Résultats : 17 texte(s)
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Liste
1
p. [1263]-1267
LA BEAUTÉ ODE.
Début :
Quel spectacle s'offre à ma vûë ? [...]
Mots clefs :
Beauté, Attraits, Dieux, Traits
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texteReconnaissance textuelle : LA BEAUTÉ ODE.
LA BEAUTE
O DE.
Uel fpectacle s'offre à ma vie ?
Quel objet vient flatter mes fens !
Mon ame paroît toute émuë ;
D'où naît le trouble que je fens ?
Mon efprit étonné s'égare ;
Un charme inconnu s'en empare ,
Confus , inquiet , agité ,
II. Vol.
A ij Quelle
1264 MERCURE DE FRANCE
Quelle Divinité puiſſante
Me frappe , me ravit , m'enchante ?
Eft-ce toi , charmante Beauté ? ´
Mais qui pourroit te méconnoître.
Qui peut fe méprendre à ces traits ?
Déeffe , tu n'as qu'à paroître ,
Tout cede à tes divins attraits ;
Oui , l'Univers te rend hommage ;
On admire en toi i'affemblage
Des plus rares préfens des Dieux ,
Tout eft fous leur obéiffance ;
Mais tout l'éclat de leur puiffance
Cede à celui de deux beaux yeux,
Autrefois épris de tes charmes
On vit ces Maîtres des mortels
Te rendant à l'envi les armes
Venir encenſer tes Autels.-
›
En Satyre pour Antiope , *
En Taureau pour la belle Europe
On vit Jupiter fe changer ;
Bacchus d'un Raifin prend la forme ,
Neptune en Dauphin fe transforme
,
Le beau Phoebus devient Berger.
* Métamorphofe
d'Ovide . Liv. 7.
Mais II. Vol
JUIN. 1730 .
1265
Mais c'eft pea , du plus infenfible
Tu peux diffiper la froideur ;
De l'ennemi le plus terrible
Tu fçais défarmer la fureur ;
En calme tu changes l'orage ;
·Tu domptes le plus fier courage ;
Tu changes la haine en amour ;
Tu furmontes tous les obftacles;
Et pour enfanter des miracles ,
Tu n'as qu'à te montrer au jour.
L'Amour , ce fier Tyran qui brave
Le pouvoir des Dieux & des Rois ,
Devient lui-même ton Eſclave ;
Pfiché l'a foumis à tes Loix; '
Si tu ne lui prêtois des charmes
Ses traits feroient de vaines armes
Ils ne pourroient rien enflamer
Il faut du moins ton apparence
Pour faire pancher la balance
Vers l'objet dont il veut charmer.
De même qu'une fleur nouvelle
Qu'un Printems voit naître & mourir ,
On apperçoit dans la plus belle
Ton brillant éclat ſe flétrir .
Le tems qui n'épargne perfonne
II. Vol. A iij De
1266 MERCURE DE FRANCE
De fa cruelle faux moiffonne
Sans égard , tes Roſes , tes Lys ;
Mais fon inexorable rage
En penfant te faire un outrage
De tes dons augmente le prix.
Les Ris , les Graces , la Jeuneffe
Accompagnent par tout tes pas ;
Les plaifirs te fuivent ſans ceffe ,
Il n'en eft point où tu n'es pas ;
De fes Héros , Déeffe aimable ,
Tout l'Univers t'eft redevable ,
Il te doit leurs faits glorieux ;
Hercule eut Jupiter pour pere ;
Mais fans les attraits de fa mere
Auroit- il merité les Cieux ?
Grands Dieux ! quels cris fe font entendre !
Qu'apperçois -je de toutes parts !
Une Ville réduite en cendre
Vient de s'offrir à mes regards ;
Je frémis ! qui le pourroit croire
Décffe , on l'immole à ta gloire ,
C'est pour poffeder tes appas :
Oui l'on voit la fuperbe Troye
A la fureur des Grecs en proye
Pour l'Epoufe de Menelas.
I I. Vol.
Mais
JUIN. 1730. 1267
Mais infenfe , qu'ofai - je faire ?
Quel vain eſpoir peut me flater ?
Beauté , quelle ardeur temeraire
M'engage à vouloir te chanter ?
Ta vûë en dit plus que ma Lyre ,
Et malgré le feu qui m'infpire
Je peins mal tes divins attraits.
Heureux , pour prix d'un foible hommage ,
Si tu daignois fur mòn Ouvrage
Répandre quelqu'un de tes traits.
ParM. Richa rd de Ruffey , de Dijon.
O DE.
Uel fpectacle s'offre à ma vie ?
Quel objet vient flatter mes fens !
Mon ame paroît toute émuë ;
D'où naît le trouble que je fens ?
Mon efprit étonné s'égare ;
Un charme inconnu s'en empare ,
Confus , inquiet , agité ,
II. Vol.
A ij Quelle
1264 MERCURE DE FRANCE
Quelle Divinité puiſſante
Me frappe , me ravit , m'enchante ?
Eft-ce toi , charmante Beauté ? ´
Mais qui pourroit te méconnoître.
Qui peut fe méprendre à ces traits ?
Déeffe , tu n'as qu'à paroître ,
Tout cede à tes divins attraits ;
Oui , l'Univers te rend hommage ;
On admire en toi i'affemblage
Des plus rares préfens des Dieux ,
Tout eft fous leur obéiffance ;
Mais tout l'éclat de leur puiffance
Cede à celui de deux beaux yeux,
Autrefois épris de tes charmes
On vit ces Maîtres des mortels
Te rendant à l'envi les armes
Venir encenſer tes Autels.-
›
En Satyre pour Antiope , *
En Taureau pour la belle Europe
On vit Jupiter fe changer ;
Bacchus d'un Raifin prend la forme ,
Neptune en Dauphin fe transforme
,
Le beau Phoebus devient Berger.
* Métamorphofe
d'Ovide . Liv. 7.
Mais II. Vol
JUIN. 1730 .
1265
Mais c'eft pea , du plus infenfible
Tu peux diffiper la froideur ;
De l'ennemi le plus terrible
Tu fçais défarmer la fureur ;
En calme tu changes l'orage ;
·Tu domptes le plus fier courage ;
Tu changes la haine en amour ;
Tu furmontes tous les obftacles;
Et pour enfanter des miracles ,
Tu n'as qu'à te montrer au jour.
L'Amour , ce fier Tyran qui brave
Le pouvoir des Dieux & des Rois ,
Devient lui-même ton Eſclave ;
Pfiché l'a foumis à tes Loix; '
Si tu ne lui prêtois des charmes
Ses traits feroient de vaines armes
Ils ne pourroient rien enflamer
Il faut du moins ton apparence
Pour faire pancher la balance
Vers l'objet dont il veut charmer.
De même qu'une fleur nouvelle
Qu'un Printems voit naître & mourir ,
On apperçoit dans la plus belle
Ton brillant éclat ſe flétrir .
Le tems qui n'épargne perfonne
II. Vol. A iij De
1266 MERCURE DE FRANCE
De fa cruelle faux moiffonne
Sans égard , tes Roſes , tes Lys ;
Mais fon inexorable rage
En penfant te faire un outrage
De tes dons augmente le prix.
Les Ris , les Graces , la Jeuneffe
Accompagnent par tout tes pas ;
Les plaifirs te fuivent ſans ceffe ,
Il n'en eft point où tu n'es pas ;
De fes Héros , Déeffe aimable ,
Tout l'Univers t'eft redevable ,
Il te doit leurs faits glorieux ;
Hercule eut Jupiter pour pere ;
Mais fans les attraits de fa mere
Auroit- il merité les Cieux ?
Grands Dieux ! quels cris fe font entendre !
Qu'apperçois -je de toutes parts !
Une Ville réduite en cendre
Vient de s'offrir à mes regards ;
Je frémis ! qui le pourroit croire
Décffe , on l'immole à ta gloire ,
C'est pour poffeder tes appas :
Oui l'on voit la fuperbe Troye
A la fureur des Grecs en proye
Pour l'Epoufe de Menelas.
I I. Vol.
Mais
JUIN. 1730. 1267
Mais infenfe , qu'ofai - je faire ?
Quel vain eſpoir peut me flater ?
Beauté , quelle ardeur temeraire
M'engage à vouloir te chanter ?
Ta vûë en dit plus que ma Lyre ,
Et malgré le feu qui m'infpire
Je peins mal tes divins attraits.
Heureux , pour prix d'un foible hommage ,
Si tu daignois fur mòn Ouvrage
Répandre quelqu'un de tes traits.
ParM. Richa rd de Ruffey , de Dijon.
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Résumé : LA BEAUTÉ ODE.
Le poème 'La Beauté', publié dans le Mercure de France en juin 1730, exalte la beauté, personnifiée et divinisée par l'auteur. La beauté est décrite comme une puissance capable de charmer et de dominer tous les êtres, y compris les dieux. Jupiter, Bacchus, Neptune et Apollon se transforment pour séduire des mortels, illustrant ainsi son pouvoir irrésistible. La beauté peut apaiser la colère, transformer la haine en amour et surmonter tous les obstacles. Cependant, elle est éphémère, comparable à une fleur printanière. Malgré sa fugacité, elle est associée à des rires, des grâces et à la jeunesse, et inspire des plaisirs constants. L'auteur mentionne la destruction de Troie pour Hélène, soulignant que même les villes peuvent être sacrifiées pour la beauté. Il conclut en exprimant son admiration et son désir de chanter la beauté, tout en reconnaissant l'impuissance de ses mots à capturer pleinement ses charmes divins.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1267-1269
RÉPONSE de l'Auteur de Marseille Sçavante &c. à la Lettre qui lui a été écrite de Provence le premier Fevrier 1729.
Début :
Je fais, Monsieur, tout le cas possible de vos Reflexions sur la Lettre qui est [...]
Mots clefs :
Savants, Beaux-arts
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE de l'Auteur de Marseille Sçavante &c. à la Lettre qui lui a été écrite de Provence le premier Fevrier 1729.
REPONSE de l'Auteur de Marſeille
Sçavante &c. à la Lettre qui lui a été
écrite de Provence le premier Fevrier
1729.
Jde vos
E fais , Monfieur , tout le cas poffible
de vos Reflexions fur la Lettre qui eft
imprimée dans le Mercure de Françe
intitulée Marseille Sçavante &c. J'aurois
pû , il eft vrai , donner plus d'étenduë
aux differens articles qui la compofent,
& augmenter même le nombre de ces articles
, fur-tout à l'égard des Sçavans modernes
; mais un Livre entier auroit à
peine fuffi pour executer un Plan plus
vafte , & j'ai entrepris d'écrire feulement
II. Vol.
Aiiij une
1268 MERCURE DE FRANCE
une Lettre , dans la vûë que j'ai eu ſoin
d'expofer au commencement de la même
Lettre. Je me fuis cependant refervé ,
comme vous fçavez , la liberté de reparer
par un Supplément les omiffions effentielles
que je puis avoir faites , faute d'avoir
connu quelques Marfeillois Sçavans,
ou leurs Ouvrages , & de corriger les
fautes qui me feront échapées.
Mais avant que d'en venir là
me permettrez , Monfieur , de pourfuivre
mon deffein , & de mettre à la fuite des.
Auteurs Marfeillois les noms & les Ouvrages
de ceux de nos Compatriotes qui
ont cultivé les beaux Arts , fur- tout les
Arts utiles & qui y ont excellé. C'eſt ,
comme je l'ai déja dit , ce qui doit faire
la feconde Partie de Marseille Sçavante.
Vous
Cependant j'ai fait attention à ce que
vous m'écrivez , qu'il y a plufieurs Marfeillois
qui fans avoir été ni fçavans , ni
habiles dans les Arts fe font fait une grande
réputation par d'autres voyes ; fur
quoi vous me citez plufieurs perfonnages
illuftres qui font , dites vous , trèsdignes
d'exercer la plume d'un homme
de Lettres. Je conviens avec vous , Monfieur
, de cette verité ; mais je ne conviens
pas que cela puiffe regarder , fi ce n'eft
indirectement , mon premier deffein , &
le motif que j'ai eu en écrivant ce que
II. Vel.. VOUS
JUIN. 1730. 1269
vous avez vû dans le Mercure.Pour donner
cependant quelque chofe à vos idées qui
font toujours juftes , fans m'engager autrement
dans l'entrepriſe que vous m'indiquez
, j'ai choifi entre les fujets que vous
nommez, celui qu'il me convient le plus de
traiter , & dont j'ai le plus de connoiffance.
J'ai fait là - deffus un effai que je vous
adreffe avec ma Réponse ; je fouhaite que
vous en foyez content , & de trouver
fouvent les occafions de vous marquer à
quel point je fuis , Monfieur &c .
Sçavante &c. à la Lettre qui lui a été
écrite de Provence le premier Fevrier
1729.
Jde vos
E fais , Monfieur , tout le cas poffible
de vos Reflexions fur la Lettre qui eft
imprimée dans le Mercure de Françe
intitulée Marseille Sçavante &c. J'aurois
pû , il eft vrai , donner plus d'étenduë
aux differens articles qui la compofent,
& augmenter même le nombre de ces articles
, fur-tout à l'égard des Sçavans modernes
; mais un Livre entier auroit à
peine fuffi pour executer un Plan plus
vafte , & j'ai entrepris d'écrire feulement
II. Vol.
Aiiij une
1268 MERCURE DE FRANCE
une Lettre , dans la vûë que j'ai eu ſoin
d'expofer au commencement de la même
Lettre. Je me fuis cependant refervé ,
comme vous fçavez , la liberté de reparer
par un Supplément les omiffions effentielles
que je puis avoir faites , faute d'avoir
connu quelques Marfeillois Sçavans,
ou leurs Ouvrages , & de corriger les
fautes qui me feront échapées.
Mais avant que d'en venir là
me permettrez , Monfieur , de pourfuivre
mon deffein , & de mettre à la fuite des.
Auteurs Marfeillois les noms & les Ouvrages
de ceux de nos Compatriotes qui
ont cultivé les beaux Arts , fur- tout les
Arts utiles & qui y ont excellé. C'eſt ,
comme je l'ai déja dit , ce qui doit faire
la feconde Partie de Marseille Sçavante.
Vous
Cependant j'ai fait attention à ce que
vous m'écrivez , qu'il y a plufieurs Marfeillois
qui fans avoir été ni fçavans , ni
habiles dans les Arts fe font fait une grande
réputation par d'autres voyes ; fur
quoi vous me citez plufieurs perfonnages
illuftres qui font , dites vous , trèsdignes
d'exercer la plume d'un homme
de Lettres. Je conviens avec vous , Monfieur
, de cette verité ; mais je ne conviens
pas que cela puiffe regarder , fi ce n'eft
indirectement , mon premier deffein , &
le motif que j'ai eu en écrivant ce que
II. Vel.. VOUS
JUIN. 1730. 1269
vous avez vû dans le Mercure.Pour donner
cependant quelque chofe à vos idées qui
font toujours juftes , fans m'engager autrement
dans l'entrepriſe que vous m'indiquez
, j'ai choifi entre les fujets que vous
nommez, celui qu'il me convient le plus de
traiter , & dont j'ai le plus de connoiffance.
J'ai fait là - deffus un effai que je vous
adreffe avec ma Réponse ; je fouhaite que
vous en foyez content , & de trouver
fouvent les occafions de vous marquer à
quel point je fuis , Monfieur &c .
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Résumé : RÉPONSE de l'Auteur de Marseille Sçavante &c. à la Lettre qui lui a été écrite de Provence le premier Fevrier 1729.
L'auteur de Marseille répond à une lettre du 1er février 1729 concernant la publication 'Marseille Sçavante' dans le Mercure de France. Il reconnaît la pertinence des réflexions de son correspondant mais explique que des contraintes de place l'ont empêché de développer davantage les articles ou d'inclure plus de savants modernes. Il envisage de publier un supplément pour corriger les omissions et les erreurs. L'auteur souhaite poursuivre son objectif initial de lister les noms et les œuvres des Marseillais ayant excellé dans les beaux-arts et les arts utiles. Il note que certains Marseillais se sont distingués par d'autres voies que la science ou les arts et méritent également d'être mentionnés. Cependant, il choisit de traiter un sujet spécifique pour lequel il a une meilleure connaissance. Il envoie un essai sur ce sujet avec sa réponse, espérant que son correspondant en sera satisfait.
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3
p. 1269-1286
ELOGE de M. Baron, Consul de France en Syrie, puis Directeur General du Commerce aux Indes Orientales, adressé à M. de ....
Début :
Rendre à la mémoire des hommes vertueux ce qui lui est dû, proposer [...]
Mots clefs :
Consul de France, Commerce, Indes orientales, Syrie, Marchands, Constantinople, Égypte, Voyage, Roi, Consulat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELOGE de M. Baron, Consul de France en Syrie, puis Directeur General du Commerce aux Indes Orientales, adressé à M. de ....
ELOG E de M. Baron , Conful de France
en Syrie , puis Direcleur General du
Commerce aux Indes Orientales , adreſſe
à M. de
R
....
Endre à la mémoire des hommes
vertueux ce qui lui eft dû , propo--
fer leur exemple à la Pofterité , en donnant
un abregé de leur vie , c'eft , Monfieur
, une action de Juftice , un hommage
rendu au vrai mérite , & un foin qui
tourne à l'utilité publique . Ainfi , quʊique
M. Baron foit mort depuis plufieurs
années , & qu'après le decès de M. J. Bap
tifte Baron fon neveu , Chevalier de l'Or
dre de S. Jean de Jerufalem , Comman--
deur d'Efpagnac , arrivé le 20. Novembre
il ne reste plus perfonne en France
1724.
II. Vol.
A y de
1270 MERCURE DE FRANCE
de cette vertueufe famille , je ne fais point
difficulté d'entreprendre de vous marquer
ici les principales circonftances de fa vie..
François Baron nâquit à Marſeille le 4 ..
Novembre 16 20. d'une ancienne famille
de la même Ville qui étoit originaire de
Cofme dans le Duché de Milan . Après
avoir fait fes Etudes & fes Exercices , il
entra dans le monde , & fe fit confiderer
par fes manieres polies & par le carac
tere d'une exacte probité.
Quelque tems après , il forma le deffein
de voyager ; après avoir vû une partie de
l'Italie , & féjourné particulierement à la
Cour de Turin , il paffa en Egypte ; c'étoit
dans le tems de la rupture des Turcs avec
la République de Venife , & durant le
Siege de Candie. Cependant il y avoit
encore au Caire un Conful & plufieurs
Marchands Venitiens , aufquels le Pacha
de cette Ville fit plus qu'une avanie Turque
car après leur avoir fuppofé des intelligences
criminelles avec les Affiegés
de Candie , il les fit mettre aux fers , &
enfuite d'une courte procedure , il les
condamna tous à la mort , ce qui empor-.
toit la confifcation de leurs effets dont il
s'empara d'abord.
Dans cette extremité , les Venitiens eurent
recours à M. Baron qu'ils fçavoient
être fort confideré du Pacha . Il s'employa
II. Vol. effiJUIN.
1730. 1271'
efficacement pour eux , & il obtint enfin
leur délivrance , moyennant une fomme
dont on convint en argent comptant . Les
Venitiens n'en pouvoient pas trouver à
caufe de la faifie de leurs effets , & ils
reftoient toûjours dans les fers , lorfque
M. Baron , par un excès de cette generofité
qui lui a toûjours été naturelle , prêta
lui- même la fomme en queftion , qui étoit
d'environ cinq mille Piaftres , dont il emprunta
une bonne partie de divers Marchands
, au moyen de quoi les Venitiens
furent tous élargis , & déchargés de l'accufation
.
Il eſt preſque inutile d'ajoûter que pour
la fûreté des deniers prêtés , le Sieur
Marco Zen , Conful de Veniſe au Caire ,
paffa en cette qualité , & au nom de fa
Nation le 3. May 1657. une obligation
en bonne forme en faveur de M. Baron
de la fomme prêtée , payable dans une
année , avec ftipulation d'interêts faute
de rembourſement paffé ledit terme
; l'Obligation fut enregistrée en la
Chancellerie du Confulat de France le 10 .
Novembre 1657. fuivant l'Expedition
autentique qui eft dans mes Mémoires .
Mais ce que la Pofterité aura de la peine
à croire , & ce qui eft cependant bien
certain , c'eft qu'un fervice fi fignalé fut
payé d'une ingratitude qui dure encore,
II. Vol. A vj
car
1272 MERCURE DE FRANCE
car jamais M. Baron ni fes heritiers n'ont
pû être payés de cette Obligation .
le
Il prêta auffi de les deniers, deux années :
après ,deux mille fix cent Piaftres pour une
moindre avanie faite aux * Harbis
par
même Pacha , dont il ne put être remboursé
avant fon départ d'Egypte , ce
qui eft encore tourné en pure perte. Peu
de tems après , & dans la même année
1659. M. Baron fut député à la Cour par
M. de Bermond Conful , & par le Corps
de la Nation Françoife établie au Caire ,
pour des affaires importantes , concernant
le commerce de cette Echelle ; ce qu'il
accepta au préjudice de fes propres affai--
res & du recouvrement de fes deniers.
Nos Marchands d'Egypte eurent toutlieu
de fe louer de cette députation , après
laquelle M. Baron revint à Marſeille , où
il fe lia d'une étroite amitié avec Gafpar
de Glandevez , Seigneur de Niozelles ;
ce Gentilhomme des plus qualifiés de la
Province , fut accufé d'être le principal
Auteur des troubles qui agitoient alors
la Ville de Marfeille , & le Roi étant venu
en Provence pour y remedier , fon Procès
Harbis , nom Arabe , qui fignifie , en un cer--
tainfens , Etranger , par lequel on entend tous
les:Marchands Européens qui réfident en Egyp
te, & qui n'y ont aucun Conful de leur Na-
11. Vol. lui
JUIN. 1730. 1273
›
fui fut fait avec la derniere rigueur , en--
forte qu'après la condamnation & fa retraite
tous les amis fe trouverent embaraffés
. M. Baron, quoique perfuadé de l'in--
nocence de M. de Niozelles , & encore
plus de la fienne , crut fe devoir quelque
précaution , & quitta cette Ville pour
un tems .
Cependant tout le monde lui rendit juk
tice , & en l'année 1661. le Roi informé
de fon mérite & de fa capacité lui fit
l'honneur de le nommer au Confulat d'Alep
, l'un des plus importans de tout le
Levant, & qui comprenoit alors , outre la
plus grande partie de la Syrie , la Caramanie
& les Echelles de Tripoly & de Chipre
, dont les Vice-Confuls lui étoient
fubordonnés. Le Conful d'Alep étoit auffi
Conful , avec l'agrément du Roi , des
Hollandois établis en cette Echelle . Le
Commerce des François à Alep avoit be--
foin d'un Conful de ce caractere ; il étoit
prefque ruiné par les abus qui s'y étoient
introduits & par l'avidité des Gouver
neurs, qui, contre la difpofition des Traités
, exigeoient des droits injuftes , opprimoient
, au lieu de proteger les Mar--
chands .
M. Picquet , qui depuis a été Evêque
de Babilone , étoit alors Conful dAlep ,
& devoit ceder fa place à M. Baron .
II. Vol. Après
#274 MERCURE DE FRANCE
Après avoir conferé enſemble fur l'Etat
du Commerce & fur les moyens de le rétablir
, on n'en trouva pas de plus affuré
que celui de prier le nouveau Conful de
faire avant toutes chofes , fous le bon plaifir
du Roi , un voyage à Conftantinople,
pour obtenir du Grand - Seigneur les commandemens
& les ordres neceffaires pour
ce rétabliffement.
M. Baron toûjours prêt à faire le bien
au préjudice même de fes interêts , entreprit
ce long voyage à fes dépens . Il confera
utilement avec M. de la Haye , Ambaffadeur
de France , de qui il fe fit confiderer
, & négocia fi heureuſement avec
le fameux Vizir Cupruli , qui ne put lui
-refufer fon eftime , qu'il obtint tout ce
qu'il demanda. Il revint à Alep , chargé
d'un Catacherif ou Commandement Imperial
qui fit bientôt changer de face au
Commerce de Syrie , qui fert encore de
regle , & qui met un frein à l'avarice infatiable
des Gouverneurs. L'un des Arti--
cles les plus importans , étoit la fupreffion
des interêts anciens des dettes de la Na--
-tion Françoise de Seyde , qui montoient™
à plus de dix huit mille Piaftres par an ,
& qui furent éteint pour toûjours.
Une année s'étoit à peine écoulée , que
M. Colbert , parvenu au Miniftere après
la mort du Cardinal Mazarin , & ayant
II. Vol
de
JUIN. 1730. 1275
›
de grandes vûës pour l'augmentation du
Commerce du Levant , fut bien aife de
confulter M. Baron fur ce fujet ; il lui
envoya pour cela , fur la fin de l'année
1662. un ordre du Roi conçû en ces termes.
» Cher & bien amé. Defirant être in-
» formé par votre bouche de l'Etat dus
» Commerce qui s'exerce par nos Sujets
» en l'étendue de votre Confulat , pour
» y pourvoir felon les befoins & l'amélio-
» rer par les voyes qui feront jugées les
»plus convenables nous vous faifons
>> cette Lettre pour vous dire qu'auffi tôt
» que vous l'aurez reçûë vous ayez à vous
» rendre auprès de nous , après toutefois
» avoir établi le Sieur Pierre Baron votre
» frere pour exercer votre Charge pen--
>> dant votre abfence , & mis fi bon ordre
» aux affaires dudit Confulat qu'elle ne
» leur puiffe être d'aucun préjudice ; &
» comme il ne feroit pas jufte que vous
faifant venir pour l'interêt general du
» Commerce , les frais de votre voyage
tombaffent fur vous , nous entendons
» que toute la Nation les fupporte , puifnous
ne vous le faifons entreprenque
» dre que pour le bien & l'avantage de
fon négoce ; n'y faites donc faute. Car
tel eft notre plaifir , Donné à Paris le
2-13 . d'Octobre 1662. figné Louis &c. &
30
>>
"
II Vol.
av
1276 MERCURE DE FRANCE
>
» au dos eft écrit : A notre cher & bien
» amé , le Sieur Baron , Conful de la Nation
Françoife à Alep.
Mes Mémoires ne portent aucune cirtance
particuliere fur l'execution de
cet ordre du Roi ; mais ils marquent indirectement
que; Sa Majefté en fut fatisfaite
, & que le Miniftre fut confirmé dans
l'opinion avantageufe qu'il avoit déja de
M. Baron , lequel exerça pendant neuf
années confécutives le Confulat d'Alep ,
avec beaucoup de dignité & d'utilité pour
le Commerce de la Nation ; ce Commerce
fut fi floriffant que les Droits de Confulat
pour ces neuf années fe monterent à la
fomme de quatre vingt dix mille Piaftres.
Comme il avoit un grand fond de Religion
& de pieté , il ſe déclara d'abord le
protecteur & le pere de tous les Miffionnaires
de l'Orient , qui trouverent nonfeulement
un azile dans fa maiſon , mais
fouvent des reffources folides dans les
conjonctures fâcheufes qui n'arrivent que
trop fouvent dans le Pays des Infideles .
Il avoit la même attention pour les Prélats
, les Ecclefiaftiques & tous les Chré--
tiens du Pays qui n'étoient point féparés
de l'Eglife Romaine par le Schifme ou par
des erreurs . condamnées ; & il n'oublioit
rien pour attirer ceux qui avoient le
malheur d'être nés dans cette féparation.
- II. Vol.
Sa
JUIN. 1730. 1277
>
Sa charité fans bornes & fans diftinction
des Sujets n'étoit jamais épuifée , quoique
fes facultés le fuffent quelquefois en donnant
comme il faifoit de toutes mains
;
alors , en attendant d'autres reffources, il
donnoit jufqu'à fes meubles & fes propres
habits. Le P. Jofeph Beffon , Miffionnaire
de la Compagnie de Jefus en Syrie , étant
allé un jour lui repréfenter le danger évident
où fe trouvoit une jeune fille Maronite
auffi belle qquuee ppaauuvvrree ,, recherchée
par un Turc de confideration , faute de
quelque argent pour la mettre en fûreté
en l'envoyant chez fes parens du Mont
Liban ; le pieux Conful ſe trouvant alors
dépourvû d'argent , dépouilla fa Robe
Confulaire , qui étoit d'une belle écarlate,
doublée d'une fourrure de prix , & la
donna au Miffionnaire , qui touché d'une
telle action la déclara hautement , & fit
enforte avec un neveu de M. Baron que
l'argent en queftion fur trouvé ſur le cré-
' dit du Conful , & la fille Maronite fauvée.
Je me contente de ce trait entre plufieurs
autres qui font venus à ma connoiffance ,
& dont on parle encore dans là Ville d'Alep.
Je tiens celui ci de M. Feau que j'ai
vû deux fois dans l'Ile de Chypre , où il
eft mort Conful , lequel étoit fils d'une
foeur de M. Baron , & ne l'avoit prefque
jamais quitté durant fon Confulat d'Alep.
IL Vol.. C'eft:
7278 MERCURE DE FRANCE
>
C'eſt de ce même M. Feau que je tiens le
beau Portrait de notre illuftre Conful
que vous avez vû dans mon Cabinet , &
qu'il me remit à Chypre en l'année 1688 .
Il fut peint à Alep par un habile Flamand
que M. Baron avoit logé chez lui par eftime
& par courtoisie.
A l'égard de ce que j'ai dit , Monfieur,
de fon attention à proteger la Religion ,
& à bien traiter les Prélats & tous les
Ouvriers Evangeliques , je le trouve
confirmé par des Actes de la Congrégation
de la Propagande qui honorent fa
mémoire , & ces Actes font eux mêmes.
confirmés par un Bref du Pape Clement
IX. écrit au Roi en faveur de M. Baron;
vous ferez , fans doute , bien aife de le
trouver ici.
CHARISSIMO IN CHRISTO FILIO
NOSTRO ,
LUDOVICO , FRANCORUM REGI
CHRISTIANISSIMO.
CLEMENS PAPA IX.
CHARISSIME IN CHRISTO FILI NOSTER :
SALUTEM : Inclita pietati ac benefi
centia Majeftatis tuæ , non minus quàmgloria
per gratas accidere palam eft occafiones
omnes , fefe longè latèque per univerfum or-
II. Vol bem
JUIN. 1730. 1279
bem extendendi ; ubi præfertim non folum de
privatis hominum utilitatibus augendis , verum
etiam de publici boni , & vel maximè
fidei Chriftiane rationibus juvandis, ac provehendis
agatur. Quapropter accuratè, acfidenter
ei commendamus Francifcum Baronium
, eo die Nationis Francorum in Civitate
Aleppi Confulem , qui profecto , ut omni
fide digni viri, ac potiffimum Apoftolici Miffionarii
teftantur , quaftudio , folertia , Confiliis
, quà propriis etiam impenfis , cunctis
in Afia fanita Religionis vel confervanda ,
vel propaganda rebus per plures jam annos
efficaciter incumbit ; adeò ut fedulitas ejus
domus omnium in vineâ domini laborantium
neceffitatibus , commodis in Partibus
illis communiter pateant , hac Majef
tati tuæ non ignota effe , fufficere arbitramur
, ut eum dignum exiftimet , quem opportunè
regio beneficio aliquo donet : Cum prafertim
premium tam infigni virtuti tributum,
aliorum complurium charitatem acuere & inflammare
poffit ad eum imitandum , ingenti
multis in Regionibus fidei Chriftiana bono.
Ceterum officia Pontificia Ven. Fr. Archiepifcopus
Thebarum Nuncius nofter explicabit.
Nos Majeftati tuæ ex intimis animi paterni
fenfibus amantiffime benedicimus . ĎATUM
ROME, apud S. Mariam Majorem
fub annulo Pifcatoris . Die xxiv .
Augufti 1669. Pontificatûs noftri anno
III. M.
#280 MERCURE DE FRANCE
•
C.
M. Baron a encore fervi l'Eglife dans
une conjoncture ' importante & particuliere.
Vous fçavez ; Monfieur , qu'environ
dans ce tems - là Antoine Arnauld
Docteur de Sorbone , entreprit dans fon
grand Ouvrage ( a ) de la Perpetuité de la
Foy, & c. de prouver aux Novateurs, que
I'Eglife Orientale avoit toujours cru &
croit encore aujourd'hui , ce que croit
l'Eglife Latine fur la Tranfubftantiation
dans le Sacrement de l'Euchariftie , & c.
Ce qui ne fe pouvoit faire avec plus de
folidité & plus defuccès qu'en rapportant
les témoignages juridiques des principales
Eglifes fur ce point important. M. de
Nointel , alors Ambaffadeur à la Porte , fet
chargea de ce qui concernoit l'Eglife Patriarchale
de Conftantinople ; & M. Baron
, travailla de fon côté à fe rendre bien
certain de la Doctrine de toutes les Eglifes
Syriennes , fur le même point , ce qui
demandoit beaucoup de foin , d'applica
tion & de difcernement.
C'est par ce moyen qu'on voit dans le
premier volume de la Perpetuité de la
Foy , Liv. XII . page 82. deux Atteftations
autentiques ; fçavoir , l'une du Patriar-
( a ) La Perpetuité de la Foy de l'Eglife Catholique
, touchant l'Euchariftie, deffendue contre
le fieur Claude, Miniftre de Charenton.3.vol
in 4. Paris 1669. dédié au Pape Clement 1X.
II. Vol. che
JUIN. 1730. 1281
che , des Evêques & de plufieurs Prêtres
Arméniens , réfidens à Alep , de la créance
de cette Eglife fur l'Euchariſtie ; elle
eft dattée du premier Mars r117 . felon
L'Epoque des Arméniens , qui répond à'
l'année 1668. des Latins, traduite de l'Arménien
en Latin , ſouſcrite par les Prélats
y dénommez , & légalifée le même jour'
par M. Baron , qui affirme & attefte que
les Sceaux & les Seings qu'on y voit ont
été mis en fa préfence par les mêmes perfonnes.
L'autre Atteftation eft du Patriarche
des Syriens fur la créance de fon Egli
fe . Elle eft pareillement foufcrite de ce
Patriarche & de plufieurs Evêques , Prêtres
& Moines Syriens , & enfin renduë
autentique par la légaliſation du même
Conful.
Les Originaux de ces deux atteftations
qui font autant de Profeffions de Foy ,
écrits dans la Langue & dans les propres
caracteres de chaque Nation , fe trouvent
parmi les autres Originaux de cette efpece
dans le dépôt general qui en fut
fait à la Biblioteque de l'Abbaye S. Germain
des Prez , le 29 Septembre 1668 , &
le 7 Aouft 1670. fuivant le Procès verbal
latin qui eft à la tête de ce Recueil . Lex
Procès verbal eft foufcrit par M. (a) Jan-
(a ) M. Jannon étoit un Ecclefiaftique fort
zélé pour la Religion , & particulierement lié
II. Vol.
non
1282 MERCURE DE FRANCE.
non , Prêtre & Chanoine de S. Juft de
Lyon , par le R. P. General des Benedictins
de S. Maur , & fes Affiftans , par le
P. Prieur de S. Germain , par le Bibliotequaire
en chef, par Dom Luc d'Achery .
& par d'autresSçavans de la mêmeMaifon;
il eft enfin figné par deux Notaires Apoftoliques.
>-
Il y a dans le même Dépôt la Profef
fion de Foy originale , auffi légalifée par
M. Baron , le 4 Juin 1668. du Čuré Néophile
, Vicaire General de Macaire , Patriarche
Grec d'Antioche,foufcrite par lui
& par les principaux Curez & Prêtres du
Patriarchat.
M.Arnauld n'a point employé cette piéce
dans fon Livre de la Perpetuité de la
Foy. Peut-être lui arriva- t - elle trop tard.
Je ne dis rien des Profeffions de Foy
envoyées par M. de Nointel ; concernant
le Patriarchat de Conftantinople , qui
font partie du même Dépôt. Le tout enfemble
fait un des plus curieux Monumens
qu'on puiffe trouver en ce genre ;
j'ay eu le ppllaaiiffiirr ddee vvooiirr toutes
piéces à cette occafion.
ces
Entre celles qui m'ont parû mériter le
plus d'attention , j'ai diftingué les Actes,
avec M. Picquet & M. Arnauld, Il avoit recen
ces Originaux du Levant , & les depofa de la
maniere qu'il eft dit dans le Procès Verbal.
