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1
p. 7-11
EPITRE A M. LE CHEVALIER DE B..... S'embarquant avec son Régiment pour le Canada.
Début :
Tout effort est donc superflu ! [...]
Mots clefs :
Canada, Honneur, Régiment, Chevalier
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE A M. LE CHEVALIER DE B..... S'embarquant avec son Régiment pour le Canada.
EPITRE
A M. LE CHEVALIER DE B .....
S'embarquant avec fon Régiment pour le
Canada.
Tour effort eft donc fuperflu !
Ο
A la priere la plus tendre
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE .
Vous refufez donc de vous rendre
Et le départ eft réfolu !
K
Aux juftes aflauts qu'on vous livre
Vous oppofez de triftes noms :
Auriez - vous le coeur des Hurons ,
Parmi lesquels vous allez vivre ?
Si du moins l'on pouvoit vous fuivre
Jufqu'en ces barbares cantons
Mais vous partez , & nous reftons.
Vous partez ! ... Eh ! qui vous y
force ?
L'honneur , me direz - vous ? L'honneur F,
Quoi vous cédez à cette amorce ?
Ah ! reconnoiffez votre erreur.
L'honneur dont tout homme fe pique
Sur-tout dans notre nation ;
L'honneur n'eft qu'une fiction ,
Et ne fert que la politique.
On le croit fils de la Raifon ;
Ce n'eft qu'un être chimérique ;
Né du préjugé fantaſtique
Et de la folle opinion ;
Ou plutôt l'honneur n'eft qu'un nom ;
Un mot plus qu'amphibologique ,
Auquel le fot croit fans foupçon,
Mais que le héros fage explique.
Or , croyez - vous en bonne foi
Qu'un mot à partir vous oblige ?
D'un fanatifme , d'un preſtige ,
Eft- ce à vous à prendre la loi
JUIN. 1755
En tout cas , faut - il pour atteindre
L'idole que je viens de peindre ,
Egaler les courfes d'Io ?
Et ne peut- on dans le royaume
Sacrifier à ce phantôme ,
Sans voler juſqu'à l'Ohokio è
Pendant le cours de quatre luftres
Vous-même , marchant fur les
De cent ancêtres tous illuftres ,
Vous le fuivîtes aux combats :
Sans fortir de cet hémiſphere
Vous obéîtes à fes loix ,
pas
Et fes faveurs , de vos exploits
Furent l'honorable falaire ;
Vous tenez de lui cette croix *
Noble étiquette du courage,
Des fuccès brillant témoignage ,
Prix du fang verfé pour les Rois .
Qu'en attendez-vous davantage
N'eft-il pas tems qu'à vos travaux ,
'Au fein d'une famille aimable
Succéde enfin un doux repos >
Ce repos toujours agréable
N'eft , je le fçais , ni pardonnable ; be
Ni permis toujours aux guerriers :
Il l'eft , il eft même honorable
Quand on le prend fur les lauriers
* La croix de S, Louisalis wh
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Mais vains difcours , raifons frivoles !
Le vent qui fouffle fur les mers
Emporte & féme dans les airs
Et nos douleurs & nos paroles ;
Semblable à ces écueils fameux
Dont bientôt l'aſpect formidable.
Frappera peut-être vos yeux ,
Et contre qui l'onde effroyable ,
Avec un bruit épouvantable ,
Lance en vain fes flots écumeux.
Vous vous riez de nos allarmes ,
De nos craintes , de nos regrets ;
D'un oeil fec vous voyez nos larmes
Et vous éludez tous nos traits .
Eh bien ! hâtez-vous de vous rendre
Sur la nef qui vous portera ;
Cherchez l'Anglois en Canada ,
Après l'avoir défait en Flandre :
Affrontez , nouvel Alexandre ,
Les mers , les monftres , le trépas
Pourquoi ? tout au plus pour étendre
Dans les plus ftériles climats
Notre empire de quelque pas.
Peut-être à nos voeux plus fenfibles
Amphitrite , Mars , Atropos ,
Seront moins que vous inflexibles.
L'une écartant les vents nuifibles ,
Sous vous applanira les eaux :
L'autre fermera fes cifeatix ,
}
JUIN
Et de concert fes foeurs horribles ,
De jours fortunés & paifibles
Pour vous couvriront leurs fufeaux.
Bellone & le Dieu des batailles
Vous guideront dans les combats ;
Ils feront marcher fur vos pas
La
peur , la mort , les funérailles :
Au milieu du fang , du trépas ,
Du carnage & de la tempête ,
Ces Dieux conduiront votre bras ,
Et garantiront votre tête.
Invincible , par leur fecours ,
En fûreté ſous leur égide ,
Le fer & le plomb homicide
Par - tout refpecteront vos jours.
Ils nous font dûs plus qu'à la gloire ;
Confervez-les du moins pour nous ;
Nous aimons mieux jouir de vous
Que de vous lire dans l'hiftoire.
Le jour qui va nous féparer ,
Pour bien long-tems va nous livrer
Aux chagrins , aux douleurs en proie :
Souvenez-vous en Canada ,
Que celui qui nous rejoindra
Peut feul nous rendre notre joie.
A M. LE CHEVALIER DE B .....
S'embarquant avec fon Régiment pour le
Canada.
Tour effort eft donc fuperflu !
Ο
A la priere la plus tendre
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE .
Vous refufez donc de vous rendre
Et le départ eft réfolu !
K
Aux juftes aflauts qu'on vous livre
Vous oppofez de triftes noms :
Auriez - vous le coeur des Hurons ,
Parmi lesquels vous allez vivre ?
Si du moins l'on pouvoit vous fuivre
Jufqu'en ces barbares cantons
Mais vous partez , & nous reftons.
Vous partez ! ... Eh ! qui vous y
force ?
L'honneur , me direz - vous ? L'honneur F,
Quoi vous cédez à cette amorce ?
Ah ! reconnoiffez votre erreur.
L'honneur dont tout homme fe pique
Sur-tout dans notre nation ;
L'honneur n'eft qu'une fiction ,
Et ne fert que la politique.
On le croit fils de la Raifon ;
Ce n'eft qu'un être chimérique ;
Né du préjugé fantaſtique
Et de la folle opinion ;
Ou plutôt l'honneur n'eft qu'un nom ;
Un mot plus qu'amphibologique ,
Auquel le fot croit fans foupçon,
Mais que le héros fage explique.
Or , croyez - vous en bonne foi
Qu'un mot à partir vous oblige ?
D'un fanatifme , d'un preſtige ,
Eft- ce à vous à prendre la loi
JUIN. 1755
En tout cas , faut - il pour atteindre
L'idole que je viens de peindre ,
Egaler les courfes d'Io ?
Et ne peut- on dans le royaume
Sacrifier à ce phantôme ,
Sans voler juſqu'à l'Ohokio è
Pendant le cours de quatre luftres
Vous-même , marchant fur les
De cent ancêtres tous illuftres ,
Vous le fuivîtes aux combats :
Sans fortir de cet hémiſphere
Vous obéîtes à fes loix ,
pas
Et fes faveurs , de vos exploits
Furent l'honorable falaire ;
Vous tenez de lui cette croix *
Noble étiquette du courage,
Des fuccès brillant témoignage ,
Prix du fang verfé pour les Rois .
Qu'en attendez-vous davantage
N'eft-il pas tems qu'à vos travaux ,
'Au fein d'une famille aimable
Succéde enfin un doux repos >
Ce repos toujours agréable
N'eft , je le fçais , ni pardonnable ; be
Ni permis toujours aux guerriers :
Il l'eft , il eft même honorable
Quand on le prend fur les lauriers
* La croix de S, Louisalis wh
A v
10 MERCURE DE FRANCE.
Mais vains difcours , raifons frivoles !
Le vent qui fouffle fur les mers
Emporte & féme dans les airs
Et nos douleurs & nos paroles ;
Semblable à ces écueils fameux
Dont bientôt l'aſpect formidable.
Frappera peut-être vos yeux ,
Et contre qui l'onde effroyable ,
Avec un bruit épouvantable ,
Lance en vain fes flots écumeux.
Vous vous riez de nos allarmes ,
De nos craintes , de nos regrets ;
D'un oeil fec vous voyez nos larmes
Et vous éludez tous nos traits .
Eh bien ! hâtez-vous de vous rendre
Sur la nef qui vous portera ;
Cherchez l'Anglois en Canada ,
Après l'avoir défait en Flandre :
Affrontez , nouvel Alexandre ,
Les mers , les monftres , le trépas
Pourquoi ? tout au plus pour étendre
Dans les plus ftériles climats
Notre empire de quelque pas.
Peut-être à nos voeux plus fenfibles
Amphitrite , Mars , Atropos ,
Seront moins que vous inflexibles.
L'une écartant les vents nuifibles ,
Sous vous applanira les eaux :
L'autre fermera fes cifeatix ,
}
JUIN
Et de concert fes foeurs horribles ,
De jours fortunés & paifibles
Pour vous couvriront leurs fufeaux.
Bellone & le Dieu des batailles
Vous guideront dans les combats ;
Ils feront marcher fur vos pas
La
peur , la mort , les funérailles :
Au milieu du fang , du trépas ,
Du carnage & de la tempête ,
Ces Dieux conduiront votre bras ,
Et garantiront votre tête.
Invincible , par leur fecours ,
En fûreté ſous leur égide ,
Le fer & le plomb homicide
Par - tout refpecteront vos jours.
Ils nous font dûs plus qu'à la gloire ;
Confervez-les du moins pour nous ;
Nous aimons mieux jouir de vous
Que de vous lire dans l'hiftoire.
Le jour qui va nous féparer ,
Pour bien long-tems va nous livrer
Aux chagrins , aux douleurs en proie :
Souvenez-vous en Canada ,
Que celui qui nous rejoindra
Peut feul nous rendre notre joie.
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Résumé : EPITRE A M. LE CHEVALIER DE B..... S'embarquant avec son Régiment pour le Canada.
L'épître est adressée au Chevalier de B..., qui s'apprête à partir pour le Canada avec son régiment. L'auteur exprime son désaccord avec cette décision, estimant ses efforts pour le retenir inutiles. Il critique l'honneur, le considérant comme une fiction au service de la politique, née de préjugés et de fausses opinions. L'auteur rappelle les exploits passés du chevalier, soulignant qu'il a déjà démontré sa valeur sans avoir besoin de partir. Il évoque les dangers du voyage et les risques de la guerre, mais le chevalier semble déterminé. L'auteur exprime ses craintes et ses regrets, espérant que le chevalier reviendra sain et sauf. Il conclut en exprimant l'espoir que le chevalier se souvienne d'eux et revienne pour leur rendre leur joie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 12-22
DE L'INDIFFERENCE EN MORALE, Par M. M***.
Début :
Les indifférens en morale se divisent en plusieurs classes : les uns n'envisagent [...]
Mots clefs :
Indifférence, Morale, Vertu, Société, Plaisanterie, Courage, Moeurs, Innocence, Principes
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texteReconnaissance textuelle : DE L'INDIFFERENCE EN MORALE, Par M. M***.
DE L'INDIFFERENCE
LE
EN MORALE ,
Par M. M ***.
Es indifférens en morale fe divifent
en plufieurs claffes : les uns n'envifagent
dans le bien & le mal que leur préjudice
ou leur avantage perfonnel , & font
de l'un & de l'autre la régle de leur conduite
, n'admettant d'autre principe de
moeurs que l'intérêt particulier cette
efpece de caractere a pour baſe l'amour
aveugle de foi-même. Commençons par
exclure ces premiers du nombre des gens
de bien ; il ne leur faut que l'occafion &
du courage pour devenir des fcélerats.
La feconde claffe , plus voifine qu'on ne
penſe de la premiere , eftcompofée de ceux
qui ne s'attachent à rien , & qui s'amufent
de tout. Trop foibles , ou trop peu paffionnés
pour attenter à la fociété par de grands
crimes , ils fe contentent de la regarder
comme une fcéne qui fe joue pour eux
& à laquelle ils ne font intéreffés que par
le plaifir malin qu'ils y prennent : c'eft le
fyftême de ces prétendus philofophes , dif
ciples d'un infenfé qui rioit de tout. Héraclite
n'étoit digne que de pitié ; mais il
JUIN. 1755 ig
en étoit digne. Démocrite , au contraire
méritoit l'indignation publique , & fes
concitoyens lui firent grace en ne lui
envoyant qu'un Médecin . N'y avoit - il
donc du tems de Démocrite , ni des malheureux
à plaindre , ni des méchans à détefter
? Dans quel climat barbare fouffriroit-
on l'infenfibilité brutale de celui qui
feroit d'un patient l'objet de fa plaifanterie
? Or le crime fur l'échafaud eft-il plus
intéreffant que la vertu dans le malheur ,
ou que l'innocence dans l'oppreffion ?
Les hommes , dit - on , ne valent pas
qu'on prenne à leur fort un intérêt plus
vif ; le meilleur parti eft de s'en défendre
& de s'en amufer. S'en défendre , c'eſt
fageffe ; s'en amufer , c'eft infolence &
cruauté. Il eft peu de chofe dans la vie
dont puiffe rire un honnête homme : la
vertu lui infpire du refpect ; le crime , de
la haine ; le vice , de l'horreur & du mépris
; & peu de folies font affez indifférentes
pour ne lui paroître qu'un jeu . Je
fuis bien loin de profcrire la Comédie :
telle qu'elle eft , je la crois utile aux bonnes
moeurs ; mais la forme qu'on a été
obligé de lui donner pour plaire eft bien
honteuse à l'humanité ! plaifanter fur le
vice , j'aimerois prefqu'autant qu'on plaifantât
fur la vertu . Un fat qui s'aime &
14 MERCURE DE FRANCE.
qui s'admire tout feul , peut n'être que
ridicule ; mais l'avare qui arrête la circulation
du fang de l'état , qui dévore la
fubftance du peuple , eft-il un perfonnage
rifible : l'homme à bonnes fortunes , qui
met fa gloire à féduire les femmes pour
les deshonorer , le glorieux qui eft fort
étonné que fon femblable lui adreffe la
parole , & qui rougit en retrouvant fon
pere , devroient - ils être plaifans fur la
fcene ? paffe encore fi les fpectateurs ou les
acteurs étoient des finges ; mais rire de
fon femblable caractérisé par ces traits !
Cette façon de plaifanter fur ce que la
fociété a de plus honteux & de plus funeſte ,
a paffé du monde au théatre , car le monde
a fes farceurs ambulans .
On y voit de ces gens à bons mots , qui
fe moquent in promptu de tout ce qui fe
préfente. Mais comme la plaifanterie délicate
exige de l'efprit , & qu'on n'en a pas
quand on veut , la bêtife & la méchanceté
ont imaginé à la place l'art de dire d'un
air fat & d'un ton faux des contre - vérités
groffieres ; c'eft la fineffe des fots , & combien
n'eft- elle pas en ufage ?
Il fe trouve par hazard quelques railleurs
plaifans & fins ; mais comme ils fe rendent
les plus dangereux , ils font auffi les plus
mépriſables :- je dis méprifables , quoique
1
1
JUIN. 1755. 15
•
dangereux ; car la crainte & le mépris ne
font pas incompatibles. Je fçais qu'ils font
gloire d'être craints ; mais qu'ils confiderent
combien ce fentiment qu'ils infpirent
les rapproche des infectes vénimeux
& ils préféreront l'oubli à cette célébrité
odieufe .
Le fruit le moins amer de la plaifanterie
, c'eſt le ridicule , & le ridicule touche
au mépris : or , ou celui fur lequel vous
vous plaifez à le répandre a droit à l'ef-
-time publique , & vous voulez la lui ravir ;
ou il en eft indigne par fes vices , & vous
-vous complaifez à fes vices même , puiſque
vous en faites un jeu : complaiſance
cruelle & baffe , qui eft incompatible avec
la vertu.
Il fe paffe parmi nous des cruautés dans
ce genre que les fauvages auroient peine
à concevoir. Un homme qu'on a cru longtems
heureux , tombe tout - à - coup dans
l'infortune ; c'eft peu de s'en réjouir en
fecret , on le rend la fable publique , on
l'infulte par des bons mots : ce font là les
moeurs , non pas de la groffiere populace ,
mais d'un monde honnête & poli . Le peuple
va voir les exécutions , mais il n'y rit
pas . On me répondra que celui qu'on infulte
dans le malheur , infultoit les autres
du fein de la profpérité ; s'il eſt vrai , c'é16
MERCURE DE FRANCE.
toit un méchant de plus . S'il n'a pas mérité
fon fort , il faut le plaindre ; s'il l'a mérité
, il faut le plaindre doublement : il eft
malheureux , il n'eft plus tems de s'en venger.
Quand & comment faut- il donc fe
déclarer contre les méchans ? férieufement
& fur le fait : la fociété doit juger prévotablement
, & punir de même. On fe retranche
à dire qu'on n'attaque point l'honneur
de celui qu'on plaifante ; mais faut- il être
deshonoré pour être perdu ? Les méchans
fçavent mieux que perfonne que le ridicule
nuit plus que le vice. Je ne mets donc
entr'eux & des brigans , tels qu'on en punit
, d'autre différence que celle du prix du
larcin. » Le voleur qui prend ma bour fe ,
» a dit un Poëte anglois , ne me prend rien
» de réel ; c'eſt un bien de convention qui
» eft aujourd'hui à moi , demain à un au-
» tre ; c'eft peu de chofe , ce n'eft rien ;
»mais celui qui attaque ma réputation ,
» attente àmon être , à la fubftance de mon
» ame , à ce qui m'eft plus cher que la vie .
Je laiffe aux parties intéreffées à fe diſputer
l'avantage de la comparaifon. Les plai-
Lans ne manqueront pas de tourner en ridicule
mes principes , & ceux de Sakhrefpear
; ils ne me furprendront pas , ils m'offenferont
encore moins.
Je ne condamne point la plaifanterie
JUIN. 1755 17
douce , innocente & légere , telle qu'on
peut la faire à fon ami préfent , dont les
limites font fi difficiles à marquer , & le
milieu fi délicat à faifir : elle fuppofe un
bon efprit , & n'exclut pas un bon coeur. Je
condamne la plaifanterie perfonnelle , humiliante
& cruelle , qui eft à la portée des
hommes les plus dépourvus de délicateſſe
& de fentiment , & qui n'exige pour ta
Iens que de la méchanceté & de l'effronterie
; en un mot , la plaifanterie à la mode ,
efpece de poignard dont fe fervent avec
grace une bande d'honnêtes affaffins , contre
l'honneur des femmes & la probité des
hommes .
Il eſt dans la fociété une autre efpece
d'indifférens , dont le vice eft dans la foibleffe
; hommes fans caractere & fans principes
, qui , comme l'eau , n'ont ni goût ni
couleur , & qui contractent comme elle la
couleur & le goût de tout ce qu'ils touchent.
Vicieux fans malice , parce que le
vice domine , ils feroient vertueux fans.
courage fi la vertu dominoit ; l'ufage eft,
leur loi , l'exemple leur mobile , la honte
leur tyran leurs penchans font des impulfions
, leurs defirs des complaifances
feur ame même leur eft étrangere . On a
fait avec de l'argile des pyramides durables ;
on ne fera jamais de ces caracteres une
18 MERCURE DE FRANCE.
fubftance folide. Leur fluidité échappe aux
plus fortes impreffions , & fe prête aux.
plus légeres ; c'eft la matiere fubrile de
Defcartes , qui reçoit toutes les formes , &
qui n'en retient aucune. Tout ce qu'on
peut fouhaiter à cette nature mouvante
d'eft de tomber dans de bons moules & de
n'en fortir jamais. Ce n'eft point à cette
efpece d'indifférens que j'adreffe mes reproches
, ils rougiroient avec moi de les
avoir mérités , pour rougir un moment
après avec un autre qui leur reprocheroit
d'en avoir rougi ; car leur vie fe paffe à
fe defavouer eux - mêmes , & à détracter
leurs defaveus.
1.
Mais je reproche une indifférence plus
condamnable , parce qu'elle eft réfléchie &
raifonnée , à ceux qui fatisfaits de ne pas
contribuer au mal , fe difpenfent de contribuer
au bien , & qui renfermés en euxmêmes
fe mettent peu en peine de ce qui
fe paffe au dehors. L'amour du repos & le
mépris de tout le refte font les principes.
de cette efpece d'indifférence , qu'on a honorée
du nom de philofophie.
S'envelopper dans fa vertu voilà une
belle image , qui n'eſt pas toujours un beau
fentiment. Il eft des orages où l'on a befoin
de tout fon manteau ; mais lorsqu'on
n'eft plus fous la nue , il faut le prêter à
JUI N. 1755. 19
ceux qu'elle menace ou qu'elle inonde. La
retraite abfolue d'un homme utile à la fociété
, eft un homicide pour elle . Combien
celui qui a le courage de fe réfoudre à vivre
feul , ne feroit- il pas de bien à fes fentblables
s'il employoit ce courage à vivre
avec eux & pour eux ? puifqu'il eft en état
de fe fuffire , il ne dépendroit de perfonne
; car la fervitude mutuelle naît du befoin
d'être unis. Il auroit donc fur les autres
l'avantage & l'afcendant d'une ame
-libre. Déterminé à mourir à la fociété dès
"qu'il ne pourroit plus lui être utile , fa rẻ-
folution l'armeroit contre le vice d'une
force & d'une intrépidité nouvelle.
