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51
p. 1393-1395
RÉPONSE pour Mr. du Boile, au sujet de ce qui a été inseré dans le Mercure de May, page 970. sur les Microscopes par réfléxions.
Début :
Mr du Boile dit, qu'il n'est que l'Editeur du fameux Microscope [...]
Mots clefs :
Microscope, Savants, Honneur
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE pour Mr. du Boile, au sujet de ce qui a été inseré dans le Mercure de May, page 970. sur les Microscopes par réfléxions.
REPONSE pour M' . du Boile , au
fujet de ce qui a été inferé dans le Mercure
de May, page 970. fur les Microf
copes par réfléxions.
M
par
R du Boile dit , qu'il n'éft que
l'Editeur du fameux Microſcope
réflection , qu'il a eu la complaifance.
de confronter contre tous ceux qu'on lui
préfentez , & avec lequel il a fait voir
des animaux dans le fang , aux Curieux
de Paris , lorfqu'il y étoit en 1727. &
qu'il n'a garde de s'attribuer un honneur
qui ne lui appartient point , en s'en difant
l'Inventeur.
Que n'étant point l'Auteur de ce Microſcope
, il ne lui convient point de le
publier.
Que n'ayant point l'honneur d'être
Membre d'Académie , ni d'aucune Profeffion
fcientifique , il peut s'en difpenfer,
fi bon lui femble.
Que ce qu'il a fait par complaifance &
fimplement pour fe réjouir , ne l'engage
ni en honneur , ni en aucune façon du
monde à negliger fes affaires domeftiques,
pour fe livrer entierement au progrès des
Arts & des Sciences qui ne permettent
point qu'on s'adonne à autre choſe.
Qu'ayant toujours oui dire , que les
II. Vol. Sçavans
1394 MERCURE DE FRANCE
Sçavans font d'Illuftres neceffiteux , il
n'ambitionne point ce glorieux titre .
Que depuis qu'il a vû la Terre d'un
Sçavant , mife en decret par fa négligence
, & qu'il a fçû que ce Scavant étoit à
fupputer fur les lieux , combien il falloit
de brouetées de terre pour faire le chemin
neuf, qui eft le long de la Riviere
entre Roüen & la côte Sainte Catherine ,
dans le temps qu'on faifoit l'adjudication
de fa Terre , au lieu d'être au Palais à folliciter
fes Juges , il eft en garde contre les
attraits de la Philofophie.
Que toutes réfléxions faites , il préfére
le peu de plaifir qu'il a à faire achever
une Maifon qu'il fait bâtir fur une de fes
Terres , dans le Boulonois , & la peine
utile qu'il va avoir à régler les affaires qui
lui font furvenues au fujet de la fucceffion
de Me la Marquife de Berniere , à
Pexceffive fatisfaction qu'il auroit à paffer
fa vie à philofopher ; étant perfuadé qu'il
faut toujours faire ceder l'agréable àl'utile
, lorsqu'il n'eft pas poffible de les marier
enfemble.
Qu'il y a long-temps qu'il fçait que
nombre de Sçavans travaillent à toute outrance
, pour tâcher à découvrir fon fecret,
& qu'il ne fera point furpris lorfque
quelqu'un d'eux y parviendra , parce que
cela n'eft pas impoffible.
Et
JUIN. 1730. 139'5'
Et qu'ainfi il verra , fans envie , le celebre
Membre de la Société des Arts dont
il s'agit , poffeder & meriter par fes recherches
& par fon travail affidu , la gloire
d'Inventeur des fameux Microfcopes
par reflection.
Voilà tout ce que M. du Boile dit , &
l'on ne croît pas qu'il en dife davantage,
du moins tant qu'il aura quelque chofe
de mieux à faire.
fujet de ce qui a été inferé dans le Mercure
de May, page 970. fur les Microf
copes par réfléxions.
M
par
R du Boile dit , qu'il n'éft que
l'Editeur du fameux Microſcope
réflection , qu'il a eu la complaifance.
de confronter contre tous ceux qu'on lui
préfentez , & avec lequel il a fait voir
des animaux dans le fang , aux Curieux
de Paris , lorfqu'il y étoit en 1727. &
qu'il n'a garde de s'attribuer un honneur
qui ne lui appartient point , en s'en difant
l'Inventeur.
Que n'étant point l'Auteur de ce Microſcope
, il ne lui convient point de le
publier.
Que n'ayant point l'honneur d'être
Membre d'Académie , ni d'aucune Profeffion
fcientifique , il peut s'en difpenfer,
fi bon lui femble.
Que ce qu'il a fait par complaifance &
fimplement pour fe réjouir , ne l'engage
ni en honneur , ni en aucune façon du
monde à negliger fes affaires domeftiques,
pour fe livrer entierement au progrès des
Arts & des Sciences qui ne permettent
point qu'on s'adonne à autre choſe.
Qu'ayant toujours oui dire , que les
II. Vol. Sçavans
1394 MERCURE DE FRANCE
Sçavans font d'Illuftres neceffiteux , il
n'ambitionne point ce glorieux titre .
Que depuis qu'il a vû la Terre d'un
Sçavant , mife en decret par fa négligence
, & qu'il a fçû que ce Scavant étoit à
fupputer fur les lieux , combien il falloit
de brouetées de terre pour faire le chemin
neuf, qui eft le long de la Riviere
entre Roüen & la côte Sainte Catherine ,
dans le temps qu'on faifoit l'adjudication
de fa Terre , au lieu d'être au Palais à folliciter
fes Juges , il eft en garde contre les
attraits de la Philofophie.
Que toutes réfléxions faites , il préfére
le peu de plaifir qu'il a à faire achever
une Maifon qu'il fait bâtir fur une de fes
Terres , dans le Boulonois , & la peine
utile qu'il va avoir à régler les affaires qui
lui font furvenues au fujet de la fucceffion
de Me la Marquife de Berniere , à
Pexceffive fatisfaction qu'il auroit à paffer
fa vie à philofopher ; étant perfuadé qu'il
faut toujours faire ceder l'agréable àl'utile
, lorsqu'il n'eft pas poffible de les marier
enfemble.
Qu'il y a long-temps qu'il fçait que
nombre de Sçavans travaillent à toute outrance
, pour tâcher à découvrir fon fecret,
& qu'il ne fera point furpris lorfque
quelqu'un d'eux y parviendra , parce que
cela n'eft pas impoffible.
Et
JUIN. 1730. 139'5'
Et qu'ainfi il verra , fans envie , le celebre
Membre de la Société des Arts dont
il s'agit , poffeder & meriter par fes recherches
& par fon travail affidu , la gloire
d'Inventeur des fameux Microfcopes
par reflection.
Voilà tout ce que M. du Boile dit , &
l'on ne croît pas qu'il en dife davantage,
du moins tant qu'il aura quelque chofe
de mieux à faire.
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Résumé : RÉPONSE pour Mr. du Boile, au sujet de ce qui a été inseré dans le Mercure de May, page 970. sur les Microscopes par réfléxions.
M. du Boile répond aux allégations du Mercure de mai concernant les microscopes par réflexion. Il précise qu'il est l'éditeur, non l'inventeur, de ce microscope et n'a pas l'intention de le publier. Ses actions en 1727 étaient motivées par le désir de divertir les curieux de Paris, sans engagement scientifique. Il préfère se consacrer à ses affaires domestiques, comme la construction d'une maison et la gestion de la succession de la marquise de Berniere. Conscient des difficultés financières des savants, il n'ambitionne pas ce titre et évite les attraits de la philosophie après avoir observé les conséquences de la négligence d'un savant. Il reconnaît que des savants cherchent à découvrir son secret et souhaite que la Société des Arts mérite la gloire de l'invention. M. du Boile conclut en affirmant qu'il n'a rien de plus à ajouter, étant occupé par des tâches plus pressantes.
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52
p. 1664-1669
Voyage [titre d'après la table]
Début :
Le 25. Juin, Madame la Princesse de Conty & M. le Prince son Fils, Gouverneur [...]
Mots clefs :
Prince de Conti, Princesse de Conti, Voyage, Honneur, Souper
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texteReconnaissance textuelle : Voyage [titre d'après la table]
Le 25. Juin , Madame la Princeffe de
Conty & M. le Prince fon Fils , Gouver
neur du haut & bas Poitou , firent leur
premiere Entrée dans la Ville de Poitiers ,
Capitale du Gouvernement , au retour
de leur voyage d'Orange.
M.
JUILLET. 1730. 1665
M. de Bauffan , Intendant de la Generalité
, ayant appris que leurs A. S. prenoient
le chemin de Bourdeaux pour venir
à Poitiers , prit de juftes mefures
avec le Clergé & le Corps de Ville , pour
recevoir L. A. Ş.
Le 22. le Marquis de la Carte , Lieutenant
de Roi de la Province , arriva à
S. Cibardeau , où il eut l'honneur de dîner
& de fouper avec leurs A. S. Il partit
le lendemain en pofte pour difpofer
toutes chofes à l'entrée du Gouvernement,
Huit Brigades de la Maréchauffée du Poitou
, commandées par M. de Monterban,
Lieutenant du Prévôt , fe trouverent à
une lieuë de Vilfaignam , accompagnées
de la Bourgeoifie à cheval , pour efcorter
leurs A. S. Le lendemain un Détachement
des Gardes à Cheval du Prince entoura
fon Caroffe & celui de la Princeffe , &
les conduifirent à coucher dans le Château
du Marquis de Verac , Lieutenant
General des Armées du Roy. A leur
arrivée on tira le Cañon du Château ,
M. l'Intendant , en l'abfence de M. de
Verac , s'y trouva avec M. le Coadjuteur
de Poitiers pour les recevoir ; M. de Bauffan
leur fit fervir à 7. heures du foir un
magnifique fouper.
Le 25. leurs A. S. entendirent dans la
Chapelle du Château , la Meffe de M. de
Vigo
1666 MERCURE DE FRANCE
Vigo , Premier Aumônier de Madame la
Princeffe de Conty , après laquelle on
partit pour aller déjeûner à Vivone . Huit
autres Brigades de la Maréchauffée , le
Prévôt General à leur tête , étoient à l'entrée
de Vivone & fe joignirent à l'escorte.
A demie lieuë de là , le Corps de la Compagnie
des Gardes à Cheval , au nombre
de cinquante , fe joignit au Détacheme nt
à une lieuë de Poitiers , une Compagnie
de Cavalerie Bourgeoife de la Ville les
attendoit en bon ordre , & elle marcha à
la tête. Peu de tems après , M. l'Intendant
qui avoit pris la Pofte au fortir de coucher
pour venir donner fes ordres à Poitiers
vint au devant de la Princeffe & du Prince
dans un Caroffe à fix Chevaux pour l'offrir
à Leurs A. S. qui prefererent de ref
ter dans un Caroffe découvert , afin de fe
montrer au Peuple qui bordoit les chemins.
A l'entrée de la Ville on tira le Canon
& L. A. S. reçurent le compliment du
Maire , accompagné des Echevins , qui
leur préfenta les Clefs de la Ville. La Milice
Bourgeoife bordoit les rues par où
elle devoit paffer jufqu'à l'entrée de la
Place Royale. Un Bataillon du Regiment
de Condé s'étoit emparé de la Place , &
bordoit la haye jufqu'à l'entrée de l'Intendance
que M. de Bauffan avoit prepare
pour
JUILLET . 1730. 1667
pour loger L. A. S. Mme l'Intendante &
plufieurs Dames de qualité reçurent au
bas du dégré L. A. S. & les conduisirent
dans les Appartemens qui leur étoient
deftinés. Comme il étoit quatre heures
après midi , L. A, S. ne voulurent point
diner 5 mais M. l'Intendant leur fit fervir
à 7 heures du foir un grand fouper dans
une Sale où il y avoit deux Tables. La
Princeffe admit à la fienne Mme de Bauffan
& quelques autres Dames ; le Prince étoit
à l'autre table , M. de Bauffan eut l'hon
neur de fouper avec lui , M. le Coadjuteur
, les Ecuyers du Prince & plufieurs
Gentils hommes , & les premiers Officiers
du Regiment & de la Garniſon. Dans une
autre Sale il y avoit auffi deux Tables pour
ceux qui avoient eu l'honneur d'accompagner
L. A, S. A ces quatre Tables il y
avoit 74. Couverts.
Après le fouper , L. A. S. virent tirer
un Feu d'artifice que M. l'Intendant avoit
fait préparer dans fon Jardin . Le Partere
étoit orné de beaucoup de Lampions , &
les Arbres étoient par tout illuminés , ce
qui faifoit avec la verdure un fpectacle
très - agréable.
Le lendemain L. A. S. fe rendirent à
P'Eglife Cathedrale pour entendre laMeffe,
M. le Coadjuteur revêtu de fes habits Pontificaux,
à la tête de fon Clergé , eut l'honneur
1668 MERCURE DE FRANCE
,
neur de les complimenter. M. l'Evêque
de Poitiers qui à leur arrivée avoit eu celui
de leur faire la reverence , affifta à la
Meffe ,pendant laquelle la Mufique chanta
un beau Motet. Au retour de la Meffe ,
on fervir un diner très fplendide , après
lequel L. A. S. reçurent les complimens
de l'Univerfité , du Préfidial , de M M , du
Chapitre de S. Hilaire & de tous les Corps
de la Ville. Les Villes de Nyort , de Saint
Maixent & plufieurs autres envoyerent des
Députés à Poitiers qui eurent l'honneur
de faire leur compliment.
Le lendemain 27. L. A. S. partirent à
8. heures du matin , après avoir déjeuné ,
pour aller coucher à Chatelleraud, Les
mêmes Troupes qui fe trouverent à leur
arrivée bordoient les rues dans le même
ordre , & M. le Maire accompagné des
Echevins fe trouverent à la Porte pour
prendre les derniers ordres de L. A. S.
M. de Bauffan eut encore l'honneur de
leur faire fervir à fouper à Chatelleraud ,
& le lendemain il fut fort gracieufé par
L. A. S. qui ne permirent pas qu'il les
accompagnât plus loin. Le Marquis de la
Carte a auffi accompagné L. A. S. juſqu'à
Chatelleraud . La Princeffe a beaucoup
Joué les foins que s'eft donné M. de Bauffan
, & a fait l'éloge des politeffes de Mme
l'Intendante. Le 30. Juin , L. A. S. arriverent
JUILLET . 1730. 1669
verent à Tours où elles ont féjourné quel
que tems.
Conty & M. le Prince fon Fils , Gouver
neur du haut & bas Poitou , firent leur
premiere Entrée dans la Ville de Poitiers ,
Capitale du Gouvernement , au retour
de leur voyage d'Orange.
M.
JUILLET. 1730. 1665
M. de Bauffan , Intendant de la Generalité
, ayant appris que leurs A. S. prenoient
le chemin de Bourdeaux pour venir
à Poitiers , prit de juftes mefures
avec le Clergé & le Corps de Ville , pour
recevoir L. A. Ş.
Le 22. le Marquis de la Carte , Lieutenant
de Roi de la Province , arriva à
S. Cibardeau , où il eut l'honneur de dîner
& de fouper avec leurs A. S. Il partit
le lendemain en pofte pour difpofer
toutes chofes à l'entrée du Gouvernement,
Huit Brigades de la Maréchauffée du Poitou
, commandées par M. de Monterban,
Lieutenant du Prévôt , fe trouverent à
une lieuë de Vilfaignam , accompagnées
de la Bourgeoifie à cheval , pour efcorter
leurs A. S. Le lendemain un Détachement
des Gardes à Cheval du Prince entoura
fon Caroffe & celui de la Princeffe , &
les conduifirent à coucher dans le Château
du Marquis de Verac , Lieutenant
General des Armées du Roy. A leur
arrivée on tira le Cañon du Château ,
M. l'Intendant , en l'abfence de M. de
Verac , s'y trouva avec M. le Coadjuteur
de Poitiers pour les recevoir ; M. de Bauffan
leur fit fervir à 7. heures du foir un
magnifique fouper.
Le 25. leurs A. S. entendirent dans la
Chapelle du Château , la Meffe de M. de
Vigo
1666 MERCURE DE FRANCE
Vigo , Premier Aumônier de Madame la
Princeffe de Conty , après laquelle on
partit pour aller déjeûner à Vivone . Huit
autres Brigades de la Maréchauffée , le
Prévôt General à leur tête , étoient à l'entrée
de Vivone & fe joignirent à l'escorte.
A demie lieuë de là , le Corps de la Compagnie
des Gardes à Cheval , au nombre
de cinquante , fe joignit au Détacheme nt
à une lieuë de Poitiers , une Compagnie
de Cavalerie Bourgeoife de la Ville les
attendoit en bon ordre , & elle marcha à
la tête. Peu de tems après , M. l'Intendant
qui avoit pris la Pofte au fortir de coucher
pour venir donner fes ordres à Poitiers
vint au devant de la Princeffe & du Prince
dans un Caroffe à fix Chevaux pour l'offrir
à Leurs A. S. qui prefererent de ref
ter dans un Caroffe découvert , afin de fe
montrer au Peuple qui bordoit les chemins.
A l'entrée de la Ville on tira le Canon
& L. A. S. reçurent le compliment du
Maire , accompagné des Echevins , qui
leur préfenta les Clefs de la Ville. La Milice
Bourgeoife bordoit les rues par où
elle devoit paffer jufqu'à l'entrée de la
Place Royale. Un Bataillon du Regiment
de Condé s'étoit emparé de la Place , &
bordoit la haye jufqu'à l'entrée de l'Intendance
que M. de Bauffan avoit prepare
pour
JUILLET . 1730. 1667
pour loger L. A. S. Mme l'Intendante &
plufieurs Dames de qualité reçurent au
bas du dégré L. A. S. & les conduisirent
dans les Appartemens qui leur étoient
deftinés. Comme il étoit quatre heures
après midi , L. A, S. ne voulurent point
diner 5 mais M. l'Intendant leur fit fervir
à 7 heures du foir un grand fouper dans
une Sale où il y avoit deux Tables. La
Princeffe admit à la fienne Mme de Bauffan
& quelques autres Dames ; le Prince étoit
à l'autre table , M. de Bauffan eut l'hon
neur de fouper avec lui , M. le Coadjuteur
, les Ecuyers du Prince & plufieurs
Gentils hommes , & les premiers Officiers
du Regiment & de la Garniſon. Dans une
autre Sale il y avoit auffi deux Tables pour
ceux qui avoient eu l'honneur d'accompagner
L. A, S. A ces quatre Tables il y
avoit 74. Couverts.
Après le fouper , L. A. S. virent tirer
un Feu d'artifice que M. l'Intendant avoit
fait préparer dans fon Jardin . Le Partere
étoit orné de beaucoup de Lampions , &
les Arbres étoient par tout illuminés , ce
qui faifoit avec la verdure un fpectacle
très - agréable.
Le lendemain L. A. S. fe rendirent à
P'Eglife Cathedrale pour entendre laMeffe,
M. le Coadjuteur revêtu de fes habits Pontificaux,
à la tête de fon Clergé , eut l'honneur
1668 MERCURE DE FRANCE
,
neur de les complimenter. M. l'Evêque
de Poitiers qui à leur arrivée avoit eu celui
de leur faire la reverence , affifta à la
Meffe ,pendant laquelle la Mufique chanta
un beau Motet. Au retour de la Meffe ,
on fervir un diner très fplendide , après
lequel L. A. S. reçurent les complimens
de l'Univerfité , du Préfidial , de M M , du
Chapitre de S. Hilaire & de tous les Corps
de la Ville. Les Villes de Nyort , de Saint
Maixent & plufieurs autres envoyerent des
Députés à Poitiers qui eurent l'honneur
de faire leur compliment.
Le lendemain 27. L. A. S. partirent à
8. heures du matin , après avoir déjeuné ,
pour aller coucher à Chatelleraud, Les
mêmes Troupes qui fe trouverent à leur
arrivée bordoient les rues dans le même
ordre , & M. le Maire accompagné des
Echevins fe trouverent à la Porte pour
prendre les derniers ordres de L. A. S.
M. de Bauffan eut encore l'honneur de
leur faire fervir à fouper à Chatelleraud ,
& le lendemain il fut fort gracieufé par
L. A. S. qui ne permirent pas qu'il les
accompagnât plus loin. Le Marquis de la
Carte a auffi accompagné L. A. S. juſqu'à
Chatelleraud . La Princeffe a beaucoup
Joué les foins que s'eft donné M. de Bauffan
, & a fait l'éloge des politeffes de Mme
l'Intendante. Le 30. Juin , L. A. S. arriverent
JUILLET . 1730. 1669
verent à Tours où elles ont féjourné quel
que tems.
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Résumé : Voyage [titre d'après la table]
Le 25 juin 1730, la Princesse de Conty et son fils, le Prince de Conti, Gouverneur du Haut et Bas Poitou, firent leur entrée à Poitiers après un voyage à Orange. L'Intendant de la Généralité, M. de Bauffan, organisa leur réception avec le Clergé et le Corps de Ville. Le 22 juin, le Marquis de la Carte, Lieutenant du Roi de la Province, les rencontra à Saint-Cibardeau. Huit brigades de la Maréchaussée du Poitou, commandées par M. de Monterban, les escortèrent jusqu'à Poitiers, accompagnées par la bourgeoisie à cheval. Le lendemain, un détachement des Gardes à Cheval du Prince les conduisit au Château du Marquis de Verac, où ils furent accueillis par M. de Bauffan et M. le Coadjuteur de Poitiers. Un souper leur fut offert. Le 25 juin, la Princesse de Conty et le Prince de Conti entendirent la messe de M. de Vigo, Premier Aumônier de la Princesse, avant de partir pour Vivonne. Huit autres brigades de la Maréchaussée et une compagnie de cavalerie bourgeoise les escortèrent. À l'entrée de Poitiers, le canon fut tiré et ils reçurent les clés de la ville du Maire et des Échevins. La milice bourgeoise bordait les rues jusqu'à la Place Royale, où un bataillon du Régiment de Condé les attendait. Mme l'Intendante et plusieurs dames de qualité les accueillirent et les conduisirent dans leurs appartements. Un grand souper fut servi, suivi d'un feu d'artifice dans le jardin de M. de Bauffan. Le lendemain, ils se rendirent à la Cathédrale pour la messe, où M. le Coadjuteur les complimenta. Après la messe, un dîner splendide fut servi, suivi des compliments de l'Université, du Présidial, du Chapitre de Saint-Hilaire et des autres corps de la ville. Les villes de Niort, de Saint-Maixent et d'autres envoyèrent des députés pour les complimenter. Le 27 juin, ils partirent pour Chatellerault, escortés par les mêmes troupes et accompagnés par M. de Bauffan et le Marquis de la Carte. La Princesse de Conty loua les efforts de M. de Bauffan et les politesses de Mme l'Intendante. Le 30 juin, ils arrivèrent à Tours où ils séjournèrent quelque temps.
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53
p. 2215-2224
Panegyrique de S. Augustin, [titre d'après la table]
Début :
PANEGYRIQUE de S. Augustin, Evêque d'Hippone, prononcé dans [...]
Mots clefs :
Saint Augustin, Panégyrique, Génie, Gloire, Chrétien, Hommes, Éloquence, Honneur, Église
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Panegyrique de S. Augustin, [titre d'après la table]
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS &c.
ANEGYRIQUE de S. Auguftin ;
Evêque d'Hippone , prononcé dans
l'Eglife des Grands Auguftins , le 28.
Aout 1730. par M. l'Abbé Seguy . A
Paris , chez Coignard fils , Imprimeur du
Roi & de l'Académie Françoife , à la Bible
d'or 1730.
Lo
2216 MERCURE DE FRANCE
Le Lecteur nous fçaura bon gré de lui
'donner un Extrait de ce Difcours , fi digne
de la réputation de fon Auteur. Le
Texte en eft fingulier & frappant , &
l'Exorde dans fa noble fimplicité ne l'eſt
pas moins. Les voici :
In laudem gloria gratia . A la gloire
de la Grace. Epit. aux Ephef. Ch. 1.
Oui , Chrétiens , à la gloire de la Grace
C'est là comme une Dédicace que je
mets à la tête de ce Difcours , ou fi vous
voulez , c'eft le fujer & le fond même
de l'Eloge que j'entreprends. Je le confacre
à la Grace , parce que c'eſt à elle
qu'il appartient fpecialement , & que
toute la gloire d'Auguftin eſt à elle , in
laudem gloria gratie.
Cet Eloge d'Auguftin , fi intereffant
pour les Sçavans , dont ce grand homme
eft l'admiration & l'oracle , pour le peuple
, dont fon ſeul nom réveilla toujours
l'attention , le fera à jamais , Chrétiens ,
pour quiconque s'intereffera aux merveilles
de la Grace . Ecoutez . Cette Grace
qui vous donne la vie fpirituelle à vous,
Juftes , qui avez le bonheur d'en joüir,
qui feule peut vous la rendre à vous ,
pecheurs , qui l'avez perduë ; c'eft elle.
que je vais glorifier. Je vais vous faire
voir dans Auguftin des foibleffes & des
erreurs qu'elle a fait tourner à ſa gloire ,
des
OCTOBRE. 1730. 2217
'des vertus héroïques dont elle a été le
principe , des travaux infinis dont elle a
êté l'objet. Auguftin n'a été coupable , it
n'a été aveugle , il n'a été éclairé , il n'a
été penitent , il n'a eu la fuperiorité dư
génie & l'éminence de la fainteté que
pour la gloire de la Grace , in laudemgloria
gratia. Comment cela , Chrétiens Au
diteurs voici dans la raifon qui s'en
offre le plan de mon Difcours qui fe préfente.
C'est que le changement d'Auguf
tin a été un des coups les plus éclatans
de la puiflance de la Grace , & qu'Auguftin
depuis fon changement n'a vêcu
que pour les interêts de la Grace ; elle
a triomphe de lui , & elle a triomphé par
luis il lui a rendu les armes , & il l'a
fervie jufqu'à en devenir le Heros. En
deux mots , il en a été , en exceptant la
Converfion de Paul , il en a été la conquête
la plus belle , il en a été le Défenfeur
le plus glorieux , in laudem glorie
gratia.
Je n'ai point conçû , Meffieurs , la
vaine efperance d'égaler l'idée que vous
avez d'Auguftin , ni même de pouvoir
vous rendre parfaitement la mienne. Je
viens fuccomber fous le poids que je me
fuis laiffé impofer . Notre impuiffance à
foutenir la grandeur de certains fujets eft
après tout une autre forte d'éloge , & le
Docteur
Ev
2218 MERCURE DE FRANCE
Docteur de la Grace feroit trop rarement
loué , s'il ne l'étoit que par ceux qui
peuvent lui payer tout le tribut de loüanges
qu'il mérite. Auguftin. La Grace. Je
ne cefferai , Chrétiens , de vous préfenter
ces deux objets , quoique bien éloigné
de vouloir vous faire partager votre
reſpect entre l'un & l'autre. C'eſt ainfi
que j'ofe me promettre votre attention.
Oui , je m'en fie à l'interêt du grand
nom d'Auguftin , & plus encore à l'interêt
que doivent prendre vos coeurs à la
gloire de la Grace , In laudem gloria gratia.
Ave & c.
Premiere Partie:
L'Abbé Seguy en entrant en matiere ;
préfente le portrait que voici du jeune
Auguftin.
Failons attention à ce qu'il étoit dès fa
15 année , Chrétiens Auditeurs. Un vif
amour du grand , ou de ce qui en a l'apparence
; mais un penchant prefque invincible
pour le plaifir , une foif infinie:
de la verité , mais hors du feul fyftême
où on la trouve ; un caractere affable , mais
un fecret ſentiment de fa fuperiorité na--
turelle , idées naiffantes de fortune , talens
fuprêmes pour y parvenir , l'efprit
d'affurance qui fubjugue , l'efprit d'infinuation
qui féduit l'ardeur funefte
d'aimer
,
་
OCTOBRE. 1730. 2219
d'aimer , le don prefqu'auffi funefte de
plaire ; tels étoient de fi bonne heure fes
traits les plus marqués . Mes freres , que
je vous décrive ici les égaremens de fa
raifon & les foibleffes de fon coeur. Je
veux dreffer un trophée à la grace de mon
Dieu qui en fçut faire fa conquête , en
vous faifant voir les obftacles qu'elle a fur
montés , in laudem gloria gratia.
C'eft fur ces égaremens & ces foibleffes
que l'Orateur fonde le premier chef de fa
fubdivifion ; & après avoir décrit , avec
toute la force imaginable, les erreurs d'Au
guſtin , il dit :-
Aimable verité , cher & glorieux partage
des ames humbles , ainfi font fouvent
punis au fein du menfonge ceux que leur
orgueil a rendus indignes de vous . Malgrè
toutes leurs variations , en changeant
d'erreurs , ils ne font que changer d'inquiétudes
; & quand ils ont parcourus
dans leurs égaremens , toutes les opinions
accréditées , plus éloignés de vous que
jamais, ou ils s'en font de nouvelles en fecret,
ou ils en font réduits à regretter dans
un noir cahos lés Systêmes de l'erreur
qu'ils ont comme épuifée.
L'article des foibleffes du jeune Auguf
tin a quelque chofe d'enlevant. L'Orateur
paffe enfuite au fecond membre de ſa ſubdivifion
, de cette maniere :
E vj Toute
2220 MERCURE DE FRANCE
Toutefois au travers des miferes & des
horreurs que ma Religion me découvre
dans une telle vie , je vois les qualitez les
plus éclatantes , & les vertus morales le
plus en honneur. Si les obftacles font
grands , l'importance de la conquête n'eſt
pas moins grande. Connoiffez icy , Chré-
Tiens , ce que c'étoit qu'Auguftin par l'efprit
& par le coeur ; quelque jufte idée
vous ayez de lui , peut-être en eft- il parmi
vous qui n'ont pas affez vivement ſenti en
ces deux points , l'excellence de fon caractere.
que
Car d'abord , je l'ofe affurer , malgré
fes égaremens , jamais la Grace n'eut à
éclairer un efprit fuperieur au fien . Génie
facile , dès l'âge de douze ans , le défefpoir
de fes jeunes Emules , & l'étonnement
de fes Maîtres , il fembloit plutôt
rappeller des chofes oubliées , qu'en ap
prendre de nouvelles ; & fes progrès trop
furprenans, pour n'engager que les fiens à
le foûtenir de toutes leurs forces , porterent
un Etranger à faire auffi tout pour
lui, pour ce jeune homme dont les talens
promettoient la courſe la plus rapide dans
la carriere de l'honneur & de la fortune ;
génie pénétrant , à qui n'échappoit rien
de ce qui eft à la portée de l'efprit humain
; il eut été un de ces Inventeurs des.
Sciences & des beaux Arts , s'il fut venu
dans
OCTOBRE. 1730. 222
dans les premiers âges ; génie étendu qui
embraffoit tout , qui réunit de bonne
heure en lui le Rhéteur habile , le Philofophe
profond ; & qui joignant aux connoiffances
les plus fublimes , à celles des
Arts Liberaux , le mit dans peu de temps
en état d'en compofer des Traitez qu'on
admire ; génie nerveux , né pour manier
la raifon en Maître,& pour lui faire prendre
entre les mains toute la force qu'elle
peut avoir ; génie fubtil , qui le premier
peut -être avoit faifi des fineffes de raifon
nement peu connues avant lui , fouverai
nement propre à tout ce qu'il y a de plusabftrait
, fe tournant , fe repliant avec une
adreffe infinie fur lui- même ; & qui , le
cours de les études à peine fini , le faifoit
regarder comme un homme sûr de vaincre
, de trouver prife fur les autres , & de
ne leur en donner jamais dans la diſpute ;
génie beau , plein de feu & d'agrément ,
qui après avoir enlevé à Rome tous les
fuffrages , fe fignalant à Milan par l'éloga
de l'Empereur & du Conful Bauton , fit
dire avec une espece de tranfport , que
la plus haute vertu pouvoit être fatisfaite
de ces louanges : Ouy , génie à qui pour
égaler au moins les plus fameux Orateurs
de Rome & d'Athénes , il ne manquoit
que leur fiecle & leur pays..
N'allons pas critiques trop inquiets ,
repro2222
MERCURE DE FRANCE
reprocher au prodige de l'Afrique , le caractere
Afriquain ; il avoit affez de quoi
fe le faire pardonner ; eût- il dû naturellement
ne pas l'avoir ; il avoit , & j'en
appelle aux Juges , toute l'ame de la grande
& invariable Eloquence , de l'Eloquence
des choles très - indépendantes™
du ftyle , j'entens l'abondance & l'ordre
, & la chaleur & la penfée , & le fentiment
auffi neceffaire que la penſée :
vraye & folide éloquence qui étoit de lui,
tour & ftyle qui étoit de fon temps , & fur
tout de fa Patrie.
Achevons : Vous ne trouverez rien de
trop à ce Portrait. Génie , peu s'en faut
que je ne dife unique , capable non-feule--
ment de traiter prefque de tout , & de
ramener tout à des principes auffi féconds
que fimples, mais de traiter de chaque
chofe dans le genre d'écrire , convenable
à fa nature , plein fur un feul objet d'une
étonnante multiplicité d'idées , à quelques
redites près ; fuite ordinaire de l'abondance
de l'expreffion & de la hâte du travail ,
moins fréquentes pourtant en fes Ecrits
que ne l'ont prétendu certains Critiques ,
fans fonger qu'il eft des matieres où les
principes ne fçauroient être trop fouvent
préfentez , & que les répétitions neceffaires
ne font pas des redites.
Les qualitez du coeur d'Auguftin , maniées
OCTOBRE . 1730. 2223
niées de main de maître , font accompa
gnées de la réfléxion fuivante,
Mais quoi ? Avoir un coeur fi bien fait
& fi corrompu ,un génie fi rare &fi fujet
à l'erreur?Mais qui fçait fi laDivine Providence
ne permit pas qu'il en fut ainfi d'un
homme femblable , de peur qu'il n'honorat
trop cette nature décheuë , dont il
étoit deftiné à décrier un jour la corrup
tion & la mifére. Il eut trop fait remarquer
ce qu'il y a de grand dans l'homme ,
s'il n'eut fait voir , comme il l'a fait , ce
qu'il y a de foible & de corrompu . Il fut
coupable par fon malheur , & peut - être
auffi pour l'honneur de la Grace : In lau- ~
dem gloria gratia.
و
L'Abbé Séguy paffe enfuite au troifié- -
me membre de fa fubdivifion . Il n'eft' pas
poffible de voir d'image plus vive que celle
où il repréſente les combats intérieurs ,
qui précédérent la converfion de faint
Auguftin . Nous ne rapporterons rien
d'un article qui doit être vû en entier ,
non plus que de la Morale , qui termine
cette premiere Partie.
Seconde Partie:
Comparez , fi vous le pouvez , Chré
tiens , toutes les conquêtes de la Grace ,
tous les Saints ; jamais , jamais nul d'eux
ne lui a mieux rendu qu'Auguftin, le prix
de fes infpirations fecourables. Car je ne
2224 MERCURE DE FRANCE
crains pas de l'avancer ; ce qu'il a fait pour
elle , n'eft pas moins grand que ce qu'elle
avoit fait pour lui : & ne vous allarmez
pas d'une propofition , qui bien loin d'être
injurieufe à la Grace de mon Dieu , l'honore
en effet.Je n'ai en vûë que de la glorifier
cette Grace , lorfque j'en viens glo
rifier le Héros ; In Laudem gloria gratia
& je fçai que vous n'ignorez pas que ce
qu'Auguftin a fait pour Elle , il ne l'a fait
que par Elle. C'eſt par Elle qu'il a été fon
plus glorieux Deffenfeur, qu'il a travaillé
avec tant d'éclat à lui foumettre tous fes
ennemis enfemble ; tous fes Ennemis ,
Chrétiens Auditeurs , je veux dire ceux
qui l'attaquent dans fon effence, ceux qui
Falterent dans fes dons , ceux qui l'étoufent
dans les infpirations. Car voilà tous
les ennemis de la Grace.
Il feroit trop long pour un Extrait de raporter
tout l'article du Pélagianifme , qui
nous paroît un des plus frappans de tous.
Le fecond & le troifiéme chef font pleins
comme le premier , de cette éloquence
originale & toute neuve , qu'a fçu faifir
Auteur ; mais nous n'avons pas le tems
de nous y arrêter. Cette Analyle nous meneroit
trop loin , fans faire d'ailleurs fentir
La beauté du tout fupérieure à toutes les
beautez de détail.
DES BEAUX ARTS &c.
ANEGYRIQUE de S. Auguftin ;
Evêque d'Hippone , prononcé dans
l'Eglife des Grands Auguftins , le 28.
Aout 1730. par M. l'Abbé Seguy . A
Paris , chez Coignard fils , Imprimeur du
Roi & de l'Académie Françoife , à la Bible
d'or 1730.
Lo
2216 MERCURE DE FRANCE
Le Lecteur nous fçaura bon gré de lui
'donner un Extrait de ce Difcours , fi digne
de la réputation de fon Auteur. Le
Texte en eft fingulier & frappant , &
l'Exorde dans fa noble fimplicité ne l'eſt
pas moins. Les voici :
In laudem gloria gratia . A la gloire
de la Grace. Epit. aux Ephef. Ch. 1.
Oui , Chrétiens , à la gloire de la Grace
C'est là comme une Dédicace que je
mets à la tête de ce Difcours , ou fi vous
voulez , c'eft le fujer & le fond même
de l'Eloge que j'entreprends. Je le confacre
à la Grace , parce que c'eſt à elle
qu'il appartient fpecialement , & que
toute la gloire d'Auguftin eſt à elle , in
laudem gloria gratie.
Cet Eloge d'Auguftin , fi intereffant
pour les Sçavans , dont ce grand homme
eft l'admiration & l'oracle , pour le peuple
, dont fon ſeul nom réveilla toujours
l'attention , le fera à jamais , Chrétiens ,
pour quiconque s'intereffera aux merveilles
de la Grace . Ecoutez . Cette Grace
qui vous donne la vie fpirituelle à vous,
Juftes , qui avez le bonheur d'en joüir,
qui feule peut vous la rendre à vous ,
pecheurs , qui l'avez perduë ; c'eft elle.
que je vais glorifier. Je vais vous faire
voir dans Auguftin des foibleffes & des
erreurs qu'elle a fait tourner à ſa gloire ,
des
OCTOBRE. 1730. 2217
'des vertus héroïques dont elle a été le
principe , des travaux infinis dont elle a
êté l'objet. Auguftin n'a été coupable , it
n'a été aveugle , il n'a été éclairé , il n'a
été penitent , il n'a eu la fuperiorité dư
génie & l'éminence de la fainteté que
pour la gloire de la Grace , in laudemgloria
gratia. Comment cela , Chrétiens Au
diteurs voici dans la raifon qui s'en
offre le plan de mon Difcours qui fe préfente.
C'est que le changement d'Auguf
tin a été un des coups les plus éclatans
de la puiflance de la Grace , & qu'Auguftin
depuis fon changement n'a vêcu
que pour les interêts de la Grace ; elle
a triomphe de lui , & elle a triomphé par
luis il lui a rendu les armes , & il l'a
fervie jufqu'à en devenir le Heros. En
deux mots , il en a été , en exceptant la
Converfion de Paul , il en a été la conquête
la plus belle , il en a été le Défenfeur
le plus glorieux , in laudem glorie
gratia.
Je n'ai point conçû , Meffieurs , la
vaine efperance d'égaler l'idée que vous
avez d'Auguftin , ni même de pouvoir
vous rendre parfaitement la mienne. Je
viens fuccomber fous le poids que je me
fuis laiffé impofer . Notre impuiffance à
foutenir la grandeur de certains fujets eft
après tout une autre forte d'éloge , & le
Docteur
Ev
2218 MERCURE DE FRANCE
Docteur de la Grace feroit trop rarement
loué , s'il ne l'étoit que par ceux qui
peuvent lui payer tout le tribut de loüanges
qu'il mérite. Auguftin. La Grace. Je
ne cefferai , Chrétiens , de vous préfenter
ces deux objets , quoique bien éloigné
de vouloir vous faire partager votre
reſpect entre l'un & l'autre. C'eſt ainfi
que j'ofe me promettre votre attention.
Oui , je m'en fie à l'interêt du grand
nom d'Auguftin , & plus encore à l'interêt
que doivent prendre vos coeurs à la
gloire de la Grace , In laudem gloria gratia.
Ave & c.
Premiere Partie:
L'Abbé Seguy en entrant en matiere ;
préfente le portrait que voici du jeune
Auguftin.
Failons attention à ce qu'il étoit dès fa
15 année , Chrétiens Auditeurs. Un vif
amour du grand , ou de ce qui en a l'apparence
; mais un penchant prefque invincible
pour le plaifir , une foif infinie:
de la verité , mais hors du feul fyftême
où on la trouve ; un caractere affable , mais
un fecret ſentiment de fa fuperiorité na--
turelle , idées naiffantes de fortune , talens
fuprêmes pour y parvenir , l'efprit
d'affurance qui fubjugue , l'efprit d'infinuation
qui féduit l'ardeur funefte
d'aimer
,
་
OCTOBRE. 1730. 2219
d'aimer , le don prefqu'auffi funefte de
plaire ; tels étoient de fi bonne heure fes
traits les plus marqués . Mes freres , que
je vous décrive ici les égaremens de fa
raifon & les foibleffes de fon coeur. Je
veux dreffer un trophée à la grace de mon
Dieu qui en fçut faire fa conquête , en
vous faifant voir les obftacles qu'elle a fur
montés , in laudem gloria gratia.
C'eft fur ces égaremens & ces foibleffes
que l'Orateur fonde le premier chef de fa
fubdivifion ; & après avoir décrit , avec
toute la force imaginable, les erreurs d'Au
guſtin , il dit :-
Aimable verité , cher & glorieux partage
des ames humbles , ainfi font fouvent
punis au fein du menfonge ceux que leur
orgueil a rendus indignes de vous . Malgrè
toutes leurs variations , en changeant
d'erreurs , ils ne font que changer d'inquiétudes
; & quand ils ont parcourus
dans leurs égaremens , toutes les opinions
accréditées , plus éloignés de vous que
jamais, ou ils s'en font de nouvelles en fecret,
ou ils en font réduits à regretter dans
un noir cahos lés Systêmes de l'erreur
qu'ils ont comme épuifée.
L'article des foibleffes du jeune Auguf
tin a quelque chofe d'enlevant. L'Orateur
paffe enfuite au fecond membre de ſa ſubdivifion
, de cette maniere :
E vj Toute
2220 MERCURE DE FRANCE
Toutefois au travers des miferes & des
horreurs que ma Religion me découvre
dans une telle vie , je vois les qualitez les
plus éclatantes , & les vertus morales le
plus en honneur. Si les obftacles font
grands , l'importance de la conquête n'eſt
pas moins grande. Connoiffez icy , Chré-
Tiens , ce que c'étoit qu'Auguftin par l'efprit
& par le coeur ; quelque jufte idée
vous ayez de lui , peut-être en eft- il parmi
vous qui n'ont pas affez vivement ſenti en
ces deux points , l'excellence de fon caractere.
que
Car d'abord , je l'ofe affurer , malgré
fes égaremens , jamais la Grace n'eut à
éclairer un efprit fuperieur au fien . Génie
facile , dès l'âge de douze ans , le défefpoir
de fes jeunes Emules , & l'étonnement
de fes Maîtres , il fembloit plutôt
rappeller des chofes oubliées , qu'en ap
prendre de nouvelles ; & fes progrès trop
furprenans, pour n'engager que les fiens à
le foûtenir de toutes leurs forces , porterent
un Etranger à faire auffi tout pour
lui, pour ce jeune homme dont les talens
promettoient la courſe la plus rapide dans
la carriere de l'honneur & de la fortune ;
génie pénétrant , à qui n'échappoit rien
de ce qui eft à la portée de l'efprit humain
; il eut été un de ces Inventeurs des.
Sciences & des beaux Arts , s'il fut venu
dans
OCTOBRE. 1730. 222
dans les premiers âges ; génie étendu qui
embraffoit tout , qui réunit de bonne
heure en lui le Rhéteur habile , le Philofophe
profond ; & qui joignant aux connoiffances
les plus fublimes , à celles des
Arts Liberaux , le mit dans peu de temps
en état d'en compofer des Traitez qu'on
admire ; génie nerveux , né pour manier
la raifon en Maître,& pour lui faire prendre
entre les mains toute la force qu'elle
peut avoir ; génie fubtil , qui le premier
peut -être avoit faifi des fineffes de raifon
nement peu connues avant lui , fouverai
nement propre à tout ce qu'il y a de plusabftrait
, fe tournant , fe repliant avec une
adreffe infinie fur lui- même ; & qui , le
cours de les études à peine fini , le faifoit
regarder comme un homme sûr de vaincre
, de trouver prife fur les autres , & de
ne leur en donner jamais dans la diſpute ;
génie beau , plein de feu & d'agrément ,
qui après avoir enlevé à Rome tous les
fuffrages , fe fignalant à Milan par l'éloga
de l'Empereur & du Conful Bauton , fit
dire avec une espece de tranfport , que
la plus haute vertu pouvoit être fatisfaite
de ces louanges : Ouy , génie à qui pour
égaler au moins les plus fameux Orateurs
de Rome & d'Athénes , il ne manquoit
que leur fiecle & leur pays..
N'allons pas critiques trop inquiets ,
repro2222
MERCURE DE FRANCE
reprocher au prodige de l'Afrique , le caractere
Afriquain ; il avoit affez de quoi
fe le faire pardonner ; eût- il dû naturellement
ne pas l'avoir ; il avoit , & j'en
appelle aux Juges , toute l'ame de la grande
& invariable Eloquence , de l'Eloquence
des choles très - indépendantes™
du ftyle , j'entens l'abondance & l'ordre
, & la chaleur & la penfée , & le fentiment
auffi neceffaire que la penſée :
vraye & folide éloquence qui étoit de lui,
tour & ftyle qui étoit de fon temps , & fur
tout de fa Patrie.
Achevons : Vous ne trouverez rien de
trop à ce Portrait. Génie , peu s'en faut
que je ne dife unique , capable non-feule--
ment de traiter prefque de tout , & de
ramener tout à des principes auffi féconds
que fimples, mais de traiter de chaque
chofe dans le genre d'écrire , convenable
à fa nature , plein fur un feul objet d'une
étonnante multiplicité d'idées , à quelques
redites près ; fuite ordinaire de l'abondance
de l'expreffion & de la hâte du travail ,
moins fréquentes pourtant en fes Ecrits
que ne l'ont prétendu certains Critiques ,
fans fonger qu'il eft des matieres où les
principes ne fçauroient être trop fouvent
préfentez , & que les répétitions neceffaires
ne font pas des redites.
Les qualitez du coeur d'Auguftin , maniées
OCTOBRE . 1730. 2223
niées de main de maître , font accompa
gnées de la réfléxion fuivante,
Mais quoi ? Avoir un coeur fi bien fait
& fi corrompu ,un génie fi rare &fi fujet
à l'erreur?Mais qui fçait fi laDivine Providence
ne permit pas qu'il en fut ainfi d'un
homme femblable , de peur qu'il n'honorat
trop cette nature décheuë , dont il
étoit deftiné à décrier un jour la corrup
tion & la mifére. Il eut trop fait remarquer
ce qu'il y a de grand dans l'homme ,
s'il n'eut fait voir , comme il l'a fait , ce
qu'il y a de foible & de corrompu . Il fut
coupable par fon malheur , & peut - être
auffi pour l'honneur de la Grace : In lau- ~
dem gloria gratia.
و
L'Abbé Séguy paffe enfuite au troifié- -
me membre de fa fubdivifion . Il n'eft' pas
poffible de voir d'image plus vive que celle
où il repréſente les combats intérieurs ,
qui précédérent la converfion de faint
Auguftin . Nous ne rapporterons rien
d'un article qui doit être vû en entier ,
non plus que de la Morale , qui termine
cette premiere Partie.
Seconde Partie:
Comparez , fi vous le pouvez , Chré
tiens , toutes les conquêtes de la Grace ,
tous les Saints ; jamais , jamais nul d'eux
ne lui a mieux rendu qu'Auguftin, le prix
de fes infpirations fecourables. Car je ne
2224 MERCURE DE FRANCE
crains pas de l'avancer ; ce qu'il a fait pour
elle , n'eft pas moins grand que ce qu'elle
avoit fait pour lui : & ne vous allarmez
pas d'une propofition , qui bien loin d'être
injurieufe à la Grace de mon Dieu , l'honore
en effet.Je n'ai en vûë que de la glorifier
cette Grace , lorfque j'en viens glo
rifier le Héros ; In Laudem gloria gratia
& je fçai que vous n'ignorez pas que ce
qu'Auguftin a fait pour Elle , il ne l'a fait
que par Elle. C'eſt par Elle qu'il a été fon
plus glorieux Deffenfeur, qu'il a travaillé
avec tant d'éclat à lui foumettre tous fes
ennemis enfemble ; tous fes Ennemis ,
Chrétiens Auditeurs , je veux dire ceux
qui l'attaquent dans fon effence, ceux qui
Falterent dans fes dons , ceux qui l'étoufent
dans les infpirations. Car voilà tous
les ennemis de la Grace.
Il feroit trop long pour un Extrait de raporter
tout l'article du Pélagianifme , qui
nous paroît un des plus frappans de tous.
Le fecond & le troifiéme chef font pleins
comme le premier , de cette éloquence
originale & toute neuve , qu'a fçu faifir
Auteur ; mais nous n'avons pas le tems
de nous y arrêter. Cette Analyle nous meneroit
trop loin , fans faire d'ailleurs fentir
La beauté du tout fupérieure à toutes les
beautez de détail.
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Résumé : Panegyrique de S. Augustin, [titre d'après la table]
Le 28 août 1730, l'Abbé Seguy prononça un discours à l'église des Grands Augustins à Paris, intitulé 'Anegérique de S. Augustin'. Ce discours, publié par Coignard fils, célèbre la grâce divine à travers la vie de Saint Augustin. L'Abbé Seguy commence par attribuer toute la gloire d'Augustin à la grâce divine qui l'a transformé. Le discours est divisé en plusieurs parties. La première partie décrit le jeune Augustin, caractérisé par un vif amour pour le grand et le plaisir, une soif de vérité, un caractère affable, mais aussi des égarements et des faiblesses. L'orateur met en avant les erreurs d'Augustin et les obstacles que la grâce a surmontés pour le convertir. Augustin est également présenté comme un génie précoce, doté d'un esprit pénétrant et d'une éloquence remarquable. Malgré ses égarements, la grâce divine a éclairé son esprit supérieur. La seconde partie compare les conquêtes de la grâce à travers les saints et met en avant la contribution unique d'Augustin. L'orateur affirme qu'Augustin a rendu à la grâce un hommage incomparable en devenant son défenseur le plus glorieux. Le texte mentionne également les combats intérieurs qui ont précédé la conversion d'Augustin, sans entrer dans les détails. Le discours se conclut par une réflexion sur la grandeur de la grâce divine, illustrée par la vie et l'œuvre d'Augustin. L'Abbé Seguy invite les auditeurs à méditer sur la gloire de la grâce et sur l'exemple d'Augustin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
54
p. 54-57
DISCOURS de M. l'Olivier, Avocat au Parlement, Substitut de M. le Procureur General, et l'un des deux Substituts des Procureurs Generaux, Sindics des Etats de Bretagne, prononcé dans l'Assemblée des Etats.
Début :
Messieurs, Depuis l'élection que vous avez bien voulu faire en [...]
Mots clefs :
Discours, Assemblée, Prélat, Épiscopat, Honneur, Magistrat, Reconnaissance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS de M. l'Olivier, Avocat au Parlement, Substitut de M. le Procureur General, et l'un des deux Substituts des Procureurs Generaux, Sindics des Etats de Bretagne, prononcé dans l'Assemblée des Etats.
DISCOURS de M. l'Olivier , Avocat
au Parlement , Substitut de M. le
Procureur General , et l'un des deux
Substituts des Procureurs Generaux ,
Sindics des Etats de Bretagne , prononcé
dans l'Assemblée des Etats.
MESSI ESSIEURS ,
Depuis l'élection que vous avez bien voulu
faire en ma faveur , j'ai 'souhaité avec
empressement qu'il se présentat quelque occasion
de vous en faire mes trés
remercimens.
respectueux
Penetré de la reconnoissance la plus vive,
je m'étois flatté que les expressions qui pou
voient la rendre sensible suivroient de près
les mouvemens de mon coeur ; mais le
respect
at la crainte dont je me sens penetré à la vuë
de cette auguste assemblée , ne me permettent
qu'à peine de vous faire entendre ma timide
voix.
Je ne trouve rien , Messieurs , de comparable
pour moi à la grace dont vous avez
bien voulu m'honorer. La préference que
vous m'avez donnée sur une foule de concurrens
distingués par leur mérite , en rehausse
infiniment le prix . Quelle gloire ne reçois-je
pas
JANVIER. 1731. 58
pas d'une place où je suis chargé de veiller
à la conservation des droits de la patrie ?
quelle satisfaction de pouvoir chaque jour
trouver de nouvelles occasions de la servir ?
L'honneur d'être admis dans vos assemblées
est encore un avantage qui me rend
cette place très précieuse ; c'est cette prérogative
, Messieurs , qui me met à portée de
connoître et d'admirer en même tems la superiorité
de vos lumieres , la penétration de
vos esprits , la sagesse de vos déliberations
c'est cette prérogative qui me rend témoin de
Fart et de la prudence avec lesquels vous
Scavez , Messieurs , concilier le service du
Roi avec les franchises et les libertés de cette
grande Province.
C'est enfin cette prérogative qui me procure
l'inestimable honneur d'approcher les augustes
personnages qui président à vos déliberations.
Un Prélat nourri dans la sagesse et dans
la pieté , également instruit de tous ses devoirs,
et fidele à les observer , qui joignant aux
vertus de l'Episcopat une parfaite connoissance
des affaires , et destiné à remplir
un jour les plus sublimes emplois de l'Eglise
et de l'Etat.
Un Seigneur aussi grand par sa haute
naissance , qu'il est aimable par les graces
naturelles qui l'accompagnent ; un Seigneur
qui dans un âge de tout tems consacré auxe
plaisirs
56 MERCURE DE FRANCE
plaisirs sçait s'occuper avec autant de dignité
que de succès des affaires les plus importantes
d'une Nation dont il est tout à la fois les délices
et la gloire.
Un Magistrat habile , prudent , équitable
qui par ses lumieres et une longue experience
s'est acquis une profonde connoissance des affaires
de la Province , et s'est tant de fois
distingué dans la place qu'il occupe si dignement.
Quelle gloire n'est ce pas pour moi , Messieurs
, de devoir à vos suffrages une place
qui me procure l'honneur de parler devant
des Personnes si illustres .
"
Des témoignages de bonté si marqués et si
éclatans exigent sans doute de ma part des
hommages pleins de respect pour cette majestueuse
assemblée , un zele à toute épreuve
pour les interêts qu'elle confie et une exactitude
scrupuleuse à tous mes devoirs.
C'est aussi , Messieurs , ce que je vous
supplie d'agréer , et en même tems tout ce
que je puis vous offrir. Quoique jeune , jose
esperer et le désir de répondre à votre choix
est le garant de mon esperance , que par mes:
soins et par mon attention à consulter les
maximes et à suivre les exemples de Messieurs
vos Procureurs Generaux Sindics , je
serai dans peu en état de travailler utilement
sous leurs ordres , et de vous donner des preuves
de mon inviolable dévouëment et de ma
respecineuse reconnoissance- Le
JANVIER. 1731. 57
Le Collegue de M. l'Olivier , dans la
même Charge de Subsitut des Procureurs
Generaux Sindics des Etats , est M. Odye,
Avocat au Parlement , et d'une réputation
distinguée.
au Parlement , Substitut de M. le
Procureur General , et l'un des deux
Substituts des Procureurs Generaux ,
Sindics des Etats de Bretagne , prononcé
dans l'Assemblée des Etats.
MESSI ESSIEURS ,
Depuis l'élection que vous avez bien voulu
faire en ma faveur , j'ai 'souhaité avec
empressement qu'il se présentat quelque occasion
de vous en faire mes trés
remercimens.
respectueux
Penetré de la reconnoissance la plus vive,
je m'étois flatté que les expressions qui pou
voient la rendre sensible suivroient de près
les mouvemens de mon coeur ; mais le
respect
at la crainte dont je me sens penetré à la vuë
de cette auguste assemblée , ne me permettent
qu'à peine de vous faire entendre ma timide
voix.
Je ne trouve rien , Messieurs , de comparable
pour moi à la grace dont vous avez
bien voulu m'honorer. La préference que
vous m'avez donnée sur une foule de concurrens
distingués par leur mérite , en rehausse
infiniment le prix . Quelle gloire ne reçois-je
pas
JANVIER. 1731. 58
pas d'une place où je suis chargé de veiller
à la conservation des droits de la patrie ?
quelle satisfaction de pouvoir chaque jour
trouver de nouvelles occasions de la servir ?
L'honneur d'être admis dans vos assemblées
est encore un avantage qui me rend
cette place très précieuse ; c'est cette prérogative
, Messieurs , qui me met à portée de
connoître et d'admirer en même tems la superiorité
de vos lumieres , la penétration de
vos esprits , la sagesse de vos déliberations
c'est cette prérogative qui me rend témoin de
Fart et de la prudence avec lesquels vous
Scavez , Messieurs , concilier le service du
Roi avec les franchises et les libertés de cette
grande Province.
C'est enfin cette prérogative qui me procure
l'inestimable honneur d'approcher les augustes
personnages qui président à vos déliberations.
Un Prélat nourri dans la sagesse et dans
la pieté , également instruit de tous ses devoirs,
et fidele à les observer , qui joignant aux
vertus de l'Episcopat une parfaite connoissance
des affaires , et destiné à remplir
un jour les plus sublimes emplois de l'Eglise
et de l'Etat.
Un Seigneur aussi grand par sa haute
naissance , qu'il est aimable par les graces
naturelles qui l'accompagnent ; un Seigneur
qui dans un âge de tout tems consacré auxe
plaisirs
56 MERCURE DE FRANCE
plaisirs sçait s'occuper avec autant de dignité
que de succès des affaires les plus importantes
d'une Nation dont il est tout à la fois les délices
et la gloire.
Un Magistrat habile , prudent , équitable
qui par ses lumieres et une longue experience
s'est acquis une profonde connoissance des affaires
de la Province , et s'est tant de fois
distingué dans la place qu'il occupe si dignement.
Quelle gloire n'est ce pas pour moi , Messieurs
, de devoir à vos suffrages une place
qui me procure l'honneur de parler devant
des Personnes si illustres .
"
Des témoignages de bonté si marqués et si
éclatans exigent sans doute de ma part des
hommages pleins de respect pour cette majestueuse
assemblée , un zele à toute épreuve
pour les interêts qu'elle confie et une exactitude
scrupuleuse à tous mes devoirs.
C'est aussi , Messieurs , ce que je vous
supplie d'agréer , et en même tems tout ce
que je puis vous offrir. Quoique jeune , jose
esperer et le désir de répondre à votre choix
est le garant de mon esperance , que par mes:
soins et par mon attention à consulter les
maximes et à suivre les exemples de Messieurs
vos Procureurs Generaux Sindics , je
serai dans peu en état de travailler utilement
sous leurs ordres , et de vous donner des preuves
de mon inviolable dévouëment et de ma
respecineuse reconnoissance- Le
JANVIER. 1731. 57
Le Collegue de M. l'Olivier , dans la
même Charge de Subsitut des Procureurs
Generaux Sindics des Etats , est M. Odye,
Avocat au Parlement , et d'une réputation
distinguée.
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Résumé : DISCOURS de M. l'Olivier, Avocat au Parlement, Substitut de M. le Procureur General, et l'un des deux Substituts des Procureurs Generaux, Sindics des Etats de Bretagne, prononcé dans l'Assemblée des Etats.
M. l'Olivier, avocat au Parlement et substitut du Procureur Général, adresse un discours aux États de Bretagne après son élection. Il exprime sa gratitude pour l'honneur reçu et la préférence accordée parmi de nombreux concurrents. Il se réjouit de pouvoir veiller sur les droits de la patrie et servir quotidiennement la province. L'honneur d'être admis dans les assemblées lui permet d'admirer la sagesse et la prudence des délibérations des États, ainsi que leur capacité à concilier le service du Roi avec les franchises et libertés de la Bretagne. M. l'Olivier admire également les personnalités présentes, notamment un prélat sage et pieux, un seigneur distingué par sa naissance et ses compétences, et un magistrat expérimenté. Il promet de faire preuve de respect, de zèle et de scrupule dans l'exercice de ses devoirs. Bien que jeune, il espère, en suivant les exemples de ses prédécesseurs, pouvoir travailler utilement et prouver son dévouement et sa reconnaissance. Son collègue, M. Odye, est également mentionné pour sa réputation distinguée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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55
p. 301-306
Le Triomphe de l'Interêt, Comedie, [titre d'après la table]
Début :
LE TRIOMPHE DE L'INTEREST, Comedie. Cette Piece paroît imprimée in [...]
Mots clefs :
Comédie, Intérêt, Honneur, Mercure, Arlequin, Théâtre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Triomphe de l'Interêt, Comedie, [titre d'après la table]
LE TRIOMPHE DE L'INTEREST ,
Comedie . Cette Piece paroît imprimée
in 12. de 48. pages , sans nom d'Auteur ,
de Ville , ni de Libraire.
Le succès qu'elle a eu doit avoir excité
la curiosité du Public , et c'est pour la satisfaire
que nous allons en donner ici
quelques fragmens ; nous nous en tiendrons
aux Scenes dont on a permis la
representation , et dont nous avons déja
dit quelque chose en donnant l'Argument
de la Piece.
Comme le fond de cette Comédie est
tel qu'on le voit dans la plupart des Pieces
à Scenes détachées , il ne nous sera
pas difficile d'en donner une idée en
peu de mots . Il s'agit d'un Combat entre
l'Interêt et l'Honneur ; après plu-.
sieurs Scenes où l'Interêt se trouve toujours
le plus fort , si l'on en excepte une
où Arlequin ne tient ni pour l'un ni pour
l'autre des deux Concurrens ; l'Honneur
suivi de ses Soldats , vient attaquer le
Palais de l'Interêt , et ne menace pas
moins que de le réduire en cendres ; mais,
E ij l'Interêt
302 MERCURE DE FRANCE.
Interêt n'a pas plutôt fait briller ses
trésors aux yeux de ses Ennemis , qu'ils
viennent tous se ranger sous ses Drapeaux
. Voilà le Plan de la Piece ; en veici
Î'Accessoire dans quelques Traits. La Comedie
commence par ce Monologue de
Mercure :
C'est ici le Palais que l'Interêt habite ,
Cette Idole du siecle , à qui tout se soumet .
Qui fonde son pouvoir sur l'équité proscrite ,
De tant de passions , le mobile secret ,
L'ame du monde enfin , et la source maudite ,
De tout le mal qui s'y commet.
Que ces lambris dorez et que ces murs durables ,
Que tous ces Marbres que voilà ,
Ont écrasé de miserables ,
Pour bien loger ce Monstre- là ! &c.
La seconde Scene est entre Mercure et
l'Interêt. Ce dernier est vétù en riche
Financier il prie Mercure de le loüer ,
Mercure prend le ton ironique , que l'interêt
reçoit comme de veritables louanges
, ce qu'il fait connoître par cet hémistiche
:
On ne peut mieux louer ,
A quoi Mercure répond avec plus de
sincerité :
N'en
FEVRIER. 1731. 303
N'en soyez pas plus vain ;
Car mon encens critique.
Fait moins votre Panegyrique ,
Que le procès du genre humain.
L'Interêt porte l'audace jusqu'à choisir.
Mercure pour son
ainsi :
Substitut ; il s'exprime
Toi cependant , ici tu n'as qu'à recevoir ,
Les Mortels qui viendront réverer mon pouvoir,
Et me demander quelque grace ;
Sers-moi de Substitut et remplit bien ma place .
Une jeune personne vient consulter
Pinterêt sur des vûës de fortune dont
elle s'est fait un Plan ; Mercure lui fait
connoître son nouvel emploi de premier
Commis de l'Interêt , par ces Vers :
Je le double ; et dans cette affaire ,
Mercure seul vous conduira ,
Comme Introducteur ordinaire ,
Des Princesses de l'Opera.
Cette Scene est si vive , qu'on ne s'ap
perçoit pas de sa longueurs nous n'en
citerons qu'une tirade de Fanchon , c'est
le nom de la jeune personne qui veut
faire fortune au Théatre en tout bien
et tout honneur. Elle se regarde déja com
E iiij me
304 MERCURE DE FRANCE
me une Actrice du premier ordre. Elle
s'exprime ainsi :
Au Théatie , quelles délices !
Sans cesse je reçoi des applaudissemens ,
Dans les Foyers , des complimens
Et sans oublier les Coulisses ,
Où l'on me conte cent douceurs.
Vous êtes , me dit l'un , la Reine des Actrices ,
Et vous enlevez tous les coeurs.
'Ah ! vous m'avez percé jusques au fond de l'ame ,
Ajoûte un autre tout en pleurs ;
Fanchon , unique objet de mes vives ardeurs , -
Vous m'atendrissez trop , finissez , je me pâme ,
S'écrie un petit Maître , en ces instans flateurs.
Grands Dieux ! quand elle songe à ce bonheur
extrême ,
Peu s'en faut que Fanchon ne se pâme ellemême.
Nous passons sous silence toutes les
Scenes qui n'ont pas fait beaucoup de
plaisir , celles de M. Faquin ne sont pas
de ce nombre ; mais comme elles sont
dans le goût de l'Opera Comiqué , et
qu'elles doivent beaucoup de leur agrément
au chant , nous les supprimons , de
peur qu'elles ne perdent de leur prix à
la simple lecture .
Nous finirons par quelques traits de
la Scene entre Mercure et Arlequin. Voici
le
FEVRIER. 1731. 305
le caractere que l'Auteur a donné à ce
charmant Héros du Théatre Italien ; c'est
Arlequin même qui parle :
Je suis un homme comme un autre :
Je bois , je mange , je dors bien ;
Je vis de peu de chose et n'ai souci de rien.
Mercure lui demande s'il a beaucoup
de joye ? Il lui répond :
J'en ai ma fourniture ,
Et de la bonne et de la pure ,
Car je la tiens de la premiere main.
Mercure.
Au sein de l'indigence , eh ! qui vous la procure
Arlequin.
Belle demande ! La Nature.
Elle m'a bâti de façon ,
Que tout me fait plaisir et rien ne m'inquiete
Je me passe de peu dans ma condition ;
Et je jouis d'une santé parfaite ;
Je puis me dire le garçon ,
De la meilleure pâte , en un mot , qu'elle ait faite..
Mercure lui offrant le choix de l'Inte
rêt ou de l'Honneur , après un Portrait
fidele qu'il lui en a fait ; il lui répond
Ex
quil
305 MERCURE DE FRANCE
qu'il ne veut ni de l'un ni de l'autre ;
Voici la raison laconique qu'il en donne.
L'Interêt est Normand , et l'Honneur est Gas-→
con.
Comedie . Cette Piece paroît imprimée
in 12. de 48. pages , sans nom d'Auteur ,
de Ville , ni de Libraire.
Le succès qu'elle a eu doit avoir excité
la curiosité du Public , et c'est pour la satisfaire
que nous allons en donner ici
quelques fragmens ; nous nous en tiendrons
aux Scenes dont on a permis la
representation , et dont nous avons déja
dit quelque chose en donnant l'Argument
de la Piece.
Comme le fond de cette Comédie est
tel qu'on le voit dans la plupart des Pieces
à Scenes détachées , il ne nous sera
pas difficile d'en donner une idée en
peu de mots . Il s'agit d'un Combat entre
l'Interêt et l'Honneur ; après plu-.
sieurs Scenes où l'Interêt se trouve toujours
le plus fort , si l'on en excepte une
où Arlequin ne tient ni pour l'un ni pour
l'autre des deux Concurrens ; l'Honneur
suivi de ses Soldats , vient attaquer le
Palais de l'Interêt , et ne menace pas
moins que de le réduire en cendres ; mais,
E ij l'Interêt
302 MERCURE DE FRANCE.
Interêt n'a pas plutôt fait briller ses
trésors aux yeux de ses Ennemis , qu'ils
viennent tous se ranger sous ses Drapeaux
. Voilà le Plan de la Piece ; en veici
Î'Accessoire dans quelques Traits. La Comedie
commence par ce Monologue de
Mercure :
C'est ici le Palais que l'Interêt habite ,
Cette Idole du siecle , à qui tout se soumet .
Qui fonde son pouvoir sur l'équité proscrite ,
De tant de passions , le mobile secret ,
L'ame du monde enfin , et la source maudite ,
De tout le mal qui s'y commet.
Que ces lambris dorez et que ces murs durables ,
Que tous ces Marbres que voilà ,
Ont écrasé de miserables ,
Pour bien loger ce Monstre- là ! &c.
La seconde Scene est entre Mercure et
l'Interêt. Ce dernier est vétù en riche
Financier il prie Mercure de le loüer ,
Mercure prend le ton ironique , que l'interêt
reçoit comme de veritables louanges
, ce qu'il fait connoître par cet hémistiche
:
On ne peut mieux louer ,
A quoi Mercure répond avec plus de
sincerité :
N'en
FEVRIER. 1731. 303
N'en soyez pas plus vain ;
Car mon encens critique.
Fait moins votre Panegyrique ,
Que le procès du genre humain.
L'Interêt porte l'audace jusqu'à choisir.
Mercure pour son
ainsi :
Substitut ; il s'exprime
Toi cependant , ici tu n'as qu'à recevoir ,
Les Mortels qui viendront réverer mon pouvoir,
Et me demander quelque grace ;
Sers-moi de Substitut et remplit bien ma place .
Une jeune personne vient consulter
Pinterêt sur des vûës de fortune dont
elle s'est fait un Plan ; Mercure lui fait
connoître son nouvel emploi de premier
Commis de l'Interêt , par ces Vers :
Je le double ; et dans cette affaire ,
Mercure seul vous conduira ,
Comme Introducteur ordinaire ,
Des Princesses de l'Opera.
Cette Scene est si vive , qu'on ne s'ap
perçoit pas de sa longueurs nous n'en
citerons qu'une tirade de Fanchon , c'est
le nom de la jeune personne qui veut
faire fortune au Théatre en tout bien
et tout honneur. Elle se regarde déja com
E iiij me
304 MERCURE DE FRANCE
me une Actrice du premier ordre. Elle
s'exprime ainsi :
Au Théatie , quelles délices !
Sans cesse je reçoi des applaudissemens ,
Dans les Foyers , des complimens
Et sans oublier les Coulisses ,
Où l'on me conte cent douceurs.
Vous êtes , me dit l'un , la Reine des Actrices ,
Et vous enlevez tous les coeurs.
'Ah ! vous m'avez percé jusques au fond de l'ame ,
Ajoûte un autre tout en pleurs ;
Fanchon , unique objet de mes vives ardeurs , -
Vous m'atendrissez trop , finissez , je me pâme ,
S'écrie un petit Maître , en ces instans flateurs.
Grands Dieux ! quand elle songe à ce bonheur
extrême ,
Peu s'en faut que Fanchon ne se pâme ellemême.
Nous passons sous silence toutes les
Scenes qui n'ont pas fait beaucoup de
plaisir , celles de M. Faquin ne sont pas
de ce nombre ; mais comme elles sont
dans le goût de l'Opera Comiqué , et
qu'elles doivent beaucoup de leur agrément
au chant , nous les supprimons , de
peur qu'elles ne perdent de leur prix à
la simple lecture .
Nous finirons par quelques traits de
la Scene entre Mercure et Arlequin. Voici
le
FEVRIER. 1731. 305
le caractere que l'Auteur a donné à ce
charmant Héros du Théatre Italien ; c'est
Arlequin même qui parle :
Je suis un homme comme un autre :
Je bois , je mange , je dors bien ;
Je vis de peu de chose et n'ai souci de rien.
Mercure lui demande s'il a beaucoup
de joye ? Il lui répond :
J'en ai ma fourniture ,
Et de la bonne et de la pure ,
Car je la tiens de la premiere main.
Mercure.
Au sein de l'indigence , eh ! qui vous la procure
Arlequin.
Belle demande ! La Nature.
Elle m'a bâti de façon ,
Que tout me fait plaisir et rien ne m'inquiete
Je me passe de peu dans ma condition ;
Et je jouis d'une santé parfaite ;
Je puis me dire le garçon ,
De la meilleure pâte , en un mot , qu'elle ait faite..
Mercure lui offrant le choix de l'Inte
rêt ou de l'Honneur , après un Portrait
fidele qu'il lui en a fait ; il lui répond
Ex
quil
305 MERCURE DE FRANCE
qu'il ne veut ni de l'un ni de l'autre ;
Voici la raison laconique qu'il en donne.
L'Interêt est Normand , et l'Honneur est Gas-→
con.
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Résumé : Le Triomphe de l'Interêt, Comedie, [titre d'après la table]
La pièce 'Le Triomphe de l'Intérêt' est une comédie imprimée en 12 pages de 48 lignes chacune, sans mention d'auteur, de ville ou de libraire. Elle a connu un succès notable, suscitant la curiosité du public. La comédie explore le conflit entre l'Intérêt et l'Honneur, avec plusieurs scènes où l'Intérêt domine. Une scène particulière montre Arlequin refusant de choisir entre les deux. La pièce commence par un monologue de Mercure, qui décrit l'Intérêt comme une idole du siècle, source de nombreux maux. Dans la deuxième scène, l'Intérêt, vêtu en riche financier, demande à Mercure de le louer. Mercure répond ironiquement, soulignant que l'Intérêt corrompt l'humanité. Une jeune personne, Fanchon, consulte l'Intérêt pour des projets de fortune. Mercure, désormais commis de l'Intérêt, guide Fanchon dans ses ambitions théâtrales. Fanchon rêve de devenir une actrice célèbre et de recevoir des compliments. La pièce inclut également des scènes supprimées pour éviter de perdre leur agrément à la lecture. Une scène notable est celle entre Mercure et Arlequin, où ce dernier déclare se contenter de peu et jouir d'une santé parfaite, refusant de choisir entre l'Intérêt et l'Honneur.
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56
p. 2124-2126
A Me C*** Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit son Mari.
Début :
Jeune C *** vous exigés [...]
Mots clefs :
Honneur, Muse, Apollon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Me C*** Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit son Mari.
A Mc C ***
Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit
fon Mari.
J
Eune C *** vous exigés
Qu'à votre honneur ma Muse rime
Hélas ! à quoi vous m'engagez !
Vous avez un droit légitime
Sur l'Encens du sacré Vallon ;
Je le sçai fort bien , les Catules ,
Les Ovides et les Tibules ,
Solliciteroient Apollon
Pour obtenir la préférence
Qu'à ma veine vous accordez ;
J'en ai de la reconnoissance ,
Plus que vous ne m'en demandez ,
Mais réfléchissez-y , ma chere ,
Me sieroit-il à moi de faire
Le Portrait de ces doux appas
Qui sçavent fixer sur vos pas
L'Amour quittant pour vous sa Mere ?
Me sieroit-il pareillement
De craioner votre enjoument,
Cette humeur folichone et vive
Que suit toujours l'Amusement ,
Sans
SEPTEMBRE 1731. 2125
Sans que jamais l'ennui le suive
Si j'avois fait un tel Tableau
D'abord les Plaisans de Cithere
Apostrophans de mon Pinceau
La complaisance débonnaire
D'un Brevet ou d'un Petpouri ,
( Calotinique Récompense )
Auroient pour moi fait la Dépense ;
Sur-tout Amour auroit bien ri,
En s'écriant , ho ! la bonne ame !
Il fait l'Eloge de sa femme !
Est-ce là l'Emploi d'un Mari ›
Ce n'est son fait que la louange ;
Abandonne ce ton étrange ;
L'Hymen n'est pas Complimenteur.
Quand par hazard peu vrai-semblable ,
Un Epoux , rare Adorateur ,,
Ose vanter sa femme aimable ,
Er persuade l'Auditeur ,
C'est lui que
par notre Orateur
De son récit déraisonnable
Est bien-tôt justement puni.
Le Roi ( * ) GANDAULE en a fourni
Un Exemple assez mémorable.
Et nous apprend qu'il faut céler "'
* Candaule , Roi impudent. Ilperdit le Throne
et la vie , pour avoir fait voir dans le Bain la
Reine sa femme à un Seigneur de sa Cour , qui
en devint amoureux,
Diij
Un
2126 MERCURE DE FRANCE
; Un bonheur souvent rédoutable
Oui , plus l'Epouse est adorable
Et moins l'Epoux en doit parler.
Lá Maxime est sage et discrete ,
Si tu la suis exactement ,
Tu vas garder parfaitement
Un silence d'Anacorette.
Renguaine donc ton compliment :
Ta moitié doit être éxaltéc
Par la Plume de quelque Amant
Qui s'en acquite galament ; ..... 2
Que la Belle sera fêtée ,
Si tous les coeurs qu'elle a surpris
De ses Attraits chantent le prix !
Pour elle tu verras éclore
Plus de Vers qu'à Petrarque épris
Je n'en ai dictés pour sa ( * ) Laure.
* Laure , Beauté mille et mille fois célébrés
dans les Sonnets de Petrarque.
Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit
fon Mari.
J
Eune C *** vous exigés
Qu'à votre honneur ma Muse rime
Hélas ! à quoi vous m'engagez !
Vous avez un droit légitime
Sur l'Encens du sacré Vallon ;
Je le sçai fort bien , les Catules ,
Les Ovides et les Tibules ,
Solliciteroient Apollon
Pour obtenir la préférence
Qu'à ma veine vous accordez ;
J'en ai de la reconnoissance ,
Plus que vous ne m'en demandez ,
Mais réfléchissez-y , ma chere ,
Me sieroit-il à moi de faire
Le Portrait de ces doux appas
Qui sçavent fixer sur vos pas
L'Amour quittant pour vous sa Mere ?
Me sieroit-il pareillement
De craioner votre enjoument,
Cette humeur folichone et vive
Que suit toujours l'Amusement ,
Sans
SEPTEMBRE 1731. 2125
Sans que jamais l'ennui le suive
Si j'avois fait un tel Tableau
D'abord les Plaisans de Cithere
Apostrophans de mon Pinceau
La complaisance débonnaire
D'un Brevet ou d'un Petpouri ,
( Calotinique Récompense )
Auroient pour moi fait la Dépense ;
Sur-tout Amour auroit bien ri,
En s'écriant , ho ! la bonne ame !
Il fait l'Eloge de sa femme !
Est-ce là l'Emploi d'un Mari ›
Ce n'est son fait que la louange ;
Abandonne ce ton étrange ;
L'Hymen n'est pas Complimenteur.
Quand par hazard peu vrai-semblable ,
Un Epoux , rare Adorateur ,,
Ose vanter sa femme aimable ,
Er persuade l'Auditeur ,
C'est lui que
par notre Orateur
De son récit déraisonnable
Est bien-tôt justement puni.
Le Roi ( * ) GANDAULE en a fourni
Un Exemple assez mémorable.
Et nous apprend qu'il faut céler "'
* Candaule , Roi impudent. Ilperdit le Throne
et la vie , pour avoir fait voir dans le Bain la
Reine sa femme à un Seigneur de sa Cour , qui
en devint amoureux,
Diij
Un
2126 MERCURE DE FRANCE
; Un bonheur souvent rédoutable
Oui , plus l'Epouse est adorable
Et moins l'Epoux en doit parler.
Lá Maxime est sage et discrete ,
Si tu la suis exactement ,
Tu vas garder parfaitement
Un silence d'Anacorette.
Renguaine donc ton compliment :
Ta moitié doit être éxaltéc
Par la Plume de quelque Amant
Qui s'en acquite galament ; ..... 2
Que la Belle sera fêtée ,
Si tous les coeurs qu'elle a surpris
De ses Attraits chantent le prix !
Pour elle tu verras éclore
Plus de Vers qu'à Petrarque épris
Je n'en ai dictés pour sa ( * ) Laure.
* Laure , Beauté mille et mille fois célébrés
dans les Sonnets de Petrarque.
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Résumé : A Me C*** Par un Ami qui en plaisantant elle appelloit son Mari.
Dans une lettre poétique adressée à une femme surnommée 'Mc C ***', l'auteur exprime sa gratitude pour la préférence qu'elle lui accorde, la comparant à la reconnaissance que les grands poètes classiques sollicitaient d'Apollon. Il hésite à décrire les charmes de cette femme, craignant que cela ne soit inapproprié pour un mari. Il évoque les risques de moqueries et de réprimandes, notamment celle de l'Amour, qui pourrait trouver étrange qu'un mari loue sa femme. L'auteur cite l'exemple de Candaule, un roi qui perdit son trône et sa vie pour avoir montré sa femme nue à un seigneur de sa cour. Il conclut que plus une épouse est admirable, moins son époux doit en parler. Il conseille à l'époux de laisser à un amant le soin de célébrer les mérites de sa femme, afin qu'elle soit fêtée par tous les cœurs qu'elle a conquis. Il compare cette situation à celle de Pétrarque, qui écrivit de nombreux sonnets pour Laure.
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57
p. 1645-1648
STANCES.
Début :
Prélat dont le mérite égale la naissance, [...]
Mots clefs :
Prélat, Alarmes, Seigneur généreux, Athée, Siècle, Honneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES..
Prélat dont le mérite égale la naissance ;
Que ton retour tardif à notre impatience !
Que n'avons-nous pû le hâter !
Le Ciel a dissipé nos mortelles allarmes ,
Tu reviens ; ta présence a pour nous tant de
charmes ,
Qu'on ne pouvoit trop l'acheter.
Dès long tems protegé frere ,
* par ton illustre
Dont tout adore ici l'aimable caractere ,
* M. leVicomte de Polignac.
Et
1646 MERCURE DE FRANCE
Et par un Seigneur généreux *
Qu'unissent avec toi le sang & le mérite ,
Je puis te voir enfin dans les murs que j'ha◄ *bite !
Rien ne manque plus à mes vœux.
Dans tes regards perçans quelle divine flamme,
Que de rares trésors je découvre en ton ame
Que d'avantages excellens ,
>
Esprit fin , goût du vrai , connoissance prati
que ,
Des plus fameux Auteurs de Rome et de l'Atti
que ,
Dont tu possedes les talens.
Mais que n'embrasse point ton sublime génie a
Il aime nos Concerts ; il en sent l'harmonie ;
Nos Lyres parlent fous tes doigts ,
On croit oùir encor le célébre Virgile , *
Quand tes Vers confondans l'impieté subtile ,
Réduisent Lucrece aux abois.
Tel que l'heureux vainqueur du redoutable
Antée ,
Tu fais mordre la poudre à ce superbe Athée ,
* M. le Comte du Roure , le fils.
* l'Anti-Lucrece , Poëme Latin que s.E. L. C.
de Polignac afait dans sajeunesse.
Tu
JUILLET. 1732. 1647
Malgré ses dangereux détours ,
Pourquoi nous refuser ce précieux Ouvrage ,
Digne de son sujet et de la main d'un
Surtout nécessaire en nos jours?
sage,
Quel siécle... tu m'entens... ce n'est que dans
la Chaire
Oùje dois faire au vice une implacable guerre.
Qu'à loisir ma voix peut tonner ;
Qu'elle éclate pour lors , que l'erreur en fré misse ,
Profitons des momens que ta bonté propice ,
Ama muse veut bien donner.
J'en fais un libre aveu , je brigue ton suf- frage ,
Ce sentiment m'éleve au- dessus du naufrage
Où le sort m'a précipité :
Je sens naître en mon cœur un désir magna- nime ,
Les Dicux m'ont tous ravi , mais si j'ai ton es
rime ,
Prélat , ils ne m'ont rien ôté.
Que ne produira point cette ardeur géné
reuse ,
Tum'inspires; déja d'une aîle courageuse,
Je prens l'essor , je fends les airs ;
Mais
1648 MERCURE DE FRANCE
Mais que puis je tenter ; les chants de Phœbusmême ,
Apeine répondroient à ta vertu suprême ;
Quel destin auroient donc mes Vers-?
fair J'ose mettre à tes pieds des fleurs que
éclorre ,
Dans ses doctes Jardins la magnifique Isaure ,
Sept fois mon front en fut orné :
Permets-moi de t'offrir un hommage sincere ;
Je borne mes désirs à l'honneur de te plaire ,
C'est plus que d'être couronné.
LAbbé de Meuville.
Prélat dont le mérite égale la naissance ;
Que ton retour tardif à notre impatience !
Que n'avons-nous pû le hâter !
Le Ciel a dissipé nos mortelles allarmes ,
Tu reviens ; ta présence a pour nous tant de
charmes ,
Qu'on ne pouvoit trop l'acheter.
Dès long tems protegé frere ,
* par ton illustre
Dont tout adore ici l'aimable caractere ,
* M. leVicomte de Polignac.
Et
1646 MERCURE DE FRANCE
Et par un Seigneur généreux *
Qu'unissent avec toi le sang & le mérite ,
Je puis te voir enfin dans les murs que j'ha◄ *bite !
Rien ne manque plus à mes vœux.
Dans tes regards perçans quelle divine flamme,
Que de rares trésors je découvre en ton ame
Que d'avantages excellens ,
>
Esprit fin , goût du vrai , connoissance prati
que ,
Des plus fameux Auteurs de Rome et de l'Atti
que ,
Dont tu possedes les talens.
Mais que n'embrasse point ton sublime génie a
Il aime nos Concerts ; il en sent l'harmonie ;
Nos Lyres parlent fous tes doigts ,
On croit oùir encor le célébre Virgile , *
Quand tes Vers confondans l'impieté subtile ,
Réduisent Lucrece aux abois.
Tel que l'heureux vainqueur du redoutable
Antée ,
Tu fais mordre la poudre à ce superbe Athée ,
* M. le Comte du Roure , le fils.
* l'Anti-Lucrece , Poëme Latin que s.E. L. C.
de Polignac afait dans sajeunesse.
Tu
JUILLET. 1732. 1647
Malgré ses dangereux détours ,
Pourquoi nous refuser ce précieux Ouvrage ,
Digne de son sujet et de la main d'un
Surtout nécessaire en nos jours?
sage,
Quel siécle... tu m'entens... ce n'est que dans
la Chaire
Oùje dois faire au vice une implacable guerre.
Qu'à loisir ma voix peut tonner ;
Qu'elle éclate pour lors , que l'erreur en fré misse ,
Profitons des momens que ta bonté propice ,
Ama muse veut bien donner.
J'en fais un libre aveu , je brigue ton suf- frage ,
Ce sentiment m'éleve au- dessus du naufrage
Où le sort m'a précipité :
Je sens naître en mon cœur un désir magna- nime ,
Les Dicux m'ont tous ravi , mais si j'ai ton es
rime ,
Prélat , ils ne m'ont rien ôté.
Que ne produira point cette ardeur géné
reuse ,
Tum'inspires; déja d'une aîle courageuse,
Je prens l'essor , je fends les airs ;
Mais
1648 MERCURE DE FRANCE
Mais que puis je tenter ; les chants de Phœbusmême ,
Apeine répondroient à ta vertu suprême ;
Quel destin auroient donc mes Vers-?
fair J'ose mettre à tes pieds des fleurs que
éclorre ,
Dans ses doctes Jardins la magnifique Isaure ,
Sept fois mon front en fut orné :
Permets-moi de t'offrir un hommage sincere ;
Je borne mes désirs à l'honneur de te plaire ,
C'est plus que d'être couronné.
LAbbé de Meuville.
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Résumé : STANCES.
Le texte est une série de stances dédiées à un prélat, probablement le Vicomte de Polignac, et à M. le Comte du Roure. L'auteur exprime son impatience et sa joie face au retour du prélat, soulignant l'importance de sa présence. Il mentionne la protection du prélat par des figures illustres, dont un seigneur généreux, et exalte ses qualités intellectuelles et morales, telles que son esprit fin, son goût pour le vrai, et sa connaissance des auteurs classiques. Le texte fait également référence à une œuvre du prélat, intitulée 'Anti-Lucrece', un poème latin écrit dans sa jeunesse, qui critique les idées athées de Lucrèce. L'auteur souhaite voir cette œuvre publiée, la jugeant nécessaire pour combattre l'erreur et le vice. Il avoue son admiration pour le prélat et son désir de recevoir son suffrage, affirmant que cela le relèverait de son sort malheureux. Il conclut en offrant un hommage sincère, bornant ses désirs à l'honneur de plaire au prélat.
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58
p. 1782-1787
Recueil de Discours sur diverses matieres, [titre d'après la table]
Début :
RECUEIL de Discours sur diverses matieres importantes, traduits ou composez [...]
Mots clefs :
Recueil de discours, Honneur, Duels, Combats, Londres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Recueil de Discours sur diverses matieres, [titre d'après la table]
RECUEIL de Discours sur diverses.
matieres importantes , traduits ou composez par Jean Barbeyrac , Professeur
en Droit dans l'Université de Groningue. Il y a joint un Eloge historique
de feu M. Noord. En deux Tomes in 12.
dont le premier contient 417 pages , et
le second 344. A Amsterdam , chez Pierre Humbert, 1731.
Le second Tome de ce Recueil com
mence par une Dissertation , de la juste
deffense de l'honneur , où l'on traite en par
ticulier des Duels. Le but de cette Disser-
}
tation
A O UST 1732. 1783
tation qui fut publiée en 1717.en Latin,
à Amsterdam , est de montrer l'origine
du Duel , et la maniere dont on pourroit s'y prendre pour en arrêter l'usage
barbare , plus efficacement qu'on n'a fait
jusqu'ici.
La Dissertation contient cinq Chapitres. On donne dans le premier une idée
generale de la matieres on traite dans
le second des injures qui donnent quelque atteinte à l'honneur , lorsqu'on les
souffre ; dans le troisiéme des autres sortes d'injures que l'on peut mépriser , sans
préjudice de l'honneur. Le quatriéme
Chapitre roule sur les moyens légitimes
ou illegitimes de deff ndre l'honneur
et dans le cinquiéme on traite des Duels,
qui sont l'objet principal de cet Ouvrage.
On fait d'abord une énumeration des
differentes sortes de Duels , ou Combats
singuliers , et des diverses causes pour
lesquelles on en est venu à ces Combats.
chez differentes Nations , selon ce que
l'Histoire nous en apprend. On en trouve jusqu'à onze sortes , dont la derniere
est le Duel qu'on se propose de combattre,
ou celui qui se rapporte à la réparation
d'honneur.
Cette espece de Duel étoit absolument
hors d'usage , non- seulement chez les
Grecs
1784 MERCURE DE FRANCE
Grecs et les Romains , mais encore chez
les, Egyptiens et les anciens Peuples de
l'Asie. Il doit uniquement son origine à
des Peuples barbares , venus des Parties
Septentrionales de l'Europe , qui ne pouvant souffrir la discipline des Loix ou
des Magistrats , vouloient décider toute
sorte de differends à la pointe de l'épée.
De- là naquit le Duel qu'on introduisit
pour se purger de quelque crime ; dans
la pensée que Dieu déclareroit par l'éve•
nement du combat , qui avoit raison ,
du Diffamateur ou du Diffamé.
Les Lombards porterent en Italie cette
mauvaise coûtume ; et , comme le remarque M. Barbeyrac , les autres Peuples du
Nord l'introduisirent dans tous les Païs
au dedans et au dehors de l'Empire Romain , où ils s'établirent ; les Saxons , par
exemple , en Angleterre. On fit des Loix
là - dessus aussi sérieusement que s'il se fûr
agi de la chose du monde la plus raisonnable et la plus légitime. Lorsque le Droit
Romain eut été remis en vogue, les Commentateurs tâcherent d'y trouver de quoi
autoriser le Duel. A cela se joignirent les
Croisades et l'institution des Ordres de
Chevaleries. Ces Chevaliers vinrent à
former des regles du point d'honneur.
Les Jurisconsultes traiterent cette matiere
comme
A O UST. 1732 1785
comme une partie de la Jurisprudence ;
d'autres , comme une science particuliere et toute nouvelle. Cela produisit une,
infinité de Livres sur le Duel , sur la
science de la Chevalerie , comme parlent
les Italiens , et sous divers autres titres
semblables , &c.
Il est facile de montrer comment l'usage du Duel est contraire à la raison ,
à la Loi naturelle et sur tout aux maximes de la Religion Chrétienne. Aussi
suppose- t'on cela comme suffisamment
démontré par divers Auteurs. La grande difficulté consiste à trouver les moyens de
déraciner de l'esprit des sots, dont le nombre est toûjours fort grand , le préjugé du
point d'honneur , qui empêche que tou
tes les Loix les plus severes faites jusques ici contre cette mode pernicieuse ,
ne soient assez efficaces pour l'abolir.
M. Slicher, Auteur de la Dissertation Latine , veut qu'on tire le remede du mal
même, et que l'on retienne par la crainte
d'un plus grand deshonneur , ceux qui
croyent être deshonorez , s'ils n'ont reCours au Duel. Il faudroit , dit- il , faire
de nouvelles Loix qui exposassent les contrevenans au mépris, et à la risée publique ; ordonner, par exemple, que les corps
de ceux qui auroient été tuez en Duel,
fussent
1786 MERCURE DE FRANCE
fussent traitez de même que ceux des
Criminels , punis du dernier supplice ;
deffendre de porter les armes aux Duellistes , à qui on auroit fait grace de la vie,
et cela sous condition que s'ils les portoient depuis , leur pardon deviendroit
nul ; exclure de tout emploi militaire
ceux qui auroient appellé quelqu'un en
Duel , ou qui auroient répondu à l'appel,
en un mot , faire ensorte que de telles
gens , qui par une pure folie , auroient
ainsi violé les Loix de la societé humaine, fussent desormais bannis de la Socie
té et du commerce des Sages , &c.
On trouve dans l'article des nouvelles
de Londres , que le sieur Pine , habile
Graveur , travaille à donner les Ouvrages d'Horace , gravez sur des Planches
de cuivre. Il en a distribué un Essai contenant les six premieres Odes , qui a paru
fort beau. Chaque Ode est accompagnée
d'une Vignette , d'une Lettre grise et
d'un Cul- de- Lampe ; on y voit les têtes
des personnes à qui les Odes sont adres
sées , ou des représentations qui ont du
rapport au sujet de la Piece. A l'égard
du Texte , on se conforme à l'Edition'
d'Horace , publiée à Cambridge en 1701,
in 12. par les soins du Doct. Talbot. L'Edition
A O UST. 1732. 1787
dition du sieur Pine contiendra deux vo
lumes in 8.
matieres importantes , traduits ou composez par Jean Barbeyrac , Professeur
en Droit dans l'Université de Groningue. Il y a joint un Eloge historique
de feu M. Noord. En deux Tomes in 12.
dont le premier contient 417 pages , et
le second 344. A Amsterdam , chez Pierre Humbert, 1731.
Le second Tome de ce Recueil com
mence par une Dissertation , de la juste
deffense de l'honneur , où l'on traite en par
ticulier des Duels. Le but de cette Disser-
}
tation
A O UST 1732. 1783
tation qui fut publiée en 1717.en Latin,
à Amsterdam , est de montrer l'origine
du Duel , et la maniere dont on pourroit s'y prendre pour en arrêter l'usage
barbare , plus efficacement qu'on n'a fait
jusqu'ici.
La Dissertation contient cinq Chapitres. On donne dans le premier une idée
generale de la matieres on traite dans
le second des injures qui donnent quelque atteinte à l'honneur , lorsqu'on les
souffre ; dans le troisiéme des autres sortes d'injures que l'on peut mépriser , sans
préjudice de l'honneur. Le quatriéme
Chapitre roule sur les moyens légitimes
ou illegitimes de deff ndre l'honneur
et dans le cinquiéme on traite des Duels,
qui sont l'objet principal de cet Ouvrage.
On fait d'abord une énumeration des
differentes sortes de Duels , ou Combats
singuliers , et des diverses causes pour
lesquelles on en est venu à ces Combats.
chez differentes Nations , selon ce que
l'Histoire nous en apprend. On en trouve jusqu'à onze sortes , dont la derniere
est le Duel qu'on se propose de combattre,
ou celui qui se rapporte à la réparation
d'honneur.
Cette espece de Duel étoit absolument
hors d'usage , non- seulement chez les
Grecs
1784 MERCURE DE FRANCE
Grecs et les Romains , mais encore chez
les, Egyptiens et les anciens Peuples de
l'Asie. Il doit uniquement son origine à
des Peuples barbares , venus des Parties
Septentrionales de l'Europe , qui ne pouvant souffrir la discipline des Loix ou
des Magistrats , vouloient décider toute
sorte de differends à la pointe de l'épée.
De- là naquit le Duel qu'on introduisit
pour se purger de quelque crime ; dans
la pensée que Dieu déclareroit par l'éve•
nement du combat , qui avoit raison ,
du Diffamateur ou du Diffamé.
Les Lombards porterent en Italie cette
mauvaise coûtume ; et , comme le remarque M. Barbeyrac , les autres Peuples du
Nord l'introduisirent dans tous les Païs
au dedans et au dehors de l'Empire Romain , où ils s'établirent ; les Saxons , par
exemple , en Angleterre. On fit des Loix
là - dessus aussi sérieusement que s'il se fûr
agi de la chose du monde la plus raisonnable et la plus légitime. Lorsque le Droit
Romain eut été remis en vogue, les Commentateurs tâcherent d'y trouver de quoi
autoriser le Duel. A cela se joignirent les
Croisades et l'institution des Ordres de
Chevaleries. Ces Chevaliers vinrent à
former des regles du point d'honneur.
Les Jurisconsultes traiterent cette matiere
comme
A O UST. 1732 1785
comme une partie de la Jurisprudence ;
d'autres , comme une science particuliere et toute nouvelle. Cela produisit une,
infinité de Livres sur le Duel , sur la
science de la Chevalerie , comme parlent
les Italiens , et sous divers autres titres
semblables , &c.
Il est facile de montrer comment l'usage du Duel est contraire à la raison ,
à la Loi naturelle et sur tout aux maximes de la Religion Chrétienne. Aussi
suppose- t'on cela comme suffisamment
démontré par divers Auteurs. La grande difficulté consiste à trouver les moyens de
déraciner de l'esprit des sots, dont le nombre est toûjours fort grand , le préjugé du
point d'honneur , qui empêche que tou
tes les Loix les plus severes faites jusques ici contre cette mode pernicieuse ,
ne soient assez efficaces pour l'abolir.
M. Slicher, Auteur de la Dissertation Latine , veut qu'on tire le remede du mal
même, et que l'on retienne par la crainte
d'un plus grand deshonneur , ceux qui
croyent être deshonorez , s'ils n'ont reCours au Duel. Il faudroit , dit- il , faire
de nouvelles Loix qui exposassent les contrevenans au mépris, et à la risée publique ; ordonner, par exemple, que les corps
de ceux qui auroient été tuez en Duel,
fussent
1786 MERCURE DE FRANCE
fussent traitez de même que ceux des
Criminels , punis du dernier supplice ;
deffendre de porter les armes aux Duellistes , à qui on auroit fait grace de la vie,
et cela sous condition que s'ils les portoient depuis , leur pardon deviendroit
nul ; exclure de tout emploi militaire
ceux qui auroient appellé quelqu'un en
Duel , ou qui auroient répondu à l'appel,
en un mot , faire ensorte que de telles
gens , qui par une pure folie , auroient
ainsi violé les Loix de la societé humaine, fussent desormais bannis de la Socie
té et du commerce des Sages , &c.
On trouve dans l'article des nouvelles
de Londres , que le sieur Pine , habile
Graveur , travaille à donner les Ouvrages d'Horace , gravez sur des Planches
de cuivre. Il en a distribué un Essai contenant les six premieres Odes , qui a paru
fort beau. Chaque Ode est accompagnée
d'une Vignette , d'une Lettre grise et
d'un Cul- de- Lampe ; on y voit les têtes
des personnes à qui les Odes sont adres
sées , ou des représentations qui ont du
rapport au sujet de la Piece. A l'égard
du Texte , on se conforme à l'Edition'
d'Horace , publiée à Cambridge en 1701,
in 12. par les soins du Doct. Talbot. L'Edition
A O UST. 1732. 1787
dition du sieur Pine contiendra deux vo
lumes in 8.
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Résumé : Recueil de Discours sur diverses matieres, [titre d'après la table]
Le texte présente un recueil de discours sur diverses matières importantes, traduit ou composé par Jean Barbeyrac, professeur en droit à l'Université de Groningue. Ce recueil, publié en deux tomes à Amsterdam en 1731, inclut un éloge historique de feu M. Noord. Le second tome commence par une dissertation sur la juste défense de l'honneur, publiée en latin en 1717, qui traite particulièrement des duels. Cette dissertation, composée de cinq chapitres, explore l'origine des duels et les moyens de les abolir. Elle énumère onze types de duels, dont le dernier est celui visant à réparer l'honneur, une pratique inconnue des Grecs, Romains, Égyptiens et anciens peuples d'Asie. Cette coutume est attribuée à des peuples barbares du Nord de l'Europe, qui préféraient régler leurs différends par l'épée plutôt que par la loi. Les Lombards ont introduit cette pratique en Italie, et d'autres peuples du Nord l'ont répandue dans divers pays. Les commentateurs du droit romain et les croisades ont contribué à légitimer les duels, tandis que les chevaliers ont établi des règles du point d'honneur. La dissertation critique l'usage des duels, contraire à la raison, à la loi naturelle et aux maximes de la religion chrétienne. L'auteur propose des lois sévères pour dissuader les duels, comme traiter les corps des duelistes comme ceux des criminels et exclure les duelistes des emplois militaires. Le texte mentionne également un graveur, le sieur Pine, travaillant sur une édition illustrée des œuvres d'Horace.
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59
p. 2763-2764
Réponse de M. de Voltaire.
Début :
Les Vers aimables que vous avez bien voulu m'envoyer, Monsieur, sont la récompense [...]
Mots clefs :
Vers aimables, Honneur, Métier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Réponse de M. de Voltaire.
éponse de M. de Voltaire.
Les Vers aimables que vous avez bien
voulu m'envoyer, Monsieur , sont la récompense la plus flatteuse que j'aye jamais reçûe
de mes Ouvrages. Vous faites si bien mon
métier que je n'ose plus m'en mêler après vous , et queje me réduis à vous remercier en
simple prose de l'honneur et du plaisir que
vous m'avezfait en Vers. Je n'ai reçû que
fort tard votre charmante Lettre , et une fievre qui m'est survenue , et dont je ne suis
pas encore guéri , m'a privéjusqu'à présent
du plaisir de vous répondre. On avoit commencé il y a quelque-tems , Monsieur , une
Edition de quelques-uns de mes Ouvrages,
qui a été suspendue. J'ai l'honneur de vous
Penvoyer toute imparfaite qu'elle est , je vous
prie de la recevoir comme un témoignage de
ma reconnoissance et de l'envie que j'ai de
meriter votre suffrage. Il est beau à vous ,
II. Vol. Bv Mon-
2764 MERCURE DE FRANCE
1
sieur , de joindre aux calculs de Plutus
l'harmonie d'Apollon. Je vous exhorte à
réunir toujours ces deux Divinitez , elles ont
besoin l'une de l'autre.
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
J'ai l'honneur d'être avec beaucoup
'd'estime , &c.
Les Vers aimables que vous avez bien
voulu m'envoyer, Monsieur , sont la récompense la plus flatteuse que j'aye jamais reçûe
de mes Ouvrages. Vous faites si bien mon
métier que je n'ose plus m'en mêler après vous , et queje me réduis à vous remercier en
simple prose de l'honneur et du plaisir que
vous m'avezfait en Vers. Je n'ai reçû que
fort tard votre charmante Lettre , et une fievre qui m'est survenue , et dont je ne suis
pas encore guéri , m'a privéjusqu'à présent
du plaisir de vous répondre. On avoit commencé il y a quelque-tems , Monsieur , une
Edition de quelques-uns de mes Ouvrages,
qui a été suspendue. J'ai l'honneur de vous
Penvoyer toute imparfaite qu'elle est , je vous
prie de la recevoir comme un témoignage de
ma reconnoissance et de l'envie que j'ai de
meriter votre suffrage. Il est beau à vous ,
II. Vol. Bv Mon-
2764 MERCURE DE FRANCE
1
sieur , de joindre aux calculs de Plutus
l'harmonie d'Apollon. Je vous exhorte à
réunir toujours ces deux Divinitez , elles ont
besoin l'une de l'autre.
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
J'ai l'honneur d'être avec beaucoup
'd'estime , &c.
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Résumé : Réponse de M. de Voltaire.
Voltaire exprime sa gratitude pour les vers flatteurs reçus, qu'il considère comme la plus flatteuse des récompenses pour ses œuvres. Il explique qu'une fièvre l'a empêché de répondre plus tôt. Il informe également son correspondant qu'une édition récente de certains de ses ouvrages a été suspendue. Malgré cela, il envoie cette édition imparfaite en signe de reconnaissance et de désir de mériter l'approbation de son destinataire. Voltaire admire la capacité de ce dernier à allier les calculs financiers à l'harmonie poétique, et l'encourage à continuer de réunir ces deux domaines. Il conclut en citant l'adage 'Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci', soulignant l'importance de combiner l'utile et l'agréable.
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60
p. 1935-1938
LETTRE sur une Machine pour élever l'eau, &c. écrite de Villeneuve-lès-Avignon, le 14. Août, par M. Soumille, Prêtre.
Début :
Ayant lû, Monsieur, dans votre dernier volume du Mercure de Juin, [...]
Mots clefs :
Poids, Machine, Livres, Élever, Remonter, Ouvrages, Honneur, Puits, Eau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur une Machine pour élever l'eau, &c. écrite de Villeneuve-lès-Avignon, le 14. Août, par M. Soumille, Prêtre.
LETTRE sur une Machine pour pour élever
l'eau , & c. écrite de Villeneuve - lès-
Avignon , le 14. Août , par M. Sou
mille , Prêtre..
Yant lû , Monsieur , dans votre
Aderniervolume du Mercure de Juin;
page 1418. un article d'un Particulier
qui croit rendre service au Public en
proposant de faire une Machine dans
Le goût des grosses Horloges , pour pouvoir
, au moyen de certains poids , faire
monter l'eau des Puits , &c. J'ai crû de
mon côté , rendre un meilleur service
à ce même Public , en lui conseillant de
ne rien essayer sur ces sortes d'Ouvrages.
Les plus parfaits et les mieux executez
seroient inutiles. Que seroit ce de ceux.
où la main de l'Ouvrier laisseroit quelque
imperfection ? mais pour qu'on ne croye
pas que j'avance cette proposition au
hazard ,
1937 MERCURE DE FRANCE
hazard , souffrez que j'aye l'honneur de
vous présenter les Refléxions suivantes ,
pour en faire l'usage que vous jugesez
à propos.
De quelle utilité pourroit être pour les
arrosages , &c. une Machine de cette espece
, laquelle après avoir coûté considérablement
, ne pourroit élever qu'une
quantité d'eau au - dessous de la pesanteur
de son poids ? Je m'explique ; supposons
pour un moment qu'un de ces
Ouvrages , executé dans sa derniere perfection
, puisse agir avec un poids de
100. livres , qu'il soit élevé au niveau
du bassin où l'on veut faire monter l'eau ;
il est très- certain que ce poids de 100 .
livres dans toute sa descente ne pourra
élever que moins de 100 liv. d'eau ; et
toutes les fois qu'on prendra la peine
de le remonter , il n'élevera jamais dans
sa descente que moins d'eau que ce qu'il
pese. Eh ! ne vaudroit - il pas mieux que
la personne destinée à remonter ce poids ,
employât ses forces à élever de l'eau
par les moyens usitez jusqu'aujourd'hui ,
et qu'elle n'usât point une Machine trèscouteuse
qui ne serviroit qu'à rendre
inutile une partie de ses forces, puisqu'au
lieu de remonter un poids de 100 liv.
elle pourroit puiser 100. livres d'eau , et
que
SEPTEMBRE . 1733. 1937
que le poids n'en sçauroit faire monter
autant ?
On ne peut pas douter un moment de
ce que je viens de dire , quand on examine
de près les loix immuables de l'équilibre.
La plus simple de toutes les Ma-
Achines , à mon sens , est celle qu'on voit
à tous les Puits , je veux dire deux sceaux
et une poulie ; mais si vous mettez 100 .
livres d'eau dans un des sceaux et 100 .
livres de poids dans l'autre , ils resteront
sans mouvement , et le poids n'emportera
l'eau qu'après en avoir ôté une partie
suffisante pour rompre l'équilibre . Or
comme cette Machine est la plus simple ,
elle est , sans contredit , la meilleure et
elle fournit un préjugé contre les Machines
composées de ce genre. On peut ,
si vous voulez , par une Machine composée
adoucir la peine de celui qui puise
l'eau , mais il faudra plus de temps pour
en puiser la même quantité. On peut
aussi faire une Machine à poids qui agira
pendant long-temps , mais l'eau qu'elle
fournira pendant cet espace de temps ,
quelque long qu'il soit , sera roujours
moindre que la pesanteur du poids de
la Machine.
Il est inutile de s'étendre davantage
sur une Machine en general , il suffit
d'avoir
1938 MERCURE DE FRANCE
touché le principe et montré l'inutilité
de pareils Ouvrages. Si quelqu'un à l'avenir
proposoit un modele , je m'offre
de démontrer en détail ce que je n'ay pû
dire qu'en general. J'ay l'honneur d'être
avec toute la consideration possible ,
Monsieur , &c.
l'eau , & c. écrite de Villeneuve - lès-
Avignon , le 14. Août , par M. Sou
mille , Prêtre..
Yant lû , Monsieur , dans votre
Aderniervolume du Mercure de Juin;
page 1418. un article d'un Particulier
qui croit rendre service au Public en
proposant de faire une Machine dans
Le goût des grosses Horloges , pour pouvoir
, au moyen de certains poids , faire
monter l'eau des Puits , &c. J'ai crû de
mon côté , rendre un meilleur service
à ce même Public , en lui conseillant de
ne rien essayer sur ces sortes d'Ouvrages.
Les plus parfaits et les mieux executez
seroient inutiles. Que seroit ce de ceux.
où la main de l'Ouvrier laisseroit quelque
imperfection ? mais pour qu'on ne croye
pas que j'avance cette proposition au
hazard ,
1937 MERCURE DE FRANCE
hazard , souffrez que j'aye l'honneur de
vous présenter les Refléxions suivantes ,
pour en faire l'usage que vous jugesez
à propos.
De quelle utilité pourroit être pour les
arrosages , &c. une Machine de cette espece
, laquelle après avoir coûté considérablement
, ne pourroit élever qu'une
quantité d'eau au - dessous de la pesanteur
de son poids ? Je m'explique ; supposons
pour un moment qu'un de ces
Ouvrages , executé dans sa derniere perfection
, puisse agir avec un poids de
100. livres , qu'il soit élevé au niveau
du bassin où l'on veut faire monter l'eau ;
il est très- certain que ce poids de 100 .
livres dans toute sa descente ne pourra
élever que moins de 100 liv. d'eau ; et
toutes les fois qu'on prendra la peine
de le remonter , il n'élevera jamais dans
sa descente que moins d'eau que ce qu'il
pese. Eh ! ne vaudroit - il pas mieux que
la personne destinée à remonter ce poids ,
employât ses forces à élever de l'eau
par les moyens usitez jusqu'aujourd'hui ,
et qu'elle n'usât point une Machine trèscouteuse
qui ne serviroit qu'à rendre
inutile une partie de ses forces, puisqu'au
lieu de remonter un poids de 100 liv.
elle pourroit puiser 100. livres d'eau , et
que
SEPTEMBRE . 1733. 1937
que le poids n'en sçauroit faire monter
autant ?
On ne peut pas douter un moment de
ce que je viens de dire , quand on examine
de près les loix immuables de l'équilibre.
La plus simple de toutes les Ma-
Achines , à mon sens , est celle qu'on voit
à tous les Puits , je veux dire deux sceaux
et une poulie ; mais si vous mettez 100 .
livres d'eau dans un des sceaux et 100 .
livres de poids dans l'autre , ils resteront
sans mouvement , et le poids n'emportera
l'eau qu'après en avoir ôté une partie
suffisante pour rompre l'équilibre . Or
comme cette Machine est la plus simple ,
elle est , sans contredit , la meilleure et
elle fournit un préjugé contre les Machines
composées de ce genre. On peut ,
si vous voulez , par une Machine composée
adoucir la peine de celui qui puise
l'eau , mais il faudra plus de temps pour
en puiser la même quantité. On peut
aussi faire une Machine à poids qui agira
pendant long-temps , mais l'eau qu'elle
fournira pendant cet espace de temps ,
quelque long qu'il soit , sera roujours
moindre que la pesanteur du poids de
la Machine.
Il est inutile de s'étendre davantage
sur une Machine en general , il suffit
d'avoir
1938 MERCURE DE FRANCE
touché le principe et montré l'inutilité
de pareils Ouvrages. Si quelqu'un à l'avenir
proposoit un modele , je m'offre
de démontrer en détail ce que je n'ay pû
dire qu'en general. J'ay l'honneur d'être
avec toute la consideration possible ,
Monsieur , &c.
