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1
p. 134-143
Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Début :
Pour connoître les moeurs, les goûts, les habitudes [...]
Mots clefs :
Mœurs , Habitudes , Peuples, Voyage, Palais, Dieux, Héros, Beauté, Festin, Divinité
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texteReconnaissance textuelle : Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Traduction d'unPoëme
Anglois,
Sur le Bal que M. le n**'d**
a donnéà Londres le17.
:' , £" :, ,4 U I?IJ. ,"",'-;.\1 ï;'Aout>1713.>;
P our conoître les moeurs,
les goûts, les habitudes
De cent & cent peuples di-
~\W\*Â\V-,\ ^crs,* ,',' "',
iVU grédeleurs inquietudes
Les mortelsinconstans parcourent
l'univers: 9 Pourmoy, libre des foins
qu'entraînent les voyages
,
Loin de vouloir braver les
flots capricieux, 1
Et sans m'exposer aux orages,
Ici je satisfais mes desirs curieux.
Daumont dans son Palais
represente à nos yeux
Les Heros & les mêmes
Dieux
Dont autrefois dansleurs
ouvrages
Les Poëtes ingenieux
J Ne tracerent quelesimages.
Par-toutvous yvoyezer, rans
Les habitans du ciel, de la
terre & de l'onde,
Ettous les hommes differens
Dont les Dieux ont peuplé
tous les climats du
monde.
Suivi de sa brillante cour
Jqupuitierttpéour s'y rendre a l'empirée;
Alecton fort du noir séjour
Avec sa cohorte effarée;
Des humides Tritons Amphitrite
entourée
Reçoit
Reçoit les voeux du Dieu
dont elle est ado-
-
rée,
Et l'on voit errer à l'entour
Les jeunes filles de Nerée.
Mars aux genoux de Citerée
Se laisse dérober ses armes
par l'Amour;
Dans le sein de Thetis le
brillant Dieu du
jour
Fixe sa course mesurée.
Là Dianeparoît artifte-,
: ment parée, -i *v4
L'Amour n'est plusfon ennemi;
Et si j'en croisles soins où
je la voislivrée,
Sa fiere vertumoderée
Cherche un Endimion qui
soit moins endormi.
»
A chaque beauté qui s'avance
Mercure offreà l'instant
des secours seduccteurs,
Par des traits galans & flateurs
Ilsignaleson éloquence.
De toutes parts sont répandus
Princes,Dieux, Rois, mêlez
& confondus
Avec Démons, Bergers,
Nymphes, Geans,
Pigmées.
-
<
L'implacable Nocher des
ondes enflamees*
Soûrit à des objets & plus
doux & plus beaux;
Les Morts suiventses pasy
couverts de leurs
lambeaux.
Ici c'estle Hibou, là c'est
l'Aigle iraraor-•
- iC lierai.*-• J'
On voit le Corbeau, trop
fidele, SJ
D'un noir plumage revê-
,
tu,
Et les oiseaux par leur ramage
.PPoouurrlleessbbeelllleessffoonnttuunnpprreé--
,: ,- sage --,q
De la chûte de leur ver-
,.' tu.
On y voit folâtrer des No-
,- nes peu severes,
Sans reliques Çc sans rosaires.
r Le grave senateur prend
un air gracieux,
De l'austere Themis ou,
bliant le langage,
De son art desormais il ne
veut faire usage
Qu'au tribunal de deux
beaux yeux.
Le triste Medecin déguise
sa presence
Sous un appareil affecp
té.
Le luxe avec la volupté
Empruntent un habit de
pieuse apparence.
Ici cette jeune beauté,
Qui de mille galans tour
a tour est maîtrèfle.-,
Affeâcla(implicite t 1 D'unevertueule Koacresse.
On-voit dans le Palais chacunse
transfor-
.,>; mer,
Daumont seul n'y prend
point une formeem-
*
pruntée.
Quelleautre lui seroit prêtée,
Qui? G: bienquela sienne
eût le don de char- -* mefï1'*
Ainsi dans un festin quand
laTroupe immorîtelle^
Autour de Jupiter se range
avec splendeur,
Il se déguise point sa forme
naturelle;
Ce Dieu s'offre dans sa
grandeur:
Mais lorsque fous le tendre
empire
Dequelque mortelle beauté
Ce Souverain des Dieux
soûpire,
Il voile sa Divinité.
Anglois,
Sur le Bal que M. le n**'d**
a donnéà Londres le17.
:' , £" :, ,4 U I?IJ. ,"",'-;.\1 ï;'Aout>1713.>;
P our conoître les moeurs,
les goûts, les habitudes
De cent & cent peuples di-
~\W\*Â\V-,\ ^crs,* ,',' "',
iVU grédeleurs inquietudes
Les mortelsinconstans parcourent
l'univers: 9 Pourmoy, libre des foins
qu'entraînent les voyages
,
Loin de vouloir braver les
flots capricieux, 1
Et sans m'exposer aux orages,
Ici je satisfais mes desirs curieux.
Daumont dans son Palais
represente à nos yeux
Les Heros & les mêmes
Dieux
Dont autrefois dansleurs
ouvrages
Les Poëtes ingenieux
J Ne tracerent quelesimages.
Par-toutvous yvoyezer, rans
Les habitans du ciel, de la
terre & de l'onde,
Ettous les hommes differens
Dont les Dieux ont peuplé
tous les climats du
monde.
Suivi de sa brillante cour
Jqupuitierttpéour s'y rendre a l'empirée;
Alecton fort du noir séjour
Avec sa cohorte effarée;
Des humides Tritons Amphitrite
entourée
Reçoit
Reçoit les voeux du Dieu
dont elle est ado-
-
rée,
Et l'on voit errer à l'entour
Les jeunes filles de Nerée.
Mars aux genoux de Citerée
Se laisse dérober ses armes
par l'Amour;
Dans le sein de Thetis le
brillant Dieu du
jour
Fixe sa course mesurée.
Là Dianeparoît artifte-,
: ment parée, -i *v4
L'Amour n'est plusfon ennemi;
Et si j'en croisles soins où
je la voislivrée,
Sa fiere vertumoderée
Cherche un Endimion qui
soit moins endormi.
»
A chaque beauté qui s'avance
Mercure offreà l'instant
des secours seduccteurs,
Par des traits galans & flateurs
Ilsignaleson éloquence.
De toutes parts sont répandus
Princes,Dieux, Rois, mêlez
& confondus
Avec Démons, Bergers,
Nymphes, Geans,
Pigmées.
-
<
L'implacable Nocher des
ondes enflamees*
Soûrit à des objets & plus
doux & plus beaux;
Les Morts suiventses pasy
couverts de leurs
lambeaux.
Ici c'estle Hibou, là c'est
l'Aigle iraraor-•
- iC lierai.*-• J'
On voit le Corbeau, trop
fidele, SJ
D'un noir plumage revê-
,
tu,
Et les oiseaux par leur ramage
.PPoouurrlleessbbeelllleessffoonnttuunnpprreé--
,: ,- sage --,q
De la chûte de leur ver-
,.' tu.
On y voit folâtrer des No-
,- nes peu severes,
Sans reliques Çc sans rosaires.
r Le grave senateur prend
un air gracieux,
De l'austere Themis ou,
bliant le langage,
De son art desormais il ne
veut faire usage
Qu'au tribunal de deux
beaux yeux.
Le triste Medecin déguise
sa presence
Sous un appareil affecp
té.
Le luxe avec la volupté
Empruntent un habit de
pieuse apparence.
Ici cette jeune beauté,
Qui de mille galans tour
a tour est maîtrèfle.-,
Affeâcla(implicite t 1 D'unevertueule Koacresse.
On-voit dans le Palais chacunse
transfor-
.,>; mer,
Daumont seul n'y prend
point une formeem-
*
pruntée.
Quelleautre lui seroit prêtée,
Qui? G: bienquela sienne
eût le don de char- -* mefï1'*
Ainsi dans un festin quand
laTroupe immorîtelle^
Autour de Jupiter se range
avec splendeur,
Il se déguise point sa forme
naturelle;
Ce Dieu s'offre dans sa
grandeur:
Mais lorsque fous le tendre
empire
Dequelque mortelle beauté
Ce Souverain des Dieux
soûpire,
Il voile sa Divinité.
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Résumé : Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Le texte est une traduction d'un poème anglais décrivant un bal organisé par un noble à Londres le 17 août 1713. Le poète souhaite découvrir les mœurs et les habitudes de divers peuples sans voyager. Le bal se déroule au palais de Daumont, où sont représentés des héros, des dieux, ainsi que des habitants du ciel, de la terre et des mers. Le poème mentionne plusieurs personnages mythologiques et divins, tels que Jupiter, Alecton, les Tritons, Amphitrite, Mars, Thétis, Diane et l'Amour. Mercure offre son éloquence à chaque beauté présente. Le bal rassemble princes, dieux, rois, démons, bergers, nymphes, géants et pygmées. Les invités, comme le sénateur, le médecin et une jeune beauté, adoptent des comportements et des apparences différents. Daumont, quant à lui, ne change pas d'apparence, contrairement à Jupiter qui se déguise sous l'empire d'une mortelle beauté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1310-1319
TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
Début :
Les Pays éclairez par le flambeau du monde, [...]
Mots clefs :
Guerre civile, Rome, Sang, Fortune, Romains
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texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
TRADUCTION
Du Poëme de Petrone ,fur la Guerre civile..
LEs Pays éclairez par le flambeau du monde
Ce vafte compofé de la Terre & de l'Onde
Rome poffedoit tout , & fouhaitoit encor ,
Quelque abîme au- delà ; recele- t'il de l'or ?
C'eft Pays ennemi ; bien- tôt pour fa conquête
On arme des vaiffeaux , une flote s'apprête ,
On cherche , on veur de Por ; les Dieux trop
inhumains
Par ce prefent cruel , divifent les Romains ;
Les plaifirs prodiguez à l'uſage ordinaire ,
Sont à peine goûtez par le fimple vulgaire ;
La perle d'Affyrie eft en proye au foldat ;
La pourpre trop commune a perdu ſon éclat ;
La nouveauté l'efface , à peine en Arabie ,
Trouve- t'on des parfums , du marbre eu Numidie
;
Le Sere eft dépouillé de fes rares toiſons .
Rome réunit tout dans fes vaftes maiſons.
Que je prévoi de maux ! une fecrete rage ,
Au milieu de la paix , infpire le carnage,
Le Maure eft étonné de voir fur des vaiffeaux
Tranfporter avec foin de cruels animaux ;
Les Tigres arrachez des forefts de l'Afrique ,
11, Vol ,
Viennens
JUI N. 1730. 1311
Viennent donner dans Rome une ſcene tragique
Du fang des Citoyens les theatres fumans ;
D'un peuple furieux font les amuſemens ;
Dirai -je, en quels excès cette Rome s'abîme ?
On va chercher en Perfe un exemple de crime .
J'en parle avec horreur , au fortir de berceau
Les hommes mutilez font un fexe nouveau.
Ces lâches inftrumens , d'une flâme impudique ,
Malgré l'effort du tems & fa Loi tyranique ,
Confervent par le fer , leurs criminels appas ;
La nature fe cherche , & ne fe trouve pas ;
L'excès regne par tout , on bannit la tendreſſe.
Pour faire triompher ces fils de la moleffe ;
Leur indolent maintien , leurs cheveux ajustez,
Ces divers noms d'habits par le luxe inventez
Tous ces attraits nouveaux qui défigurent l'hom
me ,
Sont autant d'hameçons où l'on voit courir Rog
me ;
Le Maure en efclavage arrive par troupeaux ;
Les cedres transformez en des meubles nou
yeaux ,
S'applaniffent en table ; où leur couleur dorée
D'un mélange de Pourpre artiftement parée ,
Semble combattre l'or, par un éclat trompeur
Couchez fur ces Autels , les Romains en fureur
Immolent , à l'envi , la raifon trop fevere';
Les fens font leur Idole , & pour les failsfaire ,
L'on voit de toutes parts le foldat furieux "
II.Vol. Cij Ravir
1312 MERCURE DE FRANCE
Ravir ce que la terre offre de précieux ;
En vain deffous les flots qui baignent la Sicile
Le Scare pourfuivi va chercher un azile ,
On l'amene vivant ; dans l'huitre du Lucrin
On trouve le fecret de repater la faim ;
Le ventre ingenieux fçait rendre tout facile
Du Phaſe dépeuplé , le rivage eft tranquille
Et fes arbres jadis fi chargez d'Habitans
Ne font plus agitez que dú fouffle des vents .
Jufques au champ de Mars Rome dans l'efclavage
,
Au gré de l'intereft dirige fon fuffrage ;
Le Peuple , le Senat , marchands de leur faveur
Vendent publiquement le pouvoir & l'honneur ' ;
Même dans les veillards cette vertu févere ,
La liberté Romaine aujourd'hui dégenere ;
Le merite eft l'argent , les charges font à prix
La majefté par- là tombe dans le mépris ;
Caton par-là fuccombe , ou plutôt pour fa
gloire ,
Le Peuple on le bravant rougit de la victoire ;
Caton injuftement privé du Confulat ,
Fait la honte de Rome , il en ternit l'éclat ,
Il entraîne avec lui l'honneur & la puiffance ;
1
Les moeurs fans gouvernail rappellent la licence;
Rome , de fes forfaits le prix & l'artiſan ,
Sans efpoir de vengeur eft fon propre tyran ;
Par le luxe & l'ufure également vaincuë ,
Dans deux gouffres affreux elle reste abatue , 11. Vol.
JUIN. 1730. 1313 .
Sur tous fes Citoyens , fur leurs poffeffions ,
L'hypoteque a par tout gravé fes actions ;
Cet air contagieux , courant de veine en veine
Jufques aux inteftins a porté la gangrene :
Fout refpire la guerre ; on efpere en fes coups ;
On croit dans les hafards trouver un fort plus
doux ;
L'audace fans reffource , ofe tout entreprendre ;
Des remèdes communs on ne doit rien attendre
La guerre , la fureur , eft le feul déformais
Qui puiffe ôter à Rome un fang auffi mauvais.
La fortune avoit mis les Cohortes Romaines ,
Dans trois partis divers , fous trois grands Ca
pitaines ;
Bellone à ces trois Chefs gardant un mêmë fort,
Leur porte en trois endroits une femblable mort.
Chez le Parthe Craffus va terminer fa vie ;
Pompée eft égorgé fur les flots de Lybie ;
Jules au Capitole en proye à des Romains ,
De fes enfans ingrats , enfanglante les mains
Raffembler ces grands Morts , étoit trop entre
prendre ,
S
On diroit que la terre a divifé leur cendre ,
Ne pouvant dans un lieu foûtenir leurs tom
beaux
C'eft ainfi que la gloire honnore ces Heros.
Entre Naple & ces champs où regnoit la Juftice
11. Vol. IL
Cij
1314 MERCURE DE FRANCE
L
Il eſt un lieu borné d'un affreux précipice
Le Cocyte l'arrofe , & dans les environs ,
Répand l'efprit mortel de fes exhalaiſons.
Là , jamais le printemps ne porta la verdure
Jamais un feul gazon n'y para la nature ;
Jamais on n'entendit les tendres arbriffeaux
Y mêler leur murmure aux accens des oiſeaux ;
Les Roches dans la mouffe au hazard entaffées
Parmi quelques cyprès affreufement placées ,
En font tout l'ornement , & dans ce noir cahos
Paroiffent aux regards comme autant de tom
beaux .
Là , le Dieu des Enfers, d'une tête enflâmée ;
Perçant un tourbillon de feux & de fumée
་
y
Parut , & découvrant la fortune en fon cours
Il l'appelle , l'arrête & lui tient ce difcours :
» Décffe , dont les loix par toi feule bornées 33
Des hommes & des Dieux , reglent les deftif
nées "
» Et qui courant toûjours après la nouveauté
Ne peus dans aucun bien laiffer de fûreté ,
" Quoi donc! l'unique Rome ignore ton Empire!
Tu formas fa grandeur , ne peus- tu la détruire
?
» Voi ces lâches Romains , d'eux- mêmes ennemis
,
Profaner ce haut rang où ta main les a mis
Ces dépouilles , ces biens entaffez par la guer-
***
Ces
JUI N. 1730 . 1315
1
Ces prefens infinis que leur produit la terre ,
→ Tout devient l'inftrument d'un demon furieux,
Qui leur ronge le coeur , en leur charmant les
yeux ;
Ils font des maiſons d'or ; jufques dans les
nuées ,
» De cens nouveaux Palais les faces font pouf
fées ,
30
Ils repouffent les eaux , ils traverfent les airs ;
Dans le milieu des champs ils font naître des
mers ;
Enfin l'on voit par tout d'un mouvement red
belle ;
Les élemens changer leur forme naturelle
Jufques dans mon Palais , j'ai fenti leurs ef
forts ;
La terre dans fon fein cache en vain fes tré
fors ,
Perçans en mille endroits les folides campa
gnes ,
Des autres gemiffans , ils tirent des monta
gnes ;
Et tandis qu'épuisée en uſages divers ,
La pierre par leurs mains s'entaffe dans les
airs "
→ Phebus de mes états échauffant la frontiere
Fait aux fombres enfers efperer la lumiere ;
Va donc , Fortune , va ; la guerre eft dans tes
mains ,
» Va¸ cours chaffer la paix , cours armer les
Romains
R
11, Vol. Coe
1316 MERCURE DE FRANCE
Qu'on ne voye en tous lieux que fáng , que
funerailles ;
Redouble mes fujets par cent & cent batailles,
Mon fceptre dès long- temps n'eft plus enfan
glanté:
De ma chere Alecton voi le flanc agité ;
€ » Rien n'a calmé fa foif depuis cette journée ,
Ou du brave Sylla la fureur couronnée ,
Fit naître dans les champs & des bleds & des
fruits ,
» Teints encore du fang dont ils furent nourris
I dit , puis écartant la terre qui le preffe ,
Il joint avec fa main , la main de la Déeffe..
