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1
p. 15-18
Mort du Sieur Cambert, qui avoit estably les Opera en France & en Angleterre. [titre d'après la table]
Début :
Passons donc à d'autres Articles, & disons que la Musique [...]
Mots clefs :
Cambert, Musique, Opéra, Angleterre, France
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texteReconnaissance textuelle : Mort du Sieur Cambert, qui avoit estably les Opera en France & en Angleterre. [titre d'après la table]
aſſons donc à d'auttes Arti .
cles, &diſons que laMuſique eft malheureuſe cette année
de toutes manieres , &que fi quelquesMuſiciens ont per- du leur Procez , d'autres ont
perdu la vie. Le Sieur Cambert , maiſtre de Muſique de la feuë Reyne Mere, eſt mort àLondres, où ſon genie eſtoit fort eſtimé. Il avoit receu force biens-faits du Roy d'Angleterre , & des plus grands'
Seigneurs de ſa Cour, &tout
cequ'ils ont veu de ſes Ou-
12 LE MERCURE
vrages , n'a point démenty ce qu'il a fait en France : c'eſt à
luy que nous devons l'eſtabliſſement des Opera que nous voyons aujourd'huy ; la
Muſique deceuxde Pomone,
& des Peines &des Plaifirs
de l'Amour, eſtoit de luy ; &
depuis ce temps - là on n'a
point veu de Recitatif en
France qui ait paru nouveau.
C'eſt ce même Cambert qui
à fait chanter le premier les
belles Voix que nous admirons tous les jours , &que la Gascogneluy avoit fournies ;
c'eſt dans ces Airs que MademoiſelleBrigogne a paru avec le plus d'éclat, & c'eſt par eux qu'elle a tellement charmé
tousſes Auditeurs,quele nom
de la petite Climene luy en
GALANT. 13
eft demeuré. Toutes ces cho.
fes font connoiſtre le merite
&le malheur duSieur Cambert;mais fi le merite de tous
ceux qui en ont eſtoit reconnu , la Fortune ne ſeroit plus
adorée , ou pour mieux dire,
on ne croiroit plus qu'il y en
euſt ; mais nous ſommes tous
les iours convaincus du contraire par des exemples trop
éclatans
cles, &diſons que laMuſique eft malheureuſe cette année
de toutes manieres , &que fi quelquesMuſiciens ont per- du leur Procez , d'autres ont
perdu la vie. Le Sieur Cambert , maiſtre de Muſique de la feuë Reyne Mere, eſt mort àLondres, où ſon genie eſtoit fort eſtimé. Il avoit receu force biens-faits du Roy d'Angleterre , & des plus grands'
Seigneurs de ſa Cour, &tout
cequ'ils ont veu de ſes Ou-
12 LE MERCURE
vrages , n'a point démenty ce qu'il a fait en France : c'eſt à
luy que nous devons l'eſtabliſſement des Opera que nous voyons aujourd'huy ; la
Muſique deceuxde Pomone,
& des Peines &des Plaifirs
de l'Amour, eſtoit de luy ; &
depuis ce temps - là on n'a
point veu de Recitatif en
France qui ait paru nouveau.
C'eſt ce même Cambert qui
à fait chanter le premier les
belles Voix que nous admirons tous les jours , &que la Gascogneluy avoit fournies ;
c'eſt dans ces Airs que MademoiſelleBrigogne a paru avec le plus d'éclat, & c'eſt par eux qu'elle a tellement charmé
tousſes Auditeurs,quele nom
de la petite Climene luy en
GALANT. 13
eft demeuré. Toutes ces cho.
fes font connoiſtre le merite
&le malheur duSieur Cambert;mais fi le merite de tous
ceux qui en ont eſtoit reconnu , la Fortune ne ſeroit plus
adorée , ou pour mieux dire,
on ne croiroit plus qu'il y en
euſt ; mais nous ſommes tous
les iours convaincus du contraire par des exemples trop
éclatans
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Résumé : Mort du Sieur Cambert, qui avoit estably les Opera en France & en Angleterre. [titre d'après la table]
En une année marquée par des malheurs pour la musique, plusieurs procès et décès de musiciens ont été enregistrés. Jean-Baptiste Cambert, maître de musique de la reine mère, est décédé à Londres où son talent était très apprécié. Il avait reçu de nombreux bienfaits du roi d'Angleterre et des grands seigneurs de sa cour. Cambert est crédité de l'établissement des opéras en France, notamment avec les œuvres 'Pomone' et 'Les Peines et les Plaisirs de l'Amour'. Sa musique a introduit le récitatif en France et a révélé des voix remarquables, comme celle de Mademoiselle de La Brigogne, connue sous le nom de Climène. Le texte souligne le mérite et le malheur de Cambert, illustrant la contradiction entre le mérite et la fortune.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 186
A MONSIEUR SUR SA VICTOIRE.
Début :
Surmonter en tous lieux, la Nature & le Temps, [...]
Mots clefs :
Victoire, France, Philippe, Louis
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texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR SUR SA VICTOIRE.
A MONSIEVR
Sur ſa Victoire .
S
Vrmonterentous lieux,laNature&le Temps,
Prendre Villes &Forts, &donner
des batailles,
134 LE MERCURE
:
Oùtu domptes l'orgueilde cesfærs combatans ,
Dont la Flandre aux aboispleure
les funerailles,
Suprendre l'Univers pardes Faits
inoüis,
Etcontraindrel'Espagne& l'en- vie àfetaire,
Onnepeutfaireplus; Maispou- vois-tu moinsfaire Philippe, Fils deFrance, &frere de Loüis?
Sur ſa Victoire .
S
Vrmonterentous lieux,laNature&le Temps,
Prendre Villes &Forts, &donner
des batailles,
134 LE MERCURE
:
Oùtu domptes l'orgueilde cesfærs combatans ,
Dont la Flandre aux aboispleure
les funerailles,
Suprendre l'Univers pardes Faits
inoüis,
Etcontraindrel'Espagne& l'en- vie àfetaire,
Onnepeutfaireplus; Maispou- vois-tu moinsfaire Philippe, Fils deFrance, &frere de Loüis?
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3
p. 225-226
Sur la Campagne du Roy, & le Jubilé de la Reyne.
Début :
Encor ces Vers de Monsieur l'Abbé Cotin & je ferme mon / France, ne vous allarmez pas [...]
Mots clefs :
France, Combat, Reine, Roi
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texteReconnaissance textuelle : Sur la Campagne du Roy, & le Jubilé de la Reyne.
Encor ces Versde Monfieur
1
GALANT. 163 -`l'Abbé Cotin, & ie ferme mon
Paquet, On les eſtime , & ils
ont eu le bonheur de plaire à
une perfonne de la plus hau- te qualité , &dont l'eſprit n'eſt pas moins relevé que la naif- fance.
164 LE MERCURE
子子子子子
Sur la Campagne du
ROY ,
F
Et le lubilé de la Reyne.
Rance ne vous allarmez pas
Du fort incertain des com -
bats ;
Malàpropos onſe récrie Quetout est changeant icy-bas,
LeRoy combat,la Reyneprie.
On redoute peu la furie
DesRodomonsdes Païs-bas ;
Lefeu,leſang&la tûrie,
Nefontpas toûjours leurs ébats,
Etpour les mettre tous àbas,
LeRoy combat, la Reyneprie
1
GALANT. 163 -`l'Abbé Cotin, & ie ferme mon
Paquet, On les eſtime , & ils
ont eu le bonheur de plaire à
une perfonne de la plus hau- te qualité , &dont l'eſprit n'eſt pas moins relevé que la naif- fance.
164 LE MERCURE
子子子子子
Sur la Campagne du
ROY ,
F
Et le lubilé de la Reyne.
Rance ne vous allarmez pas
Du fort incertain des com -
bats ;
Malàpropos onſe récrie Quetout est changeant icy-bas,
LeRoy combat,la Reyneprie.
On redoute peu la furie
DesRodomonsdes Païs-bas ;
Lefeu,leſang&la tûrie,
Nefontpas toûjours leurs ébats,
Etpour les mettre tous àbas,
LeRoy combat, la Reyneprie
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Résumé : Sur la Campagne du Roy, & le Jubilé de la Reyne.
Le texte présente deux extraits. Le premier mentionne des vers de l'Abbé Cotin appréciés par une personne de haute qualité. Le second traite de la campagne militaire du roi et des prières de la reine, rassurant les lecteurs sur les incertitudes des combats. Il minimise la menace des ennemis, affirmant que le roi et la reine travaillent ensemble pour les vaincre.
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4
p. 32-33
A MONSIEUR, Sur la Victoire, & sur son humanité apres la Bataille. SONNET,
Début :
On celebre par tout vos belles Actions, [...]
Mots clefs :
France, Chef, Gloire
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texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR, Sur la Victoire, & sur son humanité apres la Bataille. SONNET,
A MONSIEUR,
Sur la Victoire qu'il a rem- portée , & fur ſon humani- té apres la Bataille.
SONNET,
Ncelebre par tout vos belles Actions ,
La France retentit du bruit de
vostre gloire ;
Et le récit pompeux de cettegrandeHistoire,
Vafaire l'entretien de milleNations.
DeChef & de Soldat faisant les
fonctions ,
Votre rare Valeur nous donne la
Victoire,
Et
GALANT. 25
Etla Posterité ne pourrajamais
croire ,
Que l'on ait triomphe de tant de
Legions.
६००३
Surmonter à la fois l'Espagne &
laHollande,
Ce n'est pas tout l'honneur que
voſtre cœur demande :
S'il a paru terrible, il veut paroîtrehumain.
Tel qui vous vit plus fier que le Dieu des Batailles
Le jour que vostre Bras fit tant deFunerail les ,
N'apoint veu de Vainqueur plus
doux, le lendemain.
Sur la Victoire qu'il a rem- portée , & fur ſon humani- té apres la Bataille.
SONNET,
Ncelebre par tout vos belles Actions ,
La France retentit du bruit de
vostre gloire ;
Et le récit pompeux de cettegrandeHistoire,
Vafaire l'entretien de milleNations.
DeChef & de Soldat faisant les
fonctions ,
Votre rare Valeur nous donne la
Victoire,
Et
GALANT. 25
Etla Posterité ne pourrajamais
croire ,
Que l'on ait triomphe de tant de
Legions.
६००३
Surmonter à la fois l'Espagne &
laHollande,
Ce n'est pas tout l'honneur que
voſtre cœur demande :
S'il a paru terrible, il veut paroîtrehumain.
Tel qui vous vit plus fier que le Dieu des Batailles
Le jour que vostre Bras fit tant deFunerail les ,
N'apoint veu de Vainqueur plus
doux, le lendemain.
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Résumé : A MONSIEUR, Sur la Victoire, & sur son humanité apres la Bataille. SONNET,
Un sonnet célèbre un chef militaire victorieux après une bataille entre l'Espagne et la Hollande. La France résonne de ses exploits glorieux, connus mondialement. Il est loué pour sa valeur exceptionnelle et son humanité, redoutable au combat mais doux le lendemain. Sa victoire semble incroyable.
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5
p. 187-193
« Le Feu qu'on y a fait pour se réjoüir [...] »
Début :
Le Feu qu'on y a fait pour se réjoüir [...]
Mots clefs :
Cambrai, Feu, Conquêtes, Guerre, Mérite, France
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texteReconnaissance textuelle : « Le Feu qu'on y a fait pour se réjoüir [...] »
hoſe de ce qui s'eſt paſſé à Lile. Le Feu qu'on ya fait pour ſe réjoüir de la priſe de Cambray , en repreſentoit la Citadelle. Elle fut attaquée &
défenduëjon y jetta des Bombes & des Carcaffes ; & les
Dames virent fans crainte, ce
qu'elles ne pouroient bien voir ſans péril dans un verita- ble Siege.Je croy quenous au- rons bientoſt le meſme avantage , & que des Tableaux & des Tapiſſeries , qu'on ne pourra trop admirer ,
GALANT. 139
5
=
nous repreſenteront tout ce qui s'eſt paſſé devant Cam- bray , puis que l'Illuſtre Mon- ſieur le Brun , & Meſſieurs le
Nautre& Vandermeulle , ont
été ſur les lieux en faire lesDef
ſeins, Nous verrons un Siege plus fameux que celuy de Troye , qu'Achille & tous les Roys de la Grece ne pûrent prendre qu'en dix ans avec tant de milliers d'Hommes ,
&dont ils ne feroient peut- eſtre jamais venus à bout avec un ſigrand nombre de Combatans , ſi les ruſes qu'ils employerent ne leur euffent eſté favorables. Ce n'eſt point par ces voyes que le Roy fait de ſi grandes Conqueſtes.
Ses lumieres naturelles
ſa longue expérience au
>
140 LE MERCURE
Meſtierde la Guerre , ſajudi- cieuſe conduite , ſa grande prévoyance,ſes ſoins vigilans,
&ſes fatigues , ſont les feu- les chofes qu'il employe pour faire réüffir en tout temps ſes glorieuſes Entrepriſes. Jamais Monarquen'atantdōnéd'Or.
dres luy-meſme , ny tant paſſe de journée à cheval , que ce
Prince a fait devant Cambray;
il viſitoit tout, il agiſſoit incefſamment , il ordonnoitdetoutes choſes , il eſtoit par tout ;
&puis qu'il atout fait , on ne peut entrer dans un détail dont chaque particularité de- manderoit un Volume entier.
Un Prince fi grand & fi ju
dicieux,ne pouvat faire choix pour le ſervir , que de Perſon-
GALANT. 141
S
nes d'un mérite extraordinaire , on ne peut douter de celuy de Meſſieurs les Maref chaux de France qui ont agy ſous ſes Ordres pendant les Sieges qu'il a entrepris cette Campagne ; c'eſt pourquoy je n'en diray que peu de cho- ſe. L'Hiſtoire parle déja afſez de Monfieur le Mareſchal de
Schomberg. Apres s'eſtre ac- quis beaucoup degloire avant la Paix des Pyrenées par tout où il avoit combatu , il fut
commander en Portugal ; &
quoy que ſes Troupes fuſſent beaucoup moins nombreuſes
que celles des Eſpagnols , il nelaiſſa pasde les batre ſou- vent, &d'emporter beaucoup de Places , ce qui a fait dire de luy avec beaucoup de
142 LE MERCEUR juſtice , que c'eſt un Homme de teſte,de cœur, & d'exécution.Quelques jours apres que la Tranchée fut ouverte de.
vat la Citadelle de Cambray,
les ennemis ayat fait une Sor- tie,ce Maréchal qui ſe trouva àla Garde de la Cavalerie, les
chargea luy-même le Piſtolet à la main , & les fit rentrer
dans leurs Paliſſades . Il auroit
couché toutes les nuits dans
la Tranchée , ſi Sa Majesté voyat toutes les fatigues qu'il ſe donnoit , ne luy eût ſou- vent ordonné deſe retirer.
défenduëjon y jetta des Bombes & des Carcaffes ; & les
Dames virent fans crainte, ce
qu'elles ne pouroient bien voir ſans péril dans un verita- ble Siege.Je croy quenous au- rons bientoſt le meſme avantage , & que des Tableaux & des Tapiſſeries , qu'on ne pourra trop admirer ,
GALANT. 139
5
=
nous repreſenteront tout ce qui s'eſt paſſé devant Cam- bray , puis que l'Illuſtre Mon- ſieur le Brun , & Meſſieurs le
Nautre& Vandermeulle , ont
été ſur les lieux en faire lesDef
ſeins, Nous verrons un Siege plus fameux que celuy de Troye , qu'Achille & tous les Roys de la Grece ne pûrent prendre qu'en dix ans avec tant de milliers d'Hommes ,
&dont ils ne feroient peut- eſtre jamais venus à bout avec un ſigrand nombre de Combatans , ſi les ruſes qu'ils employerent ne leur euffent eſté favorables. Ce n'eſt point par ces voyes que le Roy fait de ſi grandes Conqueſtes.
Ses lumieres naturelles
ſa longue expérience au
>
140 LE MERCURE
Meſtierde la Guerre , ſajudi- cieuſe conduite , ſa grande prévoyance,ſes ſoins vigilans,
&ſes fatigues , ſont les feu- les chofes qu'il employe pour faire réüffir en tout temps ſes glorieuſes Entrepriſes. Jamais Monarquen'atantdōnéd'Or.
dres luy-meſme , ny tant paſſe de journée à cheval , que ce
Prince a fait devant Cambray;
il viſitoit tout, il agiſſoit incefſamment , il ordonnoitdetoutes choſes , il eſtoit par tout ;
&puis qu'il atout fait , on ne peut entrer dans un détail dont chaque particularité de- manderoit un Volume entier.
Un Prince fi grand & fi ju
dicieux,ne pouvat faire choix pour le ſervir , que de Perſon-
GALANT. 141
S
nes d'un mérite extraordinaire , on ne peut douter de celuy de Meſſieurs les Maref chaux de France qui ont agy ſous ſes Ordres pendant les Sieges qu'il a entrepris cette Campagne ; c'eſt pourquoy je n'en diray que peu de cho- ſe. L'Hiſtoire parle déja afſez de Monfieur le Mareſchal de
Schomberg. Apres s'eſtre ac- quis beaucoup degloire avant la Paix des Pyrenées par tout où il avoit combatu , il fut
commander en Portugal ; &
quoy que ſes Troupes fuſſent beaucoup moins nombreuſes
que celles des Eſpagnols , il nelaiſſa pasde les batre ſou- vent, &d'emporter beaucoup de Places , ce qui a fait dire de luy avec beaucoup de
142 LE MERCEUR juſtice , que c'eſt un Homme de teſte,de cœur, & d'exécution.Quelques jours apres que la Tranchée fut ouverte de.
vat la Citadelle de Cambray,
les ennemis ayat fait une Sor- tie,ce Maréchal qui ſe trouva àla Garde de la Cavalerie, les
chargea luy-même le Piſtolet à la main , & les fit rentrer
dans leurs Paliſſades . Il auroit
couché toutes les nuits dans
la Tranchée , ſi Sa Majesté voyat toutes les fatigues qu'il ſe donnoit , ne luy eût ſou- vent ordonné deſe retirer.
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Résumé : « Le Feu qu'on y a fait pour se réjoüir [...] »
Le texte relate la prise de Cambray, marquée par un feu célébrant la victoire, représentant la citadelle attaquée et défendue avec des bombes et des carcasses. Les dames observaient la scène sans crainte. Les exploits seront immortalisés par des tableaux et des tapisseries, dessinés par des artistes présents, dont Monsieur le Brun, Nautre et Vandermeulle. Le siège de Cambray est comparé à celui de Troie, soulignant la supériorité des stratégies du roi, fondées sur ses lumières naturelles, son expérience, sa conduite judicieuse, sa prévoyance et ses soins vigilants. Le roi a supervisé personnellement les opérations, visitant tout et ordonnant toutes choses. Le mérite des maréchaux de France, notamment le maréchal de Schomberg, est également loué. Schomberg a joué un rôle crucial en chargeant les ennemis lors d'une sortie et en endurant de grandes fatigues.
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6
p. 116-126
COMPLIMENT FAIT AU ROY, En luy presentant l'Estampe de l'Obelisque érigé à sa gloire dans la Ville d'Arles.
Début :
Vous voyez, Madame, que j'ay pas flaté Mr de Roubin / Sire, je viens offrir à Vostre Masjesté au nom de [...]
Mots clefs :
Compliment, Arles, Estampe, Obélisque, Actions héroïques, Romains, France, Victoires, Roi
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texteReconnaissance textuelle : COMPLIMENT FAIT AU ROY, En luy presentant l'Estampe de l'Obelisque érigé à sa gloire dans la Ville d'Arles.
Vousvoyez , Madame , que
je n'av pas flaté Monfieur de Roubin , par ce que je vous ay dit à fon avantage. Il eſt du Pont S. Eſprit en Languedoc. L'amour qu'il a toûjours eu pourles Sciences ne l'a pas em- peſché de prendre party dans la Guerre , où il a eſté Officier,
&fort aimé de feu Monfieur
de Guiſe , qui avoit pour luy
GALANT. 83
e
une confideration toute parti- culiere. Vous vous plaindriez ſans doute ſi je negligeois de vous faire partdu Compliment qu'il a fait au Roy en s'acqui- tant de la commiflion qu'il a- voit reçeuë. Sa Majesté l'écou- ta tres-favorablement , & en a parlé depuis d'une maniere fi glorieuſe pour luy , qu'il n'a beſoin d'aucun autre Eloge.
Voicy les termes dõt il ſe ſervit.
COMPLIMENT
FAIT AU Roy ,
En luy preſentant l'Eſtampe del'O beliſque érigé à ſa gloire dans la Ville d'Arles..
Γ
U
C.
U
1-
15
الی STRE ty
IRE ,
Je viens offrir à Vostre
84 LE MERCVRE Majestéaunomdesa Ville d'Arles , la Figure de l'Obelisque qu'elle afait ériger nouvellement àfagloire. Cette Ville , SIRE ,
qui fut autrefois un desplus Auguſtes Theatres de la magnificen- ce &de la grandeurdes Romains,
&quiſe reſſentant encor aujour- dhuy du commerce qu'elle aeu ft
long-tempsavec ces grands Hom- mes ,ſemble en avoir berité les genereuſes inclinations
jours esté prevenuë de tant d'amour pour les Actions Heroïques,
qu'elle n'a pû voir celles dont V.
M. vient deſe ſignaler dans ces dernieres Campagnes ,fans conce- voir pour Elle des fentimens de veneration , dont elle a voulu
donner des marques publiques à
toute la France. En effet , SIRE,
tandis que V. M. defendsi gene-- reusement nos Frontieres contre
a toû
GALANT. 85
-
1
A
2
ATHELOR
les efforts de tant d'Ennemis , &
que par tant de nobles travaux & tant de glorieuses fatigues .
elle aſſure noftre repos , &nous faitmesme dansle plusfort de la
Guerre , joüir de cette profonde paix , & de cette douce tranquil- lité quifait le bon-heurdes Peuples;tandis queparde nouvelles
Conquestes elle augmente tous les jours les bornes de cet Empire , &
que victorieuſes promenant par , elletout porte
putation de la France jusqu duoc
extremitez de la terre
pas raisonnable que pour tant d'Illustres bienfaits nous luy
donnions quelque témoignage d'u- ne eternelle reconnoissance , &
que par une juste rétribution de
la gloire que lafplendeur & lafelicitédefon Regne répandentfur
tous les François , nous employions
mes
,
LazeLYON
n'est-it
$
86 LE MERCURE
tous nos foins & tous nos efforts pour immortaliser la fienne ?
Nous sommes SIRE ,ſi convain- cus d'un ſi juſte &fi legitime devoir, que-ne pouvant rien trou- ver fur la Terre qui meritaſt de vous estre offert foüilléjusques dans le fond deſon Sein , pour en tirer cet auguste
Monument que la Providence n'avoit fans-doute pris foin d'y
tenir caché durant tant de Siecles , qu'afin quefon Antiquitéle
rendist plus prétieux &plus ve- nerable , plus digne enfin de fer- vir un jour à la gloire du plus grand des Rois. Ilest vray , SIRE,
&je veux l'avoüer icy , qu'un ſi grand &fi magnifique deſſein auroit peut-estre demeuré long- tempsſans execution ,fi cette no- bleCompagniequi compoſevostre Academie Royale , & que nostre
nous avons
Ville
GALANT. 87
.
コーe
Ville regarde comme undeses plus
riches ornemens , ne nous eust enhardisà cette entrepriſe , ennous remontrant qu'il ne faut jamais vien trouver d'impoſſible , nymes- me de difficile , quand il s'agit
de marquerfon zele pour lagloire de V. M. Comme ces Illustres
Génies ont pourbut l'Immortalité, ils ont crû que ce n'estoit point affezde confierau papier lefoin de transmettre aux Siecles fu- turs lefouvenir des merveilles de
voftre Regne , qu'ilfalloit que le Marbre &le bronzefuſſent em- ployezàce granddefſcin , &que pour consacrer voſtre gloire par un Ouvrage qui pust durer an- tant que le Monde,il estoit neceffaire que cet Obélifque demeurast comme un grand Livre toûjours ouvert auxyeux de la Pofterité,
oùvos Actions immortellesfuffent
TomeVI. H
88 LE MERCVRE
écrites avec des caracteres que le
temps nepeut effacer. C'est par là , SIRE , que les uns &les au- tresse font agreablement flatez de ce doux espoir, que vous auriez la bonté de recevoir ce témoignage de leur Zele avec quel- que forte de complaisance , &de
leur accorder en ſuite l'honneur
devostre Auguste &Royale protection. C'est l'unique grace , SIRE , qu'ils viennent aujourd'huy vous demander par ma bouche ,
&dont peut- estre Vostre Majesté
ne les trouveroit pas tout-à-fait
indignes ,fi on pouvoit la meriter par les plus profonds fentimens d'un inviolable respect , par les Sermensfolemnels d'une eternelle
fidelité, &par les vœux ardens
qu'ils font tous les jours au Ciel pour la conſervation de voſtre Perſonne Sacrée , aussi bien que
GALANT. 89
pour la continuation de vos profperitez &de vos Victoires.
je n'av pas flaté Monfieur de Roubin , par ce que je vous ay dit à fon avantage. Il eſt du Pont S. Eſprit en Languedoc. L'amour qu'il a toûjours eu pourles Sciences ne l'a pas em- peſché de prendre party dans la Guerre , où il a eſté Officier,
&fort aimé de feu Monfieur
de Guiſe , qui avoit pour luy
GALANT. 83
e
une confideration toute parti- culiere. Vous vous plaindriez ſans doute ſi je negligeois de vous faire partdu Compliment qu'il a fait au Roy en s'acqui- tant de la commiflion qu'il a- voit reçeuë. Sa Majesté l'écou- ta tres-favorablement , & en a parlé depuis d'une maniere fi glorieuſe pour luy , qu'il n'a beſoin d'aucun autre Eloge.
Voicy les termes dõt il ſe ſervit.
COMPLIMENT
FAIT AU Roy ,
En luy preſentant l'Eſtampe del'O beliſque érigé à ſa gloire dans la Ville d'Arles..
Γ
U
C.
U
1-
15
الی STRE ty
IRE ,
Je viens offrir à Vostre
84 LE MERCVRE Majestéaunomdesa Ville d'Arles , la Figure de l'Obelisque qu'elle afait ériger nouvellement àfagloire. Cette Ville , SIRE ,
qui fut autrefois un desplus Auguſtes Theatres de la magnificen- ce &de la grandeurdes Romains,
&quiſe reſſentant encor aujour- dhuy du commerce qu'elle aeu ft
long-tempsavec ces grands Hom- mes ,ſemble en avoir berité les genereuſes inclinations
jours esté prevenuë de tant d'amour pour les Actions Heroïques,
qu'elle n'a pû voir celles dont V.
M. vient deſe ſignaler dans ces dernieres Campagnes ,fans conce- voir pour Elle des fentimens de veneration , dont elle a voulu
donner des marques publiques à
toute la France. En effet , SIRE,
tandis que V. M. defendsi gene-- reusement nos Frontieres contre
a toû
GALANT. 85
-
1
A
2
ATHELOR
les efforts de tant d'Ennemis , &
que par tant de nobles travaux & tant de glorieuses fatigues .
elle aſſure noftre repos , &nous faitmesme dansle plusfort de la
Guerre , joüir de cette profonde paix , & de cette douce tranquil- lité quifait le bon-heurdes Peuples;tandis queparde nouvelles
Conquestes elle augmente tous les jours les bornes de cet Empire , &
que victorieuſes promenant par , elletout porte
putation de la France jusqu duoc
extremitez de la terre
pas raisonnable que pour tant d'Illustres bienfaits nous luy
donnions quelque témoignage d'u- ne eternelle reconnoissance , &
que par une juste rétribution de
la gloire que lafplendeur & lafelicitédefon Regne répandentfur
tous les François , nous employions
mes
,
LazeLYON
n'est-it
$
86 LE MERCURE
tous nos foins & tous nos efforts pour immortaliser la fienne ?
Nous sommes SIRE ,ſi convain- cus d'un ſi juſte &fi legitime devoir, que-ne pouvant rien trou- ver fur la Terre qui meritaſt de vous estre offert foüilléjusques dans le fond deſon Sein , pour en tirer cet auguste
Monument que la Providence n'avoit fans-doute pris foin d'y
tenir caché durant tant de Siecles , qu'afin quefon Antiquitéle
rendist plus prétieux &plus ve- nerable , plus digne enfin de fer- vir un jour à la gloire du plus grand des Rois. Ilest vray , SIRE,
&je veux l'avoüer icy , qu'un ſi grand &fi magnifique deſſein auroit peut-estre demeuré long- tempsſans execution ,fi cette no- bleCompagniequi compoſevostre Academie Royale , & que nostre
nous avons
Ville
GALANT. 87
.
コーe
Ville regarde comme undeses plus
riches ornemens , ne nous eust enhardisà cette entrepriſe , ennous remontrant qu'il ne faut jamais vien trouver d'impoſſible , nymes- me de difficile , quand il s'agit
de marquerfon zele pour lagloire de V. M. Comme ces Illustres
Génies ont pourbut l'Immortalité, ils ont crû que ce n'estoit point affezde confierau papier lefoin de transmettre aux Siecles fu- turs lefouvenir des merveilles de
voftre Regne , qu'ilfalloit que le Marbre &le bronzefuſſent em- ployezàce granddefſcin , &que pour consacrer voſtre gloire par un Ouvrage qui pust durer an- tant que le Monde,il estoit neceffaire que cet Obélifque demeurast comme un grand Livre toûjours ouvert auxyeux de la Pofterité,
oùvos Actions immortellesfuffent
TomeVI. H
88 LE MERCVRE
écrites avec des caracteres que le
temps nepeut effacer. C'est par là , SIRE , que les uns &les au- tresse font agreablement flatez de ce doux espoir, que vous auriez la bonté de recevoir ce témoignage de leur Zele avec quel- que forte de complaisance , &de
leur accorder en ſuite l'honneur
devostre Auguste &Royale protection. C'est l'unique grace , SIRE , qu'ils viennent aujourd'huy vous demander par ma bouche ,
&dont peut- estre Vostre Majesté
ne les trouveroit pas tout-à-fait
indignes ,fi on pouvoit la meriter par les plus profonds fentimens d'un inviolable respect , par les Sermensfolemnels d'une eternelle
fidelité, &par les vœux ardens
qu'ils font tous les jours au Ciel pour la conſervation de voſtre Perſonne Sacrée , aussi bien que
GALANT. 89
pour la continuation de vos profperitez &de vos Victoires.
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Résumé : COMPLIMENT FAIT AU ROY, En luy presentant l'Estampe de l'Obelisque érigé à sa gloire dans la Ville d'Arles.
La lettre traite de Monsieur de Roubin, originaire du Pont-Saint-Esprit en Languedoc, passionné par les sciences et ancien officier apprécié par le défunt Monsieur de Guise. Monsieur de Roubin a adressé un compliment au roi lors de la réception d'une commission, ce qui a été bien accueilli par le roi qui a parlé de lui de manière glorieuse. Ce compliment concernait la présentation d'une estampe de l'obélisque érigé à Arles en l'honneur du roi. Arles, ancienne ville romaine, a voulu honorer les actions héroïques du roi lors des dernières campagnes, exprimant ainsi sa vénération et sa reconnaissance pour la défense des frontières, les conquêtes et la paix assurée par le roi. Pour témoigner de cette reconnaissance, Arles a décidé d'ériger l'obélisque, un monument ancien caché durant des siècles, afin de servir la gloire du roi. L'Académie Royale d'Arles a soutenu ce projet pour immortaliser la gloire du roi, voyant l'obélisque comme un livre ouvert à la postérité où les actions immortelles du roi sont écrites en caractères indélébiles. La ville espère que le roi recevra ce témoignage de zèle avec complaisance et accordera sa protection. La lettre se termine par des vœux pour la conservation de la personne du roi et la continuation de ses prospérités et victoires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 281-292
SUR L'EDUCATION de Monseigneur le DAUPHIN, & le soin que prend le ROY de dresser luy-mesme les Memoires de son Regne, pour servir d'instruction à ce jeune Prince.
Début :
Mille remercîmens, Madame, de ceux que vous me faites [...]
Mots clefs :
Académie française, Dauphin, Empire, Éducation, Pièces galantes, Prix, Leçons, France, Héros, Successeur
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texteReconnaissance textuelle : SUR L'EDUCATION de Monseigneur le DAUPHIN, & le soin que prend le ROY de dresser luy-mesme les Memoires de son Regne, pour servir d'instruction à ce jeune Prince.
Mille remercîmens , Madame, de ceuxque vous me fai- tes de la part de vos Amies pour le Marqués de Monfieur de Fontenelle que je vous en- voyay la derniere fois. Je ſuis bien aiſe que vous luy ayez fait rendre juſtice dans voſtre Province , & fatisferay avec joye à l'ordre que vous me donnez de ramaſſer tout ce
queje pourray trouverdePie- ces Galantes de ſa façon. Ne croyez pas cependant qu'il ne ſoit propre qu'au Stile badin.
Quoyqu'il convienne mieux à
fon âgeque le ſérieux , voyez,
4
198 LE MERCURE
jevous prie, comme il ſe tire d'affaires quand il a de grandes matieres à traiter. Ses Amis
luy ayant conſeillé de travail- lerſur celle que Meſſieurs de l'Academie Françoiſe avoient choiſie pour le Prix qui s'y donne touslesdeux ans, il leur
envoya les Vers qui fuivent.
SUR L'EDUCATION
deMonſeigneur le DAUPHIN, &
✔le ſoin que prend le ROY de dreffer luy-meſme les Memoires
de fon Regne , pour ſervir d'in- ſtruction à ce Prince.
:
CRANCE , de ton pouvoir . F temple l'étenduë
conVoy de tes Ennemis l'Union confondue;
Ils n'ont fait après tout par leurs
vains attentats
Que
GALANT. 199 Que te donner le droit de dompter
leurs Etats.
Floriſſante au dedans , au dehors redoutée,
Enfin au plus haut point ta grandew estmontée.
Maisce rare bonheur , France , dont tujoüis;
Niroit pas au delà du Regne de
Loüis;
Ton Empire chargée des Donsde la
Victoire ,
Succomberoit un jour ſous l'amas de
fagloire,
Si Loüis dont les soins embraſſent l'avenir , [Soûtenir.
Ne te formoit un Roy qui ſçeuſt la Il faut tout un Héros pour le rang qu'il poſſede ,
Amoins qu'on ne l'imite en vain on
luyfuccede.
Que le Sceptre est pénible apres qu'il l'aporté!
Partant d'Etatsfoûmissonpoids s'est augmenté;
イ
Etpar unsi grand Royces Provinces conquiſes,
Tome VI. S
200 LE MERCURE
Dans les mains d'un grand Roy veu- lent estreremiſes.
Peut-estre estoit-ce affez pour remplir cedeſtin,
Quele Sangde Loüis nousdonnât
UN DAUPHIN.
Sorty d'une origine &fi noble &fi
pure,
Que de vertus en lay promettoit la Nature ,
Etqui nese fûtpas repoféſurſafoy?
Mais commeelle auroit pû nefaire en luy qu'unRoy,
Loüis fait un Héros si digne de l'Empire,
Que nous l'élirions tous s'il fe devoie
élire.
Peuples , le croirez-vous ? de cette mesmemain Dont le Foudre vangeur ne part jamaisen vain ,
Sous qui l'audace tremble , & l'or.
gueil s'humilie ,
Iltrace pource Fils l'Histoire de ſa
vie,
Ce long enchaînement bautsFaits,
ce tiffu de
GALANT. 201
Qu'aucuns momens oyſifs n'interrom
pentjamais ;
Ne nousfigurons point qu'il la borne àdécrire
Vn Empire nouveauqui groſſit nostre
Empire ,
Nos Drapeauxarborezfur ces fuper- bes Forts
D'où Cambray défioit nos plus vail lans efforts,
Etd'Espagnolsdéfaits ces Campagnes
couvertes,
Et la riche Sicile adjoûtée à leurs
pertes, [laiſfer Exploits trop publiez, &dont il veur L'exemple à tous les Roiss'ils l'ofent embraffer.
Maisles profondsſecrets desa baute Sagesse,
Ce n'est qu'àſon DAUPHIN que ce Hérosteslaiffe:
Tousces vaftes deffeins qu'execute un
instant,
Etdontil nenousvient que le bruit éclatant,
Lesyeux seulsde fon Fils découvrens teurnaiſſance.
Sij
202 LE MERCVRE
Il les voit lentement meurir dans le
filence,
Et recevoir toûjours d'inſenſiblesprogrés,
'Tant que tout à l'envy réponde dis Succés,
Etque de tous coſtez la Fortunefoû- mise Se trouve hors d'état de trahir l'entrepriſe.
Tremblez, fiers Espagnols; Belges,
reconnoissez Dequoyparces Leçons vous estes me-.
nacez.
Quand Loüis affrontant vos feux
vos machines ,
Devos murs abbatus entaſſe lesruïnes,
Querien nese dérobe àson juste conroux ,
Peut- estre n'est-il pas plus à craindre
pourvous ,
Que quand avec les Soins de l'amour paternelle ,
Ils'attache àformer fon Fils furfon
modele.
Dans ce Present qu'il fait àſes i en plescharmez2
GALANT. 203 Combien d'autres Preſensse trouvent
renfermez!
Ilnousdonne en luyfeuldes Victoires certaines,
Ilnous donne l'Ibere accablé de nos
chaînes.
Combien, heureuxFraçois,devez-vous
àLoüis 7
Pour toutes les vertus dont il orne co
Fils!
Maiss'il falloit encor, qu'à cesvertus
guerrieres ,
LesMuses, tes beaux Artspretaffent
leurslumieres,
Combienluy devez-vous pourlegrand
Montaufier,
Qu'à ce noble travail ildaigne af- focier!
Il est cent ¢ Rois dont peut-eftre l'Histoire,
Dans lafoule desRoiscacheroit lame
moire,
Si de leurs Succeſſeurs l'indigne lacheté, [pas merité;
Ne leur donnoit l'éclat qu'ils n'ont
Princés de qui les Noms avec gloire furvivent,
Sij
204 LE MERCURE
Parce qu'on les compare avec ceux qui lesſuivent.
Quelquefois mesme un Roy qui ne se répond pas Qued'affez longs regrets honorentfon trépas ,
Par un tourpolitiqueen ſecretſeménage D'un indigne Heritier le honteux .
anantage. [defau's;
Tibere deût l'Empire à ses beurenxx
Anguste eust pû d'ailleurs craindre pen de Rivaux;
1
<
Maisenfin aux Romainssa vertufut plus chere Quand elle eutleſecours desvicesde
Tibere :
Tudédaignes , Loüis , ces Maximes d'Etat,
Tu veux qu'un Succeffeur augmente ton éclat
Mais loin qu'à ses dépens ton grand Nomſe ſoutienne ,
Tu veux queparsagloire il augmente la tienne.. Animé de ton Sang, formé par tes Leçons
GALANT. 20
DeDisciple &de Fils reüniſſant les Noms ,
Quelleshautes vertuspeut- ilfaire pa- rolltre ,
Qu'il n'herite d'un Pere,ou n'apprenned'un Maistre?
Les Peuples conteront aurang de tes
bien-faits Lebonheurdontfamain comblera leurs Souhaits ;
Etpar fon bras vainqueur nos Ennemis en fuite ,
N'imputeront qu'à toy beur Puiſſance
détruite.
Déjatous nos François Spectateurs de
tes Soins ,
Dans ces voix d'allegreffe àl'envy se
font joins.
Noftre jeune DAUPHINdes beauxde
firs s'enflame,
1
Loüis par ses Leçons luy transmet
-fagrande ame Il attend qu'il le ſuive un jour d'un
pas égal,
Et dans son propre Filsſepromet un Rinal.
MBLANTR
queje pourray trouverdePie- ces Galantes de ſa façon. Ne croyez pas cependant qu'il ne ſoit propre qu'au Stile badin.
Quoyqu'il convienne mieux à
fon âgeque le ſérieux , voyez,
4
198 LE MERCURE
jevous prie, comme il ſe tire d'affaires quand il a de grandes matieres à traiter. Ses Amis
luy ayant conſeillé de travail- lerſur celle que Meſſieurs de l'Academie Françoiſe avoient choiſie pour le Prix qui s'y donne touslesdeux ans, il leur
envoya les Vers qui fuivent.
SUR L'EDUCATION
deMonſeigneur le DAUPHIN, &
✔le ſoin que prend le ROY de dreffer luy-meſme les Memoires
de fon Regne , pour ſervir d'in- ſtruction à ce Prince.
:
CRANCE , de ton pouvoir . F temple l'étenduë
conVoy de tes Ennemis l'Union confondue;
Ils n'ont fait après tout par leurs
vains attentats
Que
GALANT. 199 Que te donner le droit de dompter
leurs Etats.
Floriſſante au dedans , au dehors redoutée,
Enfin au plus haut point ta grandew estmontée.
Maisce rare bonheur , France , dont tujoüis;
Niroit pas au delà du Regne de
Loüis;
Ton Empire chargée des Donsde la
Victoire ,
Succomberoit un jour ſous l'amas de
fagloire,
Si Loüis dont les soins embraſſent l'avenir , [Soûtenir.
Ne te formoit un Roy qui ſçeuſt la Il faut tout un Héros pour le rang qu'il poſſede ,
Amoins qu'on ne l'imite en vain on
luyfuccede.
Que le Sceptre est pénible apres qu'il l'aporté!
Partant d'Etatsfoûmissonpoids s'est augmenté;
イ
Etpar unsi grand Royces Provinces conquiſes,
Tome VI. S
200 LE MERCURE
Dans les mains d'un grand Roy veu- lent estreremiſes.
Peut-estre estoit-ce affez pour remplir cedeſtin,
Quele Sangde Loüis nousdonnât
UN DAUPHIN.
Sorty d'une origine &fi noble &fi
pure,
Que de vertus en lay promettoit la Nature ,
Etqui nese fûtpas repoféſurſafoy?
Mais commeelle auroit pû nefaire en luy qu'unRoy,
Loüis fait un Héros si digne de l'Empire,
Que nous l'élirions tous s'il fe devoie
élire.
Peuples , le croirez-vous ? de cette mesmemain Dont le Foudre vangeur ne part jamaisen vain ,
Sous qui l'audace tremble , & l'or.
gueil s'humilie ,
Iltrace pource Fils l'Histoire de ſa
vie,
Ce long enchaînement bautsFaits,
ce tiffu de
GALANT. 201
Qu'aucuns momens oyſifs n'interrom
pentjamais ;
Ne nousfigurons point qu'il la borne àdécrire
Vn Empire nouveauqui groſſit nostre
Empire ,
Nos Drapeauxarborezfur ces fuper- bes Forts
D'où Cambray défioit nos plus vail lans efforts,
Etd'Espagnolsdéfaits ces Campagnes
couvertes,
Et la riche Sicile adjoûtée à leurs
pertes, [laiſfer Exploits trop publiez, &dont il veur L'exemple à tous les Roiss'ils l'ofent embraffer.
Maisles profondsſecrets desa baute Sagesse,
Ce n'est qu'àſon DAUPHIN que ce Hérosteslaiffe:
Tousces vaftes deffeins qu'execute un
instant,
Etdontil nenousvient que le bruit éclatant,
Lesyeux seulsde fon Fils découvrens teurnaiſſance.
Sij
202 LE MERCVRE
Il les voit lentement meurir dans le
filence,
Et recevoir toûjours d'inſenſiblesprogrés,
'Tant que tout à l'envy réponde dis Succés,
Etque de tous coſtez la Fortunefoû- mise Se trouve hors d'état de trahir l'entrepriſe.
Tremblez, fiers Espagnols; Belges,
reconnoissez Dequoyparces Leçons vous estes me-.
nacez.
Quand Loüis affrontant vos feux
vos machines ,
Devos murs abbatus entaſſe lesruïnes,
Querien nese dérobe àson juste conroux ,
Peut- estre n'est-il pas plus à craindre
pourvous ,
Que quand avec les Soins de l'amour paternelle ,
Ils'attache àformer fon Fils furfon
modele.
Dans ce Present qu'il fait àſes i en plescharmez2
GALANT. 203 Combien d'autres Preſensse trouvent
renfermez!
Ilnousdonne en luyfeuldes Victoires certaines,
Ilnous donne l'Ibere accablé de nos
chaînes.
Combien, heureuxFraçois,devez-vous
àLoüis 7
Pour toutes les vertus dont il orne co
Fils!
Maiss'il falloit encor, qu'à cesvertus
guerrieres ,
LesMuses, tes beaux Artspretaffent
leurslumieres,
Combienluy devez-vous pourlegrand
Montaufier,
Qu'à ce noble travail ildaigne af- focier!
Il est cent ¢ Rois dont peut-eftre l'Histoire,
Dans lafoule desRoiscacheroit lame
moire,
Si de leurs Succeſſeurs l'indigne lacheté, [pas merité;
Ne leur donnoit l'éclat qu'ils n'ont
Princés de qui les Noms avec gloire furvivent,
Sij
204 LE MERCURE
Parce qu'on les compare avec ceux qui lesſuivent.
Quelquefois mesme un Roy qui ne se répond pas Qued'affez longs regrets honorentfon trépas ,
Par un tourpolitiqueen ſecretſeménage D'un indigne Heritier le honteux .
anantage. [defau's;
Tibere deût l'Empire à ses beurenxx
Anguste eust pû d'ailleurs craindre pen de Rivaux;
1
<
Maisenfin aux Romainssa vertufut plus chere Quand elle eutleſecours desvicesde
Tibere :
Tudédaignes , Loüis , ces Maximes d'Etat,
Tu veux qu'un Succeffeur augmente ton éclat
Mais loin qu'à ses dépens ton grand Nomſe ſoutienne ,
Tu veux queparsagloire il augmente la tienne.. Animé de ton Sang, formé par tes Leçons
GALANT. 20
DeDisciple &de Fils reüniſſant les Noms ,
Quelleshautes vertuspeut- ilfaire pa- rolltre ,
Qu'il n'herite d'un Pere,ou n'apprenned'un Maistre?
Les Peuples conteront aurang de tes
bien-faits Lebonheurdontfamain comblera leurs Souhaits ;
Etpar fon bras vainqueur nos Ennemis en fuite ,
N'imputeront qu'à toy beur Puiſſance
détruite.
Déjatous nos François Spectateurs de
tes Soins ,
Dans ces voix d'allegreffe àl'envy se
font joins.
Noftre jeune DAUPHINdes beauxde
firs s'enflame,
1
Loüis par ses Leçons luy transmet
-fagrande ame Il attend qu'il le ſuive un jour d'un
pas égal,
Et dans son propre Filsſepromet un Rinal.
MBLANTR
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Résumé : SUR L'EDUCATION de Monseigneur le DAUPHIN, & le soin que prend le ROY de dresser luy-mesme les Memoires de son Regne, pour servir d'instruction à ce jeune Prince.
L'auteur d'une lettre et d'un poème exprime sa satisfaction que la dame à qui il écrit ait rendu hommage au marquis de Fontenelle dans sa province. Il accepte de rassembler des pièces galantes de Fontenelle, soulignant que ce dernier est capable de traiter des sujets sérieux malgré son style badin. Le poème, intitulé 'Sur l'éducation de Monseigneur le Dauphin', célèbre les vertus et les réalisations du roi Louis XIV et de son fils, le Dauphin. Il met en avant les succès militaires de la France sous Louis XIV, notamment la prise de Cambrai et de la Sicile. Le poème souligne également les soins que le roi prend pour éduquer le Dauphin, lui transmettant ses connaissances et ses victoires. Cette éducation vise à former le Dauphin selon le modèle de son père, afin qu'il puisse continuer et augmenter la gloire de la France. Le texte insiste sur l'importance de cette éducation, espérant que le Dauphin suivra les pas de son père et continuera à apporter bonheur et victoire à la France. Le poème se conclut par cet espoir, soulignant la transmission des valeurs et des succès militaires de Louis XIV à son fils.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 164-181
Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Début :
Comme mes Lettres que vous avez bien voulu laisser devenir [...]
Mots clefs :
Mercure galant, Devenir publique, Lettres, Tuileries, Livres, Lire, Femme, Curiosité, Public, Auteur, Louer, Galanterie, Guerre, France, Aventure, Nouvelles, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Comme mes Lettres que vous avez bien voulu laifferdevenir
publiques , ont donné cours au Mercure , je croy vous devoir rendre compte d'un commencement d'Avanture qu'il a caus ſé dans les premiers jours de eeMois. Ils ont eſte ſi beaux,
i
Ev
106 LE MERCVRE
que jamais on n'a veu tant de monde aux Thuilleries. Un
Gentil - homme s'y promenoit ſeul un foir , reſvant peut-eſtre à quelque affaire de cœur,
quand il apperçeut ce quieſtoit fort capable de luy en faireune.
C'eſtoitune jeune Perſonne d'u- ne beauté ſurprenante. Elle eſtoit avec un Homme de Robe qu'il luy entendit nommer fon Coufin , en la ſuivant d'af- fez prés, comme il fit tant qu'el--- le marcha. Apres quelques tours d'Allée , elle alla s'aſſeoir
fur un Banc; & le Gentilhomme impatient de ſçavoir fi elle eſtoit auſſi ſpirituelle que belle,
ſe coula le plus promptement qu'il pût derriere une Paliſſade,
qui luy donna moyend'écouter fans eſtre apperçeu. Je vous l'a-e
voue, diſait-elle quand ils'ap
GALANT. 107
procha , la lecture a tant de charmes pour moy , qu'on ne me ſçauroit obliger plus ſenſi blement, que de me fournir de- quoy lire. J'y paſſe trois &qua- tre heures , de ſuite ſans m'en- nuyer , & les Livres ſont mon entretien ordinaire au defaut
de la Converſation. Et quels Livres , luy dit le Parent , vous divertiſſent leplus?Toutm'eft
propre, reprit elle. Hiſtoires ,
Voyages , Romans , Comédies,
je lis tout; &je vous diray mê- me, au hazard de paffer pour ri- dicule aupres de vous, qu'ilm'a pris fantaiſie depuis peu de parcourir cette Philofophie nou- velle qui fait tant debruit dans le monde. Je ſuis Femme , &
par conſequent curieuſe. Dés qu'on me parle d'une nouveau- té, je brûle d'envie de la voir,
Evj
108 LEMERCVRE
&tandis que mon Pere & ma Mere iront ſolliciter leur Procés, je prétens bien me fatisfai- re l'eſprit ſur toutes les agreables Bagatelles qui s'impriment tous les jours à Paris, car je ne croy pas que nous retournions en Bretagne avant le Careſme. Je m'imagine mabelle Parente, luy dit le Coufin, que vous ne manquerez pas à commencer par le Mercure Galant. Il n'y a point de Livre qui ſoit plus en vogue,
& il feroit honteux qu'il vous échapaſt , puis que vous faites profeffion de rout lire. Et de- quoy traite ce Mercure,luy de- manda - t-elle avec précipita- tion ?De toute forte de matieres , répondit-il. Il parle de la Guerre, &il ne ſe paſſe rien en France , & particulierement à
Paris, qui ſoit unpeu remarqua
GALANT. Log
ble, dont il n'informe le Public.
L'Autheur y meſle ce qu'il apprend de petites Avantures cauſées parl'Amour ; le tout eft diverſifié par des Pieces galan- tes de Vers & de Profe , & ce
mélange a quelque choſe d'a- greable qui fait que ceux qui approuvent le moins fon Livre,
ont toûjours la curiofité de le voir. Pour moy,j'en fuisfi fa- tisfait , que je ferois tres-faché,
qu'il ne le continuaſt pas ; ce.
qui divertit, l'emporte de beau- coup fur ce qui feroit capable d'ennuyer, & fij'y trouve quel- que choſe à redire , c'eſt qu'il louë avec profuſion, &qu'il s'é- tendunpeu trop fur les Articles de Guerre , car il perd plus de temps à décrire la priſe des Vil- les , que le Roy n'en a employé à les conquérir. Vous allez,
IIO LE MERCVRE
loin , répondit l'aimable Coufi- ne , & je ne ſçay ce que vous entendez par ce terme de pro- fuſion. Eft- ce qu'en loiiant les Gens ,l'Autheur du Mercure
neparticulariſe rien,& que fon- dant le bien qu'il en dit fur des expreſſions generales , il affure feulement qu'ils font tous d'un merite achevé , qu'aucune belle qualité ne leur manque , &
qu'il s'y trouve un affemblage de vertus ſi parfait , qu'il eſt im- poſſible d'aller au dela ? Voila ,
ce me ſemble, ce qui s'appelle- roit loüer avec profufion , quoy qu'en effet ce ne fuſt point du tout louer. Je ne ſuis point affez injuſte , repliqua- t- il , pour ac- cuſer l'Autheur dont je vous parle de loüer indiféremment tout le monde. Il éleve plus ou moins ceux qu'il a occaſion de
GALANT. III
nommer ſelon les choſes par leſquelles ils meritent d'eſtre loüez; il cite leurs Actions , fait
connoiſtre les Emplois qui leur ontdonné lieu de ſe rendre confiderables : mais comme je n'ay aucu interêt àcequi les touche,
j'aimerois mieux qu'il m'apprift quelque nouvelle agreable ,
que de me dire ce qu'ilne m'im- porte point de ſçavoir. C'eſt à
dire , mon cher Cousin , reprit la Belle en fiant , que ſi vous ou vos Amis vous aviez de longs Articles dans le Mercure , vous ne trouveriez point qu'il louaſt exceſſivement. Voila l'injustice de beaucoup de Gens. Ils vou- droient qu'il ne ſe fift rienque pour eux , & ils ne confidérent pas , quand on donne quelque ehoſe au Public,que ce Public eftantun Tout composé de di
112 LE MERCVRE
ferentes parties , il faut s'il ſe peut , trouver le moyen de con- tenter toutes fortes d'Eſprits. Je ne ſçay ceque c'eſt quele Mer- cure , mais peut-eſtre n'a- t- il
aucun Article qui ne rencontre ſes Partiſans , quand il auroit meſme quelque chose d'effecti- vement ennuyeux. Les tins s'at- tacherontaux Nouvelles ſerieuſes , les autres aux Avantures d'amour ; ceux cy cherche- ront les Vers ,ceux - là quelqu'autre Galanterie ; & com- me yous m'avez dit que c'eſt un Livre où tout cela eſt
ramaffé , j'ay peine à croire qu'on puſt former un deſſein plus capable de réüiffir. Quant auxloüanges, vouspouvez paf- fer par deſſus ſi vous enſou- frez; mais mille &mille honneſtes Gens qui font en France >
-
r
4 GALANT. 113
ne meritent-ils pas qu'on parle d'eux ? & le defir de ſe rendre
digne d'eſtre loüé, ſervantquel.- quefois d'aiguillon à la Vertu ,
doit-on envierà tant de Braves
qui hazardent tous les jours leur viepour ſervir l'Etat , une récompenſe ſi legitimement deuë à leurs grandes actions ?
La Juſtice qu'aparemment leur rend le Mercure , redouble la
curioſitéque j'ay de le voir, &
je ne crains pointque le trop de Guerre m'importune. La prife de Valenciennes a couſté ſi peu de temps , que je ne m'étonne pas qu'il en faille employer da- vantageà la décrire ; mais outre que dans les Caffandres & les Cyrus j'ay tout lû juſqu'aux plus longues deſcriptions des Barailles , je ſuis perfuadéeque nous ne pouvons ſçavoir trop
114 LE MERCVRE exactementce qui ſe faitde nos jours. Les Relations les plus fi- delles oublient toûjours quel- ques circonstances, &nousn'en
voyons aucune qui n'ait ſa nou- veauté ,du moins par quel- que endroit particulier qui n'a point eſté touché dans les autres.
La nuit s'avançoit , la Belle ſe retira , & le Gentilhomme
que fon eſprit n'avoitpasmoins furpris que fa beauté , la fit fui- vre parun Laquais. Il luy envo- yades le lendemain les ſept pre- miers Tomes du Mercure Galant , avec ces Vers.
LE
MERCVRE GALANT ,
A LA BELLE INCONNUE
qui a dela curioſité pour luy.
AMyde Cupidon , Galant de Rea1.
Je parle également & d'Amour &
d'Armée,
Etviens,mais en tremblant vous conter en cejour Des Nouvelles d'amour.
Si vous me recevezſans vous mettre en
couroux ,
১
Si jeſuispar hazardle bien venu chez
vous,
Rienne peut égaler le bonheur &la
joye Deceluyqui m'envoye.
Vous l'avez avoñé,vous aimez la leEture
116 LE MERCVRE
Vous vous divertiſſez àlire une Avanture;
Mesme dans les Romans ,jeſçay que les Combats
Nevous déplaiſentpas.
Pourquoy vous déplairoy-je en mafincerité ?
Ie nedis jamais rien contre la verité;
Maissur tout aujourd'huy , sans que
l'on me renvoye ,
Ieprétensqu'on le croye.
Cette impréveuë Galanterie embaraſſaunmoment la Belle.
Elle vit bien que la converſa- tion qu'elle avoit euële ſoir pré- cedent aux Thuilleries , eſtoit
cauſedu Préſent qu'on luy fai- foit. Il ne luy déplaiſoit pas,puis qu'il fatisfaifoit l'impatience où elle eftoit de voir le Mercure. Je
ne vous puis dire ce qu'elle pen- ſa , ny par quel motif de curio- fité ou d'intrigue elle fit la Ré
E
GALANT 117 .
ponſe que yous allez voir , car je n'ay point ſceu quelle ſuite a
eul'Avanture , mais il eſt certain qu'elle ne reçeut point le Meſſage en Provinciale façon- niere , & qu'eſtant entrée dans #fon Cabinet , elle écrivit ces
deux Vers qu'elle revint donner au Porteur.
Les Nouvelles d'amourdeceluy qui t'envoye
Ne medéplairont pas,jeprétensqu'il le
croye.
publiques , ont donné cours au Mercure , je croy vous devoir rendre compte d'un commencement d'Avanture qu'il a caus ſé dans les premiers jours de eeMois. Ils ont eſte ſi beaux,
i
Ev
106 LE MERCVRE
que jamais on n'a veu tant de monde aux Thuilleries. Un
Gentil - homme s'y promenoit ſeul un foir , reſvant peut-eſtre à quelque affaire de cœur,
quand il apperçeut ce quieſtoit fort capable de luy en faireune.
C'eſtoitune jeune Perſonne d'u- ne beauté ſurprenante. Elle eſtoit avec un Homme de Robe qu'il luy entendit nommer fon Coufin , en la ſuivant d'af- fez prés, comme il fit tant qu'el--- le marcha. Apres quelques tours d'Allée , elle alla s'aſſeoir
fur un Banc; & le Gentilhomme impatient de ſçavoir fi elle eſtoit auſſi ſpirituelle que belle,
ſe coula le plus promptement qu'il pût derriere une Paliſſade,
qui luy donna moyend'écouter fans eſtre apperçeu. Je vous l'a-e
voue, diſait-elle quand ils'ap
GALANT. 107
procha , la lecture a tant de charmes pour moy , qu'on ne me ſçauroit obliger plus ſenſi blement, que de me fournir de- quoy lire. J'y paſſe trois &qua- tre heures , de ſuite ſans m'en- nuyer , & les Livres ſont mon entretien ordinaire au defaut
de la Converſation. Et quels Livres , luy dit le Parent , vous divertiſſent leplus?Toutm'eft
propre, reprit elle. Hiſtoires ,
Voyages , Romans , Comédies,
je lis tout; &je vous diray mê- me, au hazard de paffer pour ri- dicule aupres de vous, qu'ilm'a pris fantaiſie depuis peu de parcourir cette Philofophie nou- velle qui fait tant debruit dans le monde. Je ſuis Femme , &
par conſequent curieuſe. Dés qu'on me parle d'une nouveau- té, je brûle d'envie de la voir,
Evj
108 LEMERCVRE
&tandis que mon Pere & ma Mere iront ſolliciter leur Procés, je prétens bien me fatisfai- re l'eſprit ſur toutes les agreables Bagatelles qui s'impriment tous les jours à Paris, car je ne croy pas que nous retournions en Bretagne avant le Careſme. Je m'imagine mabelle Parente, luy dit le Coufin, que vous ne manquerez pas à commencer par le Mercure Galant. Il n'y a point de Livre qui ſoit plus en vogue,
& il feroit honteux qu'il vous échapaſt , puis que vous faites profeffion de rout lire. Et de- quoy traite ce Mercure,luy de- manda - t-elle avec précipita- tion ?De toute forte de matieres , répondit-il. Il parle de la Guerre, &il ne ſe paſſe rien en France , & particulierement à
Paris, qui ſoit unpeu remarqua
GALANT. Log
ble, dont il n'informe le Public.
L'Autheur y meſle ce qu'il apprend de petites Avantures cauſées parl'Amour ; le tout eft diverſifié par des Pieces galan- tes de Vers & de Profe , & ce
mélange a quelque choſe d'a- greable qui fait que ceux qui approuvent le moins fon Livre,
ont toûjours la curiofité de le voir. Pour moy,j'en fuisfi fa- tisfait , que je ferois tres-faché,
qu'il ne le continuaſt pas ; ce.
qui divertit, l'emporte de beau- coup fur ce qui feroit capable d'ennuyer, & fij'y trouve quel- que choſe à redire , c'eſt qu'il louë avec profuſion, &qu'il s'é- tendunpeu trop fur les Articles de Guerre , car il perd plus de temps à décrire la priſe des Vil- les , que le Roy n'en a employé à les conquérir. Vous allez,
IIO LE MERCVRE
loin , répondit l'aimable Coufi- ne , & je ne ſçay ce que vous entendez par ce terme de pro- fuſion. Eft- ce qu'en loiiant les Gens ,l'Autheur du Mercure
neparticulariſe rien,& que fon- dant le bien qu'il en dit fur des expreſſions generales , il affure feulement qu'ils font tous d'un merite achevé , qu'aucune belle qualité ne leur manque , &
qu'il s'y trouve un affemblage de vertus ſi parfait , qu'il eſt im- poſſible d'aller au dela ? Voila ,
ce me ſemble, ce qui s'appelle- roit loüer avec profufion , quoy qu'en effet ce ne fuſt point du tout louer. Je ne ſuis point affez injuſte , repliqua- t- il , pour ac- cuſer l'Autheur dont je vous parle de loüer indiféremment tout le monde. Il éleve plus ou moins ceux qu'il a occaſion de
GALANT. III
nommer ſelon les choſes par leſquelles ils meritent d'eſtre loüez; il cite leurs Actions , fait
connoiſtre les Emplois qui leur ontdonné lieu de ſe rendre confiderables : mais comme je n'ay aucu interêt àcequi les touche,
j'aimerois mieux qu'il m'apprift quelque nouvelle agreable ,
que de me dire ce qu'ilne m'im- porte point de ſçavoir. C'eſt à
dire , mon cher Cousin , reprit la Belle en fiant , que ſi vous ou vos Amis vous aviez de longs Articles dans le Mercure , vous ne trouveriez point qu'il louaſt exceſſivement. Voila l'injustice de beaucoup de Gens. Ils vou- droient qu'il ne ſe fift rienque pour eux , & ils ne confidérent pas , quand on donne quelque ehoſe au Public,que ce Public eftantun Tout composé de di
112 LE MERCVRE
ferentes parties , il faut s'il ſe peut , trouver le moyen de con- tenter toutes fortes d'Eſprits. Je ne ſçay ceque c'eſt quele Mer- cure , mais peut-eſtre n'a- t- il
aucun Article qui ne rencontre ſes Partiſans , quand il auroit meſme quelque chose d'effecti- vement ennuyeux. Les tins s'at- tacherontaux Nouvelles ſerieuſes , les autres aux Avantures d'amour ; ceux cy cherche- ront les Vers ,ceux - là quelqu'autre Galanterie ; & com- me yous m'avez dit que c'eſt un Livre où tout cela eſt
ramaffé , j'ay peine à croire qu'on puſt former un deſſein plus capable de réüiffir. Quant auxloüanges, vouspouvez paf- fer par deſſus ſi vous enſou- frez; mais mille &mille honneſtes Gens qui font en France >
-
r
4 GALANT. 113
ne meritent-ils pas qu'on parle d'eux ? & le defir de ſe rendre
digne d'eſtre loüé, ſervantquel.- quefois d'aiguillon à la Vertu ,
doit-on envierà tant de Braves
qui hazardent tous les jours leur viepour ſervir l'Etat , une récompenſe ſi legitimement deuë à leurs grandes actions ?
La Juſtice qu'aparemment leur rend le Mercure , redouble la
curioſitéque j'ay de le voir, &
je ne crains pointque le trop de Guerre m'importune. La prife de Valenciennes a couſté ſi peu de temps , que je ne m'étonne pas qu'il en faille employer da- vantageà la décrire ; mais outre que dans les Caffandres & les Cyrus j'ay tout lû juſqu'aux plus longues deſcriptions des Barailles , je ſuis perfuadéeque nous ne pouvons ſçavoir trop
114 LE MERCVRE exactementce qui ſe faitde nos jours. Les Relations les plus fi- delles oublient toûjours quel- ques circonstances, &nousn'en
voyons aucune qui n'ait ſa nou- veauté ,du moins par quel- que endroit particulier qui n'a point eſté touché dans les autres.
La nuit s'avançoit , la Belle ſe retira , & le Gentilhomme
que fon eſprit n'avoitpasmoins furpris que fa beauté , la fit fui- vre parun Laquais. Il luy envo- yades le lendemain les ſept pre- miers Tomes du Mercure Galant , avec ces Vers.
LE
MERCVRE GALANT ,
A LA BELLE INCONNUE
qui a dela curioſité pour luy.
AMyde Cupidon , Galant de Rea1.
Je parle également & d'Amour &
d'Armée,
Etviens,mais en tremblant vous conter en cejour Des Nouvelles d'amour.
Si vous me recevezſans vous mettre en
couroux ,
১
Si jeſuispar hazardle bien venu chez
vous,
Rienne peut égaler le bonheur &la
joye Deceluyqui m'envoye.
Vous l'avez avoñé,vous aimez la leEture
116 LE MERCVRE
Vous vous divertiſſez àlire une Avanture;
Mesme dans les Romans ,jeſçay que les Combats
Nevous déplaiſentpas.
Pourquoy vous déplairoy-je en mafincerité ?
Ie nedis jamais rien contre la verité;
Maissur tout aujourd'huy , sans que
l'on me renvoye ,
Ieprétensqu'on le croye.
Cette impréveuë Galanterie embaraſſaunmoment la Belle.
Elle vit bien que la converſa- tion qu'elle avoit euële ſoir pré- cedent aux Thuilleries , eſtoit
cauſedu Préſent qu'on luy fai- foit. Il ne luy déplaiſoit pas,puis qu'il fatisfaifoit l'impatience où elle eftoit de voir le Mercure. Je
ne vous puis dire ce qu'elle pen- ſa , ny par quel motif de curio- fité ou d'intrigue elle fit la Ré
E
GALANT 117 .
ponſe que yous allez voir , car je n'ay point ſceu quelle ſuite a
eul'Avanture , mais il eſt certain qu'elle ne reçeut point le Meſſage en Provinciale façon- niere , & qu'eſtant entrée dans #fon Cabinet , elle écrivit ces
deux Vers qu'elle revint donner au Porteur.
Les Nouvelles d'amourdeceluy qui t'envoye
Ne medéplairont pas,jeprétensqu'il le
croye.
Fermer
Résumé : Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Le texte décrit une aventure aux Tuileries où un gentilhomme remarque une jeune femme d'une beauté exceptionnelle en compagnie d'un homme de robe, qu'elle appelle son cousin. Intrigué, le gentilhomme se cache pour écouter leur conversation. La jeune femme exprime son amour pour la lecture, mentionnant divers genres, y compris la philosophie nouvelle. Son cousin lui suggère de lire le Mercure Galant, un journal populaire qui traite de sujets variés comme la guerre et les aventures amoureuses, apprécié pour son mélange de nouvelles et de pièces galantes. La jeune femme montre de l'intérêt pour le Mercure Galant. Son cousin explique que le journal loue souvent les gens avec profusion mais distingue les mérites de chacun. La jeune femme défend le journal, affirmant qu'il contient quelque chose pour tous les goûts et que ses louanges peuvent encourager la vertu. Elle souhaite également lire des nouvelles exactes sur les événements contemporains. Impressionné par la beauté et l'esprit de la jeune femme, le gentilhomme la fait suivre par un laquais et lui envoie les sept premiers tomes du Mercure Galant accompagnés d'un poème. La jeune femme, flattée par ce geste, répond de manière élégante, exprimant son intérêt pour les nouvelles d'amour contenues dans le journal.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 317-331
Nouvelles de Siam, [titre d'après la table]
Début :
C'est avec raison, Madame, que je vous ay dit bien [...]
Mots clefs :
Roi, André Boureau-Deslandes, M. Cornuet, Siam, Roi de Siam, Terre, Présents, Lettre, Pavillon, Ambassadeurs, François Baron, Indes, France, Pays, Europe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de Siam, [titre d'après la table]
C'eft avec railon, Madame
, que je vous ay dit bien
des fois que la grandeur de
noftre augufte Monarque
eftoit connue de toute la
Terre. Ses conqueftes & fes
admirables qualitez ont fait
tant de bruit chez les Nations
les plus éloignées, que
le Roy de Siam a refolu de
luy envoyer des Ambaffadeurs.
M' Baron, Directeur
General dans les Indes pour
la Compagnie Royale de
France, ayant fçû l'intention
JOPIS
Dd iij
318 MERCVRE
de ce Roy, luy fit offrir un de
fes Vaiffeaux
pour
our les aller
prendre jufqu'à Siam. Dans
ce deffein il fit partir le Vau
tour. Ce Vaiffeau eftoit com
mandé par M Cornuet, qui
menoit M Dellandes
- Bour
Cup 2010
reau . C'eft un jeune Homme
de tres- bonne mine, que
M' Baron avoit choify pour
Pov de porter fa Lettre au Roy
Siam , & luy offrir les Préfens
de la part de la Compa
Ml'Evefque
de Mefellopolis,
Vicaire Apoftoli
que a Siam , qui fçait la Langue
& les coûtumes
du Païs,
gnie.
GALANT 319
le ,
fe chargea de la négotiation.
Le Vautour arriva dans la
Riviere de Siam le 3, de Septembre
de l'année derniere ;
& M Cornuet & Deflandes
envoyerent demander, fi en
paffant devant la Fortercffe,
Cour trouveroit bon qu'ils
faluaffent le Pavillon , en la
maniere qui ſe pratique en
Europe. On leur répondit ,
que quoy que cela ne fe fuft
point encor fait en ces Lieuxlà
, ils en ufcroient à leur volonté,
parce qu'on vouloit
leur faire connoiftre la joye
qu'on avoit de leur venuë.
Dd iiij
329 MERCVRE
Le Vaiffeau monta la Rivicre
ſans plus retarder ; & lors
qu'on fut proche de la Fors
terefſe , Mª Deſlandes ayant
remarqué que sle Pavillon !
qu'on avoit mis au haut du
Donjon , eftoit celuy d'une
Republique , fit mouiller
l'ancre , & envoya dire au
Commandant de la Fortel
reffe qu'il ne pouvoit falüer
ce Pavillon , parce qu'il étoit
beaucoup inférieur à celuy
du Roy fon Maiſtre. Cel
Commandant luy manda
que dans les Indes les Roys
n'affectoient aucun Pavillon
GALANT. 321
particulièr & rauffitofton
en mit un de Tafetas rouge
enda place de celuy que l'on
avoir vu d'abord. M fut fa
lüéenmefme temps par tou
tell'Artillerie du Vaiffeau , a
quoy la Fortereffe répondit
d'une fi grande quantité de
coups de Canon , que tous
les Chinois qui eftoient alors
dans la Ville , les Portugais
& les Hollandois , auffi bien
que les Siamois, dirent plu
fieurs fois , qu'ils n'avoient
jamais entendu rien de pareil.
En effet , c'eſt rarement
qu'on prodigue la Poudre à
A
plu322
MERCVRE
Canon en ce Pais là Les
Gardest du Roy conduifirent
Me Deflandes & Cornuet
dans la Maiſon qu'on
leur avoit préparée ; & leis
du mefme mois de Septem
bre, qui fut le jour pris pour
porter la Lettre & les Pré
fens , trois grands Manda-
Fins ( qui font comme icy
nos Ducs & Pairs ) vinrent
avec leurs grands Bateaux
de parade devant la Maifon
où M' Deflandes eftoit logé,
pour accompagner la Lettre
de M' le Baron , & les Préfens
de la Compagnie. Ils furent
GALANT. 323
portez à découvert fur deux
grands Bateaux faits à la maniere
du Pais. On les fit entrer
dans la Salle , où le Mi
niftre affifté de plufieurs
Mandarins, Chinois , Mores,
Siamois, & Portugais , atten-
- doit M' Deflandes. Il arriva
avec M' Cornuet , & trente
Soldats François , & tous
- deux furent affis dans le milieu
de la Salle , vis- à - vis des
Miniftres, tenant devant eux.
la Lettre dans une Corbeille
d'or. Elle fut leue , & traduire
en mefme temps par
le Supérieur du Seminaire,
! ;
324 MERCVRE
François de nation , qu'on
avoit placé dans le lieu où
fe mettent orJinairement
leurs Preftres , qu'ils appels
lent Tallapoins . L'Audience
dura plus d'une heure , & fe
paffa prefque toute en Quef
tions fur l'état préfent de la
France, & fur la grandeur de
fon Monarque, dont les Siamois
fçavent les Victoires.
On y parla encor des autres
Princes de l'Europe , & M
Deflandes fatisfit à tout avec
une grace & une préſence
d'efprit dont tous ces Genslà
refterent furpris. L'Au
GALANT 325
dience eftant finie , le Miniftre
porta la Lettre avec la
Traduction au
Royqui
ayant veu les Préfens , les
eftima
plusqu'aucun de ceux
qu'il ait
accoûtumé de receyoir,
entr'autres deux grands
Luftres de criftal, trois gráds
Miroirs garnis d'argent & de
vermeil, deux Girandoles de
criftal, & deux Pieces de
Canon de fonte admirablement
bien travaillées . Il les
fit porter à une Maifon de
Campagne , avec plufieurs
Pieces de Brocard d'or &
d'argent, qui faifoient partie
326 MERCVRE
de ces Préfens . Cependant,
pour favoriferM Deflandes
plus qu'il ne fait d'ordinaire
les Envoyez des autres Nations,
il voulut bien fe mon.
Strer à luy. Pour cela, il fortit
de fon Palais les21.6& vint
dans une grande Court , où
M Deflandes & Cornuet
l'attendoient fur un Tapis.
Il eut plus d'une demy- heure
d'entretien avec eux , &stémoigna
prendre grand plaifir
à entendre conter par
Interprete les furprenantes
Actions du Roy , dont il dit
plus de vingt fois qu'il avoit
GALANT 327
fçeu le particulier. En fe retirant
, il leur fit préſent à
chacun d'une Vélte , compléte
de Brocard de Perfe,
qui eft une faveur des plus
fignalées que puiffe faire ce
Roy à des Etrangers. Sur
rout celle de fe faire voir eft
fort extraordinaire , ceuxzmefme
de fon Royaume
n'ayant prefque jamais l'avantage
de l'obtenir. Le lendemain
22. il envoya dire à
M Dellandes qu'il avoit réfolu
d'envoyer trois Ambaffadeurs
à l'Empereur des
François , & auffitoft l'ordre
1
328 MERCVRE
fut donné pour leur départ.
L'un de ces trois eft un Grád
Mandarin, qui s'el acquité
de plufieurs Ambaſſades à la
Chine. Ils fe rendirent en
pils
dix -fept jours de marche par
terre à Bantam, où ils cfpéroient
trouver le Navite
nommé le Soleil d'Orient,
mais il en avoit fait voile dés
le 17. de Septembre, & eftoit
retourné à Surate , où il reportoit
le Frere aîné de M
Deflandes, qui eft Commiffaire
General de la Compa
gnie Françoife , & qui mande
par fes Lettres écrites de
-1361 9- datorp.2
GALANT. 329
Bantam du 15 Septembre
1680. & par celles du 2. Fevrier
1681. qu'il iroit à Pondichery
dans la Cofte de
Coromandel juſques au
mois de Septembre de cette
ellau
année, pour de là venir en
France dans le Soleil d'Orient
, & y arriver vers le
mois de Mars prochain.
Comme l'on ne doute pas
que les trois Ambaffadeurs
ne foient partis de Bantam
pour Surate, peu apres eftre
arrivez en cette premiere
t Ville , on croit qu'ils viendront
dans ce mefme Vaif
Ee
Septembre 1681.
330 MERCVRE
feau le Soleil d'Orient, qui
eft du port de plus de douze
cens tonneaux . Le Roy de
Siam envoyé ces Ambafladeurs
non feulement à caufe
des grandes chofes qu'on
luy a dites du Roy , mais
parce que prévoyant qu'il
aura des déméllez avec une
Puiffance de l'Europe , il eſt
bien aile de s'appuyer de
celle d'un Prince , auquel il
fçait que rien ne peut réfifter.
Ce Roy eft appellé
dans fes Titres Le Roy des
Roys, le Seigneur des Seigneurs,
le Maistre des Eaux , le ToutGALANT
331
t
•
puiſſant de la Terre , le Dominateur
de la Mer l'Arbitre du
bonheur & de l'infortune, defes
Sujets. Ses Etats font fituez
dans les Indes, & ont plus de
trois cens lieues de largeur.
Ils contenoient autrefois.
toute cette pointe de terre
qui va jufqu'à Malaca.
, que je vous ay dit bien
des fois que la grandeur de
noftre augufte Monarque
eftoit connue de toute la
Terre. Ses conqueftes & fes
admirables qualitez ont fait
tant de bruit chez les Nations
les plus éloignées, que
le Roy de Siam a refolu de
luy envoyer des Ambaffadeurs.
M' Baron, Directeur
General dans les Indes pour
la Compagnie Royale de
France, ayant fçû l'intention
JOPIS
Dd iij
318 MERCVRE
de ce Roy, luy fit offrir un de
fes Vaiffeaux
pour
our les aller
prendre jufqu'à Siam. Dans
ce deffein il fit partir le Vau
tour. Ce Vaiffeau eftoit com
mandé par M Cornuet, qui
menoit M Dellandes
- Bour
Cup 2010
reau . C'eft un jeune Homme
de tres- bonne mine, que
M' Baron avoit choify pour
Pov de porter fa Lettre au Roy
Siam , & luy offrir les Préfens
de la part de la Compa
Ml'Evefque
de Mefellopolis,
Vicaire Apoftoli
que a Siam , qui fçait la Langue
& les coûtumes
du Païs,
gnie.
GALANT 319
le ,
fe chargea de la négotiation.
Le Vautour arriva dans la
Riviere de Siam le 3, de Septembre
de l'année derniere ;
& M Cornuet & Deflandes
envoyerent demander, fi en
paffant devant la Fortercffe,
Cour trouveroit bon qu'ils
faluaffent le Pavillon , en la
maniere qui ſe pratique en
Europe. On leur répondit ,
que quoy que cela ne fe fuft
point encor fait en ces Lieuxlà
, ils en ufcroient à leur volonté,
parce qu'on vouloit
leur faire connoiftre la joye
qu'on avoit de leur venuë.
Dd iiij
329 MERCVRE
Le Vaiffeau monta la Rivicre
ſans plus retarder ; & lors
qu'on fut proche de la Fors
terefſe , Mª Deſlandes ayant
remarqué que sle Pavillon !
qu'on avoit mis au haut du
Donjon , eftoit celuy d'une
Republique , fit mouiller
l'ancre , & envoya dire au
Commandant de la Fortel
reffe qu'il ne pouvoit falüer
ce Pavillon , parce qu'il étoit
beaucoup inférieur à celuy
du Roy fon Maiſtre. Cel
Commandant luy manda
que dans les Indes les Roys
n'affectoient aucun Pavillon
GALANT. 321
particulièr & rauffitofton
en mit un de Tafetas rouge
enda place de celuy que l'on
avoir vu d'abord. M fut fa
lüéenmefme temps par tou
tell'Artillerie du Vaiffeau , a
quoy la Fortereffe répondit
d'une fi grande quantité de
coups de Canon , que tous
les Chinois qui eftoient alors
dans la Ville , les Portugais
& les Hollandois , auffi bien
que les Siamois, dirent plu
fieurs fois , qu'ils n'avoient
jamais entendu rien de pareil.
En effet , c'eſt rarement
qu'on prodigue la Poudre à
A
plu322
MERCVRE
Canon en ce Pais là Les
Gardest du Roy conduifirent
Me Deflandes & Cornuet
dans la Maiſon qu'on
leur avoit préparée ; & leis
du mefme mois de Septem
bre, qui fut le jour pris pour
porter la Lettre & les Pré
fens , trois grands Manda-
Fins ( qui font comme icy
nos Ducs & Pairs ) vinrent
avec leurs grands Bateaux
de parade devant la Maifon
où M' Deflandes eftoit logé,
pour accompagner la Lettre
de M' le Baron , & les Préfens
de la Compagnie. Ils furent
GALANT. 323
portez à découvert fur deux
grands Bateaux faits à la maniere
du Pais. On les fit entrer
dans la Salle , où le Mi
niftre affifté de plufieurs
Mandarins, Chinois , Mores,
Siamois, & Portugais , atten-
- doit M' Deflandes. Il arriva
avec M' Cornuet , & trente
Soldats François , & tous
- deux furent affis dans le milieu
de la Salle , vis- à - vis des
Miniftres, tenant devant eux.
la Lettre dans une Corbeille
d'or. Elle fut leue , & traduire
en mefme temps par
le Supérieur du Seminaire,
! ;
324 MERCVRE
François de nation , qu'on
avoit placé dans le lieu où
fe mettent orJinairement
leurs Preftres , qu'ils appels
lent Tallapoins . L'Audience
dura plus d'une heure , & fe
paffa prefque toute en Quef
tions fur l'état préfent de la
France, & fur la grandeur de
fon Monarque, dont les Siamois
fçavent les Victoires.
On y parla encor des autres
Princes de l'Europe , & M
Deflandes fatisfit à tout avec
une grace & une préſence
d'efprit dont tous ces Genslà
refterent furpris. L'Au
GALANT 325
dience eftant finie , le Miniftre
porta la Lettre avec la
Traduction au
Royqui
ayant veu les Préfens , les
eftima
plusqu'aucun de ceux
qu'il ait
accoûtumé de receyoir,
entr'autres deux grands
Luftres de criftal, trois gráds
Miroirs garnis d'argent & de
vermeil, deux Girandoles de
criftal, & deux Pieces de
Canon de fonte admirablement
bien travaillées . Il les
fit porter à une Maifon de
Campagne , avec plufieurs
Pieces de Brocard d'or &
d'argent, qui faifoient partie
326 MERCVRE
de ces Préfens . Cependant,
pour favoriferM Deflandes
plus qu'il ne fait d'ordinaire
les Envoyez des autres Nations,
il voulut bien fe mon.
Strer à luy. Pour cela, il fortit
de fon Palais les21.6& vint
dans une grande Court , où
M Deflandes & Cornuet
l'attendoient fur un Tapis.
Il eut plus d'une demy- heure
d'entretien avec eux , &stémoigna
prendre grand plaifir
à entendre conter par
Interprete les furprenantes
Actions du Roy , dont il dit
plus de vingt fois qu'il avoit
GALANT 327
fçeu le particulier. En fe retirant
, il leur fit préſent à
chacun d'une Vélte , compléte
de Brocard de Perfe,
qui eft une faveur des plus
fignalées que puiffe faire ce
Roy à des Etrangers. Sur
rout celle de fe faire voir eft
fort extraordinaire , ceuxzmefme
de fon Royaume
n'ayant prefque jamais l'avantage
de l'obtenir. Le lendemain
22. il envoya dire à
M Dellandes qu'il avoit réfolu
d'envoyer trois Ambaffadeurs
à l'Empereur des
François , & auffitoft l'ordre
1
328 MERCVRE
fut donné pour leur départ.
L'un de ces trois eft un Grád
Mandarin, qui s'el acquité
de plufieurs Ambaſſades à la
Chine. Ils fe rendirent en
pils
dix -fept jours de marche par
terre à Bantam, où ils cfpéroient
trouver le Navite
nommé le Soleil d'Orient,
mais il en avoit fait voile dés
le 17. de Septembre, & eftoit
retourné à Surate , où il reportoit
le Frere aîné de M
Deflandes, qui eft Commiffaire
General de la Compa
gnie Françoife , & qui mande
par fes Lettres écrites de
-1361 9- datorp.2
GALANT. 329
Bantam du 15 Septembre
1680. & par celles du 2. Fevrier
1681. qu'il iroit à Pondichery
dans la Cofte de
Coromandel juſques au
mois de Septembre de cette
ellau
année, pour de là venir en
France dans le Soleil d'Orient
, & y arriver vers le
mois de Mars prochain.
Comme l'on ne doute pas
que les trois Ambaffadeurs
ne foient partis de Bantam
pour Surate, peu apres eftre
arrivez en cette premiere
t Ville , on croit qu'ils viendront
dans ce mefme Vaif
Ee
Septembre 1681.
330 MERCVRE
feau le Soleil d'Orient, qui
eft du port de plus de douze
cens tonneaux . Le Roy de
Siam envoyé ces Ambafladeurs
non feulement à caufe
des grandes chofes qu'on
luy a dites du Roy , mais
parce que prévoyant qu'il
aura des déméllez avec une
Puiffance de l'Europe , il eſt
bien aile de s'appuyer de
celle d'un Prince , auquel il
fçait que rien ne peut réfifter.
Ce Roy eft appellé
dans fes Titres Le Roy des
Roys, le Seigneur des Seigneurs,
le Maistre des Eaux , le ToutGALANT
331
t
•
puiſſant de la Terre , le Dominateur
de la Mer l'Arbitre du
bonheur & de l'infortune, defes
Sujets. Ses Etats font fituez
dans les Indes, & ont plus de
trois cens lieues de largeur.
Ils contenoient autrefois.
toute cette pointe de terre
qui va jufqu'à Malaca.
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Résumé : Nouvelles de Siam, [titre d'après la table]
En 1680, des ambassadeurs du roi de Siam furent envoyés en France pour reconnaître la grandeur et les conquêtes du roi de France. Le baron, directeur général de la Compagnie Royale de France dans les Indes, mit à disposition un vaisseau pour transporter les ambassadeurs. Ce vaisseau, commandé par M. Cornuet et transportant M. Dellandes, arriva en septembre 1680. Dellandes, choisi pour sa bonne mine et son éducation, portait une lettre et des présents du roi de France. À leur arrivée, ils demandèrent la permission de saluer un pavillon, ce qui fut accordé. Dellandes remarqua un pavillon républicain et insista pour en hisser un royal, ce qui entraîna une salve d'artillerie échangée entre le vaisseau et la forteresse. Dellandes et Cornuet furent ensuite conduits à une maison préparée pour eux. En septembre, trois mandarins vinrent accompagner la lettre et les présents à la cour. Dellandes, accompagné de soldats français, fut reçu par les ministres du roi de Siam. L'audience dura plus d'une heure, durant laquelle Dellandes répondit aux questions sur la France et son monarque. Le roi de Siam, impressionné par les présents, notamment des lustres de cristal et des pièces d'artillerie, décida d'envoyer trois ambassadeurs en France. Ces ambassadeurs, incluant un grand mandarin expérimenté, partirent pour Bantam mais manquèrent le vaisseau Soleil d'Orient. Ils étaient attendus en septembre 1681 sur ce même vaisseau. Le roi de Siam, anticipant des conflits avec une puissance européenne, cherchait à s'allier avec la France. Ses titres incluent 'Roi des Rois' et 'Maître des Eaux', et ses États s'étendent sur plus de trois cents lieues dans les Indes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 88-90
Lettre du Roy de Siam au Pape, & au Roy de France, avec plusieurs particularitez touchant les Ambassadeurs embarquez pour la France, sur le Vaisseau le Soleil d'Orient. [titre d'après la table]
Début :
Il me souvient que je vous parlay il y a quelques années [...]
Mots clefs :
Siam, Années, France, Soleil d'Orient, André Boureau-Deslandes, Frère, Compagnie orientale de France, Lettres, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre du Roy de Siam au Pape, & au Roy de France, avec plusieurs particularitez touchant les Ambassadeurs embarquez pour la France, sur le Vaisseau le Soleil d'Orient. [titre d'après la table]
Il me ſouvient que je vous
parlay ily a quelques années
desAmbaſſadeurs que leRoy
de Siam envoyoit en France,
& de là à Rome , avec des
Préſens pour ſa Majesté, parmy
leſquels estoient deux
Elephans blancs. M' des LanGALANT.
89
こ
des- Bourau , Frere de M
Bourau , qui a eſté fi long.
temps Commiflaire General
de la Compagnie à Surate,
- fe trouvant luy - melme de
puis pluſieurs années Chef
du Comptoir de la Compa
.gnie Orientale de France à
Siam,traduifit les Lettres que
ce Roy a écrites à Sa Mal
jeſté , & au Pape , &il les a
envoyées icy par un Officier
de la Compagnie , comme
s'il euft préven la difgrace
qu'on craint qui ne foit and
vée à fon Frere , qui s'em
barqua à Bantam avec less
Juin 1684
1
90 MERCURE 1
Ambaffadeurs & les Préfens
fur le Soleil d'Orient , dont on
n'a point entendu parler depuis
prés de trois ans que
s'est fait l'embarquement.
Ces Lettres eſtant tombées
depuis peu entre mes mains,
j'ay crû que vous ne ſeriez
pas fâchée de les voir. Elles
font accompagnées de deux
autres , que le Miniſtre de
Siam a écrites à la Compagnies.
Il y a pour ſubſcrip
tion à celle qui eſt pour le
Roy,
parlay ily a quelques années
desAmbaſſadeurs que leRoy
de Siam envoyoit en France,
& de là à Rome , avec des
Préſens pour ſa Majesté, parmy
leſquels estoient deux
Elephans blancs. M' des LanGALANT.
89
こ
des- Bourau , Frere de M
Bourau , qui a eſté fi long.
temps Commiflaire General
de la Compagnie à Surate,
- fe trouvant luy - melme de
puis pluſieurs années Chef
du Comptoir de la Compa
.gnie Orientale de France à
Siam,traduifit les Lettres que
ce Roy a écrites à Sa Mal
jeſté , & au Pape , &il les a
envoyées icy par un Officier
de la Compagnie , comme
s'il euft préven la difgrace
qu'on craint qui ne foit and
vée à fon Frere , qui s'em
barqua à Bantam avec less
Juin 1684
1
90 MERCURE 1
Ambaffadeurs & les Préfens
fur le Soleil d'Orient , dont on
n'a point entendu parler depuis
prés de trois ans que
s'est fait l'embarquement.
Ces Lettres eſtant tombées
depuis peu entre mes mains,
j'ay crû que vous ne ſeriez
pas fâchée de les voir. Elles
font accompagnées de deux
autres , que le Miniſtre de
Siam a écrites à la Compagnies.
Il y a pour ſubſcrip
tion à celle qui eſt pour le
Roy,
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Résumé : Lettre du Roy de Siam au Pape, & au Roy de France, avec plusieurs particularitez touchant les Ambassadeurs embarquez pour la France, sur le Vaisseau le Soleil d'Orient. [titre d'après la table]
Le texte traite d'une correspondance relative aux ambassadeurs envoyés par le roi de Siam en France et à Rome, accompagnés de présents, dont deux éléphants blancs. Monsieur des Langalant mentionne Monsieur des Bourau, frère de Monsieur Bourau, ancien commissaire général de la Compagnie à Surate et chef du comptoir de la Compagnie Orientale de France à Siam. Des Bourau a traduit les lettres du roi de Siam adressées au roi de France et au pape, et les a transmises via un officier de la Compagnie. Ces lettres, ainsi que celles du ministre de Siam à la Compagnie, ont été partagées par l'auteur. Les ambassadeurs et les présents, surnommés le 'Soleil d'Orient', n'ont pas donné de nouvelles depuis près de trois ans, depuis leur embarquement à Bantam en juin 1684.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 99-101
LETTRE ECRITE PAR le Barcalon, ou Ministre du Roy de Siam, à Messieurs les Directeurs Genéraux de la Compagnie du Commerce des Indes Orientales.
Début :
Lettre de Chao Peja Ferry Terrama Bacha Chady Amatraja, Mehittra, [...]
Mots clefs :
Barcalon, Compagnie du commerce des Indes orientales, Directeurs généraux, France, Maître, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE ECRITE PAR le Barcalon, ou Ministre du Roy de Siam, à Messieurs les Directeurs Genéraux de la Compagnie du Commerce des Indes Orientales.
LETTRE ECRITE PAR
le Barcalon , ou Miniſtre du
Roy de Siam , à Meſſieurs les
Directeurs Genéraux de la
Compagnie du Commerce des
Indes Orientales .
Ettre de Chao Peja Ferry
LTeTrerrarammaa Bacha Chady
Amatraja, Mehittra , Pipittra,
I ij
100 MERCURE
Rathana, Rat, Couffa , Tidody,
Apaja , Pery, Bora , Cromma,
Pahoué , qu'il envoye en figne
d'amitié fincere à Ms les Directeurs
Genéraux de la Royale
Compagnie de France. D'autant
que le Roy mon Maiſtre envoye
Jes Ambassadeurs , afin de porter
fes Royales Lettres , & Préfens,
à la Haute &Royale Majesté
du Grand Roy de France , afin
que leurs Alliances fi excellentes
avantageuses puiffent estre
éternelles. Or comme les Ambaf-
Sadeurs Serviteurs du Roy
mon Maiſtre font un cheminfort
long, fi lesdits Ambaſſadeurs ont
GALANT. IOI
beſoin de quelque chose , ou- bien
fi le Pere Gayme & Emmanuel
Ficards vont le demander à la
Compagnie , je prie ladite Compagnie
d'enfaire un Compte clair
net ,&de l'envoyer icy, afin
que jefatisfaſſe à tout ce qu'ils
ont reçûde la CompagnieRoyale,
de plus , si la Compagnie Royale
defire quelque chose de ceRoyau
me, je la prie de nous lefaire
fçavoir avec toute la clartépof
fible.....
le Barcalon , ou Miniſtre du
Roy de Siam , à Meſſieurs les
Directeurs Genéraux de la
Compagnie du Commerce des
Indes Orientales .
Ettre de Chao Peja Ferry
LTeTrerrarammaa Bacha Chady
Amatraja, Mehittra , Pipittra,
I ij
100 MERCURE
Rathana, Rat, Couffa , Tidody,
Apaja , Pery, Bora , Cromma,
Pahoué , qu'il envoye en figne
d'amitié fincere à Ms les Directeurs
Genéraux de la Royale
Compagnie de France. D'autant
que le Roy mon Maiſtre envoye
Jes Ambassadeurs , afin de porter
fes Royales Lettres , & Préfens,
à la Haute &Royale Majesté
du Grand Roy de France , afin
que leurs Alliances fi excellentes
avantageuses puiffent estre
éternelles. Or comme les Ambaf-
Sadeurs Serviteurs du Roy
mon Maiſtre font un cheminfort
long, fi lesdits Ambaſſadeurs ont
GALANT. IOI
beſoin de quelque chose , ou- bien
fi le Pere Gayme & Emmanuel
Ficards vont le demander à la
Compagnie , je prie ladite Compagnie
d'enfaire un Compte clair
net ,&de l'envoyer icy, afin
que jefatisfaſſe à tout ce qu'ils
ont reçûde la CompagnieRoyale,
de plus , si la Compagnie Royale
defire quelque chose de ceRoyau
me, je la prie de nous lefaire
fçavoir avec toute la clartépof
fible.....
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Résumé : LETTRE ECRITE PAR le Barcalon, ou Ministre du Roy de Siam, à Messieurs les Directeurs Genéraux de la Compagnie du Commerce des Indes Orientales.
Le Barcalon, Chao Peja Ferry, ministre du roi de Siam, écrit aux Directeurs Généraux de la Compagnie du Commerce des Indes Orientales pour exprimer son amitié. Il annonce l'envoi d'ambassadeurs en France, porteurs de lettres royales et de présents pour le roi de France, afin de créer des alliances durables et bénéfiques entre les deux nations. La lettre souligne les besoins des ambassadeurs durant leur voyage et demande à la Compagnie de fournir un compte détaillé des dépenses. Le Barcalon invite également la Compagnie à formuler toute demande auprès du roi de Siam, insistant sur la nécessité de clarté dans les communications.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 67-69
LA FRANCE.
Début :
Un Anonime a fait parler la France à la Fortune, sur ce que le / Aveugle Déesse, dis-moy, [...]
Mots clefs :
France, Fortune, Déesse, Roi, Prince, Univers, Clémence, Sagesse, Ennemis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FRANCE.
Un Anonime a fait parler la
Fránce à la Fortune ,fur ce que le
Roy a eu fix -vingt Billets blancs
à la Loterie de Monfeigneur le
Dauphin. Voicy la Demande &
a Réponſe.
LA FRANCE.
Aveugle Déeffe,dis -moy ,
68
MERCURE
T
D'où vient qu'à noftre Auguste Roy
Six- vingt Billets tous blancs fout
échús en partage?
LA FORTUN É .
France , c'est pour montrer combien
ton Prince eft fage.
Lors qu'il pourroit foumettre à fes
Loix l'Univers
Que la Terre luy céde , & qu'il commande
aux Mers,
Sa clémence retient l'ardeur de fon
courage.
Ce qu'il m'a donné je luy rends ;
Et comme moy les Conquérans ,
Les Princes , les Etats , & tous les
Grands du Monde
Connoiffant de Louis la fageffe profonde
,
Pour terminer leurs diférens,
Le prennent pour Arbitre , & luy
donnent des Blancs ;
GALANT. 69.
Et fi fes Ennemis demandent leur
revanche ,
Il leur donne la Carte blanche.´
Fránce à la Fortune ,fur ce que le
Roy a eu fix -vingt Billets blancs
à la Loterie de Monfeigneur le
Dauphin. Voicy la Demande &
a Réponſe.
LA FRANCE.
Aveugle Déeffe,dis -moy ,
68
MERCURE
T
D'où vient qu'à noftre Auguste Roy
Six- vingt Billets tous blancs fout
échús en partage?
LA FORTUN É .
France , c'est pour montrer combien
ton Prince eft fage.
Lors qu'il pourroit foumettre à fes
Loix l'Univers
Que la Terre luy céde , & qu'il commande
aux Mers,
Sa clémence retient l'ardeur de fon
courage.
Ce qu'il m'a donné je luy rends ;
Et comme moy les Conquérans ,
Les Princes , les Etats , & tous les
Grands du Monde
Connoiffant de Louis la fageffe profonde
,
Pour terminer leurs diférens,
Le prennent pour Arbitre , & luy
donnent des Blancs ;
GALANT. 69.
Et fi fes Ennemis demandent leur
revanche ,
Il leur donne la Carte blanche.´
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13
p. 74-85
ODE DE MADAME DES HOULIERES. AU ROY.
Début :
Madame des Houlieres ne s'est pas teuë sur cette Arrivée / Le croiras-tu, LOUIS ? à ta gloire attentive, [...]
Mots clefs :
Héros, Gloire, Doge, Roi, Louis, Siècle, France, Exploits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE DE MADAME DES HOULIERES. AU ROY.
adame des Houlieres ne
s'eft pas teuë fur cette Arrivée du Doge en France. Un
Evenement fi peu ordinaire
luy adonné lieu d'adrefferune
Ode au Roy. Elle a eu le
mefme fuccez que tous fes
autres Ouvrages, ce qui fait
connoiftre que fon talent eft
également heureux en toute
forte de genres d'écrire.
GALANT. 75
ODE
DE MADAME
DES HOULIERES.
AU ROY...
E croiras tu , LOUIS ? à ta
Legloire attentive,
Pour t'immortalifer, j'ay voulu mille
fois
Te chantercouronné de Lauriers &
d'olive,
Et millefois ma Lyre a languyfous
mes doigts.
Un Heros audeffin des Heros de la
Fable,
Eftpourqui le célebre un Heros redoutable,
Gij
76 MERCURE
Contrequi cent Nochers à mes yeux
ontbrifé.
Oiy, depuis que tu cours de victoire
en victoire,
Le Dieu qui des grands nomsfait durerla memoire,
Se feroit luy-meſme épuisé.
Se
Rejette donc , grand Roy, furunejufte crainte
Malenteur à parler de tesfaits inouis.
Impofons- nous , difois-je , une fage
contrainte,
N'immolons point magloire à celle de
LOUIS.
Quedirois-je en chantantfa valeur
triomphante,
Dont aux Siecles futurs plus d'une
mainfçavante
Avantmoy n'ait tracé defideles Tableaux?
GALANT. 77
Mais à quoy mon efpritſe laiſſe- t- il
Surprendre?
Quelle erreur ! Ah! de toy ne doit on
pas attendre
Toûjours des miracles nouveaux?
Sa
Duformidable Rhin le merveilleux
Paßage,
Endixjours la Comtépriſe aufort
des Hyvers,
L'Algérienforcé de rompre l'efclavage.
Des Chrétiens gemiffansfous le poids
defesfers,
Luxembourgaffervy fous cette Lop.
commune,
Sembloientavoir pour toyfatigué la
Fortune,
T
Onne concevoit rien de plus beau , de
plusdoux.
Güj
78 MERCURE
Cependant, dans les murs de ton fameux Versailles,
Tu vois , plus grand encor qu'au mi- lieu des Batailles,
Des Souverains à tes genoux.
$2
Ah! que de defefpoir , d'étonnement,
d'envie
Ce grand évenementjettera dans les
cœurs,
De tant de Roys jaloux de l'éclat de
ta vie!
De combien voudroient- ilspayerde
telshonneurs?
Maisleurs fouhaitsfont vains ; ces
éclatantesmarques.
N'illuftrerontjamais le Nom de ces
Monarques,
Grandsparle titrefeul dont ils font
revétus.
Toy quipourun Heros as tout ce qu'on
demande,
GALANT. 79
Toyqui les paffes tous, ilfaut quebe
Cielrende
Ta gloire égale à tes vertus,
Sa
Teldans un Siecle heureux on vit rea
gner Augufte,
Son nomfutadoré decent Peuples
divers.
Il eftoit comme toy,fage, intrépide,,
jufte,
Ettufais comme luy trembler tour
l'Univers.
Commetoytriomphantfur laTerre &
furl'onde,
Luy-mefme fe vainquit , donna la
paix au Monde,
Cultivales beaux Arts, fitrevivre les
Loix.
Maistre detous les coursdansfafuper
be Ville,
G iiij
80 MERCURE
Au milieu d'une Cour magnifiques
tranquille,
Afesgenoux il vit des Roys.
S&
Abondante en Amis , plus abondante
encore
Enhonneurs, entrefors, en Vaiffeaux,
en Guerriers,
Genes jusqu'au rivage où fe leve
l'Aurore.
Fit redouterfon Nom, & cücillit des Lauriers of
Cefertile Pays, fource de tant de
baines ,
Oùregnalebeau Sang qui coule dans
tes veines,
Naples , a veufes champsparfon or
envahis,
Et de lafage Ville époufe de Neptune,
Ses efforts auroient pu renverser la
fortune,
GALANT: 81
Silefortneles euft trahis.
$2
Fiere encore aujourd'huy de plus d'un
jufte Eloge,
Que des Siecles paffezfa gloire a mcrité,
Son Senatrefufoit de t'envoyerfon
Doge,
Implorerle pardondefa témerité;
Mais l'affreuxfouvenir de l'état déplorable,
Où n'agueres l'a mis ton couroux redoutable,
Aforcéfon orgueil àne plus contefter.
Certaine que tu peux ce qu'on te voit
réfoudre,
Elie craint que ta main ne reprenne la
foudre,
A quirien ne peut réſiſter.
S&
Quelle gloire pour toy ! quel plaifir
pourla France,
82 MERCURE
Devangeraujourd'huyfur ces Ambi
tieux,
Les divers attentats qu'avec tant
d'infolence
Leurs Peres ont formez contre tes
grands Ayeux!
•Accoûtumez àvoir leur audace impunie,
Ces Peuples n'employoient leurs tre
fors , leurgenie,
Qu'à tefaire par tout de nouveaux
Ennemis.
Ils penfoient t'accablerfous lefaix
des intrigues,
Et n'ontfait queremplirpar d'impuiffantesligues
Ce que les deftins t'ontpromis.
S&
Ainfi, quanddes Hyvers les terribles
orages
Centraignentun grand Fleuve àfor
tir defes bords
GALANT. 83
Dece Fleuve irrité, fameuxparfes
ravages,
Oncroitparune Digue arrefter les
efforts;
Maisbien loin quefon onde àce frein
s'accoûtume,
Sacolere s'accroift, ilmugit , il écume,
Il renverſe demain ce qu'il laiffe aujourd'huy,
Et plusfort que la Digue àſon cours
oppofée,
Elle n'eftfurla Rive où l'on l'avoit
pofée
Qu'unnouveau triomphepour luy.
Sa
Noncontent de vangertes Ayeux &
ta gloire,
Tudomptesl'Heréfie , elle expire à tes
yeux,
Tufais defon débrista plus chere.vi
Etoire,
84 MERCURE
Ardent à foûtenir la querelle des
Cieux.
Tule dois ; leursfaveurs , diverses,
continuës,
Famaisfur les Mortels ne furent répanduës
Si liberalementqu'elles le fontfurtoy.
Quoyque le Diademe ait de grand,
d'agréable,
Desprefens dontaux Cieux on te voit
redevable
Lemoindre eft de t'avoirfait Roy.
25
Mais le Dogeparoift ; que Genes la
Superbe
Eft uncharmant fpectacle attachée à.
ton Char!
Confuſe d'avoir veufes Tours plus
bas que l'herbe,
Elle n'ofe furtoy porter un feul regard,
"
GALANT. 85
Tongrandcœur eft touché des foupirs
qu'ellepouffe,
Tnrendras ,jele voy , fafortune plus
douce;
Millefois tes bontez ont bornétes
Exploits.
Tuverrois l'Universfoûmis à ta
puiſſance,
Sidepuis vingtmoiſſons , de ta fenle
clemence
Tu n'avois écouté la noix.
s'eft pas teuë fur cette Arrivée du Doge en France. Un
Evenement fi peu ordinaire
luy adonné lieu d'adrefferune
Ode au Roy. Elle a eu le
mefme fuccez que tous fes
autres Ouvrages, ce qui fait
connoiftre que fon talent eft
également heureux en toute
forte de genres d'écrire.
GALANT. 75
ODE
DE MADAME
DES HOULIERES.
AU ROY...
E croiras tu , LOUIS ? à ta
Legloire attentive,
Pour t'immortalifer, j'ay voulu mille
fois
Te chantercouronné de Lauriers &
d'olive,
Et millefois ma Lyre a languyfous
mes doigts.
Un Heros audeffin des Heros de la
Fable,
Eftpourqui le célebre un Heros redoutable,
Gij
76 MERCURE
Contrequi cent Nochers à mes yeux
ontbrifé.
Oiy, depuis que tu cours de victoire
en victoire,
Le Dieu qui des grands nomsfait durerla memoire,
Se feroit luy-meſme épuisé.
Se
Rejette donc , grand Roy, furunejufte crainte
Malenteur à parler de tesfaits inouis.
Impofons- nous , difois-je , une fage
contrainte,
N'immolons point magloire à celle de
LOUIS.
Quedirois-je en chantantfa valeur
triomphante,
Dont aux Siecles futurs plus d'une
mainfçavante
Avantmoy n'ait tracé defideles Tableaux?
GALANT. 77
Mais à quoy mon efpritſe laiſſe- t- il
Surprendre?
Quelle erreur ! Ah! de toy ne doit on
pas attendre
Toûjours des miracles nouveaux?
Sa
Duformidable Rhin le merveilleux
Paßage,
Endixjours la Comtépriſe aufort
des Hyvers,
L'Algérienforcé de rompre l'efclavage.
Des Chrétiens gemiffansfous le poids
defesfers,
Luxembourgaffervy fous cette Lop.
commune,
Sembloientavoir pour toyfatigué la
Fortune,
T
Onne concevoit rien de plus beau , de
plusdoux.
Güj
78 MERCURE
Cependant, dans les murs de ton fameux Versailles,
Tu vois , plus grand encor qu'au mi- lieu des Batailles,
Des Souverains à tes genoux.
$2
Ah! que de defefpoir , d'étonnement,
d'envie
Ce grand évenementjettera dans les
cœurs,
De tant de Roys jaloux de l'éclat de
ta vie!
De combien voudroient- ilspayerde
telshonneurs?
Maisleurs fouhaitsfont vains ; ces
éclatantesmarques.
N'illuftrerontjamais le Nom de ces
Monarques,
Grandsparle titrefeul dont ils font
revétus.
Toy quipourun Heros as tout ce qu'on
demande,
GALANT. 79
Toyqui les paffes tous, ilfaut quebe
Cielrende
Ta gloire égale à tes vertus,
Sa
Teldans un Siecle heureux on vit rea
gner Augufte,
Son nomfutadoré decent Peuples
divers.
Il eftoit comme toy,fage, intrépide,,
jufte,
Ettufais comme luy trembler tour
l'Univers.
Commetoytriomphantfur laTerre &
furl'onde,
Luy-mefme fe vainquit , donna la
paix au Monde,
Cultivales beaux Arts, fitrevivre les
Loix.
Maistre detous les coursdansfafuper
be Ville,
G iiij
80 MERCURE
Au milieu d'une Cour magnifiques
tranquille,
Afesgenoux il vit des Roys.
S&
Abondante en Amis , plus abondante
encore
Enhonneurs, entrefors, en Vaiffeaux,
en Guerriers,
Genes jusqu'au rivage où fe leve
l'Aurore.
Fit redouterfon Nom, & cücillit des Lauriers of
Cefertile Pays, fource de tant de
baines ,
Oùregnalebeau Sang qui coule dans
tes veines,
Naples , a veufes champsparfon or
envahis,
Et de lafage Ville époufe de Neptune,
Ses efforts auroient pu renverser la
fortune,
GALANT: 81
Silefortneles euft trahis.
$2
Fiere encore aujourd'huy de plus d'un
jufte Eloge,
Que des Siecles paffezfa gloire a mcrité,
Son Senatrefufoit de t'envoyerfon
Doge,
Implorerle pardondefa témerité;
Mais l'affreuxfouvenir de l'état déplorable,
Où n'agueres l'a mis ton couroux redoutable,
Aforcéfon orgueil àne plus contefter.
Certaine que tu peux ce qu'on te voit
réfoudre,
Elie craint que ta main ne reprenne la
foudre,
A quirien ne peut réſiſter.
S&
Quelle gloire pour toy ! quel plaifir
pourla France,
82 MERCURE
Devangeraujourd'huyfur ces Ambi
tieux,
Les divers attentats qu'avec tant
d'infolence
Leurs Peres ont formez contre tes
grands Ayeux!
•Accoûtumez àvoir leur audace impunie,
Ces Peuples n'employoient leurs tre
fors , leurgenie,
Qu'à tefaire par tout de nouveaux
Ennemis.
Ils penfoient t'accablerfous lefaix
des intrigues,
Et n'ontfait queremplirpar d'impuiffantesligues
Ce que les deftins t'ontpromis.
S&
Ainfi, quanddes Hyvers les terribles
orages
Centraignentun grand Fleuve àfor
tir defes bords
GALANT. 83
Dece Fleuve irrité, fameuxparfes
ravages,
Oncroitparune Digue arrefter les
efforts;
Maisbien loin quefon onde àce frein
s'accoûtume,
Sacolere s'accroift, ilmugit , il écume,
Il renverſe demain ce qu'il laiffe aujourd'huy,
Et plusfort que la Digue àſon cours
oppofée,
Elle n'eftfurla Rive où l'on l'avoit
pofée
Qu'unnouveau triomphepour luy.
Sa
Noncontent de vangertes Ayeux &
ta gloire,
Tudomptesl'Heréfie , elle expire à tes
yeux,
Tufais defon débrista plus chere.vi
Etoire,
84 MERCURE
Ardent à foûtenir la querelle des
Cieux.
Tule dois ; leursfaveurs , diverses,
continuës,
Famaisfur les Mortels ne furent répanduës
Si liberalementqu'elles le fontfurtoy.
Quoyque le Diademe ait de grand,
d'agréable,
Desprefens dontaux Cieux on te voit
redevable
Lemoindre eft de t'avoirfait Roy.
25
Mais le Dogeparoift ; que Genes la
Superbe
Eft uncharmant fpectacle attachée à.
ton Char!
Confuſe d'avoir veufes Tours plus
bas que l'herbe,
Elle n'ofe furtoy porter un feul regard,
"
GALANT. 85
Tongrandcœur eft touché des foupirs
qu'ellepouffe,
Tnrendras ,jele voy , fafortune plus
douce;
Millefois tes bontez ont bornétes
Exploits.
Tuverrois l'Universfoûmis à ta
puiſſance,
Sidepuis vingtmoiſſons , de ta fenle
clemence
Tu n'avois écouté la noix.
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Résumé : ODE DE MADAME DES HOULIERES. AU ROY.
Madame des Houlières a écrit une ode en l'honneur du roi Louis, suite à un événement marquant. Cette œuvre a connu un succès comparable à ses autres écrits, illustrant ainsi son talent diversifié. L'ode célèbre les victoires du roi et son influence durable. Elle évoque plusieurs exploits militaires et diplomatiques, tels que la traversée du Rhin, la soumission de l'Algérien et la victoire sur le Luxembourg. Madame des Houlières exprime également l'admiration des souverains étrangers et la jalousie des rois face à la gloire de Louis. Elle compare le roi à Auguste, mettant en avant ses vertus et ses triomphes. L'ode se conclut par la soumission de Gênes, qui implore le pardon du roi après avoir été vaincue par sa puissance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 299-323
Particularitez touchant le Voyage de M. le Chevalier de Chaumont à Siam. [titre d'après la table]
Début :
Je ne croyois pas qu'en fermant ma Lettre, je vous [...]
Mots clefs :
Chevalier de Chaumont, Siam, Roi, France, Roi de Siam, Dignité, Monarque, Ordre, Ambassadeur, Siamois, Audience, Favori, Prince, Chine, Brest, Ambassadeurs, Palais, Temps, Princesse, Nouvelles, Canon, Cap de Bonne-Espérance, Gloire, Santé du roi, Éléphants, Alexandre de Chaumont
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texteReconnaissance textuelle : Particularitez touchant le Voyage de M. le Chevalier de Chaumont à Siam. [titre d'après la table]
Je ne croyois pas qu'en
fermant ma Lettre , je vous
300 MERCURE
apprendrois des nouvelles de
M le Chevalier de Chau
mont Ambaffadeur de France
auprés du Roy de Siam.
On le croyoit encore à fix
mille liques d'icy lors qu'il
arriva a Verſailles le 24.de ce
mois. Il en a fait douze mille
en moins d'un an , & n'a employé
que 15. mois & demy
en tout fon Voyage. Il partit
de Breft le 3. Mars de
l'année derniere
, avec un
Vaiffeau du Roy nommé
Loyfeau , inonté de 36. pieces
de Canon, & la Fregate nom
mée la Maligne , montée de
GALANT. 3or
301
3
24. Il arriva en dix jours au
Tropique du Cancer du mef
me vent , dont il avoit ap
pareillé au fortir du Porr , aprés
quoy il doubla le Cap
de bonne Efperance fans le
reconnoiftre
. Il arriva à Batavia
le 1. Aouft , & à l'entrée
du Royaume
de Siam au
commencement de Septembre.
Comme il y a peu d'ha
bitations fur cette route , &
que l'on va par eau jufques
à Siam , le Roy avoit fait bâtir
, & meubler des Maifons
de cinq lieuës en cinq lieuës
pour le recevoir , & avoit en302
MERCURE
"
voyé des Officiers pour le
traiter. Il partoit tous les
jours deux nouveaux Mandarins
de Siam qui venoient
luy faire compliment de la
part du Roy,& plus il appro
choit de cette Capitale , plus
les Mandarins qu'on envoyoit
au devant de luy , éroient
élevez en dignité ,
& un des deux derniers qui
vint le complimenter, eft l'un
des trois Ambaffadeurs que
ce Monarque a nommez
pour venir en France , & que
Sa Majefté a envoyé querir
à Breft. Mr Le Chevalier de
GALANT. 203
#
Chaumont trouva un Palais
à Siam qui avoit efté baſty
exprés & meublé pour luy
Sa Table y a toûjours efté
fervie en vaiffelle d'or , & les
Tables de ceux de fa fuite en
vaiflelle d'argent. Comme
les environs de Siam font
inondez fix mois de l'année,
& que l'on eftoit au temps de
cette inondation , il y avoir
fur la Riviere un nombre
infiny de petits Bateaux dorez
que les Siamois appellent
Balons. On y voit une efpece
de Trône dans le milieu ,
où les plus confiderables ont
7
304 MERCURE
accoûtumé de fe placer. Ces
Bâtimens tiennent environ
dix ou douze perſonnes . Le
jour que M le Chevalier de
Chaumonteut Audience , le
Roy deSiam en envoya vingt
des fiens qui eftoient d'une
tres - grande magnificence ,
pour luy & fa fuite. Il y eut ce
jour la cent mille hommes de
Milices commandez pour
luy faire plus d'honneur .
Cette Audience fut remar¹
quable par trois circonftane
ces qui furent d'un grand é
clat pour la gloire de la France,
& particulierement pour
GALANT. 305
FaPerfonne duRoy , en faveur
de qui le Roy de Siam fe dépoüilla
de tout ce qui fait
foiftrefa grandeur en de pa
Pa
reilles occafions . Les Am
baffadeurs ont de coûtume
d'entrer feuls à fon Audience,
& douze Gentilshommes
que M le Chevalier de
Chaumont avoit menez a
vec luy ,
l'accompagnerent
,.
& furentaffis fur des Tabou
rets durant l'Audience , peng
dant que toute la Cour étoip
couchée le ventre , & la face
contre terre . Les Ambaffi
deurs ont auffi coûtune: de:
Juin 1686 .
306 MERCURE
a
fe profterner ainfi , & M' le
Chevalier de Chaumont en
fut difpenfé, quoy que le Favory
& le premier Miniftre
du Roy fuffent profternez.
Les Roys de Siam ne prennent
jamais de Lettres de la
main d'aucun Ambaffadeur ,
& ceMonarque prit la Lettre
de Sa Majefté de la propre
main de Mle Chevalier de
Chaumont. Il demanda des
nouvelles de la Santé duRoy,
de celle de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la
Dauphine , de Monſeigneur
le Duc de Bourgogne , de
GALANT. 307
8
Monfeigneur le Duc d'An
jou , & de Monfieur. L'Au
dience finie , M' l'Ambafladeur
, & toute fa fuite furent
traitez dans le Palais avec
toute la magnificence ima
ginable,fuivant les manieres
du Païs , & le Roy pour luy
marquer une plus grande
diſtinction , luy envoya trois
plats des Mers les plus exquis
de fa Table. Aprés cette Au
dience folemnelle , M de
Chaumont en eut plufieurs
r
particulieres de ce Roy , dans
lefquelles il caufa familiere
ment avec luy. Ce Prince fit
Cij
3c8 MERCURE
paroiftre beaucoup d'efprit ,
& de bon fens. I parla du
Roy avec admiration , &
fit voir que toutes les gran
des actions ne luy eftoient
pas inconnues , & je puis
vous dire fur cet Article
que j'appris dés le temps que
fes deux Envoyez eftoient
icy , que ce Monarque faifoit
traduire en Siamois tout:
ce qu'on imprime des meri
veilles de la Vie du Roy , &
que ce que je vous en ay fou - 1
vent mandé , & que vous me
permettez de rendre public,
aprés l'avoir envoyé,
ous
c
GALANT. 309
de
avoit efté aufli mis en cette
Langue. Le Roy de Siam
pria M le Chevalier de
Chaumont de vifiter quel
ques -unes de fes Places , &
permettre qu'un Ingenieur
qu'il avoit amené avec
luy , en allaſt voir quelques
autres pour remarquer le
defaut des Fortifications .
M ' le Chevalier de Chaumont
a mené avec luy juf
ques à Siam fix Jefuites des
plus habiles de leur Ordre
en toutes les parties de Ma
thematiques , fur tour en
Aftronomie , fi eftimée en
310 MERCURE
}
fa Chine , où ils font principalement
deftinez , & où ces
connoiffances peuvent eftre
d'une grande utilité pour a
chever d'y établir le Chri
ftianifme. Ils y vont pourveus
de Lunettes d'approche
& d'Inftrumen's de
Mathematique d'une nou
velle conftruction , pour faires
des Obfervations , qu'ils
ont ordre d'envoyersicy à
Academie des Sciences
par toutes les occafions qu'
ils en auront. Ils doivent
joindre à la Chine les Peres
de leur Ordre, à qui ces for
GALANT 31r
?
tes de Sciences ont acquis
les bonnes graces du Prince
Tartare qui gouverne aujourd'huy
ce grand Empi
re . Sa Majefté , outre leur
Paffage , & les Inftrumens
dont Elle les a fait fournir
abondamment , leur donne
des Penfions annuelles , afin
rien ne leur manque, &
que
qu'ils ne foient à charge à
perfonne. Ils ont ordre auffi
d'entrer dans la connoiffance
des Arts , & de tout ce
qui peut contribuer à faire
fleurir icy ce qui eft encore
fufceptible de quelque per312
MERGURE
fection, de forte que ce pra
jet peut eltre mis au nom
bre d'une infinité
d'autres
qui s'executent
, & qui marquent
que le Roy n'épargne
ny foin ny dépenfe, pour les
bien de l'Eglife , & pour aug
menter la gloire de fon Re-
& la felicité de fes Peu
1
gne, &
ples.no
wh dae
,
it ,
Le
Roy
de
Siam
ayang
fceu
que
ces
fix
Jeſuites
eftoient
venus
avec
M
de
Chaumont
, les
voulut
en
tretenir
, & comme
il arriva
une
Eclipfe
en
ce
tempsla,
ces
Peres
firent
voir
à
GALANT 313.
ce Monarque, par le moyen
de leurs Lunettes , des chofes
qui le furprirent extrémement
, de maniere qu'il offrit
de leur faire bâtir une
Eglife , & une Maiſon , &
de les entretenir , s'ils vouloient
demeurer à Siam
mais comme ils ne pouvoient
accepter des offres fi
avantageufes , eftant deſtinez
pour la Chine , il fut refolu
que l'un d'eux reviendroit
en France , & qu'il en
ameneroit fix autres Peres
quand les Ambaffadeurs s'en
retourneront. Ce choix eft
Fuin 1686.
Dd
734 MERCURE
器
3
tombe fur le Pere Tachard,
qui apporte au Pere de la
Chaife , de la part de ca
Prince , un Crucifix dont le
Chrift eft d'or , & la Crois
d'un bois que les Siamois
eftiment plus que l'or mefme
, à caufe des grandes veri
tus qu'on luy attribuë. diff
Le Roy de Siam nourrit
dix mille Elephans , ce qui
luy doit revenir à des for
mes immenſes, puis que l'entretien
d'un Elephant re
vient icy à deux mille écuss
Mais quand on les nourriroit
à meilleur compte en ce
60000000 Millionsthe
.COM MI
F
GALANT.N
3
Païs-là leur nourriture: ne
doit pas laiffer que de coû
ter beaucoup . Co Monarque
seft veuf, & n'a qu'une Fille,
qu'on appelle la Princeffe
Reyne. Elle a trois grandes
Provinces far lefquelles elle
regne fouverainement,auffr
bien que fur toute faMaiſonl
Une des Filles qui la fervent
ayant dit des chofes dont
elle nendevoir pas parler ,
cette Princeffe la jugen elle
mefme , & ordonna qu'elle
auroit la bouche coufue. Les
ftime que le Roy fon pere at
pour le Roy , luy en ayant
Dd ij
36 MERCURE
fait prendre beaucoup pour
tous les François , comme je
vous lay marqué plufieurs
fois , il en demanda dix ou
douze à M' le Chevalier de
Chaumont quelque temps
avant que cet Ambaffadeur
partift de Siam. M' Fourbin
Lieutenant de Vaiffeau eft
dece nombre, avec un Ingenieur,
un Trompette , & plufeurs
autres,qui connoiffant
l'inclination que ce Roy a
pour la France , & fur tout
pour Sa Majefté, n'ont point,
fait de difficulté de le fatisfaire,
en demeurant à Siam. Il
S
GALANT 37
a honoré Mile Chevalier del
Chaumont de la premiere
Dignité de fon Royaume, &
la fait Oya. Je ne fuis pas en
core affez inftruit de ce que
c'eft que cette Dignité, pour
vous en dire davantage,mais
j'efpere vous en éclaircir lei
mois prochain . Comme il fa
loit pour eftrereceu , faire de
vant le Roy beaucoup de fi
gures qui approchoient de la
genuflexion , & ſe profterner
plufieurs fois , ce Prince en
difpenfa Mª de Chaumont ,{
& luy envoya les marques
de cette Dignité . Outre tous
Id 1 d in
6
18 MERCURE
les Preſens qu'il luy a faits,
il luy a donnés quand il eft
party , tous les meubles du
Palais qu'il eftoit logé , mais
Mide Chaumont n'en a pris
qu'une partie , & la donnél
coux qu'il avoit apportezide
France, pourife meubler une
chainbre , avec une Chaifea
Porcours fort magnifique,au
Favory du Roy de Siam , qui
elt né Grec , & qui fait profeffon
de la Religion Ca
tholique. Ce Favory eft élevé
à une Dignité qui eft audeffus
du premier Miniſtre
appellé le Barcalon . M teChe
GALANTM319:
valier de Chaumont a fait de l
grandes liberalitez à ceux
qui lay ont apportédes Preg
fens de ce Monarque , & a
donné un tres- beau Miroir à
la Princeffe Reyne. Jamais
on n'a vû un fi bon ordre que
celuy qu'il avoit mis dans fa
Mailon. Ses Domestiques
n'ont fait aucun defordre, &
il avoit impoſé des peines
pour châtier fur l'heure ceux
qui contreviendroient à fes
Reglemens, de forte qu'il eft
party deceRoyaume là avec
l'admiration de la Cour &
des Peuples. Le Favory du
Dd iiij
220 MERCURE
Royle vint conduiré juſques :
au lieu où ils eft rembarqué,
qui eft à plus de 40 lieues
de Siam, & le regala magnifiquement.
Après quoy M²:
deChaumont's embarqua a
vec les ttrrooiiss Ambaffadeurs
if viennent vend Siamois ent
qui
France , & qui ont cinquan
të perſonnes à leur ſuite . Si
toft qu'il fut embarqué,il fa
lãa de cinquante volées de
Canon ceux qui l'avoient ac
compagne jufqu'à fon embarquement.
Ces Ambaffa
deurs apportent beaucoup
de Prefens pour le Roy,pour
GALANT 32k
?
toute la Maifon Royale , &
pour les Miniftres. Je ne
vous en feray point aujour
d'huy de dénombrement
mais je ne fçaurois m'empê
cher de vous dire que parmy
ces Prefens, il y a de tres
beauxCanons fondus à Siam,
dont toute la garniture eft
d'argent. Il y auffi de riches
érofes , une infinité de Por
celaines fingulieres , des Cabinets
de la Chine , & quantité
d'Ouvrages des plus curieux
des Indes, & du Japon.
M'de Chaumont arriva le 19.
de ce mois dans le Port de
1-
322 MERCURE
Breft , & depois que Valco
de Gama a doublé le Cap des
Bonne Efperance , & que
Chriftophe Colomb a dési
couvert l'Amerique , il n'y al
aucun exemple d'une plus
grande diligence navale en
fair de Navigation de long
cours. Mais l'Etoile du Roy
guidoit cet Ambaffadeur , &
e'eftoit affez , puis qu'elle reghe
fur les Mers comme fur
la Terre. Si cette Relation
n'eft pas tout- à - fait exacte ,
vous n'en devez pas eftre
furpriſe. A peine ay je pu
avoir deux jours pour ramal
GALANT. 323
fer ce que je vous mande , &
apparemment vous n'atten
diez pas de moy ce mois- cy
tant de recherches curieus
fes fur cette matiere. Je con
tinueray le mois prochain, &
fije me fuis abufé en quel
que chofe , je vous le feray
fçavoir.
fermant ma Lettre , je vous
300 MERCURE
apprendrois des nouvelles de
M le Chevalier de Chau
mont Ambaffadeur de France
auprés du Roy de Siam.
On le croyoit encore à fix
mille liques d'icy lors qu'il
arriva a Verſailles le 24.de ce
mois. Il en a fait douze mille
en moins d'un an , & n'a employé
que 15. mois & demy
en tout fon Voyage. Il partit
de Breft le 3. Mars de
l'année derniere
, avec un
Vaiffeau du Roy nommé
Loyfeau , inonté de 36. pieces
de Canon, & la Fregate nom
mée la Maligne , montée de
GALANT. 3or
301
3
24. Il arriva en dix jours au
Tropique du Cancer du mef
me vent , dont il avoit ap
pareillé au fortir du Porr , aprés
quoy il doubla le Cap
de bonne Efperance fans le
reconnoiftre
. Il arriva à Batavia
le 1. Aouft , & à l'entrée
du Royaume
de Siam au
commencement de Septembre.
Comme il y a peu d'ha
bitations fur cette route , &
que l'on va par eau jufques
à Siam , le Roy avoit fait bâtir
, & meubler des Maifons
de cinq lieuës en cinq lieuës
pour le recevoir , & avoit en302
MERCURE
"
voyé des Officiers pour le
traiter. Il partoit tous les
jours deux nouveaux Mandarins
de Siam qui venoient
luy faire compliment de la
part du Roy,& plus il appro
choit de cette Capitale , plus
les Mandarins qu'on envoyoit
au devant de luy , éroient
élevez en dignité ,
& un des deux derniers qui
vint le complimenter, eft l'un
des trois Ambaffadeurs que
ce Monarque a nommez
pour venir en France , & que
Sa Majefté a envoyé querir
à Breft. Mr Le Chevalier de
GALANT. 203
#
Chaumont trouva un Palais
à Siam qui avoit efté baſty
exprés & meublé pour luy
Sa Table y a toûjours efté
fervie en vaiffelle d'or , & les
Tables de ceux de fa fuite en
vaiflelle d'argent. Comme
les environs de Siam font
inondez fix mois de l'année,
& que l'on eftoit au temps de
cette inondation , il y avoir
fur la Riviere un nombre
infiny de petits Bateaux dorez
que les Siamois appellent
Balons. On y voit une efpece
de Trône dans le milieu ,
où les plus confiderables ont
7
304 MERCURE
accoûtumé de fe placer. Ces
Bâtimens tiennent environ
dix ou douze perſonnes . Le
jour que M le Chevalier de
Chaumonteut Audience , le
Roy deSiam en envoya vingt
des fiens qui eftoient d'une
tres - grande magnificence ,
pour luy & fa fuite. Il y eut ce
jour la cent mille hommes de
Milices commandez pour
luy faire plus d'honneur .
Cette Audience fut remar¹
quable par trois circonftane
ces qui furent d'un grand é
clat pour la gloire de la France,
& particulierement pour
GALANT. 305
FaPerfonne duRoy , en faveur
de qui le Roy de Siam fe dépoüilla
de tout ce qui fait
foiftrefa grandeur en de pa
Pa
reilles occafions . Les Am
baffadeurs ont de coûtume
d'entrer feuls à fon Audience,
& douze Gentilshommes
que M le Chevalier de
Chaumont avoit menez a
vec luy ,
l'accompagnerent
,.
& furentaffis fur des Tabou
rets durant l'Audience , peng
dant que toute la Cour étoip
couchée le ventre , & la face
contre terre . Les Ambaffi
deurs ont auffi coûtune: de:
Juin 1686 .
306 MERCURE
a
fe profterner ainfi , & M' le
Chevalier de Chaumont en
fut difpenfé, quoy que le Favory
& le premier Miniftre
du Roy fuffent profternez.
Les Roys de Siam ne prennent
jamais de Lettres de la
main d'aucun Ambaffadeur ,
& ceMonarque prit la Lettre
de Sa Majefté de la propre
main de Mle Chevalier de
Chaumont. Il demanda des
nouvelles de la Santé duRoy,
de celle de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la
Dauphine , de Monſeigneur
le Duc de Bourgogne , de
GALANT. 307
8
Monfeigneur le Duc d'An
jou , & de Monfieur. L'Au
dience finie , M' l'Ambafladeur
, & toute fa fuite furent
traitez dans le Palais avec
toute la magnificence ima
ginable,fuivant les manieres
du Païs , & le Roy pour luy
marquer une plus grande
diſtinction , luy envoya trois
plats des Mers les plus exquis
de fa Table. Aprés cette Au
dience folemnelle , M de
Chaumont en eut plufieurs
r
particulieres de ce Roy , dans
lefquelles il caufa familiere
ment avec luy. Ce Prince fit
Cij
3c8 MERCURE
paroiftre beaucoup d'efprit ,
& de bon fens. I parla du
Roy avec admiration , &
fit voir que toutes les gran
des actions ne luy eftoient
pas inconnues , & je puis
vous dire fur cet Article
que j'appris dés le temps que
fes deux Envoyez eftoient
icy , que ce Monarque faifoit
traduire en Siamois tout:
ce qu'on imprime des meri
veilles de la Vie du Roy , &
que ce que je vous en ay fou - 1
vent mandé , & que vous me
permettez de rendre public,
aprés l'avoir envoyé,
ous
c
GALANT. 309
de
avoit efté aufli mis en cette
Langue. Le Roy de Siam
pria M le Chevalier de
Chaumont de vifiter quel
ques -unes de fes Places , &
permettre qu'un Ingenieur
qu'il avoit amené avec
luy , en allaſt voir quelques
autres pour remarquer le
defaut des Fortifications .
M ' le Chevalier de Chaumont
a mené avec luy juf
ques à Siam fix Jefuites des
plus habiles de leur Ordre
en toutes les parties de Ma
thematiques , fur tour en
Aftronomie , fi eftimée en
310 MERCURE
}
fa Chine , où ils font principalement
deftinez , & où ces
connoiffances peuvent eftre
d'une grande utilité pour a
chever d'y établir le Chri
ftianifme. Ils y vont pourveus
de Lunettes d'approche
& d'Inftrumen's de
Mathematique d'une nou
velle conftruction , pour faires
des Obfervations , qu'ils
ont ordre d'envoyersicy à
Academie des Sciences
par toutes les occafions qu'
ils en auront. Ils doivent
joindre à la Chine les Peres
de leur Ordre, à qui ces for
GALANT 31r
?
tes de Sciences ont acquis
les bonnes graces du Prince
Tartare qui gouverne aujourd'huy
ce grand Empi
re . Sa Majefté , outre leur
Paffage , & les Inftrumens
dont Elle les a fait fournir
abondamment , leur donne
des Penfions annuelles , afin
rien ne leur manque, &
que
qu'ils ne foient à charge à
perfonne. Ils ont ordre auffi
d'entrer dans la connoiffance
des Arts , & de tout ce
qui peut contribuer à faire
fleurir icy ce qui eft encore
fufceptible de quelque per312
MERGURE
fection, de forte que ce pra
jet peut eltre mis au nom
bre d'une infinité
d'autres
qui s'executent
, & qui marquent
que le Roy n'épargne
ny foin ny dépenfe, pour les
bien de l'Eglife , & pour aug
menter la gloire de fon Re-
& la felicité de fes Peu
1
gne, &
ples.no
wh dae
,
it ,
Le
Roy
de
Siam
ayang
fceu
que
ces
fix
Jeſuites
eftoient
venus
avec
M
de
Chaumont
, les
voulut
en
tretenir
, & comme
il arriva
une
Eclipfe
en
ce
tempsla,
ces
Peres
firent
voir
à
GALANT 313.
ce Monarque, par le moyen
de leurs Lunettes , des chofes
qui le furprirent extrémement
, de maniere qu'il offrit
de leur faire bâtir une
Eglife , & une Maiſon , &
de les entretenir , s'ils vouloient
demeurer à Siam
mais comme ils ne pouvoient
accepter des offres fi
avantageufes , eftant deſtinez
pour la Chine , il fut refolu
que l'un d'eux reviendroit
en France , & qu'il en
ameneroit fix autres Peres
quand les Ambaffadeurs s'en
retourneront. Ce choix eft
Fuin 1686.
Dd
734 MERCURE
器
3
tombe fur le Pere Tachard,
qui apporte au Pere de la
Chaife , de la part de ca
Prince , un Crucifix dont le
Chrift eft d'or , & la Crois
d'un bois que les Siamois
eftiment plus que l'or mefme
, à caufe des grandes veri
tus qu'on luy attribuë. diff
Le Roy de Siam nourrit
dix mille Elephans , ce qui
luy doit revenir à des for
mes immenſes, puis que l'entretien
d'un Elephant re
vient icy à deux mille écuss
Mais quand on les nourriroit
à meilleur compte en ce
60000000 Millionsthe
.COM MI
F
GALANT.N
3
Païs-là leur nourriture: ne
doit pas laiffer que de coû
ter beaucoup . Co Monarque
seft veuf, & n'a qu'une Fille,
qu'on appelle la Princeffe
Reyne. Elle a trois grandes
Provinces far lefquelles elle
regne fouverainement,auffr
bien que fur toute faMaiſonl
Une des Filles qui la fervent
ayant dit des chofes dont
elle nendevoir pas parler ,
cette Princeffe la jugen elle
mefme , & ordonna qu'elle
auroit la bouche coufue. Les
ftime que le Roy fon pere at
pour le Roy , luy en ayant
Dd ij
36 MERCURE
fait prendre beaucoup pour
tous les François , comme je
vous lay marqué plufieurs
fois , il en demanda dix ou
douze à M' le Chevalier de
Chaumont quelque temps
avant que cet Ambaffadeur
partift de Siam. M' Fourbin
Lieutenant de Vaiffeau eft
dece nombre, avec un Ingenieur,
un Trompette , & plufeurs
autres,qui connoiffant
l'inclination que ce Roy a
pour la France , & fur tout
pour Sa Majefté, n'ont point,
fait de difficulté de le fatisfaire,
en demeurant à Siam. Il
S
GALANT 37
a honoré Mile Chevalier del
Chaumont de la premiere
Dignité de fon Royaume, &
la fait Oya. Je ne fuis pas en
core affez inftruit de ce que
c'eft que cette Dignité, pour
vous en dire davantage,mais
j'efpere vous en éclaircir lei
mois prochain . Comme il fa
loit pour eftrereceu , faire de
vant le Roy beaucoup de fi
gures qui approchoient de la
genuflexion , & ſe profterner
plufieurs fois , ce Prince en
difpenfa Mª de Chaumont ,{
& luy envoya les marques
de cette Dignité . Outre tous
Id 1 d in
6
18 MERCURE
les Preſens qu'il luy a faits,
il luy a donnés quand il eft
party , tous les meubles du
Palais qu'il eftoit logé , mais
Mide Chaumont n'en a pris
qu'une partie , & la donnél
coux qu'il avoit apportezide
France, pourife meubler une
chainbre , avec une Chaifea
Porcours fort magnifique,au
Favory du Roy de Siam , qui
elt né Grec , & qui fait profeffon
de la Religion Ca
tholique. Ce Favory eft élevé
à une Dignité qui eft audeffus
du premier Miniſtre
appellé le Barcalon . M teChe
GALANTM319:
valier de Chaumont a fait de l
grandes liberalitez à ceux
qui lay ont apportédes Preg
fens de ce Monarque , & a
donné un tres- beau Miroir à
la Princeffe Reyne. Jamais
on n'a vû un fi bon ordre que
celuy qu'il avoit mis dans fa
Mailon. Ses Domestiques
n'ont fait aucun defordre, &
il avoit impoſé des peines
pour châtier fur l'heure ceux
qui contreviendroient à fes
Reglemens, de forte qu'il eft
party deceRoyaume là avec
l'admiration de la Cour &
des Peuples. Le Favory du
Dd iiij
220 MERCURE
Royle vint conduiré juſques :
au lieu où ils eft rembarqué,
qui eft à plus de 40 lieues
de Siam, & le regala magnifiquement.
Après quoy M²:
deChaumont's embarqua a
vec les ttrrooiiss Ambaffadeurs
if viennent vend Siamois ent
qui
France , & qui ont cinquan
të perſonnes à leur ſuite . Si
toft qu'il fut embarqué,il fa
lãa de cinquante volées de
Canon ceux qui l'avoient ac
compagne jufqu'à fon embarquement.
Ces Ambaffa
deurs apportent beaucoup
de Prefens pour le Roy,pour
GALANT 32k
?
toute la Maifon Royale , &
pour les Miniftres. Je ne
vous en feray point aujour
d'huy de dénombrement
mais je ne fçaurois m'empê
cher de vous dire que parmy
ces Prefens, il y a de tres
beauxCanons fondus à Siam,
dont toute la garniture eft
d'argent. Il y auffi de riches
érofes , une infinité de Por
celaines fingulieres , des Cabinets
de la Chine , & quantité
d'Ouvrages des plus curieux
des Indes, & du Japon.
M'de Chaumont arriva le 19.
de ce mois dans le Port de
1-
322 MERCURE
Breft , & depois que Valco
de Gama a doublé le Cap des
Bonne Efperance , & que
Chriftophe Colomb a dési
couvert l'Amerique , il n'y al
aucun exemple d'une plus
grande diligence navale en
fair de Navigation de long
cours. Mais l'Etoile du Roy
guidoit cet Ambaffadeur , &
e'eftoit affez , puis qu'elle reghe
fur les Mers comme fur
la Terre. Si cette Relation
n'eft pas tout- à - fait exacte ,
vous n'en devez pas eftre
furpriſe. A peine ay je pu
avoir deux jours pour ramal
GALANT. 323
fer ce que je vous mande , &
apparemment vous n'atten
diez pas de moy ce mois- cy
tant de recherches curieus
fes fur cette matiere. Je con
tinueray le mois prochain, &
fije me fuis abufé en quel
que chofe , je vous le feray
fçavoir.
Fermer
15
p. 168-174
« Je vous tient parole, Madame, & vous vais parler plus [...] »
Début :
Je vous tient parole, Madame, & vous vais parler plus [...]
Mots clefs :
Ambassadeurs, Roi, Siam, Vaisseau, France, Nouvelles, Roi de Siam, Portugal, Ambassade , Ambassadeurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je vous tient parole, Madame, & vous vais parler plus [...] »
Je vous tient parole, Madame,&
vous vais parler
plus
- plus amplement que jene
fis lemois de passédu Voyage MCleChevalierdeChau.
mont à Siam; mais afin de prendre la chose dés sonorigine,
je W vous diray que le a deSiam, ayant aprisil huitou dixans lesgranleschoses
uste que nostre Au- Monarque u'il a faites & continuë de faire enco- tous les jours, & ne pou- ant selasserde donner des
arques de l'admirationqu'-
lesluycausoient,
find'envoyerunecerelesoblruet
mbassadeenFrance,pour
congratulerSaMajesté surses
Conquestes,& luy demander
son amitié. Il fit partir pour
cela en 1682. trois Ambassadeurs
des plus qualifiez de
son Royaume, accompagnez
d'unenombreuse suite,
& chargez de magnifiques
Presens. Ces Ambassadeurs
s'embarquerent sur un Vaisseau
nomméleSoleild'Orient
appartenantàlaCompagnie
de France. Il y a grande ap-.
parence que ce Vaisseau a
pery ,
puis qu'on n'en a points
entendu parler depuis CCJ
temps là. Le Roy de Siamy
plus impatient d'apprendr1 edes
nouvelles du Roy,que de
ses Ambassadeurs. envoya deux de sesSujetsauxMinistres
de France, pours'instruiredes
Affaires de l'Europe,&
sçavoiren mesme temps ce
quesesAmbassadeurs étoient
devenus. Il apprit
paruneautrevoye qu'onne
doutoit point de leur naufrage,
& aussi-tost il en nomma d'autres, & les chargea denouveaux Presens. Ils
viennent par le Portugal, & ilalListe que je vous envoyay yadeuxmois,estuneListe
dece qu'ils apportent. Cependant
le Roy ayant crû
devoirenvoyerdes Ambasfadeurs
à Siam, tant par ce
que ce Roy luy en avoit envoyé,
que pour l'utilité que la
Religion Chrestienne en
peut recevoir, nomma Mrle
Chevalier deChaumont
pourcetteAmbassade, dans
laquelle il a esté accompagné
de Mr l'Abbé de Choisy.
Lors qu'ils arriverent à Siam,
les Ambassadeurs qui viennent
par le Portugal,estoient
partis, & cela n'apasempeschéque
le Roy de Simn'en
ait envoyé d'autres avec Mr
leChevalier de Chaumont,
ne doutant point que ces
8 derniers estant sur des Vais-
1 seaux de SaMajesté,n'arrivassent
seurement en France.
I
Avant que d'entrer dans le
détail de ce qui regarde ce
Voyage, je vais vous faire
part d'une Lettre écrite à
Suratte, touchant les nouvelles
qu'on y a euës du Soleild'Orient,
où les premiers
Ambassadeurs de Siam s'eftoientembarquez.
Un million
à quoy estoit estimée la
charge de ce Vaisseau,n'estpas
ce qui met le plus en peinelesInteressez
; mais comme
la plus part d'eux y ont
des Parens & des Amis,ils
feront bien aisesd'apprendre
tout ce qui se dit de son naufrage.
Si les Nouvelles que
j'en donne jcyenmarquent
la perte, au moins elles n'oftent
pas entierement l'esperance
de revoir ceux qui étoient
dessus.Voicy ce que
porte cette Lettre.
vous vais parler
plus
- plus amplement que jene
fis lemois de passédu Voyage MCleChevalierdeChau.
mont à Siam; mais afin de prendre la chose dés sonorigine,
je W vous diray que le a deSiam, ayant aprisil huitou dixans lesgranleschoses
uste que nostre Au- Monarque u'il a faites & continuë de faire enco- tous les jours, & ne pou- ant selasserde donner des
arques de l'admirationqu'-
lesluycausoient,
find'envoyerunecerelesoblruet
mbassadeenFrance,pour
congratulerSaMajesté surses
Conquestes,& luy demander
son amitié. Il fit partir pour
cela en 1682. trois Ambassadeurs
des plus qualifiez de
son Royaume, accompagnez
d'unenombreuse suite,
& chargez de magnifiques
Presens. Ces Ambassadeurs
s'embarquerent sur un Vaisseau
nomméleSoleild'Orient
appartenantàlaCompagnie
de France. Il y a grande ap-.
parence que ce Vaisseau a
pery ,
puis qu'on n'en a points
entendu parler depuis CCJ
temps là. Le Roy de Siamy
plus impatient d'apprendr1 edes
nouvelles du Roy,que de
ses Ambassadeurs. envoya deux de sesSujetsauxMinistres
de France, pours'instruiredes
Affaires de l'Europe,&
sçavoiren mesme temps ce
quesesAmbassadeurs étoient
devenus. Il apprit
paruneautrevoye qu'onne
doutoit point de leur naufrage,
& aussi-tost il en nomma d'autres, & les chargea denouveaux Presens. Ils
viennent par le Portugal, & ilalListe que je vous envoyay yadeuxmois,estuneListe
dece qu'ils apportent. Cependant
le Roy ayant crû
devoirenvoyerdes Ambasfadeurs
à Siam, tant par ce
que ce Roy luy en avoit envoyé,
que pour l'utilité que la
Religion Chrestienne en
peut recevoir, nomma Mrle
Chevalier deChaumont
pourcetteAmbassade, dans
laquelle il a esté accompagné
de Mr l'Abbé de Choisy.
Lors qu'ils arriverent à Siam,
les Ambassadeurs qui viennent
par le Portugal,estoient
partis, & cela n'apasempeschéque
le Roy de Simn'en
ait envoyé d'autres avec Mr
leChevalier de Chaumont,
ne doutant point que ces
8 derniers estant sur des Vais-
1 seaux de SaMajesté,n'arrivassent
seurement en France.
I
Avant que d'entrer dans le
détail de ce qui regarde ce
Voyage, je vais vous faire
part d'une Lettre écrite à
Suratte, touchant les nouvelles
qu'on y a euës du Soleild'Orient,
où les premiers
Ambassadeurs de Siam s'eftoientembarquez.
Un million
à quoy estoit estimée la
charge de ce Vaisseau,n'estpas
ce qui met le plus en peinelesInteressez
; mais comme
la plus part d'eux y ont
des Parens & des Amis,ils
feront bien aisesd'apprendre
tout ce qui se dit de son naufrage.
Si les Nouvelles que
j'en donne jcyenmarquent
la perte, au moins elles n'oftent
pas entierement l'esperance
de revoir ceux qui étoient
dessus.Voicy ce que
porte cette Lettre.
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Résumé : « Je vous tient parole, Madame, & vous vais parler plus [...] »
En 1682, le roi de Siam envoya des ambassadeurs en France pour féliciter le roi de France sur ses conquêtes et demander son amitié. Trois ambassadeurs, accompagnés d'une suite nombreuse et de présents magnifiques, embarquèrent sur le vaisseau 'le Soleil d'Orient'. Ce vaisseau disparut sans laisser de traces. Le roi de Siam, inquiet, envoya deux sujets aux ministres français pour obtenir des nouvelles. Apprenant que le naufrage n'était pas certain, il nomma de nouveaux ambassadeurs avec des présents supplémentaires, qui arrivèrent par le Portugal. En réponse, le roi de France désigna M. le Chevalier de Chaumont et M. l'Abbé de Choisy pour une mission diplomatique à Siam. À leur arrivée, les ambassadeurs siamais étaient déjà partis. Le roi de Siam envoya alors d'autres ambassadeurs avec M. le Chevalier de Chaumont, espérant qu'ils atteindraient la France en toute sécurité. Une lettre de Suratte mentionnait la disparition du 'Soleil d'Orient', dont la cargaison valait un million, mais sans confirmer le naufrage, laissant un espoir de revoir les passagers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 185-325
Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Début :
Je viens au détail du Voyage de Mr le Chevalier [...]
Mots clefs :
Roi, Chevalier de Chaumont, Siam, Ambassadeur, Hollandais, Mandarins, Eau, Roi de Siam, Terre, Vaisseau, Pays, Banten, Bord, Canon, Tigre, Mer, Rivière, Batavia, Maisons, Côte, Royaume, Constance, Abbé, Vaisseaux, Cap, Général, Gouverneur, Loge, France, Pagode, Frégate, Malades, Europe, Indes, Siamois, Ballon, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Je viensau détail du VoyaJ.
ge de Mr le Chevalier
de Chaumont. Sa Majesté
l'ayant nommé son Ambasfadeur
vers leRoy de Siam.
Il se rendit à Brest avec Mr
l'Abbé de Choisy, sur la fin
de Fevrier de l'année der-
,
niere, & ils s'embarquerent
dans un des Vaisseaux du
Roy,appellél'Oiseau. Mrde
Vaudricourt qui le commandoit
fit mettreà la Voile
le3. de Mars & partit de
Brest avec la Fregate la Maligne,
commandéepar Mr de v
Joyeux. Le vent leur fut toû-
« jours assez favorable, ôc :
comme il y avoit dans le !
Vaisseaudes Millionnaires&
six Jesuites, ce n'estoit tous
les jours qu'Exercices de
pieté, & l'on y vivoitavec
la mesme regularité que
dans unConvent.Ilss'appliquoient
tour à tour à faire
des Exhortations à tout
Equipage. On disoit lar
Messe, on chantoitVespres,
& on passa fort heureufenent
la Ligne le 6. d'Aril
sans souffrir beaucoup
le lachaleur. Ce fut alors
su'il fut question de faire ce
u'on appelle la Ceremonie
u Bàptesme. Ceux qui n'ont
mais passé la Ligne, sont obligez
de souffrir qu'on leur
jette sur le corps certain
nombre de seaux d'eau, à
moins qu'ils ne donnent
quelque argent pour racheter
cette peine. Il n'y a personne
qui puisse s'en exempter
, de quelque condition
quel'on puisse estre, & on
fait jurer tout le monde sur
le Livre des Evangiles, pour
sçavoir si on a fait ce passage.
Mr le Chevalier de Chaumont
ne voulut point endurer
que l'on jurast sur les Evangiles.
Il fit faire ce Serment
sur une Mapemonde,
& mit de l'argent dans un
bassin
, ce que firent après
luy toutes les personnes considerables
du Vaisseau, pour
s'épargner la Ceremonie. La
somme montaà soixanteescus
quifurent distribuezaux
Matelots. Le reste de la traversée
fut tres heureux jusquesau
Cap de bonne Esperance.
On y arriva le 31. de
May,&l'on y receut les Saluts
ordinaires de quatre
Vaisseaux Hollandoisqu'on
y trouva. Ils portoient a Batavia
le Commissaire Generalde
laCompagnie des IiW
des
, avec Mr de S. Martin
François, Major Général.
M. le Chevalier de Chaumonts'arresta
sept jours à
ce Cap afin d'yfaire de l'eau,
& de prendre desrafraichisfemens.
Le Gouverneur qui
eA Hollandois
,
luy en envoya
de toutes fortes, aprés
l'avoir fait complimenter
par le Neveu&par le Secretaire
du Commissaire. Tous:
ceux du Vaisseau mirent pied
a, ~erre lIes urns a,près 1lesautres.
Ils'en trouva quelquesuns
qui estoient malades d&
Scorbut, & ils furent gueris
en quatre jours. La Forteresse
que les Hollandais ont.
fait bastir en ce lieu là
,
est
toute revestuë de pierres,
&a quatre bastions. Elle n'a.
point de fossez, mais elleest
Ilterès- bien garnie de Canon, Havre est fort seur
,
ôc
peut contenirungrand nom- bre de Vaisseaux. Il y a déja
quantité de Maisons qui forment
une espece de Ville.
^Cequ'ilya de plus remar-
,
quable est un Jardin fort
grand & fort spacieux avec
des allées à perte de veuë.
On y a planté tout cequ'il
ya de bons fruits en Europe
& dans les Indes. Les uns
sont d'un costé,les autres de
l'autre
,
& tous y viennent
fort bien. Celuy qui a foin
de ce beau Jardinest unFrançoisqui
est grand Seigneur
en ce Pays-là. Il reconnut
Mr le Chevalier de Chaumont,
qu'il avoit veu chez
Monsieur
, ou il avoit esté
Jardinier.
La terre que les Hollandoisoccupenr,
a esté achetée
d'un petit Roy du Pays, pour
des bagatelles de l'Europe.
Plus on avance en s'éloignant
gnant de la Mer, plus elle
est bonne & fertile, &sur
tout la Chasse y en merveilleuse
; mais on y doit craindre
les Bestes farouches,
comme Lyons,Tygres,Elephans,
& autres. Ces belles
s'écartent à mesure que le
Pays se découvre, & qu'on
y fair de nouvelles habitations.
Les Hollandoisont
déjàcommencé d'en faire
en plusieurs endroits. Pendant
le séjour de Mr l'Ambassadeurau
Cap, deux d'enreeuxestantallezàla
Chase
furent rencontrez & attaquez
par un Tigre. Il le
jetta sur l'un de ces Hollandois,
l'autrele tira & le blessa.
Le Tigre tout en fureur
vint à celuy qui l'avoir blessé,
& il l'auroit devoré sans
doute, si son Camarade qu'il
avoit jetté par terre, ne Ce
fust promptement relevé
pour tirer aussi son coup. Il
le tira si heureusement qu'il
cassa la teste au Tigre. On
l'apporta pour le faire voir.
Il estoit d'une grandeur effroyable.
On mit le Blessé à
un Hospital, qui est là tresbien
fondé, & oùl'on est
rtraité avec tous les soins imaginables.
Tous les Vaisseaux
Hollandois qui viennent
d'Europe, & ceux qui s'yen
retournent, laissent leurs
Malades en ce lieu là
,
& ils
y recouvrent incontinent
leur santé
,
l'air & les eaux
estant admirables.
Les Habitans y sont doux,
assez bien faisans, & il n'est
pas difficile de s'accommoier
de leurs manieres, mais
Ils sont laids, mal-faits, de
petite taille,& ont plus de
rapport à la façon de vivre
les bestes qu'à celle des hommes.
Leurvisageest tout ridé,
ils ont les cheveux remplis
de graisse
;
& comme ils
se frottent le corps d'huile
de Baleine,& qu'ilsne mangent
que de lachaircruë,ils
sont si puans qu'on les sent
de loin. Ils ne mangentleur
Betail que lorsqu'il est mort
de maladie
,
& ce leur est
un fort grand ragoust qu'une
Baleine morte ,
jettée par la
Mer sur le rivage, ou les
tri pes chaudes d'une Bê-
-
te. Ils les secoüent fort legerement
,
& les mangent
avec les ordures
,
aprés en
avoir osté les excremens,
dont quelques-uns se servent
pour se froter le visage. On
leur - a donné le nom de Cafres,&
les hommes &les femmes
n'ont qu'une peau coupée
en triangle pour se couvrir
ce que la nature apprend
à cacher. Ils se l'attachent
avec une ceintire de cuir au
milieu du corps. Quelquesuns
se couvrent les hanches
d'une peau de Boeuf ou de
Lyon. D'autres portent une
peau qui leur descend depuis
les épaules jusque sur les
hanches,& plusieurs se dé-
coupent le visage3 les bras:
& lescuisses
, & achevent
de se défigurer parlescaracteres
étranges qu'ilsy font.
LesFemmes portent aux bras
& aux jambes des Cercles de
fer ou de cuivre, que les Etrangers
troquent avec elles
toujours à leur avantage. Ils
demeurentende petites hûtes
où ils vivent avec leur
bétail fous un mesme couvert.
Ils n'ont ny lit,nysieges,
ny meubles, & s'asseient
sur leurs talons pous se reposer.
Ils nevont vers la Mer
,
que lors qu'ils sçaventqu'il
est arrivé quelque Navire,
& qu'ils peuvent troquer
leur betail. Ils ont aussides
peaux de Lyon, de Boeuf, de
Leopard, & de Tigre, qu'ils
donnent pour des Miroirs,
des Couteaux
,
des Cloux,
des Marteaux,des Haches,
& autres vieilles ferrailles..
Il est malaisé de découvrir
l'estat du Païs au dedans, ôc
les richesses qu'on y peut
trouver,àcause que les GouverneurHollandoisont
fait
faire ferment à tous ceux
qu'ils ont menez avant dans
les Terres, de n'en reveleraucune
chose,On a sçeud'un
Homme quia demeurelongtemps
dans la Forteresse que
depuis quelques années le
Gouverneur avoir esté avec
bonne escorte à plus de deux
cens cinquante lieuës pour
faire la découverte du Pays;
qu'ilavoir trouvé par tout
des Peu ples traitables, ôc
assezbienfaits, les Terres
fort bonnes & ca pables de
-
toute sorte de cu lture, ôc
qu'il y avoit ~desMi d'or,
de fer, & d'une espece de
cuivre où il entroit une septiéme
partie d'or. Onles
trouva chantans & dançans
& ilsavoient des manieres
de Flustes qui estoient sans
trous. Elles estoient creuses,
& une espece de coulisse
-
qu'ils haussoient ou baissoient
avec leurs doigts, faisoit
la diference des tons.
Ce Gouverneur avoit esté
conduit par un Cafre, & ce
Cafre ayant aperçeu deux
hommes de grande taille fqouri.s ven.oien,t à eux, s écria
alarmé
y
qu'ils estoient
perdus, & qu'il voyoit les
deux plus grands Magiciens
du Pays. Le Gouverneur
4
répondit qu'il estoit encore
plus grand Magicien qu'eux,
& qu'il ne s'étonnait point.
Les pretendus Magiciens s'étant
avancez, il sir aporter
un verre remply d'eau de
vie.On y mit le feu,& il lavala.
Ces Malheureux furent si
épouvantez d'un pareil prodige,
qu'ils prirent le Gouverneur
pour un Dieu, & Ce
mirent à genoux pour luy
demander la vie. Les Hollandois
ont fait un nouvel
établissèment au Cap. Il est
au bord de la Mer; mais ils.
le tiennent secret, ne vouIant
pas que les autres Nations
quiviennent s'y rafraischir,
en ayent connoissance.
Ce Cap est l'extremité de la
terre ferme d'Afrique, qui
avance dans la Mer vers le
Sud, à trente-six degrez au
delà de la Ligne.Cette extremité
de terre fut nommée
Cabo de Boa Speranza
, par
Jean II. Roy de Portugal,
fous lequel Barthélémy Dias
la découvriten1493 Ce Prince
la fit appeller ainsi à cause
qu'il esperoit découvrir
en fuite les richesses des Indes
Orientales, & les autres
Nations luy ont confirmé,
ce nom, parce qu a près que
l'ona doubléle Cap, quiest,
presque en distance égale de
deux mille cinq cens lieuës,
entre l'Europe & la Coste la
plus Orientale desIndes,on
a toute forte d'esperance de
pouvoirachever ce grand
Voyage.
Les Malades estant guéris
-' on fit du bois& de l'eau, on
acheta toutes les provisions
que l'onjugea necessaires
- pour aller à Batavia,& l'on
remit à laVoile le 7. de Juin,
après les Saluts donnez &
rendus de part & d'autre
comme onavaitfait en arrivant.
Cette seconde traver- senefut pas si douce que
la premiere. Les vents furent
violens,& la tempeste separa
la Fregate la Maligne du
Vaisseau de Mr l'Ambassadeur
,sans quelle pust le rejoindre
qu'auprés de Batavia.
Le 5. de Juilleton découvrit
l'Isle de Java,
-
& le 16. on
moüilla prés de Bantam. La
longueur del'Isle de Java est
de cent cinquante lieuës,
mais on n'a pas encore bien
sceu quelle est sa largeur.
C'est ce qui a fait croire à
quelques uns quecen'estoit
pas une Ble; mais qu'elle faisoit
partie du Continent que
l'on connoist fous le nom de
terre Australe au près du Détroit
de Magellanes. Les Habitans
pretendent que leurs
Predecesseurs estoient Chinois,&
que ne pouvant sousfrir
la trop severe domination
du Roy de la Chine, ils
passerent dans l'Isle de Java.
Ontrouveeneffet que les Ja- 1
vansontle front& les. machoires
larges,& les yeux pe- l
tits comme lesChinois. Il n'y t
àpresquepoint de Ville dans
Java qui n'ait son Roy, &
tous ces Rois obeissoient autrefoisà
un Empereur mais
depuis environ quatre-vingt
ans,ils ont aboly cette Souveraineté
,
& chacun d'eux
est indépendant. Celuy de
Bantam est le plus puissant.
de tous. La Ville qui porte ce
nom, estau pied d'une Montagne
de laquelle sortent
trois Rivieres,dont l'une traverse
Bantam
,
& les deux
autres lavent ses murailles y
mais elles ont si peu d'eau.
qu'aucune des trois n'est lia.
vigable.LesHollandois sont
maistres de cette Place depuis
peu d'années. Le Roy
de Bantam ayant cedé le
Royaume à son Fils, ce Fils
maltraita d'abord tous ceux
qui avoient esté considerez
de son Pere. Le vieux Roy
l'ayant appris luy en fit faire
des reprimandes, & le Fils
pour s'en vanger, fit massacrer
tous ces malheureux. Ce
différentalluma la guerre
entre le Pere & le Fils, & ce
dernier fut chassé. Dans cette
disgrace
,
il demanda du
secours aux Hollandois qui
le rétablirent & mirent le
vieux Roy dans une Prison
où ils le tiennent encore.
Tout se faitaunom du jeune
Roy
,
qui ay ant une grosse
GardeHollandoisetoujours
avec luy pour l'observer, n'a
pc pouvoirqu'autant que les
Hollandoisluy en laissent.
Le Vaisseau de Mrl'Ambassadeurn'entra
point dans le
Havre de Bantam, mais on
le laissa pas de prendre tous
es rafraichissemens. dont on
ut besoin
,
& ils furent apportez
à bord par ceux du
Pays. - -¡"., -,,-'-'f.
Le 18. on arriva devant Batavia
,
où l'on demeura sept
jours pour soulager les Malades
que l'on mit à terre.
Cette Ville est située à douze
lieuës de Bantam
, vers le
Levant dans une Baye
,
qui
estant couverte de quelques
petites Isles du costé de la
Mer, fait une des plus belles
rades de toutes les Indes.
Ce n'estoit d'abord qu'une
Loge que les Hollandois avoient
à Jacatra
,
& que le
Roy de ce nom leur avoir:
permis de bastir à causedes
avantages qu'il tiroit du de j
bit des Epiceries qu'ils y venoient
acheter. Le Roy de
Bantam leur avoit aussi permis
de bastir une Maison ou
Loge dans son Royaume,
pour y laisser les Facteurs qui
devoient veiller à la conservation
des Marchandises
dont ils trafiquoient. La
mesme permission avoit esté :
donnée aux Anglois, malgré
la repugnance qu'avoient les
Javans de souffrir aucun établissement
aux Estrangers
dans leur Isle, par lacrainte:
où ils estoient qu'ils ne les
traitassentavecla mesme rugueur
que les Portugais avoient
exercée contre les
Rois Indiens qui les avoient
receus chez eux. Les Traitez
que les Hollandois avoient
faits avec ceux de Jacatra &
de Bantam
,
regloient les
Droits d'Entrée &de Sorcier
mais comme ils haussoient
ces Droits àmesurequ'ils
voyoient que le Commerce
devenoit necessaire aux Etrangers,
la mauvaise foy
qu'ils eurent
5
obligea les
Hollandois à fortifier peu à
peu leur Loge de
-
Jacatra,
pour se mettre à couvert de I
la violence que leur pourroient
faire les Barbares
quand ils voudroient se
mettre à couvert de ces injustices.
LesIndiensnes'en
apperçeurent que lors que
la Loge futen estar de desense,
& ne pouvant plus se
décharger des Hollandois
par laforcey ils se servirent
de l'occasion de la mauvaise
ntelligence où ils les virent
Lvec les Anglois, & quiéclaa
principalement batNaval au Com- qui se donna entre
ux le 2. Janvier 1619. entre
acatra & Bantam. LaFlote
Angloise qui estoit d'onze
Ramberges
,
maltraita la
Hollandonise j , qui n'estoit,
composée que de sept Navires.
LesHollandoiss'étantretirez,
le Roy de Jacatra assiegea
leur Fort, auquel ils avoientdonné
le nom de Batavia.
Il se servit des Troupes
Angloises,qui après un Siege
de sixmois,furent contraintes
de l'ab andonnerles Hollandois
ayant renforce leur Flote,
des Navires qu'ils avoient
dans les Moluques. Le Roy
de Jacatrarejetta inutilement
sur lesAnglois la cause de ces
desordres, Le General Hollandois
se paya point de ces
excuses; Il fit débarquer ses
gens au nombre d'onze cens
hommes, attaqua la Ville de
Jacatray la prit de force, &
y fit mettre le feu. Aprés ce
succez,les Hollandoisacheverent
les Fortifications de
leur Loge, & en firent une
Place reguliere, à quatre Bâstionsrevestus
de pierre,bien
fossoyée&palissadée avec
ses demy-lunes, redoutes, ôc
autres Ouvrages. Le Royde
Matran
,
quiestoitcomme
l'Empereur de toute rIfle..
assiegea le Fort en 1628.& s'étant
logé fous le Canon, fit
donner plusieurs assauts à la
Place, mais il fut enfin contraint
de lever le Siege, aussibien
que l'année suivante,
& depuiscetemps là les Hollandois
y akr- étably leur
-
commerceavec lesChinois,
Japonois, Siamois, & autres
Peuples Voisins
,
se failanc
payer dix pour cent pour les
droits de laTraite-Foraine,
de toutes les Marchandises
qui s'y débitent. Ils sont
maistres de toute la Canelle
&du Clou deGirofle quiest
dans I
dans le monde,&envoyent
tous les deux ans un Vaisseau.
au Japon; mais ils n'ont presque
point de liberté en ce
lieu là. Si-tost queleurs Vaiffeaux
y sont arrivez, on 1.
prend leurs Voiles, leurs Agrés,
& tous lesMasts qu'on
met ians unMagasin &
quelque
tempsqu'il
puisse
Faire,on les oblige à partir au
OUI; qui leur est marqué.
