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1
p. 84-92
Avanture de l'épée. [titre d'après la table]
Début :
Au reste, Madame, avant que de reprendre les matieres de [...]
Mots clefs :
Jaloux, Veuve, Évanouissement, Épée, Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avanture de l'épée. [titre d'après la table]
Au reſte , Madame , avant
que de reprendre les matieres de la Guerre , vous Içaurez
qu'on vous a dit vray ,
vous diſant que le ieune Marquis , dont vous me deman -
dez des nouvelles a eu depuis peu quelquedemeflé dejalou- fie,&puiſque vous voulez que
ie vous l'explique , en voicy
64 LE MERCURE
les particularitez. Ila del'eſtime pour une ieune Veuve , &
il y a de l'apparence que cet- te eſtime n'eſt pas ſans tendref- dreſſe , puis qu'il a faitune échapée de Jaloux. La Dame eſt bien faire de ſa perſonne,
a beaucoup d'eſprit , & une vertu qui n'a iamais eſté ſu- jette au ſoupçon. Ces avanta ges font dequoy toucher , &
donneroit fon cœur à
moins. Ainfi il ne faut pas s'étonner, fi tantde merite enga- gea aisément le Marquis. Il renditdes ſoins ; & comme il
eſt difficile d'aimer ſans craindre , il ſe chagrina des viſites d'un Cavalier qu'iltrouvoit un peu trop affidu chez la Dame.
Le jeu & la converſation yat- tiroient quantité de perſonnes
on
GALANT. 65
!
de l'un &de l'autre ſexe ; &
quoy que le Cavalier y vinſt fans aucun deſſein particulier,
il ſuffiſoit qu'il y vinſt ſouvent pour allarmer le marquis , qui ne manqua pasde s'en plain- dre. Cette liberté de s'expli- querdépleut àla Dame , elle traita ſon chagrin de viſion ,
& les choſes en eſtoient là,
quand unaccident auſſi nou- veau qu'impréveu, donna licu à la jalouſie dont vous avez
entendu parler. Il y avoit grande Compagnie dans la chambredela Dame, le Cavalier s'y trouva , & n'ayant point voulu s'embarquer au jeu , il s'affit imprudemment fur ſon épée. Vous ſçavez ,
Madame, que les petits Coû- teauxqu'on porteaujourd'huy
66 LE MERCURE
- ſont plus de parade que de de- fenſe. Celuy du Cavalier s'e- ,
ſtoit tiré hors du fourreau
& l'avoit bleſſé. Je ne vous
puis dire comment cela s'e -
ſtoit fait ; mais il eſt certain qu'il n'eut pas ſi - toſt remis,
ſon épée , qu'il ſentit une le-,
gere douleur. Il porta la main,
àl'endroit bleſſé , &la rapor-,
ta pleine de ſang. Il n'en dit,
motà perſonne , & eſtant for- ty pour y remedier , une de- my- foibleſſe le prit au milieu,
de l'Eſcalier : il s'y arreſta. Les Gens du logis vinrent à luy ,
ils virent couler du fang , &
l'un d'eux ayant eſté dire tout bas à la Dame qu'il eſtoit bleſſé , elle crût qu'il auroit eſté attaqué par le Marquis,
&la crainte d'un plus grand
:
GALANT. 67
- deſordre la fit courir ſur l'efcalier avec precipitation. Elle demanda d'abord au Cava -
lier quelle rencontre l'avoit
- reduiten cet eſtat. Sa parole eſtoit d'une perſonne agitée.
Il trouva ſon inquietude obli-
- geante ; & voulant tourner ſa Bleſſure en galanterie , il remonta quatre ou cinq degrez,
& luy embraſſa les genoux pour la remercier de ſes ſoins.
La foibleſſe entiere le prit dans cette poſture. On courut chercher de l'eau pour l'en retirer , & la Dame êtant demeurée ſeule à le ſoutenir , le Marquis parut au bas du degré. Il ne s'attacha qu'à ce qu'il voyoit , & ne ſe donnapoint letemps deraiſonner.
Son pretendu Rival eſtoit aux
68 LE MERCURE
د
pieds de la Dame,qui ſembloit luy tendre les bras obligeam- ment pour le relever, &il n'en
falloit pas davantage pour mettre un jaloux horsde gar- de. Illaiſſa échaper quelques paroles emportées , iura dene revenir iamais &reprit le
chemin de la porte. Vn Do- meſtique le voyant preſt de ſortir , luy demanda s'il ſça- voit l'accident qui embarraf- foit ſa maiſtreſſe. Il s'en fit
conter l'Hiſtoire qu'on ne luy pût dire qu'imparfaitement ,
&il en voulut voir la ſuite.
Le Cavalier eſtoit revenu de
ſon évanoüifſſement par l'eau qu'on luy avoit jettée ſurle vi- ſage,&on le conduiſoit àune chaiſe pour le remener chez luy. Le Marquis confus de
GALANT. 69
fon erreur en fit des excuſes à
la Dame ; la Dame gronda ,
oudu moins voulut gronder.
Jene vousdiraypoint ſi elle ſe rendit fortdifficile au raccommodement ; mais enfin ils ont
tousdeux del'eſprit, tous deux du merite , ils ſe voyent com- me auparavant , &il n'eſt pas àcroire qu'ils ſe ſoient voulu
gefner long-temps par d'in -
commodesformalitez, quien- tre perſonnes qui s'eſtiment ,
ne peuvent i
que de reprendre les matieres de la Guerre , vous Içaurez
qu'on vous a dit vray ,
vous diſant que le ieune Marquis , dont vous me deman -
dez des nouvelles a eu depuis peu quelquedemeflé dejalou- fie,&puiſque vous voulez que
ie vous l'explique , en voicy
64 LE MERCURE
les particularitez. Ila del'eſtime pour une ieune Veuve , &
il y a de l'apparence que cet- te eſtime n'eſt pas ſans tendref- dreſſe , puis qu'il a faitune échapée de Jaloux. La Dame eſt bien faire de ſa perſonne,
a beaucoup d'eſprit , & une vertu qui n'a iamais eſté ſu- jette au ſoupçon. Ces avanta ges font dequoy toucher , &
donneroit fon cœur à
moins. Ainfi il ne faut pas s'étonner, fi tantde merite enga- gea aisément le Marquis. Il renditdes ſoins ; & comme il
eſt difficile d'aimer ſans craindre , il ſe chagrina des viſites d'un Cavalier qu'iltrouvoit un peu trop affidu chez la Dame.
Le jeu & la converſation yat- tiroient quantité de perſonnes
on
GALANT. 65
!
de l'un &de l'autre ſexe ; &
quoy que le Cavalier y vinſt fans aucun deſſein particulier,
il ſuffiſoit qu'il y vinſt ſouvent pour allarmer le marquis , qui ne manqua pasde s'en plain- dre. Cette liberté de s'expli- querdépleut àla Dame , elle traita ſon chagrin de viſion ,
& les choſes en eſtoient là,
quand unaccident auſſi nou- veau qu'impréveu, donna licu à la jalouſie dont vous avez
entendu parler. Il y avoit grande Compagnie dans la chambredela Dame, le Cavalier s'y trouva , & n'ayant point voulu s'embarquer au jeu , il s'affit imprudemment fur ſon épée. Vous ſçavez ,
Madame, que les petits Coû- teauxqu'on porteaujourd'huy
66 LE MERCURE
- ſont plus de parade que de de- fenſe. Celuy du Cavalier s'e- ,
ſtoit tiré hors du fourreau
& l'avoit bleſſé. Je ne vous
puis dire comment cela s'e -
ſtoit fait ; mais il eſt certain qu'il n'eut pas ſi - toſt remis,
ſon épée , qu'il ſentit une le-,
gere douleur. Il porta la main,
àl'endroit bleſſé , &la rapor-,
ta pleine de ſang. Il n'en dit,
motà perſonne , & eſtant for- ty pour y remedier , une de- my- foibleſſe le prit au milieu,
de l'Eſcalier : il s'y arreſta. Les Gens du logis vinrent à luy ,
ils virent couler du fang , &
l'un d'eux ayant eſté dire tout bas à la Dame qu'il eſtoit bleſſé , elle crût qu'il auroit eſté attaqué par le Marquis,
&la crainte d'un plus grand
:
GALANT. 67
- deſordre la fit courir ſur l'efcalier avec precipitation. Elle demanda d'abord au Cava -
lier quelle rencontre l'avoit
- reduiten cet eſtat. Sa parole eſtoit d'une perſonne agitée.
Il trouva ſon inquietude obli-
- geante ; & voulant tourner ſa Bleſſure en galanterie , il remonta quatre ou cinq degrez,
& luy embraſſa les genoux pour la remercier de ſes ſoins.
La foibleſſe entiere le prit dans cette poſture. On courut chercher de l'eau pour l'en retirer , & la Dame êtant demeurée ſeule à le ſoutenir , le Marquis parut au bas du degré. Il ne s'attacha qu'à ce qu'il voyoit , & ne ſe donnapoint letemps deraiſonner.
Son pretendu Rival eſtoit aux
68 LE MERCURE
د
pieds de la Dame,qui ſembloit luy tendre les bras obligeam- ment pour le relever, &il n'en
falloit pas davantage pour mettre un jaloux horsde gar- de. Illaiſſa échaper quelques paroles emportées , iura dene revenir iamais &reprit le
chemin de la porte. Vn Do- meſtique le voyant preſt de ſortir , luy demanda s'il ſça- voit l'accident qui embarraf- foit ſa maiſtreſſe. Il s'en fit
conter l'Hiſtoire qu'on ne luy pût dire qu'imparfaitement ,
&il en voulut voir la ſuite.
Le Cavalier eſtoit revenu de
ſon évanoüifſſement par l'eau qu'on luy avoit jettée ſurle vi- ſage,&on le conduiſoit àune chaiſe pour le remener chez luy. Le Marquis confus de
GALANT. 69
fon erreur en fit des excuſes à
la Dame ; la Dame gronda ,
oudu moins voulut gronder.
Jene vousdiraypoint ſi elle ſe rendit fortdifficile au raccommodement ; mais enfin ils ont
tousdeux del'eſprit, tous deux du merite , ils ſe voyent com- me auparavant , &il n'eſt pas àcroire qu'ils ſe ſoient voulu
gefner long-temps par d'in -
commodesformalitez, quien- tre perſonnes qui s'eſtiment ,
ne peuvent i
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Résumé : Avanture de l'épée. [titre d'après la table]
Le texte décrit une situation impliquant un jeune marquis et une jeune veuve. Le marquis, amoureux de la veuve, devient jaloux en raison des fréquentes visites d'un cavalier chez elle. Lors d'une soirée, le cavalier se blesse accidentellement avec son épée. La veuve, inquiète, accourt et trouve le cavalier blessé. Le marquis, témoin de la scène, interprète mal la situation et, dans un accès de jalousie, décide de partir. Un domestique lui explique alors l'accident, et le marquis, confus, revient et s'excuse. La veuve et le marquis se réconcilient rapidement, et leurs relations reprennent comme avant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 19-29
« Monsieur le Chevalier de la Guette a combattu avec beaucoup [...] »
Début :
Monsieur le Chevalier de la Guette a combattu avec beaucoup [...]
Mots clefs :
Régiment, Gardes, Marquis, Ennemis, Lieutenant, Blessures , Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Monsieur le Chevalier de la Guette a combattu avec beaucoup [...] »
onfieur le Chevalier de
la Guette a combattu avec
beaucoup de vigueur ; mais ayant eu un Cheval tué fous luy , il ne put s'empécher de tomber entre les mains des
Ennemis.
GALANT.. 15 La famille de Monfieur le
د
&
Marquis de Villarceaux vous
eft connuë. Son grand Pere étoit Conſeiller d'Etat
Monfieur le Marquis de Villarceaux ſon Pere a toûjours paffé pour brave , galant &
bienfait. Il fert encore le Roy dans la Venerie, &celuydont
je vous parle a la ſurvivance de cette Charge. Il eſt auſſi Sous - Lieutenant des Chevaux Legers Dauphins ,&a
étébleſſéàleur tête , en donnant des marques defon courage.
Monfieur de RefugeCapi- taine auxGardes,eſt Neveudu
Conſeiller dela GrandCham
bre qui porte le même nom,&
dont la probité eſt ſi connue.. Monfieur deRefuge fon Pere
2
LE MERCURE
a êté Lieutenant General en
Italie ſous le Prince Thomas,
qui connoiſſant font grand merite, ſouhaita de l'avoir aupres de luy, Monfieur le Mar- quis de Refuge fon Frere a
beaucoup d'eſprit &de cœur.
Il ſçait parfaitemet bien l'Hi- ſtoire. Il eſtoit à Maſtrik avec.
ſon Regiment , lors qu'il fut aſſiegé par Monfieur le Prince d'Orange. Il y fit connoître de quelle Famille il eſtoit. LeCa- pitaine aux Gardes dont j'ay commencé à vous parler , a
fait voir dans cette derniere
occafion ainſi qu'enbeaucoup d'autres qu'il eſt digne du Nomqu'il porte. On ne peut avoir plus de merite qu'en a Madame de Refuge icur,
Mere , ce qui ſe connoîtpars
GALANT. 17 f'eſtime particuliere , &la
forte amitié que pluſieurs grandes Princeſſes ont pour elle.
Monfieur de Fourrille eſt
Fils du Lieutenant Colonel
des Gardes. Il n'a pas moins
de delicateſſe d'eſprit , que de
veritable valeur , & l'on ne
ſçauroit douter de la fatisfaEtion que le Roy a reçeuë de ſes ſervices , puis qu'il luy a
donné la Charge de Capitai- ne aux Gardes qu'avoit Monfieur de la Boiffiere.
Monfieur de Genlis , quoy
que jeune encor , eſt Colo- nel du Regiment de la Cou- ronne. On a veu mourirtrois
de ſes Freres à la teſte de ce
Regiment ; mais les Gens de cœur loin d'apprehender la
18 LE MERCURE
mort , portent ſouvent envie à ceux qui la trouvent au Lit d'honneur. Il eſt Neveu de
Monfieur le Marquis de Gen- lis, Lieutenant General.
Monfieur le Marquis d'Are- fur-Tille , Fils aîné de Monfieur le Comte de Tavanes,
eſt d'unedes plus Illuſtres Fa- milles de Bourgogne. On a
veu des Maréchaux de France dans ſa Maiſon, &il n'a pas été bleſſe ſans vendre bien
cher aux Ennemis le peu de ſang qu'il a répandu.
On a peu connu de Gens plus intrépides que Monfieur de Moiſſac CornetedesMoufquetaires blancs. Il avoit don- né en Candie des marques d'une grande valeur,& s'étoit fignalé dans le Regiment des
GALANT. 19
Gardes dont il eſtoit Officier,
avant que Sa Majesté eût reconnu ſes ſervices, en le faiſant Cornete des Mouſque- taires. Il entra le ſecond dans
Valenciennes , & apres avoir pouſse les Ennemis à la Ba- taille de Caffel,combatant à la
teſte des Mouſquetaires , il a
eſté tué en remontant à che
val.
Monfieur le Comte de Carſe , Fils aîné de Monfieur le
Marquis deGordes , eſt mort à Ypres , des bleſſures qu'il
avoit reçeuës à la méme Bataille. Il eſt de la Maiſon de
Simiannes , qui eſt une des
plus confiderables de Provence , & fon Grand Pere eſtoit
Capitaine des Gardes du
Corps ſous Louis XIII. On
20 LE MERCURE
ne peut avoir plus d'eſprit qu'en avoit ce Comte , quoy qu'il ne fût âgé que de vinge
&deux ans ; & nous avons
admiré de tres - beaux Ouvrages auſquels il avoit beaucoup
de part.
Monfieur de Creil , Capitaine aux Gardes , meri- te bien de trouver ſa place icy. Les Ennemis ayant fon- du ſur ſon Bataillon qu'ils mirent d'abord en defordre ,
il le rallia avec beaucoup de courage , & le mit plu- fieurs fois en eſtat de les foûtenir.
J'oubliois à vous parler de Monfieur de la Tournelle,Capitaine au Regiment Royal des Vaiſſeaux , qui fut bleſſé
en allant dire au Comman
GALAN Τ. 21
dant du Bataillon qu'il falloit attaquer les trois des Enne- mis qu'il avoit en teſte. Ce fut la premiere action du Combat , ce Bataillon de
quatre cens Hommes ayant paſſe le premier le Ruiſſeau,
&rompu ſur une hauteurles trois Bataillons qu'il eſtoit allé chercher. Monfieur de la
Tournelle s'eſt ſignalé depuis dix-sept ans en toutes les occafions où ſon Regiment a
eſté employé. Il fut bleſſfé à
Bouchain & il l'avoit eſté auparavant à Senef, où il merita d'être diftingué par Monfieur le Prince.
la Guette a combattu avec
beaucoup de vigueur ; mais ayant eu un Cheval tué fous luy , il ne put s'empécher de tomber entre les mains des
Ennemis.
GALANT.. 15 La famille de Monfieur le
د
&
Marquis de Villarceaux vous
eft connuë. Son grand Pere étoit Conſeiller d'Etat
Monfieur le Marquis de Villarceaux ſon Pere a toûjours paffé pour brave , galant &
bienfait. Il fert encore le Roy dans la Venerie, &celuydont
je vous parle a la ſurvivance de cette Charge. Il eſt auſſi Sous - Lieutenant des Chevaux Legers Dauphins ,&a
étébleſſéàleur tête , en donnant des marques defon courage.
Monfieur de RefugeCapi- taine auxGardes,eſt Neveudu
Conſeiller dela GrandCham
bre qui porte le même nom,&
dont la probité eſt ſi connue.. Monfieur deRefuge fon Pere
2
LE MERCURE
a êté Lieutenant General en
Italie ſous le Prince Thomas,
qui connoiſſant font grand merite, ſouhaita de l'avoir aupres de luy, Monfieur le Mar- quis de Refuge fon Frere a
beaucoup d'eſprit &de cœur.
Il ſçait parfaitemet bien l'Hi- ſtoire. Il eſtoit à Maſtrik avec.
ſon Regiment , lors qu'il fut aſſiegé par Monfieur le Prince d'Orange. Il y fit connoître de quelle Famille il eſtoit. LeCa- pitaine aux Gardes dont j'ay commencé à vous parler , a
fait voir dans cette derniere
occafion ainſi qu'enbeaucoup d'autres qu'il eſt digne du Nomqu'il porte. On ne peut avoir plus de merite qu'en a Madame de Refuge icur,
Mere , ce qui ſe connoîtpars
GALANT. 17 f'eſtime particuliere , &la
forte amitié que pluſieurs grandes Princeſſes ont pour elle.
Monfieur de Fourrille eſt
Fils du Lieutenant Colonel
des Gardes. Il n'a pas moins
de delicateſſe d'eſprit , que de
veritable valeur , & l'on ne
ſçauroit douter de la fatisfaEtion que le Roy a reçeuë de ſes ſervices , puis qu'il luy a
donné la Charge de Capitai- ne aux Gardes qu'avoit Monfieur de la Boiffiere.
Monfieur de Genlis , quoy
que jeune encor , eſt Colo- nel du Regiment de la Cou- ronne. On a veu mourirtrois
de ſes Freres à la teſte de ce
Regiment ; mais les Gens de cœur loin d'apprehender la
18 LE MERCURE
mort , portent ſouvent envie à ceux qui la trouvent au Lit d'honneur. Il eſt Neveu de
Monfieur le Marquis de Gen- lis, Lieutenant General.
Monfieur le Marquis d'Are- fur-Tille , Fils aîné de Monfieur le Comte de Tavanes,
eſt d'unedes plus Illuſtres Fa- milles de Bourgogne. On a
veu des Maréchaux de France dans ſa Maiſon, &il n'a pas été bleſſe ſans vendre bien
cher aux Ennemis le peu de ſang qu'il a répandu.
On a peu connu de Gens plus intrépides que Monfieur de Moiſſac CornetedesMoufquetaires blancs. Il avoit don- né en Candie des marques d'une grande valeur,& s'étoit fignalé dans le Regiment des
GALANT. 19
Gardes dont il eſtoit Officier,
avant que Sa Majesté eût reconnu ſes ſervices, en le faiſant Cornete des Mouſque- taires. Il entra le ſecond dans
Valenciennes , & apres avoir pouſse les Ennemis à la Ba- taille de Caffel,combatant à la
teſte des Mouſquetaires , il a
eſté tué en remontant à che
val.
Monfieur le Comte de Carſe , Fils aîné de Monfieur le
Marquis deGordes , eſt mort à Ypres , des bleſſures qu'il
avoit reçeuës à la méme Bataille. Il eſt de la Maiſon de
Simiannes , qui eſt une des
plus confiderables de Provence , & fon Grand Pere eſtoit
Capitaine des Gardes du
Corps ſous Louis XIII. On
20 LE MERCURE
ne peut avoir plus d'eſprit qu'en avoit ce Comte , quoy qu'il ne fût âgé que de vinge
&deux ans ; & nous avons
admiré de tres - beaux Ouvrages auſquels il avoit beaucoup
de part.
Monfieur de Creil , Capitaine aux Gardes , meri- te bien de trouver ſa place icy. Les Ennemis ayant fon- du ſur ſon Bataillon qu'ils mirent d'abord en defordre ,
il le rallia avec beaucoup de courage , & le mit plu- fieurs fois en eſtat de les foûtenir.
J'oubliois à vous parler de Monfieur de la Tournelle,Capitaine au Regiment Royal des Vaiſſeaux , qui fut bleſſé
en allant dire au Comman
GALAN Τ. 21
dant du Bataillon qu'il falloit attaquer les trois des Enne- mis qu'il avoit en teſte. Ce fut la premiere action du Combat , ce Bataillon de
quatre cens Hommes ayant paſſe le premier le Ruiſſeau,
&rompu ſur une hauteurles trois Bataillons qu'il eſtoit allé chercher. Monfieur de la
Tournelle s'eſt ſignalé depuis dix-sept ans en toutes les occafions où ſon Regiment a
eſté employé. Il fut bleſſfé à
Bouchain & il l'avoit eſté auparavant à Senef, où il merita d'être diftingué par Monfieur le Prince.
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Résumé : « Monsieur le Chevalier de la Guette a combattu avec beaucoup [...] »
Le texte décrit les exploits militaires de plusieurs nobles français. Le Chevalier de la Guette a combattu avec bravoure mais a été capturé après que son cheval fut tué. La famille du Marquis de Villarceaux est renommée. Son père est célèbre pour son courage et ses bienfaits, et il sert le roi dans la vénerie. Le Marquis de Refuge, capitaine aux Gardes, provient d'une famille de haute probité. Son père a servi en Italie sous le Prince Thomas, et son frère est connu pour son esprit et son cœur. Le Marquis de Refuge a démontré son courage lors du siège de Mastrik. Madame de Refuge, sa mère, est respectée pour son mérite et son amitié avec plusieurs princesses. Monsieur de Fourrille, fils du lieutenant-colonel des Gardes, est apprécié pour sa délicatesse et sa valeur, et a reçu la charge de capitaine aux Gardes. Monsieur de Genlis, colonel du régiment de la Couronne, a vu trois de ses frères mourir au combat. Le Marquis d'Arrefur-Tille, issu d'une illustre famille de Bourgogne, a été blessé en vendant chèrement sa vie. Monsieur de Moissac, cornet des mousquetaires blancs, s'est distingué en Candie et a été tué lors de la bataille de Cassel. Le Comte de Carse, fils du Marquis de Gordes, est mort à Ypres des blessures reçues au combat. Il était connu pour son esprit malgré son jeune âge. Monsieur de Creil, capitaine aux Gardes, a rallié son bataillon avec courage face aux ennemis. Enfin, Monsieur de la Tournelle, capitaine au régiment Royal des Vaisseaux, s'est signalé lors de nombreuses actions, notamment à Bouchain et Senef.
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3
p. 351-353
ENIGME.
Début :
Ie n'ay point de repos, ma vigueur est extréme. [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGME
.
E n'ay point
de repos
, ma
vigueur
est extreme
.
Quand
jefors
de chez
moy, je cours
apres
moy- mefme
; Lors
quej'enfuis dehors
, je n'y rentre
jamaiss Mes
Voifins
tous
les jours
tâchent
de me détruire
,
352 MERCVRE
:
Jamais ces Ennemis qui troublent
mon Empire,
Ne veulent me laiffer enpaix.
S &
Pere & Fils des Humains, je fais
tout dans le monde
Sans moy l'on nefais vien fur la
terre & fur l'onde,
Je produis tous lesjours des ouvragës
nouveaux; \
Et bien queje fois dans les Ruës,
Et que je m'approche des Nuës,
Lefuis toûjours aufond des eaux.
es
Tenant tout mon pouvoir de la Divine
Effence,
Te regne das les coeurs, & l'on craint
mon abfence.
Prefque enfermé toujours , je me
trouve en tous licux,
Et me laiffant aller à l'ardeur qui me
proffe,
GALANT.
33
Le goufte les plaifirs , j'aime fort la
jeuneffe,
Etje
nuye avec les vieux
.
Sa
Sans moy le Grand LOVIS qui fit
trembler la Flandre, ****
Neferoitpas plus gradque le Grand
Alexandres 2.
Sans moy, tous fes Sujets, & Luy,
perdroient le jour
( toire,
Onpeut voirmon nom dans l'Hif
De fais de Mars toute la gloire,
Et tous lesplaifirs de l'Amour.
.
E n'ay point
de repos
, ma
vigueur
est extreme
.
Quand
jefors
de chez
moy, je cours
apres
moy- mefme
; Lors
quej'enfuis dehors
, je n'y rentre
jamaiss Mes
Voifins
tous
les jours
tâchent
de me détruire
,
352 MERCVRE
:
Jamais ces Ennemis qui troublent
mon Empire,
Ne veulent me laiffer enpaix.
S &
Pere & Fils des Humains, je fais
tout dans le monde
Sans moy l'on nefais vien fur la
terre & fur l'onde,
Je produis tous lesjours des ouvragës
nouveaux; \
Et bien queje fois dans les Ruës,
Et que je m'approche des Nuës,
Lefuis toûjours aufond des eaux.
es
Tenant tout mon pouvoir de la Divine
Effence,
Te regne das les coeurs, & l'on craint
mon abfence.
Prefque enfermé toujours , je me
trouve en tous licux,
Et me laiffant aller à l'ardeur qui me
proffe,
GALANT.
33
Le goufte les plaifirs , j'aime fort la
jeuneffe,
Etje
nuye avec les vieux
.
Sa
Sans moy le Grand LOVIS qui fit
trembler la Flandre, ****
Neferoitpas plus gradque le Grand
Alexandres 2.
Sans moy, tous fes Sujets, & Luy,
perdroient le jour
( toire,
Onpeut voirmon nom dans l'Hif
De fais de Mars toute la gloire,
Et tous lesplaifirs de l'Amour.
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4
p. 154-156
STANCES.
Début :
Le Sort ayant favorisé dans ces jours de Réjouïssance, une / Aimable Enfant, on vient de dire, [...]
Mots clefs :
Enfant, Empire, Rois, Sort, Sang, Nature, Domination, Amour, Clémence, Cruauté, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
Le Sort ayant favorisé dans
ces jours de Réjouiffance , une
fort jeune Perfonne qui eft d'une
tres grande beauté , & dont la
Mere n'a pas moins de charmes ,
un Cavalier fort fpirituel prit de
là occafion de faire ces Vers.
A
STANCE S.
Imable Enfant , on vient de
dire,
Que le Sort par un juste choix
Vous a fait prefent d'un Empire,
Le jour qu'il peut faire des Roys :
Mais faloit il prendre la peine
De faire declarer le Sort,
GALANT . 155
Et chacun d'un commun accord
Ne vous auroit - il pas fait Reyne ?
Le Sang dont vous tirez naiffance
Eut toûjours droit de dominer;
Et pourquoy donc dés vostre enfance
Ne vous verroit - on pas regner ?
La Nature vous a fait naître
Avec certain je- ne -fçay quoy,
Qui ne nous fait que trop connoître
Que nous vivrons fous voftre Loy.
Mais il court certain bruit critique
De vostre Domination ,
C'est que celles de voftre nom
Sont de Race un peu tyrannique.
Ma belle
De fuivre ces cruels modeles ;
Pour avoir des Sujets fidèles,
Attachez- les d'un doux lien.
Enfant ,gardez- vous bien
Serez-vous pas plus fatisfaite
De vous voir fervir par amour,
G 6
156
MERCURE
Que de voir toujours voftre Cour
De mille chagrins inquiete ?
Songe qu'il vous feroit honteux ,
Que dans le monde l'on puft dire,
Que vous faites de voftre Empire
Un Empire de Malheureux.
<
Que ce foit toûjours la clemence
Qui conduife tous vos projets.
Helas ! un peu de complaifance
Contentera tous vos Sujets.
Mais , entre nous , je me défie
De ce que cache voftre coeur ;
Celle dont vous tene la vie
Ne panche point vers la douccur.
Soyez plitoft , s'il fe peut faire,
Dans voftre Souveraineté,
Moins charmante que vostre Mere;
Mais ayez moins de cruauté.
que
les charmes
Ne prenez d'elle
Qui peuvent enchanter les coeurs;
Mais n'en prenez point les rigueurs
Qui nous oat coûté tant d'alarmes.
ces jours de Réjouiffance , une
fort jeune Perfonne qui eft d'une
tres grande beauté , & dont la
Mere n'a pas moins de charmes ,
un Cavalier fort fpirituel prit de
là occafion de faire ces Vers.
A
STANCE S.
Imable Enfant , on vient de
dire,
Que le Sort par un juste choix
Vous a fait prefent d'un Empire,
Le jour qu'il peut faire des Roys :
Mais faloit il prendre la peine
De faire declarer le Sort,
GALANT . 155
Et chacun d'un commun accord
Ne vous auroit - il pas fait Reyne ?
Le Sang dont vous tirez naiffance
Eut toûjours droit de dominer;
Et pourquoy donc dés vostre enfance
Ne vous verroit - on pas regner ?
La Nature vous a fait naître
Avec certain je- ne -fçay quoy,
Qui ne nous fait que trop connoître
Que nous vivrons fous voftre Loy.
Mais il court certain bruit critique
De vostre Domination ,
C'est que celles de voftre nom
Sont de Race un peu tyrannique.
Ma belle
De fuivre ces cruels modeles ;
Pour avoir des Sujets fidèles,
Attachez- les d'un doux lien.
Enfant ,gardez- vous bien
Serez-vous pas plus fatisfaite
De vous voir fervir par amour,
G 6
156
MERCURE
Que de voir toujours voftre Cour
De mille chagrins inquiete ?
Songe qu'il vous feroit honteux ,
Que dans le monde l'on puft dire,
Que vous faites de voftre Empire
Un Empire de Malheureux.
<
Que ce foit toûjours la clemence
Qui conduife tous vos projets.
Helas ! un peu de complaifance
Contentera tous vos Sujets.
Mais , entre nous , je me défie
De ce que cache voftre coeur ;
Celle dont vous tene la vie
Ne panche point vers la douccur.
Soyez plitoft , s'il fe peut faire,
Dans voftre Souveraineté,
Moins charmante que vostre Mere;
Mais ayez moins de cruauté.
que
les charmes
Ne prenez d'elle
Qui peuvent enchanter les coeurs;
Mais n'en prenez point les rigueurs
Qui nous oat coûté tant d'alarmes.
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Résumé : STANCES.
Le poème est adressé à une jeune femme d'une grande beauté, dont la mère est également charmante. Composé par un cavalier spirituel lors d'une fête, il célèbre la beauté et la noblesse de la jeune femme, soulignant que son sang royal lui confère le droit de régner. Cependant, il met en garde contre la tyrannie, rappelant la cruauté des ancêtres de la jeune femme. Le cavalier conseille à la jeune femme de gouverner avec clémence et amour pour éviter les chagrins et les malheurs. Il exprime des doutes sur la véritable nature de la jeune femme, craignant qu'elle n'hérite pas de la douceur de sa mère. Le poème se termine par un avertissement contre la cruauté, exhortant la jeune femme à ne pas reproduire les erreurs de ses ancêtres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 15-17
SUR LA NAISSANCE & le progrés de l'Herésie, sous les régnes de sept dernier de nos Roys ; & sur son déclin sous le régne de LOÜIS LE GRAND. SONNET.
Début :
Je ne vous dis rien de ce qui se fait pour / Sous le grand Roy François ce Monstre prit naissance [...]
Mots clefs :
Hérésie, Religion prétendue réformée, Roi, Monstre, Enfer, Sang, Serpent, Hercule, Louis, Hydre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR LA NAISSANCE & le progrés de l'Herésie, sous les régnes de sept dernier de nos Roys ; & sur son déclin sous le régne de LOÜIS LE GRAND. SONNET.
Je ne vous dis
rien de ce qui ſe fait pour fai
re Aflceuurriirr en France la veritable
Religion , & pour en
bannir la Prétendue Refor-
, mée. Sa Majesté fait toû-
- jours paroiſtre la plus forte
ardeur pour détruire l'Heré-
: ſie , & toûjours les Muſes tirent
de là ſon plus grand élo-
-ge. Vous le connoiſtrez par
ce Sonnet M' Terraudiere,
premier Eçhevin de Niort.
16 MERCURE
SUR LA NAISSANCE
& le progrés de l'Heréſie,
ſous les régnes des ſept derniers
de nos Roys ; & fur
ſon déclin ſous le régne de
LOUIS LE GRAND .
SONNET.
Ous le grand RoyFrançois ce
Monstreprit naissance
Parde faux Apoftats fufcitez de
l'Enfers
Son Fils HenrySecond s'en alloit
l'étouffer,
S'il n'eustestétuéd'un fatal coup de
Lance.
Se
Apresfa mort on vit cettefatale Engeance
GALANT
17
S'établir parlefeu, s'élever parlefers
François , Charles , Henry la virent
triompher,
Et répandre à leursyeux tout lefang
de la France.
S&
Henryquatre endormit ce Serpent
dangereux ;
Mais ilſe réveilla bien- tost plusfurieux
Etsous Loüis le Juste ilfit bien du
ravage.
52
Enfin le grand LOVIS, l'Hérculedé
nosjours,
Pardes moyens prudens, pardeſages
détours,
Vient d'abatre cette Hydre,&l'Enfer
enenrage.
rien de ce qui ſe fait pour fai
re Aflceuurriirr en France la veritable
Religion , & pour en
bannir la Prétendue Refor-
, mée. Sa Majesté fait toû-
- jours paroiſtre la plus forte
ardeur pour détruire l'Heré-
: ſie , & toûjours les Muſes tirent
de là ſon plus grand élo-
-ge. Vous le connoiſtrez par
ce Sonnet M' Terraudiere,
premier Eçhevin de Niort.
16 MERCURE
SUR LA NAISSANCE
& le progrés de l'Heréſie,
ſous les régnes des ſept derniers
de nos Roys ; & fur
ſon déclin ſous le régne de
LOUIS LE GRAND .
SONNET.
Ous le grand RoyFrançois ce
Monstreprit naissance
Parde faux Apoftats fufcitez de
l'Enfers
Son Fils HenrySecond s'en alloit
l'étouffer,
S'il n'eustestétuéd'un fatal coup de
Lance.
Se
Apresfa mort on vit cettefatale Engeance
GALANT
17
S'établir parlefeu, s'élever parlefers
François , Charles , Henry la virent
triompher,
Et répandre à leursyeux tout lefang
de la France.
S&
Henryquatre endormit ce Serpent
dangereux ;
Mais ilſe réveilla bien- tost plusfurieux
Etsous Loüis le Juste ilfit bien du
ravage.
52
Enfin le grand LOVIS, l'Hérculedé
nosjours,
Pardes moyens prudens, pardeſages
détours,
Vient d'abatre cette Hydre,&l'Enfer
enenrage.
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6
s. p.
A SON ALTESSE SERENISSIME MONSEIGNEUR ERNEST-AUGUSTE Duc de Brunsvic-Lunebourg, de Hanover, de Calemberg, de Gottinghem, de Grubenhagen, Prince d'Osnabruc, &c.
Début :
MONSEIGNEUR, Depuis onze années que je travaille au Mercure, qu'on [...]
Mots clefs :
Souverains, Actions, Rang, Cour, Sujets, Prince, Peuples, États, Souverains, Fêtes, Spectacles, Parler, Troupes, Gloire, Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A SON ALTESSE SERENISSIME MONSEIGNEUR ERNEST-AUGUSTE Duc de Brunsvic-Lunebourg, de Hanover, de Calemberg, de Gottinghem, de Grubenhagen, Prince d'Osnabruc, &c.
A SON
ALTESSE SERENISSIME.
MONSEIGNEUR
ERNEST 3 AUGUSTE
Duc de Brunfvic- Lunebourg,
de Hanover,de Calemberg, de
Gottinghem , de Grubenha-
Prince d'Ofnabruc , &c.
gen,
ONSEIGNEUR,
Depuis onze années que je travaille
au Mercure , qu'on peut
a ij
EPISTRE.
"
nommer l'Abbregé de l'Hiftoire du
Monde, & dont j'ay déja fait prés
de deux cens Volumes avec quelque
forte d'approbation , puis que le
Public a fouffert que le nombre en
foit devenu fi grand , il y a peu
de Cours , & particulierement dans
l'Europe , dont je n'aye fait voir la
galanterie , la magnificence , & la
grandeur , & par confequent peu
de Souverains dont je n'aye décrit
les plus éclatantes Actions ; mais
comme tant d'augufte Perfonnes ne
font pas toujours également diftinguées
, & qu'il s'en trouve qui font
plus d'honneur à leur rang qu'ils
n'en reçoivent d'éclat , tout ce que
la Renommée a pris foin de m'apprendre
de Vous ,
MONSEIGNEUR
,
pour embellir mon Hiftoire , m'afait
connoiftre qu'un nombre infiny de
brillantes Actions ont fait meriter
EPISTRE.
à V. A.S. une des premieres places
entre les Souverains , qui à force de
vertus fe font élevez au deffus de
beur Naiffance. Qui peut mieux en
eſtre informé que moy ,
MONSEIGNEUR
, qui ayant pris foin de
m'en inftruire , en ay rendu à toute
la terre un compte exact & fidel
le ? J'ay marqué la joye de vos
Peuples lors que vous priftes poffef
fion des Eftats où un droit hereditaire
vous a appellé. Ils connoif-
·foient V. A. S. & le bonheur dont
ils devoient jouir , fous le Regne
glorieux & fortuné d'un-Souverain.
fi digne d'eftre leur Maiftre , &
Si parfaitement honnefte Homme
qualité plus rare & plus eftimée
que les Titres les plus faftueux que
puiffent donner la naissance & la
fortune. Il feroit difficile qu'on
puft porter la magnificence plus loin
a iij
EPISTRE.
que vous avez fait , lors que vous
avez receu chez vous des Souverains
avec leur Cour entiere . Auffi
je travaillay avec beaucoup de
plaifir à la defcription des galantes
& fuperbes Feftes que vous donnaftes
à la feue Reyne Douairiere
de Dannemark , Soeur de V. A. S.
lors que cette Princeſſe y fut regalée
de tous les Spectacles qu'un magnifique
& grand Prince peut donner.
Voftre Ame genereufe n'en
demeura pas-là , & la Cour de cette
auguste Reyne ne quitta la vofre
que comblée de Prefens ; il ne
faut qu'entendre parler là- deffus
ceux qui s'y trouverent , auffi- bien
que tous les Sujets des Souverains
qui ont eu l'avantage de vous voir
dans leurs Eftats ,pour apprendre la
maniere de fe diftinguer en donnant.
L'Allemagne ne s'en tait
pass
EPISTRE.
pas ; l'Italie en parle ; Rome le
publie , & Venife fait retentir
vos loüanges fur un article fi dignes
d'une belle Ame , & qui marque
avec tant d'éclat le caractere d'un
Souverain. C'est par cet endroit,
par vos manieres galantes , & par
vos Troupes , qui ont tant cueilly de
Lauriers cette Campagne avec l'Armée
Venitienne , que vous regnez
dans les coeurs des Sujets de cette
puiffante Republique , comme dans
ceux des voftres mefmes. Quels
Spectacles n'y avez - vous point donnez
? Quels applaudiffemens
n'y
avez - vous point reccns , & avec
quelle ardeur n'y eftes vous point
fouhaité , puis qu'avec l'allegreffe
que vostre galanterie & vos Feftes
y répandent , vos liberalite font
ques ces Peuples n'oublieront jamais
V. A. S. Toutes ces Feftes, tous
-
ces
EPISTRE.
ne
ces Spectacles aufquels un Souve
rain femble eftre obligé pour fou
tenir la gloire de fon rang ,
vous ont point détourné des foins
que vous devez à la conduite de
vos Eftats , & n'ont point empef
ché que vous n'ayez toûjours en
de bonnes Troupes & bien difciplinées.
Je n'entre point dans le
détail de ce que vous avez souvent
fait à leur tefte , & je diray fenlement
que depuis ce temps-là vous
en avez eu en Hongrie qui ont eu
part aux defaites des Ennemis de
la Chreftienté , & que cette année
voftre Sang s'eft partagé pour combattre
ces mefmes Ennemis. Deux
Princes qui tiennent de Vous le
Sang glorieux qui les anime . &
qui les pouffe à chercher la gloire
par tout où on peut la trouver ,
ont combattu , l'un à la tefte des
Cui
EPISTR E.
Cuiraffters de l'Empereur , qu'il
commande , & l'autre avec les Troupes
de Voftre Alteffe Sereniffime
qui font employées dans l'Armée
Venitienne. Je devrois icy, MONSEIGNEUR
parler de voftre Perfonne
, & de cet air grand &
noble qui n'attire pas moins les regards
de tous ceux qui voyent Voftre
Alteffe Sereniffime , que le
rang que vous tenez entre les Souverains.
Je devrois auffi faire une
peinture de vostre Efprit , afin
de vous montrer tout entier aux
Peuples des Nations qui ne peuvent
vous connoistre que par ce
qu'ils entendent dire de Voftre Alteffe
Sereniffime. Mais , MO NSEIGNEUR
il feroit inutile
d'en parler aprés ce que je viens de
dire de Vous , puis qu'il eft impoffable
qu'on ne foit perfuadé qu'un
a v
EPISTRE.
Prince fi galant , fi magnifique
& fi plein de coeur , n'ait pas toutes
les qualite du corps & de l'aqu'on
peut fouhaitter dans me
ر
un Souverain accomply. Tout ce
qui vous touche de plus prés,Mon-
SEIGNEUR , & mefme tout ce qui
vous appartient , jouit des mefmes
dons de la Nature . La France a
reconnu ces veritez lors que voftre
augufte Efpoufe , & la Princeffe
voftre Fille ont brillé à la Cour
de Louis LE GRAND ,
puis qu'elles y ont efté fi eftimées
par tous les endroits qui peuvent
faire meriter au beau Sexe les
louanges d'une Cour difficile , &
de bon gouft , on ne fcauroit douter
qu'elles ne foient außi parfaites
qu'elles y ont paru. Je ne parleray
point ici de l'ancienneté de
voftre Augufte Maifon , il faudroit
fouil
EPISTR E.
fouiller trop avant dans les ficcles
les plus reculez pour penetrerjufques
à fa glorieufe fource , & puis
que les plus anciennesfont les plus
confiderables , & que celle de Voftre
Alteffe Sereniffime , eft generalement
reconnue pour eftre de ce.
nombre , ilfuffit ,fans que je m'étende
plus au long fur une chofe
fi connue , de la mettre au premier
rang des plus illuftres de la terre.
Je n'ouvriray point non plus les
Tombeaux de vos Anceftres , & ne
chercheray point leur Histoire pour
vous louer par ce qu'ils ont fait de
grand , puis que Voftre Alteffe Sereniffime
eft affe digne d'éloges
parce qu'Elle fait Elle - mefme.
Oy , MONSEIGNEUR , mille &
mille endroits de vostre vie porteront
la gloire de vostre nom jufqu'à
la pofterité la plus éloignée.
Vos
EPISTRE.
On ne
Vos Sujets ne font pas les feuls qui
vantent la douceur de voftre Regne
, & le bon choix que vous avez
fait des Miniftres qui gouvernent
fous vos ordres. Ils ne
publient pas feuls vos grandes qualitez
, mais les Etrangers mêlent
leurs voix à celles de ces Sujets
pleins d'amour & de zele.
fçauroit douter de ces veritez qui
vous font fi glorieufes , puis que
tant de Nations differentes en conviennent.
Auffi l'éloge que j'ay ofe
entreprendre, ne contient- il que des
faits , & non de ces paroles flatenfes
qu'on applique à tous ceux dont
la Vie ne fournit aucunes Actions
éclatantes qui meritent qu'on en
parle. QQuuooyy qquuee la reconnoiffance
m'ait engagé à dedier cet Ouvrage
à Voftre Alteffe Sereniffime,
j'ay au moins l'avantage qu'on ne
pren
EPISTR E.
prendra point pour flateries les éloges
que je viens de luy donner.
Je dois cette reconnoiſſance à l'eftime
que vous avez fait voirpour
le Mercure , en témoignant il y au
Sept ans que vous fouhaitiez que
j'euffe l'honneur de vous l'envoyer,
& à la bonté que vous avez euë
de vouloir bien le recevoir depuis
ce temps - là. J'ofe dire , MO NSEIGNEUR
, qu'il n'eftoit pas
indigne de vostre curiofité , puis
que vous y avez veu un nombre infini
des Actions toutes merveillenfes
de Louis LE GRAND,
& que vous y avez lû tout ce que
Vous avez fait de remarquable depuis
un affez grand nombre d'années.
Je ne vous dis rien du Livre
que je prends aujourd'huy la
liberté de vous offrir , puis que
Voftre Alteffe Sereniffime en va
juger
EPISTR E.
juger Elle - mefme. La matiere ,
MONSEIGNEUR , vous en doit
eftre d'autant plus agreable , qu'en
faifant voir les pertes que les Infidelles
viennent de faire, elle vous
fera fouvenir que vostre Sang a
beaucoup contribué à les humilier
en Hongrie,& dans la Morée. Ainfi
c'est beauconp que de vous prefenter
un Ouvrage dont le sujet doit
plaire à Voftre Alteffe Sereniffime,
& il ne me reste plus qu'à vous fupplier
de vouloir permettre que l'Autheur
fe dife avec un profond refpect
,
MONSEIGNEUR ,
De V. A. S.
Le tres- humble & tresobeïffant
ferviteur.
DEVIZE
ALTESSE SERENISSIME.
MONSEIGNEUR
ERNEST 3 AUGUSTE
Duc de Brunfvic- Lunebourg,
de Hanover,de Calemberg, de
Gottinghem , de Grubenha-
Prince d'Ofnabruc , &c.
gen,
ONSEIGNEUR,
Depuis onze années que je travaille
au Mercure , qu'on peut
a ij
EPISTRE.
"
nommer l'Abbregé de l'Hiftoire du
Monde, & dont j'ay déja fait prés
de deux cens Volumes avec quelque
forte d'approbation , puis que le
Public a fouffert que le nombre en
foit devenu fi grand , il y a peu
de Cours , & particulierement dans
l'Europe , dont je n'aye fait voir la
galanterie , la magnificence , & la
grandeur , & par confequent peu
de Souverains dont je n'aye décrit
les plus éclatantes Actions ; mais
comme tant d'augufte Perfonnes ne
font pas toujours également diftinguées
, & qu'il s'en trouve qui font
plus d'honneur à leur rang qu'ils
n'en reçoivent d'éclat , tout ce que
la Renommée a pris foin de m'apprendre
de Vous ,
MONSEIGNEUR
,
pour embellir mon Hiftoire , m'afait
connoiftre qu'un nombre infiny de
brillantes Actions ont fait meriter
EPISTRE.
à V. A.S. une des premieres places
entre les Souverains , qui à force de
vertus fe font élevez au deffus de
beur Naiffance. Qui peut mieux en
eſtre informé que moy ,
MONSEIGNEUR
, qui ayant pris foin de
m'en inftruire , en ay rendu à toute
la terre un compte exact & fidel
le ? J'ay marqué la joye de vos
Peuples lors que vous priftes poffef
fion des Eftats où un droit hereditaire
vous a appellé. Ils connoif-
·foient V. A. S. & le bonheur dont
ils devoient jouir , fous le Regne
glorieux & fortuné d'un-Souverain.
fi digne d'eftre leur Maiftre , &
Si parfaitement honnefte Homme
qualité plus rare & plus eftimée
que les Titres les plus faftueux que
puiffent donner la naissance & la
fortune. Il feroit difficile qu'on
puft porter la magnificence plus loin
a iij
EPISTRE.
que vous avez fait , lors que vous
avez receu chez vous des Souverains
avec leur Cour entiere . Auffi
je travaillay avec beaucoup de
plaifir à la defcription des galantes
& fuperbes Feftes que vous donnaftes
à la feue Reyne Douairiere
de Dannemark , Soeur de V. A. S.
lors que cette Princeſſe y fut regalée
de tous les Spectacles qu'un magnifique
& grand Prince peut donner.
Voftre Ame genereufe n'en
demeura pas-là , & la Cour de cette
auguste Reyne ne quitta la vofre
que comblée de Prefens ; il ne
faut qu'entendre parler là- deffus
ceux qui s'y trouverent , auffi- bien
que tous les Sujets des Souverains
qui ont eu l'avantage de vous voir
dans leurs Eftats ,pour apprendre la
maniere de fe diftinguer en donnant.
L'Allemagne ne s'en tait
pass
EPISTRE.
pas ; l'Italie en parle ; Rome le
publie , & Venife fait retentir
vos loüanges fur un article fi dignes
d'une belle Ame , & qui marque
avec tant d'éclat le caractere d'un
Souverain. C'est par cet endroit,
par vos manieres galantes , & par
vos Troupes , qui ont tant cueilly de
Lauriers cette Campagne avec l'Armée
Venitienne , que vous regnez
dans les coeurs des Sujets de cette
puiffante Republique , comme dans
ceux des voftres mefmes. Quels
Spectacles n'y avez - vous point donnez
? Quels applaudiffemens
n'y
avez - vous point reccns , & avec
quelle ardeur n'y eftes vous point
fouhaité , puis qu'avec l'allegreffe
que vostre galanterie & vos Feftes
y répandent , vos liberalite font
ques ces Peuples n'oublieront jamais
V. A. S. Toutes ces Feftes, tous
-
ces
EPISTRE.
ne
ces Spectacles aufquels un Souve
rain femble eftre obligé pour fou
tenir la gloire de fon rang ,
vous ont point détourné des foins
que vous devez à la conduite de
vos Eftats , & n'ont point empef
ché que vous n'ayez toûjours en
de bonnes Troupes & bien difciplinées.
Je n'entre point dans le
détail de ce que vous avez souvent
fait à leur tefte , & je diray fenlement
que depuis ce temps-là vous
en avez eu en Hongrie qui ont eu
part aux defaites des Ennemis de
la Chreftienté , & que cette année
voftre Sang s'eft partagé pour combattre
ces mefmes Ennemis. Deux
Princes qui tiennent de Vous le
Sang glorieux qui les anime . &
qui les pouffe à chercher la gloire
par tout où on peut la trouver ,
ont combattu , l'un à la tefte des
Cui
EPISTR E.
Cuiraffters de l'Empereur , qu'il
commande , & l'autre avec les Troupes
de Voftre Alteffe Sereniffime
qui font employées dans l'Armée
Venitienne. Je devrois icy, MONSEIGNEUR
parler de voftre Perfonne
, & de cet air grand &
noble qui n'attire pas moins les regards
de tous ceux qui voyent Voftre
Alteffe Sereniffime , que le
rang que vous tenez entre les Souverains.
Je devrois auffi faire une
peinture de vostre Efprit , afin
de vous montrer tout entier aux
Peuples des Nations qui ne peuvent
vous connoistre que par ce
qu'ils entendent dire de Voftre Alteffe
Sereniffime. Mais , MO NSEIGNEUR
il feroit inutile
d'en parler aprés ce que je viens de
dire de Vous , puis qu'il eft impoffable
qu'on ne foit perfuadé qu'un
a v
EPISTRE.
Prince fi galant , fi magnifique
& fi plein de coeur , n'ait pas toutes
les qualite du corps & de l'aqu'on
peut fouhaitter dans me
ر
un Souverain accomply. Tout ce
qui vous touche de plus prés,Mon-
SEIGNEUR , & mefme tout ce qui
vous appartient , jouit des mefmes
dons de la Nature . La France a
reconnu ces veritez lors que voftre
augufte Efpoufe , & la Princeffe
voftre Fille ont brillé à la Cour
de Louis LE GRAND ,
puis qu'elles y ont efté fi eftimées
par tous les endroits qui peuvent
faire meriter au beau Sexe les
louanges d'une Cour difficile , &
de bon gouft , on ne fcauroit douter
qu'elles ne foient außi parfaites
qu'elles y ont paru. Je ne parleray
point ici de l'ancienneté de
voftre Augufte Maifon , il faudroit
fouil
EPISTR E.
fouiller trop avant dans les ficcles
les plus reculez pour penetrerjufques
à fa glorieufe fource , & puis
que les plus anciennesfont les plus
confiderables , & que celle de Voftre
Alteffe Sereniffime , eft generalement
reconnue pour eftre de ce.
nombre , ilfuffit ,fans que je m'étende
plus au long fur une chofe
fi connue , de la mettre au premier
rang des plus illuftres de la terre.
Je n'ouvriray point non plus les
Tombeaux de vos Anceftres , & ne
chercheray point leur Histoire pour
vous louer par ce qu'ils ont fait de
grand , puis que Voftre Alteffe Sereniffime
eft affe digne d'éloges
parce qu'Elle fait Elle - mefme.
Oy , MONSEIGNEUR , mille &
mille endroits de vostre vie porteront
la gloire de vostre nom jufqu'à
la pofterité la plus éloignée.
Vos
EPISTRE.
On ne
Vos Sujets ne font pas les feuls qui
vantent la douceur de voftre Regne
, & le bon choix que vous avez
fait des Miniftres qui gouvernent
fous vos ordres. Ils ne
publient pas feuls vos grandes qualitez
, mais les Etrangers mêlent
leurs voix à celles de ces Sujets
pleins d'amour & de zele.
fçauroit douter de ces veritez qui
vous font fi glorieufes , puis que
tant de Nations differentes en conviennent.
Auffi l'éloge que j'ay ofe
entreprendre, ne contient- il que des
faits , & non de ces paroles flatenfes
qu'on applique à tous ceux dont
la Vie ne fournit aucunes Actions
éclatantes qui meritent qu'on en
parle. QQuuooyy qquuee la reconnoiffance
m'ait engagé à dedier cet Ouvrage
à Voftre Alteffe Sereniffime,
j'ay au moins l'avantage qu'on ne
pren
EPISTR E.
prendra point pour flateries les éloges
que je viens de luy donner.
Je dois cette reconnoiſſance à l'eftime
que vous avez fait voirpour
le Mercure , en témoignant il y au
Sept ans que vous fouhaitiez que
j'euffe l'honneur de vous l'envoyer,
& à la bonté que vous avez euë
de vouloir bien le recevoir depuis
ce temps - là. J'ofe dire , MO NSEIGNEUR
, qu'il n'eftoit pas
indigne de vostre curiofité , puis
que vous y avez veu un nombre infini
des Actions toutes merveillenfes
de Louis LE GRAND,
& que vous y avez lû tout ce que
Vous avez fait de remarquable depuis
un affez grand nombre d'années.
Je ne vous dis rien du Livre
que je prends aujourd'huy la
liberté de vous offrir , puis que
Voftre Alteffe Sereniffime en va
juger
EPISTR E.
juger Elle - mefme. La matiere ,
MONSEIGNEUR , vous en doit
eftre d'autant plus agreable , qu'en
faifant voir les pertes que les Infidelles
viennent de faire, elle vous
fera fouvenir que vostre Sang a
beaucoup contribué à les humilier
en Hongrie,& dans la Morée. Ainfi
c'est beauconp que de vous prefenter
un Ouvrage dont le sujet doit
plaire à Voftre Alteffe Sereniffime,
& il ne me reste plus qu'à vous fupplier
de vouloir permettre que l'Autheur
fe dife avec un profond refpect
,
MONSEIGNEUR ,
De V. A. S.
Le tres- humble & tresobeïffant
ferviteur.
DEVIZE
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Résumé : A SON ALTESSE SERENISSIME MONSEIGNEUR ERNEST-AUGUSTE Duc de Brunsvic-Lunebourg, de Hanover, de Calemberg, de Gottinghem, de Grubenhagen, Prince d'Osnabruc, &c.
L'épître est adressée à Ernest-Auguste, duc de Brunswick-Lunebourg, de Hanovre, de Calenberg, de Göttingen, de Grubenhagen, et prince d'Osnabrück. L'auteur, collaborateur du Mercure, un abrégé de l'histoire du monde, exprime son admiration pour les nombreuses actions brillantes du duc, qui lui ont valu une place distinguée parmi les souverains. Lors de la prise de possession de ses États héréditaires, les peuples du duc ont manifesté leur joie. Le duc a également fait preuve de magnificence en accueillant des souverains et leurs cours, notamment en offrant des fêtes somptueuses à la reine douairière de Danemark, sœur du duc. Les louanges du duc résonnent en Allemagne, en Italie, à Rome et à Venise, en particulier pour ses manières galantes et ses troupes victorieuses. Malgré ces festivités, le duc n'a pas négligé la conduite de ses États, maintenant des troupes disciplinées et participant activement aux combats contre les ennemis de la chrétienté. L'auteur admire également la famille du duc, notamment son épouse et sa fille, reconnues pour leurs qualités à la cour de Louis XIV. L'épître se conclut par une expression de reconnaissance pour le soutien du duc au Mercure et par l'offrande d'un ouvrage sur les pertes récentes des infidèles, sujet qui devrait plaire au duc.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
s. p.
A MONSEIGNEUR / MONSEIGNEUR LE COMTE DE THOULOUSE, GRAND ADMIRAL D[E] FRANCE.
Début :
MONSEIGNEUR, Entre les merveilles que les Ambassadeurs de Siam ont [...]
Mots clefs :
Monseigneur, Comte de Toulouse, Sang, Monde, Admiration, Rang, Éclat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MONSEIGNEUR / MONSEIGNEUR LE COMTE DE THOULOUSE, GRAND ADMIRAL D[E] FRANCE.
A MONSEIGNEUR
MONSEIGNEUR
LE COMTE
DE
THOULOUSE ,
* GRAND ADMIRAL
M
DE FRANCE.
ONSEIGNEUR ,
Entre les merveilles que les Ambas-
Sadeurs de Siam ont vûës en France',
rien ne les a Surpris davantage que
a ij
EPITRE.
V. A. Apeine furent ils arrivez à
Clagny , où ils devoient loger pendant
leur séjour à Versailles , que leur cu
riofité les porta dans le fardin. Vous
vous y promeniez , MONSEIGNEUR ,
ils vous virent ,& demeurerent dans
une admiration qu'ilferoit difficile de
bien exprimer. Ils ne sçavoien: point
que vous fortiez da plus auguste ,
du plus beau Sang du monde ; mais
vous ne laiſſâtes pas d'imprimer dans
leurs coeurs la veneration qui luy eft
deuë. S'estant ensuite avancez vers
V. A. ils furent d'abord frapezde certains
traits vifs qui les charmerent.
Ils vous prirent presque pour un Dieu
&une crainte reſpectueuse les empescha
de vous aborder. Mais comme ils
curent lieu de mieux remarquer toute
voſtre Personne , parce qu'ils estoient
alors plus prés de V. A. vostre beauté
leur caufa une nouvelle ſurpriſe , dont
ils ne fortirent qu'après avoirſceuvô
EPITRE .
t
5
د
S
tre Naiſſance. Ils se Sceurent bon gré
d'avoir cru que vous ne pouviez estre
- forty que d'un Sang dont l'éclat a cau
s ſe de l'admiration à toute la terre ,&
demanderent qu'il leur fust permis d'avoir
l'honneur de vous faluër ; mais
leur furprise augmenta pour la troifié.
me fois , lors qu'avec un air de grandeur
qui brilloit parmy les traits d'une
vive jeunesse , & toute la beautéde
l'Amour, ils trouverent un esprit beauf
coup au deſſus de vos années , avec des
manieres toutes engageantes , quoy que
- foûtenues de cette noble fierté qui fied
- fi bien à tous ceux de vostre rang. Il
t
s
S
S
4
S
e
est impoſſible d'entrer affez dans les
- fentimens que V.A.leur inspira. Ils mirent
tous leurs yeux & toute leur atten
tion à vous confiderer , toutes les forces
de leur imagination à bien concevoir ce
é qu'ils voyoient,& tout leur eſprit àvous
admirer.Ainsi tout agiſſant eneux avec
- force,& en même temps, ils auroient es
t
t
EPITRE.
beaucoup de peine àdire eux-mêmes ce
qu'ils pensoient en ce moment , parce
qu'ils estoient trop remplis de tout ce
qu'ils trouvoient digned'admiration en
V.A.Vous n'avez qu'à croiſtre , MONSEIGNEUR
, & nous entendrons parler
de vous d'une maniere qui fera biendu
bruit dans le monde. Vous ne jetterez
pas seulement de l'effroy dans les coeurs
des Ennemis de Sa Majesté , les Belles
craindront , les Maris trembleront, &
les Armans auront grand peur. Combien
alors de jaloux au deſeſpoir ! mais vOUS
ne joüirez qu'imparfaitement du plai
fir de la victoire , estant certain que
quand mesme vous auriez tous les Rois
du monde pour Rivaux , il n'y en auroit
arcun qui ofaft vous l'avoüer. Afin que
vous fuffiez tout- à-fait heureux, il fe
roit à fouhaiter qu'ils se déclaraſſent ,
puis que vous auriez la ſenſiblefatisfaction
den triompher de toutes manie
res. Tout se trouve dans vostre Sang
EPITRE.
5
5
S
e
Lanaiſſance,la beauté,la valeur& l'efprit
,&pardeſſus toutes ces chofes , une
éducation digne de ce que vous estes
né , & de la Perſonne qui en prend
foin , met le comble à tout ce que la
Nature vous a liberalement donné..
Vous voyez dans ce mesme Sang tout
ce qu'ily a de plus grand au monde ;
Vous y remarquez le bon & le grand
goust,& le juste discernement pourtout
ce qui en demande , & tout cela joint à
une pieté d'autant plus veritable , que
l'Hypocrifie n'y ayant aucune part ,
n'a rien de l'austerité qui la rendroit
ridicule , & pen pratiquable à la Cour.
Vous voyez tout ce qu'un rang élevé
demande de magnificence , tout ceque
la generosité & la parfaite connoisfancede
toutes choses , exigent pour la
faire briller , tout l'esprit qu'il faut
avoir pourſoûtenir avec dignité l'éclat
d'un rang si baut &fi glorieux;& en
fin toutce qui fait l'accomplisſſement dus
elle
a iij
EPITRE..
vray merite. Tout ce que je vous dis ,
MONSEIGNEUR , vous doit faire affez
connoistre que je ne parle que d'une
partie du Sang qui vous aformé,puis
que l'autre n'est pas moins au deſſus
des loüanges,qu'elle est au deſſus de tous
les Souverains de la Terre. Jefçay que
je n'aurois pas à craindre de 'vous en
nuyer , ſi j'ofois me hazarder à vous en
entretenir , mais ce n'estpas icy le lien
d'entrer dans une matiere si vaste
Comme on ne la peut quitter quand
on en a une fois commencé l'ébauche ,
elle m'empefcheroit trop long-temps de
vous affeurer que je suis avec un tresprofond
respect
MONSEIGNEUR ,
De V. A.
Le tres-humble& tres-
> obeiffant Serviteur ..
DEVIZE
MONSEIGNEUR
LE COMTE
DE
THOULOUSE ,
* GRAND ADMIRAL
M
DE FRANCE.
ONSEIGNEUR ,
Entre les merveilles que les Ambas-
Sadeurs de Siam ont vûës en France',
rien ne les a Surpris davantage que
a ij
EPITRE.
V. A. Apeine furent ils arrivez à
Clagny , où ils devoient loger pendant
leur séjour à Versailles , que leur cu
riofité les porta dans le fardin. Vous
vous y promeniez , MONSEIGNEUR ,
ils vous virent ,& demeurerent dans
une admiration qu'ilferoit difficile de
bien exprimer. Ils ne sçavoien: point
que vous fortiez da plus auguste ,
du plus beau Sang du monde ; mais
vous ne laiſſâtes pas d'imprimer dans
leurs coeurs la veneration qui luy eft
deuë. S'estant ensuite avancez vers
V. A. ils furent d'abord frapezde certains
traits vifs qui les charmerent.
Ils vous prirent presque pour un Dieu
&une crainte reſpectueuse les empescha
de vous aborder. Mais comme ils
curent lieu de mieux remarquer toute
voſtre Personne , parce qu'ils estoient
alors plus prés de V. A. vostre beauté
leur caufa une nouvelle ſurpriſe , dont
ils ne fortirent qu'après avoirſceuvô
EPITRE .
t
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د
S
tre Naiſſance. Ils se Sceurent bon gré
d'avoir cru que vous ne pouviez estre
- forty que d'un Sang dont l'éclat a cau
s ſe de l'admiration à toute la terre ,&
demanderent qu'il leur fust permis d'avoir
l'honneur de vous faluër ; mais
leur furprise augmenta pour la troifié.
me fois , lors qu'avec un air de grandeur
qui brilloit parmy les traits d'une
vive jeunesse , & toute la beautéde
l'Amour, ils trouverent un esprit beauf
coup au deſſus de vos années , avec des
manieres toutes engageantes , quoy que
- foûtenues de cette noble fierté qui fied
- fi bien à tous ceux de vostre rang. Il
t
s
S
S
4
S
e
est impoſſible d'entrer affez dans les
- fentimens que V.A.leur inspira. Ils mirent
tous leurs yeux & toute leur atten
tion à vous confiderer , toutes les forces
de leur imagination à bien concevoir ce
é qu'ils voyoient,& tout leur eſprit àvous
admirer.Ainsi tout agiſſant eneux avec
- force,& en même temps, ils auroient es
t
t
EPITRE.
beaucoup de peine àdire eux-mêmes ce
qu'ils pensoient en ce moment , parce
qu'ils estoient trop remplis de tout ce
qu'ils trouvoient digned'admiration en
V.A.Vous n'avez qu'à croiſtre , MONSEIGNEUR
, & nous entendrons parler
de vous d'une maniere qui fera biendu
bruit dans le monde. Vous ne jetterez
pas seulement de l'effroy dans les coeurs
des Ennemis de Sa Majesté , les Belles
craindront , les Maris trembleront, &
les Armans auront grand peur. Combien
alors de jaloux au deſeſpoir ! mais vOUS
ne joüirez qu'imparfaitement du plai
fir de la victoire , estant certain que
quand mesme vous auriez tous les Rois
du monde pour Rivaux , il n'y en auroit
arcun qui ofaft vous l'avoüer. Afin que
vous fuffiez tout- à-fait heureux, il fe
roit à fouhaiter qu'ils se déclaraſſent ,
puis que vous auriez la ſenſiblefatisfaction
den triompher de toutes manie
res. Tout se trouve dans vostre Sang
EPITRE.
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S
e
Lanaiſſance,la beauté,la valeur& l'efprit
,&pardeſſus toutes ces chofes , une
éducation digne de ce que vous estes
né , & de la Perſonne qui en prend
foin , met le comble à tout ce que la
Nature vous a liberalement donné..
Vous voyez dans ce mesme Sang tout
ce qu'ily a de plus grand au monde ;
Vous y remarquez le bon & le grand
goust,& le juste discernement pourtout
ce qui en demande , & tout cela joint à
une pieté d'autant plus veritable , que
l'Hypocrifie n'y ayant aucune part ,
n'a rien de l'austerité qui la rendroit
ridicule , & pen pratiquable à la Cour.
Vous voyez tout ce qu'un rang élevé
demande de magnificence , tout ceque
la generosité & la parfaite connoisfancede
toutes choses , exigent pour la
faire briller , tout l'esprit qu'il faut
avoir pourſoûtenir avec dignité l'éclat
d'un rang si baut &fi glorieux;& en
fin toutce qui fait l'accomplisſſement dus
elle
a iij
EPITRE..
vray merite. Tout ce que je vous dis ,
MONSEIGNEUR , vous doit faire affez
connoistre que je ne parle que d'une
partie du Sang qui vous aformé,puis
que l'autre n'est pas moins au deſſus
des loüanges,qu'elle est au deſſus de tous
les Souverains de la Terre. Jefçay que
je n'aurois pas à craindre de 'vous en
nuyer , ſi j'ofois me hazarder à vous en
entretenir , mais ce n'estpas icy le lien
d'entrer dans une matiere si vaste
Comme on ne la peut quitter quand
on en a une fois commencé l'ébauche ,
elle m'empefcheroit trop long-temps de
vous affeurer que je suis avec un tresprofond
respect
MONSEIGNEUR ,
De V. A.
Le tres-humble& tres-
> obeiffant Serviteur ..
DEVIZE
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Résumé : A MONSEIGNEUR / MONSEIGNEUR LE COMTE DE THOULOUSE, GRAND ADMIRAL D[E] FRANCE.
Le texte est une épître adressée à Monseigneur le Comte de Thoulouse, Grand Admiral de France. Lors de leur séjour à Clagny et à Versailles, les ambassadeurs de Siam sont profondément impressionnés par Monseigneur. Ils le voient se promener et sont frappés par sa majesté et sa beauté, le prenant presque pour un dieu. Les ambassadeurs admirent sa naissance illustre, sa beauté, son esprit et ses manières engageantes. Monseigneur est décrit comme ayant une éducation digne de son rang et de la personne qui en prend soin. Son sang est loué pour réunir la naissance, la beauté, la valeur, l'esprit et une piété véritable. Le texte souligne également sa magnificence, sa générosité et son discernement. L'auteur exprime son admiration pour Monseigneur et son sang, tout en reconnaissant que l'autre partie de son sang est également au-dessus des louanges et des souverains de la Terre. L'épître se conclut par une assurance de respect profond.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
s. p.
A MONSIEUR LE COMTE DE S. AIGNAN.
Début :
MONSIEUR, Je croy que personne ne s'étonnera de voir [...]
Mots clefs :
Âge, Roi, Temps, Sang, Naissance, Jeune, Actions, Apprendre, Vertu, Duc de Beauvillier, Saint-Aignan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR LE COMTE DE S. AIGNAN.
A MONSIEUR
LE COMTE
DES.AIGNAN.
M
ONSIEUR
Je croy que perſonne ne
s'étonnera de voir voſtre
a ij
EPISTRE.
Nom à la teſte de cet Ouvrage.
Le Nom de S. Aignan
est trop fameux dans
l'Empire des Lettres , pour
ne ne se pas attirer l'hommage
de tous ceux qui en
font profeſſion. Vous fortés
d'un fangfameux par luymesme
, comme il l'est par
les plus grandes Alliances;
Vous comptés des Souverains
dans vostre Maiſon ,
& le Portugal , & la Savoye
font de grands témoins
de cette éclatante
EPISTRE.
verité. Quoy que vous
Soyez encore fort jeune ,
j'ay beaucoup à vous dire,
les perſonnes de vostre qualite
ont presques toûjours
l'esprit au- deſſus de leur
âge , parce que l'on trouve
moyen de leur apprendre
dés le berceau des choses
qui demanderoient un âge
plus avancê. Auffi Monfieur
l'on ne peut douter que
vos lumieres ne devancent
bien- toft vos années , &je
croy qu'il m'est permis de
EPISTRE.
vous dire que ſi en entrant
dans le monde , vous voulez
vous proposer degrands
exemples à fuiure , vous
devez d'abord jetter les
yeuxfurvostreAyeul LHiſtoire
vous apprendra qu'il
estoit Mestre de Camp
General de toute la Cavalerie
Legere de France , &
t'un des premiers aiſſallans
du fameux Carrousel , qui
futfait à la Place Royale
en réjouiſſance du mariage
de Louis XIII. Apres a-ه
EPISTRE.
(
voir examiné toutes ses actions
qui vous le feront
paroître aussi brave que
galant , fuivez la route
glorieuse que vous trouveres
tracée par vostre fang,
& regardez celuy dont
vous tenés la naiſſance
vous verrez qu'il a merité
parluy-mefme , autant que
parce qu'il doit àses illuftres
Ayeux , le haut rang
où il est élevé , & l'estime
d'un Monarque qui ne la
prodigue pas , & qu'il y
EPISTRE.
eft parvenu par tous les
degrés qui conduifent dans
le chemin de la gloire. Il
s'est signalé aux Combats
de Steimbrug , & de Vaudrevanges
, & à la retraite
de Mayence , où il fit des
chofes dignes d'immortaliferfon
nom. Il s'est trouvé
aux Sieges de Château
Porcien , de fainte Merehou
, & de Montmedy ; il
a triomphé devant Bourges
, pris le Fort de Baugy,
& confervé le Berry au
EPISTRE
Roy. Toutes ces actionsle
firent nommer Maréchal
des Camps & Armées
de Sa Majesté, & peu de
temps apres LieutenantGeneral
; &la mesme année
au fortir de dix Campagnes
, qu'il venoit d'achever
glorieusement , il amena
quatre cent Gentilshommes
au Roy , tous refolus
à repandre leur fang pour
ce Prince , à l'exemple de
leur Conducteur , qui dans
les temps difficiles leur as
EPISTRE
voit inspiré ce sentiment.
Il avoit alors la mesme a-
Etivité en courant aux dangers
pour lefervice de fon
Roy , qu'il en a fait paroître
pour ſes plaiſirs dansſes
Feftes galantes , & dans
fes Carrousels , &la même
ardeur pour les belles
Lettres qu'il a toûjours protegees
. La place qu'il tient
dans l'Academie Françoife,
& dans cellede Padouë ,
en est une marque auffibien
que le nom de ProteEPISTRE.
Eteur qu'il soutient avec
tant degloiredans l'Acade
mie Royale d'Arles. Je ne
dis rien icy deſon inviolable
fidelité pour le Roy. Elle a
paru dans toute la pureté
que l'on en pouvoit attendre
, puiſque rien n'a esté
capable de l'ébranler un
moment , dans un temps
qu'on nesçauroit croire aujourd'huy
qu'il ait eſté.
Lorsque vous aurez examiné
la glorieuse vie de
celuy dont vous devez imiEPISTRE.
fer toutes les actions , jettez
les yeux fur les modeſtes
vertusde celle dont vous
tenés une partie du fang
qui vous a formé. Vous
la verrez briller par ces
feuls endroits,fuirla pompe
de la Courfans la mépriſer,
nes'attacherqu'aux
Autels,& ne regarder que
L'illustre Epoux que le Ciel
luy a donné. Comme les
exemplesqui nous doivent
toucher , ont beaucoup de
force pour porter à la vertu
EPISTRE.
tu , fi vous voulez, Mon
fieur, devenir parfaitement
honneste homme , & vous
acquerir une estime generale
, regardés , examinés.
& imités Monsieur le
Duc de Beauviliers . On
vous dira que dans un
âge fait pour les plaisirs ,
environné de toute la jeune
Noblesse de la Cour
dont l'exemple pouvoit eſtre
dangereux , il s'est toujours
distingué par sa moderation
, parsa vertu ,&par
:
1
EPISTRE
une ſageſſe qui luy a fait
meriter des Emplois , qui
avoient juſques icy paru
au- deſſus des personnes de
fon âge. Je ne doute point,
Monsieur , qu'avec de pareilsfecours,
vous nefaffiez
compter vosvertus bien plûtoft
que vos années. Ce
qu'on voit faire de glorieux
au sang dont on a l'avantage
defortir,frape beaucoup,&
perfuade plus que
Les vertus étrangeres. Vous
avez d'ailleurs le bonheur
L
EPISTRE .
d'estre né dans un temps
où les vertus du Roy l'ont
élevé dans un fi haut degre
de gloire , qu'à peine la
peut- on concevoir , & comme
vostre naiſſance vous
doit acquerir le Privilege
d'eſtre ſouvent témoin des
actions qui luyferoient chaque
jour meriter le furnom
de Grand , fi toute la terre
ne le luy avoit pas déja
donné , la justice qu'il rend
vous apprendra à tous
و
que vostre qualité ne vous
é ij
EPISTRE
doit pas empecher de la
rendre à tous ceux à qui
vous la devrez , fa prudence
vous fera connoître
que rien n'est plus neceffaire
aux hommes que cette
vertu dans quelque élevation
qu'ils foient , la ma
niere dont il garde ſon fe
2 cret , & celuy des autres
vous fera voir de quelle utilité
le fecret est dans la
vie , lors qu'on le garde
pourses propres affaires, &
que celuy d'autruy n'est
EPISTRE
point à nous , puisqu'un fi
grandRoy nerevellejamais
les fecrets qu'il a souhaité
desçavoir. La clemence de
ce Monarque vous apprendra
à pardonner , fa douceur
à estre humain , & à
n'avoir jamais d'emportement
, fa bonté à excufer
les defauts d'autruy ,fa-vigilance
à ne vous point
laiſſer ſurprendre , fa libe
ralité à n'eſtre point avare
, & à faire du bien,fa
fermeté à ne vous étonner
é ij
EPISTRE.
de rien quand la justice
fera pour vous , &sa pietéàvivre
en honneste homme
, & en vray Chrétien .
Pendant que vous verrez
pratiquer ces vertus, au
Roy , voſtre âge ,& vostre
naiſſance vous permettent
on meſme temps de voir de
pres de quelle maniere une
grande Princeffe , dont l'ef
prit est aussi élevé que sa
naiſſance &fon rang , t
dont le goût est d'une juf
teffe admirable,lesfait inEPISTRE
!
Sinuer à Monseigneur te
Duc de Bourgogne. Il est
vray que ce jeune Prince
n'est pas encore non plus
que vous en âge de lespratiquer,
mais il en retient du
moins quelques - unes , qui
avec le temps ferant encore
plus d'impreffion fur fon
ofprit. Cependant voyez le
tout remply de la boüillante
, & genereuse ardeur
qu'il tient de fon fang ,ne
respirer que le bruit de la
Guerre,faire faire l'ExerEPISTRE
cice , & nommer les Offi
ciers aux Gardes par leur
nom , ce qui fait voir que
la plus grande partie luy
en est déja connuë . Profités
, Monsieur , de tant de
choſes avantageuses. Vous
avez deja donné desmarques
que vous ne manquerez
pas du coſté du coeurs
à peinesçaviez - vous prononcer
quelques paroles,
qu'ayant vu saigner Madame
la Ducheffe vostre
mere , vous vous fentites
EPISTRE. 4
ausfi- toſt émů de colere à
la veuë de fon sang , &
cherchâtes vostre epée pour
punir celuy qui l'avoit fait
couler. Ainsi, Monsieur
je n'ay rien à dire du cofté
de la valeur ; & l'on
connoît affez par ces genereux
commencemens , que
vous ne laiſſerés pas v ſtre
épée inutile ; du reste attachés
vous ſouvent à regarder
les exemples que
vous fourniſſent vos Maiftres,&
vostre fang;faites
EPISTRE.
2
en ſouvent une étude particuliere
, &foyez perfuadé
qu'en les ſuivant , vous
remplirés dignement , &
avec éclat la carriere où
vous entrerés bien- toft. Ce
fera alors que vous me
fournirés de grands fujets
de parler de vous , & de
vous marquer ſouvent que
jefuis ,
MONSIEVR,
Vottretres-humble & tres -obeïſſant
Serviteur , DEVIZE .
LE COMTE
DES.AIGNAN.
M
ONSIEUR
Je croy que perſonne ne
s'étonnera de voir voſtre
a ij
EPISTRE.
Nom à la teſte de cet Ouvrage.
Le Nom de S. Aignan
est trop fameux dans
l'Empire des Lettres , pour
ne ne se pas attirer l'hommage
de tous ceux qui en
font profeſſion. Vous fortés
d'un fangfameux par luymesme
, comme il l'est par
les plus grandes Alliances;
Vous comptés des Souverains
dans vostre Maiſon ,
& le Portugal , & la Savoye
font de grands témoins
de cette éclatante
EPISTRE.
verité. Quoy que vous
Soyez encore fort jeune ,
j'ay beaucoup à vous dire,
les perſonnes de vostre qualite
ont presques toûjours
l'esprit au- deſſus de leur
âge , parce que l'on trouve
moyen de leur apprendre
dés le berceau des choses
qui demanderoient un âge
plus avancê. Auffi Monfieur
l'on ne peut douter que
vos lumieres ne devancent
bien- toft vos années , &je
croy qu'il m'est permis de
EPISTRE.
vous dire que ſi en entrant
dans le monde , vous voulez
vous proposer degrands
exemples à fuiure , vous
devez d'abord jetter les
yeuxfurvostreAyeul LHiſtoire
vous apprendra qu'il
estoit Mestre de Camp
General de toute la Cavalerie
Legere de France , &
t'un des premiers aiſſallans
du fameux Carrousel , qui
futfait à la Place Royale
en réjouiſſance du mariage
de Louis XIII. Apres a-ه
EPISTRE.
(
voir examiné toutes ses actions
qui vous le feront
paroître aussi brave que
galant , fuivez la route
glorieuse que vous trouveres
tracée par vostre fang,
& regardez celuy dont
vous tenés la naiſſance
vous verrez qu'il a merité
parluy-mefme , autant que
parce qu'il doit àses illuftres
Ayeux , le haut rang
où il est élevé , & l'estime
d'un Monarque qui ne la
prodigue pas , & qu'il y
EPISTRE.
eft parvenu par tous les
degrés qui conduifent dans
le chemin de la gloire. Il
s'est signalé aux Combats
de Steimbrug , & de Vaudrevanges
, & à la retraite
de Mayence , où il fit des
chofes dignes d'immortaliferfon
nom. Il s'est trouvé
aux Sieges de Château
Porcien , de fainte Merehou
, & de Montmedy ; il
a triomphé devant Bourges
, pris le Fort de Baugy,
& confervé le Berry au
EPISTRE
Roy. Toutes ces actionsle
firent nommer Maréchal
des Camps & Armées
de Sa Majesté, & peu de
temps apres LieutenantGeneral
; &la mesme année
au fortir de dix Campagnes
, qu'il venoit d'achever
glorieusement , il amena
quatre cent Gentilshommes
au Roy , tous refolus
à repandre leur fang pour
ce Prince , à l'exemple de
leur Conducteur , qui dans
les temps difficiles leur as
EPISTRE
voit inspiré ce sentiment.
Il avoit alors la mesme a-
Etivité en courant aux dangers
pour lefervice de fon
Roy , qu'il en a fait paroître
pour ſes plaiſirs dansſes
Feftes galantes , & dans
fes Carrousels , &la même
ardeur pour les belles
Lettres qu'il a toûjours protegees
. La place qu'il tient
dans l'Academie Françoife,
& dans cellede Padouë ,
en est une marque auffibien
que le nom de ProteEPISTRE.
Eteur qu'il soutient avec
tant degloiredans l'Acade
mie Royale d'Arles. Je ne
dis rien icy deſon inviolable
fidelité pour le Roy. Elle a
paru dans toute la pureté
que l'on en pouvoit attendre
, puiſque rien n'a esté
capable de l'ébranler un
moment , dans un temps
qu'on nesçauroit croire aujourd'huy
qu'il ait eſté.
Lorsque vous aurez examiné
la glorieuse vie de
celuy dont vous devez imiEPISTRE.
fer toutes les actions , jettez
les yeux fur les modeſtes
vertusde celle dont vous
tenés une partie du fang
qui vous a formé. Vous
la verrez briller par ces
feuls endroits,fuirla pompe
de la Courfans la mépriſer,
nes'attacherqu'aux
Autels,& ne regarder que
L'illustre Epoux que le Ciel
luy a donné. Comme les
exemplesqui nous doivent
toucher , ont beaucoup de
force pour porter à la vertu
EPISTRE.
tu , fi vous voulez, Mon
fieur, devenir parfaitement
honneste homme , & vous
acquerir une estime generale
, regardés , examinés.
& imités Monsieur le
Duc de Beauviliers . On
vous dira que dans un
âge fait pour les plaisirs ,
environné de toute la jeune
Noblesse de la Cour
dont l'exemple pouvoit eſtre
dangereux , il s'est toujours
distingué par sa moderation
, parsa vertu ,&par
:
1
EPISTRE
une ſageſſe qui luy a fait
meriter des Emplois , qui
avoient juſques icy paru
au- deſſus des personnes de
fon âge. Je ne doute point,
Monsieur , qu'avec de pareilsfecours,
vous nefaffiez
compter vosvertus bien plûtoft
que vos années. Ce
qu'on voit faire de glorieux
au sang dont on a l'avantage
defortir,frape beaucoup,&
perfuade plus que
Les vertus étrangeres. Vous
avez d'ailleurs le bonheur
L
EPISTRE .
d'estre né dans un temps
où les vertus du Roy l'ont
élevé dans un fi haut degre
de gloire , qu'à peine la
peut- on concevoir , & comme
vostre naiſſance vous
doit acquerir le Privilege
d'eſtre ſouvent témoin des
actions qui luyferoient chaque
jour meriter le furnom
de Grand , fi toute la terre
ne le luy avoit pas déja
donné , la justice qu'il rend
vous apprendra à tous
و
que vostre qualité ne vous
é ij
EPISTRE
doit pas empecher de la
rendre à tous ceux à qui
vous la devrez , fa prudence
vous fera connoître
que rien n'est plus neceffaire
aux hommes que cette
vertu dans quelque élevation
qu'ils foient , la ma
niere dont il garde ſon fe
2 cret , & celuy des autres
vous fera voir de quelle utilité
le fecret est dans la
vie , lors qu'on le garde
pourses propres affaires, &
que celuy d'autruy n'est
EPISTRE
point à nous , puisqu'un fi
grandRoy nerevellejamais
les fecrets qu'il a souhaité
desçavoir. La clemence de
ce Monarque vous apprendra
à pardonner , fa douceur
à estre humain , & à
n'avoir jamais d'emportement
, fa bonté à excufer
les defauts d'autruy ,fa-vigilance
à ne vous point
laiſſer ſurprendre , fa libe
ralité à n'eſtre point avare
, & à faire du bien,fa
fermeté à ne vous étonner
é ij
EPISTRE.
de rien quand la justice
fera pour vous , &sa pietéàvivre
en honneste homme
, & en vray Chrétien .
Pendant que vous verrez
pratiquer ces vertus, au
Roy , voſtre âge ,& vostre
naiſſance vous permettent
on meſme temps de voir de
pres de quelle maniere une
grande Princeffe , dont l'ef
prit est aussi élevé que sa
naiſſance &fon rang , t
dont le goût est d'une juf
teffe admirable,lesfait inEPISTRE
!
Sinuer à Monseigneur te
Duc de Bourgogne. Il est
vray que ce jeune Prince
n'est pas encore non plus
que vous en âge de lespratiquer,
mais il en retient du
moins quelques - unes , qui
avec le temps ferant encore
plus d'impreffion fur fon
ofprit. Cependant voyez le
tout remply de la boüillante
, & genereuse ardeur
qu'il tient de fon fang ,ne
respirer que le bruit de la
Guerre,faire faire l'ExerEPISTRE
cice , & nommer les Offi
ciers aux Gardes par leur
nom , ce qui fait voir que
la plus grande partie luy
en est déja connuë . Profités
, Monsieur , de tant de
choſes avantageuses. Vous
avez deja donné desmarques
que vous ne manquerez
pas du coſté du coeurs
à peinesçaviez - vous prononcer
quelques paroles,
qu'ayant vu saigner Madame
la Ducheffe vostre
mere , vous vous fentites
EPISTRE. 4
ausfi- toſt émů de colere à
la veuë de fon sang , &
cherchâtes vostre epée pour
punir celuy qui l'avoit fait
couler. Ainsi, Monsieur
je n'ay rien à dire du cofté
de la valeur ; & l'on
connoît affez par ces genereux
commencemens , que
vous ne laiſſerés pas v ſtre
épée inutile ; du reste attachés
vous ſouvent à regarder
les exemples que
vous fourniſſent vos Maiftres,&
vostre fang;faites
EPISTRE.
2
en ſouvent une étude particuliere
, &foyez perfuadé
qu'en les ſuivant , vous
remplirés dignement , &
avec éclat la carriere où
vous entrerés bien- toft. Ce
fera alors que vous me
fournirés de grands fujets
de parler de vous , & de
vous marquer ſouvent que
jefuis ,
MONSIEVR,
Vottretres-humble & tres -obeïſſant
Serviteur , DEVIZE .
Fermer
Résumé : A MONSIEUR LE COMTE DE S. AIGNAN.
L'épître est adressée à Monsieur le Comte des Aignan et exprime l'admiration de l'auteur pour la renommée littéraire et les alliances prestigieuses de la famille du Comte. L'auteur reconnaît la jeunesse du Comte tout en soulignant son esprit mature et ses lumières précoces. Il encourage le Comte à suivre l'exemple de son aïeul, qui fut Maître de Camp Général de la Cavalerie Légère de France et participa au célèbre Carrousel de la Place Royale pour le mariage de Louis XIII. L'aïeul se distingua par sa bravoure et sa galanterie lors des combats de Steimbrug, de Vaudrevanges, et de la retraite de Mayence, ainsi que lors des sièges de Château Porcien, Sainte Mèrehou, et Montmedy. Après dix campagnes glorieuses, il fut nommé Maréchal des Camps et Armées du Roi et Lieutenant Général. L'aïeul était également connu pour sa fidélité inviolable envers le Roi et son engagement dans les lettres, ayant des places à l'Académie Française et à celle de Padoue. L'épître invite le Comte à imiter les vertus de ses ancêtres et à suivre les exemples de modération, de vertu, et de sagesse du Duc de Beauvilliers. Elle met en avant les vertus du Roi, telles que la justice, la prudence, la clémence, la douceur, la bonté, la vigilance, la libéralité, la fermeté, et la piété, que le Comte peut observer et imiter. Enfin, l'auteur encourage le Comte à profiter de son environnement et de son éducation pour devenir un homme vertueux et honorable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 153-175
DISSERTATION SUR la Goutte & le Rhumatisme, faite par Mr Dumont, Chirurgien Juré d'Auch.
Début :
Les hommes sont attaquez de tant de differentes maladiesqui leur font quitter ce monde [...]
Mots clefs :
Goutte, Dissertation, Rhumatisme, Sang, Jointures, Corps, Esprit, Chaleur, Douleurs, Tendons
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texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION SUR la Goutte & le Rhumatisme, faite par Mr Dumont, Chirurgien Juré d'Auch.
Les hommes font attaquez
de tant de differentes maladies
qui leur font quitter ce monde
avant que d'atteindre à l'âge
où ils pourroient parvenir fans
leurs infirmitez , il ne faut. pas
s'eftonner s'il fe trouve tant
de perfonnes qui travaillent à
chercher des remedes pour la
guerifon des differentes maladies dont les hommes font attaquez. L'Auteur de la Piece
que vous allez lire eft de ce
nombre.
15 4 MERCURE
DISSERTATION SUR
la Goutte &le Rhumatiſme,
faite par Mr Dumont, Chi
rurgien Juré d'Auch.
>
*
Il y a des Auteurs fameux,
qui pretendent que la pituite e
les ferofitez acres , qui fe feparent
des humeurs par le tiffu des
parties membraneufes & glandu
leufes , font la caufe de la Gouite
& du Rhumatifme , lesquelles
s'épanchant fur l'habitude di
corps , deviennent la fource feconde des douleurs arthritiques &
rhumatiques , procedant du vice
CALANT 155
des filtrations , ordinairement
de celles qui fe font dans la tefte,
appellée pour ce fujet , la ſource
des maladies.
Cependant lefentiment le plus
fuivi eft , que le fang chargédes
fels acides , & des fels acres , épanchez hors des routes de la circulation , par les extrémitez , ou
par les pores de plus petites arteres dans les jointures ; auquel lieu,
ils ne peuventplus eftre repris par
les veines, ou diffipez , il forme
la matiere de la goutre par le dérangement es le mélange difproportionné de fes principes , & par
te relâchement des parties. C'eft
156 MERCURE
donc uniquement dans le vice, &
dans la conftitution dépravée du
fang, qu'ilfaut chercher lafource le levain de la goutte &
du rhumatisme de forte qu'on
n'en peut attendre la guerifon
`vant qu'on n'ait reftablyſa tiffure , & redonné de l'élasticité aux
parties , en renouvellant tout le
fiftême dufang, & en lefaiſant
changer de nature.
*
aSur ce principe , il eft aifé de
s'imaginer que ces fels acides
acres , extravafez par voye d'épanchement , fe gliffent entre les
membranes , qui enveloppent les
mufcles , jufques à ce qu'ilsfoient
GALANT 157
onduits par la circulation dans
les parties membraneufes , vers
les tendons ligamens des jointures , où ils trouvent des cavitez
qui les arreftent , dont il refte
tres-fouvent au fonds une espece
de marc ou de vafe , en forme de
plâtre, ou defel , qui forme des
concretions des nœuds prefque
indiffolubles , par la coagulation
de leur fynovie , jusques ày con- tracter avec le temps la fermeté
de la pierre ; c'eſt- là le levain
qui occafionne la rechûte & le
retour periodique de la goutte
nouée , dans le temps que ces fels.
viennent à fe fermenter.
158 MERCURE
estes Il eft vray de dire , que
felsacides & acres s'arreſtent fuivant leur determination dans les
jointures , &dans les parties qui
les touchent , & qu'ils y caufent
des irritations des divulfions
douloureufes ; ils piquent &
ébranlent les filers membraneux
nerveuxqui en derivent ; ils
compriment & preffent les tendons , les ligamens , les aiffeaux
fanguins , les vaiffeaux lympha
tiques, & les tuyaux excreteurs ;
parce moyen troublent &empêchent la circulation dufang, &
confequemment le cours des efprits
animaux; &par là ils entretien
GALANT 159
de
ment une fenfation douloureuse
pendant tout le cours de la maladienab sonnets
Le rhumatiſme eſt une espece
goutte vague , par diftinction
de la gouttefixe , qui a fon fiege
precifement dans les jointures &
articulations des parties , au lieu
que la vague afflige tout le corps;
c'est à-dire les espaces entre les articles , les mufcles , leurs membranes , toute l'habitude , avec
une douleur cruelle , faifant fentir des élancemens indifferemment
le long des parties , tantoft dans
l'un des bras , tantoft dans l'autre,
commefi ces douleurs eftoienc er
160 MERCURE
rantes , la caufe de cette goutte
vague eftant uneferofité empreinte d'un nîtrefulfureux, qui abonde dans la maffe du fang, qui eft
d'une grande acrimonie , fouvent
accompagnée de vents ; il faut que
cette ferofitéfoit telle , puiſqu'elle
fe faitfentir par des chaleurs
par des piqueures douloureufes
"dans les parties , les chaleurs venant du fouffre , & les piqueures
procedant dufel.
la
Le rhumatifme nediffere d'avec
goutte que par fon eſtenduë ;
car la goutte s'infinue dans les
parties des articles , où les os emboitezlaiffentquelque eſpace vui-
GALANT 161
de , au lieu que le rhumatisme eft
comme un débordement qui fe répandfurtoute l'habitude du corps,
oufur quelque partie en particulier ; de maniere que cette ferofité
demeure quelquefois engagée entre
lesparties membranenfes & mufculeufes , vers le milieu des membres; mais lorsqu'elle coule le long
des tendons des ligamens, elle
fe jette dans les jointures, & par
fon explosion caufe , ou le rhumatifme qui fe termine fouvent
par la goutte , ou la goutte qui fe
change fouvent en rhumatifme..
Il n'y a point de doute que
l'acide ne foit l'ennemy juré du
Janvier 1710.
162 MERCURE
de toutes les genre nerveux , &
parties du corps , excepté l'eſtomac,
felon Vanhelmont, en digriffant
trop la male du fang, & luy
donnant trop de confiftance & de
groffiereté ; de forte que la circulation devenant plus difficile &
plus lente , le fang imprime aux
parties folides un caractere qui
affoiblit toutes leurs actions ; de
maniere que les efprits animaux
ทุกขอ
font comme engourdis noyez
dans les humeurs , dont les couloirs fontfarcis ; de forte que les
recremens du fang nagent & cir
culent avec luy dans les parties,
&deviennent les femences fecon-
GALANT 153
des de la goutte & du rhumatifme, par la feparation des parties
fereufes du fang, d'avec les fibrenfes & par la vapidité er
appan vriffement des liqueurs, e
des parties balfamiques &Spiri
tueuses du fang
Cela eftant fuppose & fondé,
je fuisfürdes experiences conftantesaverées ; &jofe dire, que
le plus für moyende combattre la
matiere de la goutte , eſt la voye
des urines de la tranfpiration,
procuréepar l'Or Diaphoretique
horizontal ( que j'ay composé:)
car enfin , fi dans la tranſpiration
naturelle , les épanchemens des
&
Ŏ ij
164 MERCUDE
eſt
il
fels acides & acres dans les jointures, fe confument d'eux memes
par leur ardeur propre , &parle
nouveau degré de chaleur qu'ils
reçoivent de l'obſtruction , en s'évaporant à travers les pores ,
eft à prefumer raifonnablement,
que la tranfpiration artificielle ferad'un tres-puiffantfecours ; &
comme la chaleur naturelle de ceux
quifont avancez en âge, qui va
toûjours en s'affaibliſſant, ne peut
pas faire entierement tranfpirer
la matiere qui s'amaffe dans les
jointures , les nerfs, les tendons
les ligamens continuellement
imbiber fe relâchent , & con-
GALANT 165
tractant une foibleffe qui augmen
res
fure
que la
douleur
diminues Enfin , lorsque les atteinres de la gouttefefont multipliées,
les vaiffeaux tant de fois décolez , obeiffent à la moindre effufion ; deforte que ces ferofitezfe
forment un paffage libre, jufques
aux articles , qui s'élargit toûjours , nefe bouchejamais ; ce
quifait que lagoutte devient plus
cruelle , à mesure qu'elle vieillit,
prend toutefaforce de la va
l'appauvriffement du مریم pidité de
fang, & de la foibleffe des levains digeftifs, & durelâchement
des partiesfibreufes ; ce qui donne
166 MERCURE
occasion à une espece de crudité
dans les humeurs. Les perfonnes
neanmoins avancées en age , ne
doivent pas defefperer de voirfou
vent foulager , quelquefois
guerir à fonds lears maux, comme je l'ay experimenté fur un
homme feptuagenaire , travaillé
de la goutte, & furplufieurs autres de tous ages , dont les uns
eftoient attaquezde lagoutte , &
les autres d'un rhumatisme chronique e inveteré.
L'experience en effet , prouve
sous les jours , qu'il eft des perfonnesfexagenaires, qui ont leurs
fermens vigoureux , le tonus des
GALANT 167
parties ferme la riffure du
9.
fangrobufte. Cependantj'avouë,
que la goutte nouée ne cedera pas
toujours à ce remede , mais elle
deviendra moins frequente
moins cruelle c'est toujours un
grand bien d'eftre foulagé d'un
mal, dont on ne peut entierement
guerir , qu'en tacbant de corriger
de rectifier la crudité outrée
des humeurs, & deprimerl'exal
tation de l'acide , de lalymphe, du
fuc pancreatique & de la bile,
qui prend toutefa force de l'aigre
avec lequel elle fermente ; car
l'exaltation de ces liqueurs ne
vient quepar un trop long fe-
168 MERCURE
jour qu'elles ont fait dans les filtres , fou par le relâchement des
fibres deſtinées à en faire l'expreffion , foit enfin par le vice des
fermens qui fixent le fang ; c'eft
de cette crudité que naiffent dans
les premieres voyes , &dans le
fang mefme, tous les fels étrangers , qui occafionnent des attaques fi frequentes de la goutte &
du rhumatisme.
Nous voyons au contraire, que
les jeunes gens , &fur tout les
enfans , trouvent une heureuſe
exemption dans lajufteffe de leur
temperament, qui n'a fouffert encore aucune attaque , parce que
leurs
GALANT 169
leurs vaiffeaux toujours également remplis , eftant étroitement
inferez les uns dans les autres , la
ferofité ne trouve aucune iffuë.
pour s'extravafer, ou s'il s'en
échape quelques gouttes , les muf
cles joints & ferrez entr'eux
leur refuſent le paſſage ; ellesfont
plutoft diffipées par la tranſpiration , qu'elles ne font arrivées aux
jointures ; car dans le bel âge , le
fang eft riche en efprits , les fermens font vigoureux , & dans
lequel les Parties ont tout leur
tonus ; enfin s'il arrive alors quelque defordre dans le Systême du
Jang, & qu'il faffe quelque im
Janvier 1710.
P
170 MERCURE
la
preffion mauvaife fur les Parties,
la nature fe fert heureufement de
fes efprits qui rayonnent dans les
liqueurs , pour en chaffer ce qu'il
y a de fucsfalins étrangers dans
la maffe , qui en troublent l'aco
nomie , &déconcertent pour ainfi
dire la machine; c'est pourquoy
fuppreffion de l'infenfible tranfpiration , produit une infinité de maladies , tant aigues que chroniques ; car ce quife diffipe ordinairement de nos corps , foit par le
paffage de la matierefubtile , qui
en détache continuellement quelques parties , ou par les filtrations
des glandes cutanées , & tuyaux
GALANT 171
excreteurs , eft bienfenfible, puifque Sanctorius prétend qu'ilfurpaffe quinze fois le volume des
autres excretions.
Il faut donc fuivant mon ſyſftême de pratique , pour guerir la
goutte & le rhumatisme , fefervir de la voye d'attenuer les humeurs afin qu'en leur donnant
plus defluidité, elles puiffent ai
fementfe débaraffer, ou pour entrer dans la maffe dufang& fuivrefon cours ; ou enfin pour fe
perdre par l'infenfible tranfpiration ; ce qui s'obtiendra par des remedes fondans , diuretiques , dépurans abforbans , diaphorePij
172 MERCURE
tiques , pour combattre la goutte
&lerbumatisme ; enfin l'or dia
phoretique horisontal renferme
enfoy ces cinq qualitez , &par
confequent c'est un remede fpecifi
que a ces maux.
la
Onpeut dont conclurrefuivant
les Anciens &les Modernes , que
a goutte vient par le vice de l'eftomac , d'où s'enfuit une digeftion
aigrie & alterée , le chile devient
groffier , & acide en forte que
d'un chile aigri , il ne peut eftre
produit qu'un fang empreint de
particules acides , lesquelles eftant
portées aux articles , &ne pou
vant eftre digerées & évacuées
ر
GALANT 173
par les efprits fixes de ces parties ,
deviennent plus acides par le fejour qu'elles y font , & caufent
les douleurs de la goutte : ainfi la
veritable indication , pourla guerifonde cette maladie , eft de fortifier l'eftomach , d'en abforber l'acide , & diffiper l'humeur qui eft
dans lapartie; l'or diaphoretique,
horifontal, corrige repare ce défaut, ranime e rectifie leferment
digeftif de l'eftomach , affaifonne
le chile , proportionne les coctions
donne de lafluidité auxfucs , rend
·les couloirs libres , refout les craf
fes du fyftême des nerfs & des
Piij
174 MERCURE
glandes , fournit aufang des
parties huileufes , balfamiques &
Spirituenfes , afin qu'il reprenne
fa premierepureté, &fapremiere
-force.
Il est certain que j'aydonné de
ce remede à un grand nombre de
perfonnes de tous âges dans laplus
grande rigueur de l'Hiver, &
dans la plus grande chaleur
l'Efté , fans que l'ufage de ce remede ait caufeplus d'émotion , ny
de chaleur , quefi l'on n'avoit rien
pris. L'or diaphoretique horizontal n'eftpasfeulement un fpecifique pour la goutte , mais encorepour les maladies chroniques
GALANT 175
rebelles , dont la miffe du fang
eft tout à fait dérangée fuivant
les experiences que j'en ay faites
tant à Paris qu'en Province.
M³ Dumont , donnera à ceux
qui l'iront voir , des preuves
convaincantes , des heureufes
experiences qu'il a faites . Je
vous ay déja envoyé plufieurs
de fes Ouvrages dont les Journaux des Sçavans ont avantageufement parlé. Il loge au
Grand Turc , rue de la Huchette.
de tant de differentes maladies
qui leur font quitter ce monde
avant que d'atteindre à l'âge
où ils pourroient parvenir fans
leurs infirmitez , il ne faut. pas
s'eftonner s'il fe trouve tant
de perfonnes qui travaillent à
chercher des remedes pour la
guerifon des differentes maladies dont les hommes font attaquez. L'Auteur de la Piece
que vous allez lire eft de ce
nombre.
15 4 MERCURE
DISSERTATION SUR
la Goutte &le Rhumatiſme,
faite par Mr Dumont, Chi
rurgien Juré d'Auch.
>
*
Il y a des Auteurs fameux,
qui pretendent que la pituite e
les ferofitez acres , qui fe feparent
des humeurs par le tiffu des
parties membraneufes & glandu
leufes , font la caufe de la Gouite
& du Rhumatifme , lesquelles
s'épanchant fur l'habitude di
corps , deviennent la fource feconde des douleurs arthritiques &
rhumatiques , procedant du vice
CALANT 155
des filtrations , ordinairement
de celles qui fe font dans la tefte,
appellée pour ce fujet , la ſource
des maladies.
Cependant lefentiment le plus
fuivi eft , que le fang chargédes
fels acides , & des fels acres , épanchez hors des routes de la circulation , par les extrémitez , ou
par les pores de plus petites arteres dans les jointures ; auquel lieu,
ils ne peuventplus eftre repris par
les veines, ou diffipez , il forme
la matiere de la goutre par le dérangement es le mélange difproportionné de fes principes , & par
te relâchement des parties. C'eft
156 MERCURE
donc uniquement dans le vice, &
dans la conftitution dépravée du
fang, qu'ilfaut chercher lafource le levain de la goutte &
du rhumatisme de forte qu'on
n'en peut attendre la guerifon
`vant qu'on n'ait reftablyſa tiffure , & redonné de l'élasticité aux
parties , en renouvellant tout le
fiftême dufang, & en lefaiſant
changer de nature.