La Fortune auffi-tôt d'une legere voix ,
Commença ce diſcouts : Prince, dont les Loir,
Retiennent pour toujours dans une nuit profonde
,
Tous ceux que leCocyte a portés fur fon onde,
Si je puis en ce jour , fans bleffer mon pouvoir
N
➡ annoncer fûrement ce qu'on va bien - tôt voir,
Tes voeux font exaucez ; mon coeur plein de
< colere ,
S'accorde avec le tien ; il faut les fatisfaire :
Je haï ce que j'ai fait pour ces Peuples ingrats;
Mon bras va renverfer l'ouvrage de mon bras;
C'en eft fait , il est temps de contenter ma
rage ;
11, Vol. Mêlons
JUIN. 1730. 1317
Melons par tout les cris, les feux & le carnage;
Mais quoi je voi déja le Tage épouvanté
Par un double combat , Pharfale
enfanglanté,
Je voi trembler le Nil , & fremir la Lybie ,
Je voi fur les buchers perir la Theffalie ;
Déja dans Actium , les coups d'un Dieu ven→
geur ,
Font entendre des cris
d'épouvante & d'hor
reurs.
➡Va donc ; de tes Etats , ouvre tous les palla
ges ;.
»Du Cocyte alteré prépare les Rivages ;
☛ Pour paffer les mortels qui courent au trépas
» Caron , le feul Caron ne te fuffira pas ;
te faut une flotte ; & toi , pâle Déeſſe
Alecton , que la foif , depuis fi long - tems
preffe ,
» Du fang qui va couler ,,fais cens ragoûts divers
;
Le monde par morceaux và tomber aux En
fers.
Elle parloit encor , lorfqu'un affreux nuage ,
Percé de mille feux , à grand bruit fe partage ;
Pluton connoît la voix du Souverain des Dieux
Difparoît & s'enfuit loin du jour & des Cieux .
annoncée
Par des fignes divers , la terre menacée ,
Auffi- tôt dans le Ciel , voit fa perte
Le Soleil obfcurci retire les rayons ;
H. VOL CY Le
1318 MERCURE DE FRANCE
On croit voir dans les airs marcher des legions
Diane , avec regret fourniffant fa carriere ,
Aux crimes des humains refuſe ſa lumiere ;
Les Rochers avec bruit quittant le haut des
monts ,
Vont par bonds éclatant foudroyer les valons ,
Les fleuves ne font plus bornez par leurs rivages>
En des lieux inconnus ils s'ouvrent des paffages
Ethna jufques au Ciel , élevanr fes torrens ,
Semble contre les Dieux feconder les Titans ;
D'un vain bruit de combats , les Echos retentiffent
;
Les morts font ranimez ; les fepulchres gemif
fent ;
On voit errer par tout des Phantômes affreux a
D'un aftre menaçant les flamboyans cheveux ,
Sement déja par tout l'horreur & l'incendie ;
Le fang enfin , le fang tombe en forme de
pluye...
Ces préfages bien - tôt font fuivis des effets :
Cefar de fa vengeance écoutant les projets ,
Et laiffant des climats en conquêtes fertiles ,
Quitte le fer gaulois pour les armes civiles.
Dans cet enchaînement de monts audacieux
Qui femblent attacher la Terre avec les Cieux ,
On découvre un Rocher , ou plutôt dans la nuë ,
Son front trop élevé diſparoît à la vûë ,
Les Alpes dans ce lieu confervent un Autel
11. Vol.
D'Alci
JUIN. 1319
1730 .
D'Alcide de fes faits , monument éternel ;
De neige & de glaçons les roches revêtues
De cet affreux féjour ferinent les avenuës ;
Le Soleil n'en a pû bannir les aquilons ,
L'hyver y regne feul de toutes les faifons.
Le refte fera dans le prochain Mercure
Du Poëme de Petrone ,fur la Guerre civile..
LEs Pays éclairez par le flambeau du monde
Ce vafte compofé de la Terre & de l'Onde
Rome poffedoit tout , & fouhaitoit encor ,
Quelque abîme au- delà ; recele- t'il de l'or ?
C'eft Pays ennemi ; bien- tôt pour fa conquête
On arme des vaiffeaux , une flote s'apprête ,
On cherche , on veur de Por ; les Dieux trop
inhumains
Par ce prefent cruel , divifent les Romains ;
Les plaifirs prodiguez à l'uſage ordinaire ,
Sont à peine goûtez par le fimple vulgaire ;
La perle d'Affyrie eft en proye au foldat ;
La pourpre trop commune a perdu ſon éclat ;
La nouveauté l'efface , à peine en Arabie ,
Trouve- t'on des parfums , du marbre eu Numidie
;
Le Sere eft dépouillé de fes rares toiſons .
Rome réunit tout dans fes vaftes maiſons.
Que je prévoi de maux ! une fecrete rage ,
Au milieu de la paix , infpire le carnage,
Le Maure eft étonné de voir fur des vaiffeaux
Tranfporter avec foin de cruels animaux ;
Les Tigres arrachez des forefts de l'Afrique ,
11, Vol ,
Viennens
JUI N. 1730. 1311
Viennent donner dans Rome une ſcene tragique
Du fang des Citoyens les theatres fumans ;
D'un peuple furieux font les amuſemens ;
Dirai -je, en quels excès cette Rome s'abîme ?
On va chercher en Perfe un exemple de crime .
J'en parle avec horreur , au fortir de berceau
Les hommes mutilez font un fexe nouveau.
Ces lâches inftrumens , d'une flâme impudique ,
Malgré l'effort du tems & fa Loi tyranique ,
Confervent par le fer , leurs criminels appas ;
La nature fe cherche , & ne fe trouve pas ;
L'excès regne par tout , on bannit la tendreſſe.
Pour faire triompher ces fils de la moleffe ;
Leur indolent maintien , leurs cheveux ajustez,
Ces divers noms d'habits par le luxe inventez
Tous ces attraits nouveaux qui défigurent l'hom
me ,
Sont autant d'hameçons où l'on voit courir Rog
me ;
Le Maure en efclavage arrive par troupeaux ;
Les cedres transformez en des meubles nou
yeaux ,
S'applaniffent en table ; où leur couleur dorée
D'un mélange de Pourpre artiftement parée ,
Semble combattre l'or, par un éclat trompeur
Couchez fur ces Autels , les Romains en fureur
Immolent , à l'envi , la raifon trop fevere';
Les fens font leur Idole , & pour les failsfaire ,
L'on voit de toutes parts le foldat furieux "
II.Vol. Cij Ravir
1312 MERCURE DE FRANCE
Ravir ce que la terre offre de précieux ;
En vain deffous les flots qui baignent la Sicile
Le Scare pourfuivi va chercher un azile ,
On l'amene vivant ; dans l'huitre du Lucrin
On trouve le fecret de repater la faim ;
Le ventre ingenieux fçait rendre tout facile
Du Phaſe dépeuplé , le rivage eft tranquille
Et fes arbres jadis fi chargez d'Habitans
Ne font plus agitez que dú fouffle des vents .
Jufques au champ de Mars Rome dans l'efclavage
,
Au gré de l'intereft dirige fon fuffrage ;
Le Peuple , le Senat , marchands de leur faveur
Vendent publiquement le pouvoir & l'honneur ' ;
Même dans les veillards cette vertu févere ,
La liberté Romaine aujourd'hui dégenere ;
Le merite eft l'argent , les charges font à prix
La majefté par- là tombe dans le mépris ;
Caton par-là fuccombe , ou plutôt pour fa
gloire ,
Le Peuple on le bravant rougit de la victoire ;
Caton injuftement privé du Confulat ,
Fait la honte de Rome , il en ternit l'éclat ,
Il entraîne avec lui l'honneur & la puiffance ;
1
Les moeurs fans gouvernail rappellent la licence;
Rome , de fes forfaits le prix & l'artiſan ,
Sans efpoir de vengeur eft fon propre tyran ;
Par le luxe & l'ufure également vaincuë ,
Dans deux gouffres affreux elle reste abatue , 11. Vol.
JUIN. 1730. 1313 .
Sur tous fes Citoyens , fur leurs poffeffions ,
L'hypoteque a par tout gravé fes actions ;
Cet air contagieux , courant de veine en veine
Jufques aux inteftins a porté la gangrene :
Fout refpire la guerre ; on efpere en fes coups ;
On croit dans les hafards trouver un fort plus
doux ;
L'audace fans reffource , ofe tout entreprendre ;
Des remèdes communs on ne doit rien attendre
La guerre , la fureur , eft le feul déformais
Qui puiffe ôter à Rome un fang auffi mauvais.
La fortune avoit mis les Cohortes Romaines ,
Dans trois partis divers , fous trois grands Ca
pitaines ;
Bellone à ces trois Chefs gardant un mêmë fort,
Leur porte en trois endroits une femblable mort.
Chez le Parthe Craffus va terminer fa vie ;
Pompée eft égorgé fur les flots de Lybie ;
Jules au Capitole en proye à des Romains ,
De fes enfans ingrats , enfanglante les mains
Raffembler ces grands Morts , étoit trop entre
prendre ,
S
On diroit que la terre a divifé leur cendre ,
Ne pouvant dans un lieu foûtenir leurs tom
beaux
C'eft ainfi que la gloire honnore ces Heros.
Entre Naple & ces champs où regnoit la Juftice
11. Vol. IL
Cij
1314 MERCURE DE FRANCE
L
Il eſt un lieu borné d'un affreux précipice
Le Cocyte l'arrofe , & dans les environs ,
Répand l'efprit mortel de fes exhalaiſons.
Là , jamais le printemps ne porta la verdure
Jamais un feul gazon n'y para la nature ;
Jamais on n'entendit les tendres arbriffeaux
Y mêler leur murmure aux accens des oiſeaux ;
Les Roches dans la mouffe au hazard entaffées
Parmi quelques cyprès affreufement placées ,
En font tout l'ornement , & dans ce noir cahos
Paroiffent aux regards comme autant de tom
beaux .
Là , le Dieu des Enfers, d'une tête enflâmée ;
Perçant un tourbillon de feux & de fumée
་
y
Parut , & découvrant la fortune en fon cours
Il l'appelle , l'arrête & lui tient ce difcours :
» Décffe , dont les loix par toi feule bornées 33
Des hommes & des Dieux , reglent les deftif
nées "
» Et qui courant toûjours après la nouveauté
Ne peus dans aucun bien laiffer de fûreté ,
" Quoi donc! l'unique Rome ignore ton Empire!
Tu formas fa grandeur , ne peus- tu la détruire
?
» Voi ces lâches Romains , d'eux- mêmes ennemis
,
Profaner ce haut rang où ta main les a mis
Ces dépouilles , ces biens entaffez par la guer-
***
Ces
JUI N. 1730 . 1315
1
Ces prefens infinis que leur produit la terre ,
→ Tout devient l'inftrument d'un demon furieux,
Qui leur ronge le coeur , en leur charmant les
yeux ;
Ils font des maiſons d'or ; jufques dans les
nuées ,
» De cens nouveaux Palais les faces font pouf
fées ,
30
Ils repouffent les eaux , ils traverfent les airs ;
Dans le milieu des champs ils font naître des
mers ;
Enfin l'on voit par tout d'un mouvement red
belle ;
Les élemens changer leur forme naturelle
Jufques dans mon Palais , j'ai fenti leurs ef
forts ;
La terre dans fon fein cache en vain fes tré
fors ,
Perçans en mille endroits les folides campa
gnes ,
Des autres gemiffans , ils tirent des monta
gnes ;
Et tandis qu'épuisée en uſages divers ,
La pierre par leurs mains s'entaffe dans les
airs "
→ Phebus de mes états échauffant la frontiere
Fait aux fombres enfers efperer la lumiere ;
Va donc , Fortune , va ; la guerre eft dans tes
mains ,
» Va¸ cours chaffer la paix , cours armer les
Romains
R
11, Vol. Coe
1316 MERCURE DE FRANCE
Qu'on ne voye en tous lieux que fáng , que
funerailles ;
Redouble mes fujets par cent & cent batailles,
Mon fceptre dès long- temps n'eft plus enfan
glanté:
De ma chere Alecton voi le flanc agité ;
€ » Rien n'a calmé fa foif depuis cette journée ,
Ou du brave Sylla la fureur couronnée ,
Fit naître dans les champs & des bleds & des
fruits ,
» Teints encore du fang dont ils furent nourris
I dit , puis écartant la terre qui le preffe ,
Il joint avec fa main , la main de la Déeffe..
La Fortune auffi-tôt d'une legere voix ,
Commença ce diſcouts : Prince, dont les Loir,
Retiennent pour toujours dans une nuit profonde
,
Tous ceux que leCocyte a portés fur fon onde,
Si je puis en ce jour , fans bleffer mon pouvoir
N
➡ annoncer fûrement ce qu'on va bien - tôt voir,
Tes voeux font exaucez ; mon coeur plein de
< colere ,
S'accorde avec le tien ; il faut les fatisfaire :
Je haï ce que j'ai fait pour ces Peuples ingrats;
Mon bras va renverfer l'ouvrage de mon bras;
C'en eft fait , il est temps de contenter ma
rage ;
11, Vol. Mêlons
JUIN. 1730. 1317
Melons par tout les cris, les feux & le carnage;
Mais quoi je voi déja le Tage épouvanté
Par un double combat , Pharfale
enfanglanté,
Je voi trembler le Nil , & fremir la Lybie ,
Je voi fur les buchers perir la Theffalie ;
Déja dans Actium , les coups d'un Dieu ven→
geur ,
Font entendre des cris
d'épouvante & d'hor
reurs.
➡Va donc ; de tes Etats , ouvre tous les palla
ges ;.
»Du Cocyte alteré prépare les Rivages ;
☛ Pour paffer les mortels qui courent au trépas
» Caron , le feul Caron ne te fuffira pas ;
te faut une flotte ; & toi , pâle Déeſſe
Alecton , que la foif , depuis fi long - tems
preffe ,
» Du fang qui va couler ,,fais cens ragoûts divers
;
Le monde par morceaux và tomber aux En
fers.
Elle parloit encor , lorfqu'un affreux nuage ,
Percé de mille feux , à grand bruit fe partage ;
Pluton connoît la voix du Souverain des Dieux
Difparoît & s'enfuit loin du jour & des Cieux .
annoncée
Par des fignes divers , la terre menacée ,
Auffi- tôt dans le Ciel , voit fa perte
Le Soleil obfcurci retire les rayons ;
H. VOL CY Le
1318 MERCURE DE FRANCE
On croit voir dans les airs marcher des legions
Diane , avec regret fourniffant fa carriere ,
Aux crimes des humains refuſe ſa lumiere ;
Les Rochers avec bruit quittant le haut des
monts ,
Vont par bonds éclatant foudroyer les valons ,
Les fleuves ne font plus bornez par leurs rivages>
En des lieux inconnus ils s'ouvrent des paffages
Ethna jufques au Ciel , élevanr fes torrens ,
Semble contre les Dieux feconder les Titans ;
D'un vain bruit de combats , les Echos retentiffent
;
Les morts font ranimez ; les fepulchres gemif
fent ;
On voit errer par tout des Phantômes affreux a
D'un aftre menaçant les flamboyans cheveux ,
Sement déja par tout l'horreur & l'incendie ;
Le fang enfin , le fang tombe en forme de
pluye...
Ces préfages bien - tôt font fuivis des effets :
Cefar de fa vengeance écoutant les projets ,
Et laiffant des climats en conquêtes fertiles ,
Quitte le fer gaulois pour les armes civiles.
Dans cet enchaînement de monts audacieux
Qui femblent attacher la Terre avec les Cieux ,
On découvre un Rocher , ou plutôt dans la nuë ,
Son front trop élevé diſparoît à la vûë ,
Les Alpes dans ce lieu confervent un Autel
11. Vol.
D'Alci
JUIN. 1319
1730 .
D'Alcide de fes faits , monument éternel ;
De neige & de glaçons les roches revêtues
De cet affreux féjour ferinent les avenuës ;
Le Soleil n'en a pû bannir les aquilons ,
L'hyver y regne feul de toutes les faifons.
Le refte fera dans le prochain Mercure
Fermer
Résumé : TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
Le poème de Pétrone décrit la situation de Rome après ses conquêtes, où la ville aspire à de nouvelles victoires et prépare une flotte pour envahir un pays ennemi. La société romaine est marquée par l'excès et la décadence. Les plaisirs sont abondants, les ressources rares sont accaparées, et les mœurs se dégradent. Rome est comparée à un tyran sans espoir de vengeur, vaincue par le luxe et l'usure. Les citoyens sont endettés, et la guerre semble inévitable pour purifier Rome de ses maux. La Fortune, invoquée par Pluton, décide de détruire Rome en raison de l'ingratitude de ses habitants. Elle décrit la décadence romaine, où les éléments naturels sont altérés par l'ambition humaine. La Fortune et Pluton préparent une guerre dévastatrice, annonçant des signes de catastrophe imminente : obscurcissement du soleil, tremblements de terre, éruptions volcaniques, et apparitions de spectres. Ces présages sont suivis d'effets concrets : César, cherchant vengeance, quitte les conquêtes fertiles pour se tourner vers les armes civiles. Le texte se termine par la description d'un rocher élevé dans les Alpes, où un autel dédié à Alcide (Hercule) est conservé, symbolisant la grandeur passée de Rome.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1494-1503
SUITE de la Traduction du Poëme de Petrone, sur la Guerre Civile.
Début :
L'Ame du grand César de rien n'est alarmée ; [...]
Mots clefs :
Pétrone, Paix, Guerre civile, Cieux, Gloire, Romains, César
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Traduction du Poëme de Petrone, sur la Guerre Civile.
