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1
p. 257-258
V.
Début :
Qui dira qu'en ce mois le Présent est frivole, [...]
Mots clefs :
Présent, Peintre, Parole, Portraits, Mémorial, Écriture
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texteReconnaissance textuelle : V.
V ...
DU HAVRE..
Q
Vidira qu'en ce mois le Préfent eſt
frivole,
Se trompe lourdement, c'eſt un Don pré--
cieux,
C'est un Peintre de la Parole,
Quifçait fort bien parler aux yeux,
Et donner lacouleur aux plus bellespen
fees.
eft l'Ecole des Grands, l'Etude des Pe
tits,
2. de Janvier 1685. Y
258
Extraordinaire
Le Portrait des chofes paffées,
Le Confeil des plus beaux Efprits,
Et le Tréforde la mémoire.
C'est le Trompette enfin, & l'Echo de la
gloire
Du plus grand des Mortels, l'invincible
LOUIS,
Et le Mémorial defes Faits inouis.
C'cft auffi le Portrait que nous afait Mer
cure,
Quand il nous donne l'Ecriture.
LA PETITE ASSEMBLEE G.
du Havre.
DU HAVRE..
Q
Vidira qu'en ce mois le Préfent eſt
frivole,
Se trompe lourdement, c'eſt un Don pré--
cieux,
C'est un Peintre de la Parole,
Quifçait fort bien parler aux yeux,
Et donner lacouleur aux plus bellespen
fees.
eft l'Ecole des Grands, l'Etude des Pe
tits,
2. de Janvier 1685. Y
258
Extraordinaire
Le Portrait des chofes paffées,
Le Confeil des plus beaux Efprits,
Et le Tréforde la mémoire.
C'est le Trompette enfin, & l'Echo de la
gloire
Du plus grand des Mortels, l'invincible
LOUIS,
Et le Mémorial defes Faits inouis.
C'cft auffi le Portrait que nous afait Mer
cure,
Quand il nous donne l'Ecriture.
LA PETITE ASSEMBLEE G.
du Havre.
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Résumé : V.
Le texte 'LA PETITE ASSEMBLEE du Havre', daté du 2 janvier 1685, décrit le Préfent comme frivole et trompeur, mais aussi comme un don précieux et un peintre de la parole. Il loue le portrait des choses passées, le conseil des esprits et le trésor de la mémoire. Le Préfent est comparé à une trompette et à l'écho de la gloire de Louis, l'invincible, soulignant ses faits inouïs. Ce portrait est offert par Mercure à travers l'écriture.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 197-204
L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
Début :
Boudabat, Prince Arabe, étoit homme de beaucoup d'esprit ; il [...]
Mots clefs :
Peintre, Amour, Haine, Portrait, Prince, Princesse, Défauts, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
L'AMOUR
ET LA HAINE
MAUVAIS PEINTRES
sbshot
L'UN ET L'AUTRE.
Trait hiftorique d'un Prince
stomer Arabe, opna
BOudabat, Prince Arabe , étoit hommesde
beaucoup d'efprit ; il
avoit tout le goût imaginable pour les beaux
R iij
198 MERCURE
arts : mais il étoit aveuglément amoureux d'une Greque fort laide , &
n'aimoit gueres fa femme, quoy qu'elle fût la
plus belle Princeſſe de
l'Orient. Il voulut un
jour les faire peindretoutes deux , & penfa faire
tourner la tête à un excellent Peintre. Il fit recommencer cent fois ces
deux portraits. Celui de
La femme lui paroiſſoit
toujours trop flaté , &
GALANT 199
celui de fa ' maîtreffe ,
•quelque flaté qu'il fuft,
lui paroiffoit indigne de
Toriginal ; il en faifoit
reformer tous les traits
Fun aprés l'autre , felon
que fon imagination en
étoit frapée en forte qu'
infenfiblement le Peintre fit de fa laide maîtreffe une Venus. Rien
n'y manquoit que la reffemblance. Faites le toujours beau, difoit lePrin
ce, il fera bien facile enR. iiij
200 MERCURE
Сер
fuite de lui donner la
reffemblance, deux coups
de pinceau feront l'affai1re. Par exemple , difoitil , en faifant parcourir
Kaux yeux du Peintre les
traits les plus marquez
dans le vifage de fa maîtreffe , marquez bien ce
petit pli qui eft à côté de
la bouche de ma Dame,
marquez legerementcette petite élevation fur le
milieu du nez , grandiffez un peu la bouche;
GALANT00201
cet oeil eft à la verité un
peutrop grand, appetif
fez- le. LePeintre obeilfant reformoit ainfi petit
à petit les traits flatez ;
lawreffemblance venoit
au portrait mais la laideur venoit auffi , & le
Prince n'étoit plus content du Peintre , ni du
portrait.
Quand il s'agiffoit du
portrait de la femme ,
C'étoit des difficultez
toutes oppofées ; car le
5
202 MERCURE
Prince , en voulant dizminuer les beautez diminuoit la reflemblance. Enfin unjour le Peintre pouffé à bout lui dit :
6
Seigneur : je perds ici le
temps & la patience ;
carilfaudroit, pour vous
contenter , que je fille
le portrait devotrefentme fi laid , & celui de
vôtre maîtreffe fi beau,
que cela juſtifiât vôtre
amour. Je crois que tu
as raiſon , répondit le
GALANT 1203
a
Prince qui entendoit
raillerie , laiffons là les
deux portraits oils feroient tort à ma reputation ou à la tienne. Le
Peintre lui répondit : Ce
fera mieux fait , Seigneur car mon pinceau
ne peut pas fuivre vôtre imagination , it eft
fait pour fuivre la mienne. Si vous étiez Peintre, vous pourriez peutêtre faire un beau portrait de vôtre maîtreffe;
204 MERCURE
& fi j'étois mari de votre femme , j'en ferois
peut-être un portrait en
laid qui ne laifseroit pas
de lui ressembler.as
Unfaifeur de portraits
eft auffi embarassé qu'un
bon critique d'ouvrages
d'efprit ; onne peutgueres marquer les défauts
d'un ouvrage fans déplaire à l'auteur , ni en
louer les beautez fans
déplaire à fes rivaux
ET LA HAINE
MAUVAIS PEINTRES
sbshot
L'UN ET L'AUTRE.
Trait hiftorique d'un Prince
stomer Arabe, opna
BOudabat, Prince Arabe , étoit hommesde
beaucoup d'efprit ; il
avoit tout le goût imaginable pour les beaux
R iij
198 MERCURE
arts : mais il étoit aveuglément amoureux d'une Greque fort laide , &
n'aimoit gueres fa femme, quoy qu'elle fût la
plus belle Princeſſe de
l'Orient. Il voulut un
jour les faire peindretoutes deux , & penfa faire
tourner la tête à un excellent Peintre. Il fit recommencer cent fois ces
deux portraits. Celui de
La femme lui paroiſſoit
toujours trop flaté , &
GALANT 199
celui de fa ' maîtreffe ,
•quelque flaté qu'il fuft,
lui paroiffoit indigne de
Toriginal ; il en faifoit
reformer tous les traits
Fun aprés l'autre , felon
que fon imagination en
étoit frapée en forte qu'
infenfiblement le Peintre fit de fa laide maîtreffe une Venus. Rien
n'y manquoit que la reffemblance. Faites le toujours beau, difoit lePrin
ce, il fera bien facile enR. iiij
200 MERCURE
Сер
fuite de lui donner la
reffemblance, deux coups
de pinceau feront l'affai1re. Par exemple , difoitil , en faifant parcourir
Kaux yeux du Peintre les
traits les plus marquez
dans le vifage de fa maîtreffe , marquez bien ce
petit pli qui eft à côté de
la bouche de ma Dame,
marquez legerementcette petite élevation fur le
milieu du nez , grandiffez un peu la bouche;
GALANT00201
cet oeil eft à la verité un
peutrop grand, appetif
fez- le. LePeintre obeilfant reformoit ainfi petit
à petit les traits flatez ;
lawreffemblance venoit
au portrait mais la laideur venoit auffi , & le
Prince n'étoit plus content du Peintre , ni du
portrait.
Quand il s'agiffoit du
portrait de la femme ,
C'étoit des difficultez
toutes oppofées ; car le
5
202 MERCURE
Prince , en voulant dizminuer les beautez diminuoit la reflemblance. Enfin unjour le Peintre pouffé à bout lui dit :
6
Seigneur : je perds ici le
temps & la patience ;
carilfaudroit, pour vous
contenter , que je fille
le portrait devotrefentme fi laid , & celui de
vôtre maîtreffe fi beau,
que cela juſtifiât vôtre
amour. Je crois que tu
as raiſon , répondit le
GALANT 1203
a
Prince qui entendoit
raillerie , laiffons là les
deux portraits oils feroient tort à ma reputation ou à la tienne. Le
Peintre lui répondit : Ce
fera mieux fait , Seigneur car mon pinceau
ne peut pas fuivre vôtre imagination , it eft
fait pour fuivre la mienne. Si vous étiez Peintre, vous pourriez peutêtre faire un beau portrait de vôtre maîtreffe;
204 MERCURE
& fi j'étois mari de votre femme , j'en ferois
peut-être un portrait en
laid qui ne laifseroit pas
de lui ressembler.as
Unfaifeur de portraits
eft auffi embarassé qu'un
bon critique d'ouvrages
d'efprit ; onne peutgueres marquer les défauts
d'un ouvrage fans déplaire à l'auteur , ni en
louer les beautez fans
déplaire à fes rivaux
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Résumé : L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
Le texte raconte l'histoire du prince arabe Boubdat, passionné par les arts et éperdument amoureux d'une Grecque laide, au détriment de sa femme, la plus belle princesse de l'Orient. Boubdat commande les portraits de ses deux compagnes à un peintre. Insatisfait des résultats, il demande des retouches incessantes. Pour la Grecque, il exige qu'elle soit représentée plus belle, au point que le peintre crée une Vénus sans ressemblance. Pour sa femme, il demande de diminuer ses beautés, altérant également la ressemblance. Exaspéré, le peintre avoue l'impossibilité de contenter le prince, qui abandonne le projet. Le peintre conclut que son art ne peut suivre l'imagination du prince et que chacun doit se contenter de ses propres limites.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 13-39
L'HOMME ROUGE. Nouvelle Metamorphose.
Début :
Tout Paris a crû trop legerement qu'un époux, de [...]
Mots clefs :
Gascon, Peintre, Nièce, Oncle, Mariage, Intrigue, Lettre, Vanité, Duperie, Comédie, Rouge, Métamorphose, Fiançailles
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texteReconnaissance textuelle : L'HOMME ROUGE. Nouvelle Metamorphose.
L'HOMME ROUGE.
-1vouirgiu
TOut Larissacrûtrop
iegercment qu'un é-•
poux. de concert avec
sa n|s: -•
aimable: moitié,
avoit teint en verd
un galantehomme, qui les incommodait:
par lès frequentcs fie
très- importunés visites
, 8c
- par la liberté
qu'il prenoit tous les
jours de faire nombrea
leur table sans. t~t avoir
jamais été invité. Il efli
inutile de rapporter 1^
détail de cette fiétion,
où personnen'a varié J
ni change la moindres
circonstancepour larendre
encore plus croya
ble sur le comptede ce
luiauxdépens de quvJ
elle a été imaginée ; &t::
comme le public se dédit
rarement ,
l'homme
verd passe aujourd'hui
dans sescroniques pour
être parvenu, en se lavant
&frotanc bien tous
les jours, à n'être plus
que de couleur de verd
de Tourville;cesont encore
deux ou troisnuan*
ces vertes qu'ilfautqu'il
essuye pour se trouver à
sa couleur naturelle.
Un jeune &.très
tourdi Gascon n'en fera
pas quitte a meilleur
marché. On amande ici
qu'ilénoitd'Aire, ville,
& Evêché deGascogne.
&,' qu'étant arrivé sur Jai
fin du printemps, der-;
niér à Marseille en qualité
de jeune Peintre qui
voyageyiisymit en
testedefairelafortune
àlanieced'un Peintre,
qui est jolie
,
& qui a
vingt,foisplusde bien
que lui. Elleaperdu très
jeuneson pere & sa mci
re , &C a été élevée par
un oncle, quiest sontu^
teur,
teur, avecplusdesoin
que si elleeût été sa propre
fille. Lescomplimens
outrez 8c lesoffres
dé services à perte
de vue duGascon furent
d'abord reçues par
l'oncle, avec beaucoup
d'indifference. Les Provençaux,
trop prévenus
contre les Gascons, font
persuadez que tout l'univers
met de grandes
différences entre leurcarters&
ccl'uid'ullLatl
guedockien,d'un Ptri.
gourdin, d'un Gascon &
de tous leurs autres voisins
; semblables en cela
aux Normands & aux
Manceaux, qui quoy
qu'également fins, subtils&
c prévoyans, affectent
neanmoins d'avoir
en particulier de belles
qualitez, & de n'estre
jamais fuicts) a certains
défauts dont les quolibets
& mauvais proverbescaracterisent
également
les uns & les autres.
Le fcul nom de
Gascon mit donc en
garde lé Provençal, qui
ne prit pas pour argent
comptant les vingt mil
écus quele jeune Peintre
disoit que son pere
étoit fort en état de luy
donner s'il se presentoit
un partiquilui convinst.
Il avançoitautïi que sa
famille étoit alliée à toute
la noblessedeson pays;
que les ancestres avoient
blanchi auservicedu
Prince. Il ne manquoit
que des preuves &•des
titres a tout cela ;&,l'oncle,
quicomeriça$ecou->
ter avec plaisirlesrécits
romanesques quçle¡Ga(j
con faisoitdesesançêrres-
& de fafortune,affecta
de ne le contredire en
rien. Il nerebutadoncpoint
le dessein qu'ilavoit
d'epouser sa niece;
& pour rendre le roman
plus long & plus complçt,
ilfdpm#n4.a à l'amant
des lettres Se des
assurancesdp, ses parens quiprouvaientque là
recherche de-sa nièce
leur étoit agréable.
': Le
Gascon; fij^d'un pere-
CltJtar' .ptyscfçvi&.plusi
vajfl-que lui ,-e0, reçut
bientost réponsesur l'avis^
u'U:lvy eivit.,4on-;
nétiqUi'iJIé^oit-defiri.ejrt»
m.rlag': '-pa,i unetrèsbc:,
Uef &. , Jirés.-riche'Da-,
rfioUeJlejquiiherït^roiC:
encore d'un oncle, qui
le pressoit l'épée dans les
reins pour la conclusion
du mariage de sa niece ;
dont tout le pays de
Marseille jazoit, depuis
qu'il lui comptoit des
fleurettes. Le Gasconlogeoitchez
un hôte malin,
& qui nemanquoit
pas d'esprit > il lui confial'intrigile
de son mariage,
Se ils firent ensemble
la lettre qu'il écrivit
à son pere ; c'cft*
de lui qu'on a sçû ce
qu'elle contenoit:voici
la reponef du pere.
Vôtremere, vos quatre
freres toutesVQ$
fteurs craignent,comme, "Jnemam
foyezxtrvp )'ren,J"tIII/#
appas de,la belle que
?etts 'VwlezJ épojifèr i
V0.ttsa'veT^anotre pàrtç
des filles richest belles
f5 de condition
-,
qui ne
demandentpas mieux.
%7\
que notre alliancei&si
nous gagnons le procès
de la demande que mes
'-la!cy'.culs font depuis prés
cent: ans àlamaifon
'-¡Braqucnagt.
, vous
IJtIW--¡t#Ji:oJfe- asix
vthmnaux ylmo*WMi*Q$r\W^ le droit de vosports)f5
ne> vousméfalhe^ pasa
qu'àconditionquelafille
que vous pÓurfùi'Vt'en
mariagefiitune grande
hmmre;e.t"rmnk.
aufifi
àu,et dans ses parens
9 tant paternels que maternels
ilny en a point
eu qui eurent des vices
de corps ou d'iffrit; car
parbleu on ne peut rien
reprocher à ma race> eS
nous efmmes tous gaillards
f5 Jains comme
des poissons:je vous envoirai
par la premiere
sosievôtre extrait ba..
ptiftaireFlJ un pouvoir
de moy f5 de votre me
n de vous marier à t'()ô:" -
tre gré
s en'vous refera
vant al, nos(uccejjions dés
que nous ferons mortsjouhliois de : vous dire
que vo/1tre mere a une
bellef5 riche croix d'or
ou pendent six rubis
troisperlesfinesdegrand
prix; elle a aussi un fort
beau colier f5 des hraf
felets dambre
>
quiJont
les preftns de nôce que
rvotreajeule luifit lors
que je l'épousai, elle les
çonfèrve bien chèrement
pour en faire un-presènt
à evotre épouse ,
a qui
nous vous chargeons de
faire e5 redoubler quelque
joli compliment de
nôtre part. Jefuisvotre
fere es bon ami,
DE CAGANAC.
Le Gascon qui craignoit
que son pere n'eût
pas resprit de lui faire
unereponseequ"il pûtmotrer
en avoit une toute
preste de sa façon,si celle
qu'il reçut neutt pas
satisfait sa folle vanité:
mais il la trouva encore
plus à son gré que la
sienne, qu'il avoit déjà
fait voir & corriger par
son hte, railleur de
profession, & qui aassuré
que l'une valoit bien
l'autre. La reponse du
pere fut bientost communiquée
à l'oncle, qui
la trouva si singuliere&
si piaisante, qu'il pria le
Gascon de la lui laisser,
afin qu'il la montrât à
sa niece, & à ses proches
parens , qui s'en divertirent
en perfection avec
tous leurs amis: on ne
parla pendant plus d'un
mois dans Marseille que
de la lettre du pere Gascon,
que tout le monde
voulut voir &C copier;
on en parloit au fils avec
des éloges pour sa belle
famille, & pour toutes
les grandes demandes
qu'elle faisoit à Messieurs
de Braquenage. LeGascon
recevoit tout ce quon
lui disoit comme
choses qui lui eussent
esté fort deuës, & quoiqu'on
sçust qu'il n'estoit
que le fils d'un petit
marchand de drap, on
le traittoit ~néanmoins
en homme de qualité,
& avec des maniérés qui
acheverent de lui gâter
l'esprit : mais le peintre,
qui le recevoit toûjours
gracieusement, & qui
l'arrestoitquelquefois à
souper, se trouva embarrassé
dans le dénoue..
ment du pretendu mariage
de sa niece, que le
Gascon disoit en confidence
à tout le monde ne
dépendre plus que de
lui, d'autant qu'il avoic
mis la Demoiselle sur le
pied de le traiter autant
bien qu'it pouvoitl'esperer
d'une personne à
qui il feroit sa fortune,
& qui recevroitde grads
honneurs de son allince;
on redisoit à l'oncle &
à la niece les sotises ÔC
toutes les gasconades
qu'imaginoit de jour en
jour le pretendu futur;
& comme la matière en
étoit delicate, & extravagament
mise en oeuvre
par le Gascon, on
crut qu'il étoit necessaire
de finir cette comedie.
L'oncle pour y
parvenir ménagea un entretien
seul à seul avec
l'amant àquiilfit confidence
d'un bruit qui
couroit de sa niece, non
pas qu'il le crustcapable
d'un pareil attentat:mais
bien un Gentil-homme
que sa niece écoutoit
trop favorablement depuis
prés de deux ans.
LeGascon qui avoit toutes
les preuves de sa
continence avec laniece
du Peintre,se mordit le
doigt au recit de cette
confidence, & neanmoins
aprés un moment
de reflexion il se jetta
aux pieds de l'oncle en
le conjurant de ne pas
aprofondir un mystere
amoureux; le Gascon
s'imagina apparemment
que la niece mourant
d'envie de l'épouser auroit
eu l'adressede faire
courir ce faux bruit, &
il continua de supplier
l'oncle de ne point faire
d'éclat pour une bagatelle
: mais l'oncle, qui
avec une pareille fuposition
ne trouva point
l'interessé Gascon dégouté
de sa niecc, prit sur
le champ le parti de lui
défendrel'entrée de sa
maison, en lui disant
qu'il étoit resolu de laisfer
époufer à sa niece le
Gentil-homme dontelle
estoit en-testéè. Le Gascon
ne se tint pas pour
irrevocablement rcfufé,
& parut dés le lendemain
chez le peintre à
l'heure de son souper,
il se mit à table sans en
estre prié,&buteffron.
tement à la santé de la
belle qui ne pouvoit
plus S'ên dédire;la niece
qui étoit trés-sage sortit
de table dés qu'elle eut
entendu ce compliment,
& l'oncle, pour ôter abfolument
au Gascon
toutes ses folles pretentions,
le fit inviter dés
le lendemain à souper
chez lui, où il pria deux
de les amis de le venir
seconder pour mieux
jouër sa piece 5 illeur en
fit considence, & leur
dit qu'ils ne feroient
qu'imiter ce qu'on avoit
fait à Paris depuis trois
mois à l' homme verd.
On convint que la niece
ne feroit point du souper,
pour être en état de
parler gayment & à
coeur ouvert de ce que
le Gascon pretendoits'êtrepassé
entre elle & lui;
on se mit à table à l'heure
convenue, 84 on y
tint des propos à mettre
l'imagination du Gascon
en campagne > on lui
porta coup sur coup la
sante de sa maîtresse, &C
dés qu'on le vit pris de
vin, on lui en donna de
préparé dont l'effet fut
d'assoupir ses sens de
telle maniéré qu'on le
coucha sur un lit de repos,
où ilnesetouvient
point d'avoir été mis,ni
d'avoir été porté chez
lui, après qu'on lui eut
peint tout le visage en
rouge couleur de masque
de furie. Ne voila
que deux couleursusées
pour des amans importuns
& indiscrets
t &
tous ceux qui leur ressemblent
meritent au
moins de pareils traitemens.
Cetteavanture m'aété
envoyée par M. l¥-.¥¥
-1vouirgiu
TOut Larissacrûtrop
iegercment qu'un é-•
poux. de concert avec
sa n|s: -•
aimable: moitié,
avoit teint en verd
un galantehomme, qui les incommodait:
par lès frequentcs fie
très- importunés visites
, 8c
- par la liberté
qu'il prenoit tous les
jours de faire nombrea
leur table sans. t~t avoir
jamais été invité. Il efli
inutile de rapporter 1^
détail de cette fiétion,
où personnen'a varié J
ni change la moindres
circonstancepour larendre
encore plus croya
ble sur le comptede ce
luiauxdépens de quvJ
elle a été imaginée ; &t::
comme le public se dédit
rarement ,
l'homme
verd passe aujourd'hui
dans sescroniques pour
être parvenu, en se lavant
&frotanc bien tous
les jours, à n'être plus
que de couleur de verd
de Tourville;cesont encore
deux ou troisnuan*
ces vertes qu'ilfautqu'il
essuye pour se trouver à
sa couleur naturelle.
Un jeune &.très
tourdi Gascon n'en fera
pas quitte a meilleur
marché. On amande ici
qu'ilénoitd'Aire, ville,
& Evêché deGascogne.
&,' qu'étant arrivé sur Jai
fin du printemps, der-;
niér à Marseille en qualité
de jeune Peintre qui
voyageyiisymit en
testedefairelafortune
àlanieced'un Peintre,
qui est jolie
,
& qui a
vingt,foisplusde bien
que lui. Elleaperdu très
jeuneson pere & sa mci
re , &C a été élevée par
un oncle, quiest sontu^
teur,
teur, avecplusdesoin
que si elleeût été sa propre
fille. Lescomplimens
outrez 8c lesoffres
dé services à perte
de vue duGascon furent
d'abord reçues par
l'oncle, avec beaucoup
d'indifference. Les Provençaux,
trop prévenus
contre les Gascons, font
persuadez que tout l'univers
met de grandes
différences entre leurcarters&
ccl'uid'ullLatl
guedockien,d'un Ptri.
gourdin, d'un Gascon &
de tous leurs autres voisins
; semblables en cela
aux Normands & aux
Manceaux, qui quoy
qu'également fins, subtils&
c prévoyans, affectent
neanmoins d'avoir
en particulier de belles
qualitez, & de n'estre
jamais fuicts) a certains
défauts dont les quolibets
& mauvais proverbescaracterisent
également
les uns & les autres.