II. Vol. Origi
JUIN. 1730. 1288
Originaux, en grand nombre , du Métropolitain
Elie , Chef de l'Eglife Neftorienne
de ( a ) Diarbek , énoncez en Langue
Arabe , & écrits en caracteres Syriaques..
Ce précieux Recueil enfin contenu dans
deux gros volumes in-folio , prefente par
ta diverfité des Langues & des Caracte
res une refpectable variété , & mérite l'at
tention particuliere que les Sçavans Dépofitaires
ont pour fa confervation .
Sur la fin de l'année 1670. M. Colbert
qui honoroit M. Baron d'une eftime particuliere
& qui étoit tres- fatisfait des changemens
favorables arrivez au Commerce
de Syrie pendant fon Confulat , le propofa
au Roy comme un fujet propre à rétablir
& à faire fleurir celui de la Compagnie
des Indes Orientales ; & en conféquence
des Ordres de S. M. Mr Baron:
toujours prêt à obéir & à fe livrer au
bien public , partit d'Alep dans le courant
de l'année 1671. pour fe rendre à
Surate, lieu de la réfidence du Directeur
General du Commerce de France , & de
l'établiffement du principal Comptoir de
la Compagnie.
On ne fçauroit exprimer le regret
qu'on eut de le perdre à Alep. Le Procès
verbal de l'Affemblée de la Nation , tenuë
(a) Ville & Pays fituex dans l'ancienne
Mésopotamie
II. Vol. fur
1284 MERCURE DE FRANCE
fur ce fujet le 11. Janvier 1671 , dont
j'ai une Expédition en forme , apprend
là deffus quelques circonftances qu'il eft
bon de ne pas omettre .
M. du Pont , qui préfidoit à l'Affemblée
, en qualité de nouveau Conful d'Alep
, y fait l'éloge de M. Baron , puis il
propofe de déliberer fur deux Chefs. Le
premier , fur le prefent ou la gratification
ordinaire qui eſt dûë aux Confuls à
la fin de leur Charge , alléguant pour
exemple le plus recent celui de Mr.
Piquet , qui avoit reçû mille Piaftres de
gratification , quoique fon Confulat eût
été beaucoup moins long.
Le fecond Chef rouloit fur un rembourſement
de 519 Piaftres , données par
M. Baron de fes propres deniers , pour
terminer la malheureuſe affaire de deux
jeunes François , nommez dans l'Acte ,
que leur libertinage fit tomber entre les
mains du Sous- Bachi ou Officier du Guet,
dans un lieu de débauche , lequel les traita
avec la derniere rigueur , & prétendit
qu'il ne pouvoit les délivrer qu'en fe
faifant Mahometans , & c.
Sur quoi , dit l'Acte que je viens de
citer , lefdits Sieurs Affemblez , ont dit &
déliberé ;
ود
que
Que quelque reconnoiffance la
»Nation puiffe accorder àmondit fieur
II. Vol.
le
JUIN. 1730. 1285
» le Conful Baron , étant au deffous de ce
» qu'elle lui doit , pour le grand zele &
» le grand amour avec lequel il a agi
» pendant tout le tems de fon exercice ,
» & pour les fommes qu'il peut avoir
» fournies pour ladite Nation , dont il n'a
» pas été remboursé , qu'ils fe fentent
>> obligez de manifefter cette verité, & de
» prier M" les Echevins & Députez du-
>> Commerce de la Ville de Marfeille , de
» la lui donner auffi avantageuſe, qu'il l'a
» méritée fa bonne adminiftration &
par
» conduites ou fupplier tres-humblement
» Sa Majefté de lui accorder icelle.En foy
dequoi , &c. Signé Dupont Conful , Truillard
& Vitalis , Deputez de la Nation.
S. Jacques , Cheillan , Gardane , Gleize ,
Foreft , Bazan , Etienne , Marchands
François & Feris , Chancelier , Secretaire
du Confulat d'Alep. A côté eft le grand
Sceau du Conful ou l'Ecu des armes de
France , & c.
Ce font là , Monfieur , les belles difpofitions
, enfuite defquelles M.Baron partit
d'Alep pour les Indes , & qui lui ont tenu
lieu de réalité ; car il n'a jamais rien reçû
en confequence de cette déliberation ; fon
éloignement , fon efprit défintereffé , les
difficultez ou le peu de difpofition de la
part de ceux qui devoient effectuer ,
II. Vol. B ont
1236 MERCURE DE FRANCE
ont toujours été des obftacles plus que
fuffifans.
La fuite paroîtra dans le Mercure prochain.
en Syrie , puis Direcleur General du
Commerce aux Indes Orientales , adreſſe
à M. de
R
....
Endre à la mémoire des hommes
vertueux ce qui lui eft dû , propo--
fer leur exemple à la Pofterité , en donnant
un abregé de leur vie , c'eft , Monfieur
, une action de Juftice , un hommage
rendu au vrai mérite , & un foin qui
tourne à l'utilité publique . Ainfi , quʊique
M. Baron foit mort depuis plufieurs
années , & qu'après le decès de M. J. Bap
tifte Baron fon neveu , Chevalier de l'Or
dre de S. Jean de Jerufalem , Comman--
deur d'Efpagnac , arrivé le 20. Novembre
il ne reste plus perfonne en France
1724.
II. Vol.
A y de
1270 MERCURE DE FRANCE
de cette vertueufe famille , je ne fais point
difficulté d'entreprendre de vous marquer
ici les principales circonftances de fa vie..
François Baron nâquit à Marſeille le 4 ..
Novembre 16 20. d'une ancienne famille
de la même Ville qui étoit originaire de
Cofme dans le Duché de Milan . Après
avoir fait fes Etudes & fes Exercices , il
entra dans le monde , & fe fit confiderer
par fes manieres polies & par le carac
tere d'une exacte probité.
Quelque tems après , il forma le deffein
de voyager ; après avoir vû une partie de
l'Italie , & féjourné particulierement à la
Cour de Turin , il paffa en Egypte ; c'étoit
dans le tems de la rupture des Turcs avec
la République de Venife , & durant le
Siege de Candie. Cependant il y avoit
encore au Caire un Conful & plufieurs
Marchands Venitiens , aufquels le Pacha
de cette Ville fit plus qu'une avanie Turque
car après leur avoir fuppofé des intelligences
criminelles avec les Affiegés
de Candie , il les fit mettre aux fers , &
enfuite d'une courte procedure , il les
condamna tous à la mort , ce qui empor-.
toit la confifcation de leurs effets dont il
s'empara d'abord.
Dans cette extremité , les Venitiens eurent
recours à M. Baron qu'ils fçavoient
être fort confideré du Pacha . Il s'employa
II. Vol. effiJUIN.
1730. 1271'
efficacement pour eux , & il obtint enfin
leur délivrance , moyennant une fomme
dont on convint en argent comptant . Les
Venitiens n'en pouvoient pas trouver à
caufe de la faifie de leurs effets , & ils
reftoient toûjours dans les fers , lorfque
M. Baron , par un excès de cette generofité
qui lui a toûjours été naturelle , prêta
lui- même la fomme en queftion , qui étoit
d'environ cinq mille Piaftres , dont il emprunta
une bonne partie de divers Marchands
, au moyen de quoi les Venitiens
furent tous élargis , & déchargés de l'accufation
.
Il eſt preſque inutile d'ajoûter que pour
la fûreté des deniers prêtés , le Sieur
Marco Zen , Conful de Veniſe au Caire ,
paffa en cette qualité , & au nom de fa
Nation le 3. May 1657. une obligation
en bonne forme en faveur de M. Baron
de la fomme prêtée , payable dans une
année , avec ftipulation d'interêts faute
de rembourſement paffé ledit terme
; l'Obligation fut enregistrée en la
Chancellerie du Confulat de France le 10 .
Novembre 1657. fuivant l'Expedition
autentique qui eft dans mes Mémoires .
Mais ce que la Pofterité aura de la peine
à croire , & ce qui eft cependant bien
certain , c'eft qu'un fervice fi fignalé fut
payé d'une ingratitude qui dure encore,
II. Vol. A vj
car
1272 MERCURE DE FRANCE
car jamais M. Baron ni fes heritiers n'ont
pû être payés de cette Obligation .
le
Il prêta auffi de les deniers, deux années :
après ,deux mille fix cent Piaftres pour une
moindre avanie faite aux * Harbis
par
même Pacha , dont il ne put être remboursé
avant fon départ d'Egypte , ce
qui eft encore tourné en pure perte. Peu
de tems après , & dans la même année
1659. M. Baron fut député à la Cour par
M. de Bermond Conful , & par le Corps
de la Nation Françoife établie au Caire ,
pour des affaires importantes , concernant
le commerce de cette Echelle ; ce qu'il
accepta au préjudice de fes propres affai--
res & du recouvrement de fes deniers.
Nos Marchands d'Egypte eurent toutlieu
de fe louer de cette députation , après
laquelle M. Baron revint à Marſeille , où
il fe lia d'une étroite amitié avec Gafpar
de Glandevez , Seigneur de Niozelles ;
ce Gentilhomme des plus qualifiés de la
Province , fut accufé d'être le principal
Auteur des troubles qui agitoient alors
la Ville de Marfeille , & le Roi étant venu
en Provence pour y remedier , fon Procès
Harbis , nom Arabe , qui fignifie , en un cer--
tainfens , Etranger , par lequel on entend tous
les:Marchands Européens qui réfident en Egyp
te, & qui n'y ont aucun Conful de leur Na-
11. Vol. lui
JUIN. 1730. 1273
›
fui fut fait avec la derniere rigueur , en--
forte qu'après la condamnation & fa retraite
tous les amis fe trouverent embaraffés
. M. Baron, quoique perfuadé de l'in--
nocence de M. de Niozelles , & encore
plus de la fienne , crut fe devoir quelque
précaution , & quitta cette Ville pour
un tems .
Cependant tout le monde lui rendit juk
tice , & en l'année 1661. le Roi informé
de fon mérite & de fa capacité lui fit
l'honneur de le nommer au Confulat d'Alep
, l'un des plus importans de tout le
Levant, & qui comprenoit alors , outre la
plus grande partie de la Syrie , la Caramanie
& les Echelles de Tripoly & de Chipre
, dont les Vice-Confuls lui étoient
fubordonnés. Le Conful d'Alep étoit auffi
Conful , avec l'agrément du Roi , des
Hollandois établis en cette Echelle . Le
Commerce des François à Alep avoit be--
foin d'un Conful de ce caractere ; il étoit
prefque ruiné par les abus qui s'y étoient
introduits & par l'avidité des Gouver
neurs, qui, contre la difpofition des Traités
, exigeoient des droits injuftes , opprimoient
, au lieu de proteger les Mar--
chands .
M. Picquet , qui depuis a été Evêque
de Babilone , étoit alors Conful dAlep ,
& devoit ceder fa place à M. Baron .
II. Vol. Après
#274 MERCURE DE FRANCE
Après avoir conferé enſemble fur l'Etat
du Commerce & fur les moyens de le rétablir
, on n'en trouva pas de plus affuré
que celui de prier le nouveau Conful de
faire avant toutes chofes , fous le bon plaifir
du Roi , un voyage à Conftantinople,
pour obtenir du Grand - Seigneur les commandemens
& les ordres neceffaires pour
ce rétabliffement.
M. Baron toûjours prêt à faire le bien
au préjudice même de fes interêts , entreprit
ce long voyage à fes dépens . Il confera
utilement avec M. de la Haye , Ambaffadeur
de France , de qui il fe fit confiderer
, & négocia fi heureuſement avec
le fameux Vizir Cupruli , qui ne put lui
-refufer fon eftime , qu'il obtint tout ce
qu'il demanda. Il revint à Alep , chargé
d'un Catacherif ou Commandement Imperial
qui fit bientôt changer de face au
Commerce de Syrie , qui fert encore de
regle , & qui met un frein à l'avarice infatiable
des Gouverneurs. L'un des Arti--
cles les plus importans , étoit la fupreffion
des interêts anciens des dettes de la Na--
-tion Françoise de Seyde , qui montoient™
à plus de dix huit mille Piaftres par an ,
& qui furent éteint pour toûjours.
Une année s'étoit à peine écoulée , que
M. Colbert , parvenu au Miniftere après
la mort du Cardinal Mazarin , & ayant
II. Vol
de
JUIN. 1730. 1275
›
de grandes vûës pour l'augmentation du
Commerce du Levant , fut bien aife de
confulter M. Baron fur ce fujet ; il lui
envoya pour cela , fur la fin de l'année
1662. un ordre du Roi conçû en ces termes.
» Cher & bien amé. Defirant être in-
» formé par votre bouche de l'Etat dus
» Commerce qui s'exerce par nos Sujets
» en l'étendue de votre Confulat , pour
» y pourvoir felon les befoins & l'amélio-
» rer par les voyes qui feront jugées les
»plus convenables nous vous faifons
>> cette Lettre pour vous dire qu'auffi tôt
» que vous l'aurez reçûë vous ayez à vous
» rendre auprès de nous , après toutefois
» avoir établi le Sieur Pierre Baron votre
» frere pour exercer votre Charge pen--
>> dant votre abfence , & mis fi bon ordre
» aux affaires dudit Confulat qu'elle ne
» leur puiffe être d'aucun préjudice ; &
» comme il ne feroit pas jufte que vous
faifant venir pour l'interêt general du
» Commerce , les frais de votre voyage
tombaffent fur vous , nous entendons
» que toute la Nation les fupporte , puifnous
ne vous le faifons entreprenque
» dre que pour le bien & l'avantage de
fon négoce ; n'y faites donc faute. Car
tel eft notre plaifir , Donné à Paris le
2-13 . d'Octobre 1662. figné Louis &c. &
30
>>
"
II Vol.
av
1276 MERCURE DE FRANCE
>
» au dos eft écrit : A notre cher & bien
» amé , le Sieur Baron , Conful de la Nation
Françoife à Alep.
Mes Mémoires ne portent aucune cirtance
particuliere fur l'execution de
cet ordre du Roi ; mais ils marquent indirectement
que; Sa Majefté en fut fatisfaite
, & que le Miniftre fut confirmé dans
l'opinion avantageufe qu'il avoit déja de
M. Baron , lequel exerça pendant neuf
années confécutives le Confulat d'Alep ,
avec beaucoup de dignité & d'utilité pour
le Commerce de la Nation ; ce Commerce
fut fi floriffant que les Droits de Confulat
pour ces neuf années fe monterent à la
fomme de quatre vingt dix mille Piaftres.
Comme il avoit un grand fond de Religion
& de pieté , il ſe déclara d'abord le
protecteur & le pere de tous les Miffionnaires
de l'Orient , qui trouverent nonfeulement
un azile dans fa maiſon , mais
fouvent des reffources folides dans les
conjonctures fâcheufes qui n'arrivent que
trop fouvent dans le Pays des Infideles .
Il avoit la même attention pour les Prélats
, les Ecclefiaftiques & tous les Chré--
tiens du Pays qui n'étoient point féparés
de l'Eglife Romaine par le Schifme ou par
des erreurs . condamnées ; & il n'oublioit
rien pour attirer ceux qui avoient le
malheur d'être nés dans cette féparation.
- II. Vol.
Sa
JUIN. 1730. 1277
>
Sa charité fans bornes & fans diftinction
des Sujets n'étoit jamais épuifée , quoique
fes facultés le fuffent quelquefois en donnant
comme il faifoit de toutes mains
;
alors , en attendant d'autres reffources, il
donnoit jufqu'à fes meubles & fes propres
habits. Le P. Jofeph Beffon , Miffionnaire
de la Compagnie de Jefus en Syrie , étant
allé un jour lui repréfenter le danger évident
où fe trouvoit une jeune fille Maronite
auffi belle qquuee ppaauuvvrree ,, recherchée
par un Turc de confideration , faute de
quelque argent pour la mettre en fûreté
en l'envoyant chez fes parens du Mont
Liban ; le pieux Conful ſe trouvant alors
dépourvû d'argent , dépouilla fa Robe
Confulaire , qui étoit d'une belle écarlate,
doublée d'une fourrure de prix , & la
donna au Miffionnaire , qui touché d'une
telle action la déclara hautement , & fit
enforte avec un neveu de M. Baron que
l'argent en queftion fur trouvé ſur le cré-
' dit du Conful , & la fille Maronite fauvée.
Je me contente de ce trait entre plufieurs
autres qui font venus à ma connoiffance ,
& dont on parle encore dans là Ville d'Alep.
Je tiens celui ci de M. Feau que j'ai
vû deux fois dans l'Ile de Chypre , où il
eft mort Conful , lequel étoit fils d'une
foeur de M. Baron , & ne l'avoit prefque
jamais quitté durant fon Confulat d'Alep.
IL Vol.. C'eft:
7278 MERCURE DE FRANCE
>
C'eſt de ce même M. Feau que je tiens le
beau Portrait de notre illuftre Conful
que vous avez vû dans mon Cabinet , &
qu'il me remit à Chypre en l'année 1688 .
Il fut peint à Alep par un habile Flamand
que M. Baron avoit logé chez lui par eftime
& par courtoisie.
A l'égard de ce que j'ai dit , Monfieur,
de fon attention à proteger la Religion ,
& à bien traiter les Prélats & tous les
Ouvriers Evangeliques , je le trouve
confirmé par des Actes de la Congrégation
de la Propagande qui honorent fa
mémoire , & ces Actes font eux mêmes.
confirmés par un Bref du Pape Clement
IX. écrit au Roi en faveur de M. Baron;
vous ferez , fans doute , bien aife de le
trouver ici.
CHARISSIMO IN CHRISTO FILIO
NOSTRO ,
LUDOVICO , FRANCORUM REGI
CHRISTIANISSIMO.
CLEMENS PAPA IX.
CHARISSIME IN CHRISTO FILI NOSTER :
SALUTEM : Inclita pietati ac benefi
centia Majeftatis tuæ , non minus quàmgloria
per gratas accidere palam eft occafiones
omnes , fefe longè latèque per univerfum or-
II. Vol bem
JUIN. 1730. 1279
bem extendendi ; ubi præfertim non folum de
privatis hominum utilitatibus augendis , verum
etiam de publici boni , & vel maximè
fidei Chriftiane rationibus juvandis, ac provehendis
agatur. Quapropter accuratè, acfidenter
ei commendamus Francifcum Baronium
, eo die Nationis Francorum in Civitate
Aleppi Confulem , qui profecto , ut omni
fide digni viri, ac potiffimum Apoftolici Miffionarii
teftantur , quaftudio , folertia , Confiliis
, quà propriis etiam impenfis , cunctis
in Afia fanita Religionis vel confervanda ,
vel propaganda rebus per plures jam annos
efficaciter incumbit ; adeò ut fedulitas ejus
domus omnium in vineâ domini laborantium
neceffitatibus , commodis in Partibus
illis communiter pateant , hac Majef
tati tuæ non ignota effe , fufficere arbitramur
, ut eum dignum exiftimet , quem opportunè
regio beneficio aliquo donet : Cum prafertim
premium tam infigni virtuti tributum,
aliorum complurium charitatem acuere & inflammare
poffit ad eum imitandum , ingenti
multis in Regionibus fidei Chriftiana bono.
Ceterum officia Pontificia Ven. Fr. Archiepifcopus
Thebarum Nuncius nofter explicabit.
Nos Majeftati tuæ ex intimis animi paterni
fenfibus amantiffime benedicimus . ĎATUM
ROME, apud S. Mariam Majorem
fub annulo Pifcatoris . Die xxiv .
Augufti 1669. Pontificatûs noftri anno
III. M.
#280 MERCURE DE FRANCE
•
C.
M. Baron a encore fervi l'Eglife dans
une conjoncture ' importante & particuliere.
Vous fçavez ; Monfieur , qu'environ
dans ce tems - là Antoine Arnauld
Docteur de Sorbone , entreprit dans fon
grand Ouvrage ( a ) de la Perpetuité de la
Foy, & c. de prouver aux Novateurs, que
I'Eglife Orientale avoit toujours cru &
croit encore aujourd'hui , ce que croit
l'Eglife Latine fur la Tranfubftantiation
dans le Sacrement de l'Euchariftie , & c.
Ce qui ne fe pouvoit faire avec plus de
folidité & plus defuccès qu'en rapportant
les témoignages juridiques des principales
Eglifes fur ce point important. M. de
Nointel , alors Ambaffadeur à la Porte , fet
chargea de ce qui concernoit l'Eglife Patriarchale
de Conftantinople ; & M. Baron
, travailla de fon côté à fe rendre bien
certain de la Doctrine de toutes les Eglifes
Syriennes , fur le même point , ce qui
demandoit beaucoup de foin , d'applica
tion & de difcernement.
C'est par ce moyen qu'on voit dans le
premier volume de la Perpetuité de la
Foy , Liv. XII . page 82. deux Atteftations
autentiques ; fçavoir , l'une du Patriar-
( a ) La Perpetuité de la Foy de l'Eglife Catholique
, touchant l'Euchariftie, deffendue contre
le fieur Claude, Miniftre de Charenton.3.vol
in 4. Paris 1669. dédié au Pape Clement 1X.
II. Vol. che
JUIN. 1730. 1281
che , des Evêques & de plufieurs Prêtres
Arméniens , réfidens à Alep , de la créance
de cette Eglife fur l'Euchariſtie ; elle
eft dattée du premier Mars r117 . felon
L'Epoque des Arméniens , qui répond à'
l'année 1668. des Latins, traduite de l'Arménien
en Latin , ſouſcrite par les Prélats
y dénommez , & légalifée le même jour'
par M. Baron , qui affirme & attefte que
les Sceaux & les Seings qu'on y voit ont
été mis en fa préfence par les mêmes perfonnes.
L'autre Atteftation eft du Patriarche
des Syriens fur la créance de fon Egli
fe . Elle eft pareillement foufcrite de ce
Patriarche & de plufieurs Evêques , Prêtres
& Moines Syriens , & enfin renduë
autentique par la légaliſation du même
Conful.
Les Originaux de ces deux atteftations
qui font autant de Profeffions de Foy ,
écrits dans la Langue & dans les propres
caracteres de chaque Nation , fe trouvent
parmi les autres Originaux de cette efpece
dans le dépôt general qui en fut
fait à la Biblioteque de l'Abbaye S. Germain
des Prez , le 29 Septembre 1668 , &
le 7 Aouft 1670. fuivant le Procès verbal
latin qui eft à la tête de ce Recueil . Lex
Procès verbal eft foufcrit par M. (a) Jan-
(a ) M. Jannon étoit un Ecclefiaftique fort
zélé pour la Religion , & particulierement lié
II. Vol.
non
1282 MERCURE DE FRANCE.
non , Prêtre & Chanoine de S. Juft de
Lyon , par le R. P. General des Benedictins
de S. Maur , & fes Affiftans , par le
P. Prieur de S. Germain , par le Bibliotequaire
en chef, par Dom Luc d'Achery .
& par d'autresSçavans de la mêmeMaifon;
il eft enfin figné par deux Notaires Apoftoliques.
>-
Il y a dans le même Dépôt la Profef
fion de Foy originale , auffi légalifée par
M. Baron , le 4 Juin 1668. du Čuré Néophile
, Vicaire General de Macaire , Patriarche
Grec d'Antioche,foufcrite par lui
& par les principaux Curez & Prêtres du
Patriarchat.
M.Arnauld n'a point employé cette piéce
dans fon Livre de la Perpetuité de la
Foy. Peut-être lui arriva- t - elle trop tard.
Je ne dis rien des Profeffions de Foy
envoyées par M. de Nointel ; concernant
le Patriarchat de Conftantinople , qui
font partie du même Dépôt. Le tout enfemble
fait un des plus curieux Monumens
qu'on puiffe trouver en ce genre ;
j'ay eu le ppllaaiiffiirr ddee vvooiirr toutes
piéces à cette occafion.
ces
Entre celles qui m'ont parû mériter le
plus d'attention , j'ai diftingué les Actes,
avec M. Picquet & M. Arnauld, Il avoit recen
ces Originaux du Levant , & les depofa de la
maniere qu'il eft dit dans le Procès Verbal.
II. Vol. Origi
JUIN. 1730. 1288
Originaux, en grand nombre , du Métropolitain
Elie , Chef de l'Eglife Neftorienne
de ( a ) Diarbek , énoncez en Langue
Arabe , & écrits en caracteres Syriaques..
Ce précieux Recueil enfin contenu dans
deux gros volumes in-folio , prefente par
ta diverfité des Langues & des Caracte
res une refpectable variété , & mérite l'at
tention particuliere que les Sçavans Dépofitaires
ont pour fa confervation .
Sur la fin de l'année 1670. M. Colbert
qui honoroit M. Baron d'une eftime particuliere
& qui étoit tres- fatisfait des changemens
favorables arrivez au Commerce
de Syrie pendant fon Confulat , le propofa
au Roy comme un fujet propre à rétablir
& à faire fleurir celui de la Compagnie
des Indes Orientales ; & en conféquence
des Ordres de S. M. Mr Baron:
toujours prêt à obéir & à fe livrer au
bien public , partit d'Alep dans le courant
de l'année 1671. pour fe rendre à
Surate, lieu de la réfidence du Directeur
General du Commerce de France , & de
l'établiffement du principal Comptoir de
la Compagnie.
On ne fçauroit exprimer le regret
qu'on eut de le perdre à Alep. Le Procès
verbal de l'Affemblée de la Nation , tenuë
(a) Ville & Pays fituex dans l'ancienne
Mésopotamie
II. Vol. fur
1284 MERCURE DE FRANCE
fur ce fujet le 11. Janvier 1671 , dont
j'ai une Expédition en forme , apprend
là deffus quelques circonftances qu'il eft
bon de ne pas omettre .
M. du Pont , qui préfidoit à l'Affemblée
, en qualité de nouveau Conful d'Alep
, y fait l'éloge de M. Baron , puis il
propofe de déliberer fur deux Chefs. Le
premier , fur le prefent ou la gratification
ordinaire qui eſt dûë aux Confuls à
la fin de leur Charge , alléguant pour
exemple le plus recent celui de Mr.
Piquet , qui avoit reçû mille Piaftres de
gratification , quoique fon Confulat eût
été beaucoup moins long.
Le fecond Chef rouloit fur un rembourſement
de 519 Piaftres , données par
M. Baron de fes propres deniers , pour
terminer la malheureuſe affaire de deux
jeunes François , nommez dans l'Acte ,
que leur libertinage fit tomber entre les
mains du Sous- Bachi ou Officier du Guet,
dans un lieu de débauche , lequel les traita
avec la derniere rigueur , & prétendit
qu'il ne pouvoit les délivrer qu'en fe
faifant Mahometans , & c.
Sur quoi , dit l'Acte que je viens de
citer , lefdits Sieurs Affemblez , ont dit &
déliberé ;
ود
que
Que quelque reconnoiffance la
»Nation puiffe accorder àmondit fieur
II. Vol.
le
JUIN. 1730. 1285
» le Conful Baron , étant au deffous de ce
» qu'elle lui doit , pour le grand zele &
» le grand amour avec lequel il a agi
» pendant tout le tems de fon exercice ,
» & pour les fommes qu'il peut avoir
» fournies pour ladite Nation , dont il n'a
» pas été remboursé , qu'ils fe fentent
>> obligez de manifefter cette verité, & de
» prier M" les Echevins & Députez du-
>> Commerce de la Ville de Marfeille , de
» la lui donner auffi avantageuſe, qu'il l'a
» méritée fa bonne adminiftration &
par
» conduites ou fupplier tres-humblement
» Sa Majefté de lui accorder icelle.En foy
dequoi , &c. Signé Dupont Conful , Truillard
& Vitalis , Deputez de la Nation.
S. Jacques , Cheillan , Gardane , Gleize ,
Foreft , Bazan , Etienne , Marchands
François & Feris , Chancelier , Secretaire
du Confulat d'Alep. A côté eft le grand
Sceau du Conful ou l'Ecu des armes de
France , & c.
Ce font là , Monfieur , les belles difpofitions
, enfuite defquelles M.Baron partit
d'Alep pour les Indes , & qui lui ont tenu
lieu de réalité ; car il n'a jamais rien reçû
en confequence de cette déliberation ; fon
éloignement , fon efprit défintereffé , les
difficultez ou le peu de difpofition de la
part de ceux qui devoient effectuer ,
II. Vol. B ont
1236 MERCURE DE FRANCE
ont toujours été des obftacles plus que
fuffifans.
La fuite paroîtra dans le Mercure prochain.
Fermer
Résumé : ELOGE de M. Baron, Consul de France en Syrie, puis Directeur General du Commerce aux Indes Orientales, adressé à M. de ....
François Baron, né à Marseille le 4 novembre 1620, est un diplomate français distingué par ses manières polies et sa probité. Après des voyages en Italie et en Égypte, il se rend utile en obtenant la libération de marchands vénitiens emprisonnés au Caire, sans jamais recevoir de remboursement malgré une obligation signée. En 1659, Baron est envoyé à la cour pour des affaires commerciales. En 1661, il est nommé consul à Alep, un poste stratégique pour le commerce français. Il voyage à Constantinople pour obtenir des ordres impériaux afin de rétablir le commerce, ce qui conduit à la suppression des intérêts anciens des dettes françaises à Seyde. Colbert, ministre du commerce, le consulte sur l'état du commerce du Levant. Baron exerce le consulat d'Alep pendant neuf ans, améliorant considérablement le commerce français et montrant une grande charité envers les missionnaires et les chrétiens de l'Orient. Son dévouement est confirmé par des actes de la Congrégation de la Propagande et un bref du pape Clément IX. En 1669, Baron est chargé de recueillir des témoignages sur la doctrine de la transsubstantiation dans le sacrement de l'Eucharistie. Il obtient deux attestations authentiques : l'une des Arméniens résidant à Alep et l'autre du Patriarche des Syriens. Ces documents, rédigés dans les langues et caractères originaux, sont légalisés par Baron et déposés à la bibliothèque de l'Abbaye Saint-Germain-des-Prés. En 1670, Colbert propose à Louis XIV de nommer Baron pour revitaliser le commerce de la Compagnie des Indes Orientales. Baron quitte Alep en 1671 pour Surate, laissant derrière lui des regrets et des reconnaissances pour son zèle et son dévouement. Une assemblée de la Nation française à Alep délibère pour lui accorder une gratification et un remboursement pour des dépenses personnelles, mais ces décisions ne sont jamais mises en œuvre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 1286-1292
LES CONQUESTES du Maréchal Duc de Villars, Protecteur de l'Academie des Belles Lettres de Marseille. ODE.
Début :
Tandis qu'au Temple de Mémoire, [...]
Mots clefs :
Duc de Villars, Conquêtes, Gloire, Victoire, Ardeur , Prudence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES CONQUESTES du Maréchal Duc de Villars, Protecteur de l'Academie des Belles Lettres de Marseille. ODE.
LES CONQUESTES
du Maréchal
Duc de Villars , Protecteur de l'Acade
mie des Belles Lettres de Marseille.
O DE .
Tandis qu'au Temple de Mémoire ,
La fidelle Clio , par des traits éclatans ,
Grave ta glorieuſe hiſtoire ,
Sûre de triompher de l'outrage des temps ,
VILLARS , daigne avouer l'audace ,
D'un Eleve zélé de ce nouveau Parnaſſe ,
Que font refleurit tes bienfaits.
Et permets qu'il confie aux accords de fa Lyre ,
Ce qu'à tous les François infpire ,
L'éclat de tes Exploits qu'ils n'oubliront jamais.
K
Quelle ardeur dès ma tendre enfance ,
Quel zele à les chanter m'excita mille fois ,
Lorfqu'à la gloire de la France ,
Tes triomphes laffoient la Déeffe aux cent voix !
IL Vol.
Lorsqu'à
JUIN. 1730. 1287
Lorfqu'à tes Drapéaux enchaînée ,
Chaque jour la victoire à l'Aigle conſternée ,
Préparoit de nouveaux revers ;
Quels étoient mes tranfports , mais je n'ofai les
croire ;/
La crainte de trahir ta gloire ,
Infléxible toujours , me refufà des Vers.
Sans ceffe à ma Muſe charmée ,
Tu t'offrois au milieu des horreurs des combats,
Guidé par Bellone enflammée ·
Répandant l'épouvante & la mort fur tes pas.
Dans tes yeux quel feu magnanime ,
Infpire à tes Soldats le tranfport qui t'anime !
D'un regard tu faits des Héros.
On diroit que ton ame , en chacun d'eux tranf
mife ,
Les aiguillonne , les maîtriſe ,
Et qu'ils font tes Soldats bien moins que tes
rivaux.
Icy dans un inftant Critique
Où Minerve elle même enfeigne à tout ofer ,
Soudain ton courage héroïque
Frape le coup hardi qu'elle vient de peſer.
Quel fuccès fuit ta noble audace !
Fredelingue te voit , nouveau Dieu de la Thrace,
Foudroier le Germain ſurpris ;
Et l'on doute en voyant les fruits de ta victoire:
II. Vol. Bij S'il
1288 MERCURE DE FRANCE.
1
S'il te revenoit plus de gloire
D'avoir exécuté que d'avoir entrepris.
Là , redoublant envain leur rage
Ni l'hyver , ni le Rhin n'ofent te retenir
Sur l'ennemi gronde l'orage ,
Avant que fa prudence ait pû le prévenir.
Je vois des troupes renversées ,
où par
Od tombant fous tes coups,
fées.
Tout eft glacée par la terreur ;
toi difper-
La Quinche à ton effort voit ceder leurs redoutes,
Kiell témoin de leurs déroutes
Tombe,à peine attaqué,fous la loy du vainqueur.
讚
Mais contre ton ardeur guerriere ,
Contre tous tes fuccès , raffurant le Germain ,
Une redoutable Barriere
De fes vaftes Etats , te ferme le Chemin.
Je vois de fuperbes aziles ,
Des Boulevars féconds en déluges utiles ,
T'oppofer leurs murs fourcilleux ;
Tous prêts , contre l'effort de ton ardent cou
rage ,
A mettre à couvert de l'orage
Sous un rempart flottant leurs Maîtres orgueilleux.
II.Val, Tel
JUIN. 1730. 1289
Tel de la Cime des Montagnes ,
Un fier torrent qui fond à bonds précipitez ,
S'indigne au milieu des campagnes
D'une Digue oppofée à fes flots irritez ,
Soudain fon onde fremiflante ,
A travers les débris de la maffe impuiffante ,
S'ouvre mille chemins nouveaux ;
Fier de cette victoire , & maître de la plaine ",
Il force , il arrache , il entraîne
Les Arbres , les Moiffons , les Jardins , les Troupeaux.
Tel, de l'obftacle tu t'indignes .
Et plus prompt que ces feux qui frappent en brillant
,
Tu forces ces fameufes lignes ,
Dignes de fuccomber fous un tel affaillant.
La plus légere réſiſtance
Suffit à ces guerriers dont la vaine arrogance ,
Trop prompte vient de te braver ;
Ces pâles déffenfeurs que la frayeur maitriſe ,
Gédent , frapez de l'entrepriſe ,
Sûrs que qui la forma , ne peut que l'achever..
Dans cette Contrée éperduë ,,
Quel champ par cet exploit ton bras s'eſt - il ouvert
?
L'épouvante au loin répanduë
I. Vol. En
B. iij
1290 MERCURE DE FRANCE
En fait devant tes pas un immenfe défert.
Où fuiront ces troupes
craintives ?
Le Danube effrayé voit déja fur fes rives ,
Flotter tes Etendarts vainqueurs.
Par de juftes tributs , chaque ville allarmée ,
Enrichit ta terrible armée.
Et par là fe dérobe à de juftes rigueurs.
Bien-tôt quelle fcene terrible !
Combien dans un combat, de combats renaiffans
Quatre fois ton bras invincible
Punit de l'ennemi les efforts impuiffans.
Mais Dieux ! ton fang rougit la plaine.
On t'emporte mourant , la victoire incertaine
Hélite , n'ofe fe fixer ,
Et laiffant du combat l'avantage en balance
Montre que ta feule preſence ,
2
Au parti qu'elle eût pris , auroit pu la forcer..