Le Directeur du Comptoir
l'y peut estre que trois ans. 1
^.infi il y en a toujours trois,
'un quiva,l'autre qui revient,
( le dernier qui demeure.
On ne souffre point qu'ils
aillent dans le Pays, mais Us?
en rapportent tantde riches
ses, qu'ilssesoûmettent sans
peine à ce qu'on exige d'eux.
Le General Hollandois qui ij
està Batavia,n'est pas moins
puissant qu'un Roy. Quoy
qu'on ne l'élise General que 3
pour trois ans, l'élection se 5
confirme
,
& il est toujours 2
continué. Il a une Garde à i
pied & à cheval. Ses apoin- -
temens sont de quarre mille
francs par mois, & il prend h
tout ce qu'il veut dans les
Magasins sans rendre comp- -
se de rien. Il y a six Conseillers
ordinaires qui font toules
choses
,
& quand il en
meurt quelqu'un,c'est luy
qui luy nomme un Succes-
,- seur fous le bon plaisir de la
Compagnie.Son choix en elt
toujoursapprouve. Il yaaussi
des Conseillers extraordinaires
,mais quand on prend
leurs avis, on ne compte
point leurs voix, si ce n'est
sqeuil'lielrms anque un des six Conordinaires.
Ils sont
tous logez dans la Forteresse.
La Compagnie a dans ce
Pays-là plus de deux cens
Vaisseaux qui font tout le tra- 1 fie de l'Orient.Ondit que
les Hollandois y peuvent l
faireune armée de plus, de
cinquanteVaisseauxdeGuer- '-
re. Ils ont six Gouyernemens
Généraux, desquels dépendent
tous les Gouvernemens
particuliers de leurs Places,
& par consequent tous les
Comptoirs & Loges qu'ils
ont la en tresgrand nombre,
& dans tous les lieux où ils
croyent pouvoir trafiquer.
Mr l'Ambassadeur receut
toutes les honnestetez possibles
de ce General des Hbllandois,
quil'envoya visiter
à bord 7 j , &luy -Et porter toutes
fortes de rafraichissemens.
Quoy qu'il se fust excusé
de sortir de sonVaisseau,
comme il l'en, avoir fait
prier, il ne laissa pas de defcendre
à terre Incognito, ôc
d'aller voir les beaurez de
Batavia. Après avoir donné
quelques jours aux Malades
que l'air de la terre guerit en
fort peu de tem ps, il resolut
de poursuivre son Voyage;
mais comme aucun des Pilotes
n'avoit esté à Siam, il en
prit un du Payspour passer
le Détroit de Banca qui est
dangereux. Ce fut là que la
Fregate la Maligne le rejoignit
, ce qui fut à tous un
fort grand sujet de joye. Peu
de jours aprés, Mr d'Arbouville
Gentilhomme de Normandie
,mourut dans cette
Fregate, & il fut jetté à la.
Mer avec les ceremonies ordinaires
dans ces-tristes occa
fions. Les deux Mandarins
que l'on remenoit de France
à Siam
,
n'avoient sorty que
deux fois du trou où ils s'etoient
mis dans le Vaisseau
pendant tout y ce long Voyage
,
mais lors que l'on commença
a voirdeshommes
noirs vers ce Détroitde Banca,
ils monterentsur letillac,
& donnerent de grandes
marques de joye.
Le 3. de Septembre on repassa
la Ligne, & enfin le 14.
du mesme mois on moüilla
à la Barre de la Riviere de
Siam, qui est une des plus
grandes de toutes les Indes.
On l'appelle Menam, c'est à
dire, Mere des Eaux Elle
n'est pas bien. large , mais
elle est si longue, qu'on dit
qu'on n'a pû encore monter
jusqu'a sa source. Son cours
est du Nord au Sud.Elle f
passe par les Royaumes de
Pegu & d'Auva, & en suite
parceluy de Siam. Elle a
cela de commun avec le Nil,
qu'elle se déborde tous les
ans, & couvre la terre pen
dant quatremois. En s'en
retirant, elle y laisse un limonquiluy
donne lagraisse
& l'humidité dont elle a be.
foin pour la production du
Ris. Elle se dégorge dans le
Golse de Siam par trois grandes
embouchures, dont la
plus commode pour les Navires
& pour les Barques est
la plus orientale, mais ce qui
la rend presque inutile,c'est
uu Banc de sable d'une lieuë
d'étenduë, qui est vis-à-vis
de laRiviere,& qui n'a que
cinq ou six pieds d'eau avec
la basse Marée.Lahaute y
en amene jusqu'à quinze ou
seize; maiscen'e st pasassez
pour les grandsNavires qui
demeurent ordinairement à
la rade à deux lieuës de ce
Banc. Ils y sont en seureté,
& ont en tout temps six
brasses d'eau.Ainsi le Vaisseau
de Mrl'Ambassideur
demeura à cette rade, & la
Fregate qui prenoit moins
d'eau, passa sur le Banc avec
la Marée. Quand on l'apafsé
on peut entrer dans la Riviere
jusques à BancoK, qui
est une Ville éloignée dela
Mer de six lieuës. Celle de
Siam en cil: à vingt-quatre,
Si-tost qu'on eut mouillé à
cette embouchure, Mr le
Chevalier de Chaumont envoya
Mr Vachet, Miffionnaire
Apostolique, qui estoit
venu en France avec les
Mandarins de Siam
,
donner
avisdeson arrivéeàMr l'Evêque
de Metellopolis. Cette
nouvelle causa une extrême
joye au Roy de Siam. Il ordonna
aussi-tost qu'on prearast
toutes choses pour saie
une magnifiquereception
L Mr l'Ambassadeur, & nomna
deux Mandarins du prenier
Ordre pour luy venir
aire com pliment à bord.
C'est ce qu'apprit MrleChevalier
de Chaumont par Mr
Evesque de Metellopolis,
qui vint à bord le 29. avec
Mrl'Abbé de Lyonne. Cét
Abbé estoit passé à Siam en
581. avec Mr l'Evesque d'Heliopolis,
dont il y a quelques 1
mois que je vous appris la
mort. Son zeleestconnue,&
l'on peut juger par là dufruit
qu'il a fait en travaillant à la
Conversion desInfidelles.Le
lendemain les deux Mandarins
vinrentsaluer Mr l'Ambassadeur.
Il les receut dans
sa Chambre
,
assis dans un
Fauteüil
,
&ils s'assirent à la
mode du Pays sur des Carreaux
qui étoiét surle Tapis
de pied. Ilsluy marquerent
1 la joy e que le Roy leur Maîtreavoit
de sonarrivée,& dirent
qu'on luy avoir donné
une agréable Nouvelle,en
luy apprenant quele Roy de
France avoit vaincu tous ses
Ennemis, & donné ensuite
la Paix à l'Europe. Cette Audience
finie, on apporta du
Thé& des Confitures,& l'on
tira neufcoups de Canon à
leur sortie du Vaisseau.
Le I. d'Octobre,MrConstanceFavory
duRoy,envoya
son Secretaire avec des rafraichissemens
en si grand
nombre, qu'il y en eut pour
nourrir tout l'Equipage pendant
quatre jours. Mr Constance
est un homme d'un
fort grand merite, qui s'est
élevé par sa vertu au porte
où il est. Il est Grec,de Mie
de Cefalonie
,
& fut pris petit
Garçon par un Vaisseau,
où il fut fait Mousse. C'est
le nom qu'on donne à de
jeunes Matelots qui fervent
les gens de l'Equipage. On
le mena en Angleterre,&
il continua le service dans
les Vaisseaux. Il passa aux Indes,&
de degré en degré, il
devint enfin Capitaine de
Vaisseau. Il alloit à la Chine,
& au Japon, où il trafiquoit
pour le compte des Marchands.
La tempesteluy
ayant fait faire naufrage à la
Coste de Siam
,
il fut contraint
de semettreau service
du Barcalon, qui est un des
six grands Officiers de ce
Royaume. Son employ consiste
dans l'administration
des Finances. Le Roy de
Siam avoit alors un grand
démeslé avec ses voisins,
touchant un compte par lequel
on pretendoit qu'il demeuroit
redevable de fort
grosses sommes Les Siamois
n'entendent pas bien l'Arithmetique.
Mr Constance de-
-
manda à examiner tous les
Papiers que le Barcalon a-
, voit entre ses mains
,
& il
rendit le compte sinet, qu'il
fit connoistre non seulement
que le Roy de
-
Siam ne devoit
rien
,
mais que l'autre
Roy luy devoit des sommes
tres -
considera bles. Vous
pouvez juger dans quellefaveur
il se mit par là. Le Barcalon
estant mort peu de
temps aprés, le Roy le prit
JL son service ,&il est presentement
tout puissant dans
cet Estat. Il n'a voulu accepter
aucune des six grandes
Charges
,
mais il est sort diffusde au
tous ceux qui les
exercent
,
& il seroit dangereux
dene luy pas obeïr. Il
parle au Roy quand il veut, -
c'est un privilege qui luyest
particulier. Laprincipalede
ces grandes Charges rend
celuy qui la possede comme
Viceroy de tout le Rovau--»
me.elleest presentement
exercée par un Vieillard pour
cjm le Roy mesme a grand
:*e{peâ.-Il est son Oncle & a"
ïsté son Tuteur. Ce Vieilard
estsourd
,
& on luy par- eparile moyen d'uniennp
homme que l'on sait entrer,
& quien criantfort haut,
luy fait entendre ce qu'il faut
qu'il sçache. C'est un homme
de tres-bon sens, & on
s'est toûjours bien trouvé de
ses avis.
Le 8. Mr l'Evesque de Metellopolis
revint à bord avec
deux Mandarins plus qualifiez
que les premiers, qui furent
receus & saluez de la
>•
mesme forte. Ils venoient j
s'informer au nom du Roy
de la santé deMrl'Ambassadeur,
& l'inviter de descendre
à terre. Aprèsqu'ils furent
sortis du Vaisseau, cet
A mbassadeur se mit dans son
Canot, & sur le soir il entra
dans la Riviere avec les per-
»
sonnes de sa fuite, qui avoient
trouvédes Bateaux du
Roy pour les amener. A l'entrée
de cette Riviere estoient
cinqBalons sortmagnifiques
que le Roy avoit envoyez
pour le conduire à Siam. Ce
sont des Bastimens faits d'un
seul arbre. Il y ena qui ont.
cent pieds de longueur, &,
qui n'en ont que huit on
neufpar le milieu,quiest
l'endroit le plus large,& dans
lequel il y auneespece de
Trône couvert. Mrl'Ambassadeur
coucha ce soirlaà
bord de la Maligne, qui étoit
entrée dansla Riviere quelques
jours auparavant.
-
Le 9. deux nouveaux Mandarins
vinrent recevoir ses
ordres. Ils estoienthabillez
comme les autres, avec une
maniere d'écharpe fort large
depuis la peinture jusqu'aux
genoux, sans estre plissée.
Elle estoit de toile peinte,
& tomboitcomme une culote
Il y avoit au bas une
bordure fort bien travaillée,
!& des deux bouts de l'écharpe,
l'un passoit entre leurs
jambes, l'autre par derriere.
- Depuislaceinturejusqu'en
haut,ilsavoient une maniere
de chemise deMousseline
assez ample, tombant par
dessus l'écharpe, & toute ouverte
par le devant. Les
manches venoient un peu
au dessous du cou de
,
& étoient
passablement larges.
~ls avoient la teste nuë
,
ôc
~stoient sans bas & sans souiers.
La plus part de leurs
~alets n'avoient que l'éharpe
& point de chemise.
Onze Bateaux arriverent dej
Siam chargez de toutes sor- ni
tes de vivres. Mr Constance j
les envoyoit de la part du j
Roy,qui luy avoit ordonné t
de faire fournir aux Equipagestoutes
leschoses dontils
auroietbesoin pour leur sub- fl
sistance,pendant leur séjour.
Mr l'Ambassadeur s'étant "a
i < -
mis dans un Balon partità *'j
sept heures du marin, & apres
avoir fait cinqlieuës,
il arriva dans une Maison
bastie de Bambous, qui est
un Bois fort leger, & couverte
de Nates assez propresm
Il y avoir plusieurs Chambres
toutes tapissées de toiles.
peintes. Les Meubles en estoient
fort riches, & tous les
Planchers estoient couverts
de tres-beauxTapis. La
Chambre deMrl'Ambassadeur
estoit meublée plus
magnifiquement que les autres.
Il y avoir un Dais de
toile d'or, un Fauteüil doré,
&un tres- beau Lit. Deux
Mandarins, & les Gouververneurs
de BancoK& de
Pipely le receurent en cette
Maison, qui avoir esté bâtie
expres, ainsique toutes les
autres-où il logea jusqu'àson
arrivée à Siam. Il fautaussi
remarquer que les Meubles 1
de toutes ces Maisons estoient
neufs, & n'avoient
jamais servy. Il y eut un
grand Repas, aussi abondant
en viandes qu'en fruits.
Apres que l'on eut disné, Mr
l'Ambassadeur se remit dans
sonBalon, & arriva le soir à
BancoK, qui est la premiere
Place du Royaume de Siam
sur la Riviere. Un Navire~
Anglois qui se trouva à la
rade, le falüa de 21. coups de
Canon, & les deux Forteresses
ses qui sont des deux costez
de cette Riviere, tirerent
l'une 31. coups de Canon &
l'autre29. Il logea dans l'une
de ces Forteresses, en unf
Maison fort bien bastie, &",
que l'on avoit richement
meublée. Il y fut traité avec
la mefime magnificence.
Il partit le 10. à huitheures
du marin, & receut des Forteresses
le mesme salut qu'à
on arrivée. Il fut complimenté
avant son départ, par
eux nouveaux Mandarins
ui l'accompagnerent avec
~us les autres,auffi- bien que
le Gouverneur de Bancok.
Il trouva de cinq lieuës enn
cinq lieuës de nouvelles
Maisons toujours tres-commodes
,& fort richement
meublées
,
& arriva le 12. à"É
deux lieues de la Ville de
Siam. Il avoit plus de cinquante
Balons à sa suite, de i
cinquante jusqu'à cent pieds
de longueur, & depuis trente
jusqu'à six-vingt Rameurs..
Ilssontassis deux sur chaque *
banc,l'un d'un costé, & l'au-
-
tre de l'autre, le visage vers 2
le lieu où ilsveulent arriver..
Leurs rames sont longues de *
quatre pieds, lapluspart dorées,&
ils fatiguét beaucou p
enramant de cette forte. Il
- faut cependant fort peu de
chose pour les contenter.On
leur donne du ris qu'ils font
cuire avecde l'eau, &quand
on y ajoûte un peu de poisson,
on leur fait grand' chere.
Dans tout ce passageon rendit
à Mr l'Ambassadeur les
mesmes honneurs que l'on
rend au Roy. Il ne demeura
pei sonne dans les Maisons,
& comme toute la Campagne
estoit a lors inondée,tout
le monde estoit prosterné
dans desBalons, ou ssir<
des monceaux de terre élevez
à fleur d'eau,& chacun
avoir les mains jointes proche
le front. Devant toutes
les Maisons & Villages, il y
avoir une espece de parapet,
élevé de sept ou huit pieds
hors de l'eau avec des nates.
C'est ce qu'ils observent lors
que leRoy passe. Ils se jettent
le ventre contre terre, & par
respect ils n' osentjetter les
yeux sur luy. J'ayoublié de
vous dire que toutes les
Maisons où Mr l'Ambassadeur
logea, estoient peintes
derouge,ce qui est particu
lier aux Maisons du Roy.
On y faisoitgarde pendant
lanuit, & ilyavoit des feux
tout autour.
Le 13. Mr m'Ambassadeur
fit prier le Roy de luy vouloir
envoyer quelque personne
de confiance avec
qui il pust s'expliquer, parce
que les manieres de recevoir
les Ambassadeurs des Roys
d'Orient
,
estoient differentes
des Ceremonies que l'on
devoit observer en recevant
un Ambassadeur du Roy de
France. Mr Constance vint
à bord le lendemain
,
& ils
convinrent ensemble de
toutes choses.
Le 15 tout le Seminaire
de Siam vint saluer Mr le
Cheualier de Chaumont. Il
y avoit plusieurs Prestres venerables
par leur grande
barbe, & quantitéde jeunes
Chinois, Japonois, Cochinchinois,
Siamois & autres,
tous en long habit, & avec
une modestietres-édisiante.
Les uns sont dans les Ordres
Sacrez,&les autres aspirent
a y entrer.
Le 16. les Deputez de toutes
les Nations établies à
Siam au nombre de quarante
deux, le vinrentcomplimenter.
Ilsestoient tous habillez
à leur maniere, ce qui
faisoit un effet tres. agréable.
Lesunsavoient desTurbans,
les autres des Bonnetsàl'Arménienne,
ceux-cy des Calotes,&
quelques-uns des Babouches
comme les Turcs,
Il y en avoit qui estoient
teste nuë ainsi que les Siamois,
parmy lesquels ceux
qui font d'une qualité distingllée,
ont un Bonnetcomme
celuy d'un Dragon. Ilest
faitde Mousseline blanche,
& se tient toutdroit. Ils l'arrestent
avec un ruban qu'ils
passent tous leur menton.
Le 17. Mr Constance vint
voirles Presens que Sa Majesté
envoyait nu Roy son
Maistre
,
&il amena quatre
Ballons magnifiques pour
les porteràSiam.
Le 18. Feste de S. Luc,
M l'Ambassadeur sedisposa
à son entrée dés le matin, &
il commença par offrir à
Dieu son Ambassade
,
puisqu'elle
n'avoit esté resoluë
que pour sa gloire. Il fit ses
Dévorions avec sa pieté ordinaire
,
& ensuite il alla
:rouver deuxOyas& quaante
Mandarins qui l'attenloienc
dans la Salie. Les
Dyas sont comme les Ducs -
n France. Il prit la Lettre
lu Roy, & la mit dans une
Boëte d'or, cette Boëte dans
ne Coupe d'or, la Coupe
~DUS une sous-Coupe d'or, &
exposa ainsi sur la table, ou
stoitun richeDais. LesOyas
les Mandarins se profernerent
les mains jointes
11* lefront, levisage contre
rre, & salüerent trois fois
la Lettre en cette posture-
C'est un honneur qui n'avait
jamais esté rendu dans
ces fortes de Ceremonies.
Cela estant fait, Mr l'Ambassadeur
prit la Lettre avec
le Vase, le porta septouhuit
pas & l'ayant donné
à Mrl'Abbé de Choisyqui
marchoit un peu derriere.à
sa gauche,
il alla jusqu'a la
Riviere, où il trouva un Ba-
Ion très-doré
,
dans lequel
estoient deux grands Mandarins.
Alors il reprit la Lettre
du Roy, des mains de M
l'AbbédeChoisy,laportajusue
dans ce Balon & l'ayant
onnée à l'un desdeux Man-
~arins, ce Mandarin la mit
iixs un Dais fort élevé en
pince & tout brillant d'or.
* Balon où cette Lettre tmise
,
suivit ceux qui
~rtoient les Presens du Royeux
autres estoient de cha-
~e cofté
, & il y avoit.
~ux Mandarins dans chaa
pour garder la Lettre.
~tit autres Balons de l'Estat
Siam, tous fort magnifies
,
suivoient ceuxcy ,
Ôc
cedoient un tres -
super-
Balon où Mr l'Ambassadeurestoit
seul. Mrl'Abbé
de Choisy estoit aussi feullli,
dans un autre, & il y en avoit
de vuides qui servoient
d'escorte à droit& à gauche.
-
En suite parurenr quatreautres
Balons, où estoient les
Gentilshommes & les Officiers
de Mr l'Ambassadeur.
Dans d'autres estoientles
Gens de saisuite, tous fort
propres, & accompagnez de 3)
Trompettes & de dix-huit
hommJ.es de livrée. Elle cftoit
fort magnifique,&frap- -<j
pa les Siamois plus que l'or n
des Juste-au-corps. LesNations
étrangeres furent du
Cortege, & l'on ne voyoit
que Balons sur la Riviere.
Les grands Mandarins marchoient
à la teste en deux
colomnes. Le Balon oùef-
~oit la Lettre du Roy & les
leux Balons qui la garloient
avec celuy de Mr
»Ambassadeur
,
tenoient le
milieu. Si tostqu'il fut arrivé
terre, la Ville le salüa
, ce
qui ne s'estoit jamais fait
pour aucun Ambassadeur. Il
~ortit de son Balon,& ayant
~epris laLettre du Roy, illa
pic sur un Char de Triomphe
qui l'attendoit, & quiu
estoit encore plus magnifï--que
que que le Balon. On le ~fiéd
monter dans une Chaise ~déJj
couverte, toute d'or, & ~quoi,
dix hommes porterent. M"i\
l'Abbé de Choisy fut ~portôr
dans uneautre. Les~Gentils-?
hommes & les ~Mandainen
suivoient à cheval, & les/j
Trompettes, & tous les ~Genen
de laMaison de Mr~l'Am-rr
bassadeur alloient à ~piecVj
en fort bon ordre. Les Na~x,l
tions suivirent aussi à ~piedhz
On marcha de cette ~fortor;
dans une ruë assez longue, &&
largeà peu pres comme la
ruëdeS Honoré.Elleestoit
bordée d'arbres, & dune
double file deSoldats, le Pot
enrested'un metaldoré, leBouclier & ferentes au bras avec dif- armes, Sabres, Piques,
Dards, Mousquets,
Arcs & Lances. Ils estoient
nuds pieds., & avoient une Chemise rouge, avec une Echarpe de toile peinte qui leur servoit de culote, com-
~me j'ay déja marqué. Des Tambours sonnant comme des Timbales, des Musettes,
des manieres de petites Cloches,&
des Trompettes qui
nerendoient qu'un son des
Cornet,formoient une har- -
monieaussibizarre qu'extraordinaire.
Apres avoir passé
-
u
par cette ruë, on arriva dans 21
une assez grande Place. C'es- -
toit celle du Palais. On ~n
voy oit des deux costez plumesieurs
Elefans de guerre, & :),
des hommes à cheval habil- - lez à la moresque avec la
-
Lance à la main. Les Na- ~-
tions avec tout le restedu Il
Cortege,quitterent M'l'Am- -e
bassadeur en ce lieu là , à la Li
reserve de ses Gentilshom- -1
mes. Avant que d'entrer ij
dans lePalais, il prit la Lettre
du Roy qu'il remit entre les
mains de Mrl'Abbé de Choi-
(y. En suite on marcha à
pied fort gravement. Les
Gentilshommes & les Ovas
alloient devant en bon ordre.
On traversa plusieurs
Courts. Dans la premiereil
y avoit deux mille Soldats le
Pot en reste, & le Bouclier
lOfé) ayant devant eux leurs
Mousquetsfichez en terre;
ls estoient assis sur leurs taons.
Dans la seconde par~
uurreenntt tcrrooiiss cens CChheevvaauuxx-.
~en Escadron, avec plus de
quatre-vingts Elefans, & :
dans la derniere estoient : quantité de Mandarins le
visage en terre, & soute-
-
nu sur leurs coudes. Il y >
avoit six Chevaux dont 3
tout le harnois estoit d'une e
richesse que l'on auroit peine
à exprimer. Brides,Poitrails,
( Crou pieres,Courroyes
, tout 3
estoit garny d'or,& par des- -
sus il y avoit un nombre infiny
de Perles,de Rubis&de 3
Diamans, en sorte qu'on ne s
pouvoit voir le cuir. Les 2:
Estriers estoient d'or,& les v
Selles d'or ou d'argent. Ils EJ
avoient des anneaux d'or
aux pieds de devant
, &
estoient tenus chacun pardeux
Mandarins.On y voioit
aussi plusieurs Elephans richement
enharnachez,comme
des Chevaux de Carrosse.
Leur harnois estoit de velours
cramoisy avec des boucles
doréesLorsquel'on fut
arri vé auxdegrez de la Salle
destinée pour l' Audience,
Mr l'Ambassadeur s'arresta
avec Mr Constance qui l'cf---
toit venu trouver, pour donner
le tem ps à ses Gentilshommes
d'entrer avant luy
dans cette Salle. Ils y entrerent
à la Françoise, & s'assirent
sur de superbes Tapis,
dont tout le plancher estoit
couvert. Les Mandarins &
tous les Gens de la Garde se
placerent de l'autre costé, &
pendant ce temps le Barca-
Ion dont on n'avoit point
encore entendu parler, entretenoit
Mr l'Ambassadeur
au bas du degré. Il luy dit
qu'a la nouvelle de son arrivée
ala Barre de Siam, il avoit
eu envie de l'aller trouver,
mais que les Affaires de
l'Estat ne luy en avoient
point laissé le temps. Ce
compliment estoit à peine
~Un y
>
qu'on entendit les
Tronl pettes&les Tambours
~lu dedans. Les Trompettes
lu dehors répondirent à ~niit,quifaisoitconnoistcree
~ue le Roy montoit à son
~trône. En effetil parut dans
e moment, & à mesme
~nips tous les Mandarins se
~ofternerent" pat terre les
ains jointes, suivant leur
~»ultumé.' Les François le
~üerenr, mais sans se le.
~r de leurs places. Alors
~Confiance&leBarcalpn.
entrerent dans la Salle les
pieds nuds
,
& en rampant
sur les mains & sur les genoux.
Mr l'Ambassadeur les
suivit
, ayant à sa droite Mr
l'Evesque de Merellopolis,
&à (a gauche M l'Abbé de
Choisy
,
qui portoit le Vase
où estoit la Lettre du Roy.
On tient qu'il pesoit du
moins cent livres, & il l'avoit,
toûjours eu entre les.
mains depuis qu'on l'avoir
tiré du Char de Triomphe.
Il estoit en habit longavec
un Rochet, & son ~manteaux
par dessus.Mrl'Ambassadeurs
osta son chapeau sur le dernier
degré dela Salle, & appercevant
le Roy dés qu'il
fut entré,il fit une profonde
\- reverence. Mr l'Abbé de
Choisynefalüa pas , parce
qu'il portoit la Lettre du
Roy.Ilsmarcherent jusqu'au
milieu de la Salle
, entre les
François assis sur les ta pis dit
Plancher & deux rangs de
grands Mandarins prosternez,
parmy lesquels il y avoit
deux Fils du Roy de
Chiampa
,
& un Frere du
Roy de Camboie, Mr l'Ambassadeur
fit une seconde reverence
,& s'avançant toujours
vers le Trône; lors
qu'il fut proche du lieu où
estoituneChaise à bras
qu'on luy avoir preparée, il
en fit une troisième, & commença
sa Harangue,ne s'asseiant
Ôc ne mettant ion chapeau
qu'aprés en avoir prononcéle
premier mot. Il dit
au Roy de Siam
,
£hte le Roy
son Maistre, fameux par tant de
Victoires, & par la paix qu'il
avoit accordée tant de fois à jes
Ennemis, luy avoit commandé
de venir trouver Sa Majesté aux
extremitez de l'Univers
, pour
luyi
w
wy pfeflnter des marques de jon
ejftme, er l'afj-rcr de son amitié
; mais que rien nefloit plus ca..
fable d'unir deux sigrands Princes
t que de vivre dam les fntinjem
dune mtfrne croyance; que cestoitparticulièremint ce que le
Roy son Maiflreluyavot recommandé
de rrpYl/ enter à Sa
Al.siesté
;
Quele Royleconjuroit
Par l'interef}quilpi non: à ra
véritable gloire
)
de co?1.fidrer
tjue cettesuprême A/fcjefit dont il
ijloit revcjîu sur Li Tcrre
, ne
wàuvoit venirque 'u vr yT)iru dire, du Di u Tout puiss
ant ,
Eternel Infiny
,
tel que
Ses Cbreftiens le reconnoijfent*
qui seulfait regner les Roys,&
réglé lafortune de tous les Peuples
; Que c'efloit à ce Dieu du
Ciel & de la Terre qu'ilfalloit
soumettre toutessesgrandeurs,
non a ces 'Vi'Vinitez qu'on adore
dins l'Orient,rItr dont Sa Maje/
lequi avoittantde lumierese
de pénétration
, ne pouvoit manquer
de voir l'impmjfance. Il finieen
disant,quelaplus agreableNouvelle
quil pourroit porter
au Roy [on Maigre
y
feroit que
Sa Majeftéperfuadée dela veri.
té,sifaisoitinstruire dms la ReligionCbrejhenne
; que cela cimenterott
a jamais iejnme &
iamitié entre les deux Rays ; que
iesFrançoisviendraient dans fort
Royaume avec plus d'empreffimentg)
de confiance,&quâinfi
ea Majefié s'attireroit un honheur
eternel dans le Ciel, après a.
suoit régnéavec rant de prosperité
surla Terre.
- Mr TAmbassadeurprononça
cette Harangue toûjours
assis,& sans oster son Chapeau
, que lors qu'il nommoit
quelqu'un des deux
Roys. Mr Confiance en fut
l'Interprete, & se prosterna
trois fois avant que de corn»
mencer. Aprés quoy M41le
Chevalier deChaumont prit
la Lettre de Sa Majesté des
mainsde Mrl'AbbédeChoisy.
Le Vase où onl'avoitenfermée,
estoit soustenu d'un
grand manche d'or de plus
de trois pieds de long. Ils'avança
jusqu'au Trône, qui
estoitune manieredeTribune
assez élevée dans une fenestre
de la Salle,& il presenta
le Vase sans hausser la
main. Mr Constance luy dit
qu'il prist la Coupe par le
baston, mais il n'en voulut
rien faire. Le Roy se mit à
rire
,
& s'estant levé pour
prendre le Vase, il se baissade
maniere qu'on luy vit
plus de la moitiédu corps. Il
regarda la Lettre qui estoit
dans une autre Boëte d'or
que ce Princeouvrit. Il avoir
une Couronne toute brillante
de gros Diamans, avec un
Bonnet comme celuy d'un
Dragon, qui se tenoit droit,
artaché à la Couronne. Son
Habit estoit une maniere de
Juste-au-corps d'un Brocart
d'or, dont le fond estoit UEP
rouge enfoncé. Ce Juste-aucorps
luy serroit le col & les
poignets, & aux bords il y avoitde
l'or&desDiamans,qui
faisoient comme un collier
& des bracelets.. Il avoit aux
doigts quantitéde Diamans.
LaSalle de l'Audience étoit
elevée de douze ou quinze
degrez.Elle estoit quarrée &
assez grande, avec des fenestres
fort baffes de chaque
coste. Les murs estoient
peints, & il y avoit de grandes
Fleurs d'or depuis le
haut jusqu'au bas. Le platfond
estoit orné de quantité
de Festonsdorez, Deux
Escaliers conduisoient dans,
une Chambre ouestoit le
Roy, & au milieu de ces Escaliers
estoit une fenestre
brisée, devant laquelle on
voyoit troisgrands Parasols
par étages qui alloient jusqu'auPlat
fond,l'étoffe estoit
d'or,& une feüille d'or couvroit
le baston. L'un de ces
trois Parasols estoit au milieu
de la fenestre, & les deux:
autres aux costez. Ce fut par
cette fenêtreque leRoyparla,
Mr le Chevalier de Chaumont
estant retourné en [a'v
place, apres avoir donné la
Lettre de SaMajesté, ce qui:
futune grande marque de
distinction pour l'Ambassadeur
du Roy de France, les
Roisd'Orient ne prenant
aucune Lettre desmains des
Ambassadeurs, Sa Majesté
Siamoiseluyditqu'Elle recevoit
avec grande joye desmarques
de l'estime&del'amitié
du Roy & qu'il luy
seroit fort agréable de luy
faire voir en sa personne
combien elles luy estoient
cheres. Apres celaMrl'Am-
-
bassadeur luy montra quelques
Presens du nombre de
ceux que le Roy luy enroyoit,
& luy- presenta Mr
'AbbédeCkoify5&lesGen-
- iishommes. Ce Prince luy
larIa des Ambassadeurs qu'il
voit envoyez dans le Soleil
Orient, & demanda des
ouTelles de la Maison
.oyale, & ce qui se passoit
n Europe. Mr FAmbanaeur
répondit que Sa Mailsatcée,
apresavoir pris la forte
de Luxembourg avoit
oligél'Empereur,, les Espanols,
les Hollandois, & tous
s Princes d'Allemagne à
gner avec luy une Tréve
3 *
: vingtans. Il fit encore
d'autres Questions sur lesquelles
Mr l'Evesque de Metellopolis
servit d'Interprete,
& apres que M l'Ambassadeur
y eut répondu, on tiraun
Rideau devant la Fenestre
de la Tribune. Ce fut par
là que l' Audience finit. Elle
dura plus d'une heure, &
les Mandarins demeurerent.
prosternez pendant tout cor
temps. Ils avoient tous un.
Bonnet,mais sansCouronne,
& chacun d'eux tenoit une
Boëte, pleine de Betel &
d'Areque, dont ils usentencore
plus que nous ne faions
icy de Tabac, C'estpar
diference de ces Boëtes.
u'on peut distinguer leurs
ualitez.
Au sortir de l'Au dience,
Mr l'Ambassadeur fut conuit
dans le Palais, où il vit,
Elefant blanc. On luy rend
e grands honneurs, & on.
regarde comme une Diviité.
Quatre Mandarins sont
ûjours aupresde luy. Deux
ennent un Eventail pour
nasser les Mouches, & les
eux autres un Parasol, afin,
empescherqu'il ne soit inommodé
du Soleil.Ilest
servyen Vaisselle d'or.
-
One
en éleve un petit qui sert
son Successeur.. Lors qu'il 1
besoin de se laver, on le .me-si
ne à la Riviere, & alors les
Tambours &les Trompetes
marchentdevantluy. Dans
l'endroit où on le lave, il )(
a une espece deSale couverte,
destinée pour cet usage
Il y a eu autrefois de grandesGuerres
pour l'Eléphant
bbllanc '1 f1. 1 1 ,v,
,
& il a cousté la vie iî i
plus de six cens mille personnes.
Le Roy de Pegu
ayant appris que cet,Animal
estoit possedé par le Roy
e Siam,luy envoya une
mbassade des plus solembiles
pour le prier de le
lettre à prix, s'offrant d'en
lyer ce qu'il voudroit. Ce
t en 1568. Le Roy de Siam
rant refusédes'en défaire
luydePegu leva une Arée
d'unmillion d'hommes
en aguerris
,
dans laquelle
y avoit deux cens mille
hevaux
,
nans cinq mille Ele- ,
& trois mille Chaeaux.
Quoy que Pegu soit
Digne de Siam de soixante
cinqjournées de Chaeau
,
il ne laissa pas avec
cetteredoutable Armée, de
venir amener son Ennemi
dans laVille Capitale. Il
prit& laruinaentierement
s'estant rendu Maistre de se
Trésors, de sa Femme & db
ses Enfans, qu'il emmena i
Peguavecl'Eléphant blancs
Le Roy de Siam se défen
dit jusques à l'extremité, &
voyant sa Ville prise
,
il fl
jetta du haut de son Palais
en bas, d'où il fut tiré crû
pieces. Quelques-uns écrin
vent que le Siege dura vingt
deuxmois,&que cette guerre
re couta plus de cinq cen
mille hommes au Roy de
Pegu. Jugezcombien il en
dût perir ducosté des Siamois.
Les Indiens trouventquelque
chose de Divindans l'Elesant
blanc. Ils disent que
ce n'est pas feulement à
cause de sa couleur qu'ils le
respectent, mais que sa fierté
leur fait connoistre qu'il veut
qu'on le traite en Prince,
Sr. qu'ils ont remarqué plurieurs
fois qu'il se fâche,
quand les autres Elefans
nanquent à luy rendre
'honneur qu'ils luy doivent.
Apres que l'on eut fait
voir cet Elefant à M l'Am—r
bassadeur, il fut conduit àssi
l'Hostel qu'on luy avoitpreparé.
Par toutoù il passa, illi
trouva des Elefans avec les
Soldats qui bordoient les
chemins en tres-bel ordre,s
Quelques Troupes,& plusieurs
Mandarins montez sur
des Chevaux ou sur des Elesans
magnifiquementenharnachez,
marchoient devant
luy, & grand nombres
d'autres suivoient par hon- -c
neur, Ainsi il ne manqua &r
rien à cette Entrée pour la d
rendre très superbe. Tous
Siam joüit de ce grand Spectacle,&
ce qu'il y eut de surprenant,
c'est que tout le
monde estoit prosterné,comime
si le Roy eust passé luymesme,&
cela sefitavecun
si grand respect, que l'onnentendoit
personne cracher,
tousser, ny parler. Les
ordres du Roy avoient elle
donnez pour cela, ce qu'il
n'avoit jamais fait pour d'autres
Ambassadeurs. Il est remarquable
que les Siamois,
Rapportent aucun desous en
laissant, & qu'on ne voir
parmy eux, ny Boiteux, ny
Bossus, ny Borgnes. S'il y a
quelques Aveugles, ils ne le 1
font que pour avoir estécon- j damnez à cette peine pour
quelque crime commis.
La Ville de Siam, que î
quelques uns apellentIndia J
d'autres Iudia, est la Capitale
du Royaume, & l'une des j
plus grandes & des plus peuplées
de toutes les Indes. Ses 1
Remparts sont environ de z
trois toises de hauteur,&elle
a des Bastions de toutes les aj
sortesde plats, de coupez & al
desolides. La Riviere deMenam
qui y coule enhuit enadroits,
y forme deux Isles,
Elle a plusieurs belles Ruës,
& des Canaux qui sont assez
regulierement tirez. La plus
belle est celledesMores. Ce - qu'ils a ppellent le Quartier
de la Chine est aussi tresbeau.
LesMaisons ne sont
pas laides, & il y en a sort
peu où l'on ne puissealler
enBatcau. Surtout les Temples
& les Monasteres sont
tres-bienbattis. Ils ont tous
les Pyramides dorées qui
ontun très bel effet de loin
;zs, Faux-bourgs, des deux
costez de la Riviere sont
pour le moins aussi grands
& aussi ornez de Morquées
& de Palais que la Ville mesme.
Celuy du Roy est d'une
si grande estenglue, qu'on
le pourroit prendre pour une
seconde Ville. Il ases Remparts
separez ,& les Tours
qui l'environnent en grand
nombre sontfort élevées,
& très-magnifiques..
Mr le Chevalier de Chaumont
trouva au lieu où il sur
conduit,des Mandarins qui
estoient degarde
,
& que
l'on avoit chargez defaire
fournir tout ce qui luy seroit
necessaire pour sa dépense.
Le 19. Mr Confiance fit assembler
tous les Mandarins
Etrangers
,
& leur declara
que le Roy son Maistre vouloit
qu'ils se rendissent tous àl'Hostel de Mrl'Ambassadeur
,
afin qu'ils fussenttémoins
de la distinction avec
laquelle il traitoit le Roy de
France, comme estant un
Monarque tout- puissant, &
qui sçavoit reconnoistre les.
donneurs qu'on luy faifoir.
Ces Mandarins répondirent
qu'ilsn'avoient jamais veu
d'Ambassadeur de France;
mais qu'ils estoient fort persuadez
que cette distinction
estoit deuë à un Prince aussi
grand, aussi puissant, &
aussi victorieux que celuy
qui regnoit sur les François,
puisqu'il y avoit long-temps
que ses Victoires estoient
connuës par tout l'Orient.
Ils allerent aussi-tost salüer
Mr l'Ambassadeur, & le mesme
jour Mr l'Evesque de
Metellopolis se rendit au
Palais où le Roy l'avoit mandé
pour interpreter la Lettreque
Mr le Chevalier de
Chaumont luy avoir donnée
e jour precedent. Envoicy
es termes.
LETTRE
DU ROY
TAU ROY DE SIAM. RES HAFT, TRES PVISSANT,
TRES. EXCELLENT,
ET TRESMAGNANIMEPRINCE,
ET NOSTRE
;H'ER ET BON AMr, DIEV
rEVIllEAUGMENTER VOS-
-RE GRANDEVR AVEC YNE.
rIN HEVREYSE.
Nous 4ious appris avec déplaisir
la perte des mbfadeurSI
que :~ nous envoyajîa en1681. -
&Nous avons cflé informe^par
ItiPreflres Mijjionnaires quifont 1
njen;$ deSian
, C. par les Letj
très nueno?Adimlhts ont reteuës j
de h p.irt de celiiya qui vous 1
confia VO) pnncipules affaires e>rijffpm-nr 3, avec leCjnA vous
Joubair.'XnojhramneRoyale.
Ccflpouryfartsfa'rcque nous
avons choisy le Sieur Chevalier'
de Chaumontpouy nolire Ambaf-
Jadeur,quivous apprendra plusparticulièrement
nos intentions9
sur tout ce qui peut contribuer àK
ejldlirpout toujours cette amitié
fi/ide
fllidr entre nous.CependantAlc,
ferons tres-ais de trouver les
occûfons de tous témoigner la
reconnoijjance avec laqui lie nous
avons appris que vous conrznuez
a donner voflre protcfhon aux E-
'Vesques, cm euxautres ÀdiJJionnaires^
potfohcj'ei, quitravaillenta
linflrufliondetosSujets
ians laRetio-ion Cbjeflien,,,e,
lotreefiimep meulièreincurvons
Wus fait desirer ardernn em que
}OKS 'Vur¡fluZ bien vous-mfmc
k écouter) Çj7 apprendre d\u,x ïvéritables À^aximas @r les
fistres f^cre-^dune si fat.te
9y, dans laquelle un a la LulMijfance
du vray Dieu,qui Jîufa
peutJaprés TOUS avoirfait rtgnem
long temps & glorieusement (un
vos Sujets ,
101.$combler d'u
bon heur eternel. Nous avenui
chargénoflreAmb^Qaieur dese
choses les plus curreujes de noftrt
Royaume, qu'il vous prejenter
comme unemarque de noflre ePi_j
me
y
& il vous expliquera aussi
ce que nous pouvons Jfjinr dt
voui pour l'avantage du Com-A
merce de nos Sujets.Sur ce,Afousm
prions Dieu qu'ilvueilleaugmentas
tervoftre Grandeur avec toute fin^\
heureuse. Ecrit en Noflre Cha.X
(eaU Royal le u. Janvier168
Vostre tres cher & bon Amy,
LO VIS, & plus bas COLBERT.
Quelques jours a pres,
le Roy envoya des Presens
à Mr l'Ambassadeur,
sçavoir plusieurs pieces de
Brocart, des Robes du Japon,
une garniture de Boutons
d'or, & diverses curiositez
du Pays. Il y en eut
aussi pour Mr l'Abbé de
Choisy
,
& pour les Gentilshommes
François.
Le 2,5. il fut mené à une seconde
Audience dans une
Salle à costéd'uneautre où
,eHoir l-e Roy. Le disçours étant
tombé sur la Famille
Royale, Mr l' Ambassadeur *>
dit au Roy de Stam que lu-
- nion y estoit sigrande, que
Monsieur,Frere unique de Sa
Majesté,avoitgagné une
grande Bataille pour le Roy v
sonFrere, contre les Ennemis
liguez,& commandez s
par le General des Hollandois
, qui avoient le plus de s
Troupes danscette Armée;à
quoy le Roy de Siam répondità
peu prés en ces termes.
Je ne m'étonne point que le Roy \(
de France ait réüssidanstoutesses
r entreprises,puis qu'ilaun Frere
l
si bien uny avec luy.La desunion
ejb ce qui renverse les Etats. lec"
sçay les malheurs qu'elle a causez
dans la Famille Royale de Matran
, & dans celle de Bantam,
&sçache le Grand Dieu du Ciel
ce qui arrivera de la mienne.Ce-
Roy a deux Freres ,dont lais-
Xïéfiir tout est tres-remuant.
Il a trente-sept ans, & est
fort incommodé de sa Perfodne.
Peut-estre l'a t'on mis
en cétestat afin de tenir (on.
ambition dans l'impuissance
d'agir. Le plus jeune est
moins âgé de dixans. Il est
muet , ou il fait semblant de
l'estre. Ils ont chacun leur
Palais,& leurs Domestiques,
& ne voyent le Roy leur
Frere que deux fois l'année.
Le Roy peut avoir cinquante
cinq ans. Il est bazanné
de , moyenne taille, & a les
yeux noirs, petits
,
& fort
vifs. Outre deux Oncles qui
sont fort vieux, & dont l'un
luy a servy de Tuteur, il a
des Tantes qui n'ont jamais
esté mariées. Cette seconde
Audience dont j'ay déja
commencé à vous parl er , finit par une matiere de Religion
qui n'eut point de suite.
Mr l'Ambassadeur dit au
Roy, que le Roy son Maître
ne souhaitoit rienavec
plus d'ardeur que d'apprendre
qu'il consentist à se faire
instruire par les Evesques &
Missionnaires qui estoient
dans ses Etats. Il se leva, ôc
ne fit point de réponse. Lors
qu'il se fut retiré, Mr Constance
mena Mrle Chevalier
de Chaumont dans le Jardin
du Palais, où le disner
estoit preparé, Son Couvert.
estoit en Vaisselle d'or; tous
les autres furent servis en
Vaisselle d'argent. Le Grand-
Trésorier, le Capitaine des
Gardes, & d'autres grands
Mandarins servirent à table.
Lerepas dura trois heures,
& l'on allavoir delà l'Estang
du Jardin
,
où il se trouve
plusieurs poissons curieux.
Ilsenvirentun entre autres
avec un virage d'homme.
Le 26. Mr Constancerenditvisite
à Mr l'Ambassadeur.
La Conversion du Roy
fut le sujet de leur entretien.
Mr Constance yfit paroistre
de grandes difficultez
,
sur
ce qu'il seroit tresdangereux
de donner pretexte à
une revolte, en voulant
changer une Religion establie
& professéedepuis tant
de Siecles. Illuy fit connoîue
que leRoyavoit un Frere
quine cherchoitqu'à broüiller;
que c'estoit toûjours
beaucoup que Sa Majesté
permist qu'on enseignast la
Religion Chrestienne dans
son Royaume; qu'illafalloit
laisser embrasser aux Peuples
&aux Mandarins mesme,
si quelqu'un d'entr'eux
vouloit se faireChrestien,
8c qu'avec le temps les choses
pourroient prendre une
autre face.
Le29. Mr le Chevalier de
Chaumont alla visiter le Barcalon,
qui dans les honneurs.
qu'il luy Et rendre le distingua
desautresAmbassadeurs,
ainsi qu'avoit fait le Roy. Mr
l'Evesque de Metellopolis
l'accompagna dans cette visite
, & leur servit dInterprete.
Le 30. on alla au Palais
pour voir ta grande Pagode.
C'est ainsi que les Siamois
appellent leurs Temples
mais ils ne laissent pas de
donner aussi le nom de Paggooddeess
àà leurs Idoles. En pas- Isant
par la premiere Court,
Mr l'Ambassadeur eut le divertissement
d'un combat de
deux Elephans On les avoit
attachez ensemble par les
jambes de derriere
,
& deux
hommes estoient sur chacun,
de ces Animaux, l'un sur le
col
,
l'autre sur la crou pe. Ils
esanimoientavec un croc, lui leur servant d'aiguillon,
es faisoit tourner comme ils
ouloient. Ce Combat ne
onsista qu'en des coups de
ent & de trom pe. On dit
ue le Roy y estoit present
mais il ne se laissa pointvoir.
Les Elephans ont beaucoup
d'intelligence& onleur fait
comprendre aisément tout
ce qu'on leur dit. De cette
Court on passa dans plusieurs.
autres avant que de trouver
la Pagode. Le Portail en est
antique, de assez bien travail.
lé.C'estuntres-beau bastimens
, dont l'Architécture
est presque semblable à celle
de nos Eglises. Les yeux
furent fra ppez enentrant,de
plu sieurs Statuës - de cuivre
doré, qui semblent offrirun
Sacrifice à une grande Idole
qui est touted'or.Elle a quarante
pieds de longueur,
douze de largeur
,
& trois
pouces d'épaisseur. Son poids
est de plus de douze millions
d'or Dans-une guerre où
ceux de Pegu conquirent
presque tout leRoyaume de
Siam, ils couperent une
main à cette Idole. Elle a
icihe remplacée depuis. Aux
deux costezdecette Pagode,
il y a plusieurs autres petites
Idoles dont la plus grande
partie est d'or. Des Lampes
Allumées depuis le haut jusqu'au
bas, font voir dans
quelleveneration elles sont Au fond est une autre Idole
en forme de Mausolée. Elle
est d'un prix extraordinaire.
Parmy ce grand nombre on
en voit une qui bien qu'assise
les jambes en croix,asoixante
pieds de haut. De cette
Pagode M"1"Ambassadeur
alla dans une autre qui en
dépend, & pour y aller, il
passasous une voûte qui est
en forme de Cloistre. D'un
costé de cette voûte,il y avoit
de deux pieds en deux
pieds des Idoles toutes dorées
,& devant chacune bruloituneLampe
queles Talapoins
ont soin d'allulller
0,«Zous les soirs. Dans cette seconde
Pagode Mr l'Ambasfadeur
vit le Mausolée de la
Reyne dccedée depuis quatre
ans, & celuy d'un Roy
de Siam, representé par une
grande Statuü couchée sur
le costé. Il est habillé comme
le sont les Roys de ce
Pays là aux jours de Ceremonies.
Cette Statuë qui est de
cuivre doré
, .a vingtcinq
piedsde longueur. En d'autres
endroits font quantité
de Statuesd'or & d'argent,
avec des Rubis & des Diamans
aux doigts, La princi- pale - beau ré de toutcelaconsiste
dans les richesses,la-plus
grande partiede cequ'il y a s
de plus precieux dans le
Royaume, estantrenfermée
dans les Pagodes. Au sortir
de là, Mr l'Ambassadeur vit i
les ElephansduRoy qu'il fait i
nourrir au nombre de plus 2
de dix mille. Il vit aussi une i
piece de Canon de fonte q
fonduë à Siam qui est de s
vingt-quatre pieds, & qui a j
quatorze pouces de diamet-
-
tre par l'embouchure.
-
Le 3I. - on fit de fort grandies
réjoüissance pourle coueiincirient.
du. Roy de Portugal.
On tira quantitéde
f J
coups de Canon,&il y eut le
f*ir un feu d' Artifice.Cesréiouiflincesfurentcontinue'es
»
u lendemain,premierjour.
[^Novembre
, par Mr Con- rance qui donna un grand
'dhrT, où MrAmbassadeur
.le invité. Il s'y trouva avec
put ce qu'il y avoit d'Euroéens
dans la Ville. On n'enfndit
que coups de Canon
ifqua la nuit,& on tira
ujourssans discontinuer.
Tous les Bastimens qui é- -
toient sur la Rivierre
,
tirerent
aussi après le repas,
qui fut suivye d'uneComedie
de Chinois,&: d'un autre
Divertissement,façon de -j
Marionnettes. Il y eut quelque
chose d'assez surprenant
& de singulier dans cette
Feste. î
Le 4. de Novembre Mr
Constanceavertit Mr l'Ambassadeurque
leRoy devoit
sortir pour se rendre àune
Pagode,où il a accoûtumé
d'aller tous les ans. Comme
ce jour estoit un de ceux Otli
il se montre à ses Peuples,la
mSeremonie meritoit qu,'on
empressa pour la voir. On
e conduisit dans une Salle
ue l'on-avoir pre parée sur
eau pour luy donner ce
laisir. D'abord il passaun
rand Balontout doré,dans
quel estoit un Mandarin
si venoit voir si toutestoit
en dans l'ordre. Il fut suisde
plusieurs Balons rem- des plus qualifiez des
andarins, tous habillez de
ap rouge. Ils doiventestre
tus de mesme couleuren
pareils jours, & c'estle
y qui choisit cette couleur.
Ils avoient des bonnets <
blancs dont la pointe estoit j
fort élevée.Les Oyas étoient
distinguez par un bord d'or
qu'ils avoient a leurs Bon- J
nets. Je ne parle point de a
leur écharpe;elleestoit telle b
- que je l'ay déjàdécrite. On 11
vit paroistre aprés eux quan- titédeMandarins du second J]
ordre, des Gardes du Corps,
&piusieurs Soldatsqui oc<~
cuperent les ailles. Le Roy
estoit dansun Balonmagnisique,
à chaque collé duque
il yen avoit un autre qui nC.
-
toit pas moins brillant. Ce
trois Balons estoient plis rem- de Sculpture,& dorez
jusque sous l'eau. Je
1
vous
en a y déja tant parlé que
vous ne ferez pas fachéed'en
voir quelques uns dans cette
Planche, où j'en ay fait graver
quatre. Vous vous fou.
viendrez que je vous ay dit
qu'ils estoient fort longs, &
aits d'un seul arbre. Leur
ongueur est cause qu'il y a
n grand nombre de Raleurs
,
& qu'ils vont fort
ste. Quand les Rameurs
nantent , ce qu'ils fontsouet,
ilsemble que leurs rames
s'accordentavecleurs voix, JI
& qu'ils battent la mesure *
dans l'eau. Le Balon que
vousvoyez gravé le premier,
est celuy dans lequel estoit la
Lertre de Sa Majesté. Il eitJ
ce qu'ils appellent à trois
T'oirs, & ceux-là sont les
plus considerables. Je croy
mesme qu'ils sont particuliers
pour le Roy, & qu'il
n'est permis à personned'en
avoir. Vosyeux vous feront
voir aisément la diference
des autres, qui n'est
que dans le plus ou moins 1
d'élevation de l'espece de. I
petite Loge qui est au miieu.
Quand il pleut, on (e
netdans cet endroit qui approche
beaucoup des Bans
avec quoy l'on jouë iCYh
les Rameurs du Balon où
stoit le Roy, & des deux
utres qui luyservoientd'act)
i-n-pacrniement,efloienthaillez
comme les Soldats, h
reserve qu'ils avoient une.
aniere de Cuirasse, &de
asque enteste,quel'ondiit
estre d'or. Ils estoient
t nombre de cent quatrengt
sur chacun de cestrois
lons, a,yec-- des Rames.
toutes dorées, & sur ceux
des Mandarins il y en avoit
cent ou six-vingts. D'autres
Gardes du Corps suivoient
dans d'autres Balons, & alloient
devant d'autres Mandarins
qui faisoient l' Arriere
garde, de forte que le Cortege
estoit du moins de deux
cens Balôns. Toute la
Riviere enestoitcouverte,
& il y avoit plusde cent
mille personnesprosternées
& dans un profond silence,
pour joüir de la permission
qu'on avoit de voir le Roy
ce jourla; car en d'autres
temps
temps il faut qu'on s'éloigne
par respect, & ceux qui se
trouveroient à son passage
seroientpunis fort severement.
Ilavoit un Habit tressomptueux,
& tout parsemé
de pierreries, avec un Bonnet
rouge un peu élevé, &
une Aigrette enrichie aussi
de Pierreries. Mr l'Ambassadeur
entra sur le soir dans
ses Balons pour voir revenir
le Roy. Ilavoit changé de
Balon, & promis un Prix à
celuy qui arriveroit au Palais
avant les autres. Ce fut
le sien qui arriva le premier.
Il récompensa ses Rameurs
en Roy, en leur donnant à
chacun la valeur de cinquante
escus. Ce mesme soir
il y eut un Feu d'artifice, &
l'on tira quantité de cou ps
de Canon pour le Couronnement
du Roy d'Angeterre.
Cette Feste fut continuée
le lendemain. Mr Constance
donna encore à disner
à Mr l'Ambassadeur avec
beaucoup de magnisicence,
& tous les Européens 2
furent invitez à ce Repas.
Le Roy qui se montre au
Peuple deux ou trois fois
cous les ans, va aussi quelquefois
par terre faire ses
Offrandes à quelque Mosquée.
Deux cens Elefans, ou
environ, commencent la
marche, portant chacun
trois Hommes armez Apres
eeuuxxvvieienntltala MM-usique. Elle
est composée de Timbales,
de Tambours, & de Hautbois.
Millehommes de pied
armez paroissent ensuite,distribuez
en diverses Compagnies,
qui ont leurs Drapeaux
& leurs Bannieres.
Tout cela precede les grands
Mandarins qui sont à cheval.
Il y en a qui ont une j
Couronne d'or sur la teste, i
ôc une fuite de soixante, ! j
quatre-vingts ôc cent per- 1
sonnes à pied. Entre lesGar- -|
des du Corps & ces Manda-
-
rins marchent deux cens
Soldats Japonois, en équipage
fort leste. Apres eux on f\
voit les Chevaux & les Ele- -j
sans qui ne fervent que pour aPersonne du RtÜY: Leurs zi
Harnois sont magnifiques.
Ils sont chargez de boucles 21
8c de lames d' or, & les dia- -4
mans & les pierreries y brillent
de toutes parts. Ceux
qui portent les Presenschoisis
pourl'Offrande,marchent
devant les plus qualifiez du
Royaume, parmy lesquels
il y en a deux, dont l'untient
l'Etendart du Roy,& l'autre
le Sceptre de Justice. Ils marchent
tous deux à pied immediatement
devant leRoy,
qui est monté sur un Elefant
magnifiquement enharnaché.
Il est porté sur son dos,
assis dans une Chaise d'or.
Cet Elefant marche gravement
tout fier de sa charge.
Il semble connoistre l'honneur
qu'il reçoit,puis qu'il
le met à genoux quand le
Roy s'appreste à monter sur
luy, & qu'il ne soufriroit pas
qu'un autre y montast.Lors
quele Roy a un Fils,ce Prince
le fuit, & apres luy la
Reyne & sesautres Femmes.
Elles sont aussi sur des Elefans
, mais enfermées dans
des manieres de Guerites de
bois doré, en forte qu'il est
impossible de les voir. La
marche tH: fermée par d'autres
Gardes, environ au nombre
de six cens, & tout le
Cortege est composé de
quinze ou seize mille personnes.
La vie du Rov est allez
réglée.
(
Il Ce leve à quatre
heures tous les jours, & la
premiere chose qu'il fait
c'est de donner l'aumosne à
des Talapoins, quine manquent
pas de se montrer devant
luy si tostqu'il paroist.
Ces Talapoins sont comme
nos Religieux Mendians.
Apres celail donne Audience,
dans l'intérieur de [on:
Palais,à. ses Concubines, aux.
Esclaves & aux Eunuques,
& ensuite à un Magistrat
qui luy vient montrer tous
les Procez que l'on a jugez.
Il les approuve ou infirme
comme il luy plaist. Lors
que ce Magistratest forty,
1 Audience est ouverte à
tout le monde jusqu'à l'heure
du Disner. Il disne avec
la Princesse sa Fille, que l'en.L
appelle la Princesse Reyne.,
& dontje vous parleray dans
unautre endroit. La Reyne -
qui est morte depuis peu
d'annees ne'luy a la~ aue
cette Fille. Le Medecin qui
està la porte, visite toutes
les Viandes, & renvoye celles
qu'illuy croit nuisibles.
Pendant ce Repas,qui estle
seul qu'il sait chaque jour,
on luy lit les Procez criminels,&
il ordonne du fort -
de chacun. Apres le Disné,
il entre dans une Salle, oùil
se met sur quelque Lit de
Repos. Il est suivy d'un
Lecteur qui luy lit ordinairement
la Vie de quelqu'un
des Rois qui ont
regné avant luy
,
& lors
qu'il s'endort
,
le Lecteur
paisse la voix, & peu a prés se
etire. Ce mesme Lecteur
entre dans la Salle sur les
quatre heures, & il recomnence
à lire d'un ton si aigu,
qu'il faut neceffiirciiie-ilt
que le Roy s'éveille. Alors il
donne Audience à chacun,
de ses six grands Officiers,
& sur les dix heures le Conseil
s'a ssemble. Il dure ordi-;
nairement jusques à minuit.
MrConfianceaussison Au-j
dience particuliere
,
& si l
toutcela va tropavant dans
la nuit,le Medecin luy vient
dire qu'il faut qu'il se couche.
Ce Medecin est receu
dans le Conseil, mais il ne
fait qu'écouter, & l'on n'y
prend jamais son avis.
Je m'apperçois de la longueur
de ma Lettre ; mais
comment songer à la finir,
ayant encore tant de choses
curieuses à vous a pprendre
touchant le Royaume de
Siam? Je n'ay pas encore
conduit M le Chevalier de
Chaumont à Louvo
,
qui est
une Maison de Plaisance du
Roy, où il alla prendre son
Audience de Congé, & ce
qui s'y est passé pendant le
séjourqu'ily a fait, fournit
la matiere d'un tres-long
Article. Ainsi, Madame,en
vous envoyant cette prernle.
re - Partie de ma Lettre ,je
vous en promets une seconde
quevous aurez dans fort peu
dejours. Je joindray à ce qui |
me reste à vous dire du }
Royaume deSiam les autres V
Nouvelles que vous atten- ;.
dez de moy. Ce sont celles;
quiregardent les Venitiens |
& la Hongrie. Cette seconde j
Partie finira par deuxEnigmes
nouvelles, & par les
noms de ceux qui ont expliqué
les deux dernieres. i
Onvient de m'apprendre ;
que ce que je vous ay dit au
commencement de cette
Rèlation, touchant des Ambassadeurs
que le Roy J de
Slam avoit envoyez à Sa
Majesté par le Portugal,
n'est point véritable. Cesont
des Envoyez de Siam qui
rie vont qu'en Portugal
,
8c
que l'on a chargez des Presens
, dont vous avez trouvé
une Lifte dans ma Lettre
de May. Ainsi cette Liste
est vraye ,
& ils ont ordre
d'envoyer en France les Presens
qu'elle contient.
ge de Mr le Chevalier
de Chaumont. Sa Majesté
l'ayant nommé son Ambasfadeur
vers leRoy de Siam.
Il se rendit à Brest avec Mr
l'Abbé de Choisy, sur la fin
de Fevrier de l'année der-
,
niere, & ils s'embarquerent
dans un des Vaisseaux du
Roy,appellél'Oiseau. Mrde
Vaudricourt qui le commandoit
fit mettreà la Voile
le3. de Mars & partit de
Brest avec la Fregate la Maligne,
commandéepar Mr de v
Joyeux. Le vent leur fut toû-
« jours assez favorable, ôc :
comme il y avoit dans le !
Vaisseaudes Millionnaires&
six Jesuites, ce n'estoit tous
les jours qu'Exercices de
pieté, & l'on y vivoitavec
la mesme regularité que
dans unConvent.Ilss'appliquoient
tour à tour à faire
des Exhortations à tout
Equipage. On disoit lar
Messe, on chantoitVespres,
& on passa fort heureufenent
la Ligne le 6. d'Aril
sans souffrir beaucoup
le lachaleur. Ce fut alors
su'il fut question de faire ce
u'on appelle la Ceremonie
u Bàptesme. Ceux qui n'ont
mais passé la Ligne, sont obligez
de souffrir qu'on leur
jette sur le corps certain
nombre de seaux d'eau, à
moins qu'ils ne donnent
quelque argent pour racheter
cette peine. Il n'y a personne
qui puisse s'en exempter
, de quelque condition
quel'on puisse estre, & on
fait jurer tout le monde sur
le Livre des Evangiles, pour
sçavoir si on a fait ce passage.
Mr le Chevalier de Chaumont
ne voulut point endurer
que l'on jurast sur les Evangiles.
Il fit faire ce Serment
sur une Mapemonde,
& mit de l'argent dans un
bassin
, ce que firent après
luy toutes les personnes considerables
du Vaisseau, pour
s'épargner la Ceremonie. La
somme montaà soixanteescus
quifurent distribuezaux
Matelots. Le reste de la traversée
fut tres heureux jusquesau
Cap de bonne Esperance.
On y arriva le 31. de
May,&l'on y receut les Saluts
ordinaires de quatre
Vaisseaux Hollandoisqu'on
y trouva. Ils portoient a Batavia
le Commissaire Generalde
laCompagnie des IiW
des
, avec Mr de S. Martin
François, Major Général.
M. le Chevalier de Chaumonts'arresta
sept jours à
ce Cap afin d'yfaire de l'eau,
& de prendre desrafraichisfemens.
Le Gouverneur qui
eA Hollandois
,
luy en envoya
de toutes fortes, aprés
l'avoir fait complimenter
par le Neveu&par le Secretaire
du Commissaire. Tous:
ceux du Vaisseau mirent pied
a, ~erre lIes urns a,près 1lesautres.
Ils'en trouva quelquesuns
qui estoient malades d&
Scorbut, & ils furent gueris
en quatre jours. La Forteresse
que les Hollandais ont.
fait bastir en ce lieu là
,
est
toute revestuë de pierres,
&a quatre bastions. Elle n'a.
point de fossez, mais elleest
Ilterès- bien garnie de Canon, Havre est fort seur
,
ôc
peut contenirungrand nom- bre de Vaisseaux. Il y a déja
quantité de Maisons qui forment
une espece de Ville.
^Cequ'ilya de plus remar-
,
quable est un Jardin fort
grand & fort spacieux avec
des allées à perte de veuë.
On y a planté tout cequ'il
ya de bons fruits en Europe
& dans les Indes. Les uns
sont d'un costé,les autres de
l'autre
,
& tous y viennent
fort bien. Celuy qui a foin
de ce beau Jardinest unFrançoisqui
est grand Seigneur
en ce Pays-là. Il reconnut
Mr le Chevalier de Chaumont,
qu'il avoit veu chez
Monsieur
, ou il avoit esté
Jardinier.
La terre que les Hollandoisoccupenr,
a esté achetée
d'un petit Roy du Pays, pour
des bagatelles de l'Europe.
Plus on avance en s'éloignant
gnant de la Mer, plus elle
est bonne & fertile, &sur
tout la Chasse y en merveilleuse
; mais on y doit craindre
les Bestes farouches,
comme Lyons,Tygres,Elephans,
& autres. Ces belles
s'écartent à mesure que le
Pays se découvre, & qu'on
y fair de nouvelles habitations.
Les Hollandoisont
déjàcommencé d'en faire
en plusieurs endroits. Pendant
le séjour de Mr l'Ambassadeurau
Cap, deux d'enreeuxestantallezàla
Chase
furent rencontrez & attaquez
par un Tigre. Il le
jetta sur l'un de ces Hollandois,
l'autrele tira & le blessa.
Le Tigre tout en fureur
vint à celuy qui l'avoir blessé,
& il l'auroit devoré sans
doute, si son Camarade qu'il
avoit jetté par terre, ne Ce
fust promptement relevé
pour tirer aussi son coup. Il
le tira si heureusement qu'il
cassa la teste au Tigre. On
l'apporta pour le faire voir.
Il estoit d'une grandeur effroyable.
On mit le Blessé à
un Hospital, qui est là tresbien
fondé, & oùl'on est
rtraité avec tous les soins imaginables.
Tous les Vaisseaux
Hollandois qui viennent
d'Europe, & ceux qui s'yen
retournent, laissent leurs
Malades en ce lieu là
,
& ils
y recouvrent incontinent
leur santé
,
l'air & les eaux
estant admirables.
Les Habitans y sont doux,
assez bien faisans, & il n'est
pas difficile de s'accommoier
de leurs manieres, mais
Ils sont laids, mal-faits, de
petite taille,& ont plus de
rapport à la façon de vivre
les bestes qu'à celle des hommes.
Leurvisageest tout ridé,
ils ont les cheveux remplis
de graisse
;
& comme ils
se frottent le corps d'huile
de Baleine,& qu'ilsne mangent
que de lachaircruë,ils
sont si puans qu'on les sent
de loin. Ils ne mangentleur
Betail que lorsqu'il est mort
de maladie
,
& ce leur est
un fort grand ragoust qu'une
Baleine morte ,
jettée par la
Mer sur le rivage, ou les
tri pes chaudes d'une Bê-
-
te. Ils les secoüent fort legerement
,
& les mangent
avec les ordures
,
aprés en
avoir osté les excremens,
dont quelques-uns se servent
pour se froter le visage. On
leur - a donné le nom de Cafres,&
les hommes &les femmes
n'ont qu'une peau coupée
en triangle pour se couvrir
ce que la nature apprend
à cacher. Ils se l'attachent
avec une ceintire de cuir au
milieu du corps. Quelquesuns
se couvrent les hanches
d'une peau de Boeuf ou de
Lyon. D'autres portent une
peau qui leur descend depuis
les épaules jusque sur les
hanches,& plusieurs se dé-
coupent le visage3 les bras:
& lescuisses
, & achevent
de se défigurer parlescaracteres
étranges qu'ilsy font.
LesFemmes portent aux bras
& aux jambes des Cercles de
fer ou de cuivre, que les Etrangers
troquent avec elles
toujours à leur avantage. Ils
demeurentende petites hûtes
où ils vivent avec leur
bétail fous un mesme couvert.
Ils n'ont ny lit,nysieges,
ny meubles, & s'asseient
sur leurs talons pous se reposer.
Ils nevont vers la Mer
,
que lors qu'ils sçaventqu'il
est arrivé quelque Navire,
& qu'ils peuvent troquer
leur betail. Ils ont aussides
peaux de Lyon, de Boeuf, de
Leopard, & de Tigre, qu'ils
donnent pour des Miroirs,
des Couteaux
,
des Cloux,
des Marteaux,des Haches,
& autres vieilles ferrailles..
Il est malaisé de découvrir
l'estat du Païs au dedans, ôc
les richesses qu'on y peut
trouver,àcause que les GouverneurHollandoisont
fait
faire ferment à tous ceux
qu'ils ont menez avant dans
les Terres, de n'en reveleraucune
chose,On a sçeud'un
Homme quia demeurelongtemps
dans la Forteresse que
depuis quelques années le
Gouverneur avoir esté avec
bonne escorte à plus de deux
cens cinquante lieuës pour
faire la découverte du Pays;
qu'ilavoir trouvé par tout
des Peu ples traitables, ôc
assezbienfaits, les Terres
fort bonnes & ca pables de
-
toute sorte de cu lture, ôc
qu'il y avoit ~desMi d'or,
de fer, & d'une espece de
cuivre où il entroit une septiéme
partie d'or. Onles
trouva chantans & dançans
& ilsavoient des manieres
de Flustes qui estoient sans
trous. Elles estoient creuses,
& une espece de coulisse
-
qu'ils haussoient ou baissoient
avec leurs doigts, faisoit
la diference des tons.
Ce Gouverneur avoit esté
conduit par un Cafre, & ce
Cafre ayant aperçeu deux
hommes de grande taille fqouri.s ven.oien,t à eux, s écria
alarmé
y
qu'ils estoient
perdus, & qu'il voyoit les
deux plus grands Magiciens
du Pays. Le Gouverneur
4
répondit qu'il estoit encore
plus grand Magicien qu'eux,
& qu'il ne s'étonnait point.
Les pretendus Magiciens s'étant
avancez, il sir aporter
un verre remply d'eau de
vie.On y mit le feu,& il lavala.
Ces Malheureux furent si
épouvantez d'un pareil prodige,
qu'ils prirent le Gouverneur
pour un Dieu, & Ce
mirent à genoux pour luy
demander la vie. Les Hollandois
ont fait un nouvel
établissèment au Cap. Il est
au bord de la Mer; mais ils.
le tiennent secret, ne vouIant
pas que les autres Nations
quiviennent s'y rafraischir,
en ayent connoissance.
Ce Cap est l'extremité de la
terre ferme d'Afrique, qui
avance dans la Mer vers le
Sud, à trente-six degrez au
delà de la Ligne.Cette extremité
de terre fut nommée
Cabo de Boa Speranza
, par
Jean II. Roy de Portugal,
fous lequel Barthélémy Dias
la découvriten1493 Ce Prince
la fit appeller ainsi à cause
qu'il esperoit découvrir
en fuite les richesses des Indes
Orientales, & les autres
Nations luy ont confirmé,
ce nom, parce qu a près que
l'ona doubléle Cap, quiest,
presque en distance égale de
deux mille cinq cens lieuës,
entre l'Europe & la Coste la
plus Orientale desIndes,on
a toute forte d'esperance de
pouvoirachever ce grand
Voyage.
Les Malades estant guéris
-' on fit du bois& de l'eau, on
acheta toutes les provisions
que l'onjugea necessaires
- pour aller à Batavia,& l'on
remit à laVoile le 7. de Juin,
après les Saluts donnez &
rendus de part & d'autre
comme onavaitfait en arrivant.
Cette seconde traver- senefut pas si douce que
la premiere. Les vents furent
violens,& la tempeste separa
la Fregate la Maligne du
Vaisseau de Mr l'Ambassadeur
,sans quelle pust le rejoindre
qu'auprés de Batavia.
Le 5. de Juilleton découvrit
l'Isle de Java,
-
& le 16. on
moüilla prés de Bantam. La
longueur del'Isle de Java est
de cent cinquante lieuës,
mais on n'a pas encore bien
sceu quelle est sa largeur.
C'est ce qui a fait croire à
quelques uns quecen'estoit
pas une Ble; mais qu'elle faisoit
partie du Continent que
l'on connoist fous le nom de
terre Australe au près du Détroit
de Magellanes. Les Habitans
pretendent que leurs
Predecesseurs estoient Chinois,&
que ne pouvant sousfrir
la trop severe domination
du Roy de la Chine, ils
passerent dans l'Isle de Java.
Ontrouveeneffet que les Ja- 1
vansontle front& les. machoires
larges,& les yeux pe- l
tits comme lesChinois. Il n'y t
àpresquepoint de Ville dans
Java qui n'ait son Roy, &
tous ces Rois obeissoient autrefoisà
un Empereur mais
depuis environ quatre-vingt
ans,ils ont aboly cette Souveraineté
,
& chacun d'eux
est indépendant. Celuy de
Bantam est le plus puissant.
de tous. La Ville qui porte ce
nom, estau pied d'une Montagne
de laquelle sortent
trois Rivieres,dont l'une traverse
Bantam
,
& les deux
autres lavent ses murailles y
mais elles ont si peu d'eau.
qu'aucune des trois n'est lia.
vigable.LesHollandois sont
maistres de cette Place depuis
peu d'années. Le Roy
de Bantam ayant cedé le
Royaume à son Fils, ce Fils
maltraita d'abord tous ceux
qui avoient esté considerez
de son Pere. Le vieux Roy
l'ayant appris luy en fit faire
des reprimandes, & le Fils
pour s'en vanger, fit massacrer
tous ces malheureux. Ce
différentalluma la guerre
entre le Pere & le Fils, & ce
dernier fut chassé. Dans cette
disgrace
,
il demanda du
secours aux Hollandois qui
le rétablirent & mirent le
vieux Roy dans une Prison
où ils le tiennent encore.
Tout se faitaunom du jeune
Roy
,
qui ay ant une grosse
GardeHollandoisetoujours
avec luy pour l'observer, n'a
pc pouvoirqu'autant que les
Hollandoisluy en laissent.
Le Vaisseau de Mrl'Ambassadeurn'entra
point dans le
Havre de Bantam, mais on
le laissa pas de prendre tous
es rafraichissemens. dont on
ut besoin
,
& ils furent apportez
à bord par ceux du
Pays. - -¡"., -,,-'-'f.
Le 18. on arriva devant Batavia
,
où l'on demeura sept
jours pour soulager les Malades
que l'on mit à terre.
Cette Ville est située à douze
lieuës de Bantam
, vers le
Levant dans une Baye
,
qui
estant couverte de quelques
petites Isles du costé de la
Mer, fait une des plus belles
rades de toutes les Indes.
Ce n'estoit d'abord qu'une
Loge que les Hollandois avoient
à Jacatra
,
& que le
Roy de ce nom leur avoir:
permis de bastir à causedes
avantages qu'il tiroit du de j
bit des Epiceries qu'ils y venoient
acheter. Le Roy de
Bantam leur avoit aussi permis
de bastir une Maison ou
Loge dans son Royaume,
pour y laisser les Facteurs qui
devoient veiller à la conservation
des Marchandises
dont ils trafiquoient. La
mesme permission avoit esté :
donnée aux Anglois, malgré
la repugnance qu'avoient les
Javans de souffrir aucun établissement
aux Estrangers
dans leur Isle, par lacrainte:
où ils estoient qu'ils ne les
traitassentavecla mesme rugueur
que les Portugais avoient
exercée contre les
Rois Indiens qui les avoient
receus chez eux. Les Traitez
que les Hollandois avoient
faits avec ceux de Jacatra &
de Bantam
,
regloient les
Droits d'Entrée &de Sorcier
mais comme ils haussoient
ces Droits àmesurequ'ils
voyoient que le Commerce
devenoit necessaire aux Etrangers,
la mauvaise foy
qu'ils eurent
5
obligea les
Hollandois à fortifier peu à
peu leur Loge de
-
Jacatra,
pour se mettre à couvert de I
la violence que leur pourroient
faire les Barbares
quand ils voudroient se
mettre à couvert de ces injustices.
LesIndiensnes'en
apperçeurent que lors que
la Loge futen estar de desense,
& ne pouvant plus se
décharger des Hollandois
par laforcey ils se servirent
de l'occasion de la mauvaise
ntelligence où ils les virent
Lvec les Anglois, & quiéclaa
principalement batNaval au Com- qui se donna entre
ux le 2. Janvier 1619. entre
acatra & Bantam. LaFlote
Angloise qui estoit d'onze
Ramberges
,
maltraita la
Hollandonise j , qui n'estoit,
composée que de sept Navires.
LesHollandoiss'étantretirez,
le Roy de Jacatra assiegea
leur Fort, auquel ils avoientdonné
le nom de Batavia.
Il se servit des Troupes
Angloises,qui après un Siege
de sixmois,furent contraintes
de l'ab andonnerles Hollandois
ayant renforce leur Flote,
des Navires qu'ils avoient
dans les Moluques. Le Roy
de Jacatrarejetta inutilement
sur lesAnglois la cause de ces
desordres, Le General Hollandois
se paya point de ces
excuses; Il fit débarquer ses
gens au nombre d'onze cens
hommes, attaqua la Ville de
Jacatray la prit de force, &
y fit mettre le feu. Aprés ce
succez,les Hollandoisacheverent
les Fortifications de
leur Loge, & en firent une
Place reguliere, à quatre Bâstionsrevestus
de pierre,bien
fossoyée&palissadée avec
ses demy-lunes, redoutes, ôc
autres Ouvrages. Le Royde
Matran
,
quiestoitcomme
l'Empereur de toute rIfle..
assiegea le Fort en 1628.& s'étant
logé fous le Canon, fit
donner plusieurs assauts à la
Place, mais il fut enfin contraint
de lever le Siege, aussibien
que l'année suivante,
& depuiscetemps là les Hollandois
y akr- étably leur
-
commerceavec lesChinois,
Japonois, Siamois, & autres
Peuples Voisins
,
se failanc
payer dix pour cent pour les
droits de laTraite-Foraine,
de toutes les Marchandises
qui s'y débitent. Ils sont
maistres de toute la Canelle
&du Clou deGirofle quiest
dans I
dans le monde,&envoyent
tous les deux ans un Vaisseau.
au Japon; mais ils n'ont presque
point de liberté en ce
lieu là. Si-tost queleurs Vaiffeaux
y sont arrivez, on 1.
prend leurs Voiles, leurs Agrés,
& tous lesMasts qu'on
met ians unMagasin &
quelque
tempsqu'il
puisse
Faire,on les oblige à partir au
OUI; qui leur est marqué.
Le Directeur du Comptoir
l'y peut estre que trois ans. 1
^.infi il y en a toujours trois,
'un quiva,l'autre qui revient,
( le dernier qui demeure.
On ne souffre point qu'ils
aillent dans le Pays, mais Us?
en rapportent tantde riches
ses, qu'ilssesoûmettent sans
peine à ce qu'on exige d'eux.
Le General Hollandois qui ij
està Batavia,n'est pas moins
puissant qu'un Roy. Quoy
qu'on ne l'élise General que 3
pour trois ans, l'élection se 5
confirme
,
& il est toujours 2
continué. Il a une Garde à i
pied & à cheval. Ses apoin- -
temens sont de quarre mille
francs par mois, & il prend h
tout ce qu'il veut dans les
Magasins sans rendre comp- -
se de rien. Il y a six Conseillers
ordinaires qui font toules
choses
,
& quand il en
meurt quelqu'un,c'est luy
qui luy nomme un Succes-
,- seur fous le bon plaisir de la
Compagnie.Son choix en elt
toujoursapprouve. Il yaaussi
des Conseillers extraordinaires
,mais quand on prend
leurs avis, on ne compte
point leurs voix, si ce n'est
sqeuil'lielrms anque un des six Conordinaires.
Ils sont
tous logez dans la Forteresse.
La Compagnie a dans ce
Pays-là plus de deux cens
Vaisseaux qui font tout le tra- 1 fie de l'Orient.Ondit que
les Hollandois y peuvent l
faireune armée de plus, de
cinquanteVaisseauxdeGuer- '-
re. Ils ont six Gouyernemens
Généraux, desquels dépendent
tous les Gouvernemens
particuliers de leurs Places,
& par consequent tous les
Comptoirs & Loges qu'ils
ont la en tresgrand nombre,
& dans tous les lieux où ils
croyent pouvoir trafiquer.
Mr l'Ambassadeur receut
toutes les honnestetez possibles
de ce General des Hbllandois,
quil'envoya visiter
à bord 7 j , &luy -Et porter toutes
fortes de rafraichissemens.
Quoy qu'il se fust excusé
de sortir de sonVaisseau,
comme il l'en, avoir fait
prier, il ne laissa pas de defcendre
à terre Incognito, ôc
d'aller voir les beaurez de
Batavia. Après avoir donné
quelques jours aux Malades
que l'air de la terre guerit en
fort peu de tem ps, il resolut
de poursuivre son Voyage;
mais comme aucun des Pilotes
n'avoit esté à Siam, il en
prit un du Payspour passer
le Détroit de Banca qui est
dangereux. Ce fut là que la
Fregate la Maligne le rejoignit
, ce qui fut à tous un
fort grand sujet de joye. Peu
de jours aprés, Mr d'Arbouville
Gentilhomme de Normandie
,mourut dans cette
Fregate, & il fut jetté à la.
Mer avec les ceremonies ordinaires
dans ces-tristes occa
fions. Les deux Mandarins
que l'on remenoit de France
à Siam
,
n'avoient sorty que
deux fois du trou où ils s'etoient
mis dans le Vaisseau
pendant tout y ce long Voyage
,
mais lors que l'on commença
a voirdeshommes
noirs vers ce Détroitde Banca,
ils monterentsur letillac,
& donnerent de grandes
marques de joye.
Le 3. de Septembre on repassa
la Ligne, & enfin le 14.
du mesme mois on moüilla
à la Barre de la Riviere de
Siam, qui est une des plus
grandes de toutes les Indes.
On l'appelle Menam, c'est à
dire, Mere des Eaux Elle
n'est pas bien. large , mais
elle est si longue, qu'on dit
qu'on n'a pû encore monter
jusqu'a sa source. Son cours
est du Nord au Sud.Elle f
passe par les Royaumes de
Pegu & d'Auva, & en suite
parceluy de Siam. Elle a
cela de commun avec le Nil,
qu'elle se déborde tous les
ans, & couvre la terre pen
dant quatremois. En s'en
retirant, elle y laisse un limonquiluy
donne lagraisse
& l'humidité dont elle a be.
foin pour la production du
Ris. Elle se dégorge dans le
Golse de Siam par trois grandes
embouchures, dont la
plus commode pour les Navires
& pour les Barques est
la plus orientale, mais ce qui
la rend presque inutile,c'est
uu Banc de sable d'une lieuë
d'étenduë, qui est vis-à-vis
de laRiviere,& qui n'a que
cinq ou six pieds d'eau avec
la basse Marée.Lahaute y
en amene jusqu'à quinze ou
seize; maiscen'e st pasassez
pour les grandsNavires qui
demeurent ordinairement à
la rade à deux lieuës de ce
Banc. Ils y sont en seureté,
& ont en tout temps six
brasses d'eau.Ainsi le Vaisseau
de Mrl'Ambassideur
demeura à cette rade, & la
Fregate qui prenoit moins
d'eau, passa sur le Banc avec
la Marée. Quand on l'apafsé
on peut entrer dans la Riviere
jusques à BancoK, qui
est une Ville éloignée dela
Mer de six lieuës. Celle de
Siam en cil: à vingt-quatre,
Si-tost qu'on eut mouillé à
cette embouchure, Mr le
Chevalier de Chaumont envoya
Mr Vachet, Miffionnaire
Apostolique, qui estoit
venu en France avec les
Mandarins de Siam
,
donner
avisdeson arrivéeàMr l'Evêque
de Metellopolis. Cette
nouvelle causa une extrême
joye au Roy de Siam. Il ordonna
aussi-tost qu'on prearast
toutes choses pour saie
une magnifiquereception
L Mr l'Ambassadeur, & nomna
deux Mandarins du prenier
Ordre pour luy venir
aire com pliment à bord.
C'est ce qu'apprit MrleChevalier
de Chaumont par Mr
Evesque de Metellopolis,
qui vint à bord le 29. avec
Mrl'Abbé de Lyonne. Cét
Abbé estoit passé à Siam en
581. avec Mr l'Evesque d'Heliopolis,
dont il y a quelques 1
mois que je vous appris la
mort. Son zeleestconnue,&
l'on peut juger par là dufruit
qu'il a fait en travaillant à la
Conversion desInfidelles.Le
lendemain les deux Mandarins
vinrentsaluer Mr l'Ambassadeur.
Il les receut dans
sa Chambre
,
assis dans un
Fauteüil
,
&ils s'assirent à la
mode du Pays sur des Carreaux
qui étoiét surle Tapis
de pied. Ilsluy marquerent
1 la joy e que le Roy leur Maîtreavoit
de sonarrivée,& dirent
qu'on luy avoir donné
une agréable Nouvelle,en
luy apprenant quele Roy de
France avoit vaincu tous ses
Ennemis, & donné ensuite
la Paix à l'Europe. Cette Audience
finie, on apporta du
Thé& des Confitures,& l'on
tira neufcoups de Canon à
leur sortie du Vaisseau.
Le I. d'Octobre,MrConstanceFavory
duRoy,envoya
son Secretaire avec des rafraichissemens
en si grand
nombre, qu'il y en eut pour
nourrir tout l'Equipage pendant
quatre jours. Mr Constance
est un homme d'un
fort grand merite, qui s'est
élevé par sa vertu au porte
où il est. Il est Grec,de Mie
de Cefalonie
,
& fut pris petit
Garçon par un Vaisseau,
où il fut fait Mousse. C'est
le nom qu'on donne à de
jeunes Matelots qui fervent
les gens de l'Equipage. On
le mena en Angleterre,&
il continua le service dans
les Vaisseaux. Il passa aux Indes,&
de degré en degré, il
devint enfin Capitaine de
Vaisseau. Il alloit à la Chine,
& au Japon, où il trafiquoit
pour le compte des Marchands.
La tempesteluy
ayant fait faire naufrage à la
Coste de Siam
,
il fut contraint
de semettreau service
du Barcalon, qui est un des
six grands Officiers de ce
Royaume. Son employ consiste
dans l'administration
des Finances. Le Roy de
Siam avoit alors un grand
démeslé avec ses voisins,
touchant un compte par lequel
on pretendoit qu'il demeuroit
redevable de fort
grosses sommes Les Siamois
n'entendent pas bien l'Arithmetique.
Mr Constance de-
-
manda à examiner tous les
Papiers que le Barcalon a-
, voit entre ses mains
,
& il
rendit le compte sinet, qu'il
fit connoistre non seulement
que le Roy de
-
Siam ne devoit
rien
,
mais que l'autre
Roy luy devoit des sommes
tres -
considera bles. Vous
pouvez juger dans quellefaveur
il se mit par là. Le Barcalon
estant mort peu de
temps aprés, le Roy le prit
JL son service ,&il est presentement
tout puissant dans
cet Estat. Il n'a voulu accepter
aucune des six grandes
Charges
,
mais il est sort diffusde au
tous ceux qui les
exercent
,
& il seroit dangereux
dene luy pas obeïr. Il
parle au Roy quand il veut, -
c'est un privilege qui luyest
particulier. Laprincipalede
ces grandes Charges rend
celuy qui la possede comme
Viceroy de tout le Rovau--»
me.elleest presentement
exercée par un Vieillard pour
cjm le Roy mesme a grand
:*e{peâ.-Il est son Oncle & a"
ïsté son Tuteur. Ce Vieilard
estsourd
,
& on luy par- eparile moyen d'uniennp
homme que l'on sait entrer,
& quien criantfort haut,
luy fait entendre ce qu'il faut
qu'il sçache. C'est un homme
de tres-bon sens, & on
s'est toûjours bien trouvé de
ses avis.
Le 8. Mr l'Evesque de Metellopolis
revint à bord avec
deux Mandarins plus qualifiez
que les premiers, qui furent
receus & saluez de la
>•
mesme forte. Ils venoient j
s'informer au nom du Roy
de la santé deMrl'Ambassadeur,
& l'inviter de descendre
à terre. Aprèsqu'ils furent
sortis du Vaisseau, cet
A mbassadeur se mit dans son
Canot, & sur le soir il entra
dans la Riviere avec les per-
»
sonnes de sa fuite, qui avoient
trouvédes Bateaux du
Roy pour les amener. A l'entrée
de cette Riviere estoient
cinqBalons sortmagnifiques
que le Roy avoit envoyez
pour le conduire à Siam. Ce
sont des Bastimens faits d'un
seul arbre. Il y ena qui ont.
cent pieds de longueur, &,
qui n'en ont que huit on
neufpar le milieu,quiest
l'endroit le plus large,& dans
lequel il y auneespece de
Trône couvert. Mrl'Ambassadeur
coucha ce soirlaà
bord de la Maligne, qui étoit
entrée dansla Riviere quelques
jours auparavant.
-
Le 9. deux nouveaux Mandarins
vinrent recevoir ses
ordres. Ils estoienthabillez
comme les autres, avec une
maniere d'écharpe fort large
depuis la peinture jusqu'aux
genoux, sans estre plissée.
Elle estoit de toile peinte,
& tomboitcomme une culote
Il y avoit au bas une
bordure fort bien travaillée,
!& des deux bouts de l'écharpe,
l'un passoit entre leurs
jambes, l'autre par derriere.
- Depuislaceinturejusqu'en
haut,ilsavoient une maniere
de chemise deMousseline
assez ample, tombant par
dessus l'écharpe, & toute ouverte
par le devant. Les
manches venoient un peu
au dessous du cou de
,
& étoient
passablement larges.
~ls avoient la teste nuë
,
ôc
~stoient sans bas & sans souiers.
La plus part de leurs
~alets n'avoient que l'éharpe
& point de chemise.
Onze Bateaux arriverent dej
Siam chargez de toutes sor- ni
tes de vivres. Mr Constance j
les envoyoit de la part du j
Roy,qui luy avoit ordonné t
de faire fournir aux Equipagestoutes
leschoses dontils
auroietbesoin pour leur sub- fl
sistance,pendant leur séjour.
Mr l'Ambassadeur s'étant "a
i < -
mis dans un Balon partità *'j
sept heures du marin, & apres
avoir fait cinqlieuës,
il arriva dans une Maison
bastie de Bambous, qui est
un Bois fort leger, & couverte
de Nates assez propresm
Il y avoir plusieurs Chambres
toutes tapissées de toiles.
peintes. Les Meubles en estoient
fort riches, & tous les
Planchers estoient couverts
de tres-beauxTapis. La
Chambre deMrl'Ambassadeur
estoit meublée plus
magnifiquement que les autres.
Il y avoir un Dais de
toile d'or, un Fauteüil doré,
&un tres- beau Lit. Deux
Mandarins, & les Gouververneurs
de BancoK& de
Pipely le receurent en cette
Maison, qui avoir esté bâtie
expres, ainsique toutes les
autres-où il logea jusqu'àson
arrivée à Siam. Il fautaussi
remarquer que les Meubles 1
de toutes ces Maisons estoient
neufs, & n'avoient
jamais servy. Il y eut un
grand Repas, aussi abondant
en viandes qu'en fruits.
Apres que l'on eut disné, Mr
l'Ambassadeur se remit dans
sonBalon, & arriva le soir à
BancoK, qui est la premiere
Place du Royaume de Siam
sur la Riviere. Un Navire~
Anglois qui se trouva à la
rade, le falüa de 21. coups de
Canon, & les deux Forteresses
ses qui sont des deux costez
de cette Riviere, tirerent
l'une 31. coups de Canon &
l'autre29. Il logea dans l'une
de ces Forteresses, en unf
Maison fort bien bastie, &",
que l'on avoit richement
meublée. Il y fut traité avec
la mefime magnificence.
Il partit le 10. à huitheures
du marin, & receut des Forteresses
le mesme salut qu'à
on arrivée. Il fut complimenté
avant son départ, par
eux nouveaux Mandarins
ui l'accompagnerent avec
~us les autres,auffi- bien que
le Gouverneur de Bancok.
Il trouva de cinq lieuës enn
cinq lieuës de nouvelles
Maisons toujours tres-commodes
,& fort richement
meublées
,
& arriva le 12. à"É
deux lieues de la Ville de
Siam. Il avoit plus de cinquante
Balons à sa suite, de i
cinquante jusqu'à cent pieds
de longueur, & depuis trente
jusqu'à six-vingt Rameurs..
Ilssontassis deux sur chaque *
banc,l'un d'un costé, & l'au-
-
tre de l'autre, le visage vers 2
le lieu où ilsveulent arriver..
Leurs rames sont longues de *
quatre pieds, lapluspart dorées,&
ils fatiguét beaucou p
enramant de cette forte. Il
- faut cependant fort peu de
chose pour les contenter.On
leur donne du ris qu'ils font
cuire avecde l'eau, &quand
on y ajoûte un peu de poisson,
on leur fait grand' chere.
Dans tout ce passageon rendit
à Mr l'Ambassadeur les
mesmes honneurs que l'on
rend au Roy. Il ne demeura
pei sonne dans les Maisons,
& comme toute la Campagne
estoit a lors inondée,tout
le monde estoit prosterné
dans desBalons, ou ssir<
des monceaux de terre élevez
à fleur d'eau,& chacun
avoir les mains jointes proche
le front. Devant toutes
les Maisons & Villages, il y
avoir une espece de parapet,
élevé de sept ou huit pieds
hors de l'eau avec des nates.
C'est ce qu'ils observent lors
que leRoy passe. Ils se jettent
le ventre contre terre, & par
respect ils n' osentjetter les
yeux sur luy. J'ayoublié de
vous dire que toutes les
Maisons où Mr l'Ambassadeur
logea, estoient peintes
derouge,ce qui est particu
lier aux Maisons du Roy.
On y faisoitgarde pendant
lanuit, & ilyavoit des feux
tout autour.
Le 13. Mr m'Ambassadeur
fit prier le Roy de luy vouloir
envoyer quelque personne
de confiance avec
qui il pust s'expliquer, parce
que les manieres de recevoir
les Ambassadeurs des Roys
d'Orient
,
estoient differentes
des Ceremonies que l'on
devoit observer en recevant
un Ambassadeur du Roy de
France. Mr Constance vint
à bord le lendemain
,
& ils
convinrent ensemble de
toutes choses.
Le 15 tout le Seminaire
de Siam vint saluer Mr le
Cheualier de Chaumont. Il
y avoit plusieurs Prestres venerables
par leur grande
barbe, & quantitéde jeunes
Chinois, Japonois, Cochinchinois,
Siamois & autres,
tous en long habit, & avec
une modestietres-édisiante.
Les uns sont dans les Ordres
Sacrez,&les autres aspirent
a y entrer.
Le 16. les Deputez de toutes
les Nations établies à
Siam au nombre de quarante
deux, le vinrentcomplimenter.
Ilsestoient tous habillez
à leur maniere, ce qui
faisoit un effet tres. agréable.
Lesunsavoient desTurbans,
les autres des Bonnetsàl'Arménienne,
ceux-cy des Calotes,&
quelques-uns des Babouches
comme les Turcs,
Il y en avoit qui estoient
teste nuë ainsi que les Siamois,
parmy lesquels ceux
qui font d'une qualité distingllée,
ont un Bonnetcomme
celuy d'un Dragon. Ilest
faitde Mousseline blanche,
& se tient toutdroit. Ils l'arrestent
avec un ruban qu'ils
passent tous leur menton.
Le 17. Mr Constance vint
voirles Presens que Sa Majesté
envoyait nu Roy son
Maistre
,
&il amena quatre
Ballons magnifiques pour
les porteràSiam.
Le 18. Feste de S. Luc,
M l'Ambassadeur sedisposa
à son entrée dés le matin, &
il commença par offrir à
Dieu son Ambassade
,
puisqu'elle
n'avoit esté resoluë
que pour sa gloire. Il fit ses
Dévorions avec sa pieté ordinaire
,
& ensuite il alla
:rouver deuxOyas& quaante
Mandarins qui l'attenloienc
dans la Salie. Les
Dyas sont comme les Ducs -
n France. Il prit la Lettre
lu Roy, & la mit dans une
Boëte d'or, cette Boëte dans
ne Coupe d'or, la Coupe
~DUS une sous-Coupe d'or, &
exposa ainsi sur la table, ou
stoitun richeDais. LesOyas
les Mandarins se profernerent
les mains jointes
11* lefront, levisage contre
rre, & salüerent trois fois
la Lettre en cette posture-
C'est un honneur qui n'avait
jamais esté rendu dans
ces fortes de Ceremonies.
Cela estant fait, Mr l'Ambassadeur
prit la Lettre avec
le Vase, le porta septouhuit
pas & l'ayant donné
à Mrl'Abbé de Choisyqui
marchoit un peu derriere.à
sa gauche,
il alla jusqu'a la
Riviere, où il trouva un Ba-
Ion très-doré
,
dans lequel
estoient deux grands Mandarins.
Alors il reprit la Lettre
du Roy, des mains de M
l'AbbédeChoisy,laportajusue
dans ce Balon & l'ayant
onnée à l'un desdeux Man-
~arins, ce Mandarin la mit
iixs un Dais fort élevé en
pince & tout brillant d'or.
* Balon où cette Lettre tmise
,
suivit ceux qui
~rtoient les Presens du Royeux
autres estoient de cha-
~e cofté
, & il y avoit.
~ux Mandarins dans chaa
pour garder la Lettre.
~tit autres Balons de l'Estat
Siam, tous fort magnifies
,
suivoient ceuxcy ,
Ôc
cedoient un tres -
super-
Balon où Mr l'Ambassadeurestoit
seul. Mrl'Abbé
de Choisy estoit aussi feullli,
dans un autre, & il y en avoit
de vuides qui servoient
d'escorte à droit& à gauche.
-
En suite parurenr quatreautres
Balons, où estoient les
Gentilshommes & les Officiers
de Mr l'Ambassadeur.
Dans d'autres estoientles
Gens de saisuite, tous fort
propres, & accompagnez de 3)
Trompettes & de dix-huit
hommJ.es de livrée. Elle cftoit
fort magnifique,&frap- -<j
pa les Siamois plus que l'or n
des Juste-au-corps. LesNations
étrangeres furent du
Cortege, & l'on ne voyoit
que Balons sur la Riviere.
Les grands Mandarins marchoient
à la teste en deux
colomnes. Le Balon oùef-
~oit la Lettre du Roy & les
leux Balons qui la garloient
avec celuy de Mr
»Ambassadeur
,
tenoient le
milieu. Si tostqu'il fut arrivé
terre, la Ville le salüa
, ce
qui ne s'estoit jamais fait
pour aucun Ambassadeur. Il
~ortit de son Balon,& ayant
~epris laLettre du Roy, illa
pic sur un Char de Triomphe
qui l'attendoit, & quiu
estoit encore plus magnifï--que
que que le Balon. On le ~fiéd
monter dans une Chaise ~déJj
couverte, toute d'or, & ~quoi,
dix hommes porterent. M"i\
l'Abbé de Choisy fut ~portôr
dans uneautre. Les~Gentils-?
hommes & les ~Mandainen
suivoient à cheval, & les/j
Trompettes, & tous les ~Genen
de laMaison de Mr~l'Am-rr
bassadeur alloient à ~piecVj
en fort bon ordre. Les Na~x,l
tions suivirent aussi à ~piedhz
On marcha de cette ~fortor;
dans une ruë assez longue, &&
largeà peu pres comme la
ruëdeS Honoré.Elleestoit
bordée d'arbres, & dune
double file deSoldats, le Pot
enrested'un metaldoré, leBouclier & ferentes au bras avec dif- armes, Sabres, Piques,
Dards, Mousquets,
Arcs & Lances. Ils estoient
nuds pieds., & avoient une Chemise rouge, avec une Echarpe de toile peinte qui leur servoit de culote, com-
~me j'ay déja marqué. Des Tambours sonnant comme des Timbales, des Musettes,
des manieres de petites Cloches,&
des Trompettes qui
nerendoient qu'un son des
Cornet,formoient une har- -
monieaussibizarre qu'extraordinaire.
Apres avoir passé
-
u
par cette ruë, on arriva dans 21
une assez grande Place. C'es- -
toit celle du Palais. On ~n
voy oit des deux costez plumesieurs
Elefans de guerre, & :),
des hommes à cheval habil- - lez à la moresque avec la
-
Lance à la main. Les Na- ~-
tions avec tout le restedu Il
Cortege,quitterent M'l'Am- -e
bassadeur en ce lieu là , à la Li
reserve de ses Gentilshom- -1
mes. Avant que d'entrer ij
dans lePalais, il prit la Lettre
du Roy qu'il remit entre les
mains de Mrl'Abbé de Choi-
(y. En suite on marcha à
pied fort gravement. Les
Gentilshommes & les Ovas
alloient devant en bon ordre.
On traversa plusieurs
Courts. Dans la premiereil
y avoit deux mille Soldats le
Pot en reste, & le Bouclier
lOfé) ayant devant eux leurs
Mousquetsfichez en terre;
ls estoient assis sur leurs taons.
Dans la seconde par~
uurreenntt tcrrooiiss cens CChheevvaauuxx-.
~en Escadron, avec plus de
quatre-vingts Elefans, & :
dans la derniere estoient : quantité de Mandarins le
visage en terre, & soute-
-
nu sur leurs coudes. Il y >
avoit six Chevaux dont 3
tout le harnois estoit d'une e
richesse que l'on auroit peine
à exprimer. Brides,Poitrails,
( Crou pieres,Courroyes
, tout 3
estoit garny d'or,& par des- -
sus il y avoit un nombre infiny
de Perles,de Rubis&de 3
Diamans, en sorte qu'on ne s
pouvoit voir le cuir. Les 2:
Estriers estoient d'or,& les v
Selles d'or ou d'argent. Ils EJ
avoient des anneaux d'or
aux pieds de devant
, &
estoient tenus chacun pardeux
Mandarins.On y voioit
aussi plusieurs Elephans richement
enharnachez,comme
des Chevaux de Carrosse.
Leur harnois estoit de velours
cramoisy avec des boucles
doréesLorsquel'on fut
arri vé auxdegrez de la Salle
destinée pour l' Audience,
Mr l'Ambassadeur s'arresta
avec Mr Constance qui l'cf---
toit venu trouver, pour donner
le tem ps à ses Gentilshommes
d'entrer avant luy
dans cette Salle. Ils y entrerent
à la Françoise, & s'assirent
sur de superbes Tapis,
dont tout le plancher estoit
couvert. Les Mandarins &
tous les Gens de la Garde se
placerent de l'autre costé, &
pendant ce temps le Barca-
Ion dont on n'avoit point
encore entendu parler, entretenoit
Mr l'Ambassadeur
au bas du degré. Il luy dit
qu'a la nouvelle de son arrivée
ala Barre de Siam, il avoit
eu envie de l'aller trouver,
mais que les Affaires de
l'Estat ne luy en avoient
point laissé le temps. Ce
compliment estoit à peine
~Un y
>
qu'on entendit les
Tronl pettes&les Tambours
~lu dedans. Les Trompettes
lu dehors répondirent à ~niit,quifaisoitconnoistcree
~ue le Roy montoit à son
~trône. En effetil parut dans
e moment, & à mesme
~nips tous les Mandarins se
~ofternerent" pat terre les
ains jointes, suivant leur
~»ultumé.' Les François le
~üerenr, mais sans se le.
~r de leurs places. Alors
~Confiance&leBarcalpn.
entrerent dans la Salle les
pieds nuds
,
& en rampant
sur les mains & sur les genoux.
Mr l'Ambassadeur les
suivit
, ayant à sa droite Mr
l'Evesque de Merellopolis,
&à (a gauche M l'Abbé de
Choisy
,
qui portoit le Vase
où estoit la Lettre du Roy.
On tient qu'il pesoit du
moins cent livres, & il l'avoit,
toûjours eu entre les.
mains depuis qu'on l'avoir
tiré du Char de Triomphe.
Il estoit en habit longavec
un Rochet, & son ~manteaux
par dessus.Mrl'Ambassadeurs
osta son chapeau sur le dernier
degré dela Salle, & appercevant
le Roy dés qu'il
fut entré,il fit une profonde
\- reverence. Mr l'Abbé de
Choisynefalüa pas , parce
qu'il portoit la Lettre du
Roy.Ilsmarcherent jusqu'au
milieu de la Salle
, entre les
François assis sur les ta pis dit
Plancher & deux rangs de
grands Mandarins prosternez,
parmy lesquels il y avoit
deux Fils du Roy de
Chiampa
,
& un Frere du
Roy de Camboie, Mr l'Ambassadeur
fit une seconde reverence
,& s'avançant toujours
vers le Trône; lors
qu'il fut proche du lieu où
estoituneChaise à bras
qu'on luy avoir preparée, il
en fit une troisième, & commença
sa Harangue,ne s'asseiant
Ôc ne mettant ion chapeau
qu'aprés en avoir prononcéle
premier mot. Il dit
au Roy de Siam
,
£hte le Roy
son Maistre, fameux par tant de
Victoires, & par la paix qu'il
avoit accordée tant de fois à jes
Ennemis, luy avoit commandé
de venir trouver Sa Majesté aux
extremitez de l'Univers
, pour
luyi
w
wy pfeflnter des marques de jon
ejftme, er l'afj-rcr de son amitié
; mais que rien nefloit plus ca..
fable d'unir deux sigrands Princes
t que de vivre dam les fntinjem
dune mtfrne croyance; que cestoitparticulièremint ce que le
Roy son Maiflreluyavot recommandé
de rrpYl/ enter à Sa
Al.siesté
;
Quele Royleconjuroit
Par l'interef}quilpi non: à ra
véritable gloire
)
de co?1.fidrer
tjue cettesuprême A/fcjefit dont il
ijloit revcjîu sur Li Tcrre
, ne
wàuvoit venirque 'u vr yT)iru dire, du Di u Tout puiss
ant ,
Eternel Infiny
,
tel que
Ses Cbreftiens le reconnoijfent*
qui seulfait regner les Roys,&
réglé lafortune de tous les Peuples
; Que c'efloit à ce Dieu du
Ciel & de la Terre qu'ilfalloit
soumettre toutessesgrandeurs,
non a ces 'Vi'Vinitez qu'on adore
dins l'Orient,rItr dont Sa Maje/
lequi avoittantde lumierese
de pénétration
, ne pouvoit manquer
de voir l'impmjfance. Il finieen
disant,quelaplus agreableNouvelle
quil pourroit porter
au Roy [on Maigre
y
feroit que
Sa Majeftéperfuadée dela veri.
té,sifaisoitinstruire dms la ReligionCbrejhenne
; que cela cimenterott
a jamais iejnme &
iamitié entre les deux Rays ; que
iesFrançoisviendraient dans fort
Royaume avec plus d'empreffimentg)
de confiance,&quâinfi
ea Majefié s'attireroit un honheur
eternel dans le Ciel, après a.
suoit régnéavec rant de prosperité
surla Terre.
- Mr TAmbassadeurprononça
cette Harangue toûjours
assis,& sans oster son Chapeau
, que lors qu'il nommoit
quelqu'un des deux
Roys. Mr Confiance en fut
l'Interprete, & se prosterna
trois fois avant que de corn»
mencer. Aprés quoy M41le
Chevalier deChaumont prit
la Lettre de Sa Majesté des
mainsde Mrl'AbbédeChoisy.
Le Vase où onl'avoitenfermée,
estoit soustenu d'un
grand manche d'or de plus
de trois pieds de long. Ils'avança
jusqu'au Trône, qui
estoitune manieredeTribune
assez élevée dans une fenestre
de la Salle,& il presenta
le Vase sans hausser la
main. Mr Constance luy dit
qu'il prist la Coupe par le
baston, mais il n'en voulut
rien faire. Le Roy se mit à
rire
,
& s'estant levé pour
prendre le Vase, il se baissade
maniere qu'on luy vit
plus de la moitiédu corps. Il
regarda la Lettre qui estoit
dans une autre Boëte d'or
que ce Princeouvrit. Il avoir
une Couronne toute brillante
de gros Diamans, avec un
Bonnet comme celuy d'un
Dragon, qui se tenoit droit,
artaché à la Couronne. Son
Habit estoit une maniere de
Juste-au-corps d'un Brocart
d'or, dont le fond estoit UEP
rouge enfoncé. Ce Juste-aucorps
luy serroit le col & les
poignets, & aux bords il y avoitde
l'or&desDiamans,qui
faisoient comme un collier
& des bracelets.. Il avoit aux
doigts quantitéde Diamans.
LaSalle de l'Audience étoit
elevée de douze ou quinze
degrez.Elle estoit quarrée &
assez grande, avec des fenestres
fort baffes de chaque
coste. Les murs estoient
peints, & il y avoit de grandes
Fleurs d'or depuis le
haut jusqu'au bas. Le platfond
estoit orné de quantité
de Festonsdorez, Deux
Escaliers conduisoient dans,
une Chambre ouestoit le
Roy, & au milieu de ces Escaliers
estoit une fenestre
brisée, devant laquelle on
voyoit troisgrands Parasols
par étages qui alloient jusqu'auPlat
fond,l'étoffe estoit
d'or,& une feüille d'or couvroit
le baston. L'un de ces
trois Parasols estoit au milieu
de la fenestre, & les deux:
autres aux costez. Ce fut par
cette fenêtreque leRoyparla,
Mr le Chevalier de Chaumont
estant retourné en [a'v
place, apres avoir donné la
Lettre de SaMajesté, ce qui:
futune grande marque de
distinction pour l'Ambassadeur
du Roy de France, les
Roisd'Orient ne prenant
aucune Lettre desmains des
Ambassadeurs, Sa Majesté
Siamoiseluyditqu'Elle recevoit
avec grande joye desmarques
de l'estime&del'amitié
du Roy & qu'il luy
seroit fort agréable de luy
faire voir en sa personne
combien elles luy estoient
cheres. Apres celaMrl'Am-
-
bassadeur luy montra quelques
Presens du nombre de
ceux que le Roy luy enroyoit,
& luy- presenta Mr
'AbbédeCkoify5&lesGen-
- iishommes. Ce Prince luy
larIa des Ambassadeurs qu'il
voit envoyez dans le Soleil
Orient, & demanda des
ouTelles de la Maison
.oyale, & ce qui se passoit
n Europe. Mr FAmbanaeur
répondit que Sa Mailsatcée,
apresavoir pris la forte
de Luxembourg avoit
oligél'Empereur,, les Espanols,
les Hollandois, & tous
s Princes d'Allemagne à
gner avec luy une Tréve
3 *
: vingtans. Il fit encore
d'autres Questions sur lesquelles
Mr l'Evesque de Metellopolis
servit d'Interprete,
& apres que M l'Ambassadeur
y eut répondu, on tiraun
Rideau devant la Fenestre
de la Tribune. Ce fut par
là que l' Audience finit. Elle
dura plus d'une heure, &
les Mandarins demeurerent.
prosternez pendant tout cor
temps. Ils avoient tous un.
Bonnet,mais sansCouronne,
& chacun d'eux tenoit une
Boëte, pleine de Betel &
d'Areque, dont ils usentencore
plus que nous ne faions
icy de Tabac, C'estpar
diference de ces Boëtes.
u'on peut distinguer leurs
ualitez.
Au sortir de l'Au dience,
Mr l'Ambassadeur fut conuit
dans le Palais, où il vit,
Elefant blanc. On luy rend
e grands honneurs, & on.
regarde comme une Diviité.
Quatre Mandarins sont
ûjours aupresde luy. Deux
ennent un Eventail pour
nasser les Mouches, & les
eux autres un Parasol, afin,
empescherqu'il ne soit inommodé
du Soleil.Ilest
servyen Vaisselle d'or.
-
One
en éleve un petit qui sert
son Successeur.. Lors qu'il 1
besoin de se laver, on le .me-si
ne à la Riviere, & alors les
Tambours &les Trompetes
marchentdevantluy. Dans
l'endroit où on le lave, il )(
a une espece deSale couverte,
destinée pour cet usage
Il y a eu autrefois de grandesGuerres
pour l'Eléphant
bbllanc '1 f1. 1 1 ,v,
,
& il a cousté la vie iî i
plus de six cens mille personnes.
Le Roy de Pegu
ayant appris que cet,Animal
estoit possedé par le Roy
e Siam,luy envoya une
mbassade des plus solembiles
pour le prier de le
lettre à prix, s'offrant d'en
lyer ce qu'il voudroit. Ce
t en 1568. Le Roy de Siam
rant refusédes'en défaire
luydePegu leva une Arée
d'unmillion d'hommes
en aguerris
,
dans laquelle
y avoit deux cens mille
hevaux
,
nans cinq mille Ele- ,
& trois mille Chaeaux.
Quoy que Pegu soit
Digne de Siam de soixante
cinqjournées de Chaeau
,
il ne laissa pas avec
cetteredoutable Armée, de
venir amener son Ennemi
dans laVille Capitale. Il
prit& laruinaentierement
s'estant rendu Maistre de se
Trésors, de sa Femme & db
ses Enfans, qu'il emmena i
Peguavecl'Eléphant blancs
Le Roy de Siam se défen
dit jusques à l'extremité, &
voyant sa Ville prise
,
il fl
jetta du haut de son Palais
en bas, d'où il fut tiré crû
pieces. Quelques-uns écrin
vent que le Siege dura vingt
deuxmois,&que cette guerre
re couta plus de cinq cen
mille hommes au Roy de
Pegu. Jugezcombien il en
dût perir ducosté des Siamois.
Les Indiens trouventquelque
chose de Divindans l'Elesant
blanc. Ils disent que
ce n'est pas feulement à
cause de sa couleur qu'ils le
respectent, mais que sa fierté
leur fait connoistre qu'il veut
qu'on le traite en Prince,
Sr. qu'ils ont remarqué plurieurs
fois qu'il se fâche,
quand les autres Elefans
nanquent à luy rendre
'honneur qu'ils luy doivent.
Apres que l'on eut fait
voir cet Elefant à M l'Am—r
bassadeur, il fut conduit àssi
l'Hostel qu'on luy avoitpreparé.
Par toutoù il passa, illi
trouva des Elefans avec les
Soldats qui bordoient les
chemins en tres-bel ordre,s
Quelques Troupes,& plusieurs
Mandarins montez sur
des Chevaux ou sur des Elesans
magnifiquementenharnachez,
marchoient devant
luy, & grand nombres
d'autres suivoient par hon- -c
neur, Ainsi il ne manqua &r
rien à cette Entrée pour la d
rendre très superbe. Tous
Siam joüit de ce grand Spectacle,&
ce qu'il y eut de surprenant,
c'est que tout le
monde estoit prosterné,comime
si le Roy eust passé luymesme,&
cela sefitavecun
si grand respect, que l'onnentendoit
personne cracher,
tousser, ny parler. Les
ordres du Roy avoient elle
donnez pour cela, ce qu'il
n'avoit jamais fait pour d'autres
Ambassadeurs. Il est remarquable
que les Siamois,
Rapportent aucun desous en
laissant, & qu'on ne voir
parmy eux, ny Boiteux, ny
Bossus, ny Borgnes. S'il y a
quelques Aveugles, ils ne le 1
font que pour avoir estécon- j damnez à cette peine pour
quelque crime commis.
La Ville de Siam, que î
quelques uns apellentIndia J
d'autres Iudia, est la Capitale
du Royaume, & l'une des j
plus grandes & des plus peuplées
de toutes les Indes. Ses 1
Remparts sont environ de z
trois toises de hauteur,&elle
a des Bastions de toutes les aj
sortesde plats, de coupez & al
desolides. La Riviere deMenam
qui y coule enhuit enadroits,
y forme deux Isles,
Elle a plusieurs belles Ruës,
& des Canaux qui sont assez
regulierement tirez. La plus
belle est celledesMores. Ce - qu'ils a ppellent le Quartier
de la Chine est aussi tresbeau.
LesMaisons ne sont
pas laides, & il y en a sort
peu où l'on ne puissealler
enBatcau. Surtout les Temples
& les Monasteres sont
tres-bienbattis. Ils ont tous
les Pyramides dorées qui
ontun très bel effet de loin
;zs, Faux-bourgs, des deux
costez de la Riviere sont
pour le moins aussi grands
& aussi ornez de Morquées
& de Palais que la Ville mesme.
Celuy du Roy est d'une
si grande estenglue, qu'on
le pourroit prendre pour une
seconde Ville. Il ases Remparts
separez ,& les Tours
qui l'environnent en grand
nombre sontfort élevées,
& très-magnifiques..
Mr le Chevalier de Chaumont
trouva au lieu où il sur
conduit,des Mandarins qui
estoient degarde
,
& que
l'on avoit chargez defaire
fournir tout ce qui luy seroit
necessaire pour sa dépense.
Le 19. Mr Confiance fit assembler
tous les Mandarins
Etrangers
,
& leur declara
que le Roy son Maistre vouloit
qu'ils se rendissent tous àl'Hostel de Mrl'Ambassadeur
,
afin qu'ils fussenttémoins
de la distinction avec
laquelle il traitoit le Roy de
France, comme estant un
Monarque tout- puissant, &
qui sçavoit reconnoistre les.
donneurs qu'on luy faifoir.
Ces Mandarins répondirent
qu'ilsn'avoient jamais veu
d'Ambassadeur de France;
mais qu'ils estoient fort persuadez
que cette distinction
estoit deuë à un Prince aussi
grand, aussi puissant, &
aussi victorieux que celuy
qui regnoit sur les François,
puisqu'il y avoit long-temps
que ses Victoires estoient
connuës par tout l'Orient.
Ils allerent aussi-tost salüer
Mr l'Ambassadeur, & le mesme
jour Mr l'Evesque de
Metellopolis se rendit au
Palais où le Roy l'avoit mandé
pour interpreter la Lettreque
Mr le Chevalier de
Chaumont luy avoir donnée
e jour precedent. Envoicy
es termes.
LETTRE
DU ROY
TAU ROY DE SIAM. RES HAFT, TRES PVISSANT,
TRES. EXCELLENT,
ET TRESMAGNANIMEPRINCE,
ET NOSTRE
;H'ER ET BON AMr, DIEV
rEVIllEAUGMENTER VOS-
-RE GRANDEVR AVEC YNE.
rIN HEVREYSE.
Nous 4ious appris avec déplaisir
la perte des mbfadeurSI
que :~ nous envoyajîa en1681. -
&Nous avons cflé informe^par
ItiPreflres Mijjionnaires quifont 1
njen;$ deSian
, C. par les Letj
très nueno?Adimlhts ont reteuës j
de h p.irt de celiiya qui vous 1
confia VO) pnncipules affaires e>rijffpm-nr 3, avec leCjnA vous
Joubair.'XnojhramneRoyale.
Ccflpouryfartsfa'rcque nous
avons choisy le Sieur Chevalier'
de Chaumontpouy nolire Ambaf-
Jadeur,quivous apprendra plusparticulièrement
nos intentions9
sur tout ce qui peut contribuer àK
ejldlirpout toujours cette amitié
fi/ide
fllidr entre nous.CependantAlc,
ferons tres-ais de trouver les
occûfons de tous témoigner la
reconnoijjance avec laqui lie nous
avons appris que vous conrznuez
a donner voflre protcfhon aux E-
'Vesques, cm euxautres ÀdiJJionnaires^
potfohcj'ei, quitravaillenta
linflrufliondetosSujets
ians laRetio-ion Cbjeflien,,,e,
lotreefiimep meulièreincurvons
Wus fait desirer ardernn em que
}OKS 'Vur¡fluZ bien vous-mfmc
k écouter) Çj7 apprendre d\u,x ïvéritables À^aximas @r les
fistres f^cre-^dune si fat.te
9y, dans laquelle un a la LulMijfance
du vray Dieu,qui Jîufa
peutJaprés TOUS avoirfait rtgnem
long temps & glorieusement (un
vos Sujets ,
101.$combler d'u
bon heur eternel. Nous avenui
chargénoflreAmb^Qaieur dese
choses les plus curreujes de noftrt
Royaume, qu'il vous prejenter
comme unemarque de noflre ePi_j
me
y
& il vous expliquera aussi
ce que nous pouvons Jfjinr dt
voui pour l'avantage du Com-A
merce de nos Sujets.Sur ce,Afousm
prions Dieu qu'ilvueilleaugmentas
tervoftre Grandeur avec toute fin^\
heureuse. Ecrit en Noflre Cha.X
(eaU Royal le u. Janvier168
Vostre tres cher & bon Amy,
LO VIS, & plus bas COLBERT.
Quelques jours a pres,
le Roy envoya des Presens
à Mr l'Ambassadeur,
sçavoir plusieurs pieces de
Brocart, des Robes du Japon,
une garniture de Boutons
d'or, & diverses curiositez
du Pays. Il y en eut
aussi pour Mr l'Abbé de
Choisy
,
& pour les Gentilshommes
François.
Le 2,5. il fut mené à une seconde
Audience dans une
Salle à costéd'uneautre où
,eHoir l-e Roy. Le disçours étant
tombé sur la Famille
Royale, Mr l' Ambassadeur *>
dit au Roy de Stam que lu-
- nion y estoit sigrande, que
Monsieur,Frere unique de Sa
Majesté,avoitgagné une
grande Bataille pour le Roy v
sonFrere, contre les Ennemis
liguez,& commandez s
par le General des Hollandois
, qui avoient le plus de s
Troupes danscette Armée;à
quoy le Roy de Siam répondità
peu prés en ces termes.
Je ne m'étonne point que le Roy \(
de France ait réüssidanstoutesses
r entreprises,puis qu'ilaun Frere
l
si bien uny avec luy.La desunion
ejb ce qui renverse les Etats. lec"
sçay les malheurs qu'elle a causez
dans la Famille Royale de Matran
, & dans celle de Bantam,
&sçache le Grand Dieu du Ciel
ce qui arrivera de la mienne.Ce-
Roy a deux Freres ,dont lais-
Xïéfiir tout est tres-remuant.
Il a trente-sept ans, & est
fort incommodé de sa Perfodne.
Peut-estre l'a t'on mis
en cétestat afin de tenir (on.
ambition dans l'impuissance
d'agir. Le plus jeune est
moins âgé de dixans. Il est
muet , ou il fait semblant de
l'estre. Ils ont chacun leur
Palais,& leurs Domestiques,
& ne voyent le Roy leur
Frere que deux fois l'année.
Le Roy peut avoir cinquante
cinq ans. Il est bazanné
de , moyenne taille, & a les
yeux noirs, petits
,
& fort
vifs. Outre deux Oncles qui
sont fort vieux, & dont l'un
luy a servy de Tuteur, il a
des Tantes qui n'ont jamais
esté mariées. Cette seconde
Audience dont j'ay déja
commencé à vous parl er , finit par une matiere de Religion
qui n'eut point de suite.
Mr l'Ambassadeur dit au
Roy, que le Roy son Maître
ne souhaitoit rienavec
plus d'ardeur que d'apprendre
qu'il consentist à se faire
instruire par les Evesques &
Missionnaires qui estoient
dans ses Etats. Il se leva, ôc
ne fit point de réponse. Lors
qu'il se fut retiré, Mr Constance
mena Mrle Chevalier
de Chaumont dans le Jardin
du Palais, où le disner
estoit preparé, Son Couvert.
estoit en Vaisselle d'or; tous
les autres furent servis en
Vaisselle d'argent. Le Grand-
Trésorier, le Capitaine des
Gardes, & d'autres grands
Mandarins servirent à table.
Lerepas dura trois heures,
& l'on allavoir delà l'Estang
du Jardin
,
où il se trouve
plusieurs poissons curieux.
Ilsenvirentun entre autres
avec un virage d'homme.
Le 26. Mr Constancerenditvisite
à Mr l'Ambassadeur.
La Conversion du Roy
fut le sujet de leur entretien.
Mr Constance yfit paroistre
de grandes difficultez
,
sur
ce qu'il seroit tresdangereux
de donner pretexte à
une revolte, en voulant
changer une Religion establie
& professéedepuis tant
de Siecles. Illuy fit connoîue
que leRoyavoit un Frere
quine cherchoitqu'à broüiller;
que c'estoit toûjours
beaucoup que Sa Majesté
permist qu'on enseignast la
Religion Chrestienne dans
son Royaume; qu'illafalloit
laisser embrasser aux Peuples
&aux Mandarins mesme,
si quelqu'un d'entr'eux
vouloit se faireChrestien,
8c qu'avec le temps les choses
pourroient prendre une
autre face.
Le29. Mr le Chevalier de
Chaumont alla visiter le Barcalon,
qui dans les honneurs.
qu'il luy Et rendre le distingua
desautresAmbassadeurs,
ainsi qu'avoit fait le Roy. Mr
l'Evesque de Metellopolis
l'accompagna dans cette visite
, & leur servit dInterprete.
Le 30. on alla au Palais
pour voir ta grande Pagode.
C'est ainsi que les Siamois
appellent leurs Temples
mais ils ne laissent pas de
donner aussi le nom de Paggooddeess
àà leurs Idoles. En pas- Isant
par la premiere Court,
Mr l'Ambassadeur eut le divertissement
d'un combat de
deux Elephans On les avoit
attachez ensemble par les
jambes de derriere
,
& deux
hommes estoient sur chacun,
de ces Animaux, l'un sur le
col
,
l'autre sur la crou pe. Ils
esanimoientavec un croc, lui leur servant d'aiguillon,
es faisoit tourner comme ils
ouloient. Ce Combat ne
onsista qu'en des coups de
ent & de trom pe. On dit
ue le Roy y estoit present
mais il ne se laissa pointvoir.
Les Elephans ont beaucoup
d'intelligence& onleur fait
comprendre aisément tout
ce qu'on leur dit. De cette
Court on passa dans plusieurs.
autres avant que de trouver
la Pagode. Le Portail en est
antique, de assez bien travail.
lé.C'estuntres-beau bastimens
, dont l'Architécture
est presque semblable à celle
de nos Eglises. Les yeux
furent fra ppez enentrant,de
plu sieurs Statuës - de cuivre
doré, qui semblent offrirun
Sacrifice à une grande Idole
qui est touted'or.Elle a quarante
pieds de longueur,
douze de largeur
,
& trois
pouces d'épaisseur. Son poids
est de plus de douze millions
d'or Dans-une guerre où
ceux de Pegu conquirent
presque tout leRoyaume de
Siam, ils couperent une
main à cette Idole. Elle a
icihe remplacée depuis. Aux
deux costezdecette Pagode,
il y a plusieurs autres petites
Idoles dont la plus grande
partie est d'or. Des Lampes
Allumées depuis le haut jusqu'au
bas, font voir dans
quelleveneration elles sont Au fond est une autre Idole
en forme de Mausolée. Elle
est d'un prix extraordinaire.
Parmy ce grand nombre on
en voit une qui bien qu'assise
les jambes en croix,asoixante
pieds de haut. De cette
Pagode M"1"Ambassadeur
alla dans une autre qui en
dépend, & pour y aller, il
passasous une voûte qui est
en forme de Cloistre. D'un
costé de cette voûte,il y avoit
de deux pieds en deux
pieds des Idoles toutes dorées
,& devant chacune bruloituneLampe
queles Talapoins
ont soin d'allulller
0,«Zous les soirs. Dans cette seconde
Pagode Mr l'Ambasfadeur
vit le Mausolée de la
Reyne dccedée depuis quatre
ans, & celuy d'un Roy
de Siam, representé par une
grande Statuü couchée sur
le costé. Il est habillé comme
le sont les Roys de ce
Pays là aux jours de Ceremonies.
Cette Statuë qui est de
cuivre doré
, .a vingtcinq
piedsde longueur. En d'autres
endroits font quantité
de Statuesd'or & d'argent,
avec des Rubis & des Diamans
aux doigts, La princi- pale - beau ré de toutcelaconsiste
dans les richesses,la-plus
grande partiede cequ'il y a s
de plus precieux dans le
Royaume, estantrenfermée
dans les Pagodes. Au sortir
de là, Mr l'Ambassadeur vit i
les ElephansduRoy qu'il fait i
nourrir au nombre de plus 2
de dix mille. Il vit aussi une i
piece de Canon de fonte q
fonduë à Siam qui est de s
vingt-quatre pieds, & qui a j
quatorze pouces de diamet-
-
tre par l'embouchure.
-
Le 3I. - on fit de fort grandies
réjoüissance pourle coueiincirient.
du. Roy de Portugal.
On tira quantitéde
f J
coups de Canon,&il y eut le
f*ir un feu d' Artifice.Cesréiouiflincesfurentcontinue'es
»
u lendemain,premierjour.
[^Novembre
, par Mr Con- rance qui donna un grand
'dhrT, où MrAmbassadeur
.le invité. Il s'y trouva avec
put ce qu'il y avoit d'Euroéens
dans la Ville. On n'enfndit
que coups de Canon
ifqua la nuit,& on tira
ujourssans discontinuer.
Tous les Bastimens qui é- -
toient sur la Rivierre
,
tirerent
aussi après le repas,
qui fut suivye d'uneComedie
de Chinois,&: d'un autre
Divertissement,façon de -j
Marionnettes. Il y eut quelque
chose d'assez surprenant
& de singulier dans cette
Feste. î
Le 4. de Novembre Mr
Constanceavertit Mr l'Ambassadeurque
leRoy devoit
sortir pour se rendre àune
Pagode,où il a accoûtumé
d'aller tous les ans. Comme
ce jour estoit un de ceux Otli
il se montre à ses Peuples,la
mSeremonie meritoit qu,'on
empressa pour la voir. On
e conduisit dans une Salle
ue l'on-avoir pre parée sur
eau pour luy donner ce
laisir. D'abord il passaun
rand Balontout doré,dans
quel estoit un Mandarin
si venoit voir si toutestoit
en dans l'ordre. Il fut suisde
plusieurs Balons rem- des plus qualifiez des
andarins, tous habillez de
ap rouge. Ils doiventestre
tus de mesme couleuren
pareils jours, & c'estle
y qui choisit cette couleur.
Ils avoient des bonnets <
blancs dont la pointe estoit j
fort élevée.Les Oyas étoient
distinguez par un bord d'or
qu'ils avoient a leurs Bon- J
nets. Je ne parle point de a
leur écharpe;elleestoit telle b
- que je l'ay déjàdécrite. On 11
vit paroistre aprés eux quan- titédeMandarins du second J]
ordre, des Gardes du Corps,
&piusieurs Soldatsqui oc<~
cuperent les ailles. Le Roy
estoit dansun Balonmagnisique,
à chaque collé duque
il yen avoit un autre qui nC.
-
toit pas moins brillant. Ce
trois Balons estoient plis rem- de Sculpture,& dorez
jusque sous l'eau. Je
1
vous
en a y déja tant parlé que
vous ne ferez pas fachéed'en
voir quelques uns dans cette
Planche, où j'en ay fait graver
quatre. Vous vous fou.
viendrez que je vous ay dit
qu'ils estoient fort longs, &
aits d'un seul arbre. Leur
ongueur est cause qu'il y a
n grand nombre de Raleurs
,
& qu'ils vont fort
ste. Quand les Rameurs
nantent , ce qu'ils fontsouet,
ilsemble que leurs rames
s'accordentavecleurs voix, JI
& qu'ils battent la mesure *
dans l'eau. Le Balon que
vousvoyez gravé le premier,
est celuy dans lequel estoit la
Lertre de Sa Majesté. Il eitJ
ce qu'ils appellent à trois
T'oirs, & ceux-là sont les
plus considerables. Je croy
mesme qu'ils sont particuliers
pour le Roy, & qu'il
n'est permis à personned'en
avoir. Vosyeux vous feront
voir aisément la diference
des autres, qui n'est
que dans le plus ou moins 1
d'élevation de l'espece de. I
petite Loge qui est au miieu.
Quand il pleut, on (e
netdans cet endroit qui approche
beaucoup des Bans
avec quoy l'on jouë iCYh
les Rameurs du Balon où
stoit le Roy, & des deux
utres qui luyservoientd'act)
i-n-pacrniement,efloienthaillez
comme les Soldats, h
reserve qu'ils avoient une.
aniere de Cuirasse, &de
asque enteste,quel'ondiit
estre d'or. Ils estoient
t nombre de cent quatrengt
sur chacun de cestrois
lons, a,yec-- des Rames.
toutes dorées, & sur ceux
des Mandarins il y en avoit
cent ou six-vingts. D'autres
Gardes du Corps suivoient
dans d'autres Balons, & alloient
devant d'autres Mandarins
qui faisoient l' Arriere
garde, de forte que le Cortege
estoit du moins de deux
cens Balôns. Toute la
Riviere enestoitcouverte,
& il y avoit plusde cent
mille personnesprosternées
& dans un profond silence,
pour joüir de la permission
qu'on avoit de voir le Roy
ce jourla; car en d'autres
temps
temps il faut qu'on s'éloigne
par respect, & ceux qui se
trouveroient à son passage
seroientpunis fort severement.
Ilavoit un Habit tressomptueux,
& tout parsemé
de pierreries, avec un Bonnet
rouge un peu élevé, &
une Aigrette enrichie aussi
de Pierreries. Mr l'Ambassadeur
entra sur le soir dans
ses Balons pour voir revenir
le Roy. Ilavoit changé de
Balon, & promis un Prix à
celuy qui arriveroit au Palais
avant les autres. Ce fut
le sien qui arriva le premier.
Il récompensa ses Rameurs
en Roy, en leur donnant à
chacun la valeur de cinquante
escus. Ce mesme soir
il y eut un Feu d'artifice, &
l'on tira quantité de cou ps
de Canon pour le Couronnement
du Roy d'Angeterre.
Cette Feste fut continuée
le lendemain. Mr Constance
donna encore à disner
à Mr l'Ambassadeur avec
beaucoup de magnisicence,
& tous les Européens 2
furent invitez à ce Repas.
Le Roy qui se montre au
Peuple deux ou trois fois
cous les ans, va aussi quelquefois
par terre faire ses
Offrandes à quelque Mosquée.
Deux cens Elefans, ou
environ, commencent la
marche, portant chacun
trois Hommes armez Apres
eeuuxxvvieienntltala MM-usique. Elle
est composée de Timbales,
de Tambours, & de Hautbois.
Millehommes de pied
armez paroissent ensuite,distribuez
en diverses Compagnies,
qui ont leurs Drapeaux
& leurs Bannieres.
Tout cela precede les grands
Mandarins qui sont à cheval.
Il y en a qui ont une j
Couronne d'or sur la teste, i
ôc une fuite de soixante, ! j
quatre-vingts ôc cent per- 1
sonnes à pied. Entre lesGar- -|
des du Corps & ces Manda-
-
rins marchent deux cens
Soldats Japonois, en équipage
fort leste. Apres eux on f\
voit les Chevaux & les Ele- -j
sans qui ne fervent que pour aPersonne du RtÜY: Leurs zi
Harnois sont magnifiques.
Ils sont chargez de boucles 21
8c de lames d' or, & les dia- -4
mans & les pierreries y brillent
de toutes parts. Ceux
qui portent les Presenschoisis
pourl'Offrande,marchent
devant les plus qualifiez du
Royaume, parmy lesquels
il y en a deux, dont l'untient
l'Etendart du Roy,& l'autre
le Sceptre de Justice. Ils marchent
tous deux à pied immediatement
devant leRoy,
qui est monté sur un Elefant
magnifiquement enharnaché.
Il est porté sur son dos,
assis dans une Chaise d'or.
Cet Elefant marche gravement
tout fier de sa charge.
Il semble connoistre l'honneur
qu'il reçoit,puis qu'il
le met à genoux quand le
Roy s'appreste à monter sur
luy, & qu'il ne soufriroit pas
qu'un autre y montast.Lors
quele Roy a un Fils,ce Prince
le fuit, & apres luy la
Reyne & sesautres Femmes.
Elles sont aussi sur des Elefans
, mais enfermées dans
des manieres de Guerites de
bois doré, en forte qu'il est
impossible de les voir. La
marche tH: fermée par d'autres
Gardes, environ au nombre
de six cens, & tout le
Cortege est composé de
quinze ou seize mille personnes.
La vie du Rov est allez
réglée.
(
Il Ce leve à quatre
heures tous les jours, & la
premiere chose qu'il fait
c'est de donner l'aumosne à
des Talapoins, quine manquent
pas de se montrer devant
luy si tostqu'il paroist.
Ces Talapoins sont comme
nos Religieux Mendians.
Apres celail donne Audience,
dans l'intérieur de [on:
Palais,à. ses Concubines, aux.
Esclaves & aux Eunuques,
& ensuite à un Magistrat
qui luy vient montrer tous
les Procez que l'on a jugez.
Il les approuve ou infirme
comme il luy plaist. Lors
que ce Magistratest forty,
1 Audience est ouverte à
tout le monde jusqu'à l'heure
du Disner. Il disne avec
la Princesse sa Fille, que l'en.L
appelle la Princesse Reyne.,
& dontje vous parleray dans
unautre endroit. La Reyne -
qui est morte depuis peu
d'annees ne'luy a la~ aue
cette Fille. Le Medecin qui
està la porte, visite toutes
les Viandes, & renvoye celles
qu'illuy croit nuisibles.
Pendant ce Repas,qui estle
seul qu'il sait chaque jour,
on luy lit les Procez criminels,&
il ordonne du fort -
de chacun. Apres le Disné,
il entre dans une Salle, oùil
se met sur quelque Lit de
Repos. Il est suivy d'un
Lecteur qui luy lit ordinairement
la Vie de quelqu'un
des Rois qui ont
regné avant luy
,
& lors
qu'il s'endort
,
le Lecteur
paisse la voix, & peu a prés se
etire. Ce mesme Lecteur
entre dans la Salle sur les
quatre heures, & il recomnence
à lire d'un ton si aigu,
qu'il faut neceffiirciiie-ilt
que le Roy s'éveille. Alors il
donne Audience à chacun,
de ses six grands Officiers,
& sur les dix heures le Conseil
s'a ssemble. Il dure ordi-;
nairement jusques à minuit.
MrConfianceaussison Au-j
dience particuliere
,
& si l
toutcela va tropavant dans
la nuit,le Medecin luy vient
dire qu'il faut qu'il se couche.
Ce Medecin est receu
dans le Conseil, mais il ne
fait qu'écouter, & l'on n'y
prend jamais son avis.
Je m'apperçois de la longueur
de ma Lettre ; mais
comment songer à la finir,
ayant encore tant de choses
curieuses à vous a pprendre
touchant le Royaume de
Siam? Je n'ay pas encore
conduit M le Chevalier de
Chaumont à Louvo
,
qui est
une Maison de Plaisance du
Roy, où il alla prendre son
Audience de Congé, & ce
qui s'y est passé pendant le
séjourqu'ily a fait, fournit
la matiere d'un tres-long
Article. Ainsi, Madame,en
vous envoyant cette prernle.
re - Partie de ma Lettre ,je
vous en promets une seconde
quevous aurez dans fort peu
dejours. Je joindray à ce qui |
me reste à vous dire du }
Royaume deSiam les autres V
Nouvelles que vous atten- ;.
dez de moy. Ce sont celles;
quiregardent les Venitiens |
& la Hongrie. Cette seconde j
Partie finira par deuxEnigmes
nouvelles, & par les
noms de ceux qui ont expliqué
les deux dernieres. i
Onvient de m'apprendre ;
que ce que je vous ay dit au
commencement de cette
Rèlation, touchant des Ambassadeurs
que le Roy J de
Slam avoit envoyez à Sa
Majesté par le Portugal,
n'est point véritable. Cesont
des Envoyez de Siam qui
rie vont qu'en Portugal
,
8c
que l'on a chargez des Presens
, dont vous avez trouvé
une Lifte dans ma Lettre
de May. Ainsi cette Liste
est vraye ,
& ils ont ordre
d'envoyer en France les Presens
qu'elle contient.
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17
p. 94-113
« Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...] »
Début :
Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...]
Mots clefs :
Fort, Vent, Roi de Siam, Cap de Bonne-Espérance, France, Vaisseau, Route, Ligne, Temps, Heures, Île, Mer, Argent, Abbé de Choisy, Enseigne, Vaisseaux, Ambassadeur, Frégate, Constantin Phaulkon, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le vingt-sixiéme Mars à deux heures aprés midy j'ay mis [...] »
Evingt- fixieme Mars à deux
heures aprés midy j'ay mis
à la voile avec un bon vent , en
fortantde la Baye prés de la Fortereſſe
Hollandoiſe du Cap de
Bonne- Efperance , je vis trois
vaiſſeaux qui faifoient route pour
venir au Cap ; mais je n'ay pû
diftinguer de quelle Nation ils
eſtoient , je croy qu'ils eſtoient
Hollandois , parce qu'on en attendoit
ce nombre de l'Iſle de
GC
-
DU VOYAGE DE SIAM. 95
Ceilan. Quand nous fumes à
quarante lieuës delà nous trouvâme
la mer fort groſſe , elle nous
tourmenta beaucoup , & nous
continuâmes noſtre route pour
aller paffer la ligne par la meſme
longitudeque nous l'avions pafſée
en allant , il ne ſe pouvoit
que noftre voyage ne fut extrémement
agreable ; car , comme
j'ay déja dit , le Roy de Siam envoyoit
avec nous des Ambaffadeurs
en France , pour témoigner
au Roy avec combien de
paffion il fouhaittoit fon amitié :
ſes grandes qualitez & fa renommée
eſtant venuëjuſqu'à luy,
&faifant depuis long-temps un
extrême bruit dans les Indes . Il
m'avoit dit dans une Audience ,
qu'il ne leur donnoit point d'inſtructions
ſur les ceremonies que
l'on fait en France qui font bien
differentes de celles de fon
96 RELATIO
Royaume , parce qu'il eſtoit perſuadé
que le Roy ne leur feroit
rien faire qui fût prejudiciable à
fes intereſts , & qu'il me chargeoit
de leur conſeiller tout ce
qu'il faudroit faire pour lemieux
quand ils ſeroient en France
qu'il ſe repoſoit ſur moy pour cela
, & qu'il eſtoit bien ſeur que
jene leur conſeillerois rien qui
ne fût à faire . Nous avions donc
avec nous trois Ambaſſadeurs
des plus confiderables de Siam.
Le premier eſt frere du deffunt
Barcalon qui eſtoit premier Miniſtre
du Roy , homme d'eſprit ,
il a toûjours eſté auprés de ſon
frere dans toutes les affaires ,
c'eſt luy qui accompagné d'un
autre eſtoit venu me recevoir à
l'entrée de la Riviere de Siam
lors de mon arrivée & qui a
toûjours eſté avec moy , m'accompagnant
partout où j'allois.
La
DU VOYAGE DE SIAM. 97
La premiere fois que je le vis il
me parut tres-honneſte-homme
& d'un eſprit fort aiſé , ce qui fit
que je dis à Monfieur Conftans
que je croyois qu'il feroit trespropre
pour eftre Ambaſſadeur
en France. Le ſecond eſt un homme
fort âgé qui a beaucoup d'efprit
, & a eſté Ambaſſadeur à la
la Chine dont le Roy fon maiſtre
fut fort content ; le troiſiéme eſt
âgé de vingt- cinq ou trente ans,
fon pere eſt Ambaſſadeur en
Portugal; ce font les meilleures
perſonnes du monde , ils ſont
doux , honnêtes , complaifants,
& de tres-bonne humeur , & je
conte d'eſtre fort de leurs amis.
Ils écrivent juſqu'aux moindres
petites choſes qu'ils voyent , ce
qui me fait plaiſir ; car ils auront
dequoi s'exercer en France , où
ils rencontreront tant de chofes
dignes de leur admiration , je
i
68 RELATION
m'aſſure qu'ils en feront un fidel
recit au Roy leur Maiſtre. Ils devoient
avoir douze Mandarins à
leur ſuites;mais ils n'en ont que
huit parce qu'il en eſt reſté quatre
àSiam qui ne ſont pas venus affés
toſtàbord, il amenoient en France
douze petits garçons pour les
y laiſſer pour apprendre la Langue&
des métiers ; mais il en eſt
reſté une partie avec les quatre
Mandarins qui n'ont pû nous
joindre auſſi bien que quelques
domeſtiques de ces Ambaſſadcurs
ils en ont encore une vingtaine ,
ils font chargés de beaucoup de
beaux preſens pour le Roy , pour
Monseigneur, pour Madame la
Dauphine & pour Meſſeigneurs
les Ducs de Bourgogne & d'Anjou
& pour Meſſieurs de Seignelay
& de Colbert de Croiſy . Il y
en parmy ces prefens beaucoup
de vaſes d'or & d'argent ,
DU VOYAGE DE SIAM. 99
des ouvrages du Japon & des
Manilles , grande quantité de
porcelaines tres - rares , des paravans
de la Chine & du Japon ,
pluſieurs bijoux de tous les endroits
des Indes , des Cabinets ,
coffres , écritoires vernis , & garnis
d'argent , des vazes de terre
ſizelée , qui font legers conume
des plumes , deux petits navires
d'or , l'un pour le Roy & l'autre
pour Monſeigneur le Duc
de Bourgogne , deux pieces de
canon pour le Roy d'environ
deux ou trois livres de balles ,
de fer battu à froid garnis d'argent&
façonné avec de l'argent
approchant d'un ouvrage de raport
, des cornes de rinocerots,
des pierres de Bezoüar & pluſieurs
autres choſes dontje ne me
fouviens pas . Ces preſens vallent
beaucoup , & le Roy de Siam s'eſt
fait un grand plaifir d'envoyer
i ij
100 RELATION
د parce
tout ce qu'il avoit de plus rare.
Monfieur l'Abbé de Lionne fut
prié par ceRoyde faire le voyage
avecſes Ambaſſadeurs ; il leur fera
d'un grand fecours
qu'il parle leur langue , c'eſt un
tres-honnête homme & d'une
haute pieté le meſme Roy témoigna
auſſi à Monfieur le Vacher
qu'il feroit bien- aiſe qu'il retournât
avec ſes Ambaſſadeurs ,
ce qu'il a auſſi fait, il leur ſera
pareillement d'une grande utilité
eſtant un homme fort agiſſant.
Nous avions auſſi avec nous Monfieur
l'Abbé de Choiſi qui a fait le
voyage pour demeurer en qualité
d'Ambaſſadeur en cas que le Roy
dece pays-làſe fût fait Chrétien ;
c'eſt un tres-honnêtehomme quia
beaucoup d'eſprit & de merite . Il
s'eſt fait Prêtre & il a dit ſa premiere
Meſſe dans le Vaiſſeau , il
nous a donné de bons exemples ,
DU VOYAGE DE SIAM. IOI
& nous fait des predications fort
édifiantes , Monfieur l'Abbé du
Chailar étoit auſſi du voyage,c'eſt
un homme d'eſprit & qui nous a
ſouvent prêché. J'avois pourAu
mônier Monfieur l'Abbé deJully
dont j'ai été fort content, ilnous a
auſſi faitdebelles Predications,&
l'AumônierduVaiſſeau Monfieur
le Dot a eu un ſoin fort grand de
tout l'équipage , & de ceux qui
eſtoient malades. Ilne s'eſt point
paſſé de Dimanche ny de Feſte
que nous n'ayons eu des Predications,
& je puis dire grace àDieu
que l'on a vécu dans le Vaiſſeau
avec beaucoup de pieté par le ſecours
de tous ces Meſſieurs qui
exhortoient ſouvent ceux de l'é
quipage à vivre en Chrétiens , il
n'y en a point eu qui ne ſe ſoient
confeffez & fait ſouvent leurs devotions
, ce qui nous a attiré toutes
les benedictions de Dieu
iiij
102 RELATION
que nous avons euës dans ce
voyage ; car on ne peut pas faire
une navigation plus heureuſe .
Nous avions pour Capitaine de
Vaiſſeau Monfieur de Vaudricourt
qui commandoit le vaiſſeau
Loiſeau , c'eſt un tres-honnête
homme , & un des meilleurs na.
vigateurs&des plus ſoigneux que
le Royaye ; j'ay tout- à-fait ſujet
de m'enloüer , il a eu le ſoin de
tout ce qui concernoit le Vaiſ
ſeau ; où rien n'a manqué parles
precautions qu'il avoit priſes avant
noſtre départ , je n'euſſe jamais
crû que cela euſt pû ſe faire
de la forte dans un ſi long voyage.
Nous avions auſſi Monfieur
de Coriton Capitaine de Fregate
legere, un tres-bon Officier fort
foigneux & affiduà ſon métier ;
nous avions pour Lieutenant le
Chevalier de Fourbin que j'ay
laiſſay prés du Roy de Siam, &
DU VOYAGE DE SIAM. 103
Monfieur le Chevalier de Cibois
qui ſontde tres-bons Officiers , &
pour Enſeigne Monfieur de Chamoreau
qui eſt un homme qui
ſçait beaucoup de ſon métier,
par la grande application qu'il y
donne , il eſt capable d'être plus
qu'Enſeigne. Le Roy m'avoit fait
l'honneur de me donner douze
Officiers & gardes Marines pour
m'accompagner à l'Ambaſſade
qui estoient Meſſieurs de Francine
Enſeigne , Saint Villiers enſeigne
, de Compiegne , de Freteville
, de Seneville , du Fays ,
de Joncourt , la Palu , la Foreſt,
d'Hebouville qui eſt mort dans la
Fregate en route , & Monfieur du
Tartre Lieutenant ſur la Fregate
Maline qui eſt tres-honnête
homme & bon Officier . Monfieur
de Joyeuſe commandoit cette
Fregate , & j'ay tous les ſujets du
monde de me loüer de ſa con
i iiij
104
RELATION
duite ; je dois rendre cettejuſtice
à tous ces Meſſieurs qu'ils ont
efté tres- ſages , & ont tout-àfait
répondu au choix que fa Majeſté
en avoit fait ; ils ont bien
appris la navigation & les Mathematiques
; ils avoient un Maiſtre
en allant qui a reſté à Siam , &
en revenant le Pere Taſchard a
bien voulu leur en ſervir ; ceux
qui ne font pas Officiers font capables
de l'être , & ceux qui le
font, font capables de monter à
des degrez plus hauts . Il y avoit
un garde Marine qui estoit commandé
qui n'eſt pas venu avec
moy & qui eft reſté en France; je
diray à la loüange de Monfieur
le Chevalier du Fays qu'il eſt trescapable
d'être Enſeigne , il a eu
unetres- grande application pour
apprendre les manoeuvres & tout
ce qui regarde la navigation. J'avois
pour Secretaire le Sieur de
DU VOYAGE DE SIAM. ios
la Broffe-bonneau qui eſt treshonnête-
homme . Monfieur Conſtans
m'ayant témoigné qu'il ſeroit
bien-aife d'avoir deux de
mes Trompettes & mon Tapiffier
je les luy laiſſay deleur conſentement
, il leur a fait un bon party;
mon Maiſtre d'Hôtel me demanda
d'y refter pour negotier quelque
argent qu'il avoit, un de mes
laquais eft demeuré avec le Chef
de la Compagnie Françoiſe , &
un autre à qui la devotion a fait
prendre party de refter au Seminaire
de Siam pour eftre Miſſionaire
. Monfieur l'Abbé de Choifi
y a aufli laiſſédeux de ſes gens ,
l'un appellé Beauregard qui étoit
Cadet dans le Vaiſſeau
Monfieur Conftans a promis de
faire quelque choſe pour luy , je
croy qu'il le mettra dans la Marine,
il eſt bien demeuré douze
ou quinze François au ſervice du
106 RELATION
Roy & du Miniſtre.
Je continuay ma route & j'eus
vent arriere & le Avril je
paſſay à la hauteur de l'Iſle fainte
Heleine qui eſt habitée par les
Anglois ; les Vaiſſeaux qui viennent
des Indes y touchent ordinairement
, c'eſtà dire quand ils
ne vont pas au Cap de Bonne-
Eſperance ; on m'a dit que c'eſt
une tres-bonne Iſle & bien fertile,
elle eſt à ſeize degrez de latitude
Sud . Le les vents toûjours
arriere je paſſay à la veuë de l'Iſle
de l'Aſcenſion qui eſt à huit degrez
Sud de la ligne. Cette Ifle
n'eſt point habitée, la plupart des
Vaiſſeaux qui paſſent s'y arrêtent
pour y prendre de la tortuë , il y
en a unegrande quantité , & ces
animaux rafraîchiffent beaucoup
les équipages , ils demeurerent
en vie un mois & fix ſemaines
ſans manger , on ne les peut pren
DU VOYAGE DE SIAM. 107
dre que la nuit , car le jour les
tortuës ſe tiennent à la mer , & la
nuit elles ſe retirent en terre pour
y mettre leurs oeufs qu'elles enfoüient
dans le ſable. Pour les
prendre il ſe faut tenir caché avec
un gros bâton à la main& les furprendre
quand elles ſortent de
l'eau, on les renverſe ſur le dos &
lors elles ne peuvent plus ſe retourner
, on en prend des quatrevingt&
cent pour une nuit & le
jour on les embarque & on les
met fur le dos dans le Vaiſſeau . II
ya des Barques qui y vont pour
faller de ces tortuës, qu'elles por
tent aux Iſles de l'Amerique &
que les habitans achetent pour
leurs eſclaves ; comme j'avoisun
bon ventje ne m'y arreſtay point,
ne voulant pas perdre de temps
à paſſer la Ligne Equinoxiale ;
car quelquefois on y reſte longtemps
à cauſedes grands calmes
108 RELATION
&des pluyes qu'on y trouve ; le
28. Avril je paſſay la Ligne avec
un temps admirable , les chaleurş
n'étant point incommodes,peu de
calme & de pluye ; c'étoit la
quatrième fois que je l'avois pafſée
dans ce voyage ſans avoir
quitté le juftau- corps de drap
doublé de meſime;tout mon monde
&mon équipage eſtoient lors
en tres-bonne ſanté à la referve
de quatre, ou cinq qui estoient
malades du flux de ventre depuis
Siam ; cette maladie ſe guerit
rarement dans ces pays-là ,
il ne m'eſtmort que dix ou douze
Matelots ou Soldats. Nous ne
vîmes que tres-peu de poiſion
dans cette traverſe , ce qui eſt
contre la coûtume , car ordinairement
ils'y en trouve en grand
nombre ; nous harponnâmes un
gros poiffon que l'on appelle foufdeur,
environ huitpieds de long&
quatre de large , il avoitſur la tête
1
DU VOYAGET
DE SIAM. 109
un trou par où il reſpire & jettoit
de l'eau en l'air comme une fontaine;
il faisoit beaucoup de bruit&
peſoitenviron 300.livres; ce poif-
Ton eft bon à manger & le harpondonton
ſe ſert pour le prendre
eſt comme le fer d'une fleche,
quand il eſt une fois entré il ne
peut plus reſſortir. On met cet
harpon au bout d'un morceau de
bois bien long que l'on attache à
une corde , un Matelot adroit
tient cet harpon dans la main à
l'avant du Navire , & ce poiſſon
venant à paffer proche de luy il
luy jette le harpon , l'ayant touché
il défile la corde pour que le
poiffon perde ſon ſang &fa force;
enſuite on le retire. Le vingtneuf
nous primes de la meſme
maniere deux autres poiſſons que
l'on nomme Marſoins , ils font
preſque de la meſme figure que le
foufleur , à la referve qu'ils ont
210 RELATION
la tête & le muſeau long , & le
ſoufleur l'a preſque ronde. Ils
pouvoient bien peſer cent cinquante
livres chacun ; ils font
aufſſi tres-bons à manger. Nous
eſtions du côté du Nort avec un
bon vent ; jen'ay eſté que trente
deux jours en route du Cap de
Bonne-Efperance à la Ligne , &
en allant j'avois employé de la
Ligne au Cap ſept ſemaines , parceque
la route eſt beaucoup plus
longue par les vents d'oueſt qu'il
faut aller chercher .
Le 16. May ſur le minuit nous
paſſames le Tropique par l'eſtime
qu'en firent nos Pilotes en
prenant la hauteur. Le i7. à midy
ce fut grace à Dieu la fixieme
fois que nous avions paſſé les
Tropiques dans ce voyage , &
fortant de la Zone torride nous
entrâmesdans la temperée par un
bon vent.
DU VOYAGE DE SIAM. 211
Le premier Juin nous vîmes
la terre , & comme nous croyons
en eſtre à plus de cent cinquante
lieuës cela nous furprit , & comme
il faifoit un grand broüillard
nous fumes obligez de nous en
approcher , & le temps s'étant
éclairci nous reconnûmes que
c'étoit l'Iſle de Flore qui eſt une
des Açores & la plus à l'oueſt; elle
eſt tres-haute , il en tombe de
l'eau des montagnes dansla Mer
ce qui fait de tres-belles caſcades
, & qui nous la fit reconnoître.
Il falloit que nous euſſions
trouvé des courans d'eau qui
nous euſſent portez à l'ouest , que
nous nous faiſions à plus decent
cinquante lieuës à l'eſt . Le cinquiéme
nous vîmes un Vaiſſeau
qui paſſa proche de nous ; mais
comme c'étoit la nuit nous ne
ſçûmes pas de quel paysil eſtoit.
Le ſeptiéme nous en vîmes un
12 RELATION
autre qui eſtant venu proche du
mien,j'envoyay mon canot àbord
avec un Officier qui me dit que
c'étoit un Navire de Londres qui
venoit de Virginie qui s'en retournoit
à Londres, il eſtoit chargé
de tabac , & comme il faifoit
beaucoup de vent, & que nous
allions mieux que luy nous le
quittâmes en peude temps. Nous
eûmes vent variable juſqu'au
douziéme , & fur les fix heures
du foir le vent eſtant oueft &
arriere il ſe leva une groſſe mer
& le vent ſi violent qu'ils nous
obligerent le lendemain fur les
dix heures du matin de mettre à
la Cap , & mes Pilotes ne ſe faifoient
qu'à cent licuës de Breſt .
Letemps eftant fort obſcur avec
de lapluie , & comme on craint
de s'approcher des terres par un
tel temps , parce que quelque
foisces coups de vent durentdes
huir
DUVOYAGEDE SIAM. I1I13
jours ; cela m'obligea à mettre à
la cap, fur les dix heures du ſoir
du treize le vent & la mer calmerent
, &je me remis à la voile &
le dix-huit Juin nous arrivâmes
graces à Dieu heureuſement à la
rade de Breft , à quatre heures aprés
midyoùdés qu'on eûtmoüillé
jefis tirer le Canon des deux
Vaiſſeaux pour ſaluër les Ambaſ
fadeurs de Siam que j'ay amenez,
heures aprés midy j'ay mis
à la voile avec un bon vent , en
fortantde la Baye prés de la Fortereſſe
Hollandoiſe du Cap de
Bonne- Efperance , je vis trois
vaiſſeaux qui faifoient route pour
venir au Cap ; mais je n'ay pû
diftinguer de quelle Nation ils
eſtoient , je croy qu'ils eſtoient
Hollandois , parce qu'on en attendoit
ce nombre de l'Iſle de
GC
-
DU VOYAGE DE SIAM. 95
Ceilan. Quand nous fumes à
quarante lieuës delà nous trouvâme
la mer fort groſſe , elle nous
tourmenta beaucoup , & nous
continuâmes noſtre route pour
aller paffer la ligne par la meſme
longitudeque nous l'avions pafſée
en allant , il ne ſe pouvoit
que noftre voyage ne fut extrémement
agreable ; car , comme
j'ay déja dit , le Roy de Siam envoyoit
avec nous des Ambaffadeurs
en France , pour témoigner
au Roy avec combien de
paffion il fouhaittoit fon amitié :
ſes grandes qualitez & fa renommée
eſtant venuëjuſqu'à luy,
&faifant depuis long-temps un
extrême bruit dans les Indes . Il
m'avoit dit dans une Audience ,
qu'il ne leur donnoit point d'inſtructions
ſur les ceremonies que
l'on fait en France qui font bien
differentes de celles de fon
96 RELATIO
Royaume , parce qu'il eſtoit perſuadé
que le Roy ne leur feroit
rien faire qui fût prejudiciable à
fes intereſts , & qu'il me chargeoit
de leur conſeiller tout ce
qu'il faudroit faire pour lemieux
quand ils ſeroient en France
qu'il ſe repoſoit ſur moy pour cela
, & qu'il eſtoit bien ſeur que
jene leur conſeillerois rien qui
ne fût à faire . Nous avions donc
avec nous trois Ambaſſadeurs
des plus confiderables de Siam.
Le premier eſt frere du deffunt
Barcalon qui eſtoit premier Miniſtre
du Roy , homme d'eſprit ,
il a toûjours eſté auprés de ſon
frere dans toutes les affaires ,
c'eſt luy qui accompagné d'un
autre eſtoit venu me recevoir à
l'entrée de la Riviere de Siam
lors de mon arrivée & qui a
toûjours eſté avec moy , m'accompagnant
partout où j'allois.
La
DU VOYAGE DE SIAM. 97
La premiere fois que je le vis il
me parut tres-honneſte-homme
& d'un eſprit fort aiſé , ce qui fit
que je dis à Monfieur Conftans
que je croyois qu'il feroit trespropre
pour eftre Ambaſſadeur
en France. Le ſecond eſt un homme
fort âgé qui a beaucoup d'efprit
, & a eſté Ambaſſadeur à la
la Chine dont le Roy fon maiſtre
fut fort content ; le troiſiéme eſt
âgé de vingt- cinq ou trente ans,
fon pere eſt Ambaſſadeur en
Portugal; ce font les meilleures
perſonnes du monde , ils ſont
doux , honnêtes , complaifants,
& de tres-bonne humeur , & je
conte d'eſtre fort de leurs amis.
Ils écrivent juſqu'aux moindres
petites choſes qu'ils voyent , ce
qui me fait plaiſir ; car ils auront
dequoi s'exercer en France , où
ils rencontreront tant de chofes
dignes de leur admiration , je
i
68 RELATION
m'aſſure qu'ils en feront un fidel
recit au Roy leur Maiſtre. Ils devoient
avoir douze Mandarins à
leur ſuites;mais ils n'en ont que
huit parce qu'il en eſt reſté quatre
àSiam qui ne ſont pas venus affés
toſtàbord, il amenoient en France
douze petits garçons pour les
y laiſſer pour apprendre la Langue&
des métiers ; mais il en eſt
reſté une partie avec les quatre
Mandarins qui n'ont pû nous
joindre auſſi bien que quelques
domeſtiques de ces Ambaſſadcurs
ils en ont encore une vingtaine ,
ils font chargés de beaucoup de
beaux preſens pour le Roy , pour
Monseigneur, pour Madame la
Dauphine & pour Meſſeigneurs
les Ducs de Bourgogne & d'Anjou
& pour Meſſieurs de Seignelay
& de Colbert de Croiſy . Il y
en parmy ces prefens beaucoup
de vaſes d'or & d'argent ,
DU VOYAGE DE SIAM. 99
des ouvrages du Japon & des
Manilles , grande quantité de
porcelaines tres - rares , des paravans
de la Chine & du Japon ,
pluſieurs bijoux de tous les endroits
des Indes , des Cabinets ,
coffres , écritoires vernis , & garnis
d'argent , des vazes de terre
ſizelée , qui font legers conume
des plumes , deux petits navires
d'or , l'un pour le Roy & l'autre
pour Monſeigneur le Duc
de Bourgogne , deux pieces de
canon pour le Roy d'environ
deux ou trois livres de balles ,
de fer battu à froid garnis d'argent&
façonné avec de l'argent
approchant d'un ouvrage de raport
, des cornes de rinocerots,
des pierres de Bezoüar & pluſieurs
autres choſes dontje ne me
fouviens pas . Ces preſens vallent
beaucoup , & le Roy de Siam s'eſt
fait un grand plaifir d'envoyer
i ij
100 RELATION
د parce
tout ce qu'il avoit de plus rare.
Monfieur l'Abbé de Lionne fut
prié par ceRoyde faire le voyage
avecſes Ambaſſadeurs ; il leur fera
d'un grand fecours
qu'il parle leur langue , c'eſt un
tres-honnête homme & d'une
haute pieté le meſme Roy témoigna
auſſi à Monfieur le Vacher
qu'il feroit bien- aiſe qu'il retournât
avec ſes Ambaſſadeurs ,
ce qu'il a auſſi fait, il leur ſera
pareillement d'une grande utilité
eſtant un homme fort agiſſant.
Nous avions auſſi avec nous Monfieur
l'Abbé de Choiſi qui a fait le
voyage pour demeurer en qualité
d'Ambaſſadeur en cas que le Roy
dece pays-làſe fût fait Chrétien ;
c'eſt un tres-honnêtehomme quia
beaucoup d'eſprit & de merite . Il
s'eſt fait Prêtre & il a dit ſa premiere
Meſſe dans le Vaiſſeau , il
nous a donné de bons exemples ,
DU VOYAGE DE SIAM. IOI
& nous fait des predications fort
édifiantes , Monfieur l'Abbé du
Chailar étoit auſſi du voyage,c'eſt
un homme d'eſprit & qui nous a
ſouvent prêché. J'avois pourAu
mônier Monfieur l'Abbé deJully
dont j'ai été fort content, ilnous a
auſſi faitdebelles Predications,&
l'AumônierduVaiſſeau Monfieur
le Dot a eu un ſoin fort grand de
tout l'équipage , & de ceux qui
eſtoient malades. Ilne s'eſt point
paſſé de Dimanche ny de Feſte
que nous n'ayons eu des Predications,
& je puis dire grace àDieu
que l'on a vécu dans le Vaiſſeau
avec beaucoup de pieté par le ſecours
de tous ces Meſſieurs qui
exhortoient ſouvent ceux de l'é
quipage à vivre en Chrétiens , il
n'y en a point eu qui ne ſe ſoient
confeffez & fait ſouvent leurs devotions
, ce qui nous a attiré toutes
les benedictions de Dieu
iiij
102 RELATION
que nous avons euës dans ce
voyage ; car on ne peut pas faire
une navigation plus heureuſe .
Nous avions pour Capitaine de
Vaiſſeau Monfieur de Vaudricourt
qui commandoit le vaiſſeau
Loiſeau , c'eſt un tres-honnête
homme , & un des meilleurs na.
vigateurs&des plus ſoigneux que
le Royaye ; j'ay tout- à-fait ſujet
de m'enloüer , il a eu le ſoin de
tout ce qui concernoit le Vaiſ
ſeau ; où rien n'a manqué parles
precautions qu'il avoit priſes avant
noſtre départ , je n'euſſe jamais
crû que cela euſt pû ſe faire
de la forte dans un ſi long voyage.
