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1
p. 55-62
Bal de l'Inconnu. [titre d'après la table]
Début :
On ne voit guéres regner la Galanterie dans les Etats [...]
Mots clefs :
Galanterie, Cavalier, Dame, Bal, Fête
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texteReconnaissance textuelle : Bal de l'Inconnu. [titre d'après la table]
On ne voit guéres re~ O
gner la Galanterie dans les E* • • • mj
56 LE MERCURE
Etats où il y a de grandes
gnerres qui occupent feuls
les Cavaliers, à qui il ne
relie point de temps à donner aux Dames : mais la
France eft un Royaume
bien diférent des autres, &
la Noblefle n’y devient pas
farouche, pour eftre une
partie de l’année dans les
Arme'es parmy les horreurs
que caufent les incendies,
les defordres, les violences,
& le fanœ. Nos braves O
François ne regardent pas
auffi la guerre comme un
nieilier, mais comme un
I *
r
GALANT. 57
• A. chemin feulement par ou
l’on s’élève, & par ou I on
acquérir de la gloire;
coûtument point au carnage, & qu’ils paroiflenc
toujours polis, civils & galants, quand ils ont le loifir
de 1’eftre : On en a veu des
marques ce Carnaval dernier,qui aproduit des avantures agréables ; & Ton a
bien connu que nos jeunes
Héros furpalTent, quand
ils fe veulent mefler de galanterie, tous ceux que les
Faifeurs de Romans leur
LE MERCURE 9
ont voulu donner pour modèle. Il y a eu pendant plufleurs Semaines danslaRue
de Richelieu un Bal magnifique dans une Maifon
particulière, que la diferetion d'un Cavalier faifoit
changer tous les jours de
Maiftre, pour empefeher
qu’on ne découvrit la Dame
qui eftoit l ’objet de les
foins. On a remarqué feulement que la Salle ne s eclairoit qu’au moment qu’
une Perfonne d’une taille
admirable & veftuë d’une
maniéré aulfi galante que
G A L A N T .- 59
magnifique , y paroittoic
avec les es qu -
elle choififToit pour mener
à cette Fefte où le Cavalier
venoit peu apres toûjours
avec un Habit nouveau, &
toûjours avec un air, une
propreté, & une magnifiqu’il n’ettoit pas un Hom-
- me ordinaire. Les Spectateurs que le bruit de ce Bal
& d’un grand nombre d’ex- O
cellens Violons y attiroir,
admiroient ces deux Amans quand ils dançoient;
on ne pouvoir s’en acqui-
60 LE MERCURE
ter avec plus de grâce, &
ils intérefloient tout le
monde dans leurs affaires
par le plaifir qu’ils donnoient à les voir. On remarquoitfur toutes chofes
un chagrin cruel dans les
yeux du Cavalier ( ce que le
Mafque n’empefehoit pas
de diftinguer) quand la
Dame eftbic obligée de
dancer avec un autre-, &
quand il ne pouvoir fe défendre d’en faire autant, il
dançoit luy-mefme d ’un
air fi mélancolique, & avec
tant de langueur, qu’il fe
faifoit plaindre de tout le
monde, & faifoit fouhaiter
qu’à la fin du Bal, & apres
un magnifique Régale qui
accompagnoit toujours de
femblables Fefles, il te pûc,
voir lcul avec (a MaiftrefTe
fans eftre éclairé de ces
Gens fâcheux qui troublent toujours de pareilles
avantures. On a fur tout
admiré la grande précaution du Galant pour cacher
î’Autheur de ces Diverrif.
femens myftcrieux , afin
d’empefeher qu’on ne parla i peu favorablement de
6z LE MERCURE
la Dame à qui il prenoit
foin de plaire
gner la Galanterie dans les E* • • • mj
56 LE MERCURE
Etats où il y a de grandes
gnerres qui occupent feuls
les Cavaliers, à qui il ne
relie point de temps à donner aux Dames : mais la
France eft un Royaume
bien diférent des autres, &
la Noblefle n’y devient pas
farouche, pour eftre une
partie de l’année dans les
Arme'es parmy les horreurs
que caufent les incendies,
les defordres, les violences,
& le fanœ. Nos braves O
François ne regardent pas
auffi la guerre comme un
nieilier, mais comme un
I *
r
GALANT. 57
• A. chemin feulement par ou
l’on s’élève, & par ou I on
acquérir de la gloire;
coûtument point au carnage, & qu’ils paroiflenc
toujours polis, civils & galants, quand ils ont le loifir
de 1’eftre : On en a veu des
marques ce Carnaval dernier,qui aproduit des avantures agréables ; & Ton a
bien connu que nos jeunes
Héros furpalTent, quand
ils fe veulent mefler de galanterie, tous ceux que les
Faifeurs de Romans leur
LE MERCURE 9
ont voulu donner pour modèle. Il y a eu pendant plufleurs Semaines danslaRue
de Richelieu un Bal magnifique dans une Maifon
particulière, que la diferetion d'un Cavalier faifoit
changer tous les jours de
Maiftre, pour empefeher
qu’on ne découvrit la Dame
qui eftoit l ’objet de les
foins. On a remarqué feulement que la Salle ne s eclairoit qu’au moment qu’
une Perfonne d’une taille
admirable & veftuë d’une
maniéré aulfi galante que
G A L A N T .- 59
magnifique , y paroittoic
avec les es qu -
elle choififToit pour mener
à cette Fefte où le Cavalier
venoit peu apres toûjours
avec un Habit nouveau, &
toûjours avec un air, une
propreté, & une magnifiqu’il n’ettoit pas un Hom-
- me ordinaire. Les Spectateurs que le bruit de ce Bal
& d’un grand nombre d’ex- O
cellens Violons y attiroir,
admiroient ces deux Amans quand ils dançoient;
on ne pouvoir s’en acqui-
60 LE MERCURE
ter avec plus de grâce, &
ils intérefloient tout le
monde dans leurs affaires
par le plaifir qu’ils donnoient à les voir. On remarquoitfur toutes chofes
un chagrin cruel dans les
yeux du Cavalier ( ce que le
Mafque n’empefehoit pas
de diftinguer) quand la
Dame eftbic obligée de
dancer avec un autre-, &
quand il ne pouvoir fe défendre d’en faire autant, il
dançoit luy-mefme d ’un
air fi mélancolique, & avec
tant de langueur, qu’il fe
faifoit plaindre de tout le
monde, & faifoit fouhaiter
qu’à la fin du Bal, & apres
un magnifique Régale qui
accompagnoit toujours de
femblables Fefles, il te pûc,
voir lcul avec (a MaiftrefTe
fans eftre éclairé de ces
Gens fâcheux qui troublent toujours de pareilles
avantures. On a fur tout
admiré la grande précaution du Galant pour cacher
î’Autheur de ces Diverrif.
femens myftcrieux , afin
d’empefeher qu’on ne parla i peu favorablement de
6z LE MERCURE
la Dame à qui il prenoit
foin de plaire
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Résumé : Bal de l'Inconnu. [titre d'après la table]
Le texte traite de la galanterie en France, contrastant avec d'autres pays où les guerres accaparent les cavaliers. En France, la noblesse conserve sa politesse malgré les horreurs de la guerre, voyant celle-ci comme une occasion de se distinguer et d'acquérir de la gloire. Un exemple récent illustre cette galanterie : pendant le dernier carnaval, des aventures agréables ont mis en lumière cette qualité. Un bal magnifique a eu lieu pendant plusieurs semaines dans une maison particulière de la rue de Richelieu. Un cavalier organisait ce bal de manière à changer quotidiennement de maître de maison pour cacher l'identité de la dame qui en était l'objet. La salle s'éclairait à l'arrivée d'une personne de taille admirable, vêtue avec élégance et magnificence. Le cavalier, toujours habillé de manière nouvelle et distinguée, rejoignait la dame. Les spectateurs, attirés par la réputation du bal et la qualité des musiciens, admiraient la grâce des deux amants. Le cavalier montrait un chagrin cruel lorsqu'il voyait la dame danser avec un autre, et il dansait lui-même avec une mélancolie qui suscitait la pitié. Après le bal, un magnifique régal accompagnait toujours ces fêtes, permettant au cavalier et à la dame de se retrouver sans être dérangés. La grande précaution du cavalier pour cacher l'auteur de ces divertissements mystérieux visait à protéger la réputation de la dame.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 62-64
Bals de Monsieur le Prince de Furstemberg, & son Mariage avec Mademoiselle de Ligny. [titre d'après la table]
Début :
Monsieur le Prince de Furstemberg, Neveu de Monsieur l'Evesque de [...]
Mots clefs :
Prince de Furstemberg, Galanterie, Grands divertissements, Mademoiselle de Ligny
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texteReconnaissance textuelle : Bals de Monsieur le Prince de Furstemberg, & son Mariage avec Mademoiselle de Ligny. [titre d'après la table]
Monfieur le Prince de i
Furftemberg, Neveu de
Monfieur l ’Evefque de
Straïbourg, a pareillement
donné plufieurs fois le Bal
pendant les derniers jours
du Carnaval ; & quoy qu’il ■
n ’ait pas paru tant de myftere dans les grands Divertiflemens qu’il a donnez,
ils n’ont pas Jaifle d’eftre
accompagnez de toute la
galanterie, & de toute la <
magnificence imaginable.
Leurs AltefTes Royales s’y
> ' . * ' i 9
G A LA N T . é;
>il font trouvées avec un nombre infiny dePerfonnes de
4 la plus haute Qualité. L’élt clat, le grand air, & la bon1î ne mine de Moniteur le
Ji Prince de Furftemberg, y
if ont toujours efté remariJ quez : auïïi faut il avouer
il que ce n’eftpas fans raifon
[J que tout le monde demeure d’accord que ce Prince
J eft parfaitement bien faic.
e 11 a depuis peu époufé MaII demoilclle de Ligny,Nièce
l de Moniteur lEvefque de
Meaux: elle eft alliée de
, vingt-deux Familles des
-
»
64 LE MERCURE
p
!us illuftres du Royaume;
elle a de l’efprit infiniment,
le teint admirable, & joue
tout-à-fait bien du Clavcfiin
Furftemberg, Neveu de
Monfieur l ’Evefque de
Straïbourg, a pareillement
donné plufieurs fois le Bal
pendant les derniers jours
du Carnaval ; & quoy qu’il ■
n ’ait pas paru tant de myftere dans les grands Divertiflemens qu’il a donnez,
ils n’ont pas Jaifle d’eftre
accompagnez de toute la
galanterie, & de toute la <
magnificence imaginable.
Leurs AltefTes Royales s’y
> ' . * ' i 9
G A LA N T . é;
>il font trouvées avec un nombre infiny dePerfonnes de
4 la plus haute Qualité. L’élt clat, le grand air, & la bon1î ne mine de Moniteur le
Ji Prince de Furftemberg, y
if ont toujours efté remariJ quez : auïïi faut il avouer
il que ce n’eftpas fans raifon
[J que tout le monde demeure d’accord que ce Prince
J eft parfaitement bien faic.
e 11 a depuis peu époufé MaII demoilclle de Ligny,Nièce
l de Moniteur lEvefque de
Meaux: elle eft alliée de
, vingt-deux Familles des
-
»
64 LE MERCURE
p
!us illuftres du Royaume;
elle a de l’efprit infiniment,
le teint admirable, & joue
tout-à-fait bien du Clavcfiin
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Résumé : Bals de Monsieur le Prince de Furstemberg, & son Mariage avec Mademoiselle de Ligny. [titre d'après la table]
Le Prince de Furstemberg, neveu de l'Évêque de Strasbourg, a organisé plusieurs bals durant les derniers jours du Carnaval. Ces événements, bien que non mystérieux, se sont distingués par leur grande galanterie et magnificence. Leurs Altesses Royales y ont assisté, accompagnées de nombreuses personnes de haute qualité. Le Prince a été remarqué pour son éclat, son allure distinguée et sa bonne humeur, ce qui a permis à tous de reconnaître ses qualités. Récemment, il a épousé Mademoiselle de Ligny, nièce de l'Évêque de Meaux. Cette dernière est apparentée à vingt-deux des familles les plus illustres du Royaume, possède un esprit remarquable, un teint admirable et joue très bien du clavecin.
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3
p. 102-105
« Le Chevalier s'apprestoit à poursuivre, lors que la Duchesse [...] »
Début :
Le Chevalier s'apprestoit à poursuivre, lors que la Duchesse [...]
Mots clefs :
Galanterie, Louanges, Louer, Conversation, Lecture, Cahiers
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texteReconnaissance textuelle : « Le Chevalier s'apprestoit à poursuivre, lors que la Duchesse [...] »
Le Chevalier s’apprelloit
à pourfùivre, lors que la
DuchefTe luy dit de n’aller
pas fi ville ; que cette Galanterie méritoit bienqu’on
y fift quelque réflexion, &
que les Vers en efloient fort
naturels. Il ellvray, répondit la Marquife, & j’ay fait
une remarque en l ‘écoutant lire,à laquelleperfonne
n’a peut-ellre penfé. Nous
parlions tan to ll, pourfuivit-elle, delà maniéré de
louer le Roy, & je trouve
que les louanges que nous
en venons d’entendre font
V
4
•-* K
G A L A N T . 103
fort ingénieufement données: elles entrent fi naturellement dans cette Piece,
qu’il neparoiftpas mefmcs
qu’on ait defléin de le
■loiier; & tout ce que l’Amour dit à fa gloire, n’eft
qu'en fe plaignant de luy.
La remarque eft jufte, reprir une autre Perlonne de
la Compagnie ; & quand
on loué ainfi quelqu’un, il
faut que ce que l’on en
dit foit fi vray, que perfonne ne l’ignore. Il n’eft
pas fi facile que l’on penle
de louer ainfi, intérompic
)
io4
LE MERCURE
la Ducheffe ; & tous ces
Efprits guindez & peu galants qui ne peuvent louer
les grands Hommes qu’en
les comparant aux Aléxandres & aux Ce'fars, n ’en
viendraient pas facilement
a bout. Elles alloient encor pouffer cette Converfation, lors qu’elles jetteront les yeux fur le Chevalier qui regardoit les Cahiers qu’il tenoit avec une
attention qui leur fit connoiftre qu’il fouhaitoit de
pourfuivre la leélure qu’il
avoit commencée j ce qui
I
G A L A N T , joy
les obligea de fe taire. Elles
eurent à peine celfé de parler , qu’il continua de la
forte. Puis que nous fommes
fur le Chapitre de l’Amour,
il fcroit mal-aile de trouver
un endroit plus propre
pour parler des Mariages
qu’il a fait, faire depuis peu;
car il faut toujours croire
que c’eft luy feul qui unit
tous ceux qui fe marient,
& que la Politique ne fe
melle jamais des chofes
dont l 'Amour doit feul
eftre le maiftre.
à pourfùivre, lors que la
DuchefTe luy dit de n’aller
pas fi ville ; que cette Galanterie méritoit bienqu’on
y fift quelque réflexion, &
que les Vers en efloient fort
naturels. Il ellvray, répondit la Marquife, & j’ay fait
une remarque en l ‘écoutant lire,à laquelleperfonne
n’a peut-ellre penfé. Nous
parlions tan to ll, pourfuivit-elle, delà maniéré de
louer le Roy, & je trouve
que les louanges que nous
en venons d’entendre font
V
4
•-* K
G A L A N T . 103
fort ingénieufement données: elles entrent fi naturellement dans cette Piece,
qu’il neparoiftpas mefmcs
qu’on ait defléin de le
■loiier; & tout ce que l’Amour dit à fa gloire, n’eft
qu'en fe plaignant de luy.
La remarque eft jufte, reprir une autre Perlonne de
la Compagnie ; & quand
on loué ainfi quelqu’un, il
faut que ce que l’on en
dit foit fi vray, que perfonne ne l’ignore. Il n’eft
pas fi facile que l’on penle
de louer ainfi, intérompic
)
io4
LE MERCURE
la Ducheffe ; & tous ces
Efprits guindez & peu galants qui ne peuvent louer
les grands Hommes qu’en
les comparant aux Aléxandres & aux Ce'fars, n ’en
viendraient pas facilement
a bout. Elles alloient encor pouffer cette Converfation, lors qu’elles jetteront les yeux fur le Chevalier qui regardoit les Cahiers qu’il tenoit avec une
attention qui leur fit connoiftre qu’il fouhaitoit de
pourfuivre la leélure qu’il
avoit commencée j ce qui
I
G A L A N T , joy
les obligea de fe taire. Elles
eurent à peine celfé de parler , qu’il continua de la
forte. Puis que nous fommes
fur le Chapitre de l’Amour,
il fcroit mal-aile de trouver
un endroit plus propre
pour parler des Mariages
qu’il a fait, faire depuis peu;
car il faut toujours croire
que c’eft luy feul qui unit
tous ceux qui fe marient,
& que la Politique ne fe
melle jamais des chofes
dont l 'Amour doit feul
eftre le maiftre.
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Résumé : « Le Chevalier s'apprestoit à poursuivre, lors que la Duchesse [...] »
Un Chevalier souhaite poursuivre la lecture d'un texte, mais la Duchesse l'interrompt, estimant que les vers sont naturels et méritent réflexion. La Marquise apprécie l'intégration ingénieuse des louanges au Roi, qui semblent naturelles. Un autre convive approuve, soulignant que les louanges doivent être vraies et évidentes. La Duchesse ajoute que louer quelqu'un de cette manière n'est pas facile, surtout en comparant les grands hommes à des figures historiques comme Alexandre ou César. La conversation est interrompue lorsque le Chevalier, absorbé par ses cahiers, exprime son désir de continuer la lecture. Les personnes présentes se taisent, et le Chevalier reprend en parlant des mariages, affirmant que l'Amour est le seul maître en la matière, excluant toute influence politique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 56-58
« Je ne sçay, Madame, ce que vous penserez de cette [...] »
Début :
Je ne sçay, Madame, ce que vous penserez de cette [...]
Mots clefs :
Galanterie, Juger, Matière, Morale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je ne sçay, Madame, ce que vous penserez de cette [...] »
Je ne ſçay, Madame,ce que vous penſerez de cette galan-
44 LE MERCURE
terie, mais ie ſuis perfuadé que vous n'en jugerez pas à la ma- niere des eſprits foibles , que le ſeul nom de l'Amour effraye, &qui ne ſe contentent pas de traiter d'inutile tout ce qui le regarde; mais qui veulent trouverdu crime dans ces bagatelles ingenieuſes dont il fournit la matiere, &qu'on lit preſque toûjours avec plaifir- Cen'eſt pas que ię ne ſcache qu'il y en a quelques - unes dont la Morale n'eſt pas à ſui- vre : mais ſi on vouloit profiter de celle-cy , &n'aimer iamais qu'on n'eût ſoin de prendre l'appuy de la Raiſon,&de con ſerverles interêts de la Gloire,
quelque condamnable que pa- roiſſel'Amour auxfcrupuleux,
ie doute fort que ce fuſt une
GALANT.
45 paſſion indigne d'une belle Ame, & qu'on dût ſe faire une vertu de rejetter ce que la ſo- cieté civile en peut recevoir d'avantages. Mais ie n'entreprens point d'en ſoûtenir icyle party
44 LE MERCURE
terie, mais ie ſuis perfuadé que vous n'en jugerez pas à la ma- niere des eſprits foibles , que le ſeul nom de l'Amour effraye, &qui ne ſe contentent pas de traiter d'inutile tout ce qui le regarde; mais qui veulent trouverdu crime dans ces bagatelles ingenieuſes dont il fournit la matiere, &qu'on lit preſque toûjours avec plaifir- Cen'eſt pas que ię ne ſcache qu'il y en a quelques - unes dont la Morale n'eſt pas à ſui- vre : mais ſi on vouloit profiter de celle-cy , &n'aimer iamais qu'on n'eût ſoin de prendre l'appuy de la Raiſon,&de con ſerverles interêts de la Gloire,
quelque condamnable que pa- roiſſel'Amour auxfcrupuleux,
ie doute fort que ce fuſt une
GALANT.
45 paſſion indigne d'une belle Ame, & qu'on dût ſe faire une vertu de rejetter ce que la ſo- cieté civile en peut recevoir d'avantages. Mais ie n'entreprens point d'en ſoûtenir icyle party
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Résumé : « Je ne sçay, Madame, ce que vous penserez de cette [...] »
L'auteur d'une lettre discute de la galanterie et de l'amour avec une dame. Il distingue les esprits faibles, qui craignent l'amour, des âmes nobles capables de l'apprécier avec raison et gloire. Il reconnaît des galanteries immorales mais voit des avantages pour la société civile dans l'amour, sans chercher à défendre cette position.
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5
p. 100-102
« Que pensez-vous, Madame, de cette galanterie ? L'Autheur qui prétend [...] »
Début :
Que pensez-vous, Madame, de cette galanterie ? L'Autheur qui prétend [...]
Mots clefs :
Corneille, Galanterie, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Que pensez-vous, Madame, de cette galanterie ? L'Autheur qui prétend [...] »
ue penſez - vous , Ma
dame , de cette galanterie ?
L'Autheur qui prétend que ſes vieilles années luy ont acquis l'avantage d'aimer fi commodement, & qui s'expli- qued'une maniere fi agrea- ble, ne merite-t- il pas d'eſtre particulierement conſideré de Dij
78 LE MERCURE la Dame ? Il eſt rare de pou- voir conſerver dans un âge auſſi avancé que celuyqu'il ſe donne , le feu d'eſprit fait pa- roître encore dans ces Vers ;
& le vieux Martian que vous
avez tant admiré dans l'admirable Pulcherie du grand Corneille , n'auroit pas parlé plus galamment , s'il avoit
voulu s'éloigner duſérieux.
dame , de cette galanterie ?
L'Autheur qui prétend que ſes vieilles années luy ont acquis l'avantage d'aimer fi commodement, & qui s'expli- qued'une maniere fi agrea- ble, ne merite-t- il pas d'eſtre particulierement conſideré de Dij
78 LE MERCURE la Dame ? Il eſt rare de pou- voir conſerver dans un âge auſſi avancé que celuyqu'il ſe donne , le feu d'eſprit fait pa- roître encore dans ces Vers ;
& le vieux Martian que vous
avez tant admiré dans l'admirable Pulcherie du grand Corneille , n'auroit pas parlé plus galamment , s'il avoit
voulu s'éloigner duſérieux.
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Résumé : « Que pensez-vous, Madame, de cette galanterie ? L'Autheur qui prétend [...] »
Le texte vante la galanterie d'un auteur âgé, qui conserve un esprit vif et une expression agréable. Il mérite une considération particulière de la dame à qui il s'adresse. Cet esprit rare est comparé à celui de Martian, un personnage de Corneille. L'auteur adopte un ton léger et charmant, évitant le sérieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 220-221
« Voila, Madame, comme Monsieur le Duc de S. Aignan fait [...] »
Début :
Voila, Madame, comme Monsieur le Duc de S. Aignan fait [...]
Mots clefs :
Duc de S. Aignan, Galanterie, Mercure galant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Voila, Madame, comme Monsieur le Duc de S. Aignan fait [...] »
Voila , Madame , comme
Monfieur le Duc de S. Aignan
fait les honneurs du Havre
d'une maniere toute galante &
fpirituelle,ſans que cette inno- cente Galanterie diminuë rien
duzele qu'il fait voir pour tou- tes les choſes qui regardentla Religion. Il en a donné des
marques depuis peu dans un tres-beau Diſcours qu'il a fait dans la Maiſon de Ville contre
la licence des Blafphemes. Je vous l'envoyerois dans cette Lettre , fi la ſainteté de la ma
O ij
160 LE MERCVRE
tiere eſtoit compatible avec le titre de Mercure Galant , que
vous avez bien voulu luy laif- fer porter.
Monfieur le Duc de S. Aignan
fait les honneurs du Havre
d'une maniere toute galante &
fpirituelle,ſans que cette inno- cente Galanterie diminuë rien
duzele qu'il fait voir pour tou- tes les choſes qui regardentla Religion. Il en a donné des
marques depuis peu dans un tres-beau Diſcours qu'il a fait dans la Maiſon de Ville contre
la licence des Blafphemes. Je vous l'envoyerois dans cette Lettre , fi la ſainteté de la ma
O ij
160 LE MERCVRE
tiere eſtoit compatible avec le titre de Mercure Galant , que
vous avez bien voulu luy laif- fer porter.
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Résumé : « Voila, Madame, comme Monsieur le Duc de S. Aignan fait [...] »
Le Duc de Saint-Aignan, au Havre, se distingue par sa galanterie et son esprit. Il a récemment condamné les blasphèmes lors d'un discours à la Maison de Ville. L'auteur regrette de ne pas pouvoir inclure ce discours dans le 'Mercure Galant' en raison de sa nature sacrée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 127-133
Description d'une Feste Galante donnée à Montpellier par M. de la Quere à Mademoiselle de la Verune. [titre d'après la table]
Début :
Je ne doute point, Madame, que vous ne joigniez vos [...]
Mots clefs :
Monsieur de la Quere, Mariage, Fêtes, Galanterie, Théâtre, Souper, Feu d'artifice
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description d'une Feste Galante donnée à Montpellier par M. de la Quere à Mademoiselle de la Verune. [titre d'après la table]
Je ne doute point , Mada- me, que vous ne joigniez vos applaudiſſemens à ceux que l'Autheur de ce Compliment a receus ; &pour paffer d'A les àMontpelier, jeus diray qu'ony parle fort du Mariage de Mademoiselle de la Verune
avec Monfieur de la Quere Capitaine des Vaiſſeaux. C'eſt une Heritiere qu'on tient ri- che d'un million. Cela eſt
conſidérable ; mais ce qui eſt beaucoup plus avantageux pourelle , c'eſt que ſa fortune,
toute grande qu'elle eft , pa- roiſt encor au deſſous de fon
merite. Monfieur de la Quere luy a donné pluſieurs Feftes.
Elles ont toutes efté d'une ga- Janterie admirable , mais fur
Hij
90 LE MERCVRE
tout la derniere vous fera voir
que l'inconnu que vous avez tant aimé fur le Theatre , &
que vous nommiez ſi plaiſam- ment L'Amant qui nese trouve point ailleurs , n'apas donné un exemple d'une fi dangereuſe confequence, qu'il n'y ait des Gens qui faffenegloire de l'i- miter. Il ne faut qu'aimer pour cela , & voicy de qu'elle ma- niere Monfieur de la Quere s'y eſt pris. Mademoiselle de la Verune s'eſtoit allé prome- ner un peu tard avec quel- ques-unes de ſes Amies &de ſes Parentes , dans un Jardin
où il y a un petit Pavillon , &
quatre Cabinets de verdure
aux quatre coins. Elles furent fort ſurpriſes de trouver dans le premier où elles entrerent ,
une Table à dix-huit couverts.
GALANT. 91
20
dic
ure
en
an
ent
erts
Lamagnificence y fut grande,
&la propreté merveilleuſe. II y eut huit Services differens,
& il n'y manqua rien de tout ce qu'on ſe peut figurer de plus exquis & de plus délicat pour le gouft. Aucune d'elles ne s'attendoit à ce Souper , &
moins encor à eſtre diverties
par un Concert admirable de Hautbois qui estoient dans
autre Cabinet. A
un
ces Haut
bois fuccederent les Violds
THEAS
1
qu'on avoit mis dans le tro fiéme ; & ils n'eurent pas plû- toſt ceffé de joüer , qu'une ex- cellente Muſiqueſe fit enten- dre dudernierde ces Cabinets.
Le Souper eſtant finy , la Ta- ble fut couverte de Bouquets de Fleurs de toutes les Saifons , & de Rubans de toutes
fortes. Un moment apres on
Hiij
92 LE MERCVRE
propoſade s'aller repoſer dans des Chaiſes de commodite qui
eſtoient dans le Pavillon , &
ce futde nouveau un agreable ſujet de ſurpriſe pour ces aima- bles Perſonnes , devoir toutle
Iardin éclairé demilleBougies qu'on avoit attacheés aux branches des Arbres , & dont
Ia lumiere leur fit découvrir
les appreſts d'un tres- beau Feud'Artifice qui dura plus de demy-heure. Il fut fuivy d'un nombre infini de Fuſées vo
lantes qui faiſoient voir en l'air de cent diferentes manieres
le Nom&les Chiffres de Mademoiselle de la Verune. Ce
Divertiſſement qui les occupa quelque temps ayantceffé, el- les continuerent de marcher
vers le Pavillon , & furent à
peine affifesdansle Veftibule,
GALANT. 93
2
X
e
1
ir
aCe
Da
-
-
er
a
qu'elles virent fortir du derrieredela Tapifſerie,des Acteurs qui leur donnerent la Comedie. Ce fut par elle que cette galante Fefte ſe termina : elle
ne finit qu'avec la nuit; &cette belle Troupen'euſt pas lieu de regreter les heures que tant de plaiſirs luy firent dérober au fommeil.
avec Monfieur de la Quere Capitaine des Vaiſſeaux. C'eſt une Heritiere qu'on tient ri- che d'un million. Cela eſt
conſidérable ; mais ce qui eſt beaucoup plus avantageux pourelle , c'eſt que ſa fortune,
toute grande qu'elle eft , pa- roiſt encor au deſſous de fon
merite. Monfieur de la Quere luy a donné pluſieurs Feftes.
Elles ont toutes efté d'une ga- Janterie admirable , mais fur
Hij
90 LE MERCVRE
tout la derniere vous fera voir
que l'inconnu que vous avez tant aimé fur le Theatre , &
que vous nommiez ſi plaiſam- ment L'Amant qui nese trouve point ailleurs , n'apas donné un exemple d'une fi dangereuſe confequence, qu'il n'y ait des Gens qui faffenegloire de l'i- miter. Il ne faut qu'aimer pour cela , & voicy de qu'elle ma- niere Monfieur de la Quere s'y eſt pris. Mademoiselle de la Verune s'eſtoit allé prome- ner un peu tard avec quel- ques-unes de ſes Amies &de ſes Parentes , dans un Jardin
où il y a un petit Pavillon , &
quatre Cabinets de verdure
aux quatre coins. Elles furent fort ſurpriſes de trouver dans le premier où elles entrerent ,
une Table à dix-huit couverts.
GALANT. 91
20
dic
ure
en
an
ent
erts
Lamagnificence y fut grande,
&la propreté merveilleuſe. II y eut huit Services differens,
& il n'y manqua rien de tout ce qu'on ſe peut figurer de plus exquis & de plus délicat pour le gouft. Aucune d'elles ne s'attendoit à ce Souper , &
moins encor à eſtre diverties
par un Concert admirable de Hautbois qui estoient dans
autre Cabinet. A
un
ces Haut
bois fuccederent les Violds
THEAS
1
qu'on avoit mis dans le tro fiéme ; & ils n'eurent pas plû- toſt ceffé de joüer , qu'une ex- cellente Muſiqueſe fit enten- dre dudernierde ces Cabinets.
Le Souper eſtant finy , la Ta- ble fut couverte de Bouquets de Fleurs de toutes les Saifons , & de Rubans de toutes
fortes. Un moment apres on
Hiij
92 LE MERCVRE
propoſade s'aller repoſer dans des Chaiſes de commodite qui
eſtoient dans le Pavillon , &
ce futde nouveau un agreable ſujet de ſurpriſe pour ces aima- bles Perſonnes , devoir toutle
Iardin éclairé demilleBougies qu'on avoit attacheés aux branches des Arbres , & dont
Ia lumiere leur fit découvrir
les appreſts d'un tres- beau Feud'Artifice qui dura plus de demy-heure. Il fut fuivy d'un nombre infini de Fuſées vo
lantes qui faiſoient voir en l'air de cent diferentes manieres
le Nom&les Chiffres de Mademoiselle de la Verune. Ce
Divertiſſement qui les occupa quelque temps ayantceffé, el- les continuerent de marcher
vers le Pavillon , & furent à
peine affifesdansle Veftibule,
GALANT. 93
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X
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1
ir
aCe
Da
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qu'elles virent fortir du derrieredela Tapifſerie,des Acteurs qui leur donnerent la Comedie. Ce fut par elle que cette galante Fefte ſe termina : elle
ne finit qu'avec la nuit; &cette belle Troupen'euſt pas lieu de regreter les heures que tant de plaiſirs luy firent dérober au fommeil.
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Résumé : Description d'une Feste Galante donnée à Montpellier par M. de la Quere à Mademoiselle de la Verune. [titre d'après la table]
Le texte évoque un mariage prochain entre Mademoiselle de la Verune et Monsieur de la Quere, capitaine des vaisseaux. Mademoiselle de la Verune est une héritière fortunée, possédant un million, bien que sa valeur personnelle soit jugée supérieure à sa richesse. Monsieur de la Quere a organisé plusieurs réjouissances en son honneur, dont une fête particulièrement mémorable. Lors de cette dernière, Mademoiselle de la Verune et ses amies ont été agréablement surprises par un somptueux souper dans un jardin, accompagné de huit services et d'un concert de hautbois et violons. Après le souper, le jardin a été illuminé par des bougies et un feu d'artifice a été tiré, avec des fusées affichant le nom et les chiffres de Mademoiselle de la Verune. La soirée s'est conclue par une comédie interprétée par des acteurs dans le pavillon, offrant ainsi de nombreux divertissements aux invités jusqu'à la nuit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 151-178
Histoire des quatre Bouquets. [titre d'après la table]
Début :
Deux Dames jeunes, belles, bien faites, spirituelles, & de qualité [...]
Mots clefs :
Bouquet, Dames, Couvent, Plaisirs, Prix, Jardin, Galanterie, Fête, Boîte, Ruban, Divertissement public, Masque, Incognito, Faux personnages, Iconnues, Tenants, Marquis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire des quatre Bouquets. [titre d'après la table]
Deux Dames, jeunes , bel- les, bien faites, ſpirituelles,&
de qualité, ayant leurs raiſons pour paſſer quelque temps dans un Convent à cinq ou fix lieuës de Paris, apprirent il y a quelques jours avec joye,
qu'un jeune Marquis , qui a
une affez belle Maiſon dans
leur voiſinage , faifoit une ré- joüiſſance le lendemain , qui eftoit le jourde fa Feſte. Com- me la retraite ne leur a pas oſté l'eſprit d'enjoüement , &
qu'elles ne laiſſent échaper aucune occafion de ſe faire
GALANT. 107
des plaiſirs de tout ce qui en.
peut caufer d'innocens , elles fongerent à quelque galante rie qui leur pût donner part au Divertiſſement qui ſe pré-- paroit. Le ſoin qu'elles eurent
de s'en faire inſtruire , leur fit
découvrir qu'il confiftoit en un grand Repas que le Mar- quis donnoit à quelques -uns de ſes Amis, dont onne leur
pût dire que le nom de trois ,
& que ſur les cinq heures du foir on ſe devoit rendre
dans la Plaine , où il y avoit un Prix proposé pour celuy qui montreroit le plus d'adref- ſe à tirer. Heureuſement pour elles , les trois Conviez qu'on
leur nomma eftoient de leur
connoiffance , elles en ſca- voient les Intrigues. Il s'agif- foit d'une Feſte qu'on cele
108 LE MERCVRE
broit ; la coûtume veut qu'on
envoyedes Bouquets, &ce fut ce qui leur donna la penſée de ce qu'elles ſe réſolurentd'e- xecuter. Elles entrerent dans
le Jardin , choiſirent ce qu'el- les crûrent propre à leur def- fein , en firent quatre Bouquets differents , avec un Bil- letpour chacun de ceux àqui ils estoientdeſtinez ,enferme
rent le tout dans une Boëte ,
la cacheterent fort propre- ment , &y joignirent une Let- tre generale pour la Bande joyeuſe qu'elles estoient bien aiſes d'embarafſfer. En voicy Fadreffe & les termes..
GALANT. 1.09
LES INCONNUES,
AUX QUATRE TENANS de la Feſte de ***
NOUSCON Ous croyons, Braves Tenans,
de noſtre honneſteté, ayant l'avantage d'estre de vos Voisines , de contribuer par
quelque galanterie au plaisir que vous vous proposez de donner aujourd'huy àtout le Canton,pour
y faire plus dignement chommer voſtre Feste ; &comme vous estes quatre Amis fort unis en toutes chofes , nous craindrions de vous donner un juſte ſujet de vous plaindre de nostre injustice , ſi nous faiſions en ce rencontre aucune difference entre vous, C'est
ce qui nous oblige à vous en- voyeràchacun un Bouquet. Con
110 LE MERCURE
vons nous
fiderez-les bien , &vous verrez Sans doute qu'il nous a fallu y
fonger plus d'une fois pour vous en choisir de tels. Si nous pou- ma Sœur & moy ,
dérober demain d'une partie de Chaſſe où noussommes engagées,
nous irons voir avec quelques Amis le cas que vous faites de nos Prefens. Nous esperons que vous ne dédaignerezpas de les porter. Sur tout fi nous allons à
la Feſte, ne nous obligezpoint à
nous démaſquer, fi nous trouvons àpropos de ne le pas faire. Nous avons interest à n'estre pas con- nuës de tout le monde. Adieu.
Cefont vos Servantes &Amies,
LESDAMES DU MONT BRILLANT , à deux lieuës de chez Vous que vous voiſinez affez
rarement.Celaſoit dit en paſſant.
2
Le
GALANT.. III
1
Le lendemainde grand ma tin ces deux belles Compa- gnesde fortune mirent la Let- tre & la Boëte entre les mains
d'un Homme inconnu qui ne manquoit pas d'adreſſe. Elles L'inſtruiſirent dece qu'il avoit à faire pour n'eſtre pas ſuivy ,
&luydonnerent ordre delaif- fer l'une & l'autre au premier qu'il trouveroit des Domeſtiques du jeune Marquis. La choſe réüffit comme on l'avoit
projettée. Le preſent fut ren- duauMarquis , fansqu'on luy puſt dire qui l'envoyoit. Ce- luyqui s'eneſtoit chargé , l'a- voit donné àunCocher pour ſon Maiſtre , & le Cocher ne s'eſtoit pas mis en peine d'en rien apprendre de plus. Le
Marquis ſe promenoit dans le Jardin avec ſes Amis ,quand Tome VI. K
112 LE MERCVRE
-
ce Preſent luy fut apporté.
C'eſtoit le jour de ſa Feſte.
Il ne douta point non plus qu'eux, que la Boëte ne fuft une marque du ſouvenir de quelqu'une de ſes Amies , &
dans cette penſée il receut avec plaifir les congratulations qu'ils luy en firent; mais il fut bien ſurpris, quand ayantjetté les yeux fur la Lettre , il vit qu'elle s'adreſſoit aux quatre Tenans. La nouveauté de ce
Titre luy fit aifément juger qu'il y avoit là de l'avanture.
Il en rit avec ſes Amis , la
Lettre fut leuë , &le myſtere leur enparut ſi plaiſant, qu'ils eurent impatience d'en voir la fuite. Ainfi quoy qu'ils dûf- ſent craindre de trouver quel- que folie dans la Boëte , ils ſe haterent del'ouvrir,fans qu'un
GALANT. 113 trou que ſe fit le Marquis par un faux pas fur le pommeau de l'Epée d'un Gentilhomme de la Compagnie , ny le fang qui fortoit de ſa bleffure , les puſt rendre moins empreſſez
àfatisfaire leur curiofité.Vous
rirezde ces circonstances,mais
elles font eſſentielles , parce qu'elles font vrayes , &je vous cõtenuëment les choſes comme elles font arrivées. A l'ouverture de la Boëte les Bouquets parurent. Ils étoientex traordinaires. Le premier qui en fut tire , eſtoit celuy du Maîtrede la Maiſon. Lesbelles Perſonnes qui les avoient mis par ordre dans la Boëte,
luy en avoient voulu faire T'honneur. Il conſiſtoit en un
beau Chardon noué d'un RuL
114 LE MERCURE
A
ban feüille-morte, avec ceBillet attaché autour.....
V
Oilà ,jeune Marquis un
petit Réveille-matin , pour
vous faire penser à voftre de- funteMaitreffe , qui cependant prend toute la part qu'elle doit à
tu magnificence dont vous faites parade enpublic. C'estune Vertu
qui ne manque jamais d'accom- pagner une belle Ame comme la voftre , à laquelle il ne man- que rien qu'un peu de veritable Amour, que nous voussouhaitons en bonnes Amies..
On plaiſanta fur ce Billet,
dont on chercha l'explication.
Je ne ſçay ſi elle fut trouvée,
mais je ſçay bien que le ſe- cond Bouquet qu'on tira étoit pour M le Comte de ***
GALANT. Hg
t
e
e.
Il eſtoit compofé de Sauge,
avec un Ruban vert , & ce
Billet.
C
E petit Ruban vert 3 cher
Comte , ne vous ofte pas tout-à-fait l'esperance de regagner les bonnes graces de vostre Maîtreſſe , &nous croyons que fi elle estoit perfuadée que vostre tendreſſe fust telle qu'elle la fou- haite,vous feriez heureux content. Espereztoûjours. 31
On luy applaudit fur PE pérance, &cependant on tira de la Boëte un Bouquet de Ruë , marqué pour un Cava- lier de la Troupe. UnRuban jaune qui le noioit , y tenoit ce Billet attache.hellier
30
116 LE MERCURE
Tous ne devez pas estre le
moins content de ce que vô- tre bonne fortune vous envoye le jaune , qui marque la pleinefatisfaction de vos Amours. Nous ne vous diſons rien de la Ruë ,
un Homme à bonne fortune com- me vous en peut quelquefois avoir beſoin. Si vous n'en sçavez pas l'explication, montrez-la à voſtre Maîtreffe. Elle vous dira fans
doute, que cela ne peutvenirque
des veritables Amies, &fort inzereßées pour vous.
On crût ceBilletmalicieux,
&chacun luy donna telle in- terpretation qu'il voulut , fans que le Cavalier qui entendoit raillerie s'en formalifaft, On
vint au dernier Bouquet , qui fe trouva une belle Ortie fleu
GALANT. 117
rie , noüée d'un Ruban couleur de chair paffé. Le Biller que ce Ruban enfermoit portoit le nomde Monfieur***,
que d'indiſpenſables affaires qui luy eſtoient inopinément furvenues , avoient empefche de venir au Rendez-vous. A
fon defaut , on ne voulut pas laiſſer le Bouquet ſans Maître,
&on pria un autre Comte ,
&un jeune Chevalier , qui avoient auſſi eſté priez de la Feſte , de voir entr'eux qui Faccepteroit. Ils s'en excuſeFent l'un &l'autre, &préten dirent que les termes duBillet
ne conviendroientpasà cequi leur pouvoit eſtre arrivé: On l'ouvrit , &ces paroles y fu- rent trouvées.
18 LE MERCURE
Nousne Ous ne voyons rien qui con- vienne mieuxàl'Amantdes
Onze mille Vierges, Monfieur ***
que cette agreable Ortie , pour moderer les chaleurs qu'il reffent
àcredit pour toutes les Belles.
:
Cesdivers Billets ſervirent
long-temps d'entretien à la Compagnie. Onſe mit àtable,
& les Tenans ne manquerent pas de boire à la fanté des Belles Inconnuës du Mont Brillant. Les ordres furent donnez
pour leur appreſter une ma- gnifique Collation quand elles viendroient à la Feſte , où l'on
ne douta point que l'impatien- ce de voir l'effet qu'auroit produit leurgalanterire ne les amenaſt. Cependant comme cesaimablesRecluſes n'étoient
GALANT. জ
119 pas enpouvoir defortirde leur Couvent , l'Avanture auroit finy là , fi le hazard qui ſe meſle prefquedetour, n'y euſt donnéordre.
1 Le grand chaud commen çant à ſe paffer, il y avoitdéja beaucoup de monde amafle dans la Plaine où l'on devoit
tirer pour leprix. LeComte&
leCavalierqui avoient eu part aux Bouquets , s'y estoient rendusdes premiers ,&ils rai- fonnoient enſemble fur l'incident de la Boëte , quandils ap- perçeurent deux Dames qui
コ
s'avançoient au petit galop avec deux Cavaliers , & en équipage à peu pres de Chaf- fereffes. Ils ne douterent point
S
a
qu'elles ne fuſſent les deux In- -connuës qu'ils attendoient , &
1 ils ſe confirmerent dans cette
1
120 LE MERCVRE
penſée en leur voyant mer- tre pied àterre, ce qu'elles fi- rent pourjoüir plus àleur aiſe duDivertiſſementpublic.Ou- tre l'intereſt particulier qu'ils avoient à nouer conversation
avecelles , la civilité ſeule les obligeoit à leur faire compli- ment,& ils le commencerent
par un remercîment de l'exa- Etitude qu'elles avoient euë à
venir s'acquiter de leur paro- le. Elles connurent d'abord
qu'on ſe méprenoit; mais com- me le Maſque les mettoit en feureté , elles ſe firent unplai- firde cette méprife , &voulant voir juſqu'où elle pourroit al- ler , elles répondirent d'une manierequi nedétrompa point les deux Tenans. Elles avoient
de l'eſprit ; un Rôle d'Avan- turieres leur parut plaiſant à
GALANT. 121
joüer , &elles n'eurent pasde peine à le ſoûtenir. Il fut dit mille choſes agreables de part &d'autre. Le Comte les affuraqu'ilgarderoit fort ſoigneu ſement le Ruban vert , & leur promit d'eſperer fur leur pa role. Le Cavalier fit avec
elles de ſon coſté une plai- ☐ ſanterie ſur la Ruë , & ny la Ruë , ny le Ruban vert ne les pûrent déconcerter. El- les ſe tirerent de toutpar des réponſes ambiguës ; & leurs Conducteurs qui ne parloient point , ne pouvoient s'empef- cher de rire de les voir fournir fi long-temps àun galima- tias , où ils eſtoient afſfurez qu'elles ne comprenoient rien non plus qu'eux. Enfin ſur le refus qu'elles firent de ſe dé- maſquer , &devenir au Châe
t
t
2
122 LE MERCURE
teau prendre la Collation qui leur eſtoit préparée, le Comte &leCavalier crûrentquec'é- toit au Marquis à faire les honneurs de ſa Feſte , & ils
coururent l'avertir de leur arrivée. Les Dames prirent ce temps pour s'échaper ; elles n'avoient eu deſſein quede ſe divertiruneheure incognito , &
jugeant bienque le Marquis ,
oules feroit ſuivre , oules ob- ſerveroit de ſi pres , qu'il feroit difficilequ'il neles reconnuſt,
elles aimerent mieuxſe priver du plaiſir qu'elles avoient ef- pere, que de s'expoſer àfaire voir qu'elles avoient joüé de faux Perſonnages. Ainſi le Marquis ne les trouva plus quand il arriva , & il n'auroit pas ſçeuqui elles estoient , fans unGentilhõmequi ſurvint,&
qui
GALANT. 123
-
L
qui venant de les rencontrer,
leur dit que c'eſtoient ſes Sœurs , avec le Maryde l'une,
&un Amy. Comme il ne pa- rut aucune autre Damedu re
- ſte dujour, le Marquis , quoy qu'étonné de la promptitude de leur retraite , n'imputa qu'à elles la galanterie des Bou- quets ; & leur rendit viſite le lendemain avec les trois autres
Intéreſſez. Le galimatias s'y recommança. Elles en rirent quelque temps , mais enfin el- ☑les leur proteſterent ſi ſérieu- ſement qu'elles ne ſçavoient ce qu'on leur diſoit , que les Tenans furentobligez de cher- cher ailleurs leurs inconnuës.
Leur embarras ne ceffa point,
quelque recherche qu'ils fif- 5 ſent dans le voiſinage , juſqu'à ce qu'eſtant allez voir les deux
-Tome VI.
a
a
L
124 LE MERCVRE belles Recluſes au Couvent ,
ils connurent à quelques pa- roles de Sauge & de Chardon qui leur échapa, que c'eſtoient elles quilesavoient régalez de fi beaux Bouquets. Vn grand éclat de rire dont elles ne pû- rent ſe defendre , acheva de les perfuader. Ils en raillerent avec elles , & apres quelques legeres façons,elles leuravoue- rent ce qu'ils n'auroient peut- eſtre jamais ſçeu , fi elles ſe fuſſent obſtinées à le cacher
de qualité, ayant leurs raiſons pour paſſer quelque temps dans un Convent à cinq ou fix lieuës de Paris, apprirent il y a quelques jours avec joye,
qu'un jeune Marquis , qui a
une affez belle Maiſon dans
leur voiſinage , faifoit une ré- joüiſſance le lendemain , qui eftoit le jourde fa Feſte. Com- me la retraite ne leur a pas oſté l'eſprit d'enjoüement , &
qu'elles ne laiſſent échaper aucune occafion de ſe faire
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des plaiſirs de tout ce qui en.
peut caufer d'innocens , elles fongerent à quelque galante rie qui leur pût donner part au Divertiſſement qui ſe pré-- paroit. Le ſoin qu'elles eurent
de s'en faire inſtruire , leur fit
découvrir qu'il confiftoit en un grand Repas que le Mar- quis donnoit à quelques -uns de ſes Amis, dont onne leur
pût dire que le nom de trois ,
& que ſur les cinq heures du foir on ſe devoit rendre
dans la Plaine , où il y avoit un Prix proposé pour celuy qui montreroit le plus d'adref- ſe à tirer. Heureuſement pour elles , les trois Conviez qu'on
leur nomma eftoient de leur
connoiffance , elles en ſca- voient les Intrigues. Il s'agif- foit d'une Feſte qu'on cele
108 LE MERCVRE
broit ; la coûtume veut qu'on
envoyedes Bouquets, &ce fut ce qui leur donna la penſée de ce qu'elles ſe réſolurentd'e- xecuter. Elles entrerent dans
le Jardin , choiſirent ce qu'el- les crûrent propre à leur def- fein , en firent quatre Bouquets differents , avec un Bil- letpour chacun de ceux àqui ils estoientdeſtinez ,enferme
rent le tout dans une Boëte ,
la cacheterent fort propre- ment , &y joignirent une Let- tre generale pour la Bande joyeuſe qu'elles estoient bien aiſes d'embarafſfer. En voicy Fadreffe & les termes..
