'en pref
fer , & on jugea à propos
d'attendre que fa paflion
mieux affermie l'euft mis en
état de ne point examiner les
peu d'avantage qu'il devoit
2
Yij
260 MERCURE
tirer de cette alliance. 10Gefie
pendant ce ne furent plus
que des Parties de plaifire Le
Cavalier voulant divertir das
belle Maiſtreſſe , la menoit
ſouvent à la Comédie ou à
l'Opera , & cherchoit d'ail
leurs tout ce qui pouvoit
contribuer à luy donner de la
joye. Le temps de la Foire
eſtant venu , ils yallérent
pluſieurs fois enſemble ,& ild
luy faifoir toûjours quelque
Preſent. La Mere avoit part
à ſes liberalitez , & comme il
aidoit à entretenir le Jeu chez
elle, ſes viſites affiduës luy
GALANT.261
eſtoient utiles de bien des
manieres. La fin du Carna
val approchoit , & la Belle
ayant un jour témoigné qu'
elle avoit envie de courir le
Bal , le Cavalier ſongea aufh
toftà la fatisfaire. Il alla cher ) {
cher des habits fort riches,
les fit porter chez la Dame,
& chacun choifit ce qu'il
voulut. Les deux Filles s'habillerenten
Hommes à la
Françoiſe avec des écharpes
magnifiques ,& les autres ornemens
qui pouvoient ſervin
à leur donner de l'éclat &
a. Mere & le Cavalier ſe dé262
MERCURE
guiférenten Arméniens. La
galanterie eſtoit jointe, à la
propreté & cette petite
Troupe meritoit bien qu'on
la regardaft. Le Cavalier
qui aimoit le jeu , ayant
accoûtumé de porter beaucoup
d'argent , la Belle vouloit
qu'il laiſſaſt ſa bourſe.
La Mere dit là deſſus , que
puis qu'on croyoit qu'il n'y
euſt pas feureté entiere à ſe
trouver le foir dans lesRuës,
elle aimoit mieux rompre la
Partie , que de s'expoſer
à une mauvaiſe rencontre...
Le Cavalier ne manqua pas
GALANT. 263
de répondre , qu'elle estoit fi
peu à craindre , par le bon
ordre que les Magittrats y
avoient mis , que quand il
auroit mille piſtoles , il iroit
luy ſeul par tout Paris , aufli
ſeurement que s'il eſtoit efcorté
de tous les Archersdu
Guet. En meſme temps il
donna à la Belle un Diamant
qui estoit de prix , pour tenir
fon Maſque , & ils montérent
tous en Carroffe, pour
aller dans le Fauxbourg Saint
Germain , où ils apprirent
qu'il y avoit une tres - belle
Affemblée. L'affluence des
264 MERCURE
Maſques leur permit à peine
d'y entrer , mais enfin le Ca
valier s'eſtant fait jour dans
la foule , ils arrivérent juſqu'à
la Salle du Bal. Les Luftres
dont elle eſtoit éclairée , relevoient
merveilleuſement la
beautéde leurs Habits. Toute
Affemblée les remarqua, &
cela fut cauſe qu'on les fic
d'abord dancer. Ils s'en aqui
térent avec une grace qui leur
attira de grandes honnettetez
du Maistre de la Mifon...
Il leur fit donner des ſiéges,
& le Cavalier prit place au
prés de la Belle. Tandis que
l'Amour
GALANT 265
!
l'Amour leur fourniffoit le
ſujetd'un entretien agréable,
la Mere & la Soeur n'estoient
occupées qu'à regarder ; &
s'ennuyant d'eftre toûjours
dans le meſme endroit , elles
ſe firent un divertiſſement
d'aller dans toute la Salle
nouer converſation avec les
Maſques qu'elles y trouvé
rent. On en voyoit fans cefle
entrer de nouveaux ,
confufiony devint fi grande,
qu'onfut enfin obligé de faire
ceffer les Violons. Les deux
Amans ſe leverent , & aprés
avoir cherché inutilement la
Avril1685. Z
&
266MERCURE
1
T
Mere & la Soeur , ils defoendirent
en bas , croyant les y
rencontrer. Ils n'y furent pas
plûtoſt qu'ils les apperceu
rent. Le Cavalier prit la Mere
par la main & fit paſſer
les deux Sceoeurs devant. On
ne fongea qu'à fe hater de
fortir , & ils monterent tous
quatre en Carroſſe, ſans ſe
dire rien . Le Cocher , qui
en partant du Logis avoit cu
ordre de les mener à un ſecond
Bal , en prit le chemin.
Apeine avoit il fait deux cens
pas , que le Cavalier ofta fon
maſque , pour demander à
}
GALANT. 267
7
la Mere fi elle s'estoit un peu
divertie. Cette Mere préten
düe fut fort ſurpriſe d'enten
dre une voix qu'elle ne cong
noiffoit point. Elle cria au
Cocher qu'il arreſtaſt ; & le
Cavalier & fa Maiſtreſſe ne fu
rent pas moins étonnez que
les deux autres, d'une mépriſe
qui les mettoit tous dans un
parcil embarras. Le hazard
avoit voulu qu'unHomme di
ſtingué dans la Robe, s'eſtoir
déguisé avec ſa Femme , ſa
Soeur, & fa Fille, delamesmo
forte que le Cavalier & lesq
trois Femmes dont il s'eſtoit
Zij
268 MERCURE
fait le Conducteur , c'eſt à
dire , deux en Arméniens,
&deux en habits à la Françoife.
Ils s'eſtoiem perdus
parmy la foule des Maſques,
&dans la confufion la Femme
& la Fille de l'Homme
de Robe , avoient pris le Cat
valier & la Belle pour les
deux Perſonnes qu'elles cherchoient.
Il fut queſtion de
retourner à ce premier Bal,
pour tirer de peine ceux qu'-
on y avoit laiſſez ; & lon
prenoit deja cette route , lors
que dix Hommes maſquez
approchérent duCarroffe. Ils
10
GALANT 269
forcérent le Cocher à quiter
le ſiege , & l'un d'eux s'y
eftant mis , conduiſit le Cavalier
& les trois Dames aſſez
loin dans le Fauxbourg. Le
Carroſſe s'eſtant enfin arrefté,
ceux qui l'eſcortoient leur
dirent qu'il y alloit de leur
vie s'ils faifoient du bruit , &
qu'on n'en vouloit qu'à leurs
Habits . La réſiſtance auroit
efté inutile. Ainſi le meilleur
Party qu'ils virent à prendre,
fut de defcendre fort paifiblement
, & d'entrer dans
une Maiſon de peu d'apparence,
qui leur fut ouverte
•
Z iij
270 MURCURE
Lalces Maſques un peu trop
officielux prirent la peine de
les décharger de tous d'équi
page qui avoit ſervy ales dé
guifer , & les revétirentà peu
de frais ,&feulementpourles
garantir du froid Quredes
Habits la Belle laiſſa fon Dia,
mant, de Cavalier fa bourfe,
&une fort belle Montre , &&
les deux Dames , ce qu'elles
avoient qui valoin la peine
d'eſtregardé. Apres les avoin
ainſi dépoüillez , ces Voleurs
leur demandérent où ils vou
loient qu'onlesreménaſt. Le
Cavalier & laDame ſe nom
上
GALANIM 271
mérent,&on les remit chez
eux. L'Homme de Robe ayat
retrouvé la Femmes, felper
ſuada que le Cavalier n'avoir
imité fon déguisement que
pour faire réüffir le vol qui
venoit d'eſtre commis ,& ne
doutant point qu'il n'euft
efté d'intelligence avec les
Voleurs , il commença con
tre luy des procédures qui
apparemment auront de la
fuires De l'autre coſtéle Cab
valier touché de fa perre, ſe
mit dans l'efprit que la Mere
della Belle n'avoit témoigné
vouloir rompre la partic
•
272MERCURE
€
quand on luy avoit propoſe
de laiſſer ſabourſe , que pour
Fobliger à la porter , &s'ima
ginant qu'elle s'eftoit cachée
àdeſſein parmy les Maſques
pour l'engager à fortir fans
elle, il la crut complice de
fon avanture. Ainfi fon chagrin
ayant étouffé l'amour , il
fait contr'elle les mefmes
pourſuites que fait contre luy
PHomme de Robe. L'acharnement
eft grand à plaider
de part & d'autre. Voila,
Madame , ce que portemon
Memoire.On m'aſſeure qu'il
eft vray dans toutes les cir
conſtances.
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5
s. p.
AVIS ET CATALOGUE des Livres qui se vendent chez la Veuve Blageart.
Début :
Recherches curieuses d'Antiquité, contenuës en plusieurs Dissertations, [...]
Mots clefs :
Livres, Vente, Dialogues, Lettres, Inscriptions, Jugement, Histoire, Fables, Mariage, Réflexion, Devises, Discours
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texteReconnaissance textuelle : AVIS ET CATALOGUE des Livres qui se vendent chez la Veuve Blageart.
AVIS ET CATALOGKE
des Livres qui ſe vendent chez
laVeuve Blageart.
R
Echerches curieuſes d'Antiquité,
contenuës en pluſieurs Diflertations
, ſur des Médailles , Bas -reliefs ,
Statuës , Mofaïques , & Inſcriptions
antiques, enrichies d'un grand nombre
de Figures en taille-douce. In 4.
Heures en Vers par feu Me de Corneille,
301 ~
Sentimens fur les Lettres & fur l'Hif
toire, avec des Scrupules ſur le Stile.
Indouze.
Lettres diverſes de M. le Chevalier
30f.
30 f.
Nouveaux Dialogues des Morts,
30
d'Her. Indouze.
Premiere Partie. In douze.
Morts. In douze.
30f
Jugement de Pluton ſur les deux Par-
Seconde Partie des Dialogues des
1
ties des Nouveaux Dialogues des
Morts , comero Alomnivsof.
La Ducheffe d'Eſtramene . Deux
Volumes in douze ποσού 140 Г.
LeNapolitain, Nouv.Indouze 20 f.
Académie Galante, I. Partie, 30 f.
Académie calante, II . Partie, 10 f.
Cara Mustapha, dernier Grand Vizir ,
Hiftoire contenant ſon élevation , fes
amours dans le Serrail , ſes divers emplois,&
le vray fujet qui luy a fait entreprendre
le Siege de Vienne, avec la
moff, SM 30 f.
Les Dames Galantteess,, ou la Confidence
réciproque, en deux vol . 3.1.
Les diférens Caracteres de l'Amour,
in douze, 1857
L'illuſtre Génoiſe,in douze,
Le Serafkier, in douze,
30 f.
30.5.
Fables Nouvelles en Vers, 20 .
Hiſtoire du Siege de Luxembourg, 30 f,
Relation Hiftorique de tout ce qui s'eft
fait devant éénes par l'Armée Navale
Reflexions nouvelles ſur l'Acide &
fur l'Alcali. Indouzé. 104 30 .
La Devinereffe,Comedie.of.
Artaxerce, avec ſa Critique. 11sf.
La Comete, Comedie.
Coverfions de M.Gilly&Courdil.20f.
Cemt trente Volumes du Mercure,
Javec les Relations & les Extraordinaires.
Il y a huit Relations qui con-
Ce qui s'eſt paflé à la Geremoniedu
Mariage de Mademoiselle avec le Roy.
d'Espagner lahaieaterbringes
Le Mariage de Monfieur le Prince
deConty avec Mademoiselle de Blois.
LeMariage de Monſeigneur leDauphin
avec la Princefle Anne- Chref
tienne Victoire de Baviere,
LeVoyagedu Roy en Flandre en 1680.
La Negotiation du Mariage de M. le
Duc de Savoye avec l'Inf. de Portugal .
Deux Relations des Réjoüiflances
qui fe font faites pour la Naillance
Monſeigneur le Ducde Bourgogne.
DoUne Deſcription entiere du Siege de
Vienne, depuis le commencement juf-
0
de
qu'à la levée du Siege en 1683 ..
Traité de la Tranſpiration des humeurs
qui font les cauſes des Maladies ,
ou la Méthode de guérir les Malades,
ans le triſte ſecours de la fréquente
ſaignée, Diſcours Philofophique. 301.
Il y a vingt-huit Extraordinaires ,qui
outre les Queſtions galantes , & d'érudition,
& les Ouvrages de Vers , contiennent
pluſieurs Difcours , Traitez,
& Origines , ſçavoir .
Des Indices qu'on peut tirer ſur la
maniere dont chacun forme ſon Ecri
ture. Des Deviſes, Emblêmes, & Re-
Vers de Médailles . De la Peinture, &
de la Sculpture. Du Parchemin, & du
Papier. DuVerre. Des Veritez qui font
contenuës dans les Fables , & de l'excellence
de la Peinture . De la Conteftion.
Des Armes , Armoiries ,& de leur
progrés . De l'Imprimerie. Des Rangs
&Cerémonies. Des Taliſmans . De la
Poudre à Canon. De la Pierre Philofophale
, &c .
des Livres qui ſe vendent chez
laVeuve Blageart.
R
Echerches curieuſes d'Antiquité,
contenuës en pluſieurs Diflertations
, ſur des Médailles , Bas -reliefs ,
Statuës , Mofaïques , & Inſcriptions
antiques, enrichies d'un grand nombre
de Figures en taille-douce. In 4.
Heures en Vers par feu Me de Corneille,
301 ~
Sentimens fur les Lettres & fur l'Hif
toire, avec des Scrupules ſur le Stile.
Indouze.
Lettres diverſes de M. le Chevalier
30f.
30 f.
Nouveaux Dialogues des Morts,
30
d'Her. Indouze.
Premiere Partie. In douze.
Morts. In douze.
30f
Jugement de Pluton ſur les deux Par-
Seconde Partie des Dialogues des
1
ties des Nouveaux Dialogues des
Morts , comero Alomnivsof.
La Ducheffe d'Eſtramene . Deux
Volumes in douze ποσού 140 Г.
LeNapolitain, Nouv.Indouze 20 f.
Académie Galante, I. Partie, 30 f.
Académie calante, II . Partie, 10 f.
Cara Mustapha, dernier Grand Vizir ,
Hiftoire contenant ſon élevation , fes
amours dans le Serrail , ſes divers emplois,&
le vray fujet qui luy a fait entreprendre
le Siege de Vienne, avec la
moff, SM 30 f.
Les Dames Galantteess,, ou la Confidence
réciproque, en deux vol . 3.1.
Les diférens Caracteres de l'Amour,
in douze, 1857
L'illuſtre Génoiſe,in douze,
Le Serafkier, in douze,
30 f.
30.5.
Fables Nouvelles en Vers, 20 .
Hiſtoire du Siege de Luxembourg, 30 f,
Relation Hiftorique de tout ce qui s'eft
fait devant éénes par l'Armée Navale
Reflexions nouvelles ſur l'Acide &
fur l'Alcali. Indouzé. 104 30 .
La Devinereffe,Comedie.of.
Artaxerce, avec ſa Critique. 11sf.
La Comete, Comedie.
Coverfions de M.Gilly&Courdil.20f.
Cemt trente Volumes du Mercure,
Javec les Relations & les Extraordinaires.
Il y a huit Relations qui con-
Ce qui s'eſt paflé à la Geremoniedu
Mariage de Mademoiselle avec le Roy.
d'Espagner lahaieaterbringes
Le Mariage de Monfieur le Prince
deConty avec Mademoiselle de Blois.
LeMariage de Monſeigneur leDauphin
avec la Princefle Anne- Chref
tienne Victoire de Baviere,
LeVoyagedu Roy en Flandre en 1680.
La Negotiation du Mariage de M. le
Duc de Savoye avec l'Inf. de Portugal .
Deux Relations des Réjoüiflances
qui fe font faites pour la Naillance
Monſeigneur le Ducde Bourgogne.
DoUne Deſcription entiere du Siege de
Vienne, depuis le commencement juf-
0
de
qu'à la levée du Siege en 1683 ..
Traité de la Tranſpiration des humeurs
qui font les cauſes des Maladies ,
ou la Méthode de guérir les Malades,
ans le triſte ſecours de la fréquente
ſaignée, Diſcours Philofophique. 301.
Il y a vingt-huit Extraordinaires ,qui
outre les Queſtions galantes , & d'érudition,
& les Ouvrages de Vers , contiennent
pluſieurs Difcours , Traitez,
& Origines , ſçavoir .
Des Indices qu'on peut tirer ſur la
maniere dont chacun forme ſon Ecri
ture. Des Deviſes, Emblêmes, & Re-
Vers de Médailles . De la Peinture, &
de la Sculpture. Du Parchemin, & du
Papier. DuVerre. Des Veritez qui font
contenuës dans les Fables , & de l'excellence
de la Peinture . De la Conteftion.
Des Armes , Armoiries ,& de leur
progrés . De l'Imprimerie. Des Rangs
&Cerémonies. Des Taliſmans . De la
Poudre à Canon. De la Pierre Philofophale
, &c .
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6
p. 292-332
Paradoxes aux moins intelligens; mais veritez tres-certaines aux plus clairs-voyans.
Début :
Comme vous recevrez cette Lettre dans le commencement [...]
Mots clefs :
Paradoxes, Savants, Temps, Années, Jugement, Éternité, Soleil, Dieu, Proposition, Maux
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texteReconnaissance textuelle : Paradoxes aux moins intelligens; mais veritez tres-certaines aux plus clairs-voyans.
Comme vous recevrez cette
Lettre dans le commencement
du Carefine , vous ferez peutcftre ravie d'y trouver des Articles capables d'entretenir vôtre devotion , & je crois même
que ceux que vous y avez déja
Jûs eftant tres- curieux & tresattachans vous auront fait >
plus de plaifir que ceux qui re-
GALANT 293
gardent les affaires du monde;
& en effet , ils font fi beaux ,
& d'une nouveauté fi fingulicre , qu'il eft difficile de les lire
fans verfer des larmes de joye ,
ou pour mieux dire de ces fortes de larmes qui font trouver
du plaifir à pleurer. L'Article
qui fuit n'eft pas tout à fait de
cette nature. Il frappera les
cœurs d'une autre maniere , &
il faudra le lire plus d'une fois
pourle bien concevoir. Ce n'eft
pas que les Sçavans ne le puiffent comprendre d'abord
eltant fait dans toutes les regles ; mais de quelque caractere
2
Bb iij
294 MERCURE
qu'on foit , & de quelque nature que foit l'efprit de ceux
qui le liront , ils ne le verront
pasfans uneespece d'effroy qui
leur fera faire une ferme refolution de fe corriger , & de tâ
cher de meriter d'eftre un jour
dans le Ciel , & de fe tenir tellement en garde contre euxmêmes qu'ils puiffent éviter de
fe voir un jour au nombre des
damnez. Enfin jamais Article
nevous auradonnélieu de faire
plus de refléxions &de plus férieufes , & fi la diverfité plaiſt
beaucoup dans mes Lettres &
eft caufe que les plus medio-
GALANT 295
cres n'ennuyent pas à cauſe de
la diverfité des matieres qui attachent tour à tour , je puis
dire que cette Lettre vous fera
beaucoup de plaifir, eftant remplie d'une infinité de chofes
differentes. Je dois vous avertir de vous mettre bien dans
l'efprit que ce n'eft pas moy
qui parle dans ce que vous allez lire. C'eſt un difcours fait
dans les formes par un Maiftre
de l'Art , & dans lequel d'au
tres perfonnes parlent auffi.
Vous devez faire attention à
toutes ces chofes en le lifant ,
& vous fouvenir fouvent penBb iiij
295 MERCURE
dant cette lecture , que ce n'eft
pas moy qui parle , ainfi que je
viens de vous le marquer. C'eft
un hommetout rempli de zele
pour le falut des ames , & qui
a bien approfondi fa matière
avant que de la traiter.
Paradoxes aux moins intelligens; mais veritez tres- certaines aux plus clairs- voyans.
Premiere verité fous l'apparence
deparadoxe.
Le temps qui doit couler
d'icy jufqu'au jour du Juge
GALANT 297
ment paroît tres- court à ceux
qui font à prefent dans les Enfers , & paroîtra tel à tous ceux
qui auront le malheur d'y entrer avant la fin du monde.
Deuxième verité fous la mefme
apparence deparadoxe.
Par un principe bien different , aprés le jour du Jugement , les centaines de millions
d'années , & tel autre temps
qu'il nous plaira, fi long qu'on
fe le puiffe imaginer , pourvû
que ce foit un veritable temps,
ne paroîtra pas long aux damnez.
298: MERCURE
"
Troifiéme veritéfous l'apparence
deparadoxe.
Par un autre principe different des premiers , aprés le
jour du Jugement , les mefmes
centaines de millions d'années,
dans les joyes ineffables du Paradis , ne paroîtront aux Bienheureux , ny plus courtes , ny
plus longues qu'elles font en
elles mefmes ; c'est- à- dire, qu'il
ne leur femblera pas qu'elles
s'écoulent avec trop de vitelle,
ny qu'elles paffent trop lentement.
GALANT 299
DELA
La crainte du mal &
titude ou l'affeurance du b
l'efperance d'eftre delivré de
fes maux, & le defeſpoir d'en
eftre jamais delivré , ou la certitude d'en eftre éternellement
accablé ; la difference infinie &
effentielle qui eft entre le temps
& l'éternité, font tout le dénouëment & la preuve de ces
propofitions , comme on le va
voir en peu de mots.
Celuy qui les a avancées dans
une nombreuſe Compagniede
gens doctes & fpirituels , ne
s'étonna pas que d'abord , &
fans autre explication elles fu-
300 MERCURE
rent prifes pour dés paradoxes ;
mais comme il avoit lû autrefois le principe & le folide fondement des deux premieres ,
dans l'Auteur inconnu fur les
Pfeaumes , il les foûtint fortement en leur prefence ; & commeil les croit tres dignes d'être
meurement pefées pour nous
entretenir dans la crainte des.
jugemens de Dieu , il s'eft cncore appliqué à les prouveren
trois autres Affemblées confiderables.
Or comme le fujet paroît
curieux , & d'une affez grande.
importance pour trouver pla-
GALANT 301
ce dans cette Lettre, j'ay crû
que vous ne feriez pas fâchée
d'y voir les preuves de l'Auteur , que je vais raporter en
abregé.
la
Lesdeux premierespropofitions,
dit-il , qui à les confidererfuperficiellementfemblent revolter l'ef
pritdes Fideles , l'affermiffent dans
croyance de l'Eglife , touchant
le déplorable état des damnez
quand on les approfondit ; car loin
d'adoucir les peines effroyables de
l'Enfer, elles en font connoître.
davantage la grieveté, en donnent plus d'horreur que celle qu'on
en croyoit ordinairement, & eftant
302 MERCURE
attentivement confiderées dans
leurs caufes , elles font capables de
ramener les plus égarez dans la
voye dufalut.
Quoy qu'onfoit accablé de
tres grands maux , fi l'on en
craint encore de plus grands
qu'on ne fçauroit éviter , le
temps qui doit couler juſqu'à
ce que ces derniers viennent
fondre fur ceux qui les craignent leur paroît tres court :
or ceux qui font à preſent dans
les Enfers , & tous ceux qui auront le malheur d'y entrer avant la fin du monde , font à
la verité accablez de tres-
GALANT 303
grands maux, & tels qu'il n'eft
pas au pouvoir de l'éloquence
humaine de les exprimer ; mais
ils en craignent encore de plus
grands au jour du Jugement:
tirez-en la confequence.
La premiere propoſition eſt
tres- certaine , & peut eftre
prouvée par mille exemples. Je
n'en raporte qu'un feul qui me
vient dans l'efprit , &qui fuffira : ce n'eft pas celuy du commun proverbe , qui dit : Ayez
une dette à payer à Paſques &
vous trouverez le Carefme
court , ny l'exemple de ceux
qui cftant fort pauvres ont des
304 MERCURE
W
termes de loyer à payer à la
faint Jean ou à la faint Remy,
aufquels le temps femble paffer avec grande viteffe ; mais
c'eſt celuy d'un homme qui
feroit jetté dans un obfcur cachot , lié & garotté de groffes
chaînes , rongé des Rats & des
Souris , accablé de miferes ;
mais quifçauroit certainement
dans un an il doit fortit que
de ce cachot pour eltre brûlé
tout vif à petit feu devant une
grande foule de monde , auquel cette année qu'il a à refter
dans ce cachot en un fi pitoyable état , loin de luy paroître
GALANT 305
longue , luy paroît au contraire tres courte , par l'apprehenfion terrible qu'il a d'eſtre brûlé tout vif à petit feu devant
un grand monde, quand il for
tira de fa prifon.
La mineure de l'argument ,
à fçavoir que ceux qui font à
prefent dans les Enfers craignent de bien plus grands
maux au jour du Jugement que
ceux qu'ils endurent avant qu'il
arrive , eft inconteftable par
plufieurs raifons , du nombre
defquelles je choifis feulement
deuxprincipales, qu'on ne fçauroit nier. Lapremiere, qu'aprés
Fevrier 1710.
Cc
306 MERCURE
le jour du Jugement ils fouffriront en corps & en ame, au
lieu qu'à prefent ils ne fouffrent que dans leur ame , &
que les demons mefmes feront
plus tourmentez, paifqu'ils feront enchaînez dans les Enfers
à n'en jamais fortir. Mais une
feconde raifon tres effentielle
qui fait paroître aux damnez
que le temps qu'ils ont à eſtre
dans les Enfers jufqu'au jour du
Jugement paffe avec une extrême vîteffe , eft qu'ils fçavent
tres certainement qu'à ce jour
fi terrible pour eux, ils verront malgré qu'ils en ayent .
GALANT 307
1
celuy qui les doit juger , terriblement irrité contr'eux , & en
une fi grande colere , qu'ils ne
pourront en fupporter la vûë,
& que la confufion qu'ils auront de paroître en fa preſence , & en celle de tout l'Univers , où toutes leurs actions
feront manifeftées , les mettra
dans des tranſes effroyables ,
que la fureur & l'indignation
de cet Homme Dieu , fa Sentence foudroyante fur leurs
têtes leur paroît un poids qui
les accablera ; d'où vient que
pour l'éviter ils voudroient
pouvoir fe tenir cachez au plus
Cc ij
308 MERCURE
profond des Enfers ; & c'eft
cette terreur épouvantable qui
Leur fera prononcer à ce grand
jour ce que nous lifons dans.
faint Luc, qu'ils diront aux
montagnes de tomber ſur eux
pour les écrafer , & aux collines de les couvrir par leur chûte , pour les fouftraire à la vûë
de ce Juge irrité ; & quandmêmecette confufion & cette terreur ne devroit durer qu'autant de temps que Noftre Seigneur en mettra pour exercer
fon Jugement fur tous les
hommes , la crainte que les
damnez en ont eft fi terrible ,
1
GALANT 309
qu'il n'y a nul fujet de s'étonner que le temps qui doit couler jufqu'à ce qu'il arrive leur
paroiffe fi court. Mais il y a
tour lieu de croire que cette
confuſion fera éternelle ; que
par un effet admirable de la
toute- puiffance & de la juftice
de Dieu , tous les crimes de
chaque damné , non feulement
au dernier jour , mais durant
toute l'éternité , feront imprimez dans l'efprit des Bienheureux & des Hommes damnez,
des Anges & des Demons , &
qu'il fera au pouvoir des uns
& des autres de voir quand ils
310 MERCURE
le voudront le fujet de la damnation de chaque homme en
particulier , & de dire celuy cy
eft damné pour tels & tels cri
més , celuy là par d'autres ; de
forte que la confufion qu'ils
recevront au jour du Juge
ment , fera pour eux une confufion éternelle.
Preuves de la feconde propofition.
Si ceux qui font à preſent
dans l'Enfer ne trouvent pas
long le temps qu'ils ont à Y
eftre jufqu'au jour du Jugement, aprés ce mefmejour ces
GALANT 311
miferables ne trouveront pas
. non plus les jours , les mois
& les années longues ; mais à
leur plus grande damnation ,
par un principe bien different,
& qui loin de diminuer leurs
maux les accroîtra comme à
l'infiny.
Il n'y aura plus de temps
aprés ce jour terrible , ce qui
nous doit porter à bien employer celuy qui nous reſte à
faire penitence de nos pechez,
& à ne les plus commettre.
L'Ange que faint Jean vid en
fon Apocalypfe , qui eftoit debout fur la mer & fur la terre,
312 MERCURE
jura par celuy qui vit dans tous
les fiecles qu'il n'y auroit plus
de temps : Et juravit per viventem fæcula fæculorum......
Quia non erit tempus. ( Apoc.
chap. 10. La raiſon eſt que
ny le premier mobile, qui eft
la regle de tous les temps par
fon mouvement le plus égal
& le plus regulier de tous , ny
le Soleil ne feront plus leur
courſe , & n'auront plus de
mouvement , qui ne fera plus
neceffaire pour la generation
des Elûs , dont le nombrefera
accompli ; & ce que nous appellons Temps , n'elt autre chofe
GALANT 3T3
fe que la mefure & la durée du
mouvement du premier Mobile ou du Soleil ; fi ce n'eft que
nous difions que le temps eftant
auffi la mesure ou la durée des actions & despaffions , en un certain
fens ily auraun temps dans le Paradis dans l'Enfer , parce que
dans le Paradis les Bienheureux
pafferontfucceffivement d'unejoye
à une autre , & les damnez dans
l'Enfer d'un tourment à un autre
tourment ; comme il eft dit dans
Job, que d'un tres grandfroid ils
pafferont à une chaleur exc ffive :
AD NIMIUM CALOREM
TRANSIBUNT AB AQUIS
Février 1710. Dd
314 MERCURE
NIMIUM ; ( cap. 24. ) ce qui a
fait dire au Prophete Royal ,
qu'ils auront leur temps dans
tous les ficcles : Et erit tempus
eorum infæcula. ( PL. 80. ) Ce
temps neanmoins n'eft pas fi
proprement dit que celuy que
nous comptons par le mouvement du premier Mobile ou
du Soleil mais fi aprés le Jugement univerfel il n'y a plus
de temps en ce dernier fens par
le mouvement du premier Mobile , il pourroit y en avoir , fi
Dieu le vouloit ; ce qui feroit
fort indifferent à ceux qui auront paffé du Temps à l'Eter
GALANT 315
>
nité ; car que le Soleil ou le
premier Mobile tourne ου
qu'il ne tourne pas , ceux du
Ciel n'en feront ny moins heureux , ny ceux de l'Enfer moins
malheureux; & aprés que nous
ferons dans l'Eternité il arrivera enfuite , non une feule fois ,
mais un grand nombre de fois,
il arrivera que nous aurons eſté
les premiers dans les plaiſirs, les
autres dans les peines , autant
que le premier mobile auroit
pû faire de circulations pour
faire un auffi long temps que
le feroit d'enlever autant de
fables qu'il en pourroit conteDdij
316 MERCURE
nir dans tout l'Univers , quand
feulement on n'en enleveroit
qu'un feul grain à chaque centaine de millions d'années.
Or cette grandeur fi demefurée qu'elle nous femble
paroiftre , ne paroiftra pas
longue aux damnez , & fuppofé qu'aprés le Jugement
univerfel le Soleil ou le premier Mobile dût encore fe
mouvoir, & qu'il y eut confequemmentdesjours, des mois ,
& des années , comme nous les
comptons à prefent ; ces jours ,
ces mois & ces années , ne leur
paroiftroient pas longues non
1
GALANT 317-
plus. Mais vous remarquerez,
s'il vous plaift, que je parle d'un
temps fini & limité , qui eft la
mefure des chofes qui ont leur
commencement & leur fin, qui
eft la propre notion du temps ,
& qui en ce fens eft diftingué ,
ou plutòft oppofé à l'Eternité ,
& que je ne parle point d'un
tems infini qui correfpondroit
àl'Erernité;car ce ne feroit plus
untemps , mais ce feroitla même chofe que l'Eternité. Ainfi
je dis qu'un temps fini & limité
d'un an , de deux ans , de mille
ans , decent millions d'années ,
ne paroiftront pas long à ces
Dd iij
318 MERCURE
miferables. Une raifon à la portée des moins intelligens , eft
qu'une chofe à laquelle on ne
penſe point du tout ne paroiſt
ne courte ny longue : les damnez ne penfent point du tout
à ce temps fini , comme vous
le verrez mais une autre raifon auffi évidente que la premiere , &encore plus fpirituel
le , eft que quand on n'a aucune efperance d'eftre jamais délivré d'un mal dont on eft op
primé , & qu'on fçait tres certainement que ce mal n'aura
jamais de fin , un an ,
deux
ans mille ans de fouffran- >
GALANT 319
ces , quoy que tres-es- penibles ,
ne paroiffent pas longues.
Qu'est ce donc qui eft long
aux damnez? Et pourquoy demander cela ? Ce feroit des
millions d'années qui leur feroient tres - longs , fi leurs
maux devoient finir , mais ces
millions d'années ne leur font
rien , parce que leurs maux ne
doivent pas finir !
C'est l'Eternité qui leur
paroift infiniment longue , &
qui eft telle en effet ; c'est
ce qui fait le comble & le
plus grand de tous leurs maux,
ce qui les accable épouvanDd iiij
320 MERCURE
tablement >
, & de telle maniere qu'ils ne fçauroient penfer à autre chofe ; & c'eft
ce qui les jette dans une horrible defefpoir, dans une rage
& une furcur forcenée au- def
fusde tout ce que nous en pouvons penfer. D'où vient que
les damnez ne s'amufent point.
à nombrer ce temps fini & limité , qui s'eft déja écoulé depuis qu'ils font dans les feux ,
& celuy qui s'écoulera dans la
fuite, parce que cela leur feroit
tout à fait inutile , puis qu'aprés y avoir efté cent millions
d'années , ils ne feront pas
GALANT 321
plus avancez qu'au commencement , & qu'ils auront auffi
long temps à fouffrir que s'ils
ne faifoient que d'y entrer.
Et voicy qu'elle eft l'horrible penfée d'un damné , il luy
eft prefque impoffible d'en avoir aucune autre , ou s'il en a,
celle cy eft la dominante : donnons- y toute l'attention poffible pour nous empêcher de
tomber dans une damnation
pareille à la fienne.
Un damné ne penſe à autre
chofe qu'à fe dire à luy même:
Me voilà au comble de tous
les maux, & ces maux ne fini
322 MERCURE
ront jamais : autant que Dieu
fera Dieu , je feray l'objet de
de fes vengeances : tout auffi
long temps je feray dans les
feux, & dans des feux dont
ceux de la terre ne font que la
fumée: j'auray toûjours les demons pour bourreaux : tous les
autres damnez me donneront
mille maledictions : cette horrible & épouvantable Sentence: Allez maudits au feu éternel, fera éternellement imprimée dans mon efprit , dans ma
memoire , dans mon imagination , & dans tous mes fens , &
me fera fouffrir prefque tout à
GALANT 323
la fois , & en un feul inftant ,
ce que j'auray à fouffrir continuellement durant toute l'éternité. Un damné, dis je , ne
penfe à autre chofe , & non à
nombrer les jours & les moisqu'il a déja paffé dans les feux;
& cette penfée le confterne ,
l'abat , le jette dans le defefpoir , la rage &la furie que j'ay
dit , & luy fait proferer de fi
énormes blafphêmes contreDieu principalement, & contre
les Saints , & tant d'imprecations contre fes bourreaux:
& contre luy-mefme , qu'on
mourroit de frayeur à les en-
224 MARCURE
tertendre fortir de fa bouche.
Ceuxqui font à prefent dans
l'Enfer ne trouvent pas long
le temps qu'ils ontà y eftre juf
qu'au jour du Jugement , par
la crainte & l'apprehenfion
rible qu'ils ont de ce jour ; &
aprés ce jour paffé , ils ne trouveront pas long un temps finy & limité de cent ans , de
mille ans , de cent millions
d'années , par un autre principe, par unhorrible defefpoir,
le plus grand de tous leurs
maux, le comble de tous ceux
dont ils font accablez , par la
durée immenfe & infinie de
GALANT 325
l'éternité , durant toute laquelle ils fçavent tres certainement qu'ils feront les victimes des feux , & les efclaves
des demons.
Mais d'une chofe fi veritable , ne tirez pas cette fauffe
confequence , untemps limité
de cent millions d'années ne
paroit pas long aux damnez ,
donc ils ne s'ennuyent point
dans l'Enfer.
Ce feroit tres mal raiſonner
de puifer les tenebres dans la
plus éclatante lumiere , parce
que l'éternité qui abforbe tous
les temps , leur caufe un en-
326 MERCURE
nuy qui ne fe peut exprimer,
qui eft au deffus de toute conception angelique & humaine;
&fi un temps finy ne leur
roît pas long , c'eſt le defefpoir qui en eft caufe , & qui
rend leur condition bien plus
miferable.
paCar en effet , fi ces malheureux avoient l'efperance de for
tir de ces feux aprés cent millions d'années , pour lors ce
temps finy &limité feroit l'unique occupation de leur efprit ; & tout au contraire de
ceux , remarquez bien s'il vous
plaift , & tout au contraire de
GALANT 327
ceux aufquels le defeſpoir ne
fait pas trouver longun cemps
limité , cette efperance feroit
qu'une feule heure dans ces
tourmens leur paroiftroit des
millions d'années , comme un
malade qui fouffre de grands
maux, dont il a efperance d'être délivré , trouve qu'une
nuit dans les fouffrances eft
auffi longue queplufieurs nuits
le paroiftroient à un homme
fain & difpos. On nous trompe (diroient ceux qui auroient
efperance de fortir de l'Enfer aprés des millions de fiecles , fi le defefpoir n'eftoit
328 MERCURE
le pas partage de tous ceux
qui entrent dans ce lieu d'horreur) on nous trompe de vouloir nous perfuader qu'il n'y
a qu'une heure que nous fommes dans les tourmens , pendant qu'ils nous femble qu'il
y a des millions d'années que
nous brûlons dans ces horribles feux.
Cependant celuy quiauroit
efperance de fortir des enfers
feroit fans doute de meilleure
condition que celuy qui deſeſpere d'en fortir , quoy qu'au
premier une heure dans les
feux paruft des millions d'an-
GALANT 329
nées , & que le fecond qui defd'en fortir ne penfe ny pere
B
à
la longueur ny à la brieveté de
cette même heure , voyant
bien , & il le voit malgré qu'il
en ait à fa tres grande damnation , qu'il luy est tout- à fait
inutile d'y penfer , puiſqu'aprés cette penfée il ne fera pas
plus avancé qu'au commencement , & qu'il reftera encore
une éternité toute entiere à
fouffrir.
Preuves de la troifiémepropofition.
Qu'il ne doive pas paroistre
Février 1
1710.
Ec
330 MERCURE
aux Bien- heureux que les centaines de millions d'années
dans les joyes du Paradis s'écoulent avec trop de vîteffe ,
cela eſt tout évident ; parceque
l'unique chofe qui pourroit
leur faire paroître qu'elles vont
à pas degeant, ce feroit la crainte qu'aprés que ce grand nom
bre d'années feroit écoulé ils fe--
roient privezde ces plaifirs inéfables ;car dans la fuppofition
que cela duft arriver , pour lors
des milliers d'années dans ces
delices ne leur paroîtroient pas
avoir duré plus d'un jour ; mais
comme ils fçavent tres- certai-
GALANT 331
nement qu'ils n'en feront jamais privez , qu'aprés qu'un
fi grand nombre de fiecles
fera pafle ils ne feront encore qu'au commencement de
leur bonheur , ils ne peuvent
avoir aucun fujet de fe perfuader que ces fiecles paffent
avec trop de précipitation.
Qu'il ne leur doive pas paroiltre non plus que ces centaines de milliers d'années s'écoulent trop lentement ,
eft encore tout évident ; car ce
qui fait qu'une choſe ſemble
longue à paffer ou à parcourir ;
cela
Ee ij
332 MERCURE
c'eft le dégouft , la peine , ou la
difficulté qui s'y trouve les
Bien heureux n'ont nul dégouft , nulle peine , & nulle difficulté à parcourir ce grand
nombre d'années , mais au contraire en les parcourant ils font
dans l'affluence de toutes fortes de plaifirs & de delices , &
par confequent il ne femblera
pas aux Bienheureux que cette
longueur , fi demefuréé qu'elle
nous paroiffe , fe paffe trop lentement.
Lettre dans le commencement
du Carefine , vous ferez peutcftre ravie d'y trouver des Articles capables d'entretenir vôtre devotion , & je crois même
que ceux que vous y avez déja
Jûs eftant tres- curieux & tresattachans vous auront fait >
plus de plaifir que ceux qui re-
GALANT 293
gardent les affaires du monde;
& en effet , ils font fi beaux ,
& d'une nouveauté fi fingulicre , qu'il eft difficile de les lire
fans verfer des larmes de joye ,
ou pour mieux dire de ces fortes de larmes qui font trouver
du plaifir à pleurer. L'Article
qui fuit n'eft pas tout à fait de
cette nature. Il frappera les
cœurs d'une autre maniere , &
il faudra le lire plus d'une fois
pourle bien concevoir. Ce n'eft
pas que les Sçavans ne le puiffent comprendre d'abord
eltant fait dans toutes les regles ; mais de quelque caractere
2
Bb iij
294 MERCURE
qu'on foit , & de quelque nature que foit l'efprit de ceux
qui le liront , ils ne le verront
pasfans uneespece d'effroy qui
leur fera faire une ferme refolution de fe corriger , & de tâ
cher de meriter d'eftre un jour
dans le Ciel , & de fe tenir tellement en garde contre euxmêmes qu'ils puiffent éviter de
fe voir un jour au nombre des
damnez. Enfin jamais Article
nevous auradonnélieu de faire
plus de refléxions &de plus férieufes , & fi la diverfité plaiſt
beaucoup dans mes Lettres &
eft caufe que les plus medio-
GALANT 295
cres n'ennuyent pas à cauſe de
la diverfité des matieres qui attachent tour à tour , je puis
dire que cette Lettre vous fera
beaucoup de plaifir, eftant remplie d'une infinité de chofes
differentes. Je dois vous avertir de vous mettre bien dans
l'efprit que ce n'eft pas moy
qui parle dans ce que vous allez lire. C'eſt un difcours fait
dans les formes par un Maiftre
de l'Art , & dans lequel d'au
tres perfonnes parlent auffi.
Vous devez faire attention à
toutes ces chofes en le lifant ,
& vous fouvenir fouvent penBb iiij
295 MERCURE
dant cette lecture , que ce n'eft
pas moy qui parle , ainfi que je
viens de vous le marquer. C'eft
un hommetout rempli de zele
pour le falut des ames , & qui
a bien approfondi fa matière
avant que de la traiter.
Paradoxes aux moins intelligens; mais veritez tres- certaines aux plus clairs- voyans.
Premiere verité fous l'apparence
deparadoxe.
Le temps qui doit couler
d'icy jufqu'au jour du Juge
GALANT 297
ment paroît tres- court à ceux
qui font à prefent dans les Enfers , & paroîtra tel à tous ceux
qui auront le malheur d'y entrer avant la fin du monde.
Deuxième verité fous la mefme
apparence deparadoxe.
Par un principe bien different , aprés le jour du Jugement , les centaines de millions
d'années , & tel autre temps
qu'il nous plaira, fi long qu'on
fe le puiffe imaginer , pourvû
que ce foit un veritable temps,
ne paroîtra pas long aux damnez.
298: MERCURE
"
Troifiéme veritéfous l'apparence
deparadoxe.
Par un autre principe different des premiers , aprés le
jour du Jugement , les mefmes
centaines de millions d'années,
dans les joyes ineffables du Paradis , ne paroîtront aux Bienheureux , ny plus courtes , ny
plus longues qu'elles font en
elles mefmes ; c'est- à- dire, qu'il
ne leur femblera pas qu'elles
s'écoulent avec trop de vitelle,
ny qu'elles paffent trop lentement.
GALANT 299
DELA
La crainte du mal &
titude ou l'affeurance du b
l'efperance d'eftre delivré de
fes maux, & le defeſpoir d'en
eftre jamais delivré , ou la certitude d'en eftre éternellement
accablé ; la difference infinie &
effentielle qui eft entre le temps
& l'éternité, font tout le dénouëment & la preuve de ces
propofitions , comme on le va
voir en peu de mots.
Celuy qui les a avancées dans
une nombreuſe Compagniede
gens doctes & fpirituels , ne
s'étonna pas que d'abord , &
fans autre explication elles fu-
300 MERCURE
rent prifes pour dés paradoxes ;
mais comme il avoit lû autrefois le principe & le folide fondement des deux premieres ,
dans l'Auteur inconnu fur les
Pfeaumes , il les foûtint fortement en leur prefence ; & commeil les croit tres dignes d'être
meurement pefées pour nous
entretenir dans la crainte des.
jugemens de Dieu , il s'eft cncore appliqué à les prouveren
trois autres Affemblées confiderables.
Or comme le fujet paroît
curieux , & d'une affez grande.
importance pour trouver pla-
GALANT 301
ce dans cette Lettre, j'ay crû
que vous ne feriez pas fâchée
d'y voir les preuves de l'Auteur , que je vais raporter en
abregé.
la
Lesdeux premierespropofitions,
dit-il , qui à les confidererfuperficiellementfemblent revolter l'ef
pritdes Fideles , l'affermiffent dans
croyance de l'Eglife , touchant
le déplorable état des damnez
quand on les approfondit ; car loin
d'adoucir les peines effroyables de
l'Enfer, elles en font connoître.
davantage la grieveté, en donnent plus d'horreur que celle qu'on
en croyoit ordinairement, & eftant
302 MERCURE
attentivement confiderées dans
leurs caufes , elles font capables de
ramener les plus égarez dans la
voye dufalut.
Quoy qu'onfoit accablé de
tres grands maux , fi l'on en
craint encore de plus grands
qu'on ne fçauroit éviter , le
temps qui doit couler juſqu'à
ce que ces derniers viennent
fondre fur ceux qui les craignent leur paroît tres court :
or ceux qui font à preſent dans
les Enfers , & tous ceux qui auront le malheur d'y entrer avant la fin du monde , font à
la verité accablez de tres-
GALANT 303
grands maux, & tels qu'il n'eft
pas au pouvoir de l'éloquence
humaine de les exprimer ; mais
ils en craignent encore de plus
grands au jour du Jugement:
tirez-en la confequence.
La premiere propoſition eſt
tres- certaine , & peut eftre
prouvée par mille exemples. Je
n'en raporte qu'un feul qui me
vient dans l'efprit , &qui fuffira : ce n'eft pas celuy du commun proverbe , qui dit : Ayez
une dette à payer à Paſques &
vous trouverez le Carefme
court , ny l'exemple de ceux
qui cftant fort pauvres ont des
304 MERCURE
W
termes de loyer à payer à la
faint Jean ou à la faint Remy,
aufquels le temps femble paffer avec grande viteffe ; mais
c'eſt celuy d'un homme qui
feroit jetté dans un obfcur cachot , lié & garotté de groffes
chaînes , rongé des Rats & des
Souris , accablé de miferes ;
mais quifçauroit certainement
dans un an il doit fortit que
de ce cachot pour eltre brûlé
tout vif à petit feu devant une
grande foule de monde , auquel cette année qu'il a à refter
dans ce cachot en un fi pitoyable état , loin de luy paroître
GALANT 305
longue , luy paroît au contraire tres courte , par l'apprehenfion terrible qu'il a d'eſtre brûlé tout vif à petit feu devant
un grand monde, quand il for
tira de fa prifon.
La mineure de l'argument ,
à fçavoir que ceux qui font à
prefent dans les Enfers craignent de bien plus grands
maux au jour du Jugement que
ceux qu'ils endurent avant qu'il
arrive , eft inconteftable par
plufieurs raifons , du nombre
defquelles je choifis feulement
deuxprincipales, qu'on ne fçauroit nier. Lapremiere, qu'aprés
Fevrier 1710.
Cc
306 MERCURE
le jour du Jugement ils fouffriront en corps & en ame, au
lieu qu'à prefent ils ne fouffrent que dans leur ame , &
que les demons mefmes feront
plus tourmentez, paifqu'ils feront enchaînez dans les Enfers
à n'en jamais fortir. Mais une
feconde raifon tres effentielle
qui fait paroître aux damnez
que le temps qu'ils ont à eſtre
dans les Enfers jufqu'au jour du
Jugement paffe avec une extrême vîteffe , eft qu'ils fçavent
tres certainement qu'à ce jour
fi terrible pour eux, ils verront malgré qu'ils en ayent .
GALANT 307
1
celuy qui les doit juger , terriblement irrité contr'eux , & en
une fi grande colere , qu'ils ne
pourront en fupporter la vûë,
& que la confufion qu'ils auront de paroître en fa preſence , & en celle de tout l'Univers , où toutes leurs actions
feront manifeftées , les mettra
dans des tranſes effroyables ,
que la fureur & l'indignation
de cet Homme Dieu , fa Sentence foudroyante fur leurs
têtes leur paroît un poids qui
les accablera ; d'où vient que
pour l'éviter ils voudroient
pouvoir fe tenir cachez au plus
Cc ij
308 MERCURE
profond des Enfers ; & c'eft
cette terreur épouvantable qui
Leur fera prononcer à ce grand
jour ce que nous lifons dans.
faint Luc, qu'ils diront aux
montagnes de tomber ſur eux
pour les écrafer , & aux collines de les couvrir par leur chûte , pour les fouftraire à la vûë
de ce Juge irrité ; & quandmêmecette confufion & cette terreur ne devroit durer qu'autant de temps que Noftre Seigneur en mettra pour exercer
fon Jugement fur tous les
hommes , la crainte que les
damnez en ont eft fi terrible ,
1
GALANT 309
qu'il n'y a nul fujet de s'étonner que le temps qui doit couler jufqu'à ce qu'il arrive leur
paroiffe fi court. Mais il y a
tour lieu de croire que cette
confuſion fera éternelle ; que
par un effet admirable de la
toute- puiffance & de la juftice
de Dieu , tous les crimes de
chaque damné , non feulement
au dernier jour , mais durant
toute l'éternité , feront imprimez dans l'efprit des Bienheureux & des Hommes damnez,
des Anges & des Demons , &
qu'il fera au pouvoir des uns
& des autres de voir quand ils
310 MERCURE
le voudront le fujet de la damnation de chaque homme en
particulier , & de dire celuy cy
eft damné pour tels & tels cri
més , celuy là par d'autres ; de
forte que la confufion qu'ils
recevront au jour du Juge
ment , fera pour eux une confufion éternelle.
Preuves de la feconde propofition.