Nous avions auſſi Monfieur
de Coriton Capitaine de Fregate
legere, un tres-bon Officier fort
foigneux & affiduà ſon métier ;
nous avions pour Lieutenant le
Chevalier de Fourbin que j'ay
laiſſay prés du Roy de Siam, &
DU VOYAGE DE SIAM. 103
Monfieur le Chevalier de Cibois
qui ſontde tres-bons Officiers , &
pour Enſeigne Monfieur de Chamoreau
qui eſt un homme qui
ſçait beaucoup de ſon métier,
par la grande application qu'il y
donne , il eſt capable d'être plus
qu'Enſeigne. Le Roy m'avoit fait
l'honneur de me donner douze
Officiers & gardes Marines pour
m'accompagner à l'Ambaſſade
qui estoient Meſſieurs de Francine
Enſeigne , Saint Villiers enſeigne
, de Compiegne , de Freteville
, de Seneville , du Fays ,
de Joncourt , la Palu , la Foreſt,
d'Hebouville qui eſt mort dans la
Fregate en route , & Monfieur du
Tartre Lieutenant ſur la Fregate
Maline qui eſt tres-honnête
homme & bon Officier . Monfieur
de Joyeuſe commandoit cette
Fregate , & j'ay tous les ſujets du
monde de me loüer de ſa con
i iiij
104
RELATION
duite ; je dois rendre cettejuſtice
à tous ces Meſſieurs qu'ils ont
efté tres- ſages , & ont tout-àfait
répondu au choix que fa Majeſté
en avoit fait ; ils ont bien
appris la navigation & les Mathematiques
; ils avoient un Maiſtre
en allant qui a reſté à Siam , &
en revenant le Pere Taſchard a
bien voulu leur en ſervir ; ceux
qui ne font pas Officiers font capables
de l'être , & ceux qui le
font, font capables de monter à
des degrez plus hauts . Il y avoit
un garde Marine qui estoit commandé
qui n'eſt pas venu avec
moy & qui eft reſté en France; je
diray à la loüange de Monfieur
le Chevalier du Fays qu'il eſt trescapable
d'être Enſeigne , il a eu
unetres- grande application pour
apprendre les manoeuvres & tout
ce qui regarde la navigation. J'avois
pour Secretaire le Sieur de
DU VOYAGE DE SIAM. ios
la Broffe-bonneau qui eſt treshonnête-
homme . Monfieur Conſtans
m'ayant témoigné qu'il ſeroit
bien-aife d'avoir deux de
mes Trompettes & mon Tapiffier
je les luy laiſſay deleur conſentement
, il leur a fait un bon party;
mon Maiſtre d'Hôtel me demanda
d'y refter pour negotier quelque
argent qu'il avoit, un de mes
laquais eft demeuré avec le Chef
de la Compagnie Françoiſe , &
un autre à qui la devotion a fait
prendre party de refter au Seminaire
de Siam pour eftre Miſſionaire
. Monfieur l'Abbé de Choifi
y a aufli laiſſédeux de ſes gens ,
l'un appellé Beauregard qui étoit
Cadet dans le Vaiſſeau
Monfieur Conftans a promis de
faire quelque choſe pour luy , je
croy qu'il le mettra dans la Marine,
il eſt bien demeuré douze
ou quinze François au ſervice du
106 RELATION
Roy & du Miniſtre.
Je continuay ma route & j'eus
vent arriere & le Avril je
paſſay à la hauteur de l'Iſle fainte
Heleine qui eſt habitée par les
Anglois ; les Vaiſſeaux qui viennent
des Indes y touchent ordinairement
, c'eſtà dire quand ils
ne vont pas au Cap de Bonne-
Eſperance ; on m'a dit que c'eſt
une tres-bonne Iſle & bien fertile,
elle eſt à ſeize degrez de latitude
Sud . Le les vents toûjours
arriere je paſſay à la veuë de l'Iſle
de l'Aſcenſion qui eſt à huit degrez
Sud de la ligne. Cette Ifle
n'eſt point habitée, la plupart des
Vaiſſeaux qui paſſent s'y arrêtent
pour y prendre de la tortuë , il y
en a unegrande quantité , & ces
animaux rafraîchiffent beaucoup
les équipages , ils demeurerent
en vie un mois & fix ſemaines
ſans manger , on ne les peut pren
DU VOYAGE DE SIAM. 107
dre que la nuit , car le jour les
tortuës ſe tiennent à la mer , & la
nuit elles ſe retirent en terre pour
y mettre leurs oeufs qu'elles enfoüient
dans le ſable. Pour les
prendre il ſe faut tenir caché avec
un gros bâton à la main& les furprendre
quand elles ſortent de
l'eau, on les renverſe ſur le dos &
lors elles ne peuvent plus ſe retourner
, on en prend des quatrevingt&
cent pour une nuit & le
jour on les embarque & on les
met fur le dos dans le Vaiſſeau . II
ya des Barques qui y vont pour
faller de ces tortuës, qu'elles por
tent aux Iſles de l'Amerique &
que les habitans achetent pour
leurs eſclaves ; comme j'avoisun
bon ventje ne m'y arreſtay point,
ne voulant pas perdre de temps
à paſſer la Ligne Equinoxiale ;
car quelquefois on y reſte longtemps
à cauſedes grands calmes
108 RELATION
&des pluyes qu'on y trouve ; le
28. Avril je paſſay la Ligne avec
un temps admirable , les chaleurş
n'étant point incommodes,peu de
calme & de pluye ; c'étoit la
quatrième fois que je l'avois pafſée
dans ce voyage ſans avoir
quitté le juftau- corps de drap
doublé de meſime;tout mon monde
&mon équipage eſtoient lors
en tres-bonne ſanté à la referve
de quatre, ou cinq qui estoient
malades du flux de ventre depuis
Siam ; cette maladie ſe guerit
rarement dans ces pays-là ,
il ne m'eſtmort que dix ou douze
Matelots ou Soldats. Nous ne
vîmes que tres-peu de poiſion
dans cette traverſe , ce qui eſt
contre la coûtume , car ordinairement
ils'y en trouve en grand
nombre ; nous harponnâmes un
gros poiffon que l'on appelle foufdeur,
environ huitpieds de long&
quatre de large , il avoitſur la tête
1
DU VOYAGET
DE SIAM. 109
un trou par où il reſpire & jettoit
de l'eau en l'air comme une fontaine;
il faisoit beaucoup de bruit&
peſoitenviron 300.livres; ce poif-
Ton eft bon à manger & le harpondonton
ſe ſert pour le prendre
eſt comme le fer d'une fleche,
quand il eſt une fois entré il ne
peut plus reſſortir. On met cet
harpon au bout d'un morceau de
bois bien long que l'on attache à
une corde , un Matelot adroit
tient cet harpon dans la main à
l'avant du Navire , & ce poiſſon
venant à paffer proche de luy il
luy jette le harpon , l'ayant touché
il défile la corde pour que le
poiffon perde ſon ſang &fa force;
enſuite on le retire. Le vingtneuf
nous primes de la meſme
maniere deux autres poiſſons que
l'on nomme Marſoins , ils font
preſque de la meſme figure que le
foufleur , à la referve qu'ils ont
210 RELATION
la tête & le muſeau long , & le
ſoufleur l'a preſque ronde. Ils
pouvoient bien peſer cent cinquante
livres chacun ; ils font
aufſſi tres-bons à manger. Nous
eſtions du côté du Nort avec un
bon vent ; jen'ay eſté que trente
deux jours en route du Cap de
Bonne-Efperance à la Ligne , &
en allant j'avois employé de la
Ligne au Cap ſept ſemaines , parceque
la route eſt beaucoup plus
longue par les vents d'oueſt qu'il
faut aller chercher .
Le 16. May ſur le minuit nous
paſſames le Tropique par l'eſtime
qu'en firent nos Pilotes en
prenant la hauteur. Le i7. à midy
ce fut grace à Dieu la fixieme
fois que nous avions paſſé les
Tropiques dans ce voyage , &
fortant de la Zone torride nous
entrâmesdans la temperée par un
bon vent.
DU VOYAGE DE SIAM. 211
Le premier Juin nous vîmes
la terre , & comme nous croyons
en eſtre à plus de cent cinquante
lieuës cela nous furprit , & comme
il faifoit un grand broüillard
nous fumes obligez de nous en
approcher , & le temps s'étant
éclairci nous reconnûmes que
c'étoit l'Iſle de Flore qui eſt une
des Açores & la plus à l'oueſt; elle
eſt tres-haute , il en tombe de
l'eau des montagnes dansla Mer
ce qui fait de tres-belles caſcades
, & qui nous la fit reconnoître.
Il falloit que nous euſſions
trouvé des courans d'eau qui
nous euſſent portez à l'ouest , que
nous nous faiſions à plus decent
cinquante lieuës à l'eſt . Le cinquiéme
nous vîmes un Vaiſſeau
qui paſſa proche de nous ; mais
comme c'étoit la nuit nous ne
ſçûmes pas de quel paysil eſtoit.
Le ſeptiéme nous en vîmes un
12 RELATION
autre qui eſtant venu proche du
mien,j'envoyay mon canot àbord
avec un Officier qui me dit que
c'étoit un Navire de Londres qui
venoit de Virginie qui s'en retournoit
à Londres, il eſtoit chargé
de tabac , & comme il faifoit
beaucoup de vent, & que nous
allions mieux que luy nous le
quittâmes en peude temps. Nous
eûmes vent variable juſqu'au
douziéme , & fur les fix heures
du foir le vent eſtant oueft &
arriere il ſe leva une groſſe mer
& le vent ſi violent qu'ils nous
obligerent le lendemain fur les
dix heures du matin de mettre à
la Cap , & mes Pilotes ne ſe faifoient
qu'à cent licuës de Breſt .
Letemps eftant fort obſcur avec
de lapluie , & comme on craint
de s'approcher des terres par un
tel temps , parce que quelque
foisces coups de vent durentdes
huir
DUVOYAGEDE SIAM. I1I13
jours ; cela m'obligea à mettre à
la cap, fur les dix heures du ſoir
du treize le vent & la mer calmerent
, &je me remis à la voile &
le dix-huit Juin nous arrivâmes
graces à Dieu heureuſement à la
rade de Breft , à quatre heures aprés
midyoùdés qu'on eûtmoüillé
jefis tirer le Canon des deux
Vaiſſeaux pour ſaluër les Ambaſ
fadeurs de Siam que j'ay amenez,
Fermer
18
p. 46-47
MADRIGAL.
Début :
Dans le mesme temps, Mr Doujat, Doyen de l'Academie / Arêtons desormais nos Larmes, [...]
Mots clefs :
Louis, France, Académie française
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL.
Dans le mefme temps, M
GALANT.
47
Doujat , Doyen de l'Acade
mie Françoife , fit ce Madrigal fur le mefme fujet.
MADRIGAL.
A
Rritons
Larmes ,
deformais nos
Elles ne font point de faifon ,
LeCiel donne à
LOVIS l'entiere
querifon
Dumal qui caufoit nos alarmes.
GrandDieu , qui de la France es
Peternel appuy's'
Qu'au delà de Neftor noftre Monarque vives
C'estl'unique fouhait qu'elle forme
aujourd buy.
Si cebienpar toy nous arrive,
Le reste nous viendra par luy
GALANT.
47
Doujat , Doyen de l'Acade
mie Françoife , fit ce Madrigal fur le mefme fujet.
MADRIGAL.
A
Rritons
Larmes ,
deformais nos
Elles ne font point de faifon ,
LeCiel donne à
LOVIS l'entiere
querifon
Dumal qui caufoit nos alarmes.
GrandDieu , qui de la France es
Peternel appuy's'
Qu'au delà de Neftor noftre Monarque vives
C'estl'unique fouhait qu'elle forme
aujourd buy.
Si cebienpar toy nous arrive,
Le reste nous viendra par luy
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19
p. 29-39
Arrivée de M. Storf pour les recevoir de la part du Roy avec les complimens faits de part & d'autre, & plusieurs choses remarquables dites par les Ambassadeurs. [titre d'après la table]
Début :
Ces Ambassadeurs estoient accompagnez de huit Mandarins, & de vingt [...]
Mots clefs :
Roi, Storf, Ambassadeurs, Compliment, France, Honneurs, Ordres, Maître
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Arrivée de M. Storf pour les recevoir de la part du Roy avec les complimens faits de part & d'autre, & plusieurs choses remarquables dites par les Ambassadeurs. [titre d'après la table]
Ccs Ambaffadeurs eftoient
accompagnez de
huit Mandarins , & de
vingt Domeftiques , quatre
autres Mandarins , &
Cij
30 Voyage des Amb.
pluſieurs Perfonnes de la
fuite des Ambaffadeurs
n'ayant pû arriver affeztoſt
à Bord, pour s'embarquer
lors que M'le Chevalier
deChaumont partit
de Siam.Enfin aprés qu'ils
eurent attendu pendant
treize jours , M² Storf,
Gentilhomme ordinaite
de la Maiſon du Roy,arriva
de la part de Sa Majeſté
pour leur faire compliment,
les accompagner
tant qu'ils feroient en
de Siam. 31
France ,&leur fairerendre
dans tous les lieux où
ils pafferoient les honneurs
dus aux Ambaſſa-
.deurs d'un puiſſant Roy.
Sa Majesté voulant qu'ils
euffent à ſe loüer de la
Reception qui leur feroit
faite dans toutes les Villes
où ils pafferoient , à cauſe
- des honneurs extraordi
naires qu'on a rendus à
Siam à M'le Chevalier de
Chaumont , avoit choiſi
M Storf dont Elle con
Cij
32 Voyage des Amb.
noiſt l'intelligence en de
ſemblables emplois , par
la fatisfaction qu'Elle en a
receuë , ainſi que les Ambaffadeurs
, auprés defquels
il a déja eſté employé.
La difficulté des
chemins , principalement
dans une partie de la
Bretagne , où l'on ſe
fert beaucoup de Lirieres,
avoir efté cauſe qu'il n'avoit
point mené d'équipa
ges ,
mais il avoit des ordres
adreſſezaux Gouver
de Siam. 33
neurs & aux Intendans ,
qui devoient fournir toutes
les Voitures neceffaires.
Ainfiil n'eftoit accompagnéque
de ſes Domeftiques
, & de M² de Sily
- qui estoit chargé du traitement
, & qui remplit
parfaitement bien les fon-
Ctions de cette nature .M
Storf eftant arrivé , dit
- aux Ambaſſadeurs dans le
- Compliment qu'il leur fit,
- Que le Royfon Maistre avoit
refolu d'abord de l'en34
Voyage des Amb.
voyer avec un gros équipage;
mais qu'ayant confideré
que non ſeulement ilſeroit
fort fatigué en arrivant
à cause de l'éloignement
des lieux , mais auſſi
que les équipages du Pays
feroient plus commodes jusques
aux endroits où l'on
en envoyeroit d'autres , Sa
Majestéavoit refolu qu'on
s'enforviroit , puiſque c'étoit
un moyen certain de
les voir plûtoſt. Le premier
Ambaſſadeur répon
de Siam.
35
dit , Que le defir qu'ils avoient
de voir le Roy estoit
fi grand , qu'il leur avoit
rendules ventsfavorables ,
& que s'il estoit perfuade
qu'en faisant le Voya
ge à pied , il puſt voir Sa
Majesté un seul quartd'heure
plûtoft , il l'entreprendroit
avec plaisir. M²
Storf luy fit compliment
enfuite , fur le choix que
le Roy de Siam avoit fait
de fa Perſonne pour l'envoyer
en France , & l'Am36
Voyage des Amb.
baffadeur luy répondit,
Que s'il avoit eſté queſtion
d'une Ambaffade àla Chine
ou au Mogol , pour quelque
Negociation importante
, le Roy ſon Maistre
auroit fait choix de quelque
Sujet plus capable d'y réûffir,
mais que ne s'agiſſant
quede reſpects,Sa Majesté
Siamoiſe avoit crû ne pou
voir choisir uneperſonne qui
répondist mieux àfon Zele
& à ſes intentions ; qu'il
n'avoit point d'autres in
de Siam.
37
ſtructions àſuivre que les
ordres que luy apporteroient
ceux qui le viendroient
trouver de la part du Roy ,
Es que comme apparemment
c'estoit M' Storf qui
les apportoit , il estoit prest
de faire tout ce qu'il luy dir
roit. esqu' ainſiil estoitſeur
deſe bien acquiter de fon
Ambaſſade , puis qu'il ne
feroit que ce qui luy seroit
prescrit , & que s'il manquoit
en quelque chose , la
faute viendroit de ceux qui
38 Voyage des Amb.
luy donneroient les ordres ,
&non pas de luy Dans un
autre temps il dit à M
Storf, aprésluy avoir parlé
du plaifir que le Roy de
Siam s'eftoit fait de paffer
par deffus toutes les coûtumes
& les formalitez
ordinaires , pour recevoir
l'Ambaſſadeur de France
avec plus d'éclat , Que le
Roy Son Maistre avoit
cherchéavectant d'ardeur,
à faire des honneurs extraordinaires
àM' le Che
de Siam.
39
valier de Chaumont , que
que ſi un homme d'esprit
comme luy , qui auroit ſté
à Siam , luy avoit donné
de nouveaux moyens pour
- faire encore plus , il l'auroit
. comblé de biens , quoy qu'il
Sceuſt qu'il n'en avoit pas
besoin .
accompagnez de
huit Mandarins , & de
vingt Domeftiques , quatre
autres Mandarins , &
Cij
30 Voyage des Amb.
pluſieurs Perfonnes de la
fuite des Ambaffadeurs
n'ayant pû arriver affeztoſt
à Bord, pour s'embarquer
lors que M'le Chevalier
deChaumont partit
de Siam.Enfin aprés qu'ils
eurent attendu pendant
treize jours , M² Storf,
Gentilhomme ordinaite
de la Maiſon du Roy,arriva
de la part de Sa Majeſté
pour leur faire compliment,
les accompagner
tant qu'ils feroient en
de Siam. 31
France ,&leur fairerendre
dans tous les lieux où
ils pafferoient les honneurs
dus aux Ambaſſa-
.deurs d'un puiſſant Roy.
Sa Majesté voulant qu'ils
euffent à ſe loüer de la
Reception qui leur feroit
faite dans toutes les Villes
où ils pafferoient , à cauſe
- des honneurs extraordi
naires qu'on a rendus à
Siam à M'le Chevalier de
Chaumont , avoit choiſi
M Storf dont Elle con
Cij
32 Voyage des Amb.
noiſt l'intelligence en de
ſemblables emplois , par
la fatisfaction qu'Elle en a
receuë , ainſi que les Ambaffadeurs
, auprés defquels
il a déja eſté employé.
La difficulté des
chemins , principalement
dans une partie de la
Bretagne , où l'on ſe
fert beaucoup de Lirieres,
avoir efté cauſe qu'il n'avoit
point mené d'équipa
ges ,
mais il avoit des ordres
adreſſezaux Gouver
de Siam. 33
neurs & aux Intendans ,
qui devoient fournir toutes
les Voitures neceffaires.
Ainfiil n'eftoit accompagnéque
de ſes Domeftiques
, & de M² de Sily
- qui estoit chargé du traitement
, & qui remplit
parfaitement bien les fon-
Ctions de cette nature .M
Storf eftant arrivé , dit
- aux Ambaſſadeurs dans le
- Compliment qu'il leur fit,
- Que le Royfon Maistre avoit
refolu d'abord de l'en34
Voyage des Amb.
voyer avec un gros équipage;
mais qu'ayant confideré
que non ſeulement ilſeroit
fort fatigué en arrivant
à cause de l'éloignement
des lieux , mais auſſi
que les équipages du Pays
feroient plus commodes jusques
aux endroits où l'on
en envoyeroit d'autres , Sa
Majestéavoit refolu qu'on
s'enforviroit , puiſque c'étoit
un moyen certain de
les voir plûtoſt. Le premier
Ambaſſadeur répon
de Siam.
35
dit , Que le defir qu'ils avoient
de voir le Roy estoit
fi grand , qu'il leur avoit
rendules ventsfavorables ,
& que s'il estoit perfuade
qu'en faisant le Voya
ge à pied , il puſt voir Sa
Majesté un seul quartd'heure
plûtoft , il l'entreprendroit
avec plaisir. M²
Storf luy fit compliment
enfuite , fur le choix que
le Roy de Siam avoit fait
de fa Perſonne pour l'envoyer
en France , & l'Am36
Voyage des Amb.
baffadeur luy répondit,
Que s'il avoit eſté queſtion
d'une Ambaffade àla Chine
ou au Mogol , pour quelque
Negociation importante
, le Roy ſon Maistre
auroit fait choix de quelque
Sujet plus capable d'y réûffir,
mais que ne s'agiſſant
quede reſpects,Sa Majesté
Siamoiſe avoit crû ne pou
voir choisir uneperſonne qui
répondist mieux àfon Zele
& à ſes intentions ; qu'il
n'avoit point d'autres in
de Siam.
37
ſtructions àſuivre que les
ordres que luy apporteroient
ceux qui le viendroient
trouver de la part du Roy ,
Es que comme apparemment
c'estoit M' Storf qui
les apportoit , il estoit prest
de faire tout ce qu'il luy dir
roit. esqu' ainſiil estoitſeur
deſe bien acquiter de fon
Ambaſſade , puis qu'il ne
feroit que ce qui luy seroit
prescrit , & que s'il manquoit
en quelque chose , la
faute viendroit de ceux qui
38 Voyage des Amb.
luy donneroient les ordres ,
&non pas de luy Dans un
autre temps il dit à M
Storf, aprésluy avoir parlé
du plaifir que le Roy de
Siam s'eftoit fait de paffer
par deffus toutes les coûtumes
& les formalitez
ordinaires , pour recevoir
l'Ambaſſadeur de France
avec plus d'éclat , Que le
Roy Son Maistre avoit
cherchéavectant d'ardeur,
à faire des honneurs extraordinaires
àM' le Che
de Siam.
39
valier de Chaumont , que
que ſi un homme d'esprit
comme luy , qui auroit ſté
à Siam , luy avoit donné
de nouveaux moyens pour
- faire encore plus , il l'auroit
. comblé de biens , quoy qu'il
Sceuſt qu'il n'en avoit pas
besoin .
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Résumé : Arrivée de M. Storf pour les recevoir de la part du Roy avec les complimens faits de part & d'autre, & plusieurs choses remarquables dites par les Ambassadeurs. [titre d'après la table]
Le texte décrit le voyage des ambassadeurs de Siam en France. Ils étaient accompagnés de huit mandarins et vingt domestiques et devaient initialement embarquer avec le Chevalier de Chaumont. Cependant, certains membres de la délégation n'ont pas pu arriver à temps. Treize jours plus tard, Monsieur Storf, gentilhomme ordinaire de la Maison du Roi, a été envoyé par Sa Majesté pour les accompagner et leur rendre les honneurs dus à des ambassadeurs d'un puissant roi. Les difficultés des chemins, notamment en Bretagne, ont empêché l'utilisation d'équipages. Des ordres ont été donnés aux gouverneurs et intendants pour fournir les voitures nécessaires. Monsieur Storf a expliqué que le Roi de France avait choisi de ne pas envoyer un gros équipage pour éviter la fatigue des ambassadeurs et utiliser des moyens de transport locaux plus commodes. Les ambassadeurs ont exprimé leur désir de voir le Roi de France le plus tôt possible. Monsieur Storf a complimenté le choix du Roi de Siam de l'envoyer en France, et les ambassadeurs ont assuré qu'ils suivraient les ordres du Roi de France. Ils ont également mentionné les efforts du Roi de Siam pour offrir des honneurs extraordinaires au Chevalier de Chaumont.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 145-171
Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Début :
Comme les Ambassadeurs n'avoient pas encore eu Audience, ils [...]
Mots clefs :
Paris, France, Chine, Maladie du roi, Roi, Audience, Procession, Abbé de La Mothe, Office, Ambassadeurs, Entrer, Manger, Église, Parlement, Monde, Lettre, Femmes, Religion, Jardins, Père de La Chaise, Hôtel des ambassadeurs, Église de Notre-Dame de Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Comme les Ambaſsadeurs
n'avoient pas encore
eu Audience , ils crurent
ne devoir point pa
roiftre en public avant
que d'avoir falué Sa Majeſté
,& ainſi ils demanderent
qu'on ne laiſsaſt entrer
perſonne pour les
dvoir manger. L'ordre en
fut donné , & la connoif
fance qu'on en eur , empefcha
les curieux de fe
33 20 7653333330 27N 28
146 Voyage des Amb.
preſenter à la porte de
leur Hoſtel ; mais quoy
qu'ils euſſent reſolu de
n'en point fortir juſqu'au
jour de l'Audience , on jugea
neanmoins a propos
de leur faire voir la Proceffion
qu'on fait tous les
ans a Noftre-Dame le
jourde l'Aſsomption, parce
qu'elle édifie beaucoup
,& que ne ſe faiſant
qu'une fois l'année , ils
s'en retourneroient fans
la voir s'ils ne prenoient
pas cette occafion. On
de Siam. 147
laiſſa à M l'Abbé de la
Mothe , grand Archidiadf
cre , le ſoin de faire les
honneurs du Chapitre. Il
reſolut qu'avant que de
faire entrer les Ambaffa-
- deurs dans l'Eglife , ils
viendroient ſe repofer
| chez luy , & qu'ils y feroient
collation en atten-
0
ar
dant que l'Office fuſt preſt
■ à commencer . Il fit tout
1 preparer pour cela , mais
inutilement , car la foule
ſe trouva fi grande dans
Nij
148 Voyage des Amb.
le Cloiſtre , qu'il fut impoffible
d'approcher de
fon logis , de forte qu'il
falur aller droit à l'Eglife .
On les conduifit d'abord
devant le Grand Autel,
où voyant que M'l'Abbé
de la Mothe , & M² Stolf
s'agenouilloient , ils ſe mirent
auffi à genoux . On
monta enſuite au Jubé
que M'l'Abbé de la Mothe
avoit fait preparer
pour eux , & où l'on n'avoit
laiſſe entrer perfonne.
Ils confidererent toude
Siam. 149
tel'Eglife avec une applim
di
cation que je ne puis vous
repreſenter. Ils endemanderent
la hauteur , & la
largeur , & témoignerent
or
mefme qu'on leur feroit
-el
b
un fort grand plaifir fi on
leur en donnoit lePlan. La
ol
Muſique leur parut tres-
1 belle ,& ils firent par leur
11
b
10
r
Interprete pluſieurs quer
ſtions à M. l'Abbé de la
* Morhe , qui les éclaircit
de ce qu'ils fouhaitoient
12
UC
مح
fçavoir là- deſſus. Ils de-
Niij
150 Voyage des Amb.
manderent auſſi qu'on
leur expliquaſt quelques
Ceremonies , qui regardoient
l'Office , & l'on fatisfit
leur curiofité , auffibien
que celle qu'ils eurent
de vouloir apprendre
ce que c'eſt que l'Orgue
qu'ils écouterent avec
une grande attention,
& fur laquelle ils firent
des demandes pleines d'efprit.
Is firent mille remercimens
à M. l'Abbé de la
Mothe de la peine qu'il ſe
de Siam. ISE
1.
1-
Ia
1,
d
A
e
donnoit de leur expliquer
toutes ces chofes , & le
premier Ambaſſadeur luy
offrit du Betel , je vous
en ay déja parlé dans ma
Relation de Siam . Ils en
machent auſſi ſouvent ,
que prennent icy du Tabac
en poudre ceux qui
l'aiment davantage , &
qui ont toujours la Tabatiere
à la main . Le Be-
.tel fortifie l'estomach , ८
rend l'haleine plus douce.
L'Office eftant finy , on fir
Niiij
152 Voyage des Amb.
la Proceffion, ou fe trouvent
les Chanoines de fix
Chapitres de Paris , fans
compter ceux de Noftre-
Dame , avec le Parlement
&la Ville en Corps . Comme
cette Proceffion eft
fort celebre , & fort auguſte
, M' l'Archeveſque
de Paris y aſſiſte. Jamais
on n'a regardé plus attentivement
aucune Ceremonie
, que les Ambaſſadeurs
firent cette Proceffion
,&jamais on n'a fait
I
de Siam.
153
S
dequeſtions plus fpirituelles
que X celles qu'ils firent,
fur tout pour ſçavoir ce
e que fignifioit la difference
t
t
des habits des Prefidens
& des Confeillers , & de
ceux du Parlement & de
Meffieurs de Ville . Ils
n'en demeurerent pas là ;
car comme on leur parla
1. des differentes Chambres
e
2.
S
du Parlement , comme de
a. la grand Chambre , des
1. Enqueſtes , des Requeſtes,
it ainſi que de la Chambre
154- Voyagedes Amb.
des Comptes , & de la
Cour des Aydes , ils s'informerent
de la fonction
de tous ces Corps , ce
qui ne leur pût eſtre expliqué
qu'en peu de paroles
, à cauſe du peu de
temps que l'on avoit pour
cela ; M'le Doyen , &
pluſieurs Chanoines , les
vinrent falüer au Jubé, &
ils les receurent avec des
honneſtetez qu'il feroit
difficile d'exprimer . En
fortant ils ſe mirent à gede
Siam. 155
a
-
n
a.
汇
noux devant l'Autel de
la Vierge , & dirent qu'ils
avoient esté tellement édifiez
de ce qu'ils avoient
vû, &fur tout de l' air dont
M'l'Archevesque avoit
fait l'Office , que nonſeulement
ils estoient prefts de
demeurer pour l'entendre
encore, s'il vouloit recommencer,
maisque s'il officioit
quatre fois par jour , 5.
qu'ils puſſent y aßifter autant
de fois , ils le feroient
avec beaucoup de plaisir.
156 Voyage des Amb.
Ils s'en retournerent fi
fatisfaits , & fi remplis de
toutes les chofes qu'ils avoient
veuës , qu'ils employerent
quatre Secreraires
tout le foir , pour
écrire leurs remarques.
Je vous ay déja appris
que le ſecond Ambaffadeur
a eſté en Ambaffade
à la Chine de la part du
Roy de Siam. Comme
c'eft un homme de bon
efprit , fage& fort fincere
, on a voulu ſçavoir de
de Siam.
157
-
iluy la difference qu'il faifoit
de ces deux Erats . Il a
dit qu'il y avoit beaucoup
de monde en la Chine ; que
les bords des Rivieres y efsoient
beaucoup plus peuplez
que le reſte du Païs ,
5 que si la France estoit
à proportion außi peuplée
4 dans toutes ſes Campagnes
quelle l'estoit le long des
bords de la Loire qu'il avoit
vûs, il y avoit autant
de monde en France qu'en
S
1
la Chine , à proportion de
158 Voyage des Amb.
l'étendue de l'unes de l'autre
Etat ; que ſuivant même
ce qu'il venoit de dire ,
on devoit croire qu'ily en a
davantage en France; mais
que ce qui les égaloit , au
moins felon ce qu'il avoit
vû , estoit que la Chine luy
avoit paru peuplée , ainsi
que je viens de vous marquer,
quoy qu'il n'eust point
vû de Femmes , parce qu'-
elles ne s'y montrent point.
Il dit à l'égard de Paris ,
& de la Capitale de la
de Siam.
159
111
re
all
Chine , qu'il avoit vû autant
d'hommes à Pequin ,
qui est le nom de cette Cappiittaallee,,
que d'hommes es de
femmes ensemble à. Paris.
Il peut dire vray , mais il
peut auſſi ſe tromper,
1) n'ayant pas encore affez
vù Paris pour en juger.
Il en parle fur deux chofes
; fur ce qu'il a vû le
jour qu'il fit ſon Entrée ,
&ce qu'il vit dans Noſtre
me&aux environs le jour
nt
s
I de l'Afſomption . A l'égard
150 Voyage des Amb.
des Jardins , que ceux qui
ont fait imprimer des
Voyages de la Chine ,
vantent tant , il affcure
qu'ils font infiniment plus
beaux en France , comme
beaucoup d'autres chofes
. Il faut remarquer que
lors qu'il a parlé ainfi , il
n'avoit point eu Audience
, ny vù les Jardins
de Versailles & de Saint
Cloud;& que ce qu'il dit
à l'égarddu peuple de Paris
feulement , parce qu'il
de Siam. 161
ne l'a pas encore tout vù,
de eſt avantageux à la France
, puis que fa fincerité
ne
paroiffant par là ( au lieu
que d'autres flateroient
m
10
;
el
al
d
Pa
ceux du Pays où ils font )
fait connoiſtre qu'il dit
vray , lors qu'il nous donne
l'avantage fur d'autres
articles..
Quoy que lesAmbaffa
deurs euffent refolu de ne
manger en publicqu'aprés
avoir euAudienceduRoy,
ils ne laiſserentpas de voir
162 Voyage des Amb.
,
quelques Perſonnes diftinguées.
Ils font ſi reconnoifſans
que dés que
parmy beaucoup d'autres,
ils apercevoient quelqu'un
de ceux qui les avoient
reçeusſur leur rou
te avec plus d'affection
que
que d'autres, ils les demêloient
auſſi- toft , leur parloient
les premiers , &
leur faifoient cent careffes
. On ne peut exprimer
celles qu'ils firent à Madame
l'Intendante de
de Siam. 163
1
Je
U
a
UA
e
r
&
de
Breſt , lors qu'ils la virent
à Paris . Ils ne fe contentent
pas de trouver à leur
gouſt les Metsqu'on aprête
en France , ils veulent
ſçavoir de quoy ils font
compofez , & font aporter
devant eux tout ce
qui entre dans les Ragoufts
les plus délicats
non pour le defir d'avoir
de quoy manger délicatement,
mais pour ne s'em
pas retourner en leur Païs
fans y porter tout ce qui
O ij
164 Voyage des Amb.
regarde les Arts , & les
Coûtumes de France , &
afin de nerien oublier, ils
ont mefme greffé des Arbres
dans le Jardin de
l'Hoſtel des Ambaſſadeurs.
Ce qu'ils fouhairent
le plus d'emporter
d'icy , & qu'ils préferent
à ce qu'on leur pourroit
donner de plus précieux ,
& de plus riche , ce font
des Cartes du Royaume ,
des Plans des Places fortes
,&des Maiſons Royade
Siam. 165
les , des Tableaux ou des
3 Eſtampes , où le Roy
| foit à la teſte de ſes Armées,
d'autres qui leur redeprefentent
, les Armées
1. Navales de Sa Majefté,&
d'autres où ils puiſſent
et voir toutes fes Chaffes .Le
nt Pere de la Chaife , en leur
bit rendant une ſeconde vifite
à Paris , leur fit preſent
de liqueurs , & leur dit ,
2. Que le Roy avoit beaucoup
r. de joye , de ce qu'il entendoit
-2. dire tous les jours d'eux & a
166 Voyage des Amb.
de leur esprit. Lors qu'ils
eſtoient fur le point d'avoir
Audience , le Roy fut
attaqué d'une fiévre quarte,
& ce futalors qu'ils redoublerent
leurs inſtances
pour ne voir perfonne
; ils dirent Que voir du
monde d'eftoit se divertir,
qu'ils ne devoient prendre
aucun plaisir tant que la
Ma'adre du Roy dureroit .
S'ils en uſent de cette maniere
pour un Monarque
dont ils ne font pas nez
A
n
Dolinar Del F
de Siam.
167
Sujets , vous pouvezjuger
de ce qu'ils font pour leur
Souverain . Le profond
refpect qu'ils ont pour luy
leur en a fait rendre un
tres grand à la Lettre dont
il les avoit chargez , pour
l'apporter à Sa Majefté.
Elle estoit placée à l'Hô
tel des Ambaſſadeurs ,
dans le fond de la Ruelle
du Lit de Parade du premier
Ambaſſadeur , de la
maniere que vous la
yoyez dans la Planche
168 Voyage des Amb.
que je vous envoye , &
que j'ay fait deffiner exprés
fur le lieu. On l'avoit
enfermée dans trois
Boëtes . Celle de deffus étoit
de bois verny du Japon;
la feconde d'argent,
& la troifiéme d'or. La
Lettre qui estoit écrite
fur une Lame d'or roulée,
les Roys de Siam n'écrivant
jamais que fur l'or ,
eſtoit dans cette derniere .
Toutes cesBoëtes estoient
couvertes d'un Brocard
d'or
de Siam. 169
1
d'or , & fermées avec le
Sceau du premier Ambaffadeur
qui estoit en Cire
blanche. Les Ambaſſadeurs
mettoient tous les
jours des fleurs nouvelles
deffus ,& toutes les fois
qu'ils paffoient devant
cette Lettre , ils faifoient
de profondes inclinations .
Quoy qu'ils n'ayent point
icy de Talapoins , ils ne
laiſsent pas d'y faire des
exercices de leur Religion
. Ils se mettent à ge
0
P
170 Voyagedes Amb.
noux , élevent les mains
pluſieurs fois,& touchent
la terre de la teſte. Ils diſent
qu'on a rapporté
beaucoup de choſes de
leur Religion qui ne font
pas vrayes , qu'ils font
pluſieurs de Meditations
dont les principales font,
de faire reflexion fur ce
que le Mary doit à ſaFemme
, & la Femme à fon
Mary , le Pere à fon Fils ,
le Fils a fon Pere,& l'Amy
à fon Amy ,& que le plus
de Siam. 171
S
t
1
e
e
t
S
vertueux eft parmy eux
le plus ſaint.
n'avoient pas encore
eu Audience , ils crurent
ne devoir point pa
roiftre en public avant
que d'avoir falué Sa Majeſté
,& ainſi ils demanderent
qu'on ne laiſsaſt entrer
perſonne pour les
dvoir manger. L'ordre en
fut donné , & la connoif
fance qu'on en eur , empefcha
les curieux de fe
33 20 7653333330 27N 28
146 Voyage des Amb.
preſenter à la porte de
leur Hoſtel ; mais quoy
qu'ils euſſent reſolu de
n'en point fortir juſqu'au
jour de l'Audience , on jugea
neanmoins a propos
de leur faire voir la Proceffion
qu'on fait tous les
ans a Noftre-Dame le
jourde l'Aſsomption, parce
qu'elle édifie beaucoup
,& que ne ſe faiſant
qu'une fois l'année , ils
s'en retourneroient fans
la voir s'ils ne prenoient
pas cette occafion. On
de Siam. 147
laiſſa à M l'Abbé de la
Mothe , grand Archidiadf
cre , le ſoin de faire les
honneurs du Chapitre. Il
reſolut qu'avant que de
faire entrer les Ambaffa-
- deurs dans l'Eglife , ils
viendroient ſe repofer
| chez luy , & qu'ils y feroient
collation en atten-
0
ar
dant que l'Office fuſt preſt
■ à commencer . Il fit tout
1 preparer pour cela , mais
inutilement , car la foule
ſe trouva fi grande dans
Nij
148 Voyage des Amb.
le Cloiſtre , qu'il fut impoffible
d'approcher de
fon logis , de forte qu'il
falur aller droit à l'Eglife .
On les conduifit d'abord
devant le Grand Autel,
où voyant que M'l'Abbé
de la Mothe , & M² Stolf
s'agenouilloient , ils ſe mirent
auffi à genoux . On
monta enſuite au Jubé
que M'l'Abbé de la Mothe
avoit fait preparer
pour eux , & où l'on n'avoit
laiſſe entrer perfonne.
Ils confidererent toude
Siam. 149
tel'Eglife avec une applim
di
cation que je ne puis vous
repreſenter. Ils endemanderent
la hauteur , & la
largeur , & témoignerent
or
mefme qu'on leur feroit
-el
b
un fort grand plaifir fi on
leur en donnoit lePlan. La
ol
Muſique leur parut tres-
1 belle ,& ils firent par leur
11
b
10
r
Interprete pluſieurs quer
ſtions à M. l'Abbé de la
* Morhe , qui les éclaircit
de ce qu'ils fouhaitoient
12
UC
مح
fçavoir là- deſſus. Ils de-
Niij
150 Voyage des Amb.
manderent auſſi qu'on
leur expliquaſt quelques
Ceremonies , qui regardoient
l'Office , & l'on fatisfit
leur curiofité , auffibien
que celle qu'ils eurent
de vouloir apprendre
ce que c'eſt que l'Orgue
qu'ils écouterent avec
une grande attention,
& fur laquelle ils firent
des demandes pleines d'efprit.
Is firent mille remercimens
à M. l'Abbé de la
Mothe de la peine qu'il ſe
de Siam. ISE
1.
1-
Ia
1,
d
A
e
donnoit de leur expliquer
toutes ces chofes , & le
premier Ambaſſadeur luy
offrit du Betel , je vous
en ay déja parlé dans ma
Relation de Siam . Ils en
machent auſſi ſouvent ,
que prennent icy du Tabac
en poudre ceux qui
l'aiment davantage , &
qui ont toujours la Tabatiere
à la main . Le Be-
.tel fortifie l'estomach , ८
rend l'haleine plus douce.
L'Office eftant finy , on fir
Niiij
152 Voyage des Amb.
la Proceffion, ou fe trouvent
les Chanoines de fix
Chapitres de Paris , fans
compter ceux de Noftre-
Dame , avec le Parlement
&la Ville en Corps . Comme
cette Proceffion eft
fort celebre , & fort auguſte
, M' l'Archeveſque
de Paris y aſſiſte. Jamais
on n'a regardé plus attentivement
aucune Ceremonie
, que les Ambaſſadeurs
firent cette Proceffion
,&jamais on n'a fait
I
de Siam.
153
S
dequeſtions plus fpirituelles
que X celles qu'ils firent,
fur tout pour ſçavoir ce
e que fignifioit la difference
t
t
des habits des Prefidens
& des Confeillers , & de
ceux du Parlement & de
Meffieurs de Ville . Ils
n'en demeurerent pas là ;
car comme on leur parla
1. des differentes Chambres
e
2.
S
du Parlement , comme de
a. la grand Chambre , des
1. Enqueſtes , des Requeſtes,
it ainſi que de la Chambre
154- Voyagedes Amb.
des Comptes , & de la
Cour des Aydes , ils s'informerent
de la fonction
de tous ces Corps , ce
qui ne leur pût eſtre expliqué
qu'en peu de paroles
, à cauſe du peu de
temps que l'on avoit pour
cela ; M'le Doyen , &
pluſieurs Chanoines , les
vinrent falüer au Jubé, &
ils les receurent avec des
honneſtetez qu'il feroit
difficile d'exprimer . En
fortant ils ſe mirent à gede
Siam. 155
a
-
n
a.
汇
noux devant l'Autel de
la Vierge , & dirent qu'ils
avoient esté tellement édifiez
de ce qu'ils avoient
vû, &fur tout de l' air dont
M'l'Archevesque avoit
fait l'Office , que nonſeulement
ils estoient prefts de
demeurer pour l'entendre
encore, s'il vouloit recommencer,
maisque s'il officioit
quatre fois par jour , 5.
qu'ils puſſent y aßifter autant
de fois , ils le feroient
avec beaucoup de plaisir.
156 Voyage des Amb.
Ils s'en retournerent fi
fatisfaits , & fi remplis de
toutes les chofes qu'ils avoient
veuës , qu'ils employerent
quatre Secreraires
tout le foir , pour
écrire leurs remarques.
Je vous ay déja appris
que le ſecond Ambaffadeur
a eſté en Ambaffade
à la Chine de la part du
Roy de Siam. Comme
c'eft un homme de bon
efprit , fage& fort fincere
, on a voulu ſçavoir de
de Siam.
157
-
iluy la difference qu'il faifoit
de ces deux Erats . Il a
dit qu'il y avoit beaucoup
de monde en la Chine ; que
les bords des Rivieres y efsoient
beaucoup plus peuplez
que le reſte du Païs ,
5 que si la France estoit
à proportion außi peuplée
4 dans toutes ſes Campagnes
quelle l'estoit le long des
bords de la Loire qu'il avoit
vûs, il y avoit autant
de monde en France qu'en
S
1
la Chine , à proportion de
158 Voyage des Amb.
l'étendue de l'unes de l'autre
Etat ; que ſuivant même
ce qu'il venoit de dire ,
on devoit croire qu'ily en a
davantage en France; mais
que ce qui les égaloit , au
moins felon ce qu'il avoit
vû , estoit que la Chine luy
avoit paru peuplée , ainsi
que je viens de vous marquer,
quoy qu'il n'eust point
vû de Femmes , parce qu'-
elles ne s'y montrent point.
Il dit à l'égard de Paris ,
& de la Capitale de la
de Siam.
159
111
re
all
Chine , qu'il avoit vû autant
d'hommes à Pequin ,
qui est le nom de cette Cappiittaallee,,
que d'hommes es de
femmes ensemble à. Paris.
Il peut dire vray , mais il
peut auſſi ſe tromper,
1) n'ayant pas encore affez
vù Paris pour en juger.
Il en parle fur deux chofes
; fur ce qu'il a vû le
jour qu'il fit ſon Entrée ,
&ce qu'il vit dans Noſtre
me&aux environs le jour
nt
s
I de l'Afſomption . A l'égard
150 Voyage des Amb.
des Jardins , que ceux qui
ont fait imprimer des
Voyages de la Chine ,
vantent tant , il affcure
qu'ils font infiniment plus
beaux en France , comme
beaucoup d'autres chofes
. Il faut remarquer que
lors qu'il a parlé ainfi , il
n'avoit point eu Audience
, ny vù les Jardins
de Versailles & de Saint
Cloud;& que ce qu'il dit
à l'égarddu peuple de Paris
feulement , parce qu'il
de Siam. 161
ne l'a pas encore tout vù,
de eſt avantageux à la France
, puis que fa fincerité
ne
paroiffant par là ( au lieu
que d'autres flateroient
m
10
;
el
al
d
Pa
ceux du Pays où ils font )
fait connoiſtre qu'il dit
vray , lors qu'il nous donne
l'avantage fur d'autres
articles..
Quoy que lesAmbaffa
deurs euffent refolu de ne
manger en publicqu'aprés
avoir euAudienceduRoy,
ils ne laiſserentpas de voir
162 Voyage des Amb.
,
quelques Perſonnes diftinguées.
Ils font ſi reconnoifſans
que dés que
parmy beaucoup d'autres,
ils apercevoient quelqu'un
de ceux qui les avoient
reçeusſur leur rou
te avec plus d'affection
que
que d'autres, ils les demêloient
auſſi- toft , leur parloient
les premiers , &
leur faifoient cent careffes
. On ne peut exprimer
celles qu'ils firent à Madame
l'Intendante de
de Siam. 163
1
Je
U
a
UA
e
r
&
de
Breſt , lors qu'ils la virent
à Paris . Ils ne fe contentent
pas de trouver à leur
gouſt les Metsqu'on aprête
en France , ils veulent
ſçavoir de quoy ils font
compofez , & font aporter
devant eux tout ce
qui entre dans les Ragoufts
les plus délicats
non pour le defir d'avoir
de quoy manger délicatement,
mais pour ne s'em
pas retourner en leur Païs
fans y porter tout ce qui
O ij
164 Voyage des Amb.
regarde les Arts , & les
Coûtumes de France , &
afin de nerien oublier, ils
ont mefme greffé des Arbres
dans le Jardin de
l'Hoſtel des Ambaſſadeurs.
Ce qu'ils fouhairent
le plus d'emporter
d'icy , & qu'ils préferent
à ce qu'on leur pourroit
donner de plus précieux ,
& de plus riche , ce font
des Cartes du Royaume ,
des Plans des Places fortes
,&des Maiſons Royade
Siam. 165
les , des Tableaux ou des
3 Eſtampes , où le Roy
| foit à la teſte de ſes Armées,
d'autres qui leur redeprefentent
, les Armées
1. Navales de Sa Majefté,&
d'autres où ils puiſſent
et voir toutes fes Chaffes .Le
nt Pere de la Chaife , en leur
bit rendant une ſeconde vifite
à Paris , leur fit preſent
de liqueurs , & leur dit ,
2. Que le Roy avoit beaucoup
r. de joye , de ce qu'il entendoit
-2. dire tous les jours d'eux & a
166 Voyage des Amb.
de leur esprit. Lors qu'ils
eſtoient fur le point d'avoir
Audience , le Roy fut
attaqué d'une fiévre quarte,
& ce futalors qu'ils redoublerent
leurs inſtances
pour ne voir perfonne
; ils dirent Que voir du
monde d'eftoit se divertir,
qu'ils ne devoient prendre
aucun plaisir tant que la
Ma'adre du Roy dureroit .
S'ils en uſent de cette maniere
pour un Monarque
dont ils ne font pas nez
A
n
Dolinar Del F
de Siam.
167
Sujets , vous pouvezjuger
de ce qu'ils font pour leur
Souverain . Le profond
refpect qu'ils ont pour luy
leur en a fait rendre un
tres grand à la Lettre dont
il les avoit chargez , pour
l'apporter à Sa Majefté.
Elle estoit placée à l'Hô
tel des Ambaſſadeurs ,
dans le fond de la Ruelle
du Lit de Parade du premier
Ambaſſadeur , de la
maniere que vous la
yoyez dans la Planche
168 Voyage des Amb.
que je vous envoye , &
que j'ay fait deffiner exprés
fur le lieu. On l'avoit
enfermée dans trois
Boëtes . Celle de deffus étoit
de bois verny du Japon;
la feconde d'argent,
& la troifiéme d'or. La
Lettre qui estoit écrite
fur une Lame d'or roulée,
les Roys de Siam n'écrivant
jamais que fur l'or ,
eſtoit dans cette derniere .
Toutes cesBoëtes estoient
couvertes d'un Brocard
d'or
de Siam. 169
1
d'or , & fermées avec le
Sceau du premier Ambaffadeur
qui estoit en Cire
blanche. Les Ambaſſadeurs
mettoient tous les
jours des fleurs nouvelles
deffus ,& toutes les fois
qu'ils paffoient devant
cette Lettre , ils faifoient
de profondes inclinations .
Quoy qu'ils n'ayent point
icy de Talapoins , ils ne
laiſsent pas d'y faire des
exercices de leur Religion
. Ils se mettent à ge
0
P
170 Voyagedes Amb.
noux , élevent les mains
pluſieurs fois,& touchent
la terre de la teſte. Ils diſent
qu'on a rapporté
beaucoup de choſes de
leur Religion qui ne font
pas vrayes , qu'ils font
pluſieurs de Meditations
dont les principales font,
de faire reflexion fur ce
que le Mary doit à ſaFemme
, & la Femme à fon
Mary , le Pere à fon Fils ,
le Fils a fon Pere,& l'Amy
à fon Amy ,& que le plus
de Siam. 171
S
t
1
e
e
t
S
vertueux eft parmy eux
le plus ſaint.
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Résumé : Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam, en attente de leur audience avec le roi de France, décidèrent de ne pas apparaître en public avant cette rencontre et demandèrent que personne ne les voie manger. Ils furent invités à assister à la procession annuelle de l'Assomption à Notre-Dame, où ils furent accueillis par l'abbé de la Mothe. La foule les obligea à se rendre directement à l'église. À l'intérieur, ils montrèrent un grand intérêt pour l'architecture de l'église, posant des questions sur sa hauteur et sa largeur et exprimant le désir d'obtenir un plan. Ils furent également impressionnés par la musique et l'orgue, posant des questions détaillées à l'abbé de la Mothe. Après l'office, ils observèrent attentivement les différences dans les habits des dignitaires et reçurent plusieurs d'entre eux avec honneur. Les ambassadeurs étaient très reconnaissants et curieux, posant des questions sur divers aspects de la religion et des cérémonies. Ils offrirent du bétel à l'abbé de la Mothe, expliquant ses bienfaits. Après la procession, ils s'agenouillèrent devant l'autel de la Vierge, déclarant qu'ils auraient aimé assister à d'autres offices. Ils employèrent quatre secrétaires pour noter toutes leurs observations. Le second ambassadeur, ayant été en mission en Chine, compara les deux pays, notant que la France semblait aussi peuplée que la Chine, bien qu'il n'ait pas vu de femmes en Chine. Il trouva les jardins français plus beaux que ceux de la Chine. Les ambassadeurs rencontrèrent plusieurs personnes distinguées et leur firent des marques d'affection, malgré leur résolution de ne pas manger en public avant l'audience royale. Ils étaient également intéressés par la composition des mets français et voulurent tout apprendre sur les arts et coutumes de France. Ils plantèrent même des arbres dans le jardin de leur hôtel pour ne rien oublier. Lorsqu'ils furent sur le point d'avoir audience, le roi tomba malade, et ils redoublèrent leurs instances pour ne voir personne, montrant un profond respect pour leur souverain. La lettre qu'ils devaient remettre au roi de France était placée dans trois boîtes emboîtées, la dernière en or, et était écrite sur une lame d'or. Ils faisaient des inclinations profondes chaque fois qu'ils passaient devant cette lettre. Malgré l'absence de talapoins en France, ils pratiquaient leur religion en se mettant à genoux et en touchant le sol avec leur tête. Ils méditaient sur les devoirs familiaux et amicaux, considérant la vertu comme la sainteté suprême.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 171-225
Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Début :
Le Roy estant guery de la Fiévre-quarte, dont il [...]
Mots clefs :
Roi, Roi de Siam, Trône, Audience, Ambassadeur, Ambassadeurs, Gardes du corps, Prince, Galerie, Duc de La Feuillade, Dauphin, Gardes de la porte, Suisses, Bonnets, Fleurs, Inclinations, Religion, Parler, France, Officiers, Versailles, Gardes françaises, Louvre, Trompettes, Compliments, Cérémonies, Maison royale
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texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Le Roy estant guery de
la Fiévre- quarte , dont il
ayoit eu quelques accés ,
declara qu'il donneroit
Audience aux Ambaſſadeus
le premier jour de
Septembre . Ce jour - là
M'le Maréchal Duc de la
Feuillade, M'de Bonneuil,
Introducteur des Ambaffadeurs
, &M* Giraut, qui
맥 l'accompagne toujours
dans cette fonction , les
Pij
172 Voyage des Amb.
allerent prendre à l'Ho
ſtel des Ambaſſadeurs ,
dans les Caroffes du Roy,
& de Madame la Dauphine
, avec pluſieurs autres
Caroſſes de ſuite. M.
de la Feuillade leur marqua
la joye qu'il avoit de
les venir querir pour les
mener à l'Audience du
Roy , & leur dit qu'il auroit
l'honneur deles conduire
à toutes les Audiences
que leur donneroit Sa
Majefté. Le premier Amde
Siam.
173
.
a
baffadeur luy fit connoiſtre
l'extrême paffion qu'-
ils avoient de voir le Roy,
&luy dit, Que cet heureux
jour, pour lequel ils avoient
traverſé tant de Mers ,
estoit enfin arrivé Ils monterent
enfuite dans le Caroffe
du Roy , qui fut environné
de pluſieurs Va-
Iets de pied de Sa Majeſté
, & précedé par ceux
de M. de la Feuillade. Ils
s'entretinrent pendant la
plus grande partie du che-
Pij
174 Voyage des Amb.
min de la Religion des Siamois
, dont M. de la Feuillade
demanda les particularitez
. L'Ambaffadeur
luy répondit avec beaucoup
d'eſprit , Que tout ce
qu'on diſoit d'une Religion
inconnuë devoit d'abord
paroiftre ridicule à des per
Sonnes qui n'en avoient
nulle connoiffance , & qui
en profefforent une autre ,
parce qu'il eft naturel de
croire toûjours la Religion
que l'on a embraßee , 04
deSiam.
175
汇
dans laquelle on est né , la
1 meilleure de toutes , esqu'-
+ enfin il falloit plus de temps
pour parler à fond fur une
Afi grande matiere, &entrer
dans des details qui de
mandoient plus d'application
qu'ils n'en pouvoient
alors donner; qu'autrement
201
e
01
les choses les plus réelles pa-
* roiſſoient fans fondement
Es sans vray -Semblance..
Aprés cela ilsentrerent.en
10
conversation, & l'Ambaf_
fadeur ayant expliqué à
Pij
176 Voyage des Amb.
peu prés les chofes que je
vous ay déja marquées ſur
leur Religion , en ajoûta
trois , qu'il dit en eſtre les
trois principaux points ,
qui font, l'Amour des Ennemis
, l'Humilité , & la
Penitence.
Comme on ne peut aller
à Versailles fans voir
Saint Cloud & Meudon ,
& que ces Maiſons paroiffent
beaucoup , on dit
à l'Ambaſſadeur que l'une
appartenoit à Monfieur,
deSiam. 177
1
Frere unique de Sa Majeſté
, & l'autre à M. de
Louvois , Miniſtre d'Etat .
Il dit qu'il ne s'étonnoit
point de voir de fi belles
- Maiſons dans le Royaume,
Essur tout aprés le haut
point de gloire où le Roy avoit
mis la France. Enfin
on arriva à Versailles par
la grande avenuë, aprés
une converſation toute
pleine d'eſprit. Il y avoit
e dans la premiere Court
r mille hommes du Regi
178 Voyage des Amb.
ment des Gardes Françoi
fes& Suiffes ſous les armes
. Ils estoient tous veftus
en Juſteau corps rouges
brodez , & formoient
cinq files de chaque cofté,
Enſeignes déployées , &
tous lesOfficiers laPique à
la main. Les Suiffes eftoiet
à droite , & les François
à gauche , mais fans qu'ils
changent de diſpoſition ,
les François fe trouvent à
la droite de ceux qui fortent
du Chafteau , & les
de Siam. 179
S
ر
a
es
Suiffes à la gauche . On dit
aux Ambaſſadeurs que
c'eſtoit la Garde ordinaire
de dehors , qui monte
tous les trois jours. On
trouva les Gardes de la
Porte, qui formoient deux
hayes au delà de la porte
de la feconde Court . Ces
Gardes font pour ouvrir
la porte à ceux dont les
Caroffes ont droit d'enrrer
dans le Louvre ; ils
ne la gardent point la
nuit , & à fix heures du
180 Voyage des Amb.
ſoir les Gardes du Corps
en prennent poffeffion .
Les Ambaſſadeurs furent
conduits dans une Salle
appellée la Salle de Def
cente. C'est un lieu où l'on
mene tous les Ambaſſadeurs
en attendant l'heure
de l'Audience . On leur
fervit à déjeuner , mais ils
ne voulurent point manger
; ils ſe laverent feulement
, car ils font d'une
propreté extraordinaire .
Ils mirent enfuire les Bonde
Siam. 181
nets qui marquent leur
Dignité , & dont je vous
ay déja parlé. Ils ont au
bas de ces Bonnets , des
Couronnes d'or larges de
deux à trois doigts , d'où
fortent des fleurs faites de
feuilles d'or tres- minces ,
au milieu deſquelles font
1 quelques Rubis à la place
de la graine . Comme les
feüilles d'or qui forment
ces fleurs font fort lege-
-fres , elles ont un mouvement
qui les fait paroiſtre
e.
182 Voyage des Amb.
toûjours agitées. Le troifiéme
Ambaſſadeur n'a
point de ces fleurs autour
de ſa Couronne , il n'a
qu'un Cercle d'or large
de deux grands doigts &
cizelé. Lors qu'ils faifoient
travailler à ces Couronnes
par un Orphévre de
Paris , cét Orphévre leur
ayant dit qu'elles eſtoient
bien legeres , le premier
Ambaſſadeur répondit ,
Qu'ils les faisoient faire
pour des hommes, & quefi
de Siam. 183
10
هللا
be
elles estoient plus lourdes, il
les faudroit donner à porter
àdesBeftes . Leshuit Mandarins
qui accompagnent
les Ambaſsadeurs,ont une
pareille coëfure de Moufſeline
, mais il n'y a point
de Couronne autour de
leurs Bonnets. Ceux à qui
ces marquesde dignitéont
eſté données , n'oferoient
paroiftre devant le Roy
de Siam ſans les avoir,
L'heure de l'Audience étant
venuë , l'Introduce
184 Voyage des7
Amb.
teur des Ambassadeurs les
vint avertir que le Roy étoit
preſt á ſe mettre dans
fon Trône , & qu'il eſtoit
temps de partir. Il faut remarquer
que la Salle où
ils eftoient , regarde prefque
l'Eſcalierpar lequel ils
devoient monter chez le
Roy , & que pour ſe rendre
à cét Efcalier , il falloit
qu'ils traverſaffent la
Court. Ils trouverent en
haye dans cette Court les
Gardes de la Prevoſté, &
de Siam. 185
lesCent- Suiſses en approchant
de l'Eſcalier . M
Giraut marchoit à la teſte
des Domeſtiques des Ambassadeurs
; M' de Blainville
, grand Maiſtre des
Ceremonies , M. de Bon-
1 neuil Introducteur des
Ambassadeurs , & M
- Stolff Gentilhomme or-
Idinaire de la Maiſon du
| Roy , & nommé par Sa
Majesté pour les accom- el
pagner pendant tout le
| temps qu'ils feront ent
உ
186 Voyage des Amb.
France , venoient enfuite.
La Lettre du Roy de Siam
eſtoit portée par douze
Suifses dans la mesme
machine qui estoit à la
ruelle du Lit du premier
Ambassadeur , & que je
vous ay déja fait voir
gravée , & l'on portoit
quatre Parasols pour
couvrir cette Machine.
On avoit ordonné que
pour faire honneur à cette
Lettre , ily auroit au pied
de l'Escalier , en dehors ,
1
1
de Siam. 187
e
trente-fix Tambours , &
و
vingt - quatre Trompetes.
Les trois Ambaſsa
deurs marchoient de
front avec M² de la Feuillade
, & l'on portoit auprés
d'eux les marques de
leur dignité , qui font de
grandes Boetes rondes cizelées
avec des couvercles
relevez . C'eſt le Roy
de Siam qui les donne , &
l'on ne paroiſt jamais de--
vant luy ſans les avoir..
Elles font differentes auf
4
Qij
188 Voyage des Amb.
fi- bien que les Couronnes
, & font connoiſtre le
rang de ceux à qui elles apartiennent.
LesCours du
Chasteau estoient toutes
remplies de monde pour
voir paffer les Ambaffadeurs
. Ils trouverent deux
hayes desCent Suiffes, fur
le grand Efcalier , dont les
Eaux joüoient & faifoient
plufieurs napes dans le
milieu. Ils le traverſerent
au bruit des Fanfares des
yingt- quatre Trompetes
de Siam.
197
a
les falüa auffi. On ne
ſçauroit rien repreſenter
où le reſpect puiſse eftre
plus marqué , qu'il
l'eſtoit fur le viſage des
Ambassadeurs & de tous
ceux de leur fuire. Ils l'imprimerent
dans tous les
coeurs , & cette extreme
veneration qu'ilsfirent paroiſtre
pour laPerſonne de
Sa Majesté, leur attira de
S
S
grandes loüanges. Le Roy
avoit à la droite de fon
Trône Monſeigneur le
Riij
198 Voyage des Amb.
Dauphin , Monfieur le
Duc de Chartres , Monfieur
le Duc de Bourbon,
& Monfieur le Comte
de Toulouſe ; & à fa gauche,
Monfieur , Monfieur
le Duc , & Monfieur le
Ducdu Maine . Sonhabit
eftoit brodé à plein. Il y
avoit deſsus pour plufieurs
millions de Pierreries
, leſquelles formoient
en beaucoup d'endroisles
ornemens de la broderie.
Tous les Princes avoient
de Siam.
199
۲
د
des habits ou brodez , ou
de brocards d'or tous
couverts de Pierreries.Celuy
de Monfieur eftoit
noir , à cauſe que ce Prince
porte le deuil, & cette
couleur donnant un plus
vif éclat aux Diamans
dont il eſtoit remply, il n'y
avoit rien de plus brillant..
L'habit de Monfieur le
Duc du Maine estoit auffi
【
S
diftingué par un tresgrand
nombre de Rubis .Tous les
حا
grands Officiers du Roy
ו
Riiij
200 Voyage des Amb.
M.le Duc de Montaufier,
& ceux qui ont des Survivances
, eſtoient derriere
Sa Majesté , & derriere
ces Princes. Aprés
les troifiémes inclinations
dont je vous viens de parler
, le premier Ambaffadeur
commença ſa Harangue
. Quand il eut achevé,
M'l'Abbé de Lionne
, qui l'avoit traduire ,
la lût en François . Comme
c'eſt une Piece qui
peut eftre dérachée , je la
de Siam. 201
referve pour la fin de cette
Relation , afin de n'interrompre
pas les particularitez
de l'Audience.
M² l'Abbé de Lionne
ayant ceffé de parler ,
le premier Ambaſſadeur
monta pour remettre la
Lettre du Roy de Siam
entre les mains de SaMajeſté.
Les deux autres l'accompagnerent
, mais ils
laifferent toûjours une
marche entre eux , & le
premier Ambaſſadeur; ain202
Voyagedes Amb.
fi ils n'approcherent pas fi
prés . Le Roy ſeleva pour
prendre la Lettre , & la
reçeut debout , &découvert.
Enfuite Sa Majesté
appella M² l'Abbé de
Lionne , & luy dit qu'il
demandaſt à l'Ambaffadeur
des nouvelles de la
Santé du Roy de Siam, &
en quel eſtat il l'avoit
laiſsé quandil eſtoit party.
Le Roy demanda auſſi des
nouvelles de la Santé de
la Princeſse Reyne , & a
de Siam. 203
1
prés les réponſes de l'Ambaſsadeur,
Sa Majesté luy
ba
dit , Que s'il avoit quelque
choſe à luy propoſer , il le
pouvoitfaire,esqu Elle l'écouteroit.
L'Ambassadeur
demeura fi penetré des
bontez du Roy , qu'il ne
répondit qu'en ſe profternant
le plus bas qu'il put,
Ils recommencerent tous
juſqu'à trois fois les mefmes
inclinations qu'ils avoient
faires en s'approchant
du Trône du Roy,
204 Voyage des Amb.
& fe retirerent ayant toujours
les mains jointes, &
marchant à reculons jufqu'au
bout dela Galerie .
Ils ne ſe retournerent que
lors qu'ils ne pûrent plus
voir le Roy , qui demeura
dans ſon Trônejuſqu'à ce
qu'ils fuſsent fortis de la
Galerie. Comme ils avoient
traverſé tous les
Appartemens fans tourner
les yeux d'aucun coſté
, ſe croyant à tous momens
fur le point de pa
de Siam. 189
2
S
qui ſuivirent. Quand on
fut au haut de l'Efcalier ,
le premier Ambaffadeur
prit dans la Machine un
Vaſe où l'on avoit mis la
Boëte d'or qui renfermoit
la Lettre du Roy fon
Maistre , & le donna à
porter au troifiéme Ambaſſadeur
, puis l'on entra
dans la premiere Salle
des Gardes . Les Gardes du
Corps estoient en haye,
& fort ferrez des deux
coftez des deux premieres
190 Voyage des Amb.
Salles du grand Aparte
ment du Roy . M'le Duc
de Luxembourg les receut
à la porte de la premiere
avec trente Officiers
des Gardes fort lettes
& en jufte-au- corps bleu.
Le compliment de M'de
Luxembourg eftant finy ,
il accompagna les Ambaffadeurs
avec tous les Officiers
de ſa fuite , juſques
au bout de la Galerie où
eſtoir le Trône du Roy ,
& les Trompetes qui é
de Siam. 191
toient entrez avec les
meſmes Ambaffadeurs
pour accompagner la Lettre
du Roy de Siam,&luy
faire plus d'honneur,joue
rent juſques au bout de
la ſeconde Salle où les
Gardes du Corps eſtoient
en haye , & ne pafferent
point dans le reſte de l'Appartement,
que tous ceux
que je vous ay marquez
traverſerent. Ils entrerent
enfuite dans le Salon qui
eſt au bout de l'Apparte
192 Voyage des Amb.
ment , & par lequel on
va dans la Galerie , &
dés qu'ils furent ſous la
grande Arcade qui la ſepare
de ce Salon , & d'où
l'on pouvoit voir le Roy
en face , ils firent trois
profondes inclinations , &
tenant leurs mains jointes
, ils les éleverent autant
de fois juſques à leur
front . Ils firent la meſme
choſe au milieu de la Galerie,
dans laquelle étoient
environ quinze cens perſonnes
deSiam.
193
ſonnes , ce quiformoit fix
à fept rangs de chaque
cofté,& malgré cette foule
M'le Duc d'Aumont,
premier Gentilhomme de
la Chambre d'année , &
qui en cette qualité commandoit
dans lesAppartemens
avoit fi bien pris
ſes meſures , que fix perſonnes
pouvoient paffer
de front dans l'eſpace qui
reftoit vuide au milieu de
la Galerie . Le Trône d'argent
du Roy estoit poſé
د
R
194 Voyage des Amb.
fur une Eſtrade elevée de
neuf marches , & les marches
eftoient couvertes
d'un Tapis à fonds d'or.
Il y en avoit encore un
plus riche ſur l'eſplanade
, & autour de ce Tapis
eftoit une campanne
en broderie qui débordoit
fur la neuvième marche.
Les coſtez de ces neuf
marches eftoient garnis
de grandes Torcheres
d'argent de neuf pieds de
haut,&par delà les mar
de Siam. 195
ches , en élargiſſant toujours
, il y en avoit environ
dans l'eſpace de quatorze
ou quinze pieds de
long, entremelez de grandes
Buires , & de grands
Vaſes d'argent . Cet efpace
eſtoit pour mettre la
fuite des Ambaſſadeurs .
Comme elle precedoit ,
elley fut rangée à droite
& à gauche par M'Giraut ,
& ceux qui la compofoient
ſe profternerent
auffi - toft .Ils auroient toû-
Rij
196 Voyage des Amb.
jours eu le viſage contre
terre , fi le Roy n'euſt
permis qu'ils le regardaffent.
Lors qu'on en parla
à Sa Majesté , Elle dit,
Qu'ils estoient venus de
trop loin pour ne leur pas
permettre de le voir Quand
les trois Ambaſſadeurs furent
au pied de l'Eſtrade ,
ils firent leurs troiſiémes
inclinations , & les firent
fi profondes , qu'on
peut dire , que leur tefte
toucha la terre ; le Roy
de Siam.
205
roiſtre devant le Roy, la
beauté & la richesse des
Appartemens les furprirent
en fortant, & cedant
alors à la curiofité , ils ſe
détacherent pour en regarder
les Meubles . On
leur dit qu'on les ameneroit
tout exprés , afin qu'-
ils pûffent les voir à loifir ,
& le premier Ambaffadeur
répondit , Que c'eftoient
des choses à voir plus
d'une fois. Ils furent reconduits
dans la Salle où
206 Voyage des Amb.
,
ils eftoient defcendus en
arrivant ; & aprés qu'ils
s'y furent un peu repoſez ,
& qu'ils eurent ofté leurs
Bonnets de Ceremonie ,
on les mena dans une autre
Salle , où l'on avoit
ſervy un magnifique Difné.
Ils estoient tout remplis
de l'air majestueux &
delabontédu Roy , & en
parlement avec admiration
pendant la plus grande
partie du Repas ; ce
qu'ils font encore tous
de Siam .
T
0
207
les jours. M'de la Feüillade
diſna avec eux , &
fut placé à la droite entre
le premier , & le fecond
Ambaſſadeur . A la gauche
eſtoient le ſecond Ambaffadeur,
& M² de Bonneüil
enfuite ; à la droite M.
Stolf, à la gauche M. le
Chevalier de Chaumont;
à la droite les huit Mandarins
, à la gauche & vis
à vis , M' Delrieu , Maiftre
d'Hoſtel ordinaire de
la Maiſon du Roy , M.
r
208 Voyage des Amb.
l'Abbé de Lionne , & M.
Giraut. La Table estoit à
Pans,& comme elle estoit
extrémement grande , &
qu'il auroit eſté impoffible
que le plus grand
homme euſt placé des
plats juſques au milieu ,
on yavoit mis cinq Corbeilles
d'argent remplies
des plus belles fleurs, qui
toutes enſemble formoient
une piramide tresagreable.
Les plats furent
portez par les Cent Suif
de Siam. 209)
fes du Roy, ayant en tefte
M² de Riveroles , Controleur
de la Maiſon de Sa
Majeſté. Il y eur trois Services
,fans celuy du Fruit,,
& chaque fervice fut de
trente grands Plats , fans.
comprer les Hors- d'oen--
vre , & les Salades . Le
Defferr eſtoit parfaites
ment beau , & de pirami--
des fort élevées , & le
coloris des fruits , des
fleurs , & des confitures
1
ſeches faifoir un effer
2
S
210 Voyage des Amb.
plaiſant à la veuë. On fervit
quantité de Sous- coupes
, les unes remplies de
differentes liqueurs , &
les autres couvertes de
Taffes , remplies de toutes
fortes d'Eaux glacées ,
Onferviten meſme temps
une autre Table dans un
autre endroit , pour les
Secretaires , & les autres
Perſonnes de la fuite des
Ambaſſadeurs , fans celle
qui fut fervie pour les
Domestiques.Les Ambaf
deSiam. 211
fadeurs & les Mandarins
allerent en fortant de ta--
ble prendre leurs Bonnets.
de Ceremonie , parce que
c'eſtoit l'heure marquée:
pour l'Audience qu'ils de--
voient avoir de Monfeigueur
le Dauphin. Ils fe
rendirent chez ce Prince,
conduits par les mcfmess
Perſonnes qui les avoient
accompagnez à l'Audien
ce du Roy , & pafferent
au travers d'une double
S
e
es
1 haye de Gardes du Corps..
S. ij
212 Voyage des Amb.
Dés qu'ils apperçeûrent
Monſeigneur le Dauphin,
ils firent les meſmes inclinations
qu'ils avoient
faires chez leRoy.Le ſujet
du Compliment de l'Ambaſſadeur
fut fur ce que
le Roy Son Maistre regardoit
ce Prince comme le
digne Fils du plus grand
Roy de l'Europe , & dont
les grandes qualitez,
les Victoires s'estoient fait
connoistre jusques aux extrémite,
z de l'Univers , &
de Siam.
213
que mesme dans le temps
que le Roy faisoit des choses
qui paroiffent incroyables à
Ses Sujets-mefmes , le Roy
Son Maistre avoit eu le
bonheur de les apprendre ,
& d'en recevoir les confirmations
. Ilajoûta , que ce
mesme Roy esperoit que
Monseigneur le Dauphin
eftant forty d'un Sang ft
glorieux es fi genereux ,
-estant luy - mesme si bien-
- faisant , luy accorderoit les
= mesmes avantages , & la
214 Voyage des Amb.
misme amitié que le Roy
Son Pere , esqu'il estoit faché
de n'avoir pas eu le
temps de chercher dans toutes
les Indes des chofes plus
curieuses que celles qu'il luy
envoyoit. Monfcigneur le
Dauphin remercia non
ſeulement le Roy de
Siam , & les Ambaffadeurs
dans fa réponſe;
mais ce Prince fit auffi
connoiſtre qu'il leur donneroit
des marques de ſa
reconnoiffance . Les mou
deSiam. 215
vemens de leurs viſages
montrerent combien ils
eſtoient ſenſibles à des paroles
fi obligeantes , & ils
n'oferent y répondre
qu'en ſe profternant le
plus bas qu'il leur fut
poffible. Ils ſe retirerent
de la même maniere qu'ils
avoient fait chez le Roy.
Ils n'eurent point Audience
de Madame la Dauphine
, parce qu'elle eftoir
accouchée le jour precedent,&
en fortant de chez
216 Voyage des Amb.
Monteigneur le Dauphin,
ils allerent chez Monfeigneur
le Duc de Bourgogne.
Les meſmes Ceremonies
y furent obfervées.
Je ne les repereray
point , & vous diray feulement
qu'elles ont eſté
égales pour toute la Maifon
Royale. L'Ambaffadeur
dit à Monſeigneur le
Duc de Bourgogne , Que
le Roy de Siam s'estoit réjozy
de fon heureuse Naif-
Sance, &les avoit chargez,
de
de Siam. 217
2
de l'en afſeurer; que la Princeffe
Reine luy envoyoit de
petites bagatelles pour le divertir
quelques momens ,
&quefi elles luy plaiſoient,
elle auroit ſoin de luy en envoyer
d'autres. Ils firent à
peu prés le meſme compliment
chez Monfeigneur
le Duc d'Anjou ,
& pafferent enfuite dans
la Chambre de Monfeigneur
le Duc de Berry.
L'Ambaſſadeur luy dit
Qu'il ne pouvoit que Sou-
T
218 Voyage des Amb.
haitertoutessortes de profperitez
à un Prince qui ne
Sçavoit pas encore parler,
qu'il estoit persuadé qu'il
feroit un jour un tres- grand
Prince, puis qu'il ſembloit
n'eſtre né que pour donner
ſa premiere Audience
à des Ambaſſadeurs venus
defix mille lieuës , & d'un
Païs d'où il n'en estoit point
encore venu en France, &
qu'il ne doutoit pas que lors
qu'il feroit plus grand , le
Roy Son Maistre ne luy
de Siam. 219
fuft connu , & qu'il ne s'en
Souvinſt, puis qu'on avoit
foin d'écrire l'Histoire des
Princes , &que l'Audience
qu'ils avoient ,ſeroit le premier
évenement qu'il rencontreroit
dans la fienne aprés
ſa Naiſſance. Madame
la Mareſchale de la
Mothe, Gouvernantedes
Enfans de France, répondit
à tous ces Complimens
avec l'eſprit qu'on ſçait
qu'elle a toûjours fait paroiſtre
en de pareilles oc-
Tij
220 Voyagedes Amb.
cafions. Ils traverſerent
enfuite la Galerie qui conduit
à l'Appartement de
Monfieur. Ils furent reçûs
par le Capitaine , &
les Officiers deſes Gardes ,
& pafferent la premiere
Sale au travers d'une
double haye des Gardes
du Corps de fon Alteſſe
Royale , & aprés avoir
traverſé pluſieurs Chambres
ils trouverent ce
Prince environné de toude
ſa Cour qui estoit fort
de Siam. 220
nombreuſe. Le Premier
Ambaffadeur , aprés avoir
felicité Monfieur fur les
Villes qu'il a prifes , & fur
le gain de la Bataille de
Caffel , s'étendit ſur la
parfaite union qui eſt en-
:
tre le Roy & ce Prince ,
& qui fait que les Ennemis
du Roy tont les fiens. IL
ajoûta , Qu'il ne doutoit
point que cette union &cette
conformité defentimens
ne fust cauſe qu'il n'eust
pour le Roy Son Maſtre les
Tij
222 Voyage des Amb.
mesmes sentimens que le
Roy avoit pour ce Monarque
, & qu'il eſperoit
que les Amis du Roy Son
Frere seroient ſes Amis,
commeſes Ennemis étoient
devenus lesſiens. Monfieur -
ayant fait à ce compliment
une réponſe auſſi favorable
que les Ambaffadeurs
la pouvoient attendre
, ils allerent chez
Madame, & pafferent encore
au travers d'une
double haye de Gardes
de Siam. 223
du Corps rangez dans la
premiere Salle . Madame
eſtoit accompagnée d'un
grand nombre de Princeffes
& de Ducheffes , & des
principales Dames de fa
Mailo Maiſon , dont les habits
eſtoient tout garnis de
pierreries. Il dit à Madame
, Que c'estoit pour eux
un honneurfort grand , que
de pouvoirfalüer une Heroïne
, Femme d'un Heros
quiestoit Frere d'un grand
5 invincible Monarque ..
Tij (
224 Voyage des Amb.
Es qu'ils mettroient ce jour
là au nombre des plus heureux
de leur vie. Aprés cette
Audience on les reconduifit
dans la Salle où ils
eſtoient defcendus d'abord.
Ilsy quiterent leurs
Bonnets de ceremonie , &
on leur prefenta la Collation
, mais ils ne mangerent
point. Ils monterent
enfuire en Caroffe pour
s'en retourner , & pafferent
encore entre les
Compagnies Françoiſes &
de Siam. 22.5
Suiffes de Garde qui eftoient
fous les Armes. Le
reſte du jour ils ne parlerent
que du Roy , de fa
bonne mine,de ſa taille,&
de la bonté qu'il mefle fi
dignement avec la fierté
Royale qu'un Monarque
doit avoir.
la Fiévre- quarte , dont il
ayoit eu quelques accés ,
declara qu'il donneroit
Audience aux Ambaſſadeus
le premier jour de
Septembre . Ce jour - là
M'le Maréchal Duc de la
Feuillade, M'de Bonneuil,
Introducteur des Ambaffadeurs
, &M* Giraut, qui
맥 l'accompagne toujours
dans cette fonction , les
Pij
172 Voyage des Amb.
allerent prendre à l'Ho
ſtel des Ambaſſadeurs ,
dans les Caroffes du Roy,
& de Madame la Dauphine
, avec pluſieurs autres
Caroſſes de ſuite. M.
de la Feuillade leur marqua
la joye qu'il avoit de
les venir querir pour les
mener à l'Audience du
Roy , & leur dit qu'il auroit
l'honneur deles conduire
à toutes les Audiences
que leur donneroit Sa
Majefté. Le premier Amde
Siam.
173
.
a
baffadeur luy fit connoiſtre
l'extrême paffion qu'-
ils avoient de voir le Roy,
&luy dit, Que cet heureux
jour, pour lequel ils avoient
traverſé tant de Mers ,
estoit enfin arrivé Ils monterent
enfuite dans le Caroffe
du Roy , qui fut environné
de pluſieurs Va-
Iets de pied de Sa Majeſté
, & précedé par ceux
de M. de la Feuillade. Ils
s'entretinrent pendant la
plus grande partie du che-
Pij
174 Voyage des Amb.
min de la Religion des Siamois
, dont M. de la Feuillade
demanda les particularitez
. L'Ambaffadeur
luy répondit avec beaucoup
d'eſprit , Que tout ce
qu'on diſoit d'une Religion
inconnuë devoit d'abord
paroiftre ridicule à des per
Sonnes qui n'en avoient
nulle connoiffance , & qui
en profefforent une autre ,
parce qu'il eft naturel de
croire toûjours la Religion
que l'on a embraßee , 04
deSiam.
175
汇
dans laquelle on est né , la
1 meilleure de toutes , esqu'-
+ enfin il falloit plus de temps
pour parler à fond fur une
Afi grande matiere, &entrer
dans des details qui de
mandoient plus d'application
qu'ils n'en pouvoient
alors donner; qu'autrement
201
e
01
les choses les plus réelles pa-
* roiſſoient fans fondement
Es sans vray -Semblance..
Aprés cela ilsentrerent.en
10
conversation, & l'Ambaf_
fadeur ayant expliqué à
Pij
176 Voyage des Amb.
peu prés les chofes que je
vous ay déja marquées ſur
leur Religion , en ajoûta
trois , qu'il dit en eſtre les
trois principaux points ,
qui font, l'Amour des Ennemis
, l'Humilité , & la
Penitence.
Comme on ne peut aller
à Versailles fans voir
Saint Cloud & Meudon ,
& que ces Maiſons paroiffent
beaucoup , on dit
à l'Ambaſſadeur que l'une
appartenoit à Monfieur,
deSiam. 177
1
Frere unique de Sa Majeſté
, & l'autre à M. de
Louvois , Miniſtre d'Etat .
Il dit qu'il ne s'étonnoit
point de voir de fi belles
- Maiſons dans le Royaume,
Essur tout aprés le haut
point de gloire où le Roy avoit
mis la France. Enfin
on arriva à Versailles par
la grande avenuë, aprés
une converſation toute
pleine d'eſprit. Il y avoit
e dans la premiere Court
r mille hommes du Regi
178 Voyage des Amb.
ment des Gardes Françoi
fes& Suiffes ſous les armes
. Ils estoient tous veftus
en Juſteau corps rouges
brodez , & formoient
cinq files de chaque cofté,
Enſeignes déployées , &
tous lesOfficiers laPique à
la main. Les Suiffes eftoiet
à droite , & les François
à gauche , mais fans qu'ils
changent de diſpoſition ,
les François fe trouvent à
la droite de ceux qui fortent
du Chafteau , & les
de Siam. 179
S
ر
a
es
Suiffes à la gauche . On dit
aux Ambaſſadeurs que
c'eſtoit la Garde ordinaire
de dehors , qui monte
tous les trois jours. On
trouva les Gardes de la
Porte, qui formoient deux
hayes au delà de la porte
de la feconde Court . Ces
Gardes font pour ouvrir
la porte à ceux dont les
Caroffes ont droit d'enrrer
dans le Louvre ; ils
ne la gardent point la
nuit , & à fix heures du
180 Voyage des Amb.
ſoir les Gardes du Corps
en prennent poffeffion .
Les Ambaſſadeurs furent
conduits dans une Salle
appellée la Salle de Def
cente. C'est un lieu où l'on
mene tous les Ambaſſadeurs
en attendant l'heure
de l'Audience . On leur
fervit à déjeuner , mais ils
ne voulurent point manger
; ils ſe laverent feulement
, car ils font d'une
propreté extraordinaire .
Ils mirent enfuire les Bonde
Siam. 181
nets qui marquent leur
Dignité , & dont je vous
ay déja parlé. Ils ont au
bas de ces Bonnets , des
Couronnes d'or larges de
deux à trois doigts , d'où
fortent des fleurs faites de
feuilles d'or tres- minces ,
au milieu deſquelles font
1 quelques Rubis à la place
de la graine . Comme les
feüilles d'or qui forment
ces fleurs font fort lege-
-fres , elles ont un mouvement
qui les fait paroiſtre
e.
182 Voyage des Amb.
toûjours agitées. Le troifiéme
Ambaſſadeur n'a
point de ces fleurs autour
de ſa Couronne , il n'a
qu'un Cercle d'or large
de deux grands doigts &
cizelé. Lors qu'ils faifoient
travailler à ces Couronnes
par un Orphévre de
Paris , cét Orphévre leur
ayant dit qu'elles eſtoient
bien legeres , le premier
Ambaſſadeur répondit ,
Qu'ils les faisoient faire
pour des hommes, & quefi
de Siam. 183
10
هللا
be
elles estoient plus lourdes, il
les faudroit donner à porter
àdesBeftes . Leshuit Mandarins
qui accompagnent
les Ambaſsadeurs,ont une
pareille coëfure de Moufſeline
, mais il n'y a point
de Couronne autour de
leurs Bonnets. Ceux à qui
ces marquesde dignitéont
eſté données , n'oferoient
paroiftre devant le Roy
de Siam ſans les avoir,
L'heure de l'Audience étant
venuë , l'Introduce
184 Voyage des7
Amb.
teur des Ambassadeurs les
vint avertir que le Roy étoit
preſt á ſe mettre dans
fon Trône , & qu'il eſtoit
temps de partir. Il faut remarquer
que la Salle où
ils eftoient , regarde prefque
l'Eſcalierpar lequel ils
devoient monter chez le
Roy , & que pour ſe rendre
à cét Efcalier , il falloit
qu'ils traverſaffent la
Court. Ils trouverent en
haye dans cette Court les
Gardes de la Prevoſté, &
de Siam. 185
lesCent- Suiſses en approchant
de l'Eſcalier . M
Giraut marchoit à la teſte
des Domeſtiques des Ambassadeurs
; M' de Blainville
, grand Maiſtre des
Ceremonies , M. de Bon-
1 neuil Introducteur des
Ambassadeurs , & M
- Stolff Gentilhomme or-
Idinaire de la Maiſon du
| Roy , & nommé par Sa
Majesté pour les accom- el
pagner pendant tout le
| temps qu'ils feront ent
உ
186 Voyage des Amb.
France , venoient enfuite.
La Lettre du Roy de Siam
eſtoit portée par douze
Suifses dans la mesme
machine qui estoit à la
ruelle du Lit du premier
Ambassadeur , & que je
vous ay déja fait voir
gravée , & l'on portoit
quatre Parasols pour
couvrir cette Machine.
On avoit ordonné que
pour faire honneur à cette
Lettre , ily auroit au pied
de l'Escalier , en dehors ,
1
1
de Siam. 187
e
trente-fix Tambours , &
و
vingt - quatre Trompetes.
Les trois Ambaſsa
deurs marchoient de
front avec M² de la Feuillade
, & l'on portoit auprés
d'eux les marques de
leur dignité , qui font de
grandes Boetes rondes cizelées
avec des couvercles
relevez . C'eſt le Roy
de Siam qui les donne , &
l'on ne paroiſt jamais de--
vant luy ſans les avoir..
Elles font differentes auf
4
Qij
188 Voyage des Amb.
fi- bien que les Couronnes
, & font connoiſtre le
rang de ceux à qui elles apartiennent.
LesCours du
Chasteau estoient toutes
remplies de monde pour
voir paffer les Ambaffadeurs
. Ils trouverent deux
hayes desCent Suiffes, fur
le grand Efcalier , dont les
Eaux joüoient & faifoient
plufieurs napes dans le
milieu. Ils le traverſerent
au bruit des Fanfares des
yingt- quatre Trompetes
de Siam.
197
a
les falüa auffi. On ne
ſçauroit rien repreſenter
où le reſpect puiſse eftre
plus marqué , qu'il
l'eſtoit fur le viſage des
Ambassadeurs & de tous
ceux de leur fuire. Ils l'imprimerent
dans tous les
coeurs , & cette extreme
veneration qu'ilsfirent paroiſtre
pour laPerſonne de
Sa Majesté, leur attira de
S
S
grandes loüanges. Le Roy
avoit à la droite de fon
Trône Monſeigneur le
Riij
198 Voyage des Amb.
Dauphin , Monfieur le
Duc de Chartres , Monfieur
le Duc de Bourbon,
& Monfieur le Comte
de Toulouſe ; & à fa gauche,
Monfieur , Monfieur
le Duc , & Monfieur le
Ducdu Maine . Sonhabit
eftoit brodé à plein. Il y
avoit deſsus pour plufieurs
millions de Pierreries
, leſquelles formoient
en beaucoup d'endroisles
ornemens de la broderie.
Tous les Princes avoient
de Siam.
199
۲
د
des habits ou brodez , ou
de brocards d'or tous
couverts de Pierreries.Celuy
de Monfieur eftoit
noir , à cauſe que ce Prince
porte le deuil, & cette
couleur donnant un plus
vif éclat aux Diamans
dont il eſtoit remply, il n'y
avoit rien de plus brillant..
L'habit de Monfieur le
Duc du Maine estoit auffi
【
S
diftingué par un tresgrand
nombre de Rubis .Tous les
حا
grands Officiers du Roy
ו
Riiij
200 Voyage des Amb.
M.le Duc de Montaufier,
& ceux qui ont des Survivances
, eſtoient derriere
Sa Majesté , & derriere
ces Princes. Aprés
les troifiémes inclinations
dont je vous viens de parler
, le premier Ambaffadeur
commença ſa Harangue
. Quand il eut achevé,
M'l'Abbé de Lionne
, qui l'avoit traduire ,
la lût en François . Comme
c'eſt une Piece qui
peut eftre dérachée , je la
de Siam. 201
referve pour la fin de cette
Relation , afin de n'interrompre
pas les particularitez
de l'Audience.
M² l'Abbé de Lionne
ayant ceffé de parler ,
le premier Ambaſſadeur
monta pour remettre la
Lettre du Roy de Siam
entre les mains de SaMajeſté.
Les deux autres l'accompagnerent
, mais ils
laifferent toûjours une
marche entre eux , & le
premier Ambaſſadeur; ain202
Voyagedes Amb.
fi ils n'approcherent pas fi
prés . Le Roy ſeleva pour
prendre la Lettre , & la
reçeut debout , &découvert.
Enfuite Sa Majesté
appella M² l'Abbé de
Lionne , & luy dit qu'il
demandaſt à l'Ambaffadeur
des nouvelles de la
Santé du Roy de Siam, &
en quel eſtat il l'avoit
laiſsé quandil eſtoit party.
Le Roy demanda auſſi des
nouvelles de la Santé de
la Princeſse Reyne , & a
de Siam. 203
1
prés les réponſes de l'Ambaſsadeur,
Sa Majesté luy
ba
dit , Que s'il avoit quelque
choſe à luy propoſer , il le
pouvoitfaire,esqu Elle l'écouteroit.
L'Ambassadeur
demeura fi penetré des
bontez du Roy , qu'il ne
répondit qu'en ſe profternant
le plus bas qu'il put,
Ils recommencerent tous
juſqu'à trois fois les mefmes
inclinations qu'ils avoient
faires en s'approchant
du Trône du Roy,
204 Voyage des Amb.
& fe retirerent ayant toujours
les mains jointes, &
marchant à reculons jufqu'au
bout dela Galerie .
Ils ne ſe retournerent que
lors qu'ils ne pûrent plus
voir le Roy , qui demeura
dans ſon Trônejuſqu'à ce
qu'ils fuſsent fortis de la
Galerie. Comme ils avoient
traverſé tous les
Appartemens fans tourner
les yeux d'aucun coſté
, ſe croyant à tous momens
fur le point de pa
de Siam. 189
2
S
qui ſuivirent. Quand on
fut au haut de l'Efcalier ,
le premier Ambaffadeur
prit dans la Machine un
Vaſe où l'on avoit mis la
Boëte d'or qui renfermoit
la Lettre du Roy fon
Maistre , & le donna à
porter au troifiéme Ambaſſadeur
, puis l'on entra
dans la premiere Salle
des Gardes . Les Gardes du
Corps estoient en haye,
& fort ferrez des deux
coftez des deux premieres
190 Voyage des Amb.
Salles du grand Aparte
ment du Roy . M'le Duc
de Luxembourg les receut
à la porte de la premiere
avec trente Officiers
des Gardes fort lettes
& en jufte-au- corps bleu.
Le compliment de M'de
Luxembourg eftant finy ,
il accompagna les Ambaffadeurs
avec tous les Officiers
de ſa fuite , juſques
au bout de la Galerie où
eſtoir le Trône du Roy ,
& les Trompetes qui é
de Siam. 191
toient entrez avec les
meſmes Ambaffadeurs
pour accompagner la Lettre
du Roy de Siam,&luy
faire plus d'honneur,joue
rent juſques au bout de
la ſeconde Salle où les
Gardes du Corps eſtoient
en haye , & ne pafferent
point dans le reſte de l'Appartement,
que tous ceux
que je vous ay marquez
traverſerent. Ils entrerent
enfuite dans le Salon qui
eſt au bout de l'Apparte
192 Voyage des Amb.
ment , & par lequel on
va dans la Galerie , &
dés qu'ils furent ſous la
grande Arcade qui la ſepare
de ce Salon , & d'où
l'on pouvoit voir le Roy
en face , ils firent trois
profondes inclinations , &
tenant leurs mains jointes
, ils les éleverent autant
de fois juſques à leur
front . Ils firent la meſme
choſe au milieu de la Galerie,
dans laquelle étoient
environ quinze cens perſonnes
deSiam.
193
ſonnes , ce quiformoit fix
à fept rangs de chaque
cofté,& malgré cette foule
M'le Duc d'Aumont,
premier Gentilhomme de
la Chambre d'année , &
qui en cette qualité commandoit
dans lesAppartemens
avoit fi bien pris
ſes meſures , que fix perſonnes
pouvoient paffer
de front dans l'eſpace qui
reftoit vuide au milieu de
la Galerie . Le Trône d'argent
du Roy estoit poſé
د
R
194 Voyage des Amb.
fur une Eſtrade elevée de
neuf marches , & les marches
eftoient couvertes
d'un Tapis à fonds d'or.
Il y en avoit encore un
plus riche ſur l'eſplanade
, & autour de ce Tapis
eftoit une campanne
en broderie qui débordoit
fur la neuvième marche.
Les coſtez de ces neuf
marches eftoient garnis
de grandes Torcheres
d'argent de neuf pieds de
haut,&par delà les mar
de Siam. 195
ches , en élargiſſant toujours
, il y en avoit environ
dans l'eſpace de quatorze
ou quinze pieds de
long, entremelez de grandes
Buires , & de grands
Vaſes d'argent . Cet efpace
eſtoit pour mettre la
fuite des Ambaſſadeurs .
Comme elle precedoit ,
elley fut rangée à droite
& à gauche par M'Giraut ,
& ceux qui la compofoient
ſe profternerent
auffi - toft .Ils auroient toû-
Rij
196 Voyage des Amb.
jours eu le viſage contre
terre , fi le Roy n'euſt
permis qu'ils le regardaffent.
Lors qu'on en parla
à Sa Majesté , Elle dit,
Qu'ils estoient venus de
trop loin pour ne leur pas
permettre de le voir Quand
les trois Ambaſſadeurs furent
au pied de l'Eſtrade ,
ils firent leurs troiſiémes
inclinations , & les firent
fi profondes , qu'on
peut dire , que leur tefte
toucha la terre ; le Roy
de Siam.
205
roiſtre devant le Roy, la
beauté & la richesse des
Appartemens les furprirent
en fortant, & cedant
alors à la curiofité , ils ſe
détacherent pour en regarder
les Meubles . On
leur dit qu'on les ameneroit
tout exprés , afin qu'-
ils pûffent les voir à loifir ,
& le premier Ambaffadeur
répondit , Que c'eftoient
des choses à voir plus
d'une fois. Ils furent reconduits
dans la Salle où
206 Voyage des Amb.
,
ils eftoient defcendus en
arrivant ; & aprés qu'ils
s'y furent un peu repoſez ,
& qu'ils eurent ofté leurs
Bonnets de Ceremonie ,
on les mena dans une autre
Salle , où l'on avoit
ſervy un magnifique Difné.
Ils estoient tout remplis
de l'air majestueux &
delabontédu Roy , & en
parlement avec admiration
pendant la plus grande
partie du Repas ; ce
qu'ils font encore tous
de Siam .
T
0
207
les jours. M'de la Feüillade
diſna avec eux , &
fut placé à la droite entre
le premier , & le fecond
Ambaſſadeur . A la gauche
eſtoient le ſecond Ambaffadeur,
& M² de Bonneüil
enfuite ; à la droite M.
Stolf, à la gauche M. le
Chevalier de Chaumont;
à la droite les huit Mandarins
, à la gauche & vis
à vis , M' Delrieu , Maiftre
d'Hoſtel ordinaire de
la Maiſon du Roy , M.
r
208 Voyage des Amb.
l'Abbé de Lionne , & M.
Giraut. La Table estoit à
Pans,& comme elle estoit
extrémement grande , &
qu'il auroit eſté impoffible
que le plus grand
homme euſt placé des
plats juſques au milieu ,
on yavoit mis cinq Corbeilles
d'argent remplies
des plus belles fleurs, qui
toutes enſemble formoient
une piramide tresagreable.
Les plats furent
portez par les Cent Suif
de Siam. 209)
fes du Roy, ayant en tefte
M² de Riveroles , Controleur
de la Maiſon de Sa
Majeſté. Il y eur trois Services
,fans celuy du Fruit,,
& chaque fervice fut de
trente grands Plats , fans.
comprer les Hors- d'oen--
vre , & les Salades . Le
Defferr eſtoit parfaites
ment beau , & de pirami--
des fort élevées , & le
coloris des fruits , des
fleurs , & des confitures
1
ſeches faifoir un effer
2
S
210 Voyage des Amb.
plaiſant à la veuë. On fervit
quantité de Sous- coupes
, les unes remplies de
differentes liqueurs , &
les autres couvertes de
Taffes , remplies de toutes
fortes d'Eaux glacées ,
Onferviten meſme temps
une autre Table dans un
autre endroit , pour les
Secretaires , & les autres
Perſonnes de la fuite des
Ambaſſadeurs , fans celle
qui fut fervie pour les
Domestiques.Les Ambaf
deSiam. 211
fadeurs & les Mandarins
allerent en fortant de ta--
ble prendre leurs Bonnets.
de Ceremonie , parce que
c'eſtoit l'heure marquée:
pour l'Audience qu'ils de--
voient avoir de Monfeigueur
le Dauphin. Ils fe
rendirent chez ce Prince,
conduits par les mcfmess
Perſonnes qui les avoient
accompagnez à l'Audien
ce du Roy , & pafferent
au travers d'une double
S
e
es
1 haye de Gardes du Corps..
S. ij
212 Voyage des Amb.
Dés qu'ils apperçeûrent
Monſeigneur le Dauphin,
ils firent les meſmes inclinations
qu'ils avoient
faires chez leRoy.Le ſujet
du Compliment de l'Ambaſſadeur
fut fur ce que
le Roy Son Maistre regardoit
ce Prince comme le
digne Fils du plus grand
Roy de l'Europe , & dont
les grandes qualitez,
les Victoires s'estoient fait
connoistre jusques aux extrémite,
z de l'Univers , &
de Siam.
213
que mesme dans le temps
que le Roy faisoit des choses
qui paroiffent incroyables à
Ses Sujets-mefmes , le Roy
Son Maistre avoit eu le
bonheur de les apprendre ,
& d'en recevoir les confirmations
. Ilajoûta , que ce
mesme Roy esperoit que
Monseigneur le Dauphin
eftant forty d'un Sang ft
glorieux es fi genereux ,
-estant luy - mesme si bien-
- faisant , luy accorderoit les
= mesmes avantages , & la
214 Voyage des Amb.
misme amitié que le Roy
Son Pere , esqu'il estoit faché
de n'avoir pas eu le
temps de chercher dans toutes
les Indes des chofes plus
curieuses que celles qu'il luy
envoyoit. Monfcigneur le
Dauphin remercia non
ſeulement le Roy de
Siam , & les Ambaffadeurs
dans fa réponſe;
mais ce Prince fit auffi
connoiſtre qu'il leur donneroit
des marques de ſa
reconnoiffance . Les mou
deSiam. 215
vemens de leurs viſages
montrerent combien ils
eſtoient ſenſibles à des paroles
fi obligeantes , & ils
n'oferent y répondre
qu'en ſe profternant le
plus bas qu'il leur fut
poffible. Ils ſe retirerent
de la même maniere qu'ils
avoient fait chez le Roy.
Ils n'eurent point Audience
de Madame la Dauphine
, parce qu'elle eftoir
accouchée le jour precedent,&
en fortant de chez
216 Voyage des Amb.
Monteigneur le Dauphin,
ils allerent chez Monfeigneur
le Duc de Bourgogne.
Les meſmes Ceremonies
y furent obfervées.
Je ne les repereray
point , & vous diray feulement
qu'elles ont eſté
égales pour toute la Maifon
Royale. L'Ambaffadeur
dit à Monſeigneur le
Duc de Bourgogne , Que
le Roy de Siam s'estoit réjozy
de fon heureuse Naif-
Sance, &les avoit chargez,
de
de Siam. 217
2
de l'en afſeurer; que la Princeffe
Reine luy envoyoit de
petites bagatelles pour le divertir
quelques momens ,
&quefi elles luy plaiſoient,
elle auroit ſoin de luy en envoyer
d'autres. Ils firent à
peu prés le meſme compliment
chez Monfeigneur
le Duc d'Anjou ,
& pafferent enfuite dans
la Chambre de Monfeigneur
le Duc de Berry.
L'Ambaſſadeur luy dit
Qu'il ne pouvoit que Sou-
T
218 Voyage des Amb.
haitertoutessortes de profperitez
à un Prince qui ne
Sçavoit pas encore parler,
qu'il estoit persuadé qu'il
feroit un jour un tres- grand
Prince, puis qu'il ſembloit
n'eſtre né que pour donner
ſa premiere Audience
à des Ambaſſadeurs venus
defix mille lieuës , & d'un
Païs d'où il n'en estoit point
encore venu en France, &
qu'il ne doutoit pas que lors
qu'il feroit plus grand , le
Roy Son Maistre ne luy
de Siam. 219
fuft connu , & qu'il ne s'en
Souvinſt, puis qu'on avoit
foin d'écrire l'Histoire des
Princes , &que l'Audience
qu'ils avoient ,ſeroit le premier
évenement qu'il rencontreroit
dans la fienne aprés
ſa Naiſſance. Madame
la Mareſchale de la
Mothe, Gouvernantedes
Enfans de France, répondit
à tous ces Complimens
avec l'eſprit qu'on ſçait
qu'elle a toûjours fait paroiſtre
en de pareilles oc-
Tij
220 Voyagedes Amb.
cafions. Ils traverſerent
enfuite la Galerie qui conduit
à l'Appartement de
Monfieur. Ils furent reçûs
par le Capitaine , &
les Officiers deſes Gardes ,
& pafferent la premiere
Sale au travers d'une
double haye des Gardes
du Corps de fon Alteſſe
Royale , & aprés avoir
traverſé pluſieurs Chambres
ils trouverent ce
Prince environné de toude
ſa Cour qui estoit fort
de Siam. 220
nombreuſe. Le Premier
Ambaffadeur , aprés avoir
felicité Monfieur fur les
Villes qu'il a prifes , & fur
le gain de la Bataille de
Caffel , s'étendit ſur la
parfaite union qui eſt en-
:
tre le Roy & ce Prince ,
& qui fait que les Ennemis
du Roy tont les fiens. IL
ajoûta , Qu'il ne doutoit
point que cette union &cette
conformité defentimens
ne fust cauſe qu'il n'eust
pour le Roy Son Maſtre les
Tij
222 Voyage des Amb.
mesmes sentimens que le
Roy avoit pour ce Monarque
, & qu'il eſperoit
que les Amis du Roy Son
Frere seroient ſes Amis,
commeſes Ennemis étoient
devenus lesſiens. Monfieur -
ayant fait à ce compliment
une réponſe auſſi favorable
que les Ambaffadeurs
la pouvoient attendre
, ils allerent chez
Madame, & pafferent encore
au travers d'une
double haye de Gardes
de Siam. 223
du Corps rangez dans la
premiere Salle . Madame
eſtoit accompagnée d'un
grand nombre de Princeffes
& de Ducheffes , & des
principales Dames de fa
Mailo Maiſon , dont les habits
eſtoient tout garnis de
pierreries. Il dit à Madame
, Que c'estoit pour eux
un honneurfort grand , que
de pouvoirfalüer une Heroïne
, Femme d'un Heros
quiestoit Frere d'un grand
5 invincible Monarque ..
Tij (
224 Voyage des Amb.
Es qu'ils mettroient ce jour
là au nombre des plus heureux
de leur vie. Aprés cette
Audience on les reconduifit
dans la Salle où ils
eſtoient defcendus d'abord.
Ilsy quiterent leurs
Bonnets de ceremonie , &
on leur prefenta la Collation
, mais ils ne mangerent
point. Ils monterent
enfuire en Caroffe pour
s'en retourner , & pafferent
encore entre les
Compagnies Françoiſes &
de Siam. 22.5
Suiffes de Garde qui eftoient
fous les Armes. Le
reſte du jour ils ne parlerent
que du Roy , de fa
bonne mine,de ſa taille,&
de la bonté qu'il mefle fi
dignement avec la fierté
Royale qu'un Monarque
doit avoir.
Fermer
Résumé : Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Après sa guérison de la fièvre quarte, le roi de France annonça qu'il recevrait les ambassadeurs siamois le 1er septembre. Le maréchal Duc de la Feuillade, accompagné de M. de Bonneuil et M. Giraut, se rendit à leur hôtel pour les escorter. Durant le trajet vers Versailles, les ambassadeurs discutèrent de la religion des Siamois, soulignant que chaque religion peut sembler ridicule à ceux qui en ignorent les détails. À Versailles, les ambassadeurs furent accueillis par des gardes en uniforme et traversèrent plusieurs cours avant d'être conduits dans la salle de descente. Ils refusèrent de déjeuner mais se préparèrent en mettant leurs bonnets de dignité ornés de couronnes d'or et de rubis. Escortés par plusieurs dignitaires, ils furent conduits à l'escalier du roi. La lettre du roi de Siam, portée par douze Suisses, fut accompagnée de tambours et de trompettes. Les ambassadeurs traversèrent les cours remplies de monde, montèrent l'escalier au son des fanfares et firent des inclinations profondes en entrant dans la galerie. Le roi, vêtu d'un habit brodé de pierreries, était entouré de princes et de grands officiers. Après la harangue de l'ambassadeur, traduite par l'abbé de Lionne, le roi reçut la lettre debout et découvert. Il demanda des nouvelles du roi de Siam et de la reine, puis invita l'ambassadeur à faire des propositions. Les ambassadeurs se retirèrent en faisant des inclinations et en marchant à reculons jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus voir le roi. Les ambassadeurs exprimèrent leur admiration pour la beauté et la richesse des appartements royaux. Ils furent invités à un dîner somptueux, avec une table décorée de fleurs et de nombreux plats. Après le repas, ils rencontrèrent le Dauphin, qui répondit favorablement à leurs compliments. Ils rendirent également visite au duc de Bourgogne, au duc d'Anjou, et au duc de Berry, en leur adressant des compliments appropriés. Ils rencontrèrent également Monsieur et Madame, exprimant leur admiration pour leurs exploits et leur union avec le roi. Tout au long de leur visite, les ambassadeurs montrèrent une grande déférence et furent reçus avec des honneurs égaux pour toute la maison royale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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22
p. 283-287
Ce qui s'est passé à la Comedie Italienne la premiere fois qu'ils ont esté à ce Theatre. [titre d'après la table]
Début :
Quand ils allerent à la Comedie Italienne, & qu'on [...]
Mots clefs :
Comédie-Italienne, Interprète, Paris, Roi, France, Portugais, Compliment italien, Giovanni Veneroni
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texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé à la Comedie Italienne la premiere fois qu'ils ont esté à ce Theatre. [titre d'après la table]
Quand ils allerent à la
Comedie Italienne , &
qu'on leur voulut faire :
remarquer la Salle qui eft
tres-belle , ils dirent qu'el
le estoit à Paris es que cela
Suffifoit , Paris eftant ca
pable de produire tout ce
qu'on peut s'imaginer de
plus beau. Voicy à peu prés
le fujet du Compliments
Italien que leur fit M
Aaij
284 Voyage des Amb.
Cinthio . Il dit , Que c'étorent
de ſages & illustres
Minſtres , qui portoient
imprimée ſur leurfront la
grandeurde leur Roy , qu'ils
eftoient venus en France du
ford des Indes pour nous
découvrir les merveilles de
IAfie , que leur Royaume
eftoit divſé en onze Provinces
qu'onpouvoit appeller
autant de Royaumes, &
que tout estoit d'unfi grand
exemple dans le Gouvernement
de Siam , que si les
de Siam. 285
Ecoles de la Prudence &
de la Politique estoient neceffaires
en France , ils
pourroient en donner les
premiers enfeignemens ; à
quoy il ajouta , qu'il les
prioit defouffrirqu' au nom
de toute la Troupe , il leur
rend ft graces de l'honneur
qu'il leur avoit plû de faire
à leur Theatre , cơ quà
leurretour à Siam ils daignaſſont
dire à leur Souverain
Seigneur , que les Nations
les plus éloignées don
286 Voyage des Amb.
nent un tribut de loüanges
àſa grandeur, 5 reverent
fa Puiſſance , d'autant
plus confiderable qu'elle a
merité l'estime de noftre
Monarque , toûjours Invincible
LOUIS XIV. 5.
que cependant ils attendroient
d'eux de nouveaux
ordres ponr leur donner de
nouvelles marques de leur
zele & de leur obeiffance.
CeCompliment fut interpreté
en François parM
Veneroni , Interprete du
de Siam. 287
Roy en Langue Italienne,
qui parle Portugais auffibien
que l'Interprete des
Ambaffadeurs qui eft né à
Siam , & Fils d'un Portugais
qui s'y eft habitué.
Comedie Italienne , &
qu'on leur voulut faire :
remarquer la Salle qui eft
tres-belle , ils dirent qu'el
le estoit à Paris es que cela
Suffifoit , Paris eftant ca
pable de produire tout ce
qu'on peut s'imaginer de
plus beau. Voicy à peu prés
le fujet du Compliments
Italien que leur fit M
Aaij
284 Voyage des Amb.
Cinthio . Il dit , Que c'étorent
de ſages & illustres
Minſtres , qui portoient
imprimée ſur leurfront la
grandeurde leur Roy , qu'ils
eftoient venus en France du
ford des Indes pour nous
découvrir les merveilles de
IAfie , que leur Royaume
eftoit divſé en onze Provinces
qu'onpouvoit appeller
autant de Royaumes, &
que tout estoit d'unfi grand
exemple dans le Gouvernement
de Siam , que si les
de Siam. 285
Ecoles de la Prudence &
de la Politique estoient neceffaires
en France , ils
pourroient en donner les
premiers enfeignemens ; à
quoy il ajouta , qu'il les
prioit defouffrirqu' au nom
de toute la Troupe , il leur
rend ft graces de l'honneur
qu'il leur avoit plû de faire
à leur Theatre , cơ quà
leurretour à Siam ils daignaſſont
dire à leur Souverain
Seigneur , que les Nations
les plus éloignées don
286 Voyage des Amb.
nent un tribut de loüanges
àſa grandeur, 5 reverent
fa Puiſſance , d'autant
plus confiderable qu'elle a
merité l'estime de noftre
Monarque , toûjours Invincible
LOUIS XIV. 5.
que cependant ils attendroient
d'eux de nouveaux
ordres ponr leur donner de
nouvelles marques de leur
zele & de leur obeiffance.
CeCompliment fut interpreté
en François parM
Veneroni , Interprete du
de Siam. 287
Roy en Langue Italienne,
qui parle Portugais auffibien
que l'Interprete des
Ambaffadeurs qui eft né à
Siam , & Fils d'un Portugais
qui s'y eft habitué.
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Résumé : Ce qui s'est passé à la Comedie Italienne la premiere fois qu'ils ont esté à ce Theatre. [titre d'après la table]
Des ambassadeurs visitèrent la Comédie Italienne et admirèrent sa beauté, la comparant aux salles parisiennes. M. Aaij, représentant, les qualifia de sages et illustres ministres, soulignant la grandeur de leur roi. Il mentionna leur voyage depuis les Indes pour découvrir les merveilles de l'Asie et décrivit leur royaume, divisé en onze provinces ou royaumes, gouverné avec sagesse. M. Aaij exprima l'admiration pour leur gouvernement et demanda aux ambassadeurs de transmettre leurs louanges au souverain de Siam, Louis XIV. Le compliment fut interprété en français par M. Veneroni, interprète du roi en langue italienne et portugais, et par l'interprète des ambassadeurs, né à Siam et fils d'un Portugais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
Ceux qui ne jugent des Ouvrages que par le Titre, [...]
Mots clefs :
Siam, France, Titre, Partie, Livre, Roi, Voyage, Ambassadeurs, Description
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AU LECTEUR.
Eux qui ne jugent dei
Ouvrages quepar le Titre
)
sans fè donner 14
peine d'en rien lire5 & sans faire
mesme un injlant de reflexion sur
ce qutlsvoyent, pourront se rebu.
ter d'abord du mot de Siam qu'ils
trouveront à la tefie de lafecende
Partie de ce Mercure. {0 dire que
cefltrop parlerfurune mefrne mat\
ere> cependant avec une mefmc
matiere on fait tous les jour! mille
chojesdifférentes On pur"V
< FL
gures £Homm°s & d\Anim-.nx
avec du Marbre, AUJJIbv n que
des colomnes,&tout ce qu'onveut
fairerepresenter, c& 1-i fuite dn
Livrefoenquil ait le mesme Titre
t ne doit avoir que le Titre de
commun avec ce quil'a précédé.Il
fautfeparerce quireperde les Livre*
qui parlent de Shtm en deux
matières3 qui renferment deux
dmbafjad?.;fçavoir Ârr. baJJade
de M le ChevalierdeCb-vmont
AU Royaume de Siam, FFR) celle des
j4rrib-jfadeurs du Roy de Siam en
France. Ldmbajfade de M1 le
Chevalier de Chaumont a esle
faite par luy
-
mejme en un seul
~c~~w~~r la me/me Ambajjade,
& non 1afuite>a eslé mise dans le-
Mercure de Juillet, & dans un
Volume entier qui luy [en de fécondé
Partie. On a traite le mefme
sujet,parce qu'on a eu divers Memoires
pour faire cette R lation
plus ample 3&tout ce qui r rardecctte
AmbaJJade efl finy dans ces
trois Volume4. A-inif il rieflplusquefilon
que de ïAmi? ffide des
(" F C '1 l ,
)
ySiamoisen France. Celle a riessit;
ppOoiinntt doOuUbUleit}.,rinayant -fié traitée- l'ffe traueeque
par le stul Autheur du Mercure.
Le premier Prolumea pou*
Titre, Voyage des Ambassadeurs
deSiam en France contenant
la Reception quileur
a esté faite dans les Villes où
ils ont pafle^ leur Entrée à
Paris, les Ceremonies observées
dans l'Audience qu'ils
ont euë du Roy, & de la Mait>
n Royale, les Complimens
quils ont faits,la Description
des lieux ou ils ont ciléy& ce
qu'ils ont dit de remarquablefîiriout
ce au'ils ont veu.
Le secondVolume est intitul*é,
Suite du Voyage des Ambassadeurs
de Siam en France,
contenant ce qui s'est pasle
à l'Audience de Madame la
Dauphine,des Princesses du
Sang, & de MC; de Croissy
& deSeignelay, avec une
Description exacte des Chafteaux,
Appartenons, Jardins,
& Fontaines de Versailles,
S. Germain, Marly,& Clagny;
de la Machine de Marly
, des Invalides, de l'Observatoire,&
de ce que ces
Ambassadeurs ont veu dans
tous les autres lieux où ilsont
esté depuis la premiere Relation,
à quoy l'on a joint le
Discours qu'ils ont fait au
Roy.
AU LECTEUR.
Onpeut'voirpar ces deux Titres,
que ces Ouvrages ne parlent
point desmesmesebofes,mais on
Avertiticy que l'extrême curio/îté
desAmbdfjadeurs de Siam ayant
toujoursaumente,&leurayant
faitdemanderl'explrcaton de tout
ce qu'ilsrntv>u, {."S mrMerei qui
font dans leje. ndjournal de cette
j4mbc\j]ttde, font t>\rtee$encre
plus à fond que dans le pr:micr
Volume) & que les AUnfns
Royales3&surtout Verfaillesty
font décrites avec tvite texachtuÀe
pGjJt!?!?
,
$ff d'une maniéré à
donner autant dintelligence sux
curieux, que s'ils avoient le Plan
AU LECTEUR.
ala main. On peut dire que l'on
verra dans ce Vo!ume la feule
Description de Verfailles qui ait
elle jufquizydonnée au Public,
les
Lambeaux
qui en ontparu ne
pouvant pas monter à la vingtième
partie de ce qu'ony trouvera9
& les chofis mesmesayant entierement
changé de figure depuis ce
temps-là. On ne dit rien du refledu
Livre qui contientJeptou huit
autres Articles aussi curieux quenouveaux,
cess à dire
, qui riont
point encore esié imprime^
On peut cuire que cette Amhajfiade
ayant déja remply deux
Volumesy on ne la laissera po
AU LECTEUR.
imparfaite, sans quoy ce qu'on a
donné au Public ne pajfroit que
pour des Fragmens. Ainftaprès
avoir fait un Journal de tout ce
qui regarde les Ambajpideurs depuis
Tïrefk, où on les a pris en
débarquant, on les y reconduit,
afin que tous ces Volumes ensemble
ne fajftnt qu'un corps de cette
Ambajfiidcyqui pourratenirrang
parmy les Voyants les plus cu- rieux qui pourraeflre utile à
tous les Ambassadeursquiviendronten
France,pour leur appren,
ire ce qu'ils doivent voir. Les Lu
wm dambaeades ont toûjouri
ffiéfort recherchez
3 c, nous ne
AU LECTEUR.
connoiffions point mieux taChine
que dans un Livre in folioremply
de Figures, qui décrit lagrande
udmbaffiade que les HolLudoisy
firent en léçj. dédié a feu Mt
Colbert. On noubliera pas dans
lIt fécondé Partie de ce Iournalle
Voyage de Flandres, qui afait
connoifireauxdmbajfia.deur$ la
Grandeur du RoyJ &qui enfaifiantvoir
mille ebofiesquiregardent
la Guerre3 n'a pas laififéd'eflre
tout remply de Fejles dr de
'galanteries. On ne marque point
qu'onnelaififera rien à dire sur
cette mattere
y
on peut voirsil'on
a traité à fiond celle que renserAU
LECTEUR.
ment les deux Volumes de celte
.ArnbajJadej dont le dernier vient
de paroistre avec celuy-cy.
Eux qui ne jugent dei
Ouvrages quepar le Titre
)
sans fè donner 14
peine d'en rien lire5 & sans faire
mesme un injlant de reflexion sur
ce qutlsvoyent, pourront se rebu.
ter d'abord du mot de Siam qu'ils
trouveront à la tefie de lafecende
Partie de ce Mercure. {0 dire que
cefltrop parlerfurune mefrne mat\
ere> cependant avec une mefmc
matiere on fait tous les jour! mille
chojesdifférentes On pur"V
< FL
gures £Homm°s & d\Anim-.nx
avec du Marbre, AUJJIbv n que
des colomnes,&tout ce qu'onveut
fairerepresenter, c& 1-i fuite dn
Livrefoenquil ait le mesme Titre
t ne doit avoir que le Titre de
commun avec ce quil'a précédé.Il
fautfeparerce quireperde les Livre*
qui parlent de Shtm en deux
matières3 qui renferment deux
dmbafjad?.;fçavoir Ârr. baJJade
de M le ChevalierdeCb-vmont
AU Royaume de Siam, FFR) celle des
j4rrib-jfadeurs du Roy de Siam en
France. Ldmbajfade de M1 le
Chevalier de Chaumont a esle
faite par luy
-
mejme en un seul
~c~~w~~r la me/me Ambajjade,
& non 1afuite>a eslé mise dans le-
Mercure de Juillet, & dans un
Volume entier qui luy [en de fécondé
Partie. On a traite le mefme
sujet,parce qu'on a eu divers Memoires
pour faire cette R lation
plus ample 3&tout ce qui r rardecctte
AmbaJJade efl finy dans ces
trois Volume4. A-inif il rieflplusquefilon
que de ïAmi? ffide des
(" F C '1 l ,
)
ySiamoisen France. Celle a riessit;
ppOoiinntt doOuUbUleit}.,rinayant -fié traitée- l'ffe traueeque
par le stul Autheur du Mercure.
Le premier Prolumea pou*
Titre, Voyage des Ambassadeurs
deSiam en France contenant
la Reception quileur
a esté faite dans les Villes où
ils ont pafle^ leur Entrée à
Paris, les Ceremonies observées
dans l'Audience qu'ils
ont euë du Roy, & de la Mait>
n Royale, les Complimens
quils ont faits,la Description
des lieux ou ils ont ciléy& ce
qu'ils ont dit de remarquablefîiriout
ce au'ils ont veu.
Le secondVolume est intitul*é,
Suite du Voyage des Ambassadeurs
de Siam en France,
contenant ce qui s'est pasle
à l'Audience de Madame la
Dauphine,des Princesses du
Sang, & de MC; de Croissy
& deSeignelay, avec une
Description exacte des Chafteaux,
Appartenons, Jardins,
& Fontaines de Versailles,
S. Germain, Marly,& Clagny;
de la Machine de Marly
, des Invalides, de l'Observatoire,&
de ce que ces
Ambassadeurs ont veu dans
tous les autres lieux où ilsont
esté depuis la premiere Relation,
à quoy l'on a joint le
Discours qu'ils ont fait au
Roy.
AU LECTEUR.
Onpeut'voirpar ces deux Titres,
que ces Ouvrages ne parlent
point desmesmesebofes,mais on
Avertiticy que l'extrême curio/îté
desAmbdfjadeurs de Siam ayant
toujoursaumente,&leurayant
faitdemanderl'explrcaton de tout
ce qu'ilsrntv>u, {."S mrMerei qui
font dans leje. ndjournal de cette
j4mbc\j]ttde, font t>\rtee$encre
plus à fond que dans le pr:micr
Volume) & que les AUnfns
Royales3&surtout Verfaillesty
font décrites avec tvite texachtuÀe
pGjJt!?!?
,
$ff d'une maniéré à
donner autant dintelligence sux
curieux, que s'ils avoient le Plan
AU LECTEUR.
ala main. On peut dire que l'on
verra dans ce Vo!ume la feule
Description de Verfailles qui ait
elle jufquizydonnée au Public,
les
Lambeaux
qui en ontparu ne
pouvant pas monter à la vingtième
partie de ce qu'ony trouvera9
& les chofis mesmesayant entierement
changé de figure depuis ce
temps-là. On ne dit rien du refledu
Livre qui contientJeptou huit
autres Articles aussi curieux quenouveaux,
cess à dire
, qui riont
point encore esié imprime^
On peut cuire que cette Amhajfiade
ayant déja remply deux
Volumesy on ne la laissera po
AU LECTEUR.
imparfaite, sans quoy ce qu'on a
donné au Public ne pajfroit que
pour des Fragmens. Ainftaprès
avoir fait un Journal de tout ce
qui regarde les Ambajpideurs depuis
Tïrefk, où on les a pris en
débarquant, on les y reconduit,
afin que tous ces Volumes ensemble
ne fajftnt qu'un corps de cette
Ambajfiidcyqui pourratenirrang
parmy les Voyants les plus cu- rieux qui pourraeflre utile à
tous les Ambassadeursquiviendronten
France,pour leur appren,
ire ce qu'ils doivent voir. Les Lu
wm dambaeades ont toûjouri
ffiéfort recherchez
3 c, nous ne
AU LECTEUR.
connoiffions point mieux taChine
que dans un Livre in folioremply
de Figures, qui décrit lagrande
udmbaffiade que les HolLudoisy
firent en léçj. dédié a feu Mt
Colbert. On noubliera pas dans
lIt fécondé Partie de ce Iournalle
Voyage de Flandres, qui afait
connoifireauxdmbajfia.deur$ la
Grandeur du RoyJ &qui enfaifiantvoir
mille ebofiesquiregardent
la Guerre3 n'a pas laififéd'eflre
tout remply de Fejles dr de
'galanteries. On ne marque point
qu'onnelaififera rien à dire sur
cette mattere
y
on peut voirsil'on
a traité à fiond celle que renserAU
LECTEUR.
ment les deux Volumes de celte
.ArnbajJadej dont le dernier vient
de paroistre avec celuy-cy.
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Résumé : AU LECTEUR.
Le texte met en garde les lecteurs contre le jugement hâtif des livres en se basant uniquement sur leur titre. Il précise que le terme 'Siam' dans les titres peut prêter à confusion, car plusieurs ouvrages portent ce nom sans traiter du même sujet. Le texte distingue deux ambassades : celle du Chevalier de Chaumont au Royaume de Siam et celle des ambassadeurs du Roi de Siam en France. L'ouvrage en question est structuré en trois volumes, chacun abordant différents aspects de l'ambassade des Siamois en France. Le premier volume, intitulé 'Voyage des Ambassadeurs de Siam en France', relate la réception des ambassadeurs, leur entrée à Paris, les cérémonies et les compliments échangés. Le second volume, 'Suite du Voyage des Ambassadeurs de Siam en France', couvre les audiences avec la Dauphine, les princesses du sang et des ministres, ainsi que des descriptions détaillées des châteaux, jardins et autres lieux visités. Le troisième volume approfondit les descriptions, notamment celle du château de Versailles, et inclut des discours faits au roi. Les ambassadeurs, curieux et avides de connaissances, ont demandé des explications sur tout ce qu'ils voyaient, ce qui a conduit à des descriptions plus détaillées dans les volumes suivants. Les descriptions des lieux, notamment de Versailles, sont faites avec une grande exactitude et fournissent une intelligence complète aux curieux. Le texte conclut en soulignant que ces volumes forment un corps complet sur l'ambassade, utile pour les futurs ambassadeurs visitant la France. Il fait également référence à d'autres ouvrages, comme un livre sur la Chine et un journal de voyage en Flandres, qui ont été bien reçus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 1-10
Paroles & actions du premier Ambassadeur, [titre d'après la table]
Début :
PUISQUE vous souhaitez avec tant d'empressement que je vous [...]
Mots clefs :
Honneur, Jour, Ambassadeurs, Roi, France, Siam, Comtesse de Béthune
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texteReconnaissance textuelle : Paroles & actions du premier Ambassadeur, [titre d'après la table]
UISQUE VOUSs fou-
Phaitez avec tant
d'empreſſement que
je vous envoye la ſuite du
Voyage des Ambaſſadeurs
: du Roy de Siam en France ,
A
2 Suite du Voyage
je vay non ſeulement fatiffaire
voſtre curioſité ſur ce
que vous attendez de moy ;
mais pour vous marquer
mon exactitude à rechercher
tout ce que ces Ambaſſadeurs
ont dit , & tout ce
qu'ils ont fait , je vay vous
apprendre encore beaucoup
de choſes dignes de remarque
& qui m'eſtoient échapées
lors que je vous écrivis
ma premiere Lettre. Lejour
qu'ils curent Audience à S.
Cloud de Monfieur le Duc
de Chartres , Monfieur leur
ayant fait l'honneur de leur
parler avec cet air de bonté
des Amb. de Siam. 3
- qui luy eſt ſi naturel , le prece
mier Ambaſſadeur dit dans
;
er
l'inſtant meſme qu'il eut quiex
té ſon Alteſſe Royale , en
montrant ceux de ſa ſuite qui
ace
l'accompagnoient, Qu'il estoit
bienheureux d'avoir tant de té
Dus moins de l'honneur qu'il venoit
up de recevoir , puis que le Roy fon
ar- Maistre n'auroit pas cruſurſon
na rapport feul , qu'il euft eu le gloivis
rieux avantage d'entretenir le
Out Frere d'un auffi puißant Roy que
S. celuy de France , avec aurant
Duc de familiarité qu'il avoitplû à
cur Monsieur d'en avoir.
leut On luy demanda s'il vouontt
loit aller voir le Feu que Me
A ij
4 Suite du Voyage
le Comte de Lobcovvits,Envoyé
extraordinaire de l'Empereur
, devoit faire tirer en
réjoüiſſance de la priſe de
Bude, & il répondit, Que quoy
que ſa curiosité fuft grande pour
tout ce qui se faisoit en France ,
parce que tout ce qu'on y voyoit
estoit digne d'admiration , il étoit
neanmoins obligé de ſe priver du
plaisir de voir ce Feu, puis qu'il
n'avoit pû aller à celuy que la
Ville avoit faitpour Monseigneur
le Duc de Berry , dont Mile
"Prevoſt des Marchands luy avoit
fait l'honneur de le prier. Et il
ajoûta , Que n'ayant pas esté
à un Divertiſſement donnépar la
desAmb. de Siam.
5
Ville de Paris , il auroit mauvaiſe
grace d'aller àceluy d'un Etrannger.
e On ne peut avoir plus
d'honnêteté qu'il en a pour
earles Perſonnes diftinguées par
e, leur naiſſance ou par leur
it merite dans les Lettres &
it dans les Arts.Outre les comduplimens
qu'il leur fait , & les
Pilloüanges qu'il leur donne
la proportionnées à ce qu'ils
font , ils les arreſte à diſner ,
boit à leur ſanté ,& prend la
it peine , luy & les deux autres
le
i | Ambaſſadeurs , de leur ſervir
#tout ce qui luy paroît demeil-
14 leur ſur la table. Quant aux
۹
A iij
6 Snite du Voyage
Dames, il donne le plus beau
fruit , à celles qu'il croit les
plus diftinguées , ou qui meritent
de l'eftre par l'agrément
de leur perſonne. Il
fçeut un jour qu'il y avoit
parmy celles qui le regardoient
difner , une Parente
d'un homme dont ils avoient
lieu d'eſtre fatisfaits , à cauſe
de la bonne reception qu'il
leur avoit fait dans un lieur
où ils avoient eſté. Il ne
manqua pas de luy preſenter
du fruit ; & comme il
vouloit luy faire beaucoup
d'honneur , & la traiter avec
distinction , il n'en donna ce
des Amb. de Siam.
70
a
es
it
jour-la à aucune autre. Une
Dame de la compagnie , tou
te brillante d'or & de pierre-
.ries , ſe ſandalifa de n'avoir
Il pas eu le mefme honneur.
L'Ambaſſadeur le comprit,
& dit avec un grand fang
froid : Les bonneurs d'aujournt
d'buy font finis , nous aurons
fe peut efpre celuy de voir Madame
il un autre jour , &nous luy rendrons
ce qui luy est dew.
te
eu
ne
en
il
On ne sçauroit exprimer
les honneurs qu'il fit à Madame
la Comteſſe de Bethune
, lors qu'il eut ſçeu qu'elle
étoit Soeur de la Reyne de Poct
logne. Il fut long- temps fans
up
Jec
A iiij
8 Suite du Voyage
ſe vouloir mettre à table. 11
la pria inſtamment de diſner,
&luy voulut ceder ſa place ;
il en fit auſſi beaucoup au
Fils du grand General de Pologne
, qui eſtoit avec elle ,
& ce jeune Seigneur en fût
ſi charmé , qu'il luy fit le
lendemain preſent du Portrait
de Sa Majeſté Polonoiſe,
parce qu'ils avoient parléde
ce Monarque. Quoy que les
honneſtetez de cet Ambaſladeur
ayent toûjours defté
grandes , il n'eſt point neanmoins
forty du caractere que
fa digneté demande
ſçait le faire paroiſtre à pro-
,
& il
des Amb. de Siam. 9
pos . Il loüe ce qui merite
-, d'eſtre loüé , & ſe taie avec
;
e,
le
eſprit , quand il eſt plus à prou
pos de ſetaire que de parler.
Comme pluſieurs perſonnes
l'accabloient un jour indif
it cretement , en luy deman
dant fi ce qu'il voyoit eſtoit
quin
r. beau , il répondit : Si vous
e, voulez sçavoirsi je trouve une
de chose belle , vous n'avez qu'à
les voirfielle l'est en effet , & alors
a- vous pouvez croire qu'elle ne me
Ne paroist pas moinsbelle qu'à vous.
Phaitez avec tant
d'empreſſement que
je vous envoye la ſuite du
Voyage des Ambaſſadeurs
: du Roy de Siam en France ,
A
2 Suite du Voyage
je vay non ſeulement fatiffaire
voſtre curioſité ſur ce
que vous attendez de moy ;
mais pour vous marquer
mon exactitude à rechercher
tout ce que ces Ambaſſadeurs
ont dit , & tout ce
qu'ils ont fait , je vay vous
apprendre encore beaucoup
de choſes dignes de remarque
& qui m'eſtoient échapées
lors que je vous écrivis
ma premiere Lettre. Lejour
qu'ils curent Audience à S.
Cloud de Monfieur le Duc
de Chartres , Monfieur leur
ayant fait l'honneur de leur
parler avec cet air de bonté
des Amb. de Siam. 3
- qui luy eſt ſi naturel , le prece
mier Ambaſſadeur dit dans
;
er
l'inſtant meſme qu'il eut quiex
té ſon Alteſſe Royale , en
montrant ceux de ſa ſuite qui
ace
l'accompagnoient, Qu'il estoit
bienheureux d'avoir tant de té
Dus moins de l'honneur qu'il venoit
up de recevoir , puis que le Roy fon
ar- Maistre n'auroit pas cruſurſon
na rapport feul , qu'il euft eu le gloivis
rieux avantage d'entretenir le
Out Frere d'un auffi puißant Roy que
S. celuy de France , avec aurant
Duc de familiarité qu'il avoitplû à
cur Monsieur d'en avoir.
leut On luy demanda s'il vouontt
loit aller voir le Feu que Me
A ij
4 Suite du Voyage
le Comte de Lobcovvits,Envoyé
extraordinaire de l'Empereur
, devoit faire tirer en
réjoüiſſance de la priſe de
Bude, & il répondit, Que quoy
que ſa curiosité fuft grande pour
tout ce qui se faisoit en France ,
parce que tout ce qu'on y voyoit
estoit digne d'admiration , il étoit
neanmoins obligé de ſe priver du
plaisir de voir ce Feu, puis qu'il
n'avoit pû aller à celuy que la
Ville avoit faitpour Monseigneur
le Duc de Berry , dont Mile
"Prevoſt des Marchands luy avoit
fait l'honneur de le prier. Et il
ajoûta , Que n'ayant pas esté
à un Divertiſſement donnépar la
desAmb. de Siam.
5
Ville de Paris , il auroit mauvaiſe
grace d'aller àceluy d'un Etrannger.
e On ne peut avoir plus
d'honnêteté qu'il en a pour
earles Perſonnes diftinguées par
e, leur naiſſance ou par leur
it merite dans les Lettres &
it dans les Arts.Outre les comduplimens
qu'il leur fait , & les
Pilloüanges qu'il leur donne
la proportionnées à ce qu'ils
font , ils les arreſte à diſner ,
boit à leur ſanté ,& prend la
it peine , luy & les deux autres
le
i | Ambaſſadeurs , de leur ſervir
#tout ce qui luy paroît demeil-
14 leur ſur la table. Quant aux
۹
A iij
6 Snite du Voyage
Dames, il donne le plus beau
fruit , à celles qu'il croit les
plus diftinguées , ou qui meritent
de l'eftre par l'agrément
de leur perſonne. Il
fçeut un jour qu'il y avoit
parmy celles qui le regardoient
difner , une Parente
d'un homme dont ils avoient
lieu d'eſtre fatisfaits , à cauſe
de la bonne reception qu'il
leur avoit fait dans un lieur
où ils avoient eſté. Il ne
manqua pas de luy preſenter
du fruit ; & comme il
vouloit luy faire beaucoup
d'honneur , & la traiter avec
distinction , il n'en donna ce
des Amb. de Siam.
70
a
es
it
jour-la à aucune autre. Une
Dame de la compagnie , tou
te brillante d'or & de pierre-
.ries , ſe ſandalifa de n'avoir
Il pas eu le mefme honneur.
L'Ambaſſadeur le comprit,
& dit avec un grand fang
froid : Les bonneurs d'aujournt
d'buy font finis , nous aurons
fe peut efpre celuy de voir Madame
il un autre jour , &nous luy rendrons
ce qui luy est dew.
te
eu
ne
en
il
On ne sçauroit exprimer
les honneurs qu'il fit à Madame
la Comteſſe de Bethune
, lors qu'il eut ſçeu qu'elle
étoit Soeur de la Reyne de Poct
logne. Il fut long- temps fans
up
Jec
A iiij
8 Suite du Voyage
ſe vouloir mettre à table. 11
la pria inſtamment de diſner,
&luy voulut ceder ſa place ;
il en fit auſſi beaucoup au
Fils du grand General de Pologne
, qui eſtoit avec elle ,
& ce jeune Seigneur en fût
ſi charmé , qu'il luy fit le
lendemain preſent du Portrait
de Sa Majeſté Polonoiſe,
parce qu'ils avoient parléde
ce Monarque. Quoy que les
honneſtetez de cet Ambaſladeur
ayent toûjours defté
grandes , il n'eſt point neanmoins
forty du caractere que
fa digneté demande
ſçait le faire paroiſtre à pro-
,
& il
des Amb. de Siam. 9
pos . Il loüe ce qui merite
-, d'eſtre loüé , & ſe taie avec
;
e,
le
eſprit , quand il eſt plus à prou
pos de ſetaire que de parler.
Comme pluſieurs perſonnes
l'accabloient un jour indif
it cretement , en luy deman
dant fi ce qu'il voyoit eſtoit
quin
r. beau , il répondit : Si vous
e, voulez sçavoirsi je trouve une
de chose belle , vous n'avez qu'à
les voirfielle l'est en effet , & alors
a- vous pouvez croire qu'elle ne me
Ne paroist pas moinsbelle qu'à vous.
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Résumé : Paroles & actions du premier Ambassadeur, [titre d'après la table]
Le texte décrit la suite du voyage des ambassadeurs du roi de Siam en France. L'auteur exprime son désir de partager davantage de détails sur les actions et les paroles des ambassadeurs. Lors d'une audience avec Monsieur le Duc de Chartres, le premier ambassadeur exprime sa gratitude et son bonheur de recevoir un tel honneur, soulignant la familiarité et la bonté du Duc. Les ambassadeurs montrent une grande curiosité pour les événements en France mais déclinent certaines invitations par politesse, comme celle de voir un feu d'artifice en l'honneur de la prise de Bude, car ils n'avaient pas assisté à celui pour le Duc de Berry. Ils manifestent une honnêteté et un respect particuliers envers les personnes distinguées par leur naissance ou leurs mérites. Ils offrent des compliments, des friandises, et invitent souvent ces personnes à dîner, leur servant eux-mêmes. Avec les dames, ils offrent les meilleurs fruits à celles qu'ils jugent les plus dignes. Un jour, un ambassadeur refuse de donner des fruits à une dame brillante de bijoux, préférant en offrir à une parente d'une personne qui leur avait bien accueillis, promettant de rendre honneur à la première dame un autre jour. Les ambassadeurs montrent également des marques de respect particulières envers des personnes de haut rang, comme la Comtesse de Bethune, sœur de la reine de Pologne. Malgré leurs grandes honnêtetés, ils savent aussi se taire quand il est plus approprié de le faire. Lors d'une discussion sur la beauté des choses, un ambassadeur répond que s'il trouve quelque chose beau, c'est que cela l'est effectivement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 92-94
Comparaison des Royaumes de France, & de la Chine [titre d'après la table]
Début :
Cela leur donna occasion de parler des beautez de la [...]
Mots clefs :
France, Chine, Comparaison , Ambassadeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Comparaison des Royaumes de France, & de la Chine [titre d'après la table]
Cela leur
donna occafion de parler des
beautez de la France. Le fe
cond Ambaſſadeur dit que le
Roy de Siam avoit laiſfé àfon
choix , de venir en France , ou
de retourner à la Chine , où
il avoit déja esté Ambaſſadeur
; mais qu'encore que le
voyagefût beaucoup plus long&
:
des Amb. de Siam. 93
plus dangereux , il avoit mieux
aimé venir voir cette France
que l'on vantoit tant , & il en
parla d'une maniere qui fit
connoiſtre que la France étoit
beaucoup plus conſiderable
que l'Empire de la Chine. Je
vous ay déja marqué que cét
Ambaſſadeur est un homme
fort fincere , & qui en diſant
ſon ſentiment n'a point d'égard
au Païs où il eſt. Il ajoûta
à ce que je vous ay déja
dit , de la comparaiſon qu'il
a faite de la France & de la
Chine , qu'à l'égard d'appreſter
les viandes , &du nombre des
plats & des ſervices , ces deux
L
94 III P. duVoyage
puiſſans Etats avoient affez de
raport , mais qu'à l'égard des
ceremonies des Audiences publiques
, celles qui avoient effé obfervées
à l'Audience qu'ils avoient
evë duRoy estoient beau
soup plus grandes & plus re
marquables. Il dit enfin , que fi
bes Chinois avoient d'auffi bel-
Les choses qu'ily en a en Franve
, it estoit perfuadé qu'ils les
feroient voir.
donna occafion de parler des
beautez de la France. Le fe
cond Ambaſſadeur dit que le
Roy de Siam avoit laiſfé àfon
choix , de venir en France , ou
de retourner à la Chine , où
il avoit déja esté Ambaſſadeur
; mais qu'encore que le
voyagefût beaucoup plus long&
:
des Amb. de Siam. 93
plus dangereux , il avoit mieux
aimé venir voir cette France
que l'on vantoit tant , & il en
parla d'une maniere qui fit
connoiſtre que la France étoit
beaucoup plus conſiderable
que l'Empire de la Chine. Je
vous ay déja marqué que cét
Ambaſſadeur est un homme
fort fincere , & qui en diſant
ſon ſentiment n'a point d'égard
au Païs où il eſt. Il ajoûta
à ce que je vous ay déja
dit , de la comparaiſon qu'il
a faite de la France & de la
Chine , qu'à l'égard d'appreſter
les viandes , &du nombre des
plats & des ſervices , ces deux
L
94 III P. duVoyage
puiſſans Etats avoient affez de
raport , mais qu'à l'égard des
ceremonies des Audiences publiques
, celles qui avoient effé obfervées
à l'Audience qu'ils avoient
evë duRoy estoient beau
soup plus grandes & plus re
marquables. Il dit enfin , que fi
bes Chinois avoient d'auffi bel-
Les choses qu'ily en a en Franve
, it estoit perfuadé qu'ils les
feroient voir.
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Résumé : Comparaison des Royaumes de France, & de la Chine [titre d'après la table]
Un ambassadeur de Siam discute des beautés de la France avec des interlocuteurs. Il révèle que son roi avait le choix entre venir en France ou retourner en Chine, préférant la France malgré la longueur et les dangers du voyage. L'ambassadeur vante la grandeur et la considération supérieure de la France par rapport à l'Empire de la Chine. Il décrit la France comme ayant des cérémonies d'audiences publiques plus grandes et plus remarquables que celles observées en Chine. Il note également des similitudes entre les deux pays dans la préparation des viandes et le nombre de plats servis. L'ambassadeur, sincère et franc, conclut en exprimant sa conviction que les Chinois apprécieraient les beautés de la France s'ils les voyaient.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 136-185
Arras [titre d'après la table]
Début :
Le 19. ils disnerent à Sarbret, & ce qu'il y a de surprenant, [...]
Mots clefs :
Arras, Ville, Roi, Ambassadeurs, Comté, France, Dames, Ambassadeur, L'Arbret, Aix-Noulette, Temps, Église cathédrale, Place, Officiers, Actions, Armes, Magnificence, Fortifications, Régiment, Villeneuve, Gloire, Guerre, Prince, Citadelle, Mains, Lieutenant, Honneurs, Capitaine, Monarque, Merveilles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Arras [titre d'après la table]
Le 19. ils difnerent à Sarbret
, & ce qu'il y a de furprenant
, c'eſt qu'encore qu'il
n'y euſt en cet endroit qu'une
ſeule maiſon , deſtinée ſeulement
pour la Poſte , & dans
laquelle il n'y a que des chevaux
, les Ambaſſadeurs y
furent ſervis avec la meſme
magnificence qu'à Paris , ce
qur
qui dans un petit lieu , où
l'on ne peut rien trouver
ſembla tenir de l'enchante-
2
des Amb. de Siam. 137
ment. Les Services paroiffoient
preſque auffi grands que la
Maiſon , ce qui fit dire au
premier Ambaſſadeur que tout
contribuoit à faire voir la magnificence
du Roy. Ils partirent
enfuite pour Arras , Capitale
de l'Artois fur la riviere de
Scarpe. C'eſt une Ville dont
les Fortifications font tresregulieres.
Elle est fort ancienne
, & eftoit la premiere
du Comté de Flandre, quand
Charles leChauvé ladonna en
dotàJudith ſa fille , que Baudoüin
ditBras de fer,Comte de
Flandre épouſa en 863. Elle fut
M
138 III. P. dùVoyage
réunie à la France avec tout
l'Artois en 1180. par le mariage
de Philippe Augufte , avec
Iſabelle de Hainaut , Fille de
Baudoüin V. Le Chapitre de
l'Eglife Cathedrale de Nôtre-
Dame eſt compoſé de 40.
Chanoines , & de 52. Chapelains.
L'Evêque d'Arras eft
Suffragant de Cambray. Il y
a encore d'autres belles Eglifes
, la celebre Abaye de S.
Vaft , & unCollege de Jefuites.
Cette Ville fut livrée à
Maximilien I. en 1493. & enfin
ſoûmiſe aux François en
1640.
des Amb. de Siam. 139.
Les Ambaſſadeurs arriverent
fur les trois heures àune
demie licuë de cette Place . La
Cavalerie qui estoit allée au
devant d'eux , lesy attendoit.
Elle estoit compofée de douze
Compagnies du Regiment
de Conigſmark de 40.Maîtres
chacune. M' Mullor premier
Major du Regiment les commandoit.
Lorſque les Ambaffadeurs
approcherent , il les
fit ſaluer de l'épée par toute
cette Cavalerie , qui preceda
enfuite leur Caroffe. Ils trouverent
à la Bariere de la Contreſcarpe
, Male Comte de
Mij
140 III . P. du Voyage
1
Villeneuve Lieutenant de
Roy d'Aras , & qui commande
en l'abſence deM leComte
de Nancré qui en eſtGouverneur.
Il eſtoit accompagné
de tous les Officiers Majors. Il
leur témoigna la joye qu'il
avoit de pouvoir leur rendre
tous les honneurs que Sa Majeſté
luy avoit ordonné de
leur faire. Ils répondirent à ce
compliment de la maniere la
plus honneſte , & qui pouvoit
mieux marquer leur reconnoiſſance
Ils entrerent enfuite
dans la Ville au bruit
du Canon, & au travers d'une
des Amb. de Siam , 14
double haye d'Infanterie.Elle
eſtoit compoſée du Regiment
de Phiffer , qui avoit la droite,
& de 4 Compagnies du Regiment
de Stoup le jeune ,
qui estoit à gauche , à la tête
deſquelles eſtoit M. Lifler Capitaine
du Regiment. Les
Ambaſſadeurs faluerent toutes
les Dames qui estoient aux
feneftres pour les voir paffer.
Toute l'Infanterie les ſalua
de la pique. Pendant cetems
le carillon de la Ville ſe faifoit
entendre , & l'on fonna
une Cloche appellée Ioyeuse ,
parce qu'on ne la ſonne ja
142 III. P. du Voyage
mais que pour des ſujets de
réjoüiſlance. Quand la tête
de la Cavalerie eût atteint la
queuë de la Garde , à la teſte
de laquelle estoit M Courteft
Capitaine de Phiffer , elle
s'ouvrit , & forma deux hayes
pour laiſſer paffer leurs Caroffes
. M le Comte de Villeneuve
les reçut à la porte de
leur logis , & les conduifit
dans leur chambre , où il
entra feul avec M Torf , &
les Officiers Majors. On lia
converfation en attendant
Mrs les Magiſtrats. Les Ambaſſadeurs
ſe ſervirent de ce
desAmb. de Siam. 143
temps pour demander combien
il y avoit de feux &
d'Habitans dans Arras , & de
quelle grandeur eſtoit la Ville,
dont ils marquerent ſouhaiter
le Plan. Le Pere Recteur
des Jefuites vint pendant ce
temps- là , & leur témoigna ſa
reconnoiſſance que toute la
Compagnie avoit du bon
accüeil que le Roy de Siam
faiſoit aux Jeſuites dans fon
Royaume. L'Ambaſſadeur
luy répondit que le Roy fon
Maître les estimoit beaucoup ,
qu'ils n'en pouvoiët douter, puis
qu'il en demandoit encore. Mrs
144 III. P. du Voyage
du Magiſtrat eftant enſuite
arrivez , les Ambaſſadeurs ſe
leverent de leurs fauteüils , &
apres qu'ils les eurent ſaluez
à leur maniere pour repondre
à leur falut , Mª Palifor
d'Incourt Confeiller de Ville ,
& Deputé General & ordinaire
des Etats d'Artois pour
te tiers Etat , leur parla de cetle
forte .
MESSEIGNEVRS,
Cette Ville d' Arras a toûjours esté
Si jalouſe d'exécuter les ordres du
Roy , qu'elle les a toûjours receus
avec autant d'empreffement que de
Soumiffion. Ceux que Sa Majesté
nous
des Amb.de Siam. 145
nous donne aujourd'huy de vous
honorer avec une distinction toute
finguliere, font fi precis &fi pofitifs
, que nous avons juſte ſujet de
craindre que nos efforts ne soient
auſſi vains là deſſus, que nos volontezfont
finceres & toutes remplies
de ce zéle qui a toûjours fait toute
l'ame&tout l'esprit de nostre obéiffance.
En effet, Meſſeigneurs , ce
grand Roy ne pouvoit pas publier
avec plus d'éclat l'estime qu'il fait
de vostre Monarque & de vos Per-
Sonnes, qui charmez de la gloire
qu'il s'est acquiſe dans les expeditions
de la Guerre , &de laſageſſe
de ſa conduite dans la Paix, avez
bien voulu traverſer tant de mers
&fuivre, pour ainsi dire, le cours
du Soleil , pour voir un Prince quż
par la rapidité defes Victoires Sçait
N
146 III. P. du Voyage
le mieux imiter le mouvement de
ce bel Astre , qu'il prend pour fa
Deviſe. Vous reſſemblez en cela à
l'excellente Princeffe Nicaulis Reine
d'Egypte & d'Ethiopie, laquelle
ayant entendu parler de la vertu &
de la sagesse de Salomon, defira de
voir de ses propres yeux ,fi ce que
la Renommée publivit de luy estoit
veritable ; elle ne craignit point
pour cet effet d'entreprendre un long
voyage ; & aprés avoir esté remplie
d'étonnement de voir dans ce Prince
une capacitéfi extraordinaire, &
tant de merveilles dansfon Royau
me , elle ne pût s'empêcher de s'écrier,
Probavi quod media pars
mihi nuntiata non fuerit , major
eft fapientia tua & opera tua ,
quam rumor quem audivi. Ainsi,
Meßeigneurs , nous ne doutons pas
3
1
des Amb. de Siam. 147
qu'aprés que vous aurez admiré
l'esprit de Loüis le Grand , qui est
le Salomon de nostre fiecle, dans la
grandeur & la magnificence deſes
Bâtimens , dans l'oeconomie de sa
Maison, dans le bel ordre de fes
Troupes nombreuſes tant sur mer
quesur terre , dans le nombre infiny
deſesſurprenantes Conquestes , dans
la regularité des Fortifications de
fes Places, & en un mot, dans tout
le reste deſa conduite, vous ne rapportiezfidellement
à voſtre Souverain
Seigneur , que le bonheur de
nostre augusteMonarquefurpaſſede
beaucoup tout ce que vous vous en
estiezimaginé, &qu'il faut l'avoir
vû pour le pouvoir croire. Au reſte,
Meſſeigneurs , nous ne pouvons
mieux répondre aux commandemens
de Sa Majesté , qu'en vous
Nij
148 III . P. du Voyage
Suppliant trés-humblement de nous
honorer des vostres , & d'agréer ces
petits Prefens que nous vous apportons
pour marque qu'il n'y a rien
dans la Ville qui ne foit entierement
à voſtre diſpoſition , & que
nous sommes avec tout le respect
dont nous sommes capables,
MESSEIGNEVRS,
Vos tres humbles &
tres- obéïffans Serviteurs ,
Les Mayeur & Eſchevins
de la Ville d'Arras ..
1
L'Ambaſſadeur répondit,
Que le Roy fon Maistre estoit
un grand Monarque , qui ayant
entendu parler de la grandeur
desAmb de Siam. 149
du Roy de France , defes Conquestes,
&deſes manieres toutes
genereuſes , avoit envoyé il y a
quelques années des Ambaſſadeurs
pour luy demander fon
amitié ; mais que ces Ambaſſadeurs
ayant vray-femblablement
pery, puiſqu'on n'en avoit point
entendu parler, Sa Majesté Siamoiſe
impatiente de voirfon defir
accomply, les avoit de nouveau
envoyezenFrance, non pour aucun
interest ny pour traiterd'affaires
, puisque l'on doit estre
affez perfuadé que ces deux
grands Rois n'en ont point à
démefler enſemble ; mais uni-
Niij
150 III . P. du Voyage
quement pour l'honorer & pour
luy marquer avec quel empreffement
le Roy de Siam recherche
fon amitié. Ils adjoûterent,
qu'ils avoient beaucoup d'obligation
au Roy de la reception
qu'il avoit ordonné qu'on leur
fift dans toutes les Villes où ils
avoient paßé , & qu'ils remer
cioient en particulierMrs d'Arras
, de l'honneur & des Prefens
qu'ils leur faisoient. Cette réponſe
fit connoiſtre qu'ils
avoient compris le ſens de la
Harangue, puiſque l'Hiſtoire
nous apprend que la Reine de
Saba n'eſtoit venuë voir Sa-
1
des Amb. de Siam. 151
lomon que pouffée du defir
de reconnoiſtre en luy toutes
les merveilles que la Renommée
en publioit, & non pour
traiter avec luy d'aucunes
affaires . M de Ville eftant
fortis , M le Comte de Villeneuve
leur demanda l'ordre
, & ils donnerent pour
mot , qui m'attaque fe pert. Il
eſt à propos de marquer icy
une choſe qui vous fera connoiſtre
les raiſons qu'ils ont
cuës de donner par tout les
mots qui ont eſte ſi approuvez
, & qui leur ont fait meriter
tant de loüanges. En
Niiij
152 III. P. du Voyage
approchant de chaque Ville,
ils s'informoient de l'hiſtoire
de la Ville où ils alloient , de
l'état de la Place , des Sieges
qu'elle avoit ſoûtenus, & du
merite , de la qualité & des
actions du Gouverneur ; & de
toutes ces chofes , ainſi que
de ce qui leur arrivoit , &
de ce qu'ils voyoient dans la
Place, ils formoient les mots
que pour leur faire plus
d'honneur & marquer plus
de déference , les Commandans
leur demandoient. C'eſt
pourquoy ils donnerent celuy
de qui m'attaque se pert,
des Amb. de Siam. 153
ayant appris que de nombreuſes
Armées remplies de
Troupes de differentes Na--
tions,&commandées par des
Chefs d'une grande experience
, & d'une haute reputation
, avoient eſté contraints
de lever le Siege de devant
Arras. Le concours du peuple
fut grand pour les voir
ſouper ; mais comme ils auroient
eſté trop incommodez
, on ne laiſſa entrer que
les premieres perſonnes de la
Ville , & les principales Dames,
auſquelles ils firent tout
le bon accüeil imaginable.
154 III . P. du Voyage
Ils donnerent à la plus confiderable
ce que leur Deffert
avoit de plus beau , pour le
diftribuer aux autres ; ce
qu'ils ont fait fort ſouvent
en de pareilles occaſions .
Ils ne fortirent point le
lendemain matin , mais ils
reçûrent les viſites de M. le
Comte de Villeneuve Lieutenant
de Roy , de M² Bifſetz
Major de la Place , des
principaux Officiers de la
Garnifon , & de quelques
Mrs du Confeil. La plupart
de la Nobleſſe des environs
d'Arras vint auſſi les falier.i
des Amb. de Siam. iss
Onleur propoſa de leur faire
entendre l'aprés- dînée ce qui
fut chanté à Sceaux devant
le Roy , lorſque Sa Majefté
fit l'honneur àMª de Seignelay
d'aller voir cette belle
Maiſon , à quoy ils confentirent.
On ne laiſſa entrer
que les Dames pour les voir
dîner. Sur les deux heures
Me le Comte de Villeneuve
les vint prendre dans quatre
Carroffes , pour les mener à
la Citadelle , où Mª de la
Pleigniere qui en eſt Gouverneur
, les fit recevoir au
bruit du Canon. Ils paffer
156 III. P. du Voyage
rent au travers de deux hayes
d'Infanterie , & les Officiers
les falüerent de la Pique. II
leur fit voir les Fortifications
de la Place ; ils les examinerent
toutes , & demanderent
le nom de chaque piece. Ils
virent auſſi faire l'Exercice à
un Bataillon de Picardie qui
eftoit ſous les Armes , à quoy
ils prirent beaucoup de plaifir
. On leur fit voir enſuite
l'Arcenal , & tout ce qu'il y
a de remarquable dans cette
Citadelle ; aprés quoy on leur
fervit une magnifiqueCollation
, où l'on bût de quandesAnb.
de Siam. 157
zité de differentes Liqueurs.
Les Dames les plus diftinguées
de la Ville s'eſtoient
renduës dans la Citadelle ,
pour les voir plus commodément.
Ils les regalerent
de Confitures , & trouverent
qu'Arras ne manquoit pas de
beautez . La Santé du Roy
ne fut pas oubliée , & quelques
Dames la bûrent auffi.
Cette Affemblée n'eſtoitcompoſée
que de Gens de marque
, puiſqu'outre les Dames
il n'y avoit d'Hommes que
les Officiers de la Garniſon,
tant de la Ville , que de
158 IHI. P. du Voyage
la Citadelle . L'Ambaſſadeur
ayant apperçu un Plan qui
eſtoit attaché à la Tapiſſerie,
demanda quel Plan c'eſtoit.
On luy répondit , que s'eftoit
celuy de la Citadelle ; &
il le demanda à Mª de la
Pleigniere, qui le luy donna.
Comme ils avoient encore
beaucoup de choſes à
voir pendant le reſte de l'aprés-
dînée , ils ſortirent aufſi
- tôt que la Collation fut
finie , aprés avoir remercié
Mª de la Pleigniere en termes
fort obligeans, & le Canonſe
fit entendre à leur for
des Amb . de Siam. 159
tie de la même maniere qu'il
avoit fait lorſqu'ils eftoient
entrez. Ils allerent de là à
F'Eglife Cathedrale , où tout
le Peuple eſtoit accouru en
foule ; ils furent reçûs au
grand Portail par tout leChapitre
en corps , ce qui marquoit
quelque choſe de venerable
& d'augufte. Il avoit
à ſa tête M. le Févre
Prevoſt , Chanoine & Theologal
de cette Cathedrale ,
que nous avons veu Aumônier
& Predicateur de la Reine.
Voicy en quels termes
it parla aux Ambaſſadeurs .
160 III. P. du Voyage
MESSEIGNEURS ,
Puisque Sa Majesté vous envoye
furfes Frontieres pour vous rendre
Spectateurs de ſes Conquestes , que
la Renommée a portées jusqu'au
bout du Monde , ce qui vous afait
traverſer tant de Mers pour venir
admirer ce Salomon de nôtre Siecle
, nous ofons vous afſeurer que
la Ville d'Arras est un des plus
beaux &un des plus anciens Fleurons
de sa Couronne , & qu'il n'a
point dans tous ſes Estats de Province
plus memorable que celle
d'Artois , puisqu'elle a toûjours esté
regardée comme l'oeil & la clefde
toute la Flandre. En effet , Cefar
même n'a point balancé de paſſer
les Alpes , & de faire voir l'Aigle
Romaine aux Portes de cette CapidesAmb.
de Siam. 161
tale , dont le Siege luy cousta si
cher, qu'il avoue dansſes Commentaires
, que dans toutes les autres
attaques il avoit combattu pour la
gloire , mais qu'il avoit dans cellecy
deffendu fa propre vie , tant il
avoit trouvé de courage & de reſiſtance
dans lesPeuples qui la deffendoient.
On en voit encore les
glorieux restes , dans ce fameux
Camp * qui nous environne , où
ce grand Capitaine fut obligé de
demeurer fort long-temps , ne pou
vant vaincre cette genereuse opiniaſtreté
des Artefiens , qui arresta
le cours de ſes Victoires , &qui luy
fit acheter fi cherement la gloire
qu'il en remporta.
Cette Comté fameuse ayant par la
viciffitude des Temps & la revo-
*Le Camp de Cefar prés de l'Abbaye d'Eſtrun
162 III . P. duVoyage
lution des Guerres changé deMaitre
, & passé des mains des Ro
mains , dans celles des François,نم
de Payenne estant devenue Chrétienne,
fut l'Appanage de nos Princes
du Sang. Le grand faint Louys
enfit un Present à Robertfon Frere
; luy laiſſant pour partage les
Fleurs-de-Lys fans nombre , * it
luy fit comprendre qu'il ne devoit
point donner de bornes àson courage
sous un si glorieux Eftendart.
C'est ce Robert d'Artois qui paffantfur
le ventre à tant d'Infideles,
dont il achevoit la deffaiteà la
Mazoure dans l'Egypte , en devint
enfin la Victime , se croyant trop
heureux de verſertoutsonfangpour
la querelle du Sauveur du Monde ,
dont il vouloit arracher le facré
* Qui font les Armes encore aujourd'huy de
cetteProvince,
des Amb. de Siam. 163
Sepulchre des mains des Ottomans,
àla pointe deson épée.
Maissi cette Ville d'Arras s'est
distinguéepar les actions heroïques
qui se sont paßées au pied deses
murailles, &parses Princes qui se
font transportez chez les Nations
tesplus reculées pourysignaler leur
valeur , elle n'est pas moins recommandable
par ce fameux Traité de
Paix d'Arras en 1435.qui mit fin
à tant de differens, &à unesifanglante
guerre qui s'estoit allumée
dans toute l'Europe , ou le Duc de
Bourgogne fut en perſonne avec la
Ducheffefon Epouse Infante de Por
tugal. Ce Traitéy attira tout ce qu'il
yavoit de gens plus confiderables &
plus nobles fur la terre , les Legats
du Pape Eugene IV. ceux du Concile
de Bafle,&de l'Anti-Pape Fe
O ij
164 III. P. du Voyage
lix. L'EmpereurSigismond, lesRois
de Caſtille, d'Arragon, de Navarre,
de Naple , de Sicile & de Chypre,
de Dannemark & de Pologne, yenu.
voyerent leurs Ambaſſadeurs , qui .
jaloux de la gloire de leurs Nations
, affectoient une magnificence
extraordinaire . Ceux de France &
d'Angleterre encherirentfur les au
tres par la pompe de leurs Equipages
, les Ducs de Bourbon & de
Vendofme, avec les Conneſtable &
Chancelier, les Marcſchaux deRieux.
& de la Fayette, Adam de Cambray
Premier President au Parlement de
Paris,tous accompagnez d'une infinité
de Nobleffe de la Nation, qui
par leur politeffe & leur lustre don
nerent une haute idée de la leur.
Ce fut dans cetteAſſemblée que le..
Roy de France &le Duc de BourdesAmb.
de Siam. 165
gogne jetterent les fondemens d'une
Paix fincere, dont les fuites ont
esté trés- avantageuses à toute l'Europe
, qui fut jurée folemnellement
dans cette Eglise Cathedrale.
Voilà, Meffſeigneurs , l'éclat que
ba Ville d'Arras a tiré de la Paix
comme de la Guerre ; & cette Capitale
ayant depuis tombé tantôt.
dans les mains de Lauys XI. tantôt
dans celles de l'Empereur Maximilien
, qui faisoient à l'envy
leurs efforts pout s'en rendre les
Maistres , elle fut ensuite la dépofitaire
des cendres des Heros les.
plus distinguez dans la Guerre ;
puisque le Duc de Parme &le Maréchal
de Gaffion fant ensevelis.
dans l'enceinte de ses murailles,
comme si c'estoit le deftin à cette
Ville martiale de garder les précieux.
166 III. P. du Voyage
reftes de la bravoure& de la ge
nerosité qui fut le partage de ces
deux grands Capitaines.
Enfin Louys le lufte fut le dernier
Prince qui s'en afſeura la conqueste
par ses Armes victorieuses .
Elle ne balança pas d'ouvrir fis
Portes à un Roy qui devoit finir
fes miferes auffi- tôt qu'elle deviendroit
sasujette ; &pour en écarter
àjamais la tempeste qui la me
naçoit , LOVIS LE GRAND
en a reculé si loin la Frontiere de
fes Estats , qu'elte en est aujour
d'huy le centre , au lieu qu'elle en
estoit autrefois l'extremité : fi bien
que comme le grand Pompée fe
vantoit d'avoir fait parsa victoire
de l'Asie mineure , le milieu de
l'Empire Romain , qu'elle bornoiz
auparavant ; auffi l'on peut dire
des Amb. de Siam. 167
que la fameuse Ville d'Arras doit
aux Armesde LOVIS LE GRAND
l'avantage d'estre aujour'dbuy le
coeur de la France , dont elle estoit
cy - devant la teste.
Mais il manquoit àfagloire d'avoir
pour témoins deses antiquitez,
deses Fortifications , &defes
fertiles Campagnes , les Peuples les
plus reculez , quipour admirer toutes
ces merveilles ont traversé
toute la distance qui ſeparele Gange
d'avec la Mer Occidentale ,
qui vivant dans des Climats où
le Soleil commence sa course , font
venus jusqu'à ceux où ce grand
Aftre la finit ; en forte que l'on
peut dire de chacun de vous, Mef-
Seigneurs, ce que nous liſons dans
LeRoyProphete, quand il nous veut
donner une idée de fon mouve168
III . P. du Voyage
ment : * Exultavit ut gigas ad
currendam viam à ſummo Cælo
egreffio ejus , & occurfus ejus,
uſque ad fummum ejus.