Mais une plus brillante image .
M'attire vers Denain ; que j'en fuis enchanté !
Que dois-je admirer d'avantage .
Ta valeur , ta prudence , ou ton activité ?
Quel fecret , quelle diligence !
Quelle marche quels foins ! fleuves, lignes, dif
tance,
Tous obftacles font fuperflus.
II. Tola
Eugéne
JUIN. 1730. 1291
Eugene confterné, part , preffe, vole , arrive ,
Guide une reffource tardive ,
Vient fecourir fon camp , fon camp n'est déja
plus.
Déja ton courage intrépide ,
Forçant un fier Rempart , bordé de Bataillons
Dans l'ardent tranfport qui te guide ,
-A de morts , & de fang rempli fes Pavillons.
Tout périt , céde , ou par la fuite
Tâche envain d'échaper à ta vive pourſuite ;
Quels antres pourront les cacher ?
Ah! la mort fous tes coups leur paroît fi terrible
Que , pour fuir ton bras invincible ,
Dans les eaux de Lefcaut,'ils courent la chercher.
Bien-tôt de la Flandre effrayée ,
Succombent fous tes coups les plus fieres Citez
La Ligue eft par tout foudroyée,
Déja par fes revers tous tes jours font comptez
Arrête , Mars & la Victoire
Ne fçauroient ajoûter à l'éclat de ta gloire.
Borne tes rapides travaux
En ramenant la paix fignale ta prudence ,
Villars , il eft beau que la France
Te doive également gloire & fon repos..
20 II. Vol. Mufes
B. iij.
1292 MERCURE DE FRANCE
Mufes fous la paifible olive
Partagez un loifir à l'Etat précieux:
Villars vous aime , vous cultive ,
Quel amour plus fateur , quels foins plus glo
rieux ?
De fes dons , un nouveau Lycée ,
Qui fleurit fous fes loix au ſein de la Phocée-
Ceint le front de vos nourriffons.
> Chantez fon nom fans vous fa gloire eft immortelle..
Mais c'eft l'ardeur de votre zele
Qui doit s'éternifer dans vos doctes chanſons.
du Maréchal
Duc de Villars , Protecteur de l'Acade
mie des Belles Lettres de Marseille.
O DE .
Tandis qu'au Temple de Mémoire ,
La fidelle Clio , par des traits éclatans ,
Grave ta glorieuſe hiſtoire ,
Sûre de triompher de l'outrage des temps ,
VILLARS , daigne avouer l'audace ,
D'un Eleve zélé de ce nouveau Parnaſſe ,
Que font refleurit tes bienfaits.
Et permets qu'il confie aux accords de fa Lyre ,
Ce qu'à tous les François infpire ,
L'éclat de tes Exploits qu'ils n'oubliront jamais.
K
Quelle ardeur dès ma tendre enfance ,
Quel zele à les chanter m'excita mille fois ,
Lorfqu'à la gloire de la France ,
Tes triomphes laffoient la Déeffe aux cent voix !
IL Vol.
Lorsqu'à
JUIN. 1730. 1287
Lorfqu'à tes Drapéaux enchaînée ,
Chaque jour la victoire à l'Aigle conſternée ,
Préparoit de nouveaux revers ;
Quels étoient mes tranfports , mais je n'ofai les
croire ;/
La crainte de trahir ta gloire ,
Infléxible toujours , me refufà des Vers.
Sans ceffe à ma Muſe charmée ,
Tu t'offrois au milieu des horreurs des combats,
Guidé par Bellone enflammée ·
Répandant l'épouvante & la mort fur tes pas.
Dans tes yeux quel feu magnanime ,
Infpire à tes Soldats le tranfport qui t'anime !
D'un regard tu faits des Héros.
On diroit que ton ame , en chacun d'eux tranf
mife ,
Les aiguillonne , les maîtriſe ,
Et qu'ils font tes Soldats bien moins que tes
rivaux.
Icy dans un inftant Critique
Où Minerve elle même enfeigne à tout ofer ,
Soudain ton courage héroïque
Frape le coup hardi qu'elle vient de peſer.
Quel fuccès fuit ta noble audace !
Fredelingue te voit , nouveau Dieu de la Thrace,
Foudroier le Germain ſurpris ;
Et l'on doute en voyant les fruits de ta victoire:
II. Vol. Bij S'il
1288 MERCURE DE FRANCE.
1
S'il te revenoit plus de gloire
D'avoir exécuté que d'avoir entrepris.
Là , redoublant envain leur rage
Ni l'hyver , ni le Rhin n'ofent te retenir
Sur l'ennemi gronde l'orage ,
Avant que fa prudence ait pû le prévenir.
Je vois des troupes renversées ,
où par
Od tombant fous tes coups,
fées.
Tout eft glacée par la terreur ;
toi difper-
La Quinche à ton effort voit ceder leurs redoutes,
Kiell témoin de leurs déroutes
Tombe,à peine attaqué,fous la loy du vainqueur.
讚
Mais contre ton ardeur guerriere ,
Contre tous tes fuccès , raffurant le Germain ,
Une redoutable Barriere
De fes vaftes Etats , te ferme le Chemin.
Je vois de fuperbes aziles ,
Des Boulevars féconds en déluges utiles ,
T'oppofer leurs murs fourcilleux ;
Tous prêts , contre l'effort de ton ardent cou
rage ,
A mettre à couvert de l'orage
Sous un rempart flottant leurs Maîtres orgueilleux.
II.Val, Tel
JUIN. 1730. 1289
Tel de la Cime des Montagnes ,
Un fier torrent qui fond à bonds précipitez ,
S'indigne au milieu des campagnes
D'une Digue oppofée à fes flots irritez ,
Soudain fon onde fremiflante ,
A travers les débris de la maffe impuiffante ,
S'ouvre mille chemins nouveaux ;
Fier de cette victoire , & maître de la plaine ",
Il force , il arrache , il entraîne
Les Arbres , les Moiffons , les Jardins , les Troupeaux.
Tel, de l'obftacle tu t'indignes .
Et plus prompt que ces feux qui frappent en brillant
,
Tu forces ces fameufes lignes ,
Dignes de fuccomber fous un tel affaillant.
La plus légere réſiſtance
Suffit à ces guerriers dont la vaine arrogance ,
Trop prompte vient de te braver ;
Ces pâles déffenfeurs que la frayeur maitriſe ,
Gédent , frapez de l'entrepriſe ,
Sûrs que qui la forma , ne peut que l'achever..
Dans cette Contrée éperduë ,,
Quel champ par cet exploit ton bras s'eſt - il ouvert
?
L'épouvante au loin répanduë
I. Vol. En
B. iij
1290 MERCURE DE FRANCE
En fait devant tes pas un immenfe défert.
Où fuiront ces troupes
craintives ?
Le Danube effrayé voit déja fur fes rives ,
Flotter tes Etendarts vainqueurs.
Par de juftes tributs , chaque ville allarmée ,
Enrichit ta terrible armée.
Et par là fe dérobe à de juftes rigueurs.
Bien-tôt quelle fcene terrible !
Combien dans un combat, de combats renaiffans
Quatre fois ton bras invincible
Punit de l'ennemi les efforts impuiffans.
Mais Dieux ! ton fang rougit la plaine.
On t'emporte mourant , la victoire incertaine
Hélite , n'ofe fe fixer ,
Et laiffant du combat l'avantage en balance
Montre que ta feule preſence ,
2
Au parti qu'elle eût pris , auroit pu la forcer..
Mais une plus brillante image .
M'attire vers Denain ; que j'en fuis enchanté !
Que dois-je admirer d'avantage .
Ta valeur , ta prudence , ou ton activité ?
Quel fecret , quelle diligence !
Quelle marche quels foins ! fleuves, lignes, dif
tance,
Tous obftacles font fuperflus.
II. Tola
Eugéne
JUIN. 1730. 1291
Eugene confterné, part , preffe, vole , arrive ,
Guide une reffource tardive ,
Vient fecourir fon camp , fon camp n'est déja
plus.
Déja ton courage intrépide ,
Forçant un fier Rempart , bordé de Bataillons
Dans l'ardent tranfport qui te guide ,
-A de morts , & de fang rempli fes Pavillons.
Tout périt , céde , ou par la fuite
Tâche envain d'échaper à ta vive pourſuite ;
Quels antres pourront les cacher ?
Ah! la mort fous tes coups leur paroît fi terrible
Que , pour fuir ton bras invincible ,
Dans les eaux de Lefcaut,'ils courent la chercher.
Bien-tôt de la Flandre effrayée ,
Succombent fous tes coups les plus fieres Citez
La Ligue eft par tout foudroyée,
Déja par fes revers tous tes jours font comptez
Arrête , Mars & la Victoire
Ne fçauroient ajoûter à l'éclat de ta gloire.
Borne tes rapides travaux
En ramenant la paix fignale ta prudence ,
Villars , il eft beau que la France
Te doive également gloire & fon repos..
20 II. Vol. Mufes
B. iij.
1292 MERCURE DE FRANCE
Mufes fous la paifible olive
Partagez un loifir à l'Etat précieux:
Villars vous aime , vous cultive ,
Quel amour plus fateur , quels foins plus glo
rieux ?
De fes dons , un nouveau Lycée ,
Qui fleurit fous fes loix au ſein de la Phocée-
Ceint le front de vos nourriffons.
> Chantez fon nom fans vous fa gloire eft immortelle..
Mais c'eft l'ardeur de votre zele
Qui doit s'éternifer dans vos doctes chanſons.
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Résumé : LES CONQUESTES du Maréchal Duc de Villars, Protecteur de l'Academie des Belles Lettres de Marseille. ODE.
Le texte célèbre les conquêtes du Maréchal Duc de Villars, protecteur de l'Académie des Belles Lettres de Marseille. Il commence par louer les exploits militaires de Villars, soulignant son courage et son leadership sur le champ de bataille. Le poète décrit les victoires de Villars, notamment contre les forces allemandes, et son habileté à surmonter les obstacles, comme les fortifications ennemies et les conditions climatiques difficiles. Les succès de Villars sont marqués par des batailles décisives, telles que celle de Denain, où son intervention rapide et stratégique a retourné le cours des combats. Le texte met également en avant la terreur et l'admiration que les ennemis éprouvaient face à Villars, ainsi que les tributs et les richesses obtenus après les victoires. La campagne militaire de Villars se conclut par une paix glorieuse, apportant à la France à la fois la victoire et la tranquillité. Enfin, le poème exalte l'amour de Villars pour les arts et les lettres, soulignant son soutien à l'Académie des Belles Lettres et son désir de voir son nom immortalisé dans les chansons et les écrits des muses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 1292-1309
SUITE du Voyage de Basse-Normandie. LETTRE VII.
Début :
Le séjour de Torigny parût, Monsieur, si agréable à mes Compagnons [...]
Mots clefs :
Basse-Normandie, Voyage, Abbaye, Découvertes, Tombeaux, Village, Église, Recherches, Caen
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE du Voyage de Basse-Normandie. LETTRE VII.
SUITE du Voyage de Baffe- Normandie
LETTRE VII.
E féjour de Torigny parût , Mon-
Lfieur ,fi agréable à mes Compagnons
de Voyage , qu'ils me donnerent tout le
tems que je pouvois ſouhaiter , pour faire,
en les attendant, toutes mes courfes litteraires
aux environs de Caën . Comme les
ruines de Vieux , ou plutôt les découvertes
faites dans ce lieu par M. Foucault ,
étoient mon principal objet , je commen
çai pat m'y tranfporter , accompagné de
mon Docteur Medecin , & d'un autre Cu
rieux de la Ville , fuivis de quelques Domeftiques
en état d'agir en cas de befoin .
I.Vol.
Vieux
JUIN 1730. 1293
Vieux eftun village fitué à deux petites
lieuës de Caën , vers le Couchant de cette
ville , entre la riviere d'Orne , & la petite
riviere de Guynes , ce qui rend ce lieu.
fort agréable. C'eft un Fief noble , ou
plutôt ce font trois Fiefs contigus , dont
le premier appartient à M. de Pontpierredu
Four , & releve de la terre de Segue--
ville; le fecond & le troifiéme nommez de
Jacqueffon & d'Effon , relevent du Roy.
Vieux a été de tout tems renommé dans
le Païs , par l'opinion generale qui veut
que dans l'étendue du terrain , qui porte
ce nom il y eût autrefois une ville
, & cette opinion fortifiée par les
Monumens d'Antiquité qui y ont été.
trouvez en differens tems , eft aujour
d'hui confirmée par les nouvelles décou--
vertes qui y furent faites par les foins de
M. Foucault , découvertes que je ne vis
alors qu'en paffant , & dont je fuis à prefent
beaucoup plus en état de vous rendre
un compte exact ...
›
..Mais il faut vous dire , Monfieur , avec
franchife , qu'étant arrivé à Vieux , dans
Pintention d'en reconnoître les ruines ,
de conftater du moins ces nouvelles dé--
couvertes, & de les examiner fur les Me--
moires dont je n'avois pas oublié de me
charger , nous fumes fort furpris de ne
trouver prefque rien de ce que nous cher-
II. Vol By chions
1294 MERCURE DE FRANCE:
(
chions , & de ce que j'avois vû moi-même
la premiere fois que je paffai par Vieux :
en effet , à l'exception de quelques reſtes
de plufieurs grands Edifices ruinez, nom--
mez aujourd'hui Châteaux aux Oyes , &
aux Arres , tout eft , pour ainfi dire , dif
paru ; Gymnafe , Bains , Statues , Tombeaux
, Infcriptions , &c . Eft -ce illufion
eft- ce enchantement ? Non , Monfieur
cependant tout eft changé ; mais vous ne
perdrez rien à la Metamorphofe. Voici la
verité du fait.
Comme nous plaifantions fur nôtre
avanture , affis fur des tas de briques au
pied de ces Edifices ruinez , arriva le-
Gentilhomme du lieu , nommé M. de-
Vieux , homme fort âgé , qui nous pria:
fört honnêtement d'entrer dans faMaiſon ,
offrant de nous donner bien des éclairciffemens
fur notre recherche . Nous ne
pouvions gueres mieux rencontrer : car-
M. de Vieux étoit bien informé de tout ,.
tant en qualité d'Ancien , & de Seigneur
de ce lieu , que parce que M. Foucault
l'avoit chargé de la direction des travaux
qu'il fit faire à Vieux , & qu'en l'abſence
de M. l'Intendant on n'avoit pas , difoitil
, remué une pierre qu'il n'en eût une
connoiffance parfaite..
La raifon qu'il nous donna d'abord du
grand changement que nous trouvions ,
II. Vol. nous
JUIN 1730.
1295
nous parut fenfible & fuffifante , M. Foucault
animé de l'amour de l'Antiquité &
engagé par le fuccès de fes recherches , fit
faire un grand remûment dans tous ces
lieux . UnIntendant Antiquaire eft un terrible
homme en pareille rencontre. Les
Proprietaires& les Laboureurs des champs
renverfez , ou fous lefquels on avoit beaucoup
creufé , en murmurerent ; on les fit
taire en les dédommageant du dégât prefent
; mais pour l'avenir , dès que toutes
les operations furent faites , ces mêmes
Proprietaires, moins curieux d'Antiquités
que de quelques boiffeaux de blé de plus ,
rétablirent toutes chofes dans leur premier
état , en comblant , bouchant &
uniffant tout ce qui en avoit befoin ; enforte
qu'en continuant de labourer &
d'enfemencer les terres endommagées ,
prefque toutes ces belles découvertes dif
parurent & les Curieux de Caën
qui veulent qu'une fancienne ville fut
affife dans ce territoirre, reprirent là - def
fus leur premier langage.
›
Nunc feges eft ubi Troia fuit..
Voilà ,Monfieur, la verité d'un fit que
nous avions de la peine d'abord à comprendre.
Le bon M. de Vieux , plus chargé
de memoire que de litterature, nous fatisfit
affez fur toutes nos queftions ; car nous
*
II. Vol. B vj n'avions
1296 MERCURE DE FRANCE
n'avions befoin que des faits dont il avoit
été le témoin affidu ; ce qui fervit à éclaircir
quelques endroits de mes Memoires.
Il nous fit voir auffi qu'il ne s'étoit pas
oublié dans ces recherches , en nous montrant
dans fon jardin une grande quantité :
de tuyaux & de pots de brique, trouvez
difoit- il , dans la grande fale de ces bâ--
timens foûterrains ; les uns attachez fur la
muraille , prefque l'un contre l'autre , à
la hauteur de cinq pieds ; les autres
au plancher de la même fale , ayant
chacun un pied & demi de longueur , &
un demi pied de largeur. Du jardin nous ,
entrâmes dans la cuifine , qui étoit toute
pavée de longues & larges . briques quis
avoient été trouvées dans ces Edifices ruinez
, fur tout dans les débris des tombeaux..
M. de Vieux ajouta que dans un Cime
tierre , dit aujourd'hui de S. Martin , an-.
cien de plus de 500 ans , on trouva du
tems de ces recherches plufieurs grands
tombeaux de pierre & couverts , conte
nont chacun , plufieurs , fqueletes placés
P'un contre l'autre , ayant à côté d'eux des
haleb rdes , marque de valeur , ou de la
profeffion des armes . On découvrit , dit-- .
il , d'autres pareils tombeaux , dans le
champ nommé Catillon Gelet , & on en
trouve de pareils dans le Cimetiere, de la
II. Vol.
Rà
JUIN 1730. 12.9.7
Paroiffe de Vieux. Enfin il nous affura.
qu'on voit encore à Magny dans ce voifinage
, une espece de petite cuve de mar
bre rouge , d'environ fix pieds de circon--
ference , affez femblable à des Fonts Baptiſmaux
. , avec une Infcription Latine
dont il ignoroit le fens..
Enfin , notre Gentilhomme n'oublia
pas
les Medailles de toute efpece , trouvées,
de tout tems à Vieux & aux environs , affurant
que M..Foucault en avoit eû plus
de mille pour fa part. Il entreprit même
de nous en décrire plufieurs ; quoi faifant,.
ce fut pour nous , je vous l'avoue , une pe
tite ſcene affez réjouiffante ; jamais l'Antiquité
Metallique.ne.fût traitée plus plai--
famment , nous n'avions pas autrement
befoin d'une telle inftruction , vous en
jugerez par les Medailles , de la Reine
Chriftine, qu'il eftimoit beaucoup, & dont
il , affura qu'on avoit trouvé un grand
nombre. C'est ainsi , Monfieur , qu'il ap
pelloit Crifpine , femme de l'Empereur
Commode ,, dont effectivement il nous
montra plufieurs - medailles avec quantité
d'autres auffi communes: cela s'excufe facilement
dans une perfonne de fa profeſ--
fion..
Avant que de quitter Vieux , j'allai
accompagné du même Gentilhomme ,,
voir la carriere de marbre rouge , qui eft
II.Vol . aux
1298 MERCURE DE FRANCE
aux environs , & ainfi marquée dans la
Carte du Dioceſe de Bayeux ; mais fituée
dans le diſtrict du village voifin . Ce marbre
n'eſt pas du plus beau de fon efpece .
On affure que le pied-deftal antique de
Thorigny , dont il a déja été parlé , ainſi
que d'autres morceaux qu'on trouve dans :
les Eglifes de Caën , & fur tout la cuve de
Magny ,font de ce même marbre , ce qui
eft fortaifé à reconnoître.
Il ne tint qu'à nous de faire un grand
repas chez M.de Vieux : il vouloir à toute
force nous retenir jufqu'au lendemain ;
mais ayant amplement déjeûné à Caën , &
d'ailleurs m'étant venu une penfée fur la
Deſcription exacte de cesAntiquitez , qu'il
n'étoit plus poffible de revoir dans leur
entier , je réfolus de retourner de bonne
heure à cette Ville , pour la mettre à execution.
Il fallut cependant voir encore avec
quelque attention toute la maiſon du bon
Gentilhomme , & examiner fur tout fur
la porte de la Chapelle une repréfentation
en grand relief de Jefus-Chrift affis
dans le tombeau , accompagné de deux
Anges debout. Le P. de Vitry, Jefuite, eftimoit
fort cette figure , felon M.de Vieux,
& prétendoit que l'habile Sculpteur s'étoit
conformé à l'ancien ufage de mettre
en cette pofture les corps dans les fepul-
II.. Vol. chres
JUIN 1730. 1290
chres ; ufage qu'il croyoit avoir été pratiqué
à l'égard de Jefus - Chrift. C'eft fur
quoi nous ne conteftames point , & fur'
quoi , comme vous fçavez , divers Auteurs
ont écrit. L'Eglife Paroiffiale de
Vieux n'offre rien qui puiffe arrêter . Le
Curé eft à la nomination de l'Abbaye de
Fontenay..
De retour à Caen un pou tard , je fus
obligé de remettre au lendemain l'execution
de mon deffein. Outre plufieurs Lettres
de M. Foucault & de M.Galland , qui
m'inftruifoient affez fur les Antiquitez de
Vieux , j'avois un affez long. Narré fur le
même fujet , fait dans le tems même de la
découverte , par M. Bellin , Curé de Blainville
, habile homme , & Secretaire perperuel
de l'Academie de Caën , lequel
avoit eû bonne part à tout ce qui s'étoit
paffé là - deffus. C'étoit pour moi autant
& plus qu'il n'en falloit ; mais quand il
s'agit d'inftruire les autres fur des chofes
de cette nature , dont on n'a entendu
ler que confufément , on ne fçauroir prendre
trop de précaution pour fe faire bien
entendre , &pour ne rien dire que
vrai .
parde
Je crus donc qu'une petite conference
avec M. Bellin , que j'étois d'ailleurs bienaiſe
de revoir , acheveroit de jetter de la
clarté fur cette matiere , & qu'avec toutes
II. Vol.
ces
F300 MERCURE DE FRANCE
ces meſures je parviendrois à produire ens
fin une defcription exacte & claire desAntiquitez
de Vieux. Blainville n'eſt qu'à une
lieuë & demie de Caën , peu éloigné du
chemin qui mene à la Délivrande ,fameufe
Dévotion du Païs , au voisinage de la
mer, où l'on va de Caën en moins de deux
heures. Nous réfolumes d'aller droit à la
Délivrande & de revenir pár Blainville.
Nous partîmes de fort bon matin , parce
que j'étois bien aife de voir en paffant
l'Abbaye d'Ardennes qu'on trouve à une
petite lieuë de la Ville..
Cette Abbaye eft de l'Ordre de Prémontré
, & fondée au commencement du
douziéme fiecle. Un Difciple de S. Nortbert
, nommé Gilbert , en fut le premier-
Abbé , preſque dès l'origine de l'Ordre :
On ajoûte , que Philippe de Harcourt
Evêque de Bayeux , contemporain de ceɛ
Abbé , fit des biens confiderables à cette :
Maifon naiffante. C'étoit alors une vraie
folitude,à caufe des grands Bois dont elle :
étoit toute environnée , ce qui lui a fait
donner le nom d'Ardennes , de l'ancien
mot Gaulois Arden , qui fignifie foreft ,
nom qui s'eft confervé dans la grande fo--
reft des Ardennes , dans la Gaule Belgique,
& dans la plus grande foreft d'Angleter--
re: c'eft du moins le fentiment de M. a )
(a)Origines de Caën , ch. 22. på 3-125 .
11..Vol..
Huet :
JUIN. 1730. 1301
Huet ,qui à cette occafion & fur le même
fujet , releve une méprife de M. de la Roque
dans fon Hiftoire de la Maiſon de
Harcourt : cette Abbaye , où nous fûmes
fort bien reçûs , eft aujourd'hui un lieu
fort agreable , élevé. fur une petite coline,
avec des vûës charmantes . Les bâtimens en
font folides , commodes & fpacieux , & les
Religieux qui y demeurent joignent de la
politeffe à une grande édification : on y
aime auffi l'étude & l'application , convenable
à cet Etat.Ils nous apprirent qu'entre
quelques Abbez d'Ardennes , diftin
guez par leur érudition , on compte le fameux
Marguarin de la Bigne ; Auteur du
grand Ouvrage intitulé : La Bibliotheque
des Peres. Ce fçavant Homme , felon eux,
étoit de Vire , & doit être ajoûté aux Illuftres
de cette Ville , dont je vous ai par
lé dans ma derniere Lettre. M de la Baftie
eft aujourd'hui Abbé Commandataire.
d'Ardennes.
#
3:
Une large plaine qui ne fe termine qu'à
la mer , vers le Septentrion , nous conduifit
à laDélivrande, lieu celebre en Normandie
& dans les Provinces voisines
par le concours qu'une grande devotion
envers la fainte Vierge y attire de tous cô.
tez. Nous y entendîmes d'abord la Meffe,
& enfuite nous vîmes avec attention l'Eglife
qui eft fort jolie , extrêmement or
LL.Koh. née
1302 MERCURE DE FRANCE.
née , & très- bien deffervie par des Ecclefiaftiques
commis par M. l'Evêque de
Bayeux. Le Chapitre de la Cathedrale y
tient auffi un de fes Chanoines qui reçoit
les Offrandes , & dirige toutes chofes. Il
y a tout auprès un petit Seminaire conduit
par des Miffionnaires de la Congregation
de S. Lazare , dont nous vifitâmes
auffi P'Eglife & la Maiſon.
Nous apprîmes d'eux qu'on ne fçait
rien de bien affuré fur l'origine de l'Eglife
de la Délivrande , que quelques- uns font
remonter fans preuves à une haute Antiquité
; mais qu'on ne peut s'empêcher de
reconnoître que depuis un fort longtems
Dieu y eft particulierement fervi
& adoré , la Sainte Vierge honorée , & les
Fideles confolez & édifiez. Le vrai nom
moderne de ce lieu eft la Délivrande , duquel
, difent- ils , le Peuple ignorant à faiɛ
éelui de Délivrance : cependant Délivran
de eft un nom originairement Anglois : il
vient de Deale, qui en cette Langue fignifie
partie , portion de quelque chofe ; les
Normands difent Delle pour fignifier la
même chofe ; or les vieux titres portent
que la portion de terrain , ou la piece de
terre fur laquelle eft bâtie l'Eglife en
queftion , appartenoit au nommé Ivrand ,
ou Ivrande , & cette piece eft dénommée
Delle d'Ivrande , ou la piece de terre
AA II. Vol.
d'IJUIN.
1730. 1303
d'Ivrande : Rien ne paroît mieux dérivé ,
& il feroit difficile de trouver une meilleur
étymologie. Tout ce terrain eft de la
Paroiffe de Luc, à un quart de lieuë de -là ,
tirant vers la mer , & releve de l'Abbaye
de Fecamps, dont les Religieux font Pa
trons & Collateurs de la Cure.
Nous prenions congé de ces Meffieurs,
qui nous avoient offert obligeamment à
dîner , pour aller manger des huitres fur
le bord de la mer , & partir enfuite pour
Blainville , lorfque nous entendîmes un
grand bruit au dehors : ce bruit augmentoit
à mesure que nous fortions , & en
ayant demandé la cauſe au premier venu,
on nous dit que c'étoit une grande querelle
furvenue entre deux Etrangers, dont
on n'entendoit pas la Langue , qui s'échauffoit
beaucoup , & qui ne paroiffoit
ne devoir pas fi- tôt finir. Cela nous fit
avancer:mais il n'y avoit pas moyen d'approcher
: une nombreufe Populace envi
ronnoit les deux Champions , ils ne que
relloient point , mais autant valoit - il ,
car ils difputoient à outrance & fans ménager
les termes en Dialecticiens des plus
ferrez , ce qu'il nous étoit aifé d'entendre
de l'endroit où nous étions. La fingularité
du fait nous furprit , mais nous ne tar
dâmes pas d'être éclaircis ; car le Supe
ricus de la Maiſon ayant envoyé du mon-
II. Vola de
1304 MERCURE DE FRANCE
de pour impofer filence , & pour faire retirer
les Affiftans , nous vîmes fortir de la
foule les deux Conteftans fort échauffez &
tout enroüez , dont l'un, connu par mes
Compagnons de Voyage , étoit un bon
Hybernois , habitué à Caën ; l'autre étoit
un Pelerin Eſpagnol qui venoit du Mont
S. Michel . Le premier nous joignit fort
civilement , & ne nous quitta plus . Nous
les ramenâmes à Caen , & il nous conta
fon avanture, qui étoit telle.
•
Je fortois , nous dit-il , de cette Eglife
où j'ai coûtume de venir tous les Samedis
, quand j'ai rencontré ce Pelerin , lequel
après un leger falut m'a interrogé
affez brufquement en ces termes : Quoibous
ftoudouifti ? j'ai d'abord compris que
mon homme cherchoit noife , & qu'il
étoit frais émoulu des Ecoles . Vous fçavez
Meffieurs , que les Hibernois font un peu
Grecs fur l'article , & qu'en particulier
j'ai quelque petite réputation dans votre
Univerfité ; ainfi je n'ai point hefité à lui
répondre Studui Philofophia & etiam
Theologia. Il a fait là - deffus une exclamation
, puis tournant deux fois autour de
moi , il a debuté ainſi : Sentio te effe Thomiftam
, contra fic argumentor de Pramotione
Phifica, &m'a lâché tout de fuite un argument;
la difpute n'a gueres tardé à s'echauffer
& à nous attirer des Auditeurs , ou
II. Vol. plutôt
JUIN. 1730. 1305
plutôt des Spectateurs. Mon Adverfaire
n'eft rien moins que patient ; à chaque
négative que je lui donnois il fe trémouf
foit , & paroiffoit prêt à m'infulter ; enfin
, Meffieurs , la rumeur étoit à fon comble
lorsque vous nous avez entendu ; car
de la Prémotion Phyfique nous nous étions
jettés dans la diftinction des Attributs
& fur d'autres pareils points de pure Mé
taphyfique , lui foûtenant les fubtilités de
Scot, & moi , pour ne pas le faire mentir,
deffendant toujours les fentimens de l'autre
Ecole . Mais graces à la prudence de
M. le Superieur , la difpute a ceffé de la
maniere que vous l'avez vû , & graces à
votre courtoisie , j'efpere de me remettre
bientôt de la fatigue à laquelle je ne me
ferois jamais attendu , dans un lieu où j'étois
venu en partie pour me delaffer l'ef
prit.
Je vous avoue , Monfieur , que l'avanture
nous parut plaiſante ; nous en dejeunâmes
plus gayement. Après avoir vû
pêcher & avoir examiné plufieurs coquillages
fur les bords de la Mer , nous
remontâmes à Cheval pour nous rendre
à Blainville , où nous arrivâmes affez à
tems pour profiter d'un bon diner
que
M. Bellin , averti à mon inſçû par notre
Docteur , avoit préparé. Il s'étoit auffi
préparé lui-même en cherchant dans fes
II. Vol.
papiers
1306 MERCURE DE FRANCE
papiers & en rappellant dans fa memoire
tout ce qui pouvoit concerner les découvertes
de Vieux. Je fus , au refte , charmé
de revoir un ami de ce mérite , qui malgré
les années ne faifoit voir aucun changement
dans la folidité de fon efprit &
dans fes manieres polies & agréables .
Après le repas , le principal fujet de ma
vifite fut mis fur le tapis , & nous eumes
bientôt éclairci toutes choſes à cet égard ;
il me communiqua très obligeamment
tout ce qu'il avoit là- deffus , & me laiffa
emporter tout ce que je voulus. J'appris
de lui qu'à Blainville , comme à Vieux
on trouve de tems en tems des Médail
les & d'autres monumens de l'Antiquité
Romaine , dont il me promit de me donner
des preuves. Nous vîmes enfuite les
dehors du Village qui nous parurent fort
agréables , ce qui nous mena chez M.
D. L. L. qui a une fort jolie Maifon , &
poffede un Fiefdans le Marquifat de Blainville
; c'eft un homme de très bon commerce
, & qui fçait bien de bonnes choſes;
il me promit auffi une inftruction fur les
Antiquités trouvées dans ce Canton. La
Terre de Blainville appartient au Comte
de Rochechouart , frere du Duc de Mortemart
, lequel a époufé la fille de N Colbert
, Marquis de Blainville , troifiême
fils de Jean Baptifte Colbert , Miniſtre &
II. Vol. SecreJUIN.
1730 130 % -
Secretaire d'Etat , qui en avoit fait l'acquifition.
Blainville , au refte , n'eft pas un nom
donné à l'avanture; fi on en croit M.-Huet,
il renferme en lui une antiquité Gauloife ;
c'eſt Beleni Villa ; Apollon & Belenus
chez les Gaulois étoient la même Divinité .
Dans les vieux Titres , ajoûte ce Sçavant ,
le nom de ce Village eft Belainville ;
néanmoins dans plufieurs autres il eft nomme
Bléville , & dans la Charte de fondation
de l'Abbaye de Sainte Trinité de
Caen , Bledvilla , ce qui peut venir du
mot Bladum , qui dans la baffe Latinité
fignifie du bled , ainfi Bledville fignificroit
Village fertile en bled . Vous voyez ,
Monfieur , combien le nom d'un fimple
Village prend de formes differentes entre
les mains d'un habile homme. Il ne tint
à notre Hibernois que le nom même
de M. Bellin , Curé de Blainville , ne
devint miſterieux , & n'entrât pour quelque
chofe dans ces étimologies ..
pas
Au retour de notre petite promenade,
nous fûmes affez furpris de trouver dans
le Presbitere de la Delivrande le Pelerin
Efpagnol qui venoit d'arriver ; il fe jetta
aux pieds de M. le Curé , lui demandant
humblement fa benediction & l'hofpitalité
, ce qui lui fut accordé de bonne
grace , à condition qu'on ne difputeroit
II. Vol.
point ;
1308 MERCURE DE FRANCE
point ; là deffus , il vint embraffer fon
Antagoniſte , & nous fit civilité. Il produifit
enfuite fes papiers qui le firent
connoître pour Prêtre Espagnol & pour
Bachelier de la Faculté de Theologie d'Alcala
; il ajoûta qu'un vou folemnel l'avoit
conduit au Mont S. Michel , allant de Pro.
vince en Province & de Paroiffe en Paroiffe
, efperant s'en retourner de même
quand il auroit vû Caën .
Notre Medecin , homme fort jovial ,
lia avec lui converfation , & d'un ton affez
plaifant , ne fe montrant pas autrement
favorable à l'efprit de pelerinage ; le Bachelier
la foûtint encore plus plaifamment
entendant raillerie à merveilles , aux dépens
même de fa Nation dit de bons
mots avec efprit & de bonne grace , fans
oublier celui de l'Eſpagnol ( a ) aboyé de
près par des Chiens dans les Campagnes
de Bordeaux durant une forte gelée . La
converſation devint plus férieufe , quand
le rufé Pelerin , pour avoir fa revanche,
pouffa à fon tour notre Docteur fur la Phifique
, pour tomber , comme il fit , fur la
Medecine , dont il offrit de démontrer
( a ) Cet Espagnol voulant fe défaire des
Chiens à coups de pierres ne peut jamais en
détacher une fenle , à cause de la gelée ; fur
quoi il s'écria Maledicha la tierra en la quale
Jos perros fon deligados i las piedras ligadas.
II. Vol.
l'incerJUI
N. 1730.
1309
l'incertitude & l'illufion , ajoûtant que les
PhyficiensFrançois n'étoient que lesEchos
des Efpagnols ; témoin , dit - il , votre Delcartes
qui a bâti tout fon ſyſtême de l'ame
des Bêtes, fur celui de notre Gomelius Pereira
b lequel long- tems avant la naiffance
du Philofophe François , a foutenu que les
bêtes n'ont point de fentiment , & font
de pures Machines. Le bon Curé qui avoit
interdit toute difpute ne parut pas trop
fâché de voir embarquer celle- ci , elle
étoit propre à nous faire coucher à Blainville
, comme il le fouhaitoit ; mais je
rompis les chiens à propos ; notre Docteur
fe tira d'embarras comme il pût ; le
Bachelier crût avoir triomphé , & nous
crûmes , en remontant à cheval , après
avoir bien embraffé notre Hôte , avoir
bien employé cette journée , qui fe termina
par notre retour à Caën .