Fortis & afperas tractare ferpentes ,
Deliberata morte ferocior.
Deux raifons déterminent la retraite de
ce prétendu fage. La premiere eft l'inutilité
dont il croit être au parti duquel il peut
fe ranger lâche & dangereufe modeftie
d'un foldat qui prend la fuite au moment
de l'action , fur le prétexte que ce n'eſt
pas de lui que dépend le fort de la bataille.
La feconde raifon eft la force & le nombre
des méchans , auxquels l'homme de
bien qui leur réfifte , ne peur enfin que
20 MERCURE DE FRANCE.
fuccomber. Qu'eft ce à dire , fuccomber ?
Y a-t-il des échafauds dreffés pour les défenfeurs
de la juftice ou de l'innocence ? &
quand il y en auroit , c'eft le découragement
des bons qui fait la force des méchans
; la crainte qu'on a de ceux - ci en
exagere le nombre. Mais fût- il auffi grand
qu'on le fuppofe , comment eft compofé
ce parti fi redoutable ? d'une foule de fots
& de lâches , d'hommes fans lumieres &
fans principes , que la vérité fait pâlir , &
que la vertu fait trembler. Voilà les ennemis
qui font abandonner à de faux fages
les étendards de la vérité & de la vertu .
Je ne demande pas un grand effort aux
gens de bien ; qu'ils foient feulement auf
unis , auffi ardens , auffi conftans à ſe défendre
que leurs ennemis le font à les
attaquer ; la victoire n'eft pas douteufe .
N'avez- vous jamais remarqué combien de
méchans interdits au feul afpect d'un homme
connu pour être vertueux & ferme ?
Eh ! qui nous a rendus les réformateurs
du genre humain ? Qui l'intérêt de la vertu
, de la vérité , de l'innocence , dont
vous êtes , les uns pour les autres , les défenfeurs
& les garans. Votre ame n'appartient-
elle pas à la fociété comme les bras du
Laboureur ? & quel ufage ferez- vous de
votre ame , fi vous n'employez fa force &
JUIN. 1755. 21
fes lumieres en faveur du vrai , de l'honnête
& du jufte ?
Il eft deux fortes de retraite avantageufe
à la fociété : la retraite de celui qui fe recueille
en lui- même pour amaffer des tréfors
dont il enrichira fes femblables , & la
retraite de celui qui ferme fon ame à la
contagion du mal , fans interrompte la
communication du bien entre lui & la fociété
: la premiere convient plus particulierement
aux gens d'étude , & la feconde
aux gens d'affaires.
Pope , dans fon féjour à la campagne ,
fe compare à un fleuve qui fe groffit dans
fon cours de toutes les eaux qu'il rencontre
, pour en offrir le tribut à la cité où il
doit fe rendre. Sans m'éloigner de cette
image , ne puis- je point comparer un Magiftrat
, un Miniftre , un homme en place
dans fa retraite , à ces fontaines qu'on tient
fermées , de peur que quelque furieux en
empoiſonne le réfervoir , mais aufquelles
on laiffe une iffue , afin que leurs eaux
s'épanchent au befoin pour l'utilité publi
que ? Ainfi l'éloignement même de la fociété
doit tourner à fon avantage,
Je ne puis donc vivre pour moi feul
Non , fans être ingrat ; puifque vous ne
fçauriez être auffi étranger à la fociété
qu'elle vous feroit étrangere. N'euffiez22
MERCURE DE FRANCE.
vous que ce coin de terre qu'Horace demandoit
aux Dieux , la poffeffion ne vous
en eft acquife ou confervée que par ces
loix , cet ordre , cette diftribution , cet
enchaînement de dépendance & d'offices
auquel vous voulez vous fouftraire . Vos
befoins font les titres de vos devoirs ; il
n'eft qu'un afyle pour l'indépendance abfolue
, ce font les déferts , où chacun broute
& combat pour foi.
e
Ma vertu , dites-vous , m'eft plus chere
que tout le refte , & je veux la garantir
des écueils dont elle eft environnée . Mais
ne pouvez vous l'en garantir que par la
fuite ? Quelle eft cette vertu qui , pour être
en fûreté , a befoin d'être inacceffible !
Sçavez-vous ce que c'eft qu'être vertueux
dans le calme de la folitude ? c'eft être
brave dans la paix.
LE
EN MORALE ,
Par M. M ***.
Es indifférens en morale fe divifent
en plufieurs claffes : les uns n'envifagent
dans le bien & le mal que leur préjudice
ou leur avantage perfonnel , & font
de l'un & de l'autre la régle de leur conduite
, n'admettant d'autre principe de
moeurs que l'intérêt particulier cette
efpece de caractere a pour baſe l'amour
aveugle de foi-même. Commençons par
exclure ces premiers du nombre des gens
de bien ; il ne leur faut que l'occafion &
du courage pour devenir des fcélerats.
La feconde claffe , plus voifine qu'on ne
penſe de la premiere , eftcompofée de ceux
qui ne s'attachent à rien , & qui s'amufent
de tout. Trop foibles , ou trop peu paffionnés
pour attenter à la fociété par de grands
crimes , ils fe contentent de la regarder
comme une fcéne qui fe joue pour eux
& à laquelle ils ne font intéreffés que par
le plaifir malin qu'ils y prennent : c'eft le
fyftême de ces prétendus philofophes , dif
ciples d'un infenfé qui rioit de tout. Héraclite
n'étoit digne que de pitié ; mais il
JUIN. 1755 ig
en étoit digne. Démocrite , au contraire
méritoit l'indignation publique , & fes
concitoyens lui firent grace en ne lui
envoyant qu'un Médecin . N'y avoit - il
donc du tems de Démocrite , ni des malheureux
à plaindre , ni des méchans à détefter
? Dans quel climat barbare fouffriroit-
on l'infenfibilité brutale de celui qui
feroit d'un patient l'objet de fa plaifanterie
? Or le crime fur l'échafaud eft-il plus
intéreffant que la vertu dans le malheur ,
ou que l'innocence dans l'oppreffion ?
Les hommes , dit - on , ne valent pas
qu'on prenne à leur fort un intérêt plus
vif ; le meilleur parti eft de s'en défendre
& de s'en amufer. S'en défendre , c'eſt
fageffe ; s'en amufer , c'eft infolence &
cruauté. Il eft peu de chofe dans la vie
dont puiffe rire un honnête homme : la
vertu lui infpire du refpect ; le crime , de
la haine ; le vice , de l'horreur & du mépris
; & peu de folies font affez indifférentes
pour ne lui paroître qu'un jeu . Je
fuis bien loin de profcrire la Comédie :
telle qu'elle eft , je la crois utile aux bonnes
moeurs ; mais la forme qu'on a été
obligé de lui donner pour plaire eft bien
honteuse à l'humanité ! plaifanter fur le
vice , j'aimerois prefqu'autant qu'on plaifantât
fur la vertu . Un fat qui s'aime &
14 MERCURE DE FRANCE.
qui s'admire tout feul , peut n'être que
ridicule ; mais l'avare qui arrête la circulation
du fang de l'état , qui dévore la
fubftance du peuple , eft-il un perfonnage
rifible : l'homme à bonnes fortunes , qui
met fa gloire à féduire les femmes pour
les deshonorer , le glorieux qui eft fort
étonné que fon femblable lui adreffe la
parole , & qui rougit en retrouvant fon
pere , devroient - ils être plaifans fur la
fcene ? paffe encore fi les fpectateurs ou les
acteurs étoient des finges ; mais rire de
fon femblable caractérisé par ces traits !
Cette façon de plaifanter fur ce que la
fociété a de plus honteux & de plus funeſte ,
a paffé du monde au théatre , car le monde
a fes farceurs ambulans .
On y voit de ces gens à bons mots , qui
fe moquent in promptu de tout ce qui fe
préfente. Mais comme la plaifanterie délicate
exige de l'efprit , & qu'on n'en a pas
quand on veut , la bêtife & la méchanceté
ont imaginé à la place l'art de dire d'un
air fat & d'un ton faux des contre - vérités
groffieres ; c'eft la fineffe des fots , & combien
n'eft- elle pas en ufage ?
Il fe trouve par hazard quelques railleurs
plaifans & fins ; mais comme ils fe rendent
les plus dangereux , ils font auffi les plus
mépriſables :- je dis méprifables , quoique
1
1
JUIN. 1755. 15
•
dangereux ; car la crainte & le mépris ne
font pas incompatibles. Je fçais qu'ils font
gloire d'être craints ; mais qu'ils confiderent
combien ce fentiment qu'ils infpirent
les rapproche des infectes vénimeux
& ils préféreront l'oubli à cette célébrité
odieufe .
Le fruit le moins amer de la plaifanterie
, c'eſt le ridicule , & le ridicule touche
au mépris : or , ou celui fur lequel vous
vous plaifez à le répandre a droit à l'ef-
-time publique , & vous voulez la lui ravir ;
ou il en eft indigne par fes vices , & vous
-vous complaifez à fes vices même , puiſque
vous en faites un jeu : complaiſance
cruelle & baffe , qui eft incompatible avec
la vertu.
Il fe paffe parmi nous des cruautés dans
ce genre que les fauvages auroient peine
à concevoir. Un homme qu'on a cru longtems
heureux , tombe tout - à - coup dans
l'infortune ; c'eft peu de s'en réjouir en
fecret , on le rend la fable publique , on
l'infulte par des bons mots : ce font là les
moeurs , non pas de la groffiere populace ,
mais d'un monde honnête & poli . Le peuple
va voir les exécutions , mais il n'y rit
pas . On me répondra que celui qu'on infulte
dans le malheur , infultoit les autres
du fein de la profpérité ; s'il eſt vrai , c'é16
MERCURE DE FRANCE.
toit un méchant de plus . S'il n'a pas mérité
fon fort , il faut le plaindre ; s'il l'a mérité
, il faut le plaindre doublement : il eft
malheureux , il n'eft plus tems de s'en venger.
Quand & comment faut- il donc fe
déclarer contre les méchans ? férieufement
& fur le fait : la fociété doit juger prévotablement
, & punir de même. On fe retranche
à dire qu'on n'attaque point l'honneur
de celui qu'on plaifante ; mais faut- il être
deshonoré pour être perdu ? Les méchans
fçavent mieux que perfonne que le ridicule
nuit plus que le vice. Je ne mets donc
entr'eux & des brigans , tels qu'on en punit
, d'autre différence que celle du prix du
larcin. » Le voleur qui prend ma bour fe ,
» a dit un Poëte anglois , ne me prend rien
» de réel ; c'eſt un bien de convention qui
» eft aujourd'hui à moi , demain à un au-
» tre ; c'eft peu de chofe , ce n'eft rien ;
»mais celui qui attaque ma réputation ,
» attente àmon être , à la fubftance de mon
» ame , à ce qui m'eft plus cher que la vie .
Je laiffe aux parties intéreffées à fe diſputer
l'avantage de la comparaifon. Les plai-
Lans ne manqueront pas de tourner en ridicule
mes principes , & ceux de Sakhrefpear
; ils ne me furprendront pas , ils m'offenferont
encore moins.
Je ne condamne point la plaifanterie
JUIN. 1755 17
douce , innocente & légere , telle qu'on
peut la faire à fon ami préfent , dont les
limites font fi difficiles à marquer , & le
milieu fi délicat à faifir : elle fuppofe un
bon efprit , & n'exclut pas un bon coeur. Je
condamne la plaifanterie perfonnelle , humiliante
& cruelle , qui eft à la portée des
hommes les plus dépourvus de délicateſſe
& de fentiment , & qui n'exige pour ta
Iens que de la méchanceté & de l'effronterie
; en un mot , la plaifanterie à la mode ,
efpece de poignard dont fe fervent avec
grace une bande d'honnêtes affaffins , contre
l'honneur des femmes & la probité des
hommes .
Il eſt dans la fociété une autre efpece
d'indifférens , dont le vice eft dans la foibleffe
; hommes fans caractere & fans principes
, qui , comme l'eau , n'ont ni goût ni
couleur , & qui contractent comme elle la
couleur & le goût de tout ce qu'ils touchent.
Vicieux fans malice , parce que le
vice domine , ils feroient vertueux fans.
courage fi la vertu dominoit ; l'ufage eft,
leur loi , l'exemple leur mobile , la honte
leur tyran leurs penchans font des impulfions
, leurs defirs des complaifances
feur ame même leur eft étrangere . On a
fait avec de l'argile des pyramides durables ;
on ne fera jamais de ces caracteres une
18 MERCURE DE FRANCE.
fubftance folide. Leur fluidité échappe aux
plus fortes impreffions , & fe prête aux.
plus légeres ; c'eft la matiere fubrile de
Defcartes , qui reçoit toutes les formes , &
qui n'en retient aucune. Tout ce qu'on
peut fouhaiter à cette nature mouvante
d'eft de tomber dans de bons moules & de
n'en fortir jamais. Ce n'eft point à cette
efpece d'indifférens que j'adreffe mes reproches
, ils rougiroient avec moi de les
avoir mérités , pour rougir un moment
après avec un autre qui leur reprocheroit
d'en avoir rougi ; car leur vie fe paffe à
fe defavouer eux - mêmes , & à détracter
leurs defaveus.
1.
Mais je reproche une indifférence plus
condamnable , parce qu'elle eft réfléchie &
raifonnée , à ceux qui fatisfaits de ne pas
contribuer au mal , fe difpenfent de contribuer
au bien , & qui renfermés en euxmêmes
fe mettent peu en peine de ce qui
fe paffe au dehors. L'amour du repos & le
mépris de tout le refte font les principes.
de cette efpece d'indifférence , qu'on a honorée
du nom de philofophie.
S'envelopper dans fa vertu voilà une
belle image , qui n'eſt pas toujours un beau
fentiment. Il eft des orages où l'on a befoin
de tout fon manteau ; mais lorsqu'on
n'eft plus fous la nue , il faut le prêter à
JUI N. 1755. 19
ceux qu'elle menace ou qu'elle inonde. La
retraite abfolue d'un homme utile à la fociété
, eft un homicide pour elle . Combien
celui qui a le courage de fe réfoudre à vivre
feul , ne feroit- il pas de bien à fes fentblables
s'il employoit ce courage à vivre
avec eux & pour eux ? puifqu'il eft en état
de fe fuffire , il ne dépendroit de perfonne
; car la fervitude mutuelle naît du befoin
d'être unis. Il auroit donc fur les autres
l'avantage & l'afcendant d'une ame
-libre. Déterminé à mourir à la fociété dès
"qu'il ne pourroit plus lui être utile , fa rẻ-
folution l'armeroit contre le vice d'une
force & d'une intrépidité nouvelle.
Fortis & afperas tractare ferpentes ,
Deliberata morte ferocior.
Deux raifons déterminent la retraite de
ce prétendu fage. La premiere eft l'inutilité
dont il croit être au parti duquel il peut
fe ranger lâche & dangereufe modeftie
d'un foldat qui prend la fuite au moment
de l'action , fur le prétexte que ce n'eſt
pas de lui que dépend le fort de la bataille.
La feconde raifon eft la force & le nombre
des méchans , auxquels l'homme de
bien qui leur réfifte , ne peur enfin que
20 MERCURE DE FRANCE.
fuccomber. Qu'eft ce à dire , fuccomber ?
Y a-t-il des échafauds dreffés pour les défenfeurs
de la juftice ou de l'innocence ? &
quand il y en auroit , c'eft le découragement
des bons qui fait la force des méchans
; la crainte qu'on a de ceux - ci en
exagere le nombre. Mais fût- il auffi grand
qu'on le fuppofe , comment eft compofé
ce parti fi redoutable ? d'une foule de fots
& de lâches , d'hommes fans lumieres &
fans principes , que la vérité fait pâlir , &
que la vertu fait trembler. Voilà les ennemis
qui font abandonner à de faux fages
les étendards de la vérité & de la vertu .
Je ne demande pas un grand effort aux
gens de bien ; qu'ils foient feulement auf
unis , auffi ardens , auffi conftans à ſe défendre
que leurs ennemis le font à les
attaquer ; la victoire n'eft pas douteufe .
N'avez- vous jamais remarqué combien de
méchans interdits au feul afpect d'un homme
connu pour être vertueux & ferme ?
Eh ! qui nous a rendus les réformateurs
du genre humain ? Qui l'intérêt de la vertu
, de la vérité , de l'innocence , dont
vous êtes , les uns pour les autres , les défenfeurs
& les garans. Votre ame n'appartient-
elle pas à la fociété comme les bras du
Laboureur ? & quel ufage ferez- vous de
votre ame , fi vous n'employez fa force &
JUIN. 1755. 21
fes lumieres en faveur du vrai , de l'honnête
& du jufte ?
Il eft deux fortes de retraite avantageufe
à la fociété : la retraite de celui qui fe recueille
en lui- même pour amaffer des tréfors
dont il enrichira fes femblables , & la
retraite de celui qui ferme fon ame à la
contagion du mal , fans interrompte la
communication du bien entre lui & la fociété
: la premiere convient plus particulierement
aux gens d'étude , & la feconde
aux gens d'affaires.
Pope , dans fon féjour à la campagne ,
fe compare à un fleuve qui fe groffit dans
fon cours de toutes les eaux qu'il rencontre
, pour en offrir le tribut à la cité où il
doit fe rendre. Sans m'éloigner de cette
image , ne puis- je point comparer un Magiftrat
, un Miniftre , un homme en place
dans fa retraite , à ces fontaines qu'on tient
fermées , de peur que quelque furieux en
empoiſonne le réfervoir , mais aufquelles
on laiffe une iffue , afin que leurs eaux
s'épanchent au befoin pour l'utilité publi
que ? Ainfi l'éloignement même de la fociété
doit tourner à fon avantage,
Je ne puis donc vivre pour moi feul
Non , fans être ingrat ; puifque vous ne
fçauriez être auffi étranger à la fociété
qu'elle vous feroit étrangere. N'euffiez22
MERCURE DE FRANCE.
vous que ce coin de terre qu'Horace demandoit
aux Dieux , la poffeffion ne vous
en eft acquife ou confervée que par ces
loix , cet ordre , cette diftribution , cet
enchaînement de dépendance & d'offices
auquel vous voulez vous fouftraire . Vos
befoins font les titres de vos devoirs ; il
n'eft qu'un afyle pour l'indépendance abfolue
, ce font les déferts , où chacun broute
& combat pour foi.
e
Ma vertu , dites-vous , m'eft plus chere
que tout le refte , & je veux la garantir
des écueils dont elle eft environnée . Mais
ne pouvez vous l'en garantir que par la
fuite ? Quelle eft cette vertu qui , pour être
en fûreté , a befoin d'être inacceffible !
Sçavez-vous ce que c'eft qu'être vertueux
dans le calme de la folitude ? c'eft être
brave dans la paix.
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Résumé : DE L'INDIFFERENCE EN MORALE, Par M. M***.
Le texte 'De l'indifférence en morale' analyse diverses formes d'indifférence morale et distingue plusieurs catégories d'indifférents. La première classe regroupe ceux qui agissent par intérêt personnel, sans principes moraux, et peuvent devenir des criminels si l'occasion se présente. La seconde classe comprend ceux qui se désintéressent de tout et voient la société comme une scène de divertissement, se moquant des malheurs et des vertus des autres. Cette attitude est comparée à celle de philosophes comme Démocrite, qui riait des malheurs humains. Le texte critique la plaisanterie cruelle et méprisante, qui se moque des vices et des malheurs des autres. Il condamne ceux qui se réjouissent des infortunes des autres et qui ne prennent pas parti contre les méchants. Il distingue la plaisanterie innocente et légère de celle qui est personnelle, humiliante et cruelle. Une autre forme d'indifférence est celle des individus sans caractère ni principes, qui s'adaptent à leur environnement sans conviction. Le texte reproche également à ceux qui, satisfaits de ne pas contribuer au mal, se dispensent de contribuer au bien, se retranchant dans une indifférence réfléchie et raisonnée. Le texte appelle les gens de bien à s'unir et à défendre la vérité et la vertu contre les méchants. Il compare la retraite utile à celle des gens d'étude ou des gens d'affaires, qui peuvent enrichir la société de leurs connaissances ou de leur intégrité. Enfin, il souligne que la vertu ne peut être protégée par la fuite, mais doit être pratiquée dans la société pour être véritablement utile.
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3
p. 123
L'AMITIÉ. CANTATILLE.
Début :
Les zéphirs ont chassé l'hiver, [...]
Mots clefs :
Amitié, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMITIÉ. CANTATILLE.
L'AMITIÉ .
CANTA TILL 1.
Lisszéphirs ont chaffé l'hiver ,
Leur haleine a reveillé Flore ;
Tout eft fenfible au premier verd
Qu'anime les pleurs de l'aurore .
L'oifeau dans ces heureux inftans ,
Croit qu'il renaît , parce qu'il aime :
Je me fens renaître de même ;
J'aime , je rentre en mon printems.
En vain l'âge glace mes fens ,
Le coeur ne vieillit point , le mien eſt toujours
tendre ;
L'amitié , de l'amour a tous les mouvemens :
Puifle Climene s'y méprendre !
L'amitié , fes purs fentimens
Valent bien un plaifir frivole ;
A l'amour même qui s'envole ,
Elle offre un aſyle en tout tems.
C'eft un feu doux qui , fans paroître ,'
Echauffe tout ce qui le fuit ;
La vive ardeur qu'amour fait naître
Brûle , confume , & fe détruit.