Heureuſe Province , d'avoir receu
des Ambassadeurs Estrangers,
également venerables par le Prince
qu'ils reprefentent , &par l'importance
de leur ministere , qui n'ont
point apprehendé de faire un Voyage
de fix mille lieües pour ſe ménager
une Alliance avec LOVIS
LE GRAND. Ils pourront apprendre
au Roy de Siam toutes les
chofes quise font paßées sous fon
Regne , les grandes & fameuses
Victoires qu'il a remportées , les
Provinces qu'il a conquiſes , les
Citadelles qu'il a fait élever au
milien des Eaux , les Marais qu'il
*Pfal.. 44
desAmb de Siam. 169
deſſechez, le fecret qu'il a trouvé
de faire une Digue à la Mer,
pour arreſter l'impetuosité de ses ondes
qui n'avoient point encore più
trouver d'obstacle à leur rapidité.
Sans doute , Meſſeigneurs , le Roy
de Siam furpris de tant de merveilles
, se fera de LOVIS LE
GRAND une idée bien au deſſus
de celle que sa reputation luy avoit
donnée. Vôtre Roy que vous nommez
chez vous le Seigneur des Seigneurs
, & la seule cause du bon
heur deses Peuples , fera bien aiſe
d'apprendre de vous que vom avez
trouvé les François pleins de refpect
& de foimiſſion pour leur
Prince. Puiſſi z vous l'affeurer qu'il
n'est pas moins l'exemple , que le
Souverain de fes Sujets , &qu'il les
gouverne encore plus parses vertus,
P
1
170 III. P. du Voyage
que parses Loix. Peut- estre qu'en
luy representant l'Architecture &م
la beauté de cette Cathedrale , ore
reposent les cendres de Monfieur le
Comte de Vermandois , qui marchant
fur les traces de fon auguste Pere ,
aujourd'huy le plus grand des Rois ,
commençoit à ſe ſignaler déja dans la
Guerre ( C'est le précieux dépost que
Sa Majesté nous a confié depuis trois
ans dans ce Temple , où les ceremonies
de l'Eglife Chrétienne se celebrent
avec tant d'exactitude, & qui
depuis plus de treize Siecles a toujours
efté deffervie par tant de Saints
Evêques par tant de Chanoines,
d'un merite fi diftingué ) Peut- estre,
dis - je , que par un miracle qui n'a
point encore paru dans nosjours , le
Ciclouvrira fon coeur , & le faisant
fortir avec ses sujets des tenebres
des Amb. de Siam. 171
qui les aveuglent , il luy donnera
l'envie d'imiter LOVIS LE
GRAND dans sa Religion , comme
dans sa Domination : fi bienque
faisant tous deux une Alliance de
picté , comme de commerce ilsferont
tous deux également heureux
dans ce Monde , &pourront ajous.
ter à la Couronne qu'ils poſſedent
déjafur la Terre , celle de l'Eternité.
,
CetteHarangue ayant eſté
interpretée , l'Ambaſſadeur
répondit , Voftre Harangue ,
Monfieur , roule fur deux chefs,
fur la gloire de Loüis XIV. &
fur le defir que vous avez ainſi
que Sa Majesté , de noftre con-
Pij
172 III. P. du Voyage
version. A l'égard du premier,
on ne peut estre mieux perfuadé
que nous leſommes, des grandes
actions de ce Monarque , dont
la reputation nous a fait venir
de fi loin. Nous ne doutons pas
non plus defa magnificence &
de fa grandeur, puisque nous en
avons fait une experience ſenſible
à ſa Cour &furfes Frontieres.
A l'égard du ſecond point
qui regarde nostre converſion à
la Foy Catholique Romaine, nous
avons des Evesques en noftre
Royaume , qui pourront nous en
inftruire. Il remercia enfuite
tout le Corps du Chapitre,
des Amb. de Siam. 173
de l'honneur qu'il leur faifoit
; aprés quoy ils regarderent
l'Egliſe tant par dehors
que par dedans. Ils entrerent
dans le Choeur , dont ils admirerent
l'Architecture , &
particulierement les petits pilliers
qui ſoûtiennent un auffi
grand Vaiſſeau. On les conduifit
vers la Tombe de M
le Comte de Vermandois , &
on leur dit , qu'il eſtoit grand
Admiral, legitimé de France, &
Frere de Madame la Princeffe de
Conty. L'on s'apperceut alors
qu'ils ſe mirent tous trois fur
ce Tombeau, qu'ils porterent
Piij
174 III . P. du Voyage
leurs mains à leurs yeux , &
qu'ils les frotterent ; & l'on
apprit que c'eſt une maniere
uſitée chez eux pour témoigner
leur deüil. Ils prirent
beaucoup de plaisir à entendre
les Orgues de cette Cathedrale
, qui font fort bonnes
; & fortirent de cette
Egliſe aprés avoir fait de
nouveaux remercîmens au
Prevoſt & aux Chanoines .
Apres cela ils allerent au
Magaſin d'Armes, qu'ils trouverent
en trés-bon état. C'eſt
l'effet des ſoins du Miniſtre
qui s'en meſle. Ils virent auffi
desAmb . de Siam , 175
la celebre Abbaye de Saint-
Vaaſt , & furent receus à la
Porte par le Grand Prieur ,
qui eſtoit à la teſte de fa
Communauté , & qui leur fit
un compliment affez court.
Il le finit en diſant , qu'ils les
recevoient avec tous les honneurs
qu'il eſtoit en leur pouvoir de
leurfaire, puiſque la haute eftime
que Sa Majesté faisoit du
Monarque qui les luy avoit envoyez,
&la confideration particuliere
qu'Elle avoit pour leurs
Excellences , estoit la régle du
profond respect avec lequel ils
ſe preſentoient à eux, en leur
Piiij
176 III. P. du Voyage
offrant très-humblement leMonastere
& tout ce qui en dépendoit.
Ils répondirent qu'ils eftoient
bien perfuadez que les
honneurs que ces Religieux leur
rendoient, estoient une continiation
des effets de la bonté du
Roy à leur égard , & que c'eftoit
à Sa Majesté à qui ils en
avoient toute l'obligation ; mais
qu'ils vouloient pourtant leur en
avoir aufſi. Enfuite ils les
remercierent de la maniere
honneſte dont ils en uſoient;
aprés quoy ils entrerent dans
l'Eglife , & s'arreſterent dans
la Nef pour en confiderer la
des Amb. de Siam. 177
ſtructure ; ce qu'ils firent fort
attentivement. Puis ils entrerent
au Choeur , & s'attacherent
à regarder la ſculpture
des Chaiſes, qui eſt trés-belle
&fort eſtimée . On leur montra
leTombeau du RoyThierry
de la premiere Race , & Fondateur
de ce Convent ; & on
leur dit qu'il ne s'en faloit que
8 années qu'il ne fuft mort ily
a mille ans. L'Ambaſſadeur
demanda comment il eſtoit poffible
qu'ily eust un Roy de France
enterré dans cette Abbaye depuis
fi longtemps , &qu'ily en
cust fi peu , que ce Pays ap
178 III. P. du Voyage
partenoit à la France , Arras
ayant esté pris par le feu Roy.
Le Grand Prieur leur expliqua
en peu de mots , comment
tout le Pays-bas eſtoit
une partie du Royaume de
France ; qu'il n'en avoit eſté
ſeparé que trés-peu de temps,
ſçavoir depuis l'an 1525. jufques
en l'an 1640. & qu'à
l'exception de ce temps-là,
les Rois de France en avoient
toûjours eſté reconnus pour
legitimes Souverains . On les
mena au fortir de l'Eglife ,
dans les Cloiftres, & dans un
Refectoire. De là ils repaffe
des Amb. de Siam. 179
rent par l'Eglife , & eftant à
la porte , l'Ambaſſadeur fit
tout ce qu'il pût pour empeſcher
le Grand Prieur de le
conduire juſqu'à fon carroffe
; mais il crut eſtre obligé
de l'y voir monter. Je ne
vous parleray point des complimens
de remercîment que
firent les Ambaſſadeurs , & je
les retrancheray meſme en
beaucoup d'endroits, puiſque
leur civilité eſt aſſez connuë
pour ne pas douter qu'ils n'en
ayent donné des marques à
toutes les perſonnes qui ont
pris la peine de leur montrer
quelque choſe.
180 III. P. du Voyage
Au fortir de l'Abbaye de
Saint Vaaft , ils allerent au
Concert dont on leur avoit
parlé le matin , & dont Madame
de Préfontaine, femme
du Prefident du Confeil d'Artois
, faifoit les honneurs
Elle les reçût accompagnée
des principales Dames de la
Ville. Les Muficiens estoient
dans une fort grande Salle,
dans laquelle il ſe trouva une
grande affluence de monde,
quelque ordre qu'on cût apporté
pour empêcher la foule.
Ils furent fort fatisfaits
de ce Concert , & le témoides
Amb . de Siam. 181
gnerent à Madame de Préfontaine
, en luy faiſant leurs
remerciemens . Ils retournerent
enſuite chez eux , où ils
trouverent leur Garde ſous
les Armes ; car on avoit mis
à la porte de leur Logement
une Compagnie Suiſſe , avec
un Capitaine & un Lieutenant.
Elle fortoit du Corps
de garde pour ſe mettre en
hayequand les Ambaſſadeurs
devoient fortir , & battoit
lorſqu'ils fortoient & qu'ils
rentroient. Aufli - tôt qu'ils
furent arrivez chez eux , Mr
Biſſetz leur porta le Plan de
182 III. P.du Voyage
la Ville que le premier Am
baffadeur luy avoit deman-
-dé , & qu'il examina d'une
maniere qui marquoit qu'il
commençoit à devenir ſçavant
dans nos Fortifications .
Ce même Major leur demanda
le mot , & ils donnerent
Actions éclatantes , par
rapport à ce ce qu'on leur
avoit dit, qu'aux deux Sieges
d'Arras il y avoit eu beaucoup
d'actions remarquables,
& particulierement au ſecond
, où les Afliegeans avoient
ſouvent eſté repouffez.
On leur avoit même
4
des Amb. de Siam. 183
montré les endroits où les
actions de vigueur s'eftoient
-faites . Le premier Ambaffadeur
demanda à M Biffetz
, s'il estoit François ; &
comme on luy eut répondu ,
que oüy , &qu'il estoit Major
de la Place , il luy dit , qu'en
fon Pays on avoit la barbe &
les cheveux comme luy. M
Biſſetz luy répondit , que s'il
n'eſtoit point François , il voudroit
estre Siamois . Comme
il y avoit beaucoup de Dames
à Arras qui n'avoient
encore pû les voir , il s'en
trouva beaucoup ce foir-là à
r
184 III. P.du Voyage
leur ſoûpé , où tout ſe paſſa
à lordinaire .
Le lendemain 21. M le
Lieutenant de Roy & Ms les
Officiers Majors , ſe rendirent
à leur lever ; & les Ambaſſadeurs
aprés les avoir remerciez
avec des expreffions
pleines de reconnoiffance ,
monterent en Carroſſe à huit
heures préciſes du matin ; &
toutes les Troupes eſtant
fous les Armes comme à leur
arrivée , ils fortirent au bruit
du Canon & du Carillon de
la Ville. Mes du Magiſtrat
le firent joüer trois fois le
desAmb. de Siam. 185
jour pendant tout le temps
que ces Ambaſſadeurs féjournerent
à Arras , ſçavoir une
heure au matin , une hcure à
midy , & une heure. le ſoir,
ainſi qu'à leur entrée & à leur
fortie . Ils allerent ce jour-là
21. dîner à Aiffe , qui eſt un
petit Village entre Arras &
Bethune.
, & ce qu'il y a de furprenant
, c'eſt qu'encore qu'il
n'y euſt en cet endroit qu'une
ſeule maiſon , deſtinée ſeulement
pour la Poſte , & dans
laquelle il n'y a que des chevaux
, les Ambaſſadeurs y
furent ſervis avec la meſme
magnificence qu'à Paris , ce
qur
qui dans un petit lieu , où
l'on ne peut rien trouver
ſembla tenir de l'enchante-
2
des Amb. de Siam. 137
ment. Les Services paroiffoient
preſque auffi grands que la
Maiſon , ce qui fit dire au
premier Ambaſſadeur que tout
contribuoit à faire voir la magnificence
du Roy. Ils partirent
enfuite pour Arras , Capitale
de l'Artois fur la riviere de
Scarpe. C'eſt une Ville dont
les Fortifications font tresregulieres.
Elle est fort ancienne
, & eftoit la premiere
du Comté de Flandre, quand
Charles leChauvé ladonna en
dotàJudith ſa fille , que Baudoüin
ditBras de fer,Comte de
Flandre épouſa en 863. Elle fut
M
138 III. P. dùVoyage
réunie à la France avec tout
l'Artois en 1180. par le mariage
de Philippe Augufte , avec
Iſabelle de Hainaut , Fille de
Baudoüin V. Le Chapitre de
l'Eglife Cathedrale de Nôtre-
Dame eſt compoſé de 40.
Chanoines , & de 52. Chapelains.
L'Evêque d'Arras eft
Suffragant de Cambray. Il y
a encore d'autres belles Eglifes
, la celebre Abaye de S.
Vaft , & unCollege de Jefuites.
Cette Ville fut livrée à
Maximilien I. en 1493. & enfin
ſoûmiſe aux François en
1640.
des Amb. de Siam. 139.
Les Ambaſſadeurs arriverent
fur les trois heures àune
demie licuë de cette Place . La
Cavalerie qui estoit allée au
devant d'eux , lesy attendoit.
Elle estoit compofée de douze
Compagnies du Regiment
de Conigſmark de 40.Maîtres
chacune. M' Mullor premier
Major du Regiment les commandoit.
Lorſque les Ambaffadeurs
approcherent , il les
fit ſaluer de l'épée par toute
cette Cavalerie , qui preceda
enfuite leur Caroffe. Ils trouverent
à la Bariere de la Contreſcarpe
, Male Comte de
Mij
140 III . P. du Voyage
1
Villeneuve Lieutenant de
Roy d'Aras , & qui commande
en l'abſence deM leComte
de Nancré qui en eſtGouverneur.
Il eſtoit accompagné
de tous les Officiers Majors. Il
leur témoigna la joye qu'il
avoit de pouvoir leur rendre
tous les honneurs que Sa Majeſté
luy avoit ordonné de
leur faire. Ils répondirent à ce
compliment de la maniere la
plus honneſte , & qui pouvoit
mieux marquer leur reconnoiſſance
Ils entrerent enfuite
dans la Ville au bruit
du Canon, & au travers d'une
des Amb. de Siam , 14
double haye d'Infanterie.Elle
eſtoit compoſée du Regiment
de Phiffer , qui avoit la droite,
& de 4 Compagnies du Regiment
de Stoup le jeune ,
qui estoit à gauche , à la tête
deſquelles eſtoit M. Lifler Capitaine
du Regiment. Les
Ambaſſadeurs faluerent toutes
les Dames qui estoient aux
feneftres pour les voir paffer.
Toute l'Infanterie les ſalua
de la pique. Pendant cetems
le carillon de la Ville ſe faifoit
entendre , & l'on fonna
une Cloche appellée Ioyeuse ,
parce qu'on ne la ſonne ja
142 III. P. du Voyage
mais que pour des ſujets de
réjoüiſlance. Quand la tête
de la Cavalerie eût atteint la
queuë de la Garde , à la teſte
de laquelle estoit M Courteft
Capitaine de Phiffer , elle
s'ouvrit , & forma deux hayes
pour laiſſer paffer leurs Caroffes
. M le Comte de Villeneuve
les reçut à la porte de
leur logis , & les conduifit
dans leur chambre , où il
entra feul avec M Torf , &
les Officiers Majors. On lia
converfation en attendant
Mrs les Magiſtrats. Les Ambaſſadeurs
ſe ſervirent de ce
desAmb. de Siam. 143
temps pour demander combien
il y avoit de feux &
d'Habitans dans Arras , & de
quelle grandeur eſtoit la Ville,
dont ils marquerent ſouhaiter
le Plan. Le Pere Recteur
des Jefuites vint pendant ce
temps- là , & leur témoigna ſa
reconnoiſſance que toute la
Compagnie avoit du bon
accüeil que le Roy de Siam
faiſoit aux Jeſuites dans fon
Royaume. L'Ambaſſadeur
luy répondit que le Roy fon
Maître les estimoit beaucoup ,
qu'ils n'en pouvoiët douter, puis
qu'il en demandoit encore. Mrs
144 III. P. du Voyage
du Magiſtrat eftant enſuite
arrivez , les Ambaſſadeurs ſe
leverent de leurs fauteüils , &
apres qu'ils les eurent ſaluez
à leur maniere pour repondre
à leur falut , Mª Palifor
d'Incourt Confeiller de Ville ,
& Deputé General & ordinaire
des Etats d'Artois pour
te tiers Etat , leur parla de cetle
forte .
MESSEIGNEVRS,
Cette Ville d' Arras a toûjours esté
Si jalouſe d'exécuter les ordres du
Roy , qu'elle les a toûjours receus
avec autant d'empreffement que de
Soumiffion. Ceux que Sa Majesté
nous
des Amb.de Siam. 145
nous donne aujourd'huy de vous
honorer avec une distinction toute
finguliere, font fi precis &fi pofitifs
, que nous avons juſte ſujet de
craindre que nos efforts ne soient
auſſi vains là deſſus, que nos volontezfont
finceres & toutes remplies
de ce zéle qui a toûjours fait toute
l'ame&tout l'esprit de nostre obéiffance.
En effet, Meſſeigneurs , ce
grand Roy ne pouvoit pas publier
avec plus d'éclat l'estime qu'il fait
de vostre Monarque & de vos Per-
Sonnes, qui charmez de la gloire
qu'il s'est acquiſe dans les expeditions
de la Guerre , &de laſageſſe
de ſa conduite dans la Paix, avez
bien voulu traverſer tant de mers
&fuivre, pour ainsi dire, le cours
du Soleil , pour voir un Prince quż
par la rapidité defes Victoires Sçait
N
146 III. P. du Voyage
le mieux imiter le mouvement de
ce bel Astre , qu'il prend pour fa
Deviſe. Vous reſſemblez en cela à
l'excellente Princeffe Nicaulis Reine
d'Egypte & d'Ethiopie, laquelle
ayant entendu parler de la vertu &
de la sagesse de Salomon, defira de
voir de ses propres yeux ,fi ce que
la Renommée publivit de luy estoit
veritable ; elle ne craignit point
pour cet effet d'entreprendre un long
voyage ; & aprés avoir esté remplie
d'étonnement de voir dans ce Prince
une capacitéfi extraordinaire, &
tant de merveilles dansfon Royau
me , elle ne pût s'empêcher de s'écrier,
Probavi quod media pars
mihi nuntiata non fuerit , major
eft fapientia tua & opera tua ,
quam rumor quem audivi. Ainsi,
Meßeigneurs , nous ne doutons pas
3
1
des Amb. de Siam. 147
qu'aprés que vous aurez admiré
l'esprit de Loüis le Grand , qui est
le Salomon de nostre fiecle, dans la
grandeur & la magnificence deſes
Bâtimens , dans l'oeconomie de sa
Maison, dans le bel ordre de fes
Troupes nombreuſes tant sur mer
quesur terre , dans le nombre infiny
deſesſurprenantes Conquestes , dans
la regularité des Fortifications de
fes Places, & en un mot, dans tout
le reste deſa conduite, vous ne rapportiezfidellement
à voſtre Souverain
Seigneur , que le bonheur de
nostre augusteMonarquefurpaſſede
beaucoup tout ce que vous vous en
estiezimaginé, &qu'il faut l'avoir
vû pour le pouvoir croire. Au reſte,
Meſſeigneurs , nous ne pouvons
mieux répondre aux commandemens
de Sa Majesté , qu'en vous
Nij
148 III . P. du Voyage
Suppliant trés-humblement de nous
honorer des vostres , & d'agréer ces
petits Prefens que nous vous apportons
pour marque qu'il n'y a rien
dans la Ville qui ne foit entierement
à voſtre diſpoſition , & que
nous sommes avec tout le respect
dont nous sommes capables,
MESSEIGNEVRS,
Vos tres humbles &
tres- obéïffans Serviteurs ,
Les Mayeur & Eſchevins
de la Ville d'Arras ..
1
L'Ambaſſadeur répondit,
Que le Roy fon Maistre estoit
un grand Monarque , qui ayant
entendu parler de la grandeur
desAmb de Siam. 149
du Roy de France , defes Conquestes,
&deſes manieres toutes
genereuſes , avoit envoyé il y a
quelques années des Ambaſſadeurs
pour luy demander fon
amitié ; mais que ces Ambaſſadeurs
ayant vray-femblablement
pery, puiſqu'on n'en avoit point
entendu parler, Sa Majesté Siamoiſe
impatiente de voirfon defir
accomply, les avoit de nouveau
envoyezenFrance, non pour aucun
interest ny pour traiterd'affaires
, puisque l'on doit estre
affez perfuadé que ces deux
grands Rois n'en ont point à
démefler enſemble ; mais uni-
Niij
150 III . P. du Voyage
quement pour l'honorer & pour
luy marquer avec quel empreffement
le Roy de Siam recherche
fon amitié. Ils adjoûterent,
qu'ils avoient beaucoup d'obligation
au Roy de la reception
qu'il avoit ordonné qu'on leur
fift dans toutes les Villes où ils
avoient paßé , & qu'ils remer
cioient en particulierMrs d'Arras
, de l'honneur & des Prefens
qu'ils leur faisoient. Cette réponſe
fit connoiſtre qu'ils
avoient compris le ſens de la
Harangue, puiſque l'Hiſtoire
nous apprend que la Reine de
Saba n'eſtoit venuë voir Sa-
1
des Amb. de Siam. 151
lomon que pouffée du defir
de reconnoiſtre en luy toutes
les merveilles que la Renommée
en publioit, & non pour
traiter avec luy d'aucunes
affaires . M de Ville eftant
fortis , M le Comte de Villeneuve
leur demanda l'ordre
, & ils donnerent pour
mot , qui m'attaque fe pert. Il
eſt à propos de marquer icy
une choſe qui vous fera connoiſtre
les raiſons qu'ils ont
cuës de donner par tout les
mots qui ont eſte ſi approuvez
, & qui leur ont fait meriter
tant de loüanges. En
Niiij
152 III. P. du Voyage
approchant de chaque Ville,
ils s'informoient de l'hiſtoire
de la Ville où ils alloient , de
l'état de la Place , des Sieges
qu'elle avoit ſoûtenus, & du
merite , de la qualité & des
actions du Gouverneur ; & de
toutes ces chofes , ainſi que
de ce qui leur arrivoit , &
de ce qu'ils voyoient dans la
Place, ils formoient les mots
que pour leur faire plus
d'honneur & marquer plus
de déference , les Commandans
leur demandoient. C'eſt
pourquoy ils donnerent celuy
de qui m'attaque se pert,
des Amb. de Siam. 153
ayant appris que de nombreuſes
Armées remplies de
Troupes de differentes Na--
tions,&commandées par des
Chefs d'une grande experience
, & d'une haute reputation
, avoient eſté contraints
de lever le Siege de devant
Arras. Le concours du peuple
fut grand pour les voir
ſouper ; mais comme ils auroient
eſté trop incommodez
, on ne laiſſa entrer que
les premieres perſonnes de la
Ville , & les principales Dames,
auſquelles ils firent tout
le bon accüeil imaginable.
154 III . P. du Voyage
Ils donnerent à la plus confiderable
ce que leur Deffert
avoit de plus beau , pour le
diftribuer aux autres ; ce
qu'ils ont fait fort ſouvent
en de pareilles occaſions .
Ils ne fortirent point le
lendemain matin , mais ils
reçûrent les viſites de M. le
Comte de Villeneuve Lieutenant
de Roy , de M² Bifſetz
Major de la Place , des
principaux Officiers de la
Garnifon , & de quelques
Mrs du Confeil. La plupart
de la Nobleſſe des environs
d'Arras vint auſſi les falier.i
des Amb. de Siam. iss
Onleur propoſa de leur faire
entendre l'aprés- dînée ce qui
fut chanté à Sceaux devant
le Roy , lorſque Sa Majefté
fit l'honneur àMª de Seignelay
d'aller voir cette belle
Maiſon , à quoy ils confentirent.
On ne laiſſa entrer
que les Dames pour les voir
dîner. Sur les deux heures
Me le Comte de Villeneuve
les vint prendre dans quatre
Carroffes , pour les mener à
la Citadelle , où Mª de la
Pleigniere qui en eſt Gouverneur
, les fit recevoir au
bruit du Canon. Ils paffer
156 III. P. du Voyage
rent au travers de deux hayes
d'Infanterie , & les Officiers
les falüerent de la Pique. II
leur fit voir les Fortifications
de la Place ; ils les examinerent
toutes , & demanderent
le nom de chaque piece. Ils
virent auſſi faire l'Exercice à
un Bataillon de Picardie qui
eftoit ſous les Armes , à quoy
ils prirent beaucoup de plaifir
. On leur fit voir enſuite
l'Arcenal , & tout ce qu'il y
a de remarquable dans cette
Citadelle ; aprés quoy on leur
fervit une magnifiqueCollation
, où l'on bût de quandesAnb.
de Siam. 157
zité de differentes Liqueurs.
Les Dames les plus diftinguées
de la Ville s'eſtoient
renduës dans la Citadelle ,
pour les voir plus commodément.
Ils les regalerent
de Confitures , & trouverent
qu'Arras ne manquoit pas de
beautez . La Santé du Roy
ne fut pas oubliée , & quelques
Dames la bûrent auffi.
Cette Affemblée n'eſtoitcompoſée
que de Gens de marque
, puiſqu'outre les Dames
il n'y avoit d'Hommes que
les Officiers de la Garniſon,
tant de la Ville , que de
158 IHI. P. du Voyage
la Citadelle . L'Ambaſſadeur
ayant apperçu un Plan qui
eſtoit attaché à la Tapiſſerie,
demanda quel Plan c'eſtoit.
On luy répondit , que s'eftoit
celuy de la Citadelle ; &
il le demanda à Mª de la
Pleigniere, qui le luy donna.
Comme ils avoient encore
beaucoup de choſes à
voir pendant le reſte de l'aprés-
dînée , ils ſortirent aufſi
- tôt que la Collation fut
finie , aprés avoir remercié
Mª de la Pleigniere en termes
fort obligeans, & le Canonſe
fit entendre à leur for
des Amb . de Siam. 159
tie de la même maniere qu'il
avoit fait lorſqu'ils eftoient
entrez. Ils allerent de là à
F'Eglife Cathedrale , où tout
le Peuple eſtoit accouru en
foule ; ils furent reçûs au
grand Portail par tout leChapitre
en corps , ce qui marquoit
quelque choſe de venerable
& d'augufte. Il avoit
à ſa tête M. le Févre
Prevoſt , Chanoine & Theologal
de cette Cathedrale ,
que nous avons veu Aumônier
& Predicateur de la Reine.
Voicy en quels termes
it parla aux Ambaſſadeurs .
160 III. P. du Voyage
MESSEIGNEURS ,
Puisque Sa Majesté vous envoye
furfes Frontieres pour vous rendre
Spectateurs de ſes Conquestes , que
la Renommée a portées jusqu'au
bout du Monde , ce qui vous afait
traverſer tant de Mers pour venir
admirer ce Salomon de nôtre Siecle
, nous ofons vous afſeurer que
la Ville d'Arras est un des plus
beaux &un des plus anciens Fleurons
de sa Couronne , & qu'il n'a
point dans tous ſes Estats de Province
plus memorable que celle
d'Artois , puisqu'elle a toûjours esté
regardée comme l'oeil & la clefde
toute la Flandre. En effet , Cefar
même n'a point balancé de paſſer
les Alpes , & de faire voir l'Aigle
Romaine aux Portes de cette CapidesAmb.
de Siam. 161
tale , dont le Siege luy cousta si
cher, qu'il avoue dansſes Commentaires
, que dans toutes les autres
attaques il avoit combattu pour la
gloire , mais qu'il avoit dans cellecy
deffendu fa propre vie , tant il
avoit trouvé de courage & de reſiſtance
dans lesPeuples qui la deffendoient.
On en voit encore les
glorieux restes , dans ce fameux
Camp * qui nous environne , où
ce grand Capitaine fut obligé de
demeurer fort long-temps , ne pou
vant vaincre cette genereuse opiniaſtreté
des Artefiens , qui arresta
le cours de ſes Victoires , &qui luy
fit acheter fi cherement la gloire
qu'il en remporta.
Cette Comté fameuse ayant par la
viciffitude des Temps & la revo-
*Le Camp de Cefar prés de l'Abbaye d'Eſtrun
162 III . P. duVoyage
lution des Guerres changé deMaitre
, & passé des mains des Ro
mains , dans celles des François,نم
de Payenne estant devenue Chrétienne,
fut l'Appanage de nos Princes
du Sang. Le grand faint Louys
enfit un Present à Robertfon Frere
; luy laiſſant pour partage les
Fleurs-de-Lys fans nombre , * it
luy fit comprendre qu'il ne devoit
point donner de bornes àson courage
sous un si glorieux Eftendart.
C'est ce Robert d'Artois qui paffantfur
le ventre à tant d'Infideles,
dont il achevoit la deffaiteà la
Mazoure dans l'Egypte , en devint
enfin la Victime , se croyant trop
heureux de verſertoutsonfangpour
la querelle du Sauveur du Monde ,
dont il vouloit arracher le facré
* Qui font les Armes encore aujourd'huy de
cetteProvince,
des Amb. de Siam. 163
Sepulchre des mains des Ottomans,
àla pointe deson épée.
Maissi cette Ville d'Arras s'est
distinguéepar les actions heroïques
qui se sont paßées au pied deses
murailles, &parses Princes qui se
font transportez chez les Nations
tesplus reculées pourysignaler leur
valeur , elle n'est pas moins recommandable
par ce fameux Traité de
Paix d'Arras en 1435.qui mit fin
à tant de differens, &à unesifanglante
guerre qui s'estoit allumée
dans toute l'Europe , ou le Duc de
Bourgogne fut en perſonne avec la
Ducheffefon Epouse Infante de Por
tugal. Ce Traitéy attira tout ce qu'il
yavoit de gens plus confiderables &
plus nobles fur la terre , les Legats
du Pape Eugene IV. ceux du Concile
de Bafle,&de l'Anti-Pape Fe
O ij
164 III. P. du Voyage
lix. L'EmpereurSigismond, lesRois
de Caſtille, d'Arragon, de Navarre,
de Naple , de Sicile & de Chypre,
de Dannemark & de Pologne, yenu.
voyerent leurs Ambaſſadeurs , qui .
jaloux de la gloire de leurs Nations
, affectoient une magnificence
extraordinaire . Ceux de France &
d'Angleterre encherirentfur les au
tres par la pompe de leurs Equipages
, les Ducs de Bourbon & de
Vendofme, avec les Conneſtable &
Chancelier, les Marcſchaux deRieux.
& de la Fayette, Adam de Cambray
Premier President au Parlement de
Paris,tous accompagnez d'une infinité
de Nobleffe de la Nation, qui
par leur politeffe & leur lustre don
nerent une haute idée de la leur.
Ce fut dans cetteAſſemblée que le..
Roy de France &le Duc de BourdesAmb.
de Siam. 165
gogne jetterent les fondemens d'une
Paix fincere, dont les fuites ont
esté trés- avantageuses à toute l'Europe
, qui fut jurée folemnellement
dans cette Eglise Cathedrale.
Voilà, Meffſeigneurs , l'éclat que
ba Ville d'Arras a tiré de la Paix
comme de la Guerre ; & cette Capitale
ayant depuis tombé tantôt.
dans les mains de Lauys XI. tantôt
dans celles de l'Empereur Maximilien
, qui faisoient à l'envy
leurs efforts pout s'en rendre les
Maistres , elle fut ensuite la dépofitaire
des cendres des Heros les.
plus distinguez dans la Guerre ;
puisque le Duc de Parme &le Maréchal
de Gaffion fant ensevelis.
dans l'enceinte de ses murailles,
comme si c'estoit le deftin à cette
Ville martiale de garder les précieux.
166 III. P. du Voyage
reftes de la bravoure& de la ge
nerosité qui fut le partage de ces
deux grands Capitaines.
Enfin Louys le lufte fut le dernier
Prince qui s'en afſeura la conqueste
par ses Armes victorieuses .
Elle ne balança pas d'ouvrir fis
Portes à un Roy qui devoit finir
fes miferes auffi- tôt qu'elle deviendroit
sasujette ; &pour en écarter
àjamais la tempeste qui la me
naçoit , LOVIS LE GRAND
en a reculé si loin la Frontiere de
fes Estats , qu'elte en est aujour
d'huy le centre , au lieu qu'elle en
estoit autrefois l'extremité : fi bien
que comme le grand Pompée fe
vantoit d'avoir fait parsa victoire
de l'Asie mineure , le milieu de
l'Empire Romain , qu'elle bornoiz
auparavant ; auffi l'on peut dire
des Amb. de Siam. 167
que la fameuse Ville d'Arras doit
aux Armesde LOVIS LE GRAND
l'avantage d'estre aujour'dbuy le
coeur de la France , dont elle estoit
cy - devant la teste.
Mais il manquoit àfagloire d'avoir
pour témoins deses antiquitez,
deses Fortifications , &defes
fertiles Campagnes , les Peuples les
plus reculez , quipour admirer toutes
ces merveilles ont traversé
toute la distance qui ſeparele Gange
d'avec la Mer Occidentale ,
qui vivant dans des Climats où
le Soleil commence sa course , font
venus jusqu'à ceux où ce grand
Aftre la finit ; en forte que l'on
peut dire de chacun de vous, Mef-
Seigneurs, ce que nous liſons dans
LeRoyProphete, quand il nous veut
donner une idée de fon mouve168
III . P. du Voyage
ment : * Exultavit ut gigas ad
currendam viam à ſummo Cælo
egreffio ejus , & occurfus ejus,
uſque ad fummum ejus.
Heureuſe Province , d'avoir receu
des Ambassadeurs Estrangers,
également venerables par le Prince
qu'ils reprefentent , &par l'importance
de leur ministere , qui n'ont
point apprehendé de faire un Voyage
de fix mille lieües pour ſe ménager
une Alliance avec LOVIS
LE GRAND. Ils pourront apprendre
au Roy de Siam toutes les
chofes quise font paßées sous fon
Regne , les grandes & fameuses
Victoires qu'il a remportées , les
Provinces qu'il a conquiſes , les
Citadelles qu'il a fait élever au
milien des Eaux , les Marais qu'il
*Pfal.. 44
desAmb de Siam. 169
deſſechez, le fecret qu'il a trouvé
de faire une Digue à la Mer,
pour arreſter l'impetuosité de ses ondes
qui n'avoient point encore più
trouver d'obstacle à leur rapidité.
Sans doute , Meſſeigneurs , le Roy
de Siam furpris de tant de merveilles
, se fera de LOVIS LE
GRAND une idée bien au deſſus
de celle que sa reputation luy avoit
donnée. Vôtre Roy que vous nommez
chez vous le Seigneur des Seigneurs
, & la seule cause du bon
heur deses Peuples , fera bien aiſe
d'apprendre de vous que vom avez
trouvé les François pleins de refpect
& de foimiſſion pour leur
Prince. Puiſſi z vous l'affeurer qu'il
n'est pas moins l'exemple , que le
Souverain de fes Sujets , &qu'il les
gouverne encore plus parses vertus,
P
1
170 III. P. du Voyage
que parses Loix. Peut- estre qu'en
luy representant l'Architecture &م
la beauté de cette Cathedrale , ore
reposent les cendres de Monfieur le
Comte de Vermandois , qui marchant
fur les traces de fon auguste Pere ,
aujourd'huy le plus grand des Rois ,
commençoit à ſe ſignaler déja dans la
Guerre ( C'est le précieux dépost que
Sa Majesté nous a confié depuis trois
ans dans ce Temple , où les ceremonies
de l'Eglife Chrétienne se celebrent
avec tant d'exactitude, & qui
depuis plus de treize Siecles a toujours
efté deffervie par tant de Saints
Evêques par tant de Chanoines,
d'un merite fi diftingué ) Peut- estre,
dis - je , que par un miracle qui n'a
point encore paru dans nosjours , le
Ciclouvrira fon coeur , & le faisant
fortir avec ses sujets des tenebres
des Amb. de Siam. 171
qui les aveuglent , il luy donnera
l'envie d'imiter LOVIS LE
GRAND dans sa Religion , comme
dans sa Domination : fi bienque
faisant tous deux une Alliance de
picté , comme de commerce ilsferont
tous deux également heureux
dans ce Monde , &pourront ajous.
ter à la Couronne qu'ils poſſedent
déjafur la Terre , celle de l'Eternité.
,
CetteHarangue ayant eſté
interpretée , l'Ambaſſadeur
répondit , Voftre Harangue ,
Monfieur , roule fur deux chefs,
fur la gloire de Loüis XIV. &
fur le defir que vous avez ainſi
que Sa Majesté , de noftre con-
Pij
172 III. P. du Voyage
version. A l'égard du premier,
on ne peut estre mieux perfuadé
que nous leſommes, des grandes
actions de ce Monarque , dont
la reputation nous a fait venir
de fi loin. Nous ne doutons pas
non plus defa magnificence &
de fa grandeur, puisque nous en
avons fait une experience ſenſible
à ſa Cour &furfes Frontieres.
A l'égard du ſecond point
qui regarde nostre converſion à
la Foy Catholique Romaine, nous
avons des Evesques en noftre
Royaume , qui pourront nous en
inftruire. Il remercia enfuite
tout le Corps du Chapitre,
des Amb. de Siam. 173
de l'honneur qu'il leur faifoit
; aprés quoy ils regarderent
l'Egliſe tant par dehors
que par dedans. Ils entrerent
dans le Choeur , dont ils admirerent
l'Architecture , &
particulierement les petits pilliers
qui ſoûtiennent un auffi
grand Vaiſſeau. On les conduifit
vers la Tombe de M
le Comte de Vermandois , &
on leur dit , qu'il eſtoit grand
Admiral, legitimé de France, &
Frere de Madame la Princeffe de
Conty. L'on s'apperceut alors
qu'ils ſe mirent tous trois fur
ce Tombeau, qu'ils porterent
Piij
174 III . P. du Voyage
leurs mains à leurs yeux , &
qu'ils les frotterent ; & l'on
apprit que c'eſt une maniere
uſitée chez eux pour témoigner
leur deüil. Ils prirent
beaucoup de plaisir à entendre
les Orgues de cette Cathedrale
, qui font fort bonnes
; & fortirent de cette
Egliſe aprés avoir fait de
nouveaux remercîmens au
Prevoſt & aux Chanoines .
Apres cela ils allerent au
Magaſin d'Armes, qu'ils trouverent
en trés-bon état. C'eſt
l'effet des ſoins du Miniſtre
qui s'en meſle. Ils virent auffi
desAmb . de Siam , 175
la celebre Abbaye de Saint-
Vaaſt , & furent receus à la
Porte par le Grand Prieur ,
qui eſtoit à la teſte de fa
Communauté , & qui leur fit
un compliment affez court.
Il le finit en diſant , qu'ils les
recevoient avec tous les honneurs
qu'il eſtoit en leur pouvoir de
leurfaire, puiſque la haute eftime
que Sa Majesté faisoit du
Monarque qui les luy avoit envoyez,
&la confideration particuliere
qu'Elle avoit pour leurs
Excellences , estoit la régle du
profond respect avec lequel ils
ſe preſentoient à eux, en leur
Piiij
176 III. P. du Voyage
offrant très-humblement leMonastere
& tout ce qui en dépendoit.
Ils répondirent qu'ils eftoient
bien perfuadez que les
honneurs que ces Religieux leur
rendoient, estoient une continiation
des effets de la bonté du
Roy à leur égard , & que c'eftoit
à Sa Majesté à qui ils en
avoient toute l'obligation ; mais
qu'ils vouloient pourtant leur en
avoir aufſi. Enfuite ils les
remercierent de la maniere
honneſte dont ils en uſoient;
aprés quoy ils entrerent dans
l'Eglife , & s'arreſterent dans
la Nef pour en confiderer la
des Amb. de Siam. 177
ſtructure ; ce qu'ils firent fort
attentivement. Puis ils entrerent
au Choeur , & s'attacherent
à regarder la ſculpture
des Chaiſes, qui eſt trés-belle
&fort eſtimée . On leur montra
leTombeau du RoyThierry
de la premiere Race , & Fondateur
de ce Convent ; & on
leur dit qu'il ne s'en faloit que
8 années qu'il ne fuft mort ily
a mille ans. L'Ambaſſadeur
demanda comment il eſtoit poffible
qu'ily eust un Roy de France
enterré dans cette Abbaye depuis
fi longtemps , &qu'ily en
cust fi peu , que ce Pays ap
178 III. P. du Voyage
partenoit à la France , Arras
ayant esté pris par le feu Roy.
Le Grand Prieur leur expliqua
en peu de mots , comment
tout le Pays-bas eſtoit
une partie du Royaume de
France ; qu'il n'en avoit eſté
ſeparé que trés-peu de temps,
ſçavoir depuis l'an 1525. jufques
en l'an 1640. & qu'à
l'exception de ce temps-là,
les Rois de France en avoient
toûjours eſté reconnus pour
legitimes Souverains . On les
mena au fortir de l'Eglife ,
dans les Cloiftres, & dans un
Refectoire. De là ils repaffe
des Amb. de Siam. 179
rent par l'Eglife , & eftant à
la porte , l'Ambaſſadeur fit
tout ce qu'il pût pour empeſcher
le Grand Prieur de le
conduire juſqu'à fon carroffe
; mais il crut eſtre obligé
de l'y voir monter. Je ne
vous parleray point des complimens
de remercîment que
firent les Ambaſſadeurs , & je
les retrancheray meſme en
beaucoup d'endroits, puiſque
leur civilité eſt aſſez connuë
pour ne pas douter qu'ils n'en
ayent donné des marques à
toutes les perſonnes qui ont
pris la peine de leur montrer
quelque choſe.
180 III. P. du Voyage
Au fortir de l'Abbaye de
Saint Vaaft , ils allerent au
Concert dont on leur avoit
parlé le matin , & dont Madame
de Préfontaine, femme
du Prefident du Confeil d'Artois
, faifoit les honneurs
Elle les reçût accompagnée
des principales Dames de la
Ville. Les Muficiens estoient
dans une fort grande Salle,
dans laquelle il ſe trouva une
grande affluence de monde,
quelque ordre qu'on cût apporté
pour empêcher la foule.
Ils furent fort fatisfaits
de ce Concert , & le témoides
Amb . de Siam. 181
gnerent à Madame de Préfontaine
, en luy faiſant leurs
remerciemens . Ils retournerent
enſuite chez eux , où ils
trouverent leur Garde ſous
les Armes ; car on avoit mis
à la porte de leur Logement
une Compagnie Suiſſe , avec
un Capitaine & un Lieutenant.
Elle fortoit du Corps
de garde pour ſe mettre en
hayequand les Ambaſſadeurs
devoient fortir , & battoit
lorſqu'ils fortoient & qu'ils
rentroient. Aufli - tôt qu'ils
furent arrivez chez eux , Mr
Biſſetz leur porta le Plan de
182 III. P.du Voyage
la Ville que le premier Am
baffadeur luy avoit deman-
-dé , & qu'il examina d'une
maniere qui marquoit qu'il
commençoit à devenir ſçavant
dans nos Fortifications .
Ce même Major leur demanda
le mot , & ils donnerent
Actions éclatantes , par
rapport à ce ce qu'on leur
avoit dit, qu'aux deux Sieges
d'Arras il y avoit eu beaucoup
d'actions remarquables,
& particulierement au ſecond
, où les Afliegeans avoient
ſouvent eſté repouffez.
On leur avoit même
4
des Amb. de Siam. 183
montré les endroits où les
actions de vigueur s'eftoient
-faites . Le premier Ambaffadeur
demanda à M Biffetz
, s'il estoit François ; &
comme on luy eut répondu ,
que oüy , &qu'il estoit Major
de la Place , il luy dit , qu'en
fon Pays on avoit la barbe &
les cheveux comme luy. M
Biſſetz luy répondit , que s'il
n'eſtoit point François , il voudroit
estre Siamois . Comme
il y avoit beaucoup de Dames
à Arras qui n'avoient
encore pû les voir , il s'en
trouva beaucoup ce foir-là à
r
184 III. P.du Voyage
leur ſoûpé , où tout ſe paſſa
à lordinaire .
Le lendemain 21. M le
Lieutenant de Roy & Ms les
Officiers Majors , ſe rendirent
à leur lever ; & les Ambaſſadeurs
aprés les avoir remerciez
avec des expreffions
pleines de reconnoiffance ,
monterent en Carroſſe à huit
heures préciſes du matin ; &
toutes les Troupes eſtant
fous les Armes comme à leur
arrivée , ils fortirent au bruit
du Canon & du Carillon de
la Ville. Mes du Magiſtrat
le firent joüer trois fois le
desAmb. de Siam. 185
jour pendant tout le temps
que ces Ambaſſadeurs féjournerent
à Arras , ſçavoir une
heure au matin , une hcure à
midy , & une heure. le ſoir,
ainſi qu'à leur entrée & à leur
fortie . Ils allerent ce jour-là
21. dîner à Aiffe , qui eſt un
petit Village entre Arras &
Bethune.
Fermer
Résumé : Arras [titre d'après la table]
Le 19, les ambassadeurs de Siam arrivèrent à Sarbret, où ils furent reçus avec magnificence malgré l'absence de commodités. Ils se dirigèrent ensuite vers Arras, capitale de l'Artois, située sur la rivière de Scarpe. Arras est une ville ancienne, ayant été donnée en dot par Charles le Chauve à Judith, épouse de Baudouin Bras de Fer en 863, et réunie à la France en 1180 par le mariage de Philippe Auguste avec Isabelle de Hainaut. La ville possède des fortifications régulières et plusieurs édifices religieux notables, dont la cathédrale Notre-Dame et l'abbaye de Saint-Vaast. Les ambassadeurs furent accueillis par une cavalerie composée de douze compagnies du régiment de Conigsmark et reçus par le comte de Villeneuve, lieutenant du roi d'Arras. Ils entrèrent dans la ville au bruit du canon et au travers d'une haie d'infanterie. Les magistrats de la ville leur adressèrent un discours, soulignant la loyauté d'Arras envers le roi de France et l'estime portée aux ambassadeurs. Ces derniers répondirent en exprimant leur gratitude et en soulignant que leur visite n'avait pas de but diplomatique, mais visait à honorer le roi de France. Les ambassadeurs visitèrent la citadelle d'Arras, où ils assistèrent à un exercice militaire et reçurent une collation. Ils se rendirent également à la cathédrale Notre-Dame, où ils furent accueillis par le chapitre. Leur séjour à Arras fut marqué par des réceptions et des visites officielles, témoignant de l'importance accordée à leur mission. Les ambassadeurs assistèrent à un concert à Arras, accueillis par Madame de Préfontaine, épouse du Président du Conseil d'Artois, et les principales dames de la ville. Malgré les mesures pour éviter la foule, une grande affluence se rassembla dans la salle. Les ambassadeurs apprécièrent le concert et exprimèrent leur satisfaction à Madame de Préfontaine. De retour chez eux, ils trouvèrent une compagnie suisse en garde à leur porte. Le Major Bissetz leur apporta un plan de la ville, que le premier ambassadeur examina avec intérêt, démontrant ses connaissances en fortifications. Bissetz demanda le mot de passe, et les ambassadeurs mentionnèrent les actions militaires remarquables lors des sièges d'Arras. Le lendemain, les ambassadeurs furent salués par le Lieutenant du Roi et les officiers majors avant de quitter Arras en carrosse, escortés par les troupes et accompagnés par le canon et le carillon de la ville. Ils se rendirent à Aisse pour dîner.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 245-269
Lille. [titre d'après la table]
Début :
Ce même jour 3. de Novembre ils allerent coucher à [...]
Mots clefs :
Lille, Ville, Fort, Sébastien Le Prestre de Vauban, Roi, La Rablière, Place, Hôtel de la monnaie, Flandre, Citadelle, Ambassadeurs, Monde, Argent, Gendarmes, France, Temps, Dames, Moulin, Peuple, Chevaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lille. [titre d'après la table]
Ce même jour 3. de Novembre
ils allerent coucher à
Lifle , qui eſt ſur la Riviere de
Deulle , dont l'eau remplit ſes
doubles foffez qu'on a diftinguez
de demy-lunes. La Ville
eft fort grande & a des Eglifes
magnifiques. Baudoüin V.
dit de Lifle , Comte de Flandre
y fonda la Collegiale de
S. Pierre . C'eſt la plus confiderable
. Lifle , Capitale de la
Flandre nommée Gallicane ,
fut entourée deMurailles par
le meſme Baudoüin V. en
1046. Philippes le Hardy y
établit une Chambre des
X iij
246 II P. du Voyage
Comtes en 1385. Le Roy la foûmit
en 1667. & comme elle eſt
reftée à la France par la Paix
d'Aix la Chapelle en 1668, Sa
Majesté y a fait élever une
forte Citadelle flanquée de
cinq grands BaſtionsRoyaux.
Apeine les Ambaſſadeurs furent-
ils fortis de Menin, qu'ils
commencerent à voir le Peuple
de Lifle qui rempliſſoit la
Campagne. A une lieuë de la
Place, ils trouverent un fort
grand nombre de Caroffes &
de Chevaux , tant de la Nobleſſe
de la Ville , que decelle
des environs .On avoitran
des Amb . de Siam. 247
gélaGendarmerie en bataille,
elle eſtoit fort leſte , & commandée
par Me Doleac qui
eſtoit à la teſte , & qui falia
les Ambaſſadeurs ainſi que
tous les Officiers ; chacun
d'eux avoit l'épée à la main.
Mde la Rabliere Comman--
dant , les reçût hors la Ville ,
&leur preſenta Mts du Magiftrat
qui leur témoignerent
la joye qu'ils avoient de les
recevoir ,& d'executer l'ordre
du Roy. Ces premiers
complimens eſtant finis , ils
entrerent dans la Ville , où la
foule du Peuple eſtoit fi gran-
X iiij
248 III. P. du Voyage
de , que les Ambaſſadeurs di
rent qu'ils croyoient eftre encore au
jour de leur Entrée à Paris. Aprés
avoir paſſé dans pluſieurs
grandes&belles ruës bordées
de Troupes , ils retrouverent
la Gendarmerie en bataille
dans la place. M² de la Rabliere
les alla voir peu de
temps aprés leur arrivée , &
leur demanda le Mot. Ils
ſçavoient que Me le Maref
chal de Humieres , Gouverneur
de Lifle , commandoit
les Armées du Roy , & eftoit
grand Maître de l'Artillerie ,
c'eſt pourquoy ils donnerent,
des Anb. de Siam. 249
quand le Soleil menace , le Tonnere
gronde. Il y eut beaucoup
de monde à les voir fouper ,
&fur tout quantité de Dames,
il s'en trouva un grand nombre
de fort belles. Le lendemain
M de la Rabliere donna
ordre qu'on amenaft des
Caroſſes à la porte du lieu où
ils eftoient logez , & les conduiſit
à la Citadelle. Ils y furent
receus au bruit du Canon
, comme ils l'avoient eſté
le jour precedent au bruit de
celuy de la Ville. L'Infanterie
eſtoit en bataille. Ils monterent
fur les Remparts , & en
250 III P duVoyage
firent le tour , avec M Morion
qui en eſt Lieutenant de
Roy , ainſi qu'avec le Major &
l'Ingenieur ,je dis l'Ingenieur,
parcequ'il y en a undans chaque
Place. On leur dit que
Mr de Vauban estoit Gouverneur
de cette Citadelle qu'il avoit
luy-mefme fait construire ,
que c'étoit le premier homme du
Monde pour les Fortifications ,
&que tout ce qu'il y avoit de
beaux Ouvrages en France de
cette nature , avoient étéfaits par
fesfoins. Ils allerent voir fon
Jardin qui eſt dans la meſme
Citadelle , & entrerent dans
des Amb. de Siam. 251
une Grotte où l'on fit moüiller
beaucoup de monde pour
les divertir. Ils virent auffi
P'Arcenal qui eſt dans le même
lieu ,& generalement tout
ce qu'ils jugerent digne de
leur curioſité , c'eſt à dire qu'ils
ne laiſſerent aucun endroit de
la Place ſans le viſiter. Le même
jour ils eurent le plaifir
d'une Chaſſe , dont ils avoient
eſté priez par Me de la Rabliere
; ils allerent juſques à la
porte de la Ville dans les Caroffes
qu'il leur avoit envoyez,
puis ils monterent à cheval.
Il y avoit auſſi quantité de
252 III. P. du Voyage
Dames à cheval fort parées
& veſtuës en Amazones , &
plus de vingt mille perfonnes.
Les chiens prirent beaucoup
de gibier , & comme la populace
en prit encore davantage
, on fut contraint de
faire ceffer la chaffe , & d'obliger
du moins autant qu'on
le pût , tout ce grand Peuple
à rentrer. M du Magiftrat
leur donnerent la Comedie
dans l'Hôtel de Ville , aprés
quoy ils pafferent dans une
grande Sale , où il y avoit un
fort beau Concert de voix , &
d'inſtrumens qui dura une
1
desAmb. de Siam. 253
heure & demie. Ils allerent
delà dans une autre Salle où
eſtoit ſervie une collation magnifique
de vingt couverts.
Les Dames ſe mirent à table,
& la beauté de Mlle de la
Rianderie , qui charma toute
l'Aflemblée , auroit eu tous
les applaudiſſemens, ſiſa douceur
n'euſt pas eu l'avantage
de les partager. L'Ambaffadeur
donna ce ſoir là pour
mot , Ie defendray mon Ouvrage
, voulant dire que M de
Vauban qui avoit fait la Citadelle
, la defendroit auffibien
que la Ville , ſi l'une &
254 III. P. du Voyage
l'autre eſtoit attaquée. L'af-
Auence du monde ſe trouva
ſi grande pour les voir fouper
, qu'il y avoit apparence
que la plus part des Dames ,
loin de pouvoir trouver place
, ne pourroient pas meſme
entrer. Cela fut cauſe que les
Ambaſſadeurs prierent qu'on
ne laiſſaſt entrer qu'elles , difant
que les hommes les pouvoient
voir dans les autres lieux
où ils alloient.
Le lendemain ils furen tconduits
dans l'Hôtel de la Monnoye
par Mr de la Rabliere.
Ils commencerent par la Fondes
Amb de Siam. 255
derie , où ils virent faire les
moûles & couler dedans l'Argent
fondu , d'où l'on tira en
leur prefence les lames pour
les Loüis d'Argent de 40 ſols,
qui furent portez au Moulin ,
où ils les virent allonger &
recuire ', & enſuite coûper les
flancs. Ils en coûperent euxmêmes
pluſieurs . De là ils allerent
dans l'ouvrerie , où
les Ouvriers Ajuſteurs limerent
ces flancs , & les rendirent
du juſte poids. Enſuite
on les mena dans le Blanchi
ment, où l'on fit rougir les
flancs puis on les mit
د
256 III. P. du Voyage
boüillir à la maniere ordinaire
pour leur rendre leur
couleur naturelle. Aprés cela
ils allerent voir la nouvelle
Machine qui met les Lettres
fur la tranche avec autant de
promptitude, que de facilité
& de propreté. Ils eurent le
plaifir d'en marquer eux -
mêmes pluſieurs, & fe rendirent
dans le Monnoyage, où
aprés qu'ils eurent veu monnoyer
pluſieurs Pieces
Maiſtre de la Monnoye remarqua
qu'ils avoient envie
de voir de plus prés comme
cela ſe faiſoit. Auſſi - tôt il
د
le
des Amb. de Siam. 257
pria le premier Ambaſſadeur
d'entrer dans la Foſſe à côté
du Monnoyeur , & de mettre
luy- même les Pieces fous
la preſſe. Il le fit , & re
garda avec plaifir ſon ouvrage
, voyant la Piece recevoir
ſon empreinte des deux côtez
en même temps . Il marqua
par un ſigne de tête qu'il
comprenoit bien la choſe.
On fit voir auſſi aux Ambaſſadeurs
comment on faifoit
les laveures, & de quelle
maniere on retrouvoit l'Argent
qu'ils avoient remarqué
eſtre dans les fables des moû
Y
A
258 111. P. du Voyage
les , & qu'ils avoient veu ſe
répandre quand on avoit
jetté la Fonte dans ces moûles.
Ils furent furpris d'apprendre
que cét Argent-là
qui eft imperceptible, ſe retrouvoit
par le moyen du vif
Argent , ou Mercure . On
voulut les conduire dans l'ef
ſayerie & dans la Chambre
de la Délivrance ; mais le
temps manquoit , & on avoit
encore beaucoup de choſes à
leur faire voir ailleurs . Се-
pendant on s'apperçût qu'on
ne les tiroit de tous ces Travaux
qu'avec peine , parce
des Amb . de Siam . 159
qu'ils ne pouvoient ſe laffer
d'admirer toutes ces diverſes
machines , principalement
celles du Moulin & du Monnoyage.
Ils manioient les
Coûpoirs & les Rouleaux,
ainſi que les autres uſtenciles,
&en admiroient l'invention.
Enfin ils firent beaucoup de
remerciemens au Maîtrede la
Monnoye , & luy dirent que
l'on ne pouvoit eſtre plus
content qu'ils eftoient , &
qu'ils auroient bien voulu
avoir plus de temps pour
viſiter plus exactement tous
leurs Travaux. Ils deman-
Y ij
60. III. P. du Voyage
derent, ſi l'on n'auroit pas plûtôt
fait de jetter nos Efpeces en
moûle , comme ils faisoient les
leurs , parce que cela faciliteroit
beaucoup le travailerépargneroit
bien du monde & de la dépense .
Le Maiſtre de la Monnoye
répondit , que la Monnoyejettée
en moûle n'est jamais fi belle
que la nôtre ; &qu'à l'égard dia
grand embarras &de la grande
on ſouhaitoit plutôt
l'augmenter que de la diminuër,
pouréviter les Faux- monnoyeurs
qui font fort embaraffez quand
ils font obligez d'avoir tant de
machines. Ils virent tout
dépense ,
des Amb. de Siam. 261
د
cela en moins d'une heure
& demie le tout ayant
eſté tenu tout preſt. En entrant
& en fortant de l'Hôtel
des Monnoyes , ils regarderent
avec furpriſe le grand
Bâtiment que Sa Majefté a
fait faire pour fabriquer la
Monnoye de Flandre. S'il
eût eſté achevé , leur étonnement
eût eſté plus grand , le
deſſein en eſtant tres - beau ;
mais il n'y en a que la moitie
de bâty.
Au fortir de la monnoye,
ils allerent à l'Hôpital Comteſſe
, où ils virent des Reli262
III. P. du Voyage
gieuſes ( toutes Filles de qualité
) qui ont ſoin des malades
& des Bleffez de la Garniſon.
Leur zele les édifia beaucoup,
& leur Eglife leur parut extrémement
belle. Elles leur
firent preſent de quelques
Bouquets de leurs ouvrages,
qu'ils trouverent trés - bien
travaillez , & dont ils les remercierent
avec toute l'honnefteté
poſſible.
M Doleac qui commandoit
la Gendarmerie leur envoya
dire qu'il la feroit monter à
cheval. Ils eurent du chagrin
d'eſtre obligez de fe conten
desAmb. de Siam. 263
ter de l'avoir veuë à leur arrivée
; mais le reſte de leur
aprés- dînée devoit eſtre employée
à voir la Place, les Arcenaux
& les Magaſins. Ils
avoient eſté ſurpris de la
beauté de cette Gendarmerie
auſſi nombreuſe que leſte.
Elle estoit composée des Gendarmes
Ecoffois, de ceux de Bourgogne
& de Flandre , des Gendarmes
Anglois , des Gendarmes
& Chevaux-Legers de la Reine,
des Gendarmes &Chevaux-
Legers de Monseigneur le Dauphin
, & des Gendarmes d'Anjou.
Les Ambaſſadeuts firent
264 III . P. du Voyage
ce jour-là le tour de la Place,
qu'ils trouverent d'une grande
beauté. Ils viſiterent auffi
les Arcenaux & les Magaſins,
& furent furpris de les voir
ſi propres & d'y trouver tout
en fi bon ordre. On leur dit
que c'eſtoit par les foins de Mr
du Mets , l'un des plus braves
Officiers que le Roy ait dansſes
Troupes , & qui entend parfaitement
l' Artillerie. Ils dirent
qu'ils en avoient oüy parler fi
avantageusement en tant d'endroits
, qu'ils auroient bien foubaité
de le voir. En rentrant
ils allerent aux Jeſuites , où
tous
des Amb. de Siam. 265
tous les Peres les receurent.
Aprés qu'ils eurent viſité une
partie de leur Maiſon , on
leur fit voir un moulin à eau
qui peut eſtre mis au nombre
des chofes les plus extraordinaires
, puiſque ſans que
perſonne agiffe, il entonne le
bled, meut & fait tout le refte
que nous voyons dans les
Moulins , lorſque les hommes
s'en meflent. Ils demanderent
le Plan de ce moulin , & on
les fatisfit là-deſſus , ils furent
enfuite conduits dans une
grande Sale , où ils trouverent
une magnifique Collation. Ils
Z
226 III. P. du Voyage
dirent à ces Peres , qu'il n'appartenoit
qu'à eux de ſe diftinguer
en tout , & qu'ils ne manqueroient
pas de rendre compte
au Roy de Siam du bon accueil
qu'ils avoient reçu de leur Compagnie
dans tous les endroits où
ils les avoient trouvez établis.
Ils donnerent ce ſoir là pour
mot , point d'amis , ny d'ennemis
que les fiens , & allerent
ſouper chez M de la Rabliere
, qui les avoit invités. Ce
Repas fut d'une tres--grande
magnificence , & accompagné
d'une Simphonie , compoſée
d'un fort grand nom
des Amb. de Siam. 267
bre d'Inſtrumens , on y but
les Santés de l'AlianceRoyale,
& l'on recommença pluſieurs
fois celle du Roy. Il y eût un
grandBal apres le ſoupé , où
Mlle Deſpiere ſe fit admirer.
On m'a aſſuré qu'elle eſt de la
force de tout ce qu'il y a de
perſonnes en France qui dancent
le mieux. Les Ambaſſa .
deurs ne s'en retournerent
qu'aprés minuit. Ce ne fut
pas fans avoir fait de grands
remerciemens à de la Rabliere,
non ſeulement du regale
qu'il leur venoit de donner ,
Zij
268 III. P. du Voyage
mais encore de fes manieres
honneſtes . Le maiſtre de la
Monnoye les vint ſaluër le lendemain.
Ils le reconurent auffitoft
, & le receurent d'une maniere
tres - obligeante. Ils dînerent
cejour-là de fort bonne
heure , & fortirent de la
Ville de la maniere qu'ils y
eſtoient entrés , ils parlerent
beaucoup de m' de la Rabliere
pendant le chemin , & dirent
qu'on pouvoit appeller Lille , la
Reyne de Flandre , comme Paris
la Reyne de France , & recommençant
continuellement à
parler des grandeurs du Roy,
des Amb. de Siam. 269
ils dirent que rien n'en approchoit
, & que ce qui en parois
foitsouffroit la veuë , mais non
pas l'expreffion.
ils allerent coucher à
Lifle , qui eſt ſur la Riviere de
Deulle , dont l'eau remplit ſes
doubles foffez qu'on a diftinguez
de demy-lunes. La Ville
eft fort grande & a des Eglifes
magnifiques. Baudoüin V.
dit de Lifle , Comte de Flandre
y fonda la Collegiale de
S. Pierre . C'eſt la plus confiderable
. Lifle , Capitale de la
Flandre nommée Gallicane ,
fut entourée deMurailles par
le meſme Baudoüin V. en
1046. Philippes le Hardy y
établit une Chambre des
X iij
246 II P. du Voyage
Comtes en 1385. Le Roy la foûmit
en 1667. & comme elle eſt
reftée à la France par la Paix
d'Aix la Chapelle en 1668, Sa
Majesté y a fait élever une
forte Citadelle flanquée de
cinq grands BaſtionsRoyaux.
Apeine les Ambaſſadeurs furent-
ils fortis de Menin, qu'ils
commencerent à voir le Peuple
de Lifle qui rempliſſoit la
Campagne. A une lieuë de la
Place, ils trouverent un fort
grand nombre de Caroffes &
de Chevaux , tant de la Nobleſſe
de la Ville , que decelle
des environs .On avoitran
des Amb . de Siam. 247
gélaGendarmerie en bataille,
elle eſtoit fort leſte , & commandée
par Me Doleac qui
eſtoit à la teſte , & qui falia
les Ambaſſadeurs ainſi que
tous les Officiers ; chacun
d'eux avoit l'épée à la main.
Mde la Rabliere Comman--
dant , les reçût hors la Ville ,
&leur preſenta Mts du Magiftrat
qui leur témoignerent
la joye qu'ils avoient de les
recevoir ,& d'executer l'ordre
du Roy. Ces premiers
complimens eſtant finis , ils
entrerent dans la Ville , où la
foule du Peuple eſtoit fi gran-
X iiij
248 III. P. du Voyage
de , que les Ambaſſadeurs di
rent qu'ils croyoient eftre encore au
jour de leur Entrée à Paris. Aprés
avoir paſſé dans pluſieurs
grandes&belles ruës bordées
de Troupes , ils retrouverent
la Gendarmerie en bataille
dans la place. M² de la Rabliere
les alla voir peu de
temps aprés leur arrivée , &
leur demanda le Mot. Ils
ſçavoient que Me le Maref
chal de Humieres , Gouverneur
de Lifle , commandoit
les Armées du Roy , & eftoit
grand Maître de l'Artillerie ,
c'eſt pourquoy ils donnerent,
des Anb. de Siam. 249
quand le Soleil menace , le Tonnere
gronde. Il y eut beaucoup
de monde à les voir fouper ,
&fur tout quantité de Dames,
il s'en trouva un grand nombre
de fort belles. Le lendemain
M de la Rabliere donna
ordre qu'on amenaft des
Caroſſes à la porte du lieu où
ils eftoient logez , & les conduiſit
à la Citadelle. Ils y furent
receus au bruit du Canon
, comme ils l'avoient eſté
le jour precedent au bruit de
celuy de la Ville. L'Infanterie
eſtoit en bataille. Ils monterent
fur les Remparts , & en
250 III P duVoyage
firent le tour , avec M Morion
qui en eſt Lieutenant de
Roy , ainſi qu'avec le Major &
l'Ingenieur ,je dis l'Ingenieur,
parcequ'il y en a undans chaque
Place. On leur dit que
Mr de Vauban estoit Gouverneur
de cette Citadelle qu'il avoit
luy-mefme fait construire ,
que c'étoit le premier homme du
Monde pour les Fortifications ,
&que tout ce qu'il y avoit de
beaux Ouvrages en France de
cette nature , avoient étéfaits par
fesfoins. Ils allerent voir fon
Jardin qui eſt dans la meſme
Citadelle , & entrerent dans
des Amb. de Siam. 251
une Grotte où l'on fit moüiller
beaucoup de monde pour
les divertir. Ils virent auffi
P'Arcenal qui eſt dans le même
lieu ,& generalement tout
ce qu'ils jugerent digne de
leur curioſité , c'eſt à dire qu'ils
ne laiſſerent aucun endroit de
la Place ſans le viſiter. Le même
jour ils eurent le plaifir
d'une Chaſſe , dont ils avoient
eſté priez par Me de la Rabliere
; ils allerent juſques à la
porte de la Ville dans les Caroffes
qu'il leur avoit envoyez,
puis ils monterent à cheval.
Il y avoit auſſi quantité de
252 III. P. du Voyage
Dames à cheval fort parées
& veſtuës en Amazones , &
plus de vingt mille perfonnes.
Les chiens prirent beaucoup
de gibier , & comme la populace
en prit encore davantage
, on fut contraint de
faire ceffer la chaffe , & d'obliger
du moins autant qu'on
le pût , tout ce grand Peuple
à rentrer. M du Magiftrat
leur donnerent la Comedie
dans l'Hôtel de Ville , aprés
quoy ils pafferent dans une
grande Sale , où il y avoit un
fort beau Concert de voix , &
d'inſtrumens qui dura une
1
desAmb. de Siam. 253
heure & demie. Ils allerent
delà dans une autre Salle où
eſtoit ſervie une collation magnifique
de vingt couverts.
Les Dames ſe mirent à table,
& la beauté de Mlle de la
Rianderie , qui charma toute
l'Aflemblée , auroit eu tous
les applaudiſſemens, ſiſa douceur
n'euſt pas eu l'avantage
de les partager. L'Ambaffadeur
donna ce ſoir là pour
mot , Ie defendray mon Ouvrage
, voulant dire que M de
Vauban qui avoit fait la Citadelle
, la defendroit auffibien
que la Ville , ſi l'une &
254 III. P. du Voyage
l'autre eſtoit attaquée. L'af-
Auence du monde ſe trouva
ſi grande pour les voir fouper
, qu'il y avoit apparence
que la plus part des Dames ,
loin de pouvoir trouver place
, ne pourroient pas meſme
entrer. Cela fut cauſe que les
Ambaſſadeurs prierent qu'on
ne laiſſaſt entrer qu'elles , difant
que les hommes les pouvoient
voir dans les autres lieux
où ils alloient.
Le lendemain ils furen tconduits
dans l'Hôtel de la Monnoye
par Mr de la Rabliere.
Ils commencerent par la Fondes
Amb de Siam. 255
derie , où ils virent faire les
moûles & couler dedans l'Argent
fondu , d'où l'on tira en
leur prefence les lames pour
les Loüis d'Argent de 40 ſols,
qui furent portez au Moulin ,
où ils les virent allonger &
recuire ', & enſuite coûper les
flancs. Ils en coûperent euxmêmes
pluſieurs . De là ils allerent
dans l'ouvrerie , où
les Ouvriers Ajuſteurs limerent
ces flancs , & les rendirent
du juſte poids. Enſuite
on les mena dans le Blanchi
ment, où l'on fit rougir les
flancs puis on les mit
د
256 III. P. du Voyage
boüillir à la maniere ordinaire
pour leur rendre leur
couleur naturelle. Aprés cela
ils allerent voir la nouvelle
Machine qui met les Lettres
fur la tranche avec autant de
promptitude, que de facilité
& de propreté. Ils eurent le
plaifir d'en marquer eux -
mêmes pluſieurs, & fe rendirent
dans le Monnoyage, où
aprés qu'ils eurent veu monnoyer
pluſieurs Pieces
Maiſtre de la Monnoye remarqua
qu'ils avoient envie
de voir de plus prés comme
cela ſe faiſoit. Auſſi - tôt il
د
le
des Amb. de Siam. 257
pria le premier Ambaſſadeur
d'entrer dans la Foſſe à côté
du Monnoyeur , & de mettre
luy- même les Pieces fous
la preſſe. Il le fit , & re
garda avec plaifir ſon ouvrage
, voyant la Piece recevoir
ſon empreinte des deux côtez
en même temps . Il marqua
par un ſigne de tête qu'il
comprenoit bien la choſe.
On fit voir auſſi aux Ambaſſadeurs
comment on faifoit
les laveures, & de quelle
maniere on retrouvoit l'Argent
qu'ils avoient remarqué
eſtre dans les fables des moû
Y
A
258 111. P. du Voyage
les , & qu'ils avoient veu ſe
répandre quand on avoit
jetté la Fonte dans ces moûles.
Ils furent furpris d'apprendre
que cét Argent-là
qui eft imperceptible, ſe retrouvoit
par le moyen du vif
Argent , ou Mercure . On
voulut les conduire dans l'ef
ſayerie & dans la Chambre
de la Délivrance ; mais le
temps manquoit , & on avoit
encore beaucoup de choſes à
leur faire voir ailleurs . Се-
pendant on s'apperçût qu'on
ne les tiroit de tous ces Travaux
qu'avec peine , parce
des Amb . de Siam . 159
qu'ils ne pouvoient ſe laffer
d'admirer toutes ces diverſes
machines , principalement
celles du Moulin & du Monnoyage.
Ils manioient les
Coûpoirs & les Rouleaux,
ainſi que les autres uſtenciles,
&en admiroient l'invention.
Enfin ils firent beaucoup de
remerciemens au Maîtrede la
Monnoye , & luy dirent que
l'on ne pouvoit eſtre plus
content qu'ils eftoient , &
qu'ils auroient bien voulu
avoir plus de temps pour
viſiter plus exactement tous
leurs Travaux. Ils deman-
Y ij
60. III. P. du Voyage
derent, ſi l'on n'auroit pas plûtôt
fait de jetter nos Efpeces en
moûle , comme ils faisoient les
leurs , parce que cela faciliteroit
beaucoup le travailerépargneroit
bien du monde & de la dépense .
Le Maiſtre de la Monnoye
répondit , que la Monnoyejettée
en moûle n'est jamais fi belle
que la nôtre ; &qu'à l'égard dia
grand embarras &de la grande
on ſouhaitoit plutôt
l'augmenter que de la diminuër,
pouréviter les Faux- monnoyeurs
qui font fort embaraffez quand
ils font obligez d'avoir tant de
machines. Ils virent tout
dépense ,
des Amb. de Siam. 261
د
cela en moins d'une heure
& demie le tout ayant
eſté tenu tout preſt. En entrant
& en fortant de l'Hôtel
des Monnoyes , ils regarderent
avec furpriſe le grand
Bâtiment que Sa Majefté a
fait faire pour fabriquer la
Monnoye de Flandre. S'il
eût eſté achevé , leur étonnement
eût eſté plus grand , le
deſſein en eſtant tres - beau ;
mais il n'y en a que la moitie
de bâty.
Au fortir de la monnoye,
ils allerent à l'Hôpital Comteſſe
, où ils virent des Reli262
III. P. du Voyage
gieuſes ( toutes Filles de qualité
) qui ont ſoin des malades
& des Bleffez de la Garniſon.
Leur zele les édifia beaucoup,
& leur Eglife leur parut extrémement
belle. Elles leur
firent preſent de quelques
Bouquets de leurs ouvrages,
qu'ils trouverent trés - bien
travaillez , & dont ils les remercierent
avec toute l'honnefteté
poſſible.
M Doleac qui commandoit
la Gendarmerie leur envoya
dire qu'il la feroit monter à
cheval. Ils eurent du chagrin
d'eſtre obligez de fe conten
desAmb. de Siam. 263
ter de l'avoir veuë à leur arrivée
; mais le reſte de leur
aprés- dînée devoit eſtre employée
à voir la Place, les Arcenaux
& les Magaſins. Ils
avoient eſté ſurpris de la
beauté de cette Gendarmerie
auſſi nombreuſe que leſte.
Elle estoit composée des Gendarmes
Ecoffois, de ceux de Bourgogne
& de Flandre , des Gendarmes
Anglois , des Gendarmes
& Chevaux-Legers de la Reine,
des Gendarmes &Chevaux-
Legers de Monseigneur le Dauphin
, & des Gendarmes d'Anjou.
Les Ambaſſadeuts firent
264 III . P. du Voyage
ce jour-là le tour de la Place,
qu'ils trouverent d'une grande
beauté. Ils viſiterent auffi
les Arcenaux & les Magaſins,
& furent furpris de les voir
ſi propres & d'y trouver tout
en fi bon ordre. On leur dit
que c'eſtoit par les foins de Mr
du Mets , l'un des plus braves
Officiers que le Roy ait dansſes
Troupes , & qui entend parfaitement
l' Artillerie. Ils dirent
qu'ils en avoient oüy parler fi
avantageusement en tant d'endroits
, qu'ils auroient bien foubaité
de le voir. En rentrant
ils allerent aux Jeſuites , où
tous
des Amb. de Siam. 265
tous les Peres les receurent.
Aprés qu'ils eurent viſité une
partie de leur Maiſon , on
leur fit voir un moulin à eau
qui peut eſtre mis au nombre
des chofes les plus extraordinaires
, puiſque ſans que
perſonne agiffe, il entonne le
bled, meut & fait tout le refte
que nous voyons dans les
Moulins , lorſque les hommes
s'en meflent. Ils demanderent
le Plan de ce moulin , & on
les fatisfit là-deſſus , ils furent
enfuite conduits dans une
grande Sale , où ils trouverent
une magnifique Collation. Ils
Z
226 III. P. du Voyage
dirent à ces Peres , qu'il n'appartenoit
qu'à eux de ſe diftinguer
en tout , & qu'ils ne manqueroient
pas de rendre compte
au Roy de Siam du bon accueil
qu'ils avoient reçu de leur Compagnie
dans tous les endroits où
ils les avoient trouvez établis.
Ils donnerent ce ſoir là pour
mot , point d'amis , ny d'ennemis
que les fiens , & allerent
ſouper chez M de la Rabliere
, qui les avoit invités. Ce
Repas fut d'une tres--grande
magnificence , & accompagné
d'une Simphonie , compoſée
d'un fort grand nom
des Amb. de Siam. 267
bre d'Inſtrumens , on y but
les Santés de l'AlianceRoyale,
& l'on recommença pluſieurs
fois celle du Roy. Il y eût un
grandBal apres le ſoupé , où
Mlle Deſpiere ſe fit admirer.
On m'a aſſuré qu'elle eſt de la
force de tout ce qu'il y a de
perſonnes en France qui dancent
le mieux. Les Ambaſſa .
deurs ne s'en retournerent
qu'aprés minuit. Ce ne fut
pas fans avoir fait de grands
remerciemens à de la Rabliere,
non ſeulement du regale
qu'il leur venoit de donner ,
Zij
268 III. P. du Voyage
mais encore de fes manieres
honneſtes . Le maiſtre de la
Monnoye les vint ſaluër le lendemain.
Ils le reconurent auffitoft
, & le receurent d'une maniere
tres - obligeante. Ils dînerent
cejour-là de fort bonne
heure , & fortirent de la
Ville de la maniere qu'ils y
eſtoient entrés , ils parlerent
beaucoup de m' de la Rabliere
pendant le chemin , & dirent
qu'on pouvoit appeller Lille , la
Reyne de Flandre , comme Paris
la Reyne de France , & recommençant
continuellement à
parler des grandeurs du Roy,
des Amb. de Siam. 269
ils dirent que rien n'en approchoit
, & que ce qui en parois
foitsouffroit la veuë , mais non
pas l'expreffion.
Fermer
Résumé : Lille. [titre d'après la table]
Le 3 novembre, les ambassadeurs séjournèrent à Lille, une ville située sur la rivière Deûle, célèbre pour ses eaux remplissant ses doubles fossés en forme de demi-lunes. Lille est une grande ville avec des églises magnifiques. Baudouin V de Lille, Comte de Flandre, y fonda la collégiale de Saint-Pierre. Lille, capitale de la Flandre gallicane, fut entourée de murailles par Baudouin V en 1046. Philippe le Hardy y établit une Chambre des Comtes en 1385. Le roi la soumit en 1667 et, selon la Paix d'Aix-la-Chapelle en 1668, elle resta à la France. Sa Majesté y fit construire une citadelle flanquée de cinq grands bastions royaux. À leur arrivée, les ambassadeurs furent accueillis par une foule nombreuse et une gendarmerie commandée par M. Doleac. M. de la Rablière, commandant, les reçut et leur présenta les membres du magistrat. Ils entrèrent ensuite dans la ville, où la foule était si dense qu'ils crurent revivre leur entrée à Paris. Après avoir traversé plusieurs rues bordées de troupes, ils retrouvèrent la gendarmerie en bataille sur la place. Le lendemain, M. de la Rablière les conduisit à la citadelle, où ils furent reçus au bruit du canon. Ils visitèrent les remparts avec M. Morion, lieutenant du roi, et l'ingénieur. On leur expliqua que M. de Vauban était le gouverneur de cette citadelle, qu'il avait lui-même construite, et qu'il était réputé pour ses fortifications. Ils visitèrent également le jardin, une grotte, et l'arsenal. Dans l'après-midi, ils participèrent à une chasse et assistèrent à une comédie suivie d'un concert et d'une collation magnifique à l'hôtel de ville. Les ambassadeurs furent ensuite conduits à l'hôtel de la Monnoye, où ils virent la fabrication des monnaies, de la fonte des moules à la mise en circulation des pièces. Ils admirèrent les machines et les processus de fabrication. Ils exprimèrent leur admiration et leur souhait de voir plus de détails, mais le temps manquait. Ils visitèrent également l'hôpital Comtesse, où des religieuses soignaient les malades et les blessés. Elles leur offrirent des bouquets de leurs ouvrages. M. Doleac leur envoya un message pour leur montrer la gendarmerie, mais ils durent décliner en raison de leur emploi du temps chargé. Les ambassadeurs firent le tour de la place, visitèrent les arsenaux et les magasins, et furent impressionnés par leur organisation. Ils se rendirent ensuite chez les Jésuites, où ils virent un moulin à eau remarquable. Ils furent invités à une collation et exprimèrent leur gratitude pour l'accueil reçu. Le soir, ils souperèrent chez M. de la Rablière, où un grand bal fut organisé. Ils ne quittèrent la ville que le lendemain, après avoir dîné de bonne heure, en parlant des grandeurs du roi et des beautés de Lille.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 269-301
Tournay. [titre d'après la table]
Début :
Ce mesme jour qui estoit le 6. ils arriverent à Tournay. [...]
Mots clefs :
Tournai, Surmon, Pierre Paul Rubens, Édouard-François Colbert, Comte de Maulévrier, Ville, Ambassadeurs, Voir, Roi, Porte, Dames, Ville, Fort, Comtesse, Place, Citadelle, Table, France, Gouverneur, Fourneaux
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texteReconnaissance textuelle : Tournay. [titre d'après la table]
Ce meſme jour qui eſtoit
le 6. ils arriverent à Tournay.
C'eſt une Place tres-forte, défenduë
par un Chafteau, qu'on
dit que les Angiois ont bafty.
Elle eſt ſur l'Eſcaut , & Capitale
d'un petit Païs appellé
le Tournaiſis. Outre l'Eglife
Cathedrale de Nôtre-Dame
qui est tres-belle , elle a dix
Paroiſſes , deux Abbayes , &
diverſes autres Maiſons Religieuſes
. L'Empereur Charles
Zij
270 III . P. du Voyage
V. la prit en 1521. aux François
qui s'en eſtoient rendus
Maiſtres trois ans auparavant.
Elle eſt demeurée au Roy par
le Traité d'Aix la Chapelle.
Sa Majesté l'avoit priſe en
1667. Cette Ville est tres- ancienne.
L'Evêché eſt Suffragant
de Cambray. M le
Comte de Maulevrier , Lieutenant
General des Armées du
Roy , Gouverneur des Ville
&Citadelle de Tournay & du
Tournefis , avoit envoyé fur
le midy à une lieuë au devant
des Ambaſſadeurs vingt Maîtres
du Regiment des Cuiraf
r
des Amb. de Siam. 271
fiers qui eſt en garniſon dans
la Ville , commandez par un
Lieutenant , auquel il avoit
marqué le lieu où il devoit ſe
trouver avec ſa Troupe , &
donné ordre qu'aprés que ce
Lieutenant auroit ſalue les
Ambaſſadeurs , il marcheroit
àla teſte de leur Caroſſe avec
fix des ſiens , feroit marcher
les 14. autres derriere , qu'ils
eſcorteroient ainſi ju qu'au
Village de Markin , qui eft à
une demy-lieuë de Tournay ,
où il avoit reſolu de venir
avec un Eſcadron des Cuiraffiers.
Apres que ce Comte
272 III . P. du Voyage
les eût ſaluez , & qu'il leut cût
fait fon compliment au lieu
où il eſtoit venu les attendre,
il prit le devant , & ſe rendit
à la maiſon qu'il leur avoit
fait preparer , & qui estoit magnifiquement
meublée, pendant
que tout l'Eſcadron marchoit
devant & derriere leur
Caroffe. En approchant de la
Barriere , ils furent ſaluez de
vingt coups de Canon , &
paſſerent depuis la porte de
la Ville entre deux hayes d'Infanterie
juſqu'à leur logis , où
Mle Comte de Maulevrier
les receut
د &leur preſenta
des Amb. de Siam , 273
Mrs du Magiftrat. La harangue
qu'ils firent , fut prononcée
par M de Surmon Conſeiller
Penſionnaire, qui adrefſa
la parole au premier Ambaſſadeur
, & luy parla en ces
termes .
MONSEIGNEVR ,
La renommée nous avoit appris
les grandes qualitez du Roy de Siam,
&la grandeur de son genie pour la
conduite deſes Peuples, &nousſçavions
auſſiiessoins particuliers qu'il
y apporte. Nous admirons aujourd'huy
le zele qu'il a fait paroître
pour reconnoître les choses les plus
importantes de la terre , & nous
274 III . P. du Voyage
1
nous réjouiſſons en mesme temps
du bonheur qui a accompagné vôtre
Excellence pourfurmonter les perils
& les fatigues que luy ont causé
l'éloignement & les difficultez du
chemin. Nous avons bien de la joye,
Monseigneur ,du fuccez de ce voyage
que le Ciel a inspiré pour rechercher
l'amitié de nostre Auguste Mo.
narque , qui apres avoir vaincu tous
Ses ennemis,& pouvant encore pouffer
plus loinfes Conquestes,a missa
plus grande gloire , à donner la Paix
à toute l'Europe. Nous voyons pre-
Sentement que Sa Majesté cherche à
fairepart au Roy vostre Maistre de
toutes les lumieres dont ila besoin ,
pour reconnoistre & embrasfer la Foy
Chrétienne , qui ſeule est recenë en
tous ſes Royaumes , afin d'augmenter
par ce moyen le merite de fon zele.
des Amb . de Siam. 275
Nous venons , Monseigneur , de la
part du Magistrat de cette ville
rendre nos reſpects à voſtre Excellence
, & la ſuplier d'agréer l'offre
de nos tres-humbles fervices , & les
Vins honoraires de la Ville que luy
profententfes tres-humbles & tresobeiſſans
Serviteurs , Les Prevost ,
Iurez, Majeur, & Eſchevins de la
Villede Tournay.
Le Preſent de Ville fut de
fix douzaines de Bouteilles
de tres- excellent Vin. L'Ambaſſadeur
répondit ,
MESSIEVRS,
Le Roy de Siam notre Maistre
ayant esté informé de la grandeur
276 III . P. du Voyage
du Roy de France , & de toutes ses
Conquestes , luy a envoyé trois Ambassadeurs
, pour luy demander fon
amitié ; & afin d'estre instruit plus
particulierement de ſes Victoires ,
Sa Majesté nous a fait combler de
tres-grands honneurs dans tous les
endroits de fon Royaume où nous
avons pasé. Nous remercions ,
Meffieurs , la Ville de Tournay de
ceux qu'elle nous rend enfon particulier
, & de ſes Prefens.
Les Magiftrats ſe retirerent
aprés cette réponſe , &
M le Comte de Maulevrier
prit l'ordre des Ambaſſadeurs
, qui le luy donnerent
en ces mots , Aufſfi fidelle que
brave , ce qui s'applique à la
des Amb. de Siam. 277
perſonne de ce Gouverneur.
Sur les cinq heures du ſoir
Me l'Evêque de Tournay leur
rendit viſite, accompagné de
M de Mefgrigny , Gouverneur
de la Citadelle . Une
heure aprés on fit joüer un
Feu d'Artifice , que Mrs du
Magiſtrat avoient fait dreſſer
devant leurs feneftres . Il eftoit
de vingt - quatre pieds
en quarré, fur douze à quinze
d'élevation. Au milieu paroiſſoient
deux Elephans ſur
un Piedeftal , & entr'eux un
Soleil un peu plus élevé , le
tout gaudronné , de maniere
278 III. P. du Voyage
que les Elephans & le Soleil
demeurerent enflâmez pendant
que le Feu dura. Le
reſte eſtoit compofé de quantité
d'Artifice. On avoit cu
deſſein d'orner la machine de
ce Feu de quelques Deviſes
à la gloire des deux Roys ,
&pour cet effet on demanda
aux Ambaſſadeurs le nom du
Roy de Siam ; mais ils répondirent
qu'ils ignoroient le
nom de leurs Roys tant qu'ils
vivoient, & qu'ils ne l'apprenoient
jamais qu'aprés leur mort.
Le Feu finy , ils demanderent
à quoy ſervoient qua
د
des Amb. de Siam. 279
artre
Pompes que l'on avoit
fait mener aux quatre coins.
On leur dit , qu'elles fervoient
à jetter de l'eau dedans &fur
les Maiſons , en cas qu'ily
rivât quelque accidentpar lefeu.
Ils ſouhaiterent en voir l'effet.
On les fit joüer devant
eux ; & comme cela ne ſe
pouvoit fans moüiller le Peuple
, ce fut encore un plaifir
qu'ils eurent. Le troifiéme
Ambaſſadeur defcendit pour
examiner une de ces Machines
. Avant que l'on fiſt joüer
le Feu, il y eur une décharge
d'une trentaine de Boëtes
280 III . P. du Voyage
qu'on avoit rangées autour.
Sur les ſept heures les Ambaſſadeurs
envoyerent prier
Me le Comte de Maulevrier,
de permettre à M le Marquis
fon Fils de venir ſouper
avec eux . Ils ſe mirent à table
ſi- tôt qu'il fut arrivé , &
on ne laiſſa entrer que les
Dames pour les voir manger.
Le lendemain 7. à neuf
heures du matin, Male Comte
de Maulevrier leur envoya
ſes trois Carroſſes , qui les
conduiſirent à la Citadelle, à
l'entrée de laquelle Me de
desAmb de Siam. 281
Meſgrigny les fit faluër de
vingt coups de canon. Aprés
les avoir reçûs , il les mena
d'abord fur le Baſtion Dauphin.
Comme ils avoient en
main le Plan de la Ville &
de la Citadelle, ils ſe contenterent
de voir ce ſeul Baſtion,
& admirerent tous les Ouvrages
qu'ils découvtoient
de ce lieu. Monfieur de
Meſgrigny leur fit entendre
que tout ce qu'ils voyoient
&tous les environs de la Citadelle
estoient minez & contreminez
, & même qu'à la
pointe du glacis de ce Baf
Aa
282 III. P. du Voyage
tion ily avoit trois Fourneaux
chargez, qui estoient preſts à
fauter. Ils demanderent à
defcendre dans les Galeries
afin de mieux examiner ces
Fourneaux ; ce qu'ils firet fort
curieufement , & aprés quel
ques raiſonnemens & quelques
queſtions qu'ils firent à
M de Mefgrigny fur la Fortification
, ils remonterent ,
& fortirent à la Porte Dauphine.
Me de Meſgrigny
leur montra l'endroit où ef
toient les trois Fourneaux ,
que l'on fit ſauter en leur prefence.
L'un eftoit chargé d'un
r
des Amb. de Siam. 283
millier de Poudre , l'autre de
douze cens livres , & le troifiéme
de trois mille cinq cens
livres . Ces trois Fourneaux
eurent tout l'effet qu'on en
pouvoit efperer , & leur firent
un ſi grand plaiſir, qu'ils
demanderent à voir les Contremines
. M de Mefgrigny
les mena à l'Arcenal , où il
leur en fit voir le Plan. Ils
luy témoignerent quelque envie
de l'avoir ; mais il leur
fit entendre que ces Plans-là
eſtant le vray fecret d'une
Place, ils ne ſe donnoient ny
ne ſe montroient jamais à per-
A a ij
284 III . P. du Voyage
fonne. Aprés l'avoir bien
examiné , & demandé raiſon
de toutes chofes , ils allerent
voir faire l'Exercice à la Compagnie
des jeunes Gentilshommes
, qui fit fort bien à
fon ordinaire.Cela eſtant fait,
ils fortirent de la Citadelle, &
furent falüez par vingt autres
coups de Canon ; & enfuite
ils retournerent chez eux, où
toutes les Dames les virent
dîner. En ſortant de table,
ils monterent en Carroffe , &
allerent à la Porte S. Martin,
où ils trouverent des Chevaux
que Me le Comte de MaudesAmb.
de Siam. 285
levrier leur avoit fait tenir
preſts. Ils s'en ſervirent pour
aller viſiter les Ouvrages de
la Place. Comme ils en avoient
le Plan avec eux , ils
ſe contenterent d'en voir une
partie. Ils rentrerent par la
Porte de Lille , & vinrent à la
Comedie , où madame la
Comteſſe de maulevrier , &
Madame la Comteſſe de ме-
davy , les attendoient avec
une vingtaine de Dames des
mieux faites de la Ville. Ils
y donnerent l'ordre à m ' de
Jearny major de la Ville , en
ces mots : Ie m'appuiray du
د
286 III . P. du Voyage
bâton en combattant de l'épée.
Ce Mot ainſi que le precedent
, eft appliqué à la perfonne
de M le Comte de
Maulevrier . Ce n'eſt pas à
moy à raifonner fur ces mots,
& je n'en dois rien dire , finon
qu'ils furent fort applaudis.
On joüa une Piece
Comique ; mais afin de faire
voir de beaux Habits aux
Ambaſſadeurs , Male Comte
de maulevrier ordonna aux
Comediens de ſe veſtir à
la Romaine ; ce qui réüffit
fort bien. Aprés la Comedie,
ce Comte les fit mener dans
des Amb. de Siam. 287
ſes Carroffes fur l'Eſplanade,
où il leur avoit fait preparer
quatre mortiers , pour leur
faire voir l'effet de deux
Bombes , d'un Boulet rou-
,
ge , & d'une Carcaffe. Ils
admirerent ces machines ,
& en raiſonnerent fort par-
د
ticulierement , ſe faiſant inſtruire
de tout & mefme
des moindres chofes . Ils monterent
fur la muraille , & virent
jetter les bombes dans la
Campagne avec beaucoup
d'admiration. M le Comte
de Maulevrier les conduifit
enfuite dans ſa maiſon , dont
288 III. P. du Voyage
ils trouverent le devant de la
porte & la Cour fort illuminez.
Il les fit monter dans
l'Appartement de Madame la
Comteſſe de Maulevrier qui
les receut avec Madame la
Comteſſe de Medavy & plufieurs
Dames . En attendant
on leur
د l'heure du ſoupé
donna le divertiſſement d'un
Concert de Muſique , compoſé
de tres-belles voix , d'une
viole & de quelques flutes
douces . Ce Concert fut trouvé
bien executé & de bon
goût. L'heure du ſoupé venuë
, ils deſcendirent dans la
grande
desAmb. de Siam. 289
grande Sale , où ils trouverent
une table de vingt-quatre
couverts , remplie de viandes
les plus delicates & les
plus exquiſes. M le Comte de
Maulevrier leur en avoit fait
ſervir devant eux qui eſtoient
appreſtées à la Françoiſe & à
leurs manieres ce qui les fit
د
demeurer plus longtemps à
table qu'ils n'auroient fait.
Leurs trois places eſtoient de
ſuite ſeparées des autres , & à
droit & à gauche eſtoient Mme
la Comteſſe de maulevrier ,
Madame la Comteſſe de Medavy
, & fix Dames des mieux
Bb
290. III. P. du Voyage
faites de la Ville. Pendant le
foupé, on leur donna le divertiſſement
d'un autre Concert
compoſé de voix , de hautbois&
de violons. M. leComte
de maulevrier but à leurs
fantez, & ils luy firent raifon
chacun en particulier avec
toute l'honneſteté imaginable.
Ilbeut enſuite à l'Alliance
des deux Couronnes , &
lorſque les Ambaſſadeurs y
burent auſſi on entendit
une décharge de quantité de
boëttes. Elle fut fuivie prefque
auffi-tôt d'ungrand bruit
de Timbales & de Trompet-
د
des Amb. de Siam. 291
tes qui continua juſqu'à ce
que les Ambaſſadeurs buſſent
à la ſanté du Roy de France.
Pendant que m' le Comte de
Maulevrier leur en fit raifon ,
une autre décharge de boëttes
ſe fit entendre , & le bruit
des Timballes & des Trompettes
recommença. On but
enfuite à la ſanté du puiſſant
Roy de Siam , & pendant ce
temps , la meſme quantité de
boëttes , de Timballes & de
Trompettes fit encore le mê.
me bruit. Il continua lorſque
M. le Comte de Maulevrier
but à leur bonVoyage. Cette
Bb ij
292 III. P. du Voyage
Γ
ſanté leur fit beaucoup de
plaifir. Ils burent auſſi à celle
des Dames. Aprés que l'on
fut forty de table , M² le
Comte de maulevrier les conduifit
dans fon Appartement,
& leur demanda s'ils ne voudroient
point fumer , mais
comme apparemment ils ſçavoient
que cela ſe pratique
peu en France , & fur tout en
compagnie , ils l'en remercierent.
Peu de temps aprés
il les mena à la porte de fon
Jardin , au milieu duquel &
au tour du Baffin , il y avoit
un fort grand nombre de fu
des Amb. de Siam. 293
ſées volantes qu'ils virent tirer
avec beaucoup du plaifir.
Ils rentrerent dans la Sale
ils trouverent les Dames rangées
, & quantité de violons
qui joüoient. Comme ils avoient
ſceu que M. le Comte
de Maulevrier icur vouloit
donner le divertiſſement d'un
Bal , ils prirent les places qui
leur eſtoient preparées , & virent
dancer pendant deux
heures avec une joye qui faiſoit
connoître qu'ils eftoient
tres-fatisfaits de tous cesplaifirs
; aprés quoy ils prirent
congé de M. le Gouverneur ,
Bb iij
294 III P. du Voyage
auquel ils marqueret une tresgrande
reconnoiſſance de tous
les honneurs qu'il leur avoit
rendus. Ils luy firent dire entr'autres
chofes qu'il ſembloit
toute sa famille s'estoit fait
à l'envy un plaisir de les comblerde
toutes fortes d'honneſtetez .
Ils monterent dans ſes Carofſes
, & s'en retournerent à leur
logis. La court& le devant de
la porte eſtoient encore éclai
rez . Tous ces divertiſſemens ſe
pafferent ſans la moindre confufion
, & avec un ordre digne
des precautions que M
&Me la Comteſſe de Maы-
:
1
r
des Amb.de Siam. 295
levrier avoient priſes ſur toutes
choſes.
Le lendemain 8. fur les 9.
heures du matin, les Ambaſſadeurs
envoyerent querir M
le marquis de Maulevrier pour
déjeuner avec eux. Ils ſe mirent
à table ſi-toft qu'il fut
arrivé. Les Dames ; c'eſt à dire
celles qui pouvoient eſtre levées
, les virent encore pendant
ce temps , & apres qu'ils
eurent déjeuné , toutes chofes
eftant preparées pour leur départ
, &M le Comte deMaulevrier
eſtant venu prendre
congé d'eux , ils monterent
Bb iiij
296 III. P. du Voyage
en Caroffe ,& pafſferent entre
deux hayes au milieu d'un
Eſcadron de Cavallerie , &
d'un Bataillon d'Infanterie
rangez ſur la Place , & depuis
la Place juſqu'à la grande Egliſe
qu'ils voulurent voir. Ils y
trouverent M. l'Eveſque de
Tournay qui les y attendoit,&
lui firentdire que s'ils ne l'euffent
pas trouvé là , leur deſſein eſtoit
d'aller chezluy pouravoir l'honneur
de le voir. M² l'Eveſque
les remercia. Il parut qu'en
entrant dans ce magnifique
Temple , ils furent touchez de
quelque ſecret mouvement
des Amb. de Siam. 297
qui leur inſpirade faire dire à
ce Prelat qu'ils le prioient d'obtenir
du vray Dieu qu'ils le puſſent
connoître, & qu'illuy plût de les
tirer des Tenebres où ils pouvoient
estre pourprofeſſerla veritable Religion.
M l'Eveſque leur répondit
, que toute la France &
toute la Chrétienté prioit tous les
jours Dieu pour cela. Il les conduiſit
enſuite dans le Choeur
qui eſt un des plus beaux qu'il
y ait en France. Ils y trouverent
Ms du Chapitre rangez
chacun dans ſa place. Ils les
ſaluerent , & allerent juſqu'au
prés & derriere l'Autel , où
298 III. P du Voyage
ils furent quelque temps à admirer
deux excellens Tableaux
de Rubens, & quantité
de tres- beaux Ouvrages de
Marbre & d'Albatre nouvellement
faits autour de l'Autel.
Delà ils revinrent dans
le Choeur , où Ms du Chapitre
leur firent chanter un
Moret par leur Muſique, aprés
quoy les Ambaſſadeurs firent
repeter encore à M. l'Eveſque
qu'ils leprioient d'obtenir du vray
Dieu qu'il les daignaſt éclairer ,
& mettre en estat de profeffer la
veritable Religion. Ils prirent
enfuite congé de luy & de
des Amb . de Siam . 299
Mrs du Chapitre qu'ils remercierenr
. Eſtant remontez dans
leurs Caroffes , ils pafferent
encore entre deux hayes d'Infanterie
, depuis l'Egliſe jufqu'à
la Porte de Maruis , pour
prendre le chemin de Condé .
M le Comte de Maulevrier
les conduifit avec la meſme
quantité de Cavalerie , qui
avoit eſté au devant d'eux à
leur entrée . L'Artillerie les
ſalua de nouveau à la fortie
de la Barriere .
Le major du Regiment
d'Erlac eſtant venu avec les
Ambaſſadeurs depuis Grave
300 III . P. du Voyage
lines juſqu'à Tournay , où il
commande un Bataillon , ils
conçûrent de l'eftime pour
luy, &dans le chemin l'Ambaſſadeur
monta dans ſa
Chaiſe, pour eſſayer s'il conduiroit
bie cette forte de Voiture.
Il n'eut pas de peine à
faire connoître que fon adreſſe
égale fon eſprit. Ils
furent fi fatisfaits de се ма-
jor , que lorſqu'il prit congé
d'eux quand ils partirent de
Tournay, ils luydemáderent,
s'il ne pouvoitpas venir jusqu'à
Paris avec eux ; mais fon devoir
l'engageoit à demeurer
des Amb de Siam. 301
à Tournay. Ils virent fur le
chemin de Condé un Bourg
appellé Anthoin , qui appartient
à Madame la Princeffe
d'Epinoy , & ils ſe ſouvinrent
qu'ils avoient mangé avec
elle , à la Collation que M
de Seignelay leur donna le
jour qu'ils en eurent Audience.
le 6. ils arriverent à Tournay.
C'eſt une Place tres-forte, défenduë
par un Chafteau, qu'on
dit que les Angiois ont bafty.
Elle eſt ſur l'Eſcaut , & Capitale
d'un petit Païs appellé
le Tournaiſis. Outre l'Eglife
Cathedrale de Nôtre-Dame
qui est tres-belle , elle a dix
Paroiſſes , deux Abbayes , &
diverſes autres Maiſons Religieuſes
. L'Empereur Charles
Zij
270 III . P. du Voyage
V. la prit en 1521. aux François
qui s'en eſtoient rendus
Maiſtres trois ans auparavant.
Elle eſt demeurée au Roy par
le Traité d'Aix la Chapelle.
Sa Majesté l'avoit priſe en
1667. Cette Ville est tres- ancienne.
L'Evêché eſt Suffragant
de Cambray. M le
Comte de Maulevrier , Lieutenant
General des Armées du
Roy , Gouverneur des Ville
&Citadelle de Tournay & du
Tournefis , avoit envoyé fur
le midy à une lieuë au devant
des Ambaſſadeurs vingt Maîtres
du Regiment des Cuiraf
r
des Amb. de Siam. 271
fiers qui eſt en garniſon dans
la Ville , commandez par un
Lieutenant , auquel il avoit
marqué le lieu où il devoit ſe
trouver avec ſa Troupe , &
donné ordre qu'aprés que ce
Lieutenant auroit ſalue les
Ambaſſadeurs , il marcheroit
àla teſte de leur Caroſſe avec
fix des ſiens , feroit marcher
les 14. autres derriere , qu'ils
eſcorteroient ainſi ju qu'au
Village de Markin , qui eft à
une demy-lieuë de Tournay ,
où il avoit reſolu de venir
avec un Eſcadron des Cuiraffiers.
Apres que ce Comte
272 III . P. du Voyage
les eût ſaluez , & qu'il leut cût
fait fon compliment au lieu
où il eſtoit venu les attendre,
il prit le devant , & ſe rendit
à la maiſon qu'il leur avoit
fait preparer , & qui estoit magnifiquement
meublée, pendant
que tout l'Eſcadron marchoit
devant & derriere leur
Caroffe. En approchant de la
Barriere , ils furent ſaluez de
vingt coups de Canon , &
paſſerent depuis la porte de
la Ville entre deux hayes d'Infanterie
juſqu'à leur logis , où
Mle Comte de Maulevrier
les receut
د &leur preſenta
des Amb. de Siam , 273
Mrs du Magiftrat. La harangue
qu'ils firent , fut prononcée
par M de Surmon Conſeiller
Penſionnaire, qui adrefſa
la parole au premier Ambaſſadeur
, & luy parla en ces
termes .
MONSEIGNEVR ,
La renommée nous avoit appris
les grandes qualitez du Roy de Siam,
&la grandeur de son genie pour la
conduite deſes Peuples, &nousſçavions
auſſiiessoins particuliers qu'il
y apporte. Nous admirons aujourd'huy
le zele qu'il a fait paroître
pour reconnoître les choses les plus
importantes de la terre , & nous
274 III . P. du Voyage
1
nous réjouiſſons en mesme temps
du bonheur qui a accompagné vôtre
Excellence pourfurmonter les perils
& les fatigues que luy ont causé
l'éloignement & les difficultez du
chemin. Nous avons bien de la joye,
Monseigneur ,du fuccez de ce voyage
que le Ciel a inspiré pour rechercher
l'amitié de nostre Auguste Mo.
narque , qui apres avoir vaincu tous
Ses ennemis,& pouvant encore pouffer
plus loinfes Conquestes,a missa
plus grande gloire , à donner la Paix
à toute l'Europe. Nous voyons pre-
Sentement que Sa Majesté cherche à
fairepart au Roy vostre Maistre de
toutes les lumieres dont ila besoin ,
pour reconnoistre & embrasfer la Foy
Chrétienne , qui ſeule est recenë en
tous ſes Royaumes , afin d'augmenter
par ce moyen le merite de fon zele.
des Amb . de Siam. 275
Nous venons , Monseigneur , de la
part du Magistrat de cette ville
rendre nos reſpects à voſtre Excellence
, & la ſuplier d'agréer l'offre
de nos tres-humbles fervices , & les
Vins honoraires de la Ville que luy
profententfes tres-humbles & tresobeiſſans
Serviteurs , Les Prevost ,
Iurez, Majeur, & Eſchevins de la
Villede Tournay.
Le Preſent de Ville fut de
fix douzaines de Bouteilles
de tres- excellent Vin. L'Ambaſſadeur
répondit ,
MESSIEVRS,
Le Roy de Siam notre Maistre
ayant esté informé de la grandeur
276 III . P. du Voyage
du Roy de France , & de toutes ses
Conquestes , luy a envoyé trois Ambassadeurs
, pour luy demander fon
amitié ; & afin d'estre instruit plus
particulierement de ſes Victoires ,
Sa Majesté nous a fait combler de
tres-grands honneurs dans tous les
endroits de fon Royaume où nous
avons pasé. Nous remercions ,
Meffieurs , la Ville de Tournay de
ceux qu'elle nous rend enfon particulier
, & de ſes Prefens.
Les Magiftrats ſe retirerent
aprés cette réponſe , &
M le Comte de Maulevrier
prit l'ordre des Ambaſſadeurs
, qui le luy donnerent
en ces mots , Aufſfi fidelle que
brave , ce qui s'applique à la
des Amb. de Siam. 277
perſonne de ce Gouverneur.
Sur les cinq heures du ſoir
Me l'Evêque de Tournay leur
rendit viſite, accompagné de
M de Mefgrigny , Gouverneur
de la Citadelle . Une
heure aprés on fit joüer un
Feu d'Artifice , que Mrs du
Magiſtrat avoient fait dreſſer
devant leurs feneftres . Il eftoit
de vingt - quatre pieds
en quarré, fur douze à quinze
d'élevation. Au milieu paroiſſoient
deux Elephans ſur
un Piedeftal , & entr'eux un
Soleil un peu plus élevé , le
tout gaudronné , de maniere
278 III. P. du Voyage
que les Elephans & le Soleil
demeurerent enflâmez pendant
que le Feu dura. Le
reſte eſtoit compofé de quantité
d'Artifice. On avoit cu
deſſein d'orner la machine de
ce Feu de quelques Deviſes
à la gloire des deux Roys ,
&pour cet effet on demanda
aux Ambaſſadeurs le nom du
Roy de Siam ; mais ils répondirent
qu'ils ignoroient le
nom de leurs Roys tant qu'ils
vivoient, & qu'ils ne l'apprenoient
jamais qu'aprés leur mort.
Le Feu finy , ils demanderent
à quoy ſervoient qua
د
des Amb. de Siam. 279
artre
Pompes que l'on avoit
fait mener aux quatre coins.
On leur dit , qu'elles fervoient
à jetter de l'eau dedans &fur
les Maiſons , en cas qu'ily
rivât quelque accidentpar lefeu.
Ils ſouhaiterent en voir l'effet.
On les fit joüer devant
eux ; & comme cela ne ſe
pouvoit fans moüiller le Peuple
, ce fut encore un plaifir
qu'ils eurent. Le troifiéme
Ambaſſadeur defcendit pour
examiner une de ces Machines
. Avant que l'on fiſt joüer
le Feu, il y eur une décharge
d'une trentaine de Boëtes
280 III . P. du Voyage
qu'on avoit rangées autour.
Sur les ſept heures les Ambaſſadeurs
envoyerent prier
Me le Comte de Maulevrier,
de permettre à M le Marquis
fon Fils de venir ſouper
avec eux . Ils ſe mirent à table
ſi- tôt qu'il fut arrivé , &
on ne laiſſa entrer que les
Dames pour les voir manger.
Le lendemain 7. à neuf
heures du matin, Male Comte
de Maulevrier leur envoya
ſes trois Carroſſes , qui les
conduiſirent à la Citadelle, à
l'entrée de laquelle Me de
desAmb de Siam. 281
Meſgrigny les fit faluër de
vingt coups de canon. Aprés
les avoir reçûs , il les mena
d'abord fur le Baſtion Dauphin.
Comme ils avoient en
main le Plan de la Ville &
de la Citadelle, ils ſe contenterent
de voir ce ſeul Baſtion,
& admirerent tous les Ouvrages
qu'ils découvtoient
de ce lieu. Monfieur de
Meſgrigny leur fit entendre
que tout ce qu'ils voyoient
&tous les environs de la Citadelle
estoient minez & contreminez
, & même qu'à la
pointe du glacis de ce Baf
Aa
282 III. P. du Voyage
tion ily avoit trois Fourneaux
chargez, qui estoient preſts à
fauter. Ils demanderent à
defcendre dans les Galeries
afin de mieux examiner ces
Fourneaux ; ce qu'ils firet fort
curieufement , & aprés quel
ques raiſonnemens & quelques
queſtions qu'ils firent à
M de Mefgrigny fur la Fortification
, ils remonterent ,
& fortirent à la Porte Dauphine.
Me de Meſgrigny
leur montra l'endroit où ef
toient les trois Fourneaux ,
que l'on fit ſauter en leur prefence.
L'un eftoit chargé d'un
r
des Amb. de Siam. 283
millier de Poudre , l'autre de
douze cens livres , & le troifiéme
de trois mille cinq cens
livres . Ces trois Fourneaux
eurent tout l'effet qu'on en
pouvoit efperer , & leur firent
un ſi grand plaiſir, qu'ils
demanderent à voir les Contremines
. M de Mefgrigny
les mena à l'Arcenal , où il
leur en fit voir le Plan. Ils
luy témoignerent quelque envie
de l'avoir ; mais il leur
fit entendre que ces Plans-là
eſtant le vray fecret d'une
Place, ils ne ſe donnoient ny
ne ſe montroient jamais à per-
A a ij
284 III . P. du Voyage
fonne. Aprés l'avoir bien
examiné , & demandé raiſon
de toutes chofes , ils allerent
voir faire l'Exercice à la Compagnie
des jeunes Gentilshommes
, qui fit fort bien à
fon ordinaire.Cela eſtant fait,
ils fortirent de la Citadelle, &
furent falüez par vingt autres
coups de Canon ; & enfuite
ils retournerent chez eux, où
toutes les Dames les virent
dîner. En ſortant de table,
ils monterent en Carroffe , &
allerent à la Porte S. Martin,
où ils trouverent des Chevaux
que Me le Comte de MaudesAmb.
de Siam. 285
levrier leur avoit fait tenir
preſts. Ils s'en ſervirent pour
aller viſiter les Ouvrages de
la Place. Comme ils en avoient
le Plan avec eux , ils
ſe contenterent d'en voir une
partie. Ils rentrerent par la
Porte de Lille , & vinrent à la
Comedie , où madame la
Comteſſe de maulevrier , &
Madame la Comteſſe de ме-
davy , les attendoient avec
une vingtaine de Dames des
mieux faites de la Ville. Ils
y donnerent l'ordre à m ' de
Jearny major de la Ville , en
ces mots : Ie m'appuiray du
د
286 III . P. du Voyage
bâton en combattant de l'épée.
Ce Mot ainſi que le precedent
, eft appliqué à la perfonne
de M le Comte de
Maulevrier . Ce n'eſt pas à
moy à raifonner fur ces mots,
& je n'en dois rien dire , finon
qu'ils furent fort applaudis.
On joüa une Piece
Comique ; mais afin de faire
voir de beaux Habits aux
Ambaſſadeurs , Male Comte
de maulevrier ordonna aux
Comediens de ſe veſtir à
la Romaine ; ce qui réüffit
fort bien. Aprés la Comedie,
ce Comte les fit mener dans
des Amb. de Siam. 287
ſes Carroffes fur l'Eſplanade,
où il leur avoit fait preparer
quatre mortiers , pour leur
faire voir l'effet de deux
Bombes , d'un Boulet rou-
,
ge , & d'une Carcaffe. Ils
admirerent ces machines ,
& en raiſonnerent fort par-
د
ticulierement , ſe faiſant inſtruire
de tout & mefme
des moindres chofes . Ils monterent
fur la muraille , & virent
jetter les bombes dans la
Campagne avec beaucoup
d'admiration. M le Comte
de Maulevrier les conduifit
enfuite dans ſa maiſon , dont
288 III. P. du Voyage
ils trouverent le devant de la
porte & la Cour fort illuminez.
Il les fit monter dans
l'Appartement de Madame la
Comteſſe de Maulevrier qui
les receut avec Madame la
Comteſſe de Medavy & plufieurs
Dames . En attendant
on leur
د l'heure du ſoupé
donna le divertiſſement d'un
Concert de Muſique , compoſé
de tres-belles voix , d'une
viole & de quelques flutes
douces . Ce Concert fut trouvé
bien executé & de bon
goût. L'heure du ſoupé venuë
, ils deſcendirent dans la
grande
desAmb. de Siam. 289
grande Sale , où ils trouverent
une table de vingt-quatre
couverts , remplie de viandes
les plus delicates & les
plus exquiſes. M le Comte de
Maulevrier leur en avoit fait
ſervir devant eux qui eſtoient
appreſtées à la Françoiſe & à
leurs manieres ce qui les fit
د
demeurer plus longtemps à
table qu'ils n'auroient fait.
Leurs trois places eſtoient de
ſuite ſeparées des autres , & à
droit & à gauche eſtoient Mme
la Comteſſe de maulevrier ,
Madame la Comteſſe de Medavy
, & fix Dames des mieux
Bb
290. III. P. du Voyage
faites de la Ville. Pendant le
foupé, on leur donna le divertiſſement
d'un autre Concert
compoſé de voix , de hautbois&
de violons. M. leComte
de maulevrier but à leurs
fantez, & ils luy firent raifon
chacun en particulier avec
toute l'honneſteté imaginable.
Ilbeut enſuite à l'Alliance
des deux Couronnes , &
lorſque les Ambaſſadeurs y
burent auſſi on entendit
une décharge de quantité de
boëttes. Elle fut fuivie prefque
auffi-tôt d'ungrand bruit
de Timbales & de Trompet-
د
des Amb. de Siam. 291
tes qui continua juſqu'à ce
que les Ambaſſadeurs buſſent
à la ſanté du Roy de France.
Pendant que m' le Comte de
Maulevrier leur en fit raifon ,
une autre décharge de boëttes
ſe fit entendre , & le bruit
des Timballes & des Trompettes
recommença. On but
enfuite à la ſanté du puiſſant
Roy de Siam , & pendant ce
temps , la meſme quantité de
boëttes , de Timballes & de
Trompettes fit encore le mê.
me bruit. Il continua lorſque
M. le Comte de Maulevrier
but à leur bonVoyage. Cette
Bb ij
292 III. P. du Voyage
Γ
ſanté leur fit beaucoup de
plaifir. Ils burent auſſi à celle
des Dames. Aprés que l'on
fut forty de table , M² le
Comte de maulevrier les conduifit
dans fon Appartement,
& leur demanda s'ils ne voudroient
point fumer , mais
comme apparemment ils ſçavoient
que cela ſe pratique
peu en France , & fur tout en
compagnie , ils l'en remercierent.
Peu de temps aprés
il les mena à la porte de fon
Jardin , au milieu duquel &
au tour du Baffin , il y avoit
un fort grand nombre de fu
des Amb. de Siam. 293
ſées volantes qu'ils virent tirer
avec beaucoup du plaifir.
Ils rentrerent dans la Sale
ils trouverent les Dames rangées
, & quantité de violons
qui joüoient. Comme ils avoient
ſceu que M. le Comte
de Maulevrier icur vouloit
donner le divertiſſement d'un
Bal , ils prirent les places qui
leur eſtoient preparées , & virent
dancer pendant deux
heures avec une joye qui faiſoit
connoître qu'ils eftoient
tres-fatisfaits de tous cesplaifirs
; aprés quoy ils prirent
congé de M. le Gouverneur ,
Bb iij
294 III P. du Voyage
auquel ils marqueret une tresgrande
reconnoiſſance de tous
les honneurs qu'il leur avoit
rendus. Ils luy firent dire entr'autres
chofes qu'il ſembloit
toute sa famille s'estoit fait
à l'envy un plaisir de les comblerde
toutes fortes d'honneſtetez .
Ils monterent dans ſes Carofſes
, & s'en retournerent à leur
logis. La court& le devant de
la porte eſtoient encore éclai
rez . Tous ces divertiſſemens ſe
pafferent ſans la moindre confufion
, & avec un ordre digne
des precautions que M
&Me la Comteſſe de Maы-
:
1
r
des Amb.de Siam. 295
levrier avoient priſes ſur toutes
choſes.
Le lendemain 8. fur les 9.
heures du matin, les Ambaſſadeurs
envoyerent querir M
le marquis de Maulevrier pour
déjeuner avec eux. Ils ſe mirent
à table ſi-toft qu'il fut
arrivé. Les Dames ; c'eſt à dire
celles qui pouvoient eſtre levées
, les virent encore pendant
ce temps , & apres qu'ils
eurent déjeuné , toutes chofes
eftant preparées pour leur départ
, &M le Comte deMaulevrier
eſtant venu prendre
congé d'eux , ils monterent
Bb iiij
296 III. P. du Voyage
en Caroffe ,& pafſferent entre
deux hayes au milieu d'un
Eſcadron de Cavallerie , &
d'un Bataillon d'Infanterie
rangez ſur la Place , & depuis
la Place juſqu'à la grande Egliſe
qu'ils voulurent voir. Ils y
trouverent M. l'Eveſque de
Tournay qui les y attendoit,&
lui firentdire que s'ils ne l'euffent
pas trouvé là , leur deſſein eſtoit
d'aller chezluy pouravoir l'honneur
de le voir. M² l'Eveſque
les remercia. Il parut qu'en
entrant dans ce magnifique
Temple , ils furent touchez de
quelque ſecret mouvement
des Amb. de Siam. 297
qui leur inſpirade faire dire à
ce Prelat qu'ils le prioient d'obtenir
du vray Dieu qu'ils le puſſent
connoître, & qu'illuy plût de les
tirer des Tenebres où ils pouvoient
estre pourprofeſſerla veritable Religion.
M l'Eveſque leur répondit
, que toute la France &
toute la Chrétienté prioit tous les
jours Dieu pour cela. Il les conduiſit
enſuite dans le Choeur
qui eſt un des plus beaux qu'il
y ait en France. Ils y trouverent
Ms du Chapitre rangez
chacun dans ſa place. Ils les
ſaluerent , & allerent juſqu'au
prés & derriere l'Autel , où
298 III. P du Voyage
ils furent quelque temps à admirer
deux excellens Tableaux
de Rubens, & quantité
de tres- beaux Ouvrages de
Marbre & d'Albatre nouvellement
faits autour de l'Autel.
Delà ils revinrent dans
le Choeur , où Ms du Chapitre
leur firent chanter un
Moret par leur Muſique, aprés
quoy les Ambaſſadeurs firent
repeter encore à M. l'Eveſque
qu'ils leprioient d'obtenir du vray
Dieu qu'il les daignaſt éclairer ,
& mettre en estat de profeffer la
veritable Religion. Ils prirent
enfuite congé de luy & de
des Amb . de Siam . 299
Mrs du Chapitre qu'ils remercierenr
. Eſtant remontez dans
leurs Caroffes , ils pafferent
encore entre deux hayes d'Infanterie
, depuis l'Egliſe jufqu'à
la Porte de Maruis , pour
prendre le chemin de Condé .
M le Comte de Maulevrier
les conduifit avec la meſme
quantité de Cavalerie , qui
avoit eſté au devant d'eux à
leur entrée . L'Artillerie les
ſalua de nouveau à la fortie
de la Barriere .
Le major du Regiment
d'Erlac eſtant venu avec les
Ambaſſadeurs depuis Grave
300 III . P. du Voyage
lines juſqu'à Tournay , où il
commande un Bataillon , ils
conçûrent de l'eftime pour
luy, &dans le chemin l'Ambaſſadeur
monta dans ſa
Chaiſe, pour eſſayer s'il conduiroit
bie cette forte de Voiture.
Il n'eut pas de peine à
faire connoître que fon adreſſe
égale fon eſprit. Ils
furent fi fatisfaits de се ма-
jor , que lorſqu'il prit congé
d'eux quand ils partirent de
Tournay, ils luydemáderent,
s'il ne pouvoitpas venir jusqu'à
Paris avec eux ; mais fon devoir
l'engageoit à demeurer
des Amb de Siam. 301
à Tournay. Ils virent fur le
chemin de Condé un Bourg
appellé Anthoin , qui appartient
à Madame la Princeffe
d'Epinoy , & ils ſe ſouvinrent
qu'ils avoient mangé avec
elle , à la Collation que M
de Seignelay leur donna le
jour qu'ils en eurent Audience.
Fermer
Résumé : Tournay. [titre d'après la table]
Le 6, les ambassadeurs de Siam arrivèrent à Tournay, une ville forte située sur l'Escaut et capitale du Tournaisis. Tournay est protégée par un château et possède une cathédrale, dix paroisses, deux abbayes et diverses maisons religieuses. La ville avait été prise par l'empereur Charles III en 1521 et restituée au roi de France par le traité d'Aix-la-Chapelle après avoir été reprise en 1667. Le comte de Maulevrier, lieutenant général des armées du roi et gouverneur de la ville et de la citadelle, organisa une réception en leur honneur. Les ambassadeurs furent accueillis par vingt maîtres du régiment des cuirassiers et escortés jusqu'à leur logis, où le comte de Maulevrier les reçut et leur présenta les magistrats de la ville. M. de Surmon, Conseiller Pensionnaire, prononça une harangue louant les qualités du roi de Siam et exprimant la joie de voir ce dernier rechercher l'amitié du roi de France. L'ambassadeur de Siam répondit en remerciant pour les honneurs reçus et en exprimant le désir du roi de Siam de connaître les victoires du roi de France. Les magistrats offrirent un présent de vin, et les ambassadeurs visitèrent ensuite la citadelle, admirant les fortifications et assistant à des démonstrations de feu d'artifice et de bombardements. Le soir, ils furent invités à souper par le comte de Maulevrier, qui organisa divers divertissements, y compris un concert, une comédie et un bal. Les ambassadeurs exprimèrent leur grande satisfaction et leur reconnaissance envers le gouverneur pour les honneurs reçus. Le lendemain, ils invitèrent le marquis de Maulevrier à déjeuner. Après le déjeuner, ils montèrent en carrosse et passèrent entre des haies de cavalerie et d'infanterie jusqu'à une grande église, où ils rencontrèrent l'évêque de Tournay. Ils exprimèrent leur désir de connaître le vrai Dieu et de professer la véritable religion. L'évêque les conduisit dans le chœur, où ils admirèrent des tableaux et des œuvres d'art, écoutèrent un morceau de musique et répétèrent leur prière. Ils prirent ensuite congé et furent escortés jusqu'à la porte de Maruis par le comte de Maulevrier et une escorte militaire. Ils exprimèrent leur estime pour le major du régiment d'Erlac, qui les avait accompagnés depuis Gravelines jusqu'à Tournay. Sur le chemin de Condé, ils passèrent par un bourg appartenant à la princesse d'Epinoy, se souvenant d'un repas partagé avec elle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 324-331
Explication de tous les Chiffres de la Figure. [titre d'après la table]
Début :
Comme on a souhaitté d'avoir une Estampe du Thrône, [...]
Mots clefs :
Ambassadeurs, Trône, Roi, Duc, Audience, France, Premier ambassadeur, Second ambassadeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Explication de tous les Chiffres de la Figure. [titre d'après la table]
Comme on a ſouhaitté d'avoir
une Eſtampe du Thrône ,
!
des Amb de Siam. 225
dans lequel Sa Majeſté a donné
Audience au bout de la
Galerie de Verſailles , & de
toute l'argenterie qui l'accompagnoit
, on en envoye une
gravée d'aprés le deſſein du
plus fameux Peintre que la
France ait aujourd'huy. Cette
Eſtampe fera connoître dans
les Climats les plus reculés ,
que ce qu'on y publie de la
magnificence du Roy eſt veritable
, & les Ambaſſadeurs
de Siam en pourront confirmer
la verité. Les Lettres
qu'on y voit gravées , marquent
les Places du Roy , des
326 III . P. du Voyage
Princes,de la Maiſon Royale,
& des grands Officiers de Sa
Majefté. Voicy l'ordre qu'on
a crû devoir obſerver pour les
faire connoître .
A Le Roy.
B Monseigneur le Dauphin.
C Monfieur.
D Menfieur le Duc de
Chartres.
E Monfieur le Duc
د
preſent Monfieur le Prince.
à
F Monfieur le Duc de
Bourbon.
G Monfieur le Duc du
Mayne.
H Monfieur le Comte de
des Amb . de Siam. 327
Thouloufe .
I Male Grand Maistre de
la Garderobe .
☑ Mrs les premiers Gentilshommes
de la Chambre.
Les Chifres marquent la
place des Ambaſſadeurs pendant
l'Audience , & de ceux
qui les accompagnoient.
1. Le premier Ambaſſadeur.
2. Le ſecond Ambaſſadeur.
3. Le troifiéme Ambaſſa
deur.
4. M le Maréchal de la
Feüillade. Il avoit rang à
329 III . P. du Voyage
1
cette Audience , parce que
les Maréchaux de France eftant
nommez chacun à leur
tour pour recevoir les Ambaſſadeurs
Extraordinaires ,
fuivant cét ordre M de la
Feüillade accompagnoit les
Ambaſſadeurs . Il eſtoit entre
le premier & le ſecond ; mais
quoy que ce fuſt ſa place , il
ne les coupoit pas tout- à-fait
devant le Roy.
5. M le Maréchal Duc
de Luxembourg. Il eſtoit directement
derriere le premier
Ambaſſadeur , en qualité de
Capitaine des Gardes du
des Amb. de Siam. 329
1
Corps en Quartier, qui avoit
reçû les Ambaſſadeurs à la
porte de la Salle des Gardes,
& qui les avoit conduits jafqu'au
pied du Trône du
Roy .
6. Me de Bonneüil , Introducteur
des Ambaſſadeurs.
7. M Torf, Gentilhomme
ordinaire de la Maiſon du
Roy , nommé pour aller recevoir
les Ambaſſadeurs lorf
qu'ils furent entrez en France,
& pour les accompagner jufqu'à
leur rembarquement .
8. M l'Abbé de Lionne.
Ec
330 III. P. duVoyage
Il n'avoit de rang en cette
Ceremonie , que parce qu'il
y ſervoit d'Interprete. Aprés
avoir interpreté tout haut
la Harangue de l'Ambaſſadeur
, il monta juſqu'auprés
du Roy , pour entendre la
réponſe de Sa Majefté.
9. M Giraut , dont la
place n'eſt pas tout-à- fait fixée
, & dont les foins l'obligent
à eſtre tantôt d'un côté,
& tantôt d'un autre.
10. Six Mandarins .
11. Ceux qui portoient les
marques de dignité des Ambaffadeurs.
desAmb. de Siam. 337
Il y avoit encore pluſieurs
Suivans , mais ils estoient
plus éloignez , & n'eftoient
pas dans cette enceinte.
On auroit donné les Por
traits des Ambaſſadeurs
mais le ſieur Hainzelman
les a fi bien gravez, qu'on a
crû qu'il eſtoit impoſſible de
les mieux faire .
une Eſtampe du Thrône ,
!
des Amb de Siam. 225
dans lequel Sa Majeſté a donné
Audience au bout de la
Galerie de Verſailles , & de
toute l'argenterie qui l'accompagnoit
, on en envoye une
gravée d'aprés le deſſein du
plus fameux Peintre que la
France ait aujourd'huy. Cette
Eſtampe fera connoître dans
les Climats les plus reculés ,
que ce qu'on y publie de la
magnificence du Roy eſt veritable
, & les Ambaſſadeurs
de Siam en pourront confirmer
la verité. Les Lettres
qu'on y voit gravées , marquent
les Places du Roy , des
326 III . P. du Voyage
Princes,de la Maiſon Royale,
& des grands Officiers de Sa
Majefté. Voicy l'ordre qu'on
a crû devoir obſerver pour les
faire connoître .
A Le Roy.
B Monseigneur le Dauphin.
C Monfieur.
D Menfieur le Duc de
Chartres.
E Monfieur le Duc
د
preſent Monfieur le Prince.
à
F Monfieur le Duc de
Bourbon.
G Monfieur le Duc du
Mayne.
H Monfieur le Comte de
des Amb . de Siam. 327
Thouloufe .
I Male Grand Maistre de
la Garderobe .
☑ Mrs les premiers Gentilshommes
de la Chambre.
Les Chifres marquent la
place des Ambaſſadeurs pendant
l'Audience , & de ceux
qui les accompagnoient.
1. Le premier Ambaſſadeur.
2. Le ſecond Ambaſſadeur.
3. Le troifiéme Ambaſſa
deur.
4. M le Maréchal de la
Feüillade. Il avoit rang à
329 III . P. du Voyage
1
cette Audience , parce que
les Maréchaux de France eftant
nommez chacun à leur
tour pour recevoir les Ambaſſadeurs
Extraordinaires ,
fuivant cét ordre M de la
Feüillade accompagnoit les
Ambaſſadeurs . Il eſtoit entre
le premier & le ſecond ; mais
quoy que ce fuſt ſa place , il
ne les coupoit pas tout- à-fait
devant le Roy.
5. M le Maréchal Duc
de Luxembourg. Il eſtoit directement
derriere le premier
Ambaſſadeur , en qualité de
Capitaine des Gardes du
des Amb. de Siam. 329
1
Corps en Quartier, qui avoit
reçû les Ambaſſadeurs à la
porte de la Salle des Gardes,
& qui les avoit conduits jafqu'au
pied du Trône du
Roy .
6. Me de Bonneüil , Introducteur
des Ambaſſadeurs.
7. M Torf, Gentilhomme
ordinaire de la Maiſon du
Roy , nommé pour aller recevoir
les Ambaſſadeurs lorf
qu'ils furent entrez en France,
& pour les accompagner jufqu'à
leur rembarquement .
8. M l'Abbé de Lionne.
Ec
330 III. P. duVoyage
Il n'avoit de rang en cette
Ceremonie , que parce qu'il
y ſervoit d'Interprete. Aprés
avoir interpreté tout haut
la Harangue de l'Ambaſſadeur
, il monta juſqu'auprés
du Roy , pour entendre la
réponſe de Sa Majefté.
9. M Giraut , dont la
place n'eſt pas tout-à- fait fixée
, & dont les foins l'obligent
à eſtre tantôt d'un côté,
& tantôt d'un autre.
10. Six Mandarins .
11. Ceux qui portoient les
marques de dignité des Ambaffadeurs.
desAmb. de Siam. 337
Il y avoit encore pluſieurs
Suivans , mais ils estoient
plus éloignez , & n'eftoient
pas dans cette enceinte.
On auroit donné les Por
traits des Ambaſſadeurs
mais le ſieur Hainzelman
les a fi bien gravez, qu'on a
crû qu'il eſtoit impoſſible de
les mieux faire .
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Résumé : Explication de tous les Chiffres de la Figure. [titre d'après la table]
Le texte décrit une estampe représentant le trône et l'audience accordée par le roi de France aux ambassadeurs de Siam dans la galerie de Versailles. Réalisée par un peintre célèbre, cette estampe vise à montrer la magnificence royale dans les régions éloignées. Elle inclut des lettres indiquant les places des membres de la famille royale, des princes, de la maison royale et des grands officiers. L'ordre des places est détaillé : le roi, le Dauphin, Monsieur (frère du roi), Monsieur le Duc de Chartres, Monsieur le Duc de Bourbon, Monsieur le Duc du Maine, Monsieur le Comte de Toulouse, Monsieur le Duc de Mayenne, le Grand Maistre de la Garderobe, et les premiers Gentilshommes de la Chambre. Les chiffres marquent les positions des ambassadeurs et de leur suite. Les ambassadeurs sont accompagnés par des personnalités telles que le Maréchal de la Feuillade, le Maréchal Duc de Luxembourg, l'Introducteur des Ambassadeurs, et l'interprète, l'Abbé de Lionne. L'estampe inclut également des mandarins et des porteurs de marques de dignité, bien que les portraits des ambassadeurs n'aient pas été ajoutés en raison de la qualité des gravures existantes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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30
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
L'Ambassade de Siam en France estant finie, & les quatre Volumes [...]
Mots clefs :
Voyage, Siam, France, Volume, Description, Lecteur, Villes, Paris, Roi, Ambassadeurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AU LECTEUR.
L'Ambassade de Siam en France
estantfinie 3 & les quatre Volu
mes qui la coins osent , remplissant
' quatre secondes Partits de quatre
.Mercures , on a souhaite de voirácjr
en feu de paroles , & comme en un
seul.corps j tout ce que cette Ambas
sade contient , parce qu'on les prend
les uns pour les autres , quoy que lét
difference en soit grande. Ze pre
mier Volume a pour Titre ,
Voyage des Ambastàdeur s de Siam eu
France, contenanr la Reception qui. leur
a esté faite dans les Villes où ils onc pa£
fé , leur Entrée à Paris , les Ceremonies
ebservées dans l' Audience qu'ils ©nreuë
du Roy Sc de la Maison Royale, les
.ÇomgUmens q u ils ont faits , la Defisri .
AU LECTEUR.
ption des lieux oìi ils ont este ,& ce qu'ils
ont die de remarquable fur tout ce qu'ils
ont veu.
Le second Volume a pour Titre ,
Suite du Voyage des Ambassadeurs de Siam
en France , contenant ce qui s'est passé à l'Au
dience de Madame ia Dauphine , des Princesses
du Sang» & de MrsdeCroissy & dcSeignekyv
avec une Description exacte des Chasteaux,
Appartemtns j Jardins» , & Fontaines de Ver
sailles, S. Germain , Marly & Clagny ; de la
Machine de Marly , des Invalides, de l'Observatoire
, de S. Cyr , & de ce que ces Ambassa
deurs ont veu dans tous les autres lieux où ils
ont esté depuis la premiere Relation ; à quoy
l'en joint le Discours qu'ils ont fait au Róy .
Lt troijièmc Volume a pour Titre,
Troisième Partie du Voyage des Ambassa
deurs de S iam en France , contenant la fuite de
la De script ion de Versailles, celle des Chevaux
qui font dans les deux Ecuries du Roy , cc qui
s'est passe dans les Visites qui leur ont este renuè's
, les experiences de la pesanteur de l'air
faites devant eux , la Description de la Galerie
de Sceaux , & les Receptions avec toutes lés
Herangues qu'on leur a faites dans toutes les
Villes de Flandres.
Ze quatrième Volume a pour Titre,
Quatrième Sc derniere Partie du Voyage dis
AU LECTEUR.
Ambassadeurs de Siamen France , contenant là
fuite de kur Voyage de Flandres depuis Valenciennes
jusqu'à Paris , la Description des Villes
où ils ont passe , & les Harangues de tous les
Corps , ce qu'ils out veu à Paris depuis leur rc.
tour , avec une Description de tous les lieux où
ils ont esté> & de la Feste donnee par Monsiuur
à S. Cloud , leurs Voyages à Ver(âilles—> leur
Audience de conge , & les dix-sept Audiences'
qu'ils eurent lemesme jour > avec tous les Com.
Íiliniens qu'ils ont faits , la liste des Presens qui
euroiit cité donnez, ce qui s'est passe à leur
départi & les noms des Personnes distinguees
qui vont à Siam.
La moitié du Met cure de Jsuillce
de l'annèe derniere , & la seconde
Partie du mejme Mercure• , contien
nent une Relation du Voyage que
M. le Chevalier de Chaumont a
fait à Siam S en qualité d'Ambas
sadeur de Sa Majesté. On. y trouve
beaucoup de choses dont il n'a poiut
parlé dam celle qu'il a donnée au,
Public j & elle ne doit pas eftre cotlfonduë
avec les quatre Volumes du
Voyage des Ambassadeurs de Siam
eu prance.
L'Ambassade de Siam en France
estantfinie 3 & les quatre Volu
mes qui la coins osent , remplissant
' quatre secondes Partits de quatre
.Mercures , on a souhaite de voirácjr
en feu de paroles , & comme en un
seul.corps j tout ce que cette Ambas
sade contient , parce qu'on les prend
les uns pour les autres , quoy que lét
difference en soit grande. Ze pre
mier Volume a pour Titre ,
Voyage des Ambastàdeur s de Siam eu
France, contenanr la Reception qui. leur
a esté faite dans les Villes où ils onc pa£
fé , leur Entrée à Paris , les Ceremonies
ebservées dans l' Audience qu'ils ©nreuë
du Roy Sc de la Maison Royale, les
.ÇomgUmens q u ils ont faits , la Defisri .
AU LECTEUR.
ption des lieux oìi ils ont este ,& ce qu'ils
ont die de remarquable fur tout ce qu'ils
ont veu.
Le second Volume a pour Titre ,
Suite du Voyage des Ambassadeurs de Siam
en France , contenant ce qui s'est passé à l'Au
dience de Madame ia Dauphine , des Princesses
du Sang» & de MrsdeCroissy & dcSeignekyv
avec une Description exacte des Chasteaux,
Appartemtns j Jardins» , & Fontaines de Ver
sailles, S. Germain , Marly & Clagny ; de la
Machine de Marly , des Invalides, de l'Observatoire
, de S. Cyr , & de ce que ces Ambassa
deurs ont veu dans tous les autres lieux où ils
ont esté depuis la premiere Relation ; à quoy
l'en joint le Discours qu'ils ont fait au Róy .
Lt troijièmc Volume a pour Titre,
Troisième Partie du Voyage des Ambassa
deurs de S iam en France , contenant la fuite de
la De script ion de Versailles, celle des Chevaux
qui font dans les deux Ecuries du Roy , cc qui
s'est passe dans les Visites qui leur ont este renuè's
, les experiences de la pesanteur de l'air
faites devant eux , la Description de la Galerie
de Sceaux , & les Receptions avec toutes lés
Herangues qu'on leur a faites dans toutes les
Villes de Flandres.
Ze quatrième Volume a pour Titre,
Quatrième Sc derniere Partie du Voyage dis
AU LECTEUR.
Ambassadeurs de Siamen France , contenant là
fuite de kur Voyage de Flandres depuis Valenciennes
jusqu'à Paris , la Description des Villes
où ils ont passe , & les Harangues de tous les
Corps , ce qu'ils out veu à Paris depuis leur rc.
tour , avec une Description de tous les lieux où
ils ont esté> & de la Feste donnee par Monsiuur
à S. Cloud , leurs Voyages à Ver(âilles—> leur
Audience de conge , & les dix-sept Audiences'
qu'ils eurent lemesme jour > avec tous les Com.
Íiliniens qu'ils ont faits , la liste des Presens qui
euroiit cité donnez, ce qui s'est passe à leur
départi & les noms des Personnes distinguees
qui vont à Siam.
La moitié du Met cure de Jsuillce
de l'annèe derniere , & la seconde
Partie du mejme Mercure• , contien
nent une Relation du Voyage que
M. le Chevalier de Chaumont a
fait à Siam S en qualité d'Ambas
sadeur de Sa Majesté. On. y trouve
beaucoup de choses dont il n'a poiut
parlé dam celle qu'il a donnée au,
Public j & elle ne doit pas eftre cotlfonduë
avec les quatre Volumes du
Voyage des Ambassadeurs de Siam
eu prance.
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31
p. 8-98
Description entiere d'une These qui contient toute la vie du Roy. [titre d'après la table]
Début :
C'est le dessein d'une These pour le Roy, [...]
Mots clefs :
Louis le Grand, Roi, Louis XIV, Thèse, Monarques, Monarque, Ouvrage, Actions, Paix, 1684, 1685, Médaille, Mots, Ordre, France, Royaume, 1677, Villes, Parler, Histoire, Marquer, Détail, Événements, Paroles, Armes, Clémence, Couronne, Thèses, Conduite, Guerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description entiere d'une These qui contient toute la vie du Roy. [titre d'après la table]
C'est le des.
sein d'une These pour leRoy,
fait par un homme qui s'est
attaché avec tant d'exactitu
de à rechercher tout ce qui
regarde la Vie de ce Grand
Monarque, que je puis vous
aíïèurer qu'encore qu'on ait ^
tâché de l'imiter , & de le co
pier en beaucoup d'endroits,
dans des Ouvrages qu'on a
GALANT.. 9
presentez {ans avoir ose' les
rendre publics , il est l'original
de tout ce que nousavons
vû de cette nature. Le tra
vail de cet Ouvrage, ou tou
tes les dates font , est quelque
chose d'incomprehensiblej íì
je puis parler ainsi, & pour
le rendre correct, Y Auteur a
a eu besoin de toute l'applicatïon
d'un hommeauíïi zelc
qu'il lest pour le Roy. Tous
les Eloges de ce Monarque i
& rout ce qu'on a fait de son
Histoire, ne nous en sçauroient
faire si bien connoik
tre la grandeur que cet Ou
vrage , & c'est ce qui merite
une réflexion bien serieuse,
& qui jettera dans tâtonne
ment tous ceux qui voudront
la faire. Il ne s'agit que de
marquer ce qu'à fait le R.oyy
fans détail , fans raisonne
ment , & sans éloge .y & ce
pendant cette These peur
passer pour une chose prek
que impoíïîble > à cause du,
grand nombre d'Actions qu'
elle contrent.Tous les Siecle*
ne nous fòurniífënt rien de
semblable. Je purs , & je dois
le dire à la teste d'un Ouvra
ge qui n'est remply que de
GALANT, ii
Faits y. & l'on ne peut ea
voyant cela que se taire , &
demeurer dans 1 etonnement»
Je n'ay dit qu'un mot de ces
raits. là , & ce n'a mefme esté.
que d'une partie ,& j'en ay
parlé dans deux cens Volu
mes. Peut-on dire apres cela
qu'il soit aisé de faire L'HiÇ
toire du Roy , si l'on y veut
renfermer tout ce qu'il a fait
de grand ? Pour moy, je suis
persuadé qu'il faudroit un Sie
cle entier , si ion vouloit
mettre dans leur jour toutes
les actions de ee Monarque M
& que cette .Histoire pour
i2 MERCURE
roit remplir seule des Biblio
theques. Vous en ferez en
tierement convaincuè,quand
vous aurez lû l'Ouvrage sui
vant , qui sera d'une grande
utilité pour tous ceux qui
voudront travailler à cette
Histoire . & qui leur epar
gnera plusieurs annees de
recherches. Sou venez- vous ,
s'il vous plaiít , que l'Auteur
luppose ion dessein executes
& qu'il décrit la Thèse com
me si elle eítoit faite. >
DESSEIN DE L'OUVRAGE.
Les Actions immortelles
de Louis XIV. estant ad
V
GALANT, i?
mirees de touce la Terre , il
n'est pas possible de trouver
aujòurd'huy quelqu'un qui
n'en soit pas informé, & qui
puiíïè demander avec raison,
pourquoy nous appelions ce
Prince Louis le Grand ,
mais afin d'en instruire la
Posterité ,on luy dédie une
These qui pourra luy servir
de regie dans les sentimens
qu'elle doit avoir des vertus
héroïques de nostre incom
parable Monarque. Les prin
cipaux évenemens de son Re
gne depuis 1658. y sont mar
quez d'une maniere qui ne
«4 MERCURE
fera peut estre pas deíagreable.
Quoy qu'il y eust une
infinité de belles choses à di
re avant ce temps. là, on n'a
pas cru devoir remonter plus
haut , afin de ne se pas co
pier soy mesme dans d'autres
Ouvrages, où elles n'ont pas
esté oubliées ; mais plus que
tout cela , pour n'établir les
louanges de Louis le
<j r a n d que fur des actions
d'éclat , dans lesquelles il a
toujours eu la premiere part,
St afin de le suivre plus exa.
#ement depuis un âge où sa
teste / son coeur, son bras &
GALANT. y rç.
son esprit ont commencé d'a
gir de concert pour le bien
2e ses Etats. .L Histoire du
Roy est une matiere riche, &
un vaste champ ouvert à tous
ceux qui s'y voudront exer
cer! Heureux mille fois celuy
cpi le fera avec succès ! On
a cru devoir ne s'expliquer
qu'en François, soit dans les
Inscriptions , soit dans les
Conclusions historiques êc
politiques , parce qu'on a eu
four objet la satisfaction des
Perfonnes qui préferent cet
te Langue , que nos Victoi
res oat rendue si florissante
ì6 MERCURE
dans toutes les Patries du
Monde.
DES C RIPT ION
... . de la Thèse.
Le Portrait du Roy est
placé au milieu d'une Cou
ronne de laurier , relevée de
quatorze Médailles , le tout
posé fur une dépqiïille de
Lion.Quatre grands Octogo
nes avec de riches bordures
accompagnent le Portrait,
&font voir par quatre gran
des Inscriptions la gloire du
Roy dans les quatre Parties
du Monde. / ,
GALANT. 17
/. INSCRIPTION.
HEurope inutilement conjus
rce pour s opposer à la Course
wiclorieusi de LOV IS LE
GRAND, cede a U force de
fin bras , &fi njoit contrainte
£accepter là Paix , que ce Mo
narque luy accorde au milieu de
fis Victoire*.
IL INSCRIPTION.
LÌAfìc étonnée des ABions ad
mirables de la Grandeur dtp
fioy 3 recherche fin Alliance , &
députe trois fois des Ambassa
deurs du Royaume de Siam a*vec
de riches Prefins. '
Janvier 1687. B
18 MERCURE
IN SCRIPT 10m.
il Afrique humiliée par les
frequentes défaites des Corsai
res d'Alger , de Tunis , de Tri
poli, de Maroc & de Salé , que
LOUIS XIV. a punk jusque
dans leurs Portereffe* , <vient de
mander la Paix'au pied du Trô
ne de Sa Majefié.
IV. INSCRIPTION.
L Amerique owverte aux Ar
mes de LOVIS LE GRAND,
a eflé le Theatre des Victoires
qu'il a remportées Jùr Jes Bar
bares 3 & des Conqueftes qùil a
faites à S. Christophe, à Tabagoy
dans toutes leslsles Antilles.
' \
». t . '
. ' 4
19
Les quatorze Médailles
font autantde Vertus ou At
tributs du Roy , representez
par des Devises ou Emblè
mes, 8c expliquez dans l'Exerque
de chaque Médaille..
Comme les Armoiries four
nissent le corps le plus naturel
Sc le plus ordinaire des Devi
ses, on s'est fait icy une obli
gation d'en tirer quatre des'
Lys , qui composent les Ar
mes de nos Rois , quatre du;
Soleil, qui est le symbole du;
Roy , &une du Coq , qui re
presente la France.
zo MERCURE ...
/. M ED AILLE.
Le Soleil éclairant tout le
monde avec ces mots, Eclai
re sVnivers. Dans l'Exerque
pour Vertu , Sagesse.
II. MEDAILLE.
Un Lys avec ces mots, Que
jòn odeur efi douce ! Dans 13*
xerque, Clemence.
III. MEDAILLE.
Une Justice tenant la Ba
lance , avec ces mots , Sou
tien des Loix. Dans l'Exer
que , Justice.
IV. MED AILLE.
Un Laurier. Pour Ame ,
Chery de Minerve & de Marr.
21
Dans l'Exerque , Liberalité.
V. MEDAILLE.
Un Lys avec ces mots. Des
Mortels Vamour & le plaifìn
Dans l'Exerque , Èonté.
VI. MEDAILLE.
Un Soleil avec ces mots ,
// commande aux Saijòns£)àn&
l'Exerque, Puissance. '
VII. MEDAILLE.
Un Coq qui a une patte
en l'air. avec ces mots , La
terreur des Lions. Dans l'Exer
que , Vigilance.
VIII. MEDAILLE,
Un double Foudre en l'air .
avec ces mots , La terreur des
22 MERCURE
Ingrats. Dans l'Exerque , fer*
metê.
IX. MEDAILLE.
Un Soleil avec ces paroles,,
A qui rien ne peut refîfter.Da.ns>
l'Exerque, Force.
X. MEDAILLE.
Un Lys avec ces mots , Son
odeur va plus loin. Dans l'E
xerque, Gloire.
XI. MEDAILLE.
Un Foudre fur un Autel
avec ces paroles , Joûijfexde
fin repos. Dans l'Exerque,
Moderation.
, XII. MEDAILLEUne
Caíîolete fumante fur;
- GALANT. 2?
un Autel avec ces mots , La
gloire des Autels. Dans l'Exer*
que, Pieté.
XIII. MEDAILLE.
Un Lys , avec un grand
rejetton à droite ,. & trois au
tres petits à gauche, & pour
ame, NofireJiècondejpoir. Dans
l'Exerque , Bonheur.
XIV. MEDAILLE.
Un Soleil qui parcourt le
Zodiaque, avec ces mots , //
ne peut sarrefter. Dans l'Exer-.
que , Vaillance.
Dans le milieu de la bor
dure, au bas du Portrait, font
les Armes de Sa Majeste' en
H MERCURE
tourées des deux Colliers des
Ordres de Saint Michel & du
Saint Esprit, & ornées de Gui
dons, d'Etendards, & de Tro
phees , qui jettent des bran
ches d'Olive , pour marquer
la Clemence de ce Prince ,
qui a bien voulu donner la
Paix au milieu de ses Victoi
res. Il y a deux grandes Trom
pettes qui accompagnent la
Couronne , avec deux aifles
qui s'étendent de chaque costé
, pour porter les Armes
de Louis le Grand ju£
ques aux extrémitez du mon
de. Tous ces ornemens qui
fonc
.GALANT, n
font le haut de la These, sonc
soutenus dune table d'atten
te , ou parement irregulier
d'Architecture d'un ordre
Composite , avec la Corni
che, sa Frise, son Architra
ve , Colomnes , Pilastres ,
Chapiteaux , Piedestaux &c
Baies. Un grand Cartouche
posé sur le milieu de la Frise,
contient ces mots , A L A
POSTERITE'. Le grand
Quadre destiné pour les The.
ses , est échaneré par le bas ,
& pôle entre les Pilastres. U
contient quatorze Theses ou
Conclusions , qui répondent
Janvier 1687. C
26 MERCURE
par ordre aux quatorze Me
dailles , & qui prouvent cha
que Vertu ou Attribut du
Roy. C'est: par cette raison
qu'on s'est attaché à com
mencer la plufpart des Con
clusions par les paroles de la
Devise qu'elles, justifient.
Comme les Theses font le
principal fondement de tout
cet Ouvrage , on croit devoir
en expliquer la conduite su.
vec un peu plus de détail. Le
stileen est assez particulier,
mais cette Philosophie que
nous donnons n'estant pas
ordinaire, & ne faisant que
GALANT. 27
de haistre , elie s'est trouvée
capable de toutes les formes
cju/on a. voulu luy donner.
Certaines expressions de Poe
sie , & d'autres libertez qu'on
ne prendroit pas ailleurs, en
ont rendu les Propositions
courtes & ferrees en des
endroits , & plus étendues
en,* d'autres, Tout cela est
permis en cette occasion, ou
l'on doit dire beaucoup de
choses en peu de paroles. On
peut inesme. parler Ecolier, si
cette expression m'est permi
se , pourveu qu'on le faíïè
pour exprimer plus naturel-
Cij
28 MERCURE .;
lement les opinions que l'on
propose. Nous n'avons pû
nous dispenser d'employer
des chifres pour marquer les
jours & les années de plu
sieurs évenemens. Cela n'est
pas íàns exemple, puis que
nous voyons tanc de Theses
remplies de semblables chi
fres. Cependant on ne l'a fais
que lors que les Actions du
Roy ne íònt pas marquées
dans les autresMédailles donc
nous parlerons dans la fuites
Cette Chronologie a sonutúj
lité, & le Public ne sera peut,
eítre pas fâché de. la tçouyer
GALANT, zf
observée dans cet Ouvrage
avec assez de íòin. Les The-t
ses ont pour Titre \
HtftQrtques&Polittqucs.
.,' Q13ESTION* ;
Qui devez - vous estimer Ic
plus Gi."and de tous les
Monarques de la Terreî
1 CONCLVSION.
LOVIS XIV. donné de
^Dieu d une maniere mira*
culeajè, éclaire Y Univers par
les rayons éclatans de fa SageC
C iij
?o MERCURE
se. Cette Vertu parut en luy
beaucoup de temps avant Vâge
ordinaire. Peut-on dire qu'il ait
manqué une feule fois a prevoir
jusqu'aux moindre* évenemens
dans tout ce qu'il a entrepris f
Qùon montre un Monarque plus
exaBa remplir J&s obligations
mieux reglé dans fa conduite ,
& plus àjjìdu au gouvernement
defm Etat. Cet Augnfte Prince
également habile dans la 'Taix
& dans la Guerre, efi l ame de
Jon Cabinet. Ses secretsfmt im
penetrable*. Il donne autant
dorades o."n de réponses &
. fréfire dwertijjimens íes
GALANT.; ?t
plm innocens au travail quil
devore , pour ainfi dire , afin de
Jòuìagerjon Peuple. Considere^
ay ec quelle Sagesfè il commença,
par le reglement de ses Finan
ces. Ensuite ayant racheté Dunquerque
, il o/la aux Etrangers le
seul Port qui leur reftoit em
France, & aux Corsaires une
ancienne retraite. Compare^ nos
Troupes d aujourdhuy a<vec cel
le* de* Regnes précedens ;faites
reflexion fur le discernement
qu il a dans le choix de ceux qui
le fervent , fur la force & fur
t étendue de fòn Genie. Voye^i
Le hel ordre quil a étably dans>
G nij,
ji MERCURE
toutfin Royaume, & vommac*
cordere^facilement que Lo ii i s.
XIV. eít le plus Sage de tous
les Monarques de la Terre.
//.
G)umd le R jy paroifl armé,
cefipour obliger des Ennemis a
profiter de fi Clemence. Telle
fut la Bataille des Dunes qui fit
conclure la Paix des Pirenées.
Combien de f'is LOUIS a-t.il
épargn é kfxng des Vaincus ? Sa
Clemence empefiha le Sac de
Vtlencienncs , (1677. ) Sans elle
Alger Tunis , Tripoli , Genes ,
& tant £autres Places auroient
esté des bûchers de viçîimes deuë.s
GALANT
a la jufiice defis Armes. Amster
dam , la Haye , & le rcfie de la
Hollande defilée ( 1672.) & mefi
me tonte l Europe firoit encore
un Theatre de feu & desang, fi
ce Grand Prince nefi suft (vain
cu luy.mcfme , ôf s il nefi fuft
arrcfié au milieu de fis Victoi
res , enforçant les Ennemis d ac
cepter la Paix , & enfiúte une
Trêve de vingt ans , aprés en
avoir prescrit l&$ conditions >
qui ont rendu le repos a l Eglifii
& qui font avoûer que
Loiiis XIV. est le plus Paci
fique de cous les Monarques,
de k Terre..
34 MERCURE
///.
> // Joûtient les Loix par la
Justice de fis Ordonnames &
defis Edits. Lific^fin Code, qui i
fuit la reg'e de nos Juges. Ad
mire^ t®m les Arrefis que ce
Monarque a rendus, comme il a
puny les Due'difics , les Empoi
sonneurs ( 1676. ) & les Vfiirim
(168.0. ) Que dites-vous de
ce bel ordre étably pourl' AdmL
nifiration de U Justice } Mon^
trex^moy un Etat ou la Police
soit mieux reglée qùen France, j
Le Roy a-t-il jamais accordé ou
refusé aucune grace quilne fuft ,
Jujk d'accorder ou. de refuser ï
GALANT. #
Mais quand <vous <vous Jouvien^
drev^qùila jugé luy-mefme con
tre Jes propres interefis dans
. lajp ire du Vofé [ufto. ] dit&
^Loiiis XIV. est le plus
Juste de rousles Monarques,
de la Terre.
IV.
Poureflre chery de Miner
ve & de Mars , /'/ faut proteger
les beaux Arts, & récompenser
dignement les Vertus militaires*.
Nos Muses donneront des loiian*
ges éternelles à Sa Majefiépour
avoirflit baflir l Observatoire,
pris la protection de l Academie
Françoise [ 1672. ] institué celles
îá MERCURH
deSoijs.ns, d' Arles, de N(/mes,
de Villefranche^ d Amiens. Le
Journal des Sqavans, qui a com
mencé en 1660 efi deua lamour
que cette protection a injpirée
pour les belles connoijfmces j &
le Mercure G4.Ia.nt qui a com.,
mencé en 1677. efi un fruit de
la grandeur de ses AíTions , qui
en fournijfent la matiere. II a.
ctably l Academie Royale des
Arts & des Sciences > celles de
Peinture & de Sculpture , les
Ecoles de Droit Civil a Parti ,
[ 1679. ] & de Droit François
par tout le Royaume [ 168 1. ]
Combien d habiles Ouvriers en~
GALANT, v
tretenus pour des Ouvrages ra
res au Us ont portes a la dernie-
» re perfiction ! Faites reflexion
Jur le grand nombre de Scavans
qui Jont dans ce Royaume , &
Jur la politejfe que ion y remar
que depuis vingt ans. Admire,z.
la Magnificence de ce Prince
dans l EntréeJolcmnelle quilfit
a la Reyne fin Epousé le 2.6.
Aouft 1660. Confidences Cours,
les Rampars, les Arcs de Triom
phe , l Edifice du Pont Royal ,
les belles Fontaines , iélargisse
ment des Rues , le Quay de la
Riviere , &lesauprcs ornemens
ajoutez, à la Ville de Paris, ^ue
>
?8 MERCURE
penfczjvous des Bafiimens su
perbes de toutes les Maisons
Roydes , de ceux du Louvre &
de ceux de Ver/ailles , qui peut
paffer pour une huitième Merveille
du mondes Voye\ les belles
dépenses que LOUIS LE
CRAND a faites dans les Car
rousels de i«6i. 1685. & l686. h*
Di'vertijsemens de f Isle enchan
tée &de la Paix,avec les grands
Balets , les Machinessurprenan
tes . & les representations des
Opera , fins parier de la richejfe
de fis Meubles & de la ma
gnificence de fa Cour. Mais fur
tout , accorde^- mqy que cefi
GALANT. ?9
dans ce Royaume que les vrais
services de la Noblejfe font re~
connus par le rétablissement de
I Ordre de S. Lazare [1673.]/^
I Institution des Compagnies des
jeunes Gentilshommes [ i68z] £5?
par la fondation de la Maifin
Royale des Dames & DcmoifèL
les de Saint Cyr [ 1686. ] Les
vieux Soldats j ou ceux qui ont
efié cfiropie^ dans le service ,
/ont nourris &Joulage^le reste
de leur vie dans t Hoftel Royal
des Invalides , fondé le 14. lé
vrier 1671. Donc Loiiis XIV.
est le plus Magnifique & le.
plus Liberal de tous les Mo4o
MERCURE.
mrques de la Terre.
V.
LeRqyefl Y Amour & le Plai
sir defin Peuple , dont il efìle
Pere.. Sçavez^vous le grand
nombre de Places quil a bien
voulu rendre en consideration de
la Paix,&'avec combien de bontéila
remis aux Espagnols trois
millions cinq cens mille livres
qu ils luy devoientpour les Con
tributions de la Flandre ( 1684 )
& comme il leur a rendu deux
gros Calions quils avoicntjuftement
perdus dans une défaite en
1686 ì LOVIS L E GR AND
a délivré jusqu'à pesent plus
GMAKs. 4v
de ijra&. Esclaves defis SujetsT
€^ de differentes Nations à Ât~
ger , outre les 600. qùtl aura, de
Tripoli , ffî tous ceux qùildoir
retirer de Tunis (d?- de Maroc..
tiy a plus ; fa bonté luy a fait
dïmnmr les Tailles de trois:
millions prés de 5 00. mille Uvres:
( 1684, ) donner de grandes som
mes pour occuper les Pauvres h
des Travaux aujfí utiles a leur'
Misere qua Vornement des Vil^
les ( 1685. .) fairè des chantes
considerables pendant lafkmnè.
de 166 1. fç) le grand Hiver"
{ 1684. ) & une diminution tres±.
grande four fis Droits fur Us
s Janvier 16S7» I>
ai MERCURE
bled. ( 1685. ) Ses mains RoyaU
les occupées à porter le Sceptre ,
n ont pas dedaigne' depuis fix
ansde composer des Remedespour
le fiulagement , fé) la guerison
deses Sujets ; & de leur en don
ner luy-mesme les secrets qùil d
publie^depuis peu, {g) quilrìavoit
achete^ que pour fin Peu
ple. N oublie^pas encore cetar-.
trfice benin dont il 'vient de Je
sèrqjir ,pour cacher a toute fi.
Famille Royale 0, àfin Royau
me une maladie qui le tourmentoit
, afin de nous épargner l in
quietude g) la douleur de fia-
*vQtr un fi bon Prince dans
4?
les peines.^ Reconnoipz dom'
de bonne.fy qu il merite mieux.
le nom de tres bon que cetËm-.
pereur Romain a qui on le decerna
5 puisque LOUIS XIV.'
vray Pere de la Patrie , est le
plus Aimable &. le Meilleur
de tous les Monarques de la'.
Terre.
VI.
Il commande aux Saisons ,4
lors qu 'il trouve le moyen de'
faire la Guerre au milieu de'
L Hiver. Qui pourra comme luy '
parvenir a cette puiflànce, d as-
Jteger en me/me temps quatre'
Villes tres-fortes [ \6yz. ) & de
D ijj ~
A4 MERCURE
faire recevoir ses Loix en un
mcfme jour a deux Places auffp
considerables que Strasbourg fg)
Ca%al ? Jl a dompté les Jroquois
( i66j. ) & reduit en fìx jours
les Algeriens ,quetout le Regne
de f Empereur ChaHes-Quint avecfa
fortune n eut pas feule~
ment le pouvoir d'intimider.
N a.t il pas contraint les Corfaires
de Tripoli , de Maroc y
de Tunis , de Salé , avec ceux
de Majorque .{ 1681. ) aprés le
avoirfournis , de refpeûer nos
Vaisseaux , fg) de rendre tous nos
Esclaves ? Conjïdere^ce que cest
que de joindre les deux Mers e»
í GALANT. 45
Languedoc par un Canal long
de 64. lieues , commencé le 16*.
Avril 166-7. (ë>r acheve dans le
y me/me mois de l année 1681. Tau
re confiruire l Acqucduc de
Maintenon pour la conduite des
Eaux de la Riviere d'Eure ,
( 1685. ) d°nt ïédifice Jurpajfe
tout Ce que les Romains ont en~
trepris de semblable. Cefi la
puiíïànce du Roy qui Va fait
triompherfur Mer des Anglçis
en 1666. des Hollandois le sep*
tiéme Juin 167.2,. & encore
deux fois de la me/me Na»
tion en 1673. ft) a Stromboli ,
*n Sicile , { Janvier 1676. ) des
4* MERCURE
Ejpagnols , fg) des Hollandais
devant Augufia le n. Avril
suivant , ou le fameux Ruiter
qui commandoit fut blessé à,
mort , le deuxième Juin de Id
mcjme Année devant Palerme ,
ou l on remporta la plus glorieu
se Victoire de Mer qui se fòit
veuè depuis la Bataille de Le
sante ì les Plotés d. Espagne @p
de Hollande ayant efié défaites 3
& ensuite brûlées clans le Port ,
dont le miserable. rejle fut vain
cu le 3. Mars 1677. a Tabago
dans l Amerique. Dom LOUIS
XI V. est le plus Puissant de
'tous les. Monarques de la
Terre.
-GALANT. 47.
.'.y vil
La terreur des Lyons , ccfl
cette vigikfvre qui fait <voir
le Roy , le premier à la tefie da
ses Aimées > moissonner des Pal
mes fg) des Lauriers avant que
le Printemps nous donne des
fleurs. G efi encore cette applica
tion exacte fç) reguliere a gou
verner par luy-mefme , q) À
tenir tous les jours ses Conseils.
Lefoin qùilprend de connoifire
Jès Officiers , de Jefaire rendre
compte de tout , (gf de prévoir
dans le détail a mille choses qui
rendent ïexecution de desordres
plusfacile ft) plusprompte. N'a
48 MERCORjE
vons-nous pas veu baflir une- *
Gídere en dix heures f ( 1679. )
N efi.ce pas par les fins de Sa
Majestéau ily a tant de Gardes. .
fç) d illuminations , pour lafu
reté de Paris ? On lu.y doitauffí
r établijfcment des Compagnies
des Indes Orientales (d?. Occidentales
, (efr de plusieurs belles
Manufactures ) une Compagnie
de Guinée1 ( 1685. ) avec beau
coup d autres avantages procures
à ce Royaume , poury faire fle»\
rir le Commerce avec succes La,
Navigation efiparvenue à une
telle perfection cheries François>
paria, vigilance de LOVÎS LR
GRAND»
GALANT. 49
CRAND y que les autres Na
tions rapprennent de nous. Tou
tes nos Provinces ont acquis la
/curetépar la bonté des Torts de
Merspur les armeniens des F'lo
tes , par lafortification des Villes
frontieres parla construction
'de Saar-Louis , d Huningue , g)
de Mon.Louis , fins parler de
tant de fortes Citadelles baflies
par les Ordres de LOUIS X IV.
ìe plus Vigilant de tous les
Monarques de la Terre.
