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1
p. 70-73
Leur arrivée à Orleans. Beauté de la Ville. [titre d'après la table]
Début :
Ils coucherent le 25. à Orleans. C'est la Capitale d'un [...]
Mots clefs :
Orléans, Pont, Titre, Paris, Ville, Églises, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : Leur arrivée à Orleans. Beauté de la Ville. [titre d'après la table]
Ils coucherent le 25. à
Orleans . C'eſt la Capitale
d'un petit Pays qui a titre
de Duché. Elle eft fur la
Loire ,& a un beau Pont
fur cette Riviere,fort feur,
& d'une grande commodité
pour le Negoce Elle
a auffi Univerſité & Prefilial
, & fon Evefque eft
Suffragant de Paris Cerre
Ville, qui eſt une des plus
belles &des plus anciennes
de France , eut titre
de Royaume fous nos
de Siam.
70
Rois de la premiere Race.
Ses Eveſques ont des Privileges
confiderables. Ils
delivrent des Prifonniers
le jour de leur Entrée , &
font portez à la Cathedra-
* le par les Barons d'Yeure,
de Chaſtel , de Sully , de
- Chery , d'Acheres , & de
Rougemont . Les ruës y
font belles , les Places
grandes, les Maiſons & les
- Eglifes magnifiques. Il y a
cinquante - neuf Chanoines
, & douze Dignitez
2. Voyage des Amb.
dans fa Cathedrale. Il y
a auffi à Orleans quatre
Eglifes Collegiales ,
vingt-deux Paroiſſes . La
Ville dont la ſituation eft
fur le panchant d'une
colline en forme d'Arc , a
une Terraſſe qui la fortifie
, & elle eft ceinte d'une
forte Muraille avec quarante
Tours. Elle a huit
Portes , & un Pont de feize
Arches , par lequel elle
eft jointe à un des Fauxbourgs.
On voit fur ce
Pont
de Siam.
73
Pont trois Statuës de
bronze. La premiere eſt
de la Vierge , & les deux
autres de Charles VII . &
de la Pucelle , qui s'eſt
renduë fi fameuſe . Les
Ambaſſadeurs acheverent
leur Voyage dans
des Caroffes que l'on envoya
au devant d'eux de
Paris à Orleans .
Orleans . C'eſt la Capitale
d'un petit Pays qui a titre
de Duché. Elle eft fur la
Loire ,& a un beau Pont
fur cette Riviere,fort feur,
& d'une grande commodité
pour le Negoce Elle
a auffi Univerſité & Prefilial
, & fon Evefque eft
Suffragant de Paris Cerre
Ville, qui eſt une des plus
belles &des plus anciennes
de France , eut titre
de Royaume fous nos
de Siam.
70
Rois de la premiere Race.
Ses Eveſques ont des Privileges
confiderables. Ils
delivrent des Prifonniers
le jour de leur Entrée , &
font portez à la Cathedra-
* le par les Barons d'Yeure,
de Chaſtel , de Sully , de
- Chery , d'Acheres , & de
Rougemont . Les ruës y
font belles , les Places
grandes, les Maiſons & les
- Eglifes magnifiques. Il y a
cinquante - neuf Chanoines
, & douze Dignitez
2. Voyage des Amb.
dans fa Cathedrale. Il y
a auffi à Orleans quatre
Eglifes Collegiales ,
vingt-deux Paroiſſes . La
Ville dont la ſituation eft
fur le panchant d'une
colline en forme d'Arc , a
une Terraſſe qui la fortifie
, & elle eft ceinte d'une
forte Muraille avec quarante
Tours. Elle a huit
Portes , & un Pont de feize
Arches , par lequel elle
eft jointe à un des Fauxbourgs.
On voit fur ce
Pont
de Siam.
73
Pont trois Statuës de
bronze. La premiere eſt
de la Vierge , & les deux
autres de Charles VII . &
de la Pucelle , qui s'eſt
renduë fi fameuſe . Les
Ambaſſadeurs acheverent
leur Voyage dans
des Caroffes que l'on envoya
au devant d'eux de
Paris à Orleans .
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Résumé : Leur arrivée à Orleans. Beauté de la Ville. [titre d'après la table]
Le texte présente Orléans, capitale d'un duché située sur la Loire. La ville est connue pour son pont crucial pour le commerce, son université, son prélat et son évêque suffragant de Paris. Orléans est l'une des plus anciennes et des plus belles villes de France, ayant autrefois été un royaume sous les rois de Siam. Elle compte 70 rois de la première race. Les évêques d'Orléans possèdent des privilèges notables, tels que la libération de prisonniers à leur entrée et le port d'un siège à la cathédrale par des barons locaux. La ville est bien organisée avec des rues élégantes, des places spacieuses, des maisons et des églises magnifiques. La cathédrale abrite 59 chanoines et 12 dignités. Orléans possède également quatre églises collégiales et 22 paroisses. La ville est construite sur une colline en forme d'arc, protégée par une terrasse et une muraille avec 40 tours, 8 portes et un pont de 13 arches reliant un faubourg. Ce pont est orné de trois statues de bronze représentant la Vierge, Charles VII et Jeanne d'Arc. Les ambassadeurs ont achevé leur voyage dans des carrosses envoyés de Paris à Orléans.
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2
p. 1-8
Prelude. [titre d'après la table]
Début :
Quand les Souverains ont gagné quelques Batailles, ou forcé des [...]
Mots clefs :
Grâces, Dieu, Peuples, Corps, Actions, Santé du roi, Églises, Guérison, Manufactures royales, Rétablissement de la santé
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texteReconnaissance textuelle : Prelude. [titre d'après la table]
j^"^ ÌJ A n d les Sou-
S P verains ont gagné
quelques Batailles,
f ou forcé des Places à se ren
dre , les Peuples en rendent
ordinairement graces à Dieu
I" avec des démonstrations de
Janvier 1687. A
* MERCURE,,
joye, mais ces actions de grâ
ces ne se font que dans une
feule Eglife,&au nom de tou
te une Ville,au lieu que celles
que l'on vient de faire pour
remercier Dieu du retour de
la Santé du Roy, beaucoup
plus considérable à les Peupics
, que s'il avoit gagné des
Royaumes entiers , ont esté
faites dans toufes'les Eglises
de Paris. Cdux 'quí lcsMeíservent
ont prié deux fois ; d'a
bord pour dérnahder la gué
rison de Sá Majtttë j & en
suite pour en rendre graces
à Dieu. Les premiers d'entre
GALANT. ?
les Corps des Bourgeois qui
ont fait taire ces Prieres, ont
commencé comme a fait l'Eglise,
& ils ont eníìiite finy
par des actions de graces.
Ainsi l'Eglife & les Peuples
ont prié chacun fur deux sii,
jets , & ces deux sortes de
Prieres s'estant faites à qua
tre fois differentes, ont esté' à
Tinsiny. J'ay tâché, Madame,
de vous en faire une peinture
au commencement & dans
la fin de ma Lettre de Décembre.
Cépendant il ie trou
ve que je n'ay pû exprimer
qu'imparfaitement le zelc
Aij
r4 MERCURE
des Peuples , & à dire vray ,
c'est une chose impossible.
Toutes les Eglises íùfEsoient
à peine pour ceux qui vottloient
faire faire des Prieres,
& Ton a esté souvent obligé
d'attendre que ceux qui s'estoient
mis en estat d'en faire
faire les premiers , eussent achevé
, pour satisfaire au zele
des autres. Les uns ont fait
prier pendant un jour entier,
les autres pendant trois jours,
& les autres pendant neufj
& enfin, pour rendre ces Priè
res plus celebres , on y a ajou
té la Musique, & 1a décora.
GALANT, s
tion des Eglises où tout ce
que Paris à de plus riche &
de plus íùperbe a paru , avec
les décharges des Boètes &:
de la Mqusqucterie. Enfin
tout estoit en mouvement ,
tout estoit en joye, tout retentiflbit
d'actions de graces,
& il sest mefme trouve des
Corps & des Communautez ,
& des Societez qui ont fait
recommencer plusieurs fois.
M"s des Manufactures Roya
les des Meubles de la Cou
ronne établies aux Gobelins,
ont esté de cc nombre ,, les
Corps, & les Communautez
6 MFRCUR1
n'ont pas feulement fait prier,,
mais plusieurs personnes qui
n'entrent dans aucun Corps y
se sont associées pour faire
prier , & des particuliers qui
n'ont pointvoulu fe faire connoître,&
même des Artisans,,
ont trouvé moyen de faire
tenir dans des Convents des.
sommes considerables , pour
rendre graces, à Dieu d'une
Santé, qui ne doit pas feule
ment estxe prétieufe à toute
i'Europe puis que le Roy y
maintient la Paix , mais en
core à toure la terre , ce Mo
narque faisant des Alliances
GALANT. 7
dans les . Païs les plus recu
lez, & de'peníant des sommes
immenses pour attirer des
Ames à Dieu, en., les faisant
renoncer a l'ídolatrie. Ainsi
ce n'est pas sans íùjet qu'il est
Ies>delicesde ses Peuples , &c
de tous les Etrangers qui
rendent justice au vray mé
rite , &. qui seront ravis d'ap
prendre, ce que l'on a fàit en
France pour le rétabl/'flèmenc
de sa Sante, puis que toute la
terre connoiítra par là lardeur
du zele dont tous les
coeurs des François font pe
netrez pour un Prince fi çjí*
A iiij,
8 MERCURE . :
gne de l 'amour qu'ils ont pour
luy. Si l'on ignoroit par quels
endroits il merite que cet a~
mourait esté jusqu'à 1 excésoà
il est monté,on n'en douteroit
pas en lisant l'Ouvrage que
je vous envoyeí
S P verains ont gagné
quelques Batailles,
f ou forcé des Places à se ren
dre , les Peuples en rendent
ordinairement graces à Dieu
I" avec des démonstrations de
Janvier 1687. A
* MERCURE,,
joye, mais ces actions de grâ
ces ne se font que dans une
feule Eglife,&au nom de tou
te une Ville,au lieu que celles
que l'on vient de faire pour
remercier Dieu du retour de
la Santé du Roy, beaucoup
plus considérable à les Peupics
, que s'il avoit gagné des
Royaumes entiers , ont esté
faites dans toufes'les Eglises
de Paris. Cdux 'quí lcsMeíservent
ont prié deux fois ; d'a
bord pour dérnahder la gué
rison de Sá Majtttë j & en
suite pour en rendre graces
à Dieu. Les premiers d'entre
GALANT. ?
les Corps des Bourgeois qui
ont fait taire ces Prieres, ont
commencé comme a fait l'Eglise,
& ils ont eníìiite finy
par des actions de graces.
Ainsi l'Eglife & les Peuples
ont prié chacun fur deux sii,
jets , & ces deux sortes de
Prieres s'estant faites à qua
tre fois differentes, ont esté' à
Tinsiny. J'ay tâché, Madame,
de vous en faire une peinture
au commencement & dans
la fin de ma Lettre de Décembre.
Cépendant il ie trou
ve que je n'ay pû exprimer
qu'imparfaitement le zelc
Aij
r4 MERCURE
des Peuples , & à dire vray ,
c'est une chose impossible.
Toutes les Eglises íùfEsoient
à peine pour ceux qui vottloient
faire faire des Prieres,
& Ton a esté souvent obligé
d'attendre que ceux qui s'estoient
mis en estat d'en faire
faire les premiers , eussent achevé
, pour satisfaire au zele
des autres. Les uns ont fait
prier pendant un jour entier,
les autres pendant trois jours,
& les autres pendant neufj
& enfin, pour rendre ces Priè
res plus celebres , on y a ajou
té la Musique, & 1a décora.
GALANT, s
tion des Eglises où tout ce
que Paris à de plus riche &
de plus íùperbe a paru , avec
les décharges des Boètes &:
de la Mqusqucterie. Enfin
tout estoit en mouvement ,
tout estoit en joye, tout retentiflbit
d'actions de graces,
& il sest mefme trouve des
Corps & des Communautez ,
& des Societez qui ont fait
recommencer plusieurs fois.
M"s des Manufactures Roya
les des Meubles de la Cou
ronne établies aux Gobelins,
ont esté de cc nombre ,, les
Corps, & les Communautez
6 MFRCUR1
n'ont pas feulement fait prier,,
mais plusieurs personnes qui
n'entrent dans aucun Corps y
se sont associées pour faire
prier , & des particuliers qui
n'ont pointvoulu fe faire connoître,&
même des Artisans,,
ont trouvé moyen de faire
tenir dans des Convents des.
sommes considerables , pour
rendre graces, à Dieu d'une
Santé, qui ne doit pas feule
ment estxe prétieufe à toute
i'Europe puis que le Roy y
maintient la Paix , mais en
core à toure la terre , ce Mo
narque faisant des Alliances
GALANT. 7
dans les . Païs les plus recu
lez, & de'peníant des sommes
immenses pour attirer des
Ames à Dieu, en., les faisant
renoncer a l'ídolatrie. Ainsi
ce n'est pas sans íùjet qu'il est
Ies>delicesde ses Peuples , &c
de tous les Etrangers qui
rendent justice au vray mé
rite , &. qui seront ravis d'ap
prendre, ce que l'on a fàit en
France pour le rétabl/'flèmenc
de sa Sante, puis que toute la
terre connoiítra par là lardeur
du zele dont tous les
coeurs des François font pe
netrez pour un Prince fi çjí*
A iiij,
8 MERCURE . :
gne de l 'amour qu'ils ont pour
luy. Si l'on ignoroit par quels
endroits il merite que cet a~
mourait esté jusqu'à 1 excésoà
il est monté,on n'en douteroit
pas en lisant l'Ouvrage que
je vous envoyeí
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3
p. 63-68
Histoire abregée des derniers tremblements arrivez à Manosque en Provence.
Début :
Le premier de ces tremblements se fit sentir le 14. [...]
Mots clefs :
Tremblements de terre, Manosque, Églises, Rochers, Secousses, Ruines, Maladies
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texteReconnaissance textuelle : Histoire abregée des derniers tremblements arrivez à Manosque en Provence.
Histoireabregée des derniers
tremblemens arrivez à Manosque
en Provence.,
Le premier de ces tremblemens
se fit sentir le 14-
du mois deàsix heu-
1 res & demie du matin, &
l'on entendit en quelques
endroits comme des salves
de plusieurs coups de canon
repetées, en d'autres
comme des mugissemens
épouvantables,& en d'au- ,
tres encore,comme des
roulemens de tonnerre
sourds & affreux. La ville
de Manosque parut à quelques
personnes qui étoient
à la campagne, comme soûlevée
en l'air, ôc ensuite entierement
renversée. Tout
son terroir a été tellement
secoüépar ce tremblement,
qu'il n'y a pas une maison
dans la ville & autour qui,
n'en soit endommagée, les,
unes étant renversées à demi,
d'autres fenduës depuis. lesFondemens jusques à la
couverture. Le château de
Manosque entr'autres menace
ruïne de touscôtez?
T - - - Il
Il-en est de même des Eglises
de saint Sauveur, de
Nôtre-Dame, & du Convent
des Observantins. Les
murailles de la ville font
renversées en quantité d'endroits.
La terre s'est ouverteen
plusieurs lieux; les
rochers se sont fendus, ôc
un entr'autres,à, demi quart
de lieuë de la ville, a jetté
plusieurs sources d'eaudouce
& d'eau soufrée. Les
nourrices du lieu ont perdu
leur lait, la frayeur a
fait plusieurs malades, 6c
rendu quelques-uns hebêrez;
d'autres en ont perdu
l'esprit tout à fait. Les bêtes
même s'en font senties.,
& les oiseaux du ciel
,
se sont enfuis. i, 1,
t
Depuis le 14. jusques au
20. on a senti tous les jours
plusieurs secousses fort legeres
: mais le 20. il se fit
trois tremblemens, dont le
premier fut accompagné
de bruits plus epouvantables
que ceux du 1 4. ce qui
fit deserter la ville aux habitans
en moins d'un demi
quart- d'heure au nombre
de sept à huit millepertonnes.
Ces tremblemens
ont continué tous les jours
depuis le 20. jusques au 30.
lX même quelques uns ont
été assezviolens. Il n'y a
cependant eu personne de
tué fous les ruines. On a ressenti
ces tremblemens jusques
à sept à huit lieuës à
la ronde;les villages de
Corbiere
,
de sainte Tulle
& de Monfuron, quiont àdeux lieuës dé Manosque,
ont souffert quelque
dommage, & celui de Peyrevert
, <juin'eneft^^a'à.
unepetitelieue,aétépresque
autant endommagé
que Manosque même, &c
le château de Forcalquier,
qui est aquatre, lieuës au
nruorïtndeedMetaonuosscqôuet,emze.nace
J;: ;.>
>MEMOJRË,ltil
tremblemens arrivez à Manosque
en Provence.,
Le premier de ces tremblemens
se fit sentir le 14-
du mois deàsix heu-
1 res & demie du matin, &
l'on entendit en quelques
endroits comme des salves
de plusieurs coups de canon
repetées, en d'autres
comme des mugissemens
épouvantables,& en d'au- ,
tres encore,comme des
roulemens de tonnerre
sourds & affreux. La ville
de Manosque parut à quelques
personnes qui étoient
à la campagne, comme soûlevée
en l'air, ôc ensuite entierement
renversée. Tout
son terroir a été tellement
secoüépar ce tremblement,
qu'il n'y a pas une maison
dans la ville & autour qui,
n'en soit endommagée, les,
unes étant renversées à demi,
d'autres fenduës depuis. lesFondemens jusques à la
couverture. Le château de
Manosque entr'autres menace
ruïne de touscôtez?
T - - - Il
Il-en est de même des Eglises
de saint Sauveur, de
Nôtre-Dame, & du Convent
des Observantins. Les
murailles de la ville font
renversées en quantité d'endroits.
La terre s'est ouverteen
plusieurs lieux; les
rochers se sont fendus, ôc
un entr'autres,à, demi quart
de lieuë de la ville, a jetté
plusieurs sources d'eaudouce
& d'eau soufrée. Les
nourrices du lieu ont perdu
leur lait, la frayeur a
fait plusieurs malades, 6c
rendu quelques-uns hebêrez;
d'autres en ont perdu
l'esprit tout à fait. Les bêtes
même s'en font senties.,
& les oiseaux du ciel
,
se sont enfuis. i, 1,
t
Depuis le 14. jusques au
20. on a senti tous les jours
plusieurs secousses fort legeres
: mais le 20. il se fit
trois tremblemens, dont le
premier fut accompagné
de bruits plus epouvantables
que ceux du 1 4. ce qui
fit deserter la ville aux habitans
en moins d'un demi
quart- d'heure au nombre
de sept à huit millepertonnes.
Ces tremblemens
ont continué tous les jours
depuis le 20. jusques au 30.
lX même quelques uns ont
été assezviolens. Il n'y a
cependant eu personne de
tué fous les ruines. On a ressenti
ces tremblemens jusques
à sept à huit lieuës à
la ronde;les villages de
Corbiere
,
de sainte Tulle
& de Monfuron, quiont àdeux lieuës dé Manosque,
ont souffert quelque
dommage, & celui de Peyrevert
, <juin'eneft^^a'à.
unepetitelieue,aétépresque
autant endommagé
que Manosque même, &c
le château de Forcalquier,
qui est aquatre, lieuës au
nruorïtndeedMetaonuosscqôuet,emze.nace
J;: ;.>
>MEMOJRË,ltil
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Résumé : Histoire abregée des derniers tremblements arrivez à Manosque en Provence.
Le 14 juin à 6h30, un violent tremblement de terre a frappé Manosque en Provence. Les habitants ont rapporté divers sons, comme des salves de canon ou des roulements de tonnerre. La ville a subi des dommages massifs : maisons renversées ou fendues, château et églises menacés de ruine, murailles effondrées, et terre ouverte libérant des sources d'eau. La frayeur a causé des maladies, évanouissements et troubles mentaux chez les habitants et les animaux. Des secousses légères ont été ressenties quotidiennement jusqu'au 20 juin, date à laquelle trois tremblements plus violents ont poussé environ 7 000 à 8 000 habitants à fuir. Les secousses ont continué jusqu'au 30 juin, affectant également les villages voisins de Corbières, Sainte-Tulle, Monfuron et Peyrevert. Malgré les dégâts, aucune victime n'a été signalée.
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4
p. 442-452
REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
Début :
J'ai lû, Monsieur, avec bien du plaisir, la Relation que vous avez donnée jusqu'icy [...]
Mots clefs :
Auxerre, Bayeux, Normandie, Renobert, Saints, Église, Églises, Confraternité, Mémoires, Diocèse, Reliques, Chasuble, Exupère, Dom Mabillon
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texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
REMARQUES sur quelques endroits
de la neuviéme Lettre du l'oyage de Nor
mandie , adressées à M. D. L. R.
J
'ai lû , Monsieur , avec bien du plaisir,
la Relation que vous avez donnée jusqu'icy
en neuf Lettres , du Voïage que
Vous
MARS. 1733.
443
Vous avez fait en Normandie. La derniere
qui a paru dans le Mercure d'Oc
tobre dernier , m'a plus frappé que les
autres , parce qu'elle roule entierement
sur une Ville où j'ai été avant que j'eusse
atteint l'âge de vingt ans , uniquement
dans le dessein de trouver la verité autant
qu'elle peut se manifester à un jeune homme.
Vous n'y parlez presque que de Ba
yeux ; vous y nommez S. Renobert, Evê
que de cette Ville ; vous y dites un mot
de sa Chasuble et du Coffre d'Ivoire qui
la renferme ; toutes choses que j'avois
vûës dès le mois d'Octobre de l'année
1707. Je ne ferai pas comme les deux
Ecrivains qui ont profité des Remarques
que vous avez publiées dans les Mémoires
de Trévoux,d'Octobre 1714,sans vous
citer aucunement , & c. Pour moi je vous
avoüerai qu'ayant recherché tout ce qu'on
pouvoit dire de S. Renobert , sept ans
avant que vous en parlassiez , j'ai profité
depuis , avec grand plaisir , de ce que
j'en trouvai dans ces Mémoires , aussiqu'il
parût.
Il s'étoit élevé icy en 1709. we dispute
au sujet du siecle où ce Saint avoit vécu.
On écrivit vivement sur cette matiere ;
et chacun cherchoit des authoritez pour
appuier son sentiment. Comme la parcie
B vj Vic444
MERCURE DE FRANCE
victorieuse a été celle qui ne plaçoit ce
Saint qu'au 7 siécle , et non au 3 *, ni au
4 ; il a été naturel de faire une honorable
mention de l'observation qui parut
depuis dans les Mémoires de Trévoux
puisqu'elle étoit conforme au sentiment
que j'avois soutenu . Je ne sçavois pas ;
M ', que ce fut vous qui y eussiez donné
occasion ni que vous eussiez suivi d'abord
la Chronologie ordinaire de Bayeux.'
Je vous félicite donc aujourd'hui de ce
que vous vous trouvez réuni au sentiment
des Sçavans Bollandistes , qui a été
suivi par Dom Mabillon , par M. Baillet,
au 16 May ,par M. l'Abbé Chastellain , dans
son Martyrologe Universel, par le nouveau
Breviaire d'Auxerre de l'an 1726. par les
Auteurs du Martyrologe de Paris , de
l'an 1727. et qui vrai -semblablement le
sera aussi par les Continuateurs de Gallia
Christiana ; au moins étoit - ce le sentiment
vers lequel inclinoit dès l'an 171 26
Dom Denys de Sainte Marthe , votre illustre
ami , suivant ce qu'il m'en écrivit
alors. La Note que vous avez mise au bas
de la page 2122. de votre dernier Journal
, démontre que vous méprisez la Chro
nologie de l'Histoire moderne de l'Eglise
de Bayeux , puisque vous dites qu'el
le est rejettée par les meilleurs Critiques ,
MARS. 1733. 445
et que S. Renobert assista en 630. à un
Concile de Reims.
La Morlieze se plaignoit autrefois dans
ses Antiquitez d'Amiens , de ce que les
Ecrivains du Catalogue des Evêques
d'Amiens , ont arrangé ces Evêques , plus
secundùm gradum sanctitatis , quam antiquitatis.
C'est ce qui est arrivé à Bayeux,
et qui a induit en erreur , jusqu'à faire
fabriquer une Légende où l'on avance que
S.Renobert fut sacré à Brive la Gaillarde,
par S. Saturnin,Evêque de Toulouse. Hors
dans les Diocèses dans de Bayeux , d'Auxerre,
et de Besançon, cette Légende ne se retrouve
gueres de nos jours ; je doute que
vous puissiez la rencontrer dans Paris.
L'endroit le plus voisin de cette Ville où
je me ressouviens de l'avoir vûë dans un
Manuscrit de 500 ans , est l'Abbaye de
S. Yved de Braine , en Soissonnois ; elle Y
est contenue dans tout son fabuleux.
J'ai composé autrefois une longue Dissertation
, pour servir à épurer les Traditions
du Païs Bessin , touchant ce Saint.
Prelat. C'est le premier de mes Ouvrages
, et le fruit du voyage que je fis à
Bayeux il y a 25 ans. J'en ai donné communication
à des Sçavans du Clergé de la
même Ville , qui m'ont déclaré n'avoir
jamais ajouté plus de foy à la tradition
Bes
446 MERCURE DE FRANCE
*
>
Bessine des derniers siècles , qu'à celle
qui s'étoit glissée à Paris , sur S. Denys ,
et ils m'ont prié de la rendre publique.
Je n'ai pas oublié d'y parler de la Chasuble
de ce Saint , que j'eus l'honneur de
voir , et qu'on m'assura avoir été regardée
par Dom Mabillon , comme infiniment
plus authentique que l'Etole et le
Manipule qu'on y joignoit. Elle est d'étoffe
de soye , à fond bleu , semée d'espece
de Tréfles , de couleur blanche. Je remarquai
sur l'Etole , qui est d'une étoffe
différente, une semence de Perles . M.Hermant
, que je vis alors dans sa Cure de
Maltor , proche Caën , n'en sçavoit pas
plus que moi , sur toutes ces choses ; et
il me déclara qu'il ne travailloit que sur
les Mémoires d'un Chanoine moderne
de Bayeux. On pourroit croire que l'Etoffe
de cette Chasuble auroit simplement
servi à couvrir les Ossemens de S. Renobert
depuis son décès , et qu'elle seroit
celle- là même que la Reine Ermentrude,
Epouse de Charles le Chauve, envoya,
sans être obligé de faire remonter son antiquité
jusqu'au septiéme siecle. On a
quelques exemples d'autres Etoffes , qui
ont servi de Poile aux Sépulcres des
* M. Hermant , Curé de Maltot , qui a écris
ene Histoire imparfaite du Diocèse de Bayeux.
Saints
MAR S. 1733. 447
Saints , et qui ont pris la dénomination
de ces mêmes Saints , en qualité de Manteau
ou de Voile , ou sous tel autre nom
qu'on a voulu leur donner après les avoir
mises en oeuvre. Au reste , ces sortes de
Reliques n'en sont pas moins vénérables
quand même eiles n'auroient pas servi
aux Saints dès leur vivant , mais seulement
après leur mort , témoins l'honneur
que les Catahois rendent au Voile du
Cercueil de Sainte Agathe ; les Auxerrois
,au Suaire de 5.Germain et la confiance
que ces peuples ont dans ces Reliques.
Quant à l'Inscription Arabe du petit of
fre qui renferme la Chasuble de S. Renobert
, vous êtes certainement le premier
qui avez appris au Public , l'explication
qui en a été faite par une personne tresentenduë.
Vous ne marquez point , Monsieur , si
c'est le Cartulaire de l'Evêché de Bayeux,
qui dit que l'ancienne confraternité de
P'Eglise Cathedrale de la même Ville
avec celle d'Auxerre , est fondée sur ce
que S. Exupere venant d'Italie passa par
la Ville d'Auxerre , et y prêcha le Christianisme
. Rien de plus vrai que l'existence
de cette ancienne confraternité; j'en ai
des preuves de plusieurs siecles ; mais il
n'y a pas d'apparence qu'elle soit établie
Suf
448 MERCURE DE FRANCE
-
sur le motif que vous citez , qui n'est
peut-être , qu'une simple conjecture des
Chanoines de Bayeux. Si le passage de
S. Exupere par notre Ville , étoit un fondement
suffisant pour une confraternité ,
pourquoi n'en eussions nous point eu
avec Messieurs du Chapitre de Rouen ,
puisque S. Mellon , leur premier Evêque ,
passa aussi par Auxerre en venant de
Rome , et qu'il y fit même une guérison
miraculeuse, rapportée dans sa vie ? Pourquoi
ne serions-nous pas en pareille liaison
avec les Chapitres de Lyon et de
Marseille, puisque notre premier Evêque ,
S. Pérégrin , y passa en venant icy , et eut
la gloire d'y prêcher de la même maniere
, le Christianisme , selon ses Actes ?
Ce n'est donc point sur le passage de
S. Exupere qu'est fondée la confraternité
des Eglises d Bayeux et d'Auxerre , quand
même on le croiroit ainsi à Bayeux ; mais
sur une raison plus recevable, et qui a fait
naître de semblables confraternitez entre
plusieurs autres Eglises. C'est que nous
possedons les Reliques de quelques - uns
de leurs Saints fameux , ou qu'ils posscdent
celles de quelques - uns des nôtres .
C'est sur ce principe que les Eglises de
Beauvais et d'Auxerre sont en confraternité
Le Corps de S. Just , Enfant
natif
MARS. 17337 445
·
,
natif d'Auxerre , repose dans la Cathe
drale de Beauvais , excepté sa tête , qui
fut transportée à Auxerre du Lieu du
Beauvoisis , où il avoit souffert le Martyre
. Ce motif est spécifié dans l'acte de
rénovation , dont on trouvera des vestitiges
dans les Registres du Chapitre de
Beauvais , au 18 Juin 1646. C'est ainsi
qu'en Espagne , les Chanoines de Saragoce
, et ceux de S. Vincent de la Rode, sont
en association dès l'an 1171. en considération
du Chef de S. Valere , Evêque de
Saragoce a. Si le passage d'un Saint pouvoit
influer dans l'origine des Confraternitez
d'Eglises éloignées , telles que sont
celles de Bayeux et d'Auxerre ; il y auroit
plus d'apparence que ce seroit celui de
S. Germain , dans le Diocèse de Bayeux ,
qui avoit contribué à cette liaison , parce
que ce grand nombre d'Eglises qui sont
sous ce nom dans la Basse - Normandie,est
une preuve que dans l'un de ses deux
Voyages de la Grande- Bretagne, il a passé
dans le Païs Bessin , en allant ou en reve
nant. On ne craint point même de montrer
à une petite lieuë de Bayeux , dans
l'Eglise du Village de Guéron, une Nappe
d'Autel , sur laquelle on dit qu'il a
célébré en passant .