CANTA TILL 1.
Lisszéphirs ont chaffé l'hiver ,
Leur haleine a reveillé Flore ;
Tout eft fenfible au premier verd
Qu'anime les pleurs de l'aurore .
L'oifeau dans ces heureux inftans ,
Croit qu'il renaît , parce qu'il aime :
Je me fens renaître de même ;
J'aime , je rentre en mon printems.
En vain l'âge glace mes fens ,
Le coeur ne vieillit point , le mien eſt toujours
tendre ;
L'amitié , de l'amour a tous les mouvemens :
Puifle Climene s'y méprendre !
L'amitié , fes purs fentimens
Valent bien un plaifir frivole ;
A l'amour même qui s'envole ,
Elle offre un aſyle en tout tems.
C'eft un feu doux qui , fans paroître ,'
Echauffe tout ce qui le fuit ;
La vive ardeur qu'amour fait naître
Brûle , confume , & fe détruit.
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Résumé : L'AMITIÉ. CANTATILLE.
Le texte 'L'AMITIÉ' décrit le retour du printemps et la renaissance de la nature. Les oiseaux et le poète se sentent renaître par amour. L'amitié, comparée à l'amour, offre un refuge constant et pur. Elle est un feu doux, contrairement à l'amour qui peut brûler et se détruire.
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4
p. 24
VERS De M. P. à sa femme, après vingt-cinq ans de mariage, en 1755.
Début :
Comme une lueur passagere, [...]
Mots clefs :
Mariage, Femme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS De M. P. à sa femme, après vingt-cinq ans de mariage, en 1755.
VERS
De M. P. à fa femme , après vingt - cinq an
de mariage , en 1755. *
Comme une lueur paffagere ,
Cinq luftres de font écoulés
Depuis que dans l'ardeur d'une union fincere
Par un noeud folemnel nous fommes engagési
Une tendreffe mutuelle
En a rempli les plus beaux jours ;
Et j'en ai vû filer le cours
Sans ceffer d'être époux , amoureux & fidele.
Puis-je former de fouhait plus heureux.
Dans cet état digne d'envie,
Que de paffer le reſte de ma vie ,
Animé de ces mêmes feux ,
Avec cette tranquillité fuivie ,
Qui fait le plus doux de mes voeux
* Je les mets ici pour la fingularité & pour la
ban exemple.
De M. P. à fa femme , après vingt - cinq an
de mariage , en 1755. *
Comme une lueur paffagere ,
Cinq luftres de font écoulés
Depuis que dans l'ardeur d'une union fincere
Par un noeud folemnel nous fommes engagési
Une tendreffe mutuelle
En a rempli les plus beaux jours ;
Et j'en ai vû filer le cours
Sans ceffer d'être époux , amoureux & fidele.
Puis-je former de fouhait plus heureux.
Dans cet état digne d'envie,
Que de paffer le reſte de ma vie ,
Animé de ces mêmes feux ,
Avec cette tranquillité fuivie ,
Qui fait le plus doux de mes voeux
* Je les mets ici pour la fingularité & pour la
ban exemple.
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Résumé : VERS De M. P. à sa femme, après vingt-cinq ans de mariage, en 1755.
En 1755, M. P. écrit à son épouse après vingt-cinq ans de mariage, exprimant sa gratitude pour les cinq dernières années de bonheur et de tendresse. Il souligne la constance de son amour et de sa fidélité, souhaitant continuer à vivre dans cette tranquillité. Il met en avant la singularité et la banalité de leur longévité conjugale.
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5
p. 25-26
L'OMBRE DE LE BRUN, A M. Massé, Peintre du Roi, Conseiller de l'Académie de Peinture & de Sculpture, au sujet de la Grande Galerie de Versailles, gravée d'après ses desseins.
Début :
Un murmure flateur, au séjour du silence, [...]
Mots clefs :
Peintre du roi, Gallerie de Versailles, Conseiller de l'Académie de peinture et de sculpture
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texteReconnaissance textuelle : L'OMBRE DE LE BRUN, A M. Massé, Peintre du Roi, Conseiller de l'Académie de Peinture & de Sculpture, au sujet de la Grande Galerie de Versailles, gravée d'après ses desseins.
L'OMBRE DE LE BRUN ,
A M. Maſſe , Peintre du Roi , Confeiller
de l'Académie de Peinture & de Sculptu
re , au fujet de la grande Galerie de Ver
Jailles , gravée d'après fes deffeins.
UN murmure flateur , au féjour du filence;
Des manes attentifs réveille l'indolence ,
Et de mon ombre en pleurs arrête les foupirs :
Oui j'en crois , cher Maffé , ta gloire & mes de
firs .
De fublimes clartés , tréfor intariffable ,
Et de foins pour ton art toujours inſatiable ,
Tu fauves mes lauriers d'un éternel affront ;
Contre l'aîle du tems qui menaçoit mon front ,
Tu foutiens de mon nom la colonne ébranlée ,
Et diffipes la nuit dont elle étoit voilée.
Ces fuperbes lambris du palais de nos Rois ,'
Où de Louis le Grand j'ai tracé les exploits ,
Par toi , fe tranfportant des régions de l'ourfe
'Aux lieux où le foleil recommence ſa courſe ,
Des flots de la ruine évitant la fureur ,
En fe multipliant reprendront leur fplendeur ;
Tout l'univers entier , en chantant Alexandre ,
D'Apelles fous la tombe honorera la cendre ;
L. Vol. B
26. MERCURE DE FRANCE .
Sous un commun palmier nos noms entrelacés ,
Saifiront de refpect nos rivaux terraffés.
Sur cette morne rive une joie inconnue
Semble appaiſer enfin ma douleur continue .
*
Depuis qu'un fier mortel au devant du trépas
Sur ces funettes bords précipita ſes pas ,
Tout ici m'abandonne , & la foule inconftante
Par un revers fatal l'applaudit & le vante ,
Et près de moi placé le nomme mon vainqueur.
Voilà les maux cruels qui déchirent mon coeur
Toi feul pouvois tarir la fource de mes larmes.
Mais quel foupçon jaloux vient altérer fes charmes
?
A
"
Appui de ma grandeur , marches-tu mon égal ?
Ah ! pardonne , je crains & prévois un rival.
En mé formant , l'envie a jetté dans mon ame
Les germes immortels de fa funefte flamme ,
Que n'éteindront jamais les eaux de l'Acheron ; -.
M'abreuvant à longs traits de fon brûlant poiſon,
Jufques dans les enfers ce vautour me dévore ;
félicité je géinis même encore :
De
ma
Mais je céde au deftin , qu'importe ? venge-moi?
Puifqu'il faut partager le triomphe avec toi .
* Fr. le Moyne.
A M. Maſſe , Peintre du Roi , Confeiller
de l'Académie de Peinture & de Sculptu
re , au fujet de la grande Galerie de Ver
Jailles , gravée d'après fes deffeins.
UN murmure flateur , au féjour du filence;
Des manes attentifs réveille l'indolence ,
Et de mon ombre en pleurs arrête les foupirs :
Oui j'en crois , cher Maffé , ta gloire & mes de
firs .
De fublimes clartés , tréfor intariffable ,
Et de foins pour ton art toujours inſatiable ,
Tu fauves mes lauriers d'un éternel affront ;
Contre l'aîle du tems qui menaçoit mon front ,
Tu foutiens de mon nom la colonne ébranlée ,
Et diffipes la nuit dont elle étoit voilée.
Ces fuperbes lambris du palais de nos Rois ,'
Où de Louis le Grand j'ai tracé les exploits ,
Par toi , fe tranfportant des régions de l'ourfe
'Aux lieux où le foleil recommence ſa courſe ,
Des flots de la ruine évitant la fureur ,
En fe multipliant reprendront leur fplendeur ;
Tout l'univers entier , en chantant Alexandre ,
D'Apelles fous la tombe honorera la cendre ;
L. Vol. B
26. MERCURE DE FRANCE .
Sous un commun palmier nos noms entrelacés ,
Saifiront de refpect nos rivaux terraffés.
Sur cette morne rive une joie inconnue
Semble appaiſer enfin ma douleur continue .
*
Depuis qu'un fier mortel au devant du trépas
Sur ces funettes bords précipita ſes pas ,
Tout ici m'abandonne , & la foule inconftante
Par un revers fatal l'applaudit & le vante ,
Et près de moi placé le nomme mon vainqueur.
Voilà les maux cruels qui déchirent mon coeur
Toi feul pouvois tarir la fource de mes larmes.
Mais quel foupçon jaloux vient altérer fes charmes
?
A
"
Appui de ma grandeur , marches-tu mon égal ?
Ah ! pardonne , je crains & prévois un rival.
En mé formant , l'envie a jetté dans mon ame
Les germes immortels de fa funefte flamme ,
Que n'éteindront jamais les eaux de l'Acheron ; -.
M'abreuvant à longs traits de fon brûlant poiſon,
Jufques dans les enfers ce vautour me dévore ;
félicité je géinis même encore :
De
ma
Mais je céde au deftin , qu'importe ? venge-moi?
Puifqu'il faut partager le triomphe avec toi .
* Fr. le Moyne.
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Résumé : L'OMBRE DE LE BRUN, A M. Massé, Peintre du Roi, Conseiller de l'Académie de Peinture & de Sculpture, au sujet de la Grande Galerie de Versailles, gravée d'après ses desseins.
Le texte est une dédicace adressée à M. Masse, peintre du Roi et conseiller de l'Académie de Peinture et de Sculpture, concernant la grande Galerie des Glaces. L'auteur exprime sa gratitude envers Masse pour avoir restauré sa réputation et sa gloire. Masse est loué pour ses talents artistiques exceptionnels et son dévouement à son art, qui permettent de préserver les exploits de Louis le Grand représentés dans les lambris du palais. La dédicace évoque également la rivalité et la jalousie ressenties par l'auteur face à la reconnaissance de Masse. Malgré ces sentiments, l'auteur accepte de partager la gloire avec Masse, reconnaissant la nécessité de collaborer pour le triomphe commun.
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6
p. 28-34
EXTRAIT de la vie du Professeur Saunderson, tiré d'un Journal anglois, qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
Début :
Le pere de ce grand Mathématicien jouissoit d'un bien médiocre dans la [...]
Mots clefs :
Journal anglais, Nicholas Saunderson, Connaissances, Cambridge, Université, Aveugle, Université de Cambridge, Mathématiques, Mathématicien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la vie du Professeur Saunderson, tiré d'un Journal anglois, qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
EXTRAIT de la vie du Profeffeur
Saunderson , tiré d'un Journal anglois
qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
Ljuffit d'un bien médiocre dans la
E pere de ce grand Mathématicien
province d'York en Angleterre . Il eut
plufieurs enfans. Nicolas Saunderfon fut
l'aîné de tous ; il naquit au mois de
Janvier en 1682. A l'âge d'un an il fut
privé de la vûe par la petite vérole , &
fe trouva dans le cas d'un aveugle de
naiffance . Il ne lui reftoit pas la moindre
idée d'avoir jamais vû la lumiere ; il n'en
avoit aucune perception non plus que des
couleurs . On l'envoya de bonne heure aux
écoles des humanités , où il fit , en écoutant
les autres , un progrès des plus rapides.
Euclide , Archimede & Diophante
étoient les auteurs Grecs qu'il étudioit par
préférence en fe les faifant lire. Il apprit
de fon pere l'arithmétique , & fe trouva
bientôt en état de faire de pénibles calculs.
Il inventa , par la feule force de l'imagination
& de la mémoire , de nouvelles regles
pour réfoudre les problêmes de cette fcience
, faifant toutes les opérations avec auJUIN.
17553 29
tant de promptitude que de jufteffe.
C'eft ainfi que l'efprit actif & pénétrant ,
quand le malheur a fermé quelques- unes
de fes portes , redoublant d'effort & d'attention
, veille aux autres avenues de fes
connoiffances qu'il élargit , pour ainfi dire,
comme pour fe dédommager de fa perte.
Deux Gentilshommes du voisinage amis
de fa famille , enchantés des grands talens
de notre aveugle , fe firent un plaifir de
lui apprendre l'algébre & la géométrie.
Son pere , quelque zélé qu'il fût pour faire
cultiver de fi rares talens , étant chargé
d'une nombreuſe famille , ſe vit hors d'état
d'envoyer fon fils à l'Univerfité d'Oxford
ou de Cambridge : il prit donc le parti de
le mettre dans une petite Académie du
village d'Attercliff. Ayant bientôt épuisé
le fond des connoiffances de cette école ,
où il ne lui reftoit plus rien à apprendre ,
il fe retira dans la maifon paternelle . Ré
duit à fes propres reffources , il y continua
fes études, & à l'aide d'un lecteur qu'il avoit
inftruit lui -même , il y fit de nouveaux
progrès. Au bout de quelque tems , on
réfolut de l'envoyer à Cambridge pour y
profeffer la philofophie. Il y parut fous
un caractere fingulier , puifqu'il eft peutêtre
le feul qui foit entré pour la premiere
fois dans une Univerfité , non pour acque
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
7
rir , mais pour communiquer des connoiffances.
La Société charmée de l'acquifition d'un
fi bon fujet , lui affigna un appartement, lui
permit l'ufage de la bibliothèque , lui donna
un lecteur en conféquence , & l'adinit à tous
les privileges d'un Membre de l'Univerfité,
à l'exception du titre qu'il ne pouvoit prendre
, n'étant pas gradué . Malgré ces avantages
, il lui reftoit encore bien des difficultés
à furmonter : âgé de vingt - cinq ans
fans fortune , aveugle , & deſtiné à enfeigner
la philofophie en concurrence avec
M. Whifton , ce grand Mathématicien
qui occupoit une chaire dans la même
'Univerfité .
›
Toutes ces circonftances qui fembloient
devoir renverfer fon projet , en hâterent
au contraire le fuccès. Il dut fa fortune à
la générofité de M. Whifton , qui fe fit
une gloire de fervir ce nouveau concurrent.
M. Whifton réunifoit à un profond
fçavoir , à toutes les lumieres de l'efprit ,
les qualités du coeur qui rendent les grands
hommes encore plus refpectables , un heureux
naturel , beaucoup d'humanité , une
eftime & une amitié fincere pour ceux en
qui il voyoit le talent & les connoiffances
qui le diftinguoient fi fort lui -même. Loin
JUIN. T 1755.
3-1
de s'opposer aux deffeins de M. Saunderfon ,
comme il étoit de fon intérêt & en fon
pouvoir de le faire , il lui accorda non
feulement une permiffion expreffe de donner
des leçons de phyfique , mais il le feconda
encore de fon crédit dans toutes les
Joccafions.
A l'ouverture de fes leçons , il y vint
une telle affluence d'auditeurs qu'il en
étoit embarraffé lui - même . Il débuta pár
f'optique de Newton , effai auffi hardi que
fingulier dans un homme privé de la vie
prefqu'en naifant ; il falloit voir ce prodige
pour le croire.
Qu'un aveugle traite parfaitement des
fons , de leur nature & de leurs effets , cela
eft dans l'ordre ; mais qu'il raifonne en
philofophe fur les objets d'un fens qu'il
en'a pas , voilà qui tient du miracle . Il eft
cependant de notoriété publique qu'il expliquoit
les principes d'optique avec autant
de précifion que de clarté. A la fuite de ces
leçons , il procédoit régulierement aux
autres ouvrages de Newton, dont il devint
Pami particulier.
Peu de tems après , M. Whifton ayant
été remercié pour avoir refufé de remplir
certaines formalités , aufquelles fes principes
avoués d'arianifme ne lui permettoient
pas de fe foumettre , toutes les voix fe
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
réunirent en faveur de M. Saunderfon
pour occuper la place de ce grand philofophe.
Comme les ftatuts de l'Univerfité exigoient
dans un Profeffeur en titre le grade
de Maître- ès- Arts , on fit une démarche
fans exemple pour le lui faire déferer. Les
principaux de tous les Colleges , de l'aveu
& au nom du corps entier , préfenterent un
placet au Duc de Somerfet , pour lors
Chancelier. Ce Seigneur accompagné du
Chevalier Newton & d'autres perfonnes
de rang , s'étant rendu auprès de la Reine
Anne , obtint un ordre
pour faire expédier
à notre aveugle le grade requis , & il fut
en conféquence nommé & inſtallé Profeſfeur
de Mathématique au mois de Novembre
1711. Il fit à fa réception un difcours
plein d'efprit & d'élégance , le prononça
avec tant de nobleffe & de grace ,
qu'il eut l'applaudiffement univerfel. Il
finit ce difcours par l'éloge des mathématiques
qu'il mit bien au-deffus de toute
autre méthode de raifonner.
En 1723 il époufa la fille de M. Dickfon
, Miniftre-Curé de Bofworth dans le
Comté de Cambridge . De ce mariage il
eut un garçon & une fille , tous deux aujourd'hui
vivans.
En 1728 le Roi regnant , dans un
voyage fait à Newmarket , ayant honoré
JUIN. 1733 53
l'Univerfité d'une vifite , defira voir le
Profeffeur Saunderfon , qui s'étant rendu
aux ordres du Roi , l'accompagna au Sénat.
Là , par ordre exprès de Sa Majefté , & en
fa préfence , Saunderfon fut créé Docteurès-
Loix par le Chancelier en perfonne.
Il continua pendant onze ans à donner
des lecons qui le comblerent d'honneur &
de biens , & il mourut d'une gangrene au
pied le 11 Avril 1739 dans la 57 ° année
de fon âge.
Il étoit d'un tempéramment fort & vigoureux;
comme il aimoit paffionnément
l'exercice du cheval , il fuivoit une meutte
de chiens courans avec autant d'ardeur
que de péril pour fa perfonne . C'étoit &
à tous égards un homme de bonne compagnie.
Son difcours étoit toujours fi rempli
de traits relatifs aux objets de la vûe ,
qu'il faifoit prefque oublier qu'il fût aveugle.
Avec fes difciples , il étoit familier
& amufant ; mais lorsqu'on manquoit
de prêter à fes leçons l'attention qu'il
falloit , il s'emportoit à l'excès. Comme
les penfionnaires de qualité lui en don-:
noient de fréquens fujets , il dit un
jour tranſporté de colere : s'il me faut aller
en enfer , que pour mes péchés on m'y
condamne à donner des leçons de mathé
matiques aux jeunes Seigneurs penfion-
By
34 MERCURE DE FRANCE.
naires de l'Univerfité de Cambridge !
Il avoit imaginé plufieurs moyens pour
fuppléer au défaut de la vûe , entr'autres
une planche percée de trous . A la diſtance
égale d'un pouce , dans chaque trou étoit
une cheville. La ficelle qu'il faifoit aller à
fon gré autour de ces chevilles , lui traçoit
les figures dont il avoit befoin pour faire
fes démonftrations , & cette opération fe
faifoit en moins de tems & avec plus de
facilité que l'on ne la fait avec la plume
ou le crayon . Une feconde planche &
d'autres chevilles de grandeurs inégales ,
lui fervoient pour les opérations de calcul.
Il avoit l'oreille & le tact de la derniere
fineffe ; les moindres objets de ces deux
fens , imperceptibles à tout autre , étoient
pour lui très-fenfibles . Il diftinguoit la
cinquieme partie d'une note , jouoit de la
flûte admirablement bien ; il ne lui falloit
que frapper du pied fur le plancher , le
bruit lui fervoit de regle sûre pour donner
fur le champ toutes les dimenfions d'une
chambre , de quelque façon qu'elle fût conftruite.
Saunderson , tiré d'un Journal anglois
qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
Ljuffit d'un bien médiocre dans la
E pere de ce grand Mathématicien
province d'York en Angleterre . Il eut
plufieurs enfans. Nicolas Saunderfon fut
l'aîné de tous ; il naquit au mois de
Janvier en 1682. A l'âge d'un an il fut
privé de la vûe par la petite vérole , &
fe trouva dans le cas d'un aveugle de
naiffance . Il ne lui reftoit pas la moindre
idée d'avoir jamais vû la lumiere ; il n'en
avoit aucune perception non plus que des
couleurs . On l'envoya de bonne heure aux
écoles des humanités , où il fit , en écoutant
les autres , un progrès des plus rapides.
Euclide , Archimede & Diophante
étoient les auteurs Grecs qu'il étudioit par
préférence en fe les faifant lire. Il apprit
de fon pere l'arithmétique , & fe trouva
bientôt en état de faire de pénibles calculs.
Il inventa , par la feule force de l'imagination
& de la mémoire , de nouvelles regles
pour réfoudre les problêmes de cette fcience
, faifant toutes les opérations avec auJUIN.
17553 29
tant de promptitude que de jufteffe.
C'eft ainfi que l'efprit actif & pénétrant ,
quand le malheur a fermé quelques- unes
de fes portes , redoublant d'effort & d'attention
, veille aux autres avenues de fes
connoiffances qu'il élargit , pour ainfi dire,
comme pour fe dédommager de fa perte.
Deux Gentilshommes du voisinage amis
de fa famille , enchantés des grands talens
de notre aveugle , fe firent un plaifir de
lui apprendre l'algébre & la géométrie.
