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1
p. 32-44
L'AMOUR POETE. ALLEGORIE. Par M. de la F...
Début :
Deux jours y a que sur le Mont Parnasse [...]
Mots clefs :
Iris, Amour, Sujet, Vers, Parnasse, Lyre, Apollon, Rimeurs, Laurier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR POETE. ALLEGORIE. Par M. de la F...
Le lecteur doit être d'autant plus
favorable à la Piece Luivante , qu'elle
a été composée par un auteur de dixhuit
ans. Il eft natif de Dijon..
C iiij
32 MERCURE
L'AMOUR
POETE.
ALLEGORIE.
Par M. de la F...
DEux jours y a que
fur le Mont Par
naffe
Fut convoqué le Confeil
d'Apollon ,
"Pour inftaler ( lors váquoit
une place)
Un Candidat dans le
GALANT.
33
Sacré Vallon.
Or , comme
on fçait , felon
le vieux adage
,
Que l'ouvrier
fe connoît
à
l'ouvrage
,
Decidé
fut que fur fujet
donné
Les pretendans exerceroient
leur veine ;
Que le vainqueur des
mains de Melpomene
Seroitfoudain de laurier
couronné.
34
MERCURE
De cet arrêt content ne
fut Horace :
Quoy je verrai , dit- il ,
en nôtre rang
Fades rimeurs éleve
fur Parnaffe ?
Point ne fera , de ce je
fuis garant.
Le fort voulut , comme
il donnait carriere
A fon chagrin , qu'Apollon
juftement
Le deputa pour donner
la matiere
Auxpretendans . Defon
"
GALANT.
35
reffentiment
Rien ne fçavoit s car le
rusé Lyrique
Feignoit toujours d'approuver
le projet.
Bon , dit Horace , ils auront
tel fujet
Que pour traiter de tout
l'art poëtique
Befoin fera. Sitôt il def
cendit
Dans le Valon , où prés
de
l'Hipocrene ,
Gens de tout ordre
de tout acabit
36 MERCURE
Par mille voeux fatiguoient
Melpomene.
Vous , leur dit - il , qui
de la gloire épris ,
Sur l'Helicon voulezoccuper
place ,
Je viens ici , juge de
vos écrits
Fournir un champ à vôtre
noble audace :
Sur deux fujets
pouvez
vous exercer >
Ou contre Iris écrire une
Satyre ,
Et dans vos vers aigreGALANT.
37
ment la vexer ,
Ou pour Doris accorder
vôtre lyre
.
Il dit. Soudain rimeurs
de s'efcrimer ,
Ronger leurs doigts , fe
mondre leur Minerve
En cent façons fe poindre
, s'animer.
Rien
n'opera
étoit la ver-
Vei
retive
Bref, pour neant aucun
ne put rimer
38
MERCURE
En cet état avint qu'ils
remarquerent
L'Enfant ailé riant de
leurs efforts
Les exceder , troubler
tous leurs accords ;
Dont vers Phebus un
d'entr'eux deputerent
Qui par detail l'avanture
conta .
De leur fujet Apollon
s'enquêta i
Puis dit foudain : Certes
je ne m'étonne
GALANT.
39
De ce mechef,
moymême
en perfonne
Je n'euffe osé , je ne veux
me brouiller
Avec l'Amours il y va
trop du nôtre.
Rimeurs fans luy ne
font que barbouiller
,
Et de Parnaffe il fut
toûjours l'Apotre
.
Vous avez mal vôtre
fujet compris ,
40 MERCURE
F
L'Amour n'a tort à ceftoit
contre Doris
Que vous deviel lancer
traits de fatyre
,
Et pour Iris accorder
vôtre lyre.
Phebusparlaidont l'Enfant
de Cypris
S'ebaudiffant defa gloire
nouvelle ,
Ores chantoit gavote &
vilanelle i
Ores frifoit l'onde du
bout de l'aile ,
Puis
GALANT.
Puis retournoit nicher ès
yeux d'Iris ,
D'où decochant flamboyantes
fagettes
,
De feu vermeil animoit
les Poëtes..
Bientôt auffi Balades ,
Virelais
D'entrer en jeu ; bien- ·
tôt euffiez vû naître
Fleurs d'Helicon , Rondeaux
& Triolets.
'Mars 1714.
D
42 MERCURE
}
L'aurois juré , ne
ne fut
onque tel Maitre
.
Defes leçons fi bienfeus
profiter ,
Que je croyois déja fur
le Parnaffe
Prés de Pindare aller
prendre ma place ,
Quandparces mots Phebus
vint m'arrêter.
Ami , n'attens guerdon
de ton
ouvrages
GALANT.
43
Le Mont facré n'eft ou
vert aux amans ,
Qui des neufSoeurs empruntant
le langage,
Pouffent en vers leurs
tendres fentimens
.
Or fi ta verve a rendu
fon hommage
Aton Iris , n'attens point
monfuffrage ,
C'est à l'Amour à te
larier.
Sa-
Adieu vous dis ,je quitte
Dij
44 MERCURE
le métier ,
Repris -je enfeusfi ma
lyre fredonne ,
C'eftpour Iris ,je ne puis
varier:
Or reprenez
& laurier
couronne ,
Mon choix eft fait , le
myrthe qu'Amour ·
donne
Meft mille fois plus
cher
que
le laurier.
favorable à la Piece Luivante , qu'elle
a été composée par un auteur de dixhuit
ans. Il eft natif de Dijon..
C iiij
32 MERCURE
L'AMOUR
POETE.
ALLEGORIE.
Par M. de la F...
DEux jours y a que
fur le Mont Par
naffe
Fut convoqué le Confeil
d'Apollon ,
"Pour inftaler ( lors váquoit
une place)
Un Candidat dans le
GALANT.
33
Sacré Vallon.
Or , comme
on fçait , felon
le vieux adage
,
Que l'ouvrier
fe connoît
à
l'ouvrage
,
Decidé
fut que fur fujet
donné
Les pretendans exerceroient
leur veine ;
Que le vainqueur des
mains de Melpomene
Seroitfoudain de laurier
couronné.
34
MERCURE
De cet arrêt content ne
fut Horace :
Quoy je verrai , dit- il ,
en nôtre rang
Fades rimeurs éleve
fur Parnaffe ?
Point ne fera , de ce je
fuis garant.
Le fort voulut , comme
il donnait carriere
A fon chagrin , qu'Apollon
juftement
Le deputa pour donner
la matiere
Auxpretendans . Defon
"
GALANT.
35
reffentiment
Rien ne fçavoit s car le
rusé Lyrique
Feignoit toujours d'approuver
le projet.
Bon , dit Horace , ils auront
tel fujet
Que pour traiter de tout
l'art poëtique
Befoin fera. Sitôt il def
cendit
Dans le Valon , où prés
de
l'Hipocrene ,
Gens de tout ordre
de tout acabit
36 MERCURE
Par mille voeux fatiguoient
Melpomene.
Vous , leur dit - il , qui
de la gloire épris ,
Sur l'Helicon voulezoccuper
place ,
Je viens ici , juge de
vos écrits
Fournir un champ à vôtre
noble audace :
Sur deux fujets
pouvez
vous exercer >
Ou contre Iris écrire une
Satyre ,
Et dans vos vers aigreGALANT.
37
ment la vexer ,
Ou pour Doris accorder
vôtre lyre
.
Il dit. Soudain rimeurs
de s'efcrimer ,
Ronger leurs doigts , fe
mondre leur Minerve
En cent façons fe poindre
, s'animer.
Rien
n'opera
étoit la ver-
Vei
retive
Bref, pour neant aucun
ne put rimer
38
MERCURE
En cet état avint qu'ils
remarquerent
L'Enfant ailé riant de
leurs efforts
Les exceder , troubler
tous leurs accords ;
Dont vers Phebus un
d'entr'eux deputerent
Qui par detail l'avanture
conta .
De leur fujet Apollon
s'enquêta i
Puis dit foudain : Certes
je ne m'étonne
GALANT.
39
De ce mechef,
moymême
en perfonne
Je n'euffe osé , je ne veux
me brouiller
Avec l'Amours il y va
trop du nôtre.
Rimeurs fans luy ne
font que barbouiller
,
Et de Parnaffe il fut
toûjours l'Apotre
.
Vous avez mal vôtre
fujet compris ,
40 MERCURE
F
L'Amour n'a tort à ceftoit
contre Doris
Que vous deviel lancer
traits de fatyre
,
Et pour Iris accorder
vôtre lyre.
Phebusparlaidont l'Enfant
de Cypris
S'ebaudiffant defa gloire
nouvelle ,
Ores chantoit gavote &
vilanelle i
Ores frifoit l'onde du
bout de l'aile ,
Puis
GALANT.
Puis retournoit nicher ès
yeux d'Iris ,
D'où decochant flamboyantes
fagettes
,
De feu vermeil animoit
les Poëtes..
Bientôt auffi Balades ,
Virelais
D'entrer en jeu ; bien- ·
tôt euffiez vû naître
Fleurs d'Helicon , Rondeaux
& Triolets.
'Mars 1714.
D
42 MERCURE
}
L'aurois juré , ne
ne fut
onque tel Maitre
.
Defes leçons fi bienfeus
profiter ,
Que je croyois déja fur
le Parnaffe
Prés de Pindare aller
prendre ma place ,
Quandparces mots Phebus
vint m'arrêter.
Ami , n'attens guerdon
de ton
ouvrages
GALANT.
43
Le Mont facré n'eft ou
vert aux amans ,
Qui des neufSoeurs empruntant
le langage,
Pouffent en vers leurs
tendres fentimens
.
Or fi ta verve a rendu
fon hommage
Aton Iris , n'attens point
monfuffrage ,
C'est à l'Amour à te
larier.
Sa-
Adieu vous dis ,je quitte
Dij
44 MERCURE
le métier ,
Repris -je enfeusfi ma
lyre fredonne ,
C'eftpour Iris ,je ne puis
varier:
Or reprenez
& laurier
couronne ,
Mon choix eft fait , le
myrthe qu'Amour ·
donne
Meft mille fois plus
cher
que
le laurier.
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Résumé : L'AMOUR POETE. ALLEGORIE. Par M. de la F...
Un concours poétique est organisé par Apollon sur le Mont Parnasse pour attribuer une place parmi les poètes. Les candidats doivent choisir entre écrire une satire contre Iris ou un poème en l'honneur de Doris. Aucun poète ne parvient à composer un vers. Un jeune garçon ailé et rieur surpasse les efforts des candidats, intriguant Apollon. Ce dernier révèle que l'Amour est essentiel à la poésie et que les poètes sans inspiration amoureuse ne peuvent réussir. Le jeune garçon, originaire de Dijon et âgé de dix-huit ans, a composé une pièce intitulée 'L'Amour Poète' qui a été bien accueillie. Apollon explique que le Mont Parnasse n'est pas destiné aux amants, mais qu'il peut être couronné par l'Amour. Le jeune poète décide alors de quitter le métier poétique pour se consacrer à l'amour, préférant le myrthe donné par l'Amour au laurier du Parnasse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 240-277
LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
Début :
Cette Isle noble antique renommée, [...]