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Résumé : LETTRE sur une Machine pour élever l'eau, &c. écrite de Villeneuve-lès-Avignon, le 14. Août, par M. Soumille, Prêtre.
Dans une lettre du 14 août, M. Soumille, prêtre, critique un article du Mercure de Juin qui propose une machine pour élever l'eau à l'aide de poids. Soumille affirme que ces machines, même bien conçues, sont inefficaces car elles ne peuvent élever qu'une quantité d'eau inférieure à la pesanteur de leur poids. Par exemple, un poids de 100 livres ne peut soulever que moins de 100 livres d'eau, ce qui est moins efficace que de soulever directement l'eau avec la même force. Il illustre son propos avec l'exemple d'une poulie et de deux seaux, montrant que le poids n'emportera l'eau qu'après en avoir ôté une partie pour rompre l'équilibre. Soumille conclut que les machines complexes gaspillent une partie des forces humaines et fournissent moins d'eau que leur poids ne le permettrait. Il se propose de démontrer en détail l'inutilité de telles machines si un modèle est proposé à l'avenir.
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61
p. 2140-2143
A M. DUBOURG, COMTE DE SAINT POLGUE. ODE. Contre le Duel.
Début :
Quelle grande et vaste matiere ! [...]
Mots clefs :
Duel, Honneur, Courage, Enfers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. DUBOURG, COMTE DE SAINT POLGUE. ODE. Contre le Duel.
A M. DU BOURG ,
COMTE DE SAINT POLGUE
Qu
O DE.
Contre le Duel.
Uelle grande et vaste matiere !
Quels transports viennent m'effrayer ?
Je marche dans une carriere ,
Qu'il
OCTOBRE.1733 :
2141
Qu'il est dangereux de frayer.
Faux Point d'honneur , Tyran des ames ;
Des Guerriers , maximes infàmes ,
Nous captiverez- vous toujours ?
Contre des fureurs Germaniques *
Des Rois les Arrêts authentiques ,
Ne seront-ils d'aucun secours à
A quel Démon se livre l'homme
Une telle corruption ,
Inconnuë à l'ancienne Rome ,
Des enfers fut l'invention.
Quoi ! le plus terrible courage ,
Se change en la funeste rage ,
D'aller ensanglanter ses mains !
Tout cede à la fureur Guerriere ;
La vertu devient meurtriere ,
Et rend les hommes inhumains.
M
Pour paroître à l'honneur sensible ;
L'on engage ce même honneur
Le courage n'est infléxible ,
Que pour causer notre malheur .
Cent fois nous vîmes dans nos Plaines
Revivre les morts inhumaines
!
( a ) Le Duel est venu d'Allemagne où il étoie
beaucoup pratiqué.
B iij Des
2142
MERCURE DE FRANCE
Des indignes Gladiateurs .
Quel revers ! La noble sagesse ,
Que jadis admira la Grece ,
Ne trouve plus d'Imitateurs.
Envain le devoir nous rapelle ;
Envain veut-il nous arrêter
A sa voix , notre coeur rebelle ,
Ne veut pas même l'écouter ;
La passion toujours plus forte ,
Sur la foible raison l'emporte ;
Nous n'aspirons qu'à nous venger ;
Nul respect ne peut nous distraire ;
Je vois dans le sang de son frere ,
Un frere inhumain se plonger.
& swit
Va , fui , cruelle barbarie ;
Cesse d'infecter l'Univers ;
De la terre à jamais bannie ,
Rentre dans le fond des Enfers.
Mais quels progrès fait ce délire ?
Bien-tôt fous son funeste Empire ,
Il enchaîne tous les François ,
Qui l'eut dit ? Qu'un peuple si sage ,
Feroit lui- même aussi naufrage ,
Et subiroit de telles Loix ?
Mais
OCTOBRE .
1733 2143
Mais comment , malheureuse France ',
Tirer tes Enfans de l'erreur ?
Avec le lait , dès leur enfance ,
Ils ont succé cette fureur.
Je vois ta fougueuse jeunesse ,
Trop jalouse de sa noblesse ,
Suivre l'impétueux torrent ;
Le plus sage en est la victime ,
Et si l'on se refuse au crime ,
On croit n'être plus innocent.
Toi , qu'éveille le bruit des Armes ;
DU BOURG , pour qui les Champs de Mars ,
Ont déja d'invincibles charmes >
Toy , qui veux braver les hazards ,
Que ton courage héréditaire ,
D'une valeur imaginaire ,
N'authorise jamais la Loy ;
Verse ton sang pour ta Patrie ;
Et que chaque instant de ta vie ,
Ne soit consacré qu'à ton Roy.
J. JAVARY
COMTE DE SAINT POLGUE
Qu
O DE.
Contre le Duel.
Uelle grande et vaste matiere !
Quels transports viennent m'effrayer ?
Je marche dans une carriere ,
Qu'il
OCTOBRE.1733 :
2141
Qu'il est dangereux de frayer.
Faux Point d'honneur , Tyran des ames ;
Des Guerriers , maximes infàmes ,
Nous captiverez- vous toujours ?
Contre des fureurs Germaniques *
Des Rois les Arrêts authentiques ,
Ne seront-ils d'aucun secours à
A quel Démon se livre l'homme
Une telle corruption ,
Inconnuë à l'ancienne Rome ,
Des enfers fut l'invention.
Quoi ! le plus terrible courage ,
Se change en la funeste rage ,
D'aller ensanglanter ses mains !
Tout cede à la fureur Guerriere ;
La vertu devient meurtriere ,
Et rend les hommes inhumains.
M
Pour paroître à l'honneur sensible ;
L'on engage ce même honneur
Le courage n'est infléxible ,
Que pour causer notre malheur .
Cent fois nous vîmes dans nos Plaines
Revivre les morts inhumaines
!
( a ) Le Duel est venu d'Allemagne où il étoie
beaucoup pratiqué.
B iij Des
2142
MERCURE DE FRANCE
Des indignes Gladiateurs .
Quel revers ! La noble sagesse ,
Que jadis admira la Grece ,
Ne trouve plus d'Imitateurs.
Envain le devoir nous rapelle ;
Envain veut-il nous arrêter
A sa voix , notre coeur rebelle ,
Ne veut pas même l'écouter ;
La passion toujours plus forte ,
Sur la foible raison l'emporte ;
Nous n'aspirons qu'à nous venger ;
Nul respect ne peut nous distraire ;
Je vois dans le sang de son frere ,
Un frere inhumain se plonger.
& swit
Va , fui , cruelle barbarie ;
Cesse d'infecter l'Univers ;
De la terre à jamais bannie ,
Rentre dans le fond des Enfers.
Mais quels progrès fait ce délire ?
Bien-tôt fous son funeste Empire ,
Il enchaîne tous les François ,
Qui l'eut dit ? Qu'un peuple si sage ,
Feroit lui- même aussi naufrage ,
Et subiroit de telles Loix ?
Mais
OCTOBRE .
1733 2143
Mais comment , malheureuse France ',
Tirer tes Enfans de l'erreur ?
Avec le lait , dès leur enfance ,
Ils ont succé cette fureur.
Je vois ta fougueuse jeunesse ,
Trop jalouse de sa noblesse ,
Suivre l'impétueux torrent ;
Le plus sage en est la victime ,
Et si l'on se refuse au crime ,
On croit n'être plus innocent.
Toi , qu'éveille le bruit des Armes ;
DU BOURG , pour qui les Champs de Mars ,
Ont déja d'invincibles charmes >
Toy , qui veux braver les hazards ,
Que ton courage héréditaire ,
D'une valeur imaginaire ,
N'authorise jamais la Loy ;
Verse ton sang pour ta Patrie ;
Et que chaque instant de ta vie ,
Ne soit consacré qu'à ton Roy.
J. JAVARY
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Résumé : A M. DUBOURG, COMTE DE SAINT POLGUE. ODE. Contre le Duel.
En octobre 1733, une lettre adressée à M. du Bourg, comte de Saint Polgue, dénonce le duel, qualifié de 'faux point d'honneur' et de 'tyran des âmes'. L'auteur critique cette pratique dangereuse et tyrannique, issue d'Allemagne, qui transforme le courage en rage meurtrière. Il déplore que même les Français, réputés sages, soient tombés dans ce délire. Cette passion pour le duel est inculquée dès l'enfance, poussant la jeunesse à suivre ce torrent impétueux. L'auteur appelle le comte à utiliser son courage pour servir la patrie et le roi, plutôt que pour des valeurs imaginaires.
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62
p. 2291-2296
RECEPTION faite à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par la Ville de Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement, Receveur des Tailles de l'Election de Dreux.
Début :
Son Altesse Sérénissime partit d'Anet avec la Princesse sa fille, accompagnée [...]
Mots clefs :
Dreux, Hôtel de ville, Duchesse du Maine, Princesse, Officiers, Église, Jeunes gens, Honneur, Bourgeoisie, Officiers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RECEPTION faite à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par la Ville de Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement, Receveur des Tailles de l'Election de Dreux.
RECEPTIONfaite à S. A.S. Madame
La Duchesse du Maine , par la Ville de
Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement
, Receveur des Tailles de l'Election
de Dreux.
Save
On Altesse Sérénissime partit d'Anet
ec la Princesse sa fille , accompagnée
d'un grand nombre de personnes du
premier rang , le 23. Septembre dernier ,
er arriva ici sur les 4. heures du soir ;
elle fut saluée à une lieüe de la Ville
par une Compagnie de jeunes Gens qui
s'étoient réunis pour aller au - devant
d'Elle , ayant un Trompette à leur tête ;:
ils étoient parfaitement bien montez
er la maniere dont ils avoient orné leurs
chevaux donnoit un air de galanterie à
cette Troupe, qui satis fit beaucoup S.A.S.
Ils la suivirent jusqu'à Dreux autour de
sa Caleche , laquelle étoit précedée par
les Officiers de sa Maison , et suivie des
Carosses des personnes qui l'accompa
groient.
y
Avant que d'entrer dans la Ville , le
Maire et les autres Officiers de la Ville ,
Hvj por
2192 MERCURE DE FRANCE
portant le Dais sous lequel S. A. S. de- ´
voit marcher jusqu'à l'Eglise , eurent
l'honneur de la complimenter et de fui
présenter avec les Clefs de la Ville , les
présens ordinaires de vins exquis et de
Confitures seches.-
S. A. S. entra dans Dreux , au milieu
d'un concours de peuple extraordinaire
et au bruit des Tambours et de
toutes les Cloches. Elle s'arrêta encore
pour recevoir les complimens du Bailliage
et des autres Corps de Judicature ;
elle répondit aux Harangues avec cette
dignité et cette délicatesse d'esprit si
connues de tous ceux qui ont l'honneur
de l'approcher. Elle fut conduite après
ces cérémonies à l'Eglise principale qui
est située sur le lieu le plus éminent de
la Ville où est aussi le Château des
anciens Comtes de Dreux .
La Princesse trouva sur son passage
toute la Bourgeoisie en haye et sous les
armes ; et de distance en distance elle
passoit sous des Arcs de Triomphes ,
dont la décoration exprimoit la joye qui
devoit regner dans une pareille Fête.
Les Chanoines de la Collegiale vinrent
la recevoir et la conduisirent jusqu'à
leur Eglise , où elle arriva environnée
de tous les Corps de la Ville . Après
s'être
1
OCTOBRE . 1733. 2193
·
s'être placée au milieu du Choeur , on
chanta le Te Deum , qui fut précédé
d'th Motet , dont l'execution parut satisfaire
S. A. S. Après les cérémonies de
l'Eglise, elle fut conduite dans une grande
Salle du Château , où l'on avoit élevé
un Théatre. Elle vit représenter par des
jeunes gens choisis de la Ville , la Tragédie
d'Oedipe , de M. de Voltaire , qui
fut suivie de Momus Fabuliste , de M.Fuzelier
. Ces deux Pieces furent assez bien
représentéss pour mériter les éloges de
S. A. S. Dans l'intervalle des deux Pieces
il y eut une petit Divertissement en Musique
, qui fut parfaitement executé et
dont voici les paroles.
Volez plaisir's heureux , enchantez nos esprits ,
Sçavantes filles du Permesse ,
Protegez nos Jeux et nos Ris ;
Quepartout on y reconnoisse,
Le goût et la délicatesse
Que vous ne prodiguez qu'à vos seuls Favoris
Volez plaisirs heureux , enchantez nos esprits.
La Fille de Condé vient embellir ces Rives ,
Druides accourez , vous , Nimphes fugitives ,
Qui vous ressouvenez d'avoir vû dans ces Lieux,
Briller ses illustres Ayeux ,
Aux accens de ma voix soyez plus attentives.
Celebrez ce jour prétieux,
L'ai
2294 MERCURE DE FRANCE
L'aimable esperance
Soutient nos désirs ,
Puissent nos plaisirs '
Et notre constance •
Fixer sa présence ;
Soyons les Rivaux ,
Des charmes de Sceaux .
La brillante Aurore
Montre ici ses feux ,
La naissante Flore
Y charme les yeux ;
Zéphir qui l'adore
La suit en ces lieux ,
Et les rend encore
Plus délicieux.
Chantons et repetons sans esse ,
Velez , plaisirs , &c..
Après la Comédie , S. A. S. fue
conduite , au bruit des Tambours , dans
la Maison la plus riante et la plus commode
de toute la Ville , où son logement
étoit préparé ; elle retrouva sur
son passage la Bourgeoisie sous les arfaisant
une double haye. Elle vit
avec plaisir les illuminations ingénieuses
dont tous les Habitans avoient orné leurs
Maisons. La Princesse passa sous de nouveaux
-Arcs de -Triomphe , que les Offciens
OCTOBRE..
ciers de Ville avoient eu
illuminer avec beauboup d'are
Elle se mit à table , et dans le meme
temps on servit par son ordre , un grand
soupé à l'Hôtel de Ville , où les Officiers
de Ville et tous les Corps de Judicatute
furent invitez . Après le souper on com
mença le Bal , que S. A. S. voulut bien
honorer de sa présence. Les Dames de
la Ville et des environs y vinrent en
Masque , habillées avec beaucoup de goût
et de magnificence. Les Danses durerent
jusqu'à quatre heures du matin , que la
Princesse et les Dames qui l'accompagnoient
, se retirerent. Le Bal cessé , tou
te la Bourgeoisie continua de monter la
Garde chez elle , et n'a point cessé jusqu'à
son départ de lui donner des mar
ques de son respect et de son attache
ment.
Le lendemain 24. S. A. S. fut occupée
à visiter les Eglises et les Monasteres de
cette Ville , laissant partout des marques
de sa libéralité. Elle vint ensuite
à l'Hôtel de Ville , les Officiers la complimenterent
de nouvean , et eurent
T'honneur de lui présenter une Collation
composée des plus beaux fruits de
La saison . La Princesse revint chez elle
où le divertissement déja donné fut exé,
cutê
CURE DE FRANCE
T
eau , accompagné de beaud'autre
Musique, S. A. S. retourna
à Anet le 25 , marquant une extrême
satisfaction d'avoir trouvé dans la
Ville de Dreux tous les coeurs si remplis
de respect et d'amour pour elle.
La compagnie de jeunes gens qni avoit
été audevant de la Princesse , se trouva
dans le même équipage à la Porte de la
Ville , dans le dessein de l'accompagner
jusqu'à Anet. S. A.S. leur sçût bon gré de
cette disposition et leur permit seulement
de la conduire à une lieuë de la Ville . Ils
revinrent à Dreux , où après avoir fait uu
grand souper dans l'Hôtel de Ville , ils
donnerent le Bal aux Dames , pour ter
miner cette galante fête .
La Duchesse du Maine , par la Ville de
Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement
, Receveur des Tailles de l'Election
de Dreux.
Save
On Altesse Sérénissime partit d'Anet
ec la Princesse sa fille , accompagnée
d'un grand nombre de personnes du
premier rang , le 23. Septembre dernier ,
er arriva ici sur les 4. heures du soir ;
elle fut saluée à une lieüe de la Ville
par une Compagnie de jeunes Gens qui
s'étoient réunis pour aller au - devant
d'Elle , ayant un Trompette à leur tête ;:
ils étoient parfaitement bien montez
er la maniere dont ils avoient orné leurs
chevaux donnoit un air de galanterie à
cette Troupe, qui satis fit beaucoup S.A.S.
Ils la suivirent jusqu'à Dreux autour de
sa Caleche , laquelle étoit précedée par
les Officiers de sa Maison , et suivie des
Carosses des personnes qui l'accompa
groient.
y
Avant que d'entrer dans la Ville , le
Maire et les autres Officiers de la Ville ,
Hvj por
2192 MERCURE DE FRANCE
portant le Dais sous lequel S. A. S. de- ´
voit marcher jusqu'à l'Eglise , eurent
l'honneur de la complimenter et de fui
présenter avec les Clefs de la Ville , les
présens ordinaires de vins exquis et de
Confitures seches.-
S. A. S. entra dans Dreux , au milieu
d'un concours de peuple extraordinaire
et au bruit des Tambours et de
toutes les Cloches. Elle s'arrêta encore
pour recevoir les complimens du Bailliage
et des autres Corps de Judicature ;
elle répondit aux Harangues avec cette
dignité et cette délicatesse d'esprit si
connues de tous ceux qui ont l'honneur
de l'approcher. Elle fut conduite après
ces cérémonies à l'Eglise principale qui
est située sur le lieu le plus éminent de
la Ville où est aussi le Château des
anciens Comtes de Dreux .
La Princesse trouva sur son passage
toute la Bourgeoisie en haye et sous les
armes ; et de distance en distance elle
passoit sous des Arcs de Triomphes ,
dont la décoration exprimoit la joye qui
devoit regner dans une pareille Fête.
Les Chanoines de la Collegiale vinrent
la recevoir et la conduisirent jusqu'à
leur Eglise , où elle arriva environnée
de tous les Corps de la Ville . Après
s'être
1
OCTOBRE . 1733. 2193
·
s'être placée au milieu du Choeur , on
chanta le Te Deum , qui fut précédé
d'th Motet , dont l'execution parut satisfaire
S. A. S. Après les cérémonies de
l'Eglise, elle fut conduite dans une grande
Salle du Château , où l'on avoit élevé
un Théatre. Elle vit représenter par des
jeunes gens choisis de la Ville , la Tragédie
d'Oedipe , de M. de Voltaire , qui
fut suivie de Momus Fabuliste , de M.Fuzelier
. Ces deux Pieces furent assez bien
représentéss pour mériter les éloges de
S. A. S. Dans l'intervalle des deux Pieces
il y eut une petit Divertissement en Musique
, qui fut parfaitement executé et
dont voici les paroles.
Volez plaisir's heureux , enchantez nos esprits ,
Sçavantes filles du Permesse ,
Protegez nos Jeux et nos Ris ;
Quepartout on y reconnoisse,
Le goût et la délicatesse
Que vous ne prodiguez qu'à vos seuls Favoris
Volez plaisirs heureux , enchantez nos esprits.
La Fille de Condé vient embellir ces Rives ,
Druides accourez , vous , Nimphes fugitives ,
Qui vous ressouvenez d'avoir vû dans ces Lieux,
Briller ses illustres Ayeux ,
Aux accens de ma voix soyez plus attentives.
Celebrez ce jour prétieux,
L'ai
2294 MERCURE DE FRANCE
L'aimable esperance
Soutient nos désirs ,
Puissent nos plaisirs '
Et notre constance •
Fixer sa présence ;
Soyons les Rivaux ,
Des charmes de Sceaux .
La brillante Aurore
Montre ici ses feux ,
La naissante Flore
Y charme les yeux ;
Zéphir qui l'adore
La suit en ces lieux ,
Et les rend encore
Plus délicieux.
Chantons et repetons sans esse ,
Velez , plaisirs , &c..
Après la Comédie , S. A. S. fue
conduite , au bruit des Tambours , dans
la Maison la plus riante et la plus commode
de toute la Ville , où son logement
étoit préparé ; elle retrouva sur
son passage la Bourgeoisie sous les arfaisant
une double haye. Elle vit
avec plaisir les illuminations ingénieuses
dont tous les Habitans avoient orné leurs
Maisons. La Princesse passa sous de nouveaux
-Arcs de -Triomphe , que les Offciens
OCTOBRE..
ciers de Ville avoient eu
illuminer avec beauboup d'are
Elle se mit à table , et dans le meme
temps on servit par son ordre , un grand
soupé à l'Hôtel de Ville , où les Officiers
de Ville et tous les Corps de Judicatute
furent invitez . Après le souper on com
mença le Bal , que S. A. S. voulut bien
honorer de sa présence. Les Dames de
la Ville et des environs y vinrent en
Masque , habillées avec beaucoup de goût
et de magnificence. Les Danses durerent
jusqu'à quatre heures du matin , que la
Princesse et les Dames qui l'accompagnoient
, se retirerent. Le Bal cessé , tou
te la Bourgeoisie continua de monter la
Garde chez elle , et n'a point cessé jusqu'à
son départ de lui donner des mar
ques de son respect et de son attache
ment.
Le lendemain 24. S. A. S. fut occupée
à visiter les Eglises et les Monasteres de
cette Ville , laissant partout des marques
de sa libéralité. Elle vint ensuite
à l'Hôtel de Ville , les Officiers la complimenterent
de nouvean , et eurent
T'honneur de lui présenter une Collation
composée des plus beaux fruits de
La saison . La Princesse revint chez elle
où le divertissement déja donné fut exé,
cutê
CURE DE FRANCE
T
eau , accompagné de beaud'autre
Musique, S. A. S. retourna
à Anet le 25 , marquant une extrême
satisfaction d'avoir trouvé dans la
Ville de Dreux tous les coeurs si remplis
de respect et d'amour pour elle.
La compagnie de jeunes gens qni avoit
été audevant de la Princesse , se trouva
dans le même équipage à la Porte de la
Ville , dans le dessein de l'accompagner
jusqu'à Anet. S. A.S. leur sçût bon gré de
cette disposition et leur permit seulement
de la conduire à une lieuë de la Ville . Ils
revinrent à Dreux , où après avoir fait uu
grand souper dans l'Hôtel de Ville , ils
donnerent le Bal aux Dames , pour ter
miner cette galante fête .
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Résumé : RECEPTION faite à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par la Ville de Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement, Receveur des Tailles de l'Election de Dreux.
Le 23 septembre, la Duchesse du Maine, accompagnée de la Princesse sa fille et de nombreuses personnalités, arriva à Dreux vers 16 heures. Elle fut accueillie à une lieue de la ville par une compagnie de jeunes gens bien montés et galamment vêtus, qui la suivirent jusqu'à Dreux. À l'entrée de la ville, le maire et les officiers municipaux lui présentèrent les clés de la ville, des vins et des confitures, et la conduisirent sous un dais jusqu'à l'église principale. La Duchesse fut acclamée par une foule nombreuse et reçut les compliments des autorités locales. Après un Te Deum à l'église, elle assista à des représentations théâtrales au château, incluant 'Œdipe' de Voltaire et 'Momus Fabuliste' de Fuzelier, entrecoupées de musique. Le soir, elle fut conduite à sa résidence, où elle admira les illuminations et les arcs de triomphe. Un grand souper et un bal masqué suivirent, durant lesquels la Duchesse dansa jusqu'à quatre heures du matin. Le lendemain, elle visita les églises et monastères de la ville, distribuant des marques de sa libéralité. Elle quitta Dreux le 25 septembre, satisfaite de l'accueil reçu, et fut escortée par les jeunes gens jusqu'à une lieue de la ville. Ces derniers organisèrent un souper et un bal pour clôturer la fête.
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63
p. 2759-2776
LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
Début :
Il est tres-vrai, comme vous le dites, MADAME, qu'un véritable Ami est [...]
Mots clefs :
Amour, Amitié, Amants, Sentiments, Coeur, Charmes, Beauté, Mérite, Esprit, Honneur, Qualités, Personnes, Monde, Vertu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
LETTRE de M. de Ponsan , Trésorier
de France , à Toulouse , à Madame
* * * sur l' Amitié préférable à l'Amours
Inë dans l'Académie des Jeux Floraux.
I'
L est tres - vrai , comme vous le dites ,
MADAME , qu'un véritable Ami est
d'une grande ressource pour soulager nos
peines et nos maux , c'est le trésor le plus
précieux et le plus rare , sur tout pour les
personnes de votre Sexe ; celles qui ont
assez de mérite pour dédaigner l'amour.
craignent , avec raison , en se livrant à
l'amitié , les jugemens du public , ce Tribunal
redoutable , qui ne voit rien qu'il
ne croye être de sa compétence , et qui
décide de tout sans examen ; la plupart
II. Vol. A iiij
des
2760 MERCURE DE FRANCE
gens sont toujours disposez à former des
soupçons injurieux , sur les sentimens
qu'on a pour les Dames ; j'ai éprouvé
cette injustice ; peu s'en est fallu qu'elle
ne m'ait été funeste auprès de vous ; tout
le monde en ces occasions , fait le tort à
l'amitié de la prendre pour l'amour ;
les Dames favorisent une erreur qui les
flatte du côté de leurs charmes et de leur
beauté,pourroient - elles éviter cet Ecueil?
Une vanité mal entendue les engage à
sapplaudir , de grossir le nombre des vils
Esclaves de l'Amour , aux dépens des illustres
sujets de l'Amitié ; plusieurs qui
ne peuvent avoir que des Amans, se font
honneur de confondre avec elles ces
personnes distinguées , qui ont sçu s'attacher
un ami fidele ; une infinité d'Experiences
n'ont pû les convaincre que l'amour
qu'elles inspirent ne suppose en
elles aucun mérite , et ne peut pas même
leur répondre qu'elles ayent de la beauté;
les vûës de leurs Adorateurs , et les motifs
qui les animent , devroient faire regarder
leurs empressemens avec mépris ,
et rendre l'amitié plus chere et plus respectable
; ses plaisirs sont purs , tranquiles
et innocens ; elle n'en goute ni n'en
recherche jamais d'autres ; la générosité
en est la source féconde ; Venus a les
11. Vol. GraDECEMBRE.
1733. 2761
Graces pour compagnes , et l'Amitié les
vertus ; mais ce qui marque bien la supériorité
de celle- cy , et qui fait le plus
éclater son triomphe , c'est que l'Amour
emprunte quelquefois son langage et se
cache sous ses dehors ; il a recours à ce
tour rafiné quand il a épuisé toutes ses
ruses et toutes ses supercheries. Ce déguisement
est l'hipocrisie de l'amour , il
aime mieux alors se trahir lui- même plutôt
que d'échoüer ; ' sa défiance décéle sa
foiblesse et sa honte ; il en fait par là un
aveu forcé N'est - ce pas un hommage
qu'il rend à l'Amitié ? Rappellez - vous ,
Madame , la belle ( 1 ) Sentence de M.de
la Rochefoucaut , que vous avez si souvent
admirée ; vous remarquerez , avec
plaisir , que ce qu'il dit du vice et de la
vertu , convient parfaitement à mon sujet
; cette conformité est aussi honteuse
pour l'amour , qu'elle est glorieuse pour
l'amitié ; elle justifie d'une maniere victorieuse
l'équité de mes invectives et de
mes éloges.
Pour s'assurer d'un accueil favorable
auprès des personnes les plus vertueuses
, l'Amitié n'a qu'à se présenter ; ce
qu'elle a de plus à craindre , c'est d'être
(1) L'Hypocrisie est un hommage que le vice:
rend à la vertu,
II.Vol. A v prise
2762 MERCURE DE FRANCE
prise pour l'Amour, et de devenir la victime
de cette erreur ; cette seule méprise
lui attire toutes les brusqueries qu'el
le essuye ; glorieuses humiliations ! Il lui
suffit d'étre reconnuë, et que tous les honneurs
soient pour elle. Tâchez , Madame,
de la distinguer à des traits certains , pour
vous épargner le chagrin où vous seriez
de lui avoir fait quelque affront; vous remarquerez
dans ses heureux favoris un
merveilleux assemblage des principales
qualitez du coeur et de l'esprit. Un Poëte
distingué a dit hardiment qu'un sot
ne sçauroit être un honnête homme ;
qualité inséparable d'un bon Ami .
Les liaisons d'une tendre amitié sont
entretenues par un commerce doux et
tranquille ; ses attentions , ses bons offices.
s'étendent aux choses importantes et sériuses
, sans oublier ni négliger les bagatelles
, ni les absences , ni les changemens
de fortune ne diminuent en rien
son ardeur ; les pertes de la beauté et de
la jeunesse serrent ses noeuds ; les vrais
amis soulagent leur douleur à la vûë
de ces infortunes per les occasions qu'elles
leur fournissent de signaler leur affection
, et de faire éclater leur tendresse.
Bien opposé à cet aimable caractère , le
temeraire Amour est toujours orageux
H.Vd. C'est
DECEMBRE. 1733. 2763
c'est le Dieu des Catastrophes , son origine
est des plus honteuses ; il doit sa
naissance à l'amour propre , source féconde
de la corruption du coeur , et des
travers de l'esprit ; digne fils d'un tel
Pere , il ne dégenere. pas ; il est aussi pervers
que son principe ; la fourberie , la
supercherie , et l'imposture sont les ressorts
cachez de toutes ses entreprises; tous
ses projets sont des crimes ; l'amitié illustre
et immortalise ses sujets , l'amour
déshonore et dégrade ses Esclaves , il est
P'ennemi irréconciliable de la bonne foy ;
leurs démêlez violens et journaliers les
ont forcez de jurer entre eux un divorce
éternel ; l'amour pur est une chimere ,
' où s'il en fut jamais , ce Phénix n'a pû
jouir du privilege de sa cendre ; on l'a
comparé justement à l'apparition des Esprits
dont tout le monde parle , quoique
personne n'en ait vu ; l'amour enfin est
le partage de la jeunesse , c'est la passion
favorite de cet âge , qui s'est arrogé
le droit d'être relevé de ses fautes, et qui
a la hardiesse de qualifier du nom d'amusemens
excusables , ses attentats les
plus criminels ; peu de gens , sans rien
cacher , ni déguiser , seroient en état ,
après leur jeunesse , de fournir une Enquête
honorable de vie et moeurs. Jose
11. Vol
A vi le
2764 MERCURE DE FRANCE
le dire , après vous , Madame , combien
d'hommes , si tous les mysteres d'iniquité
étoient expo ez au grand jour , seroient
obligez d'implorer lá clemence du
Prince pour ne pas subir la tigurur des
Loix ! Et n'oubliez pas , en faveur de votre
sexe , le sens general du nom d'homme
; la multitude des coupables leur
procure l'impunité , plusieurs abusant de
ce privilege honteux , perpétuent leur
minorité , et se rendent par là d'autant
plus criminels qu'il ne leur reste plus ni
frivoles prétextes , ni indignes excuses ;
je ne dois pas craindre de faire tort à l'amour
en le chargeant de tous les crimes
de la jeunesse , il en est presque toujours
l'auteur ou le complice..
?
La divine Amitié , ce présent du ciel ,
est de tous les âges , et de tous les Etats ;
elle en fit la gloire de tout temps ; ses far
yeurs inépuisables ne sont jamais accompagnées
de dégoûts ;, avec elle on n'a pas
à craindre de parvenir à la derniere ; les
présentes en annoncent toujours de nouvelles
, dont elles sont les infaillibles ga
rans, rien n'est capable d'en fixer le nom
bre, ni d'en borner le cours ; les vrais amis
trouvent à tous momens de nouveaux
charmes dans leur douce société ; mille
sujets interressans soutiennent et animent
II. Vola
leurs
DECEMBRE. 1733. 2765
leurs entretiens ; la délicieuse confiance
fournit toujours sans s'épuiser ; cette ressource
est plus sûre et plus grande que
celle de l'esprit. En tout genre ce qui
mérite le mépris est plus commun que ce
qui est digne d'estime ; ce caractere , matque
infaillible de leur véritable valeur
manque bien moins aux Amis qu'aux
Amans ; rien n'est plus ordinaire que l'amour
, même violent ; rien ne l'est moins
que l'amitié , même médiocre ; on peut
dire à l'honneur de celle cy qu'elle est
tout au moins aussi rare que la vertu ; ce
n'est pas- là le seul rapport qui la rend digne
de cette glorieuse comparaison.
·
Tout retentit des Eloges magnifiques
qu'on donne de toutes parts à l'Amitié ;
permettez- moy , de grace , Madame , de
les appeller des Eloges funébres , puisque
peu s'en faut qu'on ne parle d'une chose
qui n'existe plus ; on ne sçauroit , il
est vrai , faire un plus juste et plus noble
usage de la loüange ; mais l'amour propre,
qui trouve par tout des droits à exercer ,
ne s'oublie pas dans cette occasion ; le Panégiriste
, en publiant des sentimens d'estime
et de vénération pour elle , pense
souvent à s'illustrer lui - même ; on croit
se rendre recommandable par le cas
qu'on fait de cette vertu ; stériles éloges !
II. Vol. puis
2766 MERCURE DE FRANCE
puisqu'on ne voit que tres- peu de gens
qui connoissent les devoirs de l'amitié, et
bien moins qui les observent !
3
Tout le monde se glorifie de posseder
les qualitez propres à former un bon
ami , si nous en croyons les hommes sur
leur parole , il ne manque à chacun
d'eux , pour devenir des modeles de l'amitié
la plus parfaite , que de trouver
quelqu'un qui veuille les seconder dans
leurs prétendues dispositions ; ils souffrent
de ne pouvoir pas mettre en oeuvre
leurs sentimiens ; ceux dont le coeur est le
moins compatissant et le plus dur, livrez
à l'idolatrie la plus honteuse , qui est celle
de soi- même , dont l'interêt et l'amour
propre dirigent toutes les démarches 3
sont ordinairement ceux mêmes qui forment
sur cette matiere les regrets les plus
fréquens ; ils ont même le front de se
déchaîner contre les ingrats que leur
aveuglement est étrange ! où sont les
malheureux que leurs bons offices ont
prévenus et soulagez ? Sur qui se sont
répandus leurs bienfaits ? Qu'ils attendent
du moins , pour être en droit de
déclamer contre l'ingratitude et la dureté
, qu'il y ait quelqu'un dans l'Univers
qui puisse être ingrat à leur égard et qui
ait éprouvé leur sensibilité.
11. Vol
Ов
DECEMBRE. 1733. 2767
On trouve des gens qui voudroient
faire entendre que ce qui les arrête , et les
empêche de suivre leur panchant , c'est
la craipte d'être trompez , ou le danger
de faire des avances , auxquelles on ne
réponde pas ; ne soyons pas les dupes de
ces réfléxions trop prévoyantes ; quand
on est si prudent et si circonspect sur
cette matiere à s'assurer des premiers pas,
on n'est guere disposé à fiire les seconds ;
qui ne sçait point être généreux , ne sera
jamais reconnoissant; ces vertus adorables.
marchent toujours ensemble ; c'est les
détruire que de les séparer.
Vous me fournissez Madame , la
preuve de cette verité ; toutes les qualitez
d'une solide Amie se trouvent
réunies en vous ; à peine en eû je fair
l'heureuse découverte que ce merveil
leux assemblage me remplit d'admiration
, et détourna mes yeux de ce qui
attire d'abord sur vous ceux de tout le
monde , il me parut que ce seroit avilir
votre beauté d'en fire usage pour inspirer
des passions ; c'étoit une chose trop
aisée lui faire honneur , je voyois
pour
en vous avec complaisance tout ce qui
pouvoit servir de lustre à l'amitié , et lui
faire remporter sur l'amour la victoire la
plus éclatante ce ne fut pas sans des
II. Vol
efforts.
2768 MERCURE DE FRANCE
efforts puissants et redoublez que je
m'obstinai à approfondir ces idées ; les
réfléxions que je fis là- dessus furent le
plus sublime effort de ma Philosophie ;
sans leur secours j'aurois éprouvé le sort
commun , et vous m'auriez infailliblement
vû langur , comme mille autres, au
nombre de vos Amans , si vous ne m'aviez
paru mériter quelque chose de mieux
que de l'amour ; dès que je connus votre
coeur et toutes les qualitez qui le rendent
propre à faire gouter les douceurs et les
charmes de l'amitié , j'aurois rougi du
seul projet d'en faire un autre usage ; je
me suis mille fois glorifié de mon choix,
je lui do's l'heureuse préférence dont
vous m'avez honoré , et je vois bien que
c'étoit par là seulement que je pouvois
en obtenir de vous.
Mes soins assidus firent prendre le
change à vos Amans ; ils m'ont honoré
de leur jalousie , les plus clair- voyans, reconnoissant
la méprise , crurent être en
droit de faire peu de cas de mes sentimens
et de m'en faire un crime ; ils ignoroient
qu'on pouvoit vous rendre un
hommage plus digne de vous que les
leurs ; je ne me suis point allarmé , et ne
leur ai cédé en rien ; l'attachement que
j'avois pour vous étoit en état de soute-
II. Vol. Dis
DECEMBRE. 1733. 2769
nir toute comparaison ; mon amitié a
souvent fait rougir leur amour ; le vain
titre d'Amans dont ils faisoient tant de
gloire ,, a perdu tout son éclat à l'aspect
d'un véritable
ami ; ce parallele
en a détruit
tout le faux brillant.
Le succès n'ayant pas répondu à leur
attente , ils ont malicieusement affecté
de me traiter en Rival ; leur feinte jalousie
a tenté de vous faire entrer en défiance
sur mes sentimens. Ils ont essayé d'allarmer
votre délicatesse sur les jugemens
du public. C'est sur les choses qui
peuvent avoir quelque rapport à la galanterie
, que la licence des soupçons et
des propos est la plus effrénée ; le mensonge
et la médisance , la calomnie et l'imposture
s'exercent à l'envi sur cette matiere
, c'est là leur sujet favori ; ce champ
est le plus vaste qu'elles ayent pour triom
pher de l'innocence , parce qu'il est souvant
difficile de se justifier avec évidence
; les indices équivoques , les soupçons
injustes tiennent lieu de preuves completes
; le petit nombre de ceux qui tâ,
chent de sauver les apparences , tire peu
de fruit de leur contrainte, on aime mieux
tout croire étourdiment que de souffrir
que quelqu'un jouisse du fruit de ses
attentions.
II. Vol. Mal
2770 MERCURE DE FRANCE
Malgré cette funeste disposition , le
public , chez qui l'avis le plus favorable
n'a jimais prévalu , a été forcé , après
avoir quelque temps varié dans ses ju
gemens , de rendre témoignage à la vérité
; il s'est fait la violence de déclarer
que l'amitié seule formoit les noeuds qui
nous unfssoient ; cette décision fur pour
moi une victoire éclatante ; rarement on
en obtient de pareille devant un Juge
qui met ordinairement les apparences et
les préventions à la place des lumieres.
Vos Amans déconcertez se sont répandus
en murmures , ils ont donné à votre
coeur des qualifications injurieuses ; ils
l'ont traité d'insensible et de dur ; pour
ménager leur orgueil ils ont voulu vous
faire un crime du peu de cas que vous
ávez fait de leur amour ; injuste accusation
! Ils n'ont jamais été fondez à vous
reprocher votre prétendue insensibilité ,
vous vous êtes à cet égard pleinement
justifiée en faisant voir que vous réserviez
vos sentimens pour un plus digne
et plus noble usage que celui qu'ils leur
destinoient ; mal à propos ils ont appellé
dureté ce qui étoit en vous l'effet de la
glorieuse préférence que vous avez toujours
donnée à l'amitié Pour mériter et
pour obtenir toutes ses faveurs , vous lui
II. Vol. avez
DECEMBR E. 1733. 2771
avez offert les prémices de votre coeur ;
pour vous conserver digne d'elle , vous
n'avez jamais voulu la compromettre
avec l'amour ; vous avez la gloire , Madame
, d'avoir commencé par où bien
d'autres personnes de votre sexe ne peu
vent pas même finir ; leurs charmes et
avec eux leurs Amans les abandonnentils!
elles ne peuvent abandonner l'amour :
les dégoûts qu'elles ont alors à essuyer
les informent fréquemment que le temps
de plaire est passé ; s'il leur restoit quelque
mérite après avoir perdu leur beau.
elles pourroient se dédommager de
leurs pertes par le secours de l'amitié ; elles
n'auroient rien à regreter, si du débris de
leurs adorateurs elles avoient pû se ménager
un bon et fidele Arai , leur bonheur
seroit grand de connoître le prix
d'un échange si avantageux.
Ce parti ne sera jamais celui du grand
nombre ; les éclats souvent scandaleux ,
sont les dénouemens ordinaires des.commerces
galans : par le funeste panchant
des choses d'ic bas , tout tend à la corruption
, bien- plutôt qu'à la perfection ;
On voit souvent que l'amitié dégénére en
amour , mais il est bien rare que l'amour
ait la gloire de se convertir en amitié ;
cette route détournée et peu frayée a ton-
II. Vol.
jours
2772 MERCURE DE FRANCE
jours supposé d'excellentes qualitez dans
les personnes qui l'ont suivie avec succès;
revenus de la passion qui les aveugloit ,
les Amans conservent difficilement l'estime
mutuelle , sans laquelle l'amitié ne
sçauroit subsister; ceux qui ont cet avantage
ont sans doute un mérite éminent ;
on peut dire d'eux qu'ils étoient faits
pour l'amitié , quoiqu'ils ayent commencé
par l'amour ; ils méritent qu'on les
excuse d'avoir marché quelque temps
dans un sentier dont le terme a été aussi
heureux ; on doit croire , en leur faveur
qu'il y a eu de la surprise ; l'amour qui
ne connoît pas de meilleur titre que Pu
surpation pour étendre son empire , n'a
pas manqué de s'approprier des sujets de
Pamitié , qui s'étoient égarez , et a sçû
même quelquefois abuser de leur erreur ;
il n'a jamais été délicat sur les moyens de
parvenir à ses fins ; mais dès que ces
Amans privilégiez ont reconnu la méprise
, ils sont rentrez dans leur chemin ;
l'amitié leur a offert une retraite honorable
, elle a été pour eux un port tranquille
et assuré où ils ont goûté mille
délices et prévenu ou réparé de dangereux
naufrages.
Etes vous satisfaite , Madame ? trou
vez - vous que j'aye assez dégradé l'amour
II. Vol. et
DECEMBRE . 1733. 2773
pas
et exalté l'amitié ? Convenez que je n'ai
été inutilement à votre école ; si j'ai
quelques idées saines sur cette matiere
c'est à vous à qui je les dois , vos judisieuses
et profondes reflexions m'ont soutenu
dans mes sentimens ; vous m'avez
appris par vos discours la Theorie de la
Philosophie , et j'en ai appris la pratique
par les efforts que j'ai faits pour me borner
en vous voyant à la simple admiration
on est doublement Philosophe
quand on le devient auprès de vous ; vos
yeux sont de pressantes objections contre
les principes d'une science , qui fait consister
sa plus grande gloire à gourmander
les passions ; votre présence donne beau
coup d'éclat au mépris qu'on a pour l'amour
; vous sçavez qu'il a été mille fois
le funeste écueil des Philosophes les plus
aguerris , et que leur confiance n'a guere
été impunément temeraire ; mais , j'ose
le dire , je suis assuré de vous faire par là
ma cour; les charmes de vos discours ont
vaincu ceux de votre personne ; toutes
ces difficultez ont cedé à la solidité de
yos raisonnemens ; votre éloquence a
triomphe de votre beauté , nouveau genre
de victoire et le seul auquel vous êtes
sensible ! N'esperez pas que cet exemple
soit suivi ; vous êtes la premiere , et vous
11. Vol. screz
2774 MERCURE DE FRANCE
serez peut- être la derniere de votre sexe ,
qui , comblée des libéralitez de la nature,
emploira toute la finesse et la force d'un
génie heureux à faire comprendre aux
hommes que la beauté ne merite pas
leurs hommages ; ceux qui s'obstinent ,
malgré vous , à la regarder avec trop
d'admiration , vous paroissent manquer
de jugement, il a fallu pour mériter votre
estime , prendre la seule route que vous
offriez ; j'ai fuï ce que vous de extiez ,
j'ai haï l'amour , parce que vous haissiez
les Amans ; le souverain mépris que
vous marquez pour eux , m'a rendu ce
titre odieux ; mais vous m'avez appris
que je devois faire par raison , ce que je
ne faisois que pour me conformer à vos
idées .
Pardonnez , Madame , la liberté que je
me donne de parler de vos charmes , ils
font trop d'honneur à vos sentimens pour
pouvoir s'en dispenser ; vous devez même
me passer une espece de galanterie ,
qui se borne à peindre les obstacles que
j'ai eu à surmonter , pour me conserver
à vos yeux , digne de quelque preference
; vous m'avez permis de me parer du
glorieux titre de votre conquête , mais je
n'ai obtenu cette faveur qu'au nom de
l'amitié que vous sçavez être de tous les
11. Vol.
temps,
DECEM DAD. * 755° 4775
temps , au rang des vertus. Ceux qui
ont interessé l'amour auprès de vous se
sont bien- tôt apperçus du peu de crédit
qu'il avoit sur votre esprit; vous ne leur
avez pas laissé ignorer qu'étant compris
dans la liste des passions , vous n'hésitiez
pas de le mettre au rang des vices.
Je m'apperçois un peu tard,Madame
que je vais vous engager à une lecture
bien longue ; mais n'oubliez pas mon
excuse ; souvenez - vous que vous m'avez
demandé un volume , plaignez- vous si
vous voulez d'être trop obéïe ; pour moi
je ferai toujours gloire de me conformer
à vos volontez ; il m'importe d'ailleurs
que vous ne soyez pas obligée , pour vous
amuser plus long temps , de lire ma Lettre
plus d'une fois , comme vous m'en
aviez menacé , vous pourrez du moins
tirer un avantage de son excessive longueur,
elle vous servira à vous vanger de
Pennui que vous causent vos voisins ; il
ne faut pour cela que les obliger de la
lire.
इ VICT S
Sans doute , Madame , qu'à l'avenir
vous serez plus réservée à me demander
de longues Lettres vous voyez qu'il ne
faut pas se jouer à moy , je suis determi
né à executer aveuglément tout ce que
vous souhaiterez à mes périls et fortu-
11. Vol. ne
2776 MERCURE DE FRANCE
ne ; je n'ignore pas qu'en vous écrivant
aussi longuement je sacrifie les interêts
de mon esprit à ceux de mon coeur ; faites
moi la grace de croire que ce sacrifice
ne me coûte pas bien cher ; je me sens
disposé à vous en faire de beaucoup plus
considérables ; soyez persuadée que je
Vous aurai une obligation infinie toutes
les fois que vous voudrez bien me fournir
les occasions de vous donner de nouvelles
preuves du respectueux et sincere
attachement avec lequel j'ai l'honneur
d'être , &c.
de France , à Toulouse , à Madame
* * * sur l' Amitié préférable à l'Amours
Inë dans l'Académie des Jeux Floraux.
I'
L est tres - vrai , comme vous le dites ,
MADAME , qu'un véritable Ami est
d'une grande ressource pour soulager nos
peines et nos maux , c'est le trésor le plus
précieux et le plus rare , sur tout pour les
personnes de votre Sexe ; celles qui ont
assez de mérite pour dédaigner l'amour.
craignent , avec raison , en se livrant à
l'amitié , les jugemens du public , ce Tribunal
redoutable , qui ne voit rien qu'il
ne croye être de sa compétence , et qui
décide de tout sans examen ; la plupart
II. Vol. A iiij
des
2760 MERCURE DE FRANCE
gens sont toujours disposez à former des
soupçons injurieux , sur les sentimens
qu'on a pour les Dames ; j'ai éprouvé
cette injustice ; peu s'en est fallu qu'elle
ne m'ait été funeste auprès de vous ; tout
le monde en ces occasions , fait le tort à
l'amitié de la prendre pour l'amour ;
les Dames favorisent une erreur qui les
flatte du côté de leurs charmes et de leur
beauté,pourroient - elles éviter cet Ecueil?
Une vanité mal entendue les engage à
sapplaudir , de grossir le nombre des vils
Esclaves de l'Amour , aux dépens des illustres
sujets de l'Amitié ; plusieurs qui
ne peuvent avoir que des Amans, se font
honneur de confondre avec elles ces
personnes distinguées , qui ont sçu s'attacher
un ami fidele ; une infinité d'Experiences
n'ont pû les convaincre que l'amour
qu'elles inspirent ne suppose en
elles aucun mérite , et ne peut pas même
leur répondre qu'elles ayent de la beauté;
les vûës de leurs Adorateurs , et les motifs
qui les animent , devroient faire regarder
leurs empressemens avec mépris ,
et rendre l'amitié plus chere et plus respectable
; ses plaisirs sont purs , tranquiles
et innocens ; elle n'en goute ni n'en
recherche jamais d'autres ; la générosité
en est la source féconde ; Venus a les
11. Vol. GraDECEMBRE.
1733. 2761
Graces pour compagnes , et l'Amitié les
vertus ; mais ce qui marque bien la supériorité
de celle- cy , et qui fait le plus
éclater son triomphe , c'est que l'Amour
emprunte quelquefois son langage et se
cache sous ses dehors ; il a recours à ce
tour rafiné quand il a épuisé toutes ses
ruses et toutes ses supercheries. Ce déguisement
est l'hipocrisie de l'amour , il
aime mieux alors se trahir lui- même plutôt
que d'échoüer ; ' sa défiance décéle sa
foiblesse et sa honte ; il en fait par là un
aveu forcé N'est - ce pas un hommage
qu'il rend à l'Amitié ? Rappellez - vous ,
Madame , la belle ( 1 ) Sentence de M.de
la Rochefoucaut , que vous avez si souvent
admirée ; vous remarquerez , avec
plaisir , que ce qu'il dit du vice et de la
vertu , convient parfaitement à mon sujet
; cette conformité est aussi honteuse
pour l'amour , qu'elle est glorieuse pour
l'amitié ; elle justifie d'une maniere victorieuse
l'équité de mes invectives et de
mes éloges.
Pour s'assurer d'un accueil favorable
auprès des personnes les plus vertueuses
, l'Amitié n'a qu'à se présenter ; ce
qu'elle a de plus à craindre , c'est d'être
(1) L'Hypocrisie est un hommage que le vice:
rend à la vertu,
II.Vol. A v prise
2762 MERCURE DE FRANCE
prise pour l'Amour, et de devenir la victime
de cette erreur ; cette seule méprise
lui attire toutes les brusqueries qu'el
le essuye ; glorieuses humiliations ! Il lui
suffit d'étre reconnuë, et que tous les honneurs
soient pour elle. Tâchez , Madame,
de la distinguer à des traits certains , pour
vous épargner le chagrin où vous seriez
de lui avoir fait quelque affront; vous remarquerez
dans ses heureux favoris un
merveilleux assemblage des principales
qualitez du coeur et de l'esprit. Un Poëte
distingué a dit hardiment qu'un sot
ne sçauroit être un honnête homme ;
qualité inséparable d'un bon Ami .
Les liaisons d'une tendre amitié sont
entretenues par un commerce doux et
tranquille ; ses attentions , ses bons offices.
s'étendent aux choses importantes et sériuses
, sans oublier ni négliger les bagatelles
, ni les absences , ni les changemens
de fortune ne diminuent en rien
son ardeur ; les pertes de la beauté et de
la jeunesse serrent ses noeuds ; les vrais
amis soulagent leur douleur à la vûë
de ces infortunes per les occasions qu'elles
leur fournissent de signaler leur affection
, et de faire éclater leur tendresse.
Bien opposé à cet aimable caractère , le
temeraire Amour est toujours orageux
H.Vd. C'est
DECEMBRE. 1733. 2763
c'est le Dieu des Catastrophes , son origine
est des plus honteuses ; il doit sa
naissance à l'amour propre , source féconde
de la corruption du coeur , et des
travers de l'esprit ; digne fils d'un tel
Pere , il ne dégenere. pas ; il est aussi pervers
que son principe ; la fourberie , la
supercherie , et l'imposture sont les ressorts
cachez de toutes ses entreprises; tous
ses projets sont des crimes ; l'amitié illustre
et immortalise ses sujets , l'amour
déshonore et dégrade ses Esclaves , il est
P'ennemi irréconciliable de la bonne foy ;
leurs démêlez violens et journaliers les
ont forcez de jurer entre eux un divorce
éternel ; l'amour pur est une chimere ,
' où s'il en fut jamais , ce Phénix n'a pû
jouir du privilege de sa cendre ; on l'a
comparé justement à l'apparition des Esprits
dont tout le monde parle , quoique
personne n'en ait vu ; l'amour enfin est
le partage de la jeunesse , c'est la passion
favorite de cet âge , qui s'est arrogé
le droit d'être relevé de ses fautes, et qui
a la hardiesse de qualifier du nom d'amusemens
excusables , ses attentats les
plus criminels ; peu de gens , sans rien
cacher , ni déguiser , seroient en état ,
après leur jeunesse , de fournir une Enquête
honorable de vie et moeurs. Jose
11. Vol
A vi le
2764 MERCURE DE FRANCE
le dire , après vous , Madame , combien
d'hommes , si tous les mysteres d'iniquité
étoient expo ez au grand jour , seroient
obligez d'implorer lá clemence du
Prince pour ne pas subir la tigurur des
Loix ! Et n'oubliez pas , en faveur de votre
sexe , le sens general du nom d'homme
; la multitude des coupables leur
procure l'impunité , plusieurs abusant de
ce privilege honteux , perpétuent leur
minorité , et se rendent par là d'autant
plus criminels qu'il ne leur reste plus ni
frivoles prétextes , ni indignes excuses ;
je ne dois pas craindre de faire tort à l'amour
en le chargeant de tous les crimes
de la jeunesse , il en est presque toujours
l'auteur ou le complice..
?
La divine Amitié , ce présent du ciel ,
est de tous les âges , et de tous les Etats ;
elle en fit la gloire de tout temps ; ses far
yeurs inépuisables ne sont jamais accompagnées
de dégoûts ;, avec elle on n'a pas
à craindre de parvenir à la derniere ; les
présentes en annoncent toujours de nouvelles
, dont elles sont les infaillibles ga
rans, rien n'est capable d'en fixer le nom
bre, ni d'en borner le cours ; les vrais amis
trouvent à tous momens de nouveaux
charmes dans leur douce société ; mille
sujets interressans soutiennent et animent
II. Vola
leurs
DECEMBRE. 1733. 2765
leurs entretiens ; la délicieuse confiance
fournit toujours sans s'épuiser ; cette ressource
est plus sûre et plus grande que
celle de l'esprit. En tout genre ce qui
mérite le mépris est plus commun que ce
qui est digne d'estime ; ce caractere , matque
infaillible de leur véritable valeur
manque bien moins aux Amis qu'aux
Amans ; rien n'est plus ordinaire que l'amour
, même violent ; rien ne l'est moins
que l'amitié , même médiocre ; on peut
dire à l'honneur de celle cy qu'elle est
tout au moins aussi rare que la vertu ; ce
n'est pas- là le seul rapport qui la rend digne
de cette glorieuse comparaison.
·
Tout retentit des Eloges magnifiques
qu'on donne de toutes parts à l'Amitié ;
permettez- moy , de grace , Madame , de
les appeller des Eloges funébres , puisque
peu s'en faut qu'on ne parle d'une chose
qui n'existe plus ; on ne sçauroit , il
est vrai , faire un plus juste et plus noble
usage de la loüange ; mais l'amour propre,
qui trouve par tout des droits à exercer ,
ne s'oublie pas dans cette occasion ; le Panégiriste
, en publiant des sentimens d'estime
et de vénération pour elle , pense
souvent à s'illustrer lui - même ; on croit
se rendre recommandable par le cas
qu'on fait de cette vertu ; stériles éloges !
II. Vol. puis
2766 MERCURE DE FRANCE
puisqu'on ne voit que tres- peu de gens
qui connoissent les devoirs de l'amitié, et
bien moins qui les observent !
3
Tout le monde se glorifie de posseder
les qualitez propres à former un bon
ami , si nous en croyons les hommes sur
leur parole , il ne manque à chacun
d'eux , pour devenir des modeles de l'amitié
la plus parfaite , que de trouver
quelqu'un qui veuille les seconder dans
leurs prétendues dispositions ; ils souffrent
de ne pouvoir pas mettre en oeuvre
leurs sentimiens ; ceux dont le coeur est le
moins compatissant et le plus dur, livrez
à l'idolatrie la plus honteuse , qui est celle
de soi- même , dont l'interêt et l'amour
propre dirigent toutes les démarches 3
sont ordinairement ceux mêmes qui forment
sur cette matiere les regrets les plus
fréquens ; ils ont même le front de se
déchaîner contre les ingrats que leur
aveuglement est étrange ! où sont les
malheureux que leurs bons offices ont
prévenus et soulagez ? Sur qui se sont
répandus leurs bienfaits ? Qu'ils attendent
du moins , pour être en droit de
déclamer contre l'ingratitude et la dureté
, qu'il y ait quelqu'un dans l'Univers
qui puisse être ingrat à leur égard et qui
ait éprouvé leur sensibilité.
11. Vol
Ов
DECEMBRE. 1733. 2767
On trouve des gens qui voudroient
faire entendre que ce qui les arrête , et les
empêche de suivre leur panchant , c'est
la craipte d'être trompez , ou le danger
de faire des avances , auxquelles on ne
réponde pas ; ne soyons pas les dupes de
ces réfléxions trop prévoyantes ; quand
on est si prudent et si circonspect sur
cette matiere à s'assurer des premiers pas,
on n'est guere disposé à fiire les seconds ;
qui ne sçait point être généreux , ne sera
jamais reconnoissant; ces vertus adorables.
marchent toujours ensemble ; c'est les
détruire que de les séparer.
Vous me fournissez Madame , la
preuve de cette verité ; toutes les qualitez
d'une solide Amie se trouvent
réunies en vous ; à peine en eû je fair
l'heureuse découverte que ce merveil
leux assemblage me remplit d'admiration
, et détourna mes yeux de ce qui
attire d'abord sur vous ceux de tout le
monde , il me parut que ce seroit avilir
votre beauté d'en fire usage pour inspirer
des passions ; c'étoit une chose trop
aisée lui faire honneur , je voyois
pour
en vous avec complaisance tout ce qui
pouvoit servir de lustre à l'amitié , et lui
faire remporter sur l'amour la victoire la
plus éclatante ce ne fut pas sans des
II. Vol
efforts.
2768 MERCURE DE FRANCE
efforts puissants et redoublez que je
m'obstinai à approfondir ces idées ; les
réfléxions que je fis là- dessus furent le
plus sublime effort de ma Philosophie ;
sans leur secours j'aurois éprouvé le sort
commun , et vous m'auriez infailliblement
vû langur , comme mille autres, au
nombre de vos Amans , si vous ne m'aviez
paru mériter quelque chose de mieux
que de l'amour ; dès que je connus votre
coeur et toutes les qualitez qui le rendent
propre à faire gouter les douceurs et les
charmes de l'amitié , j'aurois rougi du
seul projet d'en faire un autre usage ; je
me suis mille fois glorifié de mon choix,
je lui do's l'heureuse préférence dont
vous m'avez honoré , et je vois bien que
c'étoit par là seulement que je pouvois
en obtenir de vous.
Mes soins assidus firent prendre le
change à vos Amans ; ils m'ont honoré
de leur jalousie , les plus clair- voyans, reconnoissant
la méprise , crurent être en
droit de faire peu de cas de mes sentimens
et de m'en faire un crime ; ils ignoroient
qu'on pouvoit vous rendre un
hommage plus digne de vous que les
leurs ; je ne me suis point allarmé , et ne
leur ai cédé en rien ; l'attachement que
j'avois pour vous étoit en état de soute-
II. Vol. Dis
DECEMBRE. 1733. 2769
nir toute comparaison ; mon amitié a
souvent fait rougir leur amour ; le vain
titre d'Amans dont ils faisoient tant de
gloire ,, a perdu tout son éclat à l'aspect
d'un véritable
ami ; ce parallele
en a détruit
tout le faux brillant.
Le succès n'ayant pas répondu à leur
attente , ils ont malicieusement affecté
de me traiter en Rival ; leur feinte jalousie
a tenté de vous faire entrer en défiance
sur mes sentimens. Ils ont essayé d'allarmer
votre délicatesse sur les jugemens
du public. C'est sur les choses qui
peuvent avoir quelque rapport à la galanterie
, que la licence des soupçons et
des propos est la plus effrénée ; le mensonge
et la médisance , la calomnie et l'imposture
s'exercent à l'envi sur cette matiere
, c'est là leur sujet favori ; ce champ
est le plus vaste qu'elles ayent pour triom
pher de l'innocence , parce qu'il est souvant
difficile de se justifier avec évidence
; les indices équivoques , les soupçons
injustes tiennent lieu de preuves completes
; le petit nombre de ceux qui tâ,
chent de sauver les apparences , tire peu
de fruit de leur contrainte, on aime mieux
tout croire étourdiment que de souffrir
que quelqu'un jouisse du fruit de ses
attentions.
II. Vol. Mal
2770 MERCURE DE FRANCE
Malgré cette funeste disposition , le
public , chez qui l'avis le plus favorable
n'a jimais prévalu , a été forcé , après
avoir quelque temps varié dans ses ju
gemens , de rendre témoignage à la vérité
; il s'est fait la violence de déclarer
que l'amitié seule formoit les noeuds qui
nous unfssoient ; cette décision fur pour
moi une victoire éclatante ; rarement on
en obtient de pareille devant un Juge
qui met ordinairement les apparences et
les préventions à la place des lumieres.
Vos Amans déconcertez se sont répandus
en murmures , ils ont donné à votre
coeur des qualifications injurieuses ; ils
l'ont traité d'insensible et de dur ; pour
ménager leur orgueil ils ont voulu vous
faire un crime du peu de cas que vous
ávez fait de leur amour ; injuste accusation
! Ils n'ont jamais été fondez à vous
reprocher votre prétendue insensibilité ,
vous vous êtes à cet égard pleinement
justifiée en faisant voir que vous réserviez
vos sentimens pour un plus digne
et plus noble usage que celui qu'ils leur
destinoient ; mal à propos ils ont appellé
dureté ce qui étoit en vous l'effet de la
glorieuse préférence que vous avez toujours
donnée à l'amitié Pour mériter et
pour obtenir toutes ses faveurs , vous lui
II. Vol. avez
DECEMBR E. 1733. 2771
avez offert les prémices de votre coeur ;
pour vous conserver digne d'elle , vous
n'avez jamais voulu la compromettre
avec l'amour ; vous avez la gloire , Madame
, d'avoir commencé par où bien
d'autres personnes de votre sexe ne peu
vent pas même finir ; leurs charmes et
avec eux leurs Amans les abandonnentils!
elles ne peuvent abandonner l'amour :
les dégoûts qu'elles ont alors à essuyer
les informent fréquemment que le temps
de plaire est passé ; s'il leur restoit quelque
mérite après avoir perdu leur beau.
elles pourroient se dédommager de
leurs pertes par le secours de l'amitié ; elles
n'auroient rien à regreter, si du débris de
leurs adorateurs elles avoient pû se ménager
un bon et fidele Arai , leur bonheur
seroit grand de connoître le prix
d'un échange si avantageux.
Ce parti ne sera jamais celui du grand
nombre ; les éclats souvent scandaleux ,
sont les dénouemens ordinaires des.commerces
galans : par le funeste panchant
des choses d'ic bas , tout tend à la corruption
, bien- plutôt qu'à la perfection ;
On voit souvent que l'amitié dégénére en
amour , mais il est bien rare que l'amour
ait la gloire de se convertir en amitié ;
cette route détournée et peu frayée a ton-
II. Vol.
jours
2772 MERCURE DE FRANCE
jours supposé d'excellentes qualitez dans
les personnes qui l'ont suivie avec succès;
revenus de la passion qui les aveugloit ,
les Amans conservent difficilement l'estime
mutuelle , sans laquelle l'amitié ne
sçauroit subsister; ceux qui ont cet avantage
ont sans doute un mérite éminent ;
on peut dire d'eux qu'ils étoient faits
pour l'amitié , quoiqu'ils ayent commencé
par l'amour ; ils méritent qu'on les
excuse d'avoir marché quelque temps
dans un sentier dont le terme a été aussi
heureux ; on doit croire , en leur faveur
qu'il y a eu de la surprise ; l'amour qui
ne connoît pas de meilleur titre que Pu
surpation pour étendre son empire , n'a
pas manqué de s'approprier des sujets de
Pamitié , qui s'étoient égarez , et a sçû
même quelquefois abuser de leur erreur ;
il n'a jamais été délicat sur les moyens de
parvenir à ses fins ; mais dès que ces
Amans privilégiez ont reconnu la méprise
, ils sont rentrez dans leur chemin ;
l'amitié leur a offert une retraite honorable
, elle a été pour eux un port tranquille
et assuré où ils ont goûté mille
délices et prévenu ou réparé de dangereux
naufrages.
Etes vous satisfaite , Madame ? trou
vez - vous que j'aye assez dégradé l'amour
II. Vol. et
DECEMBRE . 1733. 2773
pas
et exalté l'amitié ? Convenez que je n'ai
été inutilement à votre école ; si j'ai
quelques idées saines sur cette matiere
c'est à vous à qui je les dois , vos judisieuses
et profondes reflexions m'ont soutenu
dans mes sentimens ; vous m'avez
appris par vos discours la Theorie de la
Philosophie , et j'en ai appris la pratique
par les efforts que j'ai faits pour me borner
en vous voyant à la simple admiration
on est doublement Philosophe
quand on le devient auprès de vous ; vos
yeux sont de pressantes objections contre
les principes d'une science , qui fait consister
sa plus grande gloire à gourmander
les passions ; votre présence donne beau
coup d'éclat au mépris qu'on a pour l'amour
; vous sçavez qu'il a été mille fois
le funeste écueil des Philosophes les plus
aguerris , et que leur confiance n'a guere
été impunément temeraire ; mais , j'ose
le dire , je suis assuré de vous faire par là
ma cour; les charmes de vos discours ont
vaincu ceux de votre personne ; toutes
ces difficultez ont cedé à la solidité de
yos raisonnemens ; votre éloquence a
triomphe de votre beauté , nouveau genre
de victoire et le seul auquel vous êtes
sensible ! N'esperez pas que cet exemple
soit suivi ; vous êtes la premiere , et vous
11. Vol. screz
2774 MERCURE DE FRANCE
serez peut- être la derniere de votre sexe ,
qui , comblée des libéralitez de la nature,
emploira toute la finesse et la force d'un
génie heureux à faire comprendre aux
hommes que la beauté ne merite pas
leurs hommages ; ceux qui s'obstinent ,
malgré vous , à la regarder avec trop
d'admiration , vous paroissent manquer
de jugement, il a fallu pour mériter votre
estime , prendre la seule route que vous
offriez ; j'ai fuï ce que vous de extiez ,
j'ai haï l'amour , parce que vous haissiez
les Amans ; le souverain mépris que
vous marquez pour eux , m'a rendu ce
titre odieux ; mais vous m'avez appris
que je devois faire par raison , ce que je
ne faisois que pour me conformer à vos
idées .
Pardonnez , Madame , la liberté que je
me donne de parler de vos charmes , ils
font trop d'honneur à vos sentimens pour
pouvoir s'en dispenser ; vous devez même
me passer une espece de galanterie ,
qui se borne à peindre les obstacles que
j'ai eu à surmonter , pour me conserver
à vos yeux , digne de quelque preference
; vous m'avez permis de me parer du
glorieux titre de votre conquête , mais je
n'ai obtenu cette faveur qu'au nom de
l'amitié que vous sçavez être de tous les
11. Vol.
temps,
DECEM DAD. * 755° 4775
temps , au rang des vertus. Ceux qui
ont interessé l'amour auprès de vous se
sont bien- tôt apperçus du peu de crédit
qu'il avoit sur votre esprit; vous ne leur
avez pas laissé ignorer qu'étant compris
dans la liste des passions , vous n'hésitiez
pas de le mettre au rang des vices.
Je m'apperçois un peu tard,Madame
que je vais vous engager à une lecture
bien longue ; mais n'oubliez pas mon
excuse ; souvenez - vous que vous m'avez
demandé un volume , plaignez- vous si
vous voulez d'être trop obéïe ; pour moi
je ferai toujours gloire de me conformer
à vos volontez ; il m'importe d'ailleurs
que vous ne soyez pas obligée , pour vous
amuser plus long temps , de lire ma Lettre
plus d'une fois , comme vous m'en
aviez menacé , vous pourrez du moins
tirer un avantage de son excessive longueur,
elle vous servira à vous vanger de
Pennui que vous causent vos voisins ; il
ne faut pour cela que les obliger de la
lire.
इ VICT S
Sans doute , Madame , qu'à l'avenir
vous serez plus réservée à me demander
de longues Lettres vous voyez qu'il ne
faut pas se jouer à moy , je suis determi
né à executer aveuglément tout ce que
vous souhaiterez à mes périls et fortu-
11. Vol. ne
2776 MERCURE DE FRANCE
ne ; je n'ignore pas qu'en vous écrivant
aussi longuement je sacrifie les interêts
de mon esprit à ceux de mon coeur ; faites
moi la grace de croire que ce sacrifice
ne me coûte pas bien cher ; je me sens
disposé à vous en faire de beaucoup plus
considérables ; soyez persuadée que je
Vous aurai une obligation infinie toutes
les fois que vous voudrez bien me fournir
les occasions de vous donner de nouvelles
preuves du respectueux et sincere
attachement avec lequel j'ai l'honneur
d'être , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
La lettre de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, adressée à une dame, met en avant la supériorité de l'amitié sur l'amour. L'auteur souligne que l'amitié est une ressource précieuse, particulièrement pour les femmes méritantes qui craignent les jugements publics. Il observe que l'amour et l'amitié sont souvent confondus, ce qui peut nuire à l'amitié. L'amour est motivé par la vanité et la beauté, tandis que l'amitié repose sur la générosité et les vertus. L'auteur note que l'amour peut emprunter le langage de l'amitié par hypocrisie. Il insiste sur la pureté et la tranquillité des plaisirs de l'amitié, contrastant avec les tumultes de l'amour. L'amitié persiste à travers les épreuves et les changements de fortune, renforçant les liens entre les amis. En revanche, l'amour est décrit comme orageux et corrupteur, né de l'amour-propre et source de crimes. L'auteur admire les qualités de la dame, qui incarnent une amitié solide et véritable, et se félicite de son choix de préférer l'amitié à l'amour. Il mentionne également les jaloux qui ont tenté de semer la défiance, mais son amitié est restée inébranlable. La lettre, publiée dans le Mercure de France en décembre 1733, exalte l'amitié comme seule capable de former des liens authentiques. L'auteur relate comment le public, après des jugements variés, a finalement reconnu la supériorité de l'amitié. Elle décrit les réactions de ses anciens amants, qui l'ont accusée d'insensibilité et de dureté, mais se justifie en expliquant qu'elle réservait ses sentiments pour un usage plus noble. L'auteur souligne que l'amitié est souvent compromise par l'amour, mais que l'inverse est rare. Elle loue les personnes capables de transformer leur amour en amitié, les qualifiant de méritantes. Elle exprime sa gratitude envers une dame dont les réflexions philosophiques l'ont influencée. Elle admire cette dame pour son intelligence et sa beauté, mais surtout pour son mépris de l'amour et son attachement à l'amitié. L'auteur conclut en affirmant son dévouement et son respect pour cette dame, prêt à sacrifier ses intérêts pour lui prouver son attachement sincère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
64
p. 157-161
GRANDE BRETAGNE.
Début :
On apprend de Londres, que le 28. de ce mois, vers les deux heures après midi, le [...]
Mots clefs :
Chambre des pairs, Chambre des communes, Roi, Guerre, Honneur, Couronne, Peuple, Parlement, Attention, Nation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
7
N append de Londres , que le 28. de ce
mois , vers les deux heures après midi , lė
Roi s'étoit rendu à la Chambre des Pairs avec les
ceremonies accoûtumées , et S. M. après avoir
mandé la Chambre des Communes , à fait le
Discours suivant.
MYLORDS ET MISSIEURS.
La guerre commencée depuis peu, et qui est poussée
avec tant de vigueur contre l'Empereur par les
Puissances réunies de France , d'Espagne et de Sardaigne
, est devenue l'objet de l'attenion de l'Europ
.Quoique je ne m'y sois engagé en aucune maniere,
et que je n'y aye de part que par mes bons officesdans
les négociations qu'on a citées comme les principales
causes et les motifs de cette guerre , je ne peus
me dispenser sur cet évenement , ni être indifferent
sur les conséquences d'une guerre entreprise es
soutenuepar des Alliez si puissants . Si jamais une
occasion a demandé quelque chose de plus qu'une
prudence et une circonspection ordinaire , c'est celle
qui se présente , et nous force d'user de la derniere
précaution , pour ne nous pas déterminer trop précipitamment
dans une conjoncture si critique et si
importante : elle demande que nous examinions à
fond ce que l'honneur et la dignité de ma Couronne
et de mes Royaumes , le veritable interét de
mon Peuple , et les engagemens que nous avons pris
avec diverses puissances dont nous sommes alliez .
peuvent exiger de nous avec justice . C'est par cette
raison que j'ai crû qu'il convenoit de prendre du
temps pour examiner les faits alleguez de part et
d'autre , et d'attendre le résultat des Conseils des
Puissances qui sont le plus interessées à cette guerre,
Hij
158 MERCURE DE FRANCE
et de concert avec celles qui ont des engagemens
avec moi, et qui n'ont point pris part à la guerre ,
plus ( particulierement avec les Etats generaux des
Provinces- Unies ) les mesures qui paroîtront les plus
convenables à notre sûreté commune et les plus propres
à rétablir la paix daus l'Europe. Les résolutions
du Parlement de la Grande-Bretagne sont
d'une trop grande importance dans une conjoncture
si délicate, pour ne pas exciter l'attention et l'impatience
de ceux qui esperent tirer avantage de nos
résolutions , et de s'en servir au préjudice de ce
Royaume ; ainsi nous devons déliberer avec une
grande précaution, et examiner avec toute la prudence
imaginable toutes les circonstances , avant que
de nous déterminer à prendre un parti . Comme dans
toutes mes reflexions sur cette importante affaire ,
J'aurai principalement égard à l'honneur de ma
Couronne et à l'interêt de mon Peuple , et que je ne
me gouvernerai que par ces vûës , je ne doute pas
que je ne puisse compter entierement sur l'appui et
assistance de mon Parlement , sans m'exposer par
gtune Déclaration précipuée à des inconveniens
op'on deix éviter autant qu'il est possible . En attendivot
je suis persuadé que vous prendrez les précautions
nécessaires pour mettre mes Royaumes , mes
droits et mes possessions à couvert de tous dangers et
de toute insulte , et pour conserver à la Nation Bri
tannique les égards qui lui sont dûs.Quel que soit le
parti auquel nous nous déterminerons , il est très-raisonnable
de nous mettre en état de deffense, sur tout
dans le temps que toute l'Europe est armée . Par la
nous conserverons mieux la paix dans ce Royaume ,
et nous donnerons plus de poids aux mesures qu'il
conviendra de prendre avec nos Alliez ; sans cette
précaution nous nous ferioms mépriser au- dehors ,
et nousferions naître la tentation et l'encouragement
AUX
JANVIER 1734 159
Bux ves dangereuses de ceux qui se flatttent toujours
de tirer quelque avantage des troubles et des
désordres publics.
MESSIEURS de la Chambre des Communes.
Je ferai remettre devant vous l'état des dépenses
qui exigent de vous une attention actuelle et immé
diate ; l'augmentation qu'on vous proposera pour te
service de Mer , sera tres - considerable , mais je suis
assuré qu'elle vous paroîtra raisonnable et necessaire.
Je dois particulierement recommander à vos
soins les Dettes de la Marine , qui vous ont été présentées
tous les ans . La circonstance présente me
fait croire que vous penserez qu'il est nécessaire d'y
pourvoir , et que le service public souffriroit d'un plus
long retardement à prendre une résolution sur cette
affaire. Comme ces Charges et dépenses sont inévi
tables , je ne fais aucun doute que vous ne leviez les
secours d'argent qui sont nécessaires, avec beaucoup
de diligence et avec le zéle que ce Parlement a
marqué dans toutes les occasions pour les véritables
interêts de mon penple.
MYLORDS ET MESSIEURS ,
Si on a toujours souhaité que les affaires du Parlementy
fussent traitées sans chaleur et sans animosité
, mais avec la modération qui fait connoître
la justice de la sagesse de la Nation ; c'est à present
qu'on doit le desirer plus particulierement, afin
que cette session ne soit point prolongée par des dér
fais inutiles , lorsque tout le Royaume paroît préparé
par l'élection d'un nouveau Parlement , évenement
quifait l'attention de toute l'Europe. Je suis tressatisfait
que le choix des nouveaux Deputez soit
une occasion pour moi de connoître les veritables
sentimens de mon Peuple, et de faire voir qu'ils ont
Hiiij été
1 MERCURE DE FRANCE
été mal rendus et déguisez. On peut aisement en
imposer à ceux qui ne voient et n'entendent les choses
que de loin , et les exposer à concevoir defausses
esperances ou à se livrer à des craintes peu fondées ;
mais j'espere qu'un peu de temps détruira ces opiniens
et qu'on reconnoîtra que la Grande Bretagne
est toujours disposée à faire ce que l'honneur et l'in
terêt de la Nation exigent d'elle.
Le Roy s'étant retiré de la Chambre des Pairs,
après que le Grand Chancelier eut prononcé au
nom de S. M. la Harangue aux deux Chambres;
les Seigneurs résolurent de présenter une adresse
au Roy pour le remercier , ils s'assemblerent le
lendemain , et après s'être ajournez au 30 , ils se
rendirent au Palais de Saint James , où ils présenterent
leur adresse , par laquelle ils assurerent
le Roy qu'ils entreroient avec autant de zéle que
de confiance dans toutes les vûës que S. M. leur
avoit expliquées dans sa Harangue . Le Roy leas
répondit :
MYLORDS ,
Je vous remercie de cette respectueuse et fidele
adresse ; la satisfaction que vous me témoignez de
mon attention et de mes efforts continuels à conserver
la paix et la tranquillité publique , m'est_extrémement
agreable, et comme je n'ai autre chose en vuë
que l'honneur et la dignité de ma Couronne et lø
bien de mes Royaumes , vous pouvez être assurez
de la continuation de mes soins et de ma vigilance
pour parvenir à ces fins desirables , et de la ferme
resolution où je suis , quelques evenemens qui_arrivent
de prendre les mesures les plus capables de repondre
à la confiance que vous avez en moi , et de
procurer la sureté et le bonheur de la Nation.
La
JANVIER . 1734. 161
La Chambre des Communes a aussi présenté
son adresse au Roy , qui y a fait la réponse suivante.
MESSIEURS ,
Je vous remercie de cette respectueuse et fidele adres
se et de la confiance que vous avez en moi , vous
pouvez être assurez que je ne m'en servirai quepour
Phonneur de la Couronne et le veritable interét de
mon peuple.
7
N append de Londres , que le 28. de ce
mois , vers les deux heures après midi , lė
Roi s'étoit rendu à la Chambre des Pairs avec les
ceremonies accoûtumées , et S. M. après avoir
mandé la Chambre des Communes , à fait le
Discours suivant.
MYLORDS ET MISSIEURS.
La guerre commencée depuis peu, et qui est poussée
avec tant de vigueur contre l'Empereur par les
Puissances réunies de France , d'Espagne et de Sardaigne
, est devenue l'objet de l'attenion de l'Europ
.Quoique je ne m'y sois engagé en aucune maniere,
et que je n'y aye de part que par mes bons officesdans
les négociations qu'on a citées comme les principales
causes et les motifs de cette guerre , je ne peus
me dispenser sur cet évenement , ni être indifferent
sur les conséquences d'une guerre entreprise es
soutenuepar des Alliez si puissants . Si jamais une
occasion a demandé quelque chose de plus qu'une
prudence et une circonspection ordinaire , c'est celle
qui se présente , et nous force d'user de la derniere
précaution , pour ne nous pas déterminer trop précipitamment
dans une conjoncture si critique et si
importante : elle demande que nous examinions à
fond ce que l'honneur et la dignité de ma Couronne
et de mes Royaumes , le veritable interét de
mon Peuple , et les engagemens que nous avons pris
avec diverses puissances dont nous sommes alliez .
peuvent exiger de nous avec justice . C'est par cette
raison que j'ai crû qu'il convenoit de prendre du
temps pour examiner les faits alleguez de part et
d'autre , et d'attendre le résultat des Conseils des
Puissances qui sont le plus interessées à cette guerre,
Hij
158 MERCURE DE FRANCE
et de concert avec celles qui ont des engagemens
avec moi, et qui n'ont point pris part à la guerre ,
plus ( particulierement avec les Etats generaux des
Provinces- Unies ) les mesures qui paroîtront les plus
convenables à notre sûreté commune et les plus propres
à rétablir la paix daus l'Europe. Les résolutions
du Parlement de la Grande-Bretagne sont
d'une trop grande importance dans une conjoncture
si délicate, pour ne pas exciter l'attention et l'impatience
de ceux qui esperent tirer avantage de nos
résolutions , et de s'en servir au préjudice de ce
Royaume ; ainsi nous devons déliberer avec une
grande précaution, et examiner avec toute la prudence
imaginable toutes les circonstances , avant que
de nous déterminer à prendre un parti . Comme dans
toutes mes reflexions sur cette importante affaire ,
J'aurai principalement égard à l'honneur de ma
Couronne et à l'interêt de mon Peuple , et que je ne
me gouvernerai que par ces vûës , je ne doute pas
que je ne puisse compter entierement sur l'appui et
assistance de mon Parlement , sans m'exposer par
gtune Déclaration précipuée à des inconveniens
op'on deix éviter autant qu'il est possible . En attendivot
je suis persuadé que vous prendrez les précautions
nécessaires pour mettre mes Royaumes , mes
droits et mes possessions à couvert de tous dangers et
de toute insulte , et pour conserver à la Nation Bri
tannique les égards qui lui sont dûs.Quel que soit le
parti auquel nous nous déterminerons , il est très-raisonnable
de nous mettre en état de deffense, sur tout
dans le temps que toute l'Europe est armée . Par la
nous conserverons mieux la paix dans ce Royaume ,
et nous donnerons plus de poids aux mesures qu'il
conviendra de prendre avec nos Alliez ; sans cette
précaution nous nous ferioms mépriser au- dehors ,
et nousferions naître la tentation et l'encouragement
AUX
JANVIER 1734 159
Bux ves dangereuses de ceux qui se flatttent toujours
de tirer quelque avantage des troubles et des
désordres publics.
MESSIEURS de la Chambre des Communes.
Je ferai remettre devant vous l'état des dépenses
qui exigent de vous une attention actuelle et immé
diate ; l'augmentation qu'on vous proposera pour te
service de Mer , sera tres - considerable , mais je suis
assuré qu'elle vous paroîtra raisonnable et necessaire.
Je dois particulierement recommander à vos
soins les Dettes de la Marine , qui vous ont été présentées
tous les ans . La circonstance présente me
fait croire que vous penserez qu'il est nécessaire d'y
pourvoir , et que le service public souffriroit d'un plus
long retardement à prendre une résolution sur cette
affaire. Comme ces Charges et dépenses sont inévi
tables , je ne fais aucun doute que vous ne leviez les
secours d'argent qui sont nécessaires, avec beaucoup
de diligence et avec le zéle que ce Parlement a
marqué dans toutes les occasions pour les véritables
interêts de mon penple.
MYLORDS ET MESSIEURS ,
Si on a toujours souhaité que les affaires du Parlementy
fussent traitées sans chaleur et sans animosité
, mais avec la modération qui fait connoître
la justice de la sagesse de la Nation ; c'est à present
qu'on doit le desirer plus particulierement, afin
que cette session ne soit point prolongée par des dér
fais inutiles , lorsque tout le Royaume paroît préparé
par l'élection d'un nouveau Parlement , évenement
quifait l'attention de toute l'Europe. Je suis tressatisfait
que le choix des nouveaux Deputez soit
une occasion pour moi de connoître les veritables
sentimens de mon Peuple, et de faire voir qu'ils ont
Hiiij été
1 MERCURE DE FRANCE
été mal rendus et déguisez. On peut aisement en
imposer à ceux qui ne voient et n'entendent les choses
que de loin , et les exposer à concevoir defausses
esperances ou à se livrer à des craintes peu fondées ;
mais j'espere qu'un peu de temps détruira ces opiniens
et qu'on reconnoîtra que la Grande Bretagne
est toujours disposée à faire ce que l'honneur et l'in
terêt de la Nation exigent d'elle.
Le Roy s'étant retiré de la Chambre des Pairs,
après que le Grand Chancelier eut prononcé au
nom de S. M. la Harangue aux deux Chambres;
les Seigneurs résolurent de présenter une adresse
au Roy pour le remercier , ils s'assemblerent le
lendemain , et après s'être ajournez au 30 , ils se
rendirent au Palais de Saint James , où ils présenterent
leur adresse , par laquelle ils assurerent
le Roy qu'ils entreroient avec autant de zéle que
de confiance dans toutes les vûës que S. M. leur
avoit expliquées dans sa Harangue . Le Roy leas
répondit :
MYLORDS ,
Je vous remercie de cette respectueuse et fidele
adresse ; la satisfaction que vous me témoignez de
mon attention et de mes efforts continuels à conserver
la paix et la tranquillité publique , m'est_extrémement
agreable, et comme je n'ai autre chose en vuë
que l'honneur et la dignité de ma Couronne et lø
bien de mes Royaumes , vous pouvez être assurez
de la continuation de mes soins et de ma vigilance
pour parvenir à ces fins desirables , et de la ferme
resolution où je suis , quelques evenemens qui_arrivent
de prendre les mesures les plus capables de repondre
à la confiance que vous avez en moi , et de
procurer la sureté et le bonheur de la Nation.
La
JANVIER . 1734. 161
La Chambre des Communes a aussi présenté
son adresse au Roy , qui y a fait la réponse suivante.
MESSIEURS ,
Je vous remercie de cette respectueuse et fidele adres
se et de la confiance que vous avez en moi , vous
pouvez être assurez que je ne m'en servirai quepour
Phonneur de la Couronne et le veritable interét de
mon peuple.
Fermer
Résumé : GRANDE BRETAGNE.
Le 28 janvier 1734, le roi de Grande-Bretagne a adressé un discours à la Chambre des Pairs et à la Chambre des Communes pour aborder la guerre en cours entre l'Empereur et les Puissances réunies de France, d'Espagne et de Sardaigne. Bien que la Grande-Bretagne ne soit pas directement impliquée dans ce conflit, le roi a souligné l'importance de cette guerre pour l'Europe et la nécessité de prendre des précautions pour éviter des décisions hâtives. Il a mis en avant l'honneur de sa couronne, l'intérêt de son peuple et les engagements avec diverses puissances alliées. Le roi a également insisté sur la nécessité de se préparer à la défense, surtout dans un contexte où toute l'Europe est en état d'alerte. Il a recommandé aux Communes de lever les fonds nécessaires pour les dépenses de la marine et de traiter les affaires parlementaires avec modération pour éviter des prolongations inutiles. En réponse, les Chambres ont présenté des adresses au roi pour le remercier de ses efforts en faveur de la paix et de la tranquillité publique. Le roi a assuré de sa continuité dans ces efforts.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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65
p. 785-790
GRANDE BRETAGNE.
Début :
On mande de Londres, qu'un Officier de Marine, commis pour prendre de force des [...]
Mots clefs :
Chambre des communes, Roi, Prince de Nassau, Princesse de Nassau, Seigneurs, Dépenses, Honneur, Parlement, Augmentation, Grande-Bretagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
N mande de Londres , qu'un Officier de
Marine , commis pour prendre de force des
Matelots , entra dernierement à main armée avec
sa Suite chez M. Imberti , Résident de la République
de Venise,et qu'il enleva quelques Matelots
Etrangers , malgré l'opposition des Domestiques
de ce Ministre, qui en a porté ses plaintes à S. M.
Le Prince de Nassau dîna le 18 du mois dernier
chez le Chevalier Hans- Sloane , & après
avoir vu le Cabinet de ce Medecin , il se rendit
à la Societé Royale dont il fût reçû Membre le
du même mois.
24
Le 26 Mars à six heures du soir , le Prince de
Nassau, accompagné du Chevalier Clement Cotterel
Maître des cérémonies , qui étoit allé le
prendre au Palais de Sommerset dans les Carosses
du Roy , se rendit au Palais de Saint James ; le
Carosse de Sa Majesté dans lequel étoit le Prince
étoit précedé de plusieurs autres , remplis par les
Gentilshommes de sa suite , et il étoit suivi des
Carosses de la Reine , du Prince de Galles , du
DC
786 MERCURE DE FRANCE
Duc de Cumberland , et de la Princesse Royale.
Vers les huit heures , les Grands Officiers de la
Couronne , les Pairs d'Angleterre , ceux d'Ecosse
et les autres personnes de distinction , qui par
leurs charges ou par leur rang ont droit d'assister
aux Mariages des Princes et des Princesses
de la Grande Bretagne,commencerent à se mettre
en marche pour aller à la Chapelle Françoise où
ils se rendirent par une galerie qu'on avoit construite
depuis le Palais jusqu'à cette Chapelle . Le
Roy y étant arrivé un peu avant neuf heures
on celebra le Mariage de la Princesse Royale ,
avec le Prince de Nassau , et l'Evêque de Londres
leur donna la Benediction Nuptiale, au bruit
des Salves réïterées du Canon du Parc et de la
Tour.
Après la cérémonie , leurs Majestez précedées
du même cortege , retournerent au Palais avec le
Prince et la Princesse de Nassau, qui étant entrez
dans la Chambre du Roy , se mirent à genoux
devant leurs Majestez pour recevoir leur benediction
.
A onze heures , le Roy et la Famille Royale
souperent en public dans la grande chambre du
Bal Leurs Majestez étoient placées au haut de
la table sous un Dais ; à leur droite étoient le
Prince de Galles , le Duc de Cumberland , etj le
Prince de Nassau , et à la gauche , la Princesse
de Nassau , et les Princesses Amelie , Caroline ,
et Marie.
Pendant toute la nuit , il y eût des feux et
des illuminations dans les rues , et le peuple
donna de très grandes démonstrations de joye .
Aucun Pair d'Irlande n'a assisté au Mariage
de la Princesse de Nassau , parce que le Comte
de Tilney , les Vicomtes de Gallouway , Brundell
,
>
AVRIL. 1724. 787
dell , Gage , Grimston et Vane , les Lords Kingsale
, Southowel , Ranelagh , et les autres Seigneurs
Irlandois, qui étoient à Londres, n'avoient
point été invitez à se trouver à cette cérémonie
en qualité de Pairs d'Irlande , et qu'ils ont
prétendus qu'ils ne pouvoient sans déroger à
leurs prérogatives , y assister comme simples.
spectateurs , et qu'ils devoient avoir rang dans
la marche et à la Chapelle , immédiatement
après les Pairs d'Ecosse .
Le 26 , le Roy et la Reine reçûrent les Compliments
des Ministres Etrangers , des Ministres
d'Etat et des Seigneurs ; toute la Cour se rendit
ensuite chez la Princesse de Nassau qui
trouva sur sa toillette une Corbeille d'or , remplie
de fleurs , sous lesquelles il y avoit plusieurs
bijoux enrichis de diamants d'un prix
considérable , dont le Prince son Epoux lui a fait
présent.
La Chambre des Pairs s'assembla le 29 , et il
y fût résolu que les Seigneurs à Baguettes blanches
iroient feliciter le Roy de la part de la
Chambre sur le Mariage de la Princesse de
Nassau ; que les Comtes de Chesterfield , et de
Scarborough , et le Lord Hardwick porteroient
un Message à la Reine sur le même sujet , et
qu'on en envoyeroit un au Prince de Nassau , et
a la Princesse de Nassau par le Comte de Cholmondeley
, et le Lord de Lawar : on ordonna
ensuite de porter un Bill pour naturaliser le
Prince de Nassau , et le Lord Chef de Justice
de la Cour des Communs Plaidoyers fût chargé
d'en dresser le Proer
Le premier d'Avril le Roy se rendit à la
Chambre des Pairs avec les cérémonies accoûtumées
, et Sa Majesté ayant mandé la Chambre
des
788 MERCURE DE FRANCE
des Communes , donna son consentement Royal
au Bill pour naturaliser Guillaume- Charles-
Henry , Prince de Nassau .
Ce Prince doit être créé Duc de Glocester
êt îl prendra place dans la Chambre des Pairs
après les Princes du Sang.
Le 8 de ce mois , le Duc de Newcastle ICmit
de la part du Roy à la Chambre un Message
, lequel contient , que Sa Majesté a vû avec
beaucoup de plaisir le zele et l'affection que les
Seigneurs ont fait paroître dans l'Expedition des
affaires , qu'elle n'a rien plus à coeur que de voir
la Paix rétablie en Europe , et d'éviter , s'il est
possible , d'engager ses sujets dans les dépenses
et les hazards de la Guerre , et qu'elle desire en
même temps de ne donner aucune juste allarme
aux autres Nations ; qu'il est convenable de prendre
des mesures afin que les efforts de S. M. et ceux
de ses Alliez pour procurer un accommodement,
puissent avoir l'effet desiré; et afin qu'elle soit en
état de contracter et de remplir les engagemens
que l'honneur,la justice, et la prudence exigeront,
et d'empêcher que ses Royaumes ne demeurent
exposez aux insultes imprévues lorsqu'il ne lui
sera plus possible d'avoir sur le champ dans chacune
des occafions qui naîtront de la conjoncture
presente des affaires , et qui interesseront la sûreté
de la Grande Bretagne , l'avis et l'assistance
de son Parlement ; que Sa Majesté espere que le
Parlement lui fournira les secours nécessaires
pour cet effet , en ordonnant une augmentation
des forces de Terre et de mer , telle qu'il conviendra
pour l'honneur et la deffense de la nation
, que les dépenses que cette augmentation
pourra occafionner, seront faites avec le plus d'oesonomie
qu'il sera possible, et qu'il en sera remis
un
AVRIL 1734. 789
un compte devant le prochain Parlement.
Le 9 , les Seigneurs ayant deliberé sur le
Message du Roy , résolurent à la pluralité de
101 voix , contre 58 , de présenter une Adresse
à Sa Majesté pour l'assurer de leur respect et
de leur fidelité , de la reconnoissance que leur
inspirent ses soins , et son attention pour l'honneur
et la sureté de ses Etats , et de la disposi
tion où ils sont de concourir de tout leur pouvoir
à ses vues pour la Paix , et d'augmenter
les forces de la nation autant qu'il sera nécessaire
pour la mettre à couvert de toute insulte
et pour remercier Sa Majesté de la promesse
qu'Elle a faite d'ordonner qu'on remette devant
le prochain Parlement un compte des dépenses
que l'augmenration des Troupes rendra nécessaires.
¿ Le 10. Les Seigneurs présenterent leur Adresse
au Roy , qui rêpondit en ces termes : Je reçois
cette Adresse comme une grande marque de vôtre
zele, et de vôtre affection pour ma Perfonne et pour
mon Gouvernement. Je vous remercie de la confiance
que vous avez en moi , et vous pouvez
être
assurez que je ne m'en servirai que pour les fins
que vous vous proposez et avec tout l'égard possible
pour les veritables interêts de mon Peuple.
de
Le 8 Avril , la Chambre des Communes recut
par le Chancelier de l'Echiquier un Message
du Roy semblable à celui que Sa Majesté avoit
envoyé à la Chambre des Pairs , et il fut résolu
à la pluralité de 248 voix contre 147 ,
présenter une Adresse à Sa Majesté pour lui
faire de très-humbles remercimens de son application
continuelle au bien Public , et pour la
prier de faire dans les Troupes l'augmentation
qu'elle jugera nécessaire , et d'être persuadée que
H la
I
795 MERCURE DE FRANCE
la Chambre approuvera toutes les dépenses que
Sa Majesté fera pour l'honneur , l'interêt et la
deffense de ses Royaumes.
Le 12 , la Chambre alla présenter son Adresse
au Roy ; Sa Majesté y fit la réponse suivante :
Messieurs , Je vous remercie de çes assurances de
vôtre respect et de votre fidelité pour ma personne et
pour mon Gouvernement , et de la confiance que
Vous avez en moi. Je desire seulement de pouvoir
être en état de soutenir l'honneur et l'interét de ma
Couronne et de mon Peuple , et je n'employerai jamais
dans d'autres vûës le pouvoir que vous m'avez
donné.
> Le 1s on lut dans la Chambre
pour la troisiéme
fois , et l'on passa sans aucun changement
Le Bill pour accorder
une indemnité
à ceux qui
ont été obligez
de se démettre
de leurs Emplois
,
parce qu'ils n'ont pas voulu
prêter
les serments
ordinaires
.
que
La veille la Chambre des Communes délibera
en grand Commité si l'on porteroit un Bill pour
donner pouvoir au Roy de prendre les mesures
Sa Majesté jugera nécessaires à la sureté et
ala deffense de la Grande Bretagne , et de tirer
de la Caisse du fonds d'amortissement les sommes
dont Sa Majesté aura besoin pour l'augmentation
des foices de terre et de mer , et Paffirmative
l'emporta à la pluralité de 155 voix contre
60.
Le 16 , la Chambre passa le Bill pour autori
ser le Roy à employer 120000 livres sterlings ,
aux dépenses qu'exige le service de l'année coutante.
33 Signeurs ont fait inserer dans les Registres?
de la Chamb e ars ans une protestation contre
PAdresse que cente Chambre présenta le zo
au Roy au sujet du Message de Sa Majesté.
N mande de Londres , qu'un Officier de
Marine , commis pour prendre de force des
Matelots , entra dernierement à main armée avec
sa Suite chez M. Imberti , Résident de la République
de Venise,et qu'il enleva quelques Matelots
Etrangers , malgré l'opposition des Domestiques
de ce Ministre, qui en a porté ses plaintes à S. M.
Le Prince de Nassau dîna le 18 du mois dernier
chez le Chevalier Hans- Sloane , & après
avoir vu le Cabinet de ce Medecin , il se rendit
à la Societé Royale dont il fût reçû Membre le
du même mois.
24
Le 26 Mars à six heures du soir , le Prince de
Nassau, accompagné du Chevalier Clement Cotterel
Maître des cérémonies , qui étoit allé le
prendre au Palais de Sommerset dans les Carosses
du Roy , se rendit au Palais de Saint James ; le
Carosse de Sa Majesté dans lequel étoit le Prince
étoit précedé de plusieurs autres , remplis par les
Gentilshommes de sa suite , et il étoit suivi des
Carosses de la Reine , du Prince de Galles , du
DC
786 MERCURE DE FRANCE
Duc de Cumberland , et de la Princesse Royale.
Vers les huit heures , les Grands Officiers de la
Couronne , les Pairs d'Angleterre , ceux d'Ecosse
et les autres personnes de distinction , qui par
leurs charges ou par leur rang ont droit d'assister
aux Mariages des Princes et des Princesses
de la Grande Bretagne,commencerent à se mettre
en marche pour aller à la Chapelle Françoise où
ils se rendirent par une galerie qu'on avoit construite
depuis le Palais jusqu'à cette Chapelle . Le
Roy y étant arrivé un peu avant neuf heures
on celebra le Mariage de la Princesse Royale ,
avec le Prince de Nassau , et l'Evêque de Londres
leur donna la Benediction Nuptiale, au bruit
des Salves réïterées du Canon du Parc et de la
Tour.
Après la cérémonie , leurs Majestez précedées
du même cortege , retournerent au Palais avec le
Prince et la Princesse de Nassau, qui étant entrez
dans la Chambre du Roy , se mirent à genoux
devant leurs Majestez pour recevoir leur benediction
.
A onze heures , le Roy et la Famille Royale
souperent en public dans la grande chambre du
Bal Leurs Majestez étoient placées au haut de
la table sous un Dais ; à leur droite étoient le
Prince de Galles , le Duc de Cumberland , etj le
Prince de Nassau , et à la gauche , la Princesse
de Nassau , et les Princesses Amelie , Caroline ,
et Marie.
Pendant toute la nuit , il y eût des feux et
des illuminations dans les rues , et le peuple
donna de très grandes démonstrations de joye .
Aucun Pair d'Irlande n'a assisté au Mariage
de la Princesse de Nassau , parce que le Comte
de Tilney , les Vicomtes de Gallouway , Brundell
,
>
AVRIL. 1724. 787
dell , Gage , Grimston et Vane , les Lords Kingsale
, Southowel , Ranelagh , et les autres Seigneurs
Irlandois, qui étoient à Londres, n'avoient
point été invitez à se trouver à cette cérémonie
en qualité de Pairs d'Irlande , et qu'ils ont
prétendus qu'ils ne pouvoient sans déroger à
leurs prérogatives , y assister comme simples.
spectateurs , et qu'ils devoient avoir rang dans
la marche et à la Chapelle , immédiatement
après les Pairs d'Ecosse .
Le 26 , le Roy et la Reine reçûrent les Compliments
des Ministres Etrangers , des Ministres
d'Etat et des Seigneurs ; toute la Cour se rendit
ensuite chez la Princesse de Nassau qui
trouva sur sa toillette une Corbeille d'or , remplie
de fleurs , sous lesquelles il y avoit plusieurs
bijoux enrichis de diamants d'un prix
considérable , dont le Prince son Epoux lui a fait
présent.
La Chambre des Pairs s'assembla le 29 , et il
y fût résolu que les Seigneurs à Baguettes blanches
iroient feliciter le Roy de la part de la
Chambre sur le Mariage de la Princesse de
Nassau ; que les Comtes de Chesterfield , et de
Scarborough , et le Lord Hardwick porteroient
un Message à la Reine sur le même sujet , et
qu'on en envoyeroit un au Prince de Nassau , et
a la Princesse de Nassau par le Comte de Cholmondeley
, et le Lord de Lawar : on ordonna
ensuite de porter un Bill pour naturaliser le
Prince de Nassau , et le Lord Chef de Justice
de la Cour des Communs Plaidoyers fût chargé
d'en dresser le Proer
Le premier d'Avril le Roy se rendit à la
Chambre des Pairs avec les cérémonies accoûtumées
, et Sa Majesté ayant mandé la Chambre
des
788 MERCURE DE FRANCE
des Communes , donna son consentement Royal
au Bill pour naturaliser Guillaume- Charles-
Henry , Prince de Nassau .
Ce Prince doit être créé Duc de Glocester
êt îl prendra place dans la Chambre des Pairs
après les Princes du Sang.
Le 8 de ce mois , le Duc de Newcastle ICmit
de la part du Roy à la Chambre un Message
, lequel contient , que Sa Majesté a vû avec
beaucoup de plaisir le zele et l'affection que les
Seigneurs ont fait paroître dans l'Expedition des
affaires , qu'elle n'a rien plus à coeur que de voir
la Paix rétablie en Europe , et d'éviter , s'il est
possible , d'engager ses sujets dans les dépenses
et les hazards de la Guerre , et qu'elle desire en
même temps de ne donner aucune juste allarme
aux autres Nations ; qu'il est convenable de prendre
des mesures afin que les efforts de S. M. et ceux
de ses Alliez pour procurer un accommodement,
puissent avoir l'effet desiré; et afin qu'elle soit en
état de contracter et de remplir les engagemens
que l'honneur,la justice, et la prudence exigeront,
et d'empêcher que ses Royaumes ne demeurent
exposez aux insultes imprévues lorsqu'il ne lui
sera plus possible d'avoir sur le champ dans chacune
des occafions qui naîtront de la conjoncture
presente des affaires , et qui interesseront la sûreté
de la Grande Bretagne , l'avis et l'assistance
de son Parlement ; que Sa Majesté espere que le
Parlement lui fournira les secours nécessaires
pour cet effet , en ordonnant une augmentation
des forces de Terre et de mer , telle qu'il conviendra
pour l'honneur et la deffense de la nation
, que les dépenses que cette augmentation
pourra occafionner, seront faites avec le plus d'oesonomie
qu'il sera possible, et qu'il en sera remis
un
AVRIL 1734. 789
un compte devant le prochain Parlement.
Le 9 , les Seigneurs ayant deliberé sur le
Message du Roy , résolurent à la pluralité de
101 voix , contre 58 , de présenter une Adresse
à Sa Majesté pour l'assurer de leur respect et
de leur fidelité , de la reconnoissance que leur
inspirent ses soins , et son attention pour l'honneur
et la sureté de ses Etats , et de la disposi
tion où ils sont de concourir de tout leur pouvoir
à ses vues pour la Paix , et d'augmenter
les forces de la nation autant qu'il sera nécessaire
pour la mettre à couvert de toute insulte
et pour remercier Sa Majesté de la promesse
qu'Elle a faite d'ordonner qu'on remette devant
le prochain Parlement un compte des dépenses
que l'augmenration des Troupes rendra nécessaires.
¿ Le 10. Les Seigneurs présenterent leur Adresse
au Roy , qui rêpondit en ces termes : Je reçois
cette Adresse comme une grande marque de vôtre
zele, et de vôtre affection pour ma Perfonne et pour
mon Gouvernement. Je vous remercie de la confiance
que vous avez en moi , et vous pouvez
être
assurez que je ne m'en servirai que pour les fins
que vous vous proposez et avec tout l'égard possible
pour les veritables interêts de mon Peuple.
de
Le 8 Avril , la Chambre des Communes recut
par le Chancelier de l'Echiquier un Message
du Roy semblable à celui que Sa Majesté avoit
envoyé à la Chambre des Pairs , et il fut résolu
à la pluralité de 248 voix contre 147 ,
présenter une Adresse à Sa Majesté pour lui
faire de très-humbles remercimens de son application
continuelle au bien Public , et pour la
prier de faire dans les Troupes l'augmentation
qu'elle jugera nécessaire , et d'être persuadée que
H la
I
795 MERCURE DE FRANCE
la Chambre approuvera toutes les dépenses que
Sa Majesté fera pour l'honneur , l'interêt et la
deffense de ses Royaumes.
Le 12 , la Chambre alla présenter son Adresse
au Roy ; Sa Majesté y fit la réponse suivante :
Messieurs , Je vous remercie de çes assurances de
vôtre respect et de votre fidelité pour ma personne et
pour mon Gouvernement , et de la confiance que
Vous avez en moi. Je desire seulement de pouvoir
être en état de soutenir l'honneur et l'interét de ma
Couronne et de mon Peuple , et je n'employerai jamais
dans d'autres vûës le pouvoir que vous m'avez
donné.
> Le 1s on lut dans la Chambre
pour la troisiéme
fois , et l'on passa sans aucun changement
Le Bill pour accorder
une indemnité
à ceux qui
ont été obligez
de se démettre
de leurs Emplois
,
parce qu'ils n'ont pas voulu
prêter
les serments
ordinaires
.
que
La veille la Chambre des Communes délibera
en grand Commité si l'on porteroit un Bill pour
donner pouvoir au Roy de prendre les mesures
Sa Majesté jugera nécessaires à la sureté et
ala deffense de la Grande Bretagne , et de tirer
de la Caisse du fonds d'amortissement les sommes
dont Sa Majesté aura besoin pour l'augmentation
des foices de terre et de mer , et Paffirmative
l'emporta à la pluralité de 155 voix contre
60.
Le 16 , la Chambre passa le Bill pour autori
ser le Roy à employer 120000 livres sterlings ,
aux dépenses qu'exige le service de l'année coutante.
33 Signeurs ont fait inserer dans les Registres?
de la Chamb e ars ans une protestation contre
PAdresse que cente Chambre présenta le zo
au Roy au sujet du Message de Sa Majesté.
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Résumé : GRANDE BRETAGNE.
En 1724, plusieurs événements marquants ont eu lieu en Grande-Bretagne. Un officier de marine a forcé l'entrée chez M. Imberti, Résident de la République de Venise, pour enlever des matelots étrangers. Le Prince de Nassau a été accueilli au sein de la Société Royale et a dîné chez le Chevalier Hans-Sloane. Le 26 mars, le mariage de la Princesse Royale avec le Prince de Nassau a été célébré au Palais de Saint James, en présence de la famille royale et des pairs. Aucun pair d'Irlande n'a assisté à la cérémonie en raison de l'absence d'invitation officielle. Le même jour, le roi et la reine ont reçu les compliments des ministres étrangers et des seigneurs. La Chambre des Pairs a décidé d'envoyer des félicitations au roi et à la reine pour le mariage et a approuvé un bill pour naturaliser le Prince de Nassau, qui devait devenir Duc de Gloucester. Le roi a exprimé son désir de maintenir la paix en Europe et d'augmenter les forces de terre et de mer. La Chambre des Pairs et la Chambre des Communes ont approuvé des adresses au roi pour augmenter les troupes et les dépenses nécessaires à la défense du royaume. La Chambre des Communes a également approuvé un bill pour accorder une indemnité à ceux qui ont dû démissionner de leurs emplois pour refus de prêter serment. Enfin, la Chambre des Communes a voté pour autoriser le roi à utiliser 120 000 livres sterling pour les dépenses de l'année en cours.
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66
p. 105-108
« NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, avec cette épigraphe : Dives [...] »
Début :
NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, avec cette épigraphe : Dives [...]
Mots clefs :
Peinture, Sculpture, Peintre, Vertu, Honneur, Athlètes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, avec cette épigraphe : Dives [...] »
NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE
SCULPTURE , avec cette épigraphe : Dives
& ampla, manet piores atque poëtas materies
. De Pict. Car. Dufrefn. A Paris , chez
Duchefne , Libraire , rue Saint Jacques , au
Temple du goût.
Cette brochure eft dédiée à Mrs de l'Académie
de Peinture & de Sculpture de
Paris. Elle paroît être l'ouvrage d'un amateur
éclairé les graces du ftyle répondent
à la nouveauté des recherches. L'Auteur
écrit avec tant de précifion , d'élégance &
d'agrément , qu'en le lifant on devient
Peintre , ou plutôt qu'on voudroit l'être ,
pour rendre fur la toile les fujets qu'il
expoſe fi heureuſement fur le papier. Deux
exemples que je vais citer perfuaderont
mieux que tout ce que j'en pourrois dire
» Si l'on veut des images fimplement
» riantes , les tableaux des filles de l'Ifle
» facrée & des filles de Sparte , fourniront
des grouppes auffi délicieux qu'inté
» reffans ; l'habillement fimple des filles
» Grecques , la nobleffe de leurs attitudes ,
» l'élégance de leurs tailles , la beauté de
» leurs traits , tout cela joint aux recher-
» ches néceffaires du coftume , fera va-
» loir infiniment l'efprit & le méritë du
>> Peintre dans l'un & l'autre fujet . Les
» filles de l'Ile faciée confacroient leur
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
:
ceinture à Minerve ; cette fête fe célé
»broit dans l'intérieur du temple .
Quant aux filles de Sparte , elles formoient
tous les ans des danfes religieu-
» fes autour d'une ftatue de Diane placée
» dans la campagne. Quel payfage le Peintre
a-t-il occafion de repréfenter ? Le plus
» riche de l'univers , & celui dont la feule
» idée doit le plus fatisfaire un artifte.
C'eft une campagne ornée de temples ,
» couverte de trophées & de monumens
» élevés en l'honneur de la Vertu , embellie
de ftatues de Dieux champêtres , remplie
enfin des plus grandes richeffes de
» l'art. Cette compofition , qu'on peut terminer
à fon gré par l'horizon de la mer
ou des montagnes , eft d'une beauté où
l'imagination , livrée à tout fon effor ,
» n'atteindroit peut-être pas par elle-même.
33
» Paufanias , en décrivant la fituation
» de deux Athletes vainqueurs , réunit par-
» faitement le brillant d'une image , & la
douceur d'une action . Les deux Athle-
» tes étoient freres , ils fortoient du combat
dont ils avoient remporté tout
» l'honneur : ils apperçoivent leur pere ,
» volent au- devant de lui , l'embraffent
L»l'enlevent fur leurs épaules. Le peuple
redouble fes applaudiffemens , jette des
» fleurs fur leur paffage , bénit la tendreffe
FEVRIER. 1755. 107
»
"
filiale , forme le fpectacle le plus touchant
, & ajoute à la gloire du triomphe.
» La récompenfe de la vertu , & le fuc-
» cès des talens font les fources de la joie
»
la plus pure. Il faut fe repréfenter tout
» l'honneur que les Grecs attachoient à la
» victoire remportée dans leurs jeux ; nos
» moeurs ne nous permettent pas d'en avoir
» une idée parfaite . Mais fuppofons deux
hontmes, tels que deux Athletes de la Gre-
» ce , c'est-à-dire les plus beaux à definer
» qu'il foit poffible de concevoir ; peignons-
» les remplis & pénétrés de cette joie que le
» fentiment de la vertu , & fur-tout de la
vertu récompenfée , eft feul capable d'inf
pirer. La premiere perfonne qui s'offre
aux yeux des Athletes couronés , c'eſt leur
» pere , c'eſt l'auteur de leurs jours & de
» leur gloire. Le vieillard fortuné témoi-
» gne fes tranfports avec les différences
dépendantes de fon âge & de fa fitua-
» tion . Le peuple , dont l'artifte ne pren-
>> dra que le nombre néceffaire pour expri-
» mér la variété des applaudiffemens , les
» accompagne , & feme leur paffage de
fleurs , que le peintre difpofera à fa volonté.