GALANT. 1.09
LES INCONNUES,
AUX QUATRE TENANS de la Feſte de ***
NOUSCON Ous croyons, Braves Tenans,
de noſtre honneſteté, ayant l'avantage d'estre de vos Voisines , de contribuer par
quelque galanterie au plaisir que vous vous proposez de donner aujourd'huy àtout le Canton,pour
y faire plus dignement chommer voſtre Feste ; &comme vous estes quatre Amis fort unis en toutes chofes , nous craindrions de vous donner un juſte ſujet de vous plaindre de nostre injustice , ſi nous faiſions en ce rencontre aucune difference entre vous, C'est
ce qui nous oblige à vous en- voyeràchacun un Bouquet. Con
110 LE MERCURE
vons nous
fiderez-les bien , &vous verrez Sans doute qu'il nous a fallu y
fonger plus d'une fois pour vous en choisir de tels. Si nous pou- ma Sœur & moy ,
dérober demain d'une partie de Chaſſe où noussommes engagées,
nous irons voir avec quelques Amis le cas que vous faites de nos Prefens. Nous esperons que vous ne dédaignerezpas de les porter. Sur tout fi nous allons à
la Feſte, ne nous obligezpoint à
nous démaſquer, fi nous trouvons àpropos de ne le pas faire. Nous avons interest à n'estre pas con- nuës de tout le monde. Adieu.
Cefont vos Servantes &Amies,
LESDAMES DU MONT BRILLANT , à deux lieuës de chez Vous que vous voiſinez affez
rarement.Celaſoit dit en paſſant.
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Le
GALANT.. III
1
Le lendemainde grand ma tin ces deux belles Compa- gnesde fortune mirent la Let- tre & la Boëte entre les mains
d'un Homme inconnu qui ne manquoit pas d'adreſſe. Elles L'inſtruiſirent dece qu'il avoit à faire pour n'eſtre pas ſuivy ,
&luydonnerent ordre delaif- fer l'une & l'autre au premier qu'il trouveroit des Domeſtiques du jeune Marquis. La choſe réüffit comme on l'avoit
projettée. Le preſent fut ren- duauMarquis , fansqu'on luy puſt dire qui l'envoyoit. Ce- luyqui s'eneſtoit chargé , l'a- voit donné àunCocher pour ſon Maiſtre , & le Cocher ne s'eſtoit pas mis en peine d'en rien apprendre de plus. Le
Marquis ſe promenoit dans le Jardin avec ſes Amis ,quand Tome VI. K
112 LE MERCVRE
-
ce Preſent luy fut apporté.
C'eſtoit le jour de ſa Feſte.
Il ne douta point non plus qu'eux, que la Boëte ne fuft une marque du ſouvenir de quelqu'une de ſes Amies , &
dans cette penſée il receut avec plaifir les congratulations qu'ils luy en firent; mais il fut bien ſurpris, quand ayantjetté les yeux fur la Lettre , il vit qu'elle s'adreſſoit aux quatre Tenans. La nouveauté de ce
Titre luy fit aifément juger qu'il y avoit là de l'avanture.
Il en rit avec ſes Amis , la
Lettre fut leuë , &le myſtere leur enparut ſi plaiſant, qu'ils eurent impatience d'en voir la fuite. Ainfi quoy qu'ils dûf- ſent craindre de trouver quel- que folie dans la Boëte , ils ſe haterent del'ouvrir,fans qu'un
GALANT. 113 trou que ſe fit le Marquis par un faux pas fur le pommeau de l'Epée d'un Gentilhomme de la Compagnie , ny le fang qui fortoit de ſa bleffure , les puſt rendre moins empreſſez
àfatisfaire leur curiofité.Vous
rirezde ces circonstances,mais
elles font eſſentielles , parce qu'elles font vrayes , &je vous cõtenuëment les choſes comme elles font arrivées. A l'ouverture de la Boëte les Bouquets parurent. Ils étoientex traordinaires. Le premier qui en fut tire , eſtoit celuy du Maîtrede la Maiſon. Lesbelles Perſonnes qui les avoient mis par ordre dans la Boëte,
luy en avoient voulu faire T'honneur. Il conſiſtoit en un
beau Chardon noué d'un RuL
114 LE MERCURE
A
ban feüille-morte, avec ceBillet attaché autour.....
V
Oilà ,jeune Marquis un
petit Réveille-matin , pour
vous faire penser à voftre de- funteMaitreffe , qui cependant prend toute la part qu'elle doit à
tu magnificence dont vous faites parade enpublic. C'estune Vertu
qui ne manque jamais d'accom- pagner une belle Ame comme la voftre , à laquelle il ne man- que rien qu'un peu de veritable Amour, que nous voussouhaitons en bonnes Amies..
On plaiſanta fur ce Billet,
dont on chercha l'explication.
Je ne ſçay ſi elle fut trouvée,
mais je ſçay bien que le ſe- cond Bouquet qu'on tira étoit pour M le Comte de ***
GALANT. Hg
t
e
e.
Il eſtoit compofé de Sauge,
avec un Ruban vert , & ce
Billet.
C
E petit Ruban vert 3 cher
Comte , ne vous ofte pas tout-à-fait l'esperance de regagner les bonnes graces de vostre Maîtreſſe , &nous croyons que fi elle estoit perfuadée que vostre tendreſſe fust telle qu'elle la fou- haite,vous feriez heureux content. Espereztoûjours. 31
On luy applaudit fur PE pérance, &cependant on tira de la Boëte un Bouquet de Ruë , marqué pour un Cava- lier de la Troupe. UnRuban jaune qui le noioit , y tenoit ce Billet attache.hellier
30
116 LE MERCURE
Tous ne devez pas estre le
moins content de ce que vô- tre bonne fortune vous envoye le jaune , qui marque la pleinefatisfaction de vos Amours. Nous ne vous diſons rien de la Ruë ,
un Homme à bonne fortune com- me vous en peut quelquefois avoir beſoin. Si vous n'en sçavez pas l'explication, montrez-la à voſtre Maîtreffe. Elle vous dira fans
doute, que cela ne peutvenirque
des veritables Amies, &fort inzereßées pour vous.
On crût ceBilletmalicieux,
&chacun luy donna telle in- terpretation qu'il voulut , fans que le Cavalier qui entendoit raillerie s'en formalifaft, On
vint au dernier Bouquet , qui fe trouva une belle Ortie fleu
GALANT. 117
rie , noüée d'un Ruban couleur de chair paffé. Le Biller que ce Ruban enfermoit portoit le nomde Monfieur***,
que d'indiſpenſables affaires qui luy eſtoient inopinément furvenues , avoient empefche de venir au Rendez-vous. A
fon defaut , on ne voulut pas laiſſer le Bouquet ſans Maître,
&on pria un autre Comte ,
&un jeune Chevalier , qui avoient auſſi eſté priez de la Feſte , de voir entr'eux qui Faccepteroit. Ils s'en excuſeFent l'un &l'autre, &préten dirent que les termes duBillet
ne conviendroientpasà cequi leur pouvoit eſtre arrivé: On l'ouvrit , &ces paroles y fu- rent trouvées.
18 LE MERCURE
Nousne Ous ne voyons rien qui con- vienne mieuxàl'Amantdes
Onze mille Vierges, Monfieur ***
que cette agreable Ortie , pour moderer les chaleurs qu'il reffent
àcredit pour toutes les Belles.
:
Cesdivers Billets ſervirent
long-temps d'entretien à la Compagnie. Onſe mit àtable,
& les Tenans ne manquerent pas de boire à la fanté des Belles Inconnuës du Mont Brillant. Les ordres furent donnez
pour leur appreſter une ma- gnifique Collation quand elles viendroient à la Feſte , où l'on
ne douta point que l'impatien- ce de voir l'effet qu'auroit produit leurgalanterire ne les amenaſt. Cependant comme cesaimablesRecluſes n'étoient
GALANT. জ
119 pas enpouvoir defortirde leur Couvent , l'Avanture auroit finy là , fi le hazard qui ſe meſle prefquedetour, n'y euſt donnéordre.
1 Le grand chaud commen çant à ſe paffer, il y avoitdéja beaucoup de monde amafle dans la Plaine où l'on devoit
tirer pour leprix. LeComte&
leCavalierqui avoient eu part aux Bouquets , s'y estoient rendusdes premiers ,&ils rai- fonnoient enſemble fur l'incident de la Boëte , quandils ap- perçeurent deux Dames qui
コ
s'avançoient au petit galop avec deux Cavaliers , & en équipage à peu pres de Chaf- fereffes. Ils ne douterent point
S
a
qu'elles ne fuſſent les deux In- -connuës qu'ils attendoient , &
1 ils ſe confirmerent dans cette
1
120 LE MERCVRE
penſée en leur voyant mer- tre pied àterre, ce qu'elles fi- rent pourjoüir plus àleur aiſe duDivertiſſementpublic.Ou- tre l'intereſt particulier qu'ils avoient à nouer conversation
avecelles , la civilité ſeule les obligeoit à leur faire compli- ment,& ils le commencerent
par un remercîment de l'exa- Etitude qu'elles avoient euë à
venir s'acquiter de leur paro- le. Elles connurent d'abord
qu'on ſe méprenoit; mais com- me le Maſque les mettoit en feureté , elles ſe firent unplai- firde cette méprife , &voulant voir juſqu'où elle pourroit al- ler , elles répondirent d'une manierequi nedétrompa point les deux Tenans. Elles avoient
de l'eſprit ; un Rôle d'Avan- turieres leur parut plaiſant à
GALANT. 121
joüer , &elles n'eurent pasde peine à le ſoûtenir. Il fut dit mille choſes agreables de part &d'autre. Le Comte les affuraqu'ilgarderoit fort ſoigneu ſement le Ruban vert , & leur promit d'eſperer fur leur pa role. Le Cavalier fit avec
elles de ſon coſté une plai- ☐ ſanterie ſur la Ruë , & ny la Ruë , ny le Ruban vert ne les pûrent déconcerter. El- les ſe tirerent de toutpar des réponſes ambiguës ; & leurs Conducteurs qui ne parloient point , ne pouvoient s'empef- cher de rire de les voir fournir fi long-temps àun galima- tias , où ils eſtoient afſfurez qu'elles ne comprenoient rien non plus qu'eux. Enfin ſur le refus qu'elles firent de ſe dé- maſquer , &devenir au Châe
t
t
2
122 LE MERCURE
teau prendre la Collation qui leur eſtoit préparée, le Comte &leCavalier crûrentquec'é- toit au Marquis à faire les honneurs de ſa Feſte , & ils
coururent l'avertir de leur arrivée. Les Dames prirent ce temps pour s'échaper ; elles n'avoient eu deſſein quede ſe divertiruneheure incognito , &
jugeant bienque le Marquis ,
oules feroit ſuivre , oules ob- ſerveroit de ſi pres , qu'il feroit difficilequ'il neles reconnuſt,
elles aimerent mieuxſe priver du plaiſir qu'elles avoient ef- pere, que de s'expoſer àfaire voir qu'elles avoient joüé de faux Perſonnages. Ainſi le Marquis ne les trouva plus quand il arriva , & il n'auroit pas ſçeuqui elles estoient , fans unGentilhõmequi ſurvint,&
qui
GALANT. 123
-
L
qui venant de les rencontrer,
leur dit que c'eſtoient ſes Sœurs , avec le Maryde l'une,
&un Amy. Comme il ne pa- rut aucune autre Damedu re
- ſte dujour, le Marquis , quoy qu'étonné de la promptitude de leur retraite , n'imputa qu'à elles la galanterie des Bou- quets ; & leur rendit viſite le lendemain avec les trois autres
Intéreſſez. Le galimatias s'y recommança. Elles en rirent quelque temps , mais enfin el- ☑les leur proteſterent ſi ſérieu- ſement qu'elles ne ſçavoient ce qu'on leur diſoit , que les Tenans furentobligez de cher- cher ailleurs leurs inconnuës.
Leur embarras ne ceffa point,
quelque recherche qu'ils fif- 5 ſent dans le voiſinage , juſqu'à ce qu'eſtant allez voir les deux
-Tome VI.
a
a
L
124 LE MERCVRE belles Recluſes au Couvent ,
ils connurent à quelques pa- roles de Sauge & de Chardon qui leur échapa, que c'eſtoient elles quilesavoient régalez de fi beaux Bouquets. Vn grand éclat de rire dont elles ne pû- rent ſe defendre , acheva de les perfuader. Ils en raillerent avec elles , & apres quelques legeres façons,elles leuravoue- rent ce qu'ils n'auroient peut- eſtre jamais ſçeu , fi elles ſe fuſſent obſtinées à le cacher
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Résumé : Histoire des quatre Bouquets. [titre d'après la table]
Le texte narre une aventure impliquant deux dames de qualité résidant dans un couvent près de Paris. Elles apprennent qu'un jeune marquis organise une fête à proximité et décident de participer. La fête consiste en un repas suivi d'un concours de tir. Les trois invités principaux étant de leur connaissance, elles choisissent de leur envoyer des bouquets accompagnés de billets mystérieux. Elles préparent quatre bouquets distincts, chacun avec un message personnalisé, et les font livrer anonymement au marquis. Le jour de la fête, les bouquets sont remis au marquis et à ses amis. Les messages, humoristiques et énigmatiques, suscitent la curiosité et les rires des invités. Par exemple, le bouquet du marquis contient un chardon symbolisant sa maîtresse absente, tandis que celui du comte de *** inclut de la sauge et un ruban vert, suggérant l'espoir de regagner les faveurs de sa maîtresse. Le soir même, deux dames masquées assistent à la fête mais refusent de se démasquer. Elles entretiennent la confusion en répondant de manière ambiguë aux questions des invités. Plus tard, un gentilhomme révèle que les dames masquées sont ses sœurs, mettant fin à l'énigme. Le marquis et ses amis rendent visite aux dames au couvent, où des indices les confirment comme étant les auteurs des bouquets.
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9
p. 109-110
« Je ne sçay ce qui en arrivera. L'Auteur de ce [...] »
Début :
Je ne sçay ce qui en arrivera. L'Auteur de ce [...]
Mots clefs :
Impromptu, Galanterie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je ne sçay ce qui en arrivera. L'Auteur de ce [...] »
Je ne ſçay ce qui en arrivera.
L'Auteur de ce dernier Inprom- ptu ſemble eſtre touché tout de
bondumeritede la Damequi le trouve fort à ſon gré . Il la voit chez elle , luy rend de grands foins , & ce qui n'a commencé que par uneGalanteried'enjoüement , pourra finir par un atta- chement veritable. Ceſont des
coups ordinairesde l'Amour. Il a
cauſédepuis peuun des plus bizarres Incidens dont vous ayez jamais entendu parler , &voicy de quelle maniere
L'Auteur de ce dernier Inprom- ptu ſemble eſtre touché tout de
bondumeritede la Damequi le trouve fort à ſon gré . Il la voit chez elle , luy rend de grands foins , & ce qui n'a commencé que par uneGalanteried'enjoüement , pourra finir par un atta- chement veritable. Ceſont des
coups ordinairesde l'Amour. Il a
cauſédepuis peuun des plus bizarres Incidens dont vous ayez jamais entendu parler , &voicy de quelle maniere
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10
p. 109-110
« Je ne sçay ce qui en arrivera. L'Autheur de ce [...] »
Début :
Je ne sçay ce qui en arrivera. L'Autheur de ce [...]
Mots clefs :
Impromptu, Galanterie
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texteReconnaissance textuelle : « Je ne sçay ce qui en arrivera. L'Autheur de ce [...] »
Je ne ſçay ce qui en arrivera.
L'Auteur de ce dernier Inprom- ptu ſemble eſtre touché tout de
bondumeritede la Damequi le trouve fort à ſon gré . Il la voit chez elle , luy rend de grands foins , & ce qui n'a commencé que par uneGalanteried'enjoüement , pourra finir par un atta- chement veritable. Ceſont des
coups ordinairesde l'Amour. Il a
cauſédepuis peuun des plus bizarres Incidens dont vous ayez jamais entendu parler , &voicy de quelle maniere
L'Auteur de ce dernier Inprom- ptu ſemble eſtre touché tout de
bondumeritede la Damequi le trouve fort à ſon gré . Il la voit chez elle , luy rend de grands foins , & ce qui n'a commencé que par uneGalanteried'enjoüement , pourra finir par un atta- chement veritable. Ceſont des
coups ordinairesde l'Amour. Il a
cauſédepuis peuun des plus bizarres Incidens dont vous ayez jamais entendu parler , &voicy de quelle maniere
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11
p. 164-181
Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Début :
Comme mes Lettres que vous avez bien voulu laisser devenir [...]
Mots clefs :
Mercure galant, Devenir publique, Lettres, Tuileries, Livres, Lire, Femme, Curiosité, Public, Auteur, Louer, Galanterie, Guerre, France, Aventure, Nouvelles, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Comme mes Lettres que vous avez bien voulu laifferdevenir
publiques , ont donné cours au Mercure , je croy vous devoir rendre compte d'un commencement d'Avanture qu'il a caus ſé dans les premiers jours de eeMois. Ils ont eſte ſi beaux,
i
Ev
106 LE MERCVRE
que jamais on n'a veu tant de monde aux Thuilleries. Un
Gentil - homme s'y promenoit ſeul un foir , reſvant peut-eſtre à quelque affaire de cœur,
quand il apperçeut ce quieſtoit fort capable de luy en faireune.
C'eſtoitune jeune Perſonne d'u- ne beauté ſurprenante. Elle eſtoit avec un Homme de Robe qu'il luy entendit nommer fon Coufin , en la ſuivant d'af- fez prés, comme il fit tant qu'el--- le marcha. Apres quelques tours d'Allée , elle alla s'aſſeoir
fur un Banc; & le Gentilhomme impatient de ſçavoir fi elle eſtoit auſſi ſpirituelle que belle,
ſe coula le plus promptement qu'il pût derriere une Paliſſade,
qui luy donna moyend'écouter fans eſtre apperçeu. Je vous l'a-e
voue, diſait-elle quand ils'ap
GALANT. 107
procha , la lecture a tant de charmes pour moy , qu'on ne me ſçauroit obliger plus ſenſi blement, que de me fournir de- quoy lire. J'y paſſe trois &qua- tre heures , de ſuite ſans m'en- nuyer , & les Livres ſont mon entretien ordinaire au defaut
de la Converſation. Et quels Livres , luy dit le Parent , vous divertiſſent leplus?Toutm'eft
propre, reprit elle. Hiſtoires ,
Voyages , Romans , Comédies,
je lis tout; &je vous diray mê- me, au hazard de paffer pour ri- dicule aupres de vous, qu'ilm'a pris fantaiſie depuis peu de parcourir cette Philofophie nou- velle qui fait tant debruit dans le monde. Je ſuis Femme , &
par conſequent curieuſe. Dés qu'on me parle d'une nouveau- té, je brûle d'envie de la voir,
Evj
108 LEMERCVRE
&tandis que mon Pere & ma Mere iront ſolliciter leur Procés, je prétens bien me fatisfai- re l'eſprit ſur toutes les agreables Bagatelles qui s'impriment tous les jours à Paris, car je ne croy pas que nous retournions en Bretagne avant le Careſme. Je m'imagine mabelle Parente, luy dit le Coufin, que vous ne manquerez pas à commencer par le Mercure Galant. Il n'y a point de Livre qui ſoit plus en vogue,
& il feroit honteux qu'il vous échapaſt , puis que vous faites profeffion de rout lire. Et de- quoy traite ce Mercure,luy de- manda - t-elle avec précipita- tion ?De toute forte de matieres , répondit-il. Il parle de la Guerre, &il ne ſe paſſe rien en France , & particulierement à
Paris, qui ſoit unpeu remarqua
GALANT. Log
ble, dont il n'informe le Public.
L'Autheur y meſle ce qu'il apprend de petites Avantures cauſées parl'Amour ; le tout eft diverſifié par des Pieces galan- tes de Vers & de Profe , & ce
mélange a quelque choſe d'a- greable qui fait que ceux qui approuvent le moins fon Livre,
ont toûjours la curiofité de le voir. Pour moy,j'en fuisfi fa- tisfait , que je ferois tres-faché,
qu'il ne le continuaſt pas ; ce.
qui divertit, l'emporte de beau- coup fur ce qui feroit capable d'ennuyer, & fij'y trouve quel- que choſe à redire , c'eſt qu'il louë avec profuſion, &qu'il s'é- tendunpeu trop fur les Articles de Guerre , car il perd plus de temps à décrire la priſe des Vil- les , que le Roy n'en a employé à les conquérir. Vous allez,
IIO LE MERCVRE
loin , répondit l'aimable Coufi- ne , & je ne ſçay ce que vous entendez par ce terme de pro- fuſion. Eft- ce qu'en loiiant les Gens ,l'Autheur du Mercure
neparticulariſe rien,& que fon- dant le bien qu'il en dit fur des expreſſions generales , il affure feulement qu'ils font tous d'un merite achevé , qu'aucune belle qualité ne leur manque , &
qu'il s'y trouve un affemblage de vertus ſi parfait , qu'il eſt im- poſſible d'aller au dela ? Voila ,
ce me ſemble, ce qui s'appelle- roit loüer avec profufion , quoy qu'en effet ce ne fuſt point du tout louer. Je ne ſuis point affez injuſte , repliqua- t- il , pour ac- cuſer l'Autheur dont je vous parle de loüer indiféremment tout le monde. Il éleve plus ou moins ceux qu'il a occaſion de
GALANT. III
nommer ſelon les choſes par leſquelles ils meritent d'eſtre loüez; il cite leurs Actions , fait
connoiſtre les Emplois qui leur ontdonné lieu de ſe rendre confiderables : mais comme je n'ay aucu interêt àcequi les touche,
j'aimerois mieux qu'il m'apprift quelque nouvelle agreable ,
que de me dire ce qu'ilne m'im- porte point de ſçavoir. C'eſt à
dire , mon cher Cousin , reprit la Belle en fiant , que ſi vous ou vos Amis vous aviez de longs Articles dans le Mercure , vous ne trouveriez point qu'il louaſt exceſſivement. Voila l'injustice de beaucoup de Gens. Ils vou- droient qu'il ne ſe fift rienque pour eux , & ils ne confidérent pas , quand on donne quelque ehoſe au Public,que ce Public eftantun Tout composé de di
112 LE MERCVRE
ferentes parties , il faut s'il ſe peut , trouver le moyen de con- tenter toutes fortes d'Eſprits. Je ne ſçay ceque c'eſt quele Mer- cure , mais peut-eſtre n'a- t- il
aucun Article qui ne rencontre ſes Partiſans , quand il auroit meſme quelque chose d'effecti- vement ennuyeux. Les tins s'at- tacherontaux Nouvelles ſerieuſes , les autres aux Avantures d'amour ; ceux cy cherche- ront les Vers ,ceux - là quelqu'autre Galanterie ; & com- me yous m'avez dit que c'eſt un Livre où tout cela eſt
ramaffé , j'ay peine à croire qu'on puſt former un deſſein plus capable de réüiffir. Quant auxloüanges, vouspouvez paf- fer par deſſus ſi vous enſou- frez; mais mille &mille honneſtes Gens qui font en France >
-
r
4 GALANT. 113
ne meritent-ils pas qu'on parle d'eux ? & le defir de ſe rendre
digne d'eſtre loüé, ſervantquel.- quefois d'aiguillon à la Vertu ,
doit-on envierà tant de Braves
qui hazardent tous les jours leur viepour ſervir l'Etat , une récompenſe ſi legitimement deuë à leurs grandes actions ?
La Juſtice qu'aparemment leur rend le Mercure , redouble la
curioſitéque j'ay de le voir, &
je ne crains pointque le trop de Guerre m'importune. La prife de Valenciennes a couſté ſi peu de temps , que je ne m'étonne pas qu'il en faille employer da- vantageà la décrire ; mais outre que dans les Caffandres & les Cyrus j'ay tout lû juſqu'aux plus longues deſcriptions des Barailles , je ſuis perfuadéeque nous ne pouvons ſçavoir trop
114 LE MERCVRE exactementce qui ſe faitde nos jours. Les Relations les plus fi- delles oublient toûjours quel- ques circonstances, &nousn'en
voyons aucune qui n'ait ſa nou- veauté ,du moins par quel- que endroit particulier qui n'a point eſté touché dans les autres.
La nuit s'avançoit , la Belle ſe retira , & le Gentilhomme
que fon eſprit n'avoitpasmoins furpris que fa beauté , la fit fui- vre parun Laquais. Il luy envo- yades le lendemain les ſept pre- miers Tomes du Mercure Galant , avec ces Vers.
LE
MERCVRE GALANT ,
A LA BELLE INCONNUE
qui a dela curioſité pour luy.
AMyde Cupidon , Galant de Rea1.
Je parle également & d'Amour &
d'Armée,
Etviens,mais en tremblant vous conter en cejour Des Nouvelles d'amour.
Si vous me recevezſans vous mettre en
couroux ,
১
Si jeſuispar hazardle bien venu chez
vous,
Rienne peut égaler le bonheur &la
joye Deceluyqui m'envoye.
Vous l'avez avoñé,vous aimez la leEture
116 LE MERCVRE
Vous vous divertiſſez àlire une Avanture;
Mesme dans les Romans ,jeſçay que les Combats
Nevous déplaiſentpas.
Pourquoy vous déplairoy-je en mafincerité ?
Ie nedis jamais rien contre la verité;
Maissur tout aujourd'huy , sans que
l'on me renvoye ,
Ieprétensqu'on le croye.
Cette impréveuë Galanterie embaraſſaunmoment la Belle.
Elle vit bien que la converſa- tion qu'elle avoit euële ſoir pré- cedent aux Thuilleries , eſtoit
cauſedu Préſent qu'on luy fai- foit. Il ne luy déplaiſoit pas,puis qu'il fatisfaifoit l'impatience où elle eftoit de voir le Mercure. Je
ne vous puis dire ce qu'elle pen- ſa , ny par quel motif de curio- fité ou d'intrigue elle fit la Ré
E
GALANT 117 .
ponſe que yous allez voir , car je n'ay point ſceu quelle ſuite a
eul'Avanture , mais il eſt certain qu'elle ne reçeut point le Meſſage en Provinciale façon- niere , & qu'eſtant entrée dans #fon Cabinet , elle écrivit ces
deux Vers qu'elle revint donner au Porteur.
Les Nouvelles d'amourdeceluy qui t'envoye
Ne medéplairont pas,jeprétensqu'il le
croye.
publiques , ont donné cours au Mercure , je croy vous devoir rendre compte d'un commencement d'Avanture qu'il a caus ſé dans les premiers jours de eeMois. Ils ont eſte ſi beaux,
i
Ev
106 LE MERCVRE
que jamais on n'a veu tant de monde aux Thuilleries. Un
Gentil - homme s'y promenoit ſeul un foir , reſvant peut-eſtre à quelque affaire de cœur,
quand il apperçeut ce quieſtoit fort capable de luy en faireune.
C'eſtoitune jeune Perſonne d'u- ne beauté ſurprenante. Elle eſtoit avec un Homme de Robe qu'il luy entendit nommer fon Coufin , en la ſuivant d'af- fez prés, comme il fit tant qu'el--- le marcha. Apres quelques tours d'Allée , elle alla s'aſſeoir
fur un Banc; & le Gentilhomme impatient de ſçavoir fi elle eſtoit auſſi ſpirituelle que belle,
ſe coula le plus promptement qu'il pût derriere une Paliſſade,
qui luy donna moyend'écouter fans eſtre apperçeu. Je vous l'a-e
voue, diſait-elle quand ils'ap
GALANT. 107
procha , la lecture a tant de charmes pour moy , qu'on ne me ſçauroit obliger plus ſenſi blement, que de me fournir de- quoy lire. J'y paſſe trois &qua- tre heures , de ſuite ſans m'en- nuyer , & les Livres ſont mon entretien ordinaire au defaut
de la Converſation. Et quels Livres , luy dit le Parent , vous divertiſſent leplus?Toutm'eft
propre, reprit elle. Hiſtoires ,
Voyages , Romans , Comédies,
je lis tout; &je vous diray mê- me, au hazard de paffer pour ri- dicule aupres de vous, qu'ilm'a pris fantaiſie depuis peu de parcourir cette Philofophie nou- velle qui fait tant debruit dans le monde. Je ſuis Femme , &
par conſequent curieuſe. Dés qu'on me parle d'une nouveau- té, je brûle d'envie de la voir,
Evj
108 LEMERCVRE
&tandis que mon Pere & ma Mere iront ſolliciter leur Procés, je prétens bien me fatisfai- re l'eſprit ſur toutes les agreables Bagatelles qui s'impriment tous les jours à Paris, car je ne croy pas que nous retournions en Bretagne avant le Careſme. Je m'imagine mabelle Parente, luy dit le Coufin, que vous ne manquerez pas à commencer par le Mercure Galant. Il n'y a point de Livre qui ſoit plus en vogue,
& il feroit honteux qu'il vous échapaſt , puis que vous faites profeffion de rout lire. Et de- quoy traite ce Mercure,luy de- manda - t-elle avec précipita- tion ?De toute forte de matieres , répondit-il. Il parle de la Guerre, &il ne ſe paſſe rien en France , & particulierement à
Paris, qui ſoit unpeu remarqua
GALANT. Log
ble, dont il n'informe le Public.
L'Autheur y meſle ce qu'il apprend de petites Avantures cauſées parl'Amour ; le tout eft diverſifié par des Pieces galan- tes de Vers & de Profe , & ce
mélange a quelque choſe d'a- greable qui fait que ceux qui approuvent le moins fon Livre,
ont toûjours la curiofité de le voir. Pour moy,j'en fuisfi fa- tisfait , que je ferois tres-faché,
qu'il ne le continuaſt pas ; ce.
qui divertit, l'emporte de beau- coup fur ce qui feroit capable d'ennuyer, & fij'y trouve quel- que choſe à redire , c'eſt qu'il louë avec profuſion, &qu'il s'é- tendunpeu trop fur les Articles de Guerre , car il perd plus de temps à décrire la priſe des Vil- les , que le Roy n'en a employé à les conquérir. Vous allez,
IIO LE MERCVRE
loin , répondit l'aimable Coufi- ne , & je ne ſçay ce que vous entendez par ce terme de pro- fuſion. Eft- ce qu'en loiiant les Gens ,l'Autheur du Mercure
neparticulariſe rien,& que fon- dant le bien qu'il en dit fur des expreſſions generales , il affure feulement qu'ils font tous d'un merite achevé , qu'aucune belle qualité ne leur manque , &
qu'il s'y trouve un affemblage de vertus ſi parfait , qu'il eſt im- poſſible d'aller au dela ? Voila ,
ce me ſemble, ce qui s'appelle- roit loüer avec profufion , quoy qu'en effet ce ne fuſt point du tout louer. Je ne ſuis point affez injuſte , repliqua- t- il , pour ac- cuſer l'Autheur dont je vous parle de loüer indiféremment tout le monde. Il éleve plus ou moins ceux qu'il a occaſion de
GALANT. III
nommer ſelon les choſes par leſquelles ils meritent d'eſtre loüez; il cite leurs Actions , fait
connoiſtre les Emplois qui leur ontdonné lieu de ſe rendre confiderables : mais comme je n'ay aucu interêt àcequi les touche,
j'aimerois mieux qu'il m'apprift quelque nouvelle agreable ,
que de me dire ce qu'ilne m'im- porte point de ſçavoir. C'eſt à
dire , mon cher Cousin , reprit la Belle en fiant , que ſi vous ou vos Amis vous aviez de longs Articles dans le Mercure , vous ne trouveriez point qu'il louaſt exceſſivement. Voila l'injustice de beaucoup de Gens. Ils vou- droient qu'il ne ſe fift rienque pour eux , & ils ne confidérent pas , quand on donne quelque ehoſe au Public,que ce Public eftantun Tout composé de di
112 LE MERCVRE
ferentes parties , il faut s'il ſe peut , trouver le moyen de con- tenter toutes fortes d'Eſprits. Je ne ſçay ceque c'eſt quele Mer- cure , mais peut-eſtre n'a- t- il
aucun Article qui ne rencontre ſes Partiſans , quand il auroit meſme quelque chose d'effecti- vement ennuyeux. Les tins s'at- tacherontaux Nouvelles ſerieuſes , les autres aux Avantures d'amour ; ceux cy cherche- ront les Vers ,ceux - là quelqu'autre Galanterie ; & com- me yous m'avez dit que c'eſt un Livre où tout cela eſt
ramaffé , j'ay peine à croire qu'on puſt former un deſſein plus capable de réüiffir. Quant auxloüanges, vouspouvez paf- fer par deſſus ſi vous enſou- frez; mais mille &mille honneſtes Gens qui font en France >
-
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4 GALANT. 113
ne meritent-ils pas qu'on parle d'eux ? & le defir de ſe rendre
digne d'eſtre loüé, ſervantquel.- quefois d'aiguillon à la Vertu ,
doit-on envierà tant de Braves
qui hazardent tous les jours leur viepour ſervir l'Etat , une récompenſe ſi legitimement deuë à leurs grandes actions ?
La Juſtice qu'aparemment leur rend le Mercure , redouble la
curioſitéque j'ay de le voir, &
je ne crains pointque le trop de Guerre m'importune. La prife de Valenciennes a couſté ſi peu de temps , que je ne m'étonne pas qu'il en faille employer da- vantageà la décrire ; mais outre que dans les Caffandres & les Cyrus j'ay tout lû juſqu'aux plus longues deſcriptions des Barailles , je ſuis perfuadéeque nous ne pouvons ſçavoir trop
114 LE MERCVRE exactementce qui ſe faitde nos jours. Les Relations les plus fi- delles oublient toûjours quel- ques circonstances, &nousn'en
voyons aucune qui n'ait ſa nou- veauté ,du moins par quel- que endroit particulier qui n'a point eſté touché dans les autres.
La nuit s'avançoit , la Belle ſe retira , & le Gentilhomme
que fon eſprit n'avoitpasmoins furpris que fa beauté , la fit fui- vre parun Laquais. Il luy envo- yades le lendemain les ſept pre- miers Tomes du Mercure Galant , avec ces Vers.
LE
MERCVRE GALANT ,
A LA BELLE INCONNUE
qui a dela curioſité pour luy.
AMyde Cupidon , Galant de Rea1.
Je parle également & d'Amour &
d'Armée,
Etviens,mais en tremblant vous conter en cejour Des Nouvelles d'amour.
Si vous me recevezſans vous mettre en
couroux ,
১
Si jeſuispar hazardle bien venu chez
vous,
Rienne peut égaler le bonheur &la
joye Deceluyqui m'envoye.
Vous l'avez avoñé,vous aimez la leEture
116 LE MERCVRE
Vous vous divertiſſez àlire une Avanture;
Mesme dans les Romans ,jeſçay que les Combats
Nevous déplaiſentpas.
Pourquoy vous déplairoy-je en mafincerité ?
Ie nedis jamais rien contre la verité;
Maissur tout aujourd'huy , sans que
l'on me renvoye ,
Ieprétensqu'on le croye.
Cette impréveuë Galanterie embaraſſaunmoment la Belle.
Elle vit bien que la converſa- tion qu'elle avoit euële ſoir pré- cedent aux Thuilleries , eſtoit
cauſedu Préſent qu'on luy fai- foit. Il ne luy déplaiſoit pas,puis qu'il fatisfaifoit l'impatience où elle eftoit de voir le Mercure. Je
ne vous puis dire ce qu'elle pen- ſa , ny par quel motif de curio- fité ou d'intrigue elle fit la Ré
E
GALANT 117 .
ponſe que yous allez voir , car je n'ay point ſceu quelle ſuite a
eul'Avanture , mais il eſt certain qu'elle ne reçeut point le Meſſage en Provinciale façon- niere , & qu'eſtant entrée dans #fon Cabinet , elle écrivit ces
deux Vers qu'elle revint donner au Porteur.
Les Nouvelles d'amourdeceluy qui t'envoye
Ne medéplairont pas,jeprétensqu'il le
croye.
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Résumé : Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Le texte décrit une aventure aux Tuileries où un gentilhomme remarque une jeune femme d'une beauté exceptionnelle en compagnie d'un homme de robe, qu'elle appelle son cousin. Intrigué, le gentilhomme se cache pour écouter leur conversation. La jeune femme exprime son amour pour la lecture, mentionnant divers genres, y compris la philosophie nouvelle. Son cousin lui suggère de lire le Mercure Galant, un journal populaire qui traite de sujets variés comme la guerre et les aventures amoureuses, apprécié pour son mélange de nouvelles et de pièces galantes. La jeune femme montre de l'intérêt pour le Mercure Galant. Son cousin explique que le journal loue souvent les gens avec profusion mais distingue les mérites de chacun. La jeune femme défend le journal, affirmant qu'il contient quelque chose pour tous les goûts et que ses louanges peuvent encourager la vertu. Elle souhaite également lire des nouvelles exactes sur les événements contemporains. Impressionné par la beauté et l'esprit de la jeune femme, le gentilhomme la fait suivre par un laquais et lui envoie les sept premiers tomes du Mercure Galant accompagnés d'un poème. La jeune femme, flattée par ce geste, répond de manière élégante, exprimant son intérêt pour les nouvelles d'amour contenues dans le journal.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 93-111
LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
Début :
Il nous arriva hier de Lisbonne une Barque chargée de [...]
Mots clefs :
Perroquet, Guenuche, Amour, Animaux, Galanterie, Berger, Conversation, Belle, Laide, Inconstance, Métamorphose, Portugal, Histoire, Morale
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texteReconnaissance textuelle : LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
LE
PERROQUET
ET LA GUENUCHE.
7
FABLE.
A MADEMOISELLE DE M**
1
Lnous arriva hier de Lisbonneune
Barque chargéedeSinges &de Per- roquets. Vousjugezbien, Mademoiselle,
GALANT 61
que je n'ay pas perduune si belle occa- fion devous tenirparole. F'aychoisipar- my cegrand nombre un Perroquet d'un plumage tres particulier , &une Gue- nuche d'une petiteſſefort rare. Ce qu'il yade fâcheux , c'est que le Perroquet
neparle point François , que la Guenu- che ne sçait point danser , &que mesme elle est encore habillée à la Portugaise;
mais vous serez peut-estre bien aise d'estre leur Maiſtreſſe en toutes façons.
Vos Leçons leur apprendront la belle maniere. Tous les autres Perroquets ne Sçavent prononcerque des injures grof- fieres , & quand vous aurezinſtruit le voſtre , il sçaura dire des malices inge- nieuses. A voſtre Ecole la Guenuche
apprendra bien- toft la Bourrée & le
Menuët ; &fi vous avezſoin de l'ha biller à la mode & de voſtremain ,je
gage qu'on la trouvera plus propre &
demeilleur air que vostre petite laide Voisine. Cependant comme vous n'en- tendrez point d'abord le jargon ny de la Guenuche ny du Perroquet , je me crois obligé en vous les envoyant, d'estre aupres de vous leur Interprete. SansSça-
62 LE MERCVRE
voir la Langue de leur Pays, j'ay bien- toft compris leurs discours, parce qu'ils estoient tendres &amoureux..
Entendre àdemymotfut toûjoursmon
partage;
Si- toſt que l'on parle d'amour ,
Iln'eſt point pour moy de langage Qui ne foit clair comme le jour.
Pour vous ma , jeune Demoiselle,
Quand memes en François l'amour fertd'entretien ,
Malgré tout voſtre Eſprit , vous ne ré- pondez rien Et vousn'entendez pas la langue ma- ternelle;
Vous voila cependant dans la belle ſaiſon ,
Vous avez quatorze ans, à cet âge, ma Belle,
N'entendre pas l'Amour , mafoy cela s'appelle N'entendre pas raiſon.
Jeveux aujourd'huy tâcher devous rendre raisonnable , en vous faisant comprendre l'Histoire amoureuse de
GALAN T. 63 vostre Guenuche & de vostre Perroquet.
Aufſi- toft que ces deux petits Animauxfurent entre mes mains , ils parle- rent entr'eux certain jargon Moresque,
&j'entendis quele Perroquet reprochoit àla Guenucheſes ſingeries , & la Gue- nuche luy reprochoitſon caquet. Comme leursdiscours meſemblerent aſſez plai- Sans, j'entray dans leur conversation.
Ils enfurent d'abordsurpris , mais en- fin nous devinſmes familiers &fûmes bien toſt ſi grands Amis , que je les obligeay àme conter leurHistoire. Le Perroquet , comme le plus grand Cau- feur , voulut estre l'Historien ; &vo cy en François àpeu pres comme il pliqua en Moresque.. *
LYON
1893-
MaMere me donna le jour
Dans un Climat de la Guinée ,
Où le Soleil joint à l'Amour ,
Enflame tout toute l'année.
L'on n'y voit point de Cœur glacé,
N'yde Bergere indiferente;
Quand unBerger eſt empreſſé LaBergere ſe montre ardente.
64 LE MERCVRE
Là je vivois jadis enBerger fort coquet,
Aujourd'huyje ſuis Perroquet,
Car , helas ! ma Coqueterie ,
Queje nommois Galanterie ,
Choqua le cruel Cupidon ,
Qui ſans m'accorder de pardon ,
Fit de moy la Métamorphoſe ,
Queje vais vous conter en Profe.
Sur les bords du Fleuve Niger on ne fait pas l'amour ainſi que fur les bords de la Seine on du Rhône. On m'a dit
qu'icyla constance paſſe pour une vertu,
là elle paſſeroit pour un vice : En France un Amant bien reglé n'a beſoin que d'une Amante , &ſouvent en ayant une , il en a trop ; mais en Ethiopie les Galans ont beſoin de diverſes Maiſtref.
Ses , &nostre miserable Roy qui mourut ilyaquelque temps dans ce Royaume,
pourroit estre un témoin de cette verité.
Estant Berger je voyois ſuivant noftre coustume diverſesBergeres , &je témoi gnois à toutes beaucoup d'amour,mais àlaveritéje n'en reſſentois queres. Dans ma conversation, dans mes Chansons
GALANT. 65 dans mes Billets , je paroiſſois l' Amant du monde leplus ardent , &dans mon cœur ie mesentois fort tranquille; enfin tout mon amour n'estoit que du caquet.
Mais,helas ! depuis ce temps j'ay bien appris que Cupidon est un Dieu qui pu- nit cruellement le mensonge. Pour com.
mencer àse vanger demoy , il me fit devenir trop veritablement amoureux d'une petite Laide , plus volage &plus.
coquette que je n'estois , &c'est iuste.
ment Dame Guenuche que vous voyez là , qui a esté Bergere dans le temps que i'estois Berger. Apresavoir trompé tant de Perſonnes parmesfaux Sermens , ie ne pûs pas mesine perfuader mapetite Laide par des veritez tres- constantes.
Cependantpour mefaire mieux enrager,
au commencement elle fit mine de m'aimer, elle affecta toutes les petites ma- nieres d'une Perſonnefort paſſionnée, &
quand elle me vit bien ſenſiblement tou- ché , elle me fit cent malices & mequit- ta enfin pour un autre Bergerauffi laid qu'un vieux Singe.
Dieux ! qu'un Berger vivroit content
66 LE MERCVRE
Silchangeoit auffi-toft que changeſon Amante !
Mais,helas ! que de maux nous cauſe
une Inconftante,
Quandon ne peut être inconſtant !
L'amourque ieſentois pour mapetite Ingrate , & la haine que i'avois pour mon laid Rival , me mirent dans untel
deſeſpoir , que ie quitay mes Moutons,
&laſocietédes autres Bergers. Je m'en allay comme un furieux ,errant dans lesDeserts : ie déchiray mes habits , ie me couvris defeüilles d'arbres , &enfin
icdevins tout-à-fait infensé. L'Amour alors me voyantdans une Forest en estat demourir ,voulut meſauver la vie , &
ie nesçay si cefutparpitiéouparven- geance. Il changea mapeau &monha- bit en plumesde la couteur des feüilles
qui me couvroient , ma bouche en bec ,
mes bras en cuiſſes , &ainfi du reſte de
mon Corps. Voila comme ie me trouvay Perroquet , &ie vousiureque ien'en ay point confervé de regret.
Nehaïſſant plus monRival,
GALANT. 67 Etn'aimantplus mon Inconſtante Je ſens monAme plus contente ,
D'animer pour toûjours le Corps d'un Animal ,
Que celuy d'un Berger ,quand l'A- mour le tourmente.
Mapetite Laide ne demeura pas auſſiſans châtiment , parce qu'elle n'a- voit aiméqu'en apparence, & que toute fa tendreſſe n'avoit esté que fingerie ;
l'Amour n'ayant point esté trompépar ſes grimaces , voulut punirfonhipocri fie ,comme il avoit puny mon liberti- nage. Il la changea donc en Guenuche ; &comme c'estoit unepetite Berge- re fort laide &fort malicieuse , il n'eut
pas beaucoup depeine àfaire ce changement.
Depuis cette double Metamorphose nousavons vescu, maMaiſtreſſe &moy,
dans les Solitudes & dans les Forests.
Cependant nous n'eſtions pas tout -à-fait Sauvages , & cela est si vray que nous noussommes laislé prendre aux premiers Hommes qui ſeſont preſentez. D'abord onnous mena en Portugal , où l'humeur
68 LE MERCVRE
de la Nation ne nous plaiſoit gueres,
parcequele caquet &les fingeriesn'y ont pas tant de coursqu'en France , ou i'ap- prens que nous sommes auiourd'huy.
Nous nousyplaifons ſans doute ,parce que nous avons encoreconfervéquelque choſe de nostre premier caractere. Pour moy quipendantque i'estois Berger di- fois centfleurettesfans penser àce queie difois,iedis encore eftant Perroquet cent parolesfanssçavoir ce que ie dis. Pour ma Maistreffe , qui estant Bergerecon- trefaisoit l' Amante ſansſentird'amour,
&qui de plusfaisoit tous les jours mil- temalices , estant Guenuche elle enfait
encore, & contrefait mille choſesqu'elle voit faire.
Voila , me dit le Perroquet , noſtre Histoireiusques icy : c'est àvous, Mon- fieur, ànous apprendre le reſte. Dites- nous pourquoy nous sommes entre vos mains , &àquoy nousſommes deſtinez,
puis que vous nousfaitespartirpourun SecondVoyage. Acette question i'ay ré- pondude cettemaniere.
Allez trop heureux Animaux ,
GALAN T. 69
Voicy la fin de tous vos maux :
Aprenez que l'on vous deſtine Pour aller faire les plaiſirs D'une belle & jeune Blondine ,
Quidonne mille ardens defirs,
Etqui cauſe mille ſoûpirs Amille Amans qui n'oſent dire ,
Belle, c'est pour vous qu'on ſoûpire;
Vous, Peroquet , & nuit &jour ,
Vous luy pourrez parler d'amour ;
Vous pourrez dire , ie vous aime,
Sans vous attirer ſon courroux.
Que mon bonheur ſeroit extrême
Si j'ofois parler comme vous !
Vous Guenuche, VOS fingeries LYON
Loin de luy donnerdu chagrin,
La charmeront ſoir & matin ;
ODieux ! que'mes Galanteries N'ont-elles le meſmedeſtin !
C'est ainsi , Mademoiselle , que finit la conversation que i'ay cue avecvostre Perroquet & vostre Guenuche. L'ay crû que ie devois vous enfaire part,
quevousferiez bien aiſe deſçavoir leurs
Avantures, le pourrois bien tirer de cette Hiftoire une belle Morale en faveur de
70 LE MERCVRE l'Amour; mais belas ,je n'oferoisavec vous moraliſerſur cette matiere.
De Marſeille.
PERROQUET
ET LA GUENUCHE.
7
FABLE.
A MADEMOISELLE DE M**
1
Lnous arriva hier de Lisbonneune
Barque chargéedeSinges &de Per- roquets. Vousjugezbien, Mademoiselle,
GALANT 61
que je n'ay pas perduune si belle occa- fion devous tenirparole. F'aychoisipar- my cegrand nombre un Perroquet d'un plumage tres particulier , &une Gue- nuche d'une petiteſſefort rare. Ce qu'il yade fâcheux , c'est que le Perroquet
neparle point François , que la Guenu- che ne sçait point danser , &que mesme elle est encore habillée à la Portugaise;
mais vous serez peut-estre bien aise d'estre leur Maiſtreſſe en toutes façons.
Vos Leçons leur apprendront la belle maniere. Tous les autres Perroquets ne Sçavent prononcerque des injures grof- fieres , & quand vous aurezinſtruit le voſtre , il sçaura dire des malices inge- nieuses. A voſtre Ecole la Guenuche
apprendra bien- toft la Bourrée & le
Menuët ; &fi vous avezſoin de l'ha biller à la mode & de voſtremain ,je
gage qu'on la trouvera plus propre &
demeilleur air que vostre petite laide Voisine. Cependant comme vous n'en- tendrez point d'abord le jargon ny de la Guenuche ny du Perroquet , je me crois obligé en vous les envoyant, d'estre aupres de vous leur Interprete. SansSça-
62 LE MERCVRE
voir la Langue de leur Pays, j'ay bien- toft compris leurs discours, parce qu'ils estoient tendres &amoureux..
Entendre àdemymotfut toûjoursmon
partage;
Si- toſt que l'on parle d'amour ,
Iln'eſt point pour moy de langage Qui ne foit clair comme le jour.