Mots clefs :
Jeune roi, Albion, Noble, Palais, Prince Artus, Paix, Sage, Chevalier, Débats, Sang, Éclat, Roches, Salisbury, Peuple, Vieillard, Coeur, Amour, Justice, Lumière
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
LES ROCHES
DE SALISBURY.
ALLEGORIE.
CEtte Ille noble antique
renommée ,
Qui de Neptune à tel point
fut aimée
Qu'un de fes Fils voulut s'y
renfermer ,
Et de fon nom , Albion la
nommer.
Mainte merveille en fon
fein fait reluire
Qu'en ces vers - cy je ne
pretend
GALANT. 241
pretend déduire
Par le menus les Chroni
queurs paffés
En leurs recueils le deduifent
affez ;
Pour le prefent fuffit d'en
citer une
Sans plus , mais qui peut
mieux
qu'aucune ;
Paffer pour rare & que je
garentis
Sur le rapport de ces recuëils
gentils ;
Ge font ces Rocs autre
ment gons de pierre
Qu'on voir femez en cette
noble terre
Mars
1714.
!
X
242 MERCURE
Tout au travers d'un
champ vert & fleury
Que gens du lieu nomment
Saliſbury , ci să
Et que Merlin jadis par
fon genie
Fit transporter des mar
ches d'Ibernie ,
Car tels Rochers ne fcauroient
bonnement
Se trouver la fors par ensachantement.
of C
Orifmoterés qu'entre ces
roches nües , ⠀
Quia pars magie en ces
lieux font venuës
X
GALANT 243
S'en trouvent fept , trois
de
chacune part
Une au deffus , le tout fait
popar tel art
Qu'il
reprefente une porte
effective ,
Porte vraïment bien faite
& bien naïve
Mais c'eft le tout , car qui
voudroit y voir i
Tours & Châtels , doit
Cailleurs fe pourvoir ,
Et ne fçait-on encor pour
Do quel office
Ce haut Portail eft là fans
médifice.
Mais ces fecrets arcanes
X ij]
244 MERCURE
& facrés
Ja ne font faits pour eftre
penetrés ,
Fors de ceux- là que
lance autorife ,
vail-
A pour chaffer vertueufe
entrepriſe
L'Epée au poing , fendant
juſqu'au talons ..
Traitres , Geans , Endriaques
felons
Tant que pareux foit mis
hors de fervage ,
Quelque Empereur ou Roy
de franc lignage ,
Entre ceux- là eftoit prifé
jadis ,
GALANT 245
Agefilan , Florifel , Amadis
,
Et maints encor de qui
Dieu
par fa grace
Jufques à nous a conſervé
la
race ,
Temoin celuy que je vas
publier ,
Sage entre tous , & difcret
Chevalier
Qui merita par fa force invincible
D'eftre introduit dans la
grote invifible ;
Si le tient-on iffu felon la
chair
De Palmerin le Chevalier
X iij
246 MERCURE
fans Pair ,
Iceluy preux vers les roches
décrites
Alloit chantant les vertus
& merites ,
Du Prince Artus , des bons
tant regretté ,
Et recitoit fur fon Luth
argenté
Celui plaintif. O Rives
Britanniques !
O Roy dompteur des Saxons
tyraniques
Si comme on dit par don
furnaturels
Tu dois revoir ce monde
temporel ,
GALANT. 247
Et revenir chaffer hors de
nos terres
Rebellions , debats , troubles
& Guerres .
Que tardes- tu viens revoir
ton Palais
viens de prifon tirer la
douce paix ,
Qui t'as helas ! defolée &
chetive
Chez faction languit tousjours
plaintive.
Ainfi chantoit le Chevalier
dolentejust
Lors fur lui fembla, qu'une
voix l'appellant
X iiij
248 MERCURE
Par fon vrai nom lui parla
de la forte ,
Si les efprits qui gardent
cette porte
En paroiffant n'effarou
chent
tes yeux
,
Tu peux entrer , le Pala
din joyeux
A qui frayeur n'entra ja
mais dans l'ame ,
Prend fon Ecu , fe commande
à ſa Dame
Approche , arrive , & Demons
de hurler
De tempefter , crier fiffler,
voler
,
Mais pour néant car fans
GALANT . 249
merite ni doute
Le Champion pourſuit toujours
fa route
Si qu'euffiez vû tous ces
diables cadets
Larves , Lutins , Lemures,
farfaders
Spectres volans , Tene
brions , Genies ,
En moins de rien ceffer
leurs lytanies ,
& s'éclipfer à tout leur cas
rillon
Comme étourneaux devant
l'émerillon :
Eux départis , ô merveille
imprevuë !
50 MERCURE
2 La terre s'ouvre & ne s'of
fre à la vûë
Qu'un antre noir
mé caverneux ,
en
fu
Ou d'un Bandon l'éclat
fuligineux
Semble éclairer par fes
lueurs funebres
L'affreux manoir du Prince
des Tenebres ;
A la clarté du flambeau
ftygial
Par cent degrés le Che-
> valier loyal
Defcend au creux de la
fpelunque obfcure ..
Et trouve enfin pour l'hif
1
GALANT. __258
toire conclure ,
Un huis fermé qui s'ouvre
fur l'inftant
Et lúi decouvre un Palais
éclatant ;
Palais , non pas ? mais gro
te emerveillable
Tel que l'oeil ne voit onc
de femblable ,
Et que jamais fage n'ob
tint pour don
Telle demeure , hormis
Apollidon.
Car c'eft Illec que la troupe
de Gnomes
Dòminateurs des terref
trés royaumes
252 MERCURE
A raffemblé
pour
prince honorer
leur
Tout ce qui peut fon féjour
decorer ,
Ambre Corail , yvoire ;
marguerites ,
Perles , faphirs , hyacintes ,
Chrifolites
Riches métaux , bronze
Corinthien ,,
Jaſpe , porphire , & marbre
Phrygien ,
Sans oublier mainte belle
efcarboucle
Et
diamans
proprement
mis en boucle
Tout à l'entour , de qui
GALANT.
253
l'éclat riant
Pâlir feroit le Soleil d'Orient.
Or entendes qu'en ce lieu
de lumiere
Où l'art encore ſurpaſſe
la matiere
Brille fur tant de rubis
eftoilé
Un fiége d'or finement
cizelé ,
Ou repofoit le tres noble
Prophete
Qui cette Grote a choifi
pour retraite
Et fut jadis fous le Roy
254 MERCURE
Pendragon
Des Enchanteurs clame le
Bien
Parangon ,
paroiffoit iceluy
grand prud- homme ,
Prince de ceux que fage on
renomme
Tant à le voir fembloit
homme de biens
Vieillard honneſte & de
noble maintien ,
Si qu'eux, voyans feulealment
fon viſager 20
Euffent pour chef accepté
cettuy fage ,
Qui tout a l'heure en fon
féant dreffé VA
GALANT . 255
Ayant trois fois eternué
touffé ,
Les yeux luifans comme
12 deux Girandoles
Au Damoifel addreffa fes
paroles.
Je fuis Merlin qu'en vulpingaire
fermon
0: 0
Vos
vieuxconteurs pre
chent né du
démon ,
Attribuant par
malice grof
-1997
fiere
L'extraction des enfans de
lumiere ,
A la vertu de cet efprit
In enam vilain
Qui de l'Enfer fut créé
ม
256 MERCURE
Châtelain ,
J'ay visité la haut vos Colonies
,
Suivant les us de nous autres
Genies ,
Er fut long -tems Prophete
en Albion
Dont je plorai l'inique
oppreflion ,
Quand Vortiger dans le
fein Britanique
Eut attiré le ferpent Germanique
,
O mon païs ! ô peuples redoutés.
Deffiés -vous de ferpens allaités
.
Aux
GALANT. 257
Aux bords Germains , fuïés
leur
parentage,
Car c'eft d'iceux qu'eft né
vôtre éclavage ;
Je difparus dans ce conflict
amer 霉
Et par mon art tranſporté
d'outre mer
Ces hauts rochers qui fervent
de barriere ,
A cette grotte où bornant
ma carriere ,
Demogorgon
nôtre Roy
fouverain
,
Me fit ſeigneur du peuple
foûterrain.
C'eſt cette gent , dont l'eſ,
Mars 1714. Y
238 MERCURE
prit tutelaire
Va parcourant vôtre mon--
de populaire : -
Où je l'envoye en invifibles
corps ,
Examiner les troubles &
difcors ,
Qui , par l'engin du pere
de l'impofture,
Vont affligéant l'humaine
créature.
Par eux à donc m'ont efté
raportés.
Tous vos débats , maux &
calamités :
Qui par revolte & rufes infernales
,
GALANT 252
Ont affolé vos Provinces
natales .
Si que la Paix onques n'y
peut meurir ,
Tant qu'y verrés iniquités
Aleurir ,
Car ne croyés pouvoir par
smot vartifices
Paix rétablir fans l'aide de
juſtice ,
Par qui d'abord détruire
100% vous convient ,
L'enchantement ou fraude
2 la détient ,
Fraude fans qui rebelle féabpillonie
o
N'ût engendré fuperbe ty-
Y ij
260 MERCURE
rannie :
Et faction mere de tous les
maux ,
Qui font fortis des palais
infernaux ;
Or puis qu'en toy n'eft encore
effacée
La fouvenance & memoire
paffée
Du Prince Artus lá merveille
des Rois .
Je veux du fort t'interpreter
les loix ,
Et t'expliquer les divins ca
racteres
qui font enclos au livre des
myfteres.
GALANT . 261
Ces mots finis le vieillard
s'arrefta
Puis fe fignant quelques
mots marmota ,
En feüillerant fon grand
antiphonaire
Ou par comment & glofe
interlinaire
Se touche au doigt & fe
montre éclairci
Tout l'avenir , lors , pour
fuivit ainsi ,
Ce brave Roy de qui l'ar
dente efpée
Au fang Germain tant de
fois fut trempée
262 MERCURE
De fes hauts faits le monde
récreant ,
Ufurpateurs eut mis tous à
néant
Si d'Atropos la colere felone
N'uft d'Albion renversé la
Colonne
Ah male- mort ! tes larroneffes
mains
Nous ont tollu le plus grand
des humains
Et rien n'y font ceux -là
dont le bon zele
Dans les hauts Cieux comme
Enoch le récele
Doit quelque jour à les oüir
GALANT . 263
narrer
H reviendra fon pays bien
heurer
;
Tous ces rebus d'antiques
propheties
Ne font qu'amas de vieilles
faceties ,
Dont le droit fens &
myftere caché
Eft fans emblême en ce li
vre epluché.
De ce bon Roy l'heroïque.
lignée
Au fond des bois reduite.