Si ceux qui font à preſent
dans l'Enfer ne trouvent pas
long le temps qu'ils ont à Y
eftre jufqu'au jour du Jugement, aprés ce mefmejour ces
GALANT 311
miferables ne trouveront pas
. non plus les jours , les mois
& les années longues ; mais à
leur plus grande damnation ,
par un principe bien different,
& qui loin de diminuer leurs
maux les accroîtra comme à
l'infiny.
Il n'y aura plus de temps
aprés ce jour terrible , ce qui
nous doit porter à bien employer celuy qui nous reſte à
faire penitence de nos pechez,
& à ne les plus commettre.
L'Ange que faint Jean vid en
fon Apocalypfe , qui eftoit debout fur la mer & fur la terre,
312 MERCURE
jura par celuy qui vit dans tous
les fiecles qu'il n'y auroit plus
de temps : Et juravit per viventem fæcula fæculorum......
Quia non erit tempus. ( Apoc.
chap. 10. La raiſon eſt que
ny le premier mobile, qui eft
la regle de tous les temps par
fon mouvement le plus égal
& le plus regulier de tous , ny
le Soleil ne feront plus leur
courſe , & n'auront plus de
mouvement , qui ne fera plus
neceffaire pour la generation
des Elûs , dont le nombrefera
accompli ; & ce que nous appellons Temps , n'elt autre chofe
GALANT 3T3
fe que la mefure & la durée du
mouvement du premier Mobile ou du Soleil ; fi ce n'eft que
nous difions que le temps eftant
auffi la mesure ou la durée des actions & despaffions , en un certain
fens ily auraun temps dans le Paradis dans l'Enfer , parce que
dans le Paradis les Bienheureux
pafferontfucceffivement d'unejoye
à une autre , & les damnez dans
l'Enfer d'un tourment à un autre
tourment ; comme il eft dit dans
Job, que d'un tres grandfroid ils
pafferont à une chaleur exc ffive :
AD NIMIUM CALOREM
TRANSIBUNT AB AQUIS
Février 1710. Dd
314 MERCURE
NIMIUM ; ( cap. 24. ) ce qui a
fait dire au Prophete Royal ,
qu'ils auront leur temps dans
tous les ficcles : Et erit tempus
eorum infæcula. ( PL. 80. ) Ce
temps neanmoins n'eft pas fi
proprement dit que celuy que
nous comptons par le mouvement du premier Mobile ou
du Soleil mais fi aprés le Jugement univerfel il n'y a plus
de temps en ce dernier fens par
le mouvement du premier Mobile , il pourroit y en avoir , fi
Dieu le vouloit ; ce qui feroit
fort indifferent à ceux qui auront paffé du Temps à l'Eter
GALANT 315
>
nité ; car que le Soleil ou le
premier Mobile tourne ου
qu'il ne tourne pas , ceux du
Ciel n'en feront ny moins heureux , ny ceux de l'Enfer moins
malheureux; & aprés que nous
ferons dans l'Eternité il arrivera enfuite , non une feule fois ,
mais un grand nombre de fois,
il arrivera que nous aurons eſté
les premiers dans les plaiſirs, les
autres dans les peines , autant
que le premier mobile auroit
pû faire de circulations pour
faire un auffi long temps que
le feroit d'enlever autant de
fables qu'il en pourroit conteDdij
316 MERCURE
nir dans tout l'Univers , quand
feulement on n'en enleveroit
qu'un feul grain à chaque centaine de millions d'années.
Or cette grandeur fi demefurée qu'elle nous femble
paroiftre , ne paroiftra pas
longue aux damnez , & fuppofé qu'aprés le Jugement
univerfel le Soleil ou le premier Mobile dût encore fe
mouvoir, & qu'il y eut confequemmentdesjours, des mois ,
& des années , comme nous les
comptons à prefent ; ces jours ,
ces mois & ces années , ne leur
paroiftroient pas longues non
1
GALANT 317-
plus. Mais vous remarquerez,
s'il vous plaift, que je parle d'un
temps fini & limité , qui eft la
mefure des chofes qui ont leur
commencement & leur fin, qui
eft la propre notion du temps ,
& qui en ce fens eft diftingué ,
ou plutòft oppofé à l'Eternité ,
& que je ne parle point d'un
tems infini qui correfpondroit
àl'Erernité;car ce ne feroit plus
untemps , mais ce feroitla même chofe que l'Eternité. Ainfi
je dis qu'un temps fini & limité
d'un an , de deux ans , de mille
ans , decent millions d'années ,
ne paroiftront pas long à ces
Dd iij
318 MERCURE
miferables. Une raifon à la portée des moins intelligens , eft
qu'une chofe à laquelle on ne
penſe point du tout ne paroiſt
ne courte ny longue : les damnez ne penfent point du tout
à ce temps fini , comme vous
le verrez mais une autre raifon auffi évidente que la premiere , &encore plus fpirituel
le , eft que quand on n'a aucune efperance d'eftre jamais délivré d'un mal dont on eft op
primé , & qu'on fçait tres certainement que ce mal n'aura
jamais de fin , un an ,
deux
ans mille ans de fouffran- >
GALANT 319
ces , quoy que tres-es- penibles ,
ne paroiffent pas longues.
Qu'est ce donc qui eft long
aux damnez? Et pourquoy demander cela ? Ce feroit des
millions d'années qui leur feroient tres - longs , fi leurs
maux devoient finir , mais ces
millions d'années ne leur font
rien , parce que leurs maux ne
doivent pas finir !
C'est l'Eternité qui leur
paroift infiniment longue , &
qui eft telle en effet ; c'est
ce qui fait le comble & le
plus grand de tous leurs maux,
ce qui les accable épouvanDd iiij
320 MERCURE
tablement >
, & de telle maniere qu'ils ne fçauroient penfer à autre chofe ; & c'eft
ce qui les jette dans une horrible defefpoir, dans une rage
& une furcur forcenée au- def
fusde tout ce que nous en pouvons penfer. D'où vient que
les damnez ne s'amufent point.
à nombrer ce temps fini & limité , qui s'eft déja écoulé depuis qu'ils font dans les feux ,
& celuy qui s'écoulera dans la
fuite, parce que cela leur feroit
tout à fait inutile , puis qu'aprés y avoir efté cent millions
d'années , ils ne feront pas
GALANT 321
plus avancez qu'au commencement , & qu'ils auront auffi
long temps à fouffrir que s'ils
ne faifoient que d'y entrer.
Et voicy qu'elle eft l'horrible penfée d'un damné , il luy
eft prefque impoffible d'en avoir aucune autre , ou s'il en a,
celle cy eft la dominante : donnons- y toute l'attention poffible pour nous empêcher de
tomber dans une damnation
pareille à la fienne.
Un damné ne penſe à autre
chofe qu'à fe dire à luy même:
Me voilà au comble de tous
les maux, & ces maux ne fini
322 MERCURE
ront jamais : autant que Dieu
fera Dieu , je feray l'objet de
de fes vengeances : tout auffi
long temps je feray dans les
feux, & dans des feux dont
ceux de la terre ne font que la
fumée: j'auray toûjours les demons pour bourreaux : tous les
autres damnez me donneront
mille maledictions : cette horrible & épouvantable Sentence: Allez maudits au feu éternel, fera éternellement imprimée dans mon efprit , dans ma
memoire , dans mon imagination , & dans tous mes fens , &
me fera fouffrir prefque tout à
GALANT 323
la fois , & en un feul inftant ,
ce que j'auray à fouffrir continuellement durant toute l'éternité. Un damné, dis je , ne
penfe à autre chofe , & non à
nombrer les jours & les moisqu'il a déja paffé dans les feux;
& cette penfée le confterne ,
l'abat , le jette dans le defefpoir , la rage &la furie que j'ay
dit , & luy fait proferer de fi
énormes blafphêmes contreDieu principalement, & contre
les Saints , & tant d'imprecations contre fes bourreaux:
& contre luy-mefme , qu'on
mourroit de frayeur à les en-
224 MARCURE
tertendre fortir de fa bouche.
Ceuxqui font à prefent dans
l'Enfer ne trouvent pas long
le temps qu'ils ontà y eftre juf
qu'au jour du Jugement , par
la crainte & l'apprehenfion
rible qu'ils ont de ce jour ; &
aprés ce jour paffé , ils ne trouveront pas long un temps finy & limité de cent ans , de
mille ans , de cent millions
d'années , par un autre principe, par unhorrible defefpoir,
le plus grand de tous leurs
maux, le comble de tous ceux
dont ils font accablez , par la
durée immenfe & infinie de
GALANT 325
l'éternité , durant toute laquelle ils fçavent tres certainement qu'ils feront les victimes des feux , & les efclaves
des demons.
Mais d'une chofe fi veritable , ne tirez pas cette fauffe
confequence , untemps limité
de cent millions d'années ne
paroit pas long aux damnez ,
donc ils ne s'ennuyent point
dans l'Enfer.
Ce feroit tres mal raiſonner
de puifer les tenebres dans la
plus éclatante lumiere , parce
que l'éternité qui abforbe tous
les temps , leur caufe un en-
326 MERCURE
nuy qui ne fe peut exprimer,
qui eft au deffus de toute conception angelique & humaine;
&fi un temps finy ne leur
roît pas long , c'eſt le defefpoir qui en eft caufe , & qui
rend leur condition bien plus
miferable.
paCar en effet , fi ces malheureux avoient l'efperance de for
tir de ces feux aprés cent millions d'années , pour lors ce
temps finy &limité feroit l'unique occupation de leur efprit ; & tout au contraire de
ceux , remarquez bien s'il vous
plaift , & tout au contraire de
GALANT 327
ceux aufquels le defeſpoir ne
fait pas trouver longun cemps
limité , cette efperance feroit
qu'une feule heure dans ces
tourmens leur paroiftroit des
millions d'années , comme un
malade qui fouffre de grands
maux, dont il a efperance d'être délivré , trouve qu'une
nuit dans les fouffrances eft
auffi longue queplufieurs nuits
le paroiftroient à un homme
fain & difpos. On nous trompe (diroient ceux qui auroient
efperance de fortir de l'Enfer aprés des millions de fiecles , fi le defefpoir n'eftoit
328 MERCURE
le pas partage de tous ceux
qui entrent dans ce lieu d'horreur) on nous trompe de vouloir nous perfuader qu'il n'y
a qu'une heure que nous fommes dans les tourmens , pendant qu'ils nous femble qu'il
y a des millions d'années que
nous brûlons dans ces horribles feux.
Cependant celuy quiauroit
efperance de fortir des enfers
feroit fans doute de meilleure
condition que celuy qui deſeſpere d'en fortir , quoy qu'au
premier une heure dans les
feux paruft des millions d'an-
GALANT 329
nées , & que le fecond qui defd'en fortir ne penfe ny pere
B
à
la longueur ny à la brieveté de
cette même heure , voyant
bien , & il le voit malgré qu'il
en ait à fa tres grande damnation , qu'il luy est tout- à fait
inutile d'y penfer , puiſqu'aprés cette penfée il ne fera pas
plus avancé qu'au commencement , & qu'il reftera encore
une éternité toute entiere à
fouffrir.
Preuves de la troifiémepropofition.
Qu'il ne doive pas paroistre
Février 1
1710.
Ec
330 MERCURE
aux Bien- heureux que les centaines de millions d'années
dans les joyes du Paradis s'écoulent avec trop de vîteffe ,
cela eſt tout évident ; parceque
l'unique chofe qui pourroit
leur faire paroître qu'elles vont
à pas degeant, ce feroit la crainte qu'aprés que ce grand nom
bre d'années feroit écoulé ils fe--
roient privezde ces plaifirs inéfables ;car dans la fuppofition
que cela duft arriver , pour lors
des milliers d'années dans ces
delices ne leur paroîtroient pas
avoir duré plus d'un jour ; mais
comme ils fçavent tres- certai-
GALANT 331
nement qu'ils n'en feront jamais privez , qu'aprés qu'un
fi grand nombre de fiecles
fera pafle ils ne feront encore qu'au commencement de
leur bonheur , ils ne peuvent
avoir aucun fujet de fe perfuader que ces fiecles paffent
avec trop de précipitation.
Qu'il ne leur doive pas paroiltre non plus que ces centaines de milliers d'années s'écoulent trop lentement ,
eft encore tout évident ; car ce
qui fait qu'une choſe ſemble
longue à paffer ou à parcourir ;
cela
Ee ij
332 MERCURE
c'eft le dégouft , la peine , ou la
difficulté qui s'y trouve les
Bien heureux n'ont nul dégouft , nulle peine , & nulle difficulté à parcourir ce grand
nombre d'années , mais au contraire en les parcourant ils font
dans l'affluence de toutes fortes de plaifirs & de delices , &
par confequent il ne femblera
pas aux Bienheureux que cette
longueur , fi demefuréé qu'elle
nous paroiffe , fe paffe trop lentement.
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Résumé : Paradoxes aux moins intelligens; mais veritez tres-certaines aux plus clairs-voyans.
La lettre traite de la dévotion et des articles spirituels, soulignant que les articles précédents étaient émouvants et capables de susciter des larmes de joie. L'article actuel, en revanche, vise à provoquer une réflexion sérieuse et à inciter les lecteurs à se corriger pour mériter le Ciel. L'auteur présente trois vérités sous forme de paradoxes, mais qui sont des certitudes pour les esprits éclairés. Premièrement, le temps jusqu'au Jugement dernier semble court aux damnés actuels et à ceux qui le seront avant la fin du monde. Deuxièmement, après le Jugement, les damnés ne trouveront pas le temps long, malgré sa durée. Troisièmement, dans le Paradis, les Bienheureux ne percevront pas le temps comme long ou court. L'auteur explique que ces propositions, bien que paradoxales en apparence, renforcent la croyance en l'état déplorable des damnés et leur font connaître l'horreur de l'Enfer. Il illustre cela par l'exemple d'un homme dans un cachot, accablé de maux et craignant des souffrances futures, pour montrer comment le temps peut sembler court face à une peur intense. Pour les damnés, un temps fini, même de plusieurs millions d'années, ne semble pas long car ils sont accablés par le désespoir de souffrances éternelles. L'éternité leur apparaît infiniment longue et est la source de leur plus grand malheur. Ils ne s'amusent pas à compter le temps écoulé ou à venir, car cela leur semble inutile. Leur pensée dominante est la souffrance éternelle et la rage contre Dieu et leurs bourreaux. En revanche, les bienheureux au paradis ne trouvent pas que les siècles passent trop vite ou trop lentement. Ils savent qu'ils ne seront jamais privés de leurs plaisirs ineffables, ce qui rend leur bonheur constant et sans crainte. Ils ne ressentent ni peine ni difficulté dans leur état de béatitude, ce qui fait que le temps leur semble passer de manière appropriée. La lettre se conclut par une réflexion sur l'importance de bien employer le temps présent pour faire pénitence et éviter les péchés, car après le Jugement, il n'y aura plus de temps tel que nous le connaissons.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 204-211
Jugement d'un Duc de Normandie.
Début :
Dans le temps qu'on ne plaidoit point en Normandie, [...]
Mots clefs :
Duc de Normandie, Jugement, Moulin, Galant, Pommiers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Jugement d'un Duc de Normandie.
Jugement d'un Duc de
Normandie
.
Dans le temps qu'on
ne plaidoitpoint en Normandie
, c'eft-à- dire , it
y a long- temps , un Duc.
de Normandie donnoit
Audience à la Gauloife.
fous un chefne : un ef
pece d'Avocat luy expofa
l'affaire qui fuit en
GALANT. 205
peu de mots , car en ce
tems- là les Avocats al
loient d'abord au fait.
Monfeigneur , dit celuy
- cy , voicy deux
hommes qui fe haïffent,
premierement
parce
qu'ils font freres , fecondement
parce qu'ils font
voifins.
L'un eft Meufnier
l'autre eft Fruitier , leur
pere leur a laiffé pour
tout heritage , à l'un un
champ planté de beaux
106 MERCURE
Pomiers à l'autre un
Moulin à vent qui eft
placé au bout du champ
de fon frere , & voicy le
fujet de leur querelle.
Tous les jours de grand
matin ils ſe rencontrent
fur une hauteur voifine,
où chacun d'eux va examiner
par la maniere
dont le Soleil fe leve , s'il
fera riche ou pauvre ,
c'eſt-à-dire quel temps il
ofera.Apspris
... La ils font des voeux
GALANT. 207
chacun felon fon inte
reft ; l'un prie le Ciel
d'eftre propice aux Pomiers
, l'autre le conjure
d'eftre favorable aux
Moulins: mais le Cielne
fçauroit les contenter
tous deux. Car ce qui
fait pour l'un fait contre
J'autre ; s'il s'elleve un
grand vent par exemple,
le Meufnier réjoui , s'écrie
beni ſoit le vent qui
fait tourner mon Moulin
maudit foit le vent
08 MERCURE
dit l'autre , il abbat tou
tes mes Pommes .
L'air eft-il doux &
tranquille , le Meunier
fe defefpere , & le Frui ·
tier fe réjouit enforte
que l'un des deux eſt
tousjours chagrin de fon
malheur , & jaloux du
bonheur de l'autre ; le
malheureux s'en prend
d'abord à fon Ciel , puis
il s'en prend à fon frere.
C'eft toy dit l'un , qui a
demandé du vent : c'eſt
toy
GALANT 209
toy dit l'autre, qui a prié
Dieu qu'il n'en vint
point. C'eft toy qui fais
Le
le beau temps , c'eft toy
qui nie ruine ; tu en as
menty. On s'injurie , cn
fe gourme , & voilà le
train .
Si vous ne mettez or
dre à cela Monſeigneur,
ces deux freres-la periront
, car ils fe battent
tous les jours qu'il fait
vent ; ils fe battent aufh
ous les jours qu'il n'en
Fevrier 1711 S
210 MERCURE
fait point , quand voulez
-vous qu'ils ayent la
paix.
Il faut mettre fin à
cette querelle-là , dit le
Duc ça , dites-moy
mes enfants , lequel produit
le plus du Moulin
ou des Pomiers: nous ne
fçaurions vous dire cela:
au juſte , répondit l'un
des freres , car nos heritages
nous rapportent ſelon
le vent qu'il fait .
Eh bien , continua le
GALANT . 21
Duc , j'ordonne que le
Meufnier aura moitié
dans le profit des Pomiers
, & que le Fruitier
aura moitié dans le profit
du Moulin ; afin que
quelque temps qu'il faffe,
ce que l'un perdra d'um
cofté , il le regagne de
l'autre.
Normandie
.
Dans le temps qu'on
ne plaidoitpoint en Normandie
, c'eft-à- dire , it
y a long- temps , un Duc.
de Normandie donnoit
Audience à la Gauloife.
fous un chefne : un ef
pece d'Avocat luy expofa
l'affaire qui fuit en
GALANT. 205
peu de mots , car en ce
tems- là les Avocats al
loient d'abord au fait.
Monfeigneur , dit celuy
- cy , voicy deux
hommes qui fe haïffent,
premierement
parce
qu'ils font freres , fecondement
parce qu'ils font
voifins.
L'un eft Meufnier
l'autre eft Fruitier , leur
pere leur a laiffé pour
tout heritage , à l'un un
champ planté de beaux
106 MERCURE
Pomiers à l'autre un
Moulin à vent qui eft
placé au bout du champ
de fon frere , & voicy le
fujet de leur querelle.
Tous les jours de grand
matin ils ſe rencontrent
fur une hauteur voifine,
où chacun d'eux va examiner
par la maniere
dont le Soleil fe leve , s'il
fera riche ou pauvre ,
c'eſt-à-dire quel temps il
ofera.Apspris
... La ils font des voeux
GALANT. 207
chacun felon fon inte
reft ; l'un prie le Ciel
d'eftre propice aux Pomiers
, l'autre le conjure
d'eftre favorable aux
Moulins: mais le Cielne
fçauroit les contenter
tous deux. Car ce qui
fait pour l'un fait contre
J'autre ; s'il s'elleve un
grand vent par exemple,
le Meufnier réjoui , s'écrie
beni ſoit le vent qui
fait tourner mon Moulin
maudit foit le vent
08 MERCURE
dit l'autre , il abbat tou
tes mes Pommes .
L'air eft-il doux &
tranquille , le Meunier
fe defefpere , & le Frui ·
tier fe réjouit enforte
que l'un des deux eſt
tousjours chagrin de fon
malheur , & jaloux du
bonheur de l'autre ; le
malheureux s'en prend
d'abord à fon Ciel , puis
il s'en prend à fon frere.
C'eft toy dit l'un , qui a
demandé du vent : c'eſt
toy
GALANT 209
toy dit l'autre, qui a prié
Dieu qu'il n'en vint
point. C'eft toy qui fais
Le
le beau temps , c'eft toy
qui nie ruine ; tu en as
menty. On s'injurie , cn
fe gourme , & voilà le
train .
Si vous ne mettez or
dre à cela Monſeigneur,
ces deux freres-la periront
, car ils fe battent
tous les jours qu'il fait
vent ; ils fe battent aufh
ous les jours qu'il n'en
Fevrier 1711 S
210 MERCURE
fait point , quand voulez
-vous qu'ils ayent la
paix.
Il faut mettre fin à
cette querelle-là , dit le
Duc ça , dites-moy
mes enfants , lequel produit
le plus du Moulin
ou des Pomiers: nous ne
fçaurions vous dire cela:
au juſte , répondit l'un
des freres , car nos heritages
nous rapportent ſelon
le vent qu'il fait .
Eh bien , continua le
GALANT . 21
Duc , j'ordonne que le
Meufnier aura moitié
dans le profit des Pomiers
, & que le Fruitier
aura moitié dans le profit
du Moulin ; afin que
quelque temps qu'il faffe,
ce que l'un perdra d'um
cofté , il le regagne de
l'autre.
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Résumé : Jugement d'un Duc de Normandie.
Le texte décrit un jugement rendu par un duc de Normandie à une époque où les procès n'étaient pas formels. Un avocat expose une querelle entre deux frères voisins et ennemis. Leur conflit découle de leurs héritages divergents : l'un possède un champ de pommiers, l'autre un moulin à vent situé au bout du champ de son frère. Le meunier souhaite du vent pour son moulin, tandis que le fruitier préfère un temps calme pour ses pommiers. Chaque frère accuse l'autre de provoquer des conditions météorologiques défavorables à ses intérêts. Le duc met fin à la querelle en ordonnant que le meunier partage les profits des pommiers et que le fruitier partage ceux du moulin. Ainsi, quel que soit le temps, les pertes de l'un seront compensées par les gains de l'autre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 90-94
« A propos de Marine, je vous ay donné dans le [...] »
Début :
A propos de Marine, je vous ay donné dans le [...]
Mots clefs :
Jugement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « A propos de Marine, je vous ay donné dans le [...] »
A propos de Marine,
je vous ay donnédans le
Mercure d'Octobre Textrait
d'un procez dont je
promis le jugement qui
n'a esté rendu au Conseil
fqueadepuiis pteu..Voicy le '-
Roman, Gondol
,
&
Lati
, tous trois Matelots
Officiers du navire du departement
de Toulon, s'embarquerent à Toulon
sur unVaisseau marchand.
En faisantrouteversle
Havre de Grace, ils furent
attaquez & pris par un
Vaisseau de guerre qui les
conduisitàBaston.
Le20.Decembre1709.
on les embarqua dans un
autre Vaisseau marchand
qui partoit pour Londres
Il y avoit sur ceVainèattr
huit Anglois ; sçavoir, Ifc.
Capitaine, un Capitaine
passager, un Pilote,&cinq
Matelots.
Nos trois prisonniers
conspirerent la mort des
deux Capitaines, & du
Pilote; chacun d'eux fè
chargea de tuer son homme;
tous trois re'iiffirenr,.
&lescinqMatelotsvoyant
leurs chefs morts se soumirent
à nos trois Françoisqui
se trouverent enfin
maistres du Vaisseau
Anglois. Le 10.Janvier
IJTO. que cestrois François
se rendirent maistres
du Vaisseau ,ils faisoient
route vers la France lorsqu'ils
rencontrerentvers
Sorlingues un Armateur
de Roscoff, Armateur
François, qui voyant un
Vaisseau de la fabrique
- Angloise le reprit sur nos
François. La question estoit
de sçavoir àqui devoit
: appartenirceVaisseau.
Jugement..
Le prix a esté adjugé
moitié à l'Armateur,8è
moitiéaux trois Matelots.
Apparemment on a
prouvé dans l'instruction
du procez que les trois
Matelots se sont emparez
de bonneguerre du Vaisseau
Ennemy où on les tenoit
esclaves,&qu'ensuite
ayant arborépavillon
Ennemy
,
& l'Armateur
les ayant aussi attaquez
de bonne guerre, le Vaisseau
étoit de bonne prise
pour tous.
je vous ay donnédans le
Mercure d'Octobre Textrait
d'un procez dont je
promis le jugement qui
n'a esté rendu au Conseil
fqueadepuiis pteu..Voicy le '-
Roman, Gondol
,
&
Lati
, tous trois Matelots
Officiers du navire du departement
de Toulon, s'embarquerent à Toulon
sur unVaisseau marchand.
En faisantrouteversle
Havre de Grace, ils furent
attaquez & pris par un
Vaisseau de guerre qui les
conduisitàBaston.
Le20.Decembre1709.
on les embarqua dans un
autre Vaisseau marchand
qui partoit pour Londres
Il y avoit sur ceVainèattr
huit Anglois ; sçavoir, Ifc.
Capitaine, un Capitaine
passager, un Pilote,&cinq
Matelots.
Nos trois prisonniers
conspirerent la mort des
deux Capitaines, & du
Pilote; chacun d'eux fè
chargea de tuer son homme;
tous trois re'iiffirenr,.
&lescinqMatelotsvoyant
leurs chefs morts se soumirent
à nos trois Françoisqui
se trouverent enfin
maistres du Vaisseau
Anglois. Le 10.Janvier
IJTO. que cestrois François
se rendirent maistres
du Vaisseau ,ils faisoient
route vers la France lorsqu'ils
rencontrerentvers
Sorlingues un Armateur
de Roscoff, Armateur
François, qui voyant un
Vaisseau de la fabrique
- Angloise le reprit sur nos
François. La question estoit
de sçavoir àqui devoit
: appartenirceVaisseau.
Jugement..
Le prix a esté adjugé
moitié à l'Armateur,8è
moitiéaux trois Matelots.
Apparemment on a
prouvé dans l'instruction
du procez que les trois
Matelots se sont emparez
de bonneguerre du Vaisseau
Ennemy où on les tenoit
esclaves,&qu'ensuite
ayant arborépavillon
Ennemy
,
& l'Armateur
les ayant aussi attaquez
de bonne guerre, le Vaisseau
étoit de bonne prise
pour tous.
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Résumé : « A propos de Marine, je vous ay donné dans le [...] »
Le texte raconte l'histoire de trois matelots français, Roman, Gondol et Lati, officiers d'un navire de Toulon, qui s'embarquèrent sur un vaisseau marchand attaqué par un vaisseau de guerre et conduits à Baston. Le 20 décembre 1709, ils furent transférés sur un autre vaisseau marchand à destination de Londres, où se trouvaient huit Anglais, dont deux capitaines, un pilote et cinq matelots. Les Français conspirèrent pour tuer les deux capitaines et le pilote, prenant ensuite le contrôle du vaisseau. Le 10 janvier 1710, ils rencontrèrent un armateur de Roscoff, qui captura le vaisseau, le croyant anglais. La question juridique portait sur la propriété du vaisseau. Le jugement décida que le prix du vaisseau serait partagé moitié à l'armateur et moitié aux trois matelots, car il fut prouvé que les matelots s'étaient emparés du vaisseau ennemi de bonne guerre et que l'armateur les avait également attaqués de bonne guerre, rendant la prise légitime pour toutes les parties.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 29-48
POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
Début :
Les Dieux sont pour César, & Caton pour Pompée. [...]
Mots clefs :
Dieux, Jugement, Muse, République, Caton, Rome
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
POLLICHON.
Poëme par M. de N it -il: * Directeur
de l'Hôtel-Dita
de Vienne en Dauphiné.
Lesujetest tiré d'une Echop,
f) souslaporte d'entrée
de tHôtcLDteu, demandéeàl'Auteur
par une infinitédepersonnesstes
unes
pour Pollichon, & les
autres pour Henriette.
LES Dieux sontpour
César, & Caton pour
Pompée.
Bon jadis, mais les
Dieux, les Catons
1 de ce temps
Ont de plus grands
soucis la cervelle
occupée,
Et se partagent bien
pour d'autres combattans,
-0 Pollichon d'une part,
& de loutre Henriette.
Quelle verve vous préd
Poëte,
Et quel debut? qu'ont
de commun entr'eux
Deux inconnus & ces
Romains fameux? -
Je le dirai: c'est que
l'un & l'autre homme
Veut estre seul maître
absolu dans Rome,
En leur faveur il se fait
des partis,
Adolescens, hommes
faits, cheveux gris,
Sages & fols
,
chacun
pour euxs'engage;
Les dieux contre les
dieux l'Olimpe se
partage
Tout comme à Troye,
Apollon d'un côté,
Et d'autre part quelque
autre Deïté.
Rome voit une guerre
en cruauté feconde;
Ilse verse du fang sur
la terre& surl'onde,
Ettoutcela pourquoi ?
seulemet pour sçavoir
Qui sur la République
, aura le plein pouir
Du fier Beau- pere ou
de l'obstiné Gendre;
Ces deux Maîtres d'escrime
en pouffant
tout à bout A
Firent tantqu'ils gâterent
tout.
Catule en fut témoin
, il pourra vous rapprend
re;
Or, ce fait entendu,le
mien se peutcom-
1
prendre,
Ilne fauttout au plus
que changer quelque
nom:
Par exemple au mot
Republique,
Substituez le mot boutique:
A PompéeHenriette,à
CesarPollichon,
Au fonds voustrouverez
que lachoseest
égale;
Au fang prés répandu
c'est un autre Pharsale,
Dans les esprits même
chaleur,
Même espoirdu succés,
même amour dela
gloire,
Même attente de la
Vctoire,
Même bruit, & même
fureur,
Mêmes détours,&mêmes
ruses.
OLucain!ôBreboeuf!
j'invoque ici vos
Mu[es,
Venez entousiasme, hyperbole,
grands
mots;
Je ne sçaurois sans vous
celebrer mes Héros,
Dire de leurs desirs l'ardeur
impatiente,
Et dans cous leurs projets
l'audace triomphante;
Prêtez-moy vôtreemphase
&: vos plus
vifs crayons.
Encor pourrai je à peine
entreprendre;
essayons.
Sous un portiqueétroit
dont l'antiq ue ftruétUfC
Nlo"qfe-aux yeux des
passans qu'une caverne
obscure,
HabitePollichon l'honneur
de son quartlert
Demi porteur de chaise
& demi savetier:
Non, loin de là se montre
une jeune Amphibie,
Et Fille & femme.ô£
veuve , engageante
& hardie
Henriette, en un mot
qui de dessein
formé
Veut ravir au vieillard
fou Palais enfumé.
Muse , raconte-moy
quelles furent ses
brigues,
Que! art ou quel demon
a noüé cette
intrigue:
Mais je le prens trop
haut; parlons plus
simplement :
La verité s'explique
avec moins d'ornement.
Mes gens en veulent
donc à la même demeure,
On m'en romptlatête
à toute heure ;
Dés que pour l'un des
deux je vais me déclarer,
A quoy dois-je me preparer?
Les Pollichons vont
direrage,
Est- ce là ce Juge si
sage?
Etles Henrietsd'autre
part
Me le revaudront tôt
ou tard
Cruel relfeét humain,
quelles loixtum'imposes!
1
Mais non, c'est par le
fond qu'il fautregler
les choses;
Quiconque aura raisonchez
moy l'em-
- portera,
Aprés grondera qui
voudra:
GronGronder
est chose juridique;
Ca, parlez donc
, on
vous écoutera.
Commencez, Pollichon,
vous aurez la
replique,
Henriette elle durera
Autant de temps qu'il
luy plaira;
LairtezàPollichon ensser
sa Rhetorique,
Aprés luy la vôtre viendra,
Qui ne. fera pas laconique;
Car tout vieux Avocat
se pique
De ne pas s'expliquer
par un & cætera.
Quoy tous deux àla
fois? O bruit diabolique!
Un Huissier pour crier,
paix là.
Je m'enfuis, je n'ai pas
laeste assez stoïque
Pour supporter cette
musique:
Finissons ; à tous deux
j'adjuge la boutique;
A tous deux! Mais
voyons si cela se
pourra:
Tous deux insolidum!
nenny, la chose
implique;
Faisons donc mieux,
hé bien!on la partagera.
Salomon, Prince Pacifique,
D'un semblable procès
de même se tira.
Voila mon Jugement,
on l'executera.
L'executer
,
répond la
Nymphecolérique,
Quoy l'on m'enpollichonnera!
Moy Dres de Pollichon!
oh la belle repliquéi
Surelle le vieillard jette
un regard oblique,
Et qui te dit, qu'on le
voudra?
Les passans me feroient
la nique,
Moy vivre auprés de
toy? plûtôt dans
l'Amérique,
Pollichon plein d'honneurira,
VIvra,
mourra.
Quefaire donc?en vain
mon e sprit s a llambique.
T hemis, sage Themis,
toy ma ressource
unique,
Inspire-moy ce qu'on
se1a;
Quel nouveau jugement
faut-il que je
fabrique?
Le voici, nuls des deux
la boutiquen'aura :
Donner tout, partager,
ôter tout: la sottise
N'est pas où l'on la
croit; maint Juge
comme moy
Donne, ôteou fait partage
en dépit de
la loy ;
Nul par ce Jugement,
donné vaille que
vaille
N'aura ni l'huïtre ni
l'écaille.
Belle Leçon, pour tous
grands, petitsMagistrats,
Ne tombez jamais dans
1.. mon cas.
Mais j'entens des cenfeurs,
qui d'un ton
pedantesque,
S'acharnent sur mes
vers, & disent, quel
grotesque?
Cest justement celuy
dont Horace a parlé:
Sur une tére humaine
uncheval est colé;
Plumes, membres divers,
assemblage
bizare,
Au dessus belle femme
-
au dessous monstre
affreux;
Messieurs qui ne riroit
duncontraste sirare?
Qui ne riroir? riez, c'est
tout ce que je veux.
Poëme par M. de N it -il: * Directeur
de l'Hôtel-Dita
de Vienne en Dauphiné.
Lesujetest tiré d'une Echop,
f) souslaporte d'entrée
de tHôtcLDteu, demandéeàl'Auteur
par une infinitédepersonnesstes
unes
pour Pollichon, & les
autres pour Henriette.
LES Dieux sontpour
César, & Caton pour
Pompée.
Bon jadis, mais les
Dieux, les Catons
1 de ce temps
Ont de plus grands
soucis la cervelle
occupée,
Et se partagent bien
pour d'autres combattans,
-0 Pollichon d'une part,
& de loutre Henriette.
Quelle verve vous préd
Poëte,
Et quel debut? qu'ont
de commun entr'eux
Deux inconnus & ces
Romains fameux? -
Je le dirai: c'est que
l'un & l'autre homme
Veut estre seul maître
absolu dans Rome,
En leur faveur il se fait
des partis,
Adolescens, hommes
faits, cheveux gris,
Sages & fols
,
chacun
pour euxs'engage;
Les dieux contre les
dieux l'Olimpe se
partage
Tout comme à Troye,
Apollon d'un côté,
Et d'autre part quelque
autre Deïté.
Rome voit une guerre
en cruauté feconde;
Ilse verse du fang sur
la terre& surl'onde,
Ettoutcela pourquoi ?
seulemet pour sçavoir
Qui sur la République
, aura le plein pouir
Du fier Beau- pere ou
de l'obstiné Gendre;
Ces deux Maîtres d'escrime
en pouffant
tout à bout A
Firent tantqu'ils gâterent
tout.
Catule en fut témoin
, il pourra vous rapprend
re;
Or, ce fait entendu,le
mien se peutcom-
1
prendre,
Ilne fauttout au plus
que changer quelque
nom:
Par exemple au mot
Republique,
Substituez le mot boutique:
A PompéeHenriette,à
CesarPollichon,
Au fonds voustrouverez
que lachoseest
égale;
Au fang prés répandu
c'est un autre Pharsale,
Dans les esprits même
chaleur,
Même espoirdu succés,
même amour dela
gloire,
Même attente de la
Vctoire,
Même bruit, & même
fureur,
Mêmes détours,&mêmes
ruses.
OLucain!ôBreboeuf!
j'invoque ici vos
Mu[es,
Venez entousiasme, hyperbole,
grands
mots;
Je ne sçaurois sans vous
celebrer mes Héros,
Dire de leurs desirs l'ardeur
impatiente,
Et dans cous leurs projets
l'audace triomphante;
Prêtez-moy vôtreemphase
&: vos plus
vifs crayons.
Encor pourrai je à peine
entreprendre;
essayons.
Sous un portiqueétroit
dont l'antiq ue ftruétUfC
Nlo"qfe-aux yeux des
passans qu'une caverne
obscure,
HabitePollichon l'honneur
de son quartlert
Demi porteur de chaise
& demi savetier:
Non, loin de là se montre
une jeune Amphibie,
Et Fille & femme.ô£
veuve , engageante
& hardie
Henriette, en un mot
qui de dessein
formé
Veut ravir au vieillard
fou Palais enfumé.
Muse , raconte-moy
quelles furent ses
brigues,
Que! art ou quel demon
a noüé cette
intrigue:
Mais je le prens trop
haut; parlons plus
simplement :
La verité s'explique
avec moins d'ornement.
Mes gens en veulent
donc à la même demeure,
On m'en romptlatête
à toute heure ;
Dés que pour l'un des
deux je vais me déclarer,
A quoy dois-je me preparer?
Les Pollichons vont
direrage,
Est- ce là ce Juge si
sage?
Etles Henrietsd'autre
part
Me le revaudront tôt
ou tard
Cruel relfeét humain,
quelles loixtum'imposes!
1
Mais non, c'est par le
fond qu'il fautregler
les choses;
Quiconque aura raisonchez
moy l'em-
- portera,
Aprés grondera qui
voudra:
GronGronder
est chose juridique;
Ca, parlez donc
, on
vous écoutera.
Commencez, Pollichon,
vous aurez la
replique,
Henriette elle durera
Autant de temps qu'il
luy plaira;
LairtezàPollichon ensser
sa Rhetorique,
Aprés luy la vôtre viendra,
Qui ne. fera pas laconique;
Car tout vieux Avocat
se pique
De ne pas s'expliquer
par un & cætera.
Quoy tous deux àla
fois? O bruit diabolique!
Un Huissier pour crier,
paix là.
Je m'enfuis, je n'ai pas
laeste assez stoïque
Pour supporter cette
musique:
Finissons ; à tous deux
j'adjuge la boutique;
A tous deux! Mais
voyons si cela se
pourra:
Tous deux insolidum!
nenny, la chose
implique;
Faisons donc mieux,
hé bien!on la partagera.
Salomon, Prince Pacifique,
D'un semblable procès
de même se tira.
Voila mon Jugement,
on l'executera.
L'executer
,
répond la
Nymphecolérique,
Quoy l'on m'enpollichonnera!
Moy Dres de Pollichon!
oh la belle repliquéi
Surelle le vieillard jette
un regard oblique,
Et qui te dit, qu'on le
voudra?
Les passans me feroient
la nique,
Moy vivre auprés de
toy? plûtôt dans
l'Amérique,
Pollichon plein d'honneurira,
VIvra,
mourra.
Quefaire donc?en vain
mon e sprit s a llambique.
T hemis, sage Themis,
toy ma ressource
unique,
Inspire-moy ce qu'on
se1a;
Quel nouveau jugement
faut-il que je
fabrique?
Le voici, nuls des deux
la boutiquen'aura :
Donner tout, partager,
ôter tout: la sottise
N'est pas où l'on la
croit; maint Juge
comme moy
Donne, ôteou fait partage
en dépit de
la loy ;
Nul par ce Jugement,
donné vaille que
vaille
N'aura ni l'huïtre ni
l'écaille.
Belle Leçon, pour tous
grands, petitsMagistrats,
Ne tombez jamais dans
1.. mon cas.
Mais j'entens des cenfeurs,
qui d'un ton
pedantesque,
S'acharnent sur mes
vers, & disent, quel
grotesque?
Cest justement celuy
dont Horace a parlé:
Sur une tére humaine
uncheval est colé;
Plumes, membres divers,
assemblage
bizare,
Au dessus belle femme
-
au dessous monstre
affreux;
Messieurs qui ne riroit
duncontraste sirare?
Qui ne riroir? riez, c'est
tout ce que je veux.
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Résumé : POLLICHON. Poëme par M. de N*** Directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné.
Le texte présente un poème intitulé 'Pollichon' écrit par M. de N, directeur de l'Hôtel-Dieu de Vienne en Dauphiné. L'auteur explique que l'idée du poème lui a été suggérée par des personnes demandant des histoires sur Pollichon ou Henriette, deux personnages en conflit. Le poème compare cette situation à des conflits historiques, comme celui entre César et Pompée, où des factions se forment pour soutenir l'un ou l'autre. Dans le poème, Pollichon et Henriette se disputent la maîtrise d'une boutique, chacun cherchant à être le seul maître absolu. Cette rivalité divise les habitants, y compris les dieux, et entraîne des conflits similaires à ceux de l'Antiquité. L'auteur décrit Pollichon comme un demi-porteur de chaise et demi-savetier, tandis qu'Henriette est une jeune veuve ambitieuse. L'auteur, jouant le rôle de juge, doit trancher entre les deux protagonistes. Après avoir écouté leurs arguments, il décide de ne donner la boutique à aucun des deux, soulignant la sottise de certains jugements. Il conclut en invitant les critiques à rire de ce contraste grotesque, faisant référence à une métaphore d'Horace sur un cheval à tête humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 1050-1058
ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES &c.
Début :
JUGEMENT des Commissaires Genéraux du Conseil, députés par Sa Majesté pour la [...]
Mots clefs :
Actions, Ordonnances, Arrêts, Loterie, Jugement, Actionnaires, Compagnie des Indes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES &c.
ARRESTS , DECLARATIONS ,
ORDONNANCES & c.
UGEMENT des Commiffaires Genéraux
du Confeil , députés par Sa Majefté pour la
liquidation des dettes & revifion des comptes des
Communautés d'Arts & Métiers de la Ville &
Fauxbourgs de Paris , du 7. Mars 1730. portant
condamnation d'interdiction & de differentes
amendes contre plufieurs Maîtres Tailleurs d'habits
, anciens Jurés de leur Communauté , & le
nommé
MA Y. 1730. 1051
nommé de Montigny , & Reglement genéral fur
l'un des plus fréquens abus des Jurés des Com-)
munautés d'Arts & Métiers.
ARREST de la Cour des Monnoyes , du
11. Mars , portant reglement pour les Fondeurs
en Or & en Argent , par lequel il eft fait deffenfes
aux Maitres Fondeurs & autres fondans des
matieres d'Or & d'Argent, de fondre nuitamment,
à peine de trois cens livres d'amende &c.
AUTRE du Confeil d'Etat du Roi au fujet
de la Duché & Pairie de Sully &c. Le Roi étant
en fon Confeil déclare la dignité de Duc & Paig
de France dévolue à Louis -Pierre-Maximilien de
Bethune , à la charge de retirer la Terre de Sully
des mains d'Armand de Bethune , Sieur d'Orval,
fur le pied , & aux charges , claufes & conditions
portées par l'Art. 7. de l'Edit du mois de May
1711. & cependant ledit Sieur d'Orval demeu
rera faifi de ladite Terre jufqu'au jour du remboufement
actuel . Fait & arrêté au Confeil d'Etat
du Roi , S. M. y étant , tenu à Verfailles le
13. Mars 1730. figné Phelipeaux .
AUTRE de la Cour des Monnoyes, du même
jour , portant Reglement pour les Maîtres
Orfevres ; & qui condamne un Maître Orfevre &
fon Compagnon par lui protegé , en cent livres
d'amende folidaire , confifque les Ouvrages d'Orfevrerie
faifis fur le Compagnon , & interdit le
Maître Orfevre pour trois mois.
AUTRE du 15. Avril , qui confirme le Sieur
Gagne dans un Droit de Péage fur la Riviere de
Saône au Port de Pouilly..
AUTRE
1.052. MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , qui confirme le
Sieur Batheon dans des droits de Péages ſur la
Riviere du Rhône à Vertrieu .
ORDONNANCE de Police du 20. Avril
concernant la vente des Huitres , par laquelle il
eft deffendu à tous Colporteurs d'Huitres d'en
crier & vendre dans les rues de Paris depuis le
dernier Avril jufqu'au dernier Jeudi du mois
d'Août de chaque année , à peine de 200. livres
d'amende contre les contrevenans & c.
ARREST du 25. Avril , qui ordonne que
dans fix mois les Proprietaires des Offices de
Clercs - Quefteurs & Commiffaires aux Caves fupprimés
par Edit de Juillet 1634. dont la Finance
n'a pas été liquidée & rembourfée, feront tenus de
remettre leurs Quittances de Finance , Proviſions
& autres Titres de proprieté ès mains de M. de
Gaumont , Confeiller d'Etat , Intendant des Finances
, pour être procedé à la liquidation des
Rentes ou Interêts qui fe trouveront leur être dûs.
AUTRE du 2. May , portant qu'il fera ou
vert une Loterie qui continuera pendant fix années
& huit mois pour le remboursement de vingtcinq
mille Actions de la Compagnie des Indes ,,
& révoque celle qui avoit été permife par l'Arrêt
du 7. Mars dernier ; & en conféquence ordonne
ce qui fuit.
ARTICLE. PREMIER
Qu'à commencer du prefent mois de May
l'Adjudicataire genéral de fes Fermes - Unies remettra
le vingtiene de chaque mois és mains du
Garde du Tréfor Royal en exercice , la fomme
de quatre cens mille livres , pour être employée
en
MAY.
1730 .
en
remboursement
d'Actions de la
Compagnie 1730.
1053
des Indes, en la
maniere qui fera ci - après expliquée
; au moyen de quoi ledit
Adjudicataire
ne
fournira
plus , à
commencer
du mois de Jain
prochain , que cinq ceas mille livres par mois
pour le
remboursement
des
Capitaux des Rentes
fur la Ville , à laquelle
fomme S. M. a jugé à
propos de fixer les fonds
qu'elle y deftine.
I I.
Que la Loterie que S. M. avoit permis par
Arrêt du 7. Mars dernier aux Syndics & Directeurs
de la Compagnie des Indes d'établir, demeurera
revoquée & fupprimée , & qu'il en fera oùvert
une autre le 25. du préfent mois , qui continuëra
pendant fix années & huit mois, pour le
remboursement de vingt-cinq mille Actions.
III.
Que les Numero de toutes les Actions feront
mis dans une boifte pour être tirés au fort , &
que les Actionnaires dont les Numero fortiront
feront rembourfés & payés comptant de leurs
Actions , fuivant l'évaluation ci-après ; fçavoir ,
Pendant les mois de May & de Juin 1300. liv.
Pendant les fix derniers mois de la préſente année
·
Pendant
l'année 1731
1400. liv.
Pendant l'année 1732
1500. liv.
1600. liv.
Pendant l'année 1733
Pendant l'année 1734
1700. liv.
1800. liv.
Pendant les fix premiers mois de l'année 1735 .
1900. liv.
Pendant les fix derniers mois
2000. liv.
Pendant les fix premiers mois de 1736. . .
2100. liv.
Et pendant les fix derniers mois , ainfi qu'il fuit,
Juillet
Août
2200. liv.
• 2300. liv.
Septembre
1054 MERCURE DE FRANCE
Septembre
Octobre
Novembre
2400. liv.
25.00. liv.
3000. liv. Et Decembre
3000. liv. Au moyen de laquelle valeur graduelle
les Ac- tions feront portées jufqu'à trois mille livres.
IV.
Que ladite Loterie fera tirée le vingt - cinquiéme
jour de chaque mois , à commencer du préfent
mois , dans l'Hôtel de la Compagnie des Indes
, en préfence des Sieurs Commiflaires , des
Syndics & Directeurs de la Compagnie , & de
ceux des Actionnaires qui s'y voudront trouver.
V.
Que chaque Numero qui fortira de la boifte
operera le remboursement comptant d'une Action
, & qu'il fera tenu par le Secretaire de la
Compagnie un Registre paraphé par l'un desdits
fieurs Commiffaires , où feront enregistrés les
Numero fortis , lequel Regiſtre demeurera au Secretariat
pour y avoir recours en cas de befoin.
V I. 1
Qu'auffi -tôt que la Loterie de chaque mois
aura été tirée , ceux des Actionnaires à qui des
Lots feront échûs en recevront la valeur du Garde
du Trefor Royal , à la feule déduction de dix
livres par Action pour les frais , en rapportant
toutefois dans les trois premiers mois feulement
de chaque demi année les dividendes de leurs
Actions pour ladite demi année , & faute d'y fatisfaire
, qu'il leur fera retenu foixante - quinze
livres. S. M. laiffant la jouiffance du dividende à
ceux dont les Numero ne fortiront que dans les
trois derniers mois de chaque demi année.
VII.
Que les Actionnaires qui auront des Lots , &
qui voudront en recevoir la valeur , feront tenus
de
MAY . 1730. 1059
de faire vifer leurs Actions par celui ou ceux que
les Directeurs de la Compagnie des Indes nommeront
à cet effet , & de fe préfenter dans les
trois ſemaines qui fuivront chaque féance de la ,
Loterie , mais que ceux qui ne fe trouveront point
en état de difpofer de leurs Actions, ni d'en recevoir
le remboursement feront diſpenſés de les
rapporter , auquel cas les fonds qui leur étoient .
deftin és feront diftribués , à Bureau ouvert , dans
les huit jours qui précederont la féance fuivante
à ceux qui fe préfenteront , lefquels recevront la
valeur de leurs Actions fur le même pied que fi
le fort avoit fait fortir leurs Numero de la boifte,
& ce jufqu'à concurrence des fonds reftés en caiffe,
& non reclamés.
VIII.
Que toutes les Actions qui auront été rembour
fées feront remifes de trois mois en trois mois
pår le Garde du Trefor Royal aux Directeurs de
la Compagnie des Indes , en lui fourniffant les
décharges neceffaires pour être brûlées publiquement
, avant de tirer la Loterie du mois fuivant.
I X.