Que de grandeurs ! que de magni-
» ficence ! quel intérêt ! quelles expreffions
dans le tableau ! il eft difficile de
"
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
>> concevoir rien de plus flatteur.
Qu'on juge du coloris & du ton du refte
de l'ouvrage par ces deux morceaux . L'auteur
offre un nouveau champ au pinceau
des artistes. Depuis long- tems , comme il
l'infinue lui- même , leurs compofitions font
trop répétées. C'eft enrichir leurs talens
que de leur préfenter dans un fi beau jour
plufieurs fujets heureux qu'on n'a pas encore
traités . La fable a dans cet écrivain
inftruit , un zélé partiſan , qui doit lui em
faire un plus grand nombre.
LE peu d'efpace que nous laiffe l'abondance
des matieres , nous met dans la néceffité
de renvoyer au mois fuivant l'indication
des autres livres nouvellement
-imprimés
SCULPTURE , avec cette épigraphe : Dives
& ampla, manet piores atque poëtas materies
. De Pict. Car. Dufrefn. A Paris , chez
Duchefne , Libraire , rue Saint Jacques , au
Temple du goût.
Cette brochure eft dédiée à Mrs de l'Académie
de Peinture & de Sculpture de
Paris. Elle paroît être l'ouvrage d'un amateur
éclairé les graces du ftyle répondent
à la nouveauté des recherches. L'Auteur
écrit avec tant de précifion , d'élégance &
d'agrément , qu'en le lifant on devient
Peintre , ou plutôt qu'on voudroit l'être ,
pour rendre fur la toile les fujets qu'il
expoſe fi heureuſement fur le papier. Deux
exemples que je vais citer perfuaderont
mieux que tout ce que j'en pourrois dire
» Si l'on veut des images fimplement
» riantes , les tableaux des filles de l'Ifle
» facrée & des filles de Sparte , fourniront
des grouppes auffi délicieux qu'inté
» reffans ; l'habillement fimple des filles
» Grecques , la nobleffe de leurs attitudes ,
» l'élégance de leurs tailles , la beauté de
» leurs traits , tout cela joint aux recher-
» ches néceffaires du coftume , fera va-
» loir infiniment l'efprit & le méritë du
>> Peintre dans l'un & l'autre fujet . Les
» filles de l'Ile faciée confacroient leur
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
:
ceinture à Minerve ; cette fête fe célé
»broit dans l'intérieur du temple .
Quant aux filles de Sparte , elles formoient
tous les ans des danfes religieu-
» fes autour d'une ftatue de Diane placée
» dans la campagne. Quel payfage le Peintre
a-t-il occafion de repréfenter ? Le plus
» riche de l'univers , & celui dont la feule
» idée doit le plus fatisfaire un artifte.
C'eft une campagne ornée de temples ,
» couverte de trophées & de monumens
» élevés en l'honneur de la Vertu , embellie
de ftatues de Dieux champêtres , remplie
enfin des plus grandes richeffes de
» l'art. Cette compofition , qu'on peut terminer
à fon gré par l'horizon de la mer
ou des montagnes , eft d'une beauté où
l'imagination , livrée à tout fon effor ,
» n'atteindroit peut-être pas par elle-même.
33
» Paufanias , en décrivant la fituation
» de deux Athletes vainqueurs , réunit par-
» faitement le brillant d'une image , & la
douceur d'une action . Les deux Athle-
» tes étoient freres , ils fortoient du combat
dont ils avoient remporté tout
» l'honneur : ils apperçoivent leur pere ,
» volent au- devant de lui , l'embraffent
L»l'enlevent fur leurs épaules. Le peuple
redouble fes applaudiffemens , jette des
» fleurs fur leur paffage , bénit la tendreffe
FEVRIER. 1755. 107
»
"
filiale , forme le fpectacle le plus touchant
, & ajoute à la gloire du triomphe.
» La récompenfe de la vertu , & le fuc-
» cès des talens font les fources de la joie
»
la plus pure. Il faut fe repréfenter tout
» l'honneur que les Grecs attachoient à la
» victoire remportée dans leurs jeux ; nos
» moeurs ne nous permettent pas d'en avoir
» une idée parfaite . Mais fuppofons deux
hontmes, tels que deux Athletes de la Gre-
» ce , c'est-à-dire les plus beaux à definer
» qu'il foit poffible de concevoir ; peignons-
» les remplis & pénétrés de cette joie que le
» fentiment de la vertu , & fur-tout de la
vertu récompenfée , eft feul capable d'inf
pirer. La premiere perfonne qui s'offre
aux yeux des Athletes couronés , c'eſt leur
» pere , c'eſt l'auteur de leurs jours & de
» leur gloire. Le vieillard fortuné témoi-
» gne fes tranfports avec les différences
dépendantes de fon âge & de fa fitua-
» tion . Le peuple , dont l'artifte ne pren-
>> dra que le nombre néceffaire pour expri-
» mér la variété des applaudiffemens , les
» accompagne , & feme leur paffage de
fleurs , que le peintre difpofera à fa volonté.
Que de grandeurs ! que de magni-
» ficence ! quel intérêt ! quelles expreffions
dans le tableau ! il eft difficile de
"
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
>> concevoir rien de plus flatteur.
Qu'on juge du coloris & du ton du refte
de l'ouvrage par ces deux morceaux . L'auteur
offre un nouveau champ au pinceau
des artistes. Depuis long- tems , comme il
l'infinue lui- même , leurs compofitions font
trop répétées. C'eft enrichir leurs talens
que de leur préfenter dans un fi beau jour
plufieurs fujets heureux qu'on n'a pas encore
traités . La fable a dans cet écrivain
inftruit , un zélé partiſan , qui doit lui em
faire un plus grand nombre.
LE peu d'efpace que nous laiffe l'abondance
des matieres , nous met dans la néceffité
de renvoyer au mois fuivant l'indication
des autres livres nouvellement
-imprimés
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Résumé : « NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE, avec cette épigraphe : Dives [...] »
La brochure 'NOUVEAUX SUJETS DE PEINTURE ET DE SCULPTURE' est destinée aux membres de l'Académie de Peinture et de Sculpture de Paris. Rédigée par un amateur éclairé, elle se distingue par sa précision, son élégance et son agrément, visant à inspirer les lecteurs à se lancer dans la peinture. La brochure propose des sujets novateurs et enrichissants pour les artistes, tels que les tableaux des filles de l'île sacrée et des filles de Sparte. Les filles de l'île sacrée consacraient leur ceinture à Minerve dans le temple, tandis que les filles de Sparte dansaient autour d'une statue de Diane dans la campagne. Ces scènes permettent de représenter des paysages riches et nobles, ornés de temples, trophées, monuments et statues de dieux champêtres. Le texte mentionne également une description de Pausanias sur deux athlètes vainqueurs, illustrant la joie et l'honneur des victoires grecques. L'auteur suggère que ces nouveaux sujets enrichissent les talents des artistes en leur offrant des thèmes inédits et inspirants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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67
p. 39-57
HISTOIRE ANGLOISE. PAR MLLE DE L. A MADAME LA C... DE G....
Début :
Je vous devois une dédicace, pourrois-je mieux la placer qu'en vous adressant [...]
Mots clefs :
Kylemore, Château, Comte, Homme, Femme, Honneur, Vertu, Plaisir, Irlande, Histoire anglaise, Amour, Angleterre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE ANGLOISE. PAR MLLE DE L. A MADAME LA C... DE G....
HISTOIRE ANGLOISE.
PAR MLLE DE L.
A MADAME LA C ... DE G ....
E vous devois une dédicace , pourrois-
Jje micus la placer qu'en vous adreffant
une hiftoire que vous avez defiré de voir
écrite il eft jufte de fervir vos defirs .
Ah ! peut-on vous dédier un ouvrage qui
vous foit plus propre que celui qui fait
l'éloge d'une femme qui a mérité toute la
confidération & toute l'eftime de fon mari
, vous qui faites la félicité du vôtre , &
le bonheur de tous vos amis ? Vous aimez
ce qui peint la vertu & l'amour honnête ;
j'ai écrit ce que vous avez bien voulu
m'en apprendre : heureuſe de vous écouter
quand je vous vois , & de m'occuper de
ce que vous m'avez dit quand je vous
perds de vûe. S'il vous eût plû de me dicter
cette hiftoire , j'aurois eu plus de plaifir
à l'écrire , & l'on en auroit eu davantage
à la lire ; recevez- la donc telle que je
l'ai reçue de vous , comme un gage de ma
complaifance pour ce qui peut vous plaire ,
& un hommage de ma tendre amitié.
40 MERCURE DE FRANCE.
Les Comtes de Kilmore , originairement
Irlandois , s'établirent en Angleterre
dès que ce royaume eut réuni fous les mêmes
loix l'Ecoffe & l'Irlande. Les grandes
alliances qu'ils firent dans l'Angleterre les
en rendirent comme citoyens. Poffeffeurs
de grandes terres dans ce royaume , elles
fe trouverent réunies fur la tête d'un feul
fous ce dernier regne. Le Comte de Kilmore
, unique héritier de tant de riches
fucceffions , ne fe fentit point flaté du defir
de conferver fon nom , prêt à s'éteindre .
Un dégoût univerfel pour tout ce pour tout ce qui peut
charmer un homme de fon âge & de fon
rang , lui fit envifager la Cour avec la
plus profonde indifférence ; il ne voulut
y entendre parler d'aucun établiſſement.
Uniquement occupé de l'étude en tous
genres , où la fagacité de fon efprit lui
faifoit faire chaque jour de nouvelles découvertes
, il réfolut de s'y livier tout entier
, & fe retira dans le Caernarvand , où
il avoit une fort belle terre . C'étoit un
château fort noble & fort ancien , fitué fur
le bord du canal de Menay , dont on découvroit
de loin la fameufe ifle d'Anglefei.
Lorfque le ciel étoit ferein , la mer ,
par fa vafte étendue , rendoit ce lieu trifte
, mais analogue aux penfées du Comte ;
de hautes montagnes couvertes de bois ou
MA I. 1755. 41
de petits villages , terminoient la vue de
l'autre côté , & offroient dans leurs gorges
de jolies prairies entrecoupées de petits
ruiffeaux. Cette fituation terrible &
fauvage parut fort agréable au Comte , il
s'y établit avec un plaifir d'autant plus
fenfible qu'il crut avec raifon qu'il ne ſeroit
point interrompu dans fes fçavantes
méditations.
Kilmore avoit déja paffé dix années
dans le château ; la philofophié le foutenoit
contre l'ennui de la folitude : un feul
ami lui étoit refté , qui de temps en tems
venoit partager la retraite ou ranimer la
converfation du Comte. Cet ami fe nommoit
Laflei.
Un jour que Kilmore & lui fe promenoient
fur une grande terraffe qui s'élevoit
au- deffus de la mer , & que Kilmore
admiroit avec fon ami la vaſte étendue
de cet élément , Laflei prit la parole :
j'approuve avec vous , Milord , lui ditil
, que les beautés de la nature , toutes
admirables & toutes diverfifiées qu'elles
font , portent l'ame à la trifteffe la plus
profonde. Cette mer , cette ifle que nous
appercevons là-bas , ces prairies , ces jolis
villages qui couvrent ces montagnes dont
la cime perce les nûes , tout cela , mon
cher Kilmore , eft au premier coup d'oeil
42 MERCURE DE FRANCE..
d'une beauté fans pareille ; mais cette
beauté eſt toujours la même : encore fi ,
comme dans les tems où les ténébres du
paganifme enveloppoient la terre , nous
voyions dans les bois des dryades , des
nymphes dans les prairies , des nayades
dans les fontaines , fur cette vafte mer
Neptune dans un char entouré de tritons
& de fes charmantes fyrenes , dont les
chants mélodieux raviffoient les mortels ,
tout cela , dis- je , animéroit votre folitu
de. Mais votre fage religion a fait mainbaffe
fur tous ces êtres divertiffans ; la
philofophie chrétienne nous a rendu la
nature fimple & dénuée de ces agrémens
que la folie des anciens avoit divinifés ;
un férieux noble & majeftueux en a pris
la place , & je ne conçois pas comment
depuis dix ans vous refiftez à la langueur
que cette folitude doit jetter dans.
votre ame. Kilmore fourit de l'enthoufiafme
de fon ami ; j'avoue , dit- il , qu'il
eft très- malheureux que votre univers foit
privé de tous les objets que vous venez de
décrire ; mais comme je ne fuis pas accoutumé
à les trouver , je ne me fuis pas
avifé de les regretter. Une fleur qui fe
développe , fon progrès , fa deftruction
un fruit que je cultive , un arbre que j'émonde
, & qui s'éleve à vûe d'oeil , me
3
M A I. 1755. 43
tiennent lieu de vos nymphes & de vos
dryades ; la république des oifeaux , celle
des fourmis ou des mouches à miel me
conduifent à des réflexions folides que vos
fyrenes dérangeroient fans doute ainfi ,
mon cher Laffei , je vis tranquille , &
mon ennui eft fi doux qu'il ne me pefe
point du tout. Il eft vrai qu'il me vient
quelquefois en penfée d'avoir quelques
témoins de mes découvertes , & par un
refte d'amitié pour le genre humain , je
fens que je ne ferois point fâché d'avoir
quelques amis , ou qui partageaffent mon
goût & mes connoiffances , ou qui me
donnaffent les leurs.
Après que ces deux amis eurent longtems
cherché les moyens de rendre la folitude
de Kilmore plus animée fans qu'il
lui en coutât le chagrin de changer de
vie , celui-ci dit à Laflei qu'il avoit envie
d'écrire à quelques- uns des amis qu'il avoit
laiffés à Londres dans le tems qu'il y vivoit
, & de les prier de venir paffer avec
lui le tems qu'ils auroient de libre dans
l'année.
Cette idée , reprit Laflei , ne s'accorde
point du tout avec votre philofophie ; &
où, Milord , avez vous connu des hommes
qui fe fouviennent d'un ami qu'ils
n'ont pas vû depuis dix ans peut-être un
+
44 MERCURE DE FRANCE.
de ceux- là s'en fouvient , cela peut être ;
mais comptez-vous fur le refte , en bonne
foi ? avouez qu'en approfondiffant la nature
vous avez oublié les défauts de l'humanité
; d'ailleurs je veux que tous ceux qui
ont été vos amis en foient les chef-d'oeuvres
: croyez- vous , Milord , qu'après avoir
fait cent vingt- huit milles pour venir vous
voir par curiofité , ils y reviennent affidument
, & s'accommodent de ne vous voir
que des inftans dans la journée ? n'y comptez
pas mais mariez- vous ; voilà ce que
je crois plus poffible : ayez une femme
aimable qui tienne votre maiſon , annoncez-
le à vos amis , alors ils y viendront ,
& vous , maître de vous livrer à vos férieufes
occupations , vous le ferez auffi de
revenir chez votre femme aux heures qui
vous conviendront , & d'y trouver des
de vous délaffer , par une converfation
agréable , de la fatigue de votre camoyens
binet.
Il faut convenir , dit Kilmore , que
cette idée eft très -jufte & plus raifonnable
que la mienne . Je conviens , mon cher
Laflei , que vous avez raifon , & que c'eft
le feul parti que j'aie à prendre : choififfez-
moi une femme telle qu'il me la faut
je vous en ferai très -obligé.
Moi , choifir ! dit Laflei , vous n'y penMA
I. 1755. 45
fez
pas , Milord : je pourrois à peine en
choifir une pour moi-même ; jugez ſi je
le rifquerois pour vous. D'ailleurs j'ignore
ce qui vous convient ... Ah ! Milord , reprit
Kilmore , ni le bien , ni la naiffance
ne peuvent me déterminer . Pour le premier
article , vous fçavez que je fuis affez
riche pour me paffer des biens qu'une
femme m'apporteroit ; quant au fecond ,
je crois que ce n'eft pas toujours dans la
plus haute nobleffe qu'on trouve les femmes
les mieux nées ; cela arrive quelque
fois j'en conviens , mais les préjugés
qu'on a là - deffus font impertinens , & Dieu
merci , je m'en fuis garanti. Je fçai que
l'éducation peut beaucoup fur une belle'
ame ; mais qu'avance -t-elle fur celle qui
eft née fans vertu ?
>
Ces belles ames ont- elles le droit d'animer
feulement les filles de qualité ? elles
dérivent du même principe , & font départies
dans nos corps au hazard ; ainfi
l'on trouve également la vertu avec l'éducation
, comme la vertu fans éducation ;
fouvent même ces principes ne fervenţ
qu'à mafquer les défauts d'une jeune perfonne
, elle fe contraint inceffamment
les cacher au public , tandis qu'un mal- i
heureux mari eft le martyr de fa difcrette
moitié , qui fe fait un jeu de le deshopour
46 MERCURE DE FRANCE.
norer. Je ne veux donc point , mon cher
Laflei , de ces filles élevées avec tant de
foin , & qui en prendroient fi peu
de me.
rendre heureux. Je fçai qu'un homme fage,
ne fait pas dépendre fon honneur d'une
femme folle & imprudente ; mais le préjugé
eft contre lui , & tout homme raifonnable
doit éviter ce malheur : cherchez-
moi donc une fille fage & honnête ,
fur tout que fon humeur fympatife avec
la mienne , que vous fçavez n'être pas
bien extraordinaire.
Milord , reprit Laflei , je ne doute pas
qu'il n'y ait des femmes telles que vous
les defirez , mais je n'en connois point ,
& me garderois bien de vous confeiller
en pareil cas. Mais puifque vous êtes affez
philofophe pour paffer par-deffus le bien
& la qualité , voyez vous même autour
de vous : votre pafteur , par exemple , a
trois filles élevées fous fes yeux ; la fimplicité
de fes moeurs , la fageffe de fon
caractere répondent que fes filles n'ont
point reçu cette éducation redoutable qui
mafque l'art fous les traits de la nature.
Confultez votre coeur , & choififfez parmi
les jeunes filles laquelle il vous dictera de
prendre.
Ce n'eft point ici une affaire de coeur ,
reprit Kilmore , ne vous y trompez pas;
MA I. 1755. 47
c'eft une affaire jufte & raiſonnable : vous
avez bien imaginé , j'irai demain voir M.
Humfroy , & je lui demanderai une de
fes filles. Kilmore ayant pris ce parti
n'en parla plus de la foirée à fon ami , qui
le quitta après fouper pour retourner au
château qu'il avoit dans le voifinage , où
quelques affaires le demandoient.
Kilmore , ſuivant fon caractere , ne fe
leva pas le lendemain plutôt qu'à l'ordinaire.
Quand il fut habillé , il fit mettre
fes chevaux à une chaife pour aller à fon
village , diftant d'environ deux milles de
fon château , & fut defcendre droit au
prefbytere. Il trouva M. Humfroy corrigeant
un fermon qu'il devoit prêcher le
lendemain .
Surpris de voir fon Seigneur chez lui ,
honneur qu'il ne lui avoit jamais fait , M."
Humfroy le reçut avec toutes les marques
d'un profond refpect ; il cherchoit
dans fa tête de quoi il pourroit dignement
l'entretenir , lorfque Kilmore arrêta brufquement
la confufion de fes penfées , en
lui déclarant clairement le fujet qui l'amenoit
chez lui.
Si M. Humfroy avoit été étonné de
voir Kilmore , il le fut bien davantage
quand il apprit ce qui l'y amenoit. Comme
il étoit homme de bon fens , il ne fit
pas
48 MERCURE DE FRANCE.
d'autre réponſe que de lui demander s'il
avoit bien fongé à ce qu'il faifoit , & s'il
étoit poffible de croire qu'un homme de fa
naiffance voulût s'abaiffer jufqu'à faire une
pareille alliance ?
J'y ai très-fort fongé , reprit Kilmore ;
vos bonnes moeurs , votre vertu , m'ont fait
penfer que vos filles vous reffemblent ; je
ne veux pas pourtant contraindre leurs volontés
, je veux qu'un choix libre les détermine
faites-les venir , expofez leur le
fujer pour lequel vous les appellez : je
vous ai dit la façon dont je vis ; fi l'une
d'elles n'a aucune répugnance à partager
ma folitude , je fuis prêt à lui donner ma
foi tout à l'heure.
M. Humfroy ne douta plus que tout ce
que difoit Kilmore ne fûr certain ; il appella
fes filles qui , fimplement vêtues ,
mais très-proprement , vinrent aux ordres
de leur pere. M. Humfroy les fit affeoir
felon l'ordre de l'âge en face du Milord ,
il leur expofa nettement le fujet de fa vifite.
Ces trois filles , dont l'aînée avoit à
peine dix -huit ans , & les deux autres environ
feize & dix- fept , écouterent en grand
filence ce que difoit leur pere ; elles le
garderent même encore affez long- tems
après qu'il eut parlé : elles fe regarderent
les
MAI. 1755 . 49
les unes & les autres , & refterent les
yeux baiffés en attendant que leur pere les
interrogeât. Dès que M. Humfroy crut
leur avoir laiffé affez de tems pour refléchir
, il s'adreffa à l'aînée : Laure , lui ditil
, c'étoit le nom de cette belle fille , avez
vous penfé à ce que je viens de vous dire ?
& fi vous m'avez entendu , y confentezvous
? dites votre avis naturellement , fans'
crainte de me déplaire.
›
L'honneur que Milord nous fait , reprit
modeftement Laure me flate fenfiblement
; mais , mon pere , puifque vous me
permettez que je dife mon fentiment , je
n'ai point encore affez de connoiffance
des chofes du monde pour trouver qu'un
mariage fi honorable me rende plus heureufe
; je fuis contente de mon état , &
je vous fupplie de ne pas trouver mauvais
que je vous demande d'y refter .
Cette réponſe de la belle Laure fâcha
Kilmore ; il trouva qu'une perfonne qui
penfoit fi fagement , méritoit qu'on la regrettât
. Et vous , ma fille , dit M. Humfroy
à Julie , la feconde de fes filles , penfez-
vous comme votre foeur ? répondez ,
mais répondez felon ce que vous penfez.
Non , mon pere , répondit la jeune Julie
, je trouve ce mariage au- deffus de mon
attente ; mais je l'accepte dans l'idée où je
C
So MERCURE DE FRANCE.
fuis que Milord me rendra heureufe ;:
puifqu'il vient choifir parmi nous , & que.
vous l'agréez .
M. Humfroy prit alors fa fille par la
main , & la préfenta à Kilmore, qui l'affura ,
qu'il tâcheroit par toutes fortes de bons
procédés de juftifier les idées avantageufes
qu'elle avoit prife de lui. Alors il fut,
queftion d'appeller un Notaire ; M. Humfroy
y alla lui -même , & l'amena fur le
champ , avec un ancien Alderman qui avoit
une maifon dans le village , & qui voulut
bien fervir de témoin.
M. Humfroy étoit fi tranfporté du bonheur
qui arrivoit à fa fille , qu'il ne fe
connoiffoit plus ; il nommoit fes trois
filles à tous propos , embraffoit le Milord
& l'Alderman tour à tour fans fonger
qu'il troubloit le Notaire dans fa fonction.
Kilmore de fon côté voulant paroître
aimable à Julie , lui difoit, quelques
mots polis , & caufoit avec fes fours qui
avoient l'air plus gai & moins embarraſſe
qu'elle. Elimais fur- tout la plus jeune de
difoit mille chofes agréables à Julie
, qui fembloit enfevelie dans une profonde
rêverie.
toutes ,
Quand il fut queftion de lire le contrat,
il fe trouva qu'au lieu du nom de Julie le
Notaire y avoit fubftitué celui d'Elimaïs.
MAI 1755 SI
Ce contre-tems embarraffa fort le Milord,
qui avoit trouvé déja cet ouvrage fort
long , & qui s'impatientoit de ce qu'il
falloit le recommencer de point en point.
Cette difcuffion avoit arrêté toute la joie ;
chacun difoit fon avis , & perfonne no
convainquoit le Notaire , qui prouvoit
invinciblement qu'il falloit recommencer.
On alloit enfin céder à la vérité de cette
repréſentation , lorfque Julie fe leva , &
s'avançant vers fon pere ; cette affaire , lui
dit-elle avec un rouge modefte qui lui
couvrit les joues , peut aifément s'accommoder
; permettez , mon pere , que je céde
mes droits & l'honneur que me fait Milord
à ma foeur Elimaïs , tout fera dit alors,
& il n'y aura plus d'embarras. Comment
Julie , dit M. Humfroy , penfez- vous bien
à ce que vous faites ? oui , mon pere , reprit-
elle,; un engagement auffi grand me
fait peur , & je vous fupplie de permettre
que je m'en défifte. Elimaïs eft plus jeune ,
& par conféquent elle fera moins de réflexions
, d'ailleurs elle aura moins de tems
pour les écouter & .....Je n'entens point
cela , interrompit brufquement M. Humfroy
, vous avez donné votre parole de
bonne grace ; ainfi , Julie , je veux .....
Non , Monfieur , interrompit à fon tour
Kilmore , ma propofition n'eft faite qu'à
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
condition qu'elle fera acceptée fans nulle
répugnance. Julie la refufe , je vous prie
de ne la pas contraindre : interrogez la
belle Elimaïs , fi elle penfe comme fes
foeurs , rien ne fera fait , & je me retirerai
en vous remerciant de votre bonne volonté.
Eh bien , Elimaïs ! dit le bon Minif
refufes- tu comme Laure & Julie
Phonneur que Milord veut nous faire ?
répons , ma fille , & ne te troubles point
mais répons comine tu penfes ? Elimaïs
ne balança pas , elle répondit de trèsbonne
grace qu'elle fe faifoit un plaifir
d'obéir à fon pere ; alors jettant fur lui
un regard timide pour fçavoir fi ce qu'elle
avoit dit lui avoit plû ou non ; comme
elle le vit fourire , elle fe jetta à fon col
avec une grace enfantine & fi tendre que
les larmes en vinrent aux yeux du bon
homme ; Kilmore même fut ému , & ne
put s'empêcher de baifer la main de la
jeune Elimaïs , que M. Humfroy lui préfenta
. Milord prit au plus vite la plume &
la pria de vouloir ne pas différer de figner
fon bonheur. Elimaïs figna tout de fuite ;
tout le monde ayant figné à fon tour , Kilmore
& Elimaïs furent conduits à l'Eglife ,
où ils recurent la bénédiction nuptiale de
M. Humfroy , qui ne fe fentoit pas de joig
de voir Elimais fi bien établie .
M -A I
1755. 33
En fortant de la paroiffe , M. Humfroy
dit à fon gendre qu'il efpéroit qu'il voudroit
bien recevoir de lui un repas fimple
& frugal , n'ayant pas eu le tems de lui en
faire préparer un plus digne de lui.
Monfieur , dit Kilmore , j'accepterois
volontiers ce que vous voulez bien m'offrir
fi je n'étois preffé de mener ma femme
dans fon château , elle & moi aurons
cet honneur une autre fois , mais je vous
fupplie de ne pas vous oppofer en ce moment
-ci à l'empreffement que j'ai de la
rendre maîtreffe de mon château , ni elle
ni moi ne tarderons pas à venir vous rendre
ce que nous vous devons , & je vous
prie d'être perfuadé qu'en mon particulier
je n'y manquerai jamais . Cela dit , Kilmore
embraffa fon beau -pere & fes bellesfours.
M. Humfroy n'infifta pas davantage
fit une courte exhortation à Elimaïs
fur fes devoirs , & Milord lui donna la
main pour monter dans la chaife , où montant
après elle ils fortirent du village , &
arriverent bientôt chez lui.is , Hood brib
A
Le premier foin de Kilmore en arrivant,
fut de faire ouvrir le plus bel appartement
& d'y conduire Elimais voilà , dit- il
l'appartement que j'ai toujours deſtiné à
mon époufe , & j'efpere que vous voudrez
bien que je le partage feulement la nuit
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
*
avec vous. Elimaïs répondit naïvement
qu'il en étoit le maître. Madame , lui ditil
, vous voyez que je n'ai pas eu le tems
de me préparer à vous recevoir , ainfi je
n'ai à vous offrir ni bijoux , ni diamans ,
en un mot tout ce qui pourroit vous
plaire , mais vous ferez la maîtreffe d'en
faire l'emplette à votre goût , & comme il
vous plaira l'argent néceffaire vous fera
donné auffi-tôt que vous le voudrez . Milord
, reprit Elimaïs , je n'ai jamais conçu
que ces bagatelles puffent faire le vrai
bonheur , & par conféquent je ne les ai
jamais defirées : fi cependant elles doivent
m'aider à foutenir l'éclat du rang ou
Vous venez de m'élever , je ne refuſerai
rien de ce qui me pourra fervir à vous faire
honneur Kilmore trouva beaucoup de
bon fens & de fentiment honnête à cette
réponſes iben loua fon époufe , qui fur
étonnée qu'on louât une chofe qu'elle
Groyoit que tout le monde devoit penfer
naturellement. On vint leur dire que le
ils fe mirent à table , la
confervation ne fut pas fört animée. Après
qu'ils en furent fortis , Kilmore apporta
un petit rouet à fa femme. Vous aimez
peut-être à travailler , lui dit- il , je vous
apporte ce rouet pour vous prévenir contre
l'ennui de la defoccupation: Vous me
"
2
dîné étoit fer . Op m
MASI. 1755.
55
faites plaifir , lui dit- elle , je penfois déja
que j'aurois été bien aife d'envoyer chez
mon pere chercher ma quenouille ; alors
Elimaïs , d'une main adroite , mit en train
fon rouet , & fila de la meilleure grace du
monde.
Pendant ce tems Milord lut , écrivit ,
l'interrogea quelquefois fur fes goûts , fur
fes amufemens , fur la vie qu'elle menoit
chez fon pere ; à quoi elle répondit trèsjufte
, très-fenfément & en peu de mots.
Le foleil étant couché , Kilmore propofa
de s'aller promener , ce qu'Elimaïs accepta
avec plaifir. Ils entrerent enſemble dans le
jardin , elle en loua les beautés avec difcernement
; ce qui lui parut moins agréable
, elle le dit avec la même franchiſe ,
donnant des raifons très- conféquentes de
ce qu'elle difoit : elle prouva à Kilmore
qu'elle avoit autant d'efprit que de goût.
Comme la foirée étoit belle , les deux
époux le promenerent jufqu'à l'heure du
fouper ; en rentrant ils fe mirent à table.
Comme la journée n'avoit pas produit
de grands événemens , ils ne parlerent
gueres plus à fouper qu'ils avoient
fait à dîner. La. converfation d'après ne
fut pas plus intéreffante : quelques quefftions
entrecoupées , des réponfes laconiques
, voilà à quoi cela fe termina .
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
Les femmes d'Elimaïs entrerent , fon mari
paffa dans un cabinet pour fe deshabiller
tandis qu'elle fe mettoit au lit ; & quand
on vint l'avertir qu'elle y étoit , il congédia
fes domeftiques , & vint fe mettre auprès
d'elle.
Il y étoit à peine , que fe mettant fur fon
féant , il fonna fes gens avec un grand
empreffement. Que vous plaît- il , Milord
lui demanda Elimaïs ? C'eft , dit- il , que j'ai
oublié quelque chofe : un valet entra dans
le moment ; ouvre mon rideau, dit Kilmore
à cet homme , allume mon bougeoir , &
m'apporte ma grande Bible & mes lunettes
: le domeftique obéit & fe retira.
Kilmore mit effectivement fes lunettes
& ouvrit fa grande Bible , où il fe mit à lire
apparemment tout haut. Elimaïs ne marqua
aucun étonnement de cette façon extraordinaire
de fe comporter : elle écouta paiſiblement
pendant une grande demi -heure
cette férieufe lecture ; mais à fon tour fe
mettant fur fon féant , elle fonna fes femmes.
Que voulez- vous , Madame , lui dit
Kilmore ? Ce n'eft rien , Milord , dit-elle ,
ne vous interrompez pas pour cela ; donnezmoi
mon rouet , dit- elle à fa fille qui entra.
Kilmore , à cette demande , éclata de
rire , & jettant la Bible , les lunettes & foufflant
le bougeoir , il renvoya la femme de
M A 57
*
I. 1755.
་
chambre avec le rouet & la lumiere ; &
fe jettant au col de fa femme , ma chere
Elimaïs , lui dit- il en l'embraffant , vous
êtes une perfonne charmante , ce dernier
trait d'efprit & d'attention pour moi vous
donne mon coeur à jamais ; je vous ai
éprouvé toute la journée ; vous n'êtes
fufceptible ni d'ennui , ni d'humeur ; vous
êtes celle qui devoit me rendre le plus
heureux des hommes ; ma chere Elimaïs ,
je vous adore. Alors Milord ferma fon rideau
, & nous le tirerons auffi fur le refte
de l'hiſtoire , pour ne point troubler les
myſteres de l'amour conjugal , dont la décence
& la modeſtie doivent faire l'appanage..
On a appris depuis cette relation écrite ,
très-vraie dans toutes fes circonstances , que
Milord Kilmore , enchanté de ſon choix &
des vertus de fa femme , ainfi de fes
que
agrémens , a abandonné fon goût pour la
retraite & pour la Philofophie. Uniquement
occupé de plaire à Elimaïs , il eft"
revenu à Londres avec elle ; leur union
fait l'envie & l'admiration de cette ville.
Ils y tiennent un grand état , & tout ce
qu'il y a de confidérable & d'aimable dans
l'un & l'autre fexe s'y raflemble journellement.
PAR MLLE DE L.
A MADAME LA C ... DE G ....
E vous devois une dédicace , pourrois-
Jje micus la placer qu'en vous adreffant
une hiftoire que vous avez defiré de voir
écrite il eft jufte de fervir vos defirs .
Ah ! peut-on vous dédier un ouvrage qui
vous foit plus propre que celui qui fait
l'éloge d'une femme qui a mérité toute la
confidération & toute l'eftime de fon mari
, vous qui faites la félicité du vôtre , &
le bonheur de tous vos amis ? Vous aimez
ce qui peint la vertu & l'amour honnête ;
j'ai écrit ce que vous avez bien voulu
m'en apprendre : heureuſe de vous écouter
quand je vous vois , & de m'occuper de
ce que vous m'avez dit quand je vous
perds de vûe. S'il vous eût plû de me dicter
cette hiftoire , j'aurois eu plus de plaifir
à l'écrire , & l'on en auroit eu davantage
à la lire ; recevez- la donc telle que je
l'ai reçue de vous , comme un gage de ma
complaifance pour ce qui peut vous plaire ,
& un hommage de ma tendre amitié.
40 MERCURE DE FRANCE.
Les Comtes de Kilmore , originairement
Irlandois , s'établirent en Angleterre
dès que ce royaume eut réuni fous les mêmes
loix l'Ecoffe & l'Irlande. Les grandes
alliances qu'ils firent dans l'Angleterre les
en rendirent comme citoyens. Poffeffeurs
de grandes terres dans ce royaume , elles
fe trouverent réunies fur la tête d'un feul
fous ce dernier regne. Le Comte de Kilmore
, unique héritier de tant de riches
fucceffions , ne fe fentit point flaté du defir
de conferver fon nom , prêt à s'éteindre .
Un dégoût univerfel pour tout ce pour tout ce qui peut
charmer un homme de fon âge & de fon
rang , lui fit envifager la Cour avec la
plus profonde indifférence ; il ne voulut
y entendre parler d'aucun établiſſement.
Uniquement occupé de l'étude en tous
genres , où la fagacité de fon efprit lui
faifoit faire chaque jour de nouvelles découvertes
, il réfolut de s'y livier tout entier
, & fe retira dans le Caernarvand , où
il avoit une fort belle terre . C'étoit un
château fort noble & fort ancien , fitué fur
le bord du canal de Menay , dont on découvroit
de loin la fameufe ifle d'Anglefei.
Lorfque le ciel étoit ferein , la mer ,
par fa vafte étendue , rendoit ce lieu trifte
, mais analogue aux penfées du Comte ;
de hautes montagnes couvertes de bois ou
MA I. 1755. 41
de petits villages , terminoient la vue de
l'autre côté , & offroient dans leurs gorges
de jolies prairies entrecoupées de petits
ruiffeaux. Cette fituation terrible &
fauvage parut fort agréable au Comte , il
s'y établit avec un plaifir d'autant plus
fenfible qu'il crut avec raifon qu'il ne ſeroit
point interrompu dans fes fçavantes
méditations.
Kilmore avoit déja paffé dix années
dans le château ; la philofophié le foutenoit
contre l'ennui de la folitude : un feul
ami lui étoit refté , qui de temps en tems
venoit partager la retraite ou ranimer la
converfation du Comte. Cet ami fe nommoit
Laflei.
Un jour que Kilmore & lui fe promenoient
fur une grande terraffe qui s'élevoit
au- deffus de la mer , & que Kilmore
admiroit avec fon ami la vaſte étendue
de cet élément , Laflei prit la parole :
j'approuve avec vous , Milord , lui ditil
, que les beautés de la nature , toutes
admirables & toutes diverfifiées qu'elles
font , portent l'ame à la trifteffe la plus
profonde. Cette mer , cette ifle que nous
appercevons là-bas , ces prairies , ces jolis
villages qui couvrent ces montagnes dont
la cime perce les nûes , tout cela , mon
cher Kilmore , eft au premier coup d'oeil
42 MERCURE DE FRANCE..
d'une beauté fans pareille ; mais cette
beauté eſt toujours la même : encore fi ,
comme dans les tems où les ténébres du
paganifme enveloppoient la terre , nous
voyions dans les bois des dryades , des
nymphes dans les prairies , des nayades
dans les fontaines , fur cette vafte mer
Neptune dans un char entouré de tritons
& de fes charmantes fyrenes , dont les
chants mélodieux raviffoient les mortels ,
tout cela , dis- je , animéroit votre folitu
de. Mais votre fage religion a fait mainbaffe
fur tous ces êtres divertiffans ; la
philofophie chrétienne nous a rendu la
nature fimple & dénuée de ces agrémens
que la folie des anciens avoit divinifés ;
un férieux noble & majeftueux en a pris
la place , & je ne conçois pas comment
depuis dix ans vous refiftez à la langueur
que cette folitude doit jetter dans.
votre ame. Kilmore fourit de l'enthoufiafme
de fon ami ; j'avoue , dit- il , qu'il
eft très- malheureux que votre univers foit
privé de tous les objets que vous venez de
décrire ; mais comme je ne fuis pas accoutumé
à les trouver , je ne me fuis pas
avifé de les regretter. Une fleur qui fe
développe , fon progrès , fa deftruction
un fruit que je cultive , un arbre que j'émonde
, & qui s'éleve à vûe d'oeil , me
3
M A I. 1755. 43
tiennent lieu de vos nymphes & de vos
dryades ; la république des oifeaux , celle
des fourmis ou des mouches à miel me
conduifent à des réflexions folides que vos
fyrenes dérangeroient fans doute ainfi ,
mon cher Laffei , je vis tranquille , &
mon ennui eft fi doux qu'il ne me pefe
point du tout. Il eft vrai qu'il me vient
quelquefois en penfée d'avoir quelques
témoins de mes découvertes , & par un
refte d'amitié pour le genre humain , je
fens que je ne ferois point fâché d'avoir
quelques amis , ou qui partageaffent mon
goût & mes connoiffances , ou qui me
donnaffent les leurs.
Après que ces deux amis eurent longtems
cherché les moyens de rendre la folitude
de Kilmore plus animée fans qu'il
lui en coutât le chagrin de changer de
vie , celui-ci dit à Laflei qu'il avoit envie
d'écrire à quelques- uns des amis qu'il avoit
laiffés à Londres dans le tems qu'il y vivoit
, & de les prier de venir paffer avec
lui le tems qu'ils auroient de libre dans
l'année.
Cette idée , reprit Laflei , ne s'accorde
point du tout avec votre philofophie ; &
où, Milord , avez vous connu des hommes
qui fe fouviennent d'un ami qu'ils
n'ont pas vû depuis dix ans peut-être un
+
44 MERCURE DE FRANCE.
de ceux- là s'en fouvient , cela peut être ;
mais comptez-vous fur le refte , en bonne
foi ? avouez qu'en approfondiffant la nature
vous avez oublié les défauts de l'humanité
; d'ailleurs je veux que tous ceux qui
ont été vos amis en foient les chef-d'oeuvres
: croyez- vous , Milord , qu'après avoir
fait cent vingt- huit milles pour venir vous
voir par curiofité , ils y reviennent affidument
, & s'accommodent de ne vous voir
que des inftans dans la journée ? n'y comptez
pas mais mariez- vous ; voilà ce que
je crois plus poffible : ayez une femme
aimable qui tienne votre maiſon , annoncez-
le à vos amis , alors ils y viendront ,
& vous , maître de vous livrer à vos férieufes
occupations , vous le ferez auffi de
revenir chez votre femme aux heures qui
vous conviendront , & d'y trouver des
de vous délaffer , par une converfation
agréable , de la fatigue de votre camoyens
binet.
Il faut convenir , dit Kilmore , que
cette idée eft très -jufte & plus raifonnable
que la mienne . Je conviens , mon cher
Laflei , que vous avez raifon , & que c'eft
le feul parti que j'aie à prendre : choififfez-
moi une femme telle qu'il me la faut
je vous en ferai très -obligé.
Moi , choifir ! dit Laflei , vous n'y penMA
I. 1755. 45
fez
pas , Milord : je pourrois à peine en
choifir une pour moi-même ; jugez ſi je
le rifquerois pour vous. D'ailleurs j'ignore
ce qui vous convient ... Ah ! Milord , reprit
Kilmore , ni le bien , ni la naiffance
ne peuvent me déterminer . Pour le premier
article , vous fçavez que je fuis affez
riche pour me paffer des biens qu'une
femme m'apporteroit ; quant au fecond ,
je crois que ce n'eft pas toujours dans la
plus haute nobleffe qu'on trouve les femmes
les mieux nées ; cela arrive quelque
fois j'en conviens , mais les préjugés
qu'on a là - deffus font impertinens , & Dieu
merci , je m'en fuis garanti. Je fçai que
l'éducation peut beaucoup fur une belle'
ame ; mais qu'avance -t-elle fur celle qui
eft née fans vertu ?
>
Ces belles ames ont- elles le droit d'animer
feulement les filles de qualité ? elles
dérivent du même principe , & font départies
dans nos corps au hazard ; ainfi
l'on trouve également la vertu avec l'éducation
, comme la vertu fans éducation ;
fouvent même ces principes ne fervenţ
qu'à mafquer les défauts d'une jeune perfonne
, elle fe contraint inceffamment
les cacher au public , tandis qu'un mal- i
heureux mari eft le martyr de fa difcrette
moitié , qui fe fait un jeu de le deshopour
46 MERCURE DE FRANCE.
norer. Je ne veux donc point , mon cher
Laflei , de ces filles élevées avec tant de
foin , & qui en prendroient fi peu
de me.
rendre heureux. Je fçai qu'un homme fage,
ne fait pas dépendre fon honneur d'une
femme folle & imprudente ; mais le préjugé
eft contre lui , & tout homme raifonnable
doit éviter ce malheur : cherchez-
moi donc une fille fage & honnête ,
fur tout que fon humeur fympatife avec
la mienne , que vous fçavez n'être pas
bien extraordinaire.
Milord , reprit Laflei , je ne doute pas
qu'il n'y ait des femmes telles que vous
les defirez , mais je n'en connois point ,
& me garderois bien de vous confeiller
en pareil cas. Mais puifque vous êtes affez
philofophe pour paffer par-deffus le bien
& la qualité , voyez vous même autour
de vous : votre pafteur , par exemple , a
trois filles élevées fous fes yeux ; la fimplicité
de fes moeurs , la fageffe de fon
caractere répondent que fes filles n'ont
point reçu cette éducation redoutable qui
mafque l'art fous les traits de la nature.
Confultez votre coeur , & choififfez parmi
les jeunes filles laquelle il vous dictera de
prendre.
Ce n'eft point ici une affaire de coeur ,
reprit Kilmore , ne vous y trompez pas;
MA I. 1755. 47
c'eft une affaire jufte & raiſonnable : vous
avez bien imaginé , j'irai demain voir M.
Humfroy , & je lui demanderai une de
fes filles. Kilmore ayant pris ce parti
n'en parla plus de la foirée à fon ami , qui
le quitta après fouper pour retourner au
château qu'il avoit dans le voifinage , où
quelques affaires le demandoient.
Kilmore , ſuivant fon caractere , ne fe
leva pas le lendemain plutôt qu'à l'ordinaire.
Quand il fut habillé , il fit mettre
fes chevaux à une chaife pour aller à fon
village , diftant d'environ deux milles de
fon château , & fut defcendre droit au
prefbytere. Il trouva M. Humfroy corrigeant
un fermon qu'il devoit prêcher le
lendemain .
Surpris de voir fon Seigneur chez lui ,
honneur qu'il ne lui avoit jamais fait , M."
Humfroy le reçut avec toutes les marques
d'un profond refpect ; il cherchoit
dans fa tête de quoi il pourroit dignement
l'entretenir , lorfque Kilmore arrêta brufquement
la confufion de fes penfées , en
lui déclarant clairement le fujet qui l'amenoit
chez lui.
Si M. Humfroy avoit été étonné de
voir Kilmore , il le fut bien davantage
quand il apprit ce qui l'y amenoit. Comme
il étoit homme de bon fens , il ne fit
pas
48 MERCURE DE FRANCE.
d'autre réponſe que de lui demander s'il
avoit bien fongé à ce qu'il faifoit , & s'il
étoit poffible de croire qu'un homme de fa
naiffance voulût s'abaiffer jufqu'à faire une
pareille alliance ?
J'y ai très-fort fongé , reprit Kilmore ;
vos bonnes moeurs , votre vertu , m'ont fait
penfer que vos filles vous reffemblent ; je
ne veux pas pourtant contraindre leurs volontés
, je veux qu'un choix libre les détermine
faites-les venir , expofez leur le
fujer pour lequel vous les appellez : je
vous ai dit la façon dont je vis ; fi l'une
d'elles n'a aucune répugnance à partager
ma folitude , je fuis prêt à lui donner ma
foi tout à l'heure.
M. Humfroy ne douta plus que tout ce
que difoit Kilmore ne fûr certain ; il appella
fes filles qui , fimplement vêtues ,
mais très-proprement , vinrent aux ordres
de leur pere. M. Humfroy les fit affeoir
felon l'ordre de l'âge en face du Milord ,
il leur expofa nettement le fujet de fa vifite.
Ces trois filles , dont l'aînée avoit à
peine dix -huit ans , & les deux autres environ
feize & dix- fept , écouterent en grand
filence ce que difoit leur pere ; elles le
garderent même encore affez long- tems
après qu'il eut parlé : elles fe regarderent
les
MAI. 1755 . 49
les unes & les autres , & refterent les
yeux baiffés en attendant que leur pere les
interrogeât. Dès que M. Humfroy crut
leur avoir laiffé affez de tems pour refléchir
, il s'adreffa à l'aînée : Laure , lui ditil
, c'étoit le nom de cette belle fille , avez
vous penfé à ce que je viens de vous dire ?
& fi vous m'avez entendu , y confentezvous
? dites votre avis naturellement , fans'
crainte de me déplaire.
›
L'honneur que Milord nous fait , reprit
modeftement Laure me flate fenfiblement
; mais , mon pere , puifque vous me
permettez que je dife mon fentiment , je
n'ai point encore affez de connoiffance
des chofes du monde pour trouver qu'un
mariage fi honorable me rende plus heureufe
; je fuis contente de mon état , &
je vous fupplie de ne pas trouver mauvais
que je vous demande d'y refter .
Cette réponſe de la belle Laure fâcha
Kilmore ; il trouva qu'une perfonne qui
penfoit fi fagement , méritoit qu'on la regrettât
. Et vous , ma fille , dit M. Humfroy
à Julie , la feconde de fes filles , penfez-
vous comme votre foeur ? répondez ,
mais répondez felon ce que vous penfez.
Non , mon pere , répondit la jeune Julie
, je trouve ce mariage au- deffus de mon
attente ; mais je l'accepte dans l'idée où je
C
So MERCURE DE FRANCE.
fuis que Milord me rendra heureufe ;:
puifqu'il vient choifir parmi nous , & que.
vous l'agréez .
M. Humfroy prit alors fa fille par la
main , & la préfenta à Kilmore, qui l'affura ,
qu'il tâcheroit par toutes fortes de bons
procédés de juftifier les idées avantageufes
qu'elle avoit prife de lui. Alors il fut,
queftion d'appeller un Notaire ; M. Humfroy
y alla lui -même , & l'amena fur le
champ , avec un ancien Alderman qui avoit
une maifon dans le village , & qui voulut
bien fervir de témoin.
M. Humfroy étoit fi tranfporté du bonheur
qui arrivoit à fa fille , qu'il ne fe
connoiffoit plus ; il nommoit fes trois
filles à tous propos , embraffoit le Milord
& l'Alderman tour à tour fans fonger
qu'il troubloit le Notaire dans fa fonction.
Kilmore de fon côté voulant paroître
aimable à Julie , lui difoit, quelques
mots polis , & caufoit avec fes fours qui
avoient l'air plus gai & moins embarraſſe
qu'elle. Elimais fur- tout la plus jeune de
difoit mille chofes agréables à Julie
, qui fembloit enfevelie dans une profonde
rêverie.
toutes ,
Quand il fut queftion de lire le contrat,
il fe trouva qu'au lieu du nom de Julie le
Notaire y avoit fubftitué celui d'Elimaïs.
MAI 1755 SI
Ce contre-tems embarraffa fort le Milord,
qui avoit trouvé déja cet ouvrage fort
long , & qui s'impatientoit de ce qu'il
falloit le recommencer de point en point.
Cette difcuffion avoit arrêté toute la joie ;
chacun difoit fon avis , & perfonne no
convainquoit le Notaire , qui prouvoit
invinciblement qu'il falloit recommencer.
On alloit enfin céder à la vérité de cette
repréſentation , lorfque Julie fe leva , &
s'avançant vers fon pere ; cette affaire , lui
dit-elle avec un rouge modefte qui lui
couvrit les joues , peut aifément s'accommoder
; permettez , mon pere , que je céde
mes droits & l'honneur que me fait Milord
à ma foeur Elimaïs , tout fera dit alors,
& il n'y aura plus d'embarras. Comment
Julie , dit M. Humfroy , penfez- vous bien
à ce que vous faites ? oui , mon pere , reprit-
elle,; un engagement auffi grand me
fait peur , & je vous fupplie de permettre
que je m'en défifte. Elimaïs eft plus jeune ,
& par conféquent elle fera moins de réflexions
, d'ailleurs elle aura moins de tems
pour les écouter & .....Je n'entens point
cela , interrompit brufquement M. Humfroy
, vous avez donné votre parole de
bonne grace ; ainfi , Julie , je veux .....
Non , Monfieur , interrompit à fon tour
Kilmore , ma propofition n'eft faite qu'à
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
condition qu'elle fera acceptée fans nulle
répugnance. Julie la refufe , je vous prie
de ne la pas contraindre : interrogez la
belle Elimaïs , fi elle penfe comme fes
foeurs , rien ne fera fait , & je me retirerai
en vous remerciant de votre bonne volonté.
Eh bien , Elimaïs ! dit le bon Minif
refufes- tu comme Laure & Julie
Phonneur que Milord veut nous faire ?
répons , ma fille , & ne te troubles point
mais répons comine tu penfes ? Elimaïs
ne balança pas , elle répondit de trèsbonne
grace qu'elle fe faifoit un plaifir
d'obéir à fon pere ; alors jettant fur lui
un regard timide pour fçavoir fi ce qu'elle
avoit dit lui avoit plû ou non ; comme
elle le vit fourire , elle fe jetta à fon col
avec une grace enfantine & fi tendre que
les larmes en vinrent aux yeux du bon
homme ; Kilmore même fut ému , & ne
put s'empêcher de baifer la main de la
jeune Elimaïs , que M. Humfroy lui préfenta
. Milord prit au plus vite la plume &
la pria de vouloir ne pas différer de figner
fon bonheur. Elimaïs figna tout de fuite ;
tout le monde ayant figné à fon tour , Kilmore
& Elimaïs furent conduits à l'Eglife ,
où ils recurent la bénédiction nuptiale de
M. Humfroy , qui ne fe fentoit pas de joig
de voir Elimais fi bien établie .
M -A I
1755. 33
En fortant de la paroiffe , M. Humfroy
dit à fon gendre qu'il efpéroit qu'il voudroit
bien recevoir de lui un repas fimple
& frugal , n'ayant pas eu le tems de lui en
faire préparer un plus digne de lui.
Monfieur , dit Kilmore , j'accepterois
volontiers ce que vous voulez bien m'offrir
fi je n'étois preffé de mener ma femme
dans fon château , elle & moi aurons
cet honneur une autre fois , mais je vous
fupplie de ne pas vous oppofer en ce moment
-ci à l'empreffement que j'ai de la
rendre maîtreffe de mon château , ni elle
ni moi ne tarderons pas à venir vous rendre
ce que nous vous devons , & je vous
prie d'être perfuadé qu'en mon particulier
je n'y manquerai jamais . Cela dit , Kilmore
embraffa fon beau -pere & fes bellesfours.
M. Humfroy n'infifta pas davantage
fit une courte exhortation à Elimaïs
fur fes devoirs , & Milord lui donna la
main pour monter dans la chaife , où montant
après elle ils fortirent du village , &
arriverent bientôt chez lui.is , Hood brib
A
Le premier foin de Kilmore en arrivant,
fut de faire ouvrir le plus bel appartement
& d'y conduire Elimais voilà , dit- il
l'appartement que j'ai toujours deſtiné à
mon époufe , & j'efpere que vous voudrez
bien que je le partage feulement la nuit
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
*
avec vous. Elimaïs répondit naïvement
qu'il en étoit le maître. Madame , lui ditil
, vous voyez que je n'ai pas eu le tems
de me préparer à vous recevoir , ainfi je
n'ai à vous offrir ni bijoux , ni diamans ,
en un mot tout ce qui pourroit vous
plaire , mais vous ferez la maîtreffe d'en
faire l'emplette à votre goût , & comme il
vous plaira l'argent néceffaire vous fera
donné auffi-tôt que vous le voudrez . Milord
, reprit Elimaïs , je n'ai jamais conçu
que ces bagatelles puffent faire le vrai
bonheur , & par conféquent je ne les ai
jamais defirées : fi cependant elles doivent
m'aider à foutenir l'éclat du rang ou
Vous venez de m'élever , je ne refuſerai
rien de ce qui me pourra fervir à vous faire
honneur Kilmore trouva beaucoup de
bon fens & de fentiment honnête à cette
réponſes iben loua fon époufe , qui fur
étonnée qu'on louât une chofe qu'elle
Groyoit que tout le monde devoit penfer
naturellement. On vint leur dire que le
ils fe mirent à table , la
confervation ne fut pas fört animée. Après
qu'ils en furent fortis , Kilmore apporta
un petit rouet à fa femme. Vous aimez
peut-être à travailler , lui dit- il , je vous
apporte ce rouet pour vous prévenir contre
l'ennui de la defoccupation: Vous me
"
2
dîné étoit fer . Op m
MASI. 1755.
55
faites plaifir , lui dit- elle , je penfois déja
que j'aurois été bien aife d'envoyer chez
mon pere chercher ma quenouille ; alors
Elimaïs , d'une main adroite , mit en train
fon rouet , & fila de la meilleure grace du
monde.
Pendant ce tems Milord lut , écrivit ,
l'interrogea quelquefois fur fes goûts , fur
fes amufemens , fur la vie qu'elle menoit
chez fon pere ; à quoi elle répondit trèsjufte
, très-fenfément & en peu de mots.
Le foleil étant couché , Kilmore propofa
de s'aller promener , ce qu'Elimaïs accepta
avec plaifir. Ils entrerent enſemble dans le
jardin , elle en loua les beautés avec difcernement
; ce qui lui parut moins agréable
, elle le dit avec la même franchiſe ,
donnant des raifons très- conféquentes de
ce qu'elle difoit : elle prouva à Kilmore
qu'elle avoit autant d'efprit que de goût.
Comme la foirée étoit belle , les deux
époux le promenerent jufqu'à l'heure du
fouper ; en rentrant ils fe mirent à table.
Comme la journée n'avoit pas produit
de grands événemens , ils ne parlerent
gueres plus à fouper qu'ils avoient
fait à dîner. La. converfation d'après ne
fut pas plus intéreffante : quelques quefftions
entrecoupées , des réponfes laconiques
, voilà à quoi cela fe termina .
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
Les femmes d'Elimaïs entrerent , fon mari
paffa dans un cabinet pour fe deshabiller
tandis qu'elle fe mettoit au lit ; & quand
on vint l'avertir qu'elle y étoit , il congédia
fes domeftiques , & vint fe mettre auprès
d'elle.
Il y étoit à peine , que fe mettant fur fon
féant , il fonna fes gens avec un grand
empreffement. Que vous plaît- il , Milord
lui demanda Elimaïs ? C'eft , dit- il , que j'ai
oublié quelque chofe : un valet entra dans
le moment ; ouvre mon rideau, dit Kilmore
à cet homme , allume mon bougeoir , &
m'apporte ma grande Bible & mes lunettes
: le domeftique obéit & fe retira.
Kilmore mit effectivement fes lunettes
& ouvrit fa grande Bible , où il fe mit à lire
apparemment tout haut. Elimaïs ne marqua
aucun étonnement de cette façon extraordinaire
de fe comporter : elle écouta paiſiblement
pendant une grande demi -heure
cette férieufe lecture ; mais à fon tour fe
mettant fur fon féant , elle fonna fes femmes.
Que voulez- vous , Madame , lui dit
Kilmore ? Ce n'eft rien , Milord , dit-elle ,
ne vous interrompez pas pour cela ; donnezmoi
mon rouet , dit- elle à fa fille qui entra.
Kilmore , à cette demande , éclata de
rire , & jettant la Bible , les lunettes & foufflant
le bougeoir , il renvoya la femme de
M A 57
*
I. 1755.
་
chambre avec le rouet & la lumiere ; &
fe jettant au col de fa femme , ma chere
Elimaïs , lui dit- il en l'embraffant , vous
êtes une perfonne charmante , ce dernier
trait d'efprit & d'attention pour moi vous
donne mon coeur à jamais ; je vous ai
éprouvé toute la journée ; vous n'êtes
fufceptible ni d'ennui , ni d'humeur ; vous
êtes celle qui devoit me rendre le plus
heureux des hommes ; ma chere Elimaïs ,
je vous adore. Alors Milord ferma fon rideau
, & nous le tirerons auffi fur le refte
de l'hiſtoire , pour ne point troubler les
myſteres de l'amour conjugal , dont la décence
& la modeſtie doivent faire l'appanage..
On a appris depuis cette relation écrite ,
très-vraie dans toutes fes circonstances , que
Milord Kilmore , enchanté de ſon choix &
des vertus de fa femme , ainfi de fes
que
agrémens , a abandonné fon goût pour la
retraite & pour la Philofophie. Uniquement
occupé de plaire à Elimaïs , il eft"
revenu à Londres avec elle ; leur union
fait l'envie & l'admiration de cette ville.
Ils y tiennent un grand état , & tout ce
qu'il y a de confidérable & d'aimable dans
l'un & l'autre fexe s'y raflemble journellement.
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Résumé : HISTOIRE ANGLOISE. PAR MLLE DE L. A MADAME LA C... DE G....
L'œuvre 'Histoire Anglaise' est dédiée par Mlle de L. à Madame la C... de G..., qui apprécie les récits mettant en avant la vertu et l'amour honnête. L'histoire commence avec la famille des Comtes de Kilmore, une famille irlandaise installée en Angleterre après l'unification des lois entre l'Écosse et l'Irlande. Le Comte de Kilmore, unique héritier de vastes terres, se retire dans un château à Caernarvand pour se consacrer à l'étude, loin des plaisirs de la cour. Il y vit en solitaire, accompagné seulement de son ami Laflei. Un jour, en se promenant, Laflei exprime son admiration pour la beauté de la nature mais regrette l'absence de divinités païennes qui l'animaient autrefois. Kilmore, quant à lui, trouve du plaisir dans l'observation de la nature et des petites choses de la vie. Il avoue cependant ressentir parfois le besoin de partager ses découvertes avec des amis. Laflei suggère alors à Kilmore de se marier pour animer sa solitude. Kilmore accepte l'idée et demande à Laflei de lui trouver une femme sage et honnête, dont l'humeur soit compatible avec la sienne. Laflei propose que Kilmore choisisse parmi les filles de son pasteur, M. Humfroy, connues pour leur simplicité et leur sagesse. Kilmore décide de rendre visite à M. Humfroy pour lui demander la main de l'une de ses filles. Lors de cette visite, Kilmore expose son désir de mariage à M. Humfroy, qui est surpris mais accepte de présenter ses filles. Les trois filles, Laure, Julie et Henriette, écoutent en silence la proposition de leur père. Laure, l'aînée, décline poliment l'offre, préférant rester dans son état actuel. Kilmore est impressionné par la sagesse de Laure mais attend la réponse des autres sœurs. L'histoire se poursuit avec Julie et Elimaïs, filles de M. Humfroy, et Milord Kilmore. Julie accepte initialement un mariage avec Milord Kilmore, mais lors de la signature du contrat, une erreur du notaire révèle que le nom d'Elimaïs est inscrit à la place de celui de Julie. Julie, effrayée par l'engagement, propose de céder sa place à Elimaïs. Milord Kilmore accepte cette solution à condition que la jeune fille accepte de son plein gré. Elimaïs accepte avec grâce et tendresse, émouvant ainsi son père et Milord Kilmore. Le mariage est alors célébré, et le couple part pour le château de Milord. À leur arrivée, Milord Kilmore montre à Elimaïs l'appartement destiné à son épouse et lui offre de l'argent pour acheter des bijoux. Elimaïs répond qu'elle ne désire pas ces objets, mais accepte de les acquérir pour maintenir l'éclat de son rang. La journée se passe calmement, avec des conversations modérées. Le soir, après une promenade, Milord Kilmore simule une lecture de la Bible pour tester Elimaïs, qui reste imperturbable et demande son rouet. Touché par son attitude, Milord Kilmore lui avoue son amour et son admiration. Par la suite, on apprend que Milord Kilmore, enchanté par les vertus et les agréments d'Elimaïs, abandonne sa retraite et sa philosophie pour se consacrer à elle. Ils vivent à Londres dans l'opulence et reçoivent régulièrement des visiteurs distingués.
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68
p. 7-11
EPITRE A M. LE CHEVALIER DE B..... S'embarquant avec son Régiment pour le Canada.
Début :
Tout effort est donc superflu ! [...]
Mots clefs :
Canada, Honneur, Régiment, Chevalier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE A M. LE CHEVALIER DE B..... S'embarquant avec son Régiment pour le Canada.
EPITRE
A M. LE CHEVALIER DE B .....
S'embarquant avec fon Régiment pour le
Canada.
Tour effort eft donc fuperflu !
Ο
A la priere la plus tendre
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE .
Vous refufez donc de vous rendre
Et le départ eft réfolu !
K
Aux juftes aflauts qu'on vous livre
Vous oppofez de triftes noms :
Auriez - vous le coeur des Hurons ,
Parmi lesquels vous allez vivre ?
Si du moins l'on pouvoit vous fuivre
Jufqu'en ces barbares cantons
Mais vous partez , & nous reftons.
Vous partez ! ... Eh ! qui vous y
force ?
L'honneur , me direz - vous ? L'honneur F,
Quoi vous cédez à cette amorce ?
Ah ! reconnoiffez votre erreur.
L'honneur dont tout homme fe pique
Sur-tout dans notre nation ;
L'honneur n'eft qu'une fiction ,
Et ne fert que la politique.
On le croit fils de la Raifon ;
Ce n'eft qu'un être chimérique ;
Né du préjugé fantaſtique
Et de la folle opinion ;
Ou plutôt l'honneur n'eft qu'un nom ;
Un mot plus qu'amphibologique ,
Auquel le fot croit fans foupçon,
Mais que le héros fage explique.
Or , croyez - vous en bonne foi
Qu'un mot à partir vous oblige ?
D'un fanatifme , d'un preſtige ,
Eft- ce à vous à prendre la loi
JUIN. 1755
En tout cas , faut - il pour atteindre
L'idole que je viens de peindre ,
Egaler les courfes d'Io ?
Et ne peut- on dans le royaume
Sacrifier à ce phantôme ,
Sans voler juſqu'à l'Ohokio è
Pendant le cours de quatre luftres
Vous-même , marchant fur les
De cent ancêtres tous illuftres ,
Vous le fuivîtes aux combats :
Sans fortir de cet hémiſphere
Vous obéîtes à fes loix ,
pas
Et fes faveurs , de vos exploits
Furent l'honorable falaire ;
Vous tenez de lui cette croix *
Noble étiquette du courage,
Des fuccès brillant témoignage ,
Prix du fang verfé pour les Rois .
Qu'en attendez-vous davantage
N'eft-il pas tems qu'à vos travaux ,
'Au fein d'une famille aimable
Succéde enfin un doux repos >
Ce repos toujours agréable
N'eft , je le fçais , ni pardonnable ; be
Ni permis toujours aux guerriers :
Il l'eft , il eft même honorable
Quand on le prend fur les lauriers
* La croix de S, Louisalis wh
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Mais vains difcours , raifons frivoles !
Le vent qui fouffle fur les mers
Emporte & féme dans les airs
Et nos douleurs & nos paroles ;
Semblable à ces écueils fameux
Dont bientôt l'aſpect formidable.
Frappera peut-être vos yeux ,
Et contre qui l'onde effroyable ,
Avec un bruit épouvantable ,
Lance en vain fes flots écumeux.
Vous vous riez de nos allarmes ,
De nos craintes , de nos regrets ;
D'un oeil fec vous voyez nos larmes
Et vous éludez tous nos traits .
Eh bien ! hâtez-vous de vous rendre
Sur la nef qui vous portera ;
Cherchez l'Anglois en Canada ,
Après l'avoir défait en Flandre :
Affrontez , nouvel Alexandre ,
Les mers , les monftres , le trépas
Pourquoi ? tout au plus pour étendre
Dans les plus ftériles climats
Notre empire de quelque pas.
Peut-être à nos voeux plus fenfibles
Amphitrite , Mars , Atropos ,
Seront moins que vous inflexibles.
L'une écartant les vents nuifibles ,
Sous vous applanira les eaux :
L'autre fermera fes cifeatix ,
}
JUIN
Et de concert fes foeurs horribles ,
De jours fortunés & paifibles
Pour vous couvriront leurs fufeaux.
Bellone & le Dieu des batailles
Vous guideront dans les combats ;
Ils feront marcher fur vos pas
La
peur , la mort , les funérailles :
Au milieu du fang , du trépas ,
Du carnage & de la tempête ,
Ces Dieux conduiront votre bras ,
Et garantiront votre tête.
Invincible , par leur fecours ,
En fûreté ſous leur égide ,
Le fer & le plomb homicide
Par - tout refpecteront vos jours.
Ils nous font dûs plus qu'à la gloire ;
Confervez-les du moins pour nous ;
Nous aimons mieux jouir de vous
Que de vous lire dans l'hiftoire.
Le jour qui va nous féparer ,
Pour bien long-tems va nous livrer
Aux chagrins , aux douleurs en proie :
Souvenez-vous en Canada ,
Que celui qui nous rejoindra
Peut feul nous rendre notre joie.
A M. LE CHEVALIER DE B .....
S'embarquant avec fon Régiment pour le
Canada.
Tour effort eft donc fuperflu !
Ο
A la priere la plus tendre
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE .
Vous refufez donc de vous rendre
Et le départ eft réfolu !
K
Aux juftes aflauts qu'on vous livre
Vous oppofez de triftes noms :
Auriez - vous le coeur des Hurons ,
Parmi lesquels vous allez vivre ?
Si du moins l'on pouvoit vous fuivre
Jufqu'en ces barbares cantons
Mais vous partez , & nous reftons.
Vous partez ! ... Eh ! qui vous y
force ?
L'honneur , me direz - vous ? L'honneur F,
Quoi vous cédez à cette amorce ?
Ah ! reconnoiffez votre erreur.
L'honneur dont tout homme fe pique
Sur-tout dans notre nation ;
L'honneur n'eft qu'une fiction ,
Et ne fert que la politique.
On le croit fils de la Raifon ;
Ce n'eft qu'un être chimérique ;
Né du préjugé fantaſtique
Et de la folle opinion ;
Ou plutôt l'honneur n'eft qu'un nom ;
Un mot plus qu'amphibologique ,
Auquel le fot croit fans foupçon,
Mais que le héros fage explique.
Or , croyez - vous en bonne foi
Qu'un mot à partir vous oblige ?
D'un fanatifme , d'un preſtige ,
Eft- ce à vous à prendre la loi
JUIN. 1755
En tout cas , faut - il pour atteindre
L'idole que je viens de peindre ,
Egaler les courfes d'Io ?
Et ne peut- on dans le royaume
Sacrifier à ce phantôme ,
Sans voler juſqu'à l'Ohokio è
Pendant le cours de quatre luftres
Vous-même , marchant fur les
De cent ancêtres tous illuftres ,
Vous le fuivîtes aux combats :
Sans fortir de cet hémiſphere
Vous obéîtes à fes loix ,
pas
Et fes faveurs , de vos exploits
Furent l'honorable falaire ;
Vous tenez de lui cette croix *
Noble étiquette du courage,
Des fuccès brillant témoignage ,
Prix du fang verfé pour les Rois .
Qu'en attendez-vous davantage
N'eft-il pas tems qu'à vos travaux ,
'Au fein d'une famille aimable
Succéde enfin un doux repos >
Ce repos toujours agréable
N'eft , je le fçais , ni pardonnable ; be
Ni permis toujours aux guerriers :
Il l'eft , il eft même honorable
Quand on le prend fur les lauriers
* La croix de S, Louisalis wh
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Mais vains difcours , raifons frivoles !
Le vent qui fouffle fur les mers
Emporte & féme dans les airs
Et nos douleurs & nos paroles ;
Semblable à ces écueils fameux
Dont bientôt l'aſpect formidable.
Frappera peut-être vos yeux ,
Et contre qui l'onde effroyable ,
Avec un bruit épouvantable ,
Lance en vain fes flots écumeux.
Vous vous riez de nos allarmes ,
De nos craintes , de nos regrets ;
D'un oeil fec vous voyez nos larmes
Et vous éludez tous nos traits .
Eh bien ! hâtez-vous de vous rendre
Sur la nef qui vous portera ;
Cherchez l'Anglois en Canada ,
Après l'avoir défait en Flandre :
Affrontez , nouvel Alexandre ,
Les mers , les monftres , le trépas
Pourquoi ? tout au plus pour étendre
Dans les plus ftériles climats
Notre empire de quelque pas.
Peut-être à nos voeux plus fenfibles
Amphitrite , Mars , Atropos ,
Seront moins que vous inflexibles.
L'une écartant les vents nuifibles ,
Sous vous applanira les eaux :
L'autre fermera fes cifeatix ,
}
JUIN
Et de concert fes foeurs horribles ,
De jours fortunés & paifibles
Pour vous couvriront leurs fufeaux.
Bellone & le Dieu des batailles
Vous guideront dans les combats ;
Ils feront marcher fur vos pas
La
peur , la mort , les funérailles :
Au milieu du fang , du trépas ,
Du carnage & de la tempête ,
Ces Dieux conduiront votre bras ,
Et garantiront votre tête.
Invincible , par leur fecours ,
En fûreté ſous leur égide ,
Le fer & le plomb homicide
Par - tout refpecteront vos jours.
Ils nous font dûs plus qu'à la gloire ;
Confervez-les du moins pour nous ;
Nous aimons mieux jouir de vous
Que de vous lire dans l'hiftoire.
Le jour qui va nous féparer ,
Pour bien long-tems va nous livrer
Aux chagrins , aux douleurs en proie :
Souvenez-vous en Canada ,
Que celui qui nous rejoindra
Peut feul nous rendre notre joie.
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Résumé : EPITRE A M. LE CHEVALIER DE B..... S'embarquant avec son Régiment pour le Canada.
L'épître est adressée au Chevalier de B..., qui s'apprête à partir pour le Canada avec son régiment. L'auteur exprime son désaccord avec cette décision, estimant ses efforts pour le retenir inutiles. Il critique l'honneur, le considérant comme une fiction au service de la politique, née de préjugés et de fausses opinions. L'auteur rappelle les exploits passés du chevalier, soulignant qu'il a déjà démontré sa valeur sans avoir besoin de partir. Il évoque les dangers du voyage et les risques de la guerre, mais le chevalier semble déterminé. L'auteur exprime ses craintes et ses regrets, espérant que le chevalier reviendra sain et sauf. Il conclut en exprimant l'espoir que le chevalier se souvienne d'eux et revienne pour leur rendre leur joie.
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69
p. 8-45
ROSALIE. Histoire véritable, par M. Y....
Début :
Le vice n'est jamais estimable, mais il cesse d'être odieux quand il n'a point [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour, Honneur, Parents, Bonheur, Yeux, Vertu, Orgueil, Fortune, Famille, Passion, Amant, Moeurs, Larmes, Sensibilité, Confiance, Mains, Honte, Vérité, Conseils, Notaire, Générosité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ROSALIE. Histoire véritable, par M. Y....
ROSAL I E.
Hiftoire véritable , par M.Y....
L'celle d'être odieux quand il n'a point
E vice n'eft jamais eftimable , mais il
:
étouffé les qualités de l'ame. Une foiblefle
de coeur prend auffi fouvent fon origine
dans une certaine facilité d'humeur que
dans l'attrait du plaifir. Un amant fe préfente
, ou il eft enjoué , ou il eft homie à
fentiment. Le premier eft le moins dangereux
, il ne féduit jamais qu'une étourdie ,
& il ne triomphe que dans une faillie téméraire
Le fecond , plus refpectueux en
apparence , va à fon but par la délicateſſe
vante fa conftance, déclame contre les perfides,
& finit par l'être. Que devient une jeune
perfonne qui dans l'ivreffe de la gaieté
s'eft laiffée furprendre , ou qui eft tonbée
dans le piége d'une paffion décorée extérieurement
par le fentiment ? ce que font prefque
toutes celles qui ont débuté par une
fragilité ; elles fe familiarifent avec le vice ,
elles s'y précipitent ; l'amour du luxe & de
l'oifeveté les y entretient ; elles ont des
modeles , elles veulent y atteindre ; incapables
d'un attachement fincere elles en
AOUS T 1755. 9.
affectent l'expreffion , elles ont été la dupe
d'un homme , & elles fe vengent fur
toute l'efpece. Heureufes celles dont le
le coeur n'eft point affez dépravé pour fe
refufer aux inftances de la vertu qui cherche
à y rentrer .
Telle étoit Rofalie , elle étoit galante
avec une forte de décence . Ses moeurs
étoient déréglées , mais elle fçavoit louer
& admirer la vertu . Ses yeux pleins de
douceur & de vérité annonçoient fa franchife.
On entrevoyoit bien dans fa démarche
, dans fes manieres le manege de
la coquetterie , mais fon langage étoit modefte
, & elle ne s'abandonna jamais à ces
intempérances de langue , qui caractériſent
fi baffement fes femblables. Fidele à fes
engagemens , elle les envifagea toujours
comme des liens qu'elle ne pouvoit rompre
fans ingratitude , & les conventions
faites , l'offre la plus éblouiffante n'auroit
pû la déterminer à une perfidie.
Elle ne fut jamais parjure la premiere.
Son coeur plus fenfible à la reconnoiffance
qu'à l'amour , étoit incapable de fe laiffer
féduire à l'appas de l'intérêt & aux charmes
de l'inconftance . Solitaire , laborieuſe ,
fobre , elle eût fait les délices d'un mari ,
fi une premiere foibleffe ne l'eût en quelque
façon fixée à un état dont elle ne
A v
To MERCURE DE FRANCE.
pouvoit parler fans rougir. Affable , compatiffante
, généreufe , elle ne voyoit ja→
mais un malheureux fans lui tendre une
main fecourable ; & quand on parloit de
fes bienfaits , on difoit que le vice étoit
devenu tributaire de la vertu . Des lectures
fenfées avoient ranimé dans fon coeur les .
germes d'un beau naturel . Elle y fentoit
renaître le defir d'une conduite raifonnable
, elle vouloit fe dégager , & elle méditoit
même depuis long-tems une retraite
qui la fauvât de la honte d'avoir mal vécu ,
& du ridicule de mieux vivre , mais elle
avoit été arrêtée par un obftacle , elle avoit
voulu fe faire une fortune qui put la mettre
à l'abri des tentations qu'elle infpiroit , &
des offres des féducteurs : enfin elle vouloit
être vertueufe à fon aife ; elle ambitionnoit
deux cens mille francs , & par
dégrés elle étoit parvenue à les avoir. Contente
de ce que la fortune & l'amour lui
avoient procuré , elle avoit congédié fon
dernier amant , elle fe préparoit à fuir loin
de Paris les occafions d'une rechûte.
Ce fut alors qu'un jeune Gentilhomme
nommé Terlieu , vint loger dans une petite
chambre qui étoit de plain pied à l'appartement
qu'elle occupoit. Il fortoit tous
les jours à fept heures du matin , il rentroit
à midi pour fe renfermer , & il borA
O UST. 1955. 11
noit à une révérence muette fon cérémonial
avec fa voifine. La fingularité de la
vie de ce jeune homme irrita la curiofité
de Rofalie. Un jour qu'il venoit de rentrer
, elle s'approche de la porte de fa
chambre , prête l'oreille , porte un regard
fur le trou de la ferrure , & voit l'infortuné
Terlieu qui dînoit avec du pain
fec , chaque morceau étoit accompagné
d'un gémiffement , & fes larmes en fai
foient l'affaifonnement. Quel fpectacle
pour une ame fenfible ! celle de Rofalie
en fut pénétrée de douleur . Dans ce mo
ment une autre avec les vûes les plus pures ,
eût été peut-être indiferette , elle fe für
écriée , & généreufement inhumaine elle
eût décelé la mifere de Terlieu ; mais Rofalie
qui fçavoit combien il eft douloureux
d'être furpris dans les befoins de l'indigen
ce, rentra promptement chez elle pour y attendre
l'occafion d'être fecourable avec le
refpect qu'on doit aux infortunés. Elle épia
le lendemain l'inftant où Terlieu étoit dans
l'habitude de fe retirer , & pour que fon
deffein parut être amené par le hazard
elle fit tranfporter fon métier de tapifferie
dans fon anti- chambre , dont elle eur
foin de tenir la porte ouverte.
Terlieu accablé de fatigue & de trifteffe
parur à fon heure ordinaire , fit fa révé-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
rence , & alloit fe jetter dans l'obfcurité
de fa petite chambre , lorfque Rofalie ,
avec ce ton de voix aifé & poli , qui eſt
naturel au beau fexe , lui dit : En vérité ,
Monfieur , j'ai en vous un étrange voifin ;
j'avois penfé qu'une femme , quelle qu'elle
fût, pouvoit mériter quelque chofe par-delà
une révérence. Ou vous êtes bien farouche
, ou je vous parois bien méprifable . Si
vous me connoiffez , j'ai tort de me, plaindre
, & votre dedain m'annonce un homme
de la vertu la plus fcrupuleuſe , & dèslors
j'en réclame les confeils & les fecours.
Seroit-ce auffi que cette févérité que je lis
fur votre front prendroit fa caufe de quelque
chagrin qui vous accable ? Souffrez
que je m'y intereffe. Entrez , Monfieur , je
Vous fupplie : que fçavons- nous fi le fort
ne nous raffemble point pour nous être
mutuellement utiles ? je fuis feule , mon
dîner eft prêt , faites moi , je vous conjure
, l'honneur de le partager avec moi :
j'ai quelquefois un peu de gaieté dans
l'efprit , je pourrai peut-être vous diffiper.
Mademoiſelle , répondit Terlieu , vous
méritez fans doute d'être connue , & l'accueil
dont vous m'honorez ,, annonce en
vous un beau caractere. Qui que vous
foyez , il m'eft bien doux de trouver quel
1
1
A O UST . 1755. 13
qu'un qui ait la générofité de s'appercevoir
que je fuis malheureux . Depuis quinze
jours que je fuis à Paris , je ne ceffe
d'importuner tous ceux fur la fenfibilité
defquels j'ai des droits , & vous êtes la
premiere perfonne qui m'ait favorisé de
quelques paroles de bienveillance . N'imputez
point de grace , Mademoiſelle , ni
à orgueil ni à mépris ma négligence à votre
égard : fi vous avez connu l'infortune ,
vous devez fçavoir qu'elle eft timide . On
fe préfente de mauvaife grace , quand le
coeur eft dans la peine. L'affliction appéfantit
l'efprit , elle défigure les traits , elle
dégrade le maintien , & elle verſe une
efpece de ridicule fur tout l'extérieur de
la perfonne qui fouffre . Vous êtes aimable
, vous êtes fpirituelle , vous me paroiffez
dans l'abondance ; me convenoit- il
de venir empoifonner les douceurs de votre
vie ? Si vous êtes généreufe , comme
j'ai lieu de le croire , vous auriez pris part
à mes maux je vous aurois attriftée .
Monfieur , répliqua Rofalie , je ne fuis
point affez vaine pour me flater du bonheur
de vous rendre fervice , mais je puis
me vanter que je ferois bien glorieufe fi
je pouvois contribuer à vous confoler , à
vous encourager. J'ai de grands défauts ,
mes moeurs ne font rien moins que régu14
MERCURE DE FRANCE.
lieres , mais mon coeur eft fenfible au fort
des malheureux ; il ne me refte que cette
vertu ; elle feule me foutient , me ranime ,
& me fait efperer le retour de celles que
j'ai négligées. Daignez , Monfieur , par
un peu de confiance , favorifer ce préfage.
Que rifquez- vous ? vos aveux ne feront
fûrement pas auffi humilians que les miens,
& cependant je vous ai donné l'exemple
d'une fincérité peu commune. Je ne puis
croire que ce foit votre mauvaiſe fortune
qui vous afflige. Avec de l'efprit , de la
jeuneffe , un extérieur auffi noble , on
manque rarement de reffources . Vous foupirez
? c'est donc l'honneur , c'est donc la
crainte d'y manquer , ou de le perdre qui
caufe la confternation où je vous vois.
Oui , cette peine eft la feule qui puiffe
ébranler celui qui en fait profeflion.
Voilà , s'écria Terlieu avec une forte
d'emportement , voilà l'unique motif de
mon défeſpoir , voilà ce qui déchire
mon coeur , voilà ce qui me rend la vic
infupportable . Vous defirez fçavoir mon
fecret , je ne réfifte point à la douceur
de vous le confier ; apprenez donc que
je n'ai rien , apprenez que je ne puis
fubfifter qu'en immolant aux befoins de
la vie cethonneur qui m'eft fi cher. Je fuis
Gentilhomme , j'ai fervi , je viens d'être
réformé je follicite , j'importune .... &
A O UST. 1755. 15
qui ! des gens qui portent mon nom , des
gens qui font dans l'abondance , dans les
honneurs , dans les dignités . Qu'en ai - je
obtenu ? des refus , des défaites , des dédains
, des hauteurs , le croirez - vous , Mademoiſelle
, le plus humain d'entr'eux ,
fans refpect pour lui- même , vient d'avoir
l'infolence de me propofer un emploi dans
les plus baffes fonctions de la Finance ! le
malheureux fembloit s'applaudir de l'indigne
faveur qu'il avoir obtenue pour moi .
Je l'avouerai , je n'ai pû être maître de
mon reffentiment. Confus , outré , j'ai déchiré
& jetté au vifage de mon lache bienfaiteur
le brevet humiliant qu'il a ofé me
préſenter. Heureux au moins d'avoir appris
à connoître les hommes , plus heureux
encore fi je puis parvenir à fuir , à
oublier , à détefter des parens qui veulent
que je deshonore le nom qu'ils portent. Je
fçais bien que ce n'eft point là le ton de
l'indigence ; que plus humble , plus modefte
, elle doit fe plier aux circonftances ;
que la nobleffe eft un malheur de plus
quand on eft pauvre , qu'enfin la fierté
eft déplacée quand les reffources de la vie
manquent. J'ai peut- être eu tort de rejetter
celles qui m'ont été offertes . J'avouerai
même que mon orgueil eut fléchi fi j'euffe
pû envifager dans l'exercice d'un pofté de
16 MERCURE DE FRANCE.
quoi fubfifter un peu honnêtement ; mais
s'avilir pour tourmenter laborieufement
les autres ; ah ! Mademoiſelle , c'eſt à quoi
je n'ai pû me réfoudre .
Monfieur , reprit Rofalie , je ne fçais fi
je dois applaudir à cette délicateffe , mais
je fens que je ne puis vous blâmer. Votre
fituation ne peut être plus fâcheufe .
Voici quelqu'un qui monte , remettezvous
, je vous prie , & tachez de vous
rendre aux graces de votre naturel ; il n'eft
pas convenable qu'on life dans vos yeux
l'abattement de votre coeur : fouffrez que
je me réſerve ſeule le trifte plaifir de vous
entendre , & de vous confoler . Ah ! c'eſt
Orphife , continua Rofalie fur le ton de la
gaieté , approche mon amie & félicitemoi
.... & de quoi , répliqua Orphife en
l'interrompant , eft- ce fur le parti fingulier
que tu prens d'abandonner Paris à la fleur
de ton âge , & d'aller te confiner en prude
prématurée dans la noble chaumiere dont
tu médites l'acquifition ? mais vraiment
tu vas embraffer un genre de vie fort attrayant.
Fort bien , répondit Rofalie , raille
, diverti- toi mais tes plaifanteries ne
me détourneront point du deffein que j'ai
pris. Je venois cependant te prier d'un
fouper.... Je ne foupe plus que chez moi ,
répliqua Rofalie. Mais toi - même tu me
?
}
AOUS T. 1755. 17
paroiffois déterminée à fuivre mon exemple.
C'étoit , répodit Orphiſe dans un accès
d'humeur , j'extravaguois. Une nouvelle
conquête m'a ramenée au fens commun.
Tant pis .... Ah ! point de morale.
Dînons. On fervit.
Pendant qu'elles furent à table , Orphiſe
parla feule , badina Rofalie , prit Terlicu
pour un fot , en conféquence le perfifa.
Pour lui il mangea peu : éroit- ce faute
d'appétit non , peut être ; mais il n'ofa
en avoir. Le caffé pris , Orphife fit fes
adieux , & fe recommanda ironiquement
aux prieres de la belle pénitente .
Rofalie débarraffée d'une visite auffi
choquante qu'importune , fit paffer Terlieu
dans fon fallon de compagnie. Après
un filence de quelques inftans , pendant
lequel Terlieu , les yeux baiffés , lui ménageoit
le plaifir de pouvoir le fixer avec
cette noble compaffion dont fe laiffent
toucher les belles ames à l'afpect des infor
tunés ; elle prit la parole , & lui dit ,
Monfieur , que je vous ai d'obligation ! la
confiance dont vous m'avez honorée , eft
de tous les événemens de ma vie celui qui
m'a le plus flatée , & l'impreffion qu'elle
fait fur mon coeur me caufe une joie ....
Pardonnez -moi ce mot, celle que je reffens
ne doit point vous affliger , elle ne peut
18 MERCURE DE FRANCE.
vous être injurieufe , je ne la tiens que
du bonheur de partager vos peines. Oui ,
Monfieur , ma fenfibilité pour votre fituation
me perfuade que j'étois née pour
la vertu ; mais que dis-je ? A quoi vous
peut être bon fon retour chez moi , fi
vous ne me croyez digne de vous en donner
des preuves. Vous rougiffez : hélas ,
je vois bien que je ne mérite point cette
gloire , foyez , je vous prie , plus génćreux
, ou du moins faites- moi la grace de
penfer qu'en me refufant vous m'humiliez
d'une façon bien cruelle.
• Vous êtes maîtreffe de mon fecret , répondit
Terlieu , ne me mettez point dans
Je cas de me repentir de vous l'avoir confié
: je ne m'en défends point , j'ai trouvé
quelques charmes à vous le révéler ; j'avouerai
même que mon coeur avoit un befoin
extrême de cette confolation : il me
femble que je refpire avec plus de facilité .
Je vous dois donc , Mademoiſelle , ce
commencement de foulagement ; c'est beaucoup
de fouffrir moins , quand on a beaucoup
fouffert. Permettez que je borne à
cette obligation toutes celles que je pourrois
efperer de votre générofité. Ne mefufez
point , je vous prie de la connoiffance
que vous avez de mon fort ; il ne
peut être plus cruel , mais je fçaurai le
-
AOUST. 1755. 19
fupporter fans en être accablé . C'en eft fair,
je reprens courage ; j'ai trouvé quelqu'un
qui me plaint. Au refte , Mademoiſelle ,
je manquerois à la reconnoiffance fi je
renonçois entierement à vos bontés ; &
puifque vous me permettez de vous voir ,
je viendrai vous inftruire tous les jours de
ce que mes démarches & mes follicitations
auront opéré je recevrai vos confeils
avec docilité , mais auflì c'est tout ce
qu'il vous fera permis de m'offrir , autrement
je cefferois .... N'achevez pas , répliqua
Rofalie en l'interrompant , je n'aime
point les menaces. Dites - moi , Monfieur
, eft-ce que l'infortune rend les hommes
intraitables ? eft - ce qu'elle répand
fur les moeurs , fur les manieres , une inquiétude
fauvage : eft- ce qu'elle prête au
langage de la féchereffe , de la dureté ?
s'il eft ainfi , elle eft bien à redouter. N'eftpas
vrai que vous n'étiez point tel dans
la prospérité ? vous n'euffiez point alors
rejetté une offre de fervice .
il
J'en conviens , répondit Terlieu , j'euſſeaccepté
parce que je pouvois efperer de rendre
, mais à préfent je ne le puis en confcience.
Quant à cette dureté que vous
me reprochez , j'avouerai que je la crois
honorable , néceſſaire même à celui qui eft
dans la peine. Elle annonce de la fermeté ,
20 MERCURE DE FRANCE.
elle repouffe l'orgueil de ceux qui font
dans l'opulence , elle fait refpecter le miférable.
L'humilité du maintien , la modeftie
, la timidité du langage donneroient
trop d'avantage à ceux qui ne font que
riches ; car enfin celui qui rampe , court
les rifques d'être écrasé.
Et vous êtes , reprit Rofalie , dans l'appréhenfion
que je ne me prévale des aveux
que vous m'avez fait : oui , dans mon dépit
vous me faites imaginer des fouhaits
extravagants je l'efpere au moins , votre
mauvaife fortune me vengera , vos parens
font de monftres ... que je ferois contente
s'ils vous rebutoient au point que vous
fuffiez forcé d'avoir recours à cette Rofalie
que vous dédaignez , puifque vous ne
la croyez point capable de vous obliger
dans le fecret de fa confcience.
Sur le point de quitter Paris je voulois
en fortir en faifant une action qui pût.
tranquilifer mes remors , & m'ouvrir la
route des vértus que je me propofe ; le hazard
, ou pour mieux dire , le ciel permet
que je falfe votre connoiffance ; je
crois que vous m'êtes adreffé pour vous ,
être fecourable , & je ne trouve en vous
que la fierté la plus inflexible . Hé bien ,
n'y fongeons plus . Cependant puis- je vous
demander fi vous envifagez quelques refA
OU ST. 1755. 21
fources plus fateufes que celles que vous
pourriez efperer de votre famille ?
Aucune , répondit Terlieu , j'ai bien
quelques amis ; mais comme je ne les
tiens que du plaifir , je n'y compte point.
Quoi ! reprit Rofalie , le néceffaire eft
prêt de vous manquer ,
& vous vous
amufez à folliciter des parens : c'est bien
mal à propos que l'on prétend que la néceffité
eft ingénieufe ! N'auriez - vous de
l'efprit que pour refléchir fur vos peines ?
que pour en méditer l'amertume ? Allez
Monfieur , allez faire un tour de promenade
: rêvez , imaginez , faites même ce
qu'on appelle des châteaux en Eſpagne ; il
eft quelquefois des illufions que la fortune
fe plaît à réalifer : il eft vrai qu'elles fe
réduifent prefque toujours à des chimeres ,
mais elles exercent l'efprit , elles amufent
l'imagination , elles bercent les chagrins ,
& c'eft autant de gagné fur les réflexions
affligeantes. Je vais de mon côté me donner
la torture : heureufe fi je fuis affez ingénieufe
pour trouver quelque expédient
qui puiffe adoucir vos peines , & contenter
l'envie extrême que j'ai de contribuer
à votre bonheur !
Terlieu fe leva pour fortir , & Roſalie
en le reconduifant le pria de venir manger
le foir un poulet avec elle , afin de
22 MERCURE DE FRANCE.
raifonner , & de concerter enfemble ce
que leur auroit fuggeré leur imagination ;
mais pour être plus fûre de l'exactitude de
Terlicu au rendez - vous , elle lui gliffa
adroitement une bourfe dans fa poche.
Terlieu alla s'enfoncer dans l'allée la plus
folitaire du Luxembourg , il y rêva beaucoup
& très infructueufement.
Tous les hommes ne font point féconds
en reffources ; les plus fpirituels font ordinairement
ceux qui en trouvent le moins.
Les idées , à force de fe multiplier , fe confondent
; d'ailleurs on voit trouble dans
l'infortune .
Il n'eft que deux fortes d'induſtrie ; l'une
légitime , c'eft celle des bras , du travail ,
& le préjugé y a attaché une honte : Terlieu
étoit Gentilhomme , il n'a donc pû en
être exemt.
L'autre induftrie , nommée par dégradation
l'induſtrie par excellence , eft celle
qui s'affigne des revenus fur la fottife , la
facilité , les foibleffes & les paffions d'autrui
; mais comme elle eft incompatible
avec la probité , Terlieu en étoit incapable.
Il y avoit deux heures que cet infortuné
Gentilhomme tourmenté par fon inquiétude,
marchoit à grands pas en croyant
fe promener , lorfque fouillant fans deffein
dans fa poche , il y fentit une bourſe.
AOUST. 1755. 23
Cette découverte décida promptement fon
retour ; le moindre délai pouvoit , felon
lui , faire fuppofer de l'incertitude dans
fon procédé ; il craignoit qu'on ne le foup.
çonnâc même d'avoir combattu contre la
tentation.
Il arrive effoufflé , franchit rapidement
l'efcalier de Rofalie , il entre ; celle - ci qui
le voit hors d'haleine , ne lui donne pas le
tems de s'expliquer , & débute par une
queftion vague ; lui fans parler , jette la
bourfe fur une table ; Rofalie affecte une
furpriſe de fatisfaction , & lui fait compli
ment fur le bonheur qu'il a eu de trouver
un ami généreux . Terlieu protefte très -férieufement
qu'il n'a parlé à qui que ce
fort ; celle- ci infifte fur l'heureuſe rencontre
qu'il a faite , Terlieu fe fâche , il eft ,
dit-il , outragé , il jure qu'il ne reverra de
fa vie Rofalie , fi elle ne reprend un argent
qui lui appartient : Elle s'en défend ,
elle en nie la proprieté , elle ofe foutenir
qu'elle ne fçait ce qu'on veut lui dire ;
quelle rare effronterie ! elle eut peut - être
pouffé plus loin l'opiniâtreté , fi elle ne fe
fut avifée de rougir . Rofalie rougir . Quoi!
une fille qui a vécu dans le defordre fe
laiffe démentir par le coloris involontaire
de la franchife? Hé pourquoi non ! quand
le motif en eft fi beau . On rougit bien des
24 MERCURE DE FRANCE.
mage
premieres paroles d'obfcénité qu'on entend
, parce que le coeur eft neuf ; celui
de Rofalie reprend fa premiere pureté ,
elle a donc pu rougir d'un menfonge généreux
, & rendre en même tems cet homà
la vérité. La conviction étoit trop
claire pour que fon obftination put durer
plus long - temps ; elle reprit fa bourſe
avec un dépit fi brufque qu'elle lui échappa
des mains , & qu'elle alla frapper conire
une commode où elle s'ouvrit en répandant
fur le parquet une cinquantaine
de louis. Comme Terlieu fe mit en devoir
de les ramaffer , Rofalie lui dit d'un ton
ironique & piqué : Monfieur , ne prenez
point cette peine , je fuis bien aiſe de ſçavoir
fi le compte y eft : vous m'avez pouffée
à bout par votre peu de confiance en
moi , il eft jufte qu'à mon tour j'en manque
à votre égard .
Je fais trop de cas de cette colere
pour
m'en offenfer , reprit Terlieu , le fond
m'en paroît trop refpectacle
. Puis- je , con- tinua - t-il , fans vous irriter , vous avertir
que j'apperçois
dans ce coin quelques
louis qui ont échappé
à vos recherches
? Puis- je , répliqua
Rofalie fur le même
ton , fans vous irriter , vous annoncer
que
vous êtes des mortels le plus bizarre & le
plus haïffable
? Refferrerai
-je , continua-telle
A O UST. 1755. 25
elle d'une voix modefte & attendrie l'ar-:
gent de cet ami du Luxembourg. Oui ,
Mademoiselle , répondit Terlieu d'un ton
ferme , je vous prie de le lui rendre , & de
le remercier de ma part.
la
Ils alloient continuer ces débats de générofité
mutuelle , lorqu'on vint avertir
que le fouper étoit fervi ; au moins , Monfieur
, dit Rofalie , vous me ferez peut -être
grace de me tenir campagnie très-volontiers
, répondit Terlieu , il y a trop à
gagner pour moi , & voilà le feul cas où
il peut m'être permis de vous montrer que
j'entends mes intérêts ; bien entendu cependant
que vous aurez moins d'humeur.
Je m'y engage , reprit- elle , pourvû que je
puiffe vous gronder , fi vous ne penfez pas
à ma fantaifie. Allons promptement manger
un morceau , je fuis fort impatiente
d'apprendre à quoi auront abouti les rêveries
de votre promenade . Vous parlerez
le premier , après quoi je vous ferai part
de mes idées , & nous verrons qui de nous
deux aura faifi le meilleur expédient.
Pendant le tems qu'ils furent à table ;
Rofalie déploya toutes les graces de fon
efprit pour égayer Terlicu , mais avec la
délicateffe dont on doit uſer avec un coeur
fermé à la joie , & avec cette circonfpection
qui met en défaut la malignité atten-
B
26- MERCURE DE FRANCE.
tive des domeftiques. Le deffert fervi elle
les renvoya en leur ordonnant de ne point
entrer qu'elle n'eut fonné. Ils eurent beau
raifonner entr'eux ; l'extérieur de Terlieu ,
l'accablement où ils le voyoient , & plus
que cela encore , la médiocrité très - négligée
de fon ajuftement dérouterent leurs.
conjectures.
Monfieur , dit alors Rofalie en reprenant
la parole , nota voilà feuls , perfonne
ne peut nous entendre ; faites- moi.
part , je vous prie , de ce que vous avez,
imaginé. Je ſerai bien charmée ſi vous me
mettez dans le cas de vous applaudir , plus
encore fi je puis ajouter quelques réflexions
utiles à vos projets .... parlez donc.
grace.q
de
Hé ! que puis- je vous dire , répondit-il ,
finon que dans l'état où je fuis il ne m'eft
pas poffible de penfer. J'ai eu beau creufer
ma tête , il n'en eft rien forti qui ne fut dé
raifonnable , extravagant , au-deffous du
fens commun. Jugez , Mademoiſelle , de
la mifere d'un efprit retréci par
l'infortu
ne ; il n'a pu me procurer que la reffource
de m'expatrier en entrant au fervice de la
Compagnie des Indes : qu'en penfez- vous ?>
ce parti vous paroît- il fi ridicule ?
Non , Monfieur , reprit- elle , je yous y
exhorterai même , dès que vous m'aurez
L
A OUST. 1755. 27
promis de mettre eu ufage l'expédient que
je vais vous donner : écoutez -moi attentivement
, ne m'interrompez pas , & furtout
point de faillie d'orgueil. Votre famille
, je le fçais , jouit de toutes les diftinctions
que donne l'opulence , & qu'on
accorde à celles qui ont bien mérité du
Prince & de la patrie. Je conçois qu'elle
pourra vous refufer de nouveau les fecours
que vous êtes en droit d'en exiger , mais
je ne puis penfer qu'elle fouffrit que vous
vous deshonorafliez . C'eft fur cette délicateffe
que j'établis l'efpoir dont je me flate
pour vous , & j'ofe croire que vous arracherez
de la vanité de vos parens ce que
vos inftances ne pourroient obtenir de
leur bienveillance . Dès demain , Monfieur ,
retournez les voir ; qu'ils lifent fur votre
front ce que la douleur a de plus attendriffant
: priez , preffez , humiliez - vous
même , & ne rougiffez point d'employer
les expreffions les plus foumifes. Si vous
ne les touchez point , s'ils font impitoyables
, ofez leur dire , avec la fureur dans
les yeux , que vous allez prendre un parti
fi indigne du nom qu'ils portent , que l'opprobre
en rejaillira fur eux . Oui, Monfieur,
menacez-les....Non , je crois vous connoître
, vous n'en aurez jamais la force . Par
grace , M. de Terlieu , prenez fur vous
Bij
28. MERCURE DE FRANCE.
de proférer des paroles feules capables
d'effrayer vos parens , & d'intéreffer en
votre faveur , je ne dis pas leur fenfibilité ,
mais au moins leur orgueil.
Qu'allez -vous me propofer , répliqua
Terlieu avec agitation ? vous me faites
frémir.
Ne craignez rien , répondit Rofalie , ce
n'eft qu'une menace dont le but eſt d'allarmer
des gens qui n'auroient point encore
renoncé à l'honneur , qui conféquemment
peut faire un grand effet , mais dont
je ferai toujours bien loin de vous confeiller
, ni même d'en fouffrir l'exécution. Baiffez
les yeux , ne me regardez point de grace;
je ne pourrois mettre au jour mon idée
fi vous me fixiez . Dès que vous aurez épuifé
tout ce que l'éloquence du befoin a de plus
pathétique ; dès que vous aurez déſeſpéré
d'émouvoir vos indignes parens , ofez leur
dire que leur barbarie vous détermine à
profiter de la fenfibilité d'une fille qui a
vécu dans le défordre , que Rofalie plus
généreuse qu'eux , ne peut fouffrir qu'an
homme comme vous paffe fes jours dans
la mifere , que Rofalie , .. hélas ! elle n'eft
que trop connue , que Rofalie vous offre
de partager fa fortune , & que vous êtes
prêt de contracter avec elle un mariage......
Je n'acheve point ; ce fera à vous , MonAOUST.
1755. 29
fieur , à finir le tableau , & à y mettre une
expreffion , & des couleurs dignes du fujet.
Terlieu alors leva les yeux , & Rofalie y
vit un trouble , & quelques larmes qu'elle
ne fit as femblant d'appercevoir. Qu'avez-
vous ? continua-t- elle , vos regards
m'inqui tent , & je crains fort que l'expédient
que je viens de vous propofer ne
vous révolte ; mais enfin , s'il réuffiffoit
m'en fçauriez-vous mauvais gré ? que rifquez-
vous d'en hafarder l'épreuve ?
Un malheur nouveau qui acheveroit de
m'accabler , s'écria Terlieu , mes cruels
parens ne manqueroient point d'attenter à
votre liberté , & je ferois la caufe & le prétexte
d'une barbarie.
Hé ! Monfieur , reprit elle , courons - en
les rifques , fi cette violence peut rendre
votre fort plus heureux. La perte de la
liberté n'eft point un fi grand mal pour quiconque
eft déterminé à renoncer au monde.
D'ailleurs il fuffira à ma juftification ,
& à la vôtre que l'on fçache que ce n'étoit
qu'une rufe imaginée pour amener vos
parens à la néceffité de vous rendre fervice ;
& comme il fera de l'intérêt de votre honneur
de défavouer un bruit auffi ridicule ,
l'amour qu'on vous connoît pour la vérité ,
ne laiffera aucun doute & nous nous
trouverons juſtifiés tous les deux .
,
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
Ah Rofalie , Rofalie ! répliqua Terlieu ,
en foupirant , terminons un entretien dont
les fuites deviendroient trop à craindre
pour moi. Je vous quitte pénétré d'admiration
, & peut-être d'un fentiment encore
plus intéreffant. Oui , je ferai ufage de vos
confeils ; je verrai demain ma famille .....
Mais hélas ! je ne fçai fi vous ne me faites
point defirer d'être rebuté de nouveau . Je
ne puis dire ce que mon coeur reffent , mais
il vous refpecte déja , & vraisemblablement
il ne fe refufera pas long-temps à ce
que la tendreffe a de plus féduifant.
Monfieur , reprit Rofalie , allez vous
repofer , vous avez befoin de rafraîchir
votre fang ; vous venez de me prouver
qu'il eft un peu échauffé. Je préfume que
le fommeil vous rendra votre raison , &
qu'à votre reveil , où vous rirez , où vous
rougirez du petit délire de la veille.
Fort bien , répliqua Terlieu en fouriant,
voilà un agrément de plus dans votre ef
prit , & vous entendez fupérieurement la
raillerie . Oui , Rofalie , je vais me retirer ,
mais avec la certitude de ne point dormir ,
& comptez que fi le fommeil me furprend,
mon imagination , ou pour mieux dice ,
mon coeur ne fera occupé que de vous.
Terlieu tint parole , il ne ferma point
l'oeil de la nuit , & cependant il ne la trouA
O UST. 1755: 31
va pas longue. Le jour venu , il fut incertain
s'il iroit de nouveau importuner fa
famille , ou s'il fuivroit le penchant d'une
paffion que le mérite de Rofalie avoit fait
naître en fon coeur , & que les réflexions
ou peut-être les illufions de la nuit avoient
fortifiée. Après avoir combattu quelque
tems entre ces deux partis , le foin de fa
réputation l'emporta fur un amour que fa
raifon plus tranquille lui repréfentoit malgré
lui fous un point de vûe un peu déshonorant
. Quelle fituation ? l'amour , la pauvreté
, defirer d'être aimé , d'être heureux ,
& n'ofer fe livrer à des penchans fi naturels
! Partez Terlieu , vous avez promis ,
& votre honneur exige que vous faffiez du
moins encore une démarche avant de fonger
au coeur de Rofalie.
La fortune ne le fervit jamais mieux
qu'en lui faiſant effuyer des dédains nouveaux
de la part de fa famille. Les prieres ,
les inftances , les fupplications qu'il eut le
courage d'employer , ne lui attirerent que
des rebuts , que des outrages. Ses parens imputerent
à fa baffefle les larmes qu'il verfa.
Outré , défefpéré , il mit en oeuvre fa derniere
reffource ; il leur peignit avec les
couleurs les plus effrayantes l'alliance dont
il les menaça de fouiller leur nom ; ce tableau
ne fit qu'ajouter au mépris dont ils
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
l'accablerent , & l'un d'eux en parlant au
nom de tous , & fans en être défavoué
par
un feul , eut la lâcheté de lui dire : hé >
Monfieur , concluez ; que nous importe la
femme que vous prendrez , pourvu qu'elle
nous débarraffe de votre vûe , & de vos
importunités. Au refte , nous vous défavouons
dès ce jour pour parent , & fi vous
avez le front d'ofer dire que vous nous appartenez
, nous fçaurons réprimer votre
infolence.
Et moi , Meffieurs , répliqua fierement
Terlieu , je le publierai partout , non pas
que je tienne à honneur d'être votre plus
proche parent , mais afin que perfonne n'ignore
que vous êtes plus indignes que moimême
du fang qui coule dans nos veines ,
& que fi je fuis réduit à le deshonorer , ce
font vos duretés qui m'y ont forcé. Adieu ,
Meffieurs , & pour toujours.
Terlieu courut promtement répandre
dans le fein de la généreufe Rofalie les
horreurs qu'il venoit d'entendre. C'en eft
fait , s'écria-t-il en entrant , je n'ai que
vous au monde , vous me tenez lieu d'amis
, de parens , de famille. Oui , Roſalie,
continua-t-il , en tombant à fes genoux ,
c'eft à vous feule que je veux appartenir ,
de vous feule je veux dépendre , & votre
coeur eft le feul bien que j'ambitionne.
AOUST. 1755. 33
Soyez , je vous conjure , magnanime au
point de croire que ce n'eſt pas l'extrémité
où je me trouve , qui me fait deficer le
bonheur de vous plaire : comptez qu'un motifauffi
bas eft trop au deffous de ce que vous
m'infpirez , & d'un coeur comme le mien.
Eh , vous ne méritez point que je vous
écoute , lui répondit , Rofalie , fi vous me
croyez capable d'un tel foupçon. Levezvous
, Monfieur , on pourroit vous furprendre
dans une attitude qu'il ne me convient
plus de fouffrir , on croiroit que je
la tolere , & elle feroit douter de la fincérité
du parti que j'ai pris de renoncer à mes
égaremens ..... Je voudrois , repliqua Terlieu
en l'interrompant , avoir mille témoins
de l'hommage que je vous rends , & je fuis
fûr qu'il n'en feroit pas un qui n'y applaudit
, fi je l'inſtruifois de la force des raifons
qui me l'arrachent , & des vertus que
j'honore en vous.
J'avois efpéré , reprit elle , que le fommeil
auroit diffipé le vertige qui vous trou
bloit hier au foir. Je fuis fâchée , & prefque
irritée que ce mal vous tourmente encore.
Par grace , daignez en guérir . Il feroit
honteux que vous n'en euffiez point le
courage. Oui , Monfieur , j'afpire à votre
eftime , & non pas à votre coeur , & je ne
pourrois me difpenfer de renoncer à l'une
Bv
34 MERCURE DE FRANCE .
fi vous vous obſtiniez à m'offrir l'autre.
Et moi , répondit tendrement Terlieu ,
je veux les acquérir toutes deux. Ne féparons
point deux fentimens qui ne peuvent
fubfifter l'un fans l'autre : leur réunion fera
votre bonheur & le mien. Ah , Roſalie
nous fommes dignes de le goûter long - tems,
fi nous fommes capables de les concilier.
Belles fpéculations , repliqua t- elle , qui
prouvent bien que vous m'aimez , mais qui
ne me raffurent point fur la crainte de l'avenir
! Je le dis fans rougir , j'ai entendu
tant de fois de ces propos , tant de femmes
en ont été les victimes qu'il eft téméraire
d'y ajouter foi . Dans l'emportement de la
paffion , les promeffes ne coutent rien , on
ne croit pas même pouvoir y manquer ; &
puifque les mépris , les dégouts fe font !
fentir dans les mariages affortis par l'égalité
des conditions , & par la pureté reciproque
des moeurs , que ne dois-je point
redouter de l'union que vous me propofez?
vous en rougiriez bientôt vous -même , la
haine fuccéderoit au repentir , & je tarde-
Bois peu à fuccomber fous le poids de l'honneur
que vous m'auriez fait . Croyez- moi ,
Monfieur , ne nous expofons point à des
peines inévitables . Qu'il nous fuffife que
l'on fçache que Terlieu pénétré de reconnoiffance
pour Rofalie lui a offert une
AOUST. 1755 35
main qu'elle a eu le refpect de ne point accepter.
Un trait de cette nature nous fera
bien plus glorieux qu'une témérité qui
peut
faire mon malheur en vous couvrant
de honte. Que mon refus , je vous prie ;
ne vous afflige point. Laiffez- moi jouir
d'une fenfibilité plus noble mille fois que
le retour que vous pourriez efpérer de la
foibleffe de mon coeur. Souffrez que je
m'en tienne au bonheur de vous obliger ,
& comptez qu'il me fera bien plus doux
de le faire par fentiment que par devoir.
Non , Rofalie , reprit Terlieu , votre
refus entraîne néceffairement le mien. Le
titre d'époux peut feul me faire accepter
vos bontés. Vos craintes fur l'avenir m'ou '
tragent ! Ah ! bien loin de m'aimer , vous
ne m'eftimez pas , la pitié eſt le feul fentiment
qui vous parle en ma faveur. Adieu ,
je vous quitte plus malheureux encore que
lorfque j'ai commencé à vous connoître ;
j'avois un défefpoir de moins dans le coeur.