Le fcul nom de
Gascon mit donc en
garde lé Provençal, qui
ne prit pas pour argent
comptant les vingt mil
écus quele jeune Peintre
disoit que son pere
étoit fort en état de luy
donner s'il se presentoit
un partiquilui convinst.
Il avançoitautïi que sa
famille étoit alliée à toute
la noblessedeson pays;
que les ancestres avoient
blanchi auservicedu
Prince. Il ne manquoit
que des preuves &•des
titres a tout cela ;&,l'oncle,
quicomeriça$ecou->
ter avec plaisirlesrécits
romanesques quçle¡Ga(j
con faisoitdesesançêrres-
& de fafortune,affecta
de ne le contredire en
rien. Il nerebutadoncpoint
le dessein qu'ilavoit
d'epouser sa niece;
& pour rendre le roman
plus long & plus complçt,
ilfdpm#n4.a à l'amant
des lettres Se des
assurancesdp, ses parens quiprouvaientque là
recherche de-sa nièce
leur étoit agréable.
': Le
Gascon; fij^d'un pere-
CltJtar' .ptyscfçvi&.plusi
vajfl-que lui ,-e0, reçut
bientost réponsesur l'avis^
u'U:lvy eivit.,4on-;
nétiqUi'iJIé^oit-defiri.ejrt»
m.rlag': '-pa,i unetrèsbc:,
Uef &. , Jirés.-riche'Da-,
rfioUeJlejquiiherït^roiC:
encore d'un oncle, qui
le pressoit l'épée dans les
reins pour la conclusion
du mariage de sa niece ;
dont tout le pays de
Marseille jazoit, depuis
qu'il lui comptoit des
fleurettes. Le Gasconlogeoitchez
un hôte malin,
& qui nemanquoit
pas d'esprit > il lui confial'intrigile
de son mariage,
Se ils firent ensemble
la lettre qu'il écrivit
à son pere ; c'cft*
de lui qu'on a sçû ce
qu'elle contenoit:voici
la reponef du pere.
Vôtremere, vos quatre
freres toutesVQ$
fteurs craignent,comme, "Jnemam
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appas de,la belle que
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V0.ttsa'veT^anotre pàrtç
des filles richest belles
f5 de condition
-,
qui ne
demandentpas mieux.
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que notre alliancei&si
nous gagnons le procès
de la demande que mes
'-la!cy'.culs font depuis prés
cent: ans àlamaifon
'-¡Braqucnagt.
, vous
IJtIW--¡t#Ji:oJfe- asix
vthmnaux ylmo*WMi*Q$r\W^ le droit de vosports)f5
ne> vousméfalhe^ pasa
qu'àconditionquelafille
que vous pÓurfùi'Vt'en
mariagefiitune grande
hmmre;e.t"rmnk.
aufifi
àu,et dans ses parens
9 tant paternels que maternels
ilny en a point
eu qui eurent des vices
de corps ou d'iffrit; car
parbleu on ne peut rien
reprocher à ma race> eS
nous efmmes tous gaillards
f5 Jains comme
des poissons:je vous envoirai
par la premiere
sosievôtre extrait ba..
ptiftaireFlJ un pouvoir
de moy f5 de votre me
n de vous marier à t'()ô:" -
tre gré
s en'vous refera
vant al, nos(uccejjions dés
que nous ferons mortsjouhliois de : vous dire
que vo/1tre mere a une
bellef5 riche croix d'or
ou pendent six rubis
troisperlesfinesdegrand
prix; elle a aussi un fort
beau colier f5 des hraf
felets dambre
>
quiJont
les preftns de nôce que
rvotreajeule luifit lors
que je l'épousai, elle les
çonfèrve bien chèrement
pour en faire un-presènt
à evotre épouse ,
a qui
nous vous chargeons de
faire e5 redoubler quelque
joli compliment de
nôtre part. Jefuisvotre
fere es bon ami,
DE CAGANAC.
Le Gascon qui craignoit
que son pere n'eût
pas resprit de lui faire
unereponseequ"il pûtmotrer
en avoit une toute
preste de sa façon,si celle
qu'il reçut neutt pas
satisfait sa folle vanité:
mais il la trouva encore
plus à son gré que la
sienne, qu'il avoit déjà
fait voir & corriger par
son hte, railleur de
profession, & qui aassuré
que l'une valoit bien
l'autre. La reponse du
pere fut bientost communiquée
à l'oncle, qui
la trouva si singuliere&
si piaisante, qu'il pria le
Gascon de la lui laisser,
afin qu'il la montrât à
sa niece, & à ses proches
parens , qui s'en divertirent
en perfection avec
tous leurs amis: on ne
parla pendant plus d'un
mois dans Marseille que
de la lettre du pere Gascon,
que tout le monde
voulut voir &C copier;
on en parloit au fils avec
des éloges pour sa belle
famille, & pour toutes
les grandes demandes
qu'elle faisoit à Messieurs
de Braquenage. LeGascon
recevoit tout ce quon
lui disoit comme
choses qui lui eussent
esté fort deuës, & quoiqu'on
sçust qu'il n'estoit
que le fils d'un petit
marchand de drap, on
le traittoit ~néanmoins
en homme de qualité,
& avec des maniérés qui
acheverent de lui gâter
l'esprit : mais le peintre,
qui le recevoit toûjours
gracieusement, & qui
l'arrestoitquelquefois à
souper, se trouva embarrassé
dans le dénoue..
ment du pretendu mariage
de sa niece, que le
Gascon disoit en confidence
à tout le monde ne
dépendre plus que de
lui, d'autant qu'il avoic
mis la Demoiselle sur le
pied de le traiter autant
bien qu'it pouvoitl'esperer
d'une personne à
qui il feroit sa fortune,
& qui recevroitde grads
honneurs de son allince;
on redisoit à l'oncle &
à la niece les sotises ÔC
toutes les gasconades
qu'imaginoit de jour en
jour le pretendu futur;
& comme la matière en
étoit delicate, & extravagament
mise en oeuvre
par le Gascon, on
crut qu'il étoit necessaire
de finir cette comedie.
L'oncle pour y
parvenir ménagea un entretien
seul à seul avec
l'amant àquiilfit confidence
d'un bruit qui
couroit de sa niece, non
pas qu'il le crustcapable
d'un pareil attentat:mais
bien un Gentil-homme
que sa niece écoutoit
trop favorablement depuis
prés de deux ans.
LeGascon qui avoit toutes
les preuves de sa
continence avec laniece
du Peintre,se mordit le
doigt au recit de cette
confidence, & neanmoins
aprés un moment
de reflexion il se jetta
aux pieds de l'oncle en
le conjurant de ne pas
aprofondir un mystere
amoureux; le Gascon
s'imagina apparemment
que la niece mourant
d'envie de l'épouser auroit
eu l'adressede faire
courir ce faux bruit, &
il continua de supplier
l'oncle de ne point faire
d'éclat pour une bagatelle
: mais l'oncle, qui
avec une pareille fuposition
ne trouva point
l'interessé Gascon dégouté
de sa niecc, prit sur
le champ le parti de lui
défendrel'entrée de sa
maison, en lui disant
qu'il étoit resolu de laisfer
époufer à sa niece le
Gentil-homme dontelle
estoit en-testéè. Le Gascon
ne se tint pas pour
irrevocablement rcfufé,
& parut dés le lendemain
chez le peintre à
l'heure de son souper,
il se mit à table sans en
estre prié,&buteffron.
tement à la santé de la
belle qui ne pouvoit
plus S'ên dédire;la niece
qui étoit trés-sage sortit
de table dés qu'elle eut
entendu ce compliment,
& l'oncle, pour ôter abfolument
au Gascon
toutes ses folles pretentions,
le fit inviter dés
le lendemain à souper
chez lui, où il pria deux
de les amis de le venir
seconder pour mieux
jouër sa piece 5 illeur en
fit considence, & leur
dit qu'ils ne feroient
qu'imiter ce qu'on avoit
fait à Paris depuis trois
mois à l' homme verd.
On convint que la niece
ne feroit point du souper,
pour être en état de
parler gayment & à
coeur ouvert de ce que
le Gascon pretendoits'êtrepassé
entre elle & lui;
on se mit à table à l'heure
convenue, 84 on y
tint des propos à mettre
l'imagination du Gascon
en campagne > on lui
porta coup sur coup la
sante de sa maîtresse, &C
dés qu'on le vit pris de
vin, on lui en donna de
préparé dont l'effet fut
d'assoupir ses sens de
telle maniéré qu'on le
coucha sur un lit de repos,
où ilnesetouvient
point d'avoir été mis,ni
d'avoir été porté chez
lui, après qu'on lui eut
peint tout le visage en
rouge couleur de masque
de furie. Ne voila
que deux couleursusées
pour des amans importuns
& indiscrets
t &
tous ceux qui leur ressemblent
meritent au
moins de pareils traitemens.
Cetteavanture m'aété
envoyée par M. l¥-.¥¥
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Résumé : L'HOMME ROUGE. Nouvelle Metamorphose.
Le texte présente deux anecdotes distinctes. La première raconte l'histoire d'un homme qui se teint en vert pour se débarrasser d'un importun. Après s'être lavé et frotté quotidiennement, il parvient à retrouver une couleur de peau plus naturelle, bien que quelques nuances vertes subsistent encore. La seconde anecdote met en scène un jeune Gascon, peintre ambitieux, qui arrive à Marseille dans l'espoir d'épouser une jeune femme riche et belle, élevée par son oncle. Malgré les préjugés des Provençaux contre les Gascons, le jeune homme insiste sur sa richesse et sa noblesse. L'oncle, amusé par les récits romantiques du Gascon, ne le contredit pas et laisse croire que le mariage est possible. Encouragé, le Gascon écrit à son père pour obtenir son consentement. La réponse du père, exagérant la richesse et la noblesse de la famille, est communiquée à l'oncle et à la nièce, qui s'en divertissent. Flatté, le Gascon se comporte de plus en plus arrogamment. Pour mettre fin à cette situation, l'oncle organise un souper où il invite des amis pour jouer une pièce similaire à celle jouée à Paris contre l'homme vert. Lors du souper, ils font boire au Gascon du vin préparé qui l'endort. Pendant son sommeil, ils lui peignent le visage en rouge. À son réveil, le Gascon ne comprend pas ce qui lui est arrivé et est ainsi dissuadé de poursuivre ses avances.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1159-1169
La Vie de Pierre Mignard, premier Peintre, &c. [titre d'après la table]
Début :
LA VIE DE PIERRE MIGNARD, premier Peintre du Roy, par M. l'Abbé Maziere [...]
Mots clefs :
Peinture, Peintre, Sculpture, Pierre Mignard, Académie royale de peinture, Titien, Portraits, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Vie de Pierre Mignard, premier Peintre, &c. [titre d'après la table]
LA VIE DE PIERRE MIGNARD , premier
Peintre du Roy , par M. l'Abbé Maziere
de Mouville , avec le Poëme de Moliere
-fur les Peintures du Val-de - Grace , & deux
Dialogues de M. de Fénelon , Archevêques
de Cambrai , fur la Peinture. A Paris
, Quai des Auguftins , chez Jean Boudos
Jacq. Guerin , 1730. in 12. de 235 pages,
fans l'Epître & la Préface qui en contiennent
71. avec un beau Portrait de Mignard
au Frontifpice.
L'Elegant Auteur en parlant des Arts
dans l'Epître dédicatoire au Roy , dit que
te vulgaire n'en connoît pas toute la nobleffes
leur fin principale , pourfuit il , eft d'honorer
la vertu le Genie les enfante , l'Emulation
les perfectionne & l'Honneur ſeul pent
en être le digne prix.
:
On obferve dans la Preface que cet
Ouvrage eft en quelque forte le feul de
cette efpece qui ait paru parmi nous. En
cela bien differens des Italiens , qui , outre
une infinité de gros volumes fur les vies
des Peintres ont donné plufieurs Vies
particulieres. On en compte trois du
feul Michel- Ange , deux de Raphaël ,
deux du Titien , &c. On lit enfuite ,
,
1. Vol.
E iiij
avec
1160 MERCURE DE FRANCE
avec plaifir , une Réfléxion jufte & fenfée
fur ce que nous fommes devenus
trop délicats & trop difficiles dans
nos jugemens fur la Peinture , la Mufique
, la Poëfie , & c. Le Portrait qu'on
trouve dans la page fuivante eft un morceau
dont nous ne devons pas priver
le Lecteur : Le voici .
Qu'est- ce en effet qu'un Peintre digne
de ce nom ? C'eft l'homme de tous les ta
lens , un génie élevé & fécond , une immagination
vive & brillante , un jugement
exquis , un efprit capable de prendre
toute forte de formes ; la nobleſſe , la
grace , dons précieux qu'on reçoit avec la
vie , mais qu'il faut cultiver fans ceffe par
un travail opiniâtre , fidele imitateur , out
plutôt rival de la nature. Un fçavant
Peintre , non content de l'étaler toute entiere
à nos yeux , l'embellit encore & la
perfectionne ; fon muet langage intelligible
également à toutes les Nations , plaît ,
frappe, inftruit , avec un peu de couleur
il touche, il remue les fentimens du coeur,
les paffions de l'ame ; il fçait les rendre en
quelque maniere fenfibles & vifibles : Effort
qui femble tellement au - deffus de l'humanité
que M. du Frenoy ofe dire qu'il
faut participer de la divinité pour operer
de fi -grandes merveilles.
Sur les honneurs rendus dans tous les
I. Vol. tems
JUIN. 1730. 1161
tems à la Peinture & à la Sculpture , on
fait remarquer qu'Athenes , & la plupart
des Républiques de la Grece prenoient
des Magiftrats & des Ambaffadeurs parmi
ces mêmes hommes , des mains de qui
elles recevoient les images de leurs Divinitez.
Les Phidias , & les Policletes , felon
Lucien , fe font fait adorer dans leurs Ouvrages
. On les réveroit avec les Dieux
qu'ils avoient faits . On préparoit des entrées
publiques à Polignote, dans toutes les
Villes de la Grece où il y avoit des Tableaux
de fa main. Il fut ordonné par un
Decret des Amphyctions , qu'il feroit défrayé
aux dépens du public, dans tous les
Heux où il iroit. UnTableau de Parrhafius
fait pour Epheſe fa patric , lui fit donner
par fes Concitoyens une Robe de Pourpre
& une Couronne d'Or.
· Alexandre avoit mis Apelle & Lyfippe
au rang de fes favoris ; ce n'étoit pas ,
dit Ciceron , par un fimple defir d'être
bien repréſenté qu'il vouloit que feuls ils
fiffent , l'un fon portrait & l'autre fa Statuë
, mais parcequ'il croyoit que la fuperiorité
qu'ils avoient acquife dans leur
art contribueroit autant à fa gloire qu'à
la leur. Pour ne pas tifquer d'enfevelir
fous les ruines de Rhodes un Peintre dont
l'habileté étoit celebre , Demetrius Poliocertes
leva le Siege de cette Ville ; ce
th. I. Vol.
Ev Prince
1162 MERCURE DE FRANCE
Prince ne pouvant y mettre le feu par un
autre endroit que par celui où travailloit
Protogenes , il aima mieux , au rapport
de Pline , épargner la Peinture que de recevoir
la victoire qui lui étoit offerte.
Les Romains devenus les maîtres du
monde , regardoient les Ouvrages des
Peintres & des Sculpteurs Grecs comme
la portion la plus précieufe de leurs Conquêtes
les Chef- d'oeuvres de ces grands
Maîtres faifoient le principal ornement
de la Capitale de l'Univers.
L'Auteur dit plus bas , en parlant de
la Peinture & de la Sculpture , que les
Rois font venus leur rendre une espece
d'hommage à leur Berceau . Charles d'Anjou
, Roi de Naples , fit le voyage de Florence
pour y voir Cimabué , Peintre mort
à Florence en 1300. qui le premier a fait
connoître la Peinture dans fa Patrie . Michel-
Ange fut aimé & eftimé de tous les
Souverains de fon fiecle. Raphaël eft mort
à la veille d'être élevé au Cardinalat par
Leon X. Leonard de Vinci expira dans les
bras de François I. Je puis ' , difoit ce Prince
aux Courtilans furpris des regrets dont
il honoroit la mort de Leonard , faire en
un jour beaucoup de Seigneurs, mais Dieu
feul peut faire un homme tel que celui
que je perds. Charles - Quint fe glorifioit
d'avoir reçû trois fois l'immortalité des
1. Vol. mains
7
1730. 1163
JUIN.
mains du Titien. Il le fit Chevalier &
Comte Palatin , & l'honora de la Clef
d'or. Ce Peintre ayant laiffé tomber fon
Pinceau dans le tems qu'il faifoit le Portrait
de l'Empereur , Charles dit en le
ramaffant que Titien méritoit d'être fervi
par Cefar. Le Primatice fut nommé par le
Roi François II . Intendant General des
Bâtimens , Charge déja confiderable , que
M. de Villeroi & le pere du Cardinal de
la Boudaifiere avoient auparavant exercée .
Le dernier fiecle a vû Rubens , Ambaffadeur
d'Efpagne en Angleterre , & Secre
taire d'Etat des Pays-Bas. Vandeick , fon
Difciple , attiré à Londres par Charles I.
fut fait Chevalier. Il époufa la fille unique
du Comte de Gowry de la Maiſon de
Stwart.
y
Les Grecs avoient donné par un Decret
folemnel le premier rang à la Peinture
entre les Arts Liberaux ; ils voulcient
que ce fût la premiere Leçon que reçûffent
les Enfans de naiffance noble , qu'elle
ne fut exercée que par des perfonnes libres
, & ils en avoient abfolument interdit
l'ufage aux Efclaves.
Le feu Roi dans des Brevets donnés à
PAcadémie Royale de Peinture & de Sculpture
au mois d'Octobre 1664. & de Janvier
1667. accorde à ceux qui exercent
cette noble vertu , l'un des plus riches
I. Vol. E vj or
1164 MERCURE DE FRANCE
ornemens de l'Etat , les mêmes privileges !
que ceux de l'Académie Françoife , afin
que ces Arts Liberaux foient exercés plus
noblement , & avec une entiere liberté
n'y ayant rien entre les Beaux Arts de
plus noble que la Peinture & la Sculpture..
L'Abbé de Monville a fuivi l'ordre des
tems autant qu'il l'a pû dans les morceaux
de Mignard dont il fait mention . Renfermé
dans mon fujet , dit-il , je ne m'en
fuis écarté qu'avec retenue , & feulement
pour delaffer le Lecteur des Defcriptions:
trop fréquentes de Tableaux & de Portraits.
Après la Préface , on trouve le Catalo
gue des Oeuvres gravées d'après Mignard
, contenu en 22. pages , avec les
noms des Graveurs qui ont travaillé d'a
près fes Tableaux & fes Portraits , ou fur
fes Deffeins , des Frontifpices de Livres &
Vignetes &c.
Pierre Mignard nâquit à Troyes en
Champagne au mois de Novembre 1610 ..
Şa famille originaire d'Angleterre , mais
établie en France depuis deux generations;
s'étoit diftinguée par une fidelité inviolable
pour nos Rois durant les troubles.
de la Ligue. Son pere , Pierre More , changea
fon nom , fur ce que Henry IV. le
voyant un jour avec fix de fes freres
tous Officiers dans l'Armée Royale , &
1. Vol d'une
JUIN. 1730. IFS
d'une figure agréable , dit , Ce ne font pas
là des Mores , ce font des Mignards ; ce
nom de Mignard leur eft depuis resté , &
ileft devenu celui de toute cette nombreuſe
famille.
Après le Traité de Vervins , Mignard
fe retira à Troyes , & laiſſa la liberté à Nicolas
& à Pierre , deux de fes enfans , de
fuivre leur goût qui les portoit l'un &
Pautre à la Peinture. Nicolas , qui étoit
l'aîné , a eu de la réputation ; fon féjour
à Avignon , où il s'étoit marié avantageufement
, lui fit donner le nom de Mignard
d'Avignon. Il mourut à Paris en
1668. Recteur de l'Académie Royale de
Peinture.
Le cadet dont il s'agit ici , avoit d'abord
été destiné à l'étude de la Medecine,
mais fon pere l'ayant furpris à l'âge d'onze
ans , occupé à achever un Portrait
au crayon qu'il faifoit de mémoire , &
ayant découvert qu'il en avoit déja fait
un grand nombre d'autres , tous reffem
blans & pleins de feu , il fut envoyé à
Bourges auprès de Boucher , Peintre , fort
eftimé de la même Ville , dont il étoit natif
, & où l'on fait encore aujourd'hui
beaucoup de cas de fes Ouvrages. Après
un an d'étude fous ce Maître , le jeune
Mignard revint à Troyes , où il deffina
d'après la Boffe , fous François Gentil , ha-
1. Vol. bile
1166 MERCURE DE FRANCE
bile Sculpteur. Il alla enfuite à Fontainebleau
, & y étudia pendant deux ans fans
relâche , tant d'après les Ouvrages de
Sculpture qu'on avoit fait venir de Rome
que d'après les Peintures de Maître Roux,
du Primatice , de Meffer Nicolo & de Martin
Freminet , Parifien , Premier Peintre
du Roi.
Revenu à Troye pour la feconde fois ,
le Maréchal de Vitri l'emmena , & lui fic
peindre la Chapelle de fon Château de
Coubert en Brie. Ce même Maréchal fort
fatisfait de fon Ouvrage , le mena à Paris
& le mit fous la conduite de Simon Vouet
Premier Peintre du Roi , alors en grande
réputation , & il réuffit fi bien à imiter
les Ouvrages de fon Maître ,qu'on ne pouvoit
les diftinguer de ceux du Difciple.
Il partit pour l'Italie fur la fin de 1635.
& arriva à Rome l'année fuivante . Il fit
peu de tems après le Portrait du Pape Urbain
VIII . qui en fut très fatisfait ; il co
pia la Gallerie du Palais Farnefe , logé
dans la même chambre qu'Annibal Carrache
avoit occupée en la peignant ; il fit
enfuite les Portraits d'Innocent X. d'Alexandre
VII. & une très-grande quantité
d'autres de divers Cardinaux , Princes
Seigneurs & Dames Romaines & c .
Parmi un grand nombre d'Ouvrages à
Frefque , capables de faire juger , quoique
I. Vol.
peu
JUIN. 1730. 1167
peu confiderables , de ce qu'on devoit
attendre de Mignard , il avoit peint pour
s'amufer une Perſpective au fond de la
maiſon où il logeoit. On y voyoit peint
avec tant de verité un Chat qui guette
une Tortue cachee fous des feuilles , qu'on
dit avoir vû plus d'une fois des Chiens ,
courir , s'y bleffer & y laiffer les traces de
leur fang.
Quelques foins que prennent d'ordi
naire les Peintres Italiens pour empêcher
que ceux des autres Nations ne laiffent à
Rome des monumens publics de leur capacité
, plus d'une Eglife eft ornée de plu
fieurs morceaux de la main de Mignard
à frefque & à huile , ainfi que divers Palais
; il eut même pour concurrent le
Cavalier Pietro de Cortonne , celebre Peintre
, Diſciple de l'Albane.