2 Castellan . Bimestr. Januar. 29. pag. 444.
Mais
450 MERCURE DE FRANCE
•
que
Mais sans remonter si - haut , il y a infi
niment plus d'apparence que l'union des
Eglises d'Auxerre et de Bayeux vient du
transport fait autrefois des Reliques de
S. Renobert , celebre Evêque de cette
derniere Ville , et de S. Zénon , son Diacre
, dans fa Ville et dans le Diocèse
d'Auxerre . Leur culte y devint si fameux ,
dès le commencement du treiziéme
siécle , la seconde Paroisse de la Cité
d'Auxerre , dans laquelle est contenuë
une bonne partie du Cloître des Chanoines
, étoit sous l'invocation de ce Saint
Prélat , comme elle l'est encore aujourd'hui
. De là vient que dans la Cathédra
le et dans le Diocèse d'Auxerre on a fair
de immémorial , et au moins de- temps
puis 500 ans , l'Office de S. Renobert , et
qu'il y a plusieurs Autels de son nom ;
au lieu que jamais il n'y a été fait men
tion de S. Exupere , et qu'il n'y a aucun
Autel connu sous son invocation .
Outre l'Inscription Mahometane que
Vous avez publiée , tirée de dessus le Coffre
d'Ivoire du Trésor de Bayeux , j'au
rois souhaité que vous eussiez remarqué
dans la même Eglise une autre Inscription
bien plus récente, qui consiste en ces
deux Vers :
Cre
MARS. 1733. 45t
Credite mira Dei ; Serpens fuit hic lapis extans s
Sic transformatum Bartholus attulit buc.
L'explication des merveilles de Dieu
dont il y est parlé , est , ce me semble
de la competence des Naturalistes , et de
ceux qui font attention aux pétrifications
singulieres.
Ce n'est pas assez que le R. P. Tournemine
nous ait appris comment ce Coffre
a pû servir dès le neuvième siècle à
renfermer l'Etofe que le Roy Charles le
Chauve et la Reine Ermentrude envoyerent
pour orner les Cercueils ou la Sépulture
des Saints Renobert et Zénon 1
dont les Corps étoient alors réfugiez sur
les confins des Diocèses d'Evreux et de
Lisieux. Il ne seroit pas moins curieux et
important de découvrir le lieu d'où se fit
cet envoi. Charles étoit alors dans un Palais
Royal , appellé Vetera- Domus , que je
croi pouvoir traduire Vieux- Maison , ou
Vieille-Maison . C'est ce que nous tenons
d'un Historien du temps , imprimé au
XII Tome du Spicilege , par un autre
Historien du même siècle , imprimé an
premier Tome de la Bibliotheque des Ma
nuscrits du P. Labbe , pag. 548. et réim
primé beaucoup plus exactement l'année
derniere dans les Actes des Saints ,
du 31
Juil
452 MERCURE DE FRANCE
,
Juillet. On apprend que ce Vieux - Mal
son étoit dans le Païs Roumois : In pago
Rothomagensi. Il seroit donc à désirer que
l'Historien de Rouen , dont vous parlez
à la page 2138. de votre même Lettre ,
fit connoître au Public la situation précise
de cet ancien Palais des Rois de France;
d'autant qu'il n'en est fait aucune merition
dans la Diplomatique de Dom Mabillon
, ni dans la Notice des Gaules de
M. de Valois , non plus que dans le Glossaire
de M. du Cange . L'Eglise du Titre
de S. Germain d'Auxerre , voisine de ce
Palais , selon Héric , peut servir à faciliter
cette découverte ; et si l'on trouve un
Vieux Maison au Païs Roumois , avec
une Eglise ou Chapelle de ce Titre , qui
en soit peu éloignée , on sera suffisamment
assuré de la position de cette Mai-
´son Royale, qui est restée inconnuë jusqu'icy.
CommeCharles y tenoit ses Plaids ,
dans le temps de sa dévotion envers S.Renobert
, il me paroît que la chose est assez
importante pour mériter d'être débroüillées
et puisque dès le neuviéme siecle , ce
Palais étoit très - ancien , selon que son
nom le marque, il pouvoit avoir été bâti
sous la premiere Race de nos Rois , et
peut- être dès le temps des Romains . Je
suis , Monsieur , & c.
A Auxerre , ce 20 Novombre 1732 .
de la neuviéme Lettre du l'oyage de Nor
mandie , adressées à M. D. L. R.
J
'ai lû , Monsieur , avec bien du plaisir,
la Relation que vous avez donnée jusqu'icy
en neuf Lettres , du Voïage que
Vous
MARS. 1733.
443
Vous avez fait en Normandie. La derniere
qui a paru dans le Mercure d'Oc
tobre dernier , m'a plus frappé que les
autres , parce qu'elle roule entierement
sur une Ville où j'ai été avant que j'eusse
atteint l'âge de vingt ans , uniquement
dans le dessein de trouver la verité autant
qu'elle peut se manifester à un jeune homme.
Vous n'y parlez presque que de Ba
yeux ; vous y nommez S. Renobert, Evê
que de cette Ville ; vous y dites un mot
de sa Chasuble et du Coffre d'Ivoire qui
la renferme ; toutes choses que j'avois
vûës dès le mois d'Octobre de l'année
1707. Je ne ferai pas comme les deux
Ecrivains qui ont profité des Remarques
que vous avez publiées dans les Mémoires
de Trévoux,d'Octobre 1714,sans vous
citer aucunement , & c. Pour moi je vous
avoüerai qu'ayant recherché tout ce qu'on
pouvoit dire de S. Renobert , sept ans
avant que vous en parlassiez , j'ai profité
depuis , avec grand plaisir , de ce que
j'en trouvai dans ces Mémoires , aussiqu'il
parût.
Il s'étoit élevé icy en 1709. we dispute
au sujet du siecle où ce Saint avoit vécu.
On écrivit vivement sur cette matiere ;
et chacun cherchoit des authoritez pour
appuier son sentiment. Comme la parcie
B vj Vic444
MERCURE DE FRANCE
victorieuse a été celle qui ne plaçoit ce
Saint qu'au 7 siécle , et non au 3 *, ni au
4 ; il a été naturel de faire une honorable
mention de l'observation qui parut
depuis dans les Mémoires de Trévoux
puisqu'elle étoit conforme au sentiment
que j'avois soutenu . Je ne sçavois pas ;
M ', que ce fut vous qui y eussiez donné
occasion ni que vous eussiez suivi d'abord
la Chronologie ordinaire de Bayeux.'
Je vous félicite donc aujourd'hui de ce
que vous vous trouvez réuni au sentiment
des Sçavans Bollandistes , qui a été
suivi par Dom Mabillon , par M. Baillet,
au 16 May ,par M. l'Abbé Chastellain , dans
son Martyrologe Universel, par le nouveau
Breviaire d'Auxerre de l'an 1726. par les
Auteurs du Martyrologe de Paris , de
l'an 1727. et qui vrai -semblablement le
sera aussi par les Continuateurs de Gallia
Christiana ; au moins étoit - ce le sentiment
vers lequel inclinoit dès l'an 171 26
Dom Denys de Sainte Marthe , votre illustre
ami , suivant ce qu'il m'en écrivit
alors. La Note que vous avez mise au bas
de la page 2122. de votre dernier Journal
, démontre que vous méprisez la Chro
nologie de l'Histoire moderne de l'Eglise
de Bayeux , puisque vous dites qu'el
le est rejettée par les meilleurs Critiques ,
MARS. 1733. 445
et que S. Renobert assista en 630. à un
Concile de Reims.
La Morlieze se plaignoit autrefois dans
ses Antiquitez d'Amiens , de ce que les
Ecrivains du Catalogue des Evêques
d'Amiens , ont arrangé ces Evêques , plus
secundùm gradum sanctitatis , quam antiquitatis.
C'est ce qui est arrivé à Bayeux,
et qui a induit en erreur , jusqu'à faire
fabriquer une Légende où l'on avance que
S.Renobert fut sacré à Brive la Gaillarde,
par S. Saturnin,Evêque de Toulouse. Hors
dans les Diocèses dans de Bayeux , d'Auxerre,
et de Besançon, cette Légende ne se retrouve
gueres de nos jours ; je doute que
vous puissiez la rencontrer dans Paris.
L'endroit le plus voisin de cette Ville où
je me ressouviens de l'avoir vûë dans un
Manuscrit de 500 ans , est l'Abbaye de
S. Yved de Braine , en Soissonnois ; elle Y
est contenue dans tout son fabuleux.
J'ai composé autrefois une longue Dissertation
, pour servir à épurer les Traditions
du Païs Bessin , touchant ce Saint.
Prelat. C'est le premier de mes Ouvrages
, et le fruit du voyage que je fis à
Bayeux il y a 25 ans. J'en ai donné communication
à des Sçavans du Clergé de la
même Ville , qui m'ont déclaré n'avoir
jamais ajouté plus de foy à la tradition
Bes
446 MERCURE DE FRANCE
*
>
Bessine des derniers siècles , qu'à celle
qui s'étoit glissée à Paris , sur S. Denys ,
et ils m'ont prié de la rendre publique.
Je n'ai pas oublié d'y parler de la Chasuble
de ce Saint , que j'eus l'honneur de
voir , et qu'on m'assura avoir été regardée
par Dom Mabillon , comme infiniment
plus authentique que l'Etole et le
Manipule qu'on y joignoit. Elle est d'étoffe
de soye , à fond bleu , semée d'espece
de Tréfles , de couleur blanche. Je remarquai
sur l'Etole , qui est d'une étoffe
différente, une semence de Perles . M.Hermant
, que je vis alors dans sa Cure de
Maltor , proche Caën , n'en sçavoit pas
plus que moi , sur toutes ces choses ; et
il me déclara qu'il ne travailloit que sur
les Mémoires d'un Chanoine moderne
de Bayeux. On pourroit croire que l'Etoffe
de cette Chasuble auroit simplement
servi à couvrir les Ossemens de S. Renobert
depuis son décès , et qu'elle seroit
celle- là même que la Reine Ermentrude,
Epouse de Charles le Chauve, envoya,
sans être obligé de faire remonter son antiquité
jusqu'au septiéme siecle. On a
quelques exemples d'autres Etoffes , qui
ont servi de Poile aux Sépulcres des
* M. Hermant , Curé de Maltot , qui a écris
ene Histoire imparfaite du Diocèse de Bayeux.
Saints
MAR S. 1733. 447
Saints , et qui ont pris la dénomination
de ces mêmes Saints , en qualité de Manteau
ou de Voile , ou sous tel autre nom
qu'on a voulu leur donner après les avoir
mises en oeuvre. Au reste , ces sortes de
Reliques n'en sont pas moins vénérables
quand même eiles n'auroient pas servi
aux Saints dès leur vivant , mais seulement
après leur mort , témoins l'honneur
que les Catahois rendent au Voile du
Cercueil de Sainte Agathe ; les Auxerrois
,au Suaire de 5.Germain et la confiance
que ces peuples ont dans ces Reliques.
Quant à l'Inscription Arabe du petit of
fre qui renferme la Chasuble de S. Renobert
, vous êtes certainement le premier
qui avez appris au Public , l'explication
qui en a été faite par une personne tresentenduë.
Vous ne marquez point , Monsieur , si
c'est le Cartulaire de l'Evêché de Bayeux,
qui dit que l'ancienne confraternité de
P'Eglise Cathedrale de la même Ville
avec celle d'Auxerre , est fondée sur ce
que S. Exupere venant d'Italie passa par
la Ville d'Auxerre , et y prêcha le Christianisme
. Rien de plus vrai que l'existence
de cette ancienne confraternité; j'en ai
des preuves de plusieurs siecles ; mais il
n'y a pas d'apparence qu'elle soit établie
Suf
448 MERCURE DE FRANCE
-
sur le motif que vous citez , qui n'est
peut-être , qu'une simple conjecture des
Chanoines de Bayeux. Si le passage de
S. Exupere par notre Ville , étoit un fondement
suffisant pour une confraternité ,
pourquoi n'en eussions nous point eu
avec Messieurs du Chapitre de Rouen ,
puisque S. Mellon , leur premier Evêque ,
passa aussi par Auxerre en venant de
Rome , et qu'il y fit même une guérison
miraculeuse, rapportée dans sa vie ? Pourquoi
ne serions-nous pas en pareille liaison
avec les Chapitres de Lyon et de
Marseille, puisque notre premier Evêque ,
S. Pérégrin , y passa en venant icy , et eut
la gloire d'y prêcher de la même maniere
, le Christianisme , selon ses Actes ?
Ce n'est donc point sur le passage de
S. Exupere qu'est fondée la confraternité
des Eglises d Bayeux et d'Auxerre , quand
même on le croiroit ainsi à Bayeux ; mais
sur une raison plus recevable, et qui a fait
naître de semblables confraternitez entre
plusieurs autres Eglises. C'est que nous
possedons les Reliques de quelques - uns
de leurs Saints fameux , ou qu'ils posscdent
celles de quelques - uns des nôtres .
C'est sur ce principe que les Eglises de
Beauvais et d'Auxerre sont en confraternité
Le Corps de S. Just , Enfant
natif
MARS. 17337 445
·
,
natif d'Auxerre , repose dans la Cathe
drale de Beauvais , excepté sa tête , qui
fut transportée à Auxerre du Lieu du
Beauvoisis , où il avoit souffert le Martyre
. Ce motif est spécifié dans l'acte de
rénovation , dont on trouvera des vestitiges
dans les Registres du Chapitre de
Beauvais , au 18 Juin 1646. C'est ainsi
qu'en Espagne , les Chanoines de Saragoce
, et ceux de S. Vincent de la Rode, sont
en association dès l'an 1171. en considération
du Chef de S. Valere , Evêque de
Saragoce a. Si le passage d'un Saint pouvoit
influer dans l'origine des Confraternitez
d'Eglises éloignées , telles que sont
celles de Bayeux et d'Auxerre ; il y auroit
plus d'apparence que ce seroit celui de
S. Germain , dans le Diocèse de Bayeux ,
qui avoit contribué à cette liaison , parce
que ce grand nombre d'Eglises qui sont
sous ce nom dans la Basse - Normandie,est
une preuve que dans l'un de ses deux
Voyages de la Grande- Bretagne, il a passé
dans le Païs Bessin , en allant ou en reve
nant. On ne craint point même de montrer
à une petite lieuë de Bayeux , dans
l'Eglise du Village de Guéron, une Nappe
d'Autel , sur laquelle on dit qu'il a
célébré en passant .
2 Castellan . Bimestr. Januar. 29. pag. 444.
Mais
450 MERCURE DE FRANCE
•
que
Mais sans remonter si - haut , il y a infi
niment plus d'apparence que l'union des
Eglises d'Auxerre et de Bayeux vient du
transport fait autrefois des Reliques de
S. Renobert , celebre Evêque de cette
derniere Ville , et de S. Zénon , son Diacre
, dans fa Ville et dans le Diocèse
d'Auxerre . Leur culte y devint si fameux ,
dès le commencement du treiziéme
siécle , la seconde Paroisse de la Cité
d'Auxerre , dans laquelle est contenuë
une bonne partie du Cloître des Chanoines
, étoit sous l'invocation de ce Saint
Prélat , comme elle l'est encore aujourd'hui
. De là vient que dans la Cathédra
le et dans le Diocèse d'Auxerre on a fair
de immémorial , et au moins de- temps
puis 500 ans , l'Office de S. Renobert , et
qu'il y a plusieurs Autels de son nom ;
au lieu que jamais il n'y a été fait men
tion de S. Exupere , et qu'il n'y a aucun
Autel connu sous son invocation .
Outre l'Inscription Mahometane que
Vous avez publiée , tirée de dessus le Coffre
d'Ivoire du Trésor de Bayeux , j'au
rois souhaité que vous eussiez remarqué
dans la même Eglise une autre Inscription
bien plus récente, qui consiste en ces
deux Vers :
Cre
MARS. 1733. 45t
Credite mira Dei ; Serpens fuit hic lapis extans s
Sic transformatum Bartholus attulit buc.
L'explication des merveilles de Dieu
dont il y est parlé , est , ce me semble
de la competence des Naturalistes , et de
ceux qui font attention aux pétrifications
singulieres.
Ce n'est pas assez que le R. P. Tournemine
nous ait appris comment ce Coffre
a pû servir dès le neuvième siècle à
renfermer l'Etofe que le Roy Charles le
Chauve et la Reine Ermentrude envoyerent
pour orner les Cercueils ou la Sépulture
des Saints Renobert et Zénon 1
dont les Corps étoient alors réfugiez sur
les confins des Diocèses d'Evreux et de
Lisieux. Il ne seroit pas moins curieux et
important de découvrir le lieu d'où se fit
cet envoi. Charles étoit alors dans un Palais
Royal , appellé Vetera- Domus , que je
croi pouvoir traduire Vieux- Maison , ou
Vieille-Maison . C'est ce que nous tenons
d'un Historien du temps , imprimé au
XII Tome du Spicilege , par un autre
Historien du même siècle , imprimé an
premier Tome de la Bibliotheque des Ma
nuscrits du P. Labbe , pag. 548. et réim
primé beaucoup plus exactement l'année
derniere dans les Actes des Saints ,
du 31
Juil
452 MERCURE DE FRANCE
,
Juillet. On apprend que ce Vieux - Mal
son étoit dans le Païs Roumois : In pago
Rothomagensi. Il seroit donc à désirer que
l'Historien de Rouen , dont vous parlez
à la page 2138. de votre même Lettre ,
fit connoître au Public la situation précise
de cet ancien Palais des Rois de France;
d'autant qu'il n'en est fait aucune merition
dans la Diplomatique de Dom Mabillon
, ni dans la Notice des Gaules de
M. de Valois , non plus que dans le Glossaire
de M. du Cange . L'Eglise du Titre
de S. Germain d'Auxerre , voisine de ce
Palais , selon Héric , peut servir à faciliter
cette découverte ; et si l'on trouve un
Vieux Maison au Païs Roumois , avec
une Eglise ou Chapelle de ce Titre , qui
en soit peu éloignée , on sera suffisamment
assuré de la position de cette Mai-
´son Royale, qui est restée inconnuë jusqu'icy.
CommeCharles y tenoit ses Plaids ,
dans le temps de sa dévotion envers S.Renobert
, il me paroît que la chose est assez
importante pour mériter d'être débroüillées
et puisque dès le neuviéme siecle , ce
Palais étoit très - ancien , selon que son
nom le marque, il pouvoit avoir été bâti
sous la premiere Race de nos Rois , et
peut- être dès le temps des Romains . Je
suis , Monsieur , & c.
A Auxerre , ce 20 Novombre 1732 .
Fermer
Résumé : REMARQUES sur quelques endroits de la neuviéme Lettre du Voyage de Normandie, adressées à M. D. L. R.
En mars 1733, l'auteur écrit à M. D. L. R. pour exprimer son plaisir d'avoir lu neuf lettres relatant un voyage en Normandie, notamment la dernière parue dans le Mercure d'octobre précédent, qui traite de Bayeux. L'auteur, ayant visité Bayeux avant l'âge de vingt ans, mentionne que cette lettre évoque l'évêque Saint Renobert, sa chasuble et le coffre d'ivoire qui la contient, des éléments qu'il a observés en octobre 1707. L'auteur a mené des recherches sur Saint Renobert sept ans avant la publication de M. D. L. R. et a apprécié les informations des Mémoires de Trévoux d'octobre 1714. Il note une controverse sur le siècle auquel appartenait Saint Renobert, avec des débats en 1709. La version victorieuse le place au VIIe siècle, conformément aux Bollandistes, Dom Mabillon et d'autres érudits. L'auteur félicite M. D. L. R. pour son alignement avec cette chronologie, rejetant celle de l'Histoire moderne de l'Église de Bayeux. La lettre aborde également des légendes locales, comme celle de la consécration de Saint Renobert à Brive-la-Gaillarde par Saint Saturnin, une légende peu répandue. L'auteur mentionne une dissertation qu'il a écrite pour épurer les traditions du pays Bessin concernant Saint Renobert et discute de la chasuble du saint, vue par Dom Mabillon et décrite comme plus authentique que d'autres reliques. Enfin, la lettre traite des confraternités entre les églises de Bayeux et d'Auxerre, remettant en question la raison officielle de cette liaison et suggérant qu'elle pourrait être due au transfert des reliques de Saint Renobert et de Saint Zénon. L'auteur exprime également son souhait de voir des recherches supplémentaires sur un ancien palais royal mentionné dans les sources historiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 1050-1062
DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François. par M. Beneton-de-Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roy. Seconde Partie.
Début :
Après avoir dit dans la premiere Partie de cet Ouvrage ce qui obligea [...]
Mots clefs :
Saint Denis, Comtes de Vexin, Abbaye de Saint-Denis, Église, Seigneurs, Prince, Églises, Bannière, Dévotion, Monastère, Enseignes militaires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François. par M. Beneton-de-Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roy. Seconde Partie.
DISSERTATION sur les Enseignes
Militaires des François . par M. Benetonde-
Perrin , Ecuyer , ancien Gendarme
de la Garde du Roy. Seconde Partie .
A
Près avoir dit dans la premiere Partie
de cet Ouvrage ce qui obligea
les Rois de France à changer de Patron ,
et ce qui fit qu'à leur exemple le Peuple
diminua peu - à - peu sa dévotion a S.Martin
, pour la donner toute entiere à saint
Denis ; remontons présentement aux
temps qui ont précedé ce changement.
Sans entrer dans la fameuse dispute si
S. Denis , premier Evêque de Paris , est
le même que Denis l'Areopagite , converti
par
l'Apôtre S. Paul dans la Ville
d'Athénes , qui de Rome passa dans les
Gaules dès le premier siecle de l'Eglise ,
ou s'il est un autre Denis , qui , avec six
autres saints Missionnaires , ne vinrent dans
les Gaules qu'au temps de Décius ; il est
toujours certain qu'un S. Denis , Evêque,
fut le premier qui annonça aux Parisiens
les veritez de l'Evangile , et qu'il souffrit
le martyre avec deux de ses Compagnons
dans le lieu même où il avoit exercé sa
Mission .
Après
JUIN. 1733. 1051
Après la mort de ce Saint , une femme
vertueuse et riche , nommée Catule ,
devenue , sans doute , Chrétienne par les
´Sermons du Martyr, fit secrettement enlever
son Corps et ceux de ses Compagnons ,
et les fit inhumer tous trois dans un
Champ qui lui appartenoit , et qui à cause
d'elle fut appellé Catolacum , et Catalliacum.
Les Chrétiens , pour ne point oublier
l'endroit qui contenoit les Corps de
ces saints Martyrs , mirent dessus une
marque, ou Montjoye , et aussi tôt qu'ils
furent en liberté de faire quelque Acte
public de leur Religion , ils bâtirent sur
cet endroit une Oratoire ou petite Chapelle
, que sainte Géneviève changea en
Eglise et qui devint bien- tôt un Monastere
, puisque dès l'an 6c0 . sous Clotaire
second , il y avoit déja un Abbé
qui gouvernoit la Communauté Religicu
se de S. Denis .
Le Roy Dagobert fut le premier qui
donna à cette Abbaye de grandes possessions
en terres , et les Successcurs de ce
Prince se firent un mérite d'enrichir extraordinairement
le Monastere de S. Denis
, par de continuelles liberalitez , jusqu'au
temps de Charles le Chauve. Alors
les Normands étant venu aborder ent
Neustrie , et ces Barbares ayant remonté
1. Vol. Ay la
1052 MERCURE DE FRANCE
·
&
la Seine pour ravager les Païs voisins de
cette Riviete , les Religieux de S. Denys
recoururent à la protection des Rois ,
pour la conservation des biens qu'ils renoient
d'eux ; mais les Rois occupez aib
leurs, tant par les Guerres intestines , que
par les ravages que d'autres Normands
faisoient en attaquant le Royaume par
plusieurs endroits , et ne pouvant par
consequent s'engager à deffendre en personne
l'Abbaye de S. Denys ; ils commirent
ce soin aux Comtes du Véxin , qui
étoient leurs plus proches Officiers , et faisant
résidence aux environs de cette Abbaye;
par là plus à portée que tous autres
à veiller à sa deffense. Voilà l'origine et
l'établissement des premiers Avouez ou
Deffenseurs de S. Denys .
Les Comtes de Véxin étoient pour lors
des Officiers Amovibles , comme tous les
autres Comtes du Royaume ; ainsi l'Abbaye
de S.Denys changeoit d'Avoüé toutes
les fois que leVéxin changeoit de Gouverneur.
Cela dura jusqu'au Regne de Charles
le Simple, qui ayant cedé aux Normands
toute la Neustrie , avec une partie du
Véxin ; ceux qui devinrent Comtes de
l'autre partie de ce Païs , demeurée à la
France , s'en rendirent presque aussi-tôr
1. Vol.
SeiJUIN.
1733.
1053
Seigneurs proprietaires , et étendirent la
même propriété sur l'Avoüerie de S. Denys
, rendant ces deux Dignités héréditaires
dans leurs familles .
Les Historiens faute d'avoir mis de la
distinction entre la qualité de Comte et
celle d'Avoüé , ont cru que les derniers
Seigneurs du Véxin étoient Vassaux de
l'Abbaye de S. Denys pour leur Comté ;
ce qui n'est point mon sentiment.
Car si le Comté de Véxin eut relevé de
l'Abbaye de S. Denys , les Religieux auroient
été en droit d'exiger l'hommage
des Ducs de Normandie qui joüissoient
de la moitié de ce Comté; et l'on ne voit
point qu'aucun Prince Normand ait été
citté , ni se soit soumis à cet hommage.
Les premiers Comtes de Véxin n'ont
pas pû le faire; ils dépendoient entierement
des Rois qui n'auroient point souffert
que leurs Officiers allassent faire hommage
d'un Païs dont ils n'étoient que les
gardiens ; permettroit - on presentement
à un Gouverneur de Province ou de Ville
d'aller soumettre son Gouvernement
à une Eglise à laquelle il auroit dévotion ?
il en auroit été de même si les Comtes
de Véxin avoient voulu faire une semblable
démarche.
L'Abbaye de S. Denys n'a eu la Sei-
1. Vol.
A vj gneurie
1054 MERCURE DE FRANCE
gneurie du lieu où elle est scituée que par
la donation que lui en fit le Roy Robert,
l'an 996. En ce temps - là les Rois donnoient
assez aisément les Domaines utiles,
mais rarement les Justices et les Droits
Seigneuriaux ; ils éroient soigneux de se
les conserver ; ainsi il paroît peu croïable
qu'un Monastere qui n'étoit point Seigneur
du lieu où il étoit , pût avoir la Suseraineté
sur un territoire aussi considérable
que le Véxin , Les Rois avoient interêt
de soûtenir le droit de Suseraineté
sur ce territoire entier, parce que s'ils s'étoient
un peu relâchés , cela auroit servi
de prétexte aux Ducs de Normandie
lorsqu'ils furent devenus Rois d'Angleterre
, et les plus redoutables ennemis de
la France , pour soustraire une partie de
leur Domaine à l'hommage qu'ils devoient
à la Couronne , dans la prétention
qu'ils ne l'auroient dû qu'à l'Abbaye
de Saint Denys pour leur part du
Véxin.
,
Nos Rois connoissoient si bien que
leur interêt demandoit l'affoiblissement
des Comtes du Véxin , trop voisins de
Paris , que les derniers possesseurs de ce
Comté , étoient plutôt Comtes dans le
Païs , que Comtes du Païs , tant leur autorité
fut mitigée par les Rois , qui n'ai-
I. Vol. moient
JUIN. 1733 . 1055
moient point d'avoir un Vassal si puissant
à la porte de leur Capitale. Aussi
Philippe I. profita bien tôt de la mort ,
sans enfans , de Simon , surnommé le
Bienheureux , dernier de ces Comtes ,
arrivée l'an 1c88 . pour réünir à son Domaine
le Comté de Véxin , qu'il donna
ensuite à son fils , Loüis , surnommé le
Gros, et qui par ce moyen devint Avoüé
de S. Denys. C'est ce Prince , qui étant
Roy, fit un usage general de la Banniere
de l'Abbaye , dont il avoit l'Avouerie ,
et la fit porter dans toutes les Guerres
d'Etat qu'il entreprit. Après la réunion
du Véxin à la Couronne , la dévotion à
S. Denys devint si grande , que les Rois ,
successeurs de Louis le Gros , se firent
honneur d'être les premiers Avoüez de
l'Eglise de ce Saint.
Ils s'obligerent en cette qualité de
prendre les armes pour en conserver les
droits toutes les fois qu'il en seroit besoin
; et cette obligation leur fit naître
l'idée pieuse de se servir de la Banniere
de ce Monastere , non seulement dans les
occasions où il s'agiroit d'en deffendre les
biens , mais encore dans toutes celles où
il s'agiroit de la deffense de leur propre
Royaume , et d'avoir en cette Banniere
la nrême confiance que leurs Prédeces
1. Vol.
scurs
1056 MERCURE DE FRANCE
seurs avoient eue en celle de S. Martin ,
dont on ne faisoit plus d'usage .
L'Histoire nous a conservé la memoire
de ce qui se passa quand le Roy Louis
le Gros alla à S. Denys , l'an 1124. y lever
l'Oriflamme pour la premiere fois ,
afin de s'en servir dans la Guerre qu'il
alloit avoir contre l'Empereur Henry V.
,
La maniere dont ce Prince parla dans
l'Assemblée qui se tint à cette occasion ,
a donné lieu de croire qu'il y reconnut
n'avoir droit de se servir de la Banniere
de S. Denys , qu'en qualité de Vassal de
l'Abbaye , à cause du Comté de Vexin .
Voicy le discours du Roy , tiré d'une
Patente que Doublet nous a conservée
dans son Histoire de S.Denys. Liv. 3.
Presenti itaque Venerabili Abbate Prefata
Ecclesia Sugerio , quem fidelem et familiarem
optimatum nostrorum Vexillum de
altario beatorum Martyrum , ad quos comitatus
Vilcassini , quem nos ab ipsis infeodem
habemus , spectare dignoscitur , morem
antiquum antecessorum nostrorum servantes
et imitantes , signiferi jure , sicut Comites
Vilcassini soliti erant , suscepimus.
Ces termes qui ont paru décisifs à ceux
qui ont soutenu que le Roi fit alors hommage
du Comté de Vexin, ne me paroissent
pas tels ; cette preuve n'est point in-
I, Vol.
conJUIN.
1733 1057
contestable , selon moi ; la piété du Prince
, et sa grande dévotion à S. Denys , auroient
bien pû lui faire avancer des expressions
un peu fortes , sans distinguer
assez pourquoi les Comtes de Vexin rendoient
hommage ; confondant sa qualité
d'Avoué avec celle de Comte , et les termes
: De more Antecessorum suorum , peuvent
s'entendre que le Roy reconnoît
avoir , signiferi jure , le droit de porter
P'Enseigne de S. Denys , de même que les
Comtes de Vexin l'avoient en qualité
d'Avoüés , et par conséquent de Vassaux
de l'Abbaye en cette qualité.