*
aSur ce principe , il eft aifé de
s'imaginer que ces fels acides
acres , extravafez par voye d'épanchement , fe gliffent entre les
membranes , qui enveloppent les
mufcles , jufques à ce qu'ilsfoient
GALANT 157
onduits par la circulation dans
les parties membraneufes , vers
les tendons ligamens des jointures , où ils trouvent des cavitez
qui les arreftent , dont il refte
tres-fouvent au fonds une espece
de marc ou de vafe , en forme de
plâtre, ou defel , qui forme des
concretions des nœuds prefque
indiffolubles , par la coagulation
de leur fynovie , jusques ày con- tracter avec le temps la fermeté
de la pierre ; c'eſt- là le levain
qui occafionne la rechûte & le
retour periodique de la goutte
nouée , dans le temps que ces fels.
viennent à fe fermenter.
158 MERCURE
estes Il eft vray de dire , que
felsacides & acres s'arreſtent fuivant leur determination dans les
jointures , &dans les parties qui
les touchent , & qu'ils y caufent
des irritations des divulfions
douloureufes ; ils piquent &
ébranlent les filers membraneux
nerveuxqui en derivent ; ils
compriment & preffent les tendons , les ligamens , les aiffeaux
fanguins , les vaiffeaux lympha
tiques, & les tuyaux excreteurs ;
parce moyen troublent &empêchent la circulation dufang, &
confequemment le cours des efprits
animaux; &par là ils entretien
GALANT 159
de
ment une fenfation douloureuse
pendant tout le cours de la maladienab sonnets
Le rhumatiſme eſt une espece
goutte vague , par diftinction
de la gouttefixe , qui a fon fiege
precifement dans les jointures &
articulations des parties , au lieu
que la vague afflige tout le corps;
c'est à-dire les espaces entre les articles , les mufcles , leurs membranes , toute l'habitude , avec
une douleur cruelle , faifant fentir des élancemens indifferemment
le long des parties , tantoft dans
l'un des bras , tantoft dans l'autre,
commefi ces douleurs eftoienc er
160 MERCURE
rantes , la caufe de cette goutte
vague eftant uneferofité empreinte d'un nîtrefulfureux, qui abonde dans la maffe du fang, qui eft
d'une grande acrimonie , fouvent
accompagnée de vents ; il faut que
cette ferofitéfoit telle , puiſqu'elle
fe faitfentir par des chaleurs
par des piqueures douloureufes
"dans les parties , les chaleurs venant du fouffre , & les piqueures
procedant dufel.
la
Le rhumatifme nediffere d'avec
goutte que par fon eſtenduë ;
car la goutte s'infinue dans les
parties des articles , où les os emboitezlaiffentquelque eſpace vui-
GALANT 161
de , au lieu que le rhumatisme eft
comme un débordement qui fe répandfurtoute l'habitude du corps,
oufur quelque partie en particulier ; de maniere que cette ferofité
demeure quelquefois engagée entre
lesparties membranenfes & mufculeufes , vers le milieu des membres; mais lorsqu'elle coule le long
des tendons des ligamens, elle
fe jette dans les jointures, & par
fon explosion caufe , ou le rhumatifme qui fe termine fouvent
par la goutte , ou la goutte qui fe
change fouvent en rhumatifme..
Il n'y a point de doute que
l'acide ne foit l'ennemy juré du
Janvier 1710.
162 MERCURE
de toutes les genre nerveux , &
parties du corps , excepté l'eſtomac,
felon Vanhelmont, en digriffant
trop la male du fang, & luy
donnant trop de confiftance & de
groffiereté ; de forte que la circulation devenant plus difficile &
plus lente , le fang imprime aux
parties folides un caractere qui
affoiblit toutes leurs actions ; de
maniere que les efprits animaux
ทุกขอ
font comme engourdis noyez
dans les humeurs , dont les couloirs fontfarcis ; de forte que les
recremens du fang nagent & cir
culent avec luy dans les parties,
&deviennent les femences fecon-
GALANT 153
des de la goutte & du rhumatifme, par la feparation des parties
fereufes du fang, d'avec les fibrenfes & par la vapidité er
appan vriffement des liqueurs, e
des parties balfamiques &Spiri
tueuses du fang
Cela eftant fuppose & fondé,
je fuisfürdes experiences conftantesaverées ; &jofe dire, que
le plus für moyende combattre la
matiere de la goutte , eſt la voye
des urines de la tranfpiration,
procuréepar l'Or Diaphoretique
horizontal ( que j'ay composé:)
car enfin , fi dans la tranſpiration
naturelle , les épanchemens des
&
Ŏ ij
164 MERCUDE
eſt
il
fels acides & acres dans les jointures, fe confument d'eux memes
par leur ardeur propre , &parle
nouveau degré de chaleur qu'ils
reçoivent de l'obſtruction , en s'évaporant à travers les pores ,
eft à prefumer raifonnablement,
que la tranfpiration artificielle ferad'un tres-puiffantfecours ; &
comme la chaleur naturelle de ceux
quifont avancez en âge, qui va
toûjours en s'affaibliſſant, ne peut
pas faire entierement tranfpirer
la matiere qui s'amaffe dans les
jointures , les nerfs, les tendons
les ligamens continuellement
imbiber fe relâchent , & con-
GALANT 165
tractant une foibleffe qui augmen
res
fure
que la
douleur
diminues Enfin , lorsque les atteinres de la gouttefefont multipliées,
les vaiffeaux tant de fois décolez , obeiffent à la moindre effufion ; deforte que ces ferofitezfe
forment un paffage libre, jufques
aux articles , qui s'élargit toûjours , nefe bouchejamais ; ce
quifait que lagoutte devient plus
cruelle , à mesure qu'elle vieillit,
prend toutefaforce de la va
l'appauvriffement du مریم pidité de
fang, & de la foibleffe des levains digeftifs, & durelâchement
des partiesfibreufes ; ce qui donne
166 MERCURE
occasion à une espece de crudité
dans les humeurs. Les perfonnes
neanmoins avancées en age , ne
doivent pas defefperer de voirfou
vent foulager , quelquefois
guerir à fonds lears maux, comme je l'ay experimenté fur un
homme feptuagenaire , travaillé
de la goutte, & furplufieurs autres de tous ages , dont les uns
eftoient attaquezde lagoutte , &
les autres d'un rhumatisme chronique e inveteré.
L'experience en effet , prouve
sous les jours , qu'il eft des perfonnesfexagenaires, qui ont leurs
fermens vigoureux , le tonus des
GALANT 167
parties ferme la riffure du
9.
fangrobufte. Cependantj'avouë,
que la goutte nouée ne cedera pas
toujours à ce remede , mais elle
deviendra moins frequente
moins cruelle c'est toujours un
grand bien d'eftre foulagé d'un
mal, dont on ne peut entierement
guerir , qu'en tacbant de corriger
de rectifier la crudité outrée
des humeurs, & deprimerl'exal
tation de l'acide , de lalymphe, du
fuc pancreatique & de la bile,
qui prend toutefa force de l'aigre
avec lequel elle fermente ; car
l'exaltation de ces liqueurs ne
vient quepar un trop long fe-
168 MERCURE
jour qu'elles ont fait dans les filtres , fou par le relâchement des
fibres deſtinées à en faire l'expreffion , foit enfin par le vice des
fermens qui fixent le fang ; c'eft
de cette crudité que naiffent dans
les premieres voyes , &dans le
fang mefme, tous les fels étrangers , qui occafionnent des attaques fi frequentes de la goutte &
du rhumatisme.
Nous voyons au contraire, que
les jeunes gens , &fur tout les
enfans , trouvent une heureuſe
exemption dans lajufteffe de leur
temperament, qui n'a fouffert encore aucune attaque , parce que
leurs
GALANT 169
leurs vaiffeaux toujours également remplis , eftant étroitement
inferez les uns dans les autres , la
ferofité ne trouve aucune iffuë.
pour s'extravafer, ou s'il s'en
échape quelques gouttes , les muf
cles joints & ferrez entr'eux
leur refuſent le paſſage ; ellesfont
plutoft diffipées par la tranſpiration , qu'elles ne font arrivées aux
jointures ; car dans le bel âge , le
fang eft riche en efprits , les fermens font vigoureux , & dans
lequel les Parties ont tout leur
tonus ; enfin s'il arrive alors quelque defordre dans le Systême du
Jang, & qu'il faffe quelque im
Janvier 1710.
P
170 MERCURE
la
preffion mauvaife fur les Parties,
la nature fe fert heureufement de
fes efprits qui rayonnent dans les
liqueurs , pour en chaffer ce qu'il
y a de fucsfalins étrangers dans
la maffe , qui en troublent l'aco
nomie , &déconcertent pour ainfi
dire la machine; c'est pourquoy
fuppreffion de l'infenfible tranfpiration , produit une infinité de maladies , tant aigues que chroniques ; car ce quife diffipe ordinairement de nos corps , foit par le
paffage de la matierefubtile , qui
en détache continuellement quelques parties , ou par les filtrations
des glandes cutanées , & tuyaux
GALANT 171
excreteurs , eft bienfenfible, puifque Sanctorius prétend qu'ilfurpaffe quinze fois le volume des
autres excretions.
Il faut donc fuivant mon ſyſftême de pratique , pour guerir la
goutte & le rhumatisme , fefervir de la voye d'attenuer les humeurs afin qu'en leur donnant
plus defluidité, elles puiffent ai
fementfe débaraffer, ou pour entrer dans la maffe dufang& fuivrefon cours ; ou enfin pour fe
perdre par l'infenfible tranfpiration ; ce qui s'obtiendra par des remedes fondans , diuretiques , dépurans abforbans , diaphorePij
172 MERCURE
tiques , pour combattre la goutte
&lerbumatisme ; enfin l'or dia
phoretique horisontal renferme
enfoy ces cinq qualitez , &par
confequent c'est un remede fpecifi
que a ces maux.
la
Onpeut dont conclurrefuivant
les Anciens &les Modernes , que
a goutte vient par le vice de l'eftomac , d'où s'enfuit une digeftion
aigrie & alterée , le chile devient
groffier , & acide en forte que
d'un chile aigri , il ne peut eftre
produit qu'un fang empreint de
particules acides , lesquelles eftant
portées aux articles , &ne pou
vant eftre digerées & évacuées
ر
GALANT 173
par les efprits fixes de ces parties ,
deviennent plus acides par le fejour qu'elles y font , & caufent
les douleurs de la goutte : ainfi la
veritable indication , pourla guerifonde cette maladie , eft de fortifier l'eftomach , d'en abforber l'acide , & diffiper l'humeur qui eft
dans lapartie; l'or diaphoretique,
horifontal, corrige repare ce défaut, ranime e rectifie leferment
digeftif de l'eftomach , affaifonne
le chile , proportionne les coctions
donne de lafluidité auxfucs , rend
·les couloirs libres , refout les craf
fes du fyftême des nerfs & des
Piij
174 MERCURE
glandes , fournit aufang des
parties huileufes , balfamiques &
Spirituenfes , afin qu'il reprenne
fa premierepureté, &fapremiere
-force.
Il est certain que j'aydonné de
ce remede à un grand nombre de
perfonnes de tous âges dans laplus
grande rigueur de l'Hiver, &
dans la plus grande chaleur
l'Efté , fans que l'ufage de ce remede ait caufeplus d'émotion , ny
de chaleur , quefi l'on n'avoit rien
pris. L'or diaphoretique horizontal n'eftpasfeulement un fpecifique pour la goutte , mais encorepour les maladies chroniques
GALANT 175
rebelles , dont la miffe du fang
eft tout à fait dérangée fuivant
les experiences que j'en ay faites
tant à Paris qu'en Province.
M³ Dumont , donnera à ceux
qui l'iront voir , des preuves
convaincantes , des heureufes
experiences qu'il a faites . Je
vous ay déja envoyé plufieurs
de fes Ouvrages dont les Journaux des Sçavans ont avantageufement parlé. Il loge au
Grand Turc , rue de la Huchette.
Fermer
Résumé : DISSERTATION SUR la Goutte & le Rhumatisme, faite par Mr Dumont, Chirurgien Juré d'Auch.
Le texte aborde les maladies de la goutte et du rhumatisme, fréquentes chez les personnes de tous âges. Ces affections sont causées par des humeurs acides et des substances irritantes qui se déposent dans les articulations, provoquant des douleurs arthritiques et rhumatismales. Une fois déposées, ces substances forment des concretions difficiles à dissoudre, entraînant des rechutes périodiques. Le rhumatisme est décrit comme une forme plus diffuse de goutte, affectant l'ensemble du corps plutôt que des articulations spécifiques. Les acides et les substances irritantes irritent les nerfs et compriment les tendons, perturbant la circulation sanguine et lymphatique, ce qui entraîne des douleurs persistantes. Le traitement proposé par M. Dumont, chirurgien juré d'Auch, consiste en un remède appelé 'Or Diaphorétique Horizontal'. Ce remède favorise la transpiration et l'élimination des substances acides par les urines, permettant ainsi de purifier le sang et de soulager les symptômes. L'auteur affirme avoir guéri plusieurs personnes, y compris des septuagénaires, grâce à ce remède. Il insiste sur l'importance de corriger la crudité des humeurs et de renforcer l'estomac pour prévenir les attaques de goutte et de rhumatisme. Le texte conclut en soulignant l'efficacité de ce remède pour traiter non seulement la goutte, mais aussi d'autres maladies chroniques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 25-44
Nouvelle These soutenuë en l'Ecole de Medecine, [titre d'après la table]
Début :
Le 22. de Fevrier il y eut aux Ecoles de Medecine [...]
Mots clefs :
Mère et enfant, Membrane, Sang, Grossesse, Foetus, Nourriture, Corps
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelle These soutenuë en l'Ecole de Medecine, [titre d'après la table]
Leuza de Ferrier il y
eut aux Ecoles de Medecine
de Paris une nouvelle The-
Se fur la nourriture du Foetus.
Mr Falconet le fils Medecin
ordinaire du Roy &
de Mr le Chancelier , qui eft
auteur de la Thefe , en eftoit
le Prefident , & Mr deFuf
fieu Bachelier de la Faculté :
Profeffeur Royal de Botanique
au Jardin du Roy en
eftoit le Soutenant inco
: De tout ce qui fe paffe
dans le corps humain il
n'y a rien de plus merveilleux
que la maniere
C Fevrier.
26 MERCURE
dont l'Enfant fe nourrit
dans le Sein de la Mere
Il femble d'abord qu'il n'y
ait d'autre liqueur que les
fang de la Mere , qui puif
fe fervir de nourriture ab
l'Enfant, Ge fentiment quih
fe prefente naturellement
à l'efprit , a efté celuy desi
la plufpair des Anciens.)
quelques Modernes l'ont
fuivi , & ont cru pouvoir
le confirmer par des obfervations
particulieres ) :
Mais la meilleure partiet,
des Phyficiens d'aujour
d'huy , ayant découvertv
GALANT. 27
qu'une liqueur laiteufe fe
féparoit du fang de la
Mere dans le lieu où
l'Enfant fe nourrit , ont
jugé qué cette liqueur ne
pouvoit eftre deſtinée qu'à
la nourriture de l'Enfant.
Une partie de ceux qui ont
embraffé ce dernier fentiment
, croient pourtant
encore qu'il y a entre le
fang de la Mere & celuy
de l'Enfant , quelque commerce
de circulation
tant il eft vray qu'il refter
toujours quelque chofe
des anciens préjugés, bang
Cij
28 MERCURE
Dans la Thefe dont- il
s'agit , on foutient non
feulement , que le fang de
la Mere ne fert pas d'aliment
à l'Enfant , mais encore
qu'il n'y a aucune
communication de l'un à
l'autre par les vaiſſeaux du
fang Voicy les principes
fur lefquels ce fentiment
cft appuyé.
On ne peut reconnoif
tre de liqueur pour veri
table nourriture de l'Enfant
que celle dont le
pallage de la Merc à l'Enfant
eft manifefte : il faut
1
GALANT. 29
*
de plus que cette liqueur
convienne au corps qui doit
en eſtre nourri ; & cette
convenance doit fe trou .
ver dans la qualité , dins la
quantité & dans le mouvement
.
Toutes ces conditions
fe trouvent dans la liqueur
laiteufe dont- il a etté parlé
, & ne fe trouvent point
dans le fang de la Mere.
Premiere ment , on eft affuré
de l'existence de cette
liqueur , & dans certains
Animaux , comme
ceux qui ruminent
OR
Ciij
30 MERCURE
C
l'exprime en abondance
lorfqu'on preffe les Cotyledons
on appelle ainfi
dans ces Animaux les petits
refervoirs où cette liqueur
samaffe . ) D'abord
les membranes
qui envelopent
l'infant s'imbibent
par des pores imperceptibles
de cette liqueur à mefure
qu'elle s'echape ; dans
la fuite la nourriture
que
les membranes ont ainfi
requë fert à leur faire pouffer
de petites racines , qui
- s'infiuuent dans les bouches
de ces refervoirs
, pour
CALANT . 31
immediatement y puifer
ile fuc nourricier : & c'cft
que
les
de cette maniere
membranes
de L'Enfant
s'attachent
à la Mere , par
le cofté qui regarde
le dedans
: dans ce costé qui eſt
plus charnu que le refte
des membranes
& qu'on
appelle
Placenta
, les vaiffeaux
du fang de l'Enfant
qui compofent
le cordon ,
fe divifenten
une infinité
de rameaux
: c'eſt dans les
rameaux
d'un de ces vaiffeaux
nommé
la vaine
umbilicale
qu'une
partie
Cij
13.2
MERCURE
•
· le
de la liqueur laiteufe eft
portée par les petites racines
qui l'ont fucée , pour
eftre diftribuée de là dans
corps de l'Enfant
, pendant
que l'autre partie eft
portée immediatement
dans la cavité des membranes
où l'Enfant eft contenu
, qui fe nourrit parla
bouche de cette liqueur
dans laquelle il nage , dés
qu'il a affez de force pour
fucer.
Venons au fang de la
Mere ; les routes par où
lon veut le conduire dans
GALANT .
33
•
le corps de l'Enfant font
abfolument inconnues
; car
du cofté de l'Enfant on ne
fcauroit reconnoiftre aucun
vaifléau ouvert dans la
furface du Placenta , & quelque
fortement qu'onpreffe
cette partie on ne peut en
faire fortir une goutte de
fang : du cofté de la Mere,
fi les vaiffeaux du fang
s'ouvroient pour fournir
- cette prétendue nourriture
, il y auroit toûjours des
pertes continuelles au commencement
des groffeffes ;
puifque dans le tems où les
34 MERCURE
Membranes ne font point
attachées , le fang devroit
s'épancher avant que de les
pénétrer , & cet epanchement
feroit marqué par
une perte encore plus confiderable
dans ces Animaux
qui portent leurs
Petits jufqu'au terme , fans
que les membranes foient
jamais attachées : mais bien
loin que les vaiffeaux du
fang foient difpofés à s'ouvrir
au commencement des
groffetles , il paroit au contraire
par la fuppreflion
qui arrive alors des eva-
49
GALANT. 35
cuations
periodiques , que
ces vaiffeaux font plus fermez
que jamais
& c'eft
par cette raifon que ces evacuations
manquent prefque
toujours
aux Nourrices.
En fecond lieu la convenance
du fuc laiteux avec
le corps qu'il doit nourrir
, eft parfaite dans les
trois chefs qu'on a propofés
; & il en eft tout le contraire
à l'égard du fang. Ce
fuc laiteux eft doux & balfamique:
le fang de la Mere
eft chargé de principes
36
MERCURE
trop
bouillans & trop actifs
; & feroit il raifonableque
l'Enfant fuft nourri de
ce lang , dans un tems où
il cft plus tendre & plus
delicat , que lorfque la nature
ne luy donen que du
lait pour aliment ? Ce fuc
abonde en fuffifante quantité
, parceque pendant la
groffeffe tout ce qu'il y a
de laiteux dans le fang de
la Mere eft déterminé vers
l'endroit où l'Enfant fe
nourrit , & il faut bien que
cette liqueur foit l'extrait
le plus pur de tout ce qu'il
GALANT. 37
ya . de nourricier dans le
fang de la Mere , puifque
l'Enfant depuis fon premier
point jufqu'à fa naiffance
croift dans le fein de
fa Mere dix mille fois plus,
qu'il ne croift depuis qu'il
elt né jufqu'à ce qu'il parviene
à fa jufte grandeur :
le fang au contraire , en
quelque quantité qu'il foir,
ne fçauroit fournir une
nourriture qui fuffife à un
accroiffement f prodigieux
, parce qu'à peine ſur
cent de parties s'en
trouve t-il une de nouiriciere.
es
38 MERCURE
Enfin le mouvement du
fuc laiteux eft tres lent &
de forte que cettres
doux ; de forte
te liqueur
s'infinue
dans
les vaiffeaux
delicats
de
l'Enfant fans les endomma--
ger : le fang au contraire
eft porté d'un mouvement
rapide qui forceroit
aifément
tous les refforts d'une
fi foible machine
; & par
cette mefme raifon le batement
du coeur de la Mere
prendroit
bien - toſt le
deffus fur celuy du coeur de
L'Enfant
.
Un ſcavant Anatomiſte
P
GALANT . 39
ayant trouvé un Enfant
fans aucune goutte de fang
dans une Femme groffe
morre d'hemorragie
, a cru
que le fang de l'Enfant s'é
toit écoulé avec celuy de
la Mere , & que cette obfervation
démontroit le
commerce de la Circulation
entre la Mere & l'Enfant
: mais on fait voir que
cet accident peut eftre rapporté
à d'autres cauſes qu'à
cette prétendue communication
par les vaiffeaux
du fang ; & pour mettre
la choſe hors de rout équi .
7
40. MERCURE
voque , on oppofe à cette
obfervation
une experience
qui décide fans laiffer
d'ambiguité . L'experience
confifte à tirer tout le fang
d'une Chienne pleine, dans
laquelle on trouve enfuite
les petits Chiens encore
en vielavec tout leur fang :
cette experience eſtant ai
fée à faire , on invite les
incredules à la réiterer , autant
de fois qu'il fera neneflaire
pour leur convi
aticn .
La caufe qui produit
l'accouchement & les accidents
GALANT . 41
dents qui le fuivent , fourniffent
encore de nouvelles
preuves contre l'opinion
de la communication du
fang de la Mere. On met
le comble à toutes ces preuves
par la comparaiſon que
l'on fait des Animaux qui
en produifent d'autres par
le moyen des oeufs , avec
les Animaux qui produifent
des Animaux vivants.
( on appelle les premiers
Ovipares & les feconds
Vivipares ) & comme dans
les Ovipares on voit manifeftement
que le fang de
Fevrier 1711,
D
42 MERCURE
;
la Mere n'a aucune part à
la
nourriture du
petitanimal
renfermé dans l'oeuf
' il eft tres raifonnable
de
penfer qu'il en eft de meſme
dans les Vivipares . ↓
Cette
comparaison qu'on
appelle Analogic , eftant
fondée fur uniformité
que la nature obferve dans
prefque tous les ouvrages
de la mefme efpece , for-
2 me toûjours un préjugé
qui ne peut eftre detruit
que par une demonſtration
du contraire. Au- refte detbte
analogie fert à lever une
GALANT 43
ne
du fien ;
90
difficulté qui fe préfente
fur l'origine du lang de
'Enfant ; cat on peut demander
d'où vient le fang
de l'Enfant , fi la Mere
communique à l'Enfant
aucune portion
qu
mais puiſque le lang de
l'Animal renfermé dans
l'oeuf fe forme fans le fe-
Cours de celuy de la Mere
pourquoy ne fe formeroit
il pas de mefme dans
les Vivipares ? Ce qui fait
voir que dans tous les Animaux
foit Vivipares , foit
Ovipares il faus neceflai
Dij
44 MERCURE
rement qu'il y ait une goutte
de fang primordiale ,
pour ainfi dire , qui ferve
comme de levain à tout le
fang qui fe forme dans la
fuite.
C'eſt ainfi
que l'on conl'exclut
par la raiſon, par
perience & par l'analogje
que le fang de la Mere ne
fert point de nourriture à
l'Enfant.
eut aux Ecoles de Medecine
de Paris une nouvelle The-
Se fur la nourriture du Foetus.
Mr Falconet le fils Medecin
ordinaire du Roy &
de Mr le Chancelier , qui eft
auteur de la Thefe , en eftoit
le Prefident , & Mr deFuf
fieu Bachelier de la Faculté :
Profeffeur Royal de Botanique
au Jardin du Roy en
eftoit le Soutenant inco
: De tout ce qui fe paffe
dans le corps humain il
n'y a rien de plus merveilleux
que la maniere
C Fevrier.
26 MERCURE
dont l'Enfant fe nourrit
dans le Sein de la Mere
Il femble d'abord qu'il n'y
ait d'autre liqueur que les
fang de la Mere , qui puif
fe fervir de nourriture ab
l'Enfant, Ge fentiment quih
fe prefente naturellement
à l'efprit , a efté celuy desi
la plufpair des Anciens.)
quelques Modernes l'ont
fuivi , & ont cru pouvoir
le confirmer par des obfervations
particulieres ) :
Mais la meilleure partiet,
des Phyficiens d'aujour
d'huy , ayant découvertv
GALANT. 27
qu'une liqueur laiteufe fe
féparoit du fang de la
Mere dans le lieu où
l'Enfant fe nourrit , ont
jugé qué cette liqueur ne
pouvoit eftre deſtinée qu'à
la nourriture de l'Enfant.
Une partie de ceux qui ont
embraffé ce dernier fentiment
, croient pourtant
encore qu'il y a entre le
fang de la Mere & celuy
de l'Enfant , quelque commerce
de circulation
tant il eft vray qu'il refter
toujours quelque chofe
des anciens préjugés, bang
Cij
28 MERCURE
Dans la Thefe dont- il
s'agit , on foutient non
feulement , que le fang de
la Mere ne fert pas d'aliment
à l'Enfant , mais encore
qu'il n'y a aucune
communication de l'un à
l'autre par les vaiſſeaux du
fang Voicy les principes
fur lefquels ce fentiment
cft appuyé.
On ne peut reconnoif
tre de liqueur pour veri
table nourriture de l'Enfant
que celle dont le
pallage de la Merc à l'Enfant
eft manifefte : il faut
1
GALANT. 29
*
de plus que cette liqueur
convienne au corps qui doit
en eſtre nourri ; & cette
convenance doit fe trou .
ver dans la qualité , dins la
quantité & dans le mouvement
.
Toutes ces conditions
fe trouvent dans la liqueur
laiteufe dont- il a etté parlé
, & ne fe trouvent point
dans le fang de la Mere.
Premiere ment , on eft affuré
de l'existence de cette
liqueur , & dans certains
Animaux , comme
ceux qui ruminent
OR
Ciij
30 MERCURE
C
l'exprime en abondance
lorfqu'on preffe les Cotyledons
on appelle ainfi
dans ces Animaux les petits
refervoirs où cette liqueur
samaffe . ) D'abord
les membranes
qui envelopent
l'infant s'imbibent
par des pores imperceptibles
de cette liqueur à mefure
qu'elle s'echape ; dans
la fuite la nourriture
que
les membranes ont ainfi
requë fert à leur faire pouffer
de petites racines , qui
- s'infiuuent dans les bouches
de ces refervoirs
, pour
CALANT . 31
immediatement y puifer
ile fuc nourricier : & c'cft
que
les
de cette maniere
membranes
de L'Enfant
s'attachent
à la Mere , par
le cofté qui regarde
le dedans
: dans ce costé qui eſt
plus charnu que le refte
des membranes
& qu'on
appelle
Placenta
, les vaiffeaux
du fang de l'Enfant
qui compofent
le cordon ,
fe divifenten
une infinité
de rameaux
: c'eſt dans les
rameaux
d'un de ces vaiffeaux
nommé
la vaine
umbilicale
qu'une
partie
Cij
13.2
MERCURE
•
· le
de la liqueur laiteufe eft
portée par les petites racines
qui l'ont fucée , pour
eftre diftribuée de là dans
corps de l'Enfant
, pendant
que l'autre partie eft
portée immediatement
dans la cavité des membranes
où l'Enfant eft contenu
, qui fe nourrit parla
bouche de cette liqueur
dans laquelle il nage , dés
qu'il a affez de force pour
fucer.
Venons au fang de la
Mere ; les routes par où
lon veut le conduire dans
GALANT .
33
•
le corps de l'Enfant font
abfolument inconnues
; car
du cofté de l'Enfant on ne
fcauroit reconnoiftre aucun
vaifléau ouvert dans la
furface du Placenta , & quelque
fortement qu'onpreffe
cette partie on ne peut en
faire fortir une goutte de
fang : du cofté de la Mere,
fi les vaiffeaux du fang
s'ouvroient pour fournir
- cette prétendue nourriture
, il y auroit toûjours des
pertes continuelles au commencement
des groffeffes ;
puifque dans le tems où les
34 MERCURE
Membranes ne font point
attachées , le fang devroit
s'épancher avant que de les
pénétrer , & cet epanchement
feroit marqué par
une perte encore plus confiderable
dans ces Animaux
qui portent leurs
Petits jufqu'au terme , fans
que les membranes foient
jamais attachées : mais bien
loin que les vaiffeaux du
fang foient difpofés à s'ouvrir
au commencement des
groffetles , il paroit au contraire
par la fuppreflion
qui arrive alors des eva-
49
GALANT. 35
cuations
periodiques , que
ces vaiffeaux font plus fermez
que jamais
& c'eft
par cette raifon que ces evacuations
manquent prefque
toujours
aux Nourrices.
En fecond lieu la convenance
du fuc laiteux avec
le corps qu'il doit nourrir
, eft parfaite dans les
trois chefs qu'on a propofés
; & il en eft tout le contraire
à l'égard du fang. Ce
fuc laiteux eft doux & balfamique:
le fang de la Mere
eft chargé de principes
36
MERCURE
trop
bouillans & trop actifs
; & feroit il raifonableque
l'Enfant fuft nourri de
ce lang , dans un tems où
il cft plus tendre & plus
delicat , que lorfque la nature
ne luy donen que du
lait pour aliment ? Ce fuc
abonde en fuffifante quantité
, parceque pendant la
groffeffe tout ce qu'il y a
de laiteux dans le fang de
la Mere eft déterminé vers
l'endroit où l'Enfant fe
nourrit , & il faut bien que
cette liqueur foit l'extrait
le plus pur de tout ce qu'il
GALANT. 37
ya . de nourricier dans le
fang de la Mere , puifque
l'Enfant depuis fon premier
point jufqu'à fa naiffance
croift dans le fein de
fa Mere dix mille fois plus,
qu'il ne croift depuis qu'il
elt né jufqu'à ce qu'il parviene
à fa jufte grandeur :
le fang au contraire , en
quelque quantité qu'il foir,
ne fçauroit fournir une
nourriture qui fuffife à un
accroiffement f prodigieux
, parce qu'à peine ſur
cent de parties s'en
trouve t-il une de nouiriciere.
es
38 MERCURE
Enfin le mouvement du
fuc laiteux eft tres lent &
de forte que cettres
doux ; de forte
te liqueur
s'infinue
dans
les vaiffeaux
delicats
de
l'Enfant fans les endomma--
ger : le fang au contraire
eft porté d'un mouvement
rapide qui forceroit
aifément
tous les refforts d'une
fi foible machine
; & par
cette mefme raifon le batement
du coeur de la Mere
prendroit
bien - toſt le
deffus fur celuy du coeur de
L'Enfant
.
Un ſcavant Anatomiſte
P
GALANT . 39
ayant trouvé un Enfant
fans aucune goutte de fang
dans une Femme groffe
morre d'hemorragie
, a cru
que le fang de l'Enfant s'é
toit écoulé avec celuy de
la Mere , & que cette obfervation
démontroit le
commerce de la Circulation
entre la Mere & l'Enfant
: mais on fait voir que
cet accident peut eftre rapporté
à d'autres cauſes qu'à
cette prétendue communication
par les vaiffeaux
du fang ; & pour mettre
la choſe hors de rout équi .
7
40. MERCURE
voque , on oppofe à cette
obfervation
une experience
qui décide fans laiffer
d'ambiguité . L'experience
confifte à tirer tout le fang
d'une Chienne pleine, dans
laquelle on trouve enfuite
les petits Chiens encore
en vielavec tout leur fang :
cette experience eſtant ai
fée à faire , on invite les
incredules à la réiterer , autant
de fois qu'il fera neneflaire
pour leur convi
aticn .
La caufe qui produit
l'accouchement & les accidents
GALANT . 41
dents qui le fuivent , fourniffent
encore de nouvelles
preuves contre l'opinion
de la communication du
fang de la Mere. On met
le comble à toutes ces preuves
par la comparaiſon que
l'on fait des Animaux qui
en produifent d'autres par
le moyen des oeufs , avec
les Animaux qui produifent
des Animaux vivants.
( on appelle les premiers
Ovipares & les feconds
Vivipares ) & comme dans
les Ovipares on voit manifeftement
que le fang de
Fevrier 1711,
D
42 MERCURE
;
la Mere n'a aucune part à
la
nourriture du
petitanimal
renfermé dans l'oeuf
' il eft tres raifonnable
de
penfer qu'il en eft de meſme
dans les Vivipares . ↓
Cette
comparaison qu'on
appelle Analogic , eftant
fondée fur uniformité
que la nature obferve dans
prefque tous les ouvrages
de la mefme efpece , for-
2 me toûjours un préjugé
qui ne peut eftre detruit
que par une demonſtration
du contraire. Au- refte detbte
analogie fert à lever une
GALANT 43
ne
du fien ;
90
difficulté qui fe préfente
fur l'origine du lang de
'Enfant ; cat on peut demander
d'où vient le fang
de l'Enfant , fi la Mere
communique à l'Enfant
aucune portion
qu
mais puiſque le lang de
l'Animal renfermé dans
l'oeuf fe forme fans le fe-
Cours de celuy de la Mere
pourquoy ne fe formeroit
il pas de mefme dans
les Vivipares ? Ce qui fait
voir que dans tous les Animaux
foit Vivipares , foit
Ovipares il faus neceflai
Dij
44 MERCURE
rement qu'il y ait une goutte
de fang primordiale ,
pour ainfi dire , qui ferve
comme de levain à tout le
fang qui fe forme dans la
fuite.
C'eſt ainfi
que l'on conl'exclut
par la raiſon, par
perience & par l'analogje
que le fang de la Mere ne
fert point de nourriture à
l'Enfant.
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Résumé : Nouvelle These soutenuë en l'Ecole de Medecine, [titre d'après la table]
Le texte présente une thèse soutenue par Leuza de Ferrier, avec le soutien de Mr Falconet et Mr de Fussieu, aux Écoles de Médecine de Paris. Cette thèse conteste l'idée que le fœtus se nourrit du sang de la mère. Les auteurs avancent que la véritable nourriture du fœtus est une liqueur laiteuse, distincte du sang maternel. Cette liqueur est décrite comme douce, abondante et se distribuant lentement, adaptée à la délicatesse du corps fœtal. En revanche, le sang maternel est jugé trop actif et bouillant pour convenir à la nutrition du fœtus. La thèse exclut toute communication vasculaire directe entre le sang maternel et le sang fœtal. Cette affirmation est appuyée par des observations et des expériences, notamment celle consistant à retirer tout le sang d'une chienne pleine sans affecter ses petits. De plus, la comparaison avec les animaux ovipares (qui pondent des œufs) renforce l'idée que le sang maternel n'alimente pas directement le fœtus. Ces éléments soutiennent la théorie selon laquelle le fœtus se nourrit par une liqueur spécifique et non par le sang maternel.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 214-215
ENIGMES du mois.
Début :
Au mot de cette énigme on peut parler ainsi. [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGMES du mois.
ENIGMES
du mois.
Au mot de cette
énigme
on peut parler
ainfi
Impetueux
torrent
, qui
ccurs apres toy -mefme ,
GALANT . arg
.Et qui te fuis toy-mefine
auffi ,
Que tu me caufe de foucy.
C'eft ton rapide cours qui
fait l'amour extrême .
D'un Berger fidele €5
charmant :
Mais ton rapide cours
peut le rendre incon- ·
ftant.
du mois.
Au mot de cette
énigme
on peut parler
ainfi
Impetueux
torrent
, qui
ccurs apres toy -mefme ,
GALANT . arg
.Et qui te fuis toy-mefine
auffi ,
Que tu me caufe de foucy.
C'eft ton rapide cours qui
fait l'amour extrême .
D'un Berger fidele €5
charmant :
Mais ton rapide cours
peut le rendre incon- ·
ftant.
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13
p. 215-216
AUTRE ENIGME.
Début :
J'agite les Vaisseaux & sur mer & sur terre. [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE ENIGME.
AUTRE ENIGME.
agite les Vaiffeaux 5
jur mer & jur terre,
216 MERGURE
Je fuis trouble par le tonnerre
.
Jefais voler un Aigle a
vec rapidite ,
Et marcher la Tortue avec
tranquillité.
agite les Vaiffeaux 5
jur mer & jur terre,
216 MERGURE
Je fuis trouble par le tonnerre
.
Jefais voler un Aigle a
vec rapidite ,
Et marcher la Tortue avec
tranquillité.
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14
p. 216
AUTRE ENIGME.
Début :
Sçachez que pour me faire on petrit nuit & jour. [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE ENIGME.
AUTRE ENIGME .
Scachez que pour mefai
re on petrit nuit & jour.
Fagis avec efprit ,jefais
pourtant la befte ,
Et fijenefuispast amour
Ceft moyqui le mets dans
la tefte.
Scachez que pour mefai
re on petrit nuit & jour.
Fagis avec efprit ,jefais
pourtant la befte ,
Et fijenefuispast amour
Ceft moyqui le mets dans
la tefte.
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15
p. 144
« Les trois Enigmes du mois passé sont toutes trois sur [...] »
Début :
Les trois Enigmes du mois passé sont toutes trois sur [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les trois Enigmes du mois passé sont toutes trois sur [...] »
Article des Enigmes.
LescroisEnigmes ,:: du LestroisEnigmesdu
moispassé sonttoutes
trois sur le même mot:
ce mqt estjc^^
LescroisEnigmes ,:: du LestroisEnigmesdu
moispassé sonttoutes
trois sur le même mot:
ce mqt estjc^^
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16
p. 144-145
Explication de la premiere Enigme, par Me la M. de ***
Début :
Dans le coeur des jeunes Amans, [...]
Mots clefs :
Sang, Amants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Explication de la premiere Enigme, par Me la M. de ***
Explication de la premiere
Enigme, parMla
M. de *** '1 i-v ,(. ,.
Dansle coeur des jeunes
," Amans -
VnJàng bouillant&vif
causel'amourextrême,
C*elî cette vivacitémême
Qui rend les Amans inccqonjnfajnlsa.
Enigme, parMla
M. de *** '1 i-v ,(. ,.
Dansle coeur des jeunes
," Amans -
VnJàng bouillant&vif
causel'amourextrême,
C*elî cette vivacitémême
Qui rend les Amans inccqonjnfajnlsa.
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17
p. 145-146
« Les Explications des deux suivantes sont de Mr Roch .... [...] »
Début :
Les Explications des deux suivantes sont de Mr Roch .... [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Les Explications des deux suivantes sont de Mr Roch .... [...] »
Les Explications des
deux,suivantes sont de
MI*R«ocli s'agitelesvaisseaux
surmer&surterre&,
Ici v-aiïeauveut dire artere
E N V OY.
Dans les Héros lesang
faitlafranchevaleur,
Dans l'Heroïne il fait
l'honneur
Du Poëte rampantainsi
qu'uneTortuë ,
C'est lesang quifait l&
froideur;
C'estaussiparlesangque;
lesublimeAutheur
Cnomumee u*n Aigle perce la nuë.
deux,suivantes sont de
MI*R«ocli s'agitelesvaisseaux
surmer&surterre&,
Ici v-aiïeauveut dire artere
E N V OY.
Dans les Héros lesang
faitlafranchevaleur,
Dans l'Heroïne il fait
l'honneur
Du Poëte rampantainsi
qu'uneTortuë ,
C'est lesang quifait l&
froideur;
C'estaussiparlesangque;
lesublimeAutheur
Cnomumee u*n Aigle perce la nuë.
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18
p. 147
Explication de la troisiéme Enigme.
Début :
C'est pour faire du sang que le pain se pétrit, [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Explication de la troisiéme Enigme.
Explicationdela troi--
liérne Enigme.
C-lefl-pour faire du ping
que lepainsepétrit,
Cefangagitavecl'espritj.
C'cft lefang,quifaitune
bessey
Et s*ilrieftpasl'amoury*
illemetdansla teste.
liérne Enigme.
C-lefl-pour faire du ping
que lepainsepétrit,
Cefangagitavecl'espritj.
C'cft lefang,quifaitune
bessey
Et s*ilrieftpasl'amoury*
illemetdansla teste.
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19
p. 147-154
« A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Début :
A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...]
Mots clefs :
Sang, Amour, Mariage, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Apropos de cette Enig.>,,
me,ilmesouvient davoir
entendu racontes
un faitpeu plaisant, mais
rres - veritable.
Un jeune Anglois qui
logeoitclans une Auberge
du Fauxbourg Saint
Germain
,
devint éperduëment
amoureuxde la
fille de son Hoste. Elle
estoit tres-belle,&l'Anglois
luy sir des offres à
proporrion desa beauté;
mais cette fierehostesse,
foit par vertu ,
foit par
ambition ne voulut
entendre parler que de
mariage ; le pere de ce
jeune
jeune Anglois, estoie
homme à le desheriter
s'il eut voulu contenter
sa passion à ce prix,l'Hôtesse
n'en vouloit pourtant
rien rabattre,nostre
Amant desesperé tomba
dangereusement malade.
On fit plusieursconsultations,
où Monsieur
Gucnaut fameux Medecin
de ce temps-là,n'eut
pas de peine à prouver à
ses Confreres,qu'il faloit
d'abord seigner & rafraîchir,
&C qu'il teudroit
ensuite rafraîchir & seigner
; car, disoit-il, je
connois les deux maladies
de mon malade,elle
sont toutes deux dans le
sang. Ce(H'amour&: la
fiévre ; enfin nostre Amant
fut livreàl'opinion
de Monsieur Guenaut ,
qui par dix ou douze seignées
consecutives, osta
de ses veines non-seulement
l'amour & la ~cvre
,
mais encore la vie,
ou peu s'en salut, car on
le crut mort; cependant
il en revint, parce que
les Medecins &r le Chirurgienl'abandonnerent.
Pendant ce temps là,on
avoit écrit au pere la eause
de cette maladie,&il
arriva de Londres dans
laresolution de consentir
à ce mariageextravagant,
plustost que de perdre
son fils unique.
Ille trouva mourant
&la premiere chose qu'il
fit pour le rappeller à la
vie, ce futde lui prometre
labelle Hostesse
en mariage ; mais comme
la passiondu jeune
homme n'estoit fondée
que sur la beauté, les
idées vives des charmes
de l'Hostesse s'estoient
dissipées avec son sang;
elles revinrent pourtant
avec le fang nouveau
qu'il faisoit, mais àmélure
que sa santé se fortisioit
, le pere voyoit
moins de necessité à ce
mariage,enfin il ne craignit
plus de s'y opposer
entièrement.
Si la passion de ce fils
eut esté aussi violente
qu'avant sa maladie
,
il
eut fallu rappeller Monsieur
Guenaut pour la lui
oster par de nouvelles faignées
, ou le marier pour
l'empêcher de retomber
malade;mais cette paC"
sion n'estant presqueplus
qu'un simple souvenir ,
laraison& le perefurent
les plus forts; il renonça
à la belle Hostesse; &
cela fait voirquel'amour,
sur tout celui qui n'est
fondé que sur la beauté,
effc entièrement dans le
fang, & que si la transfusion
que quelques Médecins
ont cru possible
,
ne peut guerir de la vieillesse
, au moins elle peut
guérir de l'amour
me,ilmesouvient davoir
entendu racontes
un faitpeu plaisant, mais
rres - veritable.
Un jeune Anglois qui
logeoitclans une Auberge
du Fauxbourg Saint
Germain
,
devint éperduëment
amoureuxde la
fille de son Hoste. Elle
estoit tres-belle,&l'Anglois
luy sir des offres à
proporrion desa beauté;
mais cette fierehostesse,
foit par vertu ,
foit par
ambition ne voulut
entendre parler que de
mariage ; le pere de ce
jeune
jeune Anglois, estoie
homme à le desheriter
s'il eut voulu contenter
sa passion à ce prix,l'Hôtesse
n'en vouloit pourtant
rien rabattre,nostre
Amant desesperé tomba
dangereusement malade.
On fit plusieursconsultations,
où Monsieur
Gucnaut fameux Medecin
de ce temps-là,n'eut
pas de peine à prouver à
ses Confreres,qu'il faloit
d'abord seigner & rafraîchir,
&C qu'il teudroit
ensuite rafraîchir & seigner
; car, disoit-il, je
connois les deux maladies
de mon malade,elle
sont toutes deux dans le
sang. Ce(H'amour&: la
fiévre ; enfin nostre Amant
fut livreàl'opinion
de Monsieur Guenaut ,
qui par dix ou douze seignées
consecutives, osta
de ses veines non-seulement
l'amour & la ~cvre
,
mais encore la vie,
ou peu s'en salut, car on
le crut mort; cependant
il en revint, parce que
les Medecins &r le Chirurgienl'abandonnerent.
Pendant ce temps là,on
avoit écrit au pere la eause
de cette maladie,&il
arriva de Londres dans
laresolution de consentir
à ce mariageextravagant,
plustost que de perdre
son fils unique.
Ille trouva mourant
&la premiere chose qu'il
fit pour le rappeller à la
vie, ce futde lui prometre
labelle Hostesse
en mariage ; mais comme
la passiondu jeune
homme n'estoit fondée
que sur la beauté, les
idées vives des charmes
de l'Hostesse s'estoient
dissipées avec son sang;
elles revinrent pourtant
avec le fang nouveau
qu'il faisoit, mais àmélure
que sa santé se fortisioit
, le pere voyoit
moins de necessité à ce
mariage,enfin il ne craignit
plus de s'y opposer
entièrement.
Si la passion de ce fils
eut esté aussi violente
qu'avant sa maladie
,
il
eut fallu rappeller Monsieur
Guenaut pour la lui
oster par de nouvelles faignées
, ou le marier pour
l'empêcher de retomber
malade;mais cette paC"
sion n'estant presqueplus
qu'un simple souvenir ,
laraison& le perefurent
les plus forts; il renonça
à la belle Hostesse; &
cela fait voirquel'amour,
sur tout celui qui n'est
fondé que sur la beauté,
effc entièrement dans le
fang, & que si la transfusion
que quelques Médecins
ont cru possible
,
ne peut guerir de la vieillesse
, au moins elle peut
guérir de l'amour
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Résumé : « A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Un jeune Anglais, logeant dans une auberge du faubourg Saint-Germain, s'éprend de la fille de l'aubergiste, qui refuse toute relation hors mariage. Le père du jeune homme menace de le déshériter s'il l'épouse. Désespéré, le jeune Anglais tombe gravement malade. Le médecin Guenaut diagnostique l'amour et la fièvre dans son sang et prescrit des saignées. Après plusieurs saignées, le jeune homme survit malgré l'abandon des médecins. Informé, le père arrive de Londres et promet le mariage pour sauver son fils. Cependant, il reconsidère sa décision et s'oppose au mariage à mesure que la santé du jeune homme s'améliore. La passion du jeune homme, fondée sur la beauté, s'estompe avec son sang et ne revient que faiblement. Finalement, la raison et le père prévalent, et le jeune homme renonce à la belle aubergiste. Cette histoire montre comment l'amour, surtout celui basé sur la beauté, peut être influencé par des changements physiques.
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20
p. 155-157
CAPRICE d'une femme jalouse sur l'Enigme.
Début :
Torrens impetueux qui cours aprés toi-même, [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CAPRICE d'une femme jalouse sur l'Enigme.
CAPRICE d'une femme jalouse sur tEnigme.
Torrens impetueux qui
, ", cours après toi-même,
Et qui ce fuis toi meme auflî*
Tâtantlepoux
AsonEpoux,
La jeune Aminte
Fit cetteplainte,
Tonsangsefuit
Etsepoursuit,
Son cours l'entraîne
De veine en veine ;
Ainsile cours
De tes amours
Cherinfidelle,
De belle en belle
T'entraînera , Quellesera
Pour lors ma rage.
Nonjesuissage.
Tremble pourtant
En uninstant,
La vertu change,
Femmese vange ;
Maisnonjamais
Pourtantsimais
Tu m'aime encore,
Moijet'adore;
Pourquoi vouloir
Déjàprévoir
Et l'inconstance
Et la vengeance.
ylrivera
Ce qu'ilpourrliQ
Torrens impetueux qui
, ", cours après toi-même,
Et qui ce fuis toi meme auflî*
Tâtantlepoux
AsonEpoux,
La jeune Aminte
Fit cetteplainte,
Tonsangsefuit
Etsepoursuit,
Son cours l'entraîne
De veine en veine ;
Ainsile cours
De tes amours
Cherinfidelle,
De belle en belle
T'entraînera , Quellesera
Pour lors ma rage.
Nonjesuissage.
Tremble pourtant
En uninstant,
La vertu change,
Femmese vange ;
Maisnonjamais
Pourtantsimais
Tu m'aime encore,
Moijet'adore;
Pourquoi vouloir
Déjàprévoir
Et l'inconstance
Et la vengeance.
ylrivera
Ce qu'ilpourrliQ
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Résumé : CAPRICE d'une femme jalouse sur l'Enigme.
Le poème 'Caprice d'une femme jalouse sur l'Enigme' relate la plainte d'Aminte, une femme jalouse face à l'infidélité de son mari. Elle compare son époux à un torrent impétueux et craint qu'il passe d'une femme à une autre. Aminte reconnaît sa jalousie mais affirme son amour et celui de son mari. Elle s'interroge sur l'inconstance et la vengeance, soulignant la rapidité des changements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 39-52
« L'Assemblée publique de l'Academie Royale des Sciences qui [...] »
Début :
L'Assemblée publique de l'Academie Royale des Sciences qui [...]
Mots clefs :
Huile, Sang, Liqueurs, Vaisseaux, Sécrétion, Corps, Médecine, Animaux, Académie royale des sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « L'Assemblée publique de l'Academie Royale des Sciences qui [...] »
L'Assemblée publique de
l'Academie Royale des
Sciencesqui se devoit tenir
le Mercredy i;c Avril, ne
se tint point & fut remise au
Mercredy 22e. Elle sur ouverte
par l'Eloge que Mr de
Fontenellefit deMr Guilelmini
Associé étranger de
cette Academie, & mort
depuis peu.
MrMarchand lut ensuite
quelques observations qu'il
avoit faites sur la nature des
Plantes & sur quelques unes
de leurs parties cachées.
Mr de Reaumur traita
ensuite des différentes manieres
dont plusieurs animaux
de mer s'attachent
au sable, aux pierres, ou les
uns aux autres.
Enfin Mr Vinflon Medecin
de la Faculté de Paris
,
reçu depuis peu à l'Academieen
qualitéd'Anatomiste
, satisfità l'obligation où
sont les nouveaux Academiciens
de payer leur bienvenuë
dans une Assemblée
publique, par un Discours
qu'illut touchant la maniere
dont se fait la secretion
dans les glandes des animaux.
Il ex posad'abord ce qu'il
entendoit par fecrction
,
il dit, que le corps humain
estoit arrosé par un grand
nombrede différentes liqueurs
outre le fang, que
la pluspart de ces liqueurs
prenoient leur origine du
sang, quelle s'en separoient
dans des organes particuliers
qu'on nommoit Glandes;
& que cette separation ou
cribration des liqueurs d'avec
le fang se nommoic
Secretion.
Il exposa les differents
sentiments des Philosophes
touchant la maniere donc
se faisoit cette secretion ;
& aprés avoir rejetté les
Facul rez des Anciens les,
ferments,& la configuration
des pores des modernes
,
il dit, que ceux ,
qui
avoient le mieux raisonné
sur cela, estoient quelques
uns des modernes, qui
avoient comparé les secretions
dans les glandes, aux
philtrations des Chymistes,
il rapporta sur cela deux
experiences des Chymistes,
La premiere qu'ayant une
fois imbibé un papier broüillard
d'eau ou d'huile, si
l'on ver se sur ce papier un
mélange d'huile & d'eau
,
il ne pane au travers du papier
que celle des deux liqueurs
dont il a estéimbibé,
l'autre demeurant dessus.
La seconde que si on met
dans un vase de l'huile & de
l'eau meslées ensemble
,
si
l'on trempe des méches de
cotton, ou des languetres
de drap les unes dans l'huile
& les autres dans l'eau
que l'on place ces méches
ou languettes sur le bord'
du vaisseau en maniere de
siphon
,
ensorte qu'un de
leurs bouts trempe dans la
liqueur & l'autre pende
dehors, celles qui seront
imbibées d'huile distilleront
de l'hüile,& celles qui seront
imbibées d'eau ne disstilleront
que de l'eau.
Fondésur ces ex periences
il établit avec les nouveaux
Philosophes uneimbibition
pour catife de la secretion.
Ce sentiment n'avoit esté
jusquesicy qu'une fuppofirion
donc on s'estoit conten.
té faute de mieux; mais
comme un Philosophe &
surtout un Philosophe Medecin
ne doit pas se contenter
de simples con jectures
dans une affaire aussi importante
que celles des [cerc.
tions pour toute l'oeconomie
animale &pour les
consequences que l'on en
peut tirer dans la pratique
de la Medecine, Mr
Vinslon a cherché dans la
nature même la verité, il
a parcouru toutes les glandes
du corps humain, &
celles du corps de differents
animaux, & enfin après une
longue recherche il a reconnu
que les glandes estoient
des pelotons de vaisseaux,
qu'il nomme Secretoires
,
à
cause de leur usage
, que
ces vaisseaux sont remplis
d'une espece de velouté
ou duvet,- capable defaire
le même effet que le
tissu filamenteux du drap,
du cotton, ou du papier,
&ila promis dele faire voir
dans toutes les glandes du
corps de l'homme ou des
animaux.
Il dit que le sang est porté
par les arteres dans les glandes
, que l'artere se divise
en une infinité de petits
rameaux d'une extrême si..
nesse qui se recourbent en.
fuite & se reünissent pour
sortir des glandes fous le
nom de veines, que c'est
dans cescourbures que s'abouchent
ces vaisseaux fccretoires,
qui le reünissent
aussi en un seul canal qu'il
nomme Excretoire
, parce
qu'il porte hors de la glande
le suc qui s'y est philtré. Ces
glandes ou vaisseaux secretoiresont,
dit-il,esté imbibez
dés la premicre conformation
du foetus, des liqueursqu'elles
devoientphiltrer,
en sorte que le fang qui
arrive par l'artere se divifc
infiniment dans tous ces
petits rameaux;de maniere
que ses molecules font obligées
en quel ques maniere
de défiler une à une dans
leur
leurscourbures
,
où les
molecules qui sont de la
nature de celles des canaux
secretoires sont imbibez,
entrent dans ces canaux.
pendant que les autres pasfant
par dessus sans sy mesler,
roulent jufqucs dans les
veines.
Mr Vinslon dit qu'illaissoitaux
Physiciens à rendre
raison de ce fait,aussibien
que de la philtration des
Chymistes,& qu'il secontentoit
d'avoir reconnu la
verité sans en chercher la
raison.
Le temps ne luy permit
pas d'expliquerbeaucoup de
choses par rapport aux secretions,
par exemple, quel
est l'usage des nerfs&des
vaisseauxlymphatiques des
glandes, qu'elle doit estre
la disposition du sangpour
les differentes secretions , &c. ce qu'il doit donner
dans des Mémoires particu-,
liers.
Mr Vinslonest originairement
Danois. & parent- dvi;
fameux Mr Renon
,
il,
avoit esté élevé dansla Religion
de son Pays. Le Roy
de Dannemarck l'avoit envoyé
en France pour s'y
induire dans toutes les
parties de la Medecine; Il
luy payoit icy ses pensions,
1" & luy avoit promis de luy
donner ensuite une Chaire
de Professeur à Copenhague
Le hazardl'ayant fait connoisstre
de feu Mr l'Evêque
[de Meaux qui reconnut dans ce jeune homme un grand
» fonds de bonnes moeurs &
de Religion,cePrelatentreprit
de le convertir ; ce
jeune homme aprésavoit
long. temps combattu (e
rendit enfin aux solides raisons
du Prélat & sitoiti.
qu'il fut convaincu, il oubIia,
pour se convertir lax*
fortune qui l'attendoit enri
Dannemarck
,
& les biens
que sa famille & luy y pof-.-
sedoient atruellement ; enn
effet le Roy de Dannemarck
supprima aussi-tost ses pen--J
sions, l'interdit de tous ses
biens & le proserivit de sonn
pays; tout cela n'a fait que
l'affermir davantagedans
la veritableReligion, dans
laquelle on peut le regardera
comme un modele de pieté
l'Academie Royale des
Sciencesqui se devoit tenir
le Mercredy i;c Avril, ne
se tint point & fut remise au
Mercredy 22e. Elle sur ouverte
par l'Eloge que Mr de
Fontenellefit deMr Guilelmini
Associé étranger de
cette Academie, & mort
depuis peu.
MrMarchand lut ensuite
quelques observations qu'il
avoit faites sur la nature des
Plantes & sur quelques unes
de leurs parties cachées.
Mr de Reaumur traita
ensuite des différentes manieres
dont plusieurs animaux
de mer s'attachent
au sable, aux pierres, ou les
uns aux autres.
Enfin Mr Vinflon Medecin
de la Faculté de Paris
,
reçu depuis peu à l'Academieen
qualitéd'Anatomiste
, satisfità l'obligation où
sont les nouveaux Academiciens
de payer leur bienvenuë
dans une Assemblée
publique, par un Discours
qu'illut touchant la maniere
dont se fait la secretion
dans les glandes des animaux.
Il ex posad'abord ce qu'il
entendoit par fecrction
,
il dit, que le corps humain
estoit arrosé par un grand
nombrede différentes liqueurs
outre le fang, que
la pluspart de ces liqueurs
prenoient leur origine du
sang, quelle s'en separoient
dans des organes particuliers
qu'on nommoit Glandes;
& que cette separation ou
cribration des liqueurs d'avec
le fang se nommoic
Secretion.
Il exposa les differents
sentiments des Philosophes
touchant la maniere donc
se faisoit cette secretion ;
& aprés avoir rejetté les
Facul rez des Anciens les,
ferments,& la configuration
des pores des modernes
,
il dit, que ceux ,
qui
avoient le mieux raisonné
sur cela, estoient quelques
uns des modernes, qui
avoient comparé les secretions
dans les glandes, aux
philtrations des Chymistes,
il rapporta sur cela deux
experiences des Chymistes,
La premiere qu'ayant une
fois imbibé un papier broüillard
d'eau ou d'huile, si
l'on ver se sur ce papier un
mélange d'huile & d'eau
,
il ne pane au travers du papier
que celle des deux liqueurs
dont il a estéimbibé,
l'autre demeurant dessus.
La seconde que si on met
dans un vase de l'huile & de
l'eau meslées ensemble
,
si
l'on trempe des méches de
cotton, ou des languetres
de drap les unes dans l'huile
& les autres dans l'eau
que l'on place ces méches
ou languettes sur le bord'
du vaisseau en maniere de
siphon
,
ensorte qu'un de
leurs bouts trempe dans la
liqueur & l'autre pende
dehors, celles qui seront
imbibées d'huile distilleront
de l'hüile,& celles qui seront
imbibées d'eau ne disstilleront
que de l'eau.
Fondésur ces ex periences
il établit avec les nouveaux
Philosophes uneimbibition
pour catife de la secretion.
Ce sentiment n'avoit esté
jusquesicy qu'une fuppofirion
donc on s'estoit conten.
té faute de mieux; mais
comme un Philosophe &
surtout un Philosophe Medecin
ne doit pas se contenter
de simples con jectures
dans une affaire aussi importante
que celles des [cerc.
tions pour toute l'oeconomie
animale &pour les
consequences que l'on en
peut tirer dans la pratique
de la Medecine, Mr
Vinslon a cherché dans la
nature même la verité, il
a parcouru toutes les glandes
du corps humain, &
celles du corps de differents
animaux, & enfin après une
longue recherche il a reconnu
que les glandes estoient
des pelotons de vaisseaux,
qu'il nomme Secretoires
,
à
cause de leur usage
, que
ces vaisseaux sont remplis
d'une espece de velouté
ou duvet,- capable defaire
le même effet que le
tissu filamenteux du drap,
du cotton, ou du papier,
&ila promis dele faire voir
dans toutes les glandes du
corps de l'homme ou des
animaux.
Il dit que le sang est porté
par les arteres dans les glandes
, que l'artere se divise
en une infinité de petits
rameaux d'une extrême si..
nesse qui se recourbent en.
fuite & se reünissent pour
sortir des glandes fous le
nom de veines, que c'est
dans cescourbures que s'abouchent
ces vaisseaux fccretoires,
qui le reünissent
aussi en un seul canal qu'il
nomme Excretoire
, parce
qu'il porte hors de la glande
le suc qui s'y est philtré. Ces
glandes ou vaisseaux secretoiresont,
dit-il,esté imbibez
dés la premicre conformation
du foetus, des liqueursqu'elles
devoientphiltrer,
en sorte que le fang qui
arrive par l'artere se divifc
infiniment dans tous ces
petits rameaux;de maniere
que ses molecules font obligées
en quel ques maniere
de défiler une à une dans
leur
leurscourbures
,
où les
molecules qui sont de la
nature de celles des canaux
secretoires sont imbibez,
entrent dans ces canaux.
pendant que les autres pasfant
par dessus sans sy mesler,
roulent jufqucs dans les
veines.
Mr Vinslon dit qu'illaissoitaux
Physiciens à rendre
raison de ce fait,aussibien
que de la philtration des
Chymistes,& qu'il secontentoit
d'avoir reconnu la
verité sans en chercher la
raison.
Le temps ne luy permit
pas d'expliquerbeaucoup de
choses par rapport aux secretions,
par exemple, quel
est l'usage des nerfs&des
vaisseauxlymphatiques des
glandes, qu'elle doit estre
la disposition du sangpour
les differentes secretions , &c. ce qu'il doit donner
dans des Mémoires particu-,
liers.
Mr Vinslonest originairement
Danois. & parent- dvi;
fameux Mr Renon
,
il,
avoit esté élevé dansla Religion
de son Pays. Le Roy
de Dannemarck l'avoit envoyé
en France pour s'y
induire dans toutes les
parties de la Medecine; Il
luy payoit icy ses pensions,
1" & luy avoit promis de luy
donner ensuite une Chaire
de Professeur à Copenhague
Le hazardl'ayant fait connoisstre
de feu Mr l'Evêque
[de Meaux qui reconnut dans ce jeune homme un grand
» fonds de bonnes moeurs &
de Religion,cePrelatentreprit
de le convertir ; ce
jeune homme aprésavoit
long. temps combattu (e
rendit enfin aux solides raisons
du Prélat & sitoiti.
qu'il fut convaincu, il oubIia,
pour se convertir lax*
fortune qui l'attendoit enri
Dannemarck
,
& les biens
que sa famille & luy y pof-.-
sedoient atruellement ; enn
effet le Roy de Dannemarck
supprima aussi-tost ses pen--J
sions, l'interdit de tous ses
biens & le proserivit de sonn
pays; tout cela n'a fait que
l'affermir davantagedans
la veritableReligion, dans
laquelle on peut le regardera
comme un modele de pieté
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Résumé : « L'Assemblée publique de l'Academie Royale des Sciences qui [...] »
L'Assemblée publique de l'Académie Royale des Sciences, initialement prévue le 11 avril, a été reportée au 22 avril. La séance a commencé par l'éloge de Monsieur Guillelmini, un associé étranger récemment décédé, prononcé par Monsieur de Fontenelle. Monsieur Marchand a ensuite présenté des observations sur la nature des plantes et certaines de leurs parties cachées. Monsieur de Reaumur a traité des différentes manières dont certains animaux marins s'attachent au sable, aux pierres ou les uns aux autres. Monsieur Vinflon, médecin de la Faculté de Paris et nouvellement reçu à l'Académie en qualité d'anatomiste, a prononcé un discours sur la sécrétion dans les glandes des animaux. Il a défini la sécrétion comme la séparation des liquides du sang dans des organes particuliers appelés glandes. Après avoir rejeté les explications des Anciens et des modernes, il a comparé les sécrétions glandulaires aux filtrations des chimistes, illustrant cela par deux expériences. Fondé sur ces expériences, il a proposé l'imbibition comme mécanisme de la sécrétion, une hypothèse jusqu'alors non vérifiée. Monsieur Vinflon a exploré les glandes du corps humain et de différents animaux, découvrant que les glandes sont des pelotons de vaisseaux sécrétoires remplis d'une substance similaire au duvet. Le sang, apporté par les artères, se divise en petits rameaux qui se recourbent et se réunissent pour sortir des glandes sous forme de veines. Les molécules du sang, en passant par ces courbures, sont imbibées par les vaisseaux sécrétoires, tandis que les autres molécules continuent leur chemin vers les veines. Originaire du Danemark et parent de Monsieur Renon, Monsieur Vinflon avait été envoyé en France par le roi de Danemark pour étudier la médecine. Converti au christianisme grâce à l'évêque de Meaux, il a renoncé à sa fortune et aux biens qu'il possédait dans son pays natal. Le roi de Danemark a supprimé ses pensions et l'a proscrit, mais cela n'a fait que renforcer sa foi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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22
p. 114-124
Observations sur une mort subite.
Début :
Un jeune homme de seize ans, qui depuis l'âge de [...]
Mots clefs :
Veine, Sang, Ventricule, Coeur, Cercle, Poumon, Jeune, Difficulté, Entonnoir
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texteReconnaissance textuelle : Observations sur une mort subite.
Observations sur une mort
subite.
Un jeune homme de seize
ans, qui depuis l'âge de
quatorze ans maigrissoit,
étoit sujet à une toux & à
une difficulté de respirer
) & tomboit en foiblesse
quand il avoit fait quelque
exercice violent, ou s'étoit
mis dans une grande colere,
s'étant un soir emporté
avec excés contre un
camarade qu'il avoit
, &
ayant aprés cela soupé deux
fois plus qu'à l'ordinaire,
se coucha à dix heures, &
dormit jusqu'à deux, qu'il
fut réveillé par une toux
violente, à laquelle succeda
un grand crachement de
fang & la mort à cinq
heures du matiu.)
On l'ouvrit, & on "îui
trouva beaucoup de fang
fort peu écumeux dans la
trachée & dans ses bronches
;
du fang noirâtre & à
demi caillé dans les deux
troncs de la veine cave,
dans le ventricule droit du
coeur, & dans l'artere pulmonaire
; pas une goutte
de fang dans le ventriculegauohe.-
Le tronc de la veine du
poumon étoit extraordinairement
dilaté, & aussi
gros quetout le coeur, lx;
la cavité étoit assezexactement
occupée par un corps
étranger rond, & épais de
deux pouces.
Le cercle membraneux
qui entoure intérieurement
l'embouchure de l'oreillette
gauche dans le coeur
étoit par son bord inférieur
plus épais qu'à l'ordinaire,
osseux&plus étroit que par
le bord supericur
; ce qui
est contraire à la conformation
commune.
Pour rendre raison de la
mort de ce jeune homme,
& des accidens qui l'ont
precedée, on ne se sert que
d'un seul des faits qu'on a
observez
,
& on en deduic
tous les autres.--.J
Le cercle membraneux
placé à l'embouchure de
loreillette gauche du coeur
est une espece de petit entonnoir,
dont l'ouverture
la plus étroiteesttournée
vers le haut ou vers la bafe
du coeur. Le fang poussé
par la contraction de l'oreillette
gauche est obligéd'augmenter
sa vîtesse,pour
passer d'abord par la partie
la plus étroite de cet entonnoir;
après quoy il coule
sans difficulté par la partie
la plus large dans le ventricule
gauche.
Supposé, comme il est
assez vrai-semblable, que
par la premiere conformation
du corps de ce jeune
homme cct entonnoir fût
renversé, & que le bord le
plus étroit du cercle membranenx
fût en bas, le fang
qui a passé d'abord par la
- partie la plus large sans augmenter
sa vÎcelfe) n'a pû
passer facilement par la
partie la plus étroite; ôc
dans l'effort qu'il a fait contre
l'obstacle, c'est à dire
contre le bord inférieur de
ce cercle
,
ill'a frapé [avçc
plus de force, ôc a poussé
dans les interstices de ces
fibres des particules salines,
qui non feulement l'ont
Tendu à la longe plus épais,
parce qu'elles s'y amassoient
en grande quantité :
mais qui l'ont encore rendu
0sseux
-
parce quelles étoient
salines.
Ce bord devenu osseux a
perdu sa flexibilieé,&quand k fang de la veine du poumon
se presrentoi- t pour entrer
1 rrer dans le ventricule gauche,
& que le cercle membraneux
auroit dû s'élargir
pour faciliter son entrée,
l'ossificationl'en empêchoie,
& une partie du fang
demeuroit dans la veine.
De là l'extrêmedilatation
de ce vaisseau
, & le polype.
,-
Le polype formé, le fang
ne passoit plus qu'avec
beaucoup de peine dans la
veine du poumon, & par consequent sejournoit dans
les arteres de cette partie,
s'y amassoit, les dilatoit,
les rendoit plus minces, &
élargiffoit leurs pores. Les
parties les plus subtiles du
fang, comme ses sels & les
serositez,s'échapoient donc
aisément par ces pores
agrandis, & de là elles ne
pouvoient passer que dans
la cavité des cellules du
poûmon
,
dans les bronches
Se dans la trachée.
Cette cause de la toux &
de la difficulté de respirer
est assez évidente. Il est clair
aussi que la colere ou un
grand exercice subtilisant
encore plus le fang, lui
! donnoient encore plus de
i facilité à passer dans les
1 conduits de la respiration,
f & que comme il abandonnoit
presrque entierement
la route des veines pulmonaires
, & que par confe- Iqucnt le ventricule gauche
! avoir peu de fang à pousser
r dans l'aorte,lesfoiblesses
f devoient s'en ensuivre, Ôc
I
enfin lamort, lors qu'il ne
passa aucun fang de la veine
du poumon dans le ventricule
gauche.
A tout cela il est aisé de
joindre ce que les alimens
pris avec excés dans de pareilles
circonitances, peuvent
avoir contribué à une
mort si prompte.
subite.
Un jeune homme de seize
ans, qui depuis l'âge de
quatorze ans maigrissoit,
étoit sujet à une toux & à
une difficulté de respirer
) & tomboit en foiblesse
quand il avoit fait quelque
exercice violent, ou s'étoit
mis dans une grande colere,
s'étant un soir emporté
avec excés contre un
camarade qu'il avoit
, &
ayant aprés cela soupé deux
fois plus qu'à l'ordinaire,
se coucha à dix heures, &
dormit jusqu'à deux, qu'il
fut réveillé par une toux
violente, à laquelle succeda
un grand crachement de
fang & la mort à cinq
heures du matiu.)
On l'ouvrit, & on "îui
trouva beaucoup de fang
fort peu écumeux dans la
trachée & dans ses bronches
;
du fang noirâtre & à
demi caillé dans les deux
troncs de la veine cave,
dans le ventricule droit du
coeur, & dans l'artere pulmonaire
; pas une goutte
de fang dans le ventriculegauohe.-
Le tronc de la veine du
poumon étoit extraordinairement
dilaté, & aussi
gros quetout le coeur, lx;
la cavité étoit assezexactement
occupée par un corps
étranger rond, & épais de
deux pouces.
Le cercle membraneux
qui entoure intérieurement
l'embouchure de l'oreillette
gauche dans le coeur
étoit par son bord inférieur
plus épais qu'à l'ordinaire,
osseux&plus étroit que par
le bord supericur
; ce qui
est contraire à la conformation
commune.
Pour rendre raison de la
mort de ce jeune homme,
& des accidens qui l'ont
precedée, on ne se sert que
d'un seul des faits qu'on a
observez
,
& on en deduic
tous les autres.--.J
Le cercle membraneux
placé à l'embouchure de
loreillette gauche du coeur
est une espece de petit entonnoir,
dont l'ouverture
la plus étroiteesttournée
vers le haut ou vers la bafe
du coeur. Le fang poussé
par la contraction de l'oreillette
gauche est obligéd'augmenter
sa vîtesse,pour
passer d'abord par la partie
la plus étroite de cet entonnoir;
après quoy il coule
sans difficulté par la partie
la plus large dans le ventricule
gauche.
Supposé, comme il est
assez vrai-semblable, que
par la premiere conformation
du corps de ce jeune
homme cct entonnoir fût
renversé, & que le bord le
plus étroit du cercle membranenx
fût en bas, le fang
qui a passé d'abord par la
- partie la plus large sans augmenter
sa vÎcelfe) n'a pû
passer facilement par la
partie la plus étroite; ôc
dans l'effort qu'il a fait contre
l'obstacle, c'est à dire
contre le bord inférieur de
ce cercle
,
ill'a frapé [avçc
plus de force, ôc a poussé
dans les interstices de ces
fibres des particules salines,
qui non feulement l'ont
Tendu à la longe plus épais,
parce qu'elles s'y amassoient
en grande quantité :
mais qui l'ont encore rendu
0sseux
-
parce quelles étoient
salines.
Ce bord devenu osseux a
perdu sa flexibilieé,&quand k fang de la veine du poumon
se presrentoi- t pour entrer
1 rrer dans le ventricule gauche,
& que le cercle membraneux
auroit dû s'élargir
pour faciliter son entrée,
l'ossificationl'en empêchoie,
& une partie du fang
demeuroit dans la veine.
De là l'extrêmedilatation
de ce vaisseau
, & le polype.
,-
Le polype formé, le fang
ne passoit plus qu'avec
beaucoup de peine dans la
veine du poumon, & par consequent sejournoit dans
les arteres de cette partie,
s'y amassoit, les dilatoit,
les rendoit plus minces, &
élargiffoit leurs pores. Les
parties les plus subtiles du
fang, comme ses sels & les
serositez,s'échapoient donc
aisément par ces pores
agrandis, & de là elles ne
pouvoient passer que dans
la cavité des cellules du
poûmon
,
dans les bronches
Se dans la trachée.
Cette cause de la toux &
de la difficulté de respirer
est assez évidente. Il est clair
aussi que la colere ou un
grand exercice subtilisant
encore plus le fang, lui
! donnoient encore plus de
i facilité à passer dans les
1 conduits de la respiration,
f & que comme il abandonnoit
presrque entierement
la route des veines pulmonaires
, & que par confe- Iqucnt le ventricule gauche
! avoir peu de fang à pousser
r dans l'aorte,lesfoiblesses
f devoient s'en ensuivre, Ôc
I
enfin lamort, lors qu'il ne
passa aucun fang de la veine
du poumon dans le ventricule
gauche.
A tout cela il est aisé de
joindre ce que les alimens
pris avec excés dans de pareilles
circonitances, peuvent
avoir contribué à une
mort si prompte.
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Résumé : Observations sur une mort subite.
Le texte relate le cas d'un jeune homme de seize ans ayant souffert depuis l'âge de quatorze ans de maigreur, toux, difficulté à respirer et faiblesse après des efforts intenses ou des colères. Une soirée, après un accès de colère et un repas copieux, il décéda subitement à la suite d'une violente quinte de toux. L'autopsie révéla une accumulation de sang dans la trachée, les bronches, les troncs de la veine cave, le ventricule droit du cœur et l'artère pulmonaire, mais aucune trace de sang dans le ventricule gauche. Le tronc de la veine pulmonaire était dilaté et contenait un corps étranger. Le cercle membraneux entourant l'embouchure de l'oreillette gauche du cœur présentait une conformation anormale, avec un bord inférieur épaissi et osseux. La cause de la mort fut attribuée à une anomalie congénitale. Normalement, le sang passe par un entonnoir membraneux dont l'ouverture la plus étroite est tournée vers le haut. Chez ce jeune homme, cet entonnoir était renversé, rendant difficile le passage du sang. Les efforts du sang contre cet obstacle avaient épaissi et ossifié le bord inférieur du cercle membraneux, empêchant ainsi le sang de passer correctement. Cela provoqua une dilatation extrême de la veine pulmonaire et la formation d'un polype. Le sang, ne passant plus correctement, s'accumula dans les artères pulmonaires, causant toux et difficulté à respirer. La colère ou l'exercice intensif exacerbait ces symptômes en facilitant le passage du sang dans les conduits respiratoires, privant ainsi le ventricule gauche de sang et entraînant des faiblesses fatales.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 217-261
MEMOIRE sur la circulation du sang des Poissons qui ont des oüies, & sur leur respiration.
Début :
Dans les divers Memoires qu'on a lûs à l'Academie, [...]
Mots clefs :
Eau, Sang, Ouïes, Poissons, Artères, Bouche, Corps, Lames, Poumon, Coeur, Veines, Couvercle, Animaux, Rameaux, Gorge, Capillaires, Carpe, Branches, Mouvement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE sur la circulation du sang des Poissons qui ont des oüies, & sur leur respiration.
MEMOIRE
sur la circulationdusang
des Poissons qui ont des
oùies, &sur leur refi.
piration.
I
~-
DAns les divers Memoires
qu'on a lûs à rA.
1 cademie, on a fait voir qu'elle
! étoit la structure du coeur des
Poissons, & celles de leurs
ouïes. Pour suivre >tierc, cette ma- il està propos de parler
: de leurs usages; Mais pour
les rendre intelligibles à tout
le monde; il est necessaire de
faire ici une brieve recapitulation
de ce que j'ay dit touchant
cette mêmestructure.
On remarquera donc qu'elle
cft differente dans les differentes
especes dePoissons où
l'on trouve ces parties. On a
fait voir à l'Academie des
Exemples de ces differences;
mais je m'arreste aujourd'huy
particulierement à la Carpe
que l'on trouve commodément
& sur laquelle on pourra
avec facilité verifier tout ce
que je vais dire.
Chacun sçait que le coeur
de tous les Poissons qui ne
respirent pas l'air n'a qu'une
cavité, & par consequent
qu'une oreillette à l'embouchure
du vaisseau qui y rapporte
le fang. Celle du coeur
de la Carpe est appliquée au
costé gauche.
La chair du coeur est fore
épaisse, par rapport à son volume,
& ses fibres font trescompactes:
Aussia-t'il bcfoin
d'une forte action pour la circulation
comme on le verra
,
dans la fuite.
: Il n'y a personne qui ne
sçache cc que c'est que des
ouïes; mais tout le monde
ne sçait pas que ce font ces
parties qui fervent de poumons
aux Poissons. Leur
charpente est composée de
quatre costes de chaque costé
qui se meuvent tant sur ellesmêmes
en s'ouvranr & se resserrant
qu'àl'égard de leurs
deux appuis superieur & inferieur
en s'écartant de l'une &
de l'autre, & en s'en raprochant.
Le costé convexe de
chaque coste est chargé sur
ses deux bords de deux especes
de feüillets, chacun desquels
est composé d'un rang
de lames, étroites & rangées
& ferrées l'une contre l'autre
qui forment comme autant
de barbes ou frangessemblables
à celles d'une plume à
écrire; & ce font ces franges
qu'on peut appeller proprement
le poumon desPoissons.
Voila une situation de parties
fortextraordnaire & fore
singuliere. La poitrine est
dans la bouche aussi- bien
que le poumon. Les costes
portent le poumon, & l'animal
respire l'eau-
Les extremitez de ces costes
qui regardent la gorge font
jointesensemble par plusieurs
petits os, qui forment une
cfpecc de sternon, en sorte
néanmoins que les costes ont
un jeu beaucoup plus libre
sur ce sternon & peuvent s'écarter
l'une de l'autre beaucoup
plus facilement que celles
de l'homme, & que ce sternon
peut-estre soulevé & a.
baissé. Les autres extremitez
qui regardent la base du
crane font aussi jointes par
quelques osselets qui s'articulent
avec cette même base &
qui peuvents'en éloigner, ou
s'enapprocher.
Chaque coftc est compofée
de deux pieces jointes par
un cartilage fort fouple, qui
est dans chacune de ces parties
ce que font les charnieres
dans les ouvrages des artisans.
La premiere piece cît
courbée en arc, & sa longueur
est environ la sixiéme portion
du cercle dont elle feroit la
partie.
La seconde décrit à peuprés
une fromaine majuscule.
- La partie convexe de chaque
coste est creusée en goutiere,
& c'est le long de ces
goutieres que coulent les vaisaseaupx
donrt iléferaspa.rléci- Chacune des lames dont
les feüillers font composez,
à la figure du fer d'une faux,
& à sa naissance elle a comme
un pied ou talon qui ne
pose que par son extremité sur
sur le bord de la coste.
Chacun de ces feüillets est
composé de cent trente-cinq
lames j-ainifles seize contiennent
huit mil six cens quarante
surfaces, que je compte icy
parce que les deux surfaces de
chaque lame font revêtuës
dans toute leur étenduë d'une
membrane tres fine, sur laquelle
se font les ramifications
presque innombrables des
vaisseaux capillaires de ces
fortes de poumons.
J'ay fait voir à la compagnie
qu'il y a quarante-six
muscles qui sont employez
aux mouvemens de ces costes;
il y en a huit qui en dilate l'intervale,
& seize qui le resserrent,
six qui élargissent le cintre
de chaque coste, douze
qui le retresissent, & qui en
même temps abaissent le sternon,
& quatre qui le soulevent.
Les ouïes ont une large ou.
verture, sur laquelle cftpaCé
un couvercle composé de
plusieurs pieces d'assemblage,
qui a le même usage que le
panneau d'un fouiller)& chaque
couvercle est formé avec
un tel artifice qu'en s'écartant
l'un de l'autre,ils se voutent
en dehors pour augmenter la
capacité de la bouche, tandis
qu'une de leurs pieces qui
jouë sur une espece de genou
tient fermées les ouvertures
des ouïes, & ne les ouvre que
pour donner passage à l'eau
que l'animal a respiré, ce qui
se fait dans le tems que le
couvercle s'abat & se referre.
I Il ya deux muscles qui servent
à soulever le couvercle,
& trois qui fervent à l'abatre
& à le reserrer.
! On vient de dire que l'assemblage
qui compose la
charpente des couvercles les
rend capables de sevouter en
dehors. On ajoûtera deux
autres circonstances. La premiere
est que la partie de ce
couvercle qui aide à former
le dessous de la gorge est
plié en éventail sur de petites
lames d'os pour fcrvir en se
deployant à la dilatation de la
gorge dans l'inspiration de
l'eau. La seconde que chaque
couvercle est revêtu par dehors
& par dedans d'une peau
qui
*
luy est fort adherente.
Cesdeux peaux s'unissent ensemble,
se prolongent audelà
de la circonference du
couvercle d'environ deux à
trois lignes, & vont toûjours
en diminuant d'épaisseur. Ce
prolongement est beaucoup
plus ample fous la gorge que
vers le haut de la teste. Il
estextrêmementsouple, pour
s'appliquer plus exactement à
l'ouverture sur laquelle il porte,
& pour la tenir ferméeau
premier moment de la dilatation
de la bouche pour la
rcfpiration.
Voila pour ce qui regarde
la structure desoüies ; passons
à present à la distribution de
leurs vaisseaux.
L'Artere qui fort du coeur
se dilate de telle maniere qu'elle , en couvre toute la base
: ensuite se retresissant peu
à peu elle forme une espece
de corne. A l'endroitoù elle
est ainsi dilatée
,
elle est garnie
en dedans de plusieurs
colonnes charnuës qu'on peut
considerer comme autant de
muscles qui font decetendroit
de l'aorte comme un
second coeur, ou du moins
comme nn second ventricule
lequel joignant sa compressîon
à celle du coeur, double
la force necessaire à la distribution
dufang pour la circulation.
Cette artere montant par
l'intervalle que les oüies laissententre-
elles, jette vis-à-vis
,
de chaque paire de côtes de
chaque côté une grosse branche
creusée sur la surface exterieure
de chaque côte& qui
s'étend le long de cette goutiere
d'une extremité à l'autre
du feüillet. Voila tout le corps
de l'Aorte dans ce genre d'animaux.
L'Aorte qui dans les
autres animaux porte le fang
du centre à la circonference
de tout le corps, ne parcoure
de chemin dans ceux- ci que
depuis lecoeurjusqu'à l'extremité
des oüies, où elle finir.
Cette branche fournit alitant
de rameaux qu'il y a de lames
surl'un ou furl'autre bord
de lacôte. La grosse branche
se termine à l'extremitéde la
côte
,
ainsi qu'il a esté dit, &
les rameaux finissent à l'extremité
des lames ausquelles
chacun d'eux se distribuë.
Pour peu que l'on soit instruit
de la circulation & des
Vaisseaux qui y servent, on
fera en peine de sçavoir par
quels autres vaisseaux on a
trouvéun expédient pour animer
& mouvoir tout le corps
depuis le bout d'en bas des
oiïies jusques à l'extremité de
la queuë. Cet expedient paroîtra
clairement dés qu'on
aura conduit le fang jusqu'à
l'extremitédesoüies. -
Chaque
Chaque rameau d'artere
monte le long du bord interieur
de chaque lame des
deux feüillets posez sur chaque
côte,c'est-à dire le long
des deux tranchans des lames
qui se regardent:ces deux rameaux
s'abouchentau milieu
de leur longueur; & continuant
leur route parviennent,
comme j'ay dit, à la pointe
de chaque lame. Là chaque
rameau de l'extremité de l'artere
trouve l'embouchure d'une
veine, & deux embouchures
appliquées l'une à l'autre
immediatement ne faisant
qu'un même canal malgré la
differente consistance des
deux vaisseaux
,
la veine s'abbat
sur le tranchant exterieur
de chaque lame, & parvenuë
au bas de la lame elle verse
son fang dans un gros vaisseau
veineux couché prés de
la branche d'artere danstoute
l'étenduë de la goutiere de
de la côte: mais ce n'est pas
feulement par cet abouchement
immediat des deux extrêmitez
de l'artere &de la
veine que l'arrere se décharge
dans la veine, c'est encore par
toute sa route.
Voici comment le rameau
d'artere dresse sur le tranchant
de chaque lame, jette dans
toute sa route sur le plat de
chaque lame de part & d'autre,
une multitude infinie de
vaisseaux, qui partant deux à
deux de ce rameau l'un d'un
côté de la lame, l'autre de
l'autre
-,
chacun de son côté
vadroit à laveine qui descend
sur le tranchant opposé de la
lame, & s'y abbouche par un
contact immédiat. C'est ainsi
que le fang passe dans ce genre
d'animaux,des arteres de
leur poumon dans leurs vrinés
d'un bout a l'aucre. Les
artères y font de vrayes arteres,
& par leurs corps & par
leur fonctions de recevoir le
fang. Les veines y font de
vrayes retines, & par leur
fonction de recevoir le fang
desarteres & par la delicatefseextrême
de leur consistan-
Ilnty ajusques-là rien qui
ne foie de l'oeconomie ordinaire
: mais ce qu'il y a de singulier
est premièrement l'abbboouucchheemmeennttimimmméeddiiaatt
des
arteres avec les veines, qui (c
trouve àlaverité dans les poumons
d'autres animaux, sur
1 tout dans ceux des grenouilles
&des torcuës: mais qui
n'est pas si manifestequedans
viesoiiies des poissons. 2° La
régularité de la distribution
:
qui rend cet abbouchement
plus vifiblc dans ce genre d'animaux
;car toutes les branchesdarteres
montant le
long des lames dressees sur les
côres
,
font aussi droites &
aussi également distances l'une
de
l'autre
que les lames: les
rameaux transversaux capillaires
qui partent de ces branches
à angles droits
,
font également
distansl'un de l'autre;
de forte que la direction & les
intervales de ces vaisseaux tant
montans que transversaux,
estantanssi réguliers que s'ils
avoient esté dressez à la règle
& espacez au compas ; on les
suit à l'oeil & au microscope.
On voit donc que lesarteres
transversales finissent immédiatement
au corps de la veine
descendante, & chacune
de ces veines descendante
ayant reçu le fang des artères
capillaires tranfverfalles
de part & d'autre de la lame,
s'abbouche à plomb avec le
tronc de la veine couchée
dans la gouttiere.
Il faut avouer que cette
, distribution est fort singuliere
: ce qui fuit l'est encore davantage.
On est en peine dela
distribution du fang pour la
nourriture & la vie des autres
parties du corps de ces animaux.
Nous avons conduit le
fang du coeur par les arteres
«
du poumon dans les veines
du poumon. Le coeur ne jette
point d'autres arteres que celles
du poumon. Que deviendront
les autres parties, le
cerveau, les organes des fensf
Ce qui fuit le fera voir.
Ces troncs de veines pleins
de fang arreriel fartant de
chaque côce par leur extrémité
qui regarde la bafe du
crâne, prennent la consistance
&l'épallfeur darteres & viennent
seréunir deux à deux de
chaque côcé. Celle de la première
côte, fournit avant sa
réunion des branches qui distribuënt
le fang aux organes
des sens, au cerveau & aux
parties voisines, & fait par ce
moyen les fonctions qui appartiennent
à l'aorte ascendante
dans les animaux à quatre
pieds :
ensuite elle fc rejoint
joint à celle de la fccondc
côte; & ces deux ensemblene
font plus qu'un tronc, lequel
coulant le long de la base du
crane reçoit encore de chaque
cote une autre branche formée
par la réunion des veines
de la troisième & quatrième
paires de côtes,& routesensemble
ne font plus qu'un
tronc.
Après cela ce tronc dont
toutes les racines estoient
veines dans le poumon,devenant
artere par sa tunique
& par son office, continue
son cours le long des vertebecs.,
& distribuant le fang
artérielà touteslesautres parties
, fait la fonction d'artère
desccendante&lesang arceuiel
estdistribué parce moyenégakment
à toutes les parties
pourles nourrir & des ani.
mer, &il r£neori«ropartout
des racinesquireprennent le
residu & le rapportant par
plusieurs troncsformezdel'unioh
de toutes q<!s¡acincs'au
reservoircommunquiledoit
rendreaucoeur;c'estainsi que
^achevcfk circulation dans
casiani<iaaux.-,;io r>,\~;x:
>V«oil'aScomîtefitylcs)Vcinri5
,
du potlHion de cegenredeviennent
arteres pour animer
& pour nourrir la teste & le
reste du corps.
Mais ce qui augmente la
singularité,c'est que ces mêmesveines
du poumon sortant
de la goutiere des côtes
par leur extremité qui regarde
la gorge, conservent la tu.
nique & la fonction de veines
en rapportant dans le reservoir
de tout le fang veinal
une portion du fang arteriel
qu'elles ont reçudes arteres
du poumon.
Comme le mouvement
des machines contribue aussi
a la respiration des Poissons,
il ne fera pas hors de propos
defaire remarquer que la fuperieurc
est mobile, qu'elle est
composée de pluficurs pieces
qui font naturellement engaggééeeslselessuunneessddaannssleless
aauu--
tres, de telle manière qu'elles
peuvent en se déployant
dilater & allonger la mâchoire
superieure.
Toutes les pieces qui servent
à la respiration de la
Carpe, montent à un nombre
si surprenant, qu'on ne
fera pas fâché d'en voir icy le
dénombrement.
Les pieces osseuses font au
nombre de quatre milletrois
cens quatre-vingt six
:
il y a
soixante-neufmuscles.
- Les arteres des ouics, outre
leurs huit branches principales,
jettent quatre mille trois
Cent vingt rameaux; & chaque
rameau jette de chaque
lame, une infinité d'arteres
capillaires transversales, donc
le nombre ne fera pas difficile,
& passera de beaucoup tous
ces nombres ensemble.
: Il y a autant de nerfs que
d'arteres
3
les ramifications
des premiers suivant exactement
celles des autres.
Les veines ainsi que les artères,
outre leurs huit branches
principales jettent quatre
mille trois cent vingt rameaux
,
qui font de simples
tuyaux,& qui à la différence
des rameaux des arteres na
jettent point de vaisseux capillaires
tranfver faux.
Le fang qui cft rapporté de
toutes les parties du corps des
poissons,entre du reservoir,
ou se dégorgent toutes les
veines
t
dans l'oreillette
, &
de là dans le cceur;qui par-sa
contraction le pouffe dans
l'aotte, & dans toutes les ramifications
quelle jette sur
les lames des oüies : & comme
à sa nainance elle cft garnie
de plusieurs colonnes charnuës,
fore épaisse, ce qui resserrent
immédiatement après, elle féconde
& fortifie par sa compression
l'action du coeur, qui
est de pousser avec beaucoup
de force le fang dans les rameaux
capillaires transversaux,
situez de part & d'autre,
sur toutes les lames des oüies.!
On a fait observer que cette
artere & ses branches, ne
parcouroient de chemin que
depuis le coeur',-- jusqu'à l'ex.
tremité des oüies, où elles finirent.
Ainsi à coup de piston
redoublé doit suffire, pour
pousser le fang avec irppetuosicé
dans ce nombre infini
d'arterioles si droites & si rcguliere,
où le fang ne trouve
d'autre obstacle que Je simple
contaft,&non le choc & les
reflexions, comme dans les
autres animaux où les arteres
se ramifient en mille manières
,
sur tout dans les demieres
subdivisions.
Voila pour ce qui concerne
le pacage du fang dans k
poumon. Voici comment s'en
fait la préparation.
:. Je suppose que les particules
d'air qui font dans l'eau,
comme l'eau est dans une éponge)
peuvent s'endégager
en plusieurs manières.
1 Par la chaleur ainsiqu'on
le voit dans l'eau qui bout
sur le feu. 2.Q. Par laffoiblisfement
duressors de l'air,qui
presse l'eau où ces particules
d'air sont engagées; comme
on le voit dans la machine du
vuide. 3°. Par le froissement
&l'extrême division del'eau,
sur tout quand elle a quelque
degré de chaleur.
On ne peut pas douter qu'-
il n'y ait beaucoup d'air dans
tout le corps des poissons,&
que cet air ne leur foit fort
ncceflaire. La machine du vui.
de fait voir l'un & l'autre..
J'aymis une Tanche fore
vive dans un vaisseau plein
d'eau que l'on a placé fous le
recipicnt;& aprèsavoir donné
cinq ou six coups de piston on
a remarqué que cette Tanche
était toute couverte d'une iiw
finité de petites bulles d'air qui
sortoient d'entre les écailles,
& que tout le corps paroissoit
perlé.
,
Il en sorcoit aussi un tresgrand
nombre par les oüies
beaucoup plus grosses que
celles de la surface du corps:
Enfinilen fortoir par la bou.
che,maisen moindre quantite.
En recommençant a pomper
tout de nouveau deux ou
trois fois de fuite ,ce qui fut
fait à plusieurs reprises, on
remarquoit que lepoisson s'agitoit
& se tourmentoit ex.
traordinairement,&qu'il reÊ
piroit plus fréquemment:
aprés avoir passé un gros quart
d'heure dans cetestat, il tom.
ba en langueur, toutlecorps
Vi
& même les oiïies n'ayant
bplleu.s aucun mouvement fcnfi-
Pour lots ayant tire le
vaisseau de dessous le recipient,
on jetta le poison dans
de l'eauordinaire, où il commença
à respirer & à nager,
mais foiblement, & il fut
longtemps à revenir à son
cfliatnaturel.
J'ayfait la mêmeexperience
sur une Carpe: jel'ay mise
dans la même machine, 3c
ayant pompel'air trois ou
quatre fois comme on l'avoir
fait à la Tanche, le poisson
- commença d'abord à s'agiter:
toute la surface du corps de-
,
vint, perlée; il sortit par la
bouche & par les oüies une
infinité de bulles d'air foïç
grottes,&larégion de la ves-
Sie d'air s'enfla beaucoup,quoique
cette Carpe fut plus gros-.
se que la Tanche,le battement
desoüies cessaplutost. *Lorsqu'onrecommençoità
pomper, les oüies recommençoient
aussi à battre mais
très-peu de temps,& fort foi.
blcment. Enfin elle demeura
sans aucun mouvement, &
la region de la vessie devint si
gonflée & si tenduë,que la
laittc forcoit en s'éfilant par
l'anus. Cela dura environ trois
quarts d'heure, au bout desquels
elle mourut,estant de*
venuë fortplatte.L'ayantouverte,
.on trouvalavessie: crel
1 i Vée.
On aaussi expetimenté
qu'un poisson mfs dansSit
teaupurgée d'air n'ypeut vivre
longtemps. Outre ces experiences
qu'on peut faire
dans la madonedu vuide,en
voici d'autres qui prouvent
aussi que l'air,qui est mê'Jé'
dans l'eau,alaprincipalepart
à la respiration despoissons
•v
Si vous enfermezdespoisfons
dans unvaisseau de verre
plein d'eau, ils y viventquelque
temps, pourvûquel'eau
ioitlenouveîléc :mais si vous
couvrez le vaisseau,&le'bouchez
en forte que l'air stfy
puificpointcnttet/ikîsjroîfsonsserontéroulfez.
".,Gôlg
prouve bien que j'eau aé fctc
àqlueu'erlfreesapirlataiolni,beqruteéu'tÛanct
peignerd'air.*-•]rV
Mettez lusieurs Lp9iffons
dans un vaisseau qui tic
Ion pas entièrement TciBd!i
ir'cauyfrvous,lefermes?
poissons qui auparavant nageoientenpleine
liberté, & segayoient, s'agiteront & se
presseront à qui prendra le
dessus poutrespirer la portion
de l'eau qui est la plus voisine
delair.
Onremarqueaussiquelorfquela
surface des Etangs cft
gelée, les poissons qui font
dedans, meurent plus ou
moins vite ,durant que l'E.,.
rang a plus ou moins d'étenduë
&de profondeur, & on
observe que quand on casse
la glace en quelque endroit)
les poissonss'y prefenrent
avec
avec empressement pour rcfpirer
cette eau imprégnée
d'un nouvel air. Ces experiences
prouvent manifestement
la necessité de l'air pour
la rcfpiration des poissons.
Voyons maintenant ce qui se
passe dans le temps de cette
rcfpiration-
La bouche, s'ouvre
,
les lèvres
s'avancent,parla la concavité
de la bouche est allongée,
la gorge s'enfle, les couvercles
des oüies
,
qui ont le
même mouvement que les
panneaux d'un souffet, s'écarrant
l'un de l'autre,se voûcent
en dehors parleur milieu
seulement, tandis qu'une de
leurs pieces qui joiic sur une
espece de gomme ,
tientfermées
les ouvertures des ouïes,
en se soulevant toutefois un
peu, sans permettrecependant
à l'eau d'entrer ; parce
que la petite peau qui borde
chaque couvercle, ferme exactement
l'ouverture des ouïes.
Tout cela augmente, &
élargit en tout sens la capacité
de la bouche, & détermine
l'eau à entrer dans &
cavité, de même que l'air entre
par la bouche & les nariDes
dans la crachée artere Se
les poumons , par la dilata,
tion de la poitrine. Dans ce
même temps les costes des
QÇÏÇS s'ouvrent en s'écartanr
lç5 unes des autres, leur cintreestélargi,
le sternon efl;
écarté en s'éloignant du palais
; ainsi tout conspire à faire
entrer l'eau en plus grande
quantité dans la bouche. C'es
ainsi que se fait l'ispiratioa
despoissons, Ensuite la bouche
se ferme, les lévres auparavant
allongées se racourcissent
, sur tout la superieure
qui se plic en éventail, la lévre
inférieure se cole: à la superieure
par le moyen d'une petite
peau en forme de croissant qui
s'abbat comme un rideau de
haut en bas & qui empêche
l'eau de sortir. Le couvercle
s'applatit sur la baye de l'ouverture
desoüies. Dans le même
temps les côtes se ferrent
les unes contre les autres, leur
cintre se retressit, & le sternon
s'abbat sur le Palais.
Tout cela contribuë &
comprime l'eau qui est entrée
par la bouche. Elle se presente
alors pour forrir par tous
les intervalles descôtes & par
ceux de leurs lames, & elle y
passe comme par autant desilieres
; & par ce mouvement la
bordure membraneuse des
couvercles cil: relevée,.& l'eau
pressees'échappe parcette ouverture,
C'est ainsi que fc
fait l'expiration dans les poissons.
On voit par là que l'eau
entre par la bouche, & sortant
par les oüies. Tout au contraire
de ce qui arrive dans les animaux
à quatre pieds dans lesquels
l'air entre & fort alternativemenr
par la trachée artere.
Voila tout ce qui concerne
les mouvemensdelarespiration
des poissons.
sur la circulationdusang
des Poissons qui ont des
oùies, &sur leur refi.
piration.
I
~-
DAns les divers Memoires
qu'on a lûs à rA.
1 cademie, on a fait voir qu'elle
! étoit la structure du coeur des
Poissons, & celles de leurs
ouïes. Pour suivre >tierc, cette ma- il està propos de parler
: de leurs usages; Mais pour
les rendre intelligibles à tout
le monde; il est necessaire de
faire ici une brieve recapitulation
de ce que j'ay dit touchant
cette mêmestructure.
On remarquera donc qu'elle
cft differente dans les differentes
especes dePoissons où
l'on trouve ces parties. On a
fait voir à l'Academie des
Exemples de ces differences;
mais je m'arreste aujourd'huy
particulierement à la Carpe
que l'on trouve commodément
& sur laquelle on pourra
avec facilité verifier tout ce
que je vais dire.
Chacun sçait que le coeur
de tous les Poissons qui ne
respirent pas l'air n'a qu'une
cavité, & par consequent
qu'une oreillette à l'embouchure
du vaisseau qui y rapporte
le fang. Celle du coeur
de la Carpe est appliquée au
costé gauche.
La chair du coeur est fore
épaisse, par rapport à son volume,
& ses fibres font trescompactes:
Aussia-t'il bcfoin
d'une forte action pour la circulation
comme on le verra
,
dans la fuite.
: Il n'y a personne qui ne
sçache cc que c'est que des
ouïes; mais tout le monde
ne sçait pas que ce font ces
parties qui fervent de poumons
aux Poissons. Leur
charpente est composée de
quatre costes de chaque costé
qui se meuvent tant sur ellesmêmes
en s'ouvranr & se resserrant
qu'àl'égard de leurs
deux appuis superieur & inferieur
en s'écartant de l'une &
de l'autre, & en s'en raprochant.
Le costé convexe de
chaque coste est chargé sur
ses deux bords de deux especes
de feüillets, chacun desquels
est composé d'un rang
de lames, étroites & rangées
& ferrées l'une contre l'autre
qui forment comme autant
de barbes ou frangessemblables
à celles d'une plume à
écrire; & ce font ces franges
qu'on peut appeller proprement
le poumon desPoissons.
Voila une situation de parties
fortextraordnaire & fore
singuliere. La poitrine est
dans la bouche aussi- bien
que le poumon. Les costes
portent le poumon, & l'animal
respire l'eau-
Les extremitez de ces costes
qui regardent la gorge font
jointesensemble par plusieurs
petits os, qui forment une
cfpecc de sternon, en sorte
néanmoins que les costes ont
un jeu beaucoup plus libre
sur ce sternon & peuvent s'écarter
l'une de l'autre beaucoup
plus facilement que celles
de l'homme, & que ce sternon
peut-estre soulevé & a.
baissé. Les autres extremitez
qui regardent la base du
crane font aussi jointes par
quelques osselets qui s'articulent
avec cette même base &
qui peuvents'en éloigner, ou
s'enapprocher.
Chaque coftc est compofée
de deux pieces jointes par
un cartilage fort fouple, qui
est dans chacune de ces parties
ce que font les charnieres
dans les ouvrages des artisans.
La premiere piece cît
courbée en arc, & sa longueur
est environ la sixiéme portion
du cercle dont elle feroit la
partie.
La seconde décrit à peuprés
une fromaine majuscule.
- La partie convexe de chaque
coste est creusée en goutiere,
& c'est le long de ces
goutieres que coulent les vaisaseaupx
donrt iléferaspa.rléci- Chacune des lames dont
les feüillers font composez,
à la figure du fer d'une faux,
& à sa naissance elle a comme
un pied ou talon qui ne
pose que par son extremité sur
sur le bord de la coste.
Chacun de ces feüillets est
composé de cent trente-cinq
lames j-ainifles seize contiennent
huit mil six cens quarante
surfaces, que je compte icy
parce que les deux surfaces de
chaque lame font revêtuës
dans toute leur étenduë d'une
membrane tres fine, sur laquelle
se font les ramifications
presque innombrables des
vaisseaux capillaires de ces
fortes de poumons.
J'ay fait voir à la compagnie
qu'il y a quarante-six
muscles qui sont employez
aux mouvemens de ces costes;
il y en a huit qui en dilate l'intervale,
& seize qui le resserrent,
six qui élargissent le cintre
de chaque coste, douze
qui le retresissent, & qui en
même temps abaissent le sternon,
& quatre qui le soulevent.
Les ouïes ont une large ou.
verture, sur laquelle cftpaCé
un couvercle composé de
plusieurs pieces d'assemblage,
qui a le même usage que le
panneau d'un fouiller)& chaque
couvercle est formé avec
un tel artifice qu'en s'écartant
l'un de l'autre,ils se voutent
en dehors pour augmenter la
capacité de la bouche, tandis
qu'une de leurs pieces qui
jouë sur une espece de genou
tient fermées les ouvertures
des ouïes, & ne les ouvre que
pour donner passage à l'eau
que l'animal a respiré, ce qui
se fait dans le tems que le
couvercle s'abat & se referre.
I Il ya deux muscles qui servent
à soulever le couvercle,
& trois qui fervent à l'abatre
& à le reserrer.