L'empreffement qu'on eut d'avoir des
Ouvrages , & fur tout des Portraits de la
main de Mignard , & l'accueil favorable
que lui firent divers Princes d'Italie dans
Feurs Etats marquent bien le cas qu'on
faifoit de fa perfonne & de fes talens . Ce
qui lui arriva à Parme mérite d'être remarqué.
Marguerite de Medicis Ducheffe
Douairiere de Parme , inftruite de l'arrivée
du Peintre François , lui manda de
fe rendre au Palais ; on l'introduifit dans
1. Vol. un
1168 MERCURE DE FRANCE
un vafte Appartement , où tout étoit tendu
de noir ; nulle fenêtre ne donnoit
entrée au jour ; chaque Piece n'étoit éclairée
que par une feule bougie jaune , dont
la lumiere lugubre faifoit remarquer la
trifteffe de ces lieux. Mignard parvint
enfim à la Chambre de la Ducheffe ; deux
hommes en grand manteau noir en ouvrirent
la Porte dans un profond filence.
Je vous fais , lui dit elle , un honneur fingulier
, l'état où je fuis ne me permet de voir
que les Princes de ma Maiſon ; mais votre
réputation m'a donné de la curiofité. Après
diverfes queſtions fur fon âge , fur fon
Pays , fur les voyages , fur fa fortune , elle
lui dit , Feriez- vous de moi un beau Por- ~
trait ? Mignard avoit eu le tems de l'examiner
; elle n'avoit ni jeuneffe ni beauté ,
& fon deuil n'étoit pas de ceux qui fervent
de parure ; mais cet ajuſtement lugubre
étoit peut-être capable de faire un
effet heureux en Peinture , il répondit
comme elle le pouvoit fouhaiter : Cette
fatisfaction m' eft interdite , interrompit- elle ,
allez , dites par tout que la Ducheffe Douai--
riere de Parme a voulu vous voir , & qu'elle
vous a admis auprèsd'elle : Adieu , Seigneur
François.
On eftime beaucoup les Tableaux de
Vierges que Mignard peignit à ſon retour
de Venife. François Pouilli en a gravé plu
L.Vola
heurs
JUIN. 1730. 1169
hieurs qu'on appelle les Mignardes.
Après 20. ans de féjour à Rome , il y
époufa fur la fin de l'année 1656. Anna
Avolara , fille de Jean Carle Avolara ,
Architecte Romain , belle & jeune perfonne
, en qui il trouva un excellent modele.
Peu de tems après , il reçût des Lettres
de M. de Lionne qui lui ordonnoit de la
part du Roi de fe rendre à Paris &c . Prêt
à partir , & ne voulant plus entreprendre
aucun Ouvrage , il fut follicité d'en commencer
un nouveau . La plus belle Courtifane
de Rome defiroit paffionnément
d'être peinte de fa main ; La Cocque , c'eft
ainfi qu'elle s'appelloit , eut merité d'être
vertueufe ; elle s'étoit diftinguée par des
fentimens nobles & délicats. Mignard
confentit d'autant plus volontiers à la
peindre qu'elle ne lui demandoit fon Portrait
qu'afin qu'il le portât en France , où
il le vendit à fon retour un prix confiderable.
Il partit de Rome , après y avoir demeuré
près de 22. ans au mois d'Octobre
1657. & arriva à Marſeille après 8. jours
de Navigation.
Nous donnerons une feconde Partie de cet
Extrait.
Peintre du Roy , par M. l'Abbé Maziere
de Mouville , avec le Poëme de Moliere
-fur les Peintures du Val-de - Grace , & deux
Dialogues de M. de Fénelon , Archevêques
de Cambrai , fur la Peinture. A Paris
, Quai des Auguftins , chez Jean Boudos
Jacq. Guerin , 1730. in 12. de 235 pages,
fans l'Epître & la Préface qui en contiennent
71. avec un beau Portrait de Mignard
au Frontifpice.
L'Elegant Auteur en parlant des Arts
dans l'Epître dédicatoire au Roy , dit que
te vulgaire n'en connoît pas toute la nobleffes
leur fin principale , pourfuit il , eft d'honorer
la vertu le Genie les enfante , l'Emulation
les perfectionne & l'Honneur ſeul pent
en être le digne prix.
:
On obferve dans la Preface que cet
Ouvrage eft en quelque forte le feul de
cette efpece qui ait paru parmi nous. En
cela bien differens des Italiens , qui , outre
une infinité de gros volumes fur les vies
des Peintres ont donné plufieurs Vies
particulieres. On en compte trois du
feul Michel- Ange , deux de Raphaël ,
deux du Titien , &c. On lit enfuite ,
,
1. Vol.
E iiij
avec
1160 MERCURE DE FRANCE
avec plaifir , une Réfléxion jufte & fenfée
fur ce que nous fommes devenus
trop délicats & trop difficiles dans
nos jugemens fur la Peinture , la Mufique
, la Poëfie , & c. Le Portrait qu'on
trouve dans la page fuivante eft un morceau
dont nous ne devons pas priver
le Lecteur : Le voici .
Qu'est- ce en effet qu'un Peintre digne
de ce nom ? C'eft l'homme de tous les ta
lens , un génie élevé & fécond , une immagination
vive & brillante , un jugement
exquis , un efprit capable de prendre
toute forte de formes ; la nobleſſe , la
grace , dons précieux qu'on reçoit avec la
vie , mais qu'il faut cultiver fans ceffe par
un travail opiniâtre , fidele imitateur , out
plutôt rival de la nature. Un fçavant
Peintre , non content de l'étaler toute entiere
à nos yeux , l'embellit encore & la
perfectionne ; fon muet langage intelligible
également à toutes les Nations , plaît ,
frappe, inftruit , avec un peu de couleur
il touche, il remue les fentimens du coeur,
les paffions de l'ame ; il fçait les rendre en
quelque maniere fenfibles & vifibles : Effort
qui femble tellement au - deffus de l'humanité
que M. du Frenoy ofe dire qu'il
faut participer de la divinité pour operer
de fi -grandes merveilles.
Sur les honneurs rendus dans tous les
I. Vol. tems
JUIN. 1730. 1161
tems à la Peinture & à la Sculpture , on
fait remarquer qu'Athenes , & la plupart
des Républiques de la Grece prenoient
des Magiftrats & des Ambaffadeurs parmi
ces mêmes hommes , des mains de qui
elles recevoient les images de leurs Divinitez.
Les Phidias , & les Policletes , felon
Lucien , fe font fait adorer dans leurs Ouvrages
. On les réveroit avec les Dieux
qu'ils avoient faits . On préparoit des entrées
publiques à Polignote, dans toutes les
Villes de la Grece où il y avoit des Tableaux
de fa main. Il fut ordonné par un
Decret des Amphyctions , qu'il feroit défrayé
aux dépens du public, dans tous les
Heux où il iroit. UnTableau de Parrhafius
fait pour Epheſe fa patric , lui fit donner
par fes Concitoyens une Robe de Pourpre
& une Couronne d'Or.
· Alexandre avoit mis Apelle & Lyfippe
au rang de fes favoris ; ce n'étoit pas ,
dit Ciceron , par un fimple defir d'être
bien repréſenté qu'il vouloit que feuls ils
fiffent , l'un fon portrait & l'autre fa Statuë
, mais parcequ'il croyoit que la fuperiorité
qu'ils avoient acquife dans leur
art contribueroit autant à fa gloire qu'à
la leur. Pour ne pas tifquer d'enfevelir
fous les ruines de Rhodes un Peintre dont
l'habileté étoit celebre , Demetrius Poliocertes
leva le Siege de cette Ville ; ce
th. I. Vol.
Ev Prince
1162 MERCURE DE FRANCE
Prince ne pouvant y mettre le feu par un
autre endroit que par celui où travailloit
Protogenes , il aima mieux , au rapport
de Pline , épargner la Peinture que de recevoir
la victoire qui lui étoit offerte.
Les Romains devenus les maîtres du
monde , regardoient les Ouvrages des
Peintres & des Sculpteurs Grecs comme
la portion la plus précieufe de leurs Conquêtes
les Chef- d'oeuvres de ces grands
Maîtres faifoient le principal ornement
de la Capitale de l'Univers.
L'Auteur dit plus bas , en parlant de
la Peinture & de la Sculpture , que les
Rois font venus leur rendre une espece
d'hommage à leur Berceau . Charles d'Anjou
, Roi de Naples , fit le voyage de Florence
pour y voir Cimabué , Peintre mort
à Florence en 1300. qui le premier a fait
connoître la Peinture dans fa Patrie . Michel-
Ange fut aimé & eftimé de tous les
Souverains de fon fiecle. Raphaël eft mort
à la veille d'être élevé au Cardinalat par
Leon X. Leonard de Vinci expira dans les
bras de François I. Je puis ' , difoit ce Prince
aux Courtilans furpris des regrets dont
il honoroit la mort de Leonard , faire en
un jour beaucoup de Seigneurs, mais Dieu
feul peut faire un homme tel que celui
que je perds. Charles - Quint fe glorifioit
d'avoir reçû trois fois l'immortalité des
1. Vol. mains
7
1730. 1163
JUIN.
mains du Titien. Il le fit Chevalier &
Comte Palatin , & l'honora de la Clef
d'or. Ce Peintre ayant laiffé tomber fon
Pinceau dans le tems qu'il faifoit le Portrait
de l'Empereur , Charles dit en le
ramaffant que Titien méritoit d'être fervi
par Cefar. Le Primatice fut nommé par le
Roi François II . Intendant General des
Bâtimens , Charge déja confiderable , que
M. de Villeroi & le pere du Cardinal de
la Boudaifiere avoient auparavant exercée .
Le dernier fiecle a vû Rubens , Ambaffadeur
d'Efpagne en Angleterre , & Secre
taire d'Etat des Pays-Bas. Vandeick , fon
Difciple , attiré à Londres par Charles I.
fut fait Chevalier. Il époufa la fille unique
du Comte de Gowry de la Maiſon de
Stwart.
y
Les Grecs avoient donné par un Decret
folemnel le premier rang à la Peinture
entre les Arts Liberaux ; ils voulcient
que ce fût la premiere Leçon que reçûffent
les Enfans de naiffance noble , qu'elle
ne fut exercée que par des perfonnes libres
, & ils en avoient abfolument interdit
l'ufage aux Efclaves.
Le feu Roi dans des Brevets donnés à
PAcadémie Royale de Peinture & de Sculpture
au mois d'Octobre 1664. & de Janvier
1667. accorde à ceux qui exercent
cette noble vertu , l'un des plus riches
I. Vol. E vj or
1164 MERCURE DE FRANCE
ornemens de l'Etat , les mêmes privileges !
que ceux de l'Académie Françoife , afin
que ces Arts Liberaux foient exercés plus
noblement , & avec une entiere liberté
n'y ayant rien entre les Beaux Arts de
plus noble que la Peinture & la Sculpture..
L'Abbé de Monville a fuivi l'ordre des
tems autant qu'il l'a pû dans les morceaux
de Mignard dont il fait mention . Renfermé
dans mon fujet , dit-il , je ne m'en
fuis écarté qu'avec retenue , & feulement
pour delaffer le Lecteur des Defcriptions:
trop fréquentes de Tableaux & de Portraits.
Après la Préface , on trouve le Catalo
gue des Oeuvres gravées d'après Mignard
, contenu en 22. pages , avec les
noms des Graveurs qui ont travaillé d'a
près fes Tableaux & fes Portraits , ou fur
fes Deffeins , des Frontifpices de Livres &
Vignetes &c.
Pierre Mignard nâquit à Troyes en
Champagne au mois de Novembre 1610 ..
Şa famille originaire d'Angleterre , mais
établie en France depuis deux generations;
s'étoit diftinguée par une fidelité inviolable
pour nos Rois durant les troubles.
de la Ligue. Son pere , Pierre More , changea
fon nom , fur ce que Henry IV. le
voyant un jour avec fix de fes freres
tous Officiers dans l'Armée Royale , &
1. Vol d'une
JUIN. 1730. IFS
d'une figure agréable , dit , Ce ne font pas
là des Mores , ce font des Mignards ; ce
nom de Mignard leur eft depuis resté , &
ileft devenu celui de toute cette nombreuſe
famille.
Après le Traité de Vervins , Mignard
fe retira à Troyes , & laiſſa la liberté à Nicolas
& à Pierre , deux de fes enfans , de
fuivre leur goût qui les portoit l'un &
Pautre à la Peinture. Nicolas , qui étoit
l'aîné , a eu de la réputation ; fon féjour
à Avignon , où il s'étoit marié avantageufement
, lui fit donner le nom de Mignard
d'Avignon. Il mourut à Paris en
1668. Recteur de l'Académie Royale de
Peinture.
Le cadet dont il s'agit ici , avoit d'abord
été destiné à l'étude de la Medecine,
mais fon pere l'ayant furpris à l'âge d'onze
ans , occupé à achever un Portrait
au crayon qu'il faifoit de mémoire , &
ayant découvert qu'il en avoit déja fait
un grand nombre d'autres , tous reffem
blans & pleins de feu , il fut envoyé à
Bourges auprès de Boucher , Peintre , fort
eftimé de la même Ville , dont il étoit natif
, & où l'on fait encore aujourd'hui
beaucoup de cas de fes Ouvrages. Après
un an d'étude fous ce Maître , le jeune
Mignard revint à Troyes , où il deffina
d'après la Boffe , fous François Gentil , ha-
1. Vol. bile
1166 MERCURE DE FRANCE
bile Sculpteur. Il alla enfuite à Fontainebleau
, & y étudia pendant deux ans fans
relâche , tant d'après les Ouvrages de
Sculpture qu'on avoit fait venir de Rome
que d'après les Peintures de Maître Roux,
du Primatice , de Meffer Nicolo & de Martin
Freminet , Parifien , Premier Peintre
du Roi.
Revenu à Troye pour la feconde fois ,
le Maréchal de Vitri l'emmena , & lui fic
peindre la Chapelle de fon Château de
Coubert en Brie. Ce même Maréchal fort
fatisfait de fon Ouvrage , le mena à Paris
& le mit fous la conduite de Simon Vouet
Premier Peintre du Roi , alors en grande
réputation , & il réuffit fi bien à imiter
les Ouvrages de fon Maître ,qu'on ne pouvoit
les diftinguer de ceux du Difciple.
Il partit pour l'Italie fur la fin de 1635.
& arriva à Rome l'année fuivante . Il fit
peu de tems après le Portrait du Pape Urbain
VIII . qui en fut très fatisfait ; il co
pia la Gallerie du Palais Farnefe , logé
dans la même chambre qu'Annibal Carrache
avoit occupée en la peignant ; il fit
enfuite les Portraits d'Innocent X. d'Alexandre
VII. & une très-grande quantité
d'autres de divers Cardinaux , Princes
Seigneurs & Dames Romaines & c .
Parmi un grand nombre d'Ouvrages à
Frefque , capables de faire juger , quoique
I. Vol.
peu
JUIN. 1730. 1167
peu confiderables , de ce qu'on devoit
attendre de Mignard , il avoit peint pour
s'amufer une Perſpective au fond de la
maiſon où il logeoit. On y voyoit peint
avec tant de verité un Chat qui guette
une Tortue cachee fous des feuilles , qu'on
dit avoir vû plus d'une fois des Chiens ,
courir , s'y bleffer & y laiffer les traces de
leur fang.
Quelques foins que prennent d'ordi
naire les Peintres Italiens pour empêcher
que ceux des autres Nations ne laiffent à
Rome des monumens publics de leur capacité
, plus d'une Eglife eft ornée de plu
fieurs morceaux de la main de Mignard
à frefque & à huile , ainfi que divers Palais
; il eut même pour concurrent le
Cavalier Pietro de Cortonne , celebre Peintre
, Diſciple de l'Albane.
L'empreffement qu'on eut d'avoir des
Ouvrages , & fur tout des Portraits de la
main de Mignard , & l'accueil favorable
que lui firent divers Princes d'Italie dans
Feurs Etats marquent bien le cas qu'on
faifoit de fa perfonne & de fes talens . Ce
qui lui arriva à Parme mérite d'être remarqué.
Marguerite de Medicis Ducheffe
Douairiere de Parme , inftruite de l'arrivée
du Peintre François , lui manda de
fe rendre au Palais ; on l'introduifit dans
1. Vol. un
1168 MERCURE DE FRANCE
un vafte Appartement , où tout étoit tendu
de noir ; nulle fenêtre ne donnoit
entrée au jour ; chaque Piece n'étoit éclairée
que par une feule bougie jaune , dont
la lumiere lugubre faifoit remarquer la
trifteffe de ces lieux. Mignard parvint
enfim à la Chambre de la Ducheffe ; deux
hommes en grand manteau noir en ouvrirent
la Porte dans un profond filence.
Je vous fais , lui dit elle , un honneur fingulier
, l'état où je fuis ne me permet de voir
que les Princes de ma Maiſon ; mais votre
réputation m'a donné de la curiofité. Après
diverfes queſtions fur fon âge , fur fon
Pays , fur les voyages , fur fa fortune , elle
lui dit , Feriez- vous de moi un beau Por- ~
trait ? Mignard avoit eu le tems de l'examiner
; elle n'avoit ni jeuneffe ni beauté ,
& fon deuil n'étoit pas de ceux qui fervent
de parure ; mais cet ajuſtement lugubre
étoit peut-être capable de faire un
effet heureux en Peinture , il répondit
comme elle le pouvoit fouhaiter : Cette
fatisfaction m' eft interdite , interrompit- elle ,
allez , dites par tout que la Ducheffe Douai--
riere de Parme a voulu vous voir , & qu'elle
vous a admis auprèsd'elle : Adieu , Seigneur
François.
On eftime beaucoup les Tableaux de
Vierges que Mignard peignit à ſon retour
de Venife. François Pouilli en a gravé plu
L.Vola
heurs
JUIN. 1730. 1169
hieurs qu'on appelle les Mignardes.
Après 20. ans de féjour à Rome , il y
époufa fur la fin de l'année 1656. Anna
Avolara , fille de Jean Carle Avolara ,
Architecte Romain , belle & jeune perfonne
, en qui il trouva un excellent modele.
Peu de tems après , il reçût des Lettres
de M. de Lionne qui lui ordonnoit de la
part du Roi de fe rendre à Paris &c . Prêt
à partir , & ne voulant plus entreprendre
aucun Ouvrage , il fut follicité d'en commencer
un nouveau . La plus belle Courtifane
de Rome defiroit paffionnément
d'être peinte de fa main ; La Cocque , c'eft
ainfi qu'elle s'appelloit , eut merité d'être
vertueufe ; elle s'étoit diftinguée par des
fentimens nobles & délicats. Mignard
confentit d'autant plus volontiers à la
peindre qu'elle ne lui demandoit fon Portrait
qu'afin qu'il le portât en France , où
il le vendit à fon retour un prix confiderable.
Il partit de Rome , après y avoir demeuré
près de 22. ans au mois d'Octobre
1657. & arriva à Marſeille après 8. jours
de Navigation.
Nous donnerons une feconde Partie de cet
Extrait.
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Résumé : La Vie de Pierre Mignard, premier Peintre, &c. [titre d'après la table]
Le document 'La Vie de Pierre Mignard, premier Peintre du Roy' par l'Abbé Maziere de Mouville, publié en 1730, est un ouvrage de 235 pages incluant une épître et une préface. Il se distingue par son caractère unique en France, contrairement à l'Italie qui possède de nombreux volumes sur les vies des peintres. L'auteur critique la délicatesse excessive des jugements contemporains sur les arts. Le texte décrit les qualités essentielles d'un peintre, le comparant à un génie capable de rivaliser avec la nature et de toucher les émotions humaines. Il souligne les honneurs rendus à la peinture et à la sculpture dans l'Antiquité grecque et romaine, ainsi que durant la Renaissance et les siècles suivants. Les Grecs considéraient la peinture comme un art libéral et l'enseignaient aux enfants nobles. Les rois et les empereurs, comme Alexandre, Charles Quint, et François I, honoraient les peintres et les sculpteurs. L'ouvrage inclut un catalogue des œuvres gravées d'après Mignard et retrace sa vie. Pierre Mignard, né à Troyes en 1610, provenait d'une famille anglaise établie en France. Son père, impressionné par ses talents artistiques, le laissa étudier la peinture. Mignard se forma auprès de plusieurs maîtres en France avant de partir pour l'Italie en 1635. À Rome, il réalisa de nombreux portraits et œuvres remarquables, gagnant la faveur de divers princes et du pape. De retour en France, il épousa Anna Avolara et fut rappelé à Paris par le roi sur recommandation de M. de Lionne. Le texte mentionne également une femme nommée La Cocque, connue pour sa vertu et ses sentiments nobles et délicats. Mignard accepta de la peindre, non pas à sa demande, mais pour vendre le portrait en France. Mignard quitta Rome après y avoir séjourné près de 22 ans, au mois d'octobre 1657, et arriva à Marseille après huit jours de navigation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 2354-2358
REPONSE à une Lettre de M. de Fontenelle.
Début :
Plusieurs Personnes d'esprit de l'un et de l'autre Sexe, rassemblés cet [...]
Mots clefs :
Ouvrages de goût, Critique, Merveilles, Esprit, Éloge, Peintre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE à une Lettre de M. de Fontenelle.
Pet de l'autre sexe , rassemblés cet
Eté à la Campagne , employoient d'ordinaire
deux ou trois heures par jour à lire
en commun quelques ouvrages de goût et
d'agrément. Cette occupation si agréable
d'elle- même , le devenoit de plus en plus
par l'utilité que chacun en retiroit . Les
lectures étoient suivies de l'examen de ce
qu'on avoit lû. On tâchoit de rendre raison
de son dégoût et de son plaisir , d'éclairer
le sentiment. La Critique étoit
toûjours accompagnée de cette modetation
, qui n'est pas moins l'effet de la superiorité
de l'esprit , que de la douceur
du caractere .
*
En lisant dans les oeuvres de M. de Fontenelle
la Lettre à une Demoiselle de Suede
de .... quelqu'un de la Compagnie
proposa d'y faire une réponse au nom de
la Demoiselle. Les plus habiles
c'est l'ordinaire , fûrent les plus modes→
›
comme
(* ) Cette Lettrt se tronve parmi les Poësies
diverses de M. de Fontenelle ; et a pour titre
Lettre à une Demoiselle de Suede , dont j'avois
vu un très - agreable Portrait chez M. l'Envoyé
de Suede , qui de plus m'en avoit dit des mer
veilless
- tes ,
OCTOBRE 1731. 2355
re ,
tes , et réfuserent absolument . Moins capable
que tous les autres , et aussi modessi
on peut appeller modestie la connoissance
ou son incapacité , je travaillay
par obéïssance , et fis la réponse qu'on va
fire. Je n'avertiray point les lecteurs , qu'il
seroit peut- être à propos , pour le mieux
entendre , de lire auparavant la Lettre
de M. de Fontenelle , je ne veux point
être lûaprès lui.
REPONSE à une Lettre de
M. de Fontenelle .
O
N vous a trompé , Monsieur. Je ne
suis point , et je me crois obligée
de vous en avertir au plutôt , de peur
que tendre comme vous êtes , vous n'alliez
vous enflammer pour une idée sans
réalité. Cet amour ne pourroit manquer
de vous faire beaucoup de peine ; car je
ne vous crois pas accoutumé à aimer sans
retour ; et il n'auroit rien de flatteur pour
moy , puisque ce ne seroit pas moy que
vous aimeriez . Mon Portrait , dites vous,
represente le plus charmant visage du
monde ; on vous a dit des merveilles de
mon esprit. Ne vous y fiez pas , Monsicur
; Portrait , Eloge , tout est infidele ;
rien ne ressemble , rien n'est dans le vrai.