Qu'il fera dreffé des Etats des Actions qui
auront été remifes par le Garde du Tréfor Royal
aufdits Directeurs, qu'au pied de ces états ils met→
tront leur reconnoiffance , & feront leur foumiffion
de payer de fix mois en fix mois à S. M.
le dividende defdites Actions , quoiqu'annullées
& brulées , attendu que c'eft de fes deniers que
le rembourfement en aura été fait ; confentant
toutefois S. M. que pendant la durée de la préfente
Loterie le dividende defdites Actions foit remis de
fix mois en fix mois au Garde du Tréfor Royal,
pour fervir au remboursement des vingt - cinq
mille Actions , conjointement avec les fonds que
l'Adjudicataire general de fes Fermes -Unies doit
lui fournir. AR1056
MERCURE DE FRANCE
J
ARREST du même jour , qui ordonne que
tous ceux qui jouiffent de la Nobleffe en confequence
de Lettres obtenues , foit qu'elles foient
d'Annobliffement , Maintenue , Confirmation ,
Rétabliffement ou Réhabilitation , ou par Mairies
, Prevôtez des Marchands , Efchevinages ou
Capitoulats , depuis 1643. jufqu'au premier Septembre
1715. feront tenus de payer dans trois
mois , à compter de la datte du preſent Arreſt ,
la fomme de deux mille livres , & les deux fols
pour livre , pour le Droit de Confirmation dû à
Sa Majesté à caufe de fon avenement à la Couronne
; faute duquel payement ils feront déchûs
de la Nobleffe & des Privileges y attachez , &
compris dans les Rolles des Impofitions de l'année
prochaine comme roturiers .
ARREST de la Cour de Parlement, du 10. Mai
1730. qui ordonne la fuppreffion d'une Thefe
&c. La Cour a arrêté & ordonné que ladite Thefe
fera fupprimée , fait inhibitions & deffenfes aux
Jefuites & à tous autres , de foutenir aucunes
propofitions contraires aux libertez de l'Eglife
Gallicane , aux maximes & aux Ordonnances du
Royaume , & notamment aux Déclarations des
4. Août 1663. & Mars 1682. fur l'autorité du
Pape , la fuperiorité des Conciles Generaux &
autres matieres contenues dans ladite Thefe ; enjoint
à ceux qui pourroient en avoir des Exemplaires
, de les apporter à cet effet au Greffe de la
Cour ; ordonne que le prefent Arrêt fera fignifié
aux Superieurs des Maifons des Jefuites de cette
Ville de Paris , imprimé , lu , publié & affiché par
tout ou befoin fera , & que copies collationnées
d'icelui feront envoyées aux Bailliages & Sénéchauffées
du reffort , pour y être pareillement
lues , publiées & enregistrées : Enjoint aux Subftituts
MAY. 1730. 1057
Atituts du Procureur General du Roi d'y teniria
main , & d'en certifier la Cour dans un mois.
ARREST du 15. Mai , qui ordonne que
du jour de fa publication jufqu'au premier de
Juin de l'année prochaine 1731. les Boeufs , Vaches
, Moutons , Brebis , Agneaux , Porcs , Boucs,
Chevres & Chevrotins , qui viendront des Pays
Etrangers dans le Royaume , feront & demeureront
déchargez de tous Droits d'entrées , & c .
AR RE S T dụ 16 , Mai , pour faire retirer
les Actions de la Compagnie des Indes , qui font
tant au dépôt volontaire , qu'à celui où elles ont
été portées pour Primes ou Marchez fermes ; par
lequel il eft ordonné que les Porteurs des Recepiffez
du Sieur Nicolas , feront tenus de les rapporter
dans un mois pour tout délay , & de retirer
, tant du Dépôt volontaire que de l'autre , les
Actions qui y ont été dépofées ; finon , & ledit
temps paffé , Sa Majefté déclare nuls tous lefdits
Recepiffez du Sr. Nicolas , & ordonne que les
Actions qui n'auront point été retirées , feront
brûlées avec celles qui rentreront par la voye de
la Loterie , fans que cette peine puiffe être réputée
comminatoire . Veut & entend toutefois Sa Majefté
, que s'il avoit été porté que.ques Actions
au Dépot volontaire , foit par avis de parens ,
Acte judiciaire , ou convention particuliere , pour
raifon de Tutelle , Dot , ou autrement , lefdites
Actions ne puiffent être retirées dans le délai cideffus
marqué, par les particuliers dépofants, qu'en
prefence d'un Notaire qui fe chargera du Dépôt.
ARREST de la Cour du Parlement du 17.
Mai 1730. qui fupprime une Thefe foutenue en
Sorbonne le 8 Mai , &c. La Cour a arrêté &
ordonné que ladite Thefe fera fupprimée ; enjoint
Sorbonne
1058 MERCURE DE FRANCE
>
aux
aux
à ceux qui pourroient en avoir des exemplaires de
les apporter à cet effet au Greffe de la Cour ; fait
inhibitions & deffenfes à tous Bacheliers , Licentiez
, Docteur & autres , de foûtenir , écrire &
enfeigner , directement , ni indirectement és
Ecoles publiques , ni ailleurs , aucunes propofitions
contraires à l'ancienne doctrine de l'Eglife ,
aux Saints Canons , Decrets des Conciles Gene
raux , aux Libertez de l'Eglife Gallicane ,
Maximes & Ordonnances du Royaume
clauſes & conditions portées par l'Arrêt d'enregiftrement
de Lettres Patentes de 1714. & notamment
fur la propofition quatre- vingt -onziéme
, & aux Déclarations du 4. Août 1663. Edit
du mois de Mars 1682. fur l'autorité du Pape ,
la fuperiorité des Conciles Generaux & autres
matieres contenues en ladite Thefe , qui pourroient
tendre à ſchifmes & à troubler la tranquil-
Itié publique , à peine d'être procedé contr'eux
ainfi qu'il appartiendra , fait deffenfes au Syndic
de la Faculté de Theologie , de fouffrir que telles
propofitions foient inferées en aucunes Thefes
Jui enjoint de veiller à ce que l'Edit de 1682. &
notamment l'article 8. dudit Edit foit executé
felon fa forme & teneur : Ordonne que le prefent
Arrêt fera fignifié aux Syndic & Doyen de ladite
Faculté de Theologie , imprimé , lû , publié &
affiché par tout où befoin fera, & que copies collationnées
d'icelui , feront envoyées au Bailliage
& Sénéchauffée du reffort , pour y être pareillement
lu , publié & enregistré , &c.
ORDONNANCES & c.
UGEMENT des Commiffaires Genéraux
du Confeil , députés par Sa Majefté pour la
liquidation des dettes & revifion des comptes des
Communautés d'Arts & Métiers de la Ville &
Fauxbourgs de Paris , du 7. Mars 1730. portant
condamnation d'interdiction & de differentes
amendes contre plufieurs Maîtres Tailleurs d'habits
, anciens Jurés de leur Communauté , & le
nommé
MA Y. 1730. 1051
nommé de Montigny , & Reglement genéral fur
l'un des plus fréquens abus des Jurés des Com-)
munautés d'Arts & Métiers.
ARREST de la Cour des Monnoyes , du
11. Mars , portant reglement pour les Fondeurs
en Or & en Argent , par lequel il eft fait deffenfes
aux Maitres Fondeurs & autres fondans des
matieres d'Or & d'Argent, de fondre nuitamment,
à peine de trois cens livres d'amende &c.
AUTRE du Confeil d'Etat du Roi au fujet
de la Duché & Pairie de Sully &c. Le Roi étant
en fon Confeil déclare la dignité de Duc & Paig
de France dévolue à Louis -Pierre-Maximilien de
Bethune , à la charge de retirer la Terre de Sully
des mains d'Armand de Bethune , Sieur d'Orval,
fur le pied , & aux charges , claufes & conditions
portées par l'Art. 7. de l'Edit du mois de May
1711. & cependant ledit Sieur d'Orval demeu
rera faifi de ladite Terre jufqu'au jour du remboufement
actuel . Fait & arrêté au Confeil d'Etat
du Roi , S. M. y étant , tenu à Verfailles le
13. Mars 1730. figné Phelipeaux .
AUTRE de la Cour des Monnoyes, du même
jour , portant Reglement pour les Maîtres
Orfevres ; & qui condamne un Maître Orfevre &
fon Compagnon par lui protegé , en cent livres
d'amende folidaire , confifque les Ouvrages d'Orfevrerie
faifis fur le Compagnon , & interdit le
Maître Orfevre pour trois mois.
AUTRE du 15. Avril , qui confirme le Sieur
Gagne dans un Droit de Péage fur la Riviere de
Saône au Port de Pouilly..
AUTRE
1.052. MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , qui confirme le
Sieur Batheon dans des droits de Péages ſur la
Riviere du Rhône à Vertrieu .
ORDONNANCE de Police du 20. Avril
concernant la vente des Huitres , par laquelle il
eft deffendu à tous Colporteurs d'Huitres d'en
crier & vendre dans les rues de Paris depuis le
dernier Avril jufqu'au dernier Jeudi du mois
d'Août de chaque année , à peine de 200. livres
d'amende contre les contrevenans & c.
ARREST du 25. Avril , qui ordonne que
dans fix mois les Proprietaires des Offices de
Clercs - Quefteurs & Commiffaires aux Caves fupprimés
par Edit de Juillet 1634. dont la Finance
n'a pas été liquidée & rembourfée, feront tenus de
remettre leurs Quittances de Finance , Proviſions
& autres Titres de proprieté ès mains de M. de
Gaumont , Confeiller d'Etat , Intendant des Finances
, pour être procedé à la liquidation des
Rentes ou Interêts qui fe trouveront leur être dûs.
AUTRE du 2. May , portant qu'il fera ou
vert une Loterie qui continuera pendant fix années
& huit mois pour le remboursement de vingtcinq
mille Actions de la Compagnie des Indes ,,
& révoque celle qui avoit été permife par l'Arrêt
du 7. Mars dernier ; & en conféquence ordonne
ce qui fuit.
ARTICLE. PREMIER
Qu'à commencer du prefent mois de May
l'Adjudicataire genéral de fes Fermes - Unies remettra
le vingtiene de chaque mois és mains du
Garde du Tréfor Royal en exercice , la fomme
de quatre cens mille livres , pour être employée
en
MAY.
1730 .
en
remboursement
d'Actions de la
Compagnie 1730.
1053
des Indes, en la
maniere qui fera ci - après expliquée
; au moyen de quoi ledit
Adjudicataire
ne
fournira
plus , à
commencer
du mois de Jain
prochain , que cinq ceas mille livres par mois
pour le
remboursement
des
Capitaux des Rentes
fur la Ville , à laquelle
fomme S. M. a jugé à
propos de fixer les fonds
qu'elle y deftine.
I I.
Que la Loterie que S. M. avoit permis par
Arrêt du 7. Mars dernier aux Syndics & Directeurs
de la Compagnie des Indes d'établir, demeurera
revoquée & fupprimée , & qu'il en fera oùvert
une autre le 25. du préfent mois , qui continuëra
pendant fix années & huit mois, pour le
remboursement de vingt-cinq mille Actions.
III.
Que les Numero de toutes les Actions feront
mis dans une boifte pour être tirés au fort , &
que les Actionnaires dont les Numero fortiront
feront rembourfés & payés comptant de leurs
Actions , fuivant l'évaluation ci-après ; fçavoir ,
Pendant les mois de May & de Juin 1300. liv.
Pendant les fix derniers mois de la préſente année
·
Pendant
l'année 1731
1400. liv.
Pendant l'année 1732
1500. liv.
1600. liv.
Pendant l'année 1733
Pendant l'année 1734
1700. liv.
1800. liv.
Pendant les fix premiers mois de l'année 1735 .
1900. liv.
Pendant les fix derniers mois
2000. liv.
Pendant les fix premiers mois de 1736. . .
2100. liv.
Et pendant les fix derniers mois , ainfi qu'il fuit,
Juillet
Août
2200. liv.
• 2300. liv.
Septembre
1054 MERCURE DE FRANCE
Septembre
Octobre
Novembre
2400. liv.
25.00. liv.
3000. liv. Et Decembre
3000. liv. Au moyen de laquelle valeur graduelle
les Ac- tions feront portées jufqu'à trois mille livres.
IV.
Que ladite Loterie fera tirée le vingt - cinquiéme
jour de chaque mois , à commencer du préfent
mois , dans l'Hôtel de la Compagnie des Indes
, en préfence des Sieurs Commiflaires , des
Syndics & Directeurs de la Compagnie , & de
ceux des Actionnaires qui s'y voudront trouver.
V.
Que chaque Numero qui fortira de la boifte
operera le remboursement comptant d'une Action
, & qu'il fera tenu par le Secretaire de la
Compagnie un Registre paraphé par l'un desdits
fieurs Commiffaires , où feront enregistrés les
Numero fortis , lequel Regiſtre demeurera au Secretariat
pour y avoir recours en cas de befoin.
V I. 1
Qu'auffi -tôt que la Loterie de chaque mois
aura été tirée , ceux des Actionnaires à qui des
Lots feront échûs en recevront la valeur du Garde
du Trefor Royal , à la feule déduction de dix
livres par Action pour les frais , en rapportant
toutefois dans les trois premiers mois feulement
de chaque demi année les dividendes de leurs
Actions pour ladite demi année , & faute d'y fatisfaire
, qu'il leur fera retenu foixante - quinze
livres. S. M. laiffant la jouiffance du dividende à
ceux dont les Numero ne fortiront que dans les
trois derniers mois de chaque demi année.
VII.
Que les Actionnaires qui auront des Lots , &
qui voudront en recevoir la valeur , feront tenus
de
MAY . 1730. 1059
de faire vifer leurs Actions par celui ou ceux que
les Directeurs de la Compagnie des Indes nommeront
à cet effet , & de fe préfenter dans les
trois ſemaines qui fuivront chaque féance de la ,
Loterie , mais que ceux qui ne fe trouveront point
en état de difpofer de leurs Actions, ni d'en recevoir
le remboursement feront diſpenſés de les
rapporter , auquel cas les fonds qui leur étoient .
deftin és feront diftribués , à Bureau ouvert , dans
les huit jours qui précederont la féance fuivante
à ceux qui fe préfenteront , lefquels recevront la
valeur de leurs Actions fur le même pied que fi
le fort avoit fait fortir leurs Numero de la boifte,
& ce jufqu'à concurrence des fonds reftés en caiffe,
& non reclamés.
VIII.
Que toutes les Actions qui auront été rembour
fées feront remifes de trois mois en trois mois
pår le Garde du Trefor Royal aux Directeurs de
la Compagnie des Indes , en lui fourniffant les
décharges neceffaires pour être brûlées publiquement
, avant de tirer la Loterie du mois fuivant.
I X.
Qu'il fera dreffé des Etats des Actions qui
auront été remifes par le Garde du Tréfor Royal
aufdits Directeurs, qu'au pied de ces états ils met→
tront leur reconnoiffance , & feront leur foumiffion
de payer de fix mois en fix mois à S. M.
le dividende defdites Actions , quoiqu'annullées
& brulées , attendu que c'eft de fes deniers que
le rembourfement en aura été fait ; confentant
toutefois S. M. que pendant la durée de la préfente
Loterie le dividende defdites Actions foit remis de
fix mois en fix mois au Garde du Tréfor Royal,
pour fervir au remboursement des vingt - cinq
mille Actions , conjointement avec les fonds que
l'Adjudicataire general de fes Fermes -Unies doit
lui fournir. AR1056
MERCURE DE FRANCE
J
ARREST du même jour , qui ordonne que
tous ceux qui jouiffent de la Nobleffe en confequence
de Lettres obtenues , foit qu'elles foient
d'Annobliffement , Maintenue , Confirmation ,
Rétabliffement ou Réhabilitation , ou par Mairies
, Prevôtez des Marchands , Efchevinages ou
Capitoulats , depuis 1643. jufqu'au premier Septembre
1715. feront tenus de payer dans trois
mois , à compter de la datte du preſent Arreſt ,
la fomme de deux mille livres , & les deux fols
pour livre , pour le Droit de Confirmation dû à
Sa Majesté à caufe de fon avenement à la Couronne
; faute duquel payement ils feront déchûs
de la Nobleffe & des Privileges y attachez , &
compris dans les Rolles des Impofitions de l'année
prochaine comme roturiers .
ARREST de la Cour de Parlement, du 10. Mai
1730. qui ordonne la fuppreffion d'une Thefe
&c. La Cour a arrêté & ordonné que ladite Thefe
fera fupprimée , fait inhibitions & deffenfes aux
Jefuites & à tous autres , de foutenir aucunes
propofitions contraires aux libertez de l'Eglife
Gallicane , aux maximes & aux Ordonnances du
Royaume , & notamment aux Déclarations des
4. Août 1663. & Mars 1682. fur l'autorité du
Pape , la fuperiorité des Conciles Generaux &
autres matieres contenues dans ladite Thefe ; enjoint
à ceux qui pourroient en avoir des Exemplaires
, de les apporter à cet effet au Greffe de la
Cour ; ordonne que le prefent Arrêt fera fignifié
aux Superieurs des Maifons des Jefuites de cette
Ville de Paris , imprimé , lu , publié & affiché par
tout ou befoin fera , & que copies collationnées
d'icelui feront envoyées aux Bailliages & Sénéchauffées
du reffort , pour y être pareillement
lues , publiées & enregistrées : Enjoint aux Subftituts
MAY. 1730. 1057
Atituts du Procureur General du Roi d'y teniria
main , & d'en certifier la Cour dans un mois.
ARREST du 15. Mai , qui ordonne que
du jour de fa publication jufqu'au premier de
Juin de l'année prochaine 1731. les Boeufs , Vaches
, Moutons , Brebis , Agneaux , Porcs , Boucs,
Chevres & Chevrotins , qui viendront des Pays
Etrangers dans le Royaume , feront & demeureront
déchargez de tous Droits d'entrées , & c .
AR RE S T dụ 16 , Mai , pour faire retirer
les Actions de la Compagnie des Indes , qui font
tant au dépôt volontaire , qu'à celui où elles ont
été portées pour Primes ou Marchez fermes ; par
lequel il eft ordonné que les Porteurs des Recepiffez
du Sieur Nicolas , feront tenus de les rapporter
dans un mois pour tout délay , & de retirer
, tant du Dépôt volontaire que de l'autre , les
Actions qui y ont été dépofées ; finon , & ledit
temps paffé , Sa Majefté déclare nuls tous lefdits
Recepiffez du Sr. Nicolas , & ordonne que les
Actions qui n'auront point été retirées , feront
brûlées avec celles qui rentreront par la voye de
la Loterie , fans que cette peine puiffe être réputée
comminatoire . Veut & entend toutefois Sa Majefté
, que s'il avoit été porté que.ques Actions
au Dépot volontaire , foit par avis de parens ,
Acte judiciaire , ou convention particuliere , pour
raifon de Tutelle , Dot , ou autrement , lefdites
Actions ne puiffent être retirées dans le délai cideffus
marqué, par les particuliers dépofants, qu'en
prefence d'un Notaire qui fe chargera du Dépôt.
ARREST de la Cour du Parlement du 17.
Mai 1730. qui fupprime une Thefe foutenue en
Sorbonne le 8 Mai , &c. La Cour a arrêté &
ordonné que ladite Thefe fera fupprimée ; enjoint
Sorbonne
1058 MERCURE DE FRANCE
>
aux
aux
à ceux qui pourroient en avoir des exemplaires de
les apporter à cet effet au Greffe de la Cour ; fait
inhibitions & deffenfes à tous Bacheliers , Licentiez
, Docteur & autres , de foûtenir , écrire &
enfeigner , directement , ni indirectement és
Ecoles publiques , ni ailleurs , aucunes propofitions
contraires à l'ancienne doctrine de l'Eglife ,
aux Saints Canons , Decrets des Conciles Gene
raux , aux Libertez de l'Eglife Gallicane ,
Maximes & Ordonnances du Royaume
clauſes & conditions portées par l'Arrêt d'enregiftrement
de Lettres Patentes de 1714. & notamment
fur la propofition quatre- vingt -onziéme
, & aux Déclarations du 4. Août 1663. Edit
du mois de Mars 1682. fur l'autorité du Pape ,
la fuperiorité des Conciles Generaux & autres
matieres contenues en ladite Thefe , qui pourroient
tendre à ſchifmes & à troubler la tranquil-
Itié publique , à peine d'être procedé contr'eux
ainfi qu'il appartiendra , fait deffenfes au Syndic
de la Faculté de Theologie , de fouffrir que telles
propofitions foient inferées en aucunes Thefes
Jui enjoint de veiller à ce que l'Edit de 1682. &
notamment l'article 8. dudit Edit foit executé
felon fa forme & teneur : Ordonne que le prefent
Arrêt fera fignifié aux Syndic & Doyen de ladite
Faculté de Theologie , imprimé , lû , publié &
affiché par tout où befoin fera, & que copies collationnées
d'icelui , feront envoyées au Bailliage
& Sénéchauffée du reffort , pour y être pareillement
lu , publié & enregistré , &c.
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Résumé : ARRESTS, DECLARATIONS, ORDONNANCES &c.
En mars 1730, plusieurs mesures administratives ont été prises à Paris. Le 7 mars, les commissaires généraux du Conseil ont sanctionné des maîtres tailleurs d'habits et le nommé de Montigny, anciens jurés de leur communauté, en leur infligeant des amendes et des interdictions. Ils ont également réglementé les abus fréquents des jurés des communautés d'arts et métiers. Le 11 mars, la Cour des Monnoyes a interdit aux maîtres fondeurs de travailler la nuit, sous peine d'amende. Le 13 mars, le Conseil d'État a déclaré Louis-Pierre-Maximilien de Bethune duc et pair de France, lui attribuant la terre de Sully au détriment d'Armand de Bethune, seigneur d'Orval. La même journée, la Cour des Monnoyes a réglementé les maîtres orfèvres et condamné un maître et son compagnon à une amende et à la confiscation de leurs œuvres. Le 15 avril, deux arrêts ont confirmé les droits de péage du sieur Gagne sur la Saône et du sieur Batheon sur le Rhône. Le 20 avril, une ordonnance de police a interdit la vente d'huîtres dans les rues de Paris de la fin avril à la fin août. Le 25 avril, les propriétaires d'offices supprimés en 1634 ont été sommés de remettre leurs titres pour liquidation. Le 2 mai, une loterie a été instaurée pour rembourser 25 000 actions de la Compagnie des Indes sur une période de six ans et huit mois. Le 10 mai, la Cour de Parlement a supprimé une thèse jugée contraire aux libertés de l'Église gallicane. Le 15 mai, les animaux importés d'autres pays ont été exemptés de droits d'entrée jusqu'au 1er juin 1731. Le 16 mai, un arrêt a ordonné le retrait des actions de la Compagnie des Indes déposées. Le 17 mai, une autre thèse a été supprimée pour les mêmes raisons que la précédente.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 2652-2665
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes illustres, &c. [titre d'après la table]
Début :
SECONDE PARTIE de l'Extrait des Mémoires pour servir à l'Histoire des [...]
Mots clefs :
Jugement, Bibliothèque, Ouvrage, Histoire, Relations, Académie, Mémoires, Eusèbe Renaudot
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes illustres, &c. [titre d'après la table]
ECONDE PARTIE de l'Extrait des
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des
Hommes Illuftres.
Catalogue des Ouvrages d'Eufebe Renaudot.
1. Il a traduit en Latin dès l'âge de 25 .
I. Vol. ans
DECEMBRE. 1730.. 265 3
ans les Atteftations des Eglifes d'Orient
touchant leur créance fur l'Euchariftie
que M. de Nointel , Ambaffadeur de
France à Conftantinople , envoya à M. de
Pomponne , pour être inferées dans le Livre
de la Perpetuité de la Foi fur l'Euchariftie
, & fa Traduction fe trouve dans
le troifiéme Volume , dans la Préface duquel
M. Arnauld s'exprime ainfi à fon
fujet » Ce feroit tout-à- fait manquer à
»la reconnoiffance & à la juftice , que de .
ne pas rendre un témoignage public
» de l'obligation qu'on a à celui qui a
» rendu ces Actes utiles à l'Eglife par la
» traduction qu'il en a faite , & la peine
qu'il a prife d'extraire lui - même des
>> Livres Orientaux tous les Paffages qui
» font rapportés dans cet Ouvrage . C'eft
» M. l'Abbé Renaudot , dont la modeftie
ne permet pas d'en dire davantage ;
» mais la diverfité de ces Actes & des
>> Livres dont fes Extraits ont été tirés ,
» qui font écrits les uns en Grec vul-
>> gaire , les autres en Arabe , les autres
» en Syriac , les autres en Copte , les autres
en Ethiopien , font affez connoître
>> l'intelligence qu'il a dans toutes ces Lan
» gues.
Défenfe de la Perpetuité de la Foi contre
les calomnies & les fauffetés du Livre
intitulé : Monumens authentiques de la
JVol
Ev Religion
2654 * MERCURE DE FRANCE
Religion des Grecs. Paris 1708. in 8. Jean
Aymon , Auteur des Monumens autentiques
que M. Renaudot entreprend ici
de réfuter , étoit né en Dauphiné ; après
avoir été ordonné Prêtre , il fut Aumônier
d'un Evêque de Maurienne qu'il
fuivit dans un Voyage de Rome où il acquit
un titre de Protonotaire Apoftolique
, & deffervit quelque tems une Cure
de Campagne. Il quitta enfuite Eglife
Romaine pour embraffer le Calviniſme,
& paffa en Hollande , d'où il vint à Paris
en 1705. fous prétexte de rentrer
'dans le fein de l'Eglife ; il s'acquit par fà
de la protection , & eut un libre accès à
la Bibliotheque du Roi , où il avoit la
liberté de parcourir les Manufcrits précieux
qui y font ; mais il ſe ſervit de cette
liberté pour en mutiler quelques- uns ,
& pour voler l'original d'un Synode de
Jerufalem , tenu en 1672. fous le Patriarche
Dofithée , qu'il emporta en Hollande,
& qu'il y fit imprimer en 1708. avec des
Notes de fa façon . Ce Livre tiffu de calomnies
, de raifonnemers abfurdes &
de bévûcs ridicules excita tellement l'indignation
de M.Renaudot, qu'il travailla
auffi- tôt à renverfer ces prétendus Monumens
, ce qu'il exécuta d'une maniere
également folide & fçavante . Le Manuſcrit
volé eft revenu dans la Bibliotheque
1. Vol du
DECEMBRE. 1730. 2655
du Roi , les Etats Generaux l'ayant retiré
de la Bibliotheque de Leyde , ou le
fieur Aymon l'avoit déposé pour le
rendre à fon premier Maître .
3. Gennadii Patriarcha Conftantinopoli
-tani Homilia de Sacramento Euchariftia ,
Meletii Alexandrini , Nectarii Hierofoly
mitani , Meletii Syrigi & aliorum de eodem
argumento Opufcula , gracè & Latinè , feu
Appendix ad Acta , qua circa Græcorum
de Tranfubftantiatione fidem relata funt in
opere de Perpetuitate Fidei. Eufebius Renaudotius
, Parifinus , ex Codd . Mff. edidit
, latinè vertit , Differtationes & Ob
fervationes adjecit. Paris , 1709. in 4.
4. La Perpetuité de la Foi de l'Eglife
Catholique touchant l'Euchariftie . Tome
-IV. contenant un Examen particulier
de la conformité de la Doctrine des Grecs
& de tous les Chrétiens Orientaux avec
celle de l'Eglife Latine , plufieurs nouveaux
Eclairciffemens touchant les Auteurs
& les faits allegués dans les Volumes
précedens , & la réfutation de tout
ce qui a été objecté contre les Atteftations
& autres Piéces qui y ont été produites.
Paris , 1711. in 4.
5. La Perpetuité de la Foi de l'Eglife Caª
tholique fur les Sacremens , & fur tous les
autres points de Religion & de Difcipline
que les premiers Réformateurs ont pris pour
I. Vol
5°
· prétexte
2656 MERCURE DE FRANCE
prétexte de leur Schifme , prouvée par le
confentement des Eglifes Orientales . Paris ,
1713. in 4. Il y a beaucoup d'érudition
dans ces deux Volumes .
6. Hiftoria Patriarcharum Alexandrinorum
Facobitarum à D. Marco ufque ad finem
faculi XIII. cum Catalogo fequentium
Patriarcharum , & collectaneis Hiftoricis ad
ultima tempora fpectantibus . Inferuntur multa
ad res Ecclefiafticas Facobitarum Patriarchatus
Antiocheni , Æthiopia , Nubia &
Armeniæ pertinentia. Accedit Epitome Hif
toria Muhamedane ad illuftrandas res
Ægyptiacas ; omnia collecta ex Autoribus
Arabicis , Severo , Epifcopo Afchmonie ,
Michaële , Epifcopo Taneos , Ephrem
filio Zaraa , Abulbircat & aliis Anonimisz
tum ex editis Eutichio , Elmacino , Abulfaragio
, Chronico Orientali , diverfifque
Hiftoria Muhamedana Scriptoribus Arabicis
& Perficis. Paris, 1713. in 8. On n'avoit
encore rien vû de fi exact ni de fr
recherché fur l'Histoire des Patriarches.
Jacobites d'Alexandrie.
7. Liturgiarum Orientalium Collectio
Parifiis, 1716. in 4. 2. tom.C'eft le Recueil
le plus ample qui ait jamais été fait des
Liturgies Orientales à l'ufage des Coptes,
des Jacobites , des Melchites de Syrie &
des Neftoriens . M. Renaudot s'eft contenté
de faire imprimer fa Traduction ,
I. Vol. fans
DECEMBRE 1730. 2657
fans y joindre le Texte original , don't
Pimpreffion auroit demandé une dépenfe
exceffive , & auroit rebuté beaucoup de
gens. Les Differtations qui accompagnent
La Traduction font très fçavantes .
8. Défenfe de l'Hiftoire des Patriarches
d'Alexandrie & de la Collection des Litur
gies Orientales , contre un Ecrit intitulé :
Défenſe de la Mémoire de M. Ludolf.
Paris , 1717. in 12. pp. 193. M. l'Abbé
Renaudot en donnant au Public l'Hif
toire des Patriarches d'Alexandrie & la
Collection des Liturgies Orientales crût
être obligé de réfuter quelques endroits
de l'Hiftoire d'Ethiopie de Ludolf & du
Commentaire que le même Auteur a
publié fur cette Hiftoire. C'est ce qui a
donné lieu au Mémoire inferé dans le
neuviéme Tome du Journal Litteraire ,,
page 217. où l'on prétend défendre Lu
dolf contre les accufations de M. Renaudot.
Ce fçavant Abbé s'y voyant accufe
à fon tour de mauvaiſe foi avec beau
coup de vivacité , publia cet Ouvrage
pour repouffer les attaques de cet Advesfaire
, qui lui a répondu avec la même
vivacité que la premiere fois dans un
Ecrit intitulé Examen défintereffe du
Livre de M. Renaudot , & inferé dans
PEurope Sçavante , Tome 1o. p. 23.1 . &
Tome 11. p . 28 .
I. Vol.
ބ
2658 MERCURE DE FRANCE
9. Anciennes Relations des Indes & de
la Chine , de deux Voyageurs Mahometans
qui y allerent dans le IX. fiecle , traduites
d Arabe , avec des Remarques fur les principaux
endroits de ces Relations . Paris , 1718.
in 8. Ces Relations font fimples & convenables
au tems , où elles ont été écrites.
Leurs Auteurs paroiffent inftruits &
finceres. Les Obfervations de M. Renaudot
les rendent plus inftructives & plus
utiles ; on n'y remarque ni l'aigreur qu'on
lui a reproché dans d'autres Ouvrages ,
ni une profufion exceffive d'érudition
affez ordinaire à ceux qui ont beaucoup
lû & fur- tout des Livres que peu de
perfonnes peuvent lire : c'eft le jugement
qu'on porte de cet Ouvrage dans PEu-
Fope Sçavante , tome 6. p. 95. Mais ce
jugement eft contredit par le Pere de
Prémare , Jefuite , Miffionnaire à la Chine
, qui dans une Lettre inferée dans le
dix- neuvième Recueil des Lettres édifiantes
& curieuſes , écrites des Miffions
Etrangeres par quelques Miffionnaires de
la Compagnie de Jefus , fait voir que
ces Relations font remplies de fables &
de contes , & que M. Renaudot , noncontent
d'adopter toutes les faufletés qu'il
s'eft donné la peine de traduire , eft tombé
lui -même dans une infinité de mépri
fes confiderables dans les Eclairciffemens
qu'il y a ajoûtés.
10.
DECEMBRE. 1730. 2659
10. De l'origine de la Sphere. Cette
Differtation qui fe trouve dans le premier
Tome des Mémoires de l'Académie des
Infcriptions , page 1. a été attaquée par
M. Des Vignoles dans des Remarquesfort
fçavantes , inferées dans le cinquié
meTome de la Bibliotheque Germanique,
page 153.
1. De l'origine des Lettres Grecques?
Les deux Mémoires où M. Renaudot
examine cette matiere,font contenus dans
le fecond Volume de l'Hiftoire de l'Académie
des Inſcriptions , page 246. Il y'
foutient , à l'exemple de Jofeph Jufte
Scaliger , que les Lettres Grecques tirent
feur origine , non point des Egyptiennes
mais des Phéniciennes ou anciennes Hebraïques.
3
12. Eclairciffement fur les Explications
que les Anglois ont données de quelques
Inferiptions de Palmyre & des Remarques
fur une qui fe trouve à Heliopolis de Syrie,
appellée communément Baalbek. Hiftoire de
' Académie des Infcriptions. Tom. 2. p.
-509.
13. Eclairciffement fur le nom de Septimia
qui eft joint à celui de Zenobia fur les Médailles
de cette Princeffe. Ibid. p. 567.
14. Lettre à M. Dacier fur les Verfions
Syriaques & Arabes d'Hippocrate , inferée
dans la Traduction d'Hippocrate par
Dacier
M
DS.
4660 MERCURE DE FRANCE
15. Les Libraires de Paris voyant l'empreffement
avec lequel on recherchoit le
Dictionnaire de M. Bayle , lorfqu'il parût
pour la premiere fois , formerent le deffein
de le réimprimer , & s'addrefferent
à M. le Chancelier pour avoir un pri
vilege ; M. le Chancelier ordonna à
M. l'Abbé Renaudot d'examiner l'Ouvrage
, pour voir s'il n'y avoit rien contre
la France ou contre la Religion , & M.
Renaudot dreffa un Mémoire où il en
donna une idée très défavantageuſe. Ce
Mémoire étant tombé entre les mains de
M. Jurieu , qui haïffoit M. Bayle , il le
fit imprimer avec quelques Extraits de
Lettres anonymes fur le même fujet , &
y ajoûta des Remarques fort vives ; le
tout parut fous le titre de fugement du
Public, & particulierement de M. l'Abbé
Renaudot fur le Dictionnaire Critique du
Sieur Bayle. Rotterdam, 1697. in 4. pp. 47.
M. Bayle y répondit par un Ecrit inti
tulé : Réflexions fur un Imprimé qui a pour
titre Jugement du Public &c. in 4. pp.
16. Il fut réfuté à fon tour par M. Jurieu
dans une Lettre fur les Réflexions
publiées contre le Jugement du Public
fur le Dictionnaire du ficur Bayle , in 44
pp. 16.
M. Bayle marque dans fa Lettre 2307
à M. Des Maizeaux que M. de Witt +
I. Vola
grand
DECEMBRE. 1730. 2661
à
grand ami de l'Abbé Renaudot , ayant
reçû une de ſes Lettres , où il lui marquoit
qu'il n'entroit qu'avec regret dans
des démêlés de cette nature , & qu'il
haïffoit naturellement les guerres Litte
raires , ménagea la paix entr'eux , & l'engagea
mettre tout en oubli , ce qui
fit qu'il ne dit pas un mot de leur differend
dans la feconde Edition de fon
Dictionnaire. D'un autre côté , M. de
Saint-Evremont compofa une petite Piéce
contre le Jugement de M. Renaudot , où
il le raille affez finement. On la trouve
parmi fes Oeuvres.
16. Il a préfidé pendant plufieurs années
à la compofition des Gazettes qui
doivent leur établiffement à Theophrafte
Renaudot , fon ayeul , lequel en fit en
1631. agréer le projet au Cardinal de
Richelieu , & dont il a eu le privilege
après fon pere.
Voyez fon Eloge par M. de Boze daus
Hiftoire de l'Académie des Infcriptions
tome 5. p. 384.
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des
Hommes Illuftres.
Catalogue des Ouvrages d'Eufebe Renaudot.
1. Il a traduit en Latin dès l'âge de 25 .
I. Vol. ans
DECEMBRE. 1730.. 265 3
ans les Atteftations des Eglifes d'Orient
touchant leur créance fur l'Euchariftie
que M. de Nointel , Ambaffadeur de
France à Conftantinople , envoya à M. de
Pomponne , pour être inferées dans le Livre
de la Perpetuité de la Foi fur l'Euchariftie
, & fa Traduction fe trouve dans
le troifiéme Volume , dans la Préface duquel
M. Arnauld s'exprime ainfi à fon
fujet » Ce feroit tout-à- fait manquer à
»la reconnoiffance & à la juftice , que de .
ne pas rendre un témoignage public
» de l'obligation qu'on a à celui qui a
» rendu ces Actes utiles à l'Eglife par la
» traduction qu'il en a faite , & la peine
qu'il a prife d'extraire lui - même des
>> Livres Orientaux tous les Paffages qui
» font rapportés dans cet Ouvrage . C'eft
» M. l'Abbé Renaudot , dont la modeftie
ne permet pas d'en dire davantage ;
» mais la diverfité de ces Actes & des
>> Livres dont fes Extraits ont été tirés ,
» qui font écrits les uns en Grec vul-
>> gaire , les autres en Arabe , les autres
» en Syriac , les autres en Copte , les autres
en Ethiopien , font affez connoître
>> l'intelligence qu'il a dans toutes ces Lan
» gues.
Défenfe de la Perpetuité de la Foi contre
les calomnies & les fauffetés du Livre
intitulé : Monumens authentiques de la
JVol
Ev Religion
2654 * MERCURE DE FRANCE
Religion des Grecs. Paris 1708. in 8. Jean
Aymon , Auteur des Monumens autentiques
que M. Renaudot entreprend ici
de réfuter , étoit né en Dauphiné ; après
avoir été ordonné Prêtre , il fut Aumônier
d'un Evêque de Maurienne qu'il
fuivit dans un Voyage de Rome où il acquit
un titre de Protonotaire Apoftolique
, & deffervit quelque tems une Cure
de Campagne. Il quitta enfuite Eglife
Romaine pour embraffer le Calviniſme,
& paffa en Hollande , d'où il vint à Paris
en 1705. fous prétexte de rentrer
'dans le fein de l'Eglife ; il s'acquit par fà
de la protection , & eut un libre accès à
la Bibliotheque du Roi , où il avoit la
liberté de parcourir les Manufcrits précieux
qui y font ; mais il ſe ſervit de cette
liberté pour en mutiler quelques- uns ,
& pour voler l'original d'un Synode de
Jerufalem , tenu en 1672. fous le Patriarche
Dofithée , qu'il emporta en Hollande,
& qu'il y fit imprimer en 1708. avec des
Notes de fa façon . Ce Livre tiffu de calomnies
, de raifonnemers abfurdes &
de bévûcs ridicules excita tellement l'indignation
de M.Renaudot, qu'il travailla
auffi- tôt à renverfer ces prétendus Monumens
, ce qu'il exécuta d'une maniere
également folide & fçavante . Le Manuſcrit
volé eft revenu dans la Bibliotheque
1. Vol du
DECEMBRE. 1730. 2655
du Roi , les Etats Generaux l'ayant retiré
de la Bibliotheque de Leyde , ou le
fieur Aymon l'avoit déposé pour le
rendre à fon premier Maître .
3. Gennadii Patriarcha Conftantinopoli
-tani Homilia de Sacramento Euchariftia ,
Meletii Alexandrini , Nectarii Hierofoly
mitani , Meletii Syrigi & aliorum de eodem
argumento Opufcula , gracè & Latinè , feu
Appendix ad Acta , qua circa Græcorum
de Tranfubftantiatione fidem relata funt in
opere de Perpetuitate Fidei. Eufebius Renaudotius
, Parifinus , ex Codd . Mff. edidit
, latinè vertit , Differtationes & Ob
fervationes adjecit. Paris , 1709. in 4.
4. La Perpetuité de la Foi de l'Eglife
Catholique touchant l'Euchariftie . Tome
-IV. contenant un Examen particulier
de la conformité de la Doctrine des Grecs
& de tous les Chrétiens Orientaux avec
celle de l'Eglife Latine , plufieurs nouveaux
Eclairciffemens touchant les Auteurs
& les faits allegués dans les Volumes
précedens , & la réfutation de tout
ce qui a été objecté contre les Atteftations
& autres Piéces qui y ont été produites.
Paris , 1711. in 4.
5. La Perpetuité de la Foi de l'Eglife Caª
tholique fur les Sacremens , & fur tous les
autres points de Religion & de Difcipline
que les premiers Réformateurs ont pris pour
I. Vol
5°
· prétexte
2656 MERCURE DE FRANCE
prétexte de leur Schifme , prouvée par le
confentement des Eglifes Orientales . Paris ,
1713. in 4. Il y a beaucoup d'érudition
dans ces deux Volumes .
6. Hiftoria Patriarcharum Alexandrinorum
Facobitarum à D. Marco ufque ad finem
faculi XIII. cum Catalogo fequentium
Patriarcharum , & collectaneis Hiftoricis ad
ultima tempora fpectantibus . Inferuntur multa
ad res Ecclefiafticas Facobitarum Patriarchatus
Antiocheni , Æthiopia , Nubia &
Armeniæ pertinentia. Accedit Epitome Hif
toria Muhamedane ad illuftrandas res
Ægyptiacas ; omnia collecta ex Autoribus
Arabicis , Severo , Epifcopo Afchmonie ,
Michaële , Epifcopo Taneos , Ephrem
filio Zaraa , Abulbircat & aliis Anonimisz
tum ex editis Eutichio , Elmacino , Abulfaragio
, Chronico Orientali , diverfifque
Hiftoria Muhamedana Scriptoribus Arabicis
& Perficis. Paris, 1713. in 8. On n'avoit
encore rien vû de fi exact ni de fr
recherché fur l'Histoire des Patriarches.
Jacobites d'Alexandrie.
7. Liturgiarum Orientalium Collectio
Parifiis, 1716. in 4. 2. tom.C'eft le Recueil
le plus ample qui ait jamais été fait des
Liturgies Orientales à l'ufage des Coptes,
des Jacobites , des Melchites de Syrie &
des Neftoriens . M. Renaudot s'eft contenté
de faire imprimer fa Traduction ,
I. Vol. fans
DECEMBRE 1730. 2657
fans y joindre le Texte original , don't
Pimpreffion auroit demandé une dépenfe
exceffive , & auroit rebuté beaucoup de
gens. Les Differtations qui accompagnent
La Traduction font très fçavantes .
8. Défenfe de l'Hiftoire des Patriarches
d'Alexandrie & de la Collection des Litur
gies Orientales , contre un Ecrit intitulé :
Défenſe de la Mémoire de M. Ludolf.
Paris , 1717. in 12. pp. 193. M. l'Abbé
Renaudot en donnant au Public l'Hif
toire des Patriarches d'Alexandrie & la
Collection des Liturgies Orientales crût
être obligé de réfuter quelques endroits
de l'Hiftoire d'Ethiopie de Ludolf & du
Commentaire que le même Auteur a
publié fur cette Hiftoire. C'est ce qui a
donné lieu au Mémoire inferé dans le
neuviéme Tome du Journal Litteraire ,,
page 217. où l'on prétend défendre Lu
dolf contre les accufations de M. Renaudot.
Ce fçavant Abbé s'y voyant accufe
à fon tour de mauvaiſe foi avec beau
coup de vivacité , publia cet Ouvrage
pour repouffer les attaques de cet Advesfaire
, qui lui a répondu avec la même
vivacité que la premiere fois dans un
Ecrit intitulé Examen défintereffe du
Livre de M. Renaudot , & inferé dans
PEurope Sçavante , Tome 1o. p. 23.1 . &
Tome 11. p . 28 .
I. Vol.
ބ
2658 MERCURE DE FRANCE
9. Anciennes Relations des Indes & de
la Chine , de deux Voyageurs Mahometans
qui y allerent dans le IX. fiecle , traduites
d Arabe , avec des Remarques fur les principaux
endroits de ces Relations . Paris , 1718.
in 8. Ces Relations font fimples & convenables
au tems , où elles ont été écrites.
Leurs Auteurs paroiffent inftruits &
finceres. Les Obfervations de M. Renaudot
les rendent plus inftructives & plus
utiles ; on n'y remarque ni l'aigreur qu'on
lui a reproché dans d'autres Ouvrages ,
ni une profufion exceffive d'érudition
affez ordinaire à ceux qui ont beaucoup
lû & fur- tout des Livres que peu de
perfonnes peuvent lire : c'eft le jugement
qu'on porte de cet Ouvrage dans PEu-
Fope Sçavante , tome 6. p. 95. Mais ce
jugement eft contredit par le Pere de
Prémare , Jefuite , Miffionnaire à la Chine
, qui dans une Lettre inferée dans le
dix- neuvième Recueil des Lettres édifiantes
& curieuſes , écrites des Miffions
Etrangeres par quelques Miffionnaires de
la Compagnie de Jefus , fait voir que
ces Relations font remplies de fables &
de contes , & que M. Renaudot , noncontent
d'adopter toutes les faufletés qu'il
s'eft donné la peine de traduire , eft tombé
lui -même dans une infinité de mépri
fes confiderables dans les Eclairciffemens
qu'il y a ajoûtés.
10.
DECEMBRE. 1730. 2659
10. De l'origine de la Sphere. Cette
Differtation qui fe trouve dans le premier
Tome des Mémoires de l'Académie des
Infcriptions , page 1. a été attaquée par
M. Des Vignoles dans des Remarquesfort
fçavantes , inferées dans le cinquié
meTome de la Bibliotheque Germanique,
page 153.
1. De l'origine des Lettres Grecques?
Les deux Mémoires où M. Renaudot
examine cette matiere,font contenus dans
le fecond Volume de l'Hiftoire de l'Académie
des Inſcriptions , page 246. Il y'
foutient , à l'exemple de Jofeph Jufte
Scaliger , que les Lettres Grecques tirent
feur origine , non point des Egyptiennes
mais des Phéniciennes ou anciennes Hebraïques.
3
12. Eclairciffement fur les Explications
que les Anglois ont données de quelques
Inferiptions de Palmyre & des Remarques
fur une qui fe trouve à Heliopolis de Syrie,
appellée communément Baalbek. Hiftoire de
' Académie des Infcriptions. Tom. 2. p.
-509.
13. Eclairciffement fur le nom de Septimia
qui eft joint à celui de Zenobia fur les Médailles
de cette Princeffe. Ibid. p. 567.
14. Lettre à M. Dacier fur les Verfions
Syriaques & Arabes d'Hippocrate , inferée
dans la Traduction d'Hippocrate par
Dacier
M
DS.
4660 MERCURE DE FRANCE
15. Les Libraires de Paris voyant l'empreffement
avec lequel on recherchoit le
Dictionnaire de M. Bayle , lorfqu'il parût
pour la premiere fois , formerent le deffein
de le réimprimer , & s'addrefferent
à M. le Chancelier pour avoir un pri
vilege ; M. le Chancelier ordonna à
M. l'Abbé Renaudot d'examiner l'Ouvrage
, pour voir s'il n'y avoit rien contre
la France ou contre la Religion , & M.
Renaudot dreffa un Mémoire où il en
donna une idée très défavantageuſe. Ce
Mémoire étant tombé entre les mains de
M. Jurieu , qui haïffoit M. Bayle , il le
fit imprimer avec quelques Extraits de
Lettres anonymes fur le même fujet , &
y ajoûta des Remarques fort vives ; le
tout parut fous le titre de fugement du
Public, & particulierement de M. l'Abbé
Renaudot fur le Dictionnaire Critique du
Sieur Bayle. Rotterdam, 1697. in 4. pp. 47.
M. Bayle y répondit par un Ecrit inti
tulé : Réflexions fur un Imprimé qui a pour
titre Jugement du Public &c. in 4. pp.
16. Il fut réfuté à fon tour par M. Jurieu
dans une Lettre fur les Réflexions
publiées contre le Jugement du Public
fur le Dictionnaire du ficur Bayle , in 44
pp. 16.
M. Bayle marque dans fa Lettre 2307
à M. Des Maizeaux que M. de Witt +
I. Vola
grand
DECEMBRE. 1730. 2661
à
grand ami de l'Abbé Renaudot , ayant
reçû une de ſes Lettres , où il lui marquoit
qu'il n'entroit qu'avec regret dans
des démêlés de cette nature , & qu'il
haïffoit naturellement les guerres Litte
raires , ménagea la paix entr'eux , & l'engagea
mettre tout en oubli , ce qui
fit qu'il ne dit pas un mot de leur differend
dans la feconde Edition de fon
Dictionnaire. D'un autre côté , M. de
Saint-Evremont compofa une petite Piéce
contre le Jugement de M. Renaudot , où
il le raille affez finement. On la trouve
parmi fes Oeuvres.
16. Il a préfidé pendant plufieurs années
à la compofition des Gazettes qui
doivent leur établiffement à Theophrafte
Renaudot , fon ayeul , lequel en fit en
1631. agréer le projet au Cardinal de
Richelieu , & dont il a eu le privilege
après fon pere.
Voyez fon Eloge par M. de Boze daus
Hiftoire de l'Académie des Infcriptions
tome 5. p. 384.