& confignée
Donna long- tems aux fi
264 MERCURE
deles Gallois
Chefs Souverains & magnanimes
Rois ,
Tant qu'une Soeur de ces
genereux
Princes
Dont le Germain
detenoit
les Provinces
Le Grand Walter en fes
Alancs enfánta
Qui leur vrai fang chez les
Pictes porta
,
Icy d'Artus fa tige eſt mipartie
Entre les Rois de l'antique
Scotie
Puis fe rejoint dans le fang
bien-aimé
Du
GALANT . 265:
Du bon Henry le fage furnommé
Qui s'uniffant à la royale
race
Dupreux Walter fçut enfuivre
la trace
Des Rois Bretons , dans la
double union
De l'Albanie au regne d'Albion
;
Or entend moy quoique
maint docte livre
ي ف
Conte qu'un jour Artus
doive revivre ,
Pour le deftin de voſtre Ifle
amenderA
CA
Si ne devés ce difcours re-
Z
Mars
1714.
266 MERCURE
garder
Que comme un type ou
fermon prothetique
Qui vous décrit l'evenement
implique
D'un jeune Roy de fon
fang defcendu
Qui par juftice à fon peuple
rendu ,
Doit extirper difcordes inteftines
Guerre ; debats , fcandales ,
& rapines ,
Si que pourrés par lui re-
9 voir encor
En Albion triompher l'âge
d'or
GALANT. 267
Et retourner profperité richeffe
Dilection , paix , amour &
lieffe .
Il de nos bords en naiſſant
diſparu
Terres & Meres dès l'enfance
à couru
Et s'eft appris par épreuve
importune
A fupporter l'une & l'autre
fortune
,
Afin qu'un jour par fon
exemple inftruit
De tout le mal qu'impieté
produit
Juftice & droit à tous il
Zij
168 MERCURE
fache rendre
Aider le foible & l'opprimé
deffendre ,
La noble Fée & le fage
Devin
Qui de ce Prince ont par
vouloir divin
J'ufqu'à ce jour regi la
deftinée
Ja des long- tems fa nail
fance ont ornée
L'une des dons qui le Corps
font chérir
L'autre de ceux qui font
l'ame fleurir
Tant qu'à le voir on ne
peut prefque dire
GALANT 269
Lequel en lui plus de tendreffe
infpire ,
Grace ou vertu ne qui
reüffit mieux
A l'admirer ou le coeur ou
les yeux
.
Déja le Dieu qui les combats
décide
De prés a vû comment ce
jeune Alcide
Sçait manier javelines &
dards
Ecus , haubergs , lances &
braquemars
Et méprifer dans le Champ
de Batailles
Z iij
270 MERCURE
Repos oififs , perils & funerailles
Dont aisément fe peut
imaginer
Comme en fon tems il
Laura gouverner
Ses ennemis , fi quelqu'un
s'en efcrime
Non pas les fiens ; car fon
coeur magnanime
Ne connoiftra pour fes
vrais ennemis
Que ceux du peuple en fa
garde remis
Auffi dans peu ce peu ple
refractaire
GALANT . 271
Reparera fa coulpe involontaire
Et pour bien toft faction
enterrer
Ce jeune Roy n'aura qu'à
ſe montrer ;
Car quel efprit tant foit - il
intraitable
Et fors iffu de manoir delectable
D'entendement , pourroit à
fon aſpect
N'eftre fajfi d'amour & de
respect ,
Eftil Lyon , Tigre ou Serpent
d'Affrique
Qui contemplant le regard
272 MERCURE
heroyque
Le noble éclat de fa douce
fierté
Qui fur ce front rempli de
Majefté
Marque fi bien ce qu'il eft ,
& doit eftre
Ne s'amollit , & reconnut
fon maiſtre
Partant croyés que contre
fes regards
Point ne tiendront les gen
tils Leopards
>
Tous feront bons tous
feront beaux & fages
GALANT . 173
Antiques
moeurs
il reffufci
tera
Gloire & vertu triompher
il fera ,
Que dirai je plus , il ferme
ra le Temple
Du vieux Janus , pour eſtre
à fon exemple
Des bons l'amour
& des
méchans
Feffroy
Finalement
ce legitime
Roy
Fera par tout fleurir paix
& juſtice
Juftice & paix , meres de
tout délice ,
Sans qui richeſſe , honneur
274 MERCURE
profperité
Fait plus de mal que
& pauvreté.
honte
Alors banquets & feltins
domeſtiques
Dances , chanfons , & pe
nices ruftiques ,
Tournois , Behours
tous autres ébats
>
&
Retournent
francs de
noifes & débats ,
Et durera cette joye eftablie
En Albion jufqu'au retour
d'Elic ;
O de tous biens principe &
fondement
GALANT. 275
O Lots en terre & non
point autrement ,
Repos , douceur , allegref
fe , innocence
Deduit , foulas , defir , &
joüiffance
Levés vos coeurs & tendés
vos efprits
Peuples heureux à ſes ordres
preſcrits
Par le vouloir de la Fée
immortelle
Qui vos deftins a pris en fa
tutelle
A tant fe tut le vieillard
nompareil
Lors s'inclina le Chevalier
276 MERCURE
vermeil ,
Qui méditant en extafe
profonde
Le grand Oracle , & myſ
tere où le fonde
Tout gentil coeur ami de
fon devoir
Fut transferé par magique
pouvoir
Dans le Palais de la haute
Pairie
Palais ou git tout l'art de
faërie
Comme celuy qui fait par
fa fplendeur
De toute l'lfle admirer la
grandeur ,.
GALANT . 277
Mais qui pourtant quoy
qu'il joigne & raffemble
De ce Climâ : tous les Sages
enſemble
Si ne reluit , & n'a d'éclat
en foy
Que par le Trofne & les
yeux de fon Roy,
DE SALISBURY.
ALLEGORIE.
CEtte Ille noble antique
renommée ,
Qui de Neptune à tel point
fut aimée
Qu'un de fes Fils voulut s'y
renfermer ,
Et de fon nom , Albion la
nommer.
Mainte merveille en fon
fein fait reluire
Qu'en ces vers - cy je ne
pretend
GALANT. 241
pretend déduire
Par le menus les Chroni
queurs paffés
En leurs recueils le deduifent
affez ;
Pour le prefent fuffit d'en
citer une
Sans plus , mais qui peut
mieux
qu'aucune ;
Paffer pour rare & que je
garentis
Sur le rapport de ces recuëils
gentils ;
Ge font ces Rocs autre
ment gons de pierre
Qu'on voir femez en cette
noble terre
Mars
1714.
!
X
242 MERCURE
Tout au travers d'un
champ vert & fleury
Que gens du lieu nomment
Saliſbury , ci să
Et que Merlin jadis par
fon genie
Fit transporter des mar
ches d'Ibernie ,
Car tels Rochers ne fcauroient
bonnement
Se trouver la fors par ensachantement.
of C
Orifmoterés qu'entre ces
roches nües , ⠀
Quia pars magie en ces
lieux font venuës
X
GALANT 243
S'en trouvent fept , trois
de
chacune part
Une au deffus , le tout fait
popar tel art
Qu'il
reprefente une porte
effective ,
Porte vraïment bien faite
& bien naïve
Mais c'eft le tout , car qui
voudroit y voir i
Tours & Châtels , doit
Cailleurs fe pourvoir ,
Et ne fçait-on encor pour
Do quel office
Ce haut Portail eft là fans
médifice.
Mais ces fecrets arcanes
X ij]
244 MERCURE
& facrés
Ja ne font faits pour eftre
penetrés ,
Fors de ceux- là que
lance autorife ,
vail-
A pour chaffer vertueufe
entrepriſe
L'Epée au poing , fendant
juſqu'au talons ..
Traitres , Geans , Endriaques
felons
Tant que pareux foit mis
hors de fervage ,
Quelque Empereur ou Roy
de franc lignage ,
Entre ceux- là eftoit prifé
jadis ,
GALANT 245
Agefilan , Florifel , Amadis
,
Et maints encor de qui
Dieu
par fa grace
Jufques à nous a conſervé
la
race ,
Temoin celuy que je vas
publier ,
Sage entre tous , & difcret
Chevalier
Qui merita par fa force invincible
D'eftre introduit dans la
grote invifible ;
Si le tient-on iffu felon la
chair
De Palmerin le Chevalier
X iij
246 MERCURE
fans Pair ,
Iceluy preux vers les roches
décrites
Alloit chantant les vertus
& merites ,
Du Prince Artus , des bons
tant regretté ,
Et recitoit fur fon Luth
argenté
Celui plaintif. O Rives
Britanniques !
O Roy dompteur des Saxons
tyraniques
Si comme on dit par don
furnaturels
Tu dois revoir ce monde
temporel ,
GALANT. 247
Et revenir chaffer hors de
nos terres
Rebellions , debats , troubles
& Guerres .
Que tardes- tu viens revoir
ton Palais
viens de prifon tirer la
douce paix ,
Qui t'as helas ! defolée &
chetive
Chez faction languit tousjours
plaintive.
Ainfi chantoit le Chevalier
dolentejust
Lors fur lui fembla, qu'une
voix l'appellant
X iiij
248 MERCURE
Par fon vrai nom lui parla
de la forte ,
Si les efprits qui gardent
cette porte
En paroiffant n'effarou
chent
tes yeux
,
Tu peux entrer , le Pala
din joyeux
A qui frayeur n'entra ja
mais dans l'ame ,
Prend fon Ecu , fe commande
à ſa Dame
Approche , arrive , & Demons
de hurler
De tempefter , crier fiffler,
voler
,
Mais pour néant car fans
GALANT . 249
merite ni doute
Le Champion pourſuit toujours
fa route
Si qu'euffiez vû tous ces
diables cadets
Larves , Lutins , Lemures,
farfaders
Spectres volans , Tene
brions , Genies ,
En moins de rien ceffer
leurs lytanies ,
& s'éclipfer à tout leur cas
rillon
Comme étourneaux devant
l'émerillon :
Eux départis , ô merveille
imprevuë !
50 MERCURE
2 La terre s'ouvre & ne s'of
fre à la vûë
Qu'un antre noir
mé caverneux ,
en
fu
Ou d'un Bandon l'éclat
fuligineux
Semble éclairer par fes
lueurs funebres
L'affreux manoir du Prince
des Tenebres ;
A la clarté du flambeau
ftygial
Par cent degrés le Che-
> valier loyal
Defcend au creux de la
fpelunque obfcure ..
Et trouve enfin pour l'hif
1
GALANT. __258
toire conclure ,
Un huis fermé qui s'ouvre
fur l'inftant
Et lúi decouvre un Palais
éclatant ;
Palais , non pas ? mais gro
te emerveillable
Tel que l'oeil ne voit onc
de femblable ,
Et que jamais fage n'ob
tint pour don
Telle demeure , hormis
Apollidon.
