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1
p. 364-365
ENIGME.
Début :
J'ay reçeu en mesme temps deux Enigmes, l'une du Berger / J'enchante si bien par mes charmes [...]
Mots clefs :
Beauté
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
J'ay reçeu en mefme temps
deux Enigmes , l'une du Berger
Fleurifte , & l'autre de la Bergere
Califte.
ENIGME.
' Enchante fi bien par mes charmes
Ceux qui m'adreßet leurs regards,
Que je leurfais rendre les armes,
Fuffent-ils plus braves que Mars.
Se
Lors qu'ils font defarmez , je les
charge de chaînes,
GALANT. 365
Etje les brûle àpetit feu;
Souvent j'aypitié de leurs peines,
Et fouventje les tourne enjeu.
deux Enigmes , l'une du Berger
Fleurifte , & l'autre de la Bergere
Califte.
ENIGME.
' Enchante fi bien par mes charmes
Ceux qui m'adreßet leurs regards,
Que je leurfais rendre les armes,
Fuffent-ils plus braves que Mars.
Se
Lors qu'ils font defarmez , je les
charge de chaînes,
GALANT. 365
Etje les brûle àpetit feu;
Souvent j'aypitié de leurs peines,
Et fouventje les tourne enjeu.
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2
p. 358-361
ENIGME EN PROSE du Berger Fleuriste.
Début :
Dans les premiers temps, je n'estois apparemment employée qu'à [...]
Mots clefs :
Si
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME EN PROSE du Berger Fleuriste.
ENIGME EN PROSE
du Berger Fleuriste.
D
Ans les premiers temps, je
n'eſtois apparemment em.
ployée qu'à un ſeul ufage ; mais
depuis le partage des Nations,
chacun s'eſt ſervy de moy comme
il a plû à Dieu . Il faudroit
eſtre plus éclairé que je ne fuis
duMercure Galant.
359
pour vous en inftruire. Ce n'eſt
pas que depuis quelques années
on m'a jointe à d'autres de mes
Soeurs , pour enfeigner , & pour
abréger une certaine Science
agreable , mais penible , dont le
cours peut s'étendre par toute la
Terre; & fi cela eſtoit arrivé,
j'aurois alors un employ general
comme auparavant , outre mes
emplois particuliers.
J'ay l'honneur d'eftre à toutes
les Harangues qu'on fait au Roy,
aufli fuis-je Amie de la Verité,
j'empeſche qu'on ne mente.
Neantmoins je ſuppoſe ſouvent
les chofes les plus éloignées ,
quelquesfois meſme les impoffi
bles , mais ce que j'en fais ce
n'eſt pas par malice. Bien que
j'aye le corps tortu , j'ay l'ame
droite.
360 Extraordinaire
4
Je préſiderots aux Sciences, ſans
un petit embarras que je laiſſe à
deviner. Quelques Ignorans
me mettent en réputation , &
m'elevent juſqu'au Ciel , il ne
faut pas les imiter. D'autres s'i.
maginent , d'abord qu'on lit un
cygift , qu'ils ont trouvé monEpi
taphe , autre beveuë. On me
voit où il y a du plaifir , quoy
qu'ils ne le penſent pas; & il ne
ſe fait point meſmes de gageûres
que jen'en fois.
J'ay commerce dans les Païs
Etrangers, auffi -bien qu'en France;&
j'affiſte ſans manquer à tous
les Mariages qu'on celébre en Ef.
pagne , & en Italie. Il est vray
que les Eſpagnols me traittent
plus honneſtement que les Ita.
liens ; ceux. là me font toujours
préceder
du Mercure Galant. 361
préceder leurs Seigneurs, & leurs
Dames; & ceux- cy ne me ran .
gent jamais qu'à leur fuite.
,
&
Enfin pour achever de vous
éclaircir , ſçachez que dans la
deftruction de mon eſtre , mon
corps entre au Serilohre
mon ame en Purgatoire; & que
moname devançant mon corps,
nous nous trouvons à la fin unis
enParadis.
du Berger Fleuriste.
D
Ans les premiers temps, je
n'eſtois apparemment em.
ployée qu'à un ſeul ufage ; mais
depuis le partage des Nations,
chacun s'eſt ſervy de moy comme
il a plû à Dieu . Il faudroit
eſtre plus éclairé que je ne fuis
duMercure Galant.
359
pour vous en inftruire. Ce n'eſt
pas que depuis quelques années
on m'a jointe à d'autres de mes
Soeurs , pour enfeigner , & pour
abréger une certaine Science
agreable , mais penible , dont le
cours peut s'étendre par toute la
Terre; & fi cela eſtoit arrivé,
j'aurois alors un employ general
comme auparavant , outre mes
emplois particuliers.
J'ay l'honneur d'eftre à toutes
les Harangues qu'on fait au Roy,
aufli fuis-je Amie de la Verité,
j'empeſche qu'on ne mente.
Neantmoins je ſuppoſe ſouvent
les chofes les plus éloignées ,
quelquesfois meſme les impoffi
bles , mais ce que j'en fais ce
n'eſt pas par malice. Bien que
j'aye le corps tortu , j'ay l'ame
droite.
360 Extraordinaire
4
Je préſiderots aux Sciences, ſans
un petit embarras que je laiſſe à
deviner. Quelques Ignorans
me mettent en réputation , &
m'elevent juſqu'au Ciel , il ne
faut pas les imiter. D'autres s'i.
maginent , d'abord qu'on lit un
cygift , qu'ils ont trouvé monEpi
taphe , autre beveuë. On me
voit où il y a du plaifir , quoy
qu'ils ne le penſent pas; & il ne
ſe fait point meſmes de gageûres
que jen'en fois.
J'ay commerce dans les Païs
Etrangers, auffi -bien qu'en France;&
j'affiſte ſans manquer à tous
les Mariages qu'on celébre en Ef.
pagne , & en Italie. Il est vray
que les Eſpagnols me traittent
plus honneſtement que les Ita.
liens ; ceux. là me font toujours
préceder
du Mercure Galant. 361
préceder leurs Seigneurs, & leurs
Dames; & ceux- cy ne me ran .
gent jamais qu'à leur fuite.