! On vient de dire que l'assemblage
qui compose la
charpente des couvercles les
rend capables de sevouter en
dehors. On ajoûtera deux
autres circonstances. La premiere
est que la partie de ce
couvercle qui aide à former
le dessous de la gorge est
plié en éventail sur de petites
lames d'os pour fcrvir en se
deployant à la dilatation de la
gorge dans l'inspiration de
l'eau. La seconde que chaque
couvercle est revêtu par dehors
& par dedans d'une peau
qui
*
luy est fort adherente.
Cesdeux peaux s'unissent ensemble,
se prolongent audelà
de la circonference du
couvercle d'environ deux à
trois lignes, & vont toûjours
en diminuant d'épaisseur. Ce
prolongement est beaucoup
plus ample fous la gorge que
vers le haut de la teste. Il
estextrêmementsouple, pour
s'appliquer plus exactement à
l'ouverture sur laquelle il porte,
& pour la tenir ferméeau
premier moment de la dilatation
de la bouche pour la
rcfpiration.
Voila pour ce qui regarde
la structure desoüies ; passons
à present à la distribution de
leurs vaisseaux.
L'Artere qui fort du coeur
se dilate de telle maniere qu'elle , en couvre toute la base
: ensuite se retresissant peu
à peu elle forme une espece
de corne. A l'endroitoù elle
est ainsi dilatée
,
elle est garnie
en dedans de plusieurs
colonnes charnuës qu'on peut
considerer comme autant de
muscles qui font decetendroit
de l'aorte comme un
second coeur, ou du moins
comme nn second ventricule
lequel joignant sa compressîon
à celle du coeur, double
la force necessaire à la distribution
dufang pour la circulation.
Cette artere montant par
l'intervalle que les oüies laissententre-
elles, jette vis-à-vis
,
de chaque paire de côtes de
chaque côté une grosse branche
creusée sur la surface exterieure
de chaque côte& qui
s'étend le long de cette goutiere
d'une extremité à l'autre
du feüillet. Voila tout le corps
de l'Aorte dans ce genre d'animaux.
L'Aorte qui dans les
autres animaux porte le fang
du centre à la circonference
de tout le corps, ne parcoure
de chemin dans ceux- ci que
depuis lecoeurjusqu'à l'extremité
des oüies, où elle finir.
Cette branche fournit alitant
de rameaux qu'il y a de lames
surl'un ou furl'autre bord
de lacôte. La grosse branche
se termine à l'extremitéde la
côte
,
ainsi qu'il a esté dit, &
les rameaux finissent à l'extremité
des lames ausquelles
chacun d'eux se distribuë.
Pour peu que l'on soit instruit
de la circulation & des
Vaisseaux qui y servent, on
fera en peine de sçavoir par
quels autres vaisseaux on a
trouvéun expédient pour animer
& mouvoir tout le corps
depuis le bout d'en bas des
oiïies jusques à l'extremité de
la queuë. Cet expedient paroîtra
clairement dés qu'on
aura conduit le fang jusqu'à
l'extremitédesoüies. -
Chaque
Chaque rameau d'artere
monte le long du bord interieur
de chaque lame des
deux feüillets posez sur chaque
côte,c'est-à dire le long
des deux tranchans des lames
qui se regardent:ces deux rameaux
s'abouchentau milieu
de leur longueur; & continuant
leur route parviennent,
comme j'ay dit, à la pointe
de chaque lame. Là chaque
rameau de l'extremité de l'artere
trouve l'embouchure d'une
veine, & deux embouchures
appliquées l'une à l'autre
immediatement ne faisant
qu'un même canal malgré la
differente consistance des
deux vaisseaux
,
la veine s'abbat
sur le tranchant exterieur
de chaque lame, & parvenuë
au bas de la lame elle verse
son fang dans un gros vaisseau
veineux couché prés de
la branche d'artere danstoute
l'étenduë de la goutiere de
de la côte: mais ce n'est pas
feulement par cet abouchement
immediat des deux extrêmitez
de l'artere &de la
veine que l'arrere se décharge
dans la veine, c'est encore par
toute sa route.
Voici comment le rameau
d'artere dresse sur le tranchant
de chaque lame, jette dans
toute sa route sur le plat de
chaque lame de part & d'autre,
une multitude infinie de
vaisseaux, qui partant deux à
deux de ce rameau l'un d'un
côté de la lame, l'autre de
l'autre
-,
chacun de son côté
vadroit à laveine qui descend
sur le tranchant opposé de la
lame, & s'y abbouche par un
contact immédiat. C'est ainsi
que le fang passe dans ce genre
d'animaux,des arteres de
leur poumon dans leurs vrinés
d'un bout a l'aucre. Les
artères y font de vrayes arteres,
& par leurs corps & par
leur fonctions de recevoir le
fang. Les veines y font de
vrayes retines, & par leur
fonction de recevoir le fang
desarteres & par la delicatefseextrême
de leur consistan-
Ilnty ajusques-là rien qui
ne foie de l'oeconomie ordinaire
: mais ce qu'il y a de singulier
est premièrement l'abbboouucchheemmeennttimimmméeddiiaatt
des
arteres avec les veines, qui (c
trouve àlaverité dans les poumons
d'autres animaux, sur
1 tout dans ceux des grenouilles
&des torcuës: mais qui
n'est pas si manifestequedans
viesoiiies des poissons. 2° La
régularité de la distribution
:
qui rend cet abbouchement
plus vifiblc dans ce genre d'animaux
;car toutes les branchesdarteres
montant le
long des lames dressees sur les
côres
,
font aussi droites &
aussi également distances l'une
de
l'autre
que les lames: les
rameaux transversaux capillaires
qui partent de ces branches
à angles droits
,
font également
distansl'un de l'autre;
de forte que la direction & les
intervales de ces vaisseaux tant
montans que transversaux,
estantanssi réguliers que s'ils
avoient esté dressez à la règle
& espacez au compas ; on les
suit à l'oeil & au microscope.
On voit donc que lesarteres
transversales finissent immédiatement
au corps de la veine
descendante, & chacune
de ces veines descendante
ayant reçu le fang des artères
capillaires tranfverfalles
de part & d'autre de la lame,
s'abbouche à plomb avec le
tronc de la veine couchée
dans la gouttiere.
Il faut avouer que cette
, distribution est fort singuliere
: ce qui fuit l'est encore davantage.
On est en peine dela
distribution du fang pour la
nourriture & la vie des autres
parties du corps de ces animaux.
Nous avons conduit le
fang du coeur par les arteres
«
du poumon dans les veines
du poumon. Le coeur ne jette
point d'autres arteres que celles
du poumon. Que deviendront
les autres parties, le
cerveau, les organes des fensf
Ce qui fuit le fera voir.
Ces troncs de veines pleins
de fang arreriel fartant de
chaque côce par leur extrémité
qui regarde la bafe du
crâne, prennent la consistance
&l'épallfeur darteres & viennent
seréunir deux à deux de
chaque côcé. Celle de la première
côte, fournit avant sa
réunion des branches qui distribuënt
le fang aux organes
des sens, au cerveau & aux
parties voisines, & fait par ce
moyen les fonctions qui appartiennent
à l'aorte ascendante
dans les animaux à quatre
pieds :
ensuite elle fc rejoint
joint à celle de la fccondc
côte; & ces deux ensemblene
font plus qu'un tronc, lequel
coulant le long de la base du
crane reçoit encore de chaque
cote une autre branche formée
par la réunion des veines
de la troisième & quatrième
paires de côtes,& routesensemble
ne font plus qu'un
tronc.
Après cela ce tronc dont
toutes les racines estoient
veines dans le poumon,devenant
artere par sa tunique
& par son office, continue
son cours le long des vertebecs.,
& distribuant le fang
artérielà touteslesautres parties
, fait la fonction d'artère
desccendante&lesang arceuiel
estdistribué parce moyenégakment
à toutes les parties
pourles nourrir & des ani.
mer, &il r£neori«ropartout
des racinesquireprennent le
residu & le rapportant par
plusieurs troncsformezdel'unioh
de toutes q<!s¡acincs'au
reservoircommunquiledoit
rendreaucoeur;c'estainsi que
^achevcfk circulation dans
casiani<iaaux.-,;io r>,\~;x:
>V«oil'aScomîtefitylcs)Vcinri5
,
du potlHion de cegenredeviennent
arteres pour animer
& pour nourrir la teste & le
reste du corps.
Mais ce qui augmente la
singularité,c'est que ces mêmesveines
du poumon sortant
de la goutiere des côtes
par leur extremité qui regarde
la gorge, conservent la tu.
nique & la fonction de veines
en rapportant dans le reservoir
de tout le fang veinal
une portion du fang arteriel
qu'elles ont reçudes arteres
du poumon.
Comme le mouvement
des machines contribue aussi
a la respiration des Poissons,
il ne fera pas hors de propos
defaire remarquer que la fuperieurc
est mobile, qu'elle est
composée de pluficurs pieces
qui font naturellement engaggééeeslselessuunneessddaannssleless
aauu--
tres, de telle manière qu'elles
peuvent en se déployant
dilater & allonger la mâchoire
superieure.
Toutes les pieces qui servent
à la respiration de la
Carpe, montent à un nombre
si surprenant, qu'on ne
fera pas fâché d'en voir icy le
dénombrement.
Les pieces osseuses font au
nombre de quatre milletrois
cens quatre-vingt six
:
il y a
soixante-neufmuscles.
- Les arteres des ouics, outre
leurs huit branches principales,
jettent quatre mille trois
Cent vingt rameaux; & chaque
rameau jette de chaque
lame, une infinité d'arteres
capillaires transversales, donc
le nombre ne fera pas difficile,
& passera de beaucoup tous
ces nombres ensemble.
: Il y a autant de nerfs que
d'arteres
3
les ramifications
des premiers suivant exactement
celles des autres.
Les veines ainsi que les artères,
outre leurs huit branches
principales jettent quatre
mille trois cent vingt rameaux
,
qui font de simples
tuyaux,& qui à la différence
des rameaux des arteres na
jettent point de vaisseux capillaires
tranfver faux.
Le fang qui cft rapporté de
toutes les parties du corps des
poissons,entre du reservoir,
ou se dégorgent toutes les
veines
t
dans l'oreillette
, &
de là dans le cceur;qui par-sa
contraction le pouffe dans
l'aotte, & dans toutes les ramifications
quelle jette sur
les lames des oüies : & comme
à sa nainance elle cft garnie
de plusieurs colonnes charnuës,
fore épaisse, ce qui resserrent
immédiatement après, elle féconde
& fortifie par sa compression
l'action du coeur, qui
est de pousser avec beaucoup
de force le fang dans les rameaux
capillaires transversaux,
situez de part & d'autre,
sur toutes les lames des oüies.!
On a fait observer que cette
artere & ses branches, ne
parcouroient de chemin que
depuis le coeur',-- jusqu'à l'ex.
tremité des oüies, où elles finirent.
Ainsi à coup de piston
redoublé doit suffire, pour
pousser le fang avec irppetuosicé
dans ce nombre infini
d'arterioles si droites & si rcguliere,
où le fang ne trouve
d'autre obstacle que Je simple
contaft,&non le choc & les
reflexions, comme dans les
autres animaux où les arteres
se ramifient en mille manières
,
sur tout dans les demieres
subdivisions.
Voila pour ce qui concerne
le pacage du fang dans k
poumon. Voici comment s'en
fait la préparation.
:. Je suppose que les particules
d'air qui font dans l'eau,
comme l'eau est dans une éponge)
peuvent s'endégager
en plusieurs manières.
1 Par la chaleur ainsiqu'on
le voit dans l'eau qui bout
sur le feu. 2.Q. Par laffoiblisfement
duressors de l'air,qui
presse l'eau où ces particules
d'air sont engagées; comme
on le voit dans la machine du
vuide. 3°. Par le froissement
&l'extrême division del'eau,
sur tout quand elle a quelque
degré de chaleur.
On ne peut pas douter qu'-
il n'y ait beaucoup d'air dans
tout le corps des poissons,&
que cet air ne leur foit fort
ncceflaire. La machine du vui.
de fait voir l'un & l'autre..
J'aymis une Tanche fore
vive dans un vaisseau plein
d'eau que l'on a placé fous le
recipicnt;& aprèsavoir donné
cinq ou six coups de piston on
a remarqué que cette Tanche
était toute couverte d'une iiw
finité de petites bulles d'air qui
sortoient d'entre les écailles,
& que tout le corps paroissoit
perlé.
,
Il en sorcoit aussi un tresgrand
nombre par les oüies
beaucoup plus grosses que
celles de la surface du corps:
Enfinilen fortoir par la bou.
che,maisen moindre quantite.
En recommençant a pomper
tout de nouveau deux ou
trois fois de fuite ,ce qui fut
fait à plusieurs reprises, on
remarquoit que lepoisson s'agitoit
& se tourmentoit ex.
traordinairement,&qu'il reÊ
piroit plus fréquemment:
aprés avoir passé un gros quart
d'heure dans cetestat, il tom.
ba en langueur, toutlecorps
Vi
& même les oiïies n'ayant
bplleu.s aucun mouvement fcnfi-
Pour lots ayant tire le
vaisseau de dessous le recipient,
on jetta le poison dans
de l'eauordinaire, où il commença
à respirer & à nager,
mais foiblement, & il fut
longtemps à revenir à son
cfliatnaturel.
J'ayfait la mêmeexperience
sur une Carpe: jel'ay mise
dans la même machine, 3c
ayant pompel'air trois ou
quatre fois comme on l'avoir
fait à la Tanche, le poisson
- commença d'abord à s'agiter:
toute la surface du corps de-
,
vint, perlée; il sortit par la
bouche & par les oüies une
infinité de bulles d'air foïç
grottes,&larégion de la ves-
Sie d'air s'enfla beaucoup,quoique
cette Carpe fut plus gros-.
se que la Tanche,le battement
desoüies cessaplutost. *Lorsqu'onrecommençoità
pomper, les oüies recommençoient
aussi à battre mais
très-peu de temps,& fort foi.
blcment. Enfin elle demeura
sans aucun mouvement, &
la region de la vessie devint si
gonflée & si tenduë,que la
laittc forcoit en s'éfilant par
l'anus. Cela dura environ trois
quarts d'heure, au bout desquels
elle mourut,estant de*
venuë fortplatte.L'ayantouverte,
.on trouvalavessie: crel
1 i Vée.
On aaussi expetimenté
qu'un poisson mfs dansSit
teaupurgée d'air n'ypeut vivre
longtemps. Outre ces experiences
qu'on peut faire
dans la madonedu vuide,en
voici d'autres qui prouvent
aussi que l'air,qui est mê'Jé'
dans l'eau,alaprincipalepart
à la respiration despoissons
•v
Si vous enfermezdespoisfons
dans unvaisseau de verre
plein d'eau, ils y viventquelque
temps, pourvûquel'eau
ioitlenouveîléc :mais si vous
couvrez le vaisseau,&le'bouchez
en forte que l'air stfy
puificpointcnttet/ikîsjroîfsonsserontéroulfez.
".,Gôlg
prouve bien que j'eau aé fctc
àqlueu'erlfreesapirlataiolni,beqruteéu'tÛanct
peignerd'air.*-•]rV
Mettez lusieurs Lp9iffons
dans un vaisseau qui tic
Ion pas entièrement TciBd!i
ir'cauyfrvous,lefermes?
poissons qui auparavant nageoientenpleine
liberté, & segayoient, s'agiteront & se
presseront à qui prendra le
dessus poutrespirer la portion
de l'eau qui est la plus voisine
delair.
Onremarqueaussiquelorfquela
surface des Etangs cft
gelée, les poissons qui font
dedans, meurent plus ou
moins vite ,durant que l'E.,.
rang a plus ou moins d'étenduë
&de profondeur, & on
observe que quand on casse
la glace en quelque endroit)
les poissonss'y prefenrent
avec
avec empressement pour rcfpirer
cette eau imprégnée
d'un nouvel air. Ces experiences
prouvent manifestement
la necessité de l'air pour
la rcfpiration des poissons.
Voyons maintenant ce qui se
passe dans le temps de cette
rcfpiration-
La bouche, s'ouvre
,
les lèvres
s'avancent,parla la concavité
de la bouche est allongée,
la gorge s'enfle, les couvercles
des oüies
,
qui ont le
même mouvement que les
panneaux d'un souffet, s'écarrant
l'un de l'autre,se voûcent
en dehors parleur milieu
seulement, tandis qu'une de
leurs pieces qui joiic sur une
espece de gomme ,
tientfermées
les ouvertures des ouïes,
en se soulevant toutefois un
peu, sans permettrecependant
à l'eau d'entrer ; parce
que la petite peau qui borde
chaque couvercle, ferme exactement
l'ouverture des ouïes.
Tout cela augmente, &
élargit en tout sens la capacité
de la bouche, & détermine
l'eau à entrer dans &
cavité, de même que l'air entre
par la bouche & les nariDes
dans la crachée artere Se
les poumons , par la dilata,
tion de la poitrine. Dans ce
même temps les costes des
QÇÏÇS s'ouvrent en s'écartanr
lç5 unes des autres, leur cintreestélargi,
le sternon efl;
écarté en s'éloignant du palais
; ainsi tout conspire à faire
entrer l'eau en plus grande
quantité dans la bouche. C'es
ainsi que se fait l'ispiratioa
despoissons, Ensuite la bouche
se ferme, les lévres auparavant
allongées se racourcissent
, sur tout la superieure
qui se plic en éventail, la lévre
inférieure se cole: à la superieure
par le moyen d'une petite
peau en forme de croissant qui
s'abbat comme un rideau de
haut en bas & qui empêche
l'eau de sortir. Le couvercle
s'applatit sur la baye de l'ouverture
desoüies. Dans le même
temps les côtes se ferrent
les unes contre les autres, leur
cintre se retressit, & le sternon
s'abbat sur le Palais.
Tout cela contribuë &
comprime l'eau qui est entrée
par la bouche. Elle se presente
alors pour forrir par tous
les intervalles descôtes & par
ceux de leurs lames, & elle y
passe comme par autant desilieres
; & par ce mouvement la
bordure membraneuse des
couvercles cil: relevée,.& l'eau
pressees'échappe parcette ouverture,
C'est ainsi que fc
fait l'expiration dans les poissons.
On voit par là que l'eau
entre par la bouche, & sortant
par les oüies. Tout au contraire
de ce qui arrive dans les animaux
à quatre pieds dans lesquels
l'air entre & fort alternativemenr
par la trachée artere.
Voila tout ce qui concerne
les mouvemensdelarespiration
des poissons.
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Résumé : MEMOIRE sur la circulation du sang des Poissons qui ont des oüies, & sur leur respiration.
Le mémoire traite de la circulation sanguine et de la respiration des poissons dotés d'ouïes, en se concentrant particulièrement sur la carpe. Le cœur des poissons, qui ne respirent pas l'air, possède une seule cavité et une seule oreillette. La structure du cœur est épaisse et compacte, nécessitant une forte action pour la circulation sanguine. Les ouïes des poissons servent de poumons et sont composées de quatre côtes de chaque côté, capables de mouvements complexes. Chaque côte est recouverte de feuillets formés de lames étroites et serrées, ressemblant à des barbes de plume, qui constituent le 'poumon' des poissons. Les muscles des ouïes sont nombreux et spécialisés, permettant des mouvements variés pour faciliter la respiration. Les ouïes sont protégées par des couvercles articulés qui s'ouvrent et se ferment pour permettre le passage de l'eau. L'aorte, qui part du cœur, se dilate à la base avant de se rétrécir et de former une corne. Elle est garnie de colonnes charnues agissant comme un second cœur ou ventricule, augmentant la force de la circulation sanguine. L'aorte se divise en branches qui irriguent les lames des ouïes, où se produit un échange gazeux. Les artères et les veines des ouïes sont intimement connectées, permettant au sang de passer des artères aux veines par des vaisseaux capillaires. Cette distribution régulière et ordonnée est unique chez les poissons. Les veines des ouïes deviennent des artères pour irriguer le reste du corps, y compris le cerveau et les organes sensoriels. Enfin, une partie du sang artériel est rapportée au cœur par les veines des ouïes, complétant ainsi la circulation sanguine chez les poissons. Le texte mentionne également la structure de la mâchoire supérieure des poissons, mobile et composée de plusieurs pièces permettant de dilater et allonger la mâchoire. La respiration de la carpe implique un nombre impressionnant de pièces osseuses (4 386) et de muscles (69). Les artères des ouïes, outre leurs huit branches principales, jettent 4 320 rameaux, chacun produisant une infinité de capillaires transversaux. Les veines, de manière similaire, ont des rameaux qui ne produisent pas de capillaires transversaux. Le sang circule du cœur vers les ouïes, où il est filtré et oxygéné avant de retourner au cœur. Des expériences montrent la nécessité de l'air pour la respiration des poissons. Par exemple, des poissons placés dans un récipient sous vide ou dans de l'eau privée d'air montrent des signes de détresse et finissent par mourir. Les poissons cherchent à se rapprocher de la surface de l'eau pour respirer l'air dissous. Les mouvements de respiration des poissons impliquent l'ouverture et la fermeture de la bouche et des ouïes, permettant à l'eau de passer à travers les branchies pour l'oxygénation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 240-277
LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
Début :
Cette Isle noble antique renommée, [...]
Mots clefs :
Jeune roi, Albion, Noble, Palais, Prince Artus, Paix, Sage, Chevalier, Débats, Sang, Éclat, Roches, Salisbury, Peuple, Vieillard, Coeur, Amour, Justice, Lumière
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
LES ROCHES
DE SALISBURY.
ALLEGORIE.
CEtte Ille noble antique
renommée ,
Qui de Neptune à tel point
fut aimée
Qu'un de fes Fils voulut s'y
renfermer ,
Et de fon nom , Albion la
nommer.
Mainte merveille en fon
fein fait reluire
Qu'en ces vers - cy je ne
pretend
GALANT. 241
pretend déduire
Par le menus les Chroni
queurs paffés
En leurs recueils le deduifent
affez ;
Pour le prefent fuffit d'en
citer une
Sans plus , mais qui peut
mieux
qu'aucune ;
Paffer pour rare & que je
garentis
Sur le rapport de ces recuëils
gentils ;
Ge font ces Rocs autre
ment gons de pierre
Qu'on voir femez en cette
noble terre
Mars
1714.
!
X
242 MERCURE
Tout au travers d'un
champ vert & fleury
Que gens du lieu nomment
Saliſbury , ci să
Et que Merlin jadis par
fon genie
Fit transporter des mar
ches d'Ibernie ,
Car tels Rochers ne fcauroient
bonnement
Se trouver la fors par ensachantement.
of C
Orifmoterés qu'entre ces
roches nües , ⠀
Quia pars magie en ces
lieux font venuës
X
GALANT 243
S'en trouvent fept , trois
de
chacune part
Une au deffus , le tout fait
popar tel art
Qu'il
reprefente une porte
effective ,
Porte vraïment bien faite
& bien naïve
Mais c'eft le tout , car qui
voudroit y voir i
Tours & Châtels , doit
Cailleurs fe pourvoir ,
Et ne fçait-on encor pour
Do quel office
Ce haut Portail eft là fans
médifice.
Mais ces fecrets arcanes
X ij]
244 MERCURE
& facrés
Ja ne font faits pour eftre
penetrés ,
Fors de ceux- là que
lance autorife ,
vail-
A pour chaffer vertueufe
entrepriſe
L'Epée au poing , fendant
juſqu'au talons ..
Traitres , Geans , Endriaques
felons
Tant que pareux foit mis
hors de fervage ,
Quelque Empereur ou Roy
de franc lignage ,
Entre ceux- là eftoit prifé
jadis ,
GALANT 245
Agefilan , Florifel , Amadis
,
Et maints encor de qui
Dieu
par fa grace
Jufques à nous a conſervé
la
race ,
Temoin celuy que je vas
publier ,
Sage entre tous , & difcret
Chevalier
Qui merita par fa force invincible
D'eftre introduit dans la
grote invifible ;
Si le tient-on iffu felon la
chair
De Palmerin le Chevalier
X iij
246 MERCURE
fans Pair ,
Iceluy preux vers les roches
décrites
Alloit chantant les vertus
& merites ,
Du Prince Artus , des bons
tant regretté ,
Et recitoit fur fon Luth
argenté
Celui plaintif. O Rives
Britanniques !
O Roy dompteur des Saxons
tyraniques
Si comme on dit par don
furnaturels
Tu dois revoir ce monde
temporel ,
GALANT. 247
Et revenir chaffer hors de
nos terres
Rebellions , debats , troubles
& Guerres .
Que tardes- tu viens revoir
ton Palais
viens de prifon tirer la
douce paix ,
Qui t'as helas ! defolée &
chetive
Chez faction languit tousjours
plaintive.
Ainfi chantoit le Chevalier
dolentejust
Lors fur lui fembla, qu'une
voix l'appellant
X iiij
248 MERCURE
Par fon vrai nom lui parla
de la forte ,
Si les efprits qui gardent
cette porte
En paroiffant n'effarou
chent
tes yeux
,
Tu peux entrer , le Pala
din joyeux
A qui frayeur n'entra ja
mais dans l'ame ,
Prend fon Ecu , fe commande
à ſa Dame
Approche , arrive , & Demons
de hurler
De tempefter , crier fiffler,
voler
,
Mais pour néant car fans
GALANT . 249
merite ni doute
Le Champion pourſuit toujours
fa route
Si qu'euffiez vû tous ces
diables cadets
Larves , Lutins , Lemures,
farfaders
Spectres volans , Tene
brions , Genies ,
En moins de rien ceffer
leurs lytanies ,
& s'éclipfer à tout leur cas
rillon
Comme étourneaux devant
l'émerillon :
Eux départis , ô merveille
imprevuë !
50 MERCURE
2 La terre s'ouvre & ne s'of
fre à la vûë
Qu'un antre noir
mé caverneux ,
en
fu
Ou d'un Bandon l'éclat
fuligineux
Semble éclairer par fes
lueurs funebres
L'affreux manoir du Prince
des Tenebres ;
A la clarté du flambeau
ftygial
Par cent degrés le Che-
> valier loyal
Defcend au creux de la
fpelunque obfcure ..
Et trouve enfin pour l'hif
1
GALANT. __258
toire conclure ,
Un huis fermé qui s'ouvre
fur l'inftant
Et lúi decouvre un Palais
éclatant ;
Palais , non pas ? mais gro
te emerveillable
Tel que l'oeil ne voit onc
de femblable ,
Et que jamais fage n'ob
tint pour don
Telle demeure , hormis
Apollidon.
Car c'eft Illec que la troupe
de Gnomes
Dòminateurs des terref
trés royaumes
252 MERCURE
A raffemblé
pour
prince honorer
leur
Tout ce qui peut fon féjour
decorer ,
Ambre Corail , yvoire ;
marguerites ,
Perles , faphirs , hyacintes ,
Chrifolites
Riches métaux , bronze
Corinthien ,,
Jaſpe , porphire , & marbre
Phrygien ,
Sans oublier mainte belle
efcarboucle
Et
diamans
proprement
mis en boucle
Tout à l'entour , de qui
GALANT.
253
l'éclat riant
Pâlir feroit le Soleil d'Orient.
Or entendes qu'en ce lieu
de lumiere
Où l'art encore ſurpaſſe
la matiere
Brille fur tant de rubis
eftoilé
Un fiége d'or finement
cizelé ,
Ou repofoit le tres noble
Prophete
Qui cette Grote a choifi
pour retraite
Et fut jadis fous le Roy
254 MERCURE
Pendragon
Des Enchanteurs clame le
Bien
Parangon ,
paroiffoit iceluy
grand prud- homme ,
Prince de ceux que fage on
renomme
Tant à le voir fembloit
homme de biens
Vieillard honneſte & de
noble maintien ,
Si qu'eux, voyans feulealment
fon viſager 20
Euffent pour chef accepté
cettuy fage ,
Qui tout a l'heure en fon
féant dreffé VA
GALANT . 255
Ayant trois fois eternué
touffé ,
Les yeux luifans comme
12 deux Girandoles
Au Damoifel addreffa fes
paroles.
Je fuis Merlin qu'en vulpingaire
fermon
0: 0
Vos
vieuxconteurs pre
chent né du
démon ,
Attribuant par
malice grof
-1997
fiere
L'extraction des enfans de
lumiere ,
A la vertu de cet efprit
In enam vilain
Qui de l'Enfer fut créé
ม
256 MERCURE
Châtelain ,
J'ay visité la haut vos Colonies
,
Suivant les us de nous autres
Genies ,
Er fut long -tems Prophete
en Albion
Dont je plorai l'inique
oppreflion ,
Quand Vortiger dans le
fein Britanique
Eut attiré le ferpent Germanique
,
O mon païs ! ô peuples redoutés.
Deffiés -vous de ferpens allaités
.
Aux
GALANT. 257
Aux bords Germains , fuïés
leur
parentage,
Car c'eft d'iceux qu'eft né
vôtre éclavage ;
Je difparus dans ce conflict
amer 霉
Et par mon art tranſporté
d'outre mer
Ces hauts rochers qui fervent
de barriere ,
A cette grotte où bornant
ma carriere ,
Demogorgon
nôtre Roy
fouverain
,
Me fit ſeigneur du peuple
foûterrain.
C'eſt cette gent , dont l'eſ,
Mars 1714. Y
238 MERCURE
prit tutelaire
Va parcourant vôtre mon--
de populaire : -
Où je l'envoye en invifibles
corps ,
Examiner les troubles &
difcors ,
Qui , par l'engin du pere
de l'impofture,
Vont affligéant l'humaine
créature.
Par eux à donc m'ont efté
raportés.
Tous vos débats , maux &
calamités :
Qui par revolte & rufes infernales
,
GALANT 252
Ont affolé vos Provinces
natales .
Si que la Paix onques n'y
peut meurir ,
Tant qu'y verrés iniquités
Aleurir ,
Car ne croyés pouvoir par
smot vartifices
Paix rétablir fans l'aide de
juſtice ,
Par qui d'abord détruire
100% vous convient ,
L'enchantement ou fraude
2 la détient ,
Fraude fans qui rebelle féabpillonie
o
N'ût engendré fuperbe ty-
Y ij
260 MERCURE
rannie :
Et faction mere de tous les
maux ,
Qui font fortis des palais
infernaux ;
Or puis qu'en toy n'eft encore
effacée
La fouvenance & memoire
paffée
Du Prince Artus lá merveille
des Rois .
Je veux du fort t'interpreter
les loix ,
Et t'expliquer les divins ca
racteres
qui font enclos au livre des
myfteres.
GALANT . 261
Ces mots finis le vieillard
s'arrefta
Puis fe fignant quelques
mots marmota ,
En feüillerant fon grand
antiphonaire
Ou par comment & glofe
interlinaire
Se touche au doigt & fe
montre éclairci
Tout l'avenir , lors , pour
fuivit ainsi ,
Ce brave Roy de qui l'ar
dente efpée
Au fang Germain tant de
fois fut trempée
262 MERCURE
De fes hauts faits le monde
récreant ,
Ufurpateurs eut mis tous à
néant
Si d'Atropos la colere felone
N'uft d'Albion renversé la
Colonne
Ah male- mort ! tes larroneffes
mains
Nous ont tollu le plus grand
des humains
Et rien n'y font ceux -là
dont le bon zele
Dans les hauts Cieux comme
Enoch le récele
Doit quelque jour à les oüir
GALANT . 263
narrer
H reviendra fon pays bien
heurer
;
Tous ces rebus d'antiques
propheties
Ne font qu'amas de vieilles
faceties ,
Dont le droit fens &
myftere caché
Eft fans emblême en ce li
vre epluché.
De ce bon Roy l'heroïque.
lignée
Au fond des bois reduite.
& confignée
Donna long- tems aux fi
264 MERCURE
deles Gallois
Chefs Souverains & magnanimes
Rois ,
Tant qu'une Soeur de ces
genereux
Princes
Dont le Germain
detenoit
les Provinces
Le Grand Walter en fes
Alancs enfánta
Qui leur vrai fang chez les
Pictes porta
,
Icy d'Artus fa tige eſt mipartie
Entre les Rois de l'antique
Scotie
Puis fe rejoint dans le fang
bien-aimé
Du
GALANT . 265:
Du bon Henry le fage furnommé
Qui s'uniffant à la royale
race
Dupreux Walter fçut enfuivre
la trace
Des Rois Bretons , dans la
double union
De l'Albanie au regne d'Albion
;
Or entend moy quoique
maint docte livre
ي ف
Conte qu'un jour Artus
doive revivre ,
Pour le deftin de voſtre Ifle
amenderA
CA
Si ne devés ce difcours re-
Z
Mars
1714.
266 MERCURE
garder
Que comme un type ou
fermon prothetique
Qui vous décrit l'evenement
implique
D'un jeune Roy de fon
fang defcendu
Qui par juftice à fon peuple
rendu ,
Doit extirper difcordes inteftines
Guerre ; debats , fcandales ,
& rapines ,
Si que pourrés par lui re-
9 voir encor
En Albion triompher l'âge
d'or
GALANT. 267
Et retourner profperité richeffe
Dilection , paix , amour &
lieffe .
Il de nos bords en naiſſant
diſparu
Terres & Meres dès l'enfance
à couru
Et s'eft appris par épreuve
importune
A fupporter l'une & l'autre
fortune
,
Afin qu'un jour par fon
exemple inftruit
De tout le mal qu'impieté
produit
Juftice & droit à tous il
Zij
168 MERCURE
fache rendre
Aider le foible & l'opprimé
deffendre ,
La noble Fée & le fage
Devin
Qui de ce Prince ont par
vouloir divin
J'ufqu'à ce jour regi la
deftinée
Ja des long- tems fa nail
fance ont ornée
L'une des dons qui le Corps
font chérir
L'autre de ceux qui font
l'ame fleurir
Tant qu'à le voir on ne
peut prefque dire
GALANT 269
Lequel en lui plus de tendreffe
infpire ,
Grace ou vertu ne qui
reüffit mieux
A l'admirer ou le coeur ou
les yeux
.
Déja le Dieu qui les combats
décide
De prés a vû comment ce
jeune Alcide
Sçait manier javelines &
dards
Ecus , haubergs , lances &
braquemars
Et méprifer dans le Champ
de Batailles
Z iij
270 MERCURE
Repos oififs , perils & funerailles
Dont aisément fe peut
imaginer
Comme en fon tems il
Laura gouverner
Ses ennemis , fi quelqu'un
s'en efcrime
Non pas les fiens ; car fon
coeur magnanime
Ne connoiftra pour fes
vrais ennemis
Que ceux du peuple en fa
garde remis
Auffi dans peu ce peu ple
refractaire
GALANT . 271
Reparera fa coulpe involontaire
Et pour bien toft faction
enterrer
Ce jeune Roy n'aura qu'à
ſe montrer ;
Car quel efprit tant foit - il
intraitable
Et fors iffu de manoir delectable
D'entendement , pourroit à
fon aſpect
N'eftre fajfi d'amour & de
respect ,
Eftil Lyon , Tigre ou Serpent
d'Affrique
Qui contemplant le regard
272 MERCURE
heroyque
Le noble éclat de fa douce
fierté
Qui fur ce front rempli de
Majefté
Marque fi bien ce qu'il eft ,
& doit eftre
Ne s'amollit , & reconnut
fon maiſtre
Partant croyés que contre
fes regards
Point ne tiendront les gen
tils Leopards
>
Tous feront bons tous
feront beaux & fages
GALANT . 173
Antiques
moeurs
il reffufci
tera
Gloire & vertu triompher
il fera ,
Que dirai je plus , il ferme
ra le Temple
Du vieux Janus , pour eſtre
à fon exemple
Des bons l'amour
& des
méchans
Feffroy
Finalement
ce legitime
Roy
Fera par tout fleurir paix
& juſtice
Juftice & paix , meres de
tout délice ,
Sans qui richeſſe , honneur
274 MERCURE
profperité
Fait plus de mal que
& pauvreté.
honte
Alors banquets & feltins
domeſtiques
Dances , chanfons , & pe
nices ruftiques ,
Tournois , Behours
tous autres ébats
>
&
Retournent
francs de
noifes & débats ,
Et durera cette joye eftablie
En Albion jufqu'au retour
d'Elic ;
O de tous biens principe &
fondement
GALANT. 275
O Lots en terre & non
point autrement ,
Repos , douceur , allegref
fe , innocence
Deduit , foulas , defir , &
joüiffance
Levés vos coeurs & tendés
vos efprits
Peuples heureux à ſes ordres
preſcrits
Par le vouloir de la Fée
immortelle
Qui vos deftins a pris en fa
tutelle
A tant fe tut le vieillard
nompareil
Lors s'inclina le Chevalier
276 MERCURE
vermeil ,
Qui méditant en extafe
profonde
Le grand Oracle , & myſ
tere où le fonde
Tout gentil coeur ami de
fon devoir
Fut transferé par magique
pouvoir
Dans le Palais de la haute
Pairie
Palais ou git tout l'art de
faërie
Comme celuy qui fait par
fa fplendeur
De toute l'lfle admirer la
grandeur ,.
GALANT . 277
Mais qui pourtant quoy
qu'il joigne & raffemble
De ce Climâ : tous les Sages
enſemble
Si ne reluit , & n'a d'éclat
en foy
Que par le Trofne & les
yeux de fon Roy,
DE SALISBURY.
ALLEGORIE.
CEtte Ille noble antique
renommée ,
Qui de Neptune à tel point
fut aimée
Qu'un de fes Fils voulut s'y
renfermer ,
Et de fon nom , Albion la
nommer.
Mainte merveille en fon
fein fait reluire
Qu'en ces vers - cy je ne
pretend
GALANT. 241
pretend déduire
Par le menus les Chroni
queurs paffés
En leurs recueils le deduifent
affez ;
Pour le prefent fuffit d'en
citer une
Sans plus , mais qui peut
mieux
qu'aucune ;
Paffer pour rare & que je
garentis
Sur le rapport de ces recuëils
gentils ;
Ge font ces Rocs autre
ment gons de pierre
Qu'on voir femez en cette
noble terre
Mars
1714.
!
X
242 MERCURE
Tout au travers d'un
champ vert & fleury
Que gens du lieu nomment
Saliſbury , ci să
Et que Merlin jadis par
fon genie
Fit transporter des mar
ches d'Ibernie ,
Car tels Rochers ne fcauroient
bonnement
Se trouver la fors par ensachantement.
of C
Orifmoterés qu'entre ces
roches nües , ⠀
Quia pars magie en ces
lieux font venuës
X
GALANT 243
S'en trouvent fept , trois
de
chacune part
Une au deffus , le tout fait
popar tel art
Qu'il
reprefente une porte
effective ,
Porte vraïment bien faite
& bien naïve
Mais c'eft le tout , car qui
voudroit y voir i
Tours & Châtels , doit
Cailleurs fe pourvoir ,
Et ne fçait-on encor pour
Do quel office
Ce haut Portail eft là fans
médifice.
Mais ces fecrets arcanes
X ij]
244 MERCURE
& facrés
Ja ne font faits pour eftre
penetrés ,
Fors de ceux- là que
lance autorife ,
vail-
A pour chaffer vertueufe
entrepriſe
L'Epée au poing , fendant
juſqu'au talons ..
Traitres , Geans , Endriaques
felons
Tant que pareux foit mis
hors de fervage ,
Quelque Empereur ou Roy
de franc lignage ,
Entre ceux- là eftoit prifé
jadis ,
GALANT 245
Agefilan , Florifel , Amadis
,
Et maints encor de qui
Dieu
par fa grace
Jufques à nous a conſervé
la
race ,
Temoin celuy que je vas
publier ,
Sage entre tous , & difcret
Chevalier
Qui merita par fa force invincible
D'eftre introduit dans la
grote invifible ;
Si le tient-on iffu felon la
chair
De Palmerin le Chevalier
X iij
246 MERCURE
fans Pair ,
Iceluy preux vers les roches
décrites
Alloit chantant les vertus
& merites ,
Du Prince Artus , des bons
tant regretté ,
Et recitoit fur fon Luth
argenté
Celui plaintif. O Rives
Britanniques !
O Roy dompteur des Saxons
tyraniques
Si comme on dit par don
furnaturels
Tu dois revoir ce monde
temporel ,
GALANT. 247
Et revenir chaffer hors de
nos terres
Rebellions , debats , troubles
& Guerres .
Que tardes- tu viens revoir
ton Palais
viens de prifon tirer la
douce paix ,
Qui t'as helas ! defolée &
chetive
Chez faction languit tousjours
plaintive.
Ainfi chantoit le Chevalier
dolentejust
Lors fur lui fembla, qu'une
voix l'appellant
X iiij
248 MERCURE
Par fon vrai nom lui parla
de la forte ,
Si les efprits qui gardent
cette porte
En paroiffant n'effarou
chent
tes yeux
,
Tu peux entrer , le Pala
din joyeux
A qui frayeur n'entra ja
mais dans l'ame ,
Prend fon Ecu , fe commande
à ſa Dame
Approche , arrive , & Demons
de hurler
De tempefter , crier fiffler,
voler
,
Mais pour néant car fans
GALANT . 249
merite ni doute
Le Champion pourſuit toujours
fa route
Si qu'euffiez vû tous ces
diables cadets
Larves , Lutins , Lemures,
farfaders
Spectres volans , Tene
brions , Genies ,
En moins de rien ceffer
leurs lytanies ,
& s'éclipfer à tout leur cas
rillon
Comme étourneaux devant
l'émerillon :
Eux départis , ô merveille
imprevuë !
50 MERCURE
2 La terre s'ouvre & ne s'of
fre à la vûë
Qu'un antre noir
mé caverneux ,
en
fu
Ou d'un Bandon l'éclat
fuligineux
Semble éclairer par fes
lueurs funebres
L'affreux manoir du Prince
des Tenebres ;
A la clarté du flambeau
ftygial
Par cent degrés le Che-
> valier loyal
Defcend au creux de la
fpelunque obfcure ..
Et trouve enfin pour l'hif
1
GALANT. __258
toire conclure ,
Un huis fermé qui s'ouvre
fur l'inftant
Et lúi decouvre un Palais
éclatant ;
Palais , non pas ? mais gro
te emerveillable
Tel que l'oeil ne voit onc
de femblable ,
Et que jamais fage n'ob
tint pour don
Telle demeure , hormis
Apollidon.
Car c'eft Illec que la troupe
de Gnomes
Dòminateurs des terref
trés royaumes
252 MERCURE
A raffemblé
pour
prince honorer
leur
Tout ce qui peut fon féjour
decorer ,
Ambre Corail , yvoire ;
marguerites ,
Perles , faphirs , hyacintes ,
Chrifolites
Riches métaux , bronze
Corinthien ,,
Jaſpe , porphire , & marbre
Phrygien ,
Sans oublier mainte belle
efcarboucle
Et
diamans
proprement
mis en boucle
Tout à l'entour , de qui
GALANT.
253
l'éclat riant
Pâlir feroit le Soleil d'Orient.
Or entendes qu'en ce lieu
de lumiere
Où l'art encore ſurpaſſe
la matiere
Brille fur tant de rubis
eftoilé
Un fiége d'or finement
cizelé ,
Ou repofoit le tres noble
Prophete
Qui cette Grote a choifi
pour retraite
Et fut jadis fous le Roy
254 MERCURE
Pendragon
Des Enchanteurs clame le
Bien
Parangon ,
paroiffoit iceluy
grand prud- homme ,
Prince de ceux que fage on
renomme
Tant à le voir fembloit
homme de biens
Vieillard honneſte & de
noble maintien ,
Si qu'eux, voyans feulealment
fon viſager 20
Euffent pour chef accepté
cettuy fage ,
Qui tout a l'heure en fon
féant dreffé VA
GALANT . 255
Ayant trois fois eternué
touffé ,
Les yeux luifans comme
12 deux Girandoles
Au Damoifel addreffa fes
paroles.
Je fuis Merlin qu'en vulpingaire
fermon
0: 0
Vos
vieuxconteurs pre
chent né du
démon ,
Attribuant par
malice grof
-1997
fiere
L'extraction des enfans de
lumiere ,
A la vertu de cet efprit
In enam vilain
Qui de l'Enfer fut créé
ม
256 MERCURE
Châtelain ,
J'ay visité la haut vos Colonies
,
Suivant les us de nous autres
Genies ,
Er fut long -tems Prophete
en Albion
Dont je plorai l'inique
oppreflion ,
Quand Vortiger dans le
fein Britanique
Eut attiré le ferpent Germanique
,
O mon païs ! ô peuples redoutés.
Deffiés -vous de ferpens allaités
.
Aux
GALANT. 257
Aux bords Germains , fuïés
leur
parentage,
Car c'eft d'iceux qu'eft né
vôtre éclavage ;
Je difparus dans ce conflict
amer 霉
Et par mon art tranſporté
d'outre mer
Ces hauts rochers qui fervent
de barriere ,
A cette grotte où bornant
ma carriere ,
Demogorgon
nôtre Roy
fouverain
,
Me fit ſeigneur du peuple
foûterrain.
C'eſt cette gent , dont l'eſ,
Mars 1714. Y
238 MERCURE
prit tutelaire
Va parcourant vôtre mon--
de populaire : -
Où je l'envoye en invifibles
corps ,
Examiner les troubles &
difcors ,
Qui , par l'engin du pere
de l'impofture,
Vont affligéant l'humaine
créature.
Par eux à donc m'ont efté
raportés.
Tous vos débats , maux &
calamités :
Qui par revolte & rufes infernales
,
GALANT 252
Ont affolé vos Provinces
natales .
Si que la Paix onques n'y
peut meurir ,
Tant qu'y verrés iniquités
Aleurir ,
Car ne croyés pouvoir par
smot vartifices
Paix rétablir fans l'aide de
juſtice ,
Par qui d'abord détruire
100% vous convient ,
L'enchantement ou fraude
2 la détient ,
Fraude fans qui rebelle féabpillonie
o
N'ût engendré fuperbe ty-
Y ij
260 MERCURE
rannie :
Et faction mere de tous les
maux ,
Qui font fortis des palais
infernaux ;
Or puis qu'en toy n'eft encore
effacée
La fouvenance & memoire
paffée
Du Prince Artus lá merveille
des Rois .
Je veux du fort t'interpreter
les loix ,
Et t'expliquer les divins ca
racteres
qui font enclos au livre des
myfteres.
GALANT . 261
Ces mots finis le vieillard
s'arrefta
Puis fe fignant quelques
mots marmota ,
En feüillerant fon grand
antiphonaire
Ou par comment & glofe
interlinaire
Se touche au doigt & fe
montre éclairci
Tout l'avenir , lors , pour
fuivit ainsi ,
Ce brave Roy de qui l'ar
dente efpée
Au fang Germain tant de
fois fut trempée
262 MERCURE
De fes hauts faits le monde
récreant ,
Ufurpateurs eut mis tous à
néant
Si d'Atropos la colere felone
N'uft d'Albion renversé la
Colonne
Ah male- mort ! tes larroneffes
mains
Nous ont tollu le plus grand
des humains
Et rien n'y font ceux -là
dont le bon zele
Dans les hauts Cieux comme
Enoch le récele
Doit quelque jour à les oüir
GALANT . 263
narrer
H reviendra fon pays bien
heurer
;
Tous ces rebus d'antiques
propheties
Ne font qu'amas de vieilles
faceties ,
Dont le droit fens &
myftere caché
Eft fans emblême en ce li
vre epluché.
De ce bon Roy l'heroïque.
lignée
Au fond des bois reduite.
& confignée
Donna long- tems aux fi
264 MERCURE
deles Gallois
Chefs Souverains & magnanimes
Rois ,
Tant qu'une Soeur de ces
genereux
Princes
Dont le Germain
detenoit
les Provinces
Le Grand Walter en fes
Alancs enfánta
Qui leur vrai fang chez les
Pictes porta
,
Icy d'Artus fa tige eſt mipartie
Entre les Rois de l'antique
Scotie
Puis fe rejoint dans le fang
bien-aimé
Du
GALANT . 265:
Du bon Henry le fage furnommé
Qui s'uniffant à la royale
race
Dupreux Walter fçut enfuivre
la trace
Des Rois Bretons , dans la
double union
De l'Albanie au regne d'Albion
;
Or entend moy quoique
maint docte livre
ي ف
Conte qu'un jour Artus
doive revivre ,
Pour le deftin de voſtre Ifle
amenderA
CA
Si ne devés ce difcours re-
Z
Mars
1714.
266 MERCURE
garder
Que comme un type ou
fermon prothetique
Qui vous décrit l'evenement
implique
D'un jeune Roy de fon
fang defcendu
Qui par juftice à fon peuple
rendu ,
Doit extirper difcordes inteftines
Guerre ; debats , fcandales ,
& rapines ,
Si que pourrés par lui re-
9 voir encor
En Albion triompher l'âge
d'or
GALANT. 267
Et retourner profperité richeffe
Dilection , paix , amour &
lieffe .
Il de nos bords en naiſſant
diſparu
Terres & Meres dès l'enfance
à couru
Et s'eft appris par épreuve
importune
A fupporter l'une & l'autre
fortune
,
Afin qu'un jour par fon
exemple inftruit
De tout le mal qu'impieté
produit
Juftice & droit à tous il
Zij
168 MERCURE
fache rendre
Aider le foible & l'opprimé
deffendre ,
La noble Fée & le fage
Devin
Qui de ce Prince ont par
vouloir divin
J'ufqu'à ce jour regi la
deftinée
Ja des long- tems fa nail
fance ont ornée
L'une des dons qui le Corps
font chérir
L'autre de ceux qui font
l'ame fleurir
Tant qu'à le voir on ne
peut prefque dire
GALANT 269
Lequel en lui plus de tendreffe
infpire ,
Grace ou vertu ne qui
reüffit mieux
A l'admirer ou le coeur ou
les yeux
.
Déja le Dieu qui les combats
décide
De prés a vû comment ce
jeune Alcide
Sçait manier javelines &
dards
Ecus , haubergs , lances &
braquemars
Et méprifer dans le Champ
de Batailles
Z iij
270 MERCURE
Repos oififs , perils & funerailles
Dont aisément fe peut
imaginer
Comme en fon tems il
Laura gouverner
Ses ennemis , fi quelqu'un
s'en efcrime
Non pas les fiens ; car fon
coeur magnanime
Ne connoiftra pour fes
vrais ennemis
Que ceux du peuple en fa
garde remis
Auffi dans peu ce peu ple
refractaire
GALANT . 271
Reparera fa coulpe involontaire
Et pour bien toft faction
enterrer
Ce jeune Roy n'aura qu'à
ſe montrer ;
Car quel efprit tant foit - il
intraitable
Et fors iffu de manoir delectable
D'entendement , pourroit à
fon aſpect
N'eftre fajfi d'amour & de
respect ,
Eftil Lyon , Tigre ou Serpent
d'Affrique
Qui contemplant le regard
272 MERCURE
heroyque
Le noble éclat de fa douce
fierté
Qui fur ce front rempli de
Majefté
Marque fi bien ce qu'il eft ,
& doit eftre
Ne s'amollit , & reconnut
fon maiſtre
Partant croyés que contre
fes regards
Point ne tiendront les gen
tils Leopards
>
Tous feront bons tous
feront beaux & fages
GALANT . 173
Antiques
moeurs
il reffufci
tera
Gloire & vertu triompher
il fera ,
Que dirai je plus , il ferme
ra le Temple
Du vieux Janus , pour eſtre
à fon exemple
Des bons l'amour
& des
méchans
Feffroy
Finalement
ce legitime
Roy
Fera par tout fleurir paix
& juſtice
Juftice & paix , meres de
tout délice ,
Sans qui richeſſe , honneur
274 MERCURE
profperité
Fait plus de mal que
& pauvreté.
honte
Alors banquets & feltins
domeſtiques
Dances , chanfons , & pe
nices ruftiques ,
Tournois , Behours
tous autres ébats
>
&
Retournent
francs de
noifes & débats ,
Et durera cette joye eftablie
En Albion jufqu'au retour
d'Elic ;
O de tous biens principe &
fondement
GALANT. 275
O Lots en terre & non
point autrement ,
Repos , douceur , allegref
fe , innocence
Deduit , foulas , defir , &
joüiffance
Levés vos coeurs & tendés
vos efprits
Peuples heureux à ſes ordres
preſcrits
Par le vouloir de la Fée
immortelle
Qui vos deftins a pris en fa
tutelle
A tant fe tut le vieillard
nompareil
Lors s'inclina le Chevalier
276 MERCURE
vermeil ,
Qui méditant en extafe
profonde
Le grand Oracle , & myſ
tere où le fonde
Tout gentil coeur ami de
fon devoir
Fut transferé par magique
pouvoir
Dans le Palais de la haute
Pairie
Palais ou git tout l'art de
faërie
Comme celuy qui fait par
fa fplendeur
De toute l'lfle admirer la
grandeur ,.
GALANT . 277
Mais qui pourtant quoy
qu'il joigne & raffemble
De ce Climâ : tous les Sages
enſemble
Si ne reluit , & n'a d'éclat
en foy
Que par le Trofne & les
yeux de fon Roy,
Fermer
Résumé : LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
Le texte décrit les Roches de Salisbury, une île antique et noble, aimée par Neptune et nommée Albion par l'un de ses fils. Cette île est célèbre pour ses merveilles, notamment des rochers transportés par Merlin depuis les marches d'Ibernie. Ces rochers forment une porte mystérieuse dans un champ vert et fleuri près de Salisbury, gardée par des esprits et des démons. Seule une personne vertueuse et autorisée peut franchir cette porte. Un chevalier nommé Palmerin se rend à ces rochers et chante les vertus du prince Arthur. Une voix l'invite à entrer, et il découvre une grotte éclairée par un flambeau funèbre menant à un palais éblouissant décoré de pierres précieuses et de métaux rares. Dans ce palais repose Merlin, le prophète. Merlin explique qu'il a été prophète en Albion et a transporté les rochers pour protéger l'île. Il révèle également que l'île est affligée par des troubles et des révoltes, et que seule la justice peut rétablir la paix. Merlin prophétise le retour d'un jeune roi de la lignée d'Arthur, qui apportera justice et paix en Albion. Ce roi, élevé par une fée et un devin, est destiné à gouverner avec sagesse et à triompher de ses ennemis. Son règne verra le retour de la prospérité, de la paix et de l'amour. Après cette révélation, Merlin se tait, et le chevalier est transporté dans le palais de la haute pairie, où il contemple l'art de la féerie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
25
p. 263-266
LE JEUNE ELEAZAR. POEME.
Début :
Le fils d'Antiochus opprimoit les Hebreux, [...]
Mots clefs :
Sang, Armes, Dieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE JEUNE ELEAZAR. POEME.
LE JEUNE ELEAZAR.
P- O E M E.
T E fils d'Antiochus opprimoit les Hébreux^-
■■-'D'un pere criminel le châtiment affreux»-
Du céleste courroux monument formidable»
Sert à rendre le fils encore plus coupable y
Au lieu d'en profiter , il jure d'abolir
le culte que les Juifs viennent de rétablir;;
II déclare au vrai Dieu la plus cruelle guerres?
ies Syriens armés couvrent deja la Terre.
Confonds tes ennemis & fauve tes enfans,
Seigneur , vois oes apprêts , ces nombre u*'-
Elephans ;
Chacun d'eux fur son dos porte *des Tours
énormes}
Au sommet deces Tours , fous cent terribles .
formes ,
La mort menace au loin ton peuple consternés
Boúr briser tes Autels le signal est donné.
Notre cause est la tienne , embrasseTa deffenfej ■
Ex au ce nos soupirs, protège l'innocence ;
Que dans leur sang impur les méchans soient
noyés l
•i€4 MEUCtTRÉ DE FRANCE.
Disperse au gré des Vents leurs restes fou
droyés, i
Tels fondes eris des Juifs > ils volent tous»
aux armes ,
Et le Très Haut s'apprête à finir leurs allarmes;
Sur un Trône éternel , digne de fa Grandeur»'
Dieu repose en son sein , revêtu de splendeurs
Le pouvoir , la bonté , la sagesse y résident »
A ce vaste Univers ces attributs président >
ta sagesse conduit ,1a puissance soutient»
La bonté fit le monde , & l'amour l'entretient"'
Cet amour a souvent arraché le tonnere
Au bras de la Justice armé contre la Terre >
Et c'est lui qui pour lors appaìlant son cour--
roux ,■
Surl'ennemi des Juifs en détourna les coupí;
Judas , Eleazar , restes d'un Sang illustre ,
Tous deux touchoient à peine à leur cinquiè
me Luitre ;
Tous deuxd'Anriochus repoussoient les efforts;
E'Eternel seconda leurs généreux transports.
De Siriens mourans la campagne est feme'e ;
Deux Héros font trembler une effroyable Ar
mée.
Qiie ne pent la valeur ! sous lesr coups de l'aî»
■ né t
Ee destin , de six cens , estdéja terminé
Du côté qu'il combat tout tombe , fuit ou cède;
ie carnage le fuit , la teneur le précède ».
t É V R s E R; T7JÒ*: igf
le jeune Eleasar attaque , & se deffend
II voit venir de loin un superbe Eléphant 5
Sous ses pas fastueux des flots de sang ruiflffr
lentV
Et les Armes du Roi fur son dos écincellent ;
De la Tour qu'il soûtient le sommet radieux
Domine suri' Armée, éblouit tous les yeux,
Et fur lui du Soleil les flammes recueillies
Forment de toutes parts de brillans parelies;
Le luxe y réunit les plus rares trésors
Que l'Inde avec éclat voit germer fur ses
bords j ^
On croit qu'en cette Tour d'où cent guerriers
combattent ,
D'où les traits échapés volent, percent» abbâtent
,
Le Roi caché lui même est témoin des Exploits'
D'un monde de Soldats triomphans sous ses
Loix.
Bleatar flatté d'une douce espérance >■
Des Hébreux gemiffans médite la vengeance» .
Et veut pour leur salut sacrifier ses jours ,
Trop heureux à ce prix d'en abréger le cours,- -
Intrépide Lion , guidé par son courage,
A travers mille morts.il se fait un paíJage,.
Se cache sous les flancs de l'énorme animal
Qui portoit, orgueilleux , lePavilloB Royal »
Et dans ses flancs profonds il plonge son épée» -
De leur sang confondu la campagne est crem-.-
L'Elephan».
'éiê MÈRCU-RE DE FRANCE;
i'Elóphant blessé tombe i ô funeste malheur !
Sous son poids effroyable expire le Vainqueur.
On frémit , on s'écatce , on fuit , & la pouClìere
- W:
Sous un nuage épais obscurcie la lumière;
Les juifs encouragés par ce revers heureux'
Poursuivent l'ennemi qui tremble devant eux 5
Judas pleure son frète , il le vange , & ses
: larmes
Coulent avec le sang dont il rougit ses a^rmes
;
Le scul Antiochus échape à son courroux ;
Mais bientôt de Dieu même il subira les
coups ;
Sa vengeance l'attend aux bords du préci.
pice j
ï'Bternel aux Tirans ne fut jamais pro
pice,
J*. B. Poney J.
P- O E M E.
T E fils d'Antiochus opprimoit les Hébreux^-
■■-'D'un pere criminel le châtiment affreux»-
Du céleste courroux monument formidable»
Sert à rendre le fils encore plus coupable y
Au lieu d'en profiter , il jure d'abolir
le culte que les Juifs viennent de rétablir;;
II déclare au vrai Dieu la plus cruelle guerres?
ies Syriens armés couvrent deja la Terre.
Confonds tes ennemis & fauve tes enfans,
Seigneur , vois oes apprêts , ces nombre u*'-
Elephans ;
Chacun d'eux fur son dos porte *des Tours
énormes}
Au sommet deces Tours , fous cent terribles .
formes ,
La mort menace au loin ton peuple consternés
Boúr briser tes Autels le signal est donné.
Notre cause est la tienne , embrasseTa deffenfej ■
Ex au ce nos soupirs, protège l'innocence ;
Que dans leur sang impur les méchans soient
noyés l
•i€4 MEUCtTRÉ DE FRANCE.
Disperse au gré des Vents leurs restes fou
droyés, i
Tels fondes eris des Juifs > ils volent tous»
aux armes ,
Et le Très Haut s'apprête à finir leurs allarmes;
Sur un Trône éternel , digne de fa Grandeur»'
Dieu repose en son sein , revêtu de splendeurs
Le pouvoir , la bonté , la sagesse y résident »
A ce vaste Univers ces attributs président >
ta sagesse conduit ,1a puissance soutient»
La bonté fit le monde , & l'amour l'entretient"'
Cet amour a souvent arraché le tonnere
Au bras de la Justice armé contre la Terre >
Et c'est lui qui pour lors appaìlant son cour--
roux ,■
Surl'ennemi des Juifs en détourna les coupí;
Judas , Eleazar , restes d'un Sang illustre ,
Tous deux touchoient à peine à leur cinquiè
me Luitre ;
Tous deuxd'Anriochus repoussoient les efforts;
E'Eternel seconda leurs généreux transports.
De Siriens mourans la campagne est feme'e ;
Deux Héros font trembler une effroyable Ar
mée.
Qiie ne pent la valeur ! sous lesr coups de l'aî»
■ né t
Ee destin , de six cens , estdéja terminé
Du côté qu'il combat tout tombe , fuit ou cède;
ie carnage le fuit , la teneur le précède ».
t É V R s E R; T7JÒ*: igf
le jeune Eleasar attaque , & se deffend
II voit venir de loin un superbe Eléphant 5
Sous ses pas fastueux des flots de sang ruiflffr
lentV
Et les Armes du Roi fur son dos écincellent ;
De la Tour qu'il soûtient le sommet radieux
Domine suri' Armée, éblouit tous les yeux,
Et fur lui du Soleil les flammes recueillies
Forment de toutes parts de brillans parelies;
Le luxe y réunit les plus rares trésors
Que l'Inde avec éclat voit germer fur ses
bords j ^
On croit qu'en cette Tour d'où cent guerriers
combattent ,
D'où les traits échapés volent, percent» abbâtent
,
Le Roi caché lui même est témoin des Exploits'
D'un monde de Soldats triomphans sous ses
Loix.
Bleatar flatté d'une douce espérance >■
Des Hébreux gemiffans médite la vengeance» .
Et veut pour leur salut sacrifier ses jours ,
Trop heureux à ce prix d'en abréger le cours,- -
Intrépide Lion , guidé par son courage,
A travers mille morts.il se fait un paíJage,.
Se cache sous les flancs de l'énorme animal
Qui portoit, orgueilleux , lePavilloB Royal »
Et dans ses flancs profonds il plonge son épée» -
De leur sang confondu la campagne est crem-.-
L'Elephan».
'éiê MÈRCU-RE DE FRANCE;
i'Elóphant blessé tombe i ô funeste malheur !
Sous son poids effroyable expire le Vainqueur.
On frémit , on s'écatce , on fuit , & la pouClìere
- W:
Sous un nuage épais obscurcie la lumière;
Les juifs encouragés par ce revers heureux'
Poursuivent l'ennemi qui tremble devant eux 5
Judas pleure son frète , il le vange , & ses
: larmes
Coulent avec le sang dont il rougit ses a^rmes
;
Le scul Antiochus échape à son courroux ;
Mais bientôt de Dieu même il subira les
coups ;
Sa vengeance l'attend aux bords du préci.
pice j
ï'Bternel aux Tirans ne fut jamais pro
pice,
J*. B. Poney J.
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Résumé : LE JEUNE ELEAZAR. POEME.
Le poème 'Le Jeune Eleazar' décrit la répression des Hébreux par Antiochus et son fils, qui décide d'abolir le culte juif et de déclarer la guerre au Dieu des Juifs. Les Syriens, équipés d'éléphants portant des tours, menacent les autels juifs. Le peuple juif implore Dieu de les protéger et de confondre leurs ennemis. Dieu, représenté comme tout-puissant, sage et bon, intervient en faveur des Juifs. Judas et Eleazar, deux jeunes héros, repoussent les attaques syriennes. Eleazar attaque un éléphant royal et le blesse mortellement, mais meurt écrasé sous l'animal. La mort d'Eleazar encourage les Juifs, qui poursuivent et vainquent leurs ennemis. Judas venge son frère en combattant Antiochus, qui finit par subir la vengeance divine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 450-460
IVme LETTRE de M. Capperon, ancien Doyen de S. Maxent, écrite de la Ville d'Eu, le 25. Janvier 1730. à M. Adam. M. sur les Sels contenus dans l'Air, & sur la nouvelle Methode pour voir les mêmes Sels & pour juger de leurs effets par rapport à la santé.
Début :
MONSIEUR, Quoique l'objection que vos amis vous ont faite au sujet de mes dernieres Lettres [...]
Mots clefs :
Sels, Ville d'Eu, Santé, Maladies, Sang
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texteReconnaissance textuelle : IVme LETTRE de M. Capperon, ancien Doyen de S. Maxent, écrite de la Ville d'Eu, le 25. Janvier 1730. à M. Adam. M. sur les Sels contenus dans l'Air, & sur la nouvelle Methode pour voir les mêmes Sels & pour juger de leurs effets par rapport à la santé.
IV LETTRE de M. Capperon ,
ancien Doyen de S. Maxent , écrite de
la Ville d'Eu , le 25. Janvier 1730,
à M. Adam , M. fur les Sels contenus
dans l'Air, & fur la nouvelle Methode
pour
voir les mêmes Sels & pour juger
de leurs effets par rapport à la ſanté.
MONSI ONSIEUR ,
Quoique l'objection que vos amis yous
ont faite au fujet de mes dernieres Lettres
fur les Sels de l'Air , ne foit pas d'une
grande importance , je ne laifferai pas de
vous expofer une partie des Réponfes
qu'on peut y faire ; car il eft à propos
qu'une
MARS. 1730. 451
qu'une perfonne qui écrit fur quelque
matiere que ce foit , fe rende intelligible
à tout le monde ; d'ailleurs la matiere que
j'ai entrepris de traiter paroît affez intereffante
pour qu'on l'étudie foigneuſement
, & qu'on s'attache à en développer
toutes les confequences , principalement
en ce qui peut avoir quelque rapport
la fanté.
à
C'eſt donc dans cette vûë , Monfieur
que je vais m'expliquer fur la penfée que
quelques perfonnes ont eue en lifant ma
feconde Lettre , où je rapporte quelles
maladies certains Sels doivent naturellement
caufer, lorfqu'il s'en rencontre dans
PAir une trop grande quantité ; fçavoir ,
que tous ceux qui refpirent le même air devroient
generalement être attaquez des mê
mes maladies.
Il est vrai , comme je vous l'ai marqué,
que toutes les fois que l'Air fe trouve
chargé de certains Sels , plus que de coû
tume & que cela dure pendant quelque
elpace de temps , il y a plus de perfonnes
qui devroient être attaquées des maladies
que ces Sels peuvent caufer ; mais il ne
s'enfuit pas pour cela que generalement
tous ceux qui fe trouvent environnez de
cet air & qui le refpirent , doivent néceffairement
en reffentir les mauvais cffers.
Non , Monfieur , plufieurs perfonnes
Bij peuvent
452 MERCURE DE FRANCE .
peuvent bien n'être pas fufceptibles de
ces tâcheufes impreffions , & cela pour
differentes raifons que je vais vous expofer.
La premiere confifte en ce que quetques-
uns d'entre ceux qui fe trouvent environnez
de ce mauvais air , ont les fibres
de la peau , des chairs , des vaiſſeaux , des
vifceres , en un mot , de tout le corps , plus
fermes & plus ferrées ; ce qui rendant
leurs pores plus étroits , & les Sels de l'Air
trouvant par ce moyen les paffages moins
libres , ils ne peuvent pas penetrer fi
promptement ni fi abondamment dans la
maffe de leur fang , pour pouvoir y caufer
un dérangement confiderable .
>
D'ailleurs comme dans les perfonnes
de cette conftitution les efprits font ordinairement
moins fubtils & plus groffiers
, ils en ont moins de facilité à être
dérangez dans leur mouvement par des
parties hétherogenes , tels que font les
Sels de l'Air lorfqu'ils viennent à fe mê
ler avec eux. C'est delà que les perfonnes
fortes & vigoureufes , foit qu'elles foient
nées telles , ou qu'elles ayent contracté
cette fermeté par de fréquens exercices
ou par des travaux long - temps continuez ,
qui leur ont refferré les fibres , comme
un Chapeau eft plus refferré & plus ferme
pour avoir été long - temps foulé , c'ekt
deMARS.
17301 453
delà , dis - je , que ces perfonnes font beau
coup moins fufceptibles de ces fortes d'im
preffions de l'Air , fur tout lorfqu'avec
cela elles n'ufent que de nourritures grof
fieres , parce que les Particules les plus
déliées de leur fang & leurs efprits pàrticipent
à cette groffereté.
Tout le contraire arrive aux perfonnes
naturellement délicates , & qui par fur
croît , ont fouvent encore été élevées délicatement
; car ordinairement ces perfonnes
ayant la peau plus fine , moins épaiffe ,
les chairs plus molaffes , les tuniques des
vaiffeaux plus lâches , la fubftance des Vil
ceres plus tendre , tous les pores plus ouverts
& les efprits plus fubtils & plus délicats
, il s'enfuit que les Sels de l'Air
doivent les pénetrer plus aifément , s'ins
troduire plus abondamminent dans la maffe
de leur fang , troubler plus violemment le
mouvement naturel de leurs efprits , &
caufer un plus grand defordre dans la jufte
oeconomie de leurs corps .
C'est à caufe de ce peu de fermeté des
fibres , & de ce qu'elles font peu ferrées
dans les enfans , qu'on les voit quelquefois
prefque sous attaquez d'une toux très
violente , pendant que les perfonnes âgées
en font exemptes . C'est encore parce que
ces fibres font trop lâches & les efprits
fubtils & délicats , que quelques perfon-
Biiij
nes
454 MERCURE DE FRANCE.
nes fe trouvent incommodées du ferain
& fe fentent differemment affectées , felon
les diverfes conftitutions de l'Air &
les changemens de temps , à quoi d'autres
ne font point expofées . Enfin c'eft ce qui
fait que quand il regne des maladies caufées
par l'abondance des Sels mêlez avec
les Souffres , plufieurs en font attaquez
plutôt que d'autres.
Cette difference , Monfieur , qu'on ob
ferve tous les jours à l'égard de ceux qui
vivent dans le même air , chargé des mêmes
Sels , où les uns s'en trouvent mal
pendant que les autres n'en reffentent aucun
mauvais effet , vient encore d'une autre
caufe fçavoir , de ce que fe rencontrant
dans le fang , dans les humeurs ,
dans les chairs , même dans les viſceres
des uns , une affez grande quantité de certains
Sels femblables à ceux qui dominent
dans l'Air , la même chofe ne fe renconrant
pas dans les autres , c'en eft affez
pour que ceux qui font ainſi diſpoſez ſe
trouvent très-mal de l'Air chargé de ces
Sels , & que les autres n'en reffentent aucune
incommodité , parce qu'il eſt évident
que ces Sels de l'Air le joignant à
ceux qui font déja dans leurs corps , faf
fent plus puiffamment reffentir leurs mauvais
effets ; comme lorfqu'il y a déja dans
quelques mets du Sel & des Epiceries , il
MARS. 1730. 455
yen faut beancoup moins jetter pour en
rendre le gout plus acre & plus piquant.
Voilà donc pourquoi , Monfieur , il arrive
encore que les Sels de l'Air font des
impreffions fur les uns , qu'ils ne font pas
fur les autres ; fçavoir , parce qu'ils trouvent
fouvent dans les uns une ébauche
fort avancée des mauvais effets qu'ils peuvent
produire , qu'ils ne rencontrent pas
dans les autres . C'eſt ainfi , comme vous
fçavez , que les corps de certains Enfans
étant remplis de Sels acres dès leur conception
, lefquels leur ont été tranſmis
les parens dont ils font nez , fetrouvent parlà
plus difpofez que d'autres à reffentir les
mouvais effets d'un Air qui contiendra
de ces mêmes Sels , & qui caufera en eux
des Coliques , des Convulfions , des Gales
, des Rougeoles , des petites Veroles ,
la Goute même dans un âge plus avancé.
par
C'est par le même principe que ceuxqui
prennent des alimens dans lefquels il
y a trop d'Acide , font plutôt attaquez de
Fievres intermittentes , de Flux , de Diffenteries
, & c. dans les temps & les faifons
où les Sels nitreux - acides , les Sels:
dominent le plus dans l'Air . C'eft
delà que les jeunes gens dont le fang eft:
plus bouillant & plus rempli de Sonfres
font plutôt attaquez deFievres peftilentiel .
les & contagieufes que les Vieillards , dans :
B.v le
456 MERCURE DE FRANCE .
·
le fang defquels l'Acide domine ; ce qui
fait qu'à leur égard l'Air nitreux de l'Automne
les fait tomber aifément dans des
Létargies , dans des Apoplexies & dans
d'autres maux provenant des mêmes Sels ,
qui les emportent fouvent . C'eſt delà
encore que ceux en qui les Sels ont cauſé
des maladies dont le fang & les chairs reftent
impreignées , retombent ailément
pour s'être expofez mal à propos à certain
Air rempli des mêmes Sels . C'eſt delà
que ceux qui font attaquez de Rhumatifmes
, caulez par une Lymphe remplie
de Sels acres , fentent augmenter leurs
douleurs, lorfque l'Air , contenant de femblables
Sels , vient à fe répandre dans les
lieux de leur demeure ; c'eft delà que les
Malades fe trouvent ordinairement plusmal
la nuit que le jour , parce que l'Air ſe
refferrant alors par le froid , les Sels nuifibles
qu'il contient & qui font fouvent
femblables à ceux qui ont caufé la maladie,
fe trouvant plus raffembléz autour du
malade , le pénetre en plus grande quantité
, pour le joindre à ceux qui font la
premiere caufe de fon mal . Enfin c'eſt ce
que dans les perfonnes d'une même famille
, certain Sel particulier dominant
dans leur fang , foit par la conftitution
des parens dont ils font nez , foit par des
alimens particuliers dont ils ont ufé plutor
MARS . 1730. 457
tôt que d'autres , s'il arrive qu'un Sel
Analogue à celui - là , vienne à dominer
dans l'Air en trop grande quantité , il eft
fur , dis- je , que ceux de cette famille en
reffentiront les mauvais effets plutôt que
d'autres ,comme on l'obferve tous les jours.
On ne doit pas être furpris , Monfieur,
que dans le même temps & dans le même
lieu les Sels de l'Air caufent quelquefois
des maladies forr differentes ; parce
que fouvent dans un même temps & dans
des lieux peu éloignez les uns des autres
certain Air peut s'y répandre chargé abondamment
de certains Sels nuifibles , pendant
qu'un autre Air , rempli d'autres Sels,
fera porté peu à peu dans le même lieu ou
dans un endroit qui en fera peu éloigné.
>
。
J'ai moi- même obfervé qu'à differens
temps d'un même jour l'Air fe trouvoit
quelquefois chargé de Sels fort differ.ents .
Il arrive affez fouvent qu'un broü llard
qui s'élevera à certaine heure dujour remplira
tout l'air d'un coup de certains Sels
nuifibles qui ne s'y trouvoient pas un moment
auparavant ; c'eft delà qu'on voit
tous les jours dans un Jardin Fruitier
des rangées d'Arbres , dont les feuilles ont
été tout à coup deffechées par un vent qui
a fouflé , rempli de Sels très - nuifibles ,
pendant qu'il n'a pas touché aux autres
Arbres du même Verger ; vous conjectu
Bvi Lez
•
458 MERCURE DE FRANCE :
rez bien que fi des perfonnes s'étoient
également trouvées enveloppées de ce
mauvais air , elles n'en auroient pas ref-.
fenti de trop bons effets . C'eſt par la mê ←
ane Lafon qu'on voit tous les jours des
Paroiffes , des Villages , des Villes & même
des Provinces , actaquées de certaines ma--
ladies dont les Lieux & les Pays voisins.
font exempts
.
La chaleur cauſe encore une diverfité
confiderable dans les mauvais effets des:
Sels de l'Air , c'est même ce qui en facilite
fouvent l'execution , parce que les
Pores du corps fe dilatant extrémement
par la chaleur , rien ne facilite mieux l'en--
trée de ces Sels dans la maffe du fang..
C'eft ce qui fait que les lieux expofez au
vent da Midi , font fouvent les plus mal
fains que dans les mois de l'année où le
Nitre et ordinairement plus abondant
Gant l'Air , on a obfervé qu'il eft dange :
reux de s'expofer à la chaleur du Soleil .
C'est par la même raifon que fi après s'être
échauffé , on vient à recevoir l'impreffion
d'un Air froid rempli de . Nitre , on
eft facilement attaqué où de Rhume , ou
de Pleurefie , ou de Fluxion de poitrine ;
ce Sel Nitreux , qui eſt entré abondamment
dans les Poulinons & la Poitrine par
la refpiration , y peut plus promptement
coaguler le fang & former une inflamma ,
tiona. Les
MARS. 1730 459
Les chofes ne font pas moins fàcheufes
files Pores fe trouvant trop ouverts par
la chaleur , les Soufres viennent particulierement
à s'introduire trop abondamment
dans le fang , conjointement avec
d'autres Sels : car c'eft justement d'où procedent
ce qu'on appelle Goups de Soleil ,
c'est ce qui rend les Fievres Peftilentielles
fi fréquentes dans les Pays chauds , &
qu'elles ne paroiffent ordinairement que
durant les chaleurs de l'Eté dans les Pays
temperez ; qu'elles ceffent ordinairement
lorfque le froid de l'Hyver approche ;
non pas entièrement , comme on fe l'imagine
quelquefois, dans la penſéé qu'on
a que le froid purifie l'Air ; car quoiqu'il
foit vrai que lorfque l'Air eft plus froid
il s'exhale moins de Soufres de la Terre ,,
neanmoins la principale caule de l'éloi
gnement des maladies vient de ce que les
Pores des corps fe refferrent pendant lè
froid , les Soufres & les Sels répandus ;
dans l'Air , n'ont plus la même facilité de:
s'introduire dans la maſſe du fång : D'ailleurs
les Soufres qui fortent dés Malades,.
rencontrant le froid de l'Air , perdent la
plus confiderable partie de leur tourbil
lonnement , ce qui leur ôte la facilité d'en
allumer d'autres & fait ceffer la Conta →
gion. Enfin on peut voir par là qu'on peut
plus ailément gagner une maladie conta
gicula
460 MERCURE DE FRANCE .
1
gieufe lorfqu'on s'approche des Malades
qui ont les Pores bien ouverts par la cha
leur , que lorfqu'ils font refferrez , par
froid.
le
Vous voyez , Monfieur , comment par
le moyen de mon Syfteme des Sels de
l'Air , fondé fur d'exactes Obſervations
on peut aller loin dans la connoiffance
des maladies. J'efpere qu'en fuivant la
foute que j'ai tracée , on pourra pour l'u
tilité publique , perfectionner ce que je
n'ai fait , pour ainfi dire , qu'ébaucher .
Je fuis , Monfieur , &c.
Cette derniere Lettre & celles qui ont
precedé, nous ont paru mériter l'attention
des Curieux , fur quoi nous ne fçaurions
trop marquer de gré aux deux Sçavans qui
nous les ont procurées. Nous ne pouvions,
au refte, les publier dans des circonftances
plus propres à bien faire connoître leur
mérite que le temps prefent , où les Rhumes
mortels & les Fluxions de poitrine ont
regné durant cet Hyver , ce qui juftifie
les Obfervations de l'Auteur fur l'Air
chargé de Nitre & d'autres Sels contagieux
, qui ont penetré d'autant plus facilement
les corps que les Pores étoient
moins refferrez lorſque le froid n'étoir
pas extreme.
ancien Doyen de S. Maxent , écrite de
la Ville d'Eu , le 25. Janvier 1730,
à M. Adam , M. fur les Sels contenus
dans l'Air, & fur la nouvelle Methode
pour
voir les mêmes Sels & pour juger
de leurs effets par rapport à la ſanté.
MONSI ONSIEUR ,
Quoique l'objection que vos amis yous
ont faite au fujet de mes dernieres Lettres
fur les Sels de l'Air , ne foit pas d'une
grande importance , je ne laifferai pas de
vous expofer une partie des Réponfes
qu'on peut y faire ; car il eft à propos
qu'une
MARS. 1730. 451
qu'une perfonne qui écrit fur quelque
matiere que ce foit , fe rende intelligible
à tout le monde ; d'ailleurs la matiere que
j'ai entrepris de traiter paroît affez intereffante
pour qu'on l'étudie foigneuſement
, & qu'on s'attache à en développer
toutes les confequences , principalement
en ce qui peut avoir quelque rapport
la fanté.
à
C'eſt donc dans cette vûë , Monfieur
que je vais m'expliquer fur la penfée que
quelques perfonnes ont eue en lifant ma
feconde Lettre , où je rapporte quelles
maladies certains Sels doivent naturellement
caufer, lorfqu'il s'en rencontre dans
PAir une trop grande quantité ; fçavoir ,
que tous ceux qui refpirent le même air devroient
generalement être attaquez des mê
mes maladies.
Il est vrai , comme je vous l'ai marqué,
que toutes les fois que l'Air fe trouve
chargé de certains Sels , plus que de coû
tume & que cela dure pendant quelque
elpace de temps , il y a plus de perfonnes
qui devroient être attaquées des maladies
que ces Sels peuvent caufer ; mais il ne
s'enfuit pas pour cela que generalement
tous ceux qui fe trouvent environnez de
cet air & qui le refpirent , doivent néceffairement
en reffentir les mauvais cffers.
Non , Monfieur , plufieurs perfonnes
Bij peuvent
452 MERCURE DE FRANCE .
peuvent bien n'être pas fufceptibles de
ces tâcheufes impreffions , & cela pour
differentes raifons que je vais vous expofer.
La premiere confifte en ce que quetques-
uns d'entre ceux qui fe trouvent environnez
de ce mauvais air , ont les fibres
de la peau , des chairs , des vaiſſeaux , des
vifceres , en un mot , de tout le corps , plus
fermes & plus ferrées ; ce qui rendant
leurs pores plus étroits , & les Sels de l'Air
trouvant par ce moyen les paffages moins
libres , ils ne peuvent pas penetrer fi
promptement ni fi abondamment dans la
maffe de leur fang , pour pouvoir y caufer
un dérangement confiderable .
>
D'ailleurs comme dans les perfonnes
de cette conftitution les efprits font ordinairement
moins fubtils & plus groffiers
, ils en ont moins de facilité à être
dérangez dans leur mouvement par des
parties hétherogenes , tels que font les
Sels de l'Air lorfqu'ils viennent à fe mê
ler avec eux. C'est delà que les perfonnes
fortes & vigoureufes , foit qu'elles foient
nées telles , ou qu'elles ayent contracté
cette fermeté par de fréquens exercices
ou par des travaux long - temps continuez ,
qui leur ont refferré les fibres , comme
un Chapeau eft plus refferré & plus ferme
pour avoir été long - temps foulé , c'ekt
deMARS.
17301 453
delà , dis - je , que ces perfonnes font beau
coup moins fufceptibles de ces fortes d'im
preffions de l'Air , fur tout lorfqu'avec
cela elles n'ufent que de nourritures grof
fieres , parce que les Particules les plus
déliées de leur fang & leurs efprits pàrticipent
à cette groffereté.
Tout le contraire arrive aux perfonnes
naturellement délicates , & qui par fur
croît , ont fouvent encore été élevées délicatement
; car ordinairement ces perfonnes
ayant la peau plus fine , moins épaiffe ,
les chairs plus molaffes , les tuniques des
vaiffeaux plus lâches , la fubftance des Vil
ceres plus tendre , tous les pores plus ouverts
& les efprits plus fubtils & plus délicats
, il s'enfuit que les Sels de l'Air
doivent les pénetrer plus aifément , s'ins
troduire plus abondamminent dans la maffe
de leur fang , troubler plus violemment le
mouvement naturel de leurs efprits , &
caufer un plus grand defordre dans la jufte
oeconomie de leurs corps .
C'est à caufe de ce peu de fermeté des
fibres , & de ce qu'elles font peu ferrées
dans les enfans , qu'on les voit quelquefois
prefque sous attaquez d'une toux très
violente , pendant que les perfonnes âgées
en font exemptes . C'est encore parce que
ces fibres font trop lâches & les efprits
fubtils & délicats , que quelques perfon-
Biiij
nes
454 MERCURE DE FRANCE.
nes fe trouvent incommodées du ferain
& fe fentent differemment affectées , felon
les diverfes conftitutions de l'Air &
les changemens de temps , à quoi d'autres
ne font point expofées . Enfin c'eft ce qui
fait que quand il regne des maladies caufées
par l'abondance des Sels mêlez avec
les Souffres , plufieurs en font attaquez
plutôt que d'autres.
Cette difference , Monfieur , qu'on ob
ferve tous les jours à l'égard de ceux qui
vivent dans le même air , chargé des mêmes
Sels , où les uns s'en trouvent mal
pendant que les autres n'en reffentent aucun
mauvais effet , vient encore d'une autre
caufe fçavoir , de ce que fe rencontrant
dans le fang , dans les humeurs ,
dans les chairs , même dans les viſceres
des uns , une affez grande quantité de certains
Sels femblables à ceux qui dominent
dans l'Air , la même chofe ne fe renconrant
pas dans les autres , c'en eft affez
pour que ceux qui font ainſi diſpoſez ſe
trouvent très-mal de l'Air chargé de ces
Sels , & que les autres n'en reffentent aucune
incommodité , parce qu'il eſt évident
que ces Sels de l'Air le joignant à
ceux qui font déja dans leurs corps , faf
fent plus puiffamment reffentir leurs mauvais
effets ; comme lorfqu'il y a déja dans
quelques mets du Sel & des Epiceries , il
MARS. 1730. 455
yen faut beancoup moins jetter pour en
rendre le gout plus acre & plus piquant.
Voilà donc pourquoi , Monfieur , il arrive
encore que les Sels de l'Air font des
impreffions fur les uns , qu'ils ne font pas
fur les autres ; fçavoir , parce qu'ils trouvent
fouvent dans les uns une ébauche
fort avancée des mauvais effets qu'ils peuvent
produire , qu'ils ne rencontrent pas
dans les autres . C'eſt ainfi , comme vous
fçavez , que les corps de certains Enfans
étant remplis de Sels acres dès leur conception
, lefquels leur ont été tranſmis
les parens dont ils font nez , fetrouvent parlà
plus difpofez que d'autres à reffentir les
mouvais effets d'un Air qui contiendra
de ces mêmes Sels , & qui caufera en eux
des Coliques , des Convulfions , des Gales
, des Rougeoles , des petites Veroles ,
la Goute même dans un âge plus avancé.
par
C'est par le même principe que ceuxqui
prennent des alimens dans lefquels il
y a trop d'Acide , font plutôt attaquez de
Fievres intermittentes , de Flux , de Diffenteries
, & c. dans les temps & les faifons
où les Sels nitreux - acides , les Sels:
dominent le plus dans l'Air . C'eft
delà que les jeunes gens dont le fang eft:
plus bouillant & plus rempli de Sonfres
font plutôt attaquez deFievres peftilentiel .
les & contagieufes que les Vieillards , dans :
B.v le
456 MERCURE DE FRANCE .
·
le fang defquels l'Acide domine ; ce qui
fait qu'à leur égard l'Air nitreux de l'Automne
les fait tomber aifément dans des
Létargies , dans des Apoplexies & dans
d'autres maux provenant des mêmes Sels ,
qui les emportent fouvent . C'eſt delà
encore que ceux en qui les Sels ont cauſé
des maladies dont le fang & les chairs reftent
impreignées , retombent ailément
pour s'être expofez mal à propos à certain
Air rempli des mêmes Sels . C'eſt delà
que ceux qui font attaquez de Rhumatifmes
, caulez par une Lymphe remplie
de Sels acres , fentent augmenter leurs
douleurs, lorfque l'Air , contenant de femblables
Sels , vient à fe répandre dans les
lieux de leur demeure ; c'eft delà que les
Malades fe trouvent ordinairement plusmal
la nuit que le jour , parce que l'Air ſe
refferrant alors par le froid , les Sels nuifibles
qu'il contient & qui font fouvent
femblables à ceux qui ont caufé la maladie,
fe trouvant plus raffembléz autour du
malade , le pénetre en plus grande quantité
, pour le joindre à ceux qui font la
premiere caufe de fon mal . Enfin c'eſt ce
que dans les perfonnes d'une même famille
, certain Sel particulier dominant
dans leur fang , foit par la conftitution
des parens dont ils font nez , foit par des
alimens particuliers dont ils ont ufé plutor
MARS . 1730. 457
tôt que d'autres , s'il arrive qu'un Sel
Analogue à celui - là , vienne à dominer
dans l'Air en trop grande quantité , il eft
fur , dis- je , que ceux de cette famille en
reffentiront les mauvais effets plutôt que
d'autres ,comme on l'obferve tous les jours.
On ne doit pas être furpris , Monfieur,
que dans le même temps & dans le même
lieu les Sels de l'Air caufent quelquefois
des maladies forr differentes ; parce
que fouvent dans un même temps & dans
des lieux peu éloignez les uns des autres
certain Air peut s'y répandre chargé abondamment
de certains Sels nuifibles , pendant
qu'un autre Air , rempli d'autres Sels,
fera porté peu à peu dans le même lieu ou
dans un endroit qui en fera peu éloigné.
>
。
J'ai moi- même obfervé qu'à differens
temps d'un même jour l'Air fe trouvoit
quelquefois chargé de Sels fort differ.ents .
Il arrive affez fouvent qu'un broü llard
qui s'élevera à certaine heure dujour remplira
tout l'air d'un coup de certains Sels
nuifibles qui ne s'y trouvoient pas un moment
auparavant ; c'eft delà qu'on voit
tous les jours dans un Jardin Fruitier
des rangées d'Arbres , dont les feuilles ont
été tout à coup deffechées par un vent qui
a fouflé , rempli de Sels très - nuifibles ,
pendant qu'il n'a pas touché aux autres
Arbres du même Verger ; vous conjectu
Bvi Lez
•
458 MERCURE DE FRANCE :
rez bien que fi des perfonnes s'étoient
également trouvées enveloppées de ce
mauvais air , elles n'en auroient pas ref-.
fenti de trop bons effets . C'eſt par la mê ←
ane Lafon qu'on voit tous les jours des
Paroiffes , des Villages , des Villes & même
des Provinces , actaquées de certaines ma--
ladies dont les Lieux & les Pays voisins.
font exempts
.
La chaleur cauſe encore une diverfité
confiderable dans les mauvais effets des:
Sels de l'Air , c'est même ce qui en facilite
fouvent l'execution , parce que les
Pores du corps fe dilatant extrémement
par la chaleur , rien ne facilite mieux l'en--
trée de ces Sels dans la maffe du fang..
C'eft ce qui fait que les lieux expofez au
vent da Midi , font fouvent les plus mal
fains que dans les mois de l'année où le
Nitre et ordinairement plus abondant
Gant l'Air , on a obfervé qu'il eft dange :
reux de s'expofer à la chaleur du Soleil .
C'est par la même raifon que fi après s'être
échauffé , on vient à recevoir l'impreffion
d'un Air froid rempli de . Nitre , on
eft facilement attaqué où de Rhume , ou
de Pleurefie , ou de Fluxion de poitrine ;
ce Sel Nitreux , qui eſt entré abondamment
dans les Poulinons & la Poitrine par
la refpiration , y peut plus promptement
coaguler le fang & former une inflamma ,
tiona. Les
MARS. 1730 459
Les chofes ne font pas moins fàcheufes
files Pores fe trouvant trop ouverts par
la chaleur , les Soufres viennent particulierement
à s'introduire trop abondamment
dans le fang , conjointement avec
d'autres Sels : car c'eft justement d'où procedent
ce qu'on appelle Goups de Soleil ,
c'est ce qui rend les Fievres Peftilentielles
fi fréquentes dans les Pays chauds , &
qu'elles ne paroiffent ordinairement que
durant les chaleurs de l'Eté dans les Pays
temperez ; qu'elles ceffent ordinairement
lorfque le froid de l'Hyver approche ;
non pas entièrement , comme on fe l'imagine
quelquefois, dans la penſéé qu'on
a que le froid purifie l'Air ; car quoiqu'il
foit vrai que lorfque l'Air eft plus froid
il s'exhale moins de Soufres de la Terre ,,
neanmoins la principale caule de l'éloi
gnement des maladies vient de ce que les
Pores des corps fe refferrent pendant lè
froid , les Soufres & les Sels répandus ;
dans l'Air , n'ont plus la même facilité de:
s'introduire dans la maſſe du fång : D'ailleurs
les Soufres qui fortent dés Malades,.
rencontrant le froid de l'Air , perdent la
plus confiderable partie de leur tourbil
lonnement , ce qui leur ôte la facilité d'en
allumer d'autres & fait ceffer la Conta →
gion. Enfin on peut voir par là qu'on peut
plus ailément gagner une maladie conta
gicula
460 MERCURE DE FRANCE .
1
gieufe lorfqu'on s'approche des Malades
qui ont les Pores bien ouverts par la cha
leur , que lorfqu'ils font refferrez , par
froid.
le
Vous voyez , Monfieur , comment par
le moyen de mon Syfteme des Sels de
l'Air , fondé fur d'exactes Obſervations
on peut aller loin dans la connoiffance
des maladies. J'efpere qu'en fuivant la
foute que j'ai tracée , on pourra pour l'u
tilité publique , perfectionner ce que je
n'ai fait , pour ainfi dire , qu'ébaucher .
Je fuis , Monfieur , &c.
Cette derniere Lettre & celles qui ont
precedé, nous ont paru mériter l'attention
des Curieux , fur quoi nous ne fçaurions
trop marquer de gré aux deux Sçavans qui
nous les ont procurées. Nous ne pouvions,
au refte, les publier dans des circonftances
plus propres à bien faire connoître leur
mérite que le temps prefent , où les Rhumes
mortels & les Fluxions de poitrine ont
regné durant cet Hyver , ce qui juftifie
les Obfervations de l'Auteur fur l'Air
chargé de Nitre & d'autres Sels contagieux
, qui ont penetré d'autant plus facilement
les corps que les Pores étoient
moins refferrez lorſque le froid n'étoir
pas extreme.
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Résumé : IVme LETTRE de M. Capperon, ancien Doyen de S. Maxent, écrite de la Ville d'Eu, le 25. Janvier 1730. à M. Adam. M. sur les Sels contenus dans l'Air, & sur la nouvelle Methode pour voir les mêmes Sels & pour juger de leurs effets par rapport à la santé.
Dans une lettre datée du 25 janvier 1730, M. Capperon, ancien doyen de Saint-Maxent, répond à des objections concernant ses lettres précédentes sur les sels contenus dans l'air et leurs effets sur la santé. Il explique que l'air chargé de certains sels peut causer des maladies, mais que toutes les personnes exposées ne sont pas affectées de la même manière. Capperon distingue deux types de constitutions : les personnes fortes et vigoureuses, dont les fibres corporelles sont fermes et les pores étroits, sont moins susceptibles aux effets des sels de l'air. En revanche, les personnes délicates, avec des fibres lâches et des pores ouverts, sont plus vulnérables. Il cite des exemples comme les enfants, plus sujets aux maladies respiratoires, et les personnes âgées, plus exposées aux effets du froid. Capperon souligne également que la présence de sels similaires dans le corps peut amplifier les effets néfastes des sels de l'air. Par exemple, les personnes ayant déjà des sels acides dans leur sang sont plus susceptibles de contracter des fièvres ou des flux lors de l'exposition à des sels nitreux-acides dans l'air. Il observe que les variations de température et les conditions météorologiques influencent la pénétration des sels dans le corps. La chaleur dilate les pores, facilitant l'entrée des sels, tandis que le froid les referme, réduisant ainsi les effets des sels de l'air. Le texte discute également des conditions météorologiques et de leur impact sur la santé durant un hiver particulier. Il souligne que les rhumes et les fluxions de poitrine ont été prévalents, justifiant ainsi les observations de l'auteur sur la qualité de l'air. L'air était chargé de nitre et d'autres sels contagieux, ce qui a facilité leur pénétration dans les corps humains. Cette pénétration était plus aisée car les pores de la peau étaient moins refermés lorsque le froid n'était pas extrême. Capperon conclut en espérant que ses observations contribueront à une meilleure compréhension des maladies et à l'amélioration des méthodes de prévention et de traitement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 526-531
MOYEN de faire changer la distribution du sang dans le corps de l'homme, sans être obligé d'avoir recours à la saignée. Par M. B. P. R. E. H.
Début :
Ce n'est pas toûjours parceque la masse du sang est trop grande que [...]
Mots clefs :
Saignée, Sang, Parties du corps, Vaisseaux, distribution, Pesanteur
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texteReconnaissance textuelle : MOYEN de faire changer la distribution du sang dans le corps de l'homme, sans être obligé d'avoir recours à la saignée. Par M. B. P. R. E. H.
MOTEN de faire changer la diftribution
du fang dans le corps de l'homme
, fans être obligé d'avoir recours à
la faignée. Par M. B. P. R. E. H.
CE
E n'eft pas toujours parceque la
maffe du fang eft trop grande que
l'on a recours à l'ouverture de la veine
c'efttrès-fouvent parceque la diftribution
de ce fluide n'eft pas parfaite , & que
quelques parties de notre corps s'en trouvent
trop chargées , pendant que d'autres
en font beaucoup trop dépourvûës . Alors
on tâche par la faignée de faire aborder
ou dériver le fang vers ces dernieres parties
, afin de le détourner des autres , &
d'y produire une révulfion . Mais outre
qu'il n'eft point naturel de diminuer le
volume d'une liqueur , lorfqu'il eft quelquefois
déja trop petit , on s'expofe encore
en réiterant les faignées à jetter le
malade dans le dernier épuiſement , & à
le rendre hydropique , comme on n'en a
que trop d'exemples .Voici un autre moyen
qui paroîtra trivial & badin , mais qu'on
croit cependant pouvoir propofer , parceque,
s'il n'eft pas applicable dans toutes
les rencontres , il le fera peut - être dans
quelMAR
S. 1730 : 527
quelqu'une. C'eft de fe fervir de la force
centrifuge comme de pefanteur pour obli
ger le fang à s'éloigner des parties qui font
trop chargées . Les Phyficiens donnent le
nom de centrifuge à l'effort que font les
corps pour s'écarter du centre autour duquel
ils circulent ; c'eft par cette force
qu'une pierre qu'on fait tourner dans une
fronde roidit la corde , & cet effort eft
fufceptible de quelle augmentation on
veut , lorfqu'on rend le mouvement plus
rapide , ou lorſqu'on oblige la pierre de
décrire un plus petit cercle . Or fi l'homme
indifpofé étoit couché fur une espece
de petit lit qu'on pût faire tourner trèsvîte
autour d'un axe vertical , vers lequel
le chevet du lit fût fitué , ou bien
pour fe fervir d'une machine beaucoup
plus fimple , fi l'homme indifpofé étoit
affis dans un fauteuil fufpendu avec des
cordes , & qu'on lui fit faire de grands
balancemens , il réfulteroit de l'un ou de
l'autre mouvement une force centrifuge,
qui donnant au fang une nouvelle tendance
vers les parties d'en bas , l'obligeroit
à fe porter moins vers celles d'en
haut , & pourroit par conféquent contri
buer au dégagement de la tête & de toutes
les autres parties fuperieures. Lorſque
les vibrations feroien des deux tiers du
demi cercle , l'effort centrifuge feroit dans
E v le
528 MERCURE DE FRANCE
le bas de l'arc , égal à la pefanteur , &
il en feroit double fi les vibrations étoient
de tout le demi cercle ; ainfi dans le dernier
cas , le fang tendroit à defcendre avec
trois fois plus de force , puifque la vertu
centrifuge , alors deux fois plus grande
feroit comme une feconde pefanteur qui
s'ajoûteroit à la premiere. Au furplus , fi
l'effet n'étoit pas encore affez fenfible ,
il n'y auroit qu'à mettre des obftacles de
part & d'autre pour fervir de limites aux
balancemens , & pouffant enfuite le fauteüil
avec force , on lui imprimeroit la
même vîreffe que s'il defcendoit d'une
très grande hauteur , ce qui feroit augmenter
l'effort centrifuge autant qu'on le
voudroit jufques - là que s'il n'y avoit
aucun accident à craindre , il feroit trèsfacile
de donner la même tendance au
fang vers les parties inférieures , que fi
fa pefanteur étoir fix à fept fois plus
grande ..
虚
Il est donc indubitable qu'on fera toû
jours changer la diftribution du fang
mais il faut avouer que ce n'eft que par
l'experience qu'on peut fçavoir file changement
ne feroit pas accompagné de quelques
circonstances . dangereufes. Pour en
faire l'épreuve fans rien rifquer , il n'y
auroit qu'à commencer par des fujers dont
Findifpofition eft peu confiderable , n'exciter:
MARS. 1730. 529
citer tout au plus qu'une force centrifuge
double de la pefanteur , & n'aller encore
à ce terme que par degrés . On pourroit ,
par exemple , dans une infinité de rencontres
qu'un Médecin peut choifir ailément
, éprouver file moyen n'eft pas propre
dans les perfonnes du fexe , à aider le
fang à furmonter les obftacles qui s'oppofent
quelquefois à fon écoulement periodique.
On étendroit enfuite l'ufage de
la force centrifuge , & peut-être qu'elle
fe trouveroit utile non - feulement dans
l'apoplexie , mais encore dans toutes les
autres maladies dont une des caufes eft la
mauvaiſe diftribution du fang. C'eft toû
jours , nous le repétons , à l'experience à
decider , mais fans le ridicule dont la pro
pofition eft fufceptible , nous ne ferions
point difficulté de dire d'avance que toutes
les apparences nous font favorables ..
Comme la vertu centrifuge peut déterminer
le fang vers quelle partie du corps
on veut , il n'eſt toûjours queftion que
d'en choisir une qui puiffe le recevoir fans
inconvenient ; & pour cela il fuffit de
n'employer le moyen dont il s'agit que:
lorfqu'il n'y a point d'inflammation à
craindre dans cet endroit où le fang doit
dériver , & que lorfqu'on eft affuré que
le volume total de ce fluide n'eft pas
trop grand , foit parcequ'il a déja été di-
Evj minue
330 MERCURE DE FRANCE:
1
minué par des faignées , foit parceque le
malade ne prend que peu de nourriture
&c. de cette forte la dérivation ne fera
retablir les vaiffeaux dans leur pre- que
mier état , fans les diftendre confiderablement
, & avant qu'elle puiffe produire
de mauvais effets , la révulfion ou la retraite
du fang de la partie affectée ?
en
pourra toûjours produire de bons . On ne
doit pas objecter que les vaiffeaux ne ſeront
pas également gonflés dans l'endroit
de la dérivation , & qu'il n'y aura que
ceux qui feront fitués d'une certaine maniere
qui foûtiendront tout le poids ; car
il eft conftant que les liqueurs comprimées
dans un certain fens font effort dans
tous les autres , & qu'elles tendent à
avancer vers tous les côtés , & ainfi le
fang qui eft preffé par la pefanteur & par
la force centrifuge de celui qui eſt audeffus
doit le diftribuer dans tous les vaiffeaux
fans que leurs directions ni leurs
contours y apportent de difference ; de
même que nous voyons que toutes les
parties de nos mains fe gonflent également
, lorfque nous laiffons tomber nos
bras. On ne peut gueres objecter non
plus,que lorfque le fang fe retire de la partie
qui étoit trop chargée , il donne occafion
à quelques autres liqueurs de s'infiauer
dans les arteres & dans les veines ;
CCE
MARS. 1730. F3 F
cet accident ne peut arriver que lorfqu'on
pouffe les chofes trop loin , & il eft encore
beaucoup plus à craindre lorfqu'on
a recours à la faignée , puifqu'elle produit
une diminution réelle dans tous les
vaiffeaux . Enfin fi l'exercice de la force
centrifuge ne dure que peu de tems , le
fuccès qu'ont quelquefois les plus petites
faignées révulfives fait affez voir qu'il
n'en faut pas davantage pour que les engorgemens
& les embarras ceffent , &
pour que les vaiffeaux qui étoient diftendus
, & qui ne pouvoient pas fe contracter
, fe mettent en action , & reprennent
leur premier reffort.
du fang dans le corps de l'homme
, fans être obligé d'avoir recours à
la faignée. Par M. B. P. R. E. H.
CE
E n'eft pas toujours parceque la
maffe du fang eft trop grande que
l'on a recours à l'ouverture de la veine
c'efttrès-fouvent parceque la diftribution
de ce fluide n'eft pas parfaite , & que
quelques parties de notre corps s'en trouvent
trop chargées , pendant que d'autres
en font beaucoup trop dépourvûës . Alors
on tâche par la faignée de faire aborder
ou dériver le fang vers ces dernieres parties
, afin de le détourner des autres , &
d'y produire une révulfion . Mais outre
qu'il n'eft point naturel de diminuer le
volume d'une liqueur , lorfqu'il eft quelquefois
déja trop petit , on s'expofe encore
en réiterant les faignées à jetter le
malade dans le dernier épuiſement , & à
le rendre hydropique , comme on n'en a
que trop d'exemples .Voici un autre moyen
qui paroîtra trivial & badin , mais qu'on
croit cependant pouvoir propofer , parceque,
s'il n'eft pas applicable dans toutes
les rencontres , il le fera peut - être dans
quelMAR
S. 1730 : 527
quelqu'une. C'eft de fe fervir de la force
centrifuge comme de pefanteur pour obli
ger le fang à s'éloigner des parties qui font
trop chargées . Les Phyficiens donnent le
nom de centrifuge à l'effort que font les
corps pour s'écarter du centre autour duquel
ils circulent ; c'eft par cette force
qu'une pierre qu'on fait tourner dans une
fronde roidit la corde , & cet effort eft
fufceptible de quelle augmentation on
veut , lorfqu'on rend le mouvement plus
rapide , ou lorſqu'on oblige la pierre de
décrire un plus petit cercle . Or fi l'homme
indifpofé étoit couché fur une espece
de petit lit qu'on pût faire tourner trèsvîte
autour d'un axe vertical , vers lequel
le chevet du lit fût fitué , ou bien
pour fe fervir d'une machine beaucoup
plus fimple , fi l'homme indifpofé étoit
affis dans un fauteuil fufpendu avec des
cordes , & qu'on lui fit faire de grands
balancemens , il réfulteroit de l'un ou de
l'autre mouvement une force centrifuge,
qui donnant au fang une nouvelle tendance
vers les parties d'en bas , l'obligeroit
à fe porter moins vers celles d'en
haut , & pourroit par conféquent contri
buer au dégagement de la tête & de toutes
les autres parties fuperieures. Lorſque
les vibrations feroien des deux tiers du
demi cercle , l'effort centrifuge feroit dans
E v le
528 MERCURE DE FRANCE
le bas de l'arc , égal à la pefanteur , &
il en feroit double fi les vibrations étoient
de tout le demi cercle ; ainfi dans le dernier
cas , le fang tendroit à defcendre avec
trois fois plus de force , puifque la vertu
centrifuge , alors deux fois plus grande
feroit comme une feconde pefanteur qui
s'ajoûteroit à la premiere. Au furplus , fi
l'effet n'étoit pas encore affez fenfible ,
il n'y auroit qu'à mettre des obftacles de
part & d'autre pour fervir de limites aux
balancemens , & pouffant enfuite le fauteüil
avec force , on lui imprimeroit la
même vîreffe que s'il defcendoit d'une
très grande hauteur , ce qui feroit augmenter
l'effort centrifuge autant qu'on le
voudroit jufques - là que s'il n'y avoit
aucun accident à craindre , il feroit trèsfacile
de donner la même tendance au
fang vers les parties inférieures , que fi
fa pefanteur étoir fix à fept fois plus
grande ..