Mais c'est de M. l'Envoyé de Suede que
Vous
2356 MERCURE DE FRANCE
>
vous et moi devons nous plaindre davantage
; le Panegyriste a de beaucoup encheri
sur le Peintre . Dans le dessein malicieux
de vous donner de l'amour , il'a
bien vû qu'ayant affaire au plus ingénieux
Auteur de la plus ingénieuse Nation , il
falloit me relever, sur tout , du côté de l'esprit
. Mais pourquoi donc vous montroitit
de mes Vers ? Car il est vrai que j'en
ai fait quelques-uns en vôtre Langue.
N'étoit- ce pas le moyen de détruire en
un moment tout ce qu'il vous auroit dit
en ma faveur et de passer auprès de
vous pour mauvais connoisseur en Poësie ,
pendant qu'il y réussit fort bien lui- même
? Non ,Monsieur , vous n'avez point
vû de mes Vers ; je devine que pour pousser
la tromperie jusqu'au bout , M. T'Envoyé
de Suede m'aura fait honneur des
siens ; et c'étoit en effet le meilleur moyen
de vous tromper : Revenez de vôtre er--
reur je vous en conjure ; j'y perdrois
trop lorsque vous me verriez , car je vous
apprends que je vais incessamment à Paris ,
et que je veux vous y voir ; je sacrifie
volontiers les interêts de ma vanité , au
plaisir de connoître et d'entretenir un
homme dont les ouvrages m'ont donné
une si haute idée. J'y ai trouvé le Philosophe
, le bel Esprit , et l'Homme sensi-
,
ble.
OCTOBRE . 1731. 2317
ble. Quel mérite que celui qui résulte de
ces trois qualitez réunies ? Un Auteur n'at-
il pas rempli tous nos besoins , lorsqu'il
a sçû nous instruire , nous amuser , nous
toucher ? Mais ce que j'admire le plus en
vous , Monsieur , et ce qu'il me convient
plus aussi d'y admirer ; c'est la finesse et
la verité des sentimens répandus dans vos
aimables Poësies . On voit bien qu'elles
'sont l'ouvrage d'un Philosophe qui a aimé
et qui a reflechi sur son coeur , qui sent
ce qu'il exprime , et qui connoît ce qu'il
sent. Sur tout cela , Monsieur , vous êtes
pour moi l'Auteur François par excellence.
Vous possedez dans le degré le plus
éminent , ce qui caractérise votre Nation ,
et la distingue de toutes les autres . Plusieurs
de vos meilleurs Ecrivains me semblent
, si j'ose le dire , tros Grecs et trop
Romains ; ils ne sont pas assez de leur
temps et de leur Pays. Cette conformité
avec les anciens a jusqu'à present beaucoup
aidé à leur réputation ; mais je ne
sçai si elle n'y nuira point dans la suite.
Pour vous , Monsieur , je le repete , vous
êtes l'Ecrivain de la Nation Françoise ;
c'estvous qu'elle doit presenter aux Etrangers,
curieux d'étudier le Genie François
ils le trouveront dans vos ouvrages dans
toute sa perfection .
Mais
2358 MERCURE DE FRANCE
3
Mais je ne m'apperçois pas qu'il y a
bien de la présomption à m'étendre ainsi
sur vos louanges. Je suis Femme , je suis
Suedoise , et je fais ici la Sçavante et le '
bel esprit. Vos Dames Françoises , si exactes
à observer les bien -séances , ne trouveroient
- elles point que j'y ai manqué ?
Ne les en faites pas juger , je vous en prie ;
gardez moi exactement le secret que vous
m'avez promis. J'ai même envie , pour
vous y engager plus sûrement , d'y inte
resser votre délicatesse , en vous assurant
que je ne prends point votre Lettre pour
une simple galanterie , que je suis persuadée
que vous m'aimez veritablement ,
que j'en ressens un plaisir ou la vanité n'a
aucune part.
et
Cette petite Piece est de l'Auteur des Refle
xions sur la Politesse , inserées dans le second
Volume du Mercure de Juin.
Eté à la Campagne , employoient d'ordinaire
deux ou trois heures par jour à lire
en commun quelques ouvrages de goût et
d'agrément. Cette occupation si agréable
d'elle- même , le devenoit de plus en plus
par l'utilité que chacun en retiroit . Les
lectures étoient suivies de l'examen de ce
qu'on avoit lû. On tâchoit de rendre raison
de son dégoût et de son plaisir , d'éclairer
le sentiment. La Critique étoit
toûjours accompagnée de cette modetation
, qui n'est pas moins l'effet de la superiorité
de l'esprit , que de la douceur
du caractere .
*
En lisant dans les oeuvres de M. de Fontenelle
la Lettre à une Demoiselle de Suede
de .... quelqu'un de la Compagnie
proposa d'y faire une réponse au nom de
la Demoiselle. Les plus habiles
c'est l'ordinaire , fûrent les plus modes→
›
comme
(* ) Cette Lettrt se tronve parmi les Poësies
diverses de M. de Fontenelle ; et a pour titre
Lettre à une Demoiselle de Suede , dont j'avois
vu un très - agreable Portrait chez M. l'Envoyé
de Suede , qui de plus m'en avoit dit des mer
veilless
- tes ,
OCTOBRE 1731. 2355
re ,
tes , et réfuserent absolument . Moins capable
que tous les autres , et aussi modessi
on peut appeller modestie la connoissance
ou son incapacité , je travaillay
par obéïssance , et fis la réponse qu'on va
fire. Je n'avertiray point les lecteurs , qu'il
seroit peut- être à propos , pour le mieux
entendre , de lire auparavant la Lettre
de M. de Fontenelle , je ne veux point
être lûaprès lui.
REPONSE à une Lettre de
M. de Fontenelle .
O
N vous a trompé , Monsieur. Je ne
suis point , et je me crois obligée
de vous en avertir au plutôt , de peur
que tendre comme vous êtes , vous n'alliez
vous enflammer pour une idée sans
réalité. Cet amour ne pourroit manquer
de vous faire beaucoup de peine ; car je
ne vous crois pas accoutumé à aimer sans
retour ; et il n'auroit rien de flatteur pour
moy , puisque ce ne seroit pas moy que
vous aimeriez . Mon Portrait , dites vous,
represente le plus charmant visage du
monde ; on vous a dit des merveilles de
mon esprit. Ne vous y fiez pas , Monsicur
; Portrait , Eloge , tout est infidele ;
rien ne ressemble , rien n'est dans le vrai.
Mais c'est de M. l'Envoyé de Suede que
Vous
2356 MERCURE DE FRANCE
>
vous et moi devons nous plaindre davantage
; le Panegyriste a de beaucoup encheri
sur le Peintre . Dans le dessein malicieux
de vous donner de l'amour , il'a
bien vû qu'ayant affaire au plus ingénieux
Auteur de la plus ingénieuse Nation , il
falloit me relever, sur tout , du côté de l'esprit
. Mais pourquoi donc vous montroitit
de mes Vers ? Car il est vrai que j'en
ai fait quelques-uns en vôtre Langue.
N'étoit- ce pas le moyen de détruire en
un moment tout ce qu'il vous auroit dit
en ma faveur et de passer auprès de
vous pour mauvais connoisseur en Poësie ,
pendant qu'il y réussit fort bien lui- même
? Non ,Monsieur , vous n'avez point
vû de mes Vers ; je devine que pour pousser
la tromperie jusqu'au bout , M. T'Envoyé
de Suede m'aura fait honneur des
siens ; et c'étoit en effet le meilleur moyen
de vous tromper : Revenez de vôtre er--
reur je vous en conjure ; j'y perdrois
trop lorsque vous me verriez , car je vous
apprends que je vais incessamment à Paris ,
et que je veux vous y voir ; je sacrifie
volontiers les interêts de ma vanité , au
plaisir de connoître et d'entretenir un
homme dont les ouvrages m'ont donné
une si haute idée. J'y ai trouvé le Philosophe
, le bel Esprit , et l'Homme sensi-
,
ble.
OCTOBRE . 1731. 2317
ble. Quel mérite que celui qui résulte de
ces trois qualitez réunies ? Un Auteur n'at-
il pas rempli tous nos besoins , lorsqu'il
a sçû nous instruire , nous amuser , nous
toucher ? Mais ce que j'admire le plus en
vous , Monsieur , et ce qu'il me convient
plus aussi d'y admirer ; c'est la finesse et
la verité des sentimens répandus dans vos
aimables Poësies . On voit bien qu'elles
'sont l'ouvrage d'un Philosophe qui a aimé
et qui a reflechi sur son coeur , qui sent
ce qu'il exprime , et qui connoît ce qu'il
sent. Sur tout cela , Monsieur , vous êtes
pour moi l'Auteur François par excellence.
Vous possedez dans le degré le plus
éminent , ce qui caractérise votre Nation ,
et la distingue de toutes les autres . Plusieurs
de vos meilleurs Ecrivains me semblent
, si j'ose le dire , tros Grecs et trop
Romains ; ils ne sont pas assez de leur
temps et de leur Pays. Cette conformité
avec les anciens a jusqu'à present beaucoup
aidé à leur réputation ; mais je ne
sçai si elle n'y nuira point dans la suite.
Pour vous , Monsieur , je le repete , vous
êtes l'Ecrivain de la Nation Françoise ;
c'estvous qu'elle doit presenter aux Etrangers,
curieux d'étudier le Genie François
ils le trouveront dans vos ouvrages dans
toute sa perfection .
Mais
2358 MERCURE DE FRANCE
3
Mais je ne m'apperçois pas qu'il y a
bien de la présomption à m'étendre ainsi
sur vos louanges. Je suis Femme , je suis
Suedoise , et je fais ici la Sçavante et le '
bel esprit. Vos Dames Françoises , si exactes
à observer les bien -séances , ne trouveroient
- elles point que j'y ai manqué ?
Ne les en faites pas juger , je vous en prie ;
gardez moi exactement le secret que vous
m'avez promis. J'ai même envie , pour
vous y engager plus sûrement , d'y inte
resser votre délicatesse , en vous assurant
que je ne prends point votre Lettre pour
une simple galanterie , que je suis persuadée
que vous m'aimez veritablement ,
que j'en ressens un plaisir ou la vanité n'a
aucune part.
et
Cette petite Piece est de l'Auteur des Refle
xions sur la Politesse , inserées dans le second
Volume du Mercure de Juin.
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Résumé : REPONSE à une Lettre de M. de Fontenelle.
Un groupe de jeunes gens, réunis à la campagne, passait quotidiennement quelques heures à lire collectivement des ouvrages de goût et d'agrément. Ces séances de lecture étaient suivies de discussions où chacun partageait ses impressions et critiques avec modération. Lors de la lecture de la 'Lettre à une Demoiselle de Suède' de Fontenelle, un participant proposa de rédiger une réponse au nom de la demoiselle. Malgré les refus des plus habiles, l'auteur, se considérant le moins capable, accepta par obéissance et écrivit la réponse. Dans cette réponse, l'auteur informe Fontenelle qu'elle n'est pas la personne décrite dans le portrait et les éloges. Elle accuse l'envoyé de Suède d'avoir exagéré ses qualités, notamment en matière d'esprit et de poésie. Elle exprime son désir de rencontrer Fontenelle à Paris pour le connaître davantage, admirant ses œuvres pour leur philosophie, leur esprit et leur sensibilité. Elle le considère comme l'écrivain français par excellence, incarnant parfaitement le génie de la nation française. L'auteur conclut en avouant sa présomption à s'étendre ainsi sur les louanges de Fontenelle et demande à garder le secret sur cette lettre, assurant qu'elle prend sa lettre au sérieux et non comme une simple galanterie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 772-773
Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Début :
Il paroît depuis peu, chez la veuve Chereau, ruë S. Jacques, aux deux Pilliers d'or ; et chez [...]
Mots clefs :
Estampe, Peintre, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Il paroît depuis peu , chez la veuve Chereau
rue S. Jacques , aux deux Pilliers d'or ; et chez
Surrugues , Graveur du Roy , rue des Noyers ,
une Estampe nouvellement gravée d'après un
des plus beaux Tableaux de fen Watteau , Peintre
Flamand , de l'Academie Royale de Peinture
et de Sculpture. Le Sujet aussi galand qu'allégorique
, represente l'Embarquement des Pellerins
pour l'Isle de Cithere . Le Tableau original est
d'une grande composition et d'un effet charmant
; il est dans le Cabinet de M. de Jullienne,
lequel continue depuis plus de douze années à
faire graver tous les Ouvrages de ce gracieux
Peintre , nous pouvons assurer que celui - cy est
un de ceux qui fait le plus de plaisir. Il est tresheureusement
gravé par le sieur Tardieu , grande
Estampe en largeur.
Il paroît aussi une nouvelle Estampe en large ;
gravée par le sieur L. Desplaces , d'après un Tableau
du Parmesan , représentant Venus et l'Amour.
Elle se vend chez l'Auteur , ruë de la Jussienne.
Il paroît encore depuis peu deux fort belles
Estampes en large , qui ont un fort grand débit ,
chez le sieur Odieuvre , Marchand d'Estampes
sur le Quay de l'Ecole , vis -à - vis la Samaritaine
. Les Sujets sont la Naissance et la Mort dAdonis
tres- bien gravez , par le S Aubert , d'après
deux Tableaux originaux de M. Boucher ,
dont le Pinceau et le Dessein répondent à la
beauté de la composition.
r
L'Estam
AVRIL. 1733. 773
L'Estampe de la Dille Sallé , dont on a parlé
dans le dernier Mercure , pag. 54. a tres-bien
réussi , et fait tres - grand plaisir aux Curieux .
Cette admirable Danseuse est representée dansant
au son de quatre Instrumens , et suivie do
trois autres Danseuses , dans un beau Païsage
orné d'un riche morceau d'Architecture. Cette
Planche , qui fait directement pendant à celle de
la Dile Camargo, est tres - bien gravée par le sieur
Delarmessin , d'après l'original , peint par le sieur
Lancret , Peintre distingué de l'Académie. On
lit ces Vers au bas :
Maîtresse de cet Art , que guide l'Harmonie ,
Je peins les passions , j'exprime la gayeté ;
Je joints des pas brillans , au feu de mon génie ,
Les Graces , la Justesse et la Légereté ,
Sans offenser l'aimable modestie ,
Qui de mon sexe augmente la beauté.
Cette Estampe se vend chez le sieur Lancrer
à l'entrée du Quay de la Ferraille , à la Croix de
Perles ; chez N. Delarmessin , ruë du Platre ; et
chez la veuve Chereau , ruë S Jacques.
rue S. Jacques , aux deux Pilliers d'or ; et chez
Surrugues , Graveur du Roy , rue des Noyers ,
une Estampe nouvellement gravée d'après un
des plus beaux Tableaux de fen Watteau , Peintre
Flamand , de l'Academie Royale de Peinture
et de Sculpture. Le Sujet aussi galand qu'allégorique
, represente l'Embarquement des Pellerins
pour l'Isle de Cithere . Le Tableau original est
d'une grande composition et d'un effet charmant
; il est dans le Cabinet de M. de Jullienne,
lequel continue depuis plus de douze années à
faire graver tous les Ouvrages de ce gracieux
Peintre , nous pouvons assurer que celui - cy est
un de ceux qui fait le plus de plaisir. Il est tresheureusement
gravé par le sieur Tardieu , grande
Estampe en largeur.
Il paroît aussi une nouvelle Estampe en large ;
gravée par le sieur L. Desplaces , d'après un Tableau
du Parmesan , représentant Venus et l'Amour.
Elle se vend chez l'Auteur , ruë de la Jussienne.
Il paroît encore depuis peu deux fort belles
Estampes en large , qui ont un fort grand débit ,
chez le sieur Odieuvre , Marchand d'Estampes
sur le Quay de l'Ecole , vis -à - vis la Samaritaine
. Les Sujets sont la Naissance et la Mort dAdonis
tres- bien gravez , par le S Aubert , d'après
deux Tableaux originaux de M. Boucher ,
dont le Pinceau et le Dessein répondent à la
beauté de la composition.
r
L'Estam
AVRIL. 1733. 773
L'Estampe de la Dille Sallé , dont on a parlé
dans le dernier Mercure , pag. 54. a tres-bien
réussi , et fait tres - grand plaisir aux Curieux .
Cette admirable Danseuse est representée dansant
au son de quatre Instrumens , et suivie do
trois autres Danseuses , dans un beau Païsage
orné d'un riche morceau d'Architecture. Cette
Planche , qui fait directement pendant à celle de
la Dile Camargo, est tres - bien gravée par le sieur
Delarmessin , d'après l'original , peint par le sieur
Lancret , Peintre distingué de l'Académie. On
lit ces Vers au bas :
Maîtresse de cet Art , que guide l'Harmonie ,
Je peins les passions , j'exprime la gayeté ;
Je joints des pas brillans , au feu de mon génie ,
Les Graces , la Justesse et la Légereté ,
Sans offenser l'aimable modestie ,
Qui de mon sexe augmente la beauté.
Cette Estampe se vend chez le sieur Lancrer
à l'entrée du Quay de la Ferraille , à la Croix de
Perles ; chez N. Delarmessin , ruë du Platre ; et
chez la veuve Chereau , ruë S Jacques.
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Résumé : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
En avril 1733, plusieurs estampes notables ont été mises en vente à Paris. Une estampe gravée par Tardieu, d'après un tableau de Jean-Antoine Watteau, représentant 'L'Embarquement pour l'île de Cythère', est disponible chez la veuve Chereau et chez Surrugues. Ce tableau, appartenant à M. de Jullienne, est considéré comme l'un des plus plaisants de Watteau. Une autre estampe, gravée par L. Desplaces d'après un tableau du Parmesan représentant Vénus et l'Amour, est vendue par son auteur rue de la Jussienne. Deux estampes représentant la Naissance et la Mort d'Adonis, gravées par Aubert d'après des tableaux de François Boucher, sont disponibles chez Odieuvre sur le Quay de l'Ecole. Enfin, une estampe de la danseuse Dille Sallé, gravée par Delarmessin d'après un original de Lancret, est également en vente chez plusieurs marchands. Cette estampe montre Dille Sallé dansant au son de quatre instruments, accompagnée de trois autres danseuses, dans un paysage orné d'architecture.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 123-127
« Simart, Libraire, donnera dans le mois de Mars prochain un Recüeil des Lettres de Madame [...] »
Début :
Simart, Libraire, donnera dans le mois de Mars prochain un Recüeil des Lettres de Madame [...]
Mots clefs :
Académie royale de peinture et de sculpture, Physique nouvelle en dialogues, Marquise de Sévigné, Académie des jeux floraux, Dictionnaire des termes de pratique, Peintre, Lettres, Pellegrini, Boucher, Louis de Boullogne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Simart, Libraire, donnera dans le mois de Mars prochain un Recüeil des Lettres de Madame [...] »
Simart , Libraire , donnera dans le mois de
Mars prochain un Recueil des Lettres de Madame
la Marquire de Sevigné , en quatre Volumes in
12. Il y a à la tête un beau Portrait de cette
Illustre Auteur. On n'a rien oublié pour rendre
cette Edition parfaite , soit par rapport aux
Caracteres et au papier , soit par le soin qu'on a
pris de collationner exactement chaque Lettre
sur l'original.
Il a paru au commencement de l'Année deraiere
un nouveau Recueil des Piéces de Poësie et
d'Eloquence , présentées à l'Académie des Jeux
Floraux les Prix des Années 1729. et 1730. pour
imprimé à Toulouze , chez le Camus . On trouve
à la page 231. une Imitation en vers François
de la premiere Elégie des Tristes d'Ovide , commençant
par ce vers : Ouvrage infortuné , fruis
amer de mes larmes , &c . Mais ce qui a surpris le
plus , c'est qu'on lit dans l'Avertissement qui est
au-devant , que M. F.... Conseiller du Roy
Commissaire de la Marine au Département de
Toulon, s'est déclaré l'Auteur de cette Piéce. Il y
>
lic
224 MERCURE DE FRANCE
lieu de croire que cet Article y a été inseré sang
sa participation . Car on sçait que la même imisation
avoit déja paru dès 1727. au Tome III.
Pag. 363. de la continuation des Mémoires de
Littérature , qui s'imprime à Paris chez Simart
laquelle y avoit été donnée sous le nom de M.
Le P. B. L'Auteur de ces Mémoires l'appelle un
des plus grands et des plus sçavans Magistrats du
Royaume; et l'on a appris qu'en effet c'étoit M.
le Président Bouhier qui fut reçu la même année
à l'Académie Françoise. Dans cette nouvelle
Edition il y a quelques changemens , mais de peu
d'importance , qui n'empêchent pas qu'on ne
reconnoisse aisément que c'est la même Piéce
qu'on auroit mieux fait de laisser dans l'état où
l'Auteur l'avoit mise.
Le Pere Regnault J. qui a donné ici une nou
velle Edition de ses Entretiens Physiques , ou de
la Physique nouvelle en Dialogues , réimprimée à
Amsterdam , et traduite en Anglois à Londres ,
va donner l'origine ancienne de la Physique nouvelle.
L'Ouvrage est fait en forme d'entretiens par
Lettres ; et il s'imprime chez Jacques Clousier.
C'est un parallele de l'ancienne Physique et de la
Physique nouvelle , où l'on se propose de montrer
, sur tout , trois choses.
1. Ce que la Physique nouvelle a de la Physique
ancienne.
2. Le dégré de perfection de la Physique nouvelle
sur la Physique ancienne .
3. Comment la Physique est parvenue à ce
dégré de perfection .
Il a paru au commencement de cet année un
Rouvel Ouvrage de M. Claude-Joseph De Ferriere,
Doyca
JANVIER 1734. 125
,
Doyen des Docteurs Régens de la Faculté de
Droits de Paris . Ce Livre à pour titre : Nouvelle
Introduction à la Pratique ou Dictionnaire des
termes de Pratique , de Droit , d'Ordonnances et do
Coutumes , avec les Jurisdictions de France. Il est
en deux Volumes in quarto , et se vend à Paris ;
ehez Michel Brunet , et Claude Prudhomme , en la
grande Salle du Palais . Cet Ouvrage avoit déja
paru sous le titre d'Introduction à la Pratique ,
en deux Volumes in douze. Les réimpressions
qui en ont été faites , dans les tems qu'il n'étoit
qu'un simple projet , font assez connoître de
quelle utilité doit être celui qui paroît aujourd'hui
avec des augmentations si considérables ,
que l'Auteur a crû devoir faire ajouter à son titre
celui de Dictionnaire ; ensorte que c'est plutôt
un nouvel Ouvrage qu'une réimpression de celui
qui avoit paru jusqu'à présent.
On a réimprimé depuis peu à Londres , avec
un Apendix d'Edouard Baynard , Membre du
College des Médecins , l'Histoire des Bains froids.
tant anciens que modernes ; par le Chevalieg
Jean Floyer, 2 Vol . in 8.
Ambroise Haude , Libraire du Roy de Prusse
et de l'Académie des Sciences à Berlin, avertit les
Gens de Lettres qu'il imprime par souscription
un Ouvrage important , qui a pour titre La
Chronologie de l'Histoire Sainte et des Historiens
Profanes , qui la concernent , depuis la sortie d'Eypte
jusqu'à la Captivité de Babylone. Par Alphonse
de Vignoles , 2. Vol. 4. On distribue le
Programme dans plusieurs grandes Villes de
l'Europe, chez les principaux Libraires, et à Paris
chez Briasson , lesquels recevront les Souscrip
cione
126 MERCURE DE FRANCE
tions jusqu'à la fin d'Avril 1734. On promet que
l'Ouvrage sera achevé d'imprimer au commencement
d'Octobre de cette même année 1734. Le
prix pour le papier ordinaire sera de huit florins
de Hollande , et pour le grand papier de
onze florins.