,
&
Enfin pour achever de vous
éclaircir , ſçachez que dans la
deftruction de mon eſtre , mon
corps entre au Serilohre
mon ame en Purgatoire; & que
moname devançant mon corps,
nous nous trouvons à la fin unis
enParadis.
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4
p. 278-302
LETTRE DU BERGER FLEURISTE A LA BELLE CURIEUSE DES AMBARS, Sur la Pierre Philosophale.
Début :
Quoyque je vous aye déja envoyé quelques Traitez sur la Pierre / Quoy, Madame, vous m'ordonnez de vous apprendre ce que je pense de la Pierre [...]
Mots clefs :
Secret, Pierre philosophale, Végétaux, Émeraude, Mystères, Nature, Philosophe, Curiosité, Paroles, Philosophes hermétiques
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE DU BERGER FLEURISTE A LA BELLE CURIEUSE DES AMBARS, Sur la Pierre Philosophale.
Quoy queje vous aye déja envoyé
quelques Traitez fur la Pierre Philofophale
, la Lettre qui fuit est pleine
de Remarques fi particulieres , queje
fuis perfuadé que vous la lirez avec
beaucoup de plaifir.
du Mercure Galant. 279
5555 5552 $ 5255 522
LETTRE
DU BERGER FLEURISTE
A LA BELLE CURIEUSE
DES AMBARS,
Sur la Pierre Philofophale.
Q
Uoy , Madame , vous m'or
donnez de vous apprendre
ce que je penfe de la Pierre Philofophale
, & c'eft fans raillerie
que vous vous adreſſez à moy
fur un fujet de cette nature ? En
verité je vous trouve admirable
de toutes manieres. S'il s'agiffoit
de vous entretenir de fleurs , oụ
280 Extraordinaire
de vous conter fleurettes , peut.
eftre m'en acquitterois.je aflez
bien , mais comment ferois - je
pour vous parler de la multiplition
des grains d'Or ou d'Argent
, moy qui n'ay jamais vê
arriver que de la diminution au
bien que mes Parens m'avoient
laiffé , & quel commerce peut
avoir la ſcience des Parterres &
des Galanteries , avec celle des
Mines & des Métaux ? Est- ce à
cauſe que l'Or eft le Fils du Soleil
, comme les Fleurs en font
les Filles , ou que vous croyez
qu'un Galant eft obligé d'eftre
univerfel , & doit difcourir de
toutes chofes ? Il y a trop loin
de la ſurface au fonds , & de la
Bagatelle au Secret le plus important
du monde . Néanmoins
du Mercure Galant. 281
Vous commandez , & il eft de
mon devoir d'obeïr. Je vais donc
fatisfaire à vos ordres ; mais je he
réponds pas que ces grands Prometteurs
de Monts d'Or , qui ne
donnent que de la fumée , loient
d'humeur à avouer les veritez .
que vous allez lire.
Il y eut anciennement en Egypte
un fameux Monarque appel.
lé Hermes , ou Mercure , & furnommé
Trismegifte , ou trois fois
Grand , à caufe qu'il eftoit grand
Philofophe , grand Pontife , &
grand Roy. Les Chercheurs de
Pierre Philofophale fe font avifez
de publier que c'est le pre
mier Autheur de leur Art ; &
pour ne pas laiffer cette allegation
fans preuve, ils content qu'ili
eut fin d'en faire graver le Se-
2. deJanvier 1685. Aa
282 Extraordinaire
A
cret fur une Emeraude , qu'on
trouva plufieurs fiecles aprés fa
mort , dans une foffe obfcure où
il eftoit inhumé , à la maniere
de fon Païs , que c'eft de cette
Emeraude qu'ils ont tiré la copie
de cet important Secret qu'an
voit dans leurs Livres , & que·
de ce grand Homme leur eſt:
venu le nom qu'ils ont pris de
Philofophes Hermetiques..
J'ay lû ce Secret dans l'Hortulain
, ou le Jardinier , l'un de
ces Philofophes , & il eft en
beaucoup d'autres ; mais on a
beau le lire, on n'en devient pas
plus fçavant . Il n'y a que les circonftances
d'un fait qui foient
apibles de nous en inftruire , &
n n'en voit là au cune. Ce ne
ont que des termes genéraux ,
du Mercure Galant. 283
aufquels on peut donner cent fortes
d'explications . Jamais Oracle
ne fut fi ambigu. Iln'eft donc pas
à préfumer qu'on ait jamais pris
la peine de graver ſur une Pierre
préticufe , des paroles fi vaines,
& fi inutiles à l'inftruction des
Hommes ; ny qu'elles foient ja,
mais forties de la bouche d'un
auffi grand Genie que Trifmegifte.
Elles font de l'invention de
quelque Refveur oifif, pour en
amufer d'autres , & pour leur
faire perdre encore plus de temps
qu'à luy . Ce qui eft en bas , eft com.
me ce qui eft en haut , dit- il , &
ce qui est en baut comme ce qui eft en
bas. Comme toutes chofes font venues
d'un par l'entremise d'un ; ainfi tou .
tes chofes font nées de cette feule cho
fe . Le Soleil en eft le pere ; la Lune 2
Aa ij
284
Extraordinaire
la mere ; la Terre , la nourrice ; & le
vent l'a porté dans fon ventre. Le
refte eft du mefme ftile...!!
Jugez , Madame , du profit
qu'on peut tirer de cette lecture ;
& comment on pourroit faire
pour changer la deffus les moin
dres Métaux en Or ou en Ar.
gent , fuivant l'inſtruction de ces
Philofophes.
L'Ecriture de l'Emeraude eft
donc un Conte pareil à celuy
qu'ils font de la Toilon d'Or ,
qu'ils foûtiennent n'avoir eké
autre chofe que le meſme Secret
écrit fur une peau de Mouton.
Quant au nom d'Hermetiques
qu'ils prennent, & qu'ils donnent
à leur Philofophie , il ne vient
non plus de Trifmegifte que de
Pharaon. Il leur a efté imposé à
du Mercure Galant.
285
caufe que la plufpart d'eux tra
vaillent fur le Mercure ; qu'ils
difent que les Sages trouvent dans
le Mercure tout ce qu'ils cherchent;
& qu'ils ne prefchent autre chofe
que leur Eau féche qui ne mouil
le point les mains , c'eft à dire,
leur Eau Mercurielle , Mercure
en Latin eftant la mefme chofe
qu'Hermes en Grec ou en Egyptien
, & que Vif. Argent en
François.