Son pere , quelque zélé qu'il fût pour faire
cultiver de fi rares talens , étant chargé
d'une nombreuſe famille , ſe vit hors d'état
d'envoyer fon fils à l'Univerfité d'Oxford
ou de Cambridge : il prit donc le parti de
le mettre dans une petite Académie du
village d'Attercliff. Ayant bientôt épuisé
le fond des connoiffances de cette école ,
où il ne lui reftoit plus rien à apprendre ,
il fe retira dans la maifon paternelle . Ré
duit à fes propres reffources , il y continua
fes études, & à l'aide d'un lecteur qu'il avoit
inftruit lui -même , il y fit de nouveaux
progrès. Au bout de quelque tems , on
réfolut de l'envoyer à Cambridge pour y
profeffer la philofophie. Il y parut fous
un caractere fingulier , puifqu'il eft peutêtre
le feul qui foit entré pour la premiere
fois dans une Univerfité , non pour acque
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
7
rir , mais pour communiquer des connoiffances.
La Société charmée de l'acquifition d'un
fi bon fujet , lui affigna un appartement, lui
permit l'ufage de la bibliothèque , lui donna
un lecteur en conféquence , & l'adinit à tous
les privileges d'un Membre de l'Univerfité,
à l'exception du titre qu'il ne pouvoit prendre
, n'étant pas gradué . Malgré ces avantages
, il lui reftoit encore bien des difficultés
à furmonter : âgé de vingt - cinq ans
fans fortune , aveugle , & deſtiné à enfeigner
la philofophie en concurrence avec
M. Whifton , ce grand Mathématicien
qui occupoit une chaire dans la même
'Univerfité .
›
Toutes ces circonftances qui fembloient
devoir renverfer fon projet , en hâterent
au contraire le fuccès. Il dut fa fortune à
la générofité de M. Whifton , qui fe fit
une gloire de fervir ce nouveau concurrent.
M. Whifton réunifoit à un profond
fçavoir , à toutes les lumieres de l'efprit ,
les qualités du coeur qui rendent les grands
hommes encore plus refpectables , un heureux
naturel , beaucoup d'humanité , une
eftime & une amitié fincere pour ceux en
qui il voyoit le talent & les connoiffances
qui le diftinguoient fi fort lui -même. Loin
JUIN. T 1755.
3-1
de s'opposer aux deffeins de M. Saunderfon ,
comme il étoit de fon intérêt & en fon
pouvoir de le faire , il lui accorda non
feulement une permiffion expreffe de donner
des leçons de phyfique , mais il le feconda
encore de fon crédit dans toutes les
Joccafions.
A l'ouverture de fes leçons , il y vint
une telle affluence d'auditeurs qu'il en
étoit embarraffé lui - même . Il débuta pár
f'optique de Newton , effai auffi hardi que
fingulier dans un homme privé de la vie
prefqu'en naifant ; il falloit voir ce prodige
pour le croire.
Qu'un aveugle traite parfaitement des
fons , de leur nature & de leurs effets , cela
eft dans l'ordre ; mais qu'il raifonne en
philofophe fur les objets d'un fens qu'il
en'a pas , voilà qui tient du miracle . Il eft
cependant de notoriété publique qu'il expliquoit
les principes d'optique avec autant
de précifion que de clarté. A la fuite de ces
leçons , il procédoit régulierement aux
autres ouvrages de Newton, dont il devint
Pami particulier.
Peu de tems après , M. Whifton ayant
été remercié pour avoir refufé de remplir
certaines formalités , aufquelles fes principes
avoués d'arianifme ne lui permettoient
pas de fe foumettre , toutes les voix fe
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
réunirent en faveur de M. Saunderfon
pour occuper la place de ce grand philofophe.
Comme les ftatuts de l'Univerfité exigoient
dans un Profeffeur en titre le grade
de Maître- ès- Arts , on fit une démarche
fans exemple pour le lui faire déferer. Les
principaux de tous les Colleges , de l'aveu
& au nom du corps entier , préfenterent un
placet au Duc de Somerfet , pour lors
Chancelier. Ce Seigneur accompagné du
Chevalier Newton & d'autres perfonnes
de rang , s'étant rendu auprès de la Reine
Anne , obtint un ordre
pour faire expédier
à notre aveugle le grade requis , & il fut
en conféquence nommé & inſtallé Profeſfeur
de Mathématique au mois de Novembre
1711. Il fit à fa réception un difcours
plein d'efprit & d'élégance , le prononça
avec tant de nobleffe & de grace ,
qu'il eut l'applaudiffement univerfel. Il
finit ce difcours par l'éloge des mathématiques
qu'il mit bien au-deffus de toute
autre méthode de raifonner.
En 1723 il époufa la fille de M. Dickfon
, Miniftre-Curé de Bofworth dans le
Comté de Cambridge . De ce mariage il
eut un garçon & une fille , tous deux aujourd'hui
vivans.
En 1728 le Roi regnant , dans un
voyage fait à Newmarket , ayant honoré
JUIN. 1733 53
l'Univerfité d'une vifite , defira voir le
Profeffeur Saunderfon , qui s'étant rendu
aux ordres du Roi , l'accompagna au Sénat.
Là , par ordre exprès de Sa Majefté , & en
fa préfence , Saunderfon fut créé Docteurès-
Loix par le Chancelier en perfonne.
Il continua pendant onze ans à donner
des lecons qui le comblerent d'honneur &
de biens , & il mourut d'une gangrene au
pied le 11 Avril 1739 dans la 57 ° année
de fon âge.
Il étoit d'un tempéramment fort & vigoureux;
comme il aimoit paffionnément
l'exercice du cheval , il fuivoit une meutte
de chiens courans avec autant d'ardeur
que de péril pour fa perfonne . C'étoit &
à tous égards un homme de bonne compagnie.
Son difcours étoit toujours fi rempli
de traits relatifs aux objets de la vûe ,
qu'il faifoit prefque oublier qu'il fût aveugle.
Avec fes difciples , il étoit familier
& amufant ; mais lorsqu'on manquoit
de prêter à fes leçons l'attention qu'il
falloit , il s'emportoit à l'excès. Comme
les penfionnaires de qualité lui en don-:
noient de fréquens fujets , il dit un
jour tranſporté de colere : s'il me faut aller
en enfer , que pour mes péchés on m'y
condamne à donner des leçons de mathé
matiques aux jeunes Seigneurs penfion-
By
34 MERCURE DE FRANCE.
naires de l'Univerfité de Cambridge !
Il avoit imaginé plufieurs moyens pour
fuppléer au défaut de la vûe , entr'autres
une planche percée de trous . A la diſtance
égale d'un pouce , dans chaque trou étoit
une cheville. La ficelle qu'il faifoit aller à
fon gré autour de ces chevilles , lui traçoit
les figures dont il avoit befoin pour faire
fes démonftrations , & cette opération fe
faifoit en moins de tems & avec plus de
facilité que l'on ne la fait avec la plume
ou le crayon . Une feconde planche &
d'autres chevilles de grandeurs inégales ,
lui fervoient pour les opérations de calcul.
Il avoit l'oreille & le tact de la derniere
fineffe ; les moindres objets de ces deux
fens , imperceptibles à tout autre , étoient
pour lui très-fenfibles . Il diftinguoit la
cinquieme partie d'une note , jouoit de la
flûte admirablement bien ; il ne lui falloit
que frapper du pied fur le plancher , le
bruit lui fervoit de regle sûre pour donner
fur le champ toutes les dimenfions d'une
chambre , de quelque façon qu'elle fût conftruite.
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Résumé : EXTRAIT de la vie du Professeur Saunderson, tiré d'un Journal anglois, qui a pour titre le Magazin du Gentilhomme.
Nicolas Saunderson, mathématicien aveugle, naquit en janvier 1682 dans la province d'York en Angleterre. À l'âge d'un an, il perdit la vue à cause de la petite vérole, ne connaissant jamais la lumière ou les couleurs. Malgré ce handicap, il fit des progrès rapides en mathématiques, apprenant l'arithmétique de son père et étudiant les œuvres d'Euclide, Archimède et Diophante. Il inventa des méthodes pour résoudre des problèmes mathématiques en utilisant son imagination et sa mémoire. Deux gentilshommes voisins, impressionnés par ses talents, lui enseignèrent l'algèbre et la géométrie. En raison de la situation financière de sa famille, Saunderson fut envoyé dans une petite académie à Attercliff, où il épuisa rapidement les connaissances disponibles. Il retourna ensuite chez ses parents et continua ses études avec l'aide d'un lecteur formé par lui-même. En 1711, il fut envoyé à l'Université de Cambridge pour enseigner la philosophie. Bien qu'il ne puisse obtenir le titre de gradué, il fut accueilli favorablement et reçut divers privilèges. Saunderson dut affronter plusieurs difficultés, notamment la concurrence avec le mathématicien M. Whifton. Ce dernier, admirant ses talents, l'aida à obtenir une permission pour donner des leçons de physique. Ses cours attirèrent une grande affluence et il devint un expert des œuvres de Newton. En 1711, après le départ de M. Whifton, Saunderson fut nommé professeur de mathématiques à Cambridge. Il se maria en 1723 et eut deux enfants. En 1728, il fut créé Docteur ès-Lois en présence du roi. Saunderson continua d'enseigner pendant onze ans avant de mourir d'une gangrène au pied le 11 avril 1739, à l'âge de 57 ans. Il était connu pour son tempérament vigoureux et son amour pour l'exercice. Il inventa des moyens pour suppléer à son handicap, comme des planches percées de trous pour tracer des figures et effectuer des calculs. Son oreille et son tact extrêmement sensibles lui permettaient de distinguer des sons et des dimensions imperceptibles pour d'autres.
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7
p. 35-38
EPITRE DE Mme DE L'A... A M. DE ... Auteur d'une Comédie, intitulée l'Effet du Sentiment, représentée à Toulouse dans le mois de Mars dernier.
Début :
En vérité, je suis ravie [...]
Mots clefs :
Comédie, Dieu, Sentiments, Effet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE DE Mme DE L'A... A M. DE ... Auteur d'une Comédie, intitulée l'Effet du Sentiment, représentée à Toulouse dans le mois de Mars dernier.
EPITRE
DE MMO DE L'ART
M. DE
evovali mazolami , l . 9 % ..
Auteur d'une Comédie , intitulée l'Effet du
Sentiment , repréſentée à Touloufe dans
le mois de Mars dernier.
13
arion stauq
EN vérité , je fus ravie
En voyant votre Comédie ;
Mais à parler ingénument ,
o'n neo
Je n'aurois jamais cru que ce raviffement
Eût pu fe changer en folie...
Bon , direz - vous , ma piece eft plus jolie ;
Cette fcène fui donne un nouvel agrément.
Alte là , Monfieur , je vous prie
Vous ne m'entendez pas vraiment ;
Ne croyez pas que cette frenéfie
Ait du rapport au fentiment ,
Dont vous montrez l'effet dans votre Comédie.
Eh qu'eft- ce donc ma foi je verfifie ,
Ou du moins en fais - je femblant ;
Car depuis que j'ai vu votre ouvrage charmant ,
Je n'ai pu vaincre la manie
De vous rimer un compliment.
Rimons , puifqu'auffi bien je ne puis m'en dé-
C
fendre :
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Le Dieu des vers , dit- on , reffemble au Dieu des
coeurs :
Dès qu'il infpire , il faut fe rendre ;
Ses ordres font toujours vainqueurs.
Avant de commencer l'ouvrage
Je devrois , ce me femble , implorer fes faveurs &
Mais que ferviroit- il de fuivre cet uſage ›
Voudroit-il m'accorder quelqu'une de ces fleurs
Dont l'éclat naturel vous gagne le fuffrage
De ce que nous avons de plus fins connoiffeurs
Je ne puis le croire , & je gage
Qu'on n'obtient des fleurs de ce prix ,
Si l'on n'a , comme vous , le flateur avantage
D'être au rang de fes favoris.
Mais , dites-moi , je vous conjure ,
Eft-ce Apollon qui vous fournit les traits
Dont vous accablez l'impofture
De ces petits- maîtres coquets ,
Qui fous les airs de la nature
Montrent des fentimens dont l'art fait tous, les
frais
Oh ! fi c'eft lui , je vous affure
Qu'amour lui doit bien des remercimens
Car dans ce fiecle miférable ,
Ce Dieu n'a plus de culte véritable ;.
Et Phiftoire des vrais amans
Ne paffe que pour une fable ,
Dont on peut embelir les fcènes des romans..
Aftrée & Celadon , héros du bon vieux tems ,
JUIN.
37 1755
Qui dans le fein d'un bonheur véritable
Paffoient de tous leurs jours les rapides momens ,
Auroient-ils crus qu'une race coupable
Perfifleroit leurs fentimens ?
Ils furent heureux & conftans ;
Peut- être hélas ! dans notre tems,
Des moeurs l'exemple inévitable
Les eût-ils rendus inconftans ,
Et privés des plaiſirs charmans
Que fait goûter une union durable.
Au fiecle où nous vivons tout n'eft que
Quelque fade minauderie ,
fauffeté
Des airs de tête , un coup d'oeil médité ,
Un goût de mode , un propos brillanté
Forment notre galanterie.
Nos coeurs font comme nos efprits
Et dans peu de tems , je parie
Que le clinquant fera le prix
De tous nos fentimens & de tous nos écrits
Vos ouvrages fans flaterie
Peuvent ramener le bon goût ,
Et je ne doute point du tout
Que pour en rétablir l'empire
Apollon n'ait fait choix de vous ,
Du moins j'en jurerois fur ce qu'il vous infpire :
Mais je crains , foit dit entre nous ,
Qu'amour ne voudroit point de fes loix véritables :
Confier à vos foins le rétabliſſement.
Pourquoi, me direz- vous ? Oh ! vos façons aimables:
38 MERCURE DE FRANCE.
Me paroiffent tenir au ſyſtême inconſtant
De nos modernes agréables ;
Et fur ce point j'en crois l'Effet du fentiment.
DE MMO DE L'ART
M. DE
evovali mazolami , l . 9 % ..
Auteur d'une Comédie , intitulée l'Effet du
Sentiment , repréſentée à Touloufe dans
le mois de Mars dernier.
13
arion stauq
EN vérité , je fus ravie
En voyant votre Comédie ;
Mais à parler ingénument ,
o'n neo
Je n'aurois jamais cru que ce raviffement
Eût pu fe changer en folie...
Bon , direz - vous , ma piece eft plus jolie ;
Cette fcène fui donne un nouvel agrément.
Alte là , Monfieur , je vous prie
Vous ne m'entendez pas vraiment ;
Ne croyez pas que cette frenéfie
Ait du rapport au fentiment ,
Dont vous montrez l'effet dans votre Comédie.
Eh qu'eft- ce donc ma foi je verfifie ,
Ou du moins en fais - je femblant ;
Car depuis que j'ai vu votre ouvrage charmant ,
Je n'ai pu vaincre la manie
De vous rimer un compliment.
Rimons , puifqu'auffi bien je ne puis m'en dé-
C
fendre :
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Le Dieu des vers , dit- on , reffemble au Dieu des
coeurs :
Dès qu'il infpire , il faut fe rendre ;
Ses ordres font toujours vainqueurs.
Avant de commencer l'ouvrage
Je devrois , ce me femble , implorer fes faveurs &
Mais que ferviroit- il de fuivre cet uſage ›
Voudroit-il m'accorder quelqu'une de ces fleurs
Dont l'éclat naturel vous gagne le fuffrage
De ce que nous avons de plus fins connoiffeurs
Je ne puis le croire , & je gage
Qu'on n'obtient des fleurs de ce prix ,
Si l'on n'a , comme vous , le flateur avantage
D'être au rang de fes favoris.
Mais , dites-moi , je vous conjure ,
Eft-ce Apollon qui vous fournit les traits
Dont vous accablez l'impofture
De ces petits- maîtres coquets ,
Qui fous les airs de la nature
Montrent des fentimens dont l'art fait tous, les
frais
Oh ! fi c'eft lui , je vous affure
Qu'amour lui doit bien des remercimens
Car dans ce fiecle miférable ,
Ce Dieu n'a plus de culte véritable ;.
Et Phiftoire des vrais amans
Ne paffe que pour une fable ,
Dont on peut embelir les fcènes des romans..
Aftrée & Celadon , héros du bon vieux tems ,
JUIN.
37 1755
Qui dans le fein d'un bonheur véritable
Paffoient de tous leurs jours les rapides momens ,
Auroient-ils crus qu'une race coupable
Perfifleroit leurs fentimens ?
Ils furent heureux & conftans ;
Peut- être hélas ! dans notre tems,
Des moeurs l'exemple inévitable
Les eût-ils rendus inconftans ,
Et privés des plaiſirs charmans
Que fait goûter une union durable.
Au fiecle où nous vivons tout n'eft que
Quelque fade minauderie ,
fauffeté
Des airs de tête , un coup d'oeil médité ,
Un goût de mode , un propos brillanté
Forment notre galanterie.
Nos coeurs font comme nos efprits
Et dans peu de tems , je parie
Que le clinquant fera le prix
De tous nos fentimens & de tous nos écrits
Vos ouvrages fans flaterie
Peuvent ramener le bon goût ,
Et je ne doute point du tout
Que pour en rétablir l'empire
Apollon n'ait fait choix de vous ,
Du moins j'en jurerois fur ce qu'il vous infpire :
Mais je crains , foit dit entre nous ,
Qu'amour ne voudroit point de fes loix véritables :
Confier à vos foins le rétabliſſement.
Pourquoi, me direz- vous ? Oh ! vos façons aimables:
38 MERCURE DE FRANCE.
Me paroiffent tenir au ſyſtême inconſtant
De nos modernes agréables ;
Et fur ce point j'en crois l'Effet du fentiment.
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Résumé : EPITRE DE Mme DE L'A... A M. DE ... Auteur d'une Comédie, intitulée l'Effet du Sentiment, représentée à Toulouse dans le mois de Mars dernier.
L'épître est une lettre adressée à l'auteur d'une comédie intitulée 'L'Effet du Sentiment', jouée à Toulouse en mars. L'auteur de l'épître admire la pièce mais reconnaît que son propre compliment ne peut rivaliser avec l'œuvre originale. Il mentionne Apollon, se demandant si le dieu inspire les traits de la comédie contre les 'petits-maîtres coquets' qui affichent des sentiments artificiels. L'auteur regrette la rareté des sentiments authentiques dans leur époque, marquée par la superficialité et la mode, contrairement aux héros du passé comme Astrée et Céladon. Il espère que les œuvres de l'auteur de la comédie pourront restaurer le bon goût, mais craint que l'amour véritable ne suive pas les lois authentiques. Il conclut en notant que les manières aimables de l'auteur de la comédie semblent appartenir au système inconstant des modernes.
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8
p. 38-39
LE MIROIR. FABLE I.
Début :
On voyoit au milieu d'une place publique, [...]
Mots clefs :
Miroir, Esprit
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texteReconnaissance textuelle : LE MIROIR. FABLE I.
LE MIROIR.
FABLE I.
ON voyoit au milieu d'une place publique ,
J'ignore chez quel peuple , il n'importe en quel
tems
Un Miroir merveilleux & d'utile fabrique ,
Où fe peignoit par art le naturel des gens.
Tout le monde accouroit à ce tableau fidéle.
Une coquette approche : elle y voit traits pour
traits
Ses petits ſoins jaloux & fes penchans fecrets.
Ha !` c'eſt ma voifine , dit- elle ;
C'eft fon efprit tout pur , je la reconnois là .
Le joli Miroir que voilà !
Et combien je m'en vais humilier la belle !
Un petit-maître fuccéda
Et la glace ,auffi - tôt préſente pour image ,
Tout Forgueil renfermé dans l'efprit d'un faquin .
Parbleu , je fuis ravi qu'on ait peint mon coufin ,
Dit l'homme , & je voudrois qu'il pût devenir
¡fage
t
En prenant des confeils de ce Miroir malin ..
JUIN.
39 1755.
" Après lui vint un vieux vilain
D'une efpece tout-à- fait rare .
Il tire une lunette , & fe regarde bien ;"
Puis ricanant d'un air bizare ,
C'est mon frere , dit- il , ce vieux fou , cet avare
Qui fe feroit fouetter pour accroître fon bien.
J'aurois un vrai plaifir à montrer fa léſine , ✨
Et pairois de bon coeur cette glace divine ,
Si l'on me la donnoit pour rien.
Dès que fut retiré ce ladre octogénaire ,
D'autres vinrent encor confulter le Miroir ;
Et chacun d'eux y vit fon voifin , fon compere ,
Sa belle -foeur , ou fa commere ;
Mais aucun ne s'y voulut voir .
Où l'envie apperçoit les foibleffes des autres
L'amour propre eft habile à nous voiler les nôtres .
Tout homme eft médifant & vain .
C'est un bonheur pour la Satyre :
Ses dures vérités ne nous feroient pas rire ,
Si la préfomption dont nâquit le dédain ,
Entre leurs traits & nous ne mettoit le prochain .
L. A.
FABLE I.
ON voyoit au milieu d'une place publique ,
J'ignore chez quel peuple , il n'importe en quel
tems
Un Miroir merveilleux & d'utile fabrique ,
Où fe peignoit par art le naturel des gens.
Tout le monde accouroit à ce tableau fidéle.
Une coquette approche : elle y voit traits pour
traits
Ses petits ſoins jaloux & fes penchans fecrets.
Ha !` c'eſt ma voifine , dit- elle ;
C'eft fon efprit tout pur , je la reconnois là .
Le joli Miroir que voilà !
Et combien je m'en vais humilier la belle !