&
Le 31. de Décembre dernier M. Pellegrini .
Peintre Venitien, fut reçu de l'Académie Royale
de Peinture et de Sculpture , sur un Tableau
qu'il lui a envoyé. Le Sujet est allégorique: c'est
la Modestie qui présente l'Ouvrage de ce Peintre
à l'Académie , sous la figure de la Peinture , avee
le Génie de la France qui écrit le jugemeut
qu'elle en fait. M.Pellegrini avoit été agréé dès le
tems qu'il vint à Paris , où il peignit la Galerie de
la Banque.
Le même jour M. Cars de Paris , un de nos
meilleurs Graveurs , Graveur en Taille - douce
ayant presenté les Portraits de Mrs Sebastien
Bourdon Peintre , et Michel Anguier , Sculpteur,
tous deux de l'Académie, qu'il a gravez d'après
Mrs Rigaud et Revel, fut aussi reçu Académicien,
Le 30 Janvier M. Boucher , Peintre , digne
Eleve de M. le Moine , déja connu par quantité
d'Ouvrages qui font honneur à la feinture et à
ses heureux talens , fut reçu à l'Académie d'une
voix unanime sur un Tableau en large , représentant
Renaud et Armide dans les plaisirs , avec
un fond de Paysage , orné d'Architecture , les
figures sont demi nature.
Un autre excellent Sujet fut reçu le même
jour , sur les Portraits en hauteur jusqu'aux genoux
, de Mrs Galoche Peintre , et le Moine pere,
Sculpteur , c'est M. Tocquet qui a de grands talens
pour le Portrait.
JANVIER.
127 1724.
Eleve de feu M. Boul- M. Verdot , Peintre
longne Paîné , étant mort depuis peu Professeur
ałe l'Académie , M. Noël Coypel a été nommé
par l'Academie pour remplir cette place , er
M. du Mont le Romain , a été nommé Adjoin
Professeur .
La perte que cette Académie à faite depuis
peu de M. de Boullongne son Directeur , et premier
Peintre du Roy , n'a apporté aucun changement
; il n'a pas plû à S. M. de nommer de
Premier Peintre , et l'Académie n'a point éû dẹ
Directeur. Sur l'avis de M. Rigault , un des plus
dignes de remplir cette place , l'Académie a délibéré
que les quatre Recteurs feroient chacun
pendant trois mois les fonctions de Directeur.
Ce que cette Illustre Académie vient de faire
et qui a encore été generalement approuvé , c'est
l'Election d'Academicien Honoraire et Amateur,
de M. de Boullogne , Conseiller au Parlement
de Metz , Premier Commis des Finances , et fils
de feu M. de Boullongne , Premier Peintre du
Roy , dont nous avons parlé dans le premier
Volume du Mercure de Décembre dernier
page 2663.
Mars prochain un Recueil des Lettres de Madame
la Marquire de Sevigné , en quatre Volumes in
12. Il y a à la tête un beau Portrait de cette
Illustre Auteur. On n'a rien oublié pour rendre
cette Edition parfaite , soit par rapport aux
Caracteres et au papier , soit par le soin qu'on a
pris de collationner exactement chaque Lettre
sur l'original.
Il a paru au commencement de l'Année deraiere
un nouveau Recueil des Piéces de Poësie et
d'Eloquence , présentées à l'Académie des Jeux
Floraux les Prix des Années 1729. et 1730. pour
imprimé à Toulouze , chez le Camus . On trouve
à la page 231. une Imitation en vers François
de la premiere Elégie des Tristes d'Ovide , commençant
par ce vers : Ouvrage infortuné , fruis
amer de mes larmes , &c . Mais ce qui a surpris le
plus , c'est qu'on lit dans l'Avertissement qui est
au-devant , que M. F.... Conseiller du Roy
Commissaire de la Marine au Département de
Toulon, s'est déclaré l'Auteur de cette Piéce. Il y
>
lic
224 MERCURE DE FRANCE
lieu de croire que cet Article y a été inseré sang
sa participation . Car on sçait que la même imisation
avoit déja paru dès 1727. au Tome III.
Pag. 363. de la continuation des Mémoires de
Littérature , qui s'imprime à Paris chez Simart
laquelle y avoit été donnée sous le nom de M.
Le P. B. L'Auteur de ces Mémoires l'appelle un
des plus grands et des plus sçavans Magistrats du
Royaume; et l'on a appris qu'en effet c'étoit M.
le Président Bouhier qui fut reçu la même année
à l'Académie Françoise. Dans cette nouvelle
Edition il y a quelques changemens , mais de peu
d'importance , qui n'empêchent pas qu'on ne
reconnoisse aisément que c'est la même Piéce
qu'on auroit mieux fait de laisser dans l'état où
l'Auteur l'avoit mise.
Le Pere Regnault J. qui a donné ici une nou
velle Edition de ses Entretiens Physiques , ou de
la Physique nouvelle en Dialogues , réimprimée à
Amsterdam , et traduite en Anglois à Londres ,
va donner l'origine ancienne de la Physique nouvelle.
L'Ouvrage est fait en forme d'entretiens par
Lettres ; et il s'imprime chez Jacques Clousier.
C'est un parallele de l'ancienne Physique et de la
Physique nouvelle , où l'on se propose de montrer
, sur tout , trois choses.
1. Ce que la Physique nouvelle a de la Physique
ancienne.
2. Le dégré de perfection de la Physique nouvelle
sur la Physique ancienne .
3. Comment la Physique est parvenue à ce
dégré de perfection .
Il a paru au commencement de cet année un
Rouvel Ouvrage de M. Claude-Joseph De Ferriere,
Doyca
JANVIER 1734. 125
,
Doyen des Docteurs Régens de la Faculté de
Droits de Paris . Ce Livre à pour titre : Nouvelle
Introduction à la Pratique ou Dictionnaire des
termes de Pratique , de Droit , d'Ordonnances et do
Coutumes , avec les Jurisdictions de France. Il est
en deux Volumes in quarto , et se vend à Paris ;
ehez Michel Brunet , et Claude Prudhomme , en la
grande Salle du Palais . Cet Ouvrage avoit déja
paru sous le titre d'Introduction à la Pratique ,
en deux Volumes in douze. Les réimpressions
qui en ont été faites , dans les tems qu'il n'étoit
qu'un simple projet , font assez connoître de
quelle utilité doit être celui qui paroît aujourd'hui
avec des augmentations si considérables ,
que l'Auteur a crû devoir faire ajouter à son titre
celui de Dictionnaire ; ensorte que c'est plutôt
un nouvel Ouvrage qu'une réimpression de celui
qui avoit paru jusqu'à présent.
On a réimprimé depuis peu à Londres , avec
un Apendix d'Edouard Baynard , Membre du
College des Médecins , l'Histoire des Bains froids.
tant anciens que modernes ; par le Chevalieg
Jean Floyer, 2 Vol . in 8.
Ambroise Haude , Libraire du Roy de Prusse
et de l'Académie des Sciences à Berlin, avertit les
Gens de Lettres qu'il imprime par souscription
un Ouvrage important , qui a pour titre La
Chronologie de l'Histoire Sainte et des Historiens
Profanes , qui la concernent , depuis la sortie d'Eypte
jusqu'à la Captivité de Babylone. Par Alphonse
de Vignoles , 2. Vol. 4. On distribue le
Programme dans plusieurs grandes Villes de
l'Europe, chez les principaux Libraires, et à Paris
chez Briasson , lesquels recevront les Souscrip
cione
126 MERCURE DE FRANCE
tions jusqu'à la fin d'Avril 1734. On promet que
l'Ouvrage sera achevé d'imprimer au commencement
d'Octobre de cette même année 1734. Le
prix pour le papier ordinaire sera de huit florins
de Hollande , et pour le grand papier de
onze florins.
&
Le 31. de Décembre dernier M. Pellegrini .
Peintre Venitien, fut reçu de l'Académie Royale
de Peinture et de Sculpture , sur un Tableau
qu'il lui a envoyé. Le Sujet est allégorique: c'est
la Modestie qui présente l'Ouvrage de ce Peintre
à l'Académie , sous la figure de la Peinture , avee
le Génie de la France qui écrit le jugemeut
qu'elle en fait. M.Pellegrini avoit été agréé dès le
tems qu'il vint à Paris , où il peignit la Galerie de
la Banque.
Le même jour M. Cars de Paris , un de nos
meilleurs Graveurs , Graveur en Taille - douce
ayant presenté les Portraits de Mrs Sebastien
Bourdon Peintre , et Michel Anguier , Sculpteur,
tous deux de l'Académie, qu'il a gravez d'après
Mrs Rigaud et Revel, fut aussi reçu Académicien,
Le 30 Janvier M. Boucher , Peintre , digne
Eleve de M. le Moine , déja connu par quantité
d'Ouvrages qui font honneur à la feinture et à
ses heureux talens , fut reçu à l'Académie d'une
voix unanime sur un Tableau en large , représentant
Renaud et Armide dans les plaisirs , avec
un fond de Paysage , orné d'Architecture , les
figures sont demi nature.
Un autre excellent Sujet fut reçu le même
jour , sur les Portraits en hauteur jusqu'aux genoux
, de Mrs Galoche Peintre , et le Moine pere,
Sculpteur , c'est M. Tocquet qui a de grands talens
pour le Portrait.
JANVIER.
127 1724.
Eleve de feu M. Boul- M. Verdot , Peintre
longne Paîné , étant mort depuis peu Professeur
ałe l'Académie , M. Noël Coypel a été nommé
par l'Academie pour remplir cette place , er
M. du Mont le Romain , a été nommé Adjoin
Professeur .
La perte que cette Académie à faite depuis
peu de M. de Boullongne son Directeur , et premier
Peintre du Roy , n'a apporté aucun changement
; il n'a pas plû à S. M. de nommer de
Premier Peintre , et l'Académie n'a point éû dẹ
Directeur. Sur l'avis de M. Rigault , un des plus
dignes de remplir cette place , l'Académie a délibéré
que les quatre Recteurs feroient chacun
pendant trois mois les fonctions de Directeur.
Ce que cette Illustre Académie vient de faire
et qui a encore été generalement approuvé , c'est
l'Election d'Academicien Honoraire et Amateur,
de M. de Boullogne , Conseiller au Parlement
de Metz , Premier Commis des Finances , et fils
de feu M. de Boullongne , Premier Peintre du
Roy , dont nous avons parlé dans le premier
Volume du Mercure de Décembre dernier
page 2663.
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Résumé : « Simart, Libraire, donnera dans le mois de Mars prochain un Recüeil des Lettres de Madame [...] »
Le texte présente plusieurs publications et événements littéraires et artistiques. Simart, Libraire, prévoit de publier un recueil des lettres de Madame la Marquise de Sévigné en quatre volumes, incluant un portrait de l'auteur et une édition soignée. À Toulouse, un nouveau recueil des pièces de poésie et d'éloquence, présentées à l'Académie des Jeux Floraux pour les années 1729 et 1730, a été imprimé. Ce recueil contient une imitation en vers français de la première élégie des Tristes d'Ovide, dont l'auteur est contesté. Le Père Regnault prépare une nouvelle édition de ses Entretiens Physiques, comparant l'ancienne et la nouvelle physique. Claude-Joseph de Ferrière a publié une 'Nouvelle Introduction à la Pratique', un dictionnaire des termes juridiques. À Londres, l'Histoire des Bains froids de Jean Floyer a été réimprimée avec un appendice. Alphonse de Vignoles travaille sur une 'Chronologie de l'Histoire Sainte', dont la souscription est ouverte jusqu'à avril 1734. L'Académie Royale de Peinture et de Sculpture a accueilli plusieurs nouveaux membres, dont Pellegrini, Cars, Boucher et Tocquet. L'Académie a également nommé Noël Coypel et du Mont le Romain comme professeurs, et élu M. de Boullogne comme académicien honoraire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 105-108
« NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, avec cette épigraphe : Dives [...] »
Début :
NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, avec cette épigraphe : Dives [...]
Mots clefs :
Peinture, Sculpture, Peintre, Vertu, Honneur, Athlètes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, avec cette épigraphe : Dives [...] »
NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE
SCULPTURE , avec cette épigraphe : Dives
& ampla, manet piores atque poëtas materies
. De Pict. Car. Dufrefn. A Paris , chez
Duchefne , Libraire , rue Saint Jacques , au
Temple du goût.
Cette brochure eft dédiée à Mrs de l'Académie
de Peinture & de Sculpture de
Paris. Elle paroît être l'ouvrage d'un amateur
éclairé les graces du ftyle répondent
à la nouveauté des recherches. L'Auteur
écrit avec tant de précifion , d'élégance &
d'agrément , qu'en le lifant on devient
Peintre , ou plutôt qu'on voudroit l'être ,
pour rendre fur la toile les fujets qu'il
expoſe fi heureuſement fur le papier. Deux
exemples que je vais citer perfuaderont
mieux que tout ce que j'en pourrois dire
» Si l'on veut des images fimplement
» riantes , les tableaux des filles de l'Ifle
» facrée & des filles de Sparte , fourniront
des grouppes auffi délicieux qu'inté
» reffans ; l'habillement fimple des filles
» Grecques , la nobleffe de leurs attitudes ,
» l'élégance de leurs tailles , la beauté de
» leurs traits , tout cela joint aux recher-
» ches néceffaires du coftume , fera va-
» loir infiniment l'efprit & le méritë du
>> Peintre dans l'un & l'autre fujet . Les
» filles de l'Ile faciée confacroient leur
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
:
ceinture à Minerve ; cette fête fe célé
»broit dans l'intérieur du temple .
Quant aux filles de Sparte , elles formoient
tous les ans des danfes religieu-
» fes autour d'une ftatue de Diane placée
» dans la campagne. Quel payfage le Peintre
a-t-il occafion de repréfenter ? Le plus
» riche de l'univers , & celui dont la feule
» idée doit le plus fatisfaire un artifte.
C'eft une campagne ornée de temples ,
» couverte de trophées & de monumens
» élevés en l'honneur de la Vertu , embellie
de ftatues de Dieux champêtres , remplie
enfin des plus grandes richeffes de
» l'art. Cette compofition , qu'on peut terminer
à fon gré par l'horizon de la mer
ou des montagnes , eft d'une beauté où
l'imagination , livrée à tout fon effor ,
» n'atteindroit peut-être pas par elle-même.
33
» Paufanias , en décrivant la fituation
» de deux Athletes vainqueurs , réunit par-
» faitement le brillant d'une image , & la
douceur d'une action . Les deux Athle-
» tes étoient freres , ils fortoient du combat
dont ils avoient remporté tout
» l'honneur : ils apperçoivent leur pere ,
» volent au- devant de lui , l'embraffent
L»l'enlevent fur leurs épaules. Le peuple
redouble fes applaudiffemens , jette des
» fleurs fur leur paffage , bénit la tendreffe
FEVRIER. 1755. 107
»
"
filiale , forme le fpectacle le plus touchant
, & ajoute à la gloire du triomphe.
» La récompenfe de la vertu , & le fuc-
» cès des talens font les fources de la joie
»
la plus pure. Il faut fe repréfenter tout
» l'honneur que les Grecs attachoient à la
» victoire remportée dans leurs jeux ; nos
» moeurs ne nous permettent pas d'en avoir
» une idée parfaite . Mais fuppofons deux
hontmes, tels que deux Athletes de la Gre-
» ce , c'est-à-dire les plus beaux à definer
» qu'il foit poffible de concevoir ; peignons-
» les remplis & pénétrés de cette joie que le
» fentiment de la vertu , & fur-tout de la
vertu récompenfée , eft feul capable d'inf
pirer. La premiere perfonne qui s'offre
aux yeux des Athletes couronés , c'eſt leur
» pere , c'eſt l'auteur de leurs jours & de
» leur gloire. Le vieillard fortuné témoi-
» gne fes tranfports avec les différences
dépendantes de fon âge & de fa fitua-
» tion . Le peuple , dont l'artifte ne pren-
>> dra que le nombre néceffaire pour expri-
» mér la variété des applaudiffemens , les
» accompagne , & feme leur paffage de
fleurs , que le peintre difpofera à fa volonté.
Que de grandeurs ! que de magni-
» ficence ! quel intérêt ! quelles expreffions
dans le tableau ! il eft difficile de
"
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
>> concevoir rien de plus flatteur.
Qu'on juge du coloris & du ton du refte
de l'ouvrage par ces deux morceaux . L'auteur
offre un nouveau champ au pinceau
des artistes. Depuis long- tems , comme il
l'infinue lui- même , leurs compofitions font
trop répétées. C'eft enrichir leurs talens
que de leur préfenter dans un fi beau jour
plufieurs fujets heureux qu'on n'a pas encore
traités . La fable a dans cet écrivain
inftruit , un zélé partiſan , qui doit lui em
faire un plus grand nombre.
LE peu d'efpace que nous laiffe l'abondance
des matieres , nous met dans la néceffité
de renvoyer au mois fuivant l'indication
des autres livres nouvellement
-imprimés
SCULPTURE , avec cette épigraphe : Dives
& ampla, manet piores atque poëtas materies
. De Pict. Car. Dufrefn. A Paris , chez
Duchefne , Libraire , rue Saint Jacques , au
Temple du goût.
Cette brochure eft dédiée à Mrs de l'Académie
de Peinture & de Sculpture de
Paris. Elle paroît être l'ouvrage d'un amateur
éclairé les graces du ftyle répondent
à la nouveauté des recherches. L'Auteur
écrit avec tant de précifion , d'élégance &
d'agrément , qu'en le lifant on devient
Peintre , ou plutôt qu'on voudroit l'être ,
pour rendre fur la toile les fujets qu'il
expoſe fi heureuſement fur le papier. Deux
exemples que je vais citer perfuaderont
mieux que tout ce que j'en pourrois dire
» Si l'on veut des images fimplement
» riantes , les tableaux des filles de l'Ifle
» facrée & des filles de Sparte , fourniront
des grouppes auffi délicieux qu'inté
» reffans ; l'habillement fimple des filles
» Grecques , la nobleffe de leurs attitudes ,
» l'élégance de leurs tailles , la beauté de
» leurs traits , tout cela joint aux recher-
» ches néceffaires du coftume , fera va-
» loir infiniment l'efprit & le méritë du
>> Peintre dans l'un & l'autre fujet . Les
» filles de l'Ile faciée confacroient leur
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
:
ceinture à Minerve ; cette fête fe célé
»broit dans l'intérieur du temple .
Quant aux filles de Sparte , elles formoient
tous les ans des danfes religieu-
» fes autour d'une ftatue de Diane placée
» dans la campagne. Quel payfage le Peintre
a-t-il occafion de repréfenter ? Le plus
» riche de l'univers , & celui dont la feule
» idée doit le plus fatisfaire un artifte.
C'eft une campagne ornée de temples ,
» couverte de trophées & de monumens
» élevés en l'honneur de la Vertu , embellie
de ftatues de Dieux champêtres , remplie
enfin des plus grandes richeffes de
» l'art. Cette compofition , qu'on peut terminer
à fon gré par l'horizon de la mer
ou des montagnes , eft d'une beauté où
l'imagination , livrée à tout fon effor ,
» n'atteindroit peut-être pas par elle-même.
33
» Paufanias , en décrivant la fituation
» de deux Athletes vainqueurs , réunit par-
» faitement le brillant d'une image , & la
douceur d'une action . Les deux Athle-
» tes étoient freres , ils fortoient du combat
dont ils avoient remporté tout
» l'honneur : ils apperçoivent leur pere ,
» volent au- devant de lui , l'embraffent
L»l'enlevent fur leurs épaules. Le peuple
redouble fes applaudiffemens , jette des
» fleurs fur leur paffage , bénit la tendreffe
FEVRIER. 1755. 107
»
"
filiale , forme le fpectacle le plus touchant
, & ajoute à la gloire du triomphe.
» La récompenfe de la vertu , & le fuc-
» cès des talens font les fources de la joie
»
la plus pure. Il faut fe repréfenter tout
» l'honneur que les Grecs attachoient à la
» victoire remportée dans leurs jeux ; nos
» moeurs ne nous permettent pas d'en avoir
» une idée parfaite . Mais fuppofons deux
hontmes, tels que deux Athletes de la Gre-
» ce , c'est-à-dire les plus beaux à definer
» qu'il foit poffible de concevoir ; peignons-
» les remplis & pénétrés de cette joie que le
» fentiment de la vertu , & fur-tout de la
vertu récompenfée , eft feul capable d'inf
pirer. La premiere perfonne qui s'offre
aux yeux des Athletes couronés , c'eſt leur
» pere , c'eſt l'auteur de leurs jours & de
» leur gloire. Le vieillard fortuné témoi-
» gne fes tranfports avec les différences
dépendantes de fon âge & de fa fitua-
» tion . Le peuple , dont l'artifte ne pren-
>> dra que le nombre néceffaire pour expri-
» mér la variété des applaudiffemens , les
» accompagne , & feme leur paffage de
fleurs , que le peintre difpofera à fa volonté.
Que de grandeurs ! que de magni-
» ficence ! quel intérêt ! quelles expreffions
dans le tableau ! il eft difficile de
"
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
>> concevoir rien de plus flatteur.
Qu'on juge du coloris & du ton du refte
de l'ouvrage par ces deux morceaux . L'auteur
offre un nouveau champ au pinceau
des artistes. Depuis long- tems , comme il
l'infinue lui- même , leurs compofitions font
trop répétées. C'eft enrichir leurs talens
que de leur préfenter dans un fi beau jour
plufieurs fujets heureux qu'on n'a pas encore
traités . La fable a dans cet écrivain
inftruit , un zélé partiſan , qui doit lui em
faire un plus grand nombre.
LE peu d'efpace que nous laiffe l'abondance
des matieres , nous met dans la néceffité
de renvoyer au mois fuivant l'indication
des autres livres nouvellement
-imprimés
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Résumé : « NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, avec cette épigraphe : Dives [...] »
La brochure 'NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE' est destinée aux membres de l'Académie de Peinture et de Sculpture de Paris. Rédigée par un amateur éclairé, elle se distingue par sa précision, son élégance et son agrément, visant à inspirer les lecteurs à se lancer dans la peinture. La brochure propose des sujets novateurs et enrichissants pour les artistes, tels que les tableaux des filles de l'île sacrée et des filles de Sparte. Les filles de l'île sacrée consacraient leur ceinture à Minerve dans le temple, tandis que les filles de Sparte dansaient autour d'une statue de Diane dans la campagne. Ces scènes permettent de représenter des paysages riches et nobles, ornés de temples, trophées, monuments et statues de dieux champêtres. Le texte mentionne également une description de Pausanias sur deux athlètes vainqueurs, illustrant la joie et l'honneur des victoires grecques. L'auteur suggère que ces nouveaux sujets enrichissent les talents des artistes en leur offrant des thèmes inédits et inspirants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 153
PEINTURE. Vers pour être mis au bas du portrait de M. Boucher, dessiné par M. Cochin*.
Début :
Ses ouvrages charmans sont pleins de volupté. [...]
Mots clefs :
Portrait, Peintre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PEINTURE. Vers pour être mis au bas du portrait de M. Boucher, dessiné par M. Cochin*.
ARTS AGRÉABLES.
PEINTURE.
Vers pour être mis au bas du portrait de M.
Boucher , deffiné par M. Cochin *.
S.Es ouvrages charmans font pleins de volupté.
Rival de la nature , il marche fur fes traces :
C'eft le peintre de la beauté ;
Il embellit même les Graces.
SILEUIL.
PEINTURE.
Vers pour être mis au bas du portrait de M.
Boucher , deffiné par M. Cochin *.
S.Es ouvrages charmans font pleins de volupté.