-
C
Laiffant donc à part ces chimeres
fondamentales des Hermetiques
, je vais vous expliquer
fincerement ce que je juge de
leur vifion fateufe de fon ori
;
gine , & de la manière dont ils
en ont écrit .
H eft naturel de croire avec
facilité les chofes qu'on defire
286 Extraordinaire
avec ardeur. Quelques Curieux
fe mirent autrefois dans l'efprit,
que la vertu de fè multiplier
eftoit une vertu commune aux
trois Regnes de la Nature ; &
qu'elle appartenoit auffi bien
aux Mineraux , qu'aux Animaux
& qu'aux. Vegetaux ; & mefme
que comme elle eftoit plus
grande dans ces derniers que
dans les Animaux ,, les Poiffons
peut eftre exceptez , elle
l'eftoit auffi davantage dans les
Mineraux que dans les Vegetaux .
Ils obfervoient enfuite que la
multiplication des Vegetaux fe
faifoit de cette maniere ; qu'un
grain de Froment , par exemple,
eftant femé dans une terre feconde
, changeoit une partie de
Gette terre en fa propre fubftandu
Mercure Galant. 287
ee , je veux dire , en d'autres
grains de froment, en forte qu'un
feul grain produifoit quelquefois
jufqu'à vingt Epis , qui portoient
chacun foixante grains , ce qui
en faifoit douze cens. Puis ils
penferent qu'un grain d'Or étant
mis dans une matiere métallique,
comme dans du Vif- Argent ,
dans du Plomb , ou dans quelque
autre Métal , il pourroit auffi
changer une partie de cette matiere
enfa propre ſubſtance , c'eft.
à dire , en d'autres grains d'Or,
avec une multiplication . encore
plus grande , que celle du grain
de Froment. Sur cette imagination
ils chercherent.dans les Mines
& dans les Torrens , de petits
morceaux d'Or pur , comme les
plus propres à leur deffein , & les.
288 Extraordinaire
ayant fait fondre , ils les jetterent
dans du Vif- Argent échauffé ,
ou dans du plomb fondu , fe
perfuadant que la grande chaleur
dont l'un & l'autre Métal
eſtoient animez , produiroit en
peu de momens , ce qui n'arrive
qu'en beaucoup de mois dans les
Vegetaux , mais ayant reconnu
que quelque efpace de temps.
qu'ils laiffaffent en fufion le grain
d'Or dans la matiere métallique,
il ne faifoit pas plus d'impreffion
fur elle , qu'une goutte de vin ,
ou plûroft, qu'une goutte d'huile
en fait fur l'eau où elle eft mife,
ils jugerent alors que la vertu
multiplicative des Méraux eftoit
captive ou endormie dans la dureté
de leurs corps , & qu'il falloit
trouver un moyen de les
ouvrir
du Mercure Galant. 289
ouvrir à fonds pour l'éveiller &
pour la faire agir , & là - deffus ils
eurent recours à tout ce qu'ils
s'imaginerent de plus propre
pour produire cet effet fur l'Or
& fur l'Argent , qu'ils appellent
Métaux parfaits , afin de les multiplier
enfuite dans les autres ,
qu'ils nomment Imparfaits.
:
Si quelqu'un d'eux réüffit dans
la recherche de ce moyen , c'eft
une queſtion bien douteuſe . Quoy
qu'il en foit , chacun s'eft vanté
de l'avoir trouvé , & en a écrit
comme d'une chofe feure ; &
ces moyens que chacun a inventez
felon l'inſpiration de fa
raifon , font la fource & le fujet
de tous les Livres des Hermetiques.
Mais comme tous ces Philo .
Q. de Janvier 1685. Bb
1290 1 * Extraordinäireh
&
Hophes , depuis de premier julqu'au
dernier craignirent que
sils expliquoient trop clairement
ces Moyens our Methodes , ils
nec fuffent reconnus pour des
Fanfarons & pour des Impofteurs
, par ceux qui les mertroient
en pratique ,pils lescont
debitez de trois manieres également
differentes. L'une , c'eft de
les avoir rapportez fans circonſtances
, & en des termes fingeneraux,
qu'on n'en peur recevoir
aucune inftruction uainfunqu'a
fait leur faux Trismegifte . L'autre
, c'eſt de les avoir expliquez
avec des paroles : fi obfcures & fi
équivoques , qu'on n'eft jamais
-affuré d'avoir penetré leur pen-
-fee ; ainfi qu'a fait la Tourbe des
Philofophes , & le dernier , c'eſt
du Mercure Galant. © 291
C
-de les avoir accompagnez de
stant de repetitions & de tant de
s particularitez qu'il eſt impoſliable
de ne pas manquer à quel
a qu'une dans l'execution , ainſi
qu'a fait Remond- Lulle.
0
3
C'eft neanmoins par ces trois
Sartifices que leur réputation ſe
fe
-maintient. Ils l'acquierent par
quelques trompeufes apparences,
par quelques tours de main & de
foupleffe , ou par quelques faux
témoignages de gens apoftez ,
dont ils prirent pour duppes les
perſonnes de leur temps , & ils
Sla confervent par la folle créanice
qu'ont celles du noftre , que
ailemauvais fuccés de leurs épreu
-ves vient de leur peu d'intelliagence
, ou de leur peu d'exactitude
, & non pas de ces indignes
Bb ij
292
Extraordinaire :
Maiftres dont ils fuivent les en-
X
feignemens.
L'Efprit de Menfonge annonce
quelquefois la verité malgré luy,
par une force celefte ; & c'eft
fans doute par ce mouvement &
par cette force , que quelquesuns
de ces Hermetiques ont affus
ré que le Secret de leur Pierre
un Don de Dieu qu'il diftribuë à qui
il luy plaift. Ce qui nous apprend
en mefme temps qu'on n'en doit
pas attendre la connoiffance de
la lecture de leurs Livres ; & que
c'eft temps perdu que de s'y
amufer , parce qu'ils ne font
pleins que de leurs imaginations ,
& n'ont rien de réel & de veri
table.