Car c'eft Illec que la troupe
de Gnomes
Dòminateurs des terref
trés royaumes
252 MERCURE
A raffemblé
pour
prince honorer
leur
Tout ce qui peut fon féjour
decorer ,
Ambre Corail , yvoire ;
marguerites ,
Perles , faphirs , hyacintes ,
Chrifolites
Riches métaux , bronze
Corinthien ,,
Jaſpe , porphire , & marbre
Phrygien ,
Sans oublier mainte belle
efcarboucle
Et
diamans
proprement
mis en boucle
Tout à l'entour , de qui
GALANT.
253
l'éclat riant
Pâlir feroit le Soleil d'Orient.
Or entendes qu'en ce lieu
de lumiere
Où l'art encore ſurpaſſe
la matiere
Brille fur tant de rubis
eftoilé
Un fiége d'or finement
cizelé ,
Ou repofoit le tres noble
Prophete
Qui cette Grote a choifi
pour retraite
Et fut jadis fous le Roy
254 MERCURE
Pendragon
Des Enchanteurs clame le
Bien
Parangon ,
paroiffoit iceluy
grand prud- homme ,
Prince de ceux que fage on
renomme
Tant à le voir fembloit
homme de biens
Vieillard honneſte & de
noble maintien ,
Si qu'eux, voyans feulealment
fon viſager 20
Euffent pour chef accepté
cettuy fage ,
Qui tout a l'heure en fon
féant dreffé VA
GALANT . 255
Ayant trois fois eternué
touffé ,
Les yeux luifans comme
12 deux Girandoles
Au Damoifel addreffa fes
paroles.
Je fuis Merlin qu'en vulpingaire
fermon
0: 0
Vos
vieuxconteurs pre
chent né du
démon ,
Attribuant par
malice grof
-1997
fiere
L'extraction des enfans de
lumiere ,
A la vertu de cet efprit
In enam vilain
Qui de l'Enfer fut créé
ม
256 MERCURE
Châtelain ,
J'ay visité la haut vos Colonies
,
Suivant les us de nous autres
Genies ,
Er fut long -tems Prophete
en Albion
Dont je plorai l'inique
oppreflion ,
Quand Vortiger dans le
fein Britanique
Eut attiré le ferpent Germanique
,
O mon païs ! ô peuples redoutés.
Deffiés -vous de ferpens allaités
.
Aux
GALANT. 257
Aux bords Germains , fuïés
leur
parentage,
Car c'eft d'iceux qu'eft né
vôtre éclavage ;
Je difparus dans ce conflict
amer 霉
Et par mon art tranſporté
d'outre mer
Ces hauts rochers qui fervent
de barriere ,
A cette grotte où bornant
ma carriere ,
Demogorgon
nôtre Roy
fouverain
,
Me fit ſeigneur du peuple
foûterrain.
C'eſt cette gent , dont l'eſ,
Mars 1714. Y
238 MERCURE
prit tutelaire
Va parcourant vôtre mon--
de populaire : -
Où je l'envoye en invifibles
corps ,
Examiner les troubles &
difcors ,
Qui , par l'engin du pere
de l'impofture,
Vont affligéant l'humaine
créature.
Par eux à donc m'ont efté
raportés.
Tous vos débats , maux &
calamités :
Qui par revolte & rufes infernales
,
GALANT 252
Ont affolé vos Provinces
natales .
Si que la Paix onques n'y
peut meurir ,
Tant qu'y verrés iniquités
Aleurir ,
Car ne croyés pouvoir par
smot vartifices
Paix rétablir fans l'aide de
juſtice ,
Par qui d'abord détruire
100% vous convient ,
L'enchantement ou fraude
2 la détient ,
Fraude fans qui rebelle féabpillonie
o
N'ût engendré fuperbe ty-
Y ij
260 MERCURE
rannie :
Et faction mere de tous les
maux ,
Qui font fortis des palais
infernaux ;
Or puis qu'en toy n'eft encore
effacée
La fouvenance & memoire
paffée
Du Prince Artus lá merveille
des Rois .
Je veux du fort t'interpreter
les loix ,
Et t'expliquer les divins ca
racteres
qui font enclos au livre des
myfteres.
GALANT . 261
Ces mots finis le vieillard
s'arrefta
Puis fe fignant quelques
mots marmota ,
En feüillerant fon grand
antiphonaire
Ou par comment & glofe
interlinaire
Se touche au doigt & fe
montre éclairci
Tout l'avenir , lors , pour
fuivit ainsi ,
Ce brave Roy de qui l'ar
dente efpée
Au fang Germain tant de
fois fut trempée
262 MERCURE
De fes hauts faits le monde
récreant ,
Ufurpateurs eut mis tous à
néant
Si d'Atropos la colere felone
N'uft d'Albion renversé la
Colonne
Ah male- mort ! tes larroneffes
mains
Nous ont tollu le plus grand
des humains
Et rien n'y font ceux -là
dont le bon zele
Dans les hauts Cieux comme
Enoch le récele
Doit quelque jour à les oüir
GALANT . 263
narrer
H reviendra fon pays bien
heurer
;
Tous ces rebus d'antiques
propheties
Ne font qu'amas de vieilles
faceties ,
Dont le droit fens &
myftere caché
Eft fans emblême en ce li
vre epluché.
De ce bon Roy l'heroïque.
lignée
Au fond des bois reduite.
& confignée
Donna long- tems aux fi
264 MERCURE
deles Gallois
Chefs Souverains & magnanimes
Rois ,
Tant qu'une Soeur de ces
genereux
Princes
Dont le Germain
detenoit
les Provinces
Le Grand Walter en fes
Alancs enfánta
Qui leur vrai fang chez les
Pictes porta
,
Icy d'Artus fa tige eſt mipartie
Entre les Rois de l'antique
Scotie
Puis fe rejoint dans le fang
bien-aimé
Du
GALANT . 265:
Du bon Henry le fage furnommé
Qui s'uniffant à la royale
race
Dupreux Walter fçut enfuivre
la trace
Des Rois Bretons , dans la
double union
De l'Albanie au regne d'Albion
;
Or entend moy quoique
maint docte livre
ي ف
Conte qu'un jour Artus
doive revivre ,
Pour le deftin de voſtre Ifle
amenderA
CA
Si ne devés ce difcours re-
Z
Mars
1714.
266 MERCURE
garder
Que comme un type ou
fermon prothetique
Qui vous décrit l'evenement
implique
D'un jeune Roy de fon
fang defcendu
Qui par juftice à fon peuple
rendu ,
Doit extirper difcordes inteftines
Guerre ; debats , fcandales ,
& rapines ,
Si que pourrés par lui re-
9 voir encor
En Albion triompher l'âge
d'or
GALANT. 267
Et retourner profperité richeffe
Dilection , paix , amour &
lieffe .
Il de nos bords en naiſſant
diſparu
Terres & Meres dès l'enfance
à couru
Et s'eft appris par épreuve
importune
A fupporter l'une & l'autre
fortune
,
Afin qu'un jour par fon
exemple inftruit
De tout le mal qu'impieté
produit
Juftice & droit à tous il
Zij
168 MERCURE
fache rendre
Aider le foible & l'opprimé
deffendre ,
La noble Fée & le fage
Devin
Qui de ce Prince ont par
vouloir divin
J'ufqu'à ce jour regi la
deftinée
Ja des long- tems fa nail
fance ont ornée
L'une des dons qui le Corps
font chérir
L'autre de ceux qui font
l'ame fleurir
Tant qu'à le voir on ne
peut prefque dire
GALANT 269
Lequel en lui plus de tendreffe
infpire ,
Grace ou vertu ne qui
reüffit mieux
A l'admirer ou le coeur ou
les yeux
.
Déja le Dieu qui les combats
décide
De prés a vû comment ce
jeune Alcide
Sçait manier javelines &
dards
Ecus , haubergs , lances &
braquemars
Et méprifer dans le Champ
de Batailles
Z iij
270 MERCURE
Repos oififs , perils & funerailles
Dont aisément fe peut
imaginer
Comme en fon tems il
Laura gouverner
Ses ennemis , fi quelqu'un
s'en efcrime
Non pas les fiens ; car fon
coeur magnanime
Ne connoiftra pour fes
vrais ennemis
Que ceux du peuple en fa
garde remis
Auffi dans peu ce peu ple
refractaire
GALANT . 271
Reparera fa coulpe involontaire
Et pour bien toft faction
enterrer
Ce jeune Roy n'aura qu'à
ſe montrer ;
Car quel efprit tant foit - il
intraitable
Et fors iffu de manoir delectable
D'entendement , pourroit à
fon aſpect
N'eftre fajfi d'amour & de
respect ,
Eftil Lyon , Tigre ou Serpent
d'Affrique
Qui contemplant le regard
272 MERCURE
heroyque
Le noble éclat de fa douce
fierté
Qui fur ce front rempli de
Majefté
Marque fi bien ce qu'il eft ,
& doit eftre
Ne s'amollit , & reconnut
fon maiſtre
Partant croyés que contre
fes regards
Point ne tiendront les gen
tils Leopards
>
Tous feront bons tous
feront beaux & fages
GALANT . 173
Antiques
moeurs
il reffufci
tera
Gloire & vertu triompher
il fera ,
Que dirai je plus , il ferme
ra le Temple
Du vieux Janus , pour eſtre
à fon exemple
Des bons l'amour
& des
méchans
Feffroy
Finalement
ce legitime
Roy
Fera par tout fleurir paix
& juſtice
Juftice & paix , meres de
tout délice ,
Sans qui richeſſe , honneur
274 MERCURE
profperité
Fait plus de mal que
& pauvreté.
honte
Alors banquets & feltins
domeſtiques
Dances , chanfons , & pe
nices ruftiques ,
Tournois , Behours
tous autres ébats
>
&
Retournent
francs de
noifes & débats ,
Et durera cette joye eftablie
En Albion jufqu'au retour
d'Elic ;
O de tous biens principe &
fondement
GALANT. 275
O Lots en terre & non
point autrement ,
Repos , douceur , allegref
fe , innocence
Deduit , foulas , defir , &
joüiffance
Levés vos coeurs & tendés
vos efprits
Peuples heureux à ſes ordres
preſcrits
Par le vouloir de la Fée
immortelle
Qui vos deftins a pris en fa
tutelle
A tant fe tut le vieillard
nompareil
Lors s'inclina le Chevalier
276 MERCURE
vermeil ,
Qui méditant en extafe
profonde
Le grand Oracle , & myſ
tere où le fonde
Tout gentil coeur ami de
fon devoir
Fut transferé par magique
pouvoir
Dans le Palais de la haute
Pairie
Palais ou git tout l'art de
faërie
Comme celuy qui fait par
fa fplendeur
De toute l'lfle admirer la
grandeur ,.