Enfin , si on ne peut rien rabatre de la
forme des termes de cette reconnoissance
; la cause qui la fit faire ainsi , peut
être attribuée à l'usage où l'on étoit alors,
et qui avoit commencé dans le siecle précedent
, où le Seigneur d'un Fief croioit
faire un Acte de grande piété , en soumettant
volontairemént sa Terre à l'Eglise
d'un Saint , qu'il prenoit pour le:
Protecteur de sa famille.
On rendoit cette soumission , sans prétendre
préjudicier à celle qu'on devoit à
son Seigneur dominant, ce qui faisoit que
ce dernier la permettoit. Les Comtes de
Vexin auroient pû faire un pareil hommage
à S. Denys , sans préjudice de celui
qu'ils devoient aux Rois .
tos8 MERCURE DE FRANCE
Les Seigneurs de la Tour en Auvergne
soumirent leur Fief de la Tour à l'Abbaye
de Clugny , fauf ce qu'ils devoient
aux Comtes d'Auvergne leurs Souverains.
Munier , dans son Histoire d'Authun ;
rapporte les hommages que les Seigneurs
du Fief de Clugny lés - Authun , faisoient
devant l'Autel et la Chasse de S. Symphorien
de cette Ville , quoique ce Fief
de Clugny relevat d'un autre Seigneur.
Louis XI. Roy de France , fit hommage
pour lui et ses Successeurs Rois , du
Comté de Boulogne en Picardie , à Notre
Dame de la même Ville ; et Louis XIII. a
mis sa Couronne sons la protection de la
Sainte Vierge , par un voeu fait à l'Eglise
de Notre Dame de Paris ; toutes ces
soumissions volontaires et l'effet d'une
grande piété , ne tirent point à conséquence
, et ne peuvent point passer pour
de vraies sujettions.
que
Il faut penser la même chose de celle
les Comtes de Vexin devoient à Saint
Denys, et je suis persuadé que ces Comtes
ne la devoient que pour des Terres dépendantes
de l'Abbaye , dont ils jouissoient
en qualité d'Avoüez . En effet
qu'on examine bien la céremonie qui se
faisoit quand nos Rois alloient pren-
I. Vol.
dre
JUIN. 1733.
1059
dre l'Oriflame , on verra que ce n'étoit
qu'un Acte de dévotion qui n'avoit rien
qui sentit l'hommage juridique.
Le Roy après avoir fait sa priere devant
l'Autel sur lequel étoient les Chasses
des Martyrs , prenoit lui - même la Banniere
qui étoit aussi dessus l'Autel , pour
montrer qu'il ne tenoit le droit de la
prendre que de sa puissance , et que la
piété seule , qui l'engageoit à proteger le
Monastere , lui faisoit si fort estimer son
Enseigne, à cause du Saint à qui elle étoit
consacrée, qu'il esperoit par elle attirer la
protection du Ciel sur son Armée. Ensuite
le Roy tenant en main cette Enseigne
la remettoit à un des plus vaillans
Chevaliers de sa Cour , pour la porter en
son nom , pendant l'Expedition qu'on
alloit entreprendre , et ce Seigneur faisoit
serment de la deffendre au peril de
sa vie , et de la rapporter dans le lieu où
il la prenoit.
Je regarde les Porte - Oriflammes
comme les Vidâmes de nos Rois et les
Avoüés particuliers de Saint Denys.
J'ai déja dit que les Rois sont de droit
les Protecteurs et les Grands Avoüés de
toutes les Eglises de leur Royaume ; ils
avoient fait les Comtes d'Anjou et du
Vexin leurs Lieutenans dans celles de S.
I. Vol. Martin
1060 MERCURE DE FRANCE
Martin et de S. Denys , et ils ne firent
exercer ces Lieutenances par d'autres Seigneurs
, que quand la posterité mâle de
ces Comtes eut manqué.
Outre ces Lieutenans d'honneur , les
Grosses Abbayes avoient d'antres Avoüez
d'un plus bas étage pour avoir soin des
biens détachez et éloignez de ces Abbayes.
Ces Avouez particuliers se nommoient
Signiferi Ecclesiarum , Porte- Enseignes
des Eglises.
L'Abbaye de S.Denys en avoit plusieurs
à la fois , comme celui de Berneval en
Normandie , et les Seigneurs de Chevreuse
près Montfort. Ces derniers , l'an
1226 , remirent leur droit d'Avoüérie ,
moyennant une somme d'argent ; il falloit
cependant que par cette vente ils ne
se fussent pas dépouillez tout - à - fait de
l'honneur de contribuer à la deffense de
l'Abbaye de S. Denys , puisque les premiers
Porte Oriflammes connus , étoient
de cette famille , et qu'on n'en trouve
point qui ait exercé cet Ofice avant Anceau
, Sire de Chevreuse , qui perdit l'O
riflamme et la vie à la Bataille de Monsen
- Puelle , l'an 1304.
Chacun de ces Avoüez particuliers
avoit son Enseigne , comme cela se prouve
par le nom qu'on leur donnoit de
I. Vol. SiJUIN.
1733 1061
Signiferi Ecclesiarum ; ainsi l'Abbaye de
S. Denys ayant plusieurs Avoüez , devoit
avoir plusieurs Bannieres , qui toutes auroient
pû s'appeller Oriflammes , puisqu'elles
avoient toutes la même forme ,
par la raison que je vais dire ; cependant
on ne donna ce nom qu'à la principale ,
qui restoit dans l'Abbaye , et que l'on
regardoit proprement comme appartenante
aux Martyrs.
Toutes les Bannieres des Eglises dédiées
à des Saints de ce genre , étoient
rouges et frangées, de synope ou de verts
l'une de ces couleurs désignant les souffrances,
et l'autre l'esperance qui animoit
ces Saints en répandant leur sang pour
Jesus-Christ.
L'Eglise de Brioude en France , dédiée
à S. Julien Martyr, celles de Tubnigen
et de Bolbingen en Allemagne , de même
qu'une infinité d'autres Eglises qu'on me
dispensera de nommer , avoient de semblables
Bannieres ; l'Etendart des Dauphins
de Viennois étoit rouge , avec un
S. George representé dessus ; il servoit à
l'inauguration de chaque Dauphin . Après
qu'on avoit mis au nouveau Prince l'Epée
au côté , et l'Anneau au doigt , il
prenoit d'une main le Sceptre , et de
l'autre cet Etendart , qui après la cere-
1. Vol.
monie
1062 MERCURE DE FRANCE
monie étoit remis dans la Sacristie de l'Eglise
de S.André de Grenoble où il restoit
toujours en dépôt , comme l'ont remarqué
Jean Beneton , mon grand oncle , et
M. de Valbonnais dans leurs Mémoires
du Dauphiné.
Plusieurs Seigneurs qui se trouverent
Avoüez des Eglises lorsque l'on commençi
à prendre des Armoiries , s'en firent
avec les Bannieres qu'ils avoient droit de
porter ; telle est l'origine des Armes des
Comtes d'Auverge , des Seigneurs de Clin
champ en Normandie , et des Comtes de
Verdemberg en Allemagne . Ces trois
exemples suffiront pour prouver ce que
j'avance.
Le reste paroitra dans le Mercure pro¬
chain.
Militaires des François . par M. Benetonde-
Perrin , Ecuyer , ancien Gendarme
de la Garde du Roy. Seconde Partie .
A
Près avoir dit dans la premiere Partie
de cet Ouvrage ce qui obligea
les Rois de France à changer de Patron ,
et ce qui fit qu'à leur exemple le Peuple
diminua peu - à - peu sa dévotion a S.Martin
, pour la donner toute entiere à saint
Denis ; remontons présentement aux
temps qui ont précedé ce changement.
Sans entrer dans la fameuse dispute si
S. Denis , premier Evêque de Paris , est
le même que Denis l'Areopagite , converti
par
l'Apôtre S. Paul dans la Ville
d'Athénes , qui de Rome passa dans les
Gaules dès le premier siecle de l'Eglise ,
ou s'il est un autre Denis , qui , avec six
autres saints Missionnaires , ne vinrent dans
les Gaules qu'au temps de Décius ; il est
toujours certain qu'un S. Denis , Evêque,
fut le premier qui annonça aux Parisiens
les veritez de l'Evangile , et qu'il souffrit
le martyre avec deux de ses Compagnons
dans le lieu même où il avoit exercé sa
Mission .
Après
JUIN. 1733. 1051
Après la mort de ce Saint , une femme
vertueuse et riche , nommée Catule ,
devenue , sans doute , Chrétienne par les
´Sermons du Martyr, fit secrettement enlever
son Corps et ceux de ses Compagnons ,
et les fit inhumer tous trois dans un
Champ qui lui appartenoit , et qui à cause
d'elle fut appellé Catolacum , et Catalliacum.
Les Chrétiens , pour ne point oublier
l'endroit qui contenoit les Corps de
ces saints Martyrs , mirent dessus une
marque, ou Montjoye , et aussi tôt qu'ils
furent en liberté de faire quelque Acte
public de leur Religion , ils bâtirent sur
cet endroit une Oratoire ou petite Chapelle
, que sainte Géneviève changea en
Eglise et qui devint bien- tôt un Monastere
, puisque dès l'an 6c0 . sous Clotaire
second , il y avoit déja un Abbé
qui gouvernoit la Communauté Religicu
se de S. Denis .
Le Roy Dagobert fut le premier qui
donna à cette Abbaye de grandes possessions
en terres , et les Successcurs de ce
Prince se firent un mérite d'enrichir extraordinairement
le Monastere de S. Denis
, par de continuelles liberalitez , jusqu'au
temps de Charles le Chauve. Alors
les Normands étant venu aborder ent
Neustrie , et ces Barbares ayant remonté
1. Vol. Ay la
1052 MERCURE DE FRANCE
·
&
la Seine pour ravager les Païs voisins de
cette Riviete , les Religieux de S. Denys
recoururent à la protection des Rois ,
pour la conservation des biens qu'ils renoient
d'eux ; mais les Rois occupez aib
leurs, tant par les Guerres intestines , que
par les ravages que d'autres Normands
faisoient en attaquant le Royaume par
plusieurs endroits , et ne pouvant par
consequent s'engager à deffendre en personne
l'Abbaye de S. Denys ; ils commirent
ce soin aux Comtes du Véxin , qui
étoient leurs plus proches Officiers , et faisant
résidence aux environs de cette Abbaye;
par là plus à portée que tous autres
à veiller à sa deffense. Voilà l'origine et
l'établissement des premiers Avouez ou
Deffenseurs de S. Denys .
Les Comtes de Véxin étoient pour lors
des Officiers Amovibles , comme tous les
autres Comtes du Royaume ; ainsi l'Abbaye
de S.Denys changeoit d'Avoüé toutes
les fois que leVéxin changeoit de Gouverneur.
Cela dura jusqu'au Regne de Charles
le Simple, qui ayant cedé aux Normands
toute la Neustrie , avec une partie du
Véxin ; ceux qui devinrent Comtes de
l'autre partie de ce Païs , demeurée à la
France , s'en rendirent presque aussi-tôr
1. Vol.
SeiJUIN.
1733.
1053
Seigneurs proprietaires , et étendirent la
même propriété sur l'Avoüerie de S. Denys
, rendant ces deux Dignités héréditaires
dans leurs familles .
Les Historiens faute d'avoir mis de la
distinction entre la qualité de Comte et
celle d'Avoüé , ont cru que les derniers
Seigneurs du Véxin étoient Vassaux de
l'Abbaye de S. Denys pour leur Comté ;
ce qui n'est point mon sentiment.
Car si le Comté de Véxin eut relevé de
l'Abbaye de S. Denys , les Religieux auroient
été en droit d'exiger l'hommage
des Ducs de Normandie qui joüissoient
de la moitié de ce Comté; et l'on ne voit
point qu'aucun Prince Normand ait été
citté , ni se soit soumis à cet hommage.
Les premiers Comtes de Véxin n'ont
pas pû le faire; ils dépendoient entierement
des Rois qui n'auroient point souffert
que leurs Officiers allassent faire hommage
d'un Païs dont ils n'étoient que les
gardiens ; permettroit - on presentement
à un Gouverneur de Province ou de Ville
d'aller soumettre son Gouvernement
à une Eglise à laquelle il auroit dévotion ?
il en auroit été de même si les Comtes
de Véxin avoient voulu faire une semblable
démarche.
L'Abbaye de S. Denys n'a eu la Sei-
1. Vol.
A vj gneurie
1054 MERCURE DE FRANCE
gneurie du lieu où elle est scituée que par
la donation que lui en fit le Roy Robert,
l'an 996. En ce temps - là les Rois donnoient
assez aisément les Domaines utiles,
mais rarement les Justices et les Droits
Seigneuriaux ; ils éroient soigneux de se
les conserver ; ainsi il paroît peu croïable
qu'un Monastere qui n'étoit point Seigneur
du lieu où il étoit , pût avoir la Suseraineté
sur un territoire aussi considérable
que le Véxin , Les Rois avoient interêt
de soûtenir le droit de Suseraineté
sur ce territoire entier, parce que s'ils s'étoient
un peu relâchés , cela auroit servi
de prétexte aux Ducs de Normandie
lorsqu'ils furent devenus Rois d'Angleterre
, et les plus redoutables ennemis de
la France , pour soustraire une partie de
leur Domaine à l'hommage qu'ils devoient
à la Couronne , dans la prétention
qu'ils ne l'auroient dû qu'à l'Abbaye
de Saint Denys pour leur part du
Véxin.
,
Nos Rois connoissoient si bien que
leur interêt demandoit l'affoiblissement
des Comtes du Véxin , trop voisins de
Paris , que les derniers possesseurs de ce
Comté , étoient plutôt Comtes dans le
Païs , que Comtes du Païs , tant leur autorité
fut mitigée par les Rois , qui n'ai-
I. Vol. moient
JUIN. 1733 . 1055
moient point d'avoir un Vassal si puissant
à la porte de leur Capitale. Aussi
Philippe I. profita bien tôt de la mort ,
sans enfans , de Simon , surnommé le
Bienheureux , dernier de ces Comtes ,
arrivée l'an 1c88 . pour réünir à son Domaine
le Comté de Véxin , qu'il donna
ensuite à son fils , Loüis , surnommé le
Gros, et qui par ce moyen devint Avoüé
de S. Denys. C'est ce Prince , qui étant
Roy, fit un usage general de la Banniere
de l'Abbaye , dont il avoit l'Avouerie ,
et la fit porter dans toutes les Guerres
d'Etat qu'il entreprit. Après la réunion
du Véxin à la Couronne , la dévotion à
S. Denys devint si grande , que les Rois ,
successeurs de Louis le Gros , se firent
honneur d'être les premiers Avoüez de
l'Eglise de ce Saint.
Ils s'obligerent en cette qualité de
prendre les armes pour en conserver les
droits toutes les fois qu'il en seroit besoin
; et cette obligation leur fit naître
l'idée pieuse de se servir de la Banniere
de ce Monastere , non seulement dans les
occasions où il s'agiroit d'en deffendre les
biens , mais encore dans toutes celles où
il s'agiroit de la deffense de leur propre
Royaume , et d'avoir en cette Banniere
la nrême confiance que leurs Prédeces
1. Vol.
scurs
1056 MERCURE DE FRANCE
seurs avoient eue en celle de S. Martin ,
dont on ne faisoit plus d'usage .
L'Histoire nous a conservé la memoire
de ce qui se passa quand le Roy Louis
le Gros alla à S. Denys , l'an 1124. y lever
l'Oriflamme pour la premiere fois ,
afin de s'en servir dans la Guerre qu'il
alloit avoir contre l'Empereur Henry V.
,
La maniere dont ce Prince parla dans
l'Assemblée qui se tint à cette occasion ,
a donné lieu de croire qu'il y reconnut
n'avoir droit de se servir de la Banniere
de S. Denys , qu'en qualité de Vassal de
l'Abbaye , à cause du Comté de Vexin .
Voicy le discours du Roy , tiré d'une
Patente que Doublet nous a conservée
dans son Histoire de S.Denys. Liv. 3.
Presenti itaque Venerabili Abbate Prefata
Ecclesia Sugerio , quem fidelem et familiarem
optimatum nostrorum Vexillum de
altario beatorum Martyrum , ad quos comitatus
Vilcassini , quem nos ab ipsis infeodem
habemus , spectare dignoscitur , morem
antiquum antecessorum nostrorum servantes
et imitantes , signiferi jure , sicut Comites
Vilcassini soliti erant , suscepimus.
Ces termes qui ont paru décisifs à ceux
qui ont soutenu que le Roi fit alors hommage
du Comté de Vexin, ne me paroissent
pas tels ; cette preuve n'est point in-
I, Vol.
conJUIN.
1733 1057
contestable , selon moi ; la piété du Prince
, et sa grande dévotion à S. Denys , auroient
bien pû lui faire avancer des expressions
un peu fortes , sans distinguer
assez pourquoi les Comtes de Vexin rendoient
hommage ; confondant sa qualité
d'Avoué avec celle de Comte , et les termes
: De more Antecessorum suorum , peuvent
s'entendre que le Roy reconnoît
avoir , signiferi jure , le droit de porter
P'Enseigne de S. Denys , de même que les
Comtes de Vexin l'avoient en qualité
d'Avoüés , et par conséquent de Vassaux
de l'Abbaye en cette qualité.
Enfin , si on ne peut rien rabatre de la
forme des termes de cette reconnoissance
; la cause qui la fit faire ainsi , peut
être attribuée à l'usage où l'on étoit alors,
et qui avoit commencé dans le siecle précedent
, où le Seigneur d'un Fief croioit
faire un Acte de grande piété , en soumettant
volontairemént sa Terre à l'Eglise
d'un Saint , qu'il prenoit pour le:
Protecteur de sa famille.
On rendoit cette soumission , sans prétendre
préjudicier à celle qu'on devoit à
son Seigneur dominant, ce qui faisoit que
ce dernier la permettoit. Les Comtes de
Vexin auroient pû faire un pareil hommage
à S. Denys , sans préjudice de celui
qu'ils devoient aux Rois .
tos8 MERCURE DE FRANCE
Les Seigneurs de la Tour en Auvergne
soumirent leur Fief de la Tour à l'Abbaye
de Clugny , fauf ce qu'ils devoient
aux Comtes d'Auvergne leurs Souverains.
Munier , dans son Histoire d'Authun ;
rapporte les hommages que les Seigneurs
du Fief de Clugny lés - Authun , faisoient
devant l'Autel et la Chasse de S. Symphorien
de cette Ville , quoique ce Fief
de Clugny relevat d'un autre Seigneur.
Louis XI. Roy de France , fit hommage
pour lui et ses Successeurs Rois , du
Comté de Boulogne en Picardie , à Notre
Dame de la même Ville ; et Louis XIII. a
mis sa Couronne sons la protection de la
Sainte Vierge , par un voeu fait à l'Eglise
de Notre Dame de Paris ; toutes ces
soumissions volontaires et l'effet d'une
grande piété , ne tirent point à conséquence
, et ne peuvent point passer pour
de vraies sujettions.
que
Il faut penser la même chose de celle
les Comtes de Vexin devoient à Saint
Denys, et je suis persuadé que ces Comtes
ne la devoient que pour des Terres dépendantes
de l'Abbaye , dont ils jouissoient
en qualité d'Avoüez . En effet
qu'on examine bien la céremonie qui se
faisoit quand nos Rois alloient pren-
I. Vol.
dre
JUIN. 1733.
1059
dre l'Oriflame , on verra que ce n'étoit
qu'un Acte de dévotion qui n'avoit rien
qui sentit l'hommage juridique.
Le Roy après avoir fait sa priere devant
l'Autel sur lequel étoient les Chasses
des Martyrs , prenoit lui - même la Banniere
qui étoit aussi dessus l'Autel , pour
montrer qu'il ne tenoit le droit de la
prendre que de sa puissance , et que la
piété seule , qui l'engageoit à proteger le
Monastere , lui faisoit si fort estimer son
Enseigne, à cause du Saint à qui elle étoit
consacrée, qu'il esperoit par elle attirer la
protection du Ciel sur son Armée. Ensuite
le Roy tenant en main cette Enseigne
la remettoit à un des plus vaillans
Chevaliers de sa Cour , pour la porter en
son nom , pendant l'Expedition qu'on
alloit entreprendre , et ce Seigneur faisoit
serment de la deffendre au peril de
sa vie , et de la rapporter dans le lieu où
il la prenoit.
Je regarde les Porte - Oriflammes
comme les Vidâmes de nos Rois et les
Avoüés particuliers de Saint Denys.
J'ai déja dit que les Rois sont de droit
les Protecteurs et les Grands Avoüés de
toutes les Eglises de leur Royaume ; ils
avoient fait les Comtes d'Anjou et du
Vexin leurs Lieutenans dans celles de S.
I. Vol. Martin
1060 MERCURE DE FRANCE
Martin et de S. Denys , et ils ne firent
exercer ces Lieutenances par d'autres Seigneurs
, que quand la posterité mâle de
ces Comtes eut manqué.
Outre ces Lieutenans d'honneur , les
Grosses Abbayes avoient d'antres Avoüez
d'un plus bas étage pour avoir soin des
biens détachez et éloignez de ces Abbayes.
Ces Avouez particuliers se nommoient
Signiferi Ecclesiarum , Porte- Enseignes
des Eglises.
L'Abbaye de S.Denys en avoit plusieurs
à la fois , comme celui de Berneval en
Normandie , et les Seigneurs de Chevreuse
près Montfort. Ces derniers , l'an
1226 , remirent leur droit d'Avoüérie ,
moyennant une somme d'argent ; il falloit
cependant que par cette vente ils ne
se fussent pas dépouillez tout - à - fait de
l'honneur de contribuer à la deffense de
l'Abbaye de S. Denys , puisque les premiers
Porte Oriflammes connus , étoient
de cette famille , et qu'on n'en trouve
point qui ait exercé cet Ofice avant Anceau
, Sire de Chevreuse , qui perdit l'O
riflamme et la vie à la Bataille de Monsen
- Puelle , l'an 1304.
Chacun de ces Avoüez particuliers
avoit son Enseigne , comme cela se prouve
par le nom qu'on leur donnoit de
I. Vol. SiJUIN.
1733 1061
Signiferi Ecclesiarum ; ainsi l'Abbaye de
S. Denys ayant plusieurs Avoüez , devoit
avoir plusieurs Bannieres , qui toutes auroient
pû s'appeller Oriflammes , puisqu'elles
avoient toutes la même forme ,
par la raison que je vais dire ; cependant
on ne donna ce nom qu'à la principale ,
qui restoit dans l'Abbaye , et que l'on
regardoit proprement comme appartenante
aux Martyrs.
Toutes les Bannieres des Eglises dédiées
à des Saints de ce genre , étoient
rouges et frangées, de synope ou de verts
l'une de ces couleurs désignant les souffrances,
et l'autre l'esperance qui animoit
ces Saints en répandant leur sang pour
Jesus-Christ.
L'Eglise de Brioude en France , dédiée
à S. Julien Martyr, celles de Tubnigen
et de Bolbingen en Allemagne , de même
qu'une infinité d'autres Eglises qu'on me
dispensera de nommer , avoient de semblables
Bannieres ; l'Etendart des Dauphins
de Viennois étoit rouge , avec un
S. George representé dessus ; il servoit à
l'inauguration de chaque Dauphin . Après
qu'on avoit mis au nouveau Prince l'Epée
au côté , et l'Anneau au doigt , il
prenoit d'une main le Sceptre , et de
l'autre cet Etendart , qui après la cere-
1. Vol.
monie
1062 MERCURE DE FRANCE
monie étoit remis dans la Sacristie de l'Eglise
de S.André de Grenoble où il restoit
toujours en dépôt , comme l'ont remarqué
Jean Beneton , mon grand oncle , et
M. de Valbonnais dans leurs Mémoires
du Dauphiné.
Plusieurs Seigneurs qui se trouverent
Avoüez des Eglises lorsque l'on commençi
à prendre des Armoiries , s'en firent
avec les Bannieres qu'ils avoient droit de
porter ; telle est l'origine des Armes des
Comtes d'Auverge , des Seigneurs de Clin
champ en Normandie , et des Comtes de
Verdemberg en Allemagne . Ces trois
exemples suffiront pour prouver ce que
j'avance.
Le reste paroitra dans le Mercure pro¬
chain.
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Résumé : DISSERTATION sur les Enseignes Militaires des François. par M. Beneton-de-Perrin, Ecuyer, ancien Gendarme de la Garde du Roy. Seconde Partie.
La dissertation de M. Benetonde-Perrin explore l'évolution de la dévotion des rois et du peuple français de saint Martin à saint Denis. Saint Denis, premier évêque de Paris, a annoncé l'Évangile aux Parisiens et a été martyr. Après sa mort, une femme vertueuse, Catule, a fait inhumer son corps et ceux de ses compagnons dans un champ nommé Catolacum. Les chrétiens ont marqué cet endroit et y ont construit une chapelle, devenue monastère sous Clotaire II. Le roi Dagobert a enrichi l'abbaye de Saint-Denis, et ses successeurs ont continué à la protéger contre les Normands. Les comtes du Vexin, officiers des rois, ont été chargés de défendre l'abbaye. Sous Charles le Simple, les comtes du Vexin sont devenus seigneurs propriétaires et ont rendu l'avouerie de Saint-Denis héréditaire. Les historiens ont souvent confondu les rôles de comte et d'avoué, mais l'abbaye n'a obtenu la seigneurie du lieu qu'en 996 par donation du roi Robert. Philippe I a réuni le comté du Vexin à la couronne et a fait de la bannière de Saint-Denis l'emblème royal. Louis VI a levé l'oriflamme à Saint-Denis en 1124 pour une guerre contre l'empereur Henri V. Cet acte était un geste de dévotion plutôt qu'un hommage juridique. Les rois ont continué à utiliser l'oriflamme comme symbole de protection divine pour leurs armées. Les porte-oriflammes étaient considérés comme les vidâmes des rois et les avoués particuliers de Saint-Denis. Le texte mentionne également les enseignes particulières appelées 'Avoüez' utilisées par certaines abbayes et églises. Chaque Avoüez avait une enseigne spécifique. L'Abbaye de Saint-Denis possédait plusieurs bannières appelées Oriflammes, bien que ce nom soit réservé à la principale. Ces bannières étaient rouges et frangées de synope ou de vert, symbolisant respectivement les souffrances et l'espérance des martyrs. Des églises dédiées à des saints martyrs, comme celle de Brioude en France et celles de Tübingen et de Bolbingen en Allemagne, possédaient des bannières similaires. L'étendard des Dauphins de Viennois était rouge avec une représentation de Saint Georges et servait lors de l'inauguration des Dauphins. Après la cérémonie, il était conservé dans la sacristie de l'église de Saint-André de Grenoble. Certains seigneurs, devenus Avoüez des églises, ont adopté les bannières comme armoiries, expliquant l'origine des armes des Comtes d'Auvergne, des Seigneurs de Clinchamp en Normandie et des Comtes de Verdemberg en Allemagne.
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6
p. 1408-1412
QUESTION touchant l'autorité des Musiciens en matiere de Chant d'Eglise.
Début :
Un Ecclésiastique de Province qui a été consulté sur le Chant Ecclesiastique [...]
Mots clefs :
Chant, Église, Églises, Musiciens, Plain-chant, Juges, Question
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUESTION touchant l'autorité des Musiciens en matiere de Chant d'Eglise.
Un Ecclesiastique de Province qui a
été consulté sur le Chant Ecclesiastique
par
les Editeurs des nouveaux Bréviaires
de plusieurs Diocèses , où l'on s'interesse
à avoir un Chant exempt de fautes
cependant varié , nous a prié de publier
ce qui suit :
QUESTION touchant l'autorité des
Musiciens en matiere de Chant d'Eglise.
Il y a dans l'esprit de plusieurs per-
II. Vol. sonnes
JUIN. 1733. 1409
sonnes des préjugez si profondément enracinez
en faveur de ce qu'on appelle
aujourd'hui Musiciens d'Eglise , qu'on
des peines infinies à les en faire revenir.
Ces personnes se reposent tellement sur
la capacité de ces sujets , qu'elles n'osent
jamais parler de Chant d'Eglise , Chant
Grégorien , Plain Chant , que selon
-
ce qu'elles leur en entendent dire. Comme
c'est une illusion , qui , quoique nouvelle
, peut avoir de grandes suites , j'ai
cru qu'il étoit nécessaire de présenter Requête
à Mercure , et de me servir de
sa médiation pour notifier au Public la
chose sur laquelle je demande le jugement
des Doctes. Ce n'est pas , Messieurs
que je comprenne tous les Musiciens dans
une même classe . J'en ai trouvé d'assez
équitables pour se rendre aux remarques
que je leur ai fait faire , et qui ont déclaré
qu'ils ne croyoient pas que la maniere
dont on leur donne connoissance
du Plain-Chant dans les Maîtrises out
Ecoles de Psallette , pendant leur jeunesse,
fut suffisante pour les faire regarder dans
la suite comme des Juges compétants sur
ces sortes de matieres. Je me trouve lié
le commerce de la vie avec un certain
nombre de personnes , dans la plupart
desquelles il a fallu détruire le préjugé
par
11. Vol. en G vj
1410 MERCURE DE FRANCE
en question . Cela s'est fait aisément à
l'égard du grand nombre qui est de bonne
volonté ; mais il en reste encore d'autres
à convaincre dont je n'espere en gagner
qu'un certain nombre, parce qu'il y
en aura encore quelqu'un qui voudra absolument
rester dans son sentiment. J'avoie
qu'un si petit objet étoit de trop
peu de conséquence pour mettre aux
champs le Messager des Muses ; mais
comme ce qui est arrivé ici , peut arriver
ailleurs , j'ai cru qu'il étoit bon d'avoir
là - dessus le sentiment des Connoisscurs.
Voici donc précisément le sujet
de la Question .
Si les Musiciens peuvent et doivent être
écoutez et suivis dans les raisonnemens qu'ils
tiennent sur le Plain- Chant ou Chants d'Eglise
? S'ils sont en état de raisonner et d'être
crus sur les manieres dont il est varié
dans les Eglises differentes ; et s'ils en sont
Fuges tout- à-fait compétants et irrefragables ?
S'il n'y a pas deux extrémitez à éviter :
l'une de ne les croire juges en rien ; l'autre de
les croire juges en tout ; et en quoi donc ils
peuvent être consultez , et écoutez.