VIJL
L0V1S prend quelque fois
le foudre en main y pour punir
les ingrats, pour maintenir les
Janvier 1687. E
T° MFRCURE
drain de fa Couronne , fg)pour
rvur.ger la foy publique , (d?- le
droit des gens violes ( 1674. )
dans lAjJemblée de Cologne. Si
la Garde Corse a la temerité
d'attaquer un Minifite Public,
le Ry fîsait en tirer la/àtisfa~
Síijn deu'è afa dignité ^obtenant
tout ce qu'il pouroit pretendre .,
par le traité de Vise conclu le íiì
Mars 1664. avantage ont
remporté les Espagnols en reffini
U pìts a noftrç JmbajC
fadeur a Londres ( 1661. ) fnon
d'avoir efié oblige\depuis a déc
'arerpubliquùmnt qu'ils cedent
par tout la préfëAme aux Bran
GALANT, v
cjmviïe íeurK^pïrkiénfpBsf Á
qttoy bon troubles leï Wibitdns
<£ Andxye \ ^) donner fant ; de
ra^fiùtâ.rfitgàtàiïsû T.rdacé
potier é%ká" de coùctúre ïaffàre
êe £ÌPnduttê fc'efioitpour fiire
ítòarSfc tohte ^Eiïïope ; t^itè U
éRWWb si/fisst p wmdntekir
jfòn titre de Duc de Rmr~
g.gnâ": t tûìó.ï) pour remettre
Jtsv:S*jeù en pòjpjfià ÏÏe UVcf,
chf{\tô$ pourfdre trembler
tmte . tífpÁgne en tenant une
grmde Vhttè bloquéè devant
ôadix ( Í68&.v ) Le Turc a <veu les
Eij
y. MERCURE
Corsaires de Tripofy poursuivis
fç) battusjusque dans le Port de
Chío \ 168 1. ) @r nostre Vlotte
^ victorieuse menaçant les Dar da
nelles , porter lépouvante jus
que dans le coeur de fin Em
pire. Ces preuves de la fermeté
du Roy , (gf. la vigueur de fin.
Ministre en 1677. 1680.(^-1681*
ont obligé le Sultan d'accorder le
Sopha à noftre Ambassadeur , ft)
d'autres Privileges pour la Re
ligion Catholique , ce qui fait
voir qu'il estime davantage
LOVJS LE GRAND que tous
les autres Monarques ensemble.
Jtfvs Allier ont aujst goûté les
GALANT. <î
fruits defa ferme ré , lors qu'il
leur a fit. rendre (1679. ) les
Villes (§>?> les Provinces qu'ils
avoient perdues pendant la,
Guerre ; toute f Europe vient
de recònnoiftre par la réunion de
-' plus de xoo. Villes famées ,.
800. grés Bourgs ffi 3000.
Villages ujurpe^jur la France
pendant les 'Revolutions de ce
Royaume , que LOUIS XIV.
est le plus ferme de tous les
Monarques à maintenir les
droits de sa Couronne.
Rien ne peut resister à la
íbree d'un Roy Invincible „
Eiij,
qui s'efi fut, luy, me/me une
routeJm le Rhin , mal.?iéjò%
extrême largeur *Jk rapidite Cs*
f profondeur ; metuint en der
r.ute une Armée qui <voulokJuy
,eu disputer le píjf^ge. * Tohyii ,
& qui fut contrainte de le luy
ahj^donn£î{ Le it. Juin. i6,7*.f
incomparable Mcfos a fins
&ej- beMwjèwnt plus de
Guerres , gagnéplus de 6p. B%-
t^ïlks ou Combats s bordéde$f
Cûnquefies le&hin ,le Viyahai'i
la Moselle , U Meuse \ íljfel i
la Lys , lFfiut , &f pris plus
4e 6oo. Villes par Sieges ^ TfaL
t&L o ou pifoteçftm. Aprés m fi
GALANT.' vf,
grand nombre de Con^uefiês ,
que d/tes^vms de & force' des
Places , les çriyczjvms imprena
bles f Je <vous oppojèray aujfìtjfl
Dunquerque s le Fort de
Schein, M.ifircic, Valenàennesy
Cambray, Suint Orner , Tpres ,
Puioerda., Strasbourg , Luxem
bourg , & tant, dautres que
vous voyez^parmy les Conquefies
d un Roy toujours le plus fort.
Voulczc^vous au contrairefiûtenir
quïl rìy a. point de Villes
qu'on ne puijfe prendre ? Sans
doute vous ave^mblié que nos
Ennemis ont levé le Siege de
vant Voêrden , & devant Char—
E ÌÌÌj'
*s MERCURE
leroy , ( 1672.. ) devant Oudenxrde
qu'ils affiegeoient avec>
trois Armées , ( Septembre
1674. J devant Haguenau
Saverne ( 1675. ) devant Augufla
en Scicilc [ Janvier ] de
vant Mzftreic le vj. Aoujl 1676.
& devant Chxrlcny le 14. Aouft
1677. Accordons-nous , ffi dïfms
qu'il n'y a point de Villes
imprenables fi Louis les attaque,
& qu'elles ne peuvent efirefor
cées lorsqu'il les dcffend. Vous
Jçave^ auffi que nofire Vlotte
Vichrieufe a toujours battu cel
les de nos Ennemis ; m iis e:iffìe%r
vuus cru , fi toute U terre ne
GALANT, r?
meus en affeuroit que le braie
d'Erlingue avec fin seul Vais
seau \ euft osé livrer le Combat
à 37. Galeres tant Espagnole?
que Genoises [ 1684. ] qu'a
pres les avoir battues , $~ leur
avoir tué zooo hsmmes 3 // cufi
pu heureusement fi retiret danr
son Port. Donc LOUIS XIV.
est: le plus fort de tous les Mo
narques de. la Terre..
X. •
Dans ler Panegyriques des
LOVIS LE GRAND , je pje*
fire toujours la vetité toute/im
pie , a la figure aux Allegotics.
le Juif donc, entierement
$ MF.RCURïï
perju.idé qUilJuffit icy d'ejì.iblir
sa ?\oirc Jurjes propres actions
(d/-sûr des sits connus de toute
l Europe. Jgui osera nier que
f Empereur n ait eu befitn du
secours de France , [ 1664. ]
poursuivcrh Hongrie & toute
s Allemagne qui allait devenir U
proye des Ottamms ì Le Grand
Duc de Mswie a recherché
í Alliance du Roy par ses Am.
b.jfideurs [ i66g & 1*81, }fEm*
percur des Turcs [ 1669. ] un Roy
de Guinée [ 1670. ] t§jr le Roy
de Si^msiit voir par des Presens
magnifiques , @r par trois
Ambajjudes qùi[ envoye du miGALANT
S9
lieu de l Asie, [ i6Sì. ] OMre
1684. &.\en Aoufi 1686. quelle,
efiìme il fut de LOUIS LE
ÇK AND . Ce Prince qui nefi
fin da jcctte cflïme que pour le
bien de la Religion y ria. t-ilpas
feu nn Souverain à fis genoux ?
[ifSf. ] (&y lun defis Gene
reux donner un Pzjjcpon le 2.4.
Septembre 1677. à l Aimée En
nemie beaucoupplus nofnbreufi
qW U nafire , pourfirtir d'un
lieu, oà'eUe benoit de fifiuver, .
nprés avo'.T efié b&ttuë ? Le
grffld Gufîoe<ze qui appeUoit il
y.tì 56 Ans les Autres Monarquesy
des Roitelets en' comparaism dfk
6o MERCURE .
Roy de France 3 s'il vivait au~
sourd huy , ne diroit ilpas avec
nous que la Gloire de LOUIS
XIV. ne peut avoir de bornes*
& que c'eír. avec justice qu'iî
est le plus estimé de tous les
Monarques de la Terre ?
XI.
Joiiiíïèz de son repos, Frìnces
inutilement jaloux d'une
grandeur à laquelle vous' «?
parviendre^jamaìs. L'on a re
fusé les Secours qu il offroit fi
genereusement ; mais fans luy on
n'a pu aller à. la Victoire , puis,
qu'il cflint le Maifire du chemin
qui vonsy acmdmts. Les droits.
' ".GALANT, rît
que ce Prince avoitjur le PaUtinat,
oni.ils esté capables de le
tenter ? Point du tout. Jl a cher,
ché les tvoycs de douceur , ^) fi
dele dans la parole qu'il avoit
donnée de ne point agir, il a
cedé fis propres avantages pour
ne pas interrompre le cours des
zostres. Jgui peut dire qu'il fa
jamais veu en colere ? Ennemy
des loila nges fg) de la flatterie ,
toujours affííble , toujours pa
tient , & le plus moderé de
tous les Monarques.
XII.
La gloire des Autels, c est la
Pieté dont LOVIS LE
MERCURE
€ R A N D, a donné, (èfy* dón±
m feus les jours de fi grandi
exemples. S efi-ilfirwy defèsú.i
wantages k>rs> quïl a <veu l!Allei
vtagne embarajfci t$mébàìùm
pás. a ft moderation een.x que
'vous avez remportez: en Hon
grie* Cefile Beffwfîtfhde^^E*
glija , le VviMfàjcr des. yEv<fl
qu.es , & le Defiruffeurde l'He*
refie. Il a fmi nf de grande?
fimmes. aux Venitiens. (1658. )
pour sûre la Çttdrre. .qu'ils'
efloient obligez defmtenir. H à
proscrit les Blasphèmes & les
Inipietcz^parfis Déclarations &
Edks de 1665. 1667* q) t6?y}
GALANT. 61
V Eglise cl recoww éfa premiere
tranquilîté fr les Jèntimens &
Jur les points delicats de la Re
ligion , par les Joins de ce Mo
narque qui a envoyé dessecours
considerables de Troupes en Can*
die contre les Turcs. [ 166S.
166y. ] ft) employeses forces de.
Mer contre.eux [1670. ] Il a
tefiab fy lexercice denofire Relu
gbn dans les Villes Herretiques
d'Osfy, de Rhimberg, de B u -
fi h ,dVtrech., (g^c. [ 1671.
de Geneve en 16S0. fê) de Stras
bourg en 1681. Ce Prince trespieux
a rtmis en p'ojfcjfion de la,
Garde du S. Sepulcre les Relï*
H MERCURE
gieux de S. François t677, $
leur continuéfa proteêiion Roya
le ses liberalits^ dans toute
la, Terre Sainte. Il a émt au
Roy de Ferse enfaveur des Ca
tholiques , (dr en a obtenu tout
ce qu 'il a demandépour nos Mf
fionnaircs^ Les grandes Con
versons quil a procurées dans
le Royaume de Siam , g) dans la
Chine depuis plusieurs années >
ï Edit de 1681. qui deffènd a ses
Sujets de quitternoftre Religions
g) cet autre de 1683. qui oblige
les Idolatres qui renoncent a
leurs erreurs , d'embrajfer la
Communion Romaine ; En un
[
mot ce qu 'il a ordonné ( ifâçy
pmr le, rejUblijfement des Eglifis
g) des Fresbiïeres y @J ce'
\ Mmdcment pourfaire observer
la, modestie cUns les Eglises ,i
14S6* tout cela ne montre t il
pas la vcritableYxçxè de LOVIS
JLE GRAND .<? Ajouflons , quaprj
la Conversion volontaire ft)
libre de plus de fíx cens mille A~
mes reunies à l Eglise Catholique'
depuis plusieurs années , que le
zgle , les Joins charitablesfs gj.
les belles Ordonnances du Roy
les sollicitent à se convertira it
a revoqué L'Edit de Nantes ,
jait abbatre tous les Temples des>
Janvier 168 j. K
(S MERCURE
tìuguenots.., g) ab&ty s Heresie1
áxns fin Royaume , W me attûée
, ce quejer PredeecjsetìTsna-
^oknt pas fait pendant plus
d un fiede : hissant a lapoflcrite.
un bel exemple dont le Duc de
&&wye u le premier Jùivy les
traces. Ces grands services ren
dus à lEglîJi ijans parler de
ceuxqxtin atteted, prouvent que
LOUIS XIV. est le plus
Pieux de tous les Monar
ques. • l"4 1 '' " \';
C'est pour 4'es grandes Vetttts
du Roy , que "Dieu l a. comblé
d'un jufte Bonheur , en hy .
.l . i rjr. A\\
galant: ef
donnant une nombreuse Pò/fe-
" rite. Heureux dans ï Alliance
qu'il a faite arvec une Keyne parfaite
& remplie des graces du
Ciel : heureux dans un Fils incomparabie,
&dansjfon Augufie
Epwíjc : heureux enfin dans un
Frere félon Jon coeur , & dans
tmdxfíFAmilk 'Rijyalequil <voit"
entierement devoiiee ajonservi- .
ce. Ses Mìnifirts font vigilans, ,
ecíaire^ &fidelles ;Jòn Rojaume '
flwiffìnt Jh Armes' invin
cibles, il eft cbery de fort Peuple, :
estimé de. toute la Terre , & par
tout Vííforieux, Ainfì lors que '
*vsHt ditçs €pue les Defltns jòntr
68 MERCURE .
pour luyjans contrainte , que
cefiparce qu'il a enchaîné laVortune
qu'il efi le plus Grand des
Rois , reconnoijfez. en mefme
temps que cefiparfa propre ver
tu qu'il efi leplus Grand de tous .
les hommes. Voila lafeule raison
pour laquelle Louis XIV. est
ie plus Heureux de cous les
Monarques de la Terre.
ll ne peut s'arrester dans la
belle route des Heros ; ce Prince
Magnanime , nmrry dans le
sein de la Victoire. Ses Ennemis
me/me avoâent qu'il ne fe con
tente pas de marcher le premier
GALANT <9
k la tefle de ses Armées , mais
qu'il les mene en personne au
Combat & a la VÏBoire , d'oà
vient qu'il efi plusbefiin de le
reunir que de l exciter. Sa Vail
lance ne nous fit-eUe pas une
frayeur fans pareille , lors quaprés
s'estre exposé à mille dan
gers , & a des fatigues inconce
vables au Siege de Dunquerque
[ 1658. ] il demeura luy seul in
trepide pendant une dangereuse
maladie qui defcfyeroit toutjòn
Royaume ? Pouvez.- vous Jans
admiration & fans larmes pen
ser avec quelle grandeur dame
LOVJS a souffert fa blejfure
7o MERCURE
dux. Septembre 1683. & une
Operation accompagnee de dou~
leurs aiguës ? [18. Nov. 1686. ]
Suive^ ce Vainqueur en Vranchc-
Comté qu'il prit luy.mcfme
en dix jours au milieu de iHy.
ver: & en Lorraine qu 'il fou
rnit en peu de jours, îl a conquis
en petfinnc fiixante-ánq
Villes en deux mois , fortifiées
dans l&endué d on%e Provinces;
M ifirich , que l<m efitmoit im
prenable , en tre ize jours z & les.
années /ùivantes, Valevúenmsy
Gand , & Tpres. Assiegeant U
Ville de Bouchaïn ìm 1676. les
Armées des Confederres tenteGALANT.
71
sent le secours de cette Place.
Le Roy aÛa au devant , leur
prtfenta la Bataille qu'ils evif
terent par U fuite. Voulc^wous
d autres Victoires rempotréesfar
Terre par L OV I S LE
• G RA N D , .<" Je <vom rapporte
les principales. Ce font les Ba
tailles ou Combats des Dunes le
14. fuin 1658. de S. Godart au
p&Jfage du Raxb en Hongrie le
premier Aoufl 1664. En 1674. de
Zein?ein , de Molsheim , de Se*
n ef contre trois Armées , d'Emf
heim , dans laquelle vingt mille
François défirent trois Arméet
defiixante &fex miUe hommes>
7& MERCURE
commande^ 9 par vingt Princes
Souverains , ou de Maison Soumeraine-,
de Mulhaufein ën 167^.
de Turshcin , apres laquelle les
Csnfedere^ furenf chajfcz^ , &
contraints de repasser le Rhin..
En 1677. lonziéme Avril .celle
de Cajfel, remportée par Son Al
tesse Royale ^ quï defit les Espa
gnols (dp les HoUàndois , mmmande^
pçr le Prince d'"Orange,.
prit enfmte*Sa}rit Orner. Lés
Batailles d'Mpoûille en Catalo
gne , de la SeiÛe, & dAufembourg.
Le Combat du Pont- a-
Mmjfon^ de Koquerberg^outre
vingt-cinq mille hommes perdus
par
GALANT, .71
par les Allemans dans le Cam
pement de Mouron. En 167g.
les Combats de Rheinsfeld le 8.
Juillet , & de Saint Denis le 14.
Aòufi. En 1684. le 16. May le
Combat de Pont . Major , au
pajfige dei la Riviere de Tur. Re.
iconnoijfeç^ donc que U Vaillan
ce duRoy ta rendu leplus grand
Conquerants qu'un concours fi
heureux de tant de Vertus Mo
rales & Politiques \ prouvent
invinciblement que L ou is XI V.
£st çeluy que vous devez esti
mer le plus Grand de tous les
Monarques de la Terre.
Dans le grand Quadre aux
Janvier 1687. G
74 MtkteOKl
deux coffe2 des Theses ©a
Conclusions historiques &
politiques ,sont marquees les
principales ; Conqu'istòs du
Roy selon Tordre dèsanne'eS}
afin qu'on puíílê1 les> tròuvéV
tout d'un corjp,^d%ríè feuX
le veuë , 4en lisant ' tes autres
Actions de ce Prince Cha
que coríjdueste k *fir titèfrífue
pour en> c1>n'si$ïfteM£
tion selón la "Geographie,,
cela se trouve eitpîîqué dans
un Cartouche poï^itfus 'le
Quadre. *^\^r^h
.. .GÀLAKÎV 7s
Pour cottuoifire la situation
des Cottquefies. ,
A AtVòîè^' Cornu, eles JPtys '-ba*
Catholiques. : v; v^,«»'.> '
.'.'Akace ; : ':£attáptèvi4Ì^ iÀBemagne.
. . ' '."'O '
B Brabant1; Dùchí «M&$sÌ>at
Catholiques.
C GleVes'; ^u^ìenlÂneriapie.
f Cologne „ EleBorar^ .en Àlle~
Magne. ' . -* 1
F Flandres, Comté desPJy:-ha.t
G Gueldres , 2>«^ , deiProvïh-
. ces-y^ìes.. , ij^.n-'. ! ? .
IjF HàìnVùt, & ktyi ú*
3J" Cathotîquês. 4t"
G ij
j4 MERCURE
h Hollande , Comté , des Provin
ces-Unies.
L Liège* Principaute , £Attenta-
,gne. ^ x- .> "WïjK
\ Luxembourg, Duché, des Paysbas
Catholiques.
N Namur, Comté , des Pays-bd*
Catholìquts. .'. ...'>' •
O Owerissel , Seigneurie, des Pro
vinces. Unies.
P Palatinat , Eleïlorat , en AUemairie.
:' .£, : J
V Utrecht , Seigneurie des Pro
vinces-Unies. . ; ... ,4. ../'.f
Z Zutphen , Comté , des Provin
ces.Unies, i •.;
Ces seize Provinces ont esté
le Theatre le plus ordinaire
des Conquestes de Louis lk
Grand, quov qu'il cn ait
GALANT. 77
fait beaucoup dans plusieurs
aurres Provinces , qui font
marquées à la fin de chacune
de ces Villes. Ainsi Ton trou
vera peut. estreaíïèr d'utilité
dayotrenïì peu d'espace les
principales Conquestes, lan,
née quelles ont esté faires,
& le Païs pu elles font situées.
Trinàpdes Conquestes du Roy*
Dunkerque. F
Gravelines» ;'" F
Oudenarde. F
Menitì. F
Ypres. F
Comm.ines. F
Grammoat. F
Giìj
78 MERCURE
Dixmude. F
M or tare v Duché de Mitau , en
Jtaïiey \"
1663.
Marûl , en Lorraine.
"... : ."s t&7> . \
L.a Bassée. F
Conde. H
Charle.Roy. . iH
Bergues. > ' ' ' B
T.Huruy. .'. .?. .. V F
AcH, . H
Doiiay. ...I.'...' 'I'- í?
.F urnes. '.. . W
Çourtray. ^ ' |?
Oudenarde- p
Lisle. .fr
.^.lost, deux fois. .• m. . F
Árrnentieres. > ,. , ' Jf
GALANT. 19
.y léóS.'
ècíànçon. . .. . ,~ sf.v . K S
Salins.' • . »
Dole. ' I»
Grais. u O
Chasteau de JoujíVj...:. ^ |
Fort Sainte Anne. >-
£t toute la Franche-Comté. . .
Pont-à.Mousson. ,„ ,y., . \\
Çpinal, Nancy , & toute la Zar*
, rainer
fpngres. . j,,7/L
Weifet. . X
ltfascik. Mjv.'vk
Sjtuar.. . ^ 3. I*
Fsluquemont,,D«^.^ Zifpktìur£.
flLhimberg. v t
jfurìck* .r....;. Ç
G iiij
8o MERCURE
Weícl. • } C
Rées , & son Fort. >:!; C
Fort de Lippe , enVvestfhalie.
Emmeuk. ;:.v ì,- G
Locken, '1 Z
Bvoí kelo. Vvtfifhalìe; >
Grool. * ,: ' Z
Doëtkum, >ír Z
VHrz. ' Z
Brtwoort. ' ' ^.^ 2^
H. sselt. c V . • O
Ommetij .. ''.'• O
Kemperi. O
Zwol. ?- >.••v^:/.|"0;.
Deventer. ' r-:
Zûtphen. H : > . . ' Z
Óoësbourg. ». ' > Z
Fort deSkeink. . ''".rí"'.»>: f
Utreicht. •
Mu'íden. .;:>.''-í\, fc:
Naërden. ••' ' h
GALANT. 8t
E&ourg. . G
Harderwick. >ì . G
Hattettî'ï *ì>♦ ï ..• .. t '>'»*.. ' . G
Amersford. A
V^oërden. h
Oudewarer. %, \v. . ' h
Arnheim. G
Vianem. ~>«t : Ja
W"agcninghen. G
Rhenéen. j:> V
Duëstede. V
'Wic... Duché de Zimècurg.
Knotzeiobourg., *. F
Les Forts de Saint André & de
W'orms. i G
Isles de Bomel & du Betwe, G
Creveeoeur. " : B
Nimegue. ' G
Grave. st
Genep. .<..'.. C
Bodengrave* .> ' 'h']
82 MERCURE
1673.
Mastreick. : '
Tout le Comte de la Marek. ' ? . '
Salins. Sf
Principauté de Lure. »*.
Chafte'au Sainte Anne.
Fauconnié , & toute la Franche-
Comte'. • •'' fj.í
<îermeinsheim. .? P
Duren. ^ Ì..t ; '>> >• 'P
Heiníberg. .'»»'•»• *v p
jpinnick. .'Jwt...i:;:^p
Citadelle de Lieo.e .n...O
.-l^: O » *
Trêves , A'Jemayie.
1674. .
TJinan.
Huy, L
GALANT. 8?
Limbourg y Duché.
F^rt de Monivic Cataleyte.
Augusta , en Sicile.
167$,
Fort de Link. F
Condé. .' H
Bouchain. H
Aire. A
Builloru £•
Tôrmiuna. j >
S.aletta. a?
La Croix. .... £s
Savoca.
Ficumedcntsi.
Fort &Iflc de k Caïenne , dans
tAmerique.
Valenciennes. H
Cambray , &; .& Citadelle. H
Saint-Omer. A
Fribourg.. :.. . .i
8+ MERCURE
ChasteaudeBoslu. s']\ .x > H
Saint Guillain. H
Sarbruk. Lorraine, ...r;
Forts de Tabago & d'Orange.
Amerique. . - \%,;\\
1678.
Fort Rouge.
2s.ores, .v,..)..,.: F
l'uycerda. Catalogne.
... > «
Fort de Kiell. , a
Kampen.
Landav, & le Chasteau de Lichtemberg^
»^//^
apte.
Aix-la Chapelle , & tout le Du.
ché dejuliers excepte la Ca
pitale. i,»C:L Vïlì :.
Nuis. .. ., , .." ^
GALANT 8c
1680.
Chademont. fss
Hombourg , Frontiere du Palàtinat.
;
Virton. JBaillages du
Chin y. Luxembourg,
Enchimont. L
Strasbourg. a
E/CazaI , Italie , en me[me jour. :
1683.
Courtray, p
Dixmude.. ' \ . • ; p
1/84.
Luxembourg. L
Cap-de-Quiers , en Catahqnt. .
réunions.
Fumay. j_j
Le Comté de Rochefort.
Le Marquisat d'Arloh. :' >
Herbemonk ,.,'.'
Urbu.
fc< ME&CfJRE
Orchimont.
Revin.
fiastoine. , > r
La Roche. rs '".lV *
HofFalize, ' ' r
Saint Hubert,
Marche-en Famines : >
Ì.c Neufchateaiu •',' .,,v.
Echternach.
L i Principauté de Sálm,êcci. dam
le Luxembourg. 1
Et les Comtez de Morîçbe'íará^
&íde Sponheim, en A ema<gn&.
LesColomnes,Jçs Pilastres,
& les Feítóns font ie^idrtïs de
cinquante.'huit revérs de Medailles,
qui font autant d'Ins
criptions qui rna&qttent seloû.
Tordre des années y les prihl.
GALANT. 87
cipales Actions du Roy, qui
n'ont pas esté compriiès en
particulier dans les Thèses.
On va les rapporter íuívanc
qu'elles font disposées.
I i! . . J . . ,.l 1 . . . ì
..t.4.; Çharrìhre de Justice, pour
rétablis l'oirdrQ daìis les Finan
ces, 1658. .•..:,/.'. í { ,
ì. Edit contre.Ies Duels , Kjj?.
3 . Les Rois de France & u'ÉC
pagnes voyemt ] & fígntnr la
Paix le 7. Novembre 1659.
4. AccruiíìtiondeDurikerque,
ì'66l. . .Jt*. />'[ ri: 'i . .. , ií í '.
. . 5. Le Roy d'Espagne cede la
préséance â 4a France , & le dé
clare le 14.. Mars 1661. ; r-'
Alliinjce/renouyellée avec
les Suisses j 1663. >; .
88 MERCURE
7. Protection accordée au
Comté de Venaiflìn , 8c à Avi
gnon ,1663.
8. Etablìílement da CommerJ
ce aux Indes , 1664.
9. Piramide élevée á Rome,
Íîour faire satisfaction au Roy de
Iníûltede la Garde Corfe,i<?64.
10. Satisfaction faite au Roy
par le Legat , 1664.
n. Victoire far les Corfaúes
d'Alger, St deTunis, , '
ïì. Grands Jours en Auvergne
pour la Justice, t66$. .
13 .Protection donnée aux Hollandois
contre l'Evefque deMunr
ster &: contre 1 Angleterre, 1666.
; 14. Paix entre la France & Jes
Algeriens, 1666.
„ 15. Paix de 3reda avec les Anglois>
i667. >.r^v.,.:.
16. Les Procedures detruites.
'par le Code » 1667.
17. Paix d'Aix-la- Chapelle ,
166$
iff. Secours de Candie „ r66&.
1669.
19. Le Roy visite ses Conqueftes
, ^70. & 1683.
zo. Le Roy fait fortifier & vi
sité ícs Conquestes , 167s,
11. Les Hollandois forcez ai»
Poste A'AmtidéttyVÍJxi. '
xi. Secours jetté dans Meflîhe
aprés 'la déraite des Ennemis ,
Février 1675V'"
~ 13 . Desunion de s Considerez „
1^78..
24. Les dix Villes imperiales;
d' Alsace prestent ferment de fi»
delité au Roy, 1679, .
. zf. Protection Sc secours don-
Janvier 1687. H
90 MERCURE
nez par Sa Majesté aux Rois de
Portugal,.i668. & de Suede 1679.
16. Les Corsaires de Tripoli
featcus ,.puis défaits jusque dans
le Porc de Cíik>: ce qui allanne le
Turc, Juillet 1681.
27. Les Villes dq Strasbourg ,
& de Gazai soumises au Roy, le
30, Septembre 1,681.
' r8. Paix de Maroc , & de Salé,
Decembre 1 681.
29. Alger foudroyé , Juin 1683.
„ 30. ìì.Decembre Luxembourg
foudio^i, 1683.
: 31. Les Vaisseaux d'Alger b rir
iez à Sarcelles i68ì. &: ces Cor
saires battus plusieurs fois 1683,
, r Genes foudroyée, May 1684.
33 . La Vifle de Trêves déman
telee 6c punie , en Juin 1684*
34. Un de^ ûos vaisseaux Mar
ì ... ^<Ì:PlLM€Tì &
l .cèaods repris au milieu de treoie-
trois, autres , 1684.
35. Protection donnée à l'Evefque
de Lîege contre íés SujjSt4s»
l jtebfeljes,i^..;. ./' y\J
. 36, T rive de ,vipgj ans accor-.
dée. à 1 Éuto,pe par le Roy, r 68 4».
. r. #8. .TîripQ)!! foudroye v .en Jaít»
*' ' p. ^Amrjassá^eû/dé Fránce"
-e&ftent le Sopha à An^rinople
p "áeî^'r^ction de i'Hétesie par tour
ic Royaume , 168'5.
?'-.4^ JLe^avf doàne jdfifîsecowiîs.
sw&ugí.de^ayojfc^r }'>£>o.&~
92 MERCURE
tiort del'Heresie dans sesEstats^
6c afin de reduire les Protestans
rebelles des Vallées , 1686.
Les deux precedentes In£. ^
criptions ont esté pôiëes íùr
lc Piedestal de chaqu c Co
lonne , pour montrer que U
Base & le fondement des
Actions de LOUIS LE
G RAND » cest ta Reli
gion. Les Festons n'estant a~
joûtez que pour TornemenÊ,
l'on a crû qu'ils fefoient trespropres
à porter lés' Médaif- \
les qui contiennent les NaiC
sances , les. Mariages , & les
autres eVenèmens de cette
t ' > .
>
GALANT. <x
forte , qui sont afïèz souvenu
representez par Les Fleurs.
Cette précaution ne déplaira
ï pas aux personnes exactes ,
.qui auroient peut.eftre trou,
vé à redire qu'on eu st meílé
ces faits avec les autres..L'on
n'.a pas eu de peine à se re
soudre à eette separation. Il y '
a tant de belles choses à dire
du Roy , que nous ne /òmmes
pas reduits à la necessite'
d'établir les louanges de ce
grand Monarque fur des efl
rets étrangers. Ainsi Ion a
piis sa Naissance t son Maria
ge, les Enfans qu'il a eus,noa
£4 MERCURE
'pas pour en faire des~ siijets
d'Eloges , mais pour donner
plus; d'osnemeint À cet; Ou
vrage ,ôc a;5n de ne pa& pri
ver ies curieux de ces remar.-
.ques , quirait paru ,de con&-
,rjuencfi. . J \ìs:ìïûy\,i.ï
v> i r : . j '''; >.i ' r,. t
43. Naissancedu Roy, aonae.
. heures avant Midy le Dimanche
5. Septembre' 1638. '* ' .
44 . Le Roy déclare : Ma^Xir te
Jeudy 7.. Septembre tápJ ' i'.'ísí
^ 43., Sacre, du Roy; ;à;R4injï§ £e
"Dimanche 7. Juin .f4f4, j
46^ Mariage *dú Roy te 3. Juki
1660,
47. Naissance de Mouseigiíeur
GALANT. 9Y
k j4^. Naiííànce de Madame" Eli!
zabethde France yle Samedy.r8V
Novembre 1662.,
. 49. Naissance de Madame
Marie Anne de France , le Di
manche 16. Novembre 1664.
50. Naissance de Madame Marie-
Therefe de France , le Di
manche z. Janvier 1667.
51. Naissance de Monsieur Phi
lippes de Bourbon Duc d'An
jou ,1e Dimanche 5. Aoust 1668.
52. Naissance de Monsieur
Louis-François de Bourbon,Dut
d'Anjou ,1e Mardy 14. Juin 1672.
5J. Mariage de Monseigneur ,
le 28.|anvier 1680.
. 54. Naiííànce de Monseigneur
îeiDtrc de Bourgogne , lejeudy
S. Aouft i8f*. ».
íSíaiQàmae de iMxsrièigneu*
oá MERCURE
le Duc d'Anjou , le Dimanche
19. Décembre 1685.
56. Naissance de Monseigneur
le Duc de Berry , le Sastiedy 31.
Aoust 1686.
$7. Mariage de Madame h
Princeíïê de Conty , le 16. Jan,
vier 1680.
58. Mariage de Madame la Du.,
chessí de Bourbon , le 14. Juil
let lé86v
Voilà un petit crayon du
plus beau Portrait qui fut ja
mais. Si lan trouve que quek
que chose y manque , Ton
fera reflexion que ce n'est icy
qu'un abregé r qui n'a pû
contenir tout ce que le Roy
a fait de grand depuis vingthuit
... GALANT. 97
huit ans. On auroit bien vou
lu marquer tant d'Illustres,
qui ont eu part aux actions
héroïques qui font aujourd'huy
l'admiration de toute
la Terre ; mais l'efpace d'une
These nous borne , il faut se
reserver pour un plus grand
Ouvrage que l'on médite , &
qui renfermera l'Histoire de
nos Braves aprés celle de leur
Auguste Souverain. Nous ne
craignons pas d*y marcher
fur 'lai mesme route que les
autres Auteurs. Celle que
nous suivrons fera nouvelle;
& c'est un bonheur de vivre*
fanyitr 1687*
98 MFRCURE
íous un Monarque, dont toui
tes les démarches sontautanc
<le miracles ; & qui occupe
tellement les Historiens, que <
quelque foin qu'ils aportent ,
ils laiíïèront encore beau
coup à dire pour ceux qui
ecriront aprés eux.
sein d'une These pour leRoy,
fait par un homme qui s'est
attaché avec tant d'exactitu
de à rechercher tout ce qui
regarde la Vie de ce Grand
Monarque, que je puis vous
aíïèurer qu'encore qu'on ait ^
tâché de l'imiter , & de le co
pier en beaucoup d'endroits,
dans des Ouvrages qu'on a
GALANT.. 9
presentez {ans avoir ose' les
rendre publics , il est l'original
de tout ce que nousavons
vû de cette nature. Le tra
vail de cet Ouvrage, ou tou
tes les dates font , est quelque
chose d'incomprehensiblej íì
je puis parler ainsi, & pour
le rendre correct, Y Auteur a
a eu besoin de toute l'applicatïon
d'un hommeauíïi zelc
qu'il lest pour le Roy. Tous
les Eloges de ce Monarque i
& rout ce qu'on a fait de son
Histoire, ne nous en sçauroient
faire si bien connoik
tre la grandeur que cet Ou
vrage , & c'est ce qui merite
une réflexion bien serieuse,
& qui jettera dans tâtonne
ment tous ceux qui voudront
la faire. Il ne s'agit que de
marquer ce qu'à fait le R.oyy
fans détail , fans raisonne
ment , & sans éloge .y & ce
pendant cette These peur
passer pour une chose prek
que impoíïîble > à cause du,
grand nombre d'Actions qu'
elle contrent.Tous les Siecle*
ne nous fòurniífënt rien de
semblable. Je purs , & je dois
le dire à la teste d'un Ouvra
ge qui n'est remply que de
GALANT, ii
Faits y. & l'on ne peut ea
voyant cela que se taire , &
demeurer dans 1 etonnement»
Je n'ay dit qu'un mot de ces
raits. là , & ce n'a mefme esté.
que d'une partie ,& j'en ay
parlé dans deux cens Volu
mes. Peut-on dire apres cela
qu'il soit aisé de faire L'HiÇ
toire du Roy , si l'on y veut
renfermer tout ce qu'il a fait
de grand ? Pour moy, je suis
persuadé qu'il faudroit un Sie
cle entier , si ion vouloit
mettre dans leur jour toutes
les actions de ee Monarque M
& que cette .Histoire pour
i2 MERCURE
roit remplir seule des Biblio
theques. Vous en ferez en
tierement convaincuè,quand
vous aurez lû l'Ouvrage sui
vant , qui sera d'une grande
utilité pour tous ceux qui
voudront travailler à cette
Histoire . & qui leur epar
gnera plusieurs annees de
recherches. Sou venez- vous ,
s'il vous plaiít , que l'Auteur
luppose ion dessein executes
& qu'il décrit la Thèse com
me si elle eítoit faite. >
DESSEIN DE L'OUVRAGE.
Les Actions immortelles
de Louis XIV. estant ad
V
GALANT, i?
mirees de touce la Terre , il
n'est pas possible de trouver
aujòurd'huy quelqu'un qui
n'en soit pas informé, & qui
puiíïè demander avec raison,
pourquoy nous appelions ce
Prince Louis le Grand ,
mais afin d'en instruire la
Posterité ,on luy dédie une
These qui pourra luy servir
de regie dans les sentimens
qu'elle doit avoir des vertus
héroïques de nostre incom
parable Monarque. Les prin
cipaux évenemens de son Re
gne depuis 1658. y sont mar
quez d'une maniere qui ne
«4 MERCURE
fera peut estre pas deíagreable.
Quoy qu'il y eust une
infinité de belles choses à di
re avant ce temps. là, on n'a
pas cru devoir remonter plus
haut , afin de ne se pas co
pier soy mesme dans d'autres
Ouvrages, où elles n'ont pas
esté oubliées ; mais plus que
tout cela , pour n'établir les
louanges de Louis le
<j r a n d que fur des actions
d'éclat , dans lesquelles il a
toujours eu la premiere part,
St afin de le suivre plus exa.
#ement depuis un âge où sa
teste / son coeur, son bras &
GALANT. y rç.
son esprit ont commencé d'a
gir de concert pour le bien
2e ses Etats. .L Histoire du
Roy est une matiere riche, &
un vaste champ ouvert à tous
ceux qui s'y voudront exer
cer! Heureux mille fois celuy
cpi le fera avec succès ! On
a cru devoir ne s'expliquer
qu'en François, soit dans les
Inscriptions , soit dans les
Conclusions historiques êc
politiques , parce qu'on a eu
four objet la satisfaction des
Perfonnes qui préferent cet
te Langue , que nos Victoi
res oat rendue si florissante
ì6 MERCURE
dans toutes les Patries du
Monde.
DES C RIPT ION
... . de la Thèse.
Le Portrait du Roy est
placé au milieu d'une Cou
ronne de laurier , relevée de
quatorze Médailles , le tout
posé fur une dépqiïille de
Lion.Quatre grands Octogo
nes avec de riches bordures
accompagnent le Portrait,
&font voir par quatre gran
des Inscriptions la gloire du
Roy dans les quatre Parties
du Monde. / ,
GALANT. 17
/. INSCRIPTION.
HEurope inutilement conjus
rce pour s opposer à la Course
wiclorieusi de LOV IS LE
GRAND, cede a U force de
fin bras , &fi njoit contrainte
£accepter là Paix , que ce Mo
narque luy accorde au milieu de
fis Victoire*.
IL INSCRIPTION.
LÌAfìc étonnée des ABions ad
mirables de la Grandeur dtp
fioy 3 recherche fin Alliance , &
députe trois fois des Ambassa
deurs du Royaume de Siam a*vec
de riches Prefins. '
Janvier 1687. B
18 MERCURE
IN SCRIPT 10m.
il Afrique humiliée par les
frequentes défaites des Corsai
res d'Alger , de Tunis , de Tri
poli, de Maroc & de Salé , que
LOUIS XIV. a punk jusque
dans leurs Portereffe* , <vient de
mander la Paix'au pied du Trô
ne de Sa Majefié.
IV. INSCRIPTION.
L Amerique owverte aux Ar
mes de LOVIS LE GRAND,
a eflé le Theatre des Victoires
qu'il a remportées Jùr Jes Bar
bares 3 & des Conqueftes qùil a
faites à S. Christophe, à Tabagoy
dans toutes leslsles Antilles.
' \
». t . '
. ' 4
19
Les quatorze Médailles
font autantde Vertus ou At
tributs du Roy , representez
par des Devises ou Emblè
mes, 8c expliquez dans l'Exerque
de chaque Médaille..
Comme les Armoiries four
nissent le corps le plus naturel
Sc le plus ordinaire des Devi
ses, on s'est fait icy une obli
gation d'en tirer quatre des'
Lys , qui composent les Ar
mes de nos Rois , quatre du;
Soleil, qui est le symbole du;
Roy , &une du Coq , qui re
presente la France.
zo MERCURE ...
/. M ED AILLE.
Le Soleil éclairant tout le
monde avec ces mots, Eclai
re sVnivers. Dans l'Exerque
pour Vertu , Sagesse.
II. MEDAILLE.
Un Lys avec ces mots, Que
jòn odeur efi douce ! Dans 13*
xerque, Clemence.
III. MEDAILLE.
Une Justice tenant la Ba
lance , avec ces mots , Sou
tien des Loix. Dans l'Exer
que , Justice.
IV. MED AILLE.
Un Laurier. Pour Ame ,
Chery de Minerve & de Marr.
21
Dans l'Exerque , Liberalité.
V. MEDAILLE.
Un Lys avec ces mots. Des
Mortels Vamour & le plaifìn
Dans l'Exerque , Èonté.
VI. MEDAILLE.
Un Soleil avec ces mots ,
// commande aux Saijòns£)àn&
l'Exerque, Puissance. '
VII. MEDAILLE.
Un Coq qui a une patte
en l'air. avec ces mots , La
terreur des Lions. Dans l'Exer
que , Vigilance.
VIII. MEDAILLE,
Un double Foudre en l'air .
avec ces mots , La terreur des
22 MERCURE
Ingrats. Dans l'Exerque , fer*
metê.
IX. MEDAILLE.
Un Soleil avec ces paroles,,
A qui rien ne peut refîfter.Da.ns>
l'Exerque, Force.
X. MEDAILLE.
Un Lys avec ces mots , Son
odeur va plus loin. Dans l'E
xerque, Gloire.
XI. MEDAILLE.
Un Foudre fur un Autel
avec ces paroles , Joûijfexde
fin repos. Dans l'Exerque,
Moderation.
, XII. MEDAILLEUne
Caíîolete fumante fur;
- GALANT. 2?
un Autel avec ces mots , La
gloire des Autels. Dans l'Exer*
que, Pieté.
XIII. MEDAILLE.
Un Lys , avec un grand
rejetton à droite ,. & trois au
tres petits à gauche, & pour
ame, NofireJiècondejpoir. Dans
l'Exerque , Bonheur.
XIV. MEDAILLE.
Un Soleil qui parcourt le
Zodiaque, avec ces mots , //
ne peut sarrefter. Dans l'Exer-.
que , Vaillance.
Dans le milieu de la bor
dure, au bas du Portrait, font
les Armes de Sa Majeste' en
H MERCURE
tourées des deux Colliers des
Ordres de Saint Michel & du
Saint Esprit, & ornées de Gui
dons, d'Etendards, & de Tro
phees , qui jettent des bran
ches d'Olive , pour marquer
la Clemence de ce Prince ,
qui a bien voulu donner la
Paix au milieu de ses Victoi
res. Il y a deux grandes Trom
pettes qui accompagnent la
Couronne , avec deux aifles
qui s'étendent de chaque costé
, pour porter les Armes
de Louis le Grand ju£
ques aux extrémitez du mon
de. Tous ces ornemens qui
fonc
.GALANT, n
font le haut de la These, sonc
soutenus dune table d'atten
te , ou parement irregulier
d'Architecture d'un ordre
Composite , avec la Corni
che, sa Frise, son Architra
ve , Colomnes , Pilastres ,
Chapiteaux , Piedestaux &c
Baies. Un grand Cartouche
posé sur le milieu de la Frise,
contient ces mots , A L A
POSTERITE'. Le grand
Quadre destiné pour les The.
ses , est échaneré par le bas ,
& pôle entre les Pilastres. U
contient quatorze Theses ou
Conclusions , qui répondent
Janvier 1687. C
26 MERCURE
par ordre aux quatorze Me
dailles , & qui prouvent cha
que Vertu ou Attribut du
Roy. C'est: par cette raison
qu'on s'est attaché à com
mencer la plufpart des Con
clusions par les paroles de la
Devise qu'elles, justifient.
Comme les Theses font le
principal fondement de tout
cet Ouvrage , on croit devoir
en expliquer la conduite su.
vec un peu plus de détail. Le
stileen est assez particulier,
mais cette Philosophie que
nous donnons n'estant pas
ordinaire, & ne faisant que
GALANT. 27
de haistre , elie s'est trouvée
capable de toutes les formes
cju/on a. voulu luy donner.
Certaines expressions de Poe
sie , & d'autres libertez qu'on
ne prendroit pas ailleurs, en
ont rendu les Propositions
courtes & ferrees en des
endroits , & plus étendues
en,* d'autres, Tout cela est
permis en cette occasion, ou
l'on doit dire beaucoup de
choses en peu de paroles. On
peut inesme. parler Ecolier, si
cette expression m'est permi
se , pourveu qu'on le faíïè
pour exprimer plus naturel-
Cij
28 MERCURE .;
lement les opinions que l'on
propose. Nous n'avons pû
nous dispenser d'employer
des chifres pour marquer les
jours & les années de plu
sieurs évenemens. Cela n'est
pas íàns exemple, puis que
nous voyons tanc de Theses
remplies de semblables chi
fres. Cependant on ne l'a fais
que lors que les Actions du
Roy ne íònt pas marquées
dans les autresMédailles donc
nous parlerons dans la fuites
Cette Chronologie a sonutúj
lité, & le Public ne sera peut,
eítre pas fâché de. la tçouyer
GALANT, zf
observée dans cet Ouvrage
avec assez de íòin. Les The-t
ses ont pour Titre \
HtftQrtques&Polittqucs.
.,' Q13ESTION* ;
Qui devez - vous estimer Ic
plus Gi."and de tous les
Monarques de la Terreî
1 CONCLVSION.
LOVIS XIV. donné de
^Dieu d une maniere mira*
culeajè, éclaire Y Univers par
les rayons éclatans de fa SageC
C iij
?o MERCURE
se. Cette Vertu parut en luy
beaucoup de temps avant Vâge
ordinaire. Peut-on dire qu'il ait
manqué une feule fois a prevoir
jusqu'aux moindre* évenemens
dans tout ce qu'il a entrepris f
Qùon montre un Monarque plus
exaBa remplir J&s obligations
mieux reglé dans fa conduite ,
& plus àjjìdu au gouvernement
defm Etat. Cet Augnfte Prince
également habile dans la 'Taix
& dans la Guerre, efi l ame de
Jon Cabinet. Ses secretsfmt im
penetrable*. Il donne autant
dorades o."n de réponses &
. fréfire dwertijjimens íes
GALANT.; ?t
plm innocens au travail quil
devore , pour ainfi dire , afin de
Jòuìagerjon Peuple. Considere^
ay ec quelle Sagesfè il commença,
par le reglement de ses Finan
ces. Ensuite ayant racheté Dunquerque
, il o/la aux Etrangers le
seul Port qui leur reftoit em
France, & aux Corsaires une
ancienne retraite. Compare^ nos
Troupes d aujourdhuy a<vec cel
le* de* Regnes précedens ;faites
reflexion fur le discernement
qu il a dans le choix de ceux qui
le fervent , fur la force & fur
t étendue de fòn Genie. Voye^i
Le hel ordre quil a étably dans>
G nij,
ji MERCURE
toutfin Royaume, & vommac*
cordere^facilement que Lo ii i s.
XIV. eít le plus Sage de tous
les Monarques de la Terre.
//.
G)umd le R jy paroifl armé,
cefipour obliger des Ennemis a
profiter de fi Clemence. Telle
fut la Bataille des Dunes qui fit
conclure la Paix des Pirenées.
Combien de f'is LOUIS a-t.il
épargn é kfxng des Vaincus ? Sa
Clemence empefiha le Sac de
Vtlencienncs , (1677. ) Sans elle
Alger Tunis , Tripoli , Genes ,
& tant £autres Places auroient
esté des bûchers de viçîimes deuë.s
GALANT
a la jufiice defis Armes. Amster
dam , la Haye , & le rcfie de la
Hollande defilée ( 1672.) & mefi
me tonte l Europe firoit encore
un Theatre de feu & desang, fi
ce Grand Prince nefi suft (vain
cu luy.mcfme , ôf s il nefi fuft
arrcfié au milieu de fis Victoi
res , enforçant les Ennemis d ac
cepter la Paix , & enfiúte une
Trêve de vingt ans , aprés en
avoir prescrit l&$ conditions >
qui ont rendu le repos a l Eglifii
& qui font avoûer que
Loiiis XIV. est le plus Paci
fique de cous les Monarques,
de k Terre..
34 MERCURE
///.
> // Joûtient les Loix par la
Justice de fis Ordonnames &
defis Edits. Lific^fin Code, qui i
fuit la reg'e de nos Juges. Ad
mire^ t®m les Arrefis que ce
Monarque a rendus, comme il a
puny les Due'difics , les Empoi
sonneurs ( 1676. ) & les Vfiirim
(168.0. ) Que dites-vous de
ce bel ordre étably pourl' AdmL
nifiration de U Justice } Mon^
trex^moy un Etat ou la Police
soit mieux reglée qùen France, j
Le Roy a-t-il jamais accordé ou
refusé aucune grace quilne fuft ,
Jujk d'accorder ou. de refuser ï
GALANT. #
Mais quand <vous <vous Jouvien^
drev^qùila jugé luy-mefme con
tre Jes propres interefis dans
. lajp ire du Vofé [ufto. ] dit&
^Loiiis XIV. est le plus
Juste de rousles Monarques,
de la Terre.
IV.
Poureflre chery de Miner
ve & de Mars , /'/ faut proteger
les beaux Arts, & récompenser
dignement les Vertus militaires*.
Nos Muses donneront des loiian*
ges éternelles à Sa Majefiépour
avoirflit baflir l Observatoire,
pris la protection de l Academie
Françoise [ 1672. ] institué celles
îá MERCURH
deSoijs.ns, d' Arles, de N(/mes,
de Villefranche^ d Amiens. Le
Journal des Sqavans, qui a com
mencé en 1660 efi deua lamour
que cette protection a injpirée
pour les belles connoijfmces j &
le Mercure G4.Ia.nt qui a com.,
mencé en 1677. efi un fruit de
la grandeur de ses AíTions , qui
en fournijfent la matiere. II a.
ctably l Academie Royale des
Arts & des Sciences > celles de
Peinture & de Sculpture , les
Ecoles de Droit Civil a Parti ,
[ 1679. ] & de Droit François
par tout le Royaume [ 168 1. ]
Combien d habiles Ouvriers en~
GALANT, v
tretenus pour des Ouvrages ra
res au Us ont portes a la dernie-
» re perfiction ! Faites reflexion
Jur le grand nombre de Scavans
qui Jont dans ce Royaume , &
Jur la politejfe que ion y remar
que depuis vingt ans. Admire,z.
la Magnificence de ce Prince
dans l EntréeJolcmnelle quilfit
a la Reyne fin Epousé le 2.6.
Aouft 1660. Confidences Cours,
les Rampars, les Arcs de Triom
phe , l Edifice du Pont Royal ,
les belles Fontaines , iélargisse
ment des Rues , le Quay de la
Riviere , &lesauprcs ornemens
ajoutez, à la Ville de Paris, ^ue
>
?8 MERCURE
penfczjvous des Bafiimens su
perbes de toutes les Maisons
Roydes , de ceux du Louvre &
de ceux de Ver/ailles , qui peut
paffer pour une huitième Merveille
du mondes Voye\ les belles
dépenses que LOUIS LE
CRAND a faites dans les Car
rousels de i«6i. 1685. & l686. h*
Di'vertijsemens de f Isle enchan
tée &de la Paix,avec les grands
Balets , les Machinessurprenan
tes . & les representations des
Opera , fins parier de la richejfe
de fis Meubles & de la ma
gnificence de fa Cour. Mais fur
tout , accorde^- mqy que cefi
GALANT. ?9
dans ce Royaume que les vrais
services de la Noblejfe font re~
connus par le rétablissement de
I Ordre de S. Lazare [1673.]/^
I Institution des Compagnies des
jeunes Gentilshommes [ i68z] £5?
par la fondation de la Maifin
Royale des Dames & DcmoifèL
les de Saint Cyr [ 1686. ] Les
vieux Soldats j ou ceux qui ont
efié cfiropie^ dans le service ,
/ont nourris &Joulage^le reste
de leur vie dans t Hoftel Royal
des Invalides , fondé le 14. lé
vrier 1671. Donc Loiiis XIV.
est le plus Magnifique & le.
plus Liberal de tous les Mo4o
MERCURE.
mrques de la Terre.
V.
LeRqyefl Y Amour & le Plai
sir defin Peuple , dont il efìle
Pere.. Sçavez^vous le grand
nombre de Places quil a bien
voulu rendre en consideration de
la Paix,&'avec combien de bontéila
remis aux Espagnols trois
millions cinq cens mille livres
qu ils luy devoientpour les Con
tributions de la Flandre ( 1684 )
& comme il leur a rendu deux
gros Calions quils avoicntjuftement
perdus dans une défaite en
1686 ì LOVIS L E GR AND
a délivré jusqu'à pesent plus
GMAKs. 4v
de ijra&. Esclaves defis SujetsT
€^ de differentes Nations à Ât~
ger , outre les 600. qùtl aura, de
Tripoli , ffî tous ceux qùildoir
retirer de Tunis (d?- de Maroc..
tiy a plus ; fa bonté luy a fait
dïmnmr les Tailles de trois:
millions prés de 5 00. mille Uvres:
( 1684, ) donner de grandes som
mes pour occuper les Pauvres h
des Travaux aujfí utiles a leur'
Misere qua Vornement des Vil^
les ( 1685. .) fairè des chantes
considerables pendant lafkmnè.
de 166 1. fç) le grand Hiver"
{ 1684. ) & une diminution tres±.
grande four fis Droits fur Us
s Janvier 16S7» I>
ai MERCURE
bled. ( 1685. ) Ses mains RoyaU
les occupées à porter le Sceptre ,
n ont pas dedaigne' depuis fix
ansde composer des Remedespour
le fiulagement , fé) la guerison
deses Sujets ; & de leur en don
ner luy-mesme les secrets qùil d
publie^depuis peu, {g) quilrìavoit
achete^ que pour fin Peu
ple. N oublie^pas encore cetar-.
trfice benin dont il 'vient de Je
sèrqjir ,pour cacher a toute fi.
Famille Royale 0, àfin Royau
me une maladie qui le tourmentoit
, afin de nous épargner l in
quietude g) la douleur de fia-
*vQtr un fi bon Prince dans
4?
les peines.^ Reconnoipz dom'
de bonne.fy qu il merite mieux.
le nom de tres bon que cetËm-.
pereur Romain a qui on le decerna
5 puisque LOUIS XIV.'
vray Pere de la Patrie , est le
plus Aimable &. le Meilleur
de tous les Monarques de la'.
Terre.
VI.
Il commande aux Saisons ,4
lors qu 'il trouve le moyen de'
faire la Guerre au milieu de'
L Hiver. Qui pourra comme luy '
parvenir a cette puiflànce, d as-
Jteger en me/me temps quatre'
Villes tres-fortes [ \6yz. ) & de
D ijj ~
A4 MERCURE
faire recevoir ses Loix en un
mcfme jour a deux Places auffp
considerables que Strasbourg fg)
Ca%al ? Jl a dompté les Jroquois
( i66j. ) & reduit en fìx jours
les Algeriens ,quetout le Regne
de f Empereur ChaHes-Quint avecfa
fortune n eut pas feule~
ment le pouvoir d'intimider.
N a.t il pas contraint les Corfaires
de Tripoli , de Maroc y
de Tunis , de Salé , avec ceux
de Majorque .{ 1681. ) aprés le
avoirfournis , de refpeûer nos
Vaisseaux , fg) de rendre tous nos
Esclaves ? Conjïdere^ce que cest
que de joindre les deux Mers e»
í GALANT. 45
Languedoc par un Canal long
de 64. lieues , commencé le 16*.
Avril 166-7. (ë>r acheve dans le
y me/me mois de l année 1681. Tau
re confiruire l Acqucduc de
Maintenon pour la conduite des
Eaux de la Riviere d'Eure ,
( 1685. ) d°nt ïédifice Jurpajfe
tout Ce que les Romains ont en~
trepris de semblable. Cefi la
puiíïànce du Roy qui Va fait
triompherfur Mer des Anglçis
en 1666. des Hollandois le sep*
tiéme Juin 167.2,. & encore
deux fois de la me/me Na»
tion en 1673. ft) a Stromboli ,
*n Sicile , { Janvier 1676. ) des
4* MERCURE
Ejpagnols , fg) des Hollandais
devant Augufia le n. Avril
suivant , ou le fameux Ruiter
qui commandoit fut blessé à,
mort , le deuxième Juin de Id
mcjme Année devant Palerme ,
ou l on remporta la plus glorieu
se Victoire de Mer qui se fòit
veuè depuis la Bataille de Le
sante ì les Plotés d. Espagne @p
de Hollande ayant efié défaites 3
& ensuite brûlées clans le Port ,
dont le miserable. rejle fut vain
cu le 3. Mars 1677. a Tabago
dans l Amerique. Dom LOUIS
XI V. est le plus Puissant de
'tous les. Monarques de la
Terre.
-GALANT. 47.
.'.y vil
La terreur des Lyons , ccfl
cette vigikfvre qui fait <voir
le Roy , le premier à la tefie da
ses Aimées > moissonner des Pal
mes fg) des Lauriers avant que
le Printemps nous donne des
fleurs. G efi encore cette applica
tion exacte fç) reguliere a gou
verner par luy-mefme , q) À
tenir tous les jours ses Conseils.
Lefoin qùilprend de connoifire
Jès Officiers , de Jefaire rendre
compte de tout , (gf de prévoir
dans le détail a mille choses qui
rendent ïexecution de desordres
plusfacile ft) plusprompte. N'a
48 MERCORjE
vons-nous pas veu baflir une- *
Gídere en dix heures f ( 1679. )
N efi.ce pas par les fins de Sa
Majestéau ily a tant de Gardes. .
fç) d illuminations , pour lafu
reté de Paris ? On lu.y doitauffí
r établijfcment des Compagnies
des Indes Orientales (d?. Occidentales
, (efr de plusieurs belles
Manufactures ) une Compagnie
de Guinée1 ( 1685. ) avec beau
coup d autres avantages procures
à ce Royaume , poury faire fle»\
rir le Commerce avec succes La,
Navigation efiparvenue à une
telle perfection cheries François>
paria, vigilance de LOVÎS LR
GRAND»
GALANT. 49
CRAND y que les autres Na
tions rapprennent de nous. Tou
tes nos Provinces ont acquis la
/curetépar la bonté des Torts de
Merspur les armeniens des F'lo
tes , par lafortification des Villes
frontieres parla construction
'de Saar-Louis , d Huningue , g)
de Mon.Louis , fins parler de
tant de fortes Citadelles baflies
par les Ordres de LOUIS X IV.
ìe plus Vigilant de tous les
Monarques de la Terre.
VIJL
L0V1S prend quelque fois
le foudre en main y pour punir
les ingrats, pour maintenir les
Janvier 1687. E
T° MFRCURE
drain de fa Couronne , fg)pour
rvur.ger la foy publique , (d?- le
droit des gens violes ( 1674. )
dans lAjJemblée de Cologne. Si
la Garde Corse a la temerité
d'attaquer un Minifite Public,
le Ry fîsait en tirer la/àtisfa~
Síijn deu'è afa dignité ^obtenant
tout ce qu'il pouroit pretendre .,
par le traité de Vise conclu le íiì
Mars 1664. avantage ont
remporté les Espagnols en reffini
U pìts a noftrç JmbajC
fadeur a Londres ( 1661. ) fnon
d'avoir efié oblige\depuis a déc
'arerpubliquùmnt qu'ils cedent
par tout la préfëAme aux Bran
GALANT, v
cjmviïe íeurK^pïrkiénfpBsf Á
qttoy bon troubles leï Wibitdns
<£ Andxye \ ^) donner fant ; de
ra^fiùtâ.rfitgàtàiïsû T.rdacé
potier é%ká" de coùctúre ïaffàre
êe £ÌPnduttê fc'efioitpour fiire
ítòarSfc tohte ^Eiïïope ; t^itè U
éRWWb si/fisst p wmdntekir
jfòn titre de Duc de Rmr~
g.gnâ": t tûìó.ï) pour remettre
Jtsv:S*jeù en pòjpjfià ÏÏe UVcf,
chf{\tô$ pourfdre trembler
tmte . tífpÁgne en tenant une
grmde Vhttè bloquéè devant
ôadix ( Í68&.v ) Le Turc a <veu les
Eij
y. MERCURE
Corsaires de Tripofy poursuivis
fç) battusjusque dans le Port de
Chío \ 168 1. ) @r nostre Vlotte
^ victorieuse menaçant les Dar da
nelles , porter lépouvante jus
que dans le coeur de fin Em
pire. Ces preuves de la fermeté
du Roy , (gf. la vigueur de fin.
Ministre en 1677. 1680.(^-1681*
ont obligé le Sultan d'accorder le
Sopha à noftre Ambassadeur , ft)
d'autres Privileges pour la Re
ligion Catholique , ce qui fait
voir qu'il estime davantage
LOVJS LE GRAND que tous
les autres Monarques ensemble.
Jtfvs Allier ont aujst goûté les
GALANT. <î
fruits defa ferme ré , lors qu'il
leur a fit. rendre (1679. ) les
Villes (§>?> les Provinces qu'ils
avoient perdues pendant la,
Guerre ; toute f Europe vient
de recònnoiftre par la réunion de
-' plus de xoo. Villes famées ,.
800. grés Bourgs ffi 3000.
Villages ujurpe^jur la France
pendant les 'Revolutions de ce
Royaume , que LOUIS XIV.
est le plus ferme de tous les
Monarques à maintenir les
droits de sa Couronne.
Rien ne peut resister à la
íbree d'un Roy Invincible „
Eiij,
qui s'efi fut, luy, me/me une
routeJm le Rhin , mal.?iéjò%
extrême largeur *Jk rapidite Cs*
f profondeur ; metuint en der
r.ute une Armée qui <voulokJuy
,eu disputer le píjf^ge. * Tohyii ,
& qui fut contrainte de le luy
ahj^donn£î{ Le it. Juin. i6,7*.f
incomparable Mcfos a fins
&ej- beMwjèwnt plus de
Guerres , gagnéplus de 6p. B%-
t^ïlks ou Combats s bordéde$f
Cûnquefies le&hin ,le Viyahai'i
la Moselle , U Meuse \ íljfel i
la Lys , lFfiut , &f pris plus
4e 6oo. Villes par Sieges ^ TfaL
t&L o ou pifoteçftm. Aprés m fi
GALANT.' vf,
grand nombre de Con^uefiês ,
que d/tes^vms de & force' des
Places , les çriyczjvms imprena
bles f Je <vous oppojèray aujfìtjfl
Dunquerque s le Fort de
Schein, M.ifircic, Valenàennesy
Cambray, Suint Orner , Tpres ,
Puioerda., Strasbourg , Luxem
bourg , & tant, dautres que
vous voyez^parmy les Conquefies
d un Roy toujours le plus fort.
Voulczc^vous au contrairefiûtenir
quïl rìy a. point de Villes
qu'on ne puijfe prendre ? Sans
doute vous ave^mblié que nos
Ennemis ont levé le Siege de
vant Voêrden , & devant Char—
E ÌÌÌj'
*s MERCURE
leroy , ( 1672.. ) devant Oudenxrde
qu'ils affiegeoient avec>
trois Armées , ( Septembre
1674. J devant Haguenau
Saverne ( 1675. ) devant Augufla
en Scicilc [ Janvier ] de
vant Mzftreic le vj. Aoujl 1676.
& devant Chxrlcny le 14. Aouft
1677. Accordons-nous , ffi dïfms
qu'il n'y a point de Villes
imprenables fi Louis les attaque,
& qu'elles ne peuvent efirefor
cées lorsqu'il les dcffend. Vous
Jçave^ auffi que nofire Vlotte
Vichrieufe a toujours battu cel
les de nos Ennemis ; m iis e:iffìe%r
vuus cru , fi toute U terre ne
GALANT, r?
meus en affeuroit que le braie
d'Erlingue avec fin seul Vais
seau \ euft osé livrer le Combat
à 37. Galeres tant Espagnole?
que Genoises [ 1684. ] qu'a
pres les avoir battues , $~ leur
avoir tué zooo hsmmes 3 // cufi
pu heureusement fi retiret danr
son Port. Donc LOUIS XIV.
est: le plus fort de tous les Mo
narques de. la Terre..
X. •
Dans ler Panegyriques des
LOVIS LE GRAND , je pje*
fire toujours la vetité toute/im
pie , a la figure aux Allegotics.
le Juif donc, entierement
$ MF.RCURïï
perju.idé qUilJuffit icy d'ejì.iblir
sa ?\oirc Jurjes propres actions
(d/-sûr des sits connus de toute
l Europe. Jgui osera nier que
f Empereur n ait eu befitn du
secours de France , [ 1664. ]
poursuivcrh Hongrie & toute
s Allemagne qui allait devenir U
proye des Ottamms ì Le Grand
Duc de Mswie a recherché
í Alliance du Roy par ses Am.
b.jfideurs [ i66g & 1*81, }fEm*
percur des Turcs [ 1669. ] un Roy
de Guinée [ 1670. ] t§jr le Roy
de Si^msiit voir par des Presens
magnifiques , @r par trois
Ambajjudes qùi[ envoye du miGALANT
S9
lieu de l Asie, [ i6Sì. ] OMre
1684. &.\en Aoufi 1686. quelle,
efiìme il fut de LOUIS LE
ÇK AND . Ce Prince qui nefi
fin da jcctte cflïme que pour le
bien de la Religion y ria. t-ilpas
feu nn Souverain à fis genoux ?
[ifSf. ] (&y lun defis Gene
reux donner un Pzjjcpon le 2.4.
Septembre 1677. à l Aimée En
nemie beaucoupplus nofnbreufi
qW U nafire , pourfirtir d'un
lieu, oà'eUe benoit de fifiuver, .
nprés avo'.T efié b&ttuë ? Le
grffld Gufîoe<ze qui appeUoit il
y.tì 56 Ans les Autres Monarquesy
des Roitelets en' comparaism dfk
6o MERCURE .
Roy de France 3 s'il vivait au~
sourd huy , ne diroit ilpas avec
nous que la Gloire de LOUIS
XIV. ne peut avoir de bornes*
& que c'eír. avec justice qu'iî
est le plus estimé de tous les
Monarques de la Terre ?
XI.
Joiiiíïèz de son repos, Frìnces
inutilement jaloux d'une
grandeur à laquelle vous' «?
parviendre^jamaìs. L'on a re
fusé les Secours qu il offroit fi
genereusement ; mais fans luy on
n'a pu aller à. la Victoire , puis,
qu'il cflint le Maifire du chemin
qui vonsy acmdmts. Les droits.
' ".GALANT, rît
que ce Prince avoitjur le PaUtinat,
oni.ils esté capables de le
tenter ? Point du tout. Jl a cher,
ché les tvoycs de douceur , ^) fi
dele dans la parole qu'il avoit
donnée de ne point agir, il a
cedé fis propres avantages pour
ne pas interrompre le cours des
zostres. Jgui peut dire qu'il fa
jamais veu en colere ? Ennemy
des loila nges fg) de la flatterie ,
toujours affííble , toujours pa
tient , & le plus moderé de
tous les Monarques.
XII.
La gloire des Autels, c est la
Pieté dont LOVIS LE
MERCURE
€ R A N D, a donné, (èfy* dón±
m feus les jours de fi grandi
exemples. S efi-ilfirwy defèsú.i
wantages k>rs> quïl a <veu l!Allei
vtagne embarajfci t$mébàìùm
pás. a ft moderation een.x que
'vous avez remportez: en Hon
grie* Cefile Beffwfîtfhde^^E*
glija , le VviMfàjcr des. yEv<fl
qu.es , & le Defiruffeurde l'He*
refie. Il a fmi nf de grande?
fimmes. aux Venitiens. (1658. )
pour sûre la Çttdrre. .qu'ils'
efloient obligez defmtenir. H à
proscrit les Blasphèmes & les
Inipietcz^parfis Déclarations &
Edks de 1665. 1667* q) t6?y}
GALANT. 61
V Eglise cl recoww éfa premiere
tranquilîté fr les Jèntimens &
Jur les points delicats de la Re
ligion , par les Joins de ce Mo
narque qui a envoyé dessecours
considerables de Troupes en Can*
die contre les Turcs. [ 166S.
166y. ] ft) employeses forces de.
Mer contre.eux [1670. ] Il a
tefiab fy lexercice denofire Relu
gbn dans les Villes Herretiques
d'Osfy, de Rhimberg, de B u -
fi h ,dVtrech., (g^c. [ 1671.
de Geneve en 16S0. fê) de Stras
bourg en 1681. Ce Prince trespieux
a rtmis en p'ojfcjfion de la,
Garde du S. Sepulcre les Relï*
H MERCURE
gieux de S. François t677, $
leur continuéfa proteêiion Roya
le ses liberalits^ dans toute
la, Terre Sainte. Il a émt au
Roy de Ferse enfaveur des Ca
tholiques , (dr en a obtenu tout
ce qu 'il a demandépour nos Mf
fionnaircs^ Les grandes Con
versons quil a procurées dans
le Royaume de Siam , g) dans la
Chine depuis plusieurs années >
ï Edit de 1681. qui deffènd a ses
Sujets de quitternoftre Religions
g) cet autre de 1683. qui oblige
les Idolatres qui renoncent a
leurs erreurs , d'embrajfer la
Communion Romaine ; En un
[
mot ce qu 'il a ordonné ( ifâçy
pmr le, rejUblijfement des Eglifis
g) des Fresbiïeres y @J ce'
\ Mmdcment pourfaire observer
la, modestie cUns les Eglises ,i
14S6* tout cela ne montre t il
pas la vcritableYxçxè de LOVIS
JLE GRAND .<? Ajouflons , quaprj
la Conversion volontaire ft)
libre de plus de fíx cens mille A~
mes reunies à l Eglise Catholique'
depuis plusieurs années , que le
zgle , les Joins charitablesfs gj.
les belles Ordonnances du Roy
les sollicitent à se convertira it
a revoqué L'Edit de Nantes ,
jait abbatre tous les Temples des>
Janvier 168 j. K
(S MERCURE
tìuguenots.., g) ab&ty s Heresie1
áxns fin Royaume , W me attûée
, ce quejer PredeecjsetìTsna-
^oknt pas fait pendant plus
d un fiede : hissant a lapoflcrite.
un bel exemple dont le Duc de
&&wye u le premier Jùivy les
traces. Ces grands services ren
dus à lEglîJi ijans parler de
ceuxqxtin atteted, prouvent que
LOUIS XIV. est le plus
Pieux de tous les Monar
ques. • l"4 1 '' " \';
C'est pour 4'es grandes Vetttts
du Roy , que "Dieu l a. comblé
d'un jufte Bonheur , en hy .
.l . i rjr. A\\
galant: ef
donnant une nombreuse Pò/fe-
" rite. Heureux dans ï Alliance
qu'il a faite arvec une Keyne parfaite
& remplie des graces du
Ciel : heureux dans un Fils incomparabie,
&dansjfon Augufie
Epwíjc : heureux enfin dans un
Frere félon Jon coeur , & dans
tmdxfíFAmilk 'Rijyalequil <voit"
entierement devoiiee ajonservi- .
ce. Ses Mìnifirts font vigilans, ,
ecíaire^ &fidelles ;Jòn Rojaume '
flwiffìnt Jh Armes' invin
cibles, il eft cbery de fort Peuple, :
estimé de. toute la Terre , & par
tout Vííforieux, Ainfì lors que '
*vsHt ditçs €pue les Defltns jòntr
68 MERCURE .
pour luyjans contrainte , que
cefiparce qu'il a enchaîné laVortune
qu'il efi le plus Grand des
Rois , reconnoijfez. en mefme
temps que cefiparfa propre ver
tu qu'il efi leplus Grand de tous .
les hommes. Voila lafeule raison
pour laquelle Louis XIV. est
ie plus Heureux de cous les
Monarques de la Terre.
ll ne peut s'arrester dans la
belle route des Heros ; ce Prince
Magnanime , nmrry dans le
sein de la Victoire. Ses Ennemis
me/me avoâent qu'il ne fe con
tente pas de marcher le premier
GALANT <9
k la tefle de ses Armées , mais
qu'il les mene en personne au
Combat & a la VÏBoire , d'oà
vient qu'il efi plusbefiin de le
reunir que de l exciter. Sa Vail
lance ne nous fit-eUe pas une
frayeur fans pareille , lors quaprés
s'estre exposé à mille dan
gers , & a des fatigues inconce
vables au Siege de Dunquerque
[ 1658. ] il demeura luy seul in
trepide pendant une dangereuse
maladie qui defcfyeroit toutjòn
Royaume ? Pouvez.- vous Jans
admiration & fans larmes pen
ser avec quelle grandeur dame
LOVJS a souffert fa blejfure
7o MERCURE
dux. Septembre 1683. & une
Operation accompagnee de dou~
leurs aiguës ? [18. Nov. 1686. ]
Suive^ ce Vainqueur en Vranchc-
Comté qu'il prit luy.mcfme
en dix jours au milieu de iHy.
ver: & en Lorraine qu 'il fou
rnit en peu de jours, îl a conquis
en petfinnc fiixante-ánq
Villes en deux mois , fortifiées
dans l&endué d on%e Provinces;
M ifirich , que l<m efitmoit im
prenable , en tre ize jours z & les.
années /ùivantes, Valevúenmsy
Gand , & Tpres. Assiegeant U
Ville de Bouchaïn ìm 1676. les
Armées des Confederres tenteGALANT.
71
sent le secours de cette Place.
Le Roy aÛa au devant , leur
prtfenta la Bataille qu'ils evif
terent par U fuite. Voulc^wous
d autres Victoires rempotréesfar
Terre par L OV I S LE
• G RA N D , .<" Je <vom rapporte
les principales. Ce font les Ba
tailles ou Combats des Dunes le
14. fuin 1658. de S. Godart au
p&Jfage du Raxb en Hongrie le
premier Aoufl 1664. En 1674. de
Zein?ein , de Molsheim , de Se*
n ef contre trois Armées , d'Emf
heim , dans laquelle vingt mille
François défirent trois Arméet
defiixante &fex miUe hommes>
7& MERCURE
commande^ 9 par vingt Princes
Souverains , ou de Maison Soumeraine-,
de Mulhaufein ën 167^.
de Turshcin , apres laquelle les
Csnfedere^ furenf chajfcz^ , &
contraints de repasser le Rhin..
En 1677. lonziéme Avril .celle
de Cajfel, remportée par Son Al
tesse Royale ^ quï defit les Espa
gnols (dp les HoUàndois , mmmande^
pçr le Prince d'"Orange,.
prit enfmte*Sa}rit Orner. Lés
Batailles d'Mpoûille en Catalo
gne , de la SeiÛe, & dAufembourg.
Le Combat du Pont- a-
Mmjfon^ de Koquerberg^outre
vingt-cinq mille hommes perdus
par
GALANT, .71
par les Allemans dans le Cam
pement de Mouron. En 167g.
les Combats de Rheinsfeld le 8.
Juillet , & de Saint Denis le 14.
Aòufi. En 1684. le 16. May le
Combat de Pont . Major , au
pajfige dei la Riviere de Tur. Re.
iconnoijfeç^ donc que U Vaillan
ce duRoy ta rendu leplus grand
Conquerants qu'un concours fi
heureux de tant de Vertus Mo
rales & Politiques \ prouvent
invinciblement que L ou is XI V.
£st çeluy que vous devez esti
mer le plus Grand de tous les
Monarques de la Terre.
Dans le grand Quadre aux
Janvier 1687. G
74 MtkteOKl
deux coffe2 des Theses ©a
Conclusions historiques &
politiques ,sont marquees les
principales ; Conqu'istòs du
Roy selon Tordre dèsanne'eS}
afin qu'on puíílê1 les> tròuvéV
tout d'un corjp,^d%ríè feuX
le veuë , 4en lisant ' tes autres
Actions de ce Prince Cha
que coríjdueste k *fir titèfrífue
pour en> c1>n'si$ïfteM£
tion selón la "Geographie,,
cela se trouve eitpîîqué dans
un Cartouche poï^itfus 'le
Quadre. *^\^r^h
.. .GÀLAKÎV 7s
Pour cottuoifire la situation
des Cottquefies. ,
A AtVòîè^' Cornu, eles JPtys '-ba*
Catholiques. : v; v^,«»'.> '
.'.'Akace ; : ':£attáptèvi4Ì^ iÀBemagne.
. . ' '."'O '
B Brabant1; Dùchí «M&$sÌ>at
Catholiques.
C GleVes'; ^u^ìenlÂneriapie.
f Cologne „ EleBorar^ .en Àlle~
Magne. ' . -* 1
F Flandres, Comté desPJy:-ha.t
G Gueldres , 2>«^ , deiProvïh-
. ces-y^ìes.. , ij^.n-'. ! ? .
IjF HàìnVùt, & ktyi ú*
3J" Cathotîquês. 4t"
G ij
j4 MERCURE
h Hollande , Comté , des Provin
ces-Unies.
L Liège* Principaute , £Attenta-
,gne. ^ x- .> "WïjK
\ Luxembourg, Duché, des Paysbas
Catholiques.
N Namur, Comté , des Pays-bd*
Catholìquts. .'. ...'>' •
O Owerissel , Seigneurie, des Pro
vinces. Unies.
P Palatinat , Eleïlorat , en AUemairie.
:' .£, : J
V Utrecht , Seigneurie des Pro
vinces-Unies. . ; ... ,4. ../'.f
Z Zutphen , Comté , des Provin
ces.Unies, i •.;
Ces seize Provinces ont esté
le Theatre le plus ordinaire
des Conquestes de Louis lk
Grand, quov qu'il cn ait
GALANT. 77
fait beaucoup dans plusieurs
aurres Provinces , qui font
marquées à la fin de chacune
de ces Villes. Ainsi Ton trou
vera peut. estreaíïèr d'utilité
dayotrenïì peu d'espace les
principales Conquestes, lan,
née quelles ont esté faires,
& le Païs pu elles font situées.
Trinàpdes Conquestes du Roy*
Dunkerque. F
Gravelines» ;'" F
Oudenarde. F
Menitì. F
Ypres. F
Comm.ines. F
Grammoat. F
Giìj
78 MERCURE
Dixmude. F
M or tare v Duché de Mitau , en
Jtaïiey \"
1663.
Marûl , en Lorraine.
"... : ."s t&7> . \
L.a Bassée. F
Conde. H
Charle.Roy. . iH
Bergues. > ' ' ' B
T.Huruy. .'. .?. .. V F
AcH, . H
Doiiay. ...I.'...' 'I'- í?
.F urnes. '.. . W
Çourtray. ^ ' |?
Oudenarde- p
Lisle. .fr
.^.lost, deux fois. .• m. . F
Árrnentieres. > ,. , ' Jf
GALANT. 19
.y léóS.'
ècíànçon. . .. . ,~ sf.v . K S
Salins.' • . »
Dole. ' I»
Grais. u O
Chasteau de JoujíVj...:. ^ |
Fort Sainte Anne. >-
£t toute la Franche-Comté. . .
Pont-à.Mousson. ,„ ,y., . \\
Çpinal, Nancy , & toute la Zar*
, rainer
fpngres. . j,,7/L
Weifet. . X
ltfascik. Mjv.'vk
Sjtuar.. . ^ 3. I*
Fsluquemont,,D«^.^ Zifpktìur£.
flLhimberg. v t
jfurìck* .r....;. Ç
G iiij
8o MERCURE
Weícl. • } C
Rées , & son Fort. >:!; C
Fort de Lippe , enVvestfhalie.
Emmeuk. ;:.v ì,- G
Locken, '1 Z
Bvoí kelo. Vvtfifhalìe; >
Grool. * ,: ' Z
Doëtkum, >ír Z
VHrz. ' Z
Brtwoort. ' ' ^.^ 2^
H. sselt. c V . • O
Ommetij .. ''.'• O
Kemperi. O
Zwol. ?- >.••v^:/.|"0;.
Deventer. ' r-:
Zûtphen. H : > . . ' Z
Óoësbourg. ». ' > Z
Fort deSkeink. . ''".rí"'.»>: f
Utreicht. •
Mu'íden. .;:>.''-í\, fc:
Naërden. ••' ' h
GALANT. 8t
E&ourg. . G
Harderwick. >ì . G
Hattettî'ï *ì>♦ ï ..• .. t '>'»*.. ' . G
Amersford. A
V^oërden. h
Oudewarer. %, \v. . ' h
Arnheim. G
Vianem. ~>«t : Ja
W"agcninghen. G
Rhenéen. j:> V
Duëstede. V
'Wic... Duché de Zimècurg.
Knotzeiobourg., *. F
Les Forts de Saint André & de
W'orms. i G
Isles de Bomel & du Betwe, G
Creveeoeur. " : B
Nimegue. ' G
Grave. st
Genep. .<..'.. C
Bodengrave* .> ' 'h']
82 MERCURE
1673.
Mastreick. : '
Tout le Comte de la Marek. ' ? . '
Salins. Sf
Principauté de Lure. »*.
Chafte'au Sainte Anne.
Fauconnié , & toute la Franche-
Comte'. • •'' fj.í
<îermeinsheim. .? P
Duren. ^ Ì..t ; '>> >• 'P
Heiníberg. .'»»'•»• *v p
jpinnick. .'Jwt...i:;:^p
Citadelle de Lieo.e .n...O
.-l^: O » *
Trêves , A'Jemayie.
1674. .
TJinan.
Huy, L
GALANT. 8?
Limbourg y Duché.
F^rt de Monivic Cataleyte.
Augusta , en Sicile.
167$,
Fort de Link. F
Condé. .' H
Bouchain. H
Aire. A
Builloru £•
Tôrmiuna. j >
S.aletta. a?
La Croix. .... £s
Savoca.
Ficumedcntsi.
Fort &Iflc de k Caïenne , dans
tAmerique.
Valenciennes. H
Cambray , &; .& Citadelle. H
Saint-Omer. A
Fribourg.. :.. . .i
8+ MERCURE
ChasteaudeBoslu. s']\ .x > H
Saint Guillain. H
Sarbruk. Lorraine, ...r;
Forts de Tabago & d'Orange.
Amerique. . - \%,;\\
1678.
Fort Rouge.
2s.ores, .v,..)..,.: F
l'uycerda. Catalogne.
... > «
Fort de Kiell. , a
Kampen.
Landav, & le Chasteau de Lichtemberg^
»^//^
apte.
Aix-la Chapelle , & tout le Du.
ché dejuliers excepte la Ca
pitale. i,»C:L Vïlì :.
Nuis. .. ., , .." ^
GALANT 8c
1680.
Chademont. fss
Hombourg , Frontiere du Palàtinat.
;
Virton. JBaillages du
Chin y. Luxembourg,
Enchimont. L
Strasbourg. a
E/CazaI , Italie , en me[me jour. :
1683.
Courtray, p
Dixmude.. ' \ . • ; p
1/84.
Luxembourg. L
Cap-de-Quiers , en Catahqnt. .
réunions.
Fumay. j_j
Le Comté de Rochefort.
Le Marquisat d'Arloh. :' >
Herbemonk ,.,'.'
Urbu.
fc< ME&CfJRE
Orchimont.
Revin.
fiastoine. , > r
La Roche. rs '".lV *
HofFalize, ' ' r
Saint Hubert,
Marche-en Famines : >
Ì.c Neufchateaiu •',' .,,v.
Echternach.
L i Principauté de Sálm,êcci. dam
le Luxembourg. 1
Et les Comtez de Morîçbe'íará^
&íde Sponheim, en A ema<gn&.
LesColomnes,Jçs Pilastres,
& les Feítóns font ie^idrtïs de
cinquante.'huit revérs de Medailles,
qui font autant d'Ins
criptions qui rna&qttent seloû.
Tordre des années y les prihl.
GALANT. 87
cipales Actions du Roy, qui
n'ont pas esté compriiès en
particulier dans les Thèses.
On va les rapporter íuívanc
qu'elles font disposées.
I i! . . J . . ,.l 1 . . . ì
..t.4.; Çharrìhre de Justice, pour
rétablis l'oirdrQ daìis les Finan
ces, 1658. .•..:,/.'. í { ,
ì. Edit contre.Ies Duels , Kjj?.
3 . Les Rois de France & u'ÉC
pagnes voyemt ] & fígntnr la
Paix le 7. Novembre 1659.
4. AccruiíìtiondeDurikerque,
ì'66l. . .Jt*. />'[ ri: 'i . .. , ií í '.
. . 5. Le Roy d'Espagne cede la
préséance â 4a France , & le dé
clare le 14.. Mars 1661. ; r-'
Alliinjce/renouyellée avec
les Suisses j 1663. >; .
88 MERCURE
7. Protection accordée au
Comté de Venaiflìn , 8c à Avi
gnon ,1663.
8. Etablìílement da CommerJ
ce aux Indes , 1664.
9. Piramide élevée á Rome,
Íîour faire satisfaction au Roy de
Iníûltede la Garde Corfe,i<?64.
10. Satisfaction faite au Roy
par le Legat , 1664.
n. Victoire far les Corfaúes
d'Alger, St deTunis, , '
ïì. Grands Jours en Auvergne
pour la Justice, t66$. .
13 .Protection donnée aux Hollandois
contre l'Evefque deMunr
ster &: contre 1 Angleterre, 1666.
; 14. Paix entre la France & Jes
Algeriens, 1666.
„ 15. Paix de 3reda avec les Anglois>
i667. >.r^v.,.:.
16. Les Procedures detruites.
'par le Code » 1667.
17. Paix d'Aix-la- Chapelle ,
166$
iff. Secours de Candie „ r66&.
1669.
19. Le Roy visite ses Conqueftes
, ^70. & 1683.
zo. Le Roy fait fortifier & vi
sité ícs Conquestes , 167s,
11. Les Hollandois forcez ai»
Poste A'AmtidéttyVÍJxi. '
xi. Secours jetté dans Meflîhe
aprés 'la déraite des Ennemis ,
Février 1675V'"
~ 13 . Desunion de s Considerez „
1^78..
24. Les dix Villes imperiales;
d' Alsace prestent ferment de fi»
delité au Roy, 1679, .
. zf. Protection Sc secours don-
Janvier 1687. H
90 MERCURE
nez par Sa Majesté aux Rois de
Portugal,.i668. & de Suede 1679.
16. Les Corsaires de Tripoli
featcus ,.puis défaits jusque dans
le Porc de Cíik>: ce qui allanne le
Turc, Juillet 1681.
27. Les Villes dq Strasbourg ,
& de Gazai soumises au Roy, le
30, Septembre 1,681.
' r8. Paix de Maroc , & de Salé,
Decembre 1 681.
29. Alger foudroyé , Juin 1683.
„ 30. ìì.Decembre Luxembourg
foudio^i, 1683.
: 31. Les Vaisseaux d'Alger b rir
iez à Sarcelles i68ì. &: ces Cor
saires battus plusieurs fois 1683,
, r Genes foudroyée, May 1684.
33 . La Vifle de Trêves déman
telee 6c punie , en Juin 1684*
34. Un de^ ûos vaisseaux Mar
ì ... ^<Ì:PlLM€Tì &
l .cèaods repris au milieu de treoie-
trois, autres , 1684.
35. Protection donnée à l'Evefque
de Lîege contre íés SujjSt4s»
l jtebfeljes,i^..;. ./' y\J
. 36, T rive de ,vipgj ans accor-.
dée. à 1 Éuto,pe par le Roy, r 68 4».
. r. #8. .TîripQ)!! foudroye v .en Jaít»
*' ' p. ^Amrjassá^eû/dé Fránce"
-e&ftent le Sopha à An^rinople
p "áeî^'r^ction de i'Hétesie par tour
ic Royaume , 168'5.
?'-.4^ JLe^avf doàne jdfifîsecowiîs.
sw&ugí.de^ayojfc^r }'>£>o.&~
92 MERCURE
tiort del'Heresie dans sesEstats^
6c afin de reduire les Protestans
rebelles des Vallées , 1686.
Les deux precedentes In£. ^
criptions ont esté pôiëes íùr
lc Piedestal de chaqu c Co
lonne , pour montrer que U
Base & le fondement des
Actions de LOUIS LE
G RAND » cest ta Reli
gion. Les Festons n'estant a~
joûtez que pour TornemenÊ,
l'on a crû qu'ils fefoient trespropres
à porter lés' Médaif- \
les qui contiennent les NaiC
sances , les. Mariages , & les
autres eVenèmens de cette
t ' > .
>
GALANT. <x
forte , qui sont afïèz souvenu
representez par Les Fleurs.
Cette précaution ne déplaira
ï pas aux personnes exactes ,
.qui auroient peut.eftre trou,
vé à redire qu'on eu st meílé
ces faits avec les autres..L'on
n'.a pas eu de peine à se re
soudre à eette separation. Il y '
a tant de belles choses à dire
du Roy , que nous ne /òmmes
pas reduits à la necessite'
d'établir les louanges de ce
grand Monarque fur des efl
rets étrangers. Ainsi Ion a
piis sa Naissance t son Maria
ge, les Enfans qu'il a eus,noa
£4 MERCURE
'pas pour en faire des~ siijets
d'Eloges , mais pour donner
plus; d'osnemeint À cet; Ou
vrage ,ôc a;5n de ne pa& pri
ver ies curieux de ces remar.-
.ques , quirait paru ,de con&-
,rjuencfi. . J \ìs:ìïûy\,i.ï
v> i r : . j '''; >.i ' r,. t
43. Naissancedu Roy, aonae.
. heures avant Midy le Dimanche
5. Septembre' 1638. '* ' .
44 . Le Roy déclare : Ma^Xir te
Jeudy 7.. Septembre tápJ ' i'.'ísí
^ 43., Sacre, du Roy; ;à;R4injï§ £e
"Dimanche 7. Juin .f4f4, j
46^ Mariage *dú Roy te 3. Juki
1660,
47. Naissance de Mouseigiíeur
GALANT. 9Y
k j4^. Naiííànce de Madame" Eli!
zabethde France yle Samedy.r8V
Novembre 1662.,
. 49. Naissance de Madame
Marie Anne de France , le Di
manche 16. Novembre 1664.
50. Naissance de Madame Marie-
Therefe de France , le Di
manche z. Janvier 1667.
51. Naissance de Monsieur Phi
lippes de Bourbon Duc d'An
jou ,1e Dimanche 5. Aoust 1668.
52. Naissance de Monsieur
Louis-François de Bourbon,Dut
d'Anjou ,1e Mardy 14. Juin 1672.
5J. Mariage de Monseigneur ,
le 28.|anvier 1680.
. 54. Naiííànce de Monseigneur
îeiDtrc de Bourgogne , lejeudy
S. Aouft i8f*. ».
íSíaiQàmae de iMxsrièigneu*
oá MERCURE
le Duc d'Anjou , le Dimanche
19. Décembre 1685.
56. Naissance de Monseigneur
le Duc de Berry , le Sastiedy 31.
Aoust 1686.
$7. Mariage de Madame h
Princeíïê de Conty , le 16. Jan,
vier 1680.
58. Mariage de Madame la Du.,
chessí de Bourbon , le 14. Juil
let lé86v
Voilà un petit crayon du
plus beau Portrait qui fut ja
mais. Si lan trouve que quek
que chose y manque , Ton
fera reflexion que ce n'est icy
qu'un abregé r qui n'a pû
contenir tout ce que le Roy
a fait de grand depuis vingthuit
... GALANT. 97
huit ans. On auroit bien vou
lu marquer tant d'Illustres,
qui ont eu part aux actions
héroïques qui font aujourd'huy
l'admiration de toute
la Terre ; mais l'efpace d'une
These nous borne , il faut se
reserver pour un plus grand
Ouvrage que l'on médite , &
qui renfermera l'Histoire de
nos Braves aprés celle de leur
Auguste Souverain. Nous ne
craignons pas d*y marcher
fur 'lai mesme route que les
autres Auteurs. Celle que
nous suivrons fera nouvelle;
& c'est un bonheur de vivre*
fanyitr 1687*
98 MFRCURE
íous un Monarque, dont toui
tes les démarches sontautanc
<le miracles ; & qui occupe
tellement les Historiens, que <
quelque foin qu'ils aportent ,
ils laiíïèront encore beau
coup à dire pour ceux qui
ecriront aprés eux.
Fermer
32
p. 78-95
Saint-Quentin. [titre d'après la table]
Début :
C'est une Ville sur la Somme, Capitale du Pays de [...]
Mots clefs :
Saint-Quentin, Ville, Roi, Gouverneur, Chevaliers de la couronne, Ambassadeurs, Abancourt, Bourgeois, Décharge, Carrosse, Place, France, Pradel, Arquebuses, Fenêtres, Cavalerie, Somme, Vermandois
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Saint-Quentin. [titre d'après la table]
C'eſt une Ville ſur
la Somme , Capitale du Pays
de Vermandois en Picardie.
Elle eft grande & bien peuplée
, & on y fait diverſes
Manufactures . Elle a eſté aux
Comtes de Vermandois , &
le Roy Philippe Auguſte
l'ayant réünie à la Couronne
, elle fut depuis engagée
aux Ducs de Bourgogne;
mais elle en a toûjours eſté
retirée avec les autres Villes
fur la Somme, Philibert Ema
des Amb. de Siam. 79
nuel Duc de Savoye , Gouverneur
des Pays-bas, l'ayant
affiegée pour Philippe II.
Roy d'Eſpagne, le Conneſtable
de Montmorency y jetta
quelque ſecours. Il fut attaqué
dans ſa retraite , & fait
prifonnier avec les Ducs de
Montpenfier & de Longueville
, Loüis de Gonzague,
depuis Duc de Nevers , le
Maréchal de S. André , dix
Chevaliers de l'Ordre, & trois
cens Gentilshommes. Cette
Bataille qui fut donnée le 10.
Aouſt 1557. coûta beaucoup
de fang aux François. Jean
Giiij
80 IV. P.du Voyage
de Bourbon, Duc d'Anguien,
fut trouvé parmy les morts.
Les Ennemis , ſans fonger à
profiter de l'avantage qu'ils
venoient de remporter, s'arrefterent
au Siege de Saint-
Quentin, où le Roy Philippes
vint le 27. d'Aouſt. L'Amiral
Coligny qui deffendoit cette
Place , ayant trop tardé à
capituler , la fit ſauter par
cinq bréches , & fut fait prifonnier.
Elle fut rendue à
la France en 1559. par la Paix
de Cateau - Cambreſis . M
d'Abancourt , Lieutenant de
Roy de cette Ville , en fit
r
des Amb. de Siam . 81
les honneurs, en l'absence de
M le Marquis de Pradel ,
Lieutenant general des Armées
du Roy , qui en eft
Gouverneur. Il fortit de Saint
Quentin , dans un Carroſſe
precedé d'une partie des Gardes
de M. de Pradel , tous
bien montez , ainſi que les
Chevaliers de la Couronne,
& de la Jeuneffe , qui l'accompagnoient.
Ils avoient
des Plumes blanches, & eftoient
tous fort leſtement
veſtus , & conduits par leurs
Capitaines. Il y avoit auffi
plus de deux cens notables
82 IV . P. du Voyage
Bourgeois , qui avoient en
teſte Mfs Boutillier &Tabary
, anciens Mayeurs de la
Ville. Ils allerent plus de deux
lieuës au devant des Ambaffadeurs
. M d'Abancourt defcendit
de carroſſe dés qu'il
les eut apperceus , ainſi que
Mt Ainet , Roy de la Couronne
. Cette Compagnie &
celle de la Jeuneſſe , font
composées des jeunes gens
de la Ville , qui s'accoutumant
de bonne heure dans
les Exercices guerriers, ſe difputent
ſouvent des Prix les
uns aux autres , & ces Prix
des Amb. de Siam. 83
font donnez à ceux qui font
voir le plus d'adreſſe. Toutes
ces Troupes, ainſi que les Archers
de la Maréchauffée, faluërent
les Ambaſſadeurs par
une décharge de leurs piftolets,
puis les Chevaliers de la
Couronne environerent leur
Carroſſe l'épée à la main.
Celuy de M d'Abancourt
alloit devant, & eſtoit précedé
de la Maréchauffée. Lors
qu'on fut arrivé à la Porte
de la Ville, le canon des ramparts
ſalüa , comme il avoit
fait par tout ailleurs. LesAmbaſſadeurs
paſſerent au tra
84 III. P. du Voyage
vers d'une double haye de
Bourgeois , dont les ruës eftoient
bordées depuis les
premieres maiſons du Fauxbourg
juſqu'au lieu qui leur
avoit eſté préparé pour leur
logement, & qui estoit gardé
par les deux Compagnies des
Canonniers & Arquebufiers.
Ce logis eftoit fort ſpatieux,
& M de Ville avoient pris
foin de le faire meubler. Ils
avoient fait mettre au deſſus
de la Porte les Armes du Roy
de Siam , qui brilloient extrémement
par les ornemens
dont elles eftoient environ
des Amb. de Siam. 85
nées . LesAmbaſſadeurs eſtant
arrivez à la porte de ce logis,
on fit une décharge de quarante
Arquebuſes à croc , qui
eſtoient aux feneſtres de la
Maiſon de Ville, vis-à-vis de
l'Hoſtel qu'on avoit fait préparer
pour eux ; de forte qu'ils
les entendirent & les virent
de leurs feneftres . Peu de
temps aprés les Mayeur &
Eſchevins en Corps, précedez
de leurs quatre Huiffiers à
longues robbes , & fuivis de
huit autres de robbe courte,
qui portoient lesVins de prefent,
vinrent les complimen
86 IV. P. du Voyage
r
ter. La parole fut portée par
M Rohart , Advocat , &
Mayeur de la Ville. L'Ambaſſadeur
répondit qu'ils eftoient
fort redevables àM*s de
Saint-Quentin des honnestetez
qu'ils leur faisoient,&de l'esti
me qu'ils marquoient pour le
Roy de Siam: Qu'ils auroient
voulu avoir occafion de fervir
la Ville , en revanche de l'honneur
qu'ils en recevoient ; &
qu'ils s'eſtonnoient de voir de ſi
belle Cavalerie , & de fi belle
Infanterie , dans une Place où
il n'y avoit point de Garnison.
L'Infanterie ayant enſuite
des Amb. de Siam. 87
paffé devant leur logis , où
elle fit une décharge, lesAmbaſſadeurs
prierent Mas de
Ville de la renvoyer , & leur
firent de nouveaux remercîmens.
Enſuite le Chapitre
Royal de Saint-Quentin les
vint ſaluër en Corps , & leur
fit auſſi ſes Preſens en particulier
; ce qui merite d'eftre
remarqué , puiſque ce n'eſt
pas une choſe ordinaire aux
Chapitres. M. l'Abbé Gobinet
, Eſcolaſtre & Docteur
en Theologie , parla en l'abfence
de M. de Maupeou,
Doyen , nommé à l'Eveſché
88 IV. P. du Voyage
de Caſtre . L'Ambaſſadeur ré
pondit , qu'ils estoient fort obli
gezà cette Compagnie des honneſtetez
qu'elle venoit leurfaire
; qu'ils sçavoient de quelle
importance estoit le Chapitre de
Saint-Quentin , puiſqu'il avoit
l'honneur d'avoir un des plus
grands Rois de la terre pourfon
premier Chanoine , & qu'il eftoit
Gardien depuis pluſieurs fiecles
du Corps d'un glorieux
Martyr , & qui avoit tant
fouffert; que la modeſtie qu'il
voyoit paroiſtre ſur le visage de
tous les Chanoines , leur estoit
une preuve évidente de la bondes
Amb . de Siam. 89
téde laReligion Chreftienne; que
le Roy de Siam leur Maistre,
qui avoit une eſtime trés-particuliere
pour le Roy de France,
confideroit tous ceux de ſa Religion,
protegeoit dasfonRoyaume
, les Evesques , les Prestres,
les Miffionnaires, pour lefquels
il avoit fait bastir des
Eglifes. Il leur demanda qu'ils
vouluſſent bien prier pour le
Peuple de Siam ; & tous les
Chanoines eſtant enſuite pafſez
devant luy , il les falia
tous chacun en particulier.
Aprés cela ils receurent les
complimens de Mts du Bail
H
90 IV. P. du Voyage
lage , de la Prevoſté, de l'Election
& du Grenier à Sel,
qui tous enſemble ne firent
qu'un Corps. Ces complimens
eſtant achevez, Mª d'Abancourt
leur demanda l'ordre,
& l'Ambaſſadeur donna
pour mot, Plus chargé de lauriers
que d'années, faiſant alluſion
aux grands ſervices de
M. le Marquis de Pradel ,
Gouverneur de S. Quentin,
qui a receu beaucoup de
bleſſeures pendant les Campagnes
qu'il a faites. Mrs de
Ville firent illuminer le ſoir
les feneftres de leur Hoſtel,
r
desAmb. de Siam. gr
qui donnoient vis-à-vis de
celuy où les Ambaſſadeurs
eſtoient logez ; ce qui éclairoit
la grande Place, qui eft
une des plus ſpacieuſes , des
plus regulieres & des plus
belles de France. Toute la
Ville fut auffi illuminée , les
ordres ayant eſté donnez de
mettre des lanternes à toutes
les feneftres .On foupa à l'ordinaire.
L'Afſſemblée fut remarquable
, & les Ambaſſadeurs
trouverentque le nombre
des Dames eſtoit grand
à S. Quentin , & qu'il y en
avoir beaucoup de belles,
Hij
92 IV. P. du Voyage
On leur donna les Violons
aprés foupé, & quand ils eurent
joüé longtemps , ils ſe
mêlerent aux Trompettes des
Chevaliers de la Couronne,
avec lesquels ils s'eſtoient
concertez ; & les plaiſirs de
cette ſoirée finirent par le
bruit de la décharge d'un
grand nombre d'Arquebuſes
à croc , qui estoient à l'Hoftel
de Ville. Le lendemain 17.
quelques Mandarins &quelques
Secretaires allerent par
ordre des Ambaſſadeurs, à la
grande Eglife , afin de leur
faire rapport de ce qu'ils ver
des Amb de Siam. 93
1
roient pour l'écrire enfuite,
comme ils ont fait dans tous
les lieux où ils ont eſté. Ils
trouverent cetre Eglife trésbelle
, tant pour ſa grandeur
que pour ſa conſtruction. Sur
les neuf heures du matin les
Ambaſſadeurs ayant achevé
de déjeuner , les Mayeur &
Eſchevins leur vinrent encore
faire compliment par
la bouche de M Rochart.
L'Ambaſladeur leur marqua
avec les termes les plus ohligeans
& les plus forts, qu'on
ne pouvoit eſtre plus content
qu'ils l'eſtoient de la
94 IV. P. du Voyage
Ville & de luy. Comme ils
avoient defiré d'entendre les
Cloches de la grande Eglife
avant leur départ, ils ſe mirent
à la feneſtre , & on les
fit ſonner à volée, & enſuite
carillonner. Ils furent aprés
falüez des Arquebuſes de
'Hoſtel de Ville , qu'ils avoient
déja veuës & entenduës
avec plaifir, & partirent
precedez des Chevaliers de la
Couronne avec leurs Etendarts
, leurs Trompettes , &
tout ce qui peut marquer des
Troupes reglées , dont ils avoient
l'air. Il y avoit auffi
desAmb. de Siam. 95
plus de deux cens Bourgeois
à cheval', & toute cette Cavalerie
eſtant jointe à la mareſchauffée
, paroiſſoit fort
nombreuſe. Ils pafferent entre
deux hayés de Bourgeois
ſous les armes , ainſi qu'ils
avoient fait en entrant. Le
canon tira à leur fortie , &
la Cavalerie qui les accompagnoit
, ne les quitta qu'à
plus de deux lieuës de laVil-
Ie.
la Somme , Capitale du Pays
de Vermandois en Picardie.
Elle eft grande & bien peuplée
, & on y fait diverſes
Manufactures . Elle a eſté aux
Comtes de Vermandois , &
le Roy Philippe Auguſte
l'ayant réünie à la Couronne
, elle fut depuis engagée
aux Ducs de Bourgogne;
mais elle en a toûjours eſté
retirée avec les autres Villes
fur la Somme, Philibert Ema
des Amb. de Siam. 79
nuel Duc de Savoye , Gouverneur
des Pays-bas, l'ayant
affiegée pour Philippe II.
Roy d'Eſpagne, le Conneſtable
de Montmorency y jetta
quelque ſecours. Il fut attaqué
dans ſa retraite , & fait
prifonnier avec les Ducs de
Montpenfier & de Longueville
, Loüis de Gonzague,
depuis Duc de Nevers , le
Maréchal de S. André , dix
Chevaliers de l'Ordre, & trois
cens Gentilshommes. Cette
Bataille qui fut donnée le 10.
Aouſt 1557. coûta beaucoup
de fang aux François. Jean
Giiij
80 IV. P.du Voyage
de Bourbon, Duc d'Anguien,
fut trouvé parmy les morts.
Les Ennemis , ſans fonger à
profiter de l'avantage qu'ils
venoient de remporter, s'arrefterent
au Siege de Saint-
Quentin, où le Roy Philippes
vint le 27. d'Aouſt. L'Amiral
Coligny qui deffendoit cette
Place , ayant trop tardé à
capituler , la fit ſauter par
cinq bréches , & fut fait prifonnier.
Elle fut rendue à
la France en 1559. par la Paix
de Cateau - Cambreſis . M
d'Abancourt , Lieutenant de
Roy de cette Ville , en fit
r
des Amb. de Siam . 81
les honneurs, en l'absence de
M le Marquis de Pradel ,
Lieutenant general des Armées
du Roy , qui en eft
Gouverneur. Il fortit de Saint
Quentin , dans un Carroſſe
precedé d'une partie des Gardes
de M. de Pradel , tous
bien montez , ainſi que les
Chevaliers de la Couronne,
& de la Jeuneffe , qui l'accompagnoient.
Ils avoient
des Plumes blanches, & eftoient
tous fort leſtement
veſtus , & conduits par leurs
Capitaines. Il y avoit auffi
plus de deux cens notables
82 IV . P. du Voyage
Bourgeois , qui avoient en
teſte Mfs Boutillier &Tabary
, anciens Mayeurs de la
Ville. Ils allerent plus de deux
lieuës au devant des Ambaffadeurs
. M d'Abancourt defcendit
de carroſſe dés qu'il
les eut apperceus , ainſi que
Mt Ainet , Roy de la Couronne
. Cette Compagnie &
celle de la Jeuneſſe , font
composées des jeunes gens
de la Ville , qui s'accoutumant
de bonne heure dans
les Exercices guerriers, ſe difputent
ſouvent des Prix les
uns aux autres , & ces Prix
des Amb. de Siam. 83
font donnez à ceux qui font
voir le plus d'adreſſe. Toutes
ces Troupes, ainſi que les Archers
de la Maréchauffée, faluërent
les Ambaſſadeurs par
une décharge de leurs piftolets,
puis les Chevaliers de la
Couronne environerent leur
Carroſſe l'épée à la main.
Celuy de M d'Abancourt
alloit devant, & eſtoit précedé
de la Maréchauffée. Lors
qu'on fut arrivé à la Porte
de la Ville, le canon des ramparts
ſalüa , comme il avoit
fait par tout ailleurs. LesAmbaſſadeurs
paſſerent au tra
84 III. P. du Voyage
vers d'une double haye de
Bourgeois , dont les ruës eftoient
bordées depuis les
premieres maiſons du Fauxbourg
juſqu'au lieu qui leur
avoit eſté préparé pour leur
logement, & qui estoit gardé
par les deux Compagnies des
Canonniers & Arquebufiers.
Ce logis eftoit fort ſpatieux,
& M de Ville avoient pris
foin de le faire meubler. Ils
avoient fait mettre au deſſus
de la Porte les Armes du Roy
de Siam , qui brilloient extrémement
par les ornemens
dont elles eftoient environ
des Amb. de Siam. 85
nées . LesAmbaſſadeurs eſtant
arrivez à la porte de ce logis,
on fit une décharge de quarante
Arquebuſes à croc , qui
eſtoient aux feneſtres de la
Maiſon de Ville, vis-à-vis de
l'Hoſtel qu'on avoit fait préparer
pour eux ; de forte qu'ils
les entendirent & les virent
de leurs feneftres . Peu de
temps aprés les Mayeur &
Eſchevins en Corps, précedez
de leurs quatre Huiffiers à
longues robbes , & fuivis de
huit autres de robbe courte,
qui portoient lesVins de prefent,
vinrent les complimen
86 IV. P. du Voyage
r
ter. La parole fut portée par
M Rohart , Advocat , &
Mayeur de la Ville. L'Ambaſſadeur
répondit qu'ils eftoient
fort redevables àM*s de
Saint-Quentin des honnestetez
qu'ils leur faisoient,&de l'esti
me qu'ils marquoient pour le
Roy de Siam: Qu'ils auroient
voulu avoir occafion de fervir
la Ville , en revanche de l'honneur
qu'ils en recevoient ; &
qu'ils s'eſtonnoient de voir de ſi
belle Cavalerie , & de fi belle
Infanterie , dans une Place où
il n'y avoit point de Garnison.
L'Infanterie ayant enſuite
des Amb. de Siam. 87
paffé devant leur logis , où
elle fit une décharge, lesAmbaſſadeurs
prierent Mas de
Ville de la renvoyer , & leur
firent de nouveaux remercîmens.
Enſuite le Chapitre
Royal de Saint-Quentin les
vint ſaluër en Corps , & leur
fit auſſi ſes Preſens en particulier
; ce qui merite d'eftre
remarqué , puiſque ce n'eſt
pas une choſe ordinaire aux
Chapitres. M. l'Abbé Gobinet
, Eſcolaſtre & Docteur
en Theologie , parla en l'abfence
de M. de Maupeou,
Doyen , nommé à l'Eveſché
88 IV. P. du Voyage
de Caſtre . L'Ambaſſadeur ré
pondit , qu'ils estoient fort obli
gezà cette Compagnie des honneſtetez
qu'elle venoit leurfaire
; qu'ils sçavoient de quelle
importance estoit le Chapitre de
Saint-Quentin , puiſqu'il avoit
l'honneur d'avoir un des plus
grands Rois de la terre pourfon
premier Chanoine , & qu'il eftoit
Gardien depuis pluſieurs fiecles
du Corps d'un glorieux
Martyr , & qui avoit tant
fouffert; que la modeſtie qu'il
voyoit paroiſtre ſur le visage de
tous les Chanoines , leur estoit
une preuve évidente de la bondes
Amb . de Siam. 89
téde laReligion Chreftienne; que
le Roy de Siam leur Maistre,
qui avoit une eſtime trés-particuliere
pour le Roy de France,
confideroit tous ceux de ſa Religion,
protegeoit dasfonRoyaume
, les Evesques , les Prestres,
les Miffionnaires, pour lefquels
il avoit fait bastir des
Eglifes. Il leur demanda qu'ils
vouluſſent bien prier pour le
Peuple de Siam ; & tous les
Chanoines eſtant enſuite pafſez
devant luy , il les falia
tous chacun en particulier.
Aprés cela ils receurent les
complimens de Mts du Bail
H
90 IV. P. du Voyage
lage , de la Prevoſté, de l'Election
& du Grenier à Sel,
qui tous enſemble ne firent
qu'un Corps. Ces complimens
eſtant achevez, Mª d'Abancourt
leur demanda l'ordre,
& l'Ambaſſadeur donna
pour mot, Plus chargé de lauriers
que d'années, faiſant alluſion
aux grands ſervices de
M. le Marquis de Pradel ,
Gouverneur de S. Quentin,
qui a receu beaucoup de
bleſſeures pendant les Campagnes
qu'il a faites. Mrs de
Ville firent illuminer le ſoir
les feneftres de leur Hoſtel,
r
desAmb. de Siam. gr
qui donnoient vis-à-vis de
celuy où les Ambaſſadeurs
eſtoient logez ; ce qui éclairoit
la grande Place, qui eft
une des plus ſpacieuſes , des
plus regulieres & des plus
belles de France. Toute la
Ville fut auffi illuminée , les
ordres ayant eſté donnez de
mettre des lanternes à toutes
les feneftres .On foupa à l'ordinaire.
L'Afſſemblée fut remarquable
, & les Ambaſſadeurs
trouverentque le nombre
des Dames eſtoit grand
à S. Quentin , & qu'il y en
avoir beaucoup de belles,
Hij
92 IV. P. du Voyage
On leur donna les Violons
aprés foupé, & quand ils eurent
joüé longtemps , ils ſe
mêlerent aux Trompettes des
Chevaliers de la Couronne,
avec lesquels ils s'eſtoient
concertez ; & les plaiſirs de
cette ſoirée finirent par le
bruit de la décharge d'un
grand nombre d'Arquebuſes
à croc , qui estoient à l'Hoftel
de Ville. Le lendemain 17.
quelques Mandarins &quelques
Secretaires allerent par
ordre des Ambaſſadeurs, à la
grande Eglife , afin de leur
faire rapport de ce qu'ils ver
des Amb de Siam. 93
1
roient pour l'écrire enfuite,
comme ils ont fait dans tous
les lieux où ils ont eſté. Ils
trouverent cetre Eglife trésbelle
, tant pour ſa grandeur
que pour ſa conſtruction. Sur
les neuf heures du matin les
Ambaſſadeurs ayant achevé
de déjeuner , les Mayeur &
Eſchevins leur vinrent encore
faire compliment par
la bouche de M Rochart.
L'Ambaſladeur leur marqua
avec les termes les plus ohligeans
& les plus forts, qu'on
ne pouvoit eſtre plus content
qu'ils l'eſtoient de la
94 IV. P. du Voyage
Ville & de luy. Comme ils
avoient defiré d'entendre les
Cloches de la grande Eglife
avant leur départ, ils ſe mirent
à la feneſtre , & on les
fit ſonner à volée, & enſuite
carillonner. Ils furent aprés
falüez des Arquebuſes de
'Hoſtel de Ville , qu'ils avoient
déja veuës & entenduës
avec plaifir, & partirent
precedez des Chevaliers de la
Couronne avec leurs Etendarts
, leurs Trompettes , &
tout ce qui peut marquer des
Troupes reglées , dont ils avoient
l'air. Il y avoit auffi
desAmb. de Siam. 95
plus de deux cens Bourgeois
à cheval', & toute cette Cavalerie
eſtant jointe à la mareſchauffée
, paroiſſoit fort
nombreuſe. Ils pafferent entre
deux hayés de Bourgeois
ſous les armes , ainſi qu'ils
avoient fait en entrant. Le
canon tira à leur fortie , &
la Cavalerie qui les accompagnoit
, ne les quitta qu'à
plus de deux lieuës de laVil-
Ie.
Fermer
Résumé : Saint-Quentin. [titre d'après la table]
Le texte présente la ville de Saint-Quentin, située sur la Somme et capitale du Pays de Vermandois en Picardie. Cette ville est notable pour sa taille, sa population et ses diverses manufactures. Historiquement, Saint-Quentin a appartenu aux Comtes de Vermandois avant d'être intégrée à la Couronne par le roi Philippe Auguste. Par la suite, elle a été engagée aux Ducs de Bourgogne. En 1557, la ville a été assiégée par Philibert Emmanuel, Duc de Savoie, agissant pour le compte de Philippe II, roi d'Espagne. Lors de la bataille du 10 août 1557, plusieurs nobles français, dont le Connétable de Montmorency, furent capturés. Saint-Quentin fut restituée à la France en 1559 par la Paix de Cateau-Cambrésis. Le texte mentionne également la visite des ambassadeurs de Siam à Saint-Quentin. La ville leur réserva un accueil solennel, avec des honneurs militaires et des réceptions officielles. Les ambassadeurs furent impressionnés par la beauté et l'organisation de la ville. Ils reçurent des compliments du maire, des échevins et du chapitre royal de Saint-Quentin. La ville fut illuminée en leur honneur, et une assemblée remarquable eut lieu, suivie de musique et de salves d'arquebuses. Le lendemain, les ambassadeurs visitèrent la grande église de la ville avant de partir, escortés par une cavalerie nombreuse et des troupes régulières.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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33
p. 235-249
Ils vont faire compliment à Monsieur le Prince, sur la mort de feu Monsieur le Prince. Détail de toute la conversation qu'ils ont eue avec son Altesse Serenissime. [titre d'après la table]
Début :
Ces Ambassadeurs s'estant fait faire des habits noirs pour [...]
Mots clefs :
Monsieur le Prince, Louis II de Bourbon-Condé, Henri-Jules de Bourbon-Condé, Roi de Siam, Mort, Deuil, Visite, Rois, Témoigner, Vérité, Père, Entretenir, Joie, Tristesse, Perte, France, Chantilly, Mauvais chemins
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils vont faire compliment à Monsieur le Prince, sur la mort de feu Monsieur le Prince. Détail de toute la conversation qu'ils ont eue avec son Altesse Serenissime. [titre d'après la table]
Ces Ambaſſadeurs s'eſtant
fait faire des habits noirs
pour ſe mettre en deüil , à
cauſe de la mort de Monfieur
le Prince , quoyque l'ufage
de leur Païs ne foit pas
de porter de ces fortes d'habirs,
crûrent devoir aller faire
leurs complimens de condoleance
à Monfieur le Duc,
à preſent Monfieur le Prince.
Vij
236 IV. P. du Voyage
fonAlteffe Sereniffime leur
donna ladroite .On leur avoit
préparé trois fauteüils, où ils
s'affirent. Ils dirent , qu'ils
avoient toujours conçu, que toutes
les foisqu'ils pourroient avoir
Phonneur de voir ce Prince, ce
feroitpour eux un tres-grandfujet
de joye , & que cependant
ta viſite qu'ils luy rendoient
toit une viſite de tristeſſe , puisqu'ils
venoient particulierement
pourluy témoigner la part qu'ils
avoient prife à la perte qu'il
avoitfaite. Monfieur le Prince
répondit , qu'il leur estoit exef
trêmement obligé de lapart qu'ils
desAmb. de Siam. 237
prenoient à fon affliction ; que
quoyque feu Monsieur le Prince
SonPere ne les eust pas vûs, cependant
il les estimoit beaucoup
par tout ce qu'on luy avoit rapporté
qu'ils avoient dit ,
qu'ils avoient fait depuis qu'ils
eſtoient arrivez en France ,qu'il
fçavoitqu'il ſouhaitoit de les recevoir
à Chantilly , & de leur
témoigner par la maniere dont
il les auroit traitez, la confideration
qu'il avoit pour eux, &
fon estime pour le Roy, leur
Maistre. Les Ambaſſadeurs
répondirent , qu'ils pouvoient
L'affeurer de la douleur qu'au
238 IV. P. du Voyage
roit le Roy de Siam , quand
il sçauroit la mort de Monfieur
le Prince ; que c'estoit , non
Seulement une perte pour la
France , mais aussi pour tous les
Rois , amis de la France ,
même pour le monde entier, qui
perdoit un deses plus grands ornemens
; qu'ils n'estoient pas
feulement certains de la douleur
qu'auroit le Roy de Siam , à
cauſe de l'amitiéqu'il avoit pour
le Roy,&pour toute la Famille
Roiale; mais qu'ils appuyoient
eette certitude , fur ce qu'il y a
déja quelques années, qu'un faux
bruit s'estant répandu jusqu'à
des Amb, de Siam. 239
Siam , de la mort de Monfieur
le Prince , ils avoient vû que
le Roy de Siam y avoit effé extrémement
ſenſible ,& que ne
s'eſtant pas trouvé en ce tempslà
dans l'occaſion d'envoyer une
Ambaſſade en France , il avoit
ordonné àfon premier Miniftre
d'écrire aux Ministres du Roy,
pour témoigner à Sa Majesté
combien il avoit esté touché de
la perte que Sa Majesté &toute
la France avoit faite à la
mort d'un ſi grand Prince ; Que
lors que Mr le Chevalier de
Chaument estoit arrivé à Siam,
le Roy leur Maître avoit recen
240 IV. P. diu Voyage
beaucoup de jove d'apprendre que
cette nouvelle estoit fauffe. II
ajoûta , qu'ils s'est moient malheureux
d'eſtre obligez de porter
avec trop de verité une fi triste
nouvelle à Siam. Monfieur le
Prince répondit , qu'il estoit
trés -fenſible à l'honneur que le
Roy de Siam luy faisoit, en prenant
tant depart à ce qui regar
doit feu Monfieur fon Pere ; que
Monsieur le Prince avoit toute
forte d'estime pour le Roy de
Siam, & qu'il se feroit fait un
plaifir trés-particulier de les entretenir
à fond, & en détail des
grandes qualitez de ce Monar
ques
des Amb. de Siam. 241
que ; que l'idée qu'il en avoit
luy avoit fait souhaiter d'apprendre
de plus en plus ce qui le
regardoit , & qu'il avoit eſté
prevenu par la mort. LesAmbaſſadeurs
repliquerent , que
cette mort fi precipitée leur avoit
d'autant plus causé de tristeſſe,
que divers accidens imprevûs
avoient rompu pluſieurs fois les
meſures qu'ils avoient piſes pour
luy rendre leurs devoirs : Que
le jour même qu'ils devoient ar
river à Chantilly , ils avoient
appris que Monfieur le Prince en
estoit party pourse rendre àFon
cainebleau, à cause de la mala
242 IV P du Voyage
die de Madame la Ducheffe de
Bourbon ; Que voulant aller à
Fontainebleau, on leur avoit dit
qu'ilferoit plus agreable àMonfieur
le Prince qu'ils attendiffent
àfon retour ; &qu'enfin la mort
de ce grand Prince arrivée les
mettoit pour jamais hors d'estat
d'avoir cet honneur. Monfieur
le Prince, aprés leur avoir dit
que Monfieur ſon Pere auroit
eu auſſi beaucoup de
joye de les voir, leur demanda
comment ils eſtoient contens
du Voyage qu'ils ve
noient de faire. Il ajoûta
qu'il craignoit que les mau-
1
des Amb de Siam. 243
vais temps , les mauvais chemins
& le froid même , ne
leur cuffent causé beaucoup
d'incommodité , & que cela
n'euſt empéché qu'ils n'eufſent
eu la fatisfaction qu'ils
pouvoient attendre , de ce
qu'on leur avoit fait voir. Ils
répondirent , qu'il y avoit eu
àla verité quelques mauvais
chemins ; mais que pour lefroid
il avoit esté fort moderé; cequ'ils
attribuoient au grand me.
rite du Roy , er à la puiſſance
de la bonté particuliere dont fon
Alteſſe les honoroit ; que d'ail
Leurs , les grandes & belles
Xij
244 IV. P. du Voyage
chofes qu'ils avoient vûes enfi
grand nombre , ne leur avoient
presque laiſſé le temps de penfer
qu'à ce qu'ils voyoient ,
qu'enfin les bons ordres que
le Roy avoitfait donner le
Join qu'on avoit pris d'eux ,leur
avoient rendu ce Voyage trésagreable
& nullement incommode.
Monfieur le Prince leur
demanda ce qui leur avoit plû
davantage Ils répondirent ,
qu'ils avoient admiré le prodigieux
nombre de Places & de
ddee FFoorrttiiffiiccaattiioonnss,, &le bon or
dre qu'on y obfervoit , & qu'entre
lis VillesDunkerque &Lif-
L
desAmb. de Siam 245
les avoient frapez davantage .
Monfieur le Prince leur demanda
encore, ſi c'eſtoit de
cette maniere qu'on fortifioit
Ies Places de Siam. Ils dirent
qu'il y avoit quelque chose de
Semblable, &qu'ily avoit auf-
Si quelque chose de different ;
qu'ily avoit plusieurs endroits
que les Rivieres & les grandes
Eaux fortifioientbeaucoup par
elles mesmes, & d'autres , comme
Banco , Porcelouc , & quelques
autres Villes qui estoient
affezfortifiéesſelon les manieres
d'Europe , quoyqu'il n'y euft
pas un fi grand nombre de For-
X jij
246 IV. P. du Voyage
tifications, mais qu'en ces matie
res, on do't avoir beaucoup d'égard
à la maniere dont lesEnnemis
peuvent attaquer ,
que c'eſt ſur cela qu'on employe
icy beaucoup de Fortifications
qui ne paroiffent pas si necef
faires à Siam. Monfieur le
Prince leur dit, que paſſant
àlaVille de Condé, ils avoient
donné un mot qui marquoit l'eftime
qu'ilsfaisoientdeMonfieur
Son Pere, &que luy ayantluy
mefme rapporté ce mot, il l'avoit
eu pour fort agreable. Ce
Prince ajoûta , qu'ayant connu
leurmerite qui feroitſouhai-
:
desAmb. de Siam. 247
ter de les voir ſouvent ,
d'entretenir commerce avec eux,
ily avoit lieu de s'affliger de
ce que la distance des lieux ne
laiſſoitpas mesme l'efperance de
les pouvoir revoir. Ils répartirent
, qu'à la verité l'éloignement
estoit grand , mais que
l'amitié qui estoit entre les deux
Rois , prenant de jour en jour
de nouveaux accroiffemens , il
n'estoit pas à desesperer que le
Roy leurMaître ne les honor
encore quelque jour de ses commandemens
de fes ordres.
Monfieur le Prince leur dit
encore , qu'il auroit bien fou
X iiij
248 IV.P. du Voyage
haité de leur marquer la confi
deration qu'il avoit pour eux ,
en leur rendant quelqueſervice,
à quoy l'Ambaſſadeur répondit,
que la bonté qu'il leur
avoit témoignée, auroit fait que
s'ils en cuffent eu beſoin, ils auroient
pris la liberté de recourir
àluy ; mais que le Roy avoit
prévenu tous leurs defirs ; qu'ils
ne laiſſoient pas d'avoir pour
luy toute la reconnoiſſance poffible,
& qu'ils le prioient de
contribuer toûjours dans lafuite,
àà entretenir l'union entre les
deux Rois, & de leur conferver
fa bienveillance. Aprés cela,
or
desAmb. de Siam. 249
ils ſe leverent , & Monfieur
le Prince les accompagna
juſqu'à l'entrée de fon appartement.
Ils alterent de là
rendre viſite à Madame la
Princeſſe , à laquelle ils témoignerent
leur douleur fur
la mort de Monfieur le
Prince.
fait faire des habits noirs
pour ſe mettre en deüil , à
cauſe de la mort de Monfieur
le Prince , quoyque l'ufage
de leur Païs ne foit pas
de porter de ces fortes d'habirs,
crûrent devoir aller faire
leurs complimens de condoleance
à Monfieur le Duc,
à preſent Monfieur le Prince.
Vij
236 IV. P. du Voyage
fonAlteffe Sereniffime leur
donna ladroite .On leur avoit
préparé trois fauteüils, où ils
s'affirent. Ils dirent , qu'ils
avoient toujours conçu, que toutes
les foisqu'ils pourroient avoir
Phonneur de voir ce Prince, ce
feroitpour eux un tres-grandfujet
de joye , & que cependant
ta viſite qu'ils luy rendoient
toit une viſite de tristeſſe , puisqu'ils
venoient particulierement
pourluy témoigner la part qu'ils
avoient prife à la perte qu'il
avoitfaite. Monfieur le Prince
répondit , qu'il leur estoit exef
trêmement obligé de lapart qu'ils
desAmb. de Siam. 237
prenoient à fon affliction ; que
quoyque feu Monsieur le Prince
SonPere ne les eust pas vûs, cependant
il les estimoit beaucoup
par tout ce qu'on luy avoit rapporté
qu'ils avoient dit ,
qu'ils avoient fait depuis qu'ils
eſtoient arrivez en France ,qu'il
fçavoitqu'il ſouhaitoit de les recevoir
à Chantilly , & de leur
témoigner par la maniere dont
il les auroit traitez, la confideration
qu'il avoit pour eux, &
fon estime pour le Roy, leur
Maistre. Les Ambaſſadeurs
répondirent , qu'ils pouvoient
L'affeurer de la douleur qu'au
238 IV. P. du Voyage
roit le Roy de Siam , quand
il sçauroit la mort de Monfieur
le Prince ; que c'estoit , non
Seulement une perte pour la
France , mais aussi pour tous les
Rois , amis de la France ,
même pour le monde entier, qui
perdoit un deses plus grands ornemens
; qu'ils n'estoient pas
feulement certains de la douleur
qu'auroit le Roy de Siam , à
cauſe de l'amitiéqu'il avoit pour
le Roy,&pour toute la Famille
Roiale; mais qu'ils appuyoient
eette certitude , fur ce qu'il y a
déja quelques années, qu'un faux
bruit s'estant répandu jusqu'à
des Amb, de Siam. 239
Siam , de la mort de Monfieur
le Prince , ils avoient vû que
le Roy de Siam y avoit effé extrémement
ſenſible ,& que ne
s'eſtant pas trouvé en ce tempslà
dans l'occaſion d'envoyer une
Ambaſſade en France , il avoit
ordonné àfon premier Miniftre
d'écrire aux Ministres du Roy,
pour témoigner à Sa Majesté
combien il avoit esté touché de
la perte que Sa Majesté &toute
la France avoit faite à la
mort d'un ſi grand Prince ; Que
lors que Mr le Chevalier de
Chaument estoit arrivé à Siam,
le Roy leur Maître avoit recen
240 IV. P. diu Voyage
beaucoup de jove d'apprendre que
cette nouvelle estoit fauffe. II
ajoûta , qu'ils s'est moient malheureux
d'eſtre obligez de porter
avec trop de verité une fi triste
nouvelle à Siam. Monfieur le
Prince répondit , qu'il estoit
trés -fenſible à l'honneur que le
Roy de Siam luy faisoit, en prenant
tant depart à ce qui regar
doit feu Monfieur fon Pere ; que
Monsieur le Prince avoit toute
forte d'estime pour le Roy de
Siam, & qu'il se feroit fait un
plaifir trés-particulier de les entretenir
à fond, & en détail des
grandes qualitez de ce Monar
ques
des Amb. de Siam. 241
que ; que l'idée qu'il en avoit
luy avoit fait souhaiter d'apprendre
de plus en plus ce qui le
regardoit , & qu'il avoit eſté
prevenu par la mort. LesAmbaſſadeurs
repliquerent , que
cette mort fi precipitée leur avoit
d'autant plus causé de tristeſſe,
que divers accidens imprevûs
avoient rompu pluſieurs fois les
meſures qu'ils avoient piſes pour
luy rendre leurs devoirs : Que
le jour même qu'ils devoient ar
river à Chantilly , ils avoient
appris que Monfieur le Prince en
estoit party pourse rendre àFon
cainebleau, à cause de la mala
242 IV P du Voyage
die de Madame la Ducheffe de
Bourbon ; Que voulant aller à
Fontainebleau, on leur avoit dit
qu'ilferoit plus agreable àMonfieur
le Prince qu'ils attendiffent
àfon retour ; &qu'enfin la mort
de ce grand Prince arrivée les
mettoit pour jamais hors d'estat
d'avoir cet honneur. Monfieur
le Prince, aprés leur avoir dit
que Monfieur ſon Pere auroit
eu auſſi beaucoup de
joye de les voir, leur demanda
comment ils eſtoient contens
du Voyage qu'ils ve
noient de faire. Il ajoûta
qu'il craignoit que les mau-
1
des Amb de Siam. 243
vais temps , les mauvais chemins
& le froid même , ne
leur cuffent causé beaucoup
d'incommodité , & que cela
n'euſt empéché qu'ils n'eufſent
eu la fatisfaction qu'ils
pouvoient attendre , de ce
qu'on leur avoit fait voir. Ils
répondirent , qu'il y avoit eu
àla verité quelques mauvais
chemins ; mais que pour lefroid
il avoit esté fort moderé; cequ'ils
attribuoient au grand me.
rite du Roy , er à la puiſſance
de la bonté particuliere dont fon
Alteſſe les honoroit ; que d'ail
Leurs , les grandes & belles
Xij
244 IV. P. du Voyage
chofes qu'ils avoient vûes enfi
grand nombre , ne leur avoient
presque laiſſé le temps de penfer
qu'à ce qu'ils voyoient ,
qu'enfin les bons ordres que
le Roy avoitfait donner le
Join qu'on avoit pris d'eux ,leur
avoient rendu ce Voyage trésagreable
& nullement incommode.
Monfieur le Prince leur
demanda ce qui leur avoit plû
davantage Ils répondirent ,
qu'ils avoient admiré le prodigieux
nombre de Places & de
ddee FFoorrttiiffiiccaattiioonnss,, &le bon or
dre qu'on y obfervoit , & qu'entre
lis VillesDunkerque &Lif-
L
desAmb. de Siam 245
les avoient frapez davantage .
Monfieur le Prince leur demanda
encore, ſi c'eſtoit de
cette maniere qu'on fortifioit
Ies Places de Siam. Ils dirent
qu'il y avoit quelque chose de
Semblable, &qu'ily avoit auf-
Si quelque chose de different ;
qu'ily avoit plusieurs endroits
que les Rivieres & les grandes
Eaux fortifioientbeaucoup par
elles mesmes, & d'autres , comme
Banco , Porcelouc , & quelques
autres Villes qui estoient
affezfortifiéesſelon les manieres
d'Europe , quoyqu'il n'y euft
pas un fi grand nombre de For-
X jij
246 IV. P. du Voyage
tifications, mais qu'en ces matie
res, on do't avoir beaucoup d'égard
à la maniere dont lesEnnemis
peuvent attaquer ,
que c'eſt ſur cela qu'on employe
icy beaucoup de Fortifications
qui ne paroiffent pas si necef
faires à Siam. Monfieur le
Prince leur dit, que paſſant
àlaVille de Condé, ils avoient
donné un mot qui marquoit l'eftime
qu'ilsfaisoientdeMonfieur
Son Pere, &que luy ayantluy
mefme rapporté ce mot, il l'avoit
eu pour fort agreable. Ce
Prince ajoûta , qu'ayant connu
leurmerite qui feroitſouhai-
:
desAmb. de Siam. 247
ter de les voir ſouvent ,
d'entretenir commerce avec eux,
ily avoit lieu de s'affliger de
ce que la distance des lieux ne
laiſſoitpas mesme l'efperance de
les pouvoir revoir. Ils répartirent
, qu'à la verité l'éloignement
estoit grand , mais que
l'amitié qui estoit entre les deux
Rois , prenant de jour en jour
de nouveaux accroiffemens , il
n'estoit pas à desesperer que le
Roy leurMaître ne les honor
encore quelque jour de ses commandemens
de fes ordres.
Monfieur le Prince leur dit
encore , qu'il auroit bien fou
X iiij
248 IV.P. du Voyage
haité de leur marquer la confi
deration qu'il avoit pour eux ,
en leur rendant quelqueſervice,
à quoy l'Ambaſſadeur répondit,
que la bonté qu'il leur
avoit témoignée, auroit fait que
s'ils en cuffent eu beſoin, ils auroient
pris la liberté de recourir
àluy ; mais que le Roy avoit
prévenu tous leurs defirs ; qu'ils
ne laiſſoient pas d'avoir pour
luy toute la reconnoiſſance poffible,
& qu'ils le prioient de
contribuer toûjours dans lafuite,
àà entretenir l'union entre les
deux Rois, & de leur conferver
fa bienveillance. Aprés cela,
or
desAmb. de Siam. 249
ils ſe leverent , & Monfieur
le Prince les accompagna
juſqu'à l'entrée de fon appartement.
Ils alterent de là
rendre viſite à Madame la
Princeſſe , à laquelle ils témoignerent
leur douleur fur
la mort de Monfieur le
Prince.
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Résumé : Ils vont faire compliment à Monsieur le Prince, sur la mort de feu Monsieur le Prince. Détail de toute la conversation qu'ils ont eue avec son Altesse Serenissime. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam, vêtus de noir en signe de deuil pour la mort de Monsieur le Prince, rendirent visite à son fils, désormais Monsieur le Prince. Ils exprimèrent leur tristesse et leur soutien, malgré les coutumes de leur pays qui ne prévoyaient pas de tels habits. Monsieur le Prince les remercia et souligna l'estime qu'il avait pour eux, bien qu'il n'ait pas connu leur père. Les ambassadeurs assurèrent que le roi de Siam serait profondément affecté par cette perte, rappelant un précédent épisode où un faux bruit de la mort du prince avait suscité une grande émotion à Siam. Ils regrettèrent de ne pas avoir pu rendre hommage au prince défunt en raison de divers imprévus. Monsieur le Prince exprima son désir de mieux connaître le roi de Siam et ses qualités. Les ambassadeurs discutèrent également des fortifications en France et à Siam, notant des similitudes et des différences. Ils admirèrent particulièrement les places fortifiées de Dunkerque et Lille. La visite se conclut par des échanges sur les relations diplomatiques et l'amitié entre les deux royaumes, avec des promesses de maintenir et renforcer cette union. Les ambassadeurs se rendirent ensuite chez Madame la Princesse pour lui témoigner leur douleur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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34
p. 249-[2]59
Ce qu'ils ont fait & dit aux Feuillants le jour qu'ils y ont esté au Te Deum, de la composition de Mr de Lully. [titre d'après la table]
Début :
Vous avez oüy parler du Te Deum de la composition [...]
Mots clefs :
Jean-Baptiste Lully, Te Deum, Pères, France, Cérémonie, Ambassadeur, Personnes, Prince, Musique, Couvent des Feuillants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont fait & dit aux Feuillants le jour qu'ils y ont esté au Te Deum, de la composition de Mr de Lully. [titre d'après la table]
Vous avez oüy parler du
Te Deum de la compofition
de Me de Lully , qui s'eſt
chanté aux Feüillans , pour
rendre graces à Dieu du retour
de la ſanté de Sa Majefté.
Six de ces Peres ayant
efté députez pour prier les
250 IV. P. du Vovaze
Ambaſſadeurs d'aſſiſter àa
cette Ceremonie , fe rendirent
à l'Hoſtel où ils eftoient
logez ; & aprés qu'ils eurent
fait leur compliment, &marqué
le ſujet qui les amenoit,
l'Ambaſſadeur leur répondit
Qu'ils avoient de fi grands
defi justes sujets de s'informer
de laſantéduRoy, qu ils avoient
fçû que Sa Majesté ſe portoit
bien ; mais qu'ils estoient ravis
de l'apprendre par des perſonnes
ne diſoient jamais que la
verité;Qu'ils iroient avec plaifir
chez eux, afin que cettefan
té leurfustconfirméepar la voix
desAmb. de Siam. 251
des Peuples, pour avoir le plaifir
de voir ces Peres , &pour entendre
la Muſique de Mr de
Lully, dont ils avoient déja efté
charmez en d'autres occafions.
Le jour de la Ceremonie, les
Ambafladeurs furent receus
la premiere Porte des Feüil
lans par pluſieurs de ces Religieux
qui les conduifirent
dans une Sale fort propre ,
auprés d'un grand feu, où les
Peres les plus diftinguez du
Convent par leur merite &
par leur employ , les attendoient.
Aprés les premiers
complimens de part & d'au252
IV. P. du Voyage
tre , les Ambaſſfadeurs le leverent
pour voir lesTableaux
qui estoient autour de la Salle,
parmy leſquels on voyoit
ceux de Henry III. de Henry
IV. de Loüis XIII . & de Loüis
le Grand, peints de leur hauteur;
& ce fur à ces Tableaux
qu'ils s'arreſterent, auffi bien
qu'à celuy de Monfieur, qu'ils
reconnurent d'abord , quoyqu'il
fuſt peint il y a plus de
vingt ans. Comme ils s'attacherent
à regarder le Portrait
de Henty III . on leur
dit, qu'il avoit eſté Roy de Pologne
; ce qui ſurprit fort
des Amb . de Siam. 253
l'Ambaſſadeur , qui répondit
Qu'il ne pouvoit concevoir ce
qu'on luy difoit , puiſqu'il n'eftoit
pas vray -femblable qu'on
quittaſt un Royaume comme la
France , pour quelque Royaume
que ce fuft ; deforte qu'il falut
luy expliquer que Henry
IHI. n'eſtoit pas encore Roy
de France, lorſqu'il fut nommé
à la Couronne de Pologne
, qui ſe donne par élection
; mais qu'il revint prendre
celle de France , fi- toft
qu'il y fut appellé par droit
de fucceflion. Une perſonne
de la compagnie luy ayant
254 IV. P. du Voyage
dit lorſqu'il eſtoit attaché a
confiderer le Portrait deHenry
IV. Que s'il n'avoit pas cefsé
d'eftre Huguenot, il n'auroit
pas esté Roy de France , ilrépondit
que c'estoit le Sang, &
non la Religion , qui donnoit la
Couronne de France. Il demanda
par quelle raiſon les quatre
Rois dont il voyoit les
Portraits , avoient des habits
fi differens les uns des autres;
& quelqu'un ayant reparty,
que les François aimoient un peu
le changement en habits , il répondit,
que c'estoit moins une
marque d'inconstance que parcedesAmb.
de Siam. 255
qu'ils cherchoient la perfection
en toutes choses, &que ces changemens
estoient des effais pour la
trouver ; mais quependant qu'on
les voyoit avec tant de fortes
d'habillemens, on ne devoit point
trouver à redire à ceux dont les
autres Nations ſe ſervoient. Ils
retournerent enſuite auprés
du feu , où M le Prince&
Mela Princeſſe de Mekelbourg
eſtant arrivez , ils eurent
une affez longue converſation
, cette Princeſſe
leur ayant fait diverſes
queſtions pleines d'eſprit.
Pluſieurs Perſonnes de la
256 IV. P. du Voyage
premiere qualité qui vinrent
dans cette Sale pour ſe chaufer,
entrerent auſſi en converſation
avec eux ,& ils la foûtinrent
avec beaucoup d'efprit.
Me l'Envoyé de Mantouë
leur parla long-temps .
Monfieur le Prince deConty
qui vouloit voir la Ceremonie
ſans ſe faire connoître ,
parût dans le meſme lieu ainſi
que Ma le grand Prieur ,& fe
fit diftinguer par ſon grand
air. L'Ambaſſadeur marqua
qu'il auroit ſouhaitté de luy parler,
mais qu'il n'ofoit par respect
commencer la conversation avec
des Amb. de Siam . 257
un grand Prince , àmoins qu'il
ne luy parlaſt le premier. Elle ſe
lia neantmoins , mais elle ne
fut pas particuliere. Peu de
temps aprés , chacun fut conduit
aux places qui avoient
elté refervées pour tant d'Illuftres
Perſonnes , les Princes
en bas , & les Ambaſſadeurs
aux feneſtres de la Galerie qui
donnent dans l'Eglife. Ils regarderent,
& écouterent avec
une extréme attention , ils remarquerent
les differentes expreffions
de la Muſique , &
pendantle Domine falvum fac
Regem , qu'on leur expliqua ,
Y
258 IV.P.du Voyage
il ſembloit qu'ils priaffent
auſſi pour le Roy. La Ceremonie
eſtant achevée , ils furent
reconduits dans la même
Sale , où on les avoit d'abord
amenés pour ſe chauffer
, & l'Ambaſſadeur pour
montrer aux Peres l'effet que
ce qu'il venoit de voir avoit
fait fur luy , porta fa main à
ſes yeux , à ſes oreilles ,& fur
fon coeur , & dit queses yeux
avoient efté enchantés , ſes oreilles
charmées , &fon coeur touché.
Il répondit avec une prefence
, & une vivacité d'efprit
inconcevable àbeaucoup
:
des Amb. de Siam. 159
de perſonnes qui luy parle.
rent. Les Peres les firent en
fuite paffer dans une Salle où
ils trouverent une Collation
ſervie. On les pria de ſi bonne
grace de ſe mettre à table,
qu'ils fe crurent obligez d'avoir
cette complaifance pour
ceux qui les en prefferent. Ils
fortirent quelque temps aprés,
& furent reconduits par les
Peres juſques à la porte de la
ruë.
Te Deum de la compofition
de Me de Lully , qui s'eſt
chanté aux Feüillans , pour
rendre graces à Dieu du retour
de la ſanté de Sa Majefté.
Six de ces Peres ayant
efté députez pour prier les
250 IV. P. du Vovaze
Ambaſſadeurs d'aſſiſter àa
cette Ceremonie , fe rendirent
à l'Hoſtel où ils eftoient
logez ; & aprés qu'ils eurent
fait leur compliment, &marqué
le ſujet qui les amenoit,
l'Ambaſſadeur leur répondit
Qu'ils avoient de fi grands
defi justes sujets de s'informer
de laſantéduRoy, qu ils avoient
fçû que Sa Majesté ſe portoit
bien ; mais qu'ils estoient ravis
de l'apprendre par des perſonnes
ne diſoient jamais que la
verité;Qu'ils iroient avec plaifir
chez eux, afin que cettefan
té leurfustconfirméepar la voix
desAmb. de Siam. 251
des Peuples, pour avoir le plaifir
de voir ces Peres , &pour entendre
la Muſique de Mr de
Lully, dont ils avoient déja efté
charmez en d'autres occafions.
Le jour de la Ceremonie, les
Ambafladeurs furent receus
la premiere Porte des Feüil
lans par pluſieurs de ces Religieux
qui les conduifirent
dans une Sale fort propre ,
auprés d'un grand feu, où les
Peres les plus diftinguez du
Convent par leur merite &
par leur employ , les attendoient.
Aprés les premiers
complimens de part & d'au252
IV. P. du Voyage
tre , les Ambaſſfadeurs le leverent
pour voir lesTableaux
qui estoient autour de la Salle,
parmy leſquels on voyoit
ceux de Henry III. de Henry
IV. de Loüis XIII . & de Loüis
le Grand, peints de leur hauteur;
& ce fur à ces Tableaux
qu'ils s'arreſterent, auffi bien
qu'à celuy de Monfieur, qu'ils
reconnurent d'abord , quoyqu'il
fuſt peint il y a plus de
vingt ans. Comme ils s'attacherent
à regarder le Portrait
de Henty III . on leur
dit, qu'il avoit eſté Roy de Pologne
; ce qui ſurprit fort
des Amb . de Siam. 253
l'Ambaſſadeur , qui répondit
Qu'il ne pouvoit concevoir ce
qu'on luy difoit , puiſqu'il n'eftoit
pas vray -femblable qu'on
quittaſt un Royaume comme la
France , pour quelque Royaume
que ce fuft ; deforte qu'il falut
luy expliquer que Henry
IHI. n'eſtoit pas encore Roy
de France, lorſqu'il fut nommé
à la Couronne de Pologne
, qui ſe donne par élection
; mais qu'il revint prendre
celle de France , fi- toft
qu'il y fut appellé par droit
de fucceflion. Une perſonne
de la compagnie luy ayant
254 IV. P. du Voyage
dit lorſqu'il eſtoit attaché a
confiderer le Portrait deHenry
IV. Que s'il n'avoit pas cefsé
d'eftre Huguenot, il n'auroit
pas esté Roy de France , ilrépondit
que c'estoit le Sang, &
non la Religion , qui donnoit la
Couronne de France. Il demanda
par quelle raiſon les quatre
Rois dont il voyoit les
Portraits , avoient des habits
fi differens les uns des autres;
& quelqu'un ayant reparty,
que les François aimoient un peu
le changement en habits , il répondit,
que c'estoit moins une
marque d'inconstance que parcedesAmb.
de Siam. 255
qu'ils cherchoient la perfection
en toutes choses, &que ces changemens
estoient des effais pour la
trouver ; mais quependant qu'on
les voyoit avec tant de fortes
d'habillemens, on ne devoit point
trouver à redire à ceux dont les
autres Nations ſe ſervoient. Ils
retournerent enſuite auprés
du feu , où M le Prince&
Mela Princeſſe de Mekelbourg
eſtant arrivez , ils eurent
une affez longue converſation
, cette Princeſſe
leur ayant fait diverſes
queſtions pleines d'eſprit.
Pluſieurs Perſonnes de la
256 IV. P. du Voyage
premiere qualité qui vinrent
dans cette Sale pour ſe chaufer,
entrerent auſſi en converſation
avec eux ,& ils la foûtinrent
avec beaucoup d'efprit.
Me l'Envoyé de Mantouë
leur parla long-temps .
Monfieur le Prince deConty
qui vouloit voir la Ceremonie
ſans ſe faire connoître ,
parût dans le meſme lieu ainſi
que Ma le grand Prieur ,& fe
fit diftinguer par ſon grand
air. L'Ambaſſadeur marqua
qu'il auroit ſouhaitté de luy parler,
mais qu'il n'ofoit par respect
commencer la conversation avec
des Amb. de Siam . 257
un grand Prince , àmoins qu'il
ne luy parlaſt le premier. Elle ſe
lia neantmoins , mais elle ne
fut pas particuliere. Peu de
temps aprés , chacun fut conduit
aux places qui avoient
elté refervées pour tant d'Illuftres
Perſonnes , les Princes
en bas , & les Ambaſſadeurs
aux feneſtres de la Galerie qui
donnent dans l'Eglife. Ils regarderent,
& écouterent avec
une extréme attention , ils remarquerent
les differentes expreffions
de la Muſique , &
pendantle Domine falvum fac
Regem , qu'on leur expliqua ,
Y
258 IV.P.du Voyage
il ſembloit qu'ils priaffent
auſſi pour le Roy. La Ceremonie
eſtant achevée , ils furent
reconduits dans la même
Sale , où on les avoit d'abord
amenés pour ſe chauffer
, & l'Ambaſſadeur pour
montrer aux Peres l'effet que
ce qu'il venoit de voir avoit
fait fur luy , porta fa main à
ſes yeux , à ſes oreilles ,& fur
fon coeur , & dit queses yeux
avoient efté enchantés , ſes oreilles
charmées , &fon coeur touché.
Il répondit avec une prefence
, & une vivacité d'efprit
inconcevable àbeaucoup
:
des Amb. de Siam. 159
de perſonnes qui luy parle.
rent. Les Peres les firent en
fuite paffer dans une Salle où
ils trouverent une Collation
ſervie. On les pria de ſi bonne
grace de ſe mettre à table,
qu'ils fe crurent obligez d'avoir
cette complaifance pour
ceux qui les en prefferent. Ils
fortirent quelque temps aprés,
& furent reconduits par les
Peres juſques à la porte de la
ruë.
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Résumé : Ce qu'ils ont fait & dit aux Feuillants le jour qu'ils y ont esté au Te Deum, de la composition de Mr de Lully. [titre d'après la table]
Le texte décrit une cérémonie organisée pour célébrer le rétablissement de la santé du roi, au cours de laquelle fut chanté le Te Deum composé par Jean-Baptiste Lully. Six pères Feuillants furent chargés d'inviter les ambassadeurs de Siam à cette cérémonie. L'ambassadeur siamois manifesta sa joie d'apprendre la bonne santé du roi et son désir de participer à la cérémonie pour apprécier la musique de Lully. Le jour de la cérémonie, les ambassadeurs furent accueillis par les pères Feuillants et conduits dans une salle où ils admirèrent des portraits de rois français, notamment Henri III, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. Les ambassadeurs posèrent des questions sur ces portraits, s'intéressant particulièrement au fait qu'Henri III ait été roi de Pologne. Ils discutèrent également des différences dans les habits royaux, soulignant la recherche de perfection dans les changements de mode. Pendant la cérémonie, les ambassadeurs observèrent attentivement et prièrent pour le roi. Après la cérémonie, ils furent reconduits dans une salle où une collation leur fut offerte. L'ambassadeur siamois exprima son enchantement en portant la main à ses yeux, ses oreilles et son cœur, indiquant qu'il avait été profondément touché par l'expérience. Les ambassadeurs quittèrent ensuite les lieux, reconduits par les pères Feuillants jusqu'à la porte de la rue.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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35
p. 261-268
Ce qu'ils ont vû & dit à l'Imprimerie du Roy. [titre d'après la table]
Début :
On les a aussi menés à l'Imprimerie du Roy, dont Mr [...]
Mots clefs :
Imprimerie du roi, Sébastien Mabre-Cramoisy, Ambassadeur, France, Roi, Caractères, Travail, Feuilles, Imprimerie, Presses
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont vû & dit à l'Imprimerie du Roy. [titre d'après la table]
On les a auſſi menés à l'Imprimerie
du Roy , dont M
Mabre - Cramoify eft Direteur.
Il y avoit fait mettre
pluſieurs brafiers , afin qu'il
s'y répandiſt par tout un air
chaud. Il les conduifit d'abord
au lieu où ſont les caf262
IV . P. du Voyage
fes des Compoſteurs , pour
leur faire voir comment on
aflemble les caracteres . Ils
furent furpris de la viteſſe a
vec laquelle les Ouvriers levo
ent les lettres , & particulierement
les petites;car l'Ambaſſadeur
fit de luy-meſme
la difference des gros & des
petits caracteres qu'il confronta
les uns contre les autres.
Il demanda à MF Cramoiſy
de quel metal ces lettres
estoient ,&fi on les faisoit en
France. Lors qu'il eut fatisfait
à ces demandes , l'Ambaſſadeur
pourſuivit en difant que
des Amb. de Siam. 263
l'on trouvoit toutes choses en
France , & qu'elle pouvoit fo
paſſer de tous les autres Païs.
M. CrCramoiſy fit enſuite lier
des pages , & meſme impofer
une Forme devant eux, & les
mena aufli- toft dans la Salle
où font les Preſſes au nombre
de douze , toutes roulantes.
Leur ſurpriſe augmenta d'abord
, & l'Ambaſſadeur dit en
entrant à m' Cramoify , & en
s'arreſtant à confiderer les
mouvements des 24. hommes
qui faifoient aller les Preſſes,
qu'il croyoit voir des Soldats
rangez en bataille. M Cramoi-
!
264 IV. P. du Voyage
ſy luy répondit , que s'ils n'étoientpas
Soldats, ils employoient
leur die auſſi utilement pour le
fervice du Roy ; que le plus
grand travail de l'Imprimerie
h'avoit preſentement pour but
que la gloire de Sa Majesté,
qu'à bien examinerles chofes , il
n'y avoit pas moins de merite à
apprendre aux Nations les plus
éloignées , & à la pofterité même
, les grandes actions de Sa
Majesté , qu'à prendre des Villes
, & à gagner des Batailles.
L'Ambaſſadeur luy répondit
qu'il ne s'étonnoit pas de voir
tant de Travailleurs , & qu'il
ny
des Amb. de Siam. 265
n'y en pourroit jamais avoir af-
Sez, pour publier les grandeurs
inoüies du Roy & de la France.
Ils s'attacherent enſuite à examiner
le travail de chaque
Preſſe , & l'Ambaſſadeur fit
pluſieurs queſtions à m ' Cramoiſy
ſur l'ancre & fur les balles,&
luydemanda pourquoy
le papier eſtoit moüillé, aprés
quoy il mania beaucoup de
choſes pour les mieux connoître.
Le ſecond Ambaſſadeur
prit un bareau, tira cinq
ou fix feuilles , & parut fort
furpris , de ce que les feuilles
qu'il avoit tirées , eſtoient ve-
Z
266 IV. P. du Voyage
nuës toutes pareilles aux autres.
Ils entrerent apres dans
le Magazin , oùM Cramoiſy
leur fit entendre comment on
étend les feuilles mouillées ,
comment on les affemble ,
aprés qu'on les a ſechées , &
la maniere dont on fait des
corps complets de Livres. Ils
les pria enfuite de monter
dans un petit Cabinet , où il
leur fit voir les Poinçons des
CaracteresGrecs du Roy,que
François I. a fait faire,&qui
font tres-beaux. M. Cramoiſy
leur montra auffi des Cara-
Eteres Arabes nouvellement
des Amb. de Siam. 267
fondus , ſur quoy le premier
Ambaſſadeur luy dit qu'on
pourroit donc faire des Caracteres
Siamois , & avoir une Im
primerie à Siam ? Il luy répondit
que oüy , &qu'il ne falloit
que le vouloir. L'Ambaſſadeur
leva auſſi- tôt les yeux auCiel,
& fit une maniere de cry. M
Cramoiſy demanda à l'Inter
prete ce que l'Ambaſſadeur
diſoit , & il luy répondit qu'il
avoit dit , ô France , France!
Ils fortirent enſuite de l'Im.
primerie apres avoir remer
cié M Cramoiſy , qui leur
dit en les reconduiſant , qu'il
Zij
268 IV. P. du Voyage
s'eſtimoit heureux que defigrands
Seigneursfuſſent venus defi loin
voirfon travail, &qu'ilsy euffent
pris duplaisir..
du Roy , dont M
Mabre - Cramoify eft Direteur.
Il y avoit fait mettre
pluſieurs brafiers , afin qu'il
s'y répandiſt par tout un air
chaud. Il les conduifit d'abord
au lieu où ſont les caf262
IV . P. du Voyage
fes des Compoſteurs , pour
leur faire voir comment on
aflemble les caracteres . Ils
furent furpris de la viteſſe a
vec laquelle les Ouvriers levo
ent les lettres , & particulierement
les petites;car l'Ambaſſadeur
fit de luy-meſme
la difference des gros & des
petits caracteres qu'il confronta
les uns contre les autres.
Il demanda à MF Cramoiſy
de quel metal ces lettres
estoient ,&fi on les faisoit en
France. Lors qu'il eut fatisfait
à ces demandes , l'Ambaſſadeur
pourſuivit en difant que
des Amb. de Siam. 263
l'on trouvoit toutes choses en
France , & qu'elle pouvoit fo
paſſer de tous les autres Païs.
M. CrCramoiſy fit enſuite lier
des pages , & meſme impofer
une Forme devant eux, & les
mena aufli- toft dans la Salle
où font les Preſſes au nombre
de douze , toutes roulantes.
Leur ſurpriſe augmenta d'abord
, & l'Ambaſſadeur dit en
entrant à m' Cramoify , & en
s'arreſtant à confiderer les
mouvements des 24. hommes
qui faifoient aller les Preſſes,
qu'il croyoit voir des Soldats
rangez en bataille. M Cramoi-
!
264 IV. P. du Voyage
ſy luy répondit , que s'ils n'étoientpas
Soldats, ils employoient
leur die auſſi utilement pour le
fervice du Roy ; que le plus
grand travail de l'Imprimerie
h'avoit preſentement pour but
que la gloire de Sa Majesté,
qu'à bien examinerles chofes , il
n'y avoit pas moins de merite à
apprendre aux Nations les plus
éloignées , & à la pofterité même
, les grandes actions de Sa
Majesté , qu'à prendre des Villes
, & à gagner des Batailles.
L'Ambaſſadeur luy répondit
qu'il ne s'étonnoit pas de voir
tant de Travailleurs , & qu'il
ny
des Amb. de Siam. 265
n'y en pourroit jamais avoir af-
Sez, pour publier les grandeurs
inoüies du Roy & de la France.
Ils s'attacherent enſuite à examiner
le travail de chaque
Preſſe , & l'Ambaſſadeur fit
pluſieurs queſtions à m ' Cramoiſy
ſur l'ancre & fur les balles,&
luydemanda pourquoy
le papier eſtoit moüillé, aprés
quoy il mania beaucoup de
choſes pour les mieux connoître.
Le ſecond Ambaſſadeur
prit un bareau, tira cinq
ou fix feuilles , & parut fort
furpris , de ce que les feuilles
qu'il avoit tirées , eſtoient ve-
Z
266 IV. P. du Voyage
nuës toutes pareilles aux autres.
Ils entrerent apres dans
le Magazin , oùM Cramoiſy
leur fit entendre comment on
étend les feuilles mouillées ,
comment on les affemble ,
aprés qu'on les a ſechées , &
la maniere dont on fait des
corps complets de Livres. Ils
les pria enfuite de monter
dans un petit Cabinet , où il
leur fit voir les Poinçons des
CaracteresGrecs du Roy,que
François I. a fait faire,&qui
font tres-beaux. M. Cramoiſy
leur montra auffi des Cara-
Eteres Arabes nouvellement
des Amb. de Siam. 267
fondus , ſur quoy le premier
Ambaſſadeur luy dit qu'on
pourroit donc faire des Caracteres
Siamois , & avoir une Im
primerie à Siam ? Il luy répondit
que oüy , &qu'il ne falloit
que le vouloir. L'Ambaſſadeur
leva auſſi- tôt les yeux auCiel,
& fit une maniere de cry. M
Cramoiſy demanda à l'Inter
prete ce que l'Ambaſſadeur
diſoit , & il luy répondit qu'il
avoit dit , ô France , France!
Ils fortirent enſuite de l'Im.
primerie apres avoir remer
cié M Cramoiſy , qui leur
dit en les reconduiſant , qu'il
Zij
268 IV. P. du Voyage
s'eſtimoit heureux que defigrands
Seigneursfuſſent venus defi loin
voirfon travail, &qu'ilsy euffent
pris duplaisir..
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Résumé : Ce qu'ils ont vû & dit à l'Imprimerie du Roy. [titre d'après la table]
Des ambassadeurs de Siam ont visité l'Imprimerie du Roy, dirigée par M. Cramoisy. Ils ont été conduits dans divers ateliers pour observer le processus d'impression. Les ambassadeurs ont été impressionnés par la rapidité avec laquelle les ouvriers assemblaient les caractères et ont posé des questions sur le métal utilisé et la fabrication des lettres en France. M. Cramoisy leur a montré comment les pages étaient liées et imprimées, et ils ont été surpris par l'efficacité des presses et des ouvriers. Les ambassadeurs ont ensuite examiné le travail des presses et posé des questions sur les mécanismes. Ils ont également visité le magasin où les feuilles étaient étendues et assemblées pour former des livres. M. Cramoisy leur a présenté des poinçons de caractères grecs et arabes, et un ambassadeur a exprimé son intérêt pour la création de caractères siamois. La visite s'est conclue par des remerciements et des compliments de part et d'autre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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36
p. 268-271
Ce qui s'est passé à l'égard d'un Domestique que le Premier Ambassadeur vouloit châtier de quelque faute qu'il avoit commise. [titre d'après la table]
Début :
Comme il est impossible que parmy un grand nombre de [...]
Mots clefs :
Domestique, Punir, Faute, Plaindre, Réputation, Domestiques, Ambassadeur, France, Châtiment
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé à l'égard d'un Domestique que le Premier Ambassadeur vouloit châtier de quelque faute qu'il avoit commise. [titre d'après la table]
Comme il eſt impoffible
que parmy un grand nombre
de Domeſtiques, il n'y en
ait quelqu'un qui faſſe quelque
faute , les Ambaſſadeurs
curent ſujet de ſe plaindre
d'un des leurs , & pour cer
effet le premier Ambaſſadeur
fit aſſembler dans fa chambre
les deux autres Ambaffadeurs
, les fix Mandarins ,
& tous ſes Domeſtiques. Aprés
avoir fair une forte re
des Amb. de Siam. 269
montrance , il voulut commencer
le châtiment de celuy
dont il ſe plaignoit. M Torf
l'arreſta , & luy dit , qu'il ne
luyavoit encore rien demandé,
&qu'il le prioit de ne rienfaire
au malheureux qu'il vouloit
punır , ajoûtant , que la faute
qu'il avoit commiſe , n'estoit ny
friponnerie ny autre chose de
cette nature , & qu'elle estoit
pardonnable. Il luydit encore
qu'ils remportoient unefigrande
réputation de France , qu'ils devoient
estre fatisfaits , & ne
point faire d'éclat contre aucun
de leurs gens ,dont perſonne ne
Z iij
270 IV. P. du Voyage
s'estoit plaint. L'Ambaſſadeur
luy répondit , que la réputation
qu'ils remportoient estoit
cauſe qu'ils devoient ſe plaindre
davantage de celuy qu'il
croyoit devoir punir. Si un
Peintre, dit-il, qui aprés avoir
travaillépendant une année entiere
à un beau Tableau auroit
pris plaisir à le finir, voyoit
fonTableau gâté par quelqu'un
deſes gens, qui auroit donné un
coup de broffe au travers, n'auroit-
il pas grand fujet de s'en
plaindre, &de le punir ? Celuy
que je veux châtier à commis
la mesme faute à notre égard.
1
des Amb de Siam. 271
د
ne
Si nous sommes affez heureux
pour remporter de France la reputation
que vous dites
doit- il pas nous eſtre bien facheux
que fur le point de
partir ,aprés avoir fait tout
nous avons pû pour la
ce que
meriter , un miserable vienne
gâter l'Ouvrage que nous avons
achevé avec tant de ſoin ?
Cette réponſe fut admirée ,
& le Coupable ne fut point
puny.
que parmy un grand nombre
de Domeſtiques, il n'y en
ait quelqu'un qui faſſe quelque
faute , les Ambaſſadeurs
curent ſujet de ſe plaindre
d'un des leurs , & pour cer
effet le premier Ambaſſadeur
fit aſſembler dans fa chambre
les deux autres Ambaffadeurs
, les fix Mandarins ,
& tous ſes Domeſtiques. Aprés
avoir fair une forte re
des Amb. de Siam. 269
montrance , il voulut commencer
le châtiment de celuy
dont il ſe plaignoit. M Torf
l'arreſta , & luy dit , qu'il ne
luyavoit encore rien demandé,
&qu'il le prioit de ne rienfaire
au malheureux qu'il vouloit
punır , ajoûtant , que la faute
qu'il avoit commiſe , n'estoit ny
friponnerie ny autre chose de
cette nature , & qu'elle estoit
pardonnable. Il luydit encore
qu'ils remportoient unefigrande
réputation de France , qu'ils devoient
estre fatisfaits , & ne
point faire d'éclat contre aucun
de leurs gens ,dont perſonne ne
Z iij
270 IV. P. du Voyage
s'estoit plaint. L'Ambaſſadeur
luy répondit , que la réputation
qu'ils remportoient estoit
cauſe qu'ils devoient ſe plaindre
davantage de celuy qu'il
croyoit devoir punir. Si un
Peintre, dit-il, qui aprés avoir
travaillépendant une année entiere
à un beau Tableau auroit
pris plaisir à le finir, voyoit
fonTableau gâté par quelqu'un
deſes gens, qui auroit donné un
coup de broffe au travers, n'auroit-
il pas grand fujet de s'en
plaindre, &de le punir ? Celuy
que je veux châtier à commis
la mesme faute à notre égard.
1
des Amb de Siam. 271
د
ne
Si nous sommes affez heureux
pour remporter de France la reputation
que vous dites
doit- il pas nous eſtre bien facheux
que fur le point de
partir ,aprés avoir fait tout
nous avons pû pour la
ce que
meriter , un miserable vienne
gâter l'Ouvrage que nous avons
achevé avec tant de ſoin ?
Cette réponſe fut admirée ,
& le Coupable ne fut point
puny.
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Résumé : Ce qui s'est passé à l'égard d'un Domestique que le Premier Ambassadeur vouloit châtier de quelque faute qu'il avoit commise. [titre d'après la table]
Un incident impliquant des ambassadeurs français et des mandarins en Siam est relaté. Un ambassadeur français souhaitait punir un domestique pour une faute. Il convoqua les autres ambassadeurs, les mandarins et ses domestiques dans sa chambre, fit une remontrance et s'apprêta à châtier le domestique. Le mandarin M. Torf intervint, demandant de ne pas punir le domestique, estimant la faute pardonnable et soulignant la réputation des ambassadeurs en France. L'ambassadeur répliqua en comparant la faute à une œuvre gâchée. Torf répondit qu'il était regrettable qu'un incident survienne au moment de leur départ. Sa réponse fut admirée, et le domestique ne fut pas puni.
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37
p. 274-277
Ils vont à un Concert où ils avoient esté invitez. [titre d'après la table]
Début :
L'esprit des Ambassadeurs, & les choses obligeantes qu'ils [...]
Mots clefs :
Concert d'instruments, Jacques Gallot, France, Ambassadeur, Profession, Instruments, Luth
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils vont à un Concert où ils avoient esté invitez. [titre d'après la table]
L'eſprit des Ambaſſadeurs,
& les chofes obligeantes qu'-
ils ont dites à toutes les perſonnes
d'un merite diftingué
qui leur ont rendu viſite, ont
eſté cauſe que la plus part
des plus illuſtres leur ont fait
connoître que rien ne
des Amb. de Siam. 275
manque à la France pour les
plaiſirs&pour les beauxArts.