Rival de la nature , il marche fur fes traces :
C'eft le peintre de la beauté ;
Il embellit même les Graces.
SILEUIL.
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10
p. 185-202
Discours sur la Peinture par M. Nonnotte, Peintre du Roi, de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture, & de la Société Royale de Lyon.
Début :
MESSIEURS, la Peinture, dont je dois avoir l'honneur de vous entretenir [...]
Mots clefs :
Peintre du roi, Académie royale de peinture et de sculpture, Société royale de Lyon, Peinture, Dessin, Nature, Corps humain, Parties du corps, Goût, Peintre, Muscles, Art, Femme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur la Peinture par M. Nonnotte, Peintre du Roi, de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture, & de la Société Royale de Lyon.
Difcours fur la Peinture par M. Nonnotte ;
Peintre du Roi , de l'Académie Royale de
Peinture & Sculpture , & de la Société
! Royale de Lyon.
MESS
ESSIEURS , la Peinture , dont je dois
avoir l'honneur de vous entretenir
aujourd'hui pour mon premier tribut académique
, elt connue pour être au rang
des Arts qui , dans tous les tems éclairés ,
ont mérité les empreffemens des perfonnes
d'efprit & de goût,
Difpenfez-moi , je vous prie , de remonter
à la fombre recherche de fon origine
, de même que de vous informer du
tems précis où elle a pris naiffance ; cette
découverte me paroît être auffi inutile
qu'incertaine. En effet , qu'importe à cette
Académie dans le but qu'elle fe propofe ,
que ce foit les Egyptiens ou les Grecs qui
en foient les premiers inventeurs , ou que
l'amour , plutôt qu'une curiofité raifonnable
, y ait donné lieu . J'aime à m'entrete
nir des connoiffances & des faits certains
& quoique l'Ecriture Sainte foit celle qui
répand le plus de clarté fur l'ancienneté
de la Peinture & de la Sculpture , je crois
i86 MERCURE DE FRANCE.
en trouver encore d'avantage dans le goût
naturel de l'homme pour les Beaux Arts .
Leur utilité , leurs agrémens ne pouvoient
que nous engager à les cultiver le dégré
de leur perfection , eft ce qui doit attirer
toute notre attention & notre eſtime.
Je ne m'arrêterai donc point , Meffieurs,
à une ennuyeuſe chronologie des progrès
de la Peinture , encore moins à vous en
faire l'éloge ; jufqu'ici on en a dit affez à
ce fujet , & ce qu'on en a dit vous eft connu.
Je ne rappellerai point non plus la préférence
qu'elle a pu recevoir fur plufieurs
des autres Arts , j'agirois contre l'efprit qui
m'anime & qui eft la bafe de cette illuftre
fociété , dont l'établiffement en réuniffant
les Arts & les Sciences , ne doit pas moins
réunir les fentimens & les coeurs .
J'examinerai fimplement , ce que la
Peinture eft en elle- même , les parties
qu'elle renferme , & le goût qui en fait le
beau & l'agréable . Je chercherai à me retracer
les entretiens que j'ai eus à ce fujet ,
avec feu M. le Moine , premier Peintre du
Roi , fous lequel j'ai été affez heureux
pour étudier les fix dernieres années de fa
vie ; c'eft le tems , où ce grand . Artiste a
mis au jour les ouvrages les plus dignes de
l'immortalifer , & les plus propres à inftruire
un Eleve. La coupole de la chapelle de
OCTOBRE. 1755. 187
la Vierge de S. Sulpice , & le plafond du
fallon d'Hercule à Verfailles, font actuellement
l'admiration des connoiffeurs , &
feront furement celle de la poftérité. C'eſt
à ces ouvrages , & à l'emploi que M. le
Moine daigna m'y donner , que je dois le
peu de connoiffance que j'ai de la Peinture .
Pour mettre quelque ordre à ce Difcours
, je diviferai la Peinture en trois
parties principales ; le deffein , la compofition
, & le coloris. La premiere qui eft le
deffein , fera le fujet de cet entretien.
c'eft On me demandera peut- être ce que
que le deffein ? Dans ce cas , Meffieurs , je
dois répondre que c'eft un compofé de différentes
lignes , qui étant réunies , doivent
nous préfenter au premier coup d'oeil , l'objet
que nous nous fommes propofé de rendre.
Tout ce que nous voyons porte par la
forme , au quarré , au rond , ou à un mêlange
agréable de l'un & de l'autre ; il faut
donc , lorfque nous avons l'une de ces formes
à jetter fur le papier ou fur la toile , la
faifir par le contour ; & fi du quarré plus
ou moins fenfible , elle porte enfuite à quelques
rondeurs , faire fléchir fon trait , pour
parvenir à la jufteffe & à la vérité du mêlange
des formes .
L'imitation de tout ce qui eft créé fut
réfervé à l'homme feul ; auffi l'homme y
188 MERCURE DE FRANCE.
eft-il porté naturellement ; & quand il le
fait avec choix , il féduit , it enchante.
Nulle imitation ne fut plus digne de lui
que celle du corps humain ; c'eft celle qu'il
devoit étudier par préférence , & qui fait
notre principal fujet. Paffons à l'examen.
J'ai dit que tout ce que nous voyons ,
porte par la forme au quarré , au rond , ou
à un mêlange agréable de l'un & de l'autre.
C'est dans l'extérieur du corps humain ,
qu'on peut mieux remarquer les effets de
ce mêlange ; c'eft - là qu'il fe montre avec
plus de grace. Les formes qui tendent au
quarré , font fenfibles partout où les os
font plus près de la peau , ainfi que dans
l'étendue des muſcles plats . Les rondes paroiffent
aux parties charnues ou chargées
par la graiffe. En forte que quand on prend
des enfembles , toujours par les contours
foit généraux , foit particuliers , il faut
d'abord les faifir quarrément pour la diftribution
, & les arrondir enfuite imperceptiblement
felon leur befoin.
Les formes quarrées plus ou moins fenfibles
, dont je parle au fujet du corps humain
, je ne prétens point , Meffieurs , leur
donner aucun angle vif , les angles y ont
toujours quelques arrondiffemens. Le terme
de quarré eft expreffif pour l'ufage des
Peintres : il eft connu dans toutes les écoles,
OCTOBRE. 1755 . 189
Faut-il en prenant le trait d'une figure ,
le rendre également fenfible ? Comme le
Peintre doit donner de l'intelligence à ce
qu'il fait , & qu'elle ne peut trop- tôt paroître
, il doit procurer au premier trait ,
plus de fermeté partout où paroiffent les
os , qui font d'une nature plus dure ; &
paffer légerement fur les parties rondes qui
font les plus tendres. Excepté les côtés deftinés
pour les ombres , ainfi que les infertions
des muſcles qui s'approchant les
uns des autres , pour former leurs liaiſons,
demandent alors une plus forte expreffion .
Mais il faut remarquer , que cette expreffion
ne doit être plus vive , que dans ce
qui caractériſe l'enſemble des grandes parties
; celles qui font plus petites voulant
être moins fenfibles à mesure qu'elles diminuent
de volume ; fi ce n'eft dans le cas ,
où ces petites parties auront auffi des os ;
car alors elles demandent la premiere fermeté
, fans vouloir rien perdre de leur détail.
C'eft de cette façon qu'il faut traiter
les pieds , les mains , & les têtes .
Je laiffe quant-à - préfent les réflexions
à faire fur les maffes d'ombres & fur le
clair -obfcur. Ces parties dépendent de la
compofition , qui eft la feconde de mon
plan général.
Le deffein eft le point principal de la
190 MERCURE DE FRANCE.
癜
Peinture , & l'écueil où il eft le plus dangereux
d'échouer. C'est lui qui fépare les
maffes informes , qui diftribue les parties
des différens corps que l'on veut repréfenter
, qui les lie , & forme le tout de chaque
chofe dans ce qu'elle doit être . Sans
lui point d'enſemble & point de forme ;
fans forme point de grace , point de nobleffe
& nulle expreffion ; fans expreffion
point d'ame ; & fans ame , que devient le
Prométhée de la Peinture & fes illufions.
C'eſt le deffein qui fait diftinguer dans le
corps humain , les différens âges & les différentes
conditions , les différens fexes , &
ce que leurs faifons peuvent y donner de
variété. Il défigne les caracteres en tous genres
, ainfi que toutes les paffions. Enfin fans
lui , un tableau ne feroit , à proprement
parler , qu'une palette chargée de couleurs ,
qui ne dit mot , par conféquent ne reffemble
à rien.
Voyons , Meffieurs , ce que le deffein
doit être par rapport aux âges ; tâchons à
en développer les différens caracteres :
commençons par l'âge le plus tendre .
Les enfans naiffent avec la diftribution
complette de toutes les parties , qui dans
un autre âge forment un grand corps , foit
par les os , foit par les muſcles. Mais comme
les os & les muſcles , n'ont point enOCTOBRE.
1755. 191
L
core dans celui- ci , leur force , ni leur
étendue , & que d'ailleurs les chairs font
d'ordinaire , plus enveloppées par la graiffe
; les formes extérieures fe trouvent être
différentes , dans le plus grand nombre
des parties , & dans d'autres abfolument
oppofées à ce qu'elles font dans un âge
plus avancé.
pour
Dans tous les âges , les attaches des diverſes
parties du corps humain , ne font
point , ou font peu fufceptibles d'être
chargées par la graiffe . Elles ne le font que
par ce qui eft décidément néceffaire
lier les chairs ; en forte que la peau qui
les couvre , fe trouve alors beaucoup plus
près des os , qu'elle ne peut l'être dans
les parties charnues , & nourries par la
graiffe . Il en résulte pour les enfans , que
telle attache qui fait une élévation dans un
corps entierement formé , ainfi que nous
l'appercevons , aux épaules , aux coudes
aux poignets , aux falanges des doigts &
toutes autres attaches , ne font point aux
enfans des élévations , mais des creux ; la
peau , comme nous l'avons dit , demeurant
près des os , pour faire à cet âge , la
distinction de s'élever enfuite avec complaifance,
& le prêter aux mufcles encore
tendres & à la graiffe qui y eft adhérente. Le
Peintre doit donc obferver toutes ces cho192
MERCURE DE FRANCE.
de
fes , & fans outrer la matiere , comme la
nature l'eft elle- même quelquefois , il doit
ménager la molleffe & la rondeur , par
légers méplars , & laiffer paroître imperceptiblement
les maffes générales des principaux
muſcles ; c'eft ainfi que l'ont pratiqué
admirablement bien tous ceux qui
ont excellés dans ce genre , comme l'Albane
, Paul -Véronefe , Rubens , Pietre-
Tefte , & en fculpture , François Flamand
& Puget.
Le terme de méplat , que j'ai employé
il y a un moment , Meffieurs , eft un terme
de l'Art , ufité , pour exprimer des parties
rondes un peu applaties ; nous admettons
pour principe , qu'il n'y a rien de parfaitement
rond dans l'extérieur du corps humain
, comme rien de parfaitement quarré.
L'office des mufcles & leurs liaifons mutuelles
empêchent cette régularité de forme.
Venons au fecond âge.
La diverfité des contours dépend de la
diverfité des formes , & c'eft peut- être
dans cet âge qu'elles different davantage .
Toutes les parties du corps
dans le premier
âge , font raccourcies , & comme foufflées
par les fucs & le lait qui doivent
leur fervir de nourriture : Dans le fecond ,
toutes les parties fe développent , & femblent
ne travailler que pour fe procurer
les
OCTOBRE . 1755 195
les longueurs proportionnées , auxquelles
elles doivent naturellement arriver . C'eft
pourquoi nous voyons les jeunes gens de
l'âge de douze à quatorze ans , être d'une
proportion fvelte & légere. Les os dans
leur attache ne montrent point encore toute
leur groffeur , & les muſcles dans leur
largeur montrent encore moins leur nourriture.
Ceci doit attirer toute l'attention
du Peintre , & c'eft auffi ce qui produit
en cette rencontre de fi grandes difficutés
à bien rendre la vérité. Tout y eft fin &
délicat dans l'expreffion , on ne peut s'y
fauver par rien de bien ſenſible. Les attaches
n'y forment point de creux comme à
celles des enfans , ni des élévations marquées
comme dans l'âge fait . Les contours
par cette raifon y font coulans , gracieux ,
étendus ; & comme ils font peu chargés ,
ils exigent d'être peu reffentis , c'est- à -dire
peu marqués dans leur infertion . Semblable
d'ailleurs à des jeunes plantes , la nature
à cet âge , fans avoir rien de dur dans
le caractere , doit fe foutenir ; & comme
elle n'eft point encore affujettie à la violence
des paffions , elle doit conferver une
aimable tranquillité. Les figures antiques
de Caftor & de Pollux peuvent fervir de regles
pour celles dont je parle , & la maniere
de deffiner de Raphaël me paroît être
I
194 MERCURE DE FRANCE .
celle qui y convient le mieux. Ceux de
nos modernes qui ont fuivi de plus près
nos premiers Maîtres dans cette route ,font
à mon gré le Sueur , & le Moine premier
Peintre du Roi.
Toutes les perfections du corps humain ,
fa beauté , & toute fa vigueur fe montre
dans le troifiéme âge auquel je paffe maintenant.
L'ame qui foutient & anime ce
corps , y commande en fouveraine , &
toutes fes facultés y agiffent avec d'autant
plus de force & de liberté , que les refforts
qui le font mouvoir en font plus déliés .
Jufqu'ici la nature n'a rien fait voir de
refolu , ni rien de décidé dans les formes
extérieures ; mais arrivée à fon but , elle
s'exprime avec netteté , & avec la nobleffe
dont fon auteur a daigné la décorer . Examinons
, Meffieurs , comment on peut réduire
en pratique toutes ces chofes & les
repréfenter fur la toile. La vraie théorie
de l'art doit accompagner le peintre dans
toutes fes opérations , & une étude conftante
de l'anatomie doit être fon guide. Il
jugera alors que les attaches de toutes les
parties du corps humain arrivé à fa perfection
, doivent être expliquées avec fermeté
fans féchereffe , & que les os qui s'y
font fentir , quoique quarrément, doivent
donner l'idée de leur forme fans aucune
OCTOBRE. 1755. 195
dureté de travail. Les mufcles principaux
ne peuvent laiffer aucun doute fur leur
caractere & leur office , & ceux d'une
moindre étendue paroîtront rélativement
aux fonctions des premiers. C'eft pour ces
raifons que dans cet âge les contours font
moins coulans , ou pour mieux dire plus
chargés & plus caracterifés que dans le
précédent , & que les infertions des mufcles
, ainfi que toutes les jointures , font
plus reffenties . Comme l'ame commande
abfolument au corps , de même les principales
parties du corps commandent par
leur groffeur & leur élévation à celles qui
font moindres. Les extrêmités de chaque
membre doivent donc être légeres & dénouées
, afin de montrer par là qu'ils n'en
font que plus difpofés à obéir promptement
à la volonté. La fûreté de ces principes
peut fe voir bien expliquée dans la
figure du Gladiateur qui eft regardée
comme la plus parfaite de l'antiquité dans
le genre que je viens de rapporter. Le
goût de deffein du Carrache , & de prefque
toute fon école , eft auffi celui qui le
rend mieux : on le préfere pour cette étude
à la plupart des autres maîtres .
›
Le dernier âge , Meffieurs , nous préfente
la nature dans fon déclin : ce n'eſt
>
plus cette fraîcheur ce foutien , cette
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
fermeté , & cette vigueur de ceux qui ont
précédés. Les efprits fe diffipent dans celui
- ci , les chairs s'amolliffent , la peau fe
vuide & fe féche , & le corps ne préfente
plus que des formes & des contours incertains.
Les os, premier fondement de toute
la machine , femblent fuccomber par l'affaiffement
des parties qui les lient , &
nous ne voyons plus que tremblement &
crainte dans tous les mouvemens de ce
corps fi foutenu dans fa jeuneffe. L'intelligence
du Peintre , en remontant toujours
aux principes , lui fera fentir aifément la
conduite qu'il doit tenir en pareille rencontre
; & qu'avec la variété des formes
qui fuivent les âges , il doit varier les caracteres
du deffein autant que la nature
le lui indique. Ici les formes du corps humain
ayant dégéneré , on ne doit plus
leur donner cette prononciation ni ce développement
actif du troifieme âge. Les
os font plus découverts ; mais les muſcles
refroidis & defféchés ne préfentent plus
que beaucoup d'égalité dans les contours.
La peau moins foutenue qu'auparavant ,
augmente par fes plis le travail extérieur ,
& montre en tout , de concert avec les os ,
une espece d'aridité générale à laquelle
l'artifte doit porter attention. Il fautdone ,
lorfqu'on aime la vérité , donner moins
OCTOBRE . 1755 197
de moëlleux & moins d'arrondiffement à
ces fortes de parties , & cependant ne pas
outrer la matiere . La peinture doit plaire
aux yeux , comme la mufique doit plaire
aux oreilles ; & tel fujet qu'on puiffe avoir
à traiter , il en faut bannir le défectueux
& le répugnant. Il n'eft rien que l'art ne
puiffe embellir , & c'eft la feule délicateffe
dans le choix , & le goût agréable à rendre
les chofes , qui peut acquerir , à juſte
titre , de la diftinction à un Peintre , quelque
fçavant qu'il foit d'ailleurs. Ici la nature
fuffit pour prouver ce que j'ai dit du
dernier âge.
Ce que je viens d'avancer fur les âges ,
par rapport aux deffeins , Meffieurs , n'eft
qu'un précis , ainfi que je l'ai promis au
commencement de ce difcours , des entretiens
que j'ai eus à ce fujet avec feu M. le
Moine je l'ai appuyé de l'exemple de
quelques antiques , de celui de plufieurs
de nos meilleurs maîtres , & j'ai cru y devoir
joindre les lumieres que la nature m'a
pu fournir. Perfonne ne doute que nous
ne devions recevoir d'un habile homme
les premieres leçons dont nous avons befoin
pour l'étude de la peinture. Le bel
antique doit être notre fecond guide , &
nous inftruire fur les belles formes qu'il
réunit . Mais l'ame & la vie font le pre
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
.
mier mérite d'un tableau , & nous ne pou
vons les tenir que de ce feu divin qui
caracterife la nature vivante . Le froid des
marbres antiques a paffé dans les veines
de quelques-uns de fes adorateurs . Il n'y
a que ceux qui par leur capacité à en faire
un bon choix , ont feu y joindre le fentiment
que la feule vérité infpire , qui en
ayent tiré un parti avantageux. On peut
voir à ce fujet dans M. de Piles , le jugement
que Rubens en a porté , où il dit
qu'il y a des Peintres à qui l'imitation
des ftatues antiques eft très- utile , & à
d'autres dangereufe , même jufqu'à la deftruction
de leur art. De Piles ajoute qu'on
doit convenir que l'antique n'a de vraies
beautés qu'autant qu'elles font d'accord
avec la belle nature , dans la convenance
de chaque objet . On ne peut donc raifonnablement
difputer que ce font les
feules beautés réunies de la nature , qui
ont fait mettre au jour ce que nous admirons
avec juftice dans les plus fameux
chefs-d'oeuvres de la Gréce . Ces mêmes
beautés feules ont auffi formé des Peintres
du premier ordre ; mais l'étude des
plus belles ftatues antiques , fans celle de
la nature , n'a jamais fait ce miracle. Je
conclus delà , avec un très bon écrivain
de nos jours , que le vrai eft la fource
OCTOBRE. 1755. 199
où l'art doit aller puifer : c'eft-là qu'il
peut s'enrichir . La multitude des objets
créés & leurs perfections y font à l'infini ;
chacun d'eux ont leurs graces particulieres
; aucun n'en renferme comme celui
duquel il me reste à vous entretenir .
C'eſt par le deffein , Meffieurs , que fe
trouve marquée dans la peinture la diftinction
des âges ; c'eft également par lui
qu'on y fait celle des fexes. Toutes les
créatures font ornées des dons de la nature
, la femme l'eft fupérieurement. Née
pour fixer l'attention & le goût de l'homme
, fon empire fur lui ne pouvoit être
mieux foutenu que par les graces. Ce
font ces graces charmantes qui doivent
entierement diriger le Peintre dans la repréſentation
du corps d'une femme , &
P'aider à tranfmettte fur la toile les impreffions
du beau naturel. Je conviens
que la chofe n'eft point aifée pour l'artifte
, quelque habile qu'il foit ; mais s'il
y a des moyens d'y réuffir , ce ne peut
être encore qu'avec le concours du deſſein .
Ce que j'ai avancé ci- devant au fujet des
âges , a eu prefque tout fon rapport au
corps de l'homme. Examinons les diftinctions
qu'on peut faire pour celui dont
j'entreprens de donner une idée.
Un travail tendre & arrondi , des con-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE:
tours aifés & fimples , une touche naïve
font ici des articles très - effentiels . Les attaches
, quoique délicates , ne peuvent annoncer
que très- peu , ou prefque point les
os ; les parties dominantes , fans être trop
chargées , feront foutenues & nourries ,
afin de montrer une fermeté convenable
aux chairs de la femme ; le repos qui lui
eft naturel , & les paffions douces s'exprimeront
par des mouvemens gracieux &
tranquiles , & par des contours peu refſentis.
Sa vivacité fera feulement dans les
yeux , ils font les miroirs de l'ame ; &
comme elle n'eft point affujettie à aucun
travail pénible , les pieds , les mains , &
plus encore les bouts des doigts , feront
délicats & menus. Les principaux mufcles ,
ou les parties dominantes dans le corps
d'une femme formée , doivent être plus
fenfibles en expreffion que dans le corps
du fecond âge ; mais cette expreffion ne
doit point atteindre à la fermeté de travail
dont j'ai parlé touchant les hommes faits.
Enfin , plus le Peintre pourra réduire en
pratique ces obfervations fur le caractere
du deffein rélativement à la femme , plus
il donnera de nobleffe & de graces à celle
qui naturellement les réunit . On trouvera
dans la Vénus de Médicis , & dans tous les
ouvrages de Raphaël qui font de ce genOCTOBRE
. 1755. 201
re , les preuves certaines de ceux que je
viens de dire.
Dans le foible effai que je viens d'avoir
l'honneur de vous expofer , Meffieurs , fur
les principales parties du deffein ; j'ai cru ,
après en avoir retranché les recherches
inutiles & rebattues de fon origine , devoir
le préfenter par la variété de fes caracteres .
J'ai tâché de montrer d'abord ce qu'il eft
en lui-même , & je l'ai fuivi dans fes différences
par rapport aux âges , & par rapport
aux fexes. Cette route m'a paru ,
quoique moins frayée , plus fimple & plus
propre à lier intimément la théorie avec la
pratique, que l'on a fouvent trop féparées,
en fe livrant par préférence prefqu'entierement
à l'une ou à l'autre. La feule théorie
ne formera pas un bon Peintre , mais
fans elle les ouvrages du meilleur praticien
toucheront peu l'homme de goût.
Eloigné de toute prévention , j'ai dit ce
que je penfe de l'étude de l'antique , mife
en comparaison avec celle qu'on doit
faire de la nature. En prenant la premiere
pour guide ne doit - on pas regarder
l'autre comme le but principal ? Ce fentiment
, Meffieurs , me paroîtroit d'autant
plus jufte qu'il eft appuyé de celui de plufieurs
de nos plus grands Maîtres ; néanmoins
, comme je trouverai toujours un
>
I y
202 MERCURE DE FRANCE.
avantage certain à être aidé de vos lumieres
, j'y défére , & foumets le tout à votre
jugement.
Lu à la fociété royale de Lyon , le 29 Novembre
1754 , & à l'Académie royale de
Peinture & Sculpture , les Avril fuivant.
Peintre du Roi , de l'Académie Royale de
Peinture & Sculpture , & de la Société
! Royale de Lyon.