Pour vous ma , jeune Demoiselle,
Quand memes en François l'amour fertd'entretien ,
Malgré tout voſtre Eſprit , vous ne ré- pondez rien Et vousn'entendez pas la langue ma- ternelle;
Vous voila cependant dans la belle ſaiſon ,
Vous avez quatorze ans, à cet âge, ma Belle,
N'entendre pas l'Amour , mafoy cela s'appelle N'entendre pas raiſon.
Jeveux aujourd'huy tâcher devous rendre raisonnable , en vous faisant comprendre l'Histoire amoureuse de
GALAN T. 63 vostre Guenuche & de vostre Perroquet.
Aufſi- toft que ces deux petits Animauxfurent entre mes mains , ils parle- rent entr'eux certain jargon Moresque,
&j'entendis quele Perroquet reprochoit àla Guenucheſes ſingeries , & la Gue- nuche luy reprochoitſon caquet. Comme leursdiscours meſemblerent aſſez plai- Sans, j'entray dans leur conversation.
Ils enfurent d'abordsurpris , mais en- fin nous devinſmes familiers &fûmes bien toſt ſi grands Amis , que je les obligeay àme conter leurHistoire. Le Perroquet , comme le plus grand Cau- feur , voulut estre l'Historien ; &vo cy en François àpeu pres comme il pliqua en Moresque.. *
LYON
1893-
MaMere me donna le jour
Dans un Climat de la Guinée ,
Où le Soleil joint à l'Amour ,
Enflame tout toute l'année.
L'on n'y voit point de Cœur glacé,
N'yde Bergere indiferente;
Quand unBerger eſt empreſſé LaBergere ſe montre ardente.
64 LE MERCVRE
Là je vivois jadis enBerger fort coquet,
Aujourd'huyje ſuis Perroquet,
Car , helas ! ma Coqueterie ,
Queje nommois Galanterie ,
Choqua le cruel Cupidon ,
Qui ſans m'accorder de pardon ,
Fit de moy la Métamorphoſe ,
Queje vais vous conter en Profe.
Sur les bords du Fleuve Niger on ne fait pas l'amour ainſi que fur les bords de la Seine on du Rhône. On m'a dit
qu'icyla constance paſſe pour une vertu,
là elle paſſeroit pour un vice : En France un Amant bien reglé n'a beſoin que d'une Amante , &ſouvent en ayant une , il en a trop ; mais en Ethiopie les Galans ont beſoin de diverſes Maiſtref.
Ses , &nostre miserable Roy qui mourut ilyaquelque temps dans ce Royaume,
pourroit estre un témoin de cette verité.
Estant Berger je voyois ſuivant noftre coustume diverſesBergeres , &je témoi gnois à toutes beaucoup d'amour,mais àlaveritéje n'en reſſentois queres. Dans ma conversation, dans mes Chansons
GALANT. 65 dans mes Billets , je paroiſſois l' Amant du monde leplus ardent , &dans mon cœur ie mesentois fort tranquille; enfin tout mon amour n'estoit que du caquet.
Mais,helas ! depuis ce temps j'ay bien appris que Cupidon est un Dieu qui pu- nit cruellement le mensonge. Pour com.
mencer àse vanger demoy , il me fit devenir trop veritablement amoureux d'une petite Laide , plus volage &plus.
coquette que je n'estois , &c'est iuste.
ment Dame Guenuche que vous voyez là , qui a esté Bergere dans le temps que i'estois Berger. Apresavoir trompé tant de Perſonnes parmesfaux Sermens , ie ne pûs pas mesine perfuader mapetite Laide par des veritez tres- constantes.
Cependantpour mefaire mieux enrager,
au commencement elle fit mine de m'aimer, elle affecta toutes les petites ma- nieres d'une Perſonnefort paſſionnée, &
quand elle me vit bien ſenſiblement tou- ché , elle me fit cent malices & mequit- ta enfin pour un autre Bergerauffi laid qu'un vieux Singe.
Dieux ! qu'un Berger vivroit content
66 LE MERCVRE
Silchangeoit auffi-toft que changeſon Amante !
Mais,helas ! que de maux nous cauſe
une Inconftante,
Quandon ne peut être inconſtant !
L'amourque ieſentois pour mapetite Ingrate , & la haine que i'avois pour mon laid Rival , me mirent dans untel
deſeſpoir , que ie quitay mes Moutons,
&laſocietédes autres Bergers. Je m'en allay comme un furieux ,errant dans lesDeserts : ie déchiray mes habits , ie me couvris defeüilles d'arbres , &enfin
icdevins tout-à-fait infensé. L'Amour alors me voyantdans une Forest en estat demourir ,voulut meſauver la vie , &
ie nesçay si cefutparpitiéouparven- geance. Il changea mapeau &monha- bit en plumesde la couteur des feüilles
qui me couvroient , ma bouche en bec ,
mes bras en cuiſſes , &ainfi du reſte de
mon Corps. Voila comme ie me trouvay Perroquet , &ie vousiureque ien'en ay point confervé de regret.
Nehaïſſant plus monRival,
GALANT. 67 Etn'aimantplus mon Inconſtante Je ſens monAme plus contente ,
D'animer pour toûjours le Corps d'un Animal ,
Que celuy d'un Berger ,quand l'A- mour le tourmente.
Mapetite Laide ne demeura pas auſſiſans châtiment , parce qu'elle n'a- voit aiméqu'en apparence, & que toute fa tendreſſe n'avoit esté que fingerie ;
l'Amour n'ayant point esté trompépar ſes grimaces , voulut punirfonhipocri fie ,comme il avoit puny mon liberti- nage. Il la changea donc en Guenuche ; &comme c'estoit unepetite Berge- re fort laide &fort malicieuse , il n'eut
pas beaucoup depeine àfaire ce changement.
Depuis cette double Metamorphose nousavons vescu, maMaiſtreſſe &moy,
dans les Solitudes & dans les Forests.
Cependant nous n'eſtions pas tout -à-fait Sauvages , & cela est si vray que nous noussommes laislé prendre aux premiers Hommes qui ſeſont preſentez. D'abord onnous mena en Portugal , où l'humeur
68 LE MERCVRE
de la Nation ne nous plaiſoit gueres,
parcequele caquet &les fingeriesn'y ont pas tant de coursqu'en France , ou i'ap- prens que nous sommes auiourd'huy.
Nous nousyplaifons ſans doute ,parce que nous avons encoreconfervéquelque choſe de nostre premier caractere. Pour moy quipendantque i'estois Berger di- fois centfleurettesfans penser àce queie difois,iedis encore eftant Perroquet cent parolesfanssçavoir ce que ie dis. Pour ma Maistreffe , qui estant Bergerecon- trefaisoit l' Amante ſansſentird'amour,
&qui de plusfaisoit tous les jours mil- temalices , estant Guenuche elle enfait
encore, & contrefait mille choſesqu'elle voit faire.
Voila , me dit le Perroquet , noſtre Histoireiusques icy : c'est àvous, Mon- fieur, ànous apprendre le reſte. Dites- nous pourquoy nous sommes entre vos mains , &àquoy nousſommes deſtinez,
puis que vous nousfaitespartirpourun SecondVoyage. Acette question i'ay ré- pondude cettemaniere.
Allez trop heureux Animaux ,
GALAN T. 69
Voicy la fin de tous vos maux :
Aprenez que l'on vous deſtine Pour aller faire les plaiſirs D'une belle & jeune Blondine ,
Quidonne mille ardens defirs,
Etqui cauſe mille ſoûpirs Amille Amans qui n'oſent dire ,
Belle, c'est pour vous qu'on ſoûpire;
Vous, Peroquet , & nuit &jour ,
Vous luy pourrez parler d'amour ;
Vous pourrez dire , ie vous aime,
Sans vous attirer ſon courroux.
Que mon bonheur ſeroit extrême
Si j'ofois parler comme vous !
Vous Guenuche, VOS fingeries LYON
Loin de luy donnerdu chagrin,
La charmeront ſoir & matin ;
ODieux ! que'mes Galanteries N'ont-elles le meſmedeſtin !
C'est ainsi , Mademoiselle , que finit la conversation que i'ay cue avecvostre Perroquet & vostre Guenuche. L'ay crû que ie devois vous enfaire part,
quevousferiez bien aiſe deſçavoir leurs
Avantures, le pourrois bien tirer de cette Hiftoire une belle Morale en faveur de
70 LE MERCVRE l'Amour; mais belas ,je n'oferoisavec vous moraliſerſur cette matiere.
De Marſeille.
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Résumé : LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
La fable 'Le Perroquet et la Guenuche' est adressée à Mademoiselle de M**. L'auteur décrit l'arrivée d'une barque de Lisbonne transportant des singes et des perroquets. Parmi eux, il choisit un perroquet au plumage particulier et une guenuche de petite taille. Cependant, le perroquet ne parle pas français et la guenuche ne sait pas danser, étant encore vêtue à la portugaise. L'auteur espère que la demoiselle pourra leur apprendre les bonnes manières, la danse et les habits à la mode. L'auteur raconte ensuite l'histoire amoureuse du perroquet et de la guenuche. Originaires de Guinée, ils vivaient autrefois comme bergers. Le perroquet, coquet et galant, séduisait plusieurs bergères sans ressentir de véritable amour. Cupidon le punit en le rendant amoureux d'une laide et volage bergère, la guenuche. Après avoir été trompé, le perroquet tomba dans le désespoir et fut transformé en perroquet. La guenuche, punie pour son hypocrisie, fut transformée en guenuche. Les deux animaux vécurent ensuite dans les solitudes et les forêts avant d'être capturés et emmenés au Portugal, puis en France. L'auteur les destine à la demoiselle, espérant qu'ils pourront lui parler d'amour et la charmer par leurs danses et leurs grimaces.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
VOICY le dixième Volume du Mercure, & le dernier de [...]
Mots clefs :
Lecteur, Planches, Nouvelles, Livre, Femmes, Galanterie, Modes nouvelles, Prix, Articles, Mercure
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texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AV LECTEUR.
OICY le dixiéme Volume du Mercure , &
le dernier de l'Année
1677. car quoy qu'il paroiſſe en Ianvier , il ne contient que les Nouvelles du MoisdeDecembre , &on ne donnera que le
premier jour de Fevrier celuy qui commencera l'Année 1678. Le
fuccés de ce Livre a estéextraordinaire. Ie ne doute point qu'il ne
foitdeûauxprodigesde cetteCam- pagne, aux Vers galans&ferieux,
&aux Pieces d'Eloquence qu'on m'a fait la grace de me donnerde
toutes parts , &c'est peut-estre le
feul Livre dont un Autheur puiffe publier le fuccés Sans paroiſtre wain , puis qu'en cela il ne love
a ij
AU LECTEUR.
que les ouvrages d'autruy. Ie me trouve meſme dans quelque obli- gation de ne pas taire l'approbation qu'on a donnée au Mercure ,
afin que ceux qui m'ont envoyé les agreables Pieces qui te composent,
connoiſſfent qu'elles ont plû par tout;
ce qu'il me feroit aisé de justifier parplus de quatre cens Lettres qui m'ont été écritesfur le plaisir que falecture acaufé. Lest certain que pours'en declarer l'ennemy, ilfau droit vouloir qu'iln'y eût ny Braves my beaux Esprits en France, &con- damner en même temps toutes les Actions de valeur , &tous les galans Ouvrages de ceux qui écrivět.
Ieſçay que leTitre afait croire d'abord que le Mercure estoitfim- plementgalant , &qu'ilne devoit tenirplace que dans la Bibliothe- que des Femmes , mais on est forty de cette erreur quand on y a ven
AU LECTEUR.
des Pieces d'éloquence, desHarangues, des Relations fidelles &exaEtes,des Sieges &des Batailles,des
Evenemens remarquables,des morceauxd'Histoire , &des Memoires
glorieux àdes Familles. Alorsil eft
devenu le Livredes Sçavans &des
Braves,aprés avoir étéle divertiſ Semet du beau Sexe;&une marque incontestable deſonſuccés, c'est qu'il a esté affez heureux pour plaire à
Monseign. leDAUPHIN , &que ce GrandPrince veut bien foufrir qu'il paroiſſe toûjours à l'avenir SousSonNom.Ainsivous verrez ce Nomauguste àla tefte de celuy qui contiendra les Nouelles de Ianvier,
&pourleredre moins indigne d'un figrandhonneur, il commencera en ce temps- lààparoître avec tous lesornemens dont un Livre de cette
nature puiſſe eſtre embelly. Onfera graver dans chaque Volume trois aij
AU LECTEUR.
ouquatre Planches,ſuivant les Sujets dont le Mercure parlera ; &
come les Enigmesfont devenuës un Ieud'esprit quiplaiſt , comme on be voit par un nombre infiny de Gens qui cherchent ày donner des Ex- plications,outre celles quiferont en Vers àl'ordinaire,on enmettra tous.
Les Moisune autre en Figures, dont on laifſfera le mot àdeviner. Ony
trouvera trois ou quatre Chansons dont les Notesferontgravées.Elles feront compofées par les meilleurs Maistres , & notées exprés pourle Mercure,defortequ'onpeut s'afſfu- rer qu'elles auront toute la grace de la nouveauté, puis queperſonne ne les aura venës avant que le Volumeoù ellesferont,foit envente.. Ceux quivoudront envoyer des Pa roles,le pourront faire,on aura ſoin deles faire noterfiellesse trouvent propres à être chantées. Ily aura FesCartes dagalanterie, la pre
AU LECTEUR.
miere qui paroiſtra , Sera l'Empire de la Poësie de M.de Fontenelle.On peut croire fur ce nom qu'elle ne manquerapas d'agrément. Ondon- nera auſſichaque Mois des Deffeins gravez des Modes nouvelles , &
quand on aura commencé , on ne
discontinueraplus,mais ilfaut éta- blirbeaucoupde chofes pour cela,&
lier commerce avec bien des Gens.
Cefera une commodité pour ceux qui aurot inventé quelque chose de nouveau, dans l'envie de contribuer
auplaisir deMgleDAUPHIN on qui auront quelque chef-d'œuvre d'Art àpropoſer au Public. Ils pourroten aporter les deſſeins,&on lesfera graver, s'ils meritent cette dépense. Ellefera grandepour tous ces embelliffemens, &devroitfaire rencherir leMercure de beaucoup
cependant come on s'attacke plus à
lagloire qu'àl'interêt,l'augmenta- tiaduprixſeratres-pen coſiderable
AU LECTEUR.
puisqu'ilneſevědrachezl'Impri- meurqueseizefols en blanc , &au Palais vintgfols en parchemin,&
vingt-cingfols en veau. LePublic areçeu ce Livreſifavorablement,
qu'il est juste de luy enmarquerde Lareconnoiffance par les nouvelles beautez qu'on luy prestera. Mais pourestre aſſuré d'en joüir , ildoit prendre garde si on ne luy vend point deMercures contrefaits. Il nesuffit pas de voiraubas qu'ils ont esté imprimez àParis ; c'est ce qu'onnemanque jamais d'ymettre pour empeſcher qu'on ne les rejet- te commefaux. Il faudra exami ners'ils auront les Lettres fleuron- nées &figurées , les vignetes , le Frontispice,&generalement toutes les Planches queje viens dedire,
qui feront àl'avenir dans les ve- ritables. Ceuxquife hazarderont àles contrefaire dans les Provin-
AU LECTEUR.
ces , s'il s'en trouve qui s'yveüit- lent expofer , comme ils lesdebite- ront fans Figures ,feront obligez d'ofter beaucoup de la matiere qui aura relation avec les Planches,&
tout le reste demeurant fant liai- fon,fera unpurgalimatias ; outre qu'un Livre contrefait eft toûjours remply de fautes, &qu'un Libraire quifonge à l'épargne,en retranche beaucoupde chofespour yemployer moins de feüilles. Il ne faut pas s'étonner ſi des Livres fidéfigurez Se donnent à meilleur marchéque les veritables,&c'est cette medio- crité de prix qui peut encorfaire voir qu'ils ne lefont pas. On prie ceux qui auront des Memoires à
dõner, de les adreſſfer au SieurBla- geart Imprimeur &Libraire , de- meurant à Paris Ruë S. Iacques, à
l'entrée de la Rue du Plâtre, &de
fairesçavoiren quel lieu on pourra
AU LECTEUR.
eftre éclaircy des circonstances das letemps quelesArticlesferont em- ployez. Pour les Histoires envoyées
pardes Particuliers,on croit devoir avertirunefois pour toutes , quefi on yretouche, c'est seulementpour les mettre dans le ſtile ferré du
Mercure,qui doit eftre lemémepar tout ou pour ofter quelquefois des chofes qui font trop libres , ou qui fatirisant trop,pourroient chagri- ner les Intéreſſez. S'ilarrive qu'on difére à mettre dans le Mois les choses qu'ondonne,ce n'est qu'àl'é- garddes Galanteries,qui n'ont au- tunbeſoin de l'ordre du temps,mais toft ou tard on y met tout ce qui est bon,ou quandonne le metpoint, ce n'estpas qu'on n'y trouve beaucoup d'eſprit,mais ily a des chofes tres- Spirituelles &tres-bie tournées qui neſont pas bonnes àimprimer. On nesçauroit avoirtrop de circonfpe-
AU LECTEUR.
LA
VILLE
Etion àrendre le Mercure digne
d'eſtre toûjours lûdans des lieux d'où lamoindrelibertéle banniroit.
Comme beaucoup de Perſonnesfont lagrace d'écrireà l'Autheur,il les priede ne point trouver mauvais s'il se diſpenſe de leurrépondre.
Outre qu'il a besoin deson temps pour travailler &pour s'informer des Nouvelles de chaque Mois, it 2006
croit répondre affez quand il met
les Ouvrages qu'ontuy envoye. Les Libraires de Provincefont avertis
qu'on leur fera bon marchéàpro portion del'éloignement des lieux,
&de ce qu'il leur pourra couster pour leport. Chacun n'aura qu'à envoyer Son Correspondant chez led.SieurBlageart, &onyféra les
Paquets tantpourles Libraires que
pour les Particuliers. Leprixdes dix Volumes de l'Année 1677.ne Serapoint augmenté. Ils contiennet lesNouvellesdesdouzeMois ,parce
AU LECTEUR.
qu'on a ramassé dans le premier celles de lanvier,de Fevrier, &de
Mars, jamais Conquérant n'ayant fait de fi grandes Conquestes que LOUIS LE GRAND dans le cours
d'une seule Année. Il n'y a point d'Histoire qui en faſſevoir de pa- veilles, fi on aégardà la forcedes Placesquinemaquoient nyd'Hommesny de Munitions.Elles auroient esté imprénables autrefois. Tant d'Actionsſurprenantes rendent ces dix Tomes considérables. Onyrend
la gloire qui est deuë à ceux qui
ont fait les Coquestes,&àceux qui les ont chantées , & on y ramaſſe mille choſes curieuses qu'on n'au- roit pû trouverenſemble si leMer- curen'avoit jamais estéfait. Les unes auroient estéſeparées;les au- tres n'estatqu'enfeüillesvolates,ſe ferviet perduës, &il y en auroit eu beaucoup quelanégligeredeles re- cuillir auroit empêchéde coſerver,
OICY le dixiéme Volume du Mercure , &
le dernier de l'Année
1677. car quoy qu'il paroiſſe en Ianvier , il ne contient que les Nouvelles du MoisdeDecembre , &on ne donnera que le
premier jour de Fevrier celuy qui commencera l'Année 1678. Le
fuccés de ce Livre a estéextraordinaire. Ie ne doute point qu'il ne
foitdeûauxprodigesde cetteCam- pagne, aux Vers galans&ferieux,
&aux Pieces d'Eloquence qu'on m'a fait la grace de me donnerde
toutes parts , &c'est peut-estre le
feul Livre dont un Autheur puiffe publier le fuccés Sans paroiſtre wain , puis qu'en cela il ne love
a ij
AU LECTEUR.
que les ouvrages d'autruy. Ie me trouve meſme dans quelque obli- gation de ne pas taire l'approbation qu'on a donnée au Mercure ,
afin que ceux qui m'ont envoyé les agreables Pieces qui te composent,
connoiſſfent qu'elles ont plû par tout;
ce qu'il me feroit aisé de justifier parplus de quatre cens Lettres qui m'ont été écritesfur le plaisir que falecture acaufé. Lest certain que pours'en declarer l'ennemy, ilfau droit vouloir qu'iln'y eût ny Braves my beaux Esprits en France, &con- damner en même temps toutes les Actions de valeur , &tous les galans Ouvrages de ceux qui écrivět.
Ieſçay que leTitre afait croire d'abord que le Mercure estoitfim- plementgalant , &qu'ilne devoit tenirplace que dans la Bibliothe- que des Femmes , mais on est forty de cette erreur quand on y a ven
AU LECTEUR.
des Pieces d'éloquence, desHarangues, des Relations fidelles &exaEtes,des Sieges &des Batailles,des
Evenemens remarquables,des morceauxd'Histoire , &des Memoires
glorieux àdes Familles. Alorsil eft
devenu le Livredes Sçavans &des
Braves,aprés avoir étéle divertiſ Semet du beau Sexe;&une marque incontestable deſonſuccés, c'est qu'il a esté affez heureux pour plaire à
Monseign. leDAUPHIN , &que ce GrandPrince veut bien foufrir qu'il paroiſſe toûjours à l'avenir SousSonNom.Ainsivous verrez ce Nomauguste àla tefte de celuy qui contiendra les Nouelles de Ianvier,
&pourleredre moins indigne d'un figrandhonneur, il commencera en ce temps- lààparoître avec tous lesornemens dont un Livre de cette
nature puiſſe eſtre embelly. Onfera graver dans chaque Volume trois aij
AU LECTEUR.
ouquatre Planches,ſuivant les Sujets dont le Mercure parlera ; &
come les Enigmesfont devenuës un Ieud'esprit quiplaiſt , comme on be voit par un nombre infiny de Gens qui cherchent ày donner des Ex- plications,outre celles quiferont en Vers àl'ordinaire,on enmettra tous.
Les Moisune autre en Figures, dont on laifſfera le mot àdeviner. Ony
trouvera trois ou quatre Chansons dont les Notesferontgravées.Elles feront compofées par les meilleurs Maistres , & notées exprés pourle Mercure,defortequ'onpeut s'afſfu- rer qu'elles auront toute la grace de la nouveauté, puis queperſonne ne les aura venës avant que le Volumeoù ellesferont,foit envente.. Ceux quivoudront envoyer des Pa roles,le pourront faire,on aura ſoin deles faire noterfiellesse trouvent propres à être chantées. Ily aura FesCartes dagalanterie, la pre
AU LECTEUR.
miere qui paroiſtra , Sera l'Empire de la Poësie de M.de Fontenelle.On peut croire fur ce nom qu'elle ne manquerapas d'agrément. Ondon- nera auſſichaque Mois des Deffeins gravez des Modes nouvelles , &
quand on aura commencé , on ne
discontinueraplus,mais ilfaut éta- blirbeaucoupde chofes pour cela,&
lier commerce avec bien des Gens.
Cefera une commodité pour ceux qui aurot inventé quelque chose de nouveau, dans l'envie de contribuer
auplaisir deMgleDAUPHIN on qui auront quelque chef-d'œuvre d'Art àpropoſer au Public. Ils pourroten aporter les deſſeins,&on lesfera graver, s'ils meritent cette dépense. Ellefera grandepour tous ces embelliffemens, &devroitfaire rencherir leMercure de beaucoup
cependant come on s'attacke plus à
lagloire qu'àl'interêt,l'augmenta- tiaduprixſeratres-pen coſiderable
AU LECTEUR.
puisqu'ilneſevědrachezl'Impri- meurqueseizefols en blanc , &au Palais vintgfols en parchemin,&
vingt-cingfols en veau. LePublic areçeu ce Livreſifavorablement,
qu'il est juste de luy enmarquerde Lareconnoiffance par les nouvelles beautez qu'on luy prestera. Mais pourestre aſſuré d'en joüir , ildoit prendre garde si on ne luy vend point deMercures contrefaits. Il nesuffit pas de voiraubas qu'ils ont esté imprimez àParis ; c'est ce qu'onnemanque jamais d'ymettre pour empeſcher qu'on ne les rejet- te commefaux. Il faudra exami ners'ils auront les Lettres fleuron- nées &figurées , les vignetes , le Frontispice,&generalement toutes les Planches queje viens dedire,
qui feront àl'avenir dans les ve- ritables. Ceuxquife hazarderont àles contrefaire dans les Provin-
AU LECTEUR.
ces , s'il s'en trouve qui s'yveüit- lent expofer , comme ils lesdebite- ront fans Figures ,feront obligez d'ofter beaucoup de la matiere qui aura relation avec les Planches,&
tout le reste demeurant fant liai- fon,fera unpurgalimatias ; outre qu'un Livre contrefait eft toûjours remply de fautes, &qu'un Libraire quifonge à l'épargne,en retranche beaucoupde chofespour yemployer moins de feüilles. Il ne faut pas s'étonner ſi des Livres fidéfigurez Se donnent à meilleur marchéque les veritables,&c'est cette medio- crité de prix qui peut encorfaire voir qu'ils ne lefont pas. On prie ceux qui auront des Memoires à
dõner, de les adreſſfer au SieurBla- geart Imprimeur &Libraire , de- meurant à Paris Ruë S. Iacques, à
l'entrée de la Rue du Plâtre, &de
fairesçavoiren quel lieu on pourra
AU LECTEUR.
eftre éclaircy des circonstances das letemps quelesArticlesferont em- ployez. Pour les Histoires envoyées
pardes Particuliers,on croit devoir avertirunefois pour toutes , quefi on yretouche, c'est seulementpour les mettre dans le ſtile ferré du
Mercure,qui doit eftre lemémepar tout ou pour ofter quelquefois des chofes qui font trop libres , ou qui fatirisant trop,pourroient chagri- ner les Intéreſſez. S'ilarrive qu'on difére à mettre dans le Mois les choses qu'ondonne,ce n'est qu'àl'é- garddes Galanteries,qui n'ont au- tunbeſoin de l'ordre du temps,mais toft ou tard on y met tout ce qui est bon,ou quandonne le metpoint, ce n'estpas qu'on n'y trouve beaucoup d'eſprit,mais ily a des chofes tres- Spirituelles &tres-bie tournées qui neſont pas bonnes àimprimer. On nesçauroit avoirtrop de circonfpe-
AU LECTEUR.
LA
VILLE
Etion àrendre le Mercure digne
d'eſtre toûjours lûdans des lieux d'où lamoindrelibertéle banniroit.
Comme beaucoup de Perſonnesfont lagrace d'écrireà l'Autheur,il les priede ne point trouver mauvais s'il se diſpenſe de leurrépondre.
Outre qu'il a besoin deson temps pour travailler &pour s'informer des Nouvelles de chaque Mois, it 2006
croit répondre affez quand il met
les Ouvrages qu'ontuy envoye. Les Libraires de Provincefont avertis
qu'on leur fera bon marchéàpro portion del'éloignement des lieux,
&de ce qu'il leur pourra couster pour leport. Chacun n'aura qu'à envoyer Son Correspondant chez led.SieurBlageart, &onyféra les
Paquets tantpourles Libraires que
pour les Particuliers. Leprixdes dix Volumes de l'Année 1677.ne Serapoint augmenté. Ils contiennet lesNouvellesdesdouzeMois ,parce
AU LECTEUR.
qu'on a ramassé dans le premier celles de lanvier,de Fevrier, &de
Mars, jamais Conquérant n'ayant fait de fi grandes Conquestes que LOUIS LE GRAND dans le cours
d'une seule Année. Il n'y a point d'Histoire qui en faſſevoir de pa- veilles, fi on aégardà la forcedes Placesquinemaquoient nyd'Hommesny de Munitions.Elles auroient esté imprénables autrefois. Tant d'Actionsſurprenantes rendent ces dix Tomes considérables. Onyrend
la gloire qui est deuë à ceux qui
ont fait les Coquestes,&àceux qui les ont chantées , & on y ramaſſe mille choſes curieuses qu'on n'au- roit pû trouverenſemble si leMer- curen'avoit jamais estéfait. Les unes auroient estéſeparées;les au- tres n'estatqu'enfeüillesvolates,ſe ferviet perduës, &il y en auroit eu beaucoup quelanégligeredeles re- cuillir auroit empêchéde coſerver,
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Résumé : AU LECTEUR.
Le texte est une lettre au lecteur introduisant le dixième et dernier volume du Mercure pour l'année 1677, paru en janvier mais contenant les nouvelles de décembre. Le succès de cette publication est attribué aux récits de la campagne, aux vers galants et féroces, ainsi qu'aux pièces d'éloquence reçues de diverses sources. L'auteur souligne que le Mercure n'est pas seulement un livre galant mais aussi un recueil de pièces d'éloquence, de harangues, de relations fidèles, de sièges, de batailles et de mémoires glorieux. Le Mercure a plu à Monseigneur le Dauphin, qui souhaite qu'il continue à paraître sous son nom. Pour honorer cet appui, le Mercure sera enrichi de planches gravées, d'énigmes, de chansons, de cartes de galanterie et de défenses des modes nouvelles. L'auteur met en garde contre les contrefaçons et invite les lecteurs à vérifier l'authenticité des volumes. Il encourage également l'envoi de mémoires et d'histoires, tout en précisant que certaines contributions peuvent être modifiées pour respecter le style du Mercure. Enfin, il informe que le prix des dix volumes de l'année 1677 ne sera pas augmenté et qu'ils contiennent les nouvelles des douze mois, soulignant les grandes conquêtes de Louis le Grand. Par ailleurs, le texte mentionne que des documents ou objets, qualifiés d'« autres », sont dispersés et en mauvais état, décrits comme « enfeüilles volates », c'est-à-dire des feuilles volantes ou des documents détachés. Ces éléments risquent de se perdre, mais un grand nombre d'entre eux pourraient être sauvés si l'on ne négligeait pas de les recueillir. Cette action de collecte est présentée comme essentielle pour conserver ces documents ou objets.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 11-41
Histoire des deux Maris jaloux. [titre d'après la table]
Début :
Deux Marys que vous voulez bien que je me dispense [...]
Mots clefs :
Jaloux, Commissaire, Galanterie, Jardin, Musique, Cabinet, Dames, Maris, Jeux, Tuileries, Carosse, Fête, Histoire, Point d'honneur, Plaisir, Cavaliers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire des deux Maris jaloux. [titre d'après la table]
Deux
vous
Marys quGTHEADS
voulez bien que je me YON
diſpenſe de vous nommer ,
prennent ſouvent d'inutiles ſur des ſoupçons mal fondez qui leur font paffer de méchantes heures. Ils font tous deux dans
les Charges , tous deux impi- toyablement délicats fur le
Point-d'honneur , & par con- ſequent tous deux jaloux ,juf- qu'à trouver du crime dans les plus innocentes converſations.
La femme de l'un eſt une blode
Av
10 LE MERCVRE
bienfaite,d'une taille fine,&dé
gagée,l'œil bien fendu, &un vi- ſage qu'on peut dire avoir eſté fait au tour. L'autre a pourFem- me une grande Brune, qui a la douceur meſme peinte dans les yeux , le teint uny , le nez. bien taillé , la bouche agreable,
& des dents à ſe récrier. Ces
deux Dames qui n'ont pas moins d'eſprit que de beauté,
ont encor plus de vertu que d'eſprit , mais cette vertu n'eſt point farouche; &comme elles font fort éloignées de l'âge où il ſemble qu'il y ait quelque obli- gation de renoncer aux plaifirs le Jeu, la Comedie , l'Opera, &
les Promenades, font desdiver--
tiffemens qu'elles ne ſe refuſens point dans l'occaſion. Il y aune étroite amitié entre elles , &
cette amitié a peut-eſtre fait la
GALANT... IT
liaiſon des Marys qui ſe ſont gaſtez l'un l'autre , en ſe dé- couvrant leur jaloufie. Vous jugez bien, Madame , que cette conformité de ſentimens les a
fait agir de concert pour le re- mede d'un mal qui les tient dans une continuelle inquietu- de. C'eſt ce qui embarraffe ces deux aimables Perſonnes , qui ne ſçauroientpreſque plus faire aucune agreable Partie fans qu'un des Marys ſoit leurfur- veillant. A dire vray , la trop exacte vigilance n'eſt pas moins incommode qu'injurieufe.Quel- que tendreſſe qu'une Femme puiffe avoir pour celuy àqui le Sacrement la tientattachée,elle n'aime point à luy voir faire le perſonnage d'Argus. Tout ce qui marque de la défiance luy tiento lieu d'outrage ; & les
12 LE MERCVRE
Marys ayant leurs heuresdere- ſerve dont perſonne ne vient troubler la douceur , il eſt juſte qu'ils abandonnent les inutiles àceux qui n'en profitent ja- mais fans témoins. LesDames
dontje vous parle devenuës in- ſéparables & par leur veritable amitié , & par le fâcheux ra- port de leur fortune , n'ou- blioient rien pour ſe dérober ,
quand elles pouvoient , aux yeux de leurs importuns Ef- pions. Ce n'eſt pas , comme je vous l'ay déja dit , qu'elles euf- ſent aucune intrigue qui pût mettre leur vertu en péril , mais il ſuffiſoit qu'on fe défiaft de leur conduite pour leur faire prendre plaifir à ſe débaraſſer de leurs Jaloux , &c'eſtoit pour elles un ſujet de joye incroya- ble qu'une Partie d'Opera ou de
GALANT. 13 Promenade faite en ſecret.
Parmy ceux dont le Jeu leur
avoit donné la connoiſſance
( car fi elles ne pouvoient s'em- peſcher d'eſtre obſervées , elles s'eſtoient miſes ſur le pied de faire une partie de ce qu'elles vouloient ) deux Cavaliers
auſſi civils que galants , leur avoient fait connoiſtre par quelques affiduitez que le plai- fir de contribuer à les divertir
eſtoit un plaiſir ſenſible pour eux. Elles meritoient bien leurs
complaiſances , & l'agrément de leur humeur joint à leur beauté qui n'eſtoit pas médiocre, pouvoit ne pas borner en- tierement à l'eſtime les ſentimens qu'ils tâchoient quelque- foisdeleur découvrir. Ils étoient
Amis, &quand ces Belles trou- voient l'occaſion de Lquelque
7
14 LE MERCVRE divertiſſement à prendre ſans leur garde accoûtumée , elles n'eſtoient point fâchées d'en faire la Partie avec eux, Dans
cette diſpoſition , voicy ce qui leur arriva pendant que les jours eſtoient les plus longs;
car , Madame , je croy que le temps ne fait rien aupres de vous à la choſe,& qu'une avan- ture du Mois deJuillet que vous ignorez ne vous plaira pas moins à écouter qu'une Avanture du Mois de Decembre. On
m'en apprend de tous les co- ftez , & ne vous les pouvant écrire toutes à la fois, j'en garde les Memoires pour vous en fai- re un Article felon l'ordre de
leur ancienneté.
Le Jeu ſervant toûjours de prétexte aux Dames àrecevoir les vifites des Cavaliers, tantoſt
GALANT. 15 chez l'une , &tantoft chez l'autre, la Feſte d'un des deux arrive. Elles luy envoyent cha- cune un Bouquet. Cela ſe pra- tique dans le monde. Illeur en marque ſa reconnoiffance par des Vers galans, &par une tres- inftante priere de prendre jour pour venir ſouper dans une fort . belle Maiſon qu'il a aupres d'u- ne des Portes de la Ville , où il
les attendra avec ſon Amy. Le Party eſt accepté , mais l'impor- tance eſt de venir à bout de la
défiance des Marys qu'on ne veut point mettre de la Feſte.
Heureuſement pour elles , il fe
trouvent tous deux chargez d'affaires en mefme temps. On choiſit ce jour. Le Cavalier eſt averty. Les ordres ſont donnez,
&il ne s'agit plus que d'exe- cuter. Les Dames feignent de vouloir alter ſurprendre une de
16 LE MERCVRE
leurs Amies qui est à une lieuë
de Paris , & d'où elles ne doivent revenir qu'au frais. Undes
Marys les veut obliger à remet- tre au lendemain , afin de leur
tenir compagnie,&de ſe délaf- ſer un peude l'accablement des affaires. Il n'en peut rien obte- nir , & fur cette conteftation
arriva un Laquais de la Dame qui les avertit de fon retour, &
qu'elle viendra joüer l'apreſdî- née avec elles. Leurs meſures
font rompuës par ce contre- temps. Lesdeux Amies diffimu- lent. Refuſer une Partie de Jeu
pour en propoſer une autre qui les laiſſe diſparoiſtre pour tout le reſte du jour , ce ſeroit don- ner de legitimes foupçons. Elles joüent, demeurent à ſouper en- ſemble apres que le Jeu eſt finy,
&feignent d'y avoir gagné un malde teſte qui leur ofte l'ap
GALANT. 17.
pétit , & qui ne peut eftre fou- lagé que par une Promenade aux Thuilleries. On met les
Chevaux au Caroffe. LeMary que leur empreſſement à vou loir faire une Partie de Campagne fans luy, avoit déja com- mencé d'inquieter , les fait fui- vre parun petit home inconnu qui entre avec elles aux ThuiLGENDEDA
leries, &les envoyant fortir in- continent par la Porte qui eft du cofté de l'eau , & monter dans une Chaiſe Roulante
qu'elles avoient donné ordre qu'on y fiſt venir, découvre le
lieu du Rendez vous, &en vient
donner avis au Mary. Le coup eftoit rude pour un Jaloux. H
court chez fon Afſocié en ja- loufie ,luy conte leur commun defaſtre , & luy faiſant quitter les Affaires qu'il n'avoit pas en-
18 LE MERCVRE
cor achevé de terminer , le me ne où la Feſte ſe donnoit. Ils
trouvent moyen d'entrer dans la Court ſans eſtre veus , & fe gliffent de là dans le Jardin ,
d'où ils peuvent aifément dé- couvrir tout ce qui ſe paſſe dans la Salle. Elle estoit éclairée d'un fort grand nombre de Bougies. Ils s'approchent des Feneſtres à la faveur de quel- quesArbresfait enBuiffons; &
quoy qu'ils ne remarquent rien qui ſente l'intrigue dans les ref- pectueuſes manieres dont les Cavaliers en uſent avec leurs
Femmes , elles leur paroiſſent de trop bonne humeur en leur abfence,&ils voudroient qu'el- les ne ſe montraſſent aimables
que pour eux. Le Soupé s'ache- ve au fon des Hautbois qui prennent le chemin du Jardin
GALANT. 19 où la Compagnie les ſuit. Les Marys qui veulent voir à quoy l'Avanture aboutira, ſe retirent
dans un Cabinet de verdure
où ils demeurent cachez. Les
Dames ont à peine fait un tour d'Allée , qu'elles voyent l'air tout couvert de Fuſées volantes , qui fortent du fonds du
Jardin; les Etoilles & les Serpentaux qu'elles font paroiſtre tout - à - coup , les divertiſſent plus agreablement que leurs Marys, qui ne font pas en eſtat de goufter le plaifir de cette ſurpriſe. L'aimable Brune dont je vous ayfait le Portrait prend une de ces Fuſées , & la veut
tirer elle - meſme. Celuy qui donne la Feſte s'y eftant inuti- lementoppoſé,luy metunMou- choir ſur le cou ,dans la crainte qu'elle ne ſe brûle. LeMary
20 LE MERCVRE
perdpatience,il veut s'échaper.
Celuy qui eft avec luy dans le Cabinet l'arreſte , &àluy-mef
me beſoin d'eſtre arreſté au
moindre mot qu'il voit qu'on dittout bas àſa Femme. Jamais
Jaloux ne ſouffrirent tant. Ils
frapent des pieds contre terre,
atrachent des feüilles , & les
mangentde rage , & on pretend qu'un des deux penſa crever d'uneChenille qu'il avala.Apres quelques Menuets danſez dans
lagrande Allée , on vient dire aux Dames qu'un Baffin de Fruit les attendoit dans la Salle
pour les rafraiſchir. Ellesy re- tournent & n'y tardent qu'un moment , parce que minuit qui ſonne leur faitune neceſſité de
ſe retirer. Les Cavaliers les accompagnent juſqu'à leur Chai- ſe roulante qu'elles quittent
GALAN T. 21
pour aller reprendre leur Ca- roſſe qu'elles ont laiſſe àl'autre Porte des Thuilleries,&cependant les Hautbois qui ne font
point avertis de leur départ continuëntà joüer dans le Jar- din. Leurprefence eſt un obſta- cle fâcheux à l'impatience des Réclus du Cabinetde verdure
qui brûlentd'en fortir pour s'ap- procher des Feneſtres comme ilsont fait pendant le Soupé. Il eſtvrayqu'ils nedemeurentpas long-tempsdans cette contrain- te, mais ils n'en ſont affranchis
que pour ſouffrir encor plus cruellement. Un de ces Mefſieurs de la Muſique champe- ſtre eſtant entré dans la Salle
pour demander quelque choſe àceluyqui les employoit, reviết dire àſes Compagnonsqu'il n'y avoit plus trouvé perſonne,&
22 LE MERCVRE
qu'il n'avoit pû fçavoir ce que la Compagnie eſtoit devenuë.
Les Marys l'entendent , & c'eſt un coup de foudre pour eux.
Leur jaloufie ne leur laiſſe rien imaginer que de funeſte pour leur honneur. Ils peſtent contre eux-meſmes de leur lâche pa- tience àdemeurer fi long- temps témoins de leur honte, & ne
doutant point que leurs Fem- mes ne ſoientdans quelqueCa- binet avec leurs Amans, ils fortent du Jardin,montent en haut,
vontde Chambre en Chambre,
& trouvant une Porte fermée,
ils font tous leurs efforts pour l'enfoncer. UnDomeſtique ac- court à cebruit. Il a beau leur
demander à qui ils en veulent. Point de réponſe. Ils continuent à donner des pieds contre la Porte, & le Domestique qui
GALANT. 23 n'eſt point aſſez fort pour les retenir , commence à crier aux Voleurs de toute ſa force. Ces cris mettent toute la Maiſon en
rumeur. On vient au ſecours.
Chacun eſt armé de ce qu'il a
pûtrouver à la haſte, &le Maî tre-d'Hoſtel tient unMouſque- ton qu'il n'y a pas plaifir d'ef- ſuyer. Nos Deſeſperez le crai- gnent. Ils moderent leur em- portement , & on ne voit plus que deux Hommes interdits ,
qui ſans s'expliquer enragent de ce qu'on met obſtacle à
leur entrepriſe. Comme ils ne ſont connus de perſonne,
&qu'ils n'ont point leurs Ha- bits de Magiſtrature , on prend leur filence pour une convi- ction de quelque deſſein crimi- nel; & afin de les faire parler malgré eux,leMaiſtre-d'Hoſtel
ここ
24 LE MERCVRE envoye chercher un Commiffaire ſans leur en rien dire , &
les fait garder fort ſoigneuſe- mentjuſqu'à ce qu'il ſoit arrivé.
Cependant les Cavaliers qui ont remené les Dames aux
Thuilleries , reviennent au lieu
où s'eſt donné le Repas, &font furpris de voir en entrantqu'on amene un Commiſſaire. Ils en
demandent la cauſe. Onleur dit
que pendant que tout le mon- de eſtoit occupé en bas à met- tre la Vaiſſelle d'argent en ſeû- reté , deux Voleurs s'eſtoient
coulez dans les Chambres , &
avoient voulu enfoncer un Cabinet.Ilycourent avec le Com- miſſaire qui les livre pendus dans trois jours. Jugez de l'é- tonnement où ils ſe trouvent
quand on leur montre les pre tendus Criminels. Le Commiffaire
GALANT. 25
faire qui les reconnoiſt ſe tire
d'affaire en habile- Homme, &
feignant de croire que ce font eux qui l'ont envoyé chercher,
il leur demande en quoy ils ont beſoin defon miniftere. Ils l'obligent à s'en retourner chez luy, ſans s'éclaircir de la bévcuë quil'a fait appeller inutilement;
& les Cavaliers qui devinent une partie de la verité , ayant fait retirer leurs Gens, leurofrét
telle réparation qu'ils voudront de l'inſulte qu'on leur a faite ſans les connoiſtre. C'eſt là que le myſtere de la Feſte ſe déve- lope. Celuy qui l'a donnée leur découvre qu'elle eſt la fuite
d'unBouquet reçeu,&qu'ayant prié les Damesd'obtenir d'eux qu'ils luy fiffent l'honneur d'en venir partager le divertiſſement avec elles, il avoit eu le chagrin
Tome X. B
26 LE MERCVRE
d'apprendre qu'unembarras im- preveu d'affaires n'avoit pas permis qu'ils les pûffent accom- pagner; qu'il venoit de les re- mener chez elles, &qu'il eſpe-- roit trouver une occafion plus favorable de lier avec eux une
Partie de plaifir. Tandis qu'il ajoûte à ces excuſes des civili- tez qui adouciſſent peu à peu la colere de nos Jaloux , fon Amy envoye promptement avertir les Dames de ce qui vient d'ar- river,afin qu'elles prenent leurs meſures ſur ce qu'elles auront à
dire à leurs Marys. Ils quitent les Cavaliers fatisfaits en appa- rence de cette défaite,&fort réfolus de faire un grand chapitre àleursFemmes, Elles prévien- nent leur méchante humeur ,
& les voyant retourner cha- grins,elles leur content en riant
GALANT. 27 la malice qu'elles leur ont faite de neles mettre pas d'une Par- tie dont on avoit ſouhaité qu'ils fuſſent ; ce qui devoit leur fai- re connoiſtre que quand les Femmes ont quelque deſſein en teſte , elles trouvent toûjours moyen de l'executer. Les Ma- rys ſe le tirent pour dit ; &
ceux qui ont ſçeu les circon- ſtances de l'Hiſtoire , aſſurent que depuis ce temps-là ils ont donné à leurs Femmes beaucoup plus de liberté qu'ils ne leur en laiſſoient auparavant.
C'étoit le meilleur party à pren- dre pour eux. Lebeau Sexe eſt
ennemyde la contrainte, & telle n'auroit jamais la moindre tentation degalanterie, quin'en refuſe pas quelquefois l'occa- fion pour punir un Mary de ſa défiance.
t
vous
Marys quGTHEADS
voulez bien que je me YON
diſpenſe de vous nommer ,
prennent ſouvent d'inutiles ſur des ſoupçons mal fondez qui leur font paffer de méchantes heures. Ils font tous deux dans
les Charges , tous deux impi- toyablement délicats fur le
Point-d'honneur , & par con- ſequent tous deux jaloux ,juf- qu'à trouver du crime dans les plus innocentes converſations.
La femme de l'un eſt une blode
Av
10 LE MERCVRE
bienfaite,d'une taille fine,&dé
gagée,l'œil bien fendu, &un vi- ſage qu'on peut dire avoir eſté fait au tour. L'autre a pourFem- me une grande Brune, qui a la douceur meſme peinte dans les yeux , le teint uny , le nez. bien taillé , la bouche agreable,
& des dents à ſe récrier. Ces
deux Dames qui n'ont pas moins d'eſprit que de beauté,
ont encor plus de vertu que d'eſprit , mais cette vertu n'eſt point farouche; &comme elles font fort éloignées de l'âge où il ſemble qu'il y ait quelque obli- gation de renoncer aux plaifirs le Jeu, la Comedie , l'Opera, &
les Promenades, font desdiver--
tiffemens qu'elles ne ſe refuſens point dans l'occaſion. Il y aune étroite amitié entre elles , &
cette amitié a peut-eſtre fait la
GALANT... IT
liaiſon des Marys qui ſe ſont gaſtez l'un l'autre , en ſe dé- couvrant leur jaloufie. Vous jugez bien, Madame , que cette conformité de ſentimens les a
fait agir de concert pour le re- mede d'un mal qui les tient dans une continuelle inquietu- de. C'eſt ce qui embarraffe ces deux aimables Perſonnes , qui ne ſçauroientpreſque plus faire aucune agreable Partie fans qu'un des Marys ſoit leurfur- veillant. A dire vray , la trop exacte vigilance n'eſt pas moins incommode qu'injurieufe.Quel- que tendreſſe qu'une Femme puiffe avoir pour celuy àqui le Sacrement la tientattachée,elle n'aime point à luy voir faire le perſonnage d'Argus. Tout ce qui marque de la défiance luy tiento lieu d'outrage ; & les
12 LE MERCVRE
Marys ayant leurs heuresdere- ſerve dont perſonne ne vient troubler la douceur , il eſt juſte qu'ils abandonnent les inutiles àceux qui n'en profitent ja- mais fans témoins. LesDames
dontje vous parle devenuës in- ſéparables & par leur veritable amitié , & par le fâcheux ra- port de leur fortune , n'ou- blioient rien pour ſe dérober ,
quand elles pouvoient , aux yeux de leurs importuns Ef- pions. Ce n'eſt pas , comme je vous l'ay déja dit , qu'elles euf- ſent aucune intrigue qui pût mettre leur vertu en péril , mais il ſuffiſoit qu'on fe défiaft de leur conduite pour leur faire prendre plaifir à ſe débaraſſer de leurs Jaloux , &c'eſtoit pour elles un ſujet de joye incroya- ble qu'une Partie d'Opera ou de
GALANT. 13 Promenade faite en ſecret.