虚
Il est donc indubitable qu'on fera toû
jours changer la diftribution du fang
mais il faut avouer que ce n'eft que par
l'experience qu'on peut fçavoir file changement
ne feroit pas accompagné de quelques
circonstances . dangereufes. Pour en
faire l'épreuve fans rien rifquer , il n'y
auroit qu'à commencer par des fujers dont
Findifpofition eft peu confiderable , n'exciter:
MARS. 1730. 529
citer tout au plus qu'une force centrifuge
double de la pefanteur , & n'aller encore
à ce terme que par degrés . On pourroit ,
par exemple , dans une infinité de rencontres
qu'un Médecin peut choifir ailément
, éprouver file moyen n'eft pas propre
dans les perfonnes du fexe , à aider le
fang à furmonter les obftacles qui s'oppofent
quelquefois à fon écoulement periodique.
On étendroit enfuite l'ufage de
la force centrifuge , & peut-être qu'elle
fe trouveroit utile non - feulement dans
l'apoplexie , mais encore dans toutes les
autres maladies dont une des caufes eft la
mauvaiſe diftribution du fang. C'eft toû
jours , nous le repétons , à l'experience à
decider , mais fans le ridicule dont la pro
pofition eft fufceptible , nous ne ferions
point difficulté de dire d'avance que toutes
les apparences nous font favorables ..
Comme la vertu centrifuge peut déterminer
le fang vers quelle partie du corps
on veut , il n'eſt toûjours queftion que
d'en choisir une qui puiffe le recevoir fans
inconvenient ; & pour cela il fuffit de
n'employer le moyen dont il s'agit que:
lorfqu'il n'y a point d'inflammation à
craindre dans cet endroit où le fang doit
dériver , & que lorfqu'on eft affuré que
le volume total de ce fluide n'eft pas
trop grand , foit parcequ'il a déja été di-
Evj minue
330 MERCURE DE FRANCE:
1
minué par des faignées , foit parceque le
malade ne prend que peu de nourriture
&c. de cette forte la dérivation ne fera
retablir les vaiffeaux dans leur pre- que
mier état , fans les diftendre confiderablement
, & avant qu'elle puiffe produire
de mauvais effets , la révulfion ou la retraite
du fang de la partie affectée ?
en
pourra toûjours produire de bons . On ne
doit pas objecter que les vaiffeaux ne ſeront
pas également gonflés dans l'endroit
de la dérivation , & qu'il n'y aura que
ceux qui feront fitués d'une certaine maniere
qui foûtiendront tout le poids ; car
il eft conftant que les liqueurs comprimées
dans un certain fens font effort dans
tous les autres , & qu'elles tendent à
avancer vers tous les côtés , & ainfi le
fang qui eft preffé par la pefanteur & par
la force centrifuge de celui qui eſt audeffus
doit le diftribuer dans tous les vaiffeaux
fans que leurs directions ni leurs
contours y apportent de difference ; de
même que nous voyons que toutes les
parties de nos mains fe gonflent également
, lorfque nous laiffons tomber nos
bras. On ne peut gueres objecter non
plus,que lorfque le fang fe retire de la partie
qui étoit trop chargée , il donne occafion
à quelques autres liqueurs de s'infiauer
dans les arteres & dans les veines ;
CCE
MARS. 1730. F3 F
cet accident ne peut arriver que lorfqu'on
pouffe les chofes trop loin , & il eft encore
beaucoup plus à craindre lorfqu'on
a recours à la faignée , puifqu'elle produit
une diminution réelle dans tous les
vaiffeaux . Enfin fi l'exercice de la force
centrifuge ne dure que peu de tems , le
fuccès qu'ont quelquefois les plus petites
faignées révulfives fait affez voir qu'il
n'en faut pas davantage pour que les engorgemens
& les embarras ceffent , &
pour que les vaiffeaux qui étoient diftendus
, & qui ne pouvoient pas fe contracter
, fe mettent en action , & reprennent
leur premier reffort.
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Résumé : MOYEN de faire changer la distribution du sang dans le corps de l'homme, sans être obligé d'avoir recours à la saignée. Par M. B. P. R. E. H.
Le texte de M. B. P. R. E. H. présente une méthode alternative à la saignée pour améliorer la distribution du sang dans le corps humain. L'auteur critique la saignée, souvent utilisée pour corriger une mauvaise distribution du sang, car elle peut entraîner un épuisement excessif et des risques d'hydropisie. Il propose d'utiliser la force centrifuge pour déplacer le sang des parties surchargées vers celles qui en manquent. Deux méthodes sont suggérées : faire tourner un lit ou un fauteuil suspendu à grande vitesse autour d'un axe vertical. Cette force centrifuge obligerait le sang à se diriger vers les parties inférieures du corps, soulageant ainsi les parties supérieures. L'auteur insiste sur la nécessité de tester cette méthode progressivement et avec précaution, en commençant par des forces centrifuges faibles et en augmentant progressivement. Il suggère que cette méthode pourrait être utile non seulement pour l'apoplexie, mais aussi pour d'autres maladies liées à une mauvaise distribution du sang. Le texte aborde également les objections potentielles, comme la compression des vaisseaux sanguins et l'infiltration de liquides dans les artères et les veines. Il conclut que l'exercice de la force centrifuge, même de courte durée, peut suffire à résoudre les problèmes de circulation sanguine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 1103-1109
OBSERVATIONS sur la seconde Lettre imprimée de M. Petit, Docteur en Medecine, & de l'Académie Royale des Sciences.
Début :
Je crois que M. Petit est trop judicieux pour me sçavoir mauvais gré de quelques Observations [...]
Mots clefs :
Cataracte, Sang, Académie royale des sciences, Maladie, Oeil
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OBSERVATIONS sur la seconde Lettre imprimée de M. Petit, Docteur en Medecine, & de l'Académie Royale des Sciences.
OBSERVATIONS fur la feconde
Lettre imprimée de M. Petit , Docteur
en Medecine , & de l'Académie Royale
des Sciences.
JE
E crois que M. Petit efttrop judicieux pour me
fçavoir mauvais gré de quelques Obfervations
que je prends la liberté de faire fur fa feconde
Lettre à M. Hecquet. Je fuis même tellement perfuadé
qu'il eft au-deffus de la prévention & de
la hauteur pédentefque qui indifpofent les hommes
naturellement contre ceux qui ont la hardieffe
de dire que nous nous fommes trompez ,
que j'ofe avec affurance lui offrir mes Remarques;
il les recevra, fans doute, en bonne part, puifqu'en
les lui préfentant je n'ai d'autre motif que mon
inftruction & le bien du Public.
Il n'y a pas lieu d'être furpris de ce qui a été avancé
par le celebre M.Hecquet,touchant la naiffance
des Cataractes cryftallines ; car quand il rapporte
que le fang, iorfqu'il dégenere de fon état naturel,
eft capable de ternir & d'obfcurcir toutes les humeurs
de l'oeil , en leur ôtant leurs tranſparences
& brillant , il ne dit rien que de vrai. En effet,
quoi de plus commun que de voir des Cataractes
cryftallines fe produire par la fuppreffion des Regles
, que le Sexe ne fouftre que trop fouvent ; qui
ne conviendra que cette maladie en corrompant
la male du fang , ne foit capable de former des
obstructions dans l'humeur cryftalline, & de caufer
des Cataractes De plus , ceux qui menent une
vie trop fédentaire , ne font-ils pas aufli fort fujets
à cette maladie Oculaire ? parce qu'elle favo-
→ 1. Vol.
rife
1104 MERCURE DE FRANCE
•
rife beaucoup l'amas des fuperfluités impures
qui feconfondent dans la maffe du fang, & dorit
il ne peut fe dégager ? Les hommes livrez aux
plaifirs de la table & à la débauche du fexe , n'y
font-ils pas bien fujets , puifque l'excès de la
bonne chere & du vin , augmentent trop le vo-
Jume du fang ; & le vin l'épaiffiffant contre nature
, le dépouille du Vehicule pur & fpiritueux
qui lui eft neceffaire pour entretenir la circulation
libre pour la nourriture de toutes les parties de
notre corps ? Pour revenir à la débauche du fexe,
elle appauvrit le fang & lui derobe un fluide le
plus animé & le plus fpiritueux de tous les liquides
du corps, qui entretient le Méchaniſme de
l'animal par l'ofcillation des Solides. Ne doit - on
pas conclure que l'épaiffiffement du fang contribue
à produire ces fortes de Cataractes cryftallines,
parce qu'en rendant la circulation trop lente,
& le brifement des parties folides du fang ne fe
faifant pas à propos , la Lymphe devient trop
groffiere & trop épaiffe pour être reportée par
les vaiffeaux abducteurs dans la voye de la circulation
, & le récrément qui en refte produit des
Cataractes de deux fortes , & quelquefois des
glaucômes de l'humeur vitrée , dont feu M. Lancifi
, Medecin du Pape , & après lui M. Heifter ,
ont produit plufieurs experiences.
Si M. Petit avoit fait plus d'attention à la
propofition, lorfqu'il dit qu'une Cataracte membraneufe
ne peut être abbattue fans déchirer la
Capfule du Chryftallin , il ne fe feroit pas expliqué
de cette maniere ; il fe feroit fouvenu que
dans fa premiere Lettre imprimée , page 8. il déclare
qu'il n'en connoît point , & qu'il n'en a jamais
vû. Comment pourroit-on faire pour déchirer
la Capfule du Cryftallin , puifque cette Caaracte
n'y eft pas adherente ? il faudroit être
·
1. Vol.
bien
JUI N. 1730 . 1105
bien peu verfé dans cetteOperation ,pour faire une
pareille bévûë ; s'il y avoit donc quelque chofe à
craindre , ce feroit d'endommager l'Ủvée plutôt
que la Capfule du Cryftallin , puifque cette Ca-.
taracte y eft quelquefois adherente , en tout , ou
en partie.
M. Petit dit encore à la page 15. que l'Operation
de la Cataracte Cryſtalline eft vingt fois
moins dangereufe que celle de la Cataracte Membraneufe,
fuppofé qu'il y en eût, & qu'on put les
diftinguer des Cryſtallines. Cet Ecrivain ne me
paroît pas bien fondé en parlant ainfi ; car il ne
devroit pas porter un jugement fi affirmatif fur
une matiere dont il avoue n'avoir point de connoiffance,
& qu'il nie abfolument.
Quel avantage M. Petit peut-il tirer, en avançant
qu'il y a vingt fois plus de Cataractes Cryltallines
que
de Membraneufes , ce qu'il a pris des
Differtations Ophthalmiques de M. de Woolouſe,
qui a fait cette découverte le premier ; y a-t- il la
moindre difpute à faire ? tout le monde n'en convient-
il pas prefentement ? peut- on faire une pareille
difficulté ? S'il n'y avoit que ce point à réfoudre
, on feroit bien - tôt d'accord , puifqu'on
n'en peut pas difconvenir ; mais la pluralité des
Cataractes Cryſtallines ne détruit aucunement l'éxiſtence
des Membraneuſes , puiſque l'experience
fait voir qu'il s'en rencontre de temps à autre.
J'en ai vû moi - même , comme je l'ai rapporté
dans le Mercure de France du mois de Decembre
1728. premier volume,page 2592. M. Rauffin
le pere , ancien Chirurgien Oculifte de Châlons
, & très- experimenté , & plufieurs autres,
n'en ont- ils pas rencontré dans leur pratique? Si
M. Petit veut en être convaincu à n'en plus douter,
il trouvera plufieurs Journaux de Trevoux,
qui en ont cité nombre d'experiences autentiques.
7
Is Vol.
C Je
1106 MERCURE DE FRANCE
Je fuis d'accord avec M. Petit que la Cataracte
Cryftalline peut auffi quelquefois fe former par
une forte contraction des Mufeles des Membranes
de l'oeil qui compriment le Cryſtallin en raprochant
fes parties, & en y faifant une forte com .
preffion ; or le Systême de M. Hecquet eft done
plus conftant & plus probable , lorfqu'il affure
que l'oeil étant affailli par trop de fang ou de
lymphe, fait un embarras dans les Vaiffeaux , un
amas & dépôt dans les chambres de l'oeil , les fucs
venant à s'accumuler & à y croupir trop longtems,
ne manquent pas,en l'épaiffiffant, d'obfcurcir
le Cryftallin, & de former une Cataracte Cryſtalline.
Les Veaux ne font- ils pas des animaux les
plus fujets à cette maladie fpecifique de l'oeil ,
c'eft- à - dire , aux Glaucômes qu'on veut appeller
aujourd'hui ( quoique mal à propos ) Cataractes
Cryftallines ; eft -ce par la contraction des Mufcles
& des Membranes de l'oeil qu'elle leur vient ?
peut-on dire que cette Contraction eft excitée par
feur attention ou application , comme notre Académicien
le prétend ? C'est donc une confequence
évidente de dire que les Cataractes Cryſtallines
fe forment ordinairement par la trop grande
abondance des fucs accumulez qui y croupiffent ,
& qui obfcurciffent le Cryftallin , & forment enfuite
des Cataractes Crystallines ; enforte que
l'Hypothefe de M. Hecquet me paroît la plus
naturelle & la meilleure , & ne fouffre aucune
difficulté , puifqu'elle eft prouvée par l'experience
des yeux des Veaux, qui eft inconteftable, & dont
tout le monde peut fe convaincre .
Le Crystallin fe deffeche quelquefois dans l'oeil,
comme on obferve dans de vieux Chiens domeftiques
& les Chevaux , fans que la diminution
des humeurs naturelles y ait aucune part , pour
lors il fe déchatonne, fe couche ou s'attache, jufques
D
at
JUIN. 1730. [ 107
ques fur les fibres pofterieures de l'Iris, comme je
l'ai vu arriver à une fille nommée Marguerite
Drouet , âgée d'environ 30 années , je ne puis
attribuer la caufe de ce deffechement du Cryſtallin
qu'au deffechement & détachement des Vaiffeaux
qui environnent fa Membrane , lefquels ,
faute de nourriture , fe flétriffent.
Si M. Petit avoit pouffé plus loin fa Reflexion
dans fa Réponse à Mrs Hecquet & Morgagni ,
qui difent qu'il fe trouve une eau au centre du
Cryftallin , & que la furface anterieure de cette
humeur fe trouve baignée , il fe feroit bien gardé
de s'exprimer de cette maniere , en difant : Je ne
erois pas que qui que ce foit ait jamais obfervé
une eau au centre du Cryftallin , non pas même
M. Morgagni , cela ne ſe trouve ni chez les
Anciens, ni chez les Modernes. Puifque M. Pecic
lui-même affure à la page 5. de fa premiere Lettre
imprimée , que le Crystallin eft toûjours hu
mecté d'une petite quantité de liqueur , fans qu'il
fe trouve une eau à fon centre , ni fans qu'il en
foit baigné , cela paroît oppofé , ou bien il faut
renoncer à tous les Principes ; il dit encore à la
page. 14. de fa feconde Lettre imprimée , que le
Crystallin eft pour l'ordinaire féparé de fa Capfule
par une très - petite quantité de liqueur qui
fe trouve renfermée dans fa Capfule ; après des
preuves fi claires, produites par l'Auteur , tirées
de fes Ouvrages , peut- on avoir encore quelques
doutes fur le Systême de Mrs Hecquet & Morgagui
n'eft-il pas fuffifamment prouvé ? è
M. Hecquet raifonne fort jufte fur l'Operation
de la Cataracte pour en faire voir toutes les difficultez
, & combien les fignes & les fymptomes
en font incertains & équivoques ; car, quand il dit
qu'il eft très- difficile de connoître le point de
maturité de ces fortes de Cataractes , il n'avance
Cij rien
1108 MERCURE DE FRANCE
rien qui ne foit bien connu de tous les bons Praticiens;
en effet, quand il s'agit de faire la difference
d'une Cataracte , de connoître fon état , fa fituation
, fon progrès , cela demande une experience
d'un nombre confiderable d'années que M. Petit
n'a point , puifqu'il eft nouvellement Oculifte ,
quoique Medecin de plufieurs années .
Lorfque M. Hecquet veut chercher les moyens
d'éviter cette Operation , c'eft qu'il eſt bien perfuadé
que ( quoiqu'elle ne faffe pas mourir ) elle
eft fouvent caufe que les Malades fouffrent longtemps
de grandes douleurs , furtout quand ils
tombent entre les mains de Chirurgiens Oculif
tes , qui ne fçavent pas la ftructure de l'oeil , &
qui ignorent les précautions qu'on doit prendre
avant que de l'entreprendre , & la maniere de la
faire.
Il eft vrai que M. Hecquet propofe la Paracenthèfe
comme un moyen utile pour prévenir la
Cataracte , ce remede feroit d'un grand fecours
fi les perfonnes à qui on le propoſe , avoient affez
de réfolution & de courage pour ſe ſoumettre à
cette ancienne Operation , qui les mettroit pourtant
à couvert de l'aveuglement ; mais comme
dans nos jours on eft trop délicat , & que le feul
nom d'une Operation fait peur , je me fers d'un
autre expedient qui m'a fort fouvent réüſſi dans
toutes fortes de Cataractes naiffantes , c'eſt une
compreffe trempée dans une liqueur de ma façon
& appliquée fur l'oeil fermé pendant une heure ;
fi on veut voir un effet plus confiderable , il faut
réiterer, en faisant tremper la même compreffe, &
faire la même application , les malades pour lors
trouveront un foulagement notable ; il faut continuer,
pendant huit jours, foir & matin; on peut
compter que par ce Remede que j'ai fouvent
expérimenté , la Cataracte fera entierement diffipée,
JUIN. 1730. 1109
fipée. Si elle étoit plus avancée dans fa maturité,
il la fixeroit au moins, & en empêcheroit le progrès
, à moins que la douleur de tête & migraine
n'affligeaflent fans ceffe les Malades.
J'ofe me flatter que le celebre M. Petit me fera
P'honneur d'une Replique avec fa politeffe ordinaire
, dont je lui tiendrai compte , & il me trouyera
plus docile & plus flexible que ce Sçavant
du premier ordre , avec lequel il eft en difpute
& qui s'eft retiré du monde pour ne fonger qu'à
fon falut ; deforte que M. Petit auroit pû s'épargner
la peine de dire qu'il n'auroit pas dorenavant
le temps de répondre aux Répliques de
M. Hecquet , au cas qu'il veuille en faire.
Par M. Blanchard , Prêtre du Diocèfe
de Châlons , Chapelain de l'Eglife Collegiale
de Notre- Dame.
Lettre imprimée de M. Petit , Docteur
en Medecine , & de l'Académie Royale
des Sciences.
JE
E crois que M. Petit efttrop judicieux pour me
fçavoir mauvais gré de quelques Obfervations
que je prends la liberté de faire fur fa feconde
Lettre à M. Hecquet. Je fuis même tellement perfuadé
qu'il eft au-deffus de la prévention & de
la hauteur pédentefque qui indifpofent les hommes
naturellement contre ceux qui ont la hardieffe
de dire que nous nous fommes trompez ,
que j'ofe avec affurance lui offrir mes Remarques;
il les recevra, fans doute, en bonne part, puifqu'en
les lui préfentant je n'ai d'autre motif que mon
inftruction & le bien du Public.
Il n'y a pas lieu d'être furpris de ce qui a été avancé
par le celebre M.Hecquet,touchant la naiffance
des Cataractes cryftallines ; car quand il rapporte
que le fang, iorfqu'il dégenere de fon état naturel,
eft capable de ternir & d'obfcurcir toutes les humeurs
de l'oeil , en leur ôtant leurs tranſparences
& brillant , il ne dit rien que de vrai. En effet,
quoi de plus commun que de voir des Cataractes
cryftallines fe produire par la fuppreffion des Regles
, que le Sexe ne fouftre que trop fouvent ; qui
ne conviendra que cette maladie en corrompant
la male du fang , ne foit capable de former des
obstructions dans l'humeur cryftalline, & de caufer
des Cataractes De plus , ceux qui menent une
vie trop fédentaire , ne font-ils pas aufli fort fujets
à cette maladie Oculaire ? parce qu'elle favo-
→ 1. Vol.
rife
1104 MERCURE DE FRANCE
•
rife beaucoup l'amas des fuperfluités impures
qui feconfondent dans la maffe du fang, & dorit
il ne peut fe dégager ? Les hommes livrez aux
plaifirs de la table & à la débauche du fexe , n'y
font-ils pas bien fujets , puifque l'excès de la
bonne chere & du vin , augmentent trop le vo-
Jume du fang ; & le vin l'épaiffiffant contre nature
, le dépouille du Vehicule pur & fpiritueux
qui lui eft neceffaire pour entretenir la circulation
libre pour la nourriture de toutes les parties de
notre corps ? Pour revenir à la débauche du fexe,
elle appauvrit le fang & lui derobe un fluide le
plus animé & le plus fpiritueux de tous les liquides
du corps, qui entretient le Méchaniſme de
l'animal par l'ofcillation des Solides. Ne doit - on
pas conclure que l'épaiffiffement du fang contribue
à produire ces fortes de Cataractes cryftallines,
parce qu'en rendant la circulation trop lente,
& le brifement des parties folides du fang ne fe
faifant pas à propos , la Lymphe devient trop
groffiere & trop épaiffe pour être reportée par
les vaiffeaux abducteurs dans la voye de la circulation
, & le récrément qui en refte produit des
Cataractes de deux fortes , & quelquefois des
glaucômes de l'humeur vitrée , dont feu M. Lancifi
, Medecin du Pape , & après lui M. Heifter ,
ont produit plufieurs experiences.
Si M. Petit avoit fait plus d'attention à la
propofition, lorfqu'il dit qu'une Cataracte membraneufe
ne peut être abbattue fans déchirer la
Capfule du Chryftallin , il ne fe feroit pas expliqué
de cette maniere ; il fe feroit fouvenu que
dans fa premiere Lettre imprimée , page 8. il déclare
qu'il n'en connoît point , & qu'il n'en a jamais
vû. Comment pourroit-on faire pour déchirer
la Capfule du Cryftallin , puifque cette Caaracte
n'y eft pas adherente ? il faudroit être
·
1. Vol.
bien
JUI N. 1730 . 1105
bien peu verfé dans cetteOperation ,pour faire une
pareille bévûë ; s'il y avoit donc quelque chofe à
craindre , ce feroit d'endommager l'Ủvée plutôt
que la Capfule du Cryftallin , puifque cette Ca-.
taracte y eft quelquefois adherente , en tout , ou
en partie.
M. Petit dit encore à la page 15. que l'Operation
de la Cataracte Cryſtalline eft vingt fois
moins dangereufe que celle de la Cataracte Membraneufe,
fuppofé qu'il y en eût, & qu'on put les
diftinguer des Cryſtallines. Cet Ecrivain ne me
paroît pas bien fondé en parlant ainfi ; car il ne
devroit pas porter un jugement fi affirmatif fur
une matiere dont il avoue n'avoir point de connoiffance,
& qu'il nie abfolument.
Quel avantage M. Petit peut-il tirer, en avançant
qu'il y a vingt fois plus de Cataractes Cryltallines
que
de Membraneufes , ce qu'il a pris des
Differtations Ophthalmiques de M. de Woolouſe,
qui a fait cette découverte le premier ; y a-t- il la
moindre difpute à faire ? tout le monde n'en convient-
il pas prefentement ? peut- on faire une pareille
difficulté ? S'il n'y avoit que ce point à réfoudre
, on feroit bien - tôt d'accord , puifqu'on
n'en peut pas difconvenir ; mais la pluralité des
Cataractes Cryſtallines ne détruit aucunement l'éxiſtence
des Membraneuſes , puiſque l'experience
fait voir qu'il s'en rencontre de temps à autre.
J'en ai vû moi - même , comme je l'ai rapporté
dans le Mercure de France du mois de Decembre
1728. premier volume,page 2592. M. Rauffin
le pere , ancien Chirurgien Oculifte de Châlons
, & très- experimenté , & plufieurs autres,
n'en ont- ils pas rencontré dans leur pratique? Si
M. Petit veut en être convaincu à n'en plus douter,
il trouvera plufieurs Journaux de Trevoux,
qui en ont cité nombre d'experiences autentiques.
7
Is Vol.
C Je
1106 MERCURE DE FRANCE
Je fuis d'accord avec M. Petit que la Cataracte
Cryftalline peut auffi quelquefois fe former par
une forte contraction des Mufeles des Membranes
de l'oeil qui compriment le Cryſtallin en raprochant
fes parties, & en y faifant une forte com .
preffion ; or le Systême de M. Hecquet eft done
plus conftant & plus probable , lorfqu'il affure
que l'oeil étant affailli par trop de fang ou de
lymphe, fait un embarras dans les Vaiffeaux , un
amas & dépôt dans les chambres de l'oeil , les fucs
venant à s'accumuler & à y croupir trop longtems,
ne manquent pas,en l'épaiffiffant, d'obfcurcir
le Cryftallin, & de former une Cataracte Cryſtalline.
Les Veaux ne font- ils pas des animaux les
plus fujets à cette maladie fpecifique de l'oeil ,
c'eft- à - dire , aux Glaucômes qu'on veut appeller
aujourd'hui ( quoique mal à propos ) Cataractes
Cryftallines ; eft -ce par la contraction des Mufcles
& des Membranes de l'oeil qu'elle leur vient ?
peut-on dire que cette Contraction eft excitée par
feur attention ou application , comme notre Académicien
le prétend ? C'est donc une confequence
évidente de dire que les Cataractes Cryſtallines
fe forment ordinairement par la trop grande
abondance des fucs accumulez qui y croupiffent ,
& qui obfcurciffent le Cryftallin , & forment enfuite
des Cataractes Crystallines ; enforte que
l'Hypothefe de M. Hecquet me paroît la plus
naturelle & la meilleure , & ne fouffre aucune
difficulté , puifqu'elle eft prouvée par l'experience
des yeux des Veaux, qui eft inconteftable, & dont
tout le monde peut fe convaincre .
Le Crystallin fe deffeche quelquefois dans l'oeil,
comme on obferve dans de vieux Chiens domeftiques
& les Chevaux , fans que la diminution
des humeurs naturelles y ait aucune part , pour
lors il fe déchatonne, fe couche ou s'attache, jufques
D
at
JUIN. 1730. [ 107
ques fur les fibres pofterieures de l'Iris, comme je
l'ai vu arriver à une fille nommée Marguerite
Drouet , âgée d'environ 30 années , je ne puis
attribuer la caufe de ce deffechement du Cryſtallin
qu'au deffechement & détachement des Vaiffeaux
qui environnent fa Membrane , lefquels ,
faute de nourriture , fe flétriffent.
Si M. Petit avoit pouffé plus loin fa Reflexion
dans fa Réponse à Mrs Hecquet & Morgagni ,
qui difent qu'il fe trouve une eau au centre du
Cryftallin , & que la furface anterieure de cette
humeur fe trouve baignée , il fe feroit bien gardé
de s'exprimer de cette maniere , en difant : Je ne
erois pas que qui que ce foit ait jamais obfervé
une eau au centre du Cryftallin , non pas même
M. Morgagni , cela ne ſe trouve ni chez les
Anciens, ni chez les Modernes. Puifque M. Pecic
lui-même affure à la page 5. de fa premiere Lettre
imprimée , que le Crystallin eft toûjours hu
mecté d'une petite quantité de liqueur , fans qu'il
fe trouve une eau à fon centre , ni fans qu'il en
foit baigné , cela paroît oppofé , ou bien il faut
renoncer à tous les Principes ; il dit encore à la
page. 14. de fa feconde Lettre imprimée , que le
Crystallin eft pour l'ordinaire féparé de fa Capfule
par une très - petite quantité de liqueur qui
fe trouve renfermée dans fa Capfule ; après des
preuves fi claires, produites par l'Auteur , tirées
de fes Ouvrages , peut- on avoir encore quelques
doutes fur le Systême de Mrs Hecquet & Morgagui
n'eft-il pas fuffifamment prouvé ? è
M. Hecquet raifonne fort jufte fur l'Operation
de la Cataracte pour en faire voir toutes les difficultez
, & combien les fignes & les fymptomes
en font incertains & équivoques ; car, quand il dit
qu'il eft très- difficile de connoître le point de
maturité de ces fortes de Cataractes , il n'avance
Cij rien
1108 MERCURE DE FRANCE
rien qui ne foit bien connu de tous les bons Praticiens;
en effet, quand il s'agit de faire la difference
d'une Cataracte , de connoître fon état , fa fituation
, fon progrès , cela demande une experience
d'un nombre confiderable d'années que M. Petit
n'a point , puifqu'il eft nouvellement Oculifte ,
quoique Medecin de plufieurs années .
Lorfque M. Hecquet veut chercher les moyens
d'éviter cette Operation , c'eft qu'il eſt bien perfuadé
que ( quoiqu'elle ne faffe pas mourir ) elle
eft fouvent caufe que les Malades fouffrent longtemps
de grandes douleurs , furtout quand ils
tombent entre les mains de Chirurgiens Oculif
tes , qui ne fçavent pas la ftructure de l'oeil , &
qui ignorent les précautions qu'on doit prendre
avant que de l'entreprendre , & la maniere de la
faire.
Il eft vrai que M. Hecquet propofe la Paracenthèfe
comme un moyen utile pour prévenir la
Cataracte , ce remede feroit d'un grand fecours
fi les perfonnes à qui on le propoſe , avoient affez
de réfolution & de courage pour ſe ſoumettre à
cette ancienne Operation , qui les mettroit pourtant
à couvert de l'aveuglement ; mais comme
dans nos jours on eft trop délicat , & que le feul
nom d'une Operation fait peur , je me fers d'un
autre expedient qui m'a fort fouvent réüſſi dans
toutes fortes de Cataractes naiffantes , c'eſt une
compreffe trempée dans une liqueur de ma façon
& appliquée fur l'oeil fermé pendant une heure ;
fi on veut voir un effet plus confiderable , il faut
réiterer, en faisant tremper la même compreffe, &
faire la même application , les malades pour lors
trouveront un foulagement notable ; il faut continuer,
pendant huit jours, foir & matin; on peut
compter que par ce Remede que j'ai fouvent
expérimenté , la Cataracte fera entierement diffipée,
JUIN. 1730. 1109
fipée. Si elle étoit plus avancée dans fa maturité,
il la fixeroit au moins, & en empêcheroit le progrès
, à moins que la douleur de tête & migraine
n'affligeaflent fans ceffe les Malades.
J'ofe me flatter que le celebre M. Petit me fera
P'honneur d'une Replique avec fa politeffe ordinaire
, dont je lui tiendrai compte , & il me trouyera
plus docile & plus flexible que ce Sçavant
du premier ordre , avec lequel il eft en difpute
& qui s'eft retiré du monde pour ne fonger qu'à
fon falut ; deforte que M. Petit auroit pû s'épargner
la peine de dire qu'il n'auroit pas dorenavant
le temps de répondre aux Répliques de
M. Hecquet , au cas qu'il veuille en faire.
Par M. Blanchard , Prêtre du Diocèfe
de Châlons , Chapelain de l'Eglife Collegiale
de Notre- Dame.
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Résumé : OBSERVATIONS sur la seconde Lettre imprimée de M. Petit, Docteur en Medecine, & de l'Académie Royale des Sciences.
M. Blanchard, dans une lettre imprimée, répond aux observations de M. Petit, docteur en médecine et membre de l'Académie Royale des Sciences, concernant une lettre précédente de M. Petit adressée à M. Hecquet. Blanchard commence par exprimer son admiration pour la sagesse de M. Petit et son désir de contribuer à l'instruction et au bien public. Blanchard aborde la question des cataractes cristallines, soulignant que les propos de M. Hecquet sur leur origine sont fondés. Il explique que le sang, lorsqu'il dégénère, peut ternir et obscurcir les humeurs de l'œil, causant ainsi des cataractes. Il mentionne également que des facteurs comme la suppression des règles, une vie sédentaire, l'excès de nourriture et de vin, ainsi que la débauche sexuelle, peuvent contribuer à l'épaississement du sang et à la formation de cataractes. Blanchard critique M. Petit pour ses affirmations sur les cataractes membraneuses, notant que Petit admet ne pas en avoir vu ou connu. Il souligne que, bien que les cataractes cristallines soient plus fréquentes, les cataractes membraneuses existent bel et bien, comme le montrent diverses expériences et observations rapportées dans des journaux médicaux. Il approuve ensuite l'hypothèse de M. Hecquet selon laquelle les cataractes cristallines se forment souvent à cause de l'accumulation de sucres dans l'œil, citant l'exemple des veaux qui sont sujets aux glaucomes. Blanchard décrit également des cas où le cristallin se déplace dans l'œil sans diminution des humeurs naturelles, attribuant cela au flétrissement des vaisseaux environnants. Enfin, Blanchard discute de l'opération des cataractes, soulignant les difficultés et les risques associés, notamment lorsque l'opération est réalisée par des chirurgiens inexpérimentés. Il propose une alternative à la paracenthèse, consistant en une compresse imbibée d'une liqueur spécifique appliquée sur l'œil, pour prévenir ou traiter les cataractes naissantes. Blanchard conclut en espérant une réponse de M. Petit et en exprimant son respect pour les savants engagés dans la recherche médicale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 1111-1119
LETTRE de M. le Tellier, Medecin de Peronne, sur l'abus des Remedes chauds.
Début :
Vous avez vû, Monsieur, mes nouveaux Essais sur l'Ame des Bêtes, [...]
Mots clefs :
Maladie, Remèdes, Sang, Vérole, Médecin, Guérison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. le Tellier, Medecin de Peronne, sur l'abus des Remedes chauds.
LETTRE de M. le Tellier , Medecin
de Peronne , fur l'abus des Remedes
Vo
chands.
Ous avez vû , Monfieur , mes nouveaux
Effais fur l'Ame des Bêtes ,
où je prétens établir que ce font de pures
Machines , je prends la liberté de vous
prefenter mes Reflexions touchant l'Extrait
d'un OuvrageAnglois fur la guériſon
des fievres par l'eau commune , qui ſe
trouve dans le Mercure de Fevrier 1724.
Il y a dans cet Extrait des particularitez
tout- à -fait dignes de remarque , & qui
méritent la plus foigneufe attention. Vous
trouverez bon que je prenne delà occafion
de relever un peu les abus qui fe
commettent dans l'ufage des Remedes
chauds.
1. Vol. Ciiij Rien
1112 MERCURE DE FRANCE
Rien de plus ordinaire , rien de plus
familier , chacun le fçait , que la pratique
des Cordiaux & des Drogues les plus brulantes
dans les maladies les plus ardentes,
telles que Petites Veroles , Rougeoles ,
Fievres malignes , pourprées , peftilentielles
, & la Pefte même , toutes maladies
revêtues du caractere de la plus cruelle
inflammation , & marquées , pour ainfi
dire , au coin de la Pierre infernale ; mais
en même-temps , quoi de plus finiftre &
de plus funefte que cette pratique ? Où
eft l'Axiome , que les contraires fe guériffent
par les contraires?& qu'eft devenue
la maxime qu'il faut rabattre les faillies
& réprimer l'impetuofité des Maladies ?
Le ravage affreux que fait ici la Petite
Verole , quand elle eft en regne , étonne
les Provinces où ce fleau ne fait pas
beaucoup près tant de dégats ; parce qu'on
l'y traite avec moins de fracas & moins
de pompe. On a vû les Campagnes à cet
égard plus heureufes que les Villes ; par
ce qu'elles étoient plus fimples & plus
paifibles , moins faftueufes & moins remuantes.
Les bonnes femmes qui n'avoient
pour regle en fanté que les befoins
modiques de la Nature , s'y regloient
, & s'y rapportoient auffi uniquement
en maladie. Economes dans les
remedes comme dans les alimens , elles
I. Vol
gućJUIN.
1730. 1113
guériffoient leurs enfans attaquez de petite
Verole , avec le petit lait pur & fimple
bû largement & prefque à toute heute.
Elles fembloient , conduites qu'elles
étoient au gré de la Nature , plutôt que
de leur caprice , avoir la Medecine par
inftinct , & dans le gout. machinal à l'inftar
des animaux guidez dans la recherche
de ce qui leur eft convenable par un penchant
ou une impulfion toute méchanique.
Mais quand on eut renoncé à l'ufage
du petit lait , pour y fubftituer le vin &
le Thériaque , alors , fuivant la Remarque
du celeble Lydenham , les petites Veroles
apprivoilées jufques - là , fe mutine
rent ; de dociles & de traitables qu'elles
étoient , elles devinrent malignes & meurtrieres.
Brufquées par les incendiaires &
les boute-feux , elles allumerent l'incendie
& ne refpirerent plus que le. carnage.
Les Turcs , à la faveur des Limonades &
du régime fimple , fobre & rafraîchiffant,
fe mettent en garde contre la Peſte , qui
ne difcontinue guere chez eux, mais qu'ils
entendent à faire venir à compoſition &
dont , grace à leur fobrieté , ils éludent .
les coups & fçavent triompher. M. Sidobre
, l'Eleve du fameux Barbeyrac un
des principaux ornemens de l'Ecole de
Montpellier , & l'Oracle des Medecins de
I.. Vol.
Cy for
4
1114 MERCURE DE FRANCE
fon temps , veut qu'on traite les petites
Veroles avec les Délayans , Calmans , Rafraîchiffans
pour baigner , arrofer &
réparer un fang que l'ardeur de la maladie
met à fec , qu'elle brule & qu'elle
confume , pour noyer des Sels âcres &
cauftiques , rabattre des Souffres exaltez &
développez , pour rappeller enfin le calme
& rétablir le bon ordre.
Mais un avantage à quoi les Dames:
pourront ouvrir les yeux & fe montrer
fenfibles , c'eft que le régime rafraîchif
fant épargne leurs agrémens , ménage
leurs graces , & donne moins d'atteinte:
à leurs attraits. Le fang rendu moins brulant
, moins cauftique , moins corrofif,,
produit un pus plus loüable , plus innocent
, qui fait fur la peau des impreffions
moins profondes, moins mordantes ,.
la ronge , la déchire moins , & n'eft pas
fi porté à laiffer les marques de fa fureur,
& les veftiges de fa malignité. On demande
des moyens , on cherche des fecrets
pour fauver les Lys & les Rofes du
venin de la maladie ; on s'amufe à des
Pomades , on s'arrête à des Huiles , tandis
que le grand fecret feroit d'adoucir
& de corriger l'acrimonie du fang , de le
temperer , de le rafraîchir , d'en calmer
l'ardeur , & d'en rabattre les faillies . Voilà
comme les fleurs du vifage pourroient
›
I. Vol.
échapJUIN.
1730. ITIS
échapper à la morfure de l'Afpic , qui
allarme tant les Belles , & fait la terreur de
la plus précieuſe partie du monde , & ce
ne feroit pas une petite confolation pour
un Sexe idolâtre de fes charmes , & qui
tremble autant pour la beauté que pour
la vie.
Si l'on faifoit le dénombrement des
Peftes qui ont ravagé l'Univers , on
trouveroit que celles qu'on a voulu dompter
par des échaufans , & que l'on a honoré
d'un fplendide & fingulier traitement
, ont été les plus rebelles & les plus
indomptables. La derniere Pefte de Marfeille
qui s'eft jouée ſi inſolemment des
Médecins , auroit peut- être perdu de fa
férocité fi on l'eût abaiffée & réduite à
une Cure aifée & naturelle , fans lui faire
l'honneur de l'attaquer par de pompeux
antidotes , & de fe guinder pour elle audeffus
des vûës ordinaires & des indications
accoûtumées. On tente de chaffer
un feu par un feu , on échaufe des corps
déja trop échaufez , on les met à la torture
, on acheve de les brûler. Y auroit-il
plus de rifque à jetter tous les Peftiferez
dans la Riviere , qu'à les faire paffer par
des feux fi dévorans ; & ne s'en fauveroitil
pas plus à la nage, qu'à travers les flammes
des Cordiaux ?
Le fang eft facré en temps de pefte , &
I. Vol. Cvj los
1116 MERCURE DE FRANCE:
les forces font ménagées au mépris de la
vie , au préjudice de la guérifon . On permet
au lang toutes fortes d'échapées , de
boutades, de dépôts , de congeftions. Tout
lui eft permis dans ces jours infortunez ;
il eft deffendu de le réprimer , de l'affoiblir
, de le diminuer dans l'excès de fon
volume , de l'arrêter dans la rapidité de
fon cours ; il faut le laiffer engager dans
les vifceres , l'y précipiter même à toutes
forces , & lui donner la liberté de porter
à l'économie animale le coup mortel qu'il
prépare. Cependant la Pefte fait fon chemin
hardiment , rien ne l'arrête ; une défolation
generale accompagne & fuit fes
pas. On pourroit pourtant s'y oppoſer,&
le moyen , ce femble , de mieux réüffir à
déconcerter ce fléau , ce feroit de s'y prendre
plus fimplement , de l'attaquer fans
tant de façons , à moins de frais & fans
beaucoup de bruit. A ce compte la faignée
feroit merveilles , & l'on verroit à
coup sûr couler moins de larmes , fi l'on
répandoit plus de fang. L'eau feroit auffi
d'un grand ſecours , tant pour la préſervation
que pour la guérifon , comme il
eft fort bien remarqué dans l'Extrait que
vous avez inféré , Meffieurs , dans le Mercure
déja cité , & qui donne lieu à cette
Differtation. Mais quoi ! réduire à l'eau
les Grands comme les petits , & contenir
IVol. dans.
JUIN. 1730. 117
dans un genre de vie fi chetif des gens qui
veulent faire auffi belle figure au lit qu'à
table , qui veulent briller en toute fituation
& le faire traiter auffi fplendidement
en maladie qu'en fanté. Qu'on les traite
donc comme ils veulent , & ils mourront
comme ils doivent. Il faut à la diftinction
de leur rang une pratique diftinguée.
Il eft bien plus noble & plus digne
d'eux de périr avec l'or potable , que de
réchaper avec l'eau .. Cependant quelle
douleur de voir ainfi moiffonner nos
têtes les plus auguftes & les plus précieuſes
, moins par le Glaive de la maladie
, que par les traits envenimez des
remedes ! Qu'il eft trifte que le Monarque
périffe où le fauve un Goujat ! Et qu'il
eft fâcheux pour ce grand équipage de
Médecine , ce grand attirail de remedes
de la haute volée pour la pratique fal
tueuse , enfin de n'avoir fur la pratique
fimple , rafraîchiffante , calmante & du
goût de la nature que le miférable avantage
, ce malheureux relief , de compter
d'illuftres victimes , & d'être fignalée par
de nobles facrifices , tandis que l'autre
que des monumens obfcurs de fa
réüffite , & des fuccès qui n'ont pas autant
d'éclat que de bonheur.
n'a
3
Dans le même Mercure , à la page 257.
on voit une réponse à une . Lettre , qui
I. Vol.
fait ,
Trrs MERCURE DE FRANCE
fait , pour ainfi dire , faire un miracle à
l'Emetique dans la petite Vérole. Je me
fouviens à cette occafion d'un Medecin .
nommé Gurdelheimer , qui fit grand
bruit à la Cour de Berlin , & dont il eft
parlé avantageufement dans les Actes des
Savans de la même Ville. Il entreprenoit
la guérifon de la petite Vérole par des
Emétiques redoublez. Cette méthode , à
ce qu'on dit , lui réüffit à tel point, qu'il
s'acquit le nom d'Efculape de la petite
Vérole. Mais après avoir par cette voye ,
conduit les autres au port , il fit naufrage
lui-même. Attaqué d'une fiévre maligne
, il prit deux fois l'Emétique , &
mourut en convulfions le onze de fa ma--
ladie. Son difciple fe montra jufqu'au
tombeau , fidele imitateur de fon maître..
Etant tombé dans la même maladie , il ſe
traita de même , & mourut de même.
Voilà de quoi groffir le Martyrologe de
l'Antimoine , dreffé par Guy Patin. Telles
font les réfléxions que j'aià vous communiquer
fur l'abus des remedes chauds,
& fur l'excellence des aqueux calmans
délayans , rafraîchiffans. La pratique des
premiers me paroît incertaine , bizarre ,
infidéle , pour ne rien dire de plus ; &
dans la difpofition où je fuis de pourfuivre
ce deffein , & de donner là- deffus
une differtation complete ; je crois voir ,
1. Vol. finon
JUÍN. 1730. TITO
finon de quoi décrier les échaufans & les
profcrire , du moins de quoi les rendre
fufpects , les faire appréhender & les af
fujettir aux loix de la précaution la plus
foigneufe , & de la plus exacte circonfpection.
Vous me permettrez,Monfieur
de vous faire part d'un nouveau fruit de
mes études : J'ai entrepris une Critique
fur l'Emménologie de M. Freind Medecin
Anglois , où j'attaque le Syftême de
la rupture des vaiffeaux pour l'écoule
ment des mois , y fubftituant l'Hypothéfe
de l'intrufion du fang dans les canaux
lymphatiques. Je fuis , & c.-
de Peronne , fur l'abus des Remedes
Vo
chands.
Ous avez vû , Monfieur , mes nouveaux
Effais fur l'Ame des Bêtes ,
où je prétens établir que ce font de pures
Machines , je prends la liberté de vous
prefenter mes Reflexions touchant l'Extrait
d'un OuvrageAnglois fur la guériſon
des fievres par l'eau commune , qui ſe
trouve dans le Mercure de Fevrier 1724.
Il y a dans cet Extrait des particularitez
tout- à -fait dignes de remarque , & qui
méritent la plus foigneufe attention. Vous
trouverez bon que je prenne delà occafion
de relever un peu les abus qui fe
commettent dans l'ufage des Remedes
chauds.
1. Vol. Ciiij Rien
1112 MERCURE DE FRANCE
Rien de plus ordinaire , rien de plus
familier , chacun le fçait , que la pratique
des Cordiaux & des Drogues les plus brulantes
dans les maladies les plus ardentes,
telles que Petites Veroles , Rougeoles ,
Fievres malignes , pourprées , peftilentielles
, & la Pefte même , toutes maladies
revêtues du caractere de la plus cruelle
inflammation , & marquées , pour ainfi
dire , au coin de la Pierre infernale ; mais
en même-temps , quoi de plus finiftre &
de plus funefte que cette pratique ? Où
eft l'Axiome , que les contraires fe guériffent
par les contraires?& qu'eft devenue
la maxime qu'il faut rabattre les faillies
& réprimer l'impetuofité des Maladies ?
Le ravage affreux que fait ici la Petite
Verole , quand elle eft en regne , étonne
les Provinces où ce fleau ne fait pas
beaucoup près tant de dégats ; parce qu'on
l'y traite avec moins de fracas & moins
de pompe. On a vû les Campagnes à cet
égard plus heureufes que les Villes ; par
ce qu'elles étoient plus fimples & plus
paifibles , moins faftueufes & moins remuantes.
Les bonnes femmes qui n'avoient
pour regle en fanté que les befoins
modiques de la Nature , s'y regloient
, & s'y rapportoient auffi uniquement
en maladie. Economes dans les
remedes comme dans les alimens , elles
I. Vol
gućJUIN.
1730. 1113
guériffoient leurs enfans attaquez de petite
Verole , avec le petit lait pur & fimple
bû largement & prefque à toute heute.
Elles fembloient , conduites qu'elles
étoient au gré de la Nature , plutôt que
de leur caprice , avoir la Medecine par
inftinct , & dans le gout. machinal à l'inftar
des animaux guidez dans la recherche
de ce qui leur eft convenable par un penchant
ou une impulfion toute méchanique.
Mais quand on eut renoncé à l'ufage
du petit lait , pour y fubftituer le vin &
le Thériaque , alors , fuivant la Remarque
du celeble Lydenham , les petites Veroles
apprivoilées jufques - là , fe mutine
rent ; de dociles & de traitables qu'elles
étoient , elles devinrent malignes & meurtrieres.
Brufquées par les incendiaires &
les boute-feux , elles allumerent l'incendie
& ne refpirerent plus que le. carnage.
Les Turcs , à la faveur des Limonades &
du régime fimple , fobre & rafraîchiffant,
fe mettent en garde contre la Peſte , qui
ne difcontinue guere chez eux, mais qu'ils
entendent à faire venir à compoſition &
dont , grace à leur fobrieté , ils éludent .
les coups & fçavent triompher. M. Sidobre
, l'Eleve du fameux Barbeyrac un
des principaux ornemens de l'Ecole de
Montpellier , & l'Oracle des Medecins de
I.. Vol.
Cy for
4
1114 MERCURE DE FRANCE
fon temps , veut qu'on traite les petites
Veroles avec les Délayans , Calmans , Rafraîchiffans
pour baigner , arrofer &
réparer un fang que l'ardeur de la maladie
met à fec , qu'elle brule & qu'elle
confume , pour noyer des Sels âcres &
cauftiques , rabattre des Souffres exaltez &
développez , pour rappeller enfin le calme
& rétablir le bon ordre.
Mais un avantage à quoi les Dames:
pourront ouvrir les yeux & fe montrer
fenfibles , c'eft que le régime rafraîchif
fant épargne leurs agrémens , ménage
leurs graces , & donne moins d'atteinte:
à leurs attraits. Le fang rendu moins brulant
, moins cauftique , moins corrofif,,
produit un pus plus loüable , plus innocent
, qui fait fur la peau des impreffions
moins profondes, moins mordantes ,.
la ronge , la déchire moins , & n'eft pas
fi porté à laiffer les marques de fa fureur,
& les veftiges de fa malignité. On demande
des moyens , on cherche des fecrets
pour fauver les Lys & les Rofes du
venin de la maladie ; on s'amufe à des
Pomades , on s'arrête à des Huiles , tandis
que le grand fecret feroit d'adoucir
& de corriger l'acrimonie du fang , de le
temperer , de le rafraîchir , d'en calmer
l'ardeur , & d'en rabattre les faillies . Voilà
comme les fleurs du vifage pourroient
›
I. Vol.
échapJUIN.
1730. ITIS
échapper à la morfure de l'Afpic , qui
allarme tant les Belles , & fait la terreur de
la plus précieuſe partie du monde , & ce
ne feroit pas une petite confolation pour
un Sexe idolâtre de fes charmes , & qui
tremble autant pour la beauté que pour
la vie.
Si l'on faifoit le dénombrement des
Peftes qui ont ravagé l'Univers , on
trouveroit que celles qu'on a voulu dompter
par des échaufans , & que l'on a honoré
d'un fplendide & fingulier traitement
, ont été les plus rebelles & les plus
indomptables. La derniere Pefte de Marfeille
qui s'eft jouée ſi inſolemment des
Médecins , auroit peut- être perdu de fa
férocité fi on l'eût abaiffée & réduite à
une Cure aifée & naturelle , fans lui faire
l'honneur de l'attaquer par de pompeux
antidotes , & de fe guinder pour elle audeffus
des vûës ordinaires & des indications
accoûtumées. On tente de chaffer
un feu par un feu , on échaufe des corps
déja trop échaufez , on les met à la torture
, on acheve de les brûler. Y auroit-il
plus de rifque à jetter tous les Peftiferez
dans la Riviere , qu'à les faire paffer par
des feux fi dévorans ; & ne s'en fauveroitil
pas plus à la nage, qu'à travers les flammes
des Cordiaux ?
Le fang eft facré en temps de pefte , &
I. Vol. Cvj los
1116 MERCURE DE FRANCE:
les forces font ménagées au mépris de la
vie , au préjudice de la guérifon . On permet
au lang toutes fortes d'échapées , de
boutades, de dépôts , de congeftions. Tout
lui eft permis dans ces jours infortunez ;
il eft deffendu de le réprimer , de l'affoiblir
, de le diminuer dans l'excès de fon
volume , de l'arrêter dans la rapidité de
fon cours ; il faut le laiffer engager dans
les vifceres , l'y précipiter même à toutes
forces , & lui donner la liberté de porter
à l'économie animale le coup mortel qu'il
prépare. Cependant la Pefte fait fon chemin
hardiment , rien ne l'arrête ; une défolation
generale accompagne & fuit fes
pas. On pourroit pourtant s'y oppoſer,&
le moyen , ce femble , de mieux réüffir à
déconcerter ce fléau , ce feroit de s'y prendre
plus fimplement , de l'attaquer fans
tant de façons , à moins de frais & fans
beaucoup de bruit. A ce compte la faignée
feroit merveilles , & l'on verroit à
coup sûr couler moins de larmes , fi l'on
répandoit plus de fang. L'eau feroit auffi
d'un grand ſecours , tant pour la préſervation
que pour la guérifon , comme il
eft fort bien remarqué dans l'Extrait que
vous avez inféré , Meffieurs , dans le Mercure
déja cité , & qui donne lieu à cette
Differtation. Mais quoi ! réduire à l'eau
les Grands comme les petits , & contenir
IVol. dans.
JUIN. 1730. 117
dans un genre de vie fi chetif des gens qui
veulent faire auffi belle figure au lit qu'à
table , qui veulent briller en toute fituation
& le faire traiter auffi fplendidement
en maladie qu'en fanté. Qu'on les traite
donc comme ils veulent , & ils mourront
comme ils doivent. Il faut à la diftinction
de leur rang une pratique diftinguée.
Il eft bien plus noble & plus digne
d'eux de périr avec l'or potable , que de
réchaper avec l'eau .. Cependant quelle
douleur de voir ainfi moiffonner nos
têtes les plus auguftes & les plus précieuſes
, moins par le Glaive de la maladie
, que par les traits envenimez des
remedes ! Qu'il eft trifte que le Monarque
périffe où le fauve un Goujat ! Et qu'il
eft fâcheux pour ce grand équipage de
Médecine , ce grand attirail de remedes
de la haute volée pour la pratique fal
tueuse , enfin de n'avoir fur la pratique
fimple , rafraîchiffante , calmante & du
goût de la nature que le miférable avantage
, ce malheureux relief , de compter
d'illuftres victimes , & d'être fignalée par
de nobles facrifices , tandis que l'autre
que des monumens obfcurs de fa
réüffite , & des fuccès qui n'ont pas autant
d'éclat que de bonheur.
n'a
3
Dans le même Mercure , à la page 257.
on voit une réponse à une . Lettre , qui
I. Vol.
fait ,
Trrs MERCURE DE FRANCE
fait , pour ainfi dire , faire un miracle à
l'Emetique dans la petite Vérole. Je me
fouviens à cette occafion d'un Medecin .
nommé Gurdelheimer , qui fit grand
bruit à la Cour de Berlin , & dont il eft
parlé avantageufement dans les Actes des
Savans de la même Ville. Il entreprenoit
la guérifon de la petite Vérole par des
Emétiques redoublez. Cette méthode , à
ce qu'on dit , lui réüffit à tel point, qu'il
s'acquit le nom d'Efculape de la petite
Vérole. Mais après avoir par cette voye ,
conduit les autres au port , il fit naufrage
lui-même. Attaqué d'une fiévre maligne
, il prit deux fois l'Emétique , &
mourut en convulfions le onze de fa ma--
ladie. Son difciple fe montra jufqu'au
tombeau , fidele imitateur de fon maître..
Etant tombé dans la même maladie , il ſe
traita de même , & mourut de même.
Voilà de quoi groffir le Martyrologe de
l'Antimoine , dreffé par Guy Patin. Telles
font les réfléxions que j'aià vous communiquer
fur l'abus des remedes chauds,
& fur l'excellence des aqueux calmans
délayans , rafraîchiffans. La pratique des
premiers me paroît incertaine , bizarre ,
infidéle , pour ne rien dire de plus ; &
dans la difpofition où je fuis de pourfuivre
ce deffein , & de donner là- deffus
une differtation complete ; je crois voir ,
1. Vol. finon
JUÍN. 1730. TITO
finon de quoi décrier les échaufans & les
profcrire , du moins de quoi les rendre
fufpects , les faire appréhender & les af
fujettir aux loix de la précaution la plus
foigneufe , & de la plus exacte circonfpection.
Vous me permettrez,Monfieur
de vous faire part d'un nouveau fruit de
mes études : J'ai entrepris une Critique
fur l'Emménologie de M. Freind Medecin
Anglois , où j'attaque le Syftême de
la rupture des vaiffeaux pour l'écoule
ment des mois , y fubftituant l'Hypothéfe
de l'intrufion du fang dans les canaux
lymphatiques. Je fuis , & c.-
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Résumé : LETTRE de M. le Tellier, Medecin de Peronne, sur l'abus des Remedes chauds.
M. le Tellier, médecin de Péronne, critique dans une lettre l'usage excessif des remèdes chauds, s'appuyant sur un extrait d'un ouvrage anglais publié dans le Mercure de février 1724. Il dénonce l'utilisation courante des cordiaux et des drogues brûlantes pour traiter des maladies inflammatoires telles que la petite vérole, la rougeole et la peste. Selon lui, cette pratique, bien que répandue, est souvent néfaste et contredit les principes médicaux de traiter les contraires par les contraires. Le Tellier observe que dans les campagnes, où les traitements sont plus simples et naturels, les maladies comme la petite vérole sont moins mortelles. Les guérisseuses y utilisent du petit lait pur pour soigner les enfants, une méthode plus en accord avec la nature. En revanche, l'introduction de remèdes plus agressifs comme le vin et la thériaque a aggravé les maladies. Il mentionne également que les Turcs, grâce à un régime simple et rafraîchissant, parviennent à se protéger contre la peste. M. Sidobre, un éminent médecin de Montpellier, recommande l'usage de délayants, calmants et rafraîchissants pour traiter la petite vérole. Le Tellier souligne que ces traitements rafraîchissants épargnent les agréments et les grâces des dames, produisant un pus moins corrosif et laissant moins de marques sur la peau. Il critique les méthodes pompeuses et coûteuses utilisées pour traiter la peste, qui souvent échouent. Le Tellier conclut en affirmant que les remèdes chauds sont incertains et dangereux, et qu'il est préférable d'utiliser des remèdes aqueux, calmants et rafraîchissants. Il mentionne également une critique qu'il a entreprise sur l'Emménologie de M. Freind, où il propose une nouvelle hypothèse sur l'écoulement des mois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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30
p. 1310-1319
TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
Début :
Les Pays éclairez par le flambeau du monde, [...]
Mots clefs :
Guerre civile, Rome, Sang, Fortune, Romains
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
TRADUCTION
Du Poëme de Petrone ,fur la Guerre civile..
LEs Pays éclairez par le flambeau du monde
Ce vafte compofé de la Terre & de l'Onde
Rome poffedoit tout , & fouhaitoit encor ,
Quelque abîme au- delà ; recele- t'il de l'or ?
C'eft Pays ennemi ; bien- tôt pour fa conquête
On arme des vaiffeaux , une flote s'apprête ,
On cherche , on veur de Por ; les Dieux trop
inhumains
Par ce prefent cruel , divifent les Romains ;
Les plaifirs prodiguez à l'uſage ordinaire ,
Sont à peine goûtez par le fimple vulgaire ;
La perle d'Affyrie eft en proye au foldat ;
La pourpre trop commune a perdu ſon éclat ;
La nouveauté l'efface , à peine en Arabie ,
Trouve- t'on des parfums , du marbre eu Numidie
;
Le Sere eft dépouillé de fes rares toiſons .
Rome réunit tout dans fes vaftes maiſons.
Que je prévoi de maux ! une fecrete rage ,
Au milieu de la paix , infpire le carnage,
Le Maure eft étonné de voir fur des vaiffeaux
Tranfporter avec foin de cruels animaux ;
Les Tigres arrachez des forefts de l'Afrique ,
11, Vol ,
Viennens
JUI N. 1730. 1311
Viennent donner dans Rome une ſcene tragique
Du fang des Citoyens les theatres fumans ;
D'un peuple furieux font les amuſemens ;
Dirai -je, en quels excès cette Rome s'abîme ?
On va chercher en Perfe un exemple de crime .
J'en parle avec horreur , au fortir de berceau
Les hommes mutilez font un fexe nouveau.
Ces lâches inftrumens , d'une flâme impudique ,
Malgré l'effort du tems & fa Loi tyranique ,
Confervent par le fer , leurs criminels appas ;
La nature fe cherche , & ne fe trouve pas ;
L'excès regne par tout , on bannit la tendreſſe.
Pour faire triompher ces fils de la moleffe ;
Leur indolent maintien , leurs cheveux ajustez,
Ces divers noms d'habits par le luxe inventez
Tous ces attraits nouveaux qui défigurent l'hom
me ,
Sont autant d'hameçons où l'on voit courir Rog
me ;
Le Maure en efclavage arrive par troupeaux ;
Les cedres transformez en des meubles nou
yeaux ,
S'applaniffent en table ; où leur couleur dorée
D'un mélange de Pourpre artiftement parée ,
Semble combattre l'or, par un éclat trompeur
Couchez fur ces Autels , les Romains en fureur
Immolent , à l'envi , la raifon trop fevere';
Les fens font leur Idole , & pour les failsfaire ,
L'on voit de toutes parts le foldat furieux "
II.Vol. Cij Ravir
1312 MERCURE DE FRANCE
Ravir ce que la terre offre de précieux ;
En vain deffous les flots qui baignent la Sicile
Le Scare pourfuivi va chercher un azile ,
On l'amene vivant ; dans l'huitre du Lucrin
On trouve le fecret de repater la faim ;
Le ventre ingenieux fçait rendre tout facile
Du Phaſe dépeuplé , le rivage eft tranquille
Et fes arbres jadis fi chargez d'Habitans
Ne font plus agitez que dú fouffle des vents .
Jufques au champ de Mars Rome dans l'efclavage
,
Au gré de l'intereft dirige fon fuffrage ;
Le Peuple , le Senat , marchands de leur faveur
Vendent publiquement le pouvoir & l'honneur ' ;
Même dans les veillards cette vertu févere ,
La liberté Romaine aujourd'hui dégenere ;
Le merite eft l'argent , les charges font à prix
La majefté par- là tombe dans le mépris ;
Caton par-là fuccombe , ou plutôt pour fa
gloire ,
Le Peuple on le bravant rougit de la victoire ;
Caton injuftement privé du Confulat ,
Fait la honte de Rome , il en ternit l'éclat ,
Il entraîne avec lui l'honneur & la puiffance ;
1
Les moeurs fans gouvernail rappellent la licence;
Rome , de fes forfaits le prix & l'artiſan ,
Sans efpoir de vengeur eft fon propre tyran ;
Par le luxe & l'ufure également vaincuë ,
Dans deux gouffres affreux elle reste abatue , 11. Vol.
JUIN. 1730. 1313 .
Sur tous fes Citoyens , fur leurs poffeffions ,
L'hypoteque a par tout gravé fes actions ;
Cet air contagieux , courant de veine en veine
Jufques aux inteftins a porté la gangrene :
Fout refpire la guerre ; on efpere en fes coups ;
On croit dans les hafards trouver un fort plus
doux ;
L'audace fans reffource , ofe tout entreprendre ;
Des remèdes communs on ne doit rien attendre
La guerre , la fureur , eft le feul déformais
Qui puiffe ôter à Rome un fang auffi mauvais.
La fortune avoit mis les Cohortes Romaines ,
Dans trois partis divers , fous trois grands Ca
pitaines ;
Bellone à ces trois Chefs gardant un mêmë fort,
Leur porte en trois endroits une femblable mort.
Chez le Parthe Craffus va terminer fa vie ;
Pompée eft égorgé fur les flots de Lybie ;
Jules au Capitole en proye à des Romains ,
De fes enfans ingrats , enfanglante les mains
Raffembler ces grands Morts , étoit trop entre
prendre ,
S
On diroit que la terre a divifé leur cendre ,
Ne pouvant dans un lieu foûtenir leurs tom
beaux
C'eft ainfi que la gloire honnore ces Heros.
Entre Naple & ces champs où regnoit la Juftice
11. Vol. IL
Cij
1314 MERCURE DE FRANCE
L
Il eſt un lieu borné d'un affreux précipice
Le Cocyte l'arrofe , & dans les environs ,
Répand l'efprit mortel de fes exhalaiſons.
Là , jamais le printemps ne porta la verdure
Jamais un feul gazon n'y para la nature ;
Jamais on n'entendit les tendres arbriffeaux
Y mêler leur murmure aux accens des oiſeaux ;
Les Roches dans la mouffe au hazard entaffées
Parmi quelques cyprès affreufement placées ,
En font tout l'ornement , & dans ce noir cahos
Paroiffent aux regards comme autant de tom
beaux .
Là , le Dieu des Enfers, d'une tête enflâmée ;
Perçant un tourbillon de feux & de fumée
་
y
Parut , & découvrant la fortune en fon cours
Il l'appelle , l'arrête & lui tient ce difcours :
» Décffe , dont les loix par toi feule bornées 33
Des hommes & des Dieux , reglent les deftif
nées "
» Et qui courant toûjours après la nouveauté
Ne peus dans aucun bien laiffer de fûreté ,
" Quoi donc! l'unique Rome ignore ton Empire!
Tu formas fa grandeur , ne peus- tu la détruire
?
» Voi ces lâches Romains , d'eux- mêmes ennemis
,
Profaner ce haut rang où ta main les a mis
Ces dépouilles , ces biens entaffez par la guer-
***
Ces
JUI N. 1730 . 1315
1
Ces prefens infinis que leur produit la terre ,
→ Tout devient l'inftrument d'un demon furieux,
Qui leur ronge le coeur , en leur charmant les
yeux ;
Ils font des maiſons d'or ; jufques dans les
nuées ,
» De cens nouveaux Palais les faces font pouf
fées ,
30
Ils repouffent les eaux , ils traverfent les airs ;
Dans le milieu des champs ils font naître des
mers ;
Enfin l'on voit par tout d'un mouvement red
belle ;
Les élemens changer leur forme naturelle
Jufques dans mon Palais , j'ai fenti leurs ef
forts ;
La terre dans fon fein cache en vain fes tré
fors ,
Perçans en mille endroits les folides campa
gnes ,
Des autres gemiffans , ils tirent des monta
gnes ;
Et tandis qu'épuisée en uſages divers ,
La pierre par leurs mains s'entaffe dans les
airs "
→ Phebus de mes états échauffant la frontiere
Fait aux fombres enfers efperer la lumiere ;
Va donc , Fortune , va ; la guerre eft dans tes
mains ,
» Va¸ cours chaffer la paix , cours armer les
Romains
R
11, Vol. Coe
1316 MERCURE DE FRANCE
Qu'on ne voye en tous lieux que fáng , que
funerailles ;
Redouble mes fujets par cent & cent batailles,
Mon fceptre dès long- temps n'eft plus enfan
glanté:
De ma chere Alecton voi le flanc agité ;
€ » Rien n'a calmé fa foif depuis cette journée ,
Ou du brave Sylla la fureur couronnée ,
Fit naître dans les champs & des bleds & des
fruits ,
» Teints encore du fang dont ils furent nourris
I dit , puis écartant la terre qui le preffe ,
Il joint avec fa main , la main de la Déeffe..
La Fortune auffi-tôt d'une legere voix ,
Commença ce diſcouts : Prince, dont les Loir,
Retiennent pour toujours dans une nuit profonde
,
Tous ceux que leCocyte a portés fur fon onde,
Si je puis en ce jour , fans bleffer mon pouvoir
N
➡ annoncer fûrement ce qu'on va bien - tôt voir,
Tes voeux font exaucez ; mon coeur plein de
< colere ,
S'accorde avec le tien ; il faut les fatisfaire :
Je haï ce que j'ai fait pour ces Peuples ingrats;
Mon bras va renverfer l'ouvrage de mon bras;
C'en eft fait , il est temps de contenter ma
rage ;
11, Vol. Mêlons
JUIN. 1730. 1317
Melons par tout les cris, les feux & le carnage;
Mais quoi je voi déja le Tage épouvanté
Par un double combat , Pharfale
enfanglanté,
Je voi trembler le Nil , & fremir la Lybie ,
Je voi fur les buchers perir la Theffalie ;
Déja dans Actium , les coups d'un Dieu ven→
geur ,
Font entendre des cris
d'épouvante & d'hor
reurs.
➡Va donc ; de tes Etats , ouvre tous les palla
ges ;.
»Du Cocyte alteré prépare les Rivages ;
☛ Pour paffer les mortels qui courent au trépas
» Caron , le feul Caron ne te fuffira pas ;
te faut une flotte ; & toi , pâle Déeſſe
Alecton , que la foif , depuis fi long - tems
preffe ,
» Du fang qui va couler ,,fais cens ragoûts divers
;
Le monde par morceaux và tomber aux En
fers.
Elle parloit encor , lorfqu'un affreux nuage ,
Percé de mille feux , à grand bruit fe partage ;
Pluton connoît la voix du Souverain des Dieux
Difparoît & s'enfuit loin du jour & des Cieux .
annoncée
Par des fignes divers , la terre menacée ,
Auffi- tôt dans le Ciel , voit fa perte
Le Soleil obfcurci retire les rayons ;
H. VOL CY Le
1318 MERCURE DE FRANCE
On croit voir dans les airs marcher des legions
Diane , avec regret fourniffant fa carriere ,
Aux crimes des humains refuſe ſa lumiere ;
Les Rochers avec bruit quittant le haut des
monts ,
Vont par bonds éclatant foudroyer les valons ,
Les fleuves ne font plus bornez par leurs rivages>
En des lieux inconnus ils s'ouvrent des paffages
Ethna jufques au Ciel , élevanr fes torrens ,
Semble contre les Dieux feconder les Titans ;
D'un vain bruit de combats , les Echos retentiffent
;
Les morts font ranimez ; les fepulchres gemif
fent ;
On voit errer par tout des Phantômes affreux a
D'un aftre menaçant les flamboyans cheveux ,
Sement déja par tout l'horreur & l'incendie ;
Le fang enfin , le fang tombe en forme de
pluye...
Ces préfages bien - tôt font fuivis des effets :
Cefar de fa vengeance écoutant les projets ,
Et laiffant des climats en conquêtes fertiles ,
Quitte le fer gaulois pour les armes civiles.
Dans cet enchaînement de monts audacieux
Qui femblent attacher la Terre avec les Cieux ,
On découvre un Rocher , ou plutôt dans la nuë ,
Son front trop élevé diſparoît à la vûë ,
Les Alpes dans ce lieu confervent un Autel
11. Vol.
D'Alci
JUIN. 1319
1730 .
D'Alcide de fes faits , monument éternel ;
De neige & de glaçons les roches revêtues
De cet affreux féjour ferinent les avenuës ;
Le Soleil n'en a pû bannir les aquilons ,
L'hyver y regne feul de toutes les faifons.
Le refte fera dans le prochain Mercure
Du Poëme de Petrone ,fur la Guerre civile..
LEs Pays éclairez par le flambeau du monde
Ce vafte compofé de la Terre & de l'Onde
Rome poffedoit tout , & fouhaitoit encor ,
Quelque abîme au- delà ; recele- t'il de l'or ?
C'eft Pays ennemi ; bien- tôt pour fa conquête
On arme des vaiffeaux , une flote s'apprête ,
On cherche , on veur de Por ; les Dieux trop
inhumains
Par ce prefent cruel , divifent les Romains ;
Les plaifirs prodiguez à l'uſage ordinaire ,
Sont à peine goûtez par le fimple vulgaire ;
La perle d'Affyrie eft en proye au foldat ;
La pourpre trop commune a perdu ſon éclat ;
La nouveauté l'efface , à peine en Arabie ,
Trouve- t'on des parfums , du marbre eu Numidie
;
Le Sere eft dépouillé de fes rares toiſons .
Rome réunit tout dans fes vaftes maiſons.
Que je prévoi de maux ! une fecrete rage ,
Au milieu de la paix , infpire le carnage,
Le Maure eft étonné de voir fur des vaiffeaux
Tranfporter avec foin de cruels animaux ;
Les Tigres arrachez des forefts de l'Afrique ,
11, Vol ,
Viennens
JUI N. 1730. 1311
Viennent donner dans Rome une ſcene tragique
Du fang des Citoyens les theatres fumans ;
D'un peuple furieux font les amuſemens ;
Dirai -je, en quels excès cette Rome s'abîme ?
On va chercher en Perfe un exemple de crime .
J'en parle avec horreur , au fortir de berceau
Les hommes mutilez font un fexe nouveau.
Ces lâches inftrumens , d'une flâme impudique ,
Malgré l'effort du tems & fa Loi tyranique ,
Confervent par le fer , leurs criminels appas ;
La nature fe cherche , & ne fe trouve pas ;
L'excès regne par tout , on bannit la tendreſſe.
Pour faire triompher ces fils de la moleffe ;
Leur indolent maintien , leurs cheveux ajustez,
Ces divers noms d'habits par le luxe inventez
Tous ces attraits nouveaux qui défigurent l'hom
me ,
Sont autant d'hameçons où l'on voit courir Rog
me ;
Le Maure en efclavage arrive par troupeaux ;
Les cedres transformez en des meubles nou
yeaux ,
S'applaniffent en table ; où leur couleur dorée
D'un mélange de Pourpre artiftement parée ,
Semble combattre l'or, par un éclat trompeur
Couchez fur ces Autels , les Romains en fureur
Immolent , à l'envi , la raifon trop fevere';
Les fens font leur Idole , & pour les failsfaire ,
L'on voit de toutes parts le foldat furieux "
II.Vol. Cij Ravir
1312 MERCURE DE FRANCE
Ravir ce que la terre offre de précieux ;
En vain deffous les flots qui baignent la Sicile
Le Scare pourfuivi va chercher un azile ,
On l'amene vivant ; dans l'huitre du Lucrin
On trouve le fecret de repater la faim ;
Le ventre ingenieux fçait rendre tout facile
Du Phaſe dépeuplé , le rivage eft tranquille
Et fes arbres jadis fi chargez d'Habitans
Ne font plus agitez que dú fouffle des vents .
Jufques au champ de Mars Rome dans l'efclavage
,
Au gré de l'intereft dirige fon fuffrage ;
Le Peuple , le Senat , marchands de leur faveur
Vendent publiquement le pouvoir & l'honneur ' ;
Même dans les veillards cette vertu févere ,
La liberté Romaine aujourd'hui dégenere ;
Le merite eft l'argent , les charges font à prix
La majefté par- là tombe dans le mépris ;
Caton par-là fuccombe , ou plutôt pour fa
gloire ,
Le Peuple on le bravant rougit de la victoire ;
Caton injuftement privé du Confulat ,
Fait la honte de Rome , il en ternit l'éclat ,
Il entraîne avec lui l'honneur & la puiffance ;
1
Les moeurs fans gouvernail rappellent la licence;
Rome , de fes forfaits le prix & l'artiſan ,
Sans efpoir de vengeur eft fon propre tyran ;
Par le luxe & l'ufure également vaincuë ,
Dans deux gouffres affreux elle reste abatue , 11. Vol.
JUIN. 1730. 1313 .
Sur tous fes Citoyens , fur leurs poffeffions ,
L'hypoteque a par tout gravé fes actions ;
Cet air contagieux , courant de veine en veine
Jufques aux inteftins a porté la gangrene :
Fout refpire la guerre ; on efpere en fes coups ;
On croit dans les hafards trouver un fort plus
doux ;
L'audace fans reffource , ofe tout entreprendre ;
Des remèdes communs on ne doit rien attendre
La guerre , la fureur , eft le feul déformais
Qui puiffe ôter à Rome un fang auffi mauvais.
La fortune avoit mis les Cohortes Romaines ,
Dans trois partis divers , fous trois grands Ca
pitaines ;
Bellone à ces trois Chefs gardant un mêmë fort,
Leur porte en trois endroits une femblable mort.
Chez le Parthe Craffus va terminer fa vie ;
Pompée eft égorgé fur les flots de Lybie ;
Jules au Capitole en proye à des Romains ,
De fes enfans ingrats , enfanglante les mains
Raffembler ces grands Morts , étoit trop entre
prendre ,
S
On diroit que la terre a divifé leur cendre ,
Ne pouvant dans un lieu foûtenir leurs tom
beaux
C'eft ainfi que la gloire honnore ces Heros.
Entre Naple & ces champs où regnoit la Juftice
11. Vol. IL
Cij
1314 MERCURE DE FRANCE
L
Il eſt un lieu borné d'un affreux précipice
Le Cocyte l'arrofe , & dans les environs ,
Répand l'efprit mortel de fes exhalaiſons.
Là , jamais le printemps ne porta la verdure
Jamais un feul gazon n'y para la nature ;
Jamais on n'entendit les tendres arbriffeaux
Y mêler leur murmure aux accens des oiſeaux ;
Les Roches dans la mouffe au hazard entaffées
Parmi quelques cyprès affreufement placées ,
En font tout l'ornement , & dans ce noir cahos
Paroiffent aux regards comme autant de tom
beaux .
Là , le Dieu des Enfers, d'une tête enflâmée ;
Perçant un tourbillon de feux & de fumée
་
y
Parut , & découvrant la fortune en fon cours
Il l'appelle , l'arrête & lui tient ce difcours :
» Décffe , dont les loix par toi feule bornées 33
Des hommes & des Dieux , reglent les deftif
nées "
» Et qui courant toûjours après la nouveauté
Ne peus dans aucun bien laiffer de fûreté ,
" Quoi donc! l'unique Rome ignore ton Empire!
Tu formas fa grandeur , ne peus- tu la détruire
?
» Voi ces lâches Romains , d'eux- mêmes ennemis
,
Profaner ce haut rang où ta main les a mis
Ces dépouilles , ces biens entaffez par la guer-
***
Ces
JUI N. 1730 . 1315
1
Ces prefens infinis que leur produit la terre ,
→ Tout devient l'inftrument d'un demon furieux,
Qui leur ronge le coeur , en leur charmant les
yeux ;
Ils font des maiſons d'or ; jufques dans les
nuées ,
» De cens nouveaux Palais les faces font pouf
fées ,
30
Ils repouffent les eaux , ils traverfent les airs ;
Dans le milieu des champs ils font naître des
mers ;
Enfin l'on voit par tout d'un mouvement red
belle ;
Les élemens changer leur forme naturelle
Jufques dans mon Palais , j'ai fenti leurs ef
forts ;
La terre dans fon fein cache en vain fes tré
fors ,
Perçans en mille endroits les folides campa
gnes ,
Des autres gemiffans , ils tirent des monta
gnes ;
Et tandis qu'épuisée en uſages divers ,
La pierre par leurs mains s'entaffe dans les
airs "
→ Phebus de mes états échauffant la frontiere
Fait aux fombres enfers efperer la lumiere ;
Va donc , Fortune , va ; la guerre eft dans tes
mains ,
» Va¸ cours chaffer la paix , cours armer les
Romains
R
11, Vol. Coe
1316 MERCURE DE FRANCE
Qu'on ne voye en tous lieux que fáng , que
funerailles ;
Redouble mes fujets par cent & cent batailles,
Mon fceptre dès long- temps n'eft plus enfan
glanté:
De ma chere Alecton voi le flanc agité ;
€ » Rien n'a calmé fa foif depuis cette journée ,
Ou du brave Sylla la fureur couronnée ,
Fit naître dans les champs & des bleds & des
fruits ,
» Teints encore du fang dont ils furent nourris
I dit , puis écartant la terre qui le preffe ,
Il joint avec fa main , la main de la Déeffe..
La Fortune auffi-tôt d'une legere voix ,
Commença ce diſcouts : Prince, dont les Loir,
Retiennent pour toujours dans une nuit profonde
,
Tous ceux que leCocyte a portés fur fon onde,
Si je puis en ce jour , fans bleffer mon pouvoir
N
➡ annoncer fûrement ce qu'on va bien - tôt voir,
Tes voeux font exaucez ; mon coeur plein de
< colere ,
S'accorde avec le tien ; il faut les fatisfaire :
Je haï ce que j'ai fait pour ces Peuples ingrats;
Mon bras va renverfer l'ouvrage de mon bras;
C'en eft fait , il est temps de contenter ma
rage ;
11, Vol. Mêlons
JUIN. 1730. 1317
Melons par tout les cris, les feux & le carnage;
Mais quoi je voi déja le Tage épouvanté
Par un double combat , Pharfale
enfanglanté,
Je voi trembler le Nil , & fremir la Lybie ,
Je voi fur les buchers perir la Theffalie ;
Déja dans Actium , les coups d'un Dieu ven→
geur ,
Font entendre des cris
d'épouvante & d'hor
reurs.
➡Va donc ; de tes Etats , ouvre tous les palla
ges ;.
»Du Cocyte alteré prépare les Rivages ;
☛ Pour paffer les mortels qui courent au trépas
» Caron , le feul Caron ne te fuffira pas ;
te faut une flotte ; & toi , pâle Déeſſe
Alecton , que la foif , depuis fi long - tems
preffe ,
» Du fang qui va couler ,,fais cens ragoûts divers
;
Le monde par morceaux và tomber aux En
fers.
Elle parloit encor , lorfqu'un affreux nuage ,
Percé de mille feux , à grand bruit fe partage ;
Pluton connoît la voix du Souverain des Dieux
Difparoît & s'enfuit loin du jour & des Cieux .
annoncée
Par des fignes divers , la terre menacée ,
Auffi- tôt dans le Ciel , voit fa perte
Le Soleil obfcurci retire les rayons ;
H. VOL CY Le
1318 MERCURE DE FRANCE
On croit voir dans les airs marcher des legions
Diane , avec regret fourniffant fa carriere ,
Aux crimes des humains refuſe ſa lumiere ;
Les Rochers avec bruit quittant le haut des
monts ,
Vont par bonds éclatant foudroyer les valons ,
Les fleuves ne font plus bornez par leurs rivages>
En des lieux inconnus ils s'ouvrent des paffages
Ethna jufques au Ciel , élevanr fes torrens ,
Semble contre les Dieux feconder les Titans ;
D'un vain bruit de combats , les Echos retentiffent
;
Les morts font ranimez ; les fepulchres gemif
fent ;
On voit errer par tout des Phantômes affreux a
D'un aftre menaçant les flamboyans cheveux ,
Sement déja par tout l'horreur & l'incendie ;
Le fang enfin , le fang tombe en forme de
pluye...
Ces préfages bien - tôt font fuivis des effets :
Cefar de fa vengeance écoutant les projets ,
Et laiffant des climats en conquêtes fertiles ,
Quitte le fer gaulois pour les armes civiles.
Dans cet enchaînement de monts audacieux
Qui femblent attacher la Terre avec les Cieux ,
On découvre un Rocher , ou plutôt dans la nuë ,
Son front trop élevé diſparoît à la vûë ,
Les Alpes dans ce lieu confervent un Autel
11. Vol.
D'Alci
JUIN. 1319
1730 .
D'Alcide de fes faits , monument éternel ;
De neige & de glaçons les roches revêtues
De cet affreux féjour ferinent les avenuës ;
Le Soleil n'en a pû bannir les aquilons ,
L'hyver y regne feul de toutes les faifons.
Le refte fera dans le prochain Mercure
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Résumé : TRADUCTION Du Poëme de Petrone, sur la Guerre civile.
Le poème de Pétrone décrit la situation de Rome après ses conquêtes, où la ville aspire à de nouvelles victoires et prépare une flotte pour envahir un pays ennemi. La société romaine est marquée par l'excès et la décadence. Les plaisirs sont abondants, les ressources rares sont accaparées, et les mœurs se dégradent. Rome est comparée à un tyran sans espoir de vengeur, vaincue par le luxe et l'usure. Les citoyens sont endettés, et la guerre semble inévitable pour purifier Rome de ses maux. La Fortune, invoquée par Pluton, décide de détruire Rome en raison de l'ingratitude de ses habitants. Elle décrit la décadence romaine, où les éléments naturels sont altérés par l'ambition humaine. La Fortune et Pluton préparent une guerre dévastatrice, annonçant des signes de catastrophe imminente : obscurcissement du soleil, tremblements de terre, éruptions volcaniques, et apparitions de spectres. Ces présages sont suivis d'effets concrets : César, cherchant vengeance, quitte les conquêtes fertiles pour se tourner vers les armes civiles. Le texte se termine par la description d'un rocher élevé dans les Alpes, où un autel dédié à Alcide (Hercule) est conservé, symbolisant la grandeur passée de Rome.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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31
p. 1721-1730
RÉPONSE aux Reflexions sur une These soutenuë dans les Ecoles de Medecine de Paris, concernant la qualité de l'Eau de vie, inserées dans le Mercure de France du mois de May 1730. page 868.
Début :
Je vous avouë, Monsieur, que j'ai été extrêmement surpris de voir une personne [...]
Mots clefs :
Eau de vie, Écoles de Médecine de Paris, Esprit, Circulation, Vin, Liqueur, Mouvement, Thèse, Coeur, Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE aux Reflexions sur une These soutenuë dans les Ecoles de Medecine de Paris, concernant la qualité de l'Eau de vie, inserées dans le Mercure de France du mois de May 1730. page 868.
REPONSE aux Reflexions fur une
Thefe foutenue dans les Ecoles de Medecine
de Paris , concernant la qualité de
l'Eau de vie , inferées dans le Mercure
de France du mois de May 1730. page
868 .
J
E vous avouë , Monfieur , que j'ai été
extrêmement furpris de voir une perfonne
qui fait profeffion de la Medecine
fe déclarer contre M. le Hoc en faveur de
l'Eau de vie. Ce nom fpecieux n'en impofe
pas d'ordinaire , je ne dis pas aux
gens du métier , qui trouvent dans les
principes & dans les experiences dont leurs
livres font remplis des preuves des effets
funeftes de cette liqueur , mais même à
ceux qu'un jugement fain met en état de
profiter des évenemens qui ſe préſentent
tous les jours , & je me flatte que par des
raifonnemens fimples & àla portée de tout
le monde , je confirmerai dans leur fentiment
ceux qui ont la prudence de s'abftenir
de l'Eau de vie , & que je perfuaderai
du danger de cette liqueur ceux à qui elle
n'a pas encore alteré la raiſon .
Tout le monde fçait que l'Eau de vie
eft un extrait des parties fpiritueufes du
B. v vin
1722 MERCURE DE FRANCE
vin , d'où je conclus qu'elle en renferme
les qualités avec d'autant plus d'energie
que les principes font reunis fous un moindre
volume. Voyons donc les effets du
vin , & nous ferons à portée de connoître
ceux de l'Eau de vie.
Le vin , dit Fernel ( a ) rend le poulx
grand , fort , vîte & fréquent : à force de
s'en fervir fans ménagement , il le rend
inégal & dereglé; fa force (b)n'ayant pû être
domptée par le ventricule , fe répand par
tout le corps , il le fecoue tout entier
principalement le coeur & le cerveau ; il
attaque les nerfs ( c) & les membranes (d)
& devient une caufe de la goute ; enfin
il corrompt la maffe du fang , & cette
corruption fe communique au foye.
★
Le Critique aura de la peine à établir
fes experiences fur les débris de celles de
Fernel ; cependant jufqu'à ce qu'il l'ait fait,
je crois que celles de Fernel pafferont pour
conftantes ; mais comme dans les endroits
cités ce grand homme parle plus en Medecin
qu'en Philofophe , je vais tâcher de
rendre raifon de ce qu'il remarque.
Le vin étant compofé d'un foufre volatil
, & par conféquent capable d'une ex-
( a ) Pathol. Liv. 3. c. 4º
( b ) Ibid. Liv. I. c. 14.
( c ) Ibid. Liv , 6. c 18.
(d) Ibid. Liv. 6. c.41
panfion
A O UST. 1730. 1723
sanfion très confiderable , ne peut le mêler
au fang fans le rarefter très confiderablement
; donc le coeur en recevra une
plus grande quantité , donc le poulx de
viendra plus grand ; il deviendra plus
fort , puifque le fang fera plus d'effort
contre les parois de l'artere ; il fera vîte ,
parceque les fouffres du vin fe changent
facilement en efprits , & augmentent par
une fuite neceffaire le mouvement fiftaltique
des fibres ; il fera fréquent , parceque
la fréquence du poulx eft en raifon
compofée de la quantité du fang & des
efprits .
Sans décompofer les principes du vin ;
en voila plus qu'il n'en faut pour produire
les deux effets qu'apprehende M. Le Hoc,
fçavoir l'eretifme des fibres & l'épaiffiffe
ment des liqueurs .
Preuve de la premiere Propofition.
De ce que les ofcillations des fibres
augmentent à proportion de la viteffe de
la circulation , je concluerai qu'elles chaf--
feront de leurs pores ce mucilage limphatique
qui leur donne de la foupleffe ,
en même tems qu'il augmenté leur diamerre
; donc les fibres s'amaigriront , fe
fronceront , fe racorniront ; les bons effets
même de l'Eau de vie dans les fincopes ;
Bvj les
1724 MERCURE DE FRANCE
les affections foporeufes , les engourdiffe,
mens ne viennent- ils pas de l'irritation
des fibres , dont le reffort augmenté chaffe,
& rend à la circulation les humeurs qui
s'arrêtent dans les parties ? donc les fibres
fe crepent par l'ufage de l'Eau de vie. De
plus, que peut-on conclure des bons effets
de l'Eau de vie dans ces maladies , fi ce
n'eft qu'on peut s'en fervir comme d'un
remede ? & ne fçait- on pas que les remedes
n'agiffent qu'en faifant violence à la
nature ? delà vient qu'Hipocrate les appelle
des poifons , Pharmaca funt venena.
و
Preuve de la feconde Propofition .
Mais la circulation ne peut être plus
promte que les liqueurs ne foient plus
divifées ; donc la tranfpiration augmentera
, le fang fera dépouillé d'une partie
de fa ferofité , les globules qui le compofent
fe raprocheront ; donc il s'épaiffira .
. Combien de maladies ne produira pas
la compilation de ces deux caufes ? delà
le dereglement & l'inegalité du poulx
fuite neceffaire de l'inegalité du tiffu des
parties dont le fang eft compofé : delà cette
chaleur qui fe répand par tout le corps ,
ces fecouffes que reçoivent le coeur , les
nerfs , le cerveau ; en un mot , toutes les
fibres delà ces obftructions du foye qui y
caufent
:
AOUST. 1730. 1725
cauſent la corruption , & qui font fi fou
vent fuivies de l'hydropifie : delà l'interruption
de la circulation dans les glandes
finoviales , où la partie fibreuſe du fang ,
arrêtée , faute d'un vehicule füffifant , féjourne
, & s'épaiffiffant , forme ce tuf , ce
gipfe qui produit les nodofités & des
douleurs des gouteux : delà des engourdiffemens
, des ftupeurs , des affoupiffemens
, avantcoureurs de l'apoplexie : delà
cette hebetation de l'efprit qui rabaiſſe
l'homme à la condition des Quadrupedes.
Si nous penetrons à prefent dans le tiffu
-
des principes du vin , avec quel avantage
n'en établirons nous pas le danger le
fouffre volatil eft-il rien autre choſe qu'un
acide concentré avec un peu de terre &
de phlegme ? acide que la circulation ne
peut manquer de déveloper , & qui ne
peut que coaguler le fang.
Mais , dit le Critique , cette partie fpiritueufe
ne féjourne pas longtems dans les
vaiffeaux ; elle s'exhale promtement par
les pores de la peau .
C'eft ici que j'en appellerois fans crainte
à l'experience de tout le monde ; le con
traire n'arrive- t - il pas tous les jours ? la
foif, la bouche pâteufe , le gout defagréa
ble que l'on a le lendemain d'une débauche
, font- ce des preuves de la prompte
diffipation de ce poifon igné que l'on a
fait
126 MERCURE DE FRANCE
fait couler dans fes veines ? mais accordons
encore au Critique fa propofition ,
& qu'il ait la bonté de me fatisfaire fur
deux points. Je dis d'abord que fi le volatile
du vin féjourne peu dans les vaiſfeaux
, il ne peut produire qu'un effet peu
fenfible ; donc fi les vieillards & les gens
de travail veulent en tirer quelque utilité ,
il faut qu'ils en uſent fréquemment ; c'eft
ce queje ne crois pas que le Critique accorde.
En fecond lieu , je demande , ſuppofant
la verité de nos principes , s'il
voudroit le mettre dans le rifque d'ufer
d'un mauvais remede ou d'un aliment
dangereux fous prétexte qu'il n'agit que
peu fur le corps . S'il eft de cet avis , je crois
qu'il n'aura pas beaucoup de partifans.
Mais , continue-t- il , de ce que l'efprit
de vin coagule les liqueurs hors du corps,
s'enfuit- il , comme M. Le Hoc le préténd,
que pris interieurement il doive faire le
même effet ? l'agilité , la hardieffe , le courage
de ceux qui en ufent prouvent - elles
le ralentiffement , l'épaiffiffement des li ---
queurs .
Il feroit ridicule à M. Le Hoc de con--
clure tellement de l'un à l'autre , qu'il
voulut que tout fut égal dans deux cas
totalement differens. Les liqueurs tirées
des vaiffeaux n'ont plus de mouvement
progreffif , de mouvement de trituration ;
par
A O UST. 1730. 1727
par conféquent la force du poifon n'eft
plus contrebalancée , comme lorfqu'on le
fait prendre à un animal vivant. Tout ce
qu'on doit conclure des Obfervations de
M. Le Hoc , & ce qui fait merveilleuſement
pour lui , c'eft qu'il ne faut rien
moins qu'un mouvement continuel &
violent des liqueurs pour les garantir de la
promte coagulation qu'en font les fouffres
du vin.
L'agilité , la hardieffe & c. ne prouvent
certainement pas l'épaiffiffement des li
queurs ; mais quand elles font produites
par des fouffres volatils , n'en font- elles
pas fuivies c'eft ce que M. Le Hoc niera ,
& avec raifon , tant que nos principes fubfifteront.
L'Objection du Critique tirée de l'a
vantage qui revient de l'ufage de l'Eau de
vie aux vieillards & à ceux qui font un
violent exercice du corps , ne prouve pas
davantage contre M. Le Hoc . Je demanderai
d'abord fi ceux de ces Ouvriers qui
ne boivent que de l'eau ont moins de force
2 S'il oferoit affurer que l'ufage de l'Eau
de vie ne leur nuit pas à la longue. 3 °
Je dirai qu'il ne conclura rien d'une exception
à une regle generale. Il ne faut
pas donner à la propofition de M. Le Hoc
une extenfion qu'elle n'a Dire qu'il
n'y ait point de cas , point de perfonnes
pas.
1728 MERCURE DE FRANCE
qui un ufage moderé de l'Eau de vie
ne puiffe être avantageux , ce feroit avancer
une propofition auffi contraire à la
raifon & à l'experience , qu'il le feroit de
la permettre à tout le monde . On fçait
que dans la Flandre & dans tous les Pays
où l'on fe fert de biere pour boiffon or
dinaire , les perfonnes les plus fobres en
ufent avec utilité. Les fibres engourdies
par le mucilage épais de la biere ont be
foin d'être reveillées par quelque chofe
d'actif. Mais ce n'eft qu'à raison de cette
fobrieté qu'elles ne fe trouvent pas mal de
l'ufage de l'Eau de vie . Les vieillards font
dans un cas à peu près femblable ; ils
tranfpirent moins que les autres à caufe
de la roideur de leurs fibres qui commencent
à devenir cartilagineufes ; leur fang
eft moins divifé : delà les cattarhes , &c.
d'où il fuit que l'Eau de vie augmentant
le mouvement inteftin du fang , peut leur
être utile. Les gens de travail faifant une
grande diffipation d'efprits ont befoin
d'en reparer promtement la perte ; c'eſt ,
comme nous l'avons remarqué , ce que
fait l'Eau de vie , & ce qui peut leur en
rendre l'ufagé avantageux
.
Le Critique va chercher chicane à M.
Le Hoc fur ce qu'il allegue pour prouver
fon fentiment , que l'efprit de vin injecté
dans la jugulaire d'un chien le fait mounirs
A O UST . 1730. 1729.
rir ; il dit qu'il n'eft queftion que de l'Eau
de vie dans fa propofition ; mais fi l'efprit
de vin n'eft qu'une Eau de vie rectifiée ,
il n'y a pas de doute qu'elle ne doive produire
un effet femblable , quoique moins
promtement. De plus étant prife interieu
rement , elle ne paffe dans le fang que petit
à petit , & fon effet ne peut pas
nir auffi fenfible que par l'injection.
Il s'enfuivroit , ajoûte- t- il encore ,
dans
le fentiment de M. Le Hoc , qu'un homme
devroit mourir fubitement pour boire
de l'Eau de vie , comme les oifeaux en
buvant de l'efprit de vin . Ce raifonnement
ne vaut pas mieux que le précedent par la
même raiſon.
deve..
Je finitai par ces paroles de Sydenham ✈
qui ne s'accorderont pas avec le fentiment
du Critique : Plut à Dieu que l'on s'abftine
totalement de l'Eau de vie , ou qu'on ne s'en
Servit que pour reparerfes forces , & non pour
les éteindre , à moins qu'on ne trouvât plus à
propos d'en interdire entierement l'ufage interieur,
& de la laiffer aux Chirurgiens pour
le panfement des ulceres & des brulures. Dans
le premier cas même il ne veut pas qu'on
l'employe pure ; && ss''iill llee permet dans le
fecond , ce n'eft que pour garantir la partie
affligée de la putrefaction. Et fi , felon
* Cap. 6, fect. 6.
la
1730 MERCURE DE FRANCE
la remarque de Sennert les huiles diftil-
Fees & feches demandent à être mêlées
avec quelque matiere graffe , pour ne pas
durcir la matiere qu'on veut diffoudre ,
à combien plus forte raifon doit - on apprehender
les effets d'une liqueur auffi
fpiritueufe & auffi penetrante que l'Eaur
de vie.
je
Voilà , Monfieur , ce que j'avois à remarquer
fur les Reflexions de M. G. B. . '
n'ai pas crû pouvoir me difpenfer de
combattre fon fentiment qui m'a paru
trop dangereux dans la Pratique ; d'autant
plutôt que la Thefe de M. Le Hoc
ne fera pas vue d'autant de perfonnes que vûë
votre Journal. J'ai l'honneur d'être &c.
A Paris le 9. Juillet 1730. BRUHIER
D'ABLANCOURT , Docteur en Mede
cine.
* Prag. lib. x . part. 11, cap 27. p. 141.”
Thefe foutenue dans les Ecoles de Medecine
de Paris , concernant la qualité de
l'Eau de vie , inferées dans le Mercure
de France du mois de May 1730. page
868 .
J
E vous avouë , Monfieur , que j'ai été
extrêmement furpris de voir une perfonne
qui fait profeffion de la Medecine
fe déclarer contre M. le Hoc en faveur de
l'Eau de vie. Ce nom fpecieux n'en impofe
pas d'ordinaire , je ne dis pas aux
gens du métier , qui trouvent dans les
principes & dans les experiences dont leurs
livres font remplis des preuves des effets
funeftes de cette liqueur , mais même à
ceux qu'un jugement fain met en état de
profiter des évenemens qui ſe préſentent
tous les jours , & je me flatte que par des
raifonnemens fimples & àla portée de tout
le monde , je confirmerai dans leur fentiment
ceux qui ont la prudence de s'abftenir
de l'Eau de vie , & que je perfuaderai
du danger de cette liqueur ceux à qui elle
n'a pas encore alteré la raiſon .
Tout le monde fçait que l'Eau de vie
eft un extrait des parties fpiritueufes du
B. v vin
1722 MERCURE DE FRANCE
vin , d'où je conclus qu'elle en renferme
les qualités avec d'autant plus d'energie
que les principes font reunis fous un moindre
volume. Voyons donc les effets du
vin , & nous ferons à portée de connoître
ceux de l'Eau de vie.
Le vin , dit Fernel ( a ) rend le poulx
grand , fort , vîte & fréquent : à force de
s'en fervir fans ménagement , il le rend
inégal & dereglé; fa force (b)n'ayant pû être
domptée par le ventricule , fe répand par
tout le corps , il le fecoue tout entier
principalement le coeur & le cerveau ; il
attaque les nerfs ( c) & les membranes (d)
& devient une caufe de la goute ; enfin
il corrompt la maffe du fang , & cette
corruption fe communique au foye.
★
Le Critique aura de la peine à établir
fes experiences fur les débris de celles de
Fernel ; cependant jufqu'à ce qu'il l'ait fait,
je crois que celles de Fernel pafferont pour
conftantes ; mais comme dans les endroits
cités ce grand homme parle plus en Medecin
qu'en Philofophe , je vais tâcher de
rendre raifon de ce qu'il remarque.
Le vin étant compofé d'un foufre volatil
, & par conféquent capable d'une ex-
( a ) Pathol. Liv. 3. c. 4º
( b ) Ibid. Liv. I. c. 14.
( c ) Ibid. Liv , 6. c 18.
(d) Ibid. Liv. 6. c.41
panfion
A O UST. 1730. 1723
sanfion très confiderable , ne peut le mêler
au fang fans le rarefter très confiderablement
; donc le coeur en recevra une
plus grande quantité , donc le poulx de
viendra plus grand ; il deviendra plus
fort , puifque le fang fera plus d'effort
contre les parois de l'artere ; il fera vîte ,
parceque les fouffres du vin fe changent
facilement en efprits , & augmentent par
une fuite neceffaire le mouvement fiftaltique
des fibres ; il fera fréquent , parceque
la fréquence du poulx eft en raifon
compofée de la quantité du fang & des
efprits .
Sans décompofer les principes du vin ;
en voila plus qu'il n'en faut pour produire
les deux effets qu'apprehende M. Le Hoc,
fçavoir l'eretifme des fibres & l'épaiffiffe
ment des liqueurs .
Preuve de la premiere Propofition.
De ce que les ofcillations des fibres
augmentent à proportion de la viteffe de
la circulation , je concluerai qu'elles chaf--
feront de leurs pores ce mucilage limphatique
qui leur donne de la foupleffe ,
en même tems qu'il augmenté leur diamerre
; donc les fibres s'amaigriront , fe
fronceront , fe racorniront ; les bons effets
même de l'Eau de vie dans les fincopes ;
Bvj les
1724 MERCURE DE FRANCE
les affections foporeufes , les engourdiffe,
mens ne viennent- ils pas de l'irritation
des fibres , dont le reffort augmenté chaffe,
& rend à la circulation les humeurs qui
s'arrêtent dans les parties ? donc les fibres
fe crepent par l'ufage de l'Eau de vie. De
plus, que peut-on conclure des bons effets
de l'Eau de vie dans ces maladies , fi ce
n'eft qu'on peut s'en fervir comme d'un
remede ? & ne fçait- on pas que les remedes
n'agiffent qu'en faifant violence à la
nature ? delà vient qu'Hipocrate les appelle
des poifons , Pharmaca funt venena.
و
Preuve de la feconde Propofition .
Mais la circulation ne peut être plus
promte que les liqueurs ne foient plus
divifées ; donc la tranfpiration augmentera
, le fang fera dépouillé d'une partie
de fa ferofité , les globules qui le compofent
fe raprocheront ; donc il s'épaiffira .
. Combien de maladies ne produira pas
la compilation de ces deux caufes ? delà
le dereglement & l'inegalité du poulx
fuite neceffaire de l'inegalité du tiffu des
parties dont le fang eft compofé : delà cette
chaleur qui fe répand par tout le corps ,
ces fecouffes que reçoivent le coeur , les
nerfs , le cerveau ; en un mot , toutes les
fibres delà ces obftructions du foye qui y
caufent
:
AOUST. 1730. 1725
cauſent la corruption , & qui font fi fou
vent fuivies de l'hydropifie : delà l'interruption
de la circulation dans les glandes
finoviales , où la partie fibreuſe du fang ,
arrêtée , faute d'un vehicule füffifant , féjourne
, & s'épaiffiffant , forme ce tuf , ce
gipfe qui produit les nodofités & des
douleurs des gouteux : delà des engourdiffemens
, des ftupeurs , des affoupiffemens
, avantcoureurs de l'apoplexie : delà
cette hebetation de l'efprit qui rabaiſſe
l'homme à la condition des Quadrupedes.
Si nous penetrons à prefent dans le tiffu
-
des principes du vin , avec quel avantage
n'en établirons nous pas le danger le
fouffre volatil eft-il rien autre choſe qu'un
acide concentré avec un peu de terre &
de phlegme ? acide que la circulation ne
peut manquer de déveloper , & qui ne
peut que coaguler le fang.
Mais , dit le Critique , cette partie fpiritueufe
ne féjourne pas longtems dans les
vaiffeaux ; elle s'exhale promtement par
les pores de la peau .