GALANT . 277
Mais qui pourtant quoy
qu'il joigne & raffemble
De ce Climâ : tous les Sages
enſemble
Si ne reluit , & n'a d'éclat
en foy
Que par le Trofne & les
yeux de fon Roy,
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Résumé : LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
Le texte décrit les Roches de Salisbury, une île antique et noble, aimée par Neptune et nommée Albion par l'un de ses fils. Cette île est célèbre pour ses merveilles, notamment des rochers transportés par Merlin depuis les marches d'Ibernie. Ces rochers forment une porte mystérieuse dans un champ vert et fleuri près de Salisbury, gardée par des esprits et des démons. Seule une personne vertueuse et autorisée peut franchir cette porte. Un chevalier nommé Palmerin se rend à ces rochers et chante les vertus du prince Arthur. Une voix l'invite à entrer, et il découvre une grotte éclairée par un flambeau funèbre menant à un palais éblouissant décoré de pierres précieuses et de métaux rares. Dans ce palais repose Merlin, le prophète. Merlin explique qu'il a été prophète en Albion et a transporté les rochers pour protéger l'île. Il révèle également que l'île est affligée par des troubles et des révoltes, et que seule la justice peut rétablir la paix. Merlin prophétise le retour d'un jeune roi de la lignée d'Arthur, qui apportera justice et paix en Albion. Ce roi, élevé par une fée et un devin, est destiné à gouverner avec sagesse et à triompher de ses ennemis. Son règne verra le retour de la prospérité, de la paix et de l'amour. Après cette révélation, Merlin se tait, et le chevalier est transporté dans le palais de la haute pairie, où il contemple l'art de la féerie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 461-462
ALLEGORIE, TRIOMPHE DE PALLAS.
Début :
Venus, pour excuser sa conduite volage, [...]
Mots clefs :
Beauté, Vénus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEGORIE, TRIOMPHE DE PALLAS.
ALLEGORIE
,
TRIOMPHE
DE PALLAS.
r
Venus , pour excufer fa conduite volage ,
Difoit un jour en prefence des Dieux ,
Qu'une extreme Beauté ne peut fuir le nauf
frage :
Pallas foutenoit qu'en tous lieux ,
Quelque belle qu'on foit , quand on veut on
eft fage.
Jupiter fur ce débat-là ,
Sourit & Momus plaifanta 3
Mes Dames , leur dit- il, fi vous voulez m'ent
croire ,
Concourrez toutes deux à faire une Beauté ;
A mille attraits joignez un peu d'honnêteté ,
Nous verrons qui des deux gagnera la victoirey
Pallas accepta le parti ;
+
Mais doutant de la réülfite
Venus voulut en avoir la conduite ,
Ce qui fut à l'inftant par Pallas confenti
Venus forme une Beauté rare ,
Sur elle feule épand tous les tréfors,
Dont la Nature eft fi fouvent avare ;
Pallas, d'un foufie anime ce beau corps
Lafé (car c'eft lenom qu'on donnoit à la Belle)
Souffric
462 MERCURE DE FRANCE.
Souffrit d'abord fortune affez cruelle,
Fort peu de biens , beaucoup d'Admirateurs..
Peines , courfes , travaux & cent Adorateurs ,
Offrant'à fes befoins reffource criminelle ;-
Mais en vain cette Belle avoit une fierté
Par qui fon coeur en fureté ,
Rioit de leur pourſuite vaine ;
Venus même s'en allarma ,
Tant que pour dompter l'Inhumaine ,
Elle la fit entrer à l'Opera.
Ce ne font plus des Amans de Province ; »
Des Ducs, des Financiers , des Marquis , & des
Princes ,
Forment la Cour , chacun de fon côté ,
Fait de fon mieux à vaincre notre Belle ,
Chaque jour Billets doux , fans ceffe offre nou
velle ,
Mais tout eft rebuté.
Et près d'un pere on voit cette fage perfonne,
Jouir en dépit de Venus ,
Des applaudiffemens que le Parterre donne ,.
A fes Graces , à fes Vertus,
,
TRIOMPHE
DE PALLAS.
r
Venus , pour excufer fa conduite volage ,
Difoit un jour en prefence des Dieux ,
Qu'une extreme Beauté ne peut fuir le nauf
frage :
Pallas foutenoit qu'en tous lieux ,
Quelque belle qu'on foit , quand on veut on
eft fage.
Jupiter fur ce débat-là ,
Sourit & Momus plaifanta 3
Mes Dames , leur dit- il, fi vous voulez m'ent
croire ,
Concourrez toutes deux à faire une Beauté ;
A mille attraits joignez un peu d'honnêteté ,
Nous verrons qui des deux gagnera la victoirey
Pallas accepta le parti ;
+
Mais doutant de la réülfite
Venus voulut en avoir la conduite ,
Ce qui fut à l'inftant par Pallas confenti
Venus forme une Beauté rare ,
Sur elle feule épand tous les tréfors,
Dont la Nature eft fi fouvent avare ;
Pallas, d'un foufie anime ce beau corps
Lafé (car c'eft lenom qu'on donnoit à la Belle)
Souffric
462 MERCURE DE FRANCE.
Souffrit d'abord fortune affez cruelle,
Fort peu de biens , beaucoup d'Admirateurs..
Peines , courfes , travaux & cent Adorateurs ,
Offrant'à fes befoins reffource criminelle ;-
Mais en vain cette Belle avoit une fierté
Par qui fon coeur en fureté ,
Rioit de leur pourſuite vaine ;
Venus même s'en allarma ,
Tant que pour dompter l'Inhumaine ,
Elle la fit entrer à l'Opera.
Ce ne font plus des Amans de Province ; »
Des Ducs, des Financiers , des Marquis , & des
Princes ,
Forment la Cour , chacun de fon côté ,
Fait de fon mieux à vaincre notre Belle ,
Chaque jour Billets doux , fans ceffe offre nou
velle ,
Mais tout eft rebuté.
Et près d'un pere on voit cette fage perfonne,
Jouir en dépit de Venus ,
Des applaudiffemens que le Parterre donne ,.
A fes Graces , à fes Vertus,
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Résumé : ALLEGORIE, TRIOMPHE DE PALLAS.
Le texte relate un débat allégorique entre Vénus et Pallas (Athéna) sur la beauté et la vertu. Vénus soutient que l'extrême beauté ne garantit pas la moralité, tandis que Pallas affirme que la beauté peut être sage. Jupiter propose un concours pour créer une beauté parfaite dotée d'honnêteté. Vénus accepte de façonner cette beauté, nommée Laïs, et Pallas s'engage à l'animer. Laïs, bien que belle, connaît des débuts difficiles mais reste insensible aux offres et aux poursuites. Vénus l'introduit à l'Opéra pour la dompter, mais Laïs attire l'attention des nobles et des princes sans céder à leurs avances. Elle gagne finalement la reconnaissance du public pour ses grâces et ses vertus, malgré les tentatives de Vénus de la corrompre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2339-2342
LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
Début :
La Mode et la Nature un jour, [...]
Mots clefs :
Fard, Amour, Art, Nature, Masque, Attraits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
LE PROCEZ DU FARD,
Allégorie à Mad....
LAMode et la Nature un jour ,
Vinrent au Tribunal d'Amour :
La mode y vint enluminée ,
En long étalage et grand train ,
D'amples fatras environnée ,
Le Masque et la Marotte en main ;
Nature simplement ornée ,
En Robe ondoyante , en Patin ,
Un Bouquet de fleurs sur son sein ,
Et de ses Cheveux couronnée ;
Amour , dit-elle , entends ma voix ,
B iiij Et
340 MERCURE DE FRANCE
It qu'elle éveille ta justice.
Tuvois la fille du caprice ;
Je suis le jouet de ses loix.
Mon fils , prends part à mes outrages,
Aton Empire , à mes attraits ,
Ils portent de communs dommages ;
Corrompre , alterer mes ouvrages,
N'est- ce pas émousser tes traits ?
Sans tant discourir , dit la Mode ,
Montrons aux yeux notre pouvoir ;
"Amour est un Dieu qui veut voir ,
Et qui gouta cette méthode.
Nature appuya ce dessein ,
Et choisit G... pour modelle.
L'Amour essuya de sa main,
Cette couche artificielle ,
Enfant de l'art et du matin ,
Et G..... n'enfut que plus belle.
C'étoit l'Aurore au front serein
Lorsqu'elle ne fait que d'éclore ,
Et que
Par les couleurs
dont
il l'a peint
Seiché
la fraîcheur
de son teint
.
LaMode
sur d'autres
modeles
Fait
son chef
-d'œuvre
concerté
,
Dresse
ses Tables
solemnelles
Phœbus n'a pas encore
9
Et de cent Machines nouvelles ,
Cons
NOVEMBRE. 1732. 2341
Construit l'Autel de la Beauté.
Sont art , ses ruses furent telles ,
Si bien sa Magie opéra ,
Qu'enfin elle défigura
Une Héroïne d'Opéra.
On rit de cette œuvre postiche :
Aupetit Monstre enjolivé ,
L'Amour fait construire une Niche ;
A l'autre , un Temple est élevé ;
Toy, dit l'Amour à la Nature,
Viens rendre une couleur plus pure ,
Aux Beautez qui suivent mes pas ;
Mes traits ont formé leurs appas ,
Pour les yeux , non pour la parure,
Tout s'embellira sous ta loi ;
Ta Rivale n'a pour te nuire,
Que l'art passager de séduire ,
L'Art constant de plaire est à toi.-
Belle G ... c'est ton partage ;
Si tu vois couvrir d'un nuage ,
Tes beaux jours de sérénité ,
C'est l'art jaloux de la nature ,
Et contr'elle encor révolté ,
Qui sous le nom de faculté ,
Fait à tes attraits cette injure
Et te punit de ta beauté ;
Eloigne un secours redoutéBy D'un
2342 MERCURE DE FRANCE
D'un souris rappelle et rassure ,
Les Ris , enfans de la santé ;
Et dans le sein de la gayeté ,
Cherche une guérison plus sûre.
Allégorie à Mad....
LAMode et la Nature un jour ,
Vinrent au Tribunal d'Amour :
La mode y vint enluminée ,
En long étalage et grand train ,
D'amples fatras environnée ,
Le Masque et la Marotte en main ;
Nature simplement ornée ,
En Robe ondoyante , en Patin ,
Un Bouquet de fleurs sur son sein ,
Et de ses Cheveux couronnée ;
Amour , dit-elle , entends ma voix ,
B iiij Et
340 MERCURE DE FRANCE
It qu'elle éveille ta justice.
Tuvois la fille du caprice ;
Je suis le jouet de ses loix.
Mon fils , prends part à mes outrages,
Aton Empire , à mes attraits ,
Ils portent de communs dommages ;
Corrompre , alterer mes ouvrages,
N'est- ce pas émousser tes traits ?
Sans tant discourir , dit la Mode ,
Montrons aux yeux notre pouvoir ;
"Amour est un Dieu qui veut voir ,
Et qui gouta cette méthode.
Nature appuya ce dessein ,
Et choisit G... pour modelle.
L'Amour essuya de sa main,
Cette couche artificielle ,
Enfant de l'art et du matin ,
Et G..... n'enfut que plus belle.