Si quelqu'un d'eux avoit receu
ce don de Dieu , il n'en auroit
du Mercure Galant. 293
d
""
pas abufé , il en auroit fait part
aux autres Hommes d'une ma
niere obligeante , je veux dire
claire & nette , & n'auroit pas
eu la malice de le cacher fous
tant d'embarras & d'obfcuritez,
que fa pratique caufaft la ruine
de mille & mille Familles , com
me il eft arrivé. La nature du
bien eft de fe communiquer ; &
L'on eft trop heureux & trop
glorieux d'avoir efté le premier
Inventeur d'un Secret , ppur ne
s'en pas faire honneur. Il en auroit
du moins ufé comme celuy
qui a trouvé l'Invention du Fer
blanc , lequel aprés en avoir fait
toute fa vie , a laiffé à fa pofterité
fon Secret avec le foin d'en
faire , ce qui s'execute encore
Bb iij
294
Extraordinaire
a
aujourd'huy à l'avantage de tour
*
te la Terre. velso sup squ97
Ne foyons donc pas fi credus
les que de nous perfuader que
tant de Livres que nous avons de
andel
la Pierre Philofophale, foient au
tant d'Enigmes & d'Emblêmes
de
ce grand
Secret
.
Borel
dans
J
fa Bibliotheque Chimique sen
rapporte deux ou trois mille
imprimez ou manufcrits. Yastil
lieu de croire que tant d'Auteurs
ayent fceu l'art de faire de l'Or
Ils en écrivent neanmoins les
uns comme les autres ; & Pon ne
peut diftinguer celuy qui ment
le plus , de celuy qui ment te
moins , que par la groffeur de
leurs Volumes. S'il eft veritable
qu'un Secret ceffe de l'eftre , des
que trois perfonnes en ontla
du Mercure Galant. 295.
connoiflance , il y auroit longtemps
que celuy cy feroit divul
gué par toute la Terre , fi dans
ce prodigieux nombre d'Ecri
vains , ilyen savoit feulement
eu trois ou quatre qui l'euffent
feeu. Il feront véritablement aujourd'huy
, comme difent la pluf
part de ces beaux Meffieurs
L'ouvrage des Femmes , & le Jeu
des Enfans & quand bien mêine
l'execution en feroit difficile , il
faudroir qu'elle le fuft beaucoup,
felle n'épargnoit pas aux Efpagnols
les Voyages des Indes.
Le moyen donc de n'eftre pas
trompez , c'est de prendre tous
ces Livres pour des Romans qu
nous flatent du coſté de l'Avarice
, comme, les Romans ordi
maires nous chatouillent du côté
Bb iiij
296
Extraordinaire
de l'Amour. Sans cet attrait du
-bien , il n'y auroit point de Livres
plus au rebut que ceux- là ,
tant ils font ridicules dans leurs
expreffions & dans leurs myfteres.
Mon Fils , difent - ils à un
-Pape, ou à un Empereur, Au nom
-de la fainte & indivifible Trinité.
Enfumez les trois Rois , c'eft à dire ,
noftre Soulphre , noftre Sel , & noftre
Mercure. Belle explication qui
éclaircit admirablement bien le
Texte : Dans un Palais à double
muraille , c'est à dire , dans une
Phiole ou dans un Fourncau. Beau
rapport de l'un à l'autre Ils.
déguiſent ainfi leurs obfcuritez
par d'autres , & les chofes tes
moins myfterieufes par de vains
myfteres. Quelles extravagan-
9
ces ?
du Mercure Galant. 297
Il auroit efté bien plus à propos
& plus à fouhaiter , que tous.
ces Auteurs euffent fait des dé
clarations intelligibles , exactes
& finceres , des Méthodes qu'ils
ont inutilement obfervées pour
parvenir à la multiplication des.
Métaux parfaits , que de s'en
faire à croire , & que de nous
abuſer. Du moins fçauroit. on les
routes qu'il faut éviter , on en
tenteroit de nouvelles ; & les
Curieux ne tomberoient pas aujourd'huy
dans les fautes que
mille autres ont déja faites . Mais
il n'y a que de la vanité & de la
mauvaiſe foy parmy les Hommes
, ny rien à efperer dans cet
Art, à moins que d'eftre éclairé
par le Pere des lumieres & par
le Maiftre des . Secrets , je veux
298. (Extraordinaire
•
dire par le Seigneur, 19b1aoob
Sifonc , Madame , quelquesuns
de vos Amis afpirent à faire
cette Pierre qui n'eſt pas Pierxes
qu'ils s'adreffent à Dieu pour en
obtenir la connoiffance , qu'ils
obfervent la Nature pour en
fçavoir les voyes , & fur tour ,
qu'ils prennent garde que leur
dépente en cet Ouvrage n'aille
pas plus loin par année , que
les Aumônes que chacun d'eux
eft obligé de diftribuer fui
vant fa condition aux Pauvres
de la Paroiffe. C'eft là
lairegle des Sages dans une
entrepriſe où l'on ne travaille
qu'à l'aveugle , où il eft incertain
que Dieu nous falle la grace de
nous laiffer réuffi , & où, tang
de Curieux fe font abilmez, faute
du Merture Galant.
de garder de meſure. Patép
conduite les plus Riches potent
faire plufieurs épreuves à la fois ,
& les moms Riches le contènterǝ
d'une ou de deux . bip
La plupart des Hermetiques
difent qu'une Once d'Or pur
fuffit pour la matiere? On en
peur factifier quatre ou cinq fois
autant pour les frais , & c'eft plus
que la façon ne demande .Je fçay
bien que fi l'on confulte ces Mia
ferables qui meurent de faim , &
qui fe vantent pourtant d'avoir
le Secret de s'enrichir , & d'en_779
Fichir les a on fera bien!
d'autres dépenfes , mais il ne faur
non plus croire cesignorans Fanfarons
, dont le malheureux état
dément ficlairement les paroles, *
E que les Romans des Hermetis
300
Extraordinaire
ques , dont les vains myfteres ne
cachent que des Fables .