Parmy ceux dont le Jeu leur
avoit donné la connoiſſance
( car fi elles ne pouvoient s'em- peſcher d'eſtre obſervées , elles s'eſtoient miſes ſur le pied de faire une partie de ce qu'elles vouloient ) deux Cavaliers
auſſi civils que galants , leur avoient fait connoiſtre par quelques affiduitez que le plai- fir de contribuer à les divertir
eſtoit un plaiſir ſenſible pour eux. Elles meritoient bien leurs
complaiſances , & l'agrément de leur humeur joint à leur beauté qui n'eſtoit pas médiocre, pouvoit ne pas borner en- tierement à l'eſtime les ſentimens qu'ils tâchoient quelque- foisdeleur découvrir. Ils étoient
Amis, &quand ces Belles trou- voient l'occaſion de Lquelque
7
14 LE MERCVRE divertiſſement à prendre ſans leur garde accoûtumée , elles n'eſtoient point fâchées d'en faire la Partie avec eux, Dans
cette diſpoſition , voicy ce qui leur arriva pendant que les jours eſtoient les plus longs;
car , Madame , je croy que le temps ne fait rien aupres de vous à la choſe,& qu'une avan- ture du Mois deJuillet que vous ignorez ne vous plaira pas moins à écouter qu'une Avanture du Mois de Decembre. On
m'en apprend de tous les co- ftez , & ne vous les pouvant écrire toutes à la fois, j'en garde les Memoires pour vous en fai- re un Article felon l'ordre de
leur ancienneté.
Le Jeu ſervant toûjours de prétexte aux Dames àrecevoir les vifites des Cavaliers, tantoſt
GALANT. 15 chez l'une , &tantoft chez l'autre, la Feſte d'un des deux arrive. Elles luy envoyent cha- cune un Bouquet. Cela ſe pra- tique dans le monde. Illeur en marque ſa reconnoiffance par des Vers galans, &par une tres- inftante priere de prendre jour pour venir ſouper dans une fort . belle Maiſon qu'il a aupres d'u- ne des Portes de la Ville , où il
les attendra avec ſon Amy. Le Party eſt accepté , mais l'impor- tance eſt de venir à bout de la
défiance des Marys qu'on ne veut point mettre de la Feſte.
Heureuſement pour elles , il fe
trouvent tous deux chargez d'affaires en mefme temps. On choiſit ce jour. Le Cavalier eſt averty. Les ordres ſont donnez,
&il ne s'agit plus que d'exe- cuter. Les Dames feignent de vouloir alter ſurprendre une de
16 LE MERCVRE
leurs Amies qui est à une lieuë
de Paris , & d'où elles ne doivent revenir qu'au frais. Undes
Marys les veut obliger à remet- tre au lendemain , afin de leur
tenir compagnie,&de ſe délaf- ſer un peude l'accablement des affaires. Il n'en peut rien obte- nir , & fur cette conteftation
arriva un Laquais de la Dame qui les avertit de fon retour, &
qu'elle viendra joüer l'apreſdî- née avec elles. Leurs meſures
font rompuës par ce contre- temps. Lesdeux Amies diffimu- lent. Refuſer une Partie de Jeu
pour en propoſer une autre qui les laiſſe diſparoiſtre pour tout le reſte du jour , ce ſeroit don- ner de legitimes foupçons. Elles joüent, demeurent à ſouper en- ſemble apres que le Jeu eſt finy,
&feignent d'y avoir gagné un malde teſte qui leur ofte l'ap
GALANT. 17.
pétit , & qui ne peut eftre fou- lagé que par une Promenade aux Thuilleries. On met les
Chevaux au Caroffe. LeMary que leur empreſſement à vou loir faire une Partie de Campagne fans luy, avoit déja com- mencé d'inquieter , les fait fui- vre parun petit home inconnu qui entre avec elles aux ThuiLGENDEDA
leries, &les envoyant fortir in- continent par la Porte qui eft du cofté de l'eau , & monter dans une Chaiſe Roulante
qu'elles avoient donné ordre qu'on y fiſt venir, découvre le
lieu du Rendez vous, &en vient
donner avis au Mary. Le coup eftoit rude pour un Jaloux. H
court chez fon Afſocié en ja- loufie ,luy conte leur commun defaſtre , & luy faiſant quitter les Affaires qu'il n'avoit pas en-
18 LE MERCVRE
cor achevé de terminer , le me ne où la Feſte ſe donnoit. Ils
trouvent moyen d'entrer dans la Court ſans eſtre veus , & fe gliffent de là dans le Jardin ,
d'où ils peuvent aifément dé- couvrir tout ce qui ſe paſſe dans la Salle. Elle estoit éclairée d'un fort grand nombre de Bougies. Ils s'approchent des Feneſtres à la faveur de quel- quesArbresfait enBuiffons; &
quoy qu'ils ne remarquent rien qui ſente l'intrigue dans les ref- pectueuſes manieres dont les Cavaliers en uſent avec leurs
Femmes , elles leur paroiſſent de trop bonne humeur en leur abfence,&ils voudroient qu'el- les ne ſe montraſſent aimables
que pour eux. Le Soupé s'ache- ve au fon des Hautbois qui prennent le chemin du Jardin
GALANT. 19 où la Compagnie les ſuit. Les Marys qui veulent voir à quoy l'Avanture aboutira, ſe retirent
dans un Cabinet de verdure
où ils demeurent cachez. Les
Dames ont à peine fait un tour d'Allée , qu'elles voyent l'air tout couvert de Fuſées volantes , qui fortent du fonds du
Jardin; les Etoilles & les Serpentaux qu'elles font paroiſtre tout - à - coup , les divertiſſent plus agreablement que leurs Marys, qui ne font pas en eſtat de goufter le plaifir de cette ſurpriſe. L'aimable Brune dont je vous ayfait le Portrait prend une de ces Fuſées , & la veut
tirer elle - meſme. Celuy qui donne la Feſte s'y eftant inuti- lementoppoſé,luy metunMou- choir ſur le cou ,dans la crainte qu'elle ne ſe brûle. LeMary
20 LE MERCVRE
perdpatience,il veut s'échaper.
Celuy qui eft avec luy dans le Cabinet l'arreſte , &àluy-mef
me beſoin d'eſtre arreſté au
moindre mot qu'il voit qu'on dittout bas àſa Femme. Jamais
Jaloux ne ſouffrirent tant. Ils
frapent des pieds contre terre,
atrachent des feüilles , & les
mangentde rage , & on pretend qu'un des deux penſa crever d'uneChenille qu'il avala.Apres quelques Menuets danſez dans
lagrande Allée , on vient dire aux Dames qu'un Baffin de Fruit les attendoit dans la Salle
pour les rafraiſchir. Ellesy re- tournent & n'y tardent qu'un moment , parce que minuit qui ſonne leur faitune neceſſité de
ſe retirer. Les Cavaliers les accompagnent juſqu'à leur Chai- ſe roulante qu'elles quittent
GALAN T. 21
pour aller reprendre leur Ca- roſſe qu'elles ont laiſſe àl'autre Porte des Thuilleries,&cependant les Hautbois qui ne font
point avertis de leur départ continuëntà joüer dans le Jar- din. Leurprefence eſt un obſta- cle fâcheux à l'impatience des Réclus du Cabinetde verdure
qui brûlentd'en fortir pour s'ap- procher des Feneſtres comme ilsont fait pendant le Soupé. Il eſtvrayqu'ils nedemeurentpas long-tempsdans cette contrain- te, mais ils n'en ſont affranchis
que pour ſouffrir encor plus cruellement. Un de ces Mefſieurs de la Muſique champe- ſtre eſtant entré dans la Salle
pour demander quelque choſe àceluyqui les employoit, reviết dire àſes Compagnonsqu'il n'y avoit plus trouvé perſonne,&
22 LE MERCVRE
qu'il n'avoit pû fçavoir ce que la Compagnie eſtoit devenuë.
Les Marys l'entendent , & c'eſt un coup de foudre pour eux.
Leur jaloufie ne leur laiſſe rien imaginer que de funeſte pour leur honneur. Ils peſtent contre eux-meſmes de leur lâche pa- tience àdemeurer fi long- temps témoins de leur honte, & ne
doutant point que leurs Fem- mes ne ſoientdans quelqueCa- binet avec leurs Amans, ils fortent du Jardin,montent en haut,
vontde Chambre en Chambre,
& trouvant une Porte fermée,
ils font tous leurs efforts pour l'enfoncer. UnDomeſtique ac- court à cebruit. Il a beau leur
demander à qui ils en veulent. Point de réponſe. Ils continuent à donner des pieds contre la Porte, & le Domestique qui
GALANT. 23 n'eſt point aſſez fort pour les retenir , commence à crier aux Voleurs de toute ſa force. Ces cris mettent toute la Maiſon en
rumeur. On vient au ſecours.
Chacun eſt armé de ce qu'il a
pûtrouver à la haſte, &le Maî tre-d'Hoſtel tient unMouſque- ton qu'il n'y a pas plaifir d'ef- ſuyer. Nos Deſeſperez le crai- gnent. Ils moderent leur em- portement , & on ne voit plus que deux Hommes interdits ,
qui ſans s'expliquer enragent de ce qu'on met obſtacle à
leur entrepriſe. Comme ils ne ſont connus de perſonne,
&qu'ils n'ont point leurs Ha- bits de Magiſtrature , on prend leur filence pour une convi- ction de quelque deſſein crimi- nel; & afin de les faire parler malgré eux,leMaiſtre-d'Hoſtel
ここ
24 LE MERCVRE envoye chercher un Commiffaire ſans leur en rien dire , &
les fait garder fort ſoigneuſe- mentjuſqu'à ce qu'il ſoit arrivé.
Cependant les Cavaliers qui ont remené les Dames aux
Thuilleries , reviennent au lieu
où s'eſt donné le Repas, &font furpris de voir en entrantqu'on amene un Commiſſaire. Ils en
demandent la cauſe. Onleur dit
que pendant que tout le mon- de eſtoit occupé en bas à met- tre la Vaiſſelle d'argent en ſeû- reté , deux Voleurs s'eſtoient
coulez dans les Chambres , &
avoient voulu enfoncer un Cabinet.Ilycourent avec le Com- miſſaire qui les livre pendus dans trois jours. Jugez de l'é- tonnement où ils ſe trouvent
quand on leur montre les pre tendus Criminels. Le Commiffaire
GALANT. 25
faire qui les reconnoiſt ſe tire
d'affaire en habile- Homme, &
feignant de croire que ce font eux qui l'ont envoyé chercher,
il leur demande en quoy ils ont beſoin defon miniftere. Ils l'obligent à s'en retourner chez luy, ſans s'éclaircir de la bévcuë quil'a fait appeller inutilement;
& les Cavaliers qui devinent une partie de la verité , ayant fait retirer leurs Gens, leurofrét
telle réparation qu'ils voudront de l'inſulte qu'on leur a faite ſans les connoiſtre. C'eſt là que le myſtere de la Feſte ſe déve- lope. Celuy qui l'a donnée leur découvre qu'elle eſt la fuite
d'unBouquet reçeu,&qu'ayant prié les Damesd'obtenir d'eux qu'ils luy fiffent l'honneur d'en venir partager le divertiſſement avec elles, il avoit eu le chagrin
Tome X. B
26 LE MERCVRE
d'apprendre qu'unembarras im- preveu d'affaires n'avoit pas permis qu'ils les pûffent accom- pagner; qu'il venoit de les re- mener chez elles, &qu'il eſpe-- roit trouver une occafion plus favorable de lier avec eux une
Partie de plaifir. Tandis qu'il ajoûte à ces excuſes des civili- tez qui adouciſſent peu à peu la colere de nos Jaloux , fon Amy envoye promptement avertir les Dames de ce qui vient d'ar- river,afin qu'elles prenent leurs meſures ſur ce qu'elles auront à
dire à leurs Marys. Ils quitent les Cavaliers fatisfaits en appa- rence de cette défaite,&fort réfolus de faire un grand chapitre àleursFemmes, Elles prévien- nent leur méchante humeur ,
& les voyant retourner cha- grins,elles leur content en riant
GALANT. 27 la malice qu'elles leur ont faite de neles mettre pas d'une Par- tie dont on avoit ſouhaité qu'ils fuſſent ; ce qui devoit leur fai- re connoiſtre que quand les Femmes ont quelque deſſein en teſte , elles trouvent toûjours moyen de l'executer. Les Ma- rys ſe le tirent pour dit ; &
ceux qui ont ſçeu les circon- ſtances de l'Hiſtoire , aſſurent que depuis ce temps-là ils ont donné à leurs Femmes beaucoup plus de liberté qu'ils ne leur en laiſſoient auparavant.
C'étoit le meilleur party à pren- dre pour eux. Lebeau Sexe eſt
ennemyde la contrainte, & telle n'auroit jamais la moindre tentation degalanterie, quin'en refuſe pas quelquefois l'occa- fion pour punir un Mary de ſa défiance.
t
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Résumé : Histoire des deux Maris jaloux. [titre d'après la table]
Le texte narre l'histoire de deux couples, les Marys, caractérisés par leur sens de l'honneur et leur jalousie. Les épouses, belles et vertueuses, sont amies et partagent une aversion pour la surveillance excessive de leurs maris. Elles organisent une soirée secrète pour échapper à la vigilance de leurs conjoints, prétextant une visite à une amie. Lors de cette soirée, elles sont rejointes par deux cavaliers galants. Malgré leurs efforts pour surveiller leurs femmes, les maris sont déjoués et finissent par se faire passer pour des voleurs dans la maison où se déroule la fête. Ils sont arrêtés et emmenés par un commissaire. Les cavaliers, informés de la situation, interviennent et clarifient le malentendu. À leur retour, les femmes expliquent leur ruse à leurs maris, qui finissent par accepter la situation. Parallèlement, le texte aborde les changements dans les relations de genre suite à des événements historiques. Il mentionne que, depuis un certain moment, les hommes ont accordé davantage de liberté à leurs femmes, une décision jugée bénéfique pour eux. Les femmes sont opposées à la contrainte et peuvent refuser des avances galantes pour punir un mari méfiant. Cette approche est présentée comme une stratégie efficace pour maintenir l'harmonie dans les relations conjugales.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 3-67
DU STILE EPISTOLAIRE.
Début :
L'Ecriture est l'image de la Parole, comme la Parole [...]
Mots clefs :
Lettres, Amour, Écrire, Lettres galantes, Galanterie, Dire, Passion, Genre, Manière, Auteurs, Épîtres, Style, Homme, Monde, Billets, Lettres d'amour, Écriture, Gens, Personnes, Compliment, Voiture, Anciens, Belles, Parole, Papier, Aimer, Civilité, Manière d'écrire, Conversations
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DU STILE EPISTOLAIRE.
DU STILE
EPISTOLAIRE. ⠀
L
' Ecriture eft l'image de la
Parole , comme la Parole
eft l'image de la Penſée . L'uſage
de la Parole eft divin , l'invention
de l'Ecriture merveilleuſe. Enfin
toutes les deux nous rendent do-
& es & raiſonnables. Rien n'eft
plus prompt que la Parole ; ce
n'eft qu'un fon que l'air forme
& diffipe en mefme temps . L'Ecriture
eft plus durable , elle fixe
ce Mercure , elle arrefte cette
Fléche, qui eftant décochée, ne
revient jamais. Elle donne du
A ij
7
Extraordinaire
corps à cette noble expreffion
de l'ame , & la rendant viſible à
nos yeux , pour me fervir des
termes d'un de nos Poëtes , elle
conferve plufieurs fiecles , ce qui
me fembloit mourir en naiffant.
Mais fi l'Ecriture perpétuë la
Parole, elle la fait encore entendre
à ceux qui font les plus éloignez,
& comme un Echo fidelle,
elle répete en mille lieux , & à
mille Gens , ce que l'on n'a dit
quelquefois qu'en fecret , & à
l'oreille. C'est ce qui la rend fi
neceffaire dans la vie , & particulierement
dans l'ufage du Stile
Epiftolaire ; car enfin l'Ecriture
qui a esté inventée pour conferver
les Sciences, & pour eternifer
les actions des Grands Hommes,
ne l'a pas moins efté pour fupléer
du Mercure Galant.
5.
à l'éloignement des lieux , & à
l'abſence des Perfonnes. On n'a
pas toûjours eu befoin de Contracts
& d'Hiftoires , pour infpirer
la vertu , & la bonne-foy.
Nos anciens Gaulois mefme ont
efté braves, vertueux, & fçavans,
fans le fecours de ce bel Art . La
Parole & la Memoire contenoient
toutes leurs fciences , &
toute leur étude ; mais dans le
commerce de la vie , où l'on ne
peut cftre toûjours enſemble,
y a.t. il rien de plus agreable, &
de plus utile, que de fe parler &
de s'entretenir par le moyen
d'une Lettre , comme fi l'on ef
toit dans un mefme lieu ? Bien
plus, fi nous en croyons l'amou
reuſe Portugaife , les Lettres
nous donnent une plus forte idée
A üj
Extraordinaire
de la Perfonne que nous aimons .
Il mefemble, dit - elle à fon Amant,
que je vous parle quandje vous écris,
&
que vous m'eftes un peu plus préfent.
Un Moderne a donc eu raifon
de nommer les Lettres les
Difcours des Abfens. L'Homme fe
répand & fe communique par
elles dans toutes les Parties du
Monde . Il fçait ce qui s'y paffe,
& il y agit mefme pendant qu'il
fe repofe ; un peu d'encre & de
papier , fait tous ces miracles.
Mais que j'ay de dépit contre
ceux , qui pour rendre ce com ..
mercé plus agreable , l'ont rendu
fi difficile, qu'au lieu d'un quartd'heure
qu'il falloit pour faire
fçavoir de fes nouvelles à quelqu'un
, il y faut employer quelquefois
unejournée entiere ! L'adu
Mercure Galant.
rangement
d'une douzaine
de
paroles emporte deux heures de
temps. C'eſt une affaire qu'une
Lettre , & tel qui gagneroit
fon
Procés , s'il prenoit la peine d'écrire
pour le folliciter
, aime
mieux le perdre comme le Mifantrope
de Moliere , que de
s'engager
dans un pareil embarras
.
On a prétendu mettre en Art
ce genre d'écrire , & quelquesuns
( comme de la Serre & fes
Imitateurs ) en ont voulu faire
leçon . Un Moderne mefme , parmy
tant de préceptes qu'il a
donnez pour l'éducation d'une
Perfonne de qualité, a traité de
la maniere d'écrire des Lettres ,
de leur diférence, & du ſtile qui
leur eft propre. Je veux croire
A iiij
8 Extraordinaire
qu'il a tres - bien réuffy en cela ;
mais n'y a-t- il point un peu d'affectation
baffe & inutile , de donner
pour regles, qu'aux Perſonnes
d'un rang au deffus de nous,
aufquelles on écrit, il faut fe fervir
de grand papier, que la feüille
foit double ,qu'on mette un feuillet
blanc, outre l'envelope pour
couvrir cette feuille , fi elle eft
écrite de tous coſtez , qu'il y ait
un grand efpace entre le Monfei
gneur & la premiere ligne , & cent
autres chofes de cette nature ?
Cela , dis-je , ne fent- il point la
bagatelle, & y a- t - il rien de plus
ridicule qu'un Homme qui fe
pique d'écrire , de plier , & de
cacheter des Lettres à la mode ,
comme parlent quelques Prétieux
? Ce font des minuties indi
du Mercure Galant.
9
gnes d'un honnefte Homme , &
d'un bel Efprit. Qui fçait faire
une belle Lettre , la fçait bien plier
fans qu'on luy en donne des préceptes
, & ces petites façons de
quelques Cavaliers & de quelques
Dames pour leurs Poulets,
font des galateries hors d'oeuvre,
& des marques de la petiteffe de
leur efprit,plutoft que de leur po
liteffe , & de leur honnefteté.
Leurs Lettres n'ont rien de galat,
fi vous en oftez le papier doré, la
foye, & la cire d'Espagne. Cet endroit
de la Civilité Françoiſe, me
fait fouvenir de cet autre des
Nouvelles nouvelles , où deux
prétédus beaux Efprits difputent
s'il faut mettre la datte d'une
Lettre au commencement , ou à
la fin. L'un répond, & peut-eftre
ΙΟ Extraordinaire
avec efprit, qu'aux Lettres d'af.
faires & de nouvelles , il faut
écrire la datte au haut , parce
qu'on eft bien - aiſe de fçavoir
d'abord le lieu & le temps qu'el
les font écrites ; mais que dans
les Lettres galantes & de complimens
, où ces chofes font de
nulle importance , il faut écrire
la datte tout au bas . Mais ils font
encore une autre Queſtion , fçavoir
, s'il faut écrire , de Madrid,
ou à Madrid ; & l'un d'eux la réfout
affez plaifamment , en difant
qu'il ne faut mettre ny à , ny de,
mais feulement Madrid ; & que
c'eft de la forte que le pratiquent
les Perfonnes de qualité.
Je fçay qu'il y a mille choſes
qu'il ne faut pas négliger dans
les Lettres, à l'égard du refpect,
du Mercure Galant . II
de l'honnefteté , & de la bien .
féance ; & c'est ce qu'on appelle
le decorum du Stile Epiftolaire,
qui en fait tantoft l'acceffoire,
& tantoft le principal. Toutes
ces formalitez font le principal
des Lettres de compliment, mais
elles ne font que l'acceffoire des
Lettres d'affaires, ou de galanterie.
Quand une Lettre inftru-
Ative, ou galante, eft bien écrite ,
on ne s'attache pas à examiner
s'il y a affez de Monfieur ou de
Madame , & fi le Serviteur treshumble
eft mis dans toutes les
formes ; mais dans une Lettre de
pure civilité , on doit obſerver
cela exactement . Ceux qui fçavent
vivre , & qui font dans le
commerce du grand monde, ne
manquent jamais à cela , me dira12
Extraordinaire
t - on , & ainfi il eft inutile de faire
ces fortes d'obfervations . Il eft
vray ;mais quandje voy que dans
les plus importantes négotiations
, un mot arrefte d'ordinaire
les meilleures teftes , & retarde
les dépefches les plus preffées,
quand je voy que l'Académie
Françoife fe trouve en peine
comment elle foufcrira au bas
d'une Lettre qu'elle veut écrire
à M' de Boifrobert , qu'elle ne
fçait fi elle doit mettre Vos tres
affclionnez Serviteurs, parce qu'
elle ne veut pas foufcrire vos tres
humbles Serviteurs , qu'enfin elle
cherche un tempérament , &
qu'elle foufcrit Vos tres paffionnez
Serviteurs , je croy que ces formalitez
font neceffaires , qu'on
peut entrer dans ces détails , &
81
du Mercure Galant.
13
s'en faire des regles judicieuſes &
certaines. Mais je ne puis approuver
qu'on aille prendre des
modelles de Lettres dans la Traduction
de Jofephe par M'd'Andilly
, car quel raport peut -il y
avoir entre un Gouverneur de
Province qui écrit à Lours LE
GRAND, & Zorobabel qui écrit
au Roy de Perfe ? Je ne m'étonne
donc pPfces Ecrivains
qui femblent eftre faits pour en
tretenir les Colporteurs, & pour
garnir les rebords du Pont. neuf,
n'ont pas réüffy dans les modelles
qu'ils nous ont donnez pour
bien écrire des Lettres. Leurs
Ouvrages font trop froids, ou de
pur caprice , & les Autheurs
n'eftoient pas prévenus des paffions
qu'il faut reffentir , pour
14
Extraordinaire
entrer dans le coeur de ceux qui
en font émûs. Perfonne ne fe
reconnoift dans leurs Lettres ,
parce que ce font des portraits
de fantaiſie , qui ne reſſemblent
pas . On n'a donc fait que fe di .
vertir des regles qu'ils nous ont
voulu preſcrire, & on a toûjours
crû qu'il eftoit impoffible de
fixer les Lettres dans un Royaume,
où l'on ne change pas moins
de mode pour écrire que pour
s'habiller.
La Nature nous eft icy plus
neceffaire que l'Art ; & l'Ecriture ,
qui eft le Miroir dans lequel elle
fe repréſente, ne rend jamais nos
Lettres meilleures , que
lors qu '
elles luy font plus femblables.
Comme rien n'eft plus naturel
à l'Homme que la parole , rien
du Mercure Galant.
IS
ne doit eftre plus naturel que fon
expreffion. L'Ecriture , comme
un Peintre fidelle, doit la repréfenter
à nos yeux de la mefme
maniere qu'elle frape nos oreilles
, & peindre dans une Lettre ,
ainfi que dans un Tableau , non
feulement nos paffions, mais encore
tous les mouvemens qui les
accompagnent. Jeſçay bien que
le Jugement venant au fecours
de l'Ecriture, retouche cette premiere
Ebauche , mais ce doit
eftre d'une maniere fi naturelle,
que l'Art n'y paroiffe aucunement
; car la beauté de cette
peinture confifte dans la naïveté.
Nos Lettres qui font des
Converfations par écrit, doivent
donc avoir une grande facilité,
pour atteindre à la perfection du
16 Extraordinaire
genre Epistolaire , & pour y
réüffir , les principales regies
qu'il faut obferver, font d'écrire
felon les temps , les lieux , & les
perfonnes. De l'obfervation de
ces trois circonstances dépend la
réüffite des belles Lettres, & des
Billets galants ; mais à dire vray,
tout le monde ne connoift pas
veritablement ce que c'est que
cet Art imaginaire , ny quelles
font les Lettres qui doivent eftre
dans les bornes du Stile Epiftolaire.
On les peut réduire toutes à
quatre fortes , les Lettres d'af
faires , les Lettres de compliment,
les Lettres de galanterie ,
les Lettres d'amour. Comme le
mot d'Epiſtre eft finonime à celuy
de Lettre, je ne m'arreſteray
du Mercure Galant. 17
point à expliquer cette petite
diférence. Je diray feulement
que le ftile de la Lettre doit eftre
fimple & coupé , & que le ftile
de l'Epiftre doit avoir plus d'ornement
& plus d'étendue , comme
on peut le remarquer chez
Fes Maiftres de l'Eloquence
Greque & Romaine .
Enfin
chacun fçait que le mot d'Epiftre
eft confacré dans la Langue Latine,
& qu'il n'eft en ufage parmy
nous , que dans les Vers, & àla
tefte des Livres qu'on dédie;
mais ce qui eft affez remarquable
, c'eft d'avoir donné le nom
de Lettres à cette maniere d'écrire
, ce nom comprenant toutes
les Sciences . On
peut neantmoins
le donner veritablement
à ces grandes & fçavantes Let-
Q.de Fuillet 1683.
B
18 Extraordinaire
tres de Balzac, de Coftar , & de
quelques autres celebres Autheurs
. Les Lettres d'affaires
font faciles , il ne faut qu'écrire
avec un peu de netteté , & -bien
prendre les moyens qui peuvent
faire obtenir ce qu'on demande.
Peu de ces Lettres voyent le jour,
& perfonne ne s'avife d'en faire
la Critique. Il n'en eft pas de
meline des Lettres de compli
ment . Comme elles font faites
pour fatisfaire à noftre vanité,
on les expoſe au grand jour , &
on les examine avec beaucoup
de rigueur. Il n'y en a prefque
point d'achevées , & l'on n'en
peut dire la raifon , fi ce n'eft que
de toutes les manieres d'écrire ,
le Panégyrique eft le plus difficile,
C'eft le dernier effort du
du Mercure Galant.
19
genre démonftratif. Ainfi il eſt
rare qu'une Lettre foit une veritable
Piece d'éloquence. De
plus , ces fortes de Lettres s'adreffent
toûjours à des Gens,
qui eftant prévenus de fortes
paffions , comme de la joye & de
la trifteffe , & qui ne manquant
pas de vanité & d'amour propre,
ne croyent jamais qu'on en dife
affez. Ceux- mefme qui n'y ont
point de part , en jugent felon
leur inclination , & ils trouvent
toûjours quelque chofe à redire,
parce que les louanges qu'on
donne aux autres , nous paroiffent
fades, par une fecrete envie
que le bien qu'on en dit nous
caufe. Mais au refte fi on eftoit
bien defabufé que les Lettres
ne font pas toujours des compli
Bij
20 Extraordinaire
mens & des civilitez par écrit,
qu'elles n'ont point de regles
précifes & certaines , peut- eſtre
n'en blâmeroit- on pas comme
l'on fait , de fort bonnes , & de
bien écrites. Si on eftoit encore
perfuadé que les Lettres font de
fidelles Interpretes de nos penfées
& de nos fentimens , que ce
1 font de veritables portraits de
nous.mefmes , où l'on remarque
jufques à nos actions & à nos manieres
, peut- eftre que les plus
négligées & les plus naturelles.
feroient les plus eſtimées . A la
yerité ces peintures , pour eſtre
quelquefois trop reffemblantes,
en font moins agreables, & c'eſt
pourquoy on s'étudie à ſe cacher
dans les Lettres de civilité, & de
compliment. Elles veulent du
du Mercure Galant. 21
fard ; & cette maniere réfervée
& refpectueuse dans laquelle
nous y paroiffons , réüffit bien
mieux qu'un air libre & enjoüé,
qui laiffe voir nos defauts, & qui
ne marque pas affez de foûmiffion
& de dépendance. Nous
voulons eftre veus du bon costé,
& on nous veut voir dans le ref
pect ; mais lors que l'on s'expofe
familierement , fans honte de
noftre part , & fans ceremonie
pour les autres, il eſt rare qu'on
nous aime , & qu'on nous approuve
, fur tout ceux qui ne
nous connoiffent pas , & qui ne
jugent des Gens que par de
beaux déhors. D'ailleurs comme
nos manieres ne plaiſent pas
tout le monde , il eft impoffible
que des Lettres qui en font plei
22
Extraordinaire
nes, ayent une approbation genérale.
Le Portrait plaiſt fouvent
encore moins que la Perfonne,
foit qu'il tienne à la fantaifie
du Peintre , ou à la fituation
dans laquelle on eftoit lors qu'on
s'eft fait peindre. Les Lettres
qu'on écrit quand on eft cha .
grin, font bien diférentes de celles
que l'on écrit dans la joye , &
dans ces heureufes difpofitions
où l'on fe trouve quelquefois ; &
ce font ces favorables momens
qui nous rendent aimables dans
tout ce que nous faifons . Il faudroit
donc n'écrire que lors
qu'on s'y est bien difpofe , car
toutes nos Epiftres chagrines ne
font pas fi agreables que celles
de Scarron. Mais enfin pour
réuffir dans les Lettres de civi-
"
du Mercure Galant.
23
lité , il faut avoir une grande
douceur d'efprit , des manieres
Alateuſes & infinuantes , un ftile
pur & élegant, du bon fens , &
de la jufteffe , car on a banny des
Complimens , le phébus & le
galimathias, qui en faifoient autrefois
toute la grace & toute la
beauté . Mais avant que de finir
cet Article , je croy qu'il eft à
propos de dire quelque chofe
du Compliment, qui fert de fond
& de fujet à ces fortes de Lettres.
Le Compliment , à le prendre
dans toute fon étenduë , eft un
genre de civilité , qui fubfifte
feul , fans le fecours de la Converfation
, des Harangues, & des
Lettres . Ainfi on dit , F'ay envoyé
faire un Compliment , on m'eft
24
Extraordinaire
venu faire un Compliment. Il entre
à la verité dans la Converſation ,
dans les Harangues , & dans les
Lettres , & il en conftitue l'effence
en quelque façon , mais il
en fort quelquefois, & lors qu'il
eft feul , il en difére effentiellement.
Il eft plus court , plus fimple,
plus jufte, & plus exact ; &
c'eſt de cette forte qu'il eft difficile
de le définir dans les termes
de la Rhétorique , parce qu'on
peut dire que les Anciens n'ont
fçeu ce que c'eftoit , au moins
de la maniere que nous le pratiquons
, & qu'ils ne nous en ont
point laiffé d'exemples . Tout
fentoit la Déclamation chez eux ,
& avoit le tour de l'Oraiſon , &
de la Harangue . Cependant je
dis que faire un Compliment à
quelqu'un,
du Mercure Galant.
25
que
paquelqu'un,
n'eft autre choſe
de luy marquer par de belles
roles , l'eftime & le refpect que
nous avons pour luy. Complimenter
quelqu'un , eft encore
s'humilier agreablement devant
luy. Enfin un Compliment eft
un Combat de civilitez réciproques
; ce qui a fait dire à M
Coftar
, que les Lettres eftoient
des Duels , où l'on fe bat fouvent
de raiſons , & où l'on employe
fes forces fans réſerve & fans retenuë
. Il eſt vray qu'il y en a
qui n'y gardent aucunes mefures ,
mais nos Complimens ne font .
ils pas des oppofitions , & des
contradictions perpétuelles ? On
y cherche à vaincre , mais le
Vaincu devient enfin le Victo .
rieux par fon opiniâtreté . Quelle
2. de Juillet 1683.
Queli
26 Extraordinaire
ridicule & bizare civilité , que
celle des Complimens ! Il entre
encore de la rufe & de l'artifice
dans cette forte de Combat , &
je ne m'étonne pas files Homes
fracs & finceres y font fi peu propres,
& regardent nos Compli
mens comme un ouvrage de la
Politique, comme un effet de la
corruption du Siecle, comme la
pefte de la Societé civile . Ils apellent
cela faire la Comédie, & difent
qu'on doit y ajoûter peu de
foy, parce que c'eſt une maxime
du Sage , qu'on n'eſt pas obligé
de garantir la verité des Compli
mens. Ainfi la meilleure maniere
de répondre aux louanges, c'eſt
de les contredire agreablement,
& de marquer de bonne grace
qu'on ne les croit pas , ou plutoft
du Mercure Galant.
27
toute la juſtice qu'on peut rendre
aux méchantes Lettres , & aux
fades Complimens , eft de ne les
pas lire, & de n'y pas répondre.
Les Lettres de galanterie font
difficiles.
Cependant c'eſt le
genre où l'on en trouve de plus
raifonnables. Un peu d'air & des
manieres du monde, une expreffion
aifée & agreable, je- ne -fçay
quelle délicateffe de penfer & de
dire les choſes, avec le fecret de
bien appliquer ce que l'on a de
lecture & d'étude , tout cela en
compofe le veritable caractere,
& en fait tout le prix & tout le
mérite. Cicéron eft le feul des
Anciens qui ait écrit des Lettres
galantes , en prenant icy le mot
de galanterie pour celuy de politeffe
&
d'urbanité , comme par-
C
ij
28 Extraordinaire
loient les Romains , c'est à dire,
du ftile qu'ils appelloient tocofum
&Facetum, Il eft certain auffi que
Voiture a la gloire d'avoir efté le
premier , & peut- eftre l'unique
entre les Autheurs modernes ,
qui ait excellé en ce genre de
Lettres. Mr Sorel dit mefme qu'il
en eſt l'Inventeur , & que nous
luy avons beaucoup d'obligation
de nous avoir garantis de l'importunité
des anciens Complimens
, dont les Lettres eftoient
pleines , & d'auoir introduit une
plus belle & facile méthode d'écrire.
M'de Girac, fon plus grand
Ennemy , demeure d'accord ,
qu'on ne peut rien penfer de plus
agreable que fes Lettres galantes,
qu'elles font remplies de fel
Attique , qu'elles ont toute la
du Mercure Galant. 294
douceur & l'élegance de Terence
, & l'enjoüement de Lucien
. Il faut donc avoir le génie
de Voiture , ou de Balzac , pour
bien faire des Lettres galantes.
Le remercîment d'un Fromage;
ou d'une Paire de Gans, leur en
fourniffoit une ample matiere,
& ç'a efté par là qu'ils ont acquis
une fi grande réputation.
Nous n'avons point de belles
Lettres d'amour, & mefme il s'en
trouve peu chez les Anciens . Ce
n'eft pas affez que de fçavoir bien
écrire , il faut aimer. Ceux qui
réüffiffent ne font pas Autheurs.
Les Autheurs qui aiment, cherchent
trop à plaire ; & comme
les Billets d'amour les plus né .
gligez font les meilleurs , ils croiroient
fe faire tort s'ils paroif.
C iij
30 Extraordinaire
foient de la forte. Chacun fait
encore miftere de fa tendreffe ,
& craint d'eftre veu dans cette
négligence amoureuſe . Mais ce
qui fait auffi noftre délicateffe
fur ce fujet , c'eſt que la paffion
des autres nous femble une ridicule
chimere . Il faut donc aimer.
C'eſt là tout le fecret pour bien
écrire d'amour , & pour en bien
juger.
Pourbien chanter d'amour, ilfaut
eftre amoureux.
Je croy
meſme que
l'Amour a
efté le premier
Inventeur
des
Lettres. Il eft Peintre , il eft
Graveur, il eft encore un fidelle
Courrier
qui porte aux Amans
des nouvelles de ce qu'ils aiment.
La grande affaire a toûjours
eſté
celle du coeur. L'amour qui d'adu
Mercure Galant.
31
bord unit les Hommes, ne leur
donna point de plus grands defirs
que ceux de le voir & de fe
communiquer, lors qu'ils eftoient
féparez par une cruelle abfence.
Leurs foûpirs portoient dans les
airs leurs impatiences amoureufes
; mais ces foûpirs eftoient
trop foibles , quelques violens
qu'ils fuffent , pour ſe pouvoir
rencontrer . Ils demeuroient toû
jours en chemin , ardens , mais
inutiles meffagers des coeurs,
Mille Chifres gravoient fur les
Arbres , & fur les matieres les
plus dures , leurs inquiétudes &
leurs peines ; mais les Zéphirs
qui les baifoient en paffant, n'en
pouvoient conferver l'image, ny
la faire voir aux Amans abfens.
Les Portraits qui confervent fi
C iiij
32
Extraordinaire
vivement l'idée de l'Objet aimé ,
ne pouvoient répondre à leurs
careffes paffionnées . Il fallut
donc d'autres Interpretes , d'au.
tres Simboles , d'autres Images
, pour le faire entendre , fe &
pour s'expliquer , dans une fi
fâcheufe abfence ; & on s'eſt
fervy des Lettres qui , apres les
yeux , ne laiffent rien à defirer à
l'efprit , puis qu'elles font les
plus exacts , & les plus fidelles
Secretaires de nos coeurs . En
effet, ne font-elles pas fufceptibles
de toutes les paffions ? Elles
font triftes , gayes , coleres, amou
reufes , & quelquefois remplies
de haine & de reffentiment , car
les paffions fe peignent fur le
papier comme fur le vifage . On
avoit befoin de l'expreffion de
du Mercure Galant.
33
ces mouvemens, pour bien juger
de nos Amis pendant l'abſence.
C'est à l'Ecriture qu'on en eft
redevable , mais fur tout à l'A- .
mour, qui l'a inventée , Littera
opus amoris.
La gloire de bien écrire des
Lettres d'amour , a donc efté
réſervée avec juſtice au galant
Ovide. Il fçavoit l'art d'aimer,
& le mettoit en pratique. Quoy
qu'il ait pris quelquefois des fu
jets feints pour exprimer cette
paffion , il a fouvent traité de ſes
amours fous des noms empruncar
enfin qu'auroit - il pû
dire de plus pour luy mefme ?
Peut- on rien voir de plus touchant
& de plus tendre que les
Epiftres d'Ariane à Théfée , de
Sapho à Phaon , & de Léandre
tez ;
34
Extraordinaire
à Héro ? Mais ce que j'y admire
fur tout , ce font certains traits
fins & délicats , où le coeur a
bien plus de part que l'efprit.
Au refte on ne doit pas eftre
furpris , fi les Epiftres d'Ovide
l'emportent fur toutes
les Lettres d'amour , qui nous
font restées de l'Antiquité , &
mefme fur les Billets les plus galans
& les plus tendres d'apré.
fent. Elles font en Vers , & l'a
mour est l'entretien des Mufes.
Il eſt plus vif & plus animé dans
la Poëfie , que dans fa propre
effence , dit Montagne . L'avantage
de bien écrire d'amour appartient
aux Poëtes , affure M
de Girac ; & le langage des Hommes
eft trop bas pour exprimer
une paffion fi noble. C'est peutdu
Mercure Galant.
35
eftre la raison pourquoy nos
vieux Courtisans faifoient pref
que toujours leur Déclaration
d'amour en Vers , ou plutoft la
faifoient faire aux meilleurs Poëtes
de leur temps , parce qu'ils
croyoient qu'il n'y avoit rien de
plus excellent que la Poëfie , pour
bien repréſenter cette paffion ,
& pour l'inspirer dans les ames.
Mais tout le monde ne peut
pas eftre Poëte, & il y a encore
une autre raifon , qui fait que
nous avons fi peu de belles Lettres
d'amour ; c'eft qu'elles ne
font pas faites pour eftre veuës.
Ce font des oeuvres de tenebres,
qui fe diffipent au grand jour ; &
ce qui me le fait croire, c'eſt que
dans tous les Romans , où l'amour
eſt peint fi au naturel , où
36
Extraordinaire
les paffions font fi vives & fi ardentes
, où les mouvemens font
fi tendres & fi touchans , où les
fentimens font fi fins & fi délicats
; dans ces Romans , dis je,
dont l'amour profane a dicté toutes
les paroles , on ne trouvera
pas à prendre depuis l'Aſtrée jufqu'à
la Princeffe de Cléves , de
Lettres excellentes, & qui foient
achevées en ce genre. C'eft là
où prefque tous les Autheurs de
ces Fables ingénieuſes ont échoué.
Toutes les intrigues en
font merveilleufes , toutes les
avantures furprenantes , toutes
les converfations admirables ,
mais toutes les Lettres en font
médiocres ; & la raiſon eft, que
ces fortes de Lettres ne font pas
originales . Ce font des fantaifies,
du Mercure Galant. 37
des idées , & des peintures , qui
n'ont aucune reffemblance . Ces
Autheurs n'ont écrit ny pour
Cyrus , ny pour Clélie, ny pour
eux , mais feulement pour le Public
, dont ils ont quelquefois
trop étudié le gouft & les manieres
. Mais outre cela , s'il eft
permis de raconter les conqueftes
& les victoires de l'Amour,
les combats & les foufrances des
Amans , la gloire du Vainqueur,
la honte & les foûpirs des Vaincus
, il est défendu de réveler les
fecrets & les miſteres de ce Dieu,
& c'est ce que renferment les
Billets doux & les Lettres d'amour.
Il est dangereux de les intercepter
, & de les communiquer
à qui que ce ſoit qu'aux Intéreflez,
qui en connoiffent l'im38
Extraordinaire
portance. Le don de penétrer &
de bien goufter ces Lettres , n'apartient
pas aux Efprits fiers &
fuperbes , mais aux Ames fimples ,
pures & finceres , à qui l'amour
communique toutes les delices.
Les grands Génies fe perdent
dans cet abîme . Les fiers , les infenfibles
, les inconftans , enfin
ceux qui raiſonnent de l'amour,
& qui préfument tant de leurs
forces , ne connoiffent rien en
toutes ces chofés .
On ne doit pas chercher un
grand ordre dans les Lettres d'amour
, fur tout lors qu'elles repréfentent
une paffion naiffante,
& qui n'ofe fe déclarer ; mais il
faut un peu plus d'exactitude
dans les Réponses qu'on y fait.
Une Perfonne qui a épanché ſon
du Mercure Galant.
39
coeur fur plufieurs articles, & qui
eft entrée dans le détail de ſa paffion
, veut qu'on n'oublie rien, &
qu'on réponde à tout. Elle ne
feroit pas contente de ce qu'on
luy diroit en gros de tendre &
de paffionné , & le moindre article
négligé , luy paroiftroit d'un
mépris, & d'une indiférence impardonnable.
Le premier qui
écrit, peut répandre fur le papier
toutes les penfées de fon coeur,
fans y garder aucun ordre, & s'abandonner
à tous fes mouvemens
; mais celuy qui répond ,
a toûjours plus de modération .
Il obferve l'autre , le fuit pas
pas, & ne s'emporte qu'aux endroits
, où il juge que la paffion
eft neceffaire , car enfin les af
faires du coeur ont leur ordre &
à
40
Extraordinaire
leur exactitude auffi- bien que les
autres. J'avoue que ces Lettres
ont moins de feu , moins de bril .
lant , & moins d'emportement
que les premieres ; mais pour
eftre plus moderées & plus tranquilles
, elles ne font pas moins
tendres & moins amoureuſes.
Si l'on confidere fur ce pied - là
les Réponses aux Lettres Portugaifes
, on ne les trouvera pas fi
froides & fi languiffantes que
quelques- uns ont dit. C'est un
Homme qui écrit , dont le cara-
&tere eft toûjours plus judicieux
que celuy d'une Femme. Il fe
juftifie, il raffure l'efprit inquiet
de fa Maîtreffe , il luy ofte fes
fcrupules , il la confole enfin , il
répond exactement à tout . Cela
demande plus d'ordre , que les
du Mercure Galant.
41
faillies volontaires de l'amour,
dont les Lettres Portugaiſes font
remplies . Si les Réponses font
plus raisonnables , elles font auffi
tendres & auffi touchantes que
les autres , defquelles pour ne
rien dire de pis , on peut affurer
qu'elles font des images de la
paffion la plus defordonnée qui
fut jamais. L'amour y eft auffi
naturellement écrit , qu'il eftoit
naturellement reffenty . C'eft
une violence & un déreglement
épouvantable . S'il ne faut que
bien des foibleffes pour prouver
la force d'une paffion , fans -doute
que la Dame Portugaife aime
bien mieux que le Cavalier François
, mais s'il faut de la raiſon ,
du jugement, & de la conduite,
pour rendre l'amour folide &
Q. deJuillet 1683.
D
42 Extraordinaire
durable , on avoüera que le Cavalier
aime encore mieux que la
Dame. Les Femmes fe flatent
qu'elles aiment mieux que nous,
parce que l'amour fait un plus
grand ravage dans leurs ames,
& qu'elles s'y abandonnent entierement
; mais elles ne doivent
pas tirer de vanité de leur foibleffe
. L'Amour eft chez elles
un Conquérant, qui ne trouvant
aucune réfiftance dans leurs
cours, paffe comme un torrent,
& n'a pas plutoſt aſſujetty leur
raiſon, qu'il abandonne la place.
Mais chez nous , c'eſt un Ufurpateur
fin & rufé , qui fe retranche
dans nos coeurs , & qui les
conferve avec le mefine foin qu'il
les a pris . Il s'accommode avec
noftre raiſon , & il aime mieux
du Mercure Galant.
43
regner plus feûrement & plus
longtemps avec elle , que de
commander feul , & craindre à
tous momens la revolte de fon
Ennemie . C'eſt donc le bon fens
abufé , & la raiſon féduite , qui
rendent l'amour conftant & in
vincible , & c'eft de cette forte
d'amour dont nous voyons le
portrait dans les Réponses aux
Lettres Portugaifes, & dans prefque
toutes celles qui ont le veritable
caractere de l'Homme.
Ovide ne brille jamais tant dans
les Epiftres de fes Héros , que
dans celles de fes Héroïnes. Il
obſerve dans les premieres plus
de fageffe , plus de retenue , &
bien moins d'emportement
. On
fe trompe donc de croire
que
Lettres amoureufes ne doivent
les
Dij
44
Extraordinaire
Ne pas eftre fi raisonnables .
feroit.ce point plutoft que les
Femmes fentant que nous avons
l'avantage fur elles pour les Lettres
, & que nous regagnons à
bien écrire , ce qu'elles nous of
tent à bien parler , ont introduir
cette maxime, qu'elles l'emportoient
fur nous pour les Lettres
d'amour , qui pour eſtre bien paf
fionnées , ne demandent pas, difent
elles , tant d'ordre , de liaifon,
& de fuite ? Cette erreur a
gagné la plupart des Efprits, qui
font valoir je - ne - fçay quels Billets
déreglez , où l'on voit bien
de la paffion , mais peu d'efprit
& de délicateſſe
, non pas que je
veüille avec Mi de Girac , que
pour réüffir dans les Lettres d'amour
, on ait tant d'efprit , &
du Mercure Galant,
45
qu'on ne puiffe fçavoir trop de
chofes. La paffion manque rarement
d'eftre éloquente , a dit
agreablement un de nos Autheurs
; & en matiere d'amour,
on n'a qu'à fuivre les mouvemens
de fon coeur. Le Bourgeois Gentilhomme
n'eftoit pas fi ridicule
qu'on croiroit bien , de ne vou
loir ny les feux , ny les traits du
Pédant Hortenfius, pour déclarer
fa paffion à fa Maîtreffe, mais
feulement luy écrire , Belle Marquife,
vos beauxyeux me font mourir
d'amour. C'en feroit fouvent affez ,
& plus que toute la fauffe galanterie
de tant de Gens du monde,
qui n'avancent guére leurs affaires
avec tous leurs Billets doux,
qui cherchent fineffe à tout , &
qui fe tuënt à écrire des Riens,
46
Extraordinaire
d'une maniere galante , & qui
foient tournez gentiment , comme
parle encore le Bourgeois Gentilhomme.
Ceux qui ont examiné de pres
les Lettres amoureufes de Voiture
, n'y trouvent point d'autre
defaut que le peu d'amour . Voiture
avoit de l'efprit , il eftoit
galant, il prenoit feu meſme aupres
des Belles ; mais il n'aimoit
guére, & fongeoit plutoft à dire
de jolies chofes , qu'à exprimer
fa paffion. Il eftoit de compléxion
amoureufe, dit M' Pelliffon
dans fa Vie , ou du moins feignoit
de l'eftre, car on l'accuſoit
de n'avoir jamais veritablement
aimé. Tout fon amour eftoit
dans fa tefte , & ne defcendoit
jamais dans fon coeur. Cet amour
du Mercure Galant. · 47
fpirituel & coquet eft encore la
caufe pourquoy fes Lettres font
fi peu touchantes , & prefque
toutes remplies de fauffes pointes,
qui marquent un efprit badin
qui ne fçait que plaifanter . Or il
eft certain qu'en amour la plaifanterie
n'eft pas moins ridicule,
qu'une trop grande fageffe. Les
Lettres amoureufes de Voiture
ne font
pas des Originaux que la
Jeuneffe doive copier , mais que
dis-je , copier? Toutes les Lettres.
d'amour doivent eftre originales.