Lelendemain je gardai la maiſon toute
la journée , pour dreffer fur toutes mes
Inftructions une Relation exacte des Recherches
& des Découvertes faites à Vieux
du tems de M. Foucault ; ce fera la matiere
de la premiere Lettre que je vous
écrirai , & j'efpere que votre curioſité en
fera fatisfaite. Je fuis , Monfieur & c .
( b ) G. Pereira , fameux Medecin du XIV:
fiecle , a foutenu cette Doctrine dans un Livro
imprimé en 1554.
LETTRE VII.
E féjour de Torigny parût , Mon-
Lfieur ,fi agréable à mes Compagnons
de Voyage , qu'ils me donnerent tout le
tems que je pouvois ſouhaiter , pour faire,
en les attendant, toutes mes courfes litteraires
aux environs de Caën . Comme les
ruines de Vieux , ou plutôt les découvertes
faites dans ce lieu par M. Foucault ,
étoient mon principal objet , je commen
çai pat m'y tranfporter , accompagné de
mon Docteur Medecin , & d'un autre Cu
rieux de la Ville , fuivis de quelques Domeftiques
en état d'agir en cas de befoin .
I.Vol.
Vieux
JUIN 1730. 1293
Vieux eftun village fitué à deux petites
lieuës de Caën , vers le Couchant de cette
ville , entre la riviere d'Orne , & la petite
riviere de Guynes , ce qui rend ce lieu.
fort agréable. C'eft un Fief noble , ou
plutôt ce font trois Fiefs contigus , dont
le premier appartient à M. de Pontpierredu
Four , & releve de la terre de Segue--
ville; le fecond & le troifiéme nommez de
Jacqueffon & d'Effon , relevent du Roy.
Vieux a été de tout tems renommé dans
le Païs , par l'opinion generale qui veut
que dans l'étendue du terrain , qui porte
ce nom il y eût autrefois une ville
, & cette opinion fortifiée par les
Monumens d'Antiquité qui y ont été.
trouvez en differens tems , eft aujour
d'hui confirmée par les nouvelles décou--
vertes qui y furent faites par les foins de
M. Foucault , découvertes que je ne vis
alors qu'en paffant , & dont je fuis à prefent
beaucoup plus en état de vous rendre
un compte exact ...
›
..Mais il faut vous dire , Monfieur , avec
franchife , qu'étant arrivé à Vieux , dans
Pintention d'en reconnoître les ruines ,
de conftater du moins ces nouvelles dé--
couvertes, & de les examiner fur les Me--
moires dont je n'avois pas oublié de me
charger , nous fumes fort furpris de ne
trouver prefque rien de ce que nous cher-
II. Vol By chions
1294 MERCURE DE FRANCE:
(
chions , & de ce que j'avois vû moi-même
la premiere fois que je paffai par Vieux :
en effet , à l'exception de quelques reſtes
de plufieurs grands Edifices ruinez, nom--
mez aujourd'hui Châteaux aux Oyes , &
aux Arres , tout eft , pour ainfi dire , dif
paru ; Gymnafe , Bains , Statues , Tombeaux
, Infcriptions , &c . Eft -ce illufion
eft- ce enchantement ? Non , Monfieur
cependant tout eft changé ; mais vous ne
perdrez rien à la Metamorphofe. Voici la
verité du fait.
Comme nous plaifantions fur nôtre
avanture , affis fur des tas de briques au
pied de ces Edifices ruinez , arriva le-
Gentilhomme du lieu , nommé M. de-
Vieux , homme fort âgé , qui nous pria:
fört honnêtement d'entrer dans faMaiſon ,
offrant de nous donner bien des éclairciffemens
fur notre recherche . Nous ne
pouvions gueres mieux rencontrer : car-
M. de Vieux étoit bien informé de tout ,.
tant en qualité d'Ancien , & de Seigneur
de ce lieu , que parce que M. Foucault
l'avoit chargé de la direction des travaux
qu'il fit faire à Vieux , & qu'en l'abſence
de M. l'Intendant on n'avoit pas , difoitil
, remué une pierre qu'il n'en eût une
connoiffance parfaite..
La raifon qu'il nous donna d'abord du
grand changement que nous trouvions ,
II. Vol. nous
JUIN 1730.
1295
nous parut fenfible & fuffifante , M. Foucault
animé de l'amour de l'Antiquité &
engagé par le fuccès de fes recherches , fit
faire un grand remûment dans tous ces
lieux . UnIntendant Antiquaire eft un terrible
homme en pareille rencontre. Les
Proprietaires& les Laboureurs des champs
renverfez , ou fous lefquels on avoit beaucoup
creufé , en murmurerent ; on les fit
taire en les dédommageant du dégât prefent
; mais pour l'avenir , dès que toutes
les operations furent faites , ces mêmes
Proprietaires, moins curieux d'Antiquités
que de quelques boiffeaux de blé de plus ,
rétablirent toutes chofes dans leur premier
état , en comblant , bouchant &
uniffant tout ce qui en avoit befoin ; enforte
qu'en continuant de labourer &
d'enfemencer les terres endommagées ,
prefque toutes ces belles découvertes dif
parurent & les Curieux de Caën
qui veulent qu'une fancienne ville fut
affife dans ce territoirre, reprirent là - def
fus leur premier langage.
›
Nunc feges eft ubi Troia fuit..
Voilà ,Monfieur, la verité d'un fit que
nous avions de la peine d'abord à comprendre.
Le bon M. de Vieux , plus chargé
de memoire que de litterature, nous fatisfit
affez fur toutes nos queftions ; car nous
*
II. Vol. B vj n'avions
1296 MERCURE DE FRANCE
n'avions befoin que des faits dont il avoit
été le témoin affidu ; ce qui fervit à éclaircir
quelques endroits de mes Memoires.
Il nous fit voir auffi qu'il ne s'étoit pas
oublié dans ces recherches , en nous montrant
dans fon jardin une grande quantité :
de tuyaux & de pots de brique, trouvez
difoit- il , dans la grande fale de ces bâ--
timens foûterrains ; les uns attachez fur la
muraille , prefque l'un contre l'autre , à
la hauteur de cinq pieds ; les autres
au plancher de la même fale , ayant
chacun un pied & demi de longueur , &
un demi pied de largeur. Du jardin nous ,
entrâmes dans la cuifine , qui étoit toute
pavée de longues & larges . briques quis
avoient été trouvées dans ces Edifices ruinez
, fur tout dans les débris des tombeaux..
M. de Vieux ajouta que dans un Cime
tierre , dit aujourd'hui de S. Martin , an-.
cien de plus de 500 ans , on trouva du
tems de ces recherches plufieurs grands
tombeaux de pierre & couverts , conte
nont chacun , plufieurs , fqueletes placés
P'un contre l'autre , ayant à côté d'eux des
haleb rdes , marque de valeur , ou de la
profeffion des armes . On découvrit , dit-- .
il , d'autres pareils tombeaux , dans le
champ nommé Catillon Gelet , & on en
trouve de pareils dans le Cimetiere, de la
II. Vol.
Rà
JUIN 1730. 12.9.7
Paroiffe de Vieux. Enfin il nous affura.
qu'on voit encore à Magny dans ce voifinage
, une espece de petite cuve de mar
bre rouge , d'environ fix pieds de circon--
ference , affez femblable à des Fonts Baptiſmaux
. , avec une Infcription Latine
dont il ignoroit le fens..
Enfin , notre Gentilhomme n'oublia
pas
les Medailles de toute efpece , trouvées,
de tout tems à Vieux & aux environs , affurant
que M..Foucault en avoit eû plus
de mille pour fa part. Il entreprit même
de nous en décrire plufieurs ; quoi faifant,.
ce fut pour nous , je vous l'avoue , une pe
tite ſcene affez réjouiffante ; jamais l'Antiquité
Metallique.ne.fût traitée plus plai--
famment , nous n'avions pas autrement
befoin d'une telle inftruction , vous en
jugerez par les Medailles , de la Reine
Chriftine, qu'il eftimoit beaucoup, & dont
il , affura qu'on avoit trouvé un grand
nombre. C'est ainsi , Monfieur , qu'il ap
pelloit Crifpine , femme de l'Empereur
Commode ,, dont effectivement il nous
montra plufieurs - medailles avec quantité
d'autres auffi communes: cela s'excufe facilement
dans une perfonne de fa profeſ--
fion..
Avant que de quitter Vieux , j'allai
accompagné du même Gentilhomme ,,
voir la carriere de marbre rouge , qui eft
II.Vol . aux
1298 MERCURE DE FRANCE
aux environs , & ainfi marquée dans la
Carte du Dioceſe de Bayeux ; mais fituée
dans le diſtrict du village voifin . Ce marbre
n'eſt pas du plus beau de fon efpece .
On affure que le pied-deftal antique de
Thorigny , dont il a déja été parlé , ainſi
que d'autres morceaux qu'on trouve dans :
les Eglifes de Caën , & fur tout la cuve de
Magny ,font de ce même marbre , ce qui
eft fortaifé à reconnoître.
Il ne tint qu'à nous de faire un grand
repas chez M.de Vieux : il vouloir à toute
force nous retenir jufqu'au lendemain ;
mais ayant amplement déjeûné à Caën , &
d'ailleurs m'étant venu une penfée fur la
Deſcription exacte de cesAntiquitez , qu'il
n'étoit plus poffible de revoir dans leur
entier , je réfolus de retourner de bonne
heure à cette Ville , pour la mettre à execution.
Il fallut cependant voir encore avec
quelque attention toute la maiſon du bon
Gentilhomme , & examiner fur tout fur
la porte de la Chapelle une repréfentation
en grand relief de Jefus-Chrift affis
dans le tombeau , accompagné de deux
Anges debout. Le P. de Vitry, Jefuite, eftimoit
fort cette figure , felon M.de Vieux,
& prétendoit que l'habile Sculpteur s'étoit
conformé à l'ancien ufage de mettre
en cette pofture les corps dans les fepul-
II.. Vol. chres
JUIN 1730. 1290
chres ; ufage qu'il croyoit avoir été pratiqué
à l'égard de Jefus - Chrift. C'eft fur
quoi nous ne conteftames point , & fur'
quoi , comme vous fçavez , divers Auteurs
ont écrit. L'Eglife Paroiffiale de
Vieux n'offre rien qui puiffe arrêter . Le
Curé eft à la nomination de l'Abbaye de
Fontenay..
De retour à Caen un pou tard , je fus
obligé de remettre au lendemain l'execution
de mon deffein. Outre plufieurs Lettres
de M. Foucault & de M.Galland , qui
m'inftruifoient affez fur les Antiquitez de
Vieux , j'avois un affez long. Narré fur le
même fujet , fait dans le tems même de la
découverte , par M. Bellin , Curé de Blainville
, habile homme , & Secretaire perperuel
de l'Academie de Caën , lequel
avoit eû bonne part à tout ce qui s'étoit
paffé là - deffus. C'étoit pour moi autant
& plus qu'il n'en falloit ; mais quand il
s'agit d'inftruire les autres fur des chofes
de cette nature , dont on n'a entendu
ler que confufément , on ne fçauroir prendre
trop de précaution pour fe faire bien
entendre , &pour ne rien dire que
vrai .
parde
Je crus donc qu'une petite conference
avec M. Bellin , que j'étois d'ailleurs bienaiſe
de revoir , acheveroit de jetter de la
clarté fur cette matiere , & qu'avec toutes
II. Vol.
ces
F300 MERCURE DE FRANCE
ces meſures je parviendrois à produire ens
fin une defcription exacte & claire desAntiquitez
de Vieux. Blainville n'eſt qu'à une
lieuë & demie de Caën , peu éloigné du
chemin qui mene à la Délivrande ,fameufe
Dévotion du Païs , au voisinage de la
mer, où l'on va de Caën en moins de deux
heures. Nous réfolumes d'aller droit à la
Délivrande & de revenir pár Blainville.
Nous partîmes de fort bon matin , parce
que j'étois bien aife de voir en paffant
l'Abbaye d'Ardennes qu'on trouve à une
petite lieuë de la Ville..
Cette Abbaye eft de l'Ordre de Prémontré
, & fondée au commencement du
douziéme fiecle. Un Difciple de S. Nortbert
, nommé Gilbert , en fut le premier-
Abbé , preſque dès l'origine de l'Ordre :
On ajoûte , que Philippe de Harcourt
Evêque de Bayeux , contemporain de ceɛ
Abbé , fit des biens confiderables à cette :
Maifon naiffante. C'étoit alors une vraie
folitude,à caufe des grands Bois dont elle :
étoit toute environnée , ce qui lui a fait
donner le nom d'Ardennes , de l'ancien
mot Gaulois Arden , qui fignifie foreft ,
nom qui s'eft confervé dans la grande fo--
reft des Ardennes , dans la Gaule Belgique,
& dans la plus grande foreft d'Angleter--
re: c'eft du moins le fentiment de M. a )
(a)Origines de Caën , ch. 22. på 3-125 .
11..Vol..
Huet :
JUIN. 1730. 1301
Huet ,qui à cette occafion & fur le même
fujet , releve une méprife de M. de la Roque
dans fon Hiftoire de la Maiſon de
Harcourt : cette Abbaye , où nous fûmes
fort bien reçûs , eft aujourd'hui un lieu
fort agreable , élevé. fur une petite coline,
avec des vûës charmantes . Les bâtimens en
font folides , commodes & fpacieux , & les
Religieux qui y demeurent joignent de la
politeffe à une grande édification : on y
aime auffi l'étude & l'application , convenable
à cet Etat.Ils nous apprirent qu'entre
quelques Abbez d'Ardennes , diftin
guez par leur érudition , on compte le fameux
Marguarin de la Bigne ; Auteur du
grand Ouvrage intitulé : La Bibliotheque
des Peres. Ce fçavant Homme , felon eux,
étoit de Vire , & doit être ajoûté aux Illuftres
de cette Ville , dont je vous ai par
lé dans ma derniere Lettre. M de la Baftie
eft aujourd'hui Abbé Commandataire.
d'Ardennes.
#
3:
Une large plaine qui ne fe termine qu'à
la mer , vers le Septentrion , nous conduifit
à laDélivrande, lieu celebre en Normandie
& dans les Provinces voisines
par le concours qu'une grande devotion
envers la fainte Vierge y attire de tous cô.
tez. Nous y entendîmes d'abord la Meffe,
& enfuite nous vîmes avec attention l'Eglife
qui eft fort jolie , extrêmement or
LL.Koh. née
1302 MERCURE DE FRANCE.
née , & très- bien deffervie par des Ecclefiaftiques
commis par M. l'Evêque de
Bayeux. Le Chapitre de la Cathedrale y
tient auffi un de fes Chanoines qui reçoit
les Offrandes , & dirige toutes chofes. Il
y a tout auprès un petit Seminaire conduit
par des Miffionnaires de la Congregation
de S. Lazare , dont nous vifitâmes
auffi P'Eglife & la Maiſon.
Nous apprîmes d'eux qu'on ne fçait
rien de bien affuré fur l'origine de l'Eglife
de la Délivrande , que quelques- uns font
remonter fans preuves à une haute Antiquité
; mais qu'on ne peut s'empêcher de
reconnoître que depuis un fort longtems
Dieu y eft particulierement fervi
& adoré , la Sainte Vierge honorée , & les
Fideles confolez & édifiez. Le vrai nom
moderne de ce lieu eft la Délivrande , duquel
, difent- ils , le Peuple ignorant à faiɛ
éelui de Délivrance : cependant Délivran
de eft un nom originairement Anglois : il
vient de Deale, qui en cette Langue fignifie
partie , portion de quelque chofe ; les
Normands difent Delle pour fignifier la
même chofe ; or les vieux titres portent
que la portion de terrain , ou la piece de
terre fur laquelle eft bâtie l'Eglife en
queftion , appartenoit au nommé Ivrand ,
ou Ivrande , & cette piece eft dénommée
Delle d'Ivrande , ou la piece de terre
AA II. Vol.
d'IJUIN.
1730. 1303
d'Ivrande : Rien ne paroît mieux dérivé ,
& il feroit difficile de trouver une meilleur
étymologie. Tout ce terrain eft de la
Paroiffe de Luc, à un quart de lieuë de -là ,
tirant vers la mer , & releve de l'Abbaye
de Fecamps, dont les Religieux font Pa
trons & Collateurs de la Cure.
Nous prenions congé de ces Meffieurs,
qui nous avoient offert obligeamment à
dîner , pour aller manger des huitres fur
le bord de la mer , & partir enfuite pour
Blainville , lorfque nous entendîmes un
grand bruit au dehors : ce bruit augmentoit
à mesure que nous fortions , & en
ayant demandé la cauſe au premier venu,
on nous dit que c'étoit une grande querelle
furvenue entre deux Etrangers, dont
on n'entendoit pas la Langue , qui s'échauffoit
beaucoup , & qui ne paroiffoit
ne devoir pas fi- tôt finir. Cela nous fit
avancer:mais il n'y avoit pas moyen d'approcher
: une nombreufe Populace envi
ronnoit les deux Champions , ils ne que
relloient point , mais autant valoit - il ,
car ils difputoient à outrance & fans ménager
les termes en Dialecticiens des plus
ferrez , ce qu'il nous étoit aifé d'entendre
de l'endroit où nous étions. La fingularité
du fait nous furprit , mais nous ne tar
dâmes pas d'être éclaircis ; car le Supe
ricus de la Maiſon ayant envoyé du mon-
II. Vola de
1304 MERCURE DE FRANCE
de pour impofer filence , & pour faire retirer
les Affiftans , nous vîmes fortir de la
foule les deux Conteftans fort échauffez &
tout enroüez , dont l'un, connu par mes
Compagnons de Voyage , étoit un bon
Hybernois , habitué à Caën ; l'autre étoit
un Pelerin Eſpagnol qui venoit du Mont
S. Michel . Le premier nous joignit fort
civilement , & ne nous quitta plus . Nous
les ramenâmes à Caen , & il nous conta
fon avanture, qui étoit telle.
•
Je fortois , nous dit-il , de cette Eglife
où j'ai coûtume de venir tous les Samedis
, quand j'ai rencontré ce Pelerin , lequel
après un leger falut m'a interrogé
affez brufquement en ces termes : Quoibous
ftoudouifti ? j'ai d'abord compris que
mon homme cherchoit noife , & qu'il
étoit frais émoulu des Ecoles . Vous fçavez
Meffieurs , que les Hibernois font un peu
Grecs fur l'article , & qu'en particulier
j'ai quelque petite réputation dans votre
Univerfité ; ainfi je n'ai point hefité à lui
répondre Studui Philofophia & etiam
Theologia. Il a fait là - deffus une exclamation
, puis tournant deux fois autour de
moi , il a debuté ainſi : Sentio te effe Thomiftam
, contra fic argumentor de Pramotione
Phifica, &m'a lâché tout de fuite un argument;
la difpute n'a gueres tardé à s'echauffer
& à nous attirer des Auditeurs , ou
II. Vol. plutôt
JUIN. 1730. 1305
plutôt des Spectateurs. Mon Adverfaire
n'eft rien moins que patient ; à chaque
négative que je lui donnois il fe trémouf
foit , & paroiffoit prêt à m'infulter ; enfin
, Meffieurs , la rumeur étoit à fon comble
lorsque vous nous avez entendu ; car
de la Prémotion Phyfique nous nous étions
jettés dans la diftinction des Attributs
& fur d'autres pareils points de pure Mé
taphyfique , lui foûtenant les fubtilités de
Scot, & moi , pour ne pas le faire mentir,
deffendant toujours les fentimens de l'autre
Ecole . Mais graces à la prudence de
M. le Superieur , la difpute a ceffé de la
maniere que vous l'avez vû , & graces à
votre courtoisie , j'efpere de me remettre
bientôt de la fatigue à laquelle je ne me
ferois jamais attendu , dans un lieu où j'étois
venu en partie pour me delaffer l'ef
prit.
Je vous avoue , Monfieur , que l'avanture
nous parut plaiſante ; nous en dejeunâmes
plus gayement. Après avoir vû
pêcher & avoir examiné plufieurs coquillages
fur les bords de la Mer , nous
remontâmes à Cheval pour nous rendre
à Blainville , où nous arrivâmes affez à
tems pour profiter d'un bon diner
que
M. Bellin , averti à mon inſçû par notre
Docteur , avoit préparé. Il s'étoit auffi
préparé lui-même en cherchant dans fes
II. Vol.
papiers
1306 MERCURE DE FRANCE
papiers & en rappellant dans fa memoire
tout ce qui pouvoit concerner les découvertes
de Vieux. Je fus , au refte , charmé
de revoir un ami de ce mérite , qui malgré
les années ne faifoit voir aucun changement
dans la folidité de fon efprit &
dans fes manieres polies & agréables .
Après le repas , le principal fujet de ma
vifite fut mis fur le tapis , & nous eumes
bientôt éclairci toutes choſes à cet égard ;
il me communiqua très obligeamment
tout ce qu'il avoit là- deffus , & me laiffa
emporter tout ce que je voulus. J'appris
de lui qu'à Blainville , comme à Vieux
on trouve de tems en tems des Médail
les & d'autres monumens de l'Antiquité
Romaine , dont il me promit de me donner
des preuves. Nous vîmes enfuite les
dehors du Village qui nous parurent fort
agréables , ce qui nous mena chez M.
D. L. L. qui a une fort jolie Maifon , &
poffede un Fiefdans le Marquifat de Blainville
; c'eft un homme de très bon commerce
, & qui fçait bien de bonnes choſes;
il me promit auffi une inftruction fur les
Antiquités trouvées dans ce Canton. La
Terre de Blainville appartient au Comte
de Rochechouart , frere du Duc de Mortemart
, lequel a époufé la fille de N Colbert
, Marquis de Blainville , troifiême
fils de Jean Baptifte Colbert , Miniſtre &
II. Vol. SecreJUIN.
1730 130 % -
Secretaire d'Etat , qui en avoit fait l'acquifition.
Blainville , au refte , n'eft pas un nom
donné à l'avanture; fi on en croit M.-Huet,
il renferme en lui une antiquité Gauloife ;
c'eſt Beleni Villa ; Apollon & Belenus
chez les Gaulois étoient la même Divinité .
Dans les vieux Titres , ajoûte ce Sçavant ,
le nom de ce Village eft Belainville ;
néanmoins dans plufieurs autres il eft nomme
Bléville , & dans la Charte de fondation
de l'Abbaye de Sainte Trinité de
Caen , Bledvilla , ce qui peut venir du
mot Bladum , qui dans la baffe Latinité
fignifie du bled , ainfi Bledville fignificroit
Village fertile en bled . Vous voyez ,
Monfieur , combien le nom d'un fimple
Village prend de formes differentes entre
les mains d'un habile homme. Il ne tint
à notre Hibernois que le nom même
de M. Bellin , Curé de Blainville , ne
devint miſterieux , & n'entrât pour quelque
chofe dans ces étimologies ..
pas
Au retour de notre petite promenade,
nous fûmes affez furpris de trouver dans
le Presbitere de la Delivrande le Pelerin
Efpagnol qui venoit d'arriver ; il fe jetta
aux pieds de M. le Curé , lui demandant
humblement fa benediction & l'hofpitalité
, ce qui lui fut accordé de bonne
grace , à condition qu'on ne difputeroit
II. Vol.
point ;
1308 MERCURE DE FRANCE
point ; là deffus , il vint embraffer fon
Antagoniſte , & nous fit civilité. Il produifit
enfuite fes papiers qui le firent
connoître pour Prêtre Espagnol & pour
Bachelier de la Faculté de Theologie d'Alcala
; il ajoûta qu'un vou folemnel l'avoit
conduit au Mont S. Michel , allant de Pro.
vince en Province & de Paroiffe en Paroiffe
, efperant s'en retourner de même
quand il auroit vû Caën .
Notre Medecin , homme fort jovial ,
lia avec lui converfation , & d'un ton affez
plaifant , ne fe montrant pas autrement
favorable à l'efprit de pelerinage ; le Bachelier
la foûtint encore plus plaifamment
entendant raillerie à merveilles , aux dépens
même de fa Nation dit de bons
mots avec efprit & de bonne grace , fans
oublier celui de l'Eſpagnol ( a ) aboyé de
près par des Chiens dans les Campagnes
de Bordeaux durant une forte gelée . La
converſation devint plus férieufe , quand
le rufé Pelerin , pour avoir fa revanche,
pouffa à fon tour notre Docteur fur la Phifique
, pour tomber , comme il fit , fur la
Medecine , dont il offrit de démontrer
( a ) Cet Espagnol voulant fe défaire des
Chiens à coups de pierres ne peut jamais en
détacher une fenle , à cause de la gelée ; fur
quoi il s'écria Maledicha la tierra en la quale
Jos perros fon deligados i las piedras ligadas.
II. Vol.
l'incerJUI
N. 1730.
1309
l'incertitude & l'illufion , ajoûtant que les
PhyficiensFrançois n'étoient que lesEchos
des Efpagnols ; témoin , dit - il , votre Delcartes
qui a bâti tout fon ſyſtême de l'ame
des Bêtes, fur celui de notre Gomelius Pereira
b lequel long- tems avant la naiffance
du Philofophe François , a foutenu que les
bêtes n'ont point de fentiment , & font
de pures Machines. Le bon Curé qui avoit
interdit toute difpute ne parut pas trop
fâché de voir embarquer celle- ci , elle
étoit propre à nous faire coucher à Blainville
, comme il le fouhaitoit ; mais je
rompis les chiens à propos ; notre Docteur
fe tira d'embarras comme il pût ; le
Bachelier crût avoir triomphé , & nous
crûmes , en remontant à cheval , après
avoir bien embraffé notre Hôte , avoir
bien employé cette journée , qui fe termina
par notre retour à Caën .
Lelendemain je gardai la maiſon toute
la journée , pour dreffer fur toutes mes
Inftructions une Relation exacte des Recherches
& des Découvertes faites à Vieux
du tems de M. Foucault ; ce fera la matiere
de la premiere Lettre que je vous
écrirai , & j'efpere que votre curioſité en
fera fatisfaite. Je fuis , Monfieur & c .
( b ) G. Pereira , fameux Medecin du XIV:
fiecle , a foutenu cette Doctrine dans un Livro
imprimé en 1554.
Fermer
Résumé : SUITE du Voyage de Basse-Normandie. LETTRE VII.
Le texte décrit un voyage à Vieux, un village près de Caen en Normandie, entrepris par l'auteur accompagné de son médecin et d'un autre curieux. Leur objectif est d'examiner les ruines et les découvertes archéologiques réalisées par M. Foucault. À leur arrivée, ils constatent que les vestiges antiques ont été en grande partie dissimulés par les propriétaires terriens pour permettre la reprise des cultures. M. de Vieux, seigneur du lieu, explique que les découvertes ont été comblées après les fouilles. M. de Vieux montre aux visiteurs divers objets antiques, tels que des tuyaux de brique, des tombeaux de pierre et des médailles. Il mentionne également une carrière de marbre rouge et une sculpture en relief représentant Jésus-Christ dans le tombeau. L'auteur visite ensuite l'abbaye d'Ardennes, fondée au XIIe siècle, et la Délivrande, un lieu de pèlerinage dédié à la Vierge Marie. Le texte se termine par une description de l'église de la Délivrande et de son séminaire. Parallèlement, le texte relate une dispute philosophique entre un Irlandais et un pèlerin espagnol près de l'église de la Délivrande. L'Irlandais, habitué de Caen, se rend à l'église lorsqu'il est abordé par le pèlerin espagnol, qui lui demande en latin s'il étudie la philosophie et la théologie. La discussion s'enflamme rapidement, attirant une foule de spectateurs. Les deux hommes débattent de sujets métaphysiques, tels que la promotion physique et les attributs divins, chacun défendant des écoles de pensée opposées. La dispute est interrompue par le supérieur de la maison, qui impose le silence. L'Irlandais rejoint ensuite les narrateurs, qui le ramènent à Caen. Il explique que la dispute a commencé par une question en latin sur ses études et a rapidement dégénéré en un débat philosophique intense. Plus tard, le groupe se rend à Blainville, où ils rencontrent M. Bellin, qui partage des informations sur les antiquités locales. Le pèlerin espagnol, arrivé entre-temps, demande l'hospitalité au curé de la Délivrande. Une conversation s'ensuit entre le pèlerin et le médecin du groupe, qui discutent de la médecine et de la philosophie. Le texte se termine par le retour des narrateurs à Caen, après une journée riche en échanges intellectuels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1310-1319
TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
Début :
Les Pays éclairez par le flambeau du monde, [...]
Mots clefs :
Guerre civile, Rome, Sang, Fortune, Romains
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
TRADUCTION
Du Poëme de Petrone ,fur la Guerre civile..
LEs Pays éclairez par le flambeau du monde
Ce vafte compofé de la Terre & de l'Onde
Rome poffedoit tout , & fouhaitoit encor ,
Quelque abîme au- delà ; recele- t'il de l'or ?
C'eft Pays ennemi ; bien- tôt pour fa conquête
On arme des vaiffeaux , une flote s'apprête ,
On cherche , on veur de Por ; les Dieux trop
inhumains
Par ce prefent cruel , divifent les Romains ;
Les plaifirs prodiguez à l'uſage ordinaire ,
Sont à peine goûtez par le fimple vulgaire ;
La perle d'Affyrie eft en proye au foldat ;
La pourpre trop commune a perdu ſon éclat ;
La nouveauté l'efface , à peine en Arabie ,
Trouve- t'on des parfums , du marbre eu Numidie
;
Le Sere eft dépouillé de fes rares toiſons .
Rome réunit tout dans fes vaftes maiſons.
Que je prévoi de maux ! une fecrete rage ,
Au milieu de la paix , infpire le carnage,
Le Maure eft étonné de voir fur des vaiffeaux
Tranfporter avec foin de cruels animaux ;
Les Tigres arrachez des forefts de l'Afrique ,
11, Vol ,
Viennens
JUI N. 1730. 1311
Viennent donner dans Rome une ſcene tragique
Du fang des Citoyens les theatres fumans ;
D'un peuple furieux font les amuſemens ;
Dirai -je, en quels excès cette Rome s'abîme ?
On va chercher en Perfe un exemple de crime .
J'en parle avec horreur , au fortir de berceau
Les hommes mutilez font un fexe nouveau.
Ces lâches inftrumens , d'une flâme impudique ,
Malgré l'effort du tems & fa Loi tyranique ,
Confervent par le fer , leurs criminels appas ;
La nature fe cherche , & ne fe trouve pas ;
L'excès regne par tout , on bannit la tendreſſe.
Pour faire triompher ces fils de la moleffe ;
Leur indolent maintien , leurs cheveux ajustez,
Ces divers noms d'habits par le luxe inventez
Tous ces attraits nouveaux qui défigurent l'hom
me ,
Sont autant d'hameçons où l'on voit courir Rog
me ;
Le Maure en efclavage arrive par troupeaux ;
Les cedres transformez en des meubles nou
yeaux ,
S'applaniffent en table ; où leur couleur dorée
D'un mélange de Pourpre artiftement parée ,
Semble combattre l'or, par un éclat trompeur
Couchez fur ces Autels , les Romains en fureur
Immolent , à l'envi , la raifon trop fevere';
Les fens font leur Idole , & pour les failsfaire ,
L'on voit de toutes parts le foldat furieux "
II.Vol. Cij Ravir
1312 MERCURE DE FRANCE
Ravir ce que la terre offre de précieux ;
En vain deffous les flots qui baignent la Sicile
Le Scare pourfuivi va chercher un azile ,
On l'amene vivant ; dans l'huitre du Lucrin
On trouve le fecret de repater la faim ;
Le ventre ingenieux fçait rendre tout facile
Du Phaſe dépeuplé , le rivage eft tranquille
Et fes arbres jadis fi chargez d'Habitans
Ne font plus agitez que dú fouffle des vents .
Jufques au champ de Mars Rome dans l'efclavage
,
Au gré de l'intereft dirige fon fuffrage ;
Le Peuple , le Senat , marchands de leur faveur
Vendent publiquement le pouvoir & l'honneur ' ;
Même dans les veillards cette vertu févere ,
La liberté Romaine aujourd'hui dégenere ;
Le merite eft l'argent , les charges font à prix
La majefté par- là tombe dans le mépris ;
Caton par-là fuccombe , ou plutôt pour fa
gloire ,
Le Peuple on le bravant rougit de la victoire ;
Caton injuftement privé du Confulat ,
Fait la honte de Rome , il en ternit l'éclat ,
Il entraîne avec lui l'honneur & la puiffance ;
1
Les moeurs fans gouvernail rappellent la licence;
Rome , de fes forfaits le prix & l'artiſan ,
Sans efpoir de vengeur eft fon propre tyran ;
Par le luxe & l'ufure également vaincuë ,
Dans deux gouffres affreux elle reste abatue , 11. Vol.
JUIN. 1730. 1313 .
Sur tous fes Citoyens , fur leurs poffeffions ,
L'hypoteque a par tout gravé fes actions ;
Cet air contagieux , courant de veine en veine
Jufques aux inteftins a porté la gangrene :
Fout refpire la guerre ; on efpere en fes coups ;
On croit dans les hafards trouver un fort plus
doux ;
L'audace fans reffource , ofe tout entreprendre ;
Des remèdes communs on ne doit rien attendre
La guerre , la fureur , eft le feul déformais
Qui puiffe ôter à Rome un fang auffi mauvais.
La fortune avoit mis les Cohortes Romaines ,
Dans trois partis divers , fous trois grands Ca
pitaines ;
Bellone à ces trois Chefs gardant un mêmë fort,
Leur porte en trois endroits une femblable mort.
Chez le Parthe Craffus va terminer fa vie ;
Pompée eft égorgé fur les flots de Lybie ;
Jules au Capitole en proye à des Romains ,
De fes enfans ingrats , enfanglante les mains
Raffembler ces grands Morts , étoit trop entre
prendre ,
S
On diroit que la terre a divifé leur cendre ,
Ne pouvant dans un lieu foûtenir leurs tom
beaux
C'eft ainfi que la gloire honnore ces Heros.
Entre Naple & ces champs où regnoit la Juftice
11. Vol. IL
Cij
1314 MERCURE DE FRANCE
L
Il eſt un lieu borné d'un affreux précipice
Le Cocyte l'arrofe , & dans les environs ,
Répand l'efprit mortel de fes exhalaiſons.
Là , jamais le printemps ne porta la verdure
Jamais un feul gazon n'y para la nature ;
Jamais on n'entendit les tendres arbriffeaux
Y mêler leur murmure aux accens des oiſeaux ;
Les Roches dans la mouffe au hazard entaffées
Parmi quelques cyprès affreufement placées ,
En font tout l'ornement , & dans ce noir cahos
Paroiffent aux regards comme autant de tom
beaux .
Là , le Dieu des Enfers, d'une tête enflâmée ;
Perçant un tourbillon de feux & de fumée
་
y
Parut , & découvrant la fortune en fon cours
Il l'appelle , l'arrête & lui tient ce difcours :
» Décffe , dont les loix par toi feule bornées 33
Des hommes & des Dieux , reglent les deftif
nées "
» Et qui courant toûjours après la nouveauté
Ne peus dans aucun bien laiffer de fûreté ,
" Quoi donc! l'unique Rome ignore ton Empire!
Tu formas fa grandeur , ne peus- tu la détruire
?