C'étoit l'Aurore au front serein
Lorsqu'elle ne fait que d'éclore ,
Et que
Par les couleurs
dont
il l'a peint
Seiché
la fraîcheur
de son teint
.
LaMode
sur d'autres
modeles
Fait
son chef
-d'œuvre
concerté
,
Dresse
ses Tables
solemnelles
Phœbus n'a pas encore
9
Et de cent Machines nouvelles ,
Cons
NOVEMBRE. 1732. 2341
Construit l'Autel de la Beauté.
Sont art , ses ruses furent telles ,
Si bien sa Magie opéra ,
Qu'enfin elle défigura
Une Héroïne d'Opéra.
On rit de cette œuvre postiche :
Aupetit Monstre enjolivé ,
L'Amour fait construire une Niche ;
A l'autre , un Temple est élevé ;
Toy, dit l'Amour à la Nature,
Viens rendre une couleur plus pure ,
Aux Beautez qui suivent mes pas ;
Mes traits ont formé leurs appas ,
Pour les yeux , non pour la parure,
Tout s'embellira sous ta loi ;
Ta Rivale n'a pour te nuire,
Que l'art passager de séduire ,
L'Art constant de plaire est à toi.-
Belle G ... c'est ton partage ;
Si tu vois couvrir d'un nuage ,
Tes beaux jours de sérénité ,
C'est l'art jaloux de la nature ,
Et contr'elle encor révolté ,
Qui sous le nom de faculté ,
Fait à tes attraits cette injure
Et te punit de ta beauté ;
Eloigne un secours redoutéBy D'un
2342 MERCURE DE FRANCE
D'un souris rappelle et rassure ,
Les Ris , enfans de la santé ;
Et dans le sein de la gayeté ,
Cherche une guérison plus sûre.
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Résumé : LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
Le texte 'Le Procez du Fard' met en scène une allégorie où la Mode et la Nature sont jugées par le Tribunal d'Amour. La Mode, vêtue de manière ostentatoire, se présente comme le jouet du caprice, tandis que la Nature, simplement ornée, accuse la Mode de corrompre ses œuvres et d'altérer les traits de l'Amour. La Mode choisit G... comme modèle pour démontrer son pouvoir, mais l'Amour révèle la beauté naturelle de G..., comparée à l'aube. La Mode crée ensuite des œuvres postiches, défigurant une héroïne d'opéra, tandis que l'Amour construit un temple pour la beauté naturelle. L'Amour critique l'art passager de la Mode, qui séduit mais ne plaît pas durablement, et affirme que l'art constant de plaire appartient à la Nature. La Nature est comparée à une belle femme, G..., dont les jours de sérénité peuvent être couverts par l'art jaloux de la Mode. L'Amour encourage la Nature à purifier les beautés et à chercher une guérison dans la gaieté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 32-42
MAL-A-PROPOS, OU L'EXIL DE LA PUDEUR, Traduction libre d'un petit Poëme trouvé dans les ruines de la Grèce.
Début :
PREMIER CHANT. TOUS les Dieux , favorables au vœu de l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Beauté, Palais, Hymen, Pudeur, Volupté, Grâces
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texteReconnaissance textuelle : MAL-A-PROPOS, OU L'EXIL DE LA PUDEUR, Traduction libre d'un petit Poëme trouvé dans les ruines de la Grèce.
MAL- A - PROPOS ,
OU L'EXIL DE LA PUDEUR,
Traduction libre d'un petit Poëme
trouvé dans les ruines de la Grèce.
PREMIER CHAN T.
TOUS ous les Dieux , favorables au voeu
de l'Amour , avoient calmé la jalouſẹ
colere de Vénus. Dès que le Deſtin
eut prononcé le bonheur de Psyché
l'Amour lança fur la terre un regard
enflâmé ; & plus rapidement que la
vapeur légère eft attirée vers le foleil ,
FEVRIER. 1763.
33
auffitôt Psyché fut élevée à la plus
haute Région des airs. A la voix de ce
Dieu , les Portes dorées de l'Olympe
s'ouvrirent , pour recevoir la Beauté
qui alloit l'embellir d'un nouvel éclat.
Quelles Portes ont jamais reſiſté à l'Amour
? Il tend à fon Amante une main
bienfaictrice , & de l'autre il éffuye les
derniers pleurs échappés de fes beaux
yeux ; lui-même la conduit au trône
de Jupiter. Le Maître de l'Univers
devoit trop à l'Amour pour ne pas fe
hâter de remplir fes defirs. Il appelle le
Dieu d'Hymen , & la main qui lance
le tonnerre allume les flambeaux d'Hymenée.
Il fait avancer les deux Epoux ,
on les couronne de fleurs immortelles.
LAmour approcha fes lévres divines
des lévres de Pfyché , & de la
cîme impénétrable de l'Olympe , le
Deftin cria Pfyché eft immortelle.
Toute la Cour célefte étoit affemblée ;
la jeune Pfyché y parut comme ces
aftres nouveaux que le Firmament momtre
quelquefois à la terre. La Reine
des Cieux , la fuperbe Junon , jettoit
un coup d'oeil de côté fur Vénus
& Junon fe croyoit vengée de l'outrage
de Paris ; mais Vénus dont
l'ame molle & tendre ne peut receler
ا و
B v
34 MERCURE DE FRANCE .
des haines éternelles , comme les autres
Divinités , Vénus voyoit alors avec complaifance
dans la belle Pfyché l'époufe
de fon fils. En la conſidérant, la Déeffe
imaginoit ne voir qu'elle-même dans
cette Beauté ; Pfyché regarda l'Amour ;
Vénus crut voir encore mieux qu'ellemême.
Tandis que le Ciel retentiffoit de
l'Hymne facrée , dont la Reprife étoit ,
La Beauté pour jamais eft unie à l'Amour
: l'Amour a rendu la Beauté immortelle
; la jeune Epoufe prenoit l'ambrofie
des mains de Comus , & de celles
d'Hébé elle recevoit la coupe du nectar.
Je crois connoître , dit Pfyché en
fouriant à la Jeuneffe , oui je connois
déja cette éffence de la Divinité , je l'ai
goûtée fur les lévres de l'Amour.
Après ectte célébration de l'Hymenée ,
Vénus demanda aux Dieux qu'il s'achevât
fur la terre . Je veux que mà
nouvelle fille foit reconnue dans mon
empire ; je veux qu'elle tienne ma pla→
ce fur mes autels. La nouveauté rallumera
l'encens de mes fujets ; & l'encens
qui brulera pour la nouvelle Déeffe
ne fera pour moi qu'un hommage de
plus qui affermira mon culte. Il faut
que toute ma Cour accompagne l'éFEVRIER.
1763. 35
poufe de mon fils ; la Cour de Vénus
eft celle de la Beauté. Elle dit , & tournant
fa tête enchantereffe , pour appeller
les Grâces , les boucles d'or de fa
chevelure vinrent toucher un côté dé
fon fein d'ivoire . Si un feul mouvement
des yeux de Jupiter fait trembler l'Olympe
; à ce tour de tête de Vénus ;
l'Olympe éprouve toujours un doux frémiffement
& les Immortels ont en
cet inftant un fentiment plus intime
de la divinité de leur être.
Un coup d'oeil dé Vénus a bientôt
raffemblé les Grâces autour d'elle. La
Déeffe remit Pfyché entre leurs mains ,
& les chargea du foin de fa parure .
La vénérable Pudeur , préfentée par
' Hymen à qui elle faifoit affidument
la cour , fut donnée à la jeune Époufe
pour premiere compagne. ( a ) Ainfi
tout difpofé , il fut arrêté que le cortége
de cette nôce célefte fe rendroit
fur la terre. Paphos , où la volupté
avec les jeux & les plaifirs , étoit déja
arrivée , fut le lieu défigné par Vénus
pour achever les nôces de l'Amour &
pour en célébrer les fêtes .
( a ) Ce qui , dans nos moeurs & dans no
langage fignifieroit. Dame d'Honneur.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
DEUXIEME CHANT.
Tout Paphos attendoit la nouvelle
Déïté. La Renommée, fi prompte à fervir
l'Amour fouvent même fans attendre fes
ordres , la Renommée avoit été chargée .
de l'annoncer. Les Prêtreffes avoient orné
le Temple ; auparavant elles s'étoient
parées de tout ce qu'elles avoient de
plus brillant. L'encens fumoit fur les
autels ; l'encens de Paphos eft d'un
parfum plus exquis que celui qui brûle
dans les autres Temples. En s'élevant
par de longs tourbillons à la hauteur
des nues , il fe joignoit aux divins parfums
, dont fillonnoit les airs la céleſte
troupe fur fon paffage. Le fpectacle de
cette marche étoit invifible aux prophanes
mortels ; mais l'odeur délicieufe
des parfums portoit au loin la volupté
dans les ames. Les Voyageurs , navigans
fur ces Côtes , étoient faifis d'une
myftique yvreffe , dont ils ignoroient
la caufe , qui faifoit abandonner au
Pilote le foin de fa manoeuvre , & détefter
au Paffager la rapidité des flots
qui l'écartoient de ce rivage.
Les Peuples heureux de l'Empire de
Vénus , accourus en foule autour de
fon autel , apperçurent bientôt une coFEVRIER.
1763. 37
lonne lumineufe , d'un feu doux &
pur , qui defcendoit par l'ouverture de
la coupole , fur le piedeſtal facré , d'où
la Déeffe dicte ordinairement fes loix
& fes oracles. La colonne fe diffipe
& découvre à tous les yeux la nouvelle
Immortelle ; à fes côtés font
Hymen & l'Amour qui l'éclairent chacun
de leur flambeau. Mais le reflet
de celui de l'Amour est le plus fenfible
fur cette jeune Beauté. A fa vue
rout eft faifi d'un faint & tendre refpect
. Tel eft le pouvoir de la Beauté ,
que dès qu'elle paroît , tous les Peuples
Fadorent. Vénus, du haut des Cieux jouit
de la ferveur qu'elle-même elle infpire.
C'est alors fon ouvrage , elle n'en eft
plus irritée. Chaque amante , dans Paphos
, tremble en fecret que fon amant
ne devienne , quoique fans efpoir , le
rival de l'Amour. Dans les accès d'un
nouveau zéle les jeunes habitans de
Paphos volent aux pieds de Pfyché ,
porter en offrande les tendres dons que
d'imprudentes Beautés leur ont faits
foit en parures , foit en bracelets de
cheveux
, beaucoup plus chers à la
tendreffe que les plus riches ornemens.
Après avoir reçu l'adoration des mortels
, l'Amour conduifit fa nouvelle
?
38 MERCURE DE FRANCE .
époufe dans le Palais qui joint le Temple.
Les arts à l'envi ont décoré ce voluptueux
& brillant féjour. La Troupe
nuptiale parcourt quelques momens les
principales Piéces de ce Palais , d'où
l'on paffe bientôt dans les Jardins. C'eft
ici que les Mufes n'ont point de crayons
pour peindre ce que ces lieux renferment
de délices. Quel oil peut pénétrer
dans les bofquets de Paphos ! Tout
y refpire , tout y foufle l'efprit ineffable
des myftères de la Divinité qui les habite.