Il y a quelques années qu'un
de mes Amis acheta d'un artiſte
Etranger un Manufcrit Latin de
ces Meffieurs , qui venoit de
Dannemarch , & mefme du La
boratoire du fameux Tico - Brahé,
à ce qu'on difoit, Tico- Brahé ,
Madame , eftoit un Prince de ce
pays là , qui vivoit en l'autre
fiecle , & qui ne fut gueres moins
attaché à la Chimie , qu'à l'AL
trologie , où il excella . Il y avoit
dans ce Manufcrit beaucoup de
Secrets affez curieux, & un entre
autres intitulé , Le Grain Métalli.
que qui croift au centuple. Une par
tie de ce fecret eftoit écrite en
chiffres , & eftoit demeurée inconnue
à l'Artiſte . Mon Amy me
du Mercure Galant.
301
pria de la déchiffrer , fi je pou
vois ; je m'en donnay la peine,
& j'en vins à bout ; mais temps
perdu. Nous connúmes que ce
Secret reffembloit aux Motres de
Geneve & aux Armes de Forest,
dont les plus mauvaiſesfont d'or
dinaire les plus embellies, Ce
n'eftoit qu'un nienfonge revétu
de mysteres , pour mieux duper
les innocens . Ainfi les Hommes
fe plaisent à exercer leurs malices
fur leurs femblables ; & s'il
eft vray de dire qu'un des grands
articles de la Sageffe , foit de ne
I croire perfonne , c'eft principa
lement à l'égard de ceux qui nous
promettent de nous faire acquerir
de grandes richeffes en peu
de temps par des voyes juftes .
Voilà , Madame , ce que je
3023 Extraordinäise
penfe de ce Sujer. Si pourtant
vous en avez d'autres fentimens,
& que quelqu'un de vos Amis ,
veüille travailler fur les Memoires
du mien qui eſt mort , qui
paffoit pour Sçavant dans l'Art ,
& qui m'a laillé un écrit de fa
main , intitulé , Le grand Oeuvre,
oû rour
eft expliqué fans dégui.
fement , fans equivoque , & avec
toutes les circonftances neceffai .
res , je vous l'envoyeray volontiers
n'ayant rien de réſervé
pour une Perfonne comme vous ,
dont les aimables qualitez meri.
tent fi bien l'eſtime , l'affection ,
& les fervices de tout le monde,
& principalement ceux , Madamé
, du Berger Fleuristes
quelques Traitez fur la Pierre Philofophale
, la Lettre qui fuit est pleine
de Remarques fi particulieres , queje
fuis perfuadé que vous la lirez avec
beaucoup de plaifir.
du Mercure Galant. 279
5555 5552 $ 5255 522
LETTRE
DU BERGER FLEURISTE
A LA BELLE CURIEUSE
DES AMBARS,
Sur la Pierre Philofophale.
Q
Uoy , Madame , vous m'or
donnez de vous apprendre
ce que je penfe de la Pierre Philofophale
, & c'eft fans raillerie
que vous vous adreſſez à moy
fur un fujet de cette nature ? En
verité je vous trouve admirable
de toutes manieres. S'il s'agiffoit
de vous entretenir de fleurs , oụ
280 Extraordinaire
de vous conter fleurettes , peut.
eftre m'en acquitterois.je aflez
bien , mais comment ferois - je
pour vous parler de la multiplition
des grains d'Or ou d'Argent
, moy qui n'ay jamais vê
arriver que de la diminution au
bien que mes Parens m'avoient
laiffé , & quel commerce peut
avoir la ſcience des Parterres &
des Galanteries , avec celle des
Mines & des Métaux ? Est- ce à
cauſe que l'Or eft le Fils du Soleil
, comme les Fleurs en font
les Filles , ou que vous croyez
qu'un Galant eft obligé d'eftre
univerfel , & doit difcourir de
toutes chofes ? Il y a trop loin
de la ſurface au fonds , & de la
Bagatelle au Secret le plus important
du monde . Néanmoins
du Mercure Galant. 281
Vous commandez , & il eft de
mon devoir d'obeïr. Je vais donc
fatisfaire à vos ordres ; mais je he
réponds pas que ces grands Prometteurs
de Monts d'Or , qui ne
donnent que de la fumée , loient
d'humeur à avouer les veritez .
que vous allez lire.
Il y eut anciennement en Egypte
un fameux Monarque appel.
lé Hermes , ou Mercure , & furnommé
Trismegifte , ou trois fois
Grand , à caufe qu'il eftoit grand
Philofophe , grand Pontife , &
grand Roy. Les Chercheurs de
Pierre Philofophale fe font avifez
de publier que c'est le pre
mier Autheur de leur Art ; &
pour ne pas laiffer cette allegation
fans preuve, ils content qu'ili
eut fin d'en faire graver le Se-
2. deJanvier 1685. Aa
282 Extraordinaire
A
cret fur une Emeraude , qu'on
trouva plufieurs fiecles aprés fa
mort , dans une foffe obfcure où
il eftoit inhumé , à la maniere
de fon Païs , que c'eft de cette
Emeraude qu'ils ont tiré la copie
de cet important Secret qu'an
voit dans leurs Livres , & que·
de ce grand Homme leur eſt:
venu le nom qu'ils ont pris de
Philofophes Hermetiques..
J'ay lû ce Secret dans l'Hortulain
, ou le Jardinier , l'un de
ces Philofophes , & il eft en
beaucoup d'autres ; mais on a
beau le lire, on n'en devient pas
plus fçavant . Il n'y a que les circonftances
d'un fait qui foient
apibles de nous en inftruire , &
n n'en voit là au cune. Ce ne
ont que des termes genéraux ,
du Mercure Galant. 283
aufquels on peut donner cent fortes
d'explications . Jamais Oracle
ne fut fi ambigu. Iln'eft donc pas
à préfumer qu'on ait jamais pris
la peine de graver ſur une Pierre
préticufe , des paroles fi vaines,
& fi inutiles à l'inftruction des
Hommes ; ny qu'elles foient ja,
mais forties de la bouche d'un
auffi grand Genie que Trifmegifte.
Elles font de l'invention de
quelque Refveur oifif, pour en
amufer d'autres , & pour leur
faire perdre encore plus de temps
qu'à luy . Ce qui eft en bas , eft com.
me ce qui eft en haut , dit- il , &
ce qui est en baut comme ce qui eft en
bas. Comme toutes chofes font venues
d'un par l'entremise d'un ; ainfi tou .
tes chofes font nées de cette feule cho
fe . Le Soleil en eft le pere ; la Lune 2
Aa ij
284
Extraordinaire
la mere ; la Terre , la nourrice ; & le
vent l'a porté dans fon ventre. Le
refte eft du mefme ftile...!!