» Voi ces lâches Romains , d'eux- mêmes ennemis
,
Profaner ce haut rang où ta main les a mis
Ces dépouilles , ces biens entaffez par la guer-
***
Ces
JUI N. 1730 . 1315
1
Ces prefens infinis que leur produit la terre ,
→ Tout devient l'inftrument d'un demon furieux,
Qui leur ronge le coeur , en leur charmant les
yeux ;
Ils font des maiſons d'or ; jufques dans les
nuées ,
» De cens nouveaux Palais les faces font pouf
fées ,
30
Ils repouffent les eaux , ils traverfent les airs ;
Dans le milieu des champs ils font naître des
mers ;
Enfin l'on voit par tout d'un mouvement red
belle ;
Les élemens changer leur forme naturelle
Jufques dans mon Palais , j'ai fenti leurs ef
forts ;
La terre dans fon fein cache en vain fes tré
fors ,
Perçans en mille endroits les folides campa
gnes ,
Des autres gemiffans , ils tirent des monta
gnes ;
Et tandis qu'épuisée en uſages divers ,
La pierre par leurs mains s'entaffe dans les
airs "
→ Phebus de mes états échauffant la frontiere
Fait aux fombres enfers efperer la lumiere ;
Va donc , Fortune , va ; la guerre eft dans tes
mains ,
» Va¸ cours chaffer la paix , cours armer les
Romains
R
11, Vol. Coe
1316 MERCURE DE FRANCE
Qu'on ne voye en tous lieux que fáng , que
funerailles ;
Redouble mes fujets par cent & cent batailles,
Mon fceptre dès long- temps n'eft plus enfan
glanté:
De ma chere Alecton voi le flanc agité ;
€ » Rien n'a calmé fa foif depuis cette journée ,
Ou du brave Sylla la fureur couronnée ,
Fit naître dans les champs & des bleds & des
fruits ,
» Teints encore du fang dont ils furent nourris
I dit , puis écartant la terre qui le preffe ,
Il joint avec fa main , la main de la Déeffe..
La Fortune auffi-tôt d'une legere voix ,
Commença ce diſcouts : Prince, dont les Loir,
Retiennent pour toujours dans une nuit profonde
,
Tous ceux que leCocyte a portés fur fon onde,
Si je puis en ce jour , fans bleffer mon pouvoir
N
➡ annoncer fûrement ce qu'on va bien - tôt voir,
Tes voeux font exaucez ; mon coeur plein de
< colere ,
S'accorde avec le tien ; il faut les fatisfaire :
Je haï ce que j'ai fait pour ces Peuples ingrats;
Mon bras va renverfer l'ouvrage de mon bras;
C'en eft fait , il est temps de contenter ma
rage ;
11, Vol. Mêlons
JUIN. 1730. 1317
Melons par tout les cris, les feux & le carnage;
Mais quoi je voi déja le Tage épouvanté
Par un double combat , Pharfale
enfanglanté,
Je voi trembler le Nil , & fremir la Lybie ,
Je voi fur les buchers perir la Theffalie ;
Déja dans Actium , les coups d'un Dieu ven→
geur ,
Font entendre des cris
d'épouvante & d'hor
reurs.
➡Va donc ; de tes Etats , ouvre tous les palla
ges ;.
»Du Cocyte alteré prépare les Rivages ;
☛ Pour paffer les mortels qui courent au trépas
» Caron , le feul Caron ne te fuffira pas ;
te faut une flotte ; & toi , pâle Déeſſe
Alecton , que la foif , depuis fi long - tems
preffe ,
» Du fang qui va couler ,,fais cens ragoûts divers
;
Le monde par morceaux và tomber aux En
fers.
Elle parloit encor , lorfqu'un affreux nuage ,
Percé de mille feux , à grand bruit fe partage ;
Pluton connoît la voix du Souverain des Dieux
Difparoît & s'enfuit loin du jour & des Cieux .
annoncée
Par des fignes divers , la terre menacée ,
Auffi- tôt dans le Ciel , voit fa perte
Le Soleil obfcurci retire les rayons ;
H. VOL CY Le
1318 MERCURE DE FRANCE
On croit voir dans les airs marcher des legions
Diane , avec regret fourniffant fa carriere ,
Aux crimes des humains refuſe ſa lumiere ;
Les Rochers avec bruit quittant le haut des
monts ,
Vont par bonds éclatant foudroyer les valons ,
Les fleuves ne font plus bornez par leurs rivages>
En des lieux inconnus ils s'ouvrent des paffages
Ethna jufques au Ciel , élevanr fes torrens ,
Semble contre les Dieux feconder les Titans ;
D'un vain bruit de combats , les Echos retentiffent
;
Les morts font ranimez ; les fepulchres gemif
fent ;
On voit errer par tout des Phantômes affreux a
D'un aftre menaçant les flamboyans cheveux ,
Sement déja par tout l'horreur & l'incendie ;
Le fang enfin , le fang tombe en forme de
pluye...
Ces préfages bien - tôt font fuivis des effets :
Cefar de fa vengeance écoutant les projets ,
Et laiffant des climats en conquêtes fertiles ,
Quitte le fer gaulois pour les armes civiles.
Dans cet enchaînement de monts audacieux
Qui femblent attacher la Terre avec les Cieux ,
On découvre un Rocher , ou plutôt dans la nuë ,
Son front trop élevé diſparoît à la vûë ,
Les Alpes dans ce lieu confervent un Autel
11. Vol.
D'Alci
JUIN. 1319
1730 .
D'Alcide de fes faits , monument éternel ;
De neige & de glaçons les roches revêtues
De cet affreux féjour ferinent les avenuës ;
Le Soleil n'en a pû bannir les aquilons ,
L'hyver y regne feul de toutes les faifons.
Le refte fera dans le prochain Mercure
Du Poëme de Petrone ,fur la Guerre civile..
LEs Pays éclairez par le flambeau du monde
Ce vafte compofé de la Terre & de l'Onde
Rome poffedoit tout , & fouhaitoit encor ,
Quelque abîme au- delà ; recele- t'il de l'or ?
C'eft Pays ennemi ; bien- tôt pour fa conquête
On arme des vaiffeaux , une flote s'apprête ,
On cherche , on veur de Por ; les Dieux trop
inhumains
Par ce prefent cruel , divifent les Romains ;
Les plaifirs prodiguez à l'uſage ordinaire ,
Sont à peine goûtez par le fimple vulgaire ;
La perle d'Affyrie eft en proye au foldat ;
La pourpre trop commune a perdu ſon éclat ;
La nouveauté l'efface , à peine en Arabie ,
Trouve- t'on des parfums , du marbre eu Numidie
;
Le Sere eft dépouillé de fes rares toiſons .
Rome réunit tout dans fes vaftes maiſons.
Que je prévoi de maux ! une fecrete rage ,
Au milieu de la paix , infpire le carnage,
Le Maure eft étonné de voir fur des vaiffeaux
Tranfporter avec foin de cruels animaux ;
Les Tigres arrachez des forefts de l'Afrique ,
11, Vol ,
Viennens
JUI N. 1730. 1311
Viennent donner dans Rome une ſcene tragique
Du fang des Citoyens les theatres fumans ;
D'un peuple furieux font les amuſemens ;
Dirai -je, en quels excès cette Rome s'abîme ?
On va chercher en Perfe un exemple de crime .
J'en parle avec horreur , au fortir de berceau
Les hommes mutilez font un fexe nouveau.
Ces lâches inftrumens , d'une flâme impudique ,
Malgré l'effort du tems & fa Loi tyranique ,
Confervent par le fer , leurs criminels appas ;
La nature fe cherche , & ne fe trouve pas ;
L'excès regne par tout , on bannit la tendreſſe.
Pour faire triompher ces fils de la moleffe ;
Leur indolent maintien , leurs cheveux ajustez,
Ces divers noms d'habits par le luxe inventez
Tous ces attraits nouveaux qui défigurent l'hom
me ,
Sont autant d'hameçons où l'on voit courir Rog
me ;
Le Maure en efclavage arrive par troupeaux ;
Les cedres transformez en des meubles nou
yeaux ,
S'applaniffent en table ; où leur couleur dorée
D'un mélange de Pourpre artiftement parée ,
Semble combattre l'or, par un éclat trompeur
Couchez fur ces Autels , les Romains en fureur
Immolent , à l'envi , la raifon trop fevere';
Les fens font leur Idole , & pour les failsfaire ,
L'on voit de toutes parts le foldat furieux "
II.Vol. Cij Ravir
1312 MERCURE DE FRANCE
Ravir ce que la terre offre de précieux ;
En vain deffous les flots qui baignent la Sicile
Le Scare pourfuivi va chercher un azile ,
On l'amene vivant ; dans l'huitre du Lucrin
On trouve le fecret de repater la faim ;
Le ventre ingenieux fçait rendre tout facile
Du Phaſe dépeuplé , le rivage eft tranquille
Et fes arbres jadis fi chargez d'Habitans
Ne font plus agitez que dú fouffle des vents .
Jufques au champ de Mars Rome dans l'efclavage
,
Au gré de l'intereft dirige fon fuffrage ;
Le Peuple , le Senat , marchands de leur faveur
Vendent publiquement le pouvoir & l'honneur ' ;
Même dans les veillards cette vertu févere ,
La liberté Romaine aujourd'hui dégenere ;
Le merite eft l'argent , les charges font à prix
La majefté par- là tombe dans le mépris ;
Caton par-là fuccombe , ou plutôt pour fa
gloire ,
Le Peuple on le bravant rougit de la victoire ;
Caton injuftement privé du Confulat ,
Fait la honte de Rome , il en ternit l'éclat ,
Il entraîne avec lui l'honneur & la puiffance ;
1
Les moeurs fans gouvernail rappellent la licence;
Rome , de fes forfaits le prix & l'artiſan ,
Sans efpoir de vengeur eft fon propre tyran ;
Par le luxe & l'ufure également vaincuë ,
Dans deux gouffres affreux elle reste abatue , 11. Vol.
JUIN. 1730. 1313 .
Sur tous fes Citoyens , fur leurs poffeffions ,
L'hypoteque a par tout gravé fes actions ;
Cet air contagieux , courant de veine en veine
Jufques aux inteftins a porté la gangrene :
Fout refpire la guerre ; on efpere en fes coups ;
On croit dans les hafards trouver un fort plus
doux ;
L'audace fans reffource , ofe tout entreprendre ;
Des remèdes communs on ne doit rien attendre
La guerre , la fureur , eft le feul déformais
Qui puiffe ôter à Rome un fang auffi mauvais.
La fortune avoit mis les Cohortes Romaines ,
Dans trois partis divers , fous trois grands Ca
pitaines ;
Bellone à ces trois Chefs gardant un mêmë fort,
Leur porte en trois endroits une femblable mort.
Chez le Parthe Craffus va terminer fa vie ;
Pompée eft égorgé fur les flots de Lybie ;
Jules au Capitole en proye à des Romains ,
De fes enfans ingrats , enfanglante les mains
Raffembler ces grands Morts , étoit trop entre
prendre ,
S
On diroit que la terre a divifé leur cendre ,
Ne pouvant dans un lieu foûtenir leurs tom
beaux
C'eft ainfi que la gloire honnore ces Heros.
Entre Naple & ces champs où regnoit la Juftice
11. Vol. IL
Cij
1314 MERCURE DE FRANCE
L
Il eſt un lieu borné d'un affreux précipice
Le Cocyte l'arrofe , & dans les environs ,
Répand l'efprit mortel de fes exhalaiſons.
Là , jamais le printemps ne porta la verdure
Jamais un feul gazon n'y para la nature ;
Jamais on n'entendit les tendres arbriffeaux
Y mêler leur murmure aux accens des oiſeaux ;
Les Roches dans la mouffe au hazard entaffées
Parmi quelques cyprès affreufement placées ,
En font tout l'ornement , & dans ce noir cahos
Paroiffent aux regards comme autant de tom
beaux .
Là , le Dieu des Enfers, d'une tête enflâmée ;
Perçant un tourbillon de feux & de fumée
་
y
Parut , & découvrant la fortune en fon cours
Il l'appelle , l'arrête & lui tient ce difcours :
» Décffe , dont les loix par toi feule bornées 33
Des hommes & des Dieux , reglent les deftif
nées "
» Et qui courant toûjours après la nouveauté
Ne peus dans aucun bien laiffer de fûreté ,
" Quoi donc! l'unique Rome ignore ton Empire!
Tu formas fa grandeur , ne peus- tu la détruire
?
» Voi ces lâches Romains , d'eux- mêmes ennemis
,
Profaner ce haut rang où ta main les a mis
Ces dépouilles , ces biens entaffez par la guer-
***
Ces
JUI N. 1730 . 1315
1
Ces prefens infinis que leur produit la terre ,
→ Tout devient l'inftrument d'un demon furieux,
Qui leur ronge le coeur , en leur charmant les
yeux ;
Ils font des maiſons d'or ; jufques dans les
nuées ,
» De cens nouveaux Palais les faces font pouf
fées ,
30
Ils repouffent les eaux , ils traverfent les airs ;
Dans le milieu des champs ils font naître des
mers ;
Enfin l'on voit par tout d'un mouvement red
belle ;
Les élemens changer leur forme naturelle
Jufques dans mon Palais , j'ai fenti leurs ef
forts ;
La terre dans fon fein cache en vain fes tré
fors ,
Perçans en mille endroits les folides campa
gnes ,
Des autres gemiffans , ils tirent des monta
gnes ;
Et tandis qu'épuisée en uſages divers ,
La pierre par leurs mains s'entaffe dans les
airs "
→ Phebus de mes états échauffant la frontiere
Fait aux fombres enfers efperer la lumiere ;
Va donc , Fortune , va ; la guerre eft dans tes
mains ,
» Va¸ cours chaffer la paix , cours armer les
Romains
R
11, Vol. Coe
1316 MERCURE DE FRANCE
Qu'on ne voye en tous lieux que fáng , que
funerailles ;
Redouble mes fujets par cent & cent batailles,
Mon fceptre dès long- temps n'eft plus enfan
glanté:
De ma chere Alecton voi le flanc agité ;
€ » Rien n'a calmé fa foif depuis cette journée ,
Ou du brave Sylla la fureur couronnée ,
Fit naître dans les champs & des bleds & des
fruits ,
» Teints encore du fang dont ils furent nourris
I dit , puis écartant la terre qui le preffe ,
Il joint avec fa main , la main de la Déeffe..
La Fortune auffi-tôt d'une legere voix ,
Commença ce diſcouts : Prince, dont les Loir,
Retiennent pour toujours dans une nuit profonde
,
Tous ceux que leCocyte a portés fur fon onde,
Si je puis en ce jour , fans bleffer mon pouvoir
N
➡ annoncer fûrement ce qu'on va bien - tôt voir,
Tes voeux font exaucez ; mon coeur plein de
< colere ,
S'accorde avec le tien ; il faut les fatisfaire :
Je haï ce que j'ai fait pour ces Peuples ingrats;
Mon bras va renverfer l'ouvrage de mon bras;
C'en eft fait , il est temps de contenter ma
rage ;
11, Vol. Mêlons
JUIN. 1730. 1317
Melons par tout les cris, les feux & le carnage;
Mais quoi je voi déja le Tage épouvanté
Par un double combat , Pharfale
enfanglanté,
Je voi trembler le Nil , & fremir la Lybie ,
Je voi fur les buchers perir la Theffalie ;
Déja dans Actium , les coups d'un Dieu ven→
geur ,
Font entendre des cris
d'épouvante & d'hor
reurs.
➡Va donc ; de tes Etats , ouvre tous les palla
ges ;.
»Du Cocyte alteré prépare les Rivages ;
☛ Pour paffer les mortels qui courent au trépas
» Caron , le feul Caron ne te fuffira pas ;
te faut une flotte ; & toi , pâle Déeſſe
Alecton , que la foif , depuis fi long - tems
preffe ,
» Du fang qui va couler ,,fais cens ragoûts divers
;
Le monde par morceaux và tomber aux En
fers.
Elle parloit encor , lorfqu'un affreux nuage ,
Percé de mille feux , à grand bruit fe partage ;
Pluton connoît la voix du Souverain des Dieux
Difparoît & s'enfuit loin du jour & des Cieux .
annoncée
Par des fignes divers , la terre menacée ,
Auffi- tôt dans le Ciel , voit fa perte
Le Soleil obfcurci retire les rayons ;
H. VOL CY Le
1318 MERCURE DE FRANCE
On croit voir dans les airs marcher des legions
Diane , avec regret fourniffant fa carriere ,
Aux crimes des humains refuſe ſa lumiere ;
Les Rochers avec bruit quittant le haut des
monts ,
Vont par bonds éclatant foudroyer les valons ,
Les fleuves ne font plus bornez par leurs rivages>
En des lieux inconnus ils s'ouvrent des paffages
Ethna jufques au Ciel , élevanr fes torrens ,
Semble contre les Dieux feconder les Titans ;
D'un vain bruit de combats , les Echos retentiffent
;
Les morts font ranimez ; les fepulchres gemif
fent ;
On voit errer par tout des Phantômes affreux a
D'un aftre menaçant les flamboyans cheveux ,
Sement déja par tout l'horreur & l'incendie ;
Le fang enfin , le fang tombe en forme de
pluye...
Ces préfages bien - tôt font fuivis des effets :
Cefar de fa vengeance écoutant les projets ,
Et laiffant des climats en conquêtes fertiles ,
Quitte le fer gaulois pour les armes civiles.
Dans cet enchaînement de monts audacieux
Qui femblent attacher la Terre avec les Cieux ,
On découvre un Rocher , ou plutôt dans la nuë ,
Son front trop élevé diſparoît à la vûë ,
Les Alpes dans ce lieu confervent un Autel
11. Vol.
D'Alci
JUIN. 1319
1730 .
D'Alcide de fes faits , monument éternel ;
De neige & de glaçons les roches revêtues
De cet affreux féjour ferinent les avenuës ;
Le Soleil n'en a pû bannir les aquilons ,
L'hyver y regne feul de toutes les faifons.
Le refte fera dans le prochain Mercure
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Résumé : TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
Le poème de Pétrone décrit la situation de Rome après ses conquêtes, où la ville aspire à de nouvelles victoires et prépare une flotte pour envahir un pays ennemi. La société romaine est marquée par l'excès et la décadence. Les plaisirs sont abondants, les ressources rares sont accaparées, et les mœurs se dégradent. Rome est comparée à un tyran sans espoir de vengeur, vaincue par le luxe et l'usure. Les citoyens sont endettés, et la guerre semble inévitable pour purifier Rome de ses maux. La Fortune, invoquée par Pluton, décide de détruire Rome en raison de l'ingratitude de ses habitants. Elle décrit la décadence romaine, où les éléments naturels sont altérés par l'ambition humaine. La Fortune et Pluton préparent une guerre dévastatrice, annonçant des signes de catastrophe imminente : obscurcissement du soleil, tremblements de terre, éruptions volcaniques, et apparitions de spectres. Ces présages sont suivis d'effets concrets : César, cherchant vengeance, quitte les conquêtes fertiles pour se tourner vers les armes civiles. Le texte se termine par la description d'un rocher élevé dans les Alpes, où un autel dédié à Alcide (Hercule) est conservé, symbolisant la grandeur passée de Rome.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 1319-1330
LETTRE pour servir de réponse à la Letre de M.... écrite de Grenoble, & inserée dans le Mercure du mois de Mai 1730.
Début :
Il est vrai, Monsieur, que le livre anoncé sous le titre, d'ABC DE CANDIAC [...]
Mots clefs :
Enfants, Étude, Réflexions, A, B, C Français, A, B, C Latin, Leçons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE pour servir de réponse à la Letre de M.... écrite de Grenoble, & inserée dans le Mercure du mois de Mai 1730.
LETRE pour fervir de réponse à la
Letre de M.... écrite de Grenoble , &
inferée dans le Mercure du mois de Mai
1730 .
I
Left vrai , Monfieur , que le livre
anoncé fous le titre , d'A B C DE CANDIAC
auroit déja du paroitre , mais cela
n'a pas abfolument dépendu de l'auteur ;
come il fouhaite doner une Edition paffable
& corecte , il n'a voulu prendre au
cun engagement avec des libraires , fe
fatant d'avoir dans peu la liberté de
mieux faire avec quelque imprimeur . Le
titre d'ABC de Candiac aïant paru
trop fimple à bien des perfones , on lui
a confeillé d'en prendre un autre moins
vague , & qui donat une idée plus exacte
de fon ouvrage ; c'eft pourquoi il l'a intitulé
, LA BIBLIOTEQUE DES ENFANS , OU
LES PREMIERS ELEMENS DES LETRES , &c.
11. Vol. Cvj & c'eft
1320 MERCURE DE FRANCE
& c'eft fous ce titre qu'il en a obtenu le
privilege.
Voici , Monfieur , le plan de fon ouvrage.
Il eft divifé en deux volumes , l'un
pour le maitre , & l'autre
pour l'enfant. >
Celui de l'enfant, ou de pure pratique , eft.
divifé en cinq parties.
La premiere partie contient en cinquante
leçons, trois A B C latins ; favoir,
le premier en vint & une petites leçons ?
pour les letres , voyeles ou confones ;
grandes & petites : les confones avec
leur nom ou fans leur nom ; reffemblantes
ou non reffemblantes ; letres grifes
romaines , & italiques ; letres à poins , à
titres , à trema , à accens ; voyeles naza
fes ; diftongues , fons fimples , ou compofés
; confones fortes , confones foibles ; letres
fiflantes , afpirées ; letres doubles , ligatures
, &s ..... Le fegond A B C´latin
en quinze petites leçons , eft pour les
combinaiſons des confones avec les voye
fes initiales , finales , & mediales ; pour:
les combinaiſons des confones à double
emploi , ufage ou valeur , come font les .
letres c, g ,f, t, x, y , & c. pour les combinaifons
des letres liquides ou coulantes.
1, r; pour les combinaifons des caracte
resch , ph , rb , th , & des letres dificiles
pour les combinaifons des confones fimples
, doubles , fortes ou foibles , & c. ....
2.
II. Fol
Le
JUIN 1730. 1321
Le troifiéme A B C latin en quatorze petites
leçons , contient les monofilabes latins
la filabifation , ou l'art d'épeler toute
forte de polifilabes & de mots dificiles
faits exprès , ou choifis dans les livres ; des
mots , fans voyeles , & de vieux mots la
tins abregés ou non abrégés.
La fegonde partie contient auffi trois
ABC françois en deux cens & tant de
leçons ; favoir le premier en huit petites
leçons pour les voyeles latines & les
voyeles françoifes; pour les confones avec:
leur nom ou fans leur nom ; pour les fons .
fimples ou compofés ; pour toutes les combinaiſons
des confonnes , foibles ou fortes;
pour les combinaiſons des fons fecs, liquides,
& mouillés , &c....Le fegond ABC
françois en fix petites leçons contient les
monofilabes françois , & la filabifation ,
ou l'art d'épeler toute forte de mots &c.
... Le troifiéme ABC plus étendu ,
contient toutes les autres combinaiſons.
neceffaires , & quantité de leçons de lecture,
variées par diferens fujets fur les le
tres & fur les nombres ; & enfin une no →
menclature des arts & des fiences , fuivie
de la doctrine chrétienne , & du calen--
drier de Jules-Cefar à côté de notre al--
manac. On parlera des autres trois parties
dans le mercure du mois prochain .
Le volume du maître , qui fervira en-
JI. Vol fuite
122 MERCURE DE FRANCE
fuite à l'enfant , eft auffi diviſé en cinq
parties ; la premiere partie contient en
cent & tant de pages la preface de l'ou--
vrage, & les réflexions ou inftructions neceffaires
fur tout l'atirail literaire que l'on
peut doner à un petit enfant , come
des jeux de cartes , une caffete , & un bureau
abécédiques ; une caffe d'imprimerie
, en colombier , la fuite du bureau tipografique
, latin- françois , un rudiment
pratique ; & enfin le dictionaire du bureau
tipografique ; cette même partie con--
tient les reflexions , & les remarques fur
les cinquante leçons des trois A B C la
rins.
ge.
La fegonde partie en cent & tant de
pages , contient d'abord les reflexions
nerales , & préliminaires fur l'étude de la
langue françoife , & des fons qui la dif--
tinguent des autres langues ; & enſuite
des remarques grammaticales fur les leçons
des trois A B C françois.
La troifiéme partie en trente & tant de
pages , contient une réponse aux raifonemens
, ou aux préjugés de M. l'Abe
Regnier dans fon traité de l'ortografe , &
quelques reflexions fur l'ortografe des dic
tionaires de Richelet , de Furetiere , det
Trevoux , de l'Academie Françoife , & def
Academie d'Espagne.
La quatrième partie , en foixanté &
II. Vol.
*tane™
JUIN. 1730 1323
tant de pages , contient
dans un ordre
cronologique
des extraits
critiques
d'une'
trentaine
d'auteurs
, par rapport à la tradition
de l'ortografe
& de les principes
,
fuivis ou changés
depuis
près de deux
fiecles. Cette partie poura être augmen
tée à mesure que les ortografiftes
anciens
ou modernes
tomberont
fous la main de
l'auteur de ce petit ouvrage.
La cinquième partie contient les inf
tructions préliminaires fur le rudiment
pratique de la langue latine , & des refle
xions fur les petits exercices de l'enfant ,
auquel les parens fouhaitent de doner
une noble & belle éducation .
Voilà , Monfieur , l'idée la plus apro
chante que je puiffe vous doner de cet
ouvrage , l'auteur , felon les principes de
Ramus , infifte toujours beaucoup fur la
pratique , parce qu'il croit plus aife de faire
agir les enfans , que de les faire raifo- '
ner ; c'eft travaillet en pure perte que de
les arêter lontems fur des fpeculations
qui vont à prouver l'utilité des regles ,
au lieu de les faire paffer au plutôt à la
pratique même de ces regles. Il a ceperdant
expliqué fa métode auffi clairement
qu'il lui a été poffible , il a même pris à
tâche de rendre raifon de tout dans le
corps de l'ouvrage , & de répondre à
toutes les dificultés raifonables qu'on
NII Vol
peut
1324 MERCURE DE FRANCE
R
peut former contre cette nouvele maniere
d'inftruire les enfans .
Il ya deux fortes de perfones que l'auteur
ne s'eft jamais flaté de pouvoir convaincre.
Il met au premier rang ceux qui ,
par un entêtement exceffiffur l'exactitude,
de leurs recherches , croient que tout eft
trouvé , parce qu'il leur plaît de croire
qu'ils n'ont plus rien à aprendre ; dans
cette idée ils n'ont que du mépris pour les
nouveles découvertes , & ne laiffent tout
au plus aux autres que la gloire d'ateindre
au dégré de favoir ,
ou la. la trop
opinion de leur fufifance les a placés. Le
plus court avec eux , c'eft de les abandoner
à leur fauffe préfomtion , qui n'a rien
de réel que l'ignorance où elle les retient,
& le ridicule qui en eft inféparable.
bone
La fegonde efpece de gens , ce font
ceux qui par une déference aveugle pour
ceux qui nous ont devancés dans la catiere
des belles letres , fe bornent uniquement
à favoir les opinions des autres ;
come le travail eft inféparable de la recherche
, ils aiment mieux fupofer que les
ancienes métodes font bones & fufifan--
tes , que de fe charger du foin d'examiner :
fi les nouveles ne valent pas mieux . On va .
toujours bien felon eux , quand on eft
dans un chemin batu , quelque long qu'il
Loit , & quelque embaras qu'on y trouve ;
II. Vol. comme™
y
JUIN 1730 1325
come fi l'avantage d'ariver plutot , &
plus comodément ne valoit pas la peine
de tenter une nouvele route. Du refte
fujets modeftes & foumis dans la republique
des letres , ils ne mettent point de
diference entre une hardieffe outrée, toujours
prete à tout contredire , & une ho
nete liberté qui fe referve le droit de
choifir entre le bien & le mieux : fcrupu
leufement atachés à leur routine , ils s'y
repofent come dans une poffeffionoù perfone
n'eft en droit de les troubler. Les
premiers qu'on peut apeler des demi-favans
glorieux , font trop entêtés de leur
propre merite , ceux- ci de celui d'autruis
cette double difpofition , également bla
mable & dans les uns & dans les autres ,
aretera toujours le progrès des fiences.
à moins qu'on ne prene le parti de fe metre
au-deflus de la fote vanité des premiers
, & de la timidité de ces derniers .
Il y a plus de quinfe ans que l'Auteur
de cette metode fit quelque étude des fons
de la langue françoife , & cela pour profiter
un peu du fejour de Paris où il fe
trouvoit alors. Il mit fes reflexions fur le
papier , mais pour lui feul , ou tout au
plus pour quelques amis . De retour en
province , il eut ocafion de faire l'effai
de cette doctrine des fons : & avec un
peu d'aplication & de travail , il mit dans
II. Vol
peu
1326 MERCURE DE FRANCE
peu de tems une gouvernante en état de
montrer les letres & les fons à un enfant
de deux ans ; ce qu'on pouroit même
pratiquer encore plutôt , fi les enfans
étoient pour l'ordinaire capables d'articuler
des fons avant ce tems là. Cet effai
réuffit fi bien , que l'enfant conut toutes
les letres grandes & petites à l'âge de
trente mois , & qu'à trois ans il lut paſſablement
le françois & le latin , l'heureux
fuccès fur la premiere de ces deux langues
aïant porté l'auteur à tenter la même
chofe fur la fegonde.
On croit ordinairement qu'il eft inutile
, indiferent , & peut- etre meme dangereux
de montrer les lètres à un enfant
dès qu'il fait articuler quelques filabes .
Bien des gens s'imaginent que de comancer
deux ou trois ans plutot ou plus tard, cela
ne fauroit guere influer ni en bien nien mak
dans le refte de la vie ; & qu'enfin l'education
tardive peut mener également à la
perfection ; c'eft là , ce me femble , un
prejugé que l'ignorance & la coutume
paroiffent n'avoir déja que trop autorifé;
car le degout de la plupart des écoliers
ne vient peut- etre pas moins d'une édu
cation tardive que d'un defaut de difpo
fition à l'étude. Je penfe donc avec l'auteur
qu'il feroit très utile que l'enfant pût
lire auffi tot qu'il fait parler ; cela lui do-
I I. Vol. neroit
UIN. 1730.
1327
neroit plus de facilité dans toutes les études.
La diference d'un enfant qui lit à
trois ans , & de celui qui à peine lit à ſept ,
doit etre contée pour beaucoup dans la
fuite des études. Il y a tant de chofes à
aprendre , qu'on ne fauroit trop tôt comancer.
On ne prend pour pretexte la
fanté , la foibleffe , ou la vivacité d'un enfant
, que pour fe juftifier foi meme , &
pour excufer un ufage fuivi par imitation
plutot que par raifon ; chacun pouroit
fournir fur autrui , & peut-etre fur foi
même , des exemples de cet abus .
D'où vient que les ainés , les enfans uniques
, ou les enfans le plus cheris , font
ordinairement moins avancés dans les étu
des que les autres : c'eft qu'on les a mis
trop tard à l'abc , ou peut être trop tôt
fur des livres ordinaires & mal faits : on
a rempli de fimples puerilités leur imagination
tendre ; ils ont grandi dans l'exereice
continuel des badinages ; ils ont enfuite
peine à les facrifier aux leçons inftructives
& penibles qu'on leur done
D'ailleurs enfeveli dans les prejugés , on
aime mieux en general voir vivre fon
enfant dans l'ignorance , que de s'expofer
à la crainte mal fondée , de le perdre fort
favant ; & l'on conclud fans raifon que la
frence abrege leurs jours , come fi l'ignorance
& l'oifiveté prometoient une plus
II. Vol. longue
1328 MERCURE DE FRANCE
longue vie . Quelques particuliers peuvent,
l'imaginer ainfi , mais le Public penſe &
taifone plus jufte.
pas mal
Puifque les autorités & les exemples
font ordinairement plus d'impreffion que
les fimples raifonemens , il n'eft
d'en raporter ici quelques uns. Certaines
perfones ont cru , dit Quintilien , qu'il ne
faut pas entreprendre de rien enfeigner
aux enfans avant fept ans : mais ceux qui
come Chrifipe , ne veulent pas qu'aucun
age foit exemt d'aplication , l'entendent
bien mieux. Car quoiqu'il laiffe l'enfant
entre les mains des femmes jufqu'à trois
ans , il veut qu'elles prenent foin dès ce
tems là de lui former l'efprit par les meil-
Ieures inftructions qu'elles font capables
de doner. Et pourquoi ce meme age , qui
eft déja fufceptible d'impreffion pour
les
moeurs , ne le feroit- il pas auffi des premiers
elemens de literature ?
Socrate lontems auparavant avoit fait
comprendre à fes diciples que les enfans
qui favent parler , & qui comancent à
faire paroitre du dicernement , ne font
point trop jeunes pour les fiences. Ariftote
& Platon l'ont penfé de même : &
fi Quintilien déja cité , M. le Fevre , Madame
Dacier , & beaucoup de favans , ont
eu le malheur de perdre leurs enfans ce-
Jebres , doit on conclure qu'il font morts
II. Vol. par
JUIN. 1730. 1329
par des excès d'étude ? la tendreffe paternele
des favans eft elle moins naturele que
celle des autres homes ? font ils plus avcuglés
, & moins atentifs lorfqu'il s'agit
des égars & des menagemens neceffaires à
la confervation des enfans le plus cheris ?
Il eft vrai que les énemis de l'étude l'a
cufent d'etre meurtriere , & difent qu'elle
affaffine les enfans ou qu'elle les empêche
de croitre. Dès qu'il meurt quelque enfant
celebre les études , les ignorans
ne manquent pas d'en acufer ces mêmes
études ; c'eft la maniere dont ils s'y prenent
pour confoler des parens afligés , &
cela fans faire atention au nombre infini
d'enfans qui restent nains ou qui meurent
malgré leur parfaite ignorance & au
par
و
grand nombre de ceux qui vivent au delà
de quatre vints ans quoiqu'ils aient comencé
de fort bone heure à étudier . On
fait que le Cardinal Lugo dès l'âge de trois
ans fit paroitre fon heureux genie ; car il
favoit lire les imprimés & les manufcrits.
Bayle en parle dans fon dictionaire. Le
Taffe à l'age de trois ans , comença à étu
dier la gramaire ; & il fe portoit à l'étude
avec tant d'ardeur & tant de gout , que
fon pere n'hefita point à l'envoyer au co
lege des Jefuites , dès l'ege de quatre ans.
Sous ces habiles maitres le petit Torquato
fit de fi grans progrès , qu'à fept ans il
II. Vol. favoir
1330 MERCURE DE FRANCE
favoit parfaitement le latin , & tres palla
blement le grec. La fuite des nouveles
d'Amfterdam du 30 avril 1726 parloit
du petit Jean Filipe Baratier de Schwal
bach , qui comença d'aprendre les letres
avant l'age de deux ans. Mais ctier des
enfans morts, aux ïeux des ignorans , c'eſt
prefque decrier une métode : citer das
enfans étrangers , c'eft s'expofer à n'etre
pas cru : il en faut donc citer qui foient
en vie , & à Paris , la choſe eft aisée , &
ce fera pour un autre Mercure.Je fuis, &c.
Letre de M.... écrite de Grenoble , &
inferée dans le Mercure du mois de Mai
1730 .
I
Left vrai , Monfieur , que le livre
anoncé fous le titre , d'A B C DE CANDIAC
auroit déja du paroitre , mais cela
n'a pas abfolument dépendu de l'auteur ;
come il fouhaite doner une Edition paffable
& corecte , il n'a voulu prendre au
cun engagement avec des libraires , fe
fatant d'avoir dans peu la liberté de
mieux faire avec quelque imprimeur . Le
titre d'ABC de Candiac aïant paru
trop fimple à bien des perfones , on lui
a confeillé d'en prendre un autre moins
vague , & qui donat une idée plus exacte
de fon ouvrage ; c'eft pourquoi il l'a intitulé
, LA BIBLIOTEQUE DES ENFANS , OU
LES PREMIERS ELEMENS DES LETRES , &c.
11. Vol. Cvj & c'eft
1320 MERCURE DE FRANCE
& c'eft fous ce titre qu'il en a obtenu le
privilege.
Voici , Monfieur , le plan de fon ouvrage.
Il eft divifé en deux volumes , l'un
pour le maitre , & l'autre
pour l'enfant. >
Celui de l'enfant, ou de pure pratique , eft.
divifé en cinq parties.
La premiere partie contient en cinquante
leçons, trois A B C latins ; favoir,
le premier en vint & une petites leçons ?
pour les letres , voyeles ou confones ;
grandes & petites : les confones avec
leur nom ou fans leur nom ; reffemblantes
ou non reffemblantes ; letres grifes
romaines , & italiques ; letres à poins , à
titres , à trema , à accens ; voyeles naza
fes ; diftongues , fons fimples , ou compofés
; confones fortes , confones foibles ; letres
fiflantes , afpirées ; letres doubles , ligatures
, &s ..... Le fegond A B C´latin
en quinze petites leçons , eft pour les
combinaiſons des confones avec les voye
fes initiales , finales , & mediales ; pour:
les combinaiſons des confones à double
emploi , ufage ou valeur , come font les .
letres c, g ,f, t, x, y , & c. pour les combinaifons
des letres liquides ou coulantes.