C'eft ici que j'en appellerois fans crainte
à l'experience de tout le monde ; le con
traire n'arrive- t - il pas tous les jours ? la
foif, la bouche pâteufe , le gout defagréa
ble que l'on a le lendemain d'une débauche
, font- ce des preuves de la prompte
diffipation de ce poifon igné que l'on a
fait
126 MERCURE DE FRANCE
fait couler dans fes veines ? mais accordons
encore au Critique fa propofition ,
& qu'il ait la bonté de me fatisfaire fur
deux points. Je dis d'abord que fi le volatile
du vin féjourne peu dans les vaiſfeaux
, il ne peut produire qu'un effet peu
fenfible ; donc fi les vieillards & les gens
de travail veulent en tirer quelque utilité ,
il faut qu'ils en uſent fréquemment ; c'eft
ce queje ne crois pas que le Critique accorde.
En fecond lieu , je demande , ſuppofant
la verité de nos principes , s'il
voudroit le mettre dans le rifque d'ufer
d'un mauvais remede ou d'un aliment
dangereux fous prétexte qu'il n'agit que
peu fur le corps . S'il eft de cet avis , je crois
qu'il n'aura pas beaucoup de partifans.
Mais , continue-t- il , de ce que l'efprit
de vin coagule les liqueurs hors du corps,
s'enfuit- il , comme M. Le Hoc le préténd,
que pris interieurement il doive faire le
même effet ? l'agilité , la hardieffe , le courage
de ceux qui en ufent prouvent - elles
le ralentiffement , l'épaiffiffement des li ---
queurs .
Il feroit ridicule à M. Le Hoc de con--
clure tellement de l'un à l'autre , qu'il
voulut que tout fut égal dans deux cas
totalement differens. Les liqueurs tirées
des vaiffeaux n'ont plus de mouvement
progreffif , de mouvement de trituration ;
par
A O UST. 1730. 1727
par conféquent la force du poifon n'eft
plus contrebalancée , comme lorfqu'on le
fait prendre à un animal vivant. Tout ce
qu'on doit conclure des Obfervations de
M. Le Hoc , & ce qui fait merveilleuſement
pour lui , c'eft qu'il ne faut rien
moins qu'un mouvement continuel &
violent des liqueurs pour les garantir de la
promte coagulation qu'en font les fouffres
du vin.
L'agilité , la hardieffe & c. ne prouvent
certainement pas l'épaiffiffement des li
queurs ; mais quand elles font produites
par des fouffres volatils , n'en font- elles
pas fuivies c'eft ce que M. Le Hoc niera ,
& avec raifon , tant que nos principes fubfifteront.
L'Objection du Critique tirée de l'a
vantage qui revient de l'ufage de l'Eau de
vie aux vieillards & à ceux qui font un
violent exercice du corps , ne prouve pas
davantage contre M. Le Hoc . Je demanderai
d'abord fi ceux de ces Ouvriers qui
ne boivent que de l'eau ont moins de force
2 S'il oferoit affurer que l'ufage de l'Eau
de vie ne leur nuit pas à la longue. 3 °
Je dirai qu'il ne conclura rien d'une exception
à une regle generale. Il ne faut
pas donner à la propofition de M. Le Hoc
une extenfion qu'elle n'a Dire qu'il
n'y ait point de cas , point de perfonnes
pas.
1728 MERCURE DE FRANCE
qui un ufage moderé de l'Eau de vie
ne puiffe être avantageux , ce feroit avancer
une propofition auffi contraire à la
raifon & à l'experience , qu'il le feroit de
la permettre à tout le monde . On fçait
que dans la Flandre & dans tous les Pays
où l'on fe fert de biere pour boiffon or
dinaire , les perfonnes les plus fobres en
ufent avec utilité. Les fibres engourdies
par le mucilage épais de la biere ont be
foin d'être reveillées par quelque chofe
d'actif. Mais ce n'eft qu'à raison de cette
fobrieté qu'elles ne fe trouvent pas mal de
l'ufage de l'Eau de vie . Les vieillards font
dans un cas à peu près femblable ; ils
tranfpirent moins que les autres à caufe
de la roideur de leurs fibres qui commencent
à devenir cartilagineufes ; leur fang
eft moins divifé : delà les cattarhes , &c.
d'où il fuit que l'Eau de vie augmentant
le mouvement inteftin du fang , peut leur
être utile. Les gens de travail faifant une
grande diffipation d'efprits ont befoin
d'en reparer promtement la perte ; c'eſt ,
comme nous l'avons remarqué , ce que
fait l'Eau de vie , & ce qui peut leur en
rendre l'ufagé avantageux
.
Le Critique va chercher chicane à M.
Le Hoc fur ce qu'il allegue pour prouver
fon fentiment , que l'efprit de vin injecté
dans la jugulaire d'un chien le fait mounirs
A O UST . 1730. 1729.
rir ; il dit qu'il n'eft queftion que de l'Eau
de vie dans fa propofition ; mais fi l'efprit
de vin n'eft qu'une Eau de vie rectifiée ,
il n'y a pas de doute qu'elle ne doive produire
un effet femblable , quoique moins
promtement. De plus étant prife interieu
rement , elle ne paffe dans le fang que petit
à petit , & fon effet ne peut pas
nir auffi fenfible que par l'injection.
Il s'enfuivroit , ajoûte- t- il encore ,
dans
le fentiment de M. Le Hoc , qu'un homme
devroit mourir fubitement pour boire
de l'Eau de vie , comme les oifeaux en
buvant de l'efprit de vin . Ce raifonnement
ne vaut pas mieux que le précedent par la
même raiſon.
deve..
Je finitai par ces paroles de Sydenham ✈
qui ne s'accorderont pas avec le fentiment
du Critique : Plut à Dieu que l'on s'abftine
totalement de l'Eau de vie , ou qu'on ne s'en
Servit que pour reparerfes forces , & non pour
les éteindre , à moins qu'on ne trouvât plus à
propos d'en interdire entierement l'ufage interieur,
& de la laiffer aux Chirurgiens pour
le panfement des ulceres & des brulures. Dans
le premier cas même il ne veut pas qu'on
l'employe pure ; && ss''iill llee permet dans le
fecond , ce n'eft que pour garantir la partie
affligée de la putrefaction. Et fi , felon
* Cap. 6, fect. 6.
la
1730 MERCURE DE FRANCE
la remarque de Sennert les huiles diftil-
Fees & feches demandent à être mêlées
avec quelque matiere graffe , pour ne pas
durcir la matiere qu'on veut diffoudre ,
à combien plus forte raifon doit - on apprehender
les effets d'une liqueur auffi
fpiritueufe & auffi penetrante que l'Eaur
de vie.
je
Voilà , Monfieur , ce que j'avois à remarquer
fur les Reflexions de M. G. B. . '
n'ai pas crû pouvoir me difpenfer de
combattre fon fentiment qui m'a paru
trop dangereux dans la Pratique ; d'autant
plutôt que la Thefe de M. Le Hoc
ne fera pas vue d'autant de perfonnes que vûë
votre Journal. J'ai l'honneur d'être &c.
A Paris le 9. Juillet 1730. BRUHIER
D'ABLANCOURT , Docteur en Mede
cine.
* Prag. lib. x . part. 11, cap 27. p. 141.”
Fermer
Résumé : RÉPONSE aux Reflexions sur une These soutenuë dans les Ecoles de Medecine de Paris, concernant la qualité de l'Eau de vie, inserées dans le Mercure de France du mois de May 1730. page 868.
Le texte est une réponse aux réflexions publiées dans le Mercure de France de mai 1730 concernant la qualité de l'eau-de-vie. L'auteur exprime sa surprise face à un médecin qui défend l'eau-de-vie, une liqueur extraite des parties spirituelles du vin. Il souligne que l'eau-de-vie concentre les effets du vin, notamment sur le pouls et la circulation sanguine. Selon Fernel, le vin rend le pouls grand, fort, rapide et fréquent, mais à l'excès, il le dérègle et se répand dans le corps, affectant le cœur, le cerveau et les nerfs. L'auteur argue que l'eau-de-vie, en augmentant la circulation, irrite les fibres et épaissit les liquides, causant divers maux comme la goutte, des engourdissements et des troubles cérébraux. Il réfute les arguments en faveur de l'eau-de-vie pour les vieillards et les travailleurs, affirmant que son usage modéré peut être bénéfique dans certains cas spécifiques. L'auteur conclut en citant Sydenham, prônant l'abstinence totale de l'eau-de-vie ou son usage strictement médical.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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32
p. 1732-1738
LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
Début :
Nous sommes trop sensibles, Monsieur, à tout ce qui peut s'opposer à [...]
Mots clefs :
Eau de vie, Thèse, Fibres, Sang, Liqueur spiritueuse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
LETTRE écrite de Pezenas , le 11 .
Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions
Sur l'ufage interieur de l'Eau- de-Vie
inferées dans le Mercure du mois de May
de l'année 1730. Contre la Thefe de
M. le Hoc.
Ous
Nficur , à tout ce qui peut s'oppofer à
fommes trop fenfibles , Mon
la confervation de l'homme , pour laiffer
de votre côtê le droit de la queftion pré
fente ; auffi fans craindre d'encourir vos
difgraces , ( vous en étant pris tout le prea
mier à la conclufion & à l'Ouvrage entier
de M. le Hoc ) nous allons nous en
prendre à notre tour à vos Reflexions ,
quelques judicieufes qu'elles paroiffent.
Vous prétendez , contre la conclufion
de la Theſe dont il s'agit , que l'Eau- de-
Vie eft falutaire à l'homme , qu'elle luf
donne de la force, de la vigueur, & prolonge
même la durée de les jours ; vous vous
trompez grandement , & vous en con
viendrez fans peine , fi vous confiderez
que cette Liqueur ne releve d'abord les
forces que pour les abattre peu après ; en
effet l'Eau de vie dans le temps de fon
action fur les organes du corps , réveillant
AOUST . 1730 . 1733
faut toutes les puillances
que
la nature
y
maintient dans une jufte étenduë , les
porte toûjours au - delà ce qui fait que
cette liqueur fpiritueufe ayant cellé d'agir
, ces mêmes puiffances deviennent fanguiffantes
, & fe trouvent alors de beaucoup
plus éloignées de l'état naturel où
elles étoient avant que d'être preffées
d'en fortir . Les bons beuveurs d'Eau de
vie font de très- fideles garants de ce que
nous avançons.
L'effet que cette Liqueur fpiritueufe
produit dans le corps en lui donnant de
fa vigueur & de la force , agit principa
lement en rendant le tiffu des fibres mufculaires
plus compactes , plus robuftes ,
& les muſcles mêmes par confequent plus
puiffants, mais auffi plus rebelles aux caufes
de leur mouvement qu'ils n'ont coûtume
; ce qui arrive à ces fibres en fe procurant
entre elles un contact plus intime
par le jeu de contraction ou de reffort que
les fréquents érethifmes de cette Liqueur
fpiritueule , fur le genre nerveux , follicitent
; cependant l'humide radical ( fi
l'on peut parler ainfi ) ou ce fuc lymphatique
, que la nature a mis à l'entre- deux
des fibrilles & des fibres mêmes , pour
les humecter dans le befoin & conferver
integrité , fe trouve forcé de fortir de
fa place , de prendre de nouvelles routes
&
1734 MERCURE DE FRANCE
& de priver ainfi ces parties d'un ſecours
dont elles ne fçauroient fe paffer , fans que
les caufes d'une longue vie en reffentent
de rudes atteintes. A quelles pertes de
ce fuc lymphatique ne donnent donc pas
lieu ceux qui fe perfuadent de trouver
leur vie dans l'uſage d'une veritable Eau
de mort ? pertes d'autant plus ou moins
confiderables , que l'ufage d'une telle Liqueur
fera plus ou moins moderé ; & delà
vient qu'on aura toûjours droit de dire
que l'Eau de vie , loin d'être falutaire à
l'homme , eft un mortel ennemi qui alfaillit
( malgré l'ancienne prévention de
Les bons effets qui en autorifent l'ufage parmi
les hommes ) les caufes de la vie même.
C'eft ainfi que l'Eau de vie tariffant les
fources des liqueurs limphatiques qui donnent
la foupleffe aux fibres , d'où dépend
le rythme des fonctions , racornit les folides
, fous une trompeufe apparence de
rendre le corps vigoureux.
Vous objectez enfuite contre l'Ouvrage
entier de l'Auteur , que l'Eau de vie ne
fçauroit racornir les folides , fondé précilement
fur ce que notre corps étant
percé de millions de manieres , cette Liqueur
fpiritueufe n'y féjourne point affez
long- temps ; à la verité , l'objection paroît
jufte du premier abord , mais dans le fond
elle eft peu folide ; faites un moment d'attention
A O UST . 1730. 1735
tention , qu'il ne faut pour donner lieu
à l'effet mentionné de l'Eau de vie , que
le paffage de cette Liqueur fpiritueule de
dedans en dehors , ce qui ne fe fait point
fans contredit auffi fubitement que vous
l'avez penfé fubtilement .
que
Nous avons quelque raifon de préfumer
maintenant , Monfieur , qu'ayant autant
d'efprit , de bon's fens , & de bonne
foi , qu'il en eft dans les veritables Sçavans
, vous devez être fenfible aux fortes
preuves que nous venons d'alleguer pour
détruire vos Reflexions ; cependant comme
il reste encore à vous convaincre
l'Eau de vie prife par la bouche , coagule
les humeurs , nous prévoyons bien que
pour vous venger entierement de notre
parti , il faut vous faire voir que l'évidence
s'y trouve , ce que vous découvrirez
vous-même aifément en diftinguant
deux temps qui fe fuccedent dans l'ufage
de cette Liqueur ; dès le premier tout le
réveille , tout s'anime dans la machine ,
les refforts ſe bandent & fe débandent ,
fuivant les loix de la réaction ; les folides
ainfi débridez , effarouchez ( s'il eft permis
de parler de la forte ) fouëttent le fang,
le divifent , l'aténuënt , l'affinent , en un
mot augmentent fes mouvemens , & pendant
le temps de cette agitation , lorique
fon vehicule ou ce qui fe trouve naturellement
1736 MERCURE DE FRANCE
lement dans cette Liqueur rouge de plus
liquide, s'eft diffipé (dans le fecond temps)
les parties les plus maffives, les plus groffieres,
s'approchent, fe touchent par des plus
larges furfaces ou par plufieurs points , la
difficulté dans leurs frotemens réciproques
de liquidité augmente , & pour lors
le mouvement fe ralentit , ou pour mieux
le dire le fang s'épaiffit & fe coagule.Après
quoi vous avez tout ſujet de vous écrier.
Helas ! mes propres traits fe tournent contre moi.
Ainfi vous jugez bien , M. , que notre
imprudence n'ira jamais jufqu'à donner
de l'Eau de vie dans le cas où vous voulez
qu'elle convienne , fuivant notre fentiment
; la durée de l'homme nous touche
de trop près , & notre pratique de Medecine
, toute faine qu'elle eft , s'accorde
trop bien avec notre théorie , pour nous
écarter des routes fi connuës .
Au refte , vous nous faites un crime
fur ce que dans les Experiences nous nous
fommes fervis auffi indifferemment de
'Efprit de vin que de l'Eau de vie , mais
fi vous avez bien penfé que ces deux Liqueurs
ne different entre- elles que du plus
ou du moins d'énergie , vous auriez été ,
fans doute, plus indulgent . Peut-être croirez-
vous avoir plus de droit dans cette
ennuyeuſe fuite de confequencesque vous
fçavez
A O UST . 1730. 1737
fçavez tirer favorablement de nos Experiences
? Détrompez -vous , nous ne te
nons de ſemblables raifonnemens qu'autant
qu'une injufte prévention contre notre
fentiment , nous en fait les Auteurs ;
en effet , vous ne fçauriez foutenir avec
un fondement d'équité , que quoique
l'Eau de vie ne tue pas l'homme auffi
promptement que les bêtes , elle doive
paffer pour une Eau falutaire , puifqu'il
eft certain par tout ce que nous venons
d'avancer , qu'on doit regarder très - férieufement
cette Liqueur fpiritueufe dans
l'ufage que l'on en fait , comme un poiſon
lent qui retranche tout doucement du
temps de cette féduifante efperance de
longue vie.
Il eſt aifé de voir maintenant , fuivant
l'effet que l'Eau de vie produit dans tout
le corps , principalement fur la texture
des vifceres de l'eftomac ( par exemple )
du foye , &c. que cette Liqueur fpiritueufe
doit non-feulement nuire confiderablement
à la digeſtion , mais encore avancer
les derniers momens de la vie , foit
en dépravant l'exercice des fonctions , foit
en interceptant ou ralentiffant les coups
des fecretions , d'où fuit le dérangement
de la diatheſe du fang , la confufion & le
trouble dans toute la maffe . Ces Phlogoſes,
ces Duretés fchireufes qui en font ordi-
C nairement
1738 MERCURE DE FRANCE
>
nairement le terme dans ces fortes de cas ,
ces concretions calculeufes ; en un mot
ce nombre prodigieux de maux qui fe
mettent de la partie , reconnoiffent enfemble
la même caufe ; & delà vient qu'on
peut regarder juftement l'ufage interieur
de cette Liqueur fpiritueufe , comme la
fource & l'origine de mille maladies , attribuées
bien fouvent à toutes autres
cauſes rebelles à celui qui les traite & combattuës
par des remedes qui tourmentent,
qui tuent même plutôt qu'ils ne foulagent
ou ne guériffent. Je m'apperçois que
que je vous tiens déja depuis trop longtemps
, & que je fuis dans l'obligation de
mettre fin à ma Lettre ; excufez , Monfieur
, mon indifcretion , le deffein de
trouver la verité , m'a fi fortement occupé
, que m'étant oublié moi-même , je
n'ai pas pris garde que j'abufois de votre
patience dans la lecture d'une fi longue
Lettre, que j'aurois peut-être même pouffé
plus loin , fi le devoir de ma Profeffion
ne m'eût appellé ailleurs ; perfuadé , Monfieur,
que quoique je me fois montré contraire
à vos Reflexions , je ne fuis pas moins
attaché à votre perfonne que j'eftime infiniment
, étant avec toute la confideration
poffible , &c,
G. BARRE'S , Docteur en Medecine de
la Faculté de Montpellier,
Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions
Sur l'ufage interieur de l'Eau- de-Vie
inferées dans le Mercure du mois de May
de l'année 1730. Contre la Thefe de
M. le Hoc.
Ous
Nficur , à tout ce qui peut s'oppofer à
fommes trop fenfibles , Mon
la confervation de l'homme , pour laiffer
de votre côtê le droit de la queftion pré
fente ; auffi fans craindre d'encourir vos
difgraces , ( vous en étant pris tout le prea
mier à la conclufion & à l'Ouvrage entier
de M. le Hoc ) nous allons nous en
prendre à notre tour à vos Reflexions ,
quelques judicieufes qu'elles paroiffent.
Vous prétendez , contre la conclufion
de la Theſe dont il s'agit , que l'Eau- de-
Vie eft falutaire à l'homme , qu'elle luf
donne de la force, de la vigueur, & prolonge
même la durée de les jours ; vous vous
trompez grandement , & vous en con
viendrez fans peine , fi vous confiderez
que cette Liqueur ne releve d'abord les
forces que pour les abattre peu après ; en
effet l'Eau de vie dans le temps de fon
action fur les organes du corps , réveillant
AOUST . 1730 . 1733
faut toutes les puillances
que
la nature
y
maintient dans une jufte étenduë , les
porte toûjours au - delà ce qui fait que
cette liqueur fpiritueufe ayant cellé d'agir
, ces mêmes puiffances deviennent fanguiffantes
, & fe trouvent alors de beaucoup
plus éloignées de l'état naturel où
elles étoient avant que d'être preffées
d'en fortir . Les bons beuveurs d'Eau de
vie font de très- fideles garants de ce que
nous avançons.
L'effet que cette Liqueur fpiritueufe
produit dans le corps en lui donnant de
fa vigueur & de la force , agit principa
lement en rendant le tiffu des fibres mufculaires
plus compactes , plus robuftes ,
& les muſcles mêmes par confequent plus
puiffants, mais auffi plus rebelles aux caufes
de leur mouvement qu'ils n'ont coûtume
; ce qui arrive à ces fibres en fe procurant
entre elles un contact plus intime
par le jeu de contraction ou de reffort que
les fréquents érethifmes de cette Liqueur
fpiritueule , fur le genre nerveux , follicitent
; cependant l'humide radical ( fi
l'on peut parler ainfi ) ou ce fuc lymphatique
, que la nature a mis à l'entre- deux
des fibrilles & des fibres mêmes , pour
les humecter dans le befoin & conferver
integrité , fe trouve forcé de fortir de
fa place , de prendre de nouvelles routes
&
1734 MERCURE DE FRANCE
& de priver ainfi ces parties d'un ſecours
dont elles ne fçauroient fe paffer , fans que
les caufes d'une longue vie en reffentent
de rudes atteintes. A quelles pertes de
ce fuc lymphatique ne donnent donc pas
lieu ceux qui fe perfuadent de trouver
leur vie dans l'uſage d'une veritable Eau
de mort ? pertes d'autant plus ou moins
confiderables , que l'ufage d'une telle Liqueur
fera plus ou moins moderé ; & delà
vient qu'on aura toûjours droit de dire
que l'Eau de vie , loin d'être falutaire à
l'homme , eft un mortel ennemi qui alfaillit
( malgré l'ancienne prévention de
Les bons effets qui en autorifent l'ufage parmi
les hommes ) les caufes de la vie même.
C'eft ainfi que l'Eau de vie tariffant les
fources des liqueurs limphatiques qui donnent
la foupleffe aux fibres , d'où dépend
le rythme des fonctions , racornit les folides
, fous une trompeufe apparence de
rendre le corps vigoureux.
Vous objectez enfuite contre l'Ouvrage
entier de l'Auteur , que l'Eau de vie ne
fçauroit racornir les folides , fondé précilement
fur ce que notre corps étant
percé de millions de manieres , cette Liqueur
fpiritueufe n'y féjourne point affez
long- temps ; à la verité , l'objection paroît
jufte du premier abord , mais dans le fond
elle eft peu folide ; faites un moment d'attention
A O UST . 1730. 1735
tention , qu'il ne faut pour donner lieu
à l'effet mentionné de l'Eau de vie , que
le paffage de cette Liqueur fpiritueule de
dedans en dehors , ce qui ne fe fait point
fans contredit auffi fubitement que vous
l'avez penfé fubtilement .
que
Nous avons quelque raifon de préfumer
maintenant , Monfieur , qu'ayant autant
d'efprit , de bon's fens , & de bonne
foi , qu'il en eft dans les veritables Sçavans
, vous devez être fenfible aux fortes
preuves que nous venons d'alleguer pour
détruire vos Reflexions ; cependant comme
il reste encore à vous convaincre
l'Eau de vie prife par la bouche , coagule
les humeurs , nous prévoyons bien que
pour vous venger entierement de notre
parti , il faut vous faire voir que l'évidence
s'y trouve , ce que vous découvrirez
vous-même aifément en diftinguant
deux temps qui fe fuccedent dans l'ufage
de cette Liqueur ; dès le premier tout le
réveille , tout s'anime dans la machine ,
les refforts ſe bandent & fe débandent ,
fuivant les loix de la réaction ; les folides
ainfi débridez , effarouchez ( s'il eft permis
de parler de la forte ) fouëttent le fang,
le divifent , l'aténuënt , l'affinent , en un
mot augmentent fes mouvemens , & pendant
le temps de cette agitation , lorique
fon vehicule ou ce qui fe trouve naturellement
1736 MERCURE DE FRANCE
lement dans cette Liqueur rouge de plus
liquide, s'eft diffipé (dans le fecond temps)
les parties les plus maffives, les plus groffieres,
s'approchent, fe touchent par des plus
larges furfaces ou par plufieurs points , la
difficulté dans leurs frotemens réciproques
de liquidité augmente , & pour lors
le mouvement fe ralentit , ou pour mieux
le dire le fang s'épaiffit & fe coagule.Après
quoi vous avez tout ſujet de vous écrier.
Helas ! mes propres traits fe tournent contre moi.
Ainfi vous jugez bien , M. , que notre
imprudence n'ira jamais jufqu'à donner
de l'Eau de vie dans le cas où vous voulez
qu'elle convienne , fuivant notre fentiment
; la durée de l'homme nous touche
de trop près , & notre pratique de Medecine
, toute faine qu'elle eft , s'accorde
trop bien avec notre théorie , pour nous
écarter des routes fi connuës .
Au refte , vous nous faites un crime
fur ce que dans les Experiences nous nous
fommes fervis auffi indifferemment de
'Efprit de vin que de l'Eau de vie , mais
fi vous avez bien penfé que ces deux Liqueurs
ne different entre- elles que du plus
ou du moins d'énergie , vous auriez été ,
fans doute, plus indulgent . Peut-être croirez-
vous avoir plus de droit dans cette
ennuyeuſe fuite de confequencesque vous
fçavez
A O UST . 1730. 1737
fçavez tirer favorablement de nos Experiences
? Détrompez -vous , nous ne te
nons de ſemblables raifonnemens qu'autant
qu'une injufte prévention contre notre
fentiment , nous en fait les Auteurs ;
en effet , vous ne fçauriez foutenir avec
un fondement d'équité , que quoique
l'Eau de vie ne tue pas l'homme auffi
promptement que les bêtes , elle doive
paffer pour une Eau falutaire , puifqu'il
eft certain par tout ce que nous venons
d'avancer , qu'on doit regarder très - férieufement
cette Liqueur fpiritueufe dans
l'ufage que l'on en fait , comme un poiſon
lent qui retranche tout doucement du
temps de cette féduifante efperance de
longue vie.
Il eſt aifé de voir maintenant , fuivant
l'effet que l'Eau de vie produit dans tout
le corps , principalement fur la texture
des vifceres de l'eftomac ( par exemple )
du foye , &c. que cette Liqueur fpiritueufe
doit non-feulement nuire confiderablement
à la digeſtion , mais encore avancer
les derniers momens de la vie , foit
en dépravant l'exercice des fonctions , foit
en interceptant ou ralentiffant les coups
des fecretions , d'où fuit le dérangement
de la diatheſe du fang , la confufion & le
trouble dans toute la maffe . Ces Phlogoſes,
ces Duretés fchireufes qui en font ordi-
C nairement
1738 MERCURE DE FRANCE
>
nairement le terme dans ces fortes de cas ,
ces concretions calculeufes ; en un mot
ce nombre prodigieux de maux qui fe
mettent de la partie , reconnoiffent enfemble
la même caufe ; & delà vient qu'on
peut regarder juftement l'ufage interieur
de cette Liqueur fpiritueufe , comme la
fource & l'origine de mille maladies , attribuées
bien fouvent à toutes autres
cauſes rebelles à celui qui les traite & combattuës
par des remedes qui tourmentent,
qui tuent même plutôt qu'ils ne foulagent
ou ne guériffent. Je m'apperçois que
que je vous tiens déja depuis trop longtemps
, & que je fuis dans l'obligation de
mettre fin à ma Lettre ; excufez , Monfieur
, mon indifcretion , le deffein de
trouver la verité , m'a fi fortement occupé
, que m'étant oublié moi-même , je
n'ai pas pris garde que j'abufois de votre
patience dans la lecture d'une fi longue
Lettre, que j'aurois peut-être même pouffé
plus loin , fi le devoir de ma Profeffion
ne m'eût appellé ailleurs ; perfuadé , Monfieur,
que quoique je me fois montré contraire
à vos Reflexions , je ne fuis pas moins
attaché à votre perfonne que j'eftime infiniment
, étant avec toute la confideration
poffible , &c,
G. BARRE'S , Docteur en Medecine de
la Faculté de Montpellier,
Fermer
Résumé : LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
Le 11 juillet 1730, une lettre est adressée à l'auteur des Réflexions sur l'usage intérieur de l'Eau-de-Vie, publiées dans le Mercure de mai 1730, en réponse à la thèse de M. le Hoc. L'auteur de la lettre conteste les bienfaits de l'Eau-de-Vie, affirmant qu'elle est nuisible à la santé humaine. Il soutient que cette liqueur procure initialement une sensation de force et de vigueur, mais finit par affaiblir les forces du corps. L'Eau-de-Vie stimule les fibres musculaires, les rendant plus compactes et puissantes, mais les rend également plus résistantes aux mouvements naturels. Elle force l'humide radical, essentiel pour l'humectation et la conservation des fibres, à quitter sa place, entraînant des pertes significatives. L'auteur explique que l'Eau-de-Vie tarit les sources des liquides lymphatiques, rendant les solides plus rigides et moins souples, ce qui nuit à la longévité. Il réfute également l'objection selon laquelle l'Eau-de-Vie ne séjourne pas assez longtemps dans le corps pour causer des dommages, en expliquant que son passage suffit à provoquer des effets néfastes. La lettre conclut en affirmant que l'Eau-de-Vie est un poison lent, causant diverses maladies et raccourcissant la durée de vie. L'auteur exprime son attachement à la vérité et à la personne de son destinataire, malgré leurs désaccords.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
33
p. 2195-2202
RÉPONSE à la Lettre de M. G. Barréz, Medecin à Pezenas, inserée dans le Mercure du mois d'Août 1730. au sujet de l'usage interieur de l'Eau de vie.
Début :
Vous êtes touché de trop près, Monsieur, de la durée de l'homme, & la [...]
Mots clefs :
Eau de vie, Liqueur, Sang, Aliments
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre de M. G. Barréz, Medecin à Pezenas, inserée dans le Mercure du mois d'Août 1730. au sujet de l'usage interieur de l'Eau de vie.
REPONSE à la Lettre de M. G.
Barréz , Medecin à Pezenas inferée
dans le Mercure du mois d'Aoûc 1730.
au fujet de l'ufage interieur de l'Eau de
vie.
Vficus ,de la durée de l'homme , & la
Ous êtes touché de trop près , Monverité
vous occupe trop fortement pour que
vous n'embraffiez toutes les occafions de
deffendre l'une & l'autre ; le grand interêt
que vous y prenez vous a fait attaquer
fortement l'Auteur des Reflexions qui
ne convient pas avec M. Le Hoc que l'Eau
La Marquife de G ... eft de Marseille , &
'a été mariée à Arles,
D vj fans
2196 MERCURE DE FRANCE
D
de vie foit une eau de mort , ainfi les doutes
que je vous propofe ici briévement
fans vous détourner beaucoup des devoirs
de votre profeffion , vous mettront à
même de montrer votre zele , & de me
détromper fur ce fujet.
En premier lieu , je doute fort que
tous les raifonnemens vagues & les grands
mots d'érethyfme des efprits , de dérangemens
de la diareze, de rythmes , des fonctions & c
puiffent convaincre les perfonnes raiſonnables
de la verité de vos propofitions , &
je tiens que les raifonnemens dénués d'experience
, comme font ceux que vous
nous propofez , & qui ne font pas fondés
fur des principes Mathématiques ,
peuvent prouver le pour & le contre dans
toutes les queftions de Medecine .
2º »>> Pour venir au fait , vous affurez
» que l'Eau de vie eft une eau de mort ,
un poiſon , fur ce qu'elle ne releve les
»forces que pour les abattre peu après ,
»parce que , dites- vous , cette liqueur
» porte les puiffances au-delà de leur jufte
» étendue , d'où étant revenues elles tombent
dans la langueur , tout cela n'eft pas
clair ; connoiffez - vous la meſure de cette
étenduë ? plus un Arc eft bandé , plus it
acquiert de force à fe remettre tout au
plus l'Eau de vie produiroit cette grande
diftenfion par fa quantité : mais qu'eſt-
CC
OCTOBRE. 1730 2197
ce qu'une once d'Eau de vie dans un
corps de 160. livres , ce n'eft pas la 160c
partie de nos liqueurs , & on prend 128 .
onces d'alimens fans craindre cette diftenfion
funefte dont vous nous menacez ;
feroit- ce que l'Eau de vie fait rarefier le
fang ? mais vous nous affurez qu'elle le
coagule.
3 Vous femblez même vous contredire
peu après , & me fourniffez des raifons
de douter de ces langueurs que produit
l'Eau de vie , quand vous dites qu'elle
rend les fibres des muscles plus compactes
plus robuftes , & les muscles plus puiffans.
Ainfi vos propres traits fe tournent contre
vous mais vous pouffez plus loin , &
ajoûtez qu'elle racorait les fibres , en les
obligeant de s'unir par les fortes contractions
que produit cette liqueur dans les
tuyaux , & par la diffipation qu'elle fait
faire de la limphe , & tout de fuite vous
menacez ceux qui ufent de cette liqueur
de voir d'abord leurs tuyaux debridés
effarouchés de la confufion & du defordre
dans les rythmes de leurs fonctions , de l'é--
rethifme de leurs efprits animaux , du dérangement
, de la diarhefe de leur fang , de
fchirres , du calcul de la Goute , de mille
maladies & de la privation de la vie.
Les buveurs d'Eau de vie ne font
de
ce que vous avancez ;
garans
au contraire
perfuadés
pas
ils font
Qu'un
2198 MERCURE DE FRANCE
Qu'un jeune Medecin vit moins qu'un vieil yvros
gne. Regnier , Satyre 10
Ainfi leur témoignage ne vous eft pas
avantageux , s'ils font exposés aux maladies
que vous dites ; les buveurs d'eau
n'en font pas exemts ; ce n'eſt que l'abus
de l'Eau de vie & de l'eau commune ou`
minerale qui produit ces mauvais effets ,
abus que tout le monde blâme , fans traiter
ni l'une ni l'autre de ces liqueurs de
poifon & d'eau de mort. L'Eau de vie
doit être prife moderément , & alors elle
produit mille bons effets , exterieurement
elle réfout les édemes , les éréfipeles , refferre
les playes , en arrête l'hémoragie ;
trop forte dofe , au contraire , elle eft
nuifible , empêche de grandir les petits
chiens qui y font plongés , en durciffant
leurs folides , tue les oifeaux aufquels on
en fait trop boire , durcit les foetus qu'on
y tient long - tems plongés.
à
Intérieurement on en ufe en trois façons
diverſes , ou l'on l'avale , & c'eſt en
grande quantité , fouvent & fans befoin
& alors on ne peut nier qu'elle ne foit
nuifible , quand on la prend à jeun , dans
les chaleurs de l'Eté , dans la fiévre , fur
tout elle nuit aux perfonnes fanguines &
bilicules.
Cet
OCTOBRE. 1730. 2199
Cet excès eft plus pardonable aux
temperamens froids & pituiteux , aux
Pays du Nord &c . on l'employe utilement
fous le nom d'Eau de vie Allemande
pour fortifier les boyaux des hydropiques
à mesure qu'on les purge &c.
Ou bien on l'avale en petite dofe après
de grands repas & dans les foibleffes , &
on fe fert de l'Eau de vie la plus douce
& non de la raffinée , autrement nommée
efprit de vin , & c'eft ainfi qu'en uſent
les perfonnes les plus fages ; cette liqueur
acide & fpiritueufe tombant dans l'eftomac
perd fon activité dans les parties
graiffeufes des alimens , & ne garde qu'u
ne legere force pour irriter & réveiller
la contraction de ce vifcere affaiffé fous
ce poids ; fes acides , fi on veut , fermentant
avec les alimens , fe changent en fels
falés , aident à la divifion des viandes
paffant dans le fang , en accelerent le
cours , hâtent les fecretions , comme la
chaleur , la rougeur , la fréquence du
poux le démontrent , & fes parties fpiritueufes
doivent,felon vous , M. qui croyez.
aux efpritsanimaux , fournir de ces nouveaux
agens qui felon votre langage en
tretiennent la vie & la fanté parfaite.
9
Ou enfin on injecte l'Eau de vie par
de grandes veines dans le corps , comme
on a fait fouvent à des animaux , & alors
elle
2200 MERCURE DE FRANCE
elle agit d'une façon toute differente , &
tue fur le champ , parceque fon acide qui
y prédomine, coagule tout à coup le fang,
n'ayant pas été changé en fel falé ni embaraffe
par des mucilages comme quand
on la prend par les premieres voyes : ce
n'eſt pas le feul remede qui agiffe de deux
façons fi differentes : le nitre , par exemple
, eft un acide qui injecté dans le fang,
le coagule , & pris par la bouche , le divife
, & réfout les arêts dans les maladies
inflammatoires , auffi les Parifiens & les
Allemands en font- ils un grand ufage
dans les cas.
>
Tous ces faits font fi connus , Monfieur
, que je perdrois le tems à vous citer
les Auteurs de ces experiences , &
que j'ai honte qu'un de mes confreres les
ignore ; l'ufage de cette liqueur , s'il eft
moderé, eft très utile pour animer & foutenir
les Soldats * il ne faut pas craindre
que
dans l'Eftomac elle durciffe les fruits
& autres alimens comme elle fait hors du
corps , car elle y fouffre des fermentations ,
& excite des contractions au ventricule
propres à faciliter la digeftion , à divifer
les glaires. Dans le fang elle produit d'autres
bons effets que je ne repeterai plus.
Vina parant animos faciuntque caloribus aptos-
Ovide
Tout
OCTOBRE. 1730. 2201
Tout ce que je dis , au refte , de l'Eau
de vie n'eft pas fi démonftratif que je n'aye
bien des doutes fur ce fujet je fçai feulement
que l'expérience , nonobftant l'autorité
de Fernel & vos raifonnemens , au
toriſe l'uſage moderé de cette liqueur
pourvû qu'on en ufe en tems & lieu .
Tempore quaque fuo , Medici quoque tempora
Jervant ,
Et data non apto tempore quaque nocent.
Pardon , M² , fi je dérobe à vos malades
des momens fi précieux ; continuez →
néanmoins à détromper le Public fur d'au
tres abus , oubliez vos devoirs dans la recherche
de nouvelles verités , celles que Vous
nous annoncez ne nous paroiffent pas tout
à fait fi claires que vous le dites ; n'importe
, je vous loue de ce que fans connoître
la verité vous êtes affez généreux
pour la foutenir , femblable à ces Héros
antiques dont parlent nos Romanciers.
Qui défendant des inconnuës´
Ont porté leurs noms juſqu'aux nuës.
Je fuis &c.
Ziorcal , Docteur Medecin de la
Faculté de Montpellier.
Barréz , Medecin à Pezenas inferée
dans le Mercure du mois d'Aoûc 1730.
au fujet de l'ufage interieur de l'Eau de
vie.
Vficus ,de la durée de l'homme , & la
Ous êtes touché de trop près , Monverité
vous occupe trop fortement pour que
vous n'embraffiez toutes les occafions de
deffendre l'une & l'autre ; le grand interêt
que vous y prenez vous a fait attaquer
fortement l'Auteur des Reflexions qui
ne convient pas avec M. Le Hoc que l'Eau
La Marquife de G ... eft de Marseille , &
'a été mariée à Arles,
D vj fans
2196 MERCURE DE FRANCE
D
de vie foit une eau de mort , ainfi les doutes
que je vous propofe ici briévement
fans vous détourner beaucoup des devoirs
de votre profeffion , vous mettront à
même de montrer votre zele , & de me
détromper fur ce fujet.
En premier lieu , je doute fort que
tous les raifonnemens vagues & les grands
mots d'érethyfme des efprits , de dérangemens
de la diareze, de rythmes , des fonctions & c
puiffent convaincre les perfonnes raiſonnables
de la verité de vos propofitions , &
je tiens que les raifonnemens dénués d'experience
, comme font ceux que vous
nous propofez , & qui ne font pas fondés
fur des principes Mathématiques ,
peuvent prouver le pour & le contre dans
toutes les queftions de Medecine .
2º »>> Pour venir au fait , vous affurez
» que l'Eau de vie eft une eau de mort ,
un poiſon , fur ce qu'elle ne releve les
»forces que pour les abattre peu après ,
»parce que , dites- vous , cette liqueur
» porte les puiffances au-delà de leur jufte
» étendue , d'où étant revenues elles tombent
dans la langueur , tout cela n'eft pas
clair ; connoiffez - vous la meſure de cette
étenduë ? plus un Arc eft bandé , plus it
acquiert de force à fe remettre tout au
plus l'Eau de vie produiroit cette grande
diftenfion par fa quantité : mais qu'eſt-
CC
OCTOBRE. 1730 2197
ce qu'une once d'Eau de vie dans un
corps de 160. livres , ce n'eft pas la 160c
partie de nos liqueurs , & on prend 128 .
onces d'alimens fans craindre cette diftenfion
funefte dont vous nous menacez ;
feroit- ce que l'Eau de vie fait rarefier le
fang ? mais vous nous affurez qu'elle le
coagule.
3 Vous femblez même vous contredire
peu après , & me fourniffez des raifons
de douter de ces langueurs que produit
l'Eau de vie , quand vous dites qu'elle
rend les fibres des muscles plus compactes
plus robuftes , & les muscles plus puiffans.
Ainfi vos propres traits fe tournent contre
vous mais vous pouffez plus loin , &
ajoûtez qu'elle racorait les fibres , en les
obligeant de s'unir par les fortes contractions
que produit cette liqueur dans les
tuyaux , & par la diffipation qu'elle fait
faire de la limphe , & tout de fuite vous
menacez ceux qui ufent de cette liqueur
de voir d'abord leurs tuyaux debridés
effarouchés de la confufion & du defordre
dans les rythmes de leurs fonctions , de l'é--
rethifme de leurs efprits animaux , du dérangement
, de la diarhefe de leur fang , de
fchirres , du calcul de la Goute , de mille
maladies & de la privation de la vie.
Les buveurs d'Eau de vie ne font
de
ce que vous avancez ;
garans
au contraire
perfuadés
pas
ils font
Qu'un
2198 MERCURE DE FRANCE
Qu'un jeune Medecin vit moins qu'un vieil yvros
gne. Regnier , Satyre 10
Ainfi leur témoignage ne vous eft pas
avantageux , s'ils font exposés aux maladies
que vous dites ; les buveurs d'eau
n'en font pas exemts ; ce n'eſt que l'abus
de l'Eau de vie & de l'eau commune ou`
minerale qui produit ces mauvais effets ,
abus que tout le monde blâme , fans traiter
ni l'une ni l'autre de ces liqueurs de
poifon & d'eau de mort. L'Eau de vie
doit être prife moderément , & alors elle
produit mille bons effets , exterieurement
elle réfout les édemes , les éréfipeles , refferre
les playes , en arrête l'hémoragie ;
trop forte dofe , au contraire , elle eft
nuifible , empêche de grandir les petits
chiens qui y font plongés , en durciffant
leurs folides , tue les oifeaux aufquels on
en fait trop boire , durcit les foetus qu'on
y tient long - tems plongés.
à
Intérieurement on en ufe en trois façons
diverſes , ou l'on l'avale , & c'eſt en
grande quantité , fouvent & fans befoin
& alors on ne peut nier qu'elle ne foit
nuifible , quand on la prend à jeun , dans
les chaleurs de l'Eté , dans la fiévre , fur
tout elle nuit aux perfonnes fanguines &
bilicules.
Cet
OCTOBRE. 1730. 2199
Cet excès eft plus pardonable aux
temperamens froids & pituiteux , aux
Pays du Nord &c . on l'employe utilement
fous le nom d'Eau de vie Allemande
pour fortifier les boyaux des hydropiques
à mesure qu'on les purge &c.
Ou bien on l'avale en petite dofe après
de grands repas & dans les foibleffes , &
on fe fert de l'Eau de vie la plus douce
& non de la raffinée , autrement nommée
efprit de vin , & c'eft ainfi qu'en uſent
les perfonnes les plus fages ; cette liqueur
acide & fpiritueufe tombant dans l'eftomac
perd fon activité dans les parties
graiffeufes des alimens , & ne garde qu'u
ne legere force pour irriter & réveiller
la contraction de ce vifcere affaiffé fous
ce poids ; fes acides , fi on veut , fermentant
avec les alimens , fe changent en fels
falés , aident à la divifion des viandes
paffant dans le fang , en accelerent le
cours , hâtent les fecretions , comme la
chaleur , la rougeur , la fréquence du
poux le démontrent , & fes parties fpiritueufes
doivent,felon vous , M. qui croyez.
aux efpritsanimaux , fournir de ces nouveaux
agens qui felon votre langage en
tretiennent la vie & la fanté parfaite.
9
Ou enfin on injecte l'Eau de vie par
de grandes veines dans le corps , comme
on a fait fouvent à des animaux , & alors
elle
2200 MERCURE DE FRANCE
elle agit d'une façon toute differente , &
tue fur le champ , parceque fon acide qui
y prédomine, coagule tout à coup le fang,
n'ayant pas été changé en fel falé ni embaraffe
par des mucilages comme quand
on la prend par les premieres voyes : ce
n'eſt pas le feul remede qui agiffe de deux
façons fi differentes : le nitre , par exemple
, eft un acide qui injecté dans le fang,
le coagule , & pris par la bouche , le divife
, & réfout les arêts dans les maladies
inflammatoires , auffi les Parifiens & les
Allemands en font- ils un grand ufage
dans les cas.
>
Tous ces faits font fi connus , Monfieur
, que je perdrois le tems à vous citer
les Auteurs de ces experiences , &
que j'ai honte qu'un de mes confreres les
ignore ; l'ufage de cette liqueur , s'il eft
moderé, eft très utile pour animer & foutenir
les Soldats * il ne faut pas craindre
que
dans l'Eftomac elle durciffe les fruits
& autres alimens comme elle fait hors du
corps , car elle y fouffre des fermentations ,
& excite des contractions au ventricule
propres à faciliter la digeftion , à divifer
les glaires. Dans le fang elle produit d'autres
bons effets que je ne repeterai plus.
Vina parant animos faciuntque caloribus aptos-
Ovide
Tout
OCTOBRE. 1730. 2201
Tout ce que je dis , au refte , de l'Eau
de vie n'eft pas fi démonftratif que je n'aye
bien des doutes fur ce fujet je fçai feulement
que l'expérience , nonobftant l'autorité
de Fernel & vos raifonnemens , au
toriſe l'uſage moderé de cette liqueur
pourvû qu'on en ufe en tems & lieu .
Tempore quaque fuo , Medici quoque tempora
Jervant ,
Et data non apto tempore quaque nocent.
Pardon , M² , fi je dérobe à vos malades
des momens fi précieux ; continuez →
néanmoins à détromper le Public fur d'au
tres abus , oubliez vos devoirs dans la recherche
de nouvelles verités , celles que Vous
nous annoncez ne nous paroiffent pas tout
à fait fi claires que vous le dites ; n'importe
, je vous loue de ce que fans connoître
la verité vous êtes affez généreux
pour la foutenir , femblable à ces Héros
antiques dont parlent nos Romanciers.
Qui défendant des inconnuës´
Ont porté leurs noms juſqu'aux nuës.
Je fuis &c.
Ziorcal , Docteur Medecin de la
Faculté de Montpellier.
Fermer
Résumé : RÉPONSE à la Lettre de M. G. Barréz, Medecin à Pezenas, inserée dans le Mercure du mois d'Août 1730. au sujet de l'usage interieur de l'Eau de vie.
Le texte est une réponse à une lettre de M. G., médecin à Pezenas, publiée dans le Mercure d'août 1730, concernant l'usage intérieur de l'Eau de vie. L'auteur, Ziorcal, médecin à Montpellier, exprime des doutes sur les affirmations de M. G. selon lesquelles l'Eau de vie serait une 'eau de mort' ou un poison. Ziorcal critique les arguments de M. G., les jugeant vagues et non fondés sur des principes mathématiques ou des expériences concrètes. Il souligne que l'Eau de vie, utilisée modérément, peut avoir des effets bénéfiques, tels que résoudre les œdèmes, refermer les plaies et arrêter les hémorragies. Il mentionne également que l'abus de cette liqueur, comme de toute autre, peut entraîner des effets nuisibles. L'auteur conclut en affirmant que l'usage modéré de l'Eau de vie est autorisé par l'expérience, malgré les doutes et les arguments de M. G.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
34
p. 2482-2490
Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Début :
Le Samedi, 4 de ce mois, les Comédiens François donnerent la premiere représentation [...]
Mots clefs :
Prince, Druide, Chasseur, Amour, Sang, Ennemi, Mort, Bonheur, Comédie, Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Le Samedi , 4 de ce mois , les Comé
diens François donnerent la premiere repréfentation
du Prince de Noyfi, Comédie
en Profe , en trois Actes , avec un Prologue
& trois Intermedes . Le Sr Dufrene &
les Dues Labat & Dangeville la jeune , y
jouent avec beaucoup d'aplaudiffemens
les principaux Rôles. Cette derniere eft
NOVEMBRE . 1730. 2483
en garçon, fous le nom de Poinçon , & la
fineffe de fon jeu , jointe aux agrémens &
à l'air charmant de fa perfonne , font admirer
fes heureux talens , dans un âge
fi peu avancé. Elle danfe un pas de
deux avec autant de jufteffe que de vivacité
avec la Dile Labat , dont on connoît
les graces & la nobleffe.
Voici l'Extrait de cette Piéce que nous
abregeons. Elle eft de M. d'Aiguebere ,
Auteur des Trois Spectacles.
Le Prologue n'a point d'autre objet
que le ridicule de certaines gens qui fut
le feul titre d'une Piéce prétendent en
juger fouverainement , ou qui fur la fimple
lecture de la Fable ou de l'Hiſtoire ou
le fujet a été pris , s'imaginent qu'on
n'en doit rien retrancher , non pas même
les abfurdités. Telle eft la Comteffe de
ce Prologue ; elle croit trouver dans la
Piéce du Prince de Noifi un coûteau
qui écrit de lui même des chiens d'argent
qui jappent & des ftatues qui gémiffent.
On y agite quelques autres
queftions ; un des Acteurs foûtient que
les Piéces d'agrément font préferables à
toutes les autres , & que le Milantrope
l'ennuye par la feule raifon qu'il n'y a
point de divertiffement. Le plus fenfé des
interlocuteurs eft un Commandeur qui
G vj la
2484 MERCURE DE FRANCE
fe mocquant de ceux qui jugent d'une
Piéce avant que de l'avoir vûë , prononce
ainfi fur le Prince de Noifi : Puiſque
vous le voulez , je vais vous fatisfaire , &
voici mon avis. Les Acteurs entrent fur le
Théatre : la Piéce va commencer ; allons tous
prendre nos places , & joindre notre jugement
à celui du Public.
Le Théatre repréſente au premier Acte
les Jardins du Chef des Druides ; on voit
au milieu la ſtatuë de Cleopain. Ce Chef
des Druides fait entendre à fa fille Alie
qu'il a enlevé à Merlin le glaive enchantéqu'il
déroba autrefois à la belle Philoclée;
que ce fer merveilleux , entr'autres vertus,
poffede celle d'écrire de lui- même tout
ce qu'on veut fçavoir par fon fecours , &
que l'ayant interrogé fur fon fort , il lui
a tracé fur le champ cette réponſe :
Si tu veux à ta fille affurer d'heureux jours ,
De Philoclée implore le fecours..
Le Druide ajoûte qu'il a envoyé confulter
Philoclée ; un Druide lui en vient
apporter cette réponſe :
Avant que pour la belle Alie-
Un Epoux foit choifi ,
Il faut pour affurer le bonheur de fa vie
Qu'on ait yerfé le fang du Prince de Noifi.
Cef
NOVEMBRE. 1730. 248 §
Çet Oracle allarme le Druide plus que
jamais. Le Prince de Noifi eft fils de Merlin
, fon plus redoutable Ennemi ; il jure
de ne rien oublier pour le faire périr . En
attendant cette mort qui doit préceder
l'hymen de fa fille , il l'exhorte à défendre
fon coeur de tout engagement ; il luf
parle d'un Géant qui eft capable de tout
entreprendre pour l'obtenir de gré ou de
force ; & comme le petit Poinçon , fils de
la Fée Melizande eft le plus vigilant des
tous les Génies , il le fait fortir du fein
de la ftatue où il étoit renfermé , & luf
commet la garde de la belle Alie.
Poinçon remercie le Chef des Druides.
de l'avoir tiré d'une prifon où il s'ennuyoit
; mais il trouve le nouvel emplor
qu'il lui donne beaucoup plus difficile
que le premier ; voici comme il s'explique
: Ce nouvel emploi eft bien different de
celui que vous m'ôtez : là je n'avois qu'une
Statue à garder , ici c'est une jeune Beaute
qui malgré fon petit air froid , me paroît
trés vivante & c.
Le Chef des Druides ſe retire. Poinçon
raille Alie fur l'indifference dont elle fait
profeffion , & qu'elle croit toujours gar
der. Une Sylphide vient prendre Alie
pour la conduire auprès de fes compagnes
qui l'attendent pour l'habiller . Poincon
demeure feul pour découvrir fi la
Pr
2486 MERCURE DE FRANCE
prétendue indifferente dont la garde lui
eft commife n'auroit point quelque Amant
fecret. Le Géant Moulineau fe préſente
le premier ; Poinçon le reçoit bien mal
& lui dit enfin Monfieur Moulineau ,
vous êtes trop hideux , trop brutal & trop
Géant pour ma charmante petite Maîtreffe :
pour moi ,je me mocque de tous les Moulineaux
du monde , & malgré votre air rebarbatif
& votre longue face ... Le Géant
veut écraser Poinçon ; mais ce petit gardien
fe rend invifible.
Le fecond Amant qui fe préfente eft
mieux reçû : c'eft le Prince de Noifi en
chaffeur ; il demande à Poinçon pour toute
grace , de lui permettre de voir un
moment la belle Alie qu'il a idolatrée au
moment qu'il l'a vûë pour la premiere
fois pourfuivant une biche. Poinçon fe
laiffe attendrir ; il dit au Prince de Noifi
qu'il ne tiendra qu'à lui de voir fa belle
Maitreffe à la Fête duGuy où elle doit danfer.
On vient celebrer cette Fête.
Alie & Poinçon commencent le fecond
Acte. Alie paroît fort rêveufe , ce qui fait
dire à Poinçon : vous verrez que le Chaffeur
n'a pointperdu fon tems . Alie laiffe échaper
un foupir : Fort bien , dit Poinçon , voilà
le mot qui dénoia la langue de l'Amour encore
au berceau. Alie lui difant qu'il a bien
vû comme elle a pris la fuite à l'approche
NOVEMBRE. 1730. 2487
che du Chaffeur , il lui répond ingénieu
fement : ma foi , ma chere Maîtreffe , voulez
vous que je vous parle franchement ?
femme qui fuit trop vite , ou qui s'arrête
trop long tems fait penfer la même chofe . Alie
avoue à Poinçon qu'elle n'eft pas infenfi- (
ble pour cet aimable Chaſſeur ; mais elle
ajoûte que fidelle à fa gloire , elle ne le
verra de fa vie. Elle fuit , le voyant approcher
; mais il l'arrête malgré toute fa
réfolution .
Alie après s'être long- tems 'deffendue
contre l'amour que le Chaffeur lui témoigne
, lui dit pour achever de lui ôter
toute efperance : Seigneur , car enfin puifque
vous ofez me déclarer votre amour , je
dois vous nommer ainsi , & vous êtes fans
doute d'une naiſſance illuftre , ceffez de'm'adreffer
un difcours que je ne puis entendre
& triomphez d'un amour qui ne peut que
vous être funefte & c. Un Oracle fatal m'a
défendu de prendre aucun engagement , que le
fang d'un ennemi de mon pere n'ait été versé,
& celui qui doit périr voit encore la lumière.
Le Chaffeur s'offre à immoler ce fatal
ennemi ; Alie lui nomme le Prince de
Noifi ; le Prince de Noifi , qui eft ce Chaf
feur même , veut s'immoler au bonheur
prétendu d'Alie : elle lui retient le bras
& lui fait connoître fon amour par ces
mots
2488 MERCURE DE FRANCE
mots qui lui échapent : mon amour vous
deffend de mourir & c. Cette fituation a
paru belle ; mais on auroit fouhaité qu'elle
eût été un peu plus filée &c ..
Le Chef des Druides vient annoncer
le Divertiffement de cet Acte qui ne
vient qu'à la fuite d'un Tournois qui fe
fait derriere le Théatre à la gloire d'Alie.
Nous paffons ici une feconde Scene de
Moulineau , qui ne rabat rien de fa pre..
miere férocité .
Au troifiéme Acte , le Druide feul réfléchit
fur la profonde mélancolie où la
fille lui paroît plongée depuis quelques
heures. Poinçon parle en termes équivoques
au Druide qui s'en va plus tranquille
qu'il n'eft venu.
Poinçon
dit à part foi qu'il n'a rien à
fe reprocher
dans tout ce qu'il vient de dire au Pere d'Alie
, & que s'il a pris les chofes
dans un fens contraire
, il ne doit
s'en prendre
qu'à fon peu de pénétration
.
Alie vient témoigner la peine que lui
cauſe l'absence du Prince de Noil ; elle
n'attribuë fon éloignement qu'à fon inconftance
ou à fa mort ; Poinçon la raffure
; mais fon Pere vient la frapper d'un
coup mortel en lui apprenant que le
Prince de Noifi , leur implacable ennemi
vient d'être bleffé mortellement au Tour
,
nois
NOVEMBRE. 1730. 2489
:
mois : Alie à cette funefte nouvelle ne peut
plus retenir fes regrets , ni renfermer fon
amour. Le Druide frappé de la douleur
de fa Fille , & de la funefte réfolution
qu'elle prend de ne point furvivre à la
perte d'un fi parfait Amant , accuſe l'Oracle
de l'avoir trompé, quand il lui a fait
entendre que le bonheur de fa fille dépendoit
de répandre le fang du Prince de
Noifi ; mais fa douleur eft bientôt changée
en joye par l'arrivée de Philoclée „ qui
fui parle ainfi Souverain Chef des Druides
, vos redoutables cris font parvenus jufqu'à
moi : mon Oracle ne vous a point trompé
; il demandoit le fang du Prince de Noifi,
ce genéreux Amant vient d'y fatisfaire dans
le Tournois , & fi vous le voulez le refte va
s'accomplir ; uniffez Alie à ce Prince que
le Ciel lui deftine , & que je viens d'arracher
des bras de la mort . Elle ajoûte qu'à
peine ce Prince a - t'il été gueri de fes bleffures,
qu'il eft allé combatre le Géant Moulineau
qui venoit affieger ce Palais. Le
Prince de Noifi revient victorieux du
Géant , & fon hymen avec la belle Alic
fe conclud. On vient célébrer ce grand
jour , & la Piéce finit par cette troifiéme
Fête. Voici un Couplet de chacun des
trois Divertiffemens..
2490 MERCURE DE FRANCE
Une
Bergere.
Epris d'une flamme nouvelle
Mon Berger évite mes yeux ;
J'éprouve une peine mortelle ,
Don précieux ,
Ramene l'infidelle ,
Et tu combleras tous mes veux.
Un Chevalier.
"
Que fert d'obtenir l'honneur
Du prix qu'on donne au courage ,
Si l'objet qui nous engage ,
Loin d'approuver notre ardeur ,
Nomme un autre Vainqueur.
Poinçon au Parterre.
Un Auteur qui cherche à vous plaire ,
De mille foins eſt tourmenté ;
Le goût éclairé du Partère
Sans ceffe le tient agité ;
Mais il ne faut qu'un doux moment
Pour finir fon tourment .
diens François donnerent la premiere repréfentation
du Prince de Noyfi, Comédie
en Profe , en trois Actes , avec un Prologue
& trois Intermedes . Le Sr Dufrene &
les Dues Labat & Dangeville la jeune , y
jouent avec beaucoup d'aplaudiffemens
les principaux Rôles. Cette derniere eft
NOVEMBRE . 1730. 2483
en garçon, fous le nom de Poinçon , & la
fineffe de fon jeu , jointe aux agrémens &
à l'air charmant de fa perfonne , font admirer
fes heureux talens , dans un âge
fi peu avancé. Elle danfe un pas de
deux avec autant de jufteffe que de vivacité
avec la Dile Labat , dont on connoît
les graces & la nobleffe.
Voici l'Extrait de cette Piéce que nous
abregeons. Elle eft de M. d'Aiguebere ,
Auteur des Trois Spectacles.
Le Prologue n'a point d'autre objet
que le ridicule de certaines gens qui fut
le feul titre d'une Piéce prétendent en
juger fouverainement , ou qui fur la fimple
lecture de la Fable ou de l'Hiſtoire ou
le fujet a été pris , s'imaginent qu'on
n'en doit rien retrancher , non pas même
les abfurdités. Telle eft la Comteffe de
ce Prologue ; elle croit trouver dans la
Piéce du Prince de Noifi un coûteau
qui écrit de lui même des chiens d'argent
qui jappent & des ftatues qui gémiffent.
On y agite quelques autres
queftions ; un des Acteurs foûtient que
les Piéces d'agrément font préferables à
toutes les autres , & que le Milantrope
l'ennuye par la feule raifon qu'il n'y a
point de divertiffement. Le plus fenfé des
interlocuteurs eft un Commandeur qui
G vj la
2484 MERCURE DE FRANCE
fe mocquant de ceux qui jugent d'une
Piéce avant que de l'avoir vûë , prononce
ainfi fur le Prince de Noifi : Puiſque
vous le voulez , je vais vous fatisfaire , &
voici mon avis. Les Acteurs entrent fur le
Théatre : la Piéce va commencer ; allons tous
prendre nos places , & joindre notre jugement
à celui du Public.
Le Théatre repréſente au premier Acte
les Jardins du Chef des Druides ; on voit
au milieu la ſtatuë de Cleopain. Ce Chef
des Druides fait entendre à fa fille Alie
qu'il a enlevé à Merlin le glaive enchantéqu'il
déroba autrefois à la belle Philoclée;
que ce fer merveilleux , entr'autres vertus,
poffede celle d'écrire de lui- même tout
ce qu'on veut fçavoir par fon fecours , &
que l'ayant interrogé fur fon fort , il lui
a tracé fur le champ cette réponſe :
Si tu veux à ta fille affurer d'heureux jours ,
De Philoclée implore le fecours..
Le Druide ajoûte qu'il a envoyé confulter
Philoclée ; un Druide lui en vient
apporter cette réponſe :
Avant que pour la belle Alie-
Un Epoux foit choifi ,
Il faut pour affurer le bonheur de fa vie
Qu'on ait yerfé le fang du Prince de Noifi.
Cef
NOVEMBRE. 1730. 248 §
Çet Oracle allarme le Druide plus que
jamais. Le Prince de Noifi eft fils de Merlin
, fon plus redoutable Ennemi ; il jure
de ne rien oublier pour le faire périr . En
attendant cette mort qui doit préceder
l'hymen de fa fille , il l'exhorte à défendre
fon coeur de tout engagement ; il luf
parle d'un Géant qui eft capable de tout
entreprendre pour l'obtenir de gré ou de
force ; & comme le petit Poinçon , fils de
la Fée Melizande eft le plus vigilant des
tous les Génies , il le fait fortir du fein
de la ftatue où il étoit renfermé , & luf
commet la garde de la belle Alie.
Poinçon remercie le Chef des Druides.
de l'avoir tiré d'une prifon où il s'ennuyoit
; mais il trouve le nouvel emplor
qu'il lui donne beaucoup plus difficile
que le premier ; voici comme il s'explique
: Ce nouvel emploi eft bien different de
celui que vous m'ôtez : là je n'avois qu'une
Statue à garder , ici c'est une jeune Beaute
qui malgré fon petit air froid , me paroît
trés vivante & c.
Le Chef des Druides ſe retire. Poinçon
raille Alie fur l'indifference dont elle fait
profeffion , & qu'elle croit toujours gar
der. Une Sylphide vient prendre Alie
pour la conduire auprès de fes compagnes
qui l'attendent pour l'habiller . Poincon
demeure feul pour découvrir fi la
Pr
2486 MERCURE DE FRANCE
prétendue indifferente dont la garde lui
eft commife n'auroit point quelque Amant
fecret. Le Géant Moulineau fe préſente
le premier ; Poinçon le reçoit bien mal
& lui dit enfin Monfieur Moulineau ,
vous êtes trop hideux , trop brutal & trop
Géant pour ma charmante petite Maîtreffe :
pour moi ,je me mocque de tous les Moulineaux
du monde , & malgré votre air rebarbatif
& votre longue face ... Le Géant
veut écraser Poinçon ; mais ce petit gardien
fe rend invifible.
Le fecond Amant qui fe préfente eft
mieux reçû : c'eft le Prince de Noifi en
chaffeur ; il demande à Poinçon pour toute
grace , de lui permettre de voir un
moment la belle Alie qu'il a idolatrée au
moment qu'il l'a vûë pour la premiere
fois pourfuivant une biche. Poinçon fe
laiffe attendrir ; il dit au Prince de Noifi
qu'il ne tiendra qu'à lui de voir fa belle
Maitreffe à la Fête duGuy où elle doit danfer.
On vient celebrer cette Fête.
Alie & Poinçon commencent le fecond
Acte. Alie paroît fort rêveufe , ce qui fait
dire à Poinçon : vous verrez que le Chaffeur
n'a pointperdu fon tems . Alie laiffe échaper
un foupir : Fort bien , dit Poinçon , voilà
le mot qui dénoia la langue de l'Amour encore
au berceau. Alie lui difant qu'il a bien
vû comme elle a pris la fuite à l'approche
NOVEMBRE. 1730. 2487
che du Chaffeur , il lui répond ingénieu
fement : ma foi , ma chere Maîtreffe , voulez
vous que je vous parle franchement ?
femme qui fuit trop vite , ou qui s'arrête
trop long tems fait penfer la même chofe . Alie
avoue à Poinçon qu'elle n'eft pas infenfi- (
ble pour cet aimable Chaſſeur ; mais elle
ajoûte que fidelle à fa gloire , elle ne le
verra de fa vie. Elle fuit , le voyant approcher
; mais il l'arrête malgré toute fa
réfolution .
Alie après s'être long- tems 'deffendue
contre l'amour que le Chaffeur lui témoigne
, lui dit pour achever de lui ôter
toute efperance : Seigneur , car enfin puifque
vous ofez me déclarer votre amour , je
dois vous nommer ainsi , & vous êtes fans
doute d'une naiſſance illuftre , ceffez de'm'adreffer
un difcours que je ne puis entendre
& triomphez d'un amour qui ne peut que
vous être funefte & c. Un Oracle fatal m'a
défendu de prendre aucun engagement , que le
fang d'un ennemi de mon pere n'ait été versé,
& celui qui doit périr voit encore la lumière.
Le Chaffeur s'offre à immoler ce fatal
ennemi ; Alie lui nomme le Prince de
Noifi ; le Prince de Noifi , qui eft ce Chaf
feur même , veut s'immoler au bonheur
prétendu d'Alie : elle lui retient le bras
& lui fait connoître fon amour par ces
mots
2488 MERCURE DE FRANCE
mots qui lui échapent : mon amour vous
deffend de mourir & c. Cette fituation a
paru belle ; mais on auroit fouhaité qu'elle
eût été un peu plus filée &c ..
Le Chef des Druides vient annoncer
le Divertiffement de cet Acte qui ne
vient qu'à la fuite d'un Tournois qui fe
fait derriere le Théatre à la gloire d'Alie.
Nous paffons ici une feconde Scene de
Moulineau , qui ne rabat rien de fa pre..
miere férocité .
Au troifiéme Acte , le Druide feul réfléchit
fur la profonde mélancolie où la
fille lui paroît plongée depuis quelques
heures. Poinçon parle en termes équivoques
au Druide qui s'en va plus tranquille
qu'il n'eft venu.
Poinçon
dit à part foi qu'il n'a rien à
fe reprocher
dans tout ce qu'il vient de dire au Pere d'Alie
, & que s'il a pris les chofes
dans un fens contraire
, il ne doit
s'en prendre
qu'à fon peu de pénétration
.
Alie vient témoigner la peine que lui
cauſe l'absence du Prince de Noil ; elle
n'attribuë fon éloignement qu'à fon inconftance
ou à fa mort ; Poinçon la raffure
; mais fon Pere vient la frapper d'un
coup mortel en lui apprenant que le
Prince de Noifi , leur implacable ennemi
vient d'être bleffé mortellement au Tour
,
nois
NOVEMBRE. 1730. 2489
:
mois : Alie à cette funefte nouvelle ne peut
plus retenir fes regrets , ni renfermer fon
amour. Le Druide frappé de la douleur
de fa Fille , & de la funefte réfolution
qu'elle prend de ne point furvivre à la
perte d'un fi parfait Amant , accuſe l'Oracle
de l'avoir trompé, quand il lui a fait
entendre que le bonheur de fa fille dépendoit
de répandre le fang du Prince de
Noifi ; mais fa douleur eft bientôt changée
en joye par l'arrivée de Philoclée „ qui
fui parle ainfi Souverain Chef des Druides
, vos redoutables cris font parvenus jufqu'à
moi : mon Oracle ne vous a point trompé
; il demandoit le fang du Prince de Noifi,
ce genéreux Amant vient d'y fatisfaire dans
le Tournois , & fi vous le voulez le refte va
s'accomplir ; uniffez Alie à ce Prince que
le Ciel lui deftine , & que je viens d'arracher
des bras de la mort . Elle ajoûte qu'à
peine ce Prince a - t'il été gueri de fes bleffures,
qu'il eft allé combatre le Géant Moulineau
qui venoit affieger ce Palais. Le
Prince de Noifi revient victorieux du
Géant , & fon hymen avec la belle Alic
fe conclud. On vient célébrer ce grand
jour , & la Piéce finit par cette troifiéme
Fête. Voici un Couplet de chacun des
trois Divertiffemens..
2490 MERCURE DE FRANCE
Une
Bergere.
Epris d'une flamme nouvelle
Mon Berger évite mes yeux ;
J'éprouve une peine mortelle ,
Don précieux ,
Ramene l'infidelle ,
Et tu combleras tous mes veux.
Un Chevalier.
"
Que fert d'obtenir l'honneur
Du prix qu'on donne au courage ,
Si l'objet qui nous engage ,
Loin d'approuver notre ardeur ,
Nomme un autre Vainqueur.
Poinçon au Parterre.
Un Auteur qui cherche à vous plaire ,
De mille foins eſt tourmenté ;
Le goût éclairé du Partère
Sans ceffe le tient agité ;
Mais il ne faut qu'un doux moment
Pour finir fon tourment .
Fermer
Résumé : Le Prince de Noisi, Comedie nouvelle, [titre d'après la table]
Le 4 novembre 1730, les Comédiens Français ont présenté pour la première fois 'Le Prince de Noifi', une comédie en prose en trois actes avec un prologue et trois intermèdes. Les rôles principaux étaient interprétés par le Sieur Dufrene, les Dames Labat et Dangeville la jeune, cette dernière jouant un rôle masculin sous le nom de Poinçon. Sa performance, alliée à son charme et à sa vivacité, a été acclamée. La pièce, écrite par M. d'Aiguebere, critique les jugements hâtifs sur les œuvres théâtrales. Le prologue se moque de ceux qui prétendent juger une pièce sans l'avoir vue ou qui s'imaginent qu'il ne faut rien retrancher, même les absurdités. L'intrigue se déroule dans les jardins du chef des Druides, où une statue de Cléopâtre est présente. Le Druide révèle à sa fille Alie qu'il a volé un glaive enchanté à Merlin, capable d'écrire des réponses. Un oracle prédit que le bonheur d'Alie dépend de la mort du Prince de Noifi, fils de Merlin. Le Druide décide de protéger Alie en la confiant à Poinçon, un génie vigilant. Plusieurs personnages tentent de séduire Alie, notamment le Géant Moulineau et le Prince de Noifi déguisé en chasseur. Alie, malgré ses résistances, finit par avouer son amour pour le Prince. Après un tournoi, le Prince est blessé mais survit, tue le Géant et épouse Alie. La pièce se conclut par une fête célébrant leur union.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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35
p. 1217-1221
LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans le Corps humain.
Début :
Je gémis, Monsieur, je vous l'avoüe, quand je vois dans vos Mercures tant [...]
Mots clefs :
Pierre, Vessie, Tirer, Remède, Dissolvant, Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans le Corps humain.
LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans
Le Corps humain.
E gémis , Monsieur , je vous l'avoie ,
I
de Dissertations sur les manieres diffe
rentes de tirer la Pierre de la Vessie par la
taille. N'est-il pas étonnant que dans un
L. Kolo sić
1218 MERCURE DE FRANCE
siécle aussi éclairé que le nôtre
puisse se défaire de la prévention qu'on a
on ne
en faveur des anciens Auteurs ? car c'est
cet axiome, Remedium calculi cultrum est ; le
Couteau est le Remede de la Pierre , qui
est cause qu'on employe l'Art plutôt que
de consulter la Nature pour guérir ce
mal et qu'on préfere une operation
cruelle et très - dangereuse , qui fait tous
Les jours périr tant de personnes , aux
moyens simples et naturels qui le pour
roient dissiper sans aucun danger.
Mais , dira - t - on , un corps aussi dur que;
la Pierre , ou plutôt que le Caillou qui se
forme dans le Corps humain , ne pour
roit être dissous que par un Dissolvant
des plus puissans : or ne voit- on pas que
ce Dissolvant agiroit bien plus fortement
sur les parties tendres et délicates des Vis
ceres et des Vaisseaux par où il passeroit
dans le Corps , et causeroit dans le Sang des
desordres funestes. D'ailleurs , comme ce
Corps étranger qui est dans les reins ou
dans la Vessie , n'a aucuns Vaisseaux par le
moyen desquels il communique avec le
sang comment la vertu salutaire du
Remede y pourroit- elle arriver ? Enfin
qui a t- on vû délivré par un Remede
pris interieurement d'une Pierre bien
formée & d'un gros Volume ?
ر
.
(
(
I. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1219
Pour détruire la premiere de ces trois
objections , qui est la plus folide , il faut
encore que j'attaque un Axiome respec
table par son antiquité , sçavoir , que qui
peut le plus , peut le moins. Ne fçait -on
pas que l'eau forte qui dissout le plus dur
de tous les métaux , qui est le fer , ne peut
rien sur l'Or , qui est beaucoup plus mol,
ni même sur la Cire ; que le jus de Ci
tron qui dissout dans la main le Corail et
les perles , ne peut rien sur le Bois , ni sur
une infinité d'autres corps beaucoup plus
tendres : et que l'Eau commune , qui dis
sout fi vîte le sel , et au bout de quelque
tems le fer même , ne peut rien sur la
Cire , ni sur beaucoup d'autres choses
très-molles ?
Comme la Pierre n'est autre chofe qu'un
amas de sels , fixez par la chaleur des reins
qui , étant entrainez avec l'urine dans la
vessie , s'y assemblent , & forment un
corps par le moyen des glaires qui com
me un mastic , les lient ensemble , & de
vient dur par la chaleur de ce viscere ; il
n'est pas si difficile de trouver un Dissol
vant,ou plutôt un fondant, qui décompo
se cette espece de Caillou , puisqu'il ne
faut pour cela qu'amolir ,et réduire en li
queur ce mastic glaireux qui les tient ras
semblez : au moyen dequoi ces sels fixes
I.Vol
di
1220 MERCURE DE FRANCE
divisez et devenus libres , s'écouleront
aisément par l'uretre avec l'urine. Et puis
que l'urine n'est autre chose que la par
tie sereuse , saline et sulfureuse , séparée
du sang par la filtration qui se fait dans
les reins , il est aisé de comprendre qu'a
yant tiré du sang la qualité fondante du
Remede qu'on aura pris , elle décompo
sera aisément la Pierre qui baigne sans
cesse dans l'urine..
.
Enfin , Monsieur , pour répondre à la.
troisiéme objection et convaincre les
plus incrédules , ayez la bonté d'inviter
les personnes qui ont été délivrées de la
Pierre par des Remedes intérieurs , ou par
l'application de la Pierre divine , à en fai
re part au Public par la voye de votre
Mercure: vous verrez qu'il y ades moyens.
plus surs et plus faciles que le Couteau
pour faire sortir la Pierre du Corps hu
main..
le
Si vous voulez inviter en même-tems
ceux qui ont été guéris par des Remedes
trés-simples d'Hidropisies formées , vous
connoitrez aussi , et tout le Public par
même moyen , que la ponction n'eſt pas
nécessaire dans l'Hidropisie for née ; et
que pour perfectionner la Medecine , il
vaudrait mieux s'appliquer à étudier la
Nature , et à éprouver les qualités salu
(
128
N
N
I
L. Vol . taires
JUIN. 1731. 1221
taires de ses differentes productions , que
d'avoir recours aux Operations manuel
les , et de composer tous les jours , com
me on fait , de nouveaux sistêmes ..
Ce que j'ai l'honneur de vous proposer
interresse trop le bien public pour douter
que vous n'inseriez ma Lettre , que j'ai
Sort abregée dans le prochain Mercure..
Je suis Mon ieur , &c .
De La Loge.
Le Corps humain.
E gémis , Monsieur , je vous l'avoie ,
I
de Dissertations sur les manieres diffe
rentes de tirer la Pierre de la Vessie par la
taille. N'est-il pas étonnant que dans un
L. Kolo sić
1218 MERCURE DE FRANCE
siécle aussi éclairé que le nôtre
puisse se défaire de la prévention qu'on a
on ne
en faveur des anciens Auteurs ? car c'est
cet axiome, Remedium calculi cultrum est ; le
Couteau est le Remede de la Pierre , qui
est cause qu'on employe l'Art plutôt que
de consulter la Nature pour guérir ce
mal et qu'on préfere une operation
cruelle et très - dangereuse , qui fait tous
Les jours périr tant de personnes , aux
moyens simples et naturels qui le pour
roient dissiper sans aucun danger.
Mais , dira - t - on , un corps aussi dur que;
la Pierre , ou plutôt que le Caillou qui se
forme dans le Corps humain , ne pour
roit être dissous que par un Dissolvant
des plus puissans : or ne voit- on pas que
ce Dissolvant agiroit bien plus fortement
sur les parties tendres et délicates des Vis
ceres et des Vaisseaux par où il passeroit
dans le Corps , et causeroit dans le Sang des
desordres funestes. D'ailleurs , comme ce
Corps étranger qui est dans les reins ou
dans la Vessie , n'a aucuns Vaisseaux par le
moyen desquels il communique avec le
sang comment la vertu salutaire du
Remede y pourroit- elle arriver ? Enfin
qui a t- on vû délivré par un Remede
pris interieurement d'une Pierre bien
formée & d'un gros Volume ?
ر
.
(
(
I. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1219
Pour détruire la premiere de ces trois
objections , qui est la plus folide , il faut
encore que j'attaque un Axiome respec
table par son antiquité , sçavoir , que qui
peut le plus , peut le moins. Ne fçait -on
pas que l'eau forte qui dissout le plus dur
de tous les métaux , qui est le fer , ne peut
rien sur l'Or , qui est beaucoup plus mol,
ni même sur la Cire ; que le jus de Ci
tron qui dissout dans la main le Corail et
les perles , ne peut rien sur le Bois , ni sur
une infinité d'autres corps beaucoup plus
tendres : et que l'Eau commune , qui dis
sout fi vîte le sel , et au bout de quelque
tems le fer même , ne peut rien sur la
Cire , ni sur beaucoup d'autres choses
très-molles ?
Comme la Pierre n'est autre chofe qu'un
amas de sels , fixez par la chaleur des reins
qui , étant entrainez avec l'urine dans la
vessie , s'y assemblent , & forment un
corps par le moyen des glaires qui com
me un mastic , les lient ensemble , & de
vient dur par la chaleur de ce viscere ; il
n'est pas si difficile de trouver un Dissol
vant,ou plutôt un fondant, qui décompo
se cette espece de Caillou , puisqu'il ne
faut pour cela qu'amolir ,et réduire en li
queur ce mastic glaireux qui les tient ras
semblez : au moyen dequoi ces sels fixes
I.Vol
di
1220 MERCURE DE FRANCE
divisez et devenus libres , s'écouleront
aisément par l'uretre avec l'urine. Et puis
que l'urine n'est autre chose que la par
tie sereuse , saline et sulfureuse , séparée
du sang par la filtration qui se fait dans
les reins , il est aisé de comprendre qu'a
yant tiré du sang la qualité fondante du
Remede qu'on aura pris , elle décompo
sera aisément la Pierre qui baigne sans
cesse dans l'urine..
.
Enfin , Monsieur , pour répondre à la.
troisiéme objection et convaincre les
plus incrédules , ayez la bonté d'inviter
les personnes qui ont été délivrées de la
Pierre par des Remedes intérieurs , ou par
l'application de la Pierre divine , à en fai
re part au Public par la voye de votre
Mercure: vous verrez qu'il y ades moyens.
plus surs et plus faciles que le Couteau
pour faire sortir la Pierre du Corps hu
main..
le
Si vous voulez inviter en même-tems
ceux qui ont été guéris par des Remedes
trés-simples d'Hidropisies formées , vous
connoitrez aussi , et tout le Public par
même moyen , que la ponction n'eſt pas
nécessaire dans l'Hidropisie for née ; et
que pour perfectionner la Medecine , il
vaudrait mieux s'appliquer à étudier la
Nature , et à éprouver les qualités salu
(
128
N
N
I
L. Vol . taires
JUIN. 1731. 1221
taires de ses differentes productions , que
d'avoir recours aux Operations manuel
les , et de composer tous les jours , com
me on fait , de nouveaux sistêmes ..
Ce que j'ai l'honneur de vous proposer
interresse trop le bien public pour douter
que vous n'inseriez ma Lettre , que j'ai
Sort abregée dans le prochain Mercure..
Je suis Mon ieur , &c .
De La Loge.
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Résumé : LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans le Corps humain.
L'auteur d'une lettre discute des méthodes de traitement des calculs rénaux, exprimant son étonnement face à la persistance des préventions en faveur des anciens auteurs, notamment l'axiome 'Remedium calculi cultrum est' (le couteau est le remède de la pierre). Cette croyance privilégie des opérations chirurgicales dangereuses plutôt que des moyens naturels et simples pour dissoudre les calculs. L'auteur conteste l'idée que les dissolvants puissants nécessaires pour dissoudre les calculs endommageraient les parties tendres du corps. Il argue que des substances comme l'eau-forte, le jus de citron ou l'eau commune dissolvent certains matériaux mais pas d'autres, démontrant ainsi que des dissolvants spécifiques peuvent être trouvés pour les calculs rénaux sans nuire aux tissus environnants. Les calculs rénaux sont décrits comme des amas de sels fixés par la chaleur des reins et liés par des glaires. Un dissolvant approprié pourrait amollir ces glaires, permettant aux sels de se dissoudre et de s'écouler avec l'urine. L'auteur suggère que des remèdes pris intérieurement ou l'application de la 'Pierre divine' peuvent être efficaces. Enfin, l'auteur invite à publier des témoignages de personnes guéries par des remèdes intérieurs ou simples pour convaincre les sceptiques et promouvoir une médecine plus naturelle et moins invasive. Il espère que sa lettre sera publiée pour le bien public.
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36
p. 1421-1426
PROBLÈME DE MEDECINE. Déterminer la vitesse absoluë du sang au sortir du cœur.
Début :
On ne sçauroit croire de quelle utilité seroit la résolution de ce Problême : [...]
Mots clefs :
Médecine, Sang, Cœur, Fluides, Gluant, Liqueurs, Artères, Aorte, Chyle, Boyau
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texteReconnaissance textuelle : PROBLÈME DE MEDECINE. Déterminer la vitesse absoluë du sang au sortir du cœur.
PROBLEME
DE MEDECINE.
Déterminer la vitesse absolue du sang
au sortir du coeur.
Ο
N ne sçauroit croire de quelle utilité
seroit la résolution de ce Problême :
les Medecins sont des mécaniciens , qui ne
sçauroient rétablir la Machine du corps.
humain , s'ils ignorent la position , l'en
chaînement des parties qui la composent,
le jeu , le mouvement , la vitesse , les
efforts des unes contre les autres ; je sçai
qu'on a déja tâché de déterminer la vi
tesse absolue du sang au sortir du coeurs
mais ce sont des démonstrations tirées de
Machines parfaites , en supposant les fluï
des très-coulans , tandis que le sang est
II. Vol Av gluanc
1422 MERCURE DE FRANCE
gluant , que les tuyaux sont élastiques , et
ont des contractions fréquentes , qui en
diminuent les capacitez proportionnelle
ment à leurs diamétres ; cette ténacité.
de liqueurs , ces diamétres n'étant pas
connus parfaitement , il est très mal-aisé
de satisfaire à toutes ces conditions dans
la résolution cherchée.
Si on veut la chercher par lá parabole
que décrit le sang jaillissant par une Ar
tere ouverte , dont on connoît le rapport
du diamétre à celui de l'Aorte , il en fau
dra rabattre la vitesse que les douleurs
de la playe lui donneront ; ce qui est
très -mal aisé,
Si on la veut connoître , à priori , par
la
force du coeur et la quantité du sang qui
en sort , il faut rabattre la diminution.
de cette vîtesse , causée par le contre- ba-.
lancement du sang , des Arteres , de l'Air,
&c. C'est à cause de ces inconvéniens que
la vîtesse du déterminée par Keill ,
à environ 78. piez par minute au sortir
du coeur m'a parû suspecte et exhorbi
tante , et que celle de Borelli ne me paroît
pas juste.
sang ,
Il me semble qu'il est un moyen
facile
d'en approcher de bien près ; le voici .
Calcul fait , dans les Adultes , le coeur
bat à environ 75. fois par minute , l'ou
II. Vol. verture
JUIN. 1731
1423
verture de l'Aorte est de 63. lignes , la
quantité moyenne du sang qui en sort à
chaque contraction , est d'environ une
once et demie , et non de 2. ou 3. comme
Harvée et Borelli l'ont crû ; puisqu'un
pié cube d'eau , égale 72. livres , une once
et demie de sang , dont le poids est à
celui de l'eau , comme 25. à 24. égalera
un peu plus de 3888. lignes cubes.
Ce volume de liqueur étant dans le
ventricule gauche du coeur et étant gluant,
en est chassé à chaque contraction , de
façon que la file ne rompt pas et ne fait
que glisser à force dans les Arteres , qu'on
s'imagine un estomach plein de chyle
si on presse fortement et à coups redou .
blez ce réservoir , la vitesse avec laquelle
le chyle coulera dans les boyaux , sera à
chaque contraction comme la longueur
de l'espace que le chyle parcourra dans
ce boyau ; or si on fait atention à la té
nacité du chyle , et à ce que ce boyau est
déjà plein , il sera aisé de voir que cet es
pace ne sera autre que celui qui doit oc
cuper la quantité de chyle qui y est pous
sée. Revenons au coeur , cette quantité
de sang est connue , elle est de 3888 ..
lignes cubes , si on divise cette masse par
63. lignes , qui sont la base du Cilindre
dont on cherche la longueur , on aura 61 .
LI. Vol. A vi lignes a
1424 MERCURE DE FRANCE
{
lignes , je néglige les décimales , c'est
à-dire 5. pouces et quelques lignes de
vîtesse qu'aura le sang au sortir du coeur
à chaque contraction ; et comme il y en
70. par minute , ce sera 29. ou 30. pieds
de vitesse par minute qu'a le sang au sor
tir du coeur. Cette résolution naturelle ,
et à la portée de tout le monde , tirée im
médiatement de l'Anatomie , sert à ré
soudre une infinité d'autres questions ; je
ne parlerai que de celle qui a excité quel
ques disputes. C'est de déterminer la force
du coeur ; je ne prétens pas la résoudre ici ;
mais je remarquerai que la force du sang
qui en sort , est très- peu de chose ; car si
l'eau ayant un pied de vîresse par secon
de , ne fait contre une surface d'un pied ,
qu'une livre et demie d'effort , le sang qui
n'a qu'environ 5. pouces par segonde , ne
fera contre la surface 63. lignes , qu'il
bat directement au sortir du coeur , que
quelques dragmes d'effort , ou tout au
plus quelques onces , comme l'a démontré
Keill ; mais de-là il ne s'ensuit pas que la
force du coeur absoluë ne puisse être de
plusieurs milliers de livres , selon la dé
monstration de Borelli , sur quoi Keil s'est
trompé en concluant que la force du coeur
n'étoit que de quelques onces , confon
dant la relative avec l'absolue , et après
II. Kol. lui
JUIN. 1731. 1125
lui M. Astruc a mal conclu que les Cal
culs de Borelli et de Keill , étant si diffe
rens , cette quantité de force qu'on don
noit au coeur , étoit très équivoque.
La difference vient de ce que le coeur
n'employe qu'une très -petite force à chas
ser le sang , le reste de son effort est em
ployé à vaincre la résistance du sang déja
passé , celle des Arteres et des Membra
nes que l'air presse avec plus de 30000.
livres de force , et enfin à broyer ce mê
me sang. Pour mieux faire voir l'étendus
et l'usage de notre Problême , il n'y a
qu'à faire attention qu'il sert à détermi
ner la vitesse et la force absoluë du sang
dans tous les tuyaux sensibles du corps
humain , quoiqu'ils soient presque tous
de diametre different ; car par l'Anatomie
On apprend le rapport de leurs diamètres
à celui de l'Aorte , et par cette fameuse
regle , que les vitesses respectives des li
queurs homogenes , poussées par une même
force dans des tuyaux de differens diamétres,
sont réciproquement comme les carres de ces
diamétres , on connoît le rapport de la
vitesse de leurs liqueurs à celle du sang
au sortir du coeur , la vitesse absoluë de
celui -ci étant déterminée , les autres le
sont bien-tôt , et ainsi de suite pour tous
les tuyaux arteriels et veineux.
1
IL. Vola Si
1426 MERCURE DE FRANCE
I
Si le diamètre des Arteres limphatiques
des os de la peau , n'est que la 20000
partie de celui de l'Aorte , il y en a bien
de plus petits , puis qu'un grain de sable
en peut couvrir 25000. suivant Leuwe
noesk , tandis que le sang parcourra 30 .
pieds dans l'Aorte , ce qu'il fera en 20..
segondes , le sang des Arteres lymphatiques
ne parcourra que , de cet espace ,,
c'est-à dire, qu'il tardera 13.jours au moins
à y parcourir la longueur de 1o. pieds
et c'est par-là qu'on voit aujourd'hui la
raison du retour périodique des fièvres
tierces , quartes , mensales , anniversaires,,
de la verole hereditaire , de la rage, de la
Phtisie , & c. car le virus de ces maladies :
peut rester plusieurs années caché dans .
les tuyaux sereux , nerveux , osseux , et ne
faire son effet qu'étant mêlé après ce tems
avec le torrent du sang.
DE MEDECINE.
Déterminer la vitesse absolue du sang
au sortir du coeur.
Ο
N ne sçauroit croire de quelle utilité
seroit la résolution de ce Problême :
les Medecins sont des mécaniciens , qui ne
sçauroient rétablir la Machine du corps.
humain , s'ils ignorent la position , l'en
chaînement des parties qui la composent,
le jeu , le mouvement , la vitesse , les
efforts des unes contre les autres ; je sçai
qu'on a déja tâché de déterminer la vi
tesse absolue du sang au sortir du coeurs
mais ce sont des démonstrations tirées de
Machines parfaites , en supposant les fluï
des très-coulans , tandis que le sang est
II. Vol Av gluanc
1422 MERCURE DE FRANCE
gluant , que les tuyaux sont élastiques , et
ont des contractions fréquentes , qui en
diminuent les capacitez proportionnelle
ment à leurs diamétres ; cette ténacité.
de liqueurs , ces diamétres n'étant pas
connus parfaitement , il est très mal-aisé
de satisfaire à toutes ces conditions dans
la résolution cherchée.
Si on veut la chercher par lá parabole
que décrit le sang jaillissant par une Ar
tere ouverte , dont on connoît le rapport
du diamétre à celui de l'Aorte , il en fau
dra rabattre la vitesse que les douleurs
de la playe lui donneront ; ce qui est
très -mal aisé,
Si on la veut connoître , à priori , par
la
force du coeur et la quantité du sang qui
en sort , il faut rabattre la diminution.
de cette vîtesse , causée par le contre- ba-.
lancement du sang , des Arteres , de l'Air,
&c. C'est à cause de ces inconvéniens que
la vîtesse du déterminée par Keill ,
à environ 78. piez par minute au sortir
du coeur m'a parû suspecte et exhorbi
tante , et que celle de Borelli ne me paroît
pas juste.
sang ,
Il me semble qu'il est un moyen
facile
d'en approcher de bien près ; le voici .
Calcul fait , dans les Adultes , le coeur
bat à environ 75. fois par minute , l'ou
II. Vol. verture
JUIN. 1731
1423
verture de l'Aorte est de 63. lignes , la
quantité moyenne du sang qui en sort à
chaque contraction , est d'environ une
once et demie , et non de 2. ou 3. comme
Harvée et Borelli l'ont crû ; puisqu'un
pié cube d'eau , égale 72. livres , une once
et demie de sang , dont le poids est à
celui de l'eau , comme 25. à 24. égalera
un peu plus de 3888. lignes cubes.
Ce volume de liqueur étant dans le
ventricule gauche du coeur et étant gluant,
en est chassé à chaque contraction , de
façon que la file ne rompt pas et ne fait
que glisser à force dans les Arteres , qu'on
s'imagine un estomach plein de chyle
si on presse fortement et à coups redou .
blez ce réservoir , la vitesse avec laquelle
le chyle coulera dans les boyaux , sera à
chaque contraction comme la longueur
de l'espace que le chyle parcourra dans
ce boyau ; or si on fait atention à la té
nacité du chyle , et à ce que ce boyau est
déjà plein , il sera aisé de voir que cet es
pace ne sera autre que celui qui doit oc
cuper la quantité de chyle qui y est pous
sée. Revenons au coeur , cette quantité
de sang est connue , elle est de 3888 ..
lignes cubes , si on divise cette masse par
63. lignes , qui sont la base du Cilindre
dont on cherche la longueur , on aura 61 .
LI. Vol. A vi lignes a
1424 MERCURE DE FRANCE
{
lignes , je néglige les décimales , c'est
à-dire 5. pouces et quelques lignes de
vîtesse qu'aura le sang au sortir du coeur
à chaque contraction ; et comme il y en
70. par minute , ce sera 29. ou 30. pieds
de vitesse par minute qu'a le sang au sor
tir du coeur. Cette résolution naturelle ,
et à la portée de tout le monde , tirée im
médiatement de l'Anatomie , sert à ré
soudre une infinité d'autres questions ; je
ne parlerai que de celle qui a excité quel
ques disputes. C'est de déterminer la force
du coeur ; je ne prétens pas la résoudre ici ;
mais je remarquerai que la force du sang
qui en sort , est très- peu de chose ; car si
l'eau ayant un pied de vîresse par secon
de , ne fait contre une surface d'un pied ,
qu'une livre et demie d'effort , le sang qui
n'a qu'environ 5. pouces par segonde , ne
fera contre la surface 63. lignes , qu'il
bat directement au sortir du coeur , que
quelques dragmes d'effort , ou tout au
plus quelques onces , comme l'a démontré
Keill ; mais de-là il ne s'ensuit pas que la
force du coeur absoluë ne puisse être de
plusieurs milliers de livres , selon la dé
monstration de Borelli , sur quoi Keil s'est
trompé en concluant que la force du coeur
n'étoit que de quelques onces , confon
dant la relative avec l'absolue , et après
II. Kol. lui
JUIN. 1731. 1125
lui M. Astruc a mal conclu que les Cal
culs de Borelli et de Keill , étant si diffe
rens , cette quantité de force qu'on don
noit au coeur , étoit très équivoque.
La difference vient de ce que le coeur
n'employe qu'une très -petite force à chas
ser le sang , le reste de son effort est em
ployé à vaincre la résistance du sang déja
passé , celle des Arteres et des Membra
nes que l'air presse avec plus de 30000.
livres de force , et enfin à broyer ce mê
me sang. Pour mieux faire voir l'étendus
et l'usage de notre Problême , il n'y a
qu'à faire attention qu'il sert à détermi
ner la vitesse et la force absoluë du sang
dans tous les tuyaux sensibles du corps
humain , quoiqu'ils soient presque tous
de diametre different ; car par l'Anatomie
On apprend le rapport de leurs diamètres
à celui de l'Aorte , et par cette fameuse
regle , que les vitesses respectives des li
queurs homogenes , poussées par une même
force dans des tuyaux de differens diamétres,
sont réciproquement comme les carres de ces
diamétres , on connoît le rapport de la
vitesse de leurs liqueurs à celle du sang
au sortir du coeur , la vitesse absoluë de
celui -ci étant déterminée , les autres le
sont bien-tôt , et ainsi de suite pour tous
les tuyaux arteriels et veineux.
1
IL. Vola Si
1426 MERCURE DE FRANCE
I
Si le diamètre des Arteres limphatiques
des os de la peau , n'est que la 20000
partie de celui de l'Aorte , il y en a bien
de plus petits , puis qu'un grain de sable
en peut couvrir 25000. suivant Leuwe
noesk , tandis que le sang parcourra 30 .
pieds dans l'Aorte , ce qu'il fera en 20..
segondes , le sang des Arteres lymphatiques
ne parcourra que , de cet espace ,,
c'est-à dire, qu'il tardera 13.jours au moins
à y parcourir la longueur de 1o. pieds
et c'est par-là qu'on voit aujourd'hui la
raison du retour périodique des fièvres
tierces , quartes , mensales , anniversaires,,
de la verole hereditaire , de la rage, de la
Phtisie , & c. car le virus de ces maladies :
peut rester plusieurs années caché dans .
les tuyaux sereux , nerveux , osseux , et ne
faire son effet qu'étant mêlé après ce tems
avec le torrent du sang.
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Résumé : PROBLÈME DE MEDECINE. Déterminer la vitesse absoluë du sang au sortir du cœur.
Le texte aborde la détermination de la vitesse absolue du sang au sortir du cœur, un sujet crucial pour les médecins. Ces derniers sont comparés à des mécaniciens réparant une machine complexe. Les tentatives précédentes pour mesurer cette vitesse sont jugées insuffisantes car elles reposent sur des modèles parfaits et des fluides idéaux, contrairement au sang gluant et aux vaisseaux élastiques du corps humain. Les méthodes existantes pour mesurer cette vitesse sont complexes et imprécises. Par exemple, observer la trajectoire du sang jaillissant d'une artère ouverte ou calculer la vitesse à partir de la force du cœur et de la quantité de sang éjectée sont entravées par des facteurs comme les douleurs de la plaie ou la résistance des artères et de l'air. L'auteur propose une méthode plus fiable. En se basant sur le battement du cœur (environ 75 fois par minute), l'ouverture de l'aorte (63 lignes) et la quantité de sang éjectée (environ une once et demie par contraction), il calcule que la vitesse du sang au sortir du cœur est d'environ 5 pouces par contraction, soit 29 à 30 pieds par minute. Cette méthode permet également de déterminer la vitesse et la force du sang dans tous les vaisseaux du corps humain, en utilisant les rapports de diamètres et la règle des vitesses réciproques. Le texte conclut en expliquant comment cette connaissance peut éclairer des phénomènes médicaux comme le retour périodique des fièvres et des maladies chroniques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
p. 51-59
DISCOURS, sur l'obligation qu'il y a pour les Femmes, de nourrir elles-mêmes leurs enfans.
Début :
LA Comtesse de *** étant heureusement accouchée d'un Garçon, [...]
Mots clefs :
Mère et enfant, Nourrir un enfant, Naissance, Lait, Sang, Nourrice, Lait de brebis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS, sur l'obligation qu'il y a pour les Femmes, de nourrir elles-mêmes leurs enfans.
DISCOURS, sur l'obligation qu'il y as
pour les Femmes, de nourrir elles- mêmes
leurs enfans.
LA
A Comtesse de *** étant heureuse
'ment accouchée d'un Garçon , M.
de *** son cousin germain en ayant
apris la nouvelle , monta aussi- tôt à
son appartement , après lui avoir fait
les complimens ordinaires , il se rendit
dans la Chambre où toute la famille
étoit assemblée pour la féciliter sur cette
agréable naissance : Je viens , dit - il , en
entrant , de laisser Madame dans une
tranquilité et une santé qui nous promet
les plus heureuses suites de son accouchement..
52 MERCURE DE FRANCE.
ment. Je ne doute point , ajouta - t - ik;
qu'elle ne nourrisse son fils de son propre lait.
Il alloit continuer , mais la mere de la
Comtesse qui se trouvoit présente , l'interrompit ; et d'un ton , mêlé de colere et
de raillerie , dit qu'elle se donneroit bien
de garde de suivre ses leçons ; qu'elle
sçauroit ménager la délicatesse de sa fille,
et donner promptement une Nourrice à
l'Enfant ; pour ne point ajouter aux tra
vaux de l'accouchement , l'étrange et pénible fonction de nourrir elle- même le
fils qu'elle venoit de mettre au monde.
De grace , Madame , repliqua M✶✶* * *
trouvez bon qu'elle ne soit pas mere à
demi ; car enfin quelle seroit cette espece de maternité imparfaite ; et si j'ose le
dire, manquée , d'enfanter un fils et de le
rejetter aussitôt loin d'elle , d'avoir
nourri dans ses entrailles du plus pur de
son sang je ne sçai quel enfant qu'elle
ne voyoit point , qu'elle ne connoissoit
point , et de cesser de le nourrir du lait
que la nature lui donne si liberalement à
ce dessein , dès qu'elle le voit né ,
dès
qu'il commence même à le demander par
ees cris touchants qui implorent si vivement le secours de sa mere. Eh quoi !
pensez - vous donc que ce ne soit que
pour
JANVIER. 1732. 53.
par
و
pour un vain ornement , ou pour l'art
dangereux de plaire , et non pour nourrir leurs enfans , que la nature ait donné
les mammelles aux femmes; et cependant
par un étrange renversement la pluspart
des meres s'empressent à tarir et à éteindre cette source sainte ; cette nourrice
précieuse du genre humain , aux hazards
des maux qu'un lait ainsi détourné , et
là corrompu , ne leur cause que trop
souvent. Aveugles de sacrifier à l'opinion et à une vaine délicatesse leurs interêts et
leurs devoirs les plus pressans? Leur faute est-elle donc bien differente du crime de
ces meres dénaturées , qui par de cruels
artifices , font avorter l'enfant que la nature a créé dans leur sein , de peur que
le poids de la grossesse , et le travail de
l'enfantement n'alterent la beauté et les
graces d'un corps dont elles sont idolâtres. Quesi c'est une action digne de l'éxécration publique d'aller chercher une
créature vivante et raisonnable pour lui
porter le coup de la mort , jusques dans
les mains même de la nature qui s'empressoit de l'animer et de la former, qu'il
s'en faut peu qu'il ne soit aussi criminel de
priver un enfant déja né, déja devenu son
propre fils , d'un aliment dont la nature
Pavoit mis en possession , qu'elle a fait
pour
54 MERCURE DE FRANCE
pour lui , et sur lequel il a des droits
qu'on ne peut lui ravir sans injustice et
sans cruauté !
Mais , dit - on , pourvû que l'enfant
vive et soit nourri , qu'importe de quel
lait il le soit. O vous , qui me faites cette
objection , si vous sçavez si peu démêler
les vrais sentimens de la niture ; croyezvous donc aussi , qu'il n'importe dans le
sein de quelle mere, et de quel sang un
enfant ait été engendré ; non sans doute.
Mais ce sang qui par l'action des esprits
et par une douce chaleur , a blanchi les
mammelles. N'est il pas toujours le même
qu'il étoit dans les entrailles de la mere ,
et c'est icy que l'adresse de la nature est
bien remarquable, car après que ce sang,
mis en œuvre par ses adroites mains , a
perfectionné le corps de l'enfant , lorsque
le temps de l'accouchement approche ,
n'ayant plus rien à faire en bas , il s'élevé
en haut, se filtre et se place dans les mam
melles , tout prêt d'y entretenir et de fortifier cette source de vie et de lumiere
que l'enfant reçoit en venant au monde
et de lui offrir une nourriture déja connuë et familiere.
st
C'est sur ce fondement que l'on penavec raison que la nature et les propriétez du lait ne contribuoient pis
moins
JANVIER. 173 2 . 35
moins à tracer et dans le corps et dans
l'esprit des enfans ces ressemblances .
avec leurs parens , si fortes et si frequentes , que la vertu même et l'impression
de la sémence.
.certain
L'experience nous montre cette vérité
non seulement dans les hommes , mais
encore dans les animaux ; car si , les Chevreaux sont allaitez de lait de Brebis , et
les Agneaux de celui de Chévre , il est
la laine de ceux - cy sera que
moins fine , et le poil de ceux - là plus
doux ; jusques dans les Plantes et les
Grains , l'on observe que les terres qui
les contiennent et les eaux qui les humectent ont plus de force et de puissance,
soit pour fortifier , soit pour alterer leurs
qualitez naturelles que la semence même;
et ne voyons- nous pas souvent des arbres
pleins de force et de vigueur , périr bientôt , lorsque transplantez , ils reçoivent
les tristes influences d'un súc étranger.
Quelle raison donc , grand Dieu , on
plutôt quel aveuglement de laisser alte-.
rer la pureté et la noblesse naturelle de
ce sang, qui coule dans les veines d'un
enfant nouveau né , par l'aliment souvent pernicieux , mais toujours étranger
d'un lait qui degeneres sur tout , si la
nourrice qu'on lui donne est de condi- tion
yo MERCURE DE FRANCE
tion servile et d'une naissance extrêmement basse , comme il arrive ordinairement si elle est laide ou méchante , si
elle aime le vin ou même la débauche
car pour comble de mal on prend presque toujours sans choix et sans discernement , celle qui se presente pour être
nourrice.
›
Exposerons-nous donc cet Enfant chéri , qui nous vient de naître , à être infecté d'une contagion si dangereuse , soufririons- nous que son ame et son corps
encore tendres reçoivent les esprits qui
forment et entretiennent la vie par les organes d'un corps souvent aussi vicieux
que l'ame qui l'habite.
C'est-là >, sans doute , la cause de ce que
nous voyons arriver tous les jours avec
surprise , que des femmes tres- vertueuses , ont des enfans qui leur ressemblent
si peu , et qui par leur temperamment
vicieux, semblent desavoüer leur origine.
Virgile qui n'étoit pas moins grand Philosophe que parfait Poëte , a bien senti
cette verité dans ces Vers , où la tendre
Didon reproche au trop vertueux Enée ,
qu'il ne pouvoit être le fils d'une Déesse,
et qu'il falloit , cruel comme il étoit, que
le Caucase l'eut engendré , dans ses affreuses Roches , car Didon ajoute incontinent
JANVIER. 1732. 57.
nent: Une Tigresse féroce t'a sans
doute allaité,
.... Hyrcanaque admorunt ubera
Tygrés.