Terlieu fe leva en fixant tendrement
Rofalie , fit un foupir en couvrant fon viſage
avec fes mains , & alla fe jetter dans fa
petite chambre. Il n'y fut pas long tems
Rofalie le coeur ferré de la douleur la plus
vive , fonna pour avoir du fecours. Elle
en avoit un befoin réel. Sa femme de
chambre la trouva dans un étouffement
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
affreux & fans connoiffance. Elle donna
un peu de jour à fa refpiration , elle la traîna
de fon mieux fur une ducheffe , & après
l'avoir queftionnée à plufieurs repriſes ,
elle n'en put tirer que ces paroles : ah Terlieu
, Terlieu ! cette exclamation , quoique
inconcevable pour elle , la détermina à
l'aller prier de venir voir Rofalie . Ilentre ,
la trouve pâle , les yeux éteints , & preſque
auffi foible qu'elle , il tombe à fes genoux ,
il prend une de ſes mains qu'il baigne de
fes larmes : elle entr'ouvre un oeil languiffant
, & d'une voix qui expiroit fur fes lévres
, voilà , dit- elle , l'état où me réduifent
la dureté de vos refus , & les aveux
d'une paffion qu'il eft honteux pour vous
de reffentir. Monfieur , continua t- elle ,
ne me voyez plus , & fi vous prenez quelque
intérêt à mon repos , à ma fanté , ne
ne vous obftinez plus à me refufer la fatisfaction
fecrette que j'exige de vous. Dans
huit jours je ne ferai plus à Paris , & puifqu'il
eft indifpenfable que nous nous féparions
, laiffez - moi acquérir le droit de m'informer
de l'état de vos affaires , laiffez- moi
enfin acheter l'honneur d'être dans votre
fouvenir.
Si l'état où je vous vois , repliqua Terlieu
, m'accabloit moins , je vous le dis ,
Rofalie , je ne pourrois peut- être me conAOUST
. 1755 37
tenir. Quoi , vous avez la cruauté de m'annoncer
qu'il faut que je renonce au ſeul
bien qui me refte ? dans huit jours je ne
vous verrai plus ! non , il n'eft pas poffible
que je ceffe de vous voir : quelque retraite
que vous choififfiez , je fçaurai vous y découvrir
; je fçaurai y porter un amour que
vous vous lafferez peutêtre de rebuter. La
voilà , dirai-je , cette Rofalie , cet affemblage
refpectable , de grandeur , de foibleffe
! Hélas , elle ne m'a pas jugé digne
de l'accompagner , & de la guider dans le
fentier de la vertu , elle ne m'a pas jugé
digne de vivre heureuſement & vertueufement
avec elle . Me fera-t-il permis au
moins , continua- t- il , d'un ton paffionné ,
& en reprenant une main qu'on n'eut pas
la force de retirer , de jouir pendant le peu
de temps que vous refterez à Paris , du
bonheur de vous voir ce fera , n'en doutez
point , les feuls beaux jours de ma vie.
Il ne tiendroit qu'à vous d'en prolonger le
cours & la félicité ; mais vous l'avez déci
dé , & vous voulez que je vive éternellement
malheureux .
Retirez- vous , dir Rofalie à fa femme
de chambre , je me fens mieux , & foyez
difcrette , je vous prie. Comment , Monfieur
, continua- t - elle , vous voulez tout
obtenir , & vous n'accordez rien ? oui ,
vous ferez le maître de me voir , & vous
8 MERCURE DE FRANCE.
fçaurez le nom du lieu où je vais fixer mom
féjour , mais c'eſt à une condition ; & s'il
eft vrai que vous m'aimiez , je veux me
prévaloir de l'afcendant qu'une maitreſſe
eft en droit de prendre fur fon amant . Vous
allez me traiter de bizarre , d'opiniâtre :
hé , dites- moi , Monfieur , qui de nous
deux l'eft d'avantage ? je fuis laffe de prier,
il est temps que je commande. Ceton ,
vous paroît fingulier ; je conviens qu'il
tient un peu du dépit je l'avoue , ceci
commence à me fatiguer , à me tourmenter.
Finiffons par un mot fans replique. Voilà.
ma bourfe ; ce qu'il vous plaira d'y prendre
déterminera en proportion la confiance
que vous voulez que j'aye en vous , l'eftime
que je dois faire de votre perfonne ,
& le dégré de votre amour pour moi.
Hé , je la prens toute entiere , s'écria
Terlieu en la faififfant des deux mains .
Et moi , reprit Rofalie , je vous embraffe.
Oui , mon cher Terlieu , vous m'aimez
, j'ai triomphé de votre orgueil. Ne
prenez point cette faillie pour un emportement
de tendreffe , elle eft née dans la:
joie involontaire de mon ame , & non pas
dans les tranfports d'une paffion infenfée .
Terlieu fe retira , le coeur trafporté de
joie , & de la plus flatteufe efpérance , &
Rofalie charmée d'être parvenue à contenter
fon inclination bienfaifante , s'occupa
A OUST . 1755.
39
une partie de la nuit du deffein de fa re
traite , & des mefures néceffaires à fon
départ. Le lendemain elle fortit fur les
neuf heures du matin pour aller conclure
l'acquifition d'une terre . Elle dîna , & ſoupa
avec Terlieu , elle affecta pendant toute
la journée une fatisfaction & une gaieté qui
ne laifferent à fon amant aucun foupçon
du deffein qu'elle avoit pris de partir à la
pointe du jour. Quelle accablante nouvelle
pour Terlieu , lorfqu'il apprit le départ de
Rofalie ! Il faut avoir aimé pour bien fentir
l'état d'un coeur qui eft privé de l'objet
qu'il adore. Tous les maux raffemblés ne
font rien en comparaifon. C'eft la fecouffe
la plus violente que l'ame puiffe recevoir
& c'eft la dernière épreuve de la fermeté
humaine. Terlieu abbattu & prefque ftupide
, alloit fuccomber fous le poids de fa
douleur , lorfqu'il lui fut remis un billet
de la part de Rofalie. Hélas , il ne fit qu'ajouter
à fes tourmens . Il l'ouvre en frémiffant
, & lit , .....
*
Monfieur , renfermons- nous , je vous
prie , dans les bornes d'une pure amitié.
»J'ai dû fuir , & c'eft l'eftime que je vous
dois qui a précipité mon départ . Vous
» me ferez toujours cher , vous recevrez
» de mes nouvelles ; je ne fuis point faite
»pour oublier un homme de votre mérite ..
» Encore une fois tenons- nous- en aux en40
MERCURE DE FRANCE.
" gagemens de la plus inviolable amitié
" c'eft le feul fentiment qui puiffe nous
» convenir , & c'eft celui qui me fait pren-
» dre la qualité de votre meilleure amie.
Rofalie .
Ah cruelle , s'écria Terlieu ! vous fuyez,
vous m'abandonnez ! & vous ne me laiffez
pour reffource que les offres d'une froide
& triſte amitié ! non , Rofalie , elle ne
peut fuffire à mon coeur. Mais que dis je
hélas ! vous ne m'aimez point . Cette tranquillité
, cette joie dont vous jouiffiez hier
à mes yeux , ne me prouvent que trop que
je vous fuis indifférent. Que j'étois crédule!
que j'étois aveugle de les interpréter en ma
faveur ! Amant trop préfomptueux , je les
ai prifes pour des marques de la fatisfaction
que vous reffentiez d'être fûre de mon
coeur. Quel étrange compofé que votre caractere
! vous avez l'ame généreufe , noble;
des vertus réelles me forcent à vous admirer
, je ne puis réfifter à l'impreffion qu'elles
font fur moi , elles y font naître la paffion
la plus tendre , la plus refpectable , je
crois recevoir des mains de votre amour
les bienfaits dont vous me comblez , &
vous partez ! j'ignore où vous êtes ! Dieu !
fe peut - il qu'un coeur qui. m'a paru auffi
franc , auffi fincere , ait pu être capable
d'une diffimulation auſſi réfléchie , auffi
A OUST . 1755. 41
perfide. Vous partez ! ..... & vous ne me
laiſſez que le repentir , & la honte d'avoir
fuccombé aux inftances de votre indigne
générofité. Oui , je fçaurai vous découvrir,
je fçaurai répandre à vos pieds ce que contient
cette bourfe infultante , .... je fçaurai
mourir à vos yeux.
Il s'habille à la hâte , il alloit fortir lorf
qu'on vint frapper à fa porte. Il ouvre , il
voit un homme qui lui demande s'il n'a
pas l'honneur de parler à M. de Terlieu .
C'est moi -même , répondit- il fechement
mais pardon , Monfieur , je n'ai pas le
temps de vous entendre. Monfieur , repliqua
l'inconnu , je ne vous importunerai
pas longtems , je n'ai befoin que de votre
fignature , vous avez acquis une terre , en
voici le contrat de vente , & il eft néceffaire
que votre nom figné devant moi , en conftate
la validité. Que voulez - vous dire ,
reprit Terlieu ? ou vous êtes fou , ou je
rêve. Monfieur , dit l'inconnu , je fuis
Notaire ; il n'y a guerres de fous dans ma
profeffion. Je vous protefte que vous êtes
trés-éveillé , & qu'un acte de ma façon n'a
point du tout l'air d'un rêve. Ah , Rofalie,
s'écria Terlieu ! C'eft elle-même , reprit le
Notaire. Voici une plume , fignez . Non ,
Monfieur , répondit Terlieu , je ne puis
m'y réfoudre , remportez votre acte , &
dites-moi feulement où eft fituée cette terre.
42 MERCURE DE FRANCE.
C'eft préciſement , répliqua le Notaire , ce
qui m'eft défendu , & vous ne pourrez en
être inftruit qu'après avoir figné. Allons
donc , reprit Terlieu en verfant un torrent
de larmes , donnez cette plume . Voilà qui
eft à merveille , dit le Notaire , & voici
une expédition de l'acte. Vous pouvez
aller prendre poffeffion quand vous le
jugerez à propos. Adieu , Monfieur , je
vous fouhaite un bon voyage ; faites , je
vous prie , mes complimens à l'inimitable
Rofalie. Ah , Monfieur , reprit Terlieu en
le reconduifant , elle ne tardera gueres à
les recevoir.
Son premier foin fut de chercher dans
l'acte qui venoit de lui être remis le nom
de la province , & du lieu dont Rofalie
avoit pris le chemin ; il alla tour de fuite
prendre des chevaux de pofte. Qu'ils alloient
lentement felon lui ! après avoir
couru , fans prendre aucun repos pendant
trente- fix heures , il arriva prefqu'en même
temps que Rofalie. Quoi , c'est vous ? lui
dit-elle en fouriant , que venez -vous faire
ici ? vous rendre hommage de ma terre ,
répondit- il , en lui baifant la main , en
prendre poffeffion , & époufer mon amie.
Je ne vous attendois pas fitôt , reprit- elle ,
& j'efpérois que vous me laifferiez le temps
de rendre ce féjour plus digne de vous recevoir.
Hé , que lui manque-t-il pour me
A OUST. 43 1755 .
plaire , pour m'y fixer , repliqua- t- il , vous
y êtes , je n'y vois , & je n'y verrai jamais
que ma chere Rofalie . J'ai de l'inclination
à vous croire , lui dit-elle , en le regardant
tendrement , & mon coeur , je le fens , auroit
de la peine à fe refufer à ce que vous
lui infpirez ; il eft prêt à fe rendre à vos
defirs . Mais encore une fois , mon cher
Terlieu , interrogez le vôtre , ou pour
mieux dire , écoutez les confeils de votre
raifon. Nepouvons- nous vivre fous les loix
de l'amitié? & ne craignez- vous point que
celles de l'hymen n'en troublent la pureté ,
n'en appéfantiffent le joug ? Et cette terre ,
repliqua- t-il , peut- elle m'appartenir , fi je
n'acquiers votre main ? D'ailleurs , y fongez-
vous , Rofalie ? je vivrois avec vous ,
& je n'aurois d'autre titre pour jouir de ce
bonheur que celui de l'amitié ? Penſezvous
que la médifance nous épargnât en
vain nous vivrions dans l'innocence , la
calomnie , cette ennemie irréconciliable
des moeurs les plus chaftes , ne tarderoit
pas à fouiller la pureté de notre amitié
& elle y fuppoferoit des liens qui nous
deshonoreroient. Mais enfin , reprit Rofalie
, à quels propos , à quelles indignes
conjectures ne vous expofez- vous point ?
on dira que Terlieu n'ayant pû foutenir le
poids de fon infortune , a mieux aimé re
44 MERCURE DE FRANCE .
chercher la main de Rofalie que de lan
guir dans une honorable pauvreté. Vains
difcours , s'écria Terlieu , qui ne peuvent
m'allarmer ! venez , répondrai - je , à la malignité
, à l'orgueil ; venez , fi vous êtes
capables d'une légitime admiration , reconnoître
en Rofalie un coeur plus noble , une
ame plus pure que les vôtres . Vous n'avez
que l'écorce des vertus , ou vous ne les pratiquez
que par oftentation , & Rofalie en
avouant fes égaremens a la force d'y renoncer
, & les épure par le repentir , par
la bienfaifance. Apprenez vils efclaves de
la vanité que la plus fage des bienséances
eft de s'unir avec un coeur qu'on eſt fûr
d'eftimer , & que le lien d'une reconnoiffance
mutuelle eft le feul qui puiffe éternifer
l'amour. Je ne réfifte plus , reprit Rofalie
, je me rends à la jufteffe de vos raifons
, & plus encore à la confiance que la
bonté , que la nobleffe de votre coeur ne
ceffent de répandre dans le mien : le don
que je vous ferai de ma main n'approchera
jamais du retour que j'en efpere .
Terlieu & Rofalie allerent fe jurer une
fidélité inviolable aux pieds des autels , où
au défaut de parens , tous les pauvres des
environs leur fervirent de témoins , de famille
, & en quelque façon de convives ,
puifqu'ils partagerent la joie des deux
A OUST. 1755 45
époux à une table abondante qui leur fut
fervie. Terlieu & Rofalie goûtent depuis
long- temps les délices d'une flâme fincere.
Leur maison eft le féjour des vertus . Ils en
font les modeles. On les cite avec éloge ,
on les montre avec admiration , on fe fait
honneur de les voir , on les écoute avec
reſpect , & , comme partout ailleurs , pref
que perfonne n'a le courage de les imiter.
Hiftoire véritable , par M.Y....
L'celle d'être odieux quand il n'a point
E vice n'eft jamais eftimable , mais il
:
étouffé les qualités de l'ame. Une foiblefle
de coeur prend auffi fouvent fon origine
dans une certaine facilité d'humeur que
dans l'attrait du plaifir. Un amant fe préfente
, ou il eft enjoué , ou il eft homie à
fentiment. Le premier eft le moins dangereux
, il ne féduit jamais qu'une étourdie ,
& il ne triomphe que dans une faillie téméraire
Le fecond , plus refpectueux en
apparence , va à fon but par la délicateſſe
vante fa conftance, déclame contre les perfides,
& finit par l'être. Que devient une jeune
perfonne qui dans l'ivreffe de la gaieté
s'eft laiffée furprendre , ou qui eft tonbée
dans le piége d'une paffion décorée extérieurement
par le fentiment ? ce que font prefque
toutes celles qui ont débuté par une
fragilité ; elles fe familiarifent avec le vice ,
elles s'y précipitent ; l'amour du luxe & de
l'oifeveté les y entretient ; elles ont des
modeles , elles veulent y atteindre ; incapables
d'un attachement fincere elles en
AOUS T 1755. 9.
affectent l'expreffion , elles ont été la dupe
d'un homme , & elles fe vengent fur
toute l'efpece. Heureufes celles dont le
le coeur n'eft point affez dépravé pour fe
refufer aux inftances de la vertu qui cherche
à y rentrer .
Telle étoit Rofalie , elle étoit galante
avec une forte de décence . Ses moeurs
étoient déréglées , mais elle fçavoit louer
& admirer la vertu . Ses yeux pleins de
douceur & de vérité annonçoient fa franchife.
On entrevoyoit bien dans fa démarche
, dans fes manieres le manege de
la coquetterie , mais fon langage étoit modefte
, & elle ne s'abandonna jamais à ces
intempérances de langue , qui caractériſent
fi baffement fes femblables. Fidele à fes
engagemens , elle les envifagea toujours
comme des liens qu'elle ne pouvoit rompre
fans ingratitude , & les conventions
faites , l'offre la plus éblouiffante n'auroit
pû la déterminer à une perfidie.
Elle ne fut jamais parjure la premiere.
Son coeur plus fenfible à la reconnoiffance
qu'à l'amour , étoit incapable de fe laiffer
féduire à l'appas de l'intérêt & aux charmes
de l'inconftance . Solitaire , laborieuſe ,
fobre , elle eût fait les délices d'un mari ,
fi une premiere foibleffe ne l'eût en quelque
façon fixée à un état dont elle ne
A v
To MERCURE DE FRANCE.
pouvoit parler fans rougir. Affable , compatiffante
, généreufe , elle ne voyoit ja→
mais un malheureux fans lui tendre une
main fecourable ; & quand on parloit de
fes bienfaits , on difoit que le vice étoit
devenu tributaire de la vertu . Des lectures
fenfées avoient ranimé dans fon coeur les .
germes d'un beau naturel . Elle y fentoit
renaître le defir d'une conduite raifonnable
, elle vouloit fe dégager , & elle méditoit
même depuis long-tems une retraite
qui la fauvât de la honte d'avoir mal vécu ,
& du ridicule de mieux vivre , mais elle
avoit été arrêtée par un obftacle , elle avoit
voulu fe faire une fortune qui put la mettre
à l'abri des tentations qu'elle infpiroit , &
des offres des féducteurs : enfin elle vouloit
être vertueufe à fon aife ; elle ambitionnoit
deux cens mille francs , & par
dégrés elle étoit parvenue à les avoir. Contente
de ce que la fortune & l'amour lui
avoient procuré , elle avoit congédié fon
dernier amant , elle fe préparoit à fuir loin
de Paris les occafions d'une rechûte.
Ce fut alors qu'un jeune Gentilhomme
nommé Terlieu , vint loger dans une petite
chambre qui étoit de plain pied à l'appartement
qu'elle occupoit. Il fortoit tous
les jours à fept heures du matin , il rentroit
à midi pour fe renfermer , & il borA
O UST. 1955. 11
noit à une révérence muette fon cérémonial
avec fa voifine. La fingularité de la
vie de ce jeune homme irrita la curiofité
de Rofalie. Un jour qu'il venoit de rentrer
, elle s'approche de la porte de fa
chambre , prête l'oreille , porte un regard
fur le trou de la ferrure , & voit l'infortuné
Terlieu qui dînoit avec du pain
fec , chaque morceau étoit accompagné
d'un gémiffement , & fes larmes en fai
foient l'affaifonnement. Quel fpectacle
pour une ame fenfible ! celle de Rofalie
en fut pénétrée de douleur . Dans ce mo
ment une autre avec les vûes les plus pures ,
eût été peut-être indiferette , elle fe für
écriée , & généreufement inhumaine elle
eût décelé la mifere de Terlieu ; mais Rofalie
qui fçavoit combien il eft douloureux
d'être furpris dans les befoins de l'indigen
ce, rentra promptement chez elle pour y attendre
l'occafion d'être fecourable avec le
refpect qu'on doit aux infortunés. Elle épia
le lendemain l'inftant où Terlieu étoit dans
l'habitude de fe retirer , & pour que fon
deffein parut être amené par le hazard
elle fit tranfporter fon métier de tapifferie
dans fon anti- chambre , dont elle eur
foin de tenir la porte ouverte.
Terlieu accablé de fatigue & de trifteffe
parur à fon heure ordinaire , fit fa révé-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
rence , & alloit fe jetter dans l'obfcurité
de fa petite chambre , lorfque Rofalie ,
avec ce ton de voix aifé & poli , qui eſt
naturel au beau fexe , lui dit : En vérité ,
Monfieur , j'ai en vous un étrange voifin ;
j'avois penfé qu'une femme , quelle qu'elle
fût, pouvoit mériter quelque chofe par-delà
une révérence. Ou vous êtes bien farouche
, ou je vous parois bien méprifable . Si
vous me connoiffez , j'ai tort de me, plaindre
, & votre dedain m'annonce un homme
de la vertu la plus fcrupuleuſe , & dèslors
j'en réclame les confeils & les fecours.
Seroit-ce auffi que cette févérité que je lis
fur votre front prendroit fa caufe de quelque
chagrin qui vous accable ? Souffrez
que je m'y intereffe. Entrez , Monfieur , je
Vous fupplie : que fçavons- nous fi le fort
ne nous raffemble point pour nous être
mutuellement utiles ? je fuis feule , mon
dîner eft prêt , faites moi , je vous conjure
, l'honneur de le partager avec moi :
j'ai quelquefois un peu de gaieté dans
l'efprit , je pourrai peut-être vous diffiper.
Mademoiſelle , répondit Terlieu , vous
méritez fans doute d'être connue , & l'accueil
dont vous m'honorez ,, annonce en
vous un beau caractere. Qui que vous
foyez , il m'eft bien doux de trouver quel
1
1
A O UST . 1755. 13
qu'un qui ait la générofité de s'appercevoir
que je fuis malheureux . Depuis quinze
jours que je fuis à Paris , je ne ceffe
d'importuner tous ceux fur la fenfibilité
defquels j'ai des droits , & vous êtes la
premiere perfonne qui m'ait favorisé de
quelques paroles de bienveillance . N'imputez
point de grace , Mademoiſelle , ni
à orgueil ni à mépris ma négligence à votre
égard : fi vous avez connu l'infortune ,
vous devez fçavoir qu'elle eft timide . On
fe préfente de mauvaife grace , quand le
coeur eft dans la peine. L'affliction appéfantit
l'efprit , elle défigure les traits , elle
dégrade le maintien , & elle verſe une
efpece de ridicule fur tout l'extérieur de
la perfonne qui fouffre . Vous êtes aimable
, vous êtes fpirituelle , vous me paroiffez
dans l'abondance ; me convenoit- il
de venir empoifonner les douceurs de votre
vie ? Si vous êtes généreufe , comme
j'ai lieu de le croire , vous auriez pris part
à mes maux je vous aurois attriftée .
Monfieur , répliqua Rofalie , je ne fuis
point affez vaine pour me flater du bonheur
de vous rendre fervice , mais je puis
me vanter que je ferois bien glorieufe fi
je pouvois contribuer à vous confoler , à
vous encourager. J'ai de grands défauts ,
mes moeurs ne font rien moins que régu14
MERCURE DE FRANCE.
lieres , mais mon coeur eft fenfible au fort
des malheureux ; il ne me refte que cette
vertu ; elle feule me foutient , me ranime ,
& me fait efperer le retour de celles que
j'ai négligées. Daignez , Monfieur , par
un peu de confiance , favorifer ce préfage.
Que rifquez- vous ? vos aveux ne feront
fûrement pas auffi humilians que les miens,
& cependant je vous ai donné l'exemple
d'une fincérité peu commune. Je ne puis
croire que ce foit votre mauvaiſe fortune
qui vous afflige. Avec de l'efprit , de la
jeuneffe , un extérieur auffi noble , on
manque rarement de reffources . Vous foupirez
? c'est donc l'honneur , c'est donc la
crainte d'y manquer , ou de le perdre qui
caufe la confternation où je vous vois.
Oui , cette peine eft la feule qui puiffe
ébranler celui qui en fait profeflion.
Voilà , s'écria Terlieu avec une forte
d'emportement , voilà l'unique motif de
mon défeſpoir , voilà ce qui déchire
mon coeur , voilà ce qui me rend la vic
infupportable . Vous defirez fçavoir mon
fecret , je ne réfifte point à la douceur
de vous le confier ; apprenez donc que
je n'ai rien , apprenez que je ne puis
fubfifter qu'en immolant aux befoins de
la vie cethonneur qui m'eft fi cher. Je fuis
Gentilhomme , j'ai fervi , je viens d'être
réformé je follicite , j'importune .... &
A O UST. 1755. 15
qui ! des gens qui portent mon nom , des
gens qui font dans l'abondance , dans les
honneurs , dans les dignités . Qu'en ai - je
obtenu ? des refus , des défaites , des dédains
, des hauteurs , le croirez - vous , Mademoiſelle
, le plus humain d'entr'eux ,
fans refpect pour lui- même , vient d'avoir
l'infolence de me propofer un emploi dans
les plus baffes fonctions de la Finance ! le
malheureux fembloit s'applaudir de l'indigne
faveur qu'il avoir obtenue pour moi .
Je l'avouerai , je n'ai pû être maître de
mon reffentiment. Confus , outré , j'ai déchiré
& jetté au vifage de mon lache bienfaiteur
le brevet humiliant qu'il a ofé me
préſenter. Heureux au moins d'avoir appris
à connoître les hommes , plus heureux
encore fi je puis parvenir à fuir , à
oublier , à détefter des parens qui veulent
que je deshonore le nom qu'ils portent. Je
fçais bien que ce n'eft point là le ton de
l'indigence ; que plus humble , plus modefte
, elle doit fe plier aux circonftances ;
que la nobleffe eft un malheur de plus
quand on eft pauvre , qu'enfin la fierté
eft déplacée quand les reffources de la vie
manquent. J'ai peut- être eu tort de rejetter
celles qui m'ont été offertes . J'avouerai
même que mon orgueil eut fléchi fi j'euffe
pû envifager dans l'exercice d'un pofté de
16 MERCURE DE FRANCE.
quoi fubfifter un peu honnêtement ; mais
s'avilir pour tourmenter laborieufement
les autres ; ah ! Mademoiſelle , c'eſt à quoi
je n'ai pû me réfoudre .
Monfieur , reprit Rofalie , je ne fçais fi
je dois applaudir à cette délicateffe , mais
je fens que je ne puis vous blâmer. Votre
fituation ne peut être plus fâcheufe .
Voici quelqu'un qui monte , remettezvous
, je vous prie , & tachez de vous
rendre aux graces de votre naturel ; il n'eft
pas convenable qu'on life dans vos yeux
l'abattement de votre coeur : fouffrez que
je me réſerve ſeule le trifte plaifir de vous
entendre , & de vous confoler . Ah ! c'eſt
Orphife , continua Rofalie fur le ton de la
gaieté , approche mon amie & félicitemoi
.... & de quoi , répliqua Orphife en
l'interrompant , eft- ce fur le parti fingulier
que tu prens d'abandonner Paris à la fleur
de ton âge , & d'aller te confiner en prude
prématurée dans la noble chaumiere dont
tu médites l'acquifition ? mais vraiment
tu vas embraffer un genre de vie fort attrayant.
Fort bien , répondit Rofalie , raille
, diverti- toi mais tes plaifanteries ne
me détourneront point du deffein que j'ai
pris. Je venois cependant te prier d'un
fouper.... Je ne foupe plus que chez moi ,
répliqua Rofalie. Mais toi - même tu me
?
}
AOUS T. 1755. 17
paroiffois déterminée à fuivre mon exemple.
C'étoit , répodit Orphiſe dans un accès
d'humeur , j'extravaguois. Une nouvelle
conquête m'a ramenée au fens commun.
Tant pis .... Ah ! point de morale.
Dînons. On fervit.
Pendant qu'elles furent à table , Orphiſe
parla feule , badina Rofalie , prit Terlicu
pour un fot , en conféquence le perfifa.
Pour lui il mangea peu : éroit- ce faute
d'appétit non , peut être ; mais il n'ofa
en avoir. Le caffé pris , Orphife fit fes
adieux , & fe recommanda ironiquement
aux prieres de la belle pénitente .
Rofalie débarraffée d'une visite auffi
choquante qu'importune , fit paffer Terlieu
dans fon fallon de compagnie. Après
un filence de quelques inftans , pendant
lequel Terlieu , les yeux baiffés , lui ménageoit
le plaifir de pouvoir le fixer avec
cette noble compaffion dont fe laiffent
toucher les belles ames à l'afpect des infor
tunés ; elle prit la parole , & lui dit ,
Monfieur , que je vous ai d'obligation ! la
confiance dont vous m'avez honorée , eft
de tous les événemens de ma vie celui qui
m'a le plus flatée , & l'impreffion qu'elle
fait fur mon coeur me caufe une joie ....
Pardonnez -moi ce mot, celle que je reffens
ne doit point vous affliger , elle ne peut
18 MERCURE DE FRANCE.
vous être injurieufe , je ne la tiens que
du bonheur de partager vos peines. Oui ,
Monfieur , ma fenfibilité pour votre fituation
me perfuade que j'étois née pour
la vertu ; mais que dis-je ? A quoi vous
peut être bon fon retour chez moi , fi
vous ne me croyez digne de vous en donner
des preuves. Vous rougiffez : hélas ,
je vois bien que je ne mérite point cette
gloire , foyez , je vous prie , plus génćreux
, ou du moins faites- moi la grace de
penfer qu'en me refufant vous m'humiliez
d'une façon bien cruelle.
• Vous êtes maîtreffe de mon fecret , répondit
Terlieu , ne me mettez point dans
Je cas de me repentir de vous l'avoir confié
: je ne m'en défends point , j'ai trouvé
quelques charmes à vous le révéler ; j'avouerai
même que mon coeur avoit un befoin
extrême de cette confolation : il me
femble que je refpire avec plus de facilité .
Je vous dois donc , Mademoiſelle , ce
commencement de foulagement ; c'est beaucoup
de fouffrir moins , quand on a beaucoup
fouffert. Permettez que je borne à
cette obligation toutes celles que je pourrois
efperer de votre générofité. Ne mefufez
point , je vous prie de la connoiffance
que vous avez de mon fort ; il ne
peut être plus cruel , mais je fçaurai le
-
AOUST. 1755. 19
fupporter fans en être accablé . C'en eft fair,
je reprens courage ; j'ai trouvé quelqu'un
qui me plaint. Au refte , Mademoiſelle ,
je manquerois à la reconnoiffance fi je
renonçois entierement à vos bontés ; &
puifque vous me permettez de vous voir ,
je viendrai vous inftruire tous les jours de
ce que mes démarches & mes follicitations
auront opéré je recevrai vos confeils
avec docilité , mais auflì c'est tout ce
qu'il vous fera permis de m'offrir , autrement
je cefferois .... N'achevez pas , répliqua
Rofalie en l'interrompant , je n'aime
point les menaces. Dites - moi , Monfieur
, eft-ce que l'infortune rend les hommes
intraitables ? eft - ce qu'elle répand
fur les moeurs , fur les manieres , une inquiétude
fauvage : eft- ce qu'elle prête au
langage de la féchereffe , de la dureté ?
s'il eft ainfi , elle eft bien à redouter. N'eftpas
vrai que vous n'étiez point tel dans
la prospérité ? vous n'euffiez point alors
rejetté une offre de fervice .
il
J'en conviens , répondit Terlieu , j'euſſeaccepté
parce que je pouvois efperer de rendre
, mais à préfent je ne le puis en confcience.
Quant à cette dureté que vous
me reprochez , j'avouerai que je la crois
honorable , néceſſaire même à celui qui eft
dans la peine. Elle annonce de la fermeté ,
20 MERCURE DE FRANCE.
elle repouffe l'orgueil de ceux qui font
dans l'opulence , elle fait refpecter le miférable.
L'humilité du maintien , la modeftie
, la timidité du langage donneroient
trop d'avantage à ceux qui ne font que
riches ; car enfin celui qui rampe , court
les rifques d'être écrasé.
Et vous êtes , reprit Rofalie , dans l'appréhenfion
que je ne me prévale des aveux
que vous m'avez fait : oui , dans mon dépit
vous me faites imaginer des fouhaits
extravagants je l'efpere au moins , votre
mauvaife fortune me vengera , vos parens
font de monftres ... que je ferois contente
s'ils vous rebutoient au point que vous
fuffiez forcé d'avoir recours à cette Rofalie
que vous dédaignez , puifque vous ne
la croyez point capable de vous obliger
dans le fecret de fa confcience.
Sur le point de quitter Paris je voulois
en fortir en faifant une action qui pût.
tranquilifer mes remors , & m'ouvrir la
route des vértus que je me propofe ; le hazard
, ou pour mieux dire , le ciel permet
que je falfe votre connoiffance ; je
crois que vous m'êtes adreffé pour vous ,
être fecourable , & je ne trouve en vous
que la fierté la plus inflexible . Hé bien ,
n'y fongeons plus . Cependant puis- je vous
demander fi vous envifagez quelques refA
OU ST. 1755. 21
fources plus fateufes que celles que vous
pourriez efperer de votre famille ?
Aucune , répondit Terlieu , j'ai bien
quelques amis ; mais comme je ne les
tiens que du plaifir , je n'y compte point.
Quoi ! reprit Rofalie , le néceffaire eft
prêt de vous manquer ,
& vous vous
amufez à folliciter des parens : c'est bien
mal à propos que l'on prétend que la néceffité
eft ingénieufe ! N'auriez - vous de
l'efprit que pour refléchir fur vos peines ?
que pour en méditer l'amertume ? Allez
Monfieur , allez faire un tour de promenade
: rêvez , imaginez , faites même ce
qu'on appelle des châteaux en Eſpagne ; il
eft quelquefois des illufions que la fortune
fe plaît à réalifer : il eft vrai qu'elles fe
réduifent prefque toujours à des chimeres ,
mais elles exercent l'efprit , elles amufent
l'imagination , elles bercent les chagrins ,
& c'eft autant de gagné fur les réflexions
affligeantes. Je vais de mon côté me donner
la torture : heureufe fi je fuis affez ingénieufe
pour trouver quelque expédient
qui puiffe adoucir vos peines , & contenter
l'envie extrême que j'ai de contribuer
à votre bonheur !
Terlieu fe leva pour fortir , & Roſalie
en le reconduifant le pria de venir manger
le foir un poulet avec elle , afin de
22 MERCURE DE FRANCE.
raifonner , & de concerter enfemble ce
que leur auroit fuggeré leur imagination ;
mais pour être plus fûre de l'exactitude de
Terlicu au rendez - vous , elle lui gliffa
adroitement une bourfe dans fa poche.
Terlieu alla s'enfoncer dans l'allée la plus
folitaire du Luxembourg , il y rêva beaucoup
& très infructueufement.
Tous les hommes ne font point féconds
en reffources ; les plus fpirituels font ordinairement
ceux qui en trouvent le moins.
Les idées , à force de fe multiplier , fe confondent
; d'ailleurs on voit trouble dans
l'infortune .
Il n'eft que deux fortes d'induſtrie ; l'une
légitime , c'eft celle des bras , du travail ,
& le préjugé y a attaché une honte : Terlieu
étoit Gentilhomme , il n'a donc pû en
être exemt.
L'autre induftrie , nommée par dégradation
l'induſtrie par excellence , eft celle
qui s'affigne des revenus fur la fottife , la
facilité , les foibleffes & les paffions d'autrui
; mais comme elle eft incompatible
avec la probité , Terlieu en étoit incapable.
Il y avoit deux heures que cet infortuné
Gentilhomme tourmenté par fon inquiétude,
marchoit à grands pas en croyant
fe promener , lorfque fouillant fans deffein
dans fa poche , il y fentit une bourſe.
AOUST. 1755. 23
Cette découverte décida promptement fon
retour ; le moindre délai pouvoit , felon
lui , faire fuppofer de l'incertitude dans
fon procédé ; il craignoit qu'on ne le foup.
çonnâc même d'avoir combattu contre la
tentation.
Il arrive effoufflé , franchit rapidement
l'efcalier de Rofalie , il entre ; celle - ci qui
le voit hors d'haleine , ne lui donne pas le
tems de s'expliquer , & débute par une
queftion vague ; lui fans parler , jette la
bourfe fur une table ; Rofalie affecte une
furpriſe de fatisfaction , & lui fait compli
ment fur le bonheur qu'il a eu de trouver
un ami généreux . Terlieu protefte très -férieufement
qu'il n'a parlé à qui que ce
fort ; celle- ci infifte fur l'heureuſe rencontre
qu'il a faite , Terlieu fe fâche , il eft ,
dit-il , outragé , il jure qu'il ne reverra de
fa vie Rofalie , fi elle ne reprend un argent
qui lui appartient : Elle s'en défend ,
elle en nie la proprieté , elle ofe foutenir
qu'elle ne fçait ce qu'on veut lui dire ;
quelle rare effronterie ! elle eut peut - être
pouffé plus loin l'opiniâtreté , fi elle ne fe
fut avifée de rougir . Rofalie rougir . Quoi!
une fille qui a vécu dans le defordre fe
laiffe démentir par le coloris involontaire
de la franchife? Hé pourquoi non ! quand
le motif en eft fi beau . On rougit bien des
24 MERCURE DE FRANCE.
mage
premieres paroles d'obfcénité qu'on entend
, parce que le coeur eft neuf ; celui
de Rofalie reprend fa premiere pureté ,
elle a donc pu rougir d'un menfonge généreux
, & rendre en même tems cet homà
la vérité. La conviction étoit trop
claire pour que fon obftination put durer
plus long - temps ; elle reprit fa bourſe
avec un dépit fi brufque qu'elle lui échappa
des mains , & qu'elle alla frapper conire
une commode où elle s'ouvrit en répandant
fur le parquet une cinquantaine
de louis. Comme Terlieu fe mit en devoir
de les ramaffer , Rofalie lui dit d'un ton
ironique & piqué : Monfieur , ne prenez
point cette peine , je fuis bien aiſe de ſçavoir
fi le compte y eft : vous m'avez pouffée
à bout par votre peu de confiance en
moi , il eft jufte qu'à mon tour j'en manque
à votre égard .
Je fais trop de cas de cette colere
pour
m'en offenfer , reprit Terlieu , le fond
m'en paroît trop refpectacle
. Puis- je , con- tinua - t-il , fans vous irriter , vous avertir
que j'apperçois
dans ce coin quelques
louis qui ont échappé
à vos recherches
? Puis- je , répliqua
Rofalie fur le même
ton , fans vous irriter , vous annoncer
que
vous êtes des mortels le plus bizarre & le
plus haïffable
? Refferrerai
-je , continua-telle
A O UST. 1755. 25
elle d'une voix modefte & attendrie l'ar-:
gent de cet ami du Luxembourg. Oui ,
Mademoiselle , répondit Terlieu d'un ton
ferme , je vous prie de le lui rendre , & de
le remercier de ma part.
la
Ils alloient continuer ces débats de générofité
mutuelle , lorqu'on vint avertir
que le fouper étoit fervi ; au moins , Monfieur
, dit Rofalie , vous me ferez peut -être
grace de me tenir campagnie très-volontiers
, répondit Terlieu , il y a trop à
gagner pour moi , & voilà le feul cas où
il peut m'être permis de vous montrer que
j'entends mes intérêts ; bien entendu cependant
que vous aurez moins d'humeur.
Je m'y engage , reprit- elle , pourvû que je
puiffe vous gronder , fi vous ne penfez pas
à ma fantaifie. Allons promptement manger
un morceau , je fuis fort impatiente
d'apprendre à quoi auront abouti les rêveries
de votre promenade . Vous parlerez
le premier , après quoi je vous ferai part
de mes idées , & nous verrons qui de nous
deux aura faifi le meilleur expédient.
Pendant le tems qu'ils furent à table ;
Rofalie déploya toutes les graces de fon
efprit pour égayer Terlicu , mais avec la
délicateffe dont on doit uſer avec un coeur
fermé à la joie , & avec cette circonfpection
qui met en défaut la malignité atten-
B
26- MERCURE DE FRANCE.
tive des domeftiques. Le deffert fervi elle
les renvoya en leur ordonnant de ne point
entrer qu'elle n'eut fonné. Ils eurent beau
raifonner entr'eux ; l'extérieur de Terlieu ,
l'accablement où ils le voyoient , & plus
que cela encore , la médiocrité très - négligée
de fon ajuftement dérouterent leurs.
conjectures.
Monfieur , dit alors Rofalie en reprenant
la parole , nota voilà feuls , perfonne
ne peut nous entendre ; faites- moi.
part , je vous prie , de ce que vous avez,
imaginé. Je ſerai bien charmée ſi vous me
mettez dans le cas de vous applaudir , plus
encore fi je puis ajouter quelques réflexions
utiles à vos projets .... parlez donc.
grace.q
de
Hé ! que puis- je vous dire , répondit-il ,
finon que dans l'état où je fuis il ne m'eft
pas poffible de penfer. J'ai eu beau creufer
ma tête , il n'en eft rien forti qui ne fut dé
raifonnable , extravagant , au-deffous du
fens commun. Jugez , Mademoiſelle , de
la mifere d'un efprit retréci par
l'infortu
ne ; il n'a pu me procurer que la reffource
de m'expatrier en entrant au fervice de la
Compagnie des Indes : qu'en penfez- vous ?>
ce parti vous paroît- il fi ridicule ?
Non , Monfieur , reprit- elle , je yous y
exhorterai même , dès que vous m'aurez
L
A OUST. 1755. 27
promis de mettre eu ufage l'expédient que
je vais vous donner : écoutez -moi attentivement
, ne m'interrompez pas , & furtout
point de faillie d'orgueil. Votre famille
, je le fçais , jouit de toutes les diftinctions
que donne l'opulence , & qu'on
accorde à celles qui ont bien mérité du
Prince & de la patrie. Je conçois qu'elle
pourra vous refufer de nouveau les fecours
que vous êtes en droit d'en exiger , mais
je ne puis penfer qu'elle fouffrit que vous
vous deshonorafliez . C'eft fur cette délicateffe
que j'établis l'efpoir dont je me flate
pour vous , & j'ofe croire que vous arracherez
de la vanité de vos parens ce que
vos inftances ne pourroient obtenir de
leur bienveillance . Dès demain , Monfieur ,
retournez les voir ; qu'ils lifent fur votre
front ce que la douleur a de plus attendriffant
: priez , preffez , humiliez - vous
même , & ne rougiffez point d'employer
les expreffions les plus foumifes. Si vous
ne les touchez point , s'ils font impitoyables
, ofez leur dire , avec la fureur dans
les yeux , que vous allez prendre un parti
fi indigne du nom qu'ils portent , que l'opprobre
en rejaillira fur eux . Oui, Monfieur,
menacez-les....Non , je crois vous connoître
, vous n'en aurez jamais la force . Par
grace , M. de Terlieu , prenez fur vous
Bij
28. MERCURE DE FRANCE.
de proférer des paroles feules capables
d'effrayer vos parens , & d'intéreffer en
votre faveur , je ne dis pas leur fenfibilité ,
mais au moins leur orgueil.
Qu'allez -vous me propofer , répliqua
Terlieu avec agitation ? vous me faites
frémir.
Ne craignez rien , répondit Rofalie , ce
n'eft qu'une menace dont le but eſt d'allarmer
des gens qui n'auroient point encore
renoncé à l'honneur , qui conféquemment
peut faire un grand effet , mais dont
je ferai toujours bien loin de vous confeiller
, ni même d'en fouffrir l'exécution. Baiffez
les yeux , ne me regardez point de grace;
je ne pourrois mettre au jour mon idée
fi vous me fixiez . Dès que vous aurez épuifé
tout ce que l'éloquence du befoin a de plus
pathétique ; dès que vous aurez déſeſpéré
d'émouvoir vos indignes parens , ofez leur
dire que leur barbarie vous détermine à
profiter de la fenfibilité d'une fille qui a
vécu dans le défordre , que Rofalie plus
généreuse qu'eux , ne peut fouffrir qu'an
homme comme vous paffe fes jours dans
la mifere , que Rofalie , .. hélas ! elle n'eft
que trop connue , que Rofalie vous offre
de partager fa fortune , & que vous êtes
prêt de contracter avec elle un mariage......
Je n'acheve point ; ce fera à vous , MonAOUST.
1755. 29
fieur , à finir le tableau , & à y mettre une
expreffion , & des couleurs dignes du fujet.
Terlieu alors leva les yeux , & Rofalie y
vit un trouble , & quelques larmes qu'elle
ne fit as femblant d'appercevoir. Qu'avez-
vous ? continua-t- elle , vos regards
m'inqui tent , & je crains fort que l'expédient
que je viens de vous propofer ne
vous révolte ; mais enfin , s'il réuffiffoit
m'en fçauriez-vous mauvais gré ? que rifquez-
vous d'en hafarder l'épreuve ?
Un malheur nouveau qui acheveroit de
m'accabler , s'écria Terlieu , mes cruels
parens ne manqueroient point d'attenter à
votre liberté , & je ferois la caufe & le prétexte
d'une barbarie.
Hé ! Monfieur , reprit elle , courons - en
les rifques , fi cette violence peut rendre
votre fort plus heureux. La perte de la
liberté n'eft point un fi grand mal pour quiconque
eft déterminé à renoncer au monde.
D'ailleurs il fuffira à ma juftification ,
& à la vôtre que l'on fçache que ce n'étoit
qu'une rufe imaginée pour amener vos
parens à la néceffité de vous rendre fervice ;
& comme il fera de l'intérêt de votre honneur
de défavouer un bruit auffi ridicule ,
l'amour qu'on vous connoît pour la vérité ,
ne laiffera aucun doute & nous nous
trouverons juſtifiés tous les deux .
,
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
Ah Rofalie , Rofalie ! répliqua Terlieu ,
en foupirant , terminons un entretien dont
les fuites deviendroient trop à craindre
pour moi. Je vous quitte pénétré d'admiration
, & peut-être d'un fentiment encore
plus intéreffant. Oui , je ferai ufage de vos
confeils ; je verrai demain ma famille .....
Mais hélas ! je ne fçai fi vous ne me faites
point defirer d'être rebuté de nouveau . Je
ne puis dire ce que mon coeur reffent , mais
il vous refpecte déja , & vraisemblablement
il ne fe refufera pas long-temps à ce
que la tendreffe a de plus féduifant.
Monfieur , reprit Rofalie , allez vous
repofer , vous avez befoin de rafraîchir
votre fang ; vous venez de me prouver
qu'il eft un peu échauffé. Je préfume que
le fommeil vous rendra votre raison , &
qu'à votre reveil , où vous rirez , où vous
rougirez du petit délire de la veille.
Fort bien , répliqua Terlieu en fouriant,
voilà un agrément de plus dans votre ef
prit , & vous entendez fupérieurement la
raillerie . Oui , Rofalie , je vais me retirer ,
mais avec la certitude de ne point dormir ,
& comptez que fi le fommeil me furprend,
mon imagination , ou pour mieux dice ,
mon coeur ne fera occupé que de vous.
Terlieu tint parole , il ne ferma point
l'oeil de la nuit , & cependant il ne la trouA
O UST. 1755: 31
va pas longue. Le jour venu , il fut incertain
s'il iroit de nouveau importuner fa
famille , ou s'il fuivroit le penchant d'une
paffion que le mérite de Rofalie avoit fait
naître en fon coeur , & que les réflexions
ou peut-être les illufions de la nuit avoient
fortifiée. Après avoir combattu quelque
tems entre ces deux partis , le foin de fa
réputation l'emporta fur un amour que fa
raifon plus tranquille lui repréfentoit malgré
lui fous un point de vûe un peu déshonorant
. Quelle fituation ? l'amour , la pauvreté
, defirer d'être aimé , d'être heureux ,
& n'ofer fe livrer à des penchans fi naturels
! Partez Terlieu , vous avez promis ,
& votre honneur exige que vous faffiez du
moins encore une démarche avant de fonger
au coeur de Rofalie.
La fortune ne le fervit jamais mieux
qu'en lui faiſant effuyer des dédains nouveaux
de la part de fa famille. Les prieres ,
les inftances , les fupplications qu'il eut le
courage d'employer , ne lui attirerent que
des rebuts , que des outrages. Ses parens imputerent
à fa baffefle les larmes qu'il verfa.
Outré , défefpéré , il mit en oeuvre fa derniere
reffource ; il leur peignit avec les
couleurs les plus effrayantes l'alliance dont
il les menaça de fouiller leur nom ; ce tableau
ne fit qu'ajouter au mépris dont ils
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
l'accablerent , & l'un d'eux en parlant au
nom de tous , & fans en être défavoué
par
un feul , eut la lâcheté de lui dire : hé >
Monfieur , concluez ; que nous importe la
femme que vous prendrez , pourvu qu'elle
nous débarraffe de votre vûe , & de vos
importunités. Au refte , nous vous défavouons
dès ce jour pour parent , & fi vous
avez le front d'ofer dire que vous nous appartenez
, nous fçaurons réprimer votre
infolence.
Et moi , Meffieurs , répliqua fierement
Terlieu , je le publierai partout , non pas
que je tienne à honneur d'être votre plus
proche parent , mais afin que perfonne n'ignore
que vous êtes plus indignes que moimême
du fang qui coule dans nos veines ,
& que fi je fuis réduit à le deshonorer , ce
font vos duretés qui m'y ont forcé. Adieu ,
Meffieurs , & pour toujours.
Terlieu courut promtement répandre
dans le fein de la généreufe Rofalie les
horreurs qu'il venoit d'entendre. C'en eft
fait , s'écria-t-il en entrant , je n'ai que
vous au monde , vous me tenez lieu d'amis
, de parens , de famille. Oui , Roſalie,
continua-t-il , en tombant à fes genoux ,
c'eft à vous feule que je veux appartenir ,
de vous feule je veux dépendre , & votre
coeur eft le feul bien que j'ambitionne.
AOUST. 1755. 33
Soyez , je vous conjure , magnanime au
point de croire que ce n'eſt pas l'extrémité
où je me trouve , qui me fait deficer le
bonheur de vous plaire : comptez qu'un motifauffi
bas eft trop au deffous de ce que vous
m'infpirez , & d'un coeur comme le mien.
Eh , vous ne méritez point que je vous
écoute , lui répondit , Rofalie , fi vous me
croyez capable d'un tel foupçon. Levezvous
, Monfieur , on pourroit vous furprendre
dans une attitude qu'il ne me convient
plus de fouffrir , on croiroit que je
la tolere , & elle feroit douter de la fincérité
du parti que j'ai pris de renoncer à mes
égaremens ..... Je voudrois , repliqua Terlieu
en l'interrompant , avoir mille témoins
de l'hommage que je vous rends , & je fuis
fûr qu'il n'en feroit pas un qui n'y applaudit
, fi je l'inſtruifois de la force des raifons
qui me l'arrachent , & des vertus que
j'honore en vous.
J'avois efpéré , reprit elle , que le fommeil
auroit diffipé le vertige qui vous trou
bloit hier au foir. Je fuis fâchée , & prefque
irritée que ce mal vous tourmente encore.
Par grace , daignez en guérir . Il feroit
honteux que vous n'en euffiez point le
courage. Oui , Monfieur , j'afpire à votre
eftime , & non pas à votre coeur , & je ne
pourrois me difpenfer de renoncer à l'une
Bv
34 MERCURE DE FRANCE .
fi vous vous obſtiniez à m'offrir l'autre.
Et moi , répondit tendrement Terlieu ,
je veux les acquérir toutes deux. Ne féparons
point deux fentimens qui ne peuvent
fubfifter l'un fans l'autre : leur réunion fera
votre bonheur & le mien. Ah , Roſalie
nous fommes dignes de le goûter long - tems,
fi nous fommes capables de les concilier.
Belles fpéculations , repliqua t- elle , qui
prouvent bien que vous m'aimez , mais qui
ne me raffurent point fur la crainte de l'avenir
! Je le dis fans rougir , j'ai entendu
tant de fois de ces propos , tant de femmes
en ont été les victimes qu'il eft téméraire
d'y ajouter foi . Dans l'emportement de la
paffion , les promeffes ne coutent rien , on
ne croit pas même pouvoir y manquer ; &
puifque les mépris , les dégouts fe font !
fentir dans les mariages affortis par l'égalité
des conditions , & par la pureté reciproque
des moeurs , que ne dois-je point
redouter de l'union que vous me propofez?
vous en rougiriez bientôt vous -même , la
haine fuccéderoit au repentir , & je tarde-
Bois peu à fuccomber fous le poids de l'honneur
que vous m'auriez fait . Croyez- moi ,
Monfieur , ne nous expofons point à des
peines inévitables . Qu'il nous fuffife que
l'on fçache que Terlieu pénétré de reconnoiffance
pour Rofalie lui a offert une
AOUST. 1755 35
main qu'elle a eu le refpect de ne point accepter.
Un trait de cette nature nous fera
bien plus glorieux qu'une témérité qui
peut
faire mon malheur en vous couvrant
de honte. Que mon refus , je vous prie ;
ne vous afflige point. Laiffez- moi jouir
d'une fenfibilité plus noble mille fois que
le retour que vous pourriez efpérer de la
foibleffe de mon coeur. Souffrez que je
m'en tienne au bonheur de vous obliger ,
& comptez qu'il me fera bien plus doux
de le faire par fentiment que par devoir.
Non , Rofalie , reprit Terlieu , votre
refus entraîne néceffairement le mien. Le
titre d'époux peut feul me faire accepter
vos bontés. Vos craintes fur l'avenir m'ou '
tragent ! Ah ! bien loin de m'aimer , vous
ne m'eftimez pas , la pitié eſt le feul fentiment
qui vous parle en ma faveur. Adieu ,
je vous quitte plus malheureux encore que
lorfque j'ai commencé à vous connoître ;
j'avois un défefpoir de moins dans le coeur.
Terlieu fe leva en fixant tendrement
Rofalie , fit un foupir en couvrant fon viſage
avec fes mains , & alla fe jetter dans fa
petite chambre. Il n'y fut pas long tems
Rofalie le coeur ferré de la douleur la plus
vive , fonna pour avoir du fecours. Elle
en avoit un befoin réel. Sa femme de
chambre la trouva dans un étouffement
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
affreux & fans connoiffance. Elle donna
un peu de jour à fa refpiration , elle la traîna
de fon mieux fur une ducheffe , & après
l'avoir queftionnée à plufieurs repriſes ,
elle n'en put tirer que ces paroles : ah Terlieu
, Terlieu ! cette exclamation , quoique
inconcevable pour elle , la détermina à
l'aller prier de venir voir Rofalie . Ilentre ,
la trouve pâle , les yeux éteints , & preſque
auffi foible qu'elle , il tombe à fes genoux ,
il prend une de ſes mains qu'il baigne de
fes larmes : elle entr'ouvre un oeil languiffant
, & d'une voix qui expiroit fur fes lévres
, voilà , dit- elle , l'état où me réduifent
la dureté de vos refus , & les aveux
d'une paffion qu'il eft honteux pour vous
de reffentir. Monfieur , continua t- elle ,
ne me voyez plus , & fi vous prenez quelque
intérêt à mon repos , à ma fanté , ne
ne vous obftinez plus à me refufer la fatisfaction
fecrette que j'exige de vous. Dans
huit jours je ne ferai plus à Paris , & puifqu'il
eft indifpenfable que nous nous féparions
, laiffez - moi acquérir le droit de m'informer
de l'état de vos affaires , laiffez- moi
enfin acheter l'honneur d'être dans votre
fouvenir.
Si l'état où je vous vois , repliqua Terlieu
, m'accabloit moins , je vous le dis ,
Rofalie , je ne pourrois peut- être me conAOUST
. 1755 37
tenir. Quoi , vous avez la cruauté de m'annoncer
qu'il faut que je renonce au ſeul
bien qui me refte ? dans huit jours je ne
vous verrai plus ! non , il n'eft pas poffible
que je ceffe de vous voir : quelque retraite
que vous choififfiez , je fçaurai vous y découvrir
; je fçaurai y porter un amour que
vous vous lafferez peutêtre de rebuter. La
voilà , dirai-je , cette Rofalie , cet affemblage
refpectable , de grandeur , de foibleffe
! Hélas , elle ne m'a pas jugé digne
de l'accompagner , & de la guider dans le
fentier de la vertu , elle ne m'a pas jugé
digne de vivre heureuſement & vertueufement
avec elle . Me fera-t-il permis au
moins , continua- t- il , d'un ton paffionné ,
& en reprenant une main qu'on n'eut pas
la force de retirer , de jouir pendant le peu
de temps que vous refterez à Paris , du
bonheur de vous voir ce fera , n'en doutez
point , les feuls beaux jours de ma vie.
Il ne tiendroit qu'à vous d'en prolonger le
cours & la félicité ; mais vous l'avez déci
dé , & vous voulez que je vive éternellement
malheureux .
Retirez- vous , dir Rofalie à fa femme
de chambre , je me fens mieux , & foyez
difcrette , je vous prie. Comment , Monfieur
, continua- t - elle , vous voulez tout
obtenir , & vous n'accordez rien ? oui ,
vous ferez le maître de me voir , & vous
8 MERCURE DE FRANCE.
fçaurez le nom du lieu où je vais fixer mom
féjour , mais c'eſt à une condition ; & s'il
eft vrai que vous m'aimiez , je veux me
prévaloir de l'afcendant qu'une maitreſſe
eft en droit de prendre fur fon amant . Vous
allez me traiter de bizarre , d'opiniâtre :
hé , dites- moi , Monfieur , qui de nous
deux l'eft d'avantage ? je fuis laffe de prier,
il est temps que je commande. Ceton ,
vous paroît fingulier ; je conviens qu'il
tient un peu du dépit je l'avoue , ceci
commence à me fatiguer , à me tourmenter.
Finiffons par un mot fans replique. Voilà.
ma bourfe ; ce qu'il vous plaira d'y prendre
déterminera en proportion la confiance
que vous voulez que j'aye en vous , l'eftime
que je dois faire de votre perfonne ,
& le dégré de votre amour pour moi.
Hé , je la prens toute entiere , s'écria
Terlieu en la faififfant des deux mains .
Et moi , reprit Rofalie , je vous embraffe.
Oui , mon cher Terlieu , vous m'aimez
, j'ai triomphé de votre orgueil. Ne
prenez point cette faillie pour un emportement
de tendreffe , elle eft née dans la:
joie involontaire de mon ame , & non pas
dans les tranfports d'une paffion infenfée .
Terlieu fe retira , le coeur trafporté de
joie , & de la plus flatteufe efpérance , &
Rofalie charmée d'être parvenue à contenter
fon inclination bienfaifante , s'occupa
A OUST . 1755.
39
une partie de la nuit du deffein de fa re
traite , & des mefures néceffaires à fon
départ. Le lendemain elle fortit fur les
neuf heures du matin pour aller conclure
l'acquifition d'une terre . Elle dîna , & ſoupa
avec Terlieu , elle affecta pendant toute
la journée une fatisfaction & une gaieté qui
ne laifferent à fon amant aucun foupçon
du deffein qu'elle avoit pris de partir à la
pointe du jour. Quelle accablante nouvelle
pour Terlieu , lorfqu'il apprit le départ de
Rofalie ! Il faut avoir aimé pour bien fentir
l'état d'un coeur qui eft privé de l'objet
qu'il adore. Tous les maux raffemblés ne
font rien en comparaifon. C'eft la fecouffe
la plus violente que l'ame puiffe recevoir
& c'eft la dernière épreuve de la fermeté
humaine. Terlieu abbattu & prefque ftupide
, alloit fuccomber fous le poids de fa
douleur , lorfqu'il lui fut remis un billet
de la part de Rofalie. Hélas , il ne fit qu'ajouter
à fes tourmens . Il l'ouvre en frémiffant
, & lit , .....
*
Monfieur , renfermons- nous , je vous
prie , dans les bornes d'une pure amitié.
»J'ai dû fuir , & c'eft l'eftime que je vous
dois qui a précipité mon départ . Vous
» me ferez toujours cher , vous recevrez
» de mes nouvelles ; je ne fuis point faite
»pour oublier un homme de votre mérite ..
» Encore une fois tenons- nous- en aux en40
MERCURE DE FRANCE.
" gagemens de la plus inviolable amitié
" c'eft le feul fentiment qui puiffe nous
» convenir , & c'eft celui qui me fait pren-
» dre la qualité de votre meilleure amie.
Rofalie .
Ah cruelle , s'écria Terlieu ! vous fuyez,
vous m'abandonnez ! & vous ne me laiffez
pour reffource que les offres d'une froide
& triſte amitié ! non , Rofalie , elle ne
peut fuffire à mon coeur. Mais que dis je
hélas ! vous ne m'aimez point . Cette tranquillité
, cette joie dont vous jouiffiez hier
à mes yeux , ne me prouvent que trop que
je vous fuis indifférent. Que j'étois crédule!
que j'étois aveugle de les interpréter en ma
faveur ! Amant trop préfomptueux , je les
ai prifes pour des marques de la fatisfaction
que vous reffentiez d'être fûre de mon
coeur. Quel étrange compofé que votre caractere
! vous avez l'ame généreufe , noble;
des vertus réelles me forcent à vous admirer
, je ne puis réfifter à l'impreffion qu'elles
font fur moi , elles y font naître la paffion
la plus tendre , la plus refpectable , je
crois recevoir des mains de votre amour
les bienfaits dont vous me comblez , &
vous partez ! j'ignore où vous êtes ! Dieu !
fe peut - il qu'un coeur qui. m'a paru auffi
franc , auffi fincere , ait pu être capable
d'une diffimulation auſſi réfléchie , auffi
A OUST . 1755. 41
perfide. Vous partez ! ..... & vous ne me
laiſſez que le repentir , & la honte d'avoir
fuccombé aux inftances de votre indigne
générofité. Oui , je fçaurai vous découvrir,
je fçaurai répandre à vos pieds ce que contient
cette bourfe infultante , .... je fçaurai
mourir à vos yeux.
Il s'habille à la hâte , il alloit fortir lorf
qu'on vint frapper à fa porte. Il ouvre , il
voit un homme qui lui demande s'il n'a
pas l'honneur de parler à M. de Terlieu .
C'est moi -même , répondit- il fechement
mais pardon , Monfieur , je n'ai pas le
temps de vous entendre. Monfieur , repliqua
l'inconnu , je ne vous importunerai
pas longtems , je n'ai befoin que de votre
fignature , vous avez acquis une terre , en
voici le contrat de vente , & il eft néceffaire
que votre nom figné devant moi , en conftate
la validité. Que voulez - vous dire ,
reprit Terlieu ? ou vous êtes fou , ou je
rêve. Monfieur , dit l'inconnu , je fuis
Notaire ; il n'y a guerres de fous dans ma
profeffion. Je vous protefte que vous êtes
trés-éveillé , & qu'un acte de ma façon n'a
point du tout l'air d'un rêve. Ah , Rofalie,
s'écria Terlieu ! C'eft elle-même , reprit le
Notaire. Voici une plume , fignez . Non ,
Monfieur , répondit Terlieu , je ne puis
m'y réfoudre , remportez votre acte , &
dites-moi feulement où eft fituée cette terre.
42 MERCURE DE FRANCE.
C'eft préciſement , répliqua le Notaire , ce
qui m'eft défendu , & vous ne pourrez en
être inftruit qu'après avoir figné. Allons
donc , reprit Terlieu en verfant un torrent
de larmes , donnez cette plume . Voilà qui
eft à merveille , dit le Notaire , & voici
une expédition de l'acte. Vous pouvez
aller prendre poffeffion quand vous le
jugerez à propos. Adieu , Monfieur , je
vous fouhaite un bon voyage ; faites , je
vous prie , mes complimens à l'inimitable
Rofalie. Ah , Monfieur , reprit Terlieu en
le reconduifant , elle ne tardera gueres à
les recevoir.
Son premier foin fut de chercher dans
l'acte qui venoit de lui être remis le nom
de la province , & du lieu dont Rofalie
avoit pris le chemin ; il alla tour de fuite
prendre des chevaux de pofte. Qu'ils alloient
lentement felon lui ! après avoir
couru , fans prendre aucun repos pendant
trente- fix heures , il arriva prefqu'en même
temps que Rofalie. Quoi , c'est vous ? lui
dit-elle en fouriant , que venez -vous faire
ici ? vous rendre hommage de ma terre ,
répondit- il , en lui baifant la main , en
prendre poffeffion , & époufer mon amie.
Je ne vous attendois pas fitôt , reprit- elle ,
& j'efpérois que vous me laifferiez le temps
de rendre ce féjour plus digne de vous recevoir.
Hé , que lui manque-t-il pour me
A OUST. 43 1755 .
plaire , pour m'y fixer , repliqua- t- il , vous
y êtes , je n'y vois , & je n'y verrai jamais
que ma chere Rofalie . J'ai de l'inclination
à vous croire , lui dit-elle , en le regardant
tendrement , & mon coeur , je le fens , auroit
de la peine à fe refufer à ce que vous
lui infpirez ; il eft prêt à fe rendre à vos
defirs . Mais encore une fois , mon cher
Terlieu , interrogez le vôtre , ou pour
mieux dire , écoutez les confeils de votre
raifon. Nepouvons- nous vivre fous les loix
de l'amitié? & ne craignez- vous point que
celles de l'hymen n'en troublent la pureté ,
n'en appéfantiffent le joug ? Et cette terre ,
repliqua- t-il , peut- elle m'appartenir , fi je
n'acquiers votre main ? D'ailleurs , y fongez-
vous , Rofalie ? je vivrois avec vous ,
& je n'aurois d'autre titre pour jouir de ce
bonheur que celui de l'amitié ? Penſezvous
que la médifance nous épargnât en
vain nous vivrions dans l'innocence , la
calomnie , cette ennemie irréconciliable
des moeurs les plus chaftes , ne tarderoit
pas à fouiller la pureté de notre amitié
& elle y fuppoferoit des liens qui nous
deshonoreroient. Mais enfin , reprit Rofalie
, à quels propos , à quelles indignes
conjectures ne vous expofez- vous point ?
on dira que Terlieu n'ayant pû foutenir le
poids de fon infortune , a mieux aimé re
44 MERCURE DE FRANCE .
chercher la main de Rofalie que de lan
guir dans une honorable pauvreté. Vains
difcours , s'écria Terlieu , qui ne peuvent
m'allarmer ! venez , répondrai - je , à la malignité
, à l'orgueil ; venez , fi vous êtes
capables d'une légitime admiration , reconnoître
en Rofalie un coeur plus noble , une
ame plus pure que les vôtres . Vous n'avez
que l'écorce des vertus , ou vous ne les pratiquez
que par oftentation , & Rofalie en
avouant fes égaremens a la force d'y renoncer
, & les épure par le repentir , par
la bienfaifance. Apprenez vils efclaves de
la vanité que la plus fage des bienséances
eft de s'unir avec un coeur qu'on eſt fûr
d'eftimer , & que le lien d'une reconnoiffance
mutuelle eft le feul qui puiffe éternifer
l'amour. Je ne réfifte plus , reprit Rofalie
, je me rends à la jufteffe de vos raifons
, & plus encore à la confiance que la
bonté , que la nobleffe de votre coeur ne
ceffent de répandre dans le mien : le don
que je vous ferai de ma main n'approchera
jamais du retour que j'en efpere .
Terlieu & Rofalie allerent fe jurer une
fidélité inviolable aux pieds des autels , où
au défaut de parens , tous les pauvres des
environs leur fervirent de témoins , de famille
, & en quelque façon de convives ,
puifqu'ils partagerent la joie des deux
A OUST. 1755 45
époux à une table abondante qui leur fut
fervie. Terlieu & Rofalie goûtent depuis
long- temps les délices d'une flâme fincere.
Leur maison eft le féjour des vertus . Ils en
font les modeles. On les cite avec éloge ,
on les montre avec admiration , on fe fait
honneur de les voir , on les écoute avec
reſpect , & , comme partout ailleurs , pref
que perfonne n'a le courage de les imiter.
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Résumé : ROSALIE. Histoire véritable, par M. Y....
Le texte raconte l'histoire de Rosalie, une femme aux mœurs déréglées mais admirant la vertu. Ses yeux francs révèlent sa franchise, bien qu'elle soit coquette. Fidèle à ses engagements, elle est plus sensible à la reconnaissance qu'à l'amour. Solitaire et laborieuse, elle aspire à une conduite raisonnable et médite une retraite pour échapper à la honte de sa vie passée. Rosalie observe Terlieu, un jeune gentilhomme vivant dans la pauvreté et la tristesse. Touchée par sa misère, elle l'invite à dîner et apprend qu'il est noble mais réformé, refusant des emplois humiliants pour subvenir à ses besoins. Terlieu avoue son désespoir face à l'ingratitude de sa famille, qui le méprise malgré ses efforts pour conserver son honneur. Rosalie décide de l'aider secrètement et l'invite à dîner en présence de son amie Orphise. Après le départ d'Orphise, Rosalie exprime à Terlieu sa volonté de l'aider, espérant prouver sa propre vertu retrouvée. Terlieu, par orgueil, refuse son aide, mais Rosalie lui offre discrètement une bourse d'argent. Une dispute s'ensuit, mais Rosalie finit par admettre avoir donné l'argent. Terlieu insiste pour rendre la bourse, mais ils décident de partager un repas pour discuter de solutions. Terlieu propose de s'expatrier en entrant au service de la Compagnie des Indes. Rosalie l'encourage à demander de l'aide à sa famille en jouant sur leur orgueil et leur honneur. Plus tard, Rosalie suggère à Terlieu de contracter un mariage pour partager sa fortune, mais Terlieu exprime ses craintes concernant la réaction de sa famille. Rosalie le rassure en proposant une ruse pour justifier leur union. Terlieu, troublé, quitte Rosalie en exprimant son admiration et son affection croissante. Il passe une nuit sans sommeil, hésitant entre sa passion pour Rosalie et la nécessité de préserver son honneur. Le lendemain, il tente de convaincre sa famille, mais se heurte à leur mépris et à leur refus. Désespéré, il retourne voir Rosalie, lui avouant son amour et son désir de dépendre uniquement d'elle. Rosalie, bien que touchée, exprime ses doutes sur la durabilité de leur amour et les risques associés à leur union. Elle refuse sa proposition, préférant préserver leur honneur. Terlieu, désespéré, se retire dans sa chambre. Rosalie, affaiblie par l'émotion, est secourue par sa femme de chambre. Terlieu revient auprès de Rosalie, qui lui annonce son départ imminent de Paris. Après une discussion intense, Rosalie accepte finalement l'amour de Terlieu, triomphant de son orgueil. Terlieu quitte Rosalie, le cœur rempli de joie et d'espoir. Rosalie, après une journée avec Terlieu en feignant la gaieté, quitte ce dernier à l'aube sans révéler ses intentions. Terlieu, désemparé, reçoit une lettre de Rosalie où elle lui demande de se contenter d'une amitié pure. Terlieu, désespéré, est ensuite interrompu par un notaire qui lui présente un contrat de vente d'une terre acquise par Rosalie. Terlieu, après avoir signé le contrat, part à la recherche de Rosalie et la retrouve. Rosalie tente de maintenir leur relation dans le cadre de l'amitié, mais Terlieu insiste sur l'importance de légitimer leur amour par le mariage pour éviter les médisances. Rosalie finit par accepter et ils se marient, entourés des pauvres des environs. Depuis lors, Terlieu et Rosalie vivent heureux et sont admirés pour leur vertu et leur amour sincère.
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70
p. 48-52
LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE,
Début :
Vous aurez vû, Monsieur, dans le Journal étranger, du mois d'Août, [...]
Mots clefs :
Abbé Prévost, Adversaire, Italie, Honneur, Patrie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE,
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE ,
Ous aurez vù , Monfieur , dans le
Journal étranger , du mois d'Août ,
une réponſe de M. l'Abbé Prévôt à la lettre
que j'avois eu l'honneur de lui écrire
dans votre Mercure de Juillet . L'éducation
que j'ai eue, & la bonté de ma cauſe m'empêcheront
toujours de répondre fur le même
ton aux petites invectives qu'il lui a
plû de m'adreffer . Je pafferai même de
tout mon coeur condamnation fur l'article
de mon ignorance de la Logique & de la
Grammaire.
J'aurois fouhaité que M. l'Abbé Prévôt,
pour établir une vérité que j'avoue , &
qu'il croit fi conftante , ne fût point forti
lui- même du vrai ;; c'eſt une chofe aiſée à
démontrer.
Pour bien établir ( dit- il ) que l'Italie fe
reſſemble encore , il cite plufieurs noms du
· tems auquelje me plains , qu'elle ne ressemble
plus. Etrange forte de raifonnement ! qui me
difpenfe
OCTOBRE . 1755. 49
difpenfe en vérité d'une plus longue réponſe.
De cette exclamation on paffe à la conclufion
contre ma Logique.
Eft- il poffible , Monfieur , que M. l'Abbé
Prévôt ait pû faire une telle bévûc ?
Quels font les noms que je lui nomme ?
Si c'eft en fait d'architecture , c'eft M. le
Comte Alfieri , très - vivant & Architecte de
S. M. le Roi de Sardaigne ; fur la peinture
, je cite Trévifan , Sebaftien Concha ,
Tiepolo , Piazzetta , Pannini , & Solimene
, tous gens de ce fiécle , la plûpart vivans
, ou morts depuis 1740. Pour la phi
lofophie & la médecine , Molinelli , Morgagni
, le Botaniste Pontedera , tous en
vie , de même que Mefdames Baffi &
Agnefi . Parmi les Mathématiciens , Zacchieri
& le Marquis Poleni . Comment M.
l'Abbé Prévôt a - t- il voulu dérouter à ce
point tout un public ?
Il est un feul article fur lequel je conviens
que j'ai cité des noms des ficcles paffés
, c'eft celui de l'hiftoire ; mais que mon
illuftre adverfaire examine , fi la vivacité
de fon génie le lui permet , à quelles phrafes
des fiennes je répondois , & qu'il tâche
de fe reffembler à lui-même.
Il s'enfaut beaucoup ( difoit- il dans le
Journal de Janvier ) que l'Italie moderne
ait des modeles à nous offrir , ni qu'elle ap-
C
50
MERCURE
DE FRANCE
.
proche de ceux qu'elle a reçus comme nous de
l'Italie Latine. Je voudrois fçavoir fi , en
répondant à cet article , je n'étois pas dans
le cas de citer pour juftifier ma patrie , de.
fa prétendue ignorance , tous les auteurs
qui ont paru en Italie , depuis que pour
m'exprimer comme lui , elle a ceffé d'être
Latine. C'est pourquoi j'ai nommé Guicciardin
, Davila , & c. auxquels j'en ai ajouté
de ce fiécle , tels que Giannoni , Muratori
& Buonamici .
Vous pouvez , Monfieur , juger par cet
échantillon , de la juftice de ma caufe ,
le défaut de vérité n'eft ordinairement
que le dernier argument des mauvaiſes.
La plaifanterie du proverbe ne m'a pas
femblé meilleure par le fond que par le
ton proverbial , qui paroit banni de la
bonne compagnie. Que faifoit l'Italie à
M. l'Abbé Prévôt , pour l'attaquer comme
il a fait ? avoit-il befoin de l'abaiffer , pour
faire briller la France ? Cette belle & vafte
Monarchie où les fciences & les beaux arts
fleuriffent de plus en plus , n'eft affurement
pas réduite à une fi miférable reffource ; le
foleil refplendiffant de fa propre lumiere
n'a pas befoin que la lune s'éclipfe pour
répandre le jour fur la terre , & faire mûrir
nos moiffons .
C'est donc mon adverfaire qui attaque
OCTOBRE. 1755. St
fans raifon ma patrie . Je fuis Italien , je
tâche de la défendre. Qui ne fait que repouffer
les coups qu'on lui porte , peut- il
paffer pour querelleur ? c'est donc M. l'Abbé
Prévôt qui veut faire changer le proverbe
.
Je vous prie , Monfieur , d'inférer ma
lettre dans votre Mercure. Je me flate que
mon adverfaire voudra bien ne plus écrire
contre ma patrie ni contre moi . Si j'avois
le bonheur d'être connu de lui , je fuis
perfuadé qu'il m'accorderoit fon eftime ,
comme je ne puis refufer mon admiration
à fes écrits.
Pour vous , Monfieur , dont les talens
me font connus , je vous prends pour arbitre
, & vous affure que je m'en rappor
terai toujours à vos décifions .
J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris , ce 10 Août
1755.
N.N.
L'auteur de cette lettre me fait trop
d'honneur. Je fuis Journaliste. Le filence
doit être mon partage ; fi j'ofois pourtant
le rompre , je dirois qu'une jufte modération
eft fur ce point le feul parti convé
nable . Malheureufement nous fommes
toujours en deçà ou en delà . Où nous élevons
trop les autres nations au préjudice
Cij
52
MERCURE DE
FRANCE.
de la nôtre , où nous les
rabaillons trop
pour la faire valoir à leurs dépens . Ce
dernier excès me paroît le plus
choquant.
Nous avons la fureur du
parallele. Je
penfe qu'il
vaudroit mieux l'éviter . Nous
devons être
d'autant plus
circonfpects ,
qu'étant juges & parties dans cette cauſe ,
nous ne fommes
pas faits
crus fur notre décifion. Nous bleffons l'a- pour en être
mour propre des
étrangers , fans mieux
établir par là notre
fupériorité fur eux.
Nos arrêts n'ont de la force tout au plus
que dans le
Royaume . On les caffe même
fouvent fur la
frontiere.
A L'AUTEUR DU MERCURE ,
Ous aurez vù , Monfieur , dans le
Journal étranger , du mois d'Août ,
une réponſe de M. l'Abbé Prévôt à la lettre
que j'avois eu l'honneur de lui écrire
dans votre Mercure de Juillet . L'éducation
que j'ai eue, & la bonté de ma cauſe m'empêcheront
toujours de répondre fur le même
ton aux petites invectives qu'il lui a
plû de m'adreffer . Je pafferai même de
tout mon coeur condamnation fur l'article
de mon ignorance de la Logique & de la
Grammaire.
J'aurois fouhaité que M. l'Abbé Prévôt,
pour établir une vérité que j'avoue , &
qu'il croit fi conftante , ne fût point forti
lui- même du vrai ;; c'eſt une chofe aiſée à
démontrer.
Pour bien établir ( dit- il ) que l'Italie fe
reſſemble encore , il cite plufieurs noms du
· tems auquelje me plains , qu'elle ne ressemble
plus. Etrange forte de raifonnement ! qui me
difpenfe
OCTOBRE . 1755. 49
difpenfe en vérité d'une plus longue réponſe.
De cette exclamation on paffe à la conclufion
contre ma Logique.
Eft- il poffible , Monfieur , que M. l'Abbé
Prévôt ait pû faire une telle bévûc ?
Quels font les noms que je lui nomme ?
Si c'eft en fait d'architecture , c'eft M. le
Comte Alfieri , très - vivant & Architecte de
S. M. le Roi de Sardaigne ; fur la peinture
, je cite Trévifan , Sebaftien Concha ,
Tiepolo , Piazzetta , Pannini , & Solimene
, tous gens de ce fiécle , la plûpart vivans
, ou morts depuis 1740. Pour la phi
lofophie & la médecine , Molinelli , Morgagni
, le Botaniste Pontedera , tous en
vie , de même que Mefdames Baffi &
Agnefi . Parmi les Mathématiciens , Zacchieri
& le Marquis Poleni . Comment M.
l'Abbé Prévôt a - t- il voulu dérouter à ce
point tout un public ?
Il est un feul article fur lequel je conviens
que j'ai cité des noms des ficcles paffés
, c'eft celui de l'hiftoire ; mais que mon
illuftre adverfaire examine , fi la vivacité
de fon génie le lui permet , à quelles phrafes
des fiennes je répondois , & qu'il tâche
de fe reffembler à lui-même.
Il s'enfaut beaucoup ( difoit- il dans le
Journal de Janvier ) que l'Italie moderne
ait des modeles à nous offrir , ni qu'elle ap-
C
50
MERCURE
DE FRANCE
.
proche de ceux qu'elle a reçus comme nous de
l'Italie Latine. Je voudrois fçavoir fi , en
répondant à cet article , je n'étois pas dans
le cas de citer pour juftifier ma patrie , de.
fa prétendue ignorance , tous les auteurs
qui ont paru en Italie , depuis que pour
m'exprimer comme lui , elle a ceffé d'être
Latine. C'est pourquoi j'ai nommé Guicciardin
, Davila , & c. auxquels j'en ai ajouté
de ce fiécle , tels que Giannoni , Muratori
& Buonamici .
Vous pouvez , Monfieur , juger par cet
échantillon , de la juftice de ma caufe ,
le défaut de vérité n'eft ordinairement
que le dernier argument des mauvaiſes.
La plaifanterie du proverbe ne m'a pas
femblé meilleure par le fond que par le
ton proverbial , qui paroit banni de la
bonne compagnie. Que faifoit l'Italie à
M. l'Abbé Prévôt , pour l'attaquer comme
il a fait ? avoit-il befoin de l'abaiffer , pour
faire briller la France ? Cette belle & vafte
Monarchie où les fciences & les beaux arts
fleuriffent de plus en plus , n'eft affurement
pas réduite à une fi miférable reffource ; le
foleil refplendiffant de fa propre lumiere
n'a pas befoin que la lune s'éclipfe pour
répandre le jour fur la terre , & faire mûrir
nos moiffons .
C'est donc mon adverfaire qui attaque
OCTOBRE. 1755. St
fans raifon ma patrie . Je fuis Italien , je
tâche de la défendre. Qui ne fait que repouffer
les coups qu'on lui porte , peut- il
paffer pour querelleur ? c'est donc M. l'Abbé
Prévôt qui veut faire changer le proverbe
.
Je vous prie , Monfieur , d'inférer ma
lettre dans votre Mercure. Je me flate que
mon adverfaire voudra bien ne plus écrire
contre ma patrie ni contre moi . Si j'avois
le bonheur d'être connu de lui , je fuis
perfuadé qu'il m'accorderoit fon eftime ,
comme je ne puis refufer mon admiration
à fes écrits.
Pour vous , Monfieur , dont les talens
me font connus , je vous prends pour arbitre
, & vous affure que je m'en rappor
terai toujours à vos décifions .
J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris , ce 10 Août
1755.
N.N.
L'auteur de cette lettre me fait trop
d'honneur. Je fuis Journaliste. Le filence
doit être mon partage ; fi j'ofois pourtant
le rompre , je dirois qu'une jufte modération
eft fur ce point le feul parti convé
nable . Malheureufement nous fommes
toujours en deçà ou en delà . Où nous élevons
trop les autres nations au préjudice
Cij
52
MERCURE DE
FRANCE.
de la nôtre , où nous les
rabaillons trop
pour la faire valoir à leurs dépens . Ce
dernier excès me paroît le plus
choquant.
Nous avons la fureur du
parallele. Je
penfe qu'il
vaudroit mieux l'éviter . Nous
devons être
d'autant plus
circonfpects ,
qu'étant juges & parties dans cette cauſe ,
nous ne fommes
pas faits
crus fur notre décifion. Nous bleffons l'a- pour en être
mour propre des
étrangers , fans mieux
établir par là notre
fupériorité fur eux.
Nos arrêts n'ont de la force tout au plus
que dans le
Royaume . On les caffe même
fouvent fur la
frontiere.
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Résumé : LETTRE A L'AUTEUR DU MERCURE,
Dans une lettre adressée à l'auteur du Mercure, l'expéditeur réagit à une réponse de l'abbé Prévôt publiée dans le Mercure de Juillet. Il refuse de répondre sur le même ton aux invectives de l'abbé Prévôt et condamne un article qui critiquait son ignorance de la logique et de la grammaire. L'expéditeur regrette que l'abbé Prévôt n'ait pas utilisé des arguments plus solides pour établir ses points. Pour prouver que l'Italie reste vivante culturellement, contrairement à ce que l'abbé Prévôt affirme, l'expéditeur cite plusieurs noms contemporains dans divers domaines artistiques et scientifiques. Il reconnaît avoir mentionné des historiens des siècles passés en réponse à une critique spécifique de l'abbé Prévôt. L'expéditeur déplore l'attaque injustifiée de l'abbé Prévôt contre l'Italie et affirme défendre sa patrie sans chercher la querelle. Il conclut en espérant que l'abbé Prévôt cessera d'écrire contre lui et son pays, et exprime son admiration pour les écrits de son adversaire. En réponse, le journaliste du Mercure prône une juste modération et critique la tendance à dévaloriser les autres nations pour valoriser la France, soulignant que cette attitude est choquante et inefficace.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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71
p. 77-124
Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Début :
L'intérêt que les bons citoyens prennent à l'Encyclopédie, & le grand nombre de [...]
Mots clefs :
Montesquieu, Encyclopédie, Gloire, Moeurs, Ouvrage, Auteur, Esprit, Hommes, Académie, Parlement de Bordeaux, Académie française, Éloge, De l'esprit des lois, Lettres persanes, Amour, Nations, Malheur, Commerce, Intérêt, Honneur, Étude, Citoyen, Philosophie, Religion, Gouvernement, Roi, Sciences, Parlement
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texteReconnaissance textuelle : Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Ous ne pouvons mieux ouvrir cet arpar
volume de l'Encyclopédie. Qui ſe diſtribue
depuis quelques jours chez Briaffon , David
l'aîné , le Breton , & Durand. Il doit être
d'autant plus intéreffant que M. de Voltaire
y a travaillé les mots , efprit , éloquence
, élégance. Qui pouvoit mieux en
parler ? Le morceau qui paroît à la tête du
même volume , acheve de le rendre précieux
. C'eſt l'éloge de M. de Montesquieu
par M. d'Alembert . On peut dire fans
fadeur que le Panégyrifte eft digne du
héros . Cet éloge nous a paru d'une fi grande
beauté , que nous croyons obliger le
Lecteur de l'inférer ici dans fon entier.
Quant à la note qui fe trouve à la page
huit , comme elle contient elle - feule une
excellente analyſe de l'Efprit des Loix ,
nous avons craint de prodiguer à la fois
tant de richeffes , & par une jufte économie,
nous l'avons réfervée pour en décorer
le premier Mercure de Décembre . Ceux
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
qui n'auront pas le Dictionnaire , feront
charmés de trouver cette piece complette
dans mon Journal , où ils pourront même
la lire plus commodément , puifqu'il eſt
portatif.
Eloge de M. le Préſident de Montefquien.
L'intérêt que les bons citoyens prennent
à l'Encyclopédie, & le grand nombre de
gens de Lettres qui lui confacrent leurs
travaux , femblent nous permettre de la
regarder comme un des monumens les
plus propres à être dépofitaires des fentimens
de la patrie , & des hommages
qu'elle doit aux hommes célebres qui l'ont
honorée . Perfuadés néanmoins que M.
de Montesquieu étoit en droit d'attendre
d'autres Panégyriftes que nous , & que la
douleur publique eût mérité des interpretes
plus éloquens , nous euflions renfermé
au- dedans de nous-mêmes nos juftes
regrets & notre refpect pour fa mémoire ;
mais l'aveu de ce que nous lui devons ,
nous eft trop précieux pour en laiffer le
foin à d'autres. Bienfaicteur de l'humanité
par fes écrits , il a daigné l'être auffi de
cet ouvrage , & notre reconnoiffance ne
veut que tracer quelques lignes au pied de
fa ftatue .
Charles de Secondat , Baron de la Brede
NOVEMBRE. 1755. 79
& de Montesquieu , ancien Préfident à
Mortier au Parlement de Bordeaux , de
l'Académie Françoife, de l'Académie royale
des Sciences & des Belles - Lettres de
Pruffe , & de la Société de Londres , naquit
au Château de la Brede , près de Bordeaux
, le 18 Janvier 1689 , d'une famille
noble de Guyenne. Son trifayeul , Jean de
Secondat , Maître d'Hôtel de Henri II ,
Roi de Navarre , & enfuite de Jeanne ,
fille de ce Roi , qui époufa Antoine de
Bourbon , acquit la terre de Montesquieu
d'une fomme de 10000 livres que cette
Princeffe lui donna par un acte authentique
, en récompenfe de fa probité & de
fes fervices. Henri III , Roi de Navarre ,
depuis Henri IV , Roi de France , érigea
en Baronie la terre de Montefquieu , en
faveur de Jacob de Secondat , fils de Jean ,
d'abord Gentilhomme ordinaire de la
Chambre de ce Prince , & enfuite Meftre
de camp du Régiment de Châtillon.
Jean Gafton de Secondat , fon fecond fils ,
ayant époufé la fille du Premier Préfident
du Parlement de Bordeaux , acquit dans
cette Compagnie une charge de Préfident
à Mortier. Il eut plufieurs enfans , dont
un entra dans le fervice , s'y diftingua ,
& le quitta de fort bonne heure. Ce fut
pere de Charles de Secondat , auteur Le
Div
So MERCURE DE FRANCE.
de l'Efprit des Loix . Ces détails paroîtront
peut- être déplacés à la tête de l'éloge
d'un philofophe dont le nom a fi peu
befoin d'ancêtres ; mais n'envions point
à leur mémoire l'éclat que ce nom répand
fur elle.
Les fuccès de l'enfance préfage quelquefois
fi trompeur , ne le furent point
dans Charles de Secondat : il annonça de
bonne heure ce qu'il devoit être ; & fon
pere donna tous fes foins à cultiver ce génie
naiffant , objet de fon efpérance &
de fa tendreſſe . Dès l'âge de vingt ans , le
jeune Montefquieu préparoit déja les matériaux
de l'Esprit des Loix , par un extrait
raifonné des immenfes volumes qui compofent
le corps du Droit civil ; ainfi autrefois
Newton avoit jetté dès fa premiere
jeuneffe les fondemens des ouvrages qui
l'ont rendu immortel . Cependant l'étude
de la Jurifprudence , quoique moins aride
pour M. de Montefquieu que pour la
plupart de ceux qui s'y livrent , parce qu'il
la cultivoit en philofophe , ne fuffifoit pas
à l'étendue & à l'activité de fon génie ; il
approfondiffoit dans le même temps des
matieres encore plus importantes & plus
délicates , & les difcutoit dans le filence
avec la fageffe , la décence , & l'équité
qu'il a depuis montrées dans fes ouvrages .
NOVEMBRE. 1755 . 81
Un oncle paternel , Préfident à Mortier
au Parlement de Bordeaux , Juge éclairé
& citoyen vertueux , l'oracle de fa compagnie
& de fa province , ayant perdu un
fils unique , & voulant conferver dans fon
Corps l'efprit d'élevation qu'il avoit tâché
d'y répandre , laiffa fes biens & fa charge
à M. de Montefquieu ; il étoit Confeiller
au Parlement de Bordeaux , depuis le 24
Février 1714 , & fut reçu Préſident à
Mortier le 13 Juillet 1716. Quelques années
après , en 1722 , pendant la minorité
du Roi , fa Compagnie le chargea de préfenter
des remontrances à l'occafion d'un
nouvel impôt. Placé entre le thrône & le
peuple , il remplit en fujet refpectueux &
en Magiftrat plein de courage , l'emploi fi
noble & fi peu envié , de faire parvenir
au Souverain le cri des malheureux ; & la
mifere publique repréfentée avec autant
d'habileté que de force , obtint la justice.
qu'elle demandoit . Ce fuccès , il eft vrai ,
par malheur l'Etat bien plus que pour
pour
lui , fut auffi paffager que s'il eût été injufte
; à peine la voix des peuples eût- elle
ceffé de le faire entendre , que l'impôt
fupprimé fut remplacé par un autre ; mais
le citoyen avoit fait fon devoir.
Il fut reçu le 3 Avril 1716 dans l'Académie
de Bordeaux , qui ne faifoit que de
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
naître . Le gout pour la Mufique & pour
les ouvrages de pur agrément , avoit d'abord
raflemblé les membres qui la for
moient. M. de Montefquieu crut avec raifon
que l'ardeur naiffante & les talens de
fes confieres pourroient s'exercer avec encore
plus d'avantage fur les objets de la
Phyfique. Il étoit perfuadé que la nature ,
digne d'être obfervée par -tout , trouvoit
aufli par tout des yeux dignes de la voir ;
qu'au contraire les ouvrages de goût ne
fouffrant point de médiocrité , & la Capitale
étant en ce genre le centre des lumieres
& des fecours , il étoit trop difficile de
rafferobler loin d'elle un affez grand nombre
d'écrivains diftingués ; il regardoit les
Sociétés de bel efprit , fi étrangement multipliées
dans nos provinces , comme une
efpece , ou plutôt comme une ombre de
luxe littéraire qui nuit à l'opulence réelle
fans même en offrir l'apparence . Heureufement
M. le Duc de la Force , par un prix
qu'il venoit de fonder à Bordeaux , avoit
fecondé des vues fi éclairées & fi juftes.
On jugea qu'une expérience bien faite
feront préférable à un difcours foible , ou
à un mauvais poëme ; & Bordeaux eut
une Académie des Sciences .
M. de Montefquieu nullement empreffé
de fe montrer au public , fembloit attenNOVEMBRE.
1755. 83
dre , felon l'expreffion d'un grand génie ,
un âge mur pour écrire ; ce ne fut qu'en
1721 , c'eft -à- dire âgé de trente - deux ans,
qu'il mit au jour les Lettres Perfannes. Le
Siamois des amufemens ferieux & comiques
pouvoit lui en avoir fourni l'idée ; mais
il furpaffa fon modele . La peinture des
moeurs orientales réelles ou fuppofées , de
l'orgueil & du flegme de l'amour aliatique
, n'eft que le moindre objet de ces
Lettres ; elle n'y fert , pour ainfi dire , que
de prétexte à une fatyre fine de nos moeurs,
& à des matieres importantes que l'Auteur
approfondit en paroiffant gliffer fur
elles. Dans cette efpèce de tableau mouvant
, Ufbek expofe fur-tout avec autant
de légereté que d'énergie ce qui a le plus
frappé parmi nous fes yeux pénétrans ;
notre habitude de traiter férieufement les
chofes les plus futiles , & de tourner les
plus importantes en plaifanterie ; nos converfations
fi bruyantes & fi frivoles ; notre
ennui dans le fein du plaifir même ;
nos préjugés & nos actions en contradiction
continuelle avec nos lumieres ; tant
d'amour pour la gloire joint à tant de
refpect pour l'idole de la faveur ; nos
Courtifans fi rampans & fi vains ; notre
politeffe extérieure & notre mépris réel
pour les étrangers , ou notre prédilection
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
affectée pour eux ; la bifarrerie de nos
gouts , qui n'a rien au- deffous d'elle que
l'empreffement de toute l'Europe à les
adopter ; notre dédain barbare pour deux
des plus refpectables occupations d'un citoyen
, le commerce & la magiftrature ;
nos difputes littéraires fi vives & fi inuti
les ; notre fureur d'écrire avant que de
penfer , & de juger avant que de connoître.
A cette peinture vive , mais fans
fiel , il oppofe dans l'apologue des Troglodites
, le tableau d'un peuple vertueux ,
devenu fage par le malheur , morceau
digne du Portique : ailleurs il montre la
philofophie long-tems étouffée , reparoiffant
tout-à- coup , regagnant par les progrès
le tems qu'elle a perdu , pénétrant
jufques chez les Ruffes à la voix d'un génie
qui l'appelle , tandis que chez d'autres
peuples de l'Europe , la fuperftition , femblable
à une atmoſphere épaiffe , empêche
la lumiere qui les environne de toutes
parts d'arriver jufqu'à eux. Enfin , par les
principes qu'il établit fur la nature des
gouvernemens anciens & modernes , il
préfente le germe de ces idées lumineufes
développées depuis par l'Auteur dans fon
grand ouvrage.
Ces différens fujets , privés aujourd'hui
des graces de la nouveauté qu'ils avoient
8
NOVEMBRE. 1755. 85
dans la naiffance des Lettres Perfannes , y
conferveront toujours le mérite du caractere
original qu'on a fçu leur donner ;
mérite d'autant plus réel , qu'il vient ici
du génie feul de l'écrivain , & non du
voile étranger dont il s'eft couvert ; car
Ufbek a pris durant fon féjour en France ,
non feulement une connoiffance fi parfaite
de nos moeurs , mais une fi forte teinture
de nos manieres mêmes , que fon
ftyle fait fouvent oublier fon pays . Ce
léger défaut de vraisemblance peut n'être
fans deffein & fans adreffe : en relevant
nos ridicules & nos vices , il a voulu
fans doute auffi rendre juftice à nos
avantages ; il a fenti toute la fadeur d'un
éloge direct & il s'en eft plus finement
acquitté , en prenant fi fouvent notre ton
pour médire plus agréablement de nous.
pas
Malgré le fuccès de cet ouvrage , M.
de Montefquieu ne s'en étoit point déclaré
ouvertement l'auteur. Peut - être
croyoit- il échapper plus aifément par ce
moyen à la fatyre littéraire , qui épargne
plus volontiers les écrits anonymes , parce
que c'est toujours la perfonne & non l'ouvrage
qui eft le but de fes traits ; peut- être
craignoit- il d'être attaqué fur le prétendu
contrafte des Lettres Perfannes avec l'auférité
de fa place ; efpece de reproche ,
86 MERCURE DE FRANCE.
difoit il , que les critiques ne manquent
jamais, parce qu'il ne demande aucun effort
d'efprit. Mais fon fecret étoit découvert ,
& déja le public le montroit à l'Académie
Françoife. L'événement fit voir combien
le filence de M. de Montefquieu avoit été
fage . Ufbek s'exprime quelquefois affez
librement , non fur le fonds du Chriftianiſme
, mais fur des matieres que trop de
perfonnes affectent de confondre avec le
Chriftianifme même , fur l'efprit de
perfécution
dont tant de Chrétiens ont été
animés ; fur les ufurpations temporelles
de la puiffance eccléfiaftique ; fur la multiplication
exceffive des monafteres , qui
enleve des fujets à l'Etat , fans donner à
Dieu des adorateurs ; fur quelques opinions
qu'on a vainement tenté d'ériger
en dogmes ; fur nos difputes de religion ,
toujours violentes , & fouvent funeftes.
S'il paroît toucher ailleurs à des questions
plus délicates , & qui intéreffent de plus
près la religion chrétienne , fes réflexions
appréciées avec juftice , font en effet trèsfavorables
à la révélation , puifqu'il fe
borne à montrer combien la raifon humaine
, abandonnée à elle-même , eft peu
éclairée fur ces objets. Enfin , parmi les
véritables lettres de M. de Montefquieu ,
l'Imprimeur étranger en avoit inféré quel
NOVEMBRE. 1755. 87
ques -unes d'une autre main , & il eût
fallu du moins , avant que de condamner
l'auteur , démêler ce qui lui appartenoit
en propre. Sans égard à ces confidérations
, d'un côté la haine fous le rom
de zéle , de l'autre le zéle fans difcernement
ou fans lumieres , fe fouleverent &
fe réunirent contre les Lettres Perfannes.
Des délateurs , efpece d'hommes dangereufe
& lâche , que même dans un gouvernement
fage on a quelquefois le malheur
d'écouter , allarmerent par un extrait
infidele la piété du miniftere. M. de Montefquieu
, par le confeil de fes amis , foutenu
de la voix publique , s'étant préſenté
pour la place de l'Académie Françoiſe vacante
par la mort de M. de Sacy , le Miniftre
écrivit à cette Compagnie qué S. M.
ne donneroit jamais fon agrément à l'auteur
des Lettres Perfannes ; qu'il n'avoit
point lu ce livre , mais que des perfonnes
en qui il avoit confiance , lui en avoient
fait connoître le poifon & le danger . M.
de Montefquieu fentit le coup qu'une pareille
accufation pouvoit porter à fa perfonne
, à la famille , à la tranquillité de
fa vie. Il n'attachoit pas affez de prix aux
honneurs littéraires , ni pour les rechercher
avec avidité , ni pour affecter de les
dédaigner quand ils fe préfentoient à lui ,
88 MERCURE DE FRANCE.
:
ni enfin pour en regarder la fimple privation
comme un malheur ; mais l'exclufion
perpétuelle , & fur - tout les motifs de
l'exclufion lui paroiffoient une injure. Il vit
le Miniftre , lui déclara que par des raifons
particulieres il n'avouoit point les
Lettres Perfannes , mais qu'il étoit encore
plus éloigné de defavouer un ouvrage
dont il croyoit n'avoir point à rougir , &
qu'il devoit être jugé d'après une lecture ,
& non fur une délation le Miniftre prit
enfin le parti par où il auroit dû commencer
; il lut le livre , aima l'Auteur , & apprit
à mieux placer fa confiance ; l'Académie
Françoife ne fut point privée d'un de
fes plus beaux ornemens , & la France eut
le bonheur de conferver un fujet que la fuperftition
ou la calomnie étoient prêtes à
lui faire perdre : car M. de Montefquieu
avoit déclaré au Gouvernement qu'après
l'efpece d'outrage qu'on alloit lui faire ,
il iroit chercher chez les étrangers qui lui
tendoient les bras , la fureté , le repos , &
peut-être les recompenfes qu'il auroit dû
efperer dans fon pays. La nation eût déploré
cette perte , & la honte en fut pourtant
retombée fur elle.
Feu M. le Maréchal d'Eftrées , alors Directeur
de l'Académie Françoife , fe conduifit
dans cette circonftance en courtiſan
NOVEMBRE . 1755 . 89
vertueux , & d'une ame vraiment élevée ;
il ne craignit ni d'abufer de fon crédit ni
de le compromettre ; il foutint fon ami &
juftifia Socrate. Ce trait de courage fi précieux
aux Lettres , fi digne d'avoir aujourd'hui
des imitateurs , & fi honorable à
la mémoire de M. le Maréchal d'Eftrées ,
n'auroit pas dû être oublié dans fon éloge.
M. de Montefquieu fut reçu le 24 Janvier
1728. Son difcours eft un des meilleurs
qu'on ait prononcés dans une pareille
occafion ; le mérite en eft d'autant
plus grand , que les Récipiendaires gênés
jufqu'alors par ces formules & ces éloges
d'ufage auxquels une efpece de prefcription
les affujettit , n'avoient encore ofé
franchir ce cercle pour traiter d'autres fujets
, ou n'avoient point penfé du moins à
les y renfermer ; dans cet état même de
contrainte il eut l'avantage de réuffir . Entre
plufieurs traits dont brille fon difcours ,
on reconnoîtroit l'écrivain qui penſe , au
feul portrait du Cardinal de Richelieu
qui apprit à la France le fecret de fes forces ,
& à l'Espagne celui de fa foibleffe , qui ôta
à l'Allemagne fes chaînes , & lui en donna
de nouvelles. Il faut admirer M. de Montefquieu
d'avoir fçu vaincre la difficulté
de fon fujet, & pardonner à ceux qui n'ont
pas eu le même fuccès .
›
90 MERCURE DE FRANCE.
Le nouvel Académicien étoit d'autant
plus digne de ce titre , qu'il avoit peu de
tems auparavant renoncé à tout autre travail
, pour fe livrer entierement à fon
génie & à fon goût . Quelque importante
que fût la place qu'il occupoit , avec quelques
lumieres & quelque intégrité qu'il
en eût rempli les devoirs , il fentoit qu'il
y avoit des objets plus dignes d'occuper
fes talens ; qu'un citoyen eft redevable à
fa nation & à l'humanité de tout le bien
qu'il peut leur faire ; & qu'il feroit plus
utile à l'une & à l'autre , en les éclairant
par fes écrits , qu'il ne pouvoit l'être en
difcutant quelques conteftations particulieres
dans l'obfcurité . Toutes ces réflexions
le déterminerent à vendre fa charge
; il ceffa d'être Magiftrat , & ne fut plus
qu'homme de Lettres .
Mais pour fe rendre utile par fes ouvra
ges aux différentes nations , il étoit néceffaire
qu'il les connût ; ce fut dans cette
vue qu'il entreprit de voyager. Son but
étoit d'examiner partout le phyfique & le
moral , d'étudier les loix & la conftitution
de chaque pays , de vifiter les fçavans , les
écrivains , les artiftes célebres , de chercher
fur- tout ces hommes rares & finguliers
dont le commerce fupplée quelquefois à
plufieurs années d'obfervations & de féNOVEMBRE.
1755. 91
jour. M. de Montefquieu eût pu dire comme
Démocrite. Je n'ai rien oublié pour
» m'inftruire ; j'ai quitté mon pays , & parcouru
l'univers pour mieux connoître
» la vérité : j'ai vu tous les perfonnages
» illuftres de mon tems ; mais il y eût
cette différence entre le Démocrite François
& celui d'Abdere , que le premier
voyageoit pour inftruire les hommes , &
le fecond pour s'en moquer,
Il alla d'abord à Vienne , où il vit fouvent
le célebre Prince Eugene ; ce Héros
fi funefte à la France ( à laquelle il auroit
pû être fi utile ) , après avoir balancé la
fortune de Louis XIV. & humilié la fierté
Ottomane , vivoit fans fafte durant la paix,
aimant & cultivant les Lettres dans une
Cour où elles font peu en honneur , &
donnant à ſes maîtres l'exemple de les protéger.
M. de Montefquieu crut entrevoir
dans fes difcours quelques reftes d'intérêt
pour fon ancienne patrie ; le Prince Eugene
en laiffoit voir furtout , autant que le
peut faire un ennemi , für les fuites funeftes
de cette divifion inteftine qui trouble
depuis fi longtems l'Eglife de France :
l'Homme d'Etat en prévoyoit la durée &
les effets , & les prédit au Philofophe.
M. de Montefquieu partit de Vienne
pour voir la Hongrie , contrée opulente &
92 MERCURE DE FRANCE.
fertile, habitée par une nation fiere & généreufe
, le fléau de fes Tyrans & l'appui de
fes Souverains. Comme peu de perfonnes
connoiffent bien ce pays , il a écrit avec
foin cette partie de fes voyages.
D'Allemagne , il paffa en Italie ; il vit à
Venife le fameux Law , à qui il ne reftoit
de fa grandeur paffée que des projets heureufement
deftinés à mourir dans fa tête ,
& un diamant qu'il engageoit pour jouer
aux jeux de hafard . Un jour la converfation
rouloit fur le fameux fyftème que Law
avoit inventé ; époque de tant de malheurs
& de fortunes , & furtout d'une dépravation
remarquable dans nos moeurs . Comme
le Parlement de Paris , dépofitaire immédiat
des Loix dans les tems de minorité ,
avoit fait éprouver au Miniftre Ecoffois
quelque réfiftance dans cette occafion
M. de Montefquieu lui demanda pourquoi
on n'avoit pas effayé de vaincre cette réfiftance
par un moyen prefque toujours infaillible
en Angleterre , par le grand mobile
des actions des hommes , en un mot
par l'argent : Ce ne font pas , répondit Law,
desgénies auffi ardens & auf dangereux que
mes compatriotes , mais ils font beaucoup plus
incorruptibles. Nous ajouterons fans aucun
préjugé de vanité nationale , qu'un Corps
libre pour quelques inftans , doit mieux
NOVEMBRE. 1755. 93
résister à la corruption que celui qui l'eft
toujours ; le premier , en vendant fa liberté,
la perd ; le fecond ne fait , pour ainfi
dire , que la prêter , & l'exerce même en
l'engageant ; ainfi les circonftances & la
nature du Gouvernement font les vices &
les vertus des Nations.
Un autre perfonnage non moins fameux
que M. de Montefquieu vit encore plus .
fouvent à Venife , fut le Comte de Bonneval
. Cet homme fi connu par fes aventures
, qui n'étoient pas encore à leur terme,
& flatté de converfer avec un juge digne
de l'entendre , lui faifoit avec plaifir le détail
fingulier de fa vie , le récit des actions.
militaires où il s'étoit trouvé , le portrait
des Généraux & des Miniftres qu'il avoit
connus . M. de Montefquieu fe rappelloit,
fouvent ces converfations & en racontoit
différens traits à fes amis.
Il alla de Venife à Rome : dans cette ancienne
Capitale du monde , qui l'eft encore
à certains égards , il s'appliqua furtour
à examiner ce qui la diftingue aujourd'hui
le plus , les ouvrages des Raphaëls ,
des Titiens , & des Michel- Anges : il n'avoit
point fait une étude particuliere des
beaux arts ; mais l'expreffion dont brillent
les chef-d'oeuvres en ce genre , faifit infailliblement
tout homme de génie . Accoutu94
MERCURE DE FRANCE.
mé à étudier la nature , il la reconnoît
quand elle eft imitée , comme un portrait
reffemblant frappe tous ceux à qui l'original
eft familier : malheur aux productions
de l'art dont toute la beauté n'eſt que
pour les Artiſtes.
Après avoir parcouru l'Italie , M. de
Montefquieu vint en Suiffe ; il examina
foigneufement les vaſtes pays arrofés par
le Rhin ; & il ne lui refta plus rien à voir
en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas
encore. Il s'arrêta enfuite quelque tems
dans les Provinces-Unies , monument admirable
de ce que peut l'induftrie humaine
animée par l'amour de la liberté. Enfin il
fe rendit en Angleterre où il demeura deux
ans : digne de voir & d'entretenir les plus
grands hommes , il n'eut à regretter que
de n'avoir pas fait plutôt ce voyage : Locke
& Newton étoient morts. Mais il eut fouvent
l'honneur de faire fa cour à leur protectrice
, la célebre Reine d'Angleterre ,
qui cultivoit la Philofophie fur le thrône ,
& qui goûta , comme elle devoit , M. de
Montefquieu. Il ne fut pas moins accueilli
par la Nation , qui n'avoit pas befoin fur
cela de prendre le ton de fes maîtres . Il
forma à Londres des liaifons intimes avec
des hommes exercés à méditer , & à ſe préparer
aux grandes chofes par des études
NOVEMBRE. 1755. 95
profondes ; il s'inftruifit avec eux de la nature
du Gouvernement , & parvint à le
bien connoître. Nous parlons ici d'après
les témoignages publics que lui en ont rendu
les Anglois eux-mêmes , fi jaloux de
nos avantages , & fi peu difpofés à reconnoître
en nous aucune fupériorité.
Comme il n'avoit rien examiné ni avec
la prévention d'un enthouſiaſte , ni avec
l'austérité d'un Cynique , il n'avoit rapporté
de les voyages ni un dédain outrageant
pour les étrangers , ni un mépris
encore plus déplacé pour fon propre pays.
Il réfultoit de fes obfervations que l'Allemagne
étoit faite pour y voyager , l'Italie
pour y féjourner , l'Angleterre pour y penfer
, & la France pour y vivre.
De retour enfin dans fa Patrie , M de
Montefquieu fe retira pendant deux ans à
fa terre de la Brede : il y jouit en paix de
cette folitude que le fpectacle & le tumulte
du monde fert à rendre plus agréable ;
il vécut avec lui-même , après en être forti
fi long-tems ; & ce qui nous intéreſſe le
plus , il mit la derniere main à fon ouvrage
fur la caufe de la grandeur & de la déca
dence des Romains , qui parut en 1734.
Les Empires , ainfi que les hommes
doivent croître , dépérir & s'éteindre ; mais
cette révolution néceffaire a fouvent des
96 MERCURE DE FRANCE.
caufes cachées que la nuit des tems nous
dérobe , & que le myftere où leur petiteffe
apparente a même quelquefois voilées aux
yeux des contemporains ; rien ne reſſemble
plus fur ce point à l'Hiftoire moderne
que l'Hiftoire ancienne. Celle des Romains
mérite néanmoins à cet égard quelque exception
; elle préfente une politique raifonnée
, un fyftème fuivi d'aggrandiffement
, qui ne permet pas d'attribuer la
fortune de ce peuple à des refforts obfcurs
& fubalternes. Les caufes de la grandeur
Romaine fe trouvent donc dans l'Hiftoire ,
& c'eft au Philofophe à les y découvrir.
D'ailleurs il n'en eft pas des fyftêmes dans
cette étude comme dans celle de la Phyfique
; ceux-ci font prefque toujours précipités
, parce qu'une obfervation nouvelle
& imprévue peut les renverfer en un inftant
; au contraire , quand on recueille
avec foin les faits que nous tranfmet l'Hif
toire ancienne d'un pays , fi on ne raffemble
pas toujours tous les matériaux qu'on
peut défirer , on ne fçauroit du moins ef
pérer d'en avoir un jour davantage . L'étude
réfléchie de l'Hiftoire , étude fi importante
& fi difficile , confifte à combiner
de la maniere la plus parfaite , ces matériaux
défectueux : tel feroit le métire d'un
Architecte , qui , fur des ruines fçavantes ,
traceroit ,
NOVEMBRE. 1755 . 97
traceroit , de la maniere la plus vraiſemblable
, le plan d'un édifice antique , en
fuppléant , par le génie & par d'heureuſes
conjectures , à des reftes informes & tronqués.
C'eſt fous ce point de vue qu'il faut envifager
l'ouvrage de M. de Montefquieu :
il trouve les caufes de la grandeur des Romains
dans l'amour de la liberté , du travail
& de la patrie , qu'on leur infpiroit
dès l'enfance ; dans la févérité de la difcipline
militaire ; dans ces diffenfions intef
tines qui donnoient du reffort aux efprits ,
& qui ceffoient tout -à coup à la vue de
l'ennemi ; dans cette conftance après le
malheur qui ne défefpéroit jamais de la
république dans le principe où ils furent
toujours de ne faire jamais la paix qu'après
des victoires ; dans l'honneur du triomphe,
fujet d'émulation pour les Généraux ; dans
la protection qu'ils accordoient aux peuples
révoltés contre leurs Rois ; dans l'excellente
politique de laiffer aux vaincus leurs
Dieux & leurs coutumes ; dans celle de
n'avoir jamais deux puiffans ennemis fur
les bras , & de tout fouffrir de l'un juſqu'à
ce qu'ils euffent anéanti l'autre . Il trouve les
caufes de leur décadence dans l'agrandiffement
même de l'Etat , qui changea en
guerres civiles les tumultes populaires ;
E
98 MERCURE DE FRANCE.
dans les guerres éloignées qui forçant les
citoyens à une trop longue abfence , leur
faifoient perdre infenfiblement l'efprit républicain
; dans le droit de Bourgeoifie
accordé à tant de Nations , & qui ne fit
plus du peuple Romain qu'une espece de
monftre à plufieurs têtes ; dans la corrup
tion introduite par le luxe de l'Afie ; dans
les profcriptions de Sylla qui avilirent l'efprit
de la Nation , & la préparerent à l'eſclavage
; dans la néceflité où les Romains
fe trouverent de fouffrir des maîtres , lorfque
leur liberté leur fut devenue à charge ;
dans l'obligation où ils furent de changer
de maximes , en changeant de gouvernement
; dans cette fuite de monftres qui
régnerent , prefque fans interruption , depuis
Tibere jufqu'à Nerva , & depuis Commode
jufqu'à Conftantin ; enfin , dans la
tranflation & le partage de l'Empire , qui
périt d'abord en Occident par la puiffance
des Barbares , & qui après avoir langui plufieurs
ficcles en Orient fous des Empereurs
imbéciles ou féroces , s'anéantit infenfiblement
comme ces fleuves qui difparoiffent
dans des fables.