1, r; pour les combinaifons des caracte
resch , ph , rb , th , & des letres dificiles
pour les combinaifons des confones fimples
, doubles , fortes ou foibles , & c. ....
2.
II. Fol
Le
JUIN 1730. 1321
Le troifiéme A B C latin en quatorze petites
leçons , contient les monofilabes latins
la filabifation , ou l'art d'épeler toute
forte de polifilabes & de mots dificiles
faits exprès , ou choifis dans les livres ; des
mots , fans voyeles , & de vieux mots la
tins abregés ou non abrégés.
La fegonde partie contient auffi trois
ABC françois en deux cens & tant de
leçons ; favoir le premier en huit petites
leçons pour les voyeles latines & les
voyeles françoifes; pour les confones avec:
leur nom ou fans leur nom ; pour les fons .
fimples ou compofés ; pour toutes les combinaiſons
des confonnes , foibles ou fortes;
pour les combinaiſons des fons fecs, liquides,
& mouillés , &c....Le fegond ABC
françois en fix petites leçons contient les
monofilabes françois , & la filabifation ,
ou l'art d'épeler toute forte de mots &c.
... Le troifiéme ABC plus étendu ,
contient toutes les autres combinaiſons.
neceffaires , & quantité de leçons de lecture,
variées par diferens fujets fur les le
tres & fur les nombres ; & enfin une no →
menclature des arts & des fiences , fuivie
de la doctrine chrétienne , & du calen--
drier de Jules-Cefar à côté de notre al--
manac. On parlera des autres trois parties
dans le mercure du mois prochain .
Le volume du maître , qui fervira en-
JI. Vol fuite
122 MERCURE DE FRANCE
fuite à l'enfant , eft auffi diviſé en cinq
parties ; la premiere partie contient en
cent & tant de pages la preface de l'ou--
vrage, & les réflexions ou inftructions neceffaires
fur tout l'atirail literaire que l'on
peut doner à un petit enfant , come
des jeux de cartes , une caffete , & un bureau
abécédiques ; une caffe d'imprimerie
, en colombier , la fuite du bureau tipografique
, latin- françois , un rudiment
pratique ; & enfin le dictionaire du bureau
tipografique ; cette même partie con--
tient les reflexions , & les remarques fur
les cinquante leçons des trois A B C la
rins.
ge.
La fegonde partie en cent & tant de
pages , contient d'abord les reflexions
nerales , & préliminaires fur l'étude de la
langue françoife , & des fons qui la dif--
tinguent des autres langues ; & enſuite
des remarques grammaticales fur les leçons
des trois A B C françois.
La troifiéme partie en trente & tant de
pages , contient une réponse aux raifonemens
, ou aux préjugés de M. l'Abe
Regnier dans fon traité de l'ortografe , &
quelques reflexions fur l'ortografe des dic
tionaires de Richelet , de Furetiere , det
Trevoux , de l'Academie Françoife , & def
Academie d'Espagne.
La quatrième partie , en foixanté &
II. Vol.
*tane™
JUIN. 1730 1323
tant de pages , contient
dans un ordre
cronologique
des extraits
critiques
d'une'
trentaine
d'auteurs
, par rapport à la tradition
de l'ortografe
& de les principes
,
fuivis ou changés
depuis
près de deux
fiecles. Cette partie poura être augmen
tée à mesure que les ortografiftes
anciens
ou modernes
tomberont
fous la main de
l'auteur de ce petit ouvrage.
La cinquième partie contient les inf
tructions préliminaires fur le rudiment
pratique de la langue latine , & des refle
xions fur les petits exercices de l'enfant ,
auquel les parens fouhaitent de doner
une noble & belle éducation .
Voilà , Monfieur , l'idée la plus apro
chante que je puiffe vous doner de cet
ouvrage , l'auteur , felon les principes de
Ramus , infifte toujours beaucoup fur la
pratique , parce qu'il croit plus aife de faire
agir les enfans , que de les faire raifo- '
ner ; c'eft travaillet en pure perte que de
les arêter lontems fur des fpeculations
qui vont à prouver l'utilité des regles ,
au lieu de les faire paffer au plutôt à la
pratique même de ces regles. Il a ceperdant
expliqué fa métode auffi clairement
qu'il lui a été poffible , il a même pris à
tâche de rendre raifon de tout dans le
corps de l'ouvrage , & de répondre à
toutes les dificultés raifonables qu'on
NII Vol
peut
1324 MERCURE DE FRANCE
R
peut former contre cette nouvele maniere
d'inftruire les enfans .
Il ya deux fortes de perfones que l'auteur
ne s'eft jamais flaté de pouvoir convaincre.
Il met au premier rang ceux qui ,
par un entêtement exceffiffur l'exactitude,
de leurs recherches , croient que tout eft
trouvé , parce qu'il leur plaît de croire
qu'ils n'ont plus rien à aprendre ; dans
cette idée ils n'ont que du mépris pour les
nouveles découvertes , & ne laiffent tout
au plus aux autres que la gloire d'ateindre
au dégré de favoir ,
ou la. la trop
opinion de leur fufifance les a placés. Le
plus court avec eux , c'eft de les abandoner
à leur fauffe préfomtion , qui n'a rien
de réel que l'ignorance où elle les retient,
& le ridicule qui en eft inféparable.
bone
La fegonde efpece de gens , ce font
ceux qui par une déference aveugle pour
ceux qui nous ont devancés dans la catiere
des belles letres , fe bornent uniquement
à favoir les opinions des autres ;
come le travail eft inféparable de la recherche
, ils aiment mieux fupofer que les
ancienes métodes font bones & fufifan--
tes , que de fe charger du foin d'examiner :
fi les nouveles ne valent pas mieux . On va .
toujours bien felon eux , quand on eft
dans un chemin batu , quelque long qu'il
Loit , & quelque embaras qu'on y trouve ;
II. Vol. comme™
y
JUIN 1730 1325
come fi l'avantage d'ariver plutot , &
plus comodément ne valoit pas la peine
de tenter une nouvele route. Du refte
fujets modeftes & foumis dans la republique
des letres , ils ne mettent point de
diference entre une hardieffe outrée, toujours
prete à tout contredire , & une ho
nete liberté qui fe referve le droit de
choifir entre le bien & le mieux : fcrupu
leufement atachés à leur routine , ils s'y
repofent come dans une poffeffionoù perfone
n'eft en droit de les troubler. Les
premiers qu'on peut apeler des demi-favans
glorieux , font trop entêtés de leur
propre merite , ceux- ci de celui d'autruis
cette double difpofition , également bla
mable & dans les uns & dans les autres ,
aretera toujours le progrès des fiences.
à moins qu'on ne prene le parti de fe metre
au-deflus de la fote vanité des premiers
, & de la timidité de ces derniers .
Il y a plus de quinfe ans que l'Auteur
de cette metode fit quelque étude des fons
de la langue françoife , & cela pour profiter
un peu du fejour de Paris où il fe
trouvoit alors. Il mit fes reflexions fur le
papier , mais pour lui feul , ou tout au
plus pour quelques amis . De retour en
province , il eut ocafion de faire l'effai
de cette doctrine des fons : & avec un
peu d'aplication & de travail , il mit dans
II. Vol
peu
1326 MERCURE DE FRANCE
peu de tems une gouvernante en état de
montrer les letres & les fons à un enfant
de deux ans ; ce qu'on pouroit même
pratiquer encore plutôt , fi les enfans
étoient pour l'ordinaire capables d'articuler
des fons avant ce tems là. Cet effai
réuffit fi bien , que l'enfant conut toutes
les letres grandes & petites à l'âge de
trente mois , & qu'à trois ans il lut paſſablement
le françois & le latin , l'heureux
fuccès fur la premiere de ces deux langues
aïant porté l'auteur à tenter la même
chofe fur la fegonde.
On croit ordinairement qu'il eft inutile
, indiferent , & peut- etre meme dangereux
de montrer les lètres à un enfant
dès qu'il fait articuler quelques filabes .
Bien des gens s'imaginent que de comancer
deux ou trois ans plutot ou plus tard, cela
ne fauroit guere influer ni en bien nien mak
dans le refte de la vie ; & qu'enfin l'education
tardive peut mener également à la
perfection ; c'eft là , ce me femble , un
prejugé que l'ignorance & la coutume
paroiffent n'avoir déja que trop autorifé;
car le degout de la plupart des écoliers
ne vient peut- etre pas moins d'une édu
cation tardive que d'un defaut de difpo
fition à l'étude. Je penfe donc avec l'auteur
qu'il feroit très utile que l'enfant pût
lire auffi tot qu'il fait parler ; cela lui do-
I I. Vol. neroit
UIN. 1730.
1327
neroit plus de facilité dans toutes les études.
La diference d'un enfant qui lit à
trois ans , & de celui qui à peine lit à ſept ,
doit etre contée pour beaucoup dans la
fuite des études. Il y a tant de chofes à
aprendre , qu'on ne fauroit trop tôt comancer.
On ne prend pour pretexte la
fanté , la foibleffe , ou la vivacité d'un enfant
, que pour fe juftifier foi meme , &
pour excufer un ufage fuivi par imitation
plutot que par raifon ; chacun pouroit
fournir fur autrui , & peut-etre fur foi
même , des exemples de cet abus .
D'où vient que les ainés , les enfans uniques
, ou les enfans le plus cheris , font
ordinairement moins avancés dans les étu
des que les autres : c'eft qu'on les a mis
trop tard à l'abc , ou peut être trop tôt
fur des livres ordinaires & mal faits : on
a rempli de fimples puerilités leur imagination
tendre ; ils ont grandi dans l'exereice
continuel des badinages ; ils ont enfuite
peine à les facrifier aux leçons inftructives
& penibles qu'on leur done
D'ailleurs enfeveli dans les prejugés , on
aime mieux en general voir vivre fon
enfant dans l'ignorance , que de s'expofer
à la crainte mal fondée , de le perdre fort
favant ; & l'on conclud fans raifon que la
frence abrege leurs jours , come fi l'ignorance
& l'oifiveté prometoient une plus
II. Vol. longue
1328 MERCURE DE FRANCE
longue vie . Quelques particuliers peuvent,
l'imaginer ainfi , mais le Public penſe &
taifone plus jufte.
pas mal
Puifque les autorités & les exemples
font ordinairement plus d'impreffion que
les fimples raifonemens , il n'eft
d'en raporter ici quelques uns. Certaines
perfones ont cru , dit Quintilien , qu'il ne
faut pas entreprendre de rien enfeigner
aux enfans avant fept ans : mais ceux qui
come Chrifipe , ne veulent pas qu'aucun
age foit exemt d'aplication , l'entendent
bien mieux. Car quoiqu'il laiffe l'enfant
entre les mains des femmes jufqu'à trois
ans , il veut qu'elles prenent foin dès ce
tems là de lui former l'efprit par les meil-
Ieures inftructions qu'elles font capables
de doner. Et pourquoi ce meme age , qui
eft déja fufceptible d'impreffion pour
les
moeurs , ne le feroit- il pas auffi des premiers
elemens de literature ?
Socrate lontems auparavant avoit fait
comprendre à fes diciples que les enfans
qui favent parler , & qui comancent à
faire paroitre du dicernement , ne font
point trop jeunes pour les fiences. Ariftote
& Platon l'ont penfé de même : &
fi Quintilien déja cité , M. le Fevre , Madame
Dacier , & beaucoup de favans , ont
eu le malheur de perdre leurs enfans ce-
Jebres , doit on conclure qu'il font morts
II. Vol. par
JUIN. 1730. 1329
par des excès d'étude ? la tendreffe paternele
des favans eft elle moins naturele que
celle des autres homes ? font ils plus avcuglés
, & moins atentifs lorfqu'il s'agit
des égars & des menagemens neceffaires à
la confervation des enfans le plus cheris ?
Il eft vrai que les énemis de l'étude l'a
cufent d'etre meurtriere , & difent qu'elle
affaffine les enfans ou qu'elle les empêche
de croitre. Dès qu'il meurt quelque enfant
celebre les études , les ignorans
ne manquent pas d'en acufer ces mêmes
études ; c'eft la maniere dont ils s'y prenent
pour confoler des parens afligés , &
cela fans faire atention au nombre infini
d'enfans qui restent nains ou qui meurent
malgré leur parfaite ignorance & au
par
و
grand nombre de ceux qui vivent au delà
de quatre vints ans quoiqu'ils aient comencé
de fort bone heure à étudier . On
fait que le Cardinal Lugo dès l'âge de trois
ans fit paroitre fon heureux genie ; car il
favoit lire les imprimés & les manufcrits.
Bayle en parle dans fon dictionaire. Le
Taffe à l'age de trois ans , comença à étu
dier la gramaire ; & il fe portoit à l'étude
avec tant d'ardeur & tant de gout , que
fon pere n'hefita point à l'envoyer au co
lege des Jefuites , dès l'ege de quatre ans.
Sous ces habiles maitres le petit Torquato
fit de fi grans progrès , qu'à fept ans il
II. Vol. favoir
1330 MERCURE DE FRANCE
favoit parfaitement le latin , & tres palla
blement le grec. La fuite des nouveles
d'Amfterdam du 30 avril 1726 parloit
du petit Jean Filipe Baratier de Schwal
bach , qui comença d'aprendre les letres
avant l'age de deux ans. Mais ctier des
enfans morts, aux ïeux des ignorans , c'eſt
prefque decrier une métode : citer das
enfans étrangers , c'eft s'expofer à n'etre
pas cru : il en faut donc citer qui foient
en vie , & à Paris , la choſe eft aisée , &
ce fera pour un autre Mercure.Je fuis, &c.
Fermer
Résumé : LETTRE pour servir de réponse à la Letre de M.... écrite de Grenoble, & inserée dans le Mercure du mois de Mai 1730.
La lettre répond à une précédente missive de M.... concernant la publication d'un ouvrage initialement intitulé 'A B C DE CANDIAC'. L'auteur a retardé la publication pour garantir une édition correcte et a changé le titre en 'LA BIBLIOTEQUE DES ENFANS, OU LES PREMIERS ELEMENS DES LETRES'. Cet ouvrage est divisé en deux volumes : un destiné au maître et un autre à l'enfant. Le volume de l'enfant est structuré en cinq parties, chacune contenant des leçons sur les lettres latines et françaises, les combinaisons de consonnes et de voyelles, ainsi que des exercices de lecture. Le volume du maître inclut des préfaces, des instructions et des réflexions sur l'enseignement des lettres. L'auteur souligne l'importance de la pratique et de l'apprentissage précoce des lettres, critiquant ceux qui s'opposent aux nouvelles méthodes éducatives par entêtement ou par déférence aveugle aux anciennes méthodes. Il mentionne des exemples historiques, tels que Quintilien, Socrate, Aristote et Platon, pour soutenir l'idée que les enfants peuvent commencer à apprendre dès un jeune âge. Le texte aborde également les cas exceptionnels de jeunes enfants prodiges et les critiques associées à ces exemples. Il note que certains enfants montrent des talents précoces malgré les nombreux cas d'enfants qui restent en retard ou meurent. Par exemple, le Cardinal Lugo lisait à l'âge de trois ans, comme le rapporte Bayle dans son dictionnaire. Torquato Tasso, à trois ans, commençait à étudier la grammaire avec une telle ardeur que son père l'envoya au collège des Jésuites à quatre ans. À sept ans, Tasso maîtrisait parfaitement le latin et avait des connaissances en grec. Le texte cite également Jean Philippe Baratier de Schwalbach, qui apprenait à lire avant l'âge de deux ans, selon des nouvelles d'Amsterdam du 30 avril 1726. Cependant, mentionner des enfants morts ou étrangers peut discréditer une méthode ou sembler incroyable. Le texte conclut en indiquant qu'il est facile de trouver des exemples d'enfants prodiges à Paris et promet de les citer dans un autre Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 1330-1333
ODE Présentée à Madame la Princesse de Conti, par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire de Pazenas, lorsque la Princesse passa par cette Ville avec M. le Prince de Conti son fils, le 4 du mois de Juin 1730.
Début :
Scavantes Nimphes du Permesse, [...]
Mots clefs :
Princesse de Conti, Coeur, Héros
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE Présentée à Madame la Princesse de Conti, par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire de Pazenas, lorsque la Princesse passa par cette Ville avec M. le Prince de Conti son fils, le 4 du mois de Juin 1730.
ODE
Préfentée à Madame la Princeffe de Conti ,
par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire
de Pezenas , lorfque la Princeffe paffa par
cette Villle avec M. le Prince de Conti
fon fils , le 4 du mois de fuin 1730 ,
S Cavantes Nimphes du Permeffe ,
Dans vos Concerts harmonieux ,
Celebrez l'Augufte Princeffe
Qui vient de s'offrir à mes yeux.
Par vous plus d'une fois conduite
Ma Lyre a chanté le mérite
Des demi dieux & des Héros ;
II. Vol. Epris
JUI N. 1739. 1331
.
Epris d'une fureur divine ,
Je vais chanter une Héroïne ,
Infpirez-moi des tours nouveaux.
Quels charmes éclatent en elle
Son afpect ravit mes efprits ;
Telle parut cette immortelle
Qui ravit le coeur de Paris .
Mais où tend ton vol témeraire
Mufe , fi tu prétens lui plaire
Laiffe tous ces frêles attraits ;
Son coeur que la fageffe guide
D'un éloge bien plus folide
Te fournira les plus beaux traits.
?
Des doux charmes que la nature
Nous accorde au gré du deſtin
L'éclat trop fragile ne dure ,
Comme la rofe , qu'un matin.
Et s'ils méritent quelque éloge ,
Plus d'une Mortelle s'arroge
Les hommages qui leur font dûs :
Princeffe , fi tu les furpaffes ,
Tu fçais unir avec les graces
L'éclat des plus rares vertus .
Ces vertus , plus que la Naiffance ,
Font que tu regnes fur le coeur
J
I'I, Vol.
D#
1332 MERCURE DE FRANCE
Des Peuples dont par ta prudence
Tu ſçais afſurer le bonheur .
Lorfque la Parque meurtriere
Vint borner l'illuftre carriere
Du Héros l'objet de tes feux ,
Quelle reffource à nos diſgraces ! ( a )
Si ton grand coeur fuivant les traces
Ne l'eut fait revivre à nos yeux.
Mais que fais-tu , Mufe imprudente ?
Faut - il par tes triftes accens
D'une playe encore fanglante
Renouveller les traits perçans ?
Banniffons ces mornes penfées ,
Pourquoi de nos pertes paffées
Garder encor le fouvenir ?
CONTI reproduit de fa cendre
Un Héros qui nous fait attendre
Le plus gracieux avenir.
Conduit par fon augufte Mere
Dans le fentier de la vertu,
Il regarde d'un oeil fevere
A fes pieds le vice abbatu :
Exemt d'une indigne moleffe ,
Il fait les jeux de fa jeuneffe
Des deffeins les plus glorieux ;
( a ) Pezenas dépend de la Maiſon de Conti.
II. Vol. On
JUIN. 1333 1730.
On le voit courir pour s'inftruire
Des moyens de les rendre heureux.
Ainfi , lorfqu'un foudain orage
Vient renverfer par La fureur
Un Arbre dont l'épais feuillage.
Servoit d'azile au Laboureur
Trifte , il detefte la tempête,
Qui met à découvert la tête
;
En proye au trait du Chien brulant
Mais tandis qu'il murmure encore
Un Rejetton qu'il voit éclore
Ranime fon coeur languiffant.
O vous ! dont la main bienfaiſante
Cultive ce tendre Rameau ,
Préſervez de l'ardeur brulante
Un fi précieux Arbriffeau.
Qu'à fes pieds l'Onde toujours pure
Coulant avec un doux murmure
L'arrofe dans les jeunes ans
Qu'ainfi de fa tige féconde
Naiffent les plus beaux fruits du monde ;
Qu'il nous promet dès fon Printems
Préfentée à Madame la Princeffe de Conti ,
par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire
de Pezenas , lorfque la Princeffe paffa par
cette Villle avec M. le Prince de Conti
fon fils , le 4 du mois de fuin 1730 ,
S Cavantes Nimphes du Permeffe ,
Dans vos Concerts harmonieux ,
Celebrez l'Augufte Princeffe
Qui vient de s'offrir à mes yeux.
Par vous plus d'une fois conduite
Ma Lyre a chanté le mérite
Des demi dieux & des Héros ;
II. Vol. Epris
JUI N. 1739. 1331
.
Epris d'une fureur divine ,
Je vais chanter une Héroïne ,
Infpirez-moi des tours nouveaux.
Quels charmes éclatent en elle
Son afpect ravit mes efprits ;
Telle parut cette immortelle
Qui ravit le coeur de Paris .
Mais où tend ton vol témeraire
Mufe , fi tu prétens lui plaire
Laiffe tous ces frêles attraits ;
Son coeur que la fageffe guide
D'un éloge bien plus folide
Te fournira les plus beaux traits.
?
Des doux charmes que la nature
Nous accorde au gré du deſtin
L'éclat trop fragile ne dure ,
Comme la rofe , qu'un matin.
Et s'ils méritent quelque éloge ,
Plus d'une Mortelle s'arroge
Les hommages qui leur font dûs :
Princeffe , fi tu les furpaffes ,
Tu fçais unir avec les graces
L'éclat des plus rares vertus .
Ces vertus , plus que la Naiffance ,
Font que tu regnes fur le coeur
J
I'I, Vol.
D#
1332 MERCURE DE FRANCE
Des Peuples dont par ta prudence
Tu ſçais afſurer le bonheur .
Lorfque la Parque meurtriere
Vint borner l'illuftre carriere
Du Héros l'objet de tes feux ,
Quelle reffource à nos diſgraces ! ( a )
Si ton grand coeur fuivant les traces
Ne l'eut fait revivre à nos yeux.
Mais que fais-tu , Mufe imprudente ?
Faut - il par tes triftes accens
D'une playe encore fanglante
Renouveller les traits perçans ?
Banniffons ces mornes penfées ,
Pourquoi de nos pertes paffées
Garder encor le fouvenir ?
CONTI reproduit de fa cendre
Un Héros qui nous fait attendre
Le plus gracieux avenir.
Conduit par fon augufte Mere
Dans le fentier de la vertu,
Il regarde d'un oeil fevere
A fes pieds le vice abbatu :
Exemt d'une indigne moleffe ,
Il fait les jeux de fa jeuneffe
Des deffeins les plus glorieux ;
( a ) Pezenas dépend de la Maiſon de Conti.
II. Vol. On
JUIN. 1333 1730.
On le voit courir pour s'inftruire
Des moyens de les rendre heureux.
Ainfi , lorfqu'un foudain orage
Vient renverfer par La fureur
Un Arbre dont l'épais feuillage.
Servoit d'azile au Laboureur
Trifte , il detefte la tempête,
Qui met à découvert la tête
;
En proye au trait du Chien brulant
Mais tandis qu'il murmure encore
Un Rejetton qu'il voit éclore
Ranime fon coeur languiffant.
O vous ! dont la main bienfaiſante
Cultive ce tendre Rameau ,
Préſervez de l'ardeur brulante
Un fi précieux Arbriffeau.
Qu'à fes pieds l'Onde toujours pure
Coulant avec un doux murmure
L'arrofe dans les jeunes ans
Qu'ainfi de fa tige féconde
Naiffent les plus beaux fruits du monde ;
Qu'il nous promet dès fon Printems
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Résumé : ODE Présentée à Madame la Princesse de Conti, par les Ecoliers des Prêtres de l'Oratoire de Pazenas, lorsque la Princesse passa par cette Ville avec M. le Prince de Conti son fils, le 4 du mois de Juin 1730.
Le 4 juin 1730, les écoliers des Prêtres de l'Oratoire de Pezenas ont présenté une ode à la Princesse de Conti lors de son passage avec son fils, le Prince de Conti. L'ode célèbre les mérites de la Princesse, comparée à une héroïne dont les charmes et les vertus surpassent les attraits physiques éphémères. Elle est louée pour ses vertus qui lui permettent de régner sur le cœur des peuples et d'assurer leur bonheur par sa prudence. Le poème évoque également la mort du héros aimé par la Princesse et la consolation apportée par la continuité de son héritage à travers son fils. Le Prince de Conti est décrit comme un jeune homme vertueux, exempt de mollesse, et dévoué au bien-être des autres. Le texte se termine par une prière pour que le Prince, comparé à un jeune arbre, soit protégé et cultivé afin de produire les plus beaux fruits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1334-1335
VERS LIBRES Présentés à Monseigneur le Prince de Conti par les mêmes Ecoliers.
Début :
La Déesse Minerve en Mentor déguisée, [...]
Mots clefs :
Dieux
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texteReconnaissance textuelle : VERS LIBRES Présentés à Monseigneur le Prince de Conti par les mêmes Ecoliers.
VERS LIBRES
Préfentés à Monseigneur le Prince de Conti
par les mêmes Ecoliers.
LA Déeffe Minerve en Mentor déguifée ,
Du jeune fils d'Uliffe accompagnoit les pas ;
S'il faut croire, au rapport d'Homere en l'Odiffée;
Pour moi , Conti , je ne m'y trompe pas
Et voici quelle eft ma penſée :"
Cet habile Poëte infpiré par les Dieux ,
Sous un fimbole ingénieux
Sans doute voulut nous dépeindre
Ce qui devoit un jour fe paffer fous nos yeux,
Oui , pofe le dire , fans craindre >
Les frivoles difcours d'un Cenfeur odieux
Du jeune Voyageur d'Homere
Vous avez tous les traits , le port , la majefté ,
La naiffance , les moeurs & la docilité
Pour la vertu la plus fevere.
Entre Minerve & votre augufte Mere
Les rapports font trop reflemblans
Pour que l'on puiffe s'y méprendre ;
Tout le monde à la voir peut ailément compren
dre
Qu'Homere en écrivant l'eut préfente à les fens.
De Mentor elle a la ſcience ,
L'efprit , le coeur & la douce éloquence
Qui fçait charmer en inftruifant ;
II. Vel Jufques
JUIN. 1730.
1337
Jufques- là le portrait eft en tout reffemblant
Entre vous & le fils du Monarque d'Ithaque ;
Mais au lieu que Pallas pour fuivre Telemaque
Se revêtit des traits d'un fourcilleux vieillard ;
Plus favorable à votre égard ,
Pour vous fuivre en votre voyage ,
De votre augufte Mere elle a pris le vifage ,
La démarche , la voix , le port majestueux
Pour n'en dire pas davantage ,
Elle a voulu fe montrer à vos yeux
Telle qu'elle paroît dans le Confeil des Dieux.
Préfentés à Monseigneur le Prince de Conti
par les mêmes Ecoliers.
LA Déeffe Minerve en Mentor déguifée ,
Du jeune fils d'Uliffe accompagnoit les pas ;
S'il faut croire, au rapport d'Homere en l'Odiffée;
Pour moi , Conti , je ne m'y trompe pas
Et voici quelle eft ma penſée :"
Cet habile Poëte infpiré par les Dieux ,
Sous un fimbole ingénieux
Sans doute voulut nous dépeindre
Ce qui devoit un jour fe paffer fous nos yeux,
Oui , pofe le dire , fans craindre >
Les frivoles difcours d'un Cenfeur odieux
Du jeune Voyageur d'Homere
Vous avez tous les traits , le port , la majefté ,
La naiffance , les moeurs & la docilité
Pour la vertu la plus fevere.
Entre Minerve & votre augufte Mere
Les rapports font trop reflemblans
Pour que l'on puiffe s'y méprendre ;
Tout le monde à la voir peut ailément compren
dre
Qu'Homere en écrivant l'eut préfente à les fens.
De Mentor elle a la ſcience ,
L'efprit , le coeur & la douce éloquence
Qui fçait charmer en inftruifant ;
II. Vel Jufques
JUIN. 1730.
1337
Jufques- là le portrait eft en tout reffemblant
Entre vous & le fils du Monarque d'Ithaque ;
Mais au lieu que Pallas pour fuivre Telemaque
Se revêtit des traits d'un fourcilleux vieillard ;
Plus favorable à votre égard ,
Pour vous fuivre en votre voyage ,
De votre augufte Mere elle a pris le vifage ,
La démarche , la voix , le port majestueux
Pour n'en dire pas davantage ,
Elle a voulu fe montrer à vos yeux
Telle qu'elle paroît dans le Confeil des Dieux.
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Résumé : VERS LIBRES Présentés à Monseigneur le Prince de Conti par les mêmes Ecoliers.
Le texte compare le Prince de Conti à Télémaque, le fils d'Ulysse, à travers une allégorie homérique. Minerve, déguisée en Mentor, accompagne le jeune prince comme elle le fait avec Télémaque. Conti possède les traits, la majesté, la naïveté, les mœurs et la docilité nécessaires pour la vertu la plus sévère. Les rapports entre Minerve et la mère du prince sont trop similaires pour être confondus, permettant de comprendre qu'Homère aurait présenté Minerve ainsi. La mère du prince incarne la science, l'esprit, le cœur et l'éloquence de Mentor, charmant tout en instruisant. Contrairement à Pallas qui se déguise en vieillard pour suivre Télémaque, Minerve prend l'apparence de la mère du prince pour l'accompagner dans son voyage, se montrant telle qu'elle apparaît dans le Conseil des Dieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 1335-1336
VERS déclamés par les mêmes, & adressés à Madame la Princesse de Conti.
Début :
Bon compliment est Marchandise rare, [...]
Mots clefs :
Compliment
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS déclamés par les mêmes, & adressés à Madame la Princesse de Conti.
VERS déclamés
par
les mêmes , & ad
dreffés à Madame la Princeffe de Conti.
Bon compliment eft Marchandiſe rare
Maint bel efprit crut égaler Pindare ,
Qui ne fut onc qu'un diſeur ennuyeux,
Vous autres Grands vous le fçavez trop mieux
Sans recourir à l'Art de Negromance ,
Bien gagerois qu'en traverfant la France ,
Maint harangueur copiant Moreri ,
Par long propos qu'il cuidoit bien fleuri ,
Vous a prouvé qu'étiez de haut Lignage ,
D'eftoc Royal & de grand Parentage ,
Et le conteur fe fera crâ difcret
S'il ne l'a pris que de Hugues Capet,
Dans fon difcours , & qu'il vous ait fait grace
De vos Majeurs de la feconde Race,
1
II. Vot Pis
Dij
7336 MERCURE DE FRANCE
Pis cut été fi du fac d'Ilion
Ayant tiré Monfeigneur Francion ,
De pere en fils , ennuyeux Annaliſte ,
De tent d'Ayeux il eur fourni la Lifte.
Aucuns ont crû qu'en un fujet fi grand
Point ne falloit Cloyis ni Childebrand ;
Que vos vertus , l'ornement de votre âge ,
Bien méritoient particulier hommage ;
Que ne louer que dévancier défunt
Sentoit par trop le mérite d'emprunt ;
Que ce grand coeur digne de la Couronne
Elprit charmant ou lumiere foiſonne
Grande lumiere affortie à bonté ,
Si doux acueil , fi ferme pieté ,
Bref tant de dons dont nature eft avare
Sont les grands traits dont éloge fe pare.
Or bien faudroit l'Homerique talent ,
Pour foutenir un fujet fi brillant.
Tel fe jettant fur matiere ſi vaſte
Trop a fenti le bizare contrafte
Du grapd fujet & du mince Orateur .
Pour moi cheif, qui ne fus onc Auteur
Qui ne paroits que pour montrer mon zele
Et quant & quant celui de ma fequelle ;
Je dois laifler à plus doctes Esprits
De
Car je reprens
mon
texte
, & quoiqu'on
dife ;
celebrer vos noms dans leurs Ecrits ,
Bon compliment eft rare Marchandiſe.
par
les mêmes , & ad
dreffés à Madame la Princeffe de Conti.
Bon compliment eft Marchandiſe rare
Maint bel efprit crut égaler Pindare ,
Qui ne fut onc qu'un diſeur ennuyeux,
Vous autres Grands vous le fçavez trop mieux
Sans recourir à l'Art de Negromance ,
Bien gagerois qu'en traverfant la France ,
Maint harangueur copiant Moreri ,
Par long propos qu'il cuidoit bien fleuri ,
Vous a prouvé qu'étiez de haut Lignage ,
D'eftoc Royal & de grand Parentage ,
Et le conteur fe fera crâ difcret
S'il ne l'a pris que de Hugues Capet,
Dans fon difcours , & qu'il vous ait fait grace
De vos Majeurs de la feconde Race,
1
II. Vot Pis
Dij
7336 MERCURE DE FRANCE
Pis cut été fi du fac d'Ilion
Ayant tiré Monfeigneur Francion ,
De pere en fils , ennuyeux Annaliſte ,
De tent d'Ayeux il eur fourni la Lifte.
Aucuns ont crû qu'en un fujet fi grand
Point ne falloit Cloyis ni Childebrand ;
Que vos vertus , l'ornement de votre âge ,
Bien méritoient particulier hommage ;
Que ne louer que dévancier défunt
Sentoit par trop le mérite d'emprunt ;
Que ce grand coeur digne de la Couronne
Elprit charmant ou lumiere foiſonne
Grande lumiere affortie à bonté ,
Si doux acueil , fi ferme pieté ,
Bref tant de dons dont nature eft avare
Sont les grands traits dont éloge fe pare.
Or bien faudroit l'Homerique talent ,
Pour foutenir un fujet fi brillant.
Tel fe jettant fur matiere ſi vaſte
Trop a fenti le bizare contrafte
Du grapd fujet & du mince Orateur .
Pour moi cheif, qui ne fus onc Auteur
Qui ne paroits que pour montrer mon zele
Et quant & quant celui de ma fequelle ;
Je dois laifler à plus doctes Esprits
De
Car je reprens
mon
texte
, & quoiqu'on
dife ;
celebrer vos noms dans leurs Ecrits ,
Bon compliment eft rare Marchandiſe.
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Résumé : VERS déclamés par les mêmes, & adressés à Madame la Princesse de Conti.
Le poème est adressé à Madame la Princesse de Conti et souligne la rareté des compliments sincères. Il contraste avec les nombreux esprits ayant tenté d'imiter Pindare sans succès. Les grands savent reconnaître la valeur sans artifices. Le poème mentionne des harangueurs traversant la France, prouvant la haute lignée et la royauté de la Princesse en citant ses ancêtres, y compris Hugues Capet et les rois de la seconde race. La Princesse est comparée à Pis, fille de Priam, et ses vertus personnelles sont mises en avant. Le poète loue son esprit charmant, sa bonté, son accueil doux et sa piété ferme, qualifiant ces traits de 'grands dons' rares. Il reconnaît que décrire un tel sujet brillant nécessiterait un talent homérique, mais avoue ne pas être à la hauteur. Il conclut en laissant la célébration de ses noms à des esprits plus doctes, tout en affirmant son zèle et celui de sa famille.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 1337-1344
REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
Début :
Parmi les faits que vous supposez, Monsieur, dans votre Réponse, il y [...]
Mots clefs :
Harmonie, Accords, Méthode, Accompagnement, Musique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
REPLIQUE du premier Musicien à
la réponse du fecond , inferée dans le Mer
cure du mois de May dernier.
P
Armi les faits que vous fuppofez ,
Monfieur , dans votre Réponſe , il y
en a deux où l'on peut voir clairement
que vous manquez de bonne foy; le premier
que vous avez déja avancé dans vo
tre conférence , regarde mon prétendu
defaveu du Traité de l'Harmonie , & le fecond
regarde la perfonne à qui vous fai
tes dire qu'elle m'a enfeigné tout ce que
j'ai mis au jour depuis peu , & où vous
confondez la Baffe fondamentale.
Si j'ai prouvé dans l'examen de votre
conférence , pag. 2373. la fauffeté de votre
application à un paffage du Traité de
Harmonie , à l'occafion de laquelle application
vous me faites prononcer contre
cet ouvrage ; il falloit détruire ma
preuve, avant que'd'infifter ; puis-je avoir
défavoué mon ouvrage à propos de rien ?