Vos Journaux , Messieurs , sont dépositaires
des Remarques Critiques que les
mauvais raisonnemens qui ont été faits
sur cette matiere , ont attirés à leurs Au-
II. Vol. teurs
JUIN. 1733. 1411
•
teurs. ( a) Il n'y a pas jusqu'à l'Ombre de
M. Thiers , qui , sortie de son tombeau
les a montrés au doigt , lorsqu'elle a parlé
de ceux qui précipitent l'Office divin ,
soit parce que leur infirmité et leur âge
le leur fait toujours trouver trop long.
soit à cause que desservant deux Eglises
, ( b ) ils ne peuvent se deffaire , lorsqu'ils
sont au service de la Mere , de la
mauvaise habitude qu'ils ont contractée
à celui de la Fille. Il n'y a pas un an ,
qu'un Anonyme se plaignit encore dans
vos Journaux (c) de ceux qui se donnent
pour Maîtres , sans jamais avoir été Disciples.
Il semble par ce qu'il dit du Lieu
où les Fideles s'assemblent et sur le .
Nosce teipsum , qu'il ait eu en vûë de réprimer.
ceux qui sans aucune étude , ni
même aucune teinture du Chant , entre .
prennent de juger de sa composition avec
une confiance qui va jusqu'à vouloir
tourner en ridicule les plus magnifiques
expressions qui s'y trouvent. Telles sont ,
par exemple , celles de l'excellent Antiphonier
usité dans l'Eglise de Paris depuis
l'Episcopat de M. de Harlay ; entre
,
(a) Merc. Juin 1726. 1. vol. pag. 1177. Mer.
Août 1726. pag. 1739. 1747. 1759 .
(b) Merc. Juin 1731. 2. vol. pag. 1443
(c) Merc. de May 1732. pag. 907. et 908.
&
II. Vol. autres
1412 MERCURE
DE FRANCE
autres celle du Saule , Saule, quid me per
sequeris ? de la Conversion de S. Paul . Si je
voulois ajoûter quelque chose à ces remarques
, je ferois observer que ce seroi !
une chose inouie , que dans des Eglise
nombreuses de Chanoines qui ont un
Clergé subsidiaire , on proposât de diminuer
la Table des Chants Psalmodi.
ques, pour la rendre aussi simple et stérile
que celle des Eglises Monastiques,
La Monotonie convient aux Solitaires ;
mais une Eglise Cathédrale ne doit pas
se laisser mettre de niveau avec celle d'un
Monastere. C'est à quoi ne font pas at
tention ceux qui ne cessent de déclamer
contre la varieté et la richesse des Tables
Psalmodiques
d'Eglises Séculieres , Cathé
drales ou Collegiales
; et il leur sied trèsmal
de proposer d'un côté pour modele
de
la penurie Monastique
, tandis que
l'autre ils distribuent
à pleines mains un
Ecrit qui établit la difference
totale qui
doit étre entre le Clergé Séculier et l'état
des Moines.
Ce 3. May 1733 .
été consulté sur le Chant Ecclesiastique
par
les Editeurs des nouveaux Bréviaires
de plusieurs Diocèses , où l'on s'interesse
à avoir un Chant exempt de fautes
cependant varié , nous a prié de publier
ce qui suit :
QUESTION touchant l'autorité des
Musiciens en matiere de Chant d'Eglise.
Il y a dans l'esprit de plusieurs per-
II. Vol. sonnes
JUIN. 1733. 1409
sonnes des préjugez si profondément enracinez
en faveur de ce qu'on appelle
aujourd'hui Musiciens d'Eglise , qu'on
des peines infinies à les en faire revenir.
Ces personnes se reposent tellement sur
la capacité de ces sujets , qu'elles n'osent
jamais parler de Chant d'Eglise , Chant
Grégorien , Plain Chant , que selon
-
ce qu'elles leur en entendent dire. Comme
c'est une illusion , qui , quoique nouvelle
, peut avoir de grandes suites , j'ai
cru qu'il étoit nécessaire de présenter Requête
à Mercure , et de me servir de
sa médiation pour notifier au Public la
chose sur laquelle je demande le jugement
des Doctes. Ce n'est pas , Messieurs
que je comprenne tous les Musiciens dans
une même classe . J'en ai trouvé d'assez
équitables pour se rendre aux remarques
que je leur ai fait faire , et qui ont déclaré
qu'ils ne croyoient pas que la maniere
dont on leur donne connoissance
du Plain-Chant dans les Maîtrises out
Ecoles de Psallette , pendant leur jeunesse,
fut suffisante pour les faire regarder dans
la suite comme des Juges compétants sur
ces sortes de matieres. Je me trouve lié
le commerce de la vie avec un certain
nombre de personnes , dans la plupart
desquelles il a fallu détruire le préjugé
par
11. Vol. en G vj
1410 MERCURE DE FRANCE
en question . Cela s'est fait aisément à
l'égard du grand nombre qui est de bonne
volonté ; mais il en reste encore d'autres
à convaincre dont je n'espere en gagner
qu'un certain nombre, parce qu'il y
en aura encore quelqu'un qui voudra absolument
rester dans son sentiment. J'avoie
qu'un si petit objet étoit de trop
peu de conséquence pour mettre aux
champs le Messager des Muses ; mais
comme ce qui est arrivé ici , peut arriver
ailleurs , j'ai cru qu'il étoit bon d'avoir
là - dessus le sentiment des Connoisscurs.
Voici donc précisément le sujet
de la Question .
Si les Musiciens peuvent et doivent être
écoutez et suivis dans les raisonnemens qu'ils
tiennent sur le Plain- Chant ou Chants d'Eglise
? S'ils sont en état de raisonner et d'être
crus sur les manieres dont il est varié
dans les Eglises differentes ; et s'ils en sont
Fuges tout- à-fait compétants et irrefragables ?
S'il n'y a pas deux extrémitez à éviter :
l'une de ne les croire juges en rien ; l'autre de
les croire juges en tout ; et en quoi donc ils
peuvent être consultez , et écoutez.
Vos Journaux , Messieurs , sont dépositaires
des Remarques Critiques que les
mauvais raisonnemens qui ont été faits
sur cette matiere , ont attirés à leurs Au-
II. Vol. teurs
JUIN. 1733. 1411
•
teurs. ( a) Il n'y a pas jusqu'à l'Ombre de
M. Thiers , qui , sortie de son tombeau
les a montrés au doigt , lorsqu'elle a parlé
de ceux qui précipitent l'Office divin ,
soit parce que leur infirmité et leur âge
le leur fait toujours trouver trop long.
soit à cause que desservant deux Eglises
, ( b ) ils ne peuvent se deffaire , lorsqu'ils
sont au service de la Mere , de la
mauvaise habitude qu'ils ont contractée
à celui de la Fille. Il n'y a pas un an ,
qu'un Anonyme se plaignit encore dans
vos Journaux (c) de ceux qui se donnent
pour Maîtres , sans jamais avoir été Disciples.
Il semble par ce qu'il dit du Lieu
où les Fideles s'assemblent et sur le .
Nosce teipsum , qu'il ait eu en vûë de réprimer.
ceux qui sans aucune étude , ni
même aucune teinture du Chant , entre .
prennent de juger de sa composition avec
une confiance qui va jusqu'à vouloir
tourner en ridicule les plus magnifiques
expressions qui s'y trouvent. Telles sont ,
par exemple , celles de l'excellent Antiphonier
usité dans l'Eglise de Paris depuis
l'Episcopat de M. de Harlay ; entre
,
(a) Merc. Juin 1726. 1. vol. pag. 1177. Mer.
Août 1726. pag. 1739. 1747. 1759 .
(b) Merc. Juin 1731. 2. vol. pag. 1443
(c) Merc. de May 1732. pag. 907. et 908.
&
II. Vol. autres
1412 MERCURE
DE FRANCE
autres celle du Saule , Saule, quid me per
sequeris ? de la Conversion de S. Paul . Si je
voulois ajoûter quelque chose à ces remarques
, je ferois observer que ce seroi !
une chose inouie , que dans des Eglise
nombreuses de Chanoines qui ont un
Clergé subsidiaire , on proposât de diminuer
la Table des Chants Psalmodi.
ques, pour la rendre aussi simple et stérile
que celle des Eglises Monastiques,
La Monotonie convient aux Solitaires ;
mais une Eglise Cathédrale ne doit pas
se laisser mettre de niveau avec celle d'un
Monastere. C'est à quoi ne font pas at
tention ceux qui ne cessent de déclamer
contre la varieté et la richesse des Tables
Psalmodiques
d'Eglises Séculieres , Cathé
drales ou Collegiales
; et il leur sied trèsmal
de proposer d'un côté pour modele
de
la penurie Monastique
, tandis que
l'autre ils distribuent
à pleines mains un
Ecrit qui établit la difference
totale qui
doit étre entre le Clergé Séculier et l'état
des Moines.
Ce 3. May 1733 .
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Résumé : QUESTION touchant l'autorité des Musiciens en matiere de Chant d'Eglise.
Un ecclésiastique de province, sollicité par les éditeurs des nouveaux bréviaires de plusieurs diocèses pour ses réflexions sur le chant ecclésiastique, a décidé de publier ses pensées. Il s'interroge sur l'autorité des musiciens d'église en matière de chant grégorien ou plain-chant. Il observe que certaines personnes ont des préjugés en faveur des musiciens d'église, les considérant comme des juges compétents sans discussion. L'ecclésiastique souligne que cette illusion est récente mais pourrait avoir des conséquences importantes. Il a donc décidé de présenter une requête pour solliciter l'avis des doctes sur la question suivante : les musiciens peuvent-ils et doivent-ils être écoutés et suivis dans leurs raisonnements sur le plain-chant ou les chants d'église ? Sont-ils compétents pour juger des variations du chant dans différentes églises ? L'ecclésiastique met en garde contre deux extrêmes : ne pas croire les musiciens en rien ou les croire en tout. Il mentionne également des critiques passées dans les journaux concernant les mauvais raisonnements sur cette matière, y compris des remarques sur ceux qui précipitent l'office divin ou se donnent pour maîtres sans avoir été disciples. Il conclut en soulignant l'importance de la variété et de la richesse des tables psalmodiques dans les églises cathédrales, contrairement à la monotonie des églises monastiques.
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7
p. 2008
Architecture des Eglises, &c. [titre d'après la table]
Début :
ARCHITECTURE des Eglises, anciennes et nouvelles : Par M. H. le Blanc, in 12. [...]
Mots clefs :
Architecture, Goût, Églises
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Architecture des Eglises, &c. [titre d'après la table]
ARCHITECTURE des Eglises , anciennes.
et nouvelles : Par M. H. le Blanc , in 12.
A Paris , chez la veuve Pissot , Quai de
Conti.. 1733
Cet Ouvrage contient des observations
sur le goût de l'Architecture , dans lesquelles
l'Auteur , après avoir fait voir les
défauts de l'Architecture Gothique , et
son irrégularité, fait un Parallele des deux
plus beaux morceaux de l'Architecture ,
ancienne et moderne sçavoir , selon lui,
le Portail de N. D. de Rheims , et celui
de S. Paul de Londres , et il soutient que
le goût nouveau surpasse infiniment , et
pour la solidité et pour la régularité , tout
ce que l'ancien nous présente d'imposant.
et nouvelles : Par M. H. le Blanc , in 12.
A Paris , chez la veuve Pissot , Quai de
Conti.. 1733
Cet Ouvrage contient des observations
sur le goût de l'Architecture , dans lesquelles
l'Auteur , après avoir fait voir les
défauts de l'Architecture Gothique , et
son irrégularité, fait un Parallele des deux
plus beaux morceaux de l'Architecture ,
ancienne et moderne sçavoir , selon lui,
le Portail de N. D. de Rheims , et celui
de S. Paul de Londres , et il soutient que
le goût nouveau surpasse infiniment , et
pour la solidité et pour la régularité , tout
ce que l'ancien nous présente d'imposant.
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Résumé : Architecture des Eglises, &c. [titre d'après la table]
En 1733, M. H. le Blanc publie 'Architecture des Églises, anciennes et nouvelles' à Paris. Il critique l'architecture gothique pour ses défauts et son irrégularité. Il compare le portail de la cathédrale Notre-Dame de Reims et celui de la cathédrale Saint-Paul de Londres, affirmant que le goût architectural moderne est supérieur en solidité et régularité.
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8
p. 31-46
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Début :
L'erreur n'est que trop commune aujourd'hui de croire que les Musiciens, [...]
Mots clefs :
Chant, Plain-chant, Musique, Musiciens, Composer, Modes, Règles, Attention, Musicien, Maîtres de musique, Chanter, Chant ecclésiastique, Maître de musique, Connaisseurs, Accords, Science, Églises
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
en matiere de Plainchant.
'Erreur n'est que trop commune au-
L'jourd'hui de croire que les Musiciens,
et sur tout les Maîtres de Musique , sont
les hommes les plus propres à juger sai
nement du Chant Ecclesiastique. Ceux
qui sont dans cette opinion entendent
par le nom de Musiciens des Chantres
gagez dans des Eglises Cathedrales , pour
y chanter de la Musique , des Chantres
qui ont été élevez dans cette Science dès
la jeunesse , ou qui sçavent jouer de quelque
instrument : et par Maîtres de Musique,
ils entendent ceux qui composent les
Parties de Musique pour être chantées
par differentes voix , et qui enseignent à
chanter musicalement.
Parmi les Personnes qui sont de ce
sentiment , et qui ont cette confiance si
generale dans les lumieres des Musiciens,
pris en ce sens , il y en a quelquefois qui
sont chargez de veiller sur ce qui regarde
la célébration de l'Office Divin : et si
ceux-là se trompent ils peuvent entraîner
avec eux plusieurs autres personnes
dans l'illusion . Outre ceux là , il y en a
d'autres dont un seul par son simple
suffrage peut faire pancher la pluralitě
d'une
32
MERCURE DE FRANCE
d'une compagnie à déclarer que les Musiciens
et principalement les Maîtres de
Musique sont les arbitres souverains
du Chant de l'Eglise , que ce qu'ils improuvent
doit être improuvé, et qu'il ne
faut admettre que ce qu'ils trouvent
bon. La question est de sçavoir si cette
déclaration seroit juste et raisonnable
et si au contraire elle ne seroit pas abusive.
Les suites en seroient d'autant plus
à craindre , que les inconveniens qui en
peuvent arriver seront plus fréquens
parce que les Musiciens eux - mêmes sont
la plupart persuadez de la même chose ,
et qu'il y en a peu de ceux qui se croyent
habiles en Musique , qui ne prétendent
pouvoir décider sur le Plainchant.
Ils croyent ordinairement que ce n'est
qu'à eux seuls qu'on peut s'en rapporter.
Souvent ils ne jugent de l'habitude d'un
Ecclesiastique dans le Chant , qu'à proportion
qu'il raisonne sur les accords
en quoi consiste leur science favorite
et qu'il entre dans ce qu'ils appellent
Musique.
D'autres Personnes qui approfondissent
davantage les choses, prétendent que
les Musiciens ne sont pas les seuls ni les
uniques connoisseurs dans la science du
Chant Ecclesiastique , que cela n'est pas
attaché
JANVIER 1734. 33
attaché à la nature de leur état , et qu'il
est plus commun de trouver de bons
connoisseurs là - dessus parmi les Ecclesiastiques
, qui ne sont pas Musiciens
dans le sens que j'ai donné à ce terme
que parmi ces sortes de Musiciens . D'où
ils concluent que si dans une contestation
l'on choisissoit des Arbitres , il en
faudroit prendre un plus grand nombre
de ceux qu'on n'appelle pas aujourd'hui
Musiciens , quoiqu'ils le soient dans le
fond , que de ceux qui ont ce nom dans
l'usage ordinaire .
C'est aux gens de Lettre à décider
de quel côté est le parti le plus sage
et le plus prudent. On ne peut pas
mieux conduire les juges de ce differend
à une décision précise et nette ,
qu'en leur exposant d'abord les raisons
qui donnent du crédit aux Musiciens
et qui les font prendre pour des juges
compétens et suffisans ; et ensuite les
raisons qui prouvent leur insuffisance et
leur incapacité pour décider sur le Plainchant.
Les personnes qui sont persuadées de
la pleine suffisance des Musiciens , ont
dans l'esprit, qu'il n'est pas probable que
gens qui ont appris la Gamme dès
l'enfance, et qui pendant sept ou huit ans
G
des
et
34 MERCURE DE FRANCE
)
et même quelquefois davantage , en ont
fait leur exercice et leur occupation journaliere
dans un lieu qu'on appelle la
Psallette ou la Maîsrise , ne puissent connoître
parfaitement ce que c'est que le
Plainchant ; qu'en ayant tant oüi chanter
et en ayant chanté eux-mêmes , ils
doivent sçavoir en quoi il consiste, et con
noître ce qui fait la difference des piéces
les unes d'avec les autres. Ces mêmes
personnes se persuadent que le son des
Instrumens par lequel on les forme à la
Musique , a dû leur inculquer la connoissance
des differentes situations des
sons qui constituent les modes du
Chant Ecclesiastique . On peut ajouter à
cela l'application qu'elles font du Prover :
be. Qui facit plus et minus , d'où elles
concluent que les Musiciens sçachang
des accords de consonance
( ce qui n'est pas une chose aisée , ) ils
doivent , à plus forte raison , sçavoir ce
qui est plus simple et plus facile , qui est
le Plainchant. Voilà tout ce qu'on a pû
lire dans leur pensée ; car pour du langage
ou de l'écrit, il a été impossible d'en
tirer d'aucune des personnes qui sont
penetrées d'une si haute estime envers
les Musiciens.
و
composer
Ceux au contraire qui connoissent de
plus
JANVIER 1734 35
plus près l'étendue des lumieres des Musiciens
, se contentent d'avoüer seulement
qu'ils les croyent très en état d'exécuter
le Chant Ecclesiastique , c'est- à- dire
de le chanter dans la pratique , et de
conduire ceux qui ne le sçavent pas.
Mais ils soutiennent qu'il est rare qu'ils
puissent en raisonner sçavamment , et
que c'est une chose encore plus rare qu'ils
puissent composer du Plainchant qui soit
bon et loyal. En effet , dès qu'un Musicien
ne peut pas raisonner pertinemment
sur le Plainchant , et qu'il se méprend
dans les discours qu'il tient sur cette
science , à plus forte raison il n'est pas
en état d'en composer ; et si l'expérience
fait voir que le Plainchant, que des Musiciens
ont composé dans ces derniers
temps n'est pas un Plainchant
bien fondé à conclure delà que les Mu
siciens n'ont donc pas par leur nature de
Musicien , les qualitez necessaires pour
raisonner scientifiquement sur le Plainchant
, et que ces qualitez ne sont pas
attachées à leur profession.
on est
Un Musicien en état de juger à fond sur
le Plainchant, doit être tel que Boëce le demande.
Il doit avoir la facilité à porter
son jugement selon les regles des anciens ,
sur lesdifferens modes du Chant , sur les
Cij
differentes
56 MERCURE DE FRANCE
differentes manieres dont les syllabes des
mors sont disposées relativement auChant,
sur le rapport des modes les uns avec
les autres , et sur les especes differentes
des vers des Poëtes . Is musicus est cui ad
est Facultas secundùm speculationem... Musica
convenientem , de modis ac rythmis
deque generibus cantilenarum ac de permixtionibus
... ac de Poëtarum carminibus
judicandi. Boët. de Musica. L. 1. c . 34.
Cela revient à la regle d'Aristide , qui dit:
Oportet et melodiam contemplari , et rythmum
et dictionem , ut perfectus cantus efficiatur.
Cela signifie que pour composer unChant
dans lequel il n'y ait rien à redire , il faut
d'abord que ce Chant ait la mélodie qui
lui convient , par rapport au mode dont
on veut qu'il soit ; mélodie qui peut être
considerće ou relativement à son intention
ou relativement à l'espace de Chant
qu'on a intention de faire , parce qu'un
Répons doit, par exemple, être traité autrement
qu'une Antienne . Il faut en second
lieu que la distribution des repos ,
des cadences , des chutes , et poses de respiration
soit compassée relativement à l'arangement
des mots et à leur construction
Jaquelle est tantôt naturelle et tantôt entremêlée
; c'est ce qu'Aristide et les Anciens appellent
rythmus.Et enfin il faut être attentif
JANVIER 1734 37
à exprimer ce qui est signifié par les
mots , soit joye, soit tristesse , timidité ou
hardiesse, orgueil ou humilité , et principalement
à la force et à l'énergie de certains
Verbes et Adverbes ; c'est ce qu'Aristide
entend par la diction , à laquelle il veut
qu'on ait égard pour composer un Chant
parfait et accompli.
Or il arrive le plus souvent qu'un Mu
sicien , tel qu'on l'entend dans le sens
vulgaire et ordinaire , n'a connoissance
du Chant Ecclesiastique , que pour en
avoir oui chanter et en avoir chanté dans
une ou deux Eglises . Ce n'est point un
homme à faire aucune recherche d'érudition
dans les Livres de Chant , soit
manuscrits , soit imprimez des Pays
qu'il parcourt. Un Maître de Musique
jugera de même d'une Piéce de Chant
sur sa simple conformité avec une autre
Piéce , qu'il aura oüi chanter dans le lieu
où il étoit autrefois Enfant de Choeur.
Ensorte que si , par exemple , ce Maître de
Musique n'a pas été dans une Eglise où
le cinquième et sixiéme modes du Plainchant
soient traitez de deux manieres
differentes, qui en forment les deux espe
ces , dont l'une répond à l'ancien Chant
des Lydiens , et l'autre à celui des Ioniens,
et qu'il n'ait entendu moduler ces deux/
Cij modes
38 MERCURE DE FRANCE
•
modes et surtout le sixième que d'une -
seule et unique façon ; ce Maître alors ,
dis je , n'admettra qu'une seule maniere
de composer des pièces de ces modes .
Au moins les Musiciens devroient - ils connoître
ceux de tous les modes usitez dans
l'antiquité que differentes Eglises ont employés
dans leurs Livres , et ne pas croire
qu'une chose est heteroclite , inconnuë
à tout le temps passé , et éloignée des
premiers principes , parce qu'ils ne l'ont.
pas vû pratiquer dans l'Eglise où ils ont
été élevez ni dans quelques- unes où ils
ont passé. Ils ne devroient pas se déclarer
ennemis des varietez , comme ils font
quelquefois, puisque c'est la varieté et la
diversité qui contribuent à renouveller
l'attention et la ferveur dans le Chant de
l'Office Divin. Ils devroient ne pas prétendre
, comme font quelques- uns d'entre-
eux , que tout doit plaire à tout le
monde , et qu'une chose qui peut ne pas
paroître belle à quelqu'un , n'est pas recevable
et n'a pas dû être admise. Et pour
se persuader eux- mêmes qu'ils donnent
dans un excès condamnable en raisonnant
ainsi , il suffiroit qu'ils fissent attention
qu'il est du Chant comme des assaisonnemens
des viandes , dont plusieurs ,
quoique faits selon les regles, ne sont pas
du
JANVIER 17345 39
du goût de bien des gens . Quoique ces
assaisonnemens ne flattent point le goût
de certaines personnes , cela ne les fait pas
rejetter tout-à-fait de l'usage commun ,
parce que ce qui ne plaît pas à l'un peut
plaire à un autre , dès- là qu'il a été pratiqué
par les Anciens qui avoient les or
ganes disposez comme nous , et qu'il n'est
pas contre les premiers principes del'Art ni
contre l'assortissement naturel des choses.
Il faut encore qu'un connoisseur irréprochable
se souvienne des regles les plus
communes de la Logique et s'il n'a pas
étudié en Logique , qu'il fasse au moins
attention à ce que dicte la Logique naturelle.
La Logique apprend ,par exemple,à
reflechir sur la difference qu'il y a entte
la ressemblance et l'identité , et à connoître
pour quoi ce qui n'est que ressemblant
n'est pas identique. Or c'est préci
sement ce que la foule des Musiciens modernes
confond , en prenant pour identi
que ce qui n'est que ressemblant. Ils apperçoivent
une espece desimilitude entre
certaines modulations ; ils en concluent
tout aussi - tôt que l'une est l'autre , sans
faire attention qu'ils disent trop , et qu'ils
devoient se contenter de dire que l'une
ressemble en quelque chose à l'autre. C'est
cette confusion des idées qui est aujour
Ciiij
d'hui
40 MERCURE DE FRANCE
d'hui si fatale dans le commerce de la vie ,
et qui fait que lorsqu'un Musicien a prononcé
qu'une telle modulation est la
même qu'une autre , sans autre examen ,
plusieurs le disent après lui , ce qui excite
des troubles et des divisions , à cause
qu'un trop grand nombre de personnes
prend les Musiciens pour les legitimes
connoisseurs en fait de Chant Ecclesiasti
que
Pour être habile Musicien et sçavant
Maître de Musique , ce n'est pas une
conséquence nécessaire qu'on soit toujours
pour cela habile Humaniste , ou en état
d'être perpetuellement attentif dans ce
que l'on compose , aux regles de la Grammaire
, autant que la pratique du Chant
le demande. Cependant c'est une necessité
indispensable que les regles de la
Grammaire soient alliées avec le Chant.
C'est ce rythmus qu'Aristide veut qu'on
considere en composant du Chant : Opor
ret contemplari.... rythmum , ut perfectus
cantus efficiatur , c'est- à - dire ( en appliquant
au Chant d'Eglise ou Plainchant
ce qu'Aristide a dit du Chant de son
temps ) qu'il faut qu'il y ait dans ce Chant
des partages , comine il y en auroit dans
la construction du discours , en declamant
lentement, ou en lisant posément ;
que
JANVIER 1734. 41
que dans les parties qui composent les
phrases ou periodes , il faut observer les
liaisons et les séparations qui leur conviennent
, et qu'elles exigent suivant les
principes de la Grammaire.
Il n'est que trop commun de voir pea
observées par les Maîtres de Musique ces
regles , qui indiquent l'union ou la séparation
qui est nécessaire dans les parties.
du discours , suivant les occurrences. Ils
ne sont même pas libres d'avoir cette attention
, et ce qui les en détourne , est
celle qu'ils donnent à former des accords
et à combiner la mesure des sons , de telle
maniere qu'elle remplisse des temps fixez
et déterminez. Au lieu que dans le Plainchant
ont n'est point si à l'étroit ; cette
maniere y est inconnue. La simplicité et
le denûment d'accords , la liberté qu'on
y a pour le mouvement , lequel n'est
point mesuré si précisement que dans la
Musique , tout cela, dis - je , rend le compositeur
moins distrait, et par conséquent
plus disposé à avoir l'attention nécessaire
pour la liaison ou la séparation des parties
du discours.
Voilà l'origine de la grande difference
qui se trouve entre la composition du
Plainchant et celle de la Musique. Un
compositeur habituel de Plainchant qui
Су n'a
MERCURE DE FRANCE
n'a jamais usé des licences qu'on ose prendre
dans la Musique , et qui y sont tole
rées , a toujours l'esprit présent à la nature
du texte qu'il traite , et qu'il anime
de sons ; il ne s'écarte point des regles de
la construction . Un Maître de Musique
qui a pris une habitude moins gênée , ne
peut plus s'en défaire ; accoutumé à des
repétitions qui lui fournissent un vaste
champ , il ne peut plus simplifier ; et parlà
il devient incapable de composer un
Plainchant qui soit régulier , ou il n'en
vient à bout qu'avec beaucoup de peine.
On lui passe dans la Musique ces fautes
contre les partitions du discours , surtout
lorsqu'il a voulu imiter une autre Piéce
parce que l'harmonie des accords qui
concourent, occupe l'auditeur et lui flatte
l'oreille. Mais le Plainchant n'a rien de
semblable , il n'a rien d'accessoire qui
puisse en cacher les défauts , s'il arrive
qu'il y en ait. Les connoisseurs les remarquent
aussi- tôt , ils se montrent à eux
tout à nud à cause de la simplicité de ce
Chant , et , pour ainsi dire , à cause de sa
planitude , d'où est venu le nom de Planus
cantus et non pas Plenus cantus. Il seroit
facile de produire ici une longue liste
des fautes grossieres dans lesquelles des
Maîtres de Musique habiles et très habiles
JANVIER. 1734. 43
les sont tombez , lorsqu'ils ont entrepris
de composer du Plainchant. Que j'en aye
trouvé la cause ou non , il n'importe ,
cela n'en est pas moins vrai , ( et des Musiciens
même en conviennent ) que c'étoit
un pauvre Plainchant.
Il est certaines modulations usitées en
quelques Eglises , desquelles les Musiciens
ne peuvent pas juger communément
, sans se tromper ; parce que pour
en parler sainement, il faut être plus instruit
qu'ils ne le sont ordinairement dans
les variétez et les progrès du Chant, Ecclésiastique
depuis son origine , et outre
cela il faut aussi être versé dans la Liturgie
, et avoir la connoissance de l'origine
de plusieurs des Rits Ecclesiastiques. Un
Musicien dans sa qualité de Musicien ,
n'est pas obligé de sçavoir que le Systême
du Chant , appellé Grégorien , ne
renferme pas toutes les variétez imaginables
de Psalmodie , ni toutes celles qui ont
été en usage en différent temps , et qui le
sont encore en différens lieux . Ce Maître
de Musique,quelque habile qu'il soit dans
la composition de la Musique , n'est pas
tenu de sçavoir que lorsque le Systême
de Chant de l'Antiphonier Grégorien
fut reçu en France avec les Livres Romains
, au huitiéme et neuviéme siécles ,
C vj
44 MERCURE DE FRANCE
@
on ne quitta pas pour cela en France toutes
les modulations antérieures;mais qu'on
en conserva quelques unes qui étoient
hors de l'étendue du Systême de l'Antiphonier
Grégorien , pour les chanter en
certains jours. De là vient l'étonnement
des Musiciens , et même des Maîtres de
Musique , lorsqu'ils entendent quelque
chose qui paroît contredire ou ne pas s'ac
corder avec ce Systême. Ils sont portez à
le désapprouver, parce qu'il est plus rare
et moins commun , et que ce n'est point
une chose à laquelle on leur ait fait faire
attention pendant leur jeunesse . Aussi
dans ce qui dépend de la connoissance
des Rits Ecclésiastiques , sont- ils sujets à
prendre le change. Its croyent , par exemple
, que la semaine de Pâques doit être
gaye , sur le pied de la gayeté d'un temps
de grande réjouissance extérieure , ne sçachant
pas que c'est la semaine dans laquelle
les premiers Ordinateurs des Offices
Divins ont le plus retenu de l'ancienne
simplicité . Ils sont surpris d'y
trouver du grave et du sérieux , et que ce
qu'il y a de gay dans le cours de l'année
en soit exclus , comme les Répons brefs
Alleluiatiques , les Neumes de jubilation
à la fin des Antienness et cela parce qu'ils
ne sçavent pas que de tout temps l'on n'a
fait
JANVIER. 1734. 49
fait commencer la gayeté Pascale qu'après
une semaine passée dans le grave et
le sérieux que c'est proprement au Dimanche
, huitième jour après Pâques ,que
commence le Rit du Temps Pascal , qui
dure jusqu'à la Pentecôte.