Dans toutes les autres on peut
prendre de bons modelles ,
les imiter ; mais icy il faut que
le coeur parle fans Truchement.
Qui fe laiffe gagner par des paroles
empruntées , mérite bien
d'en eftre la Dupe. L'amour eft
&
48
Extraordinaire
affez éloquent , laiffez le faire ;
s'il eft réciproque, on fçaura vous
entendre, & vous répondre . Mais
c'eft affez parler des Lettres d'a
mour, tout le monde s'y croit le
plus grand Maiftre.
Je pourrois ajoûter icy les Lettres
de Politique ; mais outre
qu'elles font compriſes dans les
Lettres d'affaires, il en eft comme
de celles d'amour. Le Cabinet
& la Ruelle obfervent des
regles particulieres , qui ne font
connues que des Maiftres . Il n'y
a point d'autres préceptes à pra
tiquer, que ceux que l'Amour &
la Politique infpirent ; mais neanmoins
fi l'on veut des modelles
des Lettres d'affaires, on ne peut
en trouver de meilleures que celles
du Cardinal du Perron , & du
Cardinal
du Mercure Galant.
49
Cardinal d'Offat, puis qu'au fentiment
de M'de la Mote leVayer,
la Politique n'a rien de plus confiderable
que les Lettres de ce
dernier.
Voila à peu prés l'ordre qu'on
peut tenir dans les Lettres . Cependant
il faut avouer qu'elles ne
font plus aujourd'huy das les bor.
nes du StileEpiftolaire . Celles des
Sçavans , font des Differtations ,
& des Préfaces ; celles des Cavaliers
& des Dames , des Entretiens
divers , & des Converſations
galantes. Si un Ecclefiaftique
écrit à quelqu'un fur la naiffance
d'un Enfant , il luy fait un
Sermon fur la fécondité du Ma.
riage , & fur l'éducation de la
Jeuneffe. Si c'eſt un Cavalier qui
traite le mefme fujet , il fe divertit
Q.de Fuillet 1683.
E
So Extraordinaire
fur les Couches de Madame , il
complimente le petit Emmailloté
, & faifant l'Aftrologue avant
que de finir fa Lettre , il
allume déja les feux de joye de
fesVictoires, & compofe l'Epithalame
de fes Nôces. Neantmoins
on appelle tout cela de belles &
de grandes Lettres ; mais on de
vroit plus juſtement les appeller
de grands Difcours , & de petits
Livres , au bas deſquels , comme
dit M' de Girac , on a mis voftre
tres-humble & tres- obeiſſant Serviteur.
Il n'y a plus que les Procureurs
qui demeurent dans le veritable
caractere des Lettres . On
ne craint point d'accabler une
Perfonne par un gros Livre fous
le nom de Lettre ; & je me fouviens
toûjours de la Lettre de
du Mercure Galant.
SI
trente- fix pages que Balfac écrivit
à Coftar , & dont ce dernier
ſe tenoit fi honoré. C'eſt à qui
en fera de plus grandes , & qui
pour un mot d'avis , compoſera
un Avertiffement au Lecteur,
mais quand on envoye de ces
grandes Lettres à quelqu'un , on
peut luy dire ce que Coftar dit
à Voiture , peut - eſtre dans un
autre fens , Habes ponderofiffimam
Epiftolam ,, quanquam non maximi
ponderis. Mais ces Meffieurs veu
lent employer le papier & écrire,
donec charta defecerit. C'est ce qu'a
fait M' de la Motte le Vayer dans
1 fes Lettres , qui ne font que des
compilations de lieux communs,
S & qu'avec raifon il a nommées
petits Traitez en forme de Lettres
, écrites à diverfes Perfonnes
E ij
32 Extraordinaire
ftudieuſes. Cependant il prétend
à la qualité de Seneque François,
& il dit que perfonne n'avoit encore
tenté d'en donner à la France
, à l'imitation de ce Philofophe.
Il éleve extrémement les
Epiftres de Seneque , afin de
donner du luftre aux fiennes . II
a raifon ; car il eft certain que
toute l'Antiquité n'a rien de
comparable en ce genre , non pas
mefme les Epiftres de Cicéron ,
qui toutes élegantes , & toutes
arbaniques qu'elles font , n'ont
rien qui approche, non feulement
du brillant & du folide de celles
de Seneque , mais encore de jene-
fçay- quel air , qui touche , qui
plaift , & qui gagne le coeur &
l'efprit , dés la premiere lecture .
Mais enfin quoy que ces petits
du Mercure Galant.
53
Ouvrages qu'on appelle Lettres,
n'ayent que le nom de Lettres,
c'eſt une façon d'écrire tres - fpirituelle
, tres- agreable , & mefme
tres - utile , comme on le voit par
les Lettres de M' de la Motte le
Vayer , qui font pleines d'érudi
tion , d'une immenfe lecture , &
d'une folide doctrine . Il n'a tenu
qu'à la Fortune , dit M' Ogier,
que les Lettres fçavantes de Balzac,
n'ayet efté des Harangues &
des Difcours d'Etat . Si on en ofte
le Monfeigneur , & voftre tres-humble
Serviteur , elles feront tout ce
• qu'il nous plaira ; & il ajoûte
apres Quintilien , que le Stile
des Lettres qui traitent de Sciences
, va du pair avec celuy de
l'Oraifon . Je voudrois donc qu'on
donnaſt un nouveau nom à ce
E iij
34
Extraordinaire
genre d'écrire , puis que c'eft
une nouvelle choſe. Je voudrois
encore qu'on laiſſaſt aux
Lettres d'affaires & de refpect,
l'ancien Stile Epiſtolaire , & que
tout le refte des chofes qu'on
peut traiter avec fes Amis , ou
avec les Maîtreffes , portaft le
nom dont on feroit convenu .
En effet ne feroit- il pas à propos
qu'une Lettre qu'on écrit à un
Homme fur la mort de fa Femme
, ne fuft pas une Oraifon funebre
; celle de conjoüiffance ,
une Panilodie , celle de recommandation
, un Plaidoyé , & ainſi
des autres , que les diverfes conjonctures
nous obligent d'écrire.
Ce n'eft pas que ces Livres en
forme de Lettres , manquent d'agrément
& d'utilité , on les peut
du Mercure Galant.
55
3.
lire fans ennuy quand elles font
bien écrites , & mefme on y apprend
quelquefois plus de chofes
que dans les autres Ouvrages ,
qui tiennent de l'ordre Romanefque
, ou de l'Ecole ; mais on ne
doit trouver dans chaque chofe
que ce qu'elle doit contenir. On
cherche des Civilitez & des
Complimens dans les Lettres , &
non pas des Hiftoires , des Sermons
, ou des Harangues ; on a
raifon de dire qu'il faut du temps
pour faire une Lettre courte , &
fuccincte. Ce n'eft pas un paradoxe
, non plus que cette autre
maxime , qu'il eft plus aifé de
faire de longues Lettres , que de
courtes ; tout le monde n'a pas
cette brieveté d'Empereur dont
parle Tacite , & tous les demis
E iiij
36
Extraordinaire
beaux Efprits ne croyent jamais
en dire affez , quoy qu'ils en difent
toûjours trop .
Il feroit donc à propos qu'on
remift les chofes au premier état,
on trouveroit encore affez d'autres
fujets , pour faire ce qu'on
appelle de grandes Lettres , &
l'on auroit plus de plaifir à y travailler
fous un autre nom ; car ce
qui fait aimer cette façon d'écrire
, c'est que beaucoup de
Perfonnes qui ont extrémement
de l'efprit , le font paroiftre par là.
Tout le monde ne fe plaift pas à
faire des Livres , & il feroit fâcheux
à bien des Gens , d'étoufer
tant de belles penſées , & de
beaux fentimens , dont ils veulent
faire part à leurs Amis. Les
Femmes fpirituelles font intedu
Mercure Galant.
$7
reffées en ce que je dis , auffibien
que les Hommes galans .
Ces Hommes doctes du Cercle ,
& de la Rüelle , dont les opinions
valent mieux que toute la doctrine
de l'Univerfité , & dont un
jour d'entretien vaut dix ans d'école
; les Balzac , les Coftar, les
Voiture , fe font rendus inimortels
par leurs grandes Lettres , &
cette lecture a plus poly d'Efprits ,
& plus fait d'honneftes Gens , que
tous les autres Livres. En effet
il y a bien de la diférence entre
leur Stile , & le langage figuré
de la Poëfie , l'emphatique des
Romans , & le guindé des Orateurs
, fans parler de cet ar de
politeffe , & de galanterie , qu'on
ne trouve paschez les autres Autheurs.
Si nous en croyons CoЯar
$8
Extraordinaire
dans Epiftre de fes Entretiens
qu'il dédie à Conrard , l'invention
de ces fortes de Lettres luy
eft deuë , & à Voiture . Nous
nous avifames , dit- il , M' de Voiture
& moy de cette forte d'Entretiens
qui nous fembloit une image
affez naturelle de nos Converfations
ordinaires, & qui lioit une fi étroite
communication de pensées entre deux
abfens , que dans noftre éloignement,
nous ne trouvions guéres à dire
qu'une fimple & legere fatisfaction
de nos yeux , & de nos oreilles. Tout
ce qu'on peut ajoûter à cela , eſt
que ces fortes de Lettres font feu
lement l'image de la Converfation
de deux Sçavans ; car d'autres
Lettres auffi longues , feroient
de faides images de la Converfation
des Ignorans , & du
du Mercure Galant.
59
vulgaire , mais enfin je voudrois
que l'Académie euft efté le Parain
de ce que nous appellons de
grandes Lettres.
Difons maintenant quelque
chofe des Billets , qu'on peut
nommer les Baftards des Lettres
& des Epiftres,fi j'ofe parler ainfi.
Ce que j'appellois tantoft des
Lettres d'affaires , fe nomme
quelquefois des Billets . Les Amans
mefme s'en fervent , quand
ils expriment leur paffion en racourcy
. Ce genre d'écrire fuplée
à toutes les Lettres communes,
& ce qui eft commode c'eft
qu'on n'y obferve point les qualitez
. Les noms de Monfieur &
de Madame s'y trouvent peu , toû
jours en parenteſe , & jamais au
commencement. J'ay crû que
60 Extraordinaire
cette invention eftoit venuë de la
lecture des Romans , où l'on s'appelle
Tirfis & Silvandre , & où
il n'y a que les Roys , & les Reynes
, aufquels on donne la qualité
de Seigneurs , & de Dames ; mais
j'ay remarqué qu'autrefois dans
les Lettres les plus férieuſes , on
n'obfervoit pas ces délicateffes
de cerémonies , comme de mettre
toûjours à la tefte , Sire, écrivant
au Roy ; ou Monseigneur , écrivant
à quelque Prince, ou à quelque
Grand, & de laiffer un grand
eſpace entre le commencement
de la Lettre. Toutes les Epiftres
dédicatoires de nos anciens Autheurs
en font foy , & commencent
comme celles des Tragédies
de Garnier. Si nous , originaires
Sujets de Voftre Majesté, Sire , vous
du Mercure Galant. 61
devons naturellement nos Perfonnes,
&c. Voila comme ce Poëte écrit
à Henry III . & à M¹ de Rambouillet
, Quand la Nobleffe Françoife
embraffant la vertu comme vous
faites , Monfeigneur , &c. Cela
femble imiter le Stile Epiſtolaire
des Anciens , dont le cerémonial
eftoit à peu prés de cette forte ,
car j'appelle ainfi ces fcrupuleuſes
regles de civilité , que
quelques uns ont introduites
dans les Lettres. Quoy qu'il en
foit , on dit que Madame la Marquife
de Sablé a inventé cette
maniere d'écrire commode &
galante , qu'on nomme des Billets.
Nous luy fommes bien redeva
bles de nous avoir délivrez par
ce moyen de tant de civilitez fâcheufes
, & de complimens in
-
62 Extraordinaire
fuportables. Ce n'eft pas qu'il n'y
faille apporter quelque modification
, car on en abufe en beaucoup
de rencontres , & l'on rend
un peu trop commun , ce qui n'ef
toit employé autrefois que par les
Perfonnes de la premiere qualité,
envers leurs inférieurs , d'égal à
égal , & dans quelque affaire de
peu d'importance , ou dans une
occafion preffante. Enfin les Bil
lets doivent eftre fuccincts pour
l'ordinaire , & n'eftre pas fans
civilité. Seneque veut que ceux
que nous écrivons à nos Amis ,
foient courts. Quandje vous écris,
dit- il à Lucilius , il me semble que
je ne dois pas faire une Lettre , mais
un Billet , parce que je vous vois , je
vous entens , & je fuis avec vous.
En effet , les Billets n'ayant lieu
du Mercure Galant.
63
que lors qu'on n'eft pas éloigné
les uns des autres , ou lors qu'on
n'a pas le loifir d'écrire plus amplement
, il n'eft pas befoin d'un
grand nombre de paroles , il ne
faut écrire que ce qui eft abfolument
neceffaire , & remettre
le refte à la premiere occafion.
Il femble qu'avec la connoiffance
de toutes ces chofes , il ne
foit pas difficile de réüffir dans le
Stile Epiftolaire. Cependant je
ne craindray point de dire que
les plus habiles Hommes n'y rencontrent
pas toûjours le mieux,
& qu'une Lettre bien faite eft le
chefd'oeuvre d'un bel Efprit . Il
y a mefme des Gens qui en ont
infiniment , qui n'ont aucun talent
pour cela , & qui envient
avec M' Sarazin , la condition de
64
Extraordinaire
leurs Procureurs , qui commencent
toutes leurs Lettres par je
vous diray , & les finiffent par je
fuis. Je ne m'en étonne pas . Il
n'y a point de plaifir à fe com.
mettre , & c'eft ordinairement
par les Lettres qu'on juge de l'ef
prit d'un Homme . Če doit eftre
fon veritable portrait , & s'il a
du bon fens , ou s'il en manque,
il cft impoffible qu'on ne le voye
par là . On voit bien à ta Lettre ,
dit Théophile répondant à un
Fat , que tu n'es pas capable de
beaucoup de choses. Qui ne fait pas
bien écrire , ne fçait pas bien imaginer.
Ton entendement n'eft pas
plus agreable que ton file. Ceux
qui brillent dans la Converfation
, & dans les Ouvrages de
galanterie , ont quelquefois de
du Mercure Galant. 65
la peine à s'affujettir aux regles
aufteres d'une Lettre férieufe. Il
ya encore bien des Gens qui ne
fçauroient écrire que comme ils
parlent , & ce n'eft pas cela .
Rien n'impofe fur le papier , la
voix , le gefte , ne peuvent s'y
peindre avec le difcours , & ces
chofes bien fouvent en veulent
plus dire que ce qu'on écrit . Mais
comme on ne dit pas aux Gens
les chofes de la maniere qu'on les
écrit , on ne doit pas auffi leur
écrire de la maniere qu'on leur
parle , & comme dit M le Chevalier
de Meré , Il y a de cerm
taines Perfonnes quiparlent bien en
apparence , & qui ne parlent pas
bien en effet. Comme ilfaut duſoin,
& de l'application pour bien écrire
& de
tes Perfonnes ne veulent pas fe don-
Q.deJuillet 1683 .
E
66 Extraordinaire
ner tant depeines , & c'est pourquoy
elles font rarement de belles Lettres .
De plus , ajoûte´ce galant Homme
, ces beaux Efprits commencent
toûjours leurs Lettres trop finement,
ils ne fçauroient les foutenir. Cela
les ennuye , les laffe , & les dégoûte.
Cependant ilfaut toûjours rencherir
fur ce qu'on adit en commençant, &
lors qu'une Lettre eft longue , tant de
fubtilité devient laffante. Enfin il ne
faut ny outrer, nyforcer , ny tirer de
loin ce qu'on veut dire , cela réuſſit
toûjours mal.
La pratique de toutes ces regles
, peut rendre un Homme ha
bile en ce genre d'écrire , & rien
n'eſt plus capable de luy donner
de la réputation. Nous l'avons
veu dans quelques Autheurs modernes
, & ce que les Anciens
du Mercure Galant.
67
2
J
1
S
nous ont laiſſé du Stile Epifto .
laire , l'emporte pour l'agrément
& la délicateffe , fur tous les autres
Ecrits. Les Epiftres de Ci
céron , les Epiftres de Seneque,
& celles d'Ovide , font encore
les délices des Sçavans , pour ne
rien dire des Epiftres de S. Jérôme
, de S. Grégoire , de S. Ber
nard , & de plufieurs autres Peres
de l'Eglife , où l'on ne voit pas
moins d'efprit , & d'éloquence,
que de doctrine , & de pieté.
EPISTOLAIRE. ⠀
L
' Ecriture eft l'image de la
Parole , comme la Parole
eft l'image de la Penſée . L'uſage
de la Parole eft divin , l'invention
de l'Ecriture merveilleuſe. Enfin
toutes les deux nous rendent do-
& es & raiſonnables. Rien n'eft
plus prompt que la Parole ; ce
n'eft qu'un fon que l'air forme
& diffipe en mefme temps . L'Ecriture
eft plus durable , elle fixe
ce Mercure , elle arrefte cette
Fléche, qui eftant décochée, ne
revient jamais. Elle donne du
A ij
7
Extraordinaire
corps à cette noble expreffion
de l'ame , & la rendant viſible à
nos yeux , pour me fervir des
termes d'un de nos Poëtes , elle
conferve plufieurs fiecles , ce qui
me fembloit mourir en naiffant.
Mais fi l'Ecriture perpétuë la
Parole, elle la fait encore entendre
à ceux qui font les plus éloignez,
& comme un Echo fidelle,
elle répete en mille lieux , & à
mille Gens , ce que l'on n'a dit
quelquefois qu'en fecret , & à
l'oreille. C'est ce qui la rend fi
neceffaire dans la vie , & particulierement
dans l'ufage du Stile
Epiftolaire ; car enfin l'Ecriture
qui a esté inventée pour conferver
les Sciences, & pour eternifer
les actions des Grands Hommes,
ne l'a pas moins efté pour fupléer
du Mercure Galant.
5.
à l'éloignement des lieux , & à
l'abſence des Perfonnes. On n'a
pas toûjours eu befoin de Contracts
& d'Hiftoires , pour infpirer
la vertu , & la bonne-foy.
Nos anciens Gaulois mefme ont
efté braves, vertueux, & fçavans,
fans le fecours de ce bel Art . La
Parole & la Memoire contenoient
toutes leurs fciences , &
toute leur étude ; mais dans le
commerce de la vie , où l'on ne
peut cftre toûjours enſemble,
y a.t. il rien de plus agreable, &
de plus utile, que de fe parler &
de s'entretenir par le moyen
d'une Lettre , comme fi l'on ef
toit dans un mefme lieu ? Bien
plus, fi nous en croyons l'amou
reuſe Portugaife , les Lettres
nous donnent une plus forte idée
A üj
Extraordinaire
de la Perfonne que nous aimons .
Il mefemble, dit - elle à fon Amant,
que je vous parle quandje vous écris,
&
que vous m'eftes un peu plus préfent.
Un Moderne a donc eu raifon
de nommer les Lettres les
Difcours des Abfens. L'Homme fe
répand & fe communique par
elles dans toutes les Parties du
Monde . Il fçait ce qui s'y paffe,
& il y agit mefme pendant qu'il
fe repofe ; un peu d'encre & de
papier , fait tous ces miracles.
Mais que j'ay de dépit contre
ceux , qui pour rendre ce com ..
mercé plus agreable , l'ont rendu
fi difficile, qu'au lieu d'un quartd'heure
qu'il falloit pour faire
fçavoir de fes nouvelles à quelqu'un
, il y faut employer quelquefois
unejournée entiere ! L'adu
Mercure Galant.
rangement
d'une douzaine
de
paroles emporte deux heures de
temps. C'eſt une affaire qu'une
Lettre , & tel qui gagneroit
fon
Procés , s'il prenoit la peine d'écrire
pour le folliciter
, aime
mieux le perdre comme le Mifantrope
de Moliere , que de
s'engager
dans un pareil embarras
.
On a prétendu mettre en Art
ce genre d'écrire , & quelquesuns
( comme de la Serre & fes
Imitateurs ) en ont voulu faire
leçon . Un Moderne mefme , parmy
tant de préceptes qu'il a
donnez pour l'éducation d'une
Perfonne de qualité, a traité de
la maniere d'écrire des Lettres ,
de leur diférence, & du ſtile qui
leur eft propre. Je veux croire
A iiij
8 Extraordinaire
qu'il a tres - bien réuffy en cela ;
mais n'y a-t- il point un peu d'affectation
baffe & inutile , de donner
pour regles, qu'aux Perſonnes
d'un rang au deffus de nous,
aufquelles on écrit, il faut fe fervir
de grand papier, que la feüille
foit double ,qu'on mette un feuillet
blanc, outre l'envelope pour
couvrir cette feuille , fi elle eft
écrite de tous coſtez , qu'il y ait
un grand efpace entre le Monfei
gneur & la premiere ligne , & cent
autres chofes de cette nature ?
Cela , dis-je , ne fent- il point la
bagatelle, & y a- t - il rien de plus
ridicule qu'un Homme qui fe
pique d'écrire , de plier , & de
cacheter des Lettres à la mode ,
comme parlent quelques Prétieux
? Ce font des minuties indi
du Mercure Galant.
9
gnes d'un honnefte Homme , &
d'un bel Efprit. Qui fçait faire
une belle Lettre , la fçait bien plier
fans qu'on luy en donne des préceptes
, & ces petites façons de
quelques Cavaliers & de quelques
Dames pour leurs Poulets,
font des galateries hors d'oeuvre,
& des marques de la petiteffe de
leur efprit,plutoft que de leur po
liteffe , & de leur honnefteté.
Leurs Lettres n'ont rien de galat,
fi vous en oftez le papier doré, la
foye, & la cire d'Espagne. Cet endroit
de la Civilité Françoiſe, me
fait fouvenir de cet autre des
Nouvelles nouvelles , où deux
prétédus beaux Efprits difputent
s'il faut mettre la datte d'une
Lettre au commencement , ou à
la fin. L'un répond, & peut-eftre
ΙΟ Extraordinaire
avec efprit, qu'aux Lettres d'af.
faires & de nouvelles , il faut
écrire la datte au haut , parce
qu'on eft bien - aiſe de fçavoir
d'abord le lieu & le temps qu'el
les font écrites ; mais que dans
les Lettres galantes & de complimens
, où ces chofes font de
nulle importance , il faut écrire
la datte tout au bas . Mais ils font
encore une autre Queſtion , fçavoir
, s'il faut écrire , de Madrid,
ou à Madrid ; & l'un d'eux la réfout
affez plaifamment , en difant
qu'il ne faut mettre ny à , ny de,
mais feulement Madrid ; & que
c'eft de la forte que le pratiquent
les Perfonnes de qualité.
Je fçay qu'il y a mille choſes
qu'il ne faut pas négliger dans
les Lettres, à l'égard du refpect,
du Mercure Galant . II
de l'honnefteté , & de la bien .
féance ; & c'est ce qu'on appelle
le decorum du Stile Epiftolaire,
qui en fait tantoft l'acceffoire,
& tantoft le principal. Toutes
ces formalitez font le principal
des Lettres de compliment, mais
elles ne font que l'acceffoire des
Lettres d'affaires, ou de galanterie.
Quand une Lettre inftru-
Ative, ou galante, eft bien écrite ,
on ne s'attache pas à examiner
s'il y a affez de Monfieur ou de
Madame , & fi le Serviteur treshumble
eft mis dans toutes les
formes ; mais dans une Lettre de
pure civilité , on doit obſerver
cela exactement . Ceux qui fçavent
vivre , & qui font dans le
commerce du grand monde, ne
manquent jamais à cela , me dira12
Extraordinaire
t - on , & ainfi il eft inutile de faire
ces fortes d'obfervations . Il eft
vray ;mais quandje voy que dans
les plus importantes négotiations
, un mot arrefte d'ordinaire
les meilleures teftes , & retarde
les dépefches les plus preffées,
quand je voy que l'Académie
Françoife fe trouve en peine
comment elle foufcrira au bas
d'une Lettre qu'elle veut écrire
à M' de Boifrobert , qu'elle ne
fçait fi elle doit mettre Vos tres
affclionnez Serviteurs, parce qu'
elle ne veut pas foufcrire vos tres
humbles Serviteurs , qu'enfin elle
cherche un tempérament , &
qu'elle foufcrit Vos tres paffionnez
Serviteurs , je croy que ces formalitez
font neceffaires , qu'on
peut entrer dans ces détails , &
81
du Mercure Galant.
13
s'en faire des regles judicieuſes &
certaines. Mais je ne puis approuver
qu'on aille prendre des
modelles de Lettres dans la Traduction
de Jofephe par M'd'Andilly
, car quel raport peut -il y
avoir entre un Gouverneur de
Province qui écrit à Lours LE
GRAND, & Zorobabel qui écrit
au Roy de Perfe ? Je ne m'étonne
donc pPfces Ecrivains
qui femblent eftre faits pour en
tretenir les Colporteurs, & pour
garnir les rebords du Pont. neuf,
n'ont pas réüffy dans les modelles
qu'ils nous ont donnez pour
bien écrire des Lettres. Leurs
Ouvrages font trop froids, ou de
pur caprice , & les Autheurs
n'eftoient pas prévenus des paffions
qu'il faut reffentir , pour
14
Extraordinaire
entrer dans le coeur de ceux qui
en font émûs. Perfonne ne fe
reconnoift dans leurs Lettres ,
parce que ce font des portraits
de fantaiſie , qui ne reſſemblent
pas . On n'a donc fait que fe di .
vertir des regles qu'ils nous ont
voulu preſcrire, & on a toûjours
crû qu'il eftoit impoffible de
fixer les Lettres dans un Royaume,
où l'on ne change pas moins
de mode pour écrire que pour
s'habiller.
La Nature nous eft icy plus
neceffaire que l'Art ; & l'Ecriture ,
qui eft le Miroir dans lequel elle
fe repréſente, ne rend jamais nos
Lettres meilleures , que
lors qu '
elles luy font plus femblables.
Comme rien n'eft plus naturel
à l'Homme que la parole , rien
du Mercure Galant.
IS
ne doit eftre plus naturel que fon
expreffion. L'Ecriture , comme
un Peintre fidelle, doit la repréfenter
à nos yeux de la mefme
maniere qu'elle frape nos oreilles
, & peindre dans une Lettre ,
ainfi que dans un Tableau , non
feulement nos paffions, mais encore
tous les mouvemens qui les
accompagnent. Jeſçay bien que
le Jugement venant au fecours
de l'Ecriture, retouche cette premiere
Ebauche , mais ce doit
eftre d'une maniere fi naturelle,
que l'Art n'y paroiffe aucunement
; car la beauté de cette
peinture confifte dans la naïveté.
Nos Lettres qui font des
Converfations par écrit, doivent
donc avoir une grande facilité,
pour atteindre à la perfection du
16 Extraordinaire
genre Epistolaire , & pour y
réüffir , les principales regies
qu'il faut obferver, font d'écrire
felon les temps , les lieux , & les
perfonnes. De l'obfervation de
ces trois circonstances dépend la
réüffite des belles Lettres, & des
Billets galants ; mais à dire vray,
tout le monde ne connoift pas
veritablement ce que c'est que
cet Art imaginaire , ny quelles
font les Lettres qui doivent eftre
dans les bornes du Stile Epiftolaire.
On les peut réduire toutes à
quatre fortes , les Lettres d'af
faires , les Lettres de compliment,
les Lettres de galanterie ,
les Lettres d'amour. Comme le
mot d'Epiſtre eft finonime à celuy
de Lettre, je ne m'arreſteray
du Mercure Galant. 17
point à expliquer cette petite
diférence. Je diray feulement
que le ftile de la Lettre doit eftre
fimple & coupé , & que le ftile
de l'Epiftre doit avoir plus d'ornement
& plus d'étendue , comme
on peut le remarquer chez
Fes Maiftres de l'Eloquence
Greque & Romaine .
Enfin
chacun fçait que le mot d'Epiftre
eft confacré dans la Langue Latine,
& qu'il n'eft en ufage parmy
nous , que dans les Vers, & àla
tefte des Livres qu'on dédie;
mais ce qui eft affez remarquable
, c'eft d'avoir donné le nom
de Lettres à cette maniere d'écrire
, ce nom comprenant toutes
les Sciences . On
peut neantmoins
le donner veritablement
à ces grandes & fçavantes Let-
Q.de Fuillet 1683.
B
18 Extraordinaire
tres de Balzac, de Coftar , & de
quelques autres celebres Autheurs
. Les Lettres d'affaires
font faciles , il ne faut qu'écrire
avec un peu de netteté , & -bien
prendre les moyens qui peuvent
faire obtenir ce qu'on demande.
Peu de ces Lettres voyent le jour,
& perfonne ne s'avife d'en faire
la Critique. Il n'en eft pas de
meline des Lettres de compli
ment . Comme elles font faites
pour fatisfaire à noftre vanité,
on les expoſe au grand jour , &
on les examine avec beaucoup
de rigueur. Il n'y en a prefque
point d'achevées , & l'on n'en
peut dire la raifon , fi ce n'eft que
de toutes les manieres d'écrire ,
le Panégyrique eft le plus difficile,
C'eft le dernier effort du
du Mercure Galant.
19
genre démonftratif. Ainfi il eſt
rare qu'une Lettre foit une veritable
Piece d'éloquence. De
plus , ces fortes de Lettres s'adreffent
toûjours à des Gens,
qui eftant prévenus de fortes
paffions , comme de la joye & de
la trifteffe , & qui ne manquant
pas de vanité & d'amour propre,
ne croyent jamais qu'on en dife
affez. Ceux- mefme qui n'y ont
point de part , en jugent felon
leur inclination , & ils trouvent
toûjours quelque chofe à redire,
parce que les louanges qu'on
donne aux autres , nous paroiffent
fades, par une fecrete envie
que le bien qu'on en dit nous
caufe. Mais au refte fi on eftoit
bien defabufé que les Lettres
ne font pas toujours des compli
Bij
20 Extraordinaire
mens & des civilitez par écrit,
qu'elles n'ont point de regles
précifes & certaines , peut- eſtre
n'en blâmeroit- on pas comme
l'on fait , de fort bonnes , & de
bien écrites. Si on eftoit encore
perfuadé que les Lettres font de
fidelles Interpretes de nos penfées
& de nos fentimens , que ce
1 font de veritables portraits de
nous.mefmes , où l'on remarque
jufques à nos actions & à nos manieres
, peut- eftre que les plus
négligées & les plus naturelles.
feroient les plus eſtimées . A la
yerité ces peintures , pour eſtre
quelquefois trop reffemblantes,
en font moins agreables, & c'eſt
pourquoy on s'étudie à ſe cacher
dans les Lettres de civilité, & de
compliment. Elles veulent du
du Mercure Galant. 21
fard ; & cette maniere réfervée
& refpectueuse dans laquelle
nous y paroiffons , réüffit bien
mieux qu'un air libre & enjoüé,
qui laiffe voir nos defauts, & qui
ne marque pas affez de foûmiffion
& de dépendance. Nous
voulons eftre veus du bon costé,
& on nous veut voir dans le ref
pect ; mais lors que l'on s'expofe
familierement , fans honte de
noftre part , & fans ceremonie
pour les autres, il eſt rare qu'on
nous aime , & qu'on nous approuve
, fur tout ceux qui ne
nous connoiffent pas , & qui ne
jugent des Gens que par de
beaux déhors. D'ailleurs comme
nos manieres ne plaiſent pas
tout le monde , il eft impoffible
que des Lettres qui en font plei
22
Extraordinaire
nes, ayent une approbation genérale.
Le Portrait plaiſt fouvent
encore moins que la Perfonne,
foit qu'il tienne à la fantaifie
du Peintre , ou à la fituation
dans laquelle on eftoit lors qu'on
s'eft fait peindre. Les Lettres
qu'on écrit quand on eft cha .
grin, font bien diférentes de celles
que l'on écrit dans la joye , &
dans ces heureufes difpofitions
où l'on fe trouve quelquefois ; &
ce font ces favorables momens
qui nous rendent aimables dans
tout ce que nous faifons . Il faudroit
donc n'écrire que lors
qu'on s'y est bien difpofe , car
toutes nos Epiftres chagrines ne
font pas fi agreables que celles
de Scarron. Mais enfin pour
réuffir dans les Lettres de civi-
"
du Mercure Galant.
23
lité , il faut avoir une grande
douceur d'efprit , des manieres
Alateuſes & infinuantes , un ftile
pur & élegant, du bon fens , &
de la jufteffe , car on a banny des
Complimens , le phébus & le
galimathias, qui en faifoient autrefois
toute la grace & toute la
beauté . Mais avant que de finir
cet Article , je croy qu'il eft à
propos de dire quelque chofe
du Compliment, qui fert de fond
& de fujet à ces fortes de Lettres.
Le Compliment , à le prendre
dans toute fon étenduë , eft un
genre de civilité , qui fubfifte
feul , fans le fecours de la Converfation
, des Harangues, & des
Lettres . Ainfi on dit , F'ay envoyé
faire un Compliment , on m'eft
24
Extraordinaire
venu faire un Compliment. Il entre
à la verité dans la Converſation ,
dans les Harangues , & dans les
Lettres , & il en conftitue l'effence
en quelque façon , mais il
en fort quelquefois, & lors qu'il
eft feul , il en difére effentiellement.
Il eft plus court , plus fimple,
plus jufte, & plus exact ; &
c'eſt de cette forte qu'il eft difficile
de le définir dans les termes
de la Rhétorique , parce qu'on
peut dire que les Anciens n'ont
fçeu ce que c'eftoit , au moins
de la maniere que nous le pratiquons
, & qu'ils ne nous en ont
point laiffé d'exemples . Tout
fentoit la Déclamation chez eux ,
& avoit le tour de l'Oraiſon , &
de la Harangue . Cependant je
dis que faire un Compliment à
quelqu'un,
du Mercure Galant.
25
que
paquelqu'un,
n'eft autre choſe
de luy marquer par de belles
roles , l'eftime & le refpect que
nous avons pour luy. Complimenter
quelqu'un , eft encore
s'humilier agreablement devant
luy. Enfin un Compliment eft
un Combat de civilitez réciproques
; ce qui a fait dire à M
Coftar
, que les Lettres eftoient
des Duels , où l'on fe bat fouvent
de raiſons , & où l'on employe
fes forces fans réſerve & fans retenuë
. Il eſt vray qu'il y en a
qui n'y gardent aucunes mefures ,
mais nos Complimens ne font .
ils pas des oppofitions , & des
contradictions perpétuelles ? On
y cherche à vaincre , mais le
Vaincu devient enfin le Victo .
rieux par fon opiniâtreté . Quelle
2. de Juillet 1683.
Queli
26 Extraordinaire
ridicule & bizare civilité , que
celle des Complimens ! Il entre
encore de la rufe & de l'artifice
dans cette forte de Combat , &
je ne m'étonne pas files Homes
fracs & finceres y font fi peu propres,
& regardent nos Compli
mens comme un ouvrage de la
Politique, comme un effet de la
corruption du Siecle, comme la
pefte de la Societé civile . Ils apellent
cela faire la Comédie, & difent
qu'on doit y ajoûter peu de
foy, parce que c'eſt une maxime
du Sage , qu'on n'eſt pas obligé
de garantir la verité des Compli
mens. Ainfi la meilleure maniere
de répondre aux louanges, c'eſt
de les contredire agreablement,
& de marquer de bonne grace
qu'on ne les croit pas , ou plutoft
du Mercure Galant.
27
toute la juſtice qu'on peut rendre
aux méchantes Lettres , & aux
fades Complimens , eft de ne les
pas lire, & de n'y pas répondre.
Les Lettres de galanterie font
difficiles.
Cependant c'eſt le
genre où l'on en trouve de plus
raifonnables. Un peu d'air & des
manieres du monde, une expreffion
aifée & agreable, je- ne -fçay
quelle délicateffe de penfer & de
dire les choſes, avec le fecret de
bien appliquer ce que l'on a de
lecture & d'étude , tout cela en
compofe le veritable caractere,
& en fait tout le prix & tout le
mérite. Cicéron eft le feul des
Anciens qui ait écrit des Lettres
galantes , en prenant icy le mot
de galanterie pour celuy de politeffe
&
d'urbanité , comme par-
C
ij
28 Extraordinaire
loient les Romains , c'est à dire,
du ftile qu'ils appelloient tocofum
&Facetum, Il eft certain auffi que
Voiture a la gloire d'avoir efté le
premier , & peut- eftre l'unique
entre les Autheurs modernes ,
qui ait excellé en ce genre de
Lettres. Mr Sorel dit mefme qu'il
en eſt l'Inventeur , & que nous
luy avons beaucoup d'obligation
de nous avoir garantis de l'importunité
des anciens Complimens
, dont les Lettres eftoient
pleines , & d'auoir introduit une
plus belle & facile méthode d'écrire.
M'de Girac, fon plus grand
Ennemy , demeure d'accord ,
qu'on ne peut rien penfer de plus
agreable que fes Lettres galantes,
qu'elles font remplies de fel
Attique , qu'elles ont toute la
du Mercure Galant. 294
douceur & l'élegance de Terence
, & l'enjoüement de Lucien
. Il faut donc avoir le génie
de Voiture , ou de Balzac , pour
bien faire des Lettres galantes.
Le remercîment d'un Fromage;
ou d'une Paire de Gans, leur en
fourniffoit une ample matiere,
& ç'a efté par là qu'ils ont acquis
une fi grande réputation.
Nous n'avons point de belles
Lettres d'amour, & mefme il s'en
trouve peu chez les Anciens . Ce
n'eft pas affez que de fçavoir bien
écrire , il faut aimer. Ceux qui
réüffiffent ne font pas Autheurs.
Les Autheurs qui aiment, cherchent
trop à plaire ; & comme
les Billets d'amour les plus né .
gligez font les meilleurs , ils croiroient
fe faire tort s'ils paroif.
C iij
30 Extraordinaire
foient de la forte. Chacun fait
encore miftere de fa tendreffe ,
& craint d'eftre veu dans cette
négligence amoureuſe . Mais ce
qui fait auffi noftre délicateffe
fur ce fujet , c'eſt que la paffion
des autres nous femble une ridicule
chimere . Il faut donc aimer.
C'eſt là tout le fecret pour bien
écrire d'amour , & pour en bien
juger.
Pourbien chanter d'amour, ilfaut
eftre amoureux.
Je croy
meſme que
l'Amour a
efté le premier
Inventeur
des
Lettres. Il eft Peintre , il eft
Graveur, il eft encore un fidelle
Courrier
qui porte aux Amans
des nouvelles de ce qu'ils aiment.
La grande affaire a toûjours
eſté
celle du coeur. L'amour qui d'adu
Mercure Galant.
31
bord unit les Hommes, ne leur
donna point de plus grands defirs
que ceux de le voir & de fe
communiquer, lors qu'ils eftoient
féparez par une cruelle abfence.
Leurs foûpirs portoient dans les
airs leurs impatiences amoureufes
; mais ces foûpirs eftoient
trop foibles , quelques violens
qu'ils fuffent , pour ſe pouvoir
rencontrer . Ils demeuroient toû
jours en chemin , ardens , mais
inutiles meffagers des coeurs,
Mille Chifres gravoient fur les
Arbres , & fur les matieres les
plus dures , leurs inquiétudes &
leurs peines ; mais les Zéphirs
qui les baifoient en paffant, n'en
pouvoient conferver l'image, ny
la faire voir aux Amans abfens.
Les Portraits qui confervent fi
C iiij
32
Extraordinaire
vivement l'idée de l'Objet aimé ,
ne pouvoient répondre à leurs
careffes paffionnées . Il fallut
donc d'autres Interpretes , d'au.
tres Simboles , d'autres Images
, pour le faire entendre , fe &
pour s'expliquer , dans une fi
fâcheufe abfence ; & on s'eſt
fervy des Lettres qui , apres les
yeux , ne laiffent rien à defirer à
l'efprit , puis qu'elles font les
plus exacts , & les plus fidelles
Secretaires de nos coeurs . En
effet, ne font-elles pas fufceptibles
de toutes les paffions ? Elles
font triftes , gayes , coleres, amou
reufes , & quelquefois remplies
de haine & de reffentiment , car
les paffions fe peignent fur le
papier comme fur le vifage . On
avoit befoin de l'expreffion de
du Mercure Galant.
33
ces mouvemens, pour bien juger
de nos Amis pendant l'abſence.
C'est à l'Ecriture qu'on en eft
redevable , mais fur tout à l'A- .
mour, qui l'a inventée , Littera
opus amoris.
La gloire de bien écrire des
Lettres d'amour , a donc efté
réſervée avec juſtice au galant
Ovide. Il fçavoit l'art d'aimer,
& le mettoit en pratique. Quoy
qu'il ait pris quelquefois des fu
jets feints pour exprimer cette
paffion , il a fouvent traité de ſes
amours fous des noms empruncar
enfin qu'auroit - il pû
dire de plus pour luy mefme ?
Peut- on rien voir de plus touchant
& de plus tendre que les
Epiftres d'Ariane à Théfée , de
Sapho à Phaon , & de Léandre
tez ;
34
Extraordinaire
à Héro ? Mais ce que j'y admire
fur tout , ce font certains traits
fins & délicats , où le coeur a
bien plus de part que l'efprit.
Au refte on ne doit pas eftre
furpris , fi les Epiftres d'Ovide
l'emportent fur toutes
les Lettres d'amour , qui nous
font restées de l'Antiquité , &
mefme fur les Billets les plus galans
& les plus tendres d'apré.
fent. Elles font en Vers , & l'a
mour est l'entretien des Mufes.
Il eſt plus vif & plus animé dans
la Poëfie , que dans fa propre
effence , dit Montagne . L'avantage
de bien écrire d'amour appartient
aux Poëtes , affure M
de Girac ; & le langage des Hommes
eft trop bas pour exprimer
une paffion fi noble. C'est peutdu
Mercure Galant.
35
eftre la raison pourquoy nos
vieux Courtisans faifoient pref
que toujours leur Déclaration
d'amour en Vers , ou plutoft la
faifoient faire aux meilleurs Poëtes
de leur temps , parce qu'ils
croyoient qu'il n'y avoit rien de
plus excellent que la Poëfie , pour
bien repréſenter cette paffion ,
& pour l'inspirer dans les ames.
Mais tout le monde ne peut
pas eftre Poëte, & il y a encore
une autre raifon , qui fait que
nous avons fi peu de belles Lettres
d'amour ; c'eft qu'elles ne
font pas faites pour eftre veuës.
Ce font des oeuvres de tenebres,
qui fe diffipent au grand jour ; &
ce qui me le fait croire, c'eſt que
dans tous les Romans , où l'amour
eſt peint fi au naturel , où
36
Extraordinaire
les paffions font fi vives & fi ardentes
, où les mouvemens font
fi tendres & fi touchans , où les
fentimens font fi fins & fi délicats
; dans ces Romans , dis je,
dont l'amour profane a dicté toutes
les paroles , on ne trouvera
pas à prendre depuis l'Aſtrée jufqu'à
la Princeffe de Cléves , de
Lettres excellentes, & qui foient
achevées en ce genre. C'eft là
où prefque tous les Autheurs de
ces Fables ingénieuſes ont échoué.
Toutes les intrigues en
font merveilleufes , toutes les
avantures furprenantes , toutes
les converfations admirables ,
mais toutes les Lettres en font
médiocres ; & la raiſon eft, que
ces fortes de Lettres ne font pas
originales . Ce font des fantaifies,
du Mercure Galant. 37
des idées , & des peintures , qui
n'ont aucune reffemblance . Ces
Autheurs n'ont écrit ny pour
Cyrus , ny pour Clélie, ny pour
eux , mais feulement pour le Public
, dont ils ont quelquefois
trop étudié le gouft & les manieres
. Mais outre cela , s'il eft
permis de raconter les conqueftes
& les victoires de l'Amour,
les combats & les foufrances des
Amans , la gloire du Vainqueur,
la honte & les foûpirs des Vaincus
, il est défendu de réveler les
fecrets & les miſteres de ce Dieu,
& c'est ce que renferment les
Billets doux & les Lettres d'amour.
Il est dangereux de les intercepter
, & de les communiquer
à qui que ce ſoit qu'aux Intéreflez,
qui en connoiffent l'im38
Extraordinaire
portance. Le don de penétrer &
de bien goufter ces Lettres , n'apartient
pas aux Efprits fiers &
fuperbes , mais aux Ames fimples ,
pures & finceres , à qui l'amour
communique toutes les delices.
Les grands Génies fe perdent
dans cet abîme . Les fiers , les infenfibles
, les inconftans , enfin
ceux qui raiſonnent de l'amour,
& qui préfument tant de leurs
forces , ne connoiffent rien en
toutes ces chofés .
On ne doit pas chercher un
grand ordre dans les Lettres d'amour
, fur tout lors qu'elles repréfentent
une paffion naiffante,
& qui n'ofe fe déclarer ; mais il
faut un peu plus d'exactitude
dans les Réponses qu'on y fait.
Une Perfonne qui a épanché ſon
du Mercure Galant.
39
coeur fur plufieurs articles, & qui
eft entrée dans le détail de ſa paffion
, veut qu'on n'oublie rien, &
qu'on réponde à tout. Elle ne
feroit pas contente de ce qu'on
luy diroit en gros de tendre &
de paffionné , & le moindre article
négligé , luy paroiftroit d'un
mépris, & d'une indiférence impardonnable.
Le premier qui
écrit, peut répandre fur le papier
toutes les penfées de fon coeur,
fans y garder aucun ordre, & s'abandonner
à tous fes mouvemens
; mais celuy qui répond ,
a toûjours plus de modération .
Il obferve l'autre , le fuit pas
pas, & ne s'emporte qu'aux endroits
, où il juge que la paffion
eft neceffaire , car enfin les af
faires du coeur ont leur ordre &
à
40
Extraordinaire
leur exactitude auffi- bien que les
autres. J'avoue que ces Lettres
ont moins de feu , moins de bril .
lant , & moins d'emportement
que les premieres ; mais pour
eftre plus moderées & plus tranquilles
, elles ne font pas moins
tendres & moins amoureuſes.
Si l'on confidere fur ce pied - là
les Réponses aux Lettres Portugaifes
, on ne les trouvera pas fi
froides & fi languiffantes que
quelques- uns ont dit. C'est un
Homme qui écrit , dont le cara-
&tere eft toûjours plus judicieux
que celuy d'une Femme. Il fe
juftifie, il raffure l'efprit inquiet
de fa Maîtreffe , il luy ofte fes
fcrupules , il la confole enfin , il
répond exactement à tout . Cela
demande plus d'ordre , que les
du Mercure Galant.
41
faillies volontaires de l'amour,
dont les Lettres Portugaiſes font
remplies . Si les Réponses font
plus raisonnables , elles font auffi
tendres & auffi touchantes que
les autres , defquelles pour ne
rien dire de pis , on peut affurer
qu'elles font des images de la
paffion la plus defordonnée qui
fut jamais. L'amour y eft auffi
naturellement écrit , qu'il eftoit
naturellement reffenty . C'eft
une violence & un déreglement
épouvantable . S'il ne faut que
bien des foibleffes pour prouver
la force d'une paffion , fans -doute
que la Dame Portugaife aime
bien mieux que le Cavalier François
, mais s'il faut de la raiſon ,
du jugement, & de la conduite,
pour rendre l'amour folide &
Q. deJuillet 1683.
D
42 Extraordinaire
durable , on avoüera que le Cavalier
aime encore mieux que la
Dame. Les Femmes fe flatent
qu'elles aiment mieux que nous,
parce que l'amour fait un plus
grand ravage dans leurs ames,
& qu'elles s'y abandonnent entierement
; mais elles ne doivent
pas tirer de vanité de leur foibleffe
. L'Amour eft chez elles
un Conquérant, qui ne trouvant
aucune réfiftance dans leurs
cours, paffe comme un torrent,
& n'a pas plutoſt aſſujetty leur
raiſon, qu'il abandonne la place.
Mais chez nous , c'eſt un Ufurpateur
fin & rufé , qui fe retranche
dans nos coeurs , & qui les
conferve avec le mefine foin qu'il
les a pris . Il s'accommode avec
noftre raiſon , & il aime mieux
du Mercure Galant.
43
regner plus feûrement & plus
longtemps avec elle , que de
commander feul , & craindre à
tous momens la revolte de fon
Ennemie . C'eſt donc le bon fens
abufé , & la raiſon féduite , qui
rendent l'amour conftant & in
vincible , & c'eft de cette forte
d'amour dont nous voyons le
portrait dans les Réponses aux
Lettres Portugaifes, & dans prefque
toutes celles qui ont le veritable
caractere de l'Homme.