M. Galot , ſi fameux pour le
Lut , ayant joué devant eux,
l'Ambaſſadeur luy dit , que
depuis qu'il estoit en France il
avoit entendu joüerpluſieursfois
de cet Instrument, mais qu'il ne
croyoit pas avoir oùy perſonne
qui en eust si bien joué que luy.
Quelques jours aprés , le même
M Galor l'invita à un
Concert d'Inftruments , qui
devoit eſtre compoſé, des plus
illuſtres de leur profeffion.
L'Ambaſſadeur promit d'aller
à ceConcertque M¹ Galot
276 IV. P. duVoyage
donna dans la ruë de Seine,
àl'Hôtel d'Arras chez M Au
bry , qui voulut bien eſtre du
nombre des Concertants , à
cauſe des Illuftres Auditeurs ,
quoyqu'il ne foit pas de cette
profeffion. L'Aſſemblée y fut
plus choiſie que nombreuſe ,
&dans un lieu fort propre , &
fort éclairé . Le Concert fut
trouvé tres -beau ; auſſi eſtoitil
des plus illuftres de France
dans leur Art . Quand il fut
finy , M Galot joüa ſeul du
Lut , & l'Ambaſſadeur luy dit,
qu'encore qu'il crût que rien ne
pouvoit eſtre ajoûté àla beauté
desAmb, de Siam. 277
du Concert, ily avoit des delicateſſes
dans ce qu'il jouvitfeul,
qui ne devoient pas estre confondües
parmy le grand nombre
d'Instruments , parce qu'on en
perdoit beaucoup.
& les chofes obligeantes qu'-
ils ont dites à toutes les perſonnes
d'un merite diftingué
qui leur ont rendu viſite, ont
eſté cauſe que la plus part
des plus illuſtres leur ont fait
connoître que rien ne
des Amb. de Siam. 275
manque à la France pour les
plaiſirs&pour les beauxArts.
M. Galot , ſi fameux pour le
Lut , ayant joué devant eux,
l'Ambaſſadeur luy dit , que
depuis qu'il estoit en France il
avoit entendu joüerpluſieursfois
de cet Instrument, mais qu'il ne
croyoit pas avoir oùy perſonne
qui en eust si bien joué que luy.
Quelques jours aprés , le même
M Galor l'invita à un
Concert d'Inftruments , qui
devoit eſtre compoſé, des plus
illuſtres de leur profeffion.
L'Ambaſſadeur promit d'aller
à ceConcertque M¹ Galot
276 IV. P. duVoyage
donna dans la ruë de Seine,
àl'Hôtel d'Arras chez M Au
bry , qui voulut bien eſtre du
nombre des Concertants , à
cauſe des Illuftres Auditeurs ,
quoyqu'il ne foit pas de cette
profeffion. L'Aſſemblée y fut
plus choiſie que nombreuſe ,
&dans un lieu fort propre , &
fort éclairé . Le Concert fut
trouvé tres -beau ; auſſi eſtoitil
des plus illuftres de France
dans leur Art . Quand il fut
finy , M Galot joüa ſeul du
Lut , & l'Ambaſſadeur luy dit,
qu'encore qu'il crût que rien ne
pouvoit eſtre ajoûté àla beauté
desAmb, de Siam. 277
du Concert, ily avoit des delicateſſes
dans ce qu'il jouvitfeul,
qui ne devoient pas estre confondües
parmy le grand nombre
d'Instruments , parce qu'on en
perdoit beaucoup.
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Résumé : Ils vont à un Concert où ils avoient esté invitez. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam, lors de leur visite en France, ont exprimé leur admiration pour les plaisirs et les beaux-arts français. Lors d'une rencontre, M. Galot, célèbre luthiste, a joué devant eux, suscitant leur admiration. Quelques jours plus tard, M. Galot a invité l'ambassadeur à un concert réunissant les plus illustres musiciens de France, organisé à l'Hôtel d'Arras chez M. Aubry. L'assemblée était sélectionnée et le lieu bien éclairé. Le concert a été jugé très beau. Après le concert, M. Galot a joué seul du luth, et l'ambassadeur a souligné les délicatesses de sa performance, qui se distinguaient parmi les nombreux instruments.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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38
p. 287-316
Ils retournerent deux jours aprés à Versailles, pour leur Audiance de congé. Ils en eurent dix-sept le même jour. Tout ce qui s'est passé à ces Audiances avec toutes les Harangues. [titre d'après la table]
Début :
Ils retournerent à Versailles deux jours aprés pour prendre leur [...]
Mots clefs :
Versailles, Roi, Ambassadeurs, Audience de congé, Audiences, Harangues, Prince, Maître, Duc, France, Majesté, Qualités, Duc, Congé, Apprendre, Admiration, Honneur, Audience, Vertus, Amitié, Ordres, Orient, Roi de Siam, Ciel, Retour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils retournerent deux jours aprés à Versailles, pour leur Audiance de congé. Ils en eurent dix-sept le même jour. Tout ce qui s'est passé à ces Audiances avec toutes les Harangues. [titre d'après la table]
Ils retournerent àVerſailles
deux jours aprés pour prendre
leur Audience de congé
dn Roy. L'Ambaſſadeur &
M le Duc de la Feuillade eurent
une converſation fort
288 IV.P.duVoyage
vive fur les Figures debronze
qui font en France ,&fur celles
de divers metaux , qu'on
dit qui font à Siam , & ce Duc
fit connoître que perſonne ne
luy peut rien apprendre fur
ce qui regarde la fonte des
metaux. La converſation
ayant changé de ſujet , l'Am
baſſadeur dit que toutes les fors
qu'il avoit esté à Versailles , il
avoit eu le coeur plein de joye
en pensant qu'il alloit voir te
Roy ,qu'à fon retour il eſtoit
chagrin , & que fa tristeſſe ſe
diffipoit, dans la pensée qu'il re-
Derroit encore Sa Majesté, mais
que
des Amb. de Siam. 283
que lors qu'il faisoit reflexion que
cet eſpoir ne luy seroit plus permis
, il eſtoit dans un abatement
inconcevable , qu'il falloit
qu'il mist toute ſa confolation
dans le plaifirqu'il auroit bientoft
de raconter au Roy de Siam
les magnificences , les bontés,&
les vertus du Roy , &que fi
aprés cela , on le renvoyoit en
France , ily viendroit volontiers
luy &toute fa famille , poury
paſſer autant d'années qu'ilplai
roit au Roy ſon Maistre.
** Je ne vous repete point les
Ceremonies qui ont eſté obſervées
à cette Audience de
Bb
29 IV.P. du Voyage
2
1
11
congé , puiſqu'elles ont eſté
les meſmes que celles de la
premiere Audience , & que le
Roy l'a donnée dans le même
lieu, ſur le même Trône , &
accompagné des mêmes perfonnes.
Apres que l'Ambaſſadeur
eûtfair fon compliment
en Siamois , Me l'Abbé de
Lionne l'expliqua ainfiennôtre
Langue.
GRAND ROY,
NOVS venons icy pour
demander à vôtre Majesté ta
permiffion de nous en retourner
da
des Amb. de Siam. 297
est
vers leRoy nôtre Maître. L'im
patience où nous ſcavons qu'il
d'apprendre le ſuccés de nôtre
Ambaſſade , les merveilles
que nous avons à luy racconter,
les gages precieux que nous luy
portons de l'estime finguliere
que vôtre Majesté a pour luy ,
fur tout , l'affeurance que
nous luy devons donner de la
Royale amitié qu'Elle contracte
pourjamais avec luy ; tout cela
beaucoup plus encore que les Vents
de la ſaiſon , nous invite enfin
àpartir, pendant que les bons
traitemens que nous recevons icy
de toutes parts par les ordres de
Bb ij
292 IV. P. du Voyage
vôtre Majesté, seroient capables
de nousfaire oublier notrePatrie,
si nous l'ofons dire, les ordres
mesme de notre Prince ; mais
fur le point de nous éloigner
de vostre Perſonne Royale , nous
n'avons point de paroles qui
puiffent exprimer les ſentimens
de respect, d'admiration & de
reconnoiſſance , dont nous fommes
penetrez. Nous nous estions
bien attendus à trouver dans
voſtreMajesté des grandeurs &
des qualitez extraordinaires ;
L'effety a pleinement répondu ,
a même ſurpaffé de beaucoup
noftre attente , mais nous
des Amb. de Siam. 193
fommes obligezde l'avoüer, nous
n'avions pas crú y trouver l'accés
, la douceur, l'affabilité que
nousy avons rencontrée ; nous
ne jugions pas mêmes que des
qualitezqui paroiſſent ſi opposées
, puffent compatir dans une
même personne , & qu'on pust
accorder enſemble tant deMajesté
&tant de bonté. Nous nefommesplusfurpris
que vos Peuples,
trop heureux de vivre fous vôtre
Empire, faffent paroiftre par
tout l'amour & la tendreſſe
qu'ils ont pour vostre RoyalePer-
Sonne. Pour nous , grand Roy,
comblezde vos biens faits, char
Bb iij
294 IV.P.du Voyage
mez de vos vertus , touchez
jusqu'aufonddu coeur de vos bon
tez , ſaiſis d'étonnement à la
veuë de vôtre haute fageffe , &
de tous les miracles de vostre
Régne ; noſtre vie nous paroist
trop courte , & le monde entier
trop petit , pour publier ce que
nous en penfons : Noftre memoire
auroit peine à retenir tant de
chofes ; c'est ce qui nous a fait
recueillirdans des Regiſtres fidelles
tout ceque nous avons pûramaſſer,
&nous le terminerons
par une protestation fincere, que
quoyque nous en diſions beaucoup,
il nous en a encore plus échapé
desAmb. de Siam. 295
Ces Memoires feront confacrez
à la poſterité, & mis en dépost
entre les monumens les plus rares
& les plus precieux de l'Etat.
LeRoy noftre Maistre les
envoyera pourprefens aux Prin
cesſes Alliez, &par la l'Orient
Sçaura bien- toft, &tous les Siecles
à venir apprendront les
vertus incomprehenſibles de Loüis
leGrand. Nous porterons enfin
l'heureuſe nouvelle de la ſanté
parfaite de vostre Majesté ,
lefoin que le Ciel apris de continüer
le cours d'une vie qui ne
devroit jamais finir.
Bb iiij
296 IV. P. du Voyage
CetteHarangue receut de
fi grands applaudiſſemens ,
que des perſonnes à qui l'on
ne peut rien refuſer, en ayant
demandé des copies , il s'en
fit un fort grand nombre, de
forte que la Cour en fut remplie
dés ce même jour. En
vous marquant que tout s'eſt
paſſé dans cette Audience de
congé, avec les meſmes ceremonies
que dans la premiere,
je dois vous dire que Me le
Marquisde laSalleMaîtrede la
Garderobe, eſtoit ſur le Trône
derriere le Roy, avecMi le
des Amb de Siam. 297
Grand Maître de la Garderobe
, & les perſonnes que
je vous ay déja nommez , à
qui leurs Charges donnent
cét honneur. Les Ambaſladeurs
eurent ſeize autres Audiences
le meſme jour , à
commencer par celle de Monſeigneur.
Voicy le compli
ment qu'ils luy firent.
TRES-GRAND PRINCE ,
Les ordres du Roy nôtre Maile
temps propre à la Navigation
, nous obligent enfin à
tre ,
1
venir prendre congé de vous.
ف
298 IV. P. du Voyage
Nous compterons éternellement
entre les avantages extraordinaires
que nous avons trouvez
en cette Ambaſſade , l'honneur
que nous avons eu de connoître
par nous-mêmes , & de pouvoir
faire connoîtreà tout l'Orient un
Prince fi accompli , fi genereux ,
fi bien-faiſant , si propre àfe ga
gner tous les coeurs , fi digne enfin
d'estre le Fils de LOVIS
LE GRAND. Que de joye
nous allons donner au Roy nôtre
Maître,quand nous luy apprendrons
plus à fond quelle est
voſtre grandeur d'ame , quelle est
L'étendue de vostre genie : en un
desAmb. de Siam. 299
mot tout ce que vous estes , &
quels font les Enfants que le
Dieu du Ciel vous a donnez,
qui font autant de precieux gages
, que l'amitié que nous fommes
venus contracter avec la
Francefubfistera durant tous les
Siècles.
Ils parlerent ainſi àMadame
laDauphine.
TRES-GRANDE PRINCESSE ,
Il est temps que nous portions
à la Princeſſe Reine , qui nous
avoit fait l'honneur de nous chargerdefes
ordres auprés de vous ,
300 IV. P du oyage
les nouvelles qu'elle defire fans
doute avec ardeur. Celles que
nous avons à luy apprendre, luy
feront fi agreables, que nous confeffons
, qu'il nousferoit difficile
de nepas reſſentirquelque empres
fement de les luy porter. Nous
n'oublirons pas de luy marquer
les nouvelles faveurs que le Ciel
prendplaisir àrépandrefur voftre
Auguste Alliance avec le
Fils unique de LOVIS LE
GRAND. Nous en avons
eſté témoins , &nous en avons
reffenty les premiers une joye extréme.
Mais nous rempliransfon
eſprit & toute la Cour de Siam
des Amb. de Siam. 301
d'admiration , quand nous raconterons
les merveilleuses qualitez
que toute l'Europe admire
en vous , & que vous foûtenez
par un air de Majesté , qui decouvre
d'abord à ceux- meſmes
qui ne vous connoistroient pas
encore , tout ce que vous estes.
Cefera pour la Princeffe Reyne
nne fatisfaction que nous ne
pouvons exprimer , d'apprendre
qu'elle est dans l'estime
l'amitié d'une Princeffefi élevée
fi accomplie.
dans
* Je vous envoye les autres
Harangues dans l'ordre qu'
elles furent faites.
1
302 IV. P. du Voyage
A MONSEIGNEUR
LE DUC
DE BOURGOGNE
GRAND PRINCE quifes
rez un jour la gloire
Fornement de tout l'Univers,
Nous allons préparer dans l'Orient
les voyes à la Renommée,
qui y portera dans peu d'années
le recit de vos Victoires de
vos grandes Actions. Si nous
vivons encore alors , le témoi
gnage que nous rendions de ce
que nous avons découvert en
vous , fera croire tout ce qui
des Amb. de Siam. 303
dans vos exploits, poura paroître
incroyable. Nous l'avons vû ,
dirons nous , ce Prince encore
Enfant, & dés ce temps là toute
fon Ame paroiffant fur fon
front & dansses yeux , nous le
jugions capable de faire un jour
tout ce qu'il fait aujourd'huy.
Ce qui comblera de joye leRoy
noftre Maitre,fera l'affeurance
que nous luy donnerons , que le
Royaume de Siam trouvera en
vous un ferme appuy de l'amitié
que nous sommes venus contrac
ter avec la France.
304 IV. P. du Voyage
A MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
GRANDPRINCE, qui ferez
éprouver un jour aux
Ennemis de la France , la force
de vostre bras , & la grandeur
de vostre courage , ce que nous
dirons au Roy noſtre Maître,des
grandes efperances que vous donnez,
& des marques d'efprit,
de generofité de grandeur, qui
brillent en vous au travers des
nuages de l'Enfance , luy fera
ſouhaiterd'entendre bien-toſtparler
de vos glorieux exploits.
des Amb. de Siam. 305
Nous ferons ravis plus que tout
le reste des hommes de les apprendre
, parceque nous nous
fouviendrons de l'honneur que
nous avons eu de vous faluer
de la part du Roy nostre Maistre,
&de vous prefenter par nous
meſmes nos profonds reſpects.
A MONSEIGNEUR ,
LE DUC DE BERRY .
GRAND PRINCE à qui
le Ciel referve des Victoires
& des Conquêtes , Nous aurons
l'avantage de porter au Roy
Cc
306 IV. P. du Voyage
VOUS
noftre Maître la premiere nouvelle
qu'il ait jamais receüe de
& nous le remplirons
de joge en luy marquant le bonheur
que nous avons eu de
vous voir naître ,& l'heureux
préfageque l'on a tiréde cetteAmbaſſade
pour vostre Grandeurfuture.
Noussouhaitons que vostre
reputation nous ſuive de prés ,
paffe bien-toſt les Mers aprés
nous , pour répandre l'allegreſſe
dans une Cour & dans
Royaume , où vousferezparfaitement
honoré.
un
;
des Amb. de Siam. 307
১
A MONSIEUR ,
TRES-GRAND PRINCE .
Nous diſpoſant à retourner
vers le Roy noftre Maistre , nous
venons vous afſurer que nous
remportons avec nous une profonde
reconnoiffance pour les bontez
que vous nous avez fait
P'honneur de nous témoigner,
une idée la plus haute& laplus
excellente qu'on puiſſe avoir de
toutes les qualitez heroïques qui
brillent en vostre personne ,
qui vous font admirer dans l'VCcij
308 IV . P. du Voyage
nivers. Nous nous estimonsheureux
de ce que nous allons contribuer
à augmenter cette admiration
, non-feulement à la Cours
& dans le Royaume de Siam ,
mais encore dans toutes les Cours,
dans tous les Royaumes de
L'Orient , où le bruit de cetteAmbaſſade
s'est déja ſans doute répandu
, & ou le recit que nous
feronsde tout cequi s'y eft paffé,
& de tout ce que nous avsns
vû , ne manquera pas auſſi deſe
répandre . Vostre Illustre Nom
occupera dans nos Relations la
place qui luy est deüe , comme il
L'occupe dés-a-preſent dans nos
des Amb. de Siam. 309
efprits & dans nos coeurs par la
respect & la veneration que nous
conſerverons éternellement pour
vostre Auguste Personne.
A MADAME.
GRANDE PRINCESSE.
د
LeSéjourque nous avonsfait
en France nous a donné lieu
d'augmenter la haute effime, dont
nous estions déja prevenus pour
toutes les grandes qualitez qu'on
admire en vous . Ce n'estpas un
petit ſujet de conſolation pour
nous , que le long voyage que
310 IV. P. du Voyage
nous avons entrepris en Europe,
er que nôtre retour dans l'Afie
puiffent estre utiles à votre
gloire , en nous fourniſſant l'occafion
de repandre de plus enplus
vôtre nom juſques dans les
Royaumes les plus éloignez.
Nous publironsfur tout dans le
ce que nous connoiſſons
de vos grandeurs , & du merite
éclatant qui vous distingue ,
bien-tôt vous tiendrezle mesme
rang dans l'estime du Roy notre
Maître , &de la Princeffe
Reyne , que vous tenez icy dans
l'esprit & dans le coeur de
LOVIS LE GRAND.
nôtre
2
des Amb. de Siam. zit
A MONSIEUR
LE DUC 1
DE CHARTRES.
GRAND PRINCE,
Rien ne pouvoit estre plus
agreable pour nous dans notre
retour aupres du Roy nostre
Maître , que d'avoir à luy
dire , en luy rendant compte
du floriſſant estat , ou nous
le
, que
avons trouvé la Maison Royanous
avons admire
en vous des qualitez beaucoup
au - deffus de vostre âge ,
beaucoup au - dessus des bom312
IV. P. du Voyage
mes , & qu'on ne peut voir
fans étonnement la vivacité de
vôtre esprit , la nobleffe de vos
Sentimens , l'élevation de vostre
courage , & toutes les marques
que vous donnez d'une
grande ame. Nous lui ferons
connoître que c'est avec justice
que la France a déja concen de
vous de tres -hautes efperances ,
qu'il peut s'aſſurer de trouver
un jour en voſtre perfonne,
un amy auffi genercux que tout
I'Univers y trouvera un Prince
Grand & Magnanime.
desAmb. de Siam. 313
1
A MADEMOISELLE .
GRANDE PRINCESSE ,
Vos vertus & vos rares
qualitez qui croiffent de jour
en jour , ont auffi fait croître
dans nos efprits , le respect
l'admiration que nous avons
conceue dés la premiere fois
que nous avons eu l'honneurde
vous rendre nos devoirs. C'est
dans cesſentimens que nouspar
tons & que nous allons vous
faire connoître en tous lieux,
principalemet àlaCour de Siam
Dd
314 IV . P. du Voyage
où vousserez regardée désor
mais comme l'exemple & le
modelle de toutes lesjeunesPrinceffes
.
Ils firent auſſi compliment
le meſme jour à Mademoiſelle
d'Orleans , à Madame la
Princeffe, à Monfieur le Duc,
à Madame la Princeſſe de
Conty& à Monfieur lePrince
de Conty. Il vous eft aisé
de connoiſtre par les Complimens
que vous venez de
lire , ceux qui ont eſté faits
aux Princes & Princeſſes que
je viens de vous nommer.
des Amb de Siam. 315
Toutes les réponſes faites aux
uns&aux autres, ont eſté fur
des marques d'affection pour
le Roy de Siam , & d'eſtime
pour les Ambaſſadeurs. Ils
allerent le mefme jour pren
dre congé de Me de Crouffy,
& ce Miniſtre continüa de
leur parler en faveur de la
Religion Chreftienne , comme
il avoit déja fait dans
pluſieurs autres Audiences,
d'une maniere ſi éloquente
&fi perfuafive, qu'il s'eſt toûjours
attiré l'admiration de
tous ceux qui s'y font trouvé
prefens. Ils allerent auſſi
Ddij
316 IV. P. du Voyage
chezM. de Seignelay,& lors
qu'ils commençoient à luy
faire compliment, il leur en
fit un luy-meſme,fur lareputation
qu'ils remportoient
de France ; aprés quoy ils
parlerent d'affaires.
deux jours aprés pour prendre
leur Audience de congé
dn Roy. L'Ambaſſadeur &
M le Duc de la Feuillade eurent
une converſation fort
288 IV.P.duVoyage
vive fur les Figures debronze
qui font en France ,&fur celles
de divers metaux , qu'on
dit qui font à Siam , & ce Duc
fit connoître que perſonne ne
luy peut rien apprendre fur
ce qui regarde la fonte des
metaux. La converſation
ayant changé de ſujet , l'Am
baſſadeur dit que toutes les fors
qu'il avoit esté à Versailles , il
avoit eu le coeur plein de joye
en pensant qu'il alloit voir te
Roy ,qu'à fon retour il eſtoit
chagrin , & que fa tristeſſe ſe
diffipoit, dans la pensée qu'il re-
Derroit encore Sa Majesté, mais
que
des Amb. de Siam. 283
que lors qu'il faisoit reflexion que
cet eſpoir ne luy seroit plus permis
, il eſtoit dans un abatement
inconcevable , qu'il falloit
qu'il mist toute ſa confolation
dans le plaifirqu'il auroit bientoft
de raconter au Roy de Siam
les magnificences , les bontés,&
les vertus du Roy , &que fi
aprés cela , on le renvoyoit en
France , ily viendroit volontiers
luy &toute fa famille , poury
paſſer autant d'années qu'ilplai
roit au Roy ſon Maistre.
** Je ne vous repete point les
Ceremonies qui ont eſté obſervées
à cette Audience de
Bb
29 IV.P. du Voyage
2
1
11
congé , puiſqu'elles ont eſté
les meſmes que celles de la
premiere Audience , & que le
Roy l'a donnée dans le même
lieu, ſur le même Trône , &
accompagné des mêmes perfonnes.
Apres que l'Ambaſſadeur
eûtfair fon compliment
en Siamois , Me l'Abbé de
Lionne l'expliqua ainfiennôtre
Langue.
GRAND ROY,
NOVS venons icy pour
demander à vôtre Majesté ta
permiffion de nous en retourner
da
des Amb. de Siam. 297
est
vers leRoy nôtre Maître. L'im
patience où nous ſcavons qu'il
d'apprendre le ſuccés de nôtre
Ambaſſade , les merveilles
que nous avons à luy racconter,
les gages precieux que nous luy
portons de l'estime finguliere
que vôtre Majesté a pour luy ,
fur tout , l'affeurance que
nous luy devons donner de la
Royale amitié qu'Elle contracte
pourjamais avec luy ; tout cela
beaucoup plus encore que les Vents
de la ſaiſon , nous invite enfin
àpartir, pendant que les bons
traitemens que nous recevons icy
de toutes parts par les ordres de
Bb ij
292 IV. P. du Voyage
vôtre Majesté, seroient capables
de nousfaire oublier notrePatrie,
si nous l'ofons dire, les ordres
mesme de notre Prince ; mais
fur le point de nous éloigner
de vostre Perſonne Royale , nous
n'avons point de paroles qui
puiffent exprimer les ſentimens
de respect, d'admiration & de
reconnoiſſance , dont nous fommes
penetrez. Nous nous estions
bien attendus à trouver dans
voſtreMajesté des grandeurs &
des qualitez extraordinaires ;
L'effety a pleinement répondu ,
a même ſurpaffé de beaucoup
noftre attente , mais nous
des Amb. de Siam. 193
fommes obligezde l'avoüer, nous
n'avions pas crú y trouver l'accés
, la douceur, l'affabilité que
nousy avons rencontrée ; nous
ne jugions pas mêmes que des
qualitezqui paroiſſent ſi opposées
, puffent compatir dans une
même personne , & qu'on pust
accorder enſemble tant deMajesté
&tant de bonté. Nous nefommesplusfurpris
que vos Peuples,
trop heureux de vivre fous vôtre
Empire, faffent paroiftre par
tout l'amour & la tendreſſe
qu'ils ont pour vostre RoyalePer-
Sonne. Pour nous , grand Roy,
comblezde vos biens faits, char
Bb iij
294 IV.P.du Voyage
mez de vos vertus , touchez
jusqu'aufonddu coeur de vos bon
tez , ſaiſis d'étonnement à la
veuë de vôtre haute fageffe , &
de tous les miracles de vostre
Régne ; noſtre vie nous paroist
trop courte , & le monde entier
trop petit , pour publier ce que
nous en penfons : Noftre memoire
auroit peine à retenir tant de
chofes ; c'est ce qui nous a fait
recueillirdans des Regiſtres fidelles
tout ceque nous avons pûramaſſer,
&nous le terminerons
par une protestation fincere, que
quoyque nous en diſions beaucoup,
il nous en a encore plus échapé
desAmb. de Siam. 295
Ces Memoires feront confacrez
à la poſterité, & mis en dépost
entre les monumens les plus rares
& les plus precieux de l'Etat.
LeRoy noftre Maistre les
envoyera pourprefens aux Prin
cesſes Alliez, &par la l'Orient
Sçaura bien- toft, &tous les Siecles
à venir apprendront les
vertus incomprehenſibles de Loüis
leGrand. Nous porterons enfin
l'heureuſe nouvelle de la ſanté
parfaite de vostre Majesté ,
lefoin que le Ciel apris de continüer
le cours d'une vie qui ne
devroit jamais finir.
Bb iiij
296 IV. P. du Voyage
CetteHarangue receut de
fi grands applaudiſſemens ,
que des perſonnes à qui l'on
ne peut rien refuſer, en ayant
demandé des copies , il s'en
fit un fort grand nombre, de
forte que la Cour en fut remplie
dés ce même jour. En
vous marquant que tout s'eſt
paſſé dans cette Audience de
congé, avec les meſmes ceremonies
que dans la premiere,
je dois vous dire que Me le
Marquisde laSalleMaîtrede la
Garderobe, eſtoit ſur le Trône
derriere le Roy, avecMi le
des Amb de Siam. 297
Grand Maître de la Garderobe
, & les perſonnes que
je vous ay déja nommez , à
qui leurs Charges donnent
cét honneur. Les Ambaſladeurs
eurent ſeize autres Audiences
le meſme jour , à
commencer par celle de Monſeigneur.
Voicy le compli
ment qu'ils luy firent.
TRES-GRAND PRINCE ,
Les ordres du Roy nôtre Maile
temps propre à la Navigation
, nous obligent enfin à
tre ,
1
venir prendre congé de vous.
ف
298 IV. P. du Voyage
Nous compterons éternellement
entre les avantages extraordinaires
que nous avons trouvez
en cette Ambaſſade , l'honneur
que nous avons eu de connoître
par nous-mêmes , & de pouvoir
faire connoîtreà tout l'Orient un
Prince fi accompli , fi genereux ,
fi bien-faiſant , si propre àfe ga
gner tous les coeurs , fi digne enfin
d'estre le Fils de LOVIS
LE GRAND. Que de joye
nous allons donner au Roy nôtre
Maître,quand nous luy apprendrons
plus à fond quelle est
voſtre grandeur d'ame , quelle est
L'étendue de vostre genie : en un
desAmb. de Siam. 299
mot tout ce que vous estes , &
quels font les Enfants que le
Dieu du Ciel vous a donnez,
qui font autant de precieux gages
, que l'amitié que nous fommes
venus contracter avec la
Francefubfistera durant tous les
Siècles.
Ils parlerent ainſi àMadame
laDauphine.
TRES-GRANDE PRINCESSE ,
Il est temps que nous portions
à la Princeſſe Reine , qui nous
avoit fait l'honneur de nous chargerdefes
ordres auprés de vous ,
300 IV. P du oyage
les nouvelles qu'elle defire fans
doute avec ardeur. Celles que
nous avons à luy apprendre, luy
feront fi agreables, que nous confeffons
, qu'il nousferoit difficile
de nepas reſſentirquelque empres
fement de les luy porter. Nous
n'oublirons pas de luy marquer
les nouvelles faveurs que le Ciel
prendplaisir àrépandrefur voftre
Auguste Alliance avec le
Fils unique de LOVIS LE
GRAND. Nous en avons
eſté témoins , &nous en avons
reffenty les premiers une joye extréme.
Mais nous rempliransfon
eſprit & toute la Cour de Siam
des Amb. de Siam. 301
d'admiration , quand nous raconterons
les merveilleuses qualitez
que toute l'Europe admire
en vous , & que vous foûtenez
par un air de Majesté , qui decouvre
d'abord à ceux- meſmes
qui ne vous connoistroient pas
encore , tout ce que vous estes.
Cefera pour la Princeffe Reyne
nne fatisfaction que nous ne
pouvons exprimer , d'apprendre
qu'elle est dans l'estime
l'amitié d'une Princeffefi élevée
fi accomplie.
dans
* Je vous envoye les autres
Harangues dans l'ordre qu'
elles furent faites.
1
302 IV. P. du Voyage
A MONSEIGNEUR
LE DUC
DE BOURGOGNE
GRAND PRINCE quifes
rez un jour la gloire
Fornement de tout l'Univers,
Nous allons préparer dans l'Orient
les voyes à la Renommée,
qui y portera dans peu d'années
le recit de vos Victoires de
vos grandes Actions. Si nous
vivons encore alors , le témoi
gnage que nous rendions de ce
que nous avons découvert en
vous , fera croire tout ce qui
des Amb. de Siam. 303
dans vos exploits, poura paroître
incroyable. Nous l'avons vû ,
dirons nous , ce Prince encore
Enfant, & dés ce temps là toute
fon Ame paroiffant fur fon
front & dansses yeux , nous le
jugions capable de faire un jour
tout ce qu'il fait aujourd'huy.
Ce qui comblera de joye leRoy
noftre Maitre,fera l'affeurance
que nous luy donnerons , que le
Royaume de Siam trouvera en
vous un ferme appuy de l'amitié
que nous sommes venus contrac
ter avec la France.
304 IV. P. du Voyage
A MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
GRANDPRINCE, qui ferez
éprouver un jour aux
Ennemis de la France , la force
de vostre bras , & la grandeur
de vostre courage , ce que nous
dirons au Roy noſtre Maître,des
grandes efperances que vous donnez,
& des marques d'efprit,
de generofité de grandeur, qui
brillent en vous au travers des
nuages de l'Enfance , luy fera
ſouhaiterd'entendre bien-toſtparler
de vos glorieux exploits.
des Amb. de Siam. 305
Nous ferons ravis plus que tout
le reste des hommes de les apprendre
, parceque nous nous
fouviendrons de l'honneur que
nous avons eu de vous faluer
de la part du Roy nostre Maistre,
&de vous prefenter par nous
meſmes nos profonds reſpects.
A MONSEIGNEUR ,
LE DUC DE BERRY .
GRAND PRINCE à qui
le Ciel referve des Victoires
& des Conquêtes , Nous aurons
l'avantage de porter au Roy
Cc
306 IV. P. du Voyage
VOUS
noftre Maître la premiere nouvelle
qu'il ait jamais receüe de
& nous le remplirons
de joge en luy marquant le bonheur
que nous avons eu de
vous voir naître ,& l'heureux
préfageque l'on a tiréde cetteAmbaſſade
pour vostre Grandeurfuture.
Noussouhaitons que vostre
reputation nous ſuive de prés ,
paffe bien-toſt les Mers aprés
nous , pour répandre l'allegreſſe
dans une Cour & dans
Royaume , où vousferezparfaitement
honoré.
un
;
des Amb. de Siam. 307
১
A MONSIEUR ,
TRES-GRAND PRINCE .
Nous diſpoſant à retourner
vers le Roy noftre Maistre , nous
venons vous afſurer que nous
remportons avec nous une profonde
reconnoiffance pour les bontez
que vous nous avez fait
P'honneur de nous témoigner,
une idée la plus haute& laplus
excellente qu'on puiſſe avoir de
toutes les qualitez heroïques qui
brillent en vostre personne ,
qui vous font admirer dans l'VCcij
308 IV . P. du Voyage
nivers. Nous nous estimonsheureux
de ce que nous allons contribuer
à augmenter cette admiration
, non-feulement à la Cours
& dans le Royaume de Siam ,
mais encore dans toutes les Cours,
dans tous les Royaumes de
L'Orient , où le bruit de cetteAmbaſſade
s'est déja ſans doute répandu
, & ou le recit que nous
feronsde tout cequi s'y eft paffé,
& de tout ce que nous avsns
vû , ne manquera pas auſſi deſe
répandre . Vostre Illustre Nom
occupera dans nos Relations la
place qui luy est deüe , comme il
L'occupe dés-a-preſent dans nos
des Amb. de Siam. 309
efprits & dans nos coeurs par la
respect & la veneration que nous
conſerverons éternellement pour
vostre Auguste Personne.
A MADAME.
GRANDE PRINCESSE.
د
LeSéjourque nous avonsfait
en France nous a donné lieu
d'augmenter la haute effime, dont
nous estions déja prevenus pour
toutes les grandes qualitez qu'on
admire en vous . Ce n'estpas un
petit ſujet de conſolation pour
nous , que le long voyage que
310 IV. P. du Voyage
nous avons entrepris en Europe,
er que nôtre retour dans l'Afie
puiffent estre utiles à votre
gloire , en nous fourniſſant l'occafion
de repandre de plus enplus
vôtre nom juſques dans les
Royaumes les plus éloignez.
Nous publironsfur tout dans le
ce que nous connoiſſons
de vos grandeurs , & du merite
éclatant qui vous distingue ,
bien-tôt vous tiendrezle mesme
rang dans l'estime du Roy notre
Maître , &de la Princeffe
Reyne , que vous tenez icy dans
l'esprit & dans le coeur de
LOVIS LE GRAND.
nôtre
2
des Amb. de Siam. zit
A MONSIEUR
LE DUC 1
DE CHARTRES.
GRAND PRINCE,
Rien ne pouvoit estre plus
agreable pour nous dans notre
retour aupres du Roy nostre
Maître , que d'avoir à luy
dire , en luy rendant compte
du floriſſant estat , ou nous
le
, que
avons trouvé la Maison Royanous
avons admire
en vous des qualitez beaucoup
au - deffus de vostre âge ,
beaucoup au - dessus des bom312
IV. P. du Voyage
mes , & qu'on ne peut voir
fans étonnement la vivacité de
vôtre esprit , la nobleffe de vos
Sentimens , l'élevation de vostre
courage , & toutes les marques
que vous donnez d'une
grande ame. Nous lui ferons
connoître que c'est avec justice
que la France a déja concen de
vous de tres -hautes efperances ,
qu'il peut s'aſſurer de trouver
un jour en voſtre perfonne,
un amy auffi genercux que tout
I'Univers y trouvera un Prince
Grand & Magnanime.
desAmb. de Siam. 313
1
A MADEMOISELLE .
GRANDE PRINCESSE ,
Vos vertus & vos rares
qualitez qui croiffent de jour
en jour , ont auffi fait croître
dans nos efprits , le respect
l'admiration que nous avons
conceue dés la premiere fois
que nous avons eu l'honneurde
vous rendre nos devoirs. C'est
dans cesſentimens que nouspar
tons & que nous allons vous
faire connoître en tous lieux,
principalemet àlaCour de Siam
Dd
314 IV . P. du Voyage
où vousserez regardée désor
mais comme l'exemple & le
modelle de toutes lesjeunesPrinceffes
.
Ils firent auſſi compliment
le meſme jour à Mademoiſelle
d'Orleans , à Madame la
Princeffe, à Monfieur le Duc,
à Madame la Princeſſe de
Conty& à Monfieur lePrince
de Conty. Il vous eft aisé
de connoiſtre par les Complimens
que vous venez de
lire , ceux qui ont eſté faits
aux Princes & Princeſſes que
je viens de vous nommer.
des Amb de Siam. 315
Toutes les réponſes faites aux
uns&aux autres, ont eſté fur
des marques d'affection pour
le Roy de Siam , & d'eſtime
pour les Ambaſſadeurs. Ils
allerent le mefme jour pren
dre congé de Me de Crouffy,
& ce Miniſtre continüa de
leur parler en faveur de la
Religion Chreftienne , comme
il avoit déja fait dans
pluſieurs autres Audiences,
d'une maniere ſi éloquente
&fi perfuafive, qu'il s'eſt toûjours
attiré l'admiration de
tous ceux qui s'y font trouvé
prefens. Ils allerent auſſi
Ddij
316 IV. P. du Voyage
chezM. de Seignelay,& lors
qu'ils commençoient à luy
faire compliment, il leur en
fit un luy-meſme,fur lareputation
qu'ils remportoient
de France ; aprés quoy ils
parlerent d'affaires.
Fermer
Résumé : Ils retournerent deux jours aprés à Versailles, pour leur Audiance de congé. Ils en eurent dix-sept le même jour. Tout ce qui s'est passé à ces Audiances avec toutes les Harangues. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam retournèrent à Versailles deux jours après leur première audience pour prendre congé du roi. Lors de cette audience, l'ambassadeur et le duc de la Feuillade discutèrent des figures de bronze en France et des métaux utilisés à Siam. Le duc affirma sa maîtrise en fonte des métaux. La conversation porta ensuite sur les émotions de l'ambassadeur, qui exprima sa joie à l'idée de voir le roi et sa tristesse à l'idée de partir, mais aussi sa détermination à raconter les magnificences et les vertus du roi de France au roi de Siam. L'audience de congé se déroula avec les mêmes cérémonies que la première audience. L'ambassadeur fit un compliment en siamois, traduit par l'abbé de Lionne. Il demanda la permission de retourner auprès de leur roi, exprimant l'impatience de ce dernier d'apprendre le succès de l'ambassade et les merveilles à raconter. Les ambassadeurs soulignèrent les qualités extraordinaires du roi de France, sa majesté, sa douceur et son affabilité, et exprimèrent leur admiration et leur reconnaissance. Après cette harangue, qui reçut de grands applaudissements, les ambassadeurs eurent seize autres audiences le même jour, commençant par celle de Monseigneur. Ils adressèrent des compliments à divers membres de la famille royale, louant leurs qualités et exprimant leur admiration. Ils promirent de rapporter ces compliments et ces admiractions à leur roi et de publier les vertus du roi de France dans l'Orient. Les ambassadeurs rencontrèrent également Mademoiselle d'Orléans, Madame la Princesse, Monsieur le Duc, Madame la Princesse de Conti et Monsieur le Prince de Conti. Les compliments échangés reflétaient l'affection pour le roi de Siam et l'estime pour les ambassadeurs. Le même jour, ils prirent congé de Monsieur de Croissy, qui parla de la religion chrétienne de manière éloquente et persuasive, suscitant l'admiration des présents. Ils se rendirent également chez Monsieur de Seignelay, qui les complimenta sur la réputation qu'ils emportaient de France avant de discuter d'affaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
39
p. 320-323
Ils vont voir le Cercle Royal. [titre d'après la table]
Début :
J'ay oublié de vous dire qu'ils ont admiré au Cercle [...]
Mots clefs :
Cercle royal, Cire, Personnes, France, Ambassadeurs, Antoine Benoist
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils vont voir le Cercle Royal. [titre d'après la table]
Jay oublié de vous dire
qu'ils ont admiré au Cercle
Royal toutes les Perſonnes
illuſtres qu'ils avoient déja
veuës à la Cour. En entrant
des Amb. de Siam. 321
qui
dans la Sale où les deux Cer
cles ſont diſpoſez , fçavoir
celuy de France & celuy de
Conſtantinople : Ils crurent
d'abord qu'il y avoit quelque
forte d'enchantement
leur faifoit trouver en un même
lieu tant de differentes
fortes de perſonnes habillées
ſuperbement , &dans des attitudes
fi naturelles. Le premier
Ambaſſadeur ne pouvant
ajoûter foy à ſes yeux ,
porta pluſieurs fois ſes mains
fur les habits , pour ſçavoir
ce que pouvoit eſtre. On luy
firenfuitte remarquer dans le
322 IV. P. du Voyage 1
même lieu les Portraits des
Ambaſſadeurs des Nations éloignées
, qui font venus en
France depuis dix ou douze
ans , avec lesquels on a mis
le Doge de Gennes , & les
quatre Senateurs qui l'accompagnerent.
Ils examinerent
toutes les Figures avec une
tres-grande attention , & té
moignerent qu'ils feroient
bien aiſes d'eſtre dans ce nombre
, ce qui a eſté cauſe que
le ſieurBenoiſt a repreſenté en
cire & en peinture les trois
Ambaſſadeurs que l'on voit
au Cercle , habillez comme
des Amb. de Siam. 323
ils eftoient le jour de leur pre
miere Audience.
qu'ils ont admiré au Cercle
Royal toutes les Perſonnes
illuſtres qu'ils avoient déja
veuës à la Cour. En entrant
des Amb. de Siam. 321
qui
dans la Sale où les deux Cer
cles ſont diſpoſez , fçavoir
celuy de France & celuy de
Conſtantinople : Ils crurent
d'abord qu'il y avoit quelque
forte d'enchantement
leur faifoit trouver en un même
lieu tant de differentes
fortes de perſonnes habillées
ſuperbement , &dans des attitudes
fi naturelles. Le premier
Ambaſſadeur ne pouvant
ajoûter foy à ſes yeux ,
porta pluſieurs fois ſes mains
fur les habits , pour ſçavoir
ce que pouvoit eſtre. On luy
firenfuitte remarquer dans le
322 IV. P. du Voyage 1
même lieu les Portraits des
Ambaſſadeurs des Nations éloignées
, qui font venus en
France depuis dix ou douze
ans , avec lesquels on a mis
le Doge de Gennes , & les
quatre Senateurs qui l'accompagnerent.
Ils examinerent
toutes les Figures avec une
tres-grande attention , & té
moignerent qu'ils feroient
bien aiſes d'eſtre dans ce nombre
, ce qui a eſté cauſe que
le ſieurBenoiſt a repreſenté en
cire & en peinture les trois
Ambaſſadeurs que l'on voit
au Cercle , habillez comme
des Amb. de Siam. 323
ils eftoient le jour de leur pre
miere Audience.
Fermer
Résumé : Ils vont voir le Cercle Royal. [titre d'après la table]
Lors d'une visite au Cercle Royal, des ambassadeurs de Siam ont été impressionnés par la diversité et la beauté des tenues des personnes présentes, qu'ils ont d'abord prises pour un enchantement. Le premier ambassadeur a touché les habits pour vérifier leur réalité. On leur a ensuite montré des portraits d'ambassadeurs de nations éloignées, ainsi que du Doge de Gênes et de ses sénateurs. Les ambassadeurs de Siam ont exprimé le souhait de figurer parmi ces portraits. En conséquence, le sieur Benoist a réalisé des représentations en cire et en peinture des trois ambassadeurs de Siam, tels qu'ils apparaissaient lors de leur première audience.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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40
p. 327-330
Ce qui s'est passé au moment de leur départ. [titre d'après la table]
Début :
Mr le Chevalier de Chaumont, les accompagna jusqu'à leur [...]
Mots clefs :
Départ, Voyage, Paris, France, Relation, Roi, Ambassadeurs, Storf, Monsieur de Ville, Chevalier de Chaumont, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé au moment de leur départ. [titre d'après la table]
Mle
Chevalier de Chaumont , les
accompagna juſqu'à leurCartofle,&
les vit partir , l'Am
328 IV . P. du Voyage
baffadeur parut fort touche.
Ils feront traités juſques à
Breft par M. de Ville , qui eſt
le Maître d'Hôtel que leRoy
leur a donné , de forte qu'en
quelque lieu que ce foit , ils
feront fervis de la meſme forte
qu'ils l'ont eſté à Paris , &
dans leVoyage qu'ils ont fait
en France , oula inagnificence
a toûjours efté égale. Je finis
cette Relation à leur départ
part de Paris, parce qu'ils vont
àBreft par le meſme chemin
qu'ils en font venus , & que
dans ma premiere Relation ,
je vous ay parlé de tout ce
'des Amb. de Siam, 329
qui regarde cette route. On
avoit eu deſſein de les faire
pafſer en Normandie , afinde
leur faire voir de nouvelles
Villes , mais les chemins n'étant
pas ſi praticables , & le
temps de l'embarquement
preffant , on a craint quelque
retardement qui les empefchaft
de faire voile au premier
vent favorable.
M. Torf , Gentilhomme
ordinaire de la Maiſon du
Roy, & dont je vous ay fouventparlédans
ces quatreRelations
, les doit conduire à
Breſt , où il a eſté les prendre.
Ee
330 IV. P. du Voyage
On ne peut mieux s'acquitten
que luy de ces fortes de fon-
Stions , & la maniere dont il
a remply cette derniere, marque
le bon choix du Roy. II
a fatisfait Sa Majesté , & les
Ambaſſadeurs , & l'on peut
dire qu'en faiſant ſon devoir,
il a trouvé moyen d'obligert
toute la France pendantneuf
mois.
Chevalier de Chaumont , les
accompagna juſqu'à leurCartofle,&
les vit partir , l'Am
328 IV . P. du Voyage
baffadeur parut fort touche.
Ils feront traités juſques à
Breft par M. de Ville , qui eſt
le Maître d'Hôtel que leRoy
leur a donné , de forte qu'en
quelque lieu que ce foit , ils
feront fervis de la meſme forte
qu'ils l'ont eſté à Paris , &
dans leVoyage qu'ils ont fait
en France , oula inagnificence
a toûjours efté égale. Je finis
cette Relation à leur départ
part de Paris, parce qu'ils vont
àBreft par le meſme chemin
qu'ils en font venus , & que
dans ma premiere Relation ,
je vous ay parlé de tout ce
'des Amb. de Siam, 329
qui regarde cette route. On
avoit eu deſſein de les faire
pafſer en Normandie , afinde
leur faire voir de nouvelles
Villes , mais les chemins n'étant
pas ſi praticables , & le
temps de l'embarquement
preffant , on a craint quelque
retardement qui les empefchaft
de faire voile au premier
vent favorable.
M. Torf , Gentilhomme
ordinaire de la Maiſon du
Roy, & dont je vous ay fouventparlédans
ces quatreRelations
, les doit conduire à
Breſt , où il a eſté les prendre.
Ee
330 IV. P. du Voyage
On ne peut mieux s'acquitten
que luy de ces fortes de fon-
Stions , & la maniere dont il
a remply cette derniere, marque
le bon choix du Roy. II
a fatisfait Sa Majesté , & les
Ambaſſadeurs , & l'on peut
dire qu'en faiſant ſon devoir,
il a trouvé moyen d'obligert
toute la France pendantneuf
mois.
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41
p. 343-347
Suite du Journal de l'Ambassade de Siam en France. [titre d'après la table]
Début :
Aprés vous avoir envoyé en quatre Lettres differentes, un Journal [...]
Mots clefs :
Ambassade de Siam, France, Mots, Roi, Ville, Sa Majesté, Brest
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite du Journal de l'Ambassade de Siam en France. [titre d'après la table]
Aprésvous avoir envoyé en
quatre Lettres différentes
, lli1.,
Journal de l'Ambassade de Siam
en France, je croy devoirajouter
icy pour ne pas laisser cette Anv
ballade imparfaite, que les Ambassadeursontpassé
le Carnaval à
Brest en attendant que tout fust
press pour leur embarquement,
êç que leurs Balots fussentarrivez.
Ils y ont pris cous lesdivertissemens
de la Saison. Ils ont plusieursfoisesté
au Bal,& laTable
.quê leRoy leur entretenait estant
grande, nlag-nifique, & propre,
les perlonnesles plus qualifiées de
la Ville, sontsouvent venue;»manger
avec eux. Ils y on!d^iK*uré
24. jours, fie pendant cetemps
on a reccu l'ordre d'eux. Voicy
les mots qu'ils ont donnez.
Le Pcrt defvre.
Sa Vertufait n ftrfmcritç*
Sa grandeurfait nostre !èurft-r..
Se) Maximesseronsnos-Rqief.
.Jeferayvoirce/picfay vcn*.
-
.7 eseray vozr ce ecj ~zy veuLe
Vainqueur de la ViEfoire.
Sen Mifiotre fera nojtrc leïlitre.
A/onexemple nous vaincrons.
Son étoile nous guide.
Nos Voijins feront jaloux de nofire
gloire.
TJofte exemple leur rervira de Loy.
Se) profperite^feront nosfè.'icitez-
Retour triomphdnt.
11 rlie de sa fumierc.
Famille unie ,
Ministres éi-lairez,
Ses dons font precieux.
Sa memoire nomfera chere.
Regne glorieux.
La !"jlice gouverne Jonfoudre.
A (en mérité les vents obéiront.
La Renommée(idelle.
Le Méritéallie à la Vertu.
La bouche ne peut exprimer ce que
le coeur Cent.
Fartage entre la douleur & lajole,
- Vous voyez dans ces mots le
metme esprit qu'ils ont fait paroiftre
dans les quatre Relations
que je vous ay envoyées. Tout
ce qu'ils ont connu du Roy pendant
qu'ils ont demeuré en France
, tout ce qu'ils pensent de Sa
Majesté
,
& l'usàgequ'ils veulent
faire de ce qu'ils ont veu, est compris
dans ces24. mots donnez. Le
jour qu'ils partirent s'estant tournez
du costé du lieu oùon leur
dit que pouvoir estre le Roy, ils
joignirent les mains,les éleverent,
& firent cinq profondes inclinations
,comme pourremercier Sa
Majesté de tous les bons traitement
qu'ils avoient reçus. Ils forrirent
ensuite pour s'embarquer,
ce qu'ils firent au bruit de trois
décharges de toute l'Artillerie de
la Ville, &: de celle de tous les
Vaisseaux, dont le Port de Brest
estoit remply. Ainsi l'on peut dire
que tout leur a marqué la grandeurde
la France jusques au moment
qu'ils en ont quitté les Costes.
Ils sont partis les larmes aux
yeux ,
&. sur tout en embrassant
M'Torf, qui s'est si bien acquité
delaCommission que le Roy luy
avoit confiée.
quatre Lettres différentes
, lli1.,
Journal de l'Ambassade de Siam
en France, je croy devoirajouter
icy pour ne pas laisser cette Anv
ballade imparfaite, que les Ambassadeursontpassé
le Carnaval à
Brest en attendant que tout fust
press pour leur embarquement,
êç que leurs Balots fussentarrivez.
Ils y ont pris cous lesdivertissemens
de la Saison. Ils ont plusieursfoisesté
au Bal,& laTable
.quê leRoy leur entretenait estant
grande, nlag-nifique, & propre,
les perlonnesles plus qualifiées de
la Ville, sontsouvent venue;»manger
avec eux. Ils y on!d^iK*uré
24. jours, fie pendant cetemps
on a reccu l'ordre d'eux. Voicy
les mots qu'ils ont donnez.
Le Pcrt defvre.
Sa Vertufait n ftrfmcritç*
Sa grandeurfait nostre !èurft-r..
Se) Maximesseronsnos-Rqief.
.Jeferayvoirce/picfay vcn*.
-
.7 eseray vozr ce ecj ~zy veuLe
Vainqueur de la ViEfoire.
Sen Mifiotre fera nojtrc leïlitre.
A/onexemple nous vaincrons.
Son étoile nous guide.
Nos Voijins feront jaloux de nofire
gloire.
TJofte exemple leur rervira de Loy.
Se) profperite^feront nosfè.'icitez-
Retour triomphdnt.
11 rlie de sa fumierc.
Famille unie ,
Ministres éi-lairez,
Ses dons font precieux.
Sa memoire nomfera chere.
Regne glorieux.
La !"jlice gouverne Jonfoudre.
A (en mérité les vents obéiront.
La Renommée(idelle.
Le Méritéallie à la Vertu.
La bouche ne peut exprimer ce que
le coeur Cent.
Fartage entre la douleur & lajole,
- Vous voyez dans ces mots le
metme esprit qu'ils ont fait paroiftre
dans les quatre Relations
que je vous ay envoyées. Tout
ce qu'ils ont connu du Roy pendant
qu'ils ont demeuré en France
, tout ce qu'ils pensent de Sa
Majesté
,
& l'usàgequ'ils veulent
faire de ce qu'ils ont veu, est compris
dans ces24. mots donnez. Le
jour qu'ils partirent s'estant tournez
du costé du lieu oùon leur
dit que pouvoir estre le Roy, ils
joignirent les mains,les éleverent,
& firent cinq profondes inclinations
,comme pourremercier Sa
Majesté de tous les bons traitement
qu'ils avoient reçus. Ils forrirent
ensuite pour s'embarquer,
ce qu'ils firent au bruit de trois
décharges de toute l'Artillerie de
la Ville, &: de celle de tous les
Vaisseaux, dont le Port de Brest
estoit remply. Ainsi l'on peut dire
que tout leur a marqué la grandeurde
la France jusques au moment
qu'ils en ont quitté les Costes.
Ils sont partis les larmes aux
yeux ,
&. sur tout en embrassant
M'Torf, qui s'est si bien acquité
delaCommission que le Roy luy
avoit confiée.
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42
p. 51-106
Nouvelle Liste des Presens envoyez à Siam. [titre d'après la table]
Début :
Quoy que la Liste que je vous ay envoyée le mois passé [...]
Mots clefs :
Présents, Siam, Pièce, Argent, Or, Taille-douce, Vert, Cristal, Reliefs, Canon, Fusil, Roche, Pièces, Ponceau, Garni, Enrichi, Rouge, Broche, Pistolets, Diamants, Couleur, Étui, Boîte, Montre, Fleurs, Dessins, France, Glace, Représenter, Gravures
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelle Liste des Presens envoyez à Siam. [titre d'après la table]
Quoy que la Lifte que je
vous ay envoyée le mois pafré
des Presens qui sont partis
pour Siam,vous ait paru rres-
~pelle, tres ample, & trescurieuse,
j'ay encore beaucoup
dechoses nouvelles à.
vous apprendre sur le mefne
articl
nearticlee.. Il sfaauutt de ggrraannddss
oins, & d'exactes recherches
iour être pleinement instuit
t un détail pareil à celu y-là,
: sur tout, quand on veut
on seulement estre informe
du nombre des pieces, mais
donner aussi une descriprion
particuliere dechacune.C'est
ce que je vay raire a l'égard
decelles dont jene vousay
parlé que legerement. Je ne
vous diray plus rien des autres
,
& passeray mesme par
dessus sans vous les nommer
une seconde fois, àcause que
je vous les ay amplement décrites
, maisaussi i'en aiouteray
un tres-grand nombre,
dont ie ne vous ay encore
rien dit, & vous décriray susJ
qu'aux étofes ,sans quoy il
feroit impossible d'en
bien
faire voir la richesse, & dq
connoistre en quoy consiste
la magnificence de ces P!c:
:cns. le commenceray par
ceux que Sa Majesté a envoyez.
Une Couronne d'or à fleuons,
enrichie de Diamans,
le Rubis, d'Emeraudes, &
le Perles.
Un grand Panache d'or,
ouvert desmeimes Perles.
Un grand Miroir de cris-
'a) garny d'or, la bordure
enrichie de Diamans, le der-
~icre aussid'or à fleurs dereief,
& émaillées.
UneSelle de ch eval avec
a Housse
,
les Fourreaux de
~?i.ioiets & les Harnois en
Broderie de relief
, & les
Etriers de vermeil le tout
enrichy de Pierreries.
Quatre Vestes de velours,
deux noires & deux rouges,
une de chaque couleur avec
des manches, & une sans
manches, en broderie de
fleurs de soye liserées d'or,
enric hies de Perles; les noires
avec un galon rouge, & les
rouges avec un galon vert,
brodées &enrichies de.mef-J
me, suivantlesmodelles ap.j
portez de Siam.
Deux Baudriers enbro
derie d'or
,
passée avec les
garnitures d'or émaillées.
:> UnBufle tout bordé d'or
de relief avec les manches,
e Ceinturon, les crochets &
es agraffes de vermeil, doré
deux fois.
Un grand Vase d'Ambre
gravé de bas reliefs, avecla
garniture d'or.
Un grand Cabinet de crital
deroche, les garnitures
ravaillées à fleurs de vermeil
loré.
Une paiie d'A rmes de fer
àl'épreuve du pistolet moitié
coul eur d'eau & moitié
gravées de plusieurs ornemens
dorez, complettesà
l'exception des jambes, le
tout doublé de satinbleu,&
galonné d'or.
Deux grands Fusils à la
Siamoise, enrichis de beaucoup
de reliefs, la garniture
d'argent aussi en relief, les
canons enrichis d'or & d'argent,
& les bois avec des
ornemens tres-riches, chacun
dans ion étuy de maroquin
rouge doré au feu.
Quatre pieces de drap d'or,
& de brocard d'or & d'argent,
de la ~Manufacture dc^
M.Charlierà S. Maur, lur
des desseins de France ; sçavoir,
Une piece de drap d'or
rayé, à fond d'argent broché
d'or & d'argent,nue de
plusieurs couleurs.
! Vnepiece deBrocard d'or
à fond couleur de feu
,
broehé
d'or & d'argent, liseré
de vert
Une piece de Brocard d'or
à fond vert broché d'or 6c d argent retors,liseré de couleur
de feu.
Vne piece de Brocardd'or
à fond*brorché-
d'or & d'argent,liseré
Six piecesd'étofes àfleurs
nuées,listrées d'or sur des
desseins de Siam ; sçavoir,
Vne pieceà fond d'or nue
glacé.
Vne autre piece à fond
ponceau à fleurs lilsrées d'or.
Vnepiece à fond pastel. :
Vne autre à fond bleu.
EEttuunnceaauuttrrecààffoonnddgDris
c 1 air. *
Huit picccs de drap & de
brocard or & argent tres-riches,
(ur des desseins de 11
France ; sçavoir,
Vne pièce de brocard tres- ,
1
richeà-fond d'or broché &
à fleurs ciselées d'or rebrodé
de toutes couleurs.
Vne piece ponceau or&
argent passé d'or tors à travers,
& rebrodé d'argent
tors. Vne pièce - or & argent nué
à fond noir rebrochéd'or
-, - , glace&d'or tors avec feyc,
ponceau brodé.
orVnepieced'étoffevert&:
passé d'or à travers, & rebroché
d'or tors.
-
Vne pièce ponceau & or
brochéd'orglacé,&rebrodé,
d'or tors au petitmestier.
Vne piece cramoisy & or
broché d'or lissé avec ortors,
& rebroché d'argentfrisé.
Vne. piece bleue or & argent,
le fond d'or broché
& tors avec argent tors.
Vne piece bleue & or paffé ed'or glacé à travers.
Huit tables de marbre avec
les chassis
..)t.' piedsue Sculpture
tous dorez.
PRESENS DE MONSEIGÑEVK;
au Roy de Sium.
Vne grande Pendule à quatrecristeaux
de loche,&qua*;
tre colomnes surmontées de
quatre Fleurs de Lys,& soûtenuës
de quatreboules, le
tout decristal deroche, les
Portiques garnis d'or, enrichisdepierreries,&
le Do-
De d'acier bruny
,
enrichy
le feüillages d'or, terminé
parune Fleur de Lys
Deux Baudriers en broder
ie d'or, avec les garnitures
l'or émaillecs.
Deux Fusils à la Siamoise,
enrichis de reliefs gravez en
aille douce, la garniture
l'argent, le canon damait
quiné d'or, & le bois enrichy
d'argent de rapport,
chacun dans son étuy de
maroquin rouge, doré au
feu.
Vne piece d'unquarré long doré deux fois, - contenant
un tiroir& une boëte
couverte, sur laquelleil y a
une Ecritoire ornée de reliefs,
& de graveures enrichies
d'or & de festons d'émail
, avec trente-neuf Diamans.
Vne Montre à boëte d'or
àdeux cristaux, dontle jonc
est gravé de bas-reliefs, marquant
le lever &le coucher
du Soleil, faisant voir le
mouvement annuel, & le
iurne, avec le mouvement
e la Lune, suivant la maiere
de compter à la Sialoise.
Cette Montre a son
tuy fleuronnéd'or.
Deux pieces de drap or
& argent, de Mr Charlier,
ut des desseins de France;
çavoir,
Une piece de drap d'or
ayé, à fond d'or & d'argent
tors avec des comparti
mens couleur de feu.
Vne piece de Brocard d'or
fond bleu, broché d'or&
'argent retors: liseré de
couleur de feu.
Deux autres pieces de Broscardçor&
aarvgento,tresi-rirch,es
Une piece ponteau & or,
broché d'or, à fond glacé
d'or à filigrane.
Vne autre piece vert &or
& argent, à fond d'or ciselé,
broché d'or tors, avec
filigrane d'or tors.
Cinq pieces d'étoffes d'or
& d'argent, nuées & liserées
d'or sur des desseins de Siam
sçavoir
I
Vne piece à fond d'ar
gent glacé,nue.
Vuepièce à fond ama.
ante nue.
Une pièce à iondlfàbcllc.
Vue pièceà-tond vert.
Et une à fond ce la don
Vn tres beau Cabinet dc
riftal de roche, garny de
fermeil doré
Quatre 1 ables de marbra
vec leurs chailis, & pieds
le sculpture dorez.
PRESENSDE ¡'/J/:/DAlvlE'
t - !la 'DaUphine pour la Princjje
de Sidm
,
nomméela
!
f)rincefJe Rryne.
Quatre grandes roses dq
Diamans.
Vne autre plus grande aussi
de Diamans. -
Vne grande Rose de bellcsj
& fortes Emeraudes& de
Diamans. :
Vn Miroir de criftaldero^
che garny d'or la bordure
& le derriere à feüillages cin
zelez
,
enrichie de Diamant
& de Rubis.i Vn petit Coffre d'or gar-j
ny de vases en forme dj
cave aussi d'or, le tout gran
ve & garny de Diamans.
Deux boëtes d'or couj
Vertes en pointes émaillées a
fleurs de neuf pouces, j
Deux autres boëtes aussi
d'or de mesme grandeur de
le mesme figure.
Deux grandestasses ci'or"
:-malll-ées
- Vn grand miroir d'or couert
en forme de boëtetout
maill-é à deux glaces,
Vn grand Cabinet d'ambrea
bas reliefs & à graveues
le dessus port nt pluleurs
Figures de Personna- es&arbres-
Vntres-beau & grand Cainet
de cristal de roche gary
de vermeil. t)
Vne Montre à boëte d'or
à deux cristaux, plus grande;
que les autres, qui montra
l'âge de la Lune à la maniére
Siamoise
, avec son estuy
garny de fleurons ayant la
boëtc cizelée & Cadrans;
d'or. 1
Vne autre Montre émaillée
devert à taille d'épargne.
Cinq pieces de Drap ôc\
brocard or & argent tres-riches
sur les desseins de France;
sçivoir,
Vne piece à fond d'argent
nue au petit messier de [OU
tes couleurs &, rebroché
d'ortots. -'
Vne picce vert & or &argent
, rebroché d'or cors avec
des brodenes d'argent.
Vue piece ponceau à fleurs
d'or rebrochées d'un peu.
d'argent avec or cors.
; Vne piece bleue or & argent
passée d'or en filigrane,&
broché d'argent.
Vnepicce de Damas à fond
amarante, les fleurs brochées.
d'or avec des nompareilles
de satinvert.
Une grande Cassette de
marqueccerie & de bois de
raport des plus precieuxavec
son pied toutes les aar,
nitures dorées & d'un trèsbeau
travail.
PRESENS DU ROI
aM. Constance.
- Une grande Boete à Portrait
decDSa Majeste avec l'attache,
le tout garny deDiamans.
Un Sabre tout d'or avec
un revers de quatre pouces
de large à la Siamoise
, tout
le fourreau garnyde pierreri
es.
VueMontre d'or émaillée
derouge à taille d'Epargne
avec son-estuy, ouvragede
M. Turet.
Une autre Montre d'or, le
donc cizelé avec son estuy t
garny de feüillages d'or.
- Une autre Montre d'or émaillée
de vert à taille d'Epargne
or & blanc,avecl'éuy
à doux fleuronnez d'or-
VnFusilenrichy de relief
canon damasquiné d or
ort riche, & canelé de deux
nanieres ,avec son estuy de
Maroquin rouge doré au
1" i c
eu.
Un autre Fusil enrichy de
reliefs
,
le canon canelé à
goutieres
,
enrichy d'or de
rapport, le boisorné d'argent.
de raport la garniture avec
des bas reliefs & d'or de raporr
aussi avec son estuy.
Vn autre Fusil enrichy de
graveure, le canon & laeu-
Uffc damasquinez d'or, avec
son étuy.
Vn autre Fusil, laplatine
unie, le canon ayant un
marque derelief, aussi avec
ion étuy.
Vne paire de Pistolets enrichis
de rel efs, garnis d'or
de rapport,avec leurs étuis
de maroqu n rouge doré au
,feu.Vne autre paire de Piftolers
lets enrichis de graveurescn
taille douce, le canon damasquiné
d'or, le bois orné
d'argent de rapport, avec
son étuy de maroquin.
Vne autre paire montez
d'yvoire avec des testes de
lion, l'ouvrage du canon
gravé de taille douce.
Deux très -
beauxLustres
de cristal à branches de fonte
dorées,enrichies defeftons,
de boules & de fleurs
de cristal de roche.
Vne tenture deTapisserie
de Flandre, representant
l'histoire de Diane,
Un Coffret d'ambre travaillé
à bas reliefs & giavez.
Une manière de Chapelle
aussi d'ambre avec un Crucifix,
le tout ayant de tresbeaux
ornemens.
Six pieces d'étoffe de foye
or & argent sur des desseins
de France ; sçavoir,
Vne pièce à fond vert tresriche.
Vne piece Incarnat or &
argent.
gVnee pniecetble.uë or & ar- Vne autre bleue or & ponceau.
Vne piece de Cramoily
toutor.
Et une piece de ponceau &
raye.
Septpieces de drap tresfin
d'écarlatte,vert, violet,
bleu, gris de perle,& de canelle
contenant 106. aunes,
Vne piece de Camelotcoueur
de feu à pur poil de 28.
aunes un quart.
Deux Selles magnifiques
de l'Ecurie de Sa Majeste avec
leurs housses, le touten
broderie d'or avec tous les
harnois dorez, l'une brodée
sur un velours rouge,l'enharnachement
& testiere dorée
& fourreaux de pistolets; fy.
l'autre brodée sur un velours
vert, tout l'enharnachement
doré, &les fourreaux de pistolets,
PRESENS DU ROY
pour le premier Ambassadeur.
Vne boëte à Portrait de Sa
Majesté avec l'attache toute
garnie de Diamans
Vn Sabre d'or à la Turque,
la garde & le fourreau
tous garnis de grossesTurquoises
de vieille roche, $
deRubis.
-
Vn tres-beau Lustre de
Cristal de roche à dix branches
de fonte dorée enrichies
le consoles de cristaux qui
Suportent un vasegarny de
leurs, jettant des cristauxaucour
,
le dessous garny d'une
campane de boules de cristaux
avec une grossepiece
taillée dans le milieu.
Vnetenturede Tapisserie
de Flandre a Personnages &
verdures, rep resentant les
Muses &autresparties de la
Metamorphose.
VnFusilenrichy de reliefs,
la garniture & porte-viz
relevez d'or: le canon orné
d'or & d'argent de raport.
Vn Fusil à deux coups?
ayant le canon damasquiné
d'or.
Vn autre Fusil enrichy de
graveures en taille-douce.
: Vn autre Fusil enrichy ausside
graveures, ayant quelques
filets d'argent autour de
la visiere de couche.
Vne paire de pistolets enrichis
de reliefs? le canon en- !
richy d'or & d'argent de
raport,
& la garniture de inefme
travail.
Vne autre paire de Pistolets
enrichis de graveures en
taille-douce, le canon damasquiné
d'or en couleur
d'eau.
Vne autre paire de Pistolets
enrichis de graveures en
tulle-douce, le porte-viz
de reliefs &: un masque sur
les culotes.
Vnegrande Pendule quarrée
allant quinze jours,tonnant
les heures & les demyheures,
& la Boete de marqueterie
avec des colomnes,
bazes & chapiteaux corintheà
fonds d'écaille de Tortue
, & son étuy garny de
cuir.
Vne petite Pendule d'or
de poche, la boëte enrichie
de graveure avec son étuy
garny de clouds d'or à feuillages.
Vne Montre d'or d'émail
en mignature, le dessous de
la- boëte representant Mars
avec Venus & l'Amour
,
le
jonc &le dedans de Paysages
avec personnages.
Huit pieces d'étosses de
soye or & argent sur les desseins
de France;sçavoir, 1
1
Vne piece de brocard violet
tout or ? en broderie d'or
glacé&tors. -
Vne piece bleuë or & ar- -
gent à fond de Damas en
broderie d'or, reciselé d'argent
tors.
Vnepiece ponceau & or
1- glacée & rebroché d'or tors.
Vne piece bleue or & argent
pararabesqiued'or glacé,
& rebroché d'argent tors.
Vne piece amarante vert &
or, avec rayes de satin broché
d'or lissé & tors. -
Vne piece ponceau tout
argent par ehamarures d'argent
lissé & broché d'argent
tors.
Vne piece blanc & or nue
en Damas avec soye ponceau
& broché d'or.
Et une piece vert & or en
gros de naples par chamarures.
Quinzepieces de Draps
tres-fins d'écarlatte vert,violet
bleu gris de perles contenant
deux cens quarante
cinq aunes.
Deux pieces de Camelot
couleur de feu contenant
cinquante-cinq aunes & demie
PRESENS DV ROY
pour le fecond Ambassadeur.
VnLustre de cristaux de
roche à dix branches de fonte
dorée, ayant une Couronne
enrichie de plusieurs
cristaux de roche & de Milan,
le dessous garny de campanes
de boules & pieces de
cristaux de Milan, avec une
grosse poire taillée en coste
au milieu.
Vnependule allant quinze
jours, sonnant les heures &
les demyheures,la boëteen
forme de cartouche sur un
I
fond de cuivre doré, les ornemens
aussi dorez d'or
moulu.
Vnegrande Montre d'or
couverte d'email en mignature
,
le dessous de la boëte
repreientantl'enlevement
dEurope, & le dessus representant
une Venus & des
Amoursavec dcs Tritonssur
un Dauphin,& le dedans de
paysages & personnages.
Vne Montre quarrée à
feuillages d'or,ciselez,avec
un cristal de roche.
Vne tenture de Tapisserie
de Flandre,representant
des jeux d'enfans
Vn Fusil enrichy de reliefs
relevez d'or, le canon
de reliefs, le fond d'or, &:
le bouton d'or de rapport.
Vn autre Fusil enrichy
d'une garniture d'argent gravée
entaille douce,
&d'argent
de rapport autour de
lavisiere de couche.
Vn autre Fusil orné de
graveures en taille douce.
Vn autre Fusil le gravé canon de plusieurs ornemens
en taille douce avec du relief
sur la visiere de couche.
.-- Vne paire de Pistolets
enrichis de refiefs,lagarniture
&les cartonsderapport.
Vne autre paite de Pistolets
enrichis de graveure en
taille douce & d'argent de
rapport sur le bois.
Vne autre paire de Pistolets
de graveure en taille
douce? les canons canelez,
& le bois ornéd'argoent de rapport.
Huit pleces d'etofes d'or
& d'argent sur des, desseins
de France,scavoir,
Vne piece pourpre or {SÇ
argent, par chamarures d'or
glacé
,
rebrodé d'ortors à
<
iligranes d'argent,
Vne piècede Brocard d'or
& d'argent, ponceau par
chamarures d'or luisant, &:
proché d'or.
Vne piece, couleur de Caf- é argent, &: nuéaupetit
nétier, rebroché de deux
rgents avec descouleurs.
Vnepiece,amarante&arrent
changeant)broché d'arent.
| Vnepiece, vert, or&argent
,fond de Naples avec
iligrane de soye
| Vnepièce, ponceau,vert
r argent en gros deNaples
changeant par bandes no'u;
velles.
Vne piece cramoisi & or, à
fond de satin brodé de-foy gloire. j
Et une piece bleue, or &j
argent par tissu en chaisne, J
Quinzepieces de draps
tres-fins
,
d'écarlate, vert
violet, bleu, gris de Perle &
de canelle
, contenant deu
cens trente-trois aunf-s.troi
quarts. ]
Vne piece de camelot d^
vingt-neufaunes lX. demie,
i
fPRESENS DU ROY
1 pour letroisiéme Ambassadeur
Vne Pendule allant quinze
jours,sonnant les heures
& les demies, la boëte de
fond d'écaille,de Tortue, de
marqueterie, faite en dome,
des pilastres, des chapiteaux
& bases d'ordre Ionique, les
ornemensdorez d'or moulu.
:.. Vne Montre d'orémaillée
de peintures en mignature;
le dessous representant deux
Amans avec l'Amour,&au
dessus les mesmes Amans
sans l'Amour, le dedans de
paysages & personnages.
Vne autre Montre d'or,
émaillée de vert de taille
d'épargne.
Vn Fusil enrichy de reliefs,
le canon damasquiné
d'or & émaillé.
Vn autre Fusil enrichy de
beaucoup d'ornemens gravez
en taille douce.
Vn autre Fusil aussi de
graveuresen taille
f
douce le
canon damasquiné.
Vn autre Fusil orné de
graveures en taille douce.
Vn autre Fusil ayant les
mesmes ornemens
Vne paire de Pistolets enrichis
de graveures en taille
douce, le canon damasquiné
d'or & en couleur d'eau, le
bois enrichy de feuillages
d'argent de rapport.
Vne autre paire de Pistolets
de graveures en taille
douce,avec quelques reliefs.
Vne autre paire gravée
aussi en taille douce, les
porte-viz de reliefs.
Vne tenture deTapisserie
de Flandre, de verdure avec
de petits personnages & animaux.
Deux grandes Girandoles
à six branches de fonte d
rée, chacune enrichie de pl
sieurs étoiles de cristaux
roche taillez, & plusieur
autres pieces aussi de cr
taux.
Sept pieces d'étofe de so
or &argent, sur les dessei
de France; scavoir,
Vne piece, bleu &: or tre
riche, avec or glacé & bre
ché d'or.
Vne piece de Caffé & a
gent nué, riche & brodé
deux argents de couleur a
Mosaïque.
vne piece, ponceau, or
argent , par galons d'or &
d'argent brochez.
Vnepiece couleur de
chaireargents à fond gros
de Naples nué de soye verte
Vnepiece,bleu&: or avec
ponceau,à fond gros de Naples
en tissu
Vne piece amarante & or,
: gros de Naples &satin en
tissu
Et une piece rouge & vert, changeant en chaisne.
- Sept pieces de draps trèssins,
d'écarlate, vert, violet,
bleu & gris de Perle
, contetenant
quatre - vingts cinq
aunes trois quarts. -
TRESENS
De Monsieur le Duc du Maine
à cJïïl. Confiance.
Vntres-grand Lustre, tout
de cristal de loche à douze
branches de fonte dorée
ayant une couronne enrichie
de plusieurs boules de
rirtaux de roche, garny
d'une tres-belle campane de
ristaux , ayant une gresse
boule de cristal de roche
taillée dans le milieu.
Deux pieces d'étose or &
argent tres-riches, sur des
desseins de France.
Vne tres-belle Pendule,
onnant les heures & les deny-
heures, & allant huit
ours.
Deux Coupes,deux Veres
? une Souscoupe,une Aiguiere
,deux Bouteilles, un
Baril,&un:Tasse de cristal
le roche ciselé avec une
cassette aussi de cristal,
emplie d'Eventails de mignature
, &de ceintures or
& argent, avec un Portrait
en mignature de Monsieur
e Duc du Mayne.
,
Vngrand Livre repreentant
les Conquestes du
Roy, en mignature, avec
les Personnages &: les Places
o
au naturel, &le plan des
Places, le tout sur du velin,
avec une description historique.
Ce Livre est couvert
de chagrin avec des garnitures
&es
tures & desppllaaqquueess dc'o?r dd>'uunn
ouvrage ciselé. Les Armes
du Roy sont au milieu? &
il yades Chiffres aux
coins.
Je vous avois déja dit une
partie des choses qui sont
contenues dans cet article;
mais je ne vous avois pas
mandé le nom du Prince
qui faisoit ce Present. I
PRE-
- '1
Presens De M. le Marquis de
l, Louvois à M. Constance.
Six grandes Tables de marbre
jaspé ovales.
ri Vntres-riche Tapis de U
Savonnerie.
Presens de M. le Marquis de
il Croissy à VJ1. Constance.
t Vn grand Miroir avec
sa bordure de glace à fond
de lapis, lesornemens aussi
de lapis, & le chapiteau d'un
pareil travail.
Douze Corbeilles de cristal
taillé.
Deux grands Bassinsd'argentdore
en ovale, relevez
au fond en bosse ronde de
plusieurs figures representant
lhistoiredeScipion,deMarc-
Antoine, & de Cleopatre.
Vn grand Bassin, où sont
rapportéesplusieurs plaques
d'argent doré, au fond duquel
relevé en demy bosse,est
vn Neptune dans vnchar tiré
par quatre chevaux Marins.
Vntres beau Vase en forme
de fontaine, ayant deux
Bassins en coquille d'argentdoré,
l'un soutenu d'un
Atlas monté sur un chat
d~'anrg$e~nt doré;l'autre élevéau soutenud'uneVenus
d'argent, accompagnee d'un
Cygne aussi d'argent sur une
coquille dor,& au sommet du
>
Vaseest un Mercure d'argent.
Toutes ces Figuresjettent artificiellement
de l'eau.
~, Vngrand Crucifix d'ambre
tres-curieux. 1
Vnegrande Cassette de
cristal taillé & enchassé, entrelassé
de roses de Diamans
avec des feüillages d'or trait,
d'une belle fimetrie
, dans
laquelle Cassette il y a,
: Douze paires de Gands
glacez.
{ Vn Eventail de peau de
senteur, où est peint en mignature
le Carrousel dernier
fait en France, les bastons enrichis
d'or parsemez de Perles
& deDiamans sins,tenant
ensemble par une viz d'or.
Septautres Eventails de
differentes couleurs & representations,
ornez de rubans
or ez argent.
VneCassettede cristal,avec
sa bordureaussi de cristal
tortillé, dans 1 aquelle il y a
Vne paire deBracelets deCorail
taillé, avec une boucle
dVenDeiMamoannstrfeins àchacun.
d'or avec f»
boëte émaillée, garnie de
Diamans fins, la clef enrichie
de Diamans, VneTabatiered'or émaillée,
garnie de Rubis, avec
un plus gros Rubis pour la
fermer.
VnbeauChapelet de corail.
Vn autre de corail uny.
Vn Chapelet d'ambre trèsprecieux.
t' Vntres-beau Cordon de
corail.
Vne Cave couverte de fatin
vert, ornée de galons&
de clous d'argent, contenant
douze flacons de cristal
couverts d'argent, remplis
d'essences & de diffeter
bonnes odeurs.
Vingt- quatre paires de
Gands d'Espagne, garnis de
rubans dediverses couleurs.
Deux grandes peaux d'Espagne>
d'une senteur merveilleuse.
Vne tres-belle Coupe d'émail
avec sacouverture, sur
laquelle sont representées.
diverses Batailles,& un étuy
de satin rouge galonné d'or
Vn Verre de cristal de roche
couvert, figuré, avec
son pied d'argent, & Lon.
étuy de satin rouge.
Vn grand Verre en coupe
aussi decristal de roche, figuré
,avec sa couverture &
son étuy de satin rouge galonné
d'argent.
Vne Cave de satin rouge,
contenant six grands Gobelets
de cristal grav é.
Vne autre Cave ausside
satin rouge, contenant cinq
grands Gobelets de cristal
'figuré,o
Prbesens de M. le Marquis de
Seignelay àM. Constance.
Deux grands Miroirs de
figure octogone,
ngure o ogone avec leurs
?
bordures toutes de cristal. 1
Vn Benitier de cristal de
roche, garny d'argent.
Quatre grandesTables de
marbre, avec leurs chassis &
pieds de sculpture tous dorez.
Vne tenture de Tapisserie
à fond vert.
,
Vne grande Figure de
marbre
,
representant deux
enfans qui tiernent un pied
de Vase.
Cinquante Portraits des
principales personnes de la
Cour, avec leurs bordures
dorées. a
,
Vn grand Fusil de marqueterie
fait en Canada, d'un
ouvrage exquis , avec [on
étuy de maroquin rouge 3 fleurdelisé d'or. -
Vne paire de Pistolets
montez d'yvoire,tirant chacun
- deux coups, avec
quelquesgraveures en taille
douce
Trois grandes Caisses remplies
de differens ouvrages
decristaux d'Allemagne.
Vn grand Verre avec fom
pied de vermeil doré.
Vne grande Sous-coupe
aussi de cristalavec son
y
pied de vermeil doré.
Vn grand Globe de verre,
representant le Labirinthe
de Versailles. 1
Vn tres-beau Cabinet
d'Optique
>
representant plusieurs
belles veuës.
VnTableau representant
Versailles, avec son quadre
doré.
Deux Tableaux de Rocailles
, avec leurs quadres
aussi dorez.
vous ay envoyée le mois pafré
des Presens qui sont partis
pour Siam,vous ait paru rres-
~pelle, tres ample, & trescurieuse,
j'ay encore beaucoup
dechoses nouvelles à.
vous apprendre sur le mefne
articl
nearticlee.. Il sfaauutt de ggrraannddss
oins, & d'exactes recherches
iour être pleinement instuit
t un détail pareil à celu y-là,
: sur tout, quand on veut
on seulement estre informe
du nombre des pieces, mais
donner aussi une descriprion
particuliere dechacune.C'est
ce que je vay raire a l'égard
decelles dont jene vousay
parlé que legerement. Je ne
vous diray plus rien des autres
,
& passeray mesme par
dessus sans vous les nommer
une seconde fois, àcause que
je vous les ay amplement décrites
, maisaussi i'en aiouteray
un tres-grand nombre,
dont ie ne vous ay encore
rien dit, & vous décriray susJ
qu'aux étofes ,sans quoy il
feroit impossible d'en
bien
faire voir la richesse, & dq
connoistre en quoy consiste
la magnificence de ces P!c:
:cns. le commenceray par
ceux que Sa Majesté a envoyez.
Une Couronne d'or à fleuons,
enrichie de Diamans,
le Rubis, d'Emeraudes, &
le Perles.
Un grand Panache d'or,
ouvert desmeimes Perles.
Un grand Miroir de cris-
'a) garny d'or, la bordure
enrichie de Diamans, le der-
~icre aussid'or à fleurs dereief,
& émaillées.
UneSelle de ch eval avec
a Housse
,
les Fourreaux de
~?i.ioiets & les Harnois en
Broderie de relief
, & les
Etriers de vermeil le tout
enrichy de Pierreries.
Quatre Vestes de velours,
deux noires & deux rouges,
une de chaque couleur avec
des manches, & une sans
manches, en broderie de
fleurs de soye liserées d'or,
enric hies de Perles; les noires
avec un galon rouge, & les
rouges avec un galon vert,
brodées &enrichies de.mef-J
me, suivantlesmodelles ap.j
portez de Siam.
Deux Baudriers enbro
derie d'or
,
passée avec les
garnitures d'or émaillées.
:> UnBufle tout bordé d'or
de relief avec les manches,
e Ceinturon, les crochets &
es agraffes de vermeil, doré
deux fois.
Un grand Vase d'Ambre
gravé de bas reliefs, avecla
garniture d'or.
Un grand Cabinet de crital
deroche, les garnitures
ravaillées à fleurs de vermeil
loré.
Une paiie d'A rmes de fer
àl'épreuve du pistolet moitié
coul eur d'eau & moitié
gravées de plusieurs ornemens
dorez, complettesà
l'exception des jambes, le
tout doublé de satinbleu,&
galonné d'or.
Deux grands Fusils à la
Siamoise, enrichis de beaucoup
de reliefs, la garniture
d'argent aussi en relief, les
canons enrichis d'or & d'argent,
& les bois avec des
ornemens tres-riches, chacun
dans ion étuy de maroquin
rouge doré au feu.
Quatre pieces de drap d'or,
& de brocard d'or & d'argent,
de la ~Manufacture dc^
M.Charlierà S. Maur, lur
des desseins de France ; sçavoir,
Une piece de drap d'or
rayé, à fond d'argent broché
d'or & d'argent,nue de
plusieurs couleurs.
! Vnepiece deBrocard d'or
à fond couleur de feu
,
broehé
d'or & d'argent, liseré
de vert
Une piece de Brocard d'or
à fond vert broché d'or 6c d argent retors,liseré de couleur
de feu.
Vne piece de Brocardd'or
à fond*brorché-
d'or & d'argent,liseré
Six piecesd'étofes àfleurs
nuées,listrées d'or sur des
desseins de Siam ; sçavoir,
Vne pieceà fond d'or nue
glacé.
Vne autre piece à fond
ponceau à fleurs lilsrées d'or.
Vnepiece à fond pastel. :
Vne autre à fond bleu.
EEttuunnceaauuttrrecààffoonnddgDris
c 1 air. *
Huit picccs de drap & de
brocard or & argent tres-riches,
(ur des desseins de 11
France ; sçavoir,
Vne pièce de brocard tres- ,
1
richeà-fond d'or broché &
à fleurs ciselées d'or rebrodé
de toutes couleurs.
Vne piece ponceau or&
argent passé d'or tors à travers,
& rebrodé d'argent
tors. Vne pièce - or & argent nué
à fond noir rebrochéd'or
-, - , glace&d'or tors avec feyc,
ponceau brodé.
orVnepieced'étoffevert&:
passé d'or à travers, & rebroché
d'or tors.
-
Vne pièce ponceau & or
brochéd'orglacé,&rebrodé,
d'or tors au petitmestier.
Vne piece cramoisy & or
broché d'or lissé avec ortors,
& rebroché d'argentfrisé.
Vne. piece bleue or & argent,
le fond d'or broché
& tors avec argent tors.
Vne piece bleue & or paffé ed'or glacé à travers.
Huit tables de marbre avec
les chassis
..)t.' piedsue Sculpture
tous dorez.
PRESENS DE MONSEIGÑEVK;
au Roy de Sium.
Vne grande Pendule à quatrecristeaux
de loche,&qua*;
tre colomnes surmontées de
quatre Fleurs de Lys,& soûtenuës
de quatreboules, le
tout decristal deroche, les
Portiques garnis d'or, enrichisdepierreries,&
le Do-
De d'acier bruny
,
enrichy
le feüillages d'or, terminé
parune Fleur de Lys
Deux Baudriers en broder
ie d'or, avec les garnitures
l'or émaillecs.
Deux Fusils à la Siamoise,
enrichis de reliefs gravez en
aille douce, la garniture
l'argent, le canon damait
quiné d'or, & le bois enrichy
d'argent de rapport,
chacun dans son étuy de
maroquin rouge, doré au
feu.
Vne piece d'unquarré long doré deux fois, - contenant
un tiroir& une boëte
couverte, sur laquelleil y a
une Ecritoire ornée de reliefs,
& de graveures enrichies
d'or & de festons d'émail
, avec trente-neuf Diamans.
Vne Montre à boëte d'or
àdeux cristaux, dontle jonc
est gravé de bas-reliefs, marquant
le lever &le coucher
du Soleil, faisant voir le
mouvement annuel, & le
iurne, avec le mouvement
e la Lune, suivant la maiere
de compter à la Sialoise.
Cette Montre a son
tuy fleuronnéd'or.
Deux pieces de drap or
& argent, de Mr Charlier,
ut des desseins de France;
çavoir,
Une piece de drap d'or
ayé, à fond d'or & d'argent
tors avec des comparti
mens couleur de feu.
Vne piece de Brocard d'or
fond bleu, broché d'or&
'argent retors: liseré de
couleur de feu.
Deux autres pieces de Broscardçor&
aarvgento,tresi-rirch,es
Une piece ponteau & or,
broché d'or, à fond glacé
d'or à filigrane.
Vne autre piece vert &or
& argent, à fond d'or ciselé,
broché d'or tors, avec
filigrane d'or tors.
Cinq pieces d'étoffes d'or
& d'argent, nuées & liserées
d'or sur des desseins de Siam
sçavoir
I
Vne piece à fond d'ar
gent glacé,nue.
Vuepièce à fond ama.
ante nue.
Une pièce à iondlfàbcllc.
Vue pièceà-tond vert.
Et une à fond ce la don
Vn tres beau Cabinet dc
riftal de roche, garny de
fermeil doré
Quatre 1 ables de marbra
vec leurs chailis, & pieds
le sculpture dorez.
PRESENSDE ¡'/J/:/DAlvlE'
t - !la 'DaUphine pour la Princjje
de Sidm
,
nomméela
!
f)rincefJe Rryne.
Quatre grandes roses dq
Diamans.
Vne autre plus grande aussi
de Diamans. -
Vne grande Rose de bellcsj
& fortes Emeraudes& de
Diamans. :
Vn Miroir de criftaldero^
che garny d'or la bordure
& le derriere à feüillages cin
zelez
,
enrichie de Diamant
& de Rubis.i Vn petit Coffre d'or gar-j
ny de vases en forme dj
cave aussi d'or, le tout gran
ve & garny de Diamans.
Deux boëtes d'or couj
Vertes en pointes émaillées a
fleurs de neuf pouces, j
Deux autres boëtes aussi
d'or de mesme grandeur de
le mesme figure.
Deux grandestasses ci'or"
:-malll-ées
- Vn grand miroir d'or couert
en forme de boëtetout
maill-é à deux glaces,
Vn grand Cabinet d'ambrea
bas reliefs & à graveues
le dessus port nt pluleurs
Figures de Personna- es&arbres-
Vntres-beau & grand Cainet
de cristal de roche gary
de vermeil. t)
Vne Montre à boëte d'or
à deux cristaux, plus grande;
que les autres, qui montra
l'âge de la Lune à la maniére
Siamoise
, avec son estuy
garny de fleurons ayant la
boëtc cizelée & Cadrans;
d'or. 1
Vne autre Montre émaillée
devert à taille d'épargne.
Cinq pieces de Drap ôc\
brocard or & argent tres-riches
sur les desseins de France;
sçivoir,
Vne piece à fond d'argent
nue au petit messier de [OU
tes couleurs &, rebroché
d'ortots. -'
Vne picce vert & or &argent
, rebroché d'or cors avec
des brodenes d'argent.
Vue piece ponceau à fleurs
d'or rebrochées d'un peu.
d'argent avec or cors.
; Vne piece bleue or & argent
passée d'or en filigrane,&
broché d'argent.
Vnepicce de Damas à fond
amarante, les fleurs brochées.
d'or avec des nompareilles
de satinvert.
Une grande Cassette de
marqueccerie & de bois de
raport des plus precieuxavec
son pied toutes les aar,
nitures dorées & d'un trèsbeau
travail.
PRESENS DU ROI
aM. Constance.
- Une grande Boete à Portrait
decDSa Majeste avec l'attache,
le tout garny deDiamans.
Un Sabre tout d'or avec
un revers de quatre pouces
de large à la Siamoise
, tout
le fourreau garnyde pierreri
es.
VueMontre d'or émaillée
derouge à taille d'Epargne
avec son-estuy, ouvragede
M. Turet.
Une autre Montre d'or, le
donc cizelé avec son estuy t
garny de feüillages d'or.
- Une autre Montre d'or émaillée
de vert à taille d'Epargne
or & blanc,avecl'éuy
à doux fleuronnez d'or-
VnFusilenrichy de relief
canon damasquiné d or
ort riche, & canelé de deux
nanieres ,avec son estuy de
Maroquin rouge doré au
1" i c
eu.
Un autre Fusil enrichy de
reliefs
,
le canon canelé à
goutieres
,
enrichy d'or de
rapport, le boisorné d'argent.
de raport la garniture avec
des bas reliefs & d'or de raporr
aussi avec son estuy.
Vn autre Fusil enrichy de
graveure, le canon & laeu-
Uffc damasquinez d'or, avec
son étuy.
Vn autre Fusil, laplatine
unie, le canon ayant un
marque derelief, aussi avec
ion étuy.
Vne paire de Pistolets enrichis
de rel efs, garnis d'or
de rapport,avec leurs étuis
de maroqu n rouge doré au
,feu.Vne autre paire de Piftolers
lets enrichis de graveurescn
taille douce, le canon damasquiné
d'or, le bois orné
d'argent de rapport, avec
son étuy de maroquin.
Vne autre paire montez
d'yvoire avec des testes de
lion, l'ouvrage du canon
gravé de taille douce.
Deux très -
beauxLustres
de cristal à branches de fonte
dorées,enrichies defeftons,
de boules & de fleurs
de cristal de roche.
Vne tenture deTapisserie
de Flandre, representant
l'histoire de Diane,
Un Coffret d'ambre travaillé
à bas reliefs & giavez.
Une manière de Chapelle
aussi d'ambre avec un Crucifix,
le tout ayant de tresbeaux
ornemens.
Six pieces d'étoffe de foye
or & argent sur des desseins
de France ; sçavoir,
Vne pièce à fond vert tresriche.
Vne piece Incarnat or &
argent.
gVnee pniecetble.uë or & ar- Vne autre bleue or & ponceau.
Vne piece de Cramoily
toutor.
Et une piece de ponceau &
raye.
Septpieces de drap tresfin
d'écarlatte,vert, violet,
bleu, gris de perle,& de canelle
contenant 106. aunes,
Vne piece de Camelotcoueur
de feu à pur poil de 28.
aunes un quart.
Deux Selles magnifiques
de l'Ecurie de Sa Majeste avec
leurs housses, le touten
broderie d'or avec tous les
harnois dorez, l'une brodée
sur un velours rouge,l'enharnachement
& testiere dorée
& fourreaux de pistolets; fy.
l'autre brodée sur un velours
vert, tout l'enharnachement
doré, &les fourreaux de pistolets,
PRESENS DU ROY
pour le premier Ambassadeur.
Vne boëte à Portrait de Sa
Majesté avec l'attache toute
garnie de Diamans
Vn Sabre d'or à la Turque,
la garde & le fourreau
tous garnis de grossesTurquoises
de vieille roche, $
deRubis.
-
Vn tres-beau Lustre de
Cristal de roche à dix branches
de fonte dorée enrichies
le consoles de cristaux qui
Suportent un vasegarny de
leurs, jettant des cristauxaucour
,
le dessous garny d'une
campane de boules de cristaux
avec une grossepiece
taillée dans le milieu.
Vnetenturede Tapisserie
de Flandre a Personnages &
verdures, rep resentant les
Muses &autresparties de la
Metamorphose.
VnFusilenrichy de reliefs,
la garniture & porte-viz
relevez d'or: le canon orné
d'or & d'argent de raport.
Vn Fusil à deux coups?
ayant le canon damasquiné
d'or.
Vn autre Fusil enrichy de
graveures en taille-douce.
: Vn autre Fusil enrichy ausside
graveures, ayant quelques
filets d'argent autour de
la visiere de couche.
Vne paire de pistolets enrichis
de reliefs? le canon en- !
richy d'or & d'argent de
raport,
& la garniture de inefme
travail.
Vne autre paire de Pistolets
enrichis de graveures en
taille-douce, le canon damasquiné
d'or en couleur
d'eau.
Vne autre paire de Pistolets
enrichis de graveures en
tulle-douce, le porte-viz
de reliefs &: un masque sur
les culotes.
Vnegrande Pendule quarrée
allant quinze jours,tonnant
les heures & les demyheures,
& la Boete de marqueterie
avec des colomnes,
bazes & chapiteaux corintheà
fonds d'écaille de Tortue
, & son étuy garny de
cuir.
Vne petite Pendule d'or
de poche, la boëte enrichie
de graveure avec son étuy
garny de clouds d'or à feuillages.
Vne Montre d'or d'émail
en mignature, le dessous de
la- boëte representant Mars
avec Venus & l'Amour
,
le
jonc &le dedans de Paysages
avec personnages.
Huit pieces d'étosses de
soye or & argent sur les desseins
de France;sçavoir, 1
1
Vne piece de brocard violet
tout or ? en broderie d'or
glacé&tors. -
Vne piece bleuë or & ar- -
gent à fond de Damas en
broderie d'or, reciselé d'argent
tors.
Vnepiece ponceau & or
1- glacée & rebroché d'or tors.
Vne piece bleue or & argent
pararabesqiued'or glacé,
& rebroché d'argent tors.
Vne piece amarante vert &
or, avec rayes de satin broché
d'or lissé & tors. -
Vne piece ponceau tout
argent par ehamarures d'argent
lissé & broché d'argent
tors.
Vne piece blanc & or nue
en Damas avec soye ponceau
& broché d'or.
Et une piece vert & or en
gros de naples par chamarures.
Quinzepieces de Draps
tres-fins d'écarlatte vert,violet
bleu gris de perles contenant
deux cens quarante
cinq aunes.
Deux pieces de Camelot
couleur de feu contenant
cinquante-cinq aunes & demie
PRESENS DV ROY
pour le fecond Ambassadeur.
VnLustre de cristaux de
roche à dix branches de fonte
dorée, ayant une Couronne
enrichie de plusieurs
cristaux de roche & de Milan,
le dessous garny de campanes
de boules & pieces de
cristaux de Milan, avec une
grosse poire taillée en coste
au milieu.
Vnependule allant quinze
jours, sonnant les heures &
les demyheures,la boëteen
forme de cartouche sur un
I
fond de cuivre doré, les ornemens
aussi dorez d'or
moulu.
Vnegrande Montre d'or
couverte d'email en mignature
,
le dessous de la boëte
repreientantl'enlevement
dEurope, & le dessus representant
une Venus & des
Amoursavec dcs Tritonssur
un Dauphin,& le dedans de
paysages & personnages.
Vne Montre quarrée à
feuillages d'or,ciselez,avec
un cristal de roche.
Vne tenture de Tapisserie
de Flandre,representant
des jeux d'enfans
Vn Fusil enrichy de reliefs
relevez d'or, le canon
de reliefs, le fond d'or, &:
le bouton d'or de rapport.
Vn autre Fusil enrichy
d'une garniture d'argent gravée
entaille douce,
&d'argent
de rapport autour de
lavisiere de couche.
Vn autre Fusil orné de
graveures en taille douce.
Vn autre Fusil le gravé canon de plusieurs ornemens
en taille douce avec du relief
sur la visiere de couche.
.-- Vne paire de Pistolets
enrichis de refiefs,lagarniture
&les cartonsderapport.
Vne autre paite de Pistolets
enrichis de graveure en
taille douce & d'argent de
rapport sur le bois.
Vne autre paire de Pistolets
de graveure en taille
douce? les canons canelez,
& le bois ornéd'argoent de rapport.
Huit pleces d'etofes d'or
& d'argent sur des, desseins
de France,scavoir,
Vne piece pourpre or {SÇ
argent, par chamarures d'or
glacé
,
rebrodé d'ortors à
<
iligranes d'argent,
Vne piècede Brocard d'or
& d'argent, ponceau par
chamarures d'or luisant, &:
proché d'or.
Vne piece, couleur de Caf- é argent, &: nuéaupetit
nétier, rebroché de deux
rgents avec descouleurs.
Vnepiece,amarante&arrent
changeant)broché d'arent.
| Vnepiece, vert, or&argent
,fond de Naples avec
iligrane de soye
| Vnepièce, ponceau,vert
r argent en gros deNaples
changeant par bandes no'u;
velles.
Vne piece cramoisi & or, à
fond de satin brodé de-foy gloire. j
Et une piece bleue, or &j
argent par tissu en chaisne, J
Quinzepieces de draps
tres-fins
,
d'écarlate, vert
violet, bleu, gris de Perle &
de canelle
, contenant deu
cens trente-trois aunf-s.troi
quarts. ]
Vne piece de camelot d^
vingt-neufaunes lX. demie,
i
fPRESENS DU ROY
1 pour letroisiéme Ambassadeur
Vne Pendule allant quinze
jours,sonnant les heures
& les demies, la boëte de
fond d'écaille,de Tortue, de
marqueterie, faite en dome,
des pilastres, des chapiteaux
& bases d'ordre Ionique, les
ornemensdorez d'or moulu.
:.. Vne Montre d'orémaillée
de peintures en mignature;
le dessous representant deux
Amans avec l'Amour,&au
dessus les mesmes Amans
sans l'Amour, le dedans de
paysages & personnages.
Vne autre Montre d'or,
émaillée de vert de taille
d'épargne.
Vn Fusil enrichy de reliefs,
le canon damasquiné
d'or & émaillé.
Vn autre Fusil enrichy de
beaucoup d'ornemens gravez
en taille douce.
Vn autre Fusil aussi de
graveuresen taille
f
douce le
canon damasquiné.
Vn autre Fusil orné de
graveures en taille douce.
Vn autre Fusil ayant les
mesmes ornemens
Vne paire de Pistolets enrichis
de graveures en taille
douce, le canon damasquiné
d'or & en couleur d'eau, le
bois enrichy de feuillages
d'argent de rapport.
Vne autre paire de Pistolets
de graveures en taille
douce,avec quelques reliefs.
Vne autre paire gravée
aussi en taille douce, les
porte-viz de reliefs.
Vne tenture deTapisserie
de Flandre, de verdure avec
de petits personnages & animaux.
Deux grandes Girandoles
à six branches de fonte d
rée, chacune enrichie de pl
sieurs étoiles de cristaux
roche taillez, & plusieur
autres pieces aussi de cr
taux.
Sept pieces d'étofe de so
or &argent, sur les dessei
de France; scavoir,
Vne piece, bleu &: or tre
riche, avec or glacé & bre
ché d'or.
Vne piece de Caffé & a
gent nué, riche & brodé
deux argents de couleur a
Mosaïque.
vne piece, ponceau, or
argent , par galons d'or &
d'argent brochez.
Vnepiece couleur de
chaireargents à fond gros
de Naples nué de soye verte
Vnepiece,bleu&: or avec
ponceau,à fond gros de Naples
en tissu
Vne piece amarante & or,
: gros de Naples &satin en
tissu
Et une piece rouge & vert, changeant en chaisne.
- Sept pieces de draps trèssins,
d'écarlate, vert, violet,
bleu & gris de Perle
, contetenant
quatre - vingts cinq
aunes trois quarts. -
TRESENS
De Monsieur le Duc du Maine
à cJïïl. Confiance.
Vntres-grand Lustre, tout
de cristal de loche à douze
branches de fonte dorée
ayant une couronne enrichie
de plusieurs boules de
rirtaux de roche, garny
d'une tres-belle campane de
ristaux , ayant une gresse
boule de cristal de roche
taillée dans le milieu.
Deux pieces d'étose or &
argent tres-riches, sur des
desseins de France.
Vne tres-belle Pendule,
onnant les heures & les deny-
heures, & allant huit
ours.
Deux Coupes,deux Veres
? une Souscoupe,une Aiguiere
,deux Bouteilles, un
Baril,&un:Tasse de cristal
le roche ciselé avec une
cassette aussi de cristal,
emplie d'Eventails de mignature
, &de ceintures or
& argent, avec un Portrait
en mignature de Monsieur
e Duc du Mayne.
,
Vngrand Livre repreentant
les Conquestes du
Roy, en mignature, avec
les Personnages &: les Places
o
au naturel, &le plan des
Places, le tout sur du velin,
avec une description historique.
Ce Livre est couvert
de chagrin avec des garnitures
&es
tures & desppllaaqquueess dc'o?r dd>'uunn
ouvrage ciselé. Les Armes
du Roy sont au milieu? &
il yades Chiffres aux
coins.
Je vous avois déja dit une
partie des choses qui sont
contenues dans cet article;
mais je ne vous avois pas
mandé le nom du Prince
qui faisoit ce Present. I
PRE-
- '1
Presens De M. le Marquis de
l, Louvois à M. Constance.
Six grandes Tables de marbre
jaspé ovales.
ri Vntres-riche Tapis de U
Savonnerie.
Presens de M. le Marquis de
il Croissy à VJ1. Constance.
t Vn grand Miroir avec
sa bordure de glace à fond
de lapis, lesornemens aussi
de lapis, & le chapiteau d'un
pareil travail.
Douze Corbeilles de cristal
taillé.
Deux grands Bassinsd'argentdore
en ovale, relevez
au fond en bosse ronde de
plusieurs figures representant
lhistoiredeScipion,deMarc-
Antoine, & de Cleopatre.
Vn grand Bassin, où sont
rapportéesplusieurs plaques
d'argent doré, au fond duquel
relevé en demy bosse,est
vn Neptune dans vnchar tiré
par quatre chevaux Marins.
Vntres beau Vase en forme
de fontaine, ayant deux
Bassins en coquille d'argentdoré,
l'un soutenu d'un
Atlas monté sur un chat
d~'anrg$e~nt doré;l'autre élevéau soutenud'uneVenus
d'argent, accompagnee d'un
Cygne aussi d'argent sur une
coquille dor,& au sommet du
>
Vaseest un Mercure d'argent.
Toutes ces Figuresjettent artificiellement
de l'eau.
~, Vngrand Crucifix d'ambre
tres-curieux. 1
Vnegrande Cassette de
cristal taillé & enchassé, entrelassé
de roses de Diamans
avec des feüillages d'or trait,
d'une belle fimetrie
, dans
laquelle Cassette il y a,
: Douze paires de Gands
glacez.
{ Vn Eventail de peau de
senteur, où est peint en mignature
le Carrousel dernier
fait en France, les bastons enrichis
d'or parsemez de Perles
& deDiamans sins,tenant
ensemble par une viz d'or.
Septautres Eventails de
differentes couleurs & representations,
ornez de rubans
or ez argent.
VneCassettede cristal,avec
sa bordureaussi de cristal
tortillé, dans 1 aquelle il y a
Vne paire deBracelets deCorail
taillé, avec une boucle
dVenDeiMamoannstrfeins àchacun.
d'or avec f»
boëte émaillée, garnie de
Diamans fins, la clef enrichie
de Diamans, VneTabatiered'or émaillée,
garnie de Rubis, avec
un plus gros Rubis pour la
fermer.
VnbeauChapelet de corail.
Vn autre de corail uny.
Vn Chapelet d'ambre trèsprecieux.
t' Vntres-beau Cordon de
corail.
Vne Cave couverte de fatin
vert, ornée de galons&
de clous d'argent, contenant
douze flacons de cristal
couverts d'argent, remplis
d'essences & de diffeter
bonnes odeurs.
Vingt- quatre paires de
Gands d'Espagne, garnis de
rubans dediverses couleurs.
Deux grandes peaux d'Espagne>
d'une senteur merveilleuse.
Vne tres-belle Coupe d'émail
avec sacouverture, sur
laquelle sont representées.
diverses Batailles,& un étuy
de satin rouge galonné d'or
Vn Verre de cristal de roche
couvert, figuré, avec
son pied d'argent, & Lon.
étuy de satin rouge.
Vn grand Verre en coupe
aussi decristal de roche, figuré
,avec sa couverture &
son étuy de satin rouge galonné
d'argent.
Vne Cave de satin rouge,
contenant six grands Gobelets
de cristal grav é.
Vne autre Cave ausside
satin rouge, contenant cinq
grands Gobelets de cristal
'figuré,o
Prbesens de M. le Marquis de
Seignelay àM. Constance.
Deux grands Miroirs de
figure octogone,
ngure o ogone avec leurs
?
bordures toutes de cristal. 1
Vn Benitier de cristal de
roche, garny d'argent.
Quatre grandesTables de
marbre, avec leurs chassis &
pieds de sculpture tous dorez.
Vne tenture de Tapisserie
à fond vert.
,
Vne grande Figure de
marbre
,
representant deux
enfans qui tiernent un pied
de Vase.
Cinquante Portraits des
principales personnes de la
Cour, avec leurs bordures
dorées. a
,
Vn grand Fusil de marqueterie
fait en Canada, d'un
ouvrage exquis , avec [on
étuy de maroquin rouge 3 fleurdelisé d'or. -
Vne paire de Pistolets
montez d'yvoire,tirant chacun
- deux coups, avec
quelquesgraveures en taille
douce
Trois grandes Caisses remplies
de differens ouvrages
decristaux d'Allemagne.
Vn grand Verre avec fom
pied de vermeil doré.
Vne grande Sous-coupe
aussi de cristalavec son
y
pied de vermeil doré.
Vn grand Globe de verre,
representant le Labirinthe
de Versailles. 1
Vn tres-beau Cabinet
d'Optique
>
representant plusieurs
belles veuës.
VnTableau representant
Versailles, avec son quadre
doré.
Deux Tableaux de Rocailles
, avec leurs quadres
aussi dorez.
Fermer
43
s. p.
AU ROY.
Début :
SIRE, Quoy que l'usage de renfermer toutes les plus [...]
Mots clefs :
Roi, Actions, France, Épître, Voyage, Soleil, Abondance, Ordonnances, Dieu, Église
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU ROY.
AV ROY.
11
fej- IRE,
Quoy quel*Hfagederenfermer
toutes les plus belles
actions de ceux a qui l'oit
adresse des Epitres dela nature
de celle que j'ose Attjourd'huypresenteraVostre
Majesté, parcifje ftd{[,
presque de tout temps ,
il
est néanmoins atfoinmeut
impossiblede le f ivre
dans celles oue Vousavez,
la bontéde vouloirbien recevoir.
Ledétailde la moindre
de Vosactions pourroit
remplirdesVolumes,quand
toute la vie des autres ne
fiattrait fournir qnoe pente
lesujet d'uneseule Epitre,
Monzelem'en afait entreprendreplusieurs,
maistoutesensembleneforment
qu'-
une très-imparfaiteébauche
de quelques unes des
actions de Vostre Majefiéy
&comme en de pareilles occasions
on a toujourslieu de
craindre dese trouveraccablépar
l'abondance de la
matiere
,
je ne parleray en
celle-cy
, que des fuj-ts de
loüange que vous a'veZdonnez
dans <voftretinnief
Voyage. Vn autre que
Vous, SIRE,n'en auroit
fournyaucun dans le cours
borné d'une simple promenade.
Cependantce quesay
à dire me paroist sivaee
que)eness.tiroispoint,sije
cherchoisà l'étendre.Vojlre
Maiesté fit paroistre sa
bonté avant son départ9
lors quillujplutderasseurer
l'Europeinquiette, à laquelle
on vouloitpersuader
que Vous nepouvituortir
de Versaillessansporteratteinteàson
repos. C,eflun
marii,ie,SIRE,qite Vous
aveZj mis !a France dans
un haut degré de vieire,
que Vousrendue
bien/edoutabie^queVous
ne iettezpasmoins de
crainte dans les coeurs des
jaloux de vostre puissance,
que Vous eaufeT^jCamour,
& d'admiration dans tous
les autres. Vostre Voyage
n'a point allumélaguerre
qu'ilsseignoient de craindre,
&vouloienàeex.
citer pour leurs interests
particuliers. Vous n'estes
pointparty avec laterreur.
Vous n'avez point paru
comme un Mars soudroyant,
quilaisse la desolation
par tout ou il passe ,
maiscommeunSoleilbienfaisant
qui cause lafecondité
dans tous les lieux où
il jettesesregards.Ilflmble
que Fousriajez^quitte'
le delicieux sejour de Versailles
que pour aller porter
labondance dans ces heu-*
reuses Provinces que Vous
ave^ traversees. Vous arueZ
J.o/ic partout dequoy
ornerlesAutels,&embelli
1 r-' r,'" Ir ,"s 11''ilUs.Y''OS 'J"C":
putssefontlur^r^ent i-epandus
sur tous les Pau-
D?es , & ce qui iu/ques icy
n'avoit pointeu d'exemple,
on peut dire que vous a-
*ueZj renchery sur ceux d;e
Soleil. Il ne rend nos terres
secondesqu'unefoisl'année,
&vos L) 1;tetsoutctrouvéa
vostreretour,lesm ; ,. ¡',
beralitez dont ils avoient
senty les effets peu auparavant
, de maniere qu'ils en
ont estécombles.Si les Eglises,
& les Pauvres ont
eu pendantvostre Voyage
de si grandes marques de
vosbontez, la Noblesse detous
les lieux oùVofire
Maiesté a passé>ena recets
desensibles& d'éclatantes
qui seront eternellement
gravées dans tous les coeurs
de leurs Descendans, f0 ils
les estimerontinfiniment
Ol/lus que tous les titres de
leurMaison,parmy lesquels
la posterité les conserï*
vera* Dansquelleconsideration
ne seront-ils point,
quand onsçauraqu'ilssevont
formez, du sang de
,-::euxquj auront eu l'honneur
dese voir à la table de leur
JRoy ! mais quel Roy , le
Monarque quiaura estéla
erreur, l'amour, & l'admiration
detoute la terre,
vnfin LO VIS LE
ZrRAND-Voilà>SJRE>
ce que Vojfre Maiefiê a
produit,enfaisantmanger
àsa tableplusieurspersonnes
de distinction qui onteu
l'honneur de l'avoir pour
Jrfoflre.Si lesouvenir en est :
eternellementgardé dansles
Famillessurlesquelles cette *
insignefaveur est tombée,
avec quelle veneration ne'!J
conservera-t -on point la4
mémoire des Ordonnances
quevous avez faitrendrez
par un celebre Chapilreolt
pourl'augmentationau culz:
st de Dieu
, & de quelle
utilité ne seront point les
exemples de pieté que Vous
avez* donnez aux peuples,
qui en ont esté témoins
v.ouJaveZ!u foin, SIRE,
que Dieusust tous lesiours
servy& honorépartoute 14
Cour, &partoutevostre
Maison,& pendant lasemairie
de l'année qui demande
leplus d'exercices de
devotion
, & la feule ou
sl'oEigrlsisàeecshtanotcecrulpeéselotouuasngleess
du Seigneur, non seulement
VostreMaiesté n'a
pas manquédyassister,&
deseprosternerauxpieds des
Autels en descendant de
Carosse au lieu d'allercher.
cher du repos;mais EUea
evoulu que le Service fuji
célébré avec beaucoup plus
d'éclat
, que nepermettoit
l'estat des lieux, st) lepeude
tempsqu'on avoitpoursy1
préparer.Je passe pardessus,
tout ce quiVous a fait ad-*•
mirer dans Luxembourg*
ma Relation en est remplie;
maisje ne puis mempescher
de dire que la France ne
Vous est pas seule obligée
des nouvelles Fortifications
que VOUIY avez, faitfaire,
& de la nouvelle Forteresse
que Vousfaites élever,pour
couvrirvosfrontières ;toute
l'Europe Vousest autant
redevable que la France,
puisque ces nouveauxRamparts
ostant aux jaloux de
vostre gloire ,la pensée
qnils pourrotent avoir de
Vousattaquer, metient"Vos
Sujets à couvert de toute
tnfulte, & empeschentque
la tranquillité de L' turope
ne soit troublée. En effet,
S1RE ,
yeus ne pourriez,
estre attaqué sans qu'elle
jfufta-issï-tolftoute en firmes.
Quiauroitcru,SIRE,
que vojîreMajefiéeuji
*pùsefaire admirerpartant
d'endroits pendant un si
court voyage j ou plûtost
qui auroit pû en douter,
futfqttElie rte fait aucun
pas quine serve à l'accroissement
desagloire? Person
ne ne lesçait mieux que
moy qui me suis imposé le
glorieux employ de receuillirtoute
les actions de Votre
Majesté pour les apprendre
à tout l':Vni'vers*
Je ne pouvois choisir un
travail qui puft me donner
plus de plaisir
, & qui
me procuraitplus d'honneur
,
puisqu'il me donne
Lku quelquefois d'approcher
de Vostre Sacrée Per-*
Jonne.Iefuis avec le plus
profond refpeff,
1
1 SIRE,
DE VOSTREMAJESTE
$<Ctics-humble & tres-obeissant
Serviteur&Sujcc3
L~
DIVIZ.I',
11
fej- IRE,
Quoy quel*Hfagederenfermer
toutes les plus belles
actions de ceux a qui l'oit
adresse des Epitres dela nature
de celle que j'ose Attjourd'huypresenteraVostre
Majesté, parcifje ftd{[,
presque de tout temps ,
il
est néanmoins atfoinmeut
impossiblede le f ivre
dans celles oue Vousavez,
la bontéde vouloirbien recevoir.
Ledétailde la moindre
de Vosactions pourroit
remplirdesVolumes,quand
toute la vie des autres ne
fiattrait fournir qnoe pente
lesujet d'uneseule Epitre,
Monzelem'en afait entreprendreplusieurs,
maistoutesensembleneforment
qu'-
une très-imparfaiteébauche
de quelques unes des
actions de Vostre Majefiéy
&comme en de pareilles occasions
on a toujourslieu de
craindre dese trouveraccablépar
l'abondance de la
matiere
,
je ne parleray en
celle-cy
, que des fuj-ts de
loüange que vous a'veZdonnez
dans <voftretinnief
Voyage. Vn autre que
Vous, SIRE,n'en auroit
fournyaucun dans le cours
borné d'une simple promenade.
Cependantce quesay
à dire me paroist sivaee
que)eness.tiroispoint,sije
cherchoisà l'étendre.Vojlre
Maiesté fit paroistre sa
bonté avant son départ9
lors quillujplutderasseurer
l'Europeinquiette, à laquelle
on vouloitpersuader
que Vous nepouvituortir
de Versaillessansporteratteinteàson
repos. C,eflun
marii,ie,SIRE,qite Vous
aveZj mis !a France dans
un haut degré de vieire,
que Vousrendue
bien/edoutabie^queVous
ne iettezpasmoins de
crainte dans les coeurs des
jaloux de vostre puissance,
que Vous eaufeT^jCamour,
& d'admiration dans tous
les autres. Vostre Voyage
n'a point allumélaguerre
qu'ilsseignoient de craindre,
&vouloienàeex.
citer pour leurs interests
particuliers. Vous n'estes
pointparty avec laterreur.
Vous n'avez point paru
comme un Mars soudroyant,
quilaisse la desolation
par tout ou il passe ,
maiscommeunSoleilbienfaisant
qui cause lafecondité
dans tous les lieux où
il jettesesregards.Ilflmble
que Fousriajez^quitte'
le delicieux sejour de Versailles
que pour aller porter
labondance dans ces heu-*
reuses Provinces que Vous
ave^ traversees. Vous arueZ
J.o/ic partout dequoy
ornerlesAutels,&embelli
1 r-' r,'" Ir ,"s 11''ilUs.Y''OS 'J"C":
putssefontlur^r^ent i-epandus
sur tous les Pau-
D?es , & ce qui iu/ques icy
n'avoit pointeu d'exemple,
on peut dire que vous a-
*ueZj renchery sur ceux d;e
Soleil. Il ne rend nos terres
secondesqu'unefoisl'année,
&vos L) 1;tetsoutctrouvéa
vostreretour,lesm ; ,. ¡',
beralitez dont ils avoient
senty les effets peu auparavant
, de maniere qu'ils en
ont estécombles.Si les Eglises,
& les Pauvres ont
eu pendantvostre Voyage
de si grandes marques de
vosbontez, la Noblesse detous
les lieux oùVofire
Maiesté a passé>ena recets
desensibles& d'éclatantes
qui seront eternellement
gravées dans tous les coeurs
de leurs Descendans, f0 ils
les estimerontinfiniment
Ol/lus que tous les titres de
leurMaison,parmy lesquels
la posterité les conserï*
vera* Dansquelleconsideration
ne seront-ils point,
quand onsçauraqu'ilssevont
formez, du sang de
,-::euxquj auront eu l'honneur
dese voir à la table de leur
JRoy ! mais quel Roy , le
Monarque quiaura estéla
erreur, l'amour, & l'admiration
detoute la terre,
vnfin LO VIS LE
ZrRAND-Voilà>SJRE>
ce que Vojfre Maiefiê a
produit,enfaisantmanger
àsa tableplusieurspersonnes
de distinction qui onteu
l'honneur de l'avoir pour
Jrfoflre.Si lesouvenir en est :
eternellementgardé dansles
Famillessurlesquelles cette *
insignefaveur est tombée,
avec quelle veneration ne'!J
conservera-t -on point la4
mémoire des Ordonnances
quevous avez faitrendrez
par un celebre Chapilreolt
pourl'augmentationau culz:
st de Dieu
, & de quelle
utilité ne seront point les
exemples de pieté que Vous
avez* donnez aux peuples,
qui en ont esté témoins
v.ouJaveZ!u foin, SIRE,
que Dieusust tous lesiours
servy& honorépartoute 14
Cour, &partoutevostre
Maison,& pendant lasemairie
de l'année qui demande
leplus d'exercices de
devotion
, & la feule ou
sl'oEigrlsisàeecshtanotcecrulpeéselotouuasngleess
du Seigneur, non seulement
VostreMaiesté n'a
pas manquédyassister,&
deseprosternerauxpieds des
Autels en descendant de
Carosse au lieu d'allercher.
cher du repos;mais EUea
evoulu que le Service fuji
célébré avec beaucoup plus
d'éclat
, que nepermettoit
l'estat des lieux, st) lepeude
tempsqu'on avoitpoursy1
préparer.Je passe pardessus,
tout ce quiVous a fait ad-*•
mirer dans Luxembourg*
ma Relation en est remplie;
maisje ne puis mempescher
de dire que la France ne
Vous est pas seule obligée
des nouvelles Fortifications
que VOUIY avez, faitfaire,
& de la nouvelle Forteresse
que Vousfaites élever,pour
couvrirvosfrontières ;toute
l'Europe Vousest autant
redevable que la France,
puisque ces nouveauxRamparts
ostant aux jaloux de
vostre gloire ,la pensée
qnils pourrotent avoir de
Vousattaquer, metient"Vos
Sujets à couvert de toute
tnfulte, & empeschentque
la tranquillité de L' turope
ne soit troublée. En effet,
S1RE ,
yeus ne pourriez,
estre attaqué sans qu'elle
jfufta-issï-tolftoute en firmes.
Quiauroitcru,SIRE,
que vojîreMajefiéeuji
*pùsefaire admirerpartant
d'endroits pendant un si
court voyage j ou plûtost
qui auroit pû en douter,
futfqttElie rte fait aucun
pas quine serve à l'accroissement
desagloire? Person
ne ne lesçait mieux que
moy qui me suis imposé le
glorieux employ de receuillirtoute
les actions de Votre
Majesté pour les apprendre
à tout l':Vni'vers*
Je ne pouvois choisir un
travail qui puft me donner
plus de plaisir
, & qui
me procuraitplus d'honneur
,
puisqu'il me donne
Lku quelquefois d'approcher
de Vostre Sacrée Per-*
Jonne.Iefuis avec le plus
profond refpeff,
1
1 SIRE,
DE VOSTREMAJESTE
$<Ctics-humble & tres-obeissant
Serviteur&Sujcc3
L~
DIVIZ.I',
Fermer
44
p. 1-337
JOURNAL DU VOYAGE DE SA MAJESTÉ A LUXEMBOURG.
Début :
Je vous l'ay promis, Madame. Il faut vous satisfaire [...]
Mots clefs :
Roi, Luxembourg, Sa Majesté, Prince, Place, Voyage, Ville, Cour, Gardes, Église, Verdun, François-Henri de Montmorency-Bouteville, Maison, Duc de Luxembourg, Honneur, Bonté, Paris, Comte, Fortifications, Troupes, Officiers, Évêché, Abbé, Versailles, France, Médailles, Corps, Personnes, Messe, Châlons-en-Champagne, Évêque, Marquis, Lieux, Régiment, Champagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : JOURNAL DU VOYAGE DE SA MAJESTÉ A LUXEMBOURG.
JOURNAL
1 DV VOYAGE
DE
SA MAJESTÉl
A LUXEMBOURG.
E vous l'aypromis
,
Madame. Il faut
vous satisfaire sur le
grand Article du Voyage
de Sa Majesté à Luxembourg,
Pc. comme vous m'avez ordonné
de n'enoublier aucune
des circonstances, elles
feront le sujet d'une Lettre
entière. Un pareil Journal
doit estre agréable aux Curieux
Tout le monde scait
que le Roy ne peut faire un
pas hors le lieu de sa résidence
ordinaire, que toute
l'Europe ne soit aussi-tost
en mouvement. Le bruit de
ce Voyage n'eut pas plûtost
Commencé à se répandre,
qu'elle fit paroistre de grandes
alarmes. Mais que pouvoit-
elle avoir à craindre?
Elle devoitestre persuadée,
que le Monarque qui luy a
donné la Paix? n'avoir aucun
dessein de la rompre.
C'est son ouvrage, & loin
de songer à le détruire,Sa
Majesté fera toûjours preste
à faire repentir ceux qui travailleront
à troubler le calme
qu'il a étably. Un pareil
dessein ne sçauroitestre
conceu que par des Ambitieux
opiniâtres, & trop constamment
jaloux de la grandeur
de ce Prince;mais c'est
àeux seuls à craindre, dans
letemps qu'ils veulent rendresuspectes
toutes ses démarches,
& jetter dans les
cfprits des frayeurs seditieuses,
afin d'exciter dans la
plus grande partie des Etats
voisinsle desordre & la confusion,
sans quoyils demeurent
dans une fâcheuse obsçuiipé?
qui leur est beaucoup
moins supportable que la
douleur que les Victoires du
Roy ont dû leur causer
, pour
ne pas dire, leurs continuelles
défaites. Comme il y a
peu de Regnes qui ne plaisent
,
a quelques chagrins
que l'on puisse estre exposé
en regnant ,ils voudroient
toûjours jouir de la tristesatisfaction
qu'ils ont de com*.
mander aux dépens de la
tranquillité de l'Europey
mais le Roy quien est leBienfai£
teur> & le Pere, voulant
luy conserver le repos qu'il
luy a si genereusement procuré,&
dontil lafait jodir.,
malgré lescontinuels obstacles
qu'on oppose inutilement
à sabonté, renverse
tous leurs desseins par sa prudente
conduite &: par sa perseverance.
Les défiances que
l'on a voulu donner de son
Voyage) donton pretendoit
que de secrets desseins estoient
les motifs, ont esté
une occasion au Roy de confondre
les Ennemis de sa
gloire. Il n'a pu soffrir qu'on
crustqu'il déguisast ses intentions
,8z pour empescher
que leur sincerité ne fust
foupçonnée
9
il a bien voulu
donner un éclaircissement,
quien faisant voir la bonté
qu'il a de'ne point chercher
à troubler l' Europe qu'il a
l, pris foin de pacifier, a servy
encore, par des assurances
publiques,& dont aucun
Prince ne pouvoir douter, à,
dissiper les frayeurs que les
.1n.1.1 intentionnez avoient
jettées dans les coeurs timides,
afin de parvenir à leur but.
Non seulement ils n'y sont
point parvenus ?
mais tout ce
qu'ils ont pû dire, n'a fait que
fairemieux voir combien le
pouvoir du Royest redoutable,
puisqu'ilsontété obligez
de faire connoistre eux-mêmes
par toutes les chosesqu'ils
ont avancées, qu'il suffitque
ce Monarque fasse une entreprise
pour y réiiflir
, & que
s'il veut vaincre, il n'a qu'à
combattre. On a sujet de les
croire. Ils n'ont pas eu desfein
de flater
,
&sur ce qui se
publie de cette nature ,
les
Ennemis sont plus croyables
que d'autres, puis que leur
sincerité ne peut estresoupçonnée.
Mais comme vous
pourriez douter de la mienne
lors que je vous parleai
& croire que je me suis formé
exprés des monstres pour
les combattre, en faisant paffer
mes conjectures pour des
veritez,à l'égard de tout ce
que je viens de vous dire dt.
l'inquietude que l'on a voulu
donner à la plus grande
partie de l'Europe, pour luy
faire prendre de l'ombrage
des desseins du Roy
?
voicy
une piece justificative.
Sa Majesté
,
à qui rien n'est
inconnu, tant à cause de sa
vive penetration
, que des
foins qu'elle prend sans cesse
pour bien s'acquiterde ce que
son rang demande,sçachant
ce qui se disoit du dessein
qu'Elle avoit pris de faire un
VoyageàLuxembourg, voulut
faire voir la mauvaise intention
de ceux qui en répandant
des bruits contraires
au repos public, pretcndoient
venir à bout de leurs entreprises.
Dans cette pensée, Elle
ordonna à Mrle Marquis de
Croissy Colbert
,
Ministre &
Secretaire d'Estat
, ayant le
département des affaires étrangeres,
d'écrire une Lettre
à Mrle Cardinal Ranuzzi,
Nonce de Sa Sainteté enFrance.
Voicy à peu prés le sujet
de cette Lettre. Ive de Croisfy
marquoit à ce Cardinal
que le Roy luy avoit commandé
d'informer son Eminence de la
resolution qu'ilavoit priscel'al.,
lerdans le mois de May à Luxembourg
, CJTouencore que Sa
Majcflr n'eustpas accoûtumé de
rendre raison de Jes actions,
comme Elle ne vouloit pas
néanmoins renouveller l'alarme
qu'on dvùitprise sans fondement
de l'ouverture qui a esté
faite du convertissement de la
Tréve en un TraitédePaix ; Elle
luy avoit ordonné de /'assurer de
sa part ,
qu'Elle ne faisoit ce
Voyage que pour satisfaire la
curiosité qu'Elle avoit de voir
Elle-mesme en quel estat estoit
otlors cette place;, d'oùelleseroit
de retour,troissemaines, ou tout
A-U plus tard un mois aprésqu'Elle
seroit partie de Versailles;
qu'Elle se promettoit que son
Eminence empescheroit par Je$
Lettres tant à Sa Sainteté que
par tout ailleurs où ellel'estimeroit
à propos , que ce Voyage ne
donnast de l'inquietude aux
Etats Voisins
, 0* qu'aucun
Prince ne pustprendre le pretexte
de la marche de Sa Majestéspour
refuseràl'Empereur lessecours
ausquels ilsseseroientengagez,
Sa Majesté n'ayantpas d'autre
dessein que celuy dontElle l'avoit
chargéde l'instruire.
Cette Lettre qui fut écrite
à Marly,estoitdattée du quatrièmed'Avril.
MrleNonce
qui s'apliqueavec tout le foin
imaginable à tout ce qui peut
maintenir la paix, la reçût
avec une extrêmejoye.Il en
envoya des copiesdans tous
les lieux, où ille crut necessaire
pour remettre les esprits,
& n'en refusa point aux Ministres
Etrangers qui sont à
Paris, ny mesme à tous ceux
qui prirent la libertédeluy
en demander ; de forte que
cesCopies s'estant multipliées
en fort peu de temps , cette
Lettre devint aussi-tost commune.
Chacun l'envoya à ses
Amis, &. elle courut incontinent
, non feulement dans
les Provinces de France;mais
encore dans les Pays Etrangers.
Comme le Roy na
jamais manqué à sa parole,
&que tout le monde en est
fortement persuadé
,
les esprits
qu'on avoit voulu inquicter
en leur faisant entendre
que le Voyage de Sa
Majestécouvroit des desseins,
€jui devoient troubler la tranqnilité
de l'Europe, furent
rassurez> & les ambitieux qui
ire cherchoient qu'à renouseller
la guerre en proposant
<de faire une Ligue pour l'éiriter
, demeurerent dans une
Extrême confusion par l'impossibilitéqu'il
y avoit de
venir à bout de leurs desseins.
On ne parla plus que du
Voyage, mais on en parla
d'une autre maniere qu'on
n'avoit fait jusque-là, & ceux
quiavoientvéritablement apprehendé
devoir le Roy à la
teste d'une Armée par les
soupçons qu'on avoit tâché
de jetter dans leurs esprits, se
proposerent de le venir admirer
lors qu'il feroit sur leurs
frontières
?
& ce fut pour eux
un fort grand sujet de joye
s d'esperer de voir de prés, &
de considerer avec toute l'attention
que demandoit leur
curiosité? un Prince qui remplit
tout l'Univers du bruit
de son naIn, & de ses vertus.
Pendant que la Noblessedes
Pays voisîns de Luxembourg:
goûtoit par avance le plaisir
qu'elle attendoit en voyant
le Koy & qu'elle en avoit
l'idée remplie,comme on l'a
ordinairement de toutes les
choses.guc l'onsouhaiteavec
passion, ceux qui estoient du
Voyage s'y preparoient; d'autres
en parloient & d'autres
écrivoient sur ce sujet.Voicy
une Devise deM Magnin de
l'Academie Royale d'Arles,
surceVoyage.Le Soleil estoit
alors au figne du Belier. Cette
Devise a pour mot
CURSUM INCHOAT
OMINE MITI.
Il renouvelle son cours
Sous de fortunezpresages;
Loin d'icy
)
sombres nuages,
Nous n'aurons que de beaux
jours.
Ces Vers convenoient a£-
sez à ce qu'on venoit de publier
touchant les desseins
cachez fous le Voyage du
Roy.
Voicy une autre Devise
de Mr Rault de Roüen, sur
ce mesme Voyage daSa Majesté,
allant visiter ses Conquestes
,&voir ses nouveaux
X Sujets. Cette Devise a pour
corps le Soleil en son midy
sansnuages & sans ombreJ
&jettant de benignes influences
sur les Regions par
où il passe. Ces mots en sontl'ame.
FELICI BEAT
ASPECTU.
Tel que paroist le Dieu du
jour
Porté dans son char de lu
miere
,
Quand par chaque Climat il
faitsonvaste tour
Pourvisiter la terre entiere
J
k
Et que parsesbrillansrayons
Il produit en tous lieux les biens
quenous voyons;
Tel l'Augure LOUIS ruifitant
ses Conquestes,
Quelque part qu'il porte les
yeux,
SurJes Sujets nouveaux qui s'offrent
en ces lieux,
Répandsesfaveurs toutesprefies,
Et quoy qu'il fajfe voir la fierté
du Dieu Mars
,
( Sesyeux nont que de doux
re7g,ardsoLe
temps du Voyage s'avançoit,
& l'on estoit presque
sur le point de partir,
lors que le Roy fut attaqué
d'un grand Rhume. Mais
loin que cet accident sist
prendre aucune résolution
contraire à ce qui avoit esté
arresté, Sa Majesté ne retrancha
pas mesme un quartd'heure
des Conseils qu'Elle
avoit accoûtumé de tenir-
Mr de Louvoispartit quelques
jours auparavant , pour
unVoyage de prés décrois-
-- - .-- - - - --
cens lieues,& Mr de Seignelay
partit de son costé pour
aller voir les Fortifications de
Dunkerque. Comme il faut
donner quelque ordre à cette
Relation, je ne parleray de
leur Voyage que quand je
vous marqueray leur retour
auprès du Roy, Je vous diray
cependant qu'en s'éloignant
de Sa Majesté,ils avoient
toujours la mesme
part aux affaires. Rien n'est
aujourd'huy épargné en
France pour le bien de l'Etat,
&.
& le Roy, par le moyen des
Courriers
> peut conferer tous
les jours avec ceux qui sont
éloignez de luy.MrdeCroissy
fut le seulMinistre qui
devoit accompagner Sa Majesté.
Le Controleur GeneraI,
dont la presence & les
foins font toûjours neccffaires
icy,ne fait jamais aucun
Voyageavec Elle. Mais comme
je viens de vous le marquer,
ceux qui ont affaire au
Roy,parlent, pour ainsi dire
i tous les jours à Sa Majesté
?
quelque longue distance
qui les en feparc ,rien n'estans
épargné pour cela, & les
Postes du Royaume n'ayant
jamais esté en si bon estat
qu'elles sont presentement.
Des raisons avantageuses à
la France empescherentMadame
la Dauphine de se préparer
à estre de ce Voyage.
Monsieur
, qui relevoit de
maladie resolut de prendre
l'air à Saint Cloud pendant
l'absence du Roy, & Madame
voulut tenir compagnie
à ce Prince, malgré le plaisir
qu'elle prend aux Voyages
& à la Chasse, cette Princesse
estantinfatigable dans
des exercices qui lassent quelquefois
les hommes les plus
robustes.
Le Roy ne voulant pas
fatiguer sa Cour pour un
Voyage qui ne devoit passer
que pour une promenade,
resolut d'aller à petites journées,&
de mener Monsieur le
Duc du Maine,&Monsieur
le Comte de Toulouse.Onne
peut trop tost leur faire voir
des. Fortifications; des Troupes,&
des Reveues,& l'on
peut dire que leur en faire
voir de cette maniere, c'est
commencer à leur apprendre
en les divertissant, tout ce
qu'ilsdoivent sçavoir? ce qui
cft cause souvent qu'ils y
prennent plus de plaisir, &
qu'ils s'y attachent davantage
dans la fuite. Ces jeunes
Princes estant du Voya,
ge )
il fut.arresté que les Dagacs
en seroient aussi;celles
qui furentnommées font
Madame la Duchesse, Madame
la Princesse de Conty,
Madame la Princesse d'Harcour)
Madame la Duchesse
de Chevreuse, Madame de
Maintenon, & Madame de
Croissy? avec les Dames, &
Filles d'honneur des Princesses.
Elles devoient toutes
aller, ou dans le Carosse
duCorps du Roy, ou dans
d'autres Carosses de Sa Majesté,
& avoir l'avantage de
manger avec ce Prince. C'est
un honneur qu'elles ont u
pendant tout le Voyage.
Il fut aussi arresté que le Regiment
desGardes ne marcheroit
point, & que suivant ce
qui s'est souvent pratiqué, le
Roy seroit gardé par l'Infanteriequi
se trouveroit dans
les Places, où Sa Majesté
passeroit, & que dans les lieux
où il n'y auroit point d'Infanterie
en garnison les
Mousquetaires mettroient
pied à terre,& feroient garde
autour
l.
du logis du Roy.
Comme les Gendarmes & les
Chevaux-Legers ne servent
que par quartier, de mesme
que les Officiers de sa Maison
, du nombre desquelsils
* sont, & que ces Corps ne
marchent entiers qu'en temps
de Guerre, & lors que Sa
Majestéfait quelque Camp
Elle ne voulut estre accompagnée
dans ce Voyage
) que
de ceux de ces Corps qui esroient
alors en quartier. A
l'égard des Gardes duCorps,
le Roy resolut de mener seulement
leGuet. Comme vous
pourriez ne pas sçavoir ce
que c'est que ce Guet, il fera
bon de vous l'expliquer. Les
Gardes du Corps font toûjours
dans le service, sans
estre néanmoins toûjoursauprés
du Roy. Ils ne fervent
point par quartier comme
les Gendarmes & les Chevaux-
Legers; mais comme
ils font en fort grand nombre,
on les fait loger en plusieurs
Villes? ce qui pourtant
ne s'appelle pas estre en garnsson
, puis qu'ils y font
moins pour garder ces Places,
que pour y attendre
qu'ils fervent auprèsduRoy,
ce qu'ils font alternativement.
On dit en parlant de
ceux qui ne font pas auprès
de Sa Majesté
,
qu'ils font
dans leurs quartiers, & l'on
appelle relever le Guet? lors
qu'il fort un nombre de Gardes
de ces quartiers
, pour
venir prendre la place de
ceux qui font auprésduRoy?
&: que ces derniers retournent
dans les quartiers où ils
estoient auparavant, Il y a
prés de dix-sept cens Gardes
du Corps, qui font divisez
en quatre Compagnies,& ces
CompagniesensixBrigades
chacune,qui font commandées
par six Officiers ; sçavoir
trois Lieutcnans & trois
Enseignes, Chaque Compagnie
elt reconnuë par les
Bandoulieres des Gardes,qui
font de couleurs differentes,
On reconnoist les Gardes de
la premiere Compagnie , au-"
trement>la Colonelle, commandée
par Mr le Duc de
Noailles, aux Bandoulieres
blanches, & aux Housses
rouges; les Gardes de la
Compagnie de Mr le Maréchal
Duc de Duras, aux Baudoulieres
- & aux Housses
bleuës; les Gardes de la Compagnie
de Mr le Duc de Luxembourg,
aux Bandoulieres
&aux Houssesvertes, 8c les
Gardes de la Compagnie de
Mr le Maréchal de Lorges,
aux Bandoulieres& aux
Housses jaunes. Cette derniere
Compagnie portoit
orangé dans son institution,
mais depuis, elle a changé
l'orangé en jaune. La Colonelle
seule a des Housses d'une
couleur différente de celle
desBandoulieres,& cela vient
de ce que le blanc n'etf pas
une couleur à estre employée
en Housses. Il est à remarquer
que le Guet des Gardes du
Corps qui sert auprès de Sa
Majesté, à pied,& à cheval,
est toûjours de deux cens
Gardes, dont une partie est
de Salle, & l'autre se repose
tour à tour. Ce Guet n'est
jamais d'une seule Compagnie
,
mais de plusieurs ensemble.
ainsi que les Officiers
qui les commandent;
de forte que le Capitaine des
Gardes qui est de quartier,
n'a jamais sousluy aucun Ofsicier
desa Compagnie quand
il est de serviceauprésduRoy.
Vousremarquerezencore que
le Guet ne sert qu'un mois
auprès du Roy> à moins qu'ij
n'y ait quelque force raison
pour le faire servir plus longtemps,
comme dans l'occasion
de quelque Voyage tel
que ccluy que l'on vient de
faire. Ce n'est pas que dans
un Voyage plus long le Guet
ne changeast de la mesme
fortequ'à Versailles
, parce
qu'alors on feroit suivre tous
les Gardes. Rien ne marque
tant la grandeur du Roy que
ce changement de deux cens
Gardes tous les mois. J'ar,
crû vous devoiraprendretoutes
ces choses , & que ce ne
feroit pas sortir de la matiere
que je me fuis proposée dans
cette Lettre? parce qu'autrement
vous n'auriez pas bien
compris ce que c'eil: que le
Guet, dont j'ay este oblige
de vous parler,pour vous faire
une Relation du Voyage
du Roy aussi exacte que celle
que j'ay entrepris de vous
envoyer.
Touteschoses estantainsi
arrestées
)
personne ne douta
du Voyage, parce qu'ontient
toûjours pour certain tout ce
que le Roy resout, &le jour
deson départ aprochant,ceux
qui ne devoient pas l'accompagner
redoublerent leurs
empressemens auprès de ce
Prince. Jamais on ne vit de
Cour si grosse. Les Ministres
Etrangers allerenr prendre
congé de Sa Majesté
,
ainsi
que les Chefs des Compagnies
superieures,& plusieurs
autres personnes distinguées
dans la Robe par leurs emplois,&
par leur mérite. Plusieurs
Etrangers se renditent
aussi à Versailles pendant les
derniers jours que le Roy y
devoit demeurer, & quantité
de Peuple de Paris y courut
pour avoir le plaisir de joüir
feulement quelques momens
de la veuë de ce Monarque'
lors qu'il iroità laMesse, ou
à la promenade, ou pendant
qu'il disneroit. Sa Majesté
devant partir un Samedy pour
aller coucher à Clayes, où la
Cour estoit obligéed'entendre
la Messe le lendemain.
parce qu'ilestoit Dimanche,
Elle eut la précaution de recommander
quelques jours
avant qu'Elle partist, qu'il s'y
rencontrait beaucoup de
Prestres pour en celebrer un
assez grand nombre, & fit
paroistre sa pieté par cet
ordre.
Le Voyage avoit esté arJ
resté d'abord pour le deuxiémede
May,mais la rougeole
quisurvinta Madame la
Duchese,fut cause que le
Roy le Temii au dixiéme dta
mesme mois. Ce jour estant
arrive, Sa Majesté
>
après avoir
entendu la Messe dans le
Chasteau de Versailles
, en
partit avec toutes les personnes
de distinction,&les
Troupes que jeviens de vous
nommer. Le nombre de celles
qui devoient faire le Voyage
estoit grand;cependant, celane
faisoit qu'une tres-petite
partie des Troupes de sa Maison
,puisque le Regimentdes
Gardes ne marchoit pas, &
qu'il n'y avoit qu'un quart des
Gendarmes
, & des Chevaux
Legers, avec la neufou dixiéme
partie des Gardes du
Corps ou environ. Il y avoit
outre cela, tous les Officiers
de sa Maison en quartier dont
je ne vous diray rien, tout ce
qui regarde cette Maison
n'estant inconnu à personne.
Comme le Roy devoit
passer à Paris, le Peuple impatient
de le voir occupa dés
le matin tous les lieux de son
passage, aimant mieux l'attendre
pendantplusieurs heul'es,
que de manquer à luy
souhaiter par ses acclamations
une longuevie, & un
heureux Voyage. Les Religieux
sortirentaussi de leurs
Convents, &: la pluspart des
Fenestres furent remplies de
personnesdistinguées.LeRoy
quis'est toûjours moins attiré
les coeurs par la grandeur
de son rang que par ses manieres
toutes engageantes, salüa presque toutes les Dames
qu'il vit aux fenestres.
Sa Majesté passa par la Place
des Victoires, où Mrle Duc
de la Feüillade & Mle Prevost
des Marchands l'attendoient
avec un grand nombre
de personnes de la premiere
qualité. Vous sçavez
sans doute qu'on n'a fait encore
qu'une partie duBastiment
qui doit embellir cette
Place. Cela fut cause qu'on
pria le Roy d'avoir la bonté
de dire de quelle maniere il
souhaitoit qu'on l'achevaft ,
& si on continueroit ce qu'on
avoit commencé , sur les
desseins de Mr Mansard son
premier Archirecte , c'est à
dire à l'égard de la figure de
la place, car les Bastimens onc
toûjours esté trouvez fort
beaux. Sa Majesté en parut
fort satisfaite, & jugea à proposque
l'on fuivift le dessein
qui avoit esté commencé.Mr
de laFeüilladeayant fait entierement
dorer la Figure du
Roy depuis que Sa Majesté
ne l'a veuë ,
Elle s'attacha à
la considerer attentivement.
Quelques-uns dirent qu'ils
l'auroient mieux aimée de
bronzerd'autresfurent d'un
sentiment contraire, &alleguerent
que la Statuë de
Marc Aurele que l'Antiquité
a tant vantée,& qui a esté
si estimée des Romains,avoit
esté dorée.Onrépondit que
ce n'estoit pas ce qui l'avoit
fait admirer,&quel'Empereur
Neron avoit fait dédorer
uneFigure d'Alexandre.Ceux
qui font profession d'estre
curieux ne prirent pas le party
île l'or, parce qu'il y a plus
de
<fcbronze que d'or dans leurs
Cabinets. Le Roy qui neparle
point sans se distinguer
,
dit
beaucoup en ne disant rien.
Il nevoulut chagriner personne,
& dit obligeamment
pourMrdela Feüillade,qu'il
nefalloitpas s'estonner qu'il eust
fait dorersa Figure
,
puisque si
l'onavoitpû la faire d'une matiere
plus precieuse
iI- & qu'il
-eujl eslé en estat d'en soûtenir ltt
dépense , il estoitpersuade qu'il
n'auraitrien épargnépourcela.
-
Je n'interprété gMnr ca.
paroles qui font voir tout le
bon sens & toute la delicatesse
d'esprit impaginable, &
dont la finesse consiste plus
en ce qu'elles font entendre,
qu'en ce qu'elles expliquent
àl'égard de la dorure.
Rienn'estant égal auzele
de Mrle Duc de la Foüillade,
qui tâche sans ccue de le faire
paroistre
,
par des augmentations
qu'il fait à tout ce qui
regarde la fiegure de la Place
es Victoires, & qui font autant
d'embellissemens nouveaux,
&: de témoins éclatans
delavive ardeur qu'il a pour
Sa Majesté
, on trouva huit
Inscriptions nouvelles écrites
en lettres dorées au feu, &
dans huit Cartouches de
bronze doré, attachezautour
du Piedestal
, qui porte cette
Figure couronnée par la Victoire.
Cette augmentation
de beautez
>
après l'estat où
Mr de la Feüillade a mis la
Figure, fait voir que lors qu'il
s'agit de faire quelque chose
qui regardelagloire du Roy
,
il n' y a rien d'assez grand
pour le pouvoir satisfaire,
Voicy ce qui remplit les huit
Cartouches.Les deux qui font
au dessous du Roy & entre les
deux Esclaves qui regardent
l'Hostel de laFeüillade
, contiennent
les paroles suivantes.
I. CARTOUCHE.
Il avoit sur pied deux cens
quarantemille hommes d'Infanterie
,
vsoixantemille chevaux
pins les Troupes de ses .drmées.
AItvalesjors qu'ildonna laPaix
à l¡''EEuropeen 1678(").
II. CARTOUCHE.
Sa fermetédans "/:,), douleurs
rassura les Peuples desolez au
mois de Novembre 1686.
Voicy ce qu'on lit dans
les deux Cartouches de la
face droite du Piedestal ,qui
est du costé de la ruë des Petits-
Champs.
III. CARTOUCHE.
Aprés avoir fait d'utiles Reglemenspour
le Commerce, (')
reformé les abus de laj'ijlicc> l
donna un grandexcnpled'équité
enjugeantcontresespropres ,jntfrests
en faveur des Habitans de
Paris dans une affaire de! sieurs millions.
IV. CARTOUCHE.
Six mille jeunes Gentilshommes
Jepa^e^ par Compagnies,
gardentsesCitadelles,ven remplacentdes
Ofifciersdeses Troupes
; & leur éducation rft dignt
de leur naissance.
Les deux Cartouches qui
font du costé de l'Eglise des
Religieux appellez les Petits-
Peres,fontvoir ce qui suit.
V.CARTOUCHE.
Deuxcens dix Places,Forts,
Citadelles
, Ports, v Ha'1-'(c5
fortifiez gjf revestusdepuis 1661»
jusques à 1086; cent quarante
mille hommesdepied, vtrentemilleChevaux
p.'ye^ par mois ;, assurent Jes Frontieres.
VI.CARTOUCHE.
Il a bastyplus de cinq cens Esqu'il a dottt'Sde riZ'c/itiy
considerables
, & il a estably
l'entretien dequatre censjeunes
Demoiselles dans la magnifique
Maison de S. Cir.
Voicy ce que renferment
les Cartouches du derriere du
piedestal qui regarde la ruë.
VII.CARTOUCHE.
Il a basty un superbe
j &*'
'Va/le édifice pour les Ofifciers &
Soldats que l'âge er les bltfju•*
res rendentincapablesdejervir^
mille livres de rente.
VIII. CARTOUCHE.
L? nombre desoixante mille.
Matelots enrolez,
,
dont vingt
miÜe fontemployer*sonservice
, (èj les quarante mille
Autres au commerce de ses Sujets,
marque la grandeur, dr le
bonordre delaMarine.
Vousvoyez Madame, que
ce qui est contenu dans ces
huit Cartouches donne uuç
haute idée de la vie du Roy,
&qu'onne peut dire plus de
choses en moins de paroles,
nyen faire concevoir davantage.
Chacun s'attacha à lire
ces Eloges,& l'on y prit beaucoup
de plaisir. Le Roy eut
ensuite la bonté d'aller voir
un des Fanaux qui font aux
quatre coins de la Place. Celuyoù
Sa Majefié alla, est le
seul qui soit achevé. Le nom
de Fanaux a estédonné à ces
ouvrages à cause des Fanaux
quifont au dessus. A chaque
endroit où ils ont esté placez,
il y a un groupe de trois colomnes
de Marbre sur un piedestal
de mesme matiere. Au
dessus de chaque groupe est
un Fanal composé de plusieurs
lampes, qui brulent
pendant toutes les nuits, &
pour l'entretien desquelles,
M le Duc de la Feüillade a
estably un fond. Enrre les
colomnes de chaque Fanal,
pendent six Médailles de
bronze
?
dans chacune desquelles
font representées
quelques actions du Roy, ce
JlUi fait vingt quatre Médailles
pour les quatre Fanaux.
Il y a dans le piedestal de chaque
groupe de colomnes , six.
Vers Latins; de maniéré que
le sujet de chaque Medaille.
cftexpliqué par deux de ces
Vers. Les lettres en font de
bronze doré au feu, ainsi que
les bordures & les autres ornemens
des Médailles.Voicy
lesavions deSaMajesté qui
font representées dans chacune
des six Médailles fonduës
en bronze. - - -
La premiere Médaille marque
la paix que le Roy a donné
à l'Europe en 1677. Elle est
expliquée par les Vers fuivans.
»
Teduce,te Domino, LODOIX,
prona omnia Gatio>
Urbesvicapere dociliquoqueparcere
captis.
La secondé represente le
passage du Raab, où les François
qui sauverent l'Allemagne
acquirent une gloire immortelle,
&: Mr de la Feüillade
une réputation
,
qui fera
vivre éternellement son n0111
dans l'Histoire, Les Vers qui
font connoistre cette grande
action, [one,
Et Traces sensere queat quid
Gallicavirtus,
Arrabo cæde tumens , &servata
Austria testis.
Onvoit dans la troisième
Medaille la grandeur, & la
magnificence des Baftimcns
duRoy, ce qui Ce reconuqi#
par les Vers suivans.
Quanta operum moles, &
-
-
quanto surgit ad auras
Vertice!sic positis LOVOIX
agit otia bellis.
Ces trois Medailles font
du costé de la Rue des Pc..
tirs-Champs, & font une
chute les unes sur les autres. ,Les trois autres font plus en
dedans de la Place
,- & en
regardent leBastiment. Elles
sontplacées de la me[mc
raani^te que celles dont jçL
viens de vous parler, c'est à
dire,qu'elles font entre deux
colomnes,&forment un rang
les unes sur les autres. La plus
élevée represente le Roy qui
ordonne qu'on rende les Places
qui ont estéprises à ses
Alliez. On n'a qu'à lire les
deux Vers suivanspourconnoistre
ce qu'elle contient.
Reddere Germanos LODOIX
regnataSueco
C> Arva jubet , Danosque
,
ladcr
~pe~ ~fflftupet Albis.
La Medaille qui suit fait
voir la jonction des deux
Mers
_j
ce que ces deux Vers
expliquent tres-bien.
Misceri tentata prius,Jeniferque
negata
Æquora,perpetuo LO D01Ji
dat foedere jungi.
On n'a qu'àjetter la veuë
sur la derniere de ces six Medailles,
pour y reconnoistre
d'abord l'Audience donnée
par le Roy aux Abassadeurs
xic Siam, & l'on n'a qu'à lire
les Vers suivans pour apprendre
que la renommée ayant
publié dans les Païs les plus
reculez, tout ce qui rend U
Roy l'admiration de l'Univers,
les Souverains de toutes
les Parties du monde, ont
envoyé des Ambassadeurs
pour estre témoins de sa
grandeur.
Ingentem Lodoicum armis,
ma^ne ,
fidemque
EgrejpimScitbia&Libit vt
nerentur~& Indi.
LLeeRoyaprès avoir consideré
avec une attention dignede
sa bonté, les changemens
qu'on avoit faits à la
Place des Victoires depuis le
jour que Sa Majesté y estoit
venuëj&:avoir fait à Mr de
la Feiiilladc»&àMr le Prévost
des Marchands tout
l'accueil qu'ils en pouvoient
cfpercr, partit aux cris de
Vive leRoy,mille&mille
foisréïterez
, car quoy que
la Place fust déjà fort remplie
de Peuple lors que Sa
Majesté y arriva, la foule
augmenta de telle forte sitost
qu'Elle y fut entrée,
qu'on auroit dit que tout
Paris y estoit,si sa grandeur
& le nombre prodigieux de
ses Habitans estoient moins
connus.
La pluspart des Officiers
qui ont accoutumé d'aller à
cheval, s'estant jointsensemble
pour prendre des Carosses,
afind'éviter la poudre qui iri1
commode beaucoup en cette
saison
)
& pour estre plus en
estat de servir le Roy, il y
tn avoit un nombre infiny
à la suite de la Cour, la dén
pense ne leur coutant rien
lors qu'il s'agit du service
d'un Monarque aussî agreable
à ceuxqui ont l'honneur
de l'approcher souvent, qu'il
est redoutable à ses Ennemis
& admiré de toute la Terre.
Je puis en parler ainsi sans
flaterie; & il merite tous M
jours de nouvelles loüanges.
par desendroits qui n'en ont
jamais attiré à aucun Prince.
Aussi peut-on dire que non
feulement il ne laisse jamais
échaper aucune occasion de
faire du bien, mais qu'il cherche
mesme de nouveaux
moyens d'en faire
, & qu'il
tft ingenieux à les trouver;
Ne croyez pas que cecy soit
avancé comme une loüange
vague. Je ne le dis que parce
que j'ay à parler d'un fait
sur ce sujet, qui découvre le
caractere de bonté du Roy,
autant que ses avions d'éclat
font connoistre sa puissance,
& la grandeur de son ame,
C'est icy le lieu demettreen
ion jour le fait qu'il faut que
Je
vous explique, puis qu'il
regarde la fuite de sonVoyage.
Je vous diray donc que
pendant toute la route? Sa
Majesté a presque toujours
dînédansdesVillages. Vous
allez sans doute vous imaginer
(& vostre sentiment fera
generalemeut suivy) que les
Villages
Villages les plus forts & lc^
plus riches ne leftoient pas
trop, pour avoir l'honneur
de recevoir un si grand Monarque.
C'estoit cependant
tout le contraire; le plus pauvre
avoit l'avantage d'estre
préferé, & l'on a veu cela
observé dans toute la route
avec une exactitude que je ,,'
ne sçaurois assez marquer.
Vous n'en pourrez douter,
lors que je vous auray dit
que Sa Majesté, qui ne fait
., point de Voyages sans avoir
la Carte des Païs où Elle va
examinoit tous les jours sur
celle qu'on luy avoit fournie,
les lieux par lesquels il falloit
qu'Elle passast. Elleyvoyoit
tous les Villages, Elle s'informoit
de leur estat, Ôc
nommoit ensuite le moins
accommodé, parce que la
Cour ne s'arreste en aucun
lieu sans y répandre beaucoup
d'argent. C'est ce qui
s'est fait dans tous les Villages
où l'on a este obligé de
s'arrester pendant ce dernier
Voyage. Le Roy dînoit
fous une Feüillée,&
l'onen dressoit aussi pour
les principales Tables de la
Cour. Ainsi tous lesPaïsans
estoientpayez pour couper
des branches de verdure, &
pour travailler à la construction
de ces Feüillées.Ils tiroient
ausside l'argent de
tout ce qu'il y avoit dans leur
Village qui pouvoit servir
aux Tables, & de tout ce
qu'ils avoient d'utile aux
é,quip- ages de la Cour, a.1insi
que de leur foin & de leur
avoine ; & le Roy ne laissoit
pas outre cela de leur faire
encore sentir ses liberalitez;
en forte que ces heureux Villages
le souviendront longtemps
d'avoir veu un Prince
qu'on vient tous les jours admirer
du fond des Climats
les plus reculez.
LeRoy estant sorty de la
Place des Victoires
, trouva
encore une infinité de peuple
dans les autres ruës de Paris.
qu'ilavoitàtraverser, Les dC4
monstrations d'allègresse ne
cesserent point, non plus que
les cris de Vive le Roy, de maniere
que cous les Peuples étant
animez duineline zelcon
eust dit que ces cris dejoye
n'estoient qu'un concert des
mesmes personnes, quoy qu'à
mesure que Saavançoit,
il fust formé par diverses
voix. Le Roydîna ce jour-là.
au Vllage de Bondy, (^ rencontra
sur le cheminM leBaron
deBeauvaisavec tous les
Gardes & les Officiers des
Chasses de sa Capitainerie,
dans toute l'étendue de laquelle
ce Prince luy permit de
l'entretenir à la portiere de
son Carosse. Les Plaines de
S. Denis dépendent de cette
Capitainerie. Mr le Prévost
des Bandes parut sur la même
route, & posta diverses
Brigadesauxenvirons des
Bois. Les Dames que je vous
ay marqué qui estoient du
Voyage, avoient l'honneur
de dîner avec Sa Majesté,
ainsi que Madame la Comtesse
de Gramont, & Madame
de Mornay, que je ne
vous ay pas nommées. Madame
de Moreüil, & Madame
de Bury? Dames d'honneur
de Madame la Duchesse,
& de Madame la Princesse
de Conty, eurent le mesme
avantage. Les Filles d'honneur
ne dînerent point avec
Sa Majesté,mais elles y souperent.
Il fut réglé ce jour-là
qu'il n'y auroit à l'avenir que
deux Filles d'honneur des
deux Princesses qui auroient
ce privilège. Le nombre des
Princesses auroit esté encore
plus grand dans ce Voyage,si
lors que le Roy partit, Mademoiselle
d'Orléans ne s'estoit
point trouvée àEu, &Madame
la Duchesse de Guise
,
aux Eaux de Bourbon. Madame
de Montespan auroit
aafli esté duVoyage, mais
le foin de sa santé l'avoit
obligée d'aller prendre de
ces mesmes Eaux. Monsieur
le Prince,Monsieur le Duc ,
lx, Monsieur le Prince de
Conty n'ont point quitté le
Roy.
Monseigneur leDauphin.
qui après avoir GÜy la Mette*
estoit party de Versailles des
le grand matin pour aller
chasser dans la Forcit de Livry
, yprit un loup des plus
vieux,&congédia Mr le Chevalier
d'Eudicour, Frere du
Grand Louvetier de France,
&toutl'équipage de la Louveterie;
à la teste duquel il
estoit.Le mesme jour,le Roy
aprèsavoirdîné alla chasser
dans les Plaines& sur les coteaux.
Sa Majesté
, a pris le
mesme divertissement pendant
toute la route, comme
je vous le diray dans la fuite
de cette Relation.
Monseigneur le Dauphin
arriva à Claye avant six heures
du soir, parce qu'ilsçavoit
que c'estoit à peu prés
l heure où le Roy devoit s'y
rendre. Il changea d'habit&
alla au devant de Sa Majesté,
On connoist par là combien
ce Prince est infatigable,qu'il
tn galant, & qu'il a beaucoup
de tendresse pour le Roy.
Sa Majestéarriva à Claye
à l'heure que je viens de vous
marquer, & fut commodementlogée
dans lamaison de7
M Enjorant, Avocat general
duGrand Conseil
>
& Seigneur
en partie de ce Village.
Il eut l'honneur de ialuer
leRoy, qui le receut avec
cet air engageant qui est
si naturel à ce grand Mo*
narque. Comme toute sa
maison estoit marquéepour
le. Roy, les Maréchaux des
Logis en marquerent une
pour luy dans le Village, lors
qu'ilsmirent la craye pour
le logement des Officiers qui
estoient du Voyage; de forte
qu'il fut regardé ce jour-là
comme estant de la Maison
de Sa Majesté. La qualité
d'Hofie duRoy futcelle que
les Maréchaux des Logisécrivirent
en mettant la craye
sur le logis qu'ils luy destinerent.
Monseigneur,& Madame
la Duchesse eurent des
[Appârtemens vers le Château
où le Roy logea.Madame la
Princesse de Conty,&Monsieur
le Duc du Maine loge- 1
rent dans la Ferme de Mr
d'Herouville, Maistred'Hostel
deSaMajesté. Messieurs
les Princes du Sang eurent
ensuite les logis les plus commodes,
&: ceux qui voulurent
estre plus au large,allerent
à Meaux.
} M de laSourdiere, Ecuyer
de Madame la Dauphine, qui
cil le mesme qu'elle envoya
cnBavicrc? pour porter à M*
l'Electeur de cc nom) la nouvelle
de la naissance de Monseigneur
le Duc de Berry,
vint à Claye de la part de
cette Princesse
, pour ravoir
si Sa Majesté y estoit arrivée
en bonne santé.
Il y aicy à remarquer une
choseque personne n'a peutestre
jamais observée.C'est
que lors que les Princes de la
Maison Royale font separez,
sans estreéloignez les uns
des autres -que d'une journée>
ilss'envoyent tous les
jours un Gentilhomme pour
s'informer de l'estat de leur
santé,maisaussi-tost qu'ils
commencent à s'éloigner davantage
,
ils ne se donnent
plus de leurs nouvelles que
par des Courriers, qui leur
en apportent tous les jours.
Dés qu'ils reviennent à une
journée de distance
,
ils recommencent
à se dépescher
un Gentilhomme,& c estpar
cette raison que Madame la
Dauphine n'en renvoya plus
qu'après que le Roy commença
d'approcher de Versailles.
Ce Prince estant arrivé à
Claye entre six & sept heures
du [oir) y receut un Gentilhomme
de Madame, &: dépescha
aussi-tost à leurs AItérés
Royales Mdu Boulay,
Gentilhomme ordinaire de
sa Maion, pour apprendre
des nouvelles de la santé de
Monsieur, qui s'estoit trouvé
mal le matin à la Messe de
Sa Majesté à Versailles.
La Cour fut tres- bien logée
à Claye,parce qu'on étendit
les logemens jusques à un
lieu voisin
)
qui est un Hameau
contigu à ce Village,
dont il n'est separé que par
un petit ruisseau? qui fait
trouver aux portes des maifons
des Païsans,desPrairiestres
agréables,plantées avec
soin &avec compartiment.
Je ne vous marque point
les lieux & les heures où le
Roy a tenu Conseil. Ce Prince
ne manque jamais de temps
pour ce qui regarde les affairesde
l'Etat.Illeur sacrifie son
repos & ses plaisirs
}
il tient
Conseil en tous lieux? & à
toute heure ,quand ille juge
important pour le bien de
son Royaume,& il a travaille
dans le Voyage de Luxembourg,
avec la mesme
application qu'il fait à Versailles.
Il est vray que ce n'a
pas esté avec tous ses Ministres
,Mrde Croissy estant le
seul qui soit party de Paris
avec ce Monarque, mais
tomme il est luy-mesme son
premier Ministre,on peut dire
qu'il travaille souvent seul
autant que dans le Conseil,
Sa Majesté donnant aux
affaires pendant ce Voyage
autant d'application qu'à
l'ordinaire
,
voulut que sa
Cour trouvast par tout les
mesmes plaisirs, pendant
qu'Elle ne vouloit se retrancher
ny les peines,ny les soins
qu'on luy a toûjours veu
prendre depuis qu'Elle gouverne
par Elle-mesme ; &
pourcet effet Elle resolutde
tenirpartout Appartement.,
Ainsi dés lapremiere couchée
,qui estoit à Claye, on
trouva plusieurs chambres
préparées pour divers Jeux.
& chacun joüa avec lamesme
tranquillité? & aussi peu
d'embaras que si l'on eust
citéencoreà Versailles, tant
les ordres avoient esté bien
donnez pour les logemens,
:& pourtoutce qui pouvoit
contribuer à la commodité
desPersonnesde clualt"lui
suivoient la Cour.Les Appartteemmeennssoonntt
pprreeslqquuee ccoonnttIinnuueétous
les jours pendant tout
le restedu Voyage.
Monseigneur le Dauphin,
partit de Claye le lendemainonzièmeàsept
heures du.
matin. Ce Princechassatout
le jour dans la Forest deMonceaux
; &commeSa Majesté
devoir coucher ce jour-là à
laFerté sur Joüare, il prit le
party d'y arriver enchaOanCp
;,&de courre le Cerf dansles
:b.uiflx>ns ; ce qu'il fîtavecles
chiens de Mr le Chevalierde
Lorraine. Il prit plusieurs
Cerfs; entre lesquels il y en
avoit un qui se fit courre
long-temps, & qui passa dixhuit
étangs à la nâge.