C'est tout ce qu'il eft permis à un
Mortel d'en décrire ; c'eft tout ce qu'il
eft permis aux prophanes d'en fçavoir.
Entre ces bofquets enchantés , s'élévent
, affez près l'un de l'autre , deux
Palais inférieurs au Palais principal
où la feule galanterie a fuivi les ordres
de la volupté . L'un de ces Palais appartient
plus particulierement à l'Amour.
C'eſt le Dieu même qui en a donne les
plans , c'eft lui qui en a dirigé la diftribution.
Comme en ce lieu tout parloit
à Pfyché de fon amant , foit par
un fouvenir de fes peines paffées , foit
par un fentiment de fon bonheur préfent
, elle fentit en y entrant une fecrete
émotion. L'Hymen, qui ne connoit que
trop ce lieu féducteur , en fouffioit im
>
FEVRIER. 1763 . 39
patiemment le féjour ; & la Pudeur toujours
attentive à lui complaire , cherchoit
à en faire éloigner la jeune Époufe:
l'Amours'en apperçût ; un regard de dépit
fit fentir à la vénérable Compagne
qu'il n'aimoit pas les contradictions :
mais l'Hymen méritoit des égards ( au
moins dans ces premiers jours )
, ,
Pfyché ne fut arrêtée dans ce Palais
qu'autant qu'il falloit pour lui donner
une idée de fes charmes. L'Amour la
promena dans les parterres qui environnent
fes cabinets. Là naiffent & fe
renouvellent en toutes faifons les
plus agréables fleurs du Printemps. La
tendre Pfyché y remarqua des rofes
admirables qui fe tournoient d'ellesmêmes
vers l'Amour & qui en prenoient
une fraicheur nouvelle . L'Amour,
dit- elle , eft l'Aftre qui fait éclore les
Rofes ; c'eſt fon influence qui conferve
leur beauté.
TROISIEME CHANT .
On communique par les parterres
du Palais fecret de l'Amour , à celui
où Venus vient fouvent étudier ce qui
peut faire fentir aux Mortels quelque
nouvel effet de fon pouvoir. Ce lieu
eft agréablement magique . LaCoquet40
MERCURE DE FRANCE .
,
terie y travaille fans ceffe à mille fe
crets au-deffus de l'imagination humaine.
Ce que l'induftrieufe abeille
fait pour l'utilité des hommes une
troupe d'enfans aîlés , par un art furnaturel
, l'exécute pour la toilette de leur
Souveraine. Lorſque l'aurore annonce
le Dieu de la lumière , & lorfqu'il rentre
dans les Palais de Thétis , ces enfans
voltigent autour des plantes & des
fleurs ; ils en tirent tout ce qui eft
propre à leur galante chymie . On dépofe
la précieufe récolte dans des corbeilles
d'or ; à travers les tiffus plus ou
moins ferrés de ce métal , on fépare , on
diftingue ce qui convient à chaque opération.
Ici , par l'agitation de leurs
aîles , ils éxcitent , à divers degrés , le
feu de leurs flambeaux , pour échauffer
des vafes , dans lefquels la fermentation
produit d'un côté des Beaumes & des
Effences ; de l'autre , des eaux limpides ,
chargées néanmoins de particules les
plus odoriférantes . Là par d'autres
moyens , de fucs épaiffis , paîtris avec
l'émail des perles , ils compofent des
pomades , qui donnent à la peau un
éclat dont la Nature même envieroit le
fecret. Dans un autre endroit des mains
fubtiles préparent des poudres d'un
FEVRIER . 1763. 41
S
S
C
parfum exquis , tandis que dans un
lieu plus réſervé on broye la matière
qui donne aux rofes leur incarnat , &
qui fert fi bien à réparer celui dont
brille la Beauté. Jufqu'aux infectes entrent
dans leurs magiques compofitions.
On extrait leur fombre couleur ;
on l'applique fur des tiffus de foie découpés
; on les feme comme des taches
fur un beau tein , dont ce contrafte fait
valoir la blancheur. Pardonne , ô Vénus
fi je viens de mettre au jour quelques
foibles notions des mystères que tu m'as
révélés ; nos jeunes Grecques ne pourront
en concevoir ni l'ufage ni le ſecret.
Des Prêtreffes , d'un ordre particulier,
ont la garde & la direction de ce Palais.
Elles vinrent au-devant des nouveaux
Epoux avec des parfums & des
guirlandes de fleurs . La fuite de l'Hymen
& celle de l'Amour y entrerent avec
eux. On invita la belle Pfyché à uſer
des bains que les Amours avoient préparés
de concert avec les Prêtreffes . La
Volupté , ordonnatrice de ces nôces ,
n'avoit pas négligé cette partie. Sous
des berceaux de myrthes & de jaſmins ,
inacceffibles à la chaleur du jour , des
baffins d'un criſtal auffi pur que le dia42
MERCURE DE FRANCE .
mant contiennent une onde auffi brillante
que les baffins mêmes, Des paliffades
de rofes & d'orangers en forment
les lambris . On fit entrer d'abord Pfyché
dans des cabinets prochains , que
la lumière ne pénetre pas , où la pudeur
elle- même difputa aux Prêtreffes l'honneur
de deshabiller la jeune Epoufe..
Quand il fut queftion de l'introduire
dans le lieu où l'onde devoit baigner
fon corps immortel , les Prêtreffes , un
peu jaloufes de l'air impérieux de
la Pudeur & du fervice qu'elle venoit
de leur enlever , parlerent de
lui interdire l'entrée du Bain : mais Pfyché
ne voulut point en être féparée ; elle
pria les Graces de lui donner la main .
La Pudeur rougit légérement ; les Gráces
lui fourirent , & toutes quatre réunies
dépoferent dans l'eau leur nouvelle
Maîtreffe.
Dans des Bains non moins délicieux
une troupe riante & légere avoit conduit
l'Amour. L'Hymen y accompagnoit
fon frère , tandis que les Plaifirs , difperfés
de toutes parts dans ces beaux
lieux , fe difpofoient aux fêtes qui devoient
remplir la foirée d'un fi grand
jour.
La fuite au Mercure prochain.
OU L'EXIL DE LA PUDEUR,
Traduction libre d'un petit Poëme
trouvé dans les ruines de la Grèce.
PREMIER CHAN T.
TOUS ous les Dieux , favorables au voeu
de l'Amour , avoient calmé la jalouſẹ
colere de Vénus. Dès que le Deſtin
eut prononcé le bonheur de Psyché
l'Amour lança fur la terre un regard
enflâmé ; & plus rapidement que la
vapeur légère eft attirée vers le foleil ,
FEVRIER. 1763.
33
auffitôt Psyché fut élevée à la plus
haute Région des airs. A la voix de ce
Dieu , les Portes dorées de l'Olympe
s'ouvrirent , pour recevoir la Beauté
qui alloit l'embellir d'un nouvel éclat.
Quelles Portes ont jamais reſiſté à l'Amour
? Il tend à fon Amante une main
bienfaictrice , & de l'autre il éffuye les
derniers pleurs échappés de fes beaux
yeux ; lui-même la conduit au trône
de Jupiter. Le Maître de l'Univers
devoit trop à l'Amour pour ne pas fe
hâter de remplir fes defirs. Il appelle le
Dieu d'Hymen , & la main qui lance
le tonnerre allume les flambeaux d'Hymenée.
Il fait avancer les deux Epoux ,
on les couronne de fleurs immortelles.
LAmour approcha fes lévres divines
des lévres de Pfyché , & de la
cîme impénétrable de l'Olympe , le
Deftin cria Pfyché eft immortelle.
Toute la Cour célefte étoit affemblée ;
la jeune Pfyché y parut comme ces
aftres nouveaux que le Firmament momtre
quelquefois à la terre. La Reine
des Cieux , la fuperbe Junon , jettoit
un coup d'oeil de côté fur Vénus
& Junon fe croyoit vengée de l'outrage
de Paris ; mais Vénus dont
l'ame molle & tendre ne peut receler
ا و
B v
34 MERCURE DE FRANCE .
des haines éternelles , comme les autres
Divinités , Vénus voyoit alors avec complaifance
dans la belle Pfyché l'époufe
de fon fils. En la conſidérant, la Déeffe
imaginoit ne voir qu'elle-même dans
cette Beauté ; Pfyché regarda l'Amour ;
Vénus crut voir encore mieux qu'ellemême.
Tandis que le Ciel retentiffoit de
l'Hymne facrée , dont la Reprife étoit ,
La Beauté pour jamais eft unie à l'Amour
: l'Amour a rendu la Beauté immortelle
; la jeune Epoufe prenoit l'ambrofie
des mains de Comus , & de celles
d'Hébé elle recevoit la coupe du nectar.
Je crois connoître , dit Pfyché en
fouriant à la Jeuneffe , oui je connois
déja cette éffence de la Divinité , je l'ai
goûtée fur les lévres de l'Amour.
Après ectte célébration de l'Hymenée ,
Vénus demanda aux Dieux qu'il s'achevât
fur la terre . Je veux que mà
nouvelle fille foit reconnue dans mon
empire ; je veux qu'elle tienne ma pla→
ce fur mes autels. La nouveauté rallumera
l'encens de mes fujets ; & l'encens
qui brulera pour la nouvelle Déeffe
ne fera pour moi qu'un hommage de
plus qui affermira mon culte. Il faut
que toute ma Cour accompagne l'éFEVRIER.
1763. 35
poufe de mon fils ; la Cour de Vénus
eft celle de la Beauté. Elle dit , & tournant
fa tête enchantereffe , pour appeller
les Grâces , les boucles d'or de fa
chevelure vinrent toucher un côté dé
fon fein d'ivoire . Si un feul mouvement
des yeux de Jupiter fait trembler l'Olympe
; à ce tour de tête de Vénus ;
l'Olympe éprouve toujours un doux frémiffement
& les Immortels ont en
cet inftant un fentiment plus intime
de la divinité de leur être.
Un coup d'oeil dé Vénus a bientôt
raffemblé les Grâces autour d'elle. La
Déeffe remit Pfyché entre leurs mains ,
& les chargea du foin de fa parure .
La vénérable Pudeur , préfentée par
' Hymen à qui elle faifoit affidument
la cour , fut donnée à la jeune Époufe
pour premiere compagne. ( a ) Ainfi
tout difpofé , il fut arrêté que le cortége
de cette nôce célefte fe rendroit
fur la terre. Paphos , où la volupté
avec les jeux & les plaifirs , étoit déja
arrivée , fut le lieu défigné par Vénus
pour achever les nôces de l'Amour &
pour en célébrer les fêtes .
( a ) Ce qui , dans nos moeurs & dans no
langage fignifieroit. Dame d'Honneur.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
DEUXIEME CHANT.