;
On ne s'est point érendu à marquer icy
que le Plainchant est plus ancien que la
Musique dans l'usage Ecclesiastique , que
c'est lui qui y a donné occasion , qui lui
a frayé le chemin , et qui l'a fait naître
dans les Eglises , et que lui seul portoit
autrefois , parmi les Chrétiens , le nom
de Musica. On pourroit conclure au
moins de ce fait , qui est très certain , que
les Musiciens dans le sens qu'on l'entend
aujourd'hui sont les plus nouveaux venuss
et que c'est à eux à suivre les regles qu'ils
trouvent dans les Livres Ecclésiastiques
des anciens Maîtres , et non à les détruire
ni à les soumettre à leurs idées. On espere
que ce détail sera trouvé suffisanc
pour faire décider, que c'est plutôt à d'habiles
connoisseurs en simple Plainchant
qu'il faut s'en rapporter, pour s'assurer
la bonté du Chant,d'un nouveau Bréviaire
, que non pas à des Musiciens , quelques
habiles qu'ils soient dans leur science.
Il n'est pas douteux
que la Musique
Ec
clésiastique
, connue
sous
le nom
de Plain-
-shant
46 MERCURE DE FRAN CE
chant , ne doive son origine à l'ancienne
Musique des Grecs , de qui les Romains ont
emprunté la leur. Ainsi pour connoître à fond
cette Musique d'Eglise, et pour enjuger sainement
, il faut non seulement remonter jusqu'à
sa source , mais de plus faire ensorte de
découvrir les divers changemens qui y sont
arrivez de siécle en siécles c'est- à- dire , qu'il
faut être également instruit , et de la Théorie
de l'ancienne Musique , tant Grecque que
Romaine , et de l'Histoire du Plainchant
depuis ses commencemens jusques à nosjours .
Or ce sont deux points presque totalement
ignorez de nos Musiciens modernes , occupez
uniquement du soin de perfectionner l'espece
de Musique dont ils ont embrassé la profession.
Il s'ensuit delà , qu'un homme tel que
l'Auteur de cette Dissertation , lequel paroit
avoir fait une étude sérieuse de ces deux
points , seroit beaucoup plus à portée de décider
les difficultez qui concernent le Plainchant
, que ceux à qui ce genre de Musique
semble être presqu'entierement étranger , par
le
pen de
connoissance
qu'ils
en
ont
acquise
.
On
exhorte
l'Auteur
à communiquer
au
Public
ce que
ses
laborieuses
recherches
lui
ont
appris
sur
ce sujet.Ce
seroit
le plus
sur
moyen
de
mettre
le Public
en garde
contre
l'illusion
,
que
lui
pourroient
faire
les
décisions
de Juges
incompetens
. A Paris
, ce
12
Février
1729
.
Signez BURETTE et FALCONNET , fils.
Fermer
Résumé : MEMOIRE sur l'autorité des Musiciens en matiere de Plainchant.
Le texte 'Mémoire sur l'autorité des Musiciens en matière de Plainchant' examine la croyance erronée selon laquelle les musiciens, notamment les maîtres de musique, sont les mieux placés pour juger du chant ecclésiastique. Cette opinion repose sur l'idée que les musiciens, formés dès leur jeunesse et capables de jouer d'instruments, possèdent une expertise unique en la matière. Cependant, le texte met en garde contre les dangers de cette confiance excessive, soulignant que certains responsables de la célébration de l'office divin peuvent entraîner d'autres dans l'erreur en suivant cette croyance. Les partisans de cette idée argumentent que les musiciens, ayant appris la gamme dès l'enfance et pratiqué quotidiennement, doivent nécessairement connaître parfaitement le plain-chant. Ils croient également que l'utilisation d'instruments a inculqué aux musiciens la connaissance des modes du chant ecclésiastique. En revanche, d'autres personnes estiment que les ecclésiastiques, qui ne sont pas nécessairement musiciens au sens strict, sont souvent de meilleurs connaisseurs du chant ecclésiastique. Ils suggèrent que, en cas de contestation, il faudrait choisir un plus grand nombre d'arbitres parmi ces ecclésiastiques. Le texte souligne la nécessité de peser les arguments des deux côtés pour déterminer la meilleure approche. Il expose les raisons pour lesquelles les musiciens sont considérés comme compétents, tout en mettant en lumière leur insuffisance et leur incapacité à juger du plain-chant de manière scientifique. Les musiciens, bien qu'excellents dans l'exécution et l'enseignement du chant, manquent souvent de la capacité à en raisonner ou à en composer de manière savante. Le texte insiste sur l'importance de suivre les règles des anciens et de considérer les aspects mélodiques, rythmiques et dictionnels pour composer un chant parfait. Le texte traite également de la différence entre la composition du plain-chant et celle de la musique. La simplicité et la liberté de mouvement du plain-chant permettent au compositeur de rester concentré sur la nature du texte et de respecter les règles de construction. En revanche, un compositeur de musique, habitué à des licences et répétitions, trouve difficile de composer un plain-chant régulier. Les fautes dans le plain-chant sont plus facilement remarquées en raison de sa simplicité et de l'absence d'éléments accessoires pour les masquer. Le plain-chant est présenté comme plus ancien que la musique dans l'usage ecclésiastique et comme ayant donné naissance à la musique dans les églises. Le texte conclut que pour juger sainement du plain-chant, il est nécessaire de connaître l'ancienne musique grecque et romaine ainsi que l'histoire du plain-chant. Les auteurs exhortent un expert en plain-chant à partager ses connaissances pour éviter les décisions de juges incompétents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 210-218
LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
Début :
Vous avez peut-être crû, Monsieur, que je ne parlois pas sérieusement, [...]
Mots clefs :
Proverbe, Sens, Chant, Église, Primes, Office, Auteur, Musique, Églises, Charlemagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
LETTRE de M. L. B.Ch. & Souchantre
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
En février 1734, M. L. B. Ch. & Souchantre écrit à l'Abbé Fenel pour discuter de l'origine du proverbe 'Li Chanteor de Sens'. L'auteur, intrigué par ce proverbe mentionné dans un manuscrit de Saint-Germain-des-Prés, suppose qu'il pourrait indiquer une renommée particulière de la ville de Sens pour le chant. L'Abbé Fenel confirme que le chant était effectivement très cultivé à Sens, citant plusieurs preuves telles que la mesure battue par le préchantre, l'usage du préchantre de danser, et la coutume des dignitaires de venir à la neume du grand répons. L'archevêque de Sens chantait lui-même le répons 'Aspiciens' lors des Nocturnes de l'Avent, témoignant de l'importance du chant dans cette ville. L'auteur suggère que l'Église de Sens a été l'une des premières à adopter le déchant, une forme de musique du douzième siècle. Il mentionne un manuscrit du treizième siècle conservant un Credo noté à deux parties et cite Galvanée Dominicain, qui attribue à Charlemagne l'institution de l'enseignement du chant à Sens. La lettre aborde également la suppression des musiciens par le chapitre de Sens et la persistance du déchant jusqu'en 1553. L'auteur admire la prudence de l'Église de Sens en rejetant les accords sur le chant grégorien, anticipant les excès de la musique moderne. L'auteur loue l'Église de Sens pour avoir conservé des modes de chant anciens et encourage à maintenir ces traditions, soulignant l'importance des Églises cathédrales dans la préservation de l'antiquité liturgique. Il mentionne également l'éloge de l'Église de Sens par M. de Molcon dans son 'Voyage Liturgique' et approuve les pratiques liturgiques de Sens, notamment le chant des grandes Primes le dimanche.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 838-849
LETTRE de M. L*** Ch. et S. d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure de France, touchant la Sépulture de saint Agnan, Evêque d'Orleans.
Début :
Il y a, Messieurs, plus de trente ans qu'un sçavant Ecclesiastique d'Orleans, [...]
Mots clefs :
Saint Aignan, Sépulture, Orléans, Évêque, Église, Saint Laurent, Nom, Translation, Saint Pierre, Saints, Églises, Roi Robert
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. L*** Ch. et S. d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure de France, touchant la Sépulture de saint Agnan, Evêque d'Orleans.
LETTRE de M. L *** Ch . et S.
d'Auxerre , aux Auteurs du Mercure de
France , touchant la Sépulture de saint
Agnan , Evêque d'Orleans.
Lya , Messieurs , plus de trente ans
leans , nommé M. le Brun , avoit composé
une ample Dissertation sur la Sépulture
de S. Agnan , dont on vous a envoyé
un Extrait , que vous avez publié
dans
MAY
839
་
1734
dans le Mercure de Septembre dernier .
Ainsi je ne croi pas que celui de qui vous
tenez cet Extrair , se fasse honneur de
la Dissertation. Je la conserve écrite de
la main de l'Auteur , avec la copie d'une
Lettre que M. Baillet lui écrivit en conséquence
de la communication qu'il lui
en donna. Certe Piece servit aussi à Orleans
à détromper tous ceux qui voulurent
en prendre communication . Je
suis bien aise que vous en ayez publié
l'essentiel.
C'est en effet une erreur grossiere de
croire que S. Agnan ait été inhumé dans
l'Eglise de S Laurent , qui est située à
l'Occident de la Ville d'Orleans . Outre
Is témoignages tirez du Testament de
eodebode , de la Vie de S. Mémin , de
celle de S. Euspice , que M. le Brun a
fait valoir , il s'en présente encore un
plus formel , qui n'est pas venu à sa
connoissance , et dont on ne peut éluder
la force , quelque antiquité qu'on s'avise
de donner à la Tranflation prétenduë
du Saint Corps d'une Eglise de S Laurent
, bâtie à l'Occident d'Orleans , en
celle de S. Pierre , bâtie à l'Orient. Cette
Tranflation doit passer pour chimerique,
dès-là qu'on lit dans une Vie authentique
de S. Agnan , qu'après son décès
A iiij un
842 MERCURE DE FRANCE
de S. Laurent à l'Occid.nt d'Orleans ,
laquelle est appellée S. Laurent des Orge
rils ,mais je me croi assez fondé pour soutenir
qu'il y en a eu une autre du nom
du même Saint , du côté Oriental. Si
dans Orleans il a existé jusqu'à cinq ou
six Eglises du nom de Saint Pierre ,
deux sous le titre de Saint Jean , et deux
sous celui de S. Germain d'Auxerre ;
quelle impossibilité y a-t'il qu'il n'y ait
aussi existé deux Eglises du nom de saint
Laurent N'y a- t'il pas eû de- même à
Paris deux Eglises du nom de S. Vincent,
Martyr d'Espagne ? Combien de Villes
où il y a plus d'une Eglise du titre de
S. Martin ou de quelqu'autre Saint célebre
?
Une preuve qu'il y a eu pendant quelques
siecles une Eglise ou Oratoire de
S. Laurent dans le Champ de Tétrade à
l'Orient d'Orleans et sur le Territoire de
l'Eglise qui a porté depuis le nom de
S. Agnan , est , que la memoire de ce saint
Martyr est distinguée de temps immémorial
de celle des autres Saints étrangers
, dans l'Eglise de S. Agnan même.
Dans le Catalogue des dix- neuf Autels
que l'on y érigea lorsque le Roy Robert
fit rebâtir à neuf cette Eglise , on voit
qu'après l'Autel principal sous l'invoca
tion
MAY. 1734.
843
tion de S. Pierre et S. Paul , celui de
S. Benoît et celui de S. Euverte , c'est
celui de S. Laurent qui suit immédiate
ment , par distinction au dessus de ceux
qui portoient le nom de S. Sauveur , de
Notre- Dame , de S. Jean , de S. Michel,
qui ne sont nommez qu'après. Je ne
prétens point qu'il y ait eu dans l'étenduë
du Champ de Tétrade , ni autour
de l'Eglise de S. Pierre , dite depuis saint
Agnan , autant d'Eglises qu'on érigea
d'Autels dans le nouvel Edifice achevé
l'an 1029. mais au moins y en avoit- il
eu d'érigez sous l'invocation de ceux qui
y sont nommez les premiers avant Notre
-Seigneur et la Sainte Vierge .
Helgaud , Moine de Fleury , ne parlet'il
pas d'une Eglise de S. Martin comme
existante sous le Roy Robert , laquelle
étoit une Chapelle à l'extremité du Cloftre
de S. Agnan , et qui n'existe plus ? Il
ne faut donc pasjuger des siecles passez par
les choses qui subsistent de nos jours , ni
croire qu'il n'y a jamais eu à Orleans
qu'une seule Eglise de S. Laurent , parce
qu'on n'en voit qu'une aujourd'hui . Il
doit y en avoir existé une autre à l'Orient
de la Cité ; et c'est cette Eglise aujourd'ui
inconnue et dans l'oubli , qui
sert de fondement à la Tradition d'Or-
A vj leans
844 MERCURE DE FRANCE
leans , que le Corps de S. Agnan a été
transferé de l'Eglise de S. Laurent en celle
qui a depuis porté son nom.
Lorsque le Corps de ce saint Evêque furt
remué pour la premiere fois , il a pû se
faire qu'il reposoit alors dans un Oratoire
ou petite Eglise de S. Laurent , bâtie
dans le Champ de Tétrade , et que
de- là , vû le peu d'éloignement , le Tombeau
tel qu'il étoit , ait été transporté dans
l'Eglise de S. Pierre , qui étoit le principal
Edifice entre ceux de ce Champ . La
petite Eglise de S. Laurent ayant ensuite
été détruite comme inutile , ou étant tombée
de vétusté , il sera arrivé depuis , lorsqu'on
parloit de la Tranflation du Corps.
de S. Agnan , que le Peuple aura attribué
à l'Eglise de S. Laurent des Orgerils ,
ce qui ne convenoit , dans la verité , qu'à
P'Oratoire de S. Laurent , qui avoit été
situé dans la partie toute opposée . Ainsi
se forment souvent les Traditions populaires.
On attribuë à l'objet existant , ce
qui n'avoit été dit ou écrit que de l'objet
détruit ou anéanti ; et pendant que personne
ne produit des preuves de la méprise
, l'erreur prend racine , elle s'autorise
ensuite de son antiquité , trouve
des Protecteurs dans les Habitans du Lieu
qu le nom se conserve , et il faur user
après
MAY. 1734 845
après cela de mille ménagemens pour les
faire revenir de la bévûe où la simplicité
de leurs prédécesseurs les avoit jettez.
M. Baillet n'a pas voulu adopter la nouvelle
Tradition de S. Laurent au Fauxbourg
Occidental d'Orleans . Le Pere de
Longueval , Jesuite , ne déterminant
point la situation de l'Eglise de S. Laurent
, a évité de la favoriser ouvertement.
Quoique la Tranflation du Corps de
S. Agnan du premier lieu de sa Sépulture
dans le lieu qui portoit le nom de
Basilique de S. Pierre , n'eût pas été d'un
grand trajet , et qu'elle n'ait peut- être
été que d'un jet de pierre , elle a cependant
été écrite dans les anciens Martyrologes
et Calendriers , parce qu'elle a été
assez remarquable pour ces temps - là où
les remuemens des Corps des Saints ne
se faisoient gueres que lorsqu'une Eglise
menaçoit ruine ou qu'elle étoit trop petite
pour le concours qui se faisoit à leurs
Tombeaux. On la croit du commencement
du septiéme siecle. L'Ombre de
M. Thiers auroit pû l'ajouter aux exemples
de Tranflations de Saints Confesseurs
qui autorisent sa rétractation * sur celle
de S. Firmin le Confès d'Amiens , outre
1
Cette rétractation est imprimée dans le Mersure:
de Juin x7.3.1 IĮ. volume.
celles
846 MERCURE DE FRANCE
celles de S. Vaast d'Arras , qui fut faite
dans le même siecle par S. Aubert , l'un
de ses Successeurs , et celle de S. Maximin
, Evêque de Tréves , faite aussi alors
par S. Hidulfe , Corevêque de ce Siege.
Je ne parle pas de quelques autres plus
anciennes , telle que celle des Saints Evêques
de Verdun , prédecesseurs de S. Airy
, faite par lui -même au sixiéme siecle ,
ni de celle de S. Gatien , premier Evêque
de Tours , faite par S. Martin.
On doit compter parmi les Martyrologes
où la premiere Tranfiation du Corps
de S. Agnan se trouve , outre celui de
Bede , deux autres qui ont été publiez
par Dom Martene , l'un au troisiéme vofume
de ses Anecdotes , page 1556. où
on lit Aurelianis Translatio S. Aniani ;
l'autre au sixième tome de son ample Col
lection , page 708. où se lit ce qui suit :
In civitate Aurelianis Tranflatio Corporis
S. Aniani Episcopi , et liberatio civitatis
ipsius à Hunnis. Les deux premiers sont
anterieurs au Roy Robert. Le troisiéme
a été écrit de son temps ; mais il copie
le fait de la premiére Transflation , et
non pas celle qui fut faite sous son Regne
l'an 1029. M. de Tillemont s'étonnoit
en 1697. que dans le Breviaire d'Orleans
, publié en 1693 , par M. de Coiſlin ,
l'on
MAY. 1734. 847
l'on ne parlât au XIV. Juin , que de la
Tranflation faite sous le Roy Robert :
et sa surprise étoit bien fondée . Il auroit
fallu en effet parler en ce jour d'abord
de la délivrance de la Ville d'Orleans
des mains des Huns , qui est le premier
Evenement remarquable , par rapport à
ce qui regarde S. Agnan . Puisque la Tradition
étoit il y a neuf cent ans ou mille
ans , que cette délivrance étoit arrivée
le 14. Juin , il étoit bon d'en conserver
la memoire à ce jour et de ne la pas porter
au 17. de Novembre , jour de la mort
du saint Evêque , comme on m'a assuré
qu'elle y a été portée avec son ancien
nom de Fête du Miracle. Secondement ,
il étoit à propos d'y inserer le souvenir
de la premiere Tranflation , au moins
d'une maniere generale ; puisque c'est
elle probablement qui a été la cause pour
laquelle on choisit en 1029. le 14 , et le
Is. Juin faire la seconde et pour
pour
proceder à la Dédicace de la nouvelle
Basilique , dont il ne reste plus aujourd'hui
que les Souterrains.
Ce sont autant de corrections qu'on
auroit pû faire dans la nouvelle Edition
du Breviaire d'Orleans de l'an 1731. mais
au lieu de cela , les Réviseurs ont mieux
aimé rétablir dans la Legende de S. Agnan
l'expres
848 MERCURE DE FRANCE
l'expression , qui avoit fait naître ancien
nement l'erreur populaire , que M. le
Brun des Marettes a combattuë et queje
combats après lui par un texte dont
on aura de la peine à éluder la force.
Ce deffaut d'exactitude dans les Légendes
locales , se trouve aussi accompagné
du retranchement de l'Office de plusieurs
Saints Locaux . Je me contenterai pour
le présent de nommer S. Aunaire , fameux
Evêque , né au VI . siecle dans la
Ville d'Orleans , mort le 25. Septembre ,
et d'y ajoûter une Fête que les Auteurs
du IX. siecle qualifioient de celebre dans
toutes les Eglises des Gaules au 1. Octobre,
laquelle étoit en memoire d'un Saint ,
qui en passant par Orleans au V.- siecle ,
y avoit operé deux Miracles rapportez
dans les Manuscrits de la Cathédrale
même. Tant que les Calendriers des nouveaux
Breviaires particuliers , ne seront
pas fondez sur les Histoires locales , les
imperfections y seront inévitables .
Il est temps maintenant de vous donner
la Lettre que M. Baillet écrivoit
le 16. Décembre 1703. à M. le Brun ,
duquel je vous ai parlé ; les plus petites
Productions de la plume des grands
Hommes , sont toujours bonnes à recueillir..
»Ja
MAY. 1734. 849
t
it
es
To
33
» Je suis fâché , M. que le mois de
» Novembre soit achevé pour la réim-
» pression , car je me serois fait un plai-
» sir et un devoir de profiter de ce que
» vous remarquez au sujet du lieu de la
Sépulture de S. Agnan , et de l'emploi
qu'il eut à S. Laurent avant son Epis-
» copat ; et je n'aurois point fait difficul-
» té de changer le titre équivoque d'A-
» bé , quoique l'on pût l'entendre d'un
» Superieur ou Pasteur de Paroisse , sans
prétendre qu'il y eût des Moines. Il
>> me paroît que les autres endroits sur
»quoi tombent vos Remarques , peuvent
» s'expliquer favorablement et subsister
»comme je les ai mis sans préjudice de
la verité des faits , autant qu'on peut
» faire foy sur l'autorité humaine. Je
n suis , &c .
と
2
Ce 17. Novembre 1733 .
d'Auxerre , aux Auteurs du Mercure de
France , touchant la Sépulture de saint
Agnan , Evêque d'Orleans.
Lya , Messieurs , plus de trente ans
leans , nommé M. le Brun , avoit composé
une ample Dissertation sur la Sépulture
de S. Agnan , dont on vous a envoyé
un Extrait , que vous avez publié
dans
MAY
839
་
1734
dans le Mercure de Septembre dernier .
Ainsi je ne croi pas que celui de qui vous
tenez cet Extrair , se fasse honneur de
la Dissertation. Je la conserve écrite de
la main de l'Auteur , avec la copie d'une
Lettre que M. Baillet lui écrivit en conséquence
de la communication qu'il lui
en donna. Certe Piece servit aussi à Orleans
à détromper tous ceux qui voulurent
en prendre communication . Je
suis bien aise que vous en ayez publié
l'essentiel.
C'est en effet une erreur grossiere de
croire que S. Agnan ait été inhumé dans
l'Eglise de S Laurent , qui est située à
l'Occident de la Ville d'Orleans . Outre
Is témoignages tirez du Testament de
eodebode , de la Vie de S. Mémin , de
celle de S. Euspice , que M. le Brun a
fait valoir , il s'en présente encore un
plus formel , qui n'est pas venu à sa
connoissance , et dont on ne peut éluder
la force , quelque antiquité qu'on s'avise
de donner à la Tranflation prétenduë
du Saint Corps d'une Eglise de S Laurent
, bâtie à l'Occident d'Orleans , en
celle de S. Pierre , bâtie à l'Orient. Cette
Tranflation doit passer pour chimerique,
dès-là qu'on lit dans une Vie authentique
de S. Agnan , qu'après son décès
A iiij un
842 MERCURE DE FRANCE
de S. Laurent à l'Occid.nt d'Orleans ,
laquelle est appellée S. Laurent des Orge
rils ,mais je me croi assez fondé pour soutenir
qu'il y en a eu une autre du nom
du même Saint , du côté Oriental. Si
dans Orleans il a existé jusqu'à cinq ou
six Eglises du nom de Saint Pierre ,
deux sous le titre de Saint Jean , et deux
sous celui de S. Germain d'Auxerre ;
quelle impossibilité y a-t'il qu'il n'y ait
aussi existé deux Eglises du nom de saint
Laurent N'y a- t'il pas eû de- même à
Paris deux Eglises du nom de S. Vincent,
Martyr d'Espagne ? Combien de Villes
où il y a plus d'une Eglise du titre de
S. Martin ou de quelqu'autre Saint célebre
?
Une preuve qu'il y a eu pendant quelques
siecles une Eglise ou Oratoire de
S. Laurent dans le Champ de Tétrade à
l'Orient d'Orleans et sur le Territoire de
l'Eglise qui a porté depuis le nom de
S. Agnan , est , que la memoire de ce saint
Martyr est distinguée de temps immémorial
de celle des autres Saints étrangers
, dans l'Eglise de S. Agnan même.
Dans le Catalogue des dix- neuf Autels
que l'on y érigea lorsque le Roy Robert
fit rebâtir à neuf cette Eglise , on voit
qu'après l'Autel principal sous l'invoca
tion
MAY. 1734.
843
tion de S. Pierre et S. Paul , celui de
S. Benoît et celui de S. Euverte , c'est
celui de S. Laurent qui suit immédiate
ment , par distinction au dessus de ceux
qui portoient le nom de S. Sauveur , de
Notre- Dame , de S. Jean , de S. Michel,
qui ne sont nommez qu'après. Je ne
prétens point qu'il y ait eu dans l'étenduë
du Champ de Tétrade , ni autour
de l'Eglise de S. Pierre , dite depuis saint
Agnan , autant d'Eglises qu'on érigea
d'Autels dans le nouvel Edifice achevé
l'an 1029. mais au moins y en avoit- il
eu d'érigez sous l'invocation de ceux qui
y sont nommez les premiers avant Notre
-Seigneur et la Sainte Vierge .
Helgaud , Moine de Fleury , ne parlet'il
pas d'une Eglise de S. Martin comme
existante sous le Roy Robert , laquelle
étoit une Chapelle à l'extremité du Cloftre
de S. Agnan , et qui n'existe plus ? Il
ne faut donc pasjuger des siecles passez par
les choses qui subsistent de nos jours , ni
croire qu'il n'y a jamais eu à Orleans
qu'une seule Eglise de S. Laurent , parce
qu'on n'en voit qu'une aujourd'hui . Il
doit y en avoir existé une autre à l'Orient
de la Cité ; et c'est cette Eglise aujourd'ui
inconnue et dans l'oubli , qui
sert de fondement à la Tradition d'Or-
A vj leans
844 MERCURE DE FRANCE
leans , que le Corps de S. Agnan a été
transferé de l'Eglise de S. Laurent en celle
qui a depuis porté son nom.
Lorsque le Corps de ce saint Evêque furt
remué pour la premiere fois , il a pû se
faire qu'il reposoit alors dans un Oratoire
ou petite Eglise de S. Laurent , bâtie
dans le Champ de Tétrade , et que
de- là , vû le peu d'éloignement , le Tombeau
tel qu'il étoit , ait été transporté dans
l'Eglise de S. Pierre , qui étoit le principal
Edifice entre ceux de ce Champ . La
petite Eglise de S. Laurent ayant ensuite
été détruite comme inutile , ou étant tombée
de vétusté , il sera arrivé depuis , lorsqu'on
parloit de la Tranflation du Corps.
de S. Agnan , que le Peuple aura attribué
à l'Eglise de S. Laurent des Orgerils ,
ce qui ne convenoit , dans la verité , qu'à
P'Oratoire de S. Laurent , qui avoit été
situé dans la partie toute opposée . Ainsi
se forment souvent les Traditions populaires.
On attribuë à l'objet existant , ce
qui n'avoit été dit ou écrit que de l'objet
détruit ou anéanti ; et pendant que personne
ne produit des preuves de la méprise
, l'erreur prend racine , elle s'autorise
ensuite de son antiquité , trouve
des Protecteurs dans les Habitans du Lieu
qu le nom se conserve , et il faur user
après
MAY. 1734 845
après cela de mille ménagemens pour les
faire revenir de la bévûe où la simplicité
de leurs prédécesseurs les avoit jettez.
M. Baillet n'a pas voulu adopter la nouvelle
Tradition de S. Laurent au Fauxbourg
Occidental d'Orleans . Le Pere de
Longueval , Jesuite , ne déterminant
point la situation de l'Eglise de S. Laurent
, a évité de la favoriser ouvertement.
Quoique la Tranflation du Corps de
S. Agnan du premier lieu de sa Sépulture
dans le lieu qui portoit le nom de
Basilique de S. Pierre , n'eût pas été d'un
grand trajet , et qu'elle n'ait peut- être
été que d'un jet de pierre , elle a cependant
été écrite dans les anciens Martyrologes
et Calendriers , parce qu'elle a été
assez remarquable pour ces temps - là où
les remuemens des Corps des Saints ne
se faisoient gueres que lorsqu'une Eglise
menaçoit ruine ou qu'elle étoit trop petite
pour le concours qui se faisoit à leurs
Tombeaux. On la croit du commencement
du septiéme siecle. L'Ombre de
M. Thiers auroit pû l'ajouter aux exemples
de Tranflations de Saints Confesseurs
qui autorisent sa rétractation * sur celle
de S. Firmin le Confès d'Amiens , outre
1
Cette rétractation est imprimée dans le Mersure:
de Juin x7.3.1 IĮ. volume.
celles
846 MERCURE DE FRANCE
celles de S. Vaast d'Arras , qui fut faite
dans le même siecle par S. Aubert , l'un
de ses Successeurs , et celle de S. Maximin
, Evêque de Tréves , faite aussi alors
par S. Hidulfe , Corevêque de ce Siege.
Je ne parle pas de quelques autres plus
anciennes , telle que celle des Saints Evêques
de Verdun , prédecesseurs de S. Airy
, faite par lui -même au sixiéme siecle ,
ni de celle de S. Gatien , premier Evêque
de Tours , faite par S. Martin.
On doit compter parmi les Martyrologes
où la premiere Tranfiation du Corps
de S. Agnan se trouve , outre celui de
Bede , deux autres qui ont été publiez
par Dom Martene , l'un au troisiéme vofume
de ses Anecdotes , page 1556. où
on lit Aurelianis Translatio S. Aniani ;
l'autre au sixième tome de son ample Col
lection , page 708. où se lit ce qui suit :
In civitate Aurelianis Tranflatio Corporis
S. Aniani Episcopi , et liberatio civitatis
ipsius à Hunnis. Les deux premiers sont
anterieurs au Roy Robert. Le troisiéme
a été écrit de son temps ; mais il copie
le fait de la premiére Transflation , et
non pas celle qui fut faite sous son Regne
l'an 1029. M. de Tillemont s'étonnoit
en 1697. que dans le Breviaire d'Orleans
, publié en 1693 , par M. de Coiſlin ,
l'on
MAY. 1734. 847
l'on ne parlât au XIV. Juin , que de la
Tranflation faite sous le Roy Robert :
et sa surprise étoit bien fondée . Il auroit
fallu en effet parler en ce jour d'abord
de la délivrance de la Ville d'Orleans
des mains des Huns , qui est le premier
Evenement remarquable , par rapport à
ce qui regarde S. Agnan . Puisque la Tradition
étoit il y a neuf cent ans ou mille
ans , que cette délivrance étoit arrivée
le 14. Juin , il étoit bon d'en conserver
la memoire à ce jour et de ne la pas porter
au 17. de Novembre , jour de la mort
du saint Evêque , comme on m'a assuré
qu'elle y a été portée avec son ancien
nom de Fête du Miracle. Secondement ,
il étoit à propos d'y inserer le souvenir
de la premiere Tranflation , au moins
d'une maniere generale ; puisque c'est
elle probablement qui a été la cause pour
laquelle on choisit en 1029. le 14 , et le
Is. Juin faire la seconde et pour
pour
proceder à la Dédicace de la nouvelle
Basilique , dont il ne reste plus aujourd'hui
que les Souterrains.
Ce sont autant de corrections qu'on
auroit pû faire dans la nouvelle Edition
du Breviaire d'Orleans de l'an 1731. mais
au lieu de cela , les Réviseurs ont mieux
aimé rétablir dans la Legende de S. Agnan
l'expres
848 MERCURE DE FRANCE
l'expression , qui avoit fait naître ancien
nement l'erreur populaire , que M. le
Brun des Marettes a combattuë et queje
combats après lui par un texte dont
on aura de la peine à éluder la force.