Ovide ne brille jamais tant dans
les Epiftres de fes Héros , que
dans celles de fes Héroïnes. Il
obſerve dans les premieres plus
de fageffe , plus de retenue , &
bien moins d'emportement
. On
fe trompe donc de croire
que
Lettres amoureufes ne doivent
les
Dij
44
Extraordinaire
Ne pas eftre fi raisonnables .
feroit.ce point plutoft que les
Femmes fentant que nous avons
l'avantage fur elles pour les Lettres
, & que nous regagnons à
bien écrire , ce qu'elles nous of
tent à bien parler , ont introduir
cette maxime, qu'elles l'emportoient
fur nous pour les Lettres
d'amour , qui pour eſtre bien paf
fionnées , ne demandent pas, difent
elles , tant d'ordre , de liaifon,
& de fuite ? Cette erreur a
gagné la plupart des Efprits, qui
font valoir je - ne - fçay quels Billets
déreglez , où l'on voit bien
de la paffion , mais peu d'efprit
& de délicateſſe
, non pas que je
veüille avec Mi de Girac , que
pour réüffir dans les Lettres d'amour
, on ait tant d'efprit , &
du Mercure Galant,
45
qu'on ne puiffe fçavoir trop de
chofes. La paffion manque rarement
d'eftre éloquente , a dit
agreablement un de nos Autheurs
; & en matiere d'amour,
on n'a qu'à fuivre les mouvemens
de fon coeur. Le Bourgeois Gentilhomme
n'eftoit pas fi ridicule
qu'on croiroit bien , de ne vou
loir ny les feux , ny les traits du
Pédant Hortenfius, pour déclarer
fa paffion à fa Maîtreffe, mais
feulement luy écrire , Belle Marquife,
vos beauxyeux me font mourir
d'amour. C'en feroit fouvent affez ,
& plus que toute la fauffe galanterie
de tant de Gens du monde,
qui n'avancent guére leurs affaires
avec tous leurs Billets doux,
qui cherchent fineffe à tout , &
qui fe tuënt à écrire des Riens,
46
Extraordinaire
d'une maniere galante , & qui
foient tournez gentiment , comme
parle encore le Bourgeois Gentilhomme.
Ceux qui ont examiné de pres
les Lettres amoureufes de Voiture
, n'y trouvent point d'autre
defaut que le peu d'amour . Voiture
avoit de l'efprit , il eftoit
galant, il prenoit feu meſme aupres
des Belles ; mais il n'aimoit
guére, & fongeoit plutoft à dire
de jolies chofes , qu'à exprimer
fa paffion. Il eftoit de compléxion
amoureufe, dit M' Pelliffon
dans fa Vie , ou du moins feignoit
de l'eftre, car on l'accuſoit
de n'avoir jamais veritablement
aimé. Tout fon amour eftoit
dans fa tefte , & ne defcendoit
jamais dans fon coeur. Cet amour
du Mercure Galant. · 47
fpirituel & coquet eft encore la
caufe pourquoy fes Lettres font
fi peu touchantes , & prefque
toutes remplies de fauffes pointes,
qui marquent un efprit badin
qui ne fçait que plaifanter . Or il
eft certain qu'en amour la plaifanterie
n'eft pas moins ridicule,
qu'une trop grande fageffe. Les
Lettres amoureufes de Voiture
ne font
pas des Originaux que la
Jeuneffe doive copier , mais que
dis-je , copier? Toutes les Lettres.
d'amour doivent eftre originales.
Dans toutes les autres on peut
prendre de bons modelles ,
les imiter ; mais icy il faut que
le coeur parle fans Truchement.
Qui fe laiffe gagner par des paroles
empruntées , mérite bien
d'en eftre la Dupe. L'amour eft
&
48
Extraordinaire
affez éloquent , laiffez le faire ;
s'il eft réciproque, on fçaura vous
entendre, & vous répondre . Mais
c'eft affez parler des Lettres d'a
mour, tout le monde s'y croit le
plus grand Maiftre.
Je pourrois ajoûter icy les Lettres
de Politique ; mais outre
qu'elles font compriſes dans les
Lettres d'affaires, il en eft comme
de celles d'amour. Le Cabinet
& la Ruelle obfervent des
regles particulieres , qui ne font
connues que des Maiftres . Il n'y
a point d'autres préceptes à pra
tiquer, que ceux que l'Amour &
la Politique infpirent ; mais neanmoins
fi l'on veut des modelles
des Lettres d'affaires, on ne peut
en trouver de meilleures que celles
du Cardinal du Perron , & du
Cardinal
du Mercure Galant.
49
Cardinal d'Offat, puis qu'au fentiment
de M'de la Mote leVayer,
la Politique n'a rien de plus confiderable
que les Lettres de ce
dernier.
Voila à peu prés l'ordre qu'on
peut tenir dans les Lettres . Cependant
il faut avouer qu'elles ne
font plus aujourd'huy das les bor.
nes du StileEpiftolaire . Celles des
Sçavans , font des Differtations ,
& des Préfaces ; celles des Cavaliers
& des Dames , des Entretiens
divers , & des Converſations
galantes. Si un Ecclefiaftique
écrit à quelqu'un fur la naiffance
d'un Enfant , il luy fait un
Sermon fur la fécondité du Ma.
riage , & fur l'éducation de la
Jeuneffe. Si c'eſt un Cavalier qui
traite le mefme fujet , il fe divertit
Q.de Fuillet 1683.
E
So Extraordinaire
fur les Couches de Madame , il
complimente le petit Emmailloté
, & faifant l'Aftrologue avant
que de finir fa Lettre , il
allume déja les feux de joye de
fesVictoires, & compofe l'Epithalame
de fes Nôces. Neantmoins
on appelle tout cela de belles &
de grandes Lettres ; mais on de
vroit plus juſtement les appeller
de grands Difcours , & de petits
Livres , au bas deſquels , comme
dit M' de Girac , on a mis voftre
tres-humble & tres- obeiſſant Serviteur.
Il n'y a plus que les Procureurs
qui demeurent dans le veritable
caractere des Lettres . On
ne craint point d'accabler une
Perfonne par un gros Livre fous
le nom de Lettre ; & je me fouviens
toûjours de la Lettre de
du Mercure Galant.
SI
trente- fix pages que Balfac écrivit
à Coftar , & dont ce dernier
ſe tenoit fi honoré. C'eſt à qui
en fera de plus grandes , & qui
pour un mot d'avis , compoſera
un Avertiffement au Lecteur,
mais quand on envoye de ces
grandes Lettres à quelqu'un , on
peut luy dire ce que Coftar dit
à Voiture , peut - eſtre dans un
autre fens , Habes ponderofiffimam
Epiftolam ,, quanquam non maximi
ponderis. Mais ces Meffieurs veu
lent employer le papier & écrire,
donec charta defecerit. C'est ce qu'a
fait M' de la Motte le Vayer dans
1 fes Lettres , qui ne font que des
compilations de lieux communs,
S & qu'avec raifon il a nommées
petits Traitez en forme de Lettres
, écrites à diverfes Perfonnes
E ij
32 Extraordinaire
ftudieuſes. Cependant il prétend
à la qualité de Seneque François,
& il dit que perfonne n'avoit encore
tenté d'en donner à la France
, à l'imitation de ce Philofophe.
Il éleve extrémement les
Epiftres de Seneque , afin de
donner du luftre aux fiennes . II
a raifon ; car il eft certain que
toute l'Antiquité n'a rien de
comparable en ce genre , non pas
mefme les Epiftres de Cicéron ,
qui toutes élegantes , & toutes
arbaniques qu'elles font , n'ont
rien qui approche, non feulement
du brillant & du folide de celles
de Seneque , mais encore de jene-
fçay- quel air , qui touche , qui
plaift , & qui gagne le coeur &
l'efprit , dés la premiere lecture .
Mais enfin quoy que ces petits
du Mercure Galant.
53
Ouvrages qu'on appelle Lettres,
n'ayent que le nom de Lettres,
c'eſt une façon d'écrire tres - fpirituelle
, tres- agreable , & mefme
tres - utile , comme on le voit par
les Lettres de M' de la Motte le
Vayer , qui font pleines d'érudi
tion , d'une immenfe lecture , &
d'une folide doctrine . Il n'a tenu
qu'à la Fortune , dit M' Ogier,
que les Lettres fçavantes de Balzac,
n'ayet efté des Harangues &
des Difcours d'Etat . Si on en ofte
le Monfeigneur , & voftre tres-humble
Serviteur , elles feront tout ce
• qu'il nous plaira ; & il ajoûte
apres Quintilien , que le Stile
des Lettres qui traitent de Sciences
, va du pair avec celuy de
l'Oraifon . Je voudrois donc qu'on
donnaſt un nouveau nom à ce
E iij
34
Extraordinaire
genre d'écrire , puis que c'eft
une nouvelle choſe. Je voudrois
encore qu'on laiſſaſt aux
Lettres d'affaires & de refpect,
l'ancien Stile Epiſtolaire , & que
tout le refte des chofes qu'on
peut traiter avec fes Amis , ou
avec les Maîtreffes , portaft le
nom dont on feroit convenu .
En effet ne feroit- il pas à propos
qu'une Lettre qu'on écrit à un
Homme fur la mort de fa Femme
, ne fuft pas une Oraifon funebre
; celle de conjoüiffance ,
une Panilodie , celle de recommandation
, un Plaidoyé , & ainſi
des autres , que les diverfes conjonctures
nous obligent d'écrire.
Ce n'eft pas que ces Livres en
forme de Lettres , manquent d'agrément
& d'utilité , on les peut
du Mercure Galant.
55
3.
lire fans ennuy quand elles font
bien écrites , & mefme on y apprend
quelquefois plus de chofes
que dans les autres Ouvrages ,
qui tiennent de l'ordre Romanefque
, ou de l'Ecole ; mais on ne
doit trouver dans chaque chofe
que ce qu'elle doit contenir. On
cherche des Civilitez & des
Complimens dans les Lettres , &
non pas des Hiftoires , des Sermons
, ou des Harangues ; on a
raifon de dire qu'il faut du temps
pour faire une Lettre courte , &
fuccincte. Ce n'eft pas un paradoxe
, non plus que cette autre
maxime , qu'il eft plus aifé de
faire de longues Lettres , que de
courtes ; tout le monde n'a pas
cette brieveté d'Empereur dont
parle Tacite , & tous les demis
E iiij
36
Extraordinaire
beaux Efprits ne croyent jamais
en dire affez , quoy qu'ils en difent
toûjours trop .
Il feroit donc à propos qu'on
remift les chofes au premier état,
on trouveroit encore affez d'autres
fujets , pour faire ce qu'on
appelle de grandes Lettres , &
l'on auroit plus de plaifir à y travailler
fous un autre nom ; car ce
qui fait aimer cette façon d'écrire
, c'est que beaucoup de
Perfonnes qui ont extrémement
de l'efprit , le font paroiftre par là.
Tout le monde ne fe plaift pas à
faire des Livres , & il feroit fâcheux
à bien des Gens , d'étoufer
tant de belles penſées , & de
beaux fentimens , dont ils veulent
faire part à leurs Amis. Les
Femmes fpirituelles font intedu
Mercure Galant.
$7
reffées en ce que je dis , auffibien
que les Hommes galans .
Ces Hommes doctes du Cercle ,
& de la Rüelle , dont les opinions
valent mieux que toute la doctrine
de l'Univerfité , & dont un
jour d'entretien vaut dix ans d'école
; les Balzac , les Coftar, les
Voiture , fe font rendus inimortels
par leurs grandes Lettres , &
cette lecture a plus poly d'Efprits ,
& plus fait d'honneftes Gens , que
tous les autres Livres. En effet
il y a bien de la diférence entre
leur Stile , & le langage figuré
de la Poëfie , l'emphatique des
Romans , & le guindé des Orateurs
, fans parler de cet ar de
politeffe , & de galanterie , qu'on
ne trouve paschez les autres Autheurs.
Si nous en croyons CoЯar
$8
Extraordinaire
dans Epiftre de fes Entretiens
qu'il dédie à Conrard , l'invention
de ces fortes de Lettres luy
eft deuë , & à Voiture . Nous
nous avifames , dit- il , M' de Voiture
& moy de cette forte d'Entretiens
qui nous fembloit une image
affez naturelle de nos Converfations
ordinaires, & qui lioit une fi étroite
communication de pensées entre deux
abfens , que dans noftre éloignement,
nous ne trouvions guéres à dire
qu'une fimple & legere fatisfaction
de nos yeux , & de nos oreilles. Tout
ce qu'on peut ajoûter à cela , eſt
que ces fortes de Lettres font feu
lement l'image de la Converfation
de deux Sçavans ; car d'autres
Lettres auffi longues , feroient
de faides images de la Converfation
des Ignorans , & du
du Mercure Galant.
59
vulgaire , mais enfin je voudrois
que l'Académie euft efté le Parain
de ce que nous appellons de
grandes Lettres.
Difons maintenant quelque
chofe des Billets , qu'on peut
nommer les Baftards des Lettres
& des Epiftres,fi j'ofe parler ainfi.
Ce que j'appellois tantoft des
Lettres d'affaires , fe nomme
quelquefois des Billets . Les Amans
mefme s'en fervent , quand
ils expriment leur paffion en racourcy
. Ce genre d'écrire fuplée
à toutes les Lettres communes,
& ce qui eft commode c'eft
qu'on n'y obferve point les qualitez
. Les noms de Monfieur &
de Madame s'y trouvent peu , toû
jours en parenteſe , & jamais au
commencement. J'ay crû que
60 Extraordinaire
cette invention eftoit venuë de la
lecture des Romans , où l'on s'appelle
Tirfis & Silvandre , & où
il n'y a que les Roys , & les Reynes
, aufquels on donne la qualité
de Seigneurs , & de Dames ; mais
j'ay remarqué qu'autrefois dans
les Lettres les plus férieuſes , on
n'obfervoit pas ces délicateffes
de cerémonies , comme de mettre
toûjours à la tefte , Sire, écrivant
au Roy ; ou Monseigneur , écrivant
à quelque Prince, ou à quelque
Grand, & de laiffer un grand
eſpace entre le commencement
de la Lettre. Toutes les Epiftres
dédicatoires de nos anciens Autheurs
en font foy , & commencent
comme celles des Tragédies
de Garnier. Si nous , originaires
Sujets de Voftre Majesté, Sire , vous
du Mercure Galant. 61
devons naturellement nos Perfonnes,
&c. Voila comme ce Poëte écrit
à Henry III . & à M¹ de Rambouillet
, Quand la Nobleffe Françoife
embraffant la vertu comme vous
faites , Monfeigneur , &c. Cela
femble imiter le Stile Epiſtolaire
des Anciens , dont le cerémonial
eftoit à peu prés de cette forte ,
car j'appelle ainfi ces fcrupuleuſes
regles de civilité , que
quelques uns ont introduites
dans les Lettres. Quoy qu'il en
foit , on dit que Madame la Marquife
de Sablé a inventé cette
maniere d'écrire commode &
galante , qu'on nomme des Billets.
Nous luy fommes bien redeva
bles de nous avoir délivrez par
ce moyen de tant de civilitez fâcheufes
, & de complimens in
-
62 Extraordinaire
fuportables. Ce n'eft pas qu'il n'y
faille apporter quelque modification
, car on en abufe en beaucoup
de rencontres , & l'on rend
un peu trop commun , ce qui n'ef
toit employé autrefois que par les
Perfonnes de la premiere qualité,
envers leurs inférieurs , d'égal à
égal , & dans quelque affaire de
peu d'importance , ou dans une
occafion preffante. Enfin les Bil
lets doivent eftre fuccincts pour
l'ordinaire , & n'eftre pas fans
civilité. Seneque veut que ceux
que nous écrivons à nos Amis ,
foient courts. Quandje vous écris,
dit- il à Lucilius , il me semble que
je ne dois pas faire une Lettre , mais
un Billet , parce que je vous vois , je
vous entens , & je fuis avec vous.
En effet , les Billets n'ayant lieu
du Mercure Galant.
63
que lors qu'on n'eft pas éloigné
les uns des autres , ou lors qu'on
n'a pas le loifir d'écrire plus amplement
, il n'eft pas befoin d'un
grand nombre de paroles , il ne
faut écrire que ce qui eft abfolument
neceffaire , & remettre
le refte à la premiere occafion.
Il femble qu'avec la connoiffance
de toutes ces chofes , il ne
foit pas difficile de réüffir dans le
Stile Epiftolaire. Cependant je
ne craindray point de dire que
les plus habiles Hommes n'y rencontrent
pas toûjours le mieux,
& qu'une Lettre bien faite eft le
chefd'oeuvre d'un bel Efprit . Il
y a mefme des Gens qui en ont
infiniment , qui n'ont aucun talent
pour cela , & qui envient
avec M' Sarazin , la condition de
64
Extraordinaire
leurs Procureurs , qui commencent
toutes leurs Lettres par je
vous diray , & les finiffent par je
fuis. Je ne m'en étonne pas . Il
n'y a point de plaifir à fe com.
mettre , & c'eft ordinairement
par les Lettres qu'on juge de l'ef
prit d'un Homme . Če doit eftre
fon veritable portrait , & s'il a
du bon fens , ou s'il en manque,
il cft impoffible qu'on ne le voye
par là . On voit bien à ta Lettre ,
dit Théophile répondant à un
Fat , que tu n'es pas capable de
beaucoup de choses. Qui ne fait pas
bien écrire , ne fçait pas bien imaginer.
Ton entendement n'eft pas
plus agreable que ton file. Ceux
qui brillent dans la Converfation
, & dans les Ouvrages de
galanterie , ont quelquefois de
du Mercure Galant. 65
la peine à s'affujettir aux regles
aufteres d'une Lettre férieufe. Il
ya encore bien des Gens qui ne
fçauroient écrire que comme ils
parlent , & ce n'eft pas cela .
Rien n'impofe fur le papier , la
voix , le gefte , ne peuvent s'y
peindre avec le difcours , & ces
chofes bien fouvent en veulent
plus dire que ce qu'on écrit . Mais
comme on ne dit pas aux Gens
les chofes de la maniere qu'on les
écrit , on ne doit pas auffi leur
écrire de la maniere qu'on leur
parle , & comme dit M le Chevalier
de Meré , Il y a de cerm
taines Perfonnes quiparlent bien en
apparence , & qui ne parlent pas
bien en effet. Comme ilfaut duſoin,
& de l'application pour bien écrire
& de
tes Perfonnes ne veulent pas fe don-
Q.deJuillet 1683 .
E
66 Extraordinaire
ner tant depeines , & c'est pourquoy
elles font rarement de belles Lettres .
De plus , ajoûte´ce galant Homme
, ces beaux Efprits commencent
toûjours leurs Lettres trop finement,
ils ne fçauroient les foutenir. Cela
les ennuye , les laffe , & les dégoûte.
Cependant ilfaut toûjours rencherir
fur ce qu'on adit en commençant, &
lors qu'une Lettre eft longue , tant de
fubtilité devient laffante. Enfin il ne
faut ny outrer, nyforcer , ny tirer de
loin ce qu'on veut dire , cela réuſſit
toûjours mal.
La pratique de toutes ces regles
, peut rendre un Homme ha
bile en ce genre d'écrire , & rien
n'eſt plus capable de luy donner
de la réputation. Nous l'avons
veu dans quelques Autheurs modernes
, & ce que les Anciens
du Mercure Galant.
67
2
J
1
S
nous ont laiſſé du Stile Epifto .
laire , l'emporte pour l'agrément
& la délicateffe , fur tous les autres
Ecrits. Les Epiftres de Ci
céron , les Epiftres de Seneque,
& celles d'Ovide , font encore
les délices des Sçavans , pour ne
rien dire des Epiftres de S. Jérôme
, de S. Grégoire , de S. Ber
nard , & de plufieurs autres Peres
de l'Eglife , où l'on ne voit pas
moins d'efprit , & d'éloquence,
que de doctrine , & de pieté.
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Résumé : DU STILE EPISTOLAIRE.
Le texte explore l'art épistolaire, soulignant que l'écriture est l'image de la parole, elle-même reflet de la pensée. La parole est divine et rapide, tandis que l'écriture est durable et fixe les pensées, permettant ainsi de communiquer à distance et de conserver les connaissances et les actions des grands hommes. L'écriture épistolaire est particulièrement utile pour suppléer à l'absence et à l'éloignement des personnes. Les anciens Gaulois, par exemple, étaient braves et savants sans l'aide de l'écriture, mais dans le commerce de la vie, les lettres permettent de se parler et de s'entretenir comme si l'on était ensemble. Elles donnent une forte idée de la personne aimée, comme le dit une amoureuse portugaise, et sont nommées les 'discours des absents', permettant à l'homme de se répandre et de se communiquer dans le monde entier. Le texte critique ceux qui rendent l'écriture des lettres difficile et fastidieuse, préférant la simplicité et la naturalité. Il mentionne que l'art de l'écriture épistolaire a été formalisé par certains auteurs, mais que ces règles peuvent sembler affectées et inutiles. Les lettres doivent respecter le decorum, c'est-à-dire le respect, l'honnêteté et la bienséance, mais ces formalités varient selon le type de lettre (compliment, affaire, galanterie). Le texte distingue quatre types de lettres : les lettres d'affaires, les lettres de compliment, les lettres de galanterie et les lettres d'amour. Les lettres de compliment sont les plus difficiles à écrire, car elles doivent flatter la vanité des destinataires. Les lettres doivent être naturelles et refléter les pensées et les sentiments de l'auteur, même si elles sont souvent fardées pour plaire. Le texte aborde également les caractéristiques des lettres amoureuses et des réponses aux Lettres portugaises, soulignant que ces réponses ne sont pas froides ou languissantes, mais plutôt judicieuses et rassurantes. Il compare les expressions de l'amour entre hommes et femmes, notant que les femmes se laissent souvent submerger par la passion, tandis que les hommes intègrent la raison et la conduite pour rendre l'amour constant et durable. Les lettres d'amour sont rares et nécessitent de véritables sentiments amoureux. L'amour est présenté comme l'inventeur des lettres, permettant aux amants de communiquer à distance. Ces lettres doivent être tenues secrètes et sont mieux exprimées en poésie. Le texte discute des 'grandes Lettres' qui reflètent la conversation entre savants, et des 'Billets', qualifiés de 'bâtards des Lettres et des Épîtres', utilisés pour des communications brèves et informelles. Les billets sont pratiques car ils ne suivent pas les formalités des lettres traditionnelles. Ils sont attribués à Madame la Marquise de Sablé, qui a simplifié les lettres en supprimant les civilités excessives. Cependant, les billets doivent rester courtois et concis, adaptés aux situations urgentes ou aux communications entre proches. Le texte souligne la difficulté de bien écrire une lettre, considérant qu'elle est le chef-d'œuvre d'un bel esprit. Il mentionne que certains, malgré leur intelligence, manquent de talent épistolaire. Les lettres bien écrites révèlent l'esprit de leur auteur. Enfin, le texte insiste sur la nécessité de suivre des règles pour maîtriser l'art épistolaire, citant des auteurs anciens et modernes dont les épîtres sont des modèles de délicatesse et d'agrément.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 229-231
PORTRAIT.
Début :
Croyez, sans craindre de faire Un Jugement teméraire, [...]
Mots clefs :
Jugement, Portrait, Agrément, Bel esprit, Politesse, Modèle, Galanterie, Éclat, Visage, Cheveux, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT.
PORTRAIT.
Royez ,fans craindre defaire
On
Un Jugement teméraire,
Queje ne vous diray que des chofes defait.
Pour donc de mon Portrait
Commencer l'image agreable,
Fay beaucoup d'enjoûment,
Et dans ce que je fais je mefle un agré
ment
Qui merendfort aimable.
&A
Fay l'efprit vif, brillant, joly,
Qui cependant n'ôte rien du folide;
Fay le langage fi poly,
Que je paffe déja pour modelle & pour
guide:
M'eftant fort appliquée à lire les Romans ,
230
Extraordinaire
Fay tiré par bonheur de ces bonnes lectures
L'Art d'inventer à tous momens
Mille Contes, mille Avantures.
VA
cherche à m'enfaire conter;
Mais toute magalanterie
Neva qu'à la badinerie,
Mon deffein n'eft que d'écouter.
Ainfi mon humeur eft coquette,
Et maconduite ne l'eft pas;
En aimant lafleurette,
J'enfçais éviter l'embarras.
&A
Chez moy lefard n'eft point d'usage,
Car, grace au Ciel,
L'éclat de mon visage
Eft un Vermeillon naturel.
Jay lefront gros, qui porte en guife de
Moutonne
Des cheveux blondsfrifezfans art,
Mon nez n'eft ny long, ny camard,
Mes yeuxfont affez vifs pour n'épargner
perfonne,
du Mercure Galant.
zzī
Etferoient beaux s'ils eftoient moins
petits;
Fay la bouchefort belle
Lors que je ne ris pas, fort grande quand
je ris,
Et je ris, par malheur pour elle,
D'un rien, & d'une bagatelle.
RA
Fay le teint vif, délicat, éclatant,
La gorge bien garnie, & la main porelée,
Ma taille eftfort petite, & j'enfuis confolée,
Elle eftfine, & le reste eft affez ragouftant.
Ceux qui liront cesVers,feront ravis peuteftre
De pouvoiraisément connoistre
Si je ne leur impoſe rien;
Qu'ils s'informent, je le veux bien,
Sij'ay ce prétendu mérite;
Et pourmarquer que j'aime ce party,
Qu'ils apprennent mon nom ; pour eftre
un peu petite,
On m'a donné celuy de RAT- GENTY.
Royez ,fans craindre defaire
On
Un Jugement teméraire,
Queje ne vous diray que des chofes defait.
Pour donc de mon Portrait
Commencer l'image agreable,
Fay beaucoup d'enjoûment,
Et dans ce que je fais je mefle un agré
ment
Qui merendfort aimable.
&A
Fay l'efprit vif, brillant, joly,
Qui cependant n'ôte rien du folide;
Fay le langage fi poly,
Que je paffe déja pour modelle & pour
guide:
M'eftant fort appliquée à lire les Romans ,
230
Extraordinaire
Fay tiré par bonheur de ces bonnes lectures
L'Art d'inventer à tous momens
Mille Contes, mille Avantures.
VA
cherche à m'enfaire conter;
Mais toute magalanterie
Neva qu'à la badinerie,
Mon deffein n'eft que d'écouter.
Ainfi mon humeur eft coquette,
Et maconduite ne l'eft pas;
En aimant lafleurette,
J'enfçais éviter l'embarras.
&A
Chez moy lefard n'eft point d'usage,
Car, grace au Ciel,
L'éclat de mon visage
Eft un Vermeillon naturel.
Jay lefront gros, qui porte en guife de
Moutonne
Des cheveux blondsfrifezfans art,
Mon nez n'eft ny long, ny camard,
Mes yeuxfont affez vifs pour n'épargner
perfonne,
du Mercure Galant.
zzī
Etferoient beaux s'ils eftoient moins
petits;
Fay la bouchefort belle
Lors que je ne ris pas, fort grande quand
je ris,
Et je ris, par malheur pour elle,
D'un rien, & d'une bagatelle.
RA
Fay le teint vif, délicat, éclatant,
La gorge bien garnie, & la main porelée,
Ma taille eftfort petite, & j'enfuis confolée,
Elle eftfine, & le reste eft affez ragouftant.
Ceux qui liront cesVers,feront ravis peuteftre
De pouvoiraisément connoistre
Si je ne leur impoſe rien;
Qu'ils s'informent, je le veux bien,
Sij'ay ce prétendu mérite;
Et pourmarquer que j'aime ce party,
Qu'ils apprennent mon nom ; pour eftre
un peu petite,
On m'a donné celuy de RAT- GENTY.
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Résumé : PORTRAIT.
Le texte décrit une personne au caractère agréable et aimable, dotée d'un esprit vif et brillant. Elle se distingue par un langage poli, influencé par la lecture de romans, ce qui lui permet d'inventer des contes et des aventures. Elle apprécie les histoires mais évite les compliments excessifs, préférant la badinerie. Son comportement est coquet, mais elle évite les embarras en aimant les flatteries légères. Physiquement, elle ne porte pas de fard, car son visage a un éclat naturel. Elle possède un front large avec des cheveux blonds frisés naturellement, un nez ni long ni camard, et des yeux vifs. Sa bouche est belle lorsqu'elle ne rit pas, mais devient grande lorsqu'elle rit facilement. Son teint est vif et délicat, sa gorge bien garnie, et sa main délicate. Sa taille est petite, mais elle est fine et le reste de sa personne est agréable. Le texte se conclut par une invitation à vérifier ses qualités, révélant que son nom est Rat-Genty.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 33-49
OENOPHILE CONTE.
Début :
Je vous envoye un Conte nouveau de Mr de la / Toutes les Grandeurs de la Terre [...]
Mots clefs :
Terre, Histoire, Rêve, Morale, Fortune, Gueux, Prédicateur, Conteur, Courtisans, Bonté, Duc, Enchantements, Galanterie, Catastrophe, Orgueil, Vainqueur, Opéra, Trône, Valets
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OENOPHILE CONTE.
Je vous envoye un Conte
nouveau de M' de la Barre de
Tours. Ses Galans Ouvrages
ont tant d'agrément , & vous
avez toûjours pris tant de
plaifir à les lire , que je croy
vous en procurer un fort
grand , en vous faiſant part
de celuy- cy.
34 MERCURE
$25552555-2552 555
CNOPHILE
T
CONTE.
Outes les Grandeurs dé la
Terre
Sont auffifragiles que verre,
( De tel propos je n'auray pas les
Gants)
Etl'Hiftoirefournit mainte& mainte
Avanture
Parmy les Petits & les Grands,
Qui montre ce propos n'eftre pas imposture..
Suivons donc. Les grandeurs de l'Hu
maine Nature
N'ont rien que de prest àfinir;
Un mefme inftant les voit naiftre
& mourir;
GALANT. 35
C'est un refve qui plaist dans le moment
qu'il dure,
Etqui laiffe àfafuite un fâcheuxfou
venir;
C'est un abus, une peinture,
Une idée, unfantôme, une ombre,;
enfin un rien..
Quelque Cenfeur me defavoie,.
Et traite ma Morale en Morale de
Chien.
Quoy, ce gros Financier, dira- t- il,
&fon Bien
•
Sont des Chanfons ? Hé- oy. C'eft à
tort qu'on le loüc;
Je vais le montrer aujourd'huy;
Et le gueux Oenophile au milieu de fa
boue,
Quandil a bûdix coups , eftplus heureux
queluy.
Pafchal, un Autheur d'importance,
Dansfes Ecrits met peu de diférence
36 MERCURE
Entre le Gueux refvant la nuit
Poffederfous fon Toit tous les tréfors
de France,
Et le Riche avesfa Finance
Enpauvretéqui refve eftre réduit.
De Fortune en effet n'est - ce pas une
niche,
Que le dormir, & du Pauvre , & du
Riche?
Pourquoy ne pas dans lefommeil
Laiffer le Gueux , dont le réveil
Renouvelle les maux ? ou bien tout aw
contraire,
Pourquoy faire dormir qui doit veiller
toûjours?
Maisfans m'embarraffer àfaire .
De longs, & par ainfi defort mauvais
difcours;
Longs & mauvais , c'est affezpour
déplaire,
Quand onfait le Prédicateur.
GALANT.
37
e
Ne prefchons plus ; parlons d'une
autre Affaire,
Erplûtost devenons Conteur;
Car un Conte, fuft- il un Conte à la
Cigogne,
Vaut
toûjoursmieux qu'un
ennuyeux
Sermon.
Se
Difons done, que du temps de Philippe
le
Bon,
( Ce Philippe le Bon eftoit Duc de
Bourgogne )
Avint un certain Fait
Affez plaisant, & digne de mémoire,
Etpour moralifer un affezjoly trait,
Au
demeurant tres- vray, je l'ay lu
dans l'
Hiftoires
Quiconque ne me voudra croire,
La peut lire àfon tour. Philippé par
hazard
Dans letemps qu'on boit àla neige,
38 MERCURE
C'est à dire l'Eré) fuivy d'ungros
Cortége,
S'enrevenoitfert tard,
Apres avoirfait un tour du Rampart
DeBezançon, promenade ordinaire
Qu'avec fes Courtisans le bon Duc
fouloitfaire.
En traverfant la Rüe, il aperceut un
Gueux,
Faifant vilaine može,
Déchiré , plein defang, hideux,
Renverfe fur un tas de boue.
Cet objet émutle bon Duc,
Qui penfa que le Gueux tomboit du
malcaduci
Et comme il eftoit charitable,
Etpourtousfes Sujetsplein d'extréme
bonté,
Il voulut que ce Miſérable
Defon bourbier dés l'inſtantfuſt ôté,
Et bienplus, il voulut, pour eftre décroté
GALANT. 39
Qu'au Palais ilfust emporté.
Au premierappareil on connut Oenophile,
Fameux Beuveur, qui n'avoitpour
métier
Que defefferdu Vinde Quartieren
Quartier,
Etque de promener une foif inutile
Dans les Tavernes de la ville,
D'oùfortantfans avoir le moyen de
payer,
N'ayant pas vaillant une obole,
Tvremortildormoit dans le premier
bourbier.
Quand le Ducfceur qu'eftoit le
Drôle,
Car le nom d'Oenophile en tous lieux
faifoit bruit,
Et defes Faits en Vin chacun eftoit
inftruit )
Il luy fit préparer un aſſez plaisant
rôle,
40 MERCURE
Ilordonna qu'ilfustfrifé,
Mufqué, frotté, lavé, poudré, peigné,
razé,
Proprement
aromatizé
.
( Précaution
fort néceſſaire
Pour ce qu'on vouloitfaire )
Ilfut couchédans unfuperbe Lit,
Avecles Ornemens de nuit
Qu'on donne àGensde confequence,
Dontje tais la magnificence.
Pour la marquer en un mot, ilsuffit
Que le Duc de Bourgogne.
Ordonna qu'on traitast comme luy cet
Yvrogne.
Chacunfe retira pour predrefon repos ,
Laiffant au lendemain le refte.
La nuitfur le Palaisjetta d'heureux
Pavots ,
Tout dormit à merveille ; aucun refve
funefte,
ExcitéparBacchus &fa douce vapeur,
GALANT. 41
N'embarraffale cerveau du Beaveur.
Le Phabetor des Gens quife plaisent à
boire,
Luyparut mille fois verfant à pleines
mains
Parfa Corne d'yvoire
Tous les refves plaifans qu'il prodigue
aux Humains.
L'Aurore dont l'éclat embellit toutes
chofes,
Avoit, pourmarquer le retour
Du Dieu qui tous les jours du Monde
fait le tour,
Parfumé tous les airs de Fafmins &
de Rofes,
Cela veut dire en Profe, il eftoitjour-
Vous Seaurez que qui verfifie,
Je veux dire les Gens qu'Apollon
deifie,
Peuvent impunément s'exprimerpas
rébus,
Mars
1685,
42. MERCURE
Ouparmots qu'en François nous appellons
Phébus.
Dans mes Contes parfois je mele ce
langage,
Qui paroist tant.foit peu guindés :
Mais quoy ?jervais comejefurs guidé,
Sire Apollon pour moy n'en fait pas
davantage.
Nous avons defon Litfaitfortir le
Soleil,
Allons en Courtifan habile
Nous trouver au Levé du Seigneur
acnophile,
Et nousfaurons quelferafon réveil.
Imaginez vous lafurpriſe
D'un Gueux qui n'avoit pas vaillant
une Chemife,
Et qui (fouvent couchédehors)
Se trouve en Draps de lin bordez de
Point d'Espagne
,
Et comme un Prince de Cocagne,
GALANT. 43
Se voit environné des plus riches tréfors.
En croira- t - ilfes yeux ? Il n'oſe.
Est- ce un enchantement ? Est- ce métemplycofe,
Illufion, metamorphofe?
Par quei heureux deftin eft - il Grand
devenu;
Luy qui naguere eftoit tout nud?
Pendant qu'à débrouiller tel Cabos ili
s'applique,
Une douce Mufique.
Acheva de troubler fa petite raison;
Il ne pût s'empefcher de dire une
Oraifon
Qu'ilfçavoit contre l'Art Ma--
gigner
S'il eust crû goufter dans ces lieux
Des douceurs à la finfemblables aux
premieres,
Ilnefe pouvoit rien de mieux;
Dij
44 MERCURE
Mais il craignoit les Etrivieres,
Catastrophe où fouvent aboutit le
plaifir
De pareille galanterie.
De malle-peur ilfe fentitfaifir, ve
Eftimant, pis encor, que cefust Diablerie.
En Bourgogne en ce temps.couroient
des Farfadets,
Autrement dits Efprits Follets ,
Qui n'entendoient point raillerie,
Fougueux comme les Gens qui battent
leurs Valets.
Achevons. Ilentra quatre Pages bien
faits,
Maistre d' Hoftel, une autre Troupes
De Valets de pied , de Laquais,
Dont l'un tenoit une Soucouppe,
L'autre une Ecuelle- oreille avec un
Confommé.
Voicy, luy dit un Gentilhomme,
GALANT.
45
Voftre Bouillon accoûtumé,
Monfeigneur. Il leprit tout come
Si veritablement il eut tous les matins
Fait telmétier. Aifément l'habitude
Se feroit à tels Mets ; & quand d'heu
reux deftins
Succédent au mal le plus rude,
On s'accoutume avec facilité
Au bien que l'on n'a pointgoufté.
Bien plus , à noftre compte
Lebien qui nous vient nous eft dû;
Etfi quelque chagrin nous vient, tout
estperdu.
Mais heureux mille fois l'Homme qui
fefurmonte,
Et quifagementfe contient,
Quandle bien ou le mal luy vient!
Par tropje moralife ;
Wenons au Fait. Le Duc Philippefe
déguife ,
Et. vient accompagné de trente Cour
tifans
46 MERCURE
1
Sous autant de déguiſemens.
Chacun luy fait la révérence,
Luy vientfouhaiter le bonjour,
Et tout de mefme quà la Cour,
Luy dit autrement qu'il ne penfe ..
On l'habillefuperbement;
Tous les Bijoux du Ducfirent l'ajuste--
ment.
C'étoient Canons de Point de Géne.
( Génes lors s'amuſoit à fabriquer du
Point,
Etfon orgueil n'attiroitpoint
De Bombe à feu Grégeoisfurfafuperbe
arénej
Enfin pourtrancher court, l'Yvrogne
eftoitbrillant .
Autant
que
le Soleil levant;
Et Bacchus revenant des Climats dee
l'Aurore,
ParoiffoitmoinsVainqueur que luya.
Maispourrendre parfait ce Spectacles
inouy,
GALANT. 47
Ilmanquoit quelque chofe encores ›
C'ist que les Dames du Palais
Vinffent avec tous leurs attraits;
Ce quije fit.Ce dernier trait l'acable,.
Mais il revint dans un moment
Defon étonnement,
Quand on le fit paffer dans un Apar
tement,
Qui luy parut d'autant plus agreable:
Qu'ily vit uneTable
Qu'onfervoit magnifiquement.
Il nefoupçonna plus que cefust Dia
blerie,
Quand ilfe vitplacé dans l'endroit
leplus haut,
Oùfans fe déferrer il mangea comme
il faut,
Commençant à trouver l'invention.
jolie.
Dans cette Cour
Adiférensplaifirs onpaffa tout le jour
48 MERCURE
Comme au Bal, comme au feu, comme
à la Comédie,
On comme à l'Opéra. Mais non ; dans
ce temps - là
On ne connoifoit point ce que c'est
qu'Opera.
Bref, onfe divertit à ce qu'on eut
envie,
Fufqu'à ce que le Soleilſe coucha.
Onfervit le Souper, Oenophile foupas
Ily beut trop, ils'yfoula,
Sibien qu'il s'y couvritla vie,
Et fa Principautépar ce tropfut per
düe ;
Ce qui fit qu'à l'instant on le desha
billa,
De fes Haillons on lepouilla;
Quatre Valets de pied le portent dans
la Rüe,
Au mefme endroit d'où le Duc le
tira.
Voila
GALANT. 49
Voila comment la Fortune fe jouë,
Aujourd hayfur le Trône, & demain
dans la bouë.
Que nefçay je comment Oenophile
20 parla E
Dansle moment qu'il s'éveilla!
nouveau de M' de la Barre de
Tours. Ses Galans Ouvrages
ont tant d'agrément , & vous
avez toûjours pris tant de
plaifir à les lire , que je croy
vous en procurer un fort
grand , en vous faiſant part
de celuy- cy.
34 MERCURE
$25552555-2552 555
CNOPHILE
T
CONTE.
Outes les Grandeurs dé la
Terre
Sont auffifragiles que verre,
( De tel propos je n'auray pas les
Gants)
Etl'Hiftoirefournit mainte& mainte
Avanture
Parmy les Petits & les Grands,
Qui montre ce propos n'eftre pas imposture..
Suivons donc. Les grandeurs de l'Hu
maine Nature
N'ont rien que de prest àfinir;
Un mefme inftant les voit naiftre
& mourir;
GALANT. 35
C'est un refve qui plaist dans le moment
qu'il dure,
Etqui laiffe àfafuite un fâcheuxfou
venir;
C'est un abus, une peinture,
Une idée, unfantôme, une ombre,;
enfin un rien..
Quelque Cenfeur me defavoie,.
Et traite ma Morale en Morale de
Chien.
Quoy, ce gros Financier, dira- t- il,
&fon Bien
•
Sont des Chanfons ? Hé- oy. C'eft à
tort qu'on le loüc;
Je vais le montrer aujourd'huy;
Et le gueux Oenophile au milieu de fa
boue,
Quandil a bûdix coups , eftplus heureux
queluy.
Pafchal, un Autheur d'importance,
Dansfes Ecrits met peu de diférence
36 MERCURE
Entre le Gueux refvant la nuit
Poffederfous fon Toit tous les tréfors
de France,
Et le Riche avesfa Finance
Enpauvretéqui refve eftre réduit.
De Fortune en effet n'est - ce pas une
niche,
Que le dormir, & du Pauvre , & du
Riche?
Pourquoy ne pas dans lefommeil
Laiffer le Gueux , dont le réveil
Renouvelle les maux ? ou bien tout aw
contraire,
Pourquoy faire dormir qui doit veiller
toûjours?
Maisfans m'embarraffer àfaire .
De longs, & par ainfi defort mauvais
difcours;
Longs & mauvais , c'est affezpour
déplaire,
Quand onfait le Prédicateur.
GALANT.
37
e
Ne prefchons plus ; parlons d'une
autre Affaire,
Erplûtost devenons Conteur;
Car un Conte, fuft- il un Conte à la
Cigogne,
Vaut
toûjoursmieux qu'un
ennuyeux
Sermon.
Se
Difons done, que du temps de Philippe
le
Bon,
( Ce Philippe le Bon eftoit Duc de
Bourgogne )
Avint un certain Fait
Affez plaisant, & digne de mémoire,
Etpour moralifer un affezjoly trait,
Au
demeurant tres- vray, je l'ay lu
dans l'
Hiftoires
Quiconque ne me voudra croire,
La peut lire àfon tour. Philippé par
hazard
Dans letemps qu'on boit àla neige,
38 MERCURE
C'est à dire l'Eré) fuivy d'ungros
Cortége,
S'enrevenoitfert tard,
Apres avoirfait un tour du Rampart
DeBezançon, promenade ordinaire
Qu'avec fes Courtisans le bon Duc
fouloitfaire.
En traverfant la Rüe, il aperceut un
Gueux,
Faifant vilaine može,
Déchiré , plein defang, hideux,
Renverfe fur un tas de boue.
Cet objet émutle bon Duc,
Qui penfa que le Gueux tomboit du
malcaduci
Et comme il eftoit charitable,
Etpourtousfes Sujetsplein d'extréme
bonté,
Il voulut que ce Miſérable
Defon bourbier dés l'inſtantfuſt ôté,
Et bienplus, il voulut, pour eftre décroté
GALANT. 39
Qu'au Palais ilfust emporté.
Au premierappareil on connut Oenophile,
Fameux Beuveur, qui n'avoitpour
métier
Que defefferdu Vinde Quartieren
Quartier,
Etque de promener une foif inutile
Dans les Tavernes de la ville,
D'oùfortantfans avoir le moyen de
payer,
N'ayant pas vaillant une obole,
Tvremortildormoit dans le premier
bourbier.
Quand le Ducfceur qu'eftoit le
Drôle,
Car le nom d'Oenophile en tous lieux
faifoit bruit,
Et defes Faits en Vin chacun eftoit
inftruit )
Il luy fit préparer un aſſez plaisant
rôle,
40 MERCURE
Ilordonna qu'ilfustfrifé,
Mufqué, frotté, lavé, poudré, peigné,
razé,
Proprement
aromatizé
.
( Précaution
fort néceſſaire
Pour ce qu'on vouloitfaire )
Ilfut couchédans unfuperbe Lit,
Avecles Ornemens de nuit
Qu'on donne àGensde confequence,
Dontje tais la magnificence.
Pour la marquer en un mot, ilsuffit
Que le Duc de Bourgogne.
Ordonna qu'on traitast comme luy cet
Yvrogne.
Chacunfe retira pour predrefon repos ,
Laiffant au lendemain le refte.
La nuitfur le Palaisjetta d'heureux
Pavots ,
Tout dormit à merveille ; aucun refve
funefte,
ExcitéparBacchus &fa douce vapeur,
GALANT. 41
N'embarraffale cerveau du Beaveur.
Le Phabetor des Gens quife plaisent à
boire,
Luyparut mille fois verfant à pleines
mains
Parfa Corne d'yvoire
Tous les refves plaifans qu'il prodigue
aux Humains.
L'Aurore dont l'éclat embellit toutes
chofes,
Avoit, pourmarquer le retour
Du Dieu qui tous les jours du Monde
fait le tour,
Parfumé tous les airs de Fafmins &
de Rofes,
Cela veut dire en Profe, il eftoitjour-
Vous Seaurez que qui verfifie,
Je veux dire les Gens qu'Apollon
deifie,
Peuvent impunément s'exprimerpas
rébus,
Mars
1685,
42. MERCURE
Ouparmots qu'en François nous appellons
Phébus.
Dans mes Contes parfois je mele ce
langage,
Qui paroist tant.foit peu guindés :
Mais quoy ?jervais comejefurs guidé,
Sire Apollon pour moy n'en fait pas
davantage.
Nous avons defon Litfaitfortir le
Soleil,
Allons en Courtifan habile
Nous trouver au Levé du Seigneur
acnophile,
Et nousfaurons quelferafon réveil.
Imaginez vous lafurpriſe
D'un Gueux qui n'avoit pas vaillant
une Chemife,
Et qui (fouvent couchédehors)
Se trouve en Draps de lin bordez de
Point d'Espagne
,
Et comme un Prince de Cocagne,
GALANT. 43
Se voit environné des plus riches tréfors.
En croira- t - ilfes yeux ? Il n'oſe.
Est- ce un enchantement ? Est- ce métemplycofe,
Illufion, metamorphofe?
Par quei heureux deftin eft - il Grand
devenu;
Luy qui naguere eftoit tout nud?
Pendant qu'à débrouiller tel Cabos ili
s'applique,
Une douce Mufique.
Acheva de troubler fa petite raison;
Il ne pût s'empefcher de dire une
Oraifon
Qu'ilfçavoit contre l'Art Ma--
gigner
S'il eust crû goufter dans ces lieux
Des douceurs à la finfemblables aux
premieres,
Ilnefe pouvoit rien de mieux;
Dij
44 MERCURE
Mais il craignoit les Etrivieres,
Catastrophe où fouvent aboutit le
plaifir
De pareille galanterie.
De malle-peur ilfe fentitfaifir, ve
Eftimant, pis encor, que cefust Diablerie.
En Bourgogne en ce temps.couroient
des Farfadets,
Autrement dits Efprits Follets ,
Qui n'entendoient point raillerie,
Fougueux comme les Gens qui battent
leurs Valets.
Achevons. Ilentra quatre Pages bien
faits,
Maistre d' Hoftel, une autre Troupes
De Valets de pied , de Laquais,
Dont l'un tenoit une Soucouppe,
L'autre une Ecuelle- oreille avec un
Confommé.
Voicy, luy dit un Gentilhomme,
GALANT.
45
Voftre Bouillon accoûtumé,
Monfeigneur. Il leprit tout come
Si veritablement il eut tous les matins
Fait telmétier. Aifément l'habitude
Se feroit à tels Mets ; & quand d'heu
reux deftins
Succédent au mal le plus rude,
On s'accoutume avec facilité
Au bien que l'on n'a pointgoufté.
Bien plus , à noftre compte
Lebien qui nous vient nous eft dû;
Etfi quelque chagrin nous vient, tout
estperdu.
Mais heureux mille fois l'Homme qui
fefurmonte,
Et quifagementfe contient,
Quandle bien ou le mal luy vient!
Par tropje moralife ;
Wenons au Fait. Le Duc Philippefe
déguife ,
Et. vient accompagné de trente Cour
tifans
46 MERCURE
1
Sous autant de déguiſemens.
Chacun luy fait la révérence,
Luy vientfouhaiter le bonjour,
Et tout de mefme quà la Cour,
Luy dit autrement qu'il ne penfe ..
On l'habillefuperbement;
Tous les Bijoux du Ducfirent l'ajuste--
ment.
C'étoient Canons de Point de Géne.
( Génes lors s'amuſoit à fabriquer du
Point,
Etfon orgueil n'attiroitpoint
De Bombe à feu Grégeoisfurfafuperbe
arénej
Enfin pourtrancher court, l'Yvrogne
eftoitbrillant .
Autant
que
le Soleil levant;
Et Bacchus revenant des Climats dee
l'Aurore,
ParoiffoitmoinsVainqueur que luya.
Maispourrendre parfait ce Spectacles
inouy,
GALANT. 47
Ilmanquoit quelque chofe encores ›
C'ist que les Dames du Palais
Vinffent avec tous leurs attraits;
Ce quije fit.Ce dernier trait l'acable,.
Mais il revint dans un moment
Defon étonnement,
Quand on le fit paffer dans un Apar
tement,
Qui luy parut d'autant plus agreable:
Qu'ily vit uneTable
Qu'onfervoit magnifiquement.
Il nefoupçonna plus que cefust Dia
blerie,
Quand ilfe vitplacé dans l'endroit
leplus haut,
Oùfans fe déferrer il mangea comme
il faut,
Commençant à trouver l'invention.
jolie.