Un affez petit volume a fuffi à M. de
Montefquieu pour développer un tableau
fi intérellant & fi vafte. Comme l'Auteur
ne s'appefantit point fur les détails , & ne
NOVEMBRE. 1755. 92
faifit que les branches fécondes de fon
ſujet , il a ſçu renfermer en très - peu d'efpace
un grand nombre d'objets diftinctement
apperçus & rapidement préfentés fans
fatigue pour le Lecteur ; en laiffant beaucoup
voir , il laifle encore plus à penſer ,
& il auroit pu intituler fon Livre , Hiftoire
Romaine à l'ufage des Hommes d'Etat & des
Philofophes.
Quelque réputation que M. de Montefquieu
fe fût acquife par ce dernier ouvrage
& par ceux qui l'avoient précédé , il
n'avoit fait que fe frayer le chemin à une
plus grande entreprife , à celle qui doit
immortalifer fon nom & le rendre refpectable
aux fiecles futurs. Il en avoit dès
longtems formé le deffein , il en médita
pendant vingt ans l'exécution ; ou , pour
parler plus exactement , toute fa vie en
avoit été la méditation continuelle . D'abord
il s'étoit fait en quelque façon étranger
dans fon propre pays , afin de le mieux
connoître ; il avoit enfuite parcouru toute
l'Europe , & profondément étudié les différens
peuples qui l'habitent . L'Ifle fameufe
qui fe glorifie tant de fes loix , &
qui en profite fi mal , avoit été pour lui
dans ce long voyage , ce que l'ifle de Crete
fut autrefois pour Lycurgue , une école
où il avoit fçu s'inftruire fans tout approu-
E ij
100
MERCURE DE
FRANCE.
ver ; enfin , il avoit , fi on peut parler ainfi ,
interrogé & jugé les nations & les hommes
célebres qui
n'exiftent plus aujour
d'hui que dans les annales du monde. Ce
fut ainfi qu'il s'éleva par dégrés au plus
beau titre qu'un fage puiffe mériter , celui
de Légiflateur des Nations .
S'il étoit animé par
l'importance de la
matiere , il étoit effrayé en même tems par
fon
étendue il
l'abandonna , & y revint
:
à plufieurs repriſes ; il fentit plus d'une fois,
comme il l'avoue lui- même , tomber les
mains
paternelles .
Encouragé enfin
amis , il ramaffa toutes fes forces , & donfes
par
na l'Esprit des Loix.
Dans cet important ouvrage , M. de
Montefquieu , fans
s'appefantir , à l'exemple
de ceux qui l'ont précédé , fur des difcuffions
métaphyfiques relatives à l'hom
me fuppofé dans un état
d'abſtraction ,
fans fe borner , comme d'autres , à confidérer
certains peuples dans quelques relations
ou
circonftances
particulieres , envifage
les habitans de l'univers dans l'état réel
où ils font , & dans tous les rapports qu'ils
peuvent avoir entr'eux. La plupart des
autres Ecrivains en ce genre font prefque
toujours ou de fimples Moraliftes , ou de
fimples
Jurifconfultes , ou même quelquefois
de fimples
Théologiens;pour lui, l'hom
NOVEMBRE. 1755 . ΙΟΥ
perme
de tous les Pays & de toutes les Nations,
il s'occupe moins de ce que le devoir exige
de nous , que des moyens par lefquels on
peut nous obliger de le remplir , de la
fection métaphyfique des loix , que de celle
dont la nature humaine les rend fufceptibles
, des loix qu'on a faites que de celles
qu'on a dû faire , des loix d'un peuple particulier
que de celles de tous les peuples,
Ainfi en fe comparant lui -mêine à ceux
qui ont couru avant lui cette grande &
noble carriere , il a pu dire comme le Correge
, quand il eut vu les ouvrages de fes
rivaux , & moi auffi je fuis Peintre.
Rempli & pénétré de fon objet , l'Auteur
de l'Efprit des Loix y embraſſe un fi
grand nombre de matieres , & les traite
avec tant de brieveté & de profondeur ,
qu'une lecture affidue & méditée peut feule
faire fentir le mérite ce livre . Elle fervira
fur- tout , nous ofons le dire , à faire difparoître
le prétendu défaut de méthode
dont quelques lecteurs ont accufé M. de
Montefquieu ; avantage qu'ils n'auroient
pas dû le taxer légerement d'avoir négligé
dans une matiere philofophique & dans
un ouvrage de vingt années . Il faut diftinguer
le défordre réel de celui qui n'eft
qu'apparent. Le défordre eft réel , quand
l'analogie & la fuite des idées n'eft point
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
obfervée ; quand les conclufions font érigées
en principes , ou les précedent ; quand
le lecteur , après des détours fans nombre ,
fe retrouve au point d'où il eft parti . Le
defordre n'eft qu'apparent , quand l'Auteur
mettant à leur véritable place les idées dont
il fait ufage , laiffe à fuppléer aux lecteurs
les idées intermédiaires : & c'eſt ainfi que
M. de Montefquieu a cru pouvoir & devoir
en ufer dans un livre deſtiné à des
hommes qui penfent , dont le génie doit
fuppléer à des omiffions volontaires & raifonnées
.
L'ordre qui fe fait appercevoir dans les
grandes parties de l'Efprit des Loix , ne
regne pas moins dans les détails : nous
croyons que plus on approfondira l'ouvrage
, plus on en fera convaincu . Fidele à
fes divifions générales , l'Auteur rapporte
à chacune les objets qui lui appartiennent
exclufivement ; & à l'égard de ceux qui
par différentes branches appartiennent à
plufieurs divifions à la fois , il a placé fous
chaque divifion la branche qui lui appartient
en propre ; par- là on apperçoit ailément
& fans confufion , l'influence que
les différentes parties du fujet ont les unes
fur les autres , comme dans un arbre qu
fyftême bien entendu des connoiffances
humaines , on peut voir le rapport mutuel
NOVEMBRE. 1755. 103
des Sciences & des Arts. Cette comparaifon
d'ailleurs eft d'autant plus jufte , qu'il
en eft du plan qu'on peut fe faire dans
l'examen philofophique des Loix , comme
de l'ordre qu'on peut obferver dans un
arbre Encyclopédique des Sciences : il y
reftera toujours de l'arbitraire ; & tout ce
qu'on peut exiger de l'Auteur , c'eſt qu'il
fuive fans détour & fans écart le fyfteme
qu'il s'eft une fois formé.
Nous dirons de l'obfcurité qu'on peut
fe permetrre dans un tel ouvrage , la même
chofe que du défaut d'ordre ; ce qui feroit
obfcur pour les lecteurs vulgaires , ne l'eft
pas pour ceux que l'Auteur a eu en vue.
D'ailleurs l'obfcurité volontaire n'en eft
point une M. de Montefquieu ayant à
préfenter quelquefois des vérités impor
tantes , dont l'énoncé abfolu & direct auroit
pu
bleffer fans fruit , a eu la prudence
louable de les envelopper , & par cet innocent
artifice , les a voilées à ceux à qui
elles feroient nuifibles , fans qu'elles fuffent
perdues pour les fages.
Parmi les ouvrages qui lui ont fourni
des fecours , & quelquefois des vues pour
le fien , on voit qu'il a furtout profité des
deux hiftoriens qui ont penfé le plus ,
Tacite & Plutarque ; mais quoiqu'un Philofophe
qui a fait ces deux lectures , foit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
difpenfé de beaucoup d'autres , il n'avoit
pas cru devoir en ce genre rien négliger ni
dédaigner de ce qui pouvoit être utile à
fon objet . La lecture que fuppofe l'Espric
des Loix , eft immenſe ; & l'ufage raiſonné
que l'Auteur a fait de cette multitude pro
digieufe de matériaux , paroîtra encore
plus furprenant , quand on fçaura qu'il
étoit prefqu'entierement privé de la vue ,
& obligé d'avoir recours à des yeux étrangers.
Cette vafte lecture contribue nonfeulement
à l'utilité , mais à l'agrément de
l'ouvrage fans déroger à la majefté de fon
fujet. M. de Montefquieu fçait en tempérer
l'austérité , & procurer aux lecteurs
des momens de repos , foit par des faits
finguliers & peu connus , foit par des allufions
délicates , foit par ces coups de pinceau
énergiques & brillans , qui peignent
d'un feul trait les peuples & les hommes .
Enfin , car nous ne voulons pas jouer ici
le rôle des Commentateurs d'Homere , il
y a fans doute des fautes dans l'efprit des
Loix , comme il y en a dans tout ouvrage
de génie , dont l'Auteur a le premier ofé
fe frayer des routes nouvelles. M. de Montefquieu
a été parmi nous , pour l'étude
des loix , ce que Defcartes a été pour la
Philofophie ; il éclaire fouvent , & fe trompe
quelquefois , & en fe trompant même ,
NOVEMBRE. 1755. 105
il inftruit ceux qui fçavent lire. La pouvelle
édition qu'on prépare , montrera par
les additions & corrections qu'il y a faites,
que s'il eft tombé de tems en tems , il a
fçu le reconnoître & fe relever ; par- là , il
acquerra du moins le droit à un nouvel
examen , dans les endroits où il n'aura pas
été de l'avis de fes cenfeurs ; peut- être
même ce qu'il aura jugé le plus digne de
correction , leur a - t-il abfolument échappé
, tant l'envie de nuire eft ordinairement
aveugle.
Mais ce qui eft à la portée de tout le
monde dans l'Eſprit des Loix , ce qui doit
rendre l'Auteur cher à toutes les Nations ,
ce qui ferviroit même à couvrir des fautes
plus grandes que les fiennes , c'eft l'efprit
de citoyen qui l'a dicté. L'amour du bien
public , le defir de voir les hommes heureux
s'y montrent de toutes parts ; & n'eûtil
que ce mérite fi rare & fi précieux , il
feroit digne par cet endroit feul , d'être
la lecture des peuples & des Rois . Nous
voyons déja , par une heureuſe expérience,
que les fruits de cet ouvrage ne fe bornent
pas dans fes lecteurs à des fentimens ſtériles.
Quoique M. de Montefquieu ait peu
furvécu à la publication de l'Efprit des
Loix , il a eu la fatisfaction d'entrevoir
les effets qu'il commence à produire parmi
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
nous ; l'amour naturel des François pour
leur patrie , tourné vers fon véritable objet
; ce goût pour le Commerce , pour l'Agriculture
, & pour les Arts utiles , qui
fe répand infenfiblement dans notre Nation
; cette lumiere générale fur les principes
du gouvernement , qui rend les peuples
plus attachés à ce qu'ils doivent aimer .
Ceux qui ont fi indécemment attaqué cet
ouvrage , lui doivent peut-être plus qu'ils
ne s'imaginent l'ingratitude , au refte ,
eft le moindre reproche qu'on ait à leur
faire. Ce n'eft pas fans regret , & fans
honte pour notre fiecle , que nous allons
les dévoiler ; mais cette hiftoire importe
trop à la gloire de M. de Montefquieu , &
à l'avantage de la Philofophie , pour être
paffée fous filence. Puiffe l'opprobre qui
couvre enfin fes ennemis , leur devenir
falutaire !
A peine l'Efprit des Loix parut- il , qu'il
fut recherché avec empreffement , fur la
réputation de l'Auteur ; mais quoique
M. de Montesquieu eût écrit pour le bien
du peuple , il ne devoit pas avoir le peuple
pour juge ; la profondeur de l'objet
étoit une fuite de fon importance même.
Cependant les traits qui étoient répandus
dans l'ouvrage , & qui auroient été déplacés
s'ils n'étoient pas nés du fond du fuNOVEMBRE.
1755. 107
jet , perfuaderent à trop de perfonnes qu'il
étoit écrit pour elles : on cherchoit un
Livre agréable , & on ne trouvoit qu'un
Livre utile , dont on ne pouvoit d'ailleurs
fans quelque attention faifir l'enſemble &
les détails. On traita légerement l'Esprit
des Loix ; le titre même fut un fujet de
plaifanterie enfin l'un des plus beaux
monumens littéraires qui foient fortis de
notre Nation, fut regardé d'abord par elle
avec affez d'indifférence. Il fallut que les
véritables juges euffent eu le tems de lire :
bientôt ils ramenerent la multitude toujours
prompte à changer d'avis ; la partie
du Public qui enfeigne , dicta à la partie
qui écoute ce qu'elle devoit penfer & dire ;
& le fuffrage des hommes éclairés , joint
aux échos qui le répéterent , ne forma plus
qu'une voix dans toute l'Europe.
Ce fut alors que les ennemis publics &
fecrets des Lettres & de la Philofophie ( car
elles en ont de ces deux efpeces ) réunirent
leurs traits contre l'ouvrage. De-là cette
foule de brochures qui lui furent lancées
de toutes parts , & que nous ne tirerons
pas de l'oubli où elles font déja plongées.
Sisleurs auteurs n'avoient pas pris de bonnes
mefures pour être inconnus à la poftérité
, elle croiroit que l'Efprit des Loix a
été écrit au milieu d'un peuple de barbares.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
M. de Montefquieu méprifa fans peine
les Critiques ténébreufes de ces auteurs
fans talent , qui foit par une jaloufie qu'ils
n'ont pas droit d'avoir , foit pour fatisfaire
la malignité du Public qui aime la fatyre
& la méprife , outragent ce qu'ils ne peuvent
atteindre ; & plus odieux par le mal
qu'ils veulent faire , que
redoutables par
celui qu'ils font , ne réuffiffent pas même
dans un genre d'écrire que fa facilité &
fon objet rendent également vil. Il mettoit
les ouvrages de cette efpece fur la
même ligne que ces Nouvelles hebdomadaires
de l'Europe , dont les éloges font
fans autorité & les traits fans effet , que
des Lecteurs oififs parcourent fans y ajouter
foi , & dans lefquelles les Souverains.
font infultés fans le fçavoir , ou fans daigner
fe venger. IIll nnee ffuutt pas auffi indifférent
fur les principes d'irréligion qu'on
l'accufa d'avoir femé dans l'Eſprit des Loix .
En méprifant de pareils reproches , il auroit
cru les mériter , & l'importance de
l'objet lui ferma les yeux fur la valeur de
fes adverfaires. Ces hommes également
dépourvus de zele & également empreffés
d'en faire paroître , également effrayés de
la lumiere que les Lettres répandent , non
au préjudice de la Religion , mais à leur
défavantage , avoient pris différentes forNOVEMBRE.
1755. 109
mes pour lui porter atteinte. Les uns , par
unftratagême auffi puérile que pufillanime,
s'étoient écrit à eux- mêmes ; les autres ,
après l'avoir déchiré fous le mafque de
P'Anonyme , s'étoient enfuite déchirés entr'eux
à fon occafion . M. de Montesquieu,
quoique jaloux de les confondre , ne jugea
pas à propos de perdre un tems précieux à
les combattre les uns après les autres : il fe
contenta de faire un exemple fut celui qui
s'étoit le plus fignalé par fes excès.
par
C'étoit l'auteur d'une feuille anonyme
& périodique , qui croit avoir fuccédé à
Pafcal , parce qu'il a fuccédé à fes opinions;
panégyrifte d'ouvrages que perfonne ne
lit , & apologiſte de miracles que l'autorité
féculiere a fait ceffer dès qu'elle l'a
voulu ; qui appelle impiété & fcandale le
peu
d'intérêt que les gens de Lettres prennent
à fes querelles , & s'eft aliéné ,
une adreffe digne de lui , la partie de la
Nation qu'il avoit le plus d'intérêt de ménager.
Les coups de ce redoutable athlete
furent dignes des vues qui l'infpirerent ; il
accufa M. de Montefquieu & de Spinoffme
& de Déifine ( deux imputations incompatibles
) ; d'avoir fuivi le ſyſtème de
Pope ( dont il n'y avoit pas un mot dans
l'ouvrage ) ; d'avoir cité Plutarque qui n'eft
pas un Auteur Chrétiens de n'avoir point
110 MERCURE DE FRANCE.
parlé du péché originel & de la Grace , Il
prétendit enfin que l'Efprit des Loix étoit
une production de la Conftitution Unigenitus;
idée qu'on nous foupçonnera peut-être
de prêter par dérifion au critique. Ceux
qui ont connu M. de Montefquieu , l'ouvrage
de Clément XI & le fien , peuvent
juger par cette accufation de toutes les
autres.
Le malheur de cet écrivain dut bien le
décourager : il vouloit perdre un fage par
l'endroit le plus fenfible à tout citoyen , il
ne fit que lui procurer une nouvelle gloire
comme homme de Lettres ; la Défense de
l'Esprit des Loix parut. Cet ouvrage , par
la modération , la vérité , la fineffe de
plaifanterie qui y regnent , doit être regardé
comme un modele en ce genre. M.
de Montefquieu , chargé par fon adverfaire
d'imputations atroces , pouvoit le
rendrejodieux fans peine ; il fit mieux , il
le rendit ridicule . S'il faut tenir compte à
l'agreffeur d'un bien qu'il a fait fans le
vouloir , nous lui devons une éternelle
reconnoiffance de nous avoir procuré ce
chef-d'oeuvre : Mais ce qui ajoute encore
au mérite de ce morceau précieux , c'eſt
que l'auteur s'y eft peint lui- même fans y
penfer ; ceux qui l'ont connu , croyent
Î'entendre , & la poſtérité s'affurera , en
NOVEMBRE. 1755 111
lifant fa Défenfe , que fa converfation n'étoit
pas inférieure à fes écrits ; éloge que
bien peu de grands hommes ont mérité.
Une autre circonftance lui affure pleinement
l'avantage dans cette difpute : le
critique qui , pour preuve de fon attachement
à la religion , en déchire les Miniftres
, accufoit hautement le Clergé de
France , & fur-tout la Faculté de Théolo
gie , d'indifférence pour la caufe de Dieu ,
en ce qu'ils ne profcrivoient pas authentiquement
un fi pernicieux ouvrage . La Faculté
étoit en droit de méprifer le repro
che d'un écrivain fans aveu ; mais il s'agif
foit de la religion ; une délicateffe louable
lui a fait prendre le parti d'examiner l'Ef
prit des Loix. Quoiqu'elle s'en occupe depuis
plufieurs années , elle n'a rien prononcé
jufqu'ici ; & fût- il échappé à M. de
Montefquieu quelques inadvertences lé--
geres , prefque inevitables dans une carriere
fi vafte , l'attention longue & fcrupuleufe
qu'elles auroient demandée de la
part du Corps le plus éclairé de l'Eglife ,
prouveroit au moins combien elles feroient
excufables. Mais ce Corps , plein de prudence
, ne précipitera rien dans une fi
importante matiere : il connoit les bornes
de la raifon & de la foi ; il fçait que l'ouvrage
d'un homme de lettres ne doit point
112 MERCURE DE FRANCE.
être examiné comme celui d'un Théologien
que les mauvaifes conféquences
auxquelles une propofition peut donner
lieu par des interprétations odieufes , ne
rendent point blamable la propofition en
elle -même ; que d'ailleurs nous vivons
dans un fiécle malheureux , où les intérêts
de la religion ont befoin d'être ménagés ,
& qu'on peut lui nuire auprès des fimples,
en répandant mal - à - propos fur des genies
du premier ordre le foupçon d'incrédulité;
qu'enfin , malgré cette accufation injuſte ,
M. de Montefquien fut toujours eſtimé ,
recherché & accueilli par tout ce que l'Eglife
a de plus refpectable & de plus grand ;
eût-il confervé auprès des gens de bien la
confidération dont il jouiffoit , s'ils l'euffent
regardé comme un écrivain dangéreux
?
Pendant que des infectes le tourmentoient
dans fon propre pays , l'Angleterre
élevoit un monument à fa gloire. En 1752 ,
M. Daffier , célebre par les médailles qu'il
a frappées à l'honneur de plufieurs hommes
illuftres , vint de Londres à Paris pour
frapper la fienne. M. de la Tour , cet attifte
fi fupérieur par fon talent , & fi eftimable
par fon defintéreffement & l'élévation
de fon ame , avoit ardemment defiré
de donner un nouveau luftre à fon pinNOVEMBRE.
1755. 113
ceau , en tranfmettant à la poftérité le
portrait de l'auteur de l'Efprit des Loix ;
il ne vouloit que la fatisfaction de le peindre
, & il méritoit , comme Apelle , que
cet honneur lui fût réfervé ; mais M. de
Montefquieu , d'autant plus avare du tems
de M. de la Tour que celui - ci en étoit plus
prodigue , fe refufa conftamment & poliment
à fes preffantes follicitations. M. Daf
fier effuya d'abord des difficultés femblables
: Croyez-vous , dit-il enfin à M. de
Montefquieu , » qu'il n'y ait pas autant
d'orgueil à refufer ma propofition qu'à
» l'accepter » ? Defarmé par cette plaifanterie
, il laiffa faire à M. Daflier tout ce
qu'il voulut.
»
L'auteur de l'Esprit des Loix jouiffoit
enfin paisiblement de fa gloire , lorfqu'il
tomba malade au commencement de Février.
Sa fanté , naturellement délicate ,
commençoit à s'altérer depuis long- tems
par l'effet lent & prefque infaillible des
études profondes , par les chagrins qu'on
avoit cherché à lui fufciter fur fon ouvra- ge ; enfin
par le genre
de vie qu'on
le forçoit
de mener
à Paris
, & qu'il
fentoit
lui
être
funefte
. Mais
l'empreffement
avec
le-`
quel
on recherchoit
fa focieté
, étoit
trop
vif pour
n'être
pas
quelquefois
indifcret
on vouloit
, fans
s'en
appercevoir
, jouir
114 MERCURE DE FRANCE.
de lui aux dépens de lui -même. A peine la
nouvelle du danger où il étoit fe fût- elle
répandue , qu'elle devint l'objet des converfations
& de l'inquiétude publique ; fa
maifon ne défempliffoit point de perfonnes
de tout rang qui venoient s'informer
de fon état , les unes par un intérêt véritable
, les autres pour s'en donner l'apparence
, ou pour fuivre la foule. Sa Majefté ,
pénétrée de la ppeerrttee qquuee fon royaume alloit
faire , en demanda plufieurs fois des
nouvelles ; témoignage de bonté & de juftice
qui n'honore pas moins le Monarque
que le fujet. La fin de M. de Montefquieu
ne fut point indigne de fa vie. Accablé de
douleurs cruelles , éloigné d'une famille
à qui il étoit cher , & qui n'a pas eu la
confolation de lui fermer les yeux , entouré
de quelque amis & d'un plus grand
nombre de fpectateurs , il conferva jufqu'au
dernier moment la paix & l'égalité
de fon ame. Enfin , après avoir fatisfait
avec décence à tous fes devoirs , plein de
confiance en l'Etre éternel auquel il alloit.
fe rejoindre , il mourut avec la tranquillité
d'un homme de bien , qui n'avoit jamais
confacré fes talens qu'à l'avantage.
de la vertu & de l'humanité. La France &
l'Europe le perdirent le 10 Février 1755 ,
à l'âge de foixante- fix ans révolus.
NOVEMBRE 1755. 115
Toutes les nouvelles publiques ont annoncé
cet événement comme une calamité.
On pourroit appliquer à M. de Montefquieu
ce qui a été dit autrefois d'un
illuftre Romain ; que perfonne en apprenant
fa mort n'en témoigna de joie , que
perfonne même ne l'oublia dès qu'il ne fut
plus. Les étrangers s'emprefferent de faire
éclater leurs regrets ; & Milord Chefterfield
, qu'il fuffit de nommer , fit imprimer
dans un des papiers publics de Londres
un article à fon honneur , article digne
de l'un & de l'autre ; c'eft le portrait
d'Anaxagore tracé par Périclès . L'Académie
royale des Sciences & des Belles -Lettres
de Pruffe , quoiqu'on n'y foit point
dans l'ufage de prononcer l'éloge des affociés
étrangers , a cru devoir lui faire cet
honneur , qu'elle n'a fait encore qu'à l'illuftre
Jean Bernouilli ; M. de Maupertuis,
tout malade qu'il étoit , a rendu lui-même
à fon ami ce dernier devoir , & n'a voulu
fe repofer fur perfonne d'un foin fi cher &
fi trifte. A tant de fuffrages éclatans en faveur
de M. de Montefquieu , nous croyons
pouvoir joindre fans indifcrétion les éloges
que lui a donné , en préfence de l'un
de nous , le Monarque même auquel cette.
Académie célebre doit fon luftre , Prince
fait pour fentir les pertes de la Philofa116
MERCURE DE FRANCE.
phie , & pour l'en confoler.
Le 17 Février , l'Académie Françoiſe
lui fit , felon l'ufage , un fervice folemnel
, auquel , malgré la rigueur de la faifon
, prefque tous les gens de Lettres de
ce Corps , qui n'étoient point abfens de
Paris , fe firent un devoir d'affifter. On
auroit dû dans cette trifte cérémonie placer
l'Esprit des Loix fur fon cercueil , comme
on expofa autrefois vis - à-vis le cercueil
de Raphaël fon dernier tableau de la
Transfiguration . Cet appareil fimple &
touchant eût été une belle oraifon funébre.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré M. de
Montefquieu que comme écrivain & philofophe
; ce feroit lui dérober la moitié
de fa gloire que de paffer fous filence fes
agrémens & fes qualités perfonnelles.
Il étoit dans le commerce d'une douceur
& d'une gaieté toujours égale . Sa
converfation étoit légere , agréable , &
instructive par le grand nombre d'hommes
& de peuples qu'il avoit connus. Elle étoit
coupée comme fon ftyle , pleine de fel &
de faillies , fans amertunie & fans fatyre
; perfonne ne racontoit plus vivement ,
plus promptement , avec plus de grace &
moins d'apprêt. Il fçavoit que la fin d'une
hiftoire plaifante en eft toujours le but ;-
NOVEMBRE. 1755. 117
il fe hâtoit donc d'y arriver , & produifoit
l'effet fans l'avoir promis.
Ses fréquentes diftractions ne le rendoient
que plus aimable ; il en fortoit
toujours par quelque trait inattendu qui
réveilloit la converfation languiffante ;
d'ailleurs elles n'étoient jamais , ni jouées,
ni choquantes , ni importunes : le feu de
fon efprit , le grand nombre d'idées dont
il étoit plein , les faifoient naître , mais il
n'y tomboit jamais au milieu d'un entretien
intéreffant ou férieux ; le defir de
plaire à ceux avec qui il fe trouvoit , le
rendoit alors à eux fans affectation & fans
effort.
Les agrémens de fon commerce tenoient
non feulement à fon caractere & à
fon efprit , mais à l'efpece de régime qu'il
obfervoit dans l'étude. Quoique capable
d'une méditation profonde & long- tems
foutenue , il n'épuifoit jamais fes forces , il
quitroit toujours le travail avant que d'en
reffentir la moindre impreffion de fatigue.
Il étoit fenfible à la gloire , mais il ne
vouloit y parvenir qu'en la méritant ; jamais
il n'a cherché à augmenter la fienne
par ces manoeuvres fourdes , par ces voyes
obfcures & honteufes, qui deshonorent la
perfonne fans ajouter au nom de l'auteur .
Digne de toutes les diftinctions & de
IIS MERCURE DE FRANCE.
toutes les récompenfes , il ne demandoit
rien , & ne s'étonnoit point d'être oublié ;
mais il a ofé , même dans des circonftances
délicates, protéger à la Cour des hommes
de Lettres perfécutés , célebres &
malheureux , & leur a obtenu des graces.
Quoiqu'il vecût avec les grands , foit
par néceffité , foit par convenance , foit
par gout , leur fociété n'étoit pas néceffaire
à fon bonheur. Il fuyoit dès qu'il le
pouvoit à fa terre ; il y retrouvoit avec
joie fa philofophie , fes livres & le repos.
Entouré de gens de la campagne dans fes
heures de loifir , après avoir étudié l'homme
dans le commerce du monde & dans
l'hiftoire des nations , il l'étudioit encore
dans ces ames fimples que la nature feule
a inftruites , & il y trouvoit à apprendre ;
il converfoit gayement avec eux ; il leur
cherchoit de l'efprit comme Socrate ; il
paroiffoit fe plaire autant dans leur entretien
que dans les fociétés les plus brillantes
, furtout quand il terminoit leurs différends
, & foulageoit leurs peines par fes
bienfaits.
Rien n'honore plus fa mémoire que
l'économie avec laquelle il vivoit , &
qu'on a ofé trouver exceffive dans un
monde avare & faftueux , peu fait pour
en pénétrer les motifs , & encore moins
NOVEMBRE. 1755. 119
pour les fentir. Bienfaifant , & par conféqnent
jufte, M. de Montesquieu ne vouloit
rien prendre fur fa famille , ni des
fecours qu'il donnoit aux malheureux ,
ni des dépenfes confidérables auxquels fes
longs voyages , la foibleffe de fa vue &
l'impreffion de fes ouvrages l'avoient
obligé . Il a tranfmis à fes enfans , fans
diminution ni augmentation , l'héritage
qu'il avoit reçu de fes peres ; il n'y a rien
ajouté que la gloire de fon nom & l'exemple
de fa vie.
Il avoit époufé en 1715 Demoifelle
Jeanne de Lartigue, fille de Pierre de Lartigue
, Lieutenant Colonel au Régiment
de Maulévrier ; il en a eu deux filles &
un fils , qui par fon caractere , fes moeurs
& fes ouvrages s'eft montré digne d'un
tel pere.
Ĉeux qui aiment la vérité & la patrie,
ne feront pas fâchés de trouver ici quelques
unes de fes maximes : il penfoit ,
Que chaque portion de l'Etat doit être
également foumife aux loix , mais que
les privileges de chaque portion de l'Etat
doivent être respectés , lorfque leurs effets
n'ont rien de contraire au droit naturel
, qui oblige tous les citoyens à concourir
également au bien public ; que la
poffellion ancienne étoit en ce genre le
120 MERCURE DE FRANCE.
premier des titres & le plus inviolable des
droits , qu'il étoit toujours injufte & quel
quefois dangereux de vouloir ébranler ;
Que les Magiftrats , dans quelque circonftance
& pour quelque grand intérêt
de corps que ce puiffe être , ne doivent
jamais être que Magiftrats , fans parti &
fans paffion , comme les Loix , qui abſolvent
& puniffent fans aimer ni hair.
Il difoit enfin à l'occafion des difputes
eccléfiaftiques qui ont tant occupé les Empereurs
& les Chrétiens Grecs , que les
querelles théologiques, lorfqu'elles ceffent
d'être renfermées dans les écoles , deshonorent
infailliblement une nation aux
yeux des autres en effet , le mépris même
des fages pour ces querelles ne la juftifie
pas , parce que les fages faifant partout
le moins de bruit & le plus petit
nombre , ce n'est jamais fur eux qu'une
nation eft jugée .
L'importance des ouvrages dont nous
avons eu à parler dans cet éloge , nous
en a fait paffer fous filence de moins confidérables
, qui fervoient à l'auteur comme
de délaffement , & qui auroient fuffi
l'éloge d'un autre ; le plus remarquable
eft le Temple de Gnide , qui fuivit d'affez
près les Lettres Perfannes. M. de Montefquieu
, après avoir été dans celle- ci Hopour
race ,
NOVEMBRE . 1755. 121
race , Théophrafte & Lucien , fut Ovide
& Anacréon dans ce nouvel effai : ce n'eſt
plus l'amour defpotique de l'Orient qu'il
fe propofe de peindre , c'eft la délicateffe
& la naïveté de l'amour paftoral , tel qu'il
eſt dans une ame neuve, que le commerce
des hommes n'a point encore corrompue.
L'Auteur craignant peut - être qu'un tableau
fi étrangerà nos moeurs ne parût
trop languiffant & trop uniforme , a cherché
à l'animer par les peintures les plus
riantes ; il tranfporte le lecteur dans des
lieux enchantés , dont à la vérité le fpectacle
intéreffe peu l'amant heureux , mais
dont la defcription flatte encore l'imagination
quand les defirs font fatisfaits . Emporté
par fon fujet , il a répandu dans ſa
profe ce ftyle animé , figuré & poétique ,
dont le roman de Thélemaque a fourni
parmi nous le premier modele. Nous ignorons
pourquoi quelques cenfeurs du temple
de Gnide ont dit à cette occaſion , qu'il
auroit eu befoin d'être en vers. Le ſtyle
poétique , fi on entend , comme on le
doit , par ce mot , un ftyle plein de chaleur
& d'images , n'a pas befoin , pour être
agréable , de la marche uniforme & cadencée
de la verfification ; mais fi on ne
fait confifter ce ftyle que dans une diction
chargée d'épithetes oifives , dans les pein
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tures froides & triviales des aîles & du
carquois de l'amour , & de femblables
objets , la verfication n'ajoutera prefqu'aucun
mérite à ces ornemens ufés ; on
y cherchera toujours en vain l'ame & la
vie. Quoiqu'il en foit , le Temple de Gnide
étant une espece de poëme en profe
c'est à nos écrivains les plus célebres en ce
genre à fixer le rang qu'il doit occuper :
il merite de pareils juges ; nous croyons
du moins que les peintures de cet ouvrage
foutiendroient avec fuccès une des
principales épreuves des defcriptions poétiques
, celle de les repréfenter fur la toile.
Mais ce qu'on doit fur- tout remarquer
dans le Temple de Gnide , c'eft qu'Anacréon
même y est toujours obfervateur &
philofophe. Dans le quatrieme chant , il
paroît décrire les moeurs des Sibarites , &
on s'apperçoit aifément que ces moeurs
font les nôtres. La préface porte fur - tout
l'empreinte de l'auteur des Lettres Perfannes.
En préfentant le Temple de Gnide
comme la traduction d'un manufcrit grec ,
plaifanterie défigurée depuis par tant de
mauvais copiſtes , il en prend occafion de
peindre d'un trait de plume l'ineptie des
critiques & le pédantifme des traducteurs,
& finit par ces paroles dignes d'être rapportées
» Si les gens graves defiroient
NOVEMBRE. 1755. 123
33
de moi quelque ouvrage moins frivole ,
je fuis en état de les fatisfaire : il y a
» trente ans que je travaille à un livre de
» douze pages , qui doit contenir tout ce
que nous fçavons fur la Métaphyfique ,
» la Politique & la Morale , & tout ce
que de très grands auteurs ont oublié
» dans les volumes qu'ils ont publiés fur
» ces matieres » .
Nous regardons comme une des plus
honorables récompenfes de notre travail
l'intérêt particulier que M. de Monteſquieu
prenoit à ce dictionnaire , dont toutes
les reffources ont été jufqu'à préfent
dans le courage & l'émulation de fes auteurs
. Tous les gens de Lettres , felon lui,
devoient s'empreffer de concourir à l'exécution
de cette entrepriſe utile ; il en a
donné l'exemple avec M. de Voltaire , &
plufieurs autres écrivains célebres. Peutêtre
les traverfes que cet ouvrage a ef
fuyées , & qui lui rappelloient les fiennes
propres , l'intéreffoient-elles en notre faveur,
Peut-être étoit- il fenfible , fans s'en
appercevoir , à la juftice que nous avions
ofé lui rendre dans le premier volume de
l'Encyclopédie , lorfque perfonne n'ofoit
encore élever fa voix pour le défendre.
Il nous deftinoit un article fur le Goût, qui
a été trouvé imparfait dans fes papiers ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
nous le donnerons en cet état au public ,
& nous le traiterons avec le même refpect
que l'antiquité témoigna autrefois pour
les dernieres paroles de Séneque . La mort
l'a empêché d'étendre plus loin fes bienfaits
à notre égard ; & en joignant nos
propres regrets à ceux de l'Europe entiere ,
nous pourrions écrire fur fon tombeau :
Finis vita cjus nobis luctuofus , Patriæ
triftis , extraneis etiam ignotifque non fine
curâ fuit.
Tacit. in Agricol. c. 43 .
volume de l'Encyclopédie. Qui ſe diſtribue
depuis quelques jours chez Briaffon , David
l'aîné , le Breton , & Durand. Il doit être
d'autant plus intéreffant que M. de Voltaire
y a travaillé les mots , efprit , éloquence
, élégance. Qui pouvoit mieux en
parler ? Le morceau qui paroît à la tête du
même volume , acheve de le rendre précieux
. C'eſt l'éloge de M. de Montesquieu
par M. d'Alembert . On peut dire fans
fadeur que le Panégyrifte eft digne du
héros . Cet éloge nous a paru d'une fi grande
beauté , que nous croyons obliger le
Lecteur de l'inférer ici dans fon entier.
Quant à la note qui fe trouve à la page
huit , comme elle contient elle - feule une
excellente analyſe de l'Efprit des Loix ,
nous avons craint de prodiguer à la fois
tant de richeffes , & par une jufte économie,
nous l'avons réfervée pour en décorer
le premier Mercure de Décembre . Ceux
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
qui n'auront pas le Dictionnaire , feront
charmés de trouver cette piece complette
dans mon Journal , où ils pourront même
la lire plus commodément , puifqu'il eſt
portatif.
Eloge de M. le Préſident de Montefquien.
L'intérêt que les bons citoyens prennent
à l'Encyclopédie, & le grand nombre de
gens de Lettres qui lui confacrent leurs
travaux , femblent nous permettre de la
regarder comme un des monumens les
plus propres à être dépofitaires des fentimens
de la patrie , & des hommages
qu'elle doit aux hommes célebres qui l'ont
honorée . Perfuadés néanmoins que M.
de Montesquieu étoit en droit d'attendre
d'autres Panégyriftes que nous , & que la
douleur publique eût mérité des interpretes
plus éloquens , nous euflions renfermé
au- dedans de nous-mêmes nos juftes
regrets & notre refpect pour fa mémoire ;
mais l'aveu de ce que nous lui devons ,
nous eft trop précieux pour en laiffer le
foin à d'autres. Bienfaicteur de l'humanité
par fes écrits , il a daigné l'être auffi de
cet ouvrage , & notre reconnoiffance ne
veut que tracer quelques lignes au pied de
fa ftatue .
Charles de Secondat , Baron de la Brede
NOVEMBRE. 1755. 79
& de Montesquieu , ancien Préfident à
Mortier au Parlement de Bordeaux , de
l'Académie Françoife, de l'Académie royale
des Sciences & des Belles - Lettres de
Pruffe , & de la Société de Londres , naquit
au Château de la Brede , près de Bordeaux
, le 18 Janvier 1689 , d'une famille
noble de Guyenne. Son trifayeul , Jean de
Secondat , Maître d'Hôtel de Henri II ,
Roi de Navarre , & enfuite de Jeanne ,
fille de ce Roi , qui époufa Antoine de
Bourbon , acquit la terre de Montesquieu
d'une fomme de 10000 livres que cette
Princeffe lui donna par un acte authentique
, en récompenfe de fa probité & de
fes fervices. Henri III , Roi de Navarre ,
depuis Henri IV , Roi de France , érigea
en Baronie la terre de Montefquieu , en
faveur de Jacob de Secondat , fils de Jean ,
d'abord Gentilhomme ordinaire de la
Chambre de ce Prince , & enfuite Meftre
de camp du Régiment de Châtillon.
Jean Gafton de Secondat , fon fecond fils ,
ayant époufé la fille du Premier Préfident
du Parlement de Bordeaux , acquit dans
cette Compagnie une charge de Préfident
à Mortier. Il eut plufieurs enfans , dont
un entra dans le fervice , s'y diftingua ,
& le quitta de fort bonne heure. Ce fut
pere de Charles de Secondat , auteur Le
Div
So MERCURE DE FRANCE.
de l'Efprit des Loix . Ces détails paroîtront
peut- être déplacés à la tête de l'éloge
d'un philofophe dont le nom a fi peu
befoin d'ancêtres ; mais n'envions point
à leur mémoire l'éclat que ce nom répand
fur elle.
Les fuccès de l'enfance préfage quelquefois
fi trompeur , ne le furent point
dans Charles de Secondat : il annonça de
bonne heure ce qu'il devoit être ; & fon
pere donna tous fes foins à cultiver ce génie
naiffant , objet de fon efpérance &
de fa tendreſſe . Dès l'âge de vingt ans , le
jeune Montefquieu préparoit déja les matériaux
de l'Esprit des Loix , par un extrait
raifonné des immenfes volumes qui compofent
le corps du Droit civil ; ainfi autrefois
Newton avoit jetté dès fa premiere
jeuneffe les fondemens des ouvrages qui
l'ont rendu immortel . Cependant l'étude
de la Jurifprudence , quoique moins aride
pour M. de Montefquieu que pour la
plupart de ceux qui s'y livrent , parce qu'il
la cultivoit en philofophe , ne fuffifoit pas
à l'étendue & à l'activité de fon génie ; il
approfondiffoit dans le même temps des
matieres encore plus importantes & plus
délicates , & les difcutoit dans le filence
avec la fageffe , la décence , & l'équité
qu'il a depuis montrées dans fes ouvrages .
NOVEMBRE. 1755 . 81
Un oncle paternel , Préfident à Mortier
au Parlement de Bordeaux , Juge éclairé
& citoyen vertueux , l'oracle de fa compagnie
& de fa province , ayant perdu un
fils unique , & voulant conferver dans fon
Corps l'efprit d'élevation qu'il avoit tâché
d'y répandre , laiffa fes biens & fa charge
à M. de Montefquieu ; il étoit Confeiller
au Parlement de Bordeaux , depuis le 24
Février 1714 , & fut reçu Préſident à
Mortier le 13 Juillet 1716. Quelques années
après , en 1722 , pendant la minorité
du Roi , fa Compagnie le chargea de préfenter
des remontrances à l'occafion d'un
nouvel impôt. Placé entre le thrône & le
peuple , il remplit en fujet refpectueux &
en Magiftrat plein de courage , l'emploi fi
noble & fi peu envié , de faire parvenir
au Souverain le cri des malheureux ; & la
mifere publique repréfentée avec autant
d'habileté que de force , obtint la justice.
qu'elle demandoit . Ce fuccès , il eft vrai ,
par malheur l'Etat bien plus que pour
pour
lui , fut auffi paffager que s'il eût été injufte
; à peine la voix des peuples eût- elle
ceffé de le faire entendre , que l'impôt
fupprimé fut remplacé par un autre ; mais
le citoyen avoit fait fon devoir.
Il fut reçu le 3 Avril 1716 dans l'Académie
de Bordeaux , qui ne faifoit que de
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
naître . Le gout pour la Mufique & pour
les ouvrages de pur agrément , avoit d'abord
raflemblé les membres qui la for
moient. M. de Montefquieu crut avec raifon
que l'ardeur naiffante & les talens de
fes confieres pourroient s'exercer avec encore
plus d'avantage fur les objets de la
Phyfique. Il étoit perfuadé que la nature ,
digne d'être obfervée par -tout , trouvoit
aufli par tout des yeux dignes de la voir ;
qu'au contraire les ouvrages de goût ne
fouffrant point de médiocrité , & la Capitale
étant en ce genre le centre des lumieres
& des fecours , il étoit trop difficile de
rafferobler loin d'elle un affez grand nombre
d'écrivains diftingués ; il regardoit les
Sociétés de bel efprit , fi étrangement multipliées
dans nos provinces , comme une
efpece , ou plutôt comme une ombre de
luxe littéraire qui nuit à l'opulence réelle
fans même en offrir l'apparence . Heureufement
M. le Duc de la Force , par un prix
qu'il venoit de fonder à Bordeaux , avoit
fecondé des vues fi éclairées & fi juftes.
On jugea qu'une expérience bien faite
feront préférable à un difcours foible , ou
à un mauvais poëme ; & Bordeaux eut
une Académie des Sciences .
M. de Montefquieu nullement empreffé
de fe montrer au public , fembloit attenNOVEMBRE.
1755. 83
dre , felon l'expreffion d'un grand génie ,
un âge mur pour écrire ; ce ne fut qu'en
1721 , c'eft -à- dire âgé de trente - deux ans,
qu'il mit au jour les Lettres Perfannes. Le
Siamois des amufemens ferieux & comiques
pouvoit lui en avoir fourni l'idée ; mais
il furpaffa fon modele . La peinture des
moeurs orientales réelles ou fuppofées , de
l'orgueil & du flegme de l'amour aliatique
, n'eft que le moindre objet de ces
Lettres ; elle n'y fert , pour ainfi dire , que
de prétexte à une fatyre fine de nos moeurs,
& à des matieres importantes que l'Auteur
approfondit en paroiffant gliffer fur
elles. Dans cette efpèce de tableau mouvant
, Ufbek expofe fur-tout avec autant
de légereté que d'énergie ce qui a le plus
frappé parmi nous fes yeux pénétrans ;
notre habitude de traiter férieufement les
chofes les plus futiles , & de tourner les
plus importantes en plaifanterie ; nos converfations
fi bruyantes & fi frivoles ; notre
ennui dans le fein du plaifir même ;
nos préjugés & nos actions en contradiction
continuelle avec nos lumieres ; tant
d'amour pour la gloire joint à tant de
refpect pour l'idole de la faveur ; nos
Courtifans fi rampans & fi vains ; notre
politeffe extérieure & notre mépris réel
pour les étrangers , ou notre prédilection
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
affectée pour eux ; la bifarrerie de nos
gouts , qui n'a rien au- deffous d'elle que
l'empreffement de toute l'Europe à les
adopter ; notre dédain barbare pour deux
des plus refpectables occupations d'un citoyen
, le commerce & la magiftrature ;
nos difputes littéraires fi vives & fi inuti
les ; notre fureur d'écrire avant que de
penfer , & de juger avant que de connoître.
A cette peinture vive , mais fans
fiel , il oppofe dans l'apologue des Troglodites
, le tableau d'un peuple vertueux ,
devenu fage par le malheur , morceau
digne du Portique : ailleurs il montre la
philofophie long-tems étouffée , reparoiffant
tout-à- coup , regagnant par les progrès
le tems qu'elle a perdu , pénétrant
jufques chez les Ruffes à la voix d'un génie
qui l'appelle , tandis que chez d'autres
peuples de l'Europe , la fuperftition , femblable
à une atmoſphere épaiffe , empêche
la lumiere qui les environne de toutes
parts d'arriver jufqu'à eux. Enfin , par les
principes qu'il établit fur la nature des
gouvernemens anciens & modernes , il
préfente le germe de ces idées lumineufes
développées depuis par l'Auteur dans fon
grand ouvrage.
Ces différens fujets , privés aujourd'hui
des graces de la nouveauté qu'ils avoient
8
NOVEMBRE. 1755. 85
dans la naiffance des Lettres Perfannes , y
conferveront toujours le mérite du caractere
original qu'on a fçu leur donner ;
mérite d'autant plus réel , qu'il vient ici
du génie feul de l'écrivain , & non du
voile étranger dont il s'eft couvert ; car
Ufbek a pris durant fon féjour en France ,
non feulement une connoiffance fi parfaite
de nos moeurs , mais une fi forte teinture
de nos manieres mêmes , que fon
ftyle fait fouvent oublier fon pays . Ce
léger défaut de vraisemblance peut n'être
fans deffein & fans adreffe : en relevant
nos ridicules & nos vices , il a voulu
fans doute auffi rendre juftice à nos
avantages ; il a fenti toute la fadeur d'un
éloge direct & il s'en eft plus finement
acquitté , en prenant fi fouvent notre ton
pour médire plus agréablement de nous.
pas
Malgré le fuccès de cet ouvrage , M.
de Montefquieu ne s'en étoit point déclaré
ouvertement l'auteur. Peut - être
croyoit- il échapper plus aifément par ce
moyen à la fatyre littéraire , qui épargne
plus volontiers les écrits anonymes , parce
que c'est toujours la perfonne & non l'ouvrage
qui eft le but de fes traits ; peut- être
craignoit- il d'être attaqué fur le prétendu
contrafte des Lettres Perfannes avec l'auférité
de fa place ; efpece de reproche ,
86 MERCURE DE FRANCE.
difoit il , que les critiques ne manquent
jamais, parce qu'il ne demande aucun effort
d'efprit. Mais fon fecret étoit découvert ,
& déja le public le montroit à l'Académie
Françoife. L'événement fit voir combien
le filence de M. de Montefquieu avoit été
fage . Ufbek s'exprime quelquefois affez
librement , non fur le fonds du Chriftianiſme
, mais fur des matieres que trop de
perfonnes affectent de confondre avec le
Chriftianifme même , fur l'efprit de
perfécution
dont tant de Chrétiens ont été
animés ; fur les ufurpations temporelles
de la puiffance eccléfiaftique ; fur la multiplication
exceffive des monafteres , qui
enleve des fujets à l'Etat , fans donner à
Dieu des adorateurs ; fur quelques opinions
qu'on a vainement tenté d'ériger
en dogmes ; fur nos difputes de religion ,
toujours violentes , & fouvent funeftes.
S'il paroît toucher ailleurs à des questions
plus délicates , & qui intéreffent de plus
près la religion chrétienne , fes réflexions
appréciées avec juftice , font en effet trèsfavorables
à la révélation , puifqu'il fe
borne à montrer combien la raifon humaine
, abandonnée à elle-même , eft peu
éclairée fur ces objets. Enfin , parmi les
véritables lettres de M. de Montefquieu ,
l'Imprimeur étranger en avoit inféré quel
NOVEMBRE. 1755. 87
ques -unes d'une autre main , & il eût
fallu du moins , avant que de condamner
l'auteur , démêler ce qui lui appartenoit
en propre. Sans égard à ces confidérations
, d'un côté la haine fous le rom
de zéle , de l'autre le zéle fans difcernement
ou fans lumieres , fe fouleverent &
fe réunirent contre les Lettres Perfannes.
Des délateurs , efpece d'hommes dangereufe
& lâche , que même dans un gouvernement
fage on a quelquefois le malheur
d'écouter , allarmerent par un extrait
infidele la piété du miniftere. M. de Montefquieu
, par le confeil de fes amis , foutenu
de la voix publique , s'étant préſenté
pour la place de l'Académie Françoiſe vacante
par la mort de M. de Sacy , le Miniftre
écrivit à cette Compagnie qué S. M.
ne donneroit jamais fon agrément à l'auteur
des Lettres Perfannes ; qu'il n'avoit
point lu ce livre , mais que des perfonnes
en qui il avoit confiance , lui en avoient
fait connoître le poifon & le danger . M.
de Montefquieu fentit le coup qu'une pareille
accufation pouvoit porter à fa perfonne
, à la famille , à la tranquillité de
fa vie. Il n'attachoit pas affez de prix aux
honneurs littéraires , ni pour les rechercher
avec avidité , ni pour affecter de les
dédaigner quand ils fe préfentoient à lui ,
88 MERCURE DE FRANCE.
:
ni enfin pour en regarder la fimple privation
comme un malheur ; mais l'exclufion
perpétuelle , & fur - tout les motifs de
l'exclufion lui paroiffoient une injure. Il vit
le Miniftre , lui déclara que par des raifons
particulieres il n'avouoit point les
Lettres Perfannes , mais qu'il étoit encore
plus éloigné de defavouer un ouvrage
dont il croyoit n'avoir point à rougir , &
qu'il devoit être jugé d'après une lecture ,
& non fur une délation le Miniftre prit
enfin le parti par où il auroit dû commencer
; il lut le livre , aima l'Auteur , & apprit
à mieux placer fa confiance ; l'Académie
Françoife ne fut point privée d'un de
fes plus beaux ornemens , & la France eut
le bonheur de conferver un fujet que la fuperftition
ou la calomnie étoient prêtes à
lui faire perdre : car M. de Montefquieu
avoit déclaré au Gouvernement qu'après
l'efpece d'outrage qu'on alloit lui faire ,
il iroit chercher chez les étrangers qui lui
tendoient les bras , la fureté , le repos , &
peut-être les recompenfes qu'il auroit dû
efperer dans fon pays. La nation eût déploré
cette perte , & la honte en fut pourtant
retombée fur elle.
Feu M. le Maréchal d'Eftrées , alors Directeur
de l'Académie Françoife , fe conduifit
dans cette circonftance en courtiſan
NOVEMBRE . 1755 . 89
vertueux , & d'une ame vraiment élevée ;
il ne craignit ni d'abufer de fon crédit ni
de le compromettre ; il foutint fon ami &
juftifia Socrate. Ce trait de courage fi précieux
aux Lettres , fi digne d'avoir aujourd'hui
des imitateurs , & fi honorable à
la mémoire de M. le Maréchal d'Eftrées ,
n'auroit pas dû être oublié dans fon éloge.
M. de Montefquieu fut reçu le 24 Janvier
1728. Son difcours eft un des meilleurs
qu'on ait prononcés dans une pareille
occafion ; le mérite en eft d'autant
plus grand , que les Récipiendaires gênés
jufqu'alors par ces formules & ces éloges
d'ufage auxquels une efpece de prefcription
les affujettit , n'avoient encore ofé
franchir ce cercle pour traiter d'autres fujets
, ou n'avoient point penfé du moins à
les y renfermer ; dans cet état même de
contrainte il eut l'avantage de réuffir . Entre
plufieurs traits dont brille fon difcours ,
on reconnoîtroit l'écrivain qui penſe , au
feul portrait du Cardinal de Richelieu
qui apprit à la France le fecret de fes forces ,
& à l'Espagne celui de fa foibleffe , qui ôta
à l'Allemagne fes chaînes , & lui en donna
de nouvelles. Il faut admirer M. de Montefquieu
d'avoir fçu vaincre la difficulté
de fon fujet, & pardonner à ceux qui n'ont
pas eu le même fuccès .
›
90 MERCURE DE FRANCE.
Le nouvel Académicien étoit d'autant
plus digne de ce titre , qu'il avoit peu de
tems auparavant renoncé à tout autre travail
, pour fe livrer entierement à fon
génie & à fon goût . Quelque importante
que fût la place qu'il occupoit , avec quelques
lumieres & quelque intégrité qu'il
en eût rempli les devoirs , il fentoit qu'il
y avoit des objets plus dignes d'occuper
fes talens ; qu'un citoyen eft redevable à
fa nation & à l'humanité de tout le bien
qu'il peut leur faire ; & qu'il feroit plus
utile à l'une & à l'autre , en les éclairant
par fes écrits , qu'il ne pouvoit l'être en
difcutant quelques conteftations particulieres
dans l'obfcurité . Toutes ces réflexions
le déterminerent à vendre fa charge
; il ceffa d'être Magiftrat , & ne fut plus
qu'homme de Lettres .
Mais pour fe rendre utile par fes ouvra
ges aux différentes nations , il étoit néceffaire
qu'il les connût ; ce fut dans cette
vue qu'il entreprit de voyager. Son but
étoit d'examiner partout le phyfique & le
moral , d'étudier les loix & la conftitution
de chaque pays , de vifiter les fçavans , les
écrivains , les artiftes célebres , de chercher
fur- tout ces hommes rares & finguliers
dont le commerce fupplée quelquefois à
plufieurs années d'obfervations & de féNOVEMBRE.
1755. 91
jour. M. de Montefquieu eût pu dire comme
Démocrite. Je n'ai rien oublié pour
» m'inftruire ; j'ai quitté mon pays , & parcouru
l'univers pour mieux connoître
» la vérité : j'ai vu tous les perfonnages
» illuftres de mon tems ; mais il y eût
cette différence entre le Démocrite François
& celui d'Abdere , que le premier
voyageoit pour inftruire les hommes , &
le fecond pour s'en moquer,
Il alla d'abord à Vienne , où il vit fouvent
le célebre Prince Eugene ; ce Héros
fi funefte à la France ( à laquelle il auroit
pû être fi utile ) , après avoir balancé la
fortune de Louis XIV. & humilié la fierté
Ottomane , vivoit fans fafte durant la paix,
aimant & cultivant les Lettres dans une
Cour où elles font peu en honneur , &
donnant à ſes maîtres l'exemple de les protéger.
M. de Montefquieu crut entrevoir
dans fes difcours quelques reftes d'intérêt
pour fon ancienne patrie ; le Prince Eugene
en laiffoit voir furtout , autant que le
peut faire un ennemi , für les fuites funeftes
de cette divifion inteftine qui trouble
depuis fi longtems l'Eglife de France :
l'Homme d'Etat en prévoyoit la durée &
les effets , & les prédit au Philofophe.
M. de Montefquieu partit de Vienne
pour voir la Hongrie , contrée opulente &
92 MERCURE DE FRANCE.
fertile, habitée par une nation fiere & généreufe
, le fléau de fes Tyrans & l'appui de
fes Souverains. Comme peu de perfonnes
connoiffent bien ce pays , il a écrit avec
foin cette partie de fes voyages.
D'Allemagne , il paffa en Italie ; il vit à
Venife le fameux Law , à qui il ne reftoit
de fa grandeur paffée que des projets heureufement
deftinés à mourir dans fa tête ,
& un diamant qu'il engageoit pour jouer
aux jeux de hafard . Un jour la converfation
rouloit fur le fameux fyftème que Law
avoit inventé ; époque de tant de malheurs
& de fortunes , & furtout d'une dépravation
remarquable dans nos moeurs . Comme
le Parlement de Paris , dépofitaire immédiat
des Loix dans les tems de minorité ,
avoit fait éprouver au Miniftre Ecoffois
quelque réfiftance dans cette occafion
M. de Montefquieu lui demanda pourquoi
on n'avoit pas effayé de vaincre cette réfiftance
par un moyen prefque toujours infaillible
en Angleterre , par le grand mobile
des actions des hommes , en un mot
par l'argent : Ce ne font pas , répondit Law,
desgénies auffi ardens & auf dangereux que
mes compatriotes , mais ils font beaucoup plus
incorruptibles. Nous ajouterons fans aucun
préjugé de vanité nationale , qu'un Corps
libre pour quelques inftans , doit mieux
NOVEMBRE. 1755. 93
résister à la corruption que celui qui l'eft
toujours ; le premier , en vendant fa liberté,
la perd ; le fecond ne fait , pour ainfi
dire , que la prêter , & l'exerce même en
l'engageant ; ainfi les circonftances & la
nature du Gouvernement font les vices &
les vertus des Nations.
Un autre perfonnage non moins fameux
que M. de Montefquieu vit encore plus .
fouvent à Venife , fut le Comte de Bonneval
. Cet homme fi connu par fes aventures
, qui n'étoient pas encore à leur terme,
& flatté de converfer avec un juge digne
de l'entendre , lui faifoit avec plaifir le détail
fingulier de fa vie , le récit des actions.
militaires où il s'étoit trouvé , le portrait
des Généraux & des Miniftres qu'il avoit
connus . M. de Montefquieu fe rappelloit,
fouvent ces converfations & en racontoit
différens traits à fes amis.
Il alla de Venife à Rome : dans cette ancienne
Capitale du monde , qui l'eft encore
à certains égards , il s'appliqua furtour
à examiner ce qui la diftingue aujourd'hui
le plus , les ouvrages des Raphaëls ,
des Titiens , & des Michel- Anges : il n'avoit
point fait une étude particuliere des
beaux arts ; mais l'expreffion dont brillent
les chef-d'oeuvres en ce genre , faifit infailliblement
tout homme de génie . Accoutu94
MERCURE DE FRANCE.
mé à étudier la nature , il la reconnoît
quand elle eft imitée , comme un portrait
reffemblant frappe tous ceux à qui l'original
eft familier : malheur aux productions
de l'art dont toute la beauté n'eſt que
pour les Artiſtes.
Après avoir parcouru l'Italie , M. de
Montefquieu vint en Suiffe ; il examina
foigneufement les vaſtes pays arrofés par
le Rhin ; & il ne lui refta plus rien à voir
en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas
encore. Il s'arrêta enfuite quelque tems
dans les Provinces-Unies , monument admirable
de ce que peut l'induftrie humaine
animée par l'amour de la liberté. Enfin il
fe rendit en Angleterre où il demeura deux
ans : digne de voir & d'entretenir les plus
grands hommes , il n'eut à regretter que
de n'avoir pas fait plutôt ce voyage : Locke
& Newton étoient morts. Mais il eut fouvent
l'honneur de faire fa cour à leur protectrice
, la célebre Reine d'Angleterre ,
qui cultivoit la Philofophie fur le thrône ,
& qui goûta , comme elle devoit , M. de
Montefquieu. Il ne fut pas moins accueilli
par la Nation , qui n'avoit pas befoin fur
cela de prendre le ton de fes maîtres . Il
forma à Londres des liaifons intimes avec
des hommes exercés à méditer , & à ſe préparer
aux grandes chofes par des études
NOVEMBRE. 1755. 95
profondes ; il s'inftruifit avec eux de la nature
du Gouvernement , & parvint à le
bien connoître. Nous parlons ici d'après
les témoignages publics que lui en ont rendu
les Anglois eux-mêmes , fi jaloux de
nos avantages , & fi peu difpofés à reconnoître
en nous aucune fupériorité.
Comme il n'avoit rien examiné ni avec
la prévention d'un enthouſiaſte , ni avec
l'austérité d'un Cynique , il n'avoit rapporté
de les voyages ni un dédain outrageant
pour les étrangers , ni un mépris
encore plus déplacé pour fon propre pays.
Il réfultoit de fes obfervations que l'Allemagne
étoit faite pour y voyager , l'Italie
pour y féjourner , l'Angleterre pour y penfer
, & la France pour y vivre.
De retour enfin dans fa Patrie , M de
Montefquieu fe retira pendant deux ans à
fa terre de la Brede : il y jouit en paix de
cette folitude que le fpectacle & le tumulte
du monde fert à rendre plus agréable ;
il vécut avec lui-même , après en être forti
fi long-tems ; & ce qui nous intéreſſe le
plus , il mit la derniere main à fon ouvrage
fur la caufe de la grandeur & de la déca
dence des Romains , qui parut en 1734.
Les Empires , ainfi que les hommes
doivent croître , dépérir & s'éteindre ; mais
cette révolution néceffaire a fouvent des
96 MERCURE DE FRANCE.
caufes cachées que la nuit des tems nous
dérobe , & que le myftere où leur petiteffe
apparente a même quelquefois voilées aux
yeux des contemporains ; rien ne reſſemble
plus fur ce point à l'Hiftoire moderne
que l'Hiftoire ancienne. Celle des Romains
mérite néanmoins à cet égard quelque exception
; elle préfente une politique raifonnée
, un fyftème fuivi d'aggrandiffement
, qui ne permet pas d'attribuer la
fortune de ce peuple à des refforts obfcurs
& fubalternes. Les caufes de la grandeur
Romaine fe trouvent donc dans l'Hiftoire ,
& c'eft au Philofophe à les y découvrir.
D'ailleurs il n'en eft pas des fyftêmes dans
cette étude comme dans celle de la Phyfique
; ceux-ci font prefque toujours précipités
, parce qu'une obfervation nouvelle
& imprévue peut les renverfer en un inftant
; au contraire , quand on recueille
avec foin les faits que nous tranfmet l'Hif
toire ancienne d'un pays , fi on ne raffemble
pas toujours tous les matériaux qu'on
peut défirer , on ne fçauroit du moins ef
pérer d'en avoir un jour davantage . L'étude
réfléchie de l'Hiftoire , étude fi importante
& fi difficile , confifte à combiner
de la maniere la plus parfaite , ces matériaux
défectueux : tel feroit le métire d'un
Architecte , qui , fur des ruines fçavantes ,
traceroit ,
NOVEMBRE. 1755 . 97
traceroit , de la maniere la plus vraiſemblable
, le plan d'un édifice antique , en
fuppléant , par le génie & par d'heureuſes
conjectures , à des reftes informes & tronqués.
C'eſt fous ce point de vue qu'il faut envifager
l'ouvrage de M. de Montefquieu :
il trouve les caufes de la grandeur des Romains
dans l'amour de la liberté , du travail
& de la patrie , qu'on leur infpiroit
dès l'enfance ; dans la févérité de la difcipline
militaire ; dans ces diffenfions intef
tines qui donnoient du reffort aux efprits ,
& qui ceffoient tout -à coup à la vue de
l'ennemi ; dans cette conftance après le
malheur qui ne défefpéroit jamais de la
république dans le principe où ils furent
toujours de ne faire jamais la paix qu'après
des victoires ; dans l'honneur du triomphe,
fujet d'émulation pour les Généraux ; dans
la protection qu'ils accordoient aux peuples
révoltés contre leurs Rois ; dans l'excellente
politique de laiffer aux vaincus leurs
Dieux & leurs coutumes ; dans celle de
n'avoir jamais deux puiffans ennemis fur
les bras , & de tout fouffrir de l'un juſqu'à
ce qu'ils euffent anéanti l'autre . Il trouve les
caufes de leur décadence dans l'agrandiffement
même de l'Etat , qui changea en
guerres civiles les tumultes populaires ;
E
98 MERCURE DE FRANCE.
dans les guerres éloignées qui forçant les
citoyens à une trop longue abfence , leur
faifoient perdre infenfiblement l'efprit républicain
; dans le droit de Bourgeoifie
accordé à tant de Nations , & qui ne fit
plus du peuple Romain qu'une espece de
monftre à plufieurs têtes ; dans la corrup
tion introduite par le luxe de l'Afie ; dans
les profcriptions de Sylla qui avilirent l'efprit
de la Nation , & la préparerent à l'eſclavage
; dans la néceflité où les Romains
fe trouverent de fouffrir des maîtres , lorfque
leur liberté leur fut devenue à charge ;
dans l'obligation où ils furent de changer
de maximes , en changeant de gouvernement
; dans cette fuite de monftres qui
régnerent , prefque fans interruption , depuis
Tibere jufqu'à Nerva , & depuis Commode
jufqu'à Conftantin ; enfin , dans la
tranflation & le partage de l'Empire , qui
périt d'abord en Occident par la puiffance
des Barbares , & qui après avoir langui plufieurs
ficcles en Orient fous des Empereurs
imbéciles ou féroces , s'anéantit infenfiblement
comme ces fleuves qui difparoiffent
dans des fables.
Un affez petit volume a fuffi à M. de
Montefquieu pour développer un tableau
fi intérellant & fi vafte. Comme l'Auteur
ne s'appefantit point fur les détails , & ne
NOVEMBRE. 1755. 92
faifit que les branches fécondes de fon
ſujet , il a ſçu renfermer en très - peu d'efpace
un grand nombre d'objets diftinctement
apperçus & rapidement préfentés fans
fatigue pour le Lecteur ; en laiffant beaucoup
voir , il laifle encore plus à penſer ,
& il auroit pu intituler fon Livre , Hiftoire
Romaine à l'ufage des Hommes d'Etat & des
Philofophes.
Quelque réputation que M. de Montefquieu
fe fût acquife par ce dernier ouvrage
& par ceux qui l'avoient précédé , il
n'avoit fait que fe frayer le chemin à une
plus grande entreprife , à celle qui doit
immortalifer fon nom & le rendre refpectable
aux fiecles futurs. Il en avoit dès
longtems formé le deffein , il en médita
pendant vingt ans l'exécution ; ou , pour
parler plus exactement , toute fa vie en
avoit été la méditation continuelle . D'abord
il s'étoit fait en quelque façon étranger
dans fon propre pays , afin de le mieux
connoître ; il avoit enfuite parcouru toute
l'Europe , & profondément étudié les différens
peuples qui l'habitent . L'Ifle fameufe
qui fe glorifie tant de fes loix , &
qui en profite fi mal , avoit été pour lui
dans ce long voyage , ce que l'ifle de Crete
fut autrefois pour Lycurgue , une école
où il avoit fçu s'inftruire fans tout approu-
E ij
100
MERCURE DE
FRANCE.
ver ; enfin , il avoit , fi on peut parler ainfi ,
interrogé & jugé les nations & les hommes
célebres qui
n'exiftent plus aujour
d'hui que dans les annales du monde. Ce
fut ainfi qu'il s'éleva par dégrés au plus
beau titre qu'un fage puiffe mériter , celui
de Légiflateur des Nations .
S'il étoit animé par
l'importance de la
matiere , il étoit effrayé en même tems par
fon
étendue il
l'abandonna , & y revint
:
à plufieurs repriſes ; il fentit plus d'une fois,
comme il l'avoue lui- même , tomber les
mains
paternelles .
Encouragé enfin
amis , il ramaffa toutes fes forces , & donfes
par
na l'Esprit des Loix.
Dans cet important ouvrage , M. de
Montefquieu , fans
s'appefantir , à l'exemple
de ceux qui l'ont précédé , fur des difcuffions
métaphyfiques relatives à l'hom
me fuppofé dans un état
d'abſtraction ,
fans fe borner , comme d'autres , à confidérer
certains peuples dans quelques relations
ou
circonftances
particulieres , envifage
les habitans de l'univers dans l'état réel
où ils font , & dans tous les rapports qu'ils
peuvent avoir entr'eux. La plupart des
autres Ecrivains en ce genre font prefque
toujours ou de fimples Moraliftes , ou de
fimples
Jurifconfultes , ou même quelquefois
de fimples
Théologiens;pour lui, l'hom
NOVEMBRE. 1755 . ΙΟΥ
perme
de tous les Pays & de toutes les Nations,
il s'occupe moins de ce que le devoir exige
de nous , que des moyens par lefquels on
peut nous obliger de le remplir , de la
fection métaphyfique des loix , que de celle
dont la nature humaine les rend fufceptibles
, des loix qu'on a faites que de celles
qu'on a dû faire , des loix d'un peuple particulier
que de celles de tous les peuples,
Ainfi en fe comparant lui -mêine à ceux
qui ont couru avant lui cette grande &
noble carriere , il a pu dire comme le Correge
, quand il eut vu les ouvrages de fes
rivaux , & moi auffi je fuis Peintre.
Rempli & pénétré de fon objet , l'Auteur
de l'Efprit des Loix y embraſſe un fi
grand nombre de matieres , & les traite
avec tant de brieveté & de profondeur ,
qu'une lecture affidue & méditée peut feule
faire fentir le mérite ce livre . Elle fervira
fur- tout , nous ofons le dire , à faire difparoître
le prétendu défaut de méthode
dont quelques lecteurs ont accufé M. de
Montefquieu ; avantage qu'ils n'auroient
pas dû le taxer légerement d'avoir négligé
dans une matiere philofophique & dans
un ouvrage de vingt années . Il faut diftinguer
le défordre réel de celui qui n'eft
qu'apparent. Le défordre eft réel , quand
l'analogie & la fuite des idées n'eft point
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
obfervée ; quand les conclufions font érigées
en principes , ou les précedent ; quand
le lecteur , après des détours fans nombre ,
fe retrouve au point d'où il eft parti . Le
defordre n'eft qu'apparent , quand l'Auteur
mettant à leur véritable place les idées dont
il fait ufage , laiffe à fuppléer aux lecteurs
les idées intermédiaires : & c'eſt ainfi que
M. de Montefquieu a cru pouvoir & devoir
en ufer dans un livre deſtiné à des
hommes qui penfent , dont le génie doit
fuppléer à des omiffions volontaires & raifonnées
.
L'ordre qui fe fait appercevoir dans les
grandes parties de l'Efprit des Loix , ne
regne pas moins dans les détails : nous
croyons que plus on approfondira l'ouvrage
, plus on en fera convaincu . Fidele à
fes divifions générales , l'Auteur rapporte
à chacune les objets qui lui appartiennent
exclufivement ; & à l'égard de ceux qui
par différentes branches appartiennent à
plufieurs divifions à la fois , il a placé fous
chaque divifion la branche qui lui appartient
en propre ; par- là on apperçoit ailément
& fans confufion , l'influence que
les différentes parties du fujet ont les unes
fur les autres , comme dans un arbre qu
fyftême bien entendu des connoiffances
humaines , on peut voir le rapport mutuel
NOVEMBRE. 1755. 103
des Sciences & des Arts. Cette comparaifon
d'ailleurs eft d'autant plus jufte , qu'il
en eft du plan qu'on peut fe faire dans
l'examen philofophique des Loix , comme
de l'ordre qu'on peut obferver dans un
arbre Encyclopédique des Sciences : il y
reftera toujours de l'arbitraire ; & tout ce
qu'on peut exiger de l'Auteur , c'eſt qu'il
fuive fans détour & fans écart le fyfteme
qu'il s'eft une fois formé.
Nous dirons de l'obfcurité qu'on peut
fe permetrre dans un tel ouvrage , la même
chofe que du défaut d'ordre ; ce qui feroit
obfcur pour les lecteurs vulgaires , ne l'eft
pas pour ceux que l'Auteur a eu en vue.
D'ailleurs l'obfcurité volontaire n'en eft
point une M. de Montefquieu ayant à
préfenter quelquefois des vérités impor
tantes , dont l'énoncé abfolu & direct auroit
pu
bleffer fans fruit , a eu la prudence
louable de les envelopper , & par cet innocent
artifice , les a voilées à ceux à qui
elles feroient nuifibles , fans qu'elles fuffent
perdues pour les fages.
Parmi les ouvrages qui lui ont fourni
des fecours , & quelquefois des vues pour
le fien , on voit qu'il a furtout profité des
deux hiftoriens qui ont penfé le plus ,
Tacite & Plutarque ; mais quoiqu'un Philofophe
qui a fait ces deux lectures , foit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
difpenfé de beaucoup d'autres , il n'avoit
pas cru devoir en ce genre rien négliger ni
dédaigner de ce qui pouvoit être utile à
fon objet . La lecture que fuppofe l'Espric
des Loix , eft immenſe ; & l'ufage raiſonné
que l'Auteur a fait de cette multitude pro
digieufe de matériaux , paroîtra encore
plus furprenant , quand on fçaura qu'il
étoit prefqu'entierement privé de la vue ,
& obligé d'avoir recours à des yeux étrangers.
Cette vafte lecture contribue nonfeulement
à l'utilité , mais à l'agrément de
l'ouvrage fans déroger à la majefté de fon
fujet. M. de Montefquieu fçait en tempérer
l'austérité , & procurer aux lecteurs
des momens de repos , foit par des faits
finguliers & peu connus , foit par des allufions
délicates , foit par ces coups de pinceau
énergiques & brillans , qui peignent
d'un feul trait les peuples & les hommes .
Enfin , car nous ne voulons pas jouer ici
le rôle des Commentateurs d'Homere , il
y a fans doute des fautes dans l'efprit des
Loix , comme il y en a dans tout ouvrage
de génie , dont l'Auteur a le premier ofé
fe frayer des routes nouvelles. M. de Montefquieu
a été parmi nous , pour l'étude
des loix , ce que Defcartes a été pour la
Philofophie ; il éclaire fouvent , & fe trompe
quelquefois , & en fe trompant même ,
NOVEMBRE. 1755. 105
il inftruit ceux qui fçavent lire. La pouvelle
édition qu'on prépare , montrera par
les additions & corrections qu'il y a faites,
que s'il eft tombé de tems en tems , il a
fçu le reconnoître & fe relever ; par- là , il
acquerra du moins le droit à un nouvel
examen , dans les endroits où il n'aura pas
été de l'avis de fes cenfeurs ; peut- être
même ce qu'il aura jugé le plus digne de
correction , leur a - t-il abfolument échappé
, tant l'envie de nuire eft ordinairement
aveugle.
Mais ce qui eft à la portée de tout le
monde dans l'Eſprit des Loix , ce qui doit
rendre l'Auteur cher à toutes les Nations ,
ce qui ferviroit même à couvrir des fautes
plus grandes que les fiennes , c'eft l'efprit
de citoyen qui l'a dicté. L'amour du bien
public , le defir de voir les hommes heureux
s'y montrent de toutes parts ; & n'eûtil
que ce mérite fi rare & fi précieux , il
feroit digne par cet endroit feul , d'être
la lecture des peuples & des Rois . Nous
voyons déja , par une heureuſe expérience,
que les fruits de cet ouvrage ne fe bornent
pas dans fes lecteurs à des fentimens ſtériles.
Quoique M. de Montefquieu ait peu
furvécu à la publication de l'Efprit des
Loix , il a eu la fatisfaction d'entrevoir
les effets qu'il commence à produire parmi
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
nous ; l'amour naturel des François pour
leur patrie , tourné vers fon véritable objet
; ce goût pour le Commerce , pour l'Agriculture
, & pour les Arts utiles , qui
fe répand infenfiblement dans notre Nation
; cette lumiere générale fur les principes
du gouvernement , qui rend les peuples
plus attachés à ce qu'ils doivent aimer .
Ceux qui ont fi indécemment attaqué cet
ouvrage , lui doivent peut-être plus qu'ils
ne s'imaginent l'ingratitude , au refte ,
eft le moindre reproche qu'on ait à leur
faire. Ce n'eft pas fans regret , & fans
honte pour notre fiecle , que nous allons
les dévoiler ; mais cette hiftoire importe
trop à la gloire de M. de Montefquieu , &
à l'avantage de la Philofophie , pour être
paffée fous filence. Puiffe l'opprobre qui
couvre enfin fes ennemis , leur devenir
falutaire !
A peine l'Efprit des Loix parut- il , qu'il
fut recherché avec empreffement , fur la
réputation de l'Auteur ; mais quoique
M. de Montesquieu eût écrit pour le bien
du peuple , il ne devoit pas avoir le peuple
pour juge ; la profondeur de l'objet
étoit une fuite de fon importance même.
Cependant les traits qui étoient répandus
dans l'ouvrage , & qui auroient été déplacés
s'ils n'étoient pas nés du fond du fuNOVEMBRE.
1755. 107
jet , perfuaderent à trop de perfonnes qu'il
étoit écrit pour elles : on cherchoit un
Livre agréable , & on ne trouvoit qu'un
Livre utile , dont on ne pouvoit d'ailleurs
fans quelque attention faifir l'enſemble &
les détails. On traita légerement l'Esprit
des Loix ; le titre même fut un fujet de
plaifanterie enfin l'un des plus beaux
monumens littéraires qui foient fortis de
notre Nation, fut regardé d'abord par elle
avec affez d'indifférence. Il fallut que les
véritables juges euffent eu le tems de lire :
bientôt ils ramenerent la multitude toujours
prompte à changer d'avis ; la partie
du Public qui enfeigne , dicta à la partie
qui écoute ce qu'elle devoit penfer & dire ;
& le fuffrage des hommes éclairés , joint
aux échos qui le répéterent , ne forma plus
qu'une voix dans toute l'Europe.
Ce fut alors que les ennemis publics &
fecrets des Lettres & de la Philofophie ( car
elles en ont de ces deux efpeces ) réunirent
leurs traits contre l'ouvrage. De-là cette
foule de brochures qui lui furent lancées
de toutes parts , & que nous ne tirerons
pas de l'oubli où elles font déja plongées.
Sisleurs auteurs n'avoient pas pris de bonnes
mefures pour être inconnus à la poftérité
, elle croiroit que l'Efprit des Loix a
été écrit au milieu d'un peuple de barbares.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
M. de Montefquieu méprifa fans peine
les Critiques ténébreufes de ces auteurs
fans talent , qui foit par une jaloufie qu'ils
n'ont pas droit d'avoir , foit pour fatisfaire
la malignité du Public qui aime la fatyre
& la méprife , outragent ce qu'ils ne peuvent
atteindre ; & plus odieux par le mal
qu'ils veulent faire , que
redoutables par
celui qu'ils font , ne réuffiffent pas même
dans un genre d'écrire que fa facilité &
fon objet rendent également vil. Il mettoit
les ouvrages de cette efpece fur la
même ligne que ces Nouvelles hebdomadaires
de l'Europe , dont les éloges font
fans autorité & les traits fans effet , que
des Lecteurs oififs parcourent fans y ajouter
foi , & dans lefquelles les Souverains.
font infultés fans le fçavoir , ou fans daigner
fe venger. IIll nnee ffuutt pas auffi indifférent
fur les principes d'irréligion qu'on
l'accufa d'avoir femé dans l'Eſprit des Loix .
En méprifant de pareils reproches , il auroit
cru les mériter , & l'importance de
l'objet lui ferma les yeux fur la valeur de
fes adverfaires. Ces hommes également
dépourvus de zele & également empreffés
d'en faire paroître , également effrayés de
la lumiere que les Lettres répandent , non
au préjudice de la Religion , mais à leur
défavantage , avoient pris différentes forNOVEMBRE.
1755. 109
mes pour lui porter atteinte. Les uns , par
unftratagême auffi puérile que pufillanime,
s'étoient écrit à eux- mêmes ; les autres ,
après l'avoir déchiré fous le mafque de
P'Anonyme , s'étoient enfuite déchirés entr'eux
à fon occafion . M. de Montesquieu,
quoique jaloux de les confondre , ne jugea
pas à propos de perdre un tems précieux à
les combattre les uns après les autres : il fe
contenta de faire un exemple fut celui qui
s'étoit le plus fignalé par fes excès.
par
C'étoit l'auteur d'une feuille anonyme
& périodique , qui croit avoir fuccédé à
Pafcal , parce qu'il a fuccédé à fes opinions;
panégyrifte d'ouvrages que perfonne ne
lit , & apologiſte de miracles que l'autorité
féculiere a fait ceffer dès qu'elle l'a
voulu ; qui appelle impiété & fcandale le
peu
d'intérêt que les gens de Lettres prennent
à fes querelles , & s'eft aliéné ,
une adreffe digne de lui , la partie de la
Nation qu'il avoit le plus d'intérêt de ménager.
Les coups de ce redoutable athlete
furent dignes des vues qui l'infpirerent ; il
accufa M. de Montefquieu & de Spinoffme
& de Déifine ( deux imputations incompatibles
) ; d'avoir fuivi le ſyſtème de
Pope ( dont il n'y avoit pas un mot dans
l'ouvrage ) ; d'avoir cité Plutarque qui n'eft
pas un Auteur Chrétiens de n'avoir point
110 MERCURE DE FRANCE.
parlé du péché originel & de la Grace , Il
prétendit enfin que l'Efprit des Loix étoit
une production de la Conftitution Unigenitus;
idée qu'on nous foupçonnera peut-être
de prêter par dérifion au critique. Ceux
qui ont connu M. de Montefquieu , l'ouvrage
de Clément XI & le fien , peuvent
juger par cette accufation de toutes les
autres.
Le malheur de cet écrivain dut bien le
décourager : il vouloit perdre un fage par
l'endroit le plus fenfible à tout citoyen , il
ne fit que lui procurer une nouvelle gloire
comme homme de Lettres ; la Défense de
l'Esprit des Loix parut. Cet ouvrage , par
la modération , la vérité , la fineffe de
plaifanterie qui y regnent , doit être regardé
comme un modele en ce genre. M.
de Montefquieu , chargé par fon adverfaire
d'imputations atroces , pouvoit le
rendrejodieux fans peine ; il fit mieux , il
le rendit ridicule . S'il faut tenir compte à
l'agreffeur d'un bien qu'il a fait fans le
vouloir , nous lui devons une éternelle
reconnoiffance de nous avoir procuré ce
chef-d'oeuvre : Mais ce qui ajoute encore
au mérite de ce morceau précieux , c'eſt
que l'auteur s'y eft peint lui- même fans y
penfer ; ceux qui l'ont connu , croyent
Î'entendre , & la poſtérité s'affurera , en
NOVEMBRE. 1755 111
lifant fa Défenfe , que fa converfation n'étoit
pas inférieure à fes écrits ; éloge que
bien peu de grands hommes ont mérité.
Une autre circonftance lui affure pleinement
l'avantage dans cette difpute : le
critique qui , pour preuve de fon attachement
à la religion , en déchire les Miniftres
, accufoit hautement le Clergé de
France , & fur-tout la Faculté de Théolo
gie , d'indifférence pour la caufe de Dieu ,
en ce qu'ils ne profcrivoient pas authentiquement
un fi pernicieux ouvrage . La Faculté
étoit en droit de méprifer le repro
che d'un écrivain fans aveu ; mais il s'agif
foit de la religion ; une délicateffe louable
lui a fait prendre le parti d'examiner l'Ef
prit des Loix. Quoiqu'elle s'en occupe depuis
plufieurs années , elle n'a rien prononcé
jufqu'ici ; & fût- il échappé à M. de
Montefquieu quelques inadvertences lé--
geres , prefque inevitables dans une carriere
fi vafte , l'attention longue & fcrupuleufe
qu'elles auroient demandée de la
part du Corps le plus éclairé de l'Eglife ,
prouveroit au moins combien elles feroient
excufables. Mais ce Corps , plein de prudence
, ne précipitera rien dans une fi
importante matiere : il connoit les bornes
de la raifon & de la foi ; il fçait que l'ouvrage
d'un homme de lettres ne doit point
112 MERCURE DE FRANCE.
être examiné comme celui d'un Théologien
que les mauvaifes conféquences
auxquelles une propofition peut donner
lieu par des interprétations odieufes , ne
rendent point blamable la propofition en
elle -même ; que d'ailleurs nous vivons
dans un fiécle malheureux , où les intérêts
de la religion ont befoin d'être ménagés ,
& qu'on peut lui nuire auprès des fimples,
en répandant mal - à - propos fur des genies
du premier ordre le foupçon d'incrédulité;
qu'enfin , malgré cette accufation injuſte ,
M. de Montefquien fut toujours eſtimé ,
recherché & accueilli par tout ce que l'Eglife
a de plus refpectable & de plus grand ;
eût-il confervé auprès des gens de bien la
confidération dont il jouiffoit , s'ils l'euffent
regardé comme un écrivain dangéreux
?
Pendant que des infectes le tourmentoient
dans fon propre pays , l'Angleterre
élevoit un monument à fa gloire. En 1752 ,
M. Daffier , célebre par les médailles qu'il
a frappées à l'honneur de plufieurs hommes
illuftres , vint de Londres à Paris pour
frapper la fienne. M. de la Tour , cet attifte
fi fupérieur par fon talent , & fi eftimable
par fon defintéreffement & l'élévation
de fon ame , avoit ardemment defiré
de donner un nouveau luftre à fon pinNOVEMBRE.
1755. 113
ceau , en tranfmettant à la poftérité le
portrait de l'auteur de l'Efprit des Loix ;
il ne vouloit que la fatisfaction de le peindre
, & il méritoit , comme Apelle , que
cet honneur lui fût réfervé ; mais M. de
Montefquieu , d'autant plus avare du tems
de M. de la Tour que celui - ci en étoit plus
prodigue , fe refufa conftamment & poliment
à fes preffantes follicitations. M. Daf
fier effuya d'abord des difficultés femblables
: Croyez-vous , dit-il enfin à M. de
Montefquieu , » qu'il n'y ait pas autant
d'orgueil à refufer ma propofition qu'à
» l'accepter » ? Defarmé par cette plaifanterie
, il laiffa faire à M. Daflier tout ce
qu'il voulut.
»
L'auteur de l'Esprit des Loix jouiffoit
enfin paisiblement de fa gloire , lorfqu'il
tomba malade au commencement de Février.
Sa fanté , naturellement délicate ,
commençoit à s'altérer depuis long- tems
par l'effet lent & prefque infaillible des
études profondes , par les chagrins qu'on
avoit cherché à lui fufciter fur fon ouvra- ge ; enfin
par le genre
de vie qu'on
le forçoit
de mener
à Paris
, & qu'il
fentoit
lui
être
funefte
. Mais
l'empreffement
avec
le-`
quel
on recherchoit
fa focieté
, étoit
trop
vif pour
n'être
pas
quelquefois
indifcret
on vouloit
, fans
s'en
appercevoir
, jouir
114 MERCURE DE FRANCE.
de lui aux dépens de lui -même. A peine la
nouvelle du danger où il étoit fe fût- elle
répandue , qu'elle devint l'objet des converfations
& de l'inquiétude publique ; fa
maifon ne défempliffoit point de perfonnes
de tout rang qui venoient s'informer
de fon état , les unes par un intérêt véritable
, les autres pour s'en donner l'apparence
, ou pour fuivre la foule. Sa Majefté ,
pénétrée de la ppeerrttee qquuee fon royaume alloit
faire , en demanda plufieurs fois des
nouvelles ; témoignage de bonté & de juftice
qui n'honore pas moins le Monarque
que le fujet. La fin de M. de Montefquieu
ne fut point indigne de fa vie. Accablé de
douleurs cruelles , éloigné d'une famille
à qui il étoit cher , & qui n'a pas eu la
confolation de lui fermer les yeux , entouré
de quelque amis & d'un plus grand
nombre de fpectateurs , il conferva jufqu'au
dernier moment la paix & l'égalité
de fon ame. Enfin , après avoir fatisfait
avec décence à tous fes devoirs , plein de
confiance en l'Etre éternel auquel il alloit.
fe rejoindre , il mourut avec la tranquillité
d'un homme de bien , qui n'avoit jamais
confacré fes talens qu'à l'avantage.
de la vertu & de l'humanité. La France &
l'Europe le perdirent le 10 Février 1755 ,
à l'âge de foixante- fix ans révolus.
NOVEMBRE 1755. 115
Toutes les nouvelles publiques ont annoncé
cet événement comme une calamité.
On pourroit appliquer à M. de Montefquieu
ce qui a été dit autrefois d'un
illuftre Romain ; que perfonne en apprenant
fa mort n'en témoigna de joie , que
perfonne même ne l'oublia dès qu'il ne fut
plus. Les étrangers s'emprefferent de faire
éclater leurs regrets ; & Milord Chefterfield
, qu'il fuffit de nommer , fit imprimer
dans un des papiers publics de Londres
un article à fon honneur , article digne
de l'un & de l'autre ; c'eft le portrait
d'Anaxagore tracé par Périclès . L'Académie
royale des Sciences & des Belles -Lettres
de Pruffe , quoiqu'on n'y foit point
dans l'ufage de prononcer l'éloge des affociés
étrangers , a cru devoir lui faire cet
honneur , qu'elle n'a fait encore qu'à l'illuftre
Jean Bernouilli ; M. de Maupertuis,
tout malade qu'il étoit , a rendu lui-même
à fon ami ce dernier devoir , & n'a voulu
fe repofer fur perfonne d'un foin fi cher &
fi trifte. A tant de fuffrages éclatans en faveur
de M. de Montefquieu , nous croyons
pouvoir joindre fans indifcrétion les éloges
que lui a donné , en préfence de l'un
de nous , le Monarque même auquel cette.
Académie célebre doit fon luftre , Prince
fait pour fentir les pertes de la Philofa116
MERCURE DE FRANCE.
phie , & pour l'en confoler.
Le 17 Février , l'Académie Françoiſe
lui fit , felon l'ufage , un fervice folemnel
, auquel , malgré la rigueur de la faifon
, prefque tous les gens de Lettres de
ce Corps , qui n'étoient point abfens de
Paris , fe firent un devoir d'affifter. On
auroit dû dans cette trifte cérémonie placer
l'Esprit des Loix fur fon cercueil , comme
on expofa autrefois vis - à-vis le cercueil
de Raphaël fon dernier tableau de la
Transfiguration . Cet appareil fimple &
touchant eût été une belle oraifon funébre.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré M. de
Montefquieu que comme écrivain & philofophe
; ce feroit lui dérober la moitié
de fa gloire que de paffer fous filence fes
agrémens & fes qualités perfonnelles.
Il étoit dans le commerce d'une douceur
& d'une gaieté toujours égale . Sa
converfation étoit légere , agréable , &
instructive par le grand nombre d'hommes
& de peuples qu'il avoit connus. Elle étoit
coupée comme fon ftyle , pleine de fel &
de faillies , fans amertunie & fans fatyre
; perfonne ne racontoit plus vivement ,
plus promptement , avec plus de grace &
moins d'apprêt. Il fçavoit que la fin d'une
hiftoire plaifante en eft toujours le but ;-
NOVEMBRE. 1755. 117
il fe hâtoit donc d'y arriver , & produifoit
l'effet fans l'avoir promis.
Ses fréquentes diftractions ne le rendoient
que plus aimable ; il en fortoit
toujours par quelque trait inattendu qui
réveilloit la converfation languiffante ;
d'ailleurs elles n'étoient jamais , ni jouées,
ni choquantes , ni importunes : le feu de
fon efprit , le grand nombre d'idées dont
il étoit plein , les faifoient naître , mais il
n'y tomboit jamais au milieu d'un entretien
intéreffant ou férieux ; le defir de
plaire à ceux avec qui il fe trouvoit , le
rendoit alors à eux fans affectation & fans
effort.
Les agrémens de fon commerce tenoient
non feulement à fon caractere & à
fon efprit , mais à l'efpece de régime qu'il
obfervoit dans l'étude. Quoique capable
d'une méditation profonde & long- tems
foutenue , il n'épuifoit jamais fes forces , il
quitroit toujours le travail avant que d'en
reffentir la moindre impreffion de fatigue.
Il étoit fenfible à la gloire , mais il ne
vouloit y parvenir qu'en la méritant ; jamais
il n'a cherché à augmenter la fienne
par ces manoeuvres fourdes , par ces voyes
obfcures & honteufes, qui deshonorent la
perfonne fans ajouter au nom de l'auteur .
Digne de toutes les diftinctions & de
IIS MERCURE DE FRANCE.
toutes les récompenfes , il ne demandoit
rien , & ne s'étonnoit point d'être oublié ;
mais il a ofé , même dans des circonftances
délicates, protéger à la Cour des hommes
de Lettres perfécutés , célebres &
malheureux , & leur a obtenu des graces.
Quoiqu'il vecût avec les grands , foit
par néceffité , foit par convenance , foit
par gout , leur fociété n'étoit pas néceffaire
à fon bonheur. Il fuyoit dès qu'il le
pouvoit à fa terre ; il y retrouvoit avec
joie fa philofophie , fes livres & le repos.
Entouré de gens de la campagne dans fes
heures de loifir , après avoir étudié l'homme
dans le commerce du monde & dans
l'hiftoire des nations , il l'étudioit encore
dans ces ames fimples que la nature feule
a inftruites , & il y trouvoit à apprendre ;
il converfoit gayement avec eux ; il leur
cherchoit de l'efprit comme Socrate ; il
paroiffoit fe plaire autant dans leur entretien
que dans les fociétés les plus brillantes
, furtout quand il terminoit leurs différends
, & foulageoit leurs peines par fes
bienfaits.
Rien n'honore plus fa mémoire que
l'économie avec laquelle il vivoit , &
qu'on a ofé trouver exceffive dans un
monde avare & faftueux , peu fait pour
en pénétrer les motifs , & encore moins
NOVEMBRE. 1755. 119
pour les fentir. Bienfaifant , & par conféqnent
jufte, M. de Montesquieu ne vouloit
rien prendre fur fa famille , ni des
fecours qu'il donnoit aux malheureux ,
ni des dépenfes confidérables auxquels fes
longs voyages , la foibleffe de fa vue &
l'impreffion de fes ouvrages l'avoient
obligé . Il a tranfmis à fes enfans , fans
diminution ni augmentation , l'héritage
qu'il avoit reçu de fes peres ; il n'y a rien
ajouté que la gloire de fon nom & l'exemple
de fa vie.
Il avoit époufé en 1715 Demoifelle
Jeanne de Lartigue, fille de Pierre de Lartigue
, Lieutenant Colonel au Régiment
de Maulévrier ; il en a eu deux filles &
un fils , qui par fon caractere , fes moeurs
& fes ouvrages s'eft montré digne d'un
tel pere.
Ĉeux qui aiment la vérité & la patrie,
ne feront pas fâchés de trouver ici quelques
unes de fes maximes : il penfoit ,
Que chaque portion de l'Etat doit être
également foumife aux loix , mais que
les privileges de chaque portion de l'Etat
doivent être respectés , lorfque leurs effets
n'ont rien de contraire au droit naturel
, qui oblige tous les citoyens à concourir
également au bien public ; que la
poffellion ancienne étoit en ce genre le
120 MERCURE DE FRANCE.
premier des titres & le plus inviolable des
droits , qu'il étoit toujours injufte & quel
quefois dangereux de vouloir ébranler ;
Que les Magiftrats , dans quelque circonftance
& pour quelque grand intérêt
de corps que ce puiffe être , ne doivent
jamais être que Magiftrats , fans parti &
fans paffion , comme les Loix , qui abſolvent
& puniffent fans aimer ni hair.
Il difoit enfin à l'occafion des difputes
eccléfiaftiques qui ont tant occupé les Empereurs
& les Chrétiens Grecs , que les
querelles théologiques, lorfqu'elles ceffent
d'être renfermées dans les écoles , deshonorent
infailliblement une nation aux
yeux des autres en effet , le mépris même
des fages pour ces querelles ne la juftifie
pas , parce que les fages faifant partout
le moins de bruit & le plus petit
nombre , ce n'est jamais fur eux qu'une
nation eft jugée .
L'importance des ouvrages dont nous
avons eu à parler dans cet éloge , nous
en a fait paffer fous filence de moins confidérables
, qui fervoient à l'auteur comme
de délaffement , & qui auroient fuffi
l'éloge d'un autre ; le plus remarquable
eft le Temple de Gnide , qui fuivit d'affez
près les Lettres Perfannes. M. de Montefquieu
, après avoir été dans celle- ci Hopour
race ,
NOVEMBRE . 1755. 121
race , Théophrafte & Lucien , fut Ovide
& Anacréon dans ce nouvel effai : ce n'eſt
plus l'amour defpotique de l'Orient qu'il
fe propofe de peindre , c'eft la délicateffe
& la naïveté de l'amour paftoral , tel qu'il
eſt dans une ame neuve, que le commerce
des hommes n'a point encore corrompue.
L'Auteur craignant peut - être qu'un tableau
fi étrangerà nos moeurs ne parût
trop languiffant & trop uniforme , a cherché
à l'animer par les peintures les plus
riantes ; il tranfporte le lecteur dans des
lieux enchantés , dont à la vérité le fpectacle
intéreffe peu l'amant heureux , mais
dont la defcription flatte encore l'imagination
quand les defirs font fatisfaits . Emporté
par fon fujet , il a répandu dans ſa
profe ce ftyle animé , figuré & poétique ,
dont le roman de Thélemaque a fourni
parmi nous le premier modele. Nous ignorons
pourquoi quelques cenfeurs du temple
de Gnide ont dit à cette occaſion , qu'il
auroit eu befoin d'être en vers. Le ſtyle
poétique , fi on entend , comme on le
doit , par ce mot , un ftyle plein de chaleur
& d'images , n'a pas befoin , pour être
agréable , de la marche uniforme & cadencée
de la verfification ; mais fi on ne
fait confifter ce ftyle que dans une diction
chargée d'épithetes oifives , dans les pein
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tures froides & triviales des aîles & du
carquois de l'amour , & de femblables
objets , la verfication n'ajoutera prefqu'aucun
mérite à ces ornemens ufés ; on
y cherchera toujours en vain l'ame & la
vie. Quoiqu'il en foit , le Temple de Gnide
étant une espece de poëme en profe
c'est à nos écrivains les plus célebres en ce
genre à fixer le rang qu'il doit occuper :
il merite de pareils juges ; nous croyons
du moins que les peintures de cet ouvrage
foutiendroient avec fuccès une des
principales épreuves des defcriptions poétiques
, celle de les repréfenter fur la toile.
Mais ce qu'on doit fur- tout remarquer
dans le Temple de Gnide , c'eft qu'Anacréon
même y est toujours obfervateur &
philofophe. Dans le quatrieme chant , il
paroît décrire les moeurs des Sibarites , &
on s'apperçoit aifément que ces moeurs
font les nôtres. La préface porte fur - tout
l'empreinte de l'auteur des Lettres Perfannes.
En préfentant le Temple de Gnide
comme la traduction d'un manufcrit grec ,
plaifanterie défigurée depuis par tant de
mauvais copiſtes , il en prend occafion de
peindre d'un trait de plume l'ineptie des
critiques & le pédantifme des traducteurs,
& finit par ces paroles dignes d'être rapportées
» Si les gens graves defiroient
NOVEMBRE. 1755. 123
33
de moi quelque ouvrage moins frivole ,
je fuis en état de les fatisfaire : il y a
» trente ans que je travaille à un livre de
» douze pages , qui doit contenir tout ce
que nous fçavons fur la Métaphyfique ,
» la Politique & la Morale , & tout ce
que de très grands auteurs ont oublié
» dans les volumes qu'ils ont publiés fur
» ces matieres » .
Nous regardons comme une des plus
honorables récompenfes de notre travail
l'intérêt particulier que M. de Monteſquieu
prenoit à ce dictionnaire , dont toutes
les reffources ont été jufqu'à préfent
dans le courage & l'émulation de fes auteurs
. Tous les gens de Lettres , felon lui,
devoient s'empreffer de concourir à l'exécution
de cette entrepriſe utile ; il en a
donné l'exemple avec M. de Voltaire , &
plufieurs autres écrivains célebres. Peutêtre
les traverfes que cet ouvrage a ef
fuyées , & qui lui rappelloient les fiennes
propres , l'intéreffoient-elles en notre faveur,
Peut-être étoit- il fenfible , fans s'en
appercevoir , à la juftice que nous avions
ofé lui rendre dans le premier volume de
l'Encyclopédie , lorfque perfonne n'ofoit
encore élever fa voix pour le défendre.
Il nous deftinoit un article fur le Goût, qui
a été trouvé imparfait dans fes papiers ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
nous le donnerons en cet état au public ,
& nous le traiterons avec le même refpect
que l'antiquité témoigna autrefois pour
les dernieres paroles de Séneque . La mort
l'a empêché d'étendre plus loin fes bienfaits
à notre égard ; & en joignant nos
propres regrets à ceux de l'Europe entiere ,
nous pourrions écrire fur fon tombeau :
Finis vita cjus nobis luctuofus , Patriæ
triftis , extraneis etiam ignotifque non fine
curâ fuit.
Tacit. in Agricol. c. 43 .
Fermer
Résumé : Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Le texte présente un volume de l'Encyclopédie, dans lequel Voltaire a travaillé sur les articles concernant les mots 'esprit', 'éloquence' et 'élégance'. Ce volume inclut également un éloge de Montesquieu écrit par d'Alembert, jugé d'une grande beauté. Une note analysant 'L'Esprit des Lois' est réservée pour le premier Mercure de décembre. Montesquieu, bienfaiteur de l'humanité par ses écrits, a contribué à cet ouvrage, motivant ainsi la reconnaissance des auteurs. Charles de Secondat, Baron de la Brede et de Montesquieu, naquit au Château de la Brede près de Bordeaux le 18 janvier 1689. Sa famille, noble de Guyenne, acquit la terre de Montesquieu grâce à des services rendus à la couronne. Dès son jeune âge, Montesquieu montra des aptitudes remarquables, cultivées par son père. Il préparait déjà les matériaux de 'L'Esprit des Lois' à vingt ans. En parallèle de ses études juridiques, il approfondissait des matières philosophiques. En 1716, il devint Président à Mortier au Parlement de Bordeaux et se distingua par ses remontrances courageuses contre un nouvel impôt. Il fut également membre de l'Académie de Bordeaux et contribua à la création de l'Académie des Sciences. En 1721, il publia les 'Lettres persanes', un ouvrage satirique des mœurs françaises sous le prétexte de la peinture des mœurs orientales. Malgré le succès de cet ouvrage, Montesquieu resta discret sur son authorship pour éviter les critiques littéraires. Les 'Lettres persanes' furent attaquées pour leurs réflexions sur des sujets religieux et ecclésiastiques, provoquant des réactions hostiles. Montesquieu fut accusé et réhabilité concernant ses 'Lettres persanes'. Il rencontra le ministre, déclarant qu'il n'avouait pas les 'Lettres persanes' mais ne les désavouait pas non plus, et demanda que l'ouvrage soit jugé sur sa lecture plutôt que sur des délations. Le ministre lut le livre, apprécia l'auteur et permit à Montesquieu d'être reçu à l'Académie française. Le maréchal d'Estrées soutint Montesquieu avec courage et intégrité. Montesquieu fut reçu à l'Académie le 24 janvier 1728 avec un discours remarquable, où il évita les formules conventionnelles pour traiter de sujets plus larges. Il entreprit des voyages pour étudier les lois et constitutions de divers pays, rencontrer des savants et des artistes célèbres. Ses voyages l'amenèrent en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Suisse, aux Provinces-Unies et en Angleterre. De retour en France, Montesquieu se retira à la Brede pour achever son ouvrage sur 'La grandeur et la décadence des Romains', publié en 1734. Il analysa les causes de la grandeur et de la décadence de Rome, mettant en avant des facteurs comme l'amour de la liberté, la discipline militaire et la politique d'expansion. Le texte loue ensuite l'œuvre de Montesquieu, notamment 'L'Esprit des Lois', qui offre une analyse approfondie et vaste de la politique et des lois. Montesquieu a préparé cet ouvrage pendant vingt ans, étudiant divers peuples et lois à travers l'Europe. 'L'Esprit des Lois' est présenté comme un livre destiné aux hommes d'État et aux philosophes, embrassant un grand nombre de matières avec brièveté et profondeur. Le texte défend la structure et la clarté de l'ouvrage, affirmant que l'apparente absence de méthode est en réalité une invitation à la réflexion. Il souligne également l'importance des sources utilisées par Montesquieu, notamment Tacite et Plutarque, et la manière dont il a su rendre l'ouvrage à la fois utile et agréable. Enfin, le texte mentionne les critiques et les attaques subies par 'L'Esprit des Lois' lors de sa publication, mais note que l'œuvre a finalement été reconnue pour sa valeur et son impact sur la pensée politique et philosophique. Montesquieu est accusé d'irréligion et de semer des principes d'irréligion dans son œuvre. Il est comparé à des auteurs de nouvelles hebdomadaires sans autorité ni effet. Ses adversaires, dépourvus de zèle mais cherchant à en montrer, ont utilisé diverses stratégies pour le discréditer. Montesquieu décide de répondre à l'un de ses critiques les plus virulents, auteur d'une feuille anonyme périodique, en le rendant ridicule plutôt que furieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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72
p. 126-139
« JOURNAL en vers de ce qui s'est passé au camp de Richemont, commandé par [...] »
Début :
JOURNAL en vers de ce qui s'est passé au camp de Richemont, commandé par [...]
Mots clefs :
Camp, Camp de Richemont, Guerre, Yeux, Infanterie, Honneur, Esprit, Cavalerie, Escadrons, Lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « JOURNAL en vers de ce qui s'est passé au camp de Richemont, commandé par [...] »
JOURNAL en vers de ce qui s'eft paffé
au camp de Richemont , commandé par
M. de Chevert , Lieutenant Général des
armées du Roi , commencé le 26 Août
1755 , & fini le 25 Septembre fuivant..
A Paris , chez Lambert , rue de la Comédie
Françoiſe , 1755 .
M. Vallier , Colonel d'Infanterie , eft
l'Auteur de cet agréable Journal . C'eft
prefque avoir créé un nouveau genre. Cet
ellai doit lui faire d'autant plus d'honneur
DECEMBRE. 1755 . 127
qu'au premier coup d'oeil il paroiffoit impoffible
d'exprimer en vers , la difpofition
d'une armée ou celle d'une attaque , la fituation
des terreins , les pofitions des rivieres
, des villages & des chauffées ; y
faire entrer pour la premiere fois les termes
de l'art , tous rebelles à la poéfie , mais
néceffaires , & qui plus eft , uniques pour
bien peindre les différentes manoeuvres de
la guerre ; tout cela préfente d'abord des
difficultés qui étonnent au point que l'exécution
a l'air d'une gageure , & qu'il falloit
être , comme l'Auteur , auffi poëte que
guerrier pour les vaincre avec tant de
bonheur. Pour rendre l'ouvrage plus varié
& plus intéreffant , la galanterie eft venue
au fecours de M. V. Si Mars a été fon
Apollon, Venus & les Graces ont été fes
Muſes . Ce contrafte aimable délaffe agréa
blement le Lecteur des fatigues militaires
qu'il partage avec l'Auteur qui les décrit .
Tous les mouvemens de chaque parti font
peints avec tant de feu & de vérité qu'on
croit être dans un camp , & fouvent dans
la mêlée. On eft préfent à l'action ; on y
prend part. Cet exemple heureux nous
prouve qu'on peut tout dire en vers comme
en profe , & que le vrai talent amené
toujours la réuffite. L'Auteur a fait choix
des vers libres , comme plus affortis à la
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE ,
matiere , & plus propres à rendre la rapidité
des évolutions. Son Poëme en contient
près de huit cens ; & malgré quelques
repétitions inévitables , il le fait lire
avec intérêt d'un bout à l'autre .
Comme ceux qui ne le connoiffent pas
pourroient former là -deffus quelque doutes
, j'en vais extraire ici différens morceaux
qui fuffiront pour les convaincre
que cet éloge n'eft qu'une juftice. L'Auteur
débute en fujet plein de zele ,
François digne de l'être.
Louis ici fait flotter fes drapeaux :
en
Ce n'eft encor qu'une image de guerre ;
Et fes guerriers dont la valeur préfere
Les horreurs de la mort aux douceurs du repos ,
Pour enfanglanter leurs travaux ,
N'attendent que l'inſtant d'allumer le tonnerre ,
Qui porte les decrets des Maîtres de la terre ,
Ainfi qu'il eft l'organe des héros.
Louis va décider ; laiffons à fa prudence
A difcuter nos intérêts :
S'il eft content , nous demandons la paix ;
S'ily voit l'ombre de l'offenſe ,
Que tout parle de fa vengeance ,
Que nos biens , que nos jours affurent fes projets.
Il s'exprime enfuite en guerrier aimable
qui fuit les drapeaux de l'amour dans un
DECEMBRE. 1755. 129
camp de paix , où les femmes courent voir
fans danger les manoeuvres de la guerre .
Mais le bruit du tambour , le fon de la trom➡
pette
Invitent nos guerriers à fe rendre à leurs rangs,
Le fexe croit entendre la Mulette ,
Il en fait fes amuſemens.
Nous n'intimidons point fes charmes ,
Nous leur prêtons de nouveaux feux.
Il vient oppoler à nos armes
Les armes que l'amour place dans les beaux yeux:
Si dans nos camps on répand quelques larmes ,
C'eſt nous qui les verfons ; & s'il eft des alfarmes
,
Elles font pour les coeurs qui ne font pas heureux.
Le ciel s'ouvre à mes yeux , & je crois voir l'aufore
:
Non , non ; feroit -ce Hebé ! Vous , qu'aux cieux
on adore ,
Aux mortelles d'ici difputez - vous nos coeurs ?
Pour les vergers qu'on deshonore ,
Eft- ce Pomone enfin qui vient verfer des pleuss
Ou bien c'eft la Déeffe Flore
Qui craint fans doute pour fes fleurs.
Je me trompois ; c'eſt mieux encore ;
La jeune Eglé , fous des lambris dorés ,
Où fon époux nous froit moins urile ,
Quitte avec lui le féjour de la ville ,
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
Et vient orner nos champs qui ne font plus parés
--Les fleurs fous fe , pas vont renaître :
Une feconde fois la terre va s'ouvrir.
Les nouvelles moiffons qu'on y verroit paroître ;
Comme les yeux ne pourront l'embellir .
La maison qu'elle habite eft un fecond exemple
De la faveur des Dieux pour la tendre Baucis :
Pour elle & Philemon dans la pouffiere affis ,
D'un humble logement les Dieux firent un tem→
ple..
Près d'Eglé , fous le chaume , on croit être à
Cypris.
- On ne peut pas annoncer d'une façon
plus galante l'arrivée de Madame de Caumartin
, Intendante de Mets , à Richemont
, ni fur ce qu'elle habitoit une maifon
de payfan , faire une application plusheureufe
de la fable de Baucis & de Philemon
, dont Jupiter changea la chaumiere
en un temple.
Chevert parcft , & chacun en filence
Partage fes régards entre la troupe & lui .
Quel fpectacle à nos yeux offre- t-il aujourd'hui ?
Ses ordres font portés. On s'ébranle , on s'avance :
Le champ de Mars eft occupé ;
Le foldat attentif à l'ordre qu'on lui donne
Marche par bataillon ; il forme une colonne ;
Il manoeuvre , il s'exerce ainfi qu'il eft campé ....
}
DECEMBRE . 1755- 131
Chacun alors fe fait un crime
De n'être pas à ſon devoir.
Que de préciſion ! l'efprit qui les anime ,
Semble être un feul reffort qui les fait tous mouvoir.
De l'exercice par Bataillons & par Brigades
, à la tête du camp , l'Auteur paffe paſſe
ainfi à l'attaque d'une grand'Garde de
Cavalerie .
Des efcadrons entrent dans la carriere ,
Et vont l'un contre l'autre exercer leur valeur.
L'un défend ce que l'autre attaque avec fureur.
Je vois Turpin & fa troupe légere ;
Couvert d'une noble pouffiere
Il arrive , il menace , il tient confeil , réfout.
C'est l'éclair que l'on voit précéder le tonnerre :
L'eil n'eft pas affez prompt pour le fuivre par
tout .
Le jeune Berchini , digne héritier d'un père ,
Dont la France connoît le zele & la valeur
De Turpin prêt à remporter l'honneur ,.