Æneid. IV.
En effet , la nature du lait et le caractere de la nourrice , doivent avoir une
grande part dans la formation du tempe- famment et du caractere de l'Enfant. Ce
lait , n'en doutons point , empreint d'abord de la semence paternelle , figure
le naturel tendre de l'enfant qui le reçoit
des traits de l'esprit et du corps de la
'nourrice qui le donne. Mais quand tou
tes ces raisons manqueroient , devroiton compter pour rien , que les meres qui
abandonnent ainsi leurs enfans loin d'el
les et les donnent à nourrir d'un lait mercenaire, rompent, ou du moins relâchent extrêmement ces noeuds et ces ressorts
secrets dont la nature les avoit liez à eux;
car dès que la mere n'a plus devant ses
yeux l'Enfant emmené en nourrice, toute
la force et l'ardeur de l'amour maternelle
s'éteint insensiblement. Cette tendre inquiétude et ce doux soin qui en fait le
principal caractere , languit bien-tôt à un
tel point , qu'un fils relégué entre les
bras d'une nourrice , n'est gueres moins
oublié qu'un fils qui ne seroit plus ; l'EnD fant
MERCURE DE FRANCE
fant donne de son côté à sa nourrice toure
son affection , tout son attachement.C'est
le centre où se réunissent tous ses sentimens ; elle devient pour lui sa veritable
mere , tandis que celle qui devoit l'être ,
a laissé éteindre ses droits dans le cœur
de son enfant; et c'est ainsi que les plus
intimes et les premiers sentimens de l'amour filial étant perdus , tout l'amour
que des enfans peuvent concevoir dans la suite pour leurs parens , n'est point cet
amour naturel , qui seul dure toujours
mais un amour d'institution , un amour
arbitraire , aussi foible que le principe"
qui l'a produit.
Tel est à peu près le discours que j'entendis faire sur ce sujet à M. de ****
avec tout le feu et toute l'éloquence dont
il étoit capable.
Au reste,en le publiant , je ' ne me suis
pas flatté de réformer l'usage qui y est
combattu. Les hommes esclaves de l'opinion, se contentent d'ordinaire d'approuver spéculativement le parti le plus conforme à la raison ; lorsqu'on l'expose vi
vement à leurs yeux , et qu'on les force
par là de le reconnoître ; mais cette ap
probation stérile n'influë presque jamais
sur leur conduite , contre la tirannie de
Pusage.
J'avoue
JANVIER 1732. 5
J'avoue donc que j'ai senti que je ne
serois pas icy plus heureux , que lorsque
par la bouche de Pitagore et de Plutarque , j'ai tâché de montrer dans une Dissertation sur les Vers qu'Ovide met dans
la bouche de Pithagore, au liv . xiv. de ses
Métamorphoses , combien l'usage de tuer
et de manger les animaux est contraire
aux sentimens d'une raison pure et éclairées mais qu'importe , c'est toujours rendre à la vérité un hommage bien digne
de l'homme , que d'oser s'élever contre
des erreurs dominantes, et il est bon pour
l'honneur de la raison qu'il y ait toujours
des gens qui reclament en sa faveur
contre le préjugez , même sans esperancè de succès.
pour les Femmes, de nourrir elles- mêmes
leurs enfans.
LA
A Comtesse de *** étant heureuse
'ment accouchée d'un Garçon , M.
de *** son cousin germain en ayant
apris la nouvelle , monta aussi- tôt à
son appartement , après lui avoir fait
les complimens ordinaires , il se rendit
dans la Chambre où toute la famille
étoit assemblée pour la féciliter sur cette
agréable naissance : Je viens , dit - il , en
entrant , de laisser Madame dans une
tranquilité et une santé qui nous promet
les plus heureuses suites de son accouchement..
52 MERCURE DE FRANCE.
ment. Je ne doute point , ajouta - t - ik;
qu'elle ne nourrisse son fils de son propre lait.
Il alloit continuer , mais la mere de la
Comtesse qui se trouvoit présente , l'interrompit ; et d'un ton , mêlé de colere et
de raillerie , dit qu'elle se donneroit bien
de garde de suivre ses leçons ; qu'elle
sçauroit ménager la délicatesse de sa fille,
et donner promptement une Nourrice à
l'Enfant ; pour ne point ajouter aux tra
vaux de l'accouchement , l'étrange et pénible fonction de nourrir elle- même le
fils qu'elle venoit de mettre au monde.
De grace , Madame , repliqua M✶✶* * *
trouvez bon qu'elle ne soit pas mere à
demi ; car enfin quelle seroit cette espece de maternité imparfaite ; et si j'ose le
dire, manquée , d'enfanter un fils et de le
rejetter aussitôt loin d'elle , d'avoir
nourri dans ses entrailles du plus pur de
son sang je ne sçai quel enfant qu'elle
ne voyoit point , qu'elle ne connoissoit
point , et de cesser de le nourrir du lait
que la nature lui donne si liberalement à
ce dessein , dès qu'elle le voit né ,
dès
qu'il commence même à le demander par
ees cris touchants qui implorent si vivement le secours de sa mere. Eh quoi !
pensez - vous donc que ce ne soit que
pour
JANVIER. 1732. 53.
par
و
pour un vain ornement , ou pour l'art
dangereux de plaire , et non pour nourrir leurs enfans , que la nature ait donné
les mammelles aux femmes; et cependant
par un étrange renversement la pluspart
des meres s'empressent à tarir et à éteindre cette source sainte ; cette nourrice
précieuse du genre humain , aux hazards
des maux qu'un lait ainsi détourné , et
là corrompu , ne leur cause que trop
souvent. Aveugles de sacrifier à l'opinion et à une vaine délicatesse leurs interêts et
leurs devoirs les plus pressans? Leur faute est-elle donc bien differente du crime de
ces meres dénaturées , qui par de cruels
artifices , font avorter l'enfant que la nature a créé dans leur sein , de peur que
le poids de la grossesse , et le travail de
l'enfantement n'alterent la beauté et les
graces d'un corps dont elles sont idolâtres. Quesi c'est une action digne de l'éxécration publique d'aller chercher une
créature vivante et raisonnable pour lui
porter le coup de la mort , jusques dans
les mains même de la nature qui s'empressoit de l'animer et de la former, qu'il
s'en faut peu qu'il ne soit aussi criminel de
priver un enfant déja né, déja devenu son
propre fils , d'un aliment dont la nature
Pavoit mis en possession , qu'elle a fait
pour
54 MERCURE DE FRANCE
pour lui , et sur lequel il a des droits
qu'on ne peut lui ravir sans injustice et
sans cruauté !
Mais , dit - on , pourvû que l'enfant
vive et soit nourri , qu'importe de quel
lait il le soit. O vous , qui me faites cette
objection , si vous sçavez si peu démêler
les vrais sentimens de la niture ; croyezvous donc aussi , qu'il n'importe dans le
sein de quelle mere, et de quel sang un
enfant ait été engendré ; non sans doute.
Mais ce sang qui par l'action des esprits
et par une douce chaleur , a blanchi les
mammelles. N'est il pas toujours le même
qu'il étoit dans les entrailles de la mere ,
et c'est icy que l'adresse de la nature est
bien remarquable, car après que ce sang,
mis en œuvre par ses adroites mains , a
perfectionné le corps de l'enfant , lorsque
le temps de l'accouchement approche ,
n'ayant plus rien à faire en bas , il s'élevé
en haut, se filtre et se place dans les mam
melles , tout prêt d'y entretenir et de fortifier cette source de vie et de lumiere
que l'enfant reçoit en venant au monde
et de lui offrir une nourriture déja connuë et familiere.
st
C'est sur ce fondement que l'on penavec raison que la nature et les propriétez du lait ne contribuoient pis
moins
JANVIER. 173 2 . 35
moins à tracer et dans le corps et dans
l'esprit des enfans ces ressemblances .
avec leurs parens , si fortes et si frequentes , que la vertu même et l'impression
de la sémence.
.certain
L'experience nous montre cette vérité
non seulement dans les hommes , mais
encore dans les animaux ; car si , les Chevreaux sont allaitez de lait de Brebis , et
les Agneaux de celui de Chévre , il est
la laine de ceux - cy sera que
moins fine , et le poil de ceux - là plus
doux ; jusques dans les Plantes et les
Grains , l'on observe que les terres qui
les contiennent et les eaux qui les humectent ont plus de force et de puissance,
soit pour fortifier , soit pour alterer leurs
qualitez naturelles que la semence même;
et ne voyons- nous pas souvent des arbres
pleins de force et de vigueur , périr bientôt , lorsque transplantez , ils reçoivent
les tristes influences d'un súc étranger.
Quelle raison donc , grand Dieu , on
plutôt quel aveuglement de laisser alte-.
rer la pureté et la noblesse naturelle de
ce sang, qui coule dans les veines d'un
enfant nouveau né , par l'aliment souvent pernicieux , mais toujours étranger
d'un lait qui degeneres sur tout , si la
nourrice qu'on lui donne est de condi- tion
yo MERCURE DE FRANCE
tion servile et d'une naissance extrêmement basse , comme il arrive ordinairement si elle est laide ou méchante , si
elle aime le vin ou même la débauche
car pour comble de mal on prend presque toujours sans choix et sans discernement , celle qui se presente pour être
nourrice.
›
Exposerons-nous donc cet Enfant chéri , qui nous vient de naître , à être infecté d'une contagion si dangereuse , soufririons- nous que son ame et son corps
encore tendres reçoivent les esprits qui
forment et entretiennent la vie par les organes d'un corps souvent aussi vicieux
que l'ame qui l'habite.
C'est-là >, sans doute , la cause de ce que
nous voyons arriver tous les jours avec
surprise , que des femmes tres- vertueuses , ont des enfans qui leur ressemblent
si peu , et qui par leur temperamment
vicieux, semblent desavoüer leur origine.
Virgile qui n'étoit pas moins grand Philosophe que parfait Poëte , a bien senti
cette verité dans ces Vers , où la tendre
Didon reproche au trop vertueux Enée ,
qu'il ne pouvoit être le fils d'une Déesse,
et qu'il falloit , cruel comme il étoit, que
le Caucase l'eut engendré , dans ses affreuses Roches , car Didon ajoute incontinent
JANVIER. 1732. 57.
nent: Une Tigresse féroce t'a sans
doute allaité,
.... Hyrcanaque admorunt ubera
Tygrés.
Æneid. IV.
En effet , la nature du lait et le caractere de la nourrice , doivent avoir une
grande part dans la formation du tempe- famment et du caractere de l'Enfant. Ce
lait , n'en doutons point , empreint d'abord de la semence paternelle , figure
le naturel tendre de l'enfant qui le reçoit
des traits de l'esprit et du corps de la
'nourrice qui le donne. Mais quand tou
tes ces raisons manqueroient , devroiton compter pour rien , que les meres qui
abandonnent ainsi leurs enfans loin d'el
les et les donnent à nourrir d'un lait mercenaire, rompent, ou du moins relâchent extrêmement ces noeuds et ces ressorts
secrets dont la nature les avoit liez à eux;
car dès que la mere n'a plus devant ses
yeux l'Enfant emmené en nourrice, toute
la force et l'ardeur de l'amour maternelle
s'éteint insensiblement. Cette tendre inquiétude et ce doux soin qui en fait le
principal caractere , languit bien-tôt à un
tel point , qu'un fils relégué entre les
bras d'une nourrice , n'est gueres moins
oublié qu'un fils qui ne seroit plus ; l'EnD fant
MERCURE DE FRANCE
fant donne de son côté à sa nourrice toure
son affection , tout son attachement.C'est
le centre où se réunissent tous ses sentimens ; elle devient pour lui sa veritable
mere , tandis que celle qui devoit l'être ,
a laissé éteindre ses droits dans le cœur
de son enfant; et c'est ainsi que les plus
intimes et les premiers sentimens de l'amour filial étant perdus , tout l'amour
que des enfans peuvent concevoir dans la suite pour leurs parens , n'est point cet
amour naturel , qui seul dure toujours
mais un amour d'institution , un amour
arbitraire , aussi foible que le principe"
qui l'a produit.
Tel est à peu près le discours que j'entendis faire sur ce sujet à M. de ****
avec tout le feu et toute l'éloquence dont
il étoit capable.
Au reste,en le publiant , je ' ne me suis
pas flatté de réformer l'usage qui y est
combattu. Les hommes esclaves de l'opinion, se contentent d'ordinaire d'approuver spéculativement le parti le plus conforme à la raison ; lorsqu'on l'expose vi
vement à leurs yeux , et qu'on les force
par là de le reconnoître ; mais cette ap
probation stérile n'influë presque jamais
sur leur conduite , contre la tirannie de
Pusage.
J'avoue
JANVIER 1732. 5
J'avoue donc que j'ai senti que je ne
serois pas icy plus heureux , que lorsque
par la bouche de Pitagore et de Plutarque , j'ai tâché de montrer dans une Dissertation sur les Vers qu'Ovide met dans
la bouche de Pithagore, au liv . xiv. de ses
Métamorphoses , combien l'usage de tuer
et de manger les animaux est contraire
aux sentimens d'une raison pure et éclairées mais qu'importe , c'est toujours rendre à la vérité un hommage bien digne
de l'homme , que d'oser s'élever contre
des erreurs dominantes, et il est bon pour
l'honneur de la raison qu'il y ait toujours
des gens qui reclament en sa faveur
contre le préjugez , même sans esperancè de succès.
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Résumé : DISCOURS, sur l'obligation qu'il y a pour les Femmes, de nourrir elles-mêmes leurs enfans.
Le texte relate un discours prononcé par M. de *** à l'occasion de la naissance d'un garçon à la Comtesse de ***. M. de *** exprime son espoir que la Comtesse nourrisse elle-même son enfant, soulignant l'importance de la maternité complète. La mère de la Comtesse, présente, s'oppose à cette idée, préférant engager une nourrice pour éviter à sa fille les tracas de l'allaitement. M. de *** argue que nourrir son enfant est un devoir naturel et essentiel. Il critique les mères qui privilégient leur apparence et leur confort au détriment de la santé de leur enfant. Il compare cette pratique à l'avortement, qualifiant les deux actes de cruels et inhumains. Il insiste sur l'importance du lait maternel, qui est adapté aux besoins spécifiques de l'enfant, et sur les dangers des nourrices mercenaires, souvent de condition sociale basse ou de mauvaise moralité. Le discours met en avant les effets néfastes de l'allaitement par une nourrice sur le développement physique et moral de l'enfant. Il cite des exemples tirés de la nature et de la littérature pour illustrer ses propos. M. de *** conclut en soulignant que les mères qui abandonnent leurs enfants à des nourrices affaiblissent les liens maternels et filiaux. Le texte se termine par une réflexion sur la difficulté de réformer les usages sociaux, même lorsqu'ils sont contraires à la raison.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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38
p. 890-898
WAMPIRS, fait singulier et des plus extraordinaires, s'il est vrai.
Début :
Voicy le rapport des Chirurgiens Impériaux, sur ce qui s'est [...]
Mots clefs :
Vampires, Sang, Mort, Jour, Chirurgiens, Maladie, Corps, Médugion
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texteReconnaissance textuelle : WAMPIRS, fait singulier et des plus extraordinaires, s'il est vrai.
WAMPIRS, fait singulier et des plus .
extraordinaires , s'il est vrai.
Oicy le rapport des Chirurgiens
V. Impériaux , sur pur cece qui s'est s'est trouvé
en Servie au Village de Médugion , sur
les Frontieres de la Turquie , au sujet des
Wampirs; c'est le nom qu'on donne en
ce
MAY. 1732. 891
ce Païs , à des gens , qui après leur mort
viennent , dit- on , sucer les vivans.
Sur l'avis qui fût donné que dans le
Village de Médugion , certains Wampirs
avoient fait mourir quelques personnes
en les suçant. J'ai été envoyé sur les
lieux par l'ordre du Commandant de ces
quartiers, pour examiner la chose à fond
avec deux Officiers et deux Chirurgiens ,
commandez , à cet effét ; et j'ai fait l'in
formation suivante , en présence de tous
les Chefs du Village , du Gerschita , Càpitaine des Haiduchs, du Hadnach, du Fariala , et des plus anciens Hayduchs du
village, ce qui s'est passé en cette maniere:
3
Après les interrogatoires requis , tous
les gens du Village ont dit unanimement
que depuis, environ 5 ans , un Hayduch
du Païs , nommé Arnoud - Parte , lequel
s'étoit cassé le col en tombant du haut
d'un Chariot à foin , et avoit souvent raconté pendant sa vie , que près de Gossera , dans la Servie Turque , il avoit été
toarmenté par un Wampirs , et qu'il
avoit ensuite mangé la terre de sa fosse et
s'étoit frotté de son sang , pour se déli
vrer de ce tourment ; que 20 ou 30 jours
après la mort de ce Hayduch , quelques
personnes s'étoient plaintes d'avoir été
tourmentées par le même Arnoud, et
Cv qu'en
892 MERCURE DE FRANCE
qu'en effet cinq personnes en étoient
mortes ; que d'abord pour arrêter ce mal¸
on avoit été, du conseil de leur Hadnach,
qui s'étoit trouvé cn pareil cas ,
déterrer
corps d'Arnoud-Parte environ 40 jours
après sa mort , et qu'on avoit trouvé qu'il
étoit encore entier , sans aucune corruple
tion ; que le sang lui couloit encore tout
frais des yeux , du nez , de la bouche et
des oreilles , que son drap , sa chemise et
son cercueil , étoient pleins de sang , que
les ongles des mains et des pieds lui
étoient tombez avec la peau , et qu'il lui
en croissoit d'autres ; que comme on reconnut que c'étoit un véritable Wampir ,
on lui enfonça , selon la coutume , un
Pal à travers du cœur , sur quoi il fit un
petit crachement , et la playe,rendit une
grande quantité de sang ; on brula le cadavre le même jour , et on jetta les cendres dans la fosse.
Les mêmes gens ont encore dit , que,
tous ceux qui sont tourmentez par les
Wampirs. et qui en meurent, deviennent
aussi Wampirs eux - mêmes , et que c'est
pour cela qu'ils firent la même opération
sur les cinq personnes dont on a parlé s
Ils ajoutent encore que le même ArnoudParte, attaquoit et suivoit non- seulementles hommes , mais aussi les bestiaux , et
que
MAY. 1732. 893
que comme illyy avoit des personnes qui
avoient mangé de leur chair , on s'appercevoit de nouveau dans le païs qu'il s'y
trouvoit beaucoup de Vvampirs ; de sorte
qu'en trois mois de temps , la mort avoit
enlevé 17 personnes , tant jeunes que
vieux , dont quelques uns étoient morts
en deux ou trois jours sans avoir été malades.
Le Hayduc Jorvina a déposé de plus ;
qu'il y avoit environ 20 jours que sa bru,
nommée Stanaha , s'étoit mise au lit en
bonne santé , et s'étant reveillée en sursaut , avec un cri , une frayeur , et un
tremblement extraordinaire , se plaignit
d'avoir été sucée au col par le fils d'un
Hayduc , nommé Miller , mort depuis 9
semaines , dont elle avoit senti une gran
de douleur à la poitrine ; et que se trouvant plus mal d'heure en heure , elle étoit
enfin morte au bout de trois jours..
Le même jour après midi , nous nous
transportames au Cimetiere , accompagnez des mêmes Ouvriers Hayducs dut
Village , pour faire ouvrir les tombeaux
suspects , et en faire visiter les corps ; ce
qu'ayant fait,nous trouvâmes: 1 ° .Une fem
me , nommée Stana, qui étoit morte,âgée
de 20 ans, après une maladie de trois jours ,
causée par ses couches , et qui avoit dic
I
Cvj, avant
894 MERCURE DE FRANCE
ayant sa mort, s'être frottée du sang d'un
Wampir , dont elle et son enfant , mort
aussi-tôt après sa naissance , et qui avoit
été encore mangé par les chiens , parce
que sa fosse n'étoit pas assez profonde
étoient devenus Wampirs.
Cette femme étoit toute entiere , sans
pourriture. Après l'ouverture du corps on
lui trouva quantité de sangextravasé dans
la cavité de la poitrine , les vaisscaux ,
comme arteres et veines , avec les ventri
cules du cœur , n'étoient pas , comme il
sont ordinairement , remplis de sang coagulé; tous les visceres , comme le poulmon et le foye , l'estomac , la ratte et le
reste des intestins , étant aussi sains que
dans une personne en santé, mais la matrice étoit fort grande et intérieurement
enflammée, parce que l'arriere- faix et les
vuidanges y étoient restez , ce qui avoit
causé une entiere pourriture. La peau des
mains et des pieds , de même que les ongles tomboient d'eux - mêmes , et il reparoissoit à la place de nouveaux ongles ep
une nouvelle peau fraiche et vive.
2. Nous déterrames une autre femme,
nommée Mélica , qui étoit morte , âgée
d'environ 60 ans , après une maladie de 3
mois on lui trouva dans la poitrine beaucoup de sang liquide , le reste des entrailles
...
MAY. 1732. 8955
les étoit comme dans l'autre femme , en
bon état. Tous les Hayduchs qui étoient
présens à la dissection , furent fort étonnéz de la graisse et de l'embonpoint de
cette femme, disant unanimement l'avoir
très-bien connue dès sa jeunesse , et que
pendant sa vie elle avoit été toujours fort :
maigre et fort seche. Ils ajoutoient unanimement qu'il falloit que cet embonpoint
fut venu dans le tombeau , et que selon
le rapport des gens du lieu , c'étoit elle..
qui avoit été la premiere desWampirsd'àpresent , parce qu'elle avoit mangé de la chair des Brebis qui avoient été tuées par
les Wampirs précédens..
3. Nous trouvames un enfant de huit
jours , enterré depuis trois mois , lequel ™
étoit pareillement dans le même état des
Wampirs
4. Le fils d'an Hayduch ; nommé Millot , mort à 16 ans , après une maladie de
trois jours , et enterré depuis neuf semaines , fut trouvé dans le même état des
Wampirs.
5. Un Hayduch, nommé Joachin, mort
à 17 ans , après 2 jours de maladie , et enterré depuis 8 semaines.
6. Une femme , nommée Ruscha, morte
après dix jours de maladie , et enterrée .
depuis six semaines ; on trouva beaucoup
de
896 MERCURE DE FRANCE
de sang tout frais , non- seulement dans la
poitrine , mais aussi au fond du ventricule; la même chose fut observée à l'égard
de son enfant , qui étoit mort depuis cinq
semaines , âgé de 18 ans.
7. Une jeune fille de dix ans , morte depuis 2 mois , pareillement toute entiere
et avec du sang dans la poitrine.
8. La femme d'un Hayduch , avec un
enfant , laquelle étoit morte depuis 7 semaines, et son enfant mort depuis 15 jours
âgé de 8 ans ; la mere et l'enfant furent
trouvez tout pourris , quoiqu'enterrez
tout auprès des Wampirs.
9. Le Valet d'un Caporal de Heyduchs,
d'un païs nommé Rad , mort âgé de 23:
ans , après trois mois de maladie , et enterré depuis 5 semaines , fut trouvé en
tierement pourri .
10. Lafemme du Bariactar du lieu, avec
son enfant, mort depuis six semaines, pareillement pourris.
11. Auprès du même , un Heyduch¸.
mort depuis 6 semaines , âgé de 60 ans. Je
lai trouvai , comme aux autres Wampirs,
quantité de sang liquide dans la poitrine
et l'estomach , avec tout le corps , dans le
même état des Wampirs..
12. La femme d'un Heyduch , appel
lée Stanaha, morte à l'âge de 20 ans,après
trois
ΜΑΥ. 17323 899
3 jours de maladie , et enterrée depuis 18
jours à la dissection je trouvai qu'elleavoit le visage d'une couleur toute rouge,.
et vive ; et comme on a dit cy dessus
qu'elle avoit été sucée au col par le fils
d'un Heyduch , nommé Millve. On remarquoit effectivement qu'elle avoit au :
dessus de l'oreille du côté droit , une tache bleuë , mêlée de sang extravasé , de la
longueur du doigt. Au sortir de la fosse.
elle jetta une grande quantité de sang
tout frais par le nez,et après la dissection,
je trouvai , comme je l'ai souvent remarqué , une grande quantité de sang balsamique et tout frais , non seulement dans
le creux de la poitrine , mais aussi dans
le ventricule du cœur ; tous les visceres
étoient entierement sains et en bon état ,
et la peau de tout le corps , de même que
les ongles des mains et des pieds étoient
pareillement tout frais.
Après la visite de ces corps , on fit couper la tête à tous les Wampirs , par l'E--
xécuteur du lieu , et ensuite on brûla les
têtes et les corps , les cendres en furentjettées dans la Riviere du Morave ; pour
les Cadavres pourris on les remit dans
leurs premieres fosses. Toutes lesquelles.
choses j'atteste veritables , conjointement
气
avec
898 MER CURE DE FRANCE
*
avec les deux Chirurgiens qui m'ont été
adjoints pour cette information..
Signé ,Jean Schchinge, Chirurgien du
Regiment de Rischembach , Infanterie.
Jean Ferdirack , Chirurgien du même
Régiment. J. H.Sicq, Chirurgien au Ké
giment de Moralt..
Nous , soussignez , certifions-que tout
ce que les Chirurgiens de Rischembach ,
et les deux Chirurgiens cy- dessus nommez, ont attesté à l'égard des Wampirs a été par Nous vû et trouvé conforme à
la vérité dans tous les points , ayant éré
présens à la visite et à l'examen de toutes
choses ; en foy de quoi nous avons signé
le present Acte , et apposé nos Cachets.
A Belgrade, le 26 Janv.1732. Signé , Bultrul, Lieutenant Colonel du Regiment dư
Pr. Alexandre de Wirtemberg, C. L. S.
de Linden fils , Enseigne dans le Regiment du Pr. Alexandre de Wirtemberg.
extraordinaires , s'il est vrai.
Oicy le rapport des Chirurgiens
V. Impériaux , sur pur cece qui s'est s'est trouvé
en Servie au Village de Médugion , sur
les Frontieres de la Turquie , au sujet des
Wampirs; c'est le nom qu'on donne en
ce
MAY. 1732. 891
ce Païs , à des gens , qui après leur mort
viennent , dit- on , sucer les vivans.
Sur l'avis qui fût donné que dans le
Village de Médugion , certains Wampirs
avoient fait mourir quelques personnes
en les suçant. J'ai été envoyé sur les
lieux par l'ordre du Commandant de ces
quartiers, pour examiner la chose à fond
avec deux Officiers et deux Chirurgiens ,
commandez , à cet effét ; et j'ai fait l'in
formation suivante , en présence de tous
les Chefs du Village , du Gerschita , Càpitaine des Haiduchs, du Hadnach, du Fariala , et des plus anciens Hayduchs du
village, ce qui s'est passé en cette maniere:
3
Après les interrogatoires requis , tous
les gens du Village ont dit unanimement
que depuis, environ 5 ans , un Hayduch
du Païs , nommé Arnoud - Parte , lequel
s'étoit cassé le col en tombant du haut
d'un Chariot à foin , et avoit souvent raconté pendant sa vie , que près de Gossera , dans la Servie Turque , il avoit été
toarmenté par un Wampirs , et qu'il
avoit ensuite mangé la terre de sa fosse et
s'étoit frotté de son sang , pour se déli
vrer de ce tourment ; que 20 ou 30 jours
après la mort de ce Hayduch , quelques
personnes s'étoient plaintes d'avoir été
tourmentées par le même Arnoud, et
Cv qu'en
892 MERCURE DE FRANCE
qu'en effet cinq personnes en étoient
mortes ; que d'abord pour arrêter ce mal¸
on avoit été, du conseil de leur Hadnach,
qui s'étoit trouvé cn pareil cas ,
déterrer
corps d'Arnoud-Parte environ 40 jours
après sa mort , et qu'on avoit trouvé qu'il
étoit encore entier , sans aucune corruple
tion ; que le sang lui couloit encore tout
frais des yeux , du nez , de la bouche et
des oreilles , que son drap , sa chemise et
son cercueil , étoient pleins de sang , que
les ongles des mains et des pieds lui
étoient tombez avec la peau , et qu'il lui
en croissoit d'autres ; que comme on reconnut que c'étoit un véritable Wampir ,
on lui enfonça , selon la coutume , un
Pal à travers du cœur , sur quoi il fit un
petit crachement , et la playe,rendit une
grande quantité de sang ; on brula le cadavre le même jour , et on jetta les cendres dans la fosse.
Les mêmes gens ont encore dit , que,
tous ceux qui sont tourmentez par les
Wampirs. et qui en meurent, deviennent
aussi Wampirs eux - mêmes , et que c'est
pour cela qu'ils firent la même opération
sur les cinq personnes dont on a parlé s
Ils ajoutent encore que le même ArnoudParte, attaquoit et suivoit non- seulementles hommes , mais aussi les bestiaux , et
que
MAY. 1732. 893
que comme illyy avoit des personnes qui
avoient mangé de leur chair , on s'appercevoit de nouveau dans le païs qu'il s'y
trouvoit beaucoup de Vvampirs ; de sorte
qu'en trois mois de temps , la mort avoit
enlevé 17 personnes , tant jeunes que
vieux , dont quelques uns étoient morts
en deux ou trois jours sans avoir été malades.
Le Hayduc Jorvina a déposé de plus ;
qu'il y avoit environ 20 jours que sa bru,
nommée Stanaha , s'étoit mise au lit en
bonne santé , et s'étant reveillée en sursaut , avec un cri , une frayeur , et un
tremblement extraordinaire , se plaignit
d'avoir été sucée au col par le fils d'un
Hayduc , nommé Miller , mort depuis 9
semaines , dont elle avoit senti une gran
de douleur à la poitrine ; et que se trouvant plus mal d'heure en heure , elle étoit
enfin morte au bout de trois jours..
Le même jour après midi , nous nous
transportames au Cimetiere , accompagnez des mêmes Ouvriers Hayducs dut
Village , pour faire ouvrir les tombeaux
suspects , et en faire visiter les corps ; ce
qu'ayant fait,nous trouvâmes: 1 ° .Une fem
me , nommée Stana, qui étoit morte,âgée
de 20 ans, après une maladie de trois jours ,
causée par ses couches , et qui avoit dic
I
Cvj, avant
894 MERCURE DE FRANCE
ayant sa mort, s'être frottée du sang d'un
Wampir , dont elle et son enfant , mort
aussi-tôt après sa naissance , et qui avoit
été encore mangé par les chiens , parce
que sa fosse n'étoit pas assez profonde
étoient devenus Wampirs.
Cette femme étoit toute entiere , sans
pourriture. Après l'ouverture du corps on
lui trouva quantité de sangextravasé dans
la cavité de la poitrine , les vaisscaux ,
comme arteres et veines , avec les ventri
cules du cœur , n'étoient pas , comme il
sont ordinairement , remplis de sang coagulé; tous les visceres , comme le poulmon et le foye , l'estomac , la ratte et le
reste des intestins , étant aussi sains que
dans une personne en santé, mais la matrice étoit fort grande et intérieurement
enflammée, parce que l'arriere- faix et les
vuidanges y étoient restez , ce qui avoit
causé une entiere pourriture. La peau des
mains et des pieds , de même que les ongles tomboient d'eux - mêmes , et il reparoissoit à la place de nouveaux ongles ep
une nouvelle peau fraiche et vive.
2. Nous déterrames une autre femme,
nommée Mélica , qui étoit morte , âgée
d'environ 60 ans , après une maladie de 3
mois on lui trouva dans la poitrine beaucoup de sang liquide , le reste des entrailles
...
MAY. 1732. 8955
les étoit comme dans l'autre femme , en
bon état. Tous les Hayduchs qui étoient
présens à la dissection , furent fort étonnéz de la graisse et de l'embonpoint de
cette femme, disant unanimement l'avoir
très-bien connue dès sa jeunesse , et que
pendant sa vie elle avoit été toujours fort :
maigre et fort seche. Ils ajoutoient unanimement qu'il falloit que cet embonpoint
fut venu dans le tombeau , et que selon
le rapport des gens du lieu , c'étoit elle..
qui avoit été la premiere desWampirsd'àpresent , parce qu'elle avoit mangé de la chair des Brebis qui avoient été tuées par
les Wampirs précédens..
3. Nous trouvames un enfant de huit
jours , enterré depuis trois mois , lequel ™
étoit pareillement dans le même état des
Wampirs
4. Le fils d'an Hayduch ; nommé Millot , mort à 16 ans , après une maladie de
trois jours , et enterré depuis neuf semaines , fut trouvé dans le même état des
Wampirs.
5. Un Hayduch, nommé Joachin, mort
à 17 ans , après 2 jours de maladie , et enterré depuis 8 semaines.
6. Une femme , nommée Ruscha, morte
après dix jours de maladie , et enterrée .
depuis six semaines ; on trouva beaucoup
de
896 MERCURE DE FRANCE
de sang tout frais , non- seulement dans la
poitrine , mais aussi au fond du ventricule; la même chose fut observée à l'égard
de son enfant , qui étoit mort depuis cinq
semaines , âgé de 18 ans.
7. Une jeune fille de dix ans , morte depuis 2 mois , pareillement toute entiere
et avec du sang dans la poitrine.
8. La femme d'un Hayduch , avec un
enfant , laquelle étoit morte depuis 7 semaines, et son enfant mort depuis 15 jours
âgé de 8 ans ; la mere et l'enfant furent
trouvez tout pourris , quoiqu'enterrez
tout auprès des Wampirs.
9. Le Valet d'un Caporal de Heyduchs,
d'un païs nommé Rad , mort âgé de 23:
ans , après trois mois de maladie , et enterré depuis 5 semaines , fut trouvé en
tierement pourri .
10. Lafemme du Bariactar du lieu, avec
son enfant, mort depuis six semaines, pareillement pourris.
11. Auprès du même , un Heyduch¸.
mort depuis 6 semaines , âgé de 60 ans. Je
lai trouvai , comme aux autres Wampirs,
quantité de sang liquide dans la poitrine
et l'estomach , avec tout le corps , dans le
même état des Wampirs..
12. La femme d'un Heyduch , appel
lée Stanaha, morte à l'âge de 20 ans,après
trois
ΜΑΥ. 17323 899
3 jours de maladie , et enterrée depuis 18
jours à la dissection je trouvai qu'elleavoit le visage d'une couleur toute rouge,.
et vive ; et comme on a dit cy dessus
qu'elle avoit été sucée au col par le fils
d'un Heyduch , nommé Millve. On remarquoit effectivement qu'elle avoit au :
dessus de l'oreille du côté droit , une tache bleuë , mêlée de sang extravasé , de la
longueur du doigt. Au sortir de la fosse.
elle jetta une grande quantité de sang
tout frais par le nez,et après la dissection,
je trouvai , comme je l'ai souvent remarqué , une grande quantité de sang balsamique et tout frais , non seulement dans
le creux de la poitrine , mais aussi dans
le ventricule du cœur ; tous les visceres
étoient entierement sains et en bon état ,
et la peau de tout le corps , de même que
les ongles des mains et des pieds étoient
pareillement tout frais.
Après la visite de ces corps , on fit couper la tête à tous les Wampirs , par l'E--
xécuteur du lieu , et ensuite on brûla les
têtes et les corps , les cendres en furentjettées dans la Riviere du Morave ; pour
les Cadavres pourris on les remit dans
leurs premieres fosses. Toutes lesquelles.
choses j'atteste veritables , conjointement
气
avec
898 MER CURE DE FRANCE
*
avec les deux Chirurgiens qui m'ont été
adjoints pour cette information..
Signé ,Jean Schchinge, Chirurgien du
Regiment de Rischembach , Infanterie.
Jean Ferdirack , Chirurgien du même
Régiment. J. H.Sicq, Chirurgien au Ké
giment de Moralt..
Nous , soussignez , certifions-que tout
ce que les Chirurgiens de Rischembach ,
et les deux Chirurgiens cy- dessus nommez, ont attesté à l'égard des Wampirs a été par Nous vû et trouvé conforme à
la vérité dans tous les points , ayant éré
présens à la visite et à l'examen de toutes
choses ; en foy de quoi nous avons signé
le present Acte , et apposé nos Cachets.
A Belgrade, le 26 Janv.1732. Signé , Bultrul, Lieutenant Colonel du Regiment dư
Pr. Alexandre de Wirtemberg, C. L. S.
de Linden fils , Enseigne dans le Regiment du Pr. Alexandre de Wirtemberg.
Fermer
Résumé : WAMPIRS, fait singulier et des plus extraordinaires, s'il est vrai.
En mai 1732, un rapport des chirurgiens impériaux a documenté des événements survenus au village de Médugion, en Serbie, aux frontières de la Turquie, concernant des créatures appelées 'Wampirs'. Ces Wampirs sont des individus décédés qui, selon les croyances locales, sucent le sang des vivants. Une enquête a été menée par un officier et deux chirurgiens après des informations sur des décès suspects. Les habitants du village ont rapporté que depuis environ cinq ans, un homme nommé Arnoud-Parte, mort après une chute, était devenu un Wampir. Après sa mort, plusieurs personnes ont été tourmentées et cinq sont décédées. Le corps d'Arnoud-Parte, exhumé 40 jours après son décès, était intact et rempli de sang frais. Pour le neutraliser, on lui a enfoncé un pieu dans le cœur et son cadavre a été brûlé. Les habitants ont également mentionné que les personnes tuées par les Wampirs deviennent elles-mêmes des Wampirs. Arnoud-Parte attaquait aussi les animaux, et ceux qui consommaient leur chair risquaient de devenir des Wampirs. En trois mois, 17 personnes sont mortes dans des circonstances similaires. Lors de l'exhumation de plusieurs corps suspects, les chirurgiens ont trouvé des signes de vampirisme, tels que du sang frais dans la poitrine et des organes internes en bon état. Les corps des Wampirs étaient intacts, contrairement aux autres cadavres qui étaient en décomposition. Les Wampirs identifiés ont été décapités et brûlés, leurs cendres jetées dans la rivière Morave. Les chirurgiens et les officiers présents ont attesté la véracité de ces observations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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39
p. 1592-1608
PREMIRE ASSEMBLÉE PUBLIQUE de l'Académie de Chirurgie.
Début :
LE 11. du mois dernier, premier Mardy d'après la [...]
Mots clefs :
Académie royale de chirurgie, Assemblée publique, Compagnie, Carcinôme, Sang, Observations, Collique bilieuse, Rectum, Sphincter, Tumeur, Opération, Intestins, Prostate, Fistule anale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PREMIRE ASSEMBLÉE PUBLIQUE de l'Académie de Chirurgie.
PREMIRE ASSEMBLE'E PUBLIQUE
de l'Académie de Chirurgie.
Lay
E II. du mois dernier , premier Mard'après la Trinité , l'Académie.
Royale de Chirurgie , conformément à
ses Reglemens , tint une Assemblée publique dans la grande Sale de S. Côme.
Mr Maréchal et de la Peyronie , Premiers
Chirurgiens du Roy , et en cette qualité Présidens de l'Académie , n'ayant pû
s'y trouver , M. Petit le pere , présida
en qualité de Directeur.
M. Morand , Secretaire de l'Académie
fit l'ouverture de la Scénce par l'Histoire
de l'établissement de cette Societé. Il en
exposa le plan,, etet fit fit voir que le principal
objet de cette Compagnie é oit de perfectionner la Chirurgie par l'experience
et l'observation , en rassemblant tous les
faits de pratique qui seront communiquez par les Chirurgiens , tant du Koyaume que des Pays Etrangers.
..
11
JUILLET. 1732. r593 Il fit sentir ensuite que si pour éviter
la confusion , inséparable des nombreu
ses Assemblees , on avoit été obligé de
fixer le nombre des Académiciens ordi-.
naires à 70. cela n'empêchoit point
que tous les Mes. Chirurgiens de Paris
ne fussent veritablement du Corps de
P'Académie , puisqu'ils avoient tous le.
droit d'y prendre séance , lorsqu'ils auroient des Mémoires à lire , et que leurs
noms et leurs Ouvrages seroient imprimez sans distinction dans les Recueils
qu'on donneroit au Public.
Il ajoûta à l'occasion de certaines Critiques , qu'il suffisoit à cette nouvelle Acàdémie d'être protegée par le Roy et par
ses Ministres. Que d'ailleurs l'estime de
M.le Premier Medecin , le zele de Mies
Premiers Chirurgiens , l'Approbation de
ceux qui aiment le bien public , et lès .
Eloges de plusieurs Journalistes éclairez ,
la dédommageroient amplément de tous
les traits que l'ignorance ou l'envie роцvoient faire lancer contre elle.
M. Morand finit par une Réponse à
l'Auteur d'une These soutenue aux Ecoles de Medecine le 18. Mars dernier , dans
laquelle on avoit critiqué le Programe
publié par l'Académie sur une question
importante de Chirurgie.
C
1594 MERCURE DE FRANCE
Ce Discours , que le Public reçut favorablement , fut suivi de la lecture de
neuf Memoires ou Observations Chirurgicales. Les Chefs de l'Académie se sont
fait un devoir de témoigner leur zele.en
fournissant eux-mêmes une partie de ces
Memoires.
M. Maréchal envoya une Observation
des plus singulieres et dont voici le sujet.
Une Dame étoit sujette depuis plus de
quinze ans à des attaques de Collique
Bilieuse , et depuis dix ans , à de trèsgrandes difficultez d'aller à la selle.
Les douleurs étoient si insuportables ·
dans les derniers temps , que la Malade
ne pouvant garder aucune situation , se
roulant sur son plancher, &c. M. Maré
chal 'eut occasion de la voir dans cet état
déplorable ; et soupçonnant un ulcere
carcinomateux dans le Rectum , il mit le
doigt dans le fondement , et l'ayant
porté aussi , haut qu'il lui fut possible , il
sentit un corps étranger solide. C'étoit
une pierre d'un volume si considerable ,
qu'il fallut pour en faire l'extraction
non-seulement dilater l'Anus , mais encore l'inciser en plusieurs endroits. Il ne
falloit pas une main moins habile que
celle de M. Maréchal ,. pour réussir dans
une operation qui demandoit tant de
ména -
JUILLET. 1732. 1595
ménagement et de dexterité. Un mois
après la Malade fut parfaitement guérie.
On fit après la lecture d'un Memoire
envoyé par M. de la Peyronie. La Cure
dont ce Memoire contient le détail , prouve qu'un courage éclairé peut souvent trouver dans l'Art des ressources pour les'
maladies les plus desesperées.
Un homme âgé de 63. ans , étoit attaqué depuis près de trente , d'une Hernie
qu'il avoit jusqu'alors contenue avec succès , au moyen d'un Bandage ; mais ayant
négligé de s'en servir depuis deux ans ,
il tomba dans l'accident de l'étranglement. Il n'eut recours à M. de la Peyronie que le huitième jour de l'accident,
et quoiqu'alors l'augmentation considerable de la tumeur , sa tension et celle
de tout le ventre , la violence des dou
leurs , le hoquet , le poux concentré , la
lividité et pourriture , qui déja avoient
paru à l'extremité de la tumeur , et qui
permettoient la sortie des matieres fœcales ; quoique tous ces desordres annonÇassent une mort prochaine, M.de la Pey.
ronie espera assez du secours de la Chirurgie pour entreprendre l'Operation.
Ayant ouvert le sac hernaire dans toute
son étendue , il trouva six ou sept pou--
ces des Intestins grêles , entierement gangrencz
1595 MERCURE DE FRANCE
grenez et criblez de trous qui laissoient ·
sortir les mitieres focales. Il dilata l'anneau ; et après avoir tiré un peu les Intestins pour s'assurer du progrès de la
gangrene , il emporta toute la portion du
canal qui parut être gangrennée au point
de ne pouvoir être ranimée. Il fit ensuite
au Mezentere un pli ; de façon à boucher les deux bouts flotants de l'Intestin,
et par un point d'ég ille fait à ce pli ,
il assujettit les deux bouches du canal
intestinal. Il fit enfin avec les extrémi
tez du fil une anse qui resta au dehors
et servit à retenir vers le haut de la playe
l'ouverture de l'intestin ; précaution sans
laquelle cet intestin qui n'avoit contracté
aucune adherince aux environs de l'anneau, eût pû faire dans la cavité du ventre
un épanchement des matieres fœcales qui,
ût été mortel. On eut grand soin dans
les pansemens de leur laisser une issue libre.
Le 25 jour de l'Operation , le lien du Me,
zentere se sépara , et au bout de six se,
maines les excremens ne sortirent plus
avec la même abondance , le Malide en
ren lant une partie par les voyes ordi
naires. La playe n'a cependant êté entie,
rement cicatrisée qu'au bout de quatre
mois, et après que le Malade se fut ré.
duit à une nourriture très-legere et prise
en temps éloignez .
3
JUILLET. 1732. 1597
Cette maladie , toute fâcheuse qu'on
vient de la représenter , étoit encore compliquée d'un gonflement très- ancien et
très- considerable au Testicule , qu'on fut
obligé d'emporter , malgré la grosseur
du cordon spermatique qui avoit près
de deux pouces de diametre et dont l'engorgement se continuoit fort avant dans
le ventre. M. de la Peyronie lia le cordon
à la hauteur des anneaux , et il le coupa
un pouce au dessous. Cette premiere ligature,quoiqu'extrêmement serrée, s'étant
lâchée , et un champignon fort gros
et qui parossoit carcinomateux , s'étant
élevé de l'extremité du cordon coupé ,
il fit au bout de quelques jours une nou
-velle ligature, et emporta ce champignon.
Le 18mejour cette derniere ligature tomba et le cordon se dégorgea entierement
par la suppuration. M. de la Peyronie
fait observer que ce gonflement étoit la
suite d'une cause externe.
Les bornes d'un Extrait ne nous permettent point de faire mention du reste du
Memoire ni des excellentes Reflexions qui
le terminent. Nous avertirons seulement
qu'à l'égard de la gangrene de l'Intestin ,
M.de la Peyronie a plus d'une fois mis heureusement en pratique la Méthode qu'il expose. Il est même fait mention dans l'Histoire
1598 MERCURE DE FRANCE
toire de l'Académie Royale des Sciences ,
année 1723. des suites heureuses d'une
semblable Operation qu'il fit en 1712
M. Petit lût ensuite l'histoire d'une Fiştule au Périné , pour laquelle on avoit
fait deux fois , sans succès , l'opération
dans la Province , et qu'il a cependant
guérie radicalement , ayant reconnu ce qui
avoit empêché de réussir dans les deux
premieres opérations. La Fistule au Périné dont il s'agit , étoit la suite de l'ouverture d'un dépôt gangréneux , formé
en conséquence d'une retention d'urine.
M. Petit , en examinant le malade , observa que la partie antérieure de l'Anus
étoit aussi dure que les environs de la Fistule , et que la prostate étoit le centre
de la dureté, qui s'étendoir si avant, qu'a
vec le doigt mis dans le fondement, on ne
pouvoit en sentir les bornes. Il reconnut
par des sign's certains que cette dureté
avoit une cause vénérienne. Il reconnut
encore que le trou interne de la Fistule
étoit au delà du Sphincter , parce que le
malade , sans être averti du besoin d'u
riner , et sans faire aucun effort , rendoit
continuellement la plus grande partie de
ses urines par le trou de la Fistule , et
sans en rendre par la Verge , ou du moins
s'il urinoit par la Verge, c'étoit toujours
Yo-
JUILLET. 1732. 15999
*
volontairement, et lorsqu'il y étoit excité
par le résidu des urines 3 par cet examen
M. Petit comprit qu'il ne guériroit jamais cette Fistule , si avant que de faire
l'opération , il ne commençoit par dé--
truire le Virus Vénérien , et si en second
lieu , dans l'opération ( dont il décrit le
manuel ) il n'incisoit la Prostate , pour
comprendre dans l'incision , le trou interne de la Fistule. Il a agi en conséquence , et le malade a été parfaitement
guéri.
Ce Mémoire parut d'autant plus utile ,
que pour l'ordinaire dans le traitement
de la maladie , qui en fait le sujet , et qui
est fort commune , on ne fait point assezd'attention aux circonstances que M. Petit expose dans son observation , et qui
dans des cas semblables , déterminent la
seule voïe possible de guérison.
La quatriéme Observation est de M
Malaval , Vice - Directeur de l'Académie.
Un homme, âgé de 25 ans , fut, après de
vives douleurs , attaqué d'une Exortose
tres considérable, à la tête du Peroné. Cette
Exortose ayant paru dès son commencement tenir du Carcinome ; M. Malaval
sentit la nécessité d'amputer la Cuisse ;
cependantcommeil y avoit de justes soup
çons de Vérole , il fit , avant l'opération ;
passer
1600 MERCURE DE FRANCE
passer le malade par le grand remede , ce
qui calma beaucoup ses douleurs , et lui
fendit le sommeil qu'il avoit entierement
perdu. M. Malaval fit ensuite l'opération ; mais peu de jours après les élancemens , qui se firent sentir dans la plaïe
et la mauvaise qualité des suppurations ,
qui étoient de couleur verdâtre , confirmerent les craintes qu'il avoit d'abord
conçû au sujet du Levain Cancereux ; cependant après avoir donné des remedes
propres à corriger et à adoucir la Limphe , l'exfoliation de l'os se fit, et fut avec
assez de difficulté suivie de la Cicatrice:
Après 18 mois d'une assez bonne santé, le
malade fut attaqué d'une toux séche et
fréquente. Deux mois après , la fièvre
survint , avec un crachement de sang. Oir
employa , sans succès , les remedes qui
paroissoient les mieux indiquez. La fiés
vre, d'aiguë qu'elle étoit , devint lente ; l'enflure clemateuse ; et de suite tous
les signes de l'hydropisie de poitrine parurent. M. Malaval fit la ponction avec
le Troiscart, & tira environ trois pintes
d'une sérosité sanguinolente. La poitrine.
s'étant de nouveau remplie , il l'ouvrit
cette fois avec le Bistouri , et il évacua
deux pintes d'une sérosité . semblable à
la premiere , et à des Laveures de chair .
mal-
.
JUILLET. 1732. 1601
malgré tous ces secours , le malade mourut peu de jours après , et on trouva par
Fouverture du Cadavre que le Poulmon
éroit presque totalement osseux et carcinomateux.
: Cette observation donne lieu à M. Malaval de faire des réfléxions: 1 °. Sur ceque
le Levain carcinomateux attaque indifferemment toutes les parties : 20. Sur ce
qu'il est tres - difficile , pour ne pas dire
impossible , de détruire ce Levain , parvenu à un certain dégré: 3°. Sur ce que
la salivation que quelques Auteurs ont
vantée pour la guérison des Cancers, n'est
d'aucune ressource contre ce mal. Enfin
surce que dansles soupçons légitimes d'épanchement d'eau dans la poitrine , la
ponction qu'on n'entreprend que rarement , pourroit être plus fréquemment
employée.
Le Mémoirè suivant est de M. Houstet; il renferme plusieurs expérience qui
prouvent qu'il se trouve dans la Vessie des
Pierres situées de façon à ne pouvoir être
tirées, et qu'il est par conséquent plus avan- tageux d'abandonner que de s'opiniâtrer
à en faire l'extraction. Dans la premiere
de ces observations , M. Houstet rapporte qu'un homme , âgé de 76 ans , qui
Souffroit des douleurs très- vives au Périné
601 MERCURE DE FRANCE
riné , en conséquence de Pierre dans la
Vessie , le pressa de le tailler. Il fit l'opération au grand appareil , et elle fut treslaborieuse , tant à cause d'un gonflement
et d'une dureté extraordinaire à la Prostate , qu'à cause de deux Champignons et
de trois Pierres , dont il fallut faire l'extraction à differentes reprises. Quoi qu'il
sentit encore des Pierres ; il fit remettre
le malade au lit , dans la crainte de le
trop fatiguer ; mais malgré ce ménagement , le malade mourut le cinquiéme
jour de l'opération. A l'ouverture du Cadavre on observa entr'autres choses , que
le fond de la Vessie étoit parsemé dans
toute sa circonference de plusieurs embouchures , qui conduisoient dans des cavitez ou célules , dont le fond étoit beaucoup plus large que l'entrée. Plusieurs de
ces Célules ou Loges consenoient des Pierres parmi lesquelles on en distinguoit
trois , d'un volume médiocre , lisses et
polies , ayant quatre ou cinq facettes et
pareilles à celles qu'on avoit tirées dans l'opération.Ces Pierres étoient retenuës chacune dans leur cavité particuliere ; l'entrée de ces Célules étant fort étroite , et
les Pierres ne présentant qu'un de leurs
angles , ou une de leurs facettes , sans saillies ; il étoit , dit M. Houstot , impossible
JUILLET. 1732. 1603
ble de les charger, quoiqu'on put les toucher avec le bout des Tenettes.
Il rassemble à la suite de cette observation un grand nombre de faits , dont il a
eu connoissance , et qui tous se rapportent à l'impossibilité qu'il y a dans certains
cas , de charger et de tirer la Pierre ; soit
parce qu'elle se trouve engagée dans des
Loges ou prolongemens du Corps de la
Vessie , soit parce qu'elle est retenue par
des replis ou des brides de la membrane
interne.
Al'égard des Pierres Enkistées , du genre de celles dont il est question dans la
premiere observation , il pense que la Célule s'est formée d'abord , et qu'ensuite
quelque petit Gravier qui s'y est insinué,
y grossit et que la cavité de la Celule augmente à mesure ; ayant observé que ces
Célules ne succedent guéres qu'aux retentions d'urines , il les regarde comme des
especes de Hernies de la membrane interne de la Vessie , qui dans la dilatation ,
a forcé l'intervale des Fibres charnuës.
Il prétend que ces Vessies à célules , à
poches et à brides ne sont point si rares
qu'on l'avoit cru jusqu'à present. Il fonde
son sentiment sur ce qu'il a observé đans
T'ouverture d'un grand nombre de personnes mortes de maladie de Vessie; et il
conclud
1604 MERCURE DE FRANCE
conclud de ces observations que généralement dans toutes les opérations de la taille,
la prudence exige qu'avant que d'essayer
de charger et d'extraire la Pierre , on reconnoisse autant qu'il est possible, avec le
doigt , l'état de la Vessie. Si l'on trouve la
Pierre engagée dans quelque Kiste ou Célule , on doit tâcher de la déchatoner, s'il
est possible , avec le doigt ; mais si le
doigt ne peut y atteindre, ou si l'on trouve des obstacles insurmontables , le Chirurgien , sans fatiguer inutilement le malade , ou plutôt sans faire des tentatives
périlleuses, doit alors abandonner la Pierre, qui quelquefois se détache d'elle- même ,dans la suite des pansemens , tant
par la suppuration que par les injections
Long-temps continuces.
Ces observations ne sont point seulement curieuses , elles paroissent pouvoir
être d'une grande utilité , par les conséquences que l'Auteur en tire pour la
tique,
praLe sixième Mémoire est de M. Caumont. C'est une observation sur un écra
sement des doigts du milieu et annulaire
de la main , dont les deux dernieres phalanges étoient fracturées en plusieurs piéces , avec déplacement , les articulations
découvertes , dix lignes de l'extrêmité des
tendons
JUILLET. 1732 1605
tendons extenseurs déchirées et entierement emportées , enfin la peau détruite
depuis le milieu de la seconde Phalange ,
jusqu'à la racine de l'ongle.
M. Caumont n'espera pas d'abord
pouvoir conserver l'extrêmité de ces
doigts , ou du moins la mobilité de leurs
Phalanges. L' Anchilose étoit à craindre ,
et d'ailleurs une portion considérable des
tendons extenseurs ayant été emportée ,
et les bouts restans n'ayant pû être raprochez que jusqu'au bord des articulations,
il ne voyoit point à quoi ces bouts de tendons coupez pourroient s'attacher. Il pansa cependant si artistement cette playe ,
qu'il vit au bout de quelques jours s'élever sur la surface des os , une chair loüable et grenuë, qui couvroit les articulations. Les os fracturez se sont aussi consolidez , les articulations se sont raffermies
sans Anchiloses , la peau s'est cicatrisée
et ce qui paroît le plus remarquable à M.
Caumont, l'union de toutes ces parties
entr'elles , a fourni un point d'attache à
chaque tendon' ; de sorte que les mouvemens de fléxion et d'extension , s'exécutent aujourd'hui dans toutes ces Phalangés , presque avec la même liberté
qu'avant l'accident.
La septiéme observation roule sur une
G playe
150 MERCURE DE FRANCE
playe contuse au ply du bras , laquelle fut
accompagnée d'accidens très funestes . M.
Gravier , qui rapporte ce fait , fut obligé
de couper le tendon du Biceps à la fin du
corps charnu de ce muscle , et assés près
de son insertion au Radius. Ce tendon
avoit tellement souffert , qu'en l'emportant ainsi presque tout entier , on ne fit
guére que prévenir la séparation qui s'en
seroit faite naturellement par la mortification , s'il eut été permis de l'attendre. La
cure a été si heureuse , que malgré la perte du tendon du Biceps , le malade porte
l'avant bras dans le dernier dégré de fléxion et est capable des plus grands efforts.
Sur cela M.Gravier s'étonne que dans des
rapports faits en justice sur la piquure du
tendon , ou de l'Aponeurose du Biceps , à
P'occasion de la saignée on air quelquefois
décidé de l'invalidité du bras , sur la símple apparence des accidens qu'il rapporte.
Un Emphiseme de cause interne , fait le
sujet de la huitiéme observation , donnée
par M. Lombard. Une fille , âgée de six
ans et demi, fut attaquée d'une fluxion
de poitrine , qui fut suivie de la petite
Vérole ; mais quoique bien guérie , en
apparence, elle commença environ un an
après à devenir languissante, et à se plaindre de la poitrine , et au bout de quatre
mois
JUILLET. 17320 1607
mois il lui survint subitement une enAure considérable à la poitrine.
M. Lombard fut appellé , il trouva le
poux extrêmement foible , la respiration
lente et difficile, et l'enflure extrêmement
douloureuse ; il reconnut que cette enflute qui s'étoit étendue sur tout le bas-ventre , étoit un Emphiséme. Il conçut dèslors que la Plevre et lePoumon ayant contracté quelque adhérence , il s'y étoit pû
faire une suppuration , dont la suite avoit
été la destruction de la Plévre des muscles
intercostaux de la membrane interne du
Poumon , et l'ouverture de quelques Vé
sicules,ou de quelques Rameaux des Bronches , de sorte que l'air contenu dans le
Poumon, avoit pû s'infiltrer en partie danş
les Célules graisseuses , dans le tissu célulaire des muscles de l'extérieur de la poitrine,et delà dans toutes les Célules voisines
Dans cette idée , il se préparoit à faire
l'opération de l'Empiéme , en consultant
les signes qui pouvoient désigner l'endroit le plus convenable pour ouvrir la
poitrine ; mais l'oppression de la malade
augmenta si fort,qu'elle la suffoqua avant
qu'oncur pûemployer ce secours. Les conjectures de M. Lombard se trouverent en- tierement confirmées par l'ouverture du
Cadavre.c
V Gij Le
1608 MERCURE DE FRANCE
< و
Le neuvième et dernier Mémoire , est
une observation donnée par M.Chauvin,
sur une fracture du Crâne , suivie d'épanchement sur la dure-mere , et d'une fusée
purulente , pour laquelle il fut obligé de
faire une contre - ouverture ou trépan
éloigné de ceux qu'il avoit d'abord appliqué à l'endroit fracturé. M. Chauvin
sauva par cette manoeuvre l'application
d'un grand nombre de trepans. Les matieres épanchées ayant de la pente et l'issue libre , la dure- mere se recolla trespromptement à toute la portion de l'os ,
ou se trouvoit entre le premier et le second trépan , et il n'y cut d'autres exfoliations que celles qui arrivent ordinai
rement à la circonférence des trépans.
On nous pardonnera , sans doute , d'avoir donné un si long Extrait de ces observations. Rien de ce qui peut contribuer
à la conservation de la vie des hommes ,
ne nous paroît indifferent; du reste , c'est
au public à juger , par les Extraits que
nous venons de donner, si l'application
des Chirurgiens à enrichir leur Art de
semblables observations , n'est pas la réponse la plus solide qu'ils puissent faire
aux critiques qui ont parû contr'eux
de l'Académie de Chirurgie.
Lay
E II. du mois dernier , premier Mard'après la Trinité , l'Académie.
Royale de Chirurgie , conformément à
ses Reglemens , tint une Assemblée publique dans la grande Sale de S. Côme.
Mr Maréchal et de la Peyronie , Premiers
Chirurgiens du Roy , et en cette qualité Présidens de l'Académie , n'ayant pû
s'y trouver , M. Petit le pere , présida
en qualité de Directeur.
M. Morand , Secretaire de l'Académie
fit l'ouverture de la Scénce par l'Histoire
de l'établissement de cette Societé. Il en
exposa le plan,, etet fit fit voir que le principal
objet de cette Compagnie é oit de perfectionner la Chirurgie par l'experience
et l'observation , en rassemblant tous les
faits de pratique qui seront communiquez par les Chirurgiens , tant du Koyaume que des Pays Etrangers.
..
11
JUILLET. 1732. r593 Il fit sentir ensuite que si pour éviter
la confusion , inséparable des nombreu
ses Assemblees , on avoit été obligé de
fixer le nombre des Académiciens ordi-.
naires à 70. cela n'empêchoit point
que tous les Mes. Chirurgiens de Paris
ne fussent veritablement du Corps de
P'Académie , puisqu'ils avoient tous le.
droit d'y prendre séance , lorsqu'ils auroient des Mémoires à lire , et que leurs
noms et leurs Ouvrages seroient imprimez sans distinction dans les Recueils
qu'on donneroit au Public.
Il ajoûta à l'occasion de certaines Critiques , qu'il suffisoit à cette nouvelle Acàdémie d'être protegée par le Roy et par
ses Ministres. Que d'ailleurs l'estime de
M.le Premier Medecin , le zele de Mies
Premiers Chirurgiens , l'Approbation de
ceux qui aiment le bien public , et lès .
Eloges de plusieurs Journalistes éclairez ,
la dédommageroient amplément de tous
les traits que l'ignorance ou l'envie роцvoient faire lancer contre elle.
M. Morand finit par une Réponse à
l'Auteur d'une These soutenue aux Ecoles de Medecine le 18. Mars dernier , dans
laquelle on avoit critiqué le Programe
publié par l'Académie sur une question
importante de Chirurgie.
C
1594 MERCURE DE FRANCE
Ce Discours , que le Public reçut favorablement , fut suivi de la lecture de
neuf Memoires ou Observations Chirurgicales. Les Chefs de l'Académie se sont
fait un devoir de témoigner leur zele.en
fournissant eux-mêmes une partie de ces
Memoires.
M. Maréchal envoya une Observation
des plus singulieres et dont voici le sujet.
Une Dame étoit sujette depuis plus de
quinze ans à des attaques de Collique
Bilieuse , et depuis dix ans , à de trèsgrandes difficultez d'aller à la selle.
Les douleurs étoient si insuportables ·
dans les derniers temps , que la Malade
ne pouvant garder aucune situation , se
roulant sur son plancher, &c. M. Maré
chal 'eut occasion de la voir dans cet état
déplorable ; et soupçonnant un ulcere
carcinomateux dans le Rectum , il mit le
doigt dans le fondement , et l'ayant
porté aussi , haut qu'il lui fut possible , il
sentit un corps étranger solide. C'étoit
une pierre d'un volume si considerable ,
qu'il fallut pour en faire l'extraction
non-seulement dilater l'Anus , mais encore l'inciser en plusieurs endroits. Il ne
falloit pas une main moins habile que
celle de M. Maréchal ,. pour réussir dans
une operation qui demandoit tant de
ména -
JUILLET. 1732. 1595
ménagement et de dexterité. Un mois
après la Malade fut parfaitement guérie.
On fit après la lecture d'un Memoire
envoyé par M. de la Peyronie. La Cure
dont ce Memoire contient le détail , prouve qu'un courage éclairé peut souvent trouver dans l'Art des ressources pour les'
maladies les plus desesperées.
Un homme âgé de 63. ans , étoit attaqué depuis près de trente , d'une Hernie
qu'il avoit jusqu'alors contenue avec succès , au moyen d'un Bandage ; mais ayant
négligé de s'en servir depuis deux ans ,
il tomba dans l'accident de l'étranglement. Il n'eut recours à M. de la Peyronie que le huitième jour de l'accident,
et quoiqu'alors l'augmentation considerable de la tumeur , sa tension et celle
de tout le ventre , la violence des dou
leurs , le hoquet , le poux concentré , la
lividité et pourriture , qui déja avoient
paru à l'extremité de la tumeur , et qui
permettoient la sortie des matieres fœcales ; quoique tous ces desordres annonÇassent une mort prochaine, M.de la Pey.
ronie espera assez du secours de la Chirurgie pour entreprendre l'Operation.
Ayant ouvert le sac hernaire dans toute
son étendue , il trouva six ou sept pou--
ces des Intestins grêles , entierement gangrencz
1595 MERCURE DE FRANCE
grenez et criblez de trous qui laissoient ·
sortir les mitieres focales. Il dilata l'anneau ; et après avoir tiré un peu les Intestins pour s'assurer du progrès de la
gangrene , il emporta toute la portion du
canal qui parut être gangrennée au point
de ne pouvoir être ranimée. Il fit ensuite
au Mezentere un pli ; de façon à boucher les deux bouts flotants de l'Intestin,
et par un point d'ég ille fait à ce pli ,
il assujettit les deux bouches du canal
intestinal. Il fit enfin avec les extrémi
tez du fil une anse qui resta au dehors
et servit à retenir vers le haut de la playe
l'ouverture de l'intestin ; précaution sans
laquelle cet intestin qui n'avoit contracté
aucune adherince aux environs de l'anneau, eût pû faire dans la cavité du ventre
un épanchement des matieres fœcales qui,
ût été mortel. On eut grand soin dans
les pansemens de leur laisser une issue libre.
Le 25 jour de l'Operation , le lien du Me,
zentere se sépara , et au bout de six se,
maines les excremens ne sortirent plus
avec la même abondance , le Malide en
ren lant une partie par les voyes ordi
naires. La playe n'a cependant êté entie,
rement cicatrisée qu'au bout de quatre
mois, et après que le Malade se fut ré.
duit à une nourriture très-legere et prise
en temps éloignez .
3
JUILLET. 1732. 1597
Cette maladie , toute fâcheuse qu'on
vient de la représenter , étoit encore compliquée d'un gonflement très- ancien et
très- considerable au Testicule , qu'on fut
obligé d'emporter , malgré la grosseur
du cordon spermatique qui avoit près
de deux pouces de diametre et dont l'engorgement se continuoit fort avant dans
le ventre. M. de la Peyronie lia le cordon
à la hauteur des anneaux , et il le coupa
un pouce au dessous. Cette premiere ligature,quoiqu'extrêmement serrée, s'étant
lâchée , et un champignon fort gros
et qui parossoit carcinomateux , s'étant
élevé de l'extremité du cordon coupé ,
il fit au bout de quelques jours une nou
-velle ligature, et emporta ce champignon.
Le 18mejour cette derniere ligature tomba et le cordon se dégorgea entierement
par la suppuration. M. de la Peyronie
fait observer que ce gonflement étoit la
suite d'une cause externe.
Les bornes d'un Extrait ne nous permettent point de faire mention du reste du
Memoire ni des excellentes Reflexions qui
le terminent. Nous avertirons seulement
qu'à l'égard de la gangrene de l'Intestin ,
M.de la Peyronie a plus d'une fois mis heureusement en pratique la Méthode qu'il expose. Il est même fait mention dans l'Histoire
1598 MERCURE DE FRANCE
toire de l'Académie Royale des Sciences ,
année 1723. des suites heureuses d'une
semblable Operation qu'il fit en 1712
M. Petit lût ensuite l'histoire d'une Fiştule au Périné , pour laquelle on avoit
fait deux fois , sans succès , l'opération
dans la Province , et qu'il a cependant
guérie radicalement , ayant reconnu ce qui
avoit empêché de réussir dans les deux
premieres opérations. La Fistule au Périné dont il s'agit , étoit la suite de l'ouverture d'un dépôt gangréneux , formé
en conséquence d'une retention d'urine.
M. Petit , en examinant le malade , observa que la partie antérieure de l'Anus
étoit aussi dure que les environs de la Fistule , et que la prostate étoit le centre
de la dureté, qui s'étendoir si avant, qu'a
vec le doigt mis dans le fondement, on ne
pouvoit en sentir les bornes. Il reconnut
par des sign's certains que cette dureté
avoit une cause vénérienne. Il reconnut
encore que le trou interne de la Fistule
étoit au delà du Sphincter , parce que le
malade , sans être averti du besoin d'u
riner , et sans faire aucun effort , rendoit
continuellement la plus grande partie de
ses urines par le trou de la Fistule , et
sans en rendre par la Verge , ou du moins
s'il urinoit par la Verge, c'étoit toujours
Yo-
JUILLET. 1732. 15999
*
volontairement, et lorsqu'il y étoit excité
par le résidu des urines 3 par cet examen
M. Petit comprit qu'il ne guériroit jamais cette Fistule , si avant que de faire
l'opération , il ne commençoit par dé--
truire le Virus Vénérien , et si en second
lieu , dans l'opération ( dont il décrit le
manuel ) il n'incisoit la Prostate , pour
comprendre dans l'incision , le trou interne de la Fistule. Il a agi en conséquence , et le malade a été parfaitement
guéri.
Ce Mémoire parut d'autant plus utile ,
que pour l'ordinaire dans le traitement
de la maladie , qui en fait le sujet , et qui
est fort commune , on ne fait point assezd'attention aux circonstances que M. Petit expose dans son observation , et qui
dans des cas semblables , déterminent la
seule voïe possible de guérison.
La quatriéme Observation est de M
Malaval , Vice - Directeur de l'Académie.
Un homme, âgé de 25 ans , fut, après de
vives douleurs , attaqué d'une Exortose
tres considérable, à la tête du Peroné. Cette
Exortose ayant paru dès son commencement tenir du Carcinome ; M. Malaval
sentit la nécessité d'amputer la Cuisse ;
cependantcommeil y avoit de justes soup
çons de Vérole , il fit , avant l'opération ;
passer
1600 MERCURE DE FRANCE
passer le malade par le grand remede , ce
qui calma beaucoup ses douleurs , et lui
fendit le sommeil qu'il avoit entierement
perdu. M. Malaval fit ensuite l'opération ; mais peu de jours après les élancemens , qui se firent sentir dans la plaïe
et la mauvaise qualité des suppurations ,
qui étoient de couleur verdâtre , confirmerent les craintes qu'il avoit d'abord
conçû au sujet du Levain Cancereux ; cependant après avoir donné des remedes
propres à corriger et à adoucir la Limphe , l'exfoliation de l'os se fit, et fut avec
assez de difficulté suivie de la Cicatrice:
Après 18 mois d'une assez bonne santé, le
malade fut attaqué d'une toux séche et
fréquente. Deux mois après , la fièvre
survint , avec un crachement de sang. Oir
employa , sans succès , les remedes qui
paroissoient les mieux indiquez. La fiés
vre, d'aiguë qu'elle étoit , devint lente ; l'enflure clemateuse ; et de suite tous
les signes de l'hydropisie de poitrine parurent. M. Malaval fit la ponction avec
le Troiscart, & tira environ trois pintes
d'une sérosité sanguinolente. La poitrine.
s'étant de nouveau remplie , il l'ouvrit
cette fois avec le Bistouri , et il évacua
deux pintes d'une sérosité . semblable à
la premiere , et à des Laveures de chair .
mal-
.
JUILLET. 1732. 1601
malgré tous ces secours , le malade mourut peu de jours après , et on trouva par
Fouverture du Cadavre que le Poulmon
éroit presque totalement osseux et carcinomateux.
: Cette observation donne lieu à M. Malaval de faire des réfléxions: 1 °. Sur ceque
le Levain carcinomateux attaque indifferemment toutes les parties : 20. Sur ce
qu'il est tres - difficile , pour ne pas dire
impossible , de détruire ce Levain , parvenu à un certain dégré: 3°. Sur ce que
la salivation que quelques Auteurs ont
vantée pour la guérison des Cancers, n'est
d'aucune ressource contre ce mal. Enfin
surce que dansles soupçons légitimes d'épanchement d'eau dans la poitrine , la
ponction qu'on n'entreprend que rarement , pourroit être plus fréquemment
employée.
Le Mémoirè suivant est de M. Houstet; il renferme plusieurs expérience qui
prouvent qu'il se trouve dans la Vessie des
Pierres situées de façon à ne pouvoir être
tirées, et qu'il est par conséquent plus avan- tageux d'abandonner que de s'opiniâtrer
à en faire l'extraction. Dans la premiere
de ces observations , M. Houstet rapporte qu'un homme , âgé de 76 ans , qui
Souffroit des douleurs très- vives au Périné
601 MERCURE DE FRANCE
riné , en conséquence de Pierre dans la
Vessie , le pressa de le tailler. Il fit l'opération au grand appareil , et elle fut treslaborieuse , tant à cause d'un gonflement
et d'une dureté extraordinaire à la Prostate , qu'à cause de deux Champignons et
de trois Pierres , dont il fallut faire l'extraction à differentes reprises. Quoi qu'il
sentit encore des Pierres ; il fit remettre
le malade au lit , dans la crainte de le
trop fatiguer ; mais malgré ce ménagement , le malade mourut le cinquiéme
jour de l'opération. A l'ouverture du Cadavre on observa entr'autres choses , que
le fond de la Vessie étoit parsemé dans
toute sa circonference de plusieurs embouchures , qui conduisoient dans des cavitez ou célules , dont le fond étoit beaucoup plus large que l'entrée. Plusieurs de
ces Célules ou Loges consenoient des Pierres parmi lesquelles on en distinguoit
trois , d'un volume médiocre , lisses et
polies , ayant quatre ou cinq facettes et
pareilles à celles qu'on avoit tirées dans l'opération.Ces Pierres étoient retenuës chacune dans leur cavité particuliere ; l'entrée de ces Célules étant fort étroite , et
les Pierres ne présentant qu'un de leurs
angles , ou une de leurs facettes , sans saillies ; il étoit , dit M. Houstot , impossible
JUILLET. 1732. 1603
ble de les charger, quoiqu'on put les toucher avec le bout des Tenettes.
Il rassemble à la suite de cette observation un grand nombre de faits , dont il a
eu connoissance , et qui tous se rapportent à l'impossibilité qu'il y a dans certains
cas , de charger et de tirer la Pierre ; soit
parce qu'elle se trouve engagée dans des
Loges ou prolongemens du Corps de la
Vessie , soit parce qu'elle est retenue par
des replis ou des brides de la membrane
interne.
Al'égard des Pierres Enkistées , du genre de celles dont il est question dans la
premiere observation , il pense que la Célule s'est formée d'abord , et qu'ensuite
quelque petit Gravier qui s'y est insinué,
y grossit et que la cavité de la Celule augmente à mesure ; ayant observé que ces
Célules ne succedent guéres qu'aux retentions d'urines , il les regarde comme des
especes de Hernies de la membrane interne de la Vessie , qui dans la dilatation ,
a forcé l'intervale des Fibres charnuës.
Il prétend que ces Vessies à célules , à
poches et à brides ne sont point si rares
qu'on l'avoit cru jusqu'à present. Il fonde
son sentiment sur ce qu'il a observé đans
T'ouverture d'un grand nombre de personnes mortes de maladie de Vessie; et il
conclud
1604 MERCURE DE FRANCE
conclud de ces observations que généralement dans toutes les opérations de la taille,
la prudence exige qu'avant que d'essayer
de charger et d'extraire la Pierre , on reconnoisse autant qu'il est possible, avec le
doigt , l'état de la Vessie. Si l'on trouve la
Pierre engagée dans quelque Kiste ou Célule , on doit tâcher de la déchatoner, s'il
est possible , avec le doigt ; mais si le
doigt ne peut y atteindre, ou si l'on trouve des obstacles insurmontables , le Chirurgien , sans fatiguer inutilement le malade , ou plutôt sans faire des tentatives
périlleuses, doit alors abandonner la Pierre, qui quelquefois se détache d'elle- même ,dans la suite des pansemens , tant
par la suppuration que par les injections
Long-temps continuces.
Ces observations ne sont point seulement curieuses , elles paroissent pouvoir
être d'une grande utilité , par les conséquences que l'Auteur en tire pour la
tique,
praLe sixième Mémoire est de M. Caumont. C'est une observation sur un écra
sement des doigts du milieu et annulaire
de la main , dont les deux dernieres phalanges étoient fracturées en plusieurs piéces , avec déplacement , les articulations
découvertes , dix lignes de l'extrêmité des
tendons
JUILLET. 1732 1605
tendons extenseurs déchirées et entierement emportées , enfin la peau détruite
depuis le milieu de la seconde Phalange ,
jusqu'à la racine de l'ongle.
M. Caumont n'espera pas d'abord
pouvoir conserver l'extrêmité de ces
doigts , ou du moins la mobilité de leurs
Phalanges. L' Anchilose étoit à craindre ,
et d'ailleurs une portion considérable des
tendons extenseurs ayant été emportée ,
et les bouts restans n'ayant pû être raprochez que jusqu'au bord des articulations,
il ne voyoit point à quoi ces bouts de tendons coupez pourroient s'attacher. Il pansa cependant si artistement cette playe ,
qu'il vit au bout de quelques jours s'élever sur la surface des os , une chair loüable et grenuë, qui couvroit les articulations. Les os fracturez se sont aussi consolidez , les articulations se sont raffermies
sans Anchiloses , la peau s'est cicatrisée
et ce qui paroît le plus remarquable à M.
Caumont, l'union de toutes ces parties
entr'elles , a fourni un point d'attache à
chaque tendon' ; de sorte que les mouvemens de fléxion et d'extension , s'exécutent aujourd'hui dans toutes ces Phalangés , presque avec la même liberté
qu'avant l'accident.
La septiéme observation roule sur une
G playe
150 MERCURE DE FRANCE
playe contuse au ply du bras , laquelle fut
accompagnée d'accidens très funestes . M.
Gravier , qui rapporte ce fait , fut obligé
de couper le tendon du Biceps à la fin du
corps charnu de ce muscle , et assés près
de son insertion au Radius. Ce tendon
avoit tellement souffert , qu'en l'emportant ainsi presque tout entier , on ne fit
guére que prévenir la séparation qui s'en
seroit faite naturellement par la mortification , s'il eut été permis de l'attendre. La
cure a été si heureuse , que malgré la perte du tendon du Biceps , le malade porte
l'avant bras dans le dernier dégré de fléxion et est capable des plus grands efforts.
Sur cela M.Gravier s'étonne que dans des
rapports faits en justice sur la piquure du
tendon , ou de l'Aponeurose du Biceps , à
P'occasion de la saignée on air quelquefois
décidé de l'invalidité du bras , sur la símple apparence des accidens qu'il rapporte.
Un Emphiseme de cause interne , fait le
sujet de la huitiéme observation , donnée
par M. Lombard. Une fille , âgée de six
ans et demi, fut attaquée d'une fluxion
de poitrine , qui fut suivie de la petite
Vérole ; mais quoique bien guérie , en
apparence, elle commença environ un an
après à devenir languissante, et à se plaindre de la poitrine , et au bout de quatre
mois
JUILLET. 17320 1607
mois il lui survint subitement une enAure considérable à la poitrine.
M. Lombard fut appellé , il trouva le
poux extrêmement foible , la respiration
lente et difficile, et l'enflure extrêmement
douloureuse ; il reconnut que cette enflute qui s'étoit étendue sur tout le bas-ventre , étoit un Emphiséme. Il conçut dèslors que la Plevre et lePoumon ayant contracté quelque adhérence , il s'y étoit pû
faire une suppuration , dont la suite avoit
été la destruction de la Plévre des muscles
intercostaux de la membrane interne du
Poumon , et l'ouverture de quelques Vé
sicules,ou de quelques Rameaux des Bronches , de sorte que l'air contenu dans le
Poumon, avoit pû s'infiltrer en partie danş
les Célules graisseuses , dans le tissu célulaire des muscles de l'extérieur de la poitrine,et delà dans toutes les Célules voisines
Dans cette idée , il se préparoit à faire
l'opération de l'Empiéme , en consultant
les signes qui pouvoient désigner l'endroit le plus convenable pour ouvrir la
poitrine ; mais l'oppression de la malade
augmenta si fort,qu'elle la suffoqua avant
qu'oncur pûemployer ce secours. Les conjectures de M. Lombard se trouverent en- tierement confirmées par l'ouverture du
Cadavre.c
V Gij Le
1608 MERCURE DE FRANCE
< و
Le neuvième et dernier Mémoire , est
une observation donnée par M.Chauvin,
sur une fracture du Crâne , suivie d'épanchement sur la dure-mere , et d'une fusée
purulente , pour laquelle il fut obligé de
faire une contre - ouverture ou trépan
éloigné de ceux qu'il avoit d'abord appliqué à l'endroit fracturé. M. Chauvin
sauva par cette manoeuvre l'application
d'un grand nombre de trepans. Les matieres épanchées ayant de la pente et l'issue libre , la dure- mere se recolla trespromptement à toute la portion de l'os ,
ou se trouvoit entre le premier et le second trépan , et il n'y cut d'autres exfoliations que celles qui arrivent ordinai
rement à la circonférence des trépans.
On nous pardonnera , sans doute , d'avoir donné un si long Extrait de ces observations. Rien de ce qui peut contribuer
à la conservation de la vie des hommes ,
ne nous paroît indifferent; du reste , c'est
au public à juger , par les Extraits que
nous venons de donner, si l'application
des Chirurgiens à enrichir leur Art de
semblables observations , n'est pas la réponse la plus solide qu'ils puissent faire
aux critiques qui ont parû contr'eux
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Résumé : PREMIRE ASSEMBLÉE PUBLIQUE de l'Académie de Chirurgie.
Le 2 juillet 1732, l'Académie Royale de Chirurgie organisa une assemblée publique dans la grande salle de Saint-Côme. En l'absence des Premiers Chirurgiens du Roy, M. Petit le père présida en tant que Directeur. M. Morand, secrétaire de l'Académie, ouvrit la séance en retraçant l'histoire de la société, dont l'objectif principal est de perfectionner la chirurgie par l'expérience et l'observation. Il souligna que, bien que le nombre d'académiciens ordinaires soit limité à 70 pour éviter la confusion, tous les chirurgiens de Paris peuvent participer aux assemblées et voir leurs mémoires publiés. M. Morand répondit également à des critiques en affirmant que l'Académie est protégée par le Roy et ses ministres, et qu'elle bénéficie de l'estime de personnalités influentes. Il conclut par une réponse à une thèse critique publiée aux Écoles de Médecine. La séance fut suivie de la lecture de neuf mémoires ou observations chirurgicales. M. Maréchal présenta une observation sur l'extraction d'une pierre volumineuse du rectum d'une dame souffrant de coliques bilieuses et de difficultés à déféquer. L'opération, réussie grâce à l'habileté de M. Maréchal, permit à la patiente de guérir en un mois. M. de la Peyronie lut ensuite un mémoire sur la cure d'une hernie étranglée chez un homme de 63 ans. Malgré des complications graves, l'opération fut un succès, et le patient se rétablit après plusieurs mois. M. Petit lut l'histoire d'une fistule au périnée, guérie après deux tentatives infructueuses. Il identifia une cause vénérienne et effectua une opération réussie en détruisant le virus vénérien et en incisant la prostate. M. Malaval, Vice-Directeur, présenta une observation sur l'amputation de la cuisse d'un homme de 25 ans souffrant d'une exostose cancéreuse. Après une opération et des traitements, le patient mourut d'une hydropisie de poitrine. M. Houstet rapporta des expériences sur des pierres dans la vessie, soulignant qu'il est parfois préférable de ne pas tenter leur extraction. Il décrivit une opération complexe sur un homme de 76 ans, qui décéda malgré les efforts pour le soigner. M. Houstot décrivit des pierres retenues dans des cavités étroites de la vessie, rendant leur extraction difficile. Il observa que ces cellules se forment souvent après des rétentions d'urine et les compara à des hernies de la membrane interne de la vessie. Il recommanda de reconnaître l'état de la vessie avant toute opération et d'abandonner l'extraction de la pierre si des obstacles insurmontables sont rencontrés. M. Caumont rapporta une observation sur un écrasement des doigts, avec fractures multiples et tendons déchirés. Malgré les pronostics initiaux défavorables, les doigts guérirent, retrouvant leur mobilité grâce à une cicatrisation remarquable. M. Gravier décrivit une plaie contuse au bras, nécessitant la coupe du tendon du biceps. Le patient récupéra une bonne mobilité de l'avant-bras malgré la perte du tendon. M. Lombard présenta un cas d'emphysème chez une fille de six ans et demi, décédée avant qu'une opération puisse être réalisée. L'autopsie confirma ses conjectures sur la cause de l'emphysème. Enfin, M. Chauvin relata une fracture du crâne avec épanchement purulent, traité par une contre-ouverture éloignée du premier trépan, permettant une guérison rapide.
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40
p. 1929-1932
ODE. SUR LE JUGEMENT DERNIER.
Début :
Quelle puissance souveraine, [...]
Mots clefs :
Jugement dernier, Christ, Trompette, Trône, Sang
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texteReconnaissance textuelle : ODE. SUR LE JUGEMENT DERNIER.
OD E.
SUR LE JUGEMENT DERNIER.
QuUelle puissance souveraine ,
Trouble l'ordre de l'Univers !
Quels crls de fureur et de haine !
De quels feux s'allument les Airs !
Les Cieux , de leurs voûtes brisées ,
Ouvrent les portes embrasées ,
Aux Eclairs , aux Foudres brulans,
J'entens une voix menaçante ,
Qui dit à la Terre tremblante ,
Ce jour est le dernier des temps.
>
Mais que vois-je ! quels tas terrible ,
D'ossemens et de membres morts !
Le son d'une Trompette horrible
En ranime tous les ressorts.
Quel divin rayon de lumiere ,
poussiere ,
Donne à cet amas de
De la chaleur , du mouvement !
Quel esprit , quel souffle de vie ,
Agite,
1930 MERCURE DE FRANCE
Agite , échauffe , vivifie,
Les cendres de ce Monument !
Quels cris de joye et de victoire !
Voici le Juge des Humains ,
Le CHRIST sur un Trône de gloire ,
Ouvre le Livre des Destins ,
Au pied du Trône inaccessible ,
Sont la Justice incorruptible ,
Et l'immuable verité.
Tremblez , Mortels , je vois la Foudre ,
Qui va bien-tôt réduire en poudre ,
Le mensonge et l'iniquité.
Satan , du funeste volume ,
Transcrit les fastes criminels.
Ah ! quelle source d'amertume ,
Pour vous , ô malheureux Mortels !
Sur le fer , l'airain et le cuivre ,
Sont gravez dans l'immense Livre ,
Les trahisons , les noirs projets.
Egalement on y découvre ,
Et de la Cabane et du Louvre ,
Les attentats les plus secrets.
Sur le marbre , l'or et l'yvoire ,
Un Chérubin majestueux ,
A le soin de tracer l'Histoire,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1931
Des faits des hommes vertueux.
Du haut de son Trône suprême ,
Le Fils d'un Dieu pese lui- même ,
Et les vices et les vertus.
Au mouvement de la balance ,
Sa main punit ou récompense,
Les Réprouvez ou les Elus.
Du Seigneur , la voix redoutable ,
Trouble les Airs épouvantez.
Je frémis. Sa bouche équitable ,
Va m'anoncer ses volontez.
Qu'entens-je ! quelle horreur soudaine ...
Ciel ! un Fleuve de sang m'entraîne ,
Dans l'éternelle obscurité.
Ah ! Seigneur , je suis ton Ouvrage ,
Voudrois-tu détruire l'Image ;
De ta divine Majesté.
Suspens les coups de ton Tonnerre ,
Qu'ont allumé tant de forfaits ;
Ne me déclare plus la guerre ;
Je fus l'objet de tes bienfaits.
Jadis dans le sein de Marie ,
L'Esprit-Saint te donna la vie ,
Qui me garantit du trépas ,
Et victime de ta Justice,
Tu
1932 MERCURE DE FRANCE
Tu t'offris toi-même au supplice ,
Que méritoient mes attentats.
Contre moi ta juste colere ,
Devroit armer ton bras vengeur ;
Du Châtiment le plus sévere ,
Mon crime égale la rigueur.
Mais souviens-toi qu'en Pere tendre ,
Tu voulus autrefois répandre ,
Tout ton Sang pour briser mes fers ,
Ce Sang dont une seule goute ,
Auroit pû racheter , sans doute ,
Les crimes de tout l'Univers.
Dieu de bonté , mes cris funebres
Sont parvenus jusques à toi ;
Ton éclat perce les tenebres ,
Dont l'horreur me glaçoit d'effroi ;
Oui, déja ta main secourable ,
Comble l'abîme épouventable ,
Où m'entraînoit l'iniquité.
Tu m'appelles. O joye extrême !
Je touche à mon bonheur suprême ,
Et je le dois à ta bonté.
Cavaliez , Avocat à Montpellier.
SUR LE JUGEMENT DERNIER.
QuUelle puissance souveraine ,
Trouble l'ordre de l'Univers !
Quels crls de fureur et de haine !
De quels feux s'allument les Airs !
Les Cieux , de leurs voûtes brisées ,
Ouvrent les portes embrasées ,
Aux Eclairs , aux Foudres brulans,
J'entens une voix menaçante ,
Qui dit à la Terre tremblante ,
Ce jour est le dernier des temps.
>
Mais que vois-je ! quels tas terrible ,
D'ossemens et de membres morts !
Le son d'une Trompette horrible
En ranime tous les ressorts.
Quel divin rayon de lumiere ,
poussiere ,
Donne à cet amas de
De la chaleur , du mouvement !
Quel esprit , quel souffle de vie ,
Agite,
1930 MERCURE DE FRANCE
Agite , échauffe , vivifie,
Les cendres de ce Monument !
Quels cris de joye et de victoire !
Voici le Juge des Humains ,
Le CHRIST sur un Trône de gloire ,
Ouvre le Livre des Destins ,
Au pied du Trône inaccessible ,
Sont la Justice incorruptible ,
Et l'immuable verité.
Tremblez , Mortels , je vois la Foudre ,
Qui va bien-tôt réduire en poudre ,
Le mensonge et l'iniquité.
Satan , du funeste volume ,
Transcrit les fastes criminels.
Ah ! quelle source d'amertume ,
Pour vous , ô malheureux Mortels !
Sur le fer , l'airain et le cuivre ,
Sont gravez dans l'immense Livre ,
Les trahisons , les noirs projets.
Egalement on y découvre ,
Et de la Cabane et du Louvre ,
Les attentats les plus secrets.
Sur le marbre , l'or et l'yvoire ,
Un Chérubin majestueux ,
A le soin de tracer l'Histoire,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1931
Des faits des hommes vertueux.
Du haut de son Trône suprême ,
Le Fils d'un Dieu pese lui- même ,
Et les vices et les vertus.
Au mouvement de la balance ,
Sa main punit ou récompense,
Les Réprouvez ou les Elus.
Du Seigneur , la voix redoutable ,
Trouble les Airs épouvantez.
Je frémis. Sa bouche équitable ,
Va m'anoncer ses volontez.
Qu'entens-je ! quelle horreur soudaine ...
Ciel ! un Fleuve de sang m'entraîne ,
Dans l'éternelle obscurité.
Ah ! Seigneur , je suis ton Ouvrage ,
Voudrois-tu détruire l'Image ;
De ta divine Majesté.
Suspens les coups de ton Tonnerre ,
Qu'ont allumé tant de forfaits ;
Ne me déclare plus la guerre ;
Je fus l'objet de tes bienfaits.
Jadis dans le sein de Marie ,
L'Esprit-Saint te donna la vie ,
Qui me garantit du trépas ,
Et victime de ta Justice,
Tu
1932 MERCURE DE FRANCE
Tu t'offris toi-même au supplice ,
Que méritoient mes attentats.
Contre moi ta juste colere ,
Devroit armer ton bras vengeur ;
Du Châtiment le plus sévere ,
Mon crime égale la rigueur.
Mais souviens-toi qu'en Pere tendre ,
Tu voulus autrefois répandre ,
Tout ton Sang pour briser mes fers ,
Ce Sang dont une seule goute ,
Auroit pû racheter , sans doute ,
Les crimes de tout l'Univers.
Dieu de bonté , mes cris funebres
Sont parvenus jusques à toi ;
Ton éclat perce les tenebres ,
Dont l'horreur me glaçoit d'effroi ;
Oui, déja ta main secourable ,
Comble l'abîme épouventable ,
Où m'entraînoit l'iniquité.
Tu m'appelles. O joye extrême !
Je touche à mon bonheur suprême ,
Et je le dois à ta bonté.
Cavaliez , Avocat à Montpellier.
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Résumé : ODE. SUR LE JUGEMENT DERNIER.
Le Jugement Dernier est un événement apocalyptique où l'ordre de l'univers est perturbé par des cris de fureur et de haine. Les cieux s'ouvrent, laissant passer éclairs et foudres, tandis qu'une voix menaçante annonce la fin des temps. Les morts ressuscitent grâce à une trompette divine et un rayon de lumière, formant un amas de membres et d'ossements animés. Le Christ, assis sur un trône de gloire, ouvre le Livre des Destins, accompagné de la Justice et de la Vérité. Satan transcrit les crimes des hommes, révélant trahisons et projets secrets, tandis qu'un chérubin trace l'histoire des vertueux. Le Christ pèse les vices et les vertus, punissant ou récompensant les hommes. Terrifié, le narrateur implore la miséricorde divine, rappelant le sacrifice du Christ pour racheter les péchés. Dieu, dans sa bonté, secourt le narrateur, le sauvant de l'iniquité et lui offrant le bonheur suprême.
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41
p. 2006-2007
Avis qu'on nous prie d'inserer.
Début :
M. Chicoyneau, premier Médecin du Roy, sur la connoissance qu'il a des bons effets de la Poudre [...]
Mots clefs :
Médecin du roi, Chicoyneau, Poudre spécifique, Guérison, Sang
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texteReconnaissance textuelle : Avis qu'on nous prie d'inserer.
Avis qu'on nous prie d'inserer.
M. Chicoyneau , premier Médecin du Roy,su
la connoissance qu'il a des bons effets de la Poudre
dre Spécifique , pour la guérison radicale des
Hémoroides , de quelque nature qu'elles soient ,
a confirmé le Privilege accordé par M. Chirac ,
son Prédecesseur.
Cette Poudre purifie le sang , appaise les inflammations , gonflemens et douleurs , ordinairement en à 6 prises ; facilite les Selles et les
Urines , n'a point de mauvais goût , et ne fait
aucune révolution. On peut vivre à son ordinai- re , vaquer à ses affaires , elle se conserve , et on
peut l'envoyer par tout,
Ilfaut s'addresser à Paris , au sieur de la Coste,
rue du Petit-Lyon , Fauxbourg S. Germain , chez
Mad. Frontier. Il donne les Frises cachetées , avec
un Paraphe et la maniere de les prendre. Il est le´
seul qui en a la distribusion. 3 liv. la Prise.
M. Chicoyneau , premier Médecin du Roy,su
la connoissance qu'il a des bons effets de la Poudre
dre Spécifique , pour la guérison radicale des
Hémoroides , de quelque nature qu'elles soient ,
a confirmé le Privilege accordé par M. Chirac ,
son Prédecesseur.
Cette Poudre purifie le sang , appaise les inflammations , gonflemens et douleurs , ordinairement en à 6 prises ; facilite les Selles et les
Urines , n'a point de mauvais goût , et ne fait
aucune révolution. On peut vivre à son ordinai- re , vaquer à ses affaires , elle se conserve , et on
peut l'envoyer par tout,
Ilfaut s'addresser à Paris , au sieur de la Coste,
rue du Petit-Lyon , Fauxbourg S. Germain , chez
Mad. Frontier. Il donne les Frises cachetées , avec
un Paraphe et la maniere de les prendre. Il est le´
seul qui en a la distribusion. 3 liv. la Prise.
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Résumé : Avis qu'on nous prie d'inserer.
M. Chicoyneau, Médecin du Roi, confirme l'efficacité de la Poudre Spécifique pour traiter les hémorroïdes. Elle purifie le sang, apaise les inflammations et facilite les selles et les urines. Six prises suffisent. La poudre est disponible à Paris chez le sieur de la Coste, rue du Petit-Lyon, Faubourg Saint-Germain, chez Madame Frontier. Prix : trois livres la prise.
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42
p. 736-743
Dictionnaire des Cas de conscience, &c. [titre d'après la table]
Début :
LE DICTIONNAIRE DES CAS DE CONSCIENCE, décidez suivant les principes de [...]
Mots clefs :
Cas de conscience, Sang, Démon, Cadavres, Cadavre, Docteurs, Paris, Maléfice, Remèdes, Vexations
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dictionnaire des Cas de conscience, &c. [titre d'après la table]
LE DICTIONNAIRE DES CAS DE CONSCIENCE
, décidez suivant les principes de
la morale , les usages de la Discipline Ecclesiastique
, l'authorité des Conciles et des
Canonistes , et là Jurisprudence du Royaume:
Par feu Mess . de Lamet et Fromageau,
Docteurs de la Maison et Société de Sorbonne
. A Paris , chez J.B. Coignard, fils,
et Hippolyte - Louis Guerin , Libraire , ruë
S. Jacques , 1733. 2 vol. in fol, tom . 1. 878
pag. tom. 2.820 pag. sans la Préface et la
Table des Matieres . Prix , 30 liv. reliez.
Le Recueil des Décisions de ces deux
Sçavans Docteurs , étoit désiré avec ardeur
depuis vingt ans . On peut regarder
cet Ouvrage comme un excellent
supplément au Dictionnaire de Pontas.
Le nom de M" de Lamet et Fromageau ,
fait l'éloge du Livre. Le premier sorti
d'une famille noble et illustre , s'étoit
consacré à l'étude de la Théologie dès
son bas âge. Il avoit été long- temps attaché
au Cardinal de Retz ; ensuite il s'étoit
joint à M. de Sainte- Beuve , pour décider
les cas de conscience qu'on leur
proposoit alors ; delà vient que la plu
part des cas de M. de Sainte- Beuve sonr
aussy
AVRIL . 1733 737
aussi signez de M. de Lamet. C'est dans
ce saint exercice qu'il avoit passé la plus.
grande partie de sa vie , jusqu'à sa mort
arrivée en 1691. à l'âge de 70 ans,
M. Fromageau , mort en 1705. nâquic
à Paris , d'une famille honnête , alliée à
plusieurs autres , distinguées dans la Robe.
Il fut nommé par M. de Lamet pour
être son Exécuteur Testamentaire . Il lui
avoit été associé très - long- temps dans la
décision des Cas de Conscience , dont ces
Docteurs avoient toujours eu attention
de retenir des Minutes sur des Registres
Journaux , qui sont les mêmes sur lesquels
on a imprimé ce Recueil,
Ces deux Docteurs ont été consultez
de leur temps , sur toutes les especes de
Cas ; leurs décisions ont souvent servi à
appuyer des Arrêts , et à terminer des
conteftations de la plus grande impor
tance. Comme ce Livre est déja répandu
dans le public , nous n'entrerons pas
dans un plus grand détail , pour en faire
connoître le mérite ; nous nous arrêterons
seulement à l'article des Malefices
page 13. &c. par le rapport que cette
matiere a avec un Mérnoire sur les Wampires
, que nous avons imprimé dans le
Mercure de May , 1732. pag. 890.
Demande. En Pologne et en Russie on
trou738
MERCURE DE FRANCE
trouve dans des Cadavres humains , qu'on
appelle Siviges , une certaine liqueur que
les peuples et quelques Sçavans même
croïent être du sang. On prétend que le
Demon le prend en des personnes vivantes
, et qu'il le porte dans ces Cadavres.
On dit que cet Esprit en sort de temps
en temps pour tourmenter les hommes ,
et qu'après bien des vexations , il rentre
dans ces Cadavres et y fait couler le sang
qu'il a succé , et qu'on y trouve en si
grande abondance , qu'il sort par la bouche
, par le nez , et sur tout par les oreil
les du Cadavre , qu'on voit nager dans
son Cercueil . Il mange aussi , dit- on , les
linges qui l'enveloppent. Pour l'en empêcher
, on prend garde lorsqu'on enselit
un mort , qu'aucun linge ne soit près
de sa bouche , et on la couvre de terre
aussi-bien que la gorge.
>
L'Esprit , qui sort de ce Cadavre , va la
nuit troubler le repos de ceux avec qui le
deffunt avoit de plus grandes liaisons . Il
les serre , il les embrasse , et leur fait tant
de mal, qu'ils s'éveillent en sursaut , criant
au secours , et assurant qu'ils voïent le
Spectre comme s'il étoit vivant. Ces hommes
ainsi tourmentez , deviennent maigres
et meurent en peu de temps. Le mal
s'étend quelquefois à des familles entieres
AVRIL 1738:
739
res , qui périssent l'un après l'autre.
Quelques -uns de ces esprits attaquent
les hommes , d'autres s'acharnent sur les
Bestiaux dont ils portent aussi le sang
dans les Cadavres , ce qui les fait languir
et mourir. Pour remedier à un si grand
mal , on fait du pain que l'on pétrit avec
le sang qui coule de ces Cadavres , on le
porte sur soy et on en mange , et par là
on se trouve soulagé; mais le grand remede
est de couper la tête du Cadavre.
Il eft à remarquer que quand on va visiter
les corps morts , dont la figure est
apparue en songe , on les trouve mols ,
fléxibles , enflez et rubiconds ; mais dès
qu'on leur a coupé la tête , le démon ne
va plus inquietter ceux qu'il tourmentoit
auparavant , et en peu
ils reprennent
leur embonpoint.
de temps
Une fille ayant été attaquée en dormant
, par un de ces Esprits , se reveilla ,
et criant par la douleur qu'elle sentoit ,
on courut pour la secourir; elle dit qu'el
le avoit vû la figure de sa mere , qui étoit
morte depuis long - temps. Comme on
voyoit qu'elle maigrissoit , on alla au
Cadavre , qu'on trouva mol , flexible et
rubicond. On lui coupa la tête , et on lui
ouvrit le coeur ; il en sortit beaucoup de
sang , après quoi la fille fut soulagée et se
porta très-bien depuis.
Ов
740 vi
On demande s'il est permis d'avoir recours
aux remedes dont on vient de parler
, pour faire cesser les véxations de ces
Esprits ?
On répond qu'on doit avant toutes
choses examiner scrupuleusement la vérité
des faits qui y sont rapportez . Car
ils sont si extraordinaires , qu'on a tout
sujet de craindre qu'il n'y ait beaucoup
d'illusion , et on n'y doit point ajouter .
foy qu'ils ne soient prouvez d'une maniere
si évidente qu'il soit impossible de
les révoquer en doute .
L'imagination, l'ignorance, la créduli-'
té excessive , la superstition , la grossiereté
de ceux qui content de parcilles avantures
, doivent faire craindre qu'il n'y en-'
tre de la fiction , de l'exageration , de
l'imposture , de l'illusion .
Mais supposé que ceux qui consultent
là- dessus , voyent sur les lieux que le peuple
, ou trompé , ou véritablement tourmenté
, employe pour se délivrer , les
deux remedes expliquez cy dessus , on
estime que ceux qui les employent , et
ceux qui demandent qu'on s'en serve
pour eux , pêchent également , et par
deux raisons .
1.Parce qu'on a toujours porté un grand
respect aux Corps des Deffunts , jusqu'à
vouA
V RI L. 1733 . 741
vouloir même que les Sépulchres fussent
inviolables; sur quoi , voyez le tit . 19.du
Code Leg. où il est dit qu'on doit punir
comme sacrilege , les Violateurs des Sépulchres.
Or c'est un attentat énorme
d'entrer dans un Sepulchre pour couper
la tête à un Cadavre. On peut voir enco
re là - dessus dans le Droit Canon les Excommunications
prononcées en pareils
cas. Dans celui dont il s'agit , le prétexte
est moins pardonnable , et plus contraire
au respect que méritent les Corps des
Fidéles. L'Authentique , ut defuncti , tit.
13. coll . 5. avoit dit auparavant , qui hominis
naturam non erubuit , dignus est et
gloriâ et aliis omnibus condemnari.
2º. La fin qu'on se propose dans ce qui
se pratique en Pologne et en Russie rend
encore la chose plus mauvaise . C'est, diton
, pour se délivrer de la véxation du
malin esprit et pour recouvrer la santé
qu'on mange un pain pétri du sang qui
sort des Cadavres , et qu'on leur coupe la
tête. Or il y a tout lieu de présumer que
si ce remede réussit , c'est en vertu d'un
pacte exprès ou tacite fait avec le démon
et qu'on chasse un Malefice par un autre;
car le pain pétri de sang , aussi - bien que
la tête coupée; ne peut pas naturellement
guérir une personne qui se meurt , ni
| Fij chasser
742 MERCURE DE FRANCE
chasser le démon qui la tourmente. On
ne peut pas dire non plus que Dieu fasse
des miracles dans ces occasions ; il faut
donc , supposé le fait vrai , y reconnoître
un pacte et reconnoître aussi que le démon
a promis de se retirer à la presence
du maléfice, après l'avoir lui - même conseillé.
Gerson , dans un Opuscule contre
la doctrine d'un Médecin de Montpellier
, dit , que la Faculté de Paris en a
jugé ainsi,
Or , selon S. Thomas , in 4. dist. 34.Q
1. art. 3. et selon le Decret de la Faculté
de Paris , de l'année 1318. rapporté à la
fin des Oeuvres du Maître des Sentences ,
art. 6. il n'est point permis de chasser
un maléfice par un autre,
Il suit de tout cela deux choses ; la premiere
, qu'on doit condamner la coutume
des Païs dont on vient de parler
comme réprouvée par l'un et l'autre
Droit , et par l'Ecriture , qui deffend de
faire un mal pour procurer un bien.