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Résumé : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes illustres, &c. [titre d'après la table]
Le document présente un catalogue des œuvres d'Eusèbe Renaudot, un érudit du XVIIIe siècle. Renaudot a traduit en latin les attestations des Églises d'Orient sur l'Eucharistie, envoyées par l'ambassadeur de France à Constantinople, M. de Nointel, à M. de Pomponne. Cette traduction, publiée dans le troisième volume de la 'Perpetuité de la Foi', a été saluée par M. Arnauld pour son utilité et la diversité des langues maîtrisées par Renaudot, incluant le grec, l'arabe, le syriaque, le copte et l'éthiopien. Renaudot a également écrit une défense contre les calomnies et les faussetés du livre 'Monumens authentiques de la Religion des Grecs' de Jean Aymon. Aymon, après avoir été prêtre et protonotaire apostolique, s'était converti au calvinisme et avait volé des manuscrits précieux de la Bibliothèque du Roi, notamment un synode de Jérusalem de 1672. Renaudot a réfuté les prétendus monuments d'Aymon et a contribué à la restitution du manuscrit volé. Parmi les autres œuvres de Renaudot figurent des homélies et des opuscules sur l'Eucharistie, des examens de la conformité des doctrines des Grecs et des Chrétiens orientaux avec celle de l'Église latine, et une histoire des patriarches jacobites d'Alexandrie. Il a également compilé une collection de liturgies orientales et traduit des relations anciennes des Indes et de la Chine. Renaudot a été impliqué dans des controverses littéraires, notamment avec Pierre Bayle et Jacques Jurieu, concernant le 'Dictionnaire Critique' de Bayle. Il a présidé à la composition des gazettes fondées par son aïeul, Théophraste Renaudot, et a été honoré par un éloge dans l'Histoire de l'Académie des Inscriptions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 2835-2839
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Lausanne, le premier Decembre 1730. par M. le Conseiller Seigneux, à M. de Veze, au sujet d'une forme singuliere de Jugement criminel, & sur un Phénoméne arrivé dans le même Païs au mois d'Octobre dernier.
Début :
Je sortis hier d'une fonction oratoire que je craignois un peu, comme ne [...]
Mots clefs :
Tribunal , Jugement, Meurtre, Verglas, Brouillard, Froid
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Lausanne, le premier Decembre 1730. par M. le Conseiller Seigneux, à M. de Veze, au sujet d'une forme singuliere de Jugement criminel, & sur un Phénoméne arrivé dans le même Païs au mois d'Octobre dernier.
EXTRA IT d'une Lettre écrite de
Laufanne , le premier Decembre 1739 .
par M. le Confeiller Seigneux , à M. de
Veze , au fujet d'une forme finguliere de
Jugement criminel , & fur un Phénoméne
arrivé dans le même Pais au mois d'Oc
tobre dernier,
J
E fortis hier d'une fonction oratoire .
que je craignois un peu , comme ne
m'étant pas trop familieres. Nous avons
dans cette ville une forme de Jugement
criminel , quand il s'agit d'un meurtre ,
qui fe fait avec beaucoup de folemnité au
milieu de la Place publique , on y forme
par des barrieres une Salle ou Parc , en
quarré long , à la tête de laquelle font
trois Tribunaux élevez de quelques pieds
chacun. A droite & à gauche font placez
quatre vingt-dix - neuf Juges ; au devant
eft la Secretairerie ; il y a auffi un Magif-
II. Vol.
trat
2836 MERCURE DE FRANCE
trat debout, nommé Gros Saultier , tenant
un bâton d'argent , le Herault de la Ville
& beaucoup d'Huiffiers. Les trois Magiftrats
qui occupent les Tribunaux ont chacun
un Sceptre à la main. Au milieu du
Parquet font les habits fanglans de l'homme
mort , expofé fur une planche & formant
triftement une figure de corps giffant.
Aux quatre coins de la Salle font des
barrieres qui s'ouvrent & fe ferment pardes
Huiffiers qui en font les Gardes , c'eſt
là cque fe tiennent trois Affifes , deux dans
un même jour , & la troifiéme quinze
jours après . Les proclamations étant faites ,
fr l'accufé paroît , il entre armé dans le
Parc ! fi c'eft un Gentilhomme , il l'eſt de
toutes pieces , fuivi de fes parens & amis
qui restent à la porte du Parc.
L'Accufé étant entré feul , on le défarme;
il plaide ou fait plaider fa cauſe. Un
Avocat nommé par le Confeil plaide
pour le Lieutenant Criminel. fi après les
Plaidoyers & le jugement rendu , l'Accufé
eft abfous, on le revêt de fes armes , & il
fe retire fuivi d'un nombreux cortege ;
s'il eft condamné on le conduit droit au
fupplice , à moins qu'il n'ait recours à la
clémence des Juges qui peuvent lui accorder
fa grace.
On appelle cette Cour , Cour impériale ,
II. Vol, parce
DECEMBRE. 1730. 2837:
parce que la forme & le droit nous en
viennent des Empereurs, Elle s'affemble
affez rarement , parce qu'elle n'exerce
cette jurifdiction folemnelle que dans les
cas d'homicide , commis feulement dans
la ville de Lauzane.
C'est là où j'ai été appellé , & où
j'ai fait deux fonctions , d'abord un Difcours
à l'ouverture du Tribunal , &
quinze jours après un long plaidoyer ,dans
lequel après avoir expofé les raifons préfomptives
de l'Accufe qui étoit abfent , &
la difpofition des loix , j'ai enfin conclu
felon les circonstances du fait , les regles
de la Juftice , & le devoir de mon miniftere
, cette fonction répond affez à celle
d'Avocat General dans les Parlemens de
France.
Cette formalité , au refte , eft très -ancienne
; car quoi qu'on puiffe en rappor
ter l'établiffement au tems de la race Carlovingienne
, je crois qu'on peut en remonter
la premiere origine à ces Campi
Maji , Madii on Martii , dont parle du
Gange , qu'on appella enfuite , Mallum
Placitum generale , Conventus generalis
dans lefquels fe rendoient les jugemens
militaires ufitez chez les anciens Francs .
Voici une autre nouvelle d'une espece
bein differente : Nous avons vû dans les
hauteurs des environs , un Phénoméne
II. Vol
2838 MERCURE DE FRANCE
très- fingulier. La nuit du 14. au 15. Octobre
dernier , il fe fit par un brouillard
épais une gelée fi forte , que tous les arbres
, feuilles & fruits fe couvrirent d'un
verglas épais. Enforte que dans un Chàteau
de ma connoiffance , à quatre lieuës
d'ici , on fervit aufruit des poires , pommes
,prunes & pêches qui étoient abfolument
enchaffées dans une maniere de boëte
de criſtal d'environ un pouce d'épaiffeur.
C'étoit chez Madame ... foeur du
Vicomte de Bardonenches. Un leger cordeau
de fil tendu dans le Jardin y devint
au rapport de cette Dame , prefque de
l'épaiffeur du bras , parce qu'à mesure
que le brouillard diftilloit , une bife
des plus piquantes faifoit congeler ce
cordon.
*
Le 15. tout demeura abfolument glacé,
ce qui eutfait un très beau fpectacle fans
le froid extrême & la perte de la recolte.
Le 15 & le 16. quantité d'arbres furchargés
de ce poids de glace , fe rompirent
en éclats.
Au reste , pendant deux nuits , on entendit
un bruit affreux dans les bois , &
on vit enfuite la terre par tout couverte.
de leurs débris. Il y a telle petite Com,
munauté qui a perdu plus de mille écus .
par cet accident , ce fut un dégar des
plus triftes. On m'écrit que du côté d'Or-
RII. Vol. .be
DECEMBRE . 1730. 2839
be , Ville très - ancienne, le bruit que l'on
entendoit dans la Campagne reffembloit
à celui d'une bataille des plus acharnées .
Je n'ai pas encore eu le tems de m'infor
mer exactement de toutes les autres circonftances
& particularités ; mais je le
ferai , & cela en vaut , je crois , la peine .
L'Hiftoire nous apprend mille chofes
moins curieufes.
Laufanne , le premier Decembre 1739 .
par M. le Confeiller Seigneux , à M. de
Veze , au fujet d'une forme finguliere de
Jugement criminel , & fur un Phénoméne
arrivé dans le même Pais au mois d'Oc
tobre dernier,
J
E fortis hier d'une fonction oratoire .
que je craignois un peu , comme ne
m'étant pas trop familieres. Nous avons
dans cette ville une forme de Jugement
criminel , quand il s'agit d'un meurtre ,
qui fe fait avec beaucoup de folemnité au
milieu de la Place publique , on y forme
par des barrieres une Salle ou Parc , en
quarré long , à la tête de laquelle font
trois Tribunaux élevez de quelques pieds
chacun. A droite & à gauche font placez
quatre vingt-dix - neuf Juges ; au devant
eft la Secretairerie ; il y a auffi un Magif-
II. Vol.
trat
2836 MERCURE DE FRANCE
trat debout, nommé Gros Saultier , tenant
un bâton d'argent , le Herault de la Ville
& beaucoup d'Huiffiers. Les trois Magiftrats
qui occupent les Tribunaux ont chacun
un Sceptre à la main. Au milieu du
Parquet font les habits fanglans de l'homme
mort , expofé fur une planche & formant
triftement une figure de corps giffant.
Aux quatre coins de la Salle font des
barrieres qui s'ouvrent & fe ferment pardes
Huiffiers qui en font les Gardes , c'eſt
là cque fe tiennent trois Affifes , deux dans
un même jour , & la troifiéme quinze
jours après . Les proclamations étant faites ,
fr l'accufé paroît , il entre armé dans le
Parc ! fi c'eft un Gentilhomme , il l'eſt de
toutes pieces , fuivi de fes parens & amis
qui restent à la porte du Parc.
L'Accufé étant entré feul , on le défarme;
il plaide ou fait plaider fa cauſe. Un
Avocat nommé par le Confeil plaide
pour le Lieutenant Criminel. fi après les
Plaidoyers & le jugement rendu , l'Accufé
eft abfous, on le revêt de fes armes , & il
fe retire fuivi d'un nombreux cortege ;
s'il eft condamné on le conduit droit au
fupplice , à moins qu'il n'ait recours à la
clémence des Juges qui peuvent lui accorder
fa grace.
On appelle cette Cour , Cour impériale ,
II. Vol, parce
DECEMBRE. 1730. 2837:
parce que la forme & le droit nous en
viennent des Empereurs, Elle s'affemble
affez rarement , parce qu'elle n'exerce
cette jurifdiction folemnelle que dans les
cas d'homicide , commis feulement dans
la ville de Lauzane.
C'est là où j'ai été appellé , & où
j'ai fait deux fonctions , d'abord un Difcours
à l'ouverture du Tribunal , &
quinze jours après un long plaidoyer ,dans
lequel après avoir expofé les raifons préfomptives
de l'Accufe qui étoit abfent , &
la difpofition des loix , j'ai enfin conclu
felon les circonstances du fait , les regles
de la Juftice , & le devoir de mon miniftere
, cette fonction répond affez à celle
d'Avocat General dans les Parlemens de
France.
Cette formalité , au refte , eft très -ancienne
; car quoi qu'on puiffe en rappor
ter l'établiffement au tems de la race Carlovingienne
, je crois qu'on peut en remonter
la premiere origine à ces Campi
Maji , Madii on Martii , dont parle du
Gange , qu'on appella enfuite , Mallum
Placitum generale , Conventus generalis
dans lefquels fe rendoient les jugemens
militaires ufitez chez les anciens Francs .
Voici une autre nouvelle d'une espece
bein differente : Nous avons vû dans les
hauteurs des environs , un Phénoméne
II. Vol
2838 MERCURE DE FRANCE
très- fingulier. La nuit du 14. au 15. Octobre
dernier , il fe fit par un brouillard
épais une gelée fi forte , que tous les arbres
, feuilles & fruits fe couvrirent d'un
verglas épais. Enforte que dans un Chàteau
de ma connoiffance , à quatre lieuës
d'ici , on fervit aufruit des poires , pommes
,prunes & pêches qui étoient abfolument
enchaffées dans une maniere de boëte
de criſtal d'environ un pouce d'épaiffeur.
C'étoit chez Madame ... foeur du
Vicomte de Bardonenches. Un leger cordeau
de fil tendu dans le Jardin y devint
au rapport de cette Dame , prefque de
l'épaiffeur du bras , parce qu'à mesure
que le brouillard diftilloit , une bife
des plus piquantes faifoit congeler ce
cordon.
*
Le 15. tout demeura abfolument glacé,
ce qui eutfait un très beau fpectacle fans
le froid extrême & la perte de la recolte.
Le 15 & le 16. quantité d'arbres furchargés
de ce poids de glace , fe rompirent
en éclats.
Au reste , pendant deux nuits , on entendit
un bruit affreux dans les bois , &
on vit enfuite la terre par tout couverte.
de leurs débris. Il y a telle petite Com,
munauté qui a perdu plus de mille écus .
par cet accident , ce fut un dégar des
plus triftes. On m'écrit que du côté d'Or-
RII. Vol. .be
DECEMBRE . 1730. 2839
be , Ville très - ancienne, le bruit que l'on
entendoit dans la Campagne reffembloit
à celui d'une bataille des plus acharnées .
Je n'ai pas encore eu le tems de m'infor
mer exactement de toutes les autres circonftances
& particularités ; mais je le
ferai , & cela en vaut , je crois , la peine .
L'Hiftoire nous apprend mille chofes
moins curieufes.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite de Lausanne, le premier Decembre 1730. par M. le Conseiller Seigneux, à M. de Veze, au sujet d'une forme singuliere de Jugement criminel, & sur un Phénoméne arrivé dans le même Païs au mois d'Octobre dernier.
Dans une lettre datée du 1er décembre 1739, M. le Conseiller Seigneux décrit à M. de Veze une procédure judiciaire singulière à Lauzanne pour les jugements de meurtres. Cette procédure se déroule publiquement avec une grande solennité sur une place aménagée en salle par des barrières. Elle implique trois tribunaux élevés, quatre-vingt-dix-neuf juges et divers officiers. L'accusé, s'il est gentilhomme, entre armé et est accompagné de ses parents et amis. Après les plaidoyers, l'accusé est soit absous et quitte les lieux armé, soit condamné et conduit au supplice, sauf s'il obtient la grâce des juges. Cette cour, appelée Cour impériale, exerce sa juridiction solennelle uniquement en cas d'homicide dans la ville de Lauzanne. La lettre mentionne également un phénomène naturel survenu en octobre 1739 : une gelée intense a recouvert les arbres et les fruits d'un verglas épais, causant des dégâts considérables. Ce phénomène a transformé des fruits en objets semblables à des boîtes de cristal et a endommagé de nombreux arbres. Le bruit produit par les arbres se brisant ressemblait à celui d'une bataille. La lettre se termine par une promesse d'enquêter davantage sur cet événement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
13
p. 508-514
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
Début :
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c. T. [...]
Mots clefs :
Dialectique, Aristote, Dispute académique, Philosophie, Jugement, Injustice, François I, Logique, Pierre Ramus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
M
EMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres , &c.
T. XIII. de 408. pages. A Paris , chez
Bríasson , à la Science , M. DCC. XXX.
Voici les noms des Sçavans dont les
Vies et le Catalogue des Ouvrages remplissent
ce Volume. Louis Alamanni; Guill.
Amontons ; Jean Barbier d'Aucour; Pierre
de Boissat ; Jean Boscan ; Jean Coras ;
Claude d'Epences ; Melchior Guillandin ;
George - Abraham Merklinus : Etienne le
Moine ; André Navagero ; Bernard Nieu-
Wentit : Sertorio Orsato ; Conrad Peuttinger.
Pierre Ramus ; Jean Russellay ; Joseph
Pompée Sacco ; Nic. Sanson ; Benoît de
Spinosa Guill. Temple ; Robert Titi ; Bernard
Trivisano ; Garsilasso ; de la Vega ;
Gerard Vossius ; Gerard-Jean Vossius; Isaac
Vossius ; André- Chrisostome Zaluski.
Nous exposerons ici à nos Lecteurs ce
que
MARS. 1731. 509
que
l'Editeur des Mémoires rapporte au
sujet du fameux Pierre Ramus , cet article
nous ayant parû l'un des plus curieux
et des plus travaillez.
Pierre Ramus , ou de la Ramée , nâquit
l'an 1515. dans un Village de Vermandois
en Picardie,nommé Cuth . Son Aycul,
qui étoit d'une bonne famille du Pays de
Liege , s'étoit retiré dans ces quartiers-là ,
après avoir perdu tous ses biens , lorsque
sa Patrie fut réduite en cendres par Charles
Duc de Bourgogne. Le triste état où
il se vit alors , l'obligea à gagner sa vie
le reste de ses jours , à faire et à vendre
du Charbon . Il laissa un fils qui gagna
la sienne à labourer , et qui fut le Pere
de celui dont il s'agit ici .
Pierre Ramus ne fut gueres plus heureux
que son Pere et son Ayeul , car sa
vie a été une alternative perpetuelle d'élevation
et d'abaissement , et il a été en
toutes manieres le jouet de la fortune.
A peine étoit-il hors du berceau , qu'il
fut attaqué deux fois de la Peste . A l'âge
de huit ans l'envie d'apprendre le fit ve
nir à Paris ; mais la misere l'ayant obligé
d'en sortir , il y revint le plutôt qu'il put,
et n'y trouvant point les moyens d'y subsister
, il en partit une seconde fois. La
mauvaise réussite de ces deux voyages
ne le découragea pas cependant ; sa pas-
E sion
510 MERCURE DE FRANCE
sion pour l'étude lui en fit entreprendre
un troisième qui fut plus heureux .
Il fut d'abord entretenu pendant quelques
mois par un de ses oncles ; mais ce
secours lui ayant manqué , il fut contraint
d'être Valet au Collegé de Navarre.
Le service qu'il rendoit à son Maître , ne
l'empêchoit pas de s'appliquer à l'étude ,
car il y employoit une partie de la nuit ,
et il y fit
par ce moyen , des progrès considerables
en peu de tems.
Il n'y a aucune vrai- semblance à ce qu'on
Jit dans le premier Scaligeriana , qu'il vécut
jusqu'à l'âge de dix- neuf ans sans sçavoir
lire , qu'il avoit l'esprit hébêté , pesant
et stupide , et qu'il avoit trente ans
lorsqu'il écrivit contre Aristote. Ce dernier
fait est incontestablement faux ; car
son Livre contre Aristote fut condamné
après mille contestations , le 10.May'1543 .
or il n'avoit encore que vingt- huit ans.
Après ses études d'Humanitez et de
Rhéthorique , il fit son cours de Philosophie
, qui dura , selon l'usage de son
tems , trois ans et demi. La These qu'il
soutint pour se faire recevoir Maître- ès-
Arts , révolta bien du monde ; il s'y proposa
de soutenir cette Propostion , que
tout ce qu' Aristote avoit dit étoit faux.
Tous les Professeurs,quine connoissoient
d'autre Philosophe qu'Aristote , & qui
croyoient
MAR S. 173. 511
croyoient qu'on ne pouvoit sans crime aller
contre son autorité, prirent feu, et vinrent
attaquer la These avec toute la force que
leur habileté pouvoit leur fournir.Mais le
Répondant repoussa pendant un jour entier
leurs attaques avec tant de subtilité
et d'adresse , que tout Paris en fut dans
l'étonnement .
Ce succès enhardit Ramus , et lui fit
naître l'envie d'examiner plus à fond la
Doctrine d'Aristote , et de la combattre
vigoureusement ; il se borna cependant à
la Logique , à laquelle il rapporta toutes
ses lectures , et même les leçons d'Eloquence
, qu'il commença alors à faire à
la jeunesse .
- Les deux premiers Livres qu'il publia
sur cette matiere , causerent de grands
troubles dans l'Université de Paris . On le
cita devant les Juges Criminels , comme
un homme qui vouloit renverser la Religion
et les Sciences. Le Parlement voyant
le vacarme que causoit cette affaire , voulut
en prendre connoissance ; mais ses Adversaires
, persuadez qu'elle y seroit examinée
dans toutes les formes et selon les
regles de l'équité , la tirerent de ce Tribunal
, par leurs intrigues , et la firent
évoquer au Conseil du Roi , où ils espe
roient que leur crédit leur seroit d'un .
grand usage.
}
E ij
Le
512 MERCURE DE FRANCE
Le Roi ordonna donc qu'Antoine Govea,
qui étoit son principal Adversaire, et
Ramus choisiroient chacun deux personnes
habiles pour être,avec celui qu'il nommeroit
lui-même , Juges de leur dispute.
En conséquence de cette Ordonnance ,
Govea choisit Pierre Danés et François
à Vincercato, et Ramus nomma Jean Quintin
, Docteur en Droit , et Jean de Beaumont
, Docteur en Medecine. Le Député
de la part du Roi , fut Jean de Salignac ,
Docteur en Théologic.
Ramus , pour obeïr aux ordres du Roi,
comparut
devant les cinq Juges , quoiqu'il
y en eût trois qui fussent ses ennemis
déclarez ; on disputa pendant deux
jours. Il soutint que la Dialectique
d'Aristote
étoit imparfaite , parce qu'elle ne
contenoit
ni définition
ni division . Les
deux Juges qu'il avoit choisis , déclarerent
le premier jour que la définition
étoit necessaire
dans toute dispute bien
reglée ; les trois autres déclarerent
, au
contraire , que la Dialectique
peut être
parfaite sans définition . Le lendemain
ces
derniers reconurent
que la division y étoit
nécessaire ; mais voyant que Ramus en
concluoit
qu'il avoit raison de condamner
la Logique d'Aristote
, puisqu'elle
n'en avoit point , ils renvoyerent
l'affaire
à un autre jour. S'apMARS.
1731. 513
S'appercevant ensuite qu'ils s'étoient
jettez dans un embarras dont ils ne pouvoient
sortir avec honneur , ils déclarerent
qu'il falloit recommencer la dispute
, et tenir pour non avenu tout ce qui
s'étoit passé pendant les deux jours . Ramus
se plaignit hautement de ce procedé,
par lequel les Juges , non - seulement faisoient
paroître ouvertement qu'ils vouloient
le condamner , mais cassoient aussi
eux-mêmes leur Jugement , il les récusa
et appella de tout ce qu'ils pourroient
faire.
Son Appel fut déclaré nul par François
I. qui ordonna que les cinq Juges
prononceroient en dernier ressort et définitivement
sur cette affaire . Les Juges
nommez par Ramus ne voulurent point
assister au Jugement , pour n'être point
témoins de l'injustice qu'on alloit lui faire.
Ainsi les trois autres prononcerent
tout ce que la passion et la prévention
leur suggererent , sans avoir attendu davantage
Ramus , qui ne voulut plus paroître
devant eux , et ils prévinrent tellement
l'esprit du Roi , par de faux rap-.
ports , qu'ils obtinrent de lui la confirmation
de leur Jugement.
C'est ainsi que ce fait est raconté par
Omer Talon , dans un Livre qu'il dédia
au Cardinal de Lorraine. Si on s'arrête à
E iij
son
514 MERCURE DE FRANCE
son récit , comme il y a tout lieu de le
faire , on rejettera comme une Fable ce
qui est rapporté par Pierre Galland , dans
la Vie de Castellan , où il dit que François
I. ayant appris les invectives continuelles
d'un certain Sophiste , contre Aris ,
tote , contre Ciceron et contre Quintilien
, avoit résolu de l'envoyer aux Galeres
; mais que Castellan lui suggera un
autre genre de punition , qui fut d'engager
ce Sophiste à une dispute , où il
feroit voir sa folie par le silence , auquel
on le réduiroit ; que le Roi goûta cet
expedient , et que lorsqu'il eut sçû la confusion
que ce Personnage avoit reçûë , il
se contenta de cette peine. C'est de Ramus
que Galland vouloit parler , mais il
est bon de se souvenir que c'étoit son
grand Ennemi.
EMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres , &c.
T. XIII. de 408. pages. A Paris , chez
Bríasson , à la Science , M. DCC. XXX.
Voici les noms des Sçavans dont les
Vies et le Catalogue des Ouvrages remplissent
ce Volume. Louis Alamanni; Guill.
Amontons ; Jean Barbier d'Aucour; Pierre
de Boissat ; Jean Boscan ; Jean Coras ;
Claude d'Epences ; Melchior Guillandin ;
George - Abraham Merklinus : Etienne le
Moine ; André Navagero ; Bernard Nieu-
Wentit : Sertorio Orsato ; Conrad Peuttinger.
Pierre Ramus ; Jean Russellay ; Joseph
Pompée Sacco ; Nic. Sanson ; Benoît de
Spinosa Guill. Temple ; Robert Titi ; Bernard
Trivisano ; Garsilasso ; de la Vega ;
Gerard Vossius ; Gerard-Jean Vossius; Isaac
Vossius ; André- Chrisostome Zaluski.
Nous exposerons ici à nos Lecteurs ce
que
MARS. 1731. 509
que
l'Editeur des Mémoires rapporte au
sujet du fameux Pierre Ramus , cet article
nous ayant parû l'un des plus curieux
et des plus travaillez.
Pierre Ramus , ou de la Ramée , nâquit
l'an 1515. dans un Village de Vermandois
en Picardie,nommé Cuth . Son Aycul,
qui étoit d'une bonne famille du Pays de
Liege , s'étoit retiré dans ces quartiers-là ,
après avoir perdu tous ses biens , lorsque
sa Patrie fut réduite en cendres par Charles
Duc de Bourgogne. Le triste état où
il se vit alors , l'obligea à gagner sa vie
le reste de ses jours , à faire et à vendre
du Charbon . Il laissa un fils qui gagna
la sienne à labourer , et qui fut le Pere
de celui dont il s'agit ici .
Pierre Ramus ne fut gueres plus heureux
que son Pere et son Ayeul , car sa
vie a été une alternative perpetuelle d'élevation
et d'abaissement , et il a été en
toutes manieres le jouet de la fortune.
A peine étoit-il hors du berceau , qu'il
fut attaqué deux fois de la Peste . A l'âge
de huit ans l'envie d'apprendre le fit ve
nir à Paris ; mais la misere l'ayant obligé
d'en sortir , il y revint le plutôt qu'il put,
et n'y trouvant point les moyens d'y subsister
, il en partit une seconde fois. La
mauvaise réussite de ces deux voyages
ne le découragea pas cependant ; sa pas-
E sion
510 MERCURE DE FRANCE
sion pour l'étude lui en fit entreprendre
un troisième qui fut plus heureux .
Il fut d'abord entretenu pendant quelques
mois par un de ses oncles ; mais ce
secours lui ayant manqué , il fut contraint
d'être Valet au Collegé de Navarre.
Le service qu'il rendoit à son Maître , ne
l'empêchoit pas de s'appliquer à l'étude ,
car il y employoit une partie de la nuit ,
et il y fit
par ce moyen , des progrès considerables
en peu de tems.
Il n'y a aucune vrai- semblance à ce qu'on
Jit dans le premier Scaligeriana , qu'il vécut
jusqu'à l'âge de dix- neuf ans sans sçavoir
lire , qu'il avoit l'esprit hébêté , pesant
et stupide , et qu'il avoit trente ans
lorsqu'il écrivit contre Aristote. Ce dernier
fait est incontestablement faux ; car
son Livre contre Aristote fut condamné
après mille contestations , le 10.May'1543 .
or il n'avoit encore que vingt- huit ans.
Après ses études d'Humanitez et de
Rhéthorique , il fit son cours de Philosophie
, qui dura , selon l'usage de son
tems , trois ans et demi. La These qu'il
soutint pour se faire recevoir Maître- ès-
Arts , révolta bien du monde ; il s'y proposa
de soutenir cette Propostion , que
tout ce qu' Aristote avoit dit étoit faux.
Tous les Professeurs,quine connoissoient
d'autre Philosophe qu'Aristote , & qui
croyoient
MAR S. 173. 511
croyoient qu'on ne pouvoit sans crime aller
contre son autorité, prirent feu, et vinrent
attaquer la These avec toute la force que
leur habileté pouvoit leur fournir.Mais le
Répondant repoussa pendant un jour entier
leurs attaques avec tant de subtilité
et d'adresse , que tout Paris en fut dans
l'étonnement .
Ce succès enhardit Ramus , et lui fit
naître l'envie d'examiner plus à fond la
Doctrine d'Aristote , et de la combattre
vigoureusement ; il se borna cependant à
la Logique , à laquelle il rapporta toutes
ses lectures , et même les leçons d'Eloquence
, qu'il commença alors à faire à
la jeunesse .
- Les deux premiers Livres qu'il publia
sur cette matiere , causerent de grands
troubles dans l'Université de Paris . On le
cita devant les Juges Criminels , comme
un homme qui vouloit renverser la Religion
et les Sciences. Le Parlement voyant
le vacarme que causoit cette affaire , voulut
en prendre connoissance ; mais ses Adversaires
, persuadez qu'elle y seroit examinée
dans toutes les formes et selon les
regles de l'équité , la tirerent de ce Tribunal
, par leurs intrigues , et la firent
évoquer au Conseil du Roi , où ils espe
roient que leur crédit leur seroit d'un .
grand usage.
}
E ij
Le
512 MERCURE DE FRANCE
Le Roi ordonna donc qu'Antoine Govea,
qui étoit son principal Adversaire, et
Ramus choisiroient chacun deux personnes
habiles pour être,avec celui qu'il nommeroit
lui-même , Juges de leur dispute.
En conséquence de cette Ordonnance ,
Govea choisit Pierre Danés et François
à Vincercato, et Ramus nomma Jean Quintin
, Docteur en Droit , et Jean de Beaumont
, Docteur en Medecine. Le Député
de la part du Roi , fut Jean de Salignac ,
Docteur en Théologic.
Ramus , pour obeïr aux ordres du Roi,
comparut
devant les cinq Juges , quoiqu'il
y en eût trois qui fussent ses ennemis
déclarez ; on disputa pendant deux
jours. Il soutint que la Dialectique
d'Aristote
étoit imparfaite , parce qu'elle ne
contenoit
ni définition
ni division . Les
deux Juges qu'il avoit choisis , déclarerent
le premier jour que la définition
étoit necessaire
dans toute dispute bien
reglée ; les trois autres déclarerent
, au
contraire , que la Dialectique
peut être
parfaite sans définition . Le lendemain
ces
derniers reconurent
que la division y étoit
nécessaire ; mais voyant que Ramus en
concluoit
qu'il avoit raison de condamner
la Logique d'Aristote
, puisqu'elle
n'en avoit point , ils renvoyerent
l'affaire
à un autre jour. S'apMARS.
1731. 513
S'appercevant ensuite qu'ils s'étoient
jettez dans un embarras dont ils ne pouvoient
sortir avec honneur , ils déclarerent
qu'il falloit recommencer la dispute
, et tenir pour non avenu tout ce qui
s'étoit passé pendant les deux jours . Ramus
se plaignit hautement de ce procedé,
par lequel les Juges , non - seulement faisoient
paroître ouvertement qu'ils vouloient
le condamner , mais cassoient aussi
eux-mêmes leur Jugement , il les récusa
et appella de tout ce qu'ils pourroient
faire.
Son Appel fut déclaré nul par François
I. qui ordonna que les cinq Juges
prononceroient en dernier ressort et définitivement
sur cette affaire . Les Juges
nommez par Ramus ne voulurent point
assister au Jugement , pour n'être point
témoins de l'injustice qu'on alloit lui faire.
Ainsi les trois autres prononcerent
tout ce que la passion et la prévention
leur suggererent , sans avoir attendu davantage
Ramus , qui ne voulut plus paroître
devant eux , et ils prévinrent tellement
l'esprit du Roi , par de faux rap-.
ports , qu'ils obtinrent de lui la confirmation
de leur Jugement.
C'est ainsi que ce fait est raconté par
Omer Talon , dans un Livre qu'il dédia
au Cardinal de Lorraine. Si on s'arrête à
E iij
son
514 MERCURE DE FRANCE
son récit , comme il y a tout lieu de le
faire , on rejettera comme une Fable ce
qui est rapporté par Pierre Galland , dans
la Vie de Castellan , où il dit que François
I. ayant appris les invectives continuelles
d'un certain Sophiste , contre Aris ,
tote , contre Ciceron et contre Quintilien
, avoit résolu de l'envoyer aux Galeres
; mais que Castellan lui suggera un
autre genre de punition , qui fut d'engager
ce Sophiste à une dispute , où il
feroit voir sa folie par le silence , auquel
on le réduiroit ; que le Roi goûta cet
expedient , et que lorsqu'il eut sçû la confusion
que ce Personnage avoit reçûë , il
se contenta de cette peine. C'est de Ramus
que Galland vouloit parler , mais il
est bon de se souvenir que c'étoit son
grand Ennemi.
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Résumé : Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
Le texte extrait des 'Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres' présente une liste de savants, dont les vies et les œuvres sont détaillées dans le volume XIII. L'article se concentre sur Pierre Ramus, né en 1515 dans un village de Picardie. Son grand-père, originaire de Liège, avait perdu tous ses biens lors de la destruction de sa patrie par Charles Duc de Bourgogne et s'était réfugié en Picardie où il gagnait sa vie en vendant du charbon. Le père de Ramus était paysan. La vie de Ramus fut marquée par des alternances de succès et d'échecs. À l'âge de huit ans, il vint à Paris pour étudier, mais dut quitter la ville à plusieurs reprises en raison de la misère. Grâce à un oncle, il put revenir à Paris et, manquant de ressources, il devint valet au Collège de Navarre tout en continuant ses études la nuit. Contrairement à certaines rumeurs, Ramus savait lire dès son jeune âge et avait écrit contre Aristote avant ses trente ans. Après ses études d'humanité et de rhétorique, Ramus soutint une thèse controversée affirmant que tout ce qu'Aristote avait dit était faux. Cette thèse provoqua un grand émoi parmi les professeurs parisiens, qui défendaient l'autorité d'Aristote. Ramus publia ensuite deux livres sur la logique, ce qui lui valut d'être accusé de vouloir renverser la religion et les sciences. Le Parlement et le Conseil du Roi furent impliqués dans cette affaire, mais les adversaires de Ramus réussirent à influencer le jugement en sa défaveur. Malgré les efforts de Ramus pour se défendre, il fut finalement condamné par un jugement partial.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 514-520
Lettres Patentes de François I. contre Ramus, [titre d'après la table]
Début :
Les Lettres Patentes du Roi, qui confirment le Jugement rendu [...]
Mots clefs :
Pierre Ramus, Jugement, Aristote, Université de Paris, Philosophie, Condamnation , François I, Enseignement, Censure, Parlement de Paris
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texteReconnaissance textuelle : Lettres Patentes de François I. contre Ramus, [titre d'après la table]
Les Lettres Patentes du Roi , qui eonfirment
le Jugement rendu contre Ramus
, renferment assez de particularitez
sur son affaire , pour trouver ici leur
place . On y verra ce qu'on avoit fait entendre
au Roi , sur ce qui le regardoit ,
et la maniere dont on lui avoit fait croire
qu'il avoit été condamné.
FRANÇOIS , par la grace de Dieu ,
Roi de France , à tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , Salut . Comme entre
les autres grandes sollicitudes que nous avons
toûjours
MARS. 1731. 515
toujours eues de bien ordonner et établir la
chose publique de notre Royaume , nous avons
mis toute la peine , que possible nous a été ,
de l'accroître et enrichir de toutes bonnes
Lettres et Sciences , à l'honneur et gloire de
Notre Seigneur , et au salut des Fideles ;
puis n'a gueres , avertis du trouble advenn
à notre chere et aimée l'Université de Paris
à cause de deux Livres faits par Maitre
Pierre Ramus , intitulez , l'un , Dialectica
Institutiones , et l'autre , Aristotelicæ animadversiones,
et des procés et differends qui
étoient pendans en notre Cour de Parlement
audit lieu , entre elle et ledit Ramus , pour
raison desdits Livres , nous les eussions évoquez
à nous pour sommairement et promptement
y pourvoir , et à cette fin en eussions
ordonné , que Maître Antoine de Govea ,
qui s'étoit presenté à impugner et débattre
lesdits Livres , et ledit Ramus , qui les soutenoit
et deffendoit , éliroient et nommeroient
de chacun côté , deux bons et notables Personnages
, connoissans les Langues Grecque
et Latine, et experimentez en Philosophie , et
que nous élirions et nommerions un cinquiéme
pour visiter lesdits Livres , ouir lesdits
de Govea et Ramus en leur advis ; suivant
Laquelle notre Ordonnance eût été ledit Govea ,
élu, et nommé Maîtres Pierre Danés et François
à Vincercato 5 et ledit Ramus , Maître
Jean Quintin , Docteur en Decret , et Jean
E iiij
de
516 MERCURE DE FRANCE
de Beaumont , Docteur en Médecine ; et nous
pour le cinquiéme eussions nommé et ordonné
notre cher et aimé Maître Jean de Salignac,
Docteur en Théologie ; pardevant lesquelsiles
dits de Govea et Ramus eussent été ouis en
leurs disputes et débats , jusques à ce que
pour interrompre l'affaire , icelui Ramus se
seroit porté pour Appellant desdits Censeurs,
dont nous advertis , eussions décerné nos Lettres
à notre Prévôt de Paris , ou à son Lieutenant
, pour contraindre lesdits de Govea ,
et Ramus , à parfaire leurs disputes , afin que
par lesdits Censeurs nous fût donné leur advis
, nonobstant ledit Appel et autres appellations
quelconques , suivant lesquelles nos
Lettres , eussent lesdits de Govea et Ramus
derechefcomparu pardevant lesdits Censeurs ,
et voyant que par icelui Ramus , lesdits Lia
vres ne se pourroient soutenir, eût déclaré
n'en vouloir plus disputer , et qu'il les soumettoit
à la censure des susdits ; et comme
on y vouloit proceder , lesdits de Quintin et
Beaumont , Pun aprés l'autre , eussent décla
ré ne s'en vouloir plus entremettre. Au moyen
de quoi eût icelui Ramus été sommé et requis
d'en élire et nommer deux autres . Ce qu'il
n'eût voulu faire , et si fût du tout soumis
aux trois autres dessus nommez , lesquels
après avoir le tout vû et consideré , eussent
été d'avis que ledit Ramus avoit été témeraire,
arrogant et impudent d'avoir réprouvé et
condamné
MARS. 17318 517
condamné le train et Art de Logique reçû
de toutes les Nations , que lui- même ignoroit, et
parce qu'en son Livre des Animadversions il
reprenoit Aristote , étoit évidemment connuë
et manifeste son ignorance . Voire qu'il avoit
mauvaise volonté, de tant qu'il blâmoit plusieurs
choses , à quoi il ne pensa onque. Et
ne contenoit sondit Livre des Animadversions
que tous mensonges , et une maniere de
médits , tellement qu'il sembloit être le grand
bien et profit des Livres et Sciences , que
ledit Livre fût du tout supprimé ; semblablement
l'autre dessusdit intitulé , Dialectica
Institutiones , comme contenant aussi plusieurs
choses fausses et étranges : Scavoirfaisons,
que vû par nous ledit Avis, et eû sur ce
autres avis et déliberations avec plusieurs
sçavans , et notables personnages , étant lés
nous, avons condamné , supprimé et aboli ,
condamnons , supprimons et abolissons lesdits
deux Livres, l'un Institutiones Dialecticæ ,
l'autre , Aristotelica Animadversiones , et
avonsfait et faisons inhibitions et deffenses
à tous Imprimeurs et Libraires de notre Royaume,
Pays , Terres et Seigneuries , et à tous
autres nos Sujets , de quelque état et conditions
qu'ils soient , qu'ils n'ayent plus à imprimer
oufaire imprimer lesdits Livres , ne
publier, vendre , ne debiter en nosdits Royanme
, Pays , Terres et Seigneuries , sous peine
de confiscation desdits Livres , et de puni-
E v tion
418 MERCURE DE FRANCE
tion corporelle , soit qu'ils soient imprimez en
iceux nos Royaume , Pays , Terres et Seigneuries
, ou autres lieux non étant de notre
obéissance; et semblablement audit Ramus , de
neplus lire,ne lesfaire écrire ou copier,publier;
ne semer en aucune maniere , ne lire en Dialectique
, ne Philsophie en quelque maniere
que ce soit , sans notre expresse permission ;
aussi de ne plus user de telles médisances et
invectives contre Aristote , ne autres anciens
Auteurs reçus et approuvez , ne contre noiredite
Fille l'Université, et Suppôts d'icelle , sous
les peines que dessus . Si donnons en Mandement
et comettons par ces Presentes à notre
Prévôt de Paris ou à son Lieutenant , Conservateur
des Privileges , par nous et nos Prédecesseurs
Rois , donnez et octroyez à notredite
Fille l'Université , que notre present Fu
gement et Ordonnance il mette où fasse mettre
à due et entiere execution , selon sa for
me et teneur , et à ce faire souffrir et obeir
contraigne etfasse contraindre tous ceux qu'il
appartiendra , et pour ce feront contraindre
par toutes voyes et manieres dûës et raisonnables
, nonobstant oppositions ou appellations
quelconques , pour lesquelles ne voulons
être differé. Et pour ce qu'il est besoin de fai
re notifier nosdites deffenses en plusieurs lieux
de notre Royaume , Pays , Terres et Seigneuries
, afin de les faire observer ; nous vou
lons qu'au vidimus d'icelle fait sous Scel
Royal,
M.AR S. 1731. 419
2.
Royal , ou signé par collation par l'un de nos
ame et féaux Notaires et Secretaires , soit
ajoûté foi comme au present Original. Mandons
en outre à tous nos autres Justiciers
Officiers et à chacun d'eux , si comme il lui
appartiendra , que nosdites deffenses et injonctions
ils fassent observer , en procedant
par eux contre les infracteurs d'icelle , si au-
Cuns y en a , par les peines cy-dessus indites,
et autres qu'ils verront être àfaire par raison .
En témoin de ce , nous avons fait mettre notre
Scel à cesdites Presentes. DONNE' à
Paris le dixième jour de May , l'an de grace
1543. et de notre Regne le trentiéme.
Les Ennemis de Ramus firent éclater
d'une maniere extraordinaire la joye qu'ils
avoient de sa condamnation . La Sentence
renduë contre lui , fut publiée en Latin
et en François dans toutes les rues de Paris
et dans tous les lieux de l'Europe , où
Pon pût l'envoyer.. On représenta même
des Pieces de Théatre où il fut baffoué
en mille manieres , au milieu des
acclamations et des applaudissemens des
Aristoteliciens. "
L'année suivante 1544. la Peste fit du
ravage dans Paris , et dissipa presque tous
les Ecoliers du College de Prefle ; maist
Ramus s'étant laissé persuader d'y enseigner
, attira bien-tôt un grand nombre
E vj d'Au
120 MERCURE DE FRANCE
d'Auditeurs . La Sorbonne voulut le chasser
de ce College , et ne put en venir
à bout ; il fut confirmé par Arrêt du
Parlement dans la principalité de cette
Maison qu'il avoit déja depuis quelque
tems.
Il, trouva même dans la suite un si bon
Patron dans la personne du Cardinal de
Lorraine , qu'il obtint en 1547. du Roi
Henry II . la permission d'écrire et d'enscigner
, et que ce Prince lui donnat quatre
ans après , c'est-à- dire au mois de Juillet
1551. la Charge de Professeur Royal
en Philosophie et d'Eloquence.
Le Parlement de Paris l'avoit maintenu
quelque tems auparavant dans la liberté
de joindre les Leçons de Philosophie avec
celles de l'Eloquence ; l'Arrêt qu'il avoit
donné à cette occasion , avoit arrêté les
persécutions que Ramus et ses Ecoliers
avoient souffertes , et les chicanes qu'on
lui avoit faites au commencement de
cette année.
La suite pour le Mercure prochain.
le Jugement rendu contre Ramus
, renferment assez de particularitez
sur son affaire , pour trouver ici leur
place . On y verra ce qu'on avoit fait entendre
au Roi , sur ce qui le regardoit ,
et la maniere dont on lui avoit fait croire
qu'il avoit été condamné.
FRANÇOIS , par la grace de Dieu ,
Roi de France , à tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , Salut . Comme entre
les autres grandes sollicitudes que nous avons
toûjours
MARS. 1731. 515
toujours eues de bien ordonner et établir la
chose publique de notre Royaume , nous avons
mis toute la peine , que possible nous a été ,
de l'accroître et enrichir de toutes bonnes
Lettres et Sciences , à l'honneur et gloire de
Notre Seigneur , et au salut des Fideles ;
puis n'a gueres , avertis du trouble advenn
à notre chere et aimée l'Université de Paris
à cause de deux Livres faits par Maitre
Pierre Ramus , intitulez , l'un , Dialectica
Institutiones , et l'autre , Aristotelicæ animadversiones,
et des procés et differends qui
étoient pendans en notre Cour de Parlement
audit lieu , entre elle et ledit Ramus , pour
raison desdits Livres , nous les eussions évoquez
à nous pour sommairement et promptement
y pourvoir , et à cette fin en eussions
ordonné , que Maître Antoine de Govea ,
qui s'étoit presenté à impugner et débattre
lesdits Livres , et ledit Ramus , qui les soutenoit
et deffendoit , éliroient et nommeroient
de chacun côté , deux bons et notables Personnages
, connoissans les Langues Grecque
et Latine, et experimentez en Philosophie , et
que nous élirions et nommerions un cinquiéme
pour visiter lesdits Livres , ouir lesdits
de Govea et Ramus en leur advis ; suivant
Laquelle notre Ordonnance eût été ledit Govea ,
élu, et nommé Maîtres Pierre Danés et François
à Vincercato 5 et ledit Ramus , Maître
Jean Quintin , Docteur en Decret , et Jean
E iiij
de
516 MERCURE DE FRANCE
de Beaumont , Docteur en Médecine ; et nous
pour le cinquiéme eussions nommé et ordonné
notre cher et aimé Maître Jean de Salignac,
Docteur en Théologie ; pardevant lesquelsiles
dits de Govea et Ramus eussent été ouis en
leurs disputes et débats , jusques à ce que
pour interrompre l'affaire , icelui Ramus se
seroit porté pour Appellant desdits Censeurs,
dont nous advertis , eussions décerné nos Lettres
à notre Prévôt de Paris , ou à son Lieutenant
, pour contraindre lesdits de Govea ,
et Ramus , à parfaire leurs disputes , afin que
par lesdits Censeurs nous fût donné leur advis
, nonobstant ledit Appel et autres appellations
quelconques , suivant lesquelles nos
Lettres , eussent lesdits de Govea et Ramus
derechefcomparu pardevant lesdits Censeurs ,
et voyant que par icelui Ramus , lesdits Lia
vres ne se pourroient soutenir, eût déclaré
n'en vouloir plus disputer , et qu'il les soumettoit
à la censure des susdits ; et comme
on y vouloit proceder , lesdits de Quintin et
Beaumont , Pun aprés l'autre , eussent décla
ré ne s'en vouloir plus entremettre. Au moyen
de quoi eût icelui Ramus été sommé et requis
d'en élire et nommer deux autres . Ce qu'il
n'eût voulu faire , et si fût du tout soumis
aux trois autres dessus nommez , lesquels
après avoir le tout vû et consideré , eussent
été d'avis que ledit Ramus avoit été témeraire,
arrogant et impudent d'avoir réprouvé et
condamné
MARS. 17318 517
condamné le train et Art de Logique reçû
de toutes les Nations , que lui- même ignoroit, et
parce qu'en son Livre des Animadversions il
reprenoit Aristote , étoit évidemment connuë
et manifeste son ignorance . Voire qu'il avoit
mauvaise volonté, de tant qu'il blâmoit plusieurs
choses , à quoi il ne pensa onque. Et
ne contenoit sondit Livre des Animadversions
que tous mensonges , et une maniere de
médits , tellement qu'il sembloit être le grand
bien et profit des Livres et Sciences , que
ledit Livre fût du tout supprimé ; semblablement
l'autre dessusdit intitulé , Dialectica
Institutiones , comme contenant aussi plusieurs
choses fausses et étranges : Scavoirfaisons,
que vû par nous ledit Avis, et eû sur ce
autres avis et déliberations avec plusieurs
sçavans , et notables personnages , étant lés
nous, avons condamné , supprimé et aboli ,
condamnons , supprimons et abolissons lesdits
deux Livres, l'un Institutiones Dialecticæ ,
l'autre , Aristotelica Animadversiones , et
avonsfait et faisons inhibitions et deffenses
à tous Imprimeurs et Libraires de notre Royaume,
Pays , Terres et Seigneuries , et à tous
autres nos Sujets , de quelque état et conditions
qu'ils soient , qu'ils n'ayent plus à imprimer
oufaire imprimer lesdits Livres , ne
publier, vendre , ne debiter en nosdits Royanme
, Pays , Terres et Seigneuries , sous peine
de confiscation desdits Livres , et de puni-
E v tion
418 MERCURE DE FRANCE
tion corporelle , soit qu'ils soient imprimez en
iceux nos Royaume , Pays , Terres et Seigneuries
, ou autres lieux non étant de notre
obéissance; et semblablement audit Ramus , de
neplus lire,ne lesfaire écrire ou copier,publier;
ne semer en aucune maniere , ne lire en Dialectique
, ne Philsophie en quelque maniere
que ce soit , sans notre expresse permission ;
aussi de ne plus user de telles médisances et
invectives contre Aristote , ne autres anciens
Auteurs reçus et approuvez , ne contre noiredite
Fille l'Université, et Suppôts d'icelle , sous
les peines que dessus . Si donnons en Mandement
et comettons par ces Presentes à notre
Prévôt de Paris ou à son Lieutenant , Conservateur
des Privileges , par nous et nos Prédecesseurs
Rois , donnez et octroyez à notredite
Fille l'Université , que notre present Fu
gement et Ordonnance il mette où fasse mettre
à due et entiere execution , selon sa for
me et teneur , et à ce faire souffrir et obeir
contraigne etfasse contraindre tous ceux qu'il
appartiendra , et pour ce feront contraindre
par toutes voyes et manieres dûës et raisonnables
, nonobstant oppositions ou appellations
quelconques , pour lesquelles ne voulons
être differé. Et pour ce qu'il est besoin de fai
re notifier nosdites deffenses en plusieurs lieux
de notre Royaume , Pays , Terres et Seigneuries
, afin de les faire observer ; nous vou
lons qu'au vidimus d'icelle fait sous Scel
Royal,
M.AR S. 1731. 419
2.
Royal , ou signé par collation par l'un de nos
ame et féaux Notaires et Secretaires , soit
ajoûté foi comme au present Original. Mandons
en outre à tous nos autres Justiciers
Officiers et à chacun d'eux , si comme il lui
appartiendra , que nosdites deffenses et injonctions
ils fassent observer , en procedant
par eux contre les infracteurs d'icelle , si au-
Cuns y en a , par les peines cy-dessus indites,
et autres qu'ils verront être àfaire par raison .
En témoin de ce , nous avons fait mettre notre
Scel à cesdites Presentes. DONNE' à
Paris le dixième jour de May , l'an de grace
1543. et de notre Regne le trentiéme.