& prétendez - vous en impofer par vos témoins
? Confultez - les , ils ne font pas fG
préoccupez que vous ; votre condamna
tion fuivra de près leur jugement.
Je me fuis toujours fait un plaifir de
publier dans l'occafion, que M. Lacroix,
H.Vol
Diij de
1333 MERCURE DE FRANCE
de Montpelier , dont vous avez marqué
la demeure , m'avoit donné une connoiffance
diftincte de la regle de l'8 , à l'âge
de 20 ans ; mais il y a loin delà à la Bre
F. dont nul ne peut fe vanter de m'avoir
jamais donne la moindre notion ;j'ofe
même avancer , que nul ne la connoît encore
parfaitement. En proférer le nom ,
en avoir quelques idées , la difcerner en
certains cas , fentir ce qui en peut naître,
ce n'eft encore-là que l'entrevoir; en vain
la mettez - vous au rang des principes pratiquez
avant l'Edition de mon Livre; fr
cela étoit , on en auroit du moins touché
quelque chofe dans quelques- unes des
Méthodes de compofition ou d'accompagnement
, imprimées ou manufcrites ,
qui ont paru avant cette Edition ; & co
feroit rendre leurs Auteurs fufpects de
la plus grande charlatanerie , que de faire
entendre qu'ils ne l'ont profeffée que
dans des leçons de vive voie . Où font ces
leçons? où font ceux qui les ont données?
A l'égard des 4 chefs qui font , dites
vous , toute notre difpute , j'entamerai
encore moins la matiére que je ne l'ai fait
dans l'examen de votre conférence , parce
que je dois bien-tôt mettre au jour un
Ouvrage intitulé: Génération Harmonique,
où vous trouverez plus que vous ne demandez
à prefent ; mais comme je veux
II. Vol
mettre
JUIN 1730. 1339
mettre fin à votre critique , je vais feule
ment tâcher de vous prouver que ce que
vous m'oppofez de plus férieux,fe détruit
de lui-même.
Vous prétendez d'abord que le premier
fondement de l'Harmonie doit fe tirer despro
portions qui fe trouvent dans les Vibrations
des fons, pour me fervir de vos propres
termes ; & moi je foutiens qu'il éxifte
dans l'Harmonie qui réſulte de la réſonnance
d'un corps fonore . Vous dites que
c'eft un fait de Phyfique ; mais avez vous
bien pris garde que ce fait , qui vérita
blement eft Phyfique dans la maniére que
je l'expofe , devient purement Géométri
que de la façon que vous le préfentez
Ne fçavez-vous pas que la Mufique eft
une fcience Phificomathématique , que le
fon en eft l'objet Physique , & que les
rapports trouvez entre différens fons en
font l'objet Mathématique ou Géomé
trique ? Je m'étonne qu'avec un argument
tel que celui que vous me faites à
ce fujet , vous confondiez ainfi les cho
fess mais c'eft apparamment là votre intention
,comme la fuite en eft une preuve .
Car , fi nous paffons au 2. chef , nous
Vous y verrons retomber dans les contradictions
dont votre conférence eft
remplie , nous vous y verrons approuver
& défapprouver fucceffivement la même
HVol Dilj
chofe;
340 MERCURE DE FRANCE.
chofe ; vous n'y cachez pas même affez
l'embarras que vous voulez y jetter .Vous
imaginez - vous que la diftinction fubtile
& frivole que vous y faites entre l'accord
& l'intervale de 7 , change la nature de
cette même 7 °, & empêche qu'elle ne foit
toujours la même diffonance , pendant
que le fon grave , qui fait qu'elle eft 7° ,
en eft toujours la Be, Fle ? c'eft cependantlà
dequoi il sagit , & ce qui décide la
queſtion.
Au lieu de fimplifier les objets , de les
ramener au même point , & de faciliter
par ce moyen , l'intelligence de votre
art ; vous ne faites qu'obfcurcir l'idée de
la diffonnance, fi claire par elle - même ,
& fi importante pour la fucceffion de
T'Harmonie , dont apparemment vous faites
peu de compte. Croyez - vous parvenir
jamais à pouvoir m'enfeigner la Be, Fle ,
tant que vous y admettrez des 2es & des
4es ? Dites- nous franchement fi vous vous
foumettez au principe dont vous vous
autoriſez , ou fi ce principe vous eſt ſoumis
? Si c'eſt à vous de lui donner la loy ,
il n'y a rien à dire ; mais fi c'eft à vous
de fuivre celle qu'il vous impofe ; de
quel droit lui attribuez-vous donc gra
tuitement & directement des 2es & des
4 , tandis qu'au moment que vous vous
le propofez ( pag. 885. ) vous lui refufez
ces II. Vol.
JUIN. 1730 1341
es
ces mêmes Diffonances , que fourniffent
les renverſemens de cet accord de 7º, ré ,
fa , la , ut , où vous voulez que ré foit fondamental
de tous côtez ? Et tandis qu'a
près avoir confondu la fuppofition , & la
Sufpenfion avec l'Harmonie fondamentale
, en donnant indifféremment des ger ,
des 2es & des 4 au fondement , vous ne
fçauriez vous empêcher de renoncer à
ce même fondement dans cet accord par
fuppofition , fol , ré , fa , la , ut , ( p.890 . )
vous n'y regardez plus la Baffe actuelle ,
fol, comme fondamentale , & vous y rendez
à ré , ce que vous lui aviez d'abord
accordé ; quelles contradictions ! Mais ne
ne ferois- je pas moi -même dans l'erreur,
& ne doit-on pas avoir égard aux raiſons
qui vous en ont fait ufer de la forte ? Ici ,
felon vous , c'est un fon retardant , paref
feux pour ainsi dire , à fe rendre à japla
ce ; là c'eft une difpofition approchante ; là
c'est une Baffe qui reste à la finale comme
par entêtement , ou par une immobilité inébranlable
on fent que l'Harmonie , pour
remplirfon miniftere , qui eft de donner de la
variété , touche l'accord de la Dominante
mais que la Baffe manque , pour ainsi dire ,
à fun devoir. Je ne fçavois pas effectivement,
que ce fuffent -là des raifons ; dites
plutôt , pour vous juftifier , que la raifon
eft fuperfluë en Mufique ; mais avouez en
a
Mr.Vol même
1342 MERCURE, DE FRANCE
même-tems que vous avez tort de vouloir
y en admettre.
N'eft-ce pas vous feul , M. qui avez
bâti cette Tour de Babel , par un entaffement
de 3 fur 3 , où, en effet, la confufion
fe mêle ? Heureufe audace que la
vôtre ! Cet accord ut , mi , fol , fi , ré, fa
que vous citez ( pag. 890. ) & qui vient fi
dignement à la fuite de votre Trio , E,
eft il donc un enrichiffement de l'Harmonie
, un prodige de variété ? Je ferois
bien curieux de voir les Certificats des
Compofiteurs à grand Choeur fur cette
découverte , & fur ce qui regarde votre
3me chef; car je m'attends qu'on recevra
une grande fatisfaction du renverſement
d'un pareil accord par l'union de ces fix
notes , fi , ut, re , mi ,fa , fol ; encore une
note , & vous auriez eû la gloire de ne
faire qu'un accord de toute la Gamme.
des
Quant au 4me chef , on devine affez le
motif qui vous fait parler : Dites tant
qu'il vous plaira que je ne fuis qu'un
compilateur ; ce qui eft cependant bien
éloigné de la vérité ; il me fuffira
efprits d'ordre & de fyftême reconnoiffent
ma Méthode d'accompagnement
pour ce qui s'appelle une Methode , &
pour l'unique qui ait encore paru dans
ce genre.
que
Au furplus , M. vous juftifiez pleine-
11.Vob.
ment
JUIN. 1730. 1343
ment ce que j'ai avancé dans la Préface
de mon Livre , fur le peu de connoiffan
ce & de fond qui ont accompagné juf
qu'ici la pratique des Muficiens . Vous ne
jugez de votre Art que par la voye des
fens , vous vous y laiffez prévenir par les
effets , & n'en cherchez la caufe que dans
vos affections . Delà naît cette confufion
que vous faites de l'objet Phyſique avec
Le Géométrique , auffi -bien que de la fuppofition
& de la fufpenfion avec l'Harmonie
fordamentale ; delà naiffent tous vos
grands mots qui n'aboutiffent tout au
plus qu'à éblouir ceux qui ne font point
au fait delà naît enfin votre Accord à ;
fix cornes , qui eft le plus fidele interprete
de toutes vos connoiffances . Comment
vous démontrer des véritez , fi vous n'avez
pour principes que des autoritez, des
certificats , des difpofitions approchan
tes, des fons pareffeux , des Baffes entêtées,
des comparaifons , & pour derniere ref
fource , des défis , des rodomontades ?
Que prouve tout cela en fait de fcience,
& que peuvent des gens à talens , même
leurs productions les plus heureufes , contre
un fyftême raiſonné ?
Je finis , M. en vous avertiffant que
la
qualité donnée dans l'examen à celui qui
récuſe une Méthode d'accompagnement ,
fur ce qu'elle exige la connoiffance di
II.Vol.
D vj Mod
1344 MERCURE DE FRANCE.
Mode,lui reftera toujours , juſqu'à ce qu'il
reconnoiffe & confeffe fon erreur ; mais
faites bien attention que j'ai toujours compté
parler à un Anonime, & que je ne l'ai
défigné ni par fes ouvrages , ni autrement.
la réponse du fecond , inferée dans le Mer
cure du mois de May dernier.
P
Armi les faits que vous fuppofez ,
Monfieur , dans votre Réponſe , il y
en a deux où l'on peut voir clairement
que vous manquez de bonne foy; le premier
que vous avez déja avancé dans vo
tre conférence , regarde mon prétendu
defaveu du Traité de l'Harmonie , & le fecond
regarde la perfonne à qui vous fai
tes dire qu'elle m'a enfeigné tout ce que
j'ai mis au jour depuis peu , & où vous
confondez la Baffe fondamentale.
Si j'ai prouvé dans l'examen de votre
conférence , pag. 2373. la fauffeté de votre
application à un paffage du Traité de
Harmonie , à l'occafion de laquelle application
vous me faites prononcer contre
cet ouvrage ; il falloit détruire ma
preuve, avant que'd'infifter ; puis-je avoir
défavoué mon ouvrage à propos de rien ?
& prétendez - vous en impofer par vos témoins
? Confultez - les , ils ne font pas fG
préoccupez que vous ; votre condamna
tion fuivra de près leur jugement.
Je me fuis toujours fait un plaifir de
publier dans l'occafion, que M. Lacroix,
H.Vol
Diij de
1333 MERCURE DE FRANCE
de Montpelier , dont vous avez marqué
la demeure , m'avoit donné une connoiffance
diftincte de la regle de l'8 , à l'âge
de 20 ans ; mais il y a loin delà à la Bre
F. dont nul ne peut fe vanter de m'avoir
jamais donne la moindre notion ;j'ofe
même avancer , que nul ne la connoît encore
parfaitement. En proférer le nom ,
en avoir quelques idées , la difcerner en
certains cas , fentir ce qui en peut naître,
ce n'eft encore-là que l'entrevoir; en vain
la mettez - vous au rang des principes pratiquez
avant l'Edition de mon Livre; fr
cela étoit , on en auroit du moins touché
quelque chofe dans quelques- unes des
Méthodes de compofition ou d'accompagnement
, imprimées ou manufcrites ,
qui ont paru avant cette Edition ; & co
feroit rendre leurs Auteurs fufpects de
la plus grande charlatanerie , que de faire
entendre qu'ils ne l'ont profeffée que
dans des leçons de vive voie . Où font ces
leçons? où font ceux qui les ont données?
A l'égard des 4 chefs qui font , dites
vous , toute notre difpute , j'entamerai
encore moins la matiére que je ne l'ai fait
dans l'examen de votre conférence , parce
que je dois bien-tôt mettre au jour un
Ouvrage intitulé: Génération Harmonique,
où vous trouverez plus que vous ne demandez
à prefent ; mais comme je veux
II. Vol
mettre
JUIN 1730. 1339
mettre fin à votre critique , je vais feule
ment tâcher de vous prouver que ce que
vous m'oppofez de plus férieux,fe détruit
de lui-même.
Vous prétendez d'abord que le premier
fondement de l'Harmonie doit fe tirer despro
portions qui fe trouvent dans les Vibrations
des fons, pour me fervir de vos propres
termes ; & moi je foutiens qu'il éxifte
dans l'Harmonie qui réſulte de la réſonnance
d'un corps fonore . Vous dites que
c'eft un fait de Phyfique ; mais avez vous
bien pris garde que ce fait , qui vérita
blement eft Phyfique dans la maniére que
je l'expofe , devient purement Géométri
que de la façon que vous le préfentez
Ne fçavez-vous pas que la Mufique eft
une fcience Phificomathématique , que le
fon en eft l'objet Physique , & que les
rapports trouvez entre différens fons en
font l'objet Mathématique ou Géomé
trique ? Je m'étonne qu'avec un argument
tel que celui que vous me faites à
ce fujet , vous confondiez ainfi les cho
fess mais c'eft apparamment là votre intention
,comme la fuite en eft une preuve .
Car , fi nous paffons au 2. chef , nous
Vous y verrons retomber dans les contradictions
dont votre conférence eft
remplie , nous vous y verrons approuver
& défapprouver fucceffivement la même
HVol Dilj
chofe;
340 MERCURE DE FRANCE.
chofe ; vous n'y cachez pas même affez
l'embarras que vous voulez y jetter .Vous
imaginez - vous que la diftinction fubtile
& frivole que vous y faites entre l'accord
& l'intervale de 7 , change la nature de
cette même 7 °, & empêche qu'elle ne foit
toujours la même diffonance , pendant
que le fon grave , qui fait qu'elle eft 7° ,
en eft toujours la Be, Fle ? c'eft cependantlà
dequoi il sagit , & ce qui décide la
queſtion.
Au lieu de fimplifier les objets , de les
ramener au même point , & de faciliter
par ce moyen , l'intelligence de votre
art ; vous ne faites qu'obfcurcir l'idée de
la diffonnance, fi claire par elle - même ,
& fi importante pour la fucceffion de
T'Harmonie , dont apparemment vous faites
peu de compte. Croyez - vous parvenir
jamais à pouvoir m'enfeigner la Be, Fle ,
tant que vous y admettrez des 2es & des
4es ? Dites- nous franchement fi vous vous
foumettez au principe dont vous vous
autoriſez , ou fi ce principe vous eſt ſoumis
? Si c'eſt à vous de lui donner la loy ,
il n'y a rien à dire ; mais fi c'eft à vous
de fuivre celle qu'il vous impofe ; de
quel droit lui attribuez-vous donc gra
tuitement & directement des 2es & des
4 , tandis qu'au moment que vous vous
le propofez ( pag. 885. ) vous lui refufez
ces II. Vol.
JUIN. 1730 1341
es
ces mêmes Diffonances , que fourniffent
les renverſemens de cet accord de 7º, ré ,
fa , la , ut , où vous voulez que ré foit fondamental
de tous côtez ? Et tandis qu'a
près avoir confondu la fuppofition , & la
Sufpenfion avec l'Harmonie fondamentale
, en donnant indifféremment des ger ,
des 2es & des 4 au fondement , vous ne
fçauriez vous empêcher de renoncer à
ce même fondement dans cet accord par
fuppofition , fol , ré , fa , la , ut , ( p.890 . )
vous n'y regardez plus la Baffe actuelle ,
fol, comme fondamentale , & vous y rendez
à ré , ce que vous lui aviez d'abord
accordé ; quelles contradictions ! Mais ne
ne ferois- je pas moi -même dans l'erreur,
& ne doit-on pas avoir égard aux raiſons
qui vous en ont fait ufer de la forte ? Ici ,
felon vous , c'est un fon retardant , paref
feux pour ainsi dire , à fe rendre à japla
ce ; là c'eft une difpofition approchante ; là
c'est une Baffe qui reste à la finale comme
par entêtement , ou par une immobilité inébranlable
on fent que l'Harmonie , pour
remplirfon miniftere , qui eft de donner de la
variété , touche l'accord de la Dominante
mais que la Baffe manque , pour ainsi dire ,
à fun devoir. Je ne fçavois pas effectivement,
que ce fuffent -là des raifons ; dites
plutôt , pour vous juftifier , que la raifon
eft fuperfluë en Mufique ; mais avouez en
a
Mr.Vol même
1342 MERCURE, DE FRANCE
même-tems que vous avez tort de vouloir
y en admettre.
N'eft-ce pas vous feul , M. qui avez
bâti cette Tour de Babel , par un entaffement
de 3 fur 3 , où, en effet, la confufion
fe mêle ? Heureufe audace que la
vôtre ! Cet accord ut , mi , fol , fi , ré, fa
que vous citez ( pag. 890. ) & qui vient fi
dignement à la fuite de votre Trio , E,
eft il donc un enrichiffement de l'Harmonie
, un prodige de variété ? Je ferois
bien curieux de voir les Certificats des
Compofiteurs à grand Choeur fur cette
découverte , & fur ce qui regarde votre
3me chef; car je m'attends qu'on recevra
une grande fatisfaction du renverſement
d'un pareil accord par l'union de ces fix
notes , fi , ut, re , mi ,fa , fol ; encore une
note , & vous auriez eû la gloire de ne
faire qu'un accord de toute la Gamme.
des
Quant au 4me chef , on devine affez le
motif qui vous fait parler : Dites tant
qu'il vous plaira que je ne fuis qu'un
compilateur ; ce qui eft cependant bien
éloigné de la vérité ; il me fuffira
efprits d'ordre & de fyftême reconnoiffent
ma Méthode d'accompagnement
pour ce qui s'appelle une Methode , &
pour l'unique qui ait encore paru dans
ce genre.
que
Au furplus , M. vous juftifiez pleine-
11.Vob.
ment
JUIN. 1730. 1343
ment ce que j'ai avancé dans la Préface
de mon Livre , fur le peu de connoiffan
ce & de fond qui ont accompagné juf
qu'ici la pratique des Muficiens . Vous ne
jugez de votre Art que par la voye des
fens , vous vous y laiffez prévenir par les
effets , & n'en cherchez la caufe que dans
vos affections . Delà naît cette confufion
que vous faites de l'objet Phyſique avec
Le Géométrique , auffi -bien que de la fuppofition
& de la fufpenfion avec l'Harmonie
fordamentale ; delà naiffent tous vos
grands mots qui n'aboutiffent tout au
plus qu'à éblouir ceux qui ne font point
au fait delà naît enfin votre Accord à ;
fix cornes , qui eft le plus fidele interprete
de toutes vos connoiffances . Comment
vous démontrer des véritez , fi vous n'avez
pour principes que des autoritez, des
certificats , des difpofitions approchan
tes, des fons pareffeux , des Baffes entêtées,
des comparaifons , & pour derniere ref
fource , des défis , des rodomontades ?
Que prouve tout cela en fait de fcience,
& que peuvent des gens à talens , même
leurs productions les plus heureufes , contre
un fyftême raiſonné ?
Je finis , M. en vous avertiffant que
la
qualité donnée dans l'examen à celui qui
récuſe une Méthode d'accompagnement ,
fur ce qu'elle exige la connoiffance di
II.Vol.
D vj Mod
1344 MERCURE DE FRANCE.
Mode,lui reftera toujours , juſqu'à ce qu'il
reconnoiffe & confeffe fon erreur ; mais
faites bien attention que j'ai toujours compté
parler à un Anonime, & que je ne l'ai
défigné ni par fes ouvrages , ni autrement.
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Résumé : REPLIQUE du premier Musicien à la réponse du second, inserée dans le Mercure du mois de May dernier.
En mai 1730, un musicien publie une réplique dans le Mercure de France pour contester deux points soulevés par un interlocuteur. Il nie avoir désavoué son Traité de l'Harmonie et affirme avoir prouvé la fausseté des arguments de son adversaire à ce sujet. Il reconnaît avoir appris la règle de l'octave de M. Lacroix de Montpellier, mais nie avoir reçu des enseignements sur la Basse fondamentale. Il soutient que cette connaissance n'était pas pratiquée avant la publication de son livre et critique ceux qui prétendent le contraire comme étant des charlatans. Le musicien annonce la publication prochaine d'un ouvrage intitulé 'Génération Harmonique' pour répondre aux critiques concernant les quatre points de la dispute. Il critique l'approche de son adversaire, qui mélange les aspects physiques et géométriques de la musique, et souligne les contradictions dans ses arguments. Il accuse son adversaire de confondre les concepts de supposition, suspension et harmonie fondamentale, créant ainsi une confusion inutile. Le musicien conclut en affirmant que son adversaire juge la musique uniquement par les sens et les effets, sans chercher les causes. Il critique l'utilisation de grands mots et de concepts vagues par son adversaire et affirme que son propre système est basé sur des principes raisonnés. Il termine en avertissant son interlocuteur de reconnaître son erreur concernant une méthode d'accompagnement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 1344-1349
SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA SANTÉ DE MAD...
Début :
Cessez, cessez, mes yeux, de répandre des pleurs, [...]
Mots clefs :
Amour, Yeux, Bonheur, Mort, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA SANTÉ DE MAD...
SUR LE RETABLISSEMENT
DE LA SANTE DE MAD ...
C Effez , ceffez , mes yeux , de répandre des
>
- pleurs ,
Il eft tems de calmer ma crainte , & mes douleurs
:
Des portes du trépas mon Iris revenuë ,
Plus belle que jamais va paroître à ma vûë ,
Des horreurs de la mort fes yeux déja cou
verts ,
'A la clarté du jour fe font enfin ouverts .
O vous qui refpirez l'air tendre de Cythere ,
Vous , fideles fujets du Dieu qu'on y revére ,
Venez , accourez tous , que vos plus doux concerts
,
En ce jour fortuné raiſonnent dans les airs ;
Qu'aux jeux les plus charmans fuccede la tendreffe
;
Vous ne fçauriez trop loin pouffer votre allegreffe
;
11. Vol. C'eft
JUIN. 1730. 1345..
C'eft votre aimable Dieu qui triomphe du fort ,
Il a ſçû déſarmer l'inéxorable mort.
A ma voix, attentifs , apprenez fa victoire ,
Et chantez avec moi , fon triomphe & ſa gloire .
A peine les dangers d'Iris me font connus ,
Que mes triftes fanglots ne font plus retenus ;
Une fombre pâleur , fur mon vifage empreinte
Marque le noir chagrin dont mon ame eft
atteinte,
Et du jour qui me luit , déteftant, le flambeau ,-
Déja je me prépare à la fuivre au tombeau,
Mais enfin au milieu de mes plus vives craintes ,
Addreffant à l'Amour ma priere , & mes plaintes
Dieu puiffant , m'écriai- je , ô toi , qui de mon
coeur ,
Fis toujours le plaifir , la joye & le bonheur ,
Toi , que je connoiffois avant de me connoître,
Toi , de mes fentimens , feul , & fouverain
maître
Amour , daigne , pour moi , t'employer aujour
d'hui ,
;
Signale ta puiffance , & deviens mon appui.
La mort impunément ofe attaquer la vie ,
De l'adorable objet dont mon ame eſt ravie
Pour terminer des jours fi précieux , fi beaux ,
Je la vois éguifer fon implacable Faux :
Verras - tu fans courroux cette horrible injuftice
?
JI.Vol Souffriras- tu
1346 MERCURE DE FRANCE
Souffriras- tu , grand Dieu ! ce cruel facrifice ! ~
Laifferas-tu périr cette jeune beauté ?
Réferves- tu ce prix à ma fidelité
Iris feule , à tes loix , fçut affervir mon ame ;
Elle feule , en mon coeur , fçut allumer ta flme.
Et depuis le moment que les traits de fes yeux
M'ont caufé des tranfports qui m'égaloient aux
Dieux.
Toujours conftant , toujours plus charmé de ma
chaîne ,
J'en ai porté le poids fans murmure & fans
peine ,
Je n'ai jamais tenté de brifer un lien ,
Trop doux , puifqu'il unit mon coeur avec le
fien.
Depuis cet heureux jour que j'adore ſes char—
mes J
Mon coeur n'a reffenti que ces douces allarmes
و ت
Que l'amour fait fentir aux coeurs les plus heureux
,
Et dont nul n'eft exempt dans l'empire amoureux
.
Mais faut - il que la mort , plus que jamais
cruelle ,
Ofe couper les noeuds d'une union fi belle !
Veut-elle , la barbare , enlever à mon coeur
D'un fi parfait amour la charmante douceur
>
Mon Iris n'étant plus , quel objet dans mon
ame ,
11, Vol.
Eft
T JUIN. 1730. 1347
Eft digne d'allumer une nouvelle flâme ?
Si , d'Orphée autrefois animant les Concerts ,
Tu fçus fléchir , pour lui , le fier Dieu des en
fers ,
Tente un nouvel effort , dans ce péril extrême ,
Entreprens tout, grand Dieu !
j'aime.
Si ce n'eft
pour
fauver ce que
pas affez , pour attendrir ton coeur
De mon interêt feul , & de mon feul bonheur
Ne regarde que toi , c'est toi que l'on outrage ;
Voy tout ce que tu perds, & quel affreux ravage ,
Dans ton empire heureux va caufer cette mort.
Que de coeurs dégagez , & maîtres de leur fort !
Iris n'avoit fur eux remporté la victoire ,
Que pour faire éclater ta puiſſance & ta gloire .
Ah ! ne balance pas , cours arrêter le trait ,
Qui menace les jours de cet aimable objet !
Touché de mes regrets , fenfible à ma priere ,
L'amour part auffi - tôt du temple de Cythere ,. !
Et d'un effor hardi s'elevant dans les airs ,
Traverfe d'un coup d'aile , & la terre & les
mers ;
Il pénétre bien- tôt dans la demeure affreufe
Qu'enceint neuf fois , du Stix , l'Onde noire &
bourbeufe.
Tout tremble à fon afpect , Pluton faifi d'ef
froi ,
Craint qu'à tout fon Empire il ne donne la loy
JJ. Vel L'Amor
$348 MERCURE DE FRANCE
L'Amour vole au milieu du tenebreux Aver
ne ;
Sous un Roc, va fe perdre une horrible caverne,
L'aftre brillant du jour n'y pénétra jamais ,
Nul mortel , en ce lieu , ne peut avoir d'accès :
Ceft - là que dans l'horreur d'un éternel filence ,
Minos tient dans fes mains la terrible balance
Là , roule inceffamment l'Urne ou de chaque
humain ,
Eft renfermé le nom tracé par le Deſtin
Là , de rage écumant , la Parque inéxorable
Coupe le fil des jours du Mortel déplorable ,›
Dont le nom malheureux eft tiré par le fort.
L'amour découvre enfin ce féjour de la mort
Il y court , quelle horreur ! le fort impitoya
ble
$
Avoit déja d'Iris , tiré le nom aimable ;
Déja pour la plonger dans la nuit du Tombeau ,,
La cruelle Atropos apprêtoit fon Cizeau ;
Mais retenant ce bras armé de barbarie ,
Arrêté , dit l'Amour , implacable furie ;
Quoi , peux-tu , fans pitié , trancher de fi beauxjours
?
Et détruire par là l'empire des Amours ?
Porte tes coups ailleurs , & change de victime
Ou je vais , par mes traits , te punir de ton
crime.
Pour te dédommager , dans peu tu me verras , ›
11-Voli Porter
JUIN. 1730. 1349
Porter dans mille coeurs de funeftes trépas ;
Pour en venir à bout , Iris me doit fuffire ,
Ses yeux fçauront peupler le tenebreux empire :
Il dit , des mains du fort arrachant le billet
Dans le Vaſe fatal , lui même il le remet
La Parque n'ofe alors s'oppoſer à fon zele ,
Et cachant fon dépit , je me rends , lui dit - elle
Le plus barbare coeur s'adoucit à ta voix ,
Dans les Cieux , aux Enfers , tes défirs font des
Loix ;
Mais garde ta promeffe , & prends foin de ma
gloire.
Charmé de ce triomphe , & fier de fa victoire.
Le Dieu fuit auffi - tôt ce féjour odieux ,
Et revient m'annoncer ce fuccès glorieux.
Séche , féche , dit- il , la fource de tes larmes ,
Calme , Berger heureux , de fi juftes allarmes,
Ton -Iris va revoir la lumiere du jour ,
Et ce parfait bonheur tu le dois à l'Amour.
A vivre fous mes Loix fois toujours plus fidele ,
Tu vois comme je fers la conftance & le zéle.
Il me laiffe à ces mots , & depuis mon Iris ,
Recouvre tous les jours , fa force , & ſes efprits.
Elle reprend ce feu , doux vainqueur de mor
ame
>
Et par qui de l'Amour tout fent la vive flamme.
Que la plus vive joye éclate dans mon coeur ,
Que les plus doux tranſports annoncent mon
bonheur.
DE LA SANTE DE MAD ...
C Effez , ceffez , mes yeux , de répandre des
>
- pleurs ,
Il eft tems de calmer ma crainte , & mes douleurs
:
Des portes du trépas mon Iris revenuë ,
Plus belle que jamais va paroître à ma vûë ,
Des horreurs de la mort fes yeux déja cou
verts ,
'A la clarté du jour fe font enfin ouverts .
O vous qui refpirez l'air tendre de Cythere ,
Vous , fideles fujets du Dieu qu'on y revére ,
Venez , accourez tous , que vos plus doux concerts
,
En ce jour fortuné raiſonnent dans les airs ;
Qu'aux jeux les plus charmans fuccede la tendreffe
;
Vous ne fçauriez trop loin pouffer votre allegreffe
;
11. Vol. C'eft
JUIN. 1730. 1345..
C'eft votre aimable Dieu qui triomphe du fort ,
Il a ſçû déſarmer l'inéxorable mort.
A ma voix, attentifs , apprenez fa victoire ,
Et chantez avec moi , fon triomphe & ſa gloire .
A peine les dangers d'Iris me font connus ,
Que mes triftes fanglots ne font plus retenus ;
Une fombre pâleur , fur mon vifage empreinte
Marque le noir chagrin dont mon ame eft
atteinte,
Et du jour qui me luit , déteftant, le flambeau ,-
Déja je me prépare à la fuivre au tombeau,
Mais enfin au milieu de mes plus vives craintes ,
Addreffant à l'Amour ma priere , & mes plaintes
Dieu puiffant , m'écriai- je , ô toi , qui de mon
coeur ,
Fis toujours le plaifir , la joye & le bonheur ,
Toi , que je connoiffois avant de me connoître,
Toi , de mes fentimens , feul , & fouverain
maître
Amour , daigne , pour moi , t'employer aujour
d'hui ,
;
Signale ta puiffance , & deviens mon appui.
La mort impunément ofe attaquer la vie ,
De l'adorable objet dont mon ame eſt ravie
Pour terminer des jours fi précieux , fi beaux ,
Je la vois éguifer fon implacable Faux :
Verras - tu fans courroux cette horrible injuftice
?
JI.Vol Souffriras- tu
1346 MERCURE DE FRANCE
Souffriras- tu , grand Dieu ! ce cruel facrifice ! ~
Laifferas-tu périr cette jeune beauté ?
Réferves- tu ce prix à ma fidelité
Iris feule , à tes loix , fçut affervir mon ame ;
Elle feule , en mon coeur , fçut allumer ta flme.
Et depuis le moment que les traits de fes yeux
M'ont caufé des tranfports qui m'égaloient aux
Dieux.
Toujours conftant , toujours plus charmé de ma
chaîne ,
J'en ai porté le poids fans murmure & fans
peine ,
Je n'ai jamais tenté de brifer un lien ,
Trop doux , puifqu'il unit mon coeur avec le
fien.
Depuis cet heureux jour que j'adore ſes char—
mes J
Mon coeur n'a reffenti que ces douces allarmes
و ت
Que l'amour fait fentir aux coeurs les plus heureux
,
Et dont nul n'eft exempt dans l'empire amoureux
.
Mais faut - il que la mort , plus que jamais
cruelle ,
Ofe couper les noeuds d'une union fi belle !
Veut-elle , la barbare , enlever à mon coeur
D'un fi parfait amour la charmante douceur
>
Mon Iris n'étant plus , quel objet dans mon
ame ,
11, Vol.
Eft
T JUIN. 1730. 1347
Eft digne d'allumer une nouvelle flâme ?
Si , d'Orphée autrefois animant les Concerts ,
Tu fçus fléchir , pour lui , le fier Dieu des en
fers ,
Tente un nouvel effort , dans ce péril extrême ,
Entreprens tout, grand Dieu !
j'aime.
Si ce n'eft
pour
fauver ce que
pas affez , pour attendrir ton coeur
De mon interêt feul , & de mon feul bonheur
Ne regarde que toi , c'est toi que l'on outrage ;
Voy tout ce que tu perds, & quel affreux ravage ,
Dans ton empire heureux va caufer cette mort.
Que de coeurs dégagez , & maîtres de leur fort !
Iris n'avoit fur eux remporté la victoire ,
Que pour faire éclater ta puiſſance & ta gloire .
Ah ! ne balance pas , cours arrêter le trait ,
Qui menace les jours de cet aimable objet !
Touché de mes regrets , fenfible à ma priere ,
L'amour part auffi - tôt du temple de Cythere ,. !
Et d'un effor hardi s'elevant dans les airs ,
Traverfe d'un coup d'aile , & la terre & les
mers ;
Il pénétre bien- tôt dans la demeure affreufe
Qu'enceint neuf fois , du Stix , l'Onde noire &
bourbeufe.
Tout tremble à fon afpect , Pluton faifi d'ef
froi ,
Craint qu'à tout fon Empire il ne donne la loy
JJ. Vel L'Amor
$348 MERCURE DE FRANCE
L'Amour vole au milieu du tenebreux Aver
ne ;
Sous un Roc, va fe perdre une horrible caverne,
L'aftre brillant du jour n'y pénétra jamais ,
Nul mortel , en ce lieu , ne peut avoir d'accès :
Ceft - là que dans l'horreur d'un éternel filence ,
Minos tient dans fes mains la terrible balance
Là , roule inceffamment l'Urne ou de chaque
humain ,
Eft renfermé le nom tracé par le Deſtin
Là , de rage écumant , la Parque inéxorable
Coupe le fil des jours du Mortel déplorable ,›
Dont le nom malheureux eft tiré par le fort.
L'amour découvre enfin ce féjour de la mort
Il y court , quelle horreur ! le fort impitoya
ble
$
Avoit déja d'Iris , tiré le nom aimable ;
Déja pour la plonger dans la nuit du Tombeau ,,
La cruelle Atropos apprêtoit fon Cizeau ;
Mais retenant ce bras armé de barbarie ,
Arrêté , dit l'Amour , implacable furie ;
Quoi , peux-tu , fans pitié , trancher de fi beauxjours
?
Et détruire par là l'empire des Amours ?
Porte tes coups ailleurs , & change de victime
Ou je vais , par mes traits , te punir de ton
crime.
Pour te dédommager , dans peu tu me verras , ›
11-Voli Porter
JUIN. 1730. 1349
Porter dans mille coeurs de funeftes trépas ;
Pour en venir à bout , Iris me doit fuffire ,
Ses yeux fçauront peupler le tenebreux empire :
Il dit , des mains du fort arrachant le billet
Dans le Vaſe fatal , lui même il le remet
La Parque n'ofe alors s'oppoſer à fon zele ,
Et cachant fon dépit , je me rends , lui dit - elle
Le plus barbare coeur s'adoucit à ta voix ,
Dans les Cieux , aux Enfers , tes défirs font des
Loix ;
Mais garde ta promeffe , & prends foin de ma
gloire.
Charmé de ce triomphe , & fier de fa victoire.
Le Dieu fuit auffi - tôt ce féjour odieux ,
Et revient m'annoncer ce fuccès glorieux.
Séche , féche , dit- il , la fource de tes larmes ,
Calme , Berger heureux , de fi juftes allarmes,
Ton -Iris va revoir la lumiere du jour ,
Et ce parfait bonheur tu le dois à l'Amour.
A vivre fous mes Loix fois toujours plus fidele ,
Tu vois comme je fers la conftance & le zéle.