Le Roy, après avoir entendu
la Messe à Claye, alla
à Monceaux. Toute la Cour
passa dans Meaux, pour se
rendre à cette Maison Royale
, & lors que Sa Majesté
l'eut traversée au bruit des
acclamations du Peuple,Elle
trouva le Regiment de Vivans
qui l'attendoit en ba.
taille. C'est un Regiment de
Cavalerie
>
auquel on ne peut
rien ajoûter,tant pour la
bonté des Cavaliers, que pour
la beauté des chevaux. Ce
Regiment alloit au Camp de
laSaone,& avoit un sejourâ
Meaux?ce qui fut causequ'il
eut l'honneur d'estre veu du
Roy. Sa Majesté en fut trescontente,
de le trouva beau.
Elle eut mesme labonté de
vouloir bien recevoir un
Chien couchant de Mr Li:"
grades qui le commande. Le
Roy dîna à Monceaux. C'est
un vieux Chasteauqui a fait
le plaisir de plusieurs Rois,.
& qui appartient à Sa Majesté.
Ce lieu qui est fortriant,
a une tres-belle veuë, & le
Bastiment enest magnifique..
Le Roy voulant honorer l'ouvrage
de ses Ayeux? le fait
reparer? & bien-tost on ne
verra plusrien en France qui
ne porte des marques de sa
magnificence&de sabonté.
Toutes les Maisons Royales
ayant
ayant pour Capitaine une
personne d'une qualité distinguée,
MrleDuc deGesvres,
premier Gentilhomme
de la Chambre, & Gouverneur
de Paris,joüit de la Capitainerie
de Monceaux?que
possedoitMrle Duc de Trêmes
son Pere. Il vint recevoir
SaMajesté
,
accompagné du
Lieutenant, & de tous les
Officiers & Gardes des Chasses
qni dépendent de luy, à
l'endroit où la Capitainerie
duit jusqu'au mesme endroit
par Mr le Marquis de Livry ,
aussi Capitaine des Chasses de
Livry &c qui avoir esté recevoir
ce Prince jusques à
Bondy avec tous ses OSiciers.
Le Roy? qui avoit dépesché
le foir précedent Mr du
Pouhy
, pour sçavoir l'estat
de la fanté de Monsieur, en
apprit des nouvellesà Monceaux
parce mesme Gentilhomme
, qui arriva pendant
<qjuuee SSaa Maaj*ecsttlé' estoit à table,
êc luy rapporta que Son Altesse
Royale avoit pris du
Quinquina , & dormy assez,
tranquillement depuis quatre
heures du matin jusques
a dix. Ce Prince monta à
cheval à l'issuë de son dîné.
avec Madame la Princesse de
Conty, & deux des Filles
d'honneur decette Princesse,
& alla à la Chasse de l'Oiseau.
Tant que l'on a demeuré
dans l'étenduë de la Generalité
de Paris,Mde Menars
qui en a l'Intendance
, n'a
point quité le Roy afin d'être
toûjours en estat de recevoir
ses ordres, & luy a
rendu un compte exact de
toutes les choses qui regardent
son Employ.Cela fait
voir que Sa Majestés'applique
sans cesse,puis quemesme
dans le temps de ses plaisirs,
Elles'entretient plûtost de ce.
qui se passe dans son Royau-.
!De, que de ce qui peut avoit
rapport à son divertissement
Ce Prince ayant l'esprit ex-r
'- - -.. - -
tremement pénétrant,unmot
luy fait aprofondir bien des
choses, de forte que ce qu'il
aprend lors qu'ilsemble ne
s'informer que par converfation
de ce qui se passe
,
luy
donne lieu de remedier à
quantité de desordres, & fait
que souvent il en prévient
d'autres. Pendant toute sa
marche il a toûjours esté
prest à écouter & à satisfaire
par ses réponses, ceux à qui
sa bonté a permis de luy parler
; & quelquefois lors qu'il
avoit commencé à jouer)aiffn
<J..e la Cour se divertist, il
quittoit le jeu, & travailloit,
ou s'occupoit à faire du
bien.
Mr l'Evesque de Meaux s'est
prouvé par tout où le Roy
a passé dans son Diocese, &
sçachant que le principal
foin de ce Prince estoit que
toute sa Suite entendist la
Messe, &: particulièrement les
Dimanches, ce Prelat envoya
plusieursReligieux à Claye,
& en envoya aussi dans les
Quartiers desGardes duCorps
& dans ceux des Mousquetaires)
des Gendarmes,&des
Chevaux-Légers.LaCour ne
Cf manquoit pas d'Ecclesiastiques
pour la Maison du Roy,
-& Mr l'Evesque d'Orléans -a--
Voit ,in de regler les tempsauGjaeÊs
chacund'eux devoit
C,elcb,-e"la Messe.
Toute la Cour arriva de
bonne heure àla Ferté sur
Joüare. C'est un lieu situé
dans une gorge enchantée,
au fond d'une plaine. LaRiviere
de Marne contribuë
beaucoup à la beauté du païsage,
& à la fertilité du Terroir.
Le petit Morin vient la
grossir auprés & au dessus
de l'Abbaye, & y forme mille
Prairies abondantes en pâturages.
Ce Bourg est dans la
Brie Champenoise,entre Chasteau-
Thierry & Meaux. Les
Prétendus Reformez le prirent
vers l'an 1562. pendant
les Guerres Civiles du der-
-
nier Siecle. La Chasse y fut
tres-divertissante. Le Roy y
vola des Corneilles. Mr de
Terrameni, Capitaine du Vol
des Oiseaux du Cabinet du
Roy ,a eu beaucoup d'honneur
dans ce Voyage. Les Equipages
y ont fort paru, &
il s'en: attiré beaucoup de
louanges pour tout ce qui
regarde sa Charge.
On admira à Joüare un
Pont qui joint le Chasteau
au Fauxbourg. Ce Pont a
cousté beaucoup. Il effc fait
de bois sans appuy ) tout suspendu,
& soutenu feulement
par l'épaisseur des pieces qui
le composent Il est de soixante
& quatre pieds de
long, & depuis qu'il est construit
>
il n'a rien perd u ny de
sa beauté,ny de saforce. On
coucha dans le Chtsteau, qui
appartient à Mrle Comte de
Roye. - Il est situé dans une
petite Isle fortagreable.Monseigneur
prit place dans le
Carosse du Roy. Une des
Dames luy ceda la sienne, &
se mit dans le second Caloife)-
ce que quelques-unes
ont fait alternativement.
Monseigneur n'y estoit que
pendant une partie du jour,
parce que la Chasse
,
dont on
trouve l'exercice utile à sa
santé
)
l'occupoit souvent.
Madame la Princesse d'Harcour
eut ce jour-là un accés
de Fiévrequil'obligea de
partir plus tard. Il fut suivy
d'un second accès de Fièvre
double-tierce. Elle prit du
Quinquina, &la Fiévre ne
luy revint pas. Toute la Cour
en marqua beaucoup de LOYc..
On dîna le it. à liffct
éloignée de quelques Villages
qui sont aux environs,
&qui appartiennent aux Celestins.
On allasouper à
Monmircl
,
qui appartient à
Mr de Louvois. Toutes les
Dames,& plusieurs Seigneurs
de la Cour eurent l'honneur
de souper ce soir-là avec le
Roy. La Table estoitde seize
couverts, On apprit en ce
lieu-là la mort de Madcmoiselle
de Simiane, dont
je vousaydéjà parlé dans ma
Lettre precedente. On y apporta
aussi la nouvelle de la
mort subite de Mr l'Evesque
d'Amiens, qui surpritd'autant
plus, que M de Breteuïl
assura que depuis deux jours
il avoit soupé avec ce Prélat.
Ces deux morts firent parler
de celle d'un descent Suisses
de la Garde de Sa Majesté,
qui estoit mort le matin en
s'habillant. Il y a une tresgrande
quantité de Lievrts
>
& de Perdrix à Monmirel,
Le Roy y pritle divertissement
de la Chasse, & alla voler.
Ony sejourna le 13 & toute
la Cour y demeura avec
joye, parce que le vent estoit
violent à la campagne, &
qu'il y avoit beaucoup de
poussiere. On se promena
dans les Jardins, & le Roy
au retour de la Chasse prit
le divertissement de la promenade
avec les Dames sur
les Terrasses, qu'il trouva fort
belles. Monmirel efl dans un
territoire tres-fertile.
Mr de Louvois qui ne s'applique
pas moins à tout ce
qui peut faire fleurir les beau::
Arts dans le Royaume,qu'à
ce qui est de la Guerre , va
faire establir une Verrerie à
Montmirel
, & la Cour en vit
tous les apprêts.
Le Roy y tint deux fois
Conseil avec Mr de Ci-oiffy ;
c'est ce que Sa Majesté a fait
chaque soir
>
après estre arrivée
dans tous les lieux où
Elle a esté coucher. Elle prit
! aussiàMontmirel le divertissement
du vol du Milan. Le
sejour que l'on y fît, & qui
n'avoit pas esté marqué dans
1i route, fut cause que
l'on retrancha celuy qu'ondevoit
faire à Châlons
)
afin
que le Roy qui ne manque
jamais à executer les desseins
qu'il prend, puft se rendre à
Luxembourg le jour qu'il y
estoit attendu.
Toute la Cour partit de
Montmirelle 14. & alla dîner
à Fromentiercs. A cinq heures
on avoit paffé le défile
d'Etoges. Sa Majesté prit
congé des Dames, & monta
à cheval pour aller chasset
dans les belles plaines de
Champagne. On alla coucher
à Vertus. Ce lieu a este
autrefois considerable, & étoit
l'apanage des Cadets des
Comtes qui portoient le nom
de la Province. Du temps de
Sigebert Roy de Mets, qui
vivoit en 570. il y avoit un
Duc de Champagne nommé
Loup, qui témoigna beaucoup
de fidélité, à conserver
les Etats du jeune Roy Childebert
, contre ceux qui les
vouloient envahir. Il y eut
ensuite plusieurs Ducs de
Champagne
,
mais ce titre de
Ducqui n'estoitpas alors une
dignité perpetuelle, ne faisoit
que marquerune forte de
gouvernement. Le premier
Comtehereditaire de Champagne,
fut Robert de Vermandois
,
Fils d'Herbert IL
&d'Hildebrante, qui se ren-
,
dit maistre de la Ville de
Troye en 253.Je ne vous dfe
rien de ses Successeurs. Ils
continuerent la poiterité jusqu'à
Thibaud IV. surnommé
le Posthume ou le Faiseur de
Chansonsqui succeda à son
Oncle maternel
,
Sanche le
Fort,au Royaumede Navarre.
Il mourut à Troye en 1254.
estant de retour du Voyage
d'Outremer. ThibautV. fou
Fils qui avoit épousé Isabelle,
Fille du Roy Saint Loüis,
estant mort sans Enfans après
avoir fait lemesme Voyage.
laissà ses Estats à Henry ~HI
son Frere. Ce dernier n'avoit
qu'une Fille nommée Jeanne,
qui en 1184. épousa Philippes
le Bel pendant la vie de
Philippes le Hardy son Pere ,
&. depuis ce temps ,la Champagne
a esté inseparablement
unie à la Couronne de France.
Les Comtes de Champagne
faisoient tenir ks Etats de
leur Pays par sept Comtes
leurs Vassaux
,
qu'ils appelloient
Pairs de Champagne.
C'estoient les Comtes de
Joïgny, de Retel >de Bricnîic>
de Roucy
?
de Braine , de
Grand-Pré, &deBar-fur-
SIelinye.
a trois Eglises à Vertu,
avec deux Abbayes hors les
portes. Les Guerres yont laifsédes
marques de leur fureur,
quine peuvent estreeffacées
que par le regne deLoüisLE
GRAND. Le Roy y fut 1-ogc
fort étroitement, & comme
cestoit sur la rue
?
il fut exposé
au bruit du passage des
équipages de la Cour. Ce
Prince auroit pu estremoinsmal
;mais ne pouvant renoncer
à ses manières honnestes,
qu'il conserve mesme aux dépens
de son repos ,
il aima
mieux que celuy des Princesses,
re fust point troublé ,
fk voulue qu'elles fussent logées
plus commodementque
luy.
Le JJ: toute laCour dlfnx.
àBierge
, ôc alla coucher
à a Bierge >-,
& Châlons. Cette Ville est en
Champagne, ôcson Evesché
est Suiffragant del'Archevesché
de Rheims. Elle est ancienne
,
& dés le temps de
Julien l'Apostat, elle tenoit
rang entre les premieres Villes
de la Gaule Belgique, Il y
a de belles rues avec des
maisonsassez bienbasties. La
Place où l'on voit la Maison
de Ville, & celle où est l'Eglise
Collegiale de Nostre-
Dame,font les plus considerables.
La Cathedrale de Saint
Estienne est dans une Isle que
forme la Riviere de Marne,
dont une partie entre dans la
:Ville, &y fert beaucoup pour
la commodité des Habitans.
Elle a de ce cofté-là d'assez
bonnes Fortificarionsquele
Roy François I y a fait faire,
& elle est entouréedemurailles
avec des Fossez presque
toûjours remplis d'eau. Il y
a encore douzeParoisses,entre
lesquelles plusieurs font Collegiales
Les avenues de Châ-
Ions font tres-agreables >& il
y a autour de la Ville plufleurs
lieux de promenade,
entre lesquels celuy du Jare
cil fort renoffilné. La Riviere
,-' der
de Marne qu'on passe sur divers
Ponts, la rend une Ville
de negoce. Elle a eu des Comtes
qui ont cedé leur droit
aux Evesques. C'est par là
qu'ils font Comtes Pairs de
France.
Le Roy entra à cheval à
Châlons
) & fut receu par
le Maire & les Echevins. On
ne luy fit aucune harangue,
parce qu'il avoit fait donner
lordre dans tous les lieux par
IOÙ il devoit passer
)
qu'on ne
le haranguast point ; mais il
eut la bonté de vouloir bicri
recevoir les Presens de Ville,
Le Chapitre de la Cathédrale
eut aussi l'honneur de le famlücr,
ayant à sa teftcM l'Evê.
que deChâlons. Les Chanoines
se recrierent ensuite sur lai
douceur, & sur l'affabilité det
ce Monarque, dont ilsnecesfent
point de parler, Madame:
la DuchessedeNoailles lai
Douairière, qui a esté Dame
d'Atour de la feuë Reyne:
Mere du Roy, & dont la vertu
exemplaire a toûjours çftç:
applaudie,caril en - cft de
faussesqui n'imposent pas a
tout le monde, eut le mesme
honneur. Sa Majesté luy fit
d'autant plus d'honneftetez,
qu'il y along-temps que son
merite luy est particulierement
connu. Le Roy se retira
ensuite -pour tenir Conseil.
Mr le Duc de Noailles
> &
M l'Evesque de Châlonsfon
Frere ,
firent servir plusieurs
Tables magnifiques, pour
toutes les personnes de la
Cour qui voulurent y manger.
Le Jarc leur servit de promenade
pendant quelques
heures. Je ne m'étens point
icy sur la beauté de ce lieu,
parce que j'en ay fait une
description dans le Volume
que j'ay donné, qui ne contient
que ce qui s'est passé au
Mariage de Monseigneur le
Dauphin. Il y eut au Jare une
prodigieusequantité de personnes
de toutes conditions,
que l'impatient dehr de voir
le Roy avoit fait venir de
toute la Champagne. Les
principaux Officiers de la
Ville de Troyes se rendirent
à Châlons? & firent vingt
lieuës pour avoir l'honneur
de salüer ce Monarque. Les
Dames de la Province eurent
beaucoup de chagrin de l'ordre
qui fut donné, de n'en
laisser entre,r faulc.unIela.u1so1u- per , qui n'eust ellenommée
par Sa MLijefté.C:lles qui
crurent n'estre pas assez connuës
pour pouvoir estre du
nombre, ne se presenterent
point, dans la crainte d'estre
refusées,ce qu'on ne trouva
pas ordinaire, & qui fut fort
remarqué. Le Roy eut la bonté
de permettre qu'on les laissast
toutes entrer le lendemain
dans le Choeur de FIL
g-I.Ife>o-t'i elles eurent le temps
de considerer SaMajesté &.
Jtoute la Cour pendant que
l'on dit la Messe.La Musique
de cette Cathedrale chanta
un Motet, dont il parut que
l'on fut assez content. Mr
Evesque Comte de Châlons,
,& Mr le Ducde Noailles accompagnerent
toûjours le
Roy tant qu'il demeura dans
cette Ville. On auroit bien
voulu sejourner dans un lieu
aussi
-
beau & aussispacieux
que celuy là, où les logemens
estoient fort commodes;mais
les mesuresestant prises pour
se rendre à Luxembourg au
jour marqué, on partit le 16.
à dix heures précises du matimpour
aller coucher à Sainre-
Menehout.MdeChâlons
accompagna le Roy jusques
aux confins de son Evesché,
& Mr l'Evesque de Verdun
le reçût à l'entrée du fien.
La journée de Chalons à
Sainte-Menehout se trouva
fort longue pour les Equipages.
On dîna à Bellay, qui
n'est qu'une Ferme sans aucune
autremaison aumilieu
de la camp.-,gnc,& on rendit le
lieu agreable pour y recevoir
le Roy. Sa Majesté y chassa
pendant une partie Je l'aprésdînée,
& alla coucher à
Sainte-Menhout. Cette Place
qui avoit estéprise sur
nous pendant les temps difsiciles,
fut reprise en 1653. par
Mr le Maréchal du Plessis-
Pralin; & ce Siege que le
Roy voulut presser en per,
sonne
,
obligea Sa Majesté
d'aller en Champagne en ce
temps-là. Le Roy ne trouvant
pas la Cour assez commodement
logéedansSainte-
Menehout, resolut de n'y
passer pas la Feste du S. Sacrement
à son retour, &
nomma Chalons pour y faire
la ceremonie de cette FesteCela
obligea de retrancher
un des jours du sejour, de Luxembourg.
Le Roy conti-
Ilua de donner par là des
marques de sa bonté à toute
la Cour,& Mr l'Evesque de
Châlons montra tantdejoye
de ce qu'il auroit l'honneur
de recevoir encore ce Monarque
,que plufieufs luyen
firent compliment.
Le 17. le Roy entendit la
Messe aux Capucins, & fit
de grandes libéralités a leur
Convent. On alla ensuite dV;
ner à Vricourt ,
prés de Clermont
en Argonne. Les chemins
se trouvèrent fort rudes
,dans des bois, dans des
montagnes, & dans des valées
d'un terroir remply de
pierres. On arriva d'assez
bonne heure à Verdun?où
l'on fut si bien logé) que ce
fut avec plaisir
que l'on y
passa la Feste de la Penteccste.
Verdun est une Ville
forte sur la Meuse, & il en
est peu de mieux situées dans
la Lorraine. L'Evesché est
Suffragant de l'Archevesché
de Reims. Cette Eglise a eu
d'illustres Prelats. Ils se disent
Comtes de Verdun,&
Princes du Saint Empire. La
Riviere de Meuse rend cette
Ville agreable par diverses
Isles qu'elle y formé. Le
Roy HenryII. la prit en
IJJI. Le Chapitre de l'Eglise
Cathedrale de Nostre-Dame
est fort considerable.M l'Evesque
de Verdun receut le
Roy dans son Palais Episcopal.
Il est tres-beau, & l'on
y voit jusques à dix pieces de
plein-pied L'air y est admirable.
Ce Palaisest élevé sur un
Roc d'où toute la baffe-Ville
se découvre. Des Prairiesarrofées
par la Meuse
>
& des
vallons assez éloignez, &
tres-fertiles en tout ce qui
est necessaire pour la vie, en
rendent l'aspect des plus
riants. Les ameublemens de
ce Palais sont fort somptueux,
& fervent beaucoup
à faire voir la magnificence
de Mrde Bethune, qui joüit.
en sa retraite de quarante
mille livres de rente, que
luy rapporte son seul Evesché.
Les Anis qu'on appelle
de Verdun, autrement Dragées
de toutes manieres, se
trouvant meilleurs en cette
Ville-là qu'en aucune autre
du monde, elle ne fuit point
l'exemple des autres Villes
dans les Presens qu'elle fait
aux Souverains? & au lieu
d'offrir du Vin, elle donne
de ses Anis. Ainsi elle en sir
present de cent boëtes au
<
Roy. M l'Evesque de Verdun
est Fils d'Happolite de
Bethune? Comte de Selles,
Marquis de Chabris
>
dit le
Comte de Bcthune
, mort en
1665. aprësavoir esté honoré
du Collier desOrdres du Roy
en 16Cu & fait Chevalier
d'honneur de la Reyne Marie-
Therese d'Austriche. Il
avoit épousé en 1629.Anne-
Marie de Beauvilliers, Soeur
de M le Duc de S. Aignan,
qui tant que la feuë Reync
aYcfçuj a eu l'honneur de
la servir en qualité de Dame
d'Atour. Ce Prelat avoit avec
luy Madame de Rouville sa
Soeur,Veuve de M le Marquis
de Rouville, Gouverneur
d'Ardres.Elle eut l'honneur
de manger avec le Roy
dans les trois Repas que Sa
Majestéfit à Verdun.
Le jour de laPentecoste,pres.
que toute la Cour sir ses devotions,
à l'exemple du Roy.
C'estune choseassez extraor.
dinaire pendant le coursd'une
marche. mais quene voiton
point de nouveau fous le
Regne de Loüis XIV. sur
tout pour leschoses qui regardent
la Religion & la
pièce1 Monseigneur le Dauphin
se rendit dans l'Eglise
Cathedrale dés sept heures
du matin;&: après avoir entendu
la Messede M l'Abbé
Fleury, Aumônier du Roy,
ce Prince communia par les
mains de cet Abbé.
Sur les dix heures, le Roy
passa à travers ses Mousquetaires
rangez en haye des
deux costez de la court de
l'Evesché
, &: au milieu des
cent Suisses dela Garde, postez
dans la mesme Eglise.
SaMajestéestoitenvironnée
de ses Gardes du Corps &de
toute sa Cour. Elle se rendit
dans leChoeur, où Elle fut
suiviede Mr l'Evesque de
Verdun,&de tous les Chanoines
de cetteCathedrale.
LeRoyestoit en Habit de
cérémoniec'eit à dire
> en
Manteau,revestu de son Col-
Jjjcr de l'Ordre. Il entendit
là Méfie de Mr l'Evesque
d'Orléans, son premier Aumônier
,
dont il receut la
Communion La seconde
Messeque Sa Majesté entendit,
fut dite par l'un de ses
Chapelains. Au sortir de
l'Eglise, Sa Majesté toucha
prés de cent Malades, dont
Mr leDuc deNoailles avoit
fait amener une partie de
Chalons. Ils estoientrangez
sous les arbres de la premiere
court de l'Evesché. Ce Prince
quitta ensuite son Habit de
ceremonie, & revint avec
Monseigneur le Dauphin, &
toute la Cour, entendre la
grand' Messe, qui fut pontifïcalemenr
celebrée par Mr
l'Evesque de Verdun, &
chantée par la Musique de
la Cathedrale.Cette Musique
plut assez à toute la Cour,
& on trouva la voix d'un des
Enfans de Choeur tres-agreable.
Plusieurs mesme la jugerent
digne de la Chapelle
du Roy. Il y a quatre de ces
Enfans de Choeur qui joüent
du Violon, qui sont, une
Taille, une Haute-contre, &
deux Baffes.
Le Roy eut la bonté de
toucher encore soixante &
dix Malades en sortant de la
grand' Messe. C'estoit beaucoup
après en avoir entendu
trois,&touché d'autres Malades.
Sa Majesté vint l'aprésdînéeentendre
Vespres dans
la mesme Eglise, &: Mr de
Verdun officiaencore en Habits
pontificaux. Le Roy étoit
dans les hautes Chaises à
droite.& aprèsluy,Monseigneur,
Madame la Duchesse,
& Madame la Phnccffe de
Conty. Aprés ces Princesses
estoient Monsieur le Prince-
Monsieur le Duc , Monsieur
le Duc du Maine, & Monsieur
le Comte de Toulouse.
Les Dames occuperent le reste
des places. Jamais les peuples
de Verdun n'avoient vû
ny tant de magnificencesny
une si augusteAssemblée ; &
l'on peut mesme dire qu'ils
n'avoient jamais vû dans leur
Eglise de si grands ny de si
édifians exemples depieté.
Le Roy s'enferma après
Vespres avec le Pere de la
Chaise pour travailler à remplir
les Beneficesqui vacquoient
depuis le jour de
Pasques, qu'il avoit fait une
nomination. On fut quelque
remps sans sçavoir cette derniere
, parce que lePere de
la Chaise n'en dit rien après
qu'il fut forty du Conseil.
Enfinonappritque Mr rAb..
bé de Saint Georges,Comte
de Saint Jean de Lion vnommé
depuis quelque temps à
l'Evesché de Clermont,avoit
esté fait Archevesque de
Tours, & que l'Evesché de
Clermont avoit esté donné
à M l'Abbé de Champigny
Sarron, Chanoine del'Eglise
de Paris. Je vous parlay amplement
de M l'Abbé de S.
Georges
,
lors que le Roy le
pourveut de l'Evesché de
Clermont. M l'Abbé de
Champigny qui vient d'y
estre nommé, est Fils de François
çoisBochartdeChampigny,
Seigneur de Saron, qui après
avoir esté Maistre des Requestes,
Conseiller d'Etat, &
Intendant pendant trente années?
tant dans la Généralité
de Lyon qu'en Provence &
en Dauphiné,se noya malheureusement
en 1665. C'étoit
un homme d'un rare merite,
dont le nom se trouve
souvent dans les Ecrits des
Grands hommes de ce Siecle.
111 avoit épousé Madeleine
Luillier, Soeur de Madame la
Chanceliere d'Aligre, &
estoit Fils de JeanBochart,
Seigneur de Champigny,
Noroy & Saron, Controlleur
General, Sur Intendant des
Finances, & premier President
au Parlement de Paris,
mort en 1630. Cet illustre
Magistrat descendoit de Jean
Bochart Seigneur de Norcy,
Conseillerau Parlement, qui
fut éleu les Chambres assemblées,
pour remplir la Charge
de premier President en 1447.
Celuy-cy eut pour Fils Jean
Bochart II. du Nom, auquel
Jean Silnon, Evesque de Paris,
donna saTerre deChampigny
en luyfaisant époufer sa Niece.
On iceut aussi que l'Evesché
d' Amiens avoit esté donné
à Mr l'Abbé Feydeau de
Brou, l'un des Aumôniers du
Roy, & que M l'Abbé
d'Hantecour, Aumosnier de
la feuëReyne, avoit eu l'Abbaye
de Longuay, Ordre de
Premontré,DiocesedeReims
vacante par le deceds de M,
l'Abbé du Four. Mr l'Abbé
d'Hantecourt est Frerc du
Pere d'Hantecourt, Religieux
de Sainte Geneviéve,
&Chancelier de l'Université.
Cet Abbé estant de quartier
lorsque la Reyne mourut,
eut le triste honneur de
remplir plusieurs fonctions
qui regardoient sa Charge.
Il a esté employé depuis la
mort de cette Princesse aux
conversions des Protestans
dans plusieursVilles de
Françe. L'AbbayedeBalerme
fut donnée le mesmejourau
Frere de Mde la Chetardie,
Commandant de Brifac
?
&
l'Abbaye de Noyers au Fils
de MPinçomAvocat au Parlement,
qui entend parfaitement
les matieres Beneficiates&
Ecclesiastiques, & qui
a écrit là-dessus touchant les
droitsde SaMajesté.Il-y eut
aussi ce jour-là plusieurs Benefices
de moindre consideration
donnez à des Officiers
d'Armée & de laMaison du
Roy, pour leurs enfans otj
pour leurs parens; mais le
Roy ne les accorda qu'après
que le Pere de la Chaise l'eut
asseuré que leurs vies &
moeurs luy estoient connuës.
Les choses qui ne demandent
pas de secret estant
bien-toit répanduës,on ne
fut pas long-temps sans apprendre
les noms de ceux à
qui les Benefices avoient esté
distribuez,& toute la Courfit
paroistre tant de joye de la
nomination de M l'Abbé de
Brou à l'Evesche d' Amiens,
qu'il m'est impossible de vous
la bien exprimer.
Je ne sçaurois m'empescher
de vous marquer icy
qu'un homme qui possede
une des premieres Charges de
la Cour, ayant prié le Roy
de luy donner un Benefice
pour un de ses Fils quiest
tres-jeune) Sa Majesté luy
demanda quel âge il avoit,
& l'ayant sceu
,
Elle luy dit;
quEHe estoit bien lâchée qu'il
eust encore tant de temps à at.
tendre. Celuy qui demandoit
cettegrace voulut donner des
raisons, & rapporta mesme
quelques endroits de l'Ecrisure;
mais le Roy sit connoistre
qu'il la sçavoit beaucoup
mieux que luy, & dit
qu'il ne donneroitjamais de Benefices
qu'à despersonnes capdbles
de sçarvoir à quevelles s'engageoient,
en prenant le party
d'entrer dans l'Eglise. Ce Prince
ajoüta ,on croyait peuteftrr
qu'on emportait quelquefois
des Benefices par faveury
mmaaisisqquueessiicceeuuxxqquuiiavonrv
cette pensée , pouvaient erre témoins
de ce qui se passe dans le
Conseil
,
lors qu'ils'agit de lA
distributiondesBenefice,ils verroientpar
toutes les précautions
qu'on prend pour ne les donner
qu'a des personnesdignes de les
posseder, la peine où ilse trouve
souvent avant que d'oserfixer
son choix. Sa Majesté fit
enfin connoistre
, que ny faveur,
ny brigue) ny recommandation
,ny naissance,ny
services
, ne pouvoient rien
obtenir, à moins qu'Elle ne
fust persuadée que ceux qu'il
- A
-
luy plaisoit d'en gratifier
n'eussent toutes les qualitez
necessaires pour en remplir
les devoirs. Ce n'est pas à
dire pour cela que tous ceux
qui en possedent,s'en acquits
tent dignement. La possession
du bien, & le peu d'occupation
corrompent fouvent
les moeurs. On s'aveugle
quelquefois dans le temps
où l'on devroit avoir le plus
de fageue?&:on ne conferve
pas toûjours les bonnes incli-,
nations qu'on a fait paroistre
dans ses premieres années. Le
Roy peut donner un Benesiceà
l'homme du monde
qui le meritéle mieux dans
le tcmps qu'il l'en pourvoir,
& qui dans la fuite en deviendra
tres-indigne.
- Je pourrois ajoûter- icy
beaucoup de choses sur ce que
le Roy voulut bien dire en
public touchant la nomination
des Benefices; mais ayant.
accoûtumé de vous rapporterles
faits sans aucun taisonnement
,je vous laisse faire làdessus
toutes les reflexion
que le Roy merite qu'on flÍI.
à sa gloire.
Ce Prince après avoir efii*
ployé la plus grande partie
du jour de la Pentecoste à
des avions de devotion &
de pieté
, & tenu un long
Conseil pour la distribution
des Bencfices qui vaquoient
alors, ne crut pas avoir encore
assez fait; il alla faire
le tour de la Place pour en
viliter les Fortifications, &
vit un Bataillon du Régiment
Soissonnois? qui estoit
en bataille sur le Glacis. Ce
Bataillon luy parut fort lestes
& il futtres-content.Il estoit
commandé par M le Duc de
Valentinois, Fils de M le
Prince de Monaco. Sa Majesté
vit aussi le Regiment
des Vaisseaux dans la Citadelle)
commandé pat Mr le
Marquis de Gandelus
?
Fils
de Mle Duc de Gefvrcs, qui
cnetf Colonel, & elle en fut
fort fatisfaitc. M le Marquis
fie Vaubecour, Gouverneur
de Châlons,&Lieutenant de
Roy du Verdunois
, & du
Pays Messin
, accompagna
toujours le Roy, & tint à
Verdun, tant que Sa Majcftc
y demeura,deuxTabks fort
magnifiqueSj ainsi qu'ilavoit
fait à Châlons, pour toutes
les personnes de la Cour qui
voulurent y aller manger. Le
Roy fut fort content de ce
Marquiseluy donna inefme
des marques de la fatisfadion
qu'il avoit de sa conduite.
Enarrivantà Verdun
» on
voit appris la mort de Madmoiselle
de Jarnac Fille
d'honneur de Madame la
Dauphine.dontje vousay déja
parlé.Elle fut fort regretée
à cause de son humeurdouce,
& complaisante,
Quoy que la Ville de Verdun
soit couverte par Longvvy,
Luxembourg, Sar-Loüis,
Strasbourg &autres, on ne
laisse pas de travailler tous
les jours aux fortifications de
cette Place. Le Roy ordonna
'lu)on y preparait les Ecluses,
afin qu'il puft voir à son retour
l'espace du terrain qu'elles
pourroient occuper.
Lors que Sa Majesté visita
la Citadelle qui est de cinq
Bastions fort reguliers , on
luy fit remarquer le Bastion
nommé le Marillac, qui donna
lieu au Procès qui fut fait
au Mareschal de ce mesme
nom> pour le crime de Peculat
, dont il avoit esté accufé.
L'histoirerapporte que
le Ministre qui nomma les tgommiflàiresquile condamnerent
,
leur dit après avoir
apprissacondamnation, qu'il
falloir que les Jugesenflent des
lumieres que le reste des hommes
n'avoitpas &queplus il avoit
fait de reflexionsur l'affaire dît
Maréchal de Marillac, &sur
toutes les choses dont on l'accusoit
,
moins ill'avoit juge digne
de mort; maisquenfin ilfalloit
croire qu'il estoit coupable
j
puis
qu'ilsïanjoient condamne. Il
n'eut dans la fuite que de la
froideur & de l'indifférence
poureux.
Le19.on ne fit que quatre
lieuës & l'on alla dîner
*
& coucher à Estain ; la journéeauroitesté
trop longue si
on avoit estéjusquesàLongvvy.
Mr Mathieu de Castelus
qui y commande vint à
Estain saluer le Roy,& tecevoir
les ordres de Sa Majesté.
Estain est un gros Bourg
muré, du Diocese de Verdun.
C'est le dernier de sa Jurisditèion
du costé de Luxembourg.
Quoy que ce Diocese
foit fort petit & borné de
toutes parts, sonpeu d'étendue
ne diminue pas néanmoins,
son revenu.MrdeVerdun
accompagna le Roy jusques
à Essain. La Cour eut un
tres-beau temps pour traverser
des ruisseaux, & desPlaines
grasses
?
& fertiles. Les
pluyes l'auroient fort incommodée,
mais le Royqui fait
les beaux jours de tous ceux
qu'il regarde favorablement)
devoit estreanez heureux
pour n'en pas manquer luymesme.
Sa Majesté prit ra:
presdinée le divertissement
de la Chasse. Ertain cft un
Païs de Bois accompagné de
belles plaines) & de Vallons
bien culrivez; les Maisons y
sontgrandes, & logeables
presque toutes bastiesà l'Allemande,&
il n'yen a pas une
qui n'ait quatre Chambres
hautes où l'on peut loger.
Le Roy,Monseigneur?& les.
Princesses eurent leursAppartemens
dans la plus grande,
& chaque Corps d'Officiers
logea dans d'autres. Le lieu.
paroist avoir esté autrefois
considerable;les Guerres l'ont
ruiné , parce qu'il n'estoit pas
assez fort pour se deffendre
des courses. La Paroisse est
unassezbeauVaisseau,surtou
dans l'étendue du Choeur,qui
est tres-beau &: fort élevé
Cette Paroissea esté bastie
par les soins de Guillaume de
Huyen, lequel ayantesté in,
struit à Verdun? passa en Italie
; ou la beauté de son génie
luy acquit la bien-veillance
de la Cour de ROIne. Il fut
d'abord Chanoine de Verdun,
& par degrez elevé à la
pourpre, ayant esté fait Cardinal
au titre de Sainte Sa-;
bine. Il employa ks biens a*
l'embellissementde sa Patrie
mais la mort qui le (urpnd
dans l'exécution de ses. def-i
seins
, en rompit le cours
Les Entrepreneurs volerent
l'argenr & lainerenrnglife
imparfaite.Il avait resolude
fonder douze Prebandes,un
College-, &un Hôpital ;.lnaiscil
ne voit qu'un Choeur de-;
licatement construit
, & la
Barete de ce Cardinal suspendue
à la voûte, pour monument
de sa pieté
, & de sa dignité.
Il vivoit en 1406. Un
Curé, & un Vicaire ont foin
de cette Eglise, & du Peuple.
Les Capucins ont en ce lieu
une Maison habitée par huit
ou neuf Religieux. Ils ont
quelque peine à subsister;
mais ils en auroient encore
davantage s'ils n'estoient prés
de Verdun où on leur fait
de grandes charitez»Ces bons
Peres se sont establis en ce
lieu pour aider le Cure., à
causequ'il n'a qu'un, seul
Vicaire avec luy,
Le lendemain 20. la Cour
partit, d'Estain? &alla dîner
à Pierre-Pont qui n'en est éloigné
que de trois lieuës. La
plulpart des Officiers mangerent
surune verdure arrosée
d'un ruisseau fort agreable.
On traversa ensuite plusieurs
petits torrens;on parcourut
des Valées:on monta
des hauteurs?&on gagnaen
&~
finla cime d'une Montagne
où lenouveau Longvvy entièrement
construit par le
Roy) pour faciliter la prise de
Luxembourg. Le Vallon est
arrosé d'une très- belle eau
vive, qui roule toujours, &
qui rend la Plaine fort fertile
; laveue se promene agréablement
sans estre bornée
que des deux costez par deux
Montagnes, mais elles n'offrent
rien qui ne doive plaire.
L'une est remplie d'arbres;
l'autre est occupée par te
vieille) & par la nouvelle
Ville. On découvre dans le
milieu de la Prairie deux mai.
fons de Religieux) l'une de
Recolets. & l'autre de Carmes
) qui y sont établis, &
qui ont foin des anciens Habitans
de ce Pays-là. Ils ne
font logez que dans des hutes
sur la Colline
, & ils avoient
au dessusun Château antique
qui les mettoit à couvert
des Coureurs; mais presentement
il est ruiné) &
l'on n'y trouve que des cabancs
& des masures. Longvvy
est situé sur une hauteur
bordée d'un précipice à IJEfi:f
& au Sud, s'estendans vers le
Nord,& l'Ouest dans une
Plaine fort fertile. La Place
n'est commandée d'aucun
endroit. On y voit une grande
ruë ,
à l'extrémité de laquelle
font deux portes accompagnées
d'un double fossé
, &: défenduës de bons
Battions. Dans cette ruë principale,
sont les maisons des
Bourgeois qui font environ
deux a trois cens feux. La
Place d'Armes est au milieu.
On y voit un beau puits
) &
à gauche une Eglise une fois
aussi grande que les Recolets
de Versailles
, mais ily a
moins de Chapelles. Cette
Eglise est accompagnée d'uaeTour,
de la hauteur de celle
le Saint Jacques du Hautes
à Paris
, qui sert de Beffroy
>
& de laquelle on dé-*
couvre jusques à six lieuës
dans le Pays. La Maison du
Gouverneur est à droite , &
fait face à l'Eglise. Le reste
des Maisons est basty par fimetrie.
Le long desRamparts,
font des Cazernes pour les
Troupes,-& l'on voit d'espace
en espace des Magazins de
différentes grandeurs.Tous
ces Magasins sont soigneusement
gardez. Le Roy logea
dans la Maison du Gouverneur.
Mrle Marquis de Bouflers
, qui a le Gouvernement
de Luxembourg, vint au de.
vantdeSaMajestéàLongvvy.
Il estoit accompagné de quel..
ques-uns de fcs Gardes qui ne
parurent point avec leurs Ca.
rabines. Le Regiment d'Angoumois
commandé par Mr
de Thouy,estoit dans la Place.
Le Royen fit la Reveue>
êcille trouva tres- bon, tous
les hommes estant bien faits,
&audessus de trente ans. Ce
Regiment eut l'honneur de
garder le Roy. Il fautremarquer
que ce Prince ne fut pas
plûtost arrivé) qu'il donna
des marques de son activité
ordinaire. Pendant que cluCun
alla? ou le reposer? ou fc
divertir dans fcs Appartemens,
où il avoitdonné ordre
qu'il y eust toûjours rou.
tes fortes de Jeux preparez,ce
Prince courut? s'ilm'est permis
de m'expliquer ainsi pour
mieux marquerfonardcur.)11
courut?dis-je où la passion
digne d'un grand Capitaines
&: le devoir d'un grand Roy
rappelloient,&sedonna tout
entier le reste de la journée à
voir des Troupes? & des Fortifications.
Il y a dans Longvvy
quatre cens cinquante
Cadets. Sa Majesté leur vit
faire l'exercice, &dit hautement;,
qu'il rijyanjoitpoint de
Troupes qui s'en acquittent
mieux. Elle resolut mcfrnc
d'en prendresoixante ou quatre-
vingt , pour en faire des
Sous-Lieutenans dans tous
les Corps, excepté dans sois
Régiment ,où l'on ne reçoit
point d'Officier qui n'ait esté
Mousquetaire.Toutes les
places qui y vacquent estant
reservées à la Noblesse qui
tort de ce Corps,ils se perfectionnent
encore dans ce Regiment
en ce qui regarde le
métier de la Guerre? avant
que d'estre élevez à de plus
hauts Emplois. L'exercice
que firent les Cadets? fut à la
voix & au commandement
de leur Capitaine, ensuite au
coup de Tambour, câpres
dans le silence, par une habitude
qui est en tous également
naturelle; ce qui se fait
avec tant de justesse, qu'il
semble que ce soit un feut-
J.
homme qui remuë également
toutes les parties de
son corps. Ceux qui prirent
ce divertissement avec le
Roy eurent un tres-grand
plaisîrde voir un mouvement
uniforme dans quatre cens
cinquante personnes de différentesgrandeurs.
Le Royvisita à cheval les
dehors de la Place, & fit à
pied le tour des Remparts.
-
Ce Prince marqua luy-même
ce qui en pouvoit encore
embellir les Travaux, & ce
qu'ils avoient de plus beau
& deplus seur. Cela fait voir
la parfaite intelligence qu'il
a de l'Art de la Guerre.
Il ne faut que voir Longvvy
pour concevoir une haute
idée de la puissance du Roy,
& l'on ne pourra qu'à peine
sepersuader qu'il ait entièrement
fait bâtirune Ville,
élevée sur une cime inaccessible
r & dont les remparts
font d'une prodigieuse hauteur.
Il est impossible de s'imaginer
la dépensequ'où
a faite à couper le Roc, à
rendre le terrain uny, & à
bâtir tant de beaux logemens.
Cette Place est de figure éxagone
r ayant un Baition
coupé ducodedesprécipices
feulement. Ilestsoûtenu par
deux Delny-Iunes, & deux
Ravclins. On amis trois Cavaliers
aux endroirs foibles,
qui découvrent fort loin,&
qui feront montez de vingt
pieces de Canon. Toutes les-
Fortifications de cette Placc
fontd'une ties-grande regularité
; & ce qu'il ya de surprenantec'est
que le Roy en
aitfait entierement conftruireungrand
nombre d'autres
qui ne sont pas moins fortes,
qu'il y fasse encore tra-*
vailler tous les jours, & qu'il
commence à en faire éleyer
denouvelle.Iln'est pas moins
étonnant que SaMajesté voulant
mettre ses Sujets à couvert
des courses de la Garnison
de Luxemboutg., en la
mettant au rang de ses Conquelles,
Elle ait fait bâtu
Longvvy pour faciliter ses
desseins, cette Place ayant
servy de Magasin pour tou,
tes les provisions neceflaircs
à un Siege aulli important
qu'a esté celuy de Luxembourg.
Comme rien n'altère davantage
la fanté qu'une forte
&continuelle app licationau
travail, M de Croissy , qui
par une longue fuite d'Emplois
&par l'occupation que
luy donne celuy qui l'attache
entièrementaujourd'huy,
s'etf attiré des douleurs de
goute depuis quelques années,
en ressentit de violentes
à Longvvy. Cependant
elles ne l'empefcherent point
de servir le Roy, en quoy
il fut parfaitement bien secondé
par M le Marquis de
Torcy son Fils, qui dans un
âge fort peu avancé, a déja
veu toutes les Cours de l'Europe
> en a étudié les maniéres,
& n'ignore rien de ce
qui regarde la Charge dont
Sa Majesté luy a accordé 1:4
survivance.
La Maison du Roy eftanr
si grande) qu'à peine il se
passe une semaine
>
sans qu'on
apprenne la mort de quelque
Officier) on sceut à
Longvvy celle de M Villacienne,
Gentilhomme servant
du Roy? & celle de Mr
de la Planche ,Valet de
Chambre de SiMajesté
,
la
premiere dépendant de Monsieur
le Prince,comme Grand
Maistre delaMaisonduRoy,
& l'autre deSaMajesté parce
que le défunt xi'çftant poirr
marié
,
n'avoit point d'ensans
à qui ce Prince en eust
pû donner la survivance.
Mrde Seignelay, qui avoit
fait le Voyage de Dunkerque
avec une diligence furprenante,
depuis que le Roy
estoit party pour Luxembour,
joignit Sa Majesté à
Longvvy , & luy fit le rapport
de l'estat des Fortifications
de cette premiere Place.
Je vous en ferois icy le
détail, si je n'estois obligé de
le remettreà unautre ÀrcmS)
a cause de la quantité de choses
curieuses que j'ay encore
à vous apprendre touchant
le voyage de Sa Majesté. Je
vous diray cependant que le
Risban, lesJetrées,lesEcluses,&
le Bassin pour les Vaif-
[caux, sont des choses si extraordinaires
à Dunkerque »
<juà moins de vous en faire
la defeription, quelques paroles
dont je pusse me servir,
pour vous marquer la beauté
deces Ouvages* il me seroit
impossiblede vous rien faire
Concevoir qui en approchait,
& vous auriez mesme encore
beaucoup de peine à vous les
representer tels qu'ils [ont) si
vous ne les aviez vûs.
Le Roy estant party de
Longvvy le 21. entra dans le
Luxembourg, &: dîna à Cherasse,
premier Village de la
Province ducosté de France;
Le Païs par où l'on entra, n'a
pas tant de Bois ny de Mon.,
cagnes que les autres Cantons
de cette Province. Ce font
des Plaines grasses & fertiles?
remplies de tres-bons grains.
Les Villages y sont en affcz
grand nombre,mais les maifons
n'en font pas entièrement
rétablies. En approchantdela
Ville de Luxembourgeonvoitde
toutes parts
destrous, desquels on a tiré
de la brique,& de la chaux,
& d'autres materiaux, pour
les nouvelles Fortifications
<i'un Ouvrage qui va au delà
de tout ce que l'on en peut
concevoir.L'aspect delaVilleestbeauducostédeFrancc.
Le plan paroist égal par.
tout,&lesédifices sontgrands
8c magnifiques. On découvre
plusieursEglises couvertes
d'ardoises, descazernes, des
Magasins, des maisons considerables,
Celles des particuliers
semblent estre bâties
desimetrie; mais lors qu'on
est dans la Ville, on est furpris
de ce qu'on n'a découvertqu'une
partie des Fortifications.
Elles sont toutes irregulieres,
& continuées suivant
l'étduë du terrain, dont
la situationpeut étonner des
Assiegeans qui oseroientl'attaquer.
•*
Je devrois vous parler icy
de l'origine de cette Place,
vous entretenir des Ducs qui
en ont porté le nom, & vous
en faire comme un abregé
d Histoire; mais j'ayamplement
parlé de toutes ces choses
dans le Volume que je
vous ay envoyé du seul Journal
du Siege que le Roy fit
)
lors qu'il joignit la Ville de
Luxembourg à ses premieres
Poiiujrfedr
Conquestes. Ainsi jeme COfitenteray
de vous envoyer le
revers de la Medaille qui sur
¿;'faite en ce temps-là, & que
j'ay pris foin de faire graver.
Le Portrait du Roy [e voit
sur laface droite. Jene vous
dis rien du revers, vous le
pouvez voir.
Ce Prince fut receu à la
Porte parleMajor de la Place,
&,' traversa la Ville au milieu
de six rangs de ceux de
la Garnison qui estoient soue,
lesarmes, & en hâye>j[ufque^
au lieuoùSaMajesté alladescendre.
Ils firent trois salves,
mais on ne tira le Canon qu'aprés
l'arrivée du Roy, parce
que cela auroit marqué une
Entrée, & qu'il avoit déclaré
qu'il ne souhaitoit point
qu'on luyen fist.LesBourgeois
vinrent luy offrir leurs hommages.
oLes ruës étoient toutes
tapissèesde branches d'arbres,
suivant la coutume du Pai's.
Pendant le Soupe du Roy
qui dura deux heures, ils aL
lumcrent unfcudejoyc dans
-- .--' -,. --, -' 1er
té —*
--_.
le Pâté qui eH: entre le Paffendal
& le Grompt, vis-à-vis
les fenestres du Palais du
Gouverneur, prés de la Riviere.
Toutes les ruës furent
illuminées, &ces illuminations
continuerent pendant
tout le temps que Sa Majesté
demeura àLuxembourg. La
façade de l'Hostel de Ville parut
éclairée par plus de deux
cens Lanternes, remplies de
Devises à la gloire de ce Prince.
Les Clochers estoient en
feu, & quantité de flambeaux
de cire blanche brûlerent
toute la nuit devant la maison
du Maire. Toutes ces illuminations
furent accompagnées
de cris de Vive le
Roy. Sa Majestéfutgardée
par un Bataillon de Champagne,
commandé par Mr le
Baron de la Coste, La Ville
estoit plus remplie d'Etrangers
que de gens de la fuite
de la Cour, sans compter les
Gouverneurs, les Lieutenans
de Roy, les Officiers des Garnisons
d'Alsace, de Lorraine,
&de Flandre, qui avoient
eu permission de venir. Mr
l'Evesque
)
& Mr le premier
President du Parlement de
Mets, y estoient aussi venus,
avec tout ce qu'il y a de plus
distingué dans la mesme Ville,
suivy d'un grand peuple,
que la curiosité de voir le
Roy y avoit attiré. Il yestoit
passé plus de dix mille hommes
deTreves,deCologne,
de Mayence. de Juliers, de
Hollande, & de la Flandre
Espagnole;& l'on eust dit
que toute la Champagne s'y
estoit renduë, pour remercier
le Roy d'avoir pris cette
Place, afin deladélivrer des
courses de sa Garnison. M1 de
Louvois y estoit arrivé le
jour precedent
,
après avoir
faitun Voyage de deux cens
cinquante lieues depuis que
Sa Majesté estoit partie de
Versailles pour aller à Luxembourg.
Cette diligence
ne paroiftroit pas croyable,
si ce n'estoit une de ces choses
de fait dont on ne [sa?=-:
roit douter. Ce Ministre
rendit compte au Roy de
son Voyage pendant que Sa
Majesté demeura à Luxembourg
& je vous en feray le
détail
, avec celuy de ce qui
s'est paffé dans le temps de
ce sejour,mais il faut auparavant
vous faire la description
de cette Place.
Tous ceux qui l'ont veuë
avant le Siege ,la regardent
avac un etonnement qu'il seroit
difficile d'exprimer, &
sont fort surpris d'avoir à
chercher Luxembourg dans
Luxembourg mesme. On ne
reconnoift: plus cette Place
que par quelques Edifices publics,
presque tous ruinez
dans la Journée des Carcasses
& dans la fuite duSiège, &."
rétablis dans une plus grande
perfection
, par les soins Ôc
par la pieté duRoy. On m'a
assuré que la Ville est grande
deux fois comme Saint Germain
en Laye, &j'ay vû deux
Relations qui le marquent.-
Je ne vous garantis pas
tjue cette grandeur soit juste
On peut s'abuser dans les
choses qu'on écrit sur lerapport
de sa veuë ; cependant
on peut concevoirpar
là une idée approchante de
la grandeur d'un lieu dont
on fouhaitc avoir connoissance.
La Place d'armes de Luxembourg
peut contenir environ
deux mille hommes
rangez en bataille. Les rues
sont larges,&il yen a douze
ou quinze considerables. Les
Bâtimens y sont de deux éta.:=
ges au moins. Ils sont assez
étroits
) mais presque tous
d'une--nlefme, simetrie. La
Cour y estoit assezbien 1&--
gée. Le Commerce n'y est
pas grand, mais la Garnison
y fait rouler beaucoup d'argent
par ses dépenses. On a
esté obligé de prendre des
Domaines, & des Jardinsà
quelques Bourgeois,& à quelques
Païsans, maisils en ont
esté largement indemnisez.
L'Hostel de Ville e£tpetit?
û façade n'est pas large. La
Paroisse est étroite, & il n'y
a qu'un Doyen,&dixEcclesiastiques;
un plus grand
nombre n'en: pasnecessaire,
puis que les Religieux qui
font dans le mesme lieu, les
déchargent presque de tous
les soins qui regardent les
Pasteurs. Il y a quarante-cinq
Religieux dans le Convent
des Recolets, dont la moitié
font François
, & les autres.
Allemands. Ils vivent
des questes delaVille, & dc:
la Province, & preschent
dans l'une & dans l'autre
Langue. Ils sont commis
pour auministrer les Sacremens
à la Garnison. Les Bourgeois
quisontfort devots, &
Flamans en ce point-la?vont
souvent faire leurs dévotions
chez ces Peres, qui sont en
très-grande reputation en
cette Ville-là?&fort estimez
& aimez de tout le Peuple,
Ils ne le font pas moins de la
Garnison qui les respect
beaucoup. Je pourrois ajouter
qu'ils s'en attirent la crainte
aussi-bien que le respect,
puis que ces Peres font toutes
les fonctions Curiales en ce
qui touche cette Garnison.
LePereOlivier Javenayaprés
avoir esté Gardien, & s'estre
acquis une grande réputation
par ses Sermons, a esté éleu
Custode de douze Maisons
.dependantes de celle-là, dont
celle de Luxembourg est la
principale. Les Jesuitesyont
une tres-grande Eglise, fort
propre, & fort riche. Elle est
plusgrande que celle des
Carmes de la Place - Maubert
, & a deux aillés, &
trois beaux Autels. Ils tiennent
leCollege
, & ces Peres
font ordinairement au nombre
de vingt-cinq dans cette
Maison. Encore qu'ils soient
tous François, il yen a quelques-
unsqui sçavent fort bien
l'Allemande & qui ontesti
élever en Allemagne. Leu.
Jardin est beau & spacieux
îc leur maison toute neuve
êc bien ordonnée. Ilsontune
Musique Allemande, que la
Cour alla entendre le jour de
la Trinité. Les Capucins y
ont aussi unConvent
>
dans
lequel on ne trouve que des
Religieux François ,
dont
le nombre peut égaler celuy
des Jesuites. Il y a
deux Refuges dans la Ville,
& une Eglise, appellée le
Saint Esprit, dansunBastion,
Celle desDominicains?qui a
esté fort endommagée par le
Canon, n'est pas encore rctablieIlsdonnerent
ieui
Tour pendant le Siege, pour
placer une Batterie qui incommoda
fort nostre Camp.
On fut obligé de s'en défendre?
& cela* pensa causerla
ruine entiere de leur Eglise.
J'oubliais à vous dire que
les Recolets ont le Cimetiere
de la Garnison. Leur Eglise
est aussi grande que celle des
Cordeliers du Grand Convent
de Paris. Ils ont d'assez
beaux Ornemens, & tout est
chez eux d'une grande propreté.
Leur Jardin est aiTçz
beau pour une Ville de Guerre
Il tomba pendant le Siege
cinq cens Bombes dans leur
enclos, dont trois tomberént
dans une Chapelle,
qui fert de Mausolee auComte
de Mansfeld, l'un des plus
grands Capitaines de son
temps, & fameux par ses Exploits
fous Charles IX. Il
mourut Gouverneur de Luxembourg
âgé dequatrevingt-
six ans. Son tombeau
estde Marbre blanc; safigure
->
& celles de ses deux Fern;
mes ,
font en bronze au desfus
de ce Tombeau,chacune
de six pieds de haut. L'une
des trois Bombes qui tomberent
dans cette Chapelle,
perça une grosse voûte, fit
tin trou fort large à l'extremitédu
Tombeau duComte..,
tourna à demy une pièce
de marbre qui le couvre, &
4jui a huit pieds en quarré
ôc la rompit environ de la
largeur d'un pied. Les Jefuites&
les Recolets ne font
sjparezquepar une rue* &
ïes Capucins sont dans un autre
quartier de la Ville, proche
la Porte-neuve. Il y a
aussi trois Convents de Filles.
Le Comte de Mansfeld dont
je viensde vous parler, a fait
bastir le Palais des Gouverneurs.
Il a esté tout ruiné par
nos attaques, & si bien reparé
par les soins de Mrle Marquis
de Bouslers
, que le Roy
y logea avec Monseigneur;
& les Princesses,Ilest sur un
Bastion. qui donne sur un
Fauxbourg arrosé par la Riviere?
dont la Prairie dans laquelle
elle se répand estun
objet agreable pour la veuë,
& dans une gorge entre deux
Montagnes. Il a pour point
de veuë un reste de petit bois
de haute Futaye. Pour pouvoir
insulter ce Bastion, il
fauts'estre rendu maistre de
sesdeffenses. Le Roy y avoit
une grande Salle, une
grande Chambre pour les
Jeux, sa Chambre,&trois Cabinets.
Les Gouverneurs de
Luxembourg avoient autrefois
une Maison de plaisance
située sur la Riviere qui sert
de point de veue lieur Palais;
mais les guerres les ont
privez de ce lieu de divertis
sement. Luxembourg est fituésur
une hauteur àl'extremité
d'un grand terrain du
costé de l'Ouest & du Sud
fondé sur un roc qui a este
coupé plus de quatre pieds
en terre dans les endroits ou.
l'Esplanade duGlacis n'est pas
sélon les Réglés? & commandé
par le chemin couvert. A
son Est, & à son Nord, ct
sont des Vallées prodigieuses.
qui semblent inaccessibles à
toutes les Nations; & cependant
c'est par ces abismes
qu'on a pris la Place. L'une de
ces Vallées entre le Nord k
l'Est, estarrosée par TEfle*,
petite Riviere sans commerce
qui vient du cofté du Sud
d'Erfche Bourgade„& qui va
se rendre dans la Moselle aprés
s'estre jointe au Sours
&. àSclbourgversVasbilingrr
L'autre est remplie vers le
Sud-Est de quelques petits
Ruisseaux de Ravines. Il se
trouve pourtant entre l'Esse
une langue de terre où cft la
Porte dé Trêves
,
& une autre
langue plus spacieuse occu\.
pée parunFort nommé du
Saint Espritque l'on a fortifié
depuis que le Roy a coiv
quisla Place. Elle estdiviséce
en haute, & en basse Ville,
La haute cft l'ancien Luxembourg
,reparé,&fortifié dt
nouveau. On afaitune Porter
neuve qu'on appelle de France
vers Nostre-Dame de
Consolation, & l'on a pouse
le Bastion de Chimay,jus
ques au delà de l'Insulte. La
baffe-Ville est composée de
deux Fauxbourgs, rendus c-e*
lebres par le dernier Siege.
L'un est nommé le Passendal.,
arrosé par le principal Canal
del'Effe. L'autre est le Minstier
ou le Grompt mouille
aussi par un bras de l'Effe. Entre
ces deux Fauxbourgs
?
est
la Porte de Treves
?
& une.
Plate-forme au dessousquon
appelloit le Pasté. A l'extremité
du Minfter vers la droite
est le nouveau fort du Saint
Esprit. Mr de Montaigu a
levé avec du carton le Plan
de cette formidable Place,
où Ion en remarque aisément
toutes les beautez, avec toutes
les augmentations que le
Roy y a faites. Toute l'Allemagnea
esté surprise de voir
avec quelle promptitude on
en a reparé les brèches &
avec quelle facilite sans avoir
égard à la dépense on a aug.;
mente cette Ville de plus de
deux tiers, afin d'occuper
tout le terrain qui sembloit
estre favorable pour en approcher.
Aprés vous avoir fait voir
la situation de It Place, il faut
que je vous trace icy le Plan
de ses Fottifications. L'entreprise
est hardie, & un terme
mis au lieu d'un autre, peut
répandre de l'obscurité dans
ce que je vous diray les descriptionsde
cette nature,quelques
ques claires quelles soient,
n'eitant qu'à peine intelligibles
pour ceux qui ne sont pas
dumestier.Joignez à cela que
je puis expliquer mal des cho-
[es, dont je n'ay pas toutes
les lumieres necessaires? pour
estreafleuré que je ne me
trompe point. Cependant je
fuis persuadé que quelques
fautes que je puissefaire
, &:
que j'aye peutestre mcfme
déjà faites depuis que j'ay
commencé à vous parler de
Fortifications dans cette Ler
tre, ce que je vous en ay dit,l
& ce qui me reste à vous expliquer
) ne laissera pas de
donner de hautes idées de la
puissance du Roy? & de la
force de Luxembourg.
L'ancienne Ville qui est
toute sur un terrain élevé
cil: un Heptagone ayant un
Bastion coupé par le deffaut
duterrain de Paffendal. Elle
a trois portes ; l'une vers le
Couchant) c'est celle de France;
l'autre au Nord? c'est celle
de Passendal; la troisiéme;
vers l'Orient, c'est celle de
Trêves, & une quatrième
pour les sorties regardant le
Midy. La premiere & la derniere
sont dans la haute Ville
bien flanquées de bons basions?
& de dix Redoutes,
soutenuës de bons Cavaliers,
où l'on mettra quarante pièces
de Canon. On peut voir
dans la premiere porte quelle
supercherie peuvent faire
ceux qui se desfendent dans
leurs maisons. La premiere
entrée prise , il ne faut aller
que pied à pied à la seconde;
& la troisiéme est encore
mieux gardée que les prémieres.
Les Redoutes sont
portées aux endroits les plus
soibles des Courtines pour
deffendre le chemin couvert,
& pour commander sur toute
l'Esplanade;elles font élevées
jusques au cordon pour répondre
au rez de chauffée, &
pour raser l'Esplanade. Au
dc!fij.S est une Plate-forme
avec un Parapet dont on se
sert jusqu'à ce que le Ganofll
l'ait renversé ; on se retire au
dessous où sont des Sarbacanes
pour tirer sur le chemin
couvert & dans le glacis. Dela
on a encore un étage en
- terre d'où l'on se peut desfendre
long- temps , &quand
on est poursuivy par les Galeries,
on a clei portes avec
du Canon de Campagne. Si
les Ennemis vouloient establir
un logement autour de
ces Redoutes, il y a des Mines
& des contre-mines toutes
disposées pour empescher les
Travailleurs d'avancer leurs
ouvtages. Les Fourneaux sont
si bien menagez qu'ils ne
peuvent manquer leur coup.
On a fait deux demy
-
Lunes
dans cette ancienne enceinte..
Le Bastion de Chimay? qui
est à l'extremité du Roc, &
qui commande sur la Porte
de Paffendal, est soûtenu par
deux autres Bastions avancez
le long de cette cime,qu'on
peut appeller une Demy-lune
1-
& une autre Contre-garde,
ce qui semble estre hors.
d'insulte> parce qu'on a fait
la dépense de railler dans le
roc,&qu'on s'est attache à
le rendre inaccessible; &
comme la Riviere qui passe
au dessous de la Porte, a une
hauteur dans son bord opposé
qui commande la Ville
>
car ce fut là qu'an mit une
Batterie pendant le dernier
Siege, pour ruiner jePalais
du Gouverneur; son Badion,
& la Porte,lePvoy a fait faire
sur la cime de cette hauteur
deux Ouvrages à o cornes
qui renferment tout l'espace
par où l'on avoit à craindra
Une Ligne de communication
prend de l'extrémité de
la Contre-garde du Bastion
de Chimay, descend par la
Porte de Passendal dans la
Riviere, & va joindre ces Ouvrages
, qui sont faits avec
toute l'industrie de l'At[,.
pour batere la Plaine d'audelà,
pour commander sur le
vallon où coule l'Effe,& pour
désendre le Chemin couvert
de la Contre-garde du Baftion
de Chimay;&afin qu'on
ne prenne pas ces O1uvrages par le vallon., Sa Majesté qui
voit tout avec des liimieres
qui necedenten rien àcelle5
de les Ineenieurs? a ordonné
deux Reodoutes au dessous,
prés de la Rivière. Ainsi le
Fauxbourg du Paffendal qui
est sur l'eau, fera défendu 8c
couvert de toutes parts. On
y fait un Hôpital, & il y aura
des Cazernes, & des Magasins
comme dans la Ville.
Il est fermé à la droite par
une autre Ligne de communication
semblable à la premiere,
qui joint le sécond
Ouvrage à la Porte de Trêves,
qui se trouve à l'extremité
d'une languete prise
dans le roc qu'on a percé en
deux endroîts, pour faire
passèr les chariots, & les
Troupes du Paffendal au
Minfier, sans monter dans
la. Ville. Le Minsterest aufll
défendu par cette Porte, ôc.
par le Fort du Saint Esprit,
qui a quatre Bastions coustruits
sur une petite éminence
qui commandoit dans
le Fauxbourg. Ces quatreBastions
sont soutenus de Demy-
lunes) de Contre-gardes,
& de Redoutes, qui battent
toute une campagne qui regne
au delà. Voilà les Ouvrages
qui se trouvent dans
les Dehors de Luxembourg,
&: qui font environ onze Bastions,
quinze Redoutes, deux
Ouvrages à corne,un troisiéme
qu'on y ajoûte prés de la.
Porte des Sorties, quatre:
Demy-lunes, trois Contregardes,&
cinq ou six Cavaliers.
Tous ces Travaux n'ont
pas moins surpris la Cour,
qu'ils ont étonné tous les
Etrangers qui les ont vûs.)
car cette Place qui tiroit de
la France deux millions de
contributions
, pourroit en
temps de Guerre en tirer bien
davanrage, & faire contribuer
juseqz ues à Mayence? à
Cologne, à Rez, au Fort de
Skin,à Namur& à beaucoup
d'autres endroits, ce qui ne
seroit pas difficile à une Garnson
de sept ou huit mille
hommes. Je ne vous diray
point à combien de millions
a monté la dépense des Fortifications
de cette Place,
chacun en parle diversement
&met le prix aux Ouvrages
de cette nature, suivant Tétonnement
qu'ils luy eaufent.
Ainfiil n'est pas facile
de parler d'une dépense?
quand elle se monte à plusieurs
millions. Tout ce que
je puisvous dire, c'est que le
Roy ne cherchant que l'entiere
perfection dans tout ce
qu'il fait faire, il y a encore
de nouveaux fonds destinez
pour travailler à cette Place,
quoy qu'il paroisse qu'on ne
puisse rien ajoûter à ces Fortifications
;mais le Roy a des
yeux& deslumieres dont on
ne sçauroit trop admirer la
pénétration. Je ne dois pas
oublier que la petite Chapelle
de Nostre - Dame des
Consolation dont je vous ay
déjà parlé dans ma Relation
duSiege, est restée en son
entier, les Assiegez, & les
Assiegeans l'ayant épargnée.
Toute
-
la Province y court
avec la mesme devotion
qu'on va à Nostre-Dame de
Liesse en France.
Il faudrait pour se bien representerl'aspect
de cette
Place, avoir vû les deux Tableaux
que Mr de Vandermeulen
enafaits pour le Roy.
Ils sont à Marly, & ont chacun
onze pieds de longueur.
Ils representent deux faces dô
laPlaec, de sesFortifications,
& de ses avenuës; mais avec
une telle regularité, que ceux
qui ont veu ces Tableaux ne
sçauroient se souvenir de la
moindre chose,qu'ils ne lareconnoissentaussi-
tost dans
l'unou dans l'autre. Ces Tableaux
sont gravez avec les
Estampes de Mrde Vandermeulen
dont je vous ay déjà
parlé, qui represententtoutes
les Conquestes du Roy de la
mesme maniere. Ainsi si la
description que je viens de
faire de cette Place, excite en
vous ou en vos Amis, la curiosité
de la voir d'un coup
d'ecil, vous pouvez avoir recours
à ces Estampes, qui sont
recherchées dans toutes les
parties du monde.
Le Roy ayant resolu de ne
demeurer que deux jours àLuxembourg
; monta à cheval
aussitost qu'il y fut arrivé, &
en allavisiter les Dehors. Mr
de Louvois qui estoit de retour
depuis un jour de son
Voyage d'Alsace,&MdeVauban
, qui sont les deux personnes
qui pouvoient rendre
un compte exact à Sa Majesté
des Fortifications de cette
Place, & sur tout de celles
qui ont esté faites nouvellement
par son ordre, l'accompagnerentpar
tout. Elle vit
les attaques de ses Troupes
pendant le Siege, &: trouva
de nouveaux sujets de loüanges,
pour tous ceux qui avoientcontribué
à cette conqueste,
M le Comte de Blanchefort
s'eilant trouvé auprés
du Roy, ce Prince toûjours
plein de reconnoissance
& de bonté pour toutes les
personnes qui ont du merite,
témoigna le regret qu'il avoir
de la mort de Mr le Maréchal
de Crequi son Pere,
qui avoit fait le Siegede Luxembourg;
ce qui parut toucher
fort sensiblemenr Mr
le Comte de Blanchcfort,
& renouveller dans son
coeur le dcfir qu'il a de sui
vre ses traces, &- d'imiter sur
tout sa prudence? & sa fidelité
pour le Roy.
, Le 22. Sa Majesté donna
audience à Mrle Baron d'Ingelheim,
Envoyé
-
extraordinaire
de Mrl'Electeur de
Mayence; à Mr le Baron
d'Elts, Envoyé extraordinaire
de M l'Electeur de Tréves,
& à Mrle Comte de
Chellart, Envoyé extraordinaire
de Mr le Prince Electoral
Palatin, Duc de Juliers.
Ils estoienr venus faire compliment
à Sa Majesté de la
part des Princes leurs MaiRreS)
sur son heureuse arrivée
àLuxembourg. Ces Envoyez
eurent aussi audience
de Monseigneur, où ils furent
conduits par MrdeBonneüil
,
Introducteur des Ambassadeurs,
qui les avoit menez
chez le Roy? & les avoir
esté prendre dans les Carosses
de Sa Majesté. Ils firent
present au Roy dela part des
Princes leurs Maistres
,
de
plusieurs tonneaux de vin
du Rhin, & de vin de Moselle>
que Sa Majestéreceutavec
les manieres honnestes
qui luy sont si ordinaires, &.
pour marquer que ces Presens
luyestoient agreables
de la part dont ils venoient,
Sa Majesté voulut qu'ils fussent
conduits à Versailles par
les mesmesVoituriers qui les
avoient amenez; & les Envoyez,
suivant les ordres qu'iL
luy avoir pieu d'en donner,
furent regalez splendidement,
avec toute leur suite,par
lessoins de Mr Delrieu, Contrôleur
ordinaire dela Maifondu
Roy, qui n'oublia rien
en cette rencontre de tout
ce qu'il crut devoir faire
pour leur satisfaction, &qui
entra parfaitement bien dans
leurs manieres,
Quoy que le Palais où logeoit
le Roy sust fort spacieux,
il estoit neanmoins
impossible que tous ceux qui
estoientpressez de l'impatience
de le voir? y pussent
entrer; ainsi ce Prince eut la
bonté de sortir plusieurs fois
à cheval? & d'aller mesme
doucement, afin de satisfaire
ceux qui ne respiroient qu'aprés
sa veuë. Il alla à la Metre
aux Jesuites;& plusieurs personnes
qui jusques alors ne l'avoient
admiré que par la quantité
surprenante des grandes
choses qu'il a faites,& qui n'avoient
jamais eu le plaisir de
levoir,l'admirerent ce jour-là
par sa bonne mine, & par un
air qui perfuaderoit à ceux qui
ne sçauroient pas tout ce qu'il
a fait de grand, que tout ce
qu'on leur en diroit feroit - veritable,
véritable. Le Roy estant forty
dela Messe,vit le plan de
Luxembourg, qui estoit dans
une maisonproche de l'Eglise
des Jesuites, Il monta à
cheval l'aprésdînée, & descendit
dansles Mines;il voulutvoiraussi
les Contre-mines.
Il visita les Fossez, & se
promena sur les Ramparts.
Pendant tout ce temps il s'entretint
des beautez de cette
Place avec Monsieur le Printce,
qui fit voir la parfaite
connoissance qu'il a de tout
ce qui regarde la Guerre, &
quelle est telle qu'onladoit
attendre du Fils d'un Prince
qui auroit pu apprendre ce
grand Art à toute la terre ,
si on l'avoit ignoré. Monsieur
le Duc, Monsieur le
Prince de Conty
,
& Monsieur
le Duc du Maine su.
rent aussi de la conversation,
& firent voir qu'il est des
sciences pour lesquelles les
Princes ne sont jamais jeunes
&qu'ils semblent avoir aj>„
prises en naissant.
Le mal de Mrle Comte de
Toulouse, qui avoit esté attaqué
le jour precedent d'un
mal de teste
)
& d'un mal de
gorge, continua,& la Rougeole
s'estant declarée, le
Roy resolut de sejourner
deux jours de plus à Luxembourg
, non pas pour y attendre
la parfaite guerison dô
ce Prince, laquelle ne pourvoit
arriver si-tost, mais afin
de voir quel pourroit estre le
cours de son mal. On mir:
auprés de luyMrduChesne
Medecin?MrduTertre, Chirurgien
de Monsieur le Prince,
avec un Apoticaire de Sa
Majesté. Le bruit s'estant répanduque
le retour delaCour
estoit reculé, quelques Etrangers
en parurentinquiets,mais
ils furent rassurez si-tostqu'ils
firent reflexion que le Roy
avoit toujours gardé inviolablement
sa parole;qu'il aimait
Monsieur le Comte de
Toulouseavec tendresse; que
ce jeune Prince estoit chery
<dc toute la Cour, & quainsî
l'incertitude du mal qui luy
pouvoit arriver, estoit la
vraye cause qui portoit le
Roy à retarder son depart.
La Rougeole deMonsieur le
Comte de Toulouse, ne fut
pas la premiere qui parut
à la Cour. Une des Filles
d'honneur de Madame la
Princesse de Conty en avoit
déja esté attaquée. Il yavoit
euaussi d'autres Malades; &
la Gouvernante des Filles
d'honneur de Madame Il
Duchesseavoit eu la Fiévre.
La maladie de ce Prince contribua
à l'indisposition d'une
Dame d'un tres-grand meri-
&
re. Elle fut saignée, & son
mal se passa.
Le 13. Mrle Comte Ferdinand
de Furstemberg, & Mr
Ducker, Envoyez extraordinaires
de Cologne
, eurent
aussi Audience du Roy, &
de Monseigneur le Dauphin.
Ils y furent conduits par Mr
de Boneüil avec les mesmes
ceremonies que l'avoientesté
les autres Envoyez,& traitez
demesme.Mr le Cardinal
LangravedeEurftcmberg
faluaaussileRoyavecdeux
de ses Neveux.M le Comte
d'Avaux, Ambassadeur dfe
France auprès des EtatsGéneraux
dès- Provinces unies
s'estant rendu de la Haye à
Luxembourg, y salüa Sa Majesté,
& receut d'Elle de nouvelles
instructions touchant
les negociations ordinaires de
son Ambassade.Lorsqu'il prit
congé du Roy,ce Prince luy
dit qu'ilcontinuastàle servir
de la mesme sorte,& qu'il seroit
content. Cela fit assez
connoistre que Sa Majesté
estoit satisfaite de ses services
passez. Mr Foucher, Envoyé
extraordinaire des Etats Géneraux
auprèsdel'Electeur
de Mayence , eut aussi l'honneur
de salüer ce Monarque.
LeRoy entendit ce jour là la
Messeaux Recolets. & vit enfuite
dans ure Chambre du
Convent le Plan de Trarback
levé par Mr de Montaigu.Je
vous parleray de ce Plan dans
la fuite de ma Lettre. SaMajesté
alla l'apresdinée à la
teste des Tranchées, & des
Lignes, & en examinant la
Place, Elle previt tout ce qui
pourvoit arriver, si on osoit
un jour entreprendre de l'assieger.
Elle fit le mesme jour
la Reveuë des Troupes de la
Garnison, quiconsistoient en
cinq gros Bataillons, & en
plusieurs Escadrons.
Le 14. le Roy entendit la
Messe à la Paroisse, & tint
Conseil le matin & l'apresdînée,
ayant pendanttoutle
temps qu'il a demeuré à Luxembourg
,donné cinq à six
heures par jour, pour tousles
Conseils qu'il y a tenus; de
forte, que le temps qu'il employoit
à voir des Fortifications
& à faire des
-
Reveuës,
estoit celuy qu'il prenoit
pour donner relâche à fan
esprit. Ainsi l'on peut dire
que l'esprit ne commençait
à se reposer que pour donner
lieu au corps d'agir. Pendant
que le Roy n'eliok occupé
que des soins de son
Etat sans se donner un seul
moment de relache
,
la Cour
se partageoit, pour se divertir
selon son goust. Les uns
se
-
promenoient ,
les autres
joüoient , & quelques autres
se rafraîchissoient chez Mrde
Bouflers.Je ne vous diray
point que durant tout le sejour
- que Sa Majesté a fait
dans cette Place, ce Marquis
a tenu plusieurs Tables chaque
jour, tant le soirquele
matin,à un fart grand nombre
de couverts; ce seroitdire
trop peu,puisque non seulement,
tousceux qui ont voulu
manger chez luy y ont
trouvé a toute heure tout ce
qu'ils ont souhaité, mais
qu'on n'a mesme rien refusé
f aucun de ceux qui en ont
envoyé chercher. Commejamais
homme ne fut plus genereux
> jamais dépense n'a
esté faite de meilleure grace.
Mr deBouslers apprehendoit
si fort de n'estre pas à Luxembourgpour
la faire
a.
qu'ilfol^
licita pour n'aller au Camp
qu'ildevoitcommander,qu'aprés
que Sa Majesté seroit
partie. Le Roy qui sçait distinguerladépense
qui n'est
pas interessée,luy a fait un
Present de trois mille Loüis.
Le z5. SaMajesté entendit
encore la Messe aux Jesuites.
Elle se promena de nouveau
à cheval dans les Fossez
) & à
pied sur les Ramparts. Plus
Elle a regardé la Place avec
application,&enaexaminé
les nouvelles Fortifications,
plus Elle en a esté satisfaite ;
8c comme on ne luy rend
point de grands services sans
recevoir des marques de sa libéralité,
par dessus les recompenses
ordinaires, Elle donna
douze mille écus à Mr de
Vauba n.Toutes les Relations
conviennent qu'Elle luy fit
ce Present d'une maniere si
obligeante, que plusieurs
souhaiteroient enavoir acheté
un semblable de beaucoup
plus, & l'avoir receu
Qvec le mesme agrément. JLf
Royafait aussi des Presens
dans toutes les Eglises où il a
esté. Il donnoit une somme
pour les Ornemens. Cette
somme estoit suivie d'une autre
pour les Pauvres, & ces
deux d'une troisiéme, ou de
quelques graces dont il de":
voit revenir de l'argent pour
l'embellissement des lieux. Sa
Majesté n'ayant point mené
de Musique auVoyage )l'un
de ses Musiçiens nommé Mr
de Ville, qui est Chanoine
de Mets> y prit quelques lastrumens,
& quelques voix ,
& fit chanter dans les Eglises
où le Roy entendit la Messe
à Luxembourg, les Motets de
Mrs du Mont, Robert, &
Minoret. Sa Majesté le recompensa
de ses soins, de son
zele, & de sa dépense. Comme
l'argent n'est pas toûjours
ce qui touche davantage,quelques
charmes qu'il ait pour
tout le monde, par l'indispensable
necessité où chacun
cil d'en avoir, le Roy fïr
ouvrir les Prisons à soixante
&dix Malheureux, qui aimerent
encore mieux la liberté
que toute forte de biens;mais
ce Prince ne leur accorda des
graces que selon le genre des
crimes,ne voulant pas que sa
clemence servist à en faire
commettre de nouveaux, à
ceux qui en avoient fait d'enormes,
& que l'on jugeoit
capables d'y retomber,ce que
Mr l'Evesque d'Orléans, Mr
l'Abbé de Brou
,
nommé à
l'Evesché d'Amiens, Mes,
les Abbez de la Salle «
Fleury,& Mrde Noyon Lieu-»
tenant de Mr le Grand Prevost,
ont examiné par l'ordre
du Roy.
Le26.les uns ne songerent
qu'à partir, & les autres s'affligerent
du départ. LaCour
en voyant les Fortifications
de la place, avoir pris un
grand plaisir à se mettre devant
les yeux tout ce qui s'estoit
passé pendant le Siege-
Elle avoit examiné les Attaques&
les Tranchées) admiré
la conduite du General
)
l'intrepidité
des Soldats, le ge.
nie & l'adresse de M'de Vauban
à conserver les Aillegeans;
car le Roy sçachant
l'humeur boüillante des François
, & leur zele pour son
service
, avoit expressément
ordonné à feu Mr le Maréchal
de Crequi, & à Mrde
Vauban,d'épargner les Troupes,
& de prolonger la durée
du Siege,plûtost que de
hazarder le sang des Soldats.
Ce Prince avoit pris ses mesures
pour cela, Il estoit à la
teste d'une Armée pour em-"
pêcher lesecours,&prest à
donner bataille à ceux qui
auroient voulu le tenter.
Lors que la Cour partoit
satisfaite, & toute pleine de
ce qu'elle avoit veu, elle partoit
avec son Prince, & le
devoit toûjours voir; mais
ceuxàqui il ne s'stoit montre
que pour gagner leur
amour,& ensuite les priver
de sa presence,avoient beaucoup
de cbagrin de son départ.
Ce Prince avoit paru
à Luxembourg plûtost enPere
qu'en Roy. Sa douceur & sa
bonté s'estoient fait connoître.
Il s'estoitmontré familier
sans descendre de son
rang; on avoir eu un libre
accés auprés de luy ; ceux qui
luy avoient presenté des Requestes
avoient esté écoutez,
& la pluspart avoient obtenu
les graces qu'ils avoient demandées
;les Prisons avoient
esté ouvertes;laNoblesseavoit
eu un libre accès jusque dans
saChambre ;il avoit permis
plusieurs fois au Peuple de le
voir dîner , ce qu'il avoit
refusé dans les autres Villes,
à cause de la chaleur; ils
avoient admiré la devotion
de Sa Majesté, & la pieté que
son exemple inspire à toute
sa Cour; il avoit fait de
grands dons dans la Ville;
les dépenses ordinaires de là
Cpur y avoient répandu
beaucoup d'argent,ainsi que
le Etrangers que l'envie de
voir ce Prince avoit fait venir
en fort grandnombre; L*
Noblesse avoit esté receuë
aux Tables de la Maison du
Roy,&les Etrangers de distinctionqui
n'estoient pas
venus avec les Envoyez des
Princes Souverains des environs
, y avoient aussimangé;
enfin tout concouroit à faire
aimer, & regreter ce Grand
Prince. Il partit le 26. aprés
avoir entendu la Méfie aux
Capucins,& alla dîner à un
lieu nommé Cherasse.
J'aurois pu vous parler plûtost
du Voyage dont Mr de
Louvois rendit compte ait
Roy à Luxembourg
, mais je
n'ay pas voulu interrompre
la fuite de la Relation que
j'avois à vous faire de ce qui
s'y est passé.CezeléMinistre
partit de Versaillesle30. d'Avril,
passa à Tonnerre & à
Ancy-le-franc,&après avoir
vû les Fortifications de Besançon
, les Troupes, & les
Cadets, il se rendit le 5. de
May après midy à Befort.
C'est la Capitale du Comté
de Ferrette, située dans le
Sunggovv bb 1
Sunggovv,écheuë au Roy
avec l'Alsace par le Traité
de Munster. Mr le Marquis
dela Suze en a esté longtemps
possesseur, par engagement,
ou autrement. Mrle
<C? ardinalMazarinpossedaenfuite
ce Comté, & Mrle Duc
Mazarin, qui luy a succedé,
en jouitpresentement. La
Ville estassez belle. Il y a
un Chasteau, où l'on a fait
quatre Bastions. Mr de Saint
Justest Gouverneur de cette
Ville
>
où Mr de Dampierre,
Lieutenant de Roy, commande
c-iifôn absence. M" de
Louvois visita la Place, les
Troupes, & les nouveaux
Travaux, qu'il trouva en bon
'estât. Ce Ministre coucha
le 6. à Dainm-arie Village
d'Alsace. Il se rendit le 7. à
Huningue. C'est une Place
quiestfort proche de BaDe,
ÔZ qu'on a nouvellement
fortifiée de six Bastions sur
le Rhin ; on y a aussi fait
- des Dehors? & un Pont
ik bois fut le Rhin avec
quelques Ouvrages au bout
pour en fortifierla teste.
Cette Place rend la France
fort puissante sur le Rhin.
Elle est dans l'Alsace. Mrle
Marquis de Puisieux en est
Gouverneur, & Mr de la Sabliere
, Lieutenant de Roy-
Mrde Louvois en examina les
Fortifications,& fit faire reveuë
aux Troupes qui y et;
toient e& Garnison. Le 8. il
coucha à Fribourg, Capitale
c- duBrifgaw
,
située sur la petite
Rivière deTreiseim,i
bout d'une Plaine fertile, &
sous une hauteur qui cft le
commencement de laForest
loire. Elle est grande, bien
)euprlee.&: a diverfcsEcrllfcs,
&: plusieursMaisons Rcligieuses.
Le Chapitre de Basle
y fait sa residence, quoy que
l'Evesque ne l'y faire pas. Il la
fait à' Potentru, depuis que
les Protestans ont esté Maistres
de Basle. Il y a une Chambre
Souveraine à Fribourg,
& une celebre Université,
qu'Albert VI. dit le Debonnaire
,y fonda en 1450. Les
Ducs de Zeringuen ont possedé
autrefois cette Ville; qui
passa dans la Maisonde FULstemberg,
par le mariage d'Agnes
avec le Comte Hugue
ou Egon, dont les Descendans
l'ont gardée jusque
vers l'an 1386. après quoy les
Bourgeois s'estant mutinez,
se donnerent aux Ducs d'Austriche.
Elle fut prise trois
fois en six ans par les Suédois;
sçavoir en 1632.. en 1634. ôc
en 1638. Son nom s'est rendu
fameux dans toute leuropc,
par la celebre Victoire que
feu Monsieur le Prince, qui
n'estoit alors que Duc d'Anguien,
remporta en 1644. sur
les Troupes Bavaroises, aprés
un Combat sanglant & opïniastré
qui dura trois jours,
pour les postes difputcz de
la Montagne-noire., à une
lieuë de Fribourg. Ces trois
jours furent le 3. le 4. & le 5.
du mois d'Aoust. Feu M le
Maréchal de CrequLqui commandoit
une des Armées,du
Ro.yj.piMt cette Villele17.
Noyen).bre1677.aprèsun Sijer
gaevdoeisteapltorosuckhuuxitmjouurrasi.llIelsy»
uneCitadelle
à quatre Ri-
(rions, dç bons FolLz? o~
quelques autres Ouvrages.
Depuis ce temps-làles François
l'ont fortifiée plus regulierement.
La Rivière- du.
Trcifeim, qui n'est jamais
glacée? nettoye toutes les
rues. On a ajoutéquelques
Bastions aux anciennes muraillesde,
laVille,& les Fortifications
du Chasteau ont
este augmentées. On les a
étendues sur toute la hauteur.
C'est un chef-d'oeuvre de Mr
de Vauban. On yaaussi bâty
d'autres Forts qui commandent
à deux vallées. Les
Archiducs d'Autriche y avoient
étably une Chancelleric.
Il y a quatorze Mona.
stercs à Fribourg, & des Maisons
de trois Ordres de Chevalerie.
Mr du Fay en est
Gouverneur, Mr Barrege.
Lieutenant de Roy, & Mr
Roais commande dans leChasteau,
Mr de Louvois dîna le
,. à Brissac,&vit la Place
&les Troupes.Cest une Ville
d'Alsacedans le Brisgavv qui
donne un passage sur le
Rhin. Elle fut prise en 1638-
par Bernard de Saxe, Duc de
Vveimar, General de l'Armée
de Suede? avec le secours des
Troupes Françoises que conduisoit
le Maréchal de Guebriant.
On y trouva plus de
deux censpieces de Canon)
avec degrandesrichesse -y,
l'annéesuivante le Duc at
Vveimar estant malade à.
Nevvembourg prés de Irifac?
le mesme Maréchal de Guebriànts'aflxiraaumoia.
deJ all--
kx de cetteimportante- rl -
ce-,ôc des autres qui fuienc re-r
mises au Roy j&r TwtÇ du
9.Octobre de lamesme aPT
née.Elles surent cedées à Sll
Majesté en 1648. par leTraité
de Vvestphalie
, ce qui, fJu;
confirmé en 1^59<parcehijfr
des Pyrénées,Brisaa,que
quelques-uns juçmmenp la
Citadelle de l'Alsace, &d'autres,
laClef de l' Allemagne,
passè aujourd huy pour une
des plus fortes Places del Eu-
-
rape, soit qu'onregarde sa
situation sur un Mont,soit
qu'on examine ce eue l'arta
ccoonnctrriibbuuééaà la rreennddrree rrce~guu--
liere. Elle est sur le bord du
Rhin qu'elle commande,
C'estoit autrefois la Capitale
duBrisgavv, qui areceuson
nom d'elle, mais Fribourg
l'a emportédepuis quelque
temps. Il y a aujourd'hui
double Ville,car outre cellequi
estoit audelà du Rhin,
onafortifié une lac, qui est
presentement habitée, avec
grand nombre de Bastions.
Ilya aussi des Fortifications
en deçà du Rhin? & toutes
ensemble elles peuvent faire
environ trente Bastions. On
travaille incessamment à cette
Place, que l'on peut dire
imprenable. Il y a dans Brisac
une Compagnie de jeunes
Gentilshommes. Mr le Duc
Mazarin en est Gouverneur
Mr de la Chetardie y commande
en sa place,& Mr de
Farges y est Lieurcnant de
Roy. (
Mr deLouvois vit lemesme
jour p. d'Avril, les Fortifications
de Schleftadt. &
les Troupes qui y font en
Garnison.C'est une Place située
dans l'Alsace sur la Riviere
d'Ill qui porte Bateaux.
Elle estoit autrefois fortifiée
de bonnes murailles & de
fortes Tours, avec un Rempart,
& des Fossez très-larges
&fort profonds. On y a fait
des Battions depuis ce temps,
là. C'est une Place fort considerable
,
où l'on fait un
grand trafic. CetteVilles''est
toujours maintenue Catholique
au milreu de i'Heresie,
& il y a un College de Jesuites.
Mrde Gondreville en,est
Gouverneur, & Mrde la Provenchere,
Lieutenantde Roy.
Le 10. Mr de Louvois allacoucher
à Benfeld,petite "-il.
le de la baffe Alsace
,
assezforte,
&: des mieux entenduës..
Elle, dépend de Strasbourg-
,
dont elle n'estéloignée que
de trois lieues. Elle est sur
la Riviere d'Ill. Mr de Louvois
dîna le 10. à Strasbourg
)
ôc y sejourna le n. vit la Ville,
la Citadelle, les Forts, &
les Troupes. Mr de Chamil-
.Iy) si célébré par la défense
de Grave. en est Gouverneur.
Mr de Louvois logea chez Mr
de Monclar, qui commande
-
en Alsace. Je ne vous dis rien
de Strasbourg, comme je ne
Vous ay rien dit de Besançon,
parce que ces Places sont entièrement
connues. Ainsi je
ne vous ay parlé que de cellies
dont j'ay cru pouvoir
vous apprendre quelques particularitez
quine se trouvent
dans aucun Ouvrage imprimé.
Le 12. Mrde Louvois dîna
au Fort Louis du Rhin.
C'est un Fort qui a este construit
dans une Isle du haut
Rhin, huit licuës au dessous
de Strasboug, & autant,au
dessus de Philisbourg. Ce poste
estoit presque inconnu.
Toute l'Isle qui est au Roy,
estant dans l'Alsace qui ap.
partient à Sa Majesté
,
doit
estre fortifiée. Il doit y avoir
plusieursBastions, & des
Ponts avec des Fortifications
à la teste. Mr de Bregy est
Gouverneur de cette Place.
Mr de Louvois aprèsavoirs
examiné l'estat de ce Fort
allalemême jour coucher à
Haguenau. C'est une Ville
fort marchande en A lsace,située
entre les rivieres de Meter
& de Sorn.On gardoit autrefois
dans cette Ville-là,
la Couronne,le Sceptre, la
Pomme d'Or, & l'Epée de
Charlemagne avec les autres
ornemens Impériaux. C'est le
Siege du Bailly du Langraviat
d'Alsace. Mr de Louvois
coucha le 13. à Britche, où il
visita les troupes & la Place.
Cette Ville qui a un Châteauassez
considerable, est
dans la nouvelle Province
de la Sare. Mr de Morton
en est Gouverneur, & Mr de
laGuierleLieutenant deRoy. |
3MVT de LLoouuvvooiiss, aapprrèèss aavvooiirr
Nifité lesFortifications & les
groupes> alla dînerle14. à goù il-ne la même.
choseavec unepareille
activité.Hombourgeft assez
considerab- eoniiderable>&:estauasusmi dans la Provence de laSarre. M1
lç Marquisde laBretesche
qui commande dans cette
Province,en est Gouverneur,
& ^lr de la Gardette y
commande
en son ablençe,
M de Louvois alla ce jourlacouch
r à.jatrpctip Village
de la Province de la Sare qui
se nomme Cucelle &le1/
il passaàKirnoù il difha
en visita le Chasteau. Il cb.,.-
chaleITlefmejourlTraDeri
proche Trarback, & visita
la Presque-Isle de Traben, oi|
l'on va bastir une Placequi
s'appellera Mont-Royal. Cette
Place dont on n'a oiïy parler
qu'en apprenant qu'on y
travailloit
)
fait aujourd'huy
l'entretiende toute l'Europe,
le Roy n'entreprenant
rien qui ne soitassez grand
pour servir de conversation
au monde entier.Quoyqu'on
parle beaucoup d'une chose
ce n'est pas à dire qu'on en
partetoujours jùftc
) & il est
mesme presqueimpossible
:quton puissefejavoir au vray
toutes les pârticularitez d'une
entreprise
?
dont a peine,
at-on appris qu'on a forme,
le dessein. Tout ce que je
puis vous dire de celle-cy,
c'est que j'ay ramassé avec
grand foin* beaucoup de circonstances
qui la regardent*
&: que quandil y en aur,Qi,t;
quelques-unes qui ne feroient
pas toux à fjut vrayes;
je ne laiffer4 pas, 4c ycxuj
apprendre plusieurrs çbofcî
qu'on ne peut encore vous avoir
dites. Le Roy voulant
couvrir Luxembourg en 3
J - s cherché -lps tnoyeps ?
& lesa
trouvez danssesterresen.déT
couvrant un lieu. propre à
fairebastiruneVille. Ce lien,
se nomme Traben, & pour
parler à lamaniéré du Païs,
il eit à trente heures dç-Liirxembourg,
à douze de Tre"
ves, &à six de Coblens. Je
ne me puis tromper de beaucoup
sur le plus ou sur le
moins) & l'espace que je vous
marque) vous doit donner à
peu prés l'idée de l'éloignément
où ces Places peuvent
cftre les unes des autres. Tra.
ben est à la teste de Luxembourg.
On dit que Cesar y a
Autrefois campé, & qu'il y a
des vestiges d'une espece de
Fossé que l'on pretend avoir
autrefois fermé son Camp,
La Nature semble avoir faifre
ce lieu-là afin que le Roy le
fin: servir à sa gloire. Il n'a
que huit toises de largeur à
son entrée, que l'on dit estre
une escarpe& un rocher inaccessible.
La Moselle, qui n'eâ
point guéable en ces quartiers-
là ,envelope lereste de
son enceinte. L'entrée du
terrein elt occupée par un
plan deSapinsqu'onfaitjetter
à bas pour servir à cette
entreprise. La terre qui rcftc
lontient un des meilleurs
plans
plans de vignes de tout lePaïs,
& quelques champs qui rapportent
de tres-beaux grains,
&l'on trouve outre celaassez
de vin &de grain dans l'étendue
de cette presqu'Isle pour
nourrir une Garnison de trois
ou quatre mille hommes, Les
costes qui regnent vis-à-vis
le long dela Riviere,ne commanderont
point la Place, &
comme on ne pourra l'attaquer
que par le terrain que je
viens de vous marquer, il est
aise delarendre imprenable.
Il ya quatre Villagessur Iesr
crestes de ces costes dont on
pourra tirer de grands secours
pour les premiers Travaux,
L'extremité du plan de lapins
est une grosse source, qui se
trouvera dans lesFossez de la
Place, & qui fournira de
l'eau à la Ville. Elle aura
plusieurs Bastions
>
& fera
touteirreguliere, & tracée
sur la longueur, & la largeur
du terrain. Il y aura autour
de lapresqu'IsledesRedoutes
d'espace en espace
) pour dé-«-
fendre le passage de la Riviere.
Cequ'ilyade surprenant,
]
c'est qu'on peut dire que ce
que le Roy rcfout,est à demy
fait presqu'au moment
qu'il est resolu, au lieu que
pour l'ordinaire les grands
desseins demeurent au seul
projet. A peine eut-on plante
les piquets) que les Baraques
pour leslogemens des Soldats
le trouvèrent faites. Sept Bataillons
travaillèrent. Ils furent
bientost fortifiez d'autres
Troupest & l'onregarda
cette entr^prife avec unétonnement
donton n'cft pas encore
rovenu? sur tout pendant
que le Roy fait travail1er
dans le mcfmc temps àun
fort grand nombre de Places.
Quelque Souverainqui aitjamais
entrepris d'en faire, elles
ont estel'ouvrage du temps
plûtofi que de ceux dont elles
ont pris le nom; puis que la
pluspart nont presquerien
fait de plus, que d'en avoir
mis la première pierre. Voilà
la France à couvertdes infultes
deTAllemagne, & le Roy
fait plus à son égard
? que les
Chinoisn'ont jamais fait par
leur muraille de cinq cens
lieuës de long à l'égard des
Tarures.Le Royaume de la
Chine n'est à couvert que par
une feule muraille, & la Fran-*
ce l'est aujourdhuy par deux
rangs de Places forces, qui
doivent au Roy tour ce qui
les rend redoutables. tvir de
Louvoisaprès avoir sejourne
le 16.a Traben, & avoir,
pour ainsi dire, donnéle mouvement
à tous les bras devoient qui agir pour la gloire
du Roy,& pour la tranquillité
de l'Europe, alla coucher
le 17- a Sare-Loiiis, où il fit
la reveuë des Troupes, &vifita
les Fortifications de la Place
Elle est Capitale de laPro,
Vince de la Sare. Ce n'estoit
cjiTun Village, dont le Roy
a fait une Place tres-reguliere.
On luy a donné le nom de
-,ç,arc-Loüls, qui est un composé
deceluy duRoy,&de
celuy de la Province. Cette
Ville a six Bastions Royaux
avec quelques Demy-lunes,
& d'autres Ouvrages, M de
Choisyen est Gouverneur éc
Mr le Comtede Perin Lieutenant
de Roy. M deLouvois
y sejourna le 18. &le lendemain
il alla àThionville,
où il se donna les mesmes
soins, &pritles mesmes fatigues
que dans les autresVilles
où il avoit passé. Thionville
n'appartient à la France
que du regne du feu Roy.
C'est une Ville du Luxembourg
assise sur la Moselle.
C'estoit une des clefs du
Royaume avant les nouvelles
Conquestes de Sa Majesté.
On a razé Domvilliers, &
quelques autres petitesPlaces
voisines
>
afin de rendre celle-
là plus considerable. Mr
d'Espagne enest Gouverneur;
Mrd'Argelé,Lieutenant de
Roy, & Mr de Bouflers,Gouverneur
de Luxembourg,&:
Lieutenant general de la Pto-T
vince.Mr deLouvois a trouvé
dans toutes les places qu'il
avisitées,les Troupes & les
Fortifications fort belles. Le
Canton de Basle luyenvoya
faire compliment à Huningue,
& Mrl'Electeur de Treves
fit la mesme chose pendant
que ce Ministre estoit à
Trarbach, Les Magistrats de
tous les lieux qu'il avisitez,
l'ontaussi complimenté, &
les Gouverneurs des Provinces
&des Places que je viens
de vous nommer,& M les
Jntendans la Grange ôc la
Goupiliere ont fait tout ce
qu'ils ont pu pour le bien reé
galer; mais ce Ministre toûjours
agissant n'avoîtqu'à
peine le temps de voir les Repas
qu'on luy preparoit par
tout. Jamais on n'a fait tant
de chemin) ny vu tant de
Villes
,
de Remparts, & de
Troupes, en si peu de temps
Lors qu'on sert ainsi fou
Prince,on le fait servirde
mesme
; & quand les desseins
du Souverain font grands, on
ne voit rien qui ne sente le
prodige. Mr de Louvois dîna
le 20. à Luxembourg,où Sa
Majesté arriva l'aprésdinée.
Je vous ay fait un détail de
tout ce qui s'y est passé,&
vous ay dit que le Roy alla
le 26. dîner à Cheranc. Ce
Prince coucha à Longvvy,cù
• aprésavoir vu faire l'exercice
aux Cadets dans la Place d'armes
, il en choisit quatrevingt,
pour les mettre en diversCorpsenqualitéde
Sousl^
ieurenans, comme jevons
l'aydéja marqué. La Cour
alla dîüer le 27.à Pierre- Pànt.
Sa Majesté montaà cheval
l'apresdinée
, & arriva te soir
àEtain -en prenant le diver-^
tissement de la Chasse. Sa Ma>-
jesté y fut receuë par Mr de
Verdun. Elle entendit la
Messe le 1$. à la ParoiiTe,Se
fit de grandes liberalitez au
Curé5 & aux Capucins qui
sont établis en ce lieu-là,quoy
qu'Elleleur en eust déja fait
en y passant la premiere fois.
Elle dîna le mesme jour à
Verdun chez M" 1tveique,
à quiElleavoit donnéordre'
le jourprécedent pour 'lC{
âaiur qui fut chanté en
Musique sur les six heures dtV
soir. Toute la Cour y am,
ffcaravec une devotion qvd
répondoit à la pieté du Roy.
Le lendémain 29jour du,
S. Sacrement ,
la pluspart dM
Dames qui avoient accompagné
ce Prince , firent leurs
devotions, ce qui parut fort
édifiant. Le temps estant extremement
pluvieux, on ordonna
que la Procession se
seroit feulement jusques à
l'EglisedesJesuites, & qu'elle
reviendroitaussi-tost dans Ii
Cathedrale. La Procession
commença par les Paroisses
de la Ville, suivies des Mandians,
& autres Religieux.Le
Clergé estoit en fort grand
Nombre, accompagne des
Gardes de la Prevosté
,
des
Cent-Suisses de la Garde, ôc
des Gardes du Corps,qui marchoient
sur deux lignesa coté
de la Procession. Messieurs
les Princes du Sang estoient
immédiatement après leDais.
Monseigneur le Dauphin pa..
roissoit ensuite ; deux Huisfiers
portantdesMasses precedoient
le Roy, qui avoit auprésde
luy lePere de laChaise,
& fesAumôniers.Les Princesses
marchoient aprés, suivies
des Dames les plus distinguées,&
ces Dames l'estoient
d'ungrande nombre de Seigneurs
, & d'Officiers de la
Maison du Roy. Le Presidial
deVerdun marchoitenCorps,
Se MP de Ville suivoient le
Presidial.Aprés cette longue
file quiétoiten fort bonordre,
venoit une foule de peuple
innombrable, sans compter
ce qui se trouvoit encore dans
la Ville. Presque toute laLorraine
s'y estoit renduë,&on
en voyoit jusque sur les toits.
On s'arresta à deux Reposoirs,&
la grande Messe fut cclebrée
par Mr l'Evesque de
Verdun. Le Roy, & toute la
Cour occupoient la droite
des hautes Chaises. LesChanoines
estoient à la gauche,
& la Musique au milieu du
-Choeur; elle s'acquita assez
bien de tout ce qu'elle chanta.
Sa Majesté alla à l'Offrande,
& aprés la Messe Elle eut
à peine le temps de dîner *
pour retourner au mesme
lieu, oùla Cour entendit Vespres.
MdeVerdunofficia encore.
Au sortir de cette Eglise,
le Roy se promena autour
de la Citadelle
)
&: alla
voir les Ecluses, qui sont presentement
achevées, & dont
on se doit servit pour empêi
cher qu'on n'approche de la
Ville du costé où elles sont.
Mr deLouvois alla jufclu-aa
lieu où les eaux remontent.
Plusieurs Particuliers ayant
eu leurs beritages endommagez,
ont esté remboursez par
la bonté de Sa Majesté
, quoy
que cet ouvrage foit pour la
défense de leur Patrie.
Le 30.le Roy entendit encore
laMessedans la Cathedrale,&
Mrde Verdun luy
presenta de l'Eau-benite.Ce
Prince eut la bonté de faire
une remontrance au Chapi
tre,) pour l'exhorter de bien
vivre avec son Eve[quc) &
comme il sçavoit que les Chanoines
estoient en possession
depuis un fort grand nombre
d'années
?
d'estre debout pendant
l'Elevation, il leur deT
manda qu'en sa consideration
ilssissent une Ordonnance
pour abolir cetusage, à quoy
ils ne s'opposerent pas. La
Musique chanta un Motet sur
le rétablissement de la santé
de ce Prince, & receut en
mesme temps des marques de
sa libéralité, Toute la Cour
alla ce mesme jour dîner à.
Brabant, & arriva un peu
tard à Sainte-Menehout. M1
l'Evesque de Châlons s'y
trouva avec quelques Ecclesiastiques
qu'il y avoit ame.
nez. Mr le Duc de Noailles
ayant de son costé amené de
LuxembourgMr de Ville, &
prisà Verdun des Musicièns,
qui se joignirent à d'autres
qu'il avoit fait venir de Châlons,
le Salut fut chanté en
Musique aux Capucins sur
les septheures du soir. M de
Châlonsy donna la benediction
du S. Sacrement. Les
Capucins furent extrêmement
édifiez de voir que la
Cour, à l'exemple de son Souverain
faisoit paroistre une
grande pieté. Ils connurent
encore celle de ce Prince, par
les presens qu'il leur fit le
lendemain en partant, quoy
qu'ils en eussent déja receu
lors qu'il estoit paffé à Sainte-
Menehout, pour se rendre à
Luxembourg.
Le 31. le Cour dîna à Cense
de Bellay & allaà Châlons,
où elle trouva un nombre mfïny
depeuple qui s'y eftoic
assemblé
; croyant qu'elle y
passeroitla Feste de Dieu, cqui
seroit arrivé, si la maladie
de Monsieurle Comte de
Toulouse n'eust point rompu
les mesures que l'onavoit prises.
Le Salut fut chanté par
la Musique avec beaucoup de
iolemnité?M1deChâlonsef-
-tantà lateste desonChapi-
"tre. L'Eglise,& les ruës es-
Iaient si remplies
, qu'on
croyoit estre au milieu du
Peuple de Paris. Un nombre
infiny de routes sortes de gens
qui cherchoient à voir le
Roy, occupoit le Jare , &
Tonassure -qu'il n'y en avoit
jamais tanteu.
Ii
Le premier Juin, le Roy
dîna à Bierge, & coucha à
Vertus. Il y entendit le Salut
à la Paroisse, où il y eut une
Musique tres-agreable
,
soutenue
desHautbois des Mousquetaires.
M de Châlons y
officia,assistiéde M de Luzanfy
& de Lerry? qui ont des
Abbayes en ce lieu.
Lei. on partit de Vertus
à dix heures
du
matin, après
avoir entendu la Messe, pendant
laquelle la Musique continua
de chanter des Motets
de M1r du Mont. On ne sçauroit
trop admirer le zele&
l'activitéde Mrde Noailles,
pour le service de Dieu & du
Roy.M deChâlons aofficié
pendant l'Octave du S. Sacrement
, par tout où Sa Majesté
a esté dans son Diocese,
& il s'est par tout trouvé de
la Musique, par les soins de
M le Duc de Noailles son
frere. La Cour alla de Vertus
dîner à Etoge. C'estunlieu
toutremply d'agrémt.Lebastimentenest
beau,les Jardins
en sont charmans
, & l'abondance
des eaux y donne tous
les plaisirs que l'on en peut
recevoir. Ce lieu appartient
à Mr le Marquis d'Anglure,
& sert de retraite à deux freres
& à une soeur, qui par
leur mérité sefont fait une reputation
qui s'estrepandüe
bien avant dans le Monde. La
vertuest leur passion, la charité
fait leur employ, & leur
pieté est exemplaire. Le Roy
leuravoit fait dire qu'il difneroit
chez eux sans les embarasser,&
quoy qu'il n'euisent
pas l'avantage de donner
à mangeràSa Majesté,ny par
consequent l'honneur de la
servir,leur magnificence ne
JailTa pas de paroistre i la maniere
dont ils traiterent toute
la Cour. L'abondance fut
si grande aux tables qu'ils
firent servir
, que celle du
Chambellan ne tint point,
Monsieur le Prince qui mange
ordinairement à cette table
, ayant fait l'honneur à
cesillultres Solitaires de manger
àcelle qu'ils luyavoient
fait préparer. Le Roy inftruit
de leur vertu voulut sçavoir
le détail de leur vie dans
une solitude si peu commune
à des personnes de cette
qualité. Ce Prince apprit que
lesFreres faisoient le plaisir
- - de
de la Soeur, & la Soeur celuy
des Freres? que leurs heures
font reglées pour leurs exercices
ordinaires qui estoient
toujours égaux, sur tout la
Messe
,
les prieres frequentes,
& la visite des Pauvres. Un
fils de l'aisné qui n'a pas encore
cinq ans, eut l'honneur
de manger avec le Roy. Pendant
queSa Majestéfaisoit
son plaifirde s'entretenir de la
pieté de ses hostes,onluy apprit
que Madame la Princesse
deConty avoit un malde teste
& unedouleur de gorgequi
faisoient craindre que cette
Princesse ne fût bientost attaquée
du mesmemal qûeTilc
le Comte de Thoulouze avoit
essuyé à Luxembourg.
Le Roy ordonna qu'on
fïftauffitoft partir pourMo zmirel,
& se prepara a quitter
1-oge pour ta suivre.Il ne faut
pas que j'oublie à dire qu'il ya
une galerie dans ce Chasteau
qui plut beaucoup à Sa Majesté,
& qui auroit fait plus
long-temps le plaisir de toute
la Cour? si elle n'avoit point
esté pressée de partir. Elle
contient les Portraits- de tous
les grands hommes qui ont
paru en Europe depuis environun
Siècle, &; les Portraits
de ceux qui ont vescu
çlaAs, lemesme temps,-sont
pppofez les uns aux autres,
comme pour en faire des
paralelles; leurs principales
actions& leurs alliances font
marquées au bas. Cette Galerie
est plus curieuseque
magnifique, & l'on y voit
regner une simplicité debon
goust
, qui attire plus de
loüanges à ceux à qui appartient
cette maison, qu'une
magnificence mal entendüe..
-
Le Roy ayant quitté un lieu
jS delicieux
,
arriva de bonne
heure à Montmirel. Mr de
Louvois, comme Seigneur du
lieu, receut Sa Majesté à la
descente de son carosse. Ce
qu'on avoit soupçonné du
mal de Madame la Princesse
de Conty? arriva.Les rougeurs
parurent?&elle fut faignée
le lendemain au matin.
Sarougeolle estoit tres forse?
mais les Medecins dirent
qu'ellen'estoit pas dangereuse.
On Iaifïa aupres de
cette Princesse MrPetit,Pr-emier
Medecin de Monseigneur,&
Mr DodartsonMedecin,
avec MrPoisson, Apotiquaire
du Roy. Comme
ce Voyage approchoit de sa
-fin, la
-
Cour commença à défiler,
& M[ le Prince de
Conty partit pour Paris. On
dit ce jour-là des Messes
tout le matin, & à sept
heures du soir il y eut Salut.
LePrieur Curé, qui est un
Religieux de S. Jean de Soissons
,
fit la céremonie.Le
- 4. Monseigneurle Dauphin
ayant
beaucoup d'impatience
de - revoir Madame la
Dauphine, receut de Sa Majesté
la liberté de partir. Ce
Prince
-
arriva le soir mesme
à Versailles. Plusieurs personnes
quitterent la Cour cC;
jour-là. Les Prieres se firent
comme le jour precedent;on
fut fort en doute si on partÍroÍr,
on reeeut des ordres
pour le depart, & ces ordres
furenr révoquez. Le jour de
FOccave du S. Sacrement,le
Roy ayant sceu à quatreheures
& demie du matin l'estac
--de la maladie de Madame la
Princesse de Conty
?
Ordonna
à Mr de Louvois de faire
partir les Officiers, & cependant
cc Prince , quine songe
pas moins a
-
remplir les aevoirsdeChrestien,
que ceux
de Roy, demanda au Pere de
la Chaise
,
s'il estoit Feste dar s
le Diocese de Soissons,& s'il y
avoit obligation pour ses Officiers
d'entendre la Messe, &
pour luy
3
d'assister à la Procession.
Le Pere de la Chaise
luy repondit, qu'il estoit obligé
d'entendre la Messe
) &
non d'aller à la Procession
mais que cependant il feroit
mieux que Sa Majesté rendist
ce devoir aux ordres de l'Egli[
e,quia étably la Procession
de l'Octave. Il n'en falut
pas davantage pour faire
ordonner qu'on cLft coniti-*
nuellement des Messes, ôc
quoy que les Cloches qui
font fort grosses, fussent
près de la Chambre du Roy,
parce que l'Eglise est dans
le Chasteau, ce PrinceVOUrllut
qu'on les sonnast toutes.
Il entendità huit heures
& demie une Messe,dite par
un Chapelain de quartier.
Cependant le Prieur accom*
pagné d'un Diacre,d'un Sous-
Diacre
,
de trois Enfans de
Choeur, dehuit choristes, &
de huit Chapiers tirez de la
Chapelle du Roy, se preparoit
dans la Sacristie. La Procession
commençasur les neuf
heures; on dit ensuite la
grand' Messe,& le Roy partit
pour aller dîner à Vieu-
Maison,quiappartient à Mr
Jacquier. Monsieur le Prince
quitta la Cour, pour se rendre
à Paris. On coucha ce jourlà
à la Ferté sur Joüare dans
le Diocese de Meaux.M l'Evesque
de Meaux s'y trouva
avec quelques Abbez, & ses
Aumôniers.Onchanta le Salut
en plein Chant à la Paroisse
, & la bénédiction y fut
donnée parcePrelat. Sa Majesté,
qu'une marche continuelle
n'a détournéed'aucune
des fonctions de piet
» dont Elle s'acquite avec in
zele si édifiant, termina ce
cette forte tOétave du S.
Sacrement. On dîna à Monceaux.
Mr de Gesvres, comme
Gouverneur du lieu >^vo-t
fait au Roy pendantledîner
un present defruits,de fleurs
& de Gibier, d'une rh-iiierç
tout-à-fait galante. On traversa
Meaux iar,fulr, , &
on alla coucher à Caye. Le
lendemain, Monseigneur entendit
la Messeà Versaillesà
six heuresdumatin,&priten
suite la Poste pour se rendre
à Livry
3
où l'on attendoit le
Roy. Il estoit accompagne
de Monsieur le Prince de
Conty, de Monsieur de
Vendosme 5Se.de plusieurs
Seigneurs de la Cour. Ils
y arriverent sur les dix
heures & demie. Monseigneur
changea d'habit, & aprés
avoir pris quelques
- rafraifchissemens,
ilalla au devant
de Sa Majesté, quiarriva
sur les onze heures & demie.
Le Chasteau de Livry est
depuis long - temps dans la
Maison de MrSanguin, Sa
situation est charmante
, &
dans le voisinage d'une Forest
tres-agreable,& tres- propre
pour la Chasse. On voit un
beau Jet d'eau dans le milieu
de la court. Le grand corps
de Logisest terminé de chaque
costé par un Pavillon,
dont l'un fait face au Jardin,
& à l'Orangerie. Le Parc qui
est au bout, répond sur le
grand chemin. Le Roy descendit
de Carosse à la grille
de ce Parc. Monseigneur l'y
receut accompagné des Princes
qui l'avoient suivy. Madame
Sanguin) Mcre de Mr
le Marquis de Livry. Mr l'Evesque
de Senlis Madame de
Livry, & quelques autres personnes
de la Famille, reeeurent
Sa Majesté à la porte du
Jard in. Elle les faliiaj& leur
parla avec cet air doux &majestueux
qui luygagne tous
les coeurs. On servit le dîné à
midydansl'anti-chambre du
Roy. Elleestoit richement
meublée, & tenduë. des belles
Tapisseries
,
dont le feu
Roy d'Angleterre fit present
à M de Bordeaux, Pere de
Madame Sanguin, lors qu'il
estoit AmbaOEadeurauprés de
ce Prince. Le Buffct estoit
dressé dans une Salle qui joint
l'antichambre. On ne peut
rien ajoutera la propreté,&
au bon ordre que Madame
Sanguin avoit mis par tout.
Les Appartenons estoientornezavecun
agrément admirable,
& que l'on remarque
dans tout ce qu'elle fait. Mr
l'Evesque-de Sentis &M de
Livry sirent les honneurs;
mais ce dernier ne laissa pas
d'exercer sa Charge de premier
Maistred'Hostel. On
servitenpoisson avec autant
d'ordre qu'il yeut de delicaft{
fe & d'abondance. Monseigneurmangea
avec le Roy.
Les Dames qui eurent l'honneur
d'estre àla Table de Sa
Majcfté> furent, Madame la
Duchesse, Madame d' Armar.
gnac, Madame de Maintenon,
Madame de GramoRÇ*
Madame Sanguin, Madame
de Livry, &: Mademoiselle
de Sourdis,qui ayant esté
élevée chez Madame Sanguin,
ne la quitte point de-
-
puis long-temps. Les Princes
quiavoient suivy Monseigneur,
furent servis à une
autre Table. Celle du Grand
Maistre fut servie après le
dîné du Roy. Sa Majesté se
retira dens sa chambre au
sortir de Table. Elle y demeura
quelque temps,& partit
ensuite
,
après avoir fait
de grandes honnestetez à Madame
Sanguin,à M deSenlis,
& à Madame de Livry
)
& leur avoir dit, qu'Elle
n'avoit point esté si bien traitée
dans tout le Voyage.
Quoy que toute la Famille ait
part à l'honneur de cette Feste,
on peut dire que Madame
Sanguin s'est attiré beaucoup
de louanges , & d'estime,&
qu'elle a réussi dans
:.tour ce que la Cour attendoit
d'elle. Ce n'est pas d'aujourd'huy
que la Famille de Bordeaux
s'estdistinguée dans
toutes les choies qui ont regardé
leRoyCePrince donna
ce jour-là à Mr deMassigny,
l'un de ses Ecuyers,cinq cens
écus de pension. Cette grace qui n'avoit point esté demandée,
tomba sur un Sujet
d'autant plus estimé de toute
la Cour, qu'on luy a toûjours
remarqué un grand attachement
pour la personne
de son Prince. Le Roypassa
l'aprésdînée dé fort bbnéfe
heure par Paris, au bruit des
acclamations du Peuple, &
se rendit à Versailles
)'
ou
Monsieur & Madamel'attendoient.
Sa Majesté trouva
en y arrivant un nombre
infiny de personnes de la première
qualite, qui s' y étoient
rendues pour la salüer à la
descente deson Carosse. Plufleurs
Conseillersd'Estat?
ôc Maistres des Requestes,
eurent aussi cet honneur.
Elle montaaussi-tost à 1Appartement
de Madame la
Dauphine, pour voir certç
Princesse, & se promena
ensuite à pied pendant quatre
heures dans les Jardins
deVerailles.Ellevisita tous
les Ouvrages nouveaux qu'on
y avoit faits pendant sen
absence
,
&vitunfort grand
nombre d'Orangersquc'?Elle
avoit donné ordre de placer
dans l'Orangerie, du nom- bre desquels estoit l'Oranger
nomméleBourbon
,
qu'on dit
avoirenviron cinq cens ans.
Une si longue promenade à
pied au-retour d'un Voyage,
donna beaucoup de joye à
toutela Cour, parcequ'elle
estoit une marque de la parfaite
santé du Roy. Le 8. M"
le Cardinal Nonce, les Ambassadeurs
, les Ministres des
Princes Souverains qui sont
icy , & la pluspart des Chefs
des Compagnies superieures,
se trouvèrent au lever de Sa
Majesté, & luy firent compliment
sur son heureux retour.
Jamais ce Prince nes'étoit
mieux porte, & n'avoit
paru de meilleuremine, quoy
que pendant le cours du
Voyage, il se fust toujours
exposé à la poussieres dont il
auroit pû se garantir, si sa
bonté ne l'eust porté à vouloir
satisfaire à l'empressement
que les Peuples de la
Campagne avoient de le voir,
sur tout après une maladie
quiavoit fait paroistre l'excès
de leur amour pour ce Prince.
Le jour iuivancJa foule
continua à son lever &: cc
Prince voyant sa santé parfaitement
rétablie) puifquc
les fatigues d'un long Voyage
ne l'avoient pu alterer ) recompensa
en grand Roy,ceux
à qui, après Dieu & les voeux
de ses Sujets, il en estoit redevable.
Il donna cent mille
francs à Mr Daquin son
premier Medecin
3 quatrevingt-
mille à M Fagon, premier
Medecin de la seuë
Reyne, en qui il a beaucoup
de confiance, & dont la reputation
est solidement établie,
&: cinquante mille écus
à MrFélix, son premier Chirurgien.
Quelque temps auparavant
, Sa Majesté avoit
donné une somme considerable
à M Bessiere, qui pane
pour le plus fameux Chirurgien
de Paris, & qui avoit
esté consulté dans le temps
du mej du Roy. Voilà de
grandes recompenses , mais
qu'auroiton pu moins. faire
pour des personnes ÎL qui la
francs estsi redevable) &- à
quil'Europedoitlafuite de
1a tranquillité dont elle
jouit ?
Le Roy après son retour
donna un magnifique repas
atou-tes-lesDamesquiavoient
esté du Voyage
Jpendant
lequel
les soins de Sa Majesté
leur ont épargné beaucoup
de fatigue, les divertissemens
s'esxant mesme trouvez par
coût ainsi qu'à Versailles;
mais quandily auroit eu des
peines à essuyer pour cc qui
s'appelle la Cour,leplaisir de
voir quelquefois le Itoy sans
estreaccomrpagoné de la foule qui l'environne toûjours à
Versailles
)
& d'avoir le bonheur
de luy parler plus facilement
lour des choses qu'on
ne pourroit trop payer,Jamais
Prince n'ayant paru si
charmant que ce Monarque,
lors qu'il veut bien avoir la
bonté de se dépoüiller de sa
grandeur, il ne se montre
point dans ces momens,qu'il
ne gagne autant de coeurs
qu'il s'attire d'admirateurs
par
~par les grandes actions. Mr
e Comte de Tolouse arriva
e 8. à Versailles
, & Madame
a Princesse de Conty le 11.
'un & l'autre dans une par-
:11tc faute
> ce qui donna
beaucoup de joye à toute la
Cour,dont ils font lecharme
, & deux des principaux
ornemens.
FI N.
1 DV VOYAGE
DE
SA MAJESTÉl
A LUXEMBOURG.
E vous l'aypromis
,
Madame. Il faut
vous satisfaire sur le
grand Article du Voyage
de Sa Majesté à Luxembourg,
Pc. comme vous m'avez ordonné
de n'enoublier aucune
des circonstances, elles
feront le sujet d'une Lettre
entière. Un pareil Journal
doit estre agréable aux Curieux
Tout le monde scait
que le Roy ne peut faire un
pas hors le lieu de sa résidence
ordinaire, que toute
l'Europe ne soit aussi-tost
en mouvement. Le bruit de
ce Voyage n'eut pas plûtost
Commencé à se répandre,
qu'elle fit paroistre de grandes
alarmes. Mais que pouvoit-
elle avoir à craindre?
Elle devoitestre persuadée,
que le Monarque qui luy a
donné la Paix? n'avoir aucun
dessein de la rompre.
C'est son ouvrage, & loin
de songer à le détruire,Sa
Majesté fera toûjours preste
à faire repentir ceux qui travailleront
à troubler le calme
qu'il a étably. Un pareil
dessein ne sçauroitestre
conceu que par des Ambitieux
opiniâtres, & trop constamment
jaloux de la grandeur
de ce Prince;mais c'est
àeux seuls à craindre, dans
letemps qu'ils veulent rendresuspectes
toutes ses démarches,
& jetter dans les
cfprits des frayeurs seditieuses,
afin d'exciter dans la
plus grande partie des Etats
voisinsle desordre & la confusion,
sans quoyils demeurent
dans une fâcheuse obsçuiipé?
qui leur est beaucoup
moins supportable que la
douleur que les Victoires du
Roy ont dû leur causer
, pour
ne pas dire, leurs continuelles
défaites. Comme il y a
peu de Regnes qui ne plaisent
,
a quelques chagrins
que l'on puisse estre exposé
en regnant ,ils voudroient
toûjours jouir de la tristesatisfaction
qu'ils ont de com*.
mander aux dépens de la
tranquillité de l'Europey
mais le Roy quien est leBienfai£
teur> & le Pere, voulant
luy conserver le repos qu'il
luy a si genereusement procuré,&
dontil lafait jodir.,
malgré lescontinuels obstacles
qu'on oppose inutilement
à sabonté, renverse
tous leurs desseins par sa prudente
conduite &: par sa perseverance.
Les défiances que
l'on a voulu donner de son
Voyage) donton pretendoit
que de secrets desseins estoient
les motifs, ont esté
une occasion au Roy de confondre
les Ennemis de sa
gloire. Il n'a pu soffrir qu'on
crustqu'il déguisast ses intentions
,8z pour empescher
que leur sincerité ne fust
foupçonnée
9
il a bien voulu
donner un éclaircissement,
quien faisant voir la bonté
qu'il a de'ne point chercher
à troubler l' Europe qu'il a
l, pris foin de pacifier, a servy
encore, par des assurances
publiques,& dont aucun
Prince ne pouvoir douter, à,
dissiper les frayeurs que les
.1n.1.1 intentionnez avoient
jettées dans les coeurs timides,
afin de parvenir à leur but.
Non seulement ils n'y sont
point parvenus ?
mais tout ce
qu'ils ont pû dire, n'a fait que
fairemieux voir combien le
pouvoir du Royest redoutable,
puisqu'ilsontété obligez
de faire connoistre eux-mêmes
par toutes les chosesqu'ils
ont avancées, qu'il suffitque
ce Monarque fasse une entreprise
pour y réiiflir
, & que
s'il veut vaincre, il n'a qu'à
combattre. On a sujet de les
croire. Ils n'ont pas eu desfein
de flater
,
&sur ce qui se
publie de cette nature ,
les
Ennemis sont plus croyables
que d'autres, puis que leur
sincerité ne peut estresoupçonnée.
Mais comme vous
pourriez douter de la mienne
lors que je vous parleai
& croire que je me suis formé
exprés des monstres pour
les combattre, en faisant paffer
mes conjectures pour des
veritez,à l'égard de tout ce
que je viens de vous dire dt.
l'inquietude que l'on a voulu
donner à la plus grande
partie de l'Europe, pour luy
faire prendre de l'ombrage
des desseins du Roy
?
voicy
une piece justificative.
Sa Majesté
,
à qui rien n'est
inconnu, tant à cause de sa
vive penetration
, que des
foins qu'elle prend sans cesse
pour bien s'acquiterde ce que
son rang demande,sçachant
ce qui se disoit du dessein
qu'Elle avoit pris de faire un
VoyageàLuxembourg, voulut
faire voir la mauvaise intention
de ceux qui en répandant
des bruits contraires
au repos public, pretcndoient
venir à bout de leurs entreprises.
Dans cette pensée, Elle
ordonna à Mrle Marquis de
Croissy Colbert
,
Ministre &
Secretaire d'Estat
, ayant le
département des affaires étrangeres,
d'écrire une Lettre
à Mrle Cardinal Ranuzzi,
Nonce de Sa Sainteté enFrance.
Voicy à peu prés le sujet
de cette Lettre. Ive de Croisfy
marquoit à ce Cardinal
que le Roy luy avoit commandé
d'informer son Eminence de la
resolution qu'ilavoit priscel'al.,
lerdans le mois de May à Luxembourg
, CJTouencore que Sa
Majcflr n'eustpas accoûtumé de
rendre raison de Jes actions,
comme Elle ne vouloit pas
néanmoins renouveller l'alarme
qu'on dvùitprise sans fondement
de l'ouverture qui a esté
faite du convertissement de la
Tréve en un TraitédePaix ; Elle
luy avoit ordonné de /'assurer de
sa part ,
qu'Elle ne faisoit ce
Voyage que pour satisfaire la
curiosité qu'Elle avoit de voir
Elle-mesme en quel estat estoit
otlors cette place;, d'oùelleseroit
de retour,troissemaines, ou tout
A-U plus tard un mois aprésqu'Elle
seroit partie de Versailles;
qu'Elle se promettoit que son
Eminence empescheroit par Je$
Lettres tant à Sa Sainteté que
par tout ailleurs où ellel'estimeroit
à propos , que ce Voyage ne
donnast de l'inquietude aux
Etats Voisins
, 0* qu'aucun
Prince ne pustprendre le pretexte
de la marche de Sa Majestéspour
refuseràl'Empereur lessecours
ausquels ilsseseroientengagez,
Sa Majesté n'ayantpas d'autre
dessein que celuy dontElle l'avoit
chargéde l'instruire.
Cette Lettre qui fut écrite
à Marly,estoitdattée du quatrièmed'Avril.
MrleNonce
qui s'apliqueavec tout le foin
imaginable à tout ce qui peut
maintenir la paix, la reçût
avec une extrêmejoye.Il en
envoya des copiesdans tous
les lieux, où ille crut necessaire
pour remettre les esprits,
& n'en refusa point aux Ministres
Etrangers qui sont à
Paris, ny mesme à tous ceux
qui prirent la libertédeluy
en demander ; de forte que
cesCopies s'estant multipliées
en fort peu de temps , cette
Lettre devint aussi-tost commune.
Chacun l'envoya à ses
Amis, &. elle courut incontinent
, non feulement dans
les Provinces de France;mais
encore dans les Pays Etrangers.
Comme le Roy na
jamais manqué à sa parole,
&que tout le monde en est
fortement persuadé
,
les esprits
qu'on avoit voulu inquicter
en leur faisant entendre
que le Voyage de Sa
Majestécouvroit des desseins,
€jui devoient troubler la tranqnilité
de l'Europe, furent
rassurez> & les ambitieux qui
ire cherchoient qu'à renouseller
la guerre en proposant
<de faire une Ligue pour l'éiriter
, demeurerent dans une
Extrême confusion par l'impossibilitéqu'il
y avoit de
venir à bout de leurs desseins.
On ne parla plus que du
Voyage, mais on en parla
d'une autre maniere qu'on
n'avoit fait jusque-là, & ceux
quiavoientvéritablement apprehendé
devoir le Roy à la
teste d'une Armée par les
soupçons qu'on avoit tâché
de jetter dans leurs esprits, se
proposerent de le venir admirer
lors qu'il feroit sur leurs
frontières
?
& ce fut pour eux
un fort grand sujet de joye
s d'esperer de voir de prés, &
de considerer avec toute l'attention
que demandoit leur
curiosité? un Prince qui remplit
tout l'Univers du bruit
de son naIn, & de ses vertus.
Pendant que la Noblessedes
Pays voisîns de Luxembourg:
goûtoit par avance le plaisir
qu'elle attendoit en voyant
le Koy & qu'elle en avoit
l'idée remplie,comme on l'a
ordinairement de toutes les
choses.guc l'onsouhaiteavec
passion, ceux qui estoient du
Voyage s'y preparoient; d'autres
en parloient & d'autres
écrivoient sur ce sujet.Voicy
une Devise deM Magnin de
l'Academie Royale d'Arles,
surceVoyage.Le Soleil estoit
alors au figne du Belier. Cette
Devise a pour mot
CURSUM INCHOAT
OMINE MITI.
Il renouvelle son cours
Sous de fortunezpresages;
Loin d'icy
)
sombres nuages,
Nous n'aurons que de beaux
jours.
Ces Vers convenoient a£-
sez à ce qu'on venoit de publier
touchant les desseins
cachez fous le Voyage du
Roy.
Voicy une autre Devise
de Mr Rault de Roüen, sur
ce mesme Voyage daSa Majesté,
allant visiter ses Conquestes
,&voir ses nouveaux
X Sujets. Cette Devise a pour
corps le Soleil en son midy
sansnuages & sans ombreJ
&jettant de benignes influences
sur les Regions par
où il passe. Ces mots en sontl'ame.
FELICI BEAT
ASPECTU.
Tel que paroist le Dieu du
jour
Porté dans son char de lu
miere
,
Quand par chaque Climat il
faitsonvaste tour
Pourvisiter la terre entiere
J
k
Et que parsesbrillansrayons
Il produit en tous lieux les biens
quenous voyons;
Tel l'Augure LOUIS ruifitant
ses Conquestes,
Quelque part qu'il porte les
yeux,
SurJes Sujets nouveaux qui s'offrent
en ces lieux,
Répandsesfaveurs toutesprefies,
Et quoy qu'il fajfe voir la fierté
du Dieu Mars
,
( Sesyeux nont que de doux
re7g,ardsoLe
temps du Voyage s'avançoit,
& l'on estoit presque
sur le point de partir,
lors que le Roy fut attaqué
d'un grand Rhume. Mais
loin que cet accident sist
prendre aucune résolution
contraire à ce qui avoit esté
arresté, Sa Majesté ne retrancha
pas mesme un quartd'heure
des Conseils qu'Elle
avoit accoûtumé de tenir-
Mr de Louvoispartit quelques
jours auparavant , pour
unVoyage de prés décrois-
-- - .-- - - - --
cens lieues,& Mr de Seignelay
partit de son costé pour
aller voir les Fortifications de
Dunkerque. Comme il faut
donner quelque ordre à cette
Relation, je ne parleray de
leur Voyage que quand je
vous marqueray leur retour
auprès du Roy, Je vous diray
cependant qu'en s'éloignant
de Sa Majesté,ils avoient
toujours la mesme
part aux affaires. Rien n'est
aujourd'huy épargné en
France pour le bien de l'Etat,
&.
& le Roy, par le moyen des
Courriers
> peut conferer tous
les jours avec ceux qui sont
éloignez de luy.MrdeCroissy
fut le seulMinistre qui
devoit accompagner Sa Majesté.
Le Controleur GeneraI,
dont la presence & les
foins font toûjours neccffaires
icy,ne fait jamais aucun
Voyageavec Elle. Mais comme
je viens de vous le marquer,
ceux qui ont affaire au
Roy,parlent, pour ainsi dire
i tous les jours à Sa Majesté
?
quelque longue distance
qui les en feparc ,rien n'estans
épargné pour cela, & les
Postes du Royaume n'ayant
jamais esté en si bon estat
qu'elles sont presentement.
Des raisons avantageuses à
la France empescherentMadame
la Dauphine de se préparer
à estre de ce Voyage.
Monsieur
, qui relevoit de
maladie resolut de prendre
l'air à Saint Cloud pendant
l'absence du Roy, & Madame
voulut tenir compagnie
à ce Prince, malgré le plaisir
qu'elle prend aux Voyages
& à la Chasse, cette Princesse
estantinfatigable dans
des exercices qui lassent quelquefois
les hommes les plus
robustes.
Le Roy ne voulant pas
fatiguer sa Cour pour un
Voyage qui ne devoit passer
que pour une promenade,
resolut d'aller à petites journées,&
de mener Monsieur le
Duc du Maine,&Monsieur
le Comte de Toulouse.Onne
peut trop tost leur faire voir
des. Fortifications; des Troupes,&
des Reveues,& l'on
peut dire que leur en faire
voir de cette maniere, c'est
commencer à leur apprendre
en les divertissant, tout ce
qu'ilsdoivent sçavoir? ce qui
cft cause souvent qu'ils y
prennent plus de plaisir, &
qu'ils s'y attachent davantage
dans la fuite. Ces jeunes
Princes estant du Voya,
ge )
il fut.arresté que les Dagacs
en seroient aussi;celles
qui furentnommées font
Madame la Duchesse, Madame
la Princesse de Conty,
Madame la Princesse d'Harcour)
Madame la Duchesse
de Chevreuse, Madame de
Maintenon, & Madame de
Croissy? avec les Dames, &
Filles d'honneur des Princesses.
Elles devoient toutes
aller, ou dans le Carosse
duCorps du Roy, ou dans
d'autres Carosses de Sa Majesté,
& avoir l'avantage de
manger avec ce Prince. C'est
un honneur qu'elles ont u
pendant tout le Voyage.
Il fut aussi arresté que le Regiment
desGardes ne marcheroit
point, & que suivant ce
qui s'est souvent pratiqué, le
Roy seroit gardé par l'Infanteriequi
se trouveroit dans
les Places, où Sa Majesté
passeroit, & que dans les lieux
où il n'y auroit point d'Infanterie
en garnison les
Mousquetaires mettroient
pied à terre,& feroient garde
autour
l.
du logis du Roy.
Comme les Gendarmes & les
Chevaux-Legers ne servent
que par quartier, de mesme
que les Officiers de sa Maison
, du nombre desquelsils
* sont, & que ces Corps ne
marchent entiers qu'en temps
de Guerre, & lors que Sa
Majestéfait quelque Camp
Elle ne voulut estre accompagnée
dans ce Voyage
) que
de ceux de ces Corps qui esroient
alors en quartier. A
l'égard des Gardes duCorps,
le Roy resolut de mener seulement
leGuet. Comme vous
pourriez ne pas sçavoir ce
que c'est que ce Guet, il fera
bon de vous l'expliquer. Les
Gardes du Corps font toûjours
dans le service, sans
estre néanmoins toûjoursauprés
du Roy. Ils ne fervent
point par quartier comme
les Gendarmes & les Chevaux-
Legers; mais comme
ils font en fort grand nombre,
on les fait loger en plusieurs
Villes? ce qui pourtant
ne s'appelle pas estre en garnsson
, puis qu'ils y font
moins pour garder ces Places,
que pour y attendre
qu'ils fervent auprèsduRoy,
ce qu'ils font alternativement.
On dit en parlant de
ceux qui ne font pas auprès
de Sa Majesté
,
qu'ils font
dans leurs quartiers, & l'on
appelle relever le Guet? lors
qu'il fort un nombre de Gardes
de ces quartiers
, pour
venir prendre la place de
ceux qui font auprésduRoy?
&: que ces derniers retournent
dans les quartiers où ils
estoient auparavant, Il y a
prés de dix-sept cens Gardes
du Corps, qui font divisez
en quatre Compagnies,& ces
CompagniesensixBrigades
chacune,qui font commandées
par six Officiers ; sçavoir
trois Lieutcnans & trois
Enseignes, Chaque Compagnie
elt reconnuë par les
Bandoulieres des Gardes,qui
font de couleurs differentes,
On reconnoist les Gardes de
la premiere Compagnie , au-"
trement>la Colonelle, commandée
par Mr le Duc de
Noailles, aux Bandoulieres
blanches, & aux Housses
rouges; les Gardes de la
Compagnie de Mr le Maréchal
Duc de Duras, aux Baudoulieres
- & aux Housses
bleuës; les Gardes de la Compagnie
de Mr le Duc de Luxembourg,
aux Bandoulieres
&aux Houssesvertes, 8c les
Gardes de la Compagnie de
Mr le Maréchal de Lorges,
aux Bandoulieres& aux
Housses jaunes. Cette derniere
Compagnie portoit
orangé dans son institution,
mais depuis, elle a changé
l'orangé en jaune. La Colonelle
seule a des Housses d'une
couleur différente de celle
desBandoulieres,& cela vient
de ce que le blanc n'etf pas
une couleur à estre employée
en Housses. Il est à remarquer
que le Guet des Gardes du
Corps qui sert auprès de Sa
Majesté, à pied,& à cheval,
est toûjours de deux cens
Gardes, dont une partie est
de Salle, & l'autre se repose
tour à tour. Ce Guet n'est
jamais d'une seule Compagnie
,
mais de plusieurs ensemble.
ainsi que les Officiers
qui les commandent;
de forte que le Capitaine des
Gardes qui est de quartier,
n'a jamais sousluy aucun Ofsicier
desa Compagnie quand
il est de serviceauprésduRoy.
Vousremarquerezencore que
le Guet ne sert qu'un mois
auprès du Roy> à moins qu'ij
n'y ait quelque force raison
pour le faire servir plus longtemps,
comme dans l'occasion
de quelque Voyage tel
que ccluy que l'on vient de
faire. Ce n'est pas que dans
un Voyage plus long le Guet
ne changeast de la mesme
fortequ'à Versailles
, parce
qu'alors on feroit suivre tous
les Gardes. Rien ne marque
tant la grandeur du Roy que
ce changement de deux cens
Gardes tous les mois. J'ar,
crû vous devoiraprendretoutes
ces choses , & que ce ne
feroit pas sortir de la matiere
que je me fuis proposée dans
cette Lettre? parce qu'autrement
vous n'auriez pas bien
compris ce que c'eil: que le
Guet, dont j'ay este oblige
de vous parler,pour vous faire
une Relation du Voyage
du Roy aussi exacte que celle
que j'ay entrepris de vous
envoyer.
Touteschoses estantainsi
arrestées
)
personne ne douta
du Voyage, parce qu'ontient
toûjours pour certain tout ce
que le Roy resout, &le jour
deson départ aprochant,ceux
qui ne devoient pas l'accompagner
redoublerent leurs
empressemens auprès de ce
Prince. Jamais on ne vit de
Cour si grosse. Les Ministres
Etrangers allerenr prendre
congé de Sa Majesté
,
ainsi
que les Chefs des Compagnies
superieures,& plusieurs
autres personnes distinguées
dans la Robe par leurs emplois,&
par leur mérite. Plusieurs
Etrangers se renditent
aussi à Versailles pendant les
derniers jours que le Roy y
devoit demeurer, & quantité
de Peuple de Paris y courut
pour avoir le plaisir de joüir
feulement quelques momens
de la veuë de ce Monarque'
lors qu'il iroità laMesse, ou
à la promenade, ou pendant
qu'il disneroit. Sa Majesté
devant partir un Samedy pour
aller coucher à Clayes, où la
Cour estoit obligéed'entendre
la Messe le lendemain.
parce qu'ilestoit Dimanche,
Elle eut la précaution de recommander
quelques jours
avant qu'Elle partist, qu'il s'y
rencontrait beaucoup de
Prestres pour en celebrer un
assez grand nombre, & fit
paroistre sa pieté par cet
ordre.
Le Voyage avoit esté arJ
resté d'abord pour le deuxiémede
May,mais la rougeole
quisurvinta Madame la
Duchese,fut cause que le
Roy le Temii au dixiéme dta
mesme mois. Ce jour estant
arrive, Sa Majesté
>
après avoir
entendu la Messe dans le
Chasteau de Versailles
, en
partit avec toutes les personnes
de distinction,&les
Troupes que jeviens de vous
nommer. Le nombre de celles
qui devoient faire le Voyage
estoit grand;cependant, celane
faisoit qu'une tres-petite
partie des Troupes de sa Maison
,puisque le Regimentdes
Gardes ne marchoit pas, &
qu'il n'y avoit qu'un quart des
Gendarmes
, & des Chevaux
Legers, avec la neufou dixiéme
partie des Gardes du
Corps ou environ. Il y avoit
outre cela, tous les Officiers
de sa Maison en quartier dont
je ne vous diray rien, tout ce
qui regarde cette Maison
n'estant inconnu à personne.
Comme le Roy devoit
passer à Paris, le Peuple impatient
de le voir occupa dés
le matin tous les lieux de son
passage, aimant mieux l'attendre
pendantplusieurs heul'es,
que de manquer à luy
souhaiter par ses acclamations
une longuevie, & un
heureux Voyage. Les Religieux
sortirentaussi de leurs
Convents, &: la pluspart des
Fenestres furent remplies de
personnesdistinguées.LeRoy
quis'est toûjours moins attiré
les coeurs par la grandeur
de son rang que par ses manieres
toutes engageantes, salüa presque toutes les Dames
qu'il vit aux fenestres.
Sa Majesté passa par la Place
des Victoires, où Mrle Duc
de la Feüillade & Mle Prevost
des Marchands l'attendoient
avec un grand nombre
de personnes de la premiere
qualité. Vous sçavez
sans doute qu'on n'a fait encore
qu'une partie duBastiment
qui doit embellir cette
Place. Cela fut cause qu'on
pria le Roy d'avoir la bonté
de dire de quelle maniere il
souhaitoit qu'on l'achevaft ,
& si on continueroit ce qu'on
avoit commencé , sur les
desseins de Mr Mansard son
premier Archirecte , c'est à
dire à l'égard de la figure de
la place, car les Bastimens onc
toûjours esté trouvez fort
beaux. Sa Majesté en parut
fort satisfaite, & jugea à proposque
l'on fuivift le dessein
qui avoit esté commencé.Mr
de laFeüilladeayant fait entierement
dorer la Figure du
Roy depuis que Sa Majesté
ne l'a veuë ,
Elle s'attacha à
la considerer attentivement.
Quelques-uns dirent qu'ils
l'auroient mieux aimée de
bronzerd'autresfurent d'un
sentiment contraire, &alleguerent
que la Statuë de
Marc Aurele que l'Antiquité
a tant vantée,& qui a esté
si estimée des Romains,avoit
esté dorée.Onrépondit que
ce n'estoit pas ce qui l'avoit
fait admirer,&quel'Empereur
Neron avoit fait dédorer
uneFigure d'Alexandre.Ceux
qui font profession d'estre
curieux ne prirent pas le party
île l'or, parce qu'il y a plus
de
<fcbronze que d'or dans leurs
Cabinets. Le Roy qui neparle
point sans se distinguer
,
dit
beaucoup en ne disant rien.
Il nevoulut chagriner personne,
& dit obligeamment
pourMrdela Feüillade,qu'il
nefalloitpas s'estonner qu'il eust
fait dorersa Figure
,
puisque si
l'onavoitpû la faire d'une matiere
plus precieuse
iI- & qu'il
-eujl eslé en estat d'en soûtenir ltt
dépense , il estoitpersuade qu'il
n'auraitrien épargnépourcela.
-
Je n'interprété gMnr ca.
paroles qui font voir tout le
bon sens & toute la delicatesse
d'esprit impaginable, &
dont la finesse consiste plus
en ce qu'elles font entendre,
qu'en ce qu'elles expliquent
àl'égard de la dorure.
Rienn'estant égal auzele
de Mrle Duc de la Foüillade,
qui tâche sans ccue de le faire
paroistre
,
par des augmentations
qu'il fait à tout ce qui
regarde la fiegure de la Place
es Victoires, & qui font autant
d'embellissemens nouveaux,
&: de témoins éclatans
delavive ardeur qu'il a pour
Sa Majesté
, on trouva huit
Inscriptions nouvelles écrites
en lettres dorées au feu, &
dans huit Cartouches de
bronze doré, attachezautour
du Piedestal
, qui porte cette
Figure couronnée par la Victoire.
Cette augmentation
de beautez
>
après l'estat où
Mr de la Feüillade a mis la
Figure, fait voir que lors qu'il
s'agit de faire quelque chose
qui regardelagloire du Roy
,
il n' y a rien d'assez grand
pour le pouvoir satisfaire,
Voicy ce qui remplit les huit
Cartouches.Les deux qui font
au dessous du Roy & entre les
deux Esclaves qui regardent
l'Hostel de laFeüillade
, contiennent
les paroles suivantes.
I. CARTOUCHE.
Il avoit sur pied deux cens
quarantemille hommes d'Infanterie
,
vsoixantemille chevaux
pins les Troupes de ses .drmées.
AItvalesjors qu'ildonna laPaix
à l¡''EEuropeen 1678(").
II. CARTOUCHE.
Sa fermetédans "/:,), douleurs
rassura les Peuples desolez au
mois de Novembre 1686.
Voicy ce qu'on lit dans
les deux Cartouches de la
face droite du Piedestal ,qui
est du costé de la ruë des Petits-
Champs.
III. CARTOUCHE.
Aprés avoir fait d'utiles Reglemenspour
le Commerce, (')
reformé les abus de laj'ijlicc> l
donna un grandexcnpled'équité
enjugeantcontresespropres ,jntfrests
en faveur des Habitans de
Paris dans une affaire de! sieurs millions.
IV. CARTOUCHE.
Six mille jeunes Gentilshommes
Jepa^e^ par Compagnies,
gardentsesCitadelles,ven remplacentdes
Ofifciersdeses Troupes
; & leur éducation rft dignt
de leur naissance.
Les deux Cartouches qui
font du costé de l'Eglise des
Religieux appellez les Petits-
Peres,fontvoir ce qui suit.
V.CARTOUCHE.
Deuxcens dix Places,Forts,
Citadelles
, Ports, v Ha'1-'(c5
fortifiez gjf revestusdepuis 1661»
jusques à 1086; cent quarante
mille hommesdepied, vtrentemilleChevaux
p.'ye^ par mois ;, assurent Jes Frontieres.
VI.CARTOUCHE.
Il a bastyplus de cinq cens Esqu'il a dottt'Sde riZ'c/itiy
considerables
, & il a estably
l'entretien dequatre censjeunes
Demoiselles dans la magnifique
Maison de S. Cir.
Voicy ce que renferment
les Cartouches du derriere du
piedestal qui regarde la ruë.
VII.CARTOUCHE.
Il a basty un superbe
j &*'
'Va/le édifice pour les Ofifciers &
Soldats que l'âge er les bltfju•*
res rendentincapablesdejervir^
mille livres de rente.
VIII. CARTOUCHE.
L? nombre desoixante mille.
Matelots enrolez,
,
dont vingt
miÜe fontemployer*sonservice
, (èj les quarante mille
Autres au commerce de ses Sujets,
marque la grandeur, dr le
bonordre delaMarine.
Vousvoyez Madame, que
ce qui est contenu dans ces
huit Cartouches donne uuç
haute idée de la vie du Roy,
&qu'onne peut dire plus de
choses en moins de paroles,
nyen faire concevoir davantage.
Chacun s'attacha à lire
ces Eloges,& l'on y prit beaucoup
de plaisir. Le Roy eut
ensuite la bonté d'aller voir
un des Fanaux qui font aux
quatre coins de la Place. Celuyoù
Sa Majefié alla, est le
seul qui soit achevé. Le nom
de Fanaux a estédonné à ces
ouvrages à cause des Fanaux
quifont au dessus. A chaque
endroit où ils ont esté placez,
il y a un groupe de trois colomnes
de Marbre sur un piedestal
de mesme matiere. Au
dessus de chaque groupe est
un Fanal composé de plusieurs
lampes, qui brulent
pendant toutes les nuits, &
pour l'entretien desquelles,
M le Duc de la Feüillade a
estably un fond. Enrre les
colomnes de chaque Fanal,
pendent six Médailles de
bronze
?
dans chacune desquelles
font representées
quelques actions du Roy, ce
JlUi fait vingt quatre Médailles
pour les quatre Fanaux.
Il y a dans le piedestal de chaque
groupe de colomnes , six.
Vers Latins; de maniéré que
le sujet de chaque Medaille.
cftexpliqué par deux de ces
Vers. Les lettres en font de
bronze doré au feu, ainsi que
les bordures & les autres ornemens
des Médailles.Voicy
lesavions deSaMajesté qui
font representées dans chacune
des six Médailles fonduës
en bronze. - - -
La premiere Médaille marque
la paix que le Roy a donné
à l'Europe en 1677. Elle est
expliquée par les Vers fuivans.
»
Teduce,te Domino, LODOIX,
prona omnia Gatio>
Urbesvicapere dociliquoqueparcere
captis.
La secondé represente le
passage du Raab, où les François
qui sauverent l'Allemagne
acquirent une gloire immortelle,
&: Mr de la Feüillade
une réputation
,
qui fera
vivre éternellement son n0111
dans l'Histoire, Les Vers qui
font connoistre cette grande
action, [one,
Et Traces sensere queat quid
Gallicavirtus,
Arrabo cæde tumens , &servata
Austria testis.
Onvoit dans la troisième
Medaille la grandeur, & la
magnificence des Baftimcns
duRoy, ce qui Ce reconuqi#
par les Vers suivans.
Quanta operum moles, &
-
-
quanto surgit ad auras
Vertice!sic positis LOVOIX
agit otia bellis.
Ces trois Medailles font
du costé de la Rue des Pc..
tirs-Champs, & font une
chute les unes sur les autres. ,Les trois autres font plus en
dedans de la Place
,- & en
regardent leBastiment. Elles
sontplacées de la me[mc
raani^te que celles dont jçL
viens de vous parler, c'est à
dire,qu'elles font entre deux
colomnes,&forment un rang
les unes sur les autres. La plus
élevée represente le Roy qui
ordonne qu'on rende les Places
qui ont estéprises à ses
Alliez. On n'a qu'à lire les
deux Vers suivanspourconnoistre
ce qu'elle contient.
Reddere Germanos LODOIX
regnataSueco
C> Arva jubet , Danosque
,
ladcr
~pe~ ~fflftupet Albis.
La Medaille qui suit fait
voir la jonction des deux
Mers
_j
ce que ces deux Vers
expliquent tres-bien.
Misceri tentata prius,Jeniferque
negata
Æquora,perpetuo LO D01Ji
dat foedere jungi.
On n'a qu'àjetter la veuë
sur la derniere de ces six Medailles,
pour y reconnoistre
d'abord l'Audience donnée
par le Roy aux Abassadeurs
xic Siam, & l'on n'a qu'à lire
les Vers suivans pour apprendre
que la renommée ayant
publié dans les Païs les plus
reculez, tout ce qui rend U
Roy l'admiration de l'Univers,
les Souverains de toutes
les Parties du monde, ont
envoyé des Ambassadeurs
pour estre témoins de sa
grandeur.
Ingentem Lodoicum armis,
ma^ne ,
fidemque
EgrejpimScitbia&Libit vt
nerentur~& Indi.
LLeeRoyaprès avoir consideré
avec une attention dignede
sa bonté, les changemens
qu'on avoit faits à la
Place des Victoires depuis le
jour que Sa Majesté y estoit
venuëj&:avoir fait à Mr de
la Feiiilladc»&àMr le Prévost
des Marchands tout
l'accueil qu'ils en pouvoient
cfpercr, partit aux cris de
Vive leRoy,mille&mille
foisréïterez
, car quoy que
la Place fust déjà fort remplie
de Peuple lors que Sa
Majesté y arriva, la foule
augmenta de telle forte sitost
qu'Elle y fut entrée,
qu'on auroit dit que tout
Paris y estoit,si sa grandeur
& le nombre prodigieux de
ses Habitans estoient moins
connus.
La pluspart des Officiers
qui ont accoutumé d'aller à
cheval, s'estant jointsensemble
pour prendre des Carosses,
afind'éviter la poudre qui iri1
commode beaucoup en cette
saison
)
& pour estre plus en
estat de servir le Roy, il y
tn avoit un nombre infiny
à la suite de la Cour, la dén
pense ne leur coutant rien
lors qu'il s'agit du service
d'un Monarque aussî agreable
à ceuxqui ont l'honneur
de l'approcher souvent, qu'il
est redoutable à ses Ennemis
& admiré de toute la Terre.
Je puis en parler ainsi sans
flaterie; & il merite tous M
jours de nouvelles loüanges.
par desendroits qui n'en ont
jamais attiré à aucun Prince.
Aussi peut-on dire que non
feulement il ne laisse jamais
échaper aucune occasion de
faire du bien, mais qu'il cherche
mesme de nouveaux
moyens d'en faire
, & qu'il
tft ingenieux à les trouver;
Ne croyez pas que cecy soit
avancé comme une loüange
vague. Je ne le dis que parce
que j'ay à parler d'un fait
sur ce sujet, qui découvre le
caractere de bonté du Roy,
autant que ses avions d'éclat
font connoistre sa puissance,
& la grandeur de son ame,
C'est icy le lieu demettreen
ion jour le fait qu'il faut que
Je
vous explique, puis qu'il
regarde la fuite de sonVoyage.
Je vous diray donc que
pendant toute la route? Sa
Majesté a presque toujours
dînédansdesVillages. Vous
allez sans doute vous imaginer
(& vostre sentiment fera
generalemeut suivy) que les
Villages
Villages les plus forts & lc^
plus riches ne leftoient pas
trop, pour avoir l'honneur
de recevoir un si grand Monarque.
C'estoit cependant
tout le contraire; le plus pauvre
avoit l'avantage d'estre
préferé, & l'on a veu cela
observé dans toute la route
avec une exactitude que je ,,'
ne sçaurois assez marquer.
Vous n'en pourrez douter,
lors que je vous auray dit
que Sa Majesté, qui ne fait
., point de Voyages sans avoir
la Carte des Païs où Elle va
examinoit tous les jours sur
celle qu'on luy avoit fournie,
les lieux par lesquels il falloit
qu'Elle passast. Elleyvoyoit
tous les Villages, Elle s'informoit
de leur estat, Ôc
nommoit ensuite le moins
accommodé, parce que la
Cour ne s'arreste en aucun
lieu sans y répandre beaucoup
d'argent. C'est ce qui
s'est fait dans tous les Villages
où l'on a este obligé de
s'arrester pendant ce dernier
Voyage. Le Roy dînoit
fous une Feüillée,&
l'onen dressoit aussi pour
les principales Tables de la
Cour. Ainsi tous lesPaïsans
estoientpayez pour couper
des branches de verdure, &
pour travailler à la construction
de ces Feüillées.Ils tiroient
ausside l'argent de
tout ce qu'il y avoit dans leur
Village qui pouvoit servir
aux Tables, & de tout ce
qu'ils avoient d'utile aux
é,quip- ages de la Cour, a.1insi
que de leur foin & de leur
avoine ; & le Roy ne laissoit
pas outre cela de leur faire
encore sentir ses liberalitez;
en forte que ces heureux Villages
le souviendront longtemps
d'avoir veu un Prince
qu'on vient tous les jours admirer
du fond des Climats
les plus reculez.
LeRoy estant sorty de la
Place des Victoires
, trouva
encore une infinité de peuple
dans les autres ruës de Paris.
qu'ilavoitàtraverser, Les dC4
monstrations d'allègresse ne
cesserent point, non plus que
les cris de Vive le Roy, de maniere
que cous les Peuples étant
animez duineline zelcon
eust dit que ces cris dejoye
n'estoient qu'un concert des
mesmes personnes, quoy qu'à
mesure que Saavançoit,
il fust formé par diverses
voix. Le Roydîna ce jour-là.
au Vllage de Bondy, (^ rencontra
sur le cheminM leBaron
deBeauvaisavec tous les
Gardes & les Officiers des
Chasses de sa Capitainerie,
dans toute l'étendue de laquelle
ce Prince luy permit de
l'entretenir à la portiere de
son Carosse. Les Plaines de
S. Denis dépendent de cette
Capitainerie. Mr le Prévost
des Bandes parut sur la même
route, & posta diverses
Brigadesauxenvirons des
Bois. Les Dames que je vous
ay marqué qui estoient du
Voyage, avoient l'honneur
de dîner avec Sa Majesté,
ainsi que Madame la Comtesse
de Gramont, & Madame
de Mornay, que je ne
vous ay pas nommées. Madame
de Moreüil, & Madame
de Bury? Dames d'honneur
de Madame la Duchesse,
& de Madame la Princesse
de Conty, eurent le mesme
avantage. Les Filles d'honneur
ne dînerent point avec
Sa Majesté,mais elles y souperent.
Il fut réglé ce jour-là
qu'il n'y auroit à l'avenir que
deux Filles d'honneur des
deux Princesses qui auroient
ce privilège. Le nombre des
Princesses auroit esté encore
plus grand dans ce Voyage,si
lors que le Roy partit, Mademoiselle
d'Orléans ne s'estoit
point trouvée àEu, &Madame
la Duchesse de Guise
,
aux Eaux de Bourbon. Madame
de Montespan auroit
aafli esté duVoyage, mais
le foin de sa santé l'avoit
obligée d'aller prendre de
ces mesmes Eaux. Monsieur
le Prince,Monsieur le Duc ,
lx, Monsieur le Prince de
Conty n'ont point quitté le
Roy.
Monseigneur leDauphin.
qui après avoir GÜy la Mette*
estoit party de Versailles des
le grand matin pour aller
chasser dans la Forcit de Livry
, yprit un loup des plus
vieux,&congédia Mr le Chevalier
d'Eudicour, Frere du
Grand Louvetier de France,
&toutl'équipage de la Louveterie;
à la teste duquel il
estoit.Le mesme jour,le Roy
aprèsavoirdîné alla chasser
dans les Plaines& sur les coteaux.
Sa Majesté
, a pris le
mesme divertissement pendant
toute la route, comme
je vous le diray dans la fuite
de cette Relation.
Monseigneur le Dauphin
arriva à Claye avant six heures
du soir, parce qu'ilsçavoit
que c'estoit à peu prés
l heure où le Roy devoit s'y
rendre. Il changea d'habit&
alla au devant de Sa Majesté,
On connoist par là combien
ce Prince est infatigable,qu'il
tn galant, & qu'il a beaucoup
de tendresse pour le Roy.
Sa Majestéarriva à Claye
à l'heure que je viens de vous
marquer, & fut commodementlogée
dans lamaison de7
M Enjorant, Avocat general
duGrand Conseil
>
& Seigneur
en partie de ce Village.
Il eut l'honneur de ialuer
leRoy, qui le receut avec
cet air engageant qui est
si naturel à ce grand Mo*
narque. Comme toute sa
maison estoit marquéepour
le. Roy, les Maréchaux des
Logis en marquerent une
pour luy dans le Village, lors
qu'ilsmirent la craye pour
le logement des Officiers qui
estoient du Voyage; de forte
qu'il fut regardé ce jour-là
comme estant de la Maison
de Sa Majesté. La qualité
d'Hofie duRoy futcelle que
les Maréchaux des Logisécrivirent
en mettant la craye
sur le logis qu'ils luy destinerent.
Monseigneur,& Madame
la Duchesse eurent des
[Appârtemens vers le Château
où le Roy logea.Madame la
Princesse de Conty,&Monsieur
le Duc du Maine loge- 1
rent dans la Ferme de Mr
d'Herouville, Maistred'Hostel
deSaMajesté. Messieurs
les Princes du Sang eurent
ensuite les logis les plus commodes,
&: ceux qui voulurent
estre plus au large,allerent
à Meaux.
} M de laSourdiere, Ecuyer
de Madame la Dauphine, qui
cil le mesme qu'elle envoya
cnBavicrc? pour porter à M*
l'Electeur de cc nom) la nouvelle
de la naissance de Monseigneur
le Duc de Berry,
vint à Claye de la part de
cette Princesse
, pour ravoir
si Sa Majesté y estoit arrivée
en bonne santé.
Il y aicy à remarquer une
choseque personne n'a peutestre
jamais observée.C'est
que lors que les Princes de la
Maison Royale font separez,
sans estreéloignez les uns
des autres -que d'une journée>
ilss'envoyent tous les
jours un Gentilhomme pour
s'informer de l'estat de leur
santé,maisaussi-tost qu'ils
commencent à s'éloigner davantage
,
ils ne se donnent
plus de leurs nouvelles que
par des Courriers, qui leur
en apportent tous les jours.
Dés qu'ils reviennent à une
journée de distance
,
ils recommencent
à se dépescher
un Gentilhomme,& c estpar
cette raison que Madame la
Dauphine n'en renvoya plus
qu'après que le Roy commença
d'approcher de Versailles.
Ce Prince estant arrivé à
Claye entre six & sept heures
du [oir) y receut un Gentilhomme
de Madame, &: dépescha
aussi-tost à leurs AItérés
Royales Mdu Boulay,
Gentilhomme ordinaire de
sa Maion, pour apprendre
des nouvelles de la santé de
Monsieur, qui s'estoit trouvé
mal le matin à la Messe de
Sa Majesté à Versailles.
La Cour fut tres- bien logée
à Claye,parce qu'on étendit
les logemens jusques à un
lieu voisin
)
qui est un Hameau
contigu à ce Village,
dont il n'est separé que par
un petit ruisseau? qui fait
trouver aux portes des maifons
des Païsans,desPrairiestres
agréables,plantées avec
soin &avec compartiment.
Je ne vous marque point
les lieux & les heures où le
Roy a tenu Conseil. Ce Prince
ne manque jamais de temps
pour ce qui regarde les affairesde
l'Etat.Illeur sacrifie son
repos & ses plaisirs
}
il tient
Conseil en tous lieux? & à
toute heure ,quand ille juge
important pour le bien de
son Royaume,& il a travaille
dans le Voyage de Luxembourg,
avec la mesme
application qu'il fait à Versailles.
Il est vray que ce n'a
pas esté avec tous ses Ministres
,Mrde Croissy estant le
seul qui soit party de Paris
avec ce Monarque, mais
tomme il est luy-mesme son
premier Ministre,on peut dire
qu'il travaille souvent seul
autant que dans le Conseil,
Sa Majesté donnant aux
affaires pendant ce Voyage
autant d'application qu'à
l'ordinaire
,
voulut que sa
Cour trouvast par tout les
mesmes plaisirs, pendant
qu'Elle ne vouloit se retrancher
ny les peines,ny les soins
qu'on luy a toûjours veu
prendre depuis qu'Elle gouverne
par Elle-mesme ; &
pourcet effet Elle resolutde
tenirpartout Appartement.,
Ainsi dés lapremiere couchée
,qui estoit à Claye, on
trouva plusieurs chambres
préparées pour divers Jeux.
& chacun joüa avec lamesme
tranquillité? & aussi peu
d'embaras que si l'on eust
citéencoreà Versailles, tant
les ordres avoient esté bien
donnez pour les logemens,
:& pourtoutce qui pouvoit
contribuer à la commodité
desPersonnesde clualt"lui
suivoient la Cour.Les Appartteemmeennssoonntt
pprreeslqquuee ccoonnttIinnuueétous
les jours pendant tout
le restedu Voyage.
Monseigneur le Dauphin,
partit de Claye le lendemainonzièmeàsept
heures du.
matin. Ce Princechassatout
le jour dans la Forest deMonceaux
; &commeSa Majesté
devoir coucher ce jour-là à
laFerté sur Joüare, il prit le
party d'y arriver enchaOanCp
;,&de courre le Cerf dansles
:b.uiflx>ns ; ce qu'il fîtavecles
chiens de Mr le Chevalierde
Lorraine. Il prit plusieurs
Cerfs; entre lesquels il y en
avoit un qui se fit courre
long-temps, & qui passa dixhuit
étangs à la nâge.
Le Roy, après avoir entendu
la Messe à Claye, alla
à Monceaux. Toute la Cour
passa dans Meaux, pour se
rendre à cette Maison Royale
, & lors que Sa Majesté
l'eut traversée au bruit des
acclamations du Peuple,Elle
trouva le Regiment de Vivans
qui l'attendoit en ba.
taille. C'est un Regiment de
Cavalerie
>
auquel on ne peut
rien ajoûter,tant pour la
bonté des Cavaliers, que pour
la beauté des chevaux. Ce
Regiment alloit au Camp de
laSaone,& avoit un sejourâ
Meaux?ce qui fut causequ'il
eut l'honneur d'estre veu du
Roy. Sa Majesté en fut trescontente,
de le trouva beau.