Un petit-maître fuccéda
Et la glace ,auffi - tôt préſente pour image ,
Tout Forgueil renfermé dans l'efprit d'un faquin .
Parbleu , je fuis ravi qu'on ait peint mon coufin ,
Dit l'homme , & je voudrois qu'il pût devenir
¡fage
t
En prenant des confeils de ce Miroir malin ..
JUIN.
39 1755.
" Après lui vint un vieux vilain
D'une efpece tout-à- fait rare .
Il tire une lunette , & fe regarde bien ;"
Puis ricanant d'un air bizare ,
C'est mon frere , dit- il , ce vieux fou , cet avare
Qui fe feroit fouetter pour accroître fon bien.
J'aurois un vrai plaifir à montrer fa léſine , ✨
Et pairois de bon coeur cette glace divine ,
Si l'on me la donnoit pour rien.
Dès que fut retiré ce ladre octogénaire ,
D'autres vinrent encor confulter le Miroir ;
Et chacun d'eux y vit fon voifin , fon compere ,
Sa belle -foeur , ou fa commere ;
Mais aucun ne s'y voulut voir .
Où l'envie apperçoit les foibleffes des autres
L'amour propre eft habile à nous voiler les nôtres .
Tout homme eft médifant & vain .
C'est un bonheur pour la Satyre :
Ses dures vérités ne nous feroient pas rire ,
Si la préfomption dont nâquit le dédain ,
Entre leurs traits & nous ne mettoit le prochain .
L. A.
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Résumé : LE MIROIR. FABLE I.
Le texte relate l'existence d'un miroir magique installé sur une place publique, capable de révéler les traits de caractère des individus qui s'y regardent. Plusieurs personnes s'approchent du miroir et y voient les défauts de leurs voisins ou proches, mais jamais les leurs. Une coquette y observe les soins jaloux de sa voisine, un petit-maître y voit l'orgueil de son cousin, et un vieux vilain y perçoit l'avarice de son frère. Aucun observateur ne reconnaît ses propres défauts, préférant voir ceux des autres. Le texte conclut que l'envie et l'amour-propre empêchent les gens de voir leurs propres faiblesses, permettant ainsi à la satire de prospérer en se moquant des défauts des autres.
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9
p. 39-42
LE MERLE. FABLE.
Début :
D'un bois fort écarté les divers habitans, [...]
Mots clefs :
Merle, Animaux, Homme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE MERLE. FABLE.
LE MERLE.
FABLE.
D'un bois fort écarté les divers habitans ,
Animaux , la plupart fauvages , malfaiſans ,
40 MERCURE DE FRANCE.
De l'homme ignoroient l'exiſtence.
Nos femblables jamais ne pénétrerent là.
Un Merle en un couvent élevé dès l'enfance ,
Parvint , en voyageant , jufques chez ces gens - là ,
Il étoit beau parleur , & fortoit d'une cage
Où Merle de tout tems apprit à s'énoncer
En jeune oiſeau dévot & fage.
'Son zéle dans ce bois eut de quoi s'exercer .
Eclairons , difoit-il , nos freres miférables ;
Tout Merle à ce devoir par état engagé ,
Sous l'heureux joug de l'homme inftruit , apprie
voifé ,
Plus éclairé , plus faint , doit prêcher fes ſemblables.
Un jour donc notre oiſeau fur un arbre perché ,
Harangua vivement les plus confidérables
D'entre ces animaux à fon gré fi coupables.
Nouveau, Miffionnaire , il fuoit en prêchant.
D'abord on ne comprit fon difcours qu'avec peine
Il parloit d'un Etre puiffant
Qu'il nommoit homme , ayant l'univers pour
domaine ,
Sçachant tout , & pouvant , s'ils ne s'apprivoi
foient ,
Détruire par le feu toute leur race entiere:
Ours , tigres , fangliers étoient là qui bailloient
Mais à ce dernier trait ils dreffent la criniere.
Le Merle profitant d'un inftant précieux ,"
JUIN.
1755 42
Pagite , entre en fureur , & déploye à leurs yeux .
Les grands traits de l'art oratoire .
Efchine en fes difcours montroit moins d'action
On dit qu'il arracha des pleurs à l'auditoire.
Dans le bois chacun fonge à ſa converfion ,
Et tremble d'encourir la vengeance de l'homme.
Sur ce nouveau Roi qu'on leur nomme ,
Au docteur Merle ils font cent queſtions.
L'homme eft , répondoit- il , doué par la nature
De toutes les perfections.
Il a donc une belle hure ,
*
Dit le porc en l'interrompant ?
Sans doute qu'il reçut des cornes en partage ,
Dit le boeuf ? ( celui- ci ne fe trompoit pas tant
Le tigre prétendoit qu'il devoit faire rage
Avec les griffes & fes dents ;
Et l'ours qu'entre ſes bras il étouffoit les gens.
Les foibles s'en formoient des images pareilles ,
Et penfoient le douer d'attributs affez beaux ;
Le cerfen lui donnant des jambes de fufeaux ,
Et l'âne de longues oreilles.
Tout ce qui nous reffemble eft parfait à nos yeux :
Ces animaux fe peignoient l'homme
Comme l'homme fe peint le fouverain des cieux .
Les Sages prétendus de la Gréce & de Rome ,
Au poids de leur orgueil ofoient pefer les Dieux
Le peuple groffiffant ces traits injurieux ,
Repréfentoit l'Etre fuprême
42 MERCURE.DE FRANCE.
Plus ridicule que lui - même.
* Il est bien des Chrétiens qui n'en jugeht pas
mieux.
L. A.
Ces deux Fables font l'échantillon , ou
l'annonce d'un recueil de plufieurs autres
que l'Auteur doit bientôt donner au Public .
Je crois qu'elles doivent le prévenir en ſa
faveur.
FABLE.
D'un bois fort écarté les divers habitans ,
Animaux , la plupart fauvages , malfaiſans ,
40 MERCURE DE FRANCE.
De l'homme ignoroient l'exiſtence.
Nos femblables jamais ne pénétrerent là.
Un Merle en un couvent élevé dès l'enfance ,
Parvint , en voyageant , jufques chez ces gens - là ,
Il étoit beau parleur , & fortoit d'une cage
Où Merle de tout tems apprit à s'énoncer
En jeune oiſeau dévot & fage.
'Son zéle dans ce bois eut de quoi s'exercer .
Eclairons , difoit-il , nos freres miférables ;
Tout Merle à ce devoir par état engagé ,
Sous l'heureux joug de l'homme inftruit , apprie
voifé ,
Plus éclairé , plus faint , doit prêcher fes ſemblables.
Un jour donc notre oiſeau fur un arbre perché ,
Harangua vivement les plus confidérables
D'entre ces animaux à fon gré fi coupables.
Nouveau, Miffionnaire , il fuoit en prêchant.
D'abord on ne comprit fon difcours qu'avec peine
Il parloit d'un Etre puiffant
Qu'il nommoit homme , ayant l'univers pour
domaine ,
Sçachant tout , & pouvant , s'ils ne s'apprivoi
foient ,
Détruire par le feu toute leur race entiere:
Ours , tigres , fangliers étoient là qui bailloient
Mais à ce dernier trait ils dreffent la criniere.
Le Merle profitant d'un inftant précieux ,"
JUIN.
1755 42
Pagite , entre en fureur , & déploye à leurs yeux .
Les grands traits de l'art oratoire .
Efchine en fes difcours montroit moins d'action
On dit qu'il arracha des pleurs à l'auditoire.
Dans le bois chacun fonge à ſa converfion ,
Et tremble d'encourir la vengeance de l'homme.
Sur ce nouveau Roi qu'on leur nomme ,
Au docteur Merle ils font cent queſtions.
L'homme eft , répondoit- il , doué par la nature
De toutes les perfections.
Il a donc une belle hure ,
*
Dit le porc en l'interrompant ?
Sans doute qu'il reçut des cornes en partage ,
Dit le boeuf ? ( celui- ci ne fe trompoit pas tant
Le tigre prétendoit qu'il devoit faire rage
Avec les griffes & fes dents ;
Et l'ours qu'entre ſes bras il étouffoit les gens.
Les foibles s'en formoient des images pareilles ,
Et penfoient le douer d'attributs affez beaux ;
Le cerfen lui donnant des jambes de fufeaux ,
Et l'âne de longues oreilles.
Tout ce qui nous reffemble eft parfait à nos yeux :
Ces animaux fe peignoient l'homme
Comme l'homme fe peint le fouverain des cieux .
Les Sages prétendus de la Gréce & de Rome ,
Au poids de leur orgueil ofoient pefer les Dieux
Le peuple groffiffant ces traits injurieux ,
Repréfentoit l'Etre fuprême
42 MERCURE.DE FRANCE.
Plus ridicule que lui - même.
* Il est bien des Chrétiens qui n'en jugeht pas
mieux.
L. A.
Ces deux Fables font l'échantillon , ou
l'annonce d'un recueil de plufieurs autres
que l'Auteur doit bientôt donner au Public .
Je crois qu'elles doivent le prévenir en ſa
faveur.
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Résumé : LE MERLE. FABLE.
La fable 'Le Merle' narre l'histoire d'un merle élevé dans un couvent, qui voyage jusqu'à un bois habité par des animaux sauvages ignorant l'existence humaine. Le merle, bon orateur, décide de prêcher aux animaux pour les éclairer sur la puissance de l'homme. Il décrit l'homme comme un être tout-puissant capable de détruire toute leur race s'ils ne s'apprivoisent pas. Les animaux, d'abord perplexes, finissent par s'alarmer et posent de nombreuses questions au merle. Chaque animal imagine l'homme selon ses propres caractéristiques : le porc le voit avec une belle hure, le bœuf avec des cornes, le tigre avec des griffes et des dents. La fable critique les sages de la Grèce et de Rome, ainsi que certains chrétiens, pour avoir jugé les dieux ou le souverain divin de manière orgueilleuse et ridicule. Elle met en lumière la tendance humaine à projeter ses propres traits sur des entités supérieures.
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10
p. 42-43
STANCES IRRÉGULIERES, A Miss L'été C....
Début :
Je vis Lété, mon coeur en fut épris ; [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour, Dieu, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : STANCES IRRÉGULIERES, A Miss L'été C....
STANCES IRRÉGULIERES ,
J
A Mifs Lété C ....
E vis Lété , mon coeur en fut épris ;
Elle parla , je l'aimai davantage ;
Du Dieu des arts elle avoit le langage
Et les traits ingénus de l'enfant de Cypris.
J'approche ; fon front fe colore ,
Son embarras augmente fa beauté ;
Je lui peins les tranfports de mon coeur agité ;
Je l'offenfai , Lété parut plus belle encore.
L'amour lui -même avec des fleurs
Entrelaçoit fa blonde chevelure ;
Charmes touchans , innocente parure ,
Qui flatte les regards & captive les coeurs !
T
JUI N. 17556 43
Un fard coupable enfant du crime ,
Ne ternit point la blancheur de fon teint ;
Si, fes yeux embrafent mon fein ,
C'est la pudeur qui les anime.
Amour des plus lointains climats ,
Tu l'amenas aux rives de la France ;
Minerve parmi nous a formé fon enfance :
Regne aujourd'hui fur fes appas.
Dieu de Paphos , Iphis t'implore ,
Peins à Lété les maux que je reffens
Sa beauté captive mes ſens ,
Et c'eft fon ame que j'adore .
Iphis , me répondit l'Amour ,
Lété craint les amans qui peuplent ces rivages ;
Préfomptueux , faux & yolages ,
Méritent-ils un doux retour ?
Dans les climats qu'illuftra fa naiffance ,
L'aftre brûlant des cieux tempere fes ardeurs :
Mais mon flambeau divin que foutient la conftance
Plus ardent qu'à Cythere y confume les coeurs,
Heureux Iphis , de ta patrie
Tu n'a point pris le goût pervers ;
Lété connoit les maux que ton coeur a ſoufferts ;
Tu peux tout efpérer , Lété s'eft attendrie.
* L'Irlande , pays froid,
J
A Mifs Lété C ....
E vis Lété , mon coeur en fut épris ;
Elle parla , je l'aimai davantage ;
Du Dieu des arts elle avoit le langage
Et les traits ingénus de l'enfant de Cypris.
J'approche ; fon front fe colore ,
Son embarras augmente fa beauté ;
Je lui peins les tranfports de mon coeur agité ;
Je l'offenfai , Lété parut plus belle encore.
L'amour lui -même avec des fleurs
Entrelaçoit fa blonde chevelure ;
Charmes touchans , innocente parure ,
Qui flatte les regards & captive les coeurs !
T
JUI N. 17556 43
Un fard coupable enfant du crime ,
Ne ternit point la blancheur de fon teint ;
Si, fes yeux embrafent mon fein ,
C'est la pudeur qui les anime.
Amour des plus lointains climats ,
Tu l'amenas aux rives de la France ;
Minerve parmi nous a formé fon enfance :
Regne aujourd'hui fur fes appas.
Dieu de Paphos , Iphis t'implore ,
Peins à Lété les maux que je reffens
Sa beauté captive mes ſens ,
Et c'eft fon ame que j'adore .
Iphis , me répondit l'Amour ,
Lété craint les amans qui peuplent ces rivages ;
Préfomptueux , faux & yolages ,
Méritent-ils un doux retour ?
Dans les climats qu'illuftra fa naiffance ,
L'aftre brûlant des cieux tempere fes ardeurs :
Mais mon flambeau divin que foutient la conftance
Plus ardent qu'à Cythere y confume les coeurs,
Heureux Iphis , de ta patrie
Tu n'a point pris le goût pervers ;
Lété connoit les maux que ton coeur a ſoufferts ;
Tu peux tout efpérer , Lété s'eft attendrie.
* L'Irlande , pays froid,
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Résumé : STANCES IRRÉGULIERES, A Miss L'été C....
Le poème 'Stances irrégulières' est dédié à Lété, une personne que le narrateur, Iphis, rencontre durant l'été. Iphis est captivé par la beauté de Lété, son langage divin et son innocence. Lors de leur rencontre, il observe que Lété rougit et semble embarrassée, ce qui ne fait que renforcer son attrait. Il décrit ses charmes naturels, comparant sa chevelure à des fleurs et soulignant sa pureté. Iphis admire Lété pour sa pudeur et son absence de maquillage artificiel. Il remercie l'Amour d'avoir amené Lété en France et implore le dieu de Paphos de peindre à Lété les maux qu'il ressent. Cependant, Lété craint les amants locaux, jugés présomptueux et volages. L'Amour rassure Iphis en lui disant que Lété connaît ses souffrances et qu'elle s'est attendrie. Le poème se termine par une référence à l'Irlande, pays froid.
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11
p. 44-46
PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES ROMAINS.
Début :
Son génie & vaste & fécond [...]
Mots clefs :
Pinceau, Peintres romains, Andrea Sacchi, Federico Barocci, Federico Zuccari, Taddeo Zuccari, Giulio Romano
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES ROMAINS.
PORTRAITS
DE CINQ FAMEUX PEINTRES
ROMAINS.
Jules Romain.
Son génie & vafte & fécond
On
Embraffe avec fuccès tout genre de peinture ;
Le feu qui fort de ſon crayon
Fait préférer au vrai l'innocente impofture.
* Quel goût féroce , & quel fublime accord
Il donne au coloffal , au bizarre , an terrible !
On fuit : & d'Encelade on redoute le fort ;
Jule autant que les Dieux rend leur courroux fen
fible.
Taddee Zucchero.
Le pinceau frais , moëlleux , qui diftingue Tadi
dée ,
De l'Italie anime & temples & palais.
Si la nature en lui paroît un peu fardée ,
Il fauve ce défaut par de magiques traits.
* On voit au Palais du T qui eft aux portes de
Mantoue, unfallon qui eft entierement peint par ce
maitre, c'en eft le chef-d'oeuvre. Les géans y
paroiſſent foudroyés parJupiter,
JUIN.
45 1755.
* En ce paiſible lieu nul fouci n'inquiete ;
Dans le fond de mon coeur je lis avec plaifir.
Par fes plus doux pavots Morphée ici m'arrête :
Je baille , & cependant je crains de m'endormir
Frederic Zucchero .
Les fruits de ton brillant pinceau
Décélent un génie auffi grand que facile.
Des fecrets de ton art tu traces le tableau ,
Dans un livre qui joint l'agréable à l'utile.
Où n'étends - tu pas tes fuccès ?
De vers dignes de lui Phébus te favoriſe.
Je vois la jaloufie exciter tes progrès ;
Le dépit la fuffoque , elle t'immortaliſe .
Frederic Baroche.
Le goût , le coloris , les graces elles- mêmes ,
Au char de cet artiſte enchaînent l'amateur.
Ce triomphe eft le fruit de mille ftratagêmes ;
On le fçait , on chérit d'autant plus fon vains
queur.
A l'aſpect des ſujets qu'il traite.
** La piété fe plaît en fon affection ;
* Au Château de Caprarolle , on remarque fur→
tout de Taddée deux chambres deftinées à la foli
tude , celle dufommeil , où il a représenté la nuis
avec fes attributs.
** Saint Philippe de Neri fut fi frappé d'une
Vifitation que ce maître avoit peinte à la Chiefa
anova , qu'il étoit continuellement à faireſa priere
46 MERCURE DE FRANCE.
Si le coeur corrompu cherche enfin la retraite ,
Baroche eft l'inftrument de fa converfion .
André Sacchi.
Ce Peintre refléchit fçavamment fur fon art ,
Il en a moins d'entouſiaſme .
Son pinceau frais , correct , ne fait rien au hazard ,
Fidele à la nature il craint peu le ſarcaſme . *
Quelle fage ordonnance éclate en fes tableaux !
Leur beau fini me plaît , leur vrai me perfuade.
Quelle union ! quel goût ! quels tons originaux !
Quoi ! le blanc * même à mes yeux fe dégrade !
dans cette Chapelle. C'est là fans doute que fon
coeur fe dilatant , lui caffa deux côtes.
* Il critiquoit avec trop de franchife les ouvrages
des plus habiles gens , ce qui lui fit beaucoup d'ennemis.
Ils peuvent fe venger , difoit-il, mes tableaux
font répandus par-tout.
** Ce n'est que pour le Peintre que le blanc eft
une couleur. Rien n'eft fi dificile que de la faire
fuir. Le Sacchi a vaincu ces difficultés dans le tableau
de S. Romua'de , qu'on voit à Rome dans l'Eglife
du même nom . Six figures de Camaldules
toutes vêtues de blanc y font des fujets d'admiration.
DE CINQ FAMEUX PEINTRES
ROMAINS.
Jules Romain.
Son génie & vafte & fécond
On
Embraffe avec fuccès tout genre de peinture ;
Le feu qui fort de ſon crayon
Fait préférer au vrai l'innocente impofture.
* Quel goût féroce , & quel fublime accord
Il donne au coloffal , au bizarre , an terrible !
On fuit : & d'Encelade on redoute le fort ;
Jule autant que les Dieux rend leur courroux fen
fible.
Taddee Zucchero.
Le pinceau frais , moëlleux , qui diftingue Tadi
dée ,
De l'Italie anime & temples & palais.
Si la nature en lui paroît un peu fardée ,
Il fauve ce défaut par de magiques traits.
* On voit au Palais du T qui eft aux portes de
Mantoue, unfallon qui eft entierement peint par ce
maitre, c'en eft le chef-d'oeuvre. Les géans y
paroiſſent foudroyés parJupiter,
JUIN.
45 1755.
* En ce paiſible lieu nul fouci n'inquiete ;
Dans le fond de mon coeur je lis avec plaifir.
Par fes plus doux pavots Morphée ici m'arrête :
Je baille , & cependant je crains de m'endormir
Frederic Zucchero .
Les fruits de ton brillant pinceau
Décélent un génie auffi grand que facile.
Des fecrets de ton art tu traces le tableau ,
Dans un livre qui joint l'agréable à l'utile.
Où n'étends - tu pas tes fuccès ?
De vers dignes de lui Phébus te favoriſe.
Je vois la jaloufie exciter tes progrès ;
Le dépit la fuffoque , elle t'immortaliſe .
Frederic Baroche.
Le goût , le coloris , les graces elles- mêmes ,
Au char de cet artiſte enchaînent l'amateur.
Ce triomphe eft le fruit de mille ftratagêmes ;
On le fçait , on chérit d'autant plus fon vains
queur.
A l'aſpect des ſujets qu'il traite.
** La piété fe plaît en fon affection ;
* Au Château de Caprarolle , on remarque fur→
tout de Taddée deux chambres deftinées à la foli
tude , celle dufommeil , où il a représenté la nuis
avec fes attributs.
** Saint Philippe de Neri fut fi frappé d'une
Vifitation que ce maître avoit peinte à la Chiefa
anova , qu'il étoit continuellement à faireſa priere
46 MERCURE DE FRANCE.
Si le coeur corrompu cherche enfin la retraite ,
Baroche eft l'inftrument de fa converfion .
André Sacchi.
Ce Peintre refléchit fçavamment fur fon art ,
Il en a moins d'entouſiaſme .
Son pinceau frais , correct , ne fait rien au hazard ,
Fidele à la nature il craint peu le ſarcaſme . *
Quelle fage ordonnance éclate en fes tableaux !
Leur beau fini me plaît , leur vrai me perfuade.
Quelle union ! quel goût ! quels tons originaux !