Ce deffaut d'exactitude dans les Légendes
locales , se trouve aussi accompagné
du retranchement de l'Office de plusieurs
Saints Locaux . Je me contenterai pour
le présent de nommer S. Aunaire , fameux
Evêque , né au VI . siecle dans la
Ville d'Orleans , mort le 25. Septembre ,
et d'y ajoûter une Fête que les Auteurs
du IX. siecle qualifioient de celebre dans
toutes les Eglises des Gaules au 1. Octobre,
laquelle étoit en memoire d'un Saint ,
qui en passant par Orleans au V.- siecle ,
y avoit operé deux Miracles rapportez
dans les Manuscrits de la Cathédrale
même. Tant que les Calendriers des nouveaux
Breviaires particuliers , ne seront
pas fondez sur les Histoires locales , les
imperfections y seront inévitables .
Il est temps maintenant de vous donner
la Lettre que M. Baillet écrivoit
le 16. Décembre 1703. à M. le Brun ,
duquel je vous ai parlé ; les plus petites
Productions de la plume des grands
Hommes , sont toujours bonnes à recueillir..
»Ja
MAY. 1734. 849
t
it
es
To
33
» Je suis fâché , M. que le mois de
» Novembre soit achevé pour la réim-
» pression , car je me serois fait un plai-
» sir et un devoir de profiter de ce que
» vous remarquez au sujet du lieu de la
Sépulture de S. Agnan , et de l'emploi
qu'il eut à S. Laurent avant son Epis-
» copat ; et je n'aurois point fait difficul-
» té de changer le titre équivoque d'A-
» bé , quoique l'on pût l'entendre d'un
» Superieur ou Pasteur de Paroisse , sans
prétendre qu'il y eût des Moines. Il
>> me paroît que les autres endroits sur
»quoi tombent vos Remarques , peuvent
» s'expliquer favorablement et subsister
»comme je les ai mis sans préjudice de
la verité des faits , autant qu'on peut
» faire foy sur l'autorité humaine. Je
n suis , &c .
と
2
Ce 17. Novembre 1733 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. L*** Ch. et S. d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure de France, touchant la Sépulture de saint Agnan, Evêque d'Orleans.
M. L*** répond à une publication du Mercure de France concernant la sépulture de saint Agnan, évêque d'Orléans. Il mentionne que M. le Brun avait rédigé une dissertation sur ce sujet, dont un extrait avait été publié dans le Mercure de Septembre 1734. M. L*** possède cette dissertation manuscrite ainsi qu'une lettre de M. Baillet à ce sujet. La lettre rectifie une erreur selon laquelle saint Agnan aurait été inhumé dans l'église de Saint-Laurent à l'ouest d'Orléans. Plusieurs témoignages, dont ceux du testament de Chrodebode, de la vie de saint Mémin et de saint Euspice, ainsi qu'une vie authentique de saint Agnan, démontrent que cette croyance est erronée. Une église de Saint-Laurent existait également à l'est d'Orléans, et il était courant qu'une ville possède plusieurs églises portant le même nom. L'auteur soutient que le corps de saint Agnan a été transféré d'un oratoire de Saint-Laurent situé dans le champ de Tétrade à l'église de Saint-Pierre, qui est devenue par la suite l'église Saint-Agnan. Cette translation est attestée par des martyrologes et calendriers anciens, et elle est datée du début du septième siècle. La confusion populaire a attribué cette translation à l'église de Saint-Laurent des Orgerils, située à l'ouest, alors qu'elle concernait un oratoire à l'est. M. Baillet et le père de Longueval n'ont pas adopté la tradition erronée de la translation du corps de saint Agnan. L'auteur critique également le Breviaire d'Orléans de 1731 pour avoir omis de mentionner la première translation et la délivrance de la ville d'Orléans des Huns, événements liés à saint Agnan. Il conclut en mentionnant une lettre de M. Baillet à M. le Brun, datée du 16 décembre 1703, qui reconnaît les remarques de M. le Brun sur la sépulture de saint Agnan.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 109-115
LETTRE DE M. LE P. H. A M. L'ABBÉ V.
Début :
Le nom que vous vous faites dans les Lettres, Monsieur, plus encore que le remerciment [...]
Mots clefs :
Régale, Couronne, Abbé, Roi, Églises, Bénéfices, Suzerain
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE DE M. LE P. H. A M. L'ABBÉ V.
LETTRE DE M. LE P. H.
A M. L'A B BE' V.
LE
E nom que vous vous faites dans les Lettres
, Monfieur , plus encore que le re
merciment que je vous dois de l'extrême politeffe
que vous me marquez dans votre ouvrage
, mérite bien que je me défende fur un article
où nous penfons tous deux differemment ,
c'est la Régale *. Si ma nouvelle édition n'étoit
pas trop avancée , j'y aurois inferé cente
réponse ; pour y fuppléer , je vous l'adreſſe à
vous-même,, & je me fais l'honneur d'en
prendre le public pour témoin : j'efpere que
* Je prie ceux qui liront cette réponſe, de jetter
les yeuxfur ce que j'ai écrit à l'année 511 .
110 MERCURE DE FRANCE.
cela me vaudra quelque nouvelle obfervation
de votre part , & ce genre de combat littéraire
, quand les armes font en des mains
auffi polies que les vôtres , fert merveillenfement
à éclaircir la vérité . Nous femmes d'ailleurs
tropfouvent d'accord fur des faits auſſi
curieux qu'importans , pour que l'on doive
êtrefurpris fi nous différons quelquefois.
M. l'Abbé Velly prétend que l'on ne
doit chercher l'origine de la Régale que
dans le droit féodal ; & moi , je crois qu'elle
eft antérieure aux fiefs : les fiefs , fuivant
moi , tels que nous les connoiffons aujourd'hui
, n'ont commencé qu'avec l'ufurpation
des fujers , vers le regne de Charles
le Simple . La Régale , auffi ancienne que la
couronne , eft donc plus ancienne que les
fiefs , dont elle ne vient pas . Pinfon , dans
fon traité de la Régale , la compare au Nil ,
dont la fource eft inconnue. Celle des fiefs
l'eft-elle ? Les Gens du Roi , dans un difcours
du 24 Juillet 1633 , difent que la
Régale eft auffi ancienne que la Couronne :
peut-on en dire autant des fiefs ? les Francs
les ont- ils apportés , ou les ont-ils trouvés
dans les Gaules ? Les feuls Rois de Francè
ont le droit de Régale , & les fiefs font de
tous les pays : les fiefs n'ont donc pas produit
la Régale ? Les fiefs , dit M. l'Abbé
Velly,fe nommoient Regalia , dont ils ont,
MARS 1755 : III
moi je
felon lui , donné ce nom à la Régale ; &
dis que les fiefs ont pris en France
le nom de Regalia , qui n'appartenoit alors
qu'à la Régale , parce que la Régale eſt le
plus noble droit de la Couronne . C'étoit
bien ainfi que s'exprimoit Philippe de Valois
en 1334. La collation des prében-
» des en régale nous appartient , à cauſe
» de la nobleffe de la Couronne de Fran-
» ce « . Enfin , & c'eſt là la grande objection
, j'ai dit que les vrais principes de la
Régale fe trouvoient dans le concile d'Orléans
( canon VII . ) , car je n'ai pas dit
que le canon d'Orléans foit le titre qui ait
conféré la Régale à nos Rois , à Dieu ne
plaife : c'eût été faire dépendre ce droit
d'une autorité dont il ne dépend pas . Mais
je dis qu'à la maniere dont les Evêques
reconnoiffent dans ce Concile que l'Eglife
poffède les biens temporels , qui n'eft
qu'un fimple ufufruit , iis caractériſent la
nature de ces biens , qui ne font que viagers
, de même qu'ils reconnoiffent le droit
de celui qui les confere , & qui par la
force de la dureté les réunit à chaque vacance
, ce qui n'eft autre chofe que la Ré
gale : auffi les Juges laïcs en font ils feuls
les juges. Baronius avoit bien fenti la force
de ce canon , puifqu'il ne trouve d'autre
moyen de l'éluder qu'en le changeant , &
112 MERCURE DE FRANCE.
ود
qu'au lieu de lire quicquid in fructibus , il a
écrit quicquid in faventibus : ce qui donne
une nouvelle force au véritable texte . Mais
enfin , dit M. l'Abbé Velly , il y avoit des
Eglifes qui ne vaquoient point en Régale :
quelle en peut être la raiſon , finon que
ces Eglifes ne tenoient aucun fief du Roi ?
Voici la réponſe par où je termine cet article.
Les Gens du Roi , dans leur avis au
Parlement , figné Mollé , en 1633 , que j'ai
déja cité , difent » qu'il doit être tenu
» pour conftant que la Régale eft univer-
» felle , & a lieu dans toutes les Eglifes
du royaume , comme étant un droit non
feulement inhérent à la perfonne facrée
de nos Rois , mais aufli uni & incorporé
à la Couronne , né & établi avec
» elle «. C'eſt ce qu'on trouve encore dans
le fameux plaidoyer, de Jerôme Bignon ,
de 1638. Aucun cas d'exemption n'eſt donc
prévu , aucune Eglife n'en eft exceptée.
Celles qui prétendent cette exception ne la
peuvent donc jamais prétendre par la nature
des biens qu'elles poffèdent , mais feulement
par des conceffions particulieres ,
qui n'étant que des exceptions , confirment
la regle. Pour achever de fe convaincre ,
il n'y a qu'à lire la troifiéme partie du livre
III. du Traité de l'origine de la Régale , par
M. Audoul. Cet ouvrage parut en 1708
MARS. 1755. 113
fous les yeux de M. Dagueffeau , auquel
ce célebre Avocat étoit attaché ; & voici
l'extrait de l'approbation donnée par M.-
Ifali , cet oracle du barreau. » M. Audoul
» a fait voir que ce droit éminent de la
» Régale tire fa fource du canon VII . du
» concile I. d'Orléans , ce qu'il a prouvé
"par des faits fi certains , & par de fi bons
» principes , qu'il n'eft pas poffible d'y ré-
» fifter . Voilà d'après qui j'ai écrit .
Il refulte de ce qui vient d'être dit , que
nous différons , M. l'Abbé Velly & moi ,
non feulement fur la Régale , mais même
fur l'origine des fiefs , puifque les fiefs
fuivant moi , tels qu'ils font ajourd'hui ,
ne remontent pas plus haut que le tems
de Charles le Simple , & que la Régale étant
auffi ancienne que la monarchie , j'ai eu
raifon de conclure que la Régale ne pouvoit
pas venir des fiefs . Mais cette preuve ,
qui eft fans replique fuivant mes principes
, ne fatisfera point M. l'Abbé V. puifqu'il
fait commencer les fiefs avec la monarchie
; auffi n'eft- ce qu'une des preuves
que j'ai alléguées : refte donc la queftion
de l'ancienneté des fiefs , & on fent dans
quelle difcuffion cela nous entraîneroit ,
Une des preuves qu'en rapporte M. l'Abbé
V. qui eft l'inveftiture de la Seigneurie de
Melun , pourroit être contredite , & l'auto114
MERCURE DE FRANCE.
auparavant.
torité d'Aimoin , écrivain du onzième fiécle
, ne feroit pas d'un grand poids , quand
il dépofe d'un fait arrivé au fixiéme . D'ail
leurs il faut avoir de bons yeux pour reconnoître
les fiefs dans les bénéfices mili
taires . On trouve , à la vérité , dès la premiere
race , des exemples de bénéfices accordés
fous de certaines redevances , dont
la principale devoit être le fervice militaire
; mais font-ce bien là des fiefs ? ces béné
fices étoient viagers , & ont continué de
l'être jufqu'au tems de l'ufurpation , &
alors , en effet , ils peuvent être devenus
des fiefs , fans qu'ils le fuffent
On pourroit ajouter que les bénéfices ont
été inftitués d'après les terres faliques ,
fans courir le rifque que l'on en tirât des
conféquences pour les fiefs. Le Seigneur
de fief avoit un fuzerain , le bénéficier
n'avoit qu'un fouverain . Le feigneur de
fief avoit des vaffaux , dont il étoit à fon
tour le fuzerain ; mot , dit Loifeau , qui
eft auffi étranger que cette efpéce de Seigneurie
eft abfurde ( ce qui prouve en
paffant qu'il ne regardoit le fief que comme
une innovation ) . Quelle fimilitude ,
en effet , peut-on trouver entre ces deux
qualités de bénéficier & de fuzerain ? Mais
abandonnons cette queftion qui a fait le
tourment de tant d'écrivains. Le fentiment
MARS. 1755.
de M. l'Abbé V. peut fort bien fe foutenir
fans que, felon moi , il influe fur la queftion
de la Régale , où j'aurois plus de peine
à me rendre.
Voilà , Monfieur , ce que je me fuis fait un
devoir de vous expofer , pour répondre à l'ef
time que vous avez bien voulu me témoigner ,
& en même tems pour faire connoître les fentimens
avec lesquelsj'ai l'honneur d'être , &c.
A M. L'A B BE' V.
LE
E nom que vous vous faites dans les Lettres
, Monfieur , plus encore que le re
merciment que je vous dois de l'extrême politeffe
que vous me marquez dans votre ouvrage
, mérite bien que je me défende fur un article
où nous penfons tous deux differemment ,
c'est la Régale *. Si ma nouvelle édition n'étoit
pas trop avancée , j'y aurois inferé cente
réponse ; pour y fuppléer , je vous l'adreſſe à
vous-même,, & je me fais l'honneur d'en
prendre le public pour témoin : j'efpere que
* Je prie ceux qui liront cette réponſe, de jetter
les yeuxfur ce que j'ai écrit à l'année 511 .
110 MERCURE DE FRANCE.
cela me vaudra quelque nouvelle obfervation
de votre part , & ce genre de combat littéraire
, quand les armes font en des mains
auffi polies que les vôtres , fert merveillenfement
à éclaircir la vérité . Nous femmes d'ailleurs
tropfouvent d'accord fur des faits auſſi
curieux qu'importans , pour que l'on doive
êtrefurpris fi nous différons quelquefois.
M. l'Abbé Velly prétend que l'on ne
doit chercher l'origine de la Régale que
dans le droit féodal ; & moi , je crois qu'elle
eft antérieure aux fiefs : les fiefs , fuivant
moi , tels que nous les connoiffons aujourd'hui
, n'ont commencé qu'avec l'ufurpation
des fujers , vers le regne de Charles
le Simple . La Régale , auffi ancienne que la
couronne , eft donc plus ancienne que les
fiefs , dont elle ne vient pas . Pinfon , dans
fon traité de la Régale , la compare au Nil ,
dont la fource eft inconnue. Celle des fiefs
l'eft-elle ? Les Gens du Roi , dans un difcours
du 24 Juillet 1633 , difent que la
Régale eft auffi ancienne que la Couronne :
peut-on en dire autant des fiefs ? les Francs
les ont- ils apportés , ou les ont-ils trouvés
dans les Gaules ? Les feuls Rois de Francè
ont le droit de Régale , & les fiefs font de
tous les pays : les fiefs n'ont donc pas produit
la Régale ? Les fiefs , dit M. l'Abbé
Velly,fe nommoient Regalia , dont ils ont,
MARS 1755 : III
moi je
felon lui , donné ce nom à la Régale ; &
dis que les fiefs ont pris en France
le nom de Regalia , qui n'appartenoit alors
qu'à la Régale , parce que la Régale eſt le
plus noble droit de la Couronne . C'étoit
bien ainfi que s'exprimoit Philippe de Valois
en 1334. La collation des prében-
» des en régale nous appartient , à cauſe
» de la nobleffe de la Couronne de Fran-
» ce « . Enfin , & c'eſt là la grande objection
, j'ai dit que les vrais principes de la
Régale fe trouvoient dans le concile d'Orléans
( canon VII . ) , car je n'ai pas dit
que le canon d'Orléans foit le titre qui ait
conféré la Régale à nos Rois , à Dieu ne
plaife : c'eût été faire dépendre ce droit
d'une autorité dont il ne dépend pas . Mais
je dis qu'à la maniere dont les Evêques
reconnoiffent dans ce Concile que l'Eglife
poffède les biens temporels , qui n'eft
qu'un fimple ufufruit , iis caractériſent la
nature de ces biens , qui ne font que viagers
, de même qu'ils reconnoiffent le droit
de celui qui les confere , & qui par la
force de la dureté les réunit à chaque vacance
, ce qui n'eft autre chofe que la Ré
gale : auffi les Juges laïcs en font ils feuls
les juges. Baronius avoit bien fenti la force
de ce canon , puifqu'il ne trouve d'autre
moyen de l'éluder qu'en le changeant , &
112 MERCURE DE FRANCE.
ود
qu'au lieu de lire quicquid in fructibus , il a
écrit quicquid in faventibus : ce qui donne
une nouvelle force au véritable texte . Mais
enfin , dit M. l'Abbé Velly , il y avoit des
Eglifes qui ne vaquoient point en Régale :
quelle en peut être la raiſon , finon que
ces Eglifes ne tenoient aucun fief du Roi ?
Voici la réponſe par où je termine cet article.
Les Gens du Roi , dans leur avis au
Parlement , figné Mollé , en 1633 , que j'ai
déja cité , difent » qu'il doit être tenu
» pour conftant que la Régale eft univer-
» felle , & a lieu dans toutes les Eglifes
du royaume , comme étant un droit non
feulement inhérent à la perfonne facrée
de nos Rois , mais aufli uni & incorporé
à la Couronne , né & établi avec
» elle «. C'eſt ce qu'on trouve encore dans
le fameux plaidoyer, de Jerôme Bignon ,
de 1638. Aucun cas d'exemption n'eſt donc
prévu , aucune Eglife n'en eft exceptée.
Celles qui prétendent cette exception ne la
peuvent donc jamais prétendre par la nature
des biens qu'elles poffèdent , mais feulement
par des conceffions particulieres ,
qui n'étant que des exceptions , confirment
la regle. Pour achever de fe convaincre ,
il n'y a qu'à lire la troifiéme partie du livre
III. du Traité de l'origine de la Régale , par
M. Audoul. Cet ouvrage parut en 1708
MARS. 1755. 113
fous les yeux de M. Dagueffeau , auquel
ce célebre Avocat étoit attaché ; & voici
l'extrait de l'approbation donnée par M.-
Ifali , cet oracle du barreau. » M. Audoul
» a fait voir que ce droit éminent de la
» Régale tire fa fource du canon VII . du
» concile I. d'Orléans , ce qu'il a prouvé
"par des faits fi certains , & par de fi bons
» principes , qu'il n'eft pas poffible d'y ré-
» fifter . Voilà d'après qui j'ai écrit .
Il refulte de ce qui vient d'être dit , que
nous différons , M. l'Abbé Velly & moi ,
non feulement fur la Régale , mais même
fur l'origine des fiefs , puifque les fiefs
fuivant moi , tels qu'ils font ajourd'hui ,
ne remontent pas plus haut que le tems
de Charles le Simple , & que la Régale étant
auffi ancienne que la monarchie , j'ai eu
raifon de conclure que la Régale ne pouvoit
pas venir des fiefs . Mais cette preuve ,
qui eft fans replique fuivant mes principes
, ne fatisfera point M. l'Abbé V. puifqu'il
fait commencer les fiefs avec la monarchie
; auffi n'eft- ce qu'une des preuves
que j'ai alléguées : refte donc la queftion
de l'ancienneté des fiefs , & on fent dans
quelle difcuffion cela nous entraîneroit ,
Une des preuves qu'en rapporte M. l'Abbé
V. qui eft l'inveftiture de la Seigneurie de
Melun , pourroit être contredite , & l'auto114
MERCURE DE FRANCE.
auparavant.
torité d'Aimoin , écrivain du onzième fiécle
, ne feroit pas d'un grand poids , quand
il dépofe d'un fait arrivé au fixiéme . D'ail
leurs il faut avoir de bons yeux pour reconnoître
les fiefs dans les bénéfices mili
taires . On trouve , à la vérité , dès la premiere
race , des exemples de bénéfices accordés
fous de certaines redevances , dont
la principale devoit être le fervice militaire
; mais font-ce bien là des fiefs ? ces béné
fices étoient viagers , & ont continué de
l'être jufqu'au tems de l'ufurpation , &
alors , en effet , ils peuvent être devenus
des fiefs , fans qu'ils le fuffent
On pourroit ajouter que les bénéfices ont
été inftitués d'après les terres faliques ,
fans courir le rifque que l'on en tirât des
conféquences pour les fiefs. Le Seigneur
de fief avoit un fuzerain , le bénéficier
n'avoit qu'un fouverain . Le feigneur de
fief avoit des vaffaux , dont il étoit à fon
tour le fuzerain ; mot , dit Loifeau , qui
eft auffi étranger que cette efpéce de Seigneurie
eft abfurde ( ce qui prouve en
paffant qu'il ne regardoit le fief que comme
une innovation ) . Quelle fimilitude ,
en effet , peut-on trouver entre ces deux
qualités de bénéficier & de fuzerain ? Mais
abandonnons cette queftion qui a fait le
tourment de tant d'écrivains. Le fentiment
MARS. 1755.
de M. l'Abbé V. peut fort bien fe foutenir
fans que, felon moi , il influe fur la queftion
de la Régale , où j'aurois plus de peine
à me rendre.
Voilà , Monfieur , ce que je me fuis fait un
devoir de vous expofer , pour répondre à l'ef
time que vous avez bien voulu me témoigner ,
& en même tems pour faire connoître les fentimens
avec lesquelsj'ai l'honneur d'être , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE DE M. LE P. H. A M. L'ABBÉ V.
La lettre de M. le P. H. à M. l'Abbé Velly traite de la Régale, un droit royal. M. le P. H. conteste l'origine féodale de la Régale, affirmant qu'elle est antérieure aux fiefs. Selon lui, les fiefs ont commencé avec l'usurpation des suzerains sous le règne de Charles le Simple. Il soutient que la Régale est aussi ancienne que la couronne et ne provient pas des fiefs. M. l'Abbé Velly, en revanche, pense que la Régale trouve son origine dans le droit féodal. Pour appuyer son argumentation, M. le P. H. cite divers documents historiques, tels que le discours des Gens du Roi en 1633 et le traité de Pinfon. Il mentionne également le concile d'Orléans et le canon VII, qui reconnaissent la nature temporelle des biens de l'Église et le droit royal de la Régale. M. le P. H. conclut en affirmant que la Régale est un droit universel et inhérent à la couronne, indépendamment des biens possédés par les églises.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 118-129
REPONSE DE M. L'ABBÉ V. A M. LE P. H.
Début :
Le suffrage d'un homme comme vous, Monsieur, a quelque chose de si séduisant [...]
Mots clefs :
Droit de Régale, Abbé, Églises, Fiefs, Bénéfices, Seigneur, Maître, Terres, Rois
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE DE M. L'ABBÉ V. A M. LE P. H.
REPONSE DE M. L'ABBÉ V.
A M. LE P. H.
e
E fuffrage d'un homme comme vous ,
Monfieur , & quelque chofe de fi féduifant
, qu'à da lecture de la lettre dont
vous m'honorez , j'ai prefque été tenté de
me croire un perfonnage . Mais je me connois
, & cette connoiffance ne m'a laiffé
appercevoir dans vos politeffes qu'un excès
de bonté qui veut encourager un novice
, plus recommendable par fa bonne
volonté que par fes talens. Vous me permettez
de vous faire quelques nouvelles
obfervations fur le point qui nous divife :
j'ufe de la permiffion , moins cependant
pour difputer que pour chercher le vrai ,
qui feul doit être notre guide . C'eſt unt
écolier qui confulte fon maître ; & quel
maître ? Un nouveau Sallufte , mais plus
clair dans fa briéveté fententieufe , un au- -
tre Velleius Paterculus plus inftructif &
auffi délicat dans fes portraits , le digne
éleve enfin du goût , & le favori des graces.
L'Abbé Velly ne fait point remonter
l'origine des fiefs , ftrictement dit , jufqu'aux
premiers fiécles de la monarchie :
il convient avec l'illuftre auteur du nouvel
AVRIL. 1755. 119
abrégé chronologique de notre hiftoire
que ce n'eft que fous le foible regne de
Charles le Simple qu'on les voit tels qu'ils
font aujourd'hui. Charles le Chauve les
avoit , pour ainfi dire , préparés par le fameux
capitulaire (a ) qui ordonne que
fi après la mort quelqu'un de fes fideles
veut renoncerau monde , il pourra
laiffer tous fes emplois à fon fils , ou à ce
lui de fes parens qu'il voudra choisir pour
fon fucceffeurs ce qui étoit établir une.
efpece d'hérédité dans les offices , & les
rendre en quelque forte propres & patri
moniaux. sidst 201 160 2000
Mais en même tems qu'il abandonne ce
point , qui demanderoit pour être éclairci
plus de tems & plus de connoiffances , il fe
croit sautorifé à foutenir qu'il y avoit fous
la premiere race des efpeces de poffeffions
qui tenoient beaucoup de la nature féodale
, quelque nom qu'on veuille leur don
ner , terres , feigneuries , bénéfices ou fiefs.
Pafquier ( b) les appelle Bénéfices , & cite
pour exemple Clovis , qui inveftit le Com
te Auréliens de la feigneurie de Melun.
Loifeau ( a ) ne craint point de les nommer
( a ) Capitul . 10. apud Duch . tom. 2. p. 463 .
( b ) Recherch. de la France , tom. 1. c. liv. 2
16. p. 130.
(c) Loyf. des Offices feod. ch. z . p. 99.
120 MERCURE DE FRANCE:
»
fiefs , & les fait auffi anciens que la monarchie
: voici fes propres termes. » Ce
peuple victorieux ( les Francs ) partagea
& diftribua les terres de fa conquête ; il
» les attribua à titre & condition de fief à
» fes Capitaines , tant pour récompenfe de
leur mérite , que pour tenir deformais
» lieu de gages à leur office , attendu que
» ces Capitaines étoient leurs uniques Ma-
» giftrats. Ceux- ci , ajoute- t-il , baillerent
»à leurs foldats certaines terres à même
»titre de fief , c'est- à- dire , à la charge de
» les affifter toujours en guerre ; & ces fe-
"conds fiefs finiffoient du commencement,
» ainfi que les premiers , par la mort du
» vaffal . Mais comme toutes chofes ten-
» dent & s'établiſſent enfin à la propriété
» à fucceffion de tems on vint à confidé-
» rer que c'étoit une cruauté d'ôter le fief
» aux enfans d'un pauvre foldat bien méri
» té , qui ne leur avoit laiffé aucun autre
»bien , & partant on s'accoutuma à les re
و د
bailler par pitié à l'un defdits enfans ,
» tel qu'il plaifoit au feigneur d'en grati-
» fier . Puis ce fut un droit commun que
les enfans mâles fuccéderoient tous en-
» femble au fief du pere. Mais les filles &
» les collatéraux n'y fuccédoient point ...
» Nous avons à la fin admis indiftincte-
» ment les fucceffions collatérales des fiefs,
même
AVRIL. 1755. 121
>
même au profit des filles en défaut
» toutefois de mâle en pareil dégré il
» nous eft cependant refté quelque chofe
» de notre ancienne rigueur , à fçavoir
qu'à toutes mutations de fiefs , il eft dit
» ouvert & fans homme , c'est - à- dire va-
» cant au refpect du Seigneur , lequel ſe
»peut remettre dans icelui & en jouir com-
» me réuni à fon domaine , jufqu'à ce qu'il
» ſe préſente un fucceffeur qui vienne le
» couvrir & relever , & fe déclarer hom-
» me & vaffal du Seigneur ; & quand il
» tombe en fucceffion collatérale , ou en
❤aliénation , quelle qu'elle foit , il le faut
racheter du Seigneur par certains droits
» qu'on lui paye.
Ce paffage un peu long , mais effentiel.
à la juftification du fyftême attaqué , n'eſt
rien autre chofe qu'une paraphrafe du premier
titre des fiefs : Antiquiffimo tempore poterat
Dominus auferre rem infeudum datam :
deinde obfervatum eft , ut ad vitam fidelis
produceretur produceretur. Il en réfulte deux chofes ,
la premiere qu'il n'eft point de l'effence du
fief d'être héréditaire & patrimonial , mais
d'être tenu fous certaine redevance ; la feconde
, que l'Abbé Velly en tirant l'origine
de la Régale de la nature du droit
féodal , lui donne la même antiquité qu'à
la Monarchie : antiquiffimo tempore. Nous
F
122 MERCURE DE FRANCE.
avons d'ailleurs plufieurs monumens qui
prouvent que même avant le regne de
Charles le Simple , les Evêques ( fans dou
te ceux qui étoient foumis à la Régale )
fe reconnoiffoient hommes , tenanciers ,
feudataires , ou bénéficiers du Prince. On
lit dans un poëme manufcrit de Philippe
Mouskes , intitulé : Hiftoire des François ,
& cité par Ducange ( d )',
Et caskuns Veſques premerains ( e ) ,
Dou Roi de France , joint ſes mains
Prent fon Régale por droiture ,
Et fes hom eft de teneure,
On remarquera
que l'historien
poete
parle de la coutume obfervée fous Chilpéric.
Nous voyons encore quelque choſe de
plus marqué dans une formule de ferment
prêté fous Charles le Chauve
(f) » Moi
" Hincmar
, Evêque de Laon , promets
d'être à jamais fidele & obéillant
, felon
le devoir de mon miniftere
, à Charles ,
» mon maître & mon Seigneur
, comme
» un homme doit l'être à fon Seigneur , &
( d ) Au mot Regalia.
(e ) C'est -à-dire premiers , principaux , fans
doute par
les fiefs qu'ils tenoient de la Couronne. On difoit autrefois Prematie au lieu de Primatię,
(ƒ) Continúat. Aimoin . 1. 5 : c. 21 .
AVRIL 1755. 123
un Evêque à fon Roi » . Ici l'homme &
l'Evêque font diftingués , de même que
le fuzerain & le Souverain : Sicut homo fue
feniori , & Epifcopus fuo Regi.
On objecte que les fiefs font de tous les
pays , & que les feuls Rois de France ont
droit de Régale ; mais l'objection tombe
d'elle-même , s'il eft vrai que les autres
Souverains en ont joui anciennement. On
lit dans Orderic Vital ( g ) , » qu'à la mort
» des Prélats & des Archimandrites , les
» Satellites du Roi d'Angleterre s'empa-
>> roient des terres de leur Eglife , qu'ils
» réuniffoient au domaine pour trois ans ,
quelquefois plus d'où il arrivoit que
» le troupeau , deftitué de Paſteur , étoit
expofé à la morfure des loups » . Qu'on
life l'hiftoire des divifions du facerdoce
& de l'Empire ( b ) , on y verra ces juftes
plaintes mille fois répétées. Les Empereurs
& les Rois d'Angleterre avoient donc anciennement
droit de mettre en leur main
le temporel des Prélatures vacantes par
mort : ce qui n'eft autre chofe que le droit
de Régale. Pourquoi ne l'ont-ils plus ? &
comment ont- ils laiffé perdre une fi glorieufe
prérogative ? c'eft ce qui n'eft point
de notre fujer. La gloire de nos Rois eft
( g ) Liv. 10. p. 763.