Les Ennemis de Ramus firent éclater
d'une maniere extraordinaire la joye qu'ils
avoient de sa condamnation . La Sentence
renduë contre lui , fut publiée en Latin
et en François dans toutes les rues de Paris
et dans tous les lieux de l'Europe , où
Pon pût l'envoyer.. On représenta même
des Pieces de Théatre où il fut baffoué
en mille manieres , au milieu des
acclamations et des applaudissemens des
Aristoteliciens. "
L'année suivante 1544. la Peste fit du
ravage dans Paris , et dissipa presque tous
les Ecoliers du College de Prefle ; maist
Ramus s'étant laissé persuader d'y enseigner
, attira bien-tôt un grand nombre
E vj d'Au
120 MERCURE DE FRANCE
d'Auditeurs . La Sorbonne voulut le chasser
de ce College , et ne put en venir
à bout ; il fut confirmé par Arrêt du
Parlement dans la principalité de cette
Maison qu'il avoit déja depuis quelque
tems.
Il, trouva même dans la suite un si bon
Patron dans la personne du Cardinal de
Lorraine , qu'il obtint en 1547. du Roi
Henry II . la permission d'écrire et d'enscigner
, et que ce Prince lui donnat quatre
ans après , c'est-à- dire au mois de Juillet
1551. la Charge de Professeur Royal
en Philosophie et d'Eloquence.
Le Parlement de Paris l'avoit maintenu
quelque tems auparavant dans la liberté
de joindre les Leçons de Philosophie avec
celles de l'Eloquence ; l'Arrêt qu'il avoit
donné à cette occasion , avoit arrêté les
persécutions que Ramus et ses Ecoliers
avoient souffertes , et les chicanes qu'on
lui avoit faites au commencement de
cette année.
La suite pour le Mercure prochain.
Fermer
Résumé : Lettres Patentes de François I. contre Ramus, [titre d'après la table]
Les Lettres Patentes du Roi confirment le jugement rendu contre Pierre Ramus, un maître ayant publié deux livres controversés : 'Dialectica Institutiones' et 'Aristotelicae animadversiones'. Le Roi, préoccupé par l'ordre et l'enrichissement des sciences dans son royaume, a été informé des troubles causés par ces ouvrages à l'Université de Paris. Il a donc décidé d'évoquer l'affaire pour la juger promptement. Des censeurs, dont Maître Jean de Salignac, ont été nommés pour examiner les livres et entendre les parties. Ramus a finalement soumis ses ouvrages à la censure après avoir tenté de contester les censeurs. Ces derniers ont jugé ses livres téméraires et ignorants, notamment pour avoir critiqué Aristote. Le Roi a donc condamné et supprimé les deux ouvrages, interdisant leur impression, vente ou lecture sous peine de confiscation et de punition corporelle. Ramus a également été interdit d'enseigner sans permission royale et de critiquer les auteurs classiques. La sentence a été publiée en latin et en français à Paris et en Europe, et Ramus a été bafoué dans des pièces de théâtre. Malgré cette condamnation, Ramus a continué à enseigner et a obtenu des soutiens, notamment du Cardinal de Lorraine, et a finalement reçu la charge de Professeur Royal en Philosophie et en Eloquence en 1551.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 1788-1800
Le Distrait, Comédie, [titre d'après la table]
Début :
Au contraire de la Piece dont on vient de parler, la Comédie du Distrait, de [...]
Mots clefs :
Comédie, Rôle, Farce, Critique, Jugement, Distraction, Tragédies, Acteurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Distrait, Comédie, [titre d'après la table]
Au contraire de la Piece dont on vient
de parler , la Comédie du Distrait , de
feu M.Renard, n'ayant eu que troisReprésentations
dans sa nouveauté , au mois
de Decembre 1697. est aujourd'hui assez
goûtée pour attirer bien du monde . Le .
sieur de Montmesnil y joüe fort bien le
principal
JUILLET. 1731. 1789
principal Rôle , & les autres y sont aussi
très -bien remplis.
Cette singularité nous engage à faire
ici quelques reflexions sur cette Piece.
On ne sçauroit justifier le jugement
qu'on semble porter aujourd'hui du Distrait
, sans condamner en quelque maniere
celui qu'on en porta autrefois ; on
peut cependant prendre un temperament
entre deux décisions si opposées , en disant
que la Piece n'est pas trouvée meilleure
qu'elle l'a parû dans sa naissance ;
mais qu'on s'y divertit davantage , parce
qu'on ne la revoit que comme une farce
pleine de gayeté ; au lieu que l'Auteur
avoit , sans doute , prétendu la donner
comme une Comédie dans les formes ;
ainsi la Critique ayant déja prononcé sur
la maniere dont les Connoisseurs devoient
la recevoir , nous n'y apportons
plus cette séverité qui l'avoit proscrite;
l'indulgence des Spectateurs fait grace
M. Renard , du peu de soin qu'il a pris
d'observer les regles , et le livre tout entiers
au plaisir qui résulte de cette irréu
larité.
à
En effet tout le monde convient que le
plus,honnête personnage de la Piece est cefui
deLéandre, dont l'Auteur a vouluétaler
le prétendu ridicule; nous disons prétendu ,
parce
1790 MERCURE DE FRANCE
parce qu'il ne dépend non - plus de nous de
n-être point distraits , qu'il n'est au pouvoir
d'un aveugle de jouir de la lumierczon
ne doit pas considerer la distraction comme
un vice, et l'Auteur même en convient
par ces Vers qu'il met à la bouche du Distrait
, dans le quatriéme Acte , Scene VII .
Ma maniere est fort bonne , et n'en veux point
changer.
Je ne ressemble point aux hommes de notre âge ,
Qui masquent en tout temps leurs coeurs et leur
visage ,
Mon deffaut prétendu , mon peu d'attention ,
Fait la sincerité de mon intention.
Je ne prépare point avec effronteric ,
Dans le fond de mon coeur d'indigne menterie į
Je dis ce que je pense et sans déguisement ;
Je suis sans refléchir mon premier mouvement.
Un esprit naturel me conduit et m'anime ;
Je suis un peu distrait , mais ce n'est pas un crime,
Leandre est bien modeste de se contenter
de conclure que sa distraction n'est pas
un crime ; il auroit pû avancer hardiment
qu'elle n'est pas un vice , puisqu'il en faiț
une vertu dans tous les Vers precedents.
Madame Grognac , qui prétend devenir
sa belle-mere , en parle à peu près de même
au premier Acte , où elle dir :
Je
JUILLE T.
1799 1731
Je sçais bien qu'à parler de lui sans passion ,
Il est particulier dans sa distraction .
Il répond rarement à ce qu'on lui propose ;
On ne le voit jamais à lui dans mille choses ;
Mais ce n'est pas un crime en lui d'être ainsi fait;
On peut être , à mon sens , homme sage et distrait,
Voilà quel est notre Distrait, selon luimême
et selon sa prétenduë future bellenere
; il est un peu moins bien dans l'esprit
de son Valet Carlin. Voici le Portrait
qu'il en fait ;
C'est un homme étonnant et rare en son espece ;
I rêve fort à rien ; il s'égare sans cesse ;
Il cherche , il trouve , il broüille , il regarde sans
voir ;
Quand on lui parle blanc , souvent il répond
noir ;
Il vous dit non pour cüi , oüi pour non ; il ape
pelle ,
Une femme Monsieur , et moi Mademoiselle ;
Prend souvent l'un pour l'autre ; il va sans sçavoir
où ;
On dit qu'il est distrait ; mais moi , je le tiens fou.'"
Dailleurs fort honnête homme , à ses devoirs
austere ,
Exact et bon ami , genereux , doux , sincṛte ;
Aimant
1792 MERCURE DE FRANCE
Aimant , comme j'ai dit , sa Maîtresse in Heros;,
Il est et sage et fou; voilà l'homme en deux mots
Ce portrait de Carlin paroît le plus
ressemblant ; mais , ni comme sage , ni
comme fou , il ne peut être le sujet d'une
Comédie ; le sage ne doit pas être joué ,
et le fou ne peut pas être corrigé.
D'où il est aisé de conclure que M. Renard
n'a choisi ce caractere que pour ouvrir
un champ plus vaste à son imagination
les incidens naissant en foule dans un sujet
si fécond en quiproquo ; en faut-il davantage
pour faire réussir une Piece où
l'on ne se propose point d'autre fin que
de faire rire ?
Nous passerons plus legerement sur les
autres caracteres , ils sont défectueux jusqu'à
révolter les personnes les moins délicates.
Le Chevalier que l'Auteur a prétendu
opposer au Distrait , est un étourdi , ou
plutôt un fou à mettre aux petites Maisons
, et de plus , de très-mauvaises moeurs ;
on en peut juger par la correction que son
oncle lui fait ; la voici :
Vous vous faites honneurd'être un franc libertin,'
Vous mettez votre gloire à bien tenir du vin ;
Et lorsque tout fumant d'une vineuse haleine ,
Sur
JUILLET. 1731. 1793
Sur vos pieds chancelants vous vous tenez à peine,
Sur un Théatre alors vous venez vous montrer ;
Là , parmi vos pareils on vous voit folâtrer ;
Vous allez vous baiser comme des Demoiselles ,
Et pour vous faire voir jusque sur les chandelles ,
Poussant l'un , heurtant l'autre , et contant vos
exploits ,
Plus haut que les Acteurs , vous élevez la voix ;
Et tout Paris témoin de vos traits de folie ,
Kit plus cent fois de vous que de la Comédie.
L'oncle ne charge point le caractere ?
c'est ce que le neveu va justifier lui-même
en sa presence.
Mais que fais-je donc tant , Monsieur , ne vous
déplaise ,
Pour trouver ma conduite à tel excès mauvaise ?
J'aime , je bois , je joue , et ne vois en cela
Rien qui puisse attirer ces réprimandes-là , &c .
De -là je pars sans bruit ,
Quand le jour diminuë et fait place à la nuit ,
Avec quelques amis , et nombre de bouteilles ,
Que nous faisons porter pour adoucir nos veilles,
Chez des femmes de bien dont l'honneur est entier
,
Et qui de leur vertu parfument le quartier.
Là, nous perçons la nuit d'une ardeur sans égale;
H Nous
1-94 MERCURE DE FRANCE
Nous sortons au grand jour pour ôter tout scandale
,
Et chacun en bon ordre aussi sage que moi ,
Sans bruit au petit pas se retire chez soi.
Cette vie innocente est - elle condamnée ?
Ne faire qu'un repas dans toute une journée !
Un malade , entre nous , se conduiroit- il mieux ?
Ce qu'il y a de plus déreglé dans la
Piece , c'est que l'oncle n'aspire qu'à rendre
heureux un neveu si indigne de l'être,
ce qui ne sçauroit faire qu'un troisiéme
caractere très - vicieux .
→
Pour celui de Madame Grognac , il n'a
rien de beau que d'être conforme à son
nom ; elle est d'une gronderie et d'une misantropie
tout- à- fait insupportable ; elle a
des duretez pour Isabelle sa fille , qui ne
sont rachetées par aucune complaisance ,
mais ce n'est point là ce qu'il y a de plus
déplorable pour cette pauvre innocente ;
l'amour que le Chevalier lui a inspiré ,
excite pour elle la pitié des Spectateurs ;
on la plaint de la voir aussi malheureuse
en Amant qu'en Mere , et c'est- là peutêtre
le seul interêt qui regne dans la Piece .
Clarice aussi heureuse qu'Isabelle , est
menacée d'être malheureuse ; elle aime
Léandre , dont tout le deffaut est d'être
distrait , deffaut qui devroit la faire tenir
en
JUILLET. 1731. -1795
en garde contre les effets qu'il produit sur
elle , puisqu'elle lui dit elle- même , après 、
une justification sur une prétenduë infidelité.
Quels que soient vos discours pour me persuader,
J'aime trop pour ne pas toûjours appréhender.
Mais ces distractions qui vous sont naturelles ,
Me rassurant un peu de mes frayeurs mortelles ;
Je vous juge innocent, et crois que votre erreur,
Provient de votre esprit plus que de votre coeur.
On voit bien par les deux premiers
Vers de ce sizain , que l'Auteur est allé
au- devant de l'objection , en attribuant les
craintes de Clarice à l'excès de son amour.
Pour ce qui regarde l'intrigue de la Piece
, on peut dire qu'il n'en a guere coûté
à l'imagination de l'Auteur pour la produire
, le caractere qu'il traite suffit, comme
nous l'avons déja dit , pour en faire
le noeud par les incidens qu'il fait naître,
et le dénoüment est une mauvaise copie
de celui des Femmes Sçavantes ; voici en .
peu de mots toute l'intrigue.
Madame Grognac , mere d'Isabelle
fondée sur un dédit signé entre elle et un
oncle de Léandre , veut que ce Léandre
épouse sa fille ; elle ne veut point
absolument du Chevalier pour son gen-
Hij
dre ;
1796 MERCURE DE FRANCE
dre ; ce dernier , outre les deffauts révoltans
dont nous avons ppaarrlléé ,, lui manque
de respect jusqu'à lui faire danser une
Courante malgré elle ; Valere , oncle du
Chevalier et de Clarice , veut faire un
double mariage entre ces Amans , et ce
mariage est au gré de leurs desirs , puisque
Clarice aime Léandre et en est aimée,
et que le Chevalier et Isabelle s'aiment
aussi réciproquement 5 Valere réserve une
dot de cinquante mille écus à Clarice sa
niece , et donne le reste de son bien au
Chevalier , son indigne neveu voilà le
noeud de la Piece , en voici le dénouement,
Carlin , Valet de Léandre, feint d'arriver
rout fraîchement et tout botté , d'un voyage
qu'il avoit fait avec son Maître , dont
T'oncle étoit à l'extremité; il anonce hardiment
que cet oncle vient de mourir, et qu'il
a desherité son neveu, parce qu'il a appris
qu'il ne vouloit pas épouser Isabelle, malgré
le dédit fait entre Madame Grognac sa
mere , et lui , oncle de Léandre. Madame
Grognac devient le Trissotin de la Piece;
elle n'a pas plutôt appris que Léandre n'a
rien , qu'elle lui dit qu'il peut chercher
fortune ailleurs. L'oncle du Chevalier
profite
de cette conjoncture pour lui faire
accepter son neveu pour gendre ; elle se
contents
JUILLET 1731. 1797
contente de dire qu'il est bien étourdi ,
et qu'elle a encore sur le coeur la Courante
qu'il lui a fait danser ; elle signe
le Contrat à condition qu'il se corrige-
Fa , et que son oncle lui en répondra . Le
Contrat signé , Valere donne Clarice , sa
niece,à Léandre ; Madame Grognac trouve
fort étrange qu'il marie sa niéce à un
homme qui vient d'être desherité , il lui
avouë la petite fourberie qu'on lui a faite
pour la faire consentir au mariage qu'elle
vient de signer ; et comme elle fait éclater
sa mauvaise humeur contre sa fille
son nouveau gendre lui dit :
J'ai , si vous la grondez , un Menuet tout prêt ,
La Piece finit par un dernier trait de
distraction. Le voicy .
Léandre à Carlin.
Toi , Carlin , à l'instant prépare ce qu'il faut ,
Pour aller voir mon oncle et partir au plutôt.
Carlin.
Laissez votre oncle en paix ; quel diantre de lan
gage ?
Vous devez cette nuit faire un autre voyage ;
Vous n'y songez donc plus ; vous êtes marié.
Léandre.
Tu m'en fais souvenir ; je l'avois oublié .
Hij Voilà
1799 MERCURE DE FRANCE
Voilà une partie des Refléxions qu'on
a faites sur la Comédie du Distrait ; cette
Piece n'a peut- être mérité ni de tomber
aussi brusquement qu'elle fit autrefois , ni
de réussir aussi heureusement qu'elle fait
aujourd'hui , cela n'empêche pas qu'on
ne doive rendre à M. Regnard la justice
qui lui est due c'est que personne n'a
mieux possedé que lui le talent de faire
rireset c'est par là que ses Pieces de Théatre
sont plus aimées qu'elles ne sont estimées.
Le 7 , l'Opera Comique donna une
Piece d'un Acte en Vaudeville , intitulée
Monde Renversé. Elle avoit été représentée
dans sa nouveauté à la Foire S. Laurent en
1718. Cette Piece est suivie de deux Aczes
de la France Galante et terminée parla
Guinguette Angloise , exécutée par les mêmes
Danseurs dont on a déja parlé dans le
premier Volume de Juin.
Le 1 2. on supprima un des deux Actes
de la France Galante , et on donna à la płace
l'Isle des Amazones , autre ancienne
Piece d'un Acte faite en 1718. On en peut
voir le sujet dans le Recueil du Théatre
de la Foire.
Jamais le goût pour les Spectacles n'a
été si général , et jamais tant de jeunes.
Gens
JUILLET. 1731. 1799
Gens ,depuis le Bourgeois jusqu'aux Personnes
de la plus grande qualité , ne se sont
appliquez avec tant d'ardeur à l'Art de la
Déclamation , auquel quelques- uns réüssisent
avec un naturel , des graces et une
finesse admirable. Dans plusieurs Maisons
de Paris , des personnes de mérite et de
bon goût , d'un même quartier , s'assemblent
, et se font un plaisir de représenter
des Tragédies et des Comédies des meilleurs
Auteurs ,avec beaucoup de justesse et
de précision , ce qui donne une grande satisfaction
au petit nombre de Spectateurs
choisis qu'on veut bien admettre dans ces
agréables amusemens.
Parmi ces Sociétez , il en est une qui
merite assurément d'être distinguée : les
Acteurs , dont le nombre n'est pas grand ,
s'attachent à ne représenter que des Pieces
que quelques uns d'entr'eux ont
composées eux -mêmes , et comme le mérite
et les talents se trouvent réunis dans
-
cette Societé , on ne craint point de
dire à l'égard de ces petites Comédies
que pour l'imagination
, la sagesse des
moeurs , et la finesse de l'exécution , elles
pourroient donner de la jalousie aux plus
babiles de l'Art.
3.
Dans quelques - unes des plus belles maisons
aux environs de Paris , on a dressé
Hij des
1800 MERCURE DE FRANCE
de petits Théatres fort bien ajustez et
ornez avec gout , où les meilleures Pieces
qu'on voit au Théatre François , sont
souvent représentées par de très - bons Sujets
, en présence de très- nombreuses et
très brillantes Assemblées.
*
Cette inclination pour le Théatre doit
être plus étenduë qu'on ne croit , car on.
apprend de Bruxelles que le 27. May
le Duc de Lorraine , à qui on avoit déja
donné quantité de Fêtes , assista à la Comedie
, intitulée , la Critique de l'Europe
Galante , ou le Mariage d' Arlequin , représentée
par des Bourgeois Flamands.
de parler , la Comédie du Distrait , de
feu M.Renard, n'ayant eu que troisReprésentations
dans sa nouveauté , au mois
de Decembre 1697. est aujourd'hui assez
goûtée pour attirer bien du monde . Le .
sieur de Montmesnil y joüe fort bien le
principal
JUILLET. 1731. 1789
principal Rôle , & les autres y sont aussi
très -bien remplis.
Cette singularité nous engage à faire
ici quelques reflexions sur cette Piece.
On ne sçauroit justifier le jugement
qu'on semble porter aujourd'hui du Distrait
, sans condamner en quelque maniere
celui qu'on en porta autrefois ; on
peut cependant prendre un temperament
entre deux décisions si opposées , en disant
que la Piece n'est pas trouvée meilleure
qu'elle l'a parû dans sa naissance ;
mais qu'on s'y divertit davantage , parce
qu'on ne la revoit que comme une farce
pleine de gayeté ; au lieu que l'Auteur
avoit , sans doute , prétendu la donner
comme une Comédie dans les formes ;
ainsi la Critique ayant déja prononcé sur
la maniere dont les Connoisseurs devoient
la recevoir , nous n'y apportons
plus cette séverité qui l'avoit proscrite;
l'indulgence des Spectateurs fait grace
M. Renard , du peu de soin qu'il a pris
d'observer les regles , et le livre tout entiers
au plaisir qui résulte de cette irréu
larité.
à
En effet tout le monde convient que le
plus,honnête personnage de la Piece est cefui
deLéandre, dont l'Auteur a vouluétaler
le prétendu ridicule; nous disons prétendu ,
parce
1790 MERCURE DE FRANCE
parce qu'il ne dépend non - plus de nous de
n-être point distraits , qu'il n'est au pouvoir
d'un aveugle de jouir de la lumierczon
ne doit pas considerer la distraction comme
un vice, et l'Auteur même en convient
par ces Vers qu'il met à la bouche du Distrait
, dans le quatriéme Acte , Scene VII .
Ma maniere est fort bonne , et n'en veux point
changer.
Je ne ressemble point aux hommes de notre âge ,
Qui masquent en tout temps leurs coeurs et leur
visage ,
Mon deffaut prétendu , mon peu d'attention ,
Fait la sincerité de mon intention.
Je ne prépare point avec effronteric ,
Dans le fond de mon coeur d'indigne menterie į
Je dis ce que je pense et sans déguisement ;
Je suis sans refléchir mon premier mouvement.
Un esprit naturel me conduit et m'anime ;
Je suis un peu distrait , mais ce n'est pas un crime,
Leandre est bien modeste de se contenter
de conclure que sa distraction n'est pas
un crime ; il auroit pû avancer hardiment
qu'elle n'est pas un vice , puisqu'il en faiț
une vertu dans tous les Vers precedents.
Madame Grognac , qui prétend devenir
sa belle-mere , en parle à peu près de même
au premier Acte , où elle dir :
Je
JUILLE T.
1799 1731
Je sçais bien qu'à parler de lui sans passion ,
Il est particulier dans sa distraction .
Il répond rarement à ce qu'on lui propose ;
On ne le voit jamais à lui dans mille choses ;
Mais ce n'est pas un crime en lui d'être ainsi fait;
On peut être , à mon sens , homme sage et distrait,
Voilà quel est notre Distrait, selon luimême
et selon sa prétenduë future bellenere
; il est un peu moins bien dans l'esprit
de son Valet Carlin. Voici le Portrait
qu'il en fait ;
C'est un homme étonnant et rare en son espece ;
I rêve fort à rien ; il s'égare sans cesse ;
Il cherche , il trouve , il broüille , il regarde sans
voir ;
Quand on lui parle blanc , souvent il répond
noir ;
Il vous dit non pour cüi , oüi pour non ; il ape
pelle ,
Une femme Monsieur , et moi Mademoiselle ;
Prend souvent l'un pour l'autre ; il va sans sçavoir
où ;
On dit qu'il est distrait ; mais moi , je le tiens fou.'"
Dailleurs fort honnête homme , à ses devoirs
austere ,
Exact et bon ami , genereux , doux , sincṛte ;
Aimant
1792 MERCURE DE FRANCE
Aimant , comme j'ai dit , sa Maîtresse in Heros;,
Il est et sage et fou; voilà l'homme en deux mots
Ce portrait de Carlin paroît le plus
ressemblant ; mais , ni comme sage , ni
comme fou , il ne peut être le sujet d'une
Comédie ; le sage ne doit pas être joué ,
et le fou ne peut pas être corrigé.
D'où il est aisé de conclure que M. Renard
n'a choisi ce caractere que pour ouvrir
un champ plus vaste à son imagination
les incidens naissant en foule dans un sujet
si fécond en quiproquo ; en faut-il davantage
pour faire réussir une Piece où
l'on ne se propose point d'autre fin que
de faire rire ?
Nous passerons plus legerement sur les
autres caracteres , ils sont défectueux jusqu'à
révolter les personnes les moins délicates.
Le Chevalier que l'Auteur a prétendu
opposer au Distrait , est un étourdi , ou
plutôt un fou à mettre aux petites Maisons
, et de plus , de très-mauvaises moeurs ;
on en peut juger par la correction que son
oncle lui fait ; la voici :
Vous vous faites honneurd'être un franc libertin,'
Vous mettez votre gloire à bien tenir du vin ;
Et lorsque tout fumant d'une vineuse haleine ,
Sur
JUILLET. 1731. 1793
Sur vos pieds chancelants vous vous tenez à peine,
Sur un Théatre alors vous venez vous montrer ;
Là , parmi vos pareils on vous voit folâtrer ;
Vous allez vous baiser comme des Demoiselles ,
Et pour vous faire voir jusque sur les chandelles ,
Poussant l'un , heurtant l'autre , et contant vos
exploits ,
Plus haut que les Acteurs , vous élevez la voix ;
Et tout Paris témoin de vos traits de folie ,
Kit plus cent fois de vous que de la Comédie.
L'oncle ne charge point le caractere ?
c'est ce que le neveu va justifier lui-même
en sa presence.
Mais que fais-je donc tant , Monsieur , ne vous
déplaise ,
Pour trouver ma conduite à tel excès mauvaise ?
J'aime , je bois , je joue , et ne vois en cela
Rien qui puisse attirer ces réprimandes-là , &c .
De -là je pars sans bruit ,
Quand le jour diminuë et fait place à la nuit ,
Avec quelques amis , et nombre de bouteilles ,
Que nous faisons porter pour adoucir nos veilles,
Chez des femmes de bien dont l'honneur est entier
,
Et qui de leur vertu parfument le quartier.
Là, nous perçons la nuit d'une ardeur sans égale;
H Nous
1-94 MERCURE DE FRANCE
Nous sortons au grand jour pour ôter tout scandale
,
Et chacun en bon ordre aussi sage que moi ,
Sans bruit au petit pas se retire chez soi.
Cette vie innocente est - elle condamnée ?
Ne faire qu'un repas dans toute une journée !
Un malade , entre nous , se conduiroit- il mieux ?
Ce qu'il y a de plus déreglé dans la
Piece , c'est que l'oncle n'aspire qu'à rendre
heureux un neveu si indigne de l'être,
ce qui ne sçauroit faire qu'un troisiéme
caractere très - vicieux .
→
Pour celui de Madame Grognac , il n'a
rien de beau que d'être conforme à son
nom ; elle est d'une gronderie et d'une misantropie
tout- à- fait insupportable ; elle a
des duretez pour Isabelle sa fille , qui ne
sont rachetées par aucune complaisance ,
mais ce n'est point là ce qu'il y a de plus
déplorable pour cette pauvre innocente ;
l'amour que le Chevalier lui a inspiré ,
excite pour elle la pitié des Spectateurs ;
on la plaint de la voir aussi malheureuse
en Amant qu'en Mere , et c'est- là peutêtre
le seul interêt qui regne dans la Piece .
Clarice aussi heureuse qu'Isabelle , est
menacée d'être malheureuse ; elle aime
Léandre , dont tout le deffaut est d'être
distrait , deffaut qui devroit la faire tenir
en
JUILLET. 1731. -1795
en garde contre les effets qu'il produit sur
elle , puisqu'elle lui dit elle- même , après 、
une justification sur une prétenduë infidelité.
Quels que soient vos discours pour me persuader,
J'aime trop pour ne pas toûjours appréhender.
Mais ces distractions qui vous sont naturelles ,
Me rassurant un peu de mes frayeurs mortelles ;
Je vous juge innocent, et crois que votre erreur,
Provient de votre esprit plus que de votre coeur.
On voit bien par les deux premiers
Vers de ce sizain , que l'Auteur est allé
au- devant de l'objection , en attribuant les
craintes de Clarice à l'excès de son amour.
Pour ce qui regarde l'intrigue de la Piece
, on peut dire qu'il n'en a guere coûté
à l'imagination de l'Auteur pour la produire
, le caractere qu'il traite suffit, comme
nous l'avons déja dit , pour en faire
le noeud par les incidens qu'il fait naître,
et le dénoüment est une mauvaise copie
de celui des Femmes Sçavantes ; voici en .
peu de mots toute l'intrigue.
Madame Grognac , mere d'Isabelle
fondée sur un dédit signé entre elle et un
oncle de Léandre , veut que ce Léandre
épouse sa fille ; elle ne veut point
absolument du Chevalier pour son gen-
Hij
dre ;
1796 MERCURE DE FRANCE
dre ; ce dernier , outre les deffauts révoltans
dont nous avons ppaarrlléé ,, lui manque
de respect jusqu'à lui faire danser une
Courante malgré elle ; Valere , oncle du
Chevalier et de Clarice , veut faire un
double mariage entre ces Amans , et ce
mariage est au gré de leurs desirs , puisque
Clarice aime Léandre et en est aimée,
et que le Chevalier et Isabelle s'aiment
aussi réciproquement 5 Valere réserve une
dot de cinquante mille écus à Clarice sa
niece , et donne le reste de son bien au
Chevalier , son indigne neveu voilà le
noeud de la Piece , en voici le dénouement,
Carlin , Valet de Léandre, feint d'arriver
rout fraîchement et tout botté , d'un voyage
qu'il avoit fait avec son Maître , dont
T'oncle étoit à l'extremité; il anonce hardiment
que cet oncle vient de mourir, et qu'il
a desherité son neveu, parce qu'il a appris
qu'il ne vouloit pas épouser Isabelle, malgré
le dédit fait entre Madame Grognac sa
mere , et lui , oncle de Léandre. Madame
Grognac devient le Trissotin de la Piece;
elle n'a pas plutôt appris que Léandre n'a
rien , qu'elle lui dit qu'il peut chercher
fortune ailleurs. L'oncle du Chevalier
profite
de cette conjoncture pour lui faire
accepter son neveu pour gendre ; elle se
contents
JUILLET 1731. 1797
contente de dire qu'il est bien étourdi ,
et qu'elle a encore sur le coeur la Courante
qu'il lui a fait danser ; elle signe
le Contrat à condition qu'il se corrige-
Fa , et que son oncle lui en répondra . Le
Contrat signé , Valere donne Clarice , sa
niece,à Léandre ; Madame Grognac trouve
fort étrange qu'il marie sa niéce à un
homme qui vient d'être desherité , il lui
avouë la petite fourberie qu'on lui a faite
pour la faire consentir au mariage qu'elle
vient de signer ; et comme elle fait éclater
sa mauvaise humeur contre sa fille
son nouveau gendre lui dit :
J'ai , si vous la grondez , un Menuet tout prêt ,
La Piece finit par un dernier trait de
distraction. Le voicy .
Léandre à Carlin.
Toi , Carlin , à l'instant prépare ce qu'il faut ,
Pour aller voir mon oncle et partir au plutôt.
Carlin.
Laissez votre oncle en paix ; quel diantre de lan
gage ?
Vous devez cette nuit faire un autre voyage ;
Vous n'y songez donc plus ; vous êtes marié.
Léandre.
Tu m'en fais souvenir ; je l'avois oublié .
Hij Voilà
1799 MERCURE DE FRANCE
Voilà une partie des Refléxions qu'on
a faites sur la Comédie du Distrait ; cette
Piece n'a peut- être mérité ni de tomber
aussi brusquement qu'elle fit autrefois , ni
de réussir aussi heureusement qu'elle fait
aujourd'hui , cela n'empêche pas qu'on
ne doive rendre à M. Regnard la justice
qui lui est due c'est que personne n'a
mieux possedé que lui le talent de faire
rireset c'est par là que ses Pieces de Théatre
sont plus aimées qu'elles ne sont estimées.
Le 7 , l'Opera Comique donna une
Piece d'un Acte en Vaudeville , intitulée
Monde Renversé. Elle avoit été représentée
dans sa nouveauté à la Foire S. Laurent en
1718. Cette Piece est suivie de deux Aczes
de la France Galante et terminée parla
Guinguette Angloise , exécutée par les mêmes
Danseurs dont on a déja parlé dans le
premier Volume de Juin.
Le 1 2. on supprima un des deux Actes
de la France Galante , et on donna à la płace
l'Isle des Amazones , autre ancienne
Piece d'un Acte faite en 1718. On en peut
voir le sujet dans le Recueil du Théatre
de la Foire.
Jamais le goût pour les Spectacles n'a
été si général , et jamais tant de jeunes.
Gens
JUILLET. 1731. 1799
Gens ,depuis le Bourgeois jusqu'aux Personnes
de la plus grande qualité , ne se sont
appliquez avec tant d'ardeur à l'Art de la
Déclamation , auquel quelques- uns réüssisent
avec un naturel , des graces et une
finesse admirable. Dans plusieurs Maisons
de Paris , des personnes de mérite et de
bon goût , d'un même quartier , s'assemblent
, et se font un plaisir de représenter
des Tragédies et des Comédies des meilleurs
Auteurs ,avec beaucoup de justesse et
de précision , ce qui donne une grande satisfaction
au petit nombre de Spectateurs
choisis qu'on veut bien admettre dans ces
agréables amusemens.
Parmi ces Sociétez , il en est une qui
merite assurément d'être distinguée : les
Acteurs , dont le nombre n'est pas grand ,
s'attachent à ne représenter que des Pieces
que quelques uns d'entr'eux ont
composées eux -mêmes , et comme le mérite
et les talents se trouvent réunis dans
-
cette Societé , on ne craint point de
dire à l'égard de ces petites Comédies
que pour l'imagination
, la sagesse des
moeurs , et la finesse de l'exécution , elles
pourroient donner de la jalousie aux plus
babiles de l'Art.
3.
Dans quelques - unes des plus belles maisons
aux environs de Paris , on a dressé
Hij des
1800 MERCURE DE FRANCE
de petits Théatres fort bien ajustez et
ornez avec gout , où les meilleures Pieces
qu'on voit au Théatre François , sont
souvent représentées par de très - bons Sujets
, en présence de très- nombreuses et
très brillantes Assemblées.
*
Cette inclination pour le Théatre doit
être plus étenduë qu'on ne croit , car on.
apprend de Bruxelles que le 27. May
le Duc de Lorraine , à qui on avoit déja
donné quantité de Fêtes , assista à la Comedie
, intitulée , la Critique de l'Europe
Galante , ou le Mariage d' Arlequin , représentée
par des Bourgeois Flamands.
Fermer
Résumé : Le Distrait, Comédie, [titre d'après la table]
La pièce 'Le Distrait' de M. Renard, représentée pour la première fois en décembre 1697, a connu un succès croissant malgré des débuts modestes avec seulement trois représentations. Aujourd'hui, elle attire un large public grâce à la performance du sieur de Montmesnil dans le rôle principal et à la qualité des autres acteurs. Initialement conçue comme une comédie classique, la pièce est désormais appréciée comme une farce pleine de gaieté. La critique a évolué, passant d'une sévérité initiale à une indulgence qui pardonne les écarts aux règles théâtrales, privilégiant le plaisir du public. Le personnage principal, Léandre, est décrit comme distrait mais sincère, un trait que l'auteur et Madame Grognac, sa future belle-mère, ne considèrent pas comme un vice. Le valet Carlin voit Léandre comme un homme honnête mais fou. La pièce exploite les quiproquos nés de la distraction de Léandre pour générer des situations comiques. Les autres personnages, comme le Chevalier, sont jugés défectueux et révoltants. Le Chevalier est décrit comme un libertin et un fou, tandis que Madame Grognac est grincheuse et misanthrope. L'intrigue repose sur les malentendus et les quiproquos, avec un dénouement qui rappelle celui des 'Femmes savantes'. La pièce se termine par un trait de distraction de Léandre, oubliant son mariage récent. Le texte souligne le talent de M. Renard pour faire rire, bien que ses pièces soient plus aimées qu'estimées. Il mentionne également l'engouement pour les spectacles et la déclamation à Paris, avec des sociétés privées représentant des pièces avec beaucoup de justesse et de précision. Une société en particulier est distinguée pour ses comédies originales, appréciées pour leur imagination, leur sagesse et leur finesse d'exécution. Les petits théâtres sont décrits comme élégamment aménagés et décorés avec goût, où les meilleures pièces du théâtre français sont fréquemment jouées par d'excellents acteurs devant un public nombreux et brillant. Cette passion pour le théâtre semble plus répandue qu'on ne le pense. Par exemple, à Bruxelles, le 27 mai, le Duc de Lorraine a assisté à la comédie intitulée 'La Critique de l'Europe Galante, ou le Mariage d'Arlequin', interprétée par des bourgeois flamands.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 1787-1798
Discours sur la Peinture, &c. [titre d'après la table]
Début :
DISCOURS SUR LA PEINTURE. prononcé dans les Conferences de l'Académie [...]
Mots clefs :
Peinture, Conférences, Académie royale de peinture et de sculpture, Charles Coypel, Art, Dessein, Jugement, Coloris, Critique, Tableaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur la Peinture, &c. [titre d'après la table]
DISCOURS SUR LA PEINTURE , pronondans les Conferences de l'Académie
Royale de Peinture et Sculpture. Par
2. Charles Coypel , Premier Peintre de V. le Duc d'Orleans. A Paris , chez
P. F. Mariette , rue S Jacques , 1732. Brochure in 4. de 34. pages.
Le sujet, du premier Discours est sur
necessité de recevoir des avis. La premiere chose dont le Lecteur s'apperçoit
dans la lecture agréable et utile de cet
Ouvrage , c'est que M. Coypel , outre ses
lens pour l'Art qu'il professe , a une
plume aussi sage et aussi élegante que
son Pinceau ; deux qualitez qu'on trouve assez rarement ensemble. On renarque dans ses Ecrits le même génie ,
le même tour et le même ordre qu'on
voir avec plaisir dans ses heureuses Ĉompositions , où l'on trouve tant d'expres
sions fines et délicates.
M. Coypel entre en matiere très-moaestement , en soumettant ces Refléxions
qu'il n'avoit faites , dit- il , que pour lui ,
au jugement de l'Académie , et ne pou
vant croire qu'elles puissent être utiles
à d'autres qu'à lui ; sur quoi nous- pensons
1788 MERCURE DE FRANCE
sons qu'il s'expose à un démenti de là
part de tous ses Lecteurs et peut être
de toute l'Académie.
-
Sur la necessité de recevoir des avis ,
M. Coypel s'exprime ainsi. La Peinture
est composée de tant de parties , que nous
ne devons presque jamais nous flater de
ne pas perdre de vûe les unes , en nous
attachant à chercher les autres.
Il n'est pas moins rare de trouver des
amis qui soient également touchez de
toutes ces Parties. L'un n'est sensible
qu'à la couleur , et n'est que peu flaté
de l'élegance du Dessein ; l'autre , au
contraire , prétend que sans le grand
goût, la délicatesse et la pureté du Dessein , la Peinture n'est qu'une affaire de
Mécanique. L'homme d'esprit et de sentiment ne s'attachera qu'à l'expression des
têtes et à l'ordonnance. L'homme d'érudition sera satisfait si le Costume est
scrupuleusement observé dans un Tableau , ainsi des autres.
Chacun ayant donc presque toûjours
son goût déterminé pour une partie de
la Peinture , et la préferant aux autres ,
rarement est-il possible que les avis d'un
seul ami soient suffisans ; nous devons
donc necessairement faire societé avec
des personnes de goûts differens ; l'un
apper-
AOUST. 1732. 1789
appercevra ce que l'autre avoit laissé
échapper.Nous verrons aujourd'hui notre
Ouvrage par les yeux de l'homme de
Lettres , demain il sera éclairé par les lu- mieres de l'Amateur du coloris ; une aure fois les regards du Partisan du Desçin donneront aux nôtres une nouvelle
éverité , &c.
Mais il arrive quelquefois , poursuit
Auteur sur la maniere d'avoir des avis,
que la façon dont nous les demandons
ne prouve autre chose que le desir que
nous avons de recevoir des loüanges. Souvent un Auteur trouve moyen de faire
Péloge de son Ouvrage, dans le temps mêrê qu'il semble implorer le secours de
de la Critique. Trouvez- vous , dira-t'il ,
que je me sois tiré heureusement de telle
difficulté ? Fe crains que la finesse de ces
expressions ne soit pas sentie du Public.
J'aurois moins de défiance si je n'avois
affaire qu'à des Connoisseurs tels que
vous dites moi votre sentiment. Le
moyen de dire des choses fâcheuses à
quelqu'un qui déclare que vous êtes seul
capable de connoître l'excellence de son
mérite. Ne prévenons nos Juges que sur
,
desir que nous avons de nous corriger
et sur l'obligation que nous aurions à
quelqu'un qui nous voudroit assez de
bien
1
pour nous faire part de sa critique , au
risque de nous affliger. D'ailleurs laissons
parler notre Ouvrage ; ce qu'il ne dira
pas, cest qu'il ne le peut dire, &c. Soyons
prompts à démêler sur le visage de celui
que nous consultons , l'impression qu'il
reçoit au premier coup d'œil , c'est le
sentiment que sa politesse même ne peur
nous cacher. Mais ne craignons pas de
manquer d'avis quand il sera bien établi
que nous les recevons avec plaisir.
Après avoir dit que c'est dans l'idée de
critiquer ses propres ouvrages , qu'il faut
consulter ceux des grands Maîtres anciens , il ajoute : Nous devrions faire la
même chose à la vûë de ceux des habiles
gens avec qui nous vivons. Malheureusement cela nous devient plus difficile :
nous avons peine àconvenir qu'il se trouve de notre temps des personnes qui possedent dans notre Art des perfections que
nous n'avons pû acquerir ; nous le pardonnons aux anciens; ils semblent avoir
expié cette offense en cessant de vivre.
D'ailleurs ceux de nos jours que nous
envions , sont obligés de leur rendre la
même justice ; c'est une consolation pour
notre amour propre ; mais qu'en arrive-,
t-il? Nous nous bornons à admirer ceux
qui sont venus avant nous , sans nous efforcer
AOUST. 1732 1791
forcer de les égaler ; nous renonçons à
ce noble désir , dans l'esperance que nos
contemporains ne parviendront pas plus
que nous à cet éminent dégré de perfec
tion ; et quant aux Ouvrages nouveaux
si nous y remarquons des parties qui
nous manquent, loin de tâcher de mettre
à profit le mouvement de jalousie qu'el
les nous inspirent , en les étudiant assez
pour les acquerir ; nous cherchons promtement de la consolation , en y faisant la
recherche de défauts que nous aurions
peut- être évitez. De là nous retournons
regarder nos productions avec autant de
complaisance pour nous mêmes, que nous
avons de sévérité pour les autres : Nous
y admirons la partie que nous croïons posséder ; nous ne manquons pas de lui donner la prééminence sur toutes les autres ;
nos ennemis ont la malice de nous fortifier dans cette ridicule opinion ; nos flateurs ont la fausseté de l'augmenter en
nous , et nos amis ont souvent la foiblesse de nous la laisser , et d'en prendre leur
part.
La seule comparaison de nos Ouvrages,
avec ceux des autres , peut nous rendre
nos deffauts sensibles. Lorsque nous passons notre temps vis- à-vis nos produc
tions , il est rare que nous persistions dans
1792 MERCURE DE FRANCE
dans le désir de leur chercher querelle.
Combien de femmes, dans l'arriere saison,
sont contentes de leur visage , après une
longue toilette ! La grande habitude dans
laquelle elles sont, d'y considerer toujours
le même objet , qu'elles pensent embellir
souvent par de ridicules ajustemens , leur
persuade aisément qu'il est même du remede aux Outrages du temps. Qu'une jeune et belle personne paroisse , cette vûë
leur fait sentir dans l'instant des veritez
que le Miroir leur avoit montrées vainement. Gardons-nous donc de croire que
nous puissions , sans aucun secours , parvenir à nous bien critiquer; nous sommes
trop échauffez de nos propres idées pour
conserver ce sang froid, si nécessaire pour
bien juger.
Avant le Dialogue sur la connoissance
-de la Peinture , M. Coypel rend compte
du motif qui le lui a fait composer , sur
ce principe , que la Peinture n'ayant pour
objet que la parfaite imitation de la nature ,
tout homme de bon sens et d'esprit, sans avoir
étudié les mysteres de cet art , est à portée de
sentir les grandes beautez d'un Tableau , et
defaire souvent même d'excellentes remarques
Il suppose un veritable connoisseur en
conversation , avec un homme d'esprit ,
qui
A OUST. 1732. 1793
qui n'ayant jamais eu de principes sur la
peinture , n'ose s'en rapporter à ses yeux;
ou , pour dire plus, dit- il , n'ose ceder au
plaisir qu'il ressent , en voyant des Tableaux , dans la crainte de n'être pas satisfait selon les regles , &c.
Seriez-vous dans l'erreur de croire , dit
Alcipeà Damon,comme beaucoup de gens,
que l'on ne sçauroit sentir les beautez
d'un Ouvrage que lorsque l'on sçait de
quelle main il est sorti ? ... Je conviens
que celui qui est au fait des principes de
Art, doit avoir encore plus de plaisir
qu'un autre ; mais je ne conviens pas que
cela soit absolument nécessaire. Selon
votre idée , on ne pourroit lire les Vers
avec plaisir , qu'autant qu'on seroit capable d'en faire soi-même ; et il ne seroit
plus permis qu'à ceux qui sçavent la Musique , d'écouter un Concert. Non , mon
cher Damon, les beaux Arts sont faits
pour toutes les personnes de bon sens et
d'esprit et sur tout la Peinture , qui
n'a d'autre objet que l'imitation du vrai.
Croyez qu'il y a tel homme d'esprit , qui
sera plus capable de sentir les grandes
beautez d'un Tableau , que quantité de
prétendus connoisseurs qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont
passé leur vie à étudier les differentes maF nicres
1794 MERCURE DE FRANCE
nieres de tels et tels , sans s'appliquer à
connoître quelle partie a rendu celui-cy
plus fameux que cet autre. Il leur suffit
de reconnoître la touche du Titien, ou du
Carache dans un Tableau, pour le déclarer merveilleux. Ne croyez pas même
qu'ils aillent chercher les preuves de l'originalité dans les grandes parties ;-non ,
c'est souvent un petit coin du Tableau
la touche d'une Plante , d'un Nuage, ou
le derriere de la Toile qui les déterminent. D'ailleurs ces gens - là n'ignorent
aucuns termes de l'Art , sçavent exactement la vie des Peintres , l'Histoire de
chaque Tableau , &c.
Ce que j'y trouve de pis , c'est que ces
diseurs de grands mots sont des Éleves.
Un homme qui voudra se jetter dans la
connoissance de la Peinture , s'addressera
plutôt à eux qu'à un Peintre ; car ces
Mr ont leur interêt pour publier que les
Peintres sont ceux qui s'y connoissent le
moins. C'est-là le premier préjugé sur lequel ils établissent les autres. Si - tôt que
Eleve en est rempli , il marche à grands
pas ; en peu de jours le voilà bien persuadé qu'il peut en toute sureté , mépriser
tous les Tableaux peints sur des toiles neu--
ves ; et admirer ceux qui menacent ruine.
Jugez alors si l'amour propre est satis- fait ?
AOUST. 17320 1795
it. Quel air de capacité ne se donne
int mon homme en se récriant devant
monde sur les beautez d'un vieux Taeau noirci , où les autres ne connoisnt plus rien , et où il ne découvre plus
n lui-même on le suit , on l'écoute
Sa décision est pitoyable , mais
e lui importe ; on le prend pour un
mme capable, il est content.Car il faut
convenir ; souvent nous avons des Taaux, des Livres ; nous courons les Conts , bien moins parce que nous aimons
Peinture , les Lettres ou la Musique
pour nous donner un air de capacité.
is se le donne - t - on en réfléchissant
g-temps avant que de hazarder son
timent ? Non, c'est en décidant promient , &c.
On blâme plus volontiers les Ouvranouveaux qui paroissent , qu'on ne les
3. Je ne sçai pourquoi , dit Alcipe, mais
utencore l'avouer,à notre honte; nous
ons une secrete et détestable joïe à reher un homme qui a fait ses efforts
nous plaire ; et vû cette malheureuclination , il devient bien plus diffid'approuver un Ouvrage nouveau ,
ue de leblâmer.Dites qu'il ne vaut rien;
on vous croît , sans que vous soyez obligé de vous expliquer davantage ; mais si
Fij Vous
1796 MERCURE DE FRANCE
vous en parlez avec éloge , ( au cas qu'on
veuille bien ne vous pas traiter d'imbécille ) on vous demande au moins raison.
de votre approbation ; c'est alors qu'il
faut véritablement s'y connoître pour
prouver sa capacité ; et peut - être même
faut-il plus de gout et d'esprit pour bien
sentir les grandes beautez , que pour découvrir les deffauts. D'ailleurs , que risquons- nous en blâmant? Si l'Ouvrage est
bon et reconnu pour tel dans la suite,nous
donnons à perser , en le regardant avec
froideur , que nous avons une idée du
beau bien supérieure à celle qu'en a le
vulgaire ; mais quand par malheur la critique l'emporte sur nos applaudissemens,
nous courons risque de passer pour des
esprits bornés. A l'égard des productions
des anciens , on ne peut que se faire honneur en les louant , parce que la posterité
les a consacrez. N'allez pas croire que je
prétende dire qu'ils ne sont pas dignes de
cette admiration ; personne ne leur rend
plus de justice que moi ; et c'est parce
que je les aime , que je suis outré de les
entendre loüer par des ignorans, qui n'en
démêlent que la rareté , et point du tout
l'excellence.
Mais, quoy ! dit Damon, jugeriez-vous
à propos que j'allasse me mêler de parler
de
A O UST. 1732. 1797
de la composition d'un Tableau : Eh
pourquoi pas ? répond Alcipe. Quelle
est , à votre avis , la premiere partie de la
composition ? N'est- ce pas de vous rendre , avec vérité , le sujet que l'on vous
annonce ? Si on veut vous representer ,
par exemple , la mort de Jules - César
n'êtes-vous pas à portée de juger si le
Peintre a rendu l'image de cette Scene ?
N'en jugeriez vous pas au Théatre ? Ne
verriez-vous pas bien si César et Brutus sont les principaux objets qui frappent votre vûë ? Si les autres personnages ont dans l'action , dans laquelle ils doivent être Enfin si le mouvement de
cètte Scene vous inspire la terreur qu'il
doit vous inspirer ? Si ces principales par
ties ne s'y trouvent point , dites en sûreté
que la composion de ce Tableau ne vous
plaît pas ; et vous aurez raison ; mais ne
vous pressez pas de dire que ce Tableau
ne vaut rien ; car il pourroit se trouver
d'excellentes choses dans le détail. La
Peinture est composée de tant de parties... Regardez donc , avant de condamner entierement , si , la composition
à part , vous ne serez point frappé de la
vérité de la couleur , de l'effet du clairobscur , du relief des figures , &c.
Sur la composition , sur le dessein , sur
Fiij le
1798 MERCURE DE FRANCE
le coloris , un homme d'esprit peut dire
son sentiment , dit Alcipe , puisqu'il ne
s'agit que de comparer le vrai, avec l'imitation. Quant à l'harmonie generale
poursuit-il,pourquoi nos yeux n'auroient- ils pas les mêmes facultez que nos oreilles ? Nous ne sommes touchez du son des
Instrumens , que lorsqu'ils sont parfaitement d'accord. Les couleurs d'un Tableau
doivent faire sur nous les mêmes impressions.Si une Musique harmonieuse et brillante nous frappe plus qu'une Musique
plate , quoique nous ne sçachions pas les
regles de la composition ; pourquoi un
Tableau brillant et suave ne nous plairat-il pas plus qu'un Tableau dur et sans
accord?