Tout Paphos attendoit la nouvelle
Déïté. La Renommée, fi prompte à fervir
l'Amour fouvent même fans attendre fes
ordres , la Renommée avoit été chargée .
de l'annoncer. Les Prêtreffes avoient orné
le Temple ; auparavant elles s'étoient
parées de tout ce qu'elles avoient de
plus brillant. L'encens fumoit fur les
autels ; l'encens de Paphos eft d'un
parfum plus exquis que celui qui brûle
dans les autres Temples. En s'élevant
par de longs tourbillons à la hauteur
des nues , il fe joignoit aux divins parfums
, dont fillonnoit les airs la céleſte
troupe fur fon paffage. Le fpectacle de
cette marche étoit invifible aux prophanes
mortels ; mais l'odeur délicieufe
des parfums portoit au loin la volupté
dans les ames. Les Voyageurs , navigans
fur ces Côtes , étoient faifis d'une
myftique yvreffe , dont ils ignoroient
la caufe , qui faifoit abandonner au
Pilote le foin de fa manoeuvre , & détefter
au Paffager la rapidité des flots
qui l'écartoient de ce rivage.
Les Peuples heureux de l'Empire de
Vénus , accourus en foule autour de
fon autel , apperçurent bientôt une coFEVRIER.
1763. 37
lonne lumineufe , d'un feu doux &
pur , qui defcendoit par l'ouverture de
la coupole , fur le piedeſtal facré , d'où
la Déeffe dicte ordinairement fes loix
& fes oracles. La colonne fe diffipe
& découvre à tous les yeux la nouvelle
Immortelle ; à fes côtés font
Hymen & l'Amour qui l'éclairent chacun
de leur flambeau. Mais le reflet
de celui de l'Amour est le plus fenfible
fur cette jeune Beauté. A fa vue
rout eft faifi d'un faint & tendre refpect
. Tel eft le pouvoir de la Beauté ,
que dès qu'elle paroît , tous les Peuples
Fadorent. Vénus, du haut des Cieux jouit
de la ferveur qu'elle-même elle infpire.
C'est alors fon ouvrage , elle n'en eft
plus irritée. Chaque amante , dans Paphos
, tremble en fecret que fon amant
ne devienne , quoique fans efpoir , le
rival de l'Amour. Dans les accès d'un
nouveau zéle les jeunes habitans de
Paphos volent aux pieds de Pfyché ,
porter en offrande les tendres dons que
d'imprudentes Beautés leur ont faits
foit en parures , foit en bracelets de
cheveux
, beaucoup plus chers à la
tendreffe que les plus riches ornemens.
Après avoir reçu l'adoration des mortels
, l'Amour conduifit fa nouvelle
?
38 MERCURE DE FRANCE .
époufe dans le Palais qui joint le Temple.
Les arts à l'envi ont décoré ce voluptueux
& brillant féjour. La Troupe
nuptiale parcourt quelques momens les
principales Piéces de ce Palais , d'où
l'on paffe bientôt dans les Jardins. C'eft
ici que les Mufes n'ont point de crayons
pour peindre ce que ces lieux renferment
de délices. Quel oil peut pénétrer
dans les bofquets de Paphos ! Tout
y refpire , tout y foufle l'efprit ineffable
des myftères de la Divinité qui les habite.
C'est tout ce qu'il eft permis à un
Mortel d'en décrire ; c'eft tout ce qu'il
eft permis aux prophanes d'en fçavoir.
Entre ces bofquets enchantés , s'élévent
, affez près l'un de l'autre , deux
Palais inférieurs au Palais principal
où la feule galanterie a fuivi les ordres
de la volupté . L'un de ces Palais appartient
plus particulierement à l'Amour.
C'eſt le Dieu même qui en a donne les
plans , c'eft lui qui en a dirigé la diftribution.
Comme en ce lieu tout parloit
à Pfyché de fon amant , foit par
un fouvenir de fes peines paffées , foit
par un fentiment de fon bonheur préfent
, elle fentit en y entrant une fecrete
émotion. L'Hymen, qui ne connoit que
trop ce lieu féducteur , en fouffioit im
>
FEVRIER. 1763 . 39
patiemment le féjour ; & la Pudeur toujours
attentive à lui complaire , cherchoit
à en faire éloigner la jeune Époufe:
l'Amours'en apperçût ; un regard de dépit
fit fentir à la vénérable Compagne
qu'il n'aimoit pas les contradictions :
mais l'Hymen méritoit des égards ( au
moins dans ces premiers jours )
, ,
Pfyché ne fut arrêtée dans ce Palais
qu'autant qu'il falloit pour lui donner
une idée de fes charmes. L'Amour la
promena dans les parterres qui environnent
fes cabinets. Là naiffent & fe
renouvellent en toutes faifons les
plus agréables fleurs du Printemps. La
tendre Pfyché y remarqua des rofes
admirables qui fe tournoient d'ellesmêmes
vers l'Amour & qui en prenoient
une fraicheur nouvelle . L'Amour,
dit- elle , eft l'Aftre qui fait éclore les
Rofes ; c'eſt fon influence qui conferve
leur beauté.
TROISIEME CHANT .
On communique par les parterres
du Palais fecret de l'Amour , à celui
où Venus vient fouvent étudier ce qui
peut faire fentir aux Mortels quelque
nouvel effet de fon pouvoir. Ce lieu
eft agréablement magique . LaCoquet40
MERCURE DE FRANCE .
,
terie y travaille fans ceffe à mille fe
crets au-deffus de l'imagination humaine.
Ce que l'induftrieufe abeille
fait pour l'utilité des hommes une
troupe d'enfans aîlés , par un art furnaturel
, l'exécute pour la toilette de leur
Souveraine. Lorſque l'aurore annonce
le Dieu de la lumière , & lorfqu'il rentre
dans les Palais de Thétis , ces enfans
voltigent autour des plantes & des
fleurs ; ils en tirent tout ce qui eft
propre à leur galante chymie . On dépofe
la précieufe récolte dans des corbeilles
d'or ; à travers les tiffus plus ou
moins ferrés de ce métal , on fépare , on
diftingue ce qui convient à chaque opération.
Ici , par l'agitation de leurs
aîles , ils éxcitent , à divers degrés , le
feu de leurs flambeaux , pour échauffer
des vafes , dans lefquels la fermentation
produit d'un côté des Beaumes & des
Effences ; de l'autre , des eaux limpides ,
chargées néanmoins de particules les
plus odoriférantes . Là par d'autres
moyens , de fucs épaiffis , paîtris avec
l'émail des perles , ils compofent des
pomades , qui donnent à la peau un
éclat dont la Nature même envieroit le
fecret. Dans un autre endroit des mains
fubtiles préparent des poudres d'un
FEVRIER . 1763. 41
S
S
C
parfum exquis , tandis que dans un
lieu plus réſervé on broye la matière
qui donne aux rofes leur incarnat , &
qui fert fi bien à réparer celui dont
brille la Beauté. Jufqu'aux infectes entrent
dans leurs magiques compofitions.
On extrait leur fombre couleur ;
on l'applique fur des tiffus de foie découpés
; on les feme comme des taches
fur un beau tein , dont ce contrafte fait
valoir la blancheur. Pardonne , ô Vénus
fi je viens de mettre au jour quelques
foibles notions des mystères que tu m'as
révélés ; nos jeunes Grecques ne pourront
en concevoir ni l'ufage ni le ſecret.
Des Prêtreffes , d'un ordre particulier,
ont la garde & la direction de ce Palais.
Elles vinrent au-devant des nouveaux
Epoux avec des parfums & des
guirlandes de fleurs . La fuite de l'Hymen
& celle de l'Amour y entrerent avec
eux. On invita la belle Pfyché à uſer
des bains que les Amours avoient préparés
de concert avec les Prêtreffes . La
Volupté , ordonnatrice de ces nôces ,
n'avoit pas négligé cette partie. Sous
des berceaux de myrthes & de jaſmins ,
inacceffibles à la chaleur du jour , des
baffins d'un criſtal auffi pur que le dia42
MERCURE DE FRANCE .
mant contiennent une onde auffi brillante
que les baffins mêmes, Des paliffades
de rofes & d'orangers en forment
les lambris . On fit entrer d'abord Pfyché
dans des cabinets prochains , que
la lumière ne pénetre pas , où la pudeur
elle- même difputa aux Prêtreffes l'honneur
de deshabiller la jeune Epoufe..
Quand il fut queftion de l'introduire
dans le lieu où l'onde devoit baigner
fon corps immortel , les Prêtreffes , un
peu jaloufes de l'air impérieux de
la Pudeur & du fervice qu'elle venoit
de leur enlever , parlerent de
lui interdire l'entrée du Bain : mais Pfyché
ne voulut point en être féparée ; elle
pria les Graces de lui donner la main .
La Pudeur rougit légérement ; les Gráces
lui fourirent , & toutes quatre réunies
dépoferent dans l'eau leur nouvelle
Maîtreffe.
Dans des Bains non moins délicieux
une troupe riante & légere avoit conduit
l'Amour. L'Hymen y accompagnoit
fon frère , tandis que les Plaifirs , difperfés
de toutes parts dans ces beaux
lieux , fe difpofoient aux fêtes qui devoient
remplir la foirée d'un fi grand
jour.
La fuite au Mercure prochain.
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Résumé : MAL-A-PROPOS, OU L'EXIL DE LA PUDEUR, Traduction libre d'un petit Poëme trouvé dans les ruines de la Grèce.
Le poème 'Mal à propos, ou l'exil de la pudeur' raconte l'union de Psyché et de l'Amour, favorisée par les dieux après que la jalousie de Vénus ait été apaisée. L'Amour élève Psyché dans les airs et la conduit au trône de Jupiter, où ils sont mariés en présence de toute la cour céleste. Psyché est acclamée comme une nouvelle divinité et Vénus, malgré ses anciennes rancœurs, reconnaît en Psyché une beauté qui lui rappelle la sienne, la considérant comme l'épouse de son fils. Après la célébration, Vénus demande que Psyché soit reconnue sur terre et qu'elle tienne sa place dans son empire. La cour de Vénus, accompagnée des Grâces, prépare Psyché pour son voyage sur terre. La Pudeur est désignée comme sa première compagne. Le cortège se rend à Paphos, où les noces doivent être achevées. À Paphos, la Renommée annonce l'arrivée de la nouvelle déité. Les prêtres et le peuple se préparent pour l'accueillir. Psyché descend sous forme d'une colonne lumineuse, accompagnée de l'Amour et d'Hymen. Elle est adorée par les habitants, qui lui offrent des présents. L'Amour conduit ensuite Psyché dans un palais décoré par les arts, où ils parcourent les jardins enchantés. Le poème décrit également les mystères et les secrets de la coquetterie et de la beauté, gardés par des prêtresses. Psyché et l'Amour prennent des bains préparés par les Amours et les prêtresses, sous des berceaux de myrtes et de jasmins. La Pudeur, malgré les tentatives des prêtresses de l'exclure, accompagne Psyché dans le bain.
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