(h) Arnold. Lubec. 1. 3. c. 16..!
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
d'avoir eu en même tems , & affez de fermeté
pour fe maintenir dans la poffeffion
d'un privilege né & établi avec la Monarchie
, & affez de religion pour n'en point
abufer.
Mais , dira t- on , M. Audoul , célébré
Avocat , dans fon traité de la Régale , tire
l'origine de cette noble prérogative , du
canon VII du premier concile d'Orléans
& M. Ifali , autre oracle du barreau ,
dans l'approbation qu'il a donnée à cet
ouvrage , affure que ce fyftême eft prouvé
par des faits fi certains , qu'il n'eft pas
poffible d'y refifter. L'Abbé Velly honore
affurément ces deux grandes lumieres :
mais il les admire encore plus , & confeſſe
ingénument qu'il n'a pas d'affez bons
yeux pour voir ce qu'ils ont vû. Il tient
actuellement en main le Concile d'Or
léans , il lit le feptiéme canon ( b ) , & n'y
apperçoit qu'une défenfe aux Abbés , aux
Prêtres , aux Clercs , & aux Religieux
d'aller en Cour , fans la permiffion & la
recommendation de l'Evêque , pour obrenir
des bénéfices. Abbatibus , Prefbiteris ,
omnique Clero , vel in religionis profeffione
viventibus , fine difcuffione vel commendatione
Epifcoporum , pro pretendis Beneficiis ¿
(h ) Concil. tom. 4. p. 1406,
AVRIL. · 17.55. 125
ad domnos venire non liceat. Quodfi quifquam
prafumpferit , tam diu fui honore &
communione privetur , donec per pænitentiam
plenam ejus fatisfactionem facerdos accipiat.
Il recommence donc une lecture
déja refléchie de tout le Concile , & trouve
enfin dans de cinquième canon ces mots
qu'on prétend facramentaux , quidquid in
fructibus. Voici comme ce decret eft conçu :
( i ) De oblationibus vel agris quos domnus
Rex Ecclefiis fuo munere conferre dignatus
eft , vel adhuc , non habentibus , Deo infpirante
, contulerit , ipforum agrorum vel Ecclefiarum
immunitate conceffa , id effe juftif
fimum definimus , ut in reparationibus Ecclefiarum
alimoniis facerdotum & pauperum
, vel redemptionibus captivorum , quidquid
Deus in fructibus dare dignatusfuerit ,
expendatur , & Clerici in adjutorium Ecclefiaftici
operis conftringantur. Quod fi aliquis
facerdotum ad hanc curam minus follicius
ac devotus extiterit , publicè à comprovincialibus
Epifcopis confundatur. Quod fi nec tali
confufione correxerit , donec emendet errorem,
communione fratrum habeatur indignus . Il
faut avouer que c'eft
peu communes
que avoir des lumieres
de trouver les vrais
principes de la Régale dans ce ftatut plus
( i ) Ibid. Can. V. p. 1405 , 1406.
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
}
religieux qué politique. M. Fleury & tous
les hiftoriens eccléfiaftiques n'y découvrent
qu'une fage attention de l'Eglife à prévemir
fes miniftres , que les biens qu'ils tiennent
de la libéralité de nos Rois ne leur
ont point été donnés pour en faire l'ufage
qu'il leur plairoit ; mais qu'ils doivent employer
tout ce que Dieu leur donne audelà
du néceffaire , à la reparation des
Eglifes , à l'entretien des Prêtres & des
pauvres , ou enfin au rachat des captifs.
L'Abbé Velly pourroit même en tirer une
induction favorable à fon fyftême . Les
conceffions de nos Rois en faveur du Clergé
étoient donc , ou conditionnelles , ou
pures & fimples , c'eft- à - dire , ou affujet
ties à certaines redevances , ou affranchies
de toure fervitude : de là cette diftinction
des Eglifes qui vaquoient ou ne vaquoient
point en Régale.
On répond que les Gens du Roi , M.
Molé & M. Bignon , dans leur avis donné
en 1633 & en 1638 , difent qu'il doit être
tenu pour conftant , que la Régale eft univerfelle
, & a lieu dans toutes les Eglifes
du Royaume , comme étant un droit non
feulement inhérent à la perfonne facrée
de nos Rois , mais auffi uni & incorporé
à la Couronne , né & établi avec elle.
L'Abbé Velly fent toute l'importance de
AVRIL 1755 127
cette objection , & combien il eft délicat
d'avoir à fe défendre contre des autorités
toujours refpectables , & quelquefois terribles.
Auffi n'entreprendra- t- il pas d'y répondre
: c'eft Pafquier ( k ) qui plaidera fa
caufe , & parlera pour lui. Tous les
Archevêchés & Evêchés de France , dit
» ce célébre Jurifconfulte , ne font eftimés
" tomber en Régale , vacation d'iceux avenant
: ores que quelques- uns eftiment le
» contraire, Opinion de prime face plaufible
pour favorifer les droits du Roi ;
mais erronée , bien qu'elle ne foit deſtituée
de bons parrains. Car Maitre Jean
» le Bouteiller en fa fomme rurale , l'efti-
»ma ainfi & de notre tems , M. de Pibrac
, Avocat du Roi au Parlement , la
voulut faire paffer par Edict , mais il en
fur dedict . Il ne faut rien ôter à l'Eglife
pour le donner par une nouveauté à nos
» Rois , ni leur ôter pour le donner à l'Eglife.
Or que toutes les Eglifes Cathédrales
ne tombent en Régale , nous avons
plufieurs Ordonnances qui le nous enfeignent.
Celle de Philippe le Bel , en
" 1302 , porte entr'autres articles ( 4 ).
» Item , quantum ad Regalias quas nos 5
(k ) Recherch. de la France , tom . 1. 1. 3. chap.
37. p. 303 .
(1 ) Apud de Lauriere , tom. 1. Ordinat. p. 359.
Fiv
18 MERCURE DE FRANCE.
» prædeceffores noftri , confuervimus percipere
in aliquibus Ecclefiis Regni noftri ,
quando eas vacare contigit : & Louis XII
dit expreffément dans fon édit de l'an
» 1499 , nous défendons à tous nos Officiers
»qu'ès Archevêchés , Abbayes , & autres bénéfices
de notre Royaume , efquels n'avons
droit de Régale , ils ne fe mettent dedans ni
» ès fortes places , finon ès bénéfices & fortes
» places qui feroient affifes ès pays
limitrophes
de notre Royaume. Bref, qui foutient
le contraire eft plutôt un flateur de Cour ,
qu'un Jurifconfulte François. sy b
+
P
On peut encore confulter les actes du
fecond Concile général de Lyon , qui autorife
la Régale dans les Eglifes où elle
étoit établie par la fondation ou par quelque
coutume ancienne ( m ) , mais qui dé,
fend de l'introduire dans celles où elle n'étoit
pas reçue. Quant aux Eglifes qui vaquoient,
ou ne vaquoient point en Régale ,
on en trouvera la lifte dans le Traité de
l'ufage des fiefs ( n ) , par M. Bruffel. Au
refte , le fentiment de M. le Préfident Hénaut
fur l'univerfalité de cette prérogative
unique de nos Rois , eft appuyée far de
grandes autorités , & pour me fervir des
termes de Pafquier , a de très bons parreins.
( m ) Tom. XI. Concil. Confid. 13. de Elect.
( a ) Tom. I. pag. 292 & 293.·
AVRIL. 1755 129
,
Le celebre auteur du nouvel abrégé chronologique
de notre hiftoire , mérite affurément
une place diftinguée parmi les plus
illuftres , tels que les Pibracs , les Molés :
les Bignons , noms confacrés à l'immortalité.
Voilà , Monfieur , fur quels fondemens
fai bâti mon fyftême de l'origine de la
Régale , & en même tems une partie des
faifons qui peuvent fervir à ma juſtification
. J'ai cru devoir vous les expofer , pour
répondre à la bienveillance dont vous
m'honorez je les foumers à vos lumieres ,
toujours prêt à rendre au plus judicieux &
au plus élégant de nos hiftoriens , l'hom
mage qu'un difciple doit à fon maître. Ik
ne me refte qu'à vous faire d'humbles re
mercimens de m'avoir procuré l'occafion
de faire paroître les fentimens , & c.
*
Medspaſt nad ubqkeretek VELLY.
A M. LE P. H.
e
E fuffrage d'un homme comme vous ,
Monfieur , & quelque chofe de fi féduifant
, qu'à da lecture de la lettre dont
vous m'honorez , j'ai prefque été tenté de
me croire un perfonnage . Mais je me connois
, & cette connoiffance ne m'a laiffé
appercevoir dans vos politeffes qu'un excès
de bonté qui veut encourager un novice
, plus recommendable par fa bonne
volonté que par fes talens. Vous me permettez
de vous faire quelques nouvelles
obfervations fur le point qui nous divife :
j'ufe de la permiffion , moins cependant
pour difputer que pour chercher le vrai ,
qui feul doit être notre guide . C'eſt unt
écolier qui confulte fon maître ; & quel
maître ? Un nouveau Sallufte , mais plus
clair dans fa briéveté fententieufe , un au- -
tre Velleius Paterculus plus inftructif &
auffi délicat dans fes portraits , le digne
éleve enfin du goût , & le favori des graces.
L'Abbé Velly ne fait point remonter
l'origine des fiefs , ftrictement dit , jufqu'aux
premiers fiécles de la monarchie :
il convient avec l'illuftre auteur du nouvel
AVRIL. 1755. 119
abrégé chronologique de notre hiftoire
que ce n'eft que fous le foible regne de
Charles le Simple qu'on les voit tels qu'ils
font aujourd'hui. Charles le Chauve les
avoit , pour ainfi dire , préparés par le fameux
capitulaire (a ) qui ordonne que
fi après la mort quelqu'un de fes fideles
veut renoncerau monde , il pourra
laiffer tous fes emplois à fon fils , ou à ce
lui de fes parens qu'il voudra choisir pour
fon fucceffeurs ce qui étoit établir une.
efpece d'hérédité dans les offices , & les
rendre en quelque forte propres & patri
moniaux. sidst 201 160 2000
Mais en même tems qu'il abandonne ce
point , qui demanderoit pour être éclairci
plus de tems & plus de connoiffances , il fe
croit sautorifé à foutenir qu'il y avoit fous
la premiere race des efpeces de poffeffions
qui tenoient beaucoup de la nature féodale
, quelque nom qu'on veuille leur don
ner , terres , feigneuries , bénéfices ou fiefs.
Pafquier ( b) les appelle Bénéfices , & cite
pour exemple Clovis , qui inveftit le Com
te Auréliens de la feigneurie de Melun.
Loifeau ( a ) ne craint point de les nommer
( a ) Capitul . 10. apud Duch . tom. 2. p. 463 .
( b ) Recherch. de la France , tom. 1. c. liv. 2
16. p. 130.
(c) Loyf. des Offices feod. ch. z . p. 99.
120 MERCURE DE FRANCE:
»
fiefs , & les fait auffi anciens que la monarchie
: voici fes propres termes. » Ce
peuple victorieux ( les Francs ) partagea
& diftribua les terres de fa conquête ; il
» les attribua à titre & condition de fief à
» fes Capitaines , tant pour récompenfe de
leur mérite , que pour tenir deformais
» lieu de gages à leur office , attendu que
» ces Capitaines étoient leurs uniques Ma-
» giftrats. Ceux- ci , ajoute- t-il , baillerent
»à leurs foldats certaines terres à même
»titre de fief , c'est- à- dire , à la charge de
» les affifter toujours en guerre ; & ces fe-
"conds fiefs finiffoient du commencement,
» ainfi que les premiers , par la mort du
» vaffal . Mais comme toutes chofes ten-
» dent & s'établiſſent enfin à la propriété
» à fucceffion de tems on vint à confidé-
» rer que c'étoit une cruauté d'ôter le fief
» aux enfans d'un pauvre foldat bien méri
» té , qui ne leur avoit laiffé aucun autre
»bien , & partant on s'accoutuma à les re
و د
bailler par pitié à l'un defdits enfans ,
» tel qu'il plaifoit au feigneur d'en grati-
» fier . Puis ce fut un droit commun que
les enfans mâles fuccéderoient tous en-
» femble au fief du pere. Mais les filles &
» les collatéraux n'y fuccédoient point ...
» Nous avons à la fin admis indiftincte-
» ment les fucceffions collatérales des fiefs,
même
AVRIL. 1755. 121
>
même au profit des filles en défaut
» toutefois de mâle en pareil dégré il
» nous eft cependant refté quelque chofe
» de notre ancienne rigueur , à fçavoir
qu'à toutes mutations de fiefs , il eft dit
» ouvert & fans homme , c'est - à- dire va-
» cant au refpect du Seigneur , lequel ſe
»peut remettre dans icelui & en jouir com-
» me réuni à fon domaine , jufqu'à ce qu'il
» ſe préſente un fucceffeur qui vienne le
» couvrir & relever , & fe déclarer hom-
» me & vaffal du Seigneur ; & quand il
» tombe en fucceffion collatérale , ou en
❤aliénation , quelle qu'elle foit , il le faut
racheter du Seigneur par certains droits
» qu'on lui paye.
Ce paffage un peu long , mais effentiel.
à la juftification du fyftême attaqué , n'eſt
rien autre chofe qu'une paraphrafe du premier
titre des fiefs : Antiquiffimo tempore poterat
Dominus auferre rem infeudum datam :
deinde obfervatum eft , ut ad vitam fidelis
produceretur produceretur. Il en réfulte deux chofes ,
la premiere qu'il n'eft point de l'effence du
fief d'être héréditaire & patrimonial , mais
d'être tenu fous certaine redevance ; la feconde
, que l'Abbé Velly en tirant l'origine
de la Régale de la nature du droit
féodal , lui donne la même antiquité qu'à
la Monarchie : antiquiffimo tempore. Nous
F
122 MERCURE DE FRANCE.
avons d'ailleurs plufieurs monumens qui
prouvent que même avant le regne de
Charles le Simple , les Evêques ( fans dou
te ceux qui étoient foumis à la Régale )
fe reconnoiffoient hommes , tenanciers ,
feudataires , ou bénéficiers du Prince. On
lit dans un poëme manufcrit de Philippe
Mouskes , intitulé : Hiftoire des François ,
& cité par Ducange ( d )',
Et caskuns Veſques premerains ( e ) ,
Dou Roi de France , joint ſes mains
Prent fon Régale por droiture ,
Et fes hom eft de teneure,
On remarquera
que l'historien
poete
parle de la coutume obfervée fous Chilpéric.
Nous voyons encore quelque choſe de
plus marqué dans une formule de ferment
prêté fous Charles le Chauve
(f) » Moi
" Hincmar
, Evêque de Laon , promets
d'être à jamais fidele & obéillant
, felon
le devoir de mon miniftere
, à Charles ,
» mon maître & mon Seigneur
, comme
» un homme doit l'être à fon Seigneur , &
( d ) Au mot Regalia.
(e ) C'est -à-dire premiers , principaux , fans
doute par
les fiefs qu'ils tenoient de la Couronne. On difoit autrefois Prematie au lieu de Primatię,
(ƒ) Continúat. Aimoin . 1. 5 : c. 21 .
AVRIL 1755. 123
un Evêque à fon Roi » . Ici l'homme &
l'Evêque font diftingués , de même que
le fuzerain & le Souverain : Sicut homo fue
feniori , & Epifcopus fuo Regi.
On objecte que les fiefs font de tous les
pays , & que les feuls Rois de France ont
droit de Régale ; mais l'objection tombe
d'elle-même , s'il eft vrai que les autres
Souverains en ont joui anciennement. On
lit dans Orderic Vital ( g ) , » qu'à la mort
» des Prélats & des Archimandrites , les
» Satellites du Roi d'Angleterre s'empa-
>> roient des terres de leur Eglife , qu'ils
» réuniffoient au domaine pour trois ans ,
quelquefois plus d'où il arrivoit que
» le troupeau , deftitué de Paſteur , étoit
expofé à la morfure des loups » . Qu'on
life l'hiftoire des divifions du facerdoce
& de l'Empire ( b ) , on y verra ces juftes
plaintes mille fois répétées. Les Empereurs
& les Rois d'Angleterre avoient donc anciennement
droit de mettre en leur main
le temporel des Prélatures vacantes par
mort : ce qui n'eft autre chofe que le droit
de Régale. Pourquoi ne l'ont-ils plus ? &
comment ont- ils laiffé perdre une fi glorieufe
prérogative ? c'eft ce qui n'eft point
de notre fujer. La gloire de nos Rois eft
( g ) Liv. 10. p. 763.
(h) Arnold. Lubec. 1. 3. c. 16..!
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
d'avoir eu en même tems , & affez de fermeté
pour fe maintenir dans la poffeffion
d'un privilege né & établi avec la Monarchie
, & affez de religion pour n'en point
abufer.
Mais , dira t- on , M. Audoul , célébré
Avocat , dans fon traité de la Régale , tire
l'origine de cette noble prérogative , du
canon VII du premier concile d'Orléans
& M. Ifali , autre oracle du barreau ,
dans l'approbation qu'il a donnée à cet
ouvrage , affure que ce fyftême eft prouvé
par des faits fi certains , qu'il n'eft pas
poffible d'y refifter. L'Abbé Velly honore
affurément ces deux grandes lumieres :
mais il les admire encore plus , & confeſſe
ingénument qu'il n'a pas d'affez bons
yeux pour voir ce qu'ils ont vû. Il tient
actuellement en main le Concile d'Or
léans , il lit le feptiéme canon ( b ) , & n'y
apperçoit qu'une défenfe aux Abbés , aux
Prêtres , aux Clercs , & aux Religieux
d'aller en Cour , fans la permiffion & la
recommendation de l'Evêque , pour obrenir
des bénéfices. Abbatibus , Prefbiteris ,
omnique Clero , vel in religionis profeffione
viventibus , fine difcuffione vel commendatione
Epifcoporum , pro pretendis Beneficiis ¿
(h ) Concil. tom. 4. p. 1406,
AVRIL. · 17.55. 125
ad domnos venire non liceat. Quodfi quifquam
prafumpferit , tam diu fui honore &
communione privetur , donec per pænitentiam
plenam ejus fatisfactionem facerdos accipiat.
Il recommence donc une lecture
déja refléchie de tout le Concile , & trouve
enfin dans de cinquième canon ces mots
qu'on prétend facramentaux , quidquid in
fructibus. Voici comme ce decret eft conçu :
( i ) De oblationibus vel agris quos domnus
Rex Ecclefiis fuo munere conferre dignatus
eft , vel adhuc , non habentibus , Deo infpirante
, contulerit , ipforum agrorum vel Ecclefiarum
immunitate conceffa , id effe juftif
fimum definimus , ut in reparationibus Ecclefiarum
alimoniis facerdotum & pauperum
, vel redemptionibus captivorum , quidquid
Deus in fructibus dare dignatusfuerit ,
expendatur , & Clerici in adjutorium Ecclefiaftici
operis conftringantur. Quod fi aliquis
facerdotum ad hanc curam minus follicius
ac devotus extiterit , publicè à comprovincialibus
Epifcopis confundatur. Quod fi nec tali
confufione correxerit , donec emendet errorem,
communione fratrum habeatur indignus . Il
faut avouer que c'eft
peu communes
que avoir des lumieres
de trouver les vrais
principes de la Régale dans ce ftatut plus
( i ) Ibid. Can. V. p. 1405 , 1406.
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
}
religieux qué politique. M. Fleury & tous
les hiftoriens eccléfiaftiques n'y découvrent
qu'une fage attention de l'Eglife à prévemir
fes miniftres , que les biens qu'ils tiennent
de la libéralité de nos Rois ne leur
ont point été donnés pour en faire l'ufage
qu'il leur plairoit ; mais qu'ils doivent employer
tout ce que Dieu leur donne audelà
du néceffaire , à la reparation des
Eglifes , à l'entretien des Prêtres & des
pauvres , ou enfin au rachat des captifs.
L'Abbé Velly pourroit même en tirer une
induction favorable à fon fyftême . Les
conceffions de nos Rois en faveur du Clergé
étoient donc , ou conditionnelles , ou
pures & fimples , c'eft- à - dire , ou affujet
ties à certaines redevances , ou affranchies
de toure fervitude : de là cette diftinction
des Eglifes qui vaquoient ou ne vaquoient
point en Régale.
On répond que les Gens du Roi , M.
Molé & M. Bignon , dans leur avis donné
en 1633 & en 1638 , difent qu'il doit être
tenu pour conftant , que la Régale eft univerfelle
, & a lieu dans toutes les Eglifes
du Royaume , comme étant un droit non
feulement inhérent à la perfonne facrée
de nos Rois , mais auffi uni & incorporé
à la Couronne , né & établi avec elle.
L'Abbé Velly fent toute l'importance de
AVRIL 1755 127
cette objection , & combien il eft délicat
d'avoir à fe défendre contre des autorités
toujours refpectables , & quelquefois terribles.
Auffi n'entreprendra- t- il pas d'y répondre
: c'eft Pafquier ( k ) qui plaidera fa
caufe , & parlera pour lui. Tous les
Archevêchés & Evêchés de France , dit
» ce célébre Jurifconfulte , ne font eftimés
" tomber en Régale , vacation d'iceux avenant
: ores que quelques- uns eftiment le
» contraire, Opinion de prime face plaufible
pour favorifer les droits du Roi ;
mais erronée , bien qu'elle ne foit deſtituée
de bons parrains. Car Maitre Jean
» le Bouteiller en fa fomme rurale , l'efti-
»ma ainfi & de notre tems , M. de Pibrac
, Avocat du Roi au Parlement , la
voulut faire paffer par Edict , mais il en
fur dedict . Il ne faut rien ôter à l'Eglife
pour le donner par une nouveauté à nos
» Rois , ni leur ôter pour le donner à l'Eglife.
Or que toutes les Eglifes Cathédrales
ne tombent en Régale , nous avons
plufieurs Ordonnances qui le nous enfeignent.
Celle de Philippe le Bel , en
" 1302 , porte entr'autres articles ( 4 ).
» Item , quantum ad Regalias quas nos 5
(k ) Recherch. de la France , tom . 1. 1. 3. chap.
37. p. 303 .
(1 ) Apud de Lauriere , tom. 1. Ordinat. p. 359.
Fiv
18 MERCURE DE FRANCE.
» prædeceffores noftri , confuervimus percipere
in aliquibus Ecclefiis Regni noftri ,
quando eas vacare contigit : & Louis XII
dit expreffément dans fon édit de l'an
» 1499 , nous défendons à tous nos Officiers
»qu'ès Archevêchés , Abbayes , & autres bénéfices
de notre Royaume , efquels n'avons
droit de Régale , ils ne fe mettent dedans ni
» ès fortes places , finon ès bénéfices & fortes
» places qui feroient affifes ès pays
limitrophes
de notre Royaume. Bref, qui foutient
le contraire eft plutôt un flateur de Cour ,
qu'un Jurifconfulte François. sy b
+
P
On peut encore confulter les actes du
fecond Concile général de Lyon , qui autorife
la Régale dans les Eglifes où elle
étoit établie par la fondation ou par quelque
coutume ancienne ( m ) , mais qui dé,
fend de l'introduire dans celles où elle n'étoit
pas reçue. Quant aux Eglifes qui vaquoient,
ou ne vaquoient point en Régale ,
on en trouvera la lifte dans le Traité de
l'ufage des fiefs ( n ) , par M. Bruffel. Au
refte , le fentiment de M. le Préfident Hénaut
fur l'univerfalité de cette prérogative
unique de nos Rois , eft appuyée far de
grandes autorités , & pour me fervir des
termes de Pafquier , a de très bons parreins.
( m ) Tom. XI. Concil. Confid. 13. de Elect.
( a ) Tom. I. pag. 292 & 293.·
AVRIL. 1755 129
,
Le celebre auteur du nouvel abrégé chronologique
de notre hiftoire , mérite affurément
une place diftinguée parmi les plus
illuftres , tels que les Pibracs , les Molés :
les Bignons , noms confacrés à l'immortalité.
Voilà , Monfieur , fur quels fondemens
fai bâti mon fyftême de l'origine de la
Régale , & en même tems une partie des
faifons qui peuvent fervir à ma juſtification
. J'ai cru devoir vous les expofer , pour
répondre à la bienveillance dont vous
m'honorez je les foumers à vos lumieres ,
toujours prêt à rendre au plus judicieux &
au plus élégant de nos hiftoriens , l'hom
mage qu'un difciple doit à fon maître. Ik
ne me refte qu'à vous faire d'humbles re
mercimens de m'avoir procuré l'occafion
de faire paroître les fentimens , & c.
*
Medspaſt nad ubqkeretek VELLY.
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Résumé : REPONSE DE M. L'ABBÉ V. A M. LE P. H.
L'abbé V. répond à une lettre de M. le P. H., reconnaissant sa bonté mais affirmant être un novice. Il accepte de discuter du point qui les divise pour chercher la vérité et loue M. le P. H. en le comparant à des historiens célèbres comme Salluste et Velleius Paterculus. L'abbé V. aborde l'origine des fiefs, affirmant qu'ils n'apparaissent pas aux premiers siècles de la monarchie mais sous le règne de Charles le Simple. Charles le Chauve avait préparé leur établissement par un capitulaire permettant l'hérédité des offices. Cependant, il reconnaît l'existence de possessions féodales sous la première race, appelées bénéfices par Pasquier et fiefs par Loiseleur. Les Francs distribuaient les terres à titre de fief à leurs capitaines et soldats, avec la charge de les assister en guerre. Ces fiefs finissaient à la mort du vassal, mais sont devenus héréditaires par pitié pour les enfants des soldats méritants. Les successions collatérales et les filles ont été admises plus tard, mais certaines rigueurs anciennes subsistent, comme le droit du seigneur de récupérer le fief en l'absence d'héritier. L'abbé V. conclut que le fief n'est pas héréditaire par essence mais tenu sous redevance. Il cite des exemples historiques et des textes pour appuyer ses arguments, notamment des poèmes et des formules de serment d'évêques sous les rois francs. Le texte traite également de la coutume de la régale, une pratique ancienne qui ne doit pas être introduite dans les régions où elle n'était pas déjà établie. La liste des églises concernées par cette coutume peut être trouvée dans le traité de l'usage des fiefs par M. Bruffel. Le sentiment du Président Hénaut sur l'universalité de cette prérogative royale est soutenu par de grandes autorités, et les termes de Pasquier confirment cette opinion. En avril 1755, l'auteur rend hommage à un célèbre historien, auteur d'un abrégé chronologique de l'histoire de France, le plaçant parmi les illustres noms comme Pibrac, Molé et Bignon. L'auteur expose les fondements de son système sur l'origine de la régale et les raisons qui peuvent justifier sa position, exprimant sa gratitude pour la bienveillance et les lumières de son interlocuteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 135-143
ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
Début :
Quelque libre que paroisse la composition des édifices, il est, pour ainsi [...]
Mots clefs :
Églises, Extérieurs, Décoration, Portail, Ordres, Architectes
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texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
ARCHITECTURE .
Obfervationsfur la maniere dont font decorés
les extérieurs de nos églifes ; par M. Patte,,
Architecte.
Uelque libre
que paroiffe la compofition
des édifices , il eft , pour ainfi
dire , une forte de coftume de décoration ,
tant intérieure qu'extérieure
, que l'on doit
obferver relativement
à leurs ufages & à
leurs deſtinations
: la décoration qui convient
à une fontaine , ne doit pas convenir
à un retable d'autel , celle d'un Palais à
un Hôpital ; & il ne feroit pas moins ridicule
d'affecter à une maifon ordinaire
la décoration
qui convient
à une égliſe ,
que d'affecter à une égliſe la décoration
d'un bâtiment ordinaire ; cependant il eſt
rare & très- rare qu'un édifice foit compofé
de maniere à annoncer fa deftination
,
de forte qu'on ne puiffe s'y méprendre
.
Cette partie de l'art eft des plus difficiles ,
& il n'appartient qu'aux Architectes du
premier ordre d'y réuffir ..
Nous n'avons point d'édifices publics
où ce défaut foit plus fenfible que dans
l'extérieur de nos églifes ; & il eft étonnant
que nos Architectes françois ayent
136 MERCURE DE FRANCE.
-
été jufqu'ici fi peu attentifs à la convenance
de leurs compofitions. En effet eft il
naturel d'élever , ainfi qu'on le pratique
tous les jours , plufieurs ordres de colonnes
les uns au- deffus des autres pour décorer
leurs portails cette ordonnance ne femble
- t - elle pas donner au dehors de nos
temples l'air d'un édifice fait pour être habité?
car les différens ordres extérieurs ont
toujours coutume d'annoncer les différens
étages de l'intérieur d'un bâtiment , ce
qu'il eft affûrement abfurde de fuppofer
dans une églife .
Pour mieux faire fentir le vice de cette
décoration , oppofons-lui par contraſte la
maniere dont les anciens, nos Maîtres dans
les beaux Arts , décoroient ces fortes d'édifices
; ils penfoient avec raifon devoir
caractériſer les dehors de la demeure de
l'Etre fuprême par un enfemble grand &
majestueux , qui écartât toute idée d'un bâtiment
ordinaire ; ils employoient pourcet
effet un feul ordre coloffal , formant un
periftyle ou porche au pourtour , & cou-.
ronné par un fronton du côté de l'entrée ,
dans le tympan duquel étoit repréſenté
un bas - relief en rapport avec la dédicace
de leurs temples.
C'eft ainfi qu'étoient décorés les plus
beaux temples de la Grece & de l'Italie ,
MA I. 1755. 137
y
dont nous avons , foit des defcriptions ,
foit de précieux reftes, qui font encore aujourd'hui
, jufques dans leurs ruines , l'étonnement
des plus grands Maîtres ; c'eſt
ainfi que Michel Ange & Palladio , les
deux plus habiles Architectes modernes de
l'Italie , ont compofé les différens portails
qu'ils ont fait exécuter à Rome , à Venife
& autres lieux.
Pour quelle raifon les Architectes de
nos jours fe font- ils donc écartés d'une
compofition fi judicieufe aux portails des
églifes de S. Gervais , de la Sorbonne , du
Val-de- Grace , des Invalides , de S. Roch ,
de S. Sulpice , de l'Oratoire , des Petits Pe
de S. Euftache , qu'on conftruit actuellement
, & autres ?On voit par-tout dans
res ,
* Outre le défaut de plufieurs ordres élevés les
uns au - deffus des autres qu'aura ce porrail que
l'on diftribue gravé dans le public , il en aura un
fingulier , & qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas prévú
lors de fa compofition . Au fecond ordre ionique
les deux colonnes du milieu qui font retraite
, afin de laiffer profiler les deux tours , paroîtront
par l'optique , tronquées plufieurs pieds au- deffus
de leurs bafes , à caufe de la grande faillie de
l'entablement dorique , qui aura vis- à-vis de ces
colonnes environ neuf à dix pieds ; ce qui fera
un très- mauvais effet en exécution. On commence
à mettre la main à l'oeuvre , & on réfléchit
enfuite ; ne devroit-ce pas toujours être le con
traire ?