Dans cette Cour
Adiférensplaifirs onpaffa tout le jour
48 MERCURE
Comme au Bal, comme au feu, comme
à la Comédie,
On comme à l'Opéra. Mais non ; dans
ce temps - là
On ne connoifoit point ce que c'est
qu'Opera.
Bref, onfe divertit à ce qu'on eut
envie,
Fufqu'à ce que le Soleilſe coucha.
Onfervit le Souper, Oenophile foupas
Ily beut trop, ils'yfoula,
Sibien qu'il s'y couvritla vie,
Et fa Principautépar ce tropfut per
düe ;
Ce qui fit qu'à l'instant on le desha
billa,
De fes Haillons on lepouilla;
Quatre Valets de pied le portent dans
la Rüe,
Au mefme endroit d'où le Duc le
tira.
Voila
GALANT. 49
Voila comment la Fortune fe jouë,
Aujourd hayfur le Trône, & demain
dans la bouë.
Que nefçay je comment Oenophile
20 parla E
Dansle moment qu'il s'éveilla!
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Résumé : OENOPHILE CONTE.
Le texte est une lettre accompagnant un conte de M. de la Barre de Tours, connu pour ses œuvres agréables. Le conte commence par une réflexion sur la fragilité des grandeurs terrestres, illustrée par des exemples historiques. Il met en scène un dialogue entre un galant et un censeur, ce dernier critiquant la morale du conte. Le galant répond que les richesses sont éphémères et que le bonheur peut être trouvé même dans la pauvreté. L'histoire se déroule du temps de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Un soir, Philippe découvre un gueux nommé Oenophile, ivre et endormi dans la boue. Ému par sa condition, Philippe ordonne de l'amener au palais, où Oenophile est lavé, habillé et traité comme un prince. Le lendemain, Oenophile se réveille entouré de richesses et de luxe, croyant d'abord à un enchantement. Il est servi par des pages et des valets, et Philippe, déguisé, lui rend visite avec sa cour. Oenophile passe la journée à profiter des plaisirs de la cour, mais le soir, il est ramené à son état initial, habillé en haillons et déposé dans la rue. Ce conte illustre la volatilité de la fortune, qui peut élever ou abaisser les individus en un instant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 137-138
« Ces autres Vers sont de la mesme Mademoiselle Castille. / Tu croyois, me dis-tu, le Printemps de retour [...] »
Début :
Ces autres Vers sont de la mesme Mademoiselle Castille. / Tu croyois, me dis-tu, le Printemps de retour [...]
Mots clefs :
Amour, Troupeau, Printemps, Galanterie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Ces autres Vers sont de la mesme Mademoiselle Castille. / Tu croyois, me dis-tu, le Printemps de retour [...] »
Ces autres Vers font de la
meſme Mademoiselle Ca--
ſtille.
T
acroyoiss,, medis- tu , le Printemps
de retour
Surlafoy d'un beau jour,
Etdéja ton Troupeau paiſſoit dansla
Prairie,
Un froid nouveau luy fait garder la
Bergerie.
Cloris centfois m'ajoué mesme tour
Centfoisj'ay cruson coeurſenſible à
mon amour,
Ettout cequ'elle fait, pure galanterie..
Tantoſt elle me chaffe ,&tantoſt me
retient
Avril 1685. M
138MERCURE
L'Amour enfoit loué, pointdeplainte
importune,
L'Amour&le temps vont comme il
plaiſtàla Lune,
Tircis,faycommemoy, prens le temps,
commeilvient.
meſme Mademoiselle Ca--
ſtille.
T
acroyoiss,, medis- tu , le Printemps
de retour
Surlafoy d'un beau jour,
Etdéja ton Troupeau paiſſoit dansla
Prairie,
Un froid nouveau luy fait garder la
Bergerie.
Cloris centfois m'ajoué mesme tour
Centfoisj'ay cruson coeurſenſible à
mon amour,
Ettout cequ'elle fait, pure galanterie..
Tantoſt elle me chaffe ,&tantoſt me
retient
Avril 1685. M
138MERCURE
L'Amour enfoit loué, pointdeplainte
importune,
L'Amour&le temps vont comme il
plaiſtàla Lune,
Tircis,faycommemoy, prens le temps,
commeilvient.
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19
p. 256-272
Histoire, [titre d'après la table]
Début :
On m'a conté une chose fort particuliere, arrivée icy sur [...]
Mots clefs :
Carnaval, Déguisements, Cavalier, Dame, Filles, Richesse, Honnêteté, Soeurs, Coeur, Charme, Belle, Correspondance, Mariage, Passion, Comédie, Galanterie, Bal, Assemblée, Amour, Divertissement, Amants, Hasard, Masques, Attaque, Diamant, Bourse, Mémoire, Jugement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire, [titre d'après la table]
On m'a conté une choſe
fort particuliere , arrivée icy
ſur la fin du Carnaval. C'eſt
la ſaiſon des Déguiſemens , &
par conféquent des Avantures.
Un Cavalier d'une Province
éloignée, eſlant venu à
Paris pour y acquerir d'air de
liberté & de politeffe qui diftingue
ceux qui ont veu le
monde , prit habitude chez
uneDame tres ſpirituelle, qui
cultiva cette connoiſſance
GALANT. 297
Voit
avec tout le ſoin qu'elle de-
Elle avoit deux Filles,
toutes deuxbien faites , & la
fortune ne luy ayant pascité
favorable , il eſtoit de l'inte
reſt de l'une & de l'autre que
ſa politique ménageaft ceux
que desviſites un peu affidues
pouvoient engager à prendre
feu Le Cavalier eſtoit
tiche , & cette ſeule raifon
euſtportéla Dame àtous les
égards qu'elle avoit pour luy,
quand mesme il n'auroit efte
confiderable par aucun merite.
Il n'eut pendant quel
que temps que des complai
Avril 1685. Y
258 MERCURE
fances genérales que l'hon
neſteté oblige d'avoir pour
toutes les Dames. On le recevoit
agréablement ,& les
deux Soeurs a l'envy luy faifoient
paroiſtre toute l'eſtime
que la bien ſéance leur pou
voit permettre , fans qu'aucunempreſſement
particulier
pour l'une ou pour l'autremarquaft
le choix de ſon coeur,
mais enfin il s'attacha à l'Aînée,&
l'égalité d'humeur qu'il
luy trouva fut pour luy un fi
grand charme qu'il mit
tous ſes foins à s'en faire
,
aimer. Vous jugez bien qu'il
GALANT. 259
n'eut pas de peine à y reüf
fir. La Belle eſtoit dans des
dipoſitions qui avoient en
quelque forte prévenu fess
voeux , & la Mere authori--
ſant la correſpondance que le
Cavalier luy demandoit, il cute
le plaifir de ſe voir aimé dés
qu'il ſe fut déclaré Amant.
Oneuſtbien voulu qu'il euſt
arreſté le Mariage , mais ill
eſtoit dangereux de l'en pref
fer , & on jugea à propos
d'attendre que fa paflion
mieux affermie l'euft mis en
état de ne point examiner les
peu d'avantage qu'il devoit
2
Yij
260 MERCURE
tirer de cette alliance. 10Gefie
pendant ce ne furent plus
que des Parties de plaifire Le
Cavalier voulant divertir das
belle Maiſtreſſe , la menoit
ſouvent à la Comédie ou à
l'Opera , & cherchoit d'ail
leurs tout ce qui pouvoit
contribuer à luy donner de la
joye. Le temps de la Foire
eſtant venu , ils yallérent
pluſieurs fois enſemble ,& ild
luy faifoir toûjours quelque
Preſent. La Mere avoit part
à ſes liberalitez , & comme il
aidoit à entretenir le Jeu chez
elle, ſes viſites affiduës luy
GALANT.261
eſtoient utiles de bien des
manieres. La fin du Carna
val approchoit , & la Belle
ayant un jour témoigné qu'
elle avoit envie de courir le
Bal , le Cavalier ſongea aufh
toftà la fatisfaire. Il alla cher ) {
cher des habits fort riches,
les fit porter chez la Dame,
& chacun choifit ce qu'il
voulut. Les deux Filles s'habillerenten
Hommes à la
Françoiſe avec des écharpes
magnifiques ,& les autres ornemens
qui pouvoient ſervin
à leur donner de l'éclat &
a. Mere & le Cavalier ſe dé262
MERCURE
guiférenten Arméniens. La
galanterie eſtoit jointe, à la
propreté & cette petite
Troupe meritoit bien qu'on
la regardaft. Le Cavalier
qui aimoit le jeu , ayant
accoûtumé de porter beaucoup
d'argent , la Belle vouloit
qu'il laiſſaſt ſa bourſe.
La Mere dit là deſſus , que
puis qu'on croyoit qu'il n'y
euſt pas feureté entiere à ſe
trouver le foir dans lesRuës,
elle aimoit mieux rompre la
Partie , que de s'expoſer
à une mauvaiſe rencontre...
Le Cavalier ne manqua pas
GALANT. 263
de répondre , qu'elle estoit fi
peu à craindre , par le bon
ordre que les Magittrats y
avoient mis , que quand il
auroit mille piſtoles , il iroit
luy ſeul par tout Paris , aufli
ſeurement que s'il eſtoit efcorté
de tous les Archersdu
Guet. En meſme temps il
donna à la Belle un Diamant
qui estoit de prix , pour tenir
fon Maſque , & ils montérent
tous en Carroffe, pour
aller dans le Fauxbourg Saint
Germain , où ils apprirent
qu'il y avoit une tres - belle
Affemblée. L'affluence des
264 MERCURE
Maſques leur permit à peine
d'y entrer , mais enfin le Ca
valier s'eſtant fait jour dans
la foule , ils arrivérent juſqu'à
la Salle du Bal. Les Luftres
dont elle eſtoit éclairée , relevoient
merveilleuſement la
beautéde leurs Habits. Toute
Affemblée les remarqua, &
cela fut cauſe qu'on les fic
d'abord dancer. Ils s'en aqui
térent avec une grace qui leur
attira de grandes honnettetez
du Maistre de la Mifon...
Il leur fit donner des ſiéges,
& le Cavalier prit place au
prés de la Belle. Tandis que
l'Amour
GALANT 265
!
l'Amour leur fourniffoit le
ſujetd'un entretien agréable,
la Mere & la Soeur n'estoient
occupées qu'à regarder ; &
s'ennuyant d'eftre toûjours
dans le meſme endroit , elles
ſe firent un divertiſſement
d'aller dans toute la Salle
nouer converſation avec les
Maſques qu'elles y trouvé
rent. On en voyoit fans cefle
entrer de nouveaux ,
confufiony devint fi grande,
qu'onfut enfin obligé de faire
ceffer les Violons. Les deux
Amans ſe leverent , & aprés
avoir cherché inutilement la
Avril1685. Z
&
266MERCURE
1
T
Mere & la Soeur , ils defoendirent
en bas , croyant les y
rencontrer. Ils n'y furent pas
plûtoſt qu'ils les apperceu
rent. Le Cavalier prit la Mere
par la main & fit paſſer
les deux Sceoeurs devant. On
ne fongea qu'à fe hater de
fortir , & ils monterent tous
quatre en Carroſſe, ſans ſe
dire rien . Le Cocher , qui
en partant du Logis avoit cu
ordre de les mener à un ſecond
Bal , en prit le chemin.
Apeine avoit il fait deux cens
pas , que le Cavalier ofta fon
maſque , pour demander à
}
GALANT. 267
7
la Mere fi elle s'estoit un peu
divertie. Cette Mere préten
düe fut fort ſurpriſe d'enten
dre une voix qu'elle ne cong
noiffoit point. Elle cria au
Cocher qu'il arreſtaſt ; & le
Cavalier & fa Maiſtreſſe ne fu
rent pas moins étonnez que
les deux autres, d'une mépriſe
qui les mettoit tous dans un
parcil embarras. Le hazard
avoit voulu qu'unHomme di
ſtingué dans la Robe, s'eſtoir
déguisé avec ſa Femme , ſa
Soeur, & fa Fille, delamesmo
forte que le Cavalier & lesq
trois Femmes dont il s'eſtoit
Zij
268 MERCURE
fait le Conducteur , c'eſt à
dire , deux en Arméniens,
&deux en habits à la Françoife.
Ils s'eſtoiem perdus
parmy la foule des Maſques,
&dans la confufion la Femme
& la Fille de l'Homme
de Robe , avoient pris le Cat
valier & la Belle pour les
deux Perſonnes qu'elles cherchoient.
Il fut queſtion de
retourner à ce premier Bal,
pour tirer de peine ceux qu'-
on y avoit laiſſez ; & lon
prenoit deja cette route , lors
que dix Hommes maſquez
approchérent duCarroffe. Ils
10
GALANT 269
forcérent le Cocher à quiter
le ſiege , & l'un d'eux s'y
eftant mis , conduiſit le Cavalier
& les trois Dames aſſez
loin dans le Fauxbourg. Le
Carroſſe s'eſtant enfin arrefté,
ceux qui l'eſcortoient leur
dirent qu'il y alloit de leur
vie s'ils faifoient du bruit , &
qu'on n'en vouloit qu'à leurs
Habits . La réſiſtance auroit
efté inutile. Ainſi le meilleur
Party qu'ils virent à prendre,
fut de defcendre fort paifiblement
, & d'entrer dans
une Maiſon de peu d'apparence,
qui leur fut ouverte
•
Z iij
270 MURCURE
Lalces Maſques un peu trop
officielux prirent la peine de
les décharger de tous d'équi
page qui avoit ſervy ales dé
guifer , & les revétirentà peu
de frais ,&feulementpourles
garantir du froid Quredes
Habits la Belle laiſſa fon Dia,
mant, de Cavalier fa bourfe,
&une fort belle Montre , &&
les deux Dames , ce qu'elles
avoient qui valoin la peine
d'eſtregardé. Apres les avoin
ainſi dépoüillez , ces Voleurs
leur demandérent où ils vou
loient qu'onlesreménaſt. Le
Cavalier & laDame ſe nom
上
GALANIM 271
mérent,&on les remit chez
eux. L'Homme de Robe ayat
retrouvé la Femmes, felper
ſuada que le Cavalier n'avoir
imité fon déguisement que
pour faire réüffir le vol qui
venoit d'eſtre commis ,& ne
doutant point qu'il n'euft
efté d'intelligence avec les
Voleurs , il commença con
tre luy des procédures qui
apparemment auront de la
fuires De l'autre coſtéle Cab
valier touché de fa perre, ſe
mit dans l'efprit que la Mere
della Belle n'avoit témoigné
vouloir rompre la partic
•
272MERCURE
€
quand on luy avoit propoſe
de laiſſer ſabourſe , que pour
Fobliger à la porter , &s'ima
ginant qu'elle s'eftoit cachée
àdeſſein parmy les Maſques
pour l'engager à fortir fans
elle, il la crut complice de
fon avanture. Ainfi fon chagrin
ayant étouffé l'amour , il
fait contr'elle les mefmes
pourſuites que fait contre luy
PHomme de Robe. L'acharnement
eft grand à plaider
de part & d'autre. Voila,
Madame , ce que portemon
Memoire.On m'aſſeure qu'il
eft vray dans toutes les cir
conſtances.
fort particuliere , arrivée icy
ſur la fin du Carnaval. C'eſt
la ſaiſon des Déguiſemens , &
par conféquent des Avantures.
Un Cavalier d'une Province
éloignée, eſlant venu à
Paris pour y acquerir d'air de
liberté & de politeffe qui diftingue
ceux qui ont veu le
monde , prit habitude chez
uneDame tres ſpirituelle, qui
cultiva cette connoiſſance
GALANT. 297
Voit
avec tout le ſoin qu'elle de-
Elle avoit deux Filles,
toutes deuxbien faites , & la
fortune ne luy ayant pascité
favorable , il eſtoit de l'inte
reſt de l'une & de l'autre que
ſa politique ménageaft ceux
que desviſites un peu affidues
pouvoient engager à prendre
feu Le Cavalier eſtoit
tiche , & cette ſeule raifon
euſtportéla Dame àtous les
égards qu'elle avoit pour luy,
quand mesme il n'auroit efte
confiderable par aucun merite.
Il n'eut pendant quel
que temps que des complai
Avril 1685. Y
258 MERCURE
fances genérales que l'hon
neſteté oblige d'avoir pour
toutes les Dames. On le recevoit
agréablement ,& les
deux Soeurs a l'envy luy faifoient
paroiſtre toute l'eſtime
que la bien ſéance leur pou
voit permettre , fans qu'aucunempreſſement
particulier
pour l'une ou pour l'autremarquaft
le choix de ſon coeur,
mais enfin il s'attacha à l'Aînée,&
l'égalité d'humeur qu'il
luy trouva fut pour luy un fi
grand charme qu'il mit
tous ſes foins à s'en faire
,
aimer. Vous jugez bien qu'il
GALANT. 259
n'eut pas de peine à y reüf
fir. La Belle eſtoit dans des
dipoſitions qui avoient en
quelque forte prévenu fess
voeux , & la Mere authori--
ſant la correſpondance que le
Cavalier luy demandoit, il cute
le plaifir de ſe voir aimé dés
qu'il ſe fut déclaré Amant.
Oneuſtbien voulu qu'il euſt
arreſté le Mariage , mais ill
eſtoit dangereux de l'en pref
fer , & on jugea à propos
d'attendre que fa paflion
mieux affermie l'euft mis en
état de ne point examiner les
peu d'avantage qu'il devoit
2
Yij
260 MERCURE
tirer de cette alliance. 10Gefie
pendant ce ne furent plus
que des Parties de plaifire Le
Cavalier voulant divertir das
belle Maiſtreſſe , la menoit
ſouvent à la Comédie ou à
l'Opera , & cherchoit d'ail
leurs tout ce qui pouvoit
contribuer à luy donner de la
joye. Le temps de la Foire
eſtant venu , ils yallérent
pluſieurs fois enſemble ,& ild
luy faifoir toûjours quelque
Preſent. La Mere avoit part
à ſes liberalitez , & comme il
aidoit à entretenir le Jeu chez
elle, ſes viſites affiduës luy
GALANT.261
eſtoient utiles de bien des
manieres. La fin du Carna
val approchoit , & la Belle
ayant un jour témoigné qu'
elle avoit envie de courir le
Bal , le Cavalier ſongea aufh
toftà la fatisfaire. Il alla cher ) {
cher des habits fort riches,
les fit porter chez la Dame,
& chacun choifit ce qu'il
voulut. Les deux Filles s'habillerenten
Hommes à la
Françoiſe avec des écharpes
magnifiques ,& les autres ornemens
qui pouvoient ſervin
à leur donner de l'éclat &
a. Mere & le Cavalier ſe dé262
MERCURE
guiférenten Arméniens. La
galanterie eſtoit jointe, à la
propreté & cette petite
Troupe meritoit bien qu'on
la regardaft. Le Cavalier
qui aimoit le jeu , ayant
accoûtumé de porter beaucoup
d'argent , la Belle vouloit
qu'il laiſſaſt ſa bourſe.
La Mere dit là deſſus , que
puis qu'on croyoit qu'il n'y
euſt pas feureté entiere à ſe
trouver le foir dans lesRuës,
elle aimoit mieux rompre la
Partie , que de s'expoſer
à une mauvaiſe rencontre...
Le Cavalier ne manqua pas
GALANT. 263
de répondre , qu'elle estoit fi
peu à craindre , par le bon
ordre que les Magittrats y
avoient mis , que quand il
auroit mille piſtoles , il iroit
luy ſeul par tout Paris , aufli
ſeurement que s'il eſtoit efcorté
de tous les Archersdu
Guet. En meſme temps il
donna à la Belle un Diamant
qui estoit de prix , pour tenir
fon Maſque , & ils montérent
tous en Carroffe, pour
aller dans le Fauxbourg Saint
Germain , où ils apprirent
qu'il y avoit une tres - belle
Affemblée. L'affluence des
264 MERCURE
Maſques leur permit à peine
d'y entrer , mais enfin le Ca
valier s'eſtant fait jour dans
la foule , ils arrivérent juſqu'à
la Salle du Bal. Les Luftres
dont elle eſtoit éclairée , relevoient
merveilleuſement la
beautéde leurs Habits. Toute
Affemblée les remarqua, &
cela fut cauſe qu'on les fic
d'abord dancer. Ils s'en aqui
térent avec une grace qui leur
attira de grandes honnettetez
du Maistre de la Mifon...
Il leur fit donner des ſiéges,
& le Cavalier prit place au
prés de la Belle. Tandis que
l'Amour
GALANT 265
!
l'Amour leur fourniffoit le
ſujetd'un entretien agréable,
la Mere & la Soeur n'estoient
occupées qu'à regarder ; &
s'ennuyant d'eftre toûjours
dans le meſme endroit , elles
ſe firent un divertiſſement
d'aller dans toute la Salle
nouer converſation avec les
Maſques qu'elles y trouvé
rent. On en voyoit fans cefle
entrer de nouveaux ,
confufiony devint fi grande,
qu'onfut enfin obligé de faire
ceffer les Violons. Les deux
Amans ſe leverent , & aprés
avoir cherché inutilement la
Avril1685. Z
&
266MERCURE
1
T
Mere & la Soeur , ils defoendirent
en bas , croyant les y
rencontrer. Ils n'y furent pas
plûtoſt qu'ils les apperceu
rent. Le Cavalier prit la Mere
par la main & fit paſſer
les deux Sceoeurs devant. On
ne fongea qu'à fe hater de
fortir , & ils monterent tous
quatre en Carroſſe, ſans ſe
dire rien . Le Cocher , qui
en partant du Logis avoit cu
ordre de les mener à un ſecond
Bal , en prit le chemin.
Apeine avoit il fait deux cens
pas , que le Cavalier ofta fon
maſque , pour demander à
}
GALANT. 267
7
la Mere fi elle s'estoit un peu
divertie. Cette Mere préten
düe fut fort ſurpriſe d'enten
dre une voix qu'elle ne cong
noiffoit point. Elle cria au
Cocher qu'il arreſtaſt ; & le
Cavalier & fa Maiſtreſſe ne fu
rent pas moins étonnez que
les deux autres, d'une mépriſe
qui les mettoit tous dans un
parcil embarras. Le hazard
avoit voulu qu'unHomme di
ſtingué dans la Robe, s'eſtoir
déguisé avec ſa Femme , ſa
Soeur, & fa Fille, delamesmo
forte que le Cavalier & lesq
trois Femmes dont il s'eſtoit
Zij
268 MERCURE
fait le Conducteur , c'eſt à
dire , deux en Arméniens,
&deux en habits à la Françoife.
Ils s'eſtoiem perdus
parmy la foule des Maſques,
&dans la confufion la Femme
& la Fille de l'Homme
de Robe , avoient pris le Cat
valier & la Belle pour les
deux Perſonnes qu'elles cherchoient.
Il fut queſtion de
retourner à ce premier Bal,
pour tirer de peine ceux qu'-
on y avoit laiſſez ; & lon
prenoit deja cette route , lors
que dix Hommes maſquez
approchérent duCarroffe. Ils
10
GALANT 269
forcérent le Cocher à quiter
le ſiege , & l'un d'eux s'y
eftant mis , conduiſit le Cavalier
& les trois Dames aſſez
loin dans le Fauxbourg. Le
Carroſſe s'eſtant enfin arrefté,
ceux qui l'eſcortoient leur
dirent qu'il y alloit de leur
vie s'ils faifoient du bruit , &
qu'on n'en vouloit qu'à leurs
Habits . La réſiſtance auroit
efté inutile. Ainſi le meilleur
Party qu'ils virent à prendre,
fut de defcendre fort paifiblement
, & d'entrer dans
une Maiſon de peu d'apparence,
qui leur fut ouverte
•
Z iij
270 MURCURE
Lalces Maſques un peu trop
officielux prirent la peine de
les décharger de tous d'équi
page qui avoit ſervy ales dé
guifer , & les revétirentà peu
de frais ,&feulementpourles
garantir du froid Quredes
Habits la Belle laiſſa fon Dia,
mant, de Cavalier fa bourfe,
&une fort belle Montre , &&
les deux Dames , ce qu'elles
avoient qui valoin la peine
d'eſtregardé. Apres les avoin
ainſi dépoüillez , ces Voleurs
leur demandérent où ils vou
loient qu'onlesreménaſt. Le
Cavalier & laDame ſe nom
上
GALANIM 271
mérent,&on les remit chez
eux. L'Homme de Robe ayat
retrouvé la Femmes, felper
ſuada que le Cavalier n'avoir
imité fon déguisement que
pour faire réüffir le vol qui
venoit d'eſtre commis ,& ne
doutant point qu'il n'euft
efté d'intelligence avec les
Voleurs , il commença con
tre luy des procédures qui
apparemment auront de la
fuires De l'autre coſtéle Cab
valier touché de fa perre, ſe
mit dans l'efprit que la Mere
della Belle n'avoit témoigné
vouloir rompre la partic
•
272MERCURE
€
quand on luy avoit propoſe
de laiſſer ſabourſe , que pour
Fobliger à la porter , &s'ima
ginant qu'elle s'eftoit cachée
àdeſſein parmy les Maſques
pour l'engager à fortir fans
elle, il la crut complice de
fon avanture. Ainfi fon chagrin
ayant étouffé l'amour , il
fait contr'elle les mefmes
pourſuites que fait contre luy
PHomme de Robe. L'acharnement
eft grand à plaider
de part & d'autre. Voila,
Madame , ce que portemon
Memoire.On m'aſſeure qu'il
eft vray dans toutes les cir
conſtances.
Fermer
20
p. 198-204
Reflexion sur cet Avis. [titre d'après la table]
Début :
Avant qu'on m'eût donné cet Avis, j'avois [...]
Mots clefs :
Mercure galant, Galanterie, Titre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reflexion sur cet Avis. [titre d'après la table]
Avant quonm'eût
donné cet Avis, j'avois
déja fait reflexion que
mon Titre m'engageroit
à parler quelquefois de
Galanterie. Je m'y fuis
engagé volontiers , &C
je m'engage même d'en
parler souvent ; mais
quand je n'en parlerois
point du tout, je ne laifserois
pas d'appeller mon
Livre le Mercure Galant,
comme on appelle
le Pont neuf un Pont
qui n'est pas plus neuf,
que les derniers Mercu
res estoient Galants.
1
-
Dansle temps que le
- mot de Galant estoiten
honneur
:J
je crois que
l'usage n'en faisoit que
desapplications honorables
, & pour faire en un
-
mot l'éloge de quelqu'-
un, on disoit,c'est unga*
lant homme.A cet égard,
l'usage n'a point changé,
&l'on dit encore en tresbonne
part,c'estun galant
homme;mais c'estun
homme galant ne se dit
plus gueres sans qu'on
n'y joigne certaineidée
de fadeur& de petitesse.
J'admirecomme tout
dégénéré:je nevoudrois
pas jurer que Femme
galante n'aitesté jadis
un titre honorable.
Quoy qu'en bonne&
severe Morale, la Galantcrie
soit un dereglement
par rapport à la vertu,
elle ne laisse pas de regler
le vice; c'est- à-dire de
contenir l'Amour dans
- les bornes du respect &
de la bien-séance.
A coût prendre, on
pourroit avancer que la
Galanterie reforme plus
devices qu'elle ne détruit
de vertus, & qu'-
ainsi elle est utile &presque
necessaire à lafocieté
civile. Mais supposons
qu'elle ne soit pas necessaire
à la societé, elle l'est
du moins à tous ceux
qui veulent écrire galemment.
Pour ecriregalammentil
êtregalant. Parcette Maxime
commune je vais
convaincre d'erreur ceux
qui soûtiennent qu'il n'y
a plus parmi nous ni galanterie
ni delicatesse.
Voici mon Argument. !
Trois Auteurs differents
m'ont envoyé une
Ode & deux Madrigaux
,
qui ne peuvent
avoir cite dictez que par
le Genie de la Galanterie,
Voila donc trois hommes
galants; cela suppose
au moins autant de
femmes du même goust
àquiils ont voulu plal.,
re } trois & troisfont six,
c'est toûjours quelque
chose. Qu'on ne me dise
donc point qu'il n'y a
plus d'A mants galants.
donné cet Avis, j'avois
déja fait reflexion que
mon Titre m'engageroit
à parler quelquefois de
Galanterie. Je m'y fuis
engagé volontiers , &C
je m'engage même d'en
parler souvent ; mais
quand je n'en parlerois
point du tout, je ne laifserois
pas d'appeller mon
Livre le Mercure Galant,
comme on appelle
le Pont neuf un Pont
qui n'est pas plus neuf,
que les derniers Mercu
res estoient Galants.
1
-
Dansle temps que le
- mot de Galant estoiten
honneur
:J
je crois que
l'usage n'en faisoit que
desapplications honorables
, & pour faire en un
-
mot l'éloge de quelqu'-
un, on disoit,c'est unga*
lant homme.A cet égard,
l'usage n'a point changé,
&l'on dit encore en tresbonne
part,c'estun galant
homme;mais c'estun
homme galant ne se dit
plus gueres sans qu'on
n'y joigne certaineidée
de fadeur& de petitesse.
J'admirecomme tout
dégénéré:je nevoudrois
pas jurer que Femme
galante n'aitesté jadis
un titre honorable.
Quoy qu'en bonne&
severe Morale, la Galantcrie
soit un dereglement
par rapport à la vertu,
elle ne laisse pas de regler
le vice; c'est- à-dire de
contenir l'Amour dans
- les bornes du respect &
de la bien-séance.
A coût prendre, on
pourroit avancer que la
Galanterie reforme plus
devices qu'elle ne détruit
de vertus, & qu'-
ainsi elle est utile &presque
necessaire à lafocieté
civile. Mais supposons
qu'elle ne soit pas necessaire
à la societé, elle l'est
du moins à tous ceux
qui veulent écrire galemment.
Pour ecriregalammentil
êtregalant. Parcette Maxime
commune je vais
convaincre d'erreur ceux
qui soûtiennent qu'il n'y
a plus parmi nous ni galanterie
ni delicatesse.
Voici mon Argument. !
Trois Auteurs differents
m'ont envoyé une
Ode & deux Madrigaux
,
qui ne peuvent
avoir cite dictez que par
le Genie de la Galanterie,
Voila donc trois hommes
galants; cela suppose
au moins autant de
femmes du même goust
àquiils ont voulu plal.,
re } trois & troisfont six,
c'est toûjours quelque
chose. Qu'on ne me dise
donc point qu'il n'y a
plus d'A mants galants.
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Résumé : Reflexion sur cet Avis. [titre d'après la table]
Le texte aborde la notion de galanterie et son importance dans la société. L'auteur est amené à discuter de ce sujet en raison du titre de son livre, 'Le Mercure Galant'. Autrefois, le terme 'galant' était honorable et utilisé pour complimenter quelqu'un. Cependant, 'homme galant' peut désormais évoquer de la fadeur et de la petitesse. La galanterie, bien que moralement discutable, régule le vice en encadrant l'amour dans les limites du respect et de la bienséance. Elle est perçue comme utile et nécessaire à la société civile. L'auteur souligne que la galanterie est essentielle pour ceux qui souhaitent écrire de manière élégante. Il réfute l'idée que la galanterie et la délicatesse aient disparu, en se basant sur des œuvres littéraires récentes qui témoignent de la présence de personnes galantes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 283-285
« Je garde pour le mois prochain plusieurs autres réponses qu'on [...] »
Début :
Je garde pour le mois prochain plusieurs autres réponses qu'on [...]
Mots clefs :
Vin, Galanterie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je garde pour le mois prochain plusieurs autres réponses qu'on [...] »
Je garde pour le mois
prochain plusieurs aû-
,
tresN réponsesqu'on m'a
cnvoyees, tant sur cette
question : Si le Vin est
une bonne chose? que sur
la question galante: Que
peut-on dire pour blasmer
ou pourjustiferuntom.r
me amoureux d'unefemmequi
n'auroit nybeauté
ny esprit?
Laissons aussi la même
question galante pource
mois-cy. La matiere est
ample, & il est bon de
fonder à perpetuité dans
les Mercures un Article
Galant,aussi-bien qu'un
Article Bachique. Il y a
longtemps que l'Amour
& le Vin font des sujets
amusants. On ne s'en est
pointennuyédepuis tant
de siecles Si l'on s'en ennuyv-
e, ce sera ma faute
oucelle des Anonymes
quiselasseront de traiter
agréablementdes sujets
Aheureux*^.J*
prochain plusieurs aû-
,
tresN réponsesqu'on m'a
cnvoyees, tant sur cette
question : Si le Vin est
une bonne chose? que sur
la question galante: Que
peut-on dire pour blasmer
ou pourjustiferuntom.r
me amoureux d'unefemmequi
n'auroit nybeauté
ny esprit?
Laissons aussi la même
question galante pource
mois-cy. La matiere est
ample, & il est bon de
fonder à perpetuité dans
les Mercures un Article
Galant,aussi-bien qu'un
Article Bachique. Il y a
longtemps que l'Amour
& le Vin font des sujets
amusants. On ne s'en est
pointennuyédepuis tant
de siecles Si l'on s'en ennuyv-
e, ce sera ma faute
oucelle des Anonymes
quiselasseront de traiter
agréablementdes sujets
Aheureux*^.J*
Fermer
Résumé : « Je garde pour le mois prochain plusieurs autres réponses qu'on [...] »
Un texte annonce la publication prochaine de réponses sur deux questions. La première concerne les bienfaits du vin. La seconde, galante, explore les arguments pour blâmer ou justifier un homme amoureux d'une femme sans beauté ni esprit. L'auteur reporte cette discussion au mois suivant. Il souligne l'importance de traiter régulièrement l'amour et le vin, sources d'amusement depuis des siècles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 3-45
LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
Début :
Une Dame jolie, enjoüée, & de beaucoup d'esprit, vertueuse [...]
Mots clefs :
Blonde, Brune, Languedoc, Mari absent, Galanterie, Maîtresse, Soupçon, Amant jaloux, Convalescence, Paris, Abbesse, Conseiller, Amour, Carrosse, Abbaye, Veuve, Couvent, Tromperie, Jalousie, Cheveux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
LA BLONDE BRUNE
femme & maistreffe.
UNeDame jolie , enjouée , & de beaucoup
d'efprit , vertueufe dans
le fond , mais aimant le
Septembre 1712. Aij
4 MERCURE
monde , & les amufe->
ments d'une galanterie
fans vice , ne put s'empefcher de fuivre cette
maniere de vie pendant
l'abfence de fon mary ,
que d'importantes affai
res avoient appellé dans
le Languedoc pour quelque temps. Il eftoit tresnouveau marić , & avoit
épousé la femme par un
accommodement de famille , & ne l'avoit pas
veuë plus de deux outrois
GALANT.
jours avant ſon mariage,
& avoit efté contraint de
partir peu de jours après.
Il aima d'abord cette
femme ; mais foit jaloufic , foit delicateffe fcrupuleufe fur le point
d'honneuril eftoit un
peu trop fevere für fa
conduite ; & il luy recommanda en partant
une regularité devivie
fort efloignée des innocentes libertez qu'elle s'eftoit donnée eftant fille ,
Aiij
6 MERCURE
& qu'elle s'eftoit promis
de continuer après fon
mariage , ainfi fe voyant
maitreffe de fes actions
par ce départ , elle oùblia tous les fcrupules
qu'onlui avoit donnez en
partant , elle eftoit née
pour la vie agréable ,
l'occafion eftoit belle
elle crut qu'il luy eftoit
permis de s'en fervir ,
pourveu qu'elle évitaft
l'éclat ; elle ne vouloit
point recevoir de vifites
GALANT.
7
chez elle , mais elle avoit
des amis & des amies de
fon humeur , on la vit ,
elle plut & n'en fut point
fafchée. On lui fit de tendres déclarations , elle les
reçeut en femme d'efprit
qui veut eftre aimée &
ne point aimer, elle ne fe
faſchoit de rien, pourveu
qu'onne paffaft point les
bornes qu'elles s'eftoit
prefcrites conformément
à un fond de fageffe qui
ne pourroit eftre alteré ,
*
A iiij
8 MERCURE
les plus médifans one
pouvoient avoir que des
foupçons mal fondez , &
ceux qui eftoient les plus
entreprenans s'aperceurent bien - toft qu'il n'y
avoit à efperer d'elle que
l'agrément de la focieté
generale , ils l'en eſtimerent davantage & n'en
curent pas moins d'empreffement à la voir, car
elle plaifoit , mefme aux
femmes qui fe fentoient
un merite inferieur au
GALANT
fien , tout alloit bien jufque là mais un de ces
jeunes conquerants qui
ne veulent des femmes
que la gloire de s'en eſtre
fait aimer , prétendit un
jour eftre aimé d'elle
plus férieufement qu'elle
ne vouloit , elle le regarada fierement , changea
de ftile , prit un air fevere
& rabbatit tellement fa
vanité , qu'elle s'en fit un
ennemi tres- dangereux
il examina de prés toutes
10 MERCURE
fes demarches , la vit de
facile accès à tous ceux
qu'il regardoit comme
fes rivaux , & fans fonger qu'ils ne luy avoient
pas donné les mefmes fujets de plainte que luy , il
les mit tous fur fon compte , il prit confeil de fa
jaloufie , & ne fongea
plus qu'à fe vanger , il en
trouva une occafion toute autre qu'il ne l'efpe
roit.
La Dame eftoit allée à
GALANT.
IF
une Campagne pour
quelques jours avec une
amie;
par malheur pour
elle fon mary revint
justement de Languedoc le lendemain du
départ de fa femme , &
fut fort défagreablement
furpris de nela point
trouver chez elle en arrivant. Le premier homme qu'il vit en fortant
de chez luy ce fut l'amant jaloux , avec qui
il avoit toujours vécu
12 MERCURE
affez familierement , le
mary luy confia le chagrin qu'il avoit contre ſa
femme; il prit cette occafionpour la juftifier de la
maniere dont les prudes
medifent ordinairement
de leurs émules , c'eſtà- dire en excufant malignement les fautes qu'on
ignoreroit fans elle; il entra dans le détail de toutes les connoiffances qu
elleavoit faites depuisfon
départ , & de toutes les
GALANT. 13
parties où elles'étoit trouvée, en louant une vertu
qui pouvoit eftre à l'épreuve de tout cela , mais
cette vertu eftoit ce qui
frappoit moins le mary
les épreuves où elle s'eftoit mife le frappoient
bien davantage , en un
motil l'enviſageacomme
tres-coupable, il s'emporte, il fulmine, & il auroit
pris quelque refolution
violente, fi quelques amis
mieux intentionnez
MERCURE
n'cuffent un peu adouci
le venin que le premier
avoit infinue dans le
cœur de ce pauvre mari ,
cependant tout ce que
ceux- cy purent gagner
ce fut qu'en attendant
un éclairciſſement plus
ample cette femme iroit,
fous quelque prétexte
qu'ils trouverent , paffer
quelques femaines dans
un Couvent à quinze
lieues de Paris , dont par
bonheur l'Abeffe fe trouE
GALANT. S
foeur d'un de ces prudents amis , & la femme
va
executa cette retraite demivolontaire dès qu'elle
fut de retour ; & deux
parentes du maryfechargerent de l'y conduire.
La voila donc dans le
Couvent , fes manieres
engageantes & flateufes
la rendirent bien- toft intime amie de l'Abbeffe ,
elle fe fit aimer de tout le
Couvent, c'eftoit une neceffité pour elle que la
stoleg
16 MERCURE
vie gaye , elle fe fit des
plaifirs de tout ce qui en
peut donner dans la retraite , & elle fit amitié
avec une jeune Provençale, parente de l'Abbeſſe
qui eftoit aufli dans le
Couvent pour paſſer la
premiere année de fon
veuvage, mais elle eftoit
auffi gaye que celle - cy
qui n'eftoit pas veuve
celle - cy eut une fantaifie fi forte d'apprendre
le Provençal qu'elle le
parloit
GALANT. 17
parloit au bout de quelque temps auffi bien que
cette veuve qu'elle ne
quittoit pas d'un moment.
Le temps de cette retraite dura prés d'une an
née au lieu de quelques
femaines › parce que le
mary fut obligé de retourner en Languedoc
& qu'il ne voulut pas la
laiffer feule à Paris une
feconde fois. Pendant ce
temps là elle eut la petite
Septembre 1712. B
18 MERCURE
verole , & n'en fut prefque point marquée, mais
il fe fit un petit changementdans les traits defon
de temps vifage , en peu
la convalefcence joignit
de l'embonpoint à fa taille qui eftoit fort menuë ;
& fon teint s'éclaircit
beaucoup , elle perdit de
beaux cheveux blonds
qu'elle avoit , en forte
que mettant un jour en
badinant une coifure de
la veuve , qui eftoit bru
GALANT 19
ne , elle fe trouva fi jolic
en brun & en mefme
temps fi diférente de ce
qu'elle eftoit en blond
avant fa petite verolo
que joignant à cela le
langage Provençal, qu'el
le s'eftoit rendu naturel ,
ellecrutpouvoir fatisfaire
une fantaiſie qui luyvint;
c'eftoit d'accompagner
fan amie dans un pe
tit voyage qu'elle alloit
faire à Paris , & d'y paſfer
incognito pour une Pra
Bij
20 MERCURE
vençale parente de cette
veuve , elle en obtint la
permiffion de l'Abbeffe
& du frere de cetteAbbef
fe, qui eftoit, commej'ay
dit , le vray ami de confiance du mary , & qui
avoit mefme affez d'af1
cendant fur luy pour ſe
charger de ce qui pourroit arriver , lorſque par
hazard elle feroit reconnuë par quelqu'un. En
unmot , il ne put refuſer
cette petite confolation
GALANT. 28
d'aller voir Paris , à une
femme qu'il fçavoit innocente , & que fon mary qui menaçoit d'eftre
encore trois mois en Lan
guedoc, avoit déja laiffé
un an dans le Couvent ,
il partit donc avec la veritable & la fauffe brune,
qu'il mena en arrivant à
Paris chez unvieux Confeiller dont la femme eftoit tres vertueuse , il ne
pouvoit la placer mieux
pour la fureté du mary.
22 MERCURE
Il fit croire aifément au
vieux Confeiller & à fa
femme qu'elle eftoit Provençale & parente de la
veuve.
Nos deux brunes firent pendant quelques
jours l'admiration du petit nombre de gens que
voyoit la Confeillere , &
elles eftoient un jourtoutes trois avec le Confeiller dans fon Cabinet en
fortant de Table , lorfqu'un Soliciteur impa
}
GALANT. 27
que
tes
tient ne trouvant perfonne pour l'annoncer, parce
gens difnoient
entra dans le Cabinet du
Confeiller. Qui pourroit
imaginer la bizarerie de
cette incident , le mary
jaloux eftoit revenu en
poſté pour un procèsimportant dont ce Confeil
ler venoit d'eftre nommé
Rapporteur , il eſtoit encore aux compliments
avec le Confeiller quand
la parole luy manqua
&
24 MERCURE
tout à coup , par la ref
femblance eftonnante
qui le frappa malgré les
changemens dont j'ay
parlé ; le Conſeiller luy
dit ce qu'il croyoit de
bonne foy , que cette
belle Provençale eftoit
arrivée de Provence depuis deux jours avec la
veuve. Le mary ne put
s'empefcher contre lá
bienséance mefme de s'avancer vers les deux Dames , il leur marqua là
caufe
GALANT.
caufedefoneftonnement,
& il cuftfansdoutereconneu fa femme fans la préfence d'efprit qu'elle cut
de neparler que Provençal , comme fi elle n'euft
pas fceu bien parler
François , ce jargon dépayfa encore le mary qui
s'en tint à l'eftonnement
d'une telle reffemblance
entre une brune & fa
femme qui eftoit blonde.
En ce moment l'ami qui
avoit difné avec les DaSeptembre 1712, C
26 MERCURE
mes, & qui eftoit reſté un
moment dans le Jardin ,
fut eftonnéen remontant
de trouver dans l'antichambre un Laquais de
fon ami qu'il croyoit encore en Languedoc , &
fut bien plus furpris encore quand ce Laquais
lui dit que fon Maiſtre
eftoit dans le Cabinet du
Confeiller , il entra fort
allarmé , mais la fcene
qu'il y trouva l'ayant un
peu raffuré , lui fit naiſtre
GALANT
. 17
en grossune idée qu'il
perfectionna dans la fuite , & aprés avoir appuyé
ta folicitation de fon ami
auprès du Conſeiller , il
fortit avec luy , le fortifia dans l'idée de la
reffemblance , & lui promit pour la rareté dufait
de luy faire voir le lende-
-main cette brune, & dès
le foir mefme il prévint
ola Confeillere en lui contant la verité de tout , &
luy faiſant approuver le
C ij
& MERCURE
deffein qu'il avoit , car
foupçonnoit desja le mary d cftre un peu amoureux de fa femme traveftie. ?
La vifite du lendemain
fe pafla plus gayement
que la premiere entreveuë, car la femme ayant
concertéfon perfonnage,
le fouftint à merveille, &
dit à fon mary en langage Provençal cent jolies
chofes , que la veuve lui
interpretoit à mefure ,
GALANT. 29
elle interpretoit enfuite
la femme ce que fon mary lui difoit bon François : ce jeu donna à l'amyla fene du monde la
en
plus divertiflante , & le
maryfortit delà fì amouBeux , que fon amy n'en
douta plus ; mais il fe
garda bien de lui tefmoi
gner qu'il s'en apperceut,
de peur de le de le contraindre. Le fingulier de cett
avanture , c'eft qu'en certains momens le maryreCij
30 MERCURE
connoiffoit fi fort fa femme, que cela refroidiffoit
un peueu fon amour, toutes les differences qu'il
trouvoit le frappant , enfuite fon amour redoubloit , & les fcrupules lui
prenoient , il vit ainfi plufieurs fois fa femme, mais
le jour de fon départ eftoit arrivé , on dit hautement qu'elle retournoit
en Provence, & elle partit
pour fe rendre au Cou
vent.
ALANT 31
Ce départ mit le mary
dans un tel abbatement
qu'il ne put s'empeſcher
de faire confidence àa fon
amy du cruel cftat où
cette feparation l'avoit
que
mis. Alors Famylui confeilla de profiter de la reffemblance, de taſcher
fa femme remplaçaft cette perte dans fon cœur.
Ils partirent tous deux
pour aller au Couvent ,
où la femme redevenue
blonde , prit des ajuſte
C iiij
32 MERCURI
ments if differents de
ceux qu'elle avoit cftant
brune , que le mary crup
voirune autre perfonne ,
il y trouvoit pourtant
quelques uns des mefmes
charmes , mais celle - cy
ne fervoit qu'à lui faire
regreter l'autre , en lus
en reveillant lidée. vio
Sur ces entrefaites un
courier vint apporter une
lettre à l'amy & cette
lettre eftoit de la veuve,
qui de concert avec lui
CALANTI #
cftoit allée à une terre
qu'avoit le Confeiller à
quatre lieues du Cou
vent, cette lettre portoit,
que la belle brune s'erant
trouvée indifposée &
cette femme fe trouvant
fur la route du Langue
doc elle y séjourneroit
deux où trois jours. Il
montra le commencement de cette lettre au
mary , qui en lut en mef.
me temps la fin , où la
veuve marquoit à l'amy
34 MERCURE
comme par une espece de
confidence , que l'indif
pofition de la brune n'eftoit qu'un prétexte pour
taſcher de retournerà Paris , pour revoir fon amy
pour qui elle avoit le
cœur pris. Jugez de l'effet que cette fin de lettre
fit fur le pauvre mary .
l'amy reprit fa lettre fans
lui parler davantage de
la veuve ni de fa compagne , & dit enfuite qu'ef
tant obligé de refter deux
GALANT. 35
ou trois jours avec la
foeur Abbeffe ; il lui
donnoit fon Caroffe pour
s'en retourner à Paris ; le
mary fut charmé de cet
incident & profita du
Caroffe , il gagna le Cocher & marcha droit
vers la terre où il croyoit
trouver la brune , & c'eft
ce que l'amy avoit prévû,
la blonde partit àl'inftant
par un chemin de traverfe avec une Chaife de
pofte , & l'amy à Che-
36 MERCURE
val , ils arriverent une
heure avant le Caroffe
dont le Cocher avoit ordre d'aller fort douce,
ment, & la blonde cut
tout le loifir de le faire
brune ,
avant que fon
maryfuftarrivé, l'amyfe
fit cacher dans le Chaf
teau , & cette entreveuë
fut fi vive qu'il y eut déclaration d'amour depart
&
d'autre , car le mary
eut la tefte fi troublée de
puis la lecture de la lettre,
GALANT. 37-
qu'il fut incapable d'aucune reflexion fur l'infi- .
delitéqu'il faifoit à fa femme dans le moment
qu'ils eftoient dans le fort
de leur tendreffe l'amy
parut , la brune feignit
?
d'eftre furpriſe & troublée , fe retira avec précipitation & laiffa les
deux amis feuls enfemble , alors l'amy prenant
un ton fort fevere , dite
au mary qu'il s'etoit bien
douté de l'infidelité qu'il
38 MERCURE
vouloit faire à fa femme,
& qu'il lui avoit exprés
laiffé fon Carroffe pour
avoir lieu de le furprendre , & de lui faire cent
reproches des mauvais
procedez qu'il avoit eus
avec fa femme fur de
fimples apparences , lorf
qu'il eftoit réellement infidelle. Ce mary fut tres
honteux , fon amy avoit
beaucoupd'afcendant fur
fon efprit , il lui fit promettre qu'il ne reverroit
CALANT. 39
pas
་
jamaistla brune ?, ible
promit , mais ce n'eftoit
là ce qu'on vouloit
de lui , l'amy reprit avec
lui le chemin de l'Abbaye , & le détermina à
reprendre fa femme pour
la remener à Paris , il le
promit , mais il eut befoin de toute fa raiſon &
de toute celle de fon amy
pour faire un tel effort
fur lui-mefme. Il arriva à
l'Abbaye dans un eſtat
qui cuft fait pitié à tout
40 MERCURE
a
autre qu'à cet amy. Ils
prirent leurs mefures en
arrivant à l'Abbaye pour
pouvoir partir le lendemain pour Paris , la femme eftoit à l'Abbaye avant eux , & par le mefme chemin qu'elle avoit
pris pour aller , elle en
eftoit revenue , & reparut en blonde , mais ce
n'eftoit plus cette blonde
foumife , gracieuſe , &
fuppliante que le maryy
avoit laiffée le matin , elle
prit
GALANT 41
prit un autre ton , elle fit
la ferme jaloufe , & en
prétence de l'Abbofle dé
clara qu'elle fçavoit l'in ,
fidelité de fon mary , l'amy & l'Abbele joue
rent fr bien leur perfonnage , & feconderent fi
bien les juftes reproches
de la femme irritée , quo
le mary veritablement
convaincu de fon tort refolut fincerement de tafa
cher debien vivre avec fa
femme & d'oublier la
Septembre 1712.