Vient arrêter la fougue , & fervir de barriere.
Nous allons maintenant offrir un plus
grand tableau : c'eft la manoeuvre du 9
Septembre , où toute la Cavalerie , aux
ordres de M. de Poianne , atraqua en plaine
toute l'Infanterie commandée par M.
de Chevert .
2
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Mais un nuage de pouffiere
S'éleve dans les airs , & vient frapper mes yeux :
Il s'ouvre , & laiffe voir des efcadrons nombreux,
D'un pas léger , la contenance fiere ,
Marcher droit à nos bataillons.
Poianne contre nous conduit fes eſcadrons ;
On en connoît la valeur , la prudence ,
On en connoît l'activité.
Il range fon armée avec intelligence ,
Il vient à nous avec vivacité .
Le foldat en frémit , mais n'en prend point d'allarmes
:
Il s'attend à combattre , il prépare les armes ,
Chevert , fes difpofitions.
Il veut de l'ennemi , qui comptoit le furprendre ,
Prévenir les deffeins , l'attaquer le premier ,
Et le forçant lui - même à fe défendre ,
Arracher de fes mains la palme & le laurier.
Voici des vers qui refpirent tout le fen
du falpêtre , & la fuieur de l'action qu'ils
repréfentent.
Poianne eft indigné de trouver tant d'obſtacle ;
Ses efcadrons , qu'il vient de partager ,
Vont offrir un nouveau fpectacle ,
Tous à la fois s'apprêtent à charger.
Ce corps eft immobile , & par- tout on le couvre-:
De tous côtés alors on voit en même tems
Des efcadrons attaquer tous nos flancs.
DECEMBRE. 1755. 133
On diroit qu'auffitôt le Mont Vefuve s'ouvre ,
Et qu'il vomit les feux fur tous les affaillans .
De ce mont redouté préſentez - vous l'image ,
Quand le feu fort de fes goufres profonds
Ses feux & la fumée y forment un nuage ,
Et confondent leur fource avec ces tourbillons.
Telle & plus forte encore eft l'épaiffe fumée ,
Quifuit le feu que font les angles & les flancs :
On ne voit plus le corps d'armée ,
11 femble enfeveli fous ces feux dévorans ;
Ils couvrent tous les combattans ,
Ils éclipfent les cieux , ils nous cachent la terre ,
Les chevaux écumans , les chefs impatiens;
Des Huffards , des Dragons , la troupe plus légere
Cherche inutilement à defunir nos rangs ;
Nous leur offrons par tout l'invincible barriere
Qui rend leurs refforts impuiffans
Et leur ardeur qui fe modere
>
Donne le tems à quelques mouvemens.
Ces quatre vers peignent bien les Grenadiers
que l'Auteur commandoit , & le
caracterifent lui-même.
Les Grenadiers font des Dieux à la guerre :
On s'empreffe avec eux d'en courir les hazards ,
Avec eux , ce jour - là , défiant le tonnerre ,
J'aurois vaincu , je crois , Bellonne au champ de
Mars.
134 MERCURE DE FRANCE.
Pour égayer & varier le tableau , M. V.
s'écrie :
Mufe de Saint Lambert , prête - moi tes pinceaux
;
Dis - nous comment d'Eglé , la divine compa
gne
Quitte Paris , le remplit de regrets ,
Pour venir avec elle embellir la campagne :
Elle vient y regner fur de nouveaux ſujets.
Peins- nous Comus , peins - nous Thalie
Et tous leurs charmes féduifans ;
Peins- nous la charmante Emilie ,
Délices & foutien de notre Comédie ,
Et le fléau de mille foupirans ,
Dont chacun d'eux a grande envie
D'en obtenir quelques inftans.
C'étoit une Actrice de la Comédie de
Mets qui alloit jouer au camp ; mais l'Auteur,
revient vite aux combats ..
N'entens-je pas crier aux armes ?
Plaifirs , pour un moment laiffez - moi vous quitter
,
L'honneur chez les François paffe avant tous vos
charmes ,
tin.
Madame de la Porte ,foeur de M. de CaumarDECEMBRE.
1755. 139
Il vole à fes devoirs , il va vous mériter.
L'utilité des camps de paix eft heureufement
exprimée dans les fix vers fuivans.
Par-tout on voit attaquer & défendre ,
Par -tout on croit fervir l'Etat ;
N'est -ce pas en effet travailler pour la France ,
Que d'en former les Officiers ?
C'eft élever des forts d'avance ,
C'eft y planter pour elle des lauriers.
Nous allons finir cet extrait par le récit
de la derniere manoeuvre , du 2.0 Septembre
, où l'on attaqua le village d'Uckange.
Les colonnes alors s'approchent du village';
Le centre & les côtés fe trouvent réunis :
Nous attaquons par-tout , par- tout eft l'avantage;
Les ennemis font inveftis :
Il faut prévenir leur défaite .
D'Eftaing alors y donne tous fes foins.
Il fonge à faire fa retraite ,
Il en a prévu tous les points .
Chacun des poftes fe replie ,
Se retire fur lui , point de confufion ,
Chacun retourne à fa divifion ;
Et chacun fous fon feu fe range & fe rallie.
On le fuit , il fait face ; on le charge , il fait feu,
Il gagne les mailons & le fein du village ,
136 MERCURE DE FRANCE.
S'y retire en bon ordre , & là finit l'image
Des combats , dont Louis a voulu faire un jeu.
Ce dernier trait en termine l'hiſtoire.
Chacun au camp revient couvert de gloire ,
Avec l'ami , l'ennemi confondu ,
Voit les talens fans jaloufie ,
Chacun les vante , les public.
Voilà le fceau de la vertu.
C'ett en avoir que de la reconnoître ,
Et dans tout genre on ne peut être maître
Qu'en lui rendant l'honneur qu'on lui fçait être
dû.
Nous donnerons au prochain Mercure
un récit court , mais détaillé du camp de
Valence, ainfi que de celui de Richemont,
s l'article de la Cour.
LETTRE fur cette queftion : Si Ffprit
philofophique eft plus nuifible , qu'utile aux
Belles Lettres ; A Monfieur le Marquis de
Beauteville , de l'Académie Royale des Sciences
de Toulouse , par M. de R..... 1795 ,
chez Duchefne , Libraire au Temple du
Goût.
Je joins à cette annonce le précis fuivant
qu'un ami de l'Auteur m'a prié d'inférer
dans le Mercure , & qu'on va lire
ici tel qu'il m'a été envoié.
Cette Lettre peut être divifée en quatre
DÉCEMBRE. 1755. 137 .
parties ; dans la premiere , l'Efprit philofophique
& le génie des Belles- Lettres
font confidérés en eux -mêmes , & comme
caracteres de l'ame d'où réfultent différentes
manieres d'envifager & de traiter les
fujets.
Dans la feconde on décrit la méthode
philofophique & la marche du génie littéraire.
Dans la troifieme on indique les défauts
que l'efprit philofophique tranfporté de la
Philofophie dans les Belles- Lettres , y doit
répandre , avec quelque foin qu'il tâche
de fe déguifer.
Et dans la quatrieme , on prouve que
l'efprit philofophique incapable de produire
dans les Belles- Lettres , n'eft en état
de juger des productions du génie que
d'après le goût .
Il regne beaucoup de profondeur & de
vues dans la premiere partie , la feconde eft
traitée avec toute " exactitude qu'exigeoit
la matiere : les allufions critiques de la troifieme
font d'une grande fineffe ; & la quatrieme
eft ornée d'une image fimbolique qui
repréſente avec jufteffe la correfpondance
& le concert du génie & du goût. Cette lettre
qui eft adreffée à un Philofophe du
premier ordre , eft un de ces ouvrages qui
ne femblent deftinés qu'au petit nombre
135 MERCURE DE FRANCE.
de lecteurs qui aiment à penfer , & qui
veulent approfondir la théorie des Arts .
UNE perfonne à portée d'avoir les meilleures
inftructions , travaille à une Chronologie
Militaire où fe trouvera l'Histoire
des Officiers fupérieurs & généraux , &
celle des Troupes de la Maifon du Roi , &
des Régimens d'infanterie , cavalerie &
dragons , foir exiftans , foit réformés. Il
défireroit avoir communication des titres
qui font répandus dans les familles ; & on
prie ceux qui ont dans leurs titres ou papiers
:
1º. Des Pouvoirs de Lieutenans Géné
raux .
2º. Des Brevets de Maréchaux de Camps
ou de Brigadiers.
3°. Des Ordres de Directeurs ou Inf
pecteurs Généraux .
4°. Des Provifions de Grand-Croix , &
de Commandeurs de l'Ordre de S. Louis.
5 °. Des Provifions de Maréchaux Généraux
de logis des Camps & Armées du
Roi , ou de Maréchaux de logis de la cavaleric.
6°. Des Provifions de Gouverneurs des
Provinces.
7°. Des Commiffions de Colonels de
Régiment d'infanterie , cavalerie ou dragons.
1
DECEMBRE. 1755. 139
8°. Enfin des Commiffions de Capitaines
aux Gardes .
De vouloir bien en envoyer la note dans
la forme ci- deffous .
Pour les Lieutenans Généraux , Maréchaux
de Camps & Brigadiers.
Pouvoir de Lieutenant Général ou Bre
vet de Maréchal de Camp , ou Brigadier ,
pour M . . . . . . en mettant le nom de
baptême & de famille , les qualifications
qui lui font données dans lefdits Pouvoir
ou Brevet ; la date defdits Brevet ou Pouvoir
, & le nom des Secrétaires d'Etat qui
les ont contre- fignées ; obfervant auffi de
mettre autant qu'il fera poffible la date de
la mort defdits Officiers.
A l'égard des autres Provifions & Com
miffions dont il eft parlé ci- deffus , on prie
d'y ajouter de plus , comment les Officiers
ont en ces places , foit par nouvelle levée
ou par la mort & démiffion de M. un tel ,
comme cela eft marqué dans lefdites commiflions.
- L'on prie d'obferver 1 ° . que l'on ne demande
fimplement que des notes dans la
forme ci-deffus , & point de copies, 2 ° . D'adreffer
ces notes à M. Defprés , premier
Commis du Bureau de la Guerre , à Verfailles.
au camp de Richemont , commandé par
M. de Chevert , Lieutenant Général des
armées du Roi , commencé le 26 Août
1755 , & fini le 25 Septembre fuivant..
A Paris , chez Lambert , rue de la Comédie
Françoiſe , 1755 .
M. Vallier , Colonel d'Infanterie , eft
l'Auteur de cet agréable Journal . C'eft
prefque avoir créé un nouveau genre. Cet
ellai doit lui faire d'autant plus d'honneur
DECEMBRE. 1755 . 127
qu'au premier coup d'oeil il paroiffoit impoffible
d'exprimer en vers , la difpofition
d'une armée ou celle d'une attaque , la fituation
des terreins , les pofitions des rivieres
, des villages & des chauffées ; y
faire entrer pour la premiere fois les termes
de l'art , tous rebelles à la poéfie , mais
néceffaires , & qui plus eft , uniques pour
bien peindre les différentes manoeuvres de
la guerre ; tout cela préfente d'abord des
difficultés qui étonnent au point que l'exécution
a l'air d'une gageure , & qu'il falloit
être , comme l'Auteur , auffi poëte que
guerrier pour les vaincre avec tant de
bonheur. Pour rendre l'ouvrage plus varié
& plus intéreffant , la galanterie eft venue
au fecours de M. V. Si Mars a été fon
Apollon, Venus & les Graces ont été fes
Muſes . Ce contrafte aimable délaffe agréa
blement le Lecteur des fatigues militaires
qu'il partage avec l'Auteur qui les décrit .
Tous les mouvemens de chaque parti font
peints avec tant de feu & de vérité qu'on
croit être dans un camp , & fouvent dans
la mêlée. On eft préfent à l'action ; on y
prend part. Cet exemple heureux nous
prouve qu'on peut tout dire en vers comme
en profe , & que le vrai talent amené
toujours la réuffite. L'Auteur a fait choix
des vers libres , comme plus affortis à la
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE ,
matiere , & plus propres à rendre la rapidité
des évolutions. Son Poëme en contient
près de huit cens ; & malgré quelques
repétitions inévitables , il le fait lire
avec intérêt d'un bout à l'autre .
Comme ceux qui ne le connoiffent pas
pourroient former là -deffus quelque doutes
, j'en vais extraire ici différens morceaux
qui fuffiront pour les convaincre
que cet éloge n'eft qu'une juftice. L'Auteur
débute en fujet plein de zele ,
François digne de l'être.
Louis ici fait flotter fes drapeaux :
en
Ce n'eft encor qu'une image de guerre ;
Et fes guerriers dont la valeur préfere
Les horreurs de la mort aux douceurs du repos ,
Pour enfanglanter leurs travaux ,
N'attendent que l'inſtant d'allumer le tonnerre ,
Qui porte les decrets des Maîtres de la terre ,
Ainfi qu'il eft l'organe des héros.
Louis va décider ; laiffons à fa prudence
A difcuter nos intérêts :
S'il eft content , nous demandons la paix ;
S'ily voit l'ombre de l'offenſe ,
Que tout parle de fa vengeance ,
Que nos biens , que nos jours affurent fes projets.
Il s'exprime enfuite en guerrier aimable
qui fuit les drapeaux de l'amour dans un
DECEMBRE. 1755. 129
camp de paix , où les femmes courent voir
fans danger les manoeuvres de la guerre .
Mais le bruit du tambour , le fon de la trom➡
pette
Invitent nos guerriers à fe rendre à leurs rangs,
Le fexe croit entendre la Mulette ,
Il en fait fes amuſemens.
Nous n'intimidons point fes charmes ,
Nous leur prêtons de nouveaux feux.
Il vient oppoler à nos armes
Les armes que l'amour place dans les beaux yeux:
Si dans nos camps on répand quelques larmes ,
C'eſt nous qui les verfons ; & s'il eft des alfarmes
,
Elles font pour les coeurs qui ne font pas heureux.
Le ciel s'ouvre à mes yeux , & je crois voir l'aufore
:
Non , non ; feroit -ce Hebé ! Vous , qu'aux cieux
on adore ,
Aux mortelles d'ici difputez - vous nos coeurs ?
Pour les vergers qu'on deshonore ,
Eft- ce Pomone enfin qui vient verfer des pleuss
Ou bien c'eft la Déeffe Flore
Qui craint fans doute pour fes fleurs.
Je me trompois ; c'eſt mieux encore ;
La jeune Eglé , fous des lambris dorés ,
Où fon époux nous froit moins urile ,
Quitte avec lui le féjour de la ville ,
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
Et vient orner nos champs qui ne font plus parés
--Les fleurs fous fe , pas vont renaître :
Une feconde fois la terre va s'ouvrir.
Les nouvelles moiffons qu'on y verroit paroître ;
Comme les yeux ne pourront l'embellir .
La maison qu'elle habite eft un fecond exemple
De la faveur des Dieux pour la tendre Baucis :
Pour elle & Philemon dans la pouffiere affis ,
D'un humble logement les Dieux firent un tem→
ple..
Près d'Eglé , fous le chaume , on croit être à
Cypris.
- On ne peut pas annoncer d'une façon
plus galante l'arrivée de Madame de Caumartin
, Intendante de Mets , à Richemont
, ni fur ce qu'elle habitoit une maifon
de payfan , faire une application plusheureufe
de la fable de Baucis & de Philemon
, dont Jupiter changea la chaumiere
en un temple.
Chevert parcft , & chacun en filence
Partage fes régards entre la troupe & lui .
Quel fpectacle à nos yeux offre- t-il aujourd'hui ?
Ses ordres font portés. On s'ébranle , on s'avance :
Le champ de Mars eft occupé ;
Le foldat attentif à l'ordre qu'on lui donne
Marche par bataillon ; il forme une colonne ;
Il manoeuvre , il s'exerce ainfi qu'il eft campé ....
}
DECEMBRE . 1755- 131
Chacun alors fe fait un crime
De n'être pas à ſon devoir.
Que de préciſion ! l'efprit qui les anime ,
Semble être un feul reffort qui les fait tous mouvoir.
De l'exercice par Bataillons & par Brigades
, à la tête du camp , l'Auteur paffe paſſe
ainfi à l'attaque d'une grand'Garde de
Cavalerie .
Des efcadrons entrent dans la carriere ,
Et vont l'un contre l'autre exercer leur valeur.
L'un défend ce que l'autre attaque avec fureur.
Je vois Turpin & fa troupe légere ;
Couvert d'une noble pouffiere
Il arrive , il menace , il tient confeil , réfout.
C'est l'éclair que l'on voit précéder le tonnerre :
L'eil n'eft pas affez prompt pour le fuivre par
tout .
Le jeune Berchini , digne héritier d'un père ,
Dont la France connoît le zele & la valeur
De Turpin prêt à remporter l'honneur ,.
Vient arrêter la fougue , & fervir de barriere.
Nous allons maintenant offrir un plus
grand tableau : c'eft la manoeuvre du 9
Septembre , où toute la Cavalerie , aux
ordres de M. de Poianne , atraqua en plaine
toute l'Infanterie commandée par M.
de Chevert .
2
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Mais un nuage de pouffiere
S'éleve dans les airs , & vient frapper mes yeux :
Il s'ouvre , & laiffe voir des efcadrons nombreux,
D'un pas léger , la contenance fiere ,
Marcher droit à nos bataillons.
Poianne contre nous conduit fes eſcadrons ;
On en connoît la valeur , la prudence ,
On en connoît l'activité.
Il range fon armée avec intelligence ,
Il vient à nous avec vivacité .
Le foldat en frémit , mais n'en prend point d'allarmes
:
Il s'attend à combattre , il prépare les armes ,
Chevert , fes difpofitions.
Il veut de l'ennemi , qui comptoit le furprendre ,
Prévenir les deffeins , l'attaquer le premier ,
Et le forçant lui - même à fe défendre ,
Arracher de fes mains la palme & le laurier.
Voici des vers qui refpirent tout le fen
du falpêtre , & la fuieur de l'action qu'ils
repréfentent.
Poianne eft indigné de trouver tant d'obſtacle ;
Ses efcadrons , qu'il vient de partager ,
Vont offrir un nouveau fpectacle ,
Tous à la fois s'apprêtent à charger.
Ce corps eft immobile , & par- tout on le couvre-:
De tous côtés alors on voit en même tems
Des efcadrons attaquer tous nos flancs.
DECEMBRE. 1755. 133
On diroit qu'auffitôt le Mont Vefuve s'ouvre ,
Et qu'il vomit les feux fur tous les affaillans .
De ce mont redouté préſentez - vous l'image ,
Quand le feu fort de fes goufres profonds
Ses feux & la fumée y forment un nuage ,
Et confondent leur fource avec ces tourbillons.
Telle & plus forte encore eft l'épaiffe fumée ,
Quifuit le feu que font les angles & les flancs :
On ne voit plus le corps d'armée ,
11 femble enfeveli fous ces feux dévorans ;
Ils couvrent tous les combattans ,
Ils éclipfent les cieux , ils nous cachent la terre ,
Les chevaux écumans , les chefs impatiens;
Des Huffards , des Dragons , la troupe plus légere
Cherche inutilement à defunir nos rangs ;
Nous leur offrons par tout l'invincible barriere
Qui rend leurs refforts impuiffans
Et leur ardeur qui fe modere
>
Donne le tems à quelques mouvemens.
Ces quatre vers peignent bien les Grenadiers
que l'Auteur commandoit , & le
caracterifent lui-même.
Les Grenadiers font des Dieux à la guerre :
On s'empreffe avec eux d'en courir les hazards ,
Avec eux , ce jour - là , défiant le tonnerre ,
J'aurois vaincu , je crois , Bellonne au champ de
Mars.
134 MERCURE DE FRANCE.
Pour égayer & varier le tableau , M. V.
s'écrie :
Mufe de Saint Lambert , prête - moi tes pinceaux
;
Dis - nous comment d'Eglé , la divine compa
gne
Quitte Paris , le remplit de regrets ,
Pour venir avec elle embellir la campagne :
Elle vient y regner fur de nouveaux ſujets.
Peins- nous Comus , peins - nous Thalie
Et tous leurs charmes féduifans ;
Peins- nous la charmante Emilie ,
Délices & foutien de notre Comédie ,
Et le fléau de mille foupirans ,
Dont chacun d'eux a grande envie
D'en obtenir quelques inftans.
C'étoit une Actrice de la Comédie de
Mets qui alloit jouer au camp ; mais l'Auteur,
revient vite aux combats ..
N'entens-je pas crier aux armes ?
Plaifirs , pour un moment laiffez - moi vous quitter
,
L'honneur chez les François paffe avant tous vos
charmes ,
tin.
Madame de la Porte ,foeur de M. de CaumarDECEMBRE.
1755. 139
Il vole à fes devoirs , il va vous mériter.
L'utilité des camps de paix eft heureufement
exprimée dans les fix vers fuivans.
Par-tout on voit attaquer & défendre ,
Par -tout on croit fervir l'Etat ;
N'est -ce pas en effet travailler pour la France ,
Que d'en former les Officiers ?
C'eft élever des forts d'avance ,
C'eft y planter pour elle des lauriers.
Nous allons finir cet extrait par le récit
de la derniere manoeuvre , du 2.0 Septembre
, où l'on attaqua le village d'Uckange.
Les colonnes alors s'approchent du village';
Le centre & les côtés fe trouvent réunis :
Nous attaquons par-tout , par- tout eft l'avantage;
Les ennemis font inveftis :
Il faut prévenir leur défaite .
D'Eftaing alors y donne tous fes foins.
Il fonge à faire fa retraite ,
Il en a prévu tous les points .
Chacun des poftes fe replie ,
Se retire fur lui , point de confufion ,
Chacun retourne à fa divifion ;
Et chacun fous fon feu fe range & fe rallie.
On le fuit , il fait face ; on le charge , il fait feu,
Il gagne les mailons & le fein du village ,
136 MERCURE DE FRANCE.
S'y retire en bon ordre , & là finit l'image
Des combats , dont Louis a voulu faire un jeu.
Ce dernier trait en termine l'hiſtoire.
Chacun au camp revient couvert de gloire ,
Avec l'ami , l'ennemi confondu ,
Voit les talens fans jaloufie ,
Chacun les vante , les public.
Voilà le fceau de la vertu.
C'ett en avoir que de la reconnoître ,
Et dans tout genre on ne peut être maître
Qu'en lui rendant l'honneur qu'on lui fçait être
dû.
Nous donnerons au prochain Mercure
un récit court , mais détaillé du camp de
Valence, ainfi que de celui de Richemont,
s l'article de la Cour.
LETTRE fur cette queftion : Si Ffprit
philofophique eft plus nuifible , qu'utile aux
Belles Lettres ; A Monfieur le Marquis de
Beauteville , de l'Académie Royale des Sciences
de Toulouse , par M. de R..... 1795 ,
chez Duchefne , Libraire au Temple du
Goût.
Je joins à cette annonce le précis fuivant
qu'un ami de l'Auteur m'a prié d'inférer
dans le Mercure , & qu'on va lire
ici tel qu'il m'a été envoié.
Cette Lettre peut être divifée en quatre
DÉCEMBRE. 1755. 137 .
parties ; dans la premiere , l'Efprit philofophique
& le génie des Belles- Lettres
font confidérés en eux -mêmes , & comme
caracteres de l'ame d'où réfultent différentes
manieres d'envifager & de traiter les
fujets.
Dans la feconde on décrit la méthode
philofophique & la marche du génie littéraire.
Dans la troifieme on indique les défauts
que l'efprit philofophique tranfporté de la
Philofophie dans les Belles- Lettres , y doit
répandre , avec quelque foin qu'il tâche
de fe déguifer.
Et dans la quatrieme , on prouve que
l'efprit philofophique incapable de produire
dans les Belles- Lettres , n'eft en état
de juger des productions du génie que
d'après le goût .
Il regne beaucoup de profondeur & de
vues dans la premiere partie , la feconde eft
traitée avec toute " exactitude qu'exigeoit
la matiere : les allufions critiques de la troifieme
font d'une grande fineffe ; & la quatrieme
eft ornée d'une image fimbolique qui
repréſente avec jufteffe la correfpondance
& le concert du génie & du goût. Cette lettre
qui eft adreffée à un Philofophe du
premier ordre , eft un de ces ouvrages qui
ne femblent deftinés qu'au petit nombre
135 MERCURE DE FRANCE.
de lecteurs qui aiment à penfer , & qui
veulent approfondir la théorie des Arts .
UNE perfonne à portée d'avoir les meilleures
inftructions , travaille à une Chronologie
Militaire où fe trouvera l'Histoire
des Officiers fupérieurs & généraux , &
celle des Troupes de la Maifon du Roi , &
des Régimens d'infanterie , cavalerie &
dragons , foir exiftans , foit réformés. Il
défireroit avoir communication des titres
qui font répandus dans les familles ; & on
prie ceux qui ont dans leurs titres ou papiers
:
1º. Des Pouvoirs de Lieutenans Géné
raux .
2º. Des Brevets de Maréchaux de Camps
ou de Brigadiers.
3°. Des Ordres de Directeurs ou Inf
pecteurs Généraux .
4°. Des Provifions de Grand-Croix , &
de Commandeurs de l'Ordre de S. Louis.
5 °. Des Provifions de Maréchaux Généraux
de logis des Camps & Armées du
Roi , ou de Maréchaux de logis de la cavaleric.
6°. Des Provifions de Gouverneurs des
Provinces.
7°. Des Commiffions de Colonels de
Régiment d'infanterie , cavalerie ou dragons.
1
DECEMBRE. 1755. 139
8°. Enfin des Commiffions de Capitaines
aux Gardes .
De vouloir bien en envoyer la note dans
la forme ci- deffous .
Pour les Lieutenans Généraux , Maréchaux
de Camps & Brigadiers.
Pouvoir de Lieutenant Général ou Bre
vet de Maréchal de Camp , ou Brigadier ,
pour M . . . . . . en mettant le nom de
baptême & de famille , les qualifications
qui lui font données dans lefdits Pouvoir
ou Brevet ; la date defdits Brevet ou Pouvoir
, & le nom des Secrétaires d'Etat qui
les ont contre- fignées ; obfervant auffi de
mettre autant qu'il fera poffible la date de
la mort defdits Officiers.
A l'égard des autres Provifions & Com
miffions dont il eft parlé ci- deffus , on prie
d'y ajouter de plus , comment les Officiers
ont en ces places , foit par nouvelle levée
ou par la mort & démiffion de M. un tel ,
comme cela eft marqué dans lefdites commiflions.
- L'on prie d'obferver 1 ° . que l'on ne demande
fimplement que des notes dans la
forme ci-deffus , & point de copies, 2 ° . D'adreffer
ces notes à M. Defprés , premier
Commis du Bureau de la Guerre , à Verfailles.
Fermer
Résumé : « JOURNAL en vers de ce qui s'est passé au camp de Richemont, commandé par [...] »
Le texte présente un journal en vers rédigé par M. Vallier, Colonel d'Infanterie, relatant les événements survenus au camp de Richemont sous le commandement de M. de Chevert, Lieutenant Général des armées du Roi, du 26 août au 25 septembre 1755. Ce journal, publié à Paris chez Lambert, est considéré comme un nouveau genre littéraire car il décrit avec précision la disposition d'une armée, les attaques, les terrains, les positions des rivières, villages et chaumières, ainsi que les termes techniques de l'art militaire. L'auteur utilise des vers libres pour rendre la rapidité des évolutions militaires. Le poème, composé de près de huit cents vers, est enrichi par des éléments galants et des descriptions détaillées des mouvements militaires, permettant au lecteur de se sentir présent sur le champ de bataille. Le journal inclut également des descriptions de la vie au camp, comme l'arrivée de Madame de Caumartin, Intendante de Metz, et des manoeuvres militaires telles que l'attaque d'une grand'garde de cavalerie et la manoeuvre du 9 septembre où la cavalerie a attaqué l'infanterie. Le texte se termine par la description de la dernière manoeuvre du 20 septembre, où un village a été attaqué, et par des réflexions sur l'utilité des camps de paix pour former les officiers. Par ailleurs, le document énumère divers types de pouvoirs et commissions militaires, daté du 1er décembre 1755. Il inclut les pouvoirs de lieutenants généraux, les brevets de maréchaux de camp ou de brigadiers, les ordres de directeurs ou inspecteurs généraux, les provisions de grand-croix et de commandeurs de l'Ordre de Saint-Louis, les provisions de maréchaux généraux de logis, les provisions de gouverneurs des provinces, les commissions de colonels de régiment d'infanterie, de cavalerie ou de dragons, et enfin les commissions de capitaines aux Gardes. Le texte demande d'envoyer une note dans une forme spécifique pour chaque type de pouvoir ou commission. Pour les lieutenants généraux, maréchaux de camp et brigadiers, la note doit inclure le nom complet de l'officier, ses qualifications, la date du brevet ou du pouvoir, le nom du secrétaire d'État ayant contresigné le document, et, si possible, la date de décès de l'officier. Pour les autres provisions et commissions, il est demandé d'indiquer comment les officiers ont obtenu leurs places, soit par nouvelle levée, soit par la mort ou la démission d'un autre officier. Ces notes doivent être adressées à M. Desprès, premier commis du Bureau de la Guerre, à Versailles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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73
p. 133-140
Lettre écrite de Belley, à l'occasion du passage de M. le Marquis de Paulmy par cette ville.
Début :
Vous avez pris, Monsieur, une trop grande part à l'établissement du College [...]
Mots clefs :
Collège, Collège du Belley, Belley, Marquis de Paulmy, Ministre, Honneur, Province, Coeur, Joie, Chanoine, Guerre, Voeux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre écrite de Belley, à l'occasion du passage de M. le Marquis de Paulmy par cette ville.
Lettre écrite de Belley , à l'occafion du paſſage
de M. le Marquis de Paulmy par cette
ville.
Ous avez pris , Monfieur , une trop
grande part à l'établiffement
du Cotlege
du Belley , dont j'eus l'honneur de
vous entretenir , il y a quelques mois ( 1 ) ,
pour vous laiffer ignorer fes actions d'éclat
& fes fuccés , dans les occafions furtout
qui intéreffent particulierement
la ville
& la province. Vous conviendrez
aifément
que le paffage de M. le Marquis de
Paulmy par Belley , eft un de ces momens
précieux également propres à s'attirer
l'attention de nos Mufes , & à exciter la
joie dans le coeur de nos citoyens .
Ce Miniftre arriva ici le famedi s Juil- S
let dernier fur les dix heures du foir. La
porte de la ville par laquelle il fit fon entrée
, étoit illuminée avec gout , & chargée
d'un cartouche , où on lifoit cette infcription
, qui étoit de M. Vinfon , Chanoine
Régulier de S. Antoine , Syndic du
College.
( 1 ) Voyez le Mercure d'Avril de cette année,
Page 147.
134 MERCURE DE FRANCE.
Felici Adventui
Supremi Bellorum Moderatoris
Tanto exultans hofpite
Bellicenfis Civitas
Plaudit.
L'écuffon des armes de M. le Marquis
de Paulmy faifoit partie de la décoration
de la porte. Vous fçavez que ce font deux
lions d'or paffans fur un fond d'azur . M.
Vinfon y avoit fait ajouter ce mot , Defenfuri
incedunt ; allufion noble , qui caracrerife
heureufement les fonctions du Miniftre
occupé pour lors à la vifite de nos
places de guerre.
L'infcription qui étoit placée fur la façade
de l'Hôtel de ville , pareillement illuminée
, eft de la même main , & elle exprime
la même penfée avec plus de développement
:
Vigilantiffimo
Belli Adminiftro ,
Provincias Tutanti Prafentiá ,
Hoftes Providentia Continenti ,
Gratulatur Bellicium.
Le lendemain de fon arrivée , M. le
Marquis de Paulniy reçut les complimens
des Syndics de la province, & des Corps
DECEMBRE. 1755. 135.
de la ville. Voici celui qui fut prononcé
par M. Granier , Chanoine Régulier de S.
Antoine , Profeffeur de Rhétorique , &
qui fut également gouté du Miniftre &
du Public.
Monfeigneur , votre arrivée eft l'é-
" poque de la joie publique , & vous êtes ,
» Monfeigneur , le digne objet de notre
» admiration & de nos hommages . La na-
» ture , en vous comblant de fes dons les
plus rares , vous infpira l'ardeur de les
» cultiver. Aux talens fupérieurs vous
» joignîtes bientôt les connoiffances les
plus vaftes , les plus fublimes vertus ,
» & vous fçûtes toujours tempérer leur
» éclat par le voile attrayant des qualités
» fociables. Dans un âge encore tendre
» vous fixâtes les regards du Monarque &
" les fuffrages du public. La carriere eft
» d'abord ouverte aux grands hommes.
» Leur mérite en marque l'étendue . Une
nation prudente & notre ancienne alliée
» vous vit menager auprès d'elle les in-
" térêts de notre Monarchie . Elle eut tout
» lieu d'être furprife de trouver dans un
» Ambaſſadeur auffi jeune la pénétration
» la plus vive , la circonfpection la plus
» réfléchie , la prudence la plus confom-
» mée. Devenu depuis l'arbitre de la guer-
» re , on vous voit , Monfeigneur , avec
و ر
"
136 MERCURE DE FRANCE.
, ر
» une activité furprenante , parcourir le
» Royaume de l'une à l'autre extrêmité ,
examiner tout par vous-même , pour-
»voir à la fûreté de nos frontieres , &
faire paffer dans le coeur de nos enne-
»mis cette crainte pleine d'égards , que
la vigilance du gouvernement ne man-
" que jamais d'infpirer. Il convenoit à un
Roi conquerant & pacifique d'avoir un
Miniftre également jaloux de prévenir
» la guerre & de la faire avec fuccès . Plus
» la foudre , dont vous êtes dépofitaire ,
» caufe de terreur , moins vous aimez à
» la faire éclater. C'eft à vos foins & à vo-
» tre prudence que nos provinces doivent
» leur repos. Veuille le ciel conferver
» long - tems une vie fi précieuſe à la France
! Puiffent nos fentimens & nos voeux
» mériter au College de Belley l'honneur
»de votre protection !
Les Penfionnaires du College fignalerent
leur zele par un compliment en vers ,
de la compofition de M. Sutaine , auffi
Chanoine Régulier de S. Antoine , & Profeffeur
de Rhétorique. Ce fut M. Dugaz ,
de Lyon , l'un de ces penfionnaires , qui
devint l'interprete des fentimens communs
, qu'il exprima avec autant d'aflurance
que de bonne grace , en ces termes :
Quelle divinité puiſſante
DECEMBRE. 1755 137
Favorife ces lieux ?
Jamais fous le regne des Dieux ,
L'Univers gouta- t'il de grace plus touchante !
Nous te voyons , Paulmy , nos voeux font fatisfaits.
Le Ciel pouvoit -il mieux feconder nos fouhaits ,
Qu'en accordant à notre impatience
Le bonheur d'admirer le foutien de la France ?
Qui feroit infenfible à tes tendres égards ,
Miniftre du Dieu de la guerre ?
Pour venir dans ces lieux tu quittes ton tonnerre ;
Tu craindrois d'effrayer nos timides regards.
Autour de toi , les jeux , les ris , les
Viennent folâtrer tour à tour;
Et nous ne voyons fur tes traces ,
graces ,
Que des coeurs pénétrés de refpect & d'amour.
Sous l'ordre du plus grand des Princes ,
Ta prévoyante activité
Affure à nos riches Provinces
Une douce tranquillité.
Oui , c'eſt partes bienfaits , qu'aux bords de l'Hyppocrêne
,
Jaloux des faveurs d'Apollon ,
Nous allons cultiver dans le facré vallon
Les fruits heureux d'une innocente veine.
Tu t'en fouviens , Phoebus & les neuf Soeurs
Te répétoient encor leurs chanfons immortelles ,
Quand le plus grand des Rois , par de juftes faveurs
>
138 MERCURE DE FRANCE.
Remit entre tes mains fidelles
Le noble emploi d'aller chez des peuples prudens
( 1 )
Faire briller l'éclat qui t'environne ,
Et foutenir les droits de fa couronne.
Qui n'admira dès -lors les refforts tout puiffans
De ta fage induſtrie ›
A peine revenu dans ta chere Patrie ,
On vit de généreux rivaux , ( 2 )
On vit un corps illuftre , où regnent la ſageſſe ,
Le bon goût , les talens & le dieu du Permeffe ,
Admirer tes nobles travaux ;
Ceindre ton front du laurier de la gloire ,
Partager avec toi fes foins laborieux ;
Graver ton nom au Temple de Mémoire ,
Et t'élever au rang des Dieux.
Sans doute les neuf foeurs firent naître en ton ame
Ce feu divin dont la céleste flamme
Anime ton grand coeur.
Daigne voir leurs enfans avec un oeil flatteur ,
Reçois nos voeux & notre hommage ,
Ce fera de notre bonheur
Le garand le plus fûr , le plus précieux gage .
Ce n'eft point là l'unique témoignage
de la joie qu'a donné le College pendant
le féjour de M. le Marquis de Paulmy à
( 1 ) Ambaſſade de M. de Paulmi en Suiffe.
(2) Réception de M. de Paulmy à l'Académie
Françoile.
DECEMBRE . 1755. 139
Belley ; il a taché de l'amufer , & de le
retenir le plus longtemps qu'il étoit poffible
, par la repréfentation d'une Comédie ;
fpectacle d'autant plus agréable à nos Citoyens
, qu'il paroiffoit pour la premiere
fois dans cette ville. Pour peu que ce coup
d'effai pique votre curiofité , je me ferai
un plaifir de vous envoyer une autrefois
l'analyſe de la piece , à laquelle nous avons
unanimement accordé nos fuffrages.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Belley , le 15 Juillet , 1755 .
Duchefne , Libraire à Paris , rue S. Jacques
, au Temple du Gout , vient de mettre
en vente l'Année Musicale , ouvrage
périodique. Cet ouvrage d'agrément fe
diftribue toutes les femaines par une feuille
grand in 8 °. de quatre pages , contenant
des Ariettes & Vaudevilles nouveaux , &
des petits airs choifis par les plus habiles
Muficiens , tant Italiens que François.
Chaque feuille fe vend fix fols . Les amateurs
qui fouhaiteront s'abonner , payeront
pour Paris quinze livres
par année
& on les leur apportera chez eux au moment
qu'elles fortiront de deffous preffe ;
& pour la province on payera dix- huit livres
par an. Le Libraire fe charge de les
140 MERCURE DE FRANCE.
faire rendre à leur deftination , francs de
port. La premiere feuille a paru le premier
Août 1755.
de M. le Marquis de Paulmy par cette
ville.
Ous avez pris , Monfieur , une trop
grande part à l'établiffement
du Cotlege
du Belley , dont j'eus l'honneur de
vous entretenir , il y a quelques mois ( 1 ) ,
pour vous laiffer ignorer fes actions d'éclat
& fes fuccés , dans les occafions furtout
qui intéreffent particulierement
la ville
& la province. Vous conviendrez
aifément
que le paffage de M. le Marquis de
Paulmy par Belley , eft un de ces momens
précieux également propres à s'attirer
l'attention de nos Mufes , & à exciter la
joie dans le coeur de nos citoyens .
Ce Miniftre arriva ici le famedi s Juil- S
let dernier fur les dix heures du foir. La
porte de la ville par laquelle il fit fon entrée
, étoit illuminée avec gout , & chargée
d'un cartouche , où on lifoit cette infcription
, qui étoit de M. Vinfon , Chanoine
Régulier de S. Antoine , Syndic du
College.
( 1 ) Voyez le Mercure d'Avril de cette année,
Page 147.
134 MERCURE DE FRANCE.
Felici Adventui
Supremi Bellorum Moderatoris
Tanto exultans hofpite
Bellicenfis Civitas
Plaudit.
L'écuffon des armes de M. le Marquis
de Paulmy faifoit partie de la décoration
de la porte. Vous fçavez que ce font deux
lions d'or paffans fur un fond d'azur . M.
Vinfon y avoit fait ajouter ce mot , Defenfuri
incedunt ; allufion noble , qui caracrerife
heureufement les fonctions du Miniftre
occupé pour lors à la vifite de nos
places de guerre.
L'infcription qui étoit placée fur la façade
de l'Hôtel de ville , pareillement illuminée
, eft de la même main , & elle exprime
la même penfée avec plus de développement
:
Vigilantiffimo
Belli Adminiftro ,
Provincias Tutanti Prafentiá ,
Hoftes Providentia Continenti ,
Gratulatur Bellicium.
Le lendemain de fon arrivée , M. le
Marquis de Paulniy reçut les complimens
des Syndics de la province, & des Corps
DECEMBRE. 1755. 135.
de la ville. Voici celui qui fut prononcé
par M. Granier , Chanoine Régulier de S.
Antoine , Profeffeur de Rhétorique , &
qui fut également gouté du Miniftre &
du Public.
Monfeigneur , votre arrivée eft l'é-
" poque de la joie publique , & vous êtes ,
» Monfeigneur , le digne objet de notre
» admiration & de nos hommages . La na-
» ture , en vous comblant de fes dons les
plus rares , vous infpira l'ardeur de les
» cultiver. Aux talens fupérieurs vous
» joignîtes bientôt les connoiffances les
plus vaftes , les plus fublimes vertus ,
» & vous fçûtes toujours tempérer leur
» éclat par le voile attrayant des qualités
» fociables. Dans un âge encore tendre
» vous fixâtes les regards du Monarque &
" les fuffrages du public. La carriere eft
» d'abord ouverte aux grands hommes.
» Leur mérite en marque l'étendue . Une
nation prudente & notre ancienne alliée
» vous vit menager auprès d'elle les in-
" térêts de notre Monarchie . Elle eut tout
» lieu d'être furprife de trouver dans un
» Ambaſſadeur auffi jeune la pénétration
» la plus vive , la circonfpection la plus
» réfléchie , la prudence la plus confom-
» mée. Devenu depuis l'arbitre de la guer-
» re , on vous voit , Monfeigneur , avec
و ر
"
136 MERCURE DE FRANCE.
, ر
» une activité furprenante , parcourir le
» Royaume de l'une à l'autre extrêmité ,
examiner tout par vous-même , pour-
»voir à la fûreté de nos frontieres , &
faire paffer dans le coeur de nos enne-
»mis cette crainte pleine d'égards , que
la vigilance du gouvernement ne man-
" que jamais d'infpirer. Il convenoit à un
Roi conquerant & pacifique d'avoir un
Miniftre également jaloux de prévenir
» la guerre & de la faire avec fuccès . Plus
» la foudre , dont vous êtes dépofitaire ,
» caufe de terreur , moins vous aimez à
» la faire éclater. C'eft à vos foins & à vo-
» tre prudence que nos provinces doivent
» leur repos. Veuille le ciel conferver
» long - tems une vie fi précieuſe à la France
! Puiffent nos fentimens & nos voeux
» mériter au College de Belley l'honneur
»de votre protection !
Les Penfionnaires du College fignalerent
leur zele par un compliment en vers ,
de la compofition de M. Sutaine , auffi
Chanoine Régulier de S. Antoine , & Profeffeur
de Rhétorique. Ce fut M. Dugaz ,
de Lyon , l'un de ces penfionnaires , qui
devint l'interprete des fentimens communs
, qu'il exprima avec autant d'aflurance
que de bonne grace , en ces termes :
Quelle divinité puiſſante
DECEMBRE. 1755 137
Favorife ces lieux ?
Jamais fous le regne des Dieux ,
L'Univers gouta- t'il de grace plus touchante !
Nous te voyons , Paulmy , nos voeux font fatisfaits.
Le Ciel pouvoit -il mieux feconder nos fouhaits ,
Qu'en accordant à notre impatience
Le bonheur d'admirer le foutien de la France ?
Qui feroit infenfible à tes tendres égards ,
Miniftre du Dieu de la guerre ?
Pour venir dans ces lieux tu quittes ton tonnerre ;
Tu craindrois d'effrayer nos timides regards.
Autour de toi , les jeux , les ris , les
Viennent folâtrer tour à tour;
Et nous ne voyons fur tes traces ,
graces ,
Que des coeurs pénétrés de refpect & d'amour.
Sous l'ordre du plus grand des Princes ,
Ta prévoyante activité
Affure à nos riches Provinces
Une douce tranquillité.
Oui , c'eſt partes bienfaits , qu'aux bords de l'Hyppocrêne
,
Jaloux des faveurs d'Apollon ,
Nous allons cultiver dans le facré vallon
Les fruits heureux d'une innocente veine.
Tu t'en fouviens , Phoebus & les neuf Soeurs
Te répétoient encor leurs chanfons immortelles ,
Quand le plus grand des Rois , par de juftes faveurs
>
138 MERCURE DE FRANCE.
Remit entre tes mains fidelles
Le noble emploi d'aller chez des peuples prudens
( 1 )
Faire briller l'éclat qui t'environne ,
Et foutenir les droits de fa couronne.
Qui n'admira dès -lors les refforts tout puiffans
De ta fage induſtrie ›
A peine revenu dans ta chere Patrie ,
On vit de généreux rivaux , ( 2 )
On vit un corps illuftre , où regnent la ſageſſe ,
Le bon goût , les talens & le dieu du Permeffe ,
Admirer tes nobles travaux ;
Ceindre ton front du laurier de la gloire ,
Partager avec toi fes foins laborieux ;
Graver ton nom au Temple de Mémoire ,
Et t'élever au rang des Dieux.
Sans doute les neuf foeurs firent naître en ton ame
Ce feu divin dont la céleste flamme
Anime ton grand coeur.
Daigne voir leurs enfans avec un oeil flatteur ,
Reçois nos voeux & notre hommage ,
Ce fera de notre bonheur
Le garand le plus fûr , le plus précieux gage .
Ce n'eft point là l'unique témoignage
de la joie qu'a donné le College pendant
le féjour de M. le Marquis de Paulmy à
( 1 ) Ambaſſade de M. de Paulmi en Suiffe.
(2) Réception de M. de Paulmy à l'Académie
Françoile.
DECEMBRE . 1755. 139
Belley ; il a taché de l'amufer , & de le
retenir le plus longtemps qu'il étoit poffible
, par la repréfentation d'une Comédie ;
fpectacle d'autant plus agréable à nos Citoyens
, qu'il paroiffoit pour la premiere
fois dans cette ville. Pour peu que ce coup
d'effai pique votre curiofité , je me ferai
un plaifir de vous envoyer une autrefois
l'analyſe de la piece , à laquelle nous avons
unanimement accordé nos fuffrages.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Belley , le 15 Juillet , 1755 .
Duchefne , Libraire à Paris , rue S. Jacques
, au Temple du Gout , vient de mettre
en vente l'Année Musicale , ouvrage
périodique. Cet ouvrage d'agrément fe
diftribue toutes les femaines par une feuille
grand in 8 °. de quatre pages , contenant
des Ariettes & Vaudevilles nouveaux , &
des petits airs choifis par les plus habiles
Muficiens , tant Italiens que François.
Chaque feuille fe vend fix fols . Les amateurs
qui fouhaiteront s'abonner , payeront
pour Paris quinze livres
par année
& on les leur apportera chez eux au moment
qu'elles fortiront de deffous preffe ;
& pour la province on payera dix- huit livres
par an. Le Libraire fe charge de les
140 MERCURE DE FRANCE.
faire rendre à leur deftination , francs de
port. La premiere feuille a paru le premier
Août 1755.
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Résumé : Lettre écrite de Belley, à l'occasion du passage de M. le Marquis de Paulmy par cette ville.
La lettre, rédigée à Belley, célèbre la visite du Marquis de Paulmy dans cette ville. L'auteur exprime sa reconnaissance envers le Marquis pour son rôle dans la création du Collège de Belley et souligne l'importance de sa venue. Le Marquis est arrivé à Belley le samedi 3 juillet vers dix heures du matin. Il a été accueilli par une porte illuminée et décorée d'un cartouche portant l'inscription 'Felici Adventui Supremi Bellorum Moderatoris' et les armes du Marquis. Le lendemain, le Marquis a reçu les compliments des syndics de la province et de la ville. M. Granier, chanoine régulier de Saint-Antoine et professeur de rhétorique, a prononcé un discours en l'honneur du Marquis, mettant en avant ses talents, ses connaissances et ses vertus, ainsi que son rôle dans la diplomatie et la défense du royaume. Les pensionnaires du Collège ont également exprimé leur admiration par un compliment en vers composé par M. Sutaine. Pour marquer la joie de cette visite, le Collège a organisé une représentation théâtrale, un événement rare pour la ville. L'auteur propose d'envoyer une analyse de la pièce jouée. La lettre se conclut par une mention de la publication de l'Année Musicale par le libraire Duchefne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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74
p. 225-229
LES PROCÉDÉS CONTRE LES USAGES, Ou Réponse à la Lettre de la Dame de l'Orient.
Début :
Vous avez bien raison, Monsieur, de trouver le procédé d'Ulalie contre [...]
Mots clefs :
Ulalie, Usages, Époux, Honneur, Raison, Bonheur, Procédés
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES PROCÉDÉS CONTRE LES USAGES, Ou Réponse à la Lettre de la Dame de l'Orient.
LES PROCÉDÉS
CONTRE LES USAGES ,
Ou Réponse à la Lettre de la Dame de
l'Orient.
Vous avez bien raifon , Monfieur , de ,
trouver le procédé d'Ulalie contre les ufages.
Il eft unique ; mais il étonne , & il
mérite les plus grands éloges. Puifqu'elle
vous a fait le confident de cette aventure ,
vous devez , Monfieur , raffurer fa délicateffe
, en rendant ma Lettre publique.
Il est vrai que je lui ai envoyé à l'Orient
la caffette dont elle fe plaint . Il l'eft encore
que les bijoux en valent plus de 30000 liv.
Le fieur Pierre les a fournis , on peut le
lui demander. Il n'eft pas moins vrai que
j'y ai joint une bourfe de 750 louis , &
KY
216 MERCURE DE FRANCE.
mon portrait mais il ne l'eft pas que j'aie
eu des vues qui puiffent l'offenfer. Expliquons
ce myftere.
Il y a bien des années que je fuis l'ami
'de fon mari. Il vint à Paris , il y a peu de
mois ; je l'y vis tous les jours , & tous les
jours il me parloit de la divine Ulalie. Il
en eft l'époux , il en eft l'amant ; il le dit ,
il le penfe. Il fçait qu'elle eft la plus belle
des femmes , & il la croit la plus tendre &
la plus vertueufe des époufes. Je dis , il la
croit , puifqu'en en effet il eft occupé de
ce fentiment jufqu'au foupçon , & ce foupçon
eft l'unique peine qui traverſe fon
bonheur. Je l'ai voulu détruire , & je n'ai
pu y réuffir. C'étoit , me difoit- il , une
fantaisie de Marin , qu'il vouloit diffiper
en l'approfondiffant. Pour cet effet , il
imagina de lui donner des bijoux , de l'or
& mon portrait , à qui il fit l'honneur de
donner la préférence. L'idée d'un envoi
mystérieux lui parut brillante ; elle ne
pouvoit annoncer qu'un Amant magnifique
, difcret & délicat. Il penfa bien qu'elle
ne le foupçonneroit pas d'être l'auteur
d'une pareille galanterie ; elle est trop
contre les procédés ordinaires aux maris.
Il fit dépendre fon bonheur de la réception
qu'elle feroit à ce préfent , & enfin il
exigea de mon amitié que je n'en ferois
SEPTEMBRE . 1757. 227
l'envoi que lorsqu'il feroit fur mer ; car
il voulut encore favorifer la féduction
par fon éloignement. Voilà l'origine de
cette caffette. Je l'ai envoyée avec les précautions
qu'il m'avoit fuggérées. Ulalie l'a
reçue. Mais quel dénouement ! que ne
puis-je le faire fçavoir à mon ami ! Il reviendra
peut- être bientôt. Je lui laifferois
bien le plaifir de faire connoître au tendre
objet de fon amour , qu'il eft l'auteur du
préfent : mais elle menace de vous le confier
, Monfieur , & j'ai cru devoir lui donner
un éclairciffement qui la raffurera , La
caffette lui appartient : elle doit la garder ,
& elle le fera avec plaifir.
Il me reste un embarras dont j'aurai peine
à me tirer. Sans avoir l'honneur de connoître
la charmante Ulalie , je prévois
qu'elle trouvera cet envoi un outrage. Un
foupçon en eft le motif, un foupçon eft un
crime : el le voudra s'en venger ; & fur qui ?
Voilà mon embarras : avec toute autre , il
n'y en auroit aucun . On fe venge fur un
mari : voilà l'ufage. Mais avec elle , on ne
peut compter fur les ufages les plus anciens.
& les plus fuivis. Elle pardonnera à l'époux,
& fa colere tombera fur moi . Si elle me
fait cette injuftice , mon ami m'en fera
raifon ou il me procurera les occafions de
lui faire ma cour , ou je romps avec lui ;
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
c'eſt le feul moyen que je veux employer
pour prévenir une haine injufte. Que la
belle Ulalie foit de bonne foi. Si j'avois.
réuffi à détruire les foupçons du Marin ,
la caffette & les bijoux feroient encore
chez le fieur Pierre. Me le pardonneroitelle
? Non fans doute , & elle auroit raifon.
On ne s'eft jamais avifé d'empêcher
un mari de donner 50000 liv . à fa femme.
Quel que foit le but d'un pareil don , il
flatte toujours , & elle paroît trop dévouée
aux procédés contre les ufages pour n'être
pas enchantée de celui-ci.
:
Je l'avertis encore qu'elle doit garder
mon portrait jufqu'au retour de fon mari.
Il eft intéreffant qu'il le voie il croiroit
peut -être que j'en aurois fubftitué quelqu'autre.
Il avoit décidé pour le mien :
enfin c'étoit un article de fa fantaifie . Mais.
qu'elle ne s'en allarme pas ; je lui promets:
de ne pas croire cette démarche une faveur .
J'ai le fien ; je le vois tous les jours , fans
qu'elle ait fujet de s'en fcandalifer . Je ne
me fuis pas encore mis dans l'efprit que ce
pouvoit être une faveur. Son mari me l'a
donné pour me prouver l'étendue de fon
bonheur. Mais pour prévenir toutes difcuffions
fur ces portraits , j'aurai l'honneur
de lui dire que je dois aller à l'Orient dès
que mon ami fera de retour , & il décidera
SEPTEMBRE. 1757. 229
de leur fort . Je fçais qu'il ne doit appartenir
qu'à elle d'en décider : mais ferat'elle
la feule à laquelle il foit permis d'avoir
des procédés finguliers ? Je veux tenir
de fon mari le bonheur de la voir , de la
connoître & de l'aimer. Je ne veux pas en
attendre celui de lui plaire , à moins qu'elle
ne l'exige . Je me promets bien de lui obéir
avec une attention fcrupuleufe ; & fi elle
aime les procédés contre les ufages , j'ent
aurai toujours autant qu'elle le defirera .
J'ai l'honneur d'être , & c.
Paris , le Août 1757.
ALZIDOR.
Ulalie me permettra de lui cacher mon
nom , jufqu'à ce que je fois raffuré contre
fa haine. Qu'elle me laiffe entrevoir mon
pardon , je vole à l'Orient : je lui livre le
coupable avant le retour de fon mari , &
j'ofe l'affurer qu'il me verra chez lui avec
un plaifir extrême . Il eft d'ufage d'être le
complaifant de l'époux d'une femme dont
on veut mériter les bontés.Ce fera encore un
procédé qu'elle n'aura pas à me reprocher.
CONTRE LES USAGES ,
Ou Réponse à la Lettre de la Dame de
l'Orient.
Vous avez bien raifon , Monfieur , de ,
trouver le procédé d'Ulalie contre les ufages.
Il eft unique ; mais il étonne , & il
mérite les plus grands éloges. Puifqu'elle
vous a fait le confident de cette aventure ,
vous devez , Monfieur , raffurer fa délicateffe
, en rendant ma Lettre publique.
Il est vrai que je lui ai envoyé à l'Orient
la caffette dont elle fe plaint . Il l'eft encore
que les bijoux en valent plus de 30000 liv.
Le fieur Pierre les a fournis , on peut le
lui demander. Il n'eft pas moins vrai que
j'y ai joint une bourfe de 750 louis , &
KY
216 MERCURE DE FRANCE.
mon portrait mais il ne l'eft pas que j'aie
eu des vues qui puiffent l'offenfer. Expliquons
ce myftere.
Il y a bien des années que je fuis l'ami
'de fon mari. Il vint à Paris , il y a peu de
mois ; je l'y vis tous les jours , & tous les
jours il me parloit de la divine Ulalie. Il
en eft l'époux , il en eft l'amant ; il le dit ,
il le penfe. Il fçait qu'elle eft la plus belle
des femmes , & il la croit la plus tendre &
la plus vertueufe des époufes. Je dis , il la
croit , puifqu'en en effet il eft occupé de
ce fentiment jufqu'au foupçon , & ce foupçon
eft l'unique peine qui traverſe fon
bonheur. Je l'ai voulu détruire , & je n'ai
pu y réuffir. C'étoit , me difoit- il , une
fantaisie de Marin , qu'il vouloit diffiper
en l'approfondiffant. Pour cet effet , il
imagina de lui donner des bijoux , de l'or
& mon portrait , à qui il fit l'honneur de
donner la préférence. L'idée d'un envoi
mystérieux lui parut brillante ; elle ne
pouvoit annoncer qu'un Amant magnifique
, difcret & délicat. Il penfa bien qu'elle
ne le foupçonneroit pas d'être l'auteur
d'une pareille galanterie ; elle est trop
contre les procédés ordinaires aux maris.
Il fit dépendre fon bonheur de la réception
qu'elle feroit à ce préfent , & enfin il
exigea de mon amitié que je n'en ferois
SEPTEMBRE . 1757. 227
l'envoi que lorsqu'il feroit fur mer ; car
il voulut encore favorifer la féduction
par fon éloignement. Voilà l'origine de
cette caffette. Je l'ai envoyée avec les précautions
qu'il m'avoit fuggérées. Ulalie l'a
reçue. Mais quel dénouement ! que ne
puis-je le faire fçavoir à mon ami ! Il reviendra
peut- être bientôt. Je lui laifferois
bien le plaifir de faire connoître au tendre
objet de fon amour , qu'il eft l'auteur du
préfent : mais elle menace de vous le confier
, Monfieur , & j'ai cru devoir lui donner
un éclairciffement qui la raffurera , La
caffette lui appartient : elle doit la garder ,
& elle le fera avec plaifir.
Il me reste un embarras dont j'aurai peine
à me tirer. Sans avoir l'honneur de connoître
la charmante Ulalie , je prévois
qu'elle trouvera cet envoi un outrage. Un
foupçon en eft le motif, un foupçon eft un
crime : el le voudra s'en venger ; & fur qui ?
Voilà mon embarras : avec toute autre , il
n'y en auroit aucun . On fe venge fur un
mari : voilà l'ufage. Mais avec elle , on ne
peut compter fur les ufages les plus anciens.
& les plus fuivis. Elle pardonnera à l'époux,
& fa colere tombera fur moi . Si elle me
fait cette injuftice , mon ami m'en fera
raifon ou il me procurera les occafions de
lui faire ma cour , ou je romps avec lui ;
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
c'eſt le feul moyen que je veux employer
pour prévenir une haine injufte. Que la
belle Ulalie foit de bonne foi. Si j'avois.
réuffi à détruire les foupçons du Marin ,
la caffette & les bijoux feroient encore
chez le fieur Pierre. Me le pardonneroitelle
? Non fans doute , & elle auroit raifon.
On ne s'eft jamais avifé d'empêcher
un mari de donner 50000 liv . à fa femme.
Quel que foit le but d'un pareil don , il
flatte toujours , & elle paroît trop dévouée
aux procédés contre les ufages pour n'être
pas enchantée de celui-ci.
:
Je l'avertis encore qu'elle doit garder
mon portrait jufqu'au retour de fon mari.
Il eft intéreffant qu'il le voie il croiroit
peut -être que j'en aurois fubftitué quelqu'autre.
Il avoit décidé pour le mien :
enfin c'étoit un article de fa fantaifie . Mais.
qu'elle ne s'en allarme pas ; je lui promets:
de ne pas croire cette démarche une faveur .
J'ai le fien ; je le vois tous les jours , fans
qu'elle ait fujet de s'en fcandalifer . Je ne
me fuis pas encore mis dans l'efprit que ce
pouvoit être une faveur. Son mari me l'a
donné pour me prouver l'étendue de fon
bonheur. Mais pour prévenir toutes difcuffions
fur ces portraits , j'aurai l'honneur
de lui dire que je dois aller à l'Orient dès
que mon ami fera de retour , & il décidera
SEPTEMBRE. 1757. 229
de leur fort . Je fçais qu'il ne doit appartenir
qu'à elle d'en décider : mais ferat'elle
la feule à laquelle il foit permis d'avoir
des procédés finguliers ? Je veux tenir
de fon mari le bonheur de la voir , de la
connoître & de l'aimer. Je ne veux pas en
attendre celui de lui plaire , à moins qu'elle
ne l'exige . Je me promets bien de lui obéir
avec une attention fcrupuleufe ; & fi elle
aime les procédés contre les ufages , j'ent
aurai toujours autant qu'elle le defirera .
J'ai l'honneur d'être , & c.
Paris , le Août 1757.
ALZIDOR.
Ulalie me permettra de lui cacher mon
nom , jufqu'à ce que je fois raffuré contre
fa haine. Qu'elle me laiffe entrevoir mon
pardon , je vole à l'Orient : je lui livre le
coupable avant le retour de fon mari , &
j'ofe l'affurer qu'il me verra chez lui avec
un plaifir extrême . Il eft d'ufage d'être le
complaifant de l'époux d'une femme dont
on veut mériter les bontés.Ce fera encore un
procédé qu'elle n'aura pas à me reprocher.
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Résumé : LES PROCÉDÉS CONTRE LES USAGES, Ou Réponse à la Lettre de la Dame de l'Orient.
Dans la lettre intitulée 'LES PROCÉDÉS CONTRE LES USAGES, Ou Réponse à la Lettre de la Dame de l'Orient', l'auteur Alzidor répond à une accusation de la dame Ulalie concernant un cadeau qu'elle a reçu. Alzidor explique qu'il a envoyé à Ulalie une cassette contenant des bijoux d'une valeur de plus de 30 000 livres et une bourse de 750 louis, ainsi que son portrait. Ces présents ont été envoyés à la demande du mari d'Ulalie, qui souhaitait dissiper ses soupçons sur la fidélité de sa femme. Le mari, ami d'Alzidor, a imaginé ce geste pour prouver son amour et sa confiance en Ulalie. Alzidor assure qu'il n'avait aucune intention malveillante et qu'il a agi par amitié pour le mari. Il exprime son embarras face à la possible réaction d'Ulalie, qui pourrait voir cet envoi comme un outrage. Alzidor prévoit de se rendre à l'Orient pour clarifier la situation et éviter toute haine injustifiée. Il promet de respecter les décisions d'Ulalie concernant les portraits et de se comporter en complaisant du mari, conformément aux usages.
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75
p. 194
De VERSAILLES, le 17 Juillet.
Début :
Le 27 du mois dernier, le Roi tint le Sceau. Le 30, le sieur Boyer, [...]
Mots clefs :
Roi, Médecin ordinaire du roi, Honneur, Princesse, Sceau, Comte, Ambassadeur, Empereur, Audience, Charge
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De VERSAILLES, le 17 Juillet.
DeVERSAILLES , le 17 Juillet.
E 27 du mois dernier , le Roi tint le Sceau.
Le 30 le fieur Boyer , Médecin ordinaire de
Sa Majefté , Doyen de la Faculté de Médecine ,
Chevalier & Secrétaire de l'Ordre de S. Michel ,
eut l'honneur de préfenter au Roi la mé faille,qui
doit être offerte à Sa Majeſté , à chaque tenue
du Chapitre de cet Ordre , conformément à la
fondation faite, par le fieur Perrotin de Barmond,
Chevalier du m me Ordre.
Le 3 de ce mois , la Princeffe Triwulfi, Dame
d'honneur de feue Madame Infante , eut l'hon.
neur de prendre congé de Leurs Majeftés, pour
Le rendre incellamment à Parme.
Le 11 de ce mois , le Roi tint le Sceau.
Le même jour , le Comte de Starhenberg,Am
baffadeur de l'Empereur & de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Bohême, eut une Audience particuliere
de Sa Majesté , à laquelle il fut conduit
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaſfadeurs.
la
Le 14 , le Roi difpofa de la Charge de Grand-
Aumônier de France , qui étoit vacante par
mort du Cardinal de Tavannes , en faveur de
l'Archevêque de Narbonne.
E 27 du mois dernier , le Roi tint le Sceau.
Le 30 le fieur Boyer , Médecin ordinaire de
Sa Majefté , Doyen de la Faculté de Médecine ,
Chevalier & Secrétaire de l'Ordre de S. Michel ,
eut l'honneur de préfenter au Roi la mé faille,qui
doit être offerte à Sa Majeſté , à chaque tenue
du Chapitre de cet Ordre , conformément à la
fondation faite, par le fieur Perrotin de Barmond,
Chevalier du m me Ordre.
Le 3 de ce mois , la Princeffe Triwulfi, Dame
d'honneur de feue Madame Infante , eut l'hon.
neur de prendre congé de Leurs Majeftés, pour
Le rendre incellamment à Parme.
Le 11 de ce mois , le Roi tint le Sceau.
Le même jour , le Comte de Starhenberg,Am
baffadeur de l'Empereur & de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Bohême, eut une Audience particuliere
de Sa Majesté , à laquelle il fut conduit
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaſfadeurs.
la
Le 14 , le Roi difpofa de la Charge de Grand-
Aumônier de France , qui étoit vacante par
mort du Cardinal de Tavannes , en faveur de
l'Archevêque de Narbonne.
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Résumé : De VERSAILLES, le 17 Juillet.
Du 27 juin au 14 juillet, plusieurs événements marquants eurent lieu à la cour. Le 27 juin, le roi prit possession du Sceau. Le 30 juin, le médecin Boyer, Médecin ordinaire du roi et Doyen de la Faculté de Médecine, remit au roi la médaille traditionnelle du Chapitre de l'Ordre de Saint-Michel. Le 3 juillet, la Princesse Trivulzi, Dame d'honneur de la défunte Madame Infante, quitta les souverains pour se rendre à Parme. Le 11 juillet, le roi reprit le Sceau et reçut le Comte de Starhenberg, Ambassadeur de l'Empereur et de l'Impératrice Reine de Hongrie et de Bohême, accompagné par l'Introducteur des Ambassadeurs. Le 14 juillet, le roi nomma l'Archevêque de Narbonne au poste de Grand-Aumônier de France, vacant depuis la mort du Cardinal de Tavannes.
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76
p. 190
De ROME, le 3 Novembre.
Début :
Le tour que prend notre démêlé avec la Cour de Portugal, [...]
Mots clefs :
Cour, Tensions, Portugal, Sénat, Gênes, Réconciliation, Nobles, Naples, Statue, Honneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De ROME, le 3 Novembre.
De ROME , Le 3 Novembre.
Letour que prend notre démêlé avec la Cour de
Portugal, caufe ici beaucoup d'inquiétude. La bonne
intelligence entre notre Cour & la République
de Génes, ne prend pas un meilleur tour. Le Sénat
de Génes exige pour préliminaire de réconciliation,
que le Vifiteur Apoftolique foit rappellé de l'Ile de
Corfe.
Dans la derniere affemblée des Nobles tenue au
Capitole , la famille des Comtes de Renaldis , originaires
du Frioul, fut aggrégée au Corps de la Nobleffe
Romaine.
On apprend que la Ville de Naples a réfolu
d'élever une Statue de Bronze en l'honneur de
Don Carlos , pour marque de reconnoiffance des
beaux établiffemens que ce Prince a faits pendant
qu'il a été fur le Trône des deux Siciles.
Letour que prend notre démêlé avec la Cour de
Portugal, caufe ici beaucoup d'inquiétude. La bonne
intelligence entre notre Cour & la République
de Génes, ne prend pas un meilleur tour. Le Sénat
de Génes exige pour préliminaire de réconciliation,
que le Vifiteur Apoftolique foit rappellé de l'Ile de
Corfe.
Dans la derniere affemblée des Nobles tenue au
Capitole , la famille des Comtes de Renaldis , originaires
du Frioul, fut aggrégée au Corps de la Nobleffe
Romaine.
On apprend que la Ville de Naples a réfolu
d'élever une Statue de Bronze en l'honneur de
Don Carlos , pour marque de reconnoiffance des
beaux établiffemens que ce Prince a faits pendant
qu'il a été fur le Trône des deux Siciles.
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Résumé : De ROME, le 3 Novembre.
Le 3 novembre, à Rome, les relations avec le Portugal et la République de Gênes restent tendues. Gênes exige le rappel du Visiteur Apostolique de Corse. La famille des Comtes de Renaldis est intégrée à la Noblesse Romaine. Naples érige une statue à Don Carlos pour ses réformes.
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77
p. 83-84
AUTRE.
Début :
Lecteur, tu me connois si tu nâquis en France, [...]
Mots clefs :
Honneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
ECTEUR , tu me connois fi tu nâquis en France,
Et même je fuis für que tu vis fous ma loi ;
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
Puifque tout bon François, malgré ſon inconſtance;
Ne fe laffe jamais d'être conduit par moi .
Cherche dans mes fept pieds , tu trouveras fans
peine ,
Un Tyran qui rendit les Romains malheureux ;
Un Fleuve plus profond qu'à Paris n'eft la Seine ;
Ce qui cache fouvent l'Aftre brillant des Cieux ;
L'état ou fe trouva la Reine de Cythère ,
Lorfque Vulcain la vit outrageant ſon honneur ;
Pour t'en dire encor plus , obferve , confidére ,
Tu me vois fous tes yeux , regarde bien , Lecteur.
Par un Abonné au Mercure.
ECTEUR , tu me connois fi tu nâquis en France,
Et même je fuis für que tu vis fous ma loi ;
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
Puifque tout bon François, malgré ſon inconſtance;
Ne fe laffe jamais d'être conduit par moi .
Cherche dans mes fept pieds , tu trouveras fans
peine ,
Un Tyran qui rendit les Romains malheureux ;
Un Fleuve plus profond qu'à Paris n'eft la Seine ;
Ce qui cache fouvent l'Aftre brillant des Cieux ;
L'état ou fe trouva la Reine de Cythère ,
Lorfque Vulcain la vit outrageant ſon honneur ;
Pour t'en dire encor plus , obferve , confidére ,
Tu me vois fous tes yeux , regarde bien , Lecteur.
Par un Abonné au Mercure.
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78
p. 142-147
LETTRE à M. DE LA PLACE, sur les Aqueducs, sur les grands Chemins, &c.
Début :
MONSIEUR, L'Histoire des grands chemins de l'Empire Romain de M. Bergier, & le [...]
Mots clefs :
Chemins, Aqueducs, Recherches, Ville, Honneur, Lecteurs, Romains
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à M. DE LA PLACE, sur les Aqueducs, sur les grands Chemins, &c.
LETTRE à M. DE LA PLACE , fur
les Aqueducs , fur les grands Chemins
, &c.
MONSIEUR ONSIEUR ,
,
L'Hiftoire des grands chemins de l'Einpire
Romain de M. Bergier , & le
magnifique projet de donner de l'eau
à Paris par M. Deparcieux , de l'Académie
Royale des Sciences , m'ont fait
naître une idée que je vous prie de
communiquer au Public .
M. Bergier dit dans fon Avertiffement
que plufieurs Savans de différentes Provinces
l'ont aidé à compofer fon Ouvrage
& l'on fent affez que des recherches
auffi immenfes ne peuvent
pas être faites par un feul homme.
AVRIL. 1763. 143
Ces recherches font profondes &
inftructives , & peut-être leur devonsnous
l'attention particulière , & bien
digne de la protection Royale qu'on
apporte aux grands chemins , beaucoup
plus fous ce régne & fous le précédent ,
qu'on n'a fait fous les autres.
Une histoire des aqueducs faits dans
les Gaules par la même nation pour procurer
de l'eau aux Villes , ne pourroitelle
pas avoir auffi fon objet d'utilité ?
au moins pourroit-elle fatisfaire la curiofité
de nombre de Lecteurs d'une manière
très -piquante , & par-là devenir
utile .
Il y a peu de Villes dans le Royaume
fi petites qu'elles foient, où l'on ne trouve
des hommes lettres & fouvent très-érudits.
Il feroit à fouhaiter que dans chaque
canton , où l'on trouve des reftes
d'aqueducs faits par les Romains ou par
d'autres , jufques & compris ceux faits
de nos jours pour procurer de l'eau aux
Habitans des Villes , il fe trouvât quelques
Savans qui vouluffent bien prendre
la peine de faire des recherches
fur ces refpec &tables monumens faits
pour l'utilité publique , ainfi que les
chemins.
On pourroit fuivre le plan de la dif144
MERCURE DE FRANCE .
fertation que M. de Lorme de l'Acadé
mie de Lyon a faite fur les aqueducs
conftruits par les Romains pour procurer
de l'eau à cette Ville , ou s'en faire
une autre fi le fujet l'éxige ; la differtation
de M. de Lorme , a été imprimée
à Lyon , chez Aimé de la Roche , aux
Halles de la Grenette. Il faudroit y joindre
quelques deffeins en figures quand
il en feroit befoin. Ces differtations envoyées
aux Auteurs du Mercure , ou à
l'Académie des Infcriptions & Belles-
Lettres feroient honneur à leurs Auteurs
& plaifir aux Lecteurs , & l'on en feroit
un jour un recueil en confervant à chacun
l'honneur de fon travail.
?
La prife d'eau ou le commencement
des aqueducs , leur route & leur étendue
, la defcription dés reftes tels qu'ils
font , la grandeur & la forme du paffage
de l'eau , la conftruction & la matière
qu'on y employoit , quelle eau
ils portoient de fource ou de rivière
la quantité qu'on en pouvoit prendre
à ces fources ou à ces rivières , fi l'eau
étoit menée à couvert ou à découvert ,
la quantité de pente , le nombre & l'étendue
des vallons à traverfer , avec la
hauteur que devoient avoir les pontsaqueducs
aux endroits les plus bas des
vallons
AVRIL. 1763 . 145
vallons , les montagnes ou rochers coupés
ou percés , & dans quelle longueur ,
&c , font autant de chofes qu'il eft à
fouhaiter qu'on faffe connoître quand
on le verra clairement , ou dire ce qu'on
préfume par tel ou tel indice tâcher
de dire par qui ils ont été faits , quand
on poura le fçavoir ou le préfumer ou
l'établir par quelque recherche hiſtorique.
>
Ces mêmes recherches pourront peutêtre
apprendre , pour quelques aqueducs
comme celles de M. Bergier ont fait
pour quelques chemins , s'ils ont été
faits des fonds publics de l'Etat ou de
la Ville pour laquelle ils étoient faits
ou par la générofité de quelque riche
Citoyen , auxquels il appartient de faire
les grandes chofes , quand ils penſent
affez bien pour fentir qu'un nom refpectable
laiffé à leur poftérité eft bien
plus flatteur & communément plus utile
que trop de grands biens trouvés en
naiffant , dont il ne refte fouvent rien
à la fin de la feconde ou de la troifiéme
génération. Paris en fournit nombre
d'éxemples , on ne les cherche pas
longtemps ; mais il fera toujours difficile
de perfuader aux perfonnes accoutumées
à entaffer millions für millions
I.Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE .
qu'un Particulier n'eft pas plus heureux ,
on pourroit même dire pas plus riche
avec vingt ou trente millions qu'avec
dix , & qu'une médiocre fortune avec
un nom mémorable par quelque belle
action de valeur ou de patriotisme ,
donneroient bien plus d'âme , de fentimens,
de confidération & de fatisfaction
que cet excès de richeffes feul.
Il eft probable que les aqueducs
auront trouvé des bienfaiteurs comme
les grands chemins en ont trouvé,les uns
& les autres étant de la plus grande néceffité.
Ceux qui connoiffent bien l'hiftoire
pourront fur cet objet faire des
découvertes qui intérefferont les Lecteurs
patriotes, ainfi qu'a fait M. Bergier,
pour ce qui concerne les grands chemins.
Ce Sçavant nous apprend , Liv. I.
Chap. XXIV. que plufieurs Citoyens
Romains donnoient des fommes confidérables
pour faire travailler aux chemins;
que les uns donnoient de leur
vivant, d'autres par teftament, les uns des
fommes déterminées , d'autres celles
qui étoient néceffaires pour faire conftruire
à neuf, ou faire paver ou entretenir
une longeur défignée de chemins
; d'autres s'affocioient pour faire
AVRIL. 1763.
un chemin entier qu'ils dédioient à
un Prince chéri ou bien -aimé , auquel
ils donnoient fon nom . Peut- on mieux
flatter un Maître digne de l'affection
de fes Sujets , & lui faire fa cour plus
grandement , qu'en travaillant à tranfmettre
fon nom à la postérité par des
Monumens publics , durables & utiles
qui font connoître à la fois le reſpect ,
l'attachement & l'amour qu'on avoit
pour lui ?
Lacer , affectionné à l'Empereur Trajan
, fit bâtir à fes propres frais un
pont confidérable dans la Ville d'Alicante
, à l'honneur de ce Prince . Les habitans
de la Ville de Chaves en Portugal,
lui en dédiérent un autre.
Un Médecin nommé Décimius , né
de baffe condition , mais avec des fentimens
élevés , nobles & généreux , donna
350 mille fefterces ; & un Chirurgien
oculiſte , nommé Clinicus , 309 mille
fefterces pour être employés au pavé
des chemins fommes avec lesquelles
on devoit faire alors des travaux confidérables.
J'ai l'honneur d'être , & c.
les Aqueducs , fur les grands Chemins
, &c.
MONSIEUR ONSIEUR ,
,
L'Hiftoire des grands chemins de l'Einpire
Romain de M. Bergier , & le
magnifique projet de donner de l'eau
à Paris par M. Deparcieux , de l'Académie
Royale des Sciences , m'ont fait
naître une idée que je vous prie de
communiquer au Public .
M. Bergier dit dans fon Avertiffement
que plufieurs Savans de différentes Provinces
l'ont aidé à compofer fon Ouvrage
& l'on fent affez que des recherches
auffi immenfes ne peuvent
pas être faites par un feul homme.
AVRIL. 1763. 143
Ces recherches font profondes &
inftructives , & peut-être leur devonsnous
l'attention particulière , & bien
digne de la protection Royale qu'on
apporte aux grands chemins , beaucoup
plus fous ce régne & fous le précédent ,
qu'on n'a fait fous les autres.
Une histoire des aqueducs faits dans
les Gaules par la même nation pour procurer
de l'eau aux Villes , ne pourroitelle
pas avoir auffi fon objet d'utilité ?
au moins pourroit-elle fatisfaire la curiofité
de nombre de Lecteurs d'une manière
très -piquante , & par-là devenir
utile .
Il y a peu de Villes dans le Royaume
fi petites qu'elles foient, où l'on ne trouve
des hommes lettres & fouvent très-érudits.
Il feroit à fouhaiter que dans chaque
canton , où l'on trouve des reftes
d'aqueducs faits par les Romains ou par
d'autres , jufques & compris ceux faits
de nos jours pour procurer de l'eau aux
Habitans des Villes , il fe trouvât quelques
Savans qui vouluffent bien prendre
la peine de faire des recherches
fur ces refpec &tables monumens faits
pour l'utilité publique , ainfi que les
chemins.
On pourroit fuivre le plan de la dif144
MERCURE DE FRANCE .
fertation que M. de Lorme de l'Acadé
mie de Lyon a faite fur les aqueducs
conftruits par les Romains pour procurer
de l'eau à cette Ville , ou s'en faire
une autre fi le fujet l'éxige ; la differtation
de M. de Lorme , a été imprimée
à Lyon , chez Aimé de la Roche , aux
Halles de la Grenette. Il faudroit y joindre
quelques deffeins en figures quand
il en feroit befoin. Ces differtations envoyées
aux Auteurs du Mercure , ou à
l'Académie des Infcriptions & Belles-
Lettres feroient honneur à leurs Auteurs
& plaifir aux Lecteurs , & l'on en feroit
un jour un recueil en confervant à chacun
l'honneur de fon travail.
?
La prife d'eau ou le commencement
des aqueducs , leur route & leur étendue
, la defcription dés reftes tels qu'ils
font , la grandeur & la forme du paffage
de l'eau , la conftruction & la matière
qu'on y employoit , quelle eau
ils portoient de fource ou de rivière
la quantité qu'on en pouvoit prendre
à ces fources ou à ces rivières , fi l'eau
étoit menée à couvert ou à découvert ,
la quantité de pente , le nombre & l'étendue
des vallons à traverfer , avec la
hauteur que devoient avoir les pontsaqueducs
aux endroits les plus bas des
vallons
AVRIL. 1763 . 145
vallons , les montagnes ou rochers coupés
ou percés , & dans quelle longueur ,
&c , font autant de chofes qu'il eft à
fouhaiter qu'on faffe connoître quand
on le verra clairement , ou dire ce qu'on
préfume par tel ou tel indice tâcher
de dire par qui ils ont été faits , quand
on poura le fçavoir ou le préfumer ou
l'établir par quelque recherche hiſtorique.
>
Ces mêmes recherches pourront peutêtre
apprendre , pour quelques aqueducs
comme celles de M. Bergier ont fait
pour quelques chemins , s'ils ont été
faits des fonds publics de l'Etat ou de
la Ville pour laquelle ils étoient faits
ou par la générofité de quelque riche
Citoyen , auxquels il appartient de faire
les grandes chofes , quand ils penſent
affez bien pour fentir qu'un nom refpectable
laiffé à leur poftérité eft bien
plus flatteur & communément plus utile
que trop de grands biens trouvés en
naiffant , dont il ne refte fouvent rien
à la fin de la feconde ou de la troifiéme
génération. Paris en fournit nombre
d'éxemples , on ne les cherche pas
longtemps ; mais il fera toujours difficile
de perfuader aux perfonnes accoutumées
à entaffer millions für millions
I.Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE .
qu'un Particulier n'eft pas plus heureux ,
on pourroit même dire pas plus riche
avec vingt ou trente millions qu'avec
dix , & qu'une médiocre fortune avec
un nom mémorable par quelque belle
action de valeur ou de patriotisme ,
donneroient bien plus d'âme , de fentimens,
de confidération & de fatisfaction
que cet excès de richeffes feul.
Il eft probable que les aqueducs
auront trouvé des bienfaiteurs comme
les grands chemins en ont trouvé,les uns
& les autres étant de la plus grande néceffité.
Ceux qui connoiffent bien l'hiftoire
pourront fur cet objet faire des
découvertes qui intérefferont les Lecteurs
patriotes, ainfi qu'a fait M. Bergier,
pour ce qui concerne les grands chemins.
Ce Sçavant nous apprend , Liv. I.
Chap. XXIV. que plufieurs Citoyens
Romains donnoient des fommes confidérables
pour faire travailler aux chemins;
que les uns donnoient de leur
vivant, d'autres par teftament, les uns des
fommes déterminées , d'autres celles
qui étoient néceffaires pour faire conftruire
à neuf, ou faire paver ou entretenir
une longeur défignée de chemins
; d'autres s'affocioient pour faire
AVRIL. 1763.
un chemin entier qu'ils dédioient à
un Prince chéri ou bien -aimé , auquel
ils donnoient fon nom . Peut- on mieux
flatter un Maître digne de l'affection
de fes Sujets , & lui faire fa cour plus
grandement , qu'en travaillant à tranfmettre
fon nom à la postérité par des
Monumens publics , durables & utiles
qui font connoître à la fois le reſpect ,
l'attachement & l'amour qu'on avoit
pour lui ?
Lacer , affectionné à l'Empereur Trajan
, fit bâtir à fes propres frais un
pont confidérable dans la Ville d'Alicante
, à l'honneur de ce Prince . Les habitans
de la Ville de Chaves en Portugal,
lui en dédiérent un autre.
Un Médecin nommé Décimius , né
de baffe condition , mais avec des fentimens
élevés , nobles & généreux , donna
350 mille fefterces ; & un Chirurgien
oculiſte , nommé Clinicus , 309 mille
fefterces pour être employés au pavé
des chemins fommes avec lesquelles
on devoit faire alors des travaux confidérables.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Fermer
Résumé : LETTRE à M. DE LA PLACE, sur les Aqueducs, sur les grands Chemins, &c.
La lettre adressée à M. de La Place aborde l'histoire des grands chemins et des aqueducs, s'inspirant des travaux de M. Bergier et du projet de M. Deparcieux pour approvisionner Paris en eau. L'auteur propose de compiler une histoire des aqueducs construits dans les Gaules par les Romains, afin de satisfaire la curiosité des lecteurs et de servir l'utilité publique. Il suggère que des savants dans chaque canton où subsistent des restes d'aqueducs entreprennent des recherches sur ces monuments. Ces études pourraient suivre le modèle de la dissertation de M. de Lorme sur les aqueducs romains à Lyon, incluant des descriptions détaillées des aqueducs, leur construction, leur utilisation et leur financement. L'auteur souligne que ces recherches pourraient révéler des informations sur les bienfaiteurs ayant financé ces infrastructures, qu'il s'agisse de fonds publics ou de générosité privée. Il cite des exemples de citoyens romains ayant contribué à la construction et à l'entretien des chemins, mettant en avant l'importance de ces actes de patriotisme et de générosité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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79
p. 135-140
LETTRE d'un Habitant du Palais Royal, à M. DE LA PLACE.
Début :
MONSIEUR Comme ce qui concerne le bien Public est une des parties éssentielles de [...]
Mots clefs :
Palais, Police de Paris, Spectacle, Honneur, Incendie, Jardin du Palais Royal
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'un Habitant du Palais Royal, à M. DE LA PLACE.
SUPPLÉMENT aux Piéces Fugitives..
LETTRE d'un Habitant du Palais.
Royal, à M. DE LA PLACE.
MONSIEUR ,9 .
Comme ce qui concerne le bien Public
eft une des parties éffentielles de
votre Journal , on voit avec plaifir votreattention
à ne rien négliger de tout
ce qui peut y contribuer ; l'incendie
136 MERCURE DE FRANCE.
terrible qui vient de reduire en cendres
un des plus beaux Spectacles de
l'Europe , occupe aujourd'hui bien douloureuſement
les efprits de tous les
Citoyens.
J'ai été témoin de ce funefte événement
& j'ai vu dans une heure de
temps la Salle de l'Opéra confumée
par les flammes & tout le Palais Royal
dans le danger le plus éminent ( a ) .
> C'est le Mercredi 6 de ce mois
qu'entre onze heures & onze heures
& un quart un tourbillon de fumée
épouvantable annonça le feu qui embrâfoit
la Salle , & qui menaçoit d'un
côté le Palais du Prince & de l'autre
la rue S. Honoré par les maiſons du
cul - de - fac de l'Opéra. La quantité
de bois & d'autres matières combuftibles
, qui abondent dans un Spectacle
qui confifte principalement en décorations
& en machines , donnoient
au feu une telle activité , qu'à midi &
(a ) Quelle perte c'eût été & pour la Capitale
& pour tout le Royaume , que cette fuperbe Collection
de Tableaux , que l'on peut regarder comme
une des richeffes de l'Etat , & qui ne contribue
pas peu à attirer tant d'Etrangers à Paris !
On peut rebâtir des Palais , mais de pareilles pertes
font irréparables.
AVRIL. 1763: 137
demi cette Salle n'étoit déja plus que
la plus vafte & la plus horrible de toutes
les fournaifes .
Dans un embrâfement auffi violent ,
il étoit difficile que les fecours arrivalfent
auffi promptement qu'il étoit naturel
de le defirer. Il eft vrai que la
peine que l'on eut d'abord à avoir
de l'eau en quantité fuffifante , a bien
démontré toute l'utilité du Projet de
M. Deparcieux , dont vous avez donné
, Monfieur , l'extrait dans votre Mercure.
On peut foupçonner auffi que
la Police de Paris , fi admirable à tant
d'égards , pourroit être fufceptible encore
d'une plus grande perfection fur
le fervices des Pompes il doit être
d'autant plus permis de le dire, qu'aujourd'hui
la fageffe du Miniftère ne
demande qu'à connoître les abus pour
les réformer , & que l'on doit tout
attendre de ce Magiftrat auffi éclairé
que vigilant , que le Roi a élevé à une
place où le Peuple l'auroit nommé , &
qui a fi bien prouvé combien il en étoit
digne , en maintenant la fureté de Paris
dans des temps fi difficiles . (b)
(b ) Le Lecteur apprendra fans doute avec plai
fir une fage précaution déja priſe il y a longtems
par M. le Lieutenant Général de Police. Les Maî
138 MERCURE DE FRANCE..
Par toutes ces raiſons je me crois at
torifé à vous expofer ici , Monfieur , ce
qui fe pratique à Strasbourg , au fujet
des incendies. Nuit & jour un homme
gagé par la Ville fait la fentinelle au
clocher de la Cathédrale dont l'élévation
prodigieufe domine la Ville de
route part. Si le feu prend en quelque
endroit le furveillant fonne le tocfin
& par la direction , le jour , d'un drapeau
blanc , & la nuit d'une lanterne
indique le Quartier de la Ville où eft le
feu . Toutes les Pompes y accourent
fans qu'il foit befoin de les aller cher--
cher. La premiere arrivée eſt récompenſée
par une fomme qu'eft obligée de
payer par forme d'amande celle qui n'arrive
que la dernière : ainfi la même
ardeur anime tous les Pompiers , les.
uns pour gagner le prix , les autres pour
ne pas le payer. Il n'eft pas poffible de
fe refufer au fentiment d'admiration
qu'infpire une police fi merveillėuſe.
Il fe peut que l'étendue immenfe de la
Ville de Paris y rendit un pareil établiffement
impraticable. Si ce n'eft pas
tres des Voitures qui fourniffent de l'eau aux quartiers
éloignés de la Ville & des Fauxbourgs , ont
ordre de ne rentrer chez eux , que leurs tonneaux
pleins , pour fervir en cas de beſoin..
AVRIL. 1763: 139
·
un éxemple à fuivre , on peut du moins.
en profiter pour faire mieux ce qui fe
fait communément. Cette réfléxion n'eft
pas d'un cenfeur , caractère communément
odieux & dont je fuis très-éloigné ;
je ne parle qu'en fimple Citoyen , dont
l'unique but eft d'avertir ceux qui font
plus au fait que je ne le fuis de tout ce
qui regarde un objet fi important , de
propofer les réformes dont notre Police
pourroit avoir befoin à cet égard .
C'est toujours beaucoup pour quiconque
tient au bien de l'humanité , que de
Poccafionner de quelque manière que
ce foit. Toute fimple qu'eft cette Lettre
, j'en ferois gloire fi elle donnoit
lieu au génie patriotique , qui fait de fi
heureux progrès parmi nous d'enfanter
quelque projet qui pût garantir nos
Neveux de ces terribles défaftres dont
nous n'avons été que trop fouvent témoins.
Un Philofophe & peut- être le
plus grand de tous , Socrate lui - même ,
ne fe glorifioit de rien tant que de favoir
faire accoucher les efprits .
Avant que de finir , je ne puis me
refufer la fatisfaction de vous faire part
d'un autre Spectacle dont j'ai eté témoin
, fpectacle toujours trifte à la
vérité , mais intéreffant & qui fait trop
140 MERCURE DE FRANCE .
d'honneur â nos Concitoyens pour le
paffer fous filence.
Au Jardin du Palais Royal , qui étoit
encore ouvert à l'ordinaire , on voioir
deux chaînes différentes compofées de
perfonnes de tout état , fans diftinction
de rang , de dignité , de fexe même ,
l'une formée pour fauver les Archives
du Palais , l'autre pour fournir plus
promptement l'eau aux Pompes qui
pouvoient feules en arrêter l'incendie.
Le zéle dont chacun est animé dans
ces terribles événemens redoubloit
fenfiblement encore , ainfi l'a remarqué
un fage Magiftrat , par le
refpect & l'amour dont tous les Citoyens
font pénétrés pour M. le Duc
d'Orléans & pour le Prince fon fils ,
dont la préſence les affectoit fi vivement.
Que ce Public dont tant de faux Philofopes
affectent de mal parler , devient
alors refpectable & intéreſſant !
Que ce spectacle fait honneur à l'humanité
! Mais puiffe le Jardin du Palais
Royal n'en offrir jamais de pareil.
J'ai l'honneur d'être , & c.
que
*
L * A* L * B *.
* M. le Procureur du Roi.
LETTRE d'un Habitant du Palais.
Royal, à M. DE LA PLACE.
MONSIEUR ,9 .
Comme ce qui concerne le bien Public
eft une des parties éffentielles de
votre Journal , on voit avec plaifir votreattention
à ne rien négliger de tout
ce qui peut y contribuer ; l'incendie
136 MERCURE DE FRANCE.
terrible qui vient de reduire en cendres
un des plus beaux Spectacles de
l'Europe , occupe aujourd'hui bien douloureuſement
les efprits de tous les
Citoyens.
J'ai été témoin de ce funefte événement
& j'ai vu dans une heure de
temps la Salle de l'Opéra confumée
par les flammes & tout le Palais Royal
dans le danger le plus éminent ( a ) .
> C'est le Mercredi 6 de ce mois
qu'entre onze heures & onze heures
& un quart un tourbillon de fumée
épouvantable annonça le feu qui embrâfoit
la Salle , & qui menaçoit d'un
côté le Palais du Prince & de l'autre
la rue S. Honoré par les maiſons du
cul - de - fac de l'Opéra. La quantité
de bois & d'autres matières combuftibles
, qui abondent dans un Spectacle
qui confifte principalement en décorations
& en machines , donnoient
au feu une telle activité , qu'à midi &
(a ) Quelle perte c'eût été & pour la Capitale
& pour tout le Royaume , que cette fuperbe Collection
de Tableaux , que l'on peut regarder comme
une des richeffes de l'Etat , & qui ne contribue
pas peu à attirer tant d'Etrangers à Paris !
On peut rebâtir des Palais , mais de pareilles pertes
font irréparables.
AVRIL. 1763: 137
demi cette Salle n'étoit déja plus que
la plus vafte & la plus horrible de toutes
les fournaifes .
Dans un embrâfement auffi violent ,
il étoit difficile que les fecours arrivalfent
auffi promptement qu'il étoit naturel
de le defirer. Il eft vrai que la
peine que l'on eut d'abord à avoir
de l'eau en quantité fuffifante , a bien
démontré toute l'utilité du Projet de
M. Deparcieux , dont vous avez donné
, Monfieur , l'extrait dans votre Mercure.
On peut foupçonner auffi que
la Police de Paris , fi admirable à tant
d'égards , pourroit être fufceptible encore
d'une plus grande perfection fur
le fervices des Pompes il doit être
d'autant plus permis de le dire, qu'aujourd'hui
la fageffe du Miniftère ne
demande qu'à connoître les abus pour
les réformer , & que l'on doit tout
attendre de ce Magiftrat auffi éclairé
que vigilant , que le Roi a élevé à une
place où le Peuple l'auroit nommé , &
qui a fi bien prouvé combien il en étoit
digne , en maintenant la fureté de Paris
dans des temps fi difficiles . (b)
(b ) Le Lecteur apprendra fans doute avec plai
fir une fage précaution déja priſe il y a longtems
par M. le Lieutenant Général de Police. Les Maî
138 MERCURE DE FRANCE..
Par toutes ces raiſons je me crois at
torifé à vous expofer ici , Monfieur , ce
qui fe pratique à Strasbourg , au fujet
des incendies. Nuit & jour un homme
gagé par la Ville fait la fentinelle au
clocher de la Cathédrale dont l'élévation
prodigieufe domine la Ville de
route part. Si le feu prend en quelque
endroit le furveillant fonne le tocfin
& par la direction , le jour , d'un drapeau
blanc , & la nuit d'une lanterne
indique le Quartier de la Ville où eft le
feu . Toutes les Pompes y accourent
fans qu'il foit befoin de les aller cher--
cher. La premiere arrivée eſt récompenſée
par une fomme qu'eft obligée de
payer par forme d'amande celle qui n'arrive
que la dernière : ainfi la même
ardeur anime tous les Pompiers , les.
uns pour gagner le prix , les autres pour
ne pas le payer. Il n'eft pas poffible de
fe refufer au fentiment d'admiration
qu'infpire une police fi merveillėuſe.
Il fe peut que l'étendue immenfe de la
Ville de Paris y rendit un pareil établiffement
impraticable. Si ce n'eft pas
tres des Voitures qui fourniffent de l'eau aux quartiers
éloignés de la Ville & des Fauxbourgs , ont
ordre de ne rentrer chez eux , que leurs tonneaux
pleins , pour fervir en cas de beſoin..
AVRIL. 1763: 139
·
un éxemple à fuivre , on peut du moins.
en profiter pour faire mieux ce qui fe
fait communément. Cette réfléxion n'eft
pas d'un cenfeur , caractère communément
odieux & dont je fuis très-éloigné ;
je ne parle qu'en fimple Citoyen , dont
l'unique but eft d'avertir ceux qui font
plus au fait que je ne le fuis de tout ce
qui regarde un objet fi important , de
propofer les réformes dont notre Police
pourroit avoir befoin à cet égard .
C'est toujours beaucoup pour quiconque
tient au bien de l'humanité , que de
Poccafionner de quelque manière que
ce foit. Toute fimple qu'eft cette Lettre
, j'en ferois gloire fi elle donnoit
lieu au génie patriotique , qui fait de fi
heureux progrès parmi nous d'enfanter
quelque projet qui pût garantir nos
Neveux de ces terribles défaftres dont
nous n'avons été que trop fouvent témoins.
Un Philofophe & peut- être le
plus grand de tous , Socrate lui - même ,
ne fe glorifioit de rien tant que de favoir
faire accoucher les efprits .
Avant que de finir , je ne puis me
refufer la fatisfaction de vous faire part
d'un autre Spectacle dont j'ai eté témoin
, fpectacle toujours trifte à la
vérité , mais intéreffant & qui fait trop
140 MERCURE DE FRANCE .
d'honneur â nos Concitoyens pour le
paffer fous filence.
Au Jardin du Palais Royal , qui étoit
encore ouvert à l'ordinaire , on voioir
deux chaînes différentes compofées de
perfonnes de tout état , fans diftinction
de rang , de dignité , de fexe même ,
l'une formée pour fauver les Archives
du Palais , l'autre pour fournir plus
promptement l'eau aux Pompes qui
pouvoient feules en arrêter l'incendie.
Le zéle dont chacun est animé dans
ces terribles événemens redoubloit
fenfiblement encore , ainfi l'a remarqué
un fage Magiftrat , par le
refpect & l'amour dont tous les Citoyens
font pénétrés pour M. le Duc
d'Orléans & pour le Prince fon fils ,
dont la préſence les affectoit fi vivement.
Que ce Public dont tant de faux Philofopes
affectent de mal parler , devient
alors refpectable & intéreſſant !
Que ce spectacle fait honneur à l'humanité
! Mais puiffe le Jardin du Palais
Royal n'en offrir jamais de pareil.
J'ai l'honneur d'être , & c.
que
*
L * A* L * B *.
* M. le Procureur du Roi.
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Résumé : LETTRE d'un Habitant du Palais Royal, à M. DE LA PLACE.
Le 6 avril 1763, un incendie a ravagé la salle de l'Opéra du Palais-Royal, réduisant l'édifice en cendres en une heure. L'auteur de la lettre, habitant du Palais-Royal, décrit la rapidité et l'intensité du feu, qui a menacé le Palais du Prince et la rue Saint-Honoré. Les décorations et machines combustibles ont alimenté l'incendie, rendant les secours difficiles à mobiliser rapidement. L'auteur souligne l'utilité du projet de M. Deparcieux pour l'approvisionnement en eau et propose des améliorations pour la police de Paris en matière de lutte contre les incendies. Il mentionne également une pratique à Strasbourg où un surveillant signale les incendies depuis le clocher de la cathédrale, permettant une intervention rapide des pompiers. La lettre se termine par un témoignage du zèle et du respect des citoyens lors de l'incendie. Sous l'influence du Duc d'Orléans et de son fils, les habitants ont formé des chaînes pour sauver les archives et fournir de l'eau aux pompes.
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80
p. 180-181
SUITE de l'Article de WARSOVIE.
Début :
Loin donc que Sa Majesté Impériale veuille usurper les droits de la République [...]
Mots clefs :
Majesté impériale, République, Pologne, Duc, Assemblée, Noblesse, Régence, Honneur, Universaux, Souverain, Lettres, Conseil
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texteReconnaissance textuelle : SUITE de l'Article de WARSOVIE.
SUITE de l'Article de WARSOVIE.
„ Loin donc que Sa Majefté Impériale veuille
> ufurper les droits de la République , Elle avoue
» hautement la Suzeraineté de la République de
Pologne fur lefdits Duchés , & elle ne le pro-
» pole pas moins de les maintenir conftamment
» dans leurs dépendances féodales avec la République.
Elle ne reconnoît & ne reconnoîtra
» jamais pour Duc légitime des Duchés de Cour-
>>lande & de Semigalle que le Duc Erneſt -Jean ,
>> invefti légalement du confentement de toute la
République.
כ כ
02
Par- là Sa Majefté Impériale remplit ce qu'exigent
la juftice & le droit du voisinage , & ne
> fait que fuivre les conftitutions & les loix de la
République , à l'exemple de toutes les Puiffances
» de l'Europe qui , en vertu de fes conftitutions ,
» ont reconnu Erneft - Jean , Duc légitime de
Courlande.
Le Duc de Biren, par desUniverfaux datés de Mittau,
oùila fait un voyage leiode ce mois ,a fixé leroe
du mois prochain pour l'affemblée qu'il annonce ,
& en preffant la Régence & la Nobleffe dontelle
fera compofée , de lui rendre hommage
il s'étend fur les fervices que lui rend l'Impératrice
Catherine , en le rétabliffant dans fon
honneur & dans fes biens , fans dire un mot
AVRIL. 1763.
181
ni du Roi ni de la République de Pologne
enfin il déclare que Samedi prochain 22 de ce
mois , il s'établira à Mittau avec toute fa famille.
Le fieur Simolin', Réfident de Ruffie , a
accompagné les Univerfaux du Duc de Biren
' d'une lettre circulaire , dans laquelle il recommande
de la part de fa Cour à la Nobleffe
Courlandoife de fe foumettre à l'ancien Souverain
rappellé. Il promet à ceux qui le reconnoîtront
aujourd'hui , la protection de l'Impératrice
fa maîtreffe , & menace au contraire de l'indignation
de cette Princeffe ceux qui voudroient lui
réfifter. Le Duc Charles , qui eft toujours à Mitrau
, a cru devoir envoyer ces deux Piéces au Roi
fon père , en lui écrivant , comme à fon Seigneur
Suzerain lui dénoncer ces procédés vio- > pour
lens , dont l'effet achévera de détruire fon établiffement
en Courlande : il réclame toujours la
protection du Roi , celle de la République , & les
ordres de Sa Majefté fur la conduite qu'il doit
tenir.
Sa Majesté Polonoiſe a répondu à ce Prince
que , ne pouvant lui rien préfcrire fans l'avis du
Sénat , elle a fait expédier fes Lettres néceffaires
pour le convoquer , & que le réfultat des délibérations
de cette Affemblée fixera le parti qu'il
aura à prendre. On compte que ce Confeil aura
lieu vers la fin du mois . prochain .
„ Loin donc que Sa Majefté Impériale veuille
> ufurper les droits de la République , Elle avoue
» hautement la Suzeraineté de la République de
Pologne fur lefdits Duchés , & elle ne le pro-
» pole pas moins de les maintenir conftamment
» dans leurs dépendances féodales avec la République.
Elle ne reconnoît & ne reconnoîtra
» jamais pour Duc légitime des Duchés de Cour-
>>lande & de Semigalle que le Duc Erneſt -Jean ,
>> invefti légalement du confentement de toute la
République.
כ כ
02
Par- là Sa Majefté Impériale remplit ce qu'exigent
la juftice & le droit du voisinage , & ne
> fait que fuivre les conftitutions & les loix de la
République , à l'exemple de toutes les Puiffances
» de l'Europe qui , en vertu de fes conftitutions ,
» ont reconnu Erneft - Jean , Duc légitime de
Courlande.
Le Duc de Biren, par desUniverfaux datés de Mittau,
oùila fait un voyage leiode ce mois ,a fixé leroe
du mois prochain pour l'affemblée qu'il annonce ,
& en preffant la Régence & la Nobleffe dontelle
fera compofée , de lui rendre hommage
il s'étend fur les fervices que lui rend l'Impératrice
Catherine , en le rétabliffant dans fon
honneur & dans fes biens , fans dire un mot
AVRIL. 1763.
181
ni du Roi ni de la République de Pologne
enfin il déclare que Samedi prochain 22 de ce
mois , il s'établira à Mittau avec toute fa famille.
Le fieur Simolin', Réfident de Ruffie , a
accompagné les Univerfaux du Duc de Biren
' d'une lettre circulaire , dans laquelle il recommande
de la part de fa Cour à la Nobleffe
Courlandoife de fe foumettre à l'ancien Souverain
rappellé. Il promet à ceux qui le reconnoîtront
aujourd'hui , la protection de l'Impératrice
fa maîtreffe , & menace au contraire de l'indignation
de cette Princeffe ceux qui voudroient lui
réfifter. Le Duc Charles , qui eft toujours à Mitrau
, a cru devoir envoyer ces deux Piéces au Roi
fon père , en lui écrivant , comme à fon Seigneur
Suzerain lui dénoncer ces procédés vio- > pour
lens , dont l'effet achévera de détruire fon établiffement
en Courlande : il réclame toujours la
protection du Roi , celle de la République , & les
ordres de Sa Majefté fur la conduite qu'il doit
tenir.
Sa Majesté Polonoiſe a répondu à ce Prince
que , ne pouvant lui rien préfcrire fans l'avis du
Sénat , elle a fait expédier fes Lettres néceffaires
pour le convoquer , & que le réfultat des délibérations
de cette Affemblée fixera le parti qu'il
aura à prendre. On compte que ce Confeil aura
lieu vers la fin du mois . prochain .
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Résumé : SUITE de l'Article de WARSOVIE.
Le texte aborde les relations entre l'Empire et la République de Pologne concernant les duchés de Courlande et de Semigalle. L'empereur reconnaît la suzeraineté de la République sur ces duchés et Ernest-Jean comme duc légitime, conformément aux constitutions et lois de la République ainsi qu'aux reconnaissances des autres puissances européennes. Le duc de Biren convoque une assemblée pour prêter hommage, mettant en avant les services de l'impératrice Catherine sans mentionner le roi ou la République de Pologne. Il annonce également son installation à Mittau avec sa famille. Le résident russe, Simolin, envoie une lettre circulaire exhortant la noblesse courlandaise à se soumettre à Biren, promettant la protection de l'impératrice et menaçant les résistants. Le duc Charles informe le roi de Pologne de ces procédés violents et réclame protection. Le roi convoque le Sénat pour délibérer et prendre une décision à la fin du mois prochain.
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81
p. 184-190
De VERSAILLES, le 16 Février 1763.
Début :
Le Maréchal Duc de Biron & le Duc de Choiseul ont fait entendre au Roi [...]
Mots clefs :
Maréchal de Biron, Duc de Choiseul, Musique militaire, Roi, Régiment, Famille royale, Contrat de mariage, Comte, Bal, Monseigneur le Dauphin, Comtesse, Académie française, Commandement, Nominations, Cour, Chevaliers, Officiers, Honneur, Fête de la Purification de la Sainte Vierge, Duc, Prince héréditaire, Célébrations, Église, Capitaine, Promotion, Archevêque, Diocèse, Abbé, Ordre, Impératrice de Russie
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texteReconnaissance textuelle : De VERSAILLES, le 16 Février 1763.
DeVERSAILLES , le 16 Fevrier 1763 .
Le Maréchal Duc de Biron & le Duc de
Choifeul ont fait entendre au Roi tes Mufiques
AVRIL. 1763 . 185
attachées au Régiment des Gardes Françoiles &
Suiffes ; & Sa Majesté en a paru très - fatisfaite .
Leurs Majeftés ainfi que la Famille Royale ,
ont figné , le 23 du mois dernier , le Contrat
de mariage du Comte de Sparre avec la Demoiſelle
de Camufet. Le Comte de Sparre eft
d'une Famille de Suede , très - ancienne dans ce
Royaume ,& illuftrée par plufieurs alliances avec
des Maifons Souveraines. Son Père , le Comte
de Sparre , Maréchal des Camps & Armées du
Roi , eft petit-fils du Comte Pierre Sparre , Ambaffadeur
de Suede en France en 1675 .
Le 24 du même mois il y a eu Bal à la Cour.
Leurs Majeftés , ainfi que Monſeigneur le Dauphin
, Madame la Dauphine , Madame Adélaïde ,
Mesdames Victoire & Sophie l'honorerent de leur
préfence. Le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres
, le Prince de Condé , le Comte de Luface
, & la Comreffe de Henneberg , affifterent
à cette affemblée , qui fut très -brillante par le
concours & la magnificence des Seigneurs &
des Dames de la Cour.
Le 25 la Comteffe de Choifeul- la - Beaume a
été préfentée à Leurs Majeftés , ainfi qu'à la Famille
Royale , par la Ducheffe de Choifeut.
Le fieur Hardion , de l'Académie Françoife ;
a eu l'honneur de préfenter à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale les 15 & 16 ° volumes
de fon Hiftoire Univerfelle. Le fieur Targe , ci
devant Proffeffeur de Langue Françoife , & ac
tuellement Profeffeur de Mathématique à l'Ecole
Royale Militaire , a préfenté auffi à Monfeigneur
le Duc de Berry & à Monſeigneur le Comte
de Provence , les Tomes 5 , 6 , 7 , & 8 de
fa Traduction de l'Hiftoire d Angleterre ; par le
feur Smolett. £
Sa Majesté a difpofé de la Lieutenance Géné186
MERCURE DE FRANCE.
rale du Comté de Charolois & du commande,
ment en Chef de la Province de Bourgogne
vacant par la mort du Marquis d'Anlezy , en
faveur du Comte de la Guiche , Lieutenant Gćnéral
des Armées du Roi.
Le 30 , le fieur d'Argouges , nommé à la.
place de Lieutenant Civil au Châtelet de Paris ,
après la retraite de fon père , fut préſenté en
cette qualité à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale.
54
Le même jour , l'Abbé de Voifenon , préfenta
à Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,
le Difcours qu'il a prononcé à l'Académie Françoife
pour la réception.
Le 31 , il y eut Bal à la Cour. Le Roi , ainf
que Monfeigneur le Dauphin , Madame la Dauphine
, Madame Adélaïde , Meſdames Victoire ,
Sophie & Louiſe l'honorerent de leur préfence,
Le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres , le Prince
de Condé , le Prince de Conti , le Comte dẹ.
la Marche , le Comte de Luface & la Comteffe
de Henneberg , affifterent à cette Affemblée
, qui fut auffi brillante que les précédentes.
Le 1. de ce mois , les Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre , affifterent au fervice
anniverfaire qu'on célébre pour les Cheva
diers de l'Ordre. L'Evêque de Langres y officia
Le même jour , le feur Gigot , Ex- Recteur
de l'Univerfité , accompagné des Doyens des quatre
Facultés , ent l'honneur de préfenter , felon
Tufage , un Cierge au Roi , à la Reine , à Monfeigneur
le Dauphin , à Madame la Dauphine ,
à Monfeigneur le Duc de Berry , & à Monfeigneur
le Comte de Provence.
Le même jour , le Père Pays , Commandeur
de la Merci , accompagné de trois de fes ReliAVRIL.
1763. 187
gieux , a eu l'honneur de préfenter un Cierge
à la Reine , en conféquence d'une condition im
pofée à cet Ordre , lorfque Marie de Médicis
en permit l'établiſſement à Paris en 1613 .
> du
Le 2 , Fête de la Purification de la Sainte
Vierge , les Chevaliers , Commandeurs & Offi
ciers de l'Ordre du Saint Eſprit , s'étant affemblés
vers les onze heures du matin dans le Cabinet
du Roi , le Prince de Lamballe fut introduit
dans ce Cabinet , où il fut reçu Chevalier
de l'Ordre de Saint Michel . Le Roi fortit enfuite
de fon appartement pour aller à la Chapelle :Sa
Majefté étoit précédée du Duc d'Orléans , dú
Duc de Chartres du Prince de Condé ,
Prince de Conti du Comte de la Marche , du
Comte d'Eu , du Duc de Penthievre & des Che
valiers , Commandeurs de l'Ordre . Le Prince de
Lamballe , en habit de Novice , marchoit entre
les Chevaliers & les Officiers . Le Roi , devant
qui les deux Huiffiers de la Chambre portoient
leurs maffes , étoit en manteau , le Collier de l'Or
dre pardeffus , ainfi que celui de la Toifon d'Or.