Royale de Peinture et Sculpture. Par
2. Charles Coypel , Premier Peintre de V. le Duc d'Orleans. A Paris , chez
P. F. Mariette , rue S Jacques , 1732. Brochure in 4. de 34. pages.
Le sujet, du premier Discours est sur
necessité de recevoir des avis. La premiere chose dont le Lecteur s'apperçoit
dans la lecture agréable et utile de cet
Ouvrage , c'est que M. Coypel , outre ses
lens pour l'Art qu'il professe , a une
plume aussi sage et aussi élegante que
son Pinceau ; deux qualitez qu'on trouve assez rarement ensemble. On renarque dans ses Ecrits le même génie ,
le même tour et le même ordre qu'on
voir avec plaisir dans ses heureuses Ĉompositions , où l'on trouve tant d'expres
sions fines et délicates.
M. Coypel entre en matiere très-moaestement , en soumettant ces Refléxions
qu'il n'avoit faites , dit- il , que pour lui ,
au jugement de l'Académie , et ne pou
vant croire qu'elles puissent être utiles
à d'autres qu'à lui ; sur quoi nous- pensons
1788 MERCURE DE FRANCE
sons qu'il s'expose à un démenti de là
part de tous ses Lecteurs et peut être
de toute l'Académie.
-
Sur la necessité de recevoir des avis ,
M. Coypel s'exprime ainsi. La Peinture
est composée de tant de parties , que nous
ne devons presque jamais nous flater de
ne pas perdre de vûe les unes , en nous
attachant à chercher les autres.
Il n'est pas moins rare de trouver des
amis qui soient également touchez de
toutes ces Parties. L'un n'est sensible
qu'à la couleur , et n'est que peu flaté
de l'élegance du Dessein ; l'autre , au
contraire , prétend que sans le grand
goût, la délicatesse et la pureté du Dessein , la Peinture n'est qu'une affaire de
Mécanique. L'homme d'esprit et de sentiment ne s'attachera qu'à l'expression des
têtes et à l'ordonnance. L'homme d'érudition sera satisfait si le Costume est
scrupuleusement observé dans un Tableau , ainsi des autres.
Chacun ayant donc presque toûjours
son goût déterminé pour une partie de
la Peinture , et la préferant aux autres ,
rarement est-il possible que les avis d'un
seul ami soient suffisans ; nous devons
donc necessairement faire societé avec
des personnes de goûts differens ; l'un
apper-
AOUST. 1732. 1789
appercevra ce que l'autre avoit laissé
échapper.Nous verrons aujourd'hui notre
Ouvrage par les yeux de l'homme de
Lettres , demain il sera éclairé par les lu- mieres de l'Amateur du coloris ; une aure fois les regards du Partisan du Desçin donneront aux nôtres une nouvelle
éverité , &c.
Mais il arrive quelquefois , poursuit
Auteur sur la maniere d'avoir des avis,
que la façon dont nous les demandons
ne prouve autre chose que le desir que
nous avons de recevoir des loüanges. Souvent un Auteur trouve moyen de faire
Péloge de son Ouvrage, dans le temps mêrê qu'il semble implorer le secours de
de la Critique. Trouvez- vous , dira-t'il ,
que je me sois tiré heureusement de telle
difficulté ? Fe crains que la finesse de ces
expressions ne soit pas sentie du Public.
J'aurois moins de défiance si je n'avois
affaire qu'à des Connoisseurs tels que
vous dites moi votre sentiment. Le
moyen de dire des choses fâcheuses à
quelqu'un qui déclare que vous êtes seul
capable de connoître l'excellence de son
mérite. Ne prévenons nos Juges que sur
,
desir que nous avons de nous corriger
et sur l'obligation que nous aurions à
quelqu'un qui nous voudroit assez de
bien
1
pour nous faire part de sa critique , au
risque de nous affliger. D'ailleurs laissons
parler notre Ouvrage ; ce qu'il ne dira
pas, cest qu'il ne le peut dire, &c. Soyons
prompts à démêler sur le visage de celui
que nous consultons , l'impression qu'il
reçoit au premier coup d'œil , c'est le
sentiment que sa politesse même ne peur
nous cacher. Mais ne craignons pas de
manquer d'avis quand il sera bien établi
que nous les recevons avec plaisir.
Après avoir dit que c'est dans l'idée de
critiquer ses propres ouvrages , qu'il faut
consulter ceux des grands Maîtres anciens , il ajoute : Nous devrions faire la
même chose à la vûë de ceux des habiles
gens avec qui nous vivons. Malheureusement cela nous devient plus difficile :
nous avons peine àconvenir qu'il se trouve de notre temps des personnes qui possedent dans notre Art des perfections que
nous n'avons pû acquerir ; nous le pardonnons aux anciens; ils semblent avoir
expié cette offense en cessant de vivre.
D'ailleurs ceux de nos jours que nous
envions , sont obligés de leur rendre la
même justice ; c'est une consolation pour
notre amour propre ; mais qu'en arrive-,
t-il? Nous nous bornons à admirer ceux
qui sont venus avant nous , sans nous efforcer
AOUST. 1732 1791
forcer de les égaler ; nous renonçons à
ce noble désir , dans l'esperance que nos
contemporains ne parviendront pas plus
que nous à cet éminent dégré de perfec
tion ; et quant aux Ouvrages nouveaux
si nous y remarquons des parties qui
nous manquent, loin de tâcher de mettre
à profit le mouvement de jalousie qu'el
les nous inspirent , en les étudiant assez
pour les acquerir ; nous cherchons promtement de la consolation , en y faisant la
recherche de défauts que nous aurions
peut- être évitez. De là nous retournons
regarder nos productions avec autant de
complaisance pour nous mêmes, que nous
avons de sévérité pour les autres : Nous
y admirons la partie que nous croïons posséder ; nous ne manquons pas de lui donner la prééminence sur toutes les autres ;
nos ennemis ont la malice de nous fortifier dans cette ridicule opinion ; nos flateurs ont la fausseté de l'augmenter en
nous , et nos amis ont souvent la foiblesse de nous la laisser , et d'en prendre leur
part.
La seule comparaison de nos Ouvrages,
avec ceux des autres , peut nous rendre
nos deffauts sensibles. Lorsque nous passons notre temps vis- à-vis nos produc
tions , il est rare que nous persistions dans
1792 MERCURE DE FRANCE
dans le désir de leur chercher querelle.
Combien de femmes, dans l'arriere saison,
sont contentes de leur visage , après une
longue toilette ! La grande habitude dans
laquelle elles sont, d'y considerer toujours
le même objet , qu'elles pensent embellir
souvent par de ridicules ajustemens , leur
persuade aisément qu'il est même du remede aux Outrages du temps. Qu'une jeune et belle personne paroisse , cette vûë
leur fait sentir dans l'instant des veritez
que le Miroir leur avoit montrées vainement. Gardons-nous donc de croire que
nous puissions , sans aucun secours , parvenir à nous bien critiquer; nous sommes
trop échauffez de nos propres idées pour
conserver ce sang froid, si nécessaire pour
bien juger.
Avant le Dialogue sur la connoissance
-de la Peinture , M. Coypel rend compte
du motif qui le lui a fait composer , sur
ce principe , que la Peinture n'ayant pour
objet que la parfaite imitation de la nature ,
tout homme de bon sens et d'esprit, sans avoir
étudié les mysteres de cet art , est à portée de
sentir les grandes beautez d'un Tableau , et
defaire souvent même d'excellentes remarques
Il suppose un veritable connoisseur en
conversation , avec un homme d'esprit ,
qui
A OUST. 1732. 1793
qui n'ayant jamais eu de principes sur la
peinture , n'ose s'en rapporter à ses yeux;
ou , pour dire plus, dit- il , n'ose ceder au
plaisir qu'il ressent , en voyant des Tableaux , dans la crainte de n'être pas satisfait selon les regles , &c.
Seriez-vous dans l'erreur de croire , dit
Alcipeà Damon,comme beaucoup de gens,
que l'on ne sçauroit sentir les beautez
d'un Ouvrage que lorsque l'on sçait de
quelle main il est sorti ? ... Je conviens
que celui qui est au fait des principes de
Art, doit avoir encore plus de plaisir
qu'un autre ; mais je ne conviens pas que
cela soit absolument nécessaire. Selon
votre idée , on ne pourroit lire les Vers
avec plaisir , qu'autant qu'on seroit capable d'en faire soi-même ; et il ne seroit
plus permis qu'à ceux qui sçavent la Musique , d'écouter un Concert. Non , mon
cher Damon, les beaux Arts sont faits
pour toutes les personnes de bon sens et
d'esprit et sur tout la Peinture , qui
n'a d'autre objet que l'imitation du vrai.
Croyez qu'il y a tel homme d'esprit , qui
sera plus capable de sentir les grandes
beautez d'un Tableau , que quantité de
prétendus connoisseurs qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont
passé leur vie à étudier les differentes maF nicres
1794 MERCURE DE FRANCE
nieres de tels et tels , sans s'appliquer à
connoître quelle partie a rendu celui-cy
plus fameux que cet autre. Il leur suffit
de reconnoître la touche du Titien, ou du
Carache dans un Tableau, pour le déclarer merveilleux. Ne croyez pas même
qu'ils aillent chercher les preuves de l'originalité dans les grandes parties ;-non ,
c'est souvent un petit coin du Tableau
la touche d'une Plante , d'un Nuage, ou
le derriere de la Toile qui les déterminent. D'ailleurs ces gens - là n'ignorent
aucuns termes de l'Art , sçavent exactement la vie des Peintres , l'Histoire de
chaque Tableau , &c.
Ce que j'y trouve de pis , c'est que ces
diseurs de grands mots sont des Éleves.
Un homme qui voudra se jetter dans la
connoissance de la Peinture , s'addressera
plutôt à eux qu'à un Peintre ; car ces
Mr ont leur interêt pour publier que les
Peintres sont ceux qui s'y connoissent le
moins. C'est-là le premier préjugé sur lequel ils établissent les autres. Si - tôt que
Eleve en est rempli , il marche à grands
pas ; en peu de jours le voilà bien persuadé qu'il peut en toute sureté , mépriser
tous les Tableaux peints sur des toiles neu--
ves ; et admirer ceux qui menacent ruine.
Jugez alors si l'amour propre est satis- fait ?
AOUST. 17320 1795
it. Quel air de capacité ne se donne
int mon homme en se récriant devant
monde sur les beautez d'un vieux Taeau noirci , où les autres ne connoisnt plus rien , et où il ne découvre plus
n lui-même on le suit , on l'écoute
Sa décision est pitoyable , mais
e lui importe ; on le prend pour un
mme capable, il est content.Car il faut
convenir ; souvent nous avons des Taaux, des Livres ; nous courons les Conts , bien moins parce que nous aimons
Peinture , les Lettres ou la Musique
pour nous donner un air de capacité.
is se le donne - t - on en réfléchissant
g-temps avant que de hazarder son
timent ? Non, c'est en décidant promient , &c.
On blâme plus volontiers les Ouvranouveaux qui paroissent , qu'on ne les
3. Je ne sçai pourquoi , dit Alcipe, mais
utencore l'avouer,à notre honte; nous
ons une secrete et détestable joïe à reher un homme qui a fait ses efforts
nous plaire ; et vû cette malheureuclination , il devient bien plus diffid'approuver un Ouvrage nouveau ,
ue de leblâmer.Dites qu'il ne vaut rien;
on vous croît , sans que vous soyez obligé de vous expliquer davantage ; mais si
Fij Vous
1796 MERCURE DE FRANCE
vous en parlez avec éloge , ( au cas qu'on
veuille bien ne vous pas traiter d'imbécille ) on vous demande au moins raison.
de votre approbation ; c'est alors qu'il
faut véritablement s'y connoître pour
prouver sa capacité ; et peut - être même
faut-il plus de gout et d'esprit pour bien
sentir les grandes beautez , que pour découvrir les deffauts. D'ailleurs , que risquons- nous en blâmant? Si l'Ouvrage est
bon et reconnu pour tel dans la suite,nous
donnons à perser , en le regardant avec
froideur , que nous avons une idée du
beau bien supérieure à celle qu'en a le
vulgaire ; mais quand par malheur la critique l'emporte sur nos applaudissemens,
nous courons risque de passer pour des
esprits bornés. A l'égard des productions
des anciens , on ne peut que se faire honneur en les louant , parce que la posterité
les a consacrez. N'allez pas croire que je
prétende dire qu'ils ne sont pas dignes de
cette admiration ; personne ne leur rend
plus de justice que moi ; et c'est parce
que je les aime , que je suis outré de les
entendre loüer par des ignorans, qui n'en
démêlent que la rareté , et point du tout
l'excellence.
Mais, quoy ! dit Damon, jugeriez-vous
à propos que j'allasse me mêler de parler
de
A O UST. 1732. 1797
de la composition d'un Tableau : Eh
pourquoi pas ? répond Alcipe. Quelle
est , à votre avis , la premiere partie de la
composition ? N'est- ce pas de vous rendre , avec vérité , le sujet que l'on vous
annonce ? Si on veut vous representer ,
par exemple , la mort de Jules - César
n'êtes-vous pas à portée de juger si le
Peintre a rendu l'image de cette Scene ?
N'en jugeriez vous pas au Théatre ? Ne
verriez-vous pas bien si César et Brutus sont les principaux objets qui frappent votre vûë ? Si les autres personnages ont dans l'action , dans laquelle ils doivent être Enfin si le mouvement de
cètte Scene vous inspire la terreur qu'il
doit vous inspirer ? Si ces principales par
ties ne s'y trouvent point , dites en sûreté
que la composion de ce Tableau ne vous
plaît pas ; et vous aurez raison ; mais ne
vous pressez pas de dire que ce Tableau
ne vaut rien ; car il pourroit se trouver
d'excellentes choses dans le détail. La
Peinture est composée de tant de parties... Regardez donc , avant de condamner entierement , si , la composition
à part , vous ne serez point frappé de la
vérité de la couleur , de l'effet du clairobscur , du relief des figures , &c.
Sur la composition , sur le dessein , sur
Fiij le
1798 MERCURE DE FRANCE
le coloris , un homme d'esprit peut dire
son sentiment , dit Alcipe , puisqu'il ne
s'agit que de comparer le vrai, avec l'imitation. Quant à l'harmonie generale
poursuit-il,pourquoi nos yeux n'auroient- ils pas les mêmes facultez que nos oreilles ? Nous ne sommes touchez du son des
Instrumens , que lorsqu'ils sont parfaitement d'accord. Les couleurs d'un Tableau
doivent faire sur nous les mêmes impressions.Si une Musique harmonieuse et brillante nous frappe plus qu'une Musique
plate , quoique nous ne sçachions pas les
regles de la composition ; pourquoi un
Tableau brillant et suave ne nous plairat-il pas plus qu'un Tableau dur et sans
accord?
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Résumé : Discours sur la Peinture, &c. [titre d'après la table]
En 1732, Charles Coypel, Premier Peintre du Duc d'Orléans, prononce un discours lors des conférences de l'Académie Royale de Peinture et Sculpture. Il y souligne la nécessité pour les artistes de recevoir des avis pour améliorer leur travail. La peinture, composée de nombreuses parties, peut être critiquée sous différents aspects tels que la couleur, le dessin, l'expression ou le costume. Coypel insiste sur l'importance de demander des avis de manière sincère et ouverte, sans chercher uniquement des louanges. Il critique ceux qui se contentent d'admirer les œuvres des anciens maîtres sans essayer de les égaler ou d'apprendre des contemporains. Il met également en garde contre l'habitude de trouver des défauts dans les œuvres nouvelles pour se consoler de ses propres insuffisances. Coypel aborde ensuite la capacité de chacun à apprécier les beautés d'un tableau, indépendamment des connaissances techniques. Il critique les prétendus connaisseurs qui se basent sur des détails superficiels pour juger une œuvre. Il encourage à juger les tableaux en fonction de leur composition et de leur capacité à représenter fidèlement le sujet. Le texte discute également de la perception des éléments artistiques par l'observateur, tels que la vérité de la couleur, l'effet du clair-obscur et le relief des figures. Alcipe, un personnage mentionné, affirme qu'un homme d'esprit peut exprimer son avis sur la composition, le dessin et le coloris en comparant le vrai avec l'imitation. Il compare l'harmonie générale d'un tableau à celle de la musique, suggérant que les yeux devraient avoir les mêmes facultés que les oreilles. Les couleurs d'un tableau doivent produire les mêmes impressions que les sons des instruments lorsqu'ils sont en accord parfait. De même que la musique harmonieuse et brillante est plus frappante que la musique plate, un tableau brillant et suave devrait plaire davantage qu'un tableau dur et sans accord.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 857-862
JUGEMENT DE THEMIS. A MADAME DE ***. Sur le rétablissement de sa santé.
Début :
C'etoit fait de vos jours, ô divine Uranie ; [...]
Mots clefs :
Mort, Thémis, Rage, Apollon, Phébus, Jours, Paix, Dieu, Mortels, Rétablissement, Jugement, Santé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : JUGEMENT DE THEMIS. A MADAME DE ***. Sur le rétablissement de sa santé.
JUGEMENT DE THEMIS.
A MADAME DE * * *
1
Sur le rétablissement de sa santé.
C'Etoit fait de vos jours , ô divine Uranie;
De son double ciseau la cruelle Atropos ,
Alloit trancher le fil de la plus belle vie.
Bij
.
Mettre
858 MERCURE DE FRANCE
Mettre le comble à tous nos maux ,
Et d'un seul coup , hélas ! ouvrir mille tom
beaux.
On implore à grands cris la Déesse infléxible ;
Mais d'un air indigné , méprisant , insensible
Elle insulte aux soupits des foibles Orphelins ,
Soulagez tant de fois par vos puissantes mains.
Son oeil plein de rage et de joye ,
Contemple avidement ces restes malheureux ,
Qui par vous échappez à ses coups rigoureux
Bien- tôt en vous perdant vont devenir sa proye
Elle avance en couroux ; on fuit de toutes parts ,
Le poison meurtrier de ses affreux regards.
Une illustre famille où regnent la Sagesse ,
L'Honneur , la Probité , l'Union , la Tendresse ,
Prosternée et tremblante , offre inutilement
Ses plus précieuses années ,
Pour prolonger vos destinées ;
Rien ne peut retarder le funeste moment ,
Le Monstre impitoyable approche fierement :
Mais tout à coup sous un heureux auspice ,
Une Divinité propice ,
La celeste Thémis précipitant ses pas ,
Vint arracher vos jours aux horreurs du trépas
Fatale Mort , s'écria - t'elle ,
Arrêté de ton bras l'audace criminelle ,
Respecte les Mortels à tes pieds abattus ;
Apprends à choisir tes victimes ,
TE
MAY. 1733 855
Tu ne dois foudroyer que le vice et les crimes ,
Et c'est ici l'Empire des Vertus .
Set Arrêt prononcé d'une voix formidable ,
De la Déesse inexorable ,
Arrêta les premiers accès ;
Soudain un murmure agréable ,
Annonça par tout le succès ,
D'un jugement si favorable ,
La seule Mort étoit inconsolable ,
D'avoir perdu sa peine et son procès.
. Mais elle eut beau gémir et se deffendre ,
Vanter ses droits et follement prétendre ,
Qu'on trahissoit l'équité , la raison ;
On écouta la froide Demoiselle ,
Puis on siffla sa lugubre Oraison ;
Point d'Orateur ne soutint sa querelle ;
Et pour punir sa noire trahison ,
On opinoit à proceder contre elle ,
A lui donner pour demeure éternelle ,
L'affreux cachot d'une obscure prison ,
Ou renvoyer la hideuse Fémelle ,
Dans le Manoir de la sombre Alecton.
Phébus jugea la peine trop cruelle :
Bannir la Mort ! eh ! que seront les Dieux ,
Si les Humains sont immortels comme eux !
Bien- tôt peut- être une orgueilleuse audace ,
Reproduira de superbes Titans ,
Qui par des coups encor plus éclatants ,
Biij Scauront
860 MERCURE DE FRANCE
Sçauront vanger l'ancienne disgrace ,
Et les malheurs de leur coupable race ,
De Typheus iront briser les fers ,
Et troubleront le Ciel et les Enfers .
Ainsi parla d'un ton fier et sévere ,
Le Dieu brillant qu'à Délos on révere ,
Thémis sourit et loüa gravement ,
Du blond Phébus le discours véhement,
Puis expliquant la raison singuliere ,
Pourquoi le Dieu qui produit la lumiere ,
Parloit si haut pour une Déïté ,
Fille du Stix et de l'obscurité :
Messieurs , dit- elle , avec un air rigide ,
Trahi cent fois par un soûris malin ,
Vous le sçavez , Phébus est Medecin ,
Et doit chérir la Déesse homicide.
Ils sont tous deux l'un pour l'autre formez ;
Ils sont tous deux l'un de l'autre charmez.
Si quelquefois Apollon se déchaîne ,
Traite la Mort d'injuste , d'inhumaine ,
N'en croyez pas ses discours animez ,
C'est pour dupper les Mortels allarmeż ;
Il l'aime au fond et son coeur est sans haine ,
Malgré le feu de ses yeux allumez ,
Bien plus d'amour que de rage enflâmez.
Mêmes projets , même fin , même Empire ,
Et même droit sur tout ce qui respire ,
Unit leurs coeurs et leur funebre Cour ,
It
MAY 1733.
861
Et l'interêt cimente leur amour ;
Car sans la Mort , dont on craint les empreintes,
L'Art d'Apollon seroit moins respecté:
Sans Apollon et son Art si vanté ,
Peu de la Mort sentiroient les atteintes.
Or en faveur du Dieu de la santé ,
Nous épargnons à son illustre amie ,
Un sort cruel , une juste infamie ,
Et maint affront que sa témerité ,
merité.
A plus d'un titre avoit trop
Alors la Deïté des mortelles allarmes ,
Laissant de rage échapper quelques larmes,
Et l'oeil étincelant de colere et de feu :
Fuyons , dit- elle , un triste lieu ,
De la Paix le séjour tranquile ,
Et de Thémis le redoutable azile ,
Sortons pour ne rentrer jamais .
A ces mots elle fuit . Le Dépit et la Honte ,
D'une aîle obéissante et prompte ,
Volerent sur ses pas , suivis des vains regrets ,
Et des soucis cuisans ennemis de la Paix .
Ah ! si le Roy des Dieux , Maître des destinées ,
Ecoutoit les voeux que j'ai faits !
Si par des Loix justes et fortunées ,
Il mésuroit le cours de vos années ,
Sur vos vertus et vos bienfaits !
Deslors vos jours serains, sombres, et sans nuages,
Biiij Cou
862 MERCURE DE FRANCE
Couleroient dans la gloire et verroient tous l
âges ;
Et la solide Verité ,
Sur votre Palais respecté ,
Graveroit d'une main hardie ,
Ces Vers l'effroi da Temps et de la noire Envie
De ce brillant séjour par Themis habité ,
La jalouse Mort est bannie ;
Le Cielpour couronner de la sage
L'inestimable pieté ,
Uranie ,
Veut qu'elle mene en paix une tranquille vie,
Dans le sein glorieux de l'Immortalité.
A MADAME DE * * *
1
Sur le rétablissement de sa santé.
C'Etoit fait de vos jours , ô divine Uranie;
De son double ciseau la cruelle Atropos ,
Alloit trancher le fil de la plus belle vie.
Bij
.
Mettre
858 MERCURE DE FRANCE
Mettre le comble à tous nos maux ,
Et d'un seul coup , hélas ! ouvrir mille tom
beaux.
On implore à grands cris la Déesse infléxible ;
Mais d'un air indigné , méprisant , insensible
Elle insulte aux soupits des foibles Orphelins ,
Soulagez tant de fois par vos puissantes mains.
Son oeil plein de rage et de joye ,
Contemple avidement ces restes malheureux ,
Qui par vous échappez à ses coups rigoureux
Bien- tôt en vous perdant vont devenir sa proye
Elle avance en couroux ; on fuit de toutes parts ,
Le poison meurtrier de ses affreux regards.
Une illustre famille où regnent la Sagesse ,
L'Honneur , la Probité , l'Union , la Tendresse ,
Prosternée et tremblante , offre inutilement
Ses plus précieuses années ,
Pour prolonger vos destinées ;
Rien ne peut retarder le funeste moment ,
Le Monstre impitoyable approche fierement :
Mais tout à coup sous un heureux auspice ,
Une Divinité propice ,
La celeste Thémis précipitant ses pas ,
Vint arracher vos jours aux horreurs du trépas
Fatale Mort , s'écria - t'elle ,
Arrêté de ton bras l'audace criminelle ,
Respecte les Mortels à tes pieds abattus ;
Apprends à choisir tes victimes ,
TE
MAY. 1733 855
Tu ne dois foudroyer que le vice et les crimes ,
Et c'est ici l'Empire des Vertus .
Set Arrêt prononcé d'une voix formidable ,
De la Déesse inexorable ,
Arrêta les premiers accès ;
Soudain un murmure agréable ,
Annonça par tout le succès ,
D'un jugement si favorable ,
La seule Mort étoit inconsolable ,
D'avoir perdu sa peine et son procès.
. Mais elle eut beau gémir et se deffendre ,
Vanter ses droits et follement prétendre ,
Qu'on trahissoit l'équité , la raison ;
On écouta la froide Demoiselle ,
Puis on siffla sa lugubre Oraison ;
Point d'Orateur ne soutint sa querelle ;
Et pour punir sa noire trahison ,
On opinoit à proceder contre elle ,
A lui donner pour demeure éternelle ,
L'affreux cachot d'une obscure prison ,
Ou renvoyer la hideuse Fémelle ,
Dans le Manoir de la sombre Alecton.
Phébus jugea la peine trop cruelle :
Bannir la Mort ! eh ! que seront les Dieux ,
Si les Humains sont immortels comme eux !
Bien- tôt peut- être une orgueilleuse audace ,
Reproduira de superbes Titans ,
Qui par des coups encor plus éclatants ,
Biij Scauront
860 MERCURE DE FRANCE
Sçauront vanger l'ancienne disgrace ,
Et les malheurs de leur coupable race ,
De Typheus iront briser les fers ,
Et troubleront le Ciel et les Enfers .
Ainsi parla d'un ton fier et sévere ,
Le Dieu brillant qu'à Délos on révere ,
Thémis sourit et loüa gravement ,
Du blond Phébus le discours véhement,
Puis expliquant la raison singuliere ,
Pourquoi le Dieu qui produit la lumiere ,
Parloit si haut pour une Déïté ,
Fille du Stix et de l'obscurité :
Messieurs , dit- elle , avec un air rigide ,
Trahi cent fois par un soûris malin ,
Vous le sçavez , Phébus est Medecin ,
Et doit chérir la Déesse homicide.
Ils sont tous deux l'un pour l'autre formez ;
Ils sont tous deux l'un de l'autre charmez.
Si quelquefois Apollon se déchaîne ,
Traite la Mort d'injuste , d'inhumaine ,
N'en croyez pas ses discours animez ,
C'est pour dupper les Mortels allarmeż ;
Il l'aime au fond et son coeur est sans haine ,
Malgré le feu de ses yeux allumez ,
Bien plus d'amour que de rage enflâmez.
Mêmes projets , même fin , même Empire ,
Et même droit sur tout ce qui respire ,
Unit leurs coeurs et leur funebre Cour ,
It
MAY 1733.
861
Et l'interêt cimente leur amour ;
Car sans la Mort , dont on craint les empreintes,
L'Art d'Apollon seroit moins respecté:
Sans Apollon et son Art si vanté ,
Peu de la Mort sentiroient les atteintes.
Or en faveur du Dieu de la santé ,
Nous épargnons à son illustre amie ,
Un sort cruel , une juste infamie ,
Et maint affront que sa témerité ,
merité.
A plus d'un titre avoit trop
Alors la Deïté des mortelles allarmes ,
Laissant de rage échapper quelques larmes,
Et l'oeil étincelant de colere et de feu :
Fuyons , dit- elle , un triste lieu ,
De la Paix le séjour tranquile ,
Et de Thémis le redoutable azile ,
Sortons pour ne rentrer jamais .
A ces mots elle fuit . Le Dépit et la Honte ,
D'une aîle obéissante et prompte ,
Volerent sur ses pas , suivis des vains regrets ,
Et des soucis cuisans ennemis de la Paix .
Ah ! si le Roy des Dieux , Maître des destinées ,
Ecoutoit les voeux que j'ai faits !
Si par des Loix justes et fortunées ,
Il mésuroit le cours de vos années ,
Sur vos vertus et vos bienfaits !
Deslors vos jours serains, sombres, et sans nuages,
Biiij Cou
862 MERCURE DE FRANCE
Couleroient dans la gloire et verroient tous l
âges ;
Et la solide Verité ,
Sur votre Palais respecté ,
Graveroit d'une main hardie ,
Ces Vers l'effroi da Temps et de la noire Envie
De ce brillant séjour par Themis habité ,
La jalouse Mort est bannie ;
Le Cielpour couronner de la sage
L'inestimable pieté ,
Uranie ,
Veut qu'elle mene en paix une tranquille vie,
Dans le sein glorieux de l'Immortalité.
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Résumé : JUGEMENT DE THEMIS. A MADAME DE ***. Sur le rétablissement de sa santé.
Le poème 'Jugement de Thémis' relate la guérison miraculeuse d'une dame anonyme. La Mort, personnifiée, est sur le point de mettre fin à la vie de cette femme, mais Thémis, la déesse de la justice, intervient pour la sauver. Thémis arrête la Mort, affirmant que celle-ci ne doit frapper que le vice et les crimes, et non les vertueux. La Mort, en colère, tente de se justifier, mais Thémis la condamne à être bannie ou emprisonnée. Phébus, le dieu du soleil et de la médecine, intervient alors pour adoucir la peine. Il explique que la Mort et lui sont liés, car la médecine est respectée grâce à la crainte de la Mort. Thémis accepte cette argumentation et épargne la Mort, qui quitte les lieux enragée. Le poème se conclut par un vœu pour que la vie de la dame soit prolongée et honorée, avec la Vertu régnant sur la Mort.
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18
p. 1223-1224
ITALIE.
Début :
Le Pape signa le 9. May, le Jugement rendu par la Congrégation de Nonnullis, contre le [...]
Mots clefs :
Cardinal Coscia, Pape, Jugement, Revenus, Château Saint-Ange
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALI E.
E Pape signa le 9. May , le Jugement rendu
par la Congrégation de Nonnullis , contre le
Cardinal Coscia. Il a été rendu public et porte
que ce Cardinal restera prisonnier pendant dix
ans dans le Donjon du Château S. Ange ; qu'il
sera pendant le même temps privé de voix active
et passive dans l'Election d'un Pape ; qu'il ne sera
pas permis aux Cardinaux de l'appeller au Conelave
; et que si malgré cette deffense il y étoit
entré , l'Election dans laquelle il auroit donné sa
voix , sera nulle ; que jusqu'à- ce qu'il ait restitué
toutes les sommes qu'il a acquises par des voyes
illégitimes , il restera excommunié sans pouvoir
être absous par aucune autre personne que par
S. S. hors in articulo mortis ; que les sommes
provenantes de la restitution à laquelle il est condamné
, seront distribuées aux pauvres , suivant
la disposition des Bulles Apostoliques ; que préalablement
il payera 100. mille ducats qui seront
employez au soulagement des pauvres Paroisses
du Royaume de Hongrie ; que les revenus de ses
Abbayes de sainte Sophie et de S. Marc in Lermis
seront administrez par les Commissaires
qui seront nommez par le Pape , et qu'il ne conservera
aucune Jurisdiction spirituelle ni temporelle
sur les deux Abbayes , et sur tous les Benefices
ayant charge d'ames .
Aussi tôt que le Pape eut signé ce Jugement ,
il fut signifié au Cardinal Coscia , lequel après
avoir demeuré quelque temps sans parler , demanda
une Cassette, sous prétexte qu'il avoit be- L. Vol
soim
1224 MERCURE DE FRANCE
soin d'y prendre quelques Elexirs , et l'Officier
qui commandoit la Garde mise auprès de lui de
puis le 28. d'Avril , y ayant trouvé deux paquets.
de papiers , s'en saisit et les envoya à M. Ricci ,
Commissaire General des Armées , qui les porta
au Cardinal Secretaire d'Etat ; le soir on condui .
sit le Cardinal Coscia au Château S. Ange , et le
bruit court que M. Coscia , son frere , sera relégué
dans la Citadelle de Perouse.
Le Pape a déclaré qu'il vouloit non- seulement
que le Jugement prononcé coutre le Cardinal
Coscia , fút executé dans toute sa rigueur , mais
encore que ce Cardinal subît les peines portées .
par l'ancien Decret publié contre lui , par lequel
il étoit ordonné que pour être sorti de l'Etat Ecclesiastique
sans permission , et pour n'être point
revenu dans le terme de six mois , qui lui avoit
été accordé , il seroit interdit de toutes fonctions
Ecclesiastiques , privé de ses revenus , ainsi que
de toutes prérogatives , immunitez et exemptions
et même de l'entrée de l'Eglise , incapable de
conférer aucun Benefice , et de disposer par testament
d'aucun des biens qu'il avoit reçûs du
S. Siege.
La République de Génes a accordé la liberté
aux quatre Chefs des Mécontens de l'Ile de
Corse ; Don Louis Clafferi et l'Abbé Astelli ,
deux d'entre eux ont même obtenu du Gouvernement
, le premier , une pension de cent écus
par mois , avec Commission de Capitaine , er le
second, un Bencfice ; les deux autres ont refusé
d'être élargis , parce qu'on n'a pas voulu leur
permettre de retourner en Corse , où ils ont des
revenus considérables .
E Pape signa le 9. May , le Jugement rendu
par la Congrégation de Nonnullis , contre le
Cardinal Coscia. Il a été rendu public et porte
que ce Cardinal restera prisonnier pendant dix
ans dans le Donjon du Château S. Ange ; qu'il
sera pendant le même temps privé de voix active
et passive dans l'Election d'un Pape ; qu'il ne sera
pas permis aux Cardinaux de l'appeller au Conelave
; et que si malgré cette deffense il y étoit
entré , l'Election dans laquelle il auroit donné sa
voix , sera nulle ; que jusqu'à- ce qu'il ait restitué
toutes les sommes qu'il a acquises par des voyes
illégitimes , il restera excommunié sans pouvoir
être absous par aucune autre personne que par
S. S. hors in articulo mortis ; que les sommes
provenantes de la restitution à laquelle il est condamné
, seront distribuées aux pauvres , suivant
la disposition des Bulles Apostoliques ; que préalablement
il payera 100. mille ducats qui seront
employez au soulagement des pauvres Paroisses
du Royaume de Hongrie ; que les revenus de ses
Abbayes de sainte Sophie et de S. Marc in Lermis
seront administrez par les Commissaires
qui seront nommez par le Pape , et qu'il ne conservera
aucune Jurisdiction spirituelle ni temporelle
sur les deux Abbayes , et sur tous les Benefices
ayant charge d'ames .
Aussi tôt que le Pape eut signé ce Jugement ,
il fut signifié au Cardinal Coscia , lequel après
avoir demeuré quelque temps sans parler , demanda
une Cassette, sous prétexte qu'il avoit be- L. Vol
soim
1224 MERCURE DE FRANCE
soin d'y prendre quelques Elexirs , et l'Officier
qui commandoit la Garde mise auprès de lui de
puis le 28. d'Avril , y ayant trouvé deux paquets.
de papiers , s'en saisit et les envoya à M. Ricci ,
Commissaire General des Armées , qui les porta
au Cardinal Secretaire d'Etat ; le soir on condui .
sit le Cardinal Coscia au Château S. Ange , et le
bruit court que M. Coscia , son frere , sera relégué
dans la Citadelle de Perouse.
Le Pape a déclaré qu'il vouloit non- seulement
que le Jugement prononcé coutre le Cardinal
Coscia , fút executé dans toute sa rigueur , mais
encore que ce Cardinal subît les peines portées .
par l'ancien Decret publié contre lui , par lequel
il étoit ordonné que pour être sorti de l'Etat Ecclesiastique
sans permission , et pour n'être point
revenu dans le terme de six mois , qui lui avoit
été accordé , il seroit interdit de toutes fonctions
Ecclesiastiques , privé de ses revenus , ainsi que
de toutes prérogatives , immunitez et exemptions
et même de l'entrée de l'Eglise , incapable de
conférer aucun Benefice , et de disposer par testament
d'aucun des biens qu'il avoit reçûs du
S. Siege.
La République de Génes a accordé la liberté
aux quatre Chefs des Mécontens de l'Ile de
Corse ; Don Louis Clafferi et l'Abbé Astelli ,
deux d'entre eux ont même obtenu du Gouvernement
, le premier , une pension de cent écus
par mois , avec Commission de Capitaine , er le
second, un Bencfice ; les deux autres ont refusé
d'être élargis , parce qu'on n'a pas voulu leur
permettre de retourner en Corse , où ils ont des
revenus considérables .
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Résumé : ITALIE.
Le 9 mai, le Pape a signé un jugement de la Congrégation de Nonnullis condamnant le Cardinal Coscia à dix ans de prison au Château Saint-Ange. Ce jugement le prive de ses droits de vote lors des élections papales et interdit aux cardinaux de l'appeler au conclave. Toute élection où Coscia aurait voté serait nulle. Il reste excommunié jusqu'à la restitution des sommes acquises illégalement, qui seront distribuées aux pauvres. Il doit également payer 100 000 ducats pour aider les paroisses du Royaume de Hongrie. Les revenus de ses abbayes seront administrés par des commissaires nommés par le Pape, et il perd toute juridiction sur ces abbayes et bénéfices. Après la signature du jugement, des papiers compromettants ont été trouvés en sa possession. Le Pape a également déclaré que Coscia subirait les peines d'un ancien décret pour être sorti de l'État ecclésiastique sans permission. Par ailleurs, la République de Gênes a libéré quatre chefs des mécontents de l'île de Corse, accordant à deux d'entre eux des pensions et des bénéfices, tandis que les deux autres ont refusé la liberté pour ne pas pouvoir retourner en Corse.
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19
p. 2021-2025
Causes celebres et interessantes, &c. [titre d'après la table]
Début :
CAUSES CELEBRES et interessantes, avec les Jugemens qui les ont décidées, [...]
Mots clefs :
Causes célèbres, Jugement, Cause, Juges, Public, Enfant, Histoire, Gueux, Urbain Grandier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Causes celebres et interessantes, &c. [titre d'après la table]
CAUSES CELEBRES et interessantes
, avec les Jugemens qui les ont décidées
, recueillies par M*** Avocat au
Parlement. 2. vol. in 12. A Paris , chez
la veuve Delaulne et Cavelier , ruë saint
Facques , et chez le Gras et de Neuilly ,
an Palais , M. DCC . XXXIII.
- Cet Ouvrage est un choix de ces Causes
qui ont excité la curiosité universelle, lorsqu'elles
ont été en mouvement. Elles ont fait
l'empressement du Public , le sujet de l'entretien
des honnêtes gens et du Peuple.
Elles ont attiré la foule aux Audiances ,
et ont laissé les Esprits, en suspens , dans
Pattente du Fugement que les Magistrats
F devoient
2022 MERCURE DE FRANCE
devoient prononcer , et cette suspension les
a occupez et interessez.
•
Les gens du Monde , et sur tout du
beau Monde , n'entreprennent gueres de
lire les Recueils d'Arrêts qu'on a donnés.
au Public ; on y voit des Procès secs et
épineux hérissez des termes de la procédure.
Ces Ouvrages ne sont , ce semble
, destinez qu'aux Jurisconsultes , et à
la Nation des Plaideurs . Mais un Recueil
de ces grandes Causes si suscepti
bles des ornemens de l'Eloquence , d'où
l'on a eû soin d'ôter les épines du Pafais
, ne peut être que d'une agréable
lecture. On a encore l'avantage , comme
parle l'Auteur , d'y découvrir les Mysteres
de la Jurisprudence. Pour réussir
dans un pareil dessein , il faut unir à la
science de l'Avocat , Part d'écrire . Sans
cela on ne peut pas soutenir le poids de
cet Ouvrage. On ne veut point préve
nir ici le Jugement du Public sur le mé
rite de l'Auteur , tout ce que nous dirons
, c'est que ce Livre nous a parû fort
curieux , et les matieres interessantes ,
*
Dans le premier Tome on voit d'a- ·
bord l'Histoire du faux Martin Guerre
le plus impudent peut- être de tous les
imposteurs. C'est un faux Amphitrion
qui dispute au véritable son état. La se
conde
SEPTEMBRE. 1733. 2023
conde , Alcmene , Epouse du second Amphitrion
, étoit sans doute , suivant le
portrait qu'on nous en fait , plus belle
que la premiere.
Dans l'histoire suivante d'une fille qui
sauva la vie à son Amant , on juge que
son Plaidoyer éloquent et pathétique, a
dû attendrir ses Juges.
La Cause du Gueux de Vernon et de
Enfant reclamé par deux Meres , sont
deux sujets très-propres à exercer l'éloquence
des Avocats et les lumieres des
Juges. Toute une Ville veut remplacer
par un Gueux l'Enfant qu'une Bourgeoi
se aisée avoit perdu . Un Enfant de qua
lité , enlevé au moment de sa naissance ,
dénué de tous les titres qui pouvoient
prouver son état , est conservé miracu
leusement , pour ainsi dire , et vient se
jetter entre les bras de sa mere au bout
de neuf ans. Il a le bonheur de prouver
son Etat , quoique la mort air enlevé
ceux qui le lui ont ravi . Ce triomphe
de la verité lui fait beaucoup d'honneur ,
c'est peut-être celui qui a le plus coûté.
N'oublions pas de dire qu'après la Cause
du Gueux de Vernon , il y a un Plaidoyer
de M. Foureroy , en faveur des Médecins,
qui peut bien les dédommager des railleries
de Moliere.
Fij L'His2024
MERCURE DE FRANCE
L'Histoire de la Marquise de Brinvil→
liers est ensuite exposée dans toutes ses
circonstances. Le caractere de cette celebre
Criminelle est prodigieux et horrible
tout à la fois. On traite incidemment
une question fort curieuse sur la
Confession auriculaire.
Le sort funeste du sieur d'Anglade ,
fait le sujet de la derniere Cause du premier
Tome. Il est difficile de refuser des
larmes à la destinée de cet Innocent cons
damné , malgré la droiture et l'intégrité
des Juges, On voudroit pouvoir effacer.
ce Jugement des Archives du Palais et
de la mémoire des hommes. Les Jurisconsultes
trouveront une question bien
approfondie sur les dommages , interêts
dûs à l'innocence proscrite par un Jugement,
Le second Tome ne contient que deux
Causes. La premiere est celle du fameux
Caille. Un Parlement qui le déclare Cail
le , dans son Jugement ; un autre qui le
déclare P. Mege , dans le sien , font voir .
que la vraye décision étoit bien difficile
rencontrer, A la fin de cette Cause
on trouve la Lettre d'une Dame , où
l'on voit dans le Jugement qu'elle porte,
jusqu'où peut aller le bon sens d'une
femme d'esprit.
Le
↑
SEPTEMBRE
. 1733. 2025
Le sort tragique d'Urbain Grandier ;
accusé de Magie , est le sujet de la se
conde Cause . Une cabale puissante , un
grand Ministre , et des Juges Superieurs
mirent ce Grandier dans le rang des Ma→
giciens. Des Religieuses se donnerent
pour possédées de la façon de Grandier ;
elles firent illusion aux gens crédules ,
imposerent silence aux incrédules, et conduisirent
la Picce jusqu'à son dénoüment
, c'est-à-dire , jusqu'à la mort violente
de celui qu'elles avoient travesti en
Magicien.
L'Auteur entreprend une vaste carrie
re ; s'il peut la fournir , sa course durera
long-temps , puisqu'il parcourt tous les
Tribunaux
, et qu'il les regarde tous comme
étant de la compétence
de son Projet.
, avec les Jugemens qui les ont décidées
, recueillies par M*** Avocat au
Parlement. 2. vol. in 12. A Paris , chez
la veuve Delaulne et Cavelier , ruë saint
Facques , et chez le Gras et de Neuilly ,
an Palais , M. DCC . XXXIII.
- Cet Ouvrage est un choix de ces Causes
qui ont excité la curiosité universelle, lorsqu'elles
ont été en mouvement. Elles ont fait
l'empressement du Public , le sujet de l'entretien
des honnêtes gens et du Peuple.
Elles ont attiré la foule aux Audiances ,
et ont laissé les Esprits, en suspens , dans
Pattente du Fugement que les Magistrats
F devoient
2022 MERCURE DE FRANCE
devoient prononcer , et cette suspension les
a occupez et interessez.
•
Les gens du Monde , et sur tout du
beau Monde , n'entreprennent gueres de
lire les Recueils d'Arrêts qu'on a donnés.
au Public ; on y voit des Procès secs et
épineux hérissez des termes de la procédure.
Ces Ouvrages ne sont , ce semble
, destinez qu'aux Jurisconsultes , et à
la Nation des Plaideurs . Mais un Recueil
de ces grandes Causes si suscepti
bles des ornemens de l'Eloquence , d'où
l'on a eû soin d'ôter les épines du Pafais
, ne peut être que d'une agréable
lecture. On a encore l'avantage , comme
parle l'Auteur , d'y découvrir les Mysteres
de la Jurisprudence. Pour réussir
dans un pareil dessein , il faut unir à la
science de l'Avocat , Part d'écrire . Sans
cela on ne peut pas soutenir le poids de
cet Ouvrage. On ne veut point préve
nir ici le Jugement du Public sur le mé
rite de l'Auteur , tout ce que nous dirons
, c'est que ce Livre nous a parû fort
curieux , et les matieres interessantes ,
*
Dans le premier Tome on voit d'a- ·
bord l'Histoire du faux Martin Guerre
le plus impudent peut- être de tous les
imposteurs. C'est un faux Amphitrion
qui dispute au véritable son état. La se
conde
SEPTEMBRE. 1733. 2023
conde , Alcmene , Epouse du second Amphitrion
, étoit sans doute , suivant le
portrait qu'on nous en fait , plus belle
que la premiere.
Dans l'histoire suivante d'une fille qui
sauva la vie à son Amant , on juge que
son Plaidoyer éloquent et pathétique, a
dû attendrir ses Juges.
La Cause du Gueux de Vernon et de
Enfant reclamé par deux Meres , sont
deux sujets très-propres à exercer l'éloquence
des Avocats et les lumieres des
Juges. Toute une Ville veut remplacer
par un Gueux l'Enfant qu'une Bourgeoi
se aisée avoit perdu . Un Enfant de qua
lité , enlevé au moment de sa naissance ,
dénué de tous les titres qui pouvoient
prouver son état , est conservé miracu
leusement , pour ainsi dire , et vient se
jetter entre les bras de sa mere au bout
de neuf ans. Il a le bonheur de prouver
son Etat , quoique la mort air enlevé
ceux qui le lui ont ravi . Ce triomphe
de la verité lui fait beaucoup d'honneur ,
c'est peut-être celui qui a le plus coûté.
N'oublions pas de dire qu'après la Cause
du Gueux de Vernon , il y a un Plaidoyer
de M. Foureroy , en faveur des Médecins,
qui peut bien les dédommager des railleries
de Moliere.
Fij L'His2024
MERCURE DE FRANCE
L'Histoire de la Marquise de Brinvil→
liers est ensuite exposée dans toutes ses
circonstances. Le caractere de cette celebre
Criminelle est prodigieux et horrible
tout à la fois. On traite incidemment
une question fort curieuse sur la
Confession auriculaire.
Le sort funeste du sieur d'Anglade ,
fait le sujet de la derniere Cause du premier
Tome. Il est difficile de refuser des
larmes à la destinée de cet Innocent cons
damné , malgré la droiture et l'intégrité
des Juges, On voudroit pouvoir effacer.
ce Jugement des Archives du Palais et
de la mémoire des hommes. Les Jurisconsultes
trouveront une question bien
approfondie sur les dommages , interêts
dûs à l'innocence proscrite par un Jugement,
Le second Tome ne contient que deux
Causes. La premiere est celle du fameux
Caille. Un Parlement qui le déclare Cail
le , dans son Jugement ; un autre qui le
déclare P. Mege , dans le sien , font voir .
que la vraye décision étoit bien difficile
rencontrer, A la fin de cette Cause
on trouve la Lettre d'une Dame , où
l'on voit dans le Jugement qu'elle porte,
jusqu'où peut aller le bon sens d'une
femme d'esprit.
Le
↑
SEPTEMBRE
. 1733. 2025
Le sort tragique d'Urbain Grandier ;
accusé de Magie , est le sujet de la se
conde Cause . Une cabale puissante , un
grand Ministre , et des Juges Superieurs
mirent ce Grandier dans le rang des Ma→
giciens. Des Religieuses se donnerent
pour possédées de la façon de Grandier ;
elles firent illusion aux gens crédules ,
imposerent silence aux incrédules, et conduisirent
la Picce jusqu'à son dénoüment
, c'est-à-dire , jusqu'à la mort violente
de celui qu'elles avoient travesti en
Magicien.
L'Auteur entreprend une vaste carrie
re ; s'il peut la fournir , sa course durera
long-temps , puisqu'il parcourt tous les
Tribunaux
, et qu'il les regarde tous comme
étant de la compétence
de son Projet.
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Résumé : Causes celebres et interessantes, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'CAUSES CELEBRES et intéressantes' est une compilation de causes judiciaires remarquables, rédigée par un avocat au Parlement. Ces affaires ont suscité une grande curiosité publique et ont été le sujet de discussions tant parmi les honnêtes gens que parmi le peuple. Elles ont attiré une foule nombreuse aux audiences, laissant les esprits en suspens dans l'attente des jugements des magistrats. Contrairement aux recueils d'arrêts traditionnels, souvent secs et techniques, cet ouvrage offre des récits enrichis par l'éloquence et dépourvus du jargon juridique. Il vise à rendre la jurisprudence accessible et agréable à un public plus large, y compris les gens du monde et du beau monde. Le premier tome présente plusieurs causes célèbres, telles que l'histoire du faux Martin Guerre, un imposteur qui usurpa l'identité d'un autre homme. D'autres affaires notables incluent celle d'une fille sauvant la vie de son amant grâce à un plaidoyer éloquent, l'histoire du Gueux de Vernon et d'un enfant réclamé par deux mères. Le tome aborde également la cause de la Marquise de Brinvilliers, une criminelle célèbre, et le sort tragique du sieur d'Anglade, un innocent condamné malgré la droiture des juges. Le second tome contient deux causes : celle du fameux Caille, dont les jugements divergents illustrent la difficulté de la vérité judiciaire, et l'histoire tragique d'Urbain Grandier, accusé de magie et condamné à mort suite à une cabale puissante. L'auteur ambitionne de couvrir toutes les juridictions, rendant son projet vaste et ambitieux.