Quoi ! le blanc * même à mes yeux fe dégrade !
dans cette Chapelle. C'est là fans doute que fon
coeur fe dilatant , lui caffa deux côtes.
* Il critiquoit avec trop de franchife les ouvrages
des plus habiles gens , ce qui lui fit beaucoup d'ennemis.
Ils peuvent fe venger , difoit-il, mes tableaux
font répandus par-tout.
** Ce n'est que pour le Peintre que le blanc eft
une couleur. Rien n'eft fi dificile que de la faire
fuir. Le Sacchi a vaincu ces difficultés dans le tableau
de S. Romua'de , qu'on voit à Rome dans l'Eglife
du même nom . Six figures de Camaldules
toutes vêtues de blanc y font des fujets d'admiration.
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Résumé : PORTRAITS DE CINQ FAMEUX PEINTRES ROMAINS.
Le texte présente des portraits de cinq peintres romains : Jules Romain, Taddeo Zucchero, Frédéric Zucchero, Frédéric Baroche et André Sacchi. Jules Romain est un artiste polyvalent et puissant, capable de rendre des sujets terrifiants, comme Encelade, aussi redoutables que les dieux. Taddeo Zucchero est reconnu pour son pinceau frais et moelleux, animant les temples et palais d'Italie. Son chef-d'œuvre au Palais du T près de Mantoue montre des géants foudroyés par Jupiter. Frédéric Zucchero est loué pour son pinceau brillant et son livre combinant l'agréable à l'utile. Frédéric Baroche est apprécié pour son goût, son coloris et ses grâces, et sa piété est mise en avant par une peinture de la Visitation à la Chiesa Nuova. André Sacchi est un peintre réfléchi et correct, fidèle à la nature, avec des tableaux à l'ordonnance sage et des tons originaux. Son tableau de Saint Romain à Rome est particulièrement admiré.
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12
p. 47-52
LE GENIE DU MANS. Songe de Madame la Comtesse de ... à Mme de ....
Début :
Dans un de ces momens qui suivent une gaité bruyante où l'esprit, laissé [...]
Mots clefs :
Philosophie, Littérature, Esprit, Songe, Académie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE GENIE DU MANS. Songe de Madame la Comtesse de ... à Mme de ....
LE GENIE DU MANS.
Songe de Madame la Com effe de ...
à Mme de :
典
Ans un de ces momens qui fuivent
gaire bruyante
>
à lui-même , retourne fans effort à une aimable
philofophie , je me délaffois par des
réflexions qu'un leger fommeil vint interrompre
, je me trouvai tranfportée dans
une affemblée de Génies de nos différentes
provinces ; les progrès de la littérature devoient
être l'objet de leurs délibérations.
Je vis une collection énorme de ces ouvrages
renouvellés de Seneque , de ces
petits riens produits par les accès du bel
efprit , que la fatuité encenfe , & où cette
efpéce d'automates qu'on nomme petitsmaîtres
puife fes gentilleffes,
I Je revois à cela lorfque le Génie du
Mans m'aborda : vous gémiffez , me dit
il , fur la décadence de la littérature , & fur
ces fottifes qui deshonorent la raifon fran
çoife , n'en foyez pas furprife , la frivolité
fait le caractere de cette nation , elle a
penfé dans le fiécle dernier , & comme
elle ne peut foutenir un bon fens uniforme
MERCURE DE FRANCE.
& fuivi , elle fe dédommage aujourd'hui
de ce pénible effort par un jargon éblouiffant
> auquel une faftueufe obfcurité
donne un air de philofophie . Voilà les productions
des auteurs petits-maîtres ; mais
le public les examine , les juge , & venge
le bon fens l'impreffion eft le tombeau
de plufieurs de ces ouvrages , ils circuloient
d'abord dans des mains amies ; mais
fi la cenfure des fots eft fans conféquence ,
leur louange ne l'eft pas moins , & quoique
le faux bel efprit les ait deſtinés à inftruire
la poftérité , le bon goût décide qu'ils ne
parviendront jamais à leur adreffe.
Ces manieres d'auteurs font les ombres
d'un tableau , où ils contraſtent avec un
petit nombre de héros littéraires , qui
penfant fortement feront furement paſſer
le véritable efprit jufqu'aux derniers âges ,
& prouveront que la France , comme la
Grece , a fes époques de raifon & de bon
goût. La multiplication de ces grands hommes
eft le but des Académies , & c'eft un
des grands intérêts d'une nation qui prétend
à la fupériorité des talens qu'elle ne
peut plus conferver que par la fublimité
de fes efforts , car les littérateurs étrangers
font depuis quelque tems , à l'égard
des François , comme les Grands d'Efpagne
qui , avant Philippe V , luttoient contre
JUIN. 1755
49
tre le Souverain. Ainfi ces fociétés doivent
exciter le zéle de leurs membres
pour un nouveau genre de patriotifme , &
s'efforcer d'illuftrer la France par la gloire
des talens. Je me rappelle ici avec chagrin
l'inaction de la ville du Mans , dont l'efprit
naturellement délicat & philofophe ,
pourroit orner avec diftinction les Lettres
Françoiſes.
J'interrompis ici le Génie : vous jugez
bien favorablement , lui dis - je , des Académies
où fouvent la prétention fans
titre & l'audace protégée ufurpent des places
deftinées au mérite. On y trouve auffi
de ces hommes ordinaires qui , puérilement
exacts , briguent avec empreflement le titre,
de puriftes ; leurs productions font moins
des recueils de penfées que des répertoires
de mots françois . Je me rappelle fouvent cet
Académicien qui employa neuf ans à ôter
les car , les fi , les mais d'un ouvrage ; il
en eft encore qui n'ont pas des оссира-
tions moins frivoles : voilà ce qui forme
le grotefque du tableau de la littérature.
Mais les Académies n'en font pas moins
les fanctuaires du goût ; on y voit plufieurs
de ces hommes qui fçavent apprécier &
appliquer les talens , peindre le vrai avec
toutes les nuances de la fageffe , de la
décence & de la délicateffe : ce font des
1. Vol.
C
50
MERCURE DE FRANCE.
Sénats auguftes , dont l'autorité refpectée
par les littérateurs , réprime l'impétuofité
de leur efprit républicain , fans l'afervir
ni l'énerver.
9
J'approuvois
affez comme Vous
voyez , l'établiffement
d'une Académie
dans ma patrie , & j'attendois de plus
amples inftructions fur cet objet de la part
de notre Génie ; mais m'étant éveillée
comme je me difpofois à l'écouter attentivement
, je vis mes efpérances fe diffiper :
j'efpere cependant qu'une feconde rêverie
fatisfera votre empreffement
& le mien ;
faute de mieux , je vais vous entretenir de
mes propres réflexions.
La littérature du Mans fera d'abord femblable
à une prude févere jufqu'à l'excès
dans fes parures parures ,, enforte qu'elle imitera
la trifteffe des meurs de cette ville ; mais
je vous promers qu'une décente imagination
égayera bientôt fa mifantropie par
d'heureux caprices ; notre fexe n'y contribuera
pas peuil eft vrai que les Da
mes , dans l'efprit d'un ' philofophe atrabilaire
, font feulement de jolis automa-"
tes ; s'il s'abaiffe jufquà fourire à nosi
appas , il admire des miniatures qu'il ne
peut fenfément eftimer. Quorque nous
ayons donné plus d'une preuve de notre
capacité , l'injustice de fon jugement fub
AAA 0
JUIN . 1755. St
1
:
fifte toujours ; mais auffi eft- elle fans conféquence
? le bon fens n'eſt d'aucun fexe.
J'efpere que nous formerons un parti
dans l'empire littéraire que de révolutions
en conféquence dans les manieres de
penfer car nous connoiffons le fentiment
, ainfi nous n'imiterons pas ces aureurs
qui , par une froide analyſe de ſes
motifs , le perfuadent fans l'exciter ; nous
ferons donc furement fenfation , & nos
nouvelles idées auront leurs partifans . La
poëfie , fufceptible d'un vif coloris , les embellira
; & quoiqu'elle n'en puiffe faifir
exactement toutes les nuances fans perdre
de fa chaleur , une peinture délicate de
leurs traits les plus frappans leur donnera
un grand intérêt , fans avoir recours à ces
images trop licencieufes que la décence abhorre
, & qui prouvent que la littérature
a fes cyniques , auffi bien que les moeurs .
La poëfie nous conduira à cette douce
mélancolie de la philofophie qui forme
des fyftêmes fur les débris des autres . Je
projette de former alors des corps humains
avec des fylphes : c'en eft fait des Monades
de Leibnitz , & des tubules d'Amilec
; ce roman de la nature fera un épifode
agréable dans la phyfique pour dif
traire l'efprit humain fur la féchereffe de
la vérité ; c'eft là le pis aller , car il fe
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
pourroit faire qu'une femme à ſyſtême eût
deviné la nature. Voilà toutes les licences
de ma philofophie , fa partie morale honorera
l'humanité : quoique j'aie defſein de
faire tous mes efforts pour lui donner ces
graces touchantes qui intéreffent le coeur ,
elles feront toujours modeftes , fes charmes
n'en détruiront pas l'exactitude ; fimple
& parée par le feul fentiment , elle
formera l'homme vertueux & aimable .
Voilà , Madame , un effai de mes caprices
littéraires je l'aurois terminé par des
portraits dont l'efprit fupérieur de notre
illuftre Evêque & les talens de plufieurs
de nos compatriotes auroient fourni
les détails ; mais je me fouviens que
la vérité même vous ennuie lorfqu'elle a
l'air du panégirique ; j'efpere les couronner
cependant par les mains de la poëfie,
Je fuis , Madame , &c.
Songe de Madame la Com effe de ...
à Mme de :
典
Ans un de ces momens qui fuivent
gaire bruyante
>
à lui-même , retourne fans effort à une aimable
philofophie , je me délaffois par des
réflexions qu'un leger fommeil vint interrompre
, je me trouvai tranfportée dans
une affemblée de Génies de nos différentes
provinces ; les progrès de la littérature devoient
être l'objet de leurs délibérations.
Je vis une collection énorme de ces ouvrages
renouvellés de Seneque , de ces
petits riens produits par les accès du bel
efprit , que la fatuité encenfe , & où cette
efpéce d'automates qu'on nomme petitsmaîtres
puife fes gentilleffes,
I Je revois à cela lorfque le Génie du
Mans m'aborda : vous gémiffez , me dit
il , fur la décadence de la littérature , & fur
ces fottifes qui deshonorent la raifon fran
çoife , n'en foyez pas furprife , la frivolité
fait le caractere de cette nation , elle a
penfé dans le fiécle dernier , & comme
elle ne peut foutenir un bon fens uniforme
MERCURE DE FRANCE.
& fuivi , elle fe dédommage aujourd'hui
de ce pénible effort par un jargon éblouiffant
> auquel une faftueufe obfcurité
donne un air de philofophie . Voilà les productions
des auteurs petits-maîtres ; mais
le public les examine , les juge , & venge
le bon fens l'impreffion eft le tombeau
de plufieurs de ces ouvrages , ils circuloient
d'abord dans des mains amies ; mais
fi la cenfure des fots eft fans conféquence ,
leur louange ne l'eft pas moins , & quoique
le faux bel efprit les ait deſtinés à inftruire
la poftérité , le bon goût décide qu'ils ne
parviendront jamais à leur adreffe.
Ces manieres d'auteurs font les ombres
d'un tableau , où ils contraſtent avec un
petit nombre de héros littéraires , qui
penfant fortement feront furement paſſer
le véritable efprit jufqu'aux derniers âges ,
& prouveront que la France , comme la
Grece , a fes époques de raifon & de bon
goût. La multiplication de ces grands hommes
eft le but des Académies , & c'eft un
des grands intérêts d'une nation qui prétend
à la fupériorité des talens qu'elle ne
peut plus conferver que par la fublimité
de fes efforts , car les littérateurs étrangers
font depuis quelque tems , à l'égard
des François , comme les Grands d'Efpagne
qui , avant Philippe V , luttoient contre
JUIN. 1755
49
tre le Souverain. Ainfi ces fociétés doivent
exciter le zéle de leurs membres
pour un nouveau genre de patriotifme , &
s'efforcer d'illuftrer la France par la gloire
des talens. Je me rappelle ici avec chagrin
l'inaction de la ville du Mans , dont l'efprit
naturellement délicat & philofophe ,
pourroit orner avec diftinction les Lettres
Françoiſes.
J'interrompis ici le Génie : vous jugez
bien favorablement , lui dis - je , des Académies
où fouvent la prétention fans
titre & l'audace protégée ufurpent des places
deftinées au mérite. On y trouve auffi
de ces hommes ordinaires qui , puérilement
exacts , briguent avec empreflement le titre,
de puriftes ; leurs productions font moins
des recueils de penfées que des répertoires
de mots françois . Je me rappelle fouvent cet
Académicien qui employa neuf ans à ôter
les car , les fi , les mais d'un ouvrage ; il
en eft encore qui n'ont pas des оссира-
tions moins frivoles : voilà ce qui forme
le grotefque du tableau de la littérature.
Mais les Académies n'en font pas moins
les fanctuaires du goût ; on y voit plufieurs
de ces hommes qui fçavent apprécier &
appliquer les talens , peindre le vrai avec
toutes les nuances de la fageffe , de la
décence & de la délicateffe : ce font des
1. Vol.
C
50
MERCURE DE FRANCE.
Sénats auguftes , dont l'autorité refpectée
par les littérateurs , réprime l'impétuofité
de leur efprit républicain , fans l'afervir
ni l'énerver.
9
J'approuvois
affez comme Vous
voyez , l'établiffement
d'une Académie
dans ma patrie , & j'attendois de plus
amples inftructions fur cet objet de la part
de notre Génie ; mais m'étant éveillée
comme je me difpofois à l'écouter attentivement
, je vis mes efpérances fe diffiper :
j'efpere cependant qu'une feconde rêverie
fatisfera votre empreffement
& le mien ;
faute de mieux , je vais vous entretenir de
mes propres réflexions.
La littérature du Mans fera d'abord femblable
à une prude févere jufqu'à l'excès
dans fes parures parures ,, enforte qu'elle imitera
la trifteffe des meurs de cette ville ; mais
je vous promers qu'une décente imagination
égayera bientôt fa mifantropie par
d'heureux caprices ; notre fexe n'y contribuera
pas peuil eft vrai que les Da
mes , dans l'efprit d'un ' philofophe atrabilaire
, font feulement de jolis automa-"
tes ; s'il s'abaiffe jufquà fourire à nosi
appas , il admire des miniatures qu'il ne
peut fenfément eftimer. Quorque nous
ayons donné plus d'une preuve de notre
capacité , l'injustice de fon jugement fub
AAA 0
JUIN . 1755. St
1
:
fifte toujours ; mais auffi eft- elle fans conféquence
? le bon fens n'eſt d'aucun fexe.
J'efpere que nous formerons un parti
dans l'empire littéraire que de révolutions
en conféquence dans les manieres de
penfer car nous connoiffons le fentiment
, ainfi nous n'imiterons pas ces aureurs
qui , par une froide analyſe de ſes
motifs , le perfuadent fans l'exciter ; nous
ferons donc furement fenfation , & nos
nouvelles idées auront leurs partifans . La
poëfie , fufceptible d'un vif coloris , les embellira
; & quoiqu'elle n'en puiffe faifir
exactement toutes les nuances fans perdre
de fa chaleur , une peinture délicate de
leurs traits les plus frappans leur donnera
un grand intérêt , fans avoir recours à ces
images trop licencieufes que la décence abhorre
, & qui prouvent que la littérature
a fes cyniques , auffi bien que les moeurs .
La poëfie nous conduira à cette douce
mélancolie de la philofophie qui forme
des fyftêmes fur les débris des autres . Je
projette de former alors des corps humains
avec des fylphes : c'en eft fait des Monades
de Leibnitz , & des tubules d'Amilec
; ce roman de la nature fera un épifode
agréable dans la phyfique pour dif
traire l'efprit humain fur la féchereffe de
la vérité ; c'eft là le pis aller , car il fe
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
pourroit faire qu'une femme à ſyſtême eût
deviné la nature. Voilà toutes les licences
de ma philofophie , fa partie morale honorera
l'humanité : quoique j'aie defſein de
faire tous mes efforts pour lui donner ces
graces touchantes qui intéreffent le coeur ,
elles feront toujours modeftes , fes charmes
n'en détruiront pas l'exactitude ; fimple
& parée par le feul fentiment , elle
formera l'homme vertueux & aimable .
Voilà , Madame , un effai de mes caprices
littéraires je l'aurois terminé par des
portraits dont l'efprit fupérieur de notre
illuftre Evêque & les talens de plufieurs
de nos compatriotes auroient fourni
les détails ; mais je me fouviens que
la vérité même vous ennuie lorfqu'elle a
l'air du panégirique ; j'efpere les couronner
cependant par les mains de la poëfie,
Je fuis , Madame , &c.
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Résumé : LE GENIE DU MANS. Songe de Madame la Comtesse de ... à Mme de ....
Dans un rêve, l'auteure se retrouve parmi des génies représentant diverses provinces françaises, discutant des progrès de la littérature. Elle observe une variété d'ouvrages, allant des écrits sérieux de Sénèque aux productions frivoles des petits-maîtres. Le Génie du Mans l'aborde pour lui parler de la décadence de la littérature française, marquée par la frivolité et un jargon philosophique obscur. Il souligne que le public rejette ces œuvres superficielles, laissant place à de véritables talents littéraires. L'auteure interrompt le Génie pour critiquer les Académies, souvent corrompues par la prétention et l'audace, mais reconnaissant leur rôle de sanctuaires du goût. Elle approuve l'idée d'une Académie au Mans, espérant qu'elle stimulera les talents locaux. Le rêve s'interrompt, mais l'auteure exprime son espoir de voir la littérature du Mans s'épanouir, combinant prudence et imagination. Elle projette de créer une littérature qui respecte le sentiment et la décence, évitant les excès et les analyses froides. La poésie jouera un rôle central, embellissant les idées nouvelles avec délicatesse et mélancolie philosophique. L'auteure conclut en espérant contribuer à l'empire littéraire par des œuvres honnêtes et touchantes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 53-58
A. S. A. S. Mgr. le Comte de Clermont, protecteur de la Société littéraire de Chaalons-sur-Marne. ODE. Lue dans une séance particuliere de cette Société.
Début :
Chastes filles de l'harmonie, [...]
Mots clefs :
Société littéraire de Châlons-sur-Marne, Roi, Victoire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A. S. A. S. Mgr. le Comte de Clermont, protecteur de la Société littéraire de Chaalons-sur-Marne. ODE. Lue dans une séance particuliere de cette Société.
A. S. A. S. Mgr. le Comte de
Clermont , protecteur de la Société
littéraire de Chaalons -fur- Marne.
ODE
Lue dans une feance particuliere de cette
Société.
O Melibae Deus nobis hec otia fecit!
CHaftes
Virg. Eglog. I.
Haftes filles de l'harmonie ,
Meres des fublimes talens ,
Muſes , échauffez mon génie ,
Soutenez mes pas chancelans ;
Tranſporté d'une noble audace ,
J'ofe aujourd'hui fur le Parnaffe
Faire entendre de nouveaux fons ;
Penetres-moi , Dieu de la lyre ,
De ce poëtique délire
Qu'éprouvent tes vrais nourriffons.
C'est toi qui , fous le nom illuftre
D'un Prince , objet de notre amour ,
Viens de donner le plus beau luftre
Aux lieux où j'ai recu le jour ;
Sous les plus auguſtes aufpices ,
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Oui , deformais tes feux propices
Vont enflammer tous nos efprits ;
Et les lauriers fleuris du Pinde ,
Aux pampres du vainqueur de l'Inde
Vont ajouter un nouveau prix .
Rangs , honneurs , dignités frivoles ,
Tous vos titres font fuperfus ,
Vous êtes de vaines idoles ,
Pour qui l'encens ne fume plus :
Le talent ici s'apprécie ,
Le mérite feul affocie
Autant d'amis que de rivaux ;
Si dans l'ardeur qui les tranfporte
Quelqu'un fe diftingue & l'emporte ,
fes travaux.
Ce n'eft plus que par
O gloire , quelle eft ta puiffance
Sur les coeurs & fur les efprits !
Les arts te doivent leur naiſſance,
Et Bellone fes favoris :
Ton fouffle porte dans nos ames
Ce feu divin , ces vives flammes
Qu'Horace en lui fentoit brûler :
Aujourd'hui tout ici préfage
Qu'avec notre fang d'âge en âge
L'amour des arts va circuler .
Ils naiffent ces hommes utiles ,
Pour qui l'hiftoire a des appas ;
SK
JUIN 1755 . 55
Déja fous leurs plumes fertiles
Revivent d'illuftres prélats * ;
Bientôt , fages dépofitaires ,
Ils nous tranfmettront des myfteres
Qu'il nous eft honteux d'ignorer ;
Et nous verrons dans leur ouvrage ,
Des vertus le fare affemblage ,
Qu'en lui Choifeul ** fait admirer.
Déja l'exacte anatomie ,
L'oeil appliqué fur notre corps ,
De fon admirable harmonie
Nous découvre tous les refforts ;
A jamais , fcience divine ,
Tu feras de la Médecine
La régle fûre & le flambeau ;
Et fi tu ne lui fers de guide ,
C'eft fouvent un art homicide
Qui nous précipite au tombeau.