Lorfqu'on eut chanté l'Hymne Veni Creator
le Roi monta fur fon Trône , & reçur Cheva
lier le Prince de Lamballe . L'Evêque Duc de
Langres, Prélat,Commandeur, célébra la Grand-
Meffe , à laquelle la Reine , accompagnée de
Madame la Dauphine , de Madame Adélaïde
& de Meſdames Victoire , Sophie & Louiſe , affifta
dans la Tribune ; après quoi , le Roi fut reconduit
à fon appartement en la maniere accoutumée.
2.
Le même jour , la Marquife de Belfunce fut
préſentée à Leurs Majeſtés , ainfi qu'à la Famille
Royale , par la Comteffe de Belfunce ; & le Comte
d'Apchon , Maréchal des Camps & Armées du
188 MERCURE DE FRANCE.
Roi , à été présenté à Sa Majeſté en qualité de
Gouverneur du Duc de Bourbon .
Le 7 , il y eut Bal à la Cour. Leurs Majeftés ,
ainní que Monfeigneur le Dauphin , Madame la
Dauphine , & Meldames , l'honorerent de leur
préfence. Le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres ,
le Prince de Condé , le Prince de Lamballe , &
le Conte de Luface affiftérent à cette affemblée .
Le même jour , le Prince de Beauvau , qui
commandoit les Troupes Françoiles en Portugal
, eft arrivé , & a été préſenté au Roi ,
Le 6 , Leurs Majeftés , ainsi que la Famille
Royale , fignérent le Contrat de mariage du Comte
de la Luzerne , avec la Demoifelle Angrand
d'Alleret. Le même jour , la Ducheffe d'Havré .
fut préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale , par la Marquife de Léde , & prit le Tabouret
chez la Reine.
Le 8 , le Prince Héréditaire de Naffau-Saarbruck
eut l'honneur d'être préfenté au Roi , à
la Reine & à la Famille Royale.
Le 10 , on célébra dans l'Eglife Paroiffiale de
Notre-Dame , un Service pour feue Madame
Henriette de France. La Reine y affifta , ainfi
que Monfeigneur le Dauphin , Madame la Dauphine
, Madame Adélaïde , Meldames Victoire ,.
Sophie & Louife.
Le 13 Leurs Majeftés , ainfi que la Famille
Royale , fignerent le Contrat de mariage du
Comte de Montboiffier avec la Demoiſelle de
- Rochechouart.
Le 14 , il y eut Bal à la Cour. Leurs Majeftés
, ainfi que Monfeigneur, le Dauphin , Madame
la Dauphine , le Duc d'Orléans , le Duc
de Chartres , le Prince de Condé , le Prince de
Lamballe , le Comte de Laface , & la ComAVRIL.
1763: 189
teffe de Henneberg affifterent à cette Affemblée
.
La Ducheffe de la Rochefoucault & la Ba
ronne de Warsberg furent préfentées à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale ; la premiere ,
par la Ducheffe d'Enville ; & la feconde , par
la Comteffe d'Helmftat. La Ducheffe de la Rochefoucault
prit le Tabouret le même jour.
Le Comte de Bonneguife , Capitaine dans le
Régiment de Bourgogne , Cavalerie , a obtenu
l'agrément du Roi , pour la charge de Colo
nel- Lieutenant du Régiment d'Infanterie d'Eu ,
vacante par la promotion du Comte de Caſtellane
au grade de Maréchal de Camp.
Aujourd'hui la Cour a pris le deuil pour quinze
jours , à l'occafion de la mort du Cardinal de
Baviere , Evêque & Prince de Liége.
Le 2 de ce mois , Archevêque de Narbonne ,
Grand -Aumônier de France , prêta ferment entre
les mains du Roi , pour l'Archevêché de
Rheims.
Sa Majefté a difpofé de l'Archevêché de Touloufe
en faveur de l'Evêque de Condom ; & de
l'Evêché de Condom en faveur de l'Abbé d'Anteroche
, Vicaire Général du Diocèle de Cambray.
Le Roi a donné l'Abbaye de Reclus , Ordre
de Citeaux , Diocèle de Troyes , à l'Abbé de
Ventoux , Vicaire - Général du même Diocèle ;
Celle de Sainte Claire d'Annonay en Vivarais ,
Diocèle de Vienne , à la Dame de Belmés , Religieufe
Urfuline du Monaftere de Pernés , Diocèle
de Carpentras ; & le Prieuré de Poiffy' ,
Ordre de Saint Dominique , Diocèle de Chartres
, à la Dame de la Beaume-Suze , Religieufe
Bénédiaine de l'Abbaye de, Saint Honoré de
Tarafcon.
190 MERCURE DE FRANCE.
L'Impératrice Catherine de Ruffie , depuis
fon avenement au Trône , ayant fait difficulté
de renouveller la reverfale qui avoit été fucceffivement
donnée par l'Impératrice Elifabeth &
par l'Empereur Pierre III . au fujet du titre
Impérial , le Baron de Breteuil , Miniftre Plénipotentiaire
de Sa Majefté en Ruffie , a été
quelque temps fans avoir fon audience & fans
remettre les lettres de créance ; mais pour lever
cette difficulté , l'Impératrice Catherine à fait
remettre la déclaration fuivante à tous les
Miniftres Etrangers réſidans à ſa Cour.
Le Maréchal Duc de Biron & le Duc de
Choifeul ont fait entendre au Roi tes Mufiques
AVRIL. 1763 . 185
attachées au Régiment des Gardes Françoiles &
Suiffes ; & Sa Majesté en a paru très - fatisfaite .
Leurs Majeftés ainfi que la Famille Royale ,
ont figné , le 23 du mois dernier , le Contrat
de mariage du Comte de Sparre avec la Demoiſelle
de Camufet. Le Comte de Sparre eft
d'une Famille de Suede , très - ancienne dans ce
Royaume ,& illuftrée par plufieurs alliances avec
des Maifons Souveraines. Son Père , le Comte
de Sparre , Maréchal des Camps & Armées du
Roi , eft petit-fils du Comte Pierre Sparre , Ambaffadeur
de Suede en France en 1675 .
Le 24 du même mois il y a eu Bal à la Cour.
Leurs Majeftés , ainfi que Monſeigneur le Dauphin
, Madame la Dauphine , Madame Adélaïde ,
Mesdames Victoire & Sophie l'honorerent de leur
préfence. Le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres
, le Prince de Condé , le Comte de Luface
, & la Comreffe de Henneberg , affifterent
à cette affemblée , qui fut très -brillante par le
concours & la magnificence des Seigneurs &
des Dames de la Cour.
Le 25 la Comteffe de Choifeul- la - Beaume a
été préfentée à Leurs Majeftés , ainfi qu'à la Famille
Royale , par la Ducheffe de Choifeut.
Le fieur Hardion , de l'Académie Françoife ;
a eu l'honneur de préfenter à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale les 15 & 16 ° volumes
de fon Hiftoire Univerfelle. Le fieur Targe , ci
devant Proffeffeur de Langue Françoife , & ac
tuellement Profeffeur de Mathématique à l'Ecole
Royale Militaire , a préfenté auffi à Monfeigneur
le Duc de Berry & à Monſeigneur le Comte
de Provence , les Tomes 5 , 6 , 7 , & 8 de
fa Traduction de l'Hiftoire d Angleterre ; par le
feur Smolett. £
Sa Majesté a difpofé de la Lieutenance Géné186
MERCURE DE FRANCE.
rale du Comté de Charolois & du commande,
ment en Chef de la Province de Bourgogne
vacant par la mort du Marquis d'Anlezy , en
faveur du Comte de la Guiche , Lieutenant Gćnéral
des Armées du Roi.
Le 30 , le fieur d'Argouges , nommé à la.
place de Lieutenant Civil au Châtelet de Paris ,
après la retraite de fon père , fut préſenté en
cette qualité à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale.
54
Le même jour , l'Abbé de Voifenon , préfenta
à Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,
le Difcours qu'il a prononcé à l'Académie Françoife
pour la réception.
Le 31 , il y eut Bal à la Cour. Le Roi , ainf
que Monfeigneur le Dauphin , Madame la Dauphine
, Madame Adélaïde , Meſdames Victoire ,
Sophie & Louiſe l'honorerent de leur préfence,
Le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres , le Prince
de Condé , le Prince de Conti , le Comte dẹ.
la Marche , le Comte de Luface & la Comteffe
de Henneberg , affifterent à cette Affemblée
, qui fut auffi brillante que les précédentes.
Le 1. de ce mois , les Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre , affifterent au fervice
anniverfaire qu'on célébre pour les Cheva
diers de l'Ordre. L'Evêque de Langres y officia
Le même jour , le feur Gigot , Ex- Recteur
de l'Univerfité , accompagné des Doyens des quatre
Facultés , ent l'honneur de préfenter , felon
Tufage , un Cierge au Roi , à la Reine , à Monfeigneur
le Dauphin , à Madame la Dauphine ,
à Monfeigneur le Duc de Berry , & à Monfeigneur
le Comte de Provence.
Le même jour , le Père Pays , Commandeur
de la Merci , accompagné de trois de fes ReliAVRIL.
1763. 187
gieux , a eu l'honneur de préfenter un Cierge
à la Reine , en conféquence d'une condition im
pofée à cet Ordre , lorfque Marie de Médicis
en permit l'établiſſement à Paris en 1613 .
> du
Le 2 , Fête de la Purification de la Sainte
Vierge , les Chevaliers , Commandeurs & Offi
ciers de l'Ordre du Saint Eſprit , s'étant affemblés
vers les onze heures du matin dans le Cabinet
du Roi , le Prince de Lamballe fut introduit
dans ce Cabinet , où il fut reçu Chevalier
de l'Ordre de Saint Michel . Le Roi fortit enfuite
de fon appartement pour aller à la Chapelle :Sa
Majefté étoit précédée du Duc d'Orléans , dú
Duc de Chartres du Prince de Condé ,
Prince de Conti du Comte de la Marche , du
Comte d'Eu , du Duc de Penthievre & des Che
valiers , Commandeurs de l'Ordre . Le Prince de
Lamballe , en habit de Novice , marchoit entre
les Chevaliers & les Officiers . Le Roi , devant
qui les deux Huiffiers de la Chambre portoient
leurs maffes , étoit en manteau , le Collier de l'Or
dre pardeffus , ainfi que celui de la Toifon d'Or.
Lorfqu'on eut chanté l'Hymne Veni Creator
le Roi monta fur fon Trône , & reçur Cheva
lier le Prince de Lamballe . L'Evêque Duc de
Langres, Prélat,Commandeur, célébra la Grand-
Meffe , à laquelle la Reine , accompagnée de
Madame la Dauphine , de Madame Adélaïde
& de Meſdames Victoire , Sophie & Louiſe , affifta
dans la Tribune ; après quoi , le Roi fut reconduit
à fon appartement en la maniere accoutumée.
2.
Le même jour , la Marquife de Belfunce fut
préſentée à Leurs Majeſtés , ainfi qu'à la Famille
Royale , par la Comteffe de Belfunce ; & le Comte
d'Apchon , Maréchal des Camps & Armées du
188 MERCURE DE FRANCE.
Roi , à été présenté à Sa Majeſté en qualité de
Gouverneur du Duc de Bourbon .
Le 7 , il y eut Bal à la Cour. Leurs Majeftés ,
ainní que Monfeigneur le Dauphin , Madame la
Dauphine , & Meldames , l'honorerent de leur
préfence. Le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres ,
le Prince de Condé , le Prince de Lamballe , &
le Conte de Luface affiftérent à cette affemblée .
Le même jour , le Prince de Beauvau , qui
commandoit les Troupes Françoiles en Portugal
, eft arrivé , & a été préſenté au Roi ,
Le 6 , Leurs Majeftés , ainsi que la Famille
Royale , fignérent le Contrat de mariage du Comte
de la Luzerne , avec la Demoifelle Angrand
d'Alleret. Le même jour , la Ducheffe d'Havré .
fut préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale , par la Marquife de Léde , & prit le Tabouret
chez la Reine.
Le 8 , le Prince Héréditaire de Naffau-Saarbruck
eut l'honneur d'être préfenté au Roi , à
la Reine & à la Famille Royale.
Le 10 , on célébra dans l'Eglife Paroiffiale de
Notre-Dame , un Service pour feue Madame
Henriette de France. La Reine y affifta , ainfi
que Monfeigneur le Dauphin , Madame la Dauphine
, Madame Adélaïde , Meldames Victoire ,.
Sophie & Louife.
Le 13 Leurs Majeftés , ainfi que la Famille
Royale , fignerent le Contrat de mariage du
Comte de Montboiffier avec la Demoiſelle de
- Rochechouart.
Le 14 , il y eut Bal à la Cour. Leurs Majeftés
, ainfi que Monfeigneur, le Dauphin , Madame
la Dauphine , le Duc d'Orléans , le Duc
de Chartres , le Prince de Condé , le Prince de
Lamballe , le Comte de Laface , & la ComAVRIL.
1763: 189
teffe de Henneberg affifterent à cette Affemblée
.
La Ducheffe de la Rochefoucault & la Ba
ronne de Warsberg furent préfentées à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale ; la premiere ,
par la Ducheffe d'Enville ; & la feconde , par
la Comteffe d'Helmftat. La Ducheffe de la Rochefoucault
prit le Tabouret le même jour.
Le Comte de Bonneguife , Capitaine dans le
Régiment de Bourgogne , Cavalerie , a obtenu
l'agrément du Roi , pour la charge de Colo
nel- Lieutenant du Régiment d'Infanterie d'Eu ,
vacante par la promotion du Comte de Caſtellane
au grade de Maréchal de Camp.
Aujourd'hui la Cour a pris le deuil pour quinze
jours , à l'occafion de la mort du Cardinal de
Baviere , Evêque & Prince de Liége.
Le 2 de ce mois , Archevêque de Narbonne ,
Grand -Aumônier de France , prêta ferment entre
les mains du Roi , pour l'Archevêché de
Rheims.
Sa Majefté a difpofé de l'Archevêché de Touloufe
en faveur de l'Evêque de Condom ; & de
l'Evêché de Condom en faveur de l'Abbé d'Anteroche
, Vicaire Général du Diocèle de Cambray.
Le Roi a donné l'Abbaye de Reclus , Ordre
de Citeaux , Diocèle de Troyes , à l'Abbé de
Ventoux , Vicaire - Général du même Diocèle ;
Celle de Sainte Claire d'Annonay en Vivarais ,
Diocèle de Vienne , à la Dame de Belmés , Religieufe
Urfuline du Monaftere de Pernés , Diocèle
de Carpentras ; & le Prieuré de Poiffy' ,
Ordre de Saint Dominique , Diocèle de Chartres
, à la Dame de la Beaume-Suze , Religieufe
Bénédiaine de l'Abbaye de, Saint Honoré de
Tarafcon.
190 MERCURE DE FRANCE.
L'Impératrice Catherine de Ruffie , depuis
fon avenement au Trône , ayant fait difficulté
de renouveller la reverfale qui avoit été fucceffivement
donnée par l'Impératrice Elifabeth &
par l'Empereur Pierre III . au fujet du titre
Impérial , le Baron de Breteuil , Miniftre Plénipotentiaire
de Sa Majefté en Ruffie , a été
quelque temps fans avoir fon audience & fans
remettre les lettres de créance ; mais pour lever
cette difficulté , l'Impératrice Catherine à fait
remettre la déclaration fuivante à tous les
Miniftres Etrangers réſidans à ſa Cour.
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Résumé : De VERSAILLES, le 16 Février 1763.
En février et avril 1763, plusieurs événements marquants ont eu lieu à la cour de France. Le 16 février, le Maréchal Duc de Biron et le Duc de Choiseul ont présenté au roi les musiques des Régiments des Gardes Français et Suisses, obtenant sa satisfaction. Le 23 février, le contrat de mariage entre le Comte de Sparre, d'une famille suédoise illustre, et la Demoiselle de Camuset a été signé par les souverains et la famille royale. Le 24 février, un bal a réuni les souverains, le Dauphin, la Dauphine, et plusieurs princes et princesses. Le 25 février, la Comtesse de Choiseul-La Baume a été présentée aux souverains et à la famille royale par la Duchesse de Choiseul. Le 30 février, le sieur Hardion a présenté les volumes 15 et 16 de son Histoire Universelle, et le sieur Targe a présenté des tomes de la traduction de l'Histoire d'Angleterre de Smollett. Le roi a nommé le Comte de la Guiche Lieutenant Général des Armées du Roi et commandant en chef de la province de Bourgogne. Le même jour, le sieur d'Argouges a été présenté en qualité de Lieutenant Civil au Châtelet de Paris. Le 31 mars, un bal a eu lieu à la cour avec la présence des souverains et de plusieurs princes et princesses. Le 1er avril, les Chevaliers de l'Ordre du Saint-Esprit ont célébré leur service annuel, et divers dignitaires ont présenté des cierges à la famille royale. Le 2 avril, le Prince de Lamballe a été reçu Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel. Le 7 avril, un bal a eu lieu à la cour, et le Prince de Beauvau, commandant des troupes françaises au Portugal, a été présenté au roi. Le 6 avril, le contrat de mariage entre le Comte de la Luzerne et la Demoiselle Angrand d'Alleret a été signé. Le 10 avril, un service a été célébré en mémoire de Madame Henriette de France. Le 13 avril, le contrat de mariage entre le Comte de Montboissier et la Demoiselle de Rochechouart a été signé. Le 14 avril, un bal a eu lieu à la cour, et la Duchesse de la Rochefoucault a été présentée aux souverains. Le roi a également pris le deuil pour la mort du Cardinal de Bavière. Diverses nominations et présentations de dignitaires ecclésiastiques et militaires ont également été mentionnées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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82
p. 99-106
LETTRE de M. MARIN à M. DE LA PLACE, sur l'Histoire de SALADIN, &c.
Début :
VOUS avez eu la bonté, Monsieur, de faire mention dans le Mercure d'Avril [...]
Mots clefs :
Avocats, Bureau, Pauvres, Conseil, Consultations , Histoire, Ouvrage, Honneur, Syrie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. MARIN à M. DE LA PLACE, sur l'Histoire de SALADIN, &c.
LETTRE de M. MARIN à M. DE LA
PLACE , fur l'Hiftoire de SALA
& c. DIN ,
VOUS Ous avez eu la bonté , Monfieur .
de faire mention dans le Mercure d'Avril
de l'Hiftoire de Saladin , & vous
l'avez annoncée comme une nouvelle
édition. Je fuis fort éloigné d'approuver
ces petites rufes de Libraires , & je
vous prie d'apprendre au Public que j'ai
fait quelques légers changemens dans
cet écrit , mais qu'il n'a point été réimprimé
de nouveau .
Cet Ouvrage qui m'a couté dix années
de travail , dont j'ai puifé les matériaux
dans tous les Auteurs du temps ,
Chrétiens & Mufulmans , que j'ai écrit
avec le plus de foin qu'il m'a été poffible
, & que j'avois cru rendre intéreſfant
par le développement & l'Hiftoire
abrégée des Dynafties Arabes , par le
tableau des moeurs & des opinions des
!
qu'on pouvoit donner une fauffe interprétation
au premier vers de fon Ode à Hiéron ; c'eſt
pourquoi il répéte enfuite cette même comparaifon
, & donne la correction néceffaire .
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
+
Mahometans , & en préfentant fous une
face nouvelle , une de ces expéditions .
malheureufes qui firent de la Syrie un
gouffre où l'Europe venoit s'engloutir ;
cet Ouvrage , dis-je , traité avec ce ton
de vérité que quelques critiques ont
blâme , & que je regarde comme le premier
devoir impofe à l'Hiftorien , obtint
le fuffrage des gens de lettres ; mais
les femmes qui font dans notre fiécle le
fuccès des livres nouveaux , & dont
plufieurs méritent cet honneur ; mais
le commun des Lecteurs François furent
rebutés des noms barbares qu'on y rencontre
à chaque page. On étoit accoutumé
à lire dans Maimbourg , ( dont je
viens d'imiter la prolixité dans la phraſe
précédente ) dans Vertot , & tant d'autres
, les noms de Noradin , d'Adile ,
de Saladin , & on a été effrayé d'y voir
fubftituer ceux de Zenghi , de Kara-
Arflan , de Schirgouht , de Schaour ,
de Kamstegghin , & c ; vous penfez bien ' ,
Monfieur , que cet affemblage de lettres
qu'il falloit , pour ainfi dire , épeler chaque
fois pour leur faire produire deз
fons ; que ces fons bizarres qui venoient
à chaque inftant irriter les oreilles délicates
, ont dû laffer la patience des perfonnes
qui lifent plus pour s'amufer que
M A I. 1763.
ΤΟΥ
pour s'inftruire . J'ai eu tort fans doute
de ne point animer leur conftance en
les avertiffant dans la Préface , qu'après
le troifiéme ou le quatriéme livre , elles
n'auroient rencontré que des noms trèsconnus
, des noms de leurs ancêtres
des détails peut- être intéreffans & des
anecdotes que très-fùrement elles ne
trouveront point ailleurs ainfi raffemblés.
C'étoient , s'il m'eft permis de le dire
, les déferts qui conduifent dans l'Arabie
heureuſe. Mais je m'apperçois qu'à
l'occafion de votre annonce , je me
charge du ridicule de faire moi - même
l'éloge de mon Ouvrage , & c'eſt ſans
donte là une rufe de l'amour- propre
moins pardonnable que celle de mes
Libraires.
Dans le même volume , vous avez
inféré une Lettre pleine de réflexions .
judicieuses , à l'occafion du projet que
j'avois imaginé, & auquel vous avez bien
vou'u applaudir . On a eu tort de confondre
cet établiffement avec les confultations
gratuites des Avocats. Je propofe
une affemblée ou bureau de perfonnes
inftruites & autorifées à pourfuivre
avec vigueur les intérêts des pauvres
contre la tyrannie des débiteurs puiffans
& de mauvaife foi. Je n'ai cité
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
qu'un exemple dans ma Lettre , mais.
j'aurois pu en appeller plufieurs à l'appui
de mes idées , fi je n'avois craint des.
applications. Je les développerois & je
leur donnerois plus d'étendue , fi ce
projet pouvoit avoir lieu. On fentiroit
par la multiplicité d'injuftices criantes.
qu'on pourroit dévoiler , combien il feroit
important de réprimer la cruauté de
certains hommes qui infultent dans des
voitures magnifiques , aux malheureux
dont ils traînent les dépouilles.
Mais ce qu'il faut dire ici pour l'honneur
de l'humanité , c'eft que ma Lettre
adreffée à M. le P. de.... a occafionné
plufieurs bonnes oeuvres. On a recherché
les infortunés de l'efpéce de ceuxdont
j'ai parlé , & on s'eft difputé la
gloire de les fecourir, Un Avocat eftimable
que je ne puis nommer fans fon
aveu , a offert de fe charger de toutes
les caufes des pauvres & de faire les
avances néceffaires ; & fans doute plufieurs
de fes Confrères font dans la
même difpofition . Ainfi dans ce fiécle
que nos Moraliftes ne ceffent de rabaiffer
dans leurs déclamations , l'humanité:
n'a rien perdu de fes droits. Elle n'eft
point éteinte dans le coeur des hommes
& il fuffit de réveiller leur fenfibilité :
M A I. 1763. 103
pour les ramener à cette compaffion
bienfaifante que la Nature nous infpire
pour nos femblables .
Il est encore queftion de moi , Monfieur
, dans le même Mercure. En lifant
le manufcrit de l'Anglois à Bordeaux ,
Piéce qu'on ne fauroit trop louer ; j'ajoutai
un couplet à ceux du Vaudeville
qui termine cette Comédie . Ce
couplet destiné feulement pour M.
Favart , eft tombé entre les mains du
Libraire , qui l'a mêlé avec d'autres jolis
vers . Imprimé ainfi féparément il a un
air de prétention qu'il ne mérite pas , &
que je n'ai jamais eu deffein de luidonner.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris ce Avril 1763 . MARIN.
P.S. Comme le projet que j'avois
propofé n'aura peut-être jamais lieu , je
crois devoir ajouter ici quelques éclairciffemens
fur ce qui fe pratique à Paris ,
à Lyon & à Nancy.
Henri IV, qui s'occupoit fans ceffe
du bonheur de fes Sujets , avoit voulu
quelque temps avant fa mort, procurer
aux pauvres les fecours dont ils pourroient
avoir befoin pour l'inftruction &
la défenfe de leurs affaires. Il rendit à
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
cet effet le 6 Mars 1610 , un Arrêt de
fon Confeil d'Etat, qui ordonnoit que
dans toutes les Cours tant fouveraines
que fubalternes , il feroit commis des
Avocats & Procureurs , lefquels feroient
tenus d'affifter de leur confeil , labeur
& vacations , les Veuves , Orphelins ,
Pauvres Gentilshommes , Marchands
Laboureurs & autres qui feroient dépourvus
de confeils & d'argent , &c . La
mort prématurée de ce grand Roi empêcha
l'éxécution d'une fi belle entreprife.
Elle eft demeurée depuis fans
effet ; mais les Avocats y ont fuppléé
en partie , en établiffant des Confultations
de charité qui fe tiennent dans la
Bibliothéque que fen M. de Riparfond
a laiffée à l'Ordre des Avocats . Cette
Bibliothéque eft dans une des Salles de
l'Archevêché. Il s'y affemble une fois
la femaine , plufieurs anciens & jeunes
Avocats nommés par Meffieurs les Avocats
Généraux du Parlement , pour donner
leur avis fur les affaires qui font
propofées. Un d'entre les jeunes rend
compte a l'ancien des Mémoires , &
rédige les Confultations fans en recevoir
aucun honoraire. Meffieurs les
Avocats Généraux & M. le Procureur
Général áffiftoient anciennement à ces
M A I. 1763. TOS
affemblées & y viennent encore quelquefois.
Je tiens ces éclairciffemens d'un Avocat
( M. A. de M... ) qui m'a dit les
avoir envoyés également au Journal de
Jurifprudence. A Lyon il y a un Bureau ,
ou Confeil charitable. Ce Bureau doit
fon établiffement à M. de Rochebonne ,
Archevêque de Lyon , qui affecta 2000 1 .
à prendre fur les revenus de l'Archevêché.
Tous ces Succeffeurs ont continué
cette bonne oeuvre . La Ville ena
augmenté les revenus.
M. l'Archevêque préfide à ce Bureau,
en fon abfence c'eftfon premier Grand
Vicaire , ou un Comte de Lyon. Il y
affifte des Magiftrats de la Cour des
Monnoyes , Maréchauffée & Préfidial
de Lyon , des Avocats , des Procureurs,
des Négocians & notables Bourgeois .
On y régle à l'amiable toutes les conteftations
lorsque les parties veulent bien
s'en rapporter à ce Confeil. On fe charge
des procès des pauvres , où on leur
fournit des fecours , c'eſt-à - dire de l'argent
pour les pourfuivre eux - mêmes.
On y donne auffi des confultations gratuies
.
Ce Bureau s'affemble à l'Archevêché
tous les Samedis.
Ev
106 MERCURE DE FRANCE
Ce Bureau éxerce encore une bonne
oeuvre. Les loyers fe payent à Lyon
tous les fix mois , c'eft- à- dire , à la S.
Jean & à Noël. Quand un ouvrier ou ,
un autre pauvre particulier eft dans l'impuiffance
de payer fon terme , on s'en
charge. On met la femme en condition
, on a foin des enfans & on aide
le mari.
A Nancy , Saniflas le bienfaisant ,
qui mérite ce nom à tant de titres , a
établi un , Confeil d'Avocats qui éxaminent
toutes les conteftations & les.
décident. Ces Avocats font payés par
le Roi & il n'en coûte rien aux Parties
qui vont les confulter,
PLACE , fur l'Hiftoire de SALA
& c. DIN ,
VOUS Ous avez eu la bonté , Monfieur .
de faire mention dans le Mercure d'Avril
de l'Hiftoire de Saladin , & vous
l'avez annoncée comme une nouvelle
édition. Je fuis fort éloigné d'approuver
ces petites rufes de Libraires , & je
vous prie d'apprendre au Public que j'ai
fait quelques légers changemens dans
cet écrit , mais qu'il n'a point été réimprimé
de nouveau .
Cet Ouvrage qui m'a couté dix années
de travail , dont j'ai puifé les matériaux
dans tous les Auteurs du temps ,
Chrétiens & Mufulmans , que j'ai écrit
avec le plus de foin qu'il m'a été poffible
, & que j'avois cru rendre intéreſfant
par le développement & l'Hiftoire
abrégée des Dynafties Arabes , par le
tableau des moeurs & des opinions des
!
qu'on pouvoit donner une fauffe interprétation
au premier vers de fon Ode à Hiéron ; c'eſt
pourquoi il répéte enfuite cette même comparaifon
, & donne la correction néceffaire .
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
+
Mahometans , & en préfentant fous une
face nouvelle , une de ces expéditions .
malheureufes qui firent de la Syrie un
gouffre où l'Europe venoit s'engloutir ;
cet Ouvrage , dis-je , traité avec ce ton
de vérité que quelques critiques ont
blâme , & que je regarde comme le premier
devoir impofe à l'Hiftorien , obtint
le fuffrage des gens de lettres ; mais
les femmes qui font dans notre fiécle le
fuccès des livres nouveaux , & dont
plufieurs méritent cet honneur ; mais
le commun des Lecteurs François furent
rebutés des noms barbares qu'on y rencontre
à chaque page. On étoit accoutumé
à lire dans Maimbourg , ( dont je
viens d'imiter la prolixité dans la phraſe
précédente ) dans Vertot , & tant d'autres
, les noms de Noradin , d'Adile ,
de Saladin , & on a été effrayé d'y voir
fubftituer ceux de Zenghi , de Kara-
Arflan , de Schirgouht , de Schaour ,
de Kamstegghin , & c ; vous penfez bien ' ,
Monfieur , que cet affemblage de lettres
qu'il falloit , pour ainfi dire , épeler chaque
fois pour leur faire produire deз
fons ; que ces fons bizarres qui venoient
à chaque inftant irriter les oreilles délicates
, ont dû laffer la patience des perfonnes
qui lifent plus pour s'amufer que
M A I. 1763.
ΤΟΥ
pour s'inftruire . J'ai eu tort fans doute
de ne point animer leur conftance en
les avertiffant dans la Préface , qu'après
le troifiéme ou le quatriéme livre , elles
n'auroient rencontré que des noms trèsconnus
, des noms de leurs ancêtres
des détails peut- être intéreffans & des
anecdotes que très-fùrement elles ne
trouveront point ailleurs ainfi raffemblés.
C'étoient , s'il m'eft permis de le dire
, les déferts qui conduifent dans l'Arabie
heureuſe. Mais je m'apperçois qu'à
l'occafion de votre annonce , je me
charge du ridicule de faire moi - même
l'éloge de mon Ouvrage , & c'eſt ſans
donte là une rufe de l'amour- propre
moins pardonnable que celle de mes
Libraires.
Dans le même volume , vous avez
inféré une Lettre pleine de réflexions .
judicieuses , à l'occafion du projet que
j'avois imaginé, & auquel vous avez bien
vou'u applaudir . On a eu tort de confondre
cet établiffement avec les confultations
gratuites des Avocats. Je propofe
une affemblée ou bureau de perfonnes
inftruites & autorifées à pourfuivre
avec vigueur les intérêts des pauvres
contre la tyrannie des débiteurs puiffans
& de mauvaife foi. Je n'ai cité
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
qu'un exemple dans ma Lettre , mais.
j'aurois pu en appeller plufieurs à l'appui
de mes idées , fi je n'avois craint des.
applications. Je les développerois & je
leur donnerois plus d'étendue , fi ce
projet pouvoit avoir lieu. On fentiroit
par la multiplicité d'injuftices criantes.
qu'on pourroit dévoiler , combien il feroit
important de réprimer la cruauté de
certains hommes qui infultent dans des
voitures magnifiques , aux malheureux
dont ils traînent les dépouilles.
Mais ce qu'il faut dire ici pour l'honneur
de l'humanité , c'eft que ma Lettre
adreffée à M. le P. de.... a occafionné
plufieurs bonnes oeuvres. On a recherché
les infortunés de l'efpéce de ceuxdont
j'ai parlé , & on s'eft difputé la
gloire de les fecourir, Un Avocat eftimable
que je ne puis nommer fans fon
aveu , a offert de fe charger de toutes
les caufes des pauvres & de faire les
avances néceffaires ; & fans doute plufieurs
de fes Confrères font dans la
même difpofition . Ainfi dans ce fiécle
que nos Moraliftes ne ceffent de rabaiffer
dans leurs déclamations , l'humanité:
n'a rien perdu de fes droits. Elle n'eft
point éteinte dans le coeur des hommes
& il fuffit de réveiller leur fenfibilité :
M A I. 1763. 103
pour les ramener à cette compaffion
bienfaifante que la Nature nous infpire
pour nos femblables .
Il est encore queftion de moi , Monfieur
, dans le même Mercure. En lifant
le manufcrit de l'Anglois à Bordeaux ,
Piéce qu'on ne fauroit trop louer ; j'ajoutai
un couplet à ceux du Vaudeville
qui termine cette Comédie . Ce
couplet destiné feulement pour M.
Favart , eft tombé entre les mains du
Libraire , qui l'a mêlé avec d'autres jolis
vers . Imprimé ainfi féparément il a un
air de prétention qu'il ne mérite pas , &
que je n'ai jamais eu deffein de luidonner.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Paris ce Avril 1763 . MARIN.
P.S. Comme le projet que j'avois
propofé n'aura peut-être jamais lieu , je
crois devoir ajouter ici quelques éclairciffemens
fur ce qui fe pratique à Paris ,
à Lyon & à Nancy.
Henri IV, qui s'occupoit fans ceffe
du bonheur de fes Sujets , avoit voulu
quelque temps avant fa mort, procurer
aux pauvres les fecours dont ils pourroient
avoir befoin pour l'inftruction &
la défenfe de leurs affaires. Il rendit à
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
cet effet le 6 Mars 1610 , un Arrêt de
fon Confeil d'Etat, qui ordonnoit que
dans toutes les Cours tant fouveraines
que fubalternes , il feroit commis des
Avocats & Procureurs , lefquels feroient
tenus d'affifter de leur confeil , labeur
& vacations , les Veuves , Orphelins ,
Pauvres Gentilshommes , Marchands
Laboureurs & autres qui feroient dépourvus
de confeils & d'argent , &c . La
mort prématurée de ce grand Roi empêcha
l'éxécution d'une fi belle entreprife.
Elle eft demeurée depuis fans
effet ; mais les Avocats y ont fuppléé
en partie , en établiffant des Confultations
de charité qui fe tiennent dans la
Bibliothéque que fen M. de Riparfond
a laiffée à l'Ordre des Avocats . Cette
Bibliothéque eft dans une des Salles de
l'Archevêché. Il s'y affemble une fois
la femaine , plufieurs anciens & jeunes
Avocats nommés par Meffieurs les Avocats
Généraux du Parlement , pour donner
leur avis fur les affaires qui font
propofées. Un d'entre les jeunes rend
compte a l'ancien des Mémoires , &
rédige les Confultations fans en recevoir
aucun honoraire. Meffieurs les
Avocats Généraux & M. le Procureur
Général áffiftoient anciennement à ces
M A I. 1763. TOS
affemblées & y viennent encore quelquefois.
Je tiens ces éclairciffemens d'un Avocat
( M. A. de M... ) qui m'a dit les
avoir envoyés également au Journal de
Jurifprudence. A Lyon il y a un Bureau ,
ou Confeil charitable. Ce Bureau doit
fon établiffement à M. de Rochebonne ,
Archevêque de Lyon , qui affecta 2000 1 .
à prendre fur les revenus de l'Archevêché.
Tous ces Succeffeurs ont continué
cette bonne oeuvre . La Ville ena
augmenté les revenus.
M. l'Archevêque préfide à ce Bureau,
en fon abfence c'eftfon premier Grand
Vicaire , ou un Comte de Lyon. Il y
affifte des Magiftrats de la Cour des
Monnoyes , Maréchauffée & Préfidial
de Lyon , des Avocats , des Procureurs,
des Négocians & notables Bourgeois .
On y régle à l'amiable toutes les conteftations
lorsque les parties veulent bien
s'en rapporter à ce Confeil. On fe charge
des procès des pauvres , où on leur
fournit des fecours , c'eſt-à - dire de l'argent
pour les pourfuivre eux - mêmes.
On y donne auffi des confultations gratuies
.
Ce Bureau s'affemble à l'Archevêché
tous les Samedis.
Ev
106 MERCURE DE FRANCE
Ce Bureau éxerce encore une bonne
oeuvre. Les loyers fe payent à Lyon
tous les fix mois , c'eft- à- dire , à la S.
Jean & à Noël. Quand un ouvrier ou ,
un autre pauvre particulier eft dans l'impuiffance
de payer fon terme , on s'en
charge. On met la femme en condition
, on a foin des enfans & on aide
le mari.
A Nancy , Saniflas le bienfaisant ,
qui mérite ce nom à tant de titres , a
établi un , Confeil d'Avocats qui éxaminent
toutes les conteftations & les.
décident. Ces Avocats font payés par
le Roi & il n'en coûte rien aux Parties
qui vont les confulter,
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Résumé : LETTRE de M. MARIN à M. DE LA PLACE, sur l'Histoire de SALADIN, &c.
M. Marin adresse une lettre à M. de La Place pour clarifier des informations concernant son ouvrage sur l'histoire de Saladin. Il précise que cet ouvrage, résultant de dix années de travail, n'a pas été réimprimé mais a subi quelques modifications. Il compile des matériaux provenant d'auteurs chrétiens et musulmans et se concentre sur une expédition malheureuse en Syrie. Malgré des critiques sur son style, l'ouvrage a été bien accueilli par les gens de lettres, mais a rebuté le commun des lecteurs français en raison des noms barbares utilisés. M. Marin mentionne également une lettre publiée dans le Mercure de France, qui traite d'un projet visant à protéger les intérêts des pauvres contre la tyrannie des débiteurs puissants. Ce projet, bien que confondu avec les consultations gratuites des avocats, propose la création d'une assemblée de personnes instruites pour défendre les pauvres. Cette initiative a déjà suscité des bonnes œuvres et des actions de soutien. Enfin, M. Marin explique qu'il a ajouté un couplet à une pièce de théâtre, qui a été imprimé séparément et de manière inappropriée. Il fournit également des éclaircissements sur des initiatives similaires à Paris, Lyon et Nancy, où des avocats et des magistrats offrent des consultations gratuites et des aides financières aux pauvres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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83
p. 223-225
De VERSAILLES, le 16 Avril 1763.
Début :
Le 20 du mois dernier, le Comte de Lusace a pris congé de leurs [...]
Mots clefs :
Comte de Lusace, Famille royale, Comtesse, Maréchal des camps, Baron, Maréchal, Marquis, Ministre plénipotentiaire, Contrat de mariage, Lettres, Lieutenant, Gouvernement, Abbaye, Diocèse, Archevêque, Académie d'écriture, Honneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De VERSAILLES, le 16 Avril 1763.
De VERSAILLES , le 16 Avril 1763 .
LELE 20 du mois dernier , le Comte de Luſace a
pris congé de Leurs Majestés , ainſi que de la Famille
Royale.
Le même jour , la Comteſſe de Sparre & la
Comteſſe de la Luzerne ont été préſentées à
Leurs Majestés & à la Famille Royale ; la première
par la Ducheſſe de Praflin , la ſeconde par
la Comteſſe d'Eſtourmel .
Le même jour , le Baron de Cloſen , Maréchal
des Camps & Armées du Roi , Colonel- Lieutenant
du Régiment Royal-Deux- Ponts , qui a
ſervi avec beaucoup de diſtinction dans cette dernière
guèrre , a obtenu le cordon rouge , & a
eu l'honneur de remercier Sa Majesté
Le Roi a nommé le Marquis de Bauſſet , cidevant
ſon Miniſtre Plénipotentiaire auprès de
l'Electeur de Cologne , pour aller remplacer le
Baron de Breteuil à la Cour de Ruſſie ; il fut
enſuite préſenté par le Duc de Praflin à Sa Majeſté
, qu'il eut l'honneur de remercier en cette
qualité.
Le 27 , Leurs Majestés & la Famille Royale
fignerent le Contrat de mariage du Marquis de
Tana avec la Demoiſelle de Caſſini .
Le même jour , le Comte de la Guiche , prêta
ferment entre les mains du Roi pour la Lieutenance
Général du Comté de Charolois.
Le Roi a accordé les Entrées de la Chambre
au Comte de Langeron.
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
Le Marquis de la Marck , ayant été obligé
par ſon grand âge & fes infirmités de ſe démettre
de la place de premier Ecuyer du Prince
de Condé , le Marquis de Chamboran , Brigadier
des Armées du Roi , Mestre de Camp
du Régiment de ſon nom , a eu l'honneur d'être
préſenté à Sa Majeſté en cette qualité.
Le 29 , le fieur de Mello , Miniſtre Plénipotentiaire
du Roi de Portugal , eut une Audience
particulière du Roi , dans laquelle ,
après avoir remis ſes Lettres de rappel , il prit
congé de ſa Majeſté. Il fut conduit à cette Audience
, ainſi qu'à celles de la Reine & de la
Famille Royale , par le fieur Dufort Introducteur
des Ambaſſadeurs .
Le 30 au foir , le Roi a été attaqué d'une
fiévre accompagné de mal de tête. La fiévre
a duré tout le Jeudi , mais toujours en diminuant.
Cette indiſpoſition a empêché Sa Majeſté
de faire la Cene , ſelon l'uſage ordinaire.
Le Vendredi matin, la fiévre a cellé , & Sa
Majeſté a été entièrement rétablie.
Le Jeudi Saint à midi, la Reine lava les pieds à
douze pauvres Filles qu'Elle fervit à table . Le ſieur
Desfourniels, Maître d'Hôtel ordinaire, précéda le
fervice , en l'abſcence du premier Maître d'Hôtel
de la Reine. Les Plats furent portés par Madame
la Dauphine , Madame Adélaïde , Mefdames
Sophie & Louiſe , par la Comteſſe de la
Marche , & par les Dames du Palais de la Reine ,
& les Dames de Meldames de France.
Le Prince de Croy , Lieutenant Général des
Armées du Roi , a le Gouvernement de Condé ,
qui vaque par la mort du Comte de Danois , &
dont il avoit la ſurvivance .
Sa Majesté a donné l'Abbaye de Lorroux, Or.
dre de Citeaux Diocéſe d'Angers , à l'Abbé
Desbriéres , Chapelain du Roi ; celle de Sara-
,
JUIN. 1763. 225
mon , Ordre de S. Benoît , Diocéſe d'Auch , à
l'Abbé de la Cour , Vicaire Général de l'Evêché
de Comminges ; celle de Quarante , Ordre de
S. Auguſtin , Diocéſe de Narbonne , à l'Abbé de
Bouſtanelle , Vicaire Général de l'Evêché de Béziers
; & celle de Rillé , Ordre de S. Auguſtin ,
Diocéſe de Rennes , à l'Abbé l'Olivier de Troujoli.
Le 9 de ce mois , l'Archevêque de Narbonne
& celui de Toulouſe ont prêté lerment pendant
la Meſſe entre les mains de Sa Majeſté.
Le Roi vient d'accorder au Marquis de Mailly,
fils du Comte de Mailly , Lieutenant-Gédéral
des Armées de Sa Majesté , & Commandant en
Rouffillon , la Compagnie des Gendarmes Ecof
Tois , dont le Comte de Mailly avoit conſervé
l'exercice juſqu'à ce que ſon fils eût atteint l'âge
que Sa Majeſté avoit fixé.
L'Académie d'Ecriture , nouvellement établie
à Paris , a eu l'honneur de préſenter au Roi le
précis de ſes travaux pendant l'année dernière ,
avec les diſcours qui ont été lus à la première
Séance publique de l'Académie , & la médaille
qu'elle a fait frapper à l'occaſion de ſon établiſlement.
Le ſieur Marmontel a eu l'honneur de préſenter
à Leurs Majeſtés & à la Famille Royale
un Ouvrage de fa compofition ,intitulé , Poëti
que Françoise.
LELE 20 du mois dernier , le Comte de Luſace a
pris congé de Leurs Majestés , ainſi que de la Famille
Royale.
Le même jour , la Comteſſe de Sparre & la
Comteſſe de la Luzerne ont été préſentées à
Leurs Majestés & à la Famille Royale ; la première
par la Ducheſſe de Praflin , la ſeconde par
la Comteſſe d'Eſtourmel .
Le même jour , le Baron de Cloſen , Maréchal
des Camps & Armées du Roi , Colonel- Lieutenant
du Régiment Royal-Deux- Ponts , qui a
ſervi avec beaucoup de diſtinction dans cette dernière
guèrre , a obtenu le cordon rouge , & a
eu l'honneur de remercier Sa Majesté
Le Roi a nommé le Marquis de Bauſſet , cidevant
ſon Miniſtre Plénipotentiaire auprès de
l'Electeur de Cologne , pour aller remplacer le
Baron de Breteuil à la Cour de Ruſſie ; il fut
enſuite préſenté par le Duc de Praflin à Sa Majeſté
, qu'il eut l'honneur de remercier en cette
qualité.
Le 27 , Leurs Majestés & la Famille Royale
fignerent le Contrat de mariage du Marquis de
Tana avec la Demoiſelle de Caſſini .
Le même jour , le Comte de la Guiche , prêta
ferment entre les mains du Roi pour la Lieutenance
Général du Comté de Charolois.
Le Roi a accordé les Entrées de la Chambre
au Comte de Langeron.
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
Le Marquis de la Marck , ayant été obligé
par ſon grand âge & fes infirmités de ſe démettre
de la place de premier Ecuyer du Prince
de Condé , le Marquis de Chamboran , Brigadier
des Armées du Roi , Mestre de Camp
du Régiment de ſon nom , a eu l'honneur d'être
préſenté à Sa Majeſté en cette qualité.
Le 29 , le fieur de Mello , Miniſtre Plénipotentiaire
du Roi de Portugal , eut une Audience
particulière du Roi , dans laquelle ,
après avoir remis ſes Lettres de rappel , il prit
congé de ſa Majeſté. Il fut conduit à cette Audience
, ainſi qu'à celles de la Reine & de la
Famille Royale , par le fieur Dufort Introducteur
des Ambaſſadeurs .
Le 30 au foir , le Roi a été attaqué d'une
fiévre accompagné de mal de tête. La fiévre
a duré tout le Jeudi , mais toujours en diminuant.
Cette indiſpoſition a empêché Sa Majeſté
de faire la Cene , ſelon l'uſage ordinaire.
Le Vendredi matin, la fiévre a cellé , & Sa
Majeſté a été entièrement rétablie.
Le Jeudi Saint à midi, la Reine lava les pieds à
douze pauvres Filles qu'Elle fervit à table . Le ſieur
Desfourniels, Maître d'Hôtel ordinaire, précéda le
fervice , en l'abſcence du premier Maître d'Hôtel
de la Reine. Les Plats furent portés par Madame
la Dauphine , Madame Adélaïde , Mefdames
Sophie & Louiſe , par la Comteſſe de la
Marche , & par les Dames du Palais de la Reine ,
& les Dames de Meldames de France.
Le Prince de Croy , Lieutenant Général des
Armées du Roi , a le Gouvernement de Condé ,
qui vaque par la mort du Comte de Danois , &
dont il avoit la ſurvivance .
Sa Majesté a donné l'Abbaye de Lorroux, Or.
dre de Citeaux Diocéſe d'Angers , à l'Abbé
Desbriéres , Chapelain du Roi ; celle de Sara-
,
JUIN. 1763. 225
mon , Ordre de S. Benoît , Diocéſe d'Auch , à
l'Abbé de la Cour , Vicaire Général de l'Evêché
de Comminges ; celle de Quarante , Ordre de
S. Auguſtin , Diocéſe de Narbonne , à l'Abbé de
Bouſtanelle , Vicaire Général de l'Evêché de Béziers
; & celle de Rillé , Ordre de S. Auguſtin ,
Diocéſe de Rennes , à l'Abbé l'Olivier de Troujoli.
Le 9 de ce mois , l'Archevêque de Narbonne
& celui de Toulouſe ont prêté lerment pendant
la Meſſe entre les mains de Sa Majeſté.
Le Roi vient d'accorder au Marquis de Mailly,
fils du Comte de Mailly , Lieutenant-Gédéral
des Armées de Sa Majesté , & Commandant en
Rouffillon , la Compagnie des Gendarmes Ecof
Tois , dont le Comte de Mailly avoit conſervé
l'exercice juſqu'à ce que ſon fils eût atteint l'âge
que Sa Majeſté avoit fixé.
L'Académie d'Ecriture , nouvellement établie
à Paris , a eu l'honneur de préſenter au Roi le
précis de ſes travaux pendant l'année dernière ,
avec les diſcours qui ont été lus à la première
Séance publique de l'Académie , & la médaille
qu'elle a fait frapper à l'occaſion de ſon établiſlement.
Le ſieur Marmontel a eu l'honneur de préſenter
à Leurs Majeſtés & à la Famille Royale
un Ouvrage de fa compofition ,intitulé , Poëti
que Françoise.
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Résumé : De VERSAILLES, le 16 Avril 1763.
En avril 1763, plusieurs événements significatifs se sont déroulés à la cour de Versailles. Le 20 mars, le Comte de Lusace a pris congé des souverains et de la famille royale. La Comtesse de Sparre et la Comtesse de la Luzerne ont été présentées aux Majestés et à la famille royale par la Duchesse de Praflin et la Comtesse d'Estourmel, respectivement. Le Baron de Closen a été distingué pour ses services durant la dernière guerre et a reçu le cordon rouge. Le Marquis de Bausset a été nommé pour remplacer le Baron de Breteuil à la Cour de Russie et a été présenté au Roi par le Duc de Praflin. Le 27 avril, les souverains et la famille royale ont signé le contrat de mariage du Marquis de Tana avec la Demoiselle de Cassini. Le Comte de la Guiche a prêté serment pour la Lieutenance Générale du Comté de Charolois, et le Comte de Langeron a obtenu les Entrées de la Chambre. Le Marquis de Chamboran a été présenté au Roi comme premier Écuyer du Prince de Condé. Le 29 avril, le sieur de Mello, Ministre Plénipotentiaire du Roi de Portugal, a pris congé du Roi après avoir remis ses lettres de rappel. Le 30 avril, le Roi a été indisposé par une fièvre accompagnée de maux de tête, mais il a été entièrement rétabli le lendemain. Le Jeudi Saint, la Reine a lavé les pieds de douze pauvres filles, assistée par des membres de la famille royale et des dames du palais. Le Prince de Croy a reçu le Gouvernement de Condé à la suite du décès du Comte de Danois. Le Roi a attribué plusieurs abbayes à des abbés chapelains et vicaires généraux. Le 9 juin, les Archevêques de Narbonne et de Toulouse ont prêté serment au Roi. Le Marquis de Mailly a reçu la Compagnie des Gendarmes Écossais. L'Académie d'Écriture a présenté au Roi le précis de ses travaux et une médaille commémorative. Le sieur Marmontel a offert aux Majestés et à la famille royale son ouvrage intitulé 'Poétique Françoise'.
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84
p. 181-184
De VERSAILLES, le 11 Mai 1763.
Début :
Le Duc de Nivernois ayant rempli l'objet de sa mission à Londres, [...]
Mots clefs :
Duc, Comte, Lieutenant général des armées, Ministres, Frontières, Famille royale, Contrat de mariage, Nominations, Demoiselle, Marquise , Capitaine, Charge, Roi, Officiers, Honneur, Académie royale des sciences, Machine, Récompense
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De VERSAILLES, le 11 Mai 1763.
De VERSAILLES , le 11 Mai 1763.
Le Duc de Nivernois ayant rempli l'objet de
E
fa miffion à Londres , & fa fanté fe trouvant fort
dérangée , le Roi a bien voulu lui acc order fon
182 MERCURE DE FRANCE.
rappel . Sa Majesté a nommé pour le remplacer
le Comte de Guerchy , Lieutenant - Général de fes
Armées , Colonel de fon Régiment , Chevalier de
fes Ordres & Gouverneur d'Huningue. Le 17 du
mois dernier , ce nouvel Ambaſſadeur a remercié
le Roi dans fon Cabinet. Il a été préſenté par le
Duc de Praflin , Miniftre & Secrétaire d'Etat au
Département des Affaires Etrangeres.
Le Duc de Choiſeul a préſenté au Roi deux
Cartes qui comprennent la frontière du Dauphiné
& le Comté de Nice. Le Duc de Praflin a préſenté
à Sa Majesté les Cartes de nouvelle limitation
réglée entre Sa Majefté & le Roi de Sardaigne ,
par le Traité du 24 Mars 1760 , par rapport aux
frontieres refpectives des deux Etats. Ces Cartes ont
été levées géométriquement fous la direction du
fieur de Bourcet , Lieutenant- Général des Armées
du Roi , & dreffées par le fieur Villaret , Capitaine-
Ingénieur , Géographe de Sa Majefté .
Le 17 du mois dernier , leurs Majeſtés & la Famille
Royale ont figné le contrat de mariage du
Duc de Beauvilliers avec Demoiſelle de Fleury.
Le même jour , la Comteffe de Montboiffier a été
préſentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,
par la Vicomteffe de Montboiffier.
Dame d'Elparbés de Luffan , Religieufe du Monaftère
de Paradis dans le Diocète de Condom •
a été nommée par le Roi au Prieuré de Prouillan ,
Ordre de Saint Dominique , dans le même Diocèſe
, vacant par la mort de la Dame du Bouzer
de Poudenas.
Sa Majefté ayant jugé à propos de rappeller le
* fieur Durand , fon Miniftre près le Roi & la Ré---
publique de Pologne , pour lui confier le Dépôt
des Affaires Etrangères , a nommé pour le remplacer
, en qualité de Réfident , le fieur Henin ,
t
JUILLET. 1763 . 183
Secrétaire d'Ambaffade du Marquis de Paulmy.
Le ro du mois dernier, Leurs Majeftés & la Famille
Royale ont figné le contrat de mariage de
Paul- Charles Marie, Marquis de Lomenie , ci-devant
Capitaine au Régiment de la Reine , Dragons
, avec Marie Therefe Poupardin- d'Amanly.
Le 23 , celui du Marquis de la Rochefoucault-
Maumont de Magnat avec Demoiselle de Fougeu
; le 24 , celui du Marquis de Sablé , fils dur
Marquis de Croify , avec Demoiſelle de la Roche
-de- Rambure ; celui du Comte de Luppé avec
Denroifelle de Butler ; & celui du Comte de
Mellet avec Demoiſelle le Daulfeur. Le premier
de ce mois , celui du Comte de Vogué avec Demoiſelle
Jeanne- Magdeleine- Thereſe de Sourches
; & celui du Marquis de Sade avec Demoifelle
Cordier de Montreuil.
Le Marquis de Sablé a obtenu la furvivance de
la Charge de Capitaine des Gardes de la Porte ,
dont le Marquis de Croiffy fon père eft pourvu.
Le 25 du mois dernier , la Comteffe de Gramont
fut préfentée à Leurs Majeftés , ainſi qu'à la
Famille Royale , par la Ducheffe de Gramont.
Le 30 la Marquise de Sablé fut préſentée à
Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,par la Marquife
de Croiffy , fa belle-mère.
Le 4 de ce mois , la Comteffe de Luppé fut
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,
par la Marquife de Melmes .
Le Roi a érigé , en faveur du fieur de Villette
la Terre du Pleffis- Longeau , &c . , en Marquifat'
avec le nom de Villette .
Le Roi a nominé fon Miniftre Plénipotentiaire
auprès du Roi de Portugal le Chevalier de Saint-
Prieft , Exempt d'une Compagnie des Gardes - du-
Corps de Sa Majeſté.
184 MERCURE DE FRANCE .
Le 8 , les Officiers de la Compagnie des Secré
taires du Roi , eurent l'honneur de préſenter une
bourſe au Roi dans le Cabinet de Sa Majeſté le
fieur Lévêque , Syndic de la Compagnie , porta
la parole.
Le fieur Camus , de l'Académie Royale des
Sciences , ayant été nommé conjointement avec
le fieur Bertoud , habile Horloger de Paris ,
pour afſiſter au rapport que la Société Royale de
Londres doit faire de la Machine d'Horlogerie da
fieur Harriſon , cet Académicien a eu l'honneur ,
en cette qualité , de prendre congé de Sa Majesté
le 24 du mois dernier. La Machine du fieur Harrifon
a pour objet de faciliter la détermination des
longitudes en mer: les épreuves qui en ont été
faites ont eu beaucoup de fuccès , & ont engagé le
Parlement d'Angleterre à accorder une récompenfe
confidérable à l'Inventeur.
Le Duc de Nivernois ayant rempli l'objet de
E
fa miffion à Londres , & fa fanté fe trouvant fort
dérangée , le Roi a bien voulu lui acc order fon
182 MERCURE DE FRANCE.
rappel . Sa Majesté a nommé pour le remplacer
le Comte de Guerchy , Lieutenant - Général de fes
Armées , Colonel de fon Régiment , Chevalier de
fes Ordres & Gouverneur d'Huningue. Le 17 du
mois dernier , ce nouvel Ambaſſadeur a remercié
le Roi dans fon Cabinet. Il a été préſenté par le
Duc de Praflin , Miniftre & Secrétaire d'Etat au
Département des Affaires Etrangeres.
Le Duc de Choiſeul a préſenté au Roi deux
Cartes qui comprennent la frontière du Dauphiné
& le Comté de Nice. Le Duc de Praflin a préſenté
à Sa Majesté les Cartes de nouvelle limitation
réglée entre Sa Majefté & le Roi de Sardaigne ,
par le Traité du 24 Mars 1760 , par rapport aux
frontieres refpectives des deux Etats. Ces Cartes ont
été levées géométriquement fous la direction du
fieur de Bourcet , Lieutenant- Général des Armées
du Roi , & dreffées par le fieur Villaret , Capitaine-
Ingénieur , Géographe de Sa Majefté .
Le 17 du mois dernier , leurs Majeſtés & la Famille
Royale ont figné le contrat de mariage du
Duc de Beauvilliers avec Demoiſelle de Fleury.
Le même jour , la Comteffe de Montboiffier a été
préſentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,
par la Vicomteffe de Montboiffier.
Dame d'Elparbés de Luffan , Religieufe du Monaftère
de Paradis dans le Diocète de Condom •
a été nommée par le Roi au Prieuré de Prouillan ,
Ordre de Saint Dominique , dans le même Diocèſe
, vacant par la mort de la Dame du Bouzer
de Poudenas.
Sa Majefté ayant jugé à propos de rappeller le
* fieur Durand , fon Miniftre près le Roi & la Ré---
publique de Pologne , pour lui confier le Dépôt
des Affaires Etrangères , a nommé pour le remplacer
, en qualité de Réfident , le fieur Henin ,
t
JUILLET. 1763 . 183
Secrétaire d'Ambaffade du Marquis de Paulmy.
Le ro du mois dernier, Leurs Majeftés & la Famille
Royale ont figné le contrat de mariage de
Paul- Charles Marie, Marquis de Lomenie , ci-devant
Capitaine au Régiment de la Reine , Dragons
, avec Marie Therefe Poupardin- d'Amanly.
Le 23 , celui du Marquis de la Rochefoucault-
Maumont de Magnat avec Demoiselle de Fougeu
; le 24 , celui du Marquis de Sablé , fils dur
Marquis de Croify , avec Demoiſelle de la Roche
-de- Rambure ; celui du Comte de Luppé avec
Denroifelle de Butler ; & celui du Comte de
Mellet avec Demoiſelle le Daulfeur. Le premier
de ce mois , celui du Comte de Vogué avec Demoiſelle
Jeanne- Magdeleine- Thereſe de Sourches
; & celui du Marquis de Sade avec Demoifelle
Cordier de Montreuil.
Le Marquis de Sablé a obtenu la furvivance de
la Charge de Capitaine des Gardes de la Porte ,
dont le Marquis de Croiffy fon père eft pourvu.
Le 25 du mois dernier , la Comteffe de Gramont
fut préfentée à Leurs Majeftés , ainſi qu'à la
Famille Royale , par la Ducheffe de Gramont.
Le 30 la Marquise de Sablé fut préſentée à
Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,par la Marquife
de Croiffy , fa belle-mère.
Le 4 de ce mois , la Comteffe de Luppé fut
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,
par la Marquife de Melmes .
Le Roi a érigé , en faveur du fieur de Villette
la Terre du Pleffis- Longeau , &c . , en Marquifat'
avec le nom de Villette .
Le Roi a nominé fon Miniftre Plénipotentiaire
auprès du Roi de Portugal le Chevalier de Saint-
Prieft , Exempt d'une Compagnie des Gardes - du-
Corps de Sa Majeſté.
184 MERCURE DE FRANCE .
Le 8 , les Officiers de la Compagnie des Secré
taires du Roi , eurent l'honneur de préſenter une
bourſe au Roi dans le Cabinet de Sa Majeſté le
fieur Lévêque , Syndic de la Compagnie , porta
la parole.
Le fieur Camus , de l'Académie Royale des
Sciences , ayant été nommé conjointement avec
le fieur Bertoud , habile Horloger de Paris ,
pour afſiſter au rapport que la Société Royale de
Londres doit faire de la Machine d'Horlogerie da
fieur Harriſon , cet Académicien a eu l'honneur ,
en cette qualité , de prendre congé de Sa Majesté
le 24 du mois dernier. La Machine du fieur Harrifon
a pour objet de faciliter la détermination des
longitudes en mer: les épreuves qui en ont été
faites ont eu beaucoup de fuccès , & ont engagé le
Parlement d'Angleterre à accorder une récompenfe
confidérable à l'Inventeur.
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Résumé : De VERSAILLES, le 11 Mai 1763.
Le 11 mai 1763, depuis Versailles, le Duc de Nivernois, en raison de sa santé altérée, a été rappelé de sa mission à Londres. Le Roi a nommé le Comte de Guerchy, Lieutenant-Général des Armées et Colonel de son Régiment, pour le remplacer. Le 17 avril précédent, le Comte de Guerchy a remercié le Roi dans son Cabinet, présenté par le Duc de Praslin, Ministre et Secrétaire d'État aux Affaires Étrangères. Le Duc de Choiseul a présenté au Roi des cartes de la frontière du Dauphiné et du Comté de Nice. Le Duc de Praslin a montré à Sa Majesté les cartes de la nouvelle limitation des frontières entre la France et le Royaume de Sardaigne, régie par le Traité du 24 mars 1760. Ces cartes ont été réalisées sous la direction du Sieur de Bourcet et dressées par le Sieur Villaret. Le 17 avril précédent, plusieurs contrats de mariage ont été signés par Leurs Majestés et la Famille Royale, notamment celui du Duc de Beauvilliers avec Demoiselle de Fleury. La Comtesse de Montboissier a été présentée à Leurs Majestés par la Vicomtesse de Montboissier. Dame d'Elparbès de Luffan a été nommée par le Roi au Prieuré de Prouillan. Le Sieur Durand, Ministre près le Roi et la République de Pologne, a été rappelé pour diriger les Affaires Étrangères, remplacé par le Sieur Henin. Le Roi a signé plusieurs contrats de mariage, notamment celui du Marquis de Lomenie avec Marie Thérèse Poupardin d'Amanly, et d'autres nobles. Le Marquis de Sablé a obtenu la survivance de la charge de Capitaine des Gardes de la Porte. Le Roi a érigé la Terre du Pleffis-Longeau en Marquisat en faveur du Sieur de Villette. Il a également nommé le Chevalier de Saint-Prieft comme Ministre Plénipotentiaire auprès du Roi de Portugal. Le Sieur Camus, de l'Académie Royale des Sciences, a pris congé du Roi pour assister à un rapport sur la Machine d'Horlogerie du Sieur Harrison, destinée à déterminer les longitudes en mer.
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85
p. 203-205
De COMPIEGNE, le 20 Août 1763.
Début :
Le 24 du mois dernier, la Duchesse de Richmond fut présentée à Leurs Majestés, [...]
Mots clefs :
Duchesse, Famille royale, Marquise , Contrat de mariage, Comte, Discours sur la paix, Honneur, Audience, Ministres, Régiment, Fête de l'Assomption, Procession, Chapitre, Église, Colonel, Religieux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De COMPIEGNE, le 20 Août 1763.
De COMPIEGNE , le 20 Août 1763 .
LE 24 du mois dernier , la Ducheſſe de Richmond
fut préfentée à Leurs Majeſtés , ainſi qu'à
la Famille Royale , par la Ducheffe de Fitz- James ,
& prit le tabouret chez la Reine. La Marquise de
Montmirel fut auffi préfentée par la Ducheffe de
Villequier.
Leurs Majeftés & la Famille Royale fignerent
le même jour , le contrat de Mariage du Comte
de Montchenu , Exempt des Gardes-du - Corps du
Roi , avec Demoiſelle de Bully , fille du fieur de
Buffy , Premier Préfident du Bureau des Finances
de la Généralité de Bourges.
Le Comte de Maillebois , a obtenu du Roi la
permiffion d'aller en Espagne pour les affaires particulieres
, & Sa Majefté a trouvé bon qu'il vînt
prendre congé d'elle avant que de partir.
Le 24 le fieur Fourneau , Recteur de l'Univerfité
, accompagné du fieur Mathieu , Principal du
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
College de Compiegne & de plufieurs Profeffeurs ,
eut l'honneur de préfenter au Roi , à Monſeigneur
le Dauphin , à Monfeigneur le Duc de Berry , &
AMonfeigneur le Comte de Provence , un Difcours
latin fur la Paix , qui a été prononcé par le fieur le
Beau le cadet, de l'Academie des Infcriptions &
Belles Lettres.
Dom Etienne , Religieux de S. Hubert , eur
auffi l'honneur de préfenter au Roi les Oiseaux &
les Chiens qu'il eft d'ufage d'envoyer de S. Hubert
en préfent a Sa Majefté.
Sa Majesté vient d'accorder les entrées de fa
Chambre au Marquis d'Armentieres. Le 2 de ce
mois , le fieur Neville - Neville eut une Audience
particuliere du Roi , dans laquelle il remit , en fa
qualité de Miniftre Plénipotentiaire de la Cour
d'Angleterre , fes Lettres de créance à Sa Majefté.
Le Comte de Wedelfriz , Envoyé extraordinaire de
Danemark , eut auffi le 4 une Audience particuliere,
dans laquelle il préfenta au Roi fes lettres
de rappel. Ces deux Miniftres furent conduits à
ces Audiences , ainfi qu'à celles de la Reine & de
Ja Famille Royale , par le fieur de la Live , Introducteur
des Ambaffadeurs .
1 Le 7 de ce mois , Leurs
Majeftés
ainsi que la
Famille
Royale
, fignerent
le Contrat
de Mariage
du feur Bourgeois
de Boynes
, Confeiller
d'Etat ,
avec Demoiſelle
Desgolz
.
Le Régiment de Salis , Grifon , faifant routepar
cette Ville pour fe rendre à fa deſtination , a paffé
en revue , le 8 de ce mois , devant le Roi qui étoit
accompagné de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine , de Monfeigneur le Duc de
Berry , de Monfeigneur le Comte de Provence , de
Madame Adélaïde , de Meldames Victoires , Sophie
& Louife, du Duc de Chartres, du Prince de
7
OCTOBRE . 1763. 205
Condé , du Duc de Penthiévre & du Prince de
Lamballe. Ce Régiment a fait plufieurs évolutions
dont Sa Majesté a paru fort fatisfaite .
Le is , fête de l'Alfomption de la Sainte Vierge,
le Roi & la Reine accompagnés de Monfeigneur
le Dauphin , de Madame la Dauphine , de Ma
dame Adélaïde & des Mefdames Victoire , Sophie
& Louiſe , fe rendirent à l'Eglife de l'Abbaye
Royale de S. Corneille . Leurs Majeftés y affifiérent
aux Vêpres , & enfuite à la Proffeffion folemnelle
qui fe fait chaque année le même jour dans
tout le Royaume pour l'accompliffement du voeu
de Louis XIII. Dom Goudar , Grand Prieur de
l'Abbaye y Officia ; le Chapitre de S. Clément , le
Clergé des deux Paroitles , & tout le Clergé Régualier
s'y trouverent , ainfi que le Bailliage & le
Corps de Ville , qui eurent leur place dans le
Choeur le Chapitre de S. Clément & le Clergé des
deux Paroilles furent placés dans le Sanctuaire;
les deux Huifliers de la Chambre portoient leurs
Maffes devant le Roi. Après la Proceffion , Leurs
Majeftés entendirent le Salut dans la même Eglife.
Elles furent reçues & reconduites , avec les
cérémonies ordinaires , par le Grand - Prieur de
T'Abbaye , accompagné de fes Religieux.
Le 4 de ce mois , 'Leurs Majeftés , ainfi que la
Famille Royale fignerent le Contrat de Mariage
du Marquis de Crenolle & de Demo felle Mégrer
d'Etigny & le 17 celui du Marquis de Caraman,
Meftre-de-Camp du Régiment du Colonel-
Général Dragons , avec Demoiſelle de Monteffus
de Rully.
LE 24 du mois dernier , la Ducheſſe de Richmond
fut préfentée à Leurs Majeſtés , ainſi qu'à
la Famille Royale , par la Ducheffe de Fitz- James ,
& prit le tabouret chez la Reine. La Marquise de
Montmirel fut auffi préfentée par la Ducheffe de
Villequier.
Leurs Majeftés & la Famille Royale fignerent
le même jour , le contrat de Mariage du Comte
de Montchenu , Exempt des Gardes-du - Corps du
Roi , avec Demoiſelle de Bully , fille du fieur de
Buffy , Premier Préfident du Bureau des Finances
de la Généralité de Bourges.
Le Comte de Maillebois , a obtenu du Roi la
permiffion d'aller en Espagne pour les affaires particulieres
, & Sa Majefté a trouvé bon qu'il vînt
prendre congé d'elle avant que de partir.
Le 24 le fieur Fourneau , Recteur de l'Univerfité
, accompagné du fieur Mathieu , Principal du
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
College de Compiegne & de plufieurs Profeffeurs ,
eut l'honneur de préfenter au Roi , à Monſeigneur
le Dauphin , à Monfeigneur le Duc de Berry , &
AMonfeigneur le Comte de Provence , un Difcours
latin fur la Paix , qui a été prononcé par le fieur le
Beau le cadet, de l'Academie des Infcriptions &
Belles Lettres.
Dom Etienne , Religieux de S. Hubert , eur
auffi l'honneur de préfenter au Roi les Oiseaux &
les Chiens qu'il eft d'ufage d'envoyer de S. Hubert
en préfent a Sa Majefté.
Sa Majesté vient d'accorder les entrées de fa
Chambre au Marquis d'Armentieres. Le 2 de ce
mois , le fieur Neville - Neville eut une Audience
particuliere du Roi , dans laquelle il remit , en fa
qualité de Miniftre Plénipotentiaire de la Cour
d'Angleterre , fes Lettres de créance à Sa Majefté.
Le Comte de Wedelfriz , Envoyé extraordinaire de
Danemark , eut auffi le 4 une Audience particuliere,
dans laquelle il préfenta au Roi fes lettres
de rappel. Ces deux Miniftres furent conduits à
ces Audiences , ainfi qu'à celles de la Reine & de
Ja Famille Royale , par le fieur de la Live , Introducteur
des Ambaffadeurs .
1 Le 7 de ce mois , Leurs
Majeftés
ainsi que la
Famille
Royale
, fignerent
le Contrat
de Mariage
du feur Bourgeois
de Boynes
, Confeiller
d'Etat ,
avec Demoiſelle
Desgolz
.
Le Régiment de Salis , Grifon , faifant routepar
cette Ville pour fe rendre à fa deſtination , a paffé
en revue , le 8 de ce mois , devant le Roi qui étoit
accompagné de Monfeigneur le Dauphin , de
Madame la Dauphine , de Monfeigneur le Duc de
Berry , de Monfeigneur le Comte de Provence , de
Madame Adélaïde , de Meldames Victoires , Sophie
& Louife, du Duc de Chartres, du Prince de
7
OCTOBRE . 1763. 205
Condé , du Duc de Penthiévre & du Prince de
Lamballe. Ce Régiment a fait plufieurs évolutions
dont Sa Majesté a paru fort fatisfaite .
Le is , fête de l'Alfomption de la Sainte Vierge,
le Roi & la Reine accompagnés de Monfeigneur
le Dauphin , de Madame la Dauphine , de Ma
dame Adélaïde & des Mefdames Victoire , Sophie
& Louiſe , fe rendirent à l'Eglife de l'Abbaye
Royale de S. Corneille . Leurs Majeftés y affifiérent
aux Vêpres , & enfuite à la Proffeffion folemnelle
qui fe fait chaque année le même jour dans
tout le Royaume pour l'accompliffement du voeu
de Louis XIII. Dom Goudar , Grand Prieur de
l'Abbaye y Officia ; le Chapitre de S. Clément , le
Clergé des deux Paroitles , & tout le Clergé Régualier
s'y trouverent , ainfi que le Bailliage & le
Corps de Ville , qui eurent leur place dans le
Choeur le Chapitre de S. Clément & le Clergé des
deux Paroilles furent placés dans le Sanctuaire;
les deux Huifliers de la Chambre portoient leurs
Maffes devant le Roi. Après la Proceffion , Leurs
Majeftés entendirent le Salut dans la même Eglife.
Elles furent reçues & reconduites , avec les
cérémonies ordinaires , par le Grand - Prieur de
T'Abbaye , accompagné de fes Religieux.
Le 4 de ce mois , 'Leurs Majeftés , ainfi que la
Famille Royale fignerent le Contrat de Mariage
du Marquis de Crenolle & de Demo felle Mégrer
d'Etigny & le 17 celui du Marquis de Caraman,
Meftre-de-Camp du Régiment du Colonel-
Général Dragons , avec Demoiſelle de Monteffus
de Rully.
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Résumé : De COMPIEGNE, le 20 Août 1763.
En juillet et août 1763, plusieurs événements marquants eurent lieu à la cour royale. Le 24 juillet, la Duchesse de Richmond et la Marquise de Montmirel furent présentées à Leurs Majestés et à la Famille Royale par les Duchesses de Fitz-James et de Villequier, respectivement. Le même jour, le contrat de mariage du Comte de Montchenu avec Mademoiselle de Bully fut signé, et le Comte de Maillebois obtint la permission du Roi pour se rendre en Espagne. Le 24 août, le sieur Fourneau, Recteur de l'Université, accompagné de plusieurs professeurs, présenta un discours latin sur la paix au Roi, au Dauphin, au Duc de Berry et au Comte de Provence. Dom Étienne, Religieux de Saint-Hubert, offrit des oiseaux et des chiens au Roi. Le Marquis d'Armentières reçut les entrées de la Chambre du Roi, et le sieur Neville-Neville, Ministre Plénipotentiaire de la Cour d'Angleterre, remit ses lettres de créance au Roi. Le Comte de Wedelfriz, Envoyé extraordinaire du Danemark, présenta ses lettres de rappel. Le 7 août, le contrat de mariage du sieur Bourgeois de Boynes avec Mademoiselle Desgolz fut signé. Le 8 août, le Régiment de Salis-Salis passa en revue devant le Roi et la Famille Royale. Le 11 août, à l'occasion de la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, le Roi et la Reine assistèrent aux vêpres et à la procession solennelle à l'Abbaye Royale de Saint-Corneille. Le 4 août, le contrat de mariage du Marquis de Crenolle avec Demoiselle Méger d'Etigny fut signé. Le 17 août, ce fut au tour du Marquis de Caraman et de Demoiselle de Montessus de Rully.
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86
p. 198-206
De VERSAILLES, le 31 Décembre 1763.
Début :
Le Roi a nommé l'Evêque de Vence à l'Evêché de Mâcon ; & à l'Evêché [...]
Mots clefs :
Abbaye, Ordre, Diocèse, Évêché, Abbé, Honneur, Famille royale, Comte, Marquis, Monseigneur, Académie, Chevalier, Parlement, Ministres, Commandeur, Princesse, Ministre plénipotentiaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De VERSAILLES, le 31 Décembre 1763.
De VERSAILLES , le 31 Décembre 1763.
La Roi a nommé l'Evêque de Vence à l'Evêché.
de Mâcon ; & à l'Evêché de Vence l'Abbé de
Lorry , Vicaire-Général du Diocèfe de Rouen :
à l'Abbaye de Vallemont , Ordre de Saint Be
noît , Diocèle de Rouen , l'Abbé Desforges ,
Vicaire Général du Diocèfe du Mans ; à l'Ab- .
baye de Previlly , Ordre de Citeaux , Diocèle
de Sens , l'Abbé de Trudaine , Vicaire- Général du
Diocèſe de Senlis ; à l'Abbaye de Saint Manfuy ,
Ordre de Saint Benoît , Diocèfe de Toul , l'Abbé
Bertin , Confeiller d'Etat ; à l'Abbaye de Saint
Sauveur de Blaye , Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Bourdeaux , l'Abbé de Pingon , Comte de
Lyon , Vicaire Général du Diocèle de Vienne ; à
l'Abbaye de la Prée , Ordre de Citeaux , Diocèfe
de Bourges , l'Evêque d'Apollonie ; à l'Abbaye
de Saint Georges des Bois , Ordre de Saint Au
guftin , Diocèfe du Mans , l'Abbé de Pujols ,
Vicaire-Général du Diocèfe de Blois ; à l'Abbaye
Saint Vincent du Mans , Ordre de Saint Benoît
l'Evêque d'Orléans à l'Abbaye de Saint Alire ,
même Ordre , Diocèfe de Clermont , l'Archevêque
de Lyon , à l'Abbaye de Saint Auguftin de
Limoges , même Ordre de Saint Benoît , l'Abbé
de Veri , Auditeur de Rote; à l'Abbaye de Saint-
Sulpice de Bourges , même Ordre , l'Abbé le
Noir , Confeiller Clerc au Parlement de Paris
-
:
JANVLER . 1764. 1.99
à l'Abbaye de Chezal , même Ordre , l'Abbé
Gougenot , Confeiller - Clerc au Grand- Confeil
& à l'Abbaye de Saint Martin de Séez , même
Ordre , l'Abbé de Foy ; à l'Abbaye de Laval-
Brefliere , Ordre de Citeaux , Diocèle de Vienne
la Dame de Boiffac ,,Religieufe du Monaftere de
Montfleury , Diocèle de Grenoble ; & à l'Abbaye
de la Scauve , Ordre de Citeaux , Diocèle du ,
Puy, la Dame de Montmorin , Abbeffe de l'Abbaye,
de Clavas , du même Ordre & du même Diocèle :
Cette derniere Abbaye éteinte & demeurera
Ter
unie à celle de la Scauve.
Sa Majesté a nommé Aumônier de la Reine`
l'Abbé de Chilleau , Grand- Vicaire du Diocèſe,
de Metz .
La Ducheffe de Beauvilliers fut préfentée le 27
du mois dernier , à Leurs Majeftés & à la Famille.
Royale par la Ducheffe de Saint Aignan , & prit
enfuite le tabouret chez la Reine.
Le 29 du même mois , le Baron de Gleicken
Envoyé Extraordinaire de la Cour de Dannemarck
, a préfenté à Sa Majefté , de la part du
Roi fon Maître , cinquante- huit faucons d'Iflande.
Le Roi a nommé au Gouvernement de Belle-
Ifle , vacant par la mort du Vicomte de Belfunce
, le Marquis de Vibraye , Lieutenant- Général
de fes Armées , & a bien voulu , en confidération
des fervices de cet Officier , lui accorder la
première Place de Commandeur qui vaquera
dans l'Ordre de Saint Louis. En conféquence , le
Marquis de Vibraye a eu l'honneur de remercier
Sa Majefté le 24 du même mois , & a prêté ferment
le 30 entre les mains du fieur de Maupeou,
Garde des Sceaux , Vice- Chancelier.
Le même jour , la Comtelfe de Holderneff fut
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par la Maréchale de Mirepoix ; & le Chevalier du
Buat , Miniftre du Roi auprès de la Diéte Générale
de l'Empire , prit congé de Sa Majefté pour
retourner à Ratisbonne.
Le i de ce mois , le Marquis de Villeroy prêta
ferment entre les mains de Sa Majefté , pour le
Gouvernement du Lyonnois , du Forez & du
Beaujollois.
Le 4 , la Comteffe de Gacé , préfentée par la
Princeffe de Monaco , fit ſes révérences à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale.
Le même jour , le Baron de Zuckmantel, Maréchal
de Camp , l'un des Directeurs de la Nobleffe
immatriculée de la Baffe - Alface , & nommé
Miniftre Plénipotentiaire du Roi auprès de
l'Electeur de Saxe , prit congé de Sa Majesté à.
qui il fut préfenté par le Duc de Praflin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le Département
des Affaires Etrangères .
Le 6 , on a célébré dans l'Eglife Paroiffiale de
Notre-Dame , un Service pour le repos de l'ame.
de Louife-Elifabeth de France , Ducheffe de Parme.
La Reine y a affifté , ainſi que Mgr le Dauphin
, Madame Adélaïde , & Mefdames Sophie
& Louife.
Le 8 , la Marquise de Pons fut préſentée à
Leurs Majeftés , ainſi qu'à la Famille Royale ,
par la Comtelle de Pons- Saint- Maurice.
Le 11 , la Marquife de Chalmazel , accompagnée
de la Marquife de Tallara & de la Marquife
de Caftries , fit fes révérences à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale.
Le fieur Bertin , Contrôleur-Général des Fid
nances , ayant demandé au Roi la permiſſion dé
fe démettre de fa Place , Sa Majefté y a nommé le
JANVIER. 1764. 201
Sieur de L'Averdy, Conſeiller au Parlement de Paris
, & a rétabli en faveur du Sr Bertin , une Charge
de Secrétaire d'Etat qui avoit été fupprimée.
Le 13 , le Comte de Stharemberg , Ambaſſadeur
de la Cour de Vienne , eut une audience
particulière du Roi , à qui il notifia , de la part
de Leurs Majeftés Impériales & Royale , la mort
de l'Archiducheffe Infante . Il fut conduit , en
long manteau de deuil , à cette audience , ainfi
qu'à celles de la Reine & de la Famille Royale ,
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaf
fadeurs. Le 15 , la Cour a pris le deuil , à cette
occafion , pour trois ſemaines.
La Marqnife de Pons , ayant été nommée par
Sa Majefté Dame pour accompagner Madame la
Dauphine , a eu l'honneur d'être préfentée au
Roi en cette qualité.
Le 18 , le fieur Bertin prêta ferment , entre les
mains de Sa Majefté , en qualité de Secrétaire
d'Etat. Le même jour , le Marquis de Bauffer ,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi auprès de l'Impératrice
de Ruffie , prit congé de Sa Majesté pour
fe rendre à fa deſtination .
Le 21 , la Comteffe de Virieu fut préſentée à
Leurs Majeftés & à la Famille Royale , par la Marquife
de Sourches.
Le 27 , la Comteffe de Sparre de Cronneberge
fut préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale , par la Comteffe de Sparre , fa belle-
Soeur.
On a appris que , le 17 , l'Electeur de Saxe étoit
mort à Drefde , le troifiémejour d'une petite vérole
qu'on avoit prife d'abord pour une ébulli
tion peu dangereufe. Ce Prince s'appelloit Fréderic
- Chrétien - Léopold ; il étoit né le s Septem
bre 1722 & avoit été marié le 20 Juin 1747 à la
5
I-v
202 MERCURE DE FRANCE.
Soeur de l'Electeur de Baviere Frederic Augufte ,
Prince Electoral de Saxe , âgé de treize ans , fucèède
aux Etats du feu Electeur fon pere.
Le Marquis de Roux , de Marfeille , qui , en plafieurs
occafions , a donné des preuves de fon zèle
pour le bien de l'Etat , ayant demandé au Roi la
permiffion d'employer à la culture de fes terres
deux cens des familles étrangeres qui traverſent
le Royaume pour fe rendre à Cayenne , Sa Majefté
la lui a accordée & a donné ſes ordres en
conféquence.
Leurs Majeftés & la Famille Royale ont figné
Tes Contrats de mariage du Marquis de Beaucaire
avec Demoiselle de Hornbourg , fille du Comte
dé ce nom ; le 27 du mois dernier ) du Comte
de Sparre avec la Demoifelle Hardouin de Beaumois
, fille du Tréforier Général du Marc d'Or des
Ordres du Roi; du Marquis de Gauville avec la Demoifelle
Filleu , Dame & Patrone de S.Martin - le-
Viel des-Chenets : ( le 11'de ce mois ) da Comte
de Rouault avec la Dame de Brou , veuve du Sr
de Brou,Intendant de Rouen ; ( le 21 ) du Marquis
du Terrail avec Demoiſelle de Cruffol de Montauzier
; ( le 27 ) & du Baron de Boeil avec De
moifelle Saget , fille du fieur Saget , Confeiller
au Parlement de Paris. ľ le 28. )
Le Pere Bertier , Prêtre de l'Oratoire , a eur
T'honneur de préfenter à Sa Majesté trois volumes
de fa compofition , intitulés : Principes Phyfiques ,
"pour fervir de fuite aux Principes Mathématiques
d. Newton.
Le Baron de Zur- Lauben , Maréchal de Camp ,
commandant un bataillon de régiment des Gardes
Striffes & Honoraire Etranger de l'Académie
Royale des Infcriptons & Belles - Lettres , eut
Phonneur de préfenter le 13 de ce mois , fes Ou
A
JANVIER. 1764. 203
vrages à Monfeigneur le Duc de Berty & à Monfeigneur
le Comte de Provence : fçavoir , L'HISTOIRE
MILITAIRE des Suifes au fervice de la
France ; LES MÉMOIRES & LETTRES de Henry
Duc de Rohan ,fur la guerre de la Valteline , publiés
pour la premiere fois , & accompagnées de notes
Géographiques , Hiftoriques & Généalogiques ;
LE GÉNÉRAL D'ARMÉ E par Onofander , Ouvra➡
ge traduitdu Grec & dédié à Monfeigneur le Dauphin
; & les trois volumes de LA BIBLIOTHE
QUE Militaire , Politique & Hiftorique.
19,
Le fieur Clabault a eu l'honneur de préſenter,
fe
à Monfeigneur le Comte d'Artois un Tableau
Généalogique & Chronologique de la Maifon
Royale de France , dédié à ce Prince. Le len
demain , il a eu l'honneur de préfenter le même
Ouvrage à Monfeigneur le Dauphin , à Madame
la Dauphine , à Monseigneur le Duc de Berry & à
Monſeigneur le Comte de Provence.
Le fieur de Saint Geniès Chevalier de Sains
Louis , & Commandant de Bataillon , a eu l'honi
neur de préfenter au Roi un Ouvrage de la com→
pofition, intitulé , l'Officier Partifan.
Le 26 , le fieur Marmontel eut l'honneur de
préfenter à Leurs Majestés & à la Famille Royale
Je Difcours qu'il a prononcé pour la réception à
P'Académie Françoife.
Du 4 Janvier 1764.
Le premier de ce mois , les Princes & Princeffes ,
ainfi que les Seigneurs & Dames de la Cour , ren
dirent leurs refpects au Roi à l'occaſion de la nouvelle
année. Le Corps de Ville de Paris eut le mê
me honneur. Les Hautbois de la Chambre exécu
terent différens morceaux de Mufique pendant le
lever de Sa Majesté.
I vj
204 MERCURE DE FRANCE .
1
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint-Elprit , s'étant allemblés dans <
le Cabinet du Roi vers les onze heures du matin ,
Sa Majesté tint un Chapitre dans lequel Elle nomma
Chevaliers dudit Ordre , le Comte de Saulx
Tavannes, Lieutenant-Général & Chevalier d'Honneur
de la Reine , le Chevalier de Muy , Lieutenant-
Général & Menin de Monfeigneur le Dauphin ,.
le Comte du Châtelet-Lomont , Maréchal de Camp
& Ambaffadeur du Roi à la Cour de Vienne ,
& le Comte d'Eftaing , Maréchal de Camp.
Après le Chapitre , le Roi fe rendit à la Chapelle ,
précédé de Monfeigneur le Dauphin , du Duc
d'Orléans , du Duc de Chartres , du Prince de
Gondé , du Comte de Clermont , du Prince de
Conty , du Comte la Marche , du Comte d'Eu ,
du Duc de Penthievre & du Prince de Lamballe ?
& des Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre. Les deux Huiffiers portoient leurs maſſes
devant Sa Majesté qui étoit revêtue du manteau :
Royal , ayant par - deffus , le Collier de l'Ordre &
celui de la Toifon d'Or. L'Evêque Duc de Langres
, Prélat Commandeur , célébra la Grand'
Meffe , à laquelle la Reine , Madame la Dauphine
, Madame Adelaide, & Meſdames Victoire ,
Sophie & Louiſe affifterent dans la Tribune. La
quête fut faite par la Princeffe de Monaco . Après
la Meffe , le Roi fut reconduit à fon appartement
en la maniere accoutumée. Il y eut le même jour
grand couvert pendant lequel les Muficiens du
Roi exécuterent plufieurs fymphonies.
•
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre affifterent , le 2 , au Service anniverſaire
qu'on célébre pour les Chevaliers défunts , & au- -
quel officia l'Evêque d'Orléans , Commandeur de
l'Ordre.
JANVIER 1764. 205
Le même jour , la Cour prit le deuil pour quatorze
jours , à l'occafion de la mort de l'Electeur
de Saxe.
Le 3 , le Parlement de Paris fe rendit à la Cour
pour rendre les reſpects au Roi à l'occafion de la
nouvelle année .
L'Académie Royale des Sciences a eu l'honneur
de préſenter au Roi le Volume de ſes Mémoires
pour l'année 17 ; 8. C'eft le fecond des quatre
volumes dont les fieurs le Roi , de la Lande ,
Tillet & Befout avoient été chargés par Sa Majesté
de compofer la Parrie Hiftorique & de procurer
la publication.
Les fieurs de Caffini , Camus & de Montigny ,
Membres de l'Académie Royale des Sciences , ont
préfenté au Roi une fuite de leur Carte Géographique
, c'eft -à - dire la foixante- neuviéme
Feuille N ° .175 , comprenant les Villes de Sierck,
Luxembourg & Treyes , le cours de la Mozelle
depuis Berg jufqu'à Treves , & celui de la Saxe
depuis Fremerdorfjufqu'à Conds où elle fe joint à
la Mozelle; & la foixante-dixiéme Feuille N° .165 ,-
qui comprend les Villes de Bafle, Huningue , Porrentru
, une partie du cours du Rhin & les lignes
qui féparent la France de la Suiffe .
Le fieur de la Lande , de l'Académie Royale des
Sciences , chargé par le Roi de compoſer chaque
année le Livre de la Connoiffance des Mouvemens
Céleftes , a eu l'honneur de préfenter à Sa Majesté
le Volume de cet Ouvrage , deſtiné pour l'année
prochaine 1765. Indépendamment des calculs
ordinaires faits pour l'ufage des Aftronomes & des
Navigateurs , ce Volume contient de nouvelles
Tables pour l'Aftronomie , une nouvelle théorie
fur la conftruction des Barometres , un détail cus
rieux des expériences faites depuis peu pour la dés
206 MERCURE DE FRANCE .
couverte des longitudes , & plufieurs articles inté
reffans.
L'Abbé de de Burle de Curban a eu l'honneur
de préfenter à Leurs Majeftés , à Monseigneur le
Dauphin & à Madame Adélaide la cinquiéme
Partie de la Science du Gouvernement , Ouvrage
compofé par le feu fieur de Réal. Cette cinquiéme
Partie , qui contient le Droit des Gens , eft dédiée
au Roi. Le fieur le Rouge , ancien Ingénieur--
Géographe du Roi , a préfenté auffi à Sa Majefté &
à Monfeigneur le Dauphin les premiers Exem
plaires des Plans , Profils & Elévation de la nouvelle
Paroifle de la Magdelaine , gravés d'après
les deffeins du fieur Content , Architecte du Roi.
Cet Edifice , qu'on doit conſtruire à l'extrémité
Septentrionale de la nouvelle rue Royale , fervira
de point de vue à la Place de Louis XV.
La fuite des Nouvelles Politiques au Mereure
prochain.
La Roi a nommé l'Evêque de Vence à l'Evêché.
de Mâcon ; & à l'Evêché de Vence l'Abbé de
Lorry , Vicaire-Général du Diocèfe de Rouen :
à l'Abbaye de Vallemont , Ordre de Saint Be
noît , Diocèle de Rouen , l'Abbé Desforges ,
Vicaire Général du Diocèfe du Mans ; à l'Ab- .
baye de Previlly , Ordre de Citeaux , Diocèle
de Sens , l'Abbé de Trudaine , Vicaire- Général du
Diocèſe de Senlis ; à l'Abbaye de Saint Manfuy ,
Ordre de Saint Benoît , Diocèfe de Toul , l'Abbé
Bertin , Confeiller d'Etat ; à l'Abbaye de Saint
Sauveur de Blaye , Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Bourdeaux , l'Abbé de Pingon , Comte de
Lyon , Vicaire Général du Diocèle de Vienne ; à
l'Abbaye de la Prée , Ordre de Citeaux , Diocèfe
de Bourges , l'Evêque d'Apollonie ; à l'Abbaye
de Saint Georges des Bois , Ordre de Saint Au
guftin , Diocèfe du Mans , l'Abbé de Pujols ,
Vicaire-Général du Diocèfe de Blois ; à l'Abbaye
Saint Vincent du Mans , Ordre de Saint Benoît
l'Evêque d'Orléans à l'Abbaye de Saint Alire ,
même Ordre , Diocèfe de Clermont , l'Archevêque
de Lyon , à l'Abbaye de Saint Auguftin de
Limoges , même Ordre de Saint Benoît , l'Abbé
de Veri , Auditeur de Rote; à l'Abbaye de Saint-
Sulpice de Bourges , même Ordre , l'Abbé le
Noir , Confeiller Clerc au Parlement de Paris
-
:
JANVLER . 1764. 1.99
à l'Abbaye de Chezal , même Ordre , l'Abbé
Gougenot , Confeiller - Clerc au Grand- Confeil
& à l'Abbaye de Saint Martin de Séez , même
Ordre , l'Abbé de Foy ; à l'Abbaye de Laval-
Brefliere , Ordre de Citeaux , Diocèle de Vienne
la Dame de Boiffac ,,Religieufe du Monaftere de
Montfleury , Diocèle de Grenoble ; & à l'Abbaye
de la Scauve , Ordre de Citeaux , Diocèle du ,
Puy, la Dame de Montmorin , Abbeffe de l'Abbaye,
de Clavas , du même Ordre & du même Diocèle :
Cette derniere Abbaye éteinte & demeurera
Ter
unie à celle de la Scauve.
Sa Majesté a nommé Aumônier de la Reine`
l'Abbé de Chilleau , Grand- Vicaire du Diocèſe,
de Metz .
La Ducheffe de Beauvilliers fut préfentée le 27
du mois dernier , à Leurs Majeftés & à la Famille.
Royale par la Ducheffe de Saint Aignan , & prit
enfuite le tabouret chez la Reine.
Le 29 du même mois , le Baron de Gleicken
Envoyé Extraordinaire de la Cour de Dannemarck
, a préfenté à Sa Majefté , de la part du
Roi fon Maître , cinquante- huit faucons d'Iflande.
Le Roi a nommé au Gouvernement de Belle-
Ifle , vacant par la mort du Vicomte de Belfunce
, le Marquis de Vibraye , Lieutenant- Général
de fes Armées , & a bien voulu , en confidération
des fervices de cet Officier , lui accorder la
première Place de Commandeur qui vaquera
dans l'Ordre de Saint Louis. En conféquence , le
Marquis de Vibraye a eu l'honneur de remercier
Sa Majefté le 24 du même mois , & a prêté ferment
le 30 entre les mains du fieur de Maupeou,
Garde des Sceaux , Vice- Chancelier.
Le même jour , la Comtelfe de Holderneff fut
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par la Maréchale de Mirepoix ; & le Chevalier du
Buat , Miniftre du Roi auprès de la Diéte Générale
de l'Empire , prit congé de Sa Majefté pour
retourner à Ratisbonne.
Le i de ce mois , le Marquis de Villeroy prêta
ferment entre les mains de Sa Majefté , pour le
Gouvernement du Lyonnois , du Forez & du
Beaujollois.
Le 4 , la Comteffe de Gacé , préfentée par la
Princeffe de Monaco , fit ſes révérences à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale.
Le même jour , le Baron de Zuckmantel, Maréchal
de Camp , l'un des Directeurs de la Nobleffe
immatriculée de la Baffe - Alface , & nommé
Miniftre Plénipotentiaire du Roi auprès de
l'Electeur de Saxe , prit congé de Sa Majesté à.
qui il fut préfenté par le Duc de Praflin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le Département
des Affaires Etrangères .
Le 6 , on a célébré dans l'Eglife Paroiffiale de
Notre-Dame , un Service pour le repos de l'ame.
de Louife-Elifabeth de France , Ducheffe de Parme.
La Reine y a affifté , ainſi que Mgr le Dauphin
, Madame Adélaïde , & Mefdames Sophie
& Louife.
Le 8 , la Marquise de Pons fut préſentée à
Leurs Majeftés , ainſi qu'à la Famille Royale ,
par la Comtelle de Pons- Saint- Maurice.
Le 11 , la Marquife de Chalmazel , accompagnée
de la Marquife de Tallara & de la Marquife
de Caftries , fit fes révérences à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale.
Le fieur Bertin , Contrôleur-Général des Fid
nances , ayant demandé au Roi la permiſſion dé
fe démettre de fa Place , Sa Majefté y a nommé le
JANVIER. 1764. 201
Sieur de L'Averdy, Conſeiller au Parlement de Paris
, & a rétabli en faveur du Sr Bertin , une Charge
de Secrétaire d'Etat qui avoit été fupprimée.
Le 13 , le Comte de Stharemberg , Ambaſſadeur
de la Cour de Vienne , eut une audience
particulière du Roi , à qui il notifia , de la part
de Leurs Majeftés Impériales & Royale , la mort
de l'Archiducheffe Infante . Il fut conduit , en
long manteau de deuil , à cette audience , ainfi
qu'à celles de la Reine & de la Famille Royale ,
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaf
fadeurs. Le 15 , la Cour a pris le deuil , à cette
occafion , pour trois ſemaines.
La Marqnife de Pons , ayant été nommée par
Sa Majefté Dame pour accompagner Madame la
Dauphine , a eu l'honneur d'être préfentée au
Roi en cette qualité.
Le 18 , le fieur Bertin prêta ferment , entre les
mains de Sa Majefté , en qualité de Secrétaire
d'Etat. Le même jour , le Marquis de Bauffer ,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi auprès de l'Impératrice
de Ruffie , prit congé de Sa Majesté pour
fe rendre à fa deſtination .
Le 21 , la Comteffe de Virieu fut préſentée à
Leurs Majeftés & à la Famille Royale , par la Marquife
de Sourches.
Le 27 , la Comteffe de Sparre de Cronneberge
fut préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale , par la Comteffe de Sparre , fa belle-
Soeur.
On a appris que , le 17 , l'Electeur de Saxe étoit
mort à Drefde , le troifiémejour d'une petite vérole
qu'on avoit prife d'abord pour une ébulli
tion peu dangereufe. Ce Prince s'appelloit Fréderic
- Chrétien - Léopold ; il étoit né le s Septem
bre 1722 & avoit été marié le 20 Juin 1747 à la
5
I-v
202 MERCURE DE FRANCE.
Soeur de l'Electeur de Baviere Frederic Augufte ,
Prince Electoral de Saxe , âgé de treize ans , fucèède
aux Etats du feu Electeur fon pere.
Le Marquis de Roux , de Marfeille , qui , en plafieurs
occafions , a donné des preuves de fon zèle
pour le bien de l'Etat , ayant demandé au Roi la
permiffion d'employer à la culture de fes terres
deux cens des familles étrangeres qui traverſent
le Royaume pour fe rendre à Cayenne , Sa Majefté
la lui a accordée & a donné ſes ordres en
conféquence.
Leurs Majeftés & la Famille Royale ont figné
Tes Contrats de mariage du Marquis de Beaucaire
avec Demoiselle de Hornbourg , fille du Comte
dé ce nom ; le 27 du mois dernier ) du Comte
de Sparre avec la Demoifelle Hardouin de Beaumois
, fille du Tréforier Général du Marc d'Or des
Ordres du Roi; du Marquis de Gauville avec la Demoifelle
Filleu , Dame & Patrone de S.Martin - le-
Viel des-Chenets : ( le 11'de ce mois ) da Comte
de Rouault avec la Dame de Brou , veuve du Sr
de Brou,Intendant de Rouen ; ( le 21 ) du Marquis
du Terrail avec Demoiſelle de Cruffol de Montauzier
; ( le 27 ) & du Baron de Boeil avec De
moifelle Saget , fille du fieur Saget , Confeiller
au Parlement de Paris. ľ le 28. )
Le Pere Bertier , Prêtre de l'Oratoire , a eur
T'honneur de préfenter à Sa Majesté trois volumes
de fa compofition , intitulés : Principes Phyfiques ,
"pour fervir de fuite aux Principes Mathématiques
d. Newton.
Le Baron de Zur- Lauben , Maréchal de Camp ,
commandant un bataillon de régiment des Gardes
Striffes & Honoraire Etranger de l'Académie
Royale des Infcriptons & Belles - Lettres , eut
Phonneur de préfenter le 13 de ce mois , fes Ou
A
JANVIER. 1764. 203
vrages à Monfeigneur le Duc de Berty & à Monfeigneur
le Comte de Provence : fçavoir , L'HISTOIRE
MILITAIRE des Suifes au fervice de la
France ; LES MÉMOIRES & LETTRES de Henry
Duc de Rohan ,fur la guerre de la Valteline , publiés
pour la premiere fois , & accompagnées de notes
Géographiques , Hiftoriques & Généalogiques ;
LE GÉNÉRAL D'ARMÉ E par Onofander , Ouvra➡
ge traduitdu Grec & dédié à Monfeigneur le Dauphin
; & les trois volumes de LA BIBLIOTHE
QUE Militaire , Politique & Hiftorique.
19,
Le fieur Clabault a eu l'honneur de préſenter,
fe
à Monfeigneur le Comte d'Artois un Tableau
Généalogique & Chronologique de la Maifon
Royale de France , dédié à ce Prince. Le len
demain , il a eu l'honneur de préfenter le même
Ouvrage à Monfeigneur le Dauphin , à Madame
la Dauphine , à Monseigneur le Duc de Berry & à
Monſeigneur le Comte de Provence.
Le fieur de Saint Geniès Chevalier de Sains
Louis , & Commandant de Bataillon , a eu l'honi
neur de préfenter au Roi un Ouvrage de la com→
pofition, intitulé , l'Officier Partifan.
Le 26 , le fieur Marmontel eut l'honneur de
préfenter à Leurs Majestés & à la Famille Royale
Je Difcours qu'il a prononcé pour la réception à
P'Académie Françoife.
Du 4 Janvier 1764.
Le premier de ce mois , les Princes & Princeffes ,
ainfi que les Seigneurs & Dames de la Cour , ren
dirent leurs refpects au Roi à l'occaſion de la nouvelle
année. Le Corps de Ville de Paris eut le mê
me honneur. Les Hautbois de la Chambre exécu
terent différens morceaux de Mufique pendant le
lever de Sa Majesté.
I vj
204 MERCURE DE FRANCE .
1
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint-Elprit , s'étant allemblés dans <
le Cabinet du Roi vers les onze heures du matin ,
Sa Majesté tint un Chapitre dans lequel Elle nomma
Chevaliers dudit Ordre , le Comte de Saulx
Tavannes, Lieutenant-Général & Chevalier d'Honneur
de la Reine , le Chevalier de Muy , Lieutenant-
Général & Menin de Monfeigneur le Dauphin ,.
le Comte du Châtelet-Lomont , Maréchal de Camp
& Ambaffadeur du Roi à la Cour de Vienne ,
& le Comte d'Eftaing , Maréchal de Camp.
Après le Chapitre , le Roi fe rendit à la Chapelle ,
précédé de Monfeigneur le Dauphin , du Duc
d'Orléans , du Duc de Chartres , du Prince de
Gondé , du Comte de Clermont , du Prince de
Conty , du Comte la Marche , du Comte d'Eu ,
du Duc de Penthievre & du Prince de Lamballe ?
& des Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre. Les deux Huiffiers portoient leurs maſſes
devant Sa Majesté qui étoit revêtue du manteau :
Royal , ayant par - deffus , le Collier de l'Ordre &
celui de la Toifon d'Or. L'Evêque Duc de Langres
, Prélat Commandeur , célébra la Grand'
Meffe , à laquelle la Reine , Madame la Dauphine
, Madame Adelaide, & Meſdames Victoire ,
Sophie & Louiſe affifterent dans la Tribune. La
quête fut faite par la Princeffe de Monaco . Après
la Meffe , le Roi fut reconduit à fon appartement
en la maniere accoutumée. Il y eut le même jour
grand couvert pendant lequel les Muficiens du
Roi exécuterent plufieurs fymphonies.
•
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre affifterent , le 2 , au Service anniverſaire
qu'on célébre pour les Chevaliers défunts , & au- -
quel officia l'Evêque d'Orléans , Commandeur de
l'Ordre.
JANVIER 1764. 205
Le même jour , la Cour prit le deuil pour quatorze
jours , à l'occafion de la mort de l'Electeur
de Saxe.
Le 3 , le Parlement de Paris fe rendit à la Cour
pour rendre les reſpects au Roi à l'occafion de la
nouvelle année .
L'Académie Royale des Sciences a eu l'honneur
de préſenter au Roi le Volume de ſes Mémoires
pour l'année 17 ; 8. C'eft le fecond des quatre
volumes dont les fieurs le Roi , de la Lande ,
Tillet & Befout avoient été chargés par Sa Majesté
de compofer la Parrie Hiftorique & de procurer
la publication.
Les fieurs de Caffini , Camus & de Montigny ,
Membres de l'Académie Royale des Sciences , ont
préfenté au Roi une fuite de leur Carte Géographique
, c'eft -à - dire la foixante- neuviéme
Feuille N ° .175 , comprenant les Villes de Sierck,
Luxembourg & Treyes , le cours de la Mozelle
depuis Berg jufqu'à Treves , & celui de la Saxe
depuis Fremerdorfjufqu'à Conds où elle fe joint à
la Mozelle; & la foixante-dixiéme Feuille N° .165 ,-
qui comprend les Villes de Bafle, Huningue , Porrentru
, une partie du cours du Rhin & les lignes
qui féparent la France de la Suiffe .
Le fieur de la Lande , de l'Académie Royale des
Sciences , chargé par le Roi de compoſer chaque
année le Livre de la Connoiffance des Mouvemens
Céleftes , a eu l'honneur de préfenter à Sa Majesté
le Volume de cet Ouvrage , deſtiné pour l'année
prochaine 1765. Indépendamment des calculs
ordinaires faits pour l'ufage des Aftronomes & des
Navigateurs , ce Volume contient de nouvelles
Tables pour l'Aftronomie , une nouvelle théorie
fur la conftruction des Barometres , un détail cus
rieux des expériences faites depuis peu pour la dés
206 MERCURE DE FRANCE .
couverte des longitudes , & plufieurs articles inté
reffans.
L'Abbé de de Burle de Curban a eu l'honneur
de préfenter à Leurs Majeftés , à Monseigneur le
Dauphin & à Madame Adélaide la cinquiéme
Partie de la Science du Gouvernement , Ouvrage
compofé par le feu fieur de Réal. Cette cinquiéme
Partie , qui contient le Droit des Gens , eft dédiée
au Roi. Le fieur le Rouge , ancien Ingénieur--
Géographe du Roi , a préfenté auffi à Sa Majefté &
à Monfeigneur le Dauphin les premiers Exem
plaires des Plans , Profils & Elévation de la nouvelle
Paroifle de la Magdelaine , gravés d'après
les deffeins du fieur Content , Architecte du Roi.
Cet Edifice , qu'on doit conſtruire à l'extrémité
Septentrionale de la nouvelle rue Royale , fervira
de point de vue à la Place de Louis XV.
La fuite des Nouvelles Politiques au Mereure
prochain.
Fermer
Résumé : De VERSAILLES, le 31 Décembre 1763.
Le document détaille les nominations et événements à la cour de France à la fin de l'année 1763 et au début de l'année 1764. Le roi a procédé à plusieurs nominations ecclésiastiques, notamment celle de l'évêque de Vence à l'évêché de Mâcon et de l'abbé de Lorry à l'évêché de Vence. D'autres nominations concernent diverses abbayes et diocèses à travers la France. Le marquis de Vibraye a été nommé gouverneur de Belle-Île. Plusieurs présentations et congés de diplomates et de nobles ont eu lieu, incluant le baron de Gleicken, envoyé extraordinaire de la cour de Danemark, et le chevalier du Buat, ministre du roi auprès de la Diète générale de l'Empire. Des événements marquants incluent un service pour le repos de l'âme de Louise-Élisabeth de France, duchesse de Parme, et la prise de deuil à la cour suite à la mort de l'archiduchesse infante. Le document mentionne également des présentations de livres et d'ouvrages par divers auteurs et membres de l'Académie Royale des Sciences. Le 1er janvier 1764, les princes, princesses, seigneurs et dames de la cour ont rendu leurs respects au roi à l'occasion de la nouvelle année. Par ailleurs, les premiers exemplaires des plans, profils et élévations de la nouvelle paroisse de la Madeleine, gravés d'après les dessins de l'architecte du roi, le sieur Content, ont été présentés. Cet édifice est prévu pour être construit à l'extrémité septentrionale de la nouvelle rue Royale et servira de point de vue à la Place de Louis XV. Enfin, la publication des nouvelles politiques est annoncée pour le prochain Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
87
p. 195-200
« Le 24 Février, l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture tint [...] »
Début :
Le 24 Février, l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture tint [...]
Mots clefs :
Académie royale de peinture et de sculpture, Assemblée, Ouvrages, Régiments, Gardes françaises, Services, Honneur, Officiers, Soldats, Ordonnance, Compagnies, Bataillons, Capitaines, Soldes, Uniforme, Règlement, Commandant, Loterie de l'école royale militaire, Loterie de l'Hôtel-de-ville, Tirage, Numéros
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 24 Février, l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture tint [...] »
L, 24 Février, l'Académie Royale de Peinture ,
& de Sculpture tint une Aſſem blée & reçut au
nombre des Aggrégés le ſieur Prince, Peintre
de l'Impératrice de Ruſſie, connu par différens
Onvrages qui lui ont acquis de la r lutation
I ij -
196 MERCURE DE FRANCE.
|
dans cette Cour , ainſi que dans celle de
Vienne & de Warſovie. Il a préſenté a l'Aca
démie quatre Tableaux & plufieurs deſſeins qui
ont mérité les ſuffrages de tous les Membres.
Le ſieur Briſſon, dc l'Académie Royale des
Sciences , commencera , le 14 de ce mois, un
cours de phyſique expérimentale , dans la Salie
des Machines au Collége de Navarre, & le
continuera les Lundis, Mercredis & Vendredis
de chaque ſemaine.
Sa Majeſté voulant donner au Régiment des
Gardes Françoiſes des marques de la ſatisfac
tion qu'Elle a des ſervices diſtingués que ce
Corps a rendus dans tous les temps & dans tou
tes les circonſtances , & lui régler en même
temps un traitement qui réponde à l'honneur
qu'il a d'être affecté d'une manière particulière
à la garde de ſa Perſonne, a réſolu de lui fi
xer une conſtitution ſolide & invariable, & d'ac
corder, tant aux Officiers qu'aux Soldats une
· augmentation de traitement. En conſéquence,
Sà Majeſté a rendu une Ordonnance, en date
du 29 Janvier dernier, ſuivant laquelle ce Ré
· giment continuera d'être compoſé de trois com
pagnies de Grenadiers & de trente compagnies de
Fuſiliers, leſquelles formeront ſix bataillons,
compoſé chacun d'une demie-compagnie de Gre
nadiers & de cinq compagnies de Fuſiliers.Chaque
compagnie de Grenadiers ſera commandée en
tout temps par un Capitaine , deux Lieutenans,
deux Sous-Lieutenans, & deux Enſeignes à Pique ;
& compoſée de quatre Sergens, d'un Sergent
d'Armes, d'un Sergent-Fourrier, de huit Capo
raux, d'un Caporal Aide-Fourrier, d'un Caporal
Aide-Magaſinier , de huit Appointés, d'un Ap
pointé-Aide-Magaſinier , d'un Appointé-Chirur
gien, de quatre-vingt Grenadiers & de quatre
J U I N. 1764. 1q7
Tambours. Chaque compagnie de Fuſiliers ſera
commandée en tout temps par un Capitaine, un
Lieutenant, deux Sous-Lieutenans, un Enſeigne
à Picque & une Enſeigne à Drapeau, & compoſée
en temps de paix, de quatre Sergens, d'un Sér
gent-d'Armes, d'un Sergent-Fourier, de huit Ca
poraux, d'un Caporal-Porte-Drapeau , d'un Ca
poral-Magaſinier , d'un Caporal-aide-Fourrier ,
d'un Caporal-Canonnier, de huit Appointés, d'un
Appointé-Aide-Magaſinier, d'un Appointé-Chi
rurgien , de denx Appointés-Apprentifs Canon
niers, de ſoixante - ſeize Fuſiliers & de quatre
Tambours: l'Etat-Major ſera compoſé d'un Colo
nel, d'un Lieutenant-Colonel, d'un Major, de
ſept Aides-Major , de ſept Sous-Aides Major, de
deux Sergens d'Ordre, dun Tambour-Major, de
deux Sous-Tambours-Majors, de deux Commiſ
ſaires, d'un Maréchal-des-Logis, d'un Aumônier,
de deux Chirurgiens Majors, d'un Prevôt, d'un
Lieutenant de Prévôt, d'un Greffier, d'un Juge-Au
diteur des Bandes, d'un Médecin, d'un Aide-Mé
decin, d'un Apothicaire, de douze Archers, d'un
Exécuteur & de ſeize Muſiciens.La même Ordon
nance aſſigne les fonctions de chacun des Officiers
& Bas-Officiers, & porte divers Réglemens ſur le
choix des Sergens & autres. Le terme des engage
mens ſera fixé à huit ans. Les Soldats qui, après
avoir ſetvi ſeize ans, ſe retireront chez eux & non
ailleurs, y toucheront la moitié de leur ſolde,
indépendamment d'un habit de l'uniforme qui
leur ſera délivré tous les huit ans : ceux qui
auront ſervi vingt-quatre ans auront le choix, ou
d'être reçus à l'Hôtel des Invalides ou de ſe retirer
chez eux & non ailleurs, avec leur ſolde entiere &
il leur ſera délivré tous les ſix ans un habit de l'uniforme.