MESS
ESSIEURS , la Peinture , dont je dois
avoir l'honneur de vous entretenir
aujourd'hui pour mon premier tribut académique
, elt connue pour être au rang
des Arts qui , dans tous les tems éclairés ,
ont mérité les empreffemens des perfonnes
d'efprit & de goût,
Difpenfez-moi , je vous prie , de remonter
à la fombre recherche de fon origine
, de même que de vous informer du
tems précis où elle a pris naiffance ; cette
découverte me paroît être auffi inutile
qu'incertaine. En effet , qu'importe à cette
Académie dans le but qu'elle fe propofe ,
que ce foit les Egyptiens ou les Grecs qui
en foient les premiers inventeurs , ou que
l'amour , plutôt qu'une curiofité raifonnable
, y ait donné lieu . J'aime à m'entrete
nir des connoiffances & des faits certains
& quoique l'Ecriture Sainte foit celle qui
répand le plus de clarté fur l'ancienneté
de la Peinture & de la Sculpture , je crois
i86 MERCURE DE FRANCE.
en trouver encore d'avantage dans le goût
naturel de l'homme pour les Beaux Arts .
Leur utilité , leurs agrémens ne pouvoient
que nous engager à les cultiver le dégré
de leur perfection , eft ce qui doit attirer
toute notre attention & notre eſtime.
Je ne m'arrêterai donc point , Meffieurs,
à une ennuyeuſe chronologie des progrès
de la Peinture , encore moins à vous en
faire l'éloge ; jufqu'ici on en a dit affez à
ce fujet , & ce qu'on en a dit vous eft connu.
Je ne rappellerai point non plus la préférence
qu'elle a pu recevoir fur plufieurs
des autres Arts , j'agirois contre l'efprit qui
m'anime & qui eft la bafe de cette illuftre
fociété , dont l'établiffement en réuniffant
les Arts & les Sciences , ne doit pas moins
réunir les fentimens & les coeurs .
J'examinerai fimplement , ce que la
Peinture eft en elle- même , les parties
qu'elle renferme , & le goût qui en fait le
beau & l'agréable . Je chercherai à me retracer
les entretiens que j'ai eus à ce fujet ,
avec feu M. le Moine , premier Peintre du
Roi , fous lequel j'ai été affez heureux
pour étudier les fix dernieres années de fa
vie ; c'eft le tems , où ce grand . Artiste a
mis au jour les ouvrages les plus dignes de
l'immortalifer , & les plus propres à inftruire
un Eleve. La coupole de la chapelle de
OCTOBRE. 1755. 187
la Vierge de S. Sulpice , & le plafond du
fallon d'Hercule à Verfailles, font actuellement
l'admiration des connoiffeurs , &
feront furement celle de la poftérité. C'eſt
à ces ouvrages , & à l'emploi que M. le
Moine daigna m'y donner , que je dois le
peu de connoiffance que j'ai de la Peinture .
Pour mettre quelque ordre à ce Difcours
, je diviferai la Peinture en trois
parties principales ; le deffein , la compofition
, & le coloris. La premiere qui eft le
deffein , fera le fujet de cet entretien.
c'eft On me demandera peut- être ce que
que le deffein ? Dans ce cas , Meffieurs , je
dois répondre que c'eft un compofé de différentes
lignes , qui étant réunies , doivent
nous préfenter au premier coup d'oeil , l'objet
que nous nous fommes propofé de rendre.
Tout ce que nous voyons porte par la
forme , au quarré , au rond , ou à un mêlange
agréable de l'un & de l'autre ; il faut
donc , lorfque nous avons l'une de ces formes
à jetter fur le papier ou fur la toile , la
faifir par le contour ; & fi du quarré plus
ou moins fenfible , elle porte enfuite à quelques
rondeurs , faire fléchir fon trait , pour
parvenir à la jufteffe & à la vérité du mêlange
des formes .
L'imitation de tout ce qui eft créé fut
réfervé à l'homme feul ; auffi l'homme y
188 MERCURE DE FRANCE.
eft-il porté naturellement ; & quand il le
fait avec choix , il féduit , it enchante.
Nulle imitation ne fut plus digne de lui
que celle du corps humain ; c'eft celle qu'il
devoit étudier par préférence , & qui fait
notre principal fujet. Paffons à l'examen.
J'ai dit que tout ce que nous voyons ,
porte par la forme au quarré , au rond , ou
à un mêlange agréable de l'un & de l'autre.
C'est dans l'extérieur du corps humain ,
qu'on peut mieux remarquer les effets de
ce mêlange ; c'eft - là qu'il fe montre avec
plus de grace. Les formes qui tendent au
quarré , font fenfibles partout où les os
font plus près de la peau , ainfi que dans
l'étendue des muſcles plats . Les rondes paroiffent
aux parties charnues ou chargées
par la graiffe. En forte que quand on prend
des enfembles , toujours par les contours
foit généraux , foit particuliers , il faut
d'abord les faifir quarrément pour la diftribution
, & les arrondir enfuite imperceptiblement
felon leur befoin.
Les formes quarrées plus ou moins fenfibles
, dont je parle au fujet du corps humain
, je ne prétens point , Meffieurs , leur
donner aucun angle vif , les angles y ont
toujours quelques arrondiffemens. Le terme
de quarré eft expreffif pour l'ufage des
Peintres : il eft connu dans toutes les écoles,
OCTOBRE. 1755 . 189
Faut-il en prenant le trait d'une figure ,
le rendre également fenfible ? Comme le
Peintre doit donner de l'intelligence à ce
qu'il fait , & qu'elle ne peut trop- tôt paroître
, il doit procurer au premier trait ,
plus de fermeté partout où paroiffent les
os , qui font d'une nature plus dure ; &
paffer légerement fur les parties rondes qui
font les plus tendres. Excepté les côtés deftinés
pour les ombres , ainfi que les infertions
des muſcles qui s'approchant les
uns des autres , pour former leurs liaiſons,
demandent alors une plus forte expreffion .
Mais il faut remarquer , que cette expreffion
ne doit être plus vive , que dans ce
qui caractériſe l'enſemble des grandes parties
; celles qui font plus petites voulant
être moins fenfibles à mesure qu'elles diminuent
de volume ; fi ce n'eft dans le cas ,
où ces petites parties auront auffi des os ;
car alors elles demandent la premiere fermeté
, fans vouloir rien perdre de leur détail.
C'eft de cette façon qu'il faut traiter
les pieds , les mains , & les têtes .
Je laiffe quant-à - préfent les réflexions
à faire fur les maffes d'ombres & fur le
clair -obfcur. Ces parties dépendent de la
compofition , qui eft la feconde de mon
plan général.
Le deffein eft le point principal de la
190 MERCURE DE FRANCE.
癜
Peinture , & l'écueil où il eft le plus dangereux
d'échouer. C'est lui qui fépare les
maffes informes , qui diftribue les parties
des différens corps que l'on veut repréfenter
, qui les lie , & forme le tout de chaque
chofe dans ce qu'elle doit être . Sans
lui point d'enſemble & point de forme ;
fans forme point de grace , point de nobleffe
& nulle expreffion ; fans expreffion
point d'ame ; & fans ame , que devient le
Prométhée de la Peinture & fes illufions.
C'eſt le deffein qui fait diftinguer dans le
corps humain , les différens âges & les différentes
conditions , les différens fexes , &
ce que leurs faifons peuvent y donner de
variété. Il défigne les caracteres en tous genres
, ainfi que toutes les paffions. Enfin fans
lui , un tableau ne feroit , à proprement
parler , qu'une palette chargée de couleurs ,
qui ne dit mot , par conféquent ne reffemble
à rien.
Voyons , Meffieurs , ce que le deffein
doit être par rapport aux âges ; tâchons à
en développer les différens caracteres :
commençons par l'âge le plus tendre .
Les enfans naiffent avec la diftribution
complette de toutes les parties , qui dans
un autre âge forment un grand corps , foit
par les os , foit par les muſcles. Mais comme
les os & les muſcles , n'ont point enOCTOBRE.
1755. 191
L
core dans celui- ci , leur force , ni leur
étendue , & que d'ailleurs les chairs font
d'ordinaire , plus enveloppées par la graiffe
; les formes extérieures fe trouvent être
différentes , dans le plus grand nombre
des parties , & dans d'autres abfolument
oppofées à ce qu'elles font dans un âge
plus avancé.
pour
Dans tous les âges , les attaches des diverſes
parties du corps humain , ne font
point , ou font peu fufceptibles d'être
chargées par la graiffe . Elles ne le font que
par ce qui eft décidément néceffaire
lier les chairs ; en forte que la peau qui
les couvre , fe trouve alors beaucoup plus
près des os , qu'elle ne peut l'être dans
les parties charnues , & nourries par la
graiffe . Il en résulte pour les enfans , que
telle attache qui fait une élévation dans un
corps entierement formé , ainfi que nous
l'appercevons , aux épaules , aux coudes
aux poignets , aux falanges des doigts &
toutes autres attaches , ne font point aux
enfans des élévations , mais des creux ; la
peau , comme nous l'avons dit , demeurant
près des os , pour faire à cet âge , la
distinction de s'élever enfuite avec complaifance,
& le prêter aux mufcles encore
tendres & à la graiffe qui y eft adhérente. Le
Peintre doit donc obferver toutes ces cho192
MERCURE DE FRANCE.
de
fes , & fans outrer la matiere , comme la
nature l'eft elle- même quelquefois , il doit
ménager la molleffe & la rondeur , par
légers méplars , & laiffer paroître imperceptiblement
les maffes générales des principaux
muſcles ; c'eft ainfi que l'ont pratiqué
admirablement bien tous ceux qui
ont excellés dans ce genre , comme l'Albane
, Paul -Véronefe , Rubens , Pietre-
Tefte , & en fculpture , François Flamand
& Puget.
Le terme de méplat , que j'ai employé
il y a un moment , Meffieurs , eft un terme
de l'Art , ufité , pour exprimer des parties
rondes un peu applaties ; nous admettons
pour principe , qu'il n'y a rien de parfaitement
rond dans l'extérieur du corps humain
, comme rien de parfaitement quarré.
L'office des mufcles & leurs liaifons mutuelles
empêchent cette régularité de forme.
Venons au fecond âge.
La diverfité des contours dépend de la
diverfité des formes , & c'eft peut- être
dans cet âge qu'elles different davantage .
Toutes les parties du corps
dans le premier
âge , font raccourcies , & comme foufflées
par les fucs & le lait qui doivent
leur fervir de nourriture : Dans le fecond ,
toutes les parties fe développent , & femblent
ne travailler que pour fe procurer
les
OCTOBRE . 1755 195
les longueurs proportionnées , auxquelles
elles doivent naturellement arriver . C'eft
pourquoi nous voyons les jeunes gens de
l'âge de douze à quatorze ans , être d'une
proportion fvelte & légere. Les os dans
leur attache ne montrent point encore toute
leur groffeur , & les muſcles dans leur
largeur montrent encore moins leur nourriture.
Ceci doit attirer toute l'attention
du Peintre , & c'eft auffi ce qui produit
en cette rencontre de fi grandes difficutés
à bien rendre la vérité. Tout y eft fin &
délicat dans l'expreffion , on ne peut s'y
fauver par rien de bien ſenſible. Les attaches
n'y forment point de creux comme à
celles des enfans , ni des élévations marquées
comme dans l'âge fait . Les contours
par cette raifon y font coulans , gracieux ,
étendus ; & comme ils font peu chargés ,
ils exigent d'être peu reffentis , c'est- à -dire
peu marqués dans leur infertion . Semblable
d'ailleurs à des jeunes plantes , la nature
à cet âge , fans avoir rien de dur dans
le caractere , doit fe foutenir ; & comme
elle n'eft point encore affujettie à la violence
des paffions , elle doit conferver une
aimable tranquillité. Les figures antiques
de Caftor & de Pollux peuvent fervir de regles
pour celles dont je parle , & la maniere
de deffiner de Raphaël me paroît être
I
194 MERCURE DE FRANCE .
celle qui y convient le mieux. Ceux de
nos modernes qui ont fuivi de plus près
nos premiers Maîtres dans cette route ,font
à mon gré le Sueur , & le Moine premier
Peintre du Roi.
Toutes les perfections du corps humain ,
fa beauté , & toute fa vigueur fe montre
dans le troifiéme âge auquel je paffe maintenant.
L'ame qui foutient & anime ce
corps , y commande en fouveraine , &
toutes fes facultés y agiffent avec d'autant
plus de force & de liberté , que les refforts
qui le font mouvoir en font plus déliés .
Jufqu'ici la nature n'a rien fait voir de
refolu , ni rien de décidé dans les formes
extérieures ; mais arrivée à fon but , elle
s'exprime avec netteté , & avec la nobleffe
dont fon auteur a daigné la décorer . Examinons
, Meffieurs , comment on peut réduire
en pratique toutes ces chofes & les
repréfenter fur la toile. La vraie théorie
de l'art doit accompagner le peintre dans
toutes fes opérations , & une étude conftante
de l'anatomie doit être fon guide. Il
jugera alors que les attaches de toutes les
parties du corps humain arrivé à fa perfection
, doivent être expliquées avec fermeté
fans féchereffe , & que les os qui s'y
font fentir , quoique quarrément, doivent
donner l'idée de leur forme fans aucune
OCTOBRE. 1755. 195
dureté de travail. Les mufcles principaux
ne peuvent laiffer aucun doute fur leur
caractere & leur office , & ceux d'une
moindre étendue paroîtront rélativement
aux fonctions des premiers. C'eft pour ces
raifons que dans cet âge les contours font
moins coulans , ou pour mieux dire plus
chargés & plus caracterifés que dans le
précédent , & que les infertions des mufcles
, ainfi que toutes les jointures , font
plus reffenties . Comme l'ame commande
abfolument au corps , de même les principales
parties du corps commandent par
leur groffeur & leur élévation à celles qui
font moindres. Les extrêmités de chaque
membre doivent donc être légeres & dénouées
, afin de montrer par là qu'ils n'en
font que plus difpofés à obéir promptement
à la volonté. La fûreté de ces principes
peut fe voir bien expliquée dans la
figure du Gladiateur qui eft regardée
comme la plus parfaite de l'antiquité dans
le genre que je viens de rapporter. Le
goût de deffein du Carrache , & de prefque
toute fon école , eft auffi celui qui le
rend mieux : on le préfere pour cette étude
à la plupart des autres maîtres .
›
Le dernier âge , Meffieurs , nous préfente
la nature dans fon déclin : ce n'eſt
>
plus cette fraîcheur ce foutien , cette
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
fermeté , & cette vigueur de ceux qui ont
précédés. Les efprits fe diffipent dans celui
- ci , les chairs s'amolliffent , la peau fe
vuide & fe féche , & le corps ne préfente
plus que des formes & des contours incertains.
Les os, premier fondement de toute
la machine , femblent fuccomber par l'affaiffement
des parties qui les lient , &
nous ne voyons plus que tremblement &
crainte dans tous les mouvemens de ce
corps fi foutenu dans fa jeuneffe. L'intelligence
du Peintre , en remontant toujours
aux principes , lui fera fentir aifément la
conduite qu'il doit tenir en pareille rencontre
; & qu'avec la variété des formes
qui fuivent les âges , il doit varier les caracteres
du deffein autant que la nature
le lui indique. Ici les formes du corps humain
ayant dégéneré , on ne doit plus
leur donner cette prononciation ni ce développement
actif du troifieme âge. Les
os font plus découverts ; mais les muſcles
refroidis & defféchés ne préfentent plus
que beaucoup d'égalité dans les contours.
La peau moins foutenue qu'auparavant ,
augmente par fes plis le travail extérieur ,
& montre en tout , de concert avec les os ,
une espece d'aridité générale à laquelle
l'artifte doit porter attention. Il fautdone ,
lorfqu'on aime la vérité , donner moins
OCTOBRE . 1755 197
de moëlleux & moins d'arrondiffement à
ces fortes de parties , & cependant ne pas
outrer la matiere . La peinture doit plaire
aux yeux , comme la mufique doit plaire
aux oreilles ; & tel fujet qu'on puiffe avoir
à traiter , il en faut bannir le défectueux
& le répugnant. Il n'eft rien que l'art ne
puiffe embellir , & c'eft la feule délicateffe
dans le choix , & le goût agréable à rendre
les chofes , qui peut acquerir , à juſte
titre , de la diftinction à un Peintre , quelque
fçavant qu'il foit d'ailleurs. Ici la nature
fuffit pour prouver ce que j'ai dit du
dernier âge.
Ce que je viens d'avancer fur les âges ,
par rapport aux deffeins , Meffieurs , n'eft
qu'un précis , ainfi que je l'ai promis au
commencement de ce difcours , des entretiens
que j'ai eus à ce fujet avec feu M. le
Moine je l'ai appuyé de l'exemple de
quelques antiques , de celui de plufieurs
de nos meilleurs maîtres , & j'ai cru y devoir
joindre les lumieres que la nature m'a
pu fournir. Perfonne ne doute que nous
ne devions recevoir d'un habile homme
les premieres leçons dont nous avons befoin
pour l'étude de la peinture. Le bel
antique doit être notre fecond guide , &
nous inftruire fur les belles formes qu'il
réunit . Mais l'ame & la vie font le pre
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
.
mier mérite d'un tableau , & nous ne pou
vons les tenir que de ce feu divin qui
caracterife la nature vivante . Le froid des
marbres antiques a paffé dans les veines
de quelques-uns de fes adorateurs . Il n'y
a que ceux qui par leur capacité à en faire
un bon choix , ont feu y joindre le fentiment
que la feule vérité infpire , qui en
ayent tiré un parti avantageux. On peut
voir à ce fujet dans M. de Piles , le jugement
que Rubens en a porté , où il dit
qu'il y a des Peintres à qui l'imitation
des ftatues antiques eft très- utile , & à
d'autres dangereufe , même jufqu'à la deftruction
de leur art. De Piles ajoute qu'on
doit convenir que l'antique n'a de vraies
beautés qu'autant qu'elles font d'accord
avec la belle nature , dans la convenance
de chaque objet . On ne peut donc raifonnablement
difputer que ce font les
feules beautés réunies de la nature , qui
ont fait mettre au jour ce que nous admirons
avec juftice dans les plus fameux
chefs-d'oeuvres de la Gréce . Ces mêmes
beautés feules ont auffi formé des Peintres
du premier ordre ; mais l'étude des
plus belles ftatues antiques , fans celle de
la nature , n'a jamais fait ce miracle. Je
conclus delà , avec un très bon écrivain
de nos jours , que le vrai eft la fource
OCTOBRE. 1755. 199
où l'art doit aller puifer : c'eft-là qu'il
peut s'enrichir . La multitude des objets
créés & leurs perfections y font à l'infini ;
chacun d'eux ont leurs graces particulieres
; aucun n'en renferme comme celui
duquel il me reste à vous entretenir .
C'eſt par le deffein , Meffieurs , que fe
trouve marquée dans la peinture la diftinction
des âges ; c'eft également par lui
qu'on y fait celle des fexes. Toutes les
créatures font ornées des dons de la nature
, la femme l'eft fupérieurement. Née
pour fixer l'attention & le goût de l'homme
, fon empire fur lui ne pouvoit être
mieux foutenu que par les graces. Ce
font ces graces charmantes qui doivent
entierement diriger le Peintre dans la repréſentation
du corps d'une femme , &
P'aider à tranfmettte fur la toile les impreffions
du beau naturel. Je conviens
que la chofe n'eft point aifée pour l'artifte
, quelque habile qu'il foit ; mais s'il
y a des moyens d'y réuffir , ce ne peut
être encore qu'avec le concours du deſſein .
Ce que j'ai avancé ci- devant au fujet des
âges , a eu prefque tout fon rapport au
corps de l'homme. Examinons les diftinctions
qu'on peut faire pour celui dont
j'entreprens de donner une idée.
Un travail tendre & arrondi , des con-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE:
tours aifés & fimples , une touche naïve
font ici des articles très - effentiels . Les attaches
, quoique délicates , ne peuvent annoncer
que très- peu , ou prefque point les
os ; les parties dominantes , fans être trop
chargées , feront foutenues & nourries ,
afin de montrer une fermeté convenable
aux chairs de la femme ; le repos qui lui
eft naturel , & les paffions douces s'exprimeront
par des mouvemens gracieux &
tranquiles , & par des contours peu refſentis.
Sa vivacité fera feulement dans les
yeux , ils font les miroirs de l'ame ; &
comme elle n'eft point affujettie à aucun
travail pénible , les pieds , les mains , &
plus encore les bouts des doigts , feront
délicats & menus. Les principaux mufcles ,
ou les parties dominantes dans le corps
d'une femme formée , doivent être plus
fenfibles en expreffion que dans le corps
du fecond âge ; mais cette expreffion ne
doit point atteindre à la fermeté de travail
dont j'ai parlé touchant les hommes faits.
Enfin , plus le Peintre pourra réduire en
pratique ces obfervations fur le caractere
du deffein rélativement à la femme , plus
il donnera de nobleffe & de graces à celle
qui naturellement les réunit . On trouvera
dans la Vénus de Médicis , & dans tous les
ouvrages de Raphaël qui font de ce genOCTOBRE
. 1755. 201
re , les preuves certaines de ceux que je
viens de dire.
Dans le foible effai que je viens d'avoir
l'honneur de vous expofer , Meffieurs , fur
les principales parties du deffein ; j'ai cru ,
après en avoir retranché les recherches
inutiles & rebattues de fon origine , devoir
le préfenter par la variété de fes caracteres .
J'ai tâché de montrer d'abord ce qu'il eft
en lui-même , & je l'ai fuivi dans fes différences
par rapport aux âges , & par rapport
aux fexes. Cette route m'a paru ,
quoique moins frayée , plus fimple & plus
propre à lier intimément la théorie avec la
pratique, que l'on a fouvent trop féparées,
en fe livrant par préférence prefqu'entierement
à l'une ou à l'autre. La feule théorie
ne formera pas un bon Peintre , mais
fans elle les ouvrages du meilleur praticien
toucheront peu l'homme de goût.
Eloigné de toute prévention , j'ai dit ce
que je penfe de l'étude de l'antique , mife
en comparaison avec celle qu'on doit
faire de la nature. En prenant la premiere
pour guide ne doit - on pas regarder
l'autre comme le but principal ? Ce fentiment
, Meffieurs , me paroîtroit d'autant
plus jufte qu'il eft appuyé de celui de plufieurs
de nos plus grands Maîtres ; néanmoins
, comme je trouverai toujours un
>
I y
202 MERCURE DE FRANCE.
avantage certain à être aidé de vos lumieres
, j'y défére , & foumets le tout à votre
jugement.
Lu à la fociété royale de Lyon , le 29 Novembre
1754 , & à l'Académie royale de
Peinture & Sculpture , les Avril fuivant.
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Résumé : Discours sur la Peinture par M. Nonnotte, Peintre du Roi, de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture, & de la Société Royale de Lyon.