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20
p. 2633-2641
LETTRE sur la HENRIADE, écrite par M. Antonio Coichy, Lecteur de Pise, à Monsignor Rinveimi, Sécretaire d'Etat de Florence, traduite par M. le Baron de C. Chambellan du Roi de Suede.
Début :
Selon moi, Monseigneur, il n'y a rien de plus beau que le Poëme de [...]
Mots clefs :
Poème, Henriade, Poète, Homère, Poètes, Style, Jugement, Poésie, Virgile, Voltaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur la HENRIADE, écrite par M. Antonio Coichy, Lecteur de Pise, à Monsignor Rinveimi, Sécretaire d'Etat de Florence, traduite par M. le Baron de C. Chambellan du Roi de Suede.
LETTRE fur la HENRIADE , écrite
par M. Antonio Coichy , Lecteur de
Pise , à Monsignor Rinveimi , Secretaire
d'Etat de Florence , traduite parM.
le Baron de C. Chambellan du Roi de
Suede.
S
Elon moi , Monseigneur , il n'y a
rien de plus beau que le Poëme de
la Henriade que vous avez eu la bonté de
me préter.
J'ose vous dire mon jugement avec
d'autant plus d'assurance , que j'ai remarqué
qu'ayant lû quelques pages de
ce Poëme à gens de differente condition ,
1. Vol.
de
2634 MERCURE DE FRANCE
f
de différent génie , adonnez à divers genres
d'érudition , tout cela n'a pas empêché
la Henriade de plaire également à
tous , ce qui est la preuve la plus certaine
que l'on puisse aporter de sa perfection
réelle.
Les Actions chantées dans la Henriade
regardent , à la verité , les François plus
particulierement que nous ; mais comme
elle sont véritables , grandes , simples
fondées sur la justice et entre- mêlées
d'incidens qui frappent , elles excitent
l'attention de tout le monde ?
Qui est celui qui ne se plairoit point
à voir une rébellion étouffée , et l'héri
tier du trône, s'y maintenir en assiégeant
sa Capitale rebelle , en donnant une
sanglante Bataille , et en prenant toutes
les mesures dans fesquelles la force , la
valeur , la prudence et la générosité brillent
à l'envi?
Il eft vrai que certaines circonstances
Historiques sont changées dans le Poëme;
mais outre que les veritables sont notoi
yes et recentes , ces changemens étant
ajustez à la vraisemblance , ne doivent
point embarrasser l'esprit d'un Lecteur
, tant soit peu accoutumé à considerer
un Poëme comme l'imitation du possible
et de l'ordinaire liez ensemble par
des fictions ingenieuses. Tous
DECEM DA E. 1733. 2635
a
Tout l'Eloge que puisse jamais meriter
un Poëme pour le bon choix de son sujet
est certainement dû à la Henriade , d'autant
plus que par une suite naturelle il
été nécessaire d'y raconter le massacre de
la S. Barthelemy ,le meurtre de Henri III .
la Bataille d'Yvri et la famine de Paris
Evenemens tous vrais , tous extraordinaires
, tous terribles , et tous représentez ,
avec cette admirable vivacité qui excite
dans le spectateur et de l'horreur et de
la compassion : effets que doivent produire
pareilles peintures ,quand elles sont
de main de Maître.
Le nombre d'Acteurs dans la Henriade
n'est pas grand , mais ils sont tous remarquables
dans leur Rôle , et extrémement
bien dépeints dans leurs moeurs.
Le Caractere du Héros , Henri IV. est
d'autant plus incomparable que l'on y
voit la valeur , la prudence militaire
l'humanité et l'amour s'entre -disputer le
pas , et se le céder tour à tour et toujours
à propos pour sa gloire .
Celui de Mornais , son ami intime , est
certainement rare il est representé
comme un Philosophe sçavant , courageux
, prudent et bon.
Les Etres invisibles , sans l'entre- mise
desquels les Poëtes n'oseroient entrepren-
I. Vol, dre
2636 MERCURE DE FRANCE
dre un Poëme , sont bien ménagez dans
eclui- ci et aisez à suposer ; tels sont l'ame
de S. Louis et quelques passions humaimes
personifiées , encore l'Auteur les à- t'il
employées avec tant de jugement et d'oeconomie
, que l'on peut facilement les
prendre pour des allegories.
En voyant que ce Poëme soutient
toujours sa beauté sans être farci , comme
tous les autres d'une infinité d'Agens surnaturels
, cela m'a confirmé dans l'idée
quej'ai toujours eûe, que si on retranchoit
de la Poësie épique ces personnages imaginaires
, invisibles , et tout puissants , et
qu'on les remplaçat comme dans les Tragédies
par des personnages réels , le
Poëme n'en deviendroit que plus beau .
Ce qui m'a d'abord fait venir cette
pensée, c'est d'avoir observé que dans Homere,
Virgile, Dante , Arioste, le Tasse,
Milton,et en un mot dans tous ceux que
j'ai lûs , les plus beaux Endroits de leurs
Poëmes n'y sont pas ceux où ils font agir
ou parler les Dieux , le Diable , le Destin
et les Esprits ; au contraire tout cela
souvent fait rire sans jamais produire
dans le coeur ces sentimens touchants qui
naissent de la représentation de quelque
action insigne, proportionnée à la capaci
té de l'homme notre égal, et qui ne passe
1. Vol.
point
DECEMBRE. 1733. 2639
2637
point la Sphere ordinaire des passions de
-notre ame .
C'est pourquoi j'ai admiré le jugement
de ce Poëte , qui pour renfermer sa fiction
dans les bornes de la vraisemblance,
et des facultez humaines , a placé le
transport
de son Hétos au Ciel et aux
Enfers dans un songe dans lequel ces sortes
de visions peuvent paroître naturelles
et croiables .
>
D'ailleurs il faut avouer que sur la
constitution de l'Univers , sur les Loix
de la nature sur la Morale et sur l'idée
qu'il faut se former du mal et du bien,
des vertus et du vice , le Poëte sur tout
cela a parlé avec tant de force et de
justesse que l'on ne peut s'empêcher de
reconnoître en lui un genie superieur et
une connoissance parfaite de tout ce
que les Philosophes Modernes ont de
plus raisonnable dans leur systême.
Il semble raporter toute la science à
inspirer au Monde entier une espece d'amitié
universelle et une horreur générapour
la cruauté et pour le Fanatisme.
le
Également ennemi de l'irréligion , le
Poëte dans les disputes que notre raison
ne sçauroit décider , qui dépendent de la
révélation , adjuge avec modestie et solidité
la préference à notre Doctrine Romai-
I. Vol.
1 E ne
2638 MERCURE DE FRANCE
ne, dont il éclaircit même plusieurs obscuritez.
Pour juger de son stile il seroit néces
saire de connoître toute l'étendue et la
force de sa langue ; habilité à laquelle il
est presque impossible qu'un étranger
puisse atteindre , et sans laquelle il n'est
pas facile d'approfondir la pureté de la
diction.
Tout ce que je puis dire là - dessus
c'est qu'à l'oreille ses vers paroissent aisez
et harmonieux , et que dans tout le
Poëme je n'ai trouvé rien de puerile ,
rien de languissant , ni aucune fausse
pensée , défauts dont les plus excellents
Poëtes ne sont pas tout-à- fait exempts.
Dans Homere et dans Virgile, on en voit
quelques-uns , mais rares ; on en trouve
beaucoup dans les principaux , ou pour
mieux dire, dans tous les Poëtes de Langues
modernes, et sur tout dans ceux de
la seconde Classe de l'Antiquité..
A l'égard du stile , je puis encore ajouter
une expérience qui j'ai faite qui donne
beaucoup à présumer en faveur du sien .
Ayant traduit ce Poëme couramment
en le lisant à différentes personnes , je m
suis apperçû qu'elles en ont senti toute l
grace et la majesté ; indice infaillible qu
le stile en est très excellent , aussi l'Au
1.Vol. teu
DECEMBRE. 1733. 2639
teur se sert- il d'une noble simplicité et
briéveté pour exprimer des choses difficiles
et vastes , sans néanmoins rien laisser
à désirer pour leur entiere intelligentalent
bien rare , et qui fait l'essence
du vrai sublime .
ce ,
>
Après avoir fait connoître en general
le prix et le mérite de ce Poëme
il est
inutile d'entrer dans un détail particulier
de ses beautez les plus éclatantes. Il y en
a, je l'avouë, plusieurs dont je crois reconnoître
les Originaux dans Homere, et sut
tout dans l'Iliade , copiée depuis avec différens
succès par tous les Poëtes posterieurs
; mais on trouve aussi dans ce
Poëme une infinité de beautez qui semblent
neuves, et appartenir en propre à la
Henriade.
Telle est , par exemple , la noblesse et
l'allegorie de tout le 4me. Livre ; l'endroit
où le Poëte représente l'infame
meurtre d'Henri III. et sa juste réfléxion
pag.. sur ce misérable assassin . Edition
de Londres 1733. chez Innis.
C'est encore quelque chose de nouveau
dans la Poësie que le discours ingenieux
que l'on lit au milieu de la page 145 .
sur les châtimens à subir après la mort.
Il ne me souvient pas non plus d'avoir
vû ailleurs ce beau trait qu'il met page
✓ 1. Vol. Eij: I 12,
2640 MERCURE DE FRANCE
112. dans ce caractere de Mornais , qu'il
combattoit sans vouloir tuer personne.
La mort du jeune d'Ailly massacré par
son pere sans en être connu , m'a fait
verser des larmes quoique j'eusse là une
avanture un peu semblable dans le Tasses
mais celle de M. de Voltaire , étant décrite
avec plus de précision , m'a paru
nouvelle et plus sublime.
Les vers page 175. sur l'Amitié sont
d'une beauté inimitable , et rien ne les
égale , si ce n'est la Description de la
modestie de la belle d'Estrée page , 197 .
Enfin dans ce Poëme sont répanduës
mille graces qui démontrent que l'Auteur
né avec un goût infini pour le beau,
s'est perfectionné encore davantage par
une application infatigable à toute sorte
de Science , afin de devoir sa réputation
moins à la nature qu'à lui-même.
Plus il y a réussi , plus il est obligeant
envers notre Italie , d'avoir dans un
discours à la suite de son Poëme préferé
Virgile et notre Tasse à toute autre Poëte
quoique nous n'osions nous mêmes les
égaler à Homere , qui a été le premier
Fondateur de la belle Poësie.
Une légere indisposition et de petites
affaires m'ont empêché , Monseigneur
d'obéïr plûtôt à l'ordre que vous m'a
I. Vol.
いvez
DECEMBRE 1733. 2643
vez donné de vous rendre compte de
eet Ouvrage , j'espere que vous en pardonnerez
le délai , en vous suppliant de
me croire avec respect , Monseigneur
votre , & c.
par M. Antonio Coichy , Lecteur de
Pise , à Monsignor Rinveimi , Secretaire
d'Etat de Florence , traduite parM.
le Baron de C. Chambellan du Roi de
Suede.
S
Elon moi , Monseigneur , il n'y a
rien de plus beau que le Poëme de
la Henriade que vous avez eu la bonté de
me préter.
J'ose vous dire mon jugement avec
d'autant plus d'assurance , que j'ai remarqué
qu'ayant lû quelques pages de
ce Poëme à gens de differente condition ,
1. Vol.
de
2634 MERCURE DE FRANCE
f
de différent génie , adonnez à divers genres
d'érudition , tout cela n'a pas empêché
la Henriade de plaire également à
tous , ce qui est la preuve la plus certaine
que l'on puisse aporter de sa perfection
réelle.
Les Actions chantées dans la Henriade
regardent , à la verité , les François plus
particulierement que nous ; mais comme
elle sont véritables , grandes , simples
fondées sur la justice et entre- mêlées
d'incidens qui frappent , elles excitent
l'attention de tout le monde ?
Qui est celui qui ne se plairoit point
à voir une rébellion étouffée , et l'héri
tier du trône, s'y maintenir en assiégeant
sa Capitale rebelle , en donnant une
sanglante Bataille , et en prenant toutes
les mesures dans fesquelles la force , la
valeur , la prudence et la générosité brillent
à l'envi?
Il eft vrai que certaines circonstances
Historiques sont changées dans le Poëme;
mais outre que les veritables sont notoi
yes et recentes , ces changemens étant
ajustez à la vraisemblance , ne doivent
point embarrasser l'esprit d'un Lecteur
, tant soit peu accoutumé à considerer
un Poëme comme l'imitation du possible
et de l'ordinaire liez ensemble par
des fictions ingenieuses. Tous
DECEM DA E. 1733. 2635
a
Tout l'Eloge que puisse jamais meriter
un Poëme pour le bon choix de son sujet
est certainement dû à la Henriade , d'autant
plus que par une suite naturelle il
été nécessaire d'y raconter le massacre de
la S. Barthelemy ,le meurtre de Henri III .
la Bataille d'Yvri et la famine de Paris
Evenemens tous vrais , tous extraordinaires
, tous terribles , et tous représentez ,
avec cette admirable vivacité qui excite
dans le spectateur et de l'horreur et de
la compassion : effets que doivent produire
pareilles peintures ,quand elles sont
de main de Maître.
Le nombre d'Acteurs dans la Henriade
n'est pas grand , mais ils sont tous remarquables
dans leur Rôle , et extrémement
bien dépeints dans leurs moeurs.
Le Caractere du Héros , Henri IV. est
d'autant plus incomparable que l'on y
voit la valeur , la prudence militaire
l'humanité et l'amour s'entre -disputer le
pas , et se le céder tour à tour et toujours
à propos pour sa gloire .
Celui de Mornais , son ami intime , est
certainement rare il est representé
comme un Philosophe sçavant , courageux
, prudent et bon.
Les Etres invisibles , sans l'entre- mise
desquels les Poëtes n'oseroient entrepren-
I. Vol, dre
2636 MERCURE DE FRANCE
dre un Poëme , sont bien ménagez dans
eclui- ci et aisez à suposer ; tels sont l'ame
de S. Louis et quelques passions humaimes
personifiées , encore l'Auteur les à- t'il
employées avec tant de jugement et d'oeconomie
, que l'on peut facilement les
prendre pour des allegories.
En voyant que ce Poëme soutient
toujours sa beauté sans être farci , comme
tous les autres d'une infinité d'Agens surnaturels
, cela m'a confirmé dans l'idée
quej'ai toujours eûe, que si on retranchoit
de la Poësie épique ces personnages imaginaires
, invisibles , et tout puissants , et
qu'on les remplaçat comme dans les Tragédies
par des personnages réels , le
Poëme n'en deviendroit que plus beau .
Ce qui m'a d'abord fait venir cette
pensée, c'est d'avoir observé que dans Homere,
Virgile, Dante , Arioste, le Tasse,
Milton,et en un mot dans tous ceux que
j'ai lûs , les plus beaux Endroits de leurs
Poëmes n'y sont pas ceux où ils font agir
ou parler les Dieux , le Diable , le Destin
et les Esprits ; au contraire tout cela
souvent fait rire sans jamais produire
dans le coeur ces sentimens touchants qui
naissent de la représentation de quelque
action insigne, proportionnée à la capaci
té de l'homme notre égal, et qui ne passe
1. Vol.
point
DECEMBRE. 1733. 2639
2637
point la Sphere ordinaire des passions de
-notre ame .
C'est pourquoi j'ai admiré le jugement
de ce Poëte , qui pour renfermer sa fiction
dans les bornes de la vraisemblance,
et des facultez humaines , a placé le
transport
de son Hétos au Ciel et aux
Enfers dans un songe dans lequel ces sortes
de visions peuvent paroître naturelles
et croiables .
>
D'ailleurs il faut avouer que sur la
constitution de l'Univers , sur les Loix
de la nature sur la Morale et sur l'idée
qu'il faut se former du mal et du bien,
des vertus et du vice , le Poëte sur tout
cela a parlé avec tant de force et de
justesse que l'on ne peut s'empêcher de
reconnoître en lui un genie superieur et
une connoissance parfaite de tout ce
que les Philosophes Modernes ont de
plus raisonnable dans leur systême.
Il semble raporter toute la science à
inspirer au Monde entier une espece d'amitié
universelle et une horreur générapour
la cruauté et pour le Fanatisme.
le
Également ennemi de l'irréligion , le
Poëte dans les disputes que notre raison
ne sçauroit décider , qui dépendent de la
révélation , adjuge avec modestie et solidité
la préference à notre Doctrine Romai-
I. Vol.
1 E ne
2638 MERCURE DE FRANCE
ne, dont il éclaircit même plusieurs obscuritez.
Pour juger de son stile il seroit néces
saire de connoître toute l'étendue et la
force de sa langue ; habilité à laquelle il
est presque impossible qu'un étranger
puisse atteindre , et sans laquelle il n'est
pas facile d'approfondir la pureté de la
diction.
Tout ce que je puis dire là - dessus
c'est qu'à l'oreille ses vers paroissent aisez
et harmonieux , et que dans tout le
Poëme je n'ai trouvé rien de puerile ,
rien de languissant , ni aucune fausse
pensée , défauts dont les plus excellents
Poëtes ne sont pas tout-à- fait exempts.
Dans Homere et dans Virgile, on en voit
quelques-uns , mais rares ; on en trouve
beaucoup dans les principaux , ou pour
mieux dire, dans tous les Poëtes de Langues
modernes, et sur tout dans ceux de
la seconde Classe de l'Antiquité..
A l'égard du stile , je puis encore ajouter
une expérience qui j'ai faite qui donne
beaucoup à présumer en faveur du sien .
Ayant traduit ce Poëme couramment
en le lisant à différentes personnes , je m
suis apperçû qu'elles en ont senti toute l
grace et la majesté ; indice infaillible qu
le stile en est très excellent , aussi l'Au
1.Vol. teu
DECEMBRE. 1733. 2639
teur se sert- il d'une noble simplicité et
briéveté pour exprimer des choses difficiles
et vastes , sans néanmoins rien laisser
à désirer pour leur entiere intelligentalent
bien rare , et qui fait l'essence
du vrai sublime .
ce ,
>
Après avoir fait connoître en general
le prix et le mérite de ce Poëme
il est
inutile d'entrer dans un détail particulier
de ses beautez les plus éclatantes. Il y en
a, je l'avouë, plusieurs dont je crois reconnoître
les Originaux dans Homere, et sut
tout dans l'Iliade , copiée depuis avec différens
succès par tous les Poëtes posterieurs
; mais on trouve aussi dans ce
Poëme une infinité de beautez qui semblent
neuves, et appartenir en propre à la
Henriade.
Telle est , par exemple , la noblesse et
l'allegorie de tout le 4me. Livre ; l'endroit
où le Poëte représente l'infame
meurtre d'Henri III. et sa juste réfléxion
pag.. sur ce misérable assassin . Edition
de Londres 1733. chez Innis.
C'est encore quelque chose de nouveau
dans la Poësie que le discours ingenieux
que l'on lit au milieu de la page 145 .
sur les châtimens à subir après la mort.
Il ne me souvient pas non plus d'avoir
vû ailleurs ce beau trait qu'il met page
✓ 1. Vol. Eij: I 12,
2640 MERCURE DE FRANCE
112. dans ce caractere de Mornais , qu'il
combattoit sans vouloir tuer personne.
La mort du jeune d'Ailly massacré par
son pere sans en être connu , m'a fait
verser des larmes quoique j'eusse là une
avanture un peu semblable dans le Tasses
mais celle de M. de Voltaire , étant décrite
avec plus de précision , m'a paru
nouvelle et plus sublime.
Les vers page 175. sur l'Amitié sont
d'une beauté inimitable , et rien ne les
égale , si ce n'est la Description de la
modestie de la belle d'Estrée page , 197 .
Enfin dans ce Poëme sont répanduës
mille graces qui démontrent que l'Auteur
né avec un goût infini pour le beau,
s'est perfectionné encore davantage par
une application infatigable à toute sorte
de Science , afin de devoir sa réputation
moins à la nature qu'à lui-même.
Plus il y a réussi , plus il est obligeant
envers notre Italie , d'avoir dans un
discours à la suite de son Poëme préferé
Virgile et notre Tasse à toute autre Poëte
quoique nous n'osions nous mêmes les
égaler à Homere , qui a été le premier
Fondateur de la belle Poësie.
Une légere indisposition et de petites
affaires m'ont empêché , Monseigneur
d'obéïr plûtôt à l'ordre que vous m'a
I. Vol.
いvez
DECEMBRE 1733. 2643
vez donné de vous rendre compte de
eet Ouvrage , j'espere que vous en pardonnerez
le délai , en vous suppliant de
me croire avec respect , Monseigneur
votre , & c.
Fermer
Résumé : LETTRE sur la HENRIADE, écrite par M. Antonio Coichy, Lecteur de Pise, à Monsignor Rinveimi, Sécretaire d'Etat de Florence, traduite par M. le Baron de C. Chambellan du Roi de Suede.
Dans sa lettre à Monsignor Rinveimi, Antonio Coichy exalte la 'Henriade' de Voltaire, soulignant son succès auprès de divers lecteurs, ce qui atteste de sa perfection. Le poème épique, bien que centré sur des événements français, est apprécié universellement pour sa vérité, sa grandeur et sa simplicité. Il inclut des événements historiques tels que le massacre de la Saint-Barthélemy et la bataille d'Ivry, représentés avec vivacité et émotion. Les personnages, notamment Henri IV et son ami Mornais, sont remarquablement dépeints. Coichy admire le choix des sujets et la manière dont Voltaire intègre des éléments surnaturels de façon judicieuse. Le poème évite les excès de personnages imaginaires, préférant des actions humaines et touchantes. Le style de Voltaire est jugé excellent, avec des vers harmonieux et une diction pure. La lettre mentionne également des beautés spécifiques du poème, comme la noblesse du quatrième livre et des réflexions sur la mort. Coichy conclut en soulignant le goût et la science de Voltaire, ainsi que son respect pour les grands poètes comme Virgile et le Tasse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
21
p. 136-146
SEANCES PUBLIQUES De la Société littéraire d'Arras.
Début :
La Société littéraire d'Arras tint le 30. Mars 1754 son assemblée publique ordinaire [...]
Mots clefs :
Société littéraire d'Arras, Goût, Jugement, Atrébates
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCES PUBLIQUES De la Société littéraire d'Arras.
SEANCES PUBLIQUES
De la Société littératre d'Arrass
A Société littéraire d'Arras tint lezo
LMars 175 4. fon affemblée publique or
dinaire, dont M: Le Roux, Avochr , Directeurt
en exercices , fit l'ouverture par un diſcours
fur le jugement & far le goût , dans lequel
il établit les maximes fuivantes . » Les mê
» mes regles qui fervent à former le juge
»ment , font celles qui forment le goût
>>car le jugement & le goût ne font qu'un
5
AVRIL 1755. 137
même faculté de l'ame ; quand elle juge
» par fentiment & à la premiere impreffion
» que les chofes font , c'eft le goût ; quand
elle juge par raifonnement & fur des
principes dont elle tire des conféquen
» ces , c'est le jugement : ainfi , l'on peut
» dire que le goût eft le jugement de la
" nature , & que le jugement eft le goût
» de la taifon.
M. de Brandt de Marconne , nouvel affocié
, fit enfuite fonremerciment , auquel
le Directeur répondit au nom de la Société.
* gy & bingen .
M. Cauwer , Avocat , nommé à la députation
ordinaire des Etats d'Artois , lut un
mémoire , pour fervir à l'hiftoire de Mahaut,
Comteffe d'Artois, depuis la mort de
Robert II fon pere , tué en 1 302 , devant
Courtrai , jufqu'à celle de cette Princeffe ,
arrivée le 27 Octobre 1349. Ce mémoire
contenoit , parmi beaucoup de faits intéreffans
le détail des deux premiers procès
que Robert d'Artois , Comte de Beaumontle-
Roger , intenta à Mahaut fa tante , pour
la dépofféder du Comté d'Artois , dont il
Le prétendoit légitime héritier , étant fils
de Philippe d'Artois , mort avant Robert
II fon pere. La plupart des événemens rapportés
par M. Cauwet , étoient appuyés fur
des pieces authentiques , tirées du dépôt
2
138 MERCURE DE FRANCE.
des chartres d'Artois , qui fe confervé à
Arras dans l'ancien palais des Comtes de
cette Province , nommé la Cour- le- Comte.
M. Harduin , Avocat , Secrétaire perpétuel
de la Société , lut un mémoire tiré
des registres de la ville d'Arras , concernant
les cérémonies qui s'obfervoient fous
les Ducs de Bourgogne de la feconde race
, lorfque ces Ducs , en qualité de Comtes
d'Artois , ou les Rois de France , fouverains
de la Province , faifoient leur entrée
folemnelle dans cette ville . En décri
vant la réception qui fut faite à Iſabelle
de Portugal , Ducheffe de Bourgogne , au
mois de Janvier 1430 , M. Harduin parla
de l'Abbé de Lieffe , perfonnage fingulier ,
qui s'étoit trouvé fur le paffage de cette
Princeffe , pour lui faire des préfens , &
pour lui donner le ſpectacle des jeux auxquels
il préfidóit.
Cet Abbé de Lieffe s'élifoit tous les
ans par les Officiers du Bailliage , le
» Corps de Ville & la Bourgeoifie ; & on
»lui donnoit , pour ainfi dire , l'inveftiture
de fa charge , en lui remettant une
croffe d'argent doré , du poids de quatre
onces , qu'il étoit obligé de rendre
à la fin de fon exercice . On voit dans la
lifte de ces Abbés , des Officiers munici
paux & même un Gentilhomme ; mais le
AVRIL. 1795 139
choix tomboit pour l'ordinaire fur quel
» que Marchand ou Artifan . Sa principale
» fonction étoit de donner le Dimanche
» gras , avec fes fuppôts , qu'on appelloit
» Moines , un divertiffement public fur des
» échaffauds . Outre cela , pour entretenir
» une certaine amitié avec les villes voiff
» nes , on envoyoit l'Abbé de Lieffe & fa
» troupe aux jeux qui s'y faifoient , entre
lefquels on remarque la fête du Roi des
» Sots à Lille , & celle du Prince de Plaifan-
» ce à Valenciennes. Dans ces voyages que
» l'Abbé faifoit aux dépens de la ville d'Are
»
ras , il étoit accompagné de fon prédé
>> ceffeur & de quatre Echevins. On por-
» toit devant lui un étendart de foie rou
"ge , aux armes de l'Abbaye : il étoit auffi
» précédé de plufieurs tambours & trompettes
, & d'un Héraut vêtu d'une cotte
» d'armes de damas violet : à fa fuite mar
» choient fes pages & fes laquais.
M. Camp , Avocat & Echevin d'Arras ,
lut des recherches fur le commerce & les
manufactures des Atrebates , depuis les fiée
cles Gaulois , jufqu'à la defcente des Francs
dans les Gaules. Pour montrer l'ancien
neté de ces manufactures , il s'attacha d'a+
bord à établir celle de la ville d'Arras , que
Céfar , dans fes commentaires , appelle
Nemetocenna ou Nemetofena , nom compo
140 MERCURE DE FRANCE.
fé de Nemetos & de Sena , qui ne pouvoit
fignifier parmi les Gaulois , qu'un temple
de Druides ou de Druideffes , felon l'explication
de Fortunat , de Dom Bouquet ,
& de l'auteur de la Religion des Gaulois.
Après avoir prouvé par cette étymologie ,
que la ville d'Arras étoit anciennement
un lieu confacré à la religion , M. Camp
parla du culte particulier des Gaulois envers
Mercure , Dieu des Marchands , dont
le nom , fuivant les mêmes auteurs , eft
purement celtique , & il obferva que le
nom du village de Mercatel , près d'Arras ,
qui fe trouve rendu par Mercurii tellus ,
dans les anciens titres latins , nous offre
une étymologie celtique , relative au commerce
& au culte de Mercure parmi les
Atrébates .
M. Camp examina enfuite les divers
habillemens dont les Gaulois fe fervoient ,
particulierement les Druides & les nobles.
Il s'étendit principalement fur le Sagum
gaulois , dont les Romains adopterent l'ufage
& le nom depuis leur conquête . H
prouva , par le témoignage de plufieurs
hiftoriens , combien ces peuples eftimoient
les faies des fabriques d'Arras , & il en fit
remonter l'établiffement jufqu'avant leur
irruption dans les Gaules , fondé fur des
raifons tirées des auteurs & des loix RoAVRIL.
1755 14
maines. M. Camp paffa au détail des au
tres efpeces d'étoffes que les Atrébates fabriquoient
, & des teintures qu'ils y employoient.
Il commença par les Xérampelines
, Xerampelina veftes , que Suidas appelle
par excellence Atrebaticas veftes , &
dont les anciens nous défignent la couleur
par une compofition & un mêlange admirable
de teinture , inter coccinum & muriceum.
M. C. difcuta le paffage de Trebellius
Pollio touchant les faies & les draps
d'Arras , fi vantés par l'Empereur Gallien.
Il parla fort au long des birri de foye & de
laine , birri ferici , birri lane , que les Romains
mettoient au rang de leurs plus riches
parures. Il fit voir que les Atrébates
en fabriquoient de fi beaux , qu'on les recherchoit
à Rome avec empreffement . Il
expliqua ce que dit Flavius Vopifcus , in
Carino , des birri que les habitans d'Arras
& de Canyfium envoyoient à Rome , &
combattit le fentiment du Sr. Briffon , éleve
dans les manufactures de Beauvais , qui
par une lettre inférée dans le Mercure de
Février 1750 , a voulu perfuader qu'il
étoit fimplement queſtion , dans le paffage
de Vopifcus , d'habits militaires , qu'on
avoit demandés aux Atrébates . M. C. foutint
qu'on ne pouvoit interpréter ainfi ce
paffage , puifque Vopifcus , fe plaignant
142 MERCURE DE FRANCE.
•
des Romains de fon fiécle , qui fruftroient
Heurs héritiers légitimes pour enrichir les
gens de théatre , ajoute précisément que
cette manie de leur faire des prefens s'étoit
répandue dans tout l'empire , & que
ceux d'Arras & de Canufium leur envoyoient
en pur don des birri de leurs fabriques.
M. C.termina fa differtation par
des paffages de S. Jerôme , du concile de
Gangres , de S. Auguftin , & c. qui ache
vent de démontrer la fplendeur du commerce
& des manufactures des Atrébates ,
avant l'établiſſement de la monarchie françoiſe.
M. Enlart de Grandval , Confeiller au
Confeil provincial d'Artois , affocié de
l'Académie de Montauban , fit la lecture
d'un difcours préliminaire fur l'origine des
langues , & en particulier fur la langue
françoife , ce qui lui donna occafion de
parler ainfi de l'état des lettres & des ſciences
fous le regne de Louis XV . » Les fcien-
» ces & les arts ont été dans les derniers
» tems cultivés en France avec le fuccès le
» plus étonnant ...... Un poëme héroïque
, notre feul thréfor en ce genre , les
» odes d'un nouveau Pindare , fuivi d'un
» émule égal , ont perpétué jufqu'à nos
» jours la gloire des Mufes françoifes . Mais
duffions - nous céder la prééminence au
AVRIL. 1755. 143
fiécle précédent pour les belles lettres &
» les arts agréables , le nôtre l'emporte
»pour les fciences & les arts utiles . Un
" Roi , digne fucceffeur de Louis le Grand,
» a hérité de fon eftime pour les talens , &
a continué de répandre fur eux fes fe-
» cours & fes bienfaits. Nul objet d'étude
négligé fous fon regne , nul génie fans
récompenfe. Les mers ont vu fes vaif-
» ſeaux porter fous les deux pôles , & juf
» qu'aux extrêmités de l'Occident , non ,
» comme autrefois , les productions fura-
» bondantes de nos campagnes , ou les
» richeffes multipliées de nos manufactu-
» res , mais des Philofophes , des Aftrono-
»mes , qui à travers mille dangers de tou-
» te efpece , & dans des climats où le nom
» des fciences eft un nom inconnu , ont
été mefurer le ciel , & fixer la forme de
la terre. Un fluide merveilleux , une fubf-
»tance mystérieusement cachée dans le fein
» de la nature, & qui n'avoit permis que
des foupçons à la curiofité de nos ancêtres
, a perdu un fecret gardé depuis le
» jour de fa création , & s'eft dévoilée
malgré elle à nos regards plus fubtils &
» plus pénétrans . Chaque jour nous revele
» des myfteres ignorés de la plus fçavante
antiquité . Notre vûe , aidée du fecours
» de l'art , de ce tube admirable qu'elle
144 MERCURE DE FRANCE.
» doit au grand Newton , a franchi les bor
nes prefcrites à fes organes , & s'élan
nçant d'un côté dans les vaftes efpaces du
» firmament , y.va contempler à fon gré la
» ftructure , l'ordre & la marche de ces
» corps immenfes qui nous apprennent par
» de nouveaux fpectacles , à mieux con-
» noître la main qui les fit tandis que
» d'un autre côté , s'infinuant dans des
atômes imperceptibles , elle y découvre ,
elle y confidere un nouveau monde &
» de nouveaux habitans . Tout a cédé à nos
» efforts , à nos recherches , à nos difcuf-
» fions , &c.
M. l'Abbé Simon lut des réflexions fur
la complaisance , & prouva d'abord combien
elle eft , néceffaire dans toute fociété.
Il ne faut point , dit- il , étudier long-
» tems les hommes , pour appercevoir la
diverfité de leurs goûts & de leurs hu-
» meurs. Nous différons tous par mille en-
» droits de ceux avec qui nous avons à vivre
; l'expérience de tous les jours ne le
" prouve que trop , & nous ne pouvons
» prefque faire un pas dans le monde fans
» effuyer les plus fâcheufes contrariétés .
» Partons de ce principe . Nos caracteres
» nous mettant fans ceffe en oppofition les
» uns avec les autres , quelle fociété peut
» nous unir , fi la complaifance ne nous
rapproche ?
"
AVRIL. 1755. 145
rapproche ? Tranfportons dans le commerce
de la vie un homme inflexible
qui ne fcache ce que c'eft que de plier
» fon humeur dans l'occafion : quel perfonnage
y fera-t - il ? Comment, s'il eſt
» né taciturne , fe plaira - t-il avec des par-
"leurs infatigables ? Comment , fi c'eft un
nefprit fin & délicat , fupportera- t il tant
» de génies lourds & pefans , qu'il ren-
» contrera prefque à chaque pas ? Com-
» ment , s'il eſt enjoué , ſympatiſera - t - il
» avec un homme férieux , dont une couche
épaiffe de gravité obfcurcit toujours
» le vifage ? avec un cacochyme , un hy-
» pocondriaque , qui n'offrira à fes yeux
qu'un flegme rebutant , & dont le front
» couvert d'un deuil éternel , ne fe déride
jamais ? Si partifan des hautes fciences, il
» n'aime que les entretiens fublimes , com-
» ment pourra-t- il fe prêter à des converfations
puériles , &c? Incapable de transformer
fon inclination en celle des au-
» tres , également ennuyé & ennuyeux , il
» ne fera que porter en tous lieux la gêne
» & la contrainte.
10
33
22
→
Après quelques portraits détaillés , qui
firent fentir de plus en plus la néceffité de
la complaifance , M. l'Abbé S. eut foin de
précautionner les auditeurs contre l'abus
de cette qualité aimable & vertueufe. Il
G
146 MERCURE DE FRANCE.
attaqua ces perfonnes foibles , qui toujours
prêtes à recevoir les impreffions qu'on
veut leur donner , adoptent tour à tour
les fentimens les plus oppofés , femblables <
à l'écho , qui rend indiftinctement tous
les fons qu'on lui envoie. Il ne fe déchaîna
pas avec moins de force contre ceux
qui cachent les motifs les plus criminels
fous les dehors d'une complaifance affectée
; & il conclut fes réflexions par
mes fuivans. » CC''eeſftt aaiinnffii que le vice ;
» toujours odieux quand il paroît ce qu'il
les tereft
, fe montre fréquemment fous l'air
» de la vertu pour nous féduire plus fûre-
» ment ; c'eſt ainfi que la flaterie , la lâcheté
, la perfidie , l'injuftice n'emprun-
» tent que trop fouvent les livrées de la
complaifance , pour nous infpirer moins
» d'horreur. Arrachons -leur le voile ime
pofteur qui les couvre : point de moyen
plus infaillible pour les bannir à jamais
» de la fociété.
"
"
و ر
Cette féance fut terminée par deux épîtres
en vers de M. le Chevalier de Vauclaire
; l'une fur l'homme , & l'autre fur
le néant des richeffes.
Le mois prochain on inferera la feconde
feance , tenue le 22 Juin 1754.
De la Société littératre d'Arrass
A Société littéraire d'Arras tint lezo
LMars 175 4. fon affemblée publique or
dinaire, dont M: Le Roux, Avochr , Directeurt
en exercices , fit l'ouverture par un diſcours
fur le jugement & far le goût , dans lequel
il établit les maximes fuivantes . » Les mê
» mes regles qui fervent à former le juge
»ment , font celles qui forment le goût
>>car le jugement & le goût ne font qu'un
5
AVRIL 1755. 137
même faculté de l'ame ; quand elle juge
» par fentiment & à la premiere impreffion
» que les chofes font , c'eft le goût ; quand
elle juge par raifonnement & fur des
principes dont elle tire des conféquen
» ces , c'est le jugement : ainfi , l'on peut
» dire que le goût eft le jugement de la
" nature , & que le jugement eft le goût
» de la taifon.
M. de Brandt de Marconne , nouvel affocié
, fit enfuite fonremerciment , auquel
le Directeur répondit au nom de la Société.
* gy & bingen .
M. Cauwer , Avocat , nommé à la députation
ordinaire des Etats d'Artois , lut un
mémoire , pour fervir à l'hiftoire de Mahaut,
Comteffe d'Artois, depuis la mort de
Robert II fon pere , tué en 1 302 , devant
Courtrai , jufqu'à celle de cette Princeffe ,
arrivée le 27 Octobre 1349. Ce mémoire
contenoit , parmi beaucoup de faits intéreffans
le détail des deux premiers procès
que Robert d'Artois , Comte de Beaumontle-
Roger , intenta à Mahaut fa tante , pour
la dépofféder du Comté d'Artois , dont il
Le prétendoit légitime héritier , étant fils
de Philippe d'Artois , mort avant Robert
II fon pere. La plupart des événemens rapportés
par M. Cauwet , étoient appuyés fur
des pieces authentiques , tirées du dépôt
2
138 MERCURE DE FRANCE.
des chartres d'Artois , qui fe confervé à
Arras dans l'ancien palais des Comtes de
cette Province , nommé la Cour- le- Comte.
M. Harduin , Avocat , Secrétaire perpétuel
de la Société , lut un mémoire tiré
des registres de la ville d'Arras , concernant
les cérémonies qui s'obfervoient fous
les Ducs de Bourgogne de la feconde race
, lorfque ces Ducs , en qualité de Comtes
d'Artois , ou les Rois de France , fouverains
de la Province , faifoient leur entrée
folemnelle dans cette ville . En décri
vant la réception qui fut faite à Iſabelle
de Portugal , Ducheffe de Bourgogne , au
mois de Janvier 1430 , M. Harduin parla
de l'Abbé de Lieffe , perfonnage fingulier ,
qui s'étoit trouvé fur le paffage de cette
Princeffe , pour lui faire des préfens , &
pour lui donner le ſpectacle des jeux auxquels
il préfidóit.
Cet Abbé de Lieffe s'élifoit tous les
ans par les Officiers du Bailliage , le
» Corps de Ville & la Bourgeoifie ; & on
»lui donnoit , pour ainfi dire , l'inveftiture
de fa charge , en lui remettant une
croffe d'argent doré , du poids de quatre
onces , qu'il étoit obligé de rendre
à la fin de fon exercice . On voit dans la
lifte de ces Abbés , des Officiers munici
paux & même un Gentilhomme ; mais le
AVRIL. 1795 139
choix tomboit pour l'ordinaire fur quel
» que Marchand ou Artifan . Sa principale
» fonction étoit de donner le Dimanche
» gras , avec fes fuppôts , qu'on appelloit
» Moines , un divertiffement public fur des
» échaffauds . Outre cela , pour entretenir
» une certaine amitié avec les villes voiff
» nes , on envoyoit l'Abbé de Lieffe & fa
» troupe aux jeux qui s'y faifoient , entre
lefquels on remarque la fête du Roi des
» Sots à Lille , & celle du Prince de Plaifan-
» ce à Valenciennes. Dans ces voyages que
» l'Abbé faifoit aux dépens de la ville d'Are
»
ras , il étoit accompagné de fon prédé
>> ceffeur & de quatre Echevins. On por-
» toit devant lui un étendart de foie rou
"ge , aux armes de l'Abbaye : il étoit auffi
» précédé de plufieurs tambours & trompettes
, & d'un Héraut vêtu d'une cotte
» d'armes de damas violet : à fa fuite mar
» choient fes pages & fes laquais.
M. Camp , Avocat & Echevin d'Arras ,
lut des recherches fur le commerce & les
manufactures des Atrebates , depuis les fiée
cles Gaulois , jufqu'à la defcente des Francs
dans les Gaules. Pour montrer l'ancien
neté de ces manufactures , il s'attacha d'a+
bord à établir celle de la ville d'Arras , que
Céfar , dans fes commentaires , appelle
Nemetocenna ou Nemetofena , nom compo
140 MERCURE DE FRANCE.
fé de Nemetos & de Sena , qui ne pouvoit
fignifier parmi les Gaulois , qu'un temple
de Druides ou de Druideffes , felon l'explication
de Fortunat , de Dom Bouquet ,
& de l'auteur de la Religion des Gaulois.
Après avoir prouvé par cette étymologie ,
que la ville d'Arras étoit anciennement
un lieu confacré à la religion , M. Camp
parla du culte particulier des Gaulois envers
Mercure , Dieu des Marchands , dont
le nom , fuivant les mêmes auteurs , eft
purement celtique , & il obferva que le
nom du village de Mercatel , près d'Arras ,
qui fe trouve rendu par Mercurii tellus ,
dans les anciens titres latins , nous offre
une étymologie celtique , relative au commerce
& au culte de Mercure parmi les
Atrébates .
M. Camp examina enfuite les divers
habillemens dont les Gaulois fe fervoient ,
particulierement les Druides & les nobles.
Il s'étendit principalement fur le Sagum
gaulois , dont les Romains adopterent l'ufage
& le nom depuis leur conquête . H
prouva , par le témoignage de plufieurs
hiftoriens , combien ces peuples eftimoient
les faies des fabriques d'Arras , & il en fit
remonter l'établiffement jufqu'avant leur
irruption dans les Gaules , fondé fur des
raifons tirées des auteurs & des loix RoAVRIL.
1755 14
maines. M. Camp paffa au détail des au
tres efpeces d'étoffes que les Atrébates fabriquoient
, & des teintures qu'ils y employoient.
Il commença par les Xérampelines
, Xerampelina veftes , que Suidas appelle
par excellence Atrebaticas veftes , &
dont les anciens nous défignent la couleur
par une compofition & un mêlange admirable
de teinture , inter coccinum & muriceum.
M. C. difcuta le paffage de Trebellius
Pollio touchant les faies & les draps
d'Arras , fi vantés par l'Empereur Gallien.
Il parla fort au long des birri de foye & de
laine , birri ferici , birri lane , que les Romains
mettoient au rang de leurs plus riches
parures. Il fit voir que les Atrébates
en fabriquoient de fi beaux , qu'on les recherchoit
à Rome avec empreffement . Il
expliqua ce que dit Flavius Vopifcus , in
Carino , des birri que les habitans d'Arras
& de Canyfium envoyoient à Rome , &
combattit le fentiment du Sr. Briffon , éleve
dans les manufactures de Beauvais , qui
par une lettre inférée dans le Mercure de
Février 1750 , a voulu perfuader qu'il
étoit fimplement queſtion , dans le paffage
de Vopifcus , d'habits militaires , qu'on
avoit demandés aux Atrébates . M. C. foutint
qu'on ne pouvoit interpréter ainfi ce
paffage , puifque Vopifcus , fe plaignant
142 MERCURE DE FRANCE.
•
des Romains de fon fiécle , qui fruftroient
Heurs héritiers légitimes pour enrichir les
gens de théatre , ajoute précisément que
cette manie de leur faire des prefens s'étoit
répandue dans tout l'empire , & que
ceux d'Arras & de Canufium leur envoyoient
en pur don des birri de leurs fabriques.
M. C.termina fa differtation par
des paffages de S. Jerôme , du concile de
Gangres , de S. Auguftin , & c. qui ache
vent de démontrer la fplendeur du commerce
& des manufactures des Atrébates ,
avant l'établiſſement de la monarchie françoiſe.
M. Enlart de Grandval , Confeiller au
Confeil provincial d'Artois , affocié de
l'Académie de Montauban , fit la lecture
d'un difcours préliminaire fur l'origine des
langues , & en particulier fur la langue
françoife , ce qui lui donna occafion de
parler ainfi de l'état des lettres & des ſciences
fous le regne de Louis XV . » Les fcien-
» ces & les arts ont été dans les derniers
» tems cultivés en France avec le fuccès le
» plus étonnant ...... Un poëme héroïque
, notre feul thréfor en ce genre , les
» odes d'un nouveau Pindare , fuivi d'un
» émule égal , ont perpétué jufqu'à nos
» jours la gloire des Mufes françoifes . Mais
duffions - nous céder la prééminence au
AVRIL. 1755. 143
fiécle précédent pour les belles lettres &
» les arts agréables , le nôtre l'emporte
»pour les fciences & les arts utiles . Un
" Roi , digne fucceffeur de Louis le Grand,
» a hérité de fon eftime pour les talens , &
a continué de répandre fur eux fes fe-
» cours & fes bienfaits. Nul objet d'étude
négligé fous fon regne , nul génie fans
récompenfe. Les mers ont vu fes vaif-
» ſeaux porter fous les deux pôles , & juf
» qu'aux extrêmités de l'Occident , non ,
» comme autrefois , les productions fura-
» bondantes de nos campagnes , ou les
» richeffes multipliées de nos manufactu-
» res , mais des Philofophes , des Aftrono-
»mes , qui à travers mille dangers de tou-
» te efpece , & dans des climats où le nom
» des fciences eft un nom inconnu , ont
été mefurer le ciel , & fixer la forme de
la terre. Un fluide merveilleux , une fubf-
»tance mystérieusement cachée dans le fein
» de la nature, & qui n'avoit permis que
des foupçons à la curiofité de nos ancêtres
, a perdu un fecret gardé depuis le
» jour de fa création , & s'eft dévoilée
malgré elle à nos regards plus fubtils &
» plus pénétrans . Chaque jour nous revele
» des myfteres ignorés de la plus fçavante
antiquité . Notre vûe , aidée du fecours
» de l'art , de ce tube admirable qu'elle
144 MERCURE DE FRANCE.
» doit au grand Newton , a franchi les bor
nes prefcrites à fes organes , & s'élan
nçant d'un côté dans les vaftes efpaces du
» firmament , y.va contempler à fon gré la
» ftructure , l'ordre & la marche de ces
» corps immenfes qui nous apprennent par
» de nouveaux fpectacles , à mieux con-
» noître la main qui les fit tandis que
» d'un autre côté , s'infinuant dans des
atômes imperceptibles , elle y découvre ,
elle y confidere un nouveau monde &
» de nouveaux habitans . Tout a cédé à nos
» efforts , à nos recherches , à nos difcuf-
» fions , &c.
M. l'Abbé Simon lut des réflexions fur
la complaisance , & prouva d'abord combien
elle eft , néceffaire dans toute fociété.
Il ne faut point , dit- il , étudier long-
» tems les hommes , pour appercevoir la
diverfité de leurs goûts & de leurs hu-
» meurs. Nous différons tous par mille en-
» droits de ceux avec qui nous avons à vivre
; l'expérience de tous les jours ne le
" prouve que trop , & nous ne pouvons
» prefque faire un pas dans le monde fans
» effuyer les plus fâcheufes contrariétés .
» Partons de ce principe . Nos caracteres
» nous mettant fans ceffe en oppofition les
» uns avec les autres , quelle fociété peut
» nous unir , fi la complaifance ne nous
rapproche ?
"
AVRIL. 1755. 145
rapproche ? Tranfportons dans le commerce
de la vie un homme inflexible
qui ne fcache ce que c'eft que de plier
» fon humeur dans l'occafion : quel perfonnage
y fera-t - il ? Comment, s'il eſt
» né taciturne , fe plaira - t-il avec des par-
"leurs infatigables ? Comment , fi c'eft un
nefprit fin & délicat , fupportera- t il tant
» de génies lourds & pefans , qu'il ren-
» contrera prefque à chaque pas ? Com-
» ment , s'il eſt enjoué , ſympatiſera - t - il
» avec un homme férieux , dont une couche
épaiffe de gravité obfcurcit toujours
» le vifage ? avec un cacochyme , un hy-
» pocondriaque , qui n'offrira à fes yeux
qu'un flegme rebutant , & dont le front
» couvert d'un deuil éternel , ne fe déride
jamais ? Si partifan des hautes fciences, il
» n'aime que les entretiens fublimes , com-
» ment pourra-t- il fe prêter à des converfations
puériles , &c? Incapable de transformer
fon inclination en celle des au-
» tres , également ennuyé & ennuyeux , il
» ne fera que porter en tous lieux la gêne
» & la contrainte.
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22
→
Après quelques portraits détaillés , qui
firent fentir de plus en plus la néceffité de
la complaifance , M. l'Abbé S. eut foin de
précautionner les auditeurs contre l'abus
de cette qualité aimable & vertueufe. Il
G
146 MERCURE DE FRANCE.
attaqua ces perfonnes foibles , qui toujours
prêtes à recevoir les impreffions qu'on
veut leur donner , adoptent tour à tour
les fentimens les plus oppofés , femblables <
à l'écho , qui rend indiftinctement tous
les fons qu'on lui envoie. Il ne fe déchaîna
pas avec moins de force contre ceux
qui cachent les motifs les plus criminels
fous les dehors d'une complaifance affectée
; & il conclut fes réflexions par
mes fuivans. » CC''eeſftt aaiinnffii que le vice ;
» toujours odieux quand il paroît ce qu'il
les tereft
, fe montre fréquemment fous l'air
» de la vertu pour nous féduire plus fûre-
» ment ; c'eſt ainfi que la flaterie , la lâcheté
, la perfidie , l'injuftice n'emprun-
» tent que trop fouvent les livrées de la
complaifance , pour nous infpirer moins
» d'horreur. Arrachons -leur le voile ime
pofteur qui les couvre : point de moyen
plus infaillible pour les bannir à jamais
» de la fociété.