SUITE de la Traduction du Poëme
de Petrone ,fur la Guerre Civile.
L
' Ame du grand Céfar de rien n'eft alarmée
;
Rien ne peut arrêter l'ardeur de fon armée :
Parmi les cris de joye , il monte dans ces lieux
Il y campe , & delà , jettant au loin les yeux
H découvre les Champs de l'injufte Hefperic ;
Il fent à cet objet redoubler fa furie.
;
Et levant vers les Cieux & les mains & la voix ,
JUILLET. 1730. 1498
O Dieux, dit- il, ô Terre , où mon bras autrefois
,
Par de fanglans combats , captiva la Victoire
» O Pays , dont j'ai fait & la joye & la gloire .
» Un refte de bonté me parle encor pour toy ;;
Je cours à la vengeance , & j'y cours malgré
moy.
La Guerre qui s'apprête, ô Rome , eft ton ou
vrage :
Toy feule , tes mépris ont formé cet Orage.
Quoy ? tandis que volant de combats en
combats ,
Je t'affervis le Rhin , j'augmente tes Etats ,
» Tandis que t'immolant le débris de la Gaule
J'affermis de nouveau la paix du Capitole ,
L'Exil de tant d'Exploits fera Pindigne prix ,"
» As-tu donc crû Céfar , infenfible au mépris
Chaque fuccès nouveau me fait un nouveau "
crime !
» Des Romains que je fers , ferai - je la victime a
Efclaves malheureux , d'un fordide interêt ,
» Bien plus que mon pouvoir , ma gloire vous
déplaît .
> En vain la paix convient au bien de la patrie
» La Guerre contre moi , fert mieux la jaloufie
.
Qu'ils ne fe flattent pas que ce bras , fans vengeur
,
Puiffe tomber aux fers d'un indigne vain
queur..
J
» Non
1496 MERCURE DE FRANCE
}
Non , non , je ne crains point leur injufte ca
price ,
Allons , le fer en main , leur demander juf
tice.
Mon crime , chers amis , eft un crime commun
,
Rome , en me menaçant , vous menace cha
cun.
Je n'ay pas vaincu feul , je vous en dois la
gloire ,
Nous devons partager le fruit de la victoire.
» Marchons à Rome, allons, prevenons le dan
ger ,
Il faut , chers compagnons , périr ou fe ven
ger.
Pour moy , graces à vous , je ne fuis point
plaindre ,
Avec de tels Guerriers , Cefar ne fçait ries
craindre.
A peine achevoit -il , que par un vol heureu
Un Aigle l'affura du fuccès de fes voeux .
Sur la gauche du Camp , les Forêts retentirent
On entendit des voix , que les flammes fuivirent.
Phébus , d'un or plus pur , rehaufſa ſes cheveux
Et fit fur l'Horifon fentir de nouveaux feux.
Cefar , fortifié par tant d'heureux préfages ,
Au
JUILLET. 1730. 1497
Au travers des dangers , va s'ouvrir des paffages.
Il marche le premier ; la neige & les glaçons
Réfiftent quelque temps au poids des Eſcadrons
Mais bientôt , de la terre , échauffant la furface
,?
La foule fous fes pas , fait diffoudre la glace,
La Neige difparoît , fous les Chevaux tremblans
,
On voit de toutes parts , fe former des Torrens
Dont les Flots tout à coup rafermis & folides
S'arrêtent au milieu de leurs chûtes rapides .
On diroit , à l'aſpect d'un fi prompt change
ment
Qu'un invifible frein , retient cet Element.
En vain fur le penchant de ces routes gliffan
7 tes ,
S'avancent pas à pas , les Légions tremblantes.
Armes , Hommes , Chevaux , Bagages , Eten
darts ,
Pêle , inêle , emportez , tombent de toutes parts,
Pour furcroît de Terreur , il furvient un Orage
L'Aquilon déchaîné fait éclater ſa rage;
Dans un Nuage horrible , il amene la nuit¸
Et la Grêle auffi-tôt ſe répand à grand bruit .
Il femble qu'une Mer au haut des Cieux for
mée ,
Defous fes Flots glacez , veut engloutir l'Armée,
LA
1498 MERCURE DE FRANCE.
Le Ciel , la Terre & l'Onde enfemble confondus
,
Sous l'effort de l'Hyver font unis & vaincus.
Cefar réfifte feul , appuyé ſur ſa Lance ,
Il brave le péril , il deſcend , il s'avance.
Tel Alcide autrefois , d'un pas victorieux ,
Marchoit fur le Caucafe , & tel au haut des
Cieux ;
Paroiffoit Jupiter , lorfqu'armé du Tonnerre ,
Il confondoit l'orgueil des enfans de la Terre.
Mais tandis que l'Armée aprés tant de Travaux
Aux pieds de ces Rochers , fe range à fes Drapeaux.
La Décffe aux cent voix , part d'une aîle tremblante
,
Vole au Mont - Palatin ; là , femant l'épouvante ,
Elle apprend aux Romains , que Cefar en fureur
,
Arrive & va bien-tôt leur parler en vainqueur.
Leur fait voir fes Vaiffeaux , fur les Mers d'Au-
/ fonie,
Ses Soldats tout couverts du fang de Germanie.
L'Incendie & le fang , les dangers , les hazards ,
La Guerre & fes horreurs s'offrent de toutes
parts.
Rome aux premiers éclairs de ce funefte orage
E differens projets , s'agite & fe partage.
L'un
JUILLET. 1730. 1499
L'un par terre s'enfuit , l'autre fur des Vaif
feaux ;
La Patrie eft déja moins feure que les caux .
Il en eft dont le coeur moins fenfible aux allar
mes >
Attend que le deftin s'explique par les armes.
Plus on craint , plus on fuit ; le peuple épouventé
Ne croit plus dans fes Murs trouver de sûreté ,
Il s'éloigne , & tenant une route incertaine ,
Alfe porte au hazard ou fa frayeur l'entraîne .
Rome fe plaît à fuir , les Romains de concert
De ces Murs fi fameux font un affreux défert.
Le fils tremblant gémit entre les bras du Pere ;
Celui- cy tient les Dieux que fa Maiſon revere ,
Er maudiffant cent fois les ennemis abfens ,
Les accable de loin , fous des voeux impuiffans,
L'Epoufe avec l'Epoux , l'Enfance & la Vieil
leffe.
Dans leurs embrafemens confonde leur trifteffe ,
La jeuneſſe , au hazard , fans confulter le poids,
Court au premier objet qui peut fixer fon choix.
L'Avare , fur fes bras , charge fon équipage ,
Et voulant tout fauver , porte tout au pillage .
Ainfi quand l'Aquilon , troublant la paix des
Flots ,
Par un fouffle imprévu furprend les Matelots.
L'Art & le Gouvernail , tout devient inutile ,
Aux travers des Ecueils , l'un fe cherche un azy,
le Celui- cy
385162
1 500 MERCURE DE FRANCE
Celui -cy jette l'anchre & deffend ſon Vaífſeau ;
L'autre attend fon falut & du fort & de l'eau.
Mais que dis-je , là Mer & les Vents & POrage
,
Des Romains effrayez , font une foible image.
Le croira-t-on ? Tout fuit en ce trouble honteux
;
Le Senat , les Confuls , & Pompée avec eux.
Oui , ce Héros vainqueur , du Pont , de Mithri
dates ,
La Terreur de l'Hydafpe , & l'Ecueil des Py
rates,
Lui , que Rome en un jour , vit triompher trois
fois ,
Lui , qui fit aux Dieux même , envier fes Exploits
,
Enfin , lui dont le nom redouté du Boſphore ,
Vole de Mer en Mer , du Couchant à l'Aurore ;
Il fuit ; le fort cruel lui fait tourner le dos ,
Et traite également le Peuple & le Héros.
Le dirai - je le Ciel en ce défordre extrême ,'
Le Ciel a vú trembler , a vû fuir les Dieux
même.
En vain deffus la Terre il refte des Autels ;
Toutes les Déitez s'éloignent des mortels.
La Paix , la douce Paix , les quitte la premiere ;
Ses bras blancs font flétris d'une main meurtrie
re.
Ses yeux baignez de pleurs d'un voile font couyerts
.
JUILLET. 1730. 1501
Et dans ce trifte état elle vole aux Enfers .
La foy court fur les pas , en compagne fidelle
Et les Cheveux épars , Thémis fuit avec elle.
La Concorde les fuit , déchirant ſes habits ,
Et quitte avec regret des peuples trop chéris.
En échange , Pluton fait fortir fur la Terre ,
Les Monftres que l'Enfer dans les gouffres en
ferre.
La cruelle Erinnis , Megere , fes flambeaux ,
Et tout ce qu'en la Guerre on éprouve de maur,
Rempliffent l'Horifon de funeftes images ,
On voit par tout des feux , des meurtres , des
ravages.
Sur ce nouveau Théatre arrive la Fureur ,
Comme un Courfier fans frein , qu'éguillonne
la peur.
Dans un Cafque fanglant , elle montre un vilage,
Dù cent coups imprimez,font témoins de fa rage.
Son bras gauche eft couvert d'un Bouclier épais
Dont le cuir eſt chargé d'une gerbe de traits.
D'un infernal Tifon , fa main droite enflam
mée ,
Répand des Tourbillons de feux & de fumée.
La Terre s'apperçoit qu'elle a changé de Dieur
Le même changement fe fait fentir aux Cieux.
En differens projets , l'Olimpe fe divife ,
Dione de Cefar protege l'entrepriſe.
Minerve eft pour Cefar , & l'invincible Mars
Veut lui fervir de Guide , au milieu des hazards.
B Pour
1502 MERCURE DE FRANCE
Pour Pompée , Apollon & fa foeur fe déclarent ,
Acle fervir , Mercure , Alcide fe préparent .
L'égalité des faits , des Lauriers , des Travaux
La gloire unit ensemble , Alcide & ce Héros.
Déja par les Clairons , la Difcorde animée ,
Eleye dans les Airs fa tête envenimée.
Dans fa bouche croupit un fang épais & noir
Où fa Langue preffée , a peine à fe mouvoir.
On y voit les débris de quelques dents gluantes ,
Ses Cheveux font autant de Couleuvres fifflantes
Ses habits déchirez , fes yeux brillants de pleurs
Et fon flambeau fatal annoncent les fureurs.
Elle fort des Enfers , & d'une marche prompte ,
Vers le Mont-Apennin , elle avance , elle y montc..
Et , delà , découvrant les Terres & les Mers ,
Et s'écriant d'un ton , dont frémit l'Univers :
Allez , Peuples , dit - elle , allez , courez aux
( .. Armes ,
50 Répandez à la fois , les feux & les alarmes,
Qui fe cache périt & le fexe & les ans ,
30 Sont d'un foible fecours , femmes , vieillards
enfans.
Tout doit prendre parti , tout doit parler de
guerre,
» Tout doit être agité jufqu'au fein de la Terre
» Toy , Marcellus , foutiens , anime le Senat,
Excite, Lentulus , les Romains au combat.
Le Peuple , Curion , à te fuivre s'aprête ;
» Qui
JUILLET. 1730. 1503
Qui t'arrête , Cefar acheve ta conquête.
» En vain Rome prétend repouffer tes efforts ,
» Viens forcer des Remparts , viens piller des
Tréfors.
1
» Et toy , Pompée , & toy , va fauver ta patric
Va , cours enfanglanter les Mers de Theffalien
» Epidaure t'attend , va d'un pas glorieux ,
Entre Cefar & toy faire expliquer les Dieux.
Elle dit , & foudain la Terre obéiffante ,
Par un prompt mouvement répond à ſon attente,
de Petrone ,fur la Guerre Civile.
L
' Ame du grand Céfar de rien n'eft alarmée
;
Rien ne peut arrêter l'ardeur de fon armée :
Parmi les cris de joye , il monte dans ces lieux
Il y campe , & delà , jettant au loin les yeux
H découvre les Champs de l'injufte Hefperic ;
Il fent à cet objet redoubler fa furie.
;
Et levant vers les Cieux & les mains & la voix ,
JUILLET. 1730. 1498
O Dieux, dit- il, ô Terre , où mon bras autrefois
,
Par de fanglans combats , captiva la Victoire
» O Pays , dont j'ai fait & la joye & la gloire .
» Un refte de bonté me parle encor pour toy ;;
Je cours à la vengeance , & j'y cours malgré
moy.
La Guerre qui s'apprête, ô Rome , eft ton ou
vrage :
Toy feule , tes mépris ont formé cet Orage.
Quoy ? tandis que volant de combats en
combats ,
Je t'affervis le Rhin , j'augmente tes Etats ,
» Tandis que t'immolant le débris de la Gaule
J'affermis de nouveau la paix du Capitole ,
L'Exil de tant d'Exploits fera Pindigne prix ,"
» As-tu donc crû Céfar , infenfible au mépris
Chaque fuccès nouveau me fait un nouveau "
crime !
» Des Romains que je fers , ferai - je la victime a
Efclaves malheureux , d'un fordide interêt ,
» Bien plus que mon pouvoir , ma gloire vous
déplaît .
> En vain la paix convient au bien de la patrie
» La Guerre contre moi , fert mieux la jaloufie
.
Qu'ils ne fe flattent pas que ce bras , fans vengeur
,
Puiffe tomber aux fers d'un indigne vain
queur..
J
» Non
1496 MERCURE DE FRANCE
}
Non , non , je ne crains point leur injufte ca
price ,
Allons , le fer en main , leur demander juf
tice.
Mon crime , chers amis , eft un crime commun
,
Rome , en me menaçant , vous menace cha
cun.
Je n'ay pas vaincu feul , je vous en dois la
gloire ,
Nous devons partager le fruit de la victoire.
» Marchons à Rome, allons, prevenons le dan
ger ,
Il faut , chers compagnons , périr ou fe ven
ger.
Pour moy , graces à vous , je ne fuis point
plaindre ,
Avec de tels Guerriers , Cefar ne fçait ries
craindre.
A peine achevoit -il , que par un vol heureu
Un Aigle l'affura du fuccès de fes voeux .
Sur la gauche du Camp , les Forêts retentirent
On entendit des voix , que les flammes fuivirent.
Phébus , d'un or plus pur , rehaufſa ſes cheveux
Et fit fur l'Horifon fentir de nouveaux feux.
Cefar , fortifié par tant d'heureux préfages ,
Au
JUILLET. 1730. 1497
Au travers des dangers , va s'ouvrir des paffages.
Il marche le premier ; la neige & les glaçons
Réfiftent quelque temps au poids des Eſcadrons
Mais bientôt , de la terre , échauffant la furface
,?
La foule fous fes pas , fait diffoudre la glace,
La Neige difparoît , fous les Chevaux tremblans
,
On voit de toutes parts , fe former des Torrens
Dont les Flots tout à coup rafermis & folides
S'arrêtent au milieu de leurs chûtes rapides .
On diroit , à l'aſpect d'un fi prompt change
ment
Qu'un invifible frein , retient cet Element.
En vain fur le penchant de ces routes gliffan
7 tes ,
S'avancent pas à pas , les Légions tremblantes.
Armes , Hommes , Chevaux , Bagages , Eten
darts ,
Pêle , inêle , emportez , tombent de toutes parts,
Pour furcroît de Terreur , il furvient un Orage
L'Aquilon déchaîné fait éclater ſa rage;
Dans un Nuage horrible , il amene la nuit¸
Et la Grêle auffi-tôt ſe répand à grand bruit .
Il femble qu'une Mer au haut des Cieux for
mée ,
Defous fes Flots glacez , veut engloutir l'Armée,
LA
1498 MERCURE DE FRANCE.
Le Ciel , la Terre & l'Onde enfemble confondus
,
Sous l'effort de l'Hyver font unis & vaincus.
Cefar réfifte feul , appuyé ſur ſa Lance ,
Il brave le péril , il deſcend , il s'avance.
Tel Alcide autrefois , d'un pas victorieux ,
Marchoit fur le Caucafe , & tel au haut des
Cieux ;
Paroiffoit Jupiter , lorfqu'armé du Tonnerre ,
Il confondoit l'orgueil des enfans de la Terre.
Mais tandis que l'Armée aprés tant de Travaux
Aux pieds de ces Rochers , fe range à fes Drapeaux.
La Décffe aux cent voix , part d'une aîle tremblante
,
Vole au Mont - Palatin ; là , femant l'épouvante ,
Elle apprend aux Romains , que Cefar en fureur
,
Arrive & va bien-tôt leur parler en vainqueur.
Leur fait voir fes Vaiffeaux , fur les Mers d'Au-
/ fonie,
Ses Soldats tout couverts du fang de Germanie.
L'Incendie & le fang , les dangers , les hazards ,
La Guerre & fes horreurs s'offrent de toutes
parts.
Rome aux premiers éclairs de ce funefte orage
E differens projets , s'agite & fe partage.
L'un
JUILLET. 1730. 1499
L'un par terre s'enfuit , l'autre fur des Vaif
feaux ;
La Patrie eft déja moins feure que les caux .
Il en eft dont le coeur moins fenfible aux allar
mes >
Attend que le deftin s'explique par les armes.
Plus on craint , plus on fuit ; le peuple épouventé
Ne croit plus dans fes Murs trouver de sûreté ,
Il s'éloigne , & tenant une route incertaine ,
Alfe porte au hazard ou fa frayeur l'entraîne .
Rome fe plaît à fuir , les Romains de concert
De ces Murs fi fameux font un affreux défert.
Le fils tremblant gémit entre les bras du Pere ;
Celui- cy tient les Dieux que fa Maiſon revere ,
Er maudiffant cent fois les ennemis abfens ,
Les accable de loin , fous des voeux impuiffans,
L'Epoufe avec l'Epoux , l'Enfance & la Vieil
leffe.