Ceffez , mortels , ceffez vos plaintes ,
Vous ne fouffrirez pas toujours ,
Les Parques fe verront contraintes
A vous filer de plus longs jours ;
De la Chymie infatigable ,
L'art merveilleux & fecourable
Un des Membres de cette Société travaille à
P'hiftoire des Evêques de Chaalons.
** M. de Choiseul actuellement Evêque de
'Chaalons.
C iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
Bientôt adoucira vos maux >
Et rétablira votre force
Par l'alliance ou le divorce
Et des plantes & des métaux.
Raffûrez - vous , veuves , pupiles ,
Vos droits feront mieux affermis
Vous trouverez de fûrs aſyles
Dans les Tribunaux de Thémis :
L'étude , la faine éloquence
En s'armant pour votre défenſe
Feront briller la vérité ;
Nouveaux peres de la patrie ,
Vos Juges , comme Barberie * ,
Feront triompher l'équité.
>
Du regne heureux de ton Augufte
Rome , ceffe de te vanter ;
Sous un Roi plus grand & plus jufte
La France a droit de l'emporter ;
L'ami d'Horace & de Virgile
Fut un Romain prefque inutile ,
Trop renfermé dans le repos :
Digne du fang qui l'a fait naître ,
En lui Clermont nous fait connoître
Et le Mécene & le héros.
Je vois ce guerrier intrépide ,
* M. de Barberie de Saint- Contest de la Chataigneraye
, actuellement Intendant de Champagne.
JÚ IN. 57
1755.
A la tête de nos foldats ,
Braver dans fa courſe rapide
Et les frayeurs & le trépas.
C'eft vainement , lion belgique ,
Que d'un fort prochain & tragique
Tu veux reculer les momens ;
A fa gloire Clermont ſenſible ,
Va bientôt de fon bras terrible
Etouffer tes rugiffemens.
Déja notre héros s'avance :
Quels bruits , quels cris , quelles terreurs !
L'affreufe mort qui le devance ,
Imprime par-tout fes horreurs ;
Namur écrasé fous fa foudre ,
Anvers prêt à tomber en poudre ,
Sont pour lui de trop foibles coups :
Il n'eft point de borne à fa gloire ,
Une plus brillante victoire
L'attend à Lawfeld * , à Raucoux **,
* Village des Pays- bas remarquable par la victoire
que le Roi remporta fur les Alliés le 2 Juillet
1747.
** Nom de lieu près de Liége , célebre par la victoire
complette que le Roi remportafur l'armée combinée
des Anglois , Autrichiens & Hollandois , le
11 Octobre 1746.
Mgr le Comte de Clermont donna dans ces deux
batailles des marques fingulieres de fſon intrépidité
& defa valeur.
Cv
58 MERCURE
DE FRANCE
.
Ceffez , Mufe trop indifcrete ;
Pourquoi rappeller la douleur
Qu'une pitié tendre & fecrete
Portoit jufqu'au fond de fon coeur ?
Ce Prince , au milieu des alarmes ,
Sur les vaincus verfoit des larmes ,
Il n'en paroîtra que plus grand ;
Louis , l'univers contemple
, que
Et Clermont nous font un exemple
Qu'on peut être homme & conquerant.
Par M. Meunier , ' Avocat en Par
lement , & membre de la Société
littéraire de Châlons -fur- Marne.
Clermont , protecteur de la Société
littéraire de Chaalons -fur- Marne.
ODE
Lue dans une feance particuliere de cette
Société.
O Melibae Deus nobis hec otia fecit!
CHaftes
Virg. Eglog. I.
Haftes filles de l'harmonie ,
Meres des fublimes talens ,
Muſes , échauffez mon génie ,
Soutenez mes pas chancelans ;
Tranſporté d'une noble audace ,
J'ofe aujourd'hui fur le Parnaffe
Faire entendre de nouveaux fons ;
Penetres-moi , Dieu de la lyre ,
De ce poëtique délire
Qu'éprouvent tes vrais nourriffons.
C'est toi qui , fous le nom illuftre
D'un Prince , objet de notre amour ,
Viens de donner le plus beau luftre
Aux lieux où j'ai recu le jour ;
Sous les plus auguſtes aufpices ,
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Oui , deformais tes feux propices
Vont enflammer tous nos efprits ;
Et les lauriers fleuris du Pinde ,
Aux pampres du vainqueur de l'Inde
Vont ajouter un nouveau prix .
Rangs , honneurs , dignités frivoles ,
Tous vos titres font fuperfus ,
Vous êtes de vaines idoles ,
Pour qui l'encens ne fume plus :
Le talent ici s'apprécie ,
Le mérite feul affocie
Autant d'amis que de rivaux ;
Si dans l'ardeur qui les tranfporte
Quelqu'un fe diftingue & l'emporte ,
fes travaux.
Ce n'eft plus que par
O gloire , quelle eft ta puiffance
Sur les coeurs & fur les efprits !
Les arts te doivent leur naiſſance,
Et Bellone fes favoris :
Ton fouffle porte dans nos ames
Ce feu divin , ces vives flammes
Qu'Horace en lui fentoit brûler :
Aujourd'hui tout ici préfage
Qu'avec notre fang d'âge en âge
L'amour des arts va circuler .
Ils naiffent ces hommes utiles ,
Pour qui l'hiftoire a des appas ;
SK
JUIN 1755 . 55
Déja fous leurs plumes fertiles
Revivent d'illuftres prélats * ;
Bientôt , fages dépofitaires ,
Ils nous tranfmettront des myfteres
Qu'il nous eft honteux d'ignorer ;
Et nous verrons dans leur ouvrage ,
Des vertus le fare affemblage ,
Qu'en lui Choifeul ** fait admirer.
Déja l'exacte anatomie ,
L'oeil appliqué fur notre corps ,
De fon admirable harmonie
Nous découvre tous les refforts ;
A jamais , fcience divine ,
Tu feras de la Médecine
La régle fûre & le flambeau ;
Et fi tu ne lui fers de guide ,
C'eft fouvent un art homicide
Qui nous précipite au tombeau.
Ceffez , mortels , ceffez vos plaintes ,
Vous ne fouffrirez pas toujours ,
Les Parques fe verront contraintes
A vous filer de plus longs jours ;
De la Chymie infatigable ,
L'art merveilleux & fecourable
Un des Membres de cette Société travaille à
P'hiftoire des Evêques de Chaalons.
** M. de Choiseul actuellement Evêque de
'Chaalons.
C iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
Bientôt adoucira vos maux >
Et rétablira votre force
Par l'alliance ou le divorce
Et des plantes & des métaux.
Raffûrez - vous , veuves , pupiles ,
Vos droits feront mieux affermis
Vous trouverez de fûrs aſyles
Dans les Tribunaux de Thémis :
L'étude , la faine éloquence
En s'armant pour votre défenſe
Feront briller la vérité ;
Nouveaux peres de la patrie ,
Vos Juges , comme Barberie * ,
Feront triompher l'équité.
>
Du regne heureux de ton Augufte
Rome , ceffe de te vanter ;
Sous un Roi plus grand & plus jufte
La France a droit de l'emporter ;
L'ami d'Horace & de Virgile
Fut un Romain prefque inutile ,
Trop renfermé dans le repos :
Digne du fang qui l'a fait naître ,
En lui Clermont nous fait connoître
Et le Mécene & le héros.
Je vois ce guerrier intrépide ,
* M. de Barberie de Saint- Contest de la Chataigneraye
, actuellement Intendant de Champagne.
JÚ IN. 57
1755.
A la tête de nos foldats ,
Braver dans fa courſe rapide
Et les frayeurs & le trépas.
C'eft vainement , lion belgique ,
Que d'un fort prochain & tragique
Tu veux reculer les momens ;
A fa gloire Clermont ſenſible ,
Va bientôt de fon bras terrible
Etouffer tes rugiffemens.
Déja notre héros s'avance :
Quels bruits , quels cris , quelles terreurs !
L'affreufe mort qui le devance ,
Imprime par-tout fes horreurs ;
Namur écrasé fous fa foudre ,
Anvers prêt à tomber en poudre ,
Sont pour lui de trop foibles coups :
Il n'eft point de borne à fa gloire ,
Une plus brillante victoire
L'attend à Lawfeld * , à Raucoux **,
* Village des Pays- bas remarquable par la victoire
que le Roi remporta fur les Alliés le 2 Juillet
1747.
** Nom de lieu près de Liége , célebre par la victoire
complette que le Roi remportafur l'armée combinée
des Anglois , Autrichiens & Hollandois , le
11 Octobre 1746.
Mgr le Comte de Clermont donna dans ces deux
batailles des marques fingulieres de fſon intrépidité
& defa valeur.
Cv
58 MERCURE
DE FRANCE
.
Ceffez , Mufe trop indifcrete ;
Pourquoi rappeller la douleur
Qu'une pitié tendre & fecrete
Portoit jufqu'au fond de fon coeur ?
Ce Prince , au milieu des alarmes ,
Sur les vaincus verfoit des larmes ,
Il n'en paroîtra que plus grand ;
Louis , l'univers contemple
, que
Et Clermont nous font un exemple
Qu'on peut être homme & conquerant.
Par M. Meunier , ' Avocat en Par
lement , & membre de la Société
littéraire de Châlons -fur- Marne.
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Résumé : A. S. A. S. Mgr. le Comte de Clermont, protecteur de la Société littéraire de Chaalons-sur-Marne. ODE. Lue dans une séance particuliere de cette Société.
Lors d'une séance particulière de la Société littéraire de Châlons-sur-Marne, sous la protection de Mgr le Comte de Clermont, une ode a été lue. L'auteur invoque les Muses pour inspirer son génie et exprime sa gratitude envers un prince illustre qui a apporté un grand lustre à la région. Il célèbre le talent et le mérite, soulignant que les arts et les lettres sont valorisés au sein de cette société. L'ode mentionne les contributions des membres de la société dans divers domaines tels que l'histoire, la médecine et le droit. Elle rend hommage au Comte de Clermont pour ses exploits militaires, notamment lors des batailles de Lawfeld et de Raucoux. Le texte se termine par une réflexion sur la grandeur et la pitié du prince, illustrant qu'il est possible de combiner humanité et conquêtes militaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 59-60
A M. le Comte d'Argenson, Ministre & Secrétaire d'Etat. BOUQUET.
Début :
AH ! que facilement, en marchant sur tes pas, [...]
Mots clefs :
Fleurs, Grâces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. le Comte d'Argenson, Ministre & Secrétaire d'Etat. BOUQUET.
1 M. le Comte d'Argenſon , Miniftre
& Secrétaire d'Etat.
BOUQUET.
AH ! que facilement , en marchant fur tes pas ,
On fait de chaque jour autant de jours de fêtes !
J'y vois mille fleurs toujours prêtes ;
Eh ! comment n'en auroit - on pas ?
Tout prend , entre tes mains , les agrémens de
Flore ;
Affable , fans foibleffe , & noble fans orgueil ;
D'un fimple gefte , d'un coup d'oeil ,
D'un feul mot tu les fais éclore .
Avec quelle bonté l'on te voit accueillir
Ceux qui vont implorer le pouvoir falutaire
Dont le meilleur des Rois t'a fait dépofitaire !
Que j'aime , en ces inftans , à te voir recueillir
Du public empreffé l'hommage volontaire ,
Pour les fleurs que tu fais cueillir !
Faut-il faire agir la ſcience
Qui des états régle le fort ?
Tu couvres de fleurs le reffort
D'une fublime intelligence ;
Lors même qu'elle prend l'eflor ,
Tu n'as du courtifan que les graces légeres ;
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Et fous ces graces étrangeres ,
D'un efprit créateur tu caches le tréfor.
Daignes-tu redefcendre à des chofes moins grandes
?
Dans ta fociété que de charmes vainqueurs !
Nouveaux traits , nouvelles guirlandes ,
Pour orner tes difcours , & pour lier les coeurs.
Que dirai-je de plus pour tracer ton hiſtoire
Sur-tout ce que tu fais les Filles de mémoire
De leur brillant vernis impriment les couleurs ;
Et d'Argenfon vole à la gloire.
Par un chemin femé de fleurs.
& Secrétaire d'Etat.
BOUQUET.
AH ! que facilement , en marchant fur tes pas ,
On fait de chaque jour autant de jours de fêtes !
J'y vois mille fleurs toujours prêtes ;
Eh ! comment n'en auroit - on pas ?
Tout prend , entre tes mains , les agrémens de
Flore ;
Affable , fans foibleffe , & noble fans orgueil ;
D'un fimple gefte , d'un coup d'oeil ,
D'un feul mot tu les fais éclore .
Avec quelle bonté l'on te voit accueillir
Ceux qui vont implorer le pouvoir falutaire
Dont le meilleur des Rois t'a fait dépofitaire !
Que j'aime , en ces inftans , à te voir recueillir
Du public empreffé l'hommage volontaire ,
Pour les fleurs que tu fais cueillir !
Faut-il faire agir la ſcience
Qui des états régle le fort ?
Tu couvres de fleurs le reffort
D'une fublime intelligence ;
Lors même qu'elle prend l'eflor ,
Tu n'as du courtifan que les graces légeres ;
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Et fous ces graces étrangeres ,
D'un efprit créateur tu caches le tréfor.
Daignes-tu redefcendre à des chofes moins grandes
?
Dans ta fociété que de charmes vainqueurs !
Nouveaux traits , nouvelles guirlandes ,
Pour orner tes difcours , & pour lier les coeurs.
Que dirai-je de plus pour tracer ton hiſtoire
Sur-tout ce que tu fais les Filles de mémoire
De leur brillant vernis impriment les couleurs ;
Et d'Argenfon vole à la gloire.
Par un chemin femé de fleurs.
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Résumé : A M. le Comte d'Argenson, Ministre & Secrétaire d'Etat. BOUQUET.
Le poème est adressé à M. le Comte d'Argenson, Ministre et Secrétaire d'État. L'auteur exprime son admiration pour la capacité du Comte à transformer chaque jour en une fête grâce à sa présence et son influence. Il le décrit comme quelqu'un qui apporte beauté et agrément à tout ce qu'il touche, comparé à la déesse Flore. Le Comte est loué pour sa bonté, son accueil chaleureux et son habilité à gérer les affaires d'État avec une intelligence sublime. Il est également apprécié pour sa capacité à allier science et grâce, et pour son esprit créateur qui se cache sous des apparences légères. Dans sa société, il charme par ses discours et ses nouvelles idées. Le poème conclut en soulignant que les actions du Comte sont dignes de mémoire et de gloire, le menant vers une renommée éternelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 61-62
LES LUNETTES ET LA CEINTURE. APOLOGUE.
Début :
La mere des Dieux fut un jour chez la mere des Graces : qu'alloit-elle y faire ? [...]
Mots clefs :
Lunettes, Ceinture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES LUNETTES ET LA CEINTURE. APOLOGUE.
LES LUNETTES ET LA CEINTURE.
APOLOGUE.
LA mere des Dieux fut un jour chez la
mere des Graces : qu'alloit- elle y faire ?
la critiquer fans doute ; c'eft affez le rôle
des vieilles auprès des jeunes. Celle- ci
prit néanmoins le prétexte de lire une brochure
nouvelle qu'Apollon venoit d'envoyer
à Citherée. Cette lecture ne rendoit
pas la vifite plus amufante : heureufement
elle fut courte , Cypris fçut l'abréger. Cybelle
en fortant oublia fes Lunettes ; elles
fe trouverent fur la toilette de Vénus , à
côté de cette admirable Ceinture qui renferme
, dit - on , l'art de plaire , & que
Junon emprunte quand elle veut ramener
fon mari volage. La Ceinture fiere des
attributs qu'on lui prête , fe trouva trèsoffenfée
du voifinage . Quoi , dit- elle , trifte
partage de la vieilleffe & de l'infirmité ,
ofez-vous paroître à côté du fymbole enchanteur
de la jeuneffe & des agrémens ?
Doucement , lui répondirent les Lunettes ,
ne fois point fi vaine de quelque foible
fupériorité , ou plutôt de quelques prétendus
avantages ; tu n'es pas ce que tu penfes,
62 MERCURE DE FRANCE.
& nous fommes plus que tu ne crois ; s'il
eft entre nous quelque différence , d'où
provient- elle de celles à qui nous appartenons.
Ce font les charmes de Vénus qui
t'embelliffent , & c'eft la vieilleffe de Cybele
qui nous dégrade ; mais s'il fe peut
qu'un jour , comme nous ne defefpérons
pas d'y parvenir , la jeuneffe imagine de
nous mettre à la mode , & qu'elle gagne à
te quitter , de quel côté fera l'avantage ?
Le beau fexe dans fon printems communique
fes graces à tout ce qu'il touche , &
fans lui les plus jolies chofes n'ont plus
d'agrément. Tu ferois mauffade autour de
la vieille Cephife , & nous ferions charmantes
fur le nez de la jeune Cloé.
Moralité.
Il en eft du moral comme du phyfique .
La fortune fied au mérite , & révolte dans
la fatuité. L'adverfité fait briller la vertu ,
& paroître la laideur du vice.
APOLOGUE.
LA mere des Dieux fut un jour chez la
mere des Graces : qu'alloit- elle y faire ?
la critiquer fans doute ; c'eft affez le rôle
des vieilles auprès des jeunes. Celle- ci
prit néanmoins le prétexte de lire une brochure
nouvelle qu'Apollon venoit d'envoyer
à Citherée. Cette lecture ne rendoit
pas la vifite plus amufante : heureufement
elle fut courte , Cypris fçut l'abréger. Cybelle
en fortant oublia fes Lunettes ; elles
fe trouverent fur la toilette de Vénus , à
côté de cette admirable Ceinture qui renferme
, dit - on , l'art de plaire , & que
Junon emprunte quand elle veut ramener
fon mari volage. La Ceinture fiere des
attributs qu'on lui prête , fe trouva trèsoffenfée
du voifinage . Quoi , dit- elle , trifte
partage de la vieilleffe & de l'infirmité ,
ofez-vous paroître à côté du fymbole enchanteur
de la jeuneffe & des agrémens ?
Doucement , lui répondirent les Lunettes ,
ne fois point fi vaine de quelque foible
fupériorité , ou plutôt de quelques prétendus
avantages ; tu n'es pas ce que tu penfes,
62 MERCURE DE FRANCE.
& nous fommes plus que tu ne crois ; s'il
eft entre nous quelque différence , d'où
provient- elle de celles à qui nous appartenons.
Ce font les charmes de Vénus qui
t'embelliffent , & c'eft la vieilleffe de Cybele
qui nous dégrade ; mais s'il fe peut
qu'un jour , comme nous ne defefpérons
pas d'y parvenir , la jeuneffe imagine de
nous mettre à la mode , & qu'elle gagne à
te quitter , de quel côté fera l'avantage ?
Le beau fexe dans fon printems communique
fes graces à tout ce qu'il touche , &
fans lui les plus jolies chofes n'ont plus
d'agrément. Tu ferois mauffade autour de
la vieille Cephife , & nous ferions charmantes
fur le nez de la jeune Cloé.
Moralité.
Il en eft du moral comme du phyfique .
La fortune fied au mérite , & révolte dans
la fatuité. L'adverfité fait briller la vertu ,
& paroître la laideur du vice.
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Résumé : LES LUNETTES ET LA CEINTURE. APOLOGUE.
L'apologue 'Les Lunettes et la Ceinture' raconte la visite de Cybèle, la mère des Dieux, chez la mère des Grâces. Pendant sa visite, Cybèle lit une brochure envoyée par Apollon, mais est interrompue par Cypris. En partant, Cybèle oublie ses lunettes, qui se retrouvent sur la toilette de Vénus, à côté de la célèbre Ceinture de Vénus, symbole de jeunesse et de charme. La Ceinture, offensée par la présence des lunettes, les critique pour leur association avec la vieillesse et l'infirmité. Les lunettes répondent en soulignant que leur valeur dépend de celle qui les porte. Elles affirment que les charmes de Vénus les embellissent, tandis que la vieillesse de Cybèle les dégrade. Elles prédisent qu'un jour, si la jeunesse les adopte, elles seront à la mode et plus avantageuses que la Ceinture. La moralité de l'apologue est que, comme en physique, en moralité, la fortune suit le mérite et révulse la fatuité. L'adversité fait briller la vertu et révèle la laideur du vice.
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16
p. 63
VERS Aux Habitans de Lyon*.
Début :
Il est vrai que Plutus est au rang de vos Dieux, [...]
Mots clefs :
Dieu, Dieux, Lyon
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texteReconnaissance textuelle : VERS Aux Habitans de Lyon*.
VERS
Aux Habitans de Lyon *.
IL eft vrai que Plutus eft au rang de vos Dieux ,
Et c'eſt un riché appui pour votre aimable ville ;
Il n'a point de plus bel afyle :
Ailleurs il eſt aveugle , il a chez vous des yeux.
Il n'étoit autrefois que Dieu de la richeſſe ,
Vous en faites le Dieu des arts :
J'ai vu couler dans vos remparts
Les ondes du Pactole & les eaux du Permeffe.
* On les attribue à M. de V....
Aux Habitans de Lyon *.
IL eft vrai que Plutus eft au rang de vos Dieux ,
Et c'eſt un riché appui pour votre aimable ville ;
Il n'a point de plus bel afyle :
Ailleurs il eſt aveugle , il a chez vous des yeux.