Jugez , Madame , du profit
qu'on peut tirer de cette lecture ;
& comment on pourroit faire
pour changer la deffus les moin
dres Métaux en Or ou en Ar.
gent , fuivant l'inſtruction de ces
Philofophes.
L'Ecriture de l'Emeraude eft
donc un Conte pareil à celuy
qu'ils font de la Toilon d'Or ,
qu'ils foûtiennent n'avoir eké
autre chofe que le meſme Secret
écrit fur une peau de Mouton.
Quant au nom d'Hermetiques
qu'ils prennent, & qu'ils donnent
à leur Philofophie , il ne vient
non plus de Trifmegifte que de
Pharaon. Il leur a efté imposé à
du Mercure Galant.
285
caufe que la plufpart d'eux tra
vaillent fur le Mercure ; qu'ils
difent que les Sages trouvent dans
le Mercure tout ce qu'ils cherchent;
& qu'ils ne prefchent autre chofe
que leur Eau féche qui ne mouil
le point les mains , c'eft à dire,
leur Eau Mercurielle , Mercure
en Latin eftant la mefme chofe
qu'Hermes en Grec ou en Egyptien
, & que Vif. Argent en
François.
-
C
Laiffant donc à part ces chimeres
fondamentales des Hermetiques
, je vais vous expliquer
fincerement ce que je juge de
leur vifion fateufe de fon ori
;
gine , & de la manière dont ils
en ont écrit .
H eft naturel de croire avec
facilité les chofes qu'on defire
286 Extraordinaire
avec ardeur. Quelques Curieux
fe mirent autrefois dans l'efprit,
que la vertu de fè multiplier
eftoit une vertu commune aux
trois Regnes de la Nature ; &
qu'elle appartenoit auffi bien
aux Mineraux , qu'aux Animaux
& qu'aux. Vegetaux ; & mefme
que comme elle eftoit plus
grande dans ces derniers que
dans les Animaux ,, les Poiffons
peut eftre exceptez , elle
l'eftoit auffi davantage dans les
Mineraux que dans les Vegetaux .
Ils obfervoient enfuite que la
multiplication des Vegetaux fe
faifoit de cette maniere ; qu'un
grain de Froment , par exemple,
eftant femé dans une terre feconde
, changeoit une partie de
Gette terre en fa propre fubftandu
Mercure Galant. 287
ee , je veux dire , en d'autres
grains de froment, en forte qu'un
feul grain produifoit quelquefois
jufqu'à vingt Epis , qui portoient
chacun foixante grains , ce qui
en faifoit douze cens. Puis ils
penferent qu'un grain d'Or étant
mis dans une matiere métallique,
comme dans du Vif- Argent ,
dans du Plomb , ou dans quelque
autre Métal , il pourroit auffi
changer une partie de cette matiere
enfa propre ſubſtance , c'eft.
à dire , en d'autres grains d'Or,
avec une multiplication . encore
plus grande , que celle du grain
de Froment. Sur cette imagination
ils chercherent.dans les Mines
& dans les Torrens , de petits
morceaux d'Or pur , comme les
plus propres à leur deffein , & les.
288 Extraordinaire
ayant fait fondre , ils les jetterent
dans du Vif- Argent échauffé ,
ou dans du plomb fondu , fe
perfuadant que la grande chaleur
dont l'un & l'autre Métal
eſtoient animez , produiroit en
peu de momens , ce qui n'arrive
qu'en beaucoup de mois dans les
Vegetaux , mais ayant reconnu
que quelque efpace de temps.
qu'ils laiffaffent en fufion le grain
d'Or dans la matiere métallique,
il ne faifoit pas plus d'impreffion
fur elle , qu'une goutte de vin ,
ou plûroft, qu'une goutte d'huile
en fait fur l'eau où elle eft mife,
ils jugerent alors que la vertu
multiplicative des Méraux eftoit
captive ou endormie dans la dureté
de leurs corps , & qu'il falloit
trouver un moyen de les
ouvrir
du Mercure Galant. 289
ouvrir à fonds pour l'éveiller &
pour la faire agir , & là - deffus ils
eurent recours à tout ce qu'ils
s'imaginerent de plus propre
pour produire cet effet fur l'Or
& fur l'Argent , qu'ils appellent
Métaux parfaits , afin de les multiplier
enfuite dans les autres ,
qu'ils nomment Imparfaits.
:
Si quelqu'un d'eux réüffit dans
la recherche de ce moyen , c'eft
une queſtion bien douteuſe . Quoy
qu'il en foit , chacun s'eft vanté
de l'avoir trouvé , & en a écrit
comme d'une chofe feure ; &
ces moyens que chacun a inventez
felon l'inſpiration de fa
raifon , font la fource & le fujet
de tous les Livres des Hermetiques.
Mais comme tous ces Philo .
Q. de Janvier 1685. Bb
1290 1 * Extraordinäireh
&
Hophes , depuis de premier julqu'au
dernier craignirent que
sils expliquoient trop clairement
ces Moyens our Methodes , ils
nec fuffent reconnus pour des
Fanfarons & pour des Impofteurs
, par ceux qui les mertroient
en pratique ,pils lescont
debitez de trois manieres également
differentes. L'une , c'eft de
les avoir rapportez fans circonſtances
, & en des termes fingeneraux,
qu'on n'en peur recevoir
aucune inftruction uainfunqu'a
fait leur faux Trismegifte . L'autre
, c'eſt de les avoir expliquez
avec des paroles : fi obfcures & fi
équivoques , qu'on n'eft jamais
-affuré d'avoir penetré leur pen-
-fee ; ainfi qu'a fait la Tourbe des
Philofophes , & le dernier , c'eſt
du Mercure Galant. © 291
C
-de les avoir accompagnez de
stant de repetitions & de tant de
s particularitez qu'il eſt impoſliable
de ne pas manquer à quel
a qu'une dans l'execution , ainſi
qu'a fait Remond- Lulle.