D.
42 MERCURE
Provençale , il le promit,
mais la femme feignit de
ne fe fier pas à fes promeffes , de vouloir refter
au Couvent , & fe retira
fierement. L'Abbeffe, l'a
my, & le mary difnerent
fort triftement , & on le
fit refter à table autant de
temps qu'il fallut pour
donner le loifir à la blonde de redevenir brune ;
elle n'oublia rien cette
derniere fois pour plaire
à fon amant mary , il fut
GALANT
fort furpris de la voir entrer dans le parloir où ils
mangcoient, l'Abbeffe &
l'amyfeignirent auffi d'eftre furpris , la fcene qui
fe paffa s'imagine mieux
qu'elle ne fe peut écrire ,
jamais mary ne s'eft trou
vé dans un pareil embar
ras , car l'Abbeffe & l'amyne pouvoient traiter
la chofe fi férieuſement
qu'ils ne leur échapaft
quelques éclats de rire ,
ils eftoient dans cette fi
Dij
44 MERCURE
tuation lorfque la Pro
vençale commença à par
ler bon François , & à
déclarer ouvertementfon
amour , fans lui dire encore qu'elle eftoit fa fenrme, & ils firentprudem
ment de tromper le mari
par degrez, car s'ileuft appris tout d'un coup que
celle qu'il aimoit fi pafs
fionnément alloit eftre en
fa poffeffion , il en feroit
mort de joye. Enfin le
dénouement fut mené
GALANT. 45
de maniere , que le mary
fut auffi amoureux aprés
Féclairciffement , & mef
me plus qu'il ne l'avoit
eftéavant & dans la fuitele mary devenant
moins amoureux &
moins jaloux , & la femme devenant plus refervée cela fit un très bon
menage : enfin l'amy fut
remercié de la tromperie
innocente comme du
meilleure office qu'il
pouvoit rendre au mary
& à la femme
femme & maistreffe.
UNeDame jolie , enjouée , & de beaucoup
d'efprit , vertueufe dans
le fond , mais aimant le
Septembre 1712. Aij
4 MERCURE
monde , & les amufe->
ments d'une galanterie
fans vice , ne put s'empefcher de fuivre cette
maniere de vie pendant
l'abfence de fon mary ,
que d'importantes affai
res avoient appellé dans
le Languedoc pour quelque temps. Il eftoit tresnouveau marić , & avoit
épousé la femme par un
accommodement de famille , & ne l'avoit pas
veuë plus de deux outrois
GALANT.
jours avant ſon mariage,
& avoit efté contraint de
partir peu de jours après.
Il aima d'abord cette
femme ; mais foit jaloufic , foit delicateffe fcrupuleufe fur le point
d'honneuril eftoit un
peu trop fevere für fa
conduite ; & il luy recommanda en partant
une regularité devivie
fort efloignée des innocentes libertez qu'elle s'eftoit donnée eftant fille ,
Aiij
6 MERCURE
& qu'elle s'eftoit promis
de continuer après fon
mariage , ainfi fe voyant
maitreffe de fes actions
par ce départ , elle oùblia tous les fcrupules
qu'onlui avoit donnez en
partant , elle eftoit née
pour la vie agréable ,
l'occafion eftoit belle
elle crut qu'il luy eftoit
permis de s'en fervir ,
pourveu qu'elle évitaft
l'éclat ; elle ne vouloit
point recevoir de vifites
GALANT.
7
chez elle , mais elle avoit
des amis & des amies de
fon humeur , on la vit ,
elle plut & n'en fut point
fafchée. On lui fit de tendres déclarations , elle les
reçeut en femme d'efprit
qui veut eftre aimée &
ne point aimer, elle ne fe
faſchoit de rien, pourveu
qu'onne paffaft point les
bornes qu'elles s'eftoit
prefcrites conformément
à un fond de fageffe qui
ne pourroit eftre alteré ,
*
A iiij
8 MERCURE
les plus médifans one
pouvoient avoir que des
foupçons mal fondez , &
ceux qui eftoient les plus
entreprenans s'aperceurent bien - toft qu'il n'y
avoit à efperer d'elle que
l'agrément de la focieté
generale , ils l'en eſtimerent davantage & n'en
curent pas moins d'empreffement à la voir, car
elle plaifoit , mefme aux
femmes qui fe fentoient
un merite inferieur au
GALANT
fien , tout alloit bien jufque là mais un de ces
jeunes conquerants qui
ne veulent des femmes
que la gloire de s'en eſtre
fait aimer , prétendit un
jour eftre aimé d'elle
plus férieufement qu'elle
ne vouloit , elle le regarada fierement , changea
de ftile , prit un air fevere
& rabbatit tellement fa
vanité , qu'elle s'en fit un
ennemi tres- dangereux
il examina de prés toutes
10 MERCURE
fes demarches , la vit de
facile accès à tous ceux
qu'il regardoit comme
fes rivaux , & fans fonger qu'ils ne luy avoient
pas donné les mefmes fujets de plainte que luy , il
les mit tous fur fon compte , il prit confeil de fa
jaloufie , & ne fongea
plus qu'à fe vanger , il en
trouva une occafion toute autre qu'il ne l'efpe
roit.
La Dame eftoit allée à
GALANT.
IF
une Campagne pour
quelques jours avec une
amie;
par malheur pour
elle fon mary revint
justement de Languedoc le lendemain du
départ de fa femme , &
fut fort défagreablement
furpris de nela point
trouver chez elle en arrivant. Le premier homme qu'il vit en fortant
de chez luy ce fut l'amant jaloux , avec qui
il avoit toujours vécu
12 MERCURE
affez familierement , le
mary luy confia le chagrin qu'il avoit contre ſa
femme; il prit cette occafionpour la juftifier de la
maniere dont les prudes
medifent ordinairement
de leurs émules , c'eſtà- dire en excufant malignement les fautes qu'on
ignoreroit fans elle; il entra dans le détail de toutes les connoiffances qu
elleavoit faites depuisfon
départ , & de toutes les
GALANT. 13
parties où elles'étoit trouvée, en louant une vertu
qui pouvoit eftre à l'épreuve de tout cela , mais
cette vertu eftoit ce qui
frappoit moins le mary
les épreuves où elle s'eftoit mife le frappoient
bien davantage , en un
motil l'enviſageacomme
tres-coupable, il s'emporte, il fulmine, & il auroit
pris quelque refolution
violente, fi quelques amis
mieux intentionnez
MERCURE
n'cuffent un peu adouci
le venin que le premier
avoit infinue dans le
cœur de ce pauvre mari ,
cependant tout ce que
ceux- cy purent gagner
ce fut qu'en attendant
un éclairciſſement plus
ample cette femme iroit,
fous quelque prétexte
qu'ils trouverent , paffer
quelques femaines dans
un Couvent à quinze
lieues de Paris , dont par
bonheur l'Abeffe fe trouE
GALANT. S
foeur d'un de ces prudents amis , & la femme
va
executa cette retraite demivolontaire dès qu'elle
fut de retour ; & deux
parentes du maryfechargerent de l'y conduire.
La voila donc dans le
Couvent , fes manieres
engageantes & flateufes
la rendirent bien- toft intime amie de l'Abbeffe ,
elle fe fit aimer de tout le
Couvent, c'eftoit une neceffité pour elle que la
stoleg
16 MERCURE
vie gaye , elle fe fit des
plaifirs de tout ce qui en
peut donner dans la retraite , & elle fit amitié
avec une jeune Provençale, parente de l'Abbeſſe
qui eftoit aufli dans le
Couvent pour paſſer la
premiere année de fon
veuvage, mais elle eftoit
auffi gaye que celle - cy
qui n'eftoit pas veuve
celle - cy eut une fantaifie fi forte d'apprendre
le Provençal qu'elle le
parloit
GALANT. 17
parloit au bout de quelque temps auffi bien que
cette veuve qu'elle ne
quittoit pas d'un moment.
Le temps de cette retraite dura prés d'une an
née au lieu de quelques
femaines › parce que le
mary fut obligé de retourner en Languedoc
& qu'il ne voulut pas la
laiffer feule à Paris une
feconde fois. Pendant ce
temps là elle eut la petite
Septembre 1712. B
18 MERCURE
verole , & n'en fut prefque point marquée, mais
il fe fit un petit changementdans les traits defon
de temps vifage , en peu
la convalefcence joignit
de l'embonpoint à fa taille qui eftoit fort menuë ;
& fon teint s'éclaircit
beaucoup , elle perdit de
beaux cheveux blonds
qu'elle avoit , en forte
que mettant un jour en
badinant une coifure de
la veuve , qui eftoit bru
GALANT 19
ne , elle fe trouva fi jolic
en brun & en mefme
temps fi diférente de ce
qu'elle eftoit en blond
avant fa petite verolo
que joignant à cela le
langage Provençal, qu'el
le s'eftoit rendu naturel ,
ellecrutpouvoir fatisfaire
une fantaiſie qui luyvint;
c'eftoit d'accompagner
fan amie dans un pe
tit voyage qu'elle alloit
faire à Paris , & d'y paſfer
incognito pour une Pra
Bij
20 MERCURE
vençale parente de cette
veuve , elle en obtint la
permiffion de l'Abbeffe
& du frere de cetteAbbef
fe, qui eftoit, commej'ay
dit , le vray ami de confiance du mary , & qui
avoit mefme affez d'af1
cendant fur luy pour ſe
charger de ce qui pourroit arriver , lorſque par
hazard elle feroit reconnuë par quelqu'un. En
unmot , il ne put refuſer
cette petite confolation
GALANT. 28
d'aller voir Paris , à une
femme qu'il fçavoit innocente , & que fon mary qui menaçoit d'eftre
encore trois mois en Lan
guedoc, avoit déja laiffé
un an dans le Couvent ,
il partit donc avec la veritable & la fauffe brune,
qu'il mena en arrivant à
Paris chez unvieux Confeiller dont la femme eftoit tres vertueuse , il ne
pouvoit la placer mieux
pour la fureté du mary.
22 MERCURE
Il fit croire aifément au
vieux Confeiller & à fa
femme qu'elle eftoit Provençale & parente de la
veuve.
Nos deux brunes firent pendant quelques
jours l'admiration du petit nombre de gens que
voyoit la Confeillere , &
elles eftoient un jourtoutes trois avec le Confeiller dans fon Cabinet en
fortant de Table , lorfqu'un Soliciteur impa
}
GALANT. 27
que
tes
tient ne trouvant perfonne pour l'annoncer, parce
gens difnoient
entra dans le Cabinet du
Confeiller. Qui pourroit
imaginer la bizarerie de
cette incident , le mary
jaloux eftoit revenu en
poſté pour un procèsimportant dont ce Confeil
ler venoit d'eftre nommé
Rapporteur , il eſtoit encore aux compliments
avec le Confeiller quand
la parole luy manqua
&
24 MERCURE
tout à coup , par la ref
femblance eftonnante
qui le frappa malgré les
changemens dont j'ay
parlé ; le Conſeiller luy
dit ce qu'il croyoit de
bonne foy , que cette
belle Provençale eftoit
arrivée de Provence depuis deux jours avec la
veuve. Le mary ne put
s'empefcher contre lá
bienséance mefme de s'avancer vers les deux Dames , il leur marqua là
caufe
GALANT.
caufedefoneftonnement,
& il cuftfansdoutereconneu fa femme fans la préfence d'efprit qu'elle cut
de neparler que Provençal , comme fi elle n'euft
pas fceu bien parler
François , ce jargon dépayfa encore le mary qui
s'en tint à l'eftonnement
d'une telle reffemblance
entre une brune & fa
femme qui eftoit blonde.
En ce moment l'ami qui
avoit difné avec les DaSeptembre 1712, C
26 MERCURE
mes, & qui eftoit reſté un
moment dans le Jardin ,
fut eftonnéen remontant
de trouver dans l'antichambre un Laquais de
fon ami qu'il croyoit encore en Languedoc , &
fut bien plus furpris encore quand ce Laquais
lui dit que fon Maiſtre
eftoit dans le Cabinet du
Confeiller , il entra fort
allarmé , mais la fcene
qu'il y trouva l'ayant un
peu raffuré , lui fit naiſtre
GALANT
. 17
en grossune idée qu'il
perfectionna dans la fuite , & aprés avoir appuyé
ta folicitation de fon ami
auprès du Conſeiller , il
fortit avec luy , le fortifia dans l'idée de la
reffemblance , & lui promit pour la rareté dufait
de luy faire voir le lende-
-main cette brune, & dès
le foir mefme il prévint
ola Confeillere en lui contant la verité de tout , &
luy faiſant approuver le
C ij
& MERCURE
deffein qu'il avoit , car
foupçonnoit desja le mary d cftre un peu amoureux de fa femme traveftie. ?
La vifite du lendemain
fe pafla plus gayement
que la premiere entreveuë, car la femme ayant
concertéfon perfonnage,
le fouftint à merveille, &
dit à fon mary en langage Provençal cent jolies
chofes , que la veuve lui
interpretoit à mefure ,
GALANT. 29
elle interpretoit enfuite
la femme ce que fon mary lui difoit bon François : ce jeu donna à l'amyla fene du monde la
en
plus divertiflante , & le
maryfortit delà fì amouBeux , que fon amy n'en
douta plus ; mais il fe
garda bien de lui tefmoi
gner qu'il s'en apperceut,
de peur de le de le contraindre. Le fingulier de cett
avanture , c'eft qu'en certains momens le maryreCij
30 MERCURE
connoiffoit fi fort fa femme, que cela refroidiffoit
un peueu fon amour, toutes les differences qu'il
trouvoit le frappant , enfuite fon amour redoubloit , & les fcrupules lui
prenoient , il vit ainfi plufieurs fois fa femme, mais
le jour de fon départ eftoit arrivé , on dit hautement qu'elle retournoit
en Provence, & elle partit
pour fe rendre au Cou
vent.
ALANT 31
Ce départ mit le mary
dans un tel abbatement
qu'il ne put s'empeſcher
de faire confidence àa fon
amy du cruel cftat où
cette feparation l'avoit
que
mis. Alors Famylui confeilla de profiter de la reffemblance, de taſcher
fa femme remplaçaft cette perte dans fon cœur.
Ils partirent tous deux
pour aller au Couvent ,
où la femme redevenue
blonde , prit des ajuſte
C iiij
32 MERCURI
ments if differents de
ceux qu'elle avoit cftant
brune , que le mary crup
voirune autre perfonne ,
il y trouvoit pourtant
quelques uns des mefmes
charmes , mais celle - cy
ne fervoit qu'à lui faire
regreter l'autre , en lus
en reveillant lidée. vio
Sur ces entrefaites un
courier vint apporter une
lettre à l'amy & cette
lettre eftoit de la veuve,
qui de concert avec lui
CALANTI #
cftoit allée à une terre
qu'avoit le Confeiller à
quatre lieues du Cou
vent, cette lettre portoit,
que la belle brune s'erant
trouvée indifposée &
cette femme fe trouvant
fur la route du Langue
doc elle y séjourneroit
deux où trois jours. Il
montra le commencement de cette lettre au
mary , qui en lut en mef.
me temps la fin , où la
veuve marquoit à l'amy
34 MERCURE
comme par une espece de
confidence , que l'indif
pofition de la brune n'eftoit qu'un prétexte pour
taſcher de retournerà Paris , pour revoir fon amy
pour qui elle avoit le
cœur pris. Jugez de l'effet que cette fin de lettre
fit fur le pauvre mary .
l'amy reprit fa lettre fans
lui parler davantage de
la veuve ni de fa compagne , & dit enfuite qu'ef
tant obligé de refter deux
GALANT. 35
ou trois jours avec la
foeur Abbeffe ; il lui
donnoit fon Caroffe pour
s'en retourner à Paris ; le
mary fut charmé de cet
incident & profita du
Caroffe , il gagna le Cocher & marcha droit
vers la terre où il croyoit
trouver la brune , & c'eft
ce que l'amy avoit prévû,
la blonde partit àl'inftant
par un chemin de traverfe avec une Chaife de
pofte , & l'amy à Che-
36 MERCURE
val , ils arriverent une
heure avant le Caroffe
dont le Cocher avoit ordre d'aller fort douce,
ment, & la blonde cut
tout le loifir de le faire
brune ,
avant que fon
maryfuftarrivé, l'amyfe
fit cacher dans le Chaf
teau , & cette entreveuë
fut fi vive qu'il y eut déclaration d'amour depart
&
d'autre , car le mary
eut la tefte fi troublée de
puis la lecture de la lettre,
GALANT. 37-
qu'il fut incapable d'aucune reflexion fur l'infi- .
delitéqu'il faifoit à fa femme dans le moment
qu'ils eftoient dans le fort
de leur tendreffe l'amy
parut , la brune feignit
?
d'eftre furpriſe & troublée , fe retira avec précipitation & laiffa les
deux amis feuls enfemble , alors l'amy prenant
un ton fort fevere , dite
au mary qu'il s'etoit bien
douté de l'infidelité qu'il
38 MERCURE
vouloit faire à fa femme,
& qu'il lui avoit exprés
laiffé fon Carroffe pour
avoir lieu de le furprendre , & de lui faire cent
reproches des mauvais
procedez qu'il avoit eus
avec fa femme fur de
fimples apparences , lorf
qu'il eftoit réellement infidelle. Ce mary fut tres
honteux , fon amy avoit
beaucoupd'afcendant fur
fon efprit , il lui fit promettre qu'il ne reverroit
CALANT. 39
pas
་
jamaistla brune ?, ible
promit , mais ce n'eftoit
là ce qu'on vouloit
de lui , l'amy reprit avec
lui le chemin de l'Abbaye , & le détermina à
reprendre fa femme pour
la remener à Paris , il le
promit , mais il eut befoin de toute fa raiſon &
de toute celle de fon amy
pour faire un tel effort
fur lui-mefme. Il arriva à
l'Abbaye dans un eſtat
qui cuft fait pitié à tout
40 MERCURE
a
autre qu'à cet amy. Ils
prirent leurs mefures en
arrivant à l'Abbaye pour
pouvoir partir le lendemain pour Paris , la femme eftoit à l'Abbaye avant eux , & par le mefme chemin qu'elle avoit
pris pour aller , elle en
eftoit revenue , & reparut en blonde , mais ce
n'eftoit plus cette blonde
foumife , gracieuſe , &
fuppliante que le maryy
avoit laiffée le matin , elle
prit
GALANT 41
prit un autre ton , elle fit
la ferme jaloufe , & en
prétence de l'Abbofle dé
clara qu'elle fçavoit l'in ,
fidelité de fon mary , l'amy & l'Abbele joue
rent fr bien leur perfonnage , & feconderent fi
bien les juftes reproches
de la femme irritée , quo
le mary veritablement
convaincu de fon tort refolut fincerement de tafa
cher debien vivre avec fa
femme & d'oublier la
Septembre 1712.
D.
42 MERCURE
Provençale , il le promit,
mais la femme feignit de
ne fe fier pas à fes promeffes , de vouloir refter
au Couvent , & fe retira
fierement. L'Abbeffe, l'a
my, & le mary difnerent
fort triftement , & on le
fit refter à table autant de
temps qu'il fallut pour
donner le loifir à la blonde de redevenir brune ;
elle n'oublia rien cette
derniere fois pour plaire
à fon amant mary , il fut
GALANT
fort furpris de la voir entrer dans le parloir où ils
mangcoient, l'Abbeffe &
l'amyfeignirent auffi d'eftre furpris , la fcene qui
fe paffa s'imagine mieux
qu'elle ne fe peut écrire ,
jamais mary ne s'eft trou
vé dans un pareil embar
ras , car l'Abbeffe & l'amyne pouvoient traiter
la chofe fi férieuſement
qu'ils ne leur échapaft
quelques éclats de rire ,
ils eftoient dans cette fi
Dij
44 MERCURE
tuation lorfque la Pro
vençale commença à par
ler bon François , & à
déclarer ouvertementfon
amour , fans lui dire encore qu'elle eftoit fa fenrme, & ils firentprudem
ment de tromper le mari
par degrez, car s'ileuft appris tout d'un coup que
celle qu'il aimoit fi pafs
fionnément alloit eftre en
fa poffeffion , il en feroit
mort de joye. Enfin le
dénouement fut mené
GALANT. 45
de maniere , que le mary
fut auffi amoureux aprés
Féclairciffement , & mef
me plus qu'il ne l'avoit
eftéavant & dans la fuitele mary devenant
moins amoureux &
moins jaloux , & la femme devenant plus refervée cela fit un très bon
menage : enfin l'amy fut
remercié de la tromperie
innocente comme du
meilleure office qu'il
pouvoit rendre au mary
& à la femme
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Résumé : LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
Le texte raconte l'histoire d'une femme mariée, décrite comme jolie, enjouée et spirituelle, mais vertueuse. En septembre 1712, son mari, nouvellement marié et parti pour le Languedoc, lui recommande de mener une vie régulière. Libérée de la surveillance de son mari, la femme oublie les recommandations et profite de sa liberté tout en évitant les scandales. Elle reçoit des déclarations d'amour mais reste maîtresse de ses actions. Un jeune homme, jaloux et offensé par son refus, décide de se venger en révélant au mari les fréquentations de sa femme. Furieux, le mari envoie sa femme dans un couvent. Là, elle se lie d'amitié avec une jeune veuve provençale et apprend le provençal. Après avoir contracté la variole, elle change d'apparence et décide de se faire passer pour une Provençale. Avec l'aide de l'abbé et du frère de l'abbesse, elle retourne à Paris incognito. Par un hasard extraordinaire, son mari la rencontre sans la reconnaître. Grâce à une lettre trompeuse, le mari découvre la supercherie et retrouve sa femme. L'histoire se termine par une réconciliation et une déclaration d'amour entre les époux. Parallèlement, une intrigue complexe implique le mari, sa femme et un ami. Lors d'un moment d'intimité entre le mari et sa femme, cette dernière, déguisée en brune, feint la surprise et se retire, laissant les deux amis seuls. L'ami, prenant un ton sévère, accuse le mari d'infidélité et lui révèle qu'il a laissé son carrosse pour le surprendre. Le mari, honteux, promet de ne plus revoir la brune. L'ami le convainc de reprendre sa femme pour la ramener à Paris. À l'abbaye, la femme, désormais blonde, joue la jalouse et accuse son mari d'infidélité. L'ami et l'abbé jouent leur rôle pour convaincre le mari de son tort. La femme feint de ne pas croire aux promesses du mari et se retire au couvent. Pendant le dîner, la femme redevient brune et surprend son mari. L'ami et l'abbesse parviennent à tromper le mari par degrés, révélant progressivement l'amour de la femme. Finalement, le mari devient encore plus amoureux après l'éclaircissement. La situation évolue vers un ménage harmonieux, avec le mari moins jaloux et la femme plus réservée. L'ami est remercié pour sa tromperie innocente, considérée comme un service précieux rendu au couple.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 520-527
Memoires de la vie du Comte de Grammont, [titre d'après la table]
Début :
MEMOIRES de la Vie du Comte de Grammont. Par le [...]
Mots clefs :
Comte de Grammont, Mémoires, Épître, Satire, Antoine Hamilton, Galanterie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Memoires de la vie du Comte de Grammont, [titre d'après la table]
MEMOIRES de la Vie du Comte de
Grammont. Par le Comte Antoine Ha
milton , nouvelle Edition , corrigée et
augmentée d'un Discours Préliminaire du
même Auteur . A la Haye , chez P. Gosse
, et J. Neaulme , 1731 , in 12. de 407. pagcsa
MARS. 1731. 421
ges sans le Discours et l'Avertissement ,
qui en contiennent 22. Et se trouve à Paris
, rue S. Jacques , chez Fosse.
*
Cet Ouvrage est tellement chéri de
tous ceux qui le connoissent , qu'on ne
doit pas douter que cette nouvelle Edition
ne soit très-favorablement reçûë du
Public. Outre les Avantures du Comte
de Gr. très- réjouissantes par elles-mêmes ,
ces Memoires contiennent encore l'Histoire
Galante d'Angleterre , sous le Regne
de Charles II . et on peut dire qu'ils
sont écrits d'une maniere suivie et si ingénieuse
, qu'ils ne laisseroient pas de
faire un extréme plaisir , quand même la
matiere seroit mons interessante.
On ne doute pas que le Discours , mêlé
de Prose et de Vers , ne soit du même
Auteur que les Memoires. On le compare
au Voyage de Bachaumont , &c. Les mêmes
graces, le même naturel , la même legereté.
Donnons en quelques exemples, et
résistons à la vive demangeaison de copier
l'Epitre entiere qui est adressée au Comte
de Grammont lui-même.
Indignez que votre caractere soit si peu
connu dans des Provinces où votre nom
l'est tant , nous avons formé le dessein de
donner ici quelque idée de votre mérite ,
mais qui sommes - nous pour l'entreprendre
? Médiocres pour le génie , et rouillez
par
522 MERCURE DE FRANCE.
par une longue interruption de commer
ce avec la Cour , comment seroit-il possible
que nous cussions ce gout et cette politesse
, qui ne se trouvent point ailleurs ,
et qu'il faudroit pourtant avoir
parler de vous ? Car ,
pour
Il ne faut pas un talent ordinaire ,
Pour réussir dans une affaire ,
Où les talens succombent tous :
bien
Et quelqu'empressement que l'on ait à vous plaire,
Dès qu'il faut écrire pour vous ,
Le Projet devient témeraire ;
Et des Campagnards comme nous ,
Sont bien-tôt réduits à se taire.
L'Auteur , embarrassé de trouver quelqu'un
qui puisse parler dignement du
Comte de Grammont , jette les yeux sur
M. Despréaux , il en fait un bel Eloge
qu'il finit ainsi :
Lui seul peut consacrer à l'Immortalité ,
Un mérite comme le vôtre ;
Mais sa Muse a toûjours quelque malignité ,
Et vous caressant d'un côté , ´
Vous égratigneroit de l'autre.
L'expedient qui nous vint en tête après
celui -là , poursuit l'Auteur , fut de vous
mettre tout de votre long au milieu du
Recueil
1
MARS. 1731. 523
Recueil, où l'on voit depuis peu cette belle
Lettre de l'illustre Chefde votre Maison :
et voici l'adresse qu'on nous avoit donpour
cela : née
Non loin des superbes Lambris ,
Qu'habitoient nos Rois à Paris ,
Dans un certain recoin du Louvre ,
7
Est un Bureau fécond , qui s'ouvre ,
A tous Auteurs , à tous Ecrits ,
A des Ouvrages de tout prix ,
Sur tout à ceux des beaux esprits ,
Quand par hazard il s'en découvre.
De ce lieu chaque mois sortent galans Cahiers
Ou tous faiseurs de Chansonnettes ,
( Tendres Héros de leurs quartiers , )
Viennent en Vers familiers ,
Usurper le nom de Poëtes ;
Et sur des tons irreguliers ,
Montant Chalumeaux et Musettes
Content champêtres amourettes ,
Ou couronnent de vains Lauriers ,
Des Ecrivains et des Guerriers ,
Qui sont inconnus aux Gazettes.
De ses atours capricieux ,
C'est-là que l'Enigme se pare ,
Met un masque misterieux ,
Et d'un voile mince et bizarre ,
Ε
Embarrassant les Curieux ,
Est
$ 24 MERCURE DE FRANCE
Est toûjours neuve et jamais rare .
C'est-là qu'on voit en vieux transports ,
Gémir nouvelles Elegies ;
Et là s'impriment tous les Morts ,
Avec leurs Génealogies ,
Leurs Eloges , leurs Effigies ,
Leurs Dignitez et leurs Trésors.
On demande ensuite le secours de deux
excellentes Plumes , en ces termes :
La Fare , et vous Abbé sçavant,
Que Phebus de son influence 2
Anime et soutient en rimant ,
Donnez chacun dans une Stance ;
Quelque relief à ce fragment ,
Nous implorons votre assistance.
Lorsque nous étions ainsi embarassez
poursuit l'Auteur , il parut au milieu de
la chambre où nous écrivions , une figure
qui nous surprit , sans nous effrayer , c'étoit
celle de votre Philosophe , l'inimitable
S. Evremont. Rien de tout ce tintamare
, qui annonce d'ordinaire l'arrivée
des Morts de consequence , n'avoit précedé
son apparition .
L'on ne vit point trembler la Terre ,
Le Ciel resta clair et serain ;
Point de murmure souterrain
Et
་
MARS. 1731. 525
Et pas un seul coup de Tonnerre.
Il n'étoit point couvert de lambeaux mal cousus ,
Tels qu'étala près de Philippe ,
Le Spectre qui de nuit apparut à Brutus.
Il n'avoit point l'air de Laïus ,
Qui ne portoit pour toute nippe ,
Qu'un petit Manteau d'Emaüs ,
Quand il vint accuser Edipe ;
Il n'avoit rien du funeste appareil ,
Que l'on croit voir à ces affreuses Ombres ,
Qui sortent des Royaumes sombres ,
Pour interrompre le sommeil .
Il loüe ce Projet , mais il n'approuve
pas le choix de ces deux Messieurs.
L'un tendre , fidele et gouteux ,
Se révoltant d'un air profane
Contre l'anodyne tisanne ,
Et contre l'objet de ses voeux ,
Ne chante dans ses Vers heureux
Que l'inconstance et la Tocane.
L'autre d'un stile gracieux,
Et digne des bords du Permesse
Par mille traits ingenieux ,
Fait tout céder à la paresse ,
Et de l'indolente molesse ,
Vante le repos glorieux.
Gardez -vous bien , poursuit-il un peu
après,
526 MERCURE DE FRANCE
après , de vouloir rendre ses récits ou ses
bons mots ; le sujet est trop grand pour
vous. Tâchez seulement en parlant de
ses Avantures , de donner des couleurs
à ses deffauts , et du relief à ses vertus.
C'es tainsi qu'autrefois par des routes faciles ,
A l'immortalité j'élevois mon Héros ;
Pour vous , peignez
d'abord en gros ,
Cent Beautez à ses yeux dociles ;
Faites-le voir suivant en tous lieux les Drapeaux
D'un Guerrier égal aux Achilles ;
Qu'au milieu de la paix , ennemi du repos ,
Il donne des leçons utiles ,
Aux Courtisans les plus habiles ;
Et toûjours actif à propos ,
Sans leurs empressemens sèrviles ,
Qu'il efface tous leurs travaux.
Que vos Pinceaux enfin en nouveaux traits fertiles
,
Le fassent voir en differens Tableaux ,
Tyran des fâcheux et des sots ,
Historien d'amour et de guerres civiles ,
Recueil vivant d'antiques Vaudevilles ,
Redoutable par ses complots ,
Aux Amans heureux ou tranquilles ,
Désolateur de ses Rivaux ;
Fleau des discours inutiles ,
Agréable et vif en propos ,
Celebre
MAR S.
327 1731.
Celeb re diseur de bons mots ,
Et sur tout grand preneur de Villes , &c.
Cette Epitre finit ainsi : Nous avons
eu beau changer de stile et de langage
pour en faire quelque chose , vous voyez
combien nous sommes restez au-dessous
de notre sujet ; il faudroit , pour y
réüssir , que celui que nos fictions viennent
de ressusciter , fut encore parmi les
vivans. Mais ,
Il n'est plus de Saint Evremont ,
Et ce Chroniqueur agréable ,
Du sérieux et de la Fable
Ce favori du sacré Mont ,
N'a pû trouver le Cocyte guéable ,
Et de ce Fleuve redoutable ,
Le retour n'est permis qu'au Comte de Grammont.
Grammont. Par le Comte Antoine Ha
milton , nouvelle Edition , corrigée et
augmentée d'un Discours Préliminaire du
même Auteur . A la Haye , chez P. Gosse
, et J. Neaulme , 1731 , in 12. de 407. pagcsa
MARS. 1731. 421
ges sans le Discours et l'Avertissement ,
qui en contiennent 22. Et se trouve à Paris
, rue S. Jacques , chez Fosse.
*
Cet Ouvrage est tellement chéri de
tous ceux qui le connoissent , qu'on ne
doit pas douter que cette nouvelle Edition
ne soit très-favorablement reçûë du
Public. Outre les Avantures du Comte
de Gr. très- réjouissantes par elles-mêmes ,
ces Memoires contiennent encore l'Histoire
Galante d'Angleterre , sous le Regne
de Charles II . et on peut dire qu'ils
sont écrits d'une maniere suivie et si ingénieuse
, qu'ils ne laisseroient pas de
faire un extréme plaisir , quand même la
matiere seroit mons interessante.
On ne doute pas que le Discours , mêlé
de Prose et de Vers , ne soit du même
Auteur que les Memoires. On le compare
au Voyage de Bachaumont , &c. Les mêmes
graces, le même naturel , la même legereté.
Donnons en quelques exemples, et
résistons à la vive demangeaison de copier
l'Epitre entiere qui est adressée au Comte
de Grammont lui-même.
Indignez que votre caractere soit si peu
connu dans des Provinces où votre nom
l'est tant , nous avons formé le dessein de
donner ici quelque idée de votre mérite ,
mais qui sommes - nous pour l'entreprendre
? Médiocres pour le génie , et rouillez
par
522 MERCURE DE FRANCE.
par une longue interruption de commer
ce avec la Cour , comment seroit-il possible
que nous cussions ce gout et cette politesse
, qui ne se trouvent point ailleurs ,
et qu'il faudroit pourtant avoir
parler de vous ? Car ,
pour
Il ne faut pas un talent ordinaire ,
Pour réussir dans une affaire ,
Où les talens succombent tous :
bien
Et quelqu'empressement que l'on ait à vous plaire,
Dès qu'il faut écrire pour vous ,
Le Projet devient témeraire ;
Et des Campagnards comme nous ,
Sont bien-tôt réduits à se taire.
L'Auteur , embarrassé de trouver quelqu'un
qui puisse parler dignement du
Comte de Grammont , jette les yeux sur
M. Despréaux , il en fait un bel Eloge
qu'il finit ainsi :
Lui seul peut consacrer à l'Immortalité ,
Un mérite comme le vôtre ;
Mais sa Muse a toûjours quelque malignité ,
Et vous caressant d'un côté , ´
Vous égratigneroit de l'autre.
L'expedient qui nous vint en tête après
celui -là , poursuit l'Auteur , fut de vous
mettre tout de votre long au milieu du
Recueil
1
MARS. 1731. 523
Recueil, où l'on voit depuis peu cette belle
Lettre de l'illustre Chefde votre Maison :
et voici l'adresse qu'on nous avoit donpour
cela : née
Non loin des superbes Lambris ,
Qu'habitoient nos Rois à Paris ,
Dans un certain recoin du Louvre ,
7
Est un Bureau fécond , qui s'ouvre ,
A tous Auteurs , à tous Ecrits ,
A des Ouvrages de tout prix ,
Sur tout à ceux des beaux esprits ,
Quand par hazard il s'en découvre.
De ce lieu chaque mois sortent galans Cahiers
Ou tous faiseurs de Chansonnettes ,
( Tendres Héros de leurs quartiers , )
Viennent en Vers familiers ,
Usurper le nom de Poëtes ;
Et sur des tons irreguliers ,
Montant Chalumeaux et Musettes
Content champêtres amourettes ,
Ou couronnent de vains Lauriers ,
Des Ecrivains et des Guerriers ,
Qui sont inconnus aux Gazettes.
De ses atours capricieux ,
C'est-là que l'Enigme se pare ,
Met un masque misterieux ,
Et d'un voile mince et bizarre ,
Ε
Embarrassant les Curieux ,
Est
$ 24 MERCURE DE FRANCE
Est toûjours neuve et jamais rare .
C'est-là qu'on voit en vieux transports ,
Gémir nouvelles Elegies ;
Et là s'impriment tous les Morts ,
Avec leurs Génealogies ,
Leurs Eloges , leurs Effigies ,
Leurs Dignitez et leurs Trésors.
On demande ensuite le secours de deux
excellentes Plumes , en ces termes :
La Fare , et vous Abbé sçavant,
Que Phebus de son influence 2
Anime et soutient en rimant ,
Donnez chacun dans une Stance ;
Quelque relief à ce fragment ,
Nous implorons votre assistance.
Lorsque nous étions ainsi embarassez
poursuit l'Auteur , il parut au milieu de
la chambre où nous écrivions , une figure
qui nous surprit , sans nous effrayer , c'étoit
celle de votre Philosophe , l'inimitable
S. Evremont. Rien de tout ce tintamare
, qui annonce d'ordinaire l'arrivée
des Morts de consequence , n'avoit précedé
son apparition .
L'on ne vit point trembler la Terre ,
Le Ciel resta clair et serain ;
Point de murmure souterrain
Et
་
MARS. 1731. 525
Et pas un seul coup de Tonnerre.
Il n'étoit point couvert de lambeaux mal cousus ,
Tels qu'étala près de Philippe ,
Le Spectre qui de nuit apparut à Brutus.
Il n'avoit point l'air de Laïus ,
Qui ne portoit pour toute nippe ,
Qu'un petit Manteau d'Emaüs ,
Quand il vint accuser Edipe ;
Il n'avoit rien du funeste appareil ,
Que l'on croit voir à ces affreuses Ombres ,
Qui sortent des Royaumes sombres ,
Pour interrompre le sommeil .
Il loüe ce Projet , mais il n'approuve
pas le choix de ces deux Messieurs.
L'un tendre , fidele et gouteux ,
Se révoltant d'un air profane
Contre l'anodyne tisanne ,
Et contre l'objet de ses voeux ,
Ne chante dans ses Vers heureux
Que l'inconstance et la Tocane.
L'autre d'un stile gracieux,
Et digne des bords du Permesse
Par mille traits ingenieux ,
Fait tout céder à la paresse ,
Et de l'indolente molesse ,
Vante le repos glorieux.
Gardez -vous bien , poursuit-il un peu
après,
526 MERCURE DE FRANCE
après , de vouloir rendre ses récits ou ses
bons mots ; le sujet est trop grand pour
vous. Tâchez seulement en parlant de
ses Avantures , de donner des couleurs
à ses deffauts , et du relief à ses vertus.
C'es tainsi qu'autrefois par des routes faciles ,
A l'immortalité j'élevois mon Héros ;
Pour vous , peignez
d'abord en gros ,
Cent Beautez à ses yeux dociles ;
Faites-le voir suivant en tous lieux les Drapeaux
D'un Guerrier égal aux Achilles ;
Qu'au milieu de la paix , ennemi du repos ,
Il donne des leçons utiles ,
Aux Courtisans les plus habiles ;
Et toûjours actif à propos ,
Sans leurs empressemens sèrviles ,
Qu'il efface tous leurs travaux.
Que vos Pinceaux enfin en nouveaux traits fertiles
,
Le fassent voir en differens Tableaux ,
Tyran des fâcheux et des sots ,
Historien d'amour et de guerres civiles ,
Recueil vivant d'antiques Vaudevilles ,
Redoutable par ses complots ,
Aux Amans heureux ou tranquilles ,
Désolateur de ses Rivaux ;
Fleau des discours inutiles ,
Agréable et vif en propos ,
Celebre
MAR S.
327 1731.
Celeb re diseur de bons mots ,
Et sur tout grand preneur de Villes , &c.
Cette Epitre finit ainsi : Nous avons
eu beau changer de stile et de langage
pour en faire quelque chose , vous voyez
combien nous sommes restez au-dessous
de notre sujet ; il faudroit , pour y
réüssir , que celui que nos fictions viennent
de ressusciter , fut encore parmi les
vivans. Mais ,
Il n'est plus de Saint Evremont ,
Et ce Chroniqueur agréable ,
Du sérieux et de la Fable
Ce favori du sacré Mont ,
N'a pû trouver le Cocyte guéable ,
Et de ce Fleuve redoutable ,
Le retour n'est permis qu'au Comte de Grammont.
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Résumé : Memoires de la vie du Comte de Grammont, [titre d'après la table]
Le texte présente les 'Mémoires de la Vie du Comte de Grammont' rédigés par le Comte Antoine Hamilton, publiés en 1731 à La Haye et à Paris. Cette édition est corrigée et augmentée d'un discours préliminaire de l'auteur, qui a été bien accueilli par le public. Les mémoires narrent les aventures du Comte de Grammont et retracent l'histoire galante de l'Angleterre sous le règne de Charles II, avec une écriture ingénieuse et plaisante. Le discours préliminaire, mélangeant prose et vers, est comparé au 'Voyage de Bachaumont' pour ses grâces et son naturel. L'auteur exprime son embarras à parler dignement du Comte de Grammont et mentionne une conversation avec le philosophe Saint-Évremont, qui apparaît de manière inattendue. Saint-Évremont critique le choix des personnes sollicitées pour écrire sur le comte et donne des conseils sur la manière de décrire ses vertus et ses défauts. L'épître se conclut par l'admission de l'auteur de son incapacité à rendre justice au sujet, soulignant que seul le Comte de Grammont pourrait être à la hauteur de la tâche.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 106
Mémoires de Mad. de Barneveldt, &c. [titre d'après la table]
Début :
MEMOIRES de Madame de Barneveldt. A Paris, Quay de Conty [...]
Mots clefs :
Mémoires, Portrait, Galanterie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mémoires de Mad. de Barneveldt, &c. [titre d'après la table]
MEMOIRES de Madame de Barneveldt.
A Paris , Quay de Conty , et rue S. Jacques,
chez Mich. Gandonin et P. F. Giffart ,
173 2.2. volumes in 12. de près de 600.
pag.avecl'Avertissement et lesSommaires
On ne doit pas s'attendre à trouver
dans ces Memoires , qui sont fort bien
écrits , rien qui regarde les Armes , la
Politique , ou les affaires du grand monde. Ce ne sont que des Avantures , où
il entre tantôt du Comique , tantôt du
Tragique , et assez de Galanterie , mais
de celle dont l'image n'est pas dangereuse , et qui ne blesse point les mœurs , selon le témoignage de l'Editeur , dans son
Avertissement. Si les Portraits plaisent
dans des Memoires , dit-il , on en trouvera quelques-uns dans ceux- cys non , à
la verité , des portraits d'Hommes de guerre
et d'Etat , mais de Gens de Lettres , que
Auteur de ces Memoires a connus dans
les lieux où elle a vêcu. Ceux qui ont étudié l'Histoire Litteraire de son temps , auront la bonté de deviner leurs noms , s'ils le
peuvent ; car, comme elle n'a pasjugé àpropos de les déclarer , je n'aypas été d'humeur
de m'en informer pour les mettre à la marge,
ainsi que d'autres Editeurs plus sçavans que
moi , auroient pû faire.
A Paris , Quay de Conty , et rue S. Jacques,
chez Mich. Gandonin et P. F. Giffart ,
173 2.2. volumes in 12. de près de 600.
pag.avecl'Avertissement et lesSommaires
On ne doit pas s'attendre à trouver
dans ces Memoires , qui sont fort bien
écrits , rien qui regarde les Armes , la
Politique , ou les affaires du grand monde. Ce ne sont que des Avantures , où
il entre tantôt du Comique , tantôt du
Tragique , et assez de Galanterie , mais
de celle dont l'image n'est pas dangereuse , et qui ne blesse point les mœurs , selon le témoignage de l'Editeur , dans son
Avertissement. Si les Portraits plaisent
dans des Memoires , dit-il , on en trouvera quelques-uns dans ceux- cys non , à
la verité , des portraits d'Hommes de guerre
et d'Etat , mais de Gens de Lettres , que
Auteur de ces Memoires a connus dans
les lieux où elle a vêcu. Ceux qui ont étudié l'Histoire Litteraire de son temps , auront la bonté de deviner leurs noms , s'ils le
peuvent ; car, comme elle n'a pasjugé àpropos de les déclarer , je n'aypas été d'humeur
de m'en informer pour les mettre à la marge,
ainsi que d'autres Editeurs plus sçavans que
moi , auroient pû faire.
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Résumé : Mémoires de Mad. de Barneveldt, &c. [titre d'après la table]
Les 'Mémoires de Madame de Barneveldt' sont publiés à Paris en deux volumes de près de 600 pages chacun, accompagnés d'un avertissement et de sommaires. Ces mémoires, bien rédigés, ne traitent pas des sujets militaires, politiques ou des affaires mondaines. Ils relatent des aventures mêlant des éléments comiques, tragiques et galants, sans nuire aux mœurs. Les portraits présents dans les mémoires ne sont pas ceux d'hommes de guerre ou d'État, mais de gens de lettres connus par l'auteur. L'éditeur précise qu'il n'a pas révélé les noms de ces personnes, laissant aux lecteurs intéressés par l'histoire littéraire de l'époque le soin de les deviner.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 26-27
LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
Début :
De l'Amour l'inconstance extrême [...]
Mots clefs :
Inconstance, Amour, Satire, Galanterie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
De l'Amour l'inconſtance extrême
A tel point fut portée un jour
Que las , exédé de lui-même ,
Il s'ennuya d'être l'Amour.
Je vois , dit-il , pâlir mes flâmes ;
Je vois tous mes dards s'émoufler;
L'or devient le tyran des âmes ;
Allons , il faut en amaffer.
Il fit donc une loterie
De fes joyaux , meubles , effets ;
Et tous les Dieux avec furie
S'en arracherent les billets.
Chacun en fecret couche en joue
Son lot chéri qu'il croit gagner :
Et s'imagine que la rouë ,
Comme la tête , va tourner.
Junon , trop clairvoyante épouſe ,
Defiroit encor le flambeau ;
Et Jupiter à la jalouſe
' Tour bas fouhaitoit le bandeau .
Des forêts la prude veſtale
>
Lorgnoit ces dards qui vont au coeur :
La tendre amante de Céphale
Les convoitoit pour fon chaffeur.
FEVRIER. 1763 . 27
1
L'arc plaifoit fort à la fatyre ;
Les Gens avoient été rompus
Par ces traits pefans que l'on tire
Depuis que Defpréaux n'eft plus.
L'Hymen , Dieu fans galanterie ;
Et toujonts lent à dépenser ,
Ne mit point à la loterie ,
Quoique l'amour l'en vînt preffer.
Non , non , dit-il , ces bagatelles
Ne m'offrent rien d'intéreffant :
Ami , fais un lot de tes aîles ;
Pour un billet j'en prendrai cent..
De l'Amour l'inconſtance extrême
A tel point fut portée un jour
Que las , exédé de lui-même ,
Il s'ennuya d'être l'Amour.
Je vois , dit-il , pâlir mes flâmes ;
Je vois tous mes dards s'émoufler;
L'or devient le tyran des âmes ;
Allons , il faut en amaffer.
Il fit donc une loterie
De fes joyaux , meubles , effets ;
Et tous les Dieux avec furie
S'en arracherent les billets.
Chacun en fecret couche en joue
Son lot chéri qu'il croit gagner :
Et s'imagine que la rouë ,
Comme la tête , va tourner.
Junon , trop clairvoyante épouſe ,
Defiroit encor le flambeau ;
Et Jupiter à la jalouſe
' Tour bas fouhaitoit le bandeau .
Des forêts la prude veſtale
>
Lorgnoit ces dards qui vont au coeur :
La tendre amante de Céphale
Les convoitoit pour fon chaffeur.
FEVRIER. 1763 . 27
1
L'arc plaifoit fort à la fatyre ;
Les Gens avoient été rompus
Par ces traits pefans que l'on tire
Depuis que Defpréaux n'eft plus.
L'Hymen , Dieu fans galanterie ;
Et toujonts lent à dépenser ,
Ne mit point à la loterie ,
Quoique l'amour l'en vînt preffer.
Non , non , dit-il , ces bagatelles
Ne m'offrent rien d'intéreffant :
Ami , fais un lot de tes aîles ;
Pour un billet j'en prendrai cent..
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Résumé : LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
Le poème 'La Lotterie de l'Amour' explore l'inconstance de l'Amour, qui organise une loterie avec ses joyaux, meubles et effets pour se distraire. Tous les dieux, avides, se disputent les billets, chacun espérant gagner le lot désiré. Junon veut éteindre le flambeau de la vérité, tandis que Jupiter souhaite voiler la jalousie. La vestale prude observe les traits qui blessent le cœur, et l'amante de Céphale les désire pour leur pouvoir de réchauffer. En février 1763, les femmes, blessées par les traits perfides depuis la mort de Despréaux, apprécient l'arc. L'Hymen, dieu sans galanterie et avare, refuse de participer, trouvant les lots sans intérêt, et propose de loter les ailes de l'Ami pour obtenir cent billets.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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