M. Nonnotte, peintre du Roi et membre de l'Académie Royale de Peinture et Sculpture, prononce un discours sur la peinture. Il évite de remonter à l'origine de la peinture, préférant se concentrer sur les connaissances et les faits certains, ainsi que sur l'utilité et les agréments des Beaux-Arts. Il divise son discours en trois parties principales : le dessin, la composition et le coloris. Nonnotte commence par le dessin, qu'il définit comme un composé de différentes lignes réunies pour représenter un objet au premier coup d'œil. Le dessin est crucial car il sépare les masses informes, distribue les parties des corps, les lie et forme l'ensemble de chaque chose. Il détaille ensuite les caractéristiques du dessin selon les âges de la vie. Pour les enfants, les formes extérieures diffèrent en raison de la faible force des os et des muscles, ce qui donne des creux plutôt que des élévations. Le peintre doit observer ces particularités et ménager la mollesse et la rondeur par légers méplats. Pour le second âge, les contours sont coulants, gracieux et étendus, nécessitant peu de rehauts. Les figures antiques de Castor et Pollux servent de règles pour cet âge, et la manière de dessiner de Raphaël est appropriée. Dans le troisième âge, toutes les perfections du corps humain se montrent. Les attaches des parties du corps doivent être expliquées avec fermeté sans sécheresse, et les muscles principaux doivent être clairement définis. Les contours sont plus chargés et caractérisés, et les insertions des muscles sont plus rehaussées. Le texte traite également des différences entre les âges et les sexes. Pour les jeunes, les extrémités des membres doivent être légères et dénouées, prêtes à obéir promptement à la volonté. Le goût du Carrache et de son école est préféré pour cette étude. Le dernier âge montre la nature en déclin, avec des esprits dispersés, des chairs amollies, et des contours incertains. Le peintre doit adapter son dessin en fonction de ces changements, évitant les formes trop prononcées et développées. Pour les femmes, un travail tendre et arrondi, des contours aisés et simples, et une touche naïve sont essentiels. Les attaches délicates ne doivent pas révéler les os, et les parties dominantes doivent être soutenues et nourries. Les mouvements doivent être gracieux et tranquilles, avec une vivacité exprimée uniquement dans les yeux. Le texte conclut en soulignant l'importance de l'étude de la nature en complément de l'antique pour enrichir l'art. Il met en avant la nécessité de lier théorie et pratique pour former un bon peintre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 189-191
GRAVURE.
Début :
L'Académie Royale de peinture & de sculpture, agréa au mois de Septembre [...]
Mots clefs :
Peintre, Graveur
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texteReconnaissance textuelle : GRAVURE.
GRAVURE.
' Académie Royale de peinture & de
dernier le fieur Jean- George Will , Graveur .
Les progrès rapides qu'il a faits dans cet
art difficile , juftifient de plus en plus l'eftime
& l'amitié dont feu M. Rigaud l'avoit
honoré.
Ce grand Peintre jugeoit par les foins
qu'il lui voyoit prendre à fon ouvrage ,
qu'il parviendroit un jour au dégré de
perfection dont il vient de nous donner des
preuves dans les trois morceaux qui lui
190 MERCURE DE FRANCE.
ont mérité le fuffrage unanime de l'Académie
& les applaudiffemens du public ,
lors de leur expofition au fallon.
Les véritables amateurs en ce genre ont
remarqué avec plaifir que par la coupe
hardie de fon burin , fes eftampes n'ont
rien qui fente la fatigue , que les travaux
en font purs & variés , & qu'ils rendent
avec fidélité les caracteres particuliers des
tableaux qu'il a repréfentés ; ce qui eft un
point des plus effentiels de la gravure.
On croit voir dans la Cléopâtre de Netfcher
, la vigueur , la richeffe & furtout le
féduifant des fatins où ce peintre excelloit.
Par le magnifique portrait de M. le
Comte de Saint-Florentin , on reconnoit
dans les objets principaux , comme dans
les acceffoires , tout le fçavoir & toute
Pintelligence qui diftinguent avec tant
d'avantage l'illuftre Tocqué .
Dans celui du fieur Maffé que ce Graveur
vient de finir d'après le même Peintre,
les travaux font plus larges , plus fermes
& plus convenables à la fimplicité du fujet
, qui n'a d'autres richeffes que la beauté
de l'ordonnance , & celle des tons que
le graveur a parfaitement rendus . Čes
fortes de beautés naïves , méritent aux
yeux des connoiffeurs une diftinction particuliere.
Le célebre M. Piron , par fix vers
NOVEMBRE. 1755. 191
qu'il a mis au bas du portrait de M. Maffé,
n'a pas voulu qu'on pût voir cet Artiſte ,
fans fe reffouvenir que c'eft à fes foins &
à fon intelligence que nous devons la fuperbe
collection de la Gallerie de Verfailles
.
Le fieur Will vient d'achever auffi dans
le même tems & avec le même fuccès , une
planche d'après un tableau de Gerard Dow,
repréfentant la mere de ce Peintre en vieille
devideufe ( 1 ) : les qualités éminentes
du fimple , du vrai & du beau fini , qui
diftinguent ce maître fameux, ne pouvoient
jamais être rendues avec plus d'art & plus
de précifion. C'eft fur la vérité de cet expofé
que nous annonçons au Public avec
confiance , que le fieur Will vient de mettre
au jour ces deux dernieres Planches.
Sa demeure eft fur le quai des Auguftins ,
à côté de l'Hôtel d'Auvergne.
(1 ) Ce tableau eft du cabinet de M. le Comte
de Vence , ainsi que la Cléopâtre de Netfcher.
' Académie Royale de peinture & de
dernier le fieur Jean- George Will , Graveur .
Les progrès rapides qu'il a faits dans cet
art difficile , juftifient de plus en plus l'eftime
& l'amitié dont feu M. Rigaud l'avoit
honoré.
Ce grand Peintre jugeoit par les foins
qu'il lui voyoit prendre à fon ouvrage ,
qu'il parviendroit un jour au dégré de
perfection dont il vient de nous donner des
preuves dans les trois morceaux qui lui
190 MERCURE DE FRANCE.
ont mérité le fuffrage unanime de l'Académie
& les applaudiffemens du public ,
lors de leur expofition au fallon.
Les véritables amateurs en ce genre ont
remarqué avec plaifir que par la coupe
hardie de fon burin , fes eftampes n'ont
rien qui fente la fatigue , que les travaux
en font purs & variés , & qu'ils rendent
avec fidélité les caracteres particuliers des
tableaux qu'il a repréfentés ; ce qui eft un
point des plus effentiels de la gravure.
On croit voir dans la Cléopâtre de Netfcher
, la vigueur , la richeffe & furtout le
féduifant des fatins où ce peintre excelloit.
Par le magnifique portrait de M. le
Comte de Saint-Florentin , on reconnoit
dans les objets principaux , comme dans
les acceffoires , tout le fçavoir & toute
Pintelligence qui diftinguent avec tant
d'avantage l'illuftre Tocqué .
Dans celui du fieur Maffé que ce Graveur
vient de finir d'après le même Peintre,
les travaux font plus larges , plus fermes
& plus convenables à la fimplicité du fujet
, qui n'a d'autres richeffes que la beauté
de l'ordonnance , & celle des tons que
le graveur a parfaitement rendus . Čes
fortes de beautés naïves , méritent aux
yeux des connoiffeurs une diftinction particuliere.
Le célebre M. Piron , par fix vers
NOVEMBRE. 1755. 191
qu'il a mis au bas du portrait de M. Maffé,
n'a pas voulu qu'on pût voir cet Artiſte ,
fans fe reffouvenir que c'eft à fes foins &
à fon intelligence que nous devons la fuperbe
collection de la Gallerie de Verfailles
.
Le fieur Will vient d'achever auffi dans
le même tems & avec le même fuccès , une
planche d'après un tableau de Gerard Dow,
repréfentant la mere de ce Peintre en vieille
devideufe ( 1 ) : les qualités éminentes
du fimple , du vrai & du beau fini , qui
diftinguent ce maître fameux, ne pouvoient
jamais être rendues avec plus d'art & plus
de précifion. C'eft fur la vérité de cet expofé
que nous annonçons au Public avec
confiance , que le fieur Will vient de mettre
au jour ces deux dernieres Planches.
Sa demeure eft fur le quai des Auguftins ,
à côté de l'Hôtel d'Auvergne.
(1 ) Ce tableau eft du cabinet de M. le Comte
de Vence , ainsi que la Cléopâtre de Netfcher.
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Résumé : GRAVURE.
Jean-George Will est un graveur reconnu pour ses progrès rapides dans l'art de la gravure. Il a été soutenu par le défunt peintre Rigaud, qui voyait en lui un potentiel pour atteindre la perfection. Will a récemment exposé trois œuvres à l'Académie Royale de peinture et de sculpture, recevant l'unanimité des suffrages académiques et les applaudissements du public. Ses gravures sont appréciées pour leur coupe hardie, leur pureté, leur variété et leur fidélité aux tableaux originaux. Parmi ses œuvres notables, on trouve la gravure de 'Cléopâtre de Nestor', le portrait du Comte de Saint-Florentin et celui de M. Massé, salué pour ses traits larges et fermes. Le célèbre M. Piron a souligné l'importance de Will dans la création de la collection de la Galerie de Versailles. Will a également achevé une planche d'après un tableau de Gerard Dow, représentant la mère du peintre en vieille dévoteuse. Le texte se conclut par l'annonce de la mise au jour de deux nouvelles planches par Will, dont la demeure est située sur le quai des Augustins, à côté de l'Hôtel d'Auvergne.
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12
p. 236
AVIS.
Début :
Le Sieur Vernezobre, Peintre, continue de débiter avec succès [...]
Mots clefs :
Peintre, Sieur Vernezobre, Crayons pour peindre, Pastel
13
p. 113-118
PEINTURE. ACADÉMIE de Peinture, de Sculpture & autres Arts de MARSEILLE.
Début :
LE 29, dernier Dimanche du mois d'Août, à quatre heures & demie après-midi [...]
Mots clefs :
Peintre, Exposition, Portrait, Tableaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PEINTURE. ACADÉMIE de Peinture, de Sculpture & autres Arts de MARSEILLE.
PEINTURE.
ACADÉMIE de Peinture , de Sculpture
& autres Arts de MARSEILLE .
LEE 29 , dernier Dimanche du mois
d'Août , à quatre heures & demie aprèsmidi
, l'Académie de Peinture , de Sculp
ture & autres Arts , tint fon affemblée
publique dans la grande Salle de l'Hôtel-
de-Ville. MM. de l'Académie des
Belles-Lettres & MM. les Amateurs
Honoraires y furent invités. M. Verdiguier
, Directeur ouvrit la féance par
un Difcours adreffé aux Eléves médailliftes
pour les exciter à faire de mieux
en mieux , après qu'il eut fait l'éloge des
protecteurs des Beaux- Arts en la perfonne
de MM. les Echevins qui diftribuerent
enfuite les Médailles adjugées aux Eléves
pour leurs deffeins académiques . La
premiere fut donnée à M. J. B. Cofte ,
fils de Profeffeur. La feconde à M. Antoine
Blanc , & la troifiéme à M. Michel
Henri. Les Médailles diftribuées
114 MERCURE DE FRANCE .
M. Dageville , Architecte , Voyer particulier
de Marfeille & Profeffeur d'Architecture
, prononça un difcours fur
l'état des eaux de la Ville , fur leur
diftribution & fur un projet de décoration
générale relativement à l'Hydraulique.
M. Moulinneuf, Profeffeur &
Secrétaire perpétuel , termina la féance
par quelques obfervations fur la Peinture
& fur la Sculpture. L'Affemblée fut
fort attentive à toutes ces differtations
qui marquoient combien l'Académie
s'empreffe de contribuer au bien & à
P'utilité du Public. Le meme jour il y
á eu dans la maifon de la veuve Androny
, rue de Paradis , vis - à - vis l'Eglife
S. Régis , l'expofition des ouvrages de
divers membres de l'Académie . Cette
expofition a continué le matin & l'après-
dîné pendant l'efpace de quinze
jours.
EXPOSITION des ouvrages de divers
Membres de l'Académie de Peinture ,
de Sculpture & autres Arts de Marfeille.
DIRECTEURS.
M. VERDIGUIER , Sculpteur.
Douze figures de cabinet en rondeJANVIER.
1763. 115
boffe , repréſentant divers fujets ; l'étude
d'un Encelade ; quatre petits basreliefs
.
M. VERNET , Peintre du Roi.
Deux tableaux payfages & marines
du cabinet de M. Poulhafiés.
PROFESSEURS.
M. COSTE , Peintre .
Deux Deffeins de Paftorales ; un Payfage
à la Gouache.
M. PICHAUME , Peintre.
Un grand Portrait & huit en Buftes.-
M. MOULINNEUF , Peintre.
Deux grands Tableaux de nature
morte repréfentant un cabinet de Mufique
& un de chaffe. Quatre Deffeins
fujets tirés de l'Hiftoire de S. George ,
éxécutés en grands tableaux pour M. le
Marquis de Roux. Trois Portraits en
mignature.
M. ZIRIO , Peintre.
Un Portrait en bufte. Une Magdeleine
, & un S. François en bufte .
་
116 MERCURE DE FRANCE.
M. BEAUFORT' , Peintre.
Deux Efquiffes en gouache repréfentant
, l'un Loth & fes deux filles , &
l'autre Noel couvert d'un manteau par
deux de fes fils . Un deffein à la fanguine
qui repréfente Dédale ajuſtant
des aîles à fon fils Icare.
M. KAPELLER , Peintre.
Deux Tableaux de Payfages , deux
de marine. Un d'architecture. Quatre de
fleurs. Quatre deffeins. Deux gouaches.
M. REVELLY , Peintre.
Un Portrait en_grand. Un moindre.
Deux en bufte. Trois en mignature.
M. ARNAUD , Peintre.
Trois portraits en buftes . Une efquiffe
repréfentant l'Afcenfion. Une têt de
vieillard. Uue Vierge peinte en mignature.
ACADEMICIENS.
M. DESPECHES , Peintre ,
Un tableau en Payfage.
M. Loys , Peintre.
Un petit tableau fur cuivre repréfenJANVIER.
1763. 117
tant la tentation de S. Antoine. Trois
têtes de caractère . Deux portraits en
bufte. Une efquiffe de l'Afcenfion. Un
Portrait en mignature.
M. DE CUGIS , Peintre.
Son tableau de réception repréfentant
la Pithoniffe qui fait voir à Sail
l'ombre de Samuël. Une efquiffe de Sufanne.
Une autre de la Nativité de N. S.
AGRÉGÉS.
M. CELONY , Peintre.
Deux tableaux , l'un repréfentant Abigail
aux genoux de David , & l'autre
Moyfe qui défend des infultes de quelques
Bergers les filles de Raguel , Prêtre
de Madian ; du cabinet de M. le
Marquis d'Arcuffia.
M. VIEL , Peintre.
Un Portrait au paftel.
M. BOUTON , Peintre en mignature ,
Membre de l'Académie Royale de
Peinture , de Sculpture & d'Architecture
de Toulouse.
Plufieurs mignatures dans un grand
tableau .
118 MERCURE DE FRANCE.
Outre cette expofition , il y a eu de
la main de M.Verduſſen, un grand tableau
de bataille qui appartenant à l'Académie
, & deux autres repréfentans un
marché de Poiffons & un marché de
toutes efpéces de denrées & volailles ;
du cabinet de M. Poulhariés.
ACADÉMIE de Peinture , de Sculpture
& autres Arts de MARSEILLE .
LEE 29 , dernier Dimanche du mois
d'Août , à quatre heures & demie aprèsmidi
, l'Académie de Peinture , de Sculp
ture & autres Arts , tint fon affemblée
publique dans la grande Salle de l'Hôtel-
de-Ville. MM. de l'Académie des
Belles-Lettres & MM. les Amateurs
Honoraires y furent invités. M. Verdiguier
, Directeur ouvrit la féance par
un Difcours adreffé aux Eléves médailliftes
pour les exciter à faire de mieux
en mieux , après qu'il eut fait l'éloge des
protecteurs des Beaux- Arts en la perfonne
de MM. les Echevins qui diftribuerent
enfuite les Médailles adjugées aux Eléves
pour leurs deffeins académiques . La
premiere fut donnée à M. J. B. Cofte ,
fils de Profeffeur. La feconde à M. Antoine
Blanc , & la troifiéme à M. Michel
Henri. Les Médailles diftribuées
114 MERCURE DE FRANCE .
M. Dageville , Architecte , Voyer particulier
de Marfeille & Profeffeur d'Architecture
, prononça un difcours fur
l'état des eaux de la Ville , fur leur
diftribution & fur un projet de décoration
générale relativement à l'Hydraulique.
M. Moulinneuf, Profeffeur &
Secrétaire perpétuel , termina la féance
par quelques obfervations fur la Peinture
& fur la Sculpture. L'Affemblée fut
fort attentive à toutes ces differtations
qui marquoient combien l'Académie
s'empreffe de contribuer au bien & à
P'utilité du Public. Le meme jour il y
á eu dans la maifon de la veuve Androny
, rue de Paradis , vis - à - vis l'Eglife
S. Régis , l'expofition des ouvrages de
divers membres de l'Académie . Cette
expofition a continué le matin & l'après-
dîné pendant l'efpace de quinze
jours.
EXPOSITION des ouvrages de divers
Membres de l'Académie de Peinture ,
de Sculpture & autres Arts de Marfeille.
DIRECTEURS.
M. VERDIGUIER , Sculpteur.
Douze figures de cabinet en rondeJANVIER.
1763. 115
boffe , repréſentant divers fujets ; l'étude
d'un Encelade ; quatre petits basreliefs
.
M. VERNET , Peintre du Roi.
Deux tableaux payfages & marines
du cabinet de M. Poulhafiés.
PROFESSEURS.
M. COSTE , Peintre .
Deux Deffeins de Paftorales ; un Payfage
à la Gouache.
M. PICHAUME , Peintre.
Un grand Portrait & huit en Buftes.-
M. MOULINNEUF , Peintre.
Deux grands Tableaux de nature
morte repréfentant un cabinet de Mufique
& un de chaffe. Quatre Deffeins
fujets tirés de l'Hiftoire de S. George ,
éxécutés en grands tableaux pour M. le
Marquis de Roux. Trois Portraits en
mignature.
M. ZIRIO , Peintre.
Un Portrait en bufte. Une Magdeleine
, & un S. François en bufte .
་
116 MERCURE DE FRANCE.
M. BEAUFORT' , Peintre.
Deux Efquiffes en gouache repréfentant
, l'un Loth & fes deux filles , &
l'autre Noel couvert d'un manteau par
deux de fes fils . Un deffein à la fanguine
qui repréfente Dédale ajuſtant
des aîles à fon fils Icare.
M. KAPELLER , Peintre.
Deux Tableaux de Payfages , deux
de marine. Un d'architecture. Quatre de
fleurs. Quatre deffeins. Deux gouaches.
M. REVELLY , Peintre.
Un Portrait en_grand. Un moindre.
Deux en bufte. Trois en mignature.
M. ARNAUD , Peintre.
Trois portraits en buftes . Une efquiffe
repréfentant l'Afcenfion. Une têt de
vieillard. Uue Vierge peinte en mignature.
ACADEMICIENS.
M. DESPECHES , Peintre ,
Un tableau en Payfage.
M. Loys , Peintre.
Un petit tableau fur cuivre repréfenJANVIER.
1763. 117
tant la tentation de S. Antoine. Trois
têtes de caractère . Deux portraits en
bufte. Une efquiffe de l'Afcenfion. Un
Portrait en mignature.
M. DE CUGIS , Peintre.
Son tableau de réception repréfentant
la Pithoniffe qui fait voir à Sail
l'ombre de Samuël. Une efquiffe de Sufanne.
Une autre de la Nativité de N. S.
AGRÉGÉS.
M. CELONY , Peintre.
Deux tableaux , l'un repréfentant Abigail
aux genoux de David , & l'autre
Moyfe qui défend des infultes de quelques
Bergers les filles de Raguel , Prêtre
de Madian ; du cabinet de M. le
Marquis d'Arcuffia.
M. VIEL , Peintre.
Un Portrait au paftel.
M. BOUTON , Peintre en mignature ,
Membre de l'Académie Royale de
Peinture , de Sculpture & d'Architecture
de Toulouse.
Plufieurs mignatures dans un grand
tableau .
118 MERCURE DE FRANCE.
Outre cette expofition , il y a eu de
la main de M.Verduſſen, un grand tableau
de bataille qui appartenant à l'Académie
, & deux autres repréfentans un
marché de Poiffons & un marché de
toutes efpéces de denrées & volailles ;
du cabinet de M. Poulhariés.
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Résumé : PEINTURE. ACADÉMIE de Peinture, de Sculpture & autres Arts de MARSEILLE.
Le 29 août, l'Académie de Peinture, de Sculpture et autres Arts de Marseille organisa une assemblée publique dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville. M. Verdiguier, Directeur, inaugura la séance par un discours encourageant les élèves médaillés à s'améliorer. Les échevins remirent ensuite des médailles aux élèves pour leurs dessins académiques : la première à M. J. B. Coste, la seconde à M. Antoine Blanc, et la troisième à M. Michel Henri. M. Dageville, Architecte, prononça un discours sur l'état des eaux de la ville, leur distribution et un projet de décoration hydraulique. M. Moulinneuf, Professeur et Secrétaire perpétuel, conclut la séance par des observations sur la peinture et la sculpture. L'assemblée témoigna de l'engagement de l'Académie pour le bien public. Le même jour, une exposition des œuvres de divers membres de l'Académie eut lieu chez la veuve Androny, rue de Paradis, face à l'église Saint-Régis, et dura quinze jours. Les œuvres exposées incluaient des figures de cabinet, des études, des bas-reliefs, des tableaux de paysages, des marines, des portraits, des natures mortes, et des dessins historiques. Parmi les exposants figuraient M. Verdiguier, M. Vernet, M. Coste, M. Pichaume, M. Moulinneuf, M. Zirio, M. Beaufort, M. Kapeller, M. Revelly, M. Arnaud, M. Despeches, M. Loys, M. de Cugis, M. Celony, M. Viel, et M. Bouton. De plus, un grand tableau de bataille de M. Verdussen, ainsi que deux autres tableaux représentant un marché de poissons et un marché de denrées, furent également exposés.
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14
p. 13
VERS sur un Portrait donné à Mlle DANGEVILLE.
Début :
TITON à sa Filleule aimable [...]
Mots clefs :
Portrait, Peintre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS sur un Portrait donné à Mlle DANGEVILLE.
VERS fur un Portrait donné à Mlle
DANGEVILLE.
TITON àfa Filleule aimable
A légué de Duclos le Portrait admirable :
Titon par un fi digne choix ,
Fait quatre éloges à la fois.
P. D. S. A. Peintre
Nota Le Portrait de Mlle Duclos , une des
plus grandes Actrices qu'il y ait eu dans le Tragique
, peint par le célébre Largilliere , vient
d'être légué par l'illuftre M. Titon du Tiller ,
Auteur du Parnaffe François , à l'inimitable
Mlle Dangeville fa Filleule , dont les rares talens
dans le Comique font portés au dernier
degré.
DANGEVILLE.
TITON àfa Filleule aimable
A légué de Duclos le Portrait admirable :
Titon par un fi digne choix ,
Fait quatre éloges à la fois.
P. D. S. A. Peintre
Nota Le Portrait de Mlle Duclos , une des
plus grandes Actrices qu'il y ait eu dans le Tragique
, peint par le célébre Largilliere , vient
d'être légué par l'illuftre M. Titon du Tiller ,
Auteur du Parnaffe François , à l'inimitable
Mlle Dangeville fa Filleule , dont les rares talens
dans le Comique font portés au dernier
degré.
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Résumé : VERS sur un Portrait donné à Mlle DANGEVILLE.
Le texte relate un legs de M. Titon du Tiller, auteur du 'Parnasse Français', qui a légué un portrait de Mlle Duclos, réalisé par Largillière, à sa filleule Mlle Dangeville. Mlle Duclos est célèbre pour ses talents tragiques, tandis que Mlle Dangeville excelle dans le comique. Le texte met en lumière les mérites artistiques de ces deux actrices françaises.
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15
p. 102-103
LOGOGRYPHE.
Début :
Par moi l'on voit revivre & la laide & la belle, [...]
Mots clefs :
Peintre