"
"
و ر
Cette féance fut terminée par deux épîtres
en vers de M. le Chevalier de Vauclaire
; l'une fur l'homme , & l'autre fur
le néant des richeffes.
Le mois prochain on inferera la feconde
feance , tenue le 22 Juin 1754.
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Résumé : SEANCES PUBLIQUES De la Société littéraire d'Arras.
Le 17 mars 1754, la Société littéraire d'Arras organisa une séance publique dirigée par M. Le Roux, avocat et directeur en exercice. Il ouvrit la séance avec un discours sur le jugement et le goût, affirmant qu'ils sont une seule et même faculté de l'âme. M. de Brandt de Marconne, nouvel associé, exprima sa gratitude, à laquelle le directeur répondit au nom de la Société. M. Cauwer, avocat et député des États d'Artois, présenta un mémoire sur l'histoire de Mahaut, comtesse d'Artois, de 1302 à 1349. Ce mémoire détaillait les deux premiers procès intentés par Robert d'Artois contre Mahaut pour le comté d'Artois, soutenus par des documents authentiques des archives d'Artois. M. Harduin, avocat et secrétaire perpétuel de la Société, lut un mémoire sur les cérémonies observées sous les ducs de Bourgogne lors de leur entrée solennelle à Arras. Il décrivit la réception d'Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne, en janvier 1430, et mentionna l'Abbé de Lieffe, chargé des divertissements publics. M. Camp, avocat et échevin d'Arras, présenta des recherches sur le commerce et les manufactures des Atrébates, depuis les siècles gaulois jusqu'à l'arrivée des Francs. Il souligna l'antiquité des manufactures d'Arras, mentionnées par César, et parla du culte de Mercure parmi les Gaulois. Il détailla divers tissus et teintures fabriqués par les Atrébates, appréciés à Rome. M. Enlart de Grandval, conseiller au Conseil provincial d'Artois, lut un discours préliminaire sur l'origine des langues, notamment la langue française, et parla de l'état des lettres et des sciences sous le règne de Louis XV. Il souligna les avancées scientifiques et les explorations menées sous ce règne. Enfin, M. l'Abbé Simon lut des réflexions sur la complaisance, nécessaire dans toute société pour rapprocher les individus malgré la diversité de leurs goûts et humeurs. Il mit en garde contre l'abus de cette qualité, qui peut masquer des vices comme la flatterie et la perfidie. La séance se conclut par la lecture de deux épîtres en vers de M. le Chevalier de Vauclaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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22
p. 221-222
GRANDE BRETAGNE.
Début :
La garde qui veille sur la personne de l'Amiral Byng, vient d'être [...]
Mots clefs :
Amiral Byng, Hôpital Greenwich, Parlement, Jugement, Amiral Hawke, Scorbut des marins, Négociants, Armateurs français, Corsaires , Rançon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BREETTAAGGNNE.
DE LONDRES , le 14 Septembre.
La garde qui veille fur la perfonne de l'Amiral
Byng , vient d'être doublée , & l'on a grillé les
fenêtres de la chambre où il eft logé dans l'Hôpital
de Greenwich. Il paroît qu'il fera jugé par
le Parlement , & non par un Confeil de guerre.
On a fait la vifite du Vaiffeau de guerre Hollandois
, & des vingt-cinq Navires de la même Nation
, qui furent amenés le 17 du mois dernier
aux Dunes. Comme on n'y a trouvé aucune marchandiſe
de contrebande , on leur a notifié qu'ils
pouvoient continuer leur navigation. Le bois de
coaftruction , qu'ils avoient à bord , a été retenu
pour le compte de Sa Majefté , & payé argent
Comptant. Trois bataillons des Gardes , & huir
Régimens d'Infanterie , ont ordre de fe tenir prêts
à s'embarquer.
Selon les nouvelles de la Méditerranée , l'Amiral
Hawke a quitté les parages de l'Ile Minorque
, & a fait voile vers l'Eft . L'efcadre de cet
Amiral , ainfi que celle de l'Amital Boscawen
font réduites à un très - fâcheux état par le fcorbut
& par d'autres maladies. Le Gouvernement vient
d'envoyer ordre à Portsmouth , à Plymouth , à
3
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
Chatham & à Wolwich , que tous les Vaiſſeaux de
guerre , qui s'y trouvent , fe préparent à fe mettre
en mer , pour aller renforcer l'une & l'autre
Efcadre. On prétend que l'Amiral Knowls doit
relever inceffamment l'Amiral Boscawen.
Divers Négocians de cette Ville font en peine
pour les Navires qu'ils attendent de la Mer Baltique.
Leur inquiétude eft d'autant mieux fondée ,
que les Armateurs François croiſent actuellement
en grand nombre fur les côtes d'Angleterre. Depuis
quelques jours , ces Armateurs ont pris plufieurs
Bâtimens dont les uns ont été conduits en
France , & les autres ont été rançonnés. Comme
le nombre des Corfaires ennemis augmente de
jour en jour , on a ordonné à quelques Vaiffeaux
de guerre , de leur donner la chaffe. On fe propofe
d'accorder à nos Armateurs les mêmes gratifications
, qui font promifes aux Capitaines &
aux Equipages des Vaiffeaux & des Frégates de
Sa Majefté , pour les prifes faites fur les François.
DE LONDRES , le 14 Septembre.
La garde qui veille fur la perfonne de l'Amiral
Byng , vient d'être doublée , & l'on a grillé les
fenêtres de la chambre où il eft logé dans l'Hôpital
de Greenwich. Il paroît qu'il fera jugé par
le Parlement , & non par un Confeil de guerre.
On a fait la vifite du Vaiffeau de guerre Hollandois
, & des vingt-cinq Navires de la même Nation
, qui furent amenés le 17 du mois dernier
aux Dunes. Comme on n'y a trouvé aucune marchandiſe
de contrebande , on leur a notifié qu'ils
pouvoient continuer leur navigation. Le bois de
coaftruction , qu'ils avoient à bord , a été retenu
pour le compte de Sa Majefté , & payé argent
Comptant. Trois bataillons des Gardes , & huir
Régimens d'Infanterie , ont ordre de fe tenir prêts
à s'embarquer.
Selon les nouvelles de la Méditerranée , l'Amiral
Hawke a quitté les parages de l'Ile Minorque
, & a fait voile vers l'Eft . L'efcadre de cet
Amiral , ainfi que celle de l'Amital Boscawen
font réduites à un très - fâcheux état par le fcorbut
& par d'autres maladies. Le Gouvernement vient
d'envoyer ordre à Portsmouth , à Plymouth , à
3
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
Chatham & à Wolwich , que tous les Vaiſſeaux de
guerre , qui s'y trouvent , fe préparent à fe mettre
en mer , pour aller renforcer l'une & l'autre
Efcadre. On prétend que l'Amiral Knowls doit
relever inceffamment l'Amiral Boscawen.
Divers Négocians de cette Ville font en peine
pour les Navires qu'ils attendent de la Mer Baltique.
Leur inquiétude eft d'autant mieux fondée ,
que les Armateurs François croiſent actuellement
en grand nombre fur les côtes d'Angleterre. Depuis
quelques jours , ces Armateurs ont pris plufieurs
Bâtimens dont les uns ont été conduits en
France , & les autres ont été rançonnés. Comme
le nombre des Corfaires ennemis augmente de
jour en jour , on a ordonné à quelques Vaiffeaux
de guerre , de leur donner la chaffe. On fe propofe
d'accorder à nos Armateurs les mêmes gratifications
, qui font promifes aux Capitaines &
aux Equipages des Vaiffeaux & des Frégates de
Sa Majefté , pour les prifes faites fur les François.
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Résumé : GRANDE BRETAGNE.
Le 14 septembre, la garde de l'Amiral Byng a été renforcée et ses fenêtres grillées. Il sera jugé par le Parlement plutôt que par un conseil de guerre. Une inspection de navires hollandais aux Dunes n'a révélé aucune contrebande, mais le bois de construction à bord a été retenu et payé par la couronne. Trois bataillons des Gardes et huit régiments d'infanterie sont prêts à s'embarquer. En Méditerranée, l'Amiral Hawke a quitté Minorque et navigue vers l'Est. Les escadres des Amiraux Hawke et Boscawen sont affaiblies par le scorbut et d'autres maladies. Le gouvernement ordonne aux vaisseaux de guerre de Portsmouth, Plymouth, Chatham et Woolwich de renforcer ces escadres. L'Amiral Knowls doit remplacer l'Amiral Boscawen. À Londres, les négociants s'inquiètent des navires attendus de la Mer Baltique en raison des armateurs français. Plusieurs bâtiments ont été capturés ou rançonnés. Des vaisseaux de guerre ont été envoyés pour contrer cette menace. On envisage d'accorder aux armateurs britanniques les mêmes gratifications promises aux capitaines et équipages des vaisseaux de Sa Majesté pour les prises faites sur les Français.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 186-189
GRANDE BRETAGNE.
Début :
Les efforts, que les amis du sieur Byng ont faits pour le sauver, [...]
Mots clefs :
Londres, Amiral Byng, Exécution, Derniers sentiments, Écrit, Soldats, Mort par balle, Public, État, Jugement, Irlande
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
DE LONDRES , le 18 Mars.
•
Les efforts , que les amis du fieur Byng ont
faits le fauver , ayant été fans fuccès ; cet
pour
Amiral , par la fermeté avec laquelle il s'eft préparé
à la mort , a montré qu'on lui avoit reproché
injuftement trop d'attache à la vie. Le 14 jour
fixé pour l'exécution de la fentence prononcée
contre cet Officier , les Chaloupes de la Flotte
remplies par les Officiers des Vaiffeaux de guerre
& par les Soldats de Marine , fe font placées aux
stations , qui leur avoient été indiquées près du
Vaiffeau le Monarque . Sur le midi , le fieur Byng
eft forti de la chambre où il étoit détenu à bord
de ce Bâtiment. Le Chapelain du Vaiffeau , &
deux Officiers , l'accompagnoient . Il les a priés
d'accepter chacun une bourfe de cinquante guinées
: il a fait diftribuer auffi dix guinées à chacun
des neuf Soldats commandés pour l'arquebufer.
Enfuite il a remis un papier au fieur Guillaume
Brough , Maréchal de la Cour d'Amirauté , en
AVRIL. 1757. 187
2
lui difant : Monfieur , voici mes derniers fentimens.
Je vous prie de les rendre publics , afin de détruire
les imputations odieufes dont on m'a noirci . Le
double de cet écrit eft entre les mains d'un de mes
parens. Après avoir pris congé des performes qui
l'environnoient , le malheureux Amiral plus
tranquille que les témoins de ce lugubre fpectacle
, s'eft mis à genoux , & s'eft bandé lui-même
les yeux avec un mouchoir. Il en tenoit un autre ,
& il l'a laiffé tomber. C'étoit le fignal dont il
étoit convenu avec les foldats deftinés pour exécuter
la fentence. Auffi- tôt font partis fix coups
de fufil , tirés par fix de ces foldats . Trois autres
étoient prêts à faire feu : mais une ſeconde décharge
n'a pas été néceffaire ; l'Amiral ayant
reçu cinq balles dans la poitrine , & une dans le
milieu du front , eft tombé roide mort fur le côté
gauche. Ainfi a fini le fieur Byng , dont le nom
fera cité parmi ceux des illuftres infortunés , comme
le nom de fon frere le fera dans la lifte des
modeles de la tendreffe fraternelle. Une foule
innombrable de peuple étoit accourue fur le
rivage pour affifter à cette exécution . La multitude
n'a pu refufer fa fenfibilité à la mort d'un
homme , dont elle avoit pourſuivi la condamnation
avec tant d'ardeur. L'écrit que le fieur Byng
a remis au fieur Brough , contient ce qui fuit :
« Dans quelques inftans , je ferai délivré de la
» violente perfécution de mes ennemis , & je ne
» ferai plus en butte aux traits de leur méchan-
» ceté. Je n'ai garde de leur envier une vie qu'ils
doivent paffer dans les remords inféparables du
» crime. Après ma mort , on me rendra la juftice
» qui m'a été refuſée pendant ma vie. La maniere
>> dont on a excité contre moi les clameurs du
» peuple , & les motifs qu'on a eus de les entre188
MERCURE DE FRANCE.
» tenir , paroîtront dans tout leur jour . Ôn me
» regardera comme une victime deſtinée à détour-
» ner de leur véritable objet l'indignation & le
>> reffentiment d'une Nation offenfee & abuſée.
» Mes ennemis , eux- mêmes intérieurement , ne
>> font pas moins convaincus que mes amis de
» mon innocence . Il eſt heureux pour moi de
≫pouvoir emporter au tombeau cette perfuafion .
» Je ſouhaite de tout mon coeur que le ſacrifice
» de mon ſang puiſſe contribuer au bonheur pu-
» blic. Mais ma confcience ne me reprochant
» aucun des malheurs arrivés à ma patrie , je
>> ne puis me refuſer à moi-même la fatisfaction
» de protefter hautement que j'ai rempli fidéle-
➤ment mon devoir , & que j'ai fait tout l'uſage
» que j'ai pu de mes lumieres & de ma capacité ,
» pour l'honneur du Roi & pour le ſervice de
» l'Etat . Je ſuis mortifié que ma bonne volonté
» n'ait pas été ſuivie d'un fuccès plus heureux , &
» que l'armement , dont le commandement m'a
» été confié , ait été trop foible pour l'importance
» de l'expédition auquel il étoit deftiné . La vérité
» toutefois a triomphé du menſonge & de la ca-
» lomnie , & la juſtice elle- même à lavé la tache
>> ignominieuſe dont on m'avoit couvert , en
» m'imputant malignement d'avoir manqué de
» fidélité ou de courage. Mon coeur me rend té-
» moignagne que je ne fuis point en faute à ces
» deux égards . Mais quel eft l'homme affez pré-
»fomptueux pour le flatter qu'il ne fe trompe
» point dans les jugemens ? Je me crois inno-
» cent , & mes Juges m'ont cru coupable. Si je
» me trompe , on doit excuſer mon erreur , com-
» me étant le partage de l'humanité . Si ce font
» mes Juges qui fe font trompés , que Dieu leur
» pardonne , comme je fais , leur illuſion ! Puiffent
AVRIL 1757. 189
» le trouble & les allarmes qu'ils ont fait paroître
, lorfqu'ils m'ont condamné , fe calmer &
>> ceffer , comme tout reffentiment ceffe actuelle-
» ment de ma part ! Grand Dieu ! Juge ſuprême
de tous les coeurs ! tu as connu le mien : c'eſt à
» toi que je foumets la juftice de ma cauſe. »>
Signé , J. Byng. A bord du Vaiſſeau de guerre le
Monarque , dans le Havre de Portsmouth , le 14
ל כ
Mars
1757.
Le corps du fieur Byng a été tranfporté de
Portſmouth à fa terre de Southill , que cet Amiral
poffédoit dans le Duché de Bedfort.
Selon les avis reçus d'Irlande , cent Bâtimens de
tranſports , ayant à bord les troupes destinées
pour l'Amérique , ont fait voile de Cork , fous
Peſcorte de deux Vaiffeaux de guerre.
DE LONDRES , le 18 Mars.
•
Les efforts , que les amis du fieur Byng ont
faits le fauver , ayant été fans fuccès ; cet
pour
Amiral , par la fermeté avec laquelle il s'eft préparé
à la mort , a montré qu'on lui avoit reproché
injuftement trop d'attache à la vie. Le 14 jour
fixé pour l'exécution de la fentence prononcée
contre cet Officier , les Chaloupes de la Flotte
remplies par les Officiers des Vaiffeaux de guerre
& par les Soldats de Marine , fe font placées aux
stations , qui leur avoient été indiquées près du
Vaiffeau le Monarque . Sur le midi , le fieur Byng
eft forti de la chambre où il étoit détenu à bord
de ce Bâtiment. Le Chapelain du Vaiffeau , &
deux Officiers , l'accompagnoient . Il les a priés
d'accepter chacun une bourfe de cinquante guinées
: il a fait diftribuer auffi dix guinées à chacun
des neuf Soldats commandés pour l'arquebufer.
Enfuite il a remis un papier au fieur Guillaume
Brough , Maréchal de la Cour d'Amirauté , en
AVRIL. 1757. 187
2
lui difant : Monfieur , voici mes derniers fentimens.
Je vous prie de les rendre publics , afin de détruire
les imputations odieufes dont on m'a noirci . Le
double de cet écrit eft entre les mains d'un de mes
parens. Après avoir pris congé des performes qui
l'environnoient , le malheureux Amiral plus
tranquille que les témoins de ce lugubre fpectacle
, s'eft mis à genoux , & s'eft bandé lui-même
les yeux avec un mouchoir. Il en tenoit un autre ,
& il l'a laiffé tomber. C'étoit le fignal dont il
étoit convenu avec les foldats deftinés pour exécuter
la fentence. Auffi- tôt font partis fix coups
de fufil , tirés par fix de ces foldats . Trois autres
étoient prêts à faire feu : mais une ſeconde décharge
n'a pas été néceffaire ; l'Amiral ayant
reçu cinq balles dans la poitrine , & une dans le
milieu du front , eft tombé roide mort fur le côté
gauche. Ainfi a fini le fieur Byng , dont le nom
fera cité parmi ceux des illuftres infortunés , comme
le nom de fon frere le fera dans la lifte des
modeles de la tendreffe fraternelle. Une foule
innombrable de peuple étoit accourue fur le
rivage pour affifter à cette exécution . La multitude
n'a pu refufer fa fenfibilité à la mort d'un
homme , dont elle avoit pourſuivi la condamnation
avec tant d'ardeur. L'écrit que le fieur Byng
a remis au fieur Brough , contient ce qui fuit :
« Dans quelques inftans , je ferai délivré de la
» violente perfécution de mes ennemis , & je ne
» ferai plus en butte aux traits de leur méchan-
» ceté. Je n'ai garde de leur envier une vie qu'ils
doivent paffer dans les remords inféparables du
» crime. Après ma mort , on me rendra la juftice
» qui m'a été refuſée pendant ma vie. La maniere
>> dont on a excité contre moi les clameurs du
» peuple , & les motifs qu'on a eus de les entre188
MERCURE DE FRANCE.
» tenir , paroîtront dans tout leur jour . Ôn me
» regardera comme une victime deſtinée à détour-
» ner de leur véritable objet l'indignation & le
>> reffentiment d'une Nation offenfee & abuſée.
» Mes ennemis , eux- mêmes intérieurement , ne
>> font pas moins convaincus que mes amis de
» mon innocence . Il eſt heureux pour moi de
≫pouvoir emporter au tombeau cette perfuafion .
» Je ſouhaite de tout mon coeur que le ſacrifice
» de mon ſang puiſſe contribuer au bonheur pu-
» blic. Mais ma confcience ne me reprochant
» aucun des malheurs arrivés à ma patrie , je
>> ne puis me refuſer à moi-même la fatisfaction
» de protefter hautement que j'ai rempli fidéle-
➤ment mon devoir , & que j'ai fait tout l'uſage
» que j'ai pu de mes lumieres & de ma capacité ,
» pour l'honneur du Roi & pour le ſervice de
» l'Etat . Je ſuis mortifié que ma bonne volonté
» n'ait pas été ſuivie d'un fuccès plus heureux , &
» que l'armement , dont le commandement m'a
» été confié , ait été trop foible pour l'importance
» de l'expédition auquel il étoit deftiné . La vérité
» toutefois a triomphé du menſonge & de la ca-
» lomnie , & la juſtice elle- même à lavé la tache
>> ignominieuſe dont on m'avoit couvert , en
» m'imputant malignement d'avoir manqué de
» fidélité ou de courage. Mon coeur me rend té-
» moignagne que je ne fuis point en faute à ces
» deux égards . Mais quel eft l'homme affez pré-
»fomptueux pour le flatter qu'il ne fe trompe
» point dans les jugemens ? Je me crois inno-
» cent , & mes Juges m'ont cru coupable. Si je
» me trompe , on doit excuſer mon erreur , com-
» me étant le partage de l'humanité . Si ce font
» mes Juges qui fe font trompés , que Dieu leur
» pardonne , comme je fais , leur illuſion ! Puiffent
AVRIL 1757. 189
» le trouble & les allarmes qu'ils ont fait paroître
, lorfqu'ils m'ont condamné , fe calmer &
>> ceffer , comme tout reffentiment ceffe actuelle-
» ment de ma part ! Grand Dieu ! Juge ſuprême
de tous les coeurs ! tu as connu le mien : c'eſt à
» toi que je foumets la juftice de ma cauſe. »>
Signé , J. Byng. A bord du Vaiſſeau de guerre le
Monarque , dans le Havre de Portsmouth , le 14
ל כ
Mars
1757.
Le corps du fieur Byng a été tranfporté de
Portſmouth à fa terre de Southill , que cet Amiral
poffédoit dans le Duché de Bedfort.
Selon les avis reçus d'Irlande , cent Bâtimens de
tranſports , ayant à bord les troupes destinées
pour l'Amérique , ont fait voile de Cork , fous
Peſcorte de deux Vaiffeaux de guerre.
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Résumé : GRANDE BRETAGNE.
Le 14 mars 1757, l'amiral John Byng fut exécuté à bord du vaisseau le Monarque à Portsmouth. Malgré les tentatives de ses partisans pour le sauver, Byng accepta sa sentence avec dignité. Accompagné du chapelain du vaisseau et de deux officiers, il distribua des sommes d'argent aux personnes présentes et remit un écrit à Guillaume Brough, maréchal de la Cour d'Amirauté, dans lequel il exprimait son innocence et sa fidélité à son devoir. L'exécution se déroula en présence d'une foule nombreuse, dont la sensibilité contrastait avec l'ardeur précédente pour sa condamnation. Dans son écrit, Byng souligna son innocence, son dévouement à son pays et sa tristesse face à l'échec de son expédition. Son corps fut ensuite transporté à sa propriété de Southill dans le Duché de Bedford. Par ailleurs, cent bâtiments de transport, escortés par deux vaisseaux de guerre, quittèrent Cork en direction de l'Amérique avec des troupes à bord.
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24
p. 209-212
LETTRE à l'Auteur anonyme d'une Lettre en date de Montauban du 12 Février 1760, insérée au Mercure d'Avril.
Début :
Monsieur, Permettez-moi de prendre la défense du Compilateurs des Piéces fugitives &c. [...]
Mots clefs :
Défense, Compilation , Pièces fugitives, Jugement, Nobles, Silence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur anonyme d'une Lettre en date de Montauban du 12 Février 1760, insérée au Mercure d'Avril.
LETTRE à l'Auteur anonyme d'une Lettre
en date de Montauban du 12 Fevrier
1760 , inférée au Mercure d'Avril.
ONSIEUR ,
Permettez -moi de prendre la défenſe du Compilateur
des Piéces fugitives &c. Vous le blâmez
Monfieur , d'avoir inféré dans fon Recueil les jugemens
de M. de Bezons , dont il compare ,
dites-vous, ( ou lui faites-vous dire ) les opérations
à celles de M. de Caumartin .
>> On donne ici ( je copie ayant le livre fous les
> yeux ) les généalogies dreflées d'après les jugemens
rendus par M. de Bezons , Intendant de
cette Province ( le Languedoc. ) Les articles J
font faits avec le même foin que ceux du No-
>>biliaire de Champagne , & y font réduits d'après
>> leurs bornes effentieiles . Le Compilateur , ce
me femble , ne prétend pas dire que M. de Bezons
ait apporté,dans fes jugemens,le même ſoin & le
210 MERCURE DE FRANCE.
même fcrupule que l'intendant de Champagne
dans les fiens . J'entens que lui , Compilateur , a
donné aux extraits qu'il a faits des jugemens la
forme de ceux du Nobiliaire de Champagne. Je
ferois bien tro pé fi ce n'eſt là ſa penſée.
» Ces jugemens , qui font des piéces périodi-
" ques , affurent l'état de la Nobleffe de Langue-
> doc , & la font connoître d'une maniere qui
>> n'eft ni douteufe ni équivoque.
Il y a vraiment quelque chofe de trop dans
ces dernieres expreffions , furtout après le jufte
reproche de M. de Bafville , fur la facilité de fes
prédéceffeurs. Le Compilateur eft excufable de
n'avoir lu le Mémoire de ce grand Intendant,
rapporté par extrait dans l'état de la France , par
le Comte de Boulainvilliers ,ou, s'il l'a lu, le trait lui
a échappé. Il n'a pas mérité , à mon avis , le reproche
que vous lui faites d'avoir rerni une ſeconde
fois l'éclat de la vraie Nobleſſe , en faisant
revivre un ouvrage que le mépris le plus fondé
fembloit avoir anéanti . Le Public , qui n'a que
des idées confules fur les filiations & fur les allian
ces des vrais Nobles , furtout de ceux dont les
familles font tranfplantées , s'éclaircit au moyen
de ces jugemens ; & les gens verfés dans la partie
généalogique , peuvent , à l'aide des connoiffances
qu'ils ont , juger fi le relaxe eſt de grace
´ou de juſtice.
Tout le monde fait , dites- vous , Monfieur , que
la bonne Nobleffe de Languedoc ne fe fert jamais
du relaxe de M. de Bezons ; elle fait bien.
Moi-même je me cite , parce que je garderai
l'Anonyme bien décidément ) moi- même dans
l'occafion je me fuis fervi de mes titres de préférence
au jugement de M. de Bafville , lequel
rappelle une Ordonnance que j'ai auffi de MM.
les Commiffaires à la recherche des francs-fiefs,
JUILLET. 1760 .
218
Il y a des Gentilshommes , ajoutez-vous , qui
n'ayant pas été recherchés , ne font pas infcrits
fur ce prétendu Catalogue des Nobles ( le terme
deprétendu me paroît un peu hazardé ) il faudroit,
pour qu'il fût un terme propre , que les deux tiers
au moins des jugemens de M. de Befons , fuffent
de faveur , ce que vous auriez peine à prouver
Monfieur. Mais n'arrêtons pas fur un mot : permettez-
moi , Monfieur , d'obſerver que l'oubli des
traitans , à moins d'être , ou d'avoir été dans le
cas des exemptions portées par l'édit , n'eft pas
avantageux aux familles dont les titres n'ont été
ni vérifiés , ni difcutés , & qui ont quitté le berceau
de leurs peres.
Il en eft d'autres ( Gentilshommes ) qui , dites
vous Monfieur , n'ont produit que les preuves de
quatre générations & qui remontent par de bons
actes , jufqu'en 1100 .
Le filence du Compilateur eft légitime : il igno
roit ces actes , & en eût-il été inftruit , il fe feroit
bien donné de garde de les confondre dans fes
extraits . Mais pour les diftinguer , il les eût fans
doute placés dans des notes léparées du corps de
Pouvrage , ou marginales.
Tout le monde fait ( ce font vos termes ) que
la plupart des Gentilshommes fe faifoient décharger
fur le premier titre qui leur tomboit
fous la main. De là vient que des meilleures
Maiſons de la Province ne remontent qu'au pre
mier , deuxième ou troifiéme degré.
Oh pour le coup , Monfieur , vous prenez vo
tre opinion pour celle du Public. Il vous fera difficile
, peut-être même impoſſible , de le ramener
à la vôtre. Quoi la fureur des ennoblis fera -t - elle
de n'avoir jamais commencé leur nobleffe , &
d'en cacher le titre primordial jufqu'à l'extrême
néceffité ? tandis que des Gentilshommes de Race
212 MERCURE DE FRANCE.
auront négligé la production des titres qui la
leur affurent. Cela eft infoutenable , Monfieur . Je
fuis convaincu que la plûpart fe font bornés aux
termes de l'Edit . Mais je n'en connois point qui
n'y ayent pas voulu fatisfaire ; & certainement
la peine d'affembler des titres fuffifans étoit fi légère
, leur recherche fi peu difpendieufe , qu'il
n'y avoit lors de la recherche, qu'un fiécle à remplir
pour être confirmé dans la poffeffion d'une
Noblent de Race
Je me flatte , Monfieur , que l'Auteur du Mercure
aura a mon égard , la même complaifance
qu'il a eue pour vous . J'ofe croire , que vous
n'improuverez point oppofition de mes fentimens
aux vôtres , pénétré des louables motifs
(je euque ici vos expreffions & m'en honore ]
qui femblent vous nimer , je crois devoir détruire
la confiance que le Public pourroit prendre à
vos opinions. Elle m'ont féduit d'abord ; l'examen
en a enfuite éffacé l'impulfion . Vous me
par lennerez cet aveu & la liberté que je prends
de vous l'écrire. J'ai l'honneur d'être , &c .
en date de Montauban du 12 Fevrier
1760 , inférée au Mercure d'Avril.
ONSIEUR ,
Permettez -moi de prendre la défenſe du Compilateur
des Piéces fugitives &c. Vous le blâmez
Monfieur , d'avoir inféré dans fon Recueil les jugemens
de M. de Bezons , dont il compare ,
dites-vous, ( ou lui faites-vous dire ) les opérations
à celles de M. de Caumartin .
>> On donne ici ( je copie ayant le livre fous les
> yeux ) les généalogies dreflées d'après les jugemens
rendus par M. de Bezons , Intendant de
cette Province ( le Languedoc. ) Les articles J
font faits avec le même foin que ceux du No-
>>biliaire de Champagne , & y font réduits d'après
>> leurs bornes effentieiles . Le Compilateur , ce
me femble , ne prétend pas dire que M. de Bezons
ait apporté,dans fes jugemens,le même ſoin & le
210 MERCURE DE FRANCE.
même fcrupule que l'intendant de Champagne
dans les fiens . J'entens que lui , Compilateur , a
donné aux extraits qu'il a faits des jugemens la
forme de ceux du Nobiliaire de Champagne. Je
ferois bien tro pé fi ce n'eſt là ſa penſée.
» Ces jugemens , qui font des piéces périodi-
" ques , affurent l'état de la Nobleffe de Langue-
> doc , & la font connoître d'une maniere qui
>> n'eft ni douteufe ni équivoque.
Il y a vraiment quelque chofe de trop dans
ces dernieres expreffions , furtout après le jufte
reproche de M. de Bafville , fur la facilité de fes
prédéceffeurs. Le Compilateur eft excufable de
n'avoir lu le Mémoire de ce grand Intendant,
rapporté par extrait dans l'état de la France , par
le Comte de Boulainvilliers ,ou, s'il l'a lu, le trait lui
a échappé. Il n'a pas mérité , à mon avis , le reproche
que vous lui faites d'avoir rerni une ſeconde
fois l'éclat de la vraie Nobleſſe , en faisant
revivre un ouvrage que le mépris le plus fondé
fembloit avoir anéanti . Le Public , qui n'a que
des idées confules fur les filiations & fur les allian
ces des vrais Nobles , furtout de ceux dont les
familles font tranfplantées , s'éclaircit au moyen
de ces jugemens ; & les gens verfés dans la partie
généalogique , peuvent , à l'aide des connoiffances
qu'ils ont , juger fi le relaxe eſt de grace
´ou de juſtice.
Tout le monde fait , dites- vous , Monfieur , que
la bonne Nobleffe de Languedoc ne fe fert jamais
du relaxe de M. de Bezons ; elle fait bien.
Moi-même je me cite , parce que je garderai
l'Anonyme bien décidément ) moi- même dans
l'occafion je me fuis fervi de mes titres de préférence
au jugement de M. de Bafville , lequel
rappelle une Ordonnance que j'ai auffi de MM.
les Commiffaires à la recherche des francs-fiefs,
JUILLET. 1760 .
218
Il y a des Gentilshommes , ajoutez-vous , qui
n'ayant pas été recherchés , ne font pas infcrits
fur ce prétendu Catalogue des Nobles ( le terme
deprétendu me paroît un peu hazardé ) il faudroit,
pour qu'il fût un terme propre , que les deux tiers
au moins des jugemens de M. de Befons , fuffent
de faveur , ce que vous auriez peine à prouver
Monfieur. Mais n'arrêtons pas fur un mot : permettez-
moi , Monfieur , d'obſerver que l'oubli des
traitans , à moins d'être , ou d'avoir été dans le
cas des exemptions portées par l'édit , n'eft pas
avantageux aux familles dont les titres n'ont été
ni vérifiés , ni difcutés , & qui ont quitté le berceau
de leurs peres.
Il en eft d'autres ( Gentilshommes ) qui , dites
vous Monfieur , n'ont produit que les preuves de
quatre générations & qui remontent par de bons
actes , jufqu'en 1100 .
Le filence du Compilateur eft légitime : il igno
roit ces actes , & en eût-il été inftruit , il fe feroit
bien donné de garde de les confondre dans fes
extraits . Mais pour les diftinguer , il les eût fans
doute placés dans des notes léparées du corps de
Pouvrage , ou marginales.
Tout le monde fait ( ce font vos termes ) que
la plupart des Gentilshommes fe faifoient décharger
fur le premier titre qui leur tomboit
fous la main. De là vient que des meilleures
Maiſons de la Province ne remontent qu'au pre
mier , deuxième ou troifiéme degré.
Oh pour le coup , Monfieur , vous prenez vo
tre opinion pour celle du Public. Il vous fera difficile
, peut-être même impoſſible , de le ramener
à la vôtre. Quoi la fureur des ennoblis fera -t - elle
de n'avoir jamais commencé leur nobleffe , &
d'en cacher le titre primordial jufqu'à l'extrême
néceffité ? tandis que des Gentilshommes de Race
212 MERCURE DE FRANCE.
auront négligé la production des titres qui la
leur affurent. Cela eft infoutenable , Monfieur . Je
fuis convaincu que la plûpart fe font bornés aux
termes de l'Edit . Mais je n'en connois point qui
n'y ayent pas voulu fatisfaire ; & certainement
la peine d'affembler des titres fuffifans étoit fi légère
, leur recherche fi peu difpendieufe , qu'il
n'y avoit lors de la recherche, qu'un fiécle à remplir
pour être confirmé dans la poffeffion d'une
Noblent de Race
Je me flatte , Monfieur , que l'Auteur du Mercure
aura a mon égard , la même complaifance
qu'il a eue pour vous . J'ofe croire , que vous
n'improuverez point oppofition de mes fentimens
aux vôtres , pénétré des louables motifs
(je euque ici vos expreffions & m'en honore ]
qui femblent vous nimer , je crois devoir détruire
la confiance que le Public pourroit prendre à
vos opinions. Elle m'ont féduit d'abord ; l'examen
en a enfuite éffacé l'impulfion . Vous me
par lennerez cet aveu & la liberté que je prends
de vous l'écrire. J'ai l'honneur d'être , &c .
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Résumé : LETTRE à l'Auteur anonyme d'une Lettre en date de Montauban du 12 Février 1760, insérée au Mercure d'Avril.
La lettre, datée du 12 février 1760, répond à un auteur anonyme qui a critiqué le compilateur des 'Pièces fugitives'. L'auteur de la lettre défend ce compilateur, accusé d'avoir inclus les jugements de M. de Bezons, Intendant du Languedoc, dans son recueil. Il explique que ces jugements sont des pièces périodiques qui attestent de l'état de la noblesse du Languedoc de manière claire et non équivoque. Le compilateur n'a pas nécessairement comparé les opérations de M. de Bezons à celles de M. de Caumartin, mais a simplement donné aux extraits des jugements la forme de ceux du Nobiliaire de Champagne. L'auteur conteste également l'affirmation selon laquelle la bonne noblesse du Languedoc ne se sert jamais du relaxe de M. de Bezons. Il mentionne que certains gentilshommes n'ont pas été recherchés et ne sont donc pas inscrits dans le catalogue des nobles, mais estime que cela ne prouve pas que les jugements de M. de Bezons soient principalement de faveur. Il souligne que l'oubli des traitants peut être préjudiciable aux familles dont les titres n'ont pas été vérifiés. La lettre aborde aussi le cas des gentilshommes qui n'ont produit que les preuves de quatre générations, remontant parfois jusqu'à l'an 1100. L'auteur suggère que ces actes auraient dû être distingués dans des notes séparées ou marginales. Il critique l'opinion de l'auteur anonyme selon laquelle les gentilshommes se faisaient décharger sur le premier titre disponible, affirmant que cela est improbable et que la plupart des gentilshommes ont cherché à satisfaire les termes de l'édit. Enfin, l'auteur exprime son espoir que l'Auteur du Mercure sera complaisant à son égard et qu'il ne désapprouvera pas l'opposition de ses sentiments à ceux de l'auteur anonyme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 191-193
SUITE de la Copie d'un Mémoire en faveur du Duc de Biren, & envoyé de Mittau le 16 Janvier 1763.
Début :
Le Duc Jean-Ernest, en recevant la première nouvelle de l'intrusion du Prince Charles, [...]
Mots clefs :
Duc de Biren, Prince Charles, Prisonnier, Jugement, Impératrice de Russie, Justice, Couronne, Roi de Pologne, Duc de Courlande, Diète, Possession, Fiefs, Sénat, Nomination, Mémoire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Copie d'un Mémoire en faveur du Duc de Biren, & envoyé de Mittau le 16 Janvier 1763.
SUITE de la Copie d'un Mémoire en faveur du
Duc de Biren , & envoyé de Mittau le 16
Janvier 1763.
"
"
"
Le Duc Jean- Erneft , en recevant la première
nouvelle de l'intruſion du Prince Charles , vou.
lut protefter contr'elle ; mais étant toujours
, détenu prifonnier en Ruffie , il ne lui fut pas
,, poffible d'éxécuter fon deffein ; cependant comme
il n'a jamais renoncé aux droits qu'il a légitimement
acquis , & dont il n'a jamais été
privé par aucun jugement légal , il doit les
>>conferver entiers.
» Auffi , dès que le fucceffeur immédiat de
l'Impératrice Elifabeth eut rompu ſes chaînes ,
fongea-t-il à faire valoir fes droits & à fe re-
> mettre en poffeffion de fes Duchés.
גכ
ג כ
L'Impératrice Catherine II , qui le trouva
» libre , à fon avénement à la Couronne , für
> touchée des longs malheurs qu'il avoit efluyés ;
» & comme Elle étoit intimement perfuadée de
la juftice de la caufe , fondée fur les titres &
> les faits inconteftables ci -deffus détaillés , Effe
> crut , par l'amour feul de l'équité , devoir fai
accorder fa haute protection & fon appui pour
» le rétablir dans les Etats.
» Dans cette vue , tous les moyens amiables
192 MERCURE DE FRANCE.
5)
furent employés de fa part à la Cour de Po
logne , & le Duc Jean Erneft ne manqua pas
non plus de repréſenter ſon droit par des lettres
>>convenables & refpectueuses.
» Mais comme Sa Majeſté Polonoiſe n'a écou
té dans cette occafion que la voix de la ten-
>> dreffe paternelle , il n'eft pas étonnant que
» l'Impératrice ait eu à la fin recours à des voies
plus efficaces pour faire rentrer le Duc Jean-
Erneft dans la poffeffion d'une Principauté don't
on paroilloit vouloir le dépouiller injuftement.
>> Car par tout ce qu'on vient d'expoſer , il eſt
clair , 1. que le Duc Jean -Erneſt fut établi
» Duc de Courlande par la feule autorité légitime
» en Pologne , qui eft celle d'un Décret de la
» Diete , en vertu duquel le Roi lui a folemnelle-
> ment conféré ce Fief , tant pour lui que pour
»fa poftérité mâle. 2 °. Que puifque le Roi & le
» Sénat fe font pendant dix ans intéreffés en la
faveur le faire remettre en liberté & en
pour
poffeffion de fes Duchés , ils ont conftamment
>> reconnu fon droit. 3 °. Qu'il n'a pû tout d'un
coup en être légitimement privé par le Senatus
Confilium de 1758 , auquel les loix n'en
avoient pas donné l'autorité. 4 ° . Que de plus ,
dans le prétendu jugement du Sénat , aucune
formalité requife n'a été obfervée , le Duc Jean-
Erneft n'ayant été ni cité ni oui en défenſe . 5º .
Que le Prince Charles n'a été nommé à fa place
fur la fuppofition que le Duc Jean - Erneft &
fa Famille ne feroient jamais remis en liberté ;
mais le contraire étant arrivé , tout ce qui
que
» a été établi fur ce fondement tombe de foi -mê-
» me , & qu'ainfi le Duc Jean- Erneft doit rentrer
» de plein droit dans fes Duchés ? & 6 ° . que fi
le Prince Charles fe trouve compromis d'une
»maniére
"
""
"
ر د
"
» que
DƆ
M A I. 1763. 193
18
ゴ
1:
manière défagréable dans cette affaire , ce n'eft
pas la faute da Duc Jean- Erneſt , mais de ceux
qui ont engagé ce Prince dans une ſemblable
démarche , fans avoir égard à la justice , &fans
prévoir les fuites.
Duc de Biren , & envoyé de Mittau le 16
Janvier 1763.
"
"
"
Le Duc Jean- Erneft , en recevant la première
nouvelle de l'intruſion du Prince Charles , vou.
lut protefter contr'elle ; mais étant toujours
, détenu prifonnier en Ruffie , il ne lui fut pas
,, poffible d'éxécuter fon deffein ; cependant comme
il n'a jamais renoncé aux droits qu'il a légitimement
acquis , & dont il n'a jamais été
privé par aucun jugement légal , il doit les
>>conferver entiers.
» Auffi , dès que le fucceffeur immédiat de
l'Impératrice Elifabeth eut rompu ſes chaînes ,
fongea-t-il à faire valoir fes droits & à fe re-
> mettre en poffeffion de fes Duchés.
גכ
ג כ
L'Impératrice Catherine II , qui le trouva
» libre , à fon avénement à la Couronne , für
> touchée des longs malheurs qu'il avoit efluyés ;
» & comme Elle étoit intimement perfuadée de
la juftice de la caufe , fondée fur les titres &
> les faits inconteftables ci -deffus détaillés , Effe
> crut , par l'amour feul de l'équité , devoir fai
accorder fa haute protection & fon appui pour
» le rétablir dans les Etats.
» Dans cette vue , tous les moyens amiables
192 MERCURE DE FRANCE.
5)
furent employés de fa part à la Cour de Po
logne , & le Duc Jean Erneft ne manqua pas
non plus de repréſenter ſon droit par des lettres
>>convenables & refpectueuses.
» Mais comme Sa Majeſté Polonoiſe n'a écou
té dans cette occafion que la voix de la ten-
>> dreffe paternelle , il n'eft pas étonnant que
» l'Impératrice ait eu à la fin recours à des voies
plus efficaces pour faire rentrer le Duc Jean-
Erneft dans la poffeffion d'une Principauté don't
on paroilloit vouloir le dépouiller injuftement.
>> Car par tout ce qu'on vient d'expoſer , il eſt
clair , 1. que le Duc Jean -Erneſt fut établi
» Duc de Courlande par la feule autorité légitime
» en Pologne , qui eft celle d'un Décret de la
» Diete , en vertu duquel le Roi lui a folemnelle-
> ment conféré ce Fief , tant pour lui que pour
»fa poftérité mâle. 2 °. Que puifque le Roi & le
» Sénat fe font pendant dix ans intéreffés en la
faveur le faire remettre en liberté & en
pour
poffeffion de fes Duchés , ils ont conftamment
>> reconnu fon droit. 3 °. Qu'il n'a pû tout d'un
coup en être légitimement privé par le Senatus
Confilium de 1758 , auquel les loix n'en
avoient pas donné l'autorité. 4 ° . Que de plus ,
dans le prétendu jugement du Sénat , aucune
formalité requife n'a été obfervée , le Duc Jean-
Erneft n'ayant été ni cité ni oui en défenſe . 5º .
Que le Prince Charles n'a été nommé à fa place
fur la fuppofition que le Duc Jean - Erneft &
fa Famille ne feroient jamais remis en liberté ;
mais le contraire étant arrivé , tout ce qui
que
» a été établi fur ce fondement tombe de foi -mê-
» me , & qu'ainfi le Duc Jean- Erneft doit rentrer
» de plein droit dans fes Duchés ? & 6 ° . que fi
le Prince Charles fe trouve compromis d'une
»maniére
"
""
"
ر د
"
» que
DƆ
M A I. 1763. 193
18
ゴ
1:
manière défagréable dans cette affaire , ce n'eft
pas la faute da Duc Jean- Erneſt , mais de ceux
qui ont engagé ce Prince dans une ſemblable
démarche , fans avoir égard à la justice , &fans
prévoir les fuites.
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Résumé : SUITE de la Copie d'un Mémoire en faveur du Duc de Biren, & envoyé de Mittau le 16 Janvier 1763.
Le mémoire du 16 janvier 1763 soutient la cause du Duc Jean-Erneft de Biren, détenu en Russie et empêché d'empêcher l'intrusion du Prince Charles en Courlande. Le Duc n'a jamais renoncé à ses droits légitimes sur le duché, acquis par un décret de la Diète polonaise et confirmés par le roi de Pologne. À sa libération, il a cherché à récupérer ses duchés. L'Impératrice Catherine II, convaincue de la justesse de sa cause, lui a offert sa protection. Des démarches amiables auprès de la cour de Pologne ayant échoué, l'Impératrice a dû recourir à des moyens plus efficaces. Le mémoire souligne que le Duc Jean-Erneft a été légitimement établi Duc de Courlande par un décret de la Diète, reconnu par le roi et le Sénat polonais pendant dix ans. Le jugement du Sénat de 1758, le privant de ses droits, est jugé illégal car les formalités nécessaires n'avaient pas été respectées. Le Prince Charles ayant été nommé sous l'hypothèse que le Duc ne serait jamais libéré, la situation ayant changé, le Duc Jean-Erneft doit récupérer ses duchés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 193-194
SUPPLÉMENT à l'Art. des Nouvelles Littéraires. De Compiegne, le 17 Juillet 1764.
Début :
Le Roi vient de nommer quatre Commissaires à l'effet d'examiner [...]
Mots clefs :
Nomination, Commissaires, Ouvrage, Académie royale des belles-lettres, Membres, Censeur royal, Assemblée, Jugement, Public
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texteReconnaissance textuelle : SUPPLÉMENT à l'Art. des Nouvelles Littéraires. De Compiegne, le 17 Juillet 1764.
SUPPLÉMENT à l'Art. des Nouvelles
Littéraires .
De Compiegne , le 17 Juillet 1764.
LE Rol vient de nommer quatre
Commiſſaires à l'effet d'examiner un
Ouvrage immenfe auquel travaille depuis
long-temps M. Barletti de Saint-
Paul * , & dont voici le titre.
Inſtitutions néceſſaires , ou Corps com
plet d'éducation pratique & relative
dans lequel on trouve la vraie méthode
d'étudier & d'enſeigner les différentes
Sciences convenables aux deux ſexes ,
à tous les âges & à tous les états.
Les Commiſſaires choiſis font MM.
Bonamy , Hiſtoriographe & Bibliothécaire
de la ville de Paris , Membre de
l'Académie Royale des Belles-Lettres ,
&c.
DeGuignes, de la même Académie ,
Profeſſeur Royal de la Société Royale de
*Ancien Secrétaire du Protectorat de France
en Cour de Rome , & Membre de pluſieurs Académies
.
I
194 MERCURE DE FRANCE.
Londres , Interprète à la Bibliothéque
du Roi pour les Langues Orientales ,
&c.
De Montcarville , Cenſeur Royal
pour les Mathématiques.
De Paffe , Cenfeur Royal pour l'Hiftoire
ancienne , Gouverneur de M. de
S. Farjeau .
V
La première Aſſemblée ſe tiendra
Lundi 30 de ce mois , chez M. de Montcarville.
On fera paffer également dans le Public
le Jugement qu'auront rendu MM.
les Commiffaires .
Littéraires .
De Compiegne , le 17 Juillet 1764.
LE Rol vient de nommer quatre
Commiſſaires à l'effet d'examiner un
Ouvrage immenfe auquel travaille depuis
long-temps M. Barletti de Saint-
Paul * , & dont voici le titre.
Inſtitutions néceſſaires , ou Corps com
plet d'éducation pratique & relative
dans lequel on trouve la vraie méthode
d'étudier & d'enſeigner les différentes
Sciences convenables aux deux ſexes ,
à tous les âges & à tous les états.
Les Commiſſaires choiſis font MM.
Bonamy , Hiſtoriographe & Bibliothécaire
de la ville de Paris , Membre de
l'Académie Royale des Belles-Lettres ,
&c.
DeGuignes, de la même Académie ,
Profeſſeur Royal de la Société Royale de
*Ancien Secrétaire du Protectorat de France
en Cour de Rome , & Membre de pluſieurs Académies
.
I
194 MERCURE DE FRANCE.
Londres , Interprète à la Bibliothéque
du Roi pour les Langues Orientales ,
&c.
De Montcarville , Cenſeur Royal
pour les Mathématiques.
De Paffe , Cenfeur Royal pour l'Hiftoire
ancienne , Gouverneur de M. de
S. Farjeau .
V
La première Aſſemblée ſe tiendra
Lundi 30 de ce mois , chez M. de Montcarville.
On fera paffer également dans le Public
le Jugement qu'auront rendu MM.
les Commiffaires .
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Résumé : SUPPLÉMENT à l'Art. des Nouvelles Littéraires. De Compiegne, le 17 Juillet 1764.
Le 17 juillet 1764, à Compiègne, le Roi a nommé quatre commissaires pour examiner l'ouvrage de M. Barletti de Saint-Paul intitulé 'Institutions nécessaires, ou Corps complet d'éducation pratique & relative'. Cet ouvrage propose une méthode d'étude et d'enseignement des sciences adaptée aux deux sexes, à tous les âges et à tous les états. Les commissaires désignés sont M. Bonamy, historiographe et bibliothécaire de Paris, membre de l'Académie Royale des Belles-Lettres, M. DeGuignes, membre de cette académie et professeur royal, M. Londres, interprète à la Bibliothèque du Roi pour les langues orientales, M. De Montcarville, censeur royal pour les mathématiques, et M. De Passe, censeur royal pour l'histoire ancienne et gouverneur de M. de Saint-Farjeau. La première assemblée des commissaires est prévue pour le lundi 30 juillet chez M. De Montcarville. Le jugement des commissaires sera également rendu public.
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