138 MERCURE DE FRANCE.
leurs élévations deux ou trois ordres , furmontés
les uns au- deffus des autres, contre
toute idée de convenance. Entrons un peu
dans l'examen de ce qui a pu donner lieu
à cette forte de décoration .
L'Architecture fortoit à peine de la barbarie
gothique où elle étoit demeurée
plongée depuis tant de fiécles , que l'on
vit élever par De Broffes le portail de l'églife
de S. Gervais ; la réputation que s'acquit
d'abord ce monument par fa nouveauté
& par la beauté de l'exécution de fes
différens ordres , féduifit au point defaire
illufion au vice radical de l'ordonnance
de fa compofition : les éloges que l'on prodigua
à cet édifice firent croire aux Architectes
qui vinrem enfuite , que c'étoit
un modele qu'ils ne pouvoient fe difpenfer
d'imiter en de femblables occafions ;
de la font venus tous ces portails compofés
, pour ainfi dire , fur le même moule
& tous également repréhenfibles , puifqu'ils
s'écartent d'une fage & judicieufe
convenance qui doit être la baſe des arts
& du goût.
On pourra peut - être objecter que la
grande élévation des couvertures de nos
églifes oblige d'élever ainfi plufieurs ordres
pour pouvoir les cacher. A cela il eft
facile de répondre qu'il n'y a qu'à fuppri
MA I. 1755. 139
mer ces énormes toîts de charpente , qui
ne font qu'un ufage abufif fans aucune néceffité
, la voûte plein- ceintre de la nef
d'une égliſe couverte de dalles de pierre à
recouvrement , & jointoyées avec de la limaille
d'acier & de l'urine , eft le feul toît
qui convienne au fanctuaire de la Divinité
on a une expérience reconnue de
cette conftruction , & c'eft ainfi qu'étoient
couverts la plupart des temples des Grecs
& des Romains.
De plus , à l'aide de la maniere de décorer
des anciens , il eſt toujours poffible
d'atteindre à toutes les hauteurs que l'on
peut defirer fans le fecours de plufieurs
ordres , ainfi qu'on pourra le remarquer
dans un projet * que j'ai compofé à ce
deffein pour le grand portail de l'églife
de S. Euftache , en m'affujettiffant à la
hauteur de la nef , qui eft affurement une
des plus élevées de nos Eglifes de Paris.
La vûe de cette eftampe pourra fervir à
convaincre par comparaifon , combien
* Ce projet , auffi -bien que celui qui a été compofé
par Louis le Vau , célebre Architecte , fous
le miniftere de M. de Colbert , & dont on a vu le
modele expofé pendant quelque tems dans l'églife
de S. Euftache , fe vendent à Paris chez l'auteur
rue des Noyers , la fixieme porte cochere à droite:
en entrant par la rue S. Jacques. Prix 1 liv. 4 £.
140 MERCURE DE FRANCE.
cette maniere de traiter ces fortes d'édifices
eft préférable à tous égards à celle
qui a été ufitée jufqu'ici en France.
Un autre avantage qui réfulteroit de
l'emploi d'un ordre coloffal dans nos portails
, eft qu'en le faiſant regner à l'entour
de nos églifes , leur extérieur qui a
coutume d'être fi fort négligé , feroit décoré
naturellement , & cacheroit les arcsboutans
qui font toujours à l'oeil un effer
defagréable ; & quoique par la même raifon
les croifées de la nef ne s'apperçuffent
pas en dehors , l'intérieur de nos églifes
n'en feroit pas moins éclairé , comme on
peut le remarquer dans celle de S. Pierre
de Rome .
Ce défaut de difcernement de nos Architectes
dans la maniere de décorer les
portails , n'eft pas le feul qu'on puiffe leur
reprocher : eft- il décent que la plupart de
nos églifes modernes , ( j'en excepte celle
de S. Sulpice ) ne foient pas toujours précédées
de porches ou veftibules où l'on puiffe
fe préparer au recueillement convenable
avant d'y entrer ? c'eft , ( le dirai - je à notre
honte ) une attention à laquelle les anciens
ne manquoient point ; un réglement
fur la décence de la conftruction de nos
églifes honoreroit affurément la pieté de
nos Magiſtrats.
MA I. 1755. 141
Enfin eft- il convenable de placer les armes
d'un Prince ou d'un homme en place
dans le tympan des frontons de nos portails
, ainfi qu'on le pratique affez fouvent ?
& ne feroit -il pas plus raifonnable de fubftituer
à ces ornemens mondains , & étrangers
à la religion , des bas- reliefs relatifs à
la piété & à la dédicace de nos temples ?
Efperons que le nouveau plan qu'on fe
propofe d'exécuter pour l'églife de fainte
Génevieve nous donnera un modele en
ce genre , & que Paris , l'émule de l'ancienne
Rome , fera décoré d'un temple qui
en fera l'ornement ; l'emplacement
eft des
plus favorables pour exécuter du beau , &
fans doute les voeux du public feront remplis
à cet égard, Dans une grande ville qui
abonde en étrangers & en connoiffeurs
de
toutes les nations , il n'eft rien de plus facile
que d'avoir des confeils éclairés , il
ne faut dans les perfonnes en place que la
bonne volonté de les mettre à profit . Il y
a deux moyens ufités pour réuffir à faire
exécuter du beau en architecture ; l'un de
choifir un Architecte reconnu pour habile ,
l'autre de propofer un concours dont le
public foit juge : le premier n'eft pas toujours
auffi für que le fecond ; on a pour
expérience que les plus habiles gens ne fe
montrent pas toujours tels. Si la réputa142
MERCURE DE FRANCE.
tion eût dû faire préférer un Architecte
pour la conftruction du Louvre , affurément
le Bernin * auroit eu la préférence
fur Perrault ; aucun Artiſte de fon tems ne
jouiffoit d'une réputation auffi brillante
dans l'Europe ; & cependant fi fon projet
qui eft gravé , avoit eu lieu , il ne feroit pas
à la France l'honneur que lui fait celui qui
a été exécuté. On pourroit citer nombre
d'exemples femblables , où de célebres Artiftes
, dans de grandes occafions , fe font
fait voir au -deffous de leur réputation.
Le fecond ( je veux dire un concours ) eft
prefque infaillible ; mais pour qu'il ait fon
efficacité , il faut que l'on foit bien perfuadé
que les perfonnes en place ont une
ferme réfolution de couronner le meilleur
projet par l'exécution ; que les recommendations
& les titres ne feront point admis
en concurrence , c'eſt le moyen d'encourager
le talent ; & plus d'une fois l'on a vû
* Pour attirer le Cavalier Bernin en France
pour la conftruction du Louvre , Louis XIV lui
affûra une penfion de fix mille livres pendant fa
vie , & une gratification de cinquante mille écus ;
il lui envoya en même tems fon portrait orné de
diamans. Outre les frais de fon voyage qui devoient
lui être payés , on lui promit encore cent
livres par jour pendant fon féjour à Paris , tant
étoit grande l'eftime que l'on avoit conçue pour
la haute capacité de cet artiſte.
1
MA I. 1755. 143
en pareil cas l'émulation faire enfanter des
merveilles , qui ne fe feroient jamais produites
fans cette voie. A la fin d'un falon
de MM. les Peintres du Roi , on ſçait , à
n'en pas douter , quels font les meilleurs
tableaux ; on fçauroit pareillement quels
feroient les meilleurs projets. Combien de
monumens embelliroient Paris & nos provinces
, fi l'on s'étoit fouvent fervi de cette
voie ?
Obfervationsfur la maniere dont font decorés
les extérieurs de nos églifes ; par M. Patte,,
Architecte.
Uelque libre
que paroiffe la compofition
des édifices , il eft , pour ainfi
dire , une forte de coftume de décoration ,
tant intérieure qu'extérieure
, que l'on doit
obferver relativement
à leurs ufages & à
leurs deſtinations
: la décoration qui convient
à une fontaine , ne doit pas convenir
à un retable d'autel , celle d'un Palais à
un Hôpital ; & il ne feroit pas moins ridicule
d'affecter à une maifon ordinaire
la décoration
qui convient
à une égliſe ,
que d'affecter à une égliſe la décoration
d'un bâtiment ordinaire ; cependant il eſt
rare & très- rare qu'un édifice foit compofé
de maniere à annoncer fa deftination
,
de forte qu'on ne puiffe s'y méprendre
.
Cette partie de l'art eft des plus difficiles ,
& il n'appartient qu'aux Architectes du
premier ordre d'y réuffir ..
Nous n'avons point d'édifices publics
où ce défaut foit plus fenfible que dans
l'extérieur de nos églifes ; & il eft étonnant
que nos Architectes françois ayent
136 MERCURE DE FRANCE.
-
été jufqu'ici fi peu attentifs à la convenance
de leurs compofitions. En effet eft il
naturel d'élever , ainfi qu'on le pratique
tous les jours , plufieurs ordres de colonnes
les uns au- deffus des autres pour décorer
leurs portails cette ordonnance ne femble
- t - elle pas donner au dehors de nos
temples l'air d'un édifice fait pour être habité?
car les différens ordres extérieurs ont
toujours coutume d'annoncer les différens
étages de l'intérieur d'un bâtiment , ce
qu'il eft affûrement abfurde de fuppofer
dans une églife .
Pour mieux faire fentir le vice de cette
décoration , oppofons-lui par contraſte la
maniere dont les anciens, nos Maîtres dans
les beaux Arts , décoroient ces fortes d'édifices
; ils penfoient avec raifon devoir
caractériſer les dehors de la demeure de
l'Etre fuprême par un enfemble grand &
majestueux , qui écartât toute idée d'un bâtiment
ordinaire ; ils employoient pourcet
effet un feul ordre coloffal , formant un
periftyle ou porche au pourtour , & cou-.
ronné par un fronton du côté de l'entrée ,
dans le tympan duquel étoit repréſenté
un bas - relief en rapport avec la dédicace
de leurs temples.
C'eft ainfi qu'étoient décorés les plus
beaux temples de la Grece & de l'Italie ,
MA I. 1755. 137
y
dont nous avons , foit des defcriptions ,
foit de précieux reftes, qui font encore aujourd'hui
, jufques dans leurs ruines , l'étonnement
des plus grands Maîtres ; c'eſt
ainfi que Michel Ange & Palladio , les
deux plus habiles Architectes modernes de
l'Italie , ont compofé les différens portails
qu'ils ont fait exécuter à Rome , à Venife
& autres lieux.
Pour quelle raifon les Architectes de
nos jours fe font- ils donc écartés d'une
compofition fi judicieufe aux portails des
églifes de S. Gervais , de la Sorbonne , du
Val-de- Grace , des Invalides , de S. Roch ,
de S. Sulpice , de l'Oratoire , des Petits Pe
de S. Euftache , qu'on conftruit actuellement
, & autres ?On voit par-tout dans
res ,
* Outre le défaut de plufieurs ordres élevés les
uns au - deffus des autres qu'aura ce porrail que
l'on diftribue gravé dans le public , il en aura un
fingulier , & qu'il eft étonnant qu'on n'ait pas prévú
lors de fa compofition . Au fecond ordre ionique
les deux colonnes du milieu qui font retraite
, afin de laiffer profiler les deux tours , paroîtront
par l'optique , tronquées plufieurs pieds au- deffus
de leurs bafes , à caufe de la grande faillie de
l'entablement dorique , qui aura vis- à-vis de ces
colonnes environ neuf à dix pieds ; ce qui fera
un très- mauvais effet en exécution. On commence
à mettre la main à l'oeuvre , & on réfléchit
enfuite ; ne devroit-ce pas toujours être le con
traire ?
138 MERCURE DE FRANCE.
leurs élévations deux ou trois ordres , furmontés
les uns au- deffus des autres, contre
toute idée de convenance. Entrons un peu
dans l'examen de ce qui a pu donner lieu
à cette forte de décoration .
L'Architecture fortoit à peine de la barbarie
gothique où elle étoit demeurée
plongée depuis tant de fiécles , que l'on
vit élever par De Broffes le portail de l'églife
de S. Gervais ; la réputation que s'acquit
d'abord ce monument par fa nouveauté
& par la beauté de l'exécution de fes
différens ordres , féduifit au point defaire
illufion au vice radical de l'ordonnance
de fa compofition : les éloges que l'on prodigua
à cet édifice firent croire aux Architectes
qui vinrem enfuite , que c'étoit
un modele qu'ils ne pouvoient fe difpenfer
d'imiter en de femblables occafions ;
de la font venus tous ces portails compofés
, pour ainfi dire , fur le même moule
& tous également repréhenfibles , puifqu'ils
s'écartent d'une fage & judicieufe
convenance qui doit être la baſe des arts
& du goût.
On pourra peut - être objecter que la
grande élévation des couvertures de nos
églifes oblige d'élever ainfi plufieurs ordres
pour pouvoir les cacher. A cela il eft
facile de répondre qu'il n'y a qu'à fuppri
MA I. 1755. 139
mer ces énormes toîts de charpente , qui
ne font qu'un ufage abufif fans aucune néceffité
, la voûte plein- ceintre de la nef
d'une égliſe couverte de dalles de pierre à
recouvrement , & jointoyées avec de la limaille
d'acier & de l'urine , eft le feul toît
qui convienne au fanctuaire de la Divinité
on a une expérience reconnue de
cette conftruction , & c'eft ainfi qu'étoient
couverts la plupart des temples des Grecs
& des Romains.
De plus , à l'aide de la maniere de décorer
des anciens , il eſt toujours poffible
d'atteindre à toutes les hauteurs que l'on
peut defirer fans le fecours de plufieurs
ordres , ainfi qu'on pourra le remarquer
dans un projet * que j'ai compofé à ce
deffein pour le grand portail de l'églife
de S. Euftache , en m'affujettiffant à la
hauteur de la nef , qui eft affurement une
des plus élevées de nos Eglifes de Paris.
La vûe de cette eftampe pourra fervir à
convaincre par comparaifon , combien
* Ce projet , auffi -bien que celui qui a été compofé
par Louis le Vau , célebre Architecte , fous
le miniftere de M. de Colbert , & dont on a vu le
modele expofé pendant quelque tems dans l'églife
de S. Euftache , fe vendent à Paris chez l'auteur
rue des Noyers , la fixieme porte cochere à droite:
en entrant par la rue S. Jacques. Prix 1 liv. 4 £.
140 MERCURE DE FRANCE.
cette maniere de traiter ces fortes d'édifices
eft préférable à tous égards à celle
qui a été ufitée jufqu'ici en France.
Un autre avantage qui réfulteroit de
l'emploi d'un ordre coloffal dans nos portails
, eft qu'en le faiſant regner à l'entour
de nos églifes , leur extérieur qui a
coutume d'être fi fort négligé , feroit décoré
naturellement , & cacheroit les arcsboutans
qui font toujours à l'oeil un effer
defagréable ; & quoique par la même raifon
les croifées de la nef ne s'apperçuffent
pas en dehors , l'intérieur de nos églifes
n'en feroit pas moins éclairé , comme on
peut le remarquer dans celle de S. Pierre
de Rome .
Ce défaut de difcernement de nos Architectes
dans la maniere de décorer les
portails , n'eft pas le feul qu'on puiffe leur
reprocher : eft- il décent que la plupart de
nos églifes modernes , ( j'en excepte celle
de S. Sulpice ) ne foient pas toujours précédées
de porches ou veftibules où l'on puiffe
fe préparer au recueillement convenable
avant d'y entrer ? c'eft , ( le dirai - je à notre
honte ) une attention à laquelle les anciens
ne manquoient point ; un réglement
fur la décence de la conftruction de nos
églifes honoreroit affurément la pieté de
nos Magiſtrats.
MA I. 1755. 141
Enfin eft- il convenable de placer les armes
d'un Prince ou d'un homme en place
dans le tympan des frontons de nos portails
, ainfi qu'on le pratique affez fouvent ?
& ne feroit -il pas plus raifonnable de fubftituer
à ces ornemens mondains , & étrangers
à la religion , des bas- reliefs relatifs à
la piété & à la dédicace de nos temples ?
Efperons que le nouveau plan qu'on fe
propofe d'exécuter pour l'églife de fainte
Génevieve nous donnera un modele en
ce genre , & que Paris , l'émule de l'ancienne
Rome , fera décoré d'un temple qui
en fera l'ornement ; l'emplacement
eft des
plus favorables pour exécuter du beau , &
fans doute les voeux du public feront remplis
à cet égard, Dans une grande ville qui
abonde en étrangers & en connoiffeurs
de
toutes les nations , il n'eft rien de plus facile
que d'avoir des confeils éclairés , il
ne faut dans les perfonnes en place que la
bonne volonté de les mettre à profit . Il y
a deux moyens ufités pour réuffir à faire
exécuter du beau en architecture ; l'un de
choifir un Architecte reconnu pour habile ,
l'autre de propofer un concours dont le
public foit juge : le premier n'eft pas toujours
auffi für que le fecond ; on a pour
expérience que les plus habiles gens ne fe
montrent pas toujours tels. Si la réputa142
MERCURE DE FRANCE.
tion eût dû faire préférer un Architecte
pour la conftruction du Louvre , affurément
le Bernin * auroit eu la préférence
fur Perrault ; aucun Artiſte de fon tems ne
jouiffoit d'une réputation auffi brillante
dans l'Europe ; & cependant fi fon projet
qui eft gravé , avoit eu lieu , il ne feroit pas
à la France l'honneur que lui fait celui qui
a été exécuté. On pourroit citer nombre
d'exemples femblables , où de célebres Artiftes
, dans de grandes occafions , fe font
fait voir au -deffous de leur réputation.
Le fecond ( je veux dire un concours ) eft
prefque infaillible ; mais pour qu'il ait fon
efficacité , il faut que l'on foit bien perfuadé
que les perfonnes en place ont une
ferme réfolution de couronner le meilleur
projet par l'exécution ; que les recommendations
& les titres ne feront point admis
en concurrence , c'eſt le moyen d'encourager
le talent ; & plus d'une fois l'on a vû
* Pour attirer le Cavalier Bernin en France
pour la conftruction du Louvre , Louis XIV lui
affûra une penfion de fix mille livres pendant fa
vie , & une gratification de cinquante mille écus ;
il lui envoya en même tems fon portrait orné de
diamans. Outre les frais de fon voyage qui devoient
lui être payés , on lui promit encore cent
livres par jour pendant fon féjour à Paris , tant
étoit grande l'eftime que l'on avoit conçue pour
la haute capacité de cet artiſte.
1
MA I. 1755. 143
en pareil cas l'émulation faire enfanter des
merveilles , qui ne fe feroient jamais produites
fans cette voie. A la fin d'un falon
de MM. les Peintres du Roi , on ſçait , à
n'en pas douter , quels font les meilleurs
tableaux ; on fçauroit pareillement quels
feroient les meilleurs projets. Combien de
monumens embelliroient Paris & nos provinces
, fi l'on s'étoit fouvent fervi de cette
voie ?
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Résumé : ARCHITECTURE. Observations sur la maniere dont sont decorés les extéieurs de nos églises ; par M. Patte, Architecte.
Dans son texte 'Observations sur la manière dont font décorés les extérieurs de nos églises', l'architecte M. Patte critique les erreurs courantes dans la décoration des églises françaises. Il insiste sur l'importance de choisir une décoration adaptée à la fonction de chaque type de bâtiment. Patte reproche l'utilisation de plusieurs ordres de colonnes superposés sur les portails des églises, une pratique qui, selon lui, donne l'impression que les églises sont des bâtiments habités. Il compare cette approche à la manière dont les anciens décoraient leurs temples, en utilisant un seul ordre colossal pour créer une apparence majestueuse et grandiose. Patte mentionne que les architectes français ont souvent imité le portail de l'église Saint-Gervais, conçu par De Broffes, malgré ses défauts. Il propose de supprimer les toits de charpente et d'utiliser des voûtes en plein cintre pour les églises, comme le faisaient les Grecs et les Romains. Il suggère également d'utiliser des ordres colossaux pour décorer les extérieurs des églises, ce qui cacherait les arcs-boutants et améliorerait l'esthétique. Le texte critique également l'absence de porches ou de vestibules dans les églises modernes, ainsi que la présence d'armes profanes dans les tympans des frontons. Patte espère que le nouveau plan pour l'église Sainte-Geneviève servira de modèle. Il recommande de choisir des architectes compétents ou d'organiser des concours pour garantir la qualité des projets architecturaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 187-189
ITALIE.
Début :
Aussi-tôt que le Pape fut mort, le Cardinal Colonne, Camerlingue de [...]
Mots clefs :
Rome, Mort du Pape, Benoit XIV, Églises, Vatican, Cortège, Chapelle, Médailles, Inscription, Bulle pontificale, Élection pontificale, Cardinaux
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texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALI E.
DE ROME ,
Auffi-tôt
le 13 Mai.
que le Pape fut mort , le Cardinal Coi
lonne , Camerlingue de l'Eglife & Majordôme du
188 MERCURE DE FRANCE:
palais Apoftolique , fe tranſporta dans le palais
Quirinal à l'appartement du Saint Pere , pour faire
la reconnoiffance du corps , & on lui remit l'Anneau
du Pécheur. Peu de temps après , la groffe
cloche du Capitole annonça la mort du Pontife ,
& enfuite toutes les cloches des Eglifes fonnerent.
Le lendemain 6 Mai , le corps du Saint Pere fut
ouvert , embaumé , & expofè fur un lit de parade
en habits pontificaux. Le foir à dix heures , on le
transféra du Quirinal au Vatican , & la marche fe
fit dans cet ordre : une compagnie de Chevaux-
Légers ; les trompettes fonnant en fourdine ; quarante
Eftafiers , & Valets d'écurie tenant des flam
beaux ; le Capitaine des Gardes Suiffes , & le Maître
des Cérémonies à cheval ; le corps du Pape
dans une fuperbe litiere découverte , les Gardes
Suiffes aux deux côtés , & les Pénitenciers de Saint
Pierre portant chacun un flambeau ; fept pieces
de canon ; une autre compagnie de Chevaux-
Légers & les Cuiraffiers , ayant leurs trompettes
& timbales drapées. Quand le convoi fut arrivé ,
le corps fut levé de la litiere & porté dans la Chapelle
Sixtine. Là , le Majordôme lui ôta le chapeau
Papal , & y fubftitua la thiarre . Le 7 ,
corps fut tranfporté à Saint Pierre dans la Chapelle
du Saint- Sacrement , & le peuple fut admis à
lui baifer les pieds. Le y au foir , le corps du Pape
fut mis dans un cercueil de bois de cedre , avec
une bourfe de velours cramoifi , où il y avoit 17
médailles d'or , 17 d'argent , & 17 de bronze. Ces
médailles , dont le nombre répond à celui des années
du Pontificat de Benoît XIV , repréfentent
d'un côté fon portrait & de Pautre les principales
actions de fon regne . Le cercueil de cedre fut embotté
dans une autre caifle de bois , & celle ci
dans un coffre de plomb avec cette infeription
le
JUILLET. 1758.
189
fimple : D. O. M. Benedictus XIV. Pont. Max,
Lambertinus Bononienfis. Vixit Annos LXXXIII.
Menfem I. Dies III. In fummo Pontificatu Ann,
XVII. Menf. VIII. Dies XVII. Obiit V Nonas
Maii. Anno M. DCC. LVIII. Des dix Congréga
tions qui doivent précéder l'entrée des Cardinaux
au Conclave , il s'en eft tenu jufqu'à préfent qua
tre. Dans la premiere qui fe tint le jour du décès
du Pontife , on lut la Bulle concernant l'élection
des Papes ; le Dataire & le Secretaire des Brefs
remirent au Saré College la caffette des Brefs
fignés & non expédiés ; le ſceau des Bulles & l'Anneau
du Pécheur furent rompus. Dans une autre
Congrégation , le Gouverneur de cette Ville fut
confirmé dans fa charge , & deux Orateurs furent
nommés , l'un pour faire l'Oraiſon funebre du
défunt Pontife , l'autre pour prononcer le Dif
cours touchant l'élection d'un Pape. Le Cardinal
d'Argenvilliers a obtenu la permiffion de refter
20 jours dans fon appartement au Quirinal , pour
rétablir fa fanté. Quoique pendant la vacance du
Saint Siege , les foldats du Capitole ayent feuls le
droit de garder les portes de la Ville , on a par
tagé cette fonction entr'eux & les foldats Corfes,
fans avoir égard aux proteftations des premiers,
Les prifonniers élargis à l'occafion de la mort du
Pape , commencent commettre du défordre ;
c'eſt pourquoi le Gouverneur a ordonné aux habi,
tans d'avoir toutes les nuits de la lumiere aux fenêtres
de leurs maiſons.
Des cinquante- cinq Cardinaux qui compoſent
aujourd'hui le Sacré College , il n'y a plus qu'une
feule créature du Pape Clément XI , une feule d'Innocent
XIII , une feule de Benoît XIII , & neuf de
Clément XII. Tous les autres ont été créés par
Benoît XIV , & il a laiffé quinze chapeaux vacaps .
DE ROME ,
Auffi-tôt
le 13 Mai.
que le Pape fut mort , le Cardinal Coi
lonne , Camerlingue de l'Eglife & Majordôme du
188 MERCURE DE FRANCE:
palais Apoftolique , fe tranſporta dans le palais
Quirinal à l'appartement du Saint Pere , pour faire
la reconnoiffance du corps , & on lui remit l'Anneau
du Pécheur. Peu de temps après , la groffe
cloche du Capitole annonça la mort du Pontife ,
& enfuite toutes les cloches des Eglifes fonnerent.
Le lendemain 6 Mai , le corps du Saint Pere fut
ouvert , embaumé , & expofè fur un lit de parade
en habits pontificaux. Le foir à dix heures , on le
transféra du Quirinal au Vatican , & la marche fe
fit dans cet ordre : une compagnie de Chevaux-
Légers ; les trompettes fonnant en fourdine ; quarante
Eftafiers , & Valets d'écurie tenant des flam
beaux ; le Capitaine des Gardes Suiffes , & le Maître
des Cérémonies à cheval ; le corps du Pape
dans une fuperbe litiere découverte , les Gardes
Suiffes aux deux côtés , & les Pénitenciers de Saint
Pierre portant chacun un flambeau ; fept pieces
de canon ; une autre compagnie de Chevaux-
Légers & les Cuiraffiers , ayant leurs trompettes
& timbales drapées. Quand le convoi fut arrivé ,
le corps fut levé de la litiere & porté dans la Chapelle
Sixtine. Là , le Majordôme lui ôta le chapeau
Papal , & y fubftitua la thiarre . Le 7 ,
corps fut tranfporté à Saint Pierre dans la Chapelle
du Saint- Sacrement , & le peuple fut admis à
lui baifer les pieds. Le y au foir , le corps du Pape
fut mis dans un cercueil de bois de cedre , avec
une bourfe de velours cramoifi , où il y avoit 17
médailles d'or , 17 d'argent , & 17 de bronze. Ces
médailles , dont le nombre répond à celui des années
du Pontificat de Benoît XIV , repréfentent
d'un côté fon portrait & de Pautre les principales
actions de fon regne . Le cercueil de cedre fut embotté
dans une autre caifle de bois , & celle ci
dans un coffre de plomb avec cette infeription
le
JUILLET. 1758.
189
fimple : D. O. M. Benedictus XIV. Pont. Max,
Lambertinus Bononienfis. Vixit Annos LXXXIII.
Menfem I. Dies III. In fummo Pontificatu Ann,
XVII. Menf. VIII. Dies XVII. Obiit V Nonas
Maii. Anno M. DCC. LVIII. Des dix Congréga
tions qui doivent précéder l'entrée des Cardinaux
au Conclave , il s'en eft tenu jufqu'à préfent qua
tre. Dans la premiere qui fe tint le jour du décès
du Pontife , on lut la Bulle concernant l'élection
des Papes ; le Dataire & le Secretaire des Brefs
remirent au Saré College la caffette des Brefs
fignés & non expédiés ; le ſceau des Bulles & l'Anneau
du Pécheur furent rompus. Dans une autre
Congrégation , le Gouverneur de cette Ville fut
confirmé dans fa charge , & deux Orateurs furent
nommés , l'un pour faire l'Oraiſon funebre du
défunt Pontife , l'autre pour prononcer le Dif
cours touchant l'élection d'un Pape. Le Cardinal
d'Argenvilliers a obtenu la permiffion de refter
20 jours dans fon appartement au Quirinal , pour
rétablir fa fanté. Quoique pendant la vacance du
Saint Siege , les foldats du Capitole ayent feuls le
droit de garder les portes de la Ville , on a par
tagé cette fonction entr'eux & les foldats Corfes,
fans avoir égard aux proteftations des premiers,
Les prifonniers élargis à l'occafion de la mort du
Pape , commencent commettre du défordre ;
c'eſt pourquoi le Gouverneur a ordonné aux habi,
tans d'avoir toutes les nuits de la lumiere aux fenêtres
de leurs maiſons.
Des cinquante- cinq Cardinaux qui compoſent
aujourd'hui le Sacré College , il n'y a plus qu'une
feule créature du Pape Clément XI , une feule d'Innocent
XIII , une feule de Benoît XIII , & neuf de
Clément XII. Tous les autres ont été créés par
Benoît XIV , & il a laiffé quinze chapeaux vacaps .
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Résumé : ITALIE.
Le 13 mai, après la mort du pape, le cardinal Colonna, en tant que Camerlingue, se rendit au palais Quirinal pour reconnaître le corps et reçut l'Anneau du Pécheur. La mort du pontife fut annoncée par les cloches des églises. Le 14 mai, le corps du pape fut embaumé et exposé en habits pontificaux. Le 15 mai, il fut transféré au Vatican, escorté par divers gardes et pénitenciers, puis placé dans la Chapelle Sixtine. Le 16 mai, le corps fut exposé à la Chapelle du Saint-Sacrement à Saint-Pierre, où le peuple put baiser ses pieds. Le 17 mai, le corps fut placé dans un cercueil de cèdre contenant des médailles représentant les actions du règne de Benoît XIV, puis dans une caisse de bois et un coffre de plomb avec une inscription. Quatre congrégations se tinrent avant le conclave, durant lesquelles l'Anneau du Pécheur et le sceau des bulles furent détruits, et des nominations furent faites. Pendant la vacance du Saint-Siège, des désordres furent commis par des prisonniers libérés, nécessitant des mesures de sécurité. Le Sacré Collège comptait 55 cardinaux, avec 15 chapeaux vacants.
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