Dans leurs embrafemens confonde leur trifteffe ,
La jeuneſſe , au hazard , fans confulter le poids,
Court au premier objet qui peut fixer fon choix.
L'Avare , fur fes bras , charge fon équipage ,
Et voulant tout fauver , porte tout au pillage .
Ainfi quand l'Aquilon , troublant la paix des
Flots ,
Par un fouffle imprévu furprend les Matelots.
L'Art & le Gouvernail , tout devient inutile ,
Aux travers des Ecueils , l'un fe cherche un azy,
le Celui- cy
385162
1 500 MERCURE DE FRANCE
Celui -cy jette l'anchre & deffend ſon Vaífſeau ;
L'autre attend fon falut & du fort & de l'eau.
Mais que dis-je , là Mer & les Vents & POrage
,
Des Romains effrayez , font une foible image.
Le croira-t-on ? Tout fuit en ce trouble honteux
;
Le Senat , les Confuls , & Pompée avec eux.
Oui , ce Héros vainqueur , du Pont , de Mithri
dates ,
La Terreur de l'Hydafpe , & l'Ecueil des Py
rates,
Lui , que Rome en un jour , vit triompher trois
fois ,
Lui , qui fit aux Dieux même , envier fes Exploits
,
Enfin , lui dont le nom redouté du Boſphore ,
Vole de Mer en Mer , du Couchant à l'Aurore ;
Il fuit ; le fort cruel lui fait tourner le dos ,
Et traite également le Peuple & le Héros.
Le dirai - je le Ciel en ce défordre extrême ,'
Le Ciel a vú trembler , a vû fuir les Dieux
même.
En vain deffus la Terre il refte des Autels ;
Toutes les Déitez s'éloignent des mortels.
La Paix , la douce Paix , les quitte la premiere ;
Ses bras blancs font flétris d'une main meurtrie
re.
Ses yeux baignez de pleurs d'un voile font couyerts
.
JUILLET. 1730. 1501
Et dans ce trifte état elle vole aux Enfers .
La foy court fur les pas , en compagne fidelle
Et les Cheveux épars , Thémis fuit avec elle.
La Concorde les fuit , déchirant ſes habits ,
Et quitte avec regret des peuples trop chéris.
En échange , Pluton fait fortir fur la Terre ,
Les Monftres que l'Enfer dans les gouffres en
ferre.
La cruelle Erinnis , Megere , fes flambeaux ,
Et tout ce qu'en la Guerre on éprouve de maur,
Rempliffent l'Horifon de funeftes images ,
On voit par tout des feux , des meurtres , des
ravages.
Sur ce nouveau Théatre arrive la Fureur ,
Comme un Courfier fans frein , qu'éguillonne
la peur.
Dans un Cafque fanglant , elle montre un vilage,
Dù cent coups imprimez,font témoins de fa rage.
Son bras gauche eft couvert d'un Bouclier épais
Dont le cuir eſt chargé d'une gerbe de traits.
D'un infernal Tifon , fa main droite enflam
mée ,
Répand des Tourbillons de feux & de fumée.
La Terre s'apperçoit qu'elle a changé de Dieur
Le même changement fe fait fentir aux Cieux.
En differens projets , l'Olimpe fe divife ,
Dione de Cefar protege l'entrepriſe.
Minerve eft pour Cefar , & l'invincible Mars
Veut lui fervir de Guide , au milieu des hazards.
B Pour
1502 MERCURE DE FRANCE
Pour Pompée , Apollon & fa foeur fe déclarent ,
Acle fervir , Mercure , Alcide fe préparent .
L'égalité des faits , des Lauriers , des Travaux
La gloire unit ensemble , Alcide & ce Héros.
Déja par les Clairons , la Difcorde animée ,
Eleye dans les Airs fa tête envenimée.
Dans fa bouche croupit un fang épais & noir
Où fa Langue preffée , a peine à fe mouvoir.
On y voit les débris de quelques dents gluantes ,
Ses Cheveux font autant de Couleuvres fifflantes
Ses habits déchirez , fes yeux brillants de pleurs
Et fon flambeau fatal annoncent les fureurs.
Elle fort des Enfers , & d'une marche prompte ,
Vers le Mont-Apennin , elle avance , elle y montc..
Et , delà , découvrant les Terres & les Mers ,
Et s'écriant d'un ton , dont frémit l'Univers :
Allez , Peuples , dit - elle , allez , courez aux
( .. Armes ,
50 Répandez à la fois , les feux & les alarmes,
Qui fe cache périt & le fexe & les ans ,
30 Sont d'un foible fecours , femmes , vieillards
enfans.
Tout doit prendre parti , tout doit parler de
guerre,
» Tout doit être agité jufqu'au fein de la Terre
» Toy , Marcellus , foutiens , anime le Senat,
Excite, Lentulus , les Romains au combat.
Le Peuple , Curion , à te fuivre s'aprête ;
» Qui
JUILLET. 1730. 1503
Qui t'arrête , Cefar acheve ta conquête.
» En vain Rome prétend repouffer tes efforts ,
» Viens forcer des Remparts , viens piller des
Tréfors.
1
» Et toy , Pompée , & toy , va fauver ta patric
Va , cours enfanglanter les Mers de Theffalien
» Epidaure t'attend , va d'un pas glorieux ,
Entre Cefar & toy faire expliquer les Dieux.
Elle dit , & foudain la Terre obéiffante ,
Par un prompt mouvement répond à ſon attente,
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Résumé : SUITE de la Traduction du Poëme de Petrone, sur la Guerre Civile.
Le texte décrit une scène de la guerre civile entre César et Pompée. César, animé par la détermination et la fureur, se prépare à marcher sur Rome, accusant la ville de l'avoir poussé à la vengeance. Il appelle ses soldats à le suivre, justifiant la guerre par la nécessité de défendre leur honneur et leur gloire commune. Malgré les obstacles naturels tels que la neige et les tempêtes, César et son armée avancent, encouragés par des présages favorables. À Rome, la peur s'installe parmi les habitants, qui fuient la ville. Le Sénat et Pompée, malgré ses exploits passés, prennent également la fuite. Les dieux semblent abandonner Rome, laissant place à la discorde et à la fureur. La Discordance, personnifiée, incite les peuples à prendre les armes, annonçant une guerre totale où chacun doit participer.
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4
p. 2623-2624
TRADUCTION D'une Ode d'Horace : Eheu ! fugaces, posthume, posthume, Labuntur anni &c.
Début :
Le tems fuit, l'âge nous presse, [...]
Mots clefs :
Horace, Vins
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texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION D'une Ode d'Horace : Eheu ! fugaces, posthume, posthume, Labuntur anni &c.
TRADUCTION
D'une Ode d'Horace :
Eheu ! fugaces , pofthume , pofthume
Labuntur anni & c.
LEE tems fuit , l'âge nous preffe
Il s'écoule à tout moment ;
A la mort , à la vieilleffe
On court fans retardement.
Qu'à Pluton on facrifie
Trois cent victimes par jour ;
Pour Geryon , pour Titye ,
Pour tous il eſt ſans retour.
Tout ce qui vit & reſpire ,
Riches , Pauvres , Bergers , Rois ,
Vers fon tenebreux Empire
Doit naviger une fois.
C'eſt en vain qu'on fuit Bellone }
Le Dieu des Mers irrité ,
Et qu'on craint le vent d'Automne
Si nuifible à la fanté.
Il faut voir le noir Cocite ,
Le cours errant de feseaux ,
I, Vol. Dij
Do
2624 MERCURE DE FRANCE
Des Soeurs la race maudite ,
De Sifyphe les travaux .
On perd tout fur cette rive ,
Femme , maiſons , quels regrets !
Des Arbres que l'on cultive
Rien ne fuit que le cyprès.
Nos heritiers feront gloire
De diffiper tous nos vins ,
Ces vins qu'on ne devoit boire
Que dans les plus grands feftins.
D'une Ode d'Horace :
Eheu ! fugaces , pofthume , pofthume
Labuntur anni & c.
LEE tems fuit , l'âge nous preffe
Il s'écoule à tout moment ;
A la mort , à la vieilleffe
On court fans retardement.
Qu'à Pluton on facrifie
Trois cent victimes par jour ;
Pour Geryon , pour Titye ,
Pour tous il eſt ſans retour.
Tout ce qui vit & reſpire ,
Riches , Pauvres , Bergers , Rois ,
Vers fon tenebreux Empire
Doit naviger une fois.
C'eſt en vain qu'on fuit Bellone }
Le Dieu des Mers irrité ,
Et qu'on craint le vent d'Automne
Si nuifible à la fanté.
Il faut voir le noir Cocite ,
Le cours errant de feseaux ,
I, Vol. Dij
Do
2624 MERCURE DE FRANCE
Des Soeurs la race maudite ,
De Sifyphe les travaux .
On perd tout fur cette rive ,
Femme , maiſons , quels regrets !
Des Arbres que l'on cultive
Rien ne fuit que le cyprès.
Nos heritiers feront gloire
De diffiper tous nos vins ,
Ces vins qu'on ne devoit boire
Que dans les plus grands feftins.
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Résumé : TRADUCTION D'une Ode d'Horace : Eheu ! fugaces, posthume, posthume, Labuntur anni &c.
L'ode d'Horace médite sur la fugacité du temps et l'inévitabilité de la mort. Chaque jour, des victimes sont sacrifiées à Pluton, symbolisant la mort inéluctable pour tous, riches ou pauvres. La mort est inévitable, même en fuyant les dangers. Les damnés, comme Sisyphé, souffrent dans l'au-delà. Sur terre, on perd tout, y compris les biens matériels et les êtres chers. Les héritiers dilapident les biens accumulés.
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5
p. 41-46
TRADUCTION De l'Eté de M. l'Abbé Métastaze.
Début :
Des pleurs précieux de l'Aurore [...]
Mots clefs :
Bergère, Chaleur, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION De l'Eté de M. l'Abbé Métastaze.
TRADUCTION
De l'Eté de M. l'Abbé Métaftaze.
DEs pleurs précieux de l'Aurore
Nos champs ne font plus pénétrés ;
brillantes couleurs de Flore ,
Njardins ne font plus parés.
L Eté , qu'un blond épic couronne ,
Amene déja la moiffon :
Et la chaleur qui l'environne ,
A terni l'éclat du
gazon.
#
L'air appéfanti nous accable ,
Sitôt que le foleil s'enfuit :
Son feu déposé dans le ſable ,
S'éleve & réchauffe la nuit.
Ces prez voifins d'une fontaine
N'ont plus de ruiffeau bienfaicteurs.
L'autan , fous fa brulante haleine ,
Voit plier la tige des fleurs.
42 MERCURE DE FRANCE:
Des nuages , la terre aride
Ne reçoit aucun aliment :
De leurs dons fa furface avide
Partout fe fillonne & fe fend.
L'arbre que le printems décore ,
N'a plus fa premiere verdeur :
Et le rayon qui le dévore .
Paroît y laiffer fa couleur.
Le faule ingrat fur le rivage ;
A ce ruiffeau qui le nourrit
Ceffant de porter fon ombrage ;
Le livre au chaud qui le tarit.
3
On voit ,fans en craindre l'outrage ,
Le moiffonneur , fous le foleil ,
Accablé du poids de l'ouvrage ,
Gouter la douceur du fommeil .
串
Près de lui la Bergere aimable ,
Courant d'un pas rapide & prompt ,
Ote d'une ma n fécourable
La fueur qui baigne fon front.
NOVEMBRE. 1755. 43
Nos guèrets couverts de pouffiere
Du timide gibier qui fuit
N'offrent plus la piste légere
A l'ennemi qui le pourfuit.
Vainement le chaffeur tourmente
Le chien bientôt las d'aboyer ;
Son haleine courte & fréquente
Paffe & repaffe à ſon gofier.
Ce taureau bondiffant fur l'herbe ,
Dont le Berger a vu l'ardeur,
Et qui furieux & fuperbe
Porta fa flamme dans fon coeur •
Cédant au chaud qui l'extenue ,
Mugit , fe couche lentement ,
Tandis que la géniffe émue
Répond à fon mugiffement.
8
Du roffignol , que rien n'égale ,
Quand les accens charment nos bois ,
Le fon aigu de la cigale
A remplacé la douce voix.
44 MERCURE DE FRANCE.
Le ferpent qui fe renouvelle ,
Siffle , épouvante les pafteurs ;
Fier , au rayon qui le décele ,
Il oppofe mille couleurs.
Au fond de l'élement humide
Qu'attiédit la chaleur du jour ,
Sous l'algue le poiffon timide ,
Cherche à tempérer fon féjour.
D'une faiſon auſſi terrible
Je fupporterois la rigueur ;
Si Life à mes foupirs fenfible ;
S'attendriffoit en ma faveur .
Qu'Amour aux déferts de Lybie ,
Ou dans les climats les plus froids ,
Me mene au gré de fon envie ,
J'y fuis heureux , fi je t'y vois.
Quoique la, cime en foit brulée ;
Ce mont , par fon dos recourbé
Par cette ombrageufe vallée )
A la chaleur eft dérobé,
NOVEMBRE. 1755. 45
De ce côteau coule une fource ,
Dont la chute épure fes eaux
Et qui partagée en la courſe ,
Se répand en mille ruiffeaux,
Jamais la Bergere n'y mene
L'importun troupeau qui la fuit ;
La lune y paroît incertaine ,
Foiblement le foleil y luit.
Qu'en ces beaux lieux la nuit nous trompe ;
Qu'elle nous preſſe de jouir ;
Et qu'aucun fouci n'interrompe
Le moment heureux du plaifir.
Pourquoi chercher dans le nuage
Du fombre & douteux avenir ;
Il n'eft qu'un tems pour le bel âge ,
Life , l'amour doit le remplir,
Si le Dieu du Pinde m'inſpire ,
Si l'amour m'affure ta foi ,
Que le fort contre mor confpire ,
Je l'attends fans aucun effroi.
46 MERCURE DE FRANCE.
Ni le luxe de la richeſſe ,
Ni le faux éclat de l'honneur ,
Ni les glaces de la vieilleffe
Ne changeront jamais mon coeur.
Tout courbé , la tête chenue ,
Mon luth fléchira fous mes doigts ;
A fa corde alors mal tendue
J'accorderai ma foible voix.
Je chercherai l'amour encore
Dans ces beaux yeux moins empreffés ;
Et fur cette main que j'adore ,
Mes froids baifers feront tracés,
Grands Dieux , qu'aucun trouble n'altere ,
De nos maux , paiſibles témoins ,
Souffrez que mon luth , ma Bergere ,
Soient toujours l'objet de mes foins.
#
i
Que pour nous la parque moitis dure ,
D'un long fil couvre ſon fuſeau ,
Life , d'une flamme auffi pure
Je brulerai jufqu'au tombeau.
Pallu , de Poitiers.
De l'Eté de M. l'Abbé Métaftaze.
DEs pleurs précieux de l'Aurore
Nos champs ne font plus pénétrés ;
brillantes couleurs de Flore ,
Njardins ne font plus parés.
L Eté , qu'un blond épic couronne ,
Amene déja la moiffon :
Et la chaleur qui l'environne ,
A terni l'éclat du
gazon.
#
L'air appéfanti nous accable ,
Sitôt que le foleil s'enfuit :
Son feu déposé dans le ſable ,
S'éleve & réchauffe la nuit.
Ces prez voifins d'une fontaine
N'ont plus de ruiffeau bienfaicteurs.
L'autan , fous fa brulante haleine ,
Voit plier la tige des fleurs.
42 MERCURE DE FRANCE:
Des nuages , la terre aride
Ne reçoit aucun aliment :
De leurs dons fa furface avide
Partout fe fillonne & fe fend.
L'arbre que le printems décore ,
N'a plus fa premiere verdeur :
Et le rayon qui le dévore .
Paroît y laiffer fa couleur.
Le faule ingrat fur le rivage ;
A ce ruiffeau qui le nourrit
Ceffant de porter fon ombrage ;
Le livre au chaud qui le tarit.
3
On voit ,fans en craindre l'outrage ,
Le moiffonneur , fous le foleil ,
Accablé du poids de l'ouvrage ,
Gouter la douceur du fommeil .
串
Près de lui la Bergere aimable ,
Courant d'un pas rapide & prompt ,
Ote d'une ma n fécourable
La fueur qui baigne fon front.
NOVEMBRE. 1755. 43
Nos guèrets couverts de pouffiere
Du timide gibier qui fuit
N'offrent plus la piste légere
A l'ennemi qui le pourfuit.
Vainement le chaffeur tourmente
Le chien bientôt las d'aboyer ;
Son haleine courte & fréquente
Paffe & repaffe à ſon gofier.
Ce taureau bondiffant fur l'herbe ,
Dont le Berger a vu l'ardeur,
Et qui furieux & fuperbe
Porta fa flamme dans fon coeur •
Cédant au chaud qui l'extenue ,
Mugit , fe couche lentement ,
Tandis que la géniffe émue
Répond à fon mugiffement.
8
Du roffignol , que rien n'égale ,
Quand les accens charment nos bois ,
Le fon aigu de la cigale
A remplacé la douce voix.
44 MERCURE DE FRANCE.
Le ferpent qui fe renouvelle ,
Siffle , épouvante les pafteurs ;
Fier , au rayon qui le décele ,
Il oppofe mille couleurs.
Au fond de l'élement humide
Qu'attiédit la chaleur du jour ,
Sous l'algue le poiffon timide ,
Cherche à tempérer fon féjour.
D'une faiſon auſſi terrible
Je fupporterois la rigueur ;
Si Life à mes foupirs fenfible ;
S'attendriffoit en ma faveur .
Qu'Amour aux déferts de Lybie ,
Ou dans les climats les plus froids ,
Me mene au gré de fon envie ,
J'y fuis heureux , fi je t'y vois.