0
3
C'eft neanmoins par ces trois
Sartifices que leur réputation ſe
fe
-maintient. Ils l'acquierent par
quelques trompeufes apparences,
par quelques tours de main & de
foupleffe , ou par quelques faux
témoignages de gens apoftez ,
dont ils prirent pour duppes les
perſonnes de leur temps , & ils
Sla confervent par la folle créanice
qu'ont celles du noftre , que
ailemauvais fuccés de leurs épreu
-ves vient de leur peu d'intelliagence
, ou de leur peu d'exactitude
, & non pas de ces indignes
Bb ij
292
Extraordinaire :
Maiftres dont ils fuivent les en-
X
feignemens.
L'Efprit de Menfonge annonce
quelquefois la verité malgré luy,
par une force celefte ; & c'eft
fans doute par ce mouvement &
par cette force , que quelquesuns
de ces Hermetiques ont affus
ré que le Secret de leur Pierre
un Don de Dieu qu'il diftribuë à qui
il luy plaift. Ce qui nous apprend
en mefme temps qu'on n'en doit
pas attendre la connoiffance de
la lecture de leurs Livres ; & que
c'eft temps perdu que de s'y
amufer , parce qu'ils ne font
pleins que de leurs imaginations ,
& n'ont rien de réel & de veri
table.
Si quelqu'un d'eux avoit receu
ce don de Dieu , il n'en auroit
du Mercure Galant. 293
d
""
pas abufé , il en auroit fait part
aux autres Hommes d'une ma
niere obligeante , je veux dire
claire & nette , & n'auroit pas
eu la malice de le cacher fous
tant d'embarras & d'obfcuritez,
que fa pratique caufaft la ruine
de mille & mille Familles , com
me il eft arrivé. La nature du
bien eft de fe communiquer ; &
L'on eft trop heureux & trop
glorieux d'avoir efté le premier
Inventeur d'un Secret , ppur ne
s'en pas faire honneur. Il en auroit
du moins ufé comme celuy
qui a trouvé l'Invention du Fer
blanc , lequel aprés en avoir fait
toute fa vie , a laiffé à fa pofterité
fon Secret avec le foin d'en
faire , ce qui s'execute encore
Bb iij
294
Extraordinaire
a
aujourd'huy à l'avantage de tour
*
te la Terre. velso sup squ97
Ne foyons donc pas fi credus
les que de nous perfuader que
tant de Livres que nous avons de
andel
la Pierre Philofophale, foient au
tant d'Enigmes & d'Emblêmes
de
ce grand
Secret
.
Borel
dans
J
fa Bibliotheque Chimique sen
rapporte deux ou trois mille
imprimez ou manufcrits. Yastil
lieu de croire que tant d'Auteurs
ayent fceu l'art de faire de l'Or
Ils en écrivent neanmoins les
uns comme les autres ; & Pon ne
peut diftinguer celuy qui ment
le plus , de celuy qui ment te
moins , que par la groffeur de
leurs Volumes. S'il eft veritable
qu'un Secret ceffe de l'eftre , des
que trois perfonnes en ontla
du Mercure Galant. 295.
connoiflance , il y auroit longtemps
que celuy cy feroit divul
gué par toute la Terre , fi dans
ce prodigieux nombre d'Ecri
vains , ilyen savoit feulement
eu trois ou quatre qui l'euffent
feeu. Il feront véritablement aujourd'huy
, comme difent la pluf
part de ces beaux Meffieurs
L'ouvrage des Femmes , & le Jeu
des Enfans & quand bien mêine
l'execution en feroit difficile , il
faudroir qu'elle le fuft beaucoup,
felle n'épargnoit pas aux Efpagnols
les Voyages des Indes.
Le moyen donc de n'eftre pas
trompez , c'est de prendre tous
ces Livres pour des Romans qu
nous flatent du coſté de l'Avarice
, comme, les Romans ordi
maires nous chatouillent du côté
Bb iiij
296
Extraordinaire
de l'Amour. Sans cet attrait du
-bien , il n'y auroit point de Livres
plus au rebut que ceux- là ,
tant ils font ridicules dans leurs
expreffions & dans leurs myfteres.
Mon Fils , difent - ils à un
-Pape, ou à un Empereur, Au nom
-de la fainte & indivifible Trinité.
Enfumez les trois Rois , c'eft à dire ,
noftre Soulphre , noftre Sel , & noftre
Mercure. Belle explication qui
éclaircit admirablement bien le
Texte : Dans un Palais à double
muraille , c'est à dire , dans une
Phiole ou dans un Fourncau. Beau
rapport de l'un à l'autre Ils.
déguiſent ainfi leurs obfcuritez
par d'autres , & les chofes tes
moins myfterieufes par de vains
myfteres. Quelles extravagan-
9
ces ?
du Mercure Galant. 297
Il auroit efté bien plus à propos
& plus à fouhaiter , que tous.
ces Auteurs euffent fait des dé
clarations intelligibles , exactes
& finceres , des Méthodes qu'ils
ont inutilement obfervées pour
parvenir à la multiplication des.
Métaux parfaits , que de s'en
faire à croire , & que de nous
abuſer. Du moins fçauroit. on les
routes qu'il faut éviter , on en
tenteroit de nouvelles ; & les
Curieux ne tomberoient pas aujourd'huy
dans les fautes que
mille autres ont déja faites . Mais
il n'y a que de la vanité & de la
mauvaiſe foy parmy les Hommes
, ny rien à efperer dans cet
Art, à moins que d'eftre éclairé
par le Pere des lumieres & par
le Maiftre des . Secrets , je veux
298. (Extraordinaire
•
dire par le Seigneur, 19b1aoob
Sifonc , Madame , quelquesuns
de vos Amis afpirent à faire
cette Pierre qui n'eſt pas Pierxes
qu'ils s'adreffent à Dieu pour en
obtenir la connoiffance , qu'ils
obfervent la Nature pour en
fçavoir les voyes , & fur tour ,
qu'ils prennent garde que leur
dépente en cet Ouvrage n'aille
pas plus loin par année , que
les Aumônes que chacun d'eux
eft obligé de diftribuer fui
vant fa condition aux Pauvres
de la Paroiffe. C'eft là
lairegle des Sages dans une
entrepriſe où l'on ne travaille
qu'à l'aveugle , où il eft incertain
que Dieu nous falle la grace de
nous laiffer réuffi , & où, tang
de Curieux fe font abilmez, faute
du Merture Galant.
de garder de meſure. Patép
conduite les plus Riches potent
faire plufieurs épreuves à la fois ,
& les moms Riches le contènterǝ
d'une ou de deux . bip
La plupart des Hermetiques
difent qu'une Once d'Or pur
fuffit pour la matiere? On en
peur factifier quatre ou cinq fois
autant pour les frais , & c'eft plus
que la façon ne demande .Je fçay
bien que fi l'on confulte ces Mia
ferables qui meurent de faim , &
qui fe vantent pourtant d'avoir
le Secret de s'enrichir , & d'en_779
Fichir les a on fera bien!
d'autres dépenfes , mais il ne faur
non plus croire cesignorans Fanfarons
, dont le malheureux état
dément ficlairement les paroles, *
E que les Romans des Hermetis
300
Extraordinaire
ques , dont les vains myfteres ne
cachent que des Fables .