Il n'étoit autrefois que Dieu de la richeſſe ,
Vous en faites le Dieu des arts :
J'ai vu couler dans vos remparts
Les ondes du Pactole & les eaux du Permeffe.
* On les attribue à M. de V....
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17
p. 64-65
VERS A Mlle Puvigné, dansant en Hébé dans l'Opera de Castor & Pollux.
Début :
Pollux va quitter l'Empirée, [...]
Mots clefs :
Opéra, Regards , Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS A Mlle Puvigné, dansant en Hébé dans l'Opera de Castor & Pollux.
VERS
A Mile Puvigné , danfant en Hébé dans
l'Opera de Caftor & Pollux.
Pollux
Ollux va quitter l'Empirée ,
Et ravir fon frere au trépas.
Hebé , pour retenir les pas ,
Opofe à fa vûe égarée
Ses careffes & les apas ;
Le teint coloré de l'Aurore ,
Les regards de Vénus , les pas de Terpficore ,
Et la décence de Pallas.
Il s'émeut , il s'arrête , il contemple , il admire ;
Il fuit , il revient , il foupire ,
Il s'attendrit ; Caftor eft oublié :
N'en rougis point , Hebé te juſtifie .
Que vois-je tout- à- coup le Héros facrifie
Le plaifir au devoir , l'amour à l'amitié ;
Il cache des regrets qu'il ne fçauroit contraindre.
Digne à la fois d'eftime & de pitié ,
On doit le louer & le plaindre.
Mais quoi l'objet qui l'avoit enchaîné ,
N'eft point une Déeffe ,
C'eft la charmante Puvigné ,
Cette Danfeuſe enchantereffe ,
Qui par fes doux regards & fes talens divers ,
JUIN. 1755. 65
Etonne , ravit , intéreffe
Paris , la France & l'Univers.
Sur fes levres l'amour reſpire ;
Ses bras forment de tendres fers ;
Et je vois à fes pieds les aîles de Zéphire.
Des Graces elle a le fourire ,
Le port & la légereté ;
Elle peint le defir , même la volupté ,
Sans reffentir ce quelle infpire.
Pollux à tant d'attraits a-t- il dû réſiſter ?
A-t-il pû t'immoler à l'amour fraternelle ?
Non , Puvigné , je dois le détefter ,
Et tu rends à mes yeux fa vertu criminelle .
Mais par fa fuite & fes dédains ,
Si ta beauté fut outragée ,
Choifis entre tous les humains
Par qui tu veux être vengée.
Mailbol.
A Mile Puvigné , danfant en Hébé dans
l'Opera de Caftor & Pollux.
Pollux
Ollux va quitter l'Empirée ,
Et ravir fon frere au trépas.
Hebé , pour retenir les pas ,
Opofe à fa vûe égarée
Ses careffes & les apas ;
Le teint coloré de l'Aurore ,
Les regards de Vénus , les pas de Terpficore ,
Et la décence de Pallas.
Il s'émeut , il s'arrête , il contemple , il admire ;
Il fuit , il revient , il foupire ,
Il s'attendrit ; Caftor eft oublié :
N'en rougis point , Hebé te juſtifie .
Que vois-je tout- à- coup le Héros facrifie
Le plaifir au devoir , l'amour à l'amitié ;
Il cache des regrets qu'il ne fçauroit contraindre.
Digne à la fois d'eftime & de pitié ,
On doit le louer & le plaindre.
Mais quoi l'objet qui l'avoit enchaîné ,
N'eft point une Déeffe ,
C'eft la charmante Puvigné ,
Cette Danfeuſe enchantereffe ,
Qui par fes doux regards & fes talens divers ,
JUIN. 1755. 65
Etonne , ravit , intéreffe
Paris , la France & l'Univers.
Sur fes levres l'amour reſpire ;
Ses bras forment de tendres fers ;
Et je vois à fes pieds les aîles de Zéphire.
Des Graces elle a le fourire ,
Le port & la légereté ;
Elle peint le defir , même la volupté ,
Sans reffentir ce quelle infpire.
Pollux à tant d'attraits a-t- il dû réſiſter ?
A-t-il pû t'immoler à l'amour fraternelle ?
Non , Puvigné , je dois le détefter ,
Et tu rends à mes yeux fa vertu criminelle .
Mais par fa fuite & fes dédains ,
Si ta beauté fut outragée ,
Choifis entre tous les humains
Par qui tu veux être vengée.
Mailbol.
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Résumé : VERS A Mlle Puvigné, dansant en Hébé dans l'Opera de Castor & Pollux.
Le poème est dédié à Mile Puvigné, qui incarne Hébé dans l'opéra 'Castor et Pollux'. Pollux, prêt à quitter l'Empyrée pour sauver son frère Castor, est retenu par la beauté et les charmes d'Hébé. Mile Puvigné utilise ses attraits pour convaincre Pollux de rester. Ému, Pollux admire Hébé mais choisit finalement le devoir et l'amitié fraternelle. Le poème met en avant la beauté et le talent de Mile Puvigné, qui captivent Paris, la France et l'univers. Malgré ses efforts, Hébé ne parvient pas à retenir Pollux. Le texte se conclut par une invitation à Mile Puvigné de choisir un vengeur parmi les hommes, suggérant que sa beauté a été offensée par le départ de Pollux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 65
Mots de l'Enigme & du Logogryphe du Mercure de Mai, [titre d'après la table]
Début :
Le mot de l'Enigme du Mercure de Mai est le Grain de bled ou d'orge. Celui du [...]
Mots clefs :
Grain de blé ou d'orge, Absolution
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Mots de l'Enigme & du Logogryphe du Mercure de Mai, [titre d'après la table]
LE mot de l'Enigme du Mercure de Mai
eft le Grain de bled ou d'orge. Celui du
Logogryphe eft Abfolution , dans lequel on
trouve bâton , Toul , Bofton , Bias , oifon , os,
taon , Nil , Ine , ut , fi , la , fol , Toulon ,
Solon , butin.
eft le Grain de bled ou d'orge. Celui du
Logogryphe eft Abfolution , dans lequel on
trouve bâton , Toul , Bofton , Bias , oifon , os,
taon , Nil , Ine , ut , fi , la , fol , Toulon ,
Solon , butin.
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19
p. 66
ENIGME.
Début :
Ce n'est pas par utilité [...]
Mots clefs :
Cabriolet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
E n'eft pas par utilité
Que l'on m'a donné la naiffance ,
Et ce n'eft qu'à la nouveauté
Que Paris doit mon existence.
Le François toujours curieux
De nouveautés , de bagatelles ,
Me vit comme un préfent des Dieux :
Enfin pour couronner mes veux ,
Je paffai bientôt chez les belles ,
Et je fçus orner leurs attraits .
Mais je connois trop le François
Pour m'enorgueillir de ma gloire ;
C'eft dans le fein de la victoire
Que je dois redouter. fes traits.
Un fuccès que l'on croit durable
Souvent s'éclipfe en un feul jour ,
Et l'aifance que j'eus à fupplanter le diable ,
Me fait craindre un pareil retour .
Par M. S ... an de S. V.
E n'eft pas par utilité
Que l'on m'a donné la naiffance ,
Et ce n'eft qu'à la nouveauté
Que Paris doit mon existence.
Le François toujours curieux
De nouveautés , de bagatelles ,
Me vit comme un préfent des Dieux :
Enfin pour couronner mes veux ,
Je paffai bientôt chez les belles ,
Et je fçus orner leurs attraits .
Mais je connois trop le François
Pour m'enorgueillir de ma gloire ;
C'eft dans le fein de la victoire
Que je dois redouter. fes traits.
Un fuccès que l'on croit durable
Souvent s'éclipfe en un feul jour ,
Et l'aifance que j'eus à fupplanter le diable ,
Me fait craindre un pareil retour .
Par M. S ... an de S. V.
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20
p. 67
LOGOGRYPHE.
Début :
Dans la belle saison je commence à paroître, [...]
Mots clefs :
Violette
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
Dans la belle faifon je commence à paroître ,
Très-fouvent malgré moi je me fais reconnoître';
Je plais à tous les coeurs , fimple dans mes atours ;
Et quoique je me cache , on me trouve toujours.
J'offre du corps humain une belle partie ;
Et que fi l'on tranchoit , on trancheroit la vie :
A tout Muficien un utile inftrument ,
Néceffaire à la None , un modefte ornement ;
Une épithete propre aux chofes méprifables ;
Ce qu'on craint tous les jours dans des bois redoutables
;
Le trône du fommeil , où nos chagrins , nos maux
Jouiffent avec nous d'un fortuné repos :
Une chofe en tout tems dont chacun fait uſage
Ce qui fçait maintenir un peuple trop volage ;
Ce que tous les mortels cherchent à conferver.
Mais je m'amufe trop . L'on peut bien me trouver,
Je marche fur huit pieds . Dans cet inſtant peutêtre
,
Sous res pas , fous tes yeux , Lecteur tu me vois
naître .
Dans la belle faifon je commence à paroître ,
Très-fouvent malgré moi je me fais reconnoître';
Je plais à tous les coeurs , fimple dans mes atours ;
Et quoique je me cache , on me trouve toujours.
J'offre du corps humain une belle partie ;
Et que fi l'on tranchoit , on trancheroit la vie :
A tout Muficien un utile inftrument ,
Néceffaire à la None , un modefte ornement ;
Une épithete propre aux chofes méprifables ;
Ce qu'on craint tous les jours dans des bois redoutables
;
Le trône du fommeil , où nos chagrins , nos maux
Jouiffent avec nous d'un fortuné repos :
Une chofe en tout tems dont chacun fait uſage
Ce qui fçait maintenir un peuple trop volage ;
Ce que tous les mortels cherchent à conferver.
Mais je m'amufe trop . L'on peut bien me trouver,
Je marche fur huit pieds . Dans cet inſtant peutêtre
,
Sous res pas , fous tes yeux , Lecteur tu me vois
naître .
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21
p. 68
ENIGME.
Début :
Lecteur, mon portrait ressemblant [...]
Mots clefs :
Miroir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGM E.
Lecteur , mon portrait reffemblant
Et l'eau qui dort fans être trouble ;
Etre fincere eft món talent ,
Et j'ai celui de rendre double.
Par M. de Bilhevot de Saint- George ¿
Moufquetaire noir. A Crépy en Valois.
Lecteur , mon portrait reffemblant
Et l'eau qui dort fans être trouble ;
Etre fincere eft món talent ,
Et j'ai celui de rendre double.
Par M. de Bilhevot de Saint- George ¿
Moufquetaire noir. A Crépy en Valois.
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22
p. 68-70
LOGOGRYPHE.
Début :
Tels font grand cas de moi qui n'en sont pas meilleurs ; [...]
Mots clefs :
Chapelet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
TElsfont grand cas de moi qui n'en font pas
meilleurs ;
Je fers au vrai dévot , je fers à l'hypocrite :
Mon nom eft fort connu tant à Rome qu'ailleurs ;
Mais à Geneve , hélas ! que devient mon mérite
Faifons trêve à la plainte , & parlons de mes fils :
L'un d'eux , quoiqu'invifible , eft pire que la
peſte :
Un fecond , fans quartier , mange fes ennemis :
Un tiers compte pour rien toute la cour célefte.
Continuons , Lecteur , je ne fuis pas au bout ;
Mes dignes rejettons paffent la cinquantaine :
Tiens , prens , avec cela va fervir un ragoût ;
L'hôte eft un vieux Gaulois aux rives de la Seine,
JUIN. 1755: 69
Cherche encor , tu verras un fleuve fouterrein :
La Reine d'un Empire où chacun trouve place ,
D'un Monarque François l'aggreffeur inhumain ,
Et le furnom d'un Roi très - fameux par fa race.
Un utile arbriffeau commun dans le Levant :
Une voyelle en grec , en hébreu quatre lettres :
Un mixte plein d'odeur , léger comme le vent ,
Qu'en vain mefureroient vos plus grands Géométres,
Ce que l'on n'aime point à voir fur ſes habits :
Dans le calendrier un mot de grand uſage ;
Cet agréable effet que produit un rubis ,
Ce qui change en été la couleur du visage.
Un Poëte excellent , la gloire de Lefbos :
L'attribut d'une voie au haut des cieux tracée ;
Lieu qui frappe de loin les yeux des matelots :
Jeu de force où Hyacinthe eut la tête caffée .
Un Pape , en fa croyance auffi ferme qu'un roc :
Une pierre où Phébus aiſément s'infinue :
Une ville en Provence , une autre en Languedoc ;
Plus une chez les Turcs , des marchands bien
connue .
Ce qu'un pauvre ſujet peut préſenter au Roi ;
Ce qu'on donne au foldat , ce qu'il veut faire en
marche :
Ce que paroît un homme étant faifi d'effroi
70 MERCURE DE FRANCE.
Et ce qui dans un pont arrête ou ferme l'arche.
La Vierge qu'à la foi Paul lui- même affervit :
Une table , de fang , de carnage couverte :
L'amant qui fous les eaux fa Nymphe pourſuivit :
La maligne Déeffe , encline à votre pérte .
Une picce affez longue , en terme de blafon :
Un homme fans honneur , l'ouvrage d'un Notaire
;
Un ornement d'Eglife , un mets , une ſaiſon ,
Un meuble de jardin , une herbe potagere.
L'un de ces trois arrêts dont frémit Balthafar ,
Ce pere à qui Jafon cauſa tant de traverſes ,
Le chaffeur que
Ville
grecque
l'aurore attiroit dans fon char :
fatale à deux cens mille Perfes.
Ce que jamais Grandier ne fit avec Satan :
Lieu public , amas d'eau où vogue une nacelle :
Un vêtement gafcon ; & ce , dit la mainan ,
Qu'on voit la nuit en perche & le jour en échelle .
TElsfont grand cas de moi qui n'en font pas
meilleurs ;
Je fers au vrai dévot , je fers à l'hypocrite :
Mon nom eft fort connu tant à Rome qu'ailleurs ;
Mais à Geneve , hélas ! que devient mon mérite
Faifons trêve à la plainte , & parlons de mes fils :
L'un d'eux , quoiqu'invifible , eft pire que la
peſte :
Un fecond , fans quartier , mange fes ennemis :
Un tiers compte pour rien toute la cour célefte.
Continuons , Lecteur , je ne fuis pas au bout ;
Mes dignes rejettons paffent la cinquantaine :
Tiens , prens , avec cela va fervir un ragoût ;
L'hôte eft un vieux Gaulois aux rives de la Seine,
JUIN. 1755: 69
Cherche encor , tu verras un fleuve fouterrein :
La Reine d'un Empire où chacun trouve place ,
D'un Monarque François l'aggreffeur inhumain ,
Et le furnom d'un Roi très - fameux par fa race.
Un utile arbriffeau commun dans le Levant :
Une voyelle en grec , en hébreu quatre lettres :
Un mixte plein d'odeur , léger comme le vent ,
Qu'en vain mefureroient vos plus grands Géométres,
Ce que l'on n'aime point à voir fur ſes habits :
Dans le calendrier un mot de grand uſage ;
Cet agréable effet que produit un rubis ,
Ce qui change en été la couleur du visage.
Un Poëte excellent , la gloire de Lefbos :
L'attribut d'une voie au haut des cieux tracée ;
Lieu qui frappe de loin les yeux des matelots :
Jeu de force où Hyacinthe eut la tête caffée .
Un Pape , en fa croyance auffi ferme qu'un roc :
Une pierre où Phébus aiſément s'infinue :
Une ville en Provence , une autre en Languedoc ;
Plus une chez les Turcs , des marchands bien
connue .
Ce qu'un pauvre ſujet peut préſenter au Roi ;
Ce qu'on donne au foldat , ce qu'il veut faire en
marche :
Ce que paroît un homme étant faifi d'effroi
70 MERCURE DE FRANCE.
Et ce qui dans un pont arrête ou ferme l'arche.
La Vierge qu'à la foi Paul lui- même affervit :
Une table , de fang , de carnage couverte :
L'amant qui fous les eaux fa Nymphe pourſuivit :
La maligne Déeffe , encline à votre pérte .
Une picce affez longue , en terme de blafon :
Un homme fans honneur , l'ouvrage d'un Notaire
;
Un ornement d'Eglife , un mets , une ſaiſon ,
Un meuble de jardin , une herbe potagere.
L'un de ces trois arrêts dont frémit Balthafar ,
Ce pere à qui Jafon cauſa tant de traverſes ,
Le chaffeur que
Ville
grecque
l'aurore attiroit dans fon char :
fatale à deux cens mille Perfes.
Ce que jamais Grandier ne fit avec Satan :
Lieu public , amas d'eau où vogue une nacelle :
Un vêtement gafcon ; & ce , dit la mainan ,
Qu'on voit la nuit en perche & le jour en échelle .
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23
p. 71-72
CHANSON.
Début :
Maman, vous me dites sans cesse [...]
Mots clefs :
Maman, Aimer, Berger
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
CHANSON.
M Aman , vous me dites fans ceffe
De ne point aimer de Berger ;
J'en connois affez le danger ,
Pour vaincre en moi cette foibleffe :
Mon coeur foupire près d'Hylas ;
Mais , Maman , je ne l'aime pas.
De fleurs il orne ma houlette
Moi j'en décore fon chapeau ;
Si j'ai quelque ruban nouveau ,
Je cours en parer fa mufette :
C'eft pour lui feul que j'en fais cas ;
Mais , Maman , je ne l'aime pás.
Où ce Berger ne peut pas être ,
J'ai l'air ou diftrait , ou rêveur ;
J'éprouve une douce langueur
Si -tôt que je le vois paroître.
Je veux fuir , il retient mes pas ;
Mais , Maman , je ne l'aime pas.
£1.
72 MERCURE DE FRANCE.
Pour vous obéir je l'évite ;
Mais lorsque malgré moi mon chien
Conduit mon troupeau vers le fien ,
Il rêve , je refte interdite :
Je rougis de notre embarras ;
Mais , Maman , je ne l'aime pas .
Il me prend la main , il foupire ;
Moi , pour fuivre en tout vos leçons ,
J'éloigne auffi-tôt mes moutons ;
Mais pendant que je me retire ,
Je regarde s'il fuit mes pas ;
Mais , Maman , je ne l'aime pas.
33
J'ai mille chofes à lui dire
Les jours que je ne le vois point ;
Et quand nous fommes fans témoin ,
Ma voix fur mes levres expire,
Dieux que ce filence a d'appas !
Mais , Maman , je ne l'aime pas.
O Life , quelle erreur extrême !
Vos yeux , votre air , tout vous dément ;
Et vous aimez aſſurément ....
Oui , fi c'est ainsi que l'on aime.
L'Amour me tenoit dans fes lacs ;
Mais , Maman , je n'y penfois pas.
Me ....
M Aman , vous me dites fans ceffe
De ne point aimer de Berger ;
J'en connois affez le danger ,
Pour vaincre en moi cette foibleffe :
Mon coeur foupire près d'Hylas ;
Mais , Maman , je ne l'aime pas.
De fleurs il orne ma houlette
Moi j'en décore fon chapeau ;
Si j'ai quelque ruban nouveau ,
Je cours en parer fa mufette :
C'eft pour lui feul que j'en fais cas ;
Mais , Maman , je ne l'aime pás.
Où ce Berger ne peut pas être ,
J'ai l'air ou diftrait , ou rêveur ;
J'éprouve une douce langueur
Si -tôt que je le vois paroître.
Je veux fuir , il retient mes pas ;
Mais , Maman , je ne l'aime pas.
£1.
72 MERCURE DE FRANCE.
Pour vous obéir je l'évite ;
Mais lorsque malgré moi mon chien
Conduit mon troupeau vers le fien ,
Il rêve , je refte interdite :
Je rougis de notre embarras ;
Mais , Maman , je ne l'aime pas .
Il me prend la main , il foupire ;
Moi , pour fuivre en tout vos leçons ,
J'éloigne auffi-tôt mes moutons ;
Mais pendant que je me retire ,
Je regarde s'il fuit mes pas ;
Mais , Maman , je ne l'aime pas.
33
J'ai mille chofes à lui dire
Les jours que je ne le vois point ;
Et quand nous fommes fans témoin ,
Ma voix fur mes levres expire,
Dieux que ce filence a d'appas !
Mais , Maman , je ne l'aime pas.
O Life , quelle erreur extrême !
Vos yeux , votre air , tout vous dément ;
Et vous aimez aſſurément ....
Oui , fi c'est ainsi que l'on aime.
L'Amour me tenoit dans fes lacs ;
Mais , Maman , je n'y penfois pas.
Me ....
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Résumé : CHANSON.
La chanson décrit les sentiments ambivalents d'une jeune fille envers un berger nommé Hylas. Elle affirme à sa mère qu'elle n'aime pas Hylas, mais ses actions et émotions révèlent le contraire. Elle décore son chapeau avec des fleurs et des rubans pour lui plaire, se sent distraite en son absence et éprouve une douce langueur en sa présence. Elle tente de fuir Hylas, mais ses pas la ramènent vers lui. Elle rougit lorsqu'il lui prend la main et observe s'il la suit lorsqu'elle s'éloigne. Elle a mille choses à lui dire lorsqu'elle ne le voit pas, mais admire son silence en sa présence. Finalement, elle admet que ses yeux et son air la trahissent, révélant qu'elle l'aime réellement, bien qu'elle n'y pense pas consciemment.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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