Quoique la, cime en foit brulée ;
Ce mont , par fon dos recourbé
Par cette ombrageufe vallée )
A la chaleur eft dérobé,
NOVEMBRE. 1755. 45
De ce côteau coule une fource ,
Dont la chute épure fes eaux
Et qui partagée en la courſe ,
Se répand en mille ruiffeaux,
Jamais la Bergere n'y mene
L'importun troupeau qui la fuit ;
La lune y paroît incertaine ,
Foiblement le foleil y luit.
Qu'en ces beaux lieux la nuit nous trompe ;
Qu'elle nous preſſe de jouir ;
Et qu'aucun fouci n'interrompe
Le moment heureux du plaifir.
Pourquoi chercher dans le nuage
Du fombre & douteux avenir ;
Il n'eft qu'un tems pour le bel âge ,
Life , l'amour doit le remplir,
Si le Dieu du Pinde m'inſpire ,
Si l'amour m'affure ta foi ,
Que le fort contre mor confpire ,
Je l'attends fans aucun effroi.
46 MERCURE DE FRANCE.
Ni le luxe de la richeſſe ,
Ni le faux éclat de l'honneur ,
Ni les glaces de la vieilleffe
Ne changeront jamais mon coeur.
Tout courbé , la tête chenue ,
Mon luth fléchira fous mes doigts ;
A fa corde alors mal tendue
J'accorderai ma foible voix.
Je chercherai l'amour encore
Dans ces beaux yeux moins empreffés ;
Et fur cette main que j'adore ,
Mes froids baifers feront tracés,
Grands Dieux , qu'aucun trouble n'altere ,
De nos maux , paiſibles témoins ,
Souffrez que mon luth , ma Bergere ,
Soient toujours l'objet de mes foins.
#
i
Que pour nous la parque moitis dure ,
D'un long fil couvre ſon fuſeau ,
Life , d'une flamme auffi pure
Je brulerai jufqu'au tombeau.
Pallu , de Poitiers.
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Résumé : TRADUCTION De l'Eté de M. l'Abbé Métastaze.
Le poème 'Des pleurs précieux de l'Aurore' de l'Abbé Métafaze, publié dans le Mercure de France en novembre 1755, décrit les effets dévastateurs de la chaleur estivale sur la nature. Les champs et les jardins ont perdu leur éclat, et les arbres ont perdu leur verdure. La chaleur intense rend les nuits étouffantes et les sources d'eau sont taries. Les animaux, tels que les taureaux et les chiens, souffrent de la chaleur. Les bergers et les moissonneurs cherchent refuge dans le sommeil. Le poète exprime son amour inconditionnel pour une personne, affirmant qu'il serait heureux en sa compagnie même dans les conditions les plus difficiles. Il souhaite que son amour reste pur et constant jusqu'à la fin de sa vie, malgré les épreuves.
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6
p. 149-173
SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
Début :
LA nuit, si chère à l'Amour & que ce Dieu embellit souvent de ses charmes [...]
Mots clefs :
Amour, Pudeur, Hymen, Volupté, Sirènes, Époux, Muses
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces
fugitives.
SUITE de la Traduction de MAL-APROPOS
, ou L'EXIL DE LA Py-
DEUR , Poëme Grec.
QUATRIEME CHANT.
LAA nuit , fi chère à l'Amour & que
ce Dieu embellit fouvent de fes chat-
Gij
150 MERCURE (DE FRANCE.
.
mes , impatiente de fe rendre à Pa
phos , avoit preffé le Soleil de lui faire
place. Non qu'elle eût violé les loix
immuables de fon cours ; mais elle
avoit étendu les bords de fon voile
de telle forte , qu'à peine Phabus touchoit
à l'humide empire , que fes
derniers rayons avoient été abforbés.
Une quantité prodigieufe de flambeaux
avoient fait un jour nouveau ;
& ce jour est le vrai jour de Paphos.
A la lueur de ces Aftres factices , on
vit reparoître les Immortels Époux ; &
chacun deux fe rendit dans des cabinets
différens. Leur cour fe partagea
pour affifter à leur toilette. L'Hymen
vifita alternativement l'une & l'autre
lui-même avoit appellé la Galanterie ;
il l'introduifit , à celle de l'Amour , &
les Grâces fe déroboient tour-à-tour
pour y paffer quelques inftans . La
toilette , de l'Amour n'eft pas longue ;
il vola à celle de fa Pfyche , dans l'infant
que par les mains de la Pudeur
elle achevoit de prendre une feconde
robe nuptiale d'un tiffu d'argent le plus
éclatant , que les Arts avoient parfemé
des tréfors de l'Orient. Les Grâces
émpreffées autour d'elle , fe difpu
toient le prix du goût ; & chacune en
MARS. 1763. ISL
particulier s'applaudiffoit des ornemens
la Beauté rend fi faciles à placer
& auxquels elle prête tant d'agréque
ment .
Les toilettes étant finies , & les époux
encore plus parés de leurs charmes ,
que des ornemens qu'on y avoit ajoutés ,
au milieu des lumières cachées dans
les feuilles & dans les fleurs , de manière
que les unes & les autres paroiffoient
produire la clarté ; cette troupe
charmante traverfa les jardins pour
retourner au Palais principal. Au -devant
, étoit dreffé un trône de brillans ,
plus éclatans que le Soleil , fous un
Pavillon de la plus riche pourpre de
Tyr , rayonnée d'or & de diamans . Des
guirlandes de fleurs artificiellement
imitées par les pierres les plus précieuſes
, en renouoient les pentes , &
étoient foutenues par de jeunes zéphirs ,
dont les aîles tranfparentes & orientées
, s'accordoient harmonieuſement
avec les couleurs du Pavillon . C'eftlà
, que l'Amour & Pfyché fe placerent
pour voir la troupe agile des Plaiſirs &
des Amours fe jouer alternativement ,
fur un canal de l'onde , & du feu
que Vulcain avoit préparé pour le ter-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
rible Dieu de la Guèrre. Tantôt l'air
embrafé offroit un fpectacle dont la vue.
avoit peine à foutenir l'éclat & à fuivre
la variété des fcènes. Tantôt , par
des machines que les Arts avoient fournies
, l'Onde pouffée en jets à perte
de vue , étoit recueillie en l'air dans des
vâfes portés par les enfans aîlés qui ,
en la réverfant , lui donnoient mille
formes différentes ; la lumière étoit
telle dans ces fêtes , qu'elle prêtoit
aux eaux l'apparence du criftal en fufion.
A ces jeux en fuccédoient d'autres
qui préfentoient l'image paffagère &
paifible des ravages & des embraſemens
qui , trop fouvent parmi les
Mortels ne font qu'un jeu du Maître
charmant , qu'on amufoit alors ,
tour -à - tour le Tyran & le Dieu du
monde. Quelquefois on appercevoit
des traits de flâme , pénétrer , fans s'éteindre
, la profondeur des Ondes &
en faire fortir les froides Déïtés fur des
Conques galantes. Les Amours , qui
avoient lancé ces traits ,, menoient en
triomphe ces Dieux des eaux enchaînés .
Tout ce que les armes de l'Amour avoient
fait de conquêtes remarquables dans
l'Empire de Neptune étoit rappellé
par des répréſentations animées. Chaque
,
,
MAR S. 1763. 153
partie de ces jeux , fi l'on vouloit les
bien peindre , fuffiroit à un Poëme
entier.
Plus puiffant au Parnaffe que le Dieu
même qui y régne , l'Amour avoit appellé
les Mufes , & les Mufes s'étoient
empreffées à fignaler leur zéle ,, par les
plus agréables effets de leurs talens . C'eft
à leurs foins qu'on devoit les preftiges
qui avoient figuré dejà les amours de
quelques Déités des eaux. Mais leur
chef- d'oeuvre en ce genre étoit préparé
dans l'intérieur du Palais ; on s'y
rendit donc , pour jouir d'un nouveau
fpectacle qui ne cédoit a aucun de
ceux qu'on venoit de voir , mais dont
mon foible ftyle (a) ne pourra donner
qu'un trait aride & fans coloris.
CINQUI É ME CHANT.
Dans une des Salles les plus vaſtes
du Palais , étoit difpofé un Théâtre
d'un genre & d'une forme dont notre
Grèce ne fourniroit que d'imparfaits
modéles toute la Cour de Paphos fe
raffembla dans ce lieu .
La Scéne n'étoit pas vifible aux Spec-
(a) On fait que les Anciens nommoient ainf
le poinçon avec lequel ils écrivoient fur les Tablettes
enduites de cire.
G v
$4 MERCURE DE FRANCE.
ateurs , lorfqu'ils entrerent pour fe
placer ; on auroit eu peine à la foupconner;
on n'y voyoit qu'un fuperbeAm
phitéâtre. Mais à peine les deux Fpoux.
y furent entrés , que la partie qui féparoit
la fcène difparut. On apperçut alors
un nouvel univers renfermé dans l'enceinte
de ce lieu ; des cieux , des mers ,
des campagnes , le terrible féjour des
enfers , & des Palais céleftes. La Nature
& l'Art magique , par leurs efforts réunis
, auroient peine à produire les prodiges
qu'offroit cette merveilleufe Scène.
Les Mufes s'étoient métamorphofées
fous diverfes formes , pour repréfenter
elles-mêmes les perfonnages d'un Drame
, dicté par Apollon , & qui retraçoit
en action les amours , les tourmens
& la félicité fuprême de la tendre Pfyché.
Cette repréſentation , qui n'étoit
point l'effet des Mafques groffiers en
ufage fur nos Théâtres ( b ) , étoit fi
fidéle , que Pfyché fut étonnée
fuite un peu inquiette de la Mufe qui
la repréfentoit : elle furprit les yeux de
l'Amour fouvent prêts à s'y méprendre
tant étoit parfaite l'illufion de la métaen-
(b) Sur les théâtres des Anciens les Acteurs
fe fervoient de mafques pour repréſenter les per
fonnages de leur Rôle.
MARS. 1763. 155
morphofe. Plus puiffante encore étoit
celle des accens qui renouvelloient
dans l'âme de Pfyché les fentimens
qu'elle avoit éprouvés . Ces accens
étoient dans un mode , & les vers dans
une mefure qui nous font encore inconnus.
Les chants , mariés à l'harmonie
de l'Orchestre , étoient apparemment
le langage même des Dieux pour
lefquels ce Spectacle étoit préparé. L'Amour
fourit à la vue de la Mufe qui
avoit emprunté fa figure ; il fe tourna
vers Pfyché pour confulter fon impreffion
; mais celle-ci , en portant fes
beaux yeux fur les fiens , lui dit , je
croirois voir l'Amour fur cette fcène
phantaftique , fi l'Amour n'étoit à mes
côtés ; mais on ne peut jamais fe méprendre
à la fiction , que quand il ne
daigne pas fe montrer lui-même.
A l'endroit du Drame qui rappelloit
les tourmens de la jeune Pfyché ; au
terrible afpect des enfers , repréfentés
très-vivement , & fur- tout à l'impitoyable
menace de lui ravir la beauté ; cette
tendre amante , par un mouvement involontaire
, fe précipita dans les bras .
de fon époux. Il en fut allarmé ; il
favoit mauvais gré aux Mufes du choix
de ces images douloureuſes , pour une
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
fete confacrée aux plus doux plaifirs.
Eh ! non , non , s'écria Pfyché , que
ne puis -je , tous les inftans de ma vie
immortelle , avoir un fouvenir auſſi vif
des maux que j'ai foufferts pour vous.
On ne jouit bien des délices de l'amour
que par la mémoire des peines qu'elles
ont coutées. L'Amour cependant fit
dire aux Mufes par le Dieu du goût que
l'on fixoit trop long- temps l'attention
fur de fi funeftes tableaux . Auffi-tôt on
en vit fuccéder de plus riants : la clémence
de Vénus & la félicité des deux
amans en étoient l'objet. C'est alors que
Terpficore , par des danfes voluptueufes
& gayes , vint effacer l'impreffion pathétique
que fes foeurs avoient procurée .
SIXIÈME CHANT .
Un autre Sujet tout différent occupa le
théâtre . La fatyre s'en étoit emparé. La
Scène ne repréfentoit plus qu'une vaſte
mer. On vit fur fa furface s'élever plufieurs
Syrenes , dont les figures féduiſantes
étoient auffi variées que leurs enchantemens
. Sans quitter l'humide fein de l'onde,
où plonge toujours la partie de leurs
corps , qui ne tient plus à l'humaine ſtruc-
&ture, elles formoient par des entrelacemens&
des bondiffemens fur les flots, des
efpèces de danfes , au fon de leurs chants
MARS. 1763. 157
,
mélodieux. Le tout refpiroit une volupté
fi dangereufe , que la plupart
des fpectateurs mêmes malgré la
force de leur divine exiftence en
étoient prèfque entraînés ; mais la plaifanterie
du Spectacle , qui furvint , fit
bientôt diſtraction à ce léger penchant
On apperçut des Barques fur cet
océan elles étoient , la plûpart , galamment
ornées , & paroiffoient chargées
de perfonnages qui repréfentoient
les principaux états de l'humanité. Ces
Barques n'avançoient pas toutes enfemble
on les voyoit d'abord dans le
lointain ; on remarquoit les mouvemens
oppofés qui fe paffoient entre des Nautoniers
expérimentés & des Paffagers
imprudens , qui les contraignoient à fe
détourner de leur route. Quelques Syrènes
fe détachoient pour aller au-devant
des Barques & fe faire voir de plus
près. Dès que les Barques en approchoient
, les artificieufes Syrènes , fe
replongeant dans l'onde , en reffortoient
à des diſtances éloignées. C'eſt ainfi
qu'elles attiroient , par ces feintes refuites
, les Paffagers jufques dans certains
efpaces , où étoient cachés fous les
flots des filets plus déliés que les cheveux
de leurs blondes treffes , mais plus
158 MERCURE DE FRANCE.
infrangibles que l'acier de LEMNOS.On
diftinguoit dans ces diverfes Barques de
fuperbes Archontes , de graves Aréopagites
, des héros de Mars , des difciples
de la Philofophie , enfin tous les
Ördres de la République , jufqu'à
d'auftères Sacrificateurs : chacun d'eux
difputoit avec foi-même quelques momens
; mais chacun d'eux veilloit l'inf
tant où les patrons des barques détournoient
la vue , afin de fauter plus librement
dans ces flots empoifonnés , à
l'aide des mains perfides que leurs tendoient
les Syrènes . D'autres fembloient
s'y laiffer gliffer mollement , & comme
par diftraction , croyant apparemment
par-là fe dérober leur propre foibleffe
& s'épargner le reproche de leur chûte.A
peine ces divers perfonnages tomboient
en la puiffance des Monftres charmans
qui les avoient furpris , qu'ils étoient
enchaînés de fleurs. Les Syrènes en
avoient qui étoient enchantées pour chaquefens
en particulier ; de forte que ces
victimes fe trouvoient arrêtées dans toutes
les parties de leur être. Ainfi que
certains animaux carnaciers fe jouent
quelque temps de leur proie avant que
de la dévorer telles ces femmes infidieufes
, faifoient en cent façons des
MARS. 1763. 159
jouets de leurs Captifs ; & par les formes
les plus ridicules qu'elles leur faifoient
prendre , elles les expofoient au
rire des Spectateurs , avant que de les
précipiter dans les abîmes de cet océan,
Les jeunes étourdis de notre Grèce nefurent
pas les moins amufans des per
fonnages de cette comique Pantomime..
Les Syrènes les faifoient tourner avec
une rapidité incroyable autour d'elles :
elles avoient pour cela des fouets de
toutes les paffions , qui leur donnoient
à chaque inftant des impulfions contraires.
Elles changeoient enfuite ces
Etres en différentes efpèces d'animaux ;
elles s'amufoient de leur babillage en
perroquets ; elles leur faifoient répéter
à-peu-près ce qu'ils auroient dit fous
leur forme naturelle ; elles les faifoient.
voler , comme des Etourneaux &
retomber dans la mer , où ils difparoiffoient
pour quelques momens. Enfuite ,
fous la forme de petits chiens , elles les
dreffoient fur le champ à plufieurs exercices
plus comiques les uns que les autres
; puis elles finiffoient par les tranfformér
en dogues furieux , dont les
rauques aboyemens étoient fuivis de
combats dévorans , qui fe terminoient
au gré du caprice de leurs cruelles maîtreffes
.
,
160 MERCURE DE FRANCE.
De toutes ces Pantomimes , dont
Momus avoit concerté les fcènes , il n'y
en eut point de plus piquante que la
dernière. On vit approcher une Barque
plus confidérable que les précédentes ;
les flammes ou banderoles étoient de
pourpre de Tyr & de tiffus de l'or le
plus pur. A mefure que ce bâtiment ,
chargé d'un nombreux cortége , approchoit
des fpectateurs , on y découvroit
de nouveaux ornemens. Le Chef fe
diftinguoit fur tous les autres par l'éclat
des plus riches étoffes & des pierreries
dont il étoit couvert. On voyait,
au mouvement perpétuel de fes mains ,
qu'il répandoit avec profufion toutes
fortes de richeffes aux Syrènes du fecond
ordre qui bondiffoient autour de
fa Barque , mais dont les charmes n'étoient
pas affez puiffans pour arrêter un
Dieu , car c'étoit le Dieu Plutus que
repréſentoit ce phantaftique perfonnage.
Il étoit alors en querelle avec l'Amour ,
& n'avoit point été appellé à ces fêtes.
Les Mufes , fouvent piquées des avances
humiliantes qu'elles font à ce Dieu
& du dédain dont il les reçoit ,
avoient faifi cette occafion de vengeance.
On reconnoiffoit Plutus nonfeulement
à fa fplendeur , mais à une
MARS. 1763.