Il y a quelques années qu'un
de mes Amis acheta d'un artiſte
Etranger un Manufcrit Latin de
ces Meffieurs , qui venoit de
Dannemarch , & mefme du La
boratoire du fameux Tico - Brahé,
à ce qu'on difoit, Tico- Brahé ,
Madame , eftoit un Prince de ce
pays là , qui vivoit en l'autre
fiecle , & qui ne fut gueres moins
attaché à la Chimie , qu'à l'AL
trologie , où il excella . Il y avoit
dans ce Manufcrit beaucoup de
Secrets affez curieux, & un entre
autres intitulé , Le Grain Métalli.
que qui croift au centuple. Une par
tie de ce fecret eftoit écrite en
chiffres , & eftoit demeurée inconnue
à l'Artiſte . Mon Amy me
du Mercure Galant.
301
pria de la déchiffrer , fi je pou
vois ; je m'en donnay la peine,
& j'en vins à bout ; mais temps
perdu. Nous connúmes que ce
Secret reffembloit aux Motres de
Geneve & aux Armes de Forest,
dont les plus mauvaiſesfont d'or
dinaire les plus embellies, Ce
n'eftoit qu'un nienfonge revétu
de mysteres , pour mieux duper
les innocens . Ainfi les Hommes
fe plaisent à exercer leurs malices
fur leurs femblables ; & s'il
eft vray de dire qu'un des grands
articles de la Sageffe , foit de ne
I croire perfonne , c'eft principa
lement à l'égard de ceux qui nous
promettent de nous faire acquerir
de grandes richeffes en peu
de temps par des voyes juftes .
Voilà , Madame , ce que je
3023 Extraordinäise
penfe de ce Sujer. Si pourtant
vous en avez d'autres fentimens,
& que quelqu'un de vos Amis ,
veüille travailler fur les Memoires
du mien qui eſt mort , qui
paffoit pour Sçavant dans l'Art ,
& qui m'a laillé un écrit de fa
main , intitulé , Le grand Oeuvre,
oû rour
eft expliqué fans dégui.
fement , fans equivoque , & avec
toutes les circonftances neceffai .
res , je vous l'envoyeray volontiers
n'ayant rien de réſervé
pour une Perfonne comme vous ,
dont les aimables qualitez meri.
tent fi bien l'eſtime , l'affection ,
& les fervices de tout le monde,
& principalement ceux , Madamé
, du Berger Fleuristes
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Résumé : LETTRE DU BERGER FLEURISTE A LA BELLE CURIEUSE DES AMBARS, Sur la Pierre Philosophale.
La lettre du Berger Fleuriste à la Belle Curieuse, publiée dans le Mercure Galant en janvier 1685, aborde le sujet de la Pierre Philosophale, un domaine inattendu pour le Berger Fleuriste, plus familier avec les fleurs et les galanteries. Il exprime son scepticisme face aux promesses des alchimistes, qui prétendent pouvoir multiplier les métaux précieux. Le Berger Fleuriste mentionne Hermès Trismégiste, un ancien monarque égyptien considéré comme le premier auteur de l'art de la Pierre Philosophale. Les alchimistes affirment avoir trouvé des secrets gravés sur une émeraude, mais le Berger Fleuriste doute de l'authenticité de ces informations, les jugeant vagues et ambiguës. Il explique que les alchimistes ont cherché à multiplier les métaux en s'inspirant de la multiplication des végétaux, mais leurs expériences ont échoué. Ils ont écrit des livres sur leurs méthodes, mais les ont rendus incompréhensibles pour éviter d'être démasqués comme imposteurs. Le Berger Fleuriste conclut que les livres sur la Pierre Philosophale sont des romans qui flattent l'avarice et recommande de les considérer comme tels pour éviter d'être trompé. Il regrette que les auteurs n'aient pas partagé leurs méthodes de manière claire et sincère, ce qui aurait permis d'éviter les erreurs passées. Le texte discute également de la vanité et de la mauvaise foi des hommes dans la quête de la Pierre philosophale, soulignant que seule l'illumination divine peut guider cette recherche. Il conseille aux alchimistes de prier Dieu, d'observer la nature et de limiter leurs dépenses à hauteur de leurs aumônes annuelles aux pauvres. Il met en garde contre l'excès de curiosité et l'abus de ressources, recommandant aux riches de faire plusieurs épreuves à la fois et aux moins fortunés de se contenter d'une ou deux. Les alchimistes estiment généralement qu'une once d'or pur suffit pour la matière, mais les frais peuvent être quatre ou cinq fois plus élevés. L'auteur critique ceux qui prétendent connaître le secret de l'enrichissement tout en vivant dans la pauvreté, ainsi que les fables des écrits hermétiques. L'auteur raconte l'histoire d'un manuscrit acheté par un ami, provenant du laboratoire de Tycho Brahé, un prince danois du siècle précédent, passionné par la chimie et l'astrologie. Le manuscrit contenait des secrets, dont un intitulé 'Le Grain Métallique qui croît au centuple', écrit en chiffres et demeuré inconnu de l'artiste. L'auteur a déchiffré ce secret, mais il s'est avéré être une fable sans valeur. Le texte se conclut par une réflexion sur la malice humaine et l'importance de ne pas croire facilement les promesses de richesse rapide. L'auteur offre de partager un écrit intitulé 'Le grand Oeuvre' d'un ami décédé, qui explique l'alchimie sans détours ni équivoques, à une personne digne de confiance et respectée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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