La seconde, que si après avoir consulté
de pieux et habiles Medecins, on ne peut
découvrir une cause naturelle de ces
maux , ni les guérir par des remedes naturels
, on doit recourir à ceux qui sont
marquez contre les véxations du démon,
dans le chapitre , şi per sortiarias 33.Q.2,
atqne
AVRIL. 1733. 743
atque maleficas occulto , sed numquam injusto
Deijudicio, permittente et Diabolo procurante
, &c. C'est le sentiment de Barthelemi
de Spina , Maître du Sacré Palais,
dans son Traité de Strigibus , cap . 33
Déliberé en Sorbonne , & c.
, décidez suivant les principes de
la morale , les usages de la Discipline Ecclesiastique
, l'authorité des Conciles et des
Canonistes , et là Jurisprudence du Royaume:
Par feu Mess . de Lamet et Fromageau,
Docteurs de la Maison et Société de Sorbonne
. A Paris , chez J.B. Coignard, fils,
et Hippolyte - Louis Guerin , Libraire , ruë
S. Jacques , 1733. 2 vol. in fol, tom . 1. 878
pag. tom. 2.820 pag. sans la Préface et la
Table des Matieres . Prix , 30 liv. reliez.
Le Recueil des Décisions de ces deux
Sçavans Docteurs , étoit désiré avec ardeur
depuis vingt ans . On peut regarder
cet Ouvrage comme un excellent
supplément au Dictionnaire de Pontas.
Le nom de M" de Lamet et Fromageau ,
fait l'éloge du Livre. Le premier sorti
d'une famille noble et illustre , s'étoit
consacré à l'étude de la Théologie dès
son bas âge. Il avoit été long- temps attaché
au Cardinal de Retz ; ensuite il s'étoit
joint à M. de Sainte- Beuve , pour décider
les cas de conscience qu'on leur
proposoit alors ; delà vient que la plu
part des cas de M. de Sainte- Beuve sonr
aussy
AVRIL . 1733 737
aussi signez de M. de Lamet. C'est dans
ce saint exercice qu'il avoit passé la plus.
grande partie de sa vie , jusqu'à sa mort
arrivée en 1691. à l'âge de 70 ans,
M. Fromageau , mort en 1705. nâquic
à Paris , d'une famille honnête , alliée à
plusieurs autres , distinguées dans la Robe.
Il fut nommé par M. de Lamet pour
être son Exécuteur Testamentaire . Il lui
avoit été associé très - long- temps dans la
décision des Cas de Conscience , dont ces
Docteurs avoient toujours eu attention
de retenir des Minutes sur des Registres
Journaux , qui sont les mêmes sur lesquels
on a imprimé ce Recueil,
Ces deux Docteurs ont été consultez
de leur temps , sur toutes les especes de
Cas ; leurs décisions ont souvent servi à
appuyer des Arrêts , et à terminer des
conteftations de la plus grande impor
tance. Comme ce Livre est déja répandu
dans le public , nous n'entrerons pas
dans un plus grand détail , pour en faire
connoître le mérite ; nous nous arrêterons
seulement à l'article des Malefices
page 13. &c. par le rapport que cette
matiere a avec un Mérnoire sur les Wampires
, que nous avons imprimé dans le
Mercure de May , 1732. pag. 890.
Demande. En Pologne et en Russie on
trou738
MERCURE DE FRANCE
trouve dans des Cadavres humains , qu'on
appelle Siviges , une certaine liqueur que
les peuples et quelques Sçavans même
croïent être du sang. On prétend que le
Demon le prend en des personnes vivantes
, et qu'il le porte dans ces Cadavres.
On dit que cet Esprit en sort de temps
en temps pour tourmenter les hommes ,
et qu'après bien des vexations , il rentre
dans ces Cadavres et y fait couler le sang
qu'il a succé , et qu'on y trouve en si
grande abondance , qu'il sort par la bouche
, par le nez , et sur tout par les oreil
les du Cadavre , qu'on voit nager dans
son Cercueil . Il mange aussi , dit- on , les
linges qui l'enveloppent. Pour l'en empêcher
, on prend garde lorsqu'on enselit
un mort , qu'aucun linge ne soit près
de sa bouche , et on la couvre de terre
aussi-bien que la gorge.
>
L'Esprit , qui sort de ce Cadavre , va la
nuit troubler le repos de ceux avec qui le
deffunt avoit de plus grandes liaisons . Il
les serre , il les embrasse , et leur fait tant
de mal, qu'ils s'éveillent en sursaut , criant
au secours , et assurant qu'ils voïent le
Spectre comme s'il étoit vivant. Ces hommes
ainsi tourmentez , deviennent maigres
et meurent en peu de temps. Le mal
s'étend quelquefois à des familles entieres
AVRIL 1738:
739
res , qui périssent l'un après l'autre.
Quelques -uns de ces esprits attaquent
les hommes , d'autres s'acharnent sur les
Bestiaux dont ils portent aussi le sang
dans les Cadavres , ce qui les fait languir
et mourir. Pour remedier à un si grand
mal , on fait du pain que l'on pétrit avec
le sang qui coule de ces Cadavres , on le
porte sur soy et on en mange , et par là
on se trouve soulagé; mais le grand remede
est de couper la tête du Cadavre.
Il eft à remarquer que quand on va visiter
les corps morts , dont la figure est
apparue en songe , on les trouve mols ,
fléxibles , enflez et rubiconds ; mais dès
qu'on leur a coupé la tête , le démon ne
va plus inquietter ceux qu'il tourmentoit
auparavant , et en peu
ils reprennent
leur embonpoint.
de temps
Une fille ayant été attaquée en dormant
, par un de ces Esprits , se reveilla ,
et criant par la douleur qu'elle sentoit ,
on courut pour la secourir; elle dit qu'el
le avoit vû la figure de sa mere , qui étoit
morte depuis long - temps. Comme on
voyoit qu'elle maigrissoit , on alla au
Cadavre , qu'on trouva mol , flexible et
rubicond. On lui coupa la tête , et on lui
ouvrit le coeur ; il en sortit beaucoup de
sang , après quoi la fille fut soulagée et se
porta très-bien depuis.
Ов
740 vi
On demande s'il est permis d'avoir recours
aux remedes dont on vient de parler
, pour faire cesser les véxations de ces
Esprits ?
On répond qu'on doit avant toutes
choses examiner scrupuleusement la vérité
des faits qui y sont rapportez . Car
ils sont si extraordinaires , qu'on a tout
sujet de craindre qu'il n'y ait beaucoup
d'illusion , et on n'y doit point ajouter .
foy qu'ils ne soient prouvez d'une maniere
si évidente qu'il soit impossible de
les révoquer en doute .
L'imagination, l'ignorance, la créduli-'
té excessive , la superstition , la grossiereté
de ceux qui content de parcilles avantures
, doivent faire craindre qu'il n'y en-'
tre de la fiction , de l'exageration , de
l'imposture , de l'illusion .
Mais supposé que ceux qui consultent
là- dessus , voyent sur les lieux que le peuple
, ou trompé , ou véritablement tourmenté
, employe pour se délivrer , les
deux remedes expliquez cy dessus , on
estime que ceux qui les employent , et
ceux qui demandent qu'on s'en serve
pour eux , pêchent également , et par
deux raisons .
1.Parce qu'on a toujours porté un grand
respect aux Corps des Deffunts , jusqu'à
vouA
V RI L. 1733 . 741
vouloir même que les Sépulchres fussent
inviolables; sur quoi , voyez le tit . 19.du
Code Leg. où il est dit qu'on doit punir
comme sacrilege , les Violateurs des Sépulchres.
Or c'est un attentat énorme
d'entrer dans un Sepulchre pour couper
la tête à un Cadavre. On peut voir enco
re là - dessus dans le Droit Canon les Excommunications
prononcées en pareils
cas. Dans celui dont il s'agit , le prétexte
est moins pardonnable , et plus contraire
au respect que méritent les Corps des
Fidéles. L'Authentique , ut defuncti , tit.
13. coll . 5. avoit dit auparavant , qui hominis
naturam non erubuit , dignus est et
gloriâ et aliis omnibus condemnari.
2º. La fin qu'on se propose dans ce qui
se pratique en Pologne et en Russie rend
encore la chose plus mauvaise . C'est, diton
, pour se délivrer de la véxation du
malin esprit et pour recouvrer la santé
qu'on mange un pain pétri du sang qui
sort des Cadavres , et qu'on leur coupe la
tête. Or il y a tout lieu de présumer que
si ce remede réussit , c'est en vertu d'un
pacte exprès ou tacite fait avec le démon
et qu'on chasse un Malefice par un autre;
car le pain pétri de sang , aussi - bien que
la tête coupée; ne peut pas naturellement
guérir une personne qui se meurt , ni
| Fij chasser
742 MERCURE DE FRANCE
chasser le démon qui la tourmente. On
ne peut pas dire non plus que Dieu fasse
des miracles dans ces occasions ; il faut
donc , supposé le fait vrai , y reconnoître
un pacte et reconnoître aussi que le démon
a promis de se retirer à la presence
du maléfice, après l'avoir lui - même conseillé.
Gerson , dans un Opuscule contre
la doctrine d'un Médecin de Montpellier
, dit , que la Faculté de Paris en a
jugé ainsi,
Or , selon S. Thomas , in 4. dist. 34.Q
1. art. 3. et selon le Decret de la Faculté
de Paris , de l'année 1318. rapporté à la
fin des Oeuvres du Maître des Sentences ,
art. 6. il n'est point permis de chasser
un maléfice par un autre,
Il suit de tout cela deux choses ; la premiere
, qu'on doit condamner la coutume
des Païs dont on vient de parler
comme réprouvée par l'un et l'autre
Droit , et par l'Ecriture , qui deffend de
faire un mal pour procurer un bien.
La seconde, que si après avoir consulté
de pieux et habiles Medecins, on ne peut
découvrir une cause naturelle de ces
maux , ni les guérir par des remedes naturels
, on doit recourir à ceux qui sont
marquez contre les véxations du démon,
dans le chapitre , şi per sortiarias 33.Q.2,
atqne
AVRIL. 1733. 743
atque maleficas occulto , sed numquam injusto
Deijudicio, permittente et Diabolo procurante
, &c. C'est le sentiment de Barthelemi
de Spina , Maître du Sacré Palais,
dans son Traité de Strigibus , cap . 33
Déliberé en Sorbonne , & c.
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Résumé : Dictionnaire des Cas de conscience, &c. [titre d'après la table]
Le texte traite du 'Dictionnaire des Cas de Conscience', rédigé par les docteurs de la Sorbonne, Messieurs de Lamet et Fromageau, publié en 1733 à Paris. Cet ouvrage, en deux volumes, est présenté comme un excellent complément au Dictionnaire de Pontas. Lamet, originaire d'une famille noble, s'était spécialisé en théologie et avait collaboré avec Sainte-Beuve pour résoudre des cas de conscience. Fromageau, issu d'une famille honnête, avait été nommé exécuteur testamentaire de Lamet et avait travaillé avec lui pendant de nombreuses années. Le texte aborde également des croyances populaires en Pologne et en Russie concernant les 'Siviges', des cadavres humains contenant une liqueur supposée être du sang, manipulée par un démon. Ce démon est censé tourmenter les vivants, causant maladies et décès. Les remèdes proposés incluent la consommation de pain pétri avec ce sang ou la décapitation des cadavres. Les auteurs du texte mettent en garde contre ces pratiques, les jugeant contraires au respect dû aux défunts et suspectant un pacte avec le démon. Ils recommandent de consulter des médecins et, en l'absence de cause naturelle, de recourir aux remèdes spirituels contre les vexations démoniaques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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43
p. 993-995
« [L]e sieur De Nielles, Chirurgien à Paris, a fait la découverte depuis quelques années d'un Remede [...] »
Début :
[L]e sieur De Nielles, Chirurgien à Paris, a fait la découverte depuis quelques années d'un Remede [...]
Mots clefs :
Glandes, Remède, Sang, Maladie, Guérison, Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « [L]e sieur De Nielles, Chirurgien à Paris, a fait la découverte depuis quelques années d'un Remede [...] »
Se sieur De Nielles , Chirurgien à Paris , a fait
la découverte depuis quelques années d'un Remede
qu'il croit infaillible pour la guérison des
Ecrouelles qui attaquent la gorge , sans qu'il soit
besoin de faire d'ouverture ni de mettre des Emplâtres
; son Remede , qu'on prend interieurement
, est aisé à prendre. Il purifie la masse
du sang , fond les glandes gonflées et ulcérées ,
aussi bien que les glandes du Mésantere , où réside
la source de cette malheureuse maladie , et
cela quand même les glandes auroient été ouvertes
par des instrumens ou autrement ; la premiere
cause de cette maladie est dans le sang qui
a été chargé d'un mauvais levain en passant par
les glandes du Mésantere , et comme la sérosité
de ce sang est âcre et corrosive , qui passe et repasse
continuellement dans toutes les parties du
corps, toutes les parties glanduleuses , comme les
glandes Maxillaires et Salivaires reçoivent la sé
rosité du sang , qu'elles dégorgent continuellement
par la bouche , ce qui fait faire un mauvais
chile, et par celles qui ne peuvent se dégorger
, il s'y fait une obstruction qui enflamme les
glandes, qui faute de remede, viennent à supuration
sans les ouvrir ; aussi-bien que dans toutes
les autres parties du corps qui sont disposés à
recevoir
994 MERCURE DE FRANCE
recevoir la même impression de cette Limphe
impure dont elle attaque le plus souvent les par
ties spongieuses des os , ce que les Allemans appellent
Epine venteuse , et en France , Humeur
froide , ... Si dans le moment qu'on s'apperçoit
de cette maladie , on avoir recours au Remede du
sieur De Nielles, le Malade guériroit et ne deviendroit
pas à un degré desesperé, comme l'on voit
arriver tous les jours par le peu d'attention et de
soin qu'on se donne , generalement parlant , en
traitant la maladie dans son commencement de
bagarelles , d'engelures , de croissances , &c . . . .
Ce Remede se peut envoyer par tout sans risque
d'être alteré ; il est un peu purgatif et n'affoiblit
point le tempéramment , on le peut donner aux
enfans dans le berceau , on en prend tous les jours
à jeun jusqu'à parfaite guérison .
Le sieur De Nielles a guéri plusieurs personnes,
même de distinction , avec tout le succès possible
la bienséance ne lui permet pas de les nommer
, M. Maréchal , Premier Chirurgien du Roy,
en rendra témoignage , et outre cela le sieur De
Nielles est en état d'en faire voir à Paris des Particuliers
qui en ont été guéris.
Le sieur De Nielles demeure ruë de la Tixeranderie
, près la Gréve.
Le sieur Neilson , Ecossois , reçû depuis peu à
S. Côme , Expert pour la guérison des Hernies
ou Descentes , dans l'un et dans l'autre sexe , à
tout âge , demeurant à Paris , ruë Dauphine au
Cocq d'or , donne avis qu'il traite ces sortes de
maladies d'une façon particuliere , par la simple
application des Remedes specifiques , et sans que
le Malade cesse de vacquer ses affaires .
Il donne aussi ses Avis et ses Remedes à ceux
à
qui Ijuî sont dans les Proyinces, soulage les Hernies
les plus invéterées
,
reni cette incommodité .sup.
portable, et en empêche les mauvaises suites.
la découverte depuis quelques années d'un Remede
qu'il croit infaillible pour la guérison des
Ecrouelles qui attaquent la gorge , sans qu'il soit
besoin de faire d'ouverture ni de mettre des Emplâtres
; son Remede , qu'on prend interieurement
, est aisé à prendre. Il purifie la masse
du sang , fond les glandes gonflées et ulcérées ,
aussi bien que les glandes du Mésantere , où réside
la source de cette malheureuse maladie , et
cela quand même les glandes auroient été ouvertes
par des instrumens ou autrement ; la premiere
cause de cette maladie est dans le sang qui
a été chargé d'un mauvais levain en passant par
les glandes du Mésantere , et comme la sérosité
de ce sang est âcre et corrosive , qui passe et repasse
continuellement dans toutes les parties du
corps, toutes les parties glanduleuses , comme les
glandes Maxillaires et Salivaires reçoivent la sé
rosité du sang , qu'elles dégorgent continuellement
par la bouche , ce qui fait faire un mauvais
chile, et par celles qui ne peuvent se dégorger
, il s'y fait une obstruction qui enflamme les
glandes, qui faute de remede, viennent à supuration
sans les ouvrir ; aussi-bien que dans toutes
les autres parties du corps qui sont disposés à
recevoir
994 MERCURE DE FRANCE
recevoir la même impression de cette Limphe
impure dont elle attaque le plus souvent les par
ties spongieuses des os , ce que les Allemans appellent
Epine venteuse , et en France , Humeur
froide , ... Si dans le moment qu'on s'apperçoit
de cette maladie , on avoir recours au Remede du
sieur De Nielles, le Malade guériroit et ne deviendroit
pas à un degré desesperé, comme l'on voit
arriver tous les jours par le peu d'attention et de
soin qu'on se donne , generalement parlant , en
traitant la maladie dans son commencement de
bagarelles , d'engelures , de croissances , &c . . . .
Ce Remede se peut envoyer par tout sans risque
d'être alteré ; il est un peu purgatif et n'affoiblit
point le tempéramment , on le peut donner aux
enfans dans le berceau , on en prend tous les jours
à jeun jusqu'à parfaite guérison .
Le sieur De Nielles a guéri plusieurs personnes,
même de distinction , avec tout le succès possible
la bienséance ne lui permet pas de les nommer
, M. Maréchal , Premier Chirurgien du Roy,
en rendra témoignage , et outre cela le sieur De
Nielles est en état d'en faire voir à Paris des Particuliers
qui en ont été guéris.
Le sieur De Nielles demeure ruë de la Tixeranderie
, près la Gréve.
Le sieur Neilson , Ecossois , reçû depuis peu à
S. Côme , Expert pour la guérison des Hernies
ou Descentes , dans l'un et dans l'autre sexe , à
tout âge , demeurant à Paris , ruë Dauphine au
Cocq d'or , donne avis qu'il traite ces sortes de
maladies d'une façon particuliere , par la simple
application des Remedes specifiques , et sans que
le Malade cesse de vacquer ses affaires .
Il donne aussi ses Avis et ses Remedes à ceux
à
qui Ijuî sont dans les Proyinces, soulage les Hernies
les plus invéterées
,
reni cette incommodité .sup.
portable, et en empêche les mauvaises suites.
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Résumé : « [L]e sieur De Nielles, Chirurgien à Paris, a fait la découverte depuis quelques années d'un Remede [...] »
Le texte présente deux chirurgiens, sieur De Nielles et sieur Neilson, et leurs traitements respectifs. Sieur De Nielles, chirurgien à Paris, a découvert un remède interne pour guérir les écrouelles de la gorge sans nécessiter d'ouverture ou d'emplâtres. Ce remède purifie le sang, dissout les glandes gonflées et ulcérées, et traite la source de la maladie dans les glandes du mésentère. La maladie est causée par un mauvais levain dans le sang, qui affecte les glandes et les parties spongieuses des os. Le remède de De Nielles peut être envoyé sans risque et est adapté aux enfants. Il a guéri plusieurs personnes, dont certaines de distinction, et peut fournir des témoignages à Paris. Sieur Neilson, Écossais, est expert dans le traitement des hernies chez les hommes et les femmes de tous âges. Il utilise des remèdes spécifiques sans interrompre les activités du patient et offre ses services aux personnes des provinces. Il traite également les hernies invétérées et empêche les complications.
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44
p. 1064-1067
ECLAIRCISSEMENT au sujet de deux Theses de Medecine. Extrait d'une Lettre, du 11 Mars 1733.
Début :
Je ne doute point que vous ne receviez favorablement les Eclaircissemens [...]
Mots clefs :
Kermès, Lymphe, Médecine, Sang, Inflammation, Maladie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ECLAIRCISSEMENT au sujet de deux Theses de Medecine. Extrait d'une Lettre, du 11 Mars 1733.
ECLAIRCISSEMENT au sujet de
deux Theses de Medecine.Extrait d'une
Lettre , du 11 Mars 1733 .
J
E ne doute point que vous ne receviez
favorablement les Eclaircissemens
que je vous envoye , et qu'on semble
demander dans le Journal des Sçavans
, du mois de Février dernier. Il s'agit
d'une Question de Medecine.
Tout ce qui regarde cet Art est de consequence
, sur tout dans les points de
pratique. Dans le Journal on trouve deux
Théses , soutenues dans les Ecoles de Médecine
de Paris sur le Kermès Mineral ;
quoiqu'on les ait mises en parallele, nous
répondrons simplement à ce que la seconde
peut avoir d'obscur. A l'égard de
la premiere nous ne cherchons point à la
détruire. La nôtre n'a point été faite contr'elle
, on ne doit point être surpris de la
diversité de la conclusion. Les principes
ne sont point les mêmes.
I.Vtl. La
JUIN. 1733. 1065
La premiere , conseille le Kermès dans
les inflammations , parce que le Kermès
est Analogue , c'est - à - dire , a du rapport
avec l'humeur vitiée dans l'inflammation.
La nôtre le deffend , parce qu'il augmente
l'inflammation , poussant le sang
dans les vaisseaux Capillaires et Limphatiques
; Source unique des Inflammations
.
le
Mais on nous demande deux choses
la premiere est ,que puisque nous accor
dons que le Kermès atténue la Limphe ,
nous devrions l'employer , parce que la
Limphe attenuée et divisée peut agir
sur le sang , embarassé et poussé dans les
petits vaisseaux. Nous convenons que
Kermès atténue la Limphe , et que l'atténuer
c'est la mettte en état de dégluer et
débarrasser le sang ; mais comment le
Kermès atténue- t- il la Limphe d'une maniere
bien opposée à nos vûës ; il l'atténuë
comme sudorifique , il l'allume , il
l'embrase , il la met en fureur ; la Limphe
armée des parties sulphureuses er inflammables
du Kermès , donne au sang
une vivacité , une ardeur plus capable
d'augmenter l'embarras que de le diminuer
; il faut calmer , ne rien exciter ,
brider le mal , ne le point irriter , le Kermès
convient- il ?
1. Vol. Le
1c65 MERCURE DE FRANCE
Le second éclaircissement qu'on paroît
attendre de nous , est sur l'exemple dont
nous avons voulu fortifier notre These.
Nous proposons un cas où nous faisons
beaucoup briller les succès du Kermès ;
cet exemple paroît être une inflammation.
Il est vrai que c'est par où la maladie
a commencé ; mais le septième toute
la maladie change de face ; il y avoit
avant cela grande douleur de côté , fiévre
aiguë , crachement de sang .
›
Le poux dans le septiéme ne se sent
plus , l'expectoration ne se fait point , le
ventre se boursoufle ; sont- ce là les signes
de l'inflammation ? ou plutôt , n'est - ce
pas là une Métastase , c'est - à - dire , un
transport de l'humeur de la maladie dans
un autre ? Dans cet état il faut reveiller
ranimer ; on donne le Kerinès , nous en
attendons de grands succès, nous ne sommes
point trompez ; prouver qu'il convient
dans ce cas où il n'y a ni poux , ni
force , ni douleur de côté , &c. certainement
c'est prouver qu'il ne convient
point du tout dans les inflammations ;
l'expérience nous est donc fávorable¸
car nous ne sommes point du tout d'avis
de bannir le Kermès de la Medecine ,
soit parce que , comme quelques uns ont
dit , c'est un Remede nouveau , ou parce
I. Vol qu'il
JUIN. 1733
1067
qu'il a fait fortune par le moïen d'un
Frere Chartreux. Nous applaudissons à
son entrée dans la Médecine , pourvû
qu'il convienne quelquefois. Un Médecin
ne méprise rien , tout lui plaît , tout
lui sert dans l'unique but qu'il a de guérir
; nous n'avons que voulu faire voir
les cas où le Kermès ne convenoit pas ,
et ceux où il convenoit en general , pour
montrer aux jeunes Médecins de Province
à ne se point trop laisser entraîner par
le bruit des Conquêtes que l'on attribue
au Kermès minéral.
deux Theses de Medecine.Extrait d'une
Lettre , du 11 Mars 1733 .
J
E ne doute point que vous ne receviez
favorablement les Eclaircissemens
que je vous envoye , et qu'on semble
demander dans le Journal des Sçavans
, du mois de Février dernier. Il s'agit
d'une Question de Medecine.
Tout ce qui regarde cet Art est de consequence
, sur tout dans les points de
pratique. Dans le Journal on trouve deux
Théses , soutenues dans les Ecoles de Médecine
de Paris sur le Kermès Mineral ;
quoiqu'on les ait mises en parallele, nous
répondrons simplement à ce que la seconde
peut avoir d'obscur. A l'égard de
la premiere nous ne cherchons point à la
détruire. La nôtre n'a point été faite contr'elle
, on ne doit point être surpris de la
diversité de la conclusion. Les principes
ne sont point les mêmes.
I.Vtl. La
JUIN. 1733. 1065
La premiere , conseille le Kermès dans
les inflammations , parce que le Kermès
est Analogue , c'est - à - dire , a du rapport
avec l'humeur vitiée dans l'inflammation.
La nôtre le deffend , parce qu'il augmente
l'inflammation , poussant le sang
dans les vaisseaux Capillaires et Limphatiques
; Source unique des Inflammations
.
le
Mais on nous demande deux choses
la premiere est ,que puisque nous accor
dons que le Kermès atténue la Limphe ,
nous devrions l'employer , parce que la
Limphe attenuée et divisée peut agir
sur le sang , embarassé et poussé dans les
petits vaisseaux. Nous convenons que
Kermès atténue la Limphe , et que l'atténuer
c'est la mettte en état de dégluer et
débarrasser le sang ; mais comment le
Kermès atténue- t- il la Limphe d'une maniere
bien opposée à nos vûës ; il l'atténuë
comme sudorifique , il l'allume , il
l'embrase , il la met en fureur ; la Limphe
armée des parties sulphureuses er inflammables
du Kermès , donne au sang
une vivacité , une ardeur plus capable
d'augmenter l'embarras que de le diminuer
; il faut calmer , ne rien exciter ,
brider le mal , ne le point irriter , le Kermès
convient- il ?
1. Vol. Le
1c65 MERCURE DE FRANCE
Le second éclaircissement qu'on paroît
attendre de nous , est sur l'exemple dont
nous avons voulu fortifier notre These.
Nous proposons un cas où nous faisons
beaucoup briller les succès du Kermès ;
cet exemple paroît être une inflammation.
Il est vrai que c'est par où la maladie
a commencé ; mais le septième toute
la maladie change de face ; il y avoit
avant cela grande douleur de côté , fiévre
aiguë , crachement de sang .
›
Le poux dans le septiéme ne se sent
plus , l'expectoration ne se fait point , le
ventre se boursoufle ; sont- ce là les signes
de l'inflammation ? ou plutôt , n'est - ce
pas là une Métastase , c'est - à - dire , un
transport de l'humeur de la maladie dans
un autre ? Dans cet état il faut reveiller
ranimer ; on donne le Kerinès , nous en
attendons de grands succès, nous ne sommes
point trompez ; prouver qu'il convient
dans ce cas où il n'y a ni poux , ni
force , ni douleur de côté , &c. certainement
c'est prouver qu'il ne convient
point du tout dans les inflammations ;
l'expérience nous est donc fávorable¸
car nous ne sommes point du tout d'avis
de bannir le Kermès de la Medecine ,
soit parce que , comme quelques uns ont
dit , c'est un Remede nouveau , ou parce
I. Vol qu'il
JUIN. 1733
1067
qu'il a fait fortune par le moïen d'un
Frere Chartreux. Nous applaudissons à
son entrée dans la Médecine , pourvû
qu'il convienne quelquefois. Un Médecin
ne méprise rien , tout lui plaît , tout
lui sert dans l'unique but qu'il a de guérir
; nous n'avons que voulu faire voir
les cas où le Kermès ne convenoit pas ,
et ceux où il convenoit en general , pour
montrer aux jeunes Médecins de Province
à ne se point trop laisser entraîner par
le bruit des Conquêtes que l'on attribue
au Kermès minéral.
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Résumé : ECLAIRCISSEMENT au sujet de deux Theses de Medecine. Extrait d'une Lettre, du 11 Mars 1733.
Le document est une lettre datée du 11 mars 1733, répondant à des questions du Journal des Sçavans sur deux thèses de médecine concernant le Kermès minéral. L'auteur clarifie les divergences entre les thèses, notamment sur l'utilisation du Kermès dans les inflammations. La première thèse recommande le Kermès pour son analogie avec l'humeur vitiée dans les inflammations. L'auteur de la lettre défend une autre approche, affirmant que le Kermès augmente l'inflammation en poussant le sang dans les vaisseaux capillaires et lymphatiques. Il reconnaît que le Kermès atténue la lymphe, mais précise qu'il le fait en allumant et en embrasant la lymphe, ce qui augmente l'embarras du sang. Un second éclaircissement porte sur un exemple où le Kermès semble efficace, mais l'auteur explique que cet exemple concerne une métastase, prouvant ainsi que le Kermès ne convient pas dans les inflammations. L'auteur conclut en affirmant que le Kermès peut être utile dans certains cas et que les médecins doivent savoir quand l'utiliser, sans se laisser influencer par son succès récent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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45
p. 1547-1551
ODE en l'honneur de l'Immaculée Conception de la Vierge, qui a remporté le Prix au Palinod de l'Université de Caën, le 8 Décembre 1732. SUJET. Le coeur de la Pucelle d'Orléans fut trouvé entier au milieu du feu après sa mort.
Début :
Ou vont ces Enfans de la terre, [...]
Mots clefs :
Sang, Coeur, Victoire, Gloire, Horreur, Dieu, Prix, Pucelle d'Orléans, Immaculée Conception de la Vierge, Palinod, Université de Caen
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texteReconnaissance textuelle : ODE en l'honneur de l'Immaculée Conception de la Vierge, qui a remporté le Prix au Palinod de l'Université de Caën, le 8 Décembre 1732. SUJET. Le coeur de la Pucelle d'Orléans fut trouvé entier au milieu du feu après sa mort.
ODE en l'honneur de l'Immaculée
Conception de la Vierge , qui a rem
porté le Prix au Palinod de l'Université
de Caën , le 8 Décembre 1732.A
?
SUJET Le coeur de la Pucelle d'Orleans
fut trouvé entier au milieu du feu après
sa mort.
7
U vont ces Enfans de la terre ,
Porter le ravage et l'horreur ?
La discorde souffle la guerre ,
Dvj
En
1548 MERCURE DE FRANCE
En vient seconder leur fureur ;
Le cruel démon du carnage ,
Les yeux étincelans de rage ,
Conduit leurs sacrileges pas ,
Leurs mains de sang toutes fumantes
Offrent des victimes sanglantes ,
Au Dieu barbare des combats.
FRANCE , cette affreuse tempête ,
Va dans ton sein porter l'effroi ,
Albion tente la conquête
Du Trône sacré de ton Roi :
Déja cette troupe homicide ,
Dans le fol espoir qui la guide ,
Fait avancer ses . Bataillons :
La Victoire errante et séduite
Marche sans rougir à la suite
De leurs superbes Pavillons.
Nos Citadelles foudroyées ,
Nos champs pleins de sang et d'horreur
}
De nos Cohortes effraïées ,
Ne peuvent réveiller l'ardeur :
François , qu'on va charger de chaînes ,
Songés que le sang de vos veines
Est celui de ces fiers Guerriers
Dom le courage infatigable ,
Au
JUILLET.
1733. 1549
Au Capitole redoutable ,
Alloit moissonner des lauriers.
La Fortune aux Anglois fidéle
Sur ses yeux mettant son bandeau ,
Ose ' armer pour leur querelle ,
Et se ranger sous leur drapeau ;
Leurs Troupes de sang alterées ,
De nos déplorables Contrées ,
Couvrent les campagnes de morts :
Jamais l'Euphrate sur ses rives ,
Ne vît tant de Meres plaintives ,
Que la Seine en voit sur ses bords.
Mais quoi quelle main vengeresse !
Vient frapper ces nouveaux Titans ?
Quelle foudroïante Déesse ;
Renverse leurs Drapeaux flotans !
Du Dieu terrible de la Thrace ,
Elle a le courage et l'audace ;
Bellone marche à ses côtés ;
Et son bras s'arme de la foudre ,
Qui va faire mordre la poudre
Aux ennemis épouventés
De nos Troupes le triste reste ,
Brûle de marcher sur ses pas :
Elle
1550 MERCURE DE FRANCE
Elle frape , et sa main funeste
Abbat des milliers de Soldats ;
Tel l'Ange en sa fureur rapide ,
Frapa le Soldat homicide
De l'infidele Assyrien ,
Lorsque son glaive redoutable
Dans une nuit épouventable ,
Vengea le Peuple Iduméen.
Avec une ardeur redoublée
Bravant les efforts ennemis ,
Nos Guerriers vont dans la mêlée ,
Venger la gloire de nos Lys :
Des blessés les clameurs touchantes
Des morts les entrailles fumantes ,
Redoublent l'horreur et l'effroi ;
Chacun jaloux de la victoire ,
Se trouve heureux d'avoir la gloire ,
De verser son sang pour son Roi.
A ces effrayantes images ,
Semble succeder le repos ;
Tant de meurtres et de ravages ,
Ont lassé la fiere Atropos :
Le bruit des guerrieres Trompettes
Ne fait plus taire nos Musettes :
Mais quoi quel funeste retour !
I
I
I
La
JUILLET.
1733. I551
La Fortune nous abandonne ,
Et notre vaillante Amazonne
Tombe dans les fers à son tour.
L'Anglois que la vengeance anime ,
Fait dresser un bucher cruel ,
Où cette innocente Victime
Va recevoir le coup mortel ;
Son coeur , l'appui de nos murailles ,
Son coeur qui gagnoit des Batailles,
Triomphe encore après sa mort ;
Et par une grace invisible ,`
Du Ciel , à son malheur sensible
Des feux brave le vain effort.
ALLUSIO N.
Ce coeur d'une nouvelle gloire
Brille encore au milieu du feu ,
En nous figurant la victoire
De l'Auguste Mere de Dieu :
Τ .
Le Démon par son imposture
Embrasa toute la Nature"
De son souffle pernicieux ;"
par une grace céleste , Mais
La VIERGE en ce débris funeste
Fût seule exempte de ses feux.
Par M. l'Abbé Turpin.
Conception de la Vierge , qui a rem
porté le Prix au Palinod de l'Université
de Caën , le 8 Décembre 1732.A
?
SUJET Le coeur de la Pucelle d'Orleans
fut trouvé entier au milieu du feu après
sa mort.
7
U vont ces Enfans de la terre ,
Porter le ravage et l'horreur ?
La discorde souffle la guerre ,
Dvj
En
1548 MERCURE DE FRANCE
En vient seconder leur fureur ;
Le cruel démon du carnage ,
Les yeux étincelans de rage ,
Conduit leurs sacrileges pas ,
Leurs mains de sang toutes fumantes
Offrent des victimes sanglantes ,
Au Dieu barbare des combats.
FRANCE , cette affreuse tempête ,
Va dans ton sein porter l'effroi ,
Albion tente la conquête
Du Trône sacré de ton Roi :
Déja cette troupe homicide ,
Dans le fol espoir qui la guide ,
Fait avancer ses . Bataillons :
La Victoire errante et séduite
Marche sans rougir à la suite
De leurs superbes Pavillons.
Nos Citadelles foudroyées ,
Nos champs pleins de sang et d'horreur
}
De nos Cohortes effraïées ,
Ne peuvent réveiller l'ardeur :
François , qu'on va charger de chaînes ,
Songés que le sang de vos veines
Est celui de ces fiers Guerriers
Dom le courage infatigable ,
Au
JUILLET.
1733. 1549
Au Capitole redoutable ,
Alloit moissonner des lauriers.
La Fortune aux Anglois fidéle
Sur ses yeux mettant son bandeau ,
Ose ' armer pour leur querelle ,
Et se ranger sous leur drapeau ;
Leurs Troupes de sang alterées ,
De nos déplorables Contrées ,
Couvrent les campagnes de morts :
Jamais l'Euphrate sur ses rives ,
Ne vît tant de Meres plaintives ,
Que la Seine en voit sur ses bords.
Mais quoi quelle main vengeresse !
Vient frapper ces nouveaux Titans ?
Quelle foudroïante Déesse ;
Renverse leurs Drapeaux flotans !
Du Dieu terrible de la Thrace ,
Elle a le courage et l'audace ;
Bellone marche à ses côtés ;
Et son bras s'arme de la foudre ,
Qui va faire mordre la poudre
Aux ennemis épouventés
De nos Troupes le triste reste ,
Brûle de marcher sur ses pas :
Elle
1550 MERCURE DE FRANCE
Elle frape , et sa main funeste
Abbat des milliers de Soldats ;
Tel l'Ange en sa fureur rapide ,
Frapa le Soldat homicide
De l'infidele Assyrien ,
Lorsque son glaive redoutable
Dans une nuit épouventable ,
Vengea le Peuple Iduméen.
Avec une ardeur redoublée
Bravant les efforts ennemis ,
Nos Guerriers vont dans la mêlée ,
Venger la gloire de nos Lys :
Des blessés les clameurs touchantes
Des morts les entrailles fumantes ,
Redoublent l'horreur et l'effroi ;
Chacun jaloux de la victoire ,
Se trouve heureux d'avoir la gloire ,
De verser son sang pour son Roi.
A ces effrayantes images ,
Semble succeder le repos ;
Tant de meurtres et de ravages ,
Ont lassé la fiere Atropos :
Le bruit des guerrieres Trompettes
Ne fait plus taire nos Musettes :
Mais quoi quel funeste retour !
I
I
I
La
JUILLET.
1733. I551
La Fortune nous abandonne ,
Et notre vaillante Amazonne
Tombe dans les fers à son tour.
L'Anglois que la vengeance anime ,
Fait dresser un bucher cruel ,
Où cette innocente Victime
Va recevoir le coup mortel ;
Son coeur , l'appui de nos murailles ,
Son coeur qui gagnoit des Batailles,
Triomphe encore après sa mort ;
Et par une grace invisible ,`
Du Ciel , à son malheur sensible
Des feux brave le vain effort.
ALLUSIO N.
Ce coeur d'une nouvelle gloire
Brille encore au milieu du feu ,
En nous figurant la victoire
De l'Auguste Mere de Dieu :
Τ .
Le Démon par son imposture
Embrasa toute la Nature"
De son souffle pernicieux ;"
par une grace céleste , Mais
La VIERGE en ce débris funeste
Fût seule exempte de ses feux.
Par M. l'Abbé Turpin.
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Résumé : ODE en l'honneur de l'Immaculée Conception de la Vierge, qui a remporté le Prix au Palinod de l'Université de Caën, le 8 Décembre 1732. SUJET. Le coeur de la Pucelle d'Orléans fut trouvé entier au milieu du feu après sa mort.
Le texte est une ode en l'honneur de l'Immaculée Conception, récompensée au Palinod de l'Université de Caen le 8 décembre 1732. Il évoque le cœur intact de Jeanne d'Arc retrouvé après sa mort. Le poème décrit les horreurs de la guerre, notamment les conflits entre la France et l'Angleterre au XVIe siècle. La France est menacée par les troupes anglaises, et la victoire semble incertaine. Une figure divine, comparée à Bellone, intervient pour renverser les ennemis. Les soldats français, malgré leurs pertes, continuent de se battre avec courage. Le texte se termine par une allusion au cœur de Jeanne d'Arc, symbolisant la victoire et la grâce divine. Cette image est comparée à la Vierge Marie, exemptée des feux de l'imposture démoniaque.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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46
p. 2251-2255
MANIFESTE que les Etats de la République de Pologne, assemblez en Diette pour l'Election d'un Roy, ont publié à l'occasion de l'entrée des Troupes Russiennes dans le Grand-Duché de Lithuanie.
Début :
NOUS, les Sénateurs Spirituels et Séculiers, et toute la Noblesse de la Couronne de Pologne [...]
Mots clefs :
Élection, Royaume, République, Troupes étrangères, Libre, Patrie, Sang, Puissances, Grand-duché de Lituanie, Pologne
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texteReconnaissance textuelle : MANIFESTE que les Etats de la République de Pologne, assemblez en Diette pour l'Election d'un Roy, ont publié à l'occasion de l'entrée des Troupes Russiennes dans le Grand-Duché de Lithuanie.
MANIFESTE que les Etats de la
République de Pologne , assemblez en
Diette pour l'Election d'un Roy , one
publié à l'occasion de l'entrée des
Troupes Russiennes dans le Grand-
Duché de Lithuanie.
No
OUS , les Sénateurs Spirituels et Séculiers;
er toute la Noblesse de la Couronne de Polo-
Ene et du Grand-Duché de Lithuanie , voulant
derniser à jamais une Procedure aussi injuste , que
2262 MERCURE DE FRANCE
elle de l'entrée des Russiens , sçavoir faisons par la
Présente , a tous un chacun .
Nous avons toujours observé inviolablement es
saintement les Traitez d'Alliance et d'Amitié avec
les très - illustres Puissances voisines. Dans la derniere
Diette generale de Convocation , nous avons
non- seulement confirmé ces Traitez , mais nous y
avons donné , tant en notre nom , qu'au nom de
nos très - illustres Rois , les assurances les plus fortes
que nous entretiendrions religieusement et avecj oye
une amitié sincere avec lesdites Puissances .
Notre intention n'a jamais été de causer le moindre
préjudice à nos Voisins ; nous en prenons à témoin
le Grand-Dieu , notre Juge suprême : Nous
sommes assemblz ici au lieu ordinaire, entre Vvarsovie
et vola,selon l'ancienne pratique en usage depuis
le Regne du très- illustre Roy Sigismond Auguste ,
conformement aux Loix fondamentales et Constitutions
du Royaume et en vertu de nos Privileges et
des Pacta Conventa , faits avec nos très-illustres
Rois , afin d'y preceder d'un suffrage libre et una-
Aime , et de notre propre mouvement et volonté , à
l'Election d'un Roy , ainsi qu'il appartient à une
Nation libre , qui ne veut être contrainte ni dépendre
de qui que ce soit ; nous avons commencé pour
cet effet nos déliberations , en će qui regarde l'Election
et les affaires de notre Royaume, et nous l'avons
fait jusqu'à présent d'une maniere paisible , n'ayant
ni guerre ni aucun differend avec qui que ce soit, et
ne voulant pas nous méler des affaires étrangeres,
Mais comme nous avons appris que l'Armée de
la très-illustre Czarienne est entrée en Lithuanie es
qu'elle poursuit sa marche vers les Frontieres de
Pologne , dans le dessein d'opprimer , sous un pou
voir arbitraire notre libre Election , indépendante
de qui que ce soit; de violenter le premier et le plus
autheng
OCTOBRE. 17337 2253
Authentique de nos droits , qui est celui de l'Election;
de violer les Pacta et les Traitez conclus cy -devant
et en particulier celui du Pruth , de maîtriser notre
Patrie exempte de tout reproche , d'y faire couler des
ruisseaux de sang et de soüiller notre Pais d'un sang
innocent ; nous ne pouvons plus nous retenir ni nous
empêcher de manifester devant Dieu , les Puissances
voisines et le Monde entier , les injustices et les
violences qu'on commet envers nous , au moyen d'u
ne procedure aussi illégale que celle de l'entrée desdites
Troupes Czariennes dans ce Royaume , sans
que nous y ayons donné le moindre sujet , et qui no
rend qu'a ravager notre Pays par des attentats injustes
, et à opprimer les droits incontestables d'une
ibre Election , acquis par nos Ancêtres au prix de
feur sang et reconnus de tout temps par les Puissances
voisines,
- Nous nous adressons à tous les Potentats , et nous
Leur déclarons par la Présente , que notre intention
n'étant pas d'agir offensivement ( Dieu en est témoin )
nous avons résolu , selon le droit naturel , et permis
à un chacun pour sa propre deffense , de sacrifier notre
sang, nos vies et tout ce qui est en notre pouvoir
, à l'exemple de nos Ancêtres , pour le maintien
d'une Prérogative et d'un droit aussi précieux
que celui d'une libre Election , et d'appeller à notre
secours celui dont la vengeance poursuit les coupables
et dont la justice prend la defense des innocens
et les maintient dans leurs Droits , Libertez et Pré-
Kogatives : Ultima pro nobis vibrabit fulmina celum
, enfin le Ciel lancerases foudres en notre faveur.
par ··Comme nous avons appris , tant les Manifestes
des Moscovites, que par la voix publique , qu'il
se trouve quelques Membres de la République , tanı
de l'Ordre Ecclesiastique que de l'Ordre Séculier,
qui
254 MERCURE DE FRANCE
qui ont appellé lesdites Troupes étrangeres pour op➡
primer avec violence et à main armée la libre Elec
tion et troubler la tranquillité, tant interieure qu'exserieure
de la Patrie, la République les regarde com
me de veritables Monstres dégénérez de leur Race,
et une engeance de Vipere dénaturée et déchaînée
contre leur propre Mere ; Elle les desavoie et les
raye du Livre des vivans et de ceux qui sont éle
wex dans l'état de liberté , comme des gens indignes
de ce précieux gage ; elle les retranche et sépare du
Corps de la République comme des Membres pourris
et infectez du feu d'une rage infernale ; elle les déseste
comme des enfans illegitimes, qui n'appartienment
pas à l'héritage de leur commune Mere, parse
qu'ils ont osé lever leurs mains cruelles contre
elle. Elle les déclare ennemis de la Patrie , rebelles
infâmes et invindicabilia Capita , ainsi que tous
seux qui à l'avenir pourront les aller joindre , enwretenir
correspondance avec eux , ou qui les assisseront
directement ou indirectement , ces sortes de
gens étant véritablement des exnemis capitaux de
la Patrie, puisqu'ils ont entrepris d'y introduire des
Troupes ennemies et de l'inonder d'un Déluge da
sang et de larmes.
Les Etats de la République s'engagent de s'élever
Contre un tel ou tels , quelqu'en puisse être le
nombre ; de se saisir de leurs biens et de ceux de
Beurs Successeurs , pour les joindre au fisc , et s'em
servir ensuite pour dédommager ceux dont les biens
auront été ravagez par les Troupes étrangeres ,
introduites dans le Royaume d'une maniere så
impie.
La maison dans laquelle un tel ou tels ont habité,
sera razée, pour une marque éternelle de leur
trahison ; on ne leur accordera point d'Amnistie,
ils ne pourrons jamais être réhabilitez dans
Lesn
OCTOBRE. 1733. 2255
Teur précédente égalité ; leurs femmes même se
vont privées de leurs Privileges et prerogatives.
S'i arrive qu'un Evêque soit du nombre de tels
Sujets , il sera frustré de sa dignité , autorité et ac-
Sivité dans les Assemblées publiques , et les revenus
de ses biens seront mis en sequestre jusqu'à une dér
ision définitive à cet égard.
Il est expressément stipulé qu'aucun Evêque ni
Sénateur Séculier , ne pourra pendant ce temps de
rouble , sortir du Royaume ou envoyer quelqu'un
dans les Pays Etrangers , sous les peines portées cy
dessus contre les Rebelles , outre la confiscation de
ses biens et la perte de ses Charges , et ceux qui se
Prouveront actuellement hors du Royaume , seront
obligez d'y revenir sous les mêmes peines.
A cet effet , nous avons signé le présent Manifesta
dans tous ses points et clauses ; et si quelqu'un des
Evêques , Sénateurs , Ministres ou des Membres de
la Noblesse des deux Nations refusede le signerrfpa
reillement, il sera tenu , ipso facto , pour ennemi de
Ja Patrie. Fait au Camp Electoral , entre Vvar
sovie et Vvola, le 4. Septembre 1733.
République de Pologne , assemblez en
Diette pour l'Election d'un Roy , one
publié à l'occasion de l'entrée des
Troupes Russiennes dans le Grand-
Duché de Lithuanie.
No
OUS , les Sénateurs Spirituels et Séculiers;
er toute la Noblesse de la Couronne de Polo-
Ene et du Grand-Duché de Lithuanie , voulant
derniser à jamais une Procedure aussi injuste , que
2262 MERCURE DE FRANCE
elle de l'entrée des Russiens , sçavoir faisons par la
Présente , a tous un chacun .
Nous avons toujours observé inviolablement es
saintement les Traitez d'Alliance et d'Amitié avec
les très - illustres Puissances voisines. Dans la derniere
Diette generale de Convocation , nous avons
non- seulement confirmé ces Traitez , mais nous y
avons donné , tant en notre nom , qu'au nom de
nos très - illustres Rois , les assurances les plus fortes
que nous entretiendrions religieusement et avecj oye
une amitié sincere avec lesdites Puissances .
Notre intention n'a jamais été de causer le moindre
préjudice à nos Voisins ; nous en prenons à témoin
le Grand-Dieu , notre Juge suprême : Nous
sommes assemblz ici au lieu ordinaire, entre Vvarsovie
et vola,selon l'ancienne pratique en usage depuis
le Regne du très- illustre Roy Sigismond Auguste ,
conformement aux Loix fondamentales et Constitutions
du Royaume et en vertu de nos Privileges et
des Pacta Conventa , faits avec nos très-illustres
Rois , afin d'y preceder d'un suffrage libre et una-
Aime , et de notre propre mouvement et volonté , à
l'Election d'un Roy , ainsi qu'il appartient à une
Nation libre , qui ne veut être contrainte ni dépendre
de qui que ce soit ; nous avons commencé pour
cet effet nos déliberations , en će qui regarde l'Election
et les affaires de notre Royaume, et nous l'avons
fait jusqu'à présent d'une maniere paisible , n'ayant
ni guerre ni aucun differend avec qui que ce soit, et
ne voulant pas nous méler des affaires étrangeres,
Mais comme nous avons appris que l'Armée de
la très-illustre Czarienne est entrée en Lithuanie es
qu'elle poursuit sa marche vers les Frontieres de
Pologne , dans le dessein d'opprimer , sous un pou
voir arbitraire notre libre Election , indépendante
de qui que ce soit; de violenter le premier et le plus
autheng
OCTOBRE. 17337 2253
Authentique de nos droits , qui est celui de l'Election;
de violer les Pacta et les Traitez conclus cy -devant
et en particulier celui du Pruth , de maîtriser notre
Patrie exempte de tout reproche , d'y faire couler des
ruisseaux de sang et de soüiller notre Pais d'un sang
innocent ; nous ne pouvons plus nous retenir ni nous
empêcher de manifester devant Dieu , les Puissances
voisines et le Monde entier , les injustices et les
violences qu'on commet envers nous , au moyen d'u
ne procedure aussi illégale que celle de l'entrée desdites
Troupes Czariennes dans ce Royaume , sans
que nous y ayons donné le moindre sujet , et qui no
rend qu'a ravager notre Pays par des attentats injustes
, et à opprimer les droits incontestables d'une
ibre Election , acquis par nos Ancêtres au prix de
feur sang et reconnus de tout temps par les Puissances
voisines,
- Nous nous adressons à tous les Potentats , et nous
Leur déclarons par la Présente , que notre intention
n'étant pas d'agir offensivement ( Dieu en est témoin )
nous avons résolu , selon le droit naturel , et permis
à un chacun pour sa propre deffense , de sacrifier notre
sang, nos vies et tout ce qui est en notre pouvoir
, à l'exemple de nos Ancêtres , pour le maintien
d'une Prérogative et d'un droit aussi précieux
que celui d'une libre Election , et d'appeller à notre
secours celui dont la vengeance poursuit les coupables
et dont la justice prend la defense des innocens
et les maintient dans leurs Droits , Libertez et Pré-
Kogatives : Ultima pro nobis vibrabit fulmina celum
, enfin le Ciel lancerases foudres en notre faveur.
par ··Comme nous avons appris , tant les Manifestes
des Moscovites, que par la voix publique , qu'il
se trouve quelques Membres de la République , tanı
de l'Ordre Ecclesiastique que de l'Ordre Séculier,
qui
254 MERCURE DE FRANCE
qui ont appellé lesdites Troupes étrangeres pour op➡
primer avec violence et à main armée la libre Elec
tion et troubler la tranquillité, tant interieure qu'exserieure
de la Patrie, la République les regarde com
me de veritables Monstres dégénérez de leur Race,
et une engeance de Vipere dénaturée et déchaînée
contre leur propre Mere ; Elle les desavoie et les
raye du Livre des vivans et de ceux qui sont éle
wex dans l'état de liberté , comme des gens indignes
de ce précieux gage ; elle les retranche et sépare du
Corps de la République comme des Membres pourris
et infectez du feu d'une rage infernale ; elle les déseste
comme des enfans illegitimes, qui n'appartienment
pas à l'héritage de leur commune Mere, parse
qu'ils ont osé lever leurs mains cruelles contre
elle. Elle les déclare ennemis de la Patrie , rebelles
infâmes et invindicabilia Capita , ainsi que tous
seux qui à l'avenir pourront les aller joindre , enwretenir
correspondance avec eux , ou qui les assisseront
directement ou indirectement , ces sortes de
gens étant véritablement des exnemis capitaux de
la Patrie, puisqu'ils ont entrepris d'y introduire des
Troupes ennemies et de l'inonder d'un Déluge da
sang et de larmes.
Les Etats de la République s'engagent de s'élever
Contre un tel ou tels , quelqu'en puisse être le
nombre ; de se saisir de leurs biens et de ceux de
Beurs Successeurs , pour les joindre au fisc , et s'em
servir ensuite pour dédommager ceux dont les biens
auront été ravagez par les Troupes étrangeres ,
introduites dans le Royaume d'une maniere så
impie.
La maison dans laquelle un tel ou tels ont habité,
sera razée, pour une marque éternelle de leur
trahison ; on ne leur accordera point d'Amnistie,
ils ne pourrons jamais être réhabilitez dans
Lesn
OCTOBRE. 1733. 2255
Teur précédente égalité ; leurs femmes même se
vont privées de leurs Privileges et prerogatives.
S'i arrive qu'un Evêque soit du nombre de tels
Sujets , il sera frustré de sa dignité , autorité et ac-
Sivité dans les Assemblées publiques , et les revenus
de ses biens seront mis en sequestre jusqu'à une dér
ision définitive à cet égard.
Il est expressément stipulé qu'aucun Evêque ni
Sénateur Séculier , ne pourra pendant ce temps de
rouble , sortir du Royaume ou envoyer quelqu'un
dans les Pays Etrangers , sous les peines portées cy
dessus contre les Rebelles , outre la confiscation de
ses biens et la perte de ses Charges , et ceux qui se
Prouveront actuellement hors du Royaume , seront
obligez d'y revenir sous les mêmes peines.
A cet effet , nous avons signé le présent Manifesta
dans tous ses points et clauses ; et si quelqu'un des
Evêques , Sénateurs , Ministres ou des Membres de
la Noblesse des deux Nations refusede le signerrfpa
reillement, il sera tenu , ipso facto , pour ennemi de
Ja Patrie. Fait au Camp Electoral , entre Vvar
sovie et Vvola, le 4. Septembre 1733.
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Résumé : MANIFESTE que les Etats de la République de Pologne, assemblez en Diette pour l'Election d'un Roy, ont publié à l'occasion de l'entrée des Troupes Russiennes dans le Grand-Duché de Lithuanie.
En 1733, les États de la République de Pologne, réunis en Diète pour l'élection d'un roi, ont publié un manifeste en réponse à l'entrée des troupes russes dans le Grand-Duché de Lituanie. Les sénateurs spirituels et séculiers, ainsi que la noblesse des couronnes de Pologne et de Lituanie, expriment leur volonté de mettre fin à une procédure injuste déclenchée par cette intrusion. Ils affirment avoir toujours respecté les traités d'alliance et d'amitié avec les puissances voisines et déclarent que leur intention n'a jamais été de causer du préjudice à leurs voisins. Les États de Pologne soulignent qu'ils se sont réunis conformément aux lois fondamentales et aux constitutions du royaume pour procéder à l'élection libre d'un roi, sans guerre ni différend avec quiconque. Ils dénoncent l'entrée des troupes russes comme une violation de leurs droits et des traités antérieurs, notamment celui du Pruth, et comme une tentative d'opprimer leur élection libre et indépendante. Le manifeste appelle à la défense des droits et des libertés de la nation polonaise. Il stipule que ceux qui ont invité les troupes étrangères seront considérés comme des ennemis de la patrie et des rebelles. Les États s'engagent à confisquer les biens de ces individus et à les exclure de la République. Ils interdisent également aux évêques et sénateurs de quitter le royaume pendant cette période de trouble, sous peine de confiscation de leurs biens et de perte de leurs charges. Le manifeste est signé au camp électoral entre Varsovie et Vola, le 4 septembre 1733.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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47
p. 640-643
TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
Début :
Quel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle ! [...]
Mots clefs :
Tantale, Crime, Dieux, Sang, Roi, Nature, Horreur
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texteReconnaissance textuelle : TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
TANTA L, E.
Cantate à mettre en Musique.
Uel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle
!
Tantale voit les Dieux assemblez dans sa cour :
Et
AVRIL. 641 1734.
Et du grand Jupiter la bonté paternelle ,
Pour lui parle seule en ce jour.
Mais,ô Ciel ! quel forfait ! tremble Roy temé
raire ?
La Nature en ton coeur vient - elle de se taire s
Dans le sang de ton Fils pourquoi te baignes - tu ?
Dieux ! sous cent mets divers vous offrant sa
victime ,
- Il veut voir si vos yeux reconnoissent le crime
masque de la Vertu. Sous le
Déja de sang , et de
carnage ,
Fume le céleste Banquet.
Tout frémit d'horreur , et de
Le crime seul est satisfait .
rage ,
Un Monstre à l'immortelle Troupe
Ose présenter pour Boisson ,
Dans une abominable Coupe ,
Du fiel du sang et du poison;
Mais Jupiter lance la Foudre ,*
Le Banquet se change en Autel.
L'Encens brule , tout est en poudre ,
Il va juger le Criminel.
Le Souverain des Cieux , pour son Fils sacrilége
,
Şent naître dans son coeur la haine et le couroux
;
V ictime de ton propre piège
Barbare, entends ( dit-il) l'arrêt d'un Dieu jaloux.
,
Que ce Roy criminel aille au fond du Tartare
Expier ses forfaits par de nouveaux tourmens ;
Plus un crime est affreux et rare,
Plus il doit recevoir d'inouïs châtimens.
Que la Faim, que la soif au sein de l'abondance,
v Le dévorentd'intelligence,
Ainsi que deux cruels Vautours ;
Qu'il espére sans cesse, et qu'il souffre toujours
Il dit, l'Olimpe entier frémit de son martyre,
Mercure le conduitauténébreux Empire.
Et la Deésse Ailée apprend à l'Univers
Que qui ne craint les Dieux
,
doit craindre lefi
Enfers.
Némesis,Mégère,
Minos, et Cerbére
,
A ce Roy cruel
,
-
Font par les Harpies,
Près des Rois impies
Dresser un Autel.
Tout l'Enfer contemple
Ce nouvel exemple,
De crime et d'horreur j
Et du sein des flames, u
Il entend les ames
Blâmer sa fureur.
Entouré d'une eau vive et pure,
Que n'endurcit jamais la rigueur des Hyvers;
Et qu'un Arbre charmant qu'ignore la Nature,
Couvre sans se lasser de millefruits divers,
Tantale tourmemé par un double supplice,
Ne peut rendre à ses voeux l'Eau, ni l'Arbre
propice;
Tout se refuse à ses douleurs.
Mais quel surcroît de maux ! de lui-même victime
,
Les pleurs que les remords arrachent à son crime
Augmentent encor ses malheurs.
C'est envain qu'aux yeux de la Terre,
Nous pouvons cacher nos forfaits;
Si ceux du séjour du Tonnere
Découvrent jusqu'à nos projets.
Périsse, qui s'ose promettre
De tromper la Divinité,
Ah! peut-elle ignorer un Etre,
Qui sans elle n'eut point été.
C'est envain.
Far M. de S. R.
Cantate à mettre en Musique.
Uel honneur éclatant ! quelle gloire immortelle
!
Tantale voit les Dieux assemblez dans sa cour :
Et
AVRIL. 641 1734.
Et du grand Jupiter la bonté paternelle ,
Pour lui parle seule en ce jour.
Mais,ô Ciel ! quel forfait ! tremble Roy temé
raire ?
La Nature en ton coeur vient - elle de se taire s
Dans le sang de ton Fils pourquoi te baignes - tu ?
Dieux ! sous cent mets divers vous offrant sa
victime ,
- Il veut voir si vos yeux reconnoissent le crime
masque de la Vertu. Sous le
Déja de sang , et de
carnage ,
Fume le céleste Banquet.
Tout frémit d'horreur , et de
Le crime seul est satisfait .
rage ,
Un Monstre à l'immortelle Troupe
Ose présenter pour Boisson ,
Dans une abominable Coupe ,
Du fiel du sang et du poison;
Mais Jupiter lance la Foudre ,*
Le Banquet se change en Autel.
L'Encens brule , tout est en poudre ,
Il va juger le Criminel.
Le Souverain des Cieux , pour son Fils sacrilége
,
Şent naître dans son coeur la haine et le couroux
;
V ictime de ton propre piège
Barbare, entends ( dit-il) l'arrêt d'un Dieu jaloux.
,
Que ce Roy criminel aille au fond du Tartare
Expier ses forfaits par de nouveaux tourmens ;
Plus un crime est affreux et rare,
Plus il doit recevoir d'inouïs châtimens.
Que la Faim, que la soif au sein de l'abondance,
v Le dévorentd'intelligence,
Ainsi que deux cruels Vautours ;
Qu'il espére sans cesse, et qu'il souffre toujours
Il dit, l'Olimpe entier frémit de son martyre,
Mercure le conduitauténébreux Empire.
Et la Deésse Ailée apprend à l'Univers
Que qui ne craint les Dieux
,
doit craindre lefi
Enfers.
Némesis,Mégère,
Minos, et Cerbére
,
A ce Roy cruel
,
-
Font par les Harpies,
Près des Rois impies
Dresser un Autel.
Tout l'Enfer contemple
Ce nouvel exemple,
De crime et d'horreur j
Et du sein des flames, u
Il entend les ames
Blâmer sa fureur.
Entouré d'une eau vive et pure,
Que n'endurcit jamais la rigueur des Hyvers;
Et qu'un Arbre charmant qu'ignore la Nature,
Couvre sans se lasser de millefruits divers,
Tantale tourmemé par un double supplice,
Ne peut rendre à ses voeux l'Eau, ni l'Arbre
propice;
Tout se refuse à ses douleurs.
Mais quel surcroît de maux ! de lui-même victime
,
Les pleurs que les remords arrachent à son crime
Augmentent encor ses malheurs.
C'est envain qu'aux yeux de la Terre,
Nous pouvons cacher nos forfaits;
Si ceux du séjour du Tonnere
Découvrent jusqu'à nos projets.
Périsse, qui s'ose promettre
De tromper la Divinité,
Ah! peut-elle ignorer un Etre,
Qui sans elle n'eut point été.
C'est envain.
Far M. de S. R.
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Résumé : TANTALE. Cantate à mettre en Musique.
La cantate raconte le châtiment de Tantale, roi ayant sacrifié son propre fils lors d'un banquet divin. Horrifiés, les dieux transforment le banquet en autel et condamnent Tantale. Jupiter, en colère, le condamne à souffrir éternellement dans le Tartare, tourmenté par la faim et la soif malgré la présence d'eau et de fruits inaccessibles. Les dieux soulignent que nul ne peut tromper la divinité et que les crimes seront toujours punis. Le texte se conclut par une mise en garde contre ceux qui tenteraient de tromper les dieux, affirmant que la divinité connaît toujours les projets et les forfaits des hommes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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48
p. 1291-1306
DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
Début :
Les Sciences ont leurs révolutions aussi bien que les Empires, il est un [...]
Mots clefs :
Charlemagne, Sciences, Discours critique, Génie, Goût, Maîtres, Savants, Langue, Arts, Hommes, Peuples, Esprit, Jeunesse, Nature, Lumières, Conciles, Sang, Esprits, Politesse
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texteReconnaissance textuelle : DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
DISCOURS CRITIQUE ,
sur l'état des Sciences dans l'étendue de
la Monarchie Françoise , sous Charlemagne.
L
"
Es Sciences ont leurs révolutions
aussi bien que les Empires , il est un
tems où elles sont florissantes ce tems
passé , elles ne font plus que languir ;
quelquefois elles se relevent et se soutiennent
avec assez d'honneur ; et quelquefois
aussi elles tombent pour ne se
relever jamais . Elles ont comme le Soleil
leurs solstices et leurs périodes ; elles
aiment à passer de climats en climats
et souvent après avoir éclairé quelques
IL. Vol.
B.vj
Con
و
1292 MERCURE DE FRANCE
contrées , elles se plongent , pour ainst
dire , dans l'abîme , et vont porter leurs
lumieres à des peuples nouveaux. Ainsi
après avoir autrefois parcouru les plus
belles régions de l'Orient où elles prirent
naissance , les vit- on passer dans la Grece
d'où elles se répandirent dans quelques
Provinces de l'Empire Romain ; et par
tout elles éprouverent des changemens
considérables er des alternatives , qui les
firent souvent paroître sous des faces differentes.
Quelle est la cause de ces révolutions a
est- ce l'influence des Astres ? la température
de l'air ou la qualité des esprits ,
dont nos corps sont animés et qui changent
avec les genérations et les aspects
du Soleil ? tout cela peut y contribuer :
mais tout cela n'explique pas d'une maniere
assez sensible la cause de ces fre
quentes vicissitudes ; il en est une plus
simple , et qui servira de baze à tout
ce que je dirai dans ce Discours . La
Science est attachée au gout des peuples
qui la cultivent , c'est le gout qui lui
donne sa qualité , son prix , son excellence
; or le gout se conforme toujours
au génie , le génie se regle ordinairement
sur les maximes , et les maximes changent
avec les circonstances des tems et
11. Vel. des
JUIN. 1734. 1293
des lieux. D'ailleurs , et c'est ici le point
capital , ce gout exquis , ce génie vaste
et sublime , si nécessaires à la perfection
des Sciences , sont des dons que le Ciel ne
répand pas toujours sur la terre , et qu'il
ne communique qu'à un petit nombre
d'hommes privilegiez .
En faut il davantage pour prouver
que la Science doit se ressentir de l'instabilité
propre à toutes les choses humaines
? C'est sur ce plan , que je vais exposer
aujourd'hui l'état où se trouvoient
les Sciences dans l'étendue de la Monarchie
Françoise au tems de Charlemagne .
Le gout pour lors étoit si corrompu , que
jamais on ne put le rectifier , le génie
tenoit beaucoup du barbare , et les maxime
n'avoient rien de noble ni de délicat.
Quel étoit donc l'état où se trouvoient
les Sciences ? Il ne pouvoit guere être
plus pitoyable. Je n'en veux point d'autres
preuves que ce qui nous reste de monumens
de ces tems qu'on peut dire
malheureux . Si ce que je dirai ne fait pas
beaucoup d'honneur au siécle de Charlemagne
, il en fera du moins à la verité ,
et c'est tout ce que je me proposé dans
ce Discours.
Depuis que les Gots, les Bourguignons.
et les Francs s'étoient établis dans les
11 Vol.
Gall
1294 MERCURE DE FRANCE
Gaules , la ferocité de ces peuples barbares
s'étoit communiquée aux naturels du
pays,qui ne firentplus avec leurs nouveaux
maîtres , qu'une même et seule nation .
Nos Gaulois changerent de maximes en
changeant de Souverains , la douceur de
leur génie s'altéra bien - tôt , et du mélange
qui se fit de leur sang avec le -sang
Germanique se forma un génie singulier
plus barbare que poli ; les travaux Militaires
qui furent assez long - tems leur
principal exercice , firent disparoître avec
le peu de politesse qu'on avoit puisé dans
le commerce des Romains , le gout des
Sciences et l'amour de l'étude ; on ne
suspendit ces travaux que pour se jetter
dais le sein de la mollesse ; les esprits
incultes n'étant animez d'aucun noble
motif s'énerverent bien- tôt , et l'on se
plongea dans un assoupissement si profond
, qu'il n'y eut que les désordres affreux
dont les Sarazins d'Espagne inondérent
la France sous Charles Martel et sous
Pepin qui pussent les reveiller ; le besoin
pressant et la necessité les animérent
plutôt qu'une noble émulation ; la gloire
avec tous ses appas ne pouvoit toucher
des hommes à demi barbares ; elle auroit
élevé les esprits en les polissant . On vôla
tout à coup aux armes , on se couvrit de
II. Val. sang
JUIN. 1734 1295
sang et de poussiere dans les champs de
Mars , et personne ou presque personne
ne songcoit à cultiver son esprit ; depuis
l'embouchure du Rhône , jusques à celle
du Rhin , des Alpes aux Pirenées , à peine
pouvoit- on trouver quelques vestiges des
Sciences ; il n'en étoit pas même resté la
moindre trace dans ces belles Provinces
( a ) si fécondes autrefois en Sçavans
Hommes.
"
L'Eglise depuis très-long- tems leur
avoit servi d'azile les Ministres des
Autels étoient devenus les dépositaires
de ces précieux Trésors : mais cette Eglise
étoit elle-même entierement défigurée ;
tout le Clergé croupissoit dans la plus
profonde ignorance. Qu'il me soit permis
d'exposer en peu de mots la triste.
situation où se trouvoit l'Ordre de l'Etat
le plus Saint et le plus éclairé.. Les Chanoines
suivant la regle de Grodegang
leur Réformateur n'étoient obligez qu'à
chanter les louanges de Dieu , et le reste
de leur tems ils devoient le donner au
travail de leurs mains ; c'étoit toute l'occupation
des plus réguliers ; la regle
n'exigeoit rien davantage , et tout nous
porte à croire qu'ils se renfermoient étroitement
dans les bornes de leurs obliga-
( a ) Ly Gaule Aquitanique et la Lyonnoise..
II. Vol. tions.
1296 MERCURE DE FRA CE
tions. Les Moines malgré le premier esprit
de leur Institut , avoient presque
toujours fait profession de cultiver les
Sciences ; ils s'étoient sur ce point conformez
en Occident à la sage pratique
des Orientaux , et leurs maisons étoient
devenuës les Séminaires où se formoient
les plus Saints et les plus Sçavans Ministres
de l'Eglise : mais depuis près d'un
siécle ces saintes retraites étoient , sur
tout en France , le centre de l'oisiveté.
Les Moines loin de s'enrichir des dépoüilles
des Peres , dont ils étoient les
possesseurs , se contentoient de les sçavoir
lire et copier , les plus éclairez parvenoient
jusqu'à les comprendre , aucun
n'osoit prendre l'essor ni marcher sur les
traces de ces grands Modéles ; le respect
m'empêche de parler de l'Episcopat destiné
particulierement à éclairer les peuples
; les Capitulaires de Charlemagne ,
et les Actes des Conciles Provinciaux qui
se tinrent dans ces tems - là ne publient
que trop la honte de ce Corps respectable.
Pour tout dire en deux mots , le sel
de la terre avoit perdu sa force , l'or
s'étoit obscurci , les horreurs de la guerre,
et la mollesse avoient , comme à l'envi ,
porté la désolation dans l'Etat , la corruption
dans les moeurs , et la grossiereté
II. Vol. dars
JUIN 1734. 1297
dans les esprits. Achevons de mettre ce
tableau dans tout son jour . Deux ou trois
traits des plus marquez lui donneront
cet air de ressemblance dont il a besoin
pour être veritable...
Les beaux Arts sont , comme tout le
monde sçait , une partie essentielle de la
Science, ils en sont la baze et l'ornement.
Ces Arts, fondés sur la nature , mais que
la nature n'apprend pas , étoient presque
entierement ignorés ; on ne les enseigna
dans aucun endroit du Royaume avant
Charlemagne , dit une ancienne Cronique
des Rois de France . Ante ipsum enim
Dominum Regem Carolum in Gallia nullibi
studiumfuerat liberalium Artium . Appuions.
un témoignage si fort et si décisif des
preuves les plus autentiques ; elles sont
tirées des ordres réïterés du Prince pour
l'établissement des Ecoles ; je vais les
exposer simplement telles qu'on les lit
dans le Receuil des Conciles de France.
Charlemagne au retour de son troisiéme
Voyage d'Italie l'an787, par une( 1 ) Lettre
circulaire adressée à tous les Evêques et
aux Abbez ( Lettre que je voudrois pou-.
voir rapporter ici toute entiere , mais
que je me contenterai de citer plus d'une
fois ) leur recommande d'établir dans
( 1 ) Tome 2. Conc. Gall. p. 32 .
II. Vol. des
1298 MERCURE DE FRANCE
leurs Chapitres et dans leurs Monasteres
des Ecoles où l'on forme la jeunesse à
l'Etude des Lettres et à la pięté . Et par
le Capitulaire soixante - douzième d'Aixla
Chapelle , il veut que dans ces mêmes
maisons on apprenne aux jeunes gens à
lire , à psalmodier , à écrire , à compter ,
et les regles de la Grammaire. Ut scola
Legentium puerorum fiant psalmos * notas
computum , Grammaticam , per singula Monasteria
et Episcopia discant . Les Conciles
Provinciaux qui se tinrent sous ce même
*
* Notas. Je crois qu'il faut entendre ce terme
de l'Ecriture , pour deux raisons . 1º . Parce qu'il
s'agit dans cet endroit de ce qu'il faut apprendre à
la jeunesse ; il est fait mention de la lecture , de
la psalmodie ou du chant , de la Grammaire ;
pourquoi auroit -on obmis l'Ecriture également nécessaire
à la jeunesse . 2. Ces caractéres nets et
distincts, qui sans jamais changer, diversifient par
leur mélange les differens objets qu'ils représentent,
n'étoient pas alors fort en usage ; ils n'étoient connus
que des Sçavans ; Charlemagne lui- même, si
nous en croyons Eginard, n'apprit que très tard et
presque sans succès à les former. Tentabat scribere .
sed parum prosperè successit labor præposterus
ac sero inchoatus. L'Ecriture commune consistoit
dans de grands traits informes , arbitraires pour la
plupart , et sujets au changement. C'est ce qui paroit
par les anciennes Chartres et par quelques monumens
lapidaires et metalliques , qui sont parvenus
jusqu'à nous sur quoi on peut consulter la Diplo
matique du P. Mabillon .
II Vol.
EmJUIN.
1734. 1299
Empereur, les s'expliquent à peu près dans
les mêmes termes. Les Arts qui sont la
partie des Sciences la plus simple et la
plus facile , n'étoient donc pas enseignési
et par une suite nécessaire , ils étoient
ignorez d'une nation qui n'avoit ni disposition
pour s'y former de soi- même ,
ni la volonté de les apprendre. Que devons-
nous penser des hautes Sciences ,
des Sciences abstraites et difficiles , si celles
qui sont plus aisées , cellesqui sont la baze,
n'étoient pas connus , Encore un nouveau
trait; il achevera de mettre ce que nous
venons de dire dans la derniere évidence.
Les Langues sont l'instrument general
des Sciences , l'organe de l'esprit , l'image
de la pensée , l'interprete du goût , et
le theatre où le genie se développe . La
Langue Teutonique , rude et grossiere
étoit celle de nos nouveaux Maîtres , conforme
à leur genie ; elle n'a rien de cette
douceur ni de cette politesse que demandent
les Sciences. La Grecque ,harmonieuse
, douce et énergique ne me paroît pas
avoir été bien connue au Sçavant Alcuin ,
et j'ai peine à croire sur le seul témoignage
d'Eginard , Charlemagne lait
jamais bien comprise ; toutes les apparencescombattent
l'un et l'autre fair.La Langue
Latine avoit été long - tems dominan-
11. Vol. tc
100 MERCURE DE FRANCE
te dans les Gaules , les Francs l'avoient
adoptée pour les Actes publics ; elle étoit
sur tout destinée aux Ouvrages d'esprit:
mais cette Langue si noble , si polie étoit
devenue la proye du barbarisme , le genie
et le tour de la Teutonique s'étoient glissés
dans l'idiome Romain , et de ce lliage
s'étoit formé un langage dur , sans
cadence , sans pureté , sans ortographe
Il falloit, sans doute, qu'il fut défectueux
au suprême dégré pour blesser les oreilles
de Charlemagne , que l'on ne peut pas
dire avoir été trop délicates.
Ecoutons ce Prince parler dans la Lettre
que nous avons déja citée aux Evêques
et Abbés , c'est -à - dire, aux plus Sçavans
hommes de son Royaume. J'ai reconnu
, leur dit- il , dans la plûpart des
Ecrits que vous m'avez envoyés assez de
justesse dans les sentimens , et beaucoup de
grossiereté dans le langage; et j'ai compris
que pour avoir négligé de vous instruire
Vous avez peine à exprimer les pieus
reflexions que vous avez puisées dans
Meditation . Ce ne fut qu'avec le
>
* Cognovimus in plerisque prafatis conscript
bus vestris eorumdem et sensus rectos et serr.
incultos , quia quod pia devotio interius fidelite
tabat , hoc exterius propter negligentiam dis
lingua inerudita exprimere sine reprehensi: •
alebat.
JUIN. 1734. 1301
cours des Maîtres de Grammaire qui vinrent
d'Italie , qu'on épura la Langue
Latine , et qu'on en banit les expressions
Teutoniques dont elle étoit infectée;
elles se refugierent dans le Romain ou Latin
vulgaire , qui s'étant peu à peu purifié
et poli est devenu depuis une des plus
belle Langue du monde. Mais on ne
réussit pas à rendre à la Langue Latine sa
beauté naturelle , on exprima toujours
grossierement ce que l'on pensoit sans
délicatesse . Il est inutile d'entrer dans un
plus long détail ; ce que nous avons dit
est plus que suffisant pour prouver combien
étoit triste la situation des Sciences
quand Charlemagne entreprit de les rétatablir.
Voyons comment il s'y prit , quels
Maîtres il employa pour seconder son
dessein , quel en fut les succès.
Charles , surnommé le Grand, pour ses
grandes qualités encore plus que pour ses
grandes actions , fut un de ces hommes
rares , que la Nature se plaît de tems en
tems à former et sur qui la fortune ou
pour parler plus juste , la Providence divine,
répand ses faveurs avec complaisan
ce ; genie superieur , hardi , ferme , pénétrant
, il ne lui manqua du côté de l'esprit
que ce que son siecle ne pouvoit lui
donner , je veux dire la politesse et le
II. Vol.
bon
`
1302 MERCURE DE FRANCE
bon goût. Les vertus qui font les veritables
Heros , sembloient nées avec lui ;
la magnanimité , la droiture , là prudence
, la bonté , la Religion faisoient son
caractere , et se déployoient dans toutes
ses actions ; Maître d'une partie considerable
de l'Europe , cheri particulierement
de ses Sujets, admiré de tout l'Univers ,
il songea encore à immortaliser son nom
en banissant l'ignorance de ses Etats ; entreprise
glorieuse et digne du plus grand
Prince qui fût alors au monde , elle auroit
eu, sans doute,un succès entier et par-
' fait , si le mauvais goût n'eût infecté les
Maîtres aussi bien que les Disciples . Il se
presenta des obstacles presques insurmontables
, il ne s'en rebuta pas , il eut recours
à sa prudence, et rien n'étoit au-dessus de
ses lumieres. Non content d'animer ses
Peuples par son exemple et par ses bienfaits
, il se servit encore de son autorité
pour engager ceux qui par leur profession
devoient avoir quelque teinture de Scien-'
ces à les cultiver , et à en faire pare au ;
reste de ses Sujets . Mais comment trouver
dans toute la France des Maîtres capables
de former la jeunesse ? L'ignorance
, la grossiereté avoient , comme nous
avons dit , pénétré jusques dans le Sanctuaire
, les moins ignorans étoient les
II. Vol. seuls
JUI N. 1734 1303
seuls qui pussent passer pour Sçavans ,
Charlemagne y pourvoit , et pour suppléer
àlce deffaut il rassemble de toute
l'Europe ce qu'il pût trouver d'hommes
versés dans les Sciences ; il fait venir d'Italiele
PoëteThéodulphe , Pierre de Pise ,
Grammairien ; Paul Diacre , fameux Historiographe
, le Fape: Adrien lui envoye
deux Maîtres de Chant , deux Antiphoniers
et les sept Arts Liberaux , comme
dit Eginard. Mais de tous les Ecrivains
qu'il reçût dans ses Etats il n'en est aucun
qui puisse être comparé au Sçavant Alcuin
, Anglois de naissance et Saxon d'origine.
Alcuin étoit un de ces Sçavans qui
remplacent par la multitude de leurs connoissances
ce qui leur manque de perfection
et de singularité dans le genie , Grammairien
, Poëte , Rheteur , Dialecticien ,
Historiographe , Astronome , Théologien
, il fut l'oracle de son siecle , et il
merita de l'être ; ce fut lui qui inspira l'amour
des Lettres aux François , et qui
contribua plus que personne à répandre
ces semences précieuses , qui commencerent
bientôt à fructifier. La Cour fut le
premiet théatre où il parut , et il eut la
gloire de voir le Souverain et les Princesses
ses Filles au nombre de ses Disciples.
II. Vol. A
1304 MERCURE DE FRANCE
A leur exemple toute la France pleine
d'admiration pour son merite , conçût
de l'amour pour l'étude , et tâcha de profiter
de ses lumieres ; mais ce vaste genie
n'eut ni assez de force , ni assez de sublimité
pour s'élever au dessus du mauvais
goût de son siecle , il s'y laissa malheureusement
entraîner , il y entretint ses
éleves et par cette raison seule il laissa
son Ouvrage imparfait. Pour le connoître
il ne faut que jetter les yeux sur ses Ecrits,
il s'y est peint lui -même on voit par
tout un esprit fécond , mais âpre et diffùs ,
une grande étendue de connoissances , et
peu
•
de critiques , plus de subtilité que
de politesse ; son stile n'est assaisonné
d'aucun de ces traits nobles, vifs , et déli→
cats , qui élevent l'esprit et qui le frappent
par l'éclat de leurs lumieres ; il ins
truit sans persuader , il convainc sans
plaire ; le travail paroît en lui avoir surpassé
la nature , et l'art qui le forma
étoit lui même imparfait. On ne sçauroit
cependant lui refuser la loüange qu'il
mérite , d'avoir été par l'étendue de son
sçavoir le Photius des Latins ; moins
poli , moins chatié , moins profond que
le Patriarche Grec il le surpasse de
beaucoup par les belles qualitez qui font
l'honnête homme et par les vertus solides,
II. Vol, .qui
JUIN. 1734 1305
qui font le véritable Chrétien . Ce grand
Personnage après avoir suivi la Cour
pendant quelques années , se retira enfin
à Tours auprès du tombeau de Saint
Martin ; mais cette retraite ne fut pas
lui un lieu de repos ,
pour
il n'enfouit
pas dans une honteuse oisiveté les talens
qui l'avoient fait briller ; il sçavoit ce
qu'il devoir à Dieu et à l'Etat ainsi rapellant
dans cet aimable séjour ce qu'il·
avoit de connoissances , il s'appliqua de
nouveau à former des éleves qui se dispersant
dans plusieurs Monasteres de
T'Empire François , renouvellérent les
Sciences, et répandirent par tout l'esprit
de leur Maître
Je n'entreprens pas de refuter ici l'opinion
de quelques ( a ) Auteurs , qui ont
prétendu qu'Alcuin avoit jetté les fondemens
de l'Université de Paris , devenuë
depuis si fameuse dans toute l'Europe
le silence des Ectivains de ces tems - là
suffit pour en démontrer la fausseté . Ce
qu'il y a de certain , c'est que ce fut à
Tours , à Saint Denis en France , à Corbie
, à Fulde , à Richenou , et dans quelques
autres Monasteres , que l'on commença
dès- lors à enseigner les hautes
Sciences ; on y enseigna aussi Is beaux
( a ) Raban, Simeon, Sigulphe, Amalarius ¿e.
II. Vol. C Arts
1308 MERCURE DE FRANCE
,
Arts , et les Ecoles établies dans chaque
Diocèse conformément aux Statuts des
Conciles Provinciaux , et aux Capitulaires
de Charlemagne concourant à la
même fin ; on vit bien- tôt les Sciences
prendre une face nouvelle dans toute la
Monarchie Françoise. Mais quel en fut
le progrès à quel degré de perfection
arrivérent elles ? c'est ce qui nous restę
à examiner.
?
La suite pour le Mercure prochain.
sur l'état des Sciences dans l'étendue de
la Monarchie Françoise , sous Charlemagne.
L
"
Es Sciences ont leurs révolutions
aussi bien que les Empires , il est un
tems où elles sont florissantes ce tems
passé , elles ne font plus que languir ;
quelquefois elles se relevent et se soutiennent
avec assez d'honneur ; et quelquefois
aussi elles tombent pour ne se
relever jamais . Elles ont comme le Soleil
leurs solstices et leurs périodes ; elles
aiment à passer de climats en climats
et souvent après avoir éclairé quelques
IL. Vol.
B.vj
Con
و
1292 MERCURE DE FRANCE
contrées , elles se plongent , pour ainst
dire , dans l'abîme , et vont porter leurs
lumieres à des peuples nouveaux. Ainsi
après avoir autrefois parcouru les plus
belles régions de l'Orient où elles prirent
naissance , les vit- on passer dans la Grece
d'où elles se répandirent dans quelques
Provinces de l'Empire Romain ; et par
tout elles éprouverent des changemens
considérables er des alternatives , qui les
firent souvent paroître sous des faces differentes.
Quelle est la cause de ces révolutions a
est- ce l'influence des Astres ? la température
de l'air ou la qualité des esprits ,
dont nos corps sont animés et qui changent
avec les genérations et les aspects
du Soleil ? tout cela peut y contribuer :
mais tout cela n'explique pas d'une maniere
assez sensible la cause de ces fre
quentes vicissitudes ; il en est une plus
simple , et qui servira de baze à tout
ce que je dirai dans ce Discours . La
Science est attachée au gout des peuples
qui la cultivent , c'est le gout qui lui
donne sa qualité , son prix , son excellence
; or le gout se conforme toujours
au génie , le génie se regle ordinairement
sur les maximes , et les maximes changent
avec les circonstances des tems et
11. Vel. des
JUIN. 1734. 1293
des lieux. D'ailleurs , et c'est ici le point
capital , ce gout exquis , ce génie vaste
et sublime , si nécessaires à la perfection
des Sciences , sont des dons que le Ciel ne
répand pas toujours sur la terre , et qu'il
ne communique qu'à un petit nombre
d'hommes privilegiez .
En faut il davantage pour prouver
que la Science doit se ressentir de l'instabilité
propre à toutes les choses humaines
? C'est sur ce plan , que je vais exposer
aujourd'hui l'état où se trouvoient
les Sciences dans l'étendue de la Monarchie
Françoise au tems de Charlemagne .
Le gout pour lors étoit si corrompu , que
jamais on ne put le rectifier , le génie
tenoit beaucoup du barbare , et les maxime
n'avoient rien de noble ni de délicat.
Quel étoit donc l'état où se trouvoient
les Sciences ? Il ne pouvoit guere être
plus pitoyable. Je n'en veux point d'autres
preuves que ce qui nous reste de monumens
de ces tems qu'on peut dire
malheureux . Si ce que je dirai ne fait pas
beaucoup d'honneur au siécle de Charlemagne
, il en fera du moins à la verité ,
et c'est tout ce que je me proposé dans
ce Discours.
Depuis que les Gots, les Bourguignons.
et les Francs s'étoient établis dans les
11 Vol.
Gall
1294 MERCURE DE FRANCE
Gaules , la ferocité de ces peuples barbares
s'étoit communiquée aux naturels du
pays,qui ne firentplus avec leurs nouveaux
maîtres , qu'une même et seule nation .
Nos Gaulois changerent de maximes en
changeant de Souverains , la douceur de
leur génie s'altéra bien - tôt , et du mélange
qui se fit de leur sang avec le -sang
Germanique se forma un génie singulier
plus barbare que poli ; les travaux Militaires
qui furent assez long - tems leur
principal exercice , firent disparoître avec
le peu de politesse qu'on avoit puisé dans
le commerce des Romains , le gout des
Sciences et l'amour de l'étude ; on ne
suspendit ces travaux que pour se jetter
dais le sein de la mollesse ; les esprits
incultes n'étant animez d'aucun noble
motif s'énerverent bien- tôt , et l'on se
plongea dans un assoupissement si profond
, qu'il n'y eut que les désordres affreux
dont les Sarazins d'Espagne inondérent
la France sous Charles Martel et sous
Pepin qui pussent les reveiller ; le besoin
pressant et la necessité les animérent
plutôt qu'une noble émulation ; la gloire
avec tous ses appas ne pouvoit toucher
des hommes à demi barbares ; elle auroit
élevé les esprits en les polissant . On vôla
tout à coup aux armes , on se couvrit de
II. Val. sang
JUIN. 1734 1295
sang et de poussiere dans les champs de
Mars , et personne ou presque personne
ne songcoit à cultiver son esprit ; depuis
l'embouchure du Rhône , jusques à celle
du Rhin , des Alpes aux Pirenées , à peine
pouvoit- on trouver quelques vestiges des
Sciences ; il n'en étoit pas même resté la
moindre trace dans ces belles Provinces
( a ) si fécondes autrefois en Sçavans
Hommes.
"
L'Eglise depuis très-long- tems leur
avoit servi d'azile les Ministres des
Autels étoient devenus les dépositaires
de ces précieux Trésors : mais cette Eglise
étoit elle-même entierement défigurée ;
tout le Clergé croupissoit dans la plus
profonde ignorance. Qu'il me soit permis
d'exposer en peu de mots la triste.
situation où se trouvoit l'Ordre de l'Etat
le plus Saint et le plus éclairé.. Les Chanoines
suivant la regle de Grodegang
leur Réformateur n'étoient obligez qu'à
chanter les louanges de Dieu , et le reste
de leur tems ils devoient le donner au
travail de leurs mains ; c'étoit toute l'occupation
des plus réguliers ; la regle
n'exigeoit rien davantage , et tout nous
porte à croire qu'ils se renfermoient étroitement
dans les bornes de leurs obliga-
( a ) Ly Gaule Aquitanique et la Lyonnoise..
II. Vol. tions.
1296 MERCURE DE FRA CE
tions. Les Moines malgré le premier esprit
de leur Institut , avoient presque
toujours fait profession de cultiver les
Sciences ; ils s'étoient sur ce point conformez
en Occident à la sage pratique
des Orientaux , et leurs maisons étoient
devenuës les Séminaires où se formoient
les plus Saints et les plus Sçavans Ministres
de l'Eglise : mais depuis près d'un
siécle ces saintes retraites étoient , sur
tout en France , le centre de l'oisiveté.
Les Moines loin de s'enrichir des dépoüilles
des Peres , dont ils étoient les
possesseurs , se contentoient de les sçavoir
lire et copier , les plus éclairez parvenoient
jusqu'à les comprendre , aucun
n'osoit prendre l'essor ni marcher sur les
traces de ces grands Modéles ; le respect
m'empêche de parler de l'Episcopat destiné
particulierement à éclairer les peuples
; les Capitulaires de Charlemagne ,
et les Actes des Conciles Provinciaux qui
se tinrent dans ces tems - là ne publient
que trop la honte de ce Corps respectable.
Pour tout dire en deux mots , le sel
de la terre avoit perdu sa force , l'or
s'étoit obscurci , les horreurs de la guerre,
et la mollesse avoient , comme à l'envi ,
porté la désolation dans l'Etat , la corruption
dans les moeurs , et la grossiereté
II. Vol. dars
JUIN 1734. 1297
dans les esprits. Achevons de mettre ce
tableau dans tout son jour . Deux ou trois
traits des plus marquez lui donneront
cet air de ressemblance dont il a besoin
pour être veritable...
Les beaux Arts sont , comme tout le
monde sçait , une partie essentielle de la
Science, ils en sont la baze et l'ornement.
Ces Arts, fondés sur la nature , mais que
la nature n'apprend pas , étoient presque
entierement ignorés ; on ne les enseigna
dans aucun endroit du Royaume avant
Charlemagne , dit une ancienne Cronique
des Rois de France . Ante ipsum enim
Dominum Regem Carolum in Gallia nullibi
studiumfuerat liberalium Artium . Appuions.
un témoignage si fort et si décisif des
preuves les plus autentiques ; elles sont
tirées des ordres réïterés du Prince pour
l'établissement des Ecoles ; je vais les
exposer simplement telles qu'on les lit
dans le Receuil des Conciles de France.
Charlemagne au retour de son troisiéme
Voyage d'Italie l'an787, par une( 1 ) Lettre
circulaire adressée à tous les Evêques et
aux Abbez ( Lettre que je voudrois pou-.
voir rapporter ici toute entiere , mais
que je me contenterai de citer plus d'une
fois ) leur recommande d'établir dans
( 1 ) Tome 2. Conc. Gall. p. 32 .
II. Vol. des
1298 MERCURE DE FRANCE
leurs Chapitres et dans leurs Monasteres
des Ecoles où l'on forme la jeunesse à
l'Etude des Lettres et à la pięté . Et par
le Capitulaire soixante - douzième d'Aixla
Chapelle , il veut que dans ces mêmes
maisons on apprenne aux jeunes gens à
lire , à psalmodier , à écrire , à compter ,
et les regles de la Grammaire. Ut scola
Legentium puerorum fiant psalmos * notas
computum , Grammaticam , per singula Monasteria
et Episcopia discant . Les Conciles
Provinciaux qui se tinrent sous ce même
*
* Notas. Je crois qu'il faut entendre ce terme
de l'Ecriture , pour deux raisons . 1º . Parce qu'il
s'agit dans cet endroit de ce qu'il faut apprendre à
la jeunesse ; il est fait mention de la lecture , de
la psalmodie ou du chant , de la Grammaire ;
pourquoi auroit -on obmis l'Ecriture également nécessaire
à la jeunesse . 2. Ces caractéres nets et
distincts, qui sans jamais changer, diversifient par
leur mélange les differens objets qu'ils représentent,
n'étoient pas alors fort en usage ; ils n'étoient connus
que des Sçavans ; Charlemagne lui- même, si
nous en croyons Eginard, n'apprit que très tard et
presque sans succès à les former. Tentabat scribere .
sed parum prosperè successit labor præposterus
ac sero inchoatus. L'Ecriture commune consistoit
dans de grands traits informes , arbitraires pour la
plupart , et sujets au changement. C'est ce qui paroit
par les anciennes Chartres et par quelques monumens
lapidaires et metalliques , qui sont parvenus
jusqu'à nous sur quoi on peut consulter la Diplo
matique du P. Mabillon .
II Vol.
EmJUIN.
1734. 1299
Empereur, les s'expliquent à peu près dans
les mêmes termes. Les Arts qui sont la
partie des Sciences la plus simple et la
plus facile , n'étoient donc pas enseignési
et par une suite nécessaire , ils étoient
ignorez d'une nation qui n'avoit ni disposition
pour s'y former de soi- même ,
ni la volonté de les apprendre. Que devons-
nous penser des hautes Sciences ,
des Sciences abstraites et difficiles , si celles
qui sont plus aisées , cellesqui sont la baze,
n'étoient pas connus , Encore un nouveau
trait; il achevera de mettre ce que nous
venons de dire dans la derniere évidence.
Les Langues sont l'instrument general
des Sciences , l'organe de l'esprit , l'image
de la pensée , l'interprete du goût , et
le theatre où le genie se développe . La
Langue Teutonique , rude et grossiere
étoit celle de nos nouveaux Maîtres , conforme
à leur genie ; elle n'a rien de cette
douceur ni de cette politesse que demandent
les Sciences. La Grecque ,harmonieuse
, douce et énergique ne me paroît pas
avoir été bien connue au Sçavant Alcuin ,
et j'ai peine à croire sur le seul témoignage
d'Eginard , Charlemagne lait
jamais bien comprise ; toutes les apparencescombattent
l'un et l'autre fair.La Langue
Latine avoit été long - tems dominan-
11. Vol. tc
100 MERCURE DE FRANCE
te dans les Gaules , les Francs l'avoient
adoptée pour les Actes publics ; elle étoit
sur tout destinée aux Ouvrages d'esprit:
mais cette Langue si noble , si polie étoit
devenue la proye du barbarisme , le genie
et le tour de la Teutonique s'étoient glissés
dans l'idiome Romain , et de ce lliage
s'étoit formé un langage dur , sans
cadence , sans pureté , sans ortographe
Il falloit, sans doute, qu'il fut défectueux
au suprême dégré pour blesser les oreilles
de Charlemagne , que l'on ne peut pas
dire avoir été trop délicates.
Ecoutons ce Prince parler dans la Lettre
que nous avons déja citée aux Evêques
et Abbés , c'est -à - dire, aux plus Sçavans
hommes de son Royaume. J'ai reconnu
, leur dit- il , dans la plûpart des
Ecrits que vous m'avez envoyés assez de
justesse dans les sentimens , et beaucoup de
grossiereté dans le langage; et j'ai compris
que pour avoir négligé de vous instruire
Vous avez peine à exprimer les pieus
reflexions que vous avez puisées dans
Meditation . Ce ne fut qu'avec le
>
* Cognovimus in plerisque prafatis conscript
bus vestris eorumdem et sensus rectos et serr.
incultos , quia quod pia devotio interius fidelite
tabat , hoc exterius propter negligentiam dis
lingua inerudita exprimere sine reprehensi: •
alebat.
JUIN. 1734. 1301
cours des Maîtres de Grammaire qui vinrent
d'Italie , qu'on épura la Langue
Latine , et qu'on en banit les expressions
Teutoniques dont elle étoit infectée;
elles se refugierent dans le Romain ou Latin
vulgaire , qui s'étant peu à peu purifié
et poli est devenu depuis une des plus
belle Langue du monde. Mais on ne
réussit pas à rendre à la Langue Latine sa
beauté naturelle , on exprima toujours
grossierement ce que l'on pensoit sans
délicatesse . Il est inutile d'entrer dans un
plus long détail ; ce que nous avons dit
est plus que suffisant pour prouver combien
étoit triste la situation des Sciences
quand Charlemagne entreprit de les rétatablir.
Voyons comment il s'y prit , quels
Maîtres il employa pour seconder son
dessein , quel en fut les succès.
Charles , surnommé le Grand, pour ses
grandes qualités encore plus que pour ses
grandes actions , fut un de ces hommes
rares , que la Nature se plaît de tems en
tems à former et sur qui la fortune ou
pour parler plus juste , la Providence divine,
répand ses faveurs avec complaisan
ce ; genie superieur , hardi , ferme , pénétrant
, il ne lui manqua du côté de l'esprit
que ce que son siecle ne pouvoit lui
donner , je veux dire la politesse et le
II. Vol.
bon
`
1302 MERCURE DE FRANCE
bon goût. Les vertus qui font les veritables
Heros , sembloient nées avec lui ;
la magnanimité , la droiture , là prudence
, la bonté , la Religion faisoient son
caractere , et se déployoient dans toutes
ses actions ; Maître d'une partie considerable
de l'Europe , cheri particulierement
de ses Sujets, admiré de tout l'Univers ,
il songea encore à immortaliser son nom
en banissant l'ignorance de ses Etats ; entreprise
glorieuse et digne du plus grand
Prince qui fût alors au monde , elle auroit
eu, sans doute,un succès entier et par-
' fait , si le mauvais goût n'eût infecté les
Maîtres aussi bien que les Disciples . Il se
presenta des obstacles presques insurmontables
, il ne s'en rebuta pas , il eut recours
à sa prudence, et rien n'étoit au-dessus de
ses lumieres. Non content d'animer ses
Peuples par son exemple et par ses bienfaits
, il se servit encore de son autorité
pour engager ceux qui par leur profession
devoient avoir quelque teinture de Scien-'
ces à les cultiver , et à en faire pare au ;
reste de ses Sujets . Mais comment trouver
dans toute la France des Maîtres capables
de former la jeunesse ? L'ignorance
, la grossiereté avoient , comme nous
avons dit , pénétré jusques dans le Sanctuaire
, les moins ignorans étoient les
II. Vol. seuls
JUI N. 1734 1303
seuls qui pussent passer pour Sçavans ,
Charlemagne y pourvoit , et pour suppléer
àlce deffaut il rassemble de toute
l'Europe ce qu'il pût trouver d'hommes
versés dans les Sciences ; il fait venir d'Italiele
PoëteThéodulphe , Pierre de Pise ,
Grammairien ; Paul Diacre , fameux Historiographe
, le Fape: Adrien lui envoye
deux Maîtres de Chant , deux Antiphoniers
et les sept Arts Liberaux , comme
dit Eginard. Mais de tous les Ecrivains
qu'il reçût dans ses Etats il n'en est aucun
qui puisse être comparé au Sçavant Alcuin
, Anglois de naissance et Saxon d'origine.
Alcuin étoit un de ces Sçavans qui
remplacent par la multitude de leurs connoissances
ce qui leur manque de perfection
et de singularité dans le genie , Grammairien
, Poëte , Rheteur , Dialecticien ,
Historiographe , Astronome , Théologien
, il fut l'oracle de son siecle , et il
merita de l'être ; ce fut lui qui inspira l'amour
des Lettres aux François , et qui
contribua plus que personne à répandre
ces semences précieuses , qui commencerent
bientôt à fructifier. La Cour fut le
premiet théatre où il parut , et il eut la
gloire de voir le Souverain et les Princesses
ses Filles au nombre de ses Disciples.
II. Vol. A
1304 MERCURE DE FRANCE
A leur exemple toute la France pleine
d'admiration pour son merite , conçût
de l'amour pour l'étude , et tâcha de profiter
de ses lumieres ; mais ce vaste genie
n'eut ni assez de force , ni assez de sublimité
pour s'élever au dessus du mauvais
goût de son siecle , il s'y laissa malheureusement
entraîner , il y entretint ses
éleves et par cette raison seule il laissa
son Ouvrage imparfait. Pour le connoître
il ne faut que jetter les yeux sur ses Ecrits,
il s'y est peint lui -même on voit par
tout un esprit fécond , mais âpre et diffùs ,
une grande étendue de connoissances , et
peu
•
de critiques , plus de subtilité que
de politesse ; son stile n'est assaisonné
d'aucun de ces traits nobles, vifs , et déli→
cats , qui élevent l'esprit et qui le frappent
par l'éclat de leurs lumieres ; il ins
truit sans persuader , il convainc sans
plaire ; le travail paroît en lui avoir surpassé
la nature , et l'art qui le forma
étoit lui même imparfait. On ne sçauroit
cependant lui refuser la loüange qu'il
mérite , d'avoir été par l'étendue de son
sçavoir le Photius des Latins ; moins
poli , moins chatié , moins profond que
le Patriarche Grec il le surpasse de
beaucoup par les belles qualitez qui font
l'honnête homme et par les vertus solides,
II. Vol, .qui
JUIN. 1734 1305
qui font le véritable Chrétien . Ce grand
Personnage après avoir suivi la Cour
pendant quelques années , se retira enfin
à Tours auprès du tombeau de Saint
Martin ; mais cette retraite ne fut pas
lui un lieu de repos ,
pour
il n'enfouit
pas dans une honteuse oisiveté les talens
qui l'avoient fait briller ; il sçavoit ce
qu'il devoir à Dieu et à l'Etat ainsi rapellant
dans cet aimable séjour ce qu'il·
avoit de connoissances , il s'appliqua de
nouveau à former des éleves qui se dispersant
dans plusieurs Monasteres de
T'Empire François , renouvellérent les
Sciences, et répandirent par tout l'esprit
de leur Maître
Je n'entreprens pas de refuter ici l'opinion
de quelques ( a ) Auteurs , qui ont
prétendu qu'Alcuin avoit jetté les fondemens
de l'Université de Paris , devenuë
depuis si fameuse dans toute l'Europe
le silence des Ectivains de ces tems - là
suffit pour en démontrer la fausseté . Ce
qu'il y a de certain , c'est que ce fut à
Tours , à Saint Denis en France , à Corbie
, à Fulde , à Richenou , et dans quelques
autres Monasteres , que l'on commença
dès- lors à enseigner les hautes
Sciences ; on y enseigna aussi Is beaux
( a ) Raban, Simeon, Sigulphe, Amalarius ¿e.
II. Vol. C Arts
1308 MERCURE DE FRANCE
,
Arts , et les Ecoles établies dans chaque
Diocèse conformément aux Statuts des
Conciles Provinciaux , et aux Capitulaires
de Charlemagne concourant à la
même fin ; on vit bien- tôt les Sciences
prendre une face nouvelle dans toute la
Monarchie Françoise. Mais quel en fut
le progrès à quel degré de perfection
arrivérent elles ? c'est ce qui nous restę
à examiner.
?