161
certaine pâleur livide , qu'il porte luimême
fur le vifage , & qu'il communique
à fes favoris , abforbés dans le
foin d'accumuler & de conferver les
tréfors qu'il leur confie. Trois des principales
Syrènes attendoient cette précieufe
proie avec une nonchalance affectée
, qui leur en afſuroit davantage
la conquête . Elles formerent alors des
concerts fi touchans ; elles prirent des
attitudes fi enchantereffes , que l'âme
d'aucun Mortel n'eût pu foutenir , fi
l'on ofoit le dire , le poids délicieux
de cette volupté. L'âme du Dieu des
Richeffes ne fut pas inacceffible. Les
Syrènes avoient ajouté à leurs enchantemens
ordinaires le charme d'un parfum
plus fort que celui qu'on offre aux
autres Dieux , & dont l'yvreffe eft inévitable.
Plutus reçut en apparence
l'hommage des trois Syrènes , qui ne
faifoient que prêter à fa vanité un léger
tribut dont il alloit les dédommager
par celui de toutes fes poffeffions . Les
Syrènes éleverent les bras vers lui ; il
s'inclina pour recevoir leurs embraffemens.
Bientôt elles l'eurent enlevé de
fon bord , & la Barque avec tout le
cortége difparut au milieu de la troupe
des autres Syrènes. Les principales Ac
162 MERCURE DE FRANCE ,
au moien
trices de ce jeu foutinrent quelque
temps Plutus fur leurs bras , puis , par
un badinage enjoué , elles le plongerent
dans les eaux enchantées. C'eft alors
qu'on ne peut compter toutes les tranfformations
burleſques par lefquelles on
le fit paffer. La dernière amufa particu→
liérement la Cour du Dieu de Paphos .
On vit reparoître la tête de Plutus
fur la fuperficie de l'eau . Les trois
Syrènes , alternativement
d'un petit foufflet dont elles lui avoient
pofé le tuyau dans la bouche , gonflé
rent cette tête au point que toute fa
forme difparut , pour faire place à un
globe que l'air feul rempliffoit. Les Syrènes
alors s'écartérent ; & fe rejettant
en l'air l'une à l'autre ce globe de vent ,
elles donnerent le Spectacle riant d'un
exercice très-agréable jufqu'à ce que
ces jeux ayant affez duré , les Syrènes
fe plongerent avec leur proie au fond
de l'Océan. La Scène fe referma fubitement
telle qu'elle avoit été avant le
Spectacle , & toute la cour des deux
époux les fuivit à la Salle du Banquet .
SEPTIE ME CHANT.
Je ne décrirai point le lieu délicieux
& brillant deftiné au Banquet des DiMARS.
1763.
163
·
vinités de Paphos. Je ne ferai point
l'énumération des mets exquis dont
Comus avoit dirigé la compofition &
l'ordre des fervices. Lorfque les Dieux
habitent la Tèrre , ils fe plaifent à ufer
de la nourriture des Mortels , ainfi que
des autres plaifirs que leur bonté fouveraine
a attachés à chacun de nos
fens. Ce qui eft plus important à mon
Sujet ce font les rangs des principaux
convives ; l'Hymen avoit de droit le
premier il étoit placé entre les deux
Epoux. Ce fut lui qui pofa fur leurs
têtes les couronnes en ufage dans les
feftins.
Chaque affemblée , chaque événe
ment tant foit peu folemnef, fait naître
dans les cours fublunaires une multitude
de conteftations. Les Cours Céleftes
n'en font pas plus exemptes. Cependant
celle de l'Amour dans fes fêtes
particulières eft très-facile fur l'étiquette
; mais l'Hymen préfidoit à celleci
& l'Hymen , ( Tyran jufques dans
les Plaifirs , ) eft le premier qui ait introduit
les graves minucies du cérémonial.
Plus cérémonienfe que toute autre
& plus délicate fur les frivoles honla
Pudeur reclama en cette occafion
la place que la Volupté vouloit
neurs ,
1
#
164 MERCURE DE FRANCE.
occuper auprès de Pfyché. Toujours
fière par humeur autant que par étar ,
fouvent querelleufe par orgueil pour
des prérogatives qu'elle céderoit par
goût , cette majeftueufe Pudeur implora
l'autorité de l'Hymen , & l'Hymen
prononça en fa faveur. Pour confoler
la Volupté , l'Amour la fit mertre à fes
côtés. L'Amour déféroit encore aux
droits des premiers jours de l'Hymen,
O Hymen de combien d'années d'outrages
& d'affronts tu payes fouvent
les vaines déférences que tu éxiges
dans tes jours de Fêtes folemnelles ! La
place de Bacchus étoit marquée à la
droite de l'Amour, Ainfi la Volupté ne
fe crut point déplacée d'être entre eux.
Comus de l'autre côté fe rencontroit
près de la Pudeur. La vénérable Matrone
vit cet arrangement avec quelque
complaifance ; car de tous les Dieux
qui compofoient cette Cour , le délectable
Comus étoit celui avec lequel elle
fe permet un peu plus de familiarité.
Les Mufes étoient à la même table , &
Momus avec elles. Les Grâces avoient
refufé galamment de prendre place
pour fe réferver le plaifir de fervir les
nouveaux Époux. Des Bacchantes choifies
environnoient le lit de Bacchus.
MARS. 1763. 165
Chaque convive avoit un des demi-
Dieux de cette Cour, attaché au foin de
prévenir fes moindres defirs. Quelques
jeunes filles & quelques jeunes garçons
de Paphos , confacrés au temple , étoient
admis au même office.
D'autres tables raffembloient le refte
de la Cour , & la Gayeté , voltigeoit
alternativement des unes aux autres ;
tandis que dans l'intervalle des fervices ,
les Mufes faifoient entendre leurs concerts.
Bacchus ne contribuoit pas peu à
l'agrément de ce Banquet. Après les
premières coupes du nectar céleste , il
propofa le nectar de la Tèrre ; on en
avoit apporté de toutes les régions du
Monde. Ce fut la première fois que
dans une Ile de la Gréce on goûta
d'un vin recueilli dans les climats barbares
des Gaules. Bacchus l'avoit fait
réferver pour cette fête ; il voulut que
la Gayeté fe chargeât feule de le verfer.
Cette liqueur petillante comme elle , en
étoit l'image. Il en fit préfenter par
l'Amour à la belle Pfyché , dans une
coupe du plus pur criftal ; la févère
Pudeur crut qu'il étoit des fonctions de
fa charge d'examiner ce breuvage inconnu
, & voulut arrêter la main de la
jeune Epoufe prête à porter la coupe
166 MERCURE DE FRANCE.
té
par
fur fes lévres : mais celle-ci , en regar
dant avec une douce ingénuité la févère
Matrône , but la coupe fans héfiter ;
puis s'adreffant à elle , lui dit : O ! refpectable
Pudeur ; ce qui m'eft préfenl'Amour
ne peut m'être fufpect
& ne doit pas vous allarmer , puifque
l'Hymen ne s'y oppofe pas. L'Amour
paya du regard le plus tendre ce que
venoit de dire Pfyché , & l'Hymen luimême
ne put refufer d'y foufcrire, Bacchus
fit alors un figne à Comus , &
tous deux de concert engagerent la
Pudeur à vuider plufieurs coupes de la
même liqueur , à l'ombre de fon voile
qu'elle avoit rabaiffé, La Gayeté derrière
elle ,, en éclatoit de rire , & Momus
avec les Mufes préparoit déja des chanfons
à ce fujet. Mais ce filtre n'eut qu'un
effet momentané. La Pudeur en devint
un peu moins trifte , fans oublier les
entrepriſes que projettoit fon indifcret
orgueil , au milieu de la galanterie de
ces Fêtes.
HUITIEME CHANT.
la
Malgré l'impatience de l'A
joie & le plaifir prolongerent le feſtin
jufques affez avant dans la nuit . Enfuite
les époux pafferent chacun dans leurs
appartemens particuliers , où ils furent
MARS. 1763. 167
conduits en pompe , au fon de divers
inftrumens , & au bruit des acclamations
univerfelles ; après quoi on les
laiffa en liberté. La chambre dans laquelle
devoient fe réunir les deux époux
avoit à - peu - près la forme d'un tem,
ple. Sous une rotonde , la Volupté
y avoit fait préparer le lit nuptial. Il
étoit fermé d'une double enceinte de
baluftres , fur laquelle bruloient des
parfums céleftes , dans des caffolettes
d'or. Un double pavillon couvroit les
deux Enceintes. La lampe fatale , qui
avoit tant caufé de larmes à Pfyché ,
& qui fut cependant la fource de fa
félicité , avoit été fufpendue par la Volupté
au ciel du pavillon intérieur , avec
un tel artifice , que fans en apperce→
voir la flamme , fa lumière réfléchie
éclairoit le lit d'un jour fi doux & fi
voluptueux , que cet aftre nouveau du
myftère faifoit craindre le retour de
l'aftre brillant qui anime & féconde
l'univers.
L'Amour paffa le premier dans cette
chambre : il étoit précédé d'une troupe
d'enfans ailés , portans devant lui leurs
flambeaux allumés. Le fien étoit entre
les mains de la Volupté. Elle entra feule
avec l'Amour dans l'enceinte intérieu168
MERCURE DE FRANCE
re. La troupe badine des enfans de Cythère
fe difperfa dans les avenues . Pfyche
, pour fe rendre en ce lieu myſtéétoit
foutenue par l'Hymen
d'une main , & de l'autre par la Pudeur.
rieux ,
Il paroiffoit que tout alloit fe paffer
dans l'ordre antique & confacré par
l'ufage , fuivant lequel la Pudeur conduifoit
l'Epoufe jufques à la chambre
nuptiale , retiroit les voiles qui la couvroient
, l'attendoit le lendemain pour
les lui rendre & ne la pas quitter pendant
le refte du jour. On avança donc
jufques à la première enceinte fous le
grand pavillon extérieur. Le Mystère ,
éxact & fidele , gardoit l'entrée du fecend
, dont il tenoit les rideaux fermés.
Les Graces attendoient que la Pudeur
enlevât les voiles qui enveloppoient la
belle Pfyché , pour la porter dans leurs
bras fur le lit nuptial. La Pudeur au
contraire s'avança impérieufement pour
pénétrer dans la dernière enceinte
malgré les efforts du Myftère , qui en
défendoit l'entrée. L'Amour reclama
avec impétuofité contre la violence
qu'on éxerçoit dans l'aſyle facré de ſon
fanctuaire. L'Hymen dont la main
pefante brife fouvent l'édifice dont il
>
veut
MARS. 1763. 169
eut pofer les fondemens , l'Hymen
prétendit que ce fanctuaire étoit le fien ,
& que lui feul devant y donner des
loix , il vouloit que la Pudeur y préfidât.
Il menaçoit de fufpendre la fin de l'hymenée
, & de remener fur le champ
-Pfyché dans l'Olympe , attendre la décifion
des Dieux affemblés. Ce n'étoit pas
la première fois que l'Hymen avoit commencé
par intimider l'Amour : ce n'étoit
pas la première fois que ce dernier avoit
fini par s'en venger cruellement. Il fe
réferva cette reffource , & feignit encore
de céder pour cette fois. La Pudeur
encouragée par ce premier triomphe
porta fes prétentions jufqu'à vouloir
paffer la nuit dans la dernière enceinte ,
où la Volupté feule avoit le droit de
veiller. La Volupté , affez douce naturellement
, devint furieufe & fe récria
contre cette entreprife. Il fut réglé que
la Pudeur veilleroit dans la première
'enceinte , affez près néanmoins pourque
la nouvelle Epoufe put toujours entendre
fa voix. La cruelle gouvernante
en abufa tellement , qu'elle ne ceffoit
de l'appeller & de lui répéter des leçons
déplacées , fur lefquelles ni les reproches
impatiens de l'Amour , ni les cris de la
Volupté , ne pouvoient impofer filence.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
Les Grâces craintives s'étoient difper
fées au premier bruit de la querelle ,
& les ordres de l'Amour même auroient
eu peine à les rappeller.
'Enfin cette nuit de trouble & d'allarmes
fit place au jour. L'opiniâtre Matrone
reconduifit Pfyché à fon appartement.
Trop nouvelle Déeffe pour connoître
toutes les prérogatives de fon
état , Pfyché flottoit entre la foumiffion
que la févère Pudeur exigeoit
d'elle , & la douleur amère d'affliger
L'Amour. De nouvelles fêtes embellirent
cette feconde journée : ce qui l'embellit
encore plus , fut la préfence de Vénus,
qui vint vifiter les époux. Son fils fe
plaignit à elle de la tyrannie que l'Hymen
& la Pudeur entreprenoient d'exercer
fur lui-même , jufques au centre de
fon empire & de celui de fa mère. La
Déeffe , fenfible aux plaintes de fon
fils , lui promit que dès que les fêtes
préparées par Terpficore , pour l'entrée
de la nuit fuivante , auroient pris fin ,
elle remonteroit à la cour célefte faire
parler leurs communs droits , contre les
ennemis fecrets qu'ils avoient appellés
eux-mêmes dans leurs états . Diffimulez
, dit- elle , mon fils , paroiffez toujours
obéir , c'eft le plus für moyen que
摆
MAR S. 1763. 171
'Amour & la Volupté puiffent prendre
pour détruire le pouvoir de l'Hymen
& de la Pudeur.
La feconde foirée fut plus prolongée
encore que la première. Les amuſemens
de Therpficore ayant occupé long-temps
une cour charmante , qui fe livroit au
plaifir dans l'ignorance des fecrets chagrins
qui en agitoient les chefs. Vénus
en retournant à l'Olympe , feignit de
quitter PAPHOS pour quelque temps.
La pudique Matrone en conçut l'espoir
d'un nouveau triomphe ; car la préfence
de Vénus étoit contraire à fes projets.
Dès la nuit fuivante , après le cérémonial
de la veille , elle avoit repris fa
place ordinaire ; mais n'ayant pû fe
défendre d'un léger fommeil , qu'avoit
peut-être occafionné l'exercice , quoiqu'affez
froid , de quelques danfes qu'elle
s'étoit permife , elle fe réveilla tout-àcoup
; & dans le dépit de la négligence
qu'elle fe reprochoit , elle voulut la réparer
avec éclat. Elle ouvrit , ou plutôt
déchira les rideaux de l'enceinte facrée.
Le Mystère alla chercher fa retraite dans
ceux du lit des Epoux , & la Volupté
indignée quitta la place. L'Amour en
ce moment ufa de cette perfide douceur
qu'il fait fi bien employer quelque-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
fois , & ne fit à fon ennemie que de
tendres plaintes qui encouragerent
encore fa fermeté.
,
Cependant la Volupté éplorée avoit
répandu l'allarme dans l'intérieur du Palais
: elle gémiffoit avec les Grâces du
fort de leur maître , lorfqu'une lumière
céleste annonça le retour de Vénus.
Elles rentrerent avec elle dans la chambre
de l'Amour. A fon afpe&t , la Pudeur
troublée voulut fe retirer. Arrêtez.
, dit Vénus
, arrêtez
, imprudente
maîtreffe
, pour écouter
l'ordre
fuprême
des
Dieux
. Si je vous euffe trouvé
dans les
bornes
prefcrites
à votre
emploi
, mon
pouvoir
étoit
limité
, j'étois
contrainte
à foutenir
le vôtre
jufques
dans mon
propre
empire
mais vous
avez
paffé
ces bornes
immuables
, votre
injufte
ufurpation
vous
foumet
à mon fils & à
moi , c'eft à lui que les Dieux
ont déféré
le droit de prononcer
. La Pudeur
,
rougiffant
de colère
& de confufion
, fe
retira
pour
aller attendre
fon arrêt : il
ne fut pas différé
. Après
avoir confulté
un moment
avec
fa mère
, l'Amour
fit
déclarer
à la vénérable
Pudeur
, par la
bouche
même
de fon ennemie
( la Volupté
) , qu'elle
eût à quitter
fon empire
pour n'y jamais
reparoître
: c'étoit
l'exiMARS.
1763. 173
ler de la terre. Quelle région habitée
n'eft pas l'empire de l'Amour ?
Ainfi , pour avoir voulu MAL-APROPOS
ufurper des droits que l'Amour
ne devoit pas céder , la Pudeur en perdit
que l'Hymen même ne put lui rendre :
& l'Amour de fon côté perdit l'avantage
flatteur de la victoire , dans prèfque
toutes fes conquêtes. Perfonne n'y gagna
; la Volupté elle - même s'ennuya
bientôt de fes triomphes , & fe trouva
fatiguée de l'exercice d'un pouvoir fans
bornes & jamais contredit .
Depuis cette fatale époque , quelques
foins qu'ayent pris les Dieux pour réconcilier
la Pudeur avec l'Amour , il
veut toujours l'exiler des lieux où il
donne des loix , & la Pudeur ne fait
prèfque jamais lui céder ou fe défendre
que MAL- A- PROPOS.
» Toi feule , fage & tendre Delphire!
> toi feule as pû donner afyle à ces deux
» ennemis dans une paix inaltérable .
» C'eſt ce bienfait des Dieux qu'a voulu
» confacrer ma Mufe. Plus cette faveur
deviendra rare dans les fiécles futurs
plus on admirera ta gloire & le
bonheur de ton amant.
Par M. D L. G.
fugitives.
SUITE de la Traduction de MAL-APROPOS
, ou L'EXIL DE LA Py-
DEUR , Poëme Grec.
QUATRIEME CHANT.
LAA nuit , fi chère à l'Amour & que
ce Dieu embellit fouvent de fes chat-
Gij
150 MERCURE (DE FRANCE.
.
mes , impatiente de fe rendre à Pa
phos , avoit preffé le Soleil de lui faire
place. Non qu'elle eût violé les loix
immuables de fon cours ; mais elle
avoit étendu les bords de fon voile
de telle forte , qu'à peine Phabus touchoit
à l'humide empire , que fes
derniers rayons avoient été abforbés.