Il me laiffe à ces mots , & depuis mon Iris ,
Recouvre tous les jours , fa force , & ſes efprits.
Elle reprend ce feu , doux vainqueur de mor
ame
>
Et par qui de l'Amour tout fent la vive flamme.
Que la plus vive joye éclate dans mon coeur ,
Que les plus doux tranſports annoncent mon
bonheur.
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Résumé : SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA SANTÉ DE MAD...
Le texte décrit la joie et le soulagement du narrateur face au rétablissement de la santé d'Iris, une femme qu'il aime profondément. Initialement, il exprime sa douleur et sa crainte de la perdre, décrivant les dangers qu'elle a affrontés et les moments de désespoir qu'il a vécus. Le narrateur invoque l'amour et le pouvoir de l'Amour, le dieu, pour sauver Iris de la mort. Il se remémore sa fidélité et son amour constant pour Iris, soulignant que leur union est précieuse et belle. Il implore l'Amour de sauver Iris, comparant la situation à celle d'Orphée qui avait sauvé Eurydice. Touché par ses prières, l'Amour se rend aux Enfers, affrontant Pluton et les Parques pour empêcher la mort d'Iris. Grâce à cette intervention divine, Iris est sauvée et retrouve sa santé. Le narrateur exprime alors sa joie et son bonheur, reconnaissant la puissance de l'Amour qui a triomphé de la mort.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 1350-1354
CONJECTURES sur le mot Cornicula, qu'on lit dans la troisiéme Lettre du premier Livre des Epîtres d'Horace.
Début :
Ceux qui ont lû dans Phédre la Fable du Geai glorieux, qui s'étant paré [...]
Mots clefs :
Corneille, Phèdre, Horace
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texteReconnaissance textuelle : CONJECTURES sur le mot Cornicula, qu'on lit dans la troisiéme Lettre du premier Livre des Epîtres d'Horace.
CONJECTURES fur le mot
Cornicula , qu'on lit dans la troifiéme
Lettre du premier Livre des Epîtres
d'Horace.
Eux qui ont lû dans Phédre la Fable
du Geai glorieux , qui s'étant paré
des Plumes d'un Paon qu'il avoit ramaffées
, s'étant mêlé parmi les Paons qui le
chafferent de leur Compagnie , font furpris
en lifant Horace , de ce que cet Au
teur en défignant la même Fable , ne la
met point fous le nom du Geai comme
Phédre , mais fous le nom d'un Oifeau
qu'il nomme Cornicula.
Nifi fortè fuas repetitum venerit olim
Grex avium plumas , moveat Cornicula , rifum
Furtivis nudata coloribus ....
Horace & Phédre étoient contempo
rains , ou du moins ils ont vécu dans des
temps peu éloignez ; ils ne font pas les
Inventeurs de cette Fable , ils l'ont puifée
vrai -femblablement dans les mêmes
fources de la Mythologie; pourquoi donc
dira - t - on cette difference entre eux ?
Quand deux Autheurs de notre temps
rapportent une Fable connuë ; par exem
ple , celle du Loup & de l'Agneau , de la
1. Vol GreJUI
N. 1730. 1351
Grenouille & du Boeuf, &c. ils ne s'avi
fent point d'en changer les perfonnages
d'où vient donc la difference qu'on remarque
entre Horace & Phédre par rap
port à la même Fable ? Eft - ce caprice ?
Eft ce un défaut de mémoire dans l'un de
ces deux Poëtes ?
S'il étoir permis , fans témerité , de
s'opposer au torrent des Traducteurs &
des Interpretes d'Horace qui fe fuivent &
fe copient les uns les autres , j'oferois hazarder
une penfée qui pourroit concilier
Horace & Phédre ; ce feroit de dire que
Cornicula dans Horace ne marque point
POileau que nous nommons la Corneille
, mais que ce terme fignifie le Geai . Je
fens bien qu'on m'accablera tout auffi-
τότ par le nombre des Interpretes & des
Traducteurs d'Horace,qui n'ont pas eu la
moindre penfée que Cornicula pût fignifier
un Geai . Ce mot dérivé de Cornix ,
écarte tout-à-fait l'idée du Geai , & ne leur
laiffe que celle de la Corneille ; cependant
en laiffant à part les préjugez , on prie
les perfonnes équitables de faire attention
qu'il n'en eft pas du mot Cornicula , par
rapport à Cornix , d'où il dérive ; comme
de Graculus par rapport à Gracus , ou de
Hadulus par rapport à Hadus-Graculus
& Gracus font précisément la même cho
fe , & Hadulus ne differe point de Hadus
II. Vol quant
1352 MERCURE DE FRANCE
"
quant à l'efpece , mais feulement quant
à l'âge & à la taille au contraire , je ſoutiens
, non comme une verité certaine
mais comme une conjecture probable, que
le mot Cornicula ne défigne point la Cor
neille , mais en general toutes les especes
contenues fub genere Corvino , lefquelles
font plus petites que la Corneille , & en
particulier le Geai , lequel eft une defdites
efpeces .
Aldrovandus dans fon Ornithológie
diftingue & nomme jufqu'à dix-neuf ef
peces d'Oifeaux contenus fous le genre
des Corbeaux & des Corneilles , dont le
Geai que les Grecs nomment Pyrrhoco
rax ou Corbeau rouge eft une , la Pie une
autre, la Choüete une autre , le Pivert une
autre , &c. ce font toutes ces efpeces
qu'on nomme Cornicula , parce qu'elles
font comprifes fub genere Corvino ,
80
qu'elles font plus petites que les Corbeaux
& les Corneilles . Mais peut - on donner
quelques preuves de ce qu'on avance icy?
C'en eft une que les bons Dictionnaires ,
comme celui d'Etienne & d'autres , no
donnent jamais pour l'équivalent du mot
Cornicula le mot grec open , qui eſt
le feul mot fpecifique qui défigne la Cor
neille , mais celui de xoxoide qui défigne
proprement & principalement lo
Geai , Graculus ; quoiqu'il marque auffi
II. Vol. moins
JUIN. 1730. 1355
moins principalement quelques - unes des
petites efpeces qu'on range fons le genre
des Corbeaux ou Corneilles , comme la
Pie , la Chouette qui font appelées par
cette raifon Cornicule ou Parva Cornices
, ce qui n'empêche pas qu'elles ne
foient d'une espece & d'un nom different
de la Corneille , proprement dite , laquel
le feule a retenu le nom du genre. If réfulte
de ces remarques qu'Horace a voulu
marquer par Cornicula , non la Corneille
qui n'a point en latin d'autre nom
fpecifique que celui de Cornix ,
ni en gręc
que celui de xopov , mais un Geai
comme Phédre l'a marqué bien expreffer
ment ; on ne peut point entendre Phédre
d'une Corneille , mais on peut bien entendre
d'un Geai le Cornicula dont Horace
s'eft fervi , puifque ce mot veut dire
lifeau que les Grecs appellent κολοιός ,
& que la premiere fignification de xoods
eft de marquer un geai . Cette maniere de
concilier enfemble ces deux Auteurs n'a
rien qui me paroiffe choquer la raiſon ,ni
fortir des bornes de la vraisemblance
c'est tout ce qu'on peur attendre dans une
matiere comme celle - ci qui n'eft point
fufceptible de démonftrations métaphyfiques
. S'il fe trouve quelque perfonne ha
bile qui daigne adopter mon fentiment ,
j'en ferai bien aife , s'il s'en trouve qui
II. Vol. veuille
1354 MERCURE DE FRANCE
veuille prendre la peine de le réfuter , je
n'en ferai nullement fâché , je puis dire
même que je lui en fçaurai gré, puifqu'elle
me donnera lieu de profiter de fes lumie
res , ce n'eft même qu'à ce deffein que
queſtion a été miſe fur de tapis.
Cornicula , qu'on lit dans la troifiéme
Lettre du premier Livre des Epîtres
d'Horace.
Eux qui ont lû dans Phédre la Fable
du Geai glorieux , qui s'étant paré
des Plumes d'un Paon qu'il avoit ramaffées
, s'étant mêlé parmi les Paons qui le
chafferent de leur Compagnie , font furpris
en lifant Horace , de ce que cet Au
teur en défignant la même Fable , ne la
met point fous le nom du Geai comme
Phédre , mais fous le nom d'un Oifeau
qu'il nomme Cornicula.
Nifi fortè fuas repetitum venerit olim
Grex avium plumas , moveat Cornicula , rifum
Furtivis nudata coloribus ....
Horace & Phédre étoient contempo
rains , ou du moins ils ont vécu dans des
temps peu éloignez ; ils ne font pas les
Inventeurs de cette Fable , ils l'ont puifée
vrai -femblablement dans les mêmes
fources de la Mythologie; pourquoi donc
dira - t - on cette difference entre eux ?
Quand deux Autheurs de notre temps
rapportent une Fable connuë ; par exem
ple , celle du Loup & de l'Agneau , de la
1. Vol GreJUI
N. 1730. 1351
Grenouille & du Boeuf, &c. ils ne s'avi
fent point d'en changer les perfonnages
d'où vient donc la difference qu'on remarque
entre Horace & Phédre par rap
port à la même Fable ? Eft - ce caprice ?
Eft ce un défaut de mémoire dans l'un de
ces deux Poëtes ?
S'il étoir permis , fans témerité , de
s'opposer au torrent des Traducteurs &
des Interpretes d'Horace qui fe fuivent &
fe copient les uns les autres , j'oferois hazarder
une penfée qui pourroit concilier
Horace & Phédre ; ce feroit de dire que
Cornicula dans Horace ne marque point
POileau que nous nommons la Corneille
, mais que ce terme fignifie le Geai . Je
fens bien qu'on m'accablera tout auffi-
τότ par le nombre des Interpretes & des
Traducteurs d'Horace,qui n'ont pas eu la
moindre penfée que Cornicula pût fignifier
un Geai . Ce mot dérivé de Cornix ,
écarte tout-à-fait l'idée du Geai , & ne leur
laiffe que celle de la Corneille ; cependant
en laiffant à part les préjugez , on prie
les perfonnes équitables de faire attention
qu'il n'en eft pas du mot Cornicula , par
rapport à Cornix , d'où il dérive ; comme
de Graculus par rapport à Gracus , ou de
Hadulus par rapport à Hadus-Graculus
& Gracus font précisément la même cho
fe , & Hadulus ne differe point de Hadus
II. Vol quant
1352 MERCURE DE FRANCE
"
quant à l'efpece , mais feulement quant
à l'âge & à la taille au contraire , je ſoutiens
, non comme une verité certaine
mais comme une conjecture probable, que
le mot Cornicula ne défigne point la Cor
neille , mais en general toutes les especes
contenues fub genere Corvino , lefquelles
font plus petites que la Corneille , & en
particulier le Geai , lequel eft une defdites
efpeces .
Aldrovandus dans fon Ornithológie
diftingue & nomme jufqu'à dix-neuf ef
peces d'Oifeaux contenus fous le genre
des Corbeaux & des Corneilles , dont le
Geai que les Grecs nomment Pyrrhoco
rax ou Corbeau rouge eft une , la Pie une
autre, la Choüete une autre , le Pivert une
autre , &c. ce font toutes ces efpeces
qu'on nomme Cornicula , parce qu'elles
font comprifes fub genere Corvino ,
80
qu'elles font plus petites que les Corbeaux
& les Corneilles . Mais peut - on donner
quelques preuves de ce qu'on avance icy?
C'en eft une que les bons Dictionnaires ,
comme celui d'Etienne & d'autres , no
donnent jamais pour l'équivalent du mot
Cornicula le mot grec open , qui eſt
le feul mot fpecifique qui défigne la Cor
neille , mais celui de xoxoide qui défigne
proprement & principalement lo
Geai , Graculus ; quoiqu'il marque auffi
II. Vol. moins
JUIN. 1730. 1355
moins principalement quelques - unes des
petites efpeces qu'on range fons le genre
des Corbeaux ou Corneilles , comme la
Pie , la Chouette qui font appelées par
cette raifon Cornicule ou Parva Cornices
, ce qui n'empêche pas qu'elles ne
foient d'une espece & d'un nom different
de la Corneille , proprement dite , laquel
le feule a retenu le nom du genre. If réfulte
de ces remarques qu'Horace a voulu
marquer par Cornicula , non la Corneille
qui n'a point en latin d'autre nom
fpecifique que celui de Cornix ,
ni en gręc
que celui de xopov , mais un Geai
comme Phédre l'a marqué bien expreffer
ment ; on ne peut point entendre Phédre
d'une Corneille , mais on peut bien entendre
d'un Geai le Cornicula dont Horace
s'eft fervi , puifque ce mot veut dire
lifeau que les Grecs appellent κολοιός ,
& que la premiere fignification de xoods
eft de marquer un geai . Cette maniere de
concilier enfemble ces deux Auteurs n'a
rien qui me paroiffe choquer la raiſon ,ni
fortir des bornes de la vraisemblance
c'est tout ce qu'on peur attendre dans une
matiere comme celle - ci qui n'eft point
fufceptible de démonftrations métaphyfiques
. S'il fe trouve quelque perfonne ha
bile qui daigne adopter mon fentiment ,
j'en ferai bien aife , s'il s'en trouve qui
II. Vol. veuille
1354 MERCURE DE FRANCE
veuille prendre la peine de le réfuter , je
n'en ferai nullement fâché , je puis dire
même que je lui en fçaurai gré, puifqu'elle
me donnera lieu de profiter de fes lumie
res , ce n'eft même qu'à ce deffein que
queſtion a été miſe fur de tapis.
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Résumé : CONJECTURES sur le mot Cornicula, qu'on lit dans la troisiéme Lettre du premier Livre des Epîtres d'Horace.
Le texte examine les différences entre les versions d'une fable rapportée par Horace et Phèdre. Horace utilise le terme 'Cornicula' pour désigner un oiseau, tandis que Phèdre parle d'un geai. Cette divergence soulève des questions, car les auteurs contemporains ne modifient généralement pas les personnages des fables connues. L'auteur propose que 'Cornicula' chez Horace ne désigne pas la corneille, mais le geai, une espèce incluse dans le genre des corbeaux et des corneilles. Aldrovandus, dans son ouvrage sur les oiseaux, distingue plusieurs espèces sous ce genre, dont le geai. Les dictionnaires, comme celui d'Étienne, traduisent 'Cornicula' par 'Geai' et non par 'Corneille'. Ainsi, Horace et Phèdre pourraient parler du même oiseau, ce qui concilierait leurs versions respectives. L'auteur invite à une discussion pour valider ou réfuter cette conjecture.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 1354-1355
POUR CORINE, Chienne de Madlle Pasquier.
Début :
Je veux peindre en mes Vers la charmante Corine, [...]
Mots clefs :
Chienne
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texteReconnaissance textuelle : POUR CORINE, Chienne de Madlle Pasquier.
POUR CORINE ,
Chienne de Maa Pafquier,
E veux peindre en mes Vers la charmante
Corine ,
Amour , tu fçais pour qui ; dirige mon Pinceau,
Elle n'eft pas ce que l'on s'imagine ,
Et dans fon efpecé canine
Vit-on jamais rien de fi beau.
Quels yeux plus vifs ! quelle plus riche
Elle peut en beauté difputer à l'Hermine
Eft-il un plus joli muſeau ;
Sa phifionomie eft tant foit peu mutine ,
Et ce défaut chez elle eft gracieux.
Une noble fierté marque notre origine.
On connoît à l'air de Corine
peau t
Qu'elle defcend du Chien qui brille dans les
Cieux
Mais ce qui rend pour moi fon fort digne d'envic
,
C'eftqu'elle plaît à deux beaux yeux ,
LI. Vol. Deux
JUIN. 1730. 1355
Beux yeux qui feroient feuls le bonheur de ma
vie
Si l'on me permettoit de foupirer pour eux.
Le Solitaire.
Chienne de Maa Pafquier,
E veux peindre en mes Vers la charmante
Corine ,
Amour , tu fçais pour qui ; dirige mon Pinceau,
Elle n'eft pas ce que l'on s'imagine ,
Et dans fon efpecé canine
Vit-on jamais rien de fi beau.
Quels yeux plus vifs ! quelle plus riche
Elle peut en beauté difputer à l'Hermine
Eft-il un plus joli muſeau ;
Sa phifionomie eft tant foit peu mutine ,
Et ce défaut chez elle eft gracieux.
Une noble fierté marque notre origine.
On connoît à l'air de Corine
peau t
Qu'elle defcend du Chien qui brille dans les
Cieux
Mais ce qui rend pour moi fon fort digne d'envic
,
C'eftqu'elle plaît à deux beaux yeux ,
LI. Vol. Deux
JUIN. 1730. 1355
Beux yeux qui feroient feuls le bonheur de ma
vie
Si l'on me permettoit de foupirer pour eux.
Le Solitaire.
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Résumé : POUR CORINE, Chienne de Madlle Pasquier.
Le poème de juin 1730, signé 'Le Solitaire', célèbre Corine, la chienne de Maa Pafquier. L'auteur admire ses yeux vifs, son museau joli et sa physionomie mutine. Il la compare à un chien céleste et note qu'elle plaît à la personne aimée, dont il souhaite attirer l'attention.
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15
p. 1355-1358
REFLEXIONS.
Début :
La clemence dont on fait une vertu si rare, se pratique tantôt par vanité, [...]
Mots clefs :
Juge, Clémence, Morale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS.
REFLEXIONS.
A clemence dont on fait une vertu fi
rare , fe pratique tantôt par vanité ,
quelquefois par pareffe , fouvent par crain
te , & prefque toujours par tous les trois
enfemble.
Il eft plus beau de faire des Rois que
d'en vaincre. C'eft la penfée de Valere
Maxime , au fujet de Pompée , qui ayant
défait Tigranes , Roi d'Armenie , lui remit
la Couronne fur la tête. In priftinum
fortuna habitum reftituit ; aquè pulchrum effe
judicans & vincere Reges & facere,
Nous pardonnons fouvent à ceux qui
nous ennuyent ; mais nous ne pardonnons
pas à ceux que nous ennuyons. Par
ceque ceux que nous ennuyons nous mé
prifent ; ceux qui nous ennuyent ne font
gue nous importuner.
11. Vol. C'eft
1356 MERCURE DE FRANCE
C'est trop de comettre une faute , & ce
n'eft pas affez de faire toujours fon devoir,
Notre réputation doit nous être moins
chere que notre devoir .
Celui qui fait fon devoir feulement parce
qu'il craint de ne fe pouvoir cacher, s'il
y manquoit , y manquera auffi-tôt qu'il
croira n'être vû de perfonne.
Un vain refpect humain nous fait fou
vent acheter l'approbation d'un petit nombre
de libertins , aux dépens de notre devoir
& de l'eftime de tous les honnêtes
gens.
Il vaut mieux fouffrir l'injuftice que de
la faire,
On doit préferer d'être plutôt juge entre
fes ennemis , qu'entre les amis ; car
étant juge entre les ennemis , on pourra
peut- être fe faire un ami ; mais étant juge
entre les amis , on ne manque guere de ſe
faire un ennemi.
La chicane eft plus à craindre que Pin
juſtice même ; car l'injuftice en nous rui
nant nous laiffe au moins la confolation
d'avoir droit de nous plaindre ; mais la
chicane par fes artifices nous donne le
II. Vol tort,
JUIN. 1730. 1357
tort , en nous ôtant notre bien.
Les procès ne dureroient pas fi long
tems , fi on vouloit examiner fans paffion
les raifons de fon adverfaire , & n'en pas
juger felon fesinterêts.
La morale trop auftere fe fait moins aimer
qu'elle ne fe fait craindre . Qui veut
qu'on profite de fes leçons , doit donner
envie de les entendre . On doit prendre
l'ame par fon foible , & tâcher de la conduire
à la vertu par un chemin qui ne la
rebute
pas.
En faifant bien , on apprend à faire
mieux , & fouvent en failant des fautes
on apprend à fe corriger.
que
Rien n'eft plus aifé de donner des
preceptes , & rien de plus difficile que de
donner de bonnes moeurs .
Faciliùs eft præcepta dare quàm mores.
Il eft bon de ne jamais rien faire d'ex
traordinaire ; mais on doit toujours le piquer
de faire extraordinairement bien
tout ce qu'on fait.
La Fortune donne fouvent trop aux
hommes ; mais à nul fuffifamment .
II. Vol.
Si
E
1358 MERCURE DE FRANCE
Si un foffe fignore dell' univerfo e haveſſe
quanto defideraffe , che naufeate de mondani
diletti , fi difperarebbe vedendo non havere
ritrovata la felicita , e non rimanergli altro
luogo dove cercarle.
En verité , les honneurs , les charges&
les dignités ne récompenfent pas de la
peine qu'on le donne pour y arriver.
L'ambition n'eft blâmable que dans fon
excès ; car elle éleve l'efprit & le courage,
& anime de ce feu divin qui fait les Héros
, & qui rend digne des Empires.
On perd fouvent l'occafion d'acquerir
un bien affuré , en fe flattant d'un plus
avantageux , mais incertain .
› Le deffein commence toutes nos actions
; l'occafion les acheve.
Il y a certaines occafions où l'on ne
fçauroit faire un pas qui ne conduife à
la gloire ou à l'infamic.
Non mancano mai le occafioni agl'huomini
, magl'huomini fono effi che mancano alle
ocafioni.
A clemence dont on fait une vertu fi
rare , fe pratique tantôt par vanité ,
quelquefois par pareffe , fouvent par crain
te , & prefque toujours par tous les trois
enfemble.
Il eft plus beau de faire des Rois que
d'en vaincre. C'eft la penfée de Valere
Maxime , au fujet de Pompée , qui ayant
défait Tigranes , Roi d'Armenie , lui remit
la Couronne fur la tête. In priftinum
fortuna habitum reftituit ; aquè pulchrum effe
judicans & vincere Reges & facere,
Nous pardonnons fouvent à ceux qui
nous ennuyent ; mais nous ne pardonnons
pas à ceux que nous ennuyons. Par
ceque ceux que nous ennuyons nous mé
prifent ; ceux qui nous ennuyent ne font
gue nous importuner.
11. Vol. C'eft
1356 MERCURE DE FRANCE
C'est trop de comettre une faute , & ce
n'eft pas affez de faire toujours fon devoir,
Notre réputation doit nous être moins
chere que notre devoir .
Celui qui fait fon devoir feulement parce
qu'il craint de ne fe pouvoir cacher, s'il
y manquoit , y manquera auffi-tôt qu'il
croira n'être vû de perfonne.
Un vain refpect humain nous fait fou
vent acheter l'approbation d'un petit nombre
de libertins , aux dépens de notre devoir
& de l'eftime de tous les honnêtes
gens.
Il vaut mieux fouffrir l'injuftice que de
la faire,
On doit préferer d'être plutôt juge entre
fes ennemis , qu'entre les amis ; car
étant juge entre les ennemis , on pourra
peut- être fe faire un ami ; mais étant juge
entre les amis , on ne manque guere de ſe
faire un ennemi.
La chicane eft plus à craindre que Pin
juſtice même ; car l'injuftice en nous rui
nant nous laiffe au moins la confolation
d'avoir droit de nous plaindre ; mais la
chicane par fes artifices nous donne le
II. Vol tort,
JUIN. 1730. 1357
tort , en nous ôtant notre bien.
Les procès ne dureroient pas fi long
tems , fi on vouloit examiner fans paffion
les raifons de fon adverfaire , & n'en pas
juger felon fesinterêts.
La morale trop auftere fe fait moins aimer
qu'elle ne fe fait craindre . Qui veut
qu'on profite de fes leçons , doit donner
envie de les entendre . On doit prendre
l'ame par fon foible , & tâcher de la conduire
à la vertu par un chemin qui ne la
rebute
pas.
En faifant bien , on apprend à faire
mieux , & fouvent en failant des fautes
on apprend à fe corriger.
que
Rien n'eft plus aifé de donner des
preceptes , & rien de plus difficile que de
donner de bonnes moeurs .
Faciliùs eft præcepta dare quàm mores.
Il eft bon de ne jamais rien faire d'ex
traordinaire ; mais on doit toujours le piquer
de faire extraordinairement bien
tout ce qu'on fait.
La Fortune donne fouvent trop aux
hommes ; mais à nul fuffifamment .
II. Vol.
Si
E
1358 MERCURE DE FRANCE
Si un foffe fignore dell' univerfo e haveſſe
quanto defideraffe , che naufeate de mondani
diletti , fi difperarebbe vedendo non havere
ritrovata la felicita , e non rimanergli altro
luogo dove cercarle.
En verité , les honneurs , les charges&
les dignités ne récompenfent pas de la
peine qu'on le donne pour y arriver.
L'ambition n'eft blâmable que dans fon
excès ; car elle éleve l'efprit & le courage,
& anime de ce feu divin qui fait les Héros
, & qui rend digne des Empires.
On perd fouvent l'occafion d'acquerir
un bien affuré , en fe flattant d'un plus
avantageux , mais incertain .
› Le deffein commence toutes nos actions
; l'occafion les acheve.
Il y a certaines occafions où l'on ne
fçauroit faire un pas qui ne conduife à
la gloire ou à l'infamic.
Non mancano mai le occafioni agl'huomini
, magl'huomini fono effi che mancano alle
ocafioni.
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Résumé : REFLEXIONS.
Le texte explore diverses réflexions sur la moralité, la réputation et les actions humaines. Il critique la clémence, souvent motivée par vanité, paresse ou crainte, et valorise la création de rois plutôt que leur défaite, citant Pompée comme exemple. Il analyse les dynamiques sociales, notant que ceux qui ennuyent les autres sont plus tolérés que ceux qui sont ennuyés. Le texte met en garde contre les fautes et l'importance de toujours faire son devoir, sans se soucier uniquement de la réputation. La crainte du jugement des autres peut pousser à des actions immorales. Il est préférable de souffrir l'injustice que de la commettre et de juger entre ennemis plutôt qu'entre amis pour éviter les conflits. La chicane est plus dangereuse que l'injustice car elle peut faire perdre ses biens. Les procès durent longtemps en raison des passions et des intérêts personnels. La morale austère est crainte plutôt qu'aimée, et il est important de guider les âmes vers la vertu de manière attrayante. Les préceptes sont faciles à donner, mais les bonnes mœurs le sont moins. Il est bon de faire extraordinaire bien les actions ordinaires. La Fortune donne souvent trop aux hommes, mais jamais suffisamment. Les honneurs et les charges ne compensent pas les efforts pour y parvenir. L'ambition est louable en tant qu'elle élève l'esprit et le courage, mais elle est blâmable en excès. Le texte conclut en soulignant l'importance de saisir les occasions et de les mener à la gloire ou à l'infamie.
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16
p. 1359
ENIGME.
Début :
Je puis dire qu'en ma figure [...]
Mots clefs :
Perruque
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E puis dire qu'en ma figure
L'Art a pris foin d'imiter la nature ;
Et c'eft par lui que je fuis en faveur .
Mon corps eft compofé de mille & mille freres
Avec ordre rangés , d'une égale grandeur ,
Et felon les befoins differens en couleur ,
Dont on voit en tous lieux les peres & les meres
Dès que l'âge ou le tems ont flétri ma beauté ,
Pour me la rendre alors , des mains trop ménaj
geres
Me viennent de liens charger de tout côté.
On me vit en naiffant , fans paroître bizarre ,
Paffer du Prince au Peuple , & devenir moins rared
Aux jeunes comme aux vieux je donne des appas
Chez cent Peuples divers on ne me connoît pas.
E puis dire qu'en ma figure
L'Art a pris foin d'imiter la nature ;
Et c'eft par lui que je fuis en faveur .
Mon corps eft compofé de mille & mille freres
Avec ordre rangés , d'une égale grandeur ,
Et felon les befoins differens en couleur ,
Dont on voit en tous lieux les peres & les meres
Dès que l'âge ou le tems ont flétri ma beauté ,
Pour me la rendre alors , des mains trop ménaj
geres
Me viennent de liens charger de tout côté.
On me vit en naiffant , fans paroître bizarre ,
Paffer du Prince au Peuple , & devenir moins rared
Aux jeunes comme aux vieux je donne des appas
Chez cent Peuples divers on ne me connoît pas.
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17
p. 1359-1362
LOGOGRIPHE.
Début :
Je puis, quoique Latin, passer pour francisé, [...]
Mots clefs :
Orémus
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texteReconnaissance textuelle : LOGOGRIPHE.
LOGO GRIP HE.
JE puis,quoique Latin, paffer pour francifé ;
Puifqu'en ftile François l'on me met en uſage ,
Mais fi mon corps en deux eft divifé ,
Deux mots vraiment Latins font alors mon par
tage ;
L'un défigne un endroit inférieur aux yeux ,
II. Vol. Eij Et .
1360 MERCURE DE FRANCE
AS
Et l'autre un animal vil , abject , odieux ;
Mais laiffons le Latin , parlons Langue connue.
Regardez moi dans mon entier ;
Si vous ôtez mon chef , je vous expoſe en vûë
Le frere d'un Romain , Prince & fameux Guerrier
,
Dont l'Hiftoire eft fi merveilleufe
Qu'elle peut bien paffer pour fabuleuſe.
Remettez ma tête en fon lieu ,
Et ne laiffez auprés que ma feconde Lettre
Tout mortel me doit un aveu
Des defirs qu'en lui je fais naître.
Etes-vous curieux de mes varietés
Vous aurez du fil à retordre.
Remettez mon tout en fon ordre ;
Puis joignez fans rien plus mes deux extremités
Je fuis un mets pour certaine mâchoire
Renvoyez mon membre dernier
Du quatre faites le premier ,
Et pour ajufter ce grimoire ,
← Mettez le trois au quatrième rang ,
Que ce foit tout ; alors je differe du blanc.
Voulez-vous me donner une nouvelle face
Sans déroger à l'ordre , où me voici :
Prenez ma penultiéme , & qu'en ladite place
Elle foit inftallée ici,
Je fuis chez les humains une forte d'ordure ;
Chez certains animaux un mal très - dangereux ,
Prife differemment , poiffon bon en faumure ,
II. Vol.
JUIN. 1730 . 1361
Si l'on me mange frais , encor plus favoureux
En cet état , fi vous ôtez mon ventre ,
Ou la Lettre qui fait directement mon centre ,
J'affecte une grimace ou bien un air boudeux;
Mais j'ai tant de Métamorphofes ,
Que ce feroit un penible travail
D'en continuer le détail.
Par chiffre , à moins de frais , j'indiquerai les
chofes
Que renferme mon corps formé de fix morceaux;
Comptez , tournez , virez , voici mes numeros :
Deux , un , quatre & puis trois , j'offre une Ville.
antique ;
Quatre , trois , deux , un terrible élement ;
Deux , trois , je tiens mon coin dans la Mufique;"
Cinq , trois & deux , je vais rampant ;
Deux , cinq , fix , trois tour fubtil ou d'adreffe
;
Quatre , cinq , fix & trois , j'ai droit fur le Permeffe
;
Six , trois & quatre , on voit un des fils de Noë
Un & deux , quatre & trois , Arbre d'un grand
ufage ,
Et qui par fon touffu branchage
Aidoit aux doux propos de Daphnis & Cloč.
Deux , cinq & trois , plante odoriferante ,
Qui dans la Médecine a plus d'une vertu ,
Ou dans un autre fens , chemin libre & battu ;
Cinq , trois , deux , fix
qu'on chante ,
foit qu'on parle ou'
H. Vol.
Quand iij
1362 MERCURE DE FRANCE
Quand je fuis bon , je plais également ;
Deux & cinq,quatre & trois ,maladie,& fréquente,
Quatre , cinq , deux & trois , fruit de couleur
tachante ,
Qui du mal précedent adoucit le tourment.
Six , cinq , trois , deux , acte de canicule
( Soit dit pour éluder un plus long préambule ).
Deux , un , fix , trois , je deviens une fleur
Suave à l'odorat , & brillante en couleur ;
Deux , un, cinq , trois , voyez une autre ef
pece ,
Je fuis le marchepied d'une aveugle Déeſſe.
Quatre , un , deux , fix , je ne fers qu'au Che
val ;
Quatre , cinq , deux , je fuis formé par la truelle:
Un , cinq , deux , fix , un féroce animal § .
Joignez y trois , vous verrez fa femelle
Et grace au Ciel , la fin de cette kirielle.
JE puis,quoique Latin, paffer pour francifé ;
Puifqu'en ftile François l'on me met en uſage ,
Mais fi mon corps en deux eft divifé ,
Deux mots vraiment Latins font alors mon par
tage ;
L'un défigne un endroit inférieur aux yeux ,
II. Vol. Eij Et .
1360 MERCURE DE FRANCE
AS
Et l'autre un animal vil , abject , odieux ;
Mais laiffons le Latin , parlons Langue connue.
Regardez moi dans mon entier ;
Si vous ôtez mon chef , je vous expoſe en vûë
Le frere d'un Romain , Prince & fameux Guerrier
,
Dont l'Hiftoire eft fi merveilleufe
Qu'elle peut bien paffer pour fabuleuſe.
Remettez ma tête en fon lieu ,
Et ne laiffez auprés que ma feconde Lettre
Tout mortel me doit un aveu
Des defirs qu'en lui je fais naître.
Etes-vous curieux de mes varietés
Vous aurez du fil à retordre.
Remettez mon tout en fon ordre ;
Puis joignez fans rien plus mes deux extremités
Je fuis un mets pour certaine mâchoire
Renvoyez mon membre dernier
Du quatre faites le premier ,
Et pour ajufter ce grimoire ,
← Mettez le trois au quatrième rang ,
Que ce foit tout ; alors je differe du blanc.
Voulez-vous me donner une nouvelle face
Sans déroger à l'ordre , où me voici :
Prenez ma penultiéme , & qu'en ladite place
Elle foit inftallée ici,
Je fuis chez les humains une forte d'ordure ;
Chez certains animaux un mal très - dangereux ,
Prife differemment , poiffon bon en faumure ,
II. Vol.
JUIN. 1730 . 1361
Si l'on me mange frais , encor plus favoureux
En cet état , fi vous ôtez mon ventre ,
Ou la Lettre qui fait directement mon centre ,
J'affecte une grimace ou bien un air boudeux;
Mais j'ai tant de Métamorphofes ,
Que ce feroit un penible travail
D'en continuer le détail.
Par chiffre , à moins de frais , j'indiquerai les
chofes
Que renferme mon corps formé de fix morceaux;
Comptez , tournez , virez , voici mes numeros :
Deux , un , quatre & puis trois , j'offre une Ville.
antique ;
Quatre , trois , deux , un terrible élement ;
Deux , trois , je tiens mon coin dans la Mufique;"
Cinq , trois & deux , je vais rampant ;
Deux , cinq , fix , trois tour fubtil ou d'adreffe
;
Quatre , cinq , fix & trois , j'ai droit fur le Permeffe
;
Six , trois & quatre , on voit un des fils de Noë
Un & deux , quatre & trois , Arbre d'un grand
ufage ,
Et qui par fon touffu branchage
Aidoit aux doux propos de Daphnis & Cloč.
Deux , cinq & trois , plante odoriferante ,
Qui dans la Médecine a plus d'une vertu ,
Ou dans un autre fens , chemin libre & battu ;
Cinq , trois , deux , fix
qu'on chante ,
foit qu'on parle ou'
H. Vol.
Quand iij
1362 MERCURE DE FRANCE
Quand je fuis bon , je plais également ;
Deux & cinq,quatre & trois ,maladie,& fréquente,
Quatre , cinq , deux & trois , fruit de couleur
tachante ,
Qui du mal précedent adoucit le tourment.
Six , cinq , trois , deux , acte de canicule
( Soit dit pour éluder un plus long préambule ).
Deux , un , fix , trois , je deviens une fleur
Suave à l'odorat , & brillante en couleur ;
Deux , un, cinq , trois , voyez une autre ef
pece ,
Je fuis le marchepied d'une aveugle Déeſſe.
Quatre , un , deux , fix , je ne fers qu'au Che
val ;
Quatre , cinq , deux , je fuis formé par la truelle:
Un , cinq , deux , fix , un féroce animal § .
Joignez y trois , vous verrez fa femelle
Et grace au Ciel , la fin de cette kirielle.
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