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Résumé : DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
Le texte 'Discours critique sur l'état des Sciences dans l'étendue de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne' analyse les fluctuations historiques des sciences, comparées aux révolutions des empires. Les sciences connaissent des périodes de floraison et de déclin, influencées par divers facteurs tels que le goût des peuples, le génie et les maximes de chaque époque. Sous Charlemagne, le goût était corrompu et le génie barbare, ce qui a conduit à un état pitoyable des sciences. Les Gaulois, après l'établissement des Goths, des Bourguignons et des Francs, ont adopté des maximes barbares, perdant ainsi leur douceur et leur goût pour les sciences. Les travaux militaires et la mollesse ont contribué à cet assoupissement intellectuel. L'Église, bien que refuge des sciences, était elle-même plongée dans l'ignorance. Les chanoines et les moines, malgré leurs rôles initiaux, étaient devenus oisifs et ne cultivaient plus les sciences. Les beaux-arts, essentiels aux sciences, étaient presque inconnus avant Charlemagne. Charlemagne a tenté de rétablir les sciences en établissant des écoles dans les chapitres et monastères pour enseigner la lecture, la psalmodie, l'écriture, le calcul et la grammaire. Cependant, les langues, instruments des sciences, étaient également corrompues. La langue latine, autrefois noble, était infectée par des expressions teutoniques, rendant difficile l'expression délicate des pensées. Le texte décrit Charlemagne comme un homme exceptionnel, doté d'un génie supérieur, de hardiesse, de fermeté et de pénétration. Bien que son époque ne lui ait pas permis d'acquérir la politesse et le bon goût, il possédait des vertus héroïques telles que la magnanimité, la droiture, la prudence, la bonté et la religion. Maître d'une partie considérable de l'Europe, il était chéri de ses sujets et admiré dans l'univers. Il entreprit de bannir l'ignorance de ses États, une initiative glorieuse mais confrontée à des obstacles dus au mauvais goût des maîtres et des disciples. Pour pallier l'ignorance et la grossièreté, il fit venir des savants de toute l'Europe, notamment Alcuin, un érudit anglo-saxon versé dans de nombreuses disciplines. Alcuin inspira l'amour des lettres à la cour et dans toute la France, mais son œuvre resta imparfaite en raison du mauvais goût de son siècle. Après avoir suivi la cour, Alcuin se retira à Tours où il continua à former des élèves, contribuant ainsi à la renaissance des sciences dans l'Empire franc. Le texte mentionne également l'établissement d'écoles dans divers monastères et diocèses, conformément aux statuts des conciles provinciaux et aux capitulaires de Charlemagne, marquant le début d'une nouvelle ère pour les sciences dans la monarchie franque.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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49
p. 39-71
L'EDUCATION D'UN PRINCE.
Début :
Théophile. Voici un lieu fort champêtre, Prince ; [...]
Mots clefs :
Éducation, Éducation d'un prince, Prince, Hommes, Homme, Nature, Sang, Esprit, Seigneur, Raison, Vérité, Vertus, Gouverneur, Dialogue, Marivaux, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'EDUCATION D'UN PRINCE.
L'EDUCATION D'UN PRINCE.
Cfont tres anciens. Un Seigneur qui
Es dialogues qu'on donne au public ,
hérita , il y a quelque tems , d'un de fes
parens , les trouva dans le château où ce
parent étoit mort ; ils étoient confondus
avec d'autres papiers extrêmement anciens
auffi ; on n'en a changé que le langage gaulois
, par lequel il paroît , au jugement de
quelques fçavans , qu'il y a pour le moins
quatre fiécles qu'ils font écrits . On ne fçait
point non plus quel en eft l'auteur ; tout ce
qu'on en peut croire , c'eft qu'ils ont fervi
à l'éducation de quelqu'un de nos Rois ,
ou de quelques Princes deftinés à regner.
Quoiqu'il en foit , en voici le premier ,
dont les détails font affez fimples . C'eſt un
40 MERCURE DE FRANCE.
Gouverneur & un jeune Prince qui s'entretiennent
enfemble , tous deux apparemment
fous des noms fuppofés , puifque le
Prince a celui de Théodofe , & le Gouver
neur celui de Théophile.
PREMIER DIALOGUE.
Théophile.
Voici un lieu fort champêtre , Prince ;
voulez- vous que nous nous y arrêtions ?
Théodofe.
Comme il vous plaira.
Théophile.
Vous me paroiffez aujourd'hui bien férieux
; la promenade vous ennuie-t-elle ?
Auriez vous mieux aimé refter avec ces
jeunes gens que nous venons de quitter ?
Théodofe.
Mais je vous avoue qu'ils m'amufoient,
Théophile.
Vous me fçavez donc bien mauvais gré
de vous avoir amené ici : n'eft- il pas vrai
que vous me trouvez dans mille momens
un homme bien incommode ? je pense que
DECEMBRE . 1754. 41
vous ne m'aimerez gueres quand vous
ferez débarraffé de moi.
Théodofe.
Pourquoi me dites- vous cela vous vous
trompez.
Théophile.
Combien de fois me fuis- je apperçu que
je vous fatiguois , que je vous étois defagréable
?
Théodofe.
Ah ! defagréable , c'eft trop dire : vous
m'avez quelquefois gêné , contrarié , quelquefois
fait faire des chofes qui n'étoient
pas de mon goût ; mais votre intention
étoit bonne , & je ne fuis pas affez injuſte
pour en être fâché contre vous.
Théophile.
C'est-à - dire que mes foins & mes attentions
ne m'ont point encore brouillé
avec vous ; que vous me pardonnez tout
le zele & même toute la tendreffe avec laquelle
j'ai travaillé à votre éducation : voilà
précisément ce que vous voulez bien
oublier en ma faveur .
Théodofe.
Ce n'eft point là ma pensée , & vous
42 MERCURE DE FRANCE.
me faites une vraie chicanne ; je viens
d'avouer que vous m'avez quelquefois chagriné
, mais que je compte cela pour rien ,
que je n'y fonge plus , que je n'en ai point
de rancune ; que puis-je dire de plus ?
Théophile.
Jugez-en vous - même. Si quelqu'un vous
voyoit dans un grand péril , qu'il ne pût
vous en tirer , vous fauver la vie qu'en
vous faifant une légere douleur , feroit- il
jufte lorsque vous feriez hors de danger ,
de vous en tenir à lui dire , vous m'avez
fait un petit mal , vous m'avez un peu trop
preffé le bras , mais je n'en ai point de rancune
, & je vous le pardonne è
Théodofe.
Ah ! vous avez raiſon , il y auroit une
ingratitude effroyable à ce que vous me
dites là ; mais c'eft de quoi il n'eft pas queftion
ici : je ne fçache pas que vous m'ayez
jamais fauvé la vie.
Théophile.
Non , le fervice que j'ai tâché de vous
rendre eft encore plus grand ; j'ai voulu
vous fauver du malheur de vivre fans gloire.
Je vous ai vû expofé à des défauts qui
auroient fait périr les qualités de votre
DECEMBRE.
1754 43
ame , & c'eſt à la plus noble partie de vousmême
que j'ai , pour ainfi dire , tâché de
conferver la vie. Je n'ai pû y réuffir qu'en
vous contrariant , qu'en vous gênant quelquefois
: il vous en a coûté de petits chagrins
; c'est là cette légere douleur dont je
parlois tout -à- l'heure : vous contentezvous
encore de dire , je n'y fonge plus.
Théodofe.
Non , Théophile , je me trompois , & je
me dédis de tout mon coeur ; je vous ai en
effet les plus grandes obligations.
Théophile.
Point du tout , je n'ai fait que mon devoir
, mais il y a eu du courage à le faire :
vous m'aimeriez bien davantage fi je l'avois
voulu ; il n'a tenu qu'à moi de vous être
extrêmement agréable , & de gagner pour
jamais vos bonnes graces ; ce n'eût été qu'à
vos dépens , à la vérité.
Théodofe.
A mes dépens , dites-vous ?
Théophile.
Oui , je n'avois qu'à vous trahir pour
vous plaire, qu'à négliger votre inftruction
, qu'à laiffer votre coeur & votre ef44
MERCURE DE FRANCE .
prit devenir ce qu'ils auroient pû , qu'à
vous abandonner à vos humeurs ,à vos impatiences
, à vos volontés impétueufes , à
votre dégoût pour tout ce qui n'étoit pas
diffipation & plaifir . Convenez - en , la
moindre petite contradiction vous irritoit ,
vous étoit infupportable ; & ce qui eft encore
pis , j'ai vu le tems où ceux qui vous
entouroient , n'étoient précisément pour
vous que des figures qui amufoient vos
yeux ; vous ne fçaviez pas que c'étoit des
hommes qui penfoient , qui vous examinoient
, qui vous jugeoient , qui ne demandoient
qu'à vous aimer , qu'à pouvoir
vous regarder comme l'objet de leur amour
& de leur efpérance . On peut vous dire cela
aujourd'hui que vous n'êtes plus de même ,
& que vous vous montrez aimable ; auffi
vous aime- t-on , auſſi ne voyez- vous autour
de vous que des vifages contens &
charmés
, que des refpects mêlés d'applau
diffement & de joie ; mais je n'en fuis pas
mieux avec vous , moi , pour vous avoir
appris à être bien avec tout le monde.
Theodofe.
Laiffons là ce que je vous ai répondu
d'abord , je le defavoue ; mais quand vous
dites qu'il n'y avoit qu'à m'abandonner à
mes défauts pour me plaire , que fçavez-
7
9
DECEMBRE. 1754. 45
vous fi je ne vous les aurois pas reprochés
quelque jour ?
Théophile.
Non , Prince , non , il n'y avoit rien à
craindre , vous ne les auriez jamais fçus ; il
faut avoir des vertus pour s'appercevoir
qu'on en manque , ou du moins pour être
fâché de n'en point avoir ; & des vertus ,
vous n'en auriez point eu : la maniere dont
je vous aurois élevé y auroit mis bon ordre
; & ce lâche Gouverneur qui vous auroit
épargné la peine de devenir vertueux
& raifonnable , qui vous auroit laiffé la
miférable douceur de vous gâter tout à vo
tre aiſe , vous feroit toujours refté dans
l'efprit comme l'homme du monde le plus
accommodant & du meilleur commerce ,
& non pas comme un homme à qui vous
pardonnez tout au plus le bien qu'il vous a
fait.
Théodofe.
Vous en revenez toujours à un mot que
j'ai dit fans réflexion.
Théophile.
Oui , Prince , je foupçonne quelquefois
que vous ne m'aimez
gueres , mais en re
vanche, on vous aimera , & je fuis content
; voilà ce que je vous devois à vous
46 MERCURE DE FRANCE.
& ce que je devois à tout le monde . Vous
fouvenez-vous d'un trait de l'hiftoire romaine
que nous lifions ce matin ? Qu'il me
tue , pourvu qu'il regne , difoit Agrippine en
parlant de Neron : & moi , j'ai dit fans
comparaifon , qu'il me haïffe pourvû qu'on
l'aime , qu'il ait tort avec moi pourvû qu'il
ne manque jamais à fa gloire , & qu'il
n'ait tort ni avec la raifon ni avec les ver
tus qu'il doit avoir.
Théodofe.
Qu'il me haïffe , dites -vous ; vous n'y
fongez pas , Théophile ; en vérité , m'en
foupçonnez -vous capable ?
ble
Théophile.
Lamaniere dont vous vous récriez fem
promettre qu'il n'en fera rien.
Théodofe.
Je vous en convaincrai encore mieux
dans les fuites , foyez en perfuadé.
Théophile.
Je crois vous entendre , Prince , & je
fuis extrêmement touché de ce témoigna
ge de votre bon coeur ; mais de grace , ne
vous y trompez point ; je ne vous rappelle
pas mes foins pour les vanter. Si je tâche
DECEMBRE. 1754. 47
de vous y rendre fenfible , c'eft afin que
vous les récompenfiez de votre confiance
& non pas de vos bienfaits. Nous allons
bientôt nous quitter , & j'ai beſoin aujour
d'hui que vous m'aimiez un peu ; mais c'eft
pour vous que j'en ai befoin , & non pas
our moi ; c'eft que vous m'en écouterez
plus volontiers fur ce qui me refte à vous
dire pour achever votre éducation,
Théodofe.
Ah ! parlez , Théophile , me voici , je
vousaffure , dans la difpofition où vous me
fouhaitez ; je fçai d'ailleurs que le tems
preffe , & que nous n'avons pas long- tems
â demeurer enſemble.
Théophile.
Et vous attendez que je n'y fois plus ?
n'eft- il vrai ? vous n'aurez plus de Gouverneur
, vous ferez plus libre , & cela
vous réjouit , convenez - en.
Théodofe.
Franchement il pourroit bien y avoir
quelque chofe de ce que vous dites là , &
le tout fans que je m'impatiente d'être
avec vous ; mais on aime à être le maître
de fes actions.
48 MERCURE DE FRANCE.
Théophile.
Raifonnons. Si juſqu'ici vous aviez été
le maître abfolu des vôtres , vous n'en auriez
peut-être pas fait une qui vous eût fait
honneur ; vous auriez gardé tous vos défauts
, par exemple.
Théodofe.
J'en ferois bien fâché.
Théophile.
C'est donc un bonheur pour vous de n'avoir
pas été votre maître. N'y a-t-il pas
de danger que vous le foyez aujourd'hui ?
ne vous défiez- vous pas de l'extrême envie
que vous avez de l'être : Votre raiſon
a fait du progrès fans doute ; mais prenez
garde : quand on eft fi impatient d'être
défait de fon Gouverneur , ne feroit- ce pas
figne qu'on a encore befoin de lui , qu'on
n'eft pas encore auffi raifonnable qu'on devroit
l'être car fi on l'étoit , ce Gouver
neur ne feroit plus fi incommode , il ne
gêneroit plus ; on feroit toujours d'accord
avec lui , il ne feroit plus que tenir compagnie
: qu'en pensez-vous ?
Théodofe.
Je rêve à votre réflexion .
Théophile:
DECEMBRE . 1754. 49
.
Théophile.
Il n'en eft pas de vous comme d'un particulier
de votre âge , votre liberté tire à
bien d'autres conféquences ; on fçaura bien
empêcher ce particulier d'abufer long- tems.
& à un certain point de la fienne ; mais
qui eft-ce qui vous empêchera d'abufer de
la vôtre qui eft- ce qui la réduira à de
juftes bornes ? quels fecours aura- t- on contre
vous que vos vertus , votre raiſon , vos
lumieres ? &
quoiqu'aujourd'hui vous ayez
de tout cela , êtes-vous für d'en avoir affez.
pour ne pas appréhender d'être parfaitement
libre ? Songez à ce que c'eft qu'une
liberté que votre âge & que l'impunité de
l'abus que vous en pouvez faire , rendront
fi dangereuſe. Si vous n'étiez pas naturellement
bon & généreux , fi vous n'aviez
pas le meilleur fond du monde , Prince ,
je ne vous tiendrois pas ce difcours - là
mais c'eft qu'avec vous il y a bien des reffources
, je vous connois , il n'y a que des
réflexions à vous faire faire.
Théodofe.
A la bonne heure , mais vous me faites
trembler ; je commence à craindre très-férieufement
de vous perdre.
11. Vol.
so MERCURE
DE FRANCE .
Théophile.
Voilà une crainte qui me charme , elle
part d'un fentiment qui vaut mieux que
tous les Gouverneurs du monde : ah ! que
je fuis content , & qu'elle nous annonce
une belle ame !
Il ne tiendra
Théodofe.
pas à moi que vous ne difiez
vrai ; courage , mettons à profit le tems
que nous avons à penfer enfemble
; nous
en refte-t-il beaucoup
?
Théophile.
Encore quelque mois .
Théodofe.
Cela eft bien court .
Théophile.
Je vous garantis que c'en fera plus qu'il
men faut pour un Prince capable de cette
réponſe là , fur-tout avec un homme qui
ne vous épargnera pas la vérité , d'autant
plus que vous n'avez que ce petit efpace
de tems-ci pour l'entendre , & qu'après
moi perfonne ne vous la dira peut-être ;
vous allez tomber entre les mains de gens
qui vous aimeront bien moins qu'ils n'auDECEMBRE.
1754.
ront envie que vous les aimiez , qui ne
voudront que vous plaire & non pas vous
inftruire , qui feront tout pour le plaifir
de votre amour propre , & rien le
pour
le profit de votre raifon .
Théodofe.
Mais n'y a-t-il pas
d'honnêtes gens qui
font d'un
caractere fûr , & d'un
honneur
à toute épreuve ?
Théophile.
Oui , il y en a par- tout , quoique tou
jours en petit nombre.
Théodofe.
Eh bien , j'aurai foin de me les attacher ;
de les
encourager à me parler ; je les préviendrai.
Théophile.
Vous le croyez que vous les préviendrez
; mais fi vous n'y prenez garde , je
vous avertis que ce feront ceux qui auront
le moins d'attrait pour vous , ceux pour
qui vous aurez le moins d'inclination &
que vous traiterez le plus froidement.
Théodofe.
Froidement moi qui me fens tant de
difpofition à les aimer , à les diftinguer ?
Cij
j2 MERCURE DE FRANCE.
Théophile.
Eh ! vous ne la garderez pas cette difpofition
là , leur caractere vous l'ôtera . Et
à propos de cela voulez- vous bien me dire
ce que vous penfez de Softene ? C'eſt un
des hommes de la Cour que vous voyez le
plus fouvent.
Theodofe.
Et un fort aimable homme , qui a tonjours
quelque chofe d'obligeant à vous dire
, & qui vous le dit avec grace , quoique
d'un air fimple & naturel . C'eſt un homme
que j'aime à voir , malgré la différence
de fon âge au mien , & je fuis perfuadé
qu'il m'aime un peu auffi . Je le fens à la
maniere dont il m'aborde , dont il me parle
, dont il écoute ce que je dis ; je n'ai
point encore trouvé d'efprit plus liant , plus
d'accord avec le mien.
Théophile.
Il eft vrai .
Théodofe.
Je ne penſe pas de même de Philante,
Je vous crois.
Théophile.
DECEMBRE . 1754 53
Théodofe.
Quelle différence ! celui- ci a un efprit
roide & férieux , je penfe qu'il n'eftime que
lui , car il n'approuve jamais rien ; ou s'il
approuve , c'est avec tant de réferve & d'un
air fi contraint , qu'on diroit qu'il a toujours
peur de vous donner trop de vanité ;
il est toujours de votre avis le moins qu'il
peut , & il vaudroit autant qu'il n'en fût
point du tout. Il y a quelques jours que
pendant que vous étiez fur la terraffe il
m'arriva de dire quelque chofe dont tout
le monde fe mit à rire , comme d'une fail
lie affez plaifante ; lui feul baiffa les yeux ,
en fouriant à la vérité , mais d'un fouris
qui fignifioit qu'on ne devoit pas rire.
Théophile.
Peut-être avoit-il raifon.
Théodofe.
Quoi ! raifon contre tout le monde ? eſtce
que jamais tout le monde a tort ? avoitil
plus d'efprit que trente perſonnes ?
Théophile.
Trente flateries font-elles une approbation
décident- elles de quelque chofe t
Ciij
34 MERCURE DE FRANCE.
Théodofe.
Comme vous voudrez ; mais Philante
n'eft pas mon homme.
Théophile.
Vous avez cependant tant de difpofition
à aimer les gens d'un caractere für &
d'un honneur à toute epreuve ?
Théodofe.
Affûrément , & je le dis encore.
Théophile.
Eh bien ! Philante eft un de ces hommes
que vous avez deffein de prévenir & de
vous attacher.
Théodofe.
Vous me furprenez , cet honnêteté- là
a donc bien mauvaife grace à l'être.
Théophile.
Tous les honnêtes gens lui reffemblent ,
les graces de l'adulation & de la faufferé
leur manquent à tous ; ils aiment mieux
quand il faut opter , être vertueux qu'agréables.
Vous l'avez vu par Philante : il
n'a pu dans l'occafion & avec fa probité
louer en vous que ce qu'il y a vû de louaDECEMBRE.
1754. 55
ble, & a pris le parti de garder le filence
fur ce qui ne l'étoit pas ; la vérité ne lui
a pas permis de donner à votre amour propre
toutes les douceurs qu'il demandoit ,
& que Softene lui a données fans fcrupule :
voilà ce qui vous a rebuté de Philante
ce qui vous l'a fait trouver fi froid , fi
peu affectueux , fi difficile à contenter ;
voilà ce caractere quí dans fes pareils vous
paroîtra fi fec , fi auftere , & fi critique en
comparaifon de la foupleffe des Softene ,
avec qui vous contracterez un fi grand befoin
d'être applaudi , d'être encenfé , je
dirois prefque d'être adoré.
Théodofe .
Oh ! vous en dites trop ; me prendraije
pour une divinité ? me feront - ils accroire
que j'en fuis une .
Théophile .
Non , on ne va pas fi loin , on ne fçauroit
, & je pense que l'exemple de l'Empereur
Caïus , dont nous lifions l'hiftoire
ces jours paffés , ne gâtera à préſent perfonne
.
Théodofe .
Vous me parlez d'un extravagant , d'une
tête naturellement folle.
Ciiij
36 MERCURE DE FRANCE.
Théophile.
11 eft vrai ; mais malgré la foibleffe de
fa tête , s'il n'avoit jamais été qu'un particulier
, il ne feroit point tombé dans la
folie qu'il eut , & ce fut la hauteur de fa
place qui lui donna ce vertige . Aujourd'hui
les conditions comme la fienne ne
peuvent plus être fi funeftes à la raiſon ,
elles ne fçauroient faire des effets fi terribles
; la religion , nos principes , nos lumieres
ont rendu un pareil oubli de foimême
impoffible , il n'y a plus moyen de
s'égarer jufques-là , mais tout le danger
n'eft pas ôté , & fi l'on n'y prend garde , il
y a encore des étourdiffemens où l'on
peut tomber , & qui empêchent qu'on ne
fe connoiffe : on ne fe croit pas une divinité
, mais on ne fçait pas trop ce qu'on
eft ni pour qui l'on fe prend , on ne fe
définit point. Ce qui eft certain , c'eſt
qu'on fe croit bien différent des autres
hommes : on ne fe dit pas , je fuis d'une
autre nature qu'eux ; mais de la maniere
dont on l'entend , on fe dit à peu près la
la valeur de cela.
Theodofe.
Attendez donc ; me tromperois-je quand
je me croirai plus que les autres hommes ?
DECEMBRE.
$7
1754.
Théophile.
Non dans un fens , vous êtes infiniment
plus qu'eux ; dans un autre vous êtes précifément
ce qu'ils font. '
Théodofe.
Précifement ce qu'ils font ! quoi ! le fang
'dont je fors....
Théophile.
Eft confacré à nos refpects , & devenu le
plus noble fang du monde ; les hommes fe
font fait & ont dû fe faire une loi inviolable
de le refpecter ; voilà ce qui vous
met au-deffus de nous. Mais dans la nature
, votre fang , le mien , celui de tous les
hommes , c'eft la même chofe ; nous le tirons
tous d'une fource commune ; voilà
par où vous êtes ce que nous fommes.
Théodofe.
A la rigueur , ce que vous dites là eſt
vrai ; mais il me femble qu'à préſent tout
cela n'eft plus de même , & qu'il faut raifonner
autrement ; car enfin penfez -vous
de bonne foi qu'un valet de pied , qu'un
homme du peuple eft un homme comme
moi , & que je ne fuis qu'un homme comme
lui ?
C v.
58 MERCURE DE FRANCE
Théophile.
Oui , dans la nature .
Théodofe.
Mais cette nature ; eft- il encore ici queftion
d'elle comment l'entendez- vous ?
Théophile.
Tout fimplement ; il ne s'agit pas d'une
penſée hardie , je ne hazarde rien , je ne
fais point le Philofophe , & vous ne me
foupçonnez pas de vouloir diminuer de
vos prérogatives ?
Théodofe.
Ce n'eft
pas là ce que j'imagine.
Théophile.
Elles me font cheres , parce que c'eft vous
qui les avez ; elles me font facrées , parce
que vous les tenez , non feulement des
hommes , mais de Dieu même ; fans compter
que de toutes les façons de penfer , la
plus ridicule , la plus impertinente & la.
plus injufte feroit de vouloir déprimer la
grandeur de certaines conditions abfolument
néceffaires. Mais à l'égard de ce que
nous difions tout - à - l'heure , je parle en
homme qui fuit les lumieres du bon feas
DECEMBRE. 1754.. 59
le plus ordinaire , & la peine que vous
avez à m'entendre , vient de ce que je vous
difois tout à -l'heure , qui eft que dans le
rang où vous êtes on ne fçait pas trop
pour qui l'on fe prend ; ce n'eft pas que
vous ayez eu encore à faire aux fateurs ,
j'ai tâché de vous en garantir , vous êtes
né d'ailleurs avec beaucoup d'efprit ; cependant
l'orgueil de ce rang vous a déja
gagné , vous ne vous connoillez déja plus ,
& cela à caufe de cet empreffement qu'on
a pour vous voir de ces refpects que vous
trouvez fur votre paffage ; il n'en a pas
fallu davantage pour vous jetter dans une
illufion , dont je fuis fûr que vous allez rire
vous-même.
Théodofe.
Oh ! je n'y manquerai pas , je vous promets
d'en rire bien franchement fi j'ai
autant de tort que vous le dites : voyons ,
comment vous tirerez- vous de la
comparaifon
du valet de pied ?
Théophile.
Au lieu de lui , mettons un eſclave.
Théodofe.
C'est encore pis.
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE:
Théophile.
C'eft que j'ai un fait amufant à vous
rapporter là - deffus. J'ai lû , je ne fçais plus
dans quel endroit , qu'un Roi de l'Afie encore
plus grand par fa fageffe que par ſa
puiffance , avoit un fils unique , que par un
article d'un traité de paix il avoit été obligé
de marier fort jeune. Ce fils avoit mille
vertus ; c'étoit le Prince de la plus grande
efpérance , mais il avoit un défaut qui
déparoit tout ; c'eſt qu'il ne daignoit s'humanifer
avec perfonne ; c'eft qu'il avoit
une fi fuperbe idée de fa condition , qu'il
auroit cru fe deshonorer par le commerce
des autres hommes , & qu'il les regardoit
comme de viles créatures , qu'il traitoit
doucement , parce qu'il étoit bon , mais
qui n'exiftoient que pour le fervir , que
pour lui obéir , & à qui il ne pouvoit décemment
parler que pour leur apprendre
fes volontés , fans y fouffrir de replique ;
car la moindre difcuffion lui paroiffoit familiere
& hardie , & il fçavoit l'arrêter par
un regard , ou par un mot qui faifoit rentrer
dans le néant dont on ofoit fortir devant
lui.
Théodofe.
Ah ! la trifte & ridicule façon de vivre ;
DECEMBRE . 1754. 61
je prévois la fin de l'hiftoire , ce Prince
là mourut d'ennui ?
Théophile.
Non , fon orgueil le foutenoit ; il lui
tenoit compagnie. Son pere qui gémiffoit
de le voir de cette humeur là , & qui en
fçavoit les conféquences , avoit beau lui
dire tout ce qu'il imaginoit de mieux pour
le rendre plus raifonnable là - deffus. Pour
le guérir de cette petiteffe d'efprit , il avoit
beau fe propofer pour exemple , lui qui
étoit Roi , lui qui regnoit & qui étoit cependant
fi acceffible , lui qui parloit à tout
le monde , qui donnoit à tout le monde le
droit de lui parler , & qui avoit autant
d'amis qu'il avoit de fujets qui l'entouroient
rien ne touchoit le fils. Il écoutoit
fon pere ; il le laiffoit dire , mais comme
un vieillard dont l'efprit avoit baiffé par
les années , & à l'âge duquel il falloit
donner le peu de dignité qu'il y avoit dans
fes remontrances.
Théodofe.
par-
Ce jeune Prince avoit donc été bien mal
élevé ?
Théophile.
Peut-être fon gouverneur l'avoit - il épar62
MERCURE DE FRANCE.
peur
gné de d'en être haï. Quoiqu'il
en foit , le Roi ne fçavoit
plus comment
s'y prendre
, & defefpéra
d'avoir
jamais
la
confolation
de le corriger
. Il le corrigea
pourtant
, fa tendreffe
ingénieufe
lui en fuggera
un moyen
qui lui réuffit. Je vous ai dit que le Prince
étoit marié ; ajoutez
à cela que la jeune Princeffe
touchoit
à l'inf tant de lui donner
un fils ; du moins fe
flattoit
-on que c'en feroit un. Oh ! vous remarquerez
qu'une
de ſes eſclaves
fe trou voit alors dans le même
cas qu'elle
, & n'attendoit
auffi que le moment
de mettre
un enfant au monde. Le Roi qui avoit fes vûes , s'arrangea
là- deffus , & prit des mefures
que
le hazard
favorifa
. Les deux
meres eurent
chacun
un fils ; & qui plus eft , l'enfant
royal & l'enfant
eſclave`na- quirent
dans le même quart d'heure
.
Théodofe.
A quoi cela aboutira-t-il ?
Théophile.
Le dernier ( je parle de l'efclave ) fut
auffi-tôt porté dans l'appartement de la
Princeffe , & mis fubtilement à côté du
petit Prince ; ils étoient tous deux accommodés
l'un comme l'autre ; on avoit feulement
eu la précaution de diftinguer le
DECEMBRE . 1754 .
63
petit Prince par une marque qui n'étoit
fçûe que du Roi & de fes confidens . Deux
enfans au lieu d'un , s'écria- t- on avec furprife
dans l'appartement , & qu'eft- ce que
cela fignifie qu'eft-ce qui a ofé apporter
l'autre comment fe trouve t-il là : & puis
à préfent comment démêler le Prince
jugez du bruit & de la rumeur.
Théodofe.
L'aventure étoit embarraffante.
Théophile.
Sur ces entrefaites , le Prince impatient
'de voir fon fils , arrive & demande qu'on
le lui montre. Hélas ! Seigneur , on ne
fçauroit , lui dit- on d'un air confterné ; il
ne vous est né qu'un Prince , & nous venons
de trouver deux enfans l'un auprès
de l'autre ; les voilà , & de vous dire lequel
des deux eft votre fils , c'est ce qui
nous eft abfolument impoffible. Le Prince,
en pâliffant , regarde ces deux enfans , &
Toupire de ne fçavoir à laquelle de ces
petites maffes de chair encore informes , il
doit ou fon amour ou fon mépris. Eh ! quel
eft donc l'infolent qui a ofé faire cet ou
trage au fang de fes maîtres , s'écria- t- il ?
A peine achevoit-il cette exclamation , que
tout-à- coup le Roi parut , fuivi de trois
64 MERCURE DE FRANCE.
ou quatre des plus vénérables Seigneurs
de l'Empire. Vous me paroiffez bien agi
té , mon fils , lui dit le Roi : il me femble
même avoir entendu que vous vous plaignez
d'un outrage ; de quoi eft- il queftion
? Ah ! Seigneur , lui répondit le Prince
, en lui montrant fes deux enfans , vous
me voyez au defefpoir : il n'y a point de
fupplice digne du crime dont il s'agit . J'ai
perdu mon fils , on l'a confondu avec je
ne fçais quelle vile créature qui m'empêche
de le reconnoître. Sauvez- moi de
l'affront de m'y tromper ; l'auteur de cet
attentat n'eft pas loin , qu'on le cherche ,
qu'on me venge , & que fon fupplice
effraye toute la terre.
Théodofe.
Ceci m'intéreſſe .
Théophile.
Il n'eft pas néceffaire de le chercher :
le voici , Prince ; c'eft moi , dit alors froidement
un de ces vénérables Seigneurs,
& dans cette action que vous appellez un
crime , je n'ai eu en vûe que votre gloire. Le
Roi fe plaint de ce que vous êtes trop fier ,
il gémit tous les jours de votre mépris
pour le refte des hommes ; & moi , pour
vous aider à le convaincre que vous avez
DECEMBRE. 1754.
65
raifon de les méprifer , & de les croire
d'une nature bien au-deffous de la vôtre ,
j'ai fait enlever un enfant qui vient de
naître , je l'ai fait mettre à côté de votre
fils , afin de vous donner une occaſion de
prouver que tout confondus qu'ils font ,
vous ne vous y tromperez pas , & que
vous n'en verrez pas moins les caracteres
de grandeur qui doivent diftinguer votre
augufte fang d'avec le vil fang des autres.
Au furplus , je n'ai pas rendu la diftinction
bien difficile à faire ; ce n'eſt pas même
un enfant noble , c'eft le fils d'un miférable
efclave que vous voyez à côté du
vôtre ; ainfi la différence eft fi énorme entr'eux
, que votre pénétration va fe jouer
de cette foible épreuve où je la mets.
Théodofe .
Ah le malin vieillard !
Théophile.
Au refte , Seigneur , ajouta-t-il , je me
Tuis menagé un moyen für de reconnoître
votre fils , il n'eft point confondu pour
moi ; mais s'il l'eft pour vous , je vous
: avertis que rien ne m'engagera à vous le
montrer , à moins que le Roi ne me l'ordonne.
Seigneur , dit alors le Prince à fon
pere , d'un air un peu confus , & preſque
66 MERCURE DE FRANCE.
la larme à l'oeil , ordonnez- lui donc qu'il
me le rende . Moi , Prince , lui répartit le
Roi faites- vous reflexion à ce que vous
me demandez ? eft- ce que la nature n'a
point marqué votre fils ? fi rien ne vous
l'indique ici , fi vous ne pouvez le retrouver
fans que je m'en mêle , eh ! que deviendra
l'opinion fuperbe que vous avez de
votre fang il faudra donc renoncer à croire
qu'il eft d'une autre forte que celui des autres
, & convenir que la nature à cet égard
n'a rien fait de particulier pour nous.
Théodofe.
Il avoit plus d'efprit que moi , s'il répondit
à cela.
Théophile.
L'hiftoire nous rapporte qu'il parut rêver
un inftant , & qu'enfuire il s'écria tout
d'un coup , je me rends , Seigneur , c'en
eft fait vous avez trouvé le fecret de m'éclairer
; la nature ne fait que des hommes
& point de Princes : je conçois maintenant
d'où mes droits tirent leur origine , je les
faifois venir de trop loin , & je rougis
de ma fierté paffée. Auffi -tôt le vieux Seigneur
alla prendre le petit Prince qu'il
préfenta à fon pere , après avoir tiré de
deffous les linges qui l'enveloppoient un
DECEMBRE. 1754. 67
billet que le Roi lui -même y avoit mis pour
le reconnoître. Le Prince , en pleurant de
joie , embraſſa fon fils , remercia mille fois
le vieux Seigneur qui avoit aidé le Roi
dans cet innocent artifice , & voulut tout
de fuite qu'on lui apportât l'enfant efclave
dont on s'étoit fervi pour l'inftruire , &
qu'il embraffa à fon tour , comme en reconnoiffance
du trait de lumiere qui venoit
de le frapper. Je t'affranchis , lui ditil
, en le preffant entre fes bras ; on t'élevera
avec mon fils , je lui apprendrai ce
que je te dois , tu lui ferviras de leçon
comme à moi , & tu me feras toujours.
cher , puifque c'eſt
venu raifonnable.
par toi que je fuis de-
Théodofe.
Votre Prince me fait pleurer.
Théophile.
pé-
Ah ! mon fils , s'écria alors le Roi ,
nétré d'attendriffement , que vous êtes bien
digne aujourd'hui d'être l'héritier d'un Empire
! que tant de raifon & que tant de
grandeur vous vengent bien de l'erreur où
vous étiez tombé !
Theodofe.
Ah ! que je fuis content de votre hif
68 MERCURE DE FRANCE.
toire ; me voilà bien raccommodé avec la
comparaison du valet- de - pied ; je lui ai
autant d'obligation que le Prince en avoit
au petit esclave. Mais dires moi , Théophile
, ce que vous venez de dire , & qui
eft fi vrai , tout le monde le fçait - il comme
il faut le fçavoir ? Je cherche un pes
à m'excufer. La plupart de nos jeunes gens
ne s'y trompent-ils pas auffi ? je vois bien
qu'ils me mettent au- deffus d'eux , mais il me
femble qu'ils ne croyent pas que tout homme
, dans la nature , eft leur femblable ;
ils s'imaginent qu'elle a auffi un fang à
part pour eux ; il n'eft ni fi beau ni fi
diftingué que le mien , mais il n'eſt pas de
l'efpéce de celui des autres ; qu'en ditesyous
?
Théophile.
Que non -feulement ces jeunes gens ne
fçavent pas que tout eft égal à cet égard ,
mais que des perfonnages très- graves &
très- fenfés l'oublient : je dis qu'ils l'oublient
, car il eft impoffible qu'ils l'ignorent
; & fi vous leur parlez de cette égalité
, ils ne la nieront pas , mais ils ne la
fçavent que pour en difcourir , & non pas
pour la croire ; ce n'eft pour eux qu'un
trait d'érudition , qu'une morale de converfation
, & non pas une vérité d'ufage.
DECEMBRE. 1754. 69
Théodofe .
J'ai encore une queſtion à vous faire :
ne dit-on pas fouvent , en parlant d'un
homme qu'on eftime , c'eft un homme qui
fe reffent de la nobleffe de fon fang.
"
Théophile.
Oui , il y a des
gens qui s'imaginent
qu'un fang tranfmis par un grand nombre
d'ayeux nobles , qui ont été élevés
dans la fierté de leur rang ; ils s'imaginent
, dis-je , que ce fang , tout venu qu'il
eft d'une fource commune , a acquis en
paffant , de certaines impreffions qui le diftinguent
d'un fang reçu de beaucoup d'ayeux
d'une petite condition ; & il fe pourroit
bien effectivement que cela fît des
différences : mais ces différences font- el
les avantageufes ? produifent- elles des vertus
? contribuent - elles à rendre l'ame plus
belle & plus raifonnable ? & la nature
là-deffus fuit-elle la vanité de notre opinion
il y auroit bien de la vifion a le
croire , d'autant plus qu'on a tant de preuves
du contraire : ne voit-on pas des hommes
du plus bas étage qui font des hommes
admirables ?
70 MERCURE DE FRANCE.
Théodofe.
Et l'hiſtoire ne nous montre- t- elle pas de
grands Seigneurs par la naiffance qui
avoient une ame indigne ? Allons , tout eft
dit fur cet article : la nature ne connoît
pas les nobles , elle ne les exempte de
rien , ils naiffent fouvent auffi infirmes de
corps , auffi courts d'efprit.
Théodofe .
Ils meurent de même , fans compter
que la fortune fe joue de leurs biens , de
leurs honneurs , que leur famille s'éteint
ou s'éclipfe ; n'y a- t- il pas une infinité de
races , & des plus illuftres , qu'on a perdu
de vûe , que la nature a continuées , mais
que la fortune a quittées , & dont les defcendans
méconnus rampent apparemment
dans la foule , labourent ou mendient
pendant que
de nouvelles races forties de
la pouffiere , font aujourd'hui les fieres &
les fuperbes , & s'éclipferont auffi , pour
faire à leur tour place à d'autres , un peu
plus tôt ou un peu plus tard ? c'eft un cercle
de viciffitudes qui enveloppe tout le
monde , c'eft par tout miferes communes.
Théodofe.
Changeons de matiere ; je me fens trop
DECEMBRE. 1754. 71
humilié de m'être trompé là - deffus , je
n'étois gueres Prince alors.
Théophile.
' En revanche vous l'êtes aujourd'hui beaucoup.
Mais il fe fait tard ; rentrons , Prince
, & demain , fi vous voulez , nous reprendrons
la même converfation.
Le Dialogue qu'on vient de lire eft de M.
de Marivaux. Il n'y a perfonne qui ne fente
que des développemens de cette naturefont trèspropres
à rendre plus raiſonnables & meilleurs
ceux que leur naiſſance appelle au trône.
Nous prévoyons avec joie que l'Amenr ne
pourra pas fe refufer au defir que le public lui
marquera de voir l'exécution entiere d'un des
plus beaux projets qu'on puiſſe former pour
bien de la fociété.
Cfont tres anciens. Un Seigneur qui
Es dialogues qu'on donne au public ,
hérita , il y a quelque tems , d'un de fes
parens , les trouva dans le château où ce
parent étoit mort ; ils étoient confondus
avec d'autres papiers extrêmement anciens
auffi ; on n'en a changé que le langage gaulois
, par lequel il paroît , au jugement de
quelques fçavans , qu'il y a pour le moins
quatre fiécles qu'ils font écrits . On ne fçait
point non plus quel en eft l'auteur ; tout ce
qu'on en peut croire , c'eft qu'ils ont fervi
à l'éducation de quelqu'un de nos Rois ,
ou de quelques Princes deftinés à regner.
Quoiqu'il en foit , en voici le premier ,
dont les détails font affez fimples . C'eſt un
40 MERCURE DE FRANCE.
Gouverneur & un jeune Prince qui s'entretiennent
enfemble , tous deux apparemment
fous des noms fuppofés , puifque le
Prince a celui de Théodofe , & le Gouver
neur celui de Théophile.
PREMIER DIALOGUE.
Théophile.
Voici un lieu fort champêtre , Prince ;
voulez- vous que nous nous y arrêtions ?
Théodofe.
Comme il vous plaira.
Théophile.
Vous me paroiffez aujourd'hui bien férieux
; la promenade vous ennuie-t-elle ?
Auriez vous mieux aimé refter avec ces
jeunes gens que nous venons de quitter ?
Théodofe.
Mais je vous avoue qu'ils m'amufoient,
Théophile.
Vous me fçavez donc bien mauvais gré
de vous avoir amené ici : n'eft- il pas vrai
que vous me trouvez dans mille momens
un homme bien incommode ? je pense que
DECEMBRE . 1754. 41
vous ne m'aimerez gueres quand vous
ferez débarraffé de moi.
Théodofe.
Pourquoi me dites- vous cela vous vous
trompez.
Théophile.
Combien de fois me fuis- je apperçu que
je vous fatiguois , que je vous étois defagréable
?
Théodofe.
Ah ! defagréable , c'eft trop dire : vous
m'avez quelquefois gêné , contrarié , quelquefois
fait faire des chofes qui n'étoient
pas de mon goût ; mais votre intention
étoit bonne , & je ne fuis pas affez injuſte
pour en être fâché contre vous.
Théophile.
C'est-à - dire que mes foins & mes attentions
ne m'ont point encore brouillé
avec vous ; que vous me pardonnez tout
le zele & même toute la tendreffe avec laquelle
j'ai travaillé à votre éducation : voilà
précisément ce que vous voulez bien
oublier en ma faveur .
Théodofe.
Ce n'eft point là ma pensée , & vous
42 MERCURE DE FRANCE.
me faites une vraie chicanne ; je viens
d'avouer que vous m'avez quelquefois chagriné
, mais que je compte cela pour rien ,
que je n'y fonge plus , que je n'en ai point
de rancune ; que puis-je dire de plus ?
Théophile.
Jugez-en vous - même. Si quelqu'un vous
voyoit dans un grand péril , qu'il ne pût
vous en tirer , vous fauver la vie qu'en
vous faifant une légere douleur , feroit- il
jufte lorsque vous feriez hors de danger ,
de vous en tenir à lui dire , vous m'avez
fait un petit mal , vous m'avez un peu trop
preffé le bras , mais je n'en ai point de rancune
, & je vous le pardonne è
Théodofe.
Ah ! vous avez raiſon , il y auroit une
ingratitude effroyable à ce que vous me
dites là ; mais c'eft de quoi il n'eft pas queftion
ici : je ne fçache pas que vous m'ayez
jamais fauvé la vie.
Théophile.
Non , le fervice que j'ai tâché de vous
rendre eft encore plus grand ; j'ai voulu
vous fauver du malheur de vivre fans gloire.
Je vous ai vû expofé à des défauts qui
auroient fait périr les qualités de votre
DECEMBRE.
1754 43
ame , & c'eſt à la plus noble partie de vousmême
que j'ai , pour ainfi dire , tâché de
conferver la vie. Je n'ai pû y réuffir qu'en
vous contrariant , qu'en vous gênant quelquefois
: il vous en a coûté de petits chagrins
; c'est là cette légere douleur dont je
parlois tout -à- l'heure : vous contentezvous
encore de dire , je n'y fonge plus.
Théodofe.
Non , Théophile , je me trompois , & je
me dédis de tout mon coeur ; je vous ai en
effet les plus grandes obligations.
Théophile.
Point du tout , je n'ai fait que mon devoir
, mais il y a eu du courage à le faire :
vous m'aimeriez bien davantage fi je l'avois
voulu ; il n'a tenu qu'à moi de vous être
extrêmement agréable , & de gagner pour
jamais vos bonnes graces ; ce n'eût été qu'à
vos dépens , à la vérité.
Théodofe.
A mes dépens , dites-vous ?
Théophile.
Oui , je n'avois qu'à vous trahir pour
vous plaire, qu'à négliger votre inftruction
, qu'à laiffer votre coeur & votre ef44
MERCURE DE FRANCE .
prit devenir ce qu'ils auroient pû , qu'à
vous abandonner à vos humeurs ,à vos impatiences
, à vos volontés impétueufes , à
votre dégoût pour tout ce qui n'étoit pas
diffipation & plaifir . Convenez - en , la
moindre petite contradiction vous irritoit ,
vous étoit infupportable ; & ce qui eft encore
pis , j'ai vu le tems où ceux qui vous
entouroient , n'étoient précisément pour
vous que des figures qui amufoient vos
yeux ; vous ne fçaviez pas que c'étoit des
hommes qui penfoient , qui vous examinoient
, qui vous jugeoient , qui ne demandoient
qu'à vous aimer , qu'à pouvoir
vous regarder comme l'objet de leur amour
& de leur efpérance . On peut vous dire cela
aujourd'hui que vous n'êtes plus de même ,
& que vous vous montrez aimable ; auffi
vous aime- t-on , auſſi ne voyez- vous autour
de vous que des vifages contens &
charmés
, que des refpects mêlés d'applau
diffement & de joie ; mais je n'en fuis pas
mieux avec vous , moi , pour vous avoir
appris à être bien avec tout le monde.
Theodofe.
Laiffons là ce que je vous ai répondu
d'abord , je le defavoue ; mais quand vous
dites qu'il n'y avoit qu'à m'abandonner à
mes défauts pour me plaire , que fçavez-
7
9
DECEMBRE. 1754. 45
vous fi je ne vous les aurois pas reprochés
quelque jour ?
Théophile.
Non , Prince , non , il n'y avoit rien à
craindre , vous ne les auriez jamais fçus ; il
faut avoir des vertus pour s'appercevoir
qu'on en manque , ou du moins pour être
fâché de n'en point avoir ; & des vertus ,
vous n'en auriez point eu : la maniere dont
je vous aurois élevé y auroit mis bon ordre
; & ce lâche Gouverneur qui vous auroit
épargné la peine de devenir vertueux
& raifonnable , qui vous auroit laiffé la
miférable douceur de vous gâter tout à vo
tre aiſe , vous feroit toujours refté dans
l'efprit comme l'homme du monde le plus
accommodant & du meilleur commerce ,
& non pas comme un homme à qui vous
pardonnez tout au plus le bien qu'il vous a
fait.
Théodofe.
Vous en revenez toujours à un mot que
j'ai dit fans réflexion.
Théophile.
Oui , Prince , je foupçonne quelquefois
que vous ne m'aimez
gueres , mais en re
vanche, on vous aimera , & je fuis content
; voilà ce que je vous devois à vous
46 MERCURE DE FRANCE.
& ce que je devois à tout le monde . Vous
fouvenez-vous d'un trait de l'hiftoire romaine
que nous lifions ce matin ? Qu'il me
tue , pourvu qu'il regne , difoit Agrippine en
parlant de Neron : & moi , j'ai dit fans
comparaifon , qu'il me haïffe pourvû qu'on
l'aime , qu'il ait tort avec moi pourvû qu'il
ne manque jamais à fa gloire , & qu'il
n'ait tort ni avec la raifon ni avec les ver
tus qu'il doit avoir.
Théodofe.
Qu'il me haïffe , dites -vous ; vous n'y
fongez pas , Théophile ; en vérité , m'en
foupçonnez -vous capable ?
ble
Théophile.
Lamaniere dont vous vous récriez fem
promettre qu'il n'en fera rien.
Théodofe.
Je vous en convaincrai encore mieux
dans les fuites , foyez en perfuadé.
Théophile.
Je crois vous entendre , Prince , & je
fuis extrêmement touché de ce témoigna
ge de votre bon coeur ; mais de grace , ne
vous y trompez point ; je ne vous rappelle
pas mes foins pour les vanter. Si je tâche
DECEMBRE. 1754. 47
de vous y rendre fenfible , c'eft afin que
vous les récompenfiez de votre confiance
& non pas de vos bienfaits. Nous allons
bientôt nous quitter , & j'ai beſoin aujour
d'hui que vous m'aimiez un peu ; mais c'eft
pour vous que j'en ai befoin , & non pas
our moi ; c'eft que vous m'en écouterez
plus volontiers fur ce qui me refte à vous
dire pour achever votre éducation,
Théodofe.
Ah ! parlez , Théophile , me voici , je
vousaffure , dans la difpofition où vous me
fouhaitez ; je fçai d'ailleurs que le tems
preffe , & que nous n'avons pas long- tems
â demeurer enſemble.
Théophile.
Et vous attendez que je n'y fois plus ?
n'eft- il vrai ? vous n'aurez plus de Gouverneur
, vous ferez plus libre , & cela
vous réjouit , convenez - en.
Théodofe.
Franchement il pourroit bien y avoir
quelque chofe de ce que vous dites là , &
le tout fans que je m'impatiente d'être
avec vous ; mais on aime à être le maître
de fes actions.
48 MERCURE DE FRANCE.
Théophile.
Raifonnons. Si juſqu'ici vous aviez été
le maître abfolu des vôtres , vous n'en auriez
peut-être pas fait une qui vous eût fait
honneur ; vous auriez gardé tous vos défauts
, par exemple.
Théodofe.
J'en ferois bien fâché.
Théophile.
C'est donc un bonheur pour vous de n'avoir
pas été votre maître. N'y a-t-il pas
de danger que vous le foyez aujourd'hui ?
ne vous défiez- vous pas de l'extrême envie
que vous avez de l'être : Votre raiſon
a fait du progrès fans doute ; mais prenez
garde : quand on eft fi impatient d'être
défait de fon Gouverneur , ne feroit- ce pas
figne qu'on a encore befoin de lui , qu'on
n'eft pas encore auffi raifonnable qu'on devroit
l'être car fi on l'étoit , ce Gouver
neur ne feroit plus fi incommode , il ne
gêneroit plus ; on feroit toujours d'accord
avec lui , il ne feroit plus que tenir compagnie
: qu'en pensez-vous ?
Théodofe.
Je rêve à votre réflexion .
Théophile:
DECEMBRE . 1754. 49
.
Théophile.
Il n'en eft pas de vous comme d'un particulier
de votre âge , votre liberté tire à
bien d'autres conféquences ; on fçaura bien
empêcher ce particulier d'abufer long- tems.
& à un certain point de la fienne ; mais
qui eft-ce qui vous empêchera d'abufer de
la vôtre qui eft- ce qui la réduira à de
juftes bornes ? quels fecours aura- t- on contre
vous que vos vertus , votre raiſon , vos
lumieres ? &
quoiqu'aujourd'hui vous ayez
de tout cela , êtes-vous für d'en avoir affez.
pour ne pas appréhender d'être parfaitement
libre ? Songez à ce que c'eft qu'une
liberté que votre âge & que l'impunité de
l'abus que vous en pouvez faire , rendront
fi dangereuſe. Si vous n'étiez pas naturellement
bon & généreux , fi vous n'aviez
pas le meilleur fond du monde , Prince ,
je ne vous tiendrois pas ce difcours - là
mais c'eft qu'avec vous il y a bien des reffources
, je vous connois , il n'y a que des
réflexions à vous faire faire.
Théodofe.
A la bonne heure , mais vous me faites
trembler ; je commence à craindre très-férieufement
de vous perdre.
11. Vol.
so MERCURE
DE FRANCE .
Théophile.
Voilà une crainte qui me charme , elle
part d'un fentiment qui vaut mieux que
tous les Gouverneurs du monde : ah ! que
je fuis content , & qu'elle nous annonce
une belle ame !
Il ne tiendra
Théodofe.
pas à moi que vous ne difiez
vrai ; courage , mettons à profit le tems
que nous avons à penfer enfemble
; nous
en refte-t-il beaucoup
?
Théophile.
Encore quelque mois .
Théodofe.
Cela eft bien court .
Théophile.
Je vous garantis que c'en fera plus qu'il
men faut pour un Prince capable de cette
réponſe là , fur-tout avec un homme qui
ne vous épargnera pas la vérité , d'autant
plus que vous n'avez que ce petit efpace
de tems-ci pour l'entendre , & qu'après
moi perfonne ne vous la dira peut-être ;
vous allez tomber entre les mains de gens
qui vous aimeront bien moins qu'ils n'auDECEMBRE.
1754.
ront envie que vous les aimiez , qui ne
voudront que vous plaire & non pas vous
inftruire , qui feront tout pour le plaifir
de votre amour propre , & rien le
pour
le profit de votre raifon .
Théodofe.
Mais n'y a-t-il pas
d'honnêtes gens qui
font d'un
caractere fûr , & d'un
honneur
à toute épreuve ?
Théophile.
Oui , il y en a par- tout , quoique tou
jours en petit nombre.
Théodofe.
Eh bien , j'aurai foin de me les attacher ;
de les
encourager à me parler ; je les préviendrai.
Théophile.
Vous le croyez que vous les préviendrez
; mais fi vous n'y prenez garde , je
vous avertis que ce feront ceux qui auront
le moins d'attrait pour vous , ceux pour
qui vous aurez le moins d'inclination &
que vous traiterez le plus froidement.
Théodofe.
Froidement moi qui me fens tant de
difpofition à les aimer , à les diftinguer ?
Cij
j2 MERCURE DE FRANCE.
Théophile.
Eh ! vous ne la garderez pas cette difpofition
là , leur caractere vous l'ôtera . Et
à propos de cela voulez- vous bien me dire
ce que vous penfez de Softene ? C'eſt un
des hommes de la Cour que vous voyez le
plus fouvent.
Theodofe.
Et un fort aimable homme , qui a tonjours
quelque chofe d'obligeant à vous dire
, & qui vous le dit avec grace , quoique
d'un air fimple & naturel . C'eſt un homme
que j'aime à voir , malgré la différence
de fon âge au mien , & je fuis perfuadé
qu'il m'aime un peu auffi . Je le fens à la
maniere dont il m'aborde , dont il me parle
, dont il écoute ce que je dis ; je n'ai
point encore trouvé d'efprit plus liant , plus
d'accord avec le mien.
Théophile.
Il eft vrai .
Théodofe.
Je ne penſe pas de même de Philante,
Je vous crois.
Théophile.
DECEMBRE . 1754 53
Théodofe.
Quelle différence ! celui- ci a un efprit
roide & férieux , je penfe qu'il n'eftime que
lui , car il n'approuve jamais rien ; ou s'il
approuve , c'est avec tant de réferve & d'un
air fi contraint , qu'on diroit qu'il a toujours
peur de vous donner trop de vanité ;
il est toujours de votre avis le moins qu'il
peut , & il vaudroit autant qu'il n'en fût
point du tout. Il y a quelques jours que
pendant que vous étiez fur la terraffe il
m'arriva de dire quelque chofe dont tout
le monde fe mit à rire , comme d'une fail
lie affez plaifante ; lui feul baiffa les yeux ,
en fouriant à la vérité , mais d'un fouris
qui fignifioit qu'on ne devoit pas rire.
Théophile.
Peut-être avoit-il raifon.
Théodofe.
Quoi ! raifon contre tout le monde ? eſtce
que jamais tout le monde a tort ? avoitil
plus d'efprit que trente perſonnes ?
Théophile.
Trente flateries font-elles une approbation
décident- elles de quelque chofe t
Ciij
34 MERCURE DE FRANCE.
Théodofe.
Comme vous voudrez ; mais Philante
n'eft pas mon homme.
Théophile.
Vous avez cependant tant de difpofition
à aimer les gens d'un caractere für &
d'un honneur à toute epreuve ?
Théodofe.
Affûrément , & je le dis encore.
Théophile.
Eh bien ! Philante eft un de ces hommes
que vous avez deffein de prévenir & de
vous attacher.
Théodofe.
Vous me furprenez , cet honnêteté- là
a donc bien mauvaife grace à l'être.
Théophile.
Tous les honnêtes gens lui reffemblent ,
les graces de l'adulation & de la faufferé
leur manquent à tous ; ils aiment mieux
quand il faut opter , être vertueux qu'agréables.
Vous l'avez vu par Philante : il
n'a pu dans l'occafion & avec fa probité
louer en vous que ce qu'il y a vû de louaDECEMBRE.
1754. 55
ble, & a pris le parti de garder le filence
fur ce qui ne l'étoit pas ; la vérité ne lui
a pas permis de donner à votre amour propre
toutes les douceurs qu'il demandoit ,
& que Softene lui a données fans fcrupule :
voilà ce qui vous a rebuté de Philante
ce qui vous l'a fait trouver fi froid , fi
peu affectueux , fi difficile à contenter ;
voilà ce caractere quí dans fes pareils vous
paroîtra fi fec , fi auftere , & fi critique en
comparaifon de la foupleffe des Softene ,
avec qui vous contracterez un fi grand befoin
d'être applaudi , d'être encenfé , je
dirois prefque d'être adoré.
Théodofe .
Oh ! vous en dites trop ; me prendraije
pour une divinité ? me feront - ils accroire
que j'en fuis une .
Théophile .
Non , on ne va pas fi loin , on ne fçauroit
, & je pense que l'exemple de l'Empereur
Caïus , dont nous lifions l'hiftoire
ces jours paffés , ne gâtera à préſent perfonne
.
Théodofe .
Vous me parlez d'un extravagant , d'une
tête naturellement folle.
Ciiij
36 MERCURE DE FRANCE.
Théophile.
11 eft vrai ; mais malgré la foibleffe de
fa tête , s'il n'avoit jamais été qu'un particulier
, il ne feroit point tombé dans la
folie qu'il eut , & ce fut la hauteur de fa
place qui lui donna ce vertige . Aujourd'hui
les conditions comme la fienne ne
peuvent plus être fi funeftes à la raiſon ,
elles ne fçauroient faire des effets fi terribles
; la religion , nos principes , nos lumieres
ont rendu un pareil oubli de foimême
impoffible , il n'y a plus moyen de
s'égarer jufques-là , mais tout le danger
n'eft pas ôté , & fi l'on n'y prend garde , il
y a encore des étourdiffemens où l'on
peut tomber , & qui empêchent qu'on ne
fe connoiffe : on ne fe croit pas une divinité
, mais on ne fçait pas trop ce qu'on
eft ni pour qui l'on fe prend , on ne fe
définit point. Ce qui eft certain , c'eſt
qu'on fe croit bien différent des autres
hommes : on ne fe dit pas , je fuis d'une
autre nature qu'eux ; mais de la maniere
dont on l'entend , on fe dit à peu près la
la valeur de cela.
Theodofe.
Attendez donc ; me tromperois-je quand
je me croirai plus que les autres hommes ?
DECEMBRE.
$7
1754.
Théophile.
Non dans un fens , vous êtes infiniment
plus qu'eux ; dans un autre vous êtes précifément
ce qu'ils font. '
Théodofe.
Précifement ce qu'ils font ! quoi ! le fang
'dont je fors....
Théophile.
Eft confacré à nos refpects , & devenu le
plus noble fang du monde ; les hommes fe
font fait & ont dû fe faire une loi inviolable
de le refpecter ; voilà ce qui vous
met au-deffus de nous. Mais dans la nature
, votre fang , le mien , celui de tous les
hommes , c'eft la même chofe ; nous le tirons
tous d'une fource commune ; voilà
par où vous êtes ce que nous fommes.
Théodofe.
A la rigueur , ce que vous dites là eſt
vrai ; mais il me femble qu'à préſent tout
cela n'eft plus de même , & qu'il faut raifonner
autrement ; car enfin penfez -vous
de bonne foi qu'un valet de pied , qu'un
homme du peuple eft un homme comme
moi , & que je ne fuis qu'un homme comme
lui ?
C v.
58 MERCURE DE FRANCE
Théophile.
Oui , dans la nature .
Théodofe.
Mais cette nature ; eft- il encore ici queftion
d'elle comment l'entendez- vous ?
Théophile.
Tout fimplement ; il ne s'agit pas d'une
penſée hardie , je ne hazarde rien , je ne
fais point le Philofophe , & vous ne me
foupçonnez pas de vouloir diminuer de
vos prérogatives ?
Théodofe.
Ce n'eft
pas là ce que j'imagine.
Théophile.
Elles me font cheres , parce que c'eft vous
qui les avez ; elles me font facrées , parce
que vous les tenez , non feulement des
hommes , mais de Dieu même ; fans compter
que de toutes les façons de penfer , la
plus ridicule , la plus impertinente & la.
plus injufte feroit de vouloir déprimer la
grandeur de certaines conditions abfolument
néceffaires. Mais à l'égard de ce que
nous difions tout - à - l'heure , je parle en
homme qui fuit les lumieres du bon feas
DECEMBRE. 1754.. 59
le plus ordinaire , & la peine que vous
avez à m'entendre , vient de ce que je vous
difois tout à -l'heure , qui eft que dans le
rang où vous êtes on ne fçait pas trop
pour qui l'on fe prend ; ce n'eft pas que
vous ayez eu encore à faire aux fateurs ,
j'ai tâché de vous en garantir , vous êtes
né d'ailleurs avec beaucoup d'efprit ; cependant
l'orgueil de ce rang vous a déja
gagné , vous ne vous connoillez déja plus ,
& cela à caufe de cet empreffement qu'on
a pour vous voir de ces refpects que vous
trouvez fur votre paffage ; il n'en a pas
fallu davantage pour vous jetter dans une
illufion , dont je fuis fûr que vous allez rire
vous-même.
Théodofe.
Oh ! je n'y manquerai pas , je vous promets
d'en rire bien franchement fi j'ai
autant de tort que vous le dites : voyons ,
comment vous tirerez- vous de la
comparaifon
du valet de pied ?
Théophile.
Au lieu de lui , mettons un eſclave.
Théodofe.
C'est encore pis.
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE:
Théophile.
C'eft que j'ai un fait amufant à vous
rapporter là - deffus. J'ai lû , je ne fçais plus
dans quel endroit , qu'un Roi de l'Afie encore
plus grand par fa fageffe que par ſa
puiffance , avoit un fils unique , que par un
article d'un traité de paix il avoit été obligé
de marier fort jeune. Ce fils avoit mille
vertus ; c'étoit le Prince de la plus grande
efpérance , mais il avoit un défaut qui
déparoit tout ; c'eſt qu'il ne daignoit s'humanifer
avec perfonne ; c'eft qu'il avoit
une fi fuperbe idée de fa condition , qu'il
auroit cru fe deshonorer par le commerce
des autres hommes , & qu'il les regardoit
comme de viles créatures , qu'il traitoit
doucement , parce qu'il étoit bon , mais
qui n'exiftoient que pour le fervir , que
pour lui obéir , & à qui il ne pouvoit décemment
parler que pour leur apprendre
fes volontés , fans y fouffrir de replique ;
car la moindre difcuffion lui paroiffoit familiere
& hardie , & il fçavoit l'arrêter par
un regard , ou par un mot qui faifoit rentrer
dans le néant dont on ofoit fortir devant
lui.
Théodofe.
Ah ! la trifte & ridicule façon de vivre ;
DECEMBRE . 1754. 61
je prévois la fin de l'hiftoire , ce Prince
là mourut d'ennui ?
Théophile.
Non , fon orgueil le foutenoit ; il lui
tenoit compagnie. Son pere qui gémiffoit
de le voir de cette humeur là , & qui en
fçavoit les conféquences , avoit beau lui
dire tout ce qu'il imaginoit de mieux pour
le rendre plus raifonnable là - deffus. Pour
le guérir de cette petiteffe d'efprit , il avoit
beau fe propofer pour exemple , lui qui
étoit Roi , lui qui regnoit & qui étoit cependant
fi acceffible , lui qui parloit à tout
le monde , qui donnoit à tout le monde le
droit de lui parler , & qui avoit autant
d'amis qu'il avoit de fujets qui l'entouroient
rien ne touchoit le fils. Il écoutoit
fon pere ; il le laiffoit dire , mais comme
un vieillard dont l'efprit avoit baiffé par
les années , & à l'âge duquel il falloit
donner le peu de dignité qu'il y avoit dans
fes remontrances.
Théodofe.
par-
Ce jeune Prince avoit donc été bien mal
élevé ?
Théophile.
Peut-être fon gouverneur l'avoit - il épar62
MERCURE DE FRANCE.
peur
gné de d'en être haï. Quoiqu'il
en foit , le Roi ne fçavoit
plus comment
s'y prendre
, & defefpéra
d'avoir
jamais
la
confolation
de le corriger
. Il le corrigea
pourtant
, fa tendreffe
ingénieufe
lui en fuggera
un moyen
qui lui réuffit. Je vous ai dit que le Prince
étoit marié ; ajoutez
à cela que la jeune Princeffe
touchoit
à l'inf tant de lui donner
un fils ; du moins fe
flattoit
-on que c'en feroit un. Oh ! vous remarquerez
qu'une
de ſes eſclaves
fe trou voit alors dans le même
cas qu'elle
, & n'attendoit
auffi que le moment
de mettre
un enfant au monde. Le Roi qui avoit fes vûes , s'arrangea
là- deffus , & prit des mefures
que
le hazard
favorifa
. Les deux
meres eurent
chacun
un fils ; & qui plus eft , l'enfant
royal & l'enfant
eſclave`na- quirent
dans le même quart d'heure
.
Théodofe.
A quoi cela aboutira-t-il ?
Théophile.
Le dernier ( je parle de l'efclave ) fut
auffi-tôt porté dans l'appartement de la
Princeffe , & mis fubtilement à côté du
petit Prince ; ils étoient tous deux accommodés
l'un comme l'autre ; on avoit feulement
eu la précaution de diftinguer le
DECEMBRE . 1754 .
63
petit Prince par une marque qui n'étoit
fçûe que du Roi & de fes confidens . Deux
enfans au lieu d'un , s'écria- t- on avec furprife
dans l'appartement , & qu'eft- ce que
cela fignifie qu'eft-ce qui a ofé apporter
l'autre comment fe trouve t-il là : & puis
à préfent comment démêler le Prince
jugez du bruit & de la rumeur.
Théodofe.
L'aventure étoit embarraffante.
Théophile.
Sur ces entrefaites , le Prince impatient
'de voir fon fils , arrive & demande qu'on
le lui montre. Hélas ! Seigneur , on ne
fçauroit , lui dit- on d'un air confterné ; il
ne vous est né qu'un Prince , & nous venons
de trouver deux enfans l'un auprès
de l'autre ; les voilà , & de vous dire lequel
des deux eft votre fils , c'est ce qui
nous eft abfolument impoffible. Le Prince,
en pâliffant , regarde ces deux enfans , &
Toupire de ne fçavoir à laquelle de ces
petites maffes de chair encore informes , il
doit ou fon amour ou fon mépris. Eh ! quel
eft donc l'infolent qui a ofé faire cet ou
trage au fang de fes maîtres , s'écria- t- il ?
A peine achevoit-il cette exclamation , que
tout-à- coup le Roi parut , fuivi de trois
64 MERCURE DE FRANCE.
ou quatre des plus vénérables Seigneurs
de l'Empire. Vous me paroiffez bien agi
té , mon fils , lui dit le Roi : il me femble
même avoir entendu que vous vous plaignez
d'un outrage ; de quoi eft- il queftion
? Ah ! Seigneur , lui répondit le Prince
, en lui montrant fes deux enfans , vous
me voyez au defefpoir : il n'y a point de
fupplice digne du crime dont il s'agit . J'ai
perdu mon fils , on l'a confondu avec je
ne fçais quelle vile créature qui m'empêche
de le reconnoître. Sauvez- moi de
l'affront de m'y tromper ; l'auteur de cet
attentat n'eft pas loin , qu'on le cherche ,
qu'on me venge , & que fon fupplice
effraye toute la terre.
Théodofe.
Ceci m'intéreſſe .
Théophile.
Il n'eft pas néceffaire de le chercher :
le voici , Prince ; c'eft moi , dit alors froidement
un de ces vénérables Seigneurs,
& dans cette action que vous appellez un
crime , je n'ai eu en vûe que votre gloire. Le
Roi fe plaint de ce que vous êtes trop fier ,
il gémit tous les jours de votre mépris
pour le refte des hommes ; & moi , pour
vous aider à le convaincre que vous avez
DECEMBRE. 1754.
65
raifon de les méprifer , & de les croire
d'une nature bien au-deffous de la vôtre ,
j'ai fait enlever un enfant qui vient de
naître , je l'ai fait mettre à côté de votre
fils , afin de vous donner une occaſion de
prouver que tout confondus qu'ils font ,
vous ne vous y tromperez pas , & que
vous n'en verrez pas moins les caracteres
de grandeur qui doivent diftinguer votre
augufte fang d'avec le vil fang des autres.
Au furplus , je n'ai pas rendu la diftinction
bien difficile à faire ; ce n'eſt pas même
un enfant noble , c'eft le fils d'un miférable
efclave que vous voyez à côté du
vôtre ; ainfi la différence eft fi énorme entr'eux
, que votre pénétration va fe jouer
de cette foible épreuve où je la mets.
Théodofe .
Ah le malin vieillard !
Théophile.
Au refte , Seigneur , ajouta-t-il , je me
Tuis menagé un moyen für de reconnoître
votre fils , il n'eft point confondu pour
moi ; mais s'il l'eft pour vous , je vous
: avertis que rien ne m'engagera à vous le
montrer , à moins que le Roi ne me l'ordonne.
Seigneur , dit alors le Prince à fon
pere , d'un air un peu confus , & preſque
66 MERCURE DE FRANCE.
la larme à l'oeil , ordonnez- lui donc qu'il
me le rende . Moi , Prince , lui répartit le
Roi faites- vous reflexion à ce que vous
me demandez ? eft- ce que la nature n'a
point marqué votre fils ? fi rien ne vous
l'indique ici , fi vous ne pouvez le retrouver
fans que je m'en mêle , eh ! que deviendra
l'opinion fuperbe que vous avez de
votre fang il faudra donc renoncer à croire
qu'il eft d'une autre forte que celui des autres
, & convenir que la nature à cet égard
n'a rien fait de particulier pour nous.
Théodofe.
Il avoit plus d'efprit que moi , s'il répondit
à cela.
Théophile.
L'hiftoire nous rapporte qu'il parut rêver
un inftant , & qu'enfuire il s'écria tout
d'un coup , je me rends , Seigneur , c'en
eft fait vous avez trouvé le fecret de m'éclairer
; la nature ne fait que des hommes
& point de Princes : je conçois maintenant
d'où mes droits tirent leur origine , je les
faifois venir de trop loin , & je rougis
de ma fierté paffée. Auffi -tôt le vieux Seigneur
alla prendre le petit Prince qu'il
préfenta à fon pere , après avoir tiré de
deffous les linges qui l'enveloppoient un
DECEMBRE. 1754. 67
billet que le Roi lui -même y avoit mis pour
le reconnoître. Le Prince , en pleurant de
joie , embraſſa fon fils , remercia mille fois
le vieux Seigneur qui avoit aidé le Roi
dans cet innocent artifice , & voulut tout
de fuite qu'on lui apportât l'enfant efclave
dont on s'étoit fervi pour l'inftruire , &
qu'il embraffa à fon tour , comme en reconnoiffance
du trait de lumiere qui venoit
de le frapper. Je t'affranchis , lui ditil
, en le preffant entre fes bras ; on t'élevera
avec mon fils , je lui apprendrai ce
que je te dois , tu lui ferviras de leçon
comme à moi , & tu me feras toujours.
cher , puifque c'eſt
venu raifonnable.
par toi que je fuis de-
Théodofe.
Votre Prince me fait pleurer.
Théophile.
pé-
Ah ! mon fils , s'écria alors le Roi ,
nétré d'attendriffement , que vous êtes bien
digne aujourd'hui d'être l'héritier d'un Empire
! que tant de raifon & que tant de
grandeur vous vengent bien de l'erreur où
vous étiez tombé !
Theodofe.
Ah ! que je fuis content de votre hif
68 MERCURE DE FRANCE.
toire ; me voilà bien raccommodé avec la
comparaison du valet- de - pied ; je lui ai
autant d'obligation que le Prince en avoit
au petit esclave. Mais dires moi , Théophile
, ce que vous venez de dire , & qui
eft fi vrai , tout le monde le fçait - il comme
il faut le fçavoir ? Je cherche un pes
à m'excufer. La plupart de nos jeunes gens
ne s'y trompent-ils pas auffi ? je vois bien
qu'ils me mettent au- deffus d'eux , mais il me
femble qu'ils ne croyent pas que tout homme
, dans la nature , eft leur femblable ;
ils s'imaginent qu'elle a auffi un fang à
part pour eux ; il n'eft ni fi beau ni fi
diftingué que le mien , mais il n'eſt pas de
l'efpéce de celui des autres ; qu'en ditesyous
?
Théophile.
Que non -feulement ces jeunes gens ne
fçavent pas que tout eft égal à cet égard ,
mais que des perfonnages très- graves &
très- fenfés l'oublient : je dis qu'ils l'oublient
, car il eft impoffible qu'ils l'ignorent
; & fi vous leur parlez de cette égalité
, ils ne la nieront pas , mais ils ne la
fçavent que pour en difcourir , & non pas
pour la croire ; ce n'eft pour eux qu'un
trait d'érudition , qu'une morale de converfation
, & non pas une vérité d'ufage.
DECEMBRE. 1754. 69
Théodofe .
J'ai encore une queſtion à vous faire :
ne dit-on pas fouvent , en parlant d'un
homme qu'on eftime , c'eft un homme qui
fe reffent de la nobleffe de fon fang.
"
Théophile.
Oui , il y a des
gens qui s'imaginent
qu'un fang tranfmis par un grand nombre
d'ayeux nobles , qui ont été élevés
dans la fierté de leur rang ; ils s'imaginent
, dis-je , que ce fang , tout venu qu'il
eft d'une fource commune , a acquis en
paffant , de certaines impreffions qui le diftinguent
d'un fang reçu de beaucoup d'ayeux
d'une petite condition ; & il fe pourroit
bien effectivement que cela fît des
différences : mais ces différences font- el
les avantageufes ? produifent- elles des vertus
? contribuent - elles à rendre l'ame plus
belle & plus raifonnable ? & la nature
là-deffus fuit-elle la vanité de notre opinion
il y auroit bien de la vifion a le
croire , d'autant plus qu'on a tant de preuves
du contraire : ne voit-on pas des hommes
du plus bas étage qui font des hommes
admirables ?
70 MERCURE DE FRANCE.
Théodofe.
Et l'hiſtoire ne nous montre- t- elle pas de
grands Seigneurs par la naiffance qui
avoient une ame indigne ? Allons , tout eft
dit fur cet article : la nature ne connoît
pas les nobles , elle ne les exempte de
rien , ils naiffent fouvent auffi infirmes de
corps , auffi courts d'efprit.
Théodofe .
Ils meurent de même , fans compter
que la fortune fe joue de leurs biens , de
leurs honneurs , que leur famille s'éteint
ou s'éclipfe ; n'y a- t- il pas une infinité de
races , & des plus illuftres , qu'on a perdu
de vûe , que la nature a continuées , mais
que la fortune a quittées , & dont les defcendans
méconnus rampent apparemment
dans la foule , labourent ou mendient
pendant que
de nouvelles races forties de
la pouffiere , font aujourd'hui les fieres &
les fuperbes , & s'éclipferont auffi , pour
faire à leur tour place à d'autres , un peu
plus tôt ou un peu plus tard ? c'eft un cercle
de viciffitudes qui enveloppe tout le
monde , c'eft par tout miferes communes.
Théodofe.
Changeons de matiere ; je me fens trop
DECEMBRE. 1754. 71
humilié de m'être trompé là - deffus , je
n'étois gueres Prince alors.
Théophile.
' En revanche vous l'êtes aujourd'hui beaucoup.
Mais il fe fait tard ; rentrons , Prince
, & demain , fi vous voulez , nous reprendrons
la même converfation.
Le Dialogue qu'on vient de lire eft de M.
de Marivaux. Il n'y a perfonne qui ne fente
que des développemens de cette naturefont trèspropres
à rendre plus raiſonnables & meilleurs
ceux que leur naiſſance appelle au trône.
Nous prévoyons avec joie que l'Amenr ne
pourra pas fe refufer au defir que le public lui
marquera de voir l'exécution entiere d'un des
plus beaux projets qu'on puiſſe former pour
bien de la fociété.
Fermer
Résumé : L'EDUCATION D'UN PRINCE.
Le texte présente un dialogue intitulé 'L'éducation d'un Prince', découvert dans un château et datant d'au moins quatre siècles. Les personnages principaux sont Théodose, un jeune prince, et Théophile, son gouverneur. Leur conversation révèle les efforts de Théophile pour éduquer et guider Théodose, malgré les résistances initiales du prince. Théophile explique que ses actions, parfois perçues comme désagréables, visaient à protéger Théodose des défauts et à le préparer à une vie glorieuse. Théodose finit par reconnaître les bienfaits de l'éducation stricte de Théophile. Théophile met en garde le prince contre les dangers de la liberté sans contrôle et l'importance de continuer à écouter des conseils honnêtes et bienveillants. Ils discutent également des personnes qui entoureront Théodose, notamment Softène, apprécié pour son caractère aimable, et Philante, perçu comme trop sérieux. Théophile exprime son souhait que Théodose continue à valoriser les conseils sincères et à se méfier des flatteurs. Théophile critique Philante, un homme honnête mais peu flatteur, que Théodose trouve froid et difficile à contenter. Théophile explique que Philante préfère la vérité à la flatterie, contrairement à Softène qui flatte excessivement. Théodose se compare à une divinité, mais Théophile le ramène à la réalité en évoquant l'exemple de l'empereur Caïus, dont l'orgueil fut exacerbé par sa position élevée. Théophile met en garde contre les dangers de l'orgueil et de l'illusion de supériorité, même si la religion et les lumières modernes rendent un tel oubli de soi impossible. Théophile raconte ensuite l'histoire d'un prince asiatique orgueilleux qui méprise les autres hommes. Le roi, son père, utilise une ruse pour lui faire comprendre son erreur : il place un enfant esclave à côté de son fils nouveau-né et demande au prince de les distinguer. Le prince, incapable de les différencier, réalise enfin la vanité de son orgueil. Le texte relate une conversation entre un Prince et Théophile, au cours de laquelle le Prince prend conscience de l'égalité naturelle entre les hommes. Le Roi, pour éclairer son fils, organise un stratagème impliquant un enfant esclave. Le Prince, après réflexion, reconnaît que la nature ne crée pas de princes, mais des hommes, et embrasse son fils ainsi que l'esclave, qu'il affranchit. Théophile et Théodofe discutent ensuite de la perception erronée des jeunes gens et des personnes influentes concernant la noblesse et l'égalité naturelle. Ils soulignent que la noblesse de sang n'apporte pas nécessairement des vertus ou des avantages moraux. Théodofe conclut en affirmant que la nature et la fortune traitent tous les hommes de manière égale, indépendamment de leur rang social. Le dialogue, écrit par Marivaux, vise à rendre plus raisonnables et meilleurs ceux appelés au trône.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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50
p. 101-111
LETTRE A M. ****.
Début :
MONSIEUR, Je dois à juste titre vous considérer comme le [...]
Mots clefs :
Enfant mort-né, Enfant, Médecin, Sang, Terre, Vie, Mort, Corps, Bois, Raisonnement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE A M. ****.
LESTİTRE A M. ****
SHDOS !
MONSIEUR
toutes in-
E dois jufte titre vous confidérer
comme le dépofitaire de toutes les interprétations
de la nature dont les Philofophes
fe croient capables. Il vous appartient
plus d'en juger qu'à tout autre , par
l'attention perpétuelle que vous avez à en
dévoiler les refforts.
Vous n'ignorez pas , Monfieur , le phénomene
, le myftere , qui doit occuper aujourd'hui
les Phyficiens & les Médecins .
Il s'agit d'un enfant né le 18 Janvier
1754 , enterré nud auffi- tôt après fa naiffance
, parce qu'on l'a cru mort- né ; déterré
, dit- on , vivant le 15 Février fuivant
, & baptifé le lendemain , en préſence
de plufieurs perfonnes , lequel enfant a
paru vivre pendant cinq heures après fon
baptême.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Je vais , Monfieur , produire ce que
j'en penfe ' , j'éviterai avec foin tout difcours
fuperflu ; & fi mon raifonnement
ne mérite
pas votre approbation , j'ofe me
flater qu'il ne vous ennuira point par fa
longueur.
PODZ1Q791 910101 ( 5.N
On a cru cet enfant mort né , parce
qu'il étoit fort noir cette ecchymofe confidérable
prouve qu'il a fouffert quelque
étranglement au paffage , capable de forcer
les vaiffeaux capillaires & d'intercepter
un libre commerce de l'air extérieur avec
le poulmon , fans que cependant il foit
devenu la caufe d'une mort complette. La
même chofe arrive aux pendus qui n'ont
point été étranglés jufqu'à ce que mort
s'enfuivit , & qu'on rappelle à la vie &
à la fanté , par le moyen d'une faignée fálutaire
.
Ou l'enfant dont il s'agit n'a point ref
piré avant d'être mis en terre bail³n'a
refpiré que très- foiblement. Dans cendernier
cas , fon fang n'a point totalement
abandonné la route qu'il fuivoie pendant
qu'il n'étoit qu'un foetus . Les arteres pulmonaires
ne font point parvenues à une
dilatation proportionnée à leur diametre ,
le trou ovale a continué de fervir d'entrepôt
ou de canal de communication entre
les artères & les veines ; l'habitude extéAVRIL.
1755. 103
rieure du corps a reçu l'influence aëreréthérée
néceffaire pour perpétuer la raréfaction
vitale. La terre dont il étoit
couvert fe trouvoit apparemment d'une naature
propre à faciliter cette négociation
une fi foible refpiration n'a pu entretenir
qu'une circulation lente , en tout pareille
à celle qui s'obferve dans plufieurs léthargiques
, dont la vie paroît douteufe pendant
un affez long- tems.cs
Dans le premier cas , c'est- à-dire s'il
n'a point refpiré avant d'être mis dans la
foffe , le trou ovale , la bonne qualité du
fang , l'habitude extérieure du corps , &
la nature de la terre , qu'on devroit n'avoir
point omife dans des mémoires d'une
telle importance , font les feules caufes
qui ayent pu concourir à une telle confervation.
Dans l'un & dans l'autre cas , la diffipation
n'a point été grande , les effluences
n'ont point été confidérables , elles ont
exactement répondu à la ratéfaction ou
à la circulation du fang , & elles pou
voient fe réparer fous la terre par des influences
proportionnées , quelque médiocres
qu'elles puffent être.
C'est dans un de ces deux états deux états que l'on
a mis cer enfant au tombeau , prefque au
même moment qu'il a été expofé à l'air ,
Eiv
104 MERCURE DE FRANCE.
& il y a confervé fa vie pendant vingt- huit
-jours.
Ce fait me paroît , Monfieur , affez extraordinaire
& affez incroyable pour avoir
mérité d'être conftaté par des perfonnes
'de l'art , qui n'auroient nullement été inréreffées
à faire paffer pour réel ce qui
ne leur auroit préfenté aucune réalité conftante
, ou que des fignés équivoques n'auroient
point été capables de convaincre.
Quelque fingulier que foit ce fait , fi on
le fuppofe vrai , il ne me ppaaroît point
inexpliquable , & mon explication paffera
Tout au plus pour avoir été hazardée
j'entre donc en matiere par une compar
comparaifon
que vous ne jugerez point indifférente.
Tous les bois ne confervent pas également
fous les cendres le feu dont ils font
animés : ceux dont les tiges font propres
à entretenir le feu , ont des branches d'une
même efficacité ; il faut donc que dans la
mere de cet enfant les influences acreréthérées
& chyleufes dont je parlé dans l'analyfe
que j'ai eu l'honneur de vous faire
préfenter , fe foient trouvées conftamment
dans des proportions bien régulieres , puifque
le peu d'air qui fe trouve dans la terre
eft capable de les entretenir ; il faut
que cette mere ait joui d'un bon tempéAVRIL.
1755 : 105
ramment & d'une fanté parfaite , puifque
Ta diftribution du fang & des humeurs
que cet enfant en a reçu , a pû fe foutenir
dans fon petit corps fous un monceau
de terre pendant un filong-tems , & avec
un fi foible fecours.
Si cet enfant a refpiré après fa naiffance
, il n'a pas joui d'une influence aëreréthérée
abondante pendant qu'il fe trouvoit
au milieu de l'air , vû les obſtacles
oppofés à l'infpiration : il a continué de
trouver dans la terre autant d'air qu'il s'en
étoit introduit dans fon poulmon pendant
le peu de féjour qu'on lui a permis de
faire fur la terre. Sa vie n'a point acquis
de nouvelles forces dans le tombeau ; mais
elle s'y eft foutenue tout comme un bois
convenable conferve fon inflammation fous
les cendres , fans que celle-ci y faffe les
mêmes progrès qu'elle feroit fi elle étoit
entretenue par l'affluence d'un nouvel air
auffi wilirbree qu'abondant.
Ces bois propres à conferver le feu font ,
fans contredit , d'une conſiſtance docile à
la raréfaction inflammatoire , puifque le
peu d'air que fourniffent les cendres fuffit
pour l'entretenir : par la même raifon , le
fang que cet enfant avoit reçu de fa mere ;
doit avoir été d'une confiftance très -louable
, docile à la plus foible éthériſation
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
docile à la moindre influence aërer- éthérée
, puifque celle que la terre lui a fourni
pendant vingt-huit jours y a été faffifante
pour maintenir fa fluidité fa raréfaction
, fa progreffion vitale.
Jom QY
Ceux qui ont affiftédocette merveille ,
Monfieur ont fans doute crié au miracle
; en effet , j'en reconnois un dans les
inquiétudes du perei & della merely lef
quelles ont déterminé à déterrer cet enfant
pour lui procurer un fecours fpirituel
, qui eft devenu le fceau de ſa prédeftination.
pan pe al ob zed use
La vie de cet enfant peut avoir été raf
furée dans la foffe par le fango qui s'y eft
extravafé mais qui perd for fang perd
fa vie , & pour un fujet fr délicat , c'étoit
beaucoup attendre que de remettre fon
baptême au lendemain goune telle négli
gence rendroit
ainfi direabfüfpe
&s
rendroit ,
pour
les certificats qui ont été envoyés. si
Il n'y a , ce me femble , que la foi des
perfonnes montées fur le ton de miracle ,
& par conféquent intéreffées à le publier
ou à l'autorifer , qui ait été tranfmife juf
qu'à nous , & cette foi là mêmerend inexcufable
le délai que l'on a apporté au bap
tême. Suppofons cependant le fait vrai ,
& concluons avec juftice que ce que Dieu
a réfolu eft au- deffus de la négligence des
hommes..
AVRIL.'
1755. 107
Je reviens au fang qui avoit été forcé
vers fes plus petits réduits , qui avoit rendu
l'enfant fort noir , & qui avoit déter
miné le pece à l'enterren fur le champ com
me mort. slary toifis folu
Je penferois volontiers , Monfieur , que
la faignée que l'enfant a éprouvée dans le
tombeau par l'hémorragie accufée , lui à
été falutaire. Je croirois également puifqu'on
l'a enterré noin, & qu'on l'a déterré
vermeil sequ'il s'eft fait dans la terre une
réfolution tacite de ce fang , qui fe trouvoit
hors de fa route ordinairego & que le
fang qui formoie cette ecchymose , ainfi
que celui qui a été extravafé dans les premieres
voies , a été pour la maffe entiere
une continuation de nourriture , ou d'influence
reftaurante pareille , quoique infé
rieure à celle dont il étoit avantagé dans
le fein de fa mere. Il faut peu pour fou
tenir la vie d'un enfant , ou pour la détruire
, & la loi générale , qui fert beau
coup dans le cas préfent , eft que la circulation
doit répondre à la refpiration
quelle qu'elle foitusramnod
Les animaux qui vivent un affez longtems
de leur fuif ou d'un fuperflu , donc
ils le font pourvus au- dedans d'eux-mêmes,
favorisent le foupçon que je viens de
mettre enavant. La metamorphofe du noir
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
au vermeil , que les certificats annoncent ,
n'eft pas moins,favorable au raifonnement
ci-devant établi pour expliquer la foible
vie d'un enfant qui a été tout nuddans la
terre pendant vingt-huit jours qui a
paru vivant après avoir été exhumé.luob
Ce raifonnement paroîtra d'autant plus
folide qu'il est dénué de tout fyftême. Il
n'eft fondé que fur l'activitévivifiante d'un
ether univerfellement
reconnu
& avoué
,
& fon activité ne confifte que dans fa furabondance
alternative , ajuée à des organes
bien conftitués , & dreffée à une city
culation vitale par tous des , refforts qui
doivent concourir à l'entretiende la vie.
Ce raifonnement paroîtra fur- tout conforme
à la loi unique & générale de coutes
les mutations , à laquelle je prouve dans
mon analyſe ci - deffus mentionnéesque
toute la matiere a été affujettie par la
volonté infinies & toute puiffantesde fon
Créateur & de fon fouverain Législateur.
+
Il ne me reste plus , Monfieur qu'à
examiner trois circonstances de ce fait autant
mémorable que merveilleux , qui ont
été rapportées dans les mémoires ou certificats
que j'ai lûs , & auxquelles il convient
d'accorder une explication particuliere.
)
1. L'on rapporte les pleurs de l'oeil droit:
0
AVRIL. 1755. 109
11
de cet enfant , au -deffous duquel il il y
avoit une cicatrice d'une playe , qu'une
pierre lui avoir faite en le couvrant de terreba
donc fouffert quelque douleur
dans les premieres infpirations ; mais cette
douleur n'a pas étéo,và beaucoup près , fi
anconfidérables qu'elle left ordinairement
al dans les enfans nés fans aucun obſtacle à
l'entrée de Fair dans leurs poulmons , qui
font par conféquent tout- à coup faifis d'unel
nouvellerinfluence acrer- éthérée , fans
contredit , plus abondante , & moins fupportablé
qu'elle ne peut l'avoir été pour
cet enfant , dont le poulmon ne s'eft épanoui
que peu à peu , & par dégrés .
-Onl'avu , dit-on , bailler après fa
renaiffance corporelle & pendant la fpiri-
2tuelles preuve sinconteftable d'une plus
grande expanfion du poulmon , furvenue
a um très-long fommeil pour fecourir les
shumeurs , pour en accélérer le cours qui
étoit comme engourdi par fa longue détention
fous la terte. Val
*
C
les
3. L'on dit qu'il eft forti quelques
gouttes de fang de fon eftomac , & que
perfonnes qui l'ont exhumé , auroient pû
ramaffer un verre de fang dans la foffe où il avoit été mis. Il auroit , ce me femble
,
convenu d'examiner à quelle partie du
corps répondoit particulierement
ce fang,
110 MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en foit , je penfe que les vaiffeaux
cutanés ayant été comprimés fans
une entiere deſtruction de la vie , le fang
s'eft porté plus abondamment vers les par
ties internes , & furtout vers les premie
res voies , qui n'étant point garnies d'os
de toute part , comme le font les autres
parties du corps , one cédé plus facilement
à un abord du fang plus confidérable.
Je ne crois cependant point qu'on doive
perdre de vue le meconium , lequel ,
puifqu'il caufe des tranchées fi violentes
aux enfans nouveau - nés , doit avoir p
té les vives impreffions fur les vaiffeaux
des inteftins , ou même à raifon de leur
continuité , fur ceux de l'eftomac , & y
avoir occafionné une hémorragie , peutêtre
falutaire pour un tems , mais au fond
dangereufe & mortelle , n'y ayant eu ni
lait ni huile d'amandes douces pour réprimer
l'activité de pareilles impreffions.
21000
Il eft furprenant qu'on n'ait effayé de
donner quoique ce foit à cet enfant ,
pour le foutenir après fon exhumation , ou
du moins il n'en eft parlé ni dans les mémoires
, ni dans les certificatspog
Voilà , Monfieur , le terme où mes lumieres
ont pû me conduire ; aidées des
vôtres , elles pourront prendre quelque
accroiffement. C'eft dans cette vvuûee queje
AVRIL. 1755. 111
m'empreffe de foumettre mes jugemens
aux vôtres, & de chercher toutes les occafions
de vous prouver que j'ai l'honneur
d'être, &cav minsbaodi
1979 251 2197 100Olivier de Villeneuve.
SHDOS !
MONSIEUR
toutes in-
E dois jufte titre vous confidérer
comme le dépofitaire de toutes les interprétations
de la nature dont les Philofophes
fe croient capables. Il vous appartient
plus d'en juger qu'à tout autre , par
l'attention perpétuelle que vous avez à en
dévoiler les refforts.
Vous n'ignorez pas , Monfieur , le phénomene
, le myftere , qui doit occuper aujourd'hui
les Phyficiens & les Médecins .
Il s'agit d'un enfant né le 18 Janvier
1754 , enterré nud auffi- tôt après fa naiffance
, parce qu'on l'a cru mort- né ; déterré
, dit- on , vivant le 15 Février fuivant
, & baptifé le lendemain , en préſence
de plufieurs perfonnes , lequel enfant a
paru vivre pendant cinq heures après fon
baptême.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Je vais , Monfieur , produire ce que
j'en penfe ' , j'éviterai avec foin tout difcours
fuperflu ; & fi mon raifonnement
ne mérite
pas votre approbation , j'ofe me
flater qu'il ne vous ennuira point par fa
longueur.
PODZ1Q791 910101 ( 5.N
On a cru cet enfant mort né , parce
qu'il étoit fort noir cette ecchymofe confidérable
prouve qu'il a fouffert quelque
étranglement au paffage , capable de forcer
les vaiffeaux capillaires & d'intercepter
un libre commerce de l'air extérieur avec
le poulmon , fans que cependant il foit
devenu la caufe d'une mort complette. La
même chofe arrive aux pendus qui n'ont
point été étranglés jufqu'à ce que mort
s'enfuivit , & qu'on rappelle à la vie &
à la fanté , par le moyen d'une faignée fálutaire
.
Ou l'enfant dont il s'agit n'a point ref
piré avant d'être mis en terre bail³n'a
refpiré que très- foiblement. Dans cendernier
cas , fon fang n'a point totalement
abandonné la route qu'il fuivoie pendant
qu'il n'étoit qu'un foetus . Les arteres pulmonaires
ne font point parvenues à une
dilatation proportionnée à leur diametre ,
le trou ovale a continué de fervir d'entrepôt
ou de canal de communication entre
les artères & les veines ; l'habitude extéAVRIL.
1755. 103
rieure du corps a reçu l'influence aëreréthérée
néceffaire pour perpétuer la raréfaction
vitale. La terre dont il étoit
couvert fe trouvoit apparemment d'une naature
propre à faciliter cette négociation
une fi foible refpiration n'a pu entretenir
qu'une circulation lente , en tout pareille
à celle qui s'obferve dans plufieurs léthargiques
, dont la vie paroît douteufe pendant
un affez long- tems.cs
Dans le premier cas , c'est- à-dire s'il
n'a point refpiré avant d'être mis dans la
foffe , le trou ovale , la bonne qualité du
fang , l'habitude extérieure du corps , &
la nature de la terre , qu'on devroit n'avoir
point omife dans des mémoires d'une
telle importance , font les feules caufes
qui ayent pu concourir à une telle confervation.
Dans l'un & dans l'autre cas , la diffipation
n'a point été grande , les effluences
n'ont point été confidérables , elles ont
exactement répondu à la ratéfaction ou
à la circulation du fang , & elles pou
voient fe réparer fous la terre par des influences
proportionnées , quelque médiocres
qu'elles puffent être.
C'est dans un de ces deux états deux états que l'on
a mis cer enfant au tombeau , prefque au
même moment qu'il a été expofé à l'air ,
Eiv
104 MERCURE DE FRANCE.
& il y a confervé fa vie pendant vingt- huit
-jours.
Ce fait me paroît , Monfieur , affez extraordinaire
& affez incroyable pour avoir
mérité d'être conftaté par des perfonnes
'de l'art , qui n'auroient nullement été inréreffées
à faire paffer pour réel ce qui
ne leur auroit préfenté aucune réalité conftante
, ou que des fignés équivoques n'auroient
point été capables de convaincre.
Quelque fingulier que foit ce fait , fi on
le fuppofe vrai , il ne me ppaaroît point
inexpliquable , & mon explication paffera
Tout au plus pour avoir été hazardée
j'entre donc en matiere par une compar
comparaifon
que vous ne jugerez point indifférente.
Tous les bois ne confervent pas également
fous les cendres le feu dont ils font
animés : ceux dont les tiges font propres
à entretenir le feu , ont des branches d'une
même efficacité ; il faut donc que dans la
mere de cet enfant les influences acreréthérées
& chyleufes dont je parlé dans l'analyfe
que j'ai eu l'honneur de vous faire
préfenter , fe foient trouvées conftamment
dans des proportions bien régulieres , puifque
le peu d'air qui fe trouve dans la terre
eft capable de les entretenir ; il faut
que cette mere ait joui d'un bon tempéAVRIL.
1755 : 105
ramment & d'une fanté parfaite , puifque
Ta diftribution du fang & des humeurs
que cet enfant en a reçu , a pû fe foutenir
dans fon petit corps fous un monceau
de terre pendant un filong-tems , & avec
un fi foible fecours.
Si cet enfant a refpiré après fa naiffance
, il n'a pas joui d'une influence aëreréthérée
abondante pendant qu'il fe trouvoit
au milieu de l'air , vû les obſtacles
oppofés à l'infpiration : il a continué de
trouver dans la terre autant d'air qu'il s'en
étoit introduit dans fon poulmon pendant
le peu de féjour qu'on lui a permis de
faire fur la terre. Sa vie n'a point acquis
de nouvelles forces dans le tombeau ; mais
elle s'y eft foutenue tout comme un bois
convenable conferve fon inflammation fous
les cendres , fans que celle-ci y faffe les
mêmes progrès qu'elle feroit fi elle étoit
entretenue par l'affluence d'un nouvel air
auffi wilirbree qu'abondant.
Ces bois propres à conferver le feu font ,
fans contredit , d'une conſiſtance docile à
la raréfaction inflammatoire , puifque le
peu d'air que fourniffent les cendres fuffit
pour l'entretenir : par la même raifon , le
fang que cet enfant avoit reçu de fa mere ;
doit avoir été d'une confiftance très -louable
, docile à la plus foible éthériſation
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
docile à la moindre influence aërer- éthérée
, puifque celle que la terre lui a fourni
pendant vingt-huit jours y a été faffifante
pour maintenir fa fluidité fa raréfaction
, fa progreffion vitale.
Jom QY
Ceux qui ont affiftédocette merveille ,
Monfieur ont fans doute crié au miracle
; en effet , j'en reconnois un dans les
inquiétudes du perei & della merely lef
quelles ont déterminé à déterrer cet enfant
pour lui procurer un fecours fpirituel
, qui eft devenu le fceau de ſa prédeftination.
pan pe al ob zed use
La vie de cet enfant peut avoir été raf
furée dans la foffe par le fango qui s'y eft
extravafé mais qui perd for fang perd
fa vie , & pour un fujet fr délicat , c'étoit
beaucoup attendre que de remettre fon
baptême au lendemain goune telle négli
gence rendroit
ainfi direabfüfpe
&s
rendroit ,
pour
les certificats qui ont été envoyés. si
Il n'y a , ce me femble , que la foi des
perfonnes montées fur le ton de miracle ,
& par conféquent intéreffées à le publier
ou à l'autorifer , qui ait été tranfmife juf
qu'à nous , & cette foi là mêmerend inexcufable
le délai que l'on a apporté au bap
tême. Suppofons cependant le fait vrai ,
& concluons avec juftice que ce que Dieu
a réfolu eft au- deffus de la négligence des
hommes..
AVRIL.'
1755. 107
Je reviens au fang qui avoit été forcé
vers fes plus petits réduits , qui avoit rendu
l'enfant fort noir , & qui avoit déter
miné le pece à l'enterren fur le champ com
me mort. slary toifis folu
Je penferois volontiers , Monfieur , que
la faignée que l'enfant a éprouvée dans le
tombeau par l'hémorragie accufée , lui à
été falutaire. Je croirois également puifqu'on
l'a enterré noin, & qu'on l'a déterré
vermeil sequ'il s'eft fait dans la terre une
réfolution tacite de ce fang , qui fe trouvoit
hors de fa route ordinairego & que le
fang qui formoie cette ecchymose , ainfi
que celui qui a été extravafé dans les premieres
voies , a été pour la maffe entiere
une continuation de nourriture , ou d'influence
reftaurante pareille , quoique infé
rieure à celle dont il étoit avantagé dans
le fein de fa mere. Il faut peu pour fou
tenir la vie d'un enfant , ou pour la détruire
, & la loi générale , qui fert beau
coup dans le cas préfent , eft que la circulation
doit répondre à la refpiration
quelle qu'elle foitusramnod
Les animaux qui vivent un affez longtems
de leur fuif ou d'un fuperflu , donc
ils le font pourvus au- dedans d'eux-mêmes,
favorisent le foupçon que je viens de
mettre enavant. La metamorphofe du noir
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
au vermeil , que les certificats annoncent ,
n'eft pas moins,favorable au raifonnement
ci-devant établi pour expliquer la foible
vie d'un enfant qui a été tout nuddans la
terre pendant vingt-huit jours qui a
paru vivant après avoir été exhumé.luob
Ce raifonnement paroîtra d'autant plus
folide qu'il est dénué de tout fyftême. Il
n'eft fondé que fur l'activitévivifiante d'un
ether univerfellement
reconnu
& avoué
,
& fon activité ne confifte que dans fa furabondance
alternative , ajuée à des organes
bien conftitués , & dreffée à une city
culation vitale par tous des , refforts qui
doivent concourir à l'entretiende la vie.
Ce raifonnement paroîtra fur- tout conforme
à la loi unique & générale de coutes
les mutations , à laquelle je prouve dans
mon analyſe ci - deffus mentionnéesque
toute la matiere a été affujettie par la
volonté infinies & toute puiffantesde fon
Créateur & de fon fouverain Législateur.
+
Il ne me reste plus , Monfieur qu'à
examiner trois circonstances de ce fait autant
mémorable que merveilleux , qui ont
été rapportées dans les mémoires ou certificats
que j'ai lûs , & auxquelles il convient
d'accorder une explication particuliere.
)
1. L'on rapporte les pleurs de l'oeil droit:
0
AVRIL. 1755. 109
11
de cet enfant , au -deffous duquel il il y
avoit une cicatrice d'une playe , qu'une
pierre lui avoir faite en le couvrant de terreba
donc fouffert quelque douleur
dans les premieres infpirations ; mais cette
douleur n'a pas étéo,và beaucoup près , fi
anconfidérables qu'elle left ordinairement
al dans les enfans nés fans aucun obſtacle à
l'entrée de Fair dans leurs poulmons , qui
font par conféquent tout- à coup faifis d'unel
nouvellerinfluence acrer- éthérée , fans
contredit , plus abondante , & moins fupportablé
qu'elle ne peut l'avoir été pour
cet enfant , dont le poulmon ne s'eft épanoui
que peu à peu , & par dégrés .
-Onl'avu , dit-on , bailler après fa
renaiffance corporelle & pendant la fpiri-
2tuelles preuve sinconteftable d'une plus
grande expanfion du poulmon , furvenue
a um très-long fommeil pour fecourir les
shumeurs , pour en accélérer le cours qui
étoit comme engourdi par fa longue détention
fous la terte. Val
*
C
les
3. L'on dit qu'il eft forti quelques
gouttes de fang de fon eftomac , & que
perfonnes qui l'ont exhumé , auroient pû
ramaffer un verre de fang dans la foffe où il avoit été mis. Il auroit , ce me femble
,
convenu d'examiner à quelle partie du
corps répondoit particulierement
ce fang,
110 MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en foit , je penfe que les vaiffeaux
cutanés ayant été comprimés fans
une entiere deſtruction de la vie , le fang
s'eft porté plus abondamment vers les par
ties internes , & furtout vers les premie
res voies , qui n'étant point garnies d'os
de toute part , comme le font les autres
parties du corps , one cédé plus facilement
à un abord du fang plus confidérable.
Je ne crois cependant point qu'on doive
perdre de vue le meconium , lequel ,
puifqu'il caufe des tranchées fi violentes
aux enfans nouveau - nés , doit avoir p
té les vives impreffions fur les vaiffeaux
des inteftins , ou même à raifon de leur
continuité , fur ceux de l'eftomac , & y
avoir occafionné une hémorragie , peutêtre
falutaire pour un tems , mais au fond
dangereufe & mortelle , n'y ayant eu ni
lait ni huile d'amandes douces pour réprimer
l'activité de pareilles impreffions.
21000
Il eft furprenant qu'on n'ait effayé de
donner quoique ce foit à cet enfant ,
pour le foutenir après fon exhumation , ou
du moins il n'en eft parlé ni dans les mémoires
, ni dans les certificatspog
Voilà , Monfieur , le terme où mes lumieres
ont pû me conduire ; aidées des
vôtres , elles pourront prendre quelque
accroiffement. C'eft dans cette vvuûee queje
AVRIL. 1755. 111
m'empreffe de foumettre mes jugemens
aux vôtres, & de chercher toutes les occafions
de vous prouver que j'ai l'honneur
d'être, &cav minsbaodi
1979 251 2197 100Olivier de Villeneuve.
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Résumé : LETTRE A M. ****.
La lettre traite d'un cas médical exceptionnel concernant un enfant né le 18 janvier 1754, initialement considéré comme mort-né et enterré. Le 15 février suivant, l'enfant a été retrouvé vivant et baptisé le lendemain, survivant cinq heures après le baptême. L'auteur propose plusieurs explications à ce phénomène. Il suggère que l'enfant pourrait avoir souffert d'un étranglement temporaire lors de sa naissance, causant une coloration noire due à une ecchymose, une condition réversible. Cette situation aurait permis à l'enfant de survivre sous terre pendant vingt-huit jours grâce à une respiration très faible et à une circulation lente du sang. L'auteur compare cette situation à celle des pendus qui peuvent être ramenés à la vie par une fausse suffocation. Il mentionne que le trou ovale dans le cœur de l'enfant, la qualité de son sang et l'habitude extérieure de son corps auraient pu contribuer à sa survie. La nature de la terre dans laquelle il était enterré aurait également facilité une faible respiration. La lettre détaille des observations spécifiques après la résurrection de l'enfant, telles que les pleurs de son œil droit, des bâillements, et la présence de sang dans son estomac et dans la fosse où il était enterré. L'auteur conclut que, bien que le cas soit extraordinaire, il n'est pas inexplicable et peut être compris à travers des principes médicaux et physiologiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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