Une quantité prodigieufe de flambeaux
avoient fait un jour nouveau ;
& ce jour est le vrai jour de Paphos.
A la lueur de ces Aftres factices , on
vit reparoître les Immortels Époux ; &
chacun deux fe rendit dans des cabinets
différens. Leur cour fe partagea
pour affifter à leur toilette. L'Hymen
vifita alternativement l'une & l'autre
lui-même avoit appellé la Galanterie ;
il l'introduifit , à celle de l'Amour , &
les Grâces fe déroboient tour-à-tour
pour y paffer quelques inftans . La
toilette , de l'Amour n'eft pas longue ;
il vola à celle de fa Pfyche , dans l'infant
que par les mains de la Pudeur
elle achevoit de prendre une feconde
robe nuptiale d'un tiffu d'argent le plus
éclatant , que les Arts avoient parfemé
des tréfors de l'Orient. Les Grâces
émpreffées autour d'elle , fe difpu
toient le prix du goût ; & chacune en
MARS. 1763. ISL
particulier s'applaudiffoit des ornemens
la Beauté rend fi faciles à placer
& auxquels elle prête tant d'agréque
ment .
Les toilettes étant finies , & les époux
encore plus parés de leurs charmes ,
que des ornemens qu'on y avoit ajoutés ,
au milieu des lumières cachées dans
les feuilles & dans les fleurs , de manière
que les unes & les autres paroiffoient
produire la clarté ; cette troupe
charmante traverfa les jardins pour
retourner au Palais principal. Au -devant
, étoit dreffé un trône de brillans ,
plus éclatans que le Soleil , fous un
Pavillon de la plus riche pourpre de
Tyr , rayonnée d'or & de diamans . Des
guirlandes de fleurs artificiellement
imitées par les pierres les plus précieuſes
, en renouoient les pentes , &
étoient foutenues par de jeunes zéphirs ,
dont les aîles tranfparentes & orientées
, s'accordoient harmonieuſement
avec les couleurs du Pavillon . C'eftlà
, que l'Amour & Pfyché fe placerent
pour voir la troupe agile des Plaiſirs &
des Amours fe jouer alternativement ,
fur un canal de l'onde , & du feu
que Vulcain avoit préparé pour le ter-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
rible Dieu de la Guèrre. Tantôt l'air
embrafé offroit un fpectacle dont la vue.
avoit peine à foutenir l'éclat & à fuivre
la variété des fcènes. Tantôt , par
des machines que les Arts avoient fournies
, l'Onde pouffée en jets à perte
de vue , étoit recueillie en l'air dans des
vâfes portés par les enfans aîlés qui ,
en la réverfant , lui donnoient mille
formes différentes ; la lumière étoit
telle dans ces fêtes , qu'elle prêtoit
aux eaux l'apparence du criftal en fufion.
A ces jeux en fuccédoient d'autres
qui préfentoient l'image paffagère &
paifible des ravages & des embraſemens
qui , trop fouvent parmi les
Mortels ne font qu'un jeu du Maître
charmant , qu'on amufoit alors ,
tour -à - tour le Tyran & le Dieu du
monde. Quelquefois on appercevoit
des traits de flâme , pénétrer , fans s'éteindre
, la profondeur des Ondes &
en faire fortir les froides Déïtés fur des
Conques galantes. Les Amours , qui
avoient lancé ces traits ,, menoient en
triomphe ces Dieux des eaux enchaînés .
Tout ce que les armes de l'Amour avoient
fait de conquêtes remarquables dans
l'Empire de Neptune étoit rappellé
par des répréſentations animées. Chaque
,
,
MAR S. 1763. 153
partie de ces jeux , fi l'on vouloit les
bien peindre , fuffiroit à un Poëme
entier.
Plus puiffant au Parnaffe que le Dieu
même qui y régne , l'Amour avoit appellé
les Mufes , & les Mufes s'étoient
empreffées à fignaler leur zéle ,, par les
plus agréables effets de leurs talens . C'eft
à leurs foins qu'on devoit les preftiges
qui avoient figuré dejà les amours de
quelques Déités des eaux. Mais leur
chef- d'oeuvre en ce genre étoit préparé
dans l'intérieur du Palais ; on s'y
rendit donc , pour jouir d'un nouveau
fpectacle qui ne cédoit a aucun de
ceux qu'on venoit de voir , mais dont
mon foible ftyle (a) ne pourra donner
qu'un trait aride & fans coloris.
CINQUI É ME CHANT.
Dans une des Salles les plus vaſtes
du Palais , étoit difpofé un Théâtre
d'un genre & d'une forme dont notre
Grèce ne fourniroit que d'imparfaits
modéles toute la Cour de Paphos fe
raffembla dans ce lieu .
La Scéne n'étoit pas vifible aux Spec-
(a) On fait que les Anciens nommoient ainf
le poinçon avec lequel ils écrivoient fur les Tablettes
enduites de cire.
G v
$4 MERCURE DE FRANCE.
ateurs , lorfqu'ils entrerent pour fe
placer ; on auroit eu peine à la foupconner;
on n'y voyoit qu'un fuperbeAm
phitéâtre. Mais à peine les deux Fpoux.
y furent entrés , que la partie qui féparoit
la fcène difparut. On apperçut alors
un nouvel univers renfermé dans l'enceinte
de ce lieu ; des cieux , des mers ,
des campagnes , le terrible féjour des
enfers , & des Palais céleftes. La Nature
& l'Art magique , par leurs efforts réunis
, auroient peine à produire les prodiges
qu'offroit cette merveilleufe Scène.
Les Mufes s'étoient métamorphofées
fous diverfes formes , pour repréfenter
elles-mêmes les perfonnages d'un Drame
, dicté par Apollon , & qui retraçoit
en action les amours , les tourmens
& la félicité fuprême de la tendre Pfyché.
Cette repréſentation , qui n'étoit
point l'effet des Mafques groffiers en
ufage fur nos Théâtres ( b ) , étoit fi
fidéle , que Pfyché fut étonnée
fuite un peu inquiette de la Mufe qui
la repréfentoit : elle furprit les yeux de
l'Amour fouvent prêts à s'y méprendre
tant étoit parfaite l'illufion de la métaen-
(b) Sur les théâtres des Anciens les Acteurs
fe fervoient de mafques pour repréſenter les per
fonnages de leur Rôle.
MARS. 1763. 155
morphofe. Plus puiffante encore étoit
celle des accens qui renouvelloient
dans l'âme de Pfyché les fentimens
qu'elle avoit éprouvés . Ces accens
étoient dans un mode , & les vers dans
une mefure qui nous font encore inconnus.
Les chants , mariés à l'harmonie
de l'Orchestre , étoient apparemment
le langage même des Dieux pour
lefquels ce Spectacle étoit préparé. L'Amour
fourit à la vue de la Mufe qui
avoit emprunté fa figure ; il fe tourna
vers Pfyché pour confulter fon impreffion
; mais celle-ci , en portant fes
beaux yeux fur les fiens , lui dit , je
croirois voir l'Amour fur cette fcène
phantaftique , fi l'Amour n'étoit à mes
côtés ; mais on ne peut jamais fe méprendre
à la fiction , que quand il ne
daigne pas fe montrer lui-même.
A l'endroit du Drame qui rappelloit
les tourmens de la jeune Pfyché ; au
terrible afpect des enfers , repréfentés
très-vivement , & fur- tout à l'impitoyable
menace de lui ravir la beauté ; cette
tendre amante , par un mouvement involontaire
, fe précipita dans les bras .
de fon époux. Il en fut allarmé ; il
favoit mauvais gré aux Mufes du choix
de ces images douloureuſes , pour une
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
fete confacrée aux plus doux plaifirs.
Eh ! non , non , s'écria Pfyché , que
ne puis -je , tous les inftans de ma vie
immortelle , avoir un fouvenir auſſi vif
des maux que j'ai foufferts pour vous.
On ne jouit bien des délices de l'amour
que par la mémoire des peines qu'elles
ont coutées. L'Amour cependant fit
dire aux Mufes par le Dieu du goût que
l'on fixoit trop long- temps l'attention
fur de fi funeftes tableaux . Auffi-tôt on
en vit fuccéder de plus riants : la clémence
de Vénus & la félicité des deux
amans en étoient l'objet. C'est alors que
Terpficore , par des danfes voluptueufes
& gayes , vint effacer l'impreffion pathétique
que fes foeurs avoient procurée .
SIXIÈME CHANT .
Un autre Sujet tout différent occupa le
théâtre . La fatyre s'en étoit emparé. La
Scène ne repréfentoit plus qu'une vaſte
mer. On vit fur fa furface s'élever plufieurs
Syrenes , dont les figures féduiſantes
étoient auffi variées que leurs enchantemens
. Sans quitter l'humide fein de l'onde,
où plonge toujours la partie de leurs
corps , qui ne tient plus à l'humaine ſtruc-
&ture, elles formoient par des entrelacemens&
des bondiffemens fur les flots, des
efpèces de danfes , au fon de leurs chants
MARS. 1763. 157
,
mélodieux. Le tout refpiroit une volupté
fi dangereufe , que la plupart
des fpectateurs mêmes malgré la
force de leur divine exiftence en
étoient prèfque entraînés ; mais la plaifanterie
du Spectacle , qui furvint , fit
bientôt diſtraction à ce léger penchant
On apperçut des Barques fur cet
océan elles étoient , la plûpart , galamment
ornées , & paroiffoient chargées
de perfonnages qui repréfentoient
les principaux états de l'humanité. Ces
Barques n'avançoient pas toutes enfemble
on les voyoit d'abord dans le
lointain ; on remarquoit les mouvemens
oppofés qui fe paffoient entre des Nautoniers
expérimentés & des Paffagers
imprudens , qui les contraignoient à fe
détourner de leur route. Quelques Syrènes
fe détachoient pour aller au-devant
des Barques & fe faire voir de plus
près. Dès que les Barques en approchoient
, les artificieufes Syrènes , fe
replongeant dans l'onde , en reffortoient
à des diſtances éloignées. C'eſt ainfi
qu'elles attiroient , par ces feintes refuites
, les Paffagers jufques dans certains
efpaces , où étoient cachés fous les
flots des filets plus déliés que les cheveux
de leurs blondes treffes , mais plus
158 MERCURE DE FRANCE.
infrangibles que l'acier de LEMNOS.On
diftinguoit dans ces diverfes Barques de
fuperbes Archontes , de graves Aréopagites
, des héros de Mars , des difciples
de la Philofophie , enfin tous les
Ördres de la République , jufqu'à
d'auftères Sacrificateurs : chacun d'eux
difputoit avec foi-même quelques momens
; mais chacun d'eux veilloit l'inf
tant où les patrons des barques détournoient
la vue , afin de fauter plus librement
dans ces flots empoifonnés , à
l'aide des mains perfides que leurs tendoient
les Syrènes . D'autres fembloient
s'y laiffer gliffer mollement , & comme
par diftraction , croyant apparemment
par-là fe dérober leur propre foibleffe
& s'épargner le reproche de leur chûte.A
peine ces divers perfonnages tomboient
en la puiffance des Monftres charmans
qui les avoient furpris , qu'ils étoient
enchaînés de fleurs. Les Syrènes en
avoient qui étoient enchantées pour chaquefens
en particulier ; de forte que ces
victimes fe trouvoient arrêtées dans toutes
les parties de leur être. Ainfi que
certains animaux carnaciers fe jouent
quelque temps de leur proie avant que
de la dévorer telles ces femmes infidieufes
, faifoient en cent façons des
MARS. 1763. 159
jouets de leurs Captifs ; & par les formes
les plus ridicules qu'elles leur faifoient
prendre , elles les expofoient au
rire des Spectateurs , avant que de les
précipiter dans les abîmes de cet océan,
Les jeunes étourdis de notre Grèce nefurent
pas les moins amufans des per
fonnages de cette comique Pantomime..
Les Syrènes les faifoient tourner avec
une rapidité incroyable autour d'elles :
elles avoient pour cela des fouets de
toutes les paffions , qui leur donnoient
à chaque inftant des impulfions contraires.
Elles changeoient enfuite ces
Etres en différentes efpèces d'animaux ;
elles s'amufoient de leur babillage en
perroquets ; elles leur faifoient répéter
à-peu-près ce qu'ils auroient dit fous
leur forme naturelle ; elles les faifoient.
voler , comme des Etourneaux &
retomber dans la mer , où ils difparoiffoient
pour quelques momens. Enfuite ,
fous la forme de petits chiens , elles les
dreffoient fur le champ à plufieurs exercices
plus comiques les uns que les autres
; puis elles finiffoient par les tranfformér
en dogues furieux , dont les
rauques aboyemens étoient fuivis de
combats dévorans , qui fe terminoient
au gré du caprice de leurs cruelles maîtreffes
.
,
160 MERCURE DE FRANCE.
De toutes ces Pantomimes , dont
Momus avoit concerté les fcènes , il n'y
en eut point de plus piquante que la
dernière. On vit approcher une Barque
plus confidérable que les précédentes ;
les flammes ou banderoles étoient de
pourpre de Tyr & de tiffus de l'or le
plus pur. A mefure que ce bâtiment ,
chargé d'un nombreux cortége , approchoit
des fpectateurs , on y découvroit
de nouveaux ornemens. Le Chef fe
diftinguoit fur tous les autres par l'éclat
des plus riches étoffes & des pierreries
dont il étoit couvert. On voyait,
au mouvement perpétuel de fes mains ,
qu'il répandoit avec profufion toutes
fortes de richeffes aux Syrènes du fecond
ordre qui bondiffoient autour de
fa Barque , mais dont les charmes n'étoient
pas affez puiffans pour arrêter un
Dieu , car c'étoit le Dieu Plutus que
repréſentoit ce phantaftique perfonnage.
Il étoit alors en querelle avec l'Amour ,
& n'avoit point été appellé à ces fêtes.
Les Mufes , fouvent piquées des avances
humiliantes qu'elles font à ce Dieu
& du dédain dont il les reçoit ,
avoient faifi cette occafion de vengeance.
On reconnoiffoit Plutus nonfeulement
à fa fplendeur , mais à une
MARS. 1763.
161
certaine pâleur livide , qu'il porte luimême
fur le vifage , & qu'il communique
à fes favoris , abforbés dans le
foin d'accumuler & de conferver les
tréfors qu'il leur confie. Trois des principales
Syrènes attendoient cette précieufe
proie avec une nonchalance affectée
, qui leur en afſuroit davantage
la conquête . Elles formerent alors des
concerts fi touchans ; elles prirent des
attitudes fi enchantereffes , que l'âme
d'aucun Mortel n'eût pu foutenir , fi
l'on ofoit le dire , le poids délicieux
de cette volupté. L'âme du Dieu des
Richeffes ne fut pas inacceffible. Les
Syrènes avoient ajouté à leurs enchantemens
ordinaires le charme d'un parfum
plus fort que celui qu'on offre aux
autres Dieux , & dont l'yvreffe eft inévitable.
Plutus reçut en apparence
l'hommage des trois Syrènes , qui ne
faifoient que prêter à fa vanité un léger
tribut dont il alloit les dédommager
par celui de toutes fes poffeffions . Les
Syrènes éleverent les bras vers lui ; il
s'inclina pour recevoir leurs embraffemens.
Bientôt elles l'eurent enlevé de
fon bord , & la Barque avec tout le
cortége difparut au milieu de la troupe
des autres Syrènes. Les principales Ac
162 MERCURE DE FRANCE ,
au moien
trices de ce jeu foutinrent quelque
temps Plutus fur leurs bras , puis , par
un badinage enjoué , elles le plongerent
dans les eaux enchantées. C'eft alors
qu'on ne peut compter toutes les tranfformations
burleſques par lefquelles on
le fit paffer. La dernière amufa particu→
liérement la Cour du Dieu de Paphos .
On vit reparoître la tête de Plutus
fur la fuperficie de l'eau . Les trois
Syrènes , alternativement
d'un petit foufflet dont elles lui avoient
pofé le tuyau dans la bouche , gonflé
rent cette tête au point que toute fa
forme difparut , pour faire place à un
globe que l'air feul rempliffoit. Les Syrènes
alors s'écartérent ; & fe rejettant
en l'air l'une à l'autre ce globe de vent ,
elles donnerent le Spectacle riant d'un
exercice très-agréable jufqu'à ce que
ces jeux ayant affez duré , les Syrènes
fe plongerent avec leur proie au fond
de l'Océan. La Scène fe referma fubitement
telle qu'elle avoit été avant le
Spectacle , & toute la cour des deux
époux les fuivit à la Salle du Banquet .
SEPTIE ME CHANT.
Je ne décrirai point le lieu délicieux
& brillant deftiné au Banquet des DiMARS.
1763.
163
·
vinités de Paphos. Je ne ferai point
l'énumération des mets exquis dont
Comus avoit dirigé la compofition &
l'ordre des fervices. Lorfque les Dieux
habitent la Tèrre , ils fe plaifent à ufer
de la nourriture des Mortels , ainfi que
des autres plaifirs que leur bonté fouveraine
a attachés à chacun de nos
fens. Ce qui eft plus important à mon
Sujet ce font les rangs des principaux
convives ; l'Hymen avoit de droit le
premier il étoit placé entre les deux
Epoux. Ce fut lui qui pofa fur leurs
têtes les couronnes en ufage dans les
feftins.
Chaque affemblée , chaque événe
ment tant foit peu folemnef, fait naître
dans les cours fublunaires une multitude
de conteftations. Les Cours Céleftes
n'en font pas plus exemptes. Cependant
celle de l'Amour dans fes fêtes
particulières eft très-facile fur l'étiquette
; mais l'Hymen préfidoit à celleci
& l'Hymen , ( Tyran jufques dans
les Plaifirs , ) eft le premier qui ait introduit
les graves minucies du cérémonial.