Les appointemens & ſolde ſeront payés à
I iij
r98 MERCURE DE FRANCE.
fp
l'avenir aux Officiers & Soldats de la maniere ſui
vante. CoMPAGNIE DE GRENADIERs. Capitaine,
12 , ooo , liv. par an en tout temps ; Lieutenant ,
4, ooo : Sous-Lieutenant, 2 , ooo ; Enſeigne, r ,
zoe ; Sergent d'Armes, 85o ; Sergent-Fourrier ,
75 o ; Sergent, 6oo ; Caporal , 2 16 , Appointé,
Aide-Magafinier & Chirurgien, 19 3 ; Tambour,
2 1 6 ; Grenadiers, 18o. CoMPAGNIEs DE FUs1
LIERs. Capitaine, 11 ooo liv. Lieutenant, 3 , ooo ;
premier Sous-Lieutenant, 1 , 5oo; ſecond Sous
Lieutenant, 1 , 2oe ; Enſeigne à Pique, 8oo ;
Fnſeigne à Drapeau, 66o ;Sergent d'Armes, 8oo,
Sergent Fourrier, 7oo; Sergent, 54o ; Caporal,
Porte-Drapeau, Magaſinier , Aide-Fourrier &
Canonnier, 198 ; Appointé, Aide-Magaſinier,
Chirurgien & Apprentif-Canonnier, 18o ; Tam
bour, 193; Fuſilier, 162. ETAT-MAJoR. Colonel,
7o, coe liv. Lieutenant-Colonel, indépendam
ment de ſes appointemens de Capitaine, 11,75o ;
Major, 18, ooo ; premier Aide-Major, 5 , eoo ;
Aide Major,4 , 5oo; Sous-Aide-Major, 2 , 5oo,
Capitaine-Appointé, 1, 5oo; Sergent d'Ordre, 1,
2 oc;Tambour-Major, 8oo Sous-Tambour Major,
36o. Aumônier, 1 , ooo; Chirurgien Major, 1, ooo
Commifſaire des Guerres ayant la Police, 1 o,
287 ; ſecond Commiſſaire, 6 , 35 o ; Maréchal
des-Logis, 3 , ooo , Prevôt, 3 , 639 , Lieutenant
de Prevôt, 8oo , Greffier, 45 ° ; Juge-Auditeur
des Bandes, 6oo ; Archer, zoo , Exécuteur, 1 5o ;
Médecin, 8oo, Aide-Médecin, 5co; Apothicaire,
6oo ; Muſicien , 1 , 5oo. Les Capitaines ſeront à
l'avenir déchargés du ſoin de faire des recrues :
l'Etat-Major en ſera chargé pour toutes les com
pagnies moyennant 12oliv. par homme,les hom
mes ne ſeront agréés qu'autant qu'ils auront
moins de vingt-cinq ans & cinq pieds quatre pou
ces de taille , & qu'ils produiront un certificat
J U I N. 1764. 199
de bonnes moeurs & de domicile : ils prêteront
ſerment entre les mains du Major à la tête du Ré
giment en bataille ſur les Drapeaux qui ſeront
réunis à cet effet: là ils jureront d'obéir aux or
dre de leurs Officiers & Bas-Officiers, de ne jamais
déſerter, de ne jamais quitter leurs Drapeaux ſous
quelque prétexte que ce ſoit, & étant particuliere
ment deſtinés à l'honneur de garder Sa Majeſté,
ils promettront de la fervir avec zéle & fidélité,
& de veiller à ſa conſervation au péril de leur vie
Le Colonel ſeul ſera chargé de donner les congés
abſolus. Au moyen du nouveau traitement, les
penſions d'ancienneté & les gratifications atta
chées aux charges ſeront ſupprimées. En temps
de guerre ſeulement, la ſomme de 4 , ooo liv.
continuera d'être payée au Commandant du
Régiment, lorſqu'il fera la campagne en qualité
de Commandant de la brigade , ainſi que la ſom
me de, 1 , 5oo liv. à chacun de quatre Capitaines
Appointés dans la colonne des Capitaines. Le Ré
giment ſera caſerné dans trois ou ſix corps de
caſernes. A commencer du 1 Avril prochain , jour
fixé pour la nouvelle compoſition, les Capitaines
ſeront déchargés du ſoin des logemens dans les
différens quartiers de Paris : le Colonel en de
meurera ſeul chargé, ainſi que de la Police & de
la diſcipline des caſernes & de l'habillement &
uniforme du Régiment. Le Roi donne au Colonel
ſeul le pouvoir d'accorder aux Soldats de leur
compagnie la permiſſion de travailler dans Paris,
de ſe marier & de s'abſenter par congé ou autre
ment : le Régiment continuera de jouir de tous
ſes anciens Priviléges & prérogatives.
Le trente - huitiéme tirage de la Loterie de
l'Hôtel de Ville s'eſt fait le 24 Mars, en la
manière accoutumée. Le lot de cinquante mille
I iv .
2oo MERCURE DE FRANCE.
livres eſt échu au numéro 13765, celui de vingr
mille livres au numéro 13 573 , & les deux de
dix mille livres aux numéres 1891 & 12 694.
Le 5 du même mois , on a tiré la Loterie
de l'Ecole Royale Militaire, les numéros ſortis
de la roue de fortune ſont 48 , 5 , 3o , 46, 36,
& de Sculpture tint une Aſſem blée & reçut au
nombre des Aggrégés le ſieur Prince, Peintre
de l'Impératrice de Ruſſie, connu par différens
Onvrages qui lui ont acquis de la r lutation
I ij -
196 MERCURE DE FRANCE.
|
dans cette Cour , ainſi que dans celle de
Vienne & de Warſovie. Il a préſenté a l'Aca
démie quatre Tableaux & plufieurs deſſeins qui
ont mérité les ſuffrages de tous les Membres.
Le ſieur Briſſon, dc l'Académie Royale des
Sciences , commencera , le 14 de ce mois, un
cours de phyſique expérimentale , dans la Salie
des Machines au Collége de Navarre, & le
continuera les Lundis, Mercredis & Vendredis
de chaque ſemaine.
Sa Majeſté voulant donner au Régiment des
Gardes Françoiſes des marques de la ſatisfac
tion qu'Elle a des ſervices diſtingués que ce
Corps a rendus dans tous les temps & dans tou
tes les circonſtances , & lui régler en même
temps un traitement qui réponde à l'honneur
qu'il a d'être affecté d'une manière particulière
à la garde de ſa Perſonne, a réſolu de lui fi
xer une conſtitution ſolide & invariable, & d'ac
corder, tant aux Officiers qu'aux Soldats une
· augmentation de traitement. En conſéquence,
Sà Majeſté a rendu une Ordonnance, en date
du 29 Janvier dernier, ſuivant laquelle ce Ré
· giment continuera d'être compoſé de trois com
pagnies de Grenadiers & de trente compagnies de
Fuſiliers, leſquelles formeront ſix bataillons,
compoſé chacun d'une demie-compagnie de Gre
nadiers & de cinq compagnies de Fuſiliers.Chaque
compagnie de Grenadiers ſera commandée en
tout temps par un Capitaine , deux Lieutenans,
deux Sous-Lieutenans, & deux Enſeignes à Pique ;
& compoſée de quatre Sergens, d'un Sergent
d'Armes, d'un Sergent-Fourrier, de huit Capo
raux, d'un Caporal Aide-Fourrier, d'un Caporal
Aide-Magaſinier , de huit Appointés, d'un Ap
pointé-Aide-Magaſinier , d'un Appointé-Chirur
gien, de quatre-vingt Grenadiers & de quatre
J U I N. 1764. 1q7
Tambours. Chaque compagnie de Fuſiliers ſera
commandée en tout temps par un Capitaine, un
Lieutenant, deux Sous-Lieutenans, un Enſeigne
à Picque & une Enſeigne à Drapeau, & compoſée
en temps de paix, de quatre Sergens, d'un Sér
gent-d'Armes, d'un Sergent-Fourier, de huit Ca
poraux, d'un Caporal-Porte-Drapeau , d'un Ca
poral-Magaſinier , d'un Caporal-aide-Fourrier ,
d'un Caporal-Canonnier, de huit Appointés, d'un
Appointé-Aide-Magaſinier, d'un Appointé-Chi
rurgien , de denx Appointés-Apprentifs Canon
niers, de ſoixante - ſeize Fuſiliers & de quatre
Tambours: l'Etat-Major ſera compoſé d'un Colo
nel, d'un Lieutenant-Colonel, d'un Major, de
ſept Aides-Major , de ſept Sous-Aides Major, de
deux Sergens d'Ordre, dun Tambour-Major, de
deux Sous-Tambours-Majors, de deux Commiſ
ſaires, d'un Maréchal-des-Logis, d'un Aumônier,
de deux Chirurgiens Majors, d'un Prevôt, d'un
Lieutenant de Prévôt, d'un Greffier, d'un Juge-Au
diteur des Bandes, d'un Médecin, d'un Aide-Mé
decin, d'un Apothicaire, de douze Archers, d'un
Exécuteur & de ſeize Muſiciens.La même Ordon
nance aſſigne les fonctions de chacun des Officiers
& Bas-Officiers, & porte divers Réglemens ſur le
choix des Sergens & autres. Le terme des engage
mens ſera fixé à huit ans. Les Soldats qui, après
avoir ſetvi ſeize ans, ſe retireront chez eux & non
ailleurs, y toucheront la moitié de leur ſolde,
indépendamment d'un habit de l'uniforme qui
leur ſera délivré tous les huit ans : ceux qui
auront ſervi vingt-quatre ans auront le choix, ou
d'être reçus à l'Hôtel des Invalides ou de ſe retirer
chez eux & non ailleurs, avec leur ſolde entiere &
il leur ſera délivré tous les ſix ans un habit de l'uniforme.
Les appointemens & ſolde ſeront payés à
I iij
r98 MERCURE DE FRANCE.
fp
l'avenir aux Officiers & Soldats de la maniere ſui
vante. CoMPAGNIE DE GRENADIERs. Capitaine,
12 , ooo , liv. par an en tout temps ; Lieutenant ,
4, ooo : Sous-Lieutenant, 2 , ooo ; Enſeigne, r ,
zoe ; Sergent d'Armes, 85o ; Sergent-Fourrier ,
75 o ; Sergent, 6oo ; Caporal , 2 16 , Appointé,
Aide-Magafinier & Chirurgien, 19 3 ; Tambour,
2 1 6 ; Grenadiers, 18o. CoMPAGNIEs DE FUs1
LIERs. Capitaine, 11 ooo liv. Lieutenant, 3 , ooo ;
premier Sous-Lieutenant, 1 , 5oo; ſecond Sous
Lieutenant, 1 , 2oe ; Enſeigne à Pique, 8oo ;
Fnſeigne à Drapeau, 66o ;Sergent d'Armes, 8oo,
Sergent Fourrier, 7oo; Sergent, 54o ; Caporal,
Porte-Drapeau, Magaſinier , Aide-Fourrier &
Canonnier, 198 ; Appointé, Aide-Magaſinier,
Chirurgien & Apprentif-Canonnier, 18o ; Tam
bour, 193; Fuſilier, 162. ETAT-MAJoR. Colonel,
7o, coe liv. Lieutenant-Colonel, indépendam
ment de ſes appointemens de Capitaine, 11,75o ;
Major, 18, ooo ; premier Aide-Major, 5 , eoo ;
Aide Major,4 , 5oo; Sous-Aide-Major, 2 , 5oo,
Capitaine-Appointé, 1, 5oo; Sergent d'Ordre, 1,
2 oc;Tambour-Major, 8oo Sous-Tambour Major,
36o. Aumônier, 1 , ooo; Chirurgien Major, 1, ooo
Commifſaire des Guerres ayant la Police, 1 o,
287 ; ſecond Commiſſaire, 6 , 35 o ; Maréchal
des-Logis, 3 , ooo , Prevôt, 3 , 639 , Lieutenant
de Prevôt, 8oo , Greffier, 45 ° ; Juge-Auditeur
des Bandes, 6oo ; Archer, zoo , Exécuteur, 1 5o ;
Médecin, 8oo, Aide-Médecin, 5co; Apothicaire,
6oo ; Muſicien , 1 , 5oo. Les Capitaines ſeront à
l'avenir déchargés du ſoin de faire des recrues :
l'Etat-Major en ſera chargé pour toutes les com
pagnies moyennant 12oliv. par homme,les hom
mes ne ſeront agréés qu'autant qu'ils auront
moins de vingt-cinq ans & cinq pieds quatre pou
ces de taille , & qu'ils produiront un certificat
J U I N. 1764. 199
de bonnes moeurs & de domicile : ils prêteront
ſerment entre les mains du Major à la tête du Ré
giment en bataille ſur les Drapeaux qui ſeront
réunis à cet effet: là ils jureront d'obéir aux or
dre de leurs Officiers & Bas-Officiers, de ne jamais
déſerter, de ne jamais quitter leurs Drapeaux ſous
quelque prétexte que ce ſoit, & étant particuliere
ment deſtinés à l'honneur de garder Sa Majeſté,
ils promettront de la fervir avec zéle & fidélité,
& de veiller à ſa conſervation au péril de leur vie
Le Colonel ſeul ſera chargé de donner les congés
abſolus. Au moyen du nouveau traitement, les
penſions d'ancienneté & les gratifications atta
chées aux charges ſeront ſupprimées. En temps
de guerre ſeulement, la ſomme de 4 , ooo liv.
continuera d'être payée au Commandant du
Régiment, lorſqu'il fera la campagne en qualité
de Commandant de la brigade , ainſi que la ſom
me de, 1 , 5oo liv. à chacun de quatre Capitaines
Appointés dans la colonne des Capitaines. Le Ré
giment ſera caſerné dans trois ou ſix corps de
caſernes. A commencer du 1 Avril prochain , jour
fixé pour la nouvelle compoſition, les Capitaines
ſeront déchargés du ſoin des logemens dans les
différens quartiers de Paris : le Colonel en de
meurera ſeul chargé, ainſi que de la Police & de
la diſcipline des caſernes & de l'habillement &
uniforme du Régiment. Le Roi donne au Colonel
ſeul le pouvoir d'accorder aux Soldats de leur
compagnie la permiſſion de travailler dans Paris,
de ſe marier & de s'abſenter par congé ou autre
ment : le Régiment continuera de jouir de tous
ſes anciens Priviléges & prérogatives.
Le trente - huitiéme tirage de la Loterie de
l'Hôtel de Ville s'eſt fait le 24 Mars, en la
manière accoutumée. Le lot de cinquante mille
I iv .
2oo MERCURE DE FRANCE.
livres eſt échu au numéro 13765, celui de vingr
mille livres au numéro 13 573 , & les deux de
dix mille livres aux numéres 1891 & 12 694.
Le 5 du même mois , on a tiré la Loterie
de l'Ecole Royale Militaire, les numéros ſortis
de la roue de fortune ſont 48 , 5 , 3o , 46, 36,
Fermer
Résumé : « Le 24 Février, l'Académie Royale de Peinture & de Sculpture tint [...] »
Le 24 février, l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture a accueilli le sieur Prince, peintre de l'Impératrice de Russie, parmi les agrégés. Il a présenté quatre tableaux et plusieurs dessins, appréciés par les membres de l'Académie. Le sieur Brisson, de l'Académie Royale des Sciences, débutera un cours de physique expérimentale le 14 du mois suivant, les lundis, mercredis et vendredis au Collège de Navarre. Sa Majesté a exprimé sa satisfaction envers le Régiment des Gardes Françaises pour ses services distingués. Elle a décidé d'accorder une augmentation de traitement aux officiers et soldats, et a rendu une ordonnance le 29 janvier pour réorganiser le régiment. Ce dernier sera composé de trois compagnies de grenadiers et de trente compagnies de fusiliers, formant six bataillons. L'ordonnance précise la composition et les fonctions de chaque grade, ainsi que les conditions de service et les retraites. Les soldats ayant servi seize ans recevront la moitié de leur solde s'ils se retirent chez eux, tandis que ceux ayant servi vingt-quatre ans pourront choisir entre l'Hôtel des Invalides ou une retraite avec solde complète. Les traitements des officiers et soldats sont détaillés, et les capitaines seront déchargés du recrutement, remplacé par l'État-Major. Les nouvelles recrues devront avoir moins de vingt-cinq ans et une taille minimale de cinq pieds quatre pouces, avec un certificat de bonnes mœurs et de domicile. Le régiment continuera de jouir de ses anciens privilèges et prérogatives. Le 24 mars, le trente-huitième tirage de la Loterie de l'Hôtel de Ville a attribué un lot de cinquante mille livres au numéro 13765, un lot de vingt mille livres au numéro 13573, et deux lots de dix mille livres aux numéros 1891 et 12694. Le 5 mars, la Loterie de l'École Royale Militaire a également eu lieu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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88
p. 160-167
DE VERSAILLES, le 28 Avril 1764.
Début :
Le 2 de ce mois, Leurs Majestés & la Famille Royale signèrent le [...]
Mots clefs :
Famille royale, Duc, Marquis, Comte, Monseigneur, Honneur, Mariage, Cérémonies, Ministre, Serment, Pauvres, Audience, Officiers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE VERSAILLES, le 28 Avril 1764.
DE VERSAILLES , le 28 Avril 1764.
L. 2 de ce mois , Leurs Majeſtés & la Famille
Royale fignérent le contrat de Mariage du Marquis
de Vaubecourt avec Demoiſelle de Vateboy
du Metz. Le même jour , la Marquife de Donniffan
& la Marquile de Graffe furent préſentées
à Leurs Majeftés & à la Famille Royale , la première
par la Marquife de Durfort , la feconde
par la Comteffe de Carcado.
Le même jour , les Députés du Parlement de
Befançon , au nombre de huit , furent préſentés
à Sa Majesté par le Duc de Choifeul , Miniftre &
Secrétaire d'Etat ayant le département de la Province
, & conduits par le Marquis de Dreux ,
Grand-Maître des Cérémonies. Le Roi les reçut
dans fon fauteuil en préſence de fes Miniftres &
de fes Grands Officiers , & leur permit de lui
faire les repréſentations dont ils avoient été chargés
par leur Compagnie.
Les , Leurs Majeftés & la Famille Royale -
gnérent le contrat de Mariage du Marquis de
Tourzel avec Demoifelle d'Havré.
Le fieur Law de Laurifton , Colonel d'Infanterie
, étant fur le point de partir en qualité de
Commiffaire pour le Roi & Commandant GénéJUILLET.
1764.
161
ral des établiſſemens François aux Indes Orientales
, a été préfenté à Sa Majeſté le zo du mois
dernier.
Le 8 de ce mois , le Marquis de Choiſeul- la-
Baume , Maréchal de Camp , prêta ferment entre
les mains du Roi pour la Lieutenance générale
de Champagne. Le même jour la Ducheffe
d'Elbeuf fit fes révérences à Leurs Majeſtés & à la
Famille Royale. Le lendemain , l'Evêque de
Comminges prêta ferment pendant la Melle entre
les mains du Roi.
Le Comte de Dietrichſtein , Chambellan de
l'Empereur , notifia , le 15 , à Leurs Majeftés &
à la Famille Royale l'Election & le Couronnement
de l'Archiduc Joſeph Roi des Romains. Le
même jour , le Vicomte de Choifeul , Brigadier
des Armées du Roi , Colonel du Régiment de
Poitou , & l'un des Menins de Monfeigneur le
Dauphin , nommé pour aller complimenter , de
la part du Roi , l'Empereur & le Roi des Romains,
a pris congé de Sa Majeſté.
Le 16 , Leurs Majeftés & la Famille Royale fignérent
le contrat de Mariage du Comte de
Maulde Colonel des Grenadiers de France ,
avec Demoiſelle Davy de la Pailleterie .
"
Le 19 , jour du Jeudi Saint , après l'Abfoure
faite par l'Évêque de Poitiers & le Sermon prononcé
par l'Abbé de Balore , Vicaire Général
du Diocèle de Belley , le Roi lava les pieds à
douze Pauvres & les fervit à table. Le Prince de
Condé , Grand-Maître de la Maifon de Sa Majefté
, étoit à la tête des Maîtres d'Hôtel & précéda
le fervice , dont les plats furent portés par
Monfeigneur le Dauphin , Monfeigneur le Duc
de Berry , Monfeigneur le Comte de Provence ,
par le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres , le
162 MERCURE DE FRANCE.
Duc de Bourbon , le Prince de Conty , le Comte
de la Marche , le Comte d'Eu , le Duc de Penthievre
& le Prince de Lamballe , & par les principaux
Officiers de Sa Majesté.
Le même jour , la Reine entendit le Sermon
de la Cene prononcé par l'Abbé de Chaléon , Vicaire
Général du Diocèle de Meaux. L'Evêque de
Poitiers fit enfuite l'Abfoute , après laquelle Sa
Majefté lava les pieds à douze pauvres Filles
-qu'Elle fervit à table. Le Marquis de Talaru ,
premier Maître d'Hôtel , précédia le fervice , &
les plats furent portés par Madame Adélaïde &
par Meldames Sophie & Louife , ainfi que par
les Dames du Palais de la Reine , & les Dames de
Meldames.
La Comteffe de Holderness , fe difpofant à retourner
en Angleterre , fut préfentée , le même
jour, à Leurs Majeſtés & à la Famille Royale.
Le 22 , Leurs Majeftés & la Famille Royale fignérent
le contrat de Mariage du Comte de
Maulevrier Langeron avec Demoiſelle de Saint
Pierre.
Le Comte du Châtelet- Lomont , Menin de
Monfeigneur le Dauphin & Ambaſſadeur du Roi
à la Cour de Vienne , arriva ici le 24, & fat
préfenté
le lendemain à Sa Majesté par le Duc de
Praflin. La Comteffe du Châtelet a été préfentée
aufli au Roi par le Duc de Fleury , Premier Gentilhomme
de la Chambre en exercice.
Le Roi vient de nommer Intendant de la Guadeloupe
le Sieur Senac de Meilhan , Maître des
-Requêtes, qui , en cette qualité , a été préſenté à
Sa Majefté , le 26 , par le Duc de Choifeul .
Le Roi a donné l'Evêché de Vabres à l'Abbé de
Caftries , Vicaire - Général du Diocèle d'Alby ;
L'Abbaye de Saint Pierre , Ordre de Saint Benoît ,
JUILLET. 1764. 163
Diocèle de Châlons ſur Saône , à l'Abbé de Stoupy
, Chanoine de Liége ; celle de Saint Joffe- fur-
Mer , Ordre de Saint Benoît , Diocèſe d'Amiens ,
à l'Abbé de Modene , Vicaire- Général du même
Diocèfe ; celle de Saint Jacques , Ordre de Saint
Auguſtin , Diocèfe.de Beziers , à l'Abbé Guillot ,
Vicaire-Général du Diocèſe de Mâcon ; celle de
Sainte Perrine , Ordre de Saint Auguftin , Diocèle
de Paris , à la Dame de Mazieres , Religieufe
de la Communauté des Filles- Dieu à Paris ; &
celle des Chazes , Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Saint Flour , à la Dame de Guerin de Lugeac ,
Religieufe Bénédictine de l'Abbaye de Lavau-
Dieq , même Diocèle.
Le Sieur Buy de Mornas , Géographe de Monfeigneur
le Duc de Berry & de Monfeigneur le
Comte de Provence , eut l'honneur de préſenter ,
le 22
à Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,
vingt nouvelles Cartes de fon Atlas Géographi
•que lefquelles ont rapport au cinquième âge du
monde , & doivent être à la tête du troifiéme
Volume de cet Ouvrage.
Du 16 Mai.
>
Les Députés du Parlement de Rouen , au nombre
de huit , furent préſentés au Roi , le 28 du
mois dernier , par le fieur Bertin Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le département de la
Normandie , & conduits par le Marquis de Dreux ,
Grand-Maître des Cérémonies. Sa Majefté les
reçut dans fon fauteuil en préfence de fes Miniftres
& de fes Grands- Officiers , & leur permit de
lui faire les repréſentations dont ils avoient été
chargés par leur Compagnie.
Le lendemain , les Députés des Etats de Bour
gogne furent auffi préfentés au Roi par le Prince
164 MERCURE DE FRANCE.
de Condé , Gouverneur de la Province , & par le
Comte de Saint Florentin , Miniftre & Sécrétaire
d'Etat. Ils furent conduits à cette Audience par le
Marquis de Dreux , Grand - Maître des Cérémonies
& par le Sieur Defgranges , Maître des Cérémonies.
La Députation étoit compofée de
l'Abbé du Châtel , Aumônier Ordinaire de la
Reine , élu du Clergé , lequel porta la parole;
du Marquis de Châtelux , élu de la Nobleffe ; du
Sieur de Baudeffon , Maire d'Auxerre , élu du
Tiers Etat ; du Sieur Blanchon , Syndic , Député
de la Province de Breffe ; du Sieur Comber , Syndic
, Député des Provinces de Bujey & Gex ; du
Sieur de Blancey , Secrétaire des Etats de Bour
gogne, & du Sieur de Lapoix , Procureur Syndic
des mêmes Etats . Ces Députés eurent enfuite Audience
de la Reine & de Famille Royale.
Le même jour , Leurs Majeftés & la Famille
Royale fignérent le contrat de Mariage du Marquis
de la Roche - du- Maine avec Demoiſelle de
Verneuil. 暑
Sa Majesté vient d'accorder les entrées de fa
Chambre au Prince de Marfan & au Maréchal de
Balincourt.
Le premier de ce mois , les Muficiens du Roi ,
réunis aux Hautbois de la Chambre , fe rendirent
au lever de Sa Majefté , conduits par le Sieur de
Bury , Surintendant de la Mufique en furvivance
du Sieur Rebel , & éxécutérent felon l'uſage
ordinaire , plufieurs morceaux de Symphonie.
"
Le 2 , l'Evêque de Châlons - fur Marne prêta
ferment , pendant la Melle, entre les mains de
Sa Majesté.
Le 6 , ia Vicomteffe de Narbonne - Pelet a été
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par la Comteffe de Forcalquier.
JUILLET, 1764. 165
Le 7 , l'Evêque de Vence & celui de Mâcon
prêterent ferment , pendant la Meffe , entre les
mains de Sa Majefté , dans la Chapelle du Château.
Le 8 , le Roi chaffa au vol , accompagné de Madame
Adélaïde , & de Meldames Sophie &
Louife.
Le 12 , le Sieur Dufort , Introducteur des Ambaffadeurs
, a prêté ferment entre les mains du
Roi , pour la charge de Lieutenant - Général de la
Province du Blaifois , vacante par la retraite du
Comte d'Harcourt.
Le 13 , les Secrétaires du Roi de la Grande
Chancellerie eurent l'honneur de préfenter à Sa
Majeſté , fuivant l'ufage , la bourſe de Saint Jean
de la Porte Latine. Le Steur Lebeuf , premier
Syndic de cette Compagnie porta la parole.
Le même jour , Leuis Majeftés & la Famille .
Royale fignerent le contrat de Mariage du Marquis
de Fontaines , Exempt des Gardes du Corps
dans la Compagnie Ecolloife , avec Demoiſelle
Goujon de Ris.
Le is , le Comte Bielinsk , Envoyé extraor
dinaire de la République de Pologne , eut fon
Audience de congé du Roi ; il y fut conduit , ainfi
qu'a celles de la Reine & de la Famille Royale ,
par le Sieur Dufort , Introducteur des Ambaſſadeurs
Le Roi a difpofé en faveur de l'Abbé de Liſle & -
de l'Abbé Frottier , Clercs de fa Chapelle des deux
Charges de Chapelains vacantes par les cémiffions
des Abbés Peigné & de Haullay & les deux
charges de Clercs de Chapelle ont été accordées à
l'Abbé Blanchemain , Précepteur des Pages de
Sa Majefté , & à l'Abbé de Ciédat des Mazeaux .
L'Abbé de Sailly , Aumônier de Madame la
166 MERCURE DE FRANCE.
Dauphine , Grand - Chantre & Chanoine de la
Sainte Chapelle Koyale du Palais , & le Baron de
Lentzbourg , Membre du Sénat du Canton de
Fribourg, nommés par SaMajeſté pour être admis
dans les Ordres Royaux , Militaires & Hoſpitaliers
de Notre-Dame du Mont- Carmel & de
Saint Lazare de Jérufalem , ont fait leur profef
fion en préſence de Monfeigneur le Duc de
Berry , Grand-Maître de ces Ordres , entre les -
mains du Comte de Saint Florentin , Miniftre &
Secrétaire d'Etat , Adminiſtrateur Général defdits
Ordres ; après l'émiffion des Voeux , le nou
veau Commandeur Eccléfiaftique & le nouveau
Chevalier ont eu l'honneur de baifer la main du'
Prince Grand- Maître en figne d'obédience. Les
Chevaliers - Commandeurs , Grands - Officiers &
plufieurs Chevaliers Commandeurs Eccléfiaftiques
ont affifté à cette Cérémonie.
·
Le 30 Avril , le Sieur Targe , ancien Profeffeur
de Mathématiques à l'Ecole Royale Militaire , a
eu l'honneur de préfenter à Monseigneur le Duc
de Berry & à Monfeigneur le Comte de Proven-"
vence , les deux derniers Volumes de fa Traduction
de l'Hiftoire d'Angleterre de M. Smollet.
Le 6 Mai , le Sieur de la Lande , de l'Académie
Royale des Sciences , eut l'honneur de préſenter
au Roi une Carte du paffage de Vénus fur le Soleil
, qui s'obſervera le ; Juin 1769 , & d'expo-'
fer à Sa Majesté les avantages confidérables que
ce paffage aura fur celui qui eft arrivé en 1761.
Cette Carte étoit accompagnée d'un Mémoire
imprimé qui contient la manière dont le paffa-1
ge de 1769 paroîtra dans tous les Pays de la
Terre , les voyages qu'il fera utile d'entreprendre'
à cette occafion , & le réſultat de tout ce qui a
été obférvé ſur le paffage de 1761 dans toutes
les parties du Monde.
JUILLET. 1764. 167
Le Sieur Adanfon , de l'Académie des Sciences ,
a eu l'honneur de préfenter , le même jour , au
Roi un Ouvrage de fa compofition intitulé : Familles
des Plantes.
Le 12 , le Sieur Blondeau de Charnage , Penfionnaire
du Roi , préfenta à Sa Majesté le troifiéme
Volume du Dictionnaire des Titres Origi
naux pour les Fiefs , le Domaine du Roi , l'Hif
toire, la Généalogie , & généralement tous les
objets qui concernent le gouvernement de l'Etat.
Le lendemain , Jean-Thomas Hériffant , Imprimeur
du Roi , Maiſon & Cabinet de Sa Majeſté
, eut auffi l'honneur de préfenter au Roi le
quatriéme Volume des Euvres du Chancelier
d'Agueffeau.
L. 2 de ce mois , Leurs Majeſtés & la Famille
Royale fignérent le contrat de Mariage du Marquis
de Vaubecourt avec Demoiſelle de Vateboy
du Metz. Le même jour , la Marquife de Donniffan
& la Marquile de Graffe furent préſentées
à Leurs Majeftés & à la Famille Royale , la première
par la Marquife de Durfort , la feconde
par la Comteffe de Carcado.
Le même jour , les Députés du Parlement de
Befançon , au nombre de huit , furent préſentés
à Sa Majesté par le Duc de Choifeul , Miniftre &
Secrétaire d'Etat ayant le département de la Province
, & conduits par le Marquis de Dreux ,
Grand-Maître des Cérémonies. Le Roi les reçut
dans fon fauteuil en préſence de fes Miniftres &
de fes Grands Officiers , & leur permit de lui
faire les repréſentations dont ils avoient été chargés
par leur Compagnie.
Les , Leurs Majeftés & la Famille Royale -
gnérent le contrat de Mariage du Marquis de
Tourzel avec Demoifelle d'Havré.
Le fieur Law de Laurifton , Colonel d'Infanterie
, étant fur le point de partir en qualité de
Commiffaire pour le Roi & Commandant GénéJUILLET.
1764.
161
ral des établiſſemens François aux Indes Orientales
, a été préfenté à Sa Majeſté le zo du mois
dernier.
Le 8 de ce mois , le Marquis de Choiſeul- la-
Baume , Maréchal de Camp , prêta ferment entre
les mains du Roi pour la Lieutenance générale
de Champagne. Le même jour la Ducheffe
d'Elbeuf fit fes révérences à Leurs Majeſtés & à la
Famille Royale. Le lendemain , l'Evêque de
Comminges prêta ferment pendant la Melle entre
les mains du Roi.
Le Comte de Dietrichſtein , Chambellan de
l'Empereur , notifia , le 15 , à Leurs Majeftés &
à la Famille Royale l'Election & le Couronnement
de l'Archiduc Joſeph Roi des Romains. Le
même jour , le Vicomte de Choifeul , Brigadier
des Armées du Roi , Colonel du Régiment de
Poitou , & l'un des Menins de Monfeigneur le
Dauphin , nommé pour aller complimenter , de
la part du Roi , l'Empereur & le Roi des Romains,
a pris congé de Sa Majeſté.
Le 16 , Leurs Majeftés & la Famille Royale fignérent
le contrat de Mariage du Comte de
Maulde Colonel des Grenadiers de France ,
avec Demoiſelle Davy de la Pailleterie .
"
Le 19 , jour du Jeudi Saint , après l'Abfoure
faite par l'Évêque de Poitiers & le Sermon prononcé
par l'Abbé de Balore , Vicaire Général
du Diocèle de Belley , le Roi lava les pieds à
douze Pauvres & les fervit à table. Le Prince de
Condé , Grand-Maître de la Maifon de Sa Majefté
, étoit à la tête des Maîtres d'Hôtel & précéda
le fervice , dont les plats furent portés par
Monfeigneur le Dauphin , Monfeigneur le Duc
de Berry , Monfeigneur le Comte de Provence ,
par le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres , le
162 MERCURE DE FRANCE.
Duc de Bourbon , le Prince de Conty , le Comte
de la Marche , le Comte d'Eu , le Duc de Penthievre
& le Prince de Lamballe , & par les principaux
Officiers de Sa Majesté.
Le même jour , la Reine entendit le Sermon
de la Cene prononcé par l'Abbé de Chaléon , Vicaire
Général du Diocèle de Meaux. L'Evêque de
Poitiers fit enfuite l'Abfoute , après laquelle Sa
Majefté lava les pieds à douze pauvres Filles
-qu'Elle fervit à table. Le Marquis de Talaru ,
premier Maître d'Hôtel , précédia le fervice , &
les plats furent portés par Madame Adélaïde &
par Meldames Sophie & Louife , ainfi que par
les Dames du Palais de la Reine , & les Dames de
Meldames.
La Comteffe de Holderness , fe difpofant à retourner
en Angleterre , fut préfentée , le même
jour, à Leurs Majeſtés & à la Famille Royale.
Le 22 , Leurs Majeftés & la Famille Royale fignérent
le contrat de Mariage du Comte de
Maulevrier Langeron avec Demoiſelle de Saint
Pierre.
Le Comte du Châtelet- Lomont , Menin de
Monfeigneur le Dauphin & Ambaſſadeur du Roi
à la Cour de Vienne , arriva ici le 24, & fat
préfenté
le lendemain à Sa Majesté par le Duc de
Praflin. La Comteffe du Châtelet a été préfentée
aufli au Roi par le Duc de Fleury , Premier Gentilhomme
de la Chambre en exercice.
Le Roi vient de nommer Intendant de la Guadeloupe
le Sieur Senac de Meilhan , Maître des
-Requêtes, qui , en cette qualité , a été préſenté à
Sa Majefté , le 26 , par le Duc de Choifeul .
Le Roi a donné l'Evêché de Vabres à l'Abbé de
Caftries , Vicaire - Général du Diocèle d'Alby ;
L'Abbaye de Saint Pierre , Ordre de Saint Benoît ,
JUILLET. 1764. 163
Diocèle de Châlons ſur Saône , à l'Abbé de Stoupy
, Chanoine de Liége ; celle de Saint Joffe- fur-
Mer , Ordre de Saint Benoît , Diocèſe d'Amiens ,
à l'Abbé de Modene , Vicaire- Général du même
Diocèfe ; celle de Saint Jacques , Ordre de Saint
Auguſtin , Diocèfe.de Beziers , à l'Abbé Guillot ,
Vicaire-Général du Diocèſe de Mâcon ; celle de
Sainte Perrine , Ordre de Saint Auguftin , Diocèle
de Paris , à la Dame de Mazieres , Religieufe
de la Communauté des Filles- Dieu à Paris ; &
celle des Chazes , Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Saint Flour , à la Dame de Guerin de Lugeac ,
Religieufe Bénédictine de l'Abbaye de Lavau-
Dieq , même Diocèle.
Le Sieur Buy de Mornas , Géographe de Monfeigneur
le Duc de Berry & de Monfeigneur le
Comte de Provence , eut l'honneur de préſenter ,
le 22
à Leurs Majeftés & à la Famille Royale ,
vingt nouvelles Cartes de fon Atlas Géographi
•que lefquelles ont rapport au cinquième âge du
monde , & doivent être à la tête du troifiéme
Volume de cet Ouvrage.
Du 16 Mai.
>
Les Députés du Parlement de Rouen , au nombre
de huit , furent préſentés au Roi , le 28 du
mois dernier , par le fieur Bertin Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le département de la
Normandie , & conduits par le Marquis de Dreux ,
Grand-Maître des Cérémonies. Sa Majefté les
reçut dans fon fauteuil en préfence de fes Miniftres
& de fes Grands- Officiers , & leur permit de
lui faire les repréſentations dont ils avoient été
chargés par leur Compagnie.
Le lendemain , les Députés des Etats de Bour
gogne furent auffi préfentés au Roi par le Prince
164 MERCURE DE FRANCE.
de Condé , Gouverneur de la Province , & par le
Comte de Saint Florentin , Miniftre & Sécrétaire
d'Etat. Ils furent conduits à cette Audience par le
Marquis de Dreux , Grand - Maître des Cérémonies
& par le Sieur Defgranges , Maître des Cérémonies.
La Députation étoit compofée de
l'Abbé du Châtel , Aumônier Ordinaire de la
Reine , élu du Clergé , lequel porta la parole;
du Marquis de Châtelux , élu de la Nobleffe ; du
Sieur de Baudeffon , Maire d'Auxerre , élu du
Tiers Etat ; du Sieur Blanchon , Syndic , Député
de la Province de Breffe ; du Sieur Comber , Syndic
, Député des Provinces de Bujey & Gex ; du
Sieur de Blancey , Secrétaire des Etats de Bour
gogne, & du Sieur de Lapoix , Procureur Syndic
des mêmes Etats . Ces Députés eurent enfuite Audience
de la Reine & de Famille Royale.
Le même jour , Leurs Majeftés & la Famille
Royale fignérent le contrat de Mariage du Marquis
de la Roche - du- Maine avec Demoiſelle de
Verneuil. 暑
Sa Majesté vient d'accorder les entrées de fa
Chambre au Prince de Marfan & au Maréchal de
Balincourt.
Le premier de ce mois , les Muficiens du Roi ,
réunis aux Hautbois de la Chambre , fe rendirent
au lever de Sa Majefté , conduits par le Sieur de
Bury , Surintendant de la Mufique en furvivance
du Sieur Rebel , & éxécutérent felon l'uſage
ordinaire , plufieurs morceaux de Symphonie.
"
Le 2 , l'Evêque de Châlons - fur Marne prêta
ferment , pendant la Melle, entre les mains de
Sa Majesté.
Le 6 , ia Vicomteffe de Narbonne - Pelet a été
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par la Comteffe de Forcalquier.
JUILLET, 1764. 165
Le 7 , l'Evêque de Vence & celui de Mâcon
prêterent ferment , pendant la Meffe , entre les
mains de Sa Majefté , dans la Chapelle du Château.
Le 8 , le Roi chaffa au vol , accompagné de Madame
Adélaïde , & de Meldames Sophie &
Louife.
Le 12 , le Sieur Dufort , Introducteur des Ambaffadeurs
, a prêté ferment entre les mains du
Roi , pour la charge de Lieutenant - Général de la
Province du Blaifois , vacante par la retraite du
Comte d'Harcourt.
Le 13 , les Secrétaires du Roi de la Grande
Chancellerie eurent l'honneur de préfenter à Sa
Majeſté , fuivant l'ufage , la bourſe de Saint Jean
de la Porte Latine. Le Steur Lebeuf , premier
Syndic de cette Compagnie porta la parole.
Le même jour , Leuis Majeftés & la Famille .
Royale fignerent le contrat de Mariage du Marquis
de Fontaines , Exempt des Gardes du Corps
dans la Compagnie Ecolloife , avec Demoiſelle
Goujon de Ris.
Le is , le Comte Bielinsk , Envoyé extraor
dinaire de la République de Pologne , eut fon
Audience de congé du Roi ; il y fut conduit , ainfi
qu'a celles de la Reine & de la Famille Royale ,
par le Sieur Dufort , Introducteur des Ambaſſadeurs
Le Roi a difpofé en faveur de l'Abbé de Liſle & -
de l'Abbé Frottier , Clercs de fa Chapelle des deux
Charges de Chapelains vacantes par les cémiffions
des Abbés Peigné & de Haullay & les deux
charges de Clercs de Chapelle ont été accordées à
l'Abbé Blanchemain , Précepteur des Pages de
Sa Majefté , & à l'Abbé de Ciédat des Mazeaux .
L'Abbé de Sailly , Aumônier de Madame la
166 MERCURE DE FRANCE.
Dauphine , Grand - Chantre & Chanoine de la
Sainte Chapelle Koyale du Palais , & le Baron de
Lentzbourg , Membre du Sénat du Canton de
Fribourg, nommés par SaMajeſté pour être admis
dans les Ordres Royaux , Militaires & Hoſpitaliers
de Notre-Dame du Mont- Carmel & de
Saint Lazare de Jérufalem , ont fait leur profef
fion en préſence de Monfeigneur le Duc de
Berry , Grand-Maître de ces Ordres , entre les -
mains du Comte de Saint Florentin , Miniftre &
Secrétaire d'Etat , Adminiſtrateur Général defdits
Ordres ; après l'émiffion des Voeux , le nou
veau Commandeur Eccléfiaftique & le nouveau
Chevalier ont eu l'honneur de baifer la main du'
Prince Grand- Maître en figne d'obédience. Les
Chevaliers - Commandeurs , Grands - Officiers &
plufieurs Chevaliers Commandeurs Eccléfiaftiques
ont affifté à cette Cérémonie.
·
Le 30 Avril , le Sieur Targe , ancien Profeffeur
de Mathématiques à l'Ecole Royale Militaire , a
eu l'honneur de préfenter à Monseigneur le Duc
de Berry & à Monfeigneur le Comte de Proven-"
vence , les deux derniers Volumes de fa Traduction
de l'Hiftoire d'Angleterre de M. Smollet.
Le 6 Mai , le Sieur de la Lande , de l'Académie
Royale des Sciences , eut l'honneur de préſenter
au Roi une Carte du paffage de Vénus fur le Soleil
, qui s'obſervera le ; Juin 1769 , & d'expo-'
fer à Sa Majesté les avantages confidérables que
ce paffage aura fur celui qui eft arrivé en 1761.
Cette Carte étoit accompagnée d'un Mémoire
imprimé qui contient la manière dont le paffa-1
ge de 1769 paroîtra dans tous les Pays de la
Terre , les voyages qu'il fera utile d'entreprendre'
à cette occafion , & le réſultat de tout ce qui a
été obférvé ſur le paffage de 1761 dans toutes
les parties du Monde.
JUILLET. 1764. 167
Le Sieur Adanfon , de l'Académie des Sciences ,
a eu l'honneur de préfenter , le même jour , au
Roi un Ouvrage de fa compofition intitulé : Familles
des Plantes.
Le 12 , le Sieur Blondeau de Charnage , Penfionnaire
du Roi , préfenta à Sa Majesté le troifiéme
Volume du Dictionnaire des Titres Origi
naux pour les Fiefs , le Domaine du Roi , l'Hif
toire, la Généalogie , & généralement tous les
objets qui concernent le gouvernement de l'Etat.
Le lendemain , Jean-Thomas Hériffant , Imprimeur
du Roi , Maiſon & Cabinet de Sa Majeſté
, eut auffi l'honneur de préfenter au Roi le
quatriéme Volume des Euvres du Chancelier
d'Agueffeau.
Fermer
Résumé : DE VERSAILLES, le 28 Avril 1764.
En avril et mai 1764, plusieurs événements marquants ont eu lieu à la cour de Versailles. Le 2 avril, les contrats de mariage du Marquis de Vaubecourt avec Demoiselle de Vateboy du Metz et du Marquis de Tourzel avec Demoiselle d'Havré ont été signés par Leurs Majestés et la Famille Royale. La Marquise de Donniffan et la Marquise de Graffe ont été présentées à la cour. Les députés du Parlement de Besançon ont été reçus par le Roi en présence de ses ministres et grands officiers. Le Sieur Law de Laurifton, Colonel d'Infanterie, a été présenté au Roi avant son départ pour les Indes Orientales. Le Marquis de Choiseul-la-Baume a prêté serment pour la Lieutenance générale de Champagne, et la Duchesse d'Elbeuf a fait ses révérences à la cour. Le Comte de Dietrichstein a notifié l'élection et le couronnement de l'Archiduc Joseph Roi des Romains. Le Vicomte de Choiseul a pris congé du Roi pour complimenter l'Empereur et le Roi des Romains. Le contrat de mariage du Comte de Maulde avec Demoiselle Davy de la Pailleterie a été signé. Le Roi a lavé les pieds de douze pauvres le Jeudi Saint, et la Reine a fait de même pour douze pauvres filles. La Comtesse de Holderness a été présentée à la cour avant son départ pour l'Angleterre. Le contrat de mariage du Comte de Maulevrier Langeron avec Demoiselle de Saint Pierre a été signé. Le Comte du Châtelet-Lomont, Ambassadeur à Vienne, est arrivé et a été présenté au Roi. Le Sieur Senac de Meilhan a été nommé Intendant de la Guadeloupe. Plusieurs nominations ecclésiastiques ont été annoncées, notamment celles des Abbés de Castries, Stoupy, Modene, Guillot, et des Dames de Mazieres et de Guerin de Lugeac. Le Sieur Buy de Mornas a présenté de nouvelles cartes géographiques à la cour. Les députés du Parlement de Rouen et des États de Bourgogne ont été reçus par le Roi. Le contrat de mariage du Marquis de la Roche-du-Maine avec Demoiselle de Verneuil a été signé. Le Prince de Marfan et le Maréchal de Balincourt ont obtenu les entrées de la Chambre du Roi. L'Évêque de Châlons-sur-Marne, ceux de Vence et de Mâcon ont prêté serment. Le Roi a chassé au vol avec Madame Adélaïde et Mesdames Sophie et Louise. Le Sieur Dufort a prêté serment pour la charge de Lieutenant-Général du Blaisois. Les Secrétaires du Roi ont présenté la bourse de Saint Jean de la Porte Latine. Le contrat de mariage du Marquis de Fontaines avec Demoiselle Goujon de Ris a été signé. Le Comte Bielinski, Envoyé de Pologne, a pris congé du Roi. Plusieurs nominations et promotions ont été annoncées, notamment celles des Abbés de Lisle, Frottier, Blanchemain, et de Ciédat des Mazeaux. L'Abbé de Sailly et le Baron de Lentzbourg ont été admis dans les Ordres Royaux Militaires et Hospitaliers. Le Sieur Targe a présenté les volumes de la traduction de l'Histoire d'Angleterre de M. Smollet au Duc de Berry et au Comte de Provence. Le Sieur de la Lande a présenté une carte du passage de Vénus sur le Soleil au Roi. Le Sieur Adanson a présenté son ouvrage 'Familles des Plantes'. Le Sieur Blondeau de Charnage a présenté le troisième volume du Dictionnaire des Titres Originaux. Jean-Thomas Hérissant a présenté le quatrième volume des Œuvres du Chancelier d'Aguesseau au Roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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89
p. 181-186
De VERSAILLES, le 9 Juin 1764.
Début :
Le Roi vient de donner au Prince de Tingri la place de Capitaine [...]
Mots clefs :
Comte, Général, Majesté, Famille royale, Gouvernement, Marquis, Audience, Famille royale, Province, Serment, Honneur, Aumônier, Cérémonies
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De VERSAILLES, le 9 Juin 1764.
De VERSAILLES , le 9 Juin 1764 .
Le Roi vient de donner au Prince de Tingri la
place de Capitaine de les Gardes , vacante par la
mort du Maréchal Duc de Luxembourg. Sa Majefté
a diſpoſé en même temps du Gouvernement
de Normandie en faveur du Duc d'Harcourt ,
qui en étoit Lieutenant-Général. Le Gouvernement
de Sedan , vacant par la nomination du
Duc d'Harcourt au Gouvernement de la Province
de Normandie , a été donné au Duc de Laval ,
Lieutenant-Général des Armées du Roi , qui a
remis à Sa Majefté le Gouvernement de Mont-
Dauphin, dont elle a diſpoſé en faveur du Comte
de la Suze , Grand Maréchal des Logis de fa
Cour.
Sa Majeſté a donné le Gouvernement de Port-
Louis , vacant par la mort du Comte de Rothelin' ,
au Chevalier du Châtelet , Lieutenant-Général de
fes Armées , & celui de Saint- Malo , vacant par
la mort du Maréchal de Maubourg , au Comte
de Montazet , Lieutenant-Général de les Armées,
qui a remis à Sa Majesté le Gouvernement du
Fort de Scarpe dont il étoit pourvu , & que
Majeſté donné au Chevalier de Saint- Point ,
Maréchal de fes Camps & Armées , & Lieutenant
de fes Gardes-du - Corps dans la Compagnie de
Beauvau .
Sa
L'Inſpection de Cavalerie dont étoit pourvu le
182 MERCURE DE FRANCE.
"
Comte de Montazet a été fupprimée par le Roi,
qui a donné l'Inspection qu'éxerçoit le Marquis
du Mefnil au Comte de Choifeul-la-Baume , &
celle d'Infanterie , qu'avoit le Marquis de Bréhant
, au Comte de Montbarey.
Sa Majefté a difpofé de l'Archevêché d'Alby en
faveur du Cardinal de Bernis ; & de l'Evêché de
Siſteron en faveur de l'Abbé de Saint-Tropès.
Elle a donné l'Abbaye de Corneville , Ordre de
S. Auguftin , Diocèfe de Rouen , à l'Abbé d'Allemans-
Dulau , ancien Curé de la Paroifle de S.
Sulpice à Paris.
Le Roi vient de difpofer de la place de Dame
d'Atours de Madame , qu'avoit la Comteffe de
Civerac , en faveur de la Comteffe de Narbonne ,
Dame pour accompagner Madame.
Le fieur Tiepolo , Ambaffadeur de la République
de Venife , fut conduit ici le 22 du mois dernier
, dans les caroffes de Leurs Majeftés , & eur
une Audience publique de Congé du Roi , qui le
fit enfuite Chevalier. Il fut conduit à cette Audience
, ainfi qu'à celles de la Reine & de la Famille
Royale , par le fieur Dufort , Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le 27 , le Prince de Tingry prêta ferment entre
les mains du Roi , en qualité de Capitaine des
Gardes de Sa Majesté.
Le fieur Langlois , Confeiller au Parlement de
Paris , ayant été pourvu d'une Charge d'Intendant
des Finances , fut préfenté au Roi en cette
qualité le même jour par le fieur de l'Averdy.
La Dame de l'Averdy , époufe du Contrôleur
Général des Finances , & la Comteffe de Langeron
, furent préfentées le même jour à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale , la premiere par la
Comteffe de Noailles , & la feconde par la Marquile
de Langeron.
JUILLET. 1764. 183
Le même jour la Marquife de Tourzel & la
Marquife de Gantès furent préſentées à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale , la première ,
par la Marquife de Sourches , la feconde , par la
Vicomteffe de Caftellane .
Les Députés des Etats d'Artois eurent auffi ce
même jour une Audience du Roi : ils furent préfentés
à Sa Majesté par le Duc de Chaulnes ,
Gouverneur de la Province , & par le Duc de
Choifeul , Miniftre & Secrétaire d'Etat ayant le
département de la Guerre & de la Marine , 82
conduit à cette Audience par le Marquis de
Dreux , Grand-Maître des Cérémonies , & par le
Heur Desgranges , Maître des Cérémonies. La
députation étoit compofée , pour le Clergé , de
l'Evêque de Saint-Omer , qui porta la parole ;
du Comte de Marle , pour la Nobleffe , & du
fieur de Canchy , pour le Tiers- Etat..
la
Leurs Majeftés & la Famille Royale fignerent
3 de ce mois le Contrat de mariage du fieur
de Boullongne , Maître des Requêtes , & de Demoiſelle
Langlois , fille du fieur Langlois , Intendant
des Finances. Le même jour la Comteffe
de Mory & la Comteffe de Sabran furent
préſentées à Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par la Comteffe de la Marche , l'une en qualité
de Dame d'Honneur de cette Princeffe , l'autre en
qualité de fa Dame de compagnie. La Marquife
de la Roche- du - Maine fut auffi préſentée à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale par la Ducheffe
de Sully.
Le Roi s'étant fait rendre compte de tout ce
qui s'eft paffé dans l'affaire du Canada , & en
particulier par rapport aux Officiers & Employés
qui ont été déchargés des accufations intentées
contre eux , & voulant leur donner des marques
184 MERCURE DE FRANCE.
2
de fa fatisfaction , a accordé au Marquis de Vau-.
dreuil , ancien Gouverneur- Lieutenant -Général
de la Nouvelle-France , 6 , 000 livrés de penfion
annuelle , indépendamment de celle dont il jouiffoit
précédemment. Sa Majesté a pareillement
accordé d'autres penfions , fuivant le grade & la
qualité des perfonnes , au Chevalier le Mercier ,
ci-devant Commandant de l'Artillerie ; au fieur
de Boishebert , Capitaine , ci -devant Commandant
à l'Acadie ; au fieur de Meloïfe , Capitaine ,
Aide-Major de Quebec ; aux fieurs de Villers ,
Contrôleur ; Barbel , Ecrivain ; & Fayolle , Ecrivain
& Garde-Magafin .
Le 19 du mois dernier , les PP. Récollets de
la Province de France ont tenu ici un Chapitre
auquel a préfidé , en qualité de Commiſſaire- Général
, le Pere Pie Allard , Ex- Provincial de la
Province de Lyon . Ce même Père a préſenté le
21 au Roi les nouveaux Supérieurs qui ont été
nommés dans ce Chapitre.
Le 20 ,
:
le fieur de l'Etang a eu l'honneur de
préfenter à Sa Majefté un Ouvrage de fa compofition
, intitulé Manuel d'Agriculture pour le
Laboureur, pour le Propriétaire & pour le Gou
vernement , contenant les vrais & feuls moyens de
faire profpérer l'Agriculture tant en France que
dans tous les autres Etats où l'on cultive.
Le fieur Duhamel , de l'Académie Royale des
Sciences , & Infpecteur de la Marine , a eu l'honneur
de préfenter , le ; de ce mois , au Roi deux
livres de fa compofition , intitulés : Exploitation
du bois , ou Moyen de tirer un parti avantageux
des taillis , demi-futayes & hautes-futayes , &
d'en faire une jufte eſtimation , avec une defcription
des Arts qui fe pratiquent dans les forêts ,
faifant les deux dernières parties du Traité com
pler des Bois & Forêts.
JUILLET. 1764. 184
Les PP. Capucins ont eu l'honneur de préfenter
le à Monfeigneur le Dauphin les XIII , XIV.
& XV Volumes des Principes difcutés , qui font
les derniers de cet Ouvrage , ainfi que la Juſtification
de leur Verfion Françoiſe des Pleaumes.
Du 13.
Les Chevaliers Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint Efprit s'étant affemblés le 10
de ce mois , vers les onze heures du matin ,
dans le Cabinet du Roi , Sa Majesté fortit de fon
appartement pour aller à la Chapelle. Elle étoit
accompagnée de Monfeigneur le Dauphin , du
Duc d'Orléans , du Duc de Chartres , du Prince
de Condé , du Comte de Clermont , du Prince de
Conty , du Comte de la Marche , du Comte d'Eu ,
du Duc de Penthievre & du Prince de Lamballe ,
& des Chevaliers , Commandeurs & Officiers dé
l'Ordre. Sa Majefté , devant qui les deux Huiffiers
de la Chambre portoient leurs maffes , étoit en
manteau , ayant le Collier de l'Ordre pardeffus ,
ainfi que celui de la Toifon d'Or. L'Evêque de
Langres , Commandeur de l'Ordre , Officia , &
après la Meffe qui fut chantée par la Muſique
du Roi , Sa Majefté monta fur fon Trône pour
recevoir Chevalier de l'Ordre le Comte du Châtalet
- Lomont , ci- devant Ambafladeur du Roi
à la Cour de Vienne & l'un des Menins de Monfeigneur
le Dauphin ; après quoi Sa Majesté
fut reconduite à fon appartement en la manière
accoutumée .
Le Roi vient de difpofer en faveur du Maréchal
de Clermont-Tonnerre de la Lieutenance- Générale
& du Commandement du Dauphiné vacans
par la mort du Marquis du Mefnil .
Sa Majefté a nommé à l'Evêché d'Avranches
186 MERCURE DE FRANCE,
l'Abbé de Durfort ſon Aumônier. Elle a donné en
même temps l'Abbaye de Lieu Dieu , Ordre de
Citeaux , Diocèle d'Amiens , à l'Abbé de Béon ,
Aumônier de Madame cele de Selincourt , Ordre
de Piémontré , même Diocèle à l'Abbé Tafcher
, Vicaire Général du Diocèle de Mâcon , &
Chanoine de l'Eglife Noble & Cathédrale de
Coire , & l'Abbaye Réguliere de Prieres , Ordre
de Cireaux , Diocèle de Vannes , à Dom de Baule
, Religieux du même Ordre , & Prieur de l'Abbaye
de Royaumont. L'Abbe de Soulanges ayant
donné la démiffion de la place d'Aumônier de
Madame , Sa Majefté a nommé à cette place
l'Abbé de Saint- Marceau , Vicaire Général de
Meaux.
Le Vicomte de Choifeul , Menin de Monfeigneur
le Dauphin , eft revenu de la Cour de Vienne
& a fait le 10 la révérence au Roi à qui il a
été présenté par le Duc de Praflin fon père , qui
a aufli préfenté , ces jours derniers , à Sa Majefté
le fieur de la Houze , ci - devant chargé des
affaires du Roi à la Cour de Naples & auprès du
Saint Siége.
La Comteffe de Narbonne prêta ferment le
11 entre les mains du Roi en qualité de Dame
d'Atours de Madame. Le même jour , la Princeffe
de Mafferan prit congé de Leurs Majeftés ,
ainsi que la de Famille Royale , à qui elle fur préfentée
par la Princeffe de Rohan . Elle va joindre
à Londres le Prince de Mafferan fon époux , Ambaffadeur
de Sa Majefté Catholique à la Cour
d'Angleterre.
Le Roi vient de donner au Prince de Tingri la
place de Capitaine de les Gardes , vacante par la
mort du Maréchal Duc de Luxembourg. Sa Majefté
a diſpoſé en même temps du Gouvernement
de Normandie en faveur du Duc d'Harcourt ,
qui en étoit Lieutenant-Général. Le Gouvernement
de Sedan , vacant par la nomination du
Duc d'Harcourt au Gouvernement de la Province
de Normandie , a été donné au Duc de Laval ,
Lieutenant-Général des Armées du Roi , qui a
remis à Sa Majefté le Gouvernement de Mont-
Dauphin, dont elle a diſpoſé en faveur du Comte
de la Suze , Grand Maréchal des Logis de fa
Cour.
Sa Majeſté a donné le Gouvernement de Port-
Louis , vacant par la mort du Comte de Rothelin' ,
au Chevalier du Châtelet , Lieutenant-Général de
fes Armées , & celui de Saint- Malo , vacant par
la mort du Maréchal de Maubourg , au Comte
de Montazet , Lieutenant-Général de les Armées,
qui a remis à Sa Majesté le Gouvernement du
Fort de Scarpe dont il étoit pourvu , & que
Majeſté donné au Chevalier de Saint- Point ,
Maréchal de fes Camps & Armées , & Lieutenant
de fes Gardes-du - Corps dans la Compagnie de
Beauvau .
Sa
L'Inſpection de Cavalerie dont étoit pourvu le
182 MERCURE DE FRANCE.
"
Comte de Montazet a été fupprimée par le Roi,
qui a donné l'Inspection qu'éxerçoit le Marquis
du Mefnil au Comte de Choifeul-la-Baume , &
celle d'Infanterie , qu'avoit le Marquis de Bréhant
, au Comte de Montbarey.
Sa Majefté a difpofé de l'Archevêché d'Alby en
faveur du Cardinal de Bernis ; & de l'Evêché de
Siſteron en faveur de l'Abbé de Saint-Tropès.
Elle a donné l'Abbaye de Corneville , Ordre de
S. Auguftin , Diocèfe de Rouen , à l'Abbé d'Allemans-
Dulau , ancien Curé de la Paroifle de S.
Sulpice à Paris.
Le Roi vient de difpofer de la place de Dame
d'Atours de Madame , qu'avoit la Comteffe de
Civerac , en faveur de la Comteffe de Narbonne ,
Dame pour accompagner Madame.
Le fieur Tiepolo , Ambaffadeur de la République
de Venife , fut conduit ici le 22 du mois dernier
, dans les caroffes de Leurs Majeftés , & eur
une Audience publique de Congé du Roi , qui le
fit enfuite Chevalier. Il fut conduit à cette Audience
, ainfi qu'à celles de la Reine & de la Famille
Royale , par le fieur Dufort , Introducteur
des Ambaffadeurs.
Le 27 , le Prince de Tingry prêta ferment entre
les mains du Roi , en qualité de Capitaine des
Gardes de Sa Majesté.
Le fieur Langlois , Confeiller au Parlement de
Paris , ayant été pourvu d'une Charge d'Intendant
des Finances , fut préfenté au Roi en cette
qualité le même jour par le fieur de l'Averdy.
La Dame de l'Averdy , époufe du Contrôleur
Général des Finances , & la Comteffe de Langeron
, furent préfentées le même jour à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale , la premiere par la
Comteffe de Noailles , & la feconde par la Marquile
de Langeron.
JUILLET. 1764. 183
Le même jour la Marquife de Tourzel & la
Marquife de Gantès furent préſentées à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale , la première ,
par la Marquife de Sourches , la feconde , par la
Vicomteffe de Caftellane .
Les Députés des Etats d'Artois eurent auffi ce
même jour une Audience du Roi : ils furent préfentés
à Sa Majesté par le Duc de Chaulnes ,
Gouverneur de la Province , & par le Duc de
Choifeul , Miniftre & Secrétaire d'Etat ayant le
département de la Guerre & de la Marine , 82
conduit à cette Audience par le Marquis de
Dreux , Grand-Maître des Cérémonies , & par le
Heur Desgranges , Maître des Cérémonies. La
députation étoit compofée , pour le Clergé , de
l'Evêque de Saint-Omer , qui porta la parole ;
du Comte de Marle , pour la Nobleffe , & du
fieur de Canchy , pour le Tiers- Etat..
la
Leurs Majeftés & la Famille Royale fignerent
3 de ce mois le Contrat de mariage du fieur
de Boullongne , Maître des Requêtes , & de Demoiſelle
Langlois , fille du fieur Langlois , Intendant
des Finances. Le même jour la Comteffe
de Mory & la Comteffe de Sabran furent
préſentées à Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par la Comteffe de la Marche , l'une en qualité
de Dame d'Honneur de cette Princeffe , l'autre en
qualité de fa Dame de compagnie. La Marquife
de la Roche- du - Maine fut auffi préſentée à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale par la Ducheffe
de Sully.
Le Roi s'étant fait rendre compte de tout ce
qui s'eft paffé dans l'affaire du Canada , & en
particulier par rapport aux Officiers & Employés
qui ont été déchargés des accufations intentées
contre eux , & voulant leur donner des marques
184 MERCURE DE FRANCE.
2
de fa fatisfaction , a accordé au Marquis de Vau-.
dreuil , ancien Gouverneur- Lieutenant -Général
de la Nouvelle-France , 6 , 000 livrés de penfion
annuelle , indépendamment de celle dont il jouiffoit
précédemment. Sa Majesté a pareillement
accordé d'autres penfions , fuivant le grade & la
qualité des perfonnes , au Chevalier le Mercier ,
ci-devant Commandant de l'Artillerie ; au fieur
de Boishebert , Capitaine , ci -devant Commandant
à l'Acadie ; au fieur de Meloïfe , Capitaine ,
Aide-Major de Quebec ; aux fieurs de Villers ,
Contrôleur ; Barbel , Ecrivain ; & Fayolle , Ecrivain
& Garde-Magafin .
Le 19 du mois dernier , les PP. Récollets de
la Province de France ont tenu ici un Chapitre
auquel a préfidé , en qualité de Commiſſaire- Général
, le Pere Pie Allard , Ex- Provincial de la
Province de Lyon . Ce même Père a préſenté le
21 au Roi les nouveaux Supérieurs qui ont été
nommés dans ce Chapitre.
Le 20 ,
:
le fieur de l'Etang a eu l'honneur de
préfenter à Sa Majefté un Ouvrage de fa compofition
, intitulé Manuel d'Agriculture pour le
Laboureur, pour le Propriétaire & pour le Gou
vernement , contenant les vrais & feuls moyens de
faire profpérer l'Agriculture tant en France que
dans tous les autres Etats où l'on cultive.
Le fieur Duhamel , de l'Académie Royale des
Sciences , & Infpecteur de la Marine , a eu l'honneur
de préfenter , le ; de ce mois , au Roi deux
livres de fa compofition , intitulés : Exploitation
du bois , ou Moyen de tirer un parti avantageux
des taillis , demi-futayes & hautes-futayes , &
d'en faire une jufte eſtimation , avec une defcription
des Arts qui fe pratiquent dans les forêts ,
faifant les deux dernières parties du Traité com
pler des Bois & Forêts.
JUILLET. 1764. 184
Les PP. Capucins ont eu l'honneur de préfenter
le à Monfeigneur le Dauphin les XIII , XIV.
& XV Volumes des Principes difcutés , qui font
les derniers de cet Ouvrage , ainfi que la Juſtification
de leur Verfion Françoiſe des Pleaumes.
Du 13.
Les Chevaliers Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint Efprit s'étant affemblés le 10
de ce mois , vers les onze heures du matin ,
dans le Cabinet du Roi , Sa Majesté fortit de fon
appartement pour aller à la Chapelle. Elle étoit
accompagnée de Monfeigneur le Dauphin , du
Duc d'Orléans , du Duc de Chartres , du Prince
de Condé , du Comte de Clermont , du Prince de
Conty , du Comte de la Marche , du Comte d'Eu ,
du Duc de Penthievre & du Prince de Lamballe ,
& des Chevaliers , Commandeurs & Officiers dé
l'Ordre. Sa Majefté , devant qui les deux Huiffiers
de la Chambre portoient leurs maffes , étoit en
manteau , ayant le Collier de l'Ordre pardeffus ,
ainfi que celui de la Toifon d'Or. L'Evêque de
Langres , Commandeur de l'Ordre , Officia , &
après la Meffe qui fut chantée par la Muſique
du Roi , Sa Majefté monta fur fon Trône pour
recevoir Chevalier de l'Ordre le Comte du Châtalet
- Lomont , ci- devant Ambafladeur du Roi
à la Cour de Vienne & l'un des Menins de Monfeigneur
le Dauphin ; après quoi Sa Majesté
fut reconduite à fon appartement en la manière
accoutumée .
Le Roi vient de difpofer en faveur du Maréchal
de Clermont-Tonnerre de la Lieutenance- Générale
& du Commandement du Dauphiné vacans
par la mort du Marquis du Mefnil .
Sa Majefté a nommé à l'Evêché d'Avranches
186 MERCURE DE FRANCE,
l'Abbé de Durfort ſon Aumônier. Elle a donné en
même temps l'Abbaye de Lieu Dieu , Ordre de
Citeaux , Diocèle d'Amiens , à l'Abbé de Béon ,
Aumônier de Madame cele de Selincourt , Ordre
de Piémontré , même Diocèle à l'Abbé Tafcher
, Vicaire Général du Diocèle de Mâcon , &
Chanoine de l'Eglife Noble & Cathédrale de
Coire , & l'Abbaye Réguliere de Prieres , Ordre
de Cireaux , Diocèle de Vannes , à Dom de Baule
, Religieux du même Ordre , & Prieur de l'Abbaye
de Royaumont. L'Abbe de Soulanges ayant
donné la démiffion de la place d'Aumônier de
Madame , Sa Majefté a nommé à cette place
l'Abbé de Saint- Marceau , Vicaire Général de
Meaux.
Le Vicomte de Choifeul , Menin de Monfeigneur
le Dauphin , eft revenu de la Cour de Vienne
& a fait le 10 la révérence au Roi à qui il a
été présenté par le Duc de Praflin fon père , qui
a aufli préfenté , ces jours derniers , à Sa Majefté
le fieur de la Houze , ci - devant chargé des
affaires du Roi à la Cour de Naples & auprès du
Saint Siége.
La Comteffe de Narbonne prêta ferment le
11 entre les mains du Roi en qualité de Dame
d'Atours de Madame. Le même jour , la Princeffe
de Mafferan prit congé de Leurs Majeftés ,
ainsi que la de Famille Royale , à qui elle fur préfentée
par la Princeffe de Rohan . Elle va joindre
à Londres le Prince de Mafferan fon époux , Ambaffadeur
de Sa Majefté Catholique à la Cour
d'Angleterre.
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Résumé : De VERSAILLES, le 9 Juin 1764.
Le 9 juin 1764, plusieurs nominations et attributions de postes ont été effectuées par le Roi. Le Prince de Tingri a été nommé Capitaine des Gardes, succédant au Maréchal Duc de Luxembourg. Le Duc d'Harcourt a reçu le Gouvernement de Normandie, le Duc de Laval celui de Sedan, le Comte de la Suze celui de Mont-Dauphin, le Chevalier du Châtelet celui de Port-Louis, et le Comte de Montazet celui de Saint-Malo. L'Inspection de Cavalerie, précédemment tenue par le Marquis du Mésnil, a été supprimée et remplacée par le Comte de Choiseul-la-Baume, tandis que l'Inspection d'Infanterie, tenue par le Marquis de Bréhant, a été confiée au Comte de Montbarrey. Le Roi a également nommé le Cardinal de Bernis à l'Archevêché d'Alby et l'Abbé de Saint-Tropès à l'Évêché de Sisteron. L'Abbaye de Corneville a été attribuée à l'Abbé d'Allemans-Dulau. La Comtesse de Narbonne a été nommée Dame d'Atours de Madame, succédant à la Comtesse de Civerac. L'Ambassadeur de la République de Venise, le sieur Tiepolo, a reçu une audience publique de congé du Roi, qui l'a fait Chevalier. Le Prince de Tingri a prêté serment en tant que Capitaine des Gardes du Roi, et le sieur Langlois, Conseiller au Parlement de Paris, a été présenté au Roi en tant qu'Intendant des Finances. Plusieurs présentations à Leurs Majestés et à la Famille Royale ont eu lieu, notamment celles de la Dame de l'Averdy, de la Comtesse de Langeron, de la Marquise de Tourzel, de la Marquise de Gantès, de la Comtesse de Mory, de la Comtesse de Sabran et de la Marquise de la Roche-du-Maine. Le Roi a accordé des pensions à plusieurs officiers et employés ayant servi au Canada, dont le Marquis de Vaudreuil, le Chevalier Le Mercier, et le sieur de Boishebert. Les Pères Récollets ont tenu un Chapitre à Versailles, présidé par le Père Pie Allard. Le sieur de l'Etang a présenté au Roi un ouvrage sur l'agriculture, et le sieur Duhamel a présenté deux livres sur l'exploitation des bois. Les Chevaliers de l'Ordre du Saint-Esprit se sont assemblés en présence du Roi, qui a reçu le Comte du Châtelet-Lomont comme nouveau Chevalier. Le Maréchal de Clermont-Tonnerre a été nommé Lieutenant-Général et Commandant du Dauphiné. Plusieurs nominations ont été faites pour des postes ecclésiastiques, notamment l'Abbé de Durfort à l'Évêché d'Avranches et l'Abbé de Soulanges comme Aumônier de Madame. Le Vicomte de Choiseul est revenu de la Cour de Vienne et a été présenté au Roi. La Comtesse de Narbonne a prêté serment en tant que Dame d'Atours de Madame, et la Princesse de Masseran a pris congé pour rejoindre son époux à Londres.
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90
p. 206-209
LETTRE d'un Anonyme à M. le Général BETSKI, à Petersbourg.
Début :
Monsieur, N'ayant nullement l'avantage de vous être connu, je n'aurois pas pris [...]
Mots clefs :
Russie, Impératrice, Maison d'enfants, Joie, Établissement, Souverain, Honneur, Humanité, Patrie, Louanges
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE d'un Anonyme à M. le Général BETSKI, à Petersbourg.
LETTRE d'un Anonyme à M. le Général
BETSKI¸ à Pétersbourg,
MONSIEUR,
N'ayant nullement l'avantage de vous
être connu , je n'aurois pas pris la liberté
de vous écrire , fi les devoirs de
l'humanité ne m'y euffent porté.Je viens
d'apprendre d'un Ami , qui connoît la
Ruffie pour y avoir été longtemps &
qui y a encore quelques correfpondances
, que fous les aufpices de l'Impératrice
, vous veniez de fonder à
Mofcou une Maifon d'Enfans trouvés
& d'Orphelins où l'on reçoit indiftin &tement
tous ceux qu'on y porte. Mon ami
écrivit d'abord pour qu'on lui envoyât les
Statuts & le Plan de cet établiſſement; on
Jui répondit , qu'ils n'étoient imprimés
qu'en Ruffe & en Allemand & on ne
nous en envoya qu'un Extrait en françois.
Si j'ai quelques qualités , ce font
celles d'un coeur tendre & humain ; auffi
les larmes d'attendriffement & de joie me
coulérent- elles des yeux , quand je lus
que , lorfque vous eûtes propofé votre
JUILLET. 1764. 207-
" projet à l'Impératrice cette Augufte
Princeffe donna d'abord cinq cens
mille livres pour ce bâtiment & def- ·
tina 25000 liv par an , de fa caiffe &
Monfeigneur le Grand Duc 100000 I.
pour l'entretien de cette maifon ; que
vos compatriotes y contribuerent tous
par des donnations annuelles , & qu'ainfi
c'eft un des établiffemens les mieux
fondés de l'Europe. Par l'Extrait qu'on
nous a donné , j'ai vu que vous aviez
choifi ce qu'il y avoit de mieux dans la
plupart des établiffemens publics &
que vous aviez adapté ce que vous en
avez pris , au Gouvernement, aux moeurs *
& au climat de votre Païs .
Quand un Souverain contribue par
l'éxemple & la générofité à la fondation
de pareils établiffemens , qui font
d'autant plus d'honneur à l'humanité
qu'ils font faits pour fecourir cette partie
du genre humain , la plus digne de
notre tendreffe & de notre compaffion ;
quand le projet en eft fait & mis en
exécution par un Citcien tel que vous ,
Monfieur , les Statues d'Airain font fuperflues.
Le nom de CATHERINE reftera
gravé , de génération en génération,
dans les coeurs de tant de milliers d'hom
208 MERCURE DE FRANCE.
"
mes qu'en arrachant à la mort.ou
du moins à la mifére la plus affreuſe
on y élévera en hommes libres & en
Citoiens & des fiécles ne pourront vous
effacer de leur mémoire.
Ma Patrie étant partout où il y a des
hommes , permettez - moi , Monfieur ,
de partager avec vos compatriotes l'honneur
de contribuer , felon mes facultés
, à un établiffement auffi louable.
M. Clifford vous enverra une lettre
de change de too ducats , ayez la bonté
de mettre cette petite fomme dans
la caiffe . Je cache mon nom , parce que
fi je vous étois connu peut-être ne
jouirois je plus de la fatisfaction- intérieure
que me procure l'action que je
fais .
Les commencemens de toutes les entreprifes
, quelqu'utiles & louables qu'elles
foient font pénibles. On trouve
toujours des obftacles à furmonter
bien des chofes que l'on avoit cru bonnes
à corriger , d'autres à rectifier. Ne
vous découragez pas , Monfieur ; il faut
mener à fa perfection le bel ouvrage
que vous avez commencé. Je vous crois
trop vertueux pour vous laiffer éffrayer
par des difficultés & refter en un fi beau
JUILLET. 1764. 209
chemin. Je fuis avec l'attachement &
le refpect que j'ai pour ceux qui ont
de la vertu & de l'humanité .
Monfieur ,
Votre & c . PHILANTROPE ,
ce 2 Avril 1764.
BETSKI¸ à Pétersbourg,
MONSIEUR,
N'ayant nullement l'avantage de vous
être connu , je n'aurois pas pris la liberté
de vous écrire , fi les devoirs de
l'humanité ne m'y euffent porté.Je viens
d'apprendre d'un Ami , qui connoît la
Ruffie pour y avoir été longtemps &
qui y a encore quelques correfpondances
, que fous les aufpices de l'Impératrice
, vous veniez de fonder à
Mofcou une Maifon d'Enfans trouvés
& d'Orphelins où l'on reçoit indiftin &tement
tous ceux qu'on y porte. Mon ami
écrivit d'abord pour qu'on lui envoyât les
Statuts & le Plan de cet établiſſement; on
Jui répondit , qu'ils n'étoient imprimés
qu'en Ruffe & en Allemand & on ne
nous en envoya qu'un Extrait en françois.
Si j'ai quelques qualités , ce font
celles d'un coeur tendre & humain ; auffi
les larmes d'attendriffement & de joie me
coulérent- elles des yeux , quand je lus
que , lorfque vous eûtes propofé votre
JUILLET. 1764. 207-
" projet à l'Impératrice cette Augufte
Princeffe donna d'abord cinq cens
mille livres pour ce bâtiment & def- ·
tina 25000 liv par an , de fa caiffe &
Monfeigneur le Grand Duc 100000 I.
pour l'entretien de cette maifon ; que
vos compatriotes y contribuerent tous
par des donnations annuelles , & qu'ainfi
c'eft un des établiffemens les mieux
fondés de l'Europe. Par l'Extrait qu'on
nous a donné , j'ai vu que vous aviez
choifi ce qu'il y avoit de mieux dans la
plupart des établiffemens publics &
que vous aviez adapté ce que vous en
avez pris , au Gouvernement, aux moeurs *
& au climat de votre Païs .
Quand un Souverain contribue par
l'éxemple & la générofité à la fondation
de pareils établiffemens , qui font
d'autant plus d'honneur à l'humanité
qu'ils font faits pour fecourir cette partie
du genre humain , la plus digne de
notre tendreffe & de notre compaffion ;
quand le projet en eft fait & mis en
exécution par un Citcien tel que vous ,
Monfieur , les Statues d'Airain font fuperflues.
Le nom de CATHERINE reftera
gravé , de génération en génération,
dans les coeurs de tant de milliers d'hom
208 MERCURE DE FRANCE.
"
mes qu'en arrachant à la mort.ou
du moins à la mifére la plus affreuſe
on y élévera en hommes libres & en
Citoiens & des fiécles ne pourront vous
effacer de leur mémoire.
Ma Patrie étant partout où il y a des
hommes , permettez - moi , Monfieur ,
de partager avec vos compatriotes l'honneur
de contribuer , felon mes facultés
, à un établiffement auffi louable.
M. Clifford vous enverra une lettre
de change de too ducats , ayez la bonté
de mettre cette petite fomme dans
la caiffe . Je cache mon nom , parce que
fi je vous étois connu peut-être ne
jouirois je plus de la fatisfaction- intérieure
que me procure l'action que je
fais .
Les commencemens de toutes les entreprifes
, quelqu'utiles & louables qu'elles
foient font pénibles. On trouve
toujours des obftacles à furmonter
bien des chofes que l'on avoit cru bonnes
à corriger , d'autres à rectifier. Ne
vous découragez pas , Monfieur ; il faut
mener à fa perfection le bel ouvrage
que vous avez commencé. Je vous crois
trop vertueux pour vous laiffer éffrayer
par des difficultés & refter en un fi beau
JUILLET. 1764. 209
chemin. Je fuis avec l'attachement &
le refpect que j'ai pour ceux qui ont
de la vertu & de l'humanité .
Monfieur ,
Votre & c . PHILANTROPE ,
ce 2 Avril 1764.
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Résumé : LETTRE d'un Anonyme à M. le Général BETSKI, à Petersbourg.
Un auteur anonyme écrit au Général Betski à Pétersbourg pour exprimer son admiration et son soutien à la création d'une Maison des Enfants trouvés et des Orphelins à Moscou, initiée par l'Impératrice Catherine II. L'auteur a appris cette initiative par un ami ayant des correspondances en Russie. L'Impératrice a financé le projet avec une somme initiale de cinq cent mille livres et une allocation annuelle de vingt-cinq mille livres, tandis que le Grand Duc a contribué cent mille livres. Les compatriotes de Betski ont également apporté des donations annuelles, rendant cet établissement l'un des mieux fondés en Europe. L'auteur souligne que Betski a adapté les meilleures pratiques des établissements publics au gouvernement, aux mœurs et au climat de la Russie. Il exprime sa joie et son admiration pour cette initiative humanitaire et offre une contribution financière via M. Clifford. L'auteur encourage Betski à persévérer malgré les obstacles et les difficultés inévitables dans les débuts de telles entreprises. La lettre se conclut par des vœux de succès et de reconnaissance pour l'œuvre entreprise.
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91
p. 209-212
RÉPONSE à l'ANONYME.
Début :
Monsieur, Que la nouvelle d'un Etablissement fait à Moscou [...]
Mots clefs :
Établissement, Moscou, Orphelins, Générosité, Honneur, Auguste souveraine, Écoles, Admiration, Estime
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à l'ANONYME.
REPONSE à l'ANONYME.
MONSIEUR ,
Que la nouvelle d'un Etabliffement
fait à Mofcou en faveur des Enfans
trouvés & des Orphelins de cet Empire
vous ait caufé un attendriffement fi
doux & fi agréable , je n'en fuis nullement
furpris ; un coeur fenfible & vertueux
voit- il rien de plus intéreffant
que ce qui eft utile à l'humanité ? Vous
le prouvez , Monfieur , d'une manière
bien honorable pour elle par votre conduite
généreufe. Les tranfports qu'elle a
fait naître dans mon âme n'ont été
modérés que par le regret de ne pas
en connoître l'Auteur. Je fuis forcé de
refpecter le motif qui vous porte à le
cacher ; mais fi par vorre vertu vous
210 MERCURE DE FRANCE.
facrifiez le tribut d'eftime & de reconnoiffance
qui vous eft dû , je ne crois
pas devoir enfevelir dans le filencer
l'exemple unique que vous donnez au
Genre humain .
En lifant les papiers publics , vous
jouirez donc , Monfieur , du plaifir d'a-'
voir fait du bien à vos femblables &
de les inftruire , & ce plaifir fera d'autant
plus vif , que les précautions de la
modeftie l'auront confervé dans toute
fa pureté ; il augmentera fans doute
lorfque vous verrez que notre augufte
Souveraine s'occupe fans ceffe de nouveaux
projets analogues au premier . Elle
vient de fonder une Communauté où
deux cent jeunes Demoifelles Nobles
recevront une éducation convenable à
leur naiffance & au rang qu'elles dorvent
occuper dans le monde . L'ouver
türe folemnelle s'en fera le 28 de Juin
de cette année . Depuis quelques femainês
fes ordres ont mis la dernière main
à l'Etabliffement d'une Académie de
jeunes Artiſtes. Dans les réglemens qui
feront imprimés vous admirerez les
précautions que Sa Majefté fçait prendre
pour conferver les moeurs de ces
jeunes gens , & rendre par ce moyen ,
JUILLET. 1764. 21r
leurs talens auffi utiles à la patrie qu'à
eux- mêmes. Bientôt des Ecoles publiques
feront établies , & des afyles pour
les infirmités humaines feront ouverts
dans toutes les Provinces & Gouvernemens
de l'Empire . En lifant ces nouvelles
, ne vous écrierez-vous pas , Monfieur
, avec un des grands Sçavans de
l'Antiquité , que la réunion du pouvoir
& de la volonté de faire le bien
eft le plus beau fpectacle que les Dieux
puiffent donner aux hommes ? Nous
chériffons la mémoire d'un Empereur
Romain , qui fe plaignoit d'avoir paffé
un jour fans faire un heureux ; quelle
ne doit pas être notre tendre admiration
pour une Souveraine qui dans un
moment affure le bonheur de plufieurs
générations !
Je fçai , Monfieur , que tous les com
mencemens font pénibles ; mais l'exemple
eft , fi je puis m'exprimer ainſi , à
notre tête. Son application , fon travail
, fes lumières conduiront toutes ces
entrepriſes à leur perfection . Pour moi,
Monfieur , je ne fçaurois y contribuer
que par mon zéle ; c'eſt par là feulement
que je puis mériter ce que vous
me dites d'obligeant , & plus encore
212 MERCURE DE FRANCE.
par mon eftime profonde pour des Perfonnes
de votre caractère , & mon défir
fincère de voir tous les hommes vous
reflembler. Je fuis pour la vie ,
MONSIEUR ,
Le zélé admirateur de vos rares vertus.
B ***
MONSIEUR ,
Que la nouvelle d'un Etabliffement
fait à Mofcou en faveur des Enfans
trouvés & des Orphelins de cet Empire
vous ait caufé un attendriffement fi
doux & fi agréable , je n'en fuis nullement
furpris ; un coeur fenfible & vertueux
voit- il rien de plus intéreffant
que ce qui eft utile à l'humanité ? Vous
le prouvez , Monfieur , d'une manière
bien honorable pour elle par votre conduite
généreufe. Les tranfports qu'elle a
fait naître dans mon âme n'ont été
modérés que par le regret de ne pas
en connoître l'Auteur. Je fuis forcé de
refpecter le motif qui vous porte à le
cacher ; mais fi par vorre vertu vous
210 MERCURE DE FRANCE.
facrifiez le tribut d'eftime & de reconnoiffance
qui vous eft dû , je ne crois
pas devoir enfevelir dans le filencer
l'exemple unique que vous donnez au
Genre humain .
En lifant les papiers publics , vous
jouirez donc , Monfieur , du plaifir d'a-'
voir fait du bien à vos femblables &
de les inftruire , & ce plaifir fera d'autant
plus vif , que les précautions de la
modeftie l'auront confervé dans toute
fa pureté ; il augmentera fans doute
lorfque vous verrez que notre augufte
Souveraine s'occupe fans ceffe de nouveaux
projets analogues au premier . Elle
vient de fonder une Communauté où
deux cent jeunes Demoifelles Nobles
recevront une éducation convenable à
leur naiffance & au rang qu'elles dorvent
occuper dans le monde . L'ouver
türe folemnelle s'en fera le 28 de Juin
de cette année . Depuis quelques femainês
fes ordres ont mis la dernière main
à l'Etabliffement d'une Académie de
jeunes Artiſtes. Dans les réglemens qui
feront imprimés vous admirerez les
précautions que Sa Majefté fçait prendre
pour conferver les moeurs de ces
jeunes gens , & rendre par ce moyen ,
JUILLET. 1764. 21r
leurs talens auffi utiles à la patrie qu'à
eux- mêmes. Bientôt des Ecoles publiques
feront établies , & des afyles pour
les infirmités humaines feront ouverts
dans toutes les Provinces & Gouvernemens
de l'Empire . En lifant ces nouvelles
, ne vous écrierez-vous pas , Monfieur
, avec un des grands Sçavans de
l'Antiquité , que la réunion du pouvoir
& de la volonté de faire le bien
eft le plus beau fpectacle que les Dieux
puiffent donner aux hommes ? Nous
chériffons la mémoire d'un Empereur
Romain , qui fe plaignoit d'avoir paffé
un jour fans faire un heureux ; quelle
ne doit pas être notre tendre admiration
pour une Souveraine qui dans un
moment affure le bonheur de plufieurs
générations !
Je fçai , Monfieur , que tous les com
mencemens font pénibles ; mais l'exemple
eft , fi je puis m'exprimer ainſi , à
notre tête. Son application , fon travail
, fes lumières conduiront toutes ces
entrepriſes à leur perfection . Pour moi,
Monfieur , je ne fçaurois y contribuer
que par mon zéle ; c'eſt par là feulement
que je puis mériter ce que vous
me dites d'obligeant , & plus encore
212 MERCURE DE FRANCE.
par mon eftime profonde pour des Perfonnes
de votre caractère , & mon défir
fincère de voir tous les hommes vous
reflembler. Je fuis pour la vie ,
MONSIEUR ,
Le zélé admirateur de vos rares vertus.
B ***
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Résumé : RÉPONSE à l'ANONYME.
L'auteur répond à un anonyme ayant informé de la création à Moscou d'un établissement pour les enfants trouvés et les orphelins. Il exprime son admiration pour cette initiative et regrette de ne pas connaître l'auteur de cette nouvelle. Il respecte le désir de l'anonyme de rester caché mais souligne l'importance de reconnaître les actions vertueuses. L'auteur mentionne plusieurs projets humanitaires et éducatifs initiés par la souveraine, tels que la fondation d'une communauté pour jeunes filles nobles, la création d'une académie pour jeunes artistes, et l'établissement d'écoles publiques et d'asiles pour les infirmes dans toutes les provinces de l'empire. Il conclut en exprimant son zèle et son admiration pour les vertus de l'anonyme et son désir de voir plus d'hommes suivre son exemple.
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92
p. 160-162
CÉREMONIES PUBLIQUES.
Début :
Le 9 Septembre, l'Archevêque de Colosse, Nonce Ordinaire du Pape, [...]
Mots clefs :
Archevêque, Nonce ordinaire du Pape, Prince, Ambassadeurs, Carosse, Comte, Comtesses, Soldats, Chevaux, Audience, Officiers, Monseigneur, Honneur
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texteReconnaissance textuelle : CÉREMONIES PUBLIQUES.
CEREMONIES PUBLIQUES.
LE , E9 Septembre , l'Archevêque de Coloffe ,
Nonce Ordinaire du Pape , fit fon entrée publique
en cette Ville. Le Prince de Marfans & le fieur lå
Live de la Briche , Introdu &teur des Ambaſſadeurs ,
allerent le prendre dans les carrolles de Leurs
Majeftés au Couvent de Picpus , d'où lamarche fe
fit dans l'ordre fuivant : un détachement du Guet
à cheval , le Commandant à la tête ; le caroffe
de l'Introducteur ; celui du Prince de Marfans ;
deux Suiffes de l'Ambaſſadeur à cheval ; la Livrée
à pied ; fix de fes Officiers à cheval ; un Ecuyer &
fix Pages à cheval ; le caroffe du Roi à côté duquel
marchoient la Livrée du Prince de Marfans
& celle de l'Introducteur ; le carroffe de
la Reine , dans lequel étoient l'Auditeur de la
Nonciature & le fieur de Sequeville , Sécrétaire
Ordinaire du Roi à la conduite des Ambaffadeurs ,
fes Gens aux portieres ; le carroffe de Madame la
Dauphine ; ceux du Duc d'Orléans , du Duc de
Chartres , du Prince de Condé , du Comte de Clermont
, de la Princeffe de Conty , du Prince de
Conty , du Comte de la Marche , de la Comteffe
de la Marche , du Comte d'Eu , de la Comteſſe de
Toulouſe , du Duc de Penthievre , du Prince de
Lamballe & celui du Duc de Praflin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le Département des
Affaires Etrangères. Les quatre carroffes du Nonce
marchoient enfuite à une diftance de vingt à
trente pas. Un fecond détachement du Guet à
eheval fermoit la marche. Lorsque le Nonce
fut arrivé à fon Hôtel , il fut complimenté , de
la part du Roi par le Duc de Fleury , premier
NOVEMBRE . 1764. 16
.la
Gentilhomme de la Chambre de Sa Majefté ; de
part de la Reine , par le Chevalier de Talaru ,
fon premier Maître d'Hôtel en furvivance ; de la
part de Madame la Dauphine , par le Comte de
Mailly ,fon premier Ecuyer , & de la part de
Madame Adélaïde , par le Marquis de L'hôpital ,
premier Ecuyer de cette Princefe ...
Le II , le Prince de Marfans & le fieur la Live
de la Briche , Introducteur des Ambaſſadeurs , allerent
prendre le Nonce en fon Hôtel dans les
carroffes du Roi & de la Reine , & ils le conduifirent
à Versailles où il eut fa premiere audience.
publique du Roi le Nonce trouva à fon paffage ,
dans l'avant- cour du Château ; les Compagnies
des Gardes - Françoifes & Suiffes fous les armes , les
tambours appellant ; dans la cour , les Gardes de
la Porte & ceux de la Prévôté de l'Hôtel fous les
armes , à leurs poftes ordinaires , & fur l'efcalier ,
les Cent-Suiffes la hallebarde à la main. Il fur
reçu , en-dedans de la Salle des Gardes , par
le Marquis de Villeroi , Capitaine des Gardes
du Corps , lefquels étoient en haie & fous les
armes. Après l'audience du Roi , le Nonce fut
conduit à l'audience de la Reine , à celles de
Monfeigneur le Dauphin & de Madame la Dau
phine , par le Prince de Marfans & par l'Introducteur
des Ambaffadeurs ; après quoi il fur
conduit à celles de Monfeigneur le Duc de Berry ,
de Monfeigneur le Comte de Provence & de Mon
feigneur le Comte d'Artois ; enfuite à celle de
Madame Adélaïde , & à celle de Mefdames Vic
toire , Sophie & Louife ; & , après avoir été fervi
à fon traitement par les Officiers du Roi , il fut
reconduit à Paris dans les carroffes de Leurs Majenés.
Le Marquis de Montpefat , créé Duc par le feu
162 MERCURE DE FRANCE:
Pape Benoit XIV , a eu l'honneur d'être pré
fenté au Roi , à la Reine & à la Famille Royale ,
le 12 Octobre par le Duc d'Aumont , premier
Gentilhomme de la Chambre.
LE , E9 Septembre , l'Archevêque de Coloffe ,
Nonce Ordinaire du Pape , fit fon entrée publique
en cette Ville. Le Prince de Marfans & le fieur lå
Live de la Briche , Introdu &teur des Ambaſſadeurs ,
allerent le prendre dans les carrolles de Leurs
Majeftés au Couvent de Picpus , d'où lamarche fe
fit dans l'ordre fuivant : un détachement du Guet
à cheval , le Commandant à la tête ; le caroffe
de l'Introducteur ; celui du Prince de Marfans ;
deux Suiffes de l'Ambaſſadeur à cheval ; la Livrée
à pied ; fix de fes Officiers à cheval ; un Ecuyer &
fix Pages à cheval ; le caroffe du Roi à côté duquel
marchoient la Livrée du Prince de Marfans
& celle de l'Introducteur ; le carroffe de
la Reine , dans lequel étoient l'Auditeur de la
Nonciature & le fieur de Sequeville , Sécrétaire
Ordinaire du Roi à la conduite des Ambaffadeurs ,
fes Gens aux portieres ; le carroffe de Madame la
Dauphine ; ceux du Duc d'Orléans , du Duc de
Chartres , du Prince de Condé , du Comte de Clermont
, de la Princeffe de Conty , du Prince de
Conty , du Comte de la Marche , de la Comteffe
de la Marche , du Comte d'Eu , de la Comteſſe de
Toulouſe , du Duc de Penthievre , du Prince de
Lamballe & celui du Duc de Praflin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le Département des
Affaires Etrangères. Les quatre carroffes du Nonce
marchoient enfuite à une diftance de vingt à
trente pas. Un fecond détachement du Guet à
eheval fermoit la marche. Lorsque le Nonce
fut arrivé à fon Hôtel , il fut complimenté , de
la part du Roi par le Duc de Fleury , premier
NOVEMBRE . 1764. 16
.la
Gentilhomme de la Chambre de Sa Majefté ; de
part de la Reine , par le Chevalier de Talaru ,
fon premier Maître d'Hôtel en furvivance ; de la
part de Madame la Dauphine , par le Comte de
Mailly ,fon premier Ecuyer , & de la part de
Madame Adélaïde , par le Marquis de L'hôpital ,
premier Ecuyer de cette Princefe ...
Le II , le Prince de Marfans & le fieur la Live
de la Briche , Introducteur des Ambaſſadeurs , allerent
prendre le Nonce en fon Hôtel dans les
carroffes du Roi & de la Reine , & ils le conduifirent
à Versailles où il eut fa premiere audience.
publique du Roi le Nonce trouva à fon paffage ,
dans l'avant- cour du Château ; les Compagnies
des Gardes - Françoifes & Suiffes fous les armes , les
tambours appellant ; dans la cour , les Gardes de
la Porte & ceux de la Prévôté de l'Hôtel fous les
armes , à leurs poftes ordinaires , & fur l'efcalier ,
les Cent-Suiffes la hallebarde à la main. Il fur
reçu , en-dedans de la Salle des Gardes , par
le Marquis de Villeroi , Capitaine des Gardes
du Corps , lefquels étoient en haie & fous les
armes. Après l'audience du Roi , le Nonce fut
conduit à l'audience de la Reine , à celles de
Monfeigneur le Dauphin & de Madame la Dau
phine , par le Prince de Marfans & par l'Introducteur
des Ambaffadeurs ; après quoi il fur
conduit à celles de Monfeigneur le Duc de Berry ,
de Monfeigneur le Comte de Provence & de Mon
feigneur le Comte d'Artois ; enfuite à celle de
Madame Adélaïde , & à celle de Mefdames Vic
toire , Sophie & Louife ; & , après avoir été fervi
à fon traitement par les Officiers du Roi , il fut
reconduit à Paris dans les carroffes de Leurs Majenés.
Le Marquis de Montpefat , créé Duc par le feu
162 MERCURE DE FRANCE:
Pape Benoit XIV , a eu l'honneur d'être pré
fenté au Roi , à la Reine & à la Famille Royale ,
le 12 Octobre par le Duc d'Aumont , premier
Gentilhomme de la Chambre.
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Résumé : CÉREMONIES PUBLIQUES.
Le 9 septembre, l'Archevêque de Coloffe, Nonce Ordinaire du Pape, fit son entrée publique à Paris. Il fut accompagné par le Prince de Marfans et le sieur de la Briche, qui le prirent au Couvent de Picpus et le conduisirent en procession à son hôtel. La procession incluait des détachements du Guet à cheval, des carrosses de la famille royale et ceux des princes et princesses de la cour. À son arrivée, il fut complimenté par des représentants du Roi, de la Reine, de la Dauphine et de Madame Adélaïde. Le 11 novembre, le Nonce fut conduit à Versailles pour sa première audience publique par le Prince de Marfans et le sieur de la Briche. Il fut accueilli par les Gardes Françaises et Suisses, ainsi que les Cent-Suisses sur l'escalier. Après l'audience du Roi, il rencontra la Reine, le Dauphin, la Dauphine, le Duc de Berry, le Comte de Provence, le Comte d'Artois, Madame Adélaïde, et Mesdames Victoire, Sophie et Louise. Il fut ensuite reconduit à Paris dans les carrosses du Roi et de la Reine. Le 12 octobre, le Marquis de Montpezat, créé Duc par le Pape Benoît XIV, fut présenté au Roi, à la Reine et à la Famille Royale par le Duc d'Aumont, premier Gentilhomme de la Chambre.
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93
p. 199-201
De FONTAINEBLEAU, le 20 Novembre 1764.
Début :
Le Roi a accordé au sieur Hocquart, Conseiller d'Etat & [...]
Mots clefs :
Conseiller d'État, Nominations, Duc, Prince, Révérence, Marquis, Famille royale, Honneur, Audience du roi, Contrat de mariage, Évêché, Diocèse, Revenus, Députés, Serment, Sa Majesté
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texteReconnaissance textuelle : De FONTAINEBLEAU, le 20 Novembre 1764.
De FONTAINEBLEAU , le 20 Novembre 1764.
Le Roi a accordé au fieur Hocquart , Confeiller
d'Etat & Intendant de la Marine à Breft , la
Place d'Intendant de la Marine ayant l'inſpection
générale des Claffes des Matelots du Royaume
, & a nommé à l'Intendance de la Marine
à Breft le fieur de Clugny , ci devant Intendant
à S. Domingue.
Le 12 du mois dernier , le Duc de Duras , le
Duc d'Aumont , le Marquis de Duras , le Prince.
de Bournonville , le Duc de Mazarin , le Duc de
Villequier & le Marquis de Villeroi eurent l'hon
neur de faire leurs révérences à Leurs Majeſtés &
à la Famille Royale , à l'occafion de la mort de
la Maréchale de Duras.
Le Marquis de Montpefat , créé Duc par le
feu Pape Benoît XIV , a été préfenté le même
jour , a Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par le Duc d'Aumont premier Gentilhomme
de la Chambre .
>
Le fieur d'Albertas , Premier Préſident de la
Cour des Comptes , Aides & Finances de Provence
, & trois Confeillers de cette Cout ont eu
F'honneur d'être admis à l'Audience du Roi &..
I iv
200, MERCURE DE FRANCE .
de lui remettre les remontrances qu'ils étoient
chargés par leur Compagnie de préſenter à Sa
Majefté.
Le Roi , a accordé les honneurs du Louvre au
Prince de Solre , fils du Prince de Croy ; leurs
Majeftés & la Famille Royale ont figné le 21 ſon
Contrat de mariage avec la Princefle Augufte de
Salm . Le même jour , le fieur de Clugny fut préfenté
au Roi en qualité d'Intendant de Breft , par
le Duc de Choileul.
Sa Majesté a nommé à l'Evêché de Coutances
l'Abbé de . Talaru de Chalmazel , Vicaire Géné •
ral du Diocèfe de Sens. Elle a donné l'Abbaye de
S. Victor , Diocèfe & Ville de Paris , à l'Arche
vêque de Lyon ; celle de Conches , Ordre de S.
Benoît , Diocèfe d'Evreux , à l'Evêque du Belley ;
celle de S. Alire de Clermont , Ordre de S. Benoît
, Diocèle de Clermont en Auvergne , à l'Abbé
de Monclar , Vicaire Général du Diocèſe d'Or.
léans , & celle de Molefme , Ordre de S. Benoît ,
Diocèle de Langres , à l'Abbé Terray , Confeiller-
Clerc au Parlement de Paris .
Le Roi , en nommant l'Archevêque de Lyon à
l'Abbaye de S. Victor , a accordé aux Chanoines
de cette Maifon fur les revenus de l'Abbaye , une
penſion de dix mille livres pendant feize ans , def
tinée à l'augmentation du bâtiment de leur Bibliothéque
publique. Les Chanoines ont établi , en
reconnoillance , une Meffe folemnelle dans leur
Eglife pour la confervation des jours de Sa Majefté
& de la Famille Royale. Ils ont eu l'honneur
à cette occafion , d'être préfentés au Roi & à la Famille
Royale le 25 ; Sa Majefté a agréé l'établi
fement de cette Meffe , & en a fixé la célébration
au 15 Février , jour de fa naiffance.
Le fieur d'Artigues , Exempt des Gardes du
DECEMBRE . 1764. 201
Corps dans la Compagnie de Villeroy , étant
mort ces jours derniers , fon bâton a été donné au
Chevalier de Kerguezec , Brigadier dans la même
Compagnie.
Le z de ce mois , les Députés des Etats de
Bretagne , qui ont été mandés par le Roi , ont eu
l'honneur d'être préfentés à Sa Majeflé, au nombre
de trois , par le Comte de Saint- Florentin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat , ayant le Département,
de certe Province . Sa Majefté a reçu les reprélentations
qu'ils étoient chargés de lui faire au nom,
des Etats.
Le 4 , le Marquis de Vérac prêta ferment entre,
les mains du Roi , pour la Lieutenance Générale
du Poitou , dont il a été pourvu à la mort da Marquis
de Verac ſon Père .
Le même jour , le fieur Chardon , Lieutenant
Particulier du Châtelet , & ci - devant Intendant
de Ste Lucie , qui a repaffé en France après la réunion
du Gouvernement de cette Ifle à celle de la
Martinique , eut l'honneur d'être préfenté au Roi ,
par le Duc de Choifeul .
Le Duc de la Valliere , grand Fauconnier de
France , préfenta au Roi le 8 , cinquante deux
Faucons , que le Roi de Dannemark envoye à Sa
Majeſté.
Le Roi a accordé au fieur Hocquart , Confeiller
d'Etat & Intendant de la Marine à Breft , la
Place d'Intendant de la Marine ayant l'inſpection
générale des Claffes des Matelots du Royaume
, & a nommé à l'Intendance de la Marine
à Breft le fieur de Clugny , ci devant Intendant
à S. Domingue.
Le 12 du mois dernier , le Duc de Duras , le
Duc d'Aumont , le Marquis de Duras , le Prince.
de Bournonville , le Duc de Mazarin , le Duc de
Villequier & le Marquis de Villeroi eurent l'hon
neur de faire leurs révérences à Leurs Majeſtés &
à la Famille Royale , à l'occafion de la mort de
la Maréchale de Duras.
Le Marquis de Montpefat , créé Duc par le
feu Pape Benoît XIV , a été préfenté le même
jour , a Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par le Duc d'Aumont premier Gentilhomme
de la Chambre .
>
Le fieur d'Albertas , Premier Préſident de la
Cour des Comptes , Aides & Finances de Provence
, & trois Confeillers de cette Cout ont eu
F'honneur d'être admis à l'Audience du Roi &..
I iv
200, MERCURE DE FRANCE .
de lui remettre les remontrances qu'ils étoient
chargés par leur Compagnie de préſenter à Sa
Majefté.
Le Roi , a accordé les honneurs du Louvre au
Prince de Solre , fils du Prince de Croy ; leurs
Majeftés & la Famille Royale ont figné le 21 ſon
Contrat de mariage avec la Princefle Augufte de
Salm . Le même jour , le fieur de Clugny fut préfenté
au Roi en qualité d'Intendant de Breft , par
le Duc de Choileul.
Sa Majesté a nommé à l'Evêché de Coutances
l'Abbé de . Talaru de Chalmazel , Vicaire Géné •
ral du Diocèfe de Sens. Elle a donné l'Abbaye de
S. Victor , Diocèfe & Ville de Paris , à l'Arche
vêque de Lyon ; celle de Conches , Ordre de S.
Benoît , Diocèfe d'Evreux , à l'Evêque du Belley ;
celle de S. Alire de Clermont , Ordre de S. Benoît
, Diocèle de Clermont en Auvergne , à l'Abbé
de Monclar , Vicaire Général du Diocèſe d'Or.
léans , & celle de Molefme , Ordre de S. Benoît ,
Diocèle de Langres , à l'Abbé Terray , Confeiller-
Clerc au Parlement de Paris .
Le Roi , en nommant l'Archevêque de Lyon à
l'Abbaye de S. Victor , a accordé aux Chanoines
de cette Maifon fur les revenus de l'Abbaye , une
penſion de dix mille livres pendant feize ans , def
tinée à l'augmentation du bâtiment de leur Bibliothéque
publique. Les Chanoines ont établi , en
reconnoillance , une Meffe folemnelle dans leur
Eglife pour la confervation des jours de Sa Majefté
& de la Famille Royale. Ils ont eu l'honneur
à cette occafion , d'être préfentés au Roi & à la Famille
Royale le 25 ; Sa Majefté a agréé l'établi
fement de cette Meffe , & en a fixé la célébration
au 15 Février , jour de fa naiffance.
Le fieur d'Artigues , Exempt des Gardes du
DECEMBRE . 1764. 201
Corps dans la Compagnie de Villeroy , étant
mort ces jours derniers , fon bâton a été donné au
Chevalier de Kerguezec , Brigadier dans la même
Compagnie.
Le z de ce mois , les Députés des Etats de
Bretagne , qui ont été mandés par le Roi , ont eu
l'honneur d'être préfentés à Sa Majeflé, au nombre
de trois , par le Comte de Saint- Florentin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat , ayant le Département,
de certe Province . Sa Majefté a reçu les reprélentations
qu'ils étoient chargés de lui faire au nom,
des Etats.
Le 4 , le Marquis de Vérac prêta ferment entre,
les mains du Roi , pour la Lieutenance Générale
du Poitou , dont il a été pourvu à la mort da Marquis
de Verac ſon Père .
Le même jour , le fieur Chardon , Lieutenant
Particulier du Châtelet , & ci - devant Intendant
de Ste Lucie , qui a repaffé en France après la réunion
du Gouvernement de cette Ifle à celle de la
Martinique , eut l'honneur d'être préfenté au Roi ,
par le Duc de Choifeul .
Le Duc de la Valliere , grand Fauconnier de
France , préfenta au Roi le 8 , cinquante deux
Faucons , que le Roi de Dannemark envoye à Sa
Majeſté.
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Résumé : De FONTAINEBLEAU, le 20 Novembre 1764.
Le 20 novembre 1764, le Roi a nommé Hocquart Intendant de la Marine avec l'inspection générale des classes des matelots du Royaume, et de Clugny Intendant de la Marine à Brest. Le 12 octobre précédent, plusieurs nobles, dont le Duc de Duras, le Duc d'Aumont et le Marquis de Villeroi, ont rendu hommage à la Famille Royale à l'occasion de la mort de la Maréchale de Duras. Le Marquis de Montpésat, créé Duc par le Pape Benoît XIV, a été présenté à Leurs Majestés par le Duc d'Aumont. Le sieur d'Albertas, Premier Président de la Cour des Comptes de Provence, et trois conseillers ont remis des remontrances au Roi. Le Roi a accordé les honneurs du Louvre au Prince de Solre et a signé le contrat de mariage de ce dernier avec la Princesse Auguste de Salm. De Clugny a été présenté au Roi en qualité d'Intendant de Brest par le Duc de Choiseul. Le Roi a nommé l'Abbé de Talaru de Chalmazel à l'Évêché de Coutances et attribué plusieurs abbayes à divers ecclésiastiques. Les Chanoines de l'Abbaye de Saint-Victor ont célébré une messe solennelle pour la conservation des jours du Roi et de la Famille Royale le 15 février. Le bâton de l'Exempt des Gardes du Corps a été donné au Chevalier de Kerguezec. Les Députés des États de Bretagne ont été présentés au Roi et ont remis leurs représentations. Le Marquis de Vérac a prêté serment pour la Lieutenance Générale du Poitou. Le sieur Chardon, ancien Intendant de Sainte-Lucie, a été présenté au Roi. Le Duc de la Vallière a offert au Roi cinquante-deux faucons du Roi de Danemark.
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94
p. 205
FONTAINEBLEAU.
Début :
Le 25 Octobre, le Comte de S. Exupery, Exempt des Gardes du Corps [...]
Mots clefs :
Comte, Honneur, Carosse du roi
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texteReconnaissance textuelle : FONTAINEBLEAU.
FONTAINEBLEAU.
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Le 25 Octobre , le Comte de S. Exupery ,
Exempt des Gardes du Corps , a eu l'honneur de
monter dans les Carolles du Roi.
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Le 25 Octobre , le Comte de S. Exupery ,
Exempt des Gardes du Corps , a eu l'honneur de
monter dans les Carolles du Roi.
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