Plus cérémonienfe que toute autre
& plus délicate fur les frivoles honla
Pudeur reclama en cette occafion
la place que la Volupté vouloit
neurs ,
1
#
164 MERCURE DE FRANCE.
occuper auprès de Pfyché. Toujours
fière par humeur autant que par étar ,
fouvent querelleufe par orgueil pour
des prérogatives qu'elle céderoit par
goût , cette majeftueufe Pudeur implora
l'autorité de l'Hymen , & l'Hymen
prononça en fa faveur. Pour confoler
la Volupté , l'Amour la fit mertre à fes
côtés. L'Amour déféroit encore aux
droits des premiers jours de l'Hymen,
O Hymen de combien d'années d'outrages
& d'affronts tu payes fouvent
les vaines déférences que tu éxiges
dans tes jours de Fêtes folemnelles ! La
place de Bacchus étoit marquée à la
droite de l'Amour, Ainfi la Volupté ne
fe crut point déplacée d'être entre eux.
Comus de l'autre côté fe rencontroit
près de la Pudeur. La vénérable Matrone
vit cet arrangement avec quelque
complaifance ; car de tous les Dieux
qui compofoient cette Cour , le délectable
Comus étoit celui avec lequel elle
fe permet un peu plus de familiarité.
Les Mufes étoient à la même table , &
Momus avec elles. Les Grâces avoient
refufé galamment de prendre place
pour fe réferver le plaifir de fervir les
nouveaux Époux. Des Bacchantes choifies
environnoient le lit de Bacchus.
MARS. 1763. 165
Chaque convive avoit un des demi-
Dieux de cette Cour, attaché au foin de
prévenir fes moindres defirs. Quelques
jeunes filles & quelques jeunes garçons
de Paphos , confacrés au temple , étoient
admis au même office.
D'autres tables raffembloient le refte
de la Cour , & la Gayeté , voltigeoit
alternativement des unes aux autres ;
tandis que dans l'intervalle des fervices ,
les Mufes faifoient entendre leurs concerts.
Bacchus ne contribuoit pas peu à
l'agrément de ce Banquet. Après les
premières coupes du nectar céleste , il
propofa le nectar de la Tèrre ; on en
avoit apporté de toutes les régions du
Monde. Ce fut la première fois que
dans une Ile de la Gréce on goûta
d'un vin recueilli dans les climats barbares
des Gaules. Bacchus l'avoit fait
réferver pour cette fête ; il voulut que
la Gayeté fe chargeât feule de le verfer.
Cette liqueur petillante comme elle , en
étoit l'image. Il en fit préfenter par
l'Amour à la belle Pfyché , dans une
coupe du plus pur criftal ; la févère
Pudeur crut qu'il étoit des fonctions de
fa charge d'examiner ce breuvage inconnu
, & voulut arrêter la main de la
jeune Epoufe prête à porter la coupe
166 MERCURE DE FRANCE.
té
par
fur fes lévres : mais celle-ci , en regar
dant avec une douce ingénuité la févère
Matrône , but la coupe fans héfiter ;
puis s'adreffant à elle , lui dit : O ! refpectable
Pudeur ; ce qui m'eft préfenl'Amour
ne peut m'être fufpect
& ne doit pas vous allarmer , puifque
l'Hymen ne s'y oppofe pas. L'Amour
paya du regard le plus tendre ce que
venoit de dire Pfyché , & l'Hymen luimême
ne put refufer d'y foufcrire, Bacchus
fit alors un figne à Comus , &
tous deux de concert engagerent la
Pudeur à vuider plufieurs coupes de la
même liqueur , à l'ombre de fon voile
qu'elle avoit rabaiffé, La Gayeté derrière
elle ,, en éclatoit de rire , & Momus
avec les Mufes préparoit déja des chanfons
à ce fujet. Mais ce filtre n'eut qu'un
effet momentané. La Pudeur en devint
un peu moins trifte , fans oublier les
entrepriſes que projettoit fon indifcret
orgueil , au milieu de la galanterie de
ces Fêtes.
HUITIEME CHANT.
la
Malgré l'impatience de l'A
joie & le plaifir prolongerent le feſtin
jufques affez avant dans la nuit . Enfuite
les époux pafferent chacun dans leurs
appartemens particuliers , où ils furent
MARS. 1763. 167
conduits en pompe , au fon de divers
inftrumens , & au bruit des acclamations
univerfelles ; après quoi on les
laiffa en liberté. La chambre dans laquelle
devoient fe réunir les deux époux
avoit à - peu - près la forme d'un tem,
ple. Sous une rotonde , la Volupté
y avoit fait préparer le lit nuptial. Il
étoit fermé d'une double enceinte de
baluftres , fur laquelle bruloient des
parfums céleftes , dans des caffolettes
d'or. Un double pavillon couvroit les
deux Enceintes. La lampe fatale , qui
avoit tant caufé de larmes à Pfyché ,
& qui fut cependant la fource de fa
félicité , avoit été fufpendue par la Volupté
au ciel du pavillon intérieur , avec
un tel artifice , que fans en apperce→
voir la flamme , fa lumière réfléchie
éclairoit le lit d'un jour fi doux & fi
voluptueux , que cet aftre nouveau du
myftère faifoit craindre le retour de
l'aftre brillant qui anime & féconde
l'univers.
L'Amour paffa le premier dans cette
chambre : il étoit précédé d'une troupe
d'enfans ailés , portans devant lui leurs
flambeaux allumés. Le fien étoit entre
les mains de la Volupté. Elle entra feule
avec l'Amour dans l'enceinte intérieu168
MERCURE DE FRANCE
re. La troupe badine des enfans de Cythère
fe difperfa dans les avenues . Pfyche
, pour fe rendre en ce lieu myſtéétoit
foutenue par l'Hymen
d'une main , & de l'autre par la Pudeur.
rieux ,
Il paroiffoit que tout alloit fe paffer
dans l'ordre antique & confacré par
l'ufage , fuivant lequel la Pudeur conduifoit
l'Epoufe jufques à la chambre
nuptiale , retiroit les voiles qui la couvroient
, l'attendoit le lendemain pour
les lui rendre & ne la pas quitter pendant
le refte du jour. On avança donc
jufques à la première enceinte fous le
grand pavillon extérieur. Le Mystère ,
éxact & fidele , gardoit l'entrée du fecend
, dont il tenoit les rideaux fermés.
Les Graces attendoient que la Pudeur
enlevât les voiles qui enveloppoient la
belle Pfyché , pour la porter dans leurs
bras fur le lit nuptial. La Pudeur au
contraire s'avança impérieufement pour
pénétrer dans la dernière enceinte
malgré les efforts du Myftère , qui en
défendoit l'entrée. L'Amour reclama
avec impétuofité contre la violence
qu'on éxerçoit dans l'aſyle facré de ſon
fanctuaire. L'Hymen dont la main
pefante brife fouvent l'édifice dont il
>
veut
MARS. 1763. 169
eut pofer les fondemens , l'Hymen
prétendit que ce fanctuaire étoit le fien ,
& que lui feul devant y donner des
loix , il vouloit que la Pudeur y préfidât.
Il menaçoit de fufpendre la fin de l'hymenée
, & de remener fur le champ
-Pfyché dans l'Olympe , attendre la décifion
des Dieux affemblés. Ce n'étoit pas
la première fois que l'Hymen avoit commencé
par intimider l'Amour : ce n'étoit
pas la première fois que ce dernier avoit
fini par s'en venger cruellement. Il fe
réferva cette reffource , & feignit encore
de céder pour cette fois. La Pudeur
encouragée par ce premier triomphe
porta fes prétentions jufqu'à vouloir
paffer la nuit dans la dernière enceinte ,
où la Volupté feule avoit le droit de
veiller. La Volupté , affez douce naturellement
, devint furieufe & fe récria
contre cette entreprife. Il fut réglé que
la Pudeur veilleroit dans la première
'enceinte , affez près néanmoins pourque
la nouvelle Epoufe put toujours entendre
fa voix. La cruelle gouvernante
en abufa tellement , qu'elle ne ceffoit
de l'appeller & de lui répéter des leçons
déplacées , fur lefquelles ni les reproches
impatiens de l'Amour , ni les cris de la
Volupté , ne pouvoient impofer filence.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
Les Grâces craintives s'étoient difper
fées au premier bruit de la querelle ,
& les ordres de l'Amour même auroient
eu peine à les rappeller.
'Enfin cette nuit de trouble & d'allarmes
fit place au jour. L'opiniâtre Matrone
reconduifit Pfyché à fon appartement.
Trop nouvelle Déeffe pour connoître
toutes les prérogatives de fon
état , Pfyché flottoit entre la foumiffion
que la févère Pudeur exigeoit
d'elle , & la douleur amère d'affliger
L'Amour. De nouvelles fêtes embellirent
cette feconde journée : ce qui l'embellit
encore plus , fut la préfence de Vénus,
qui vint vifiter les époux. Son fils fe
plaignit à elle de la tyrannie que l'Hymen
& la Pudeur entreprenoient d'exercer
fur lui-même , jufques au centre de
fon empire & de celui de fa mère. La
Déeffe , fenfible aux plaintes de fon
fils , lui promit que dès que les fêtes
préparées par Terpficore , pour l'entrée
de la nuit fuivante , auroient pris fin ,
elle remonteroit à la cour célefte faire
parler leurs communs droits , contre les
ennemis fecrets qu'ils avoient appellés
eux-mêmes dans leurs états . Diffimulez
, dit- elle , mon fils , paroiffez toujours
obéir , c'eft le plus für moyen que
摆
MAR S. 1763. 171
'Amour & la Volupté puiffent prendre
pour détruire le pouvoir de l'Hymen
& de la Pudeur.
La feconde foirée fut plus prolongée
encore que la première. Les amuſemens
de Therpficore ayant occupé long-temps
une cour charmante , qui fe livroit au
plaifir dans l'ignorance des fecrets chagrins
qui en agitoient les chefs. Vénus
en retournant à l'Olympe , feignit de
quitter PAPHOS pour quelque temps.
La pudique Matrone en conçut l'espoir
d'un nouveau triomphe ; car la préfence
de Vénus étoit contraire à fes projets.
Dès la nuit fuivante , après le cérémonial
de la veille , elle avoit repris fa
place ordinaire ; mais n'ayant pû fe
défendre d'un léger fommeil , qu'avoit
peut-être occafionné l'exercice , quoiqu'affez
froid , de quelques danfes qu'elle
s'étoit permife , elle fe réveilla tout-àcoup
; & dans le dépit de la négligence
qu'elle fe reprochoit , elle voulut la réparer
avec éclat. Elle ouvrit , ou plutôt
déchira les rideaux de l'enceinte facrée.
Le Mystère alla chercher fa retraite dans
ceux du lit des Epoux , & la Volupté
indignée quitta la place. L'Amour en
ce moment ufa de cette perfide douceur
qu'il fait fi bien employer quelque-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
fois , & ne fit à fon ennemie que de
tendres plaintes qui encouragerent
encore fa fermeté.
,
Cependant la Volupté éplorée avoit
répandu l'allarme dans l'intérieur du Palais
: elle gémiffoit avec les Grâces du
fort de leur maître , lorfqu'une lumière
céleste annonça le retour de Vénus.
Elles rentrerent avec elle dans la chambre
de l'Amour. A fon afpe&t , la Pudeur
troublée voulut fe retirer. Arrêtez.
, dit Vénus
, arrêtez
, imprudente
maîtreffe
, pour écouter
l'ordre
fuprême
des
Dieux
. Si je vous euffe trouvé
dans les
bornes
prefcrites
à votre
emploi
, mon
pouvoir
étoit
limité
, j'étois
contrainte
à foutenir
le vôtre
jufques
dans mon
propre
empire
mais vous
avez
paffé
ces bornes
immuables
, votre
injufte
ufurpation
vous
foumet
à mon fils & à
moi , c'eft à lui que les Dieux
ont déféré
le droit de prononcer
. La Pudeur
,
rougiffant
de colère
& de confufion
, fe
retira
pour
aller attendre
fon arrêt : il
ne fut pas différé
. Après
avoir confulté
un moment
avec
fa mère
, l'Amour
fit
déclarer
à la vénérable
Pudeur
, par la
bouche
même
de fon ennemie
( la Volupté
) , qu'elle
eût à quitter
fon empire
pour n'y jamais
reparoître
: c'étoit
l'exiMARS.
1763. 173
ler de la terre. Quelle région habitée
n'eft pas l'empire de l'Amour ?
Ainfi , pour avoir voulu MAL-APROPOS
ufurper des droits que l'Amour
ne devoit pas céder , la Pudeur en perdit
que l'Hymen même ne put lui rendre :
& l'Amour de fon côté perdit l'avantage
flatteur de la victoire , dans prèfque
toutes fes conquêtes. Perfonne n'y gagna
; la Volupté elle - même s'ennuya
bientôt de fes triomphes , & fe trouva
fatiguée de l'exercice d'un pouvoir fans
bornes & jamais contredit .
Depuis cette fatale époque , quelques
foins qu'ayent pris les Dieux pour réconcilier
la Pudeur avec l'Amour , il
veut toujours l'exiler des lieux où il
donne des loix , & la Pudeur ne fait
prèfque jamais lui céder ou fe défendre
que MAL- A- PROPOS.
» Toi feule , fage & tendre Delphire!
> toi feule as pû donner afyle à ces deux
» ennemis dans une paix inaltérable .
» C'eſt ce bienfait des Dieux qu'a voulu
» confacrer ma Mufe. Plus cette faveur
deviendra rare dans les fiécles futurs
plus on admirera ta gloire & le
bonheur de ton amant.
Par M. D L. G.
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Résumé : SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
Le texte est un supplément à un article du Mercure de France, présentant la suite de la traduction du poème grec 'Mal-Apropos, ou L'Exil de la Pydéur'. Le quatrième chant décrit une nuit à Paphos où la nuit a été prolongée artificiellement pour permettre aux Immortels Époux, l'Amour et Psyché, de se préparer. Leur toilette est assistée par l'Hymen, la Galanterie, et les Grâces. Une fois prêts, ils se rendent dans les jardins illuminés pour assister à des spectacles offerts par les Plaisirs et les Amours. Ces spectacles incluent des jeux d'eau et de feu, et des représentations des conquêtes de l'Amour. Les Muses, appelées par l'Amour, ont préparé des prestiges et des représentations animées. Dans une salle du palais, un théâtre magique montre un nouvel univers avec des cieux, des mers, et des enfers. Les Muses, métamorphosées, jouent un drame dicté par Apollon, retraçant les amours, les tourments et la félicité suprême de Psyché. Psyché est émue par la représentation et se jette dans les bras de l'Amour. Les Muses changent ensuite de scène pour montrer la clémence de Vénus et la félicité des amants, avec des danses voluptueuses de Terpsichore. Le sixième chant introduit une scène maritime avec des Sirènes qui dansent et chantent, tentant les spectateurs. Des barques représentant différents états de l'humanité naviguent sur la mer, attirées par les Sirènes. Les Sirènes capturent les passagers avec des filets et les transforment en animaux pour se divertir. La dernière pantomime montre le Dieu Plutus en querelle avec l'Amour, représenté dans une barque richement ornée. Les Muses se vengent de Plutus en le mettant en scène malgré son absence des fêtes. Le texte décrit ensuite une scène où Plutus est capturé par trois Sirènes. Ces dernières l'enlèvent et le plongent dans des eaux enchantées, où elles le transforment en un globe de vent. Après divers jeux, elles disparaissent avec leur proie au fond de l'Océan. La scène se referme, et toute la cour des époux divins suit les Sirènes vers la salle du banquet. Le banquet des divinités de Paphos est ensuite décrit. L'Hymen, placé entre les deux époux, pose des couronnes sur leurs têtes. Les convives principaux incluent l'Hymen, la Pudeur, la Volupté, l'Amour, Bacchus, et Comus. Les Grâces servent les nouveaux époux, et des Bacchantes entourent le lit de Bacchus. Bacchus propose un vin des Gaules, que Psyché boit malgré les objections de la Pudeur. Après le banquet, les époux se retirent dans leurs appartements. La chambre nuptiale est préparée avec soin, et la lampe fatale éclaire doucement le lit. La Pudeur et l'Hymen accompagnent Psyché, mais un conflit éclate entre la Pudeur et la Volupté. La Pudeur veut veiller près de Psyché, mais la Volupté s'y oppose. Finalement, la Pudeur veille dans la première enceinte, perturbant la nuit par ses leçons déplacées. Le lendemain, Vénus visite les époux et promet de soutenir l'Amour contre l'Hymen et la Pudeur. La nuit suivante, la Pudeur, après s'être endormie, ouvre les rideaux de l'enceinte sacrée, provoquant la fuite du Mystère et la colère de la Volupté. L'Amour utilise une douceur trompeuse pour apaiser la Pudeur. Le texte relate un conflit mythologique entre Vénus, la Pudeur, l'Amour et la Volupté. L'alerte est donnée au Palais lorsque Vénus revient, accompagnée des Grâces. La Pudeur, troublée, tente de se retirer, mais Vénus l'arrête pour annoncer un ordre divin. Vénus explique que la Pudeur a dépassé ses limites et doit donc être jugée par son fils, l'Amour. La Pudeur, confuse et en colère, se retire pour attendre son verdict. L'Amour, après consultation avec Vénus, déclare par l'intermédiaire de la Volupté que la Pudeur doit quitter son empire et ne jamais y revenir. Cette décision affecte tous les protagonistes : la Pudeur perd ses droits, l'Amour ne tire pas avantage de sa victoire, et même la Volupté se lasse de ses triomphes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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