Elle eut mesme labonté de
vouloir bien recevoir un
Chien couchant de Mr Li:"
grades qui le commande. Le
Roy dîna à Monceaux. C'est
un vieux Chasteauqui a fait
le plaisir de plusieurs Rois,.
& qui appartient à Sa Majesté.
Ce lieu qui est fortriant,
a une tres-belle veuë, & le
Bastiment enest magnifique..
Le Roy voulant honorer l'ouvrage
de ses Ayeux? le fait
reparer? & bien-tost on ne
verra plusrien en France qui
ne porte des marques de sa
magnificence&de sabonté.
Toutes les Maisons Royales
ayant
ayant pour Capitaine une
personne d'une qualité distinguée,
MrleDuc deGesvres,
premier Gentilhomme
de la Chambre, & Gouverneur
de Paris,joüit de la Capitainerie
de Monceaux?que
possedoitMrle Duc de Trêmes
son Pere. Il vint recevoir
SaMajesté
,
accompagné du
Lieutenant, & de tous les
Officiers & Gardes des Chasses
qni dépendent de luy, à
l'endroit où la Capitainerie
duit jusqu'au mesme endroit
par Mr le Marquis de Livry ,
aussi Capitaine des Chasses de
Livry &c qui avoir esté recevoir
ce Prince jusques à
Bondy avec tous ses OSiciers.
Le Roy? qui avoit dépesché
le foir précedent Mr du
Pouhy
, pour sçavoir l'estat
de la fanté de Monsieur, en
apprit des nouvellesà Monceaux
parce mesme Gentilhomme
, qui arriva pendant
<qjuuee SSaa Maaj*ecsttlé' estoit à table,
êc luy rapporta que Son Altesse
Royale avoit pris du
Quinquina , & dormy assez,
tranquillement depuis quatre
heures du matin jusques
a dix. Ce Prince monta à
cheval à l'issuë de son dîné.
avec Madame la Princesse de
Conty, & deux des Filles
d'honneur decette Princesse,
& alla à la Chasse de l'Oiseau.
Tant que l'on a demeuré
dans l'étenduë de la Generalité
de Paris,Mde Menars
qui en a l'Intendance
, n'a
point quité le Roy afin d'être
toûjours en estat de recevoir
ses ordres, & luy a
rendu un compte exact de
toutes les choses qui regardent
son Employ.Cela fait
voir que Sa Majestés'applique
sans cesse,puis quemesme
dans le temps de ses plaisirs,
Elles'entretient plûtost de ce.
qui se passe dans son Royau-.
!De, que de ce qui peut avoit
rapport à son divertissement
Ce Prince ayant l'esprit ex-r
'- - -.. - -
tremement pénétrant,unmot
luy fait aprofondir bien des
choses, de forte que ce qu'il
aprend lors qu'ilsemble ne
s'informer que par converfation
de ce qui se passe
,
luy
donne lieu de remedier à
quantité de desordres, & fait
que souvent il en prévient
d'autres. Pendant toute sa
marche il a toûjours esté
prest à écouter & à satisfaire
par ses réponses, ceux à qui
sa bonté a permis de luy parler
; & quelquefois lors qu'il
avoit commencé à jouer)aiffn
<J..e la Cour se divertist, il
quittoit le jeu, & travailloit,
ou s'occupoit à faire du
bien.
Mr l'Evesque de Meaux s'est
prouvé par tout où le Roy
a passé dans son Diocese, &
sçachant que le principal
foin de ce Prince estoit que
toute sa Suite entendist la
Messe, &: particulièrement les
Dimanches, ce Prelat envoya
plusieursReligieux à Claye,
& en envoya aussi dans les
Quartiers desGardes duCorps
& dans ceux des Mousquetaires)
des Gendarmes,&des
Chevaux-Légers.LaCour ne
Cf manquoit pas d'Ecclesiastiques
pour la Maison du Roy,
-& Mr l'Evesque d'Orléans -a--
Voit ,in de regler les tempsauGjaeÊs
chacund'eux devoit
C,elcb,-e"la Messe.
Toute la Cour arriva de
bonne heure àla Ferté sur
Joüare. C'est un lieu situé
dans une gorge enchantée,
au fond d'une plaine. LaRiviere
de Marne contribuë
beaucoup à la beauté du païsage,
& à la fertilité du Terroir.
Le petit Morin vient la
grossir auprés & au dessus
de l'Abbaye, & y forme mille
Prairies abondantes en pâturages.
Ce Bourg est dans la
Brie Champenoise,entre Chasteau-
Thierry & Meaux. Les
Prétendus Reformez le prirent
vers l'an 1562. pendant
les Guerres Civiles du der-
-
nier Siecle. La Chasse y fut
tres-divertissante. Le Roy y
vola des Corneilles. Mr de
Terrameni, Capitaine du Vol
des Oiseaux du Cabinet du
Roy ,a eu beaucoup d'honneur
dans ce Voyage. Les Equipages
y ont fort paru, &
il s'en: attiré beaucoup de
louanges pour tout ce qui
regarde sa Charge.
On admira à Joüare un
Pont qui joint le Chasteau
au Fauxbourg. Ce Pont a
cousté beaucoup. Il effc fait
de bois sans appuy ) tout suspendu,
& soutenu feulement
par l'épaisseur des pieces qui
le composent Il est de soixante
& quatre pieds de
long, & depuis qu'il est construit
>
il n'a rien perd u ny de
sa beauté,ny de saforce. On
coucha dans le Chtsteau, qui
appartient à Mrle Comte de
Roye. - Il est situé dans une
petite Isle fortagreable.Monseigneur
prit place dans le
Carosse du Roy. Une des
Dames luy ceda la sienne, &
se mit dans le second Caloife)-
ce que quelques-unes
ont fait alternativement.
Monseigneur n'y estoit que
pendant une partie du jour,
parce que la Chasse
,
dont on
trouve l'exercice utile à sa
santé
)
l'occupoit souvent.
Madame la Princesse d'Harcour
eut ce jour-là un accés
de Fiévrequil'obligea de
partir plus tard. Il fut suivy
d'un second accès de Fièvre
double-tierce. Elle prit du
Quinquina, &la Fiévre ne
luy revint pas. Toute la Cour
en marqua beaucoup de LOYc..
On dîna le it. à liffct
éloignée de quelques Villages
qui sont aux environs,
&qui appartiennent aux Celestins.
On allasouper à
Monmircl
,
qui appartient à
Mr de Louvois. Toutes les
Dames,& plusieurs Seigneurs
de la Cour eurent l'honneur
de souper ce soir-là avec le
Roy. La Table estoitde seize
couverts, On apprit en ce
lieu-là la mort de Madcmoiselle
de Simiane, dont
je vousaydéjà parlé dans ma
Lettre precedente. On y apporta
aussi la nouvelle de la
mort subite de Mr l'Evesque
d'Amiens, qui surpritd'autant
plus, que M de Breteuïl
assura que depuis deux jours
il avoit soupé avec ce Prélat.
Ces deux morts firent parler
de celle d'un descent Suisses
de la Garde de Sa Majesté,
qui estoit mort le matin en
s'habillant. Il y a une tresgrande
quantité de Lievrts
>
& de Perdrix à Monmirel,
Le Roy y pritle divertissement
de la Chasse, & alla voler.
Ony sejourna le 13 & toute
la Cour y demeura avec
joye, parce que le vent estoit
violent à la campagne, &
qu'il y avoit beaucoup de
poussiere. On se promena
dans les Jardins, & le Roy
au retour de la Chasse prit
le divertissement de la promenade
avec les Dames sur
les Terrasses, qu'il trouva fort
belles. Monmirel efl dans un
territoire tres-fertile.
Mr de Louvois qui ne s'applique
pas moins à tout ce
qui peut faire fleurir les beau::
Arts dans le Royaume,qu'à
ce qui est de la Guerre , va
faire establir une Verrerie à
Montmirel
, & la Cour en vit
tous les apprêts.
Le Roy y tint deux fois
Conseil avec Mr de Ci-oiffy ;
c'est ce que Sa Majesté a fait
chaque soir
>
après estre arrivée
dans tous les lieux où
Elle a esté coucher. Elle prit
! aussiàMontmirel le divertissement
du vol du Milan. Le
sejour que l'on y fît, & qui
n'avoit pas esté marqué dans
1i route, fut cause que
l'on retrancha celuy qu'ondevoit
faire à Châlons
)
afin
que le Roy qui ne manque
jamais à executer les desseins
qu'il prend, puft se rendre à
Luxembourg le jour qu'il y
estoit attendu.
Toute la Cour partit de
Montmirelle 14. & alla dîner
à Fromentiercs. A cinq heures
on avoit paffé le défile
d'Etoges. Sa Majesté prit
congé des Dames, & monta
à cheval pour aller chasset
dans les belles plaines de
Champagne. On alla coucher
à Vertus. Ce lieu a este
autrefois considerable, & étoit
l'apanage des Cadets des
Comtes qui portoient le nom
de la Province. Du temps de
Sigebert Roy de Mets, qui
vivoit en 570. il y avoit un
Duc de Champagne nommé
Loup, qui témoigna beaucoup
de fidélité, à conserver
les Etats du jeune Roy Childebert
, contre ceux qui les
vouloient envahir. Il y eut
ensuite plusieurs Ducs de
Champagne
,
mais ce titre de
Ducqui n'estoitpas alors une
dignité perpetuelle, ne faisoit
que marquerune forte de
gouvernement. Le premier
Comtehereditaire de Champagne,
fut Robert de Vermandois
,
Fils d'Herbert IL
&d'Hildebrante, qui se ren-
,
dit maistre de la Ville de
Troye en 253.Je ne vous dfe
rien de ses Successeurs. Ils
continuerent la poiterité jusqu'à
Thibaud IV. surnommé
le Posthume ou le Faiseur de
Chansonsqui succeda à son
Oncle maternel
,
Sanche le
Fort,au Royaumede Navarre.
Il mourut à Troye en 1254.
estant de retour du Voyage
d'Outremer. ThibautV. fou
Fils qui avoit épousé Isabelle,
Fille du Roy Saint Loüis,
estant mort sans Enfans après
avoir fait lemesme Voyage.
laissà ses Estats à Henry ~HI
son Frere. Ce dernier n'avoit
qu'une Fille nommée Jeanne,
qui en 1184. épousa Philippes
le Bel pendant la vie de
Philippes le Hardy son Pere ,
&. depuis ce temps ,la Champagne
a esté inseparablement
unie à la Couronne de France.
Les Comtes de Champagne
faisoient tenir ks Etats de
leur Pays par sept Comtes
leurs Vassaux
,
qu'ils appelloient
Pairs de Champagne.
C'estoient les Comtes de
Joïgny, de Retel >de Bricnîic>
de Roucy
?
de Braine , de
Grand-Pré, &deBar-fur-
SIelinye.
a trois Eglises à Vertu,
avec deux Abbayes hors les
portes. Les Guerres yont laifsédes
marques de leur fureur,
quine peuvent estreeffacées
que par le regne deLoüisLE
GRAND. Le Roy y fut 1-ogc
fort étroitement, & comme
cestoit sur la rue
?
il fut exposé
au bruit du passage des
équipages de la Cour. Ce
Prince auroit pu estremoinsmal
;mais ne pouvant renoncer
à ses manières honnestes,
qu'il conserve mesme aux dépens
de son repos ,
il aima
mieux que celuy des Princesses,
re fust point troublé ,
fk voulue qu'elles fussent logées
plus commodementque
luy.
Le JJ: toute laCour dlfnx.
àBierge
, ôc alla coucher
à a Bierge >-,
& Châlons. Cette Ville est en
Champagne, ôcson Evesché
est Suiffragant del'Archevesché
de Rheims. Elle est ancienne
,
& dés le temps de
Julien l'Apostat, elle tenoit
rang entre les premieres Villes
de la Gaule Belgique, Il y
a de belles rues avec des
maisonsassez bienbasties. La
Place où l'on voit la Maison
de Ville, & celle où est l'Eglise
Collegiale de Nostre-
Dame,font les plus considerables.
La Cathedrale de Saint
Estienne est dans une Isle que
forme la Riviere de Marne,
dont une partie entre dans la
:Ville, &y fert beaucoup pour
la commodité des Habitans.
Elle a de ce cofté-là d'assez
bonnes Fortificarionsquele
Roy François I y a fait faire,
& elle est entouréedemurailles
avec des Fossez presque
toûjours remplis d'eau. Il y
a encore douzeParoisses,entre
lesquelles plusieurs font Collegiales
Les avenues de Châ-
Ions font tres-agreables >& il
y a autour de la Ville plufleurs
lieux de promenade,
entre lesquels celuy du Jare
cil fort renoffilné. La Riviere
,-' der
de Marne qu'on passe sur divers
Ponts, la rend une Ville
de negoce. Elle a eu des Comtes
qui ont cedé leur droit
aux Evesques. C'est par là
qu'ils font Comtes Pairs de
France.
Le Roy entra à cheval à
Châlons
) & fut receu par
le Maire & les Echevins. On
ne luy fit aucune harangue,
parce qu'il avoit fait donner
lordre dans tous les lieux par
IOÙ il devoit passer
)
qu'on ne
le haranguast point ; mais il
eut la bonté de vouloir bicri
recevoir les Presens de Ville,
Le Chapitre de la Cathédrale
eut aussi l'honneur de le famlücr,
ayant à sa teftcM l'Evê.
que deChâlons. Les Chanoines
se recrierent ensuite sur lai
douceur, & sur l'affabilité det
ce Monarque, dont ilsnecesfent
point de parler, Madame:
la DuchessedeNoailles lai
Douairière, qui a esté Dame
d'Atour de la feuë Reyne:
Mere du Roy, & dont la vertu
exemplaire a toûjours çftç:
applaudie,caril en - cft de
faussesqui n'imposent pas a
tout le monde, eut le mesme
honneur. Sa Majesté luy fit
d'autant plus d'honneftetez,
qu'il y along-temps que son
merite luy est particulierement
connu. Le Roy se retira
ensuite -pour tenir Conseil.
Mr le Duc de Noailles
> &
M l'Evesque de Châlonsfon
Frere ,
firent servir plusieurs
Tables magnifiques, pour
toutes les personnes de la
Cour qui voulurent y manger.
Le Jarc leur servit de promenade
pendant quelques
heures. Je ne m'étens point
icy sur la beauté de ce lieu,
parce que j'en ay fait une
description dans le Volume
que j'ay donné, qui ne contient
que ce qui s'est passé au
Mariage de Monseigneur le
Dauphin. Il y eut au Jare une
prodigieusequantité de personnes
de toutes conditions,
que l'impatient dehr de voir
le Roy avoit fait venir de
toute la Champagne. Les
principaux Officiers de la
Ville de Troyes se rendirent
à Châlons? & firent vingt
lieuës pour avoir l'honneur
de salüer ce Monarque. Les
Dames de la Province eurent
beaucoup de chagrin de l'ordre
qui fut donné, de n'en
laisser entre,r faulc.unIela.u1so1u- per , qui n'eust ellenommée
par Sa MLijefté.C:lles qui
crurent n'estre pas assez connuës
pour pouvoir estre du
nombre, ne se presenterent
point, dans la crainte d'estre
refusées,ce qu'on ne trouva
pas ordinaire, & qui fut fort
remarqué. Le Roy eut la bonté
de permettre qu'on les laissast
toutes entrer le lendemain
dans le Choeur de FIL
g-I.Ife>o-t'i elles eurent le temps
de considerer SaMajesté &.
Jtoute la Cour pendant que
l'on dit la Messe.La Musique
de cette Cathedrale chanta
un Motet, dont il parut que
l'on fut assez content. Mr
Evesque Comte de Châlons,
,& Mr le Ducde Noailles accompagnerent
toûjours le
Roy tant qu'il demeura dans
cette Ville. On auroit bien
voulu sejourner dans un lieu
aussi
-
beau & aussispacieux
que celuy là, où les logemens
estoient fort commodes;mais
les mesuresestant prises pour
se rendre à Luxembourg au
jour marqué, on partit le 16.
à dix heures précises du matimpour
aller coucher à Sainre-
Menehout.MdeChâlons
accompagna le Roy jusques
aux confins de son Evesché,
& Mr l'Evesque de Verdun
le reçût à l'entrée du fien.
La journée de Chalons à
Sainte-Menehout se trouva
fort longue pour les Equipages.
On dîna à Bellay, qui
n'est qu'une Ferme sans aucune
autremaison aumilieu
de la camp.-,gnc,& on rendit le
lieu agreable pour y recevoir
le Roy. Sa Majesté y chassa
pendant une partie Je l'aprésdînée,
& alla coucher à
Sainte-Menhout. Cette Place
qui avoit estéprise sur
nous pendant les temps difsiciles,
fut reprise en 1653. par
Mr le Maréchal du Plessis-
Pralin; & ce Siege que le
Roy voulut presser en per,
sonne
,
obligea Sa Majesté
d'aller en Champagne en ce
temps-là. Le Roy ne trouvant
pas la Cour assez commodement
logéedansSainte-
Menehout, resolut de n'y
passer pas la Feste du S. Sacrement
à son retour, &
nomma Chalons pour y faire
la ceremonie de cette FesteCela
obligea de retrancher
un des jours du sejour, de Luxembourg.
Le Roy conti-
Ilua de donner par là des
marques de sa bonté à toute
la Cour,& Mr l'Evesque de
Châlons montra tantdejoye
de ce qu'il auroit l'honneur
de recevoir encore ce Monarque
,que plufieufs luyen
firent compliment.
Le 17. le Roy entendit la
Messe aux Capucins, & fit
de grandes libéralités a leur
Convent. On alla ensuite dV;
ner à Vricourt ,
prés de Clermont
en Argonne. Les chemins
se trouvèrent fort rudes
,dans des bois, dans des
montagnes, & dans des valées
d'un terroir remply de
pierres. On arriva d'assez
bonne heure à Verdun?où
l'on fut si bien logé) que ce
fut avec plaisir
que l'on y
passa la Feste de la Penteccste.
Verdun est une Ville
forte sur la Meuse, & il en
est peu de mieux situées dans
la Lorraine. L'Evesché est
Suffragant de l'Archevesché
de Reims. Cette Eglise a eu
d'illustres Prelats. Ils se disent
Comtes de Verdun,&
Princes du Saint Empire. La
Riviere de Meuse rend cette
Ville agreable par diverses
Isles qu'elle y formé. Le
Roy HenryII. la prit en
IJJI. Le Chapitre de l'Eglise
Cathedrale de Nostre-Dame
est fort considerable.M l'Evesque
de Verdun receut le
Roy dans son Palais Episcopal.
Il est tres-beau, & l'on
y voit jusques à dix pieces de
plein-pied L'air y est admirable.
Ce Palaisest élevé sur un
Roc d'où toute la baffe-Ville
se découvre. Des Prairiesarrofées
par la Meuse
>
& des
vallons assez éloignez, &
tres-fertiles en tout ce qui
est necessaire pour la vie, en
rendent l'aspect des plus
riants. Les ameublemens de
ce Palais sont fort somptueux,
& fervent beaucoup
à faire voir la magnificence
de Mrde Bethune, qui joüit.
en sa retraite de quarante
mille livres de rente, que
luy rapporte son seul Evesché.
Les Anis qu'on appelle
de Verdun, autrement Dragées
de toutes manieres, se
trouvant meilleurs en cette
Ville-là qu'en aucune autre
du monde, elle ne fuit point
l'exemple des autres Villes
dans les Presens qu'elle fait
aux Souverains? & au lieu
d'offrir du Vin, elle donne
de ses Anis. Ainsi elle en sir
present de cent boëtes au
<
Roy. M l'Evesque de Verdun
est Fils d'Happolite de
Bethune? Comte de Selles,
Marquis de Chabris
>
dit le
Comte de Bcthune
, mort en
1665. aprësavoir esté honoré
du Collier desOrdres du Roy
en 16Cu & fait Chevalier
d'honneur de la Reyne Marie-
Therese d'Austriche. Il
avoit épousé en 1629.Anne-
Marie de Beauvilliers, Soeur
de M le Duc de S. Aignan,
qui tant que la feuë Reync
aYcfçuj a eu l'honneur de
la servir en qualité de Dame
d'Atour. Ce Prelat avoit avec
luy Madame de Rouville sa
Soeur,Veuve de M le Marquis
de Rouville, Gouverneur
d'Ardres.Elle eut l'honneur
de manger avec le Roy
dans les trois Repas que Sa
Majestéfit à Verdun.
Le jour de laPentecoste,pres.
que toute la Cour sir ses devotions,
à l'exemple du Roy.
C'estune choseassez extraor.
dinaire pendant le coursd'une
marche. mais quene voiton
point de nouveau fous le
Regne de Loüis XIV. sur
tout pour leschoses qui regardent
la Religion & la
pièce1 Monseigneur le Dauphin
se rendit dans l'Eglise
Cathedrale dés sept heures
du matin;&: après avoir entendu
la Messede M l'Abbé
Fleury, Aumônier du Roy,
ce Prince communia par les
mains de cet Abbé.
Sur les dix heures, le Roy
passa à travers ses Mousquetaires
rangez en haye des
deux costez de la court de
l'Evesché
, &: au milieu des
cent Suisses dela Garde, postez
dans la mesme Eglise.
SaMajestéestoitenvironnée
de ses Gardes du Corps &de
toute sa Cour. Elle se rendit
dans leChoeur, où Elle fut
suiviede Mr l'Evesque de
Verdun,&de tous les Chanoines
de cetteCathedrale.
LeRoyestoit en Habit de
cérémoniec'eit à dire
> en
Manteau,revestu de son Col-
Jjjcr de l'Ordre. Il entendit
là Méfie de Mr l'Evesque
d'Orléans, son premier Aumônier
,
dont il receut la
Communion La seconde
Messeque Sa Majesté entendit,
fut dite par l'un de ses
Chapelains. Au sortir de
l'Eglise, Sa Majesté toucha
prés de cent Malades, dont
Mr leDuc deNoailles avoit
fait amener une partie de
Chalons. Ils estoientrangez
sous les arbres de la premiere
court de l'Evesché. Ce Prince
quitta ensuite son Habit de
ceremonie, & revint avec
Monseigneur le Dauphin, &
toute la Cour, entendre la
grand' Messe, qui fut pontifïcalemenr
celebrée par Mr
l'Evesque de Verdun, &
chantée par la Musique de
la Cathedrale.Cette Musique
plut assez à toute la Cour,
& on trouva la voix d'un des
Enfans de Choeur tres-agreable.
Plusieurs mesme la jugerent
digne de la Chapelle
du Roy. Il y a quatre de ces
Enfans de Choeur qui joüent
du Violon, qui sont, une
Taille, une Haute-contre, &
deux Baffes.
Le Roy eut la bonté de
toucher encore soixante &
dix Malades en sortant de la
grand' Messe. C'estoit beaucoup
après en avoir entendu
trois,&touché d'autres Malades.
Sa Majesté vint l'aprésdînéeentendre
Vespres dans
la mesme Eglise, &: Mr de
Verdun officiaencore en Habits
pontificaux. Le Roy étoit
dans les hautes Chaises à
droite.& aprèsluy,Monseigneur,
Madame la Duchesse,
& Madame la Phnccffe de
Conty. Aprés ces Princesses
estoient Monsieur le Prince-
Monsieur le Duc , Monsieur
le Duc du Maine, & Monsieur
le Comte de Toulouse.
Les Dames occuperent le reste
des places. Jamais les peuples
de Verdun n'avoient vû
ny tant de magnificencesny
une si augusteAssemblée ; &
l'on peut mesme dire qu'ils
n'avoient jamais vû dans leur
Eglise de si grands ny de si
édifians exemples depieté.
Le Roy s'enferma après
Vespres avec le Pere de la
Chaise pour travailler à remplir
les Beneficesqui vacquoient
depuis le jour de
Pasques, qu'il avoit fait une
nomination. On fut quelque
remps sans sçavoir cette derniere
, parce que lePere de
la Chaise n'en dit rien après
qu'il fut forty du Conseil.
Enfinonappritque Mr rAb..
bé de Saint Georges,Comte
de Saint Jean de Lion vnommé
depuis quelque temps à
l'Evesché de Clermont,avoit
esté fait Archevesque de
Tours, & que l'Evesché de
Clermont avoit esté donné
à M l'Abbé de Champigny
Sarron, Chanoine del'Eglise
de Paris. Je vous parlay amplement
de M l'Abbé de S.
Georges
,
lors que le Roy le
pourveut de l'Evesché de
Clermont. M l'Abbé de
Champigny qui vient d'y
estre nommé, est Fils de François
çoisBochartdeChampigny,
Seigneur de Saron, qui après
avoir esté Maistre des Requestes,
Conseiller d'Etat, &
Intendant pendant trente années?
tant dans la Généralité
de Lyon qu'en Provence &
en Dauphiné,se noya malheureusement
en 1665. C'étoit
un homme d'un rare merite,
dont le nom se trouve
souvent dans les Ecrits des
Grands hommes de ce Siecle.
111 avoit épousé Madeleine
Luillier, Soeur de Madame la
Chanceliere d'Aligre, &
estoit Fils de JeanBochart,
Seigneur de Champigny,
Noroy & Saron, Controlleur
General, Sur Intendant des
Finances, & premier President
au Parlement de Paris,
mort en 1630. Cet illustre
Magistrat descendoit de Jean
Bochart Seigneur de Norcy,
Conseillerau Parlement, qui
fut éleu les Chambres assemblées,
pour remplir la Charge
de premier President en 1447.
Celuy-cy eut pour Fils Jean
Bochart II. du Nom, auquel
Jean Silnon, Evesque de Paris,
donna saTerre deChampigny
en luyfaisant époufer sa Niece.
On iceut aussi que l'Evesché
d' Amiens avoit esté donné
à Mr l'Abbé Feydeau de
Brou, l'un des Aumôniers du
Roy, & que M l'Abbé
d'Hantecour, Aumosnier de
la feuëReyne, avoit eu l'Abbaye
de Longuay, Ordre de
Premontré,DiocesedeReims
vacante par le deceds de M,
l'Abbé du Four. Mr l'Abbé
d'Hantecourt est Frerc du
Pere d'Hantecourt, Religieux
de Sainte Geneviéve,
&Chancelier de l'Université.
Cet Abbé estant de quartier
lorsque la Reyne mourut,
eut le triste honneur de
remplir plusieurs fonctions
qui regardoient sa Charge.
Il a esté employé depuis la
mort de cette Princesse aux
conversions des Protestans
dans plusieursVilles de
Françe. L'AbbayedeBalerme
fut donnée le mesmejourau
Frere de Mde la Chetardie,
Commandant de Brifac
?
&
l'Abbaye de Noyers au Fils
de MPinçomAvocat au Parlement,
qui entend parfaitement
les matieres Beneficiates&
Ecclesiastiques, & qui
a écrit là-dessus touchant les
droitsde SaMajesté.Il-y eut
aussi ce jour-là plusieurs Benefices
de moindre consideration
donnez à des Officiers
d'Armée & de laMaison du
Roy, pour leurs enfans otj
pour leurs parens; mais le
Roy ne les accorda qu'après
que le Pere de la Chaise l'eut
asseuré que leurs vies &
moeurs luy estoient connuës.
Les choses qui ne demandent
pas de secret estant
bien-toit répanduës,on ne
fut pas long-temps sans apprendre
les noms de ceux à
qui les Benefices avoient esté
distribuez,& toute la Courfit
paroistre tant de joye de la
nomination de M l'Abbé de
Brou à l'Evesche d' Amiens,
qu'il m'est impossible de vous
la bien exprimer.
Je ne sçaurois m'empescher
de vous marquer icy
qu'un homme qui possede
une des premieres Charges de
la Cour, ayant prié le Roy
de luy donner un Benefice
pour un de ses Fils quiest
tres-jeune) Sa Majesté luy
demanda quel âge il avoit,
& l'ayant sceu
,
Elle luy dit;
quEHe estoit bien lâchée qu'il
eust encore tant de temps à at.
tendre. Celuy qui demandoit
cettegrace voulut donner des
raisons, & rapporta mesme
quelques endroits de l'Ecrisure;
mais le Roy sit connoistre
qu'il la sçavoit beaucoup
mieux que luy, & dit
qu'il ne donneroitjamais de Benefices
qu'à despersonnes capdbles
de sçarvoir à quevelles s'engageoient,
en prenant le party
d'entrer dans l'Eglise. Ce Prince
ajoüta ,on croyait peuteftrr
qu'on emportait quelquefois
des Benefices par faveury
mmaaisisqquueessiicceeuuxxqquuiiavonrv
cette pensée , pouvaient erre témoins
de ce qui se passe dans le
Conseil
,
lors qu'ils'agit de lA
distributiondesBenefice,ils verroientpar
toutes les précautions
qu'on prend pour ne les donner
qu'a des personnesdignes de les
posseder, la peine où ilse trouve
souvent avant que d'oserfixer
son choix. Sa Majesté fit
enfin connoistre
, que ny faveur,
ny brigue) ny recommandation
,ny naissance,ny
services
, ne pouvoient rien
obtenir, à moins qu'Elle ne
fust persuadée que ceux qu'il
- A
-
luy plaisoit d'en gratifier
n'eussent toutes les qualitez
necessaires pour en remplir
les devoirs. Ce n'est pas à
dire pour cela que tous ceux
qui en possedent,s'en acquits
tent dignement. La possession
du bien, & le peu d'occupation
corrompent fouvent
les moeurs. On s'aveugle
quelquefois dans le temps
où l'on devroit avoir le plus
de fageue?&:on ne conferve
pas toûjours les bonnes incli-,
nations qu'on a fait paroistre
dans ses premieres années. Le
Roy peut donner un Benesiceà
l'homme du monde
qui le meritéle mieux dans
le tcmps qu'il l'en pourvoir,
& qui dans la fuite en deviendra
tres-indigne.
- Je pourrois ajoûter- icy
beaucoup de choses sur ce que
le Roy voulut bien dire en
public touchant la nomination
des Benefices; mais ayant.
accoûtumé de vous rapporterles
faits sans aucun taisonnement
,je vous laisse faire làdessus
toutes les reflexion
que le Roy merite qu'on flÍI.
à sa gloire.
Ce Prince après avoir efii*
ployé la plus grande partie
du jour de la Pentecoste à
des avions de devotion &
de pieté
, & tenu un long
Conseil pour la distribution
des Bencfices qui vaquoient
alors, ne crut pas avoir encore
assez fait; il alla faire
le tour de la Place pour en
viliter les Fortifications, &
vit un Bataillon du Régiment
Soissonnois? qui estoit
en bataille sur le Glacis. Ce
Bataillon luy parut fort lestes
& il futtres-content.Il estoit
commandé par M le Duc de
Valentinois, Fils de M le
Prince de Monaco. Sa Majesté
vit aussi le Regiment
des Vaisseaux dans la Citadelle)
commandé pat Mr le
Marquis de Gandelus
?
Fils
de Mle Duc de Gefvrcs, qui
cnetf Colonel, & elle en fut
fort fatisfaitc. M le Marquis
fie Vaubecour, Gouverneur
de Châlons,&Lieutenant de
Roy du Verdunois
, & du
Pays Messin
, accompagna
toujours le Roy, & tint à
Verdun, tant que Sa Majcftc
y demeura,deuxTabks fort
magnifiqueSj ainsi qu'ilavoit
fait à Châlons, pour toutes
les personnes de la Cour qui
voulurent y aller manger. Le
Roy fut fort content de ce
Marquiseluy donna inefme
des marques de la fatisfadion
qu'il avoit de sa conduite.
Enarrivantà Verdun
» on
voit appris la mort de Madmoiselle
de Jarnac Fille
d'honneur de Madame la
Dauphine.dontje vousay déja
parlé.Elle fut fort regretée
à cause de son humeurdouce,
& complaisante,
Quoy que la Ville de Verdun
soit couverte par Longvvy,
Luxembourg, Sar-Loüis,
Strasbourg &autres, on ne
laisse pas de travailler tous
les jours aux fortifications de
cette Place. Le Roy ordonna
'lu)on y preparait les Ecluses,
afin qu'il puft voir à son retour
l'espace du terrain qu'elles
pourroient occuper.
Lors que Sa Majesté visita
la Citadelle qui est de cinq
Bastions fort reguliers , on
luy fit remarquer le Bastion
nommé le Marillac, qui donna
lieu au Procès qui fut fait
au Mareschal de ce mesme
nom> pour le crime de Peculat
, dont il avoit esté accufé.
L'histoirerapporte que
le Ministre qui nomma les tgommiflàiresquile condamnerent
,
leur dit après avoir
apprissacondamnation, qu'il
falloir que les Jugesenflent des
lumieres que le reste des hommes
n'avoitpas &queplus il avoit
fait de reflexionsur l'affaire dît
Maréchal de Marillac, &sur
toutes les choses dont on l'accusoit
,
moins ill'avoit juge digne
de mort; maisquenfin ilfalloit
croire qu'il estoit coupable
j
puis
qu'ilsïanjoient condamne. Il
n'eut dans la fuite que de la
froideur & de l'indifférence
poureux.
Le19.on ne fit que quatre
lieuës & l'on alla dîner
*
& coucher à Estain ; la journéeauroitesté
trop longue si
on avoit estéjusquesàLongvvy.
Mr Mathieu de Castelus
qui y commande vint à
Estain saluer le Roy,& tecevoir
les ordres de Sa Majesté.
Estain est un gros Bourg
muré, du Diocese de Verdun.
C'est le dernier de sa Jurisditèion
du costé de Luxembourg.
Quoy que ce Diocese
foit fort petit & borné de
toutes parts, sonpeu d'étendue
ne diminue pas néanmoins,
son revenu.MrdeVerdun
accompagna le Roy jusques
à Essain. La Cour eut un
tres-beau temps pour traverser
des ruisseaux, & desPlaines
grasses
?
& fertiles. Les
pluyes l'auroient fort incommodée,
mais le Royqui fait
les beaux jours de tous ceux
qu'il regarde favorablement)
devoit estreanez heureux
pour n'en pas manquer luymesme.
Sa Majesté prit ra:
presdinée le divertissement
de la Chasse. Ertain cft un
Païs de Bois accompagné de
belles plaines) & de Vallons
bien culrivez; les Maisons y
sontgrandes, & logeables
presque toutes bastiesà l'Allemande,&
il n'yen a pas une
qui n'ait quatre Chambres
hautes où l'on peut loger.
Le Roy,Monseigneur?& les.
Princesses eurent leursAppartemens
dans la plus grande,
& chaque Corps d'Officiers
logea dans d'autres. Le lieu.
paroist avoir esté autrefois
considerable;les Guerres l'ont
ruiné , parce qu'il n'estoit pas
assez fort pour se deffendre
des courses. La Paroisse est
unassezbeauVaisseau,surtou
dans l'étendue du Choeur,qui
est tres-beau &: fort élevé
Cette Paroissea esté bastie
par les soins de Guillaume de
Huyen, lequel ayantesté in,
struit à Verdun? passa en Italie
; ou la beauté de son génie
luy acquit la bien-veillance
de la Cour de ROIne. Il fut
d'abord Chanoine de Verdun,
& par degrez elevé à la
pourpre, ayant esté fait Cardinal
au titre de Sainte Sa-;
bine. Il employa ks biens a*
l'embellissementde sa Patrie
mais la mort qui le (urpnd
dans l'exécution de ses. def-i
seins
, en rompit le cours
Les Entrepreneurs volerent
l'argenr & lainerenrnglife
imparfaite.Il avait resolude
fonder douze Prebandes,un
College-, &un Hôpital ;.lnaiscil
ne voit qu'un Choeur de-;
licatement construit
, & la
Barete de ce Cardinal suspendue
à la voûte, pour monument
de sa pieté
, & de sa dignité.
Il vivoit en 1406. Un
Curé, & un Vicaire ont foin
de cette Eglise, & du Peuple.
Les Capucins ont en ce lieu
une Maison habitée par huit
ou neuf Religieux. Ils ont
quelque peine à subsister;
mais ils en auroient encore
davantage s'ils n'estoient prés
de Verdun où on leur fait
de grandes charitez»Ces bons
Peres se sont establis en ce
lieu pour aider le Cure., à
causequ'il n'a qu'un, seul
Vicaire avec luy,
Le lendemain 20. la Cour
partit, d'Estain? &alla dîner
à Pierre-Pont qui n'en est éloigné
que de trois lieuës. La
plulpart des Officiers mangerent
surune verdure arrosée
d'un ruisseau fort agreable.
On traversa ensuite plusieurs
petits torrens;on parcourut
des Valées:on monta
des hauteurs?&on gagnaen
&~
finla cime d'une Montagne
où lenouveau Longvvy entièrement
construit par le
Roy) pour faciliter la prise de
Luxembourg. Le Vallon est
arrosé d'une très- belle eau
vive, qui roule toujours, &
qui rend la Plaine fort fertile
; laveue se promene agréablement
sans estre bornée
que des deux costez par deux
Montagnes, mais elles n'offrent
rien qui ne doive plaire.
L'une est remplie d'arbres;
l'autre est occupée par te
vieille) & par la nouvelle
Ville. On découvre dans le
milieu de la Prairie deux mai.
fons de Religieux) l'une de
Recolets. & l'autre de Carmes
) qui y sont établis, &
qui ont foin des anciens Habitans
de ce Pays-là. Ils ne
font logez que dans des hutes
sur la Colline
, & ils avoient
au dessusun Château antique
qui les mettoit à couvert
des Coureurs; mais presentement
il est ruiné) &
l'on n'y trouve que des cabancs
& des masures. Longvvy
est situé sur une hauteur
bordée d'un précipice à IJEfi:f
& au Sud, s'estendans vers le
Nord,& l'Ouest dans une
Plaine fort fertile. La Place
n'est commandée d'aucun
endroit. On y voit une grande
ruë ,
à l'extrémité de laquelle
font deux portes accompagnées
d'un double fossé
, &: défenduës de bons
Battions. Dans cette ruë principale,
sont les maisons des
Bourgeois qui font environ
deux a trois cens feux. La
Place d'Armes est au milieu.
On y voit un beau puits
) &
à gauche une Eglise une fois
aussi grande que les Recolets
de Versailles
, mais ily a
moins de Chapelles. Cette
Eglise est accompagnée d'uaeTour,
de la hauteur de celle
le Saint Jacques du Hautes
à Paris
, qui sert de Beffroy
>
& de laquelle on dé-*
couvre jusques à six lieuës
dans le Pays. La Maison du
Gouverneur est à droite , &
fait face à l'Eglise. Le reste
des Maisons est basty par fimetrie.
Le long desRamparts,
font des Cazernes pour les
Troupes,-& l'on voit d'espace
en espace des Magazins de
différentes grandeurs.Tous
ces Magasins sont soigneusement
gardez. Le Roy logea
dans la Maison du Gouverneur.
Mrle Marquis de Bouflers
, qui a le Gouvernement
de Luxembourg, vint au de.
vantdeSaMajestéàLongvvy.
Il estoit accompagné de quel..
ques-uns de fcs Gardes qui ne
parurent point avec leurs Ca.
rabines. Le Regiment d'Angoumois
commandé par Mr
de Thouy,estoit dans la Place.
Le Royen fit la Reveue>
êcille trouva tres- bon, tous
les hommes estant bien faits,
&audessus de trente ans. Ce
Regiment eut l'honneur de
garder le Roy. Il fautremarquer
que ce Prince ne fut pas
plûtost arrivé) qu'il donna
des marques de son activité
ordinaire. Pendant que cluCun
alla? ou le reposer? ou fc
divertir dans fcs Appartemens,
où il avoitdonné ordre
qu'il y eust toûjours rou.
tes fortes de Jeux preparez,ce
Prince courut? s'ilm'est permis
de m'expliquer ainsi pour
mieux marquerfonardcur.)11
courut?dis-je où la passion
digne d'un grand Capitaines
&: le devoir d'un grand Roy
rappelloient,&sedonna tout
entier le reste de la journée à
voir des Troupes? & des Fortifications.
Il y a dans Longvvy
quatre cens cinquante
Cadets. Sa Majesté leur vit
faire l'exercice, &dit hautement;,
qu'il rijyanjoitpoint de
Troupes qui s'en acquittent
mieux. Elle resolut mcfrnc
d'en prendresoixante ou quatre-
vingt , pour en faire des
Sous-Lieutenans dans tous
les Corps, excepté dans sois
Régiment ,où l'on ne reçoit
point d'Officier qui n'ait esté
Mousquetaire.Toutes les
places qui y vacquent estant
reservées à la Noblesse qui
tort de ce Corps,ils se perfectionnent
encore dans ce Regiment
en ce qui regarde le
métier de la Guerre? avant
que d'estre élevez à de plus
hauts Emplois. L'exercice
que firent les Cadets? fut à la
voix & au commandement
de leur Capitaine, ensuite au
coup de Tambour, câpres
dans le silence, par une habitude
qui est en tous également
naturelle; ce qui se fait
avec tant de justesse, qu'il
semble que ce soit un feut-
J.
homme qui remuë également
toutes les parties de
son corps. Ceux qui prirent
ce divertissement avec le
Roy eurent un tres-grand
plaisîrde voir un mouvement
uniforme dans quatre cens
cinquante personnes de différentesgrandeurs.
Le Royvisita à cheval les
dehors de la Place, & fit à
pied le tour des Remparts.
-
Ce Prince marqua luy-même
ce qui en pouvoit encore
embellir les Travaux, & ce
qu'ils avoient de plus beau
& deplus seur. Cela fait voir
la parfaite intelligence qu'il
a de l'Art de la Guerre.
Il ne faut que voir Longvvy
pour concevoir une haute
idée de la puissance du Roy,
& l'on ne pourra qu'à peine
sepersuader qu'il ait entièrement
fait bâtirune Ville,
élevée sur une cime inaccessible
r & dont les remparts
font d'une prodigieuse hauteur.
Il est impossible de s'imaginer
la dépensequ'où
a faite à couper le Roc, à
rendre le terrain uny, & à
bâtir tant de beaux logemens.
Cette Place est de figure éxagone
r ayant un Baition
coupé ducodedesprécipices
feulement. Ilestsoûtenu par
deux Delny-Iunes, & deux
Ravclins. On amis trois Cavaliers
aux endroirs foibles,
qui découvrent fort loin,&
qui feront montez de vingt
pieces de Canon. Toutes les-
Fortifications de cette Placc
fontd'une ties-grande regularité
; & ce qu'il ya de surprenantec'est
que le Roy en
aitfait entierement conftruireungrand
nombre d'autres
qui ne sont pas moins fortes,
qu'il y fasse encore tra-*
vailler tous les jours, & qu'il
commence à en faire éleyer
denouvelle.Iln'est pas moins
étonnant que SaMajesté voulant
mettre ses Sujets à couvert
des courses de la Garnison
de Luxemboutg., en la
mettant au rang de ses Conquelles,
Elle ait fait bâtu
Longvvy pour faciliter ses
desseins, cette Place ayant
servy de Magasin pour tou,
tes les provisions neceflaircs
à un Siege aulli important
qu'a esté celuy de Luxembourg.
Comme rien n'altère davantage
la fanté qu'une forte
&continuelle app licationau
travail, M de Croissy , qui
par une longue fuite d'Emplois
&par l'occupation que
luy donne celuy qui l'attache
entièrementaujourd'huy,
s'etf attiré des douleurs de
goute depuis quelques années,
en ressentit de violentes
à Longvvy. Cependant
elles ne l'empefcherent point
de servir le Roy, en quoy
il fut parfaitement bien secondé
par M le Marquis de
Torcy son Fils, qui dans un
âge fort peu avancé, a déja
veu toutes les Cours de l'Europe
> en a étudié les maniéres,
& n'ignore rien de ce
qui regarde la Charge dont
Sa Majesté luy a accordé 1:4
survivance.
La Maison du Roy eftanr
si grande) qu'à peine il se
passe une semaine
>
sans qu'on
apprenne la mort de quelque
Officier) on sceut à
Longvvy celle de M Villacienne,
Gentilhomme servant
du Roy? & celle de Mr
de la Planche ,Valet de
Chambre de SiMajesté
,
la
premiere dépendant de Monsieur
le Prince,comme Grand
Maistre delaMaisonduRoy,
& l'autre deSaMajesté parce
que le défunt xi'çftant poirr
marié
,
n'avoit point d'ensans
à qui ce Prince en eust
pû donner la survivance.
Mrde Seignelay, qui avoit
fait le Voyage de Dunkerque
avec une diligence furprenante,
depuis que le Roy
estoit party pour Luxembour,
joignit Sa Majesté à
Longvvy , & luy fit le rapport
de l'estat des Fortifications
de cette premiere Place.
Je vous en ferois icy le
détail, si je n'estois obligé de
le remettreà unautre ÀrcmS)
a cause de la quantité de choses
curieuses que j'ay encore
à vous apprendre touchant
le voyage de Sa Majesté. Je
vous diray cependant que le
Risban, lesJetrées,lesEcluses,&
le Bassin pour les Vaif-
[caux, sont des choses si extraordinaires
à Dunkerque »
<juà moins de vous en faire
la defeription, quelques paroles
dont je pusse me servir,
pour vous marquer la beauté
deces Ouvages* il me seroit
impossiblede vous rien faire
Concevoir qui en approchait,
& vous auriez mesme encore
beaucoup de peine à vous les
representer tels qu'ils [ont) si
vous ne les aviez vûs.
Le Roy estant party de
Longvvy le 21. entra dans le
Luxembourg, &: dîna à Cherasse,
premier Village de la
Province ducosté de France;
Le Païs par où l'on entra, n'a
pas tant de Bois ny de Mon.,
cagnes que les autres Cantons
de cette Province. Ce font
des Plaines grasses & fertiles?
remplies de tres-bons grains.
Les Villages y sont en affcz
grand nombre,mais les maifons
n'en font pas entièrement
rétablies. En approchantdela
Ville de Luxembourgeonvoitde
toutes parts
destrous, desquels on a tiré
de la brique,& de la chaux,
& d'autres materiaux, pour
les nouvelles Fortifications
<i'un Ouvrage qui va au delà
de tout ce que l'on en peut
concevoir.L'aspect delaVilleestbeauducostédeFrancc.
Le plan paroist égal par.
tout,&lesédifices sontgrands
8c magnifiques. On découvre
plusieursEglises couvertes
d'ardoises, descazernes, des
Magasins, des maisons considerables,
Celles des particuliers
semblent estre bâties
desimetrie; mais lors qu'on
est dans la Ville, on est furpris
de ce qu'on n'a découvertqu'une
partie des Fortifications.
Elles sont toutes irregulieres,
& continuées suivant
l'étduë du terrain, dont
la situationpeut étonner des
Assiegeans qui oseroientl'attaquer.
•*
Je devrois vous parler icy
de l'origine de cette Place,
vous entretenir des Ducs qui
en ont porté le nom, & vous
en faire comme un abregé
d Histoire; mais j'ayamplement
parlé de toutes ces choses
dans le Volume que je
vous ay envoyé du seul Journal
du Siege que le Roy fit
)
lors qu'il joignit la Ville de
Luxembourg à ses premieres
Poiiujrfedr
Conquestes. Ainsi jeme COfitenteray
de vous envoyer le
revers de la Medaille qui sur
¿;'faite en ce temps-là, & que
j'ay pris foin de faire graver.
Le Portrait du Roy [e voit
sur laface droite. Jene vous
dis rien du revers, vous le
pouvez voir.
Ce Prince fut receu à la
Porte parleMajor de la Place,
&,' traversa la Ville au milieu
de six rangs de ceux de
la Garnison qui estoient soue,
lesarmes, & en hâye>j[ufque^
au lieuoùSaMajesté alladescendre.
Ils firent trois salves,
mais on ne tira le Canon qu'aprés
l'arrivée du Roy, parce
que cela auroit marqué une
Entrée, & qu'il avoit déclaré
qu'il ne souhaitoit point
qu'on luyen fist.LesBourgeois
vinrent luy offrir leurs hommages.
oLes ruës étoient toutes
tapissèesde branches d'arbres,
suivant la coutume du Pai's.
Pendant le Soupe du Roy
qui dura deux heures, ils aL
lumcrent unfcudejoyc dans
-- .--' -,. --, -' 1er
té —*
--_.
le Pâté qui eH: entre le Paffendal
& le Grompt, vis-à-vis
les fenestres du Palais du
Gouverneur, prés de la Riviere.
Toutes les ruës furent
illuminées, &ces illuminations
continuerent pendant
tout le temps que Sa Majesté
demeura àLuxembourg. La
façade de l'Hostel de Ville parut
éclairée par plus de deux
cens Lanternes, remplies de
Devises à la gloire de ce Prince.
Les Clochers estoient en
feu, & quantité de flambeaux
de cire blanche brûlerent
toute la nuit devant la maison
du Maire. Toutes ces illuminations
furent accompagnées
de cris de Vive le
Roy. Sa Majestéfutgardée
par un Bataillon de Champagne,
commandé par Mr le
Baron de la Coste, La Ville
estoit plus remplie d'Etrangers
que de gens de la fuite
de la Cour, sans compter les
Gouverneurs, les Lieutenans
de Roy, les Officiers des Garnisons
d'Alsace, de Lorraine,
&de Flandre, qui avoient
eu permission de venir. Mr
l'Evesque
)
& Mr le premier
President du Parlement de
Mets, y estoient aussi venus,
avec tout ce qu'il y a de plus
distingué dans la mesme Ville,
suivy d'un grand peuple,
que la curiosité de voir le
Roy y avoit attiré. Il yestoit
passé plus de dix mille hommes
deTreves,deCologne,
de Mayence. de Juliers, de
Hollande, & de la Flandre
Espagnole;& l'on eust dit
que toute la Champagne s'y
estoit renduë, pour remercier
le Roy d'avoir pris cette
Place, afin deladélivrer des
courses de sa Garnison. M1 de
Louvois y estoit arrivé le
jour precedent
,
après avoir
faitun Voyage de deux cens
cinquante lieues depuis que
Sa Majesté estoit partie de
Versailles pour aller à Luxembourg.
Cette diligence
ne paroiftroit pas croyable,
si ce n'estoit une de ces choses
de fait dont on ne [sa?=-:
roit douter. Ce Ministre
rendit compte au Roy de
son Voyage pendant que Sa
Majesté demeura à Luxembourg
& je vous en feray le
détail
, avec celuy de ce qui
s'est paffé dans le temps de
ce sejour,mais il faut auparavant
vous faire la description
de cette Place.
Tous ceux qui l'ont veuë
avant le Siege ,la regardent
avac un etonnement qu'il seroit
difficile d'exprimer, &
sont fort surpris d'avoir à
chercher Luxembourg dans
Luxembourg mesme. On ne
reconnoift: plus cette Place
que par quelques Edifices publics,
presque tous ruinez
dans la Journée des Carcasses
& dans la fuite duSiège, &."
rétablis dans une plus grande
perfection
, par les soins Ôc
par la pieté duRoy. On m'a
assuré que la Ville est grande
deux fois comme Saint Germain
en Laye, &j'ay vû deux
Relations qui le marquent.-
Je ne vous garantis pas
tjue cette grandeur soit juste
On peut s'abuser dans les
choses qu'on écrit sur lerapport
de sa veuë ; cependant
on peut concevoirpar
là une idée approchante de
la grandeur d'un lieu dont
on fouhaitc avoir connoissance.
La Place d'armes de Luxembourg
peut contenir environ
deux mille hommes
rangez en bataille. Les rues
sont larges,&il yen a douze
ou quinze considerables. Les
Bâtimens y sont de deux éta.:=
ges au moins. Ils sont assez
étroits
) mais presque tous
d'une--nlefme, simetrie. La
Cour y estoit assezbien 1&--
gée. Le Commerce n'y est
pas grand, mais la Garnison
y fait rouler beaucoup d'argent
par ses dépenses. On a
esté obligé de prendre des
Domaines, & des Jardinsà
quelques Bourgeois,& à quelques
Païsans, maisils en ont
esté largement indemnisez.
L'Hostel de Ville e£tpetit?
û façade n'est pas large. La
Paroisse est étroite, & il n'y
a qu'un Doyen,&dixEcclesiastiques;
un plus grand
nombre n'en: pasnecessaire,
puis que les Religieux qui
font dans le mesme lieu, les
déchargent presque de tous
les soins qui regardent les
Pasteurs. Il y a quarante-cinq
Religieux dans le Convent
des Recolets, dont la moitié
font François
, & les autres.
Allemands. Ils vivent
des questes delaVille, & dc:
la Province, & preschent
dans l'une & dans l'autre
Langue. Ils sont commis
pour auministrer les Sacremens
à la Garnison. Les Bourgeois
quisontfort devots, &
Flamans en ce point-la?vont
souvent faire leurs dévotions
chez ces Peres, qui sont en
très-grande reputation en
cette Ville-là?&fort estimez
& aimez de tout le Peuple,
Ils ne le font pas moins de la
Garnison qui les respect
beaucoup. Je pourrois ajouter
qu'ils s'en attirent la crainte
aussi-bien que le respect,
puis que ces Peres font toutes
les fonctions Curiales en ce
qui touche cette Garnison.
LePereOlivier Javenayaprés
avoir esté Gardien, & s'estre
acquis une grande réputation
par ses Sermons, a esté éleu
Custode de douze Maisons
.dependantes de celle-là, dont
celle de Luxembourg est la
principale. Les Jesuitesyont
une tres-grande Eglise, fort
propre, & fort riche. Elle est
plusgrande que celle des
Carmes de la Place - Maubert
, & a deux aillés, &
trois beaux Autels. Ils tiennent
leCollege
, & ces Peres
font ordinairement au nombre
de vingt-cinq dans cette
Maison. Encore qu'ils soient
tous François, il yen a quelques-
unsqui sçavent fort bien
l'Allemande & qui ontesti
élever en Allemagne. Leu.
Jardin est beau & spacieux
îc leur maison toute neuve
êc bien ordonnée. Ilsontune
Musique Allemande, que la
Cour alla entendre le jour de
la Trinité. Les Capucins y
ont aussi unConvent
>
dans
lequel on ne trouve que des
Religieux François ,
dont
le nombre peut égaler celuy
des Jesuites. Il y a
deux Refuges dans la Ville,
& une Eglise, appellée le
Saint Esprit, dansunBastion,
Celle desDominicains?qui a
esté fort endommagée par le
Canon, n'est pas encore rctablieIlsdonnerent
ieui
Tour pendant le Siege, pour
placer une Batterie qui incommoda
fort nostre Camp.
On fut obligé de s'en défendre?
& cela* pensa causerla
ruine entiere de leur Eglise.
J'oubliais à vous dire que
les Recolets ont le Cimetiere
de la Garnison. Leur Eglise
est aussi grande que celle des
Cordeliers du Grand Convent
de Paris. Ils ont d'assez
beaux Ornemens, & tout est
chez eux d'une grande propreté.
Leur Jardin est aiTçz
beau pour une Ville de Guerre
Il tomba pendant le Siege
cinq cens Bombes dans leur
enclos, dont trois tomberént
dans une Chapelle,
qui fert de Mausolee auComte
de Mansfeld, l'un des plus
grands Capitaines de son
temps, & fameux par ses Exploits
fous Charles IX. Il
mourut Gouverneur de Luxembourg
âgé dequatrevingt-
six ans. Son tombeau
estde Marbre blanc; safigure
->
& celles de ses deux Fern;
mes ,
font en bronze au desfus
de ce Tombeau,chacune
de six pieds de haut. L'une
des trois Bombes qui tomberent
dans cette Chapelle,
perça une grosse voûte, fit
tin trou fort large à l'extremitédu
Tombeau duComte..,
tourna à demy une pièce
de marbre qui le couvre, &
4jui a huit pieds en quarré
ôc la rompit environ de la
largeur d'un pied. Les Jefuites&
les Recolets ne font
sjparezquepar une rue* &
ïes Capucins sont dans un autre
quartier de la Ville, proche
la Porte-neuve. Il y a
aussi trois Convents de Filles.
Le Comte de Mansfeld dont
je viensde vous parler, a fait
bastir le Palais des Gouverneurs.
Il a esté tout ruiné par
nos attaques, & si bien reparé
par les soins de Mrle Marquis
de Bouslers
, que le Roy
y logea avec Monseigneur;
& les Princesses,Ilest sur un
Bastion. qui donne sur un
Fauxbourg arrosé par la Riviere?
dont la Prairie dans laquelle
elle se répand estun
objet agreable pour la veuë,
& dans une gorge entre deux
Montagnes. Il a pour point
de veuë un reste de petit bois
de haute Futaye. Pour pouvoir
insulter ce Bastion, il
fauts'estre rendu maistre de
sesdeffenses. Le Roy y avoit
une grande Salle, une
grande Chambre pour les
Jeux, sa Chambre,&trois Cabinets.
Les Gouverneurs de
Luxembourg avoient autrefois
une Maison de plaisance
située sur la Riviere qui sert
de point de veue lieur Palais;
mais les guerres les ont
privez de ce lieu de divertis
sement. Luxembourg est fituésur
une hauteur àl'extremité
d'un grand terrain du
costé de l'Ouest & du Sud
fondé sur un roc qui a este
coupé plus de quatre pieds
en terre dans les endroits ou.
l'Esplanade duGlacis n'est pas
sélon les Réglés? & commandé
par le chemin couvert. A
son Est, & à son Nord, ct
sont des Vallées prodigieuses.
qui semblent inaccessibles à
toutes les Nations; & cependant
c'est par ces abismes
qu'on a pris la Place. L'une de
ces Vallées entre le Nord k
l'Est, estarrosée par TEfle*,
petite Riviere sans commerce
qui vient du cofté du Sud
d'Erfche Bourgade„& qui va
se rendre dans la Moselle aprés
s'estre jointe au Sours
&. àSclbourgversVasbilingrr
L'autre est remplie vers le
Sud-Est de quelques petits
Ruisseaux de Ravines. Il se
trouve pourtant entre l'Esse
une langue de terre où cft la
Porte dé Trêves
,
& une autre
langue plus spacieuse occu\.
pée parunFort nommé du
Saint Espritque l'on a fortifié
depuis que le Roy a coiv
quisla Place. Elle estdiviséce
en haute, & en basse Ville,
La haute cft l'ancien Luxembourg
,reparé,&fortifié dt
nouveau. On afaitune Porter
neuve qu'on appelle de France
vers Nostre-Dame de
Consolation, & l'on a pouse
le Bastion de Chimay,jus
ques au delà de l'Insulte. La
baffe-Ville est composée de
deux Fauxbourgs, rendus c-e*
lebres par le dernier Siege.
L'un est nommé le Passendal.,
arrosé par le principal Canal
del'Effe. L'autre est le Minstier
ou le Grompt mouille
aussi par un bras de l'Effe. Entre
ces deux Fauxbourgs
?
est
la Porte de Treves
?
& une.
Plate-forme au dessousquon
appelloit le Pasté. A l'extremité
du Minfter vers la droite
est le nouveau fort du Saint
Esprit. Mr de Montaigu a
levé avec du carton le Plan
de cette formidable Place,
où Ion en remarque aisément
toutes les beautez, avec toutes
les augmentations que le
Roy y a faites. Toute l'Allemagnea
esté surprise de voir
avec quelle promptitude on
en a reparé les brèches &
avec quelle facilite sans avoir
égard à la dépense on a aug.;
mente cette Ville de plus de
deux tiers, afin d'occuper
tout le terrain qui sembloit
estre favorable pour en approcher.
Aprés vous avoir fait voir
la situation de It Place, il faut
que je vous trace icy le Plan
de ses Fottifications. L'entreprise
est hardie, & un terme
mis au lieu d'un autre, peut
répandre de l'obscurité dans
ce que je vous diray les descriptionsde
cette nature,quelques
ques claires quelles soient,
n'eitant qu'à peine intelligibles
pour ceux qui ne sont pas
dumestier.Joignez à cela que
je puis expliquer mal des cho-
[es, dont je n'ay pas toutes
les lumieres necessaires? pour
estreafleuré que je ne me
trompe point. Cependant je
fuis persuadé que quelques
fautes que je puissefaire
, &:
que j'aye peutestre mcfme
déjà faites depuis que j'ay
commencé à vous parler de
Fortifications dans cette Ler
tre, ce que je vous en ay dit,l
& ce qui me reste à vous expliquer
) ne laissera pas de
donner de hautes idées de la
puissance du Roy? & de la
force de Luxembourg.
L'ancienne Ville qui est
toute sur un terrain élevé
cil: un Heptagone ayant un
Bastion coupé par le deffaut
duterrain de Paffendal. Elle
a trois portes ; l'une vers le
Couchant) c'est celle de France;
l'autre au Nord? c'est celle
de Passendal; la troisiéme;
vers l'Orient, c'est celle de
Trêves, & une quatrième
pour les sorties regardant le
Midy. La premiere & la derniere
sont dans la haute Ville
bien flanquées de bons basions?
& de dix Redoutes,
soutenuës de bons Cavaliers,
où l'on mettra quarante pièces
de Canon. On peut voir
dans la premiere porte quelle
supercherie peuvent faire
ceux qui se desfendent dans
leurs maisons. La premiere
entrée prise , il ne faut aller
que pied à pied à la seconde;
& la troisiéme est encore
mieux gardée que les prémieres.
Les Redoutes sont
portées aux endroits les plus
soibles des Courtines pour
deffendre le chemin couvert,
& pour commander sur toute
l'Esplanade;elles font élevées
jusques au cordon pour répondre
au rez de chauffée, &
pour raser l'Esplanade. Au
dc!fij.S est une Plate-forme
avec un Parapet dont on se
sert jusqu'à ce que le Ganofll
l'ait renversé ; on se retire au
dessous où sont des Sarbacanes
pour tirer sur le chemin
couvert & dans le glacis. Dela
on a encore un étage en
- terre d'où l'on se peut desfendre
long- temps , &quand
on est poursuivy par les Galeries,
on a clei portes avec
du Canon de Campagne. Si
les Ennemis vouloient establir
un logement autour de
ces Redoutes, il y a des Mines
& des contre-mines toutes
disposées pour empescher les
Travailleurs d'avancer leurs
ouvtages. Les Fourneaux sont
si bien menagez qu'ils ne
peuvent manquer leur coup.
On a fait deux demy
-
Lunes
dans cette ancienne enceinte..
Le Bastion de Chimay? qui
est à l'extremité du Roc, &
qui commande sur la Porte
de Paffendal, est soûtenu par
deux autres Bastions avancez
le long de cette cime,qu'on
peut appeller une Demy-lune
1-
& une autre Contre-garde,
ce qui semble estre hors.
d'insulte> parce qu'on a fait
la dépense de railler dans le
roc,&qu'on s'est attache à
le rendre inaccessible; &
comme la Riviere qui passe
au dessous de la Porte, a une
hauteur dans son bord opposé
qui commande la Ville
>
car ce fut là qu'an mit une
Batterie pendant le dernier
Siege, pour ruiner jePalais
du Gouverneur; son Badion,
& la Porte,lePvoy a fait faire
sur la cime de cette hauteur
deux Ouvrages à o cornes
qui renferment tout l'espace
par où l'on avoit à craindra
Une Ligne de communication
prend de l'extrémité de
la Contre-garde du Bastion
de Chimay, descend par la
Porte de Passendal dans la
Riviere, & va joindre ces Ouvrages
, qui sont faits avec
toute l'industrie de l'At[,.
pour batere la Plaine d'audelà,
pour commander sur le
vallon où coule l'Effe,& pour
désendre le Chemin couvert
de la Contre-garde du Baftion
de Chimay;&afin qu'on
ne prenne pas ces O1uvrages par le vallon., Sa Majesté qui
voit tout avec des liimieres
qui necedenten rien àcelle5
de les Ineenieurs? a ordonné
deux Reodoutes au dessous,
prés de la Rivière. Ainsi le
Fauxbourg du Paffendal qui
est sur l'eau, fera défendu 8c
couvert de toutes parts. On
y fait un Hôpital, & il y aura
des Cazernes, & des Magasins
comme dans la Ville.
Il est fermé à la droite par
une autre Ligne de communication
semblable à la premiere,
qui joint le sécond
Ouvrage à la Porte de Trêves,
qui se trouve à l'extremité
d'une languete prise
dans le roc qu'on a percé en
deux endroîts, pour faire
passèr les chariots, & les
Troupes du Paffendal au
Minfier, sans monter dans
la. Ville. Le Minsterest aufll
défendu par cette Porte, ôc.
par le Fort du Saint Esprit,
qui a quatre Bastions coustruits
sur une petite éminence
qui commandoit dans
le Fauxbourg. Ces quatreBastions
sont soutenus de Demy-
lunes) de Contre-gardes,
& de Redoutes, qui battent
toute une campagne qui regne
au delà. Voilà les Ouvrages
qui se trouvent dans
les Dehors de Luxembourg,
&: qui font environ onze Bastions,
quinze Redoutes, deux
Ouvrages à corne,un troisiéme
qu'on y ajoûte prés de la.
Porte des Sorties, quatre:
Demy-lunes, trois Contregardes,&
cinq ou six Cavaliers.
Tous ces Travaux n'ont
pas moins surpris la Cour,
qu'ils ont étonné tous les
Etrangers qui les ont vûs.)
car cette Place qui tiroit de
la France deux millions de
contributions
, pourroit en
temps de Guerre en tirer bien
davanrage, & faire contribuer
juseqz ues à Mayence? à
Cologne, à Rez, au Fort de
Skin,à Namur& à beaucoup
d'autres endroits, ce qui ne
seroit pas difficile à une Garnson
de sept ou huit mille
hommes. Je ne vous diray
point à combien de millions
a monté la dépense des Fortifications
de cette Place,
chacun en parle diversement
&met le prix aux Ouvrages
de cette nature, suivant Tétonnement
qu'ils luy eaufent.
Ainfiil n'est pas facile
de parler d'une dépense?
quand elle se monte à plusieurs
millions. Tout ce que
je puisvous dire, c'est que le
Roy ne cherchant que l'entiere
perfection dans tout ce
qu'il fait faire, il y a encore
de nouveaux fonds destinez
pour travailler à cette Place,
quoy qu'il paroisse qu'on ne
puisse rien ajoûter à ces Fortifications
;mais le Roy a des
yeux& deslumieres dont on
ne sçauroit trop admirer la
pénétration. Je ne dois pas
oublier que la petite Chapelle
de Nostre - Dame des
Consolation dont je vous ay
déjà parlé dans ma Relation
duSiege, est restée en son
entier, les Assiegez, & les
Assiegeans l'ayant épargnée.
Toute
-
la Province y court
avec la mesme devotion
qu'on va à Nostre-Dame de
Liesse en France.
Il faudrait pour se bien representerl'aspect
de cette
Place, avoir vû les deux Tableaux
que Mr de Vandermeulen
enafaits pour le Roy.
Ils sont à Marly, & ont chacun
onze pieds de longueur.
Ils representent deux faces dô
laPlaec, de sesFortifications,
& de ses avenuës; mais avec
une telle regularité, que ceux
qui ont veu ces Tableaux ne
sçauroient se souvenir de la
moindre chose,qu'ils ne lareconnoissentaussi-
tost dans
l'unou dans l'autre. Ces Tableaux
sont gravez avec les
Estampes de Mrde Vandermeulen
dont je vous ay déjà
parlé, qui represententtoutes
les Conquestes du Roy de la
mesme maniere. Ainsi si la
description que je viens de
faire de cette Place, excite en
vous ou en vos Amis, la curiosité
de la voir d'un coup
d'ecil, vous pouvez avoir recours
à ces Estampes, qui sont
recherchées dans toutes les
parties du monde.
Le Roy ayant resolu de ne
demeurer que deux jours àLuxembourg
; monta à cheval
aussitost qu'il y fut arrivé, &
en allavisiter les Dehors. Mr
de Louvois qui estoit de retour
depuis un jour de son
Voyage d'Alsace,&MdeVauban
, qui sont les deux personnes
qui pouvoient rendre
un compte exact à Sa Majesté
des Fortifications de cette
Place, & sur tout de celles
qui ont esté faites nouvellement
par son ordre, l'accompagnerentpar
tout. Elle vit
les attaques de ses Troupes
pendant le Siege, &: trouva
de nouveaux sujets de loüanges,
pour tous ceux qui avoientcontribué
à cette conqueste,
M le Comte de Blanchefort
s'eilant trouvé auprés
du Roy, ce Prince toûjours
plein de reconnoissance
& de bonté pour toutes les
personnes qui ont du merite,
témoigna le regret qu'il avoir
de la mort de Mr le Maréchal
de Crequi son Pere,
qui avoit fait le Siegede Luxembourg;
ce qui parut toucher
fort sensiblemenr Mr
le Comte de Blanchcfort,
& renouveller dans son
coeur le dcfir qu'il a de sui
vre ses traces, &- d'imiter sur
tout sa prudence? & sa fidelité
pour le Roy.
, Le 22. Sa Majesté donna
audience à Mrle Baron d'Ingelheim,
Envoyé
-
extraordinaire
de Mrl'Electeur de
Mayence; à Mr le Baron
d'Elts, Envoyé extraordinaire
de M l'Electeur de Tréves,
& à Mrle Comte de
Chellart, Envoyé extraordinaire
de Mr le Prince Electoral
Palatin, Duc de Juliers.
Ils estoienr venus faire compliment
à Sa Majesté de la
part des Princes leurs MaiRreS)
sur son heureuse arrivée
àLuxembourg. Ces Envoyez
eurent aussi audience
de Monseigneur, où ils furent
conduits par MrdeBonneüil
,
Introducteur des Ambassadeurs,
qui les avoit menez
chez le Roy? & les avoir
esté prendre dans les Carosses
de Sa Majesté. Ils firent
present au Roy dela part des
Princes leurs Maistres
,
de
plusieurs tonneaux de vin
du Rhin, & de vin de Moselle>
que Sa Majestéreceutavec
les manieres honnestes
qui luy sont si ordinaires, &.
pour marquer que ces Presens
luyestoient agreables
de la part dont ils venoient,
Sa Majesté voulut qu'ils fussent
conduits à Versailles par
les mesmesVoituriers qui les
avoient amenez; & les Envoyez,
suivant les ordres qu'iL
luy avoir pieu d'en donner,
furent regalez splendidement,
avec toute leur suite,par
lessoins de Mr Delrieu, Contrôleur
ordinaire dela Maifondu
Roy, qui n'oublia rien
en cette rencontre de tout
ce qu'il crut devoir faire
pour leur satisfaction, &qui
entra parfaitement bien dans
leurs manieres,
Quoy que le Palais où logeoit
le Roy sust fort spacieux,
il estoit neanmoins
impossible que tous ceux qui
estoientpressez de l'impatience
de le voir? y pussent
entrer; ainsi ce Prince eut la
bonté de sortir plusieurs fois
à cheval? & d'aller mesme
doucement, afin de satisfaire
ceux qui ne respiroient qu'aprés
sa veuë. Il alla à la Metre
aux Jesuites;& plusieurs personnes
qui jusques alors ne l'avoient
admiré que par la quantité
surprenante des grandes
choses qu'il a faites,& qui n'avoient
jamais eu le plaisir de
levoir,l'admirerent ce jour-là
par sa bonne mine, & par un
air qui perfuaderoit à ceux qui
ne sçauroient pas tout ce qu'il
a fait de grand, que tout ce
qu'on leur en diroit feroit - veritable,
véritable. Le Roy estant forty
dela Messe,vit le plan de
Luxembourg, qui estoit dans
une maisonproche de l'Eglise
des Jesuites, Il monta à
cheval l'aprésdînée, & descendit
dansles Mines;il voulutvoiraussi
les Contre-mines.
Il visita les Fossez, & se
promena sur les Ramparts.
Pendant tout ce temps il s'entretint
des beautez de cette
Place avec Monsieur le Printce,
qui fit voir la parfaite
connoissance qu'il a de tout
ce qui regarde la Guerre, &
quelle est telle qu'onladoit
attendre du Fils d'un Prince
qui auroit pu apprendre ce
grand Art à toute la terre ,
si on l'avoit ignoré. Monsieur
le Duc, Monsieur le
Prince de Conty
,
& Monsieur
le Duc du Maine su.
rent aussi de la conversation,
& firent voir qu'il est des
sciences pour lesquelles les
Princes ne sont jamais jeunes
&qu'ils semblent avoir aj>„
prises en naissant.
Le mal de Mrle Comte de
Toulouse, qui avoit esté attaqué
le jour precedent d'un
mal de teste
)
& d'un mal de
gorge, continua,& la Rougeole
s'estant declarée, le
Roy resolut de sejourner
deux jours de plus à Luxembourg
, non pas pour y attendre
la parfaite guerison dô
ce Prince, laquelle ne pourvoit
arriver si-tost, mais afin
de voir quel pourroit estre le
cours de son mal. On mir:
auprés de luyMrduChesne
Medecin?MrduTertre, Chirurgien
de Monsieur le Prince,
avec un Apoticaire de Sa
Majesté. Le bruit s'estant répanduque
le retour delaCour
estoit reculé, quelques Etrangers
en parurentinquiets,mais
ils furent rassurez si-tostqu'ils
firent reflexion que le Roy
avoit toujours gardé inviolablement
sa parole;qu'il aimait
Monsieur le Comte de
Toulouseavec tendresse; que
ce jeune Prince estoit chery
<dc toute la Cour, & quainsî
l'incertitude du mal qui luy
pouvoit arriver, estoit la
vraye cause qui portoit le
Roy à retarder son depart.
La Rougeole deMonsieur le
Comte de Toulouse, ne fut
pas la premiere qui parut
à la Cour. Une des Filles
d'honneur de Madame la
Princesse de Conty en avoit
déja esté attaquée. Il yavoit
euaussi d'autres Malades; &
la Gouvernante des Filles
d'honneur de Madame Il
Duchesseavoit eu la Fiévre.
La maladie de ce Prince contribua
à l'indisposition d'une
Dame d'un tres-grand meri-
&
re. Elle fut saignée, & son
mal se passa.
Le 13. Mrle Comte Ferdinand
de Furstemberg, & Mr
Ducker, Envoyez extraordinaires
de Cologne
, eurent
aussi Audience du Roy, &
de Monseigneur le Dauphin.
Ils y furent conduits par Mr
de Boneüil avec les mesmes
ceremonies que l'avoientesté
les autres Envoyez,& traitez
demesme.Mr le Cardinal
LangravedeEurftcmberg
faluaaussileRoyavecdeux
de ses Neveux.M le Comte
d'Avaux, Ambassadeur dfe
France auprès des EtatsGéneraux
dès- Provinces unies
s'estant rendu de la Haye à
Luxembourg, y salüa Sa Majesté,
& receut d'Elle de nouvelles
instructions touchant
les negociations ordinaires de
son Ambassade.Lorsqu'il prit
congé du Roy,ce Prince luy
dit qu'ilcontinuastàle servir
de la mesme sorte,& qu'il seroit
content. Cela fit assez
connoistre que Sa Majesté
estoit satisfaite de ses services
passez. Mr Foucher, Envoyé
extraordinaire des Etats Géneraux
auprèsdel'Electeur
de Mayence , eut aussi l'honneur
de salüer ce Monarque.
LeRoy entendit ce jour là la
Messeaux Recolets. & vit enfuite
dans ure Chambre du
Convent le Plan de Trarback
levé par Mr de Montaigu.Je
vous parleray de ce Plan dans
la fuite de ma Lettre. SaMajesté
alla l'apresdinée à la
teste des Tranchées, & des
Lignes, & en examinant la
Place, Elle previt tout ce qui
pourvoit arriver, si on osoit
un jour entreprendre de l'assieger.
Elle fit le mesme jour
la Reveuë des Troupes de la
Garnison, quiconsistoient en
cinq gros Bataillons, & en
plusieurs Escadrons.
Le 14. le Roy entendit la
Messe à la Paroisse, & tint
Conseil le matin & l'apresdînée,
ayant pendanttoutle
temps qu'il a demeuré à Luxembourg
,donné cinq à six
heures par jour, pour tousles
Conseils qu'il y a tenus; de
forte, que le temps qu'il employoit
à voir des Fortifications
& à faire des
-
Reveuës,
estoit celuy qu'il prenoit
pour donner relâche à fan
esprit. Ainsi l'on peut dire
que l'esprit ne commençait
à se reposer que pour donner
lieu au corps d'agir. Pendant
que le Roy n'eliok occupé
que des soins de son
Etat sans se donner un seul
moment de relache
,
la Cour
se partageoit, pour se divertir
selon son goust. Les uns
se
-
promenoient ,
les autres
joüoient , & quelques autres
se rafraîchissoient chez Mrde
Bouflers.Je ne vous diray
point que durant tout le sejour
- que Sa Majesté a fait
dans cette Place, ce Marquis
a tenu plusieurs Tables chaque
jour, tant le soirquele
matin,à un fart grand nombre
de couverts; ce seroitdire
trop peu,puisque non seulement,
tousceux qui ont voulu
manger chez luy y ont
trouvé a toute heure tout ce
qu'ils ont souhaité, mais
qu'on n'a mesme rien refusé
f aucun de ceux qui en ont
envoyé chercher. Commejamais
homme ne fut plus genereux
> jamais dépense n'a
esté faite de meilleure grace.
Mr deBouslers apprehendoit
si fort de n'estre pas à Luxembourgpour
la faire
a.
qu'ilfol^
licita pour n'aller au Camp
qu'ildevoitcommander,qu'aprés
que Sa Majesté seroit
partie. Le Roy qui sçait distinguerladépense
qui n'est
pas interessée,luy a fait un
Present de trois mille Loüis.
Le z5. SaMajesté entendit
encore la Messe aux Jesuites.
Elle se promena de nouveau
à cheval dans les Fossez
) & à
pied sur les Ramparts. Plus
Elle a regardé la Place avec
application,&enaexaminé
les nouvelles Fortifications,
plus Elle en a esté satisfaite ;
8c comme on ne luy rend
point de grands services sans
recevoir des marques de sa libéralité,
par dessus les recompenses
ordinaires, Elle donna
douze mille écus à Mr de
Vauba n.Toutes les Relations
conviennent qu'Elle luy fit
ce Present d'une maniere si
obligeante, que plusieurs
souhaiteroient enavoir acheté
un semblable de beaucoup
plus, & l'avoir receu
Qvec le mesme agrément. JLf
Royafait aussi des Presens
dans toutes les Eglises où il a
esté. Il donnoit une somme
pour les Ornemens. Cette
somme estoit suivie d'une autre
pour les Pauvres, & ces
deux d'une troisiéme, ou de
quelques graces dont il de":
voit revenir de l'argent pour
l'embellissement des lieux. Sa
Majesté n'ayant point mené
de Musique auVoyage )l'un
de ses Musiçiens nommé Mr
de Ville, qui est Chanoine
de Mets> y prit quelques lastrumens,
& quelques voix ,
& fit chanter dans les Eglises
où le Roy entendit la Messe
à Luxembourg, les Motets de
Mrs du Mont, Robert, &
Minoret. Sa Majesté le recompensa
de ses soins, de son
zele, & de sa dépense. Comme
l'argent n'est pas toûjours
ce qui touche davantage,quelques
charmes qu'il ait pour
tout le monde, par l'indispensable
necessité où chacun
cil d'en avoir, le Roy fïr
ouvrir les Prisons à soixante
&dix Malheureux, qui aimerent
encore mieux la liberté
que toute forte de biens;mais
ce Prince ne leur accorda des
graces que selon le genre des
crimes,ne voulant pas que sa
clemence servist à en faire
commettre de nouveaux, à
ceux qui en avoient fait d'enormes,
& que l'on jugeoit
capables d'y retomber,ce que
Mr l'Evesque d'Orléans, Mr
l'Abbé de Brou
,
nommé à
l'Evesché d'Amiens, Mes,
les Abbez de la Salle «
Fleury,& Mrde Noyon Lieu-»
tenant de Mr le Grand Prevost,
ont examiné par l'ordre
du Roy.
Le26.les uns ne songerent
qu'à partir, & les autres s'affligerent
du départ. LaCour
en voyant les Fortifications
de la place, avoir pris un
grand plaisir à se mettre devant
les yeux tout ce qui s'estoit
passé pendant le Siege-
Elle avoit examiné les Attaques&
les Tranchées) admiré
la conduite du General
)
l'intrepidité
des Soldats, le ge.
nie & l'adresse de M'de Vauban
à conserver les Aillegeans;
car le Roy sçachant
l'humeur boüillante des François
, & leur zele pour son
service
, avoit expressément
ordonné à feu Mr le Maréchal
de Crequi, & à Mrde
Vauban,d'épargner les Troupes,
& de prolonger la durée
du Siege,plûtost que de
hazarder le sang des Soldats.
Ce Prince avoit pris ses mesures
pour cela, Il estoit à la
teste d'une Armée pour em-"
pêcher lesecours,&prest à
donner bataille à ceux qui
auroient voulu le tenter.
Lors que la Cour partoit
satisfaite, & toute pleine de
ce qu'elle avoit veu, elle partoit
avec son Prince, & le
devoit toûjours voir; mais
ceuxàqui il ne s'stoit montre
que pour gagner leur
amour,& ensuite les priver
de sa presence,avoient beaucoup
de cbagrin de son départ.
Ce Prince avoit paru
à Luxembourg plûtost enPere
qu'en Roy. Sa douceur & sa
bonté s'estoient fait connoître.
Il s'estoitmontré familier
sans descendre de son
rang; on avoir eu un libre
accés auprés de luy ; ceux qui
luy avoient presenté des Requestes
avoient esté écoutez,
& la pluspart avoient obtenu
les graces qu'ils avoient demandées
;les Prisons avoient
esté ouvertes;laNoblesseavoit
eu un libre accès jusque dans
saChambre ;il avoit permis
plusieurs fois au Peuple de le
voir dîner , ce qu'il avoit
refusé dans les autres Villes,
à cause de la chaleur; ils
avoient admiré la devotion
de Sa Majesté, & la pieté que
son exemple inspire à toute
sa Cour; il avoit fait de
grands dons dans la Ville;
les dépenses ordinaires de là
Cpur y avoient répandu
beaucoup d'argent,ainsi que
le Etrangers que l'envie de
voir ce Prince avoit fait venir
en fort grandnombre; L*
Noblesse avoit esté receuë
aux Tables de la Maison du
Roy,&les Etrangers de distinctionqui
n'estoient pas
venus avec les Envoyez des
Princes Souverains des environs
, y avoient aussimangé;
enfin tout concouroit à faire
aimer, & regreter ce Grand
Prince. Il partit le 26. aprés
avoir entendu la Méfie aux
Capucins,& alla dîner à un
lieu nommé Cherasse.
J'aurois pu vous parler plûtost
du Voyage dont Mr de
Louvois rendit compte ait
Roy à Luxembourg
, mais je
n'ay pas voulu interrompre
la fuite de la Relation que
j'avois à vous faire de ce qui
s'y est passé.CezeléMinistre
partit de Versaillesle30. d'Avril,
passa à Tonnerre & à
Ancy-le-franc,&après avoir
vû les Fortifications de Besançon
, les Troupes, & les
Cadets, il se rendit le 5. de
May après midy à Befort.
C'est la Capitale du Comté
de Ferrette, située dans le
Sunggovv bb 1
Sunggovv,écheuë au Roy
avec l'Alsace par le Traité
de Munster. Mr le Marquis
dela Suze en a esté longtemps
possesseur, par engagement,
ou autrement. Mrle
<C? ardinalMazarinpossedaenfuite
ce Comté, & Mrle Duc
Mazarin, qui luy a succedé,
en jouitpresentement. La
Ville estassez belle. Il y a
un Chasteau, où l'on a fait
quatre Bastions. Mr de Saint
Justest Gouverneur de cette
Ville
>
où Mr de Dampierre,
Lieutenant de Roy, commande
c-iifôn absence. M" de
Louvois visita la Place, les
Troupes, & les nouveaux
Travaux, qu'il trouva en bon
'estât. Ce Ministre coucha
le 6. à Dainm-arie Village
d'Alsace. Il se rendit le 7. à
Huningue. C'est une Place
quiestfort proche de BaDe,
ÔZ qu'on a nouvellement
fortifiée de six Bastions sur
le Rhin ; on y a aussi fait
- des Dehors? & un Pont
ik bois fut le Rhin avec
quelques Ouvrages au bout
pour en fortifierla teste.
Cette Place rend la France
fort puissante sur le Rhin.
Elle est dans l'Alsace. Mrle
Marquis de Puisieux en est
Gouverneur, & Mr de la Sabliere
, Lieutenant de Roy-
Mrde Louvois en examina les
Fortifications,& fit faire reveuë
aux Troupes qui y et;
toient e& Garnison. Le 8. il
coucha à Fribourg, Capitale
c- duBrifgaw
,
située sur la petite
Rivière deTreiseim,i
bout d'une Plaine fertile, &
sous une hauteur qui cft le
commencement de laForest
loire. Elle est grande, bien
)euprlee.&: a diverfcsEcrllfcs,
&: plusieursMaisons Rcligieuses.
Le Chapitre de Basle
y fait sa residence, quoy que
l'Evesque ne l'y faire pas. Il la
fait à' Potentru, depuis que
les Protestans ont esté Maistres
de Basle. Il y a une Chambre
Souveraine à Fribourg,
& une celebre Université,
qu'Albert VI. dit le Debonnaire
,y fonda en 1450. Les
Ducs de Zeringuen ont possedé
autrefois cette Ville; qui
passa dans la Maisonde FULstemberg,
par le mariage d'Agnes
avec le Comte Hugue
ou Egon, dont les Descendans
l'ont gardée jusque
vers l'an 1386. après quoy les
Bourgeois s'estant mutinez,
se donnerent aux Ducs d'Austriche.
Elle fut prise trois
fois en six ans par les Suédois;
sçavoir en 1632.. en 1634. ôc
en 1638. Son nom s'est rendu
fameux dans toute leuropc,
par la celebre Victoire que
feu Monsieur le Prince, qui
n'estoit alors que Duc d'Anguien,
remporta en 1644. sur
les Troupes Bavaroises, aprés
un Combat sanglant & opïniastré
qui dura trois jours,
pour les postes difputcz de
la Montagne-noire., à une
lieuë de Fribourg. Ces trois
jours furent le 3. le 4. & le 5.
du mois d'Aoust. Feu M le
Maréchal de CrequLqui commandoit
une des Armées,du
Ro.yj.piMt cette Villele17.
Noyen).bre1677.aprèsun Sijer
gaevdoeisteapltorosuckhuuxitmjouurrasi.llIelsy»
uneCitadelle
à quatre Ri-
(rions, dç bons FolLz? o~
quelques autres Ouvrages.
Depuis ce temps-làles François
l'ont fortifiée plus regulierement.
La Rivière- du.
Trcifeim, qui n'est jamais
glacée? nettoye toutes les
rues. On a ajoutéquelques
Bastions aux anciennes muraillesde,
laVille,& les Fortifications
du Chasteau ont
este augmentées. On les a
étendues sur toute la hauteur.
C'est un chef-d'oeuvre de Mr
de Vauban. On yaaussi bâty
d'autres Forts qui commandent
à deux vallées. Les
Archiducs d'Autriche y avoient
étably une Chancelleric.
Il y a quatorze Mona.
stercs à Fribourg, & des Maisons
de trois Ordres de Chevalerie.
Mr du Fay en est
Gouverneur, Mr Barrege.
Lieutenant de Roy, & Mr
Roais commande dans leChasteau,
Mr de Louvois dîna le
,. à Brissac,&vit la Place
&les Troupes.Cest une Ville
d'Alsacedans le Brisgavv qui
donne un passage sur le
Rhin. Elle fut prise en 1638-
par Bernard de Saxe, Duc de
Vveimar, General de l'Armée
de Suede? avec le secours des
Troupes Françoises que conduisoit
le Maréchal de Guebriant.
On y trouva plus de
deux censpieces de Canon)
avec degrandesrichesse -y,
l'annéesuivante le Duc at
Vveimar estant malade à.
Nevvembourg prés de Irifac?
le mesme Maréchal de Guebriànts'aflxiraaumoia.
deJ all--
kx de cetteimportante- rl -
ce-,ôc des autres qui fuienc re-r
mises au Roy j&r TwtÇ du
9.Octobre de lamesme aPT
née.Elles surent cedées à Sll
Majesté en 1648. par leTraité
de Vvestphalie
, ce qui, fJu;
confirmé en 1^59<parcehijfr
des Pyrénées,Brisaa,que
quelques-uns juçmmenp la
Citadelle de l'Alsace, &d'autres,
laClef de l' Allemagne,
passè aujourd huy pour une
des plus fortes Places del Eu-
-
rape, soit qu'onregarde sa
situation sur un Mont,soit
qu'on examine ce eue l'arta
ccoonnctrriibbuuééaà la rreennddrree rrce~guu--
liere. Elle est sur le bord du
Rhin qu'elle commande,
C'estoit autrefois la Capitale
duBrisgavv, qui areceuson
nom d'elle, mais Fribourg
l'a emportédepuis quelque
temps. Il y a aujourd'hui
double Ville,car outre cellequi
estoit audelà du Rhin,
onafortifié une lac, qui est
presentement habitée, avec
grand nombre de Bastions.
Ilya aussi des Fortifications
en deçà du Rhin? & toutes
ensemble elles peuvent faire
environ trente Bastions. On
travaille incessamment à cette
Place, que l'on peut dire
imprenable. Il y a dans Brisac
une Compagnie de jeunes
Gentilshommes. Mr le Duc
Mazarin en est Gouverneur
Mr de la Chetardie y commande
en sa place,& Mr de
Farges y est Lieurcnant de
Roy. (
Mr deLouvois vit lemesme
jour p. d'Avril, les Fortifications
de Schleftadt. &
les Troupes qui y font en
Garnison.C'est une Place située
dans l'Alsace sur la Riviere
d'Ill qui porte Bateaux.
Elle estoit autrefois fortifiée
de bonnes murailles & de
fortes Tours, avec un Rempart,
& des Fossez très-larges
&fort profonds. On y a fait
des Battions depuis ce temps,
là. C'est une Place fort considerable
,
où l'on fait un
grand trafic. CetteVilles''est
toujours maintenue Catholique
au milreu de i'Heresie,
& il y a un College de Jesuites.
Mrde Gondreville en,est
Gouverneur, & Mrde la Provenchere,
Lieutenantde Roy.
Le 10. Mr de Louvois allacoucher
à Benfeld,petite "-il.
le de la baffe Alsace
,
assezforte,
&: des mieux entenduës..
Elle, dépend de Strasbourg-
,
dont elle n'estéloignée que
de trois lieues. Elle est sur
la Riviere d'Ill. Mr de Louvois
dîna le 10. à Strasbourg
)
ôc y sejourna le n. vit la Ville,
la Citadelle, les Forts, &
les Troupes. Mr de Chamil-
.Iy) si célébré par la défense
de Grave. en est Gouverneur.
Mr de Louvois logea chez Mr
de Monclar, qui commande
-
en Alsace. Je ne vous dis rien
de Strasbourg, comme je ne
Vous ay rien dit de Besançon,
parce que ces Places sont entièrement
connues. Ainsi je
ne vous ay parlé que de cellies
dont j'ay cru pouvoir
vous apprendre quelques particularitez
quine se trouvent
dans aucun Ouvrage imprimé.
Le 12. Mrde Louvois dîna
au Fort Louis du Rhin.
C'est un Fort qui a este construit
dans une Isle du haut
Rhin, huit licuës au dessous
de Strasboug, & autant,au
dessus de Philisbourg. Ce poste
estoit presque inconnu.
Toute l'Isle qui est au Roy,
estant dans l'Alsace qui ap.
partient à Sa Majesté
,
doit
estre fortifiée. Il doit y avoir
plusieursBastions, & des
Ponts avec des Fortifications
à la teste. Mr de Bregy est
Gouverneur de cette Place.
Mr de Louvois aprèsavoirs
examiné l'estat de ce Fort
allalemême jour coucher à
Haguenau. C'est une Ville
fort marchande en A lsace,située
entre les rivieres de Meter
& de Sorn.On gardoit autrefois
dans cette Ville-là,
la Couronne,le Sceptre, la
Pomme d'Or, & l'Epée de
Charlemagne avec les autres
ornemens Impériaux. C'est le
Siege du Bailly du Langraviat
d'Alsace. Mr de Louvois
coucha le 13. à Britche, où il
visita les troupes & la Place.
Cette Ville qui a un Châteauassez
considerable, est
dans la nouvelle Province
de la Sare. Mr de Morton
en est Gouverneur, & Mr de
laGuierleLieutenant deRoy. |
3MVT de LLoouuvvooiiss, aapprrèèss aavvooiirr
Nifité lesFortifications & les
groupes> alla dînerle14. à goù il-ne la même.
choseavec unepareille
activité.Hombourgeft assez
considerab- eoniiderable>&:estauasusmi dans la Provence de laSarre. M1
lç Marquisde laBretesche
qui commande dans cette
Province,en est Gouverneur,
& ^lr de la Gardette y
commande
en son ablençe,
M de Louvois alla ce jourlacouch
r à.jatrpctip Village
de la Province de la Sare qui
se nomme Cucelle &le1/
il passaàKirnoù il difha
en visita le Chasteau. Il cb.,.-
chaleITlefmejourlTraDeri
proche Trarback, & visita
la Presque-Isle de Traben, oi|
l'on va bastir une Placequi
s'appellera Mont-Royal. Cette
Place dont on n'a oiïy parler
qu'en apprenant qu'on y
travailloit
)
fait aujourd'huy
l'entretiende toute l'Europe,
le Roy n'entreprenant
rien qui ne soitassez grand
pour servir de conversation
au monde entier.Quoyqu'on
parle beaucoup d'une chose
ce n'est pas à dire qu'on en
partetoujours jùftc
) & il est
mesme presqueimpossible
:quton puissefejavoir au vray
toutes les pârticularitez d'une
entreprise
?
dont a peine,
at-on appris qu'on a forme,
le dessein. Tout ce que je
puis vous dire de celle-cy,
c'est que j'ay ramassé avec
grand foin* beaucoup de circonstances
qui la regardent*
&: que quandil y en aur,Qi,t;
quelques-unes qui ne feroient
pas toux à fjut vrayes;
je ne laiffer4 pas, 4c ycxuj
apprendre plusieurrs çbofcî
qu'on ne peut encore vous avoir
dites. Le Roy voulant
couvrir Luxembourg en 3
J - s cherché -lps tnoyeps ?
& lesa
trouvez danssesterresen.déT
couvrant un lieu. propre à
fairebastiruneVille. Ce lien,
se nomme Traben, & pour
parler à lamaniéré du Païs,
il eit à trente heures dç-Liirxembourg,
à douze de Tre"
ves, &à six de Coblens. Je
ne me puis tromper de beaucoup
sur le plus ou sur le
moins) & l'espace que je vous
marque) vous doit donner à
peu prés l'idée de l'éloignément
où ces Places peuvent
cftre les unes des autres. Tra.
ben est à la teste de Luxembourg.
On dit que Cesar y a
Autrefois campé, & qu'il y a
des vestiges d'une espece de
Fossé que l'on pretend avoir
autrefois fermé son Camp,
La Nature semble avoir faifre
ce lieu-là afin que le Roy le
fin: servir à sa gloire. Il n'a
que huit toises de largeur à
son entrée, que l'on dit estre
une escarpe& un rocher inaccessible.
La Moselle, qui n'eâ
point guéable en ces quartiers-
là ,envelope lereste de
son enceinte. L'entrée du
terrein elt occupée par un
plan deSapinsqu'onfaitjetter
à bas pour servir à cette
entreprise. La terre qui rcftc
lontient un des meilleurs
plans
plans de vignes de tout lePaïs,
& quelques champs qui rapportent
de tres-beaux grains,
&l'on trouve outre celaassez
de vin &de grain dans l'étendue
de cette presqu'Isle pour
nourrir une Garnison de trois
ou quatre mille hommes, Les
costes qui regnent vis-à-vis
le long dela Riviere,ne commanderont
point la Place, &
comme on ne pourra l'attaquer
que par le terrain que je
viens de vous marquer, il est
aise delarendre imprenable.
Il ya quatre Villagessur Iesr
crestes de ces costes dont on
pourra tirer de grands secours
pour les premiers Travaux,
L'extremité du plan de lapins
est une grosse source, qui se
trouvera dans lesFossez de la
Place, & qui fournira de
l'eau à la Ville. Elle aura
plusieurs Bastions
>
& fera
touteirreguliere, & tracée
sur la longueur, & la largeur
du terrain. Il y aura autour
de lapresqu'IsledesRedoutes
d'espace en espace
) pour dé-«-
fendre le passage de la Riviere.
Cequ'ilyade surprenant,
]
c'est qu'on peut dire que ce
que le Roy rcfout,est à demy
fait presqu'au moment
qu'il est resolu, au lieu que
pour l'ordinaire les grands
desseins demeurent au seul
projet. A peine eut-on plante
les piquets) que les Baraques
pour leslogemens des Soldats
le trouvèrent faites. Sept Bataillons
travaillèrent. Ils furent
bientost fortifiez d'autres
Troupest & l'onregarda
cette entr^prife avec unétonnement
donton n'cft pas encore
rovenu? sur tout pendant
que le Roy fait travail1er
dans le mcfmc temps àun
fort grand nombre de Places.
Quelque Souverainqui aitjamais
entrepris d'en faire, elles
ont estel'ouvrage du temps
plûtofi que de ceux dont elles
ont pris le nom; puis que la
pluspart nont presquerien
fait de plus, que d'en avoir
mis la première pierre. Voilà
la France à couvertdes infultes
deTAllemagne, & le Roy
fait plus à son égard
? que les
Chinoisn'ont jamais fait par
leur muraille de cinq cens
lieuës de long à l'égard des
Tarures.Le Royaume de la
Chine n'est à couvert que par
une feule muraille, & la Fran-*
ce l'est aujourdhuy par deux
rangs de Places forces, qui
doivent au Roy tour ce qui
les rend redoutables. tvir de
Louvoisaprès avoir sejourne
le 16.a Traben, & avoir,
pour ainsi dire, donnéle mouvement
à tous les bras devoient qui agir pour la gloire
du Roy,& pour la tranquillité
de l'Europe, alla coucher
le 17- a Sare-Loiiis, où il fit
la reveuë des Troupes, &vifita
les Fortifications de la Place
Elle est Capitale de laPro,
Vince de la Sare. Ce n'estoit
cjiTun Village, dont le Roy
a fait une Place tres-reguliere.
On luy a donné le nom de
-,ç,arc-Loüls, qui est un composé
deceluy duRoy,&de
celuy de la Province. Cette
Ville a six Bastions Royaux
avec quelques Demy-lunes,
& d'autres Ouvrages, M de
Choisyen est Gouverneur éc
Mr le Comtede Perin Lieutenant
de Roy. M deLouvois
y sejourna le 18. &le lendemain
il alla àThionville,
où il se donna les mesmes
soins, &pritles mesmes fatigues
que dans les autresVilles
où il avoit passé. Thionville
n'appartient à la France
que du regne du feu Roy.
C'est une Ville du Luxembourg
assise sur la Moselle.
C'estoit une des clefs du
Royaume avant les nouvelles
Conquestes de Sa Majesté.
On a razé Domvilliers, &
quelques autres petitesPlaces
voisines
>
afin de rendre celle-
là plus considerable. Mr
d'Espagne enest Gouverneur;
Mrd'Argelé,Lieutenant de
Roy, & Mr de Bouflers,Gouverneur
de Luxembourg,&:
Lieutenant general de la Pto-T
vince.Mr deLouvois a trouvé
dans toutes les places qu'il
avisitées,les Troupes & les
Fortifications fort belles. Le
Canton de Basle luyenvoya
faire compliment à Huningue,
& Mrl'Electeur de Treves
fit la mesme chose pendant
que ce Ministre estoit à
Trarbach, Les Magistrats de
tous les lieux qu'il avisitez,
l'ontaussi complimenté, &
les Gouverneurs des Provinces
&des Places que je viens
de vous nommer,& M les
Jntendans la Grange ôc la
Goupiliere ont fait tout ce
qu'ils ont pu pour le bien reé
galer; mais ce Ministre toûjours
agissant n'avoîtqu'à
peine le temps de voir les Repas
qu'on luy preparoit par
tout. Jamais on n'a fait tant
de chemin) ny vu tant de
Villes
,
de Remparts, & de
Troupes, en si peu de temps
Lors qu'on sert ainsi fou
Prince,on le fait servirde
mesme
; & quand les desseins
du Souverain font grands, on
ne voit rien qui ne sente le
prodige. Mr de Louvois dîna
le 20. à Luxembourg,où Sa
Majesté arriva l'aprésdinée.
Je vous ay fait un détail de
tout ce qui s'y est passé,&
vous ay dit que le Roy alla
le 26. dîner à Cheranc. Ce
Prince coucha à Longvvy,cù
• aprésavoir vu faire l'exercice
aux Cadets dans la Place d'armes
, il en choisit quatrevingt,
pour les mettre en diversCorpsenqualitéde
Sousl^
ieurenans, comme jevons
l'aydéja marqué. La Cour
alla dîüer le 27.à Pierre- Pànt.
Sa Majesté montaà cheval
l'apresdinée
, & arriva te soir
àEtain -en prenant le diver-^
tissement de la Chasse. Sa Ma>-
jesté y fut receuë par Mr de
Verdun. Elle entendit la
Messe le 1$. à la ParoiiTe,Se
fit de grandes liberalitez au
Curé5 & aux Capucins qui
sont établis en ce lieu-là,quoy
qu'Elleleur en eust déja fait
en y passant la premiere fois.
Elle dîna le mesme jour à
Verdun chez M" 1tveique,
à quiElleavoit donnéordre'
le jourprécedent pour 'lC{
âaiur qui fut chanté en
Musique sur les six heures dtV
soir. Toute la Cour y am,
ffcaravec une devotion qvd
répondoit à la pieté du Roy.
Le lendémain 29jour du,
S. Sacrement ,
la pluspart dM
Dames qui avoient accompagné
ce Prince , firent leurs
devotions, ce qui parut fort
édifiant. Le temps estant extremement
pluvieux, on ordonna
que la Procession se
seroit feulement jusques à
l'EglisedesJesuites, & qu'elle
reviendroitaussi-tost dans Ii
Cathedrale. La Procession
commença par les Paroisses
de la Ville, suivies des Mandians,
& autres Religieux.Le
Clergé estoit en fort grand
Nombre, accompagne des
Gardes de la Prevosté
,
des
Cent-Suisses de la Garde, ôc
des Gardes du Corps,qui marchoient
sur deux lignesa coté
de la Procession. Messieurs
les Princes du Sang estoient
immédiatement après leDais.
Monseigneur le Dauphin pa..
roissoit ensuite ; deux Huisfiers
portantdesMasses precedoient
le Roy, qui avoit auprésde
luy lePere de laChaise,
& fesAumôniers.Les Princesses
marchoient aprés, suivies
des Dames les plus distinguées,&
ces Dames l'estoient
d'ungrande nombre de Seigneurs
, & d'Officiers de la
Maison du Roy. Le Presidial
deVerdun marchoitenCorps,
Se MP de Ville suivoient le
Presidial.Aprés cette longue
file quiétoiten fort bonordre,
venoit une foule de peuple
innombrable, sans compter
ce qui se trouvoit encore dans
la Ville. Presque toute laLorraine
s'y estoit renduë,&on
en voyoit jusque sur les toits.
On s'arresta à deux Reposoirs,&
la grande Messe fut cclebrée
par Mr l'Evesque de
Verdun. Le Roy, & toute la
Cour occupoient la droite
des hautes Chaises. LesChanoines
estoient à la gauche,
& la Musique au milieu du
-Choeur; elle s'acquita assez
bien de tout ce qu'elle chanta.
Sa Majesté alla à l'Offrande,
& aprés la Messe Elle eut
à peine le temps de dîner *
pour retourner au mesme
lieu, oùla Cour entendit Vespres.
MdeVerdunofficia encore.
Au sortir de cette Eglise,
le Roy se promena autour
de la Citadelle
)
&: alla
voir les Ecluses, qui sont presentement
achevées, & dont
on se doit servit pour empêi
cher qu'on n'approche de la
Ville du costé où elles sont.
Mr deLouvois alla jufclu-aa
lieu où les eaux remontent.
Plusieurs Particuliers ayant
eu leurs beritages endommagez,
ont esté remboursez par
la bonté de Sa Majesté
, quoy
que cet ouvrage foit pour la
défense de leur Patrie.
Le 30.le Roy entendit encore
laMessedans la Cathedrale,&
Mrde Verdun luy
presenta de l'Eau-benite.Ce
Prince eut la bonté de faire
une remontrance au Chapi
tre,) pour l'exhorter de bien
vivre avec son Eve[quc) &
comme il sçavoit que les Chanoines
estoient en possession
depuis un fort grand nombre
d'années
?
d'estre debout pendant
l'Elevation, il leur deT
manda qu'en sa consideration
ilssissent une Ordonnance
pour abolir cetusage, à quoy
ils ne s'opposerent pas. La
Musique chanta un Motet sur
le rétablissement de la santé
de ce Prince, & receut en
mesme temps des marques de
sa libéralité, Toute la Cour
alla ce mesme jour dîner à.
Brabant, & arriva un peu
tard à Sainte-Menehout. M1
l'Evesque de Châlons s'y
trouva avec quelques Ecclesiastiques
qu'il y avoit ame.
nez. Mr le Duc de Noailles
ayant de son costé amené de
LuxembourgMr de Ville, &
prisà Verdun des Musicièns,
qui se joignirent à d'autres
qu'il avoit fait venir de Châlons,
le Salut fut chanté en
Musique aux Capucins sur
les septheures du soir. M de
Châlonsy donna la benediction
du S. Sacrement. Les
Capucins furent extrêmement
édifiez de voir que la
Cour, à l'exemple de son Souverain
faisoit paroistre une
grande pieté. Ils connurent
encore celle de ce Prince, par
les presens qu'il leur fit le
lendemain en partant, quoy
qu'ils en eussent déja receu
lors qu'il estoit paffé à Sainte-
Menehout, pour se rendre à
Luxembourg.
Le 31. le Cour dîna à Cense
de Bellay & allaà Châlons,
où elle trouva un nombre mfïny
depeuple qui s'y eftoic
assemblé
; croyant qu'elle y
passeroitla Feste de Dieu, cqui
seroit arrivé, si la maladie
de Monsieurle Comte de
Toulouse n'eust point rompu
les mesures que l'onavoit prises.
Le Salut fut chanté par
la Musique avec beaucoup de
iolemnité?M1deChâlonsef-
-tantà lateste desonChapi-
"tre. L'Eglise,& les ruës es-
Iaient si remplies
, qu'on
croyoit estre au milieu du
Peuple de Paris. Un nombre
infiny de routes sortes de gens
qui cherchoient à voir le
Roy, occupoit le Jare , &
Tonassure -qu'il n'y en avoit
jamais tanteu.
Ii
Le premier Juin, le Roy
dîna à Bierge, & coucha à
Vertus. Il y entendit le Salut
à la Paroisse, où il y eut une
Musique tres-agreable
,
soutenue
desHautbois des Mousquetaires.
M de Châlons y
officia,assistiéde M de Luzanfy
& de Lerry? qui ont des
Abbayes en ce lieu.
Lei. on partit de Vertus
à dix heures
du
matin, après
avoir entendu la Messe, pendant
laquelle la Musique continua
de chanter des Motets
de M1r du Mont. On ne sçauroit
trop admirer le zele&
l'activitéde Mrde Noailles,
pour le service de Dieu & du
Roy.M deChâlons aofficié
pendant l'Octave du S. Sacrement
, par tout où Sa Majesté
a esté dans son Diocese,
& il s'est par tout trouvé de
la Musique, par les soins de
M le Duc de Noailles son
frere. La Cour alla de Vertus
dîner à Etoge. C'estunlieu
toutremply d'agrémt.Lebastimentenest
beau,les Jardins
en sont charmans
, & l'abondance
des eaux y donne tous
les plaisirs que l'on en peut
recevoir. Ce lieu appartient
à Mr le Marquis d'Anglure,
& sert de retraite à deux freres
& à une soeur, qui par
leur mérité sefont fait une reputation
qui s'estrepandüe
bien avant dans le Monde. La
vertuest leur passion, la charité
fait leur employ, & leur
pieté est exemplaire. Le Roy
leuravoit fait dire qu'il difneroit
chez eux sans les embarasser,&
quoy qu'il n'euisent
pas l'avantage de donner
à mangeràSa Majesté,ny par
consequent l'honneur de la
servir,leur magnificence ne
JailTa pas de paroistre i la maniere
dont ils traiterent toute
la Cour. L'abondance fut
si grande aux tables qu'ils
firent servir
, que celle du
Chambellan ne tint point,
Monsieur le Prince qui mange
ordinairement à cette table
, ayant fait l'honneur à
cesillultres Solitaires de manger
àcelle qu'ils luyavoient
fait préparer. Le Roy inftruit
de leur vertu voulut sçavoir
le détail de leur vie dans
une solitude si peu commune
à des personnes de cette
qualité. Ce Prince apprit que
lesFreres faisoient le plaisir
- - de
de la Soeur, & la Soeur celuy
des Freres? que leurs heures
font reglées pour leurs exercices
ordinaires qui estoient
toujours égaux, sur tout la
Messe
,
les prieres frequentes,
& la visite des Pauvres. Un
fils de l'aisné qui n'a pas encore
cinq ans, eut l'honneur
de manger avec le Roy. Pendant
queSa Majestéfaisoit
son plaifirde s'entretenir de la
pieté de ses hostes,onluy apprit
que Madame la Princesse
deConty avoit un malde teste
& unedouleur de gorgequi
faisoient craindre que cette
Princesse ne fût bientost attaquée
du mesmemal qûeTilc
le Comte de Thoulouze avoit
essuyé à Luxembourg.
Le Roy ordonna qu'on
fïftauffitoft partir pourMo zmirel,
& se prepara a quitter
1-oge pour ta suivre.Il ne faut
pas que j'oublie à dire qu'il ya
une galerie dans ce Chasteau
qui plut beaucoup à Sa Majesté,
& qui auroit fait plus
long-temps le plaisir de toute
la Cour? si elle n'avoit point
esté pressée de partir. Elle
contient les Portraits- de tous
les grands hommes qui ont
paru en Europe depuis environun
Siècle, &; les Portraits
de ceux qui ont vescu
çlaAs, lemesme temps,-sont
pppofez les uns aux autres,
comme pour en faire des
paralelles; leurs principales
actions& leurs alliances font
marquées au bas. Cette Galerie
est plus curieuseque
magnifique, & l'on y voit
regner une simplicité debon
goust
, qui attire plus de
loüanges à ceux à qui appartient
cette maison, qu'une
magnificence mal entendüe..
-
Le Roy ayant quitté un lieu
jS delicieux
,
arriva de bonne
heure à Montmirel. Mr de
Louvois, comme Seigneur du
lieu, receut Sa Majesté à la
descente de son carosse. Ce
qu'on avoit soupçonné du
mal de Madame la Princesse
de Conty? arriva.Les rougeurs
parurent?&elle fut faignée
le lendemain au matin.
Sarougeolle estoit tres forse?
mais les Medecins dirent
qu'ellen'estoit pas dangereuse.
On Iaifïa aupres de
cette Princesse MrPetit,Pr-emier
Medecin de Monseigneur,&
Mr DodartsonMedecin,
avec MrPoisson, Apotiquaire
du Roy. Comme
ce Voyage approchoit de sa
-fin, la
-
Cour commença à défiler,
& M[ le Prince de
Conty partit pour Paris. On
dit ce jour-là des Messes
tout le matin, & à sept
heures du soir il y eut Salut.
LePrieur Curé, qui est un
Religieux de S. Jean de Soissons
,
fit la céremonie.Le
- 4. Monseigneurle Dauphin
ayant
beaucoup d'impatience
de - revoir Madame la
Dauphine, receut de Sa Majesté
la liberté de partir. Ce
Prince
-
arriva le soir mesme
à Versailles. Plusieurs personnes
quitterent la Cour cC;
jour-là. Les Prieres se firent
comme le jour precedent;on
fut fort en doute si on partÍroÍr,
on reeeut des ordres
pour le depart, & ces ordres
furenr révoquez. Le jour de
FOccave du S. Sacrement,le
Roy ayant sceu à quatreheures
& demie du matin l'estac
--de la maladie de Madame la
Princesse de Conty
?
Ordonna
à Mr de Louvois de faire
partir les Officiers, & cependant
cc Prince , quine songe
pas moins a
-
remplir les aevoirsdeChrestien,
que ceux
de Roy, demanda au Pere de
la Chaise
,
s'il estoit Feste dar s
le Diocese de Soissons,& s'il y
avoit obligation pour ses Officiers
d'entendre la Messe, &
pour luy
3
d'assister à la Procession.
Le Pere de la Chaise
luy repondit, qu'il estoit obligé
d'entendre la Messe
) &
non d'aller à la Procession
mais que cependant il feroit
mieux que Sa Majesté rendist
ce devoir aux ordres de l'Egli[
e,quia étably la Procession
de l'Octave. Il n'en falut
pas davantage pour faire
ordonner qu'on cLft coniti-*
nuellement des Messes, ôc
quoy que les Cloches qui
font fort grosses, fussent
près de la Chambre du Roy,
parce que l'Eglise est dans
le Chasteau, ce PrinceVOUrllut
qu'on les sonnast toutes.
Il entendità huit heures
& demie une Messe,dite par
un Chapelain de quartier.
Cependant le Prieur accom*
pagné d'un Diacre,d'un Sous-
Diacre
,
de trois Enfans de
Choeur, dehuit choristes, &
de huit Chapiers tirez de la
Chapelle du Roy, se preparoit
dans la Sacristie. La Procession
commençasur les neuf
heures; on dit ensuite la
grand' Messe,& le Roy partit
pour aller dîner à Vieu-
Maison,quiappartient à Mr
Jacquier. Monsieur le Prince
quitta la Cour, pour se rendre
à Paris. On coucha ce jourlà
à la Ferté sur Joüare dans
le Diocese de Meaux.M l'Evesque
de Meaux s'y trouva
avec quelques Abbez, & ses
Aumôniers.Onchanta le Salut
en plein Chant à la Paroisse
, & la bénédiction y fut
donnée parcePrelat. Sa Majesté,
qu'une marche continuelle
n'a détournéed'aucune
des fonctions de piet
» dont Elle s'acquite avec in
zele si édifiant, termina ce
cette forte tOétave du S.
Sacrement. On dîna à Monceaux.
Mr de Gesvres, comme
Gouverneur du lieu >^vo-t
fait au Roy pendantledîner
un present defruits,de fleurs
& de Gibier, d'une rh-iiierç
tout-à-fait galante. On traversa
Meaux iar,fulr, , &
on alla coucher à Caye. Le
lendemain, Monseigneur entendit
la Messeà Versaillesà
six heuresdumatin,&priten
suite la Poste pour se rendre
à Livry
3
où l'on attendoit le
Roy. Il estoit accompagne
de Monsieur le Prince de
Conty, de Monsieur de
Vendosme 5Se.de plusieurs
Seigneurs de la Cour. Ils
y arriverent sur les dix
heures & demie. Monseigneur
changea d'habit, & aprés
avoir pris quelques
- rafraifchissemens,
ilalla au devant
de Sa Majesté, quiarriva
sur les onze heures & demie.
Le Chasteau de Livry est
depuis long - temps dans la
Maison de MrSanguin, Sa
situation est charmante
, &
dans le voisinage d'une Forest
tres-agreable,& tres- propre
pour la Chasse. On voit un
beau Jet d'eau dans le milieu
de la court. Le grand corps
de Logisest terminé de chaque
costé par un Pavillon,
dont l'un fait face au Jardin,
& à l'Orangerie. Le Parc qui
est au bout, répond sur le
grand chemin. Le Roy descendit
de Carosse à la grille
de ce Parc. Monseigneur l'y
receut accompagné des Princes
qui l'avoient suivy. Madame
Sanguin) Mcre de Mr
le Marquis de Livry. Mr l'Evesque
de Senlis Madame de
Livry, & quelques autres personnes
de la Famille, reeeurent
Sa Majesté à la porte du
Jard in. Elle les faliiaj& leur
parla avec cet air doux &majestueux
qui luygagne tous
les coeurs. On servit le dîné à
midydansl'anti-chambre du
Roy. Elleestoit richement
meublée, & tenduë. des belles
Tapisseries
,
dont le feu
Roy d'Angleterre fit present
à M de Bordeaux, Pere de
Madame Sanguin, lors qu'il
estoit AmbaOEadeurauprés de
ce Prince. Le Buffct estoit
dressé dans une Salle qui joint
l'antichambre. On ne peut
rien ajoutera la propreté,&
au bon ordre que Madame
Sanguin avoit mis par tout.
Les Appartenons estoientornezavecun
agrément admirable,
& que l'on remarque
dans tout ce qu'elle fait. Mr
l'Evesque-de Sentis &M de
Livry sirent les honneurs;
mais ce dernier ne laissa pas
d'exercer sa Charge de premier
Maistred'Hostel. On
servitenpoisson avec autant
d'ordre qu'il yeut de delicaft{
fe & d'abondance. Monseigneurmangea
avec le Roy.
Les Dames qui eurent l'honneur
d'estre àla Table de Sa
Majcfté> furent, Madame la
Duchesse, Madame d' Armar.
gnac, Madame de Maintenon,
Madame de GramoRÇ*
Madame Sanguin, Madame
de Livry, &: Mademoiselle
de Sourdis,qui ayant esté
élevée chez Madame Sanguin,
ne la quitte point de-
-
puis long-temps. Les Princes
quiavoient suivy Monseigneur,
furent servis à une
autre Table. Celle du Grand
Maistre fut servie après le
dîné du Roy. Sa Majesté se
retira dens sa chambre au
sortir de Table. Elle y demeura
quelque temps,& partit
ensuite
,
après avoir fait
de grandes honnestetez à Madame
Sanguin,à M deSenlis,
& à Madame de Livry
)
& leur avoir dit, qu'Elle
n'avoit point esté si bien traitée
dans tout le Voyage.
Quoy que toute la Famille ait
part à l'honneur de cette Feste,
on peut dire que Madame
Sanguin s'est attiré beaucoup
de louanges , & d'estime,&
qu'elle a réussi dans
:.tour ce que la Cour attendoit
d'elle. Ce n'est pas d'aujourd'huy
que la Famille de Bordeaux
s'estdistinguée dans
toutes les choies qui ont regardé
leRoyCePrince donna
ce jour-là à Mr deMassigny,
l'un de ses Ecuyers,cinq cens
écus de pension. Cette grace qui n'avoit point esté demandée,
tomba sur un Sujet
d'autant plus estimé de toute
la Cour, qu'on luy a toûjours
remarqué un grand attachement
pour la personne
de son Prince. Le Roypassa
l'aprésdînée dé fort bbnéfe
heure par Paris, au bruit des
acclamations du Peuple, &
se rendit à Versailles
)'
ou
Monsieur & Madamel'attendoient.
Sa Majesté trouva
en y arrivant un nombre
infiny de personnes de la première
qualite, qui s' y étoient
rendues pour la salüer à la
descente deson Carosse. Plufleurs
Conseillersd'Estat?
ôc Maistres des Requestes,
eurent aussi cet honneur.
Elle montaaussi-tost à 1Appartement
de Madame la
Dauphine, pour voir certç
Princesse, & se promena
ensuite à pied pendant quatre
heures dans les Jardins
deVerailles.Ellevisita tous
les Ouvrages nouveaux qu'on
y avoit faits pendant sen
absence
,
&vitunfort grand
nombre d'Orangersquc'?Elle
avoit donné ordre de placer
dans l'Orangerie, du nom- bre desquels estoit l'Oranger
nomméleBourbon
,
qu'on dit
avoirenviron cinq cens ans.
Une si longue promenade à
pied au-retour d'un Voyage,
donna beaucoup de joye à
toutela Cour, parcequ'elle
estoit une marque de la parfaite
santé du Roy. Le 8. M"
le Cardinal Nonce, les Ambassadeurs
, les Ministres des
Princes Souverains qui sont
icy , & la pluspart des Chefs
des Compagnies superieures,
se trouvèrent au lever de Sa
Majesté, & luy firent compliment
sur son heureux retour.
Jamais ce Prince nes'étoit
mieux porte, & n'avoit
paru de meilleuremine, quoy
que pendant le cours du
Voyage, il se fust toujours
exposé à la poussieres dont il
auroit pû se garantir, si sa
bonté ne l'eust porté à vouloir
satisfaire à l'empressement
que les Peuples de la
Campagne avoient de le voir,
sur tout après une maladie
quiavoit fait paroistre l'excès
de leur amour pour ce Prince.
Le jour iuivancJa foule
continua à son lever &: cc
Prince voyant sa santé parfaitement
rétablie) puifquc
les fatigues d'un long Voyage
ne l'avoient pu alterer ) recompensa
en grand Roy,ceux
à qui, après Dieu & les voeux
de ses Sujets, il en estoit redevable.
Il donna cent mille
francs à Mr Daquin son
premier Medecin
3 quatrevingt-
mille à M Fagon, premier
Medecin de la seuë
Reyne, en qui il a beaucoup
de confiance, & dont la reputation
est solidement établie,
&: cinquante mille écus
à MrFélix, son premier Chirurgien.
Quelque temps auparavant
, Sa Majesté avoit
donné une somme considerable
à M Bessiere, qui pane
pour le plus fameux Chirurgien
de Paris, & qui avoit
esté consulté dans le temps
du mej du Roy. Voilà de
grandes recompenses , mais
qu'auroiton pu moins. faire
pour des personnes ÎL qui la
francs estsi redevable) &- à
quil'Europedoitlafuite de
1a tranquillité dont elle
jouit ?
Le Roy après son retour
donna un magnifique repas
atou-tes-lesDamesquiavoient
esté du Voyage
Jpendant
lequel
les soins de Sa Majesté
leur ont épargné beaucoup
de fatigue, les divertissemens
s'esxant mesme trouvez par
coût ainsi qu'à Versailles;
mais quandily auroit eu des
peines à essuyer pour cc qui
s'appelle la Cour,leplaisir de
voir quelquefois le Itoy sans
estreaccomrpagoné de la foule qui l'environne toûjours à
Versailles
)
& d'avoir le bonheur
de luy parler plus facilement
lour des choses qu'on
ne pourroit trop payer,Jamais
Prince n'ayant paru si
charmant que ce Monarque,
lors qu'il veut bien avoir la
bonté de se dépoüiller de sa
grandeur, il ne se montre
point dans ces momens,qu'il
ne gagne autant de coeurs
qu'il s'attire d'admirateurs
par
~par les grandes actions. Mr
e Comte de Tolouse arriva
e 8. à Versailles
, & Madame
a Princesse de Conty le 11.
'un & l'autre dans une par-
:11tc faute
> ce qui donna
beaucoup de joye à toute la
Cour,dont ils font lecharme
, & deux des principaux
ornemens.
FI N.
Fermer
45
p. 270-303
Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Début :
Le 25. du mois passé, l'Academie Françoise solemnisa à son [...]
Mots clefs :
Académie française, Place, Messe, Cardinal Richelieu, Assemblée, Duc de Saint-Aignan, François-Timoléon de Choisy, Saint Louis, Prix d'éloquence et de poésie, Fontenelle, Discours, M. Perrault, Louis le Grand, Gloire, France, Esprit, Hommes, Monde, Paix, Piété, Secrétaire, Louanges, Compagnie, Honneur, Héros, Zèle, Maison, Europe, Lettres, Vertus, Admirable, Éloquence, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Le 25. du mois passé, l'Academie Françoisesolemnisa
à son ordinaire la Feste de S.
Loüis Roy de France, dans la
Chapelle du Louvre. Mr l'Abbé de la Vau
,
l'un desquarante Academiciens, celebra
la Messe, pendant laquelle il
y eut une excellente Musique. Elle estoit dela composition de MrOudot qui fit
paroistre son habileté ce jourlà plus que jamais. Ensuite
Mr l'Abbé Courcier, Theolop-al de l'Eol
i
f
e
de Paris? prononça le Panegyriqne de S.
Loüis avec un succés qui
*
luy attira beaucoup de loüanges. Il remplit tout ce qu'on
pouvoit attendre d'un homme veritablement éloquent,
& lesrapports qu'il trouva des
achons de ce S. Roy à celles
deLOUIS LE GRAND,furent traitez avec tant d'esprit
& tant de delicatesse, qu'il n'y
eut personne qui n'en fust
charmé.L'Assemblée estoit
nombreuse mais en mesme
temps de gens choisis. Elle
ne le fut pas moins l'apresdinée dans la Seance publique
que tinrent Mrs de l'Académie, pour recevoir Mrl'Abbé deChoisy en la place de
Mr le Duc de Saint Aignan.
Vous connoissez son mérite,
& la Relation que je vous ay
envoyée de l'Ambassade de
MrleChevalier de Chaumont à Siam, vous a
fait voir,
combien Sa Majesté l'avoir
jugé propre aux négociations
qu'on avoit a y
traiter. Il
commença son remerciment
endisant
? que si les loix de
l'Academie le pouvoientper-
mettre, il garderoit le silence,
& ne songeroit qu'à se taire
jusqu'à ce que M" de l'Académie luy eussentappris à
bien parler. Il s'étendit enfuite sur les louanges de cette
sçavante Compagnie
,
dans
laquelle les premiers hommes de
l'Estatsedépoüillentde tout le
faste de la grandeur>(;) ne cherchent de distinction que par la
sublimité du genie é par la
profonde capacité, & dit agréablement, qu'il croyoit'- déja
sentir en luy l'esprit de l'Academie quil'élevoit au dessus de luy-mesme
,
& dont il
reconnnoissoit avoir besoin
pour reparer la perte de l'illustre Duc qu'elle regretoit.
Il prit de là occasion d'en
faire un portraitavantageux,
mais fort ressemblant,& après
avoir dit, que c~Af de
l'Academie
a marquer par des
traits immortels la gloire de ce
vrandHomme, dont la memoire
vivroit à jamais dans leurs Ouvrages
-'
puisque tout ce qui part
de leurs mains se sent du genie
sublime de leur Fondateur; il
ajouta quesil'on a
dit autrefois
que comme Cesar par ses Conquestes avoit augmentél'Empire
.le Rome
>
Ciceron par son e/o-~
quence avoitétendul'esprit des
Romains
5
on pouvoit dire que
le CardinaldeRichelieu seul,
avoit fait en France ce que Cesar £7- Ciceron anvoientfait à
Rome, & que si par les ressorts
d'unepolitiqueadmirable il avoit
reculé
nos Frontieres) il nous avoitélevé, poly
,
& si cela se
pouvoit dire, agrandy l'esprit
par l'établissement de l'Acade.
mie. Il poursuivit l'Eloge de
ce fameux Cardinal, parla de
la perte de M( le Chancelier
Seguier,qui fut après luy le
Protecteur del'Academie ,&
exagera ensuite la gloire dont
elle s'estoit Veuë comblée,
lors que le plus grand des
Rois, daignantagréerlemesme titre, avoit bien voulu
luy faire l'honneur de la recevoir dans son Palais, & de
l'égaler aux premieres Compagnies de son Royaume.
Par là, Messieurs
,
continuat-il, car je ne dois retrancher aucun des termes dont il
se servit en parlant de ce
grand Prince. ) Parlàdans
lesSieclesfuturs, vos noms devenus immortels marcheront à
lasuitedu sien
,
& vous pouue,-,
NOUS répondre avous-mesmes de
l'immortalité que vous sçavez
donnerauxautres. Vous lasçavez donner seurement
,
&vous
ladonnerezà LOUIS.Ilsefait
entre ce Prince & vous un
commerce de gloire, & si
sa protection vous fait tant
d'honneur
,
vous pouve% vous
flater de nestrepas inutiles afk
gloire. Oüy, Messieurs, ce prince
si necessaire à tous; à ses Sujets
qu'il a
rendus lesPeuples les plus
redoutables du monde, & qu'il
va achever de rendre plus
heureux
;
à ses Alliez à qui il
accorde par toutmeprotection si
puisante; àses Ennemis mesmes
dontilfaitle bonheurmalgréeux
enlesforçant à
demeureren paix,
ce Prince, qui à l'exemple de
Dieu dontilestl'image vivante
semblen'avoir besoinque de luymesme, il abesoindevouspour
sa gleire
,
&son nom, toutgrand
quil est
,
auroitpeine à passer
tout entierà la derniere posterite
sans vos Ouvrages. Vous y
travaillez, Messieurs. Déja plus
d'une fois vous l'ave^ montré
auxyeux des hommes également
granddans la Paix & dans la
Guerre. Mais qu'est-ce que la
valeur des plus grands Héros,
comparée à la pieté des verita
bles Chretiens? Il regne ce Roy
glorieux, & toujours attentifà
la reçonnoissance qu'il doit à
celuy dont iltient tout
>
ilsonge
continuellement à faireregner
dansson cœur &danssonRoyaume
,
ce Dieu qui depuis tant d'années répandsursapersonne une
si longue suite de prosperite
N'a-t-ilpasfait taire ces malheureux, qui malgré les lumieres
naturelles de l'ame, affectent
une impietéàlaquelle ilsnesçauroient parvenir? N'a-t-il pas
reprimé cette fureur de blasphême
assèz audacieusepouraller attaquerDieujusque dansson Tros-
m f Ilfaitplus; il s'embrase du
zele de la Maison de Dieu
,
il
n'épargne nysoins ny despense
four augmenter le Royaume du
Seigneur. Son zele traverse les
Mers, (jj* va chercher aux ex-
,tremitez de la Terre
,
desPeuples
ensevelis dans les tenebres de l'Idolatrie. Les premieres diffculte.-<
ne le rebutentpoint; ilsuit avec
constance un dessein
que le Ciel
luy a
inspiré
,
& si nos vœux
font exaucez
,
bien-tostfousses
auspices la foy du njray Dieu
fera triomphante dans les Royaumes de 1'0r1ent. Que diray-je
encore ? Ce Heros Chrestien at-
taque ouvertement ce Party
formidable de l'Heresie
,
qui
avoit fait trembler les Roisses
Predecesseurs.Ilacheve enmoins
d'uneannée, ce
quil/s n>a~
voient osé entreprendre depuis
prés de deux ~fc/,~rle Monstre infernal reduit aux abois
>
rentrepourjamais dans l'abisme,
d'où la malice des Novateurs,
&les mœurs corrompuës de nos
Ayeux l'avoient fait sortir.
Heureuse France,tu neverras plus tes Enfans déchirertes
entrailles.Une mesme Religion
leurfera prendre les mesmes in
teredts j&cejl à Louis -;
Grand que tu es redevable d'un
sigrand bien. Parlonsplusjuste,
c'est à Dieu,& le mesme Djetl
pour asseurernostrebonheur,vient
de nous conserver
ce Prince, &
de le rendre auxprieres ardente s
de toute l'Europe; car, Messieurs,lesfrancois ne font pas
les seuls qui s'interessent à
une
santési précieuse, &si quelques
Princes,jaloux de la gloire du
Roy
,
ont témoigné par de vains
projets de Ligues vouloirprofiter
de l'estatou ils le croyoient
,
leurs
Sujets mesmes
>
& tous les Peuples de l'Europe faisoient des
vœuxsecrets pour
luy
cachant
bien Men
saseulePersonne reside la tranquillitéuniverselleMais ou m'emporte mon
zele?
Apeine placé parmy vous,j'entreprens ce qui feroit trembler les
plus grands Orateurs,& sans
consulter mes forces,j'ose parler
d'un Roy dont il n'estpermis de
parler qu'à ceux3 qui comme
vous, Messieurs, le peuvent
faire d'une manieredigne de luy.
Aprés quelque temps laiïle
aux applaudissemens qui furent donnez à
ce Discours,
Mr deBergeret ,Secretaire du
Cabinet, & premier Commis
deMrdeCroissy,Ministre tk,
Secretaire d'Estat,pritlaparole pour y
répondre, & dit
à M l'Abbé de Choisy
,,
que
l'Academie ne luy pouvoit
donner
une marque plus honorable de l'estime qu'elle
faisoit de luy, qu'en le recevant en la place de Mrle Duc
pe S. Aignan. Dansle Portrait
qu'il fit de ce Duc, il fit voir,
Qu'ilaimoit les belles Lettres de
la mesme passion dont il aimoit
la gloire, & qu'ilavoit pris
tous les soinsnecessaires pour
avoir ce
qu'elles ont de plus utile
&deplusagreable. Il dit qu'il
çflyit bienéloigne de la vaine
erreur de ceux qui s'imaginent
que tout le meriteconsiste dans le
bazard d'estrené d'une ancienne
Maison, & qu'il ne regardoit
l'avantage d'avoirtantd'illustres
Ayeux, que comme une obligation indispensable J,'augmenter
l'éclat de leur nom par un merite
personnel; quese voyantattaché
au service d'un Prince,dont les
vertus beroiques donneront plus
d'employ auxLettres, que n'ont
fait tous les Heros de l'Antiquité,il en avoit pris encore plus
d'affection pourelles
;
qu'il s'estoit acquis une maniere de parler
&d'écrire noble,facile, élegante,
&qu'il avoit fait voir à la
France cette Urbanité Romaine,
qui estoit le caractere des Scipions &des plus illustres Romains. Jepasse beaucoup d'autres louanges qui furent écoutéesavec plaisir
,
& qu'il finit
en disant
>
Quesi M. le Duc de
S.Aignan estoit le Protecteur
d'une celebre Academiepar un
titre particulier
,
on pouvoir
dire encore qu'il l'estoit generalement de tous les
gens de
Lettres par une generosité qui
n'exceptoitpersonne; que lemerite, quelque étranger qu'ilfust,
Çy* de quelque part ~;//7~
Yiir„efloiiseur de trouveren luy
de l'appuy & de la protection;
qu'il recevoit avec des témoin
gnages d'affection tous ceux qui
avoient quelque talent
,
& qu'il
ne leurfaisoitsentirsourang èi;
sa dignité
,
que par les bons offices qu'ilseplaisoità leurrendre
Il parla ensuite de sa mort
chrestienne
,
&, de la confolation qu'il avoit euëen mou- lrant de laïsser après luy un
Fils illustre
,
qui s'estoit toujours dql-ingué' avec honneur &
sans affectation, dans lequel
onavoit toûjours veu decourageavecbeaucoupbeaucoup dedou-
crur, une admirable pureté de
mœurs, une parfaite uniformité
de conduite, de la penetration.
de l'application,de la ruigilancr.)
un cœur confiant pour la vérité
pour la justice, em sur tout
une solide pieté, qui le fait Agir
en secret & aux yeux de Dieu
seul,
comme s'il estoit veu de
tous les hommes. Il ajoûta, que
tantde vertus quiavoientmérité que dans un âge si peu avan~
cé, il eustestéfait Chef du Conseil d s
Finances, jufiifioient
chaque jour un si bon choix,(gjr
fdifoicn^ voir que le Royjufie
dijbenfateurde ses grâces "t'VO::
le don suprême de discernerles
esprits. Aprés cela Mr de Bergeret adressa de nouveau la
paroleàMrl'AbbédeChoi-
\yy&: luy dit, quequelque talent qu'il eust pour l'Eloquence
.J la nouvelle nouvelle obligationqu'il avoit o
bligationqu-'il
a-voit
de consacrerses veilles à lagloire de Louis le Grand, luy seroit
sentir de plus en plus combien il
est difficile de parler dignement
d'unPrince dont la vie est une
suite continuelle de prodiges. Les
Poëtes, poursuivit-il ,se plaignent den'avoir point d'expressionsassez fortes pourrepresenter
lemerveilleuxde sesexploits;
les Historiens au contraire de n'en
avoir point d'assi'{ simples, pour
empescher que tant de merveilles
ne passent pour autant defictions.
Quel art, quelle application,
quelle conduite ne faudra- t-il
point pour conserver la vraysemblance avec la grandeur des
choses qu.i! a
faites?Je
ne parle
point decette valeur étonnante,
qui a
pris comme en courant les
plusfortesVilles du monde, &
devant qui lesArmées les plus
nombreuses ont toujours fuy de
peur de * combattre. Je
ne pense
maintenant qu'à cette glorieuse
paix dont nous joueons., & qui
a tfl; faite dans un temps où l'on
ne voyoit de toutes parts que des
puissancesirritées de nos Viéloires, que des Estats ennemis declarez denosinterests, que des
Princesjaloux de nos avantages,
tous avec des pretentions différentes e- incompatibles. Comment donc parut tout d'un coup
cette Paix si heureuse ? C'est un
miracle de la sagesse de Louis le*
Grand
,
que la Politique neffau..
roit comprendre; & comme luy
seul a
pu la donner à toute 1"Euyope.) luy seul aussi peut la IUJl
conserver.Combien d*a£lion3de
pénétration, de prévoyance pour
faire que tant d'Etats libres, dm
dont les interestssontsi contraires,
demeurent dans les termes
qu'il leur a
prescrits? Il faut
voirégalement
ce qui •riefl plus
&ce quin'est pas encore, comme ce qui est. Il faut avoir un
genied'une force&d'une étenduë extraordinaire
,
que nulle affaire ne change, que nul objet
ne trompe, que nulle difficulté
n'arreste; telenfinqu'estle genie
de Louis le Grand
,
qui est répandu dans toutes les parties de
l'Estat, (fy qui n'yest pointrenfermé,agissant au dehors comme
au dedans avec une forceincon-
cevable. Il est jusque dans les
extrémitez du monde, où l'on a
-veit tant desaintesMissionssoutenues par les secours continuels
de sa puissance & de sa piété.
Il estsurlesFrontières duRoyalime
,
qu'il faitfortifier d'une maniere qui déconcerte ~(7 defj<:entous nos Ennemis. Il efi surles
Ports, ou il fait construire ces
Vaisseaux prodigieuxj qui portent par tout le monde la gloire
du nom François. Il est dans les
calemies de Guerre ~ù de Marine ,où la noble éducation jointe
à la Noblesse du sang,forme des
esprits & des courages également
capables du commandement v
de l'exécution dans les plus grandes entreprises Il est enfin par
tout, quifait que tout est reglé
cemme il doit l'estre.Les Garfiijbns toujours entretenues, les
Magasinstoujours pleins, les
Arsenaux toujours garnis
,
les
Troupes toujoursen baleine, v
aprésles travaux de laGuerre,
maintenant occupées à des Ouvragesmagnifiques, qui font les
fruits de la Paix.C'estainsi
que ce Grand Princeagissanten
mesmetempsde toutes parts,v
faisant des choses qui inspirent
continuellement de la terreur à
Jes Ennemis, de l'amour à Jes
Sujets de l'admiration à tout
le monde
,
il peut malgréleshaines
,
les jalousies, vles défiances, conserver la Paix qu'il a
faite3farce qu'il n'ya pointd'Etat
qui ne voye combien il seroit
dangereux de la vouloir rompre.
Quelques Princes de l'Empire
sembloient en avoir la prnsele)
& commencent à former des
Ligues nouvelles, mais le Roy
toujours également juste vsage,
ne voulant ny surprendre ny
estre surpris
:>
fit dire à l'Empereurj que si dans deux mois du
jourdesa Déclaration il ne rece-
voit de luy des asseurances poJiiives de l'observation de la Treve
,
il prendrait les mesuresqu'il
jugeroit necessaires pour le
bien
deson Efidt. Ses Troupes en même temps volentsur les Frontieres de l'Ailsnugne> (fff l'Empereur luy donne toutes les asseurancesqu'il pourvoit souhaiter.
Ainsil'Europe luy doit une seconde fois le repos & la tranquillité dont elle joüit.D'autre
part l'Espagneavoit fait une
mjujiice à nos
Marchands, (!Ï
les contraignoit de payer une taxeviolente
,
fous pretexte qu
'ils
negocioient dans les Indes contre
les Ordonnances. Le Roy3pour
arrester tout à coup ces commencemens de division
,
a
jugé à propos d'envoyer devant Cadix une
Flote capabledeconquérirtoutes
les Indes. dujfi-tost l'EJpdgne
alarmée, a
proYllÍs de rendre ce
qu'elle avoit pris e~ le Roy qui
s'en est contenté, a paru encore
plusgrand parsa moderationque
parsapuissance; car il est vray
que rienn'est si admirable sur la
Terre, que d'y voir un Prince,
qui pourvant tout ce
qu'il veuty
ne
veüille rien qui ne
soitjuste.
Maisc'est le caractere de Louis
le Grand. C'estlefond de cette
Ame heroiqne
>
où toutes les vertus font pures,sinceres
,
solides,
veritables, cm7ent toutesensemlie3 par une admirable union,
qu'il est non seulement le plus
grand de tous les Rois
,
mais encore
le plusparfait de tous les
Hommes.
Cette réponse fut interrompuëbeaucoup de fois par
des applaudissemens qui firent connoistre combien 1*ACsemblée estoit satisfaite de
l'Eloquence de MrdeBergeret. Il parut par là tres-digne
d'estre à la teile d'une si celebreCompagnie; & tout le
monde convint qu'il ne pouvoit mieux remplir la place
qu'iloccupoit. Mrl'Abbé de
Choisy a
fait connoistre par
un fort bel Ouvrage qu'il a
donné au Public depuissa reception,avec combien de justice il remplit la place qu'on
luy afait ocuper. Cet Ouvrage
est laViede Salomon. Il y
aquelquetemps qu'il fitaussiimprimer celle de David avec une
Paraphrase desPseaumes.Jene
vous dis rien de la beautéde
f- ses Livres. Vous pouvez juger
de quoy il est capable par ce
que vous venez de liredeson
Remerciment à PAcadeniieJ
Ces deuxDiscours ayantesté
prononcez ,
on distribua les
Prix d'Eloquence & dePoësie
& l'on declara que le premieravoir esté remporté par
Mrde Fontenelle,& le second
par Mademoiselle des Houlieres, Fille de l'illustre Ma..
dame desHoulieres,dontvous
avez veu tant de beauxOuvrages. Mrl'Abbé de la 'V'aU1
Secretaire de la Compagnie
en l'absence de Mr l'Abbé
Regnier des Marais, Secretaire perpetuel, leut ces deux
Pieces, dont l'uneestoit sur la
Patience, & l'autre sur l'Eduation de la jeune Noblesse
dans les Compagnies des Genilshommes
3
& dans la Maison de S. Cir, &toutes deux
furent écoutées avec l'artenion qu'elles meritoient. Je
vous en diray davantage une
autre fois. A cette lecture
ucceda celle d'un Discours
qu'avoit apporté M Hebert, le
l'Academie de Soissons,
pour sansfaire * 1à l'obligation
où sont ceux de cette Compagnie
,
suivant les Lettres
Patentes de leur établiffci-nelit,
d'enenvoyeruntous lesans,
en Prose ou en Vers,lejour de
S. Loüis
)
à l'Academie Françoise.On
y remarqua de grandes beautez
,
& M. Hébert
eut place parmy les Académiciens. Le sujet de ce Discours estoit, Que les Peuples
sont toujours heureux,lors qu'ils
sont gouvernez par un Prince,
qui a
dela pieté. Aprés cela,
on leut un Madrigal, à la
gloire de Mademoiselle des
Houliers,sur ce qu'elleavoit
remporté le Prix.M.leClerc
leut aussi quelqnes Ouvrages
dePoësie sur divers fujets>&j
la Scance finit par une
Lettré
en Vers de M. Perrault i,dans
laquelle le Siecle remercioit
le Roy de l'avantage qu'illuy
faisoit remportersur les autres Siec
à son ordinaire la Feste de S.
Loüis Roy de France, dans la
Chapelle du Louvre. Mr l'Abbé de la Vau
,
l'un desquarante Academiciens, celebra
la Messe, pendant laquelle il
y eut une excellente Musique. Elle estoit dela composition de MrOudot qui fit
paroistre son habileté ce jourlà plus que jamais. Ensuite
Mr l'Abbé Courcier, Theolop-al de l'Eol
i
f
e
de Paris? prononça le Panegyriqne de S.
Loüis avec un succés qui
*
luy attira beaucoup de loüanges. Il remplit tout ce qu'on
pouvoit attendre d'un homme veritablement éloquent,
& lesrapports qu'il trouva des
achons de ce S. Roy à celles
deLOUIS LE GRAND,furent traitez avec tant d'esprit
& tant de delicatesse, qu'il n'y
eut personne qui n'en fust
charmé.L'Assemblée estoit
nombreuse mais en mesme
temps de gens choisis. Elle
ne le fut pas moins l'apresdinée dans la Seance publique
que tinrent Mrs de l'Académie, pour recevoir Mrl'Abbé deChoisy en la place de
Mr le Duc de Saint Aignan.
Vous connoissez son mérite,
& la Relation que je vous ay
envoyée de l'Ambassade de
MrleChevalier de Chaumont à Siam, vous a
fait voir,
combien Sa Majesté l'avoir
jugé propre aux négociations
qu'on avoit a y
traiter. Il
commença son remerciment
endisant
? que si les loix de
l'Academie le pouvoientper-
mettre, il garderoit le silence,
& ne songeroit qu'à se taire
jusqu'à ce que M" de l'Académie luy eussentappris à
bien parler. Il s'étendit enfuite sur les louanges de cette
sçavante Compagnie
,
dans
laquelle les premiers hommes de
l'Estatsedépoüillentde tout le
faste de la grandeur>(;) ne cherchent de distinction que par la
sublimité du genie é par la
profonde capacité, & dit agréablement, qu'il croyoit'- déja
sentir en luy l'esprit de l'Academie quil'élevoit au dessus de luy-mesme
,
& dont il
reconnnoissoit avoir besoin
pour reparer la perte de l'illustre Duc qu'elle regretoit.
Il prit de là occasion d'en
faire un portraitavantageux,
mais fort ressemblant,& après
avoir dit, que c~Af de
l'Academie
a marquer par des
traits immortels la gloire de ce
vrandHomme, dont la memoire
vivroit à jamais dans leurs Ouvrages
-'
puisque tout ce qui part
de leurs mains se sent du genie
sublime de leur Fondateur; il
ajouta quesil'on a
dit autrefois
que comme Cesar par ses Conquestes avoit augmentél'Empire
.le Rome
>
Ciceron par son e/o-~
quence avoitétendul'esprit des
Romains
5
on pouvoit dire que
le CardinaldeRichelieu seul,
avoit fait en France ce que Cesar £7- Ciceron anvoientfait à
Rome, & que si par les ressorts
d'unepolitiqueadmirable il avoit
reculé
nos Frontieres) il nous avoitélevé, poly
,
& si cela se
pouvoit dire, agrandy l'esprit
par l'établissement de l'Acade.
mie. Il poursuivit l'Eloge de
ce fameux Cardinal, parla de
la perte de M( le Chancelier
Seguier,qui fut après luy le
Protecteur del'Academie ,&
exagera ensuite la gloire dont
elle s'estoit Veuë comblée,
lors que le plus grand des
Rois, daignantagréerlemesme titre, avoit bien voulu
luy faire l'honneur de la recevoir dans son Palais, & de
l'égaler aux premieres Compagnies de son Royaume.
Par là, Messieurs
,
continuat-il, car je ne dois retrancher aucun des termes dont il
se servit en parlant de ce
grand Prince. ) Parlàdans
lesSieclesfuturs, vos noms devenus immortels marcheront à
lasuitedu sien
,
& vous pouue,-,
NOUS répondre avous-mesmes de
l'immortalité que vous sçavez
donnerauxautres. Vous lasçavez donner seurement
,
&vous
ladonnerezà LOUIS.Ilsefait
entre ce Prince & vous un
commerce de gloire, & si
sa protection vous fait tant
d'honneur
,
vous pouve% vous
flater de nestrepas inutiles afk
gloire. Oüy, Messieurs, ce prince
si necessaire à tous; à ses Sujets
qu'il a
rendus lesPeuples les plus
redoutables du monde, & qu'il
va achever de rendre plus
heureux
;
à ses Alliez à qui il
accorde par toutmeprotection si
puisante; àses Ennemis mesmes
dontilfaitle bonheurmalgréeux
enlesforçant à
demeureren paix,
ce Prince, qui à l'exemple de
Dieu dontilestl'image vivante
semblen'avoir besoinque de luymesme, il abesoindevouspour
sa gleire
,
&son nom, toutgrand
quil est
,
auroitpeine à passer
tout entierà la derniere posterite
sans vos Ouvrages. Vous y
travaillez, Messieurs. Déja plus
d'une fois vous l'ave^ montré
auxyeux des hommes également
granddans la Paix & dans la
Guerre. Mais qu'est-ce que la
valeur des plus grands Héros,
comparée à la pieté des verita
bles Chretiens? Il regne ce Roy
glorieux, & toujours attentifà
la reçonnoissance qu'il doit à
celuy dont iltient tout
>
ilsonge
continuellement à faireregner
dansson cœur &danssonRoyaume
,
ce Dieu qui depuis tant d'années répandsursapersonne une
si longue suite de prosperite
N'a-t-ilpasfait taire ces malheureux, qui malgré les lumieres
naturelles de l'ame, affectent
une impietéàlaquelle ilsnesçauroient parvenir? N'a-t-il pas
reprimé cette fureur de blasphême
assèz audacieusepouraller attaquerDieujusque dansson Tros-
m f Ilfaitplus; il s'embrase du
zele de la Maison de Dieu
,
il
n'épargne nysoins ny despense
four augmenter le Royaume du
Seigneur. Son zele traverse les
Mers, (jj* va chercher aux ex-
,tremitez de la Terre
,
desPeuples
ensevelis dans les tenebres de l'Idolatrie. Les premieres diffculte.-<
ne le rebutentpoint; ilsuit avec
constance un dessein
que le Ciel
luy a
inspiré
,
& si nos vœux
font exaucez
,
bien-tostfousses
auspices la foy du njray Dieu
fera triomphante dans les Royaumes de 1'0r1ent. Que diray-je
encore ? Ce Heros Chrestien at-
taque ouvertement ce Party
formidable de l'Heresie
,
qui
avoit fait trembler les Roisses
Predecesseurs.Ilacheve enmoins
d'uneannée, ce
quil/s n>a~
voient osé entreprendre depuis
prés de deux ~fc/,~rle Monstre infernal reduit aux abois
>
rentrepourjamais dans l'abisme,
d'où la malice des Novateurs,
&les mœurs corrompuës de nos
Ayeux l'avoient fait sortir.
Heureuse France,tu neverras plus tes Enfans déchirertes
entrailles.Une mesme Religion
leurfera prendre les mesmes in
teredts j&cejl à Louis -;
Grand que tu es redevable d'un
sigrand bien. Parlonsplusjuste,
c'est à Dieu,& le mesme Djetl
pour asseurernostrebonheur,vient
de nous conserver
ce Prince, &
de le rendre auxprieres ardente s
de toute l'Europe; car, Messieurs,lesfrancois ne font pas
les seuls qui s'interessent à
une
santési précieuse, &si quelques
Princes,jaloux de la gloire du
Roy
,
ont témoigné par de vains
projets de Ligues vouloirprofiter
de l'estatou ils le croyoient
,
leurs
Sujets mesmes
>
& tous les Peuples de l'Europe faisoient des
vœuxsecrets pour
luy
cachant
bien Men
saseulePersonne reside la tranquillitéuniverselleMais ou m'emporte mon
zele?
Apeine placé parmy vous,j'entreprens ce qui feroit trembler les
plus grands Orateurs,& sans
consulter mes forces,j'ose parler
d'un Roy dont il n'estpermis de
parler qu'à ceux3 qui comme
vous, Messieurs, le peuvent
faire d'une manieredigne de luy.
Aprés quelque temps laiïle
aux applaudissemens qui furent donnez à
ce Discours,
Mr deBergeret ,Secretaire du
Cabinet, & premier Commis
deMrdeCroissy,Ministre tk,
Secretaire d'Estat,pritlaparole pour y
répondre, & dit
à M l'Abbé de Choisy
,,
que
l'Academie ne luy pouvoit
donner
une marque plus honorable de l'estime qu'elle
faisoit de luy, qu'en le recevant en la place de Mrle Duc
pe S. Aignan. Dansle Portrait
qu'il fit de ce Duc, il fit voir,
Qu'ilaimoit les belles Lettres de
la mesme passion dont il aimoit
la gloire, & qu'ilavoit pris
tous les soinsnecessaires pour
avoir ce
qu'elles ont de plus utile
&deplusagreable. Il dit qu'il
çflyit bienéloigne de la vaine
erreur de ceux qui s'imaginent
que tout le meriteconsiste dans le
bazard d'estrené d'une ancienne
Maison, & qu'il ne regardoit
l'avantage d'avoirtantd'illustres
Ayeux, que comme une obligation indispensable J,'augmenter
l'éclat de leur nom par un merite
personnel; quese voyantattaché
au service d'un Prince,dont les
vertus beroiques donneront plus
d'employ auxLettres, que n'ont
fait tous les Heros de l'Antiquité,il en avoit pris encore plus
d'affection pourelles
;
qu'il s'estoit acquis une maniere de parler
&d'écrire noble,facile, élegante,
&qu'il avoit fait voir à la
France cette Urbanité Romaine,
qui estoit le caractere des Scipions &des plus illustres Romains. Jepasse beaucoup d'autres louanges qui furent écoutéesavec plaisir
,
& qu'il finit
en disant
>
Quesi M. le Duc de
S.Aignan estoit le Protecteur
d'une celebre Academiepar un
titre particulier
,
on pouvoir
dire encore qu'il l'estoit generalement de tous les
gens de
Lettres par une generosité qui
n'exceptoitpersonne; que lemerite, quelque étranger qu'ilfust,
Çy* de quelque part ~;//7~
Yiir„efloiiseur de trouveren luy
de l'appuy & de la protection;
qu'il recevoit avec des témoin
gnages d'affection tous ceux qui
avoient quelque talent
,
& qu'il
ne leurfaisoitsentirsourang èi;
sa dignité
,
que par les bons offices qu'ilseplaisoità leurrendre
Il parla ensuite de sa mort
chrestienne
,
&, de la confolation qu'il avoit euëen mou- lrant de laïsser après luy un
Fils illustre
,
qui s'estoit toujours dql-ingué' avec honneur &
sans affectation, dans lequel
onavoit toûjours veu decourageavecbeaucoupbeaucoup dedou-
crur, une admirable pureté de
mœurs, une parfaite uniformité
de conduite, de la penetration.
de l'application,de la ruigilancr.)
un cœur confiant pour la vérité
pour la justice, em sur tout
une solide pieté, qui le fait Agir
en secret & aux yeux de Dieu
seul,
comme s'il estoit veu de
tous les hommes. Il ajoûta, que
tantde vertus quiavoientmérité que dans un âge si peu avan~
cé, il eustestéfait Chef du Conseil d s
Finances, jufiifioient
chaque jour un si bon choix,(gjr
fdifoicn^ voir que le Royjufie
dijbenfateurde ses grâces "t'VO::
le don suprême de discernerles
esprits. Aprés cela Mr de Bergeret adressa de nouveau la
paroleàMrl'AbbédeChoi-
\yy&: luy dit, quequelque talent qu'il eust pour l'Eloquence
.J la nouvelle nouvelle obligationqu'il avoit o
bligationqu-'il
a-voit
de consacrerses veilles à lagloire de Louis le Grand, luy seroit
sentir de plus en plus combien il
est difficile de parler dignement
d'unPrince dont la vie est une
suite continuelle de prodiges. Les
Poëtes, poursuivit-il ,se plaignent den'avoir point d'expressionsassez fortes pourrepresenter
lemerveilleuxde sesexploits;
les Historiens au contraire de n'en
avoir point d'assi'{ simples, pour
empescher que tant de merveilles
ne passent pour autant defictions.
Quel art, quelle application,
quelle conduite ne faudra- t-il
point pour conserver la vraysemblance avec la grandeur des
choses qu.i! a
faites?Je
ne parle
point decette valeur étonnante,
qui a
pris comme en courant les
plusfortesVilles du monde, &
devant qui lesArmées les plus
nombreuses ont toujours fuy de
peur de * combattre. Je
ne pense
maintenant qu'à cette glorieuse
paix dont nous joueons., & qui
a tfl; faite dans un temps où l'on
ne voyoit de toutes parts que des
puissancesirritées de nos Viéloires, que des Estats ennemis declarez denosinterests, que des
Princesjaloux de nos avantages,
tous avec des pretentions différentes e- incompatibles. Comment donc parut tout d'un coup
cette Paix si heureuse ? C'est un
miracle de la sagesse de Louis le*
Grand
,
que la Politique neffau..
roit comprendre; & comme luy
seul a
pu la donner à toute 1"Euyope.) luy seul aussi peut la IUJl
conserver.Combien d*a£lion3de
pénétration, de prévoyance pour
faire que tant d'Etats libres, dm
dont les interestssontsi contraires,
demeurent dans les termes
qu'il leur a
prescrits? Il faut
voirégalement
ce qui •riefl plus
&ce quin'est pas encore, comme ce qui est. Il faut avoir un
genied'une force&d'une étenduë extraordinaire
,
que nulle affaire ne change, que nul objet
ne trompe, que nulle difficulté
n'arreste; telenfinqu'estle genie
de Louis le Grand
,
qui est répandu dans toutes les parties de
l'Estat, (fy qui n'yest pointrenfermé,agissant au dehors comme
au dedans avec une forceincon-
cevable. Il est jusque dans les
extrémitez du monde, où l'on a
-veit tant desaintesMissionssoutenues par les secours continuels
de sa puissance & de sa piété.
Il estsurlesFrontières duRoyalime
,
qu'il faitfortifier d'une maniere qui déconcerte ~(7 defj<:entous nos Ennemis. Il efi surles
Ports, ou il fait construire ces
Vaisseaux prodigieuxj qui portent par tout le monde la gloire
du nom François. Il est dans les
calemies de Guerre ~ù de Marine ,où la noble éducation jointe
à la Noblesse du sang,forme des
esprits & des courages également
capables du commandement v
de l'exécution dans les plus grandes entreprises Il est enfin par
tout, quifait que tout est reglé
cemme il doit l'estre.Les Garfiijbns toujours entretenues, les
Magasinstoujours pleins, les
Arsenaux toujours garnis
,
les
Troupes toujoursen baleine, v
aprésles travaux de laGuerre,
maintenant occupées à des Ouvragesmagnifiques, qui font les
fruits de la Paix.C'estainsi
que ce Grand Princeagissanten
mesmetempsde toutes parts,v
faisant des choses qui inspirent
continuellement de la terreur à
Jes Ennemis, de l'amour à Jes
Sujets de l'admiration à tout
le monde
,
il peut malgréleshaines
,
les jalousies, vles défiances, conserver la Paix qu'il a
faite3farce qu'il n'ya pointd'Etat
qui ne voye combien il seroit
dangereux de la vouloir rompre.
Quelques Princes de l'Empire
sembloient en avoir la prnsele)
& commencent à former des
Ligues nouvelles, mais le Roy
toujours également juste vsage,
ne voulant ny surprendre ny
estre surpris
:>
fit dire à l'Empereurj que si dans deux mois du
jourdesa Déclaration il ne rece-
voit de luy des asseurances poJiiives de l'observation de la Treve
,
il prendrait les mesuresqu'il
jugeroit necessaires pour le
bien
deson Efidt. Ses Troupes en même temps volentsur les Frontieres de l'Ailsnugne> (fff l'Empereur luy donne toutes les asseurancesqu'il pourvoit souhaiter.
Ainsil'Europe luy doit une seconde fois le repos & la tranquillité dont elle joüit.D'autre
part l'Espagneavoit fait une
mjujiice à nos
Marchands, (!Ï
les contraignoit de payer une taxeviolente
,
fous pretexte qu
'ils
negocioient dans les Indes contre
les Ordonnances. Le Roy3pour
arrester tout à coup ces commencemens de division
,
a
jugé à propos d'envoyer devant Cadix une
Flote capabledeconquérirtoutes
les Indes. dujfi-tost l'EJpdgne
alarmée, a
proYllÍs de rendre ce
qu'elle avoit pris e~ le Roy qui
s'en est contenté, a paru encore
plusgrand parsa moderationque
parsapuissance; car il est vray
que rienn'est si admirable sur la
Terre, que d'y voir un Prince,
qui pourvant tout ce
qu'il veuty
ne
veüille rien qui ne
soitjuste.
Maisc'est le caractere de Louis
le Grand. C'estlefond de cette
Ame heroiqne
>
où toutes les vertus font pures,sinceres
,
solides,
veritables, cm7ent toutesensemlie3 par une admirable union,
qu'il est non seulement le plus
grand de tous les Rois
,
mais encore
le plusparfait de tous les
Hommes.
Cette réponse fut interrompuëbeaucoup de fois par
des applaudissemens qui firent connoistre combien 1*ACsemblée estoit satisfaite de
l'Eloquence de MrdeBergeret. Il parut par là tres-digne
d'estre à la teile d'une si celebreCompagnie; & tout le
monde convint qu'il ne pouvoit mieux remplir la place
qu'iloccupoit. Mrl'Abbé de
Choisy a
fait connoistre par
un fort bel Ouvrage qu'il a
donné au Public depuissa reception,avec combien de justice il remplit la place qu'on
luy afait ocuper. Cet Ouvrage
est laViede Salomon. Il y
aquelquetemps qu'il fitaussiimprimer celle de David avec une
Paraphrase desPseaumes.Jene
vous dis rien de la beautéde
f- ses Livres. Vous pouvez juger
de quoy il est capable par ce
que vous venez de liredeson
Remerciment à PAcadeniieJ
Ces deuxDiscours ayantesté
prononcez ,
on distribua les
Prix d'Eloquence & dePoësie
& l'on declara que le premieravoir esté remporté par
Mrde Fontenelle,& le second
par Mademoiselle des Houlieres, Fille de l'illustre Ma..
dame desHoulieres,dontvous
avez veu tant de beauxOuvrages. Mrl'Abbé de la 'V'aU1
Secretaire de la Compagnie
en l'absence de Mr l'Abbé
Regnier des Marais, Secretaire perpetuel, leut ces deux
Pieces, dont l'uneestoit sur la
Patience, & l'autre sur l'Eduation de la jeune Noblesse
dans les Compagnies des Genilshommes
3
& dans la Maison de S. Cir, &toutes deux
furent écoutées avec l'artenion qu'elles meritoient. Je
vous en diray davantage une
autre fois. A cette lecture
ucceda celle d'un Discours
qu'avoit apporté M Hebert, le
l'Academie de Soissons,
pour sansfaire * 1à l'obligation
où sont ceux de cette Compagnie
,
suivant les Lettres
Patentes de leur établiffci-nelit,
d'enenvoyeruntous lesans,
en Prose ou en Vers,lejour de
S. Loüis
)
à l'Academie Françoise.On
y remarqua de grandes beautez
,
& M. Hébert
eut place parmy les Académiciens. Le sujet de ce Discours estoit, Que les Peuples
sont toujours heureux,lors qu'ils
sont gouvernez par un Prince,
qui a
dela pieté. Aprés cela,
on leut un Madrigal, à la
gloire de Mademoiselle des
Houliers,sur ce qu'elleavoit
remporté le Prix.M.leClerc
leut aussi quelqnes Ouvrages
dePoësie sur divers fujets>&j
la Scance finit par une
Lettré
en Vers de M. Perrault i,dans
laquelle le Siecle remercioit
le Roy de l'avantage qu'illuy
faisoit remportersur les autres Siec
Fermer
Résumé : Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Le 25 du mois précédent, l'Académie Française a célébré la fête de Saint Louis, roi de France, dans la chapelle du Louvre. La messe, célébrée par l'abbé de la Vau, a été accompagnée d'une musique composée par Mr Oudot. L'abbé Courcier a prononcé un panégyrique de Saint Louis, comparant ses actions à celles de Louis le Grand avec esprit et délicatesse, ce qui a été très apprécié. L'après-midi, l'Académie a tenu une séance publique pour accueillir l'abbé de Choisy à la place du duc de Saint Aignan. L'abbé de Choisy a remercié l'Académie en soulignant son mérite et en évoquant son rôle dans l'ambassade du chevalier de Chaumont à Siam. Il a également rendu hommage au duc de Saint Aignan, louant son soutien aux lettres et son mérite personnel. L'abbé de Choisy a comparé le Cardinal de Richelieu à César et Cicéron, soulignant son rôle dans l'établissement de l'Académie et son influence sur l'esprit français. Mr de Bergeret, secrétaire du Cabinet, a répondu en soulignant les qualités du duc de Saint Aignan, notamment son soutien aux gens de lettres et sa générosité. Il a également parlé de la mort chrétienne du duc et de la continuation de son héritage par son fils. Mr de Bergeret a ensuite adressé un éloge à Louis le Grand, soulignant sa valeur, sa sagesse et sa capacité à maintenir la paix en Europe malgré les tensions. Il a également mentionné les missions saintes soutenues par le roi et les fortifications des frontières du royaume. Le texte décrit les actions et les qualités du roi Louis XIV, présenté comme un grand prince qui maintient la paix en Europe malgré les défis. Il agit avec justice et modération, inspirant admiration et respect. Par exemple, il menace de prendre des mesures contre l'empereur s'il ne respecte pas la trêve, mais accepte les excuses de l'Espagne concernant une injustice faite aux marchands français. Louis XIV est loué pour sa capacité à vouloir uniquement ce qui est juste, ce qui le distingue comme le plus grand et le plus parfait des hommes. Lors de la séance à l'Académie française, Monsieur de Bergerey est acclamé pour son éloquence. L'abbé de Choisy est félicité pour son ouvrage sur la vie de Salomon. Les prix d'éloquence et de poésie sont décernés à Monsieur de Fontenelle et à Mademoiselle des Houlières, respectivement. Un discours de Monsieur Hébert, envoyé par l'Académie de Soissons, est également lu et apprécié. La séance se termine par des lectures de poèmes et une lettre en vers de Monsieur Perrault, remerciant le roi pour les avantages qu'il apporte à son siècle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
46
p. 54-75
PALINODIE.
Début :
L'ouvrage que vous allez lire est la traduction d'un / Raisonnemens trompeurs, Eloquence funeste, [...]
Mots clefs :
Langue latine, Langue française, Patrie, Rome, France, Entendre, Auteurs, Muse, Parnasse, Langage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PALINODIE.
L'ouvrage que vous allez
lire est la traduction d'un
Poëme Latin composé par un
Jesuite,ensuite d'un discours
fort éloquent
,
qu'il avoit
prononcé en faveur de la langue Latine contre la Françoijfe. Celafait voir que quand
on a
de l'esprit, on peut soûtenir également le pour & le
contre.
PALINODIE.
R Aisonnemens trompeurs, Eloquencefuneste
,
Vains discours,queje vous detefie!
J'ay voulu lâchement trahirvostre
party,
France, mon aimable. Patrie:
J'ay voulu signaler mon aveugle fu*.
rie,
Et moyseulje mesuis trahy.
Ah, Mere des beauxArts, pardonne
à l'insolence
D'un Orateur trop vehement.
riens) langue des Latins, rens à
celle de France
L'honneur que tu luy doissi légitimement.
X)ou vient que malgré,tavieillesse
Tu veux tepiquer de beauté?
Scais-tu que ton éclat qui surprend
lajeunesse.
N'a rien qui nesoit emprunté ?
C'est vainement que l'on s'enteste
Desfoibles ornemens que ton adresse
aprefie,
Tous ces airsconcentrez,cettefausse
candeur,
Cefardqu'on voitsurton visage,
- Cestermes affectezquiforment lOti:
langage
,
Tefont Sibille en
âge aussi-bienqu'en,
laideur.
Voilà ce qui tefit silong-temps
Souveraine [tesloix,
Des Romainsprévenus en fAveur d,
Mais aujourd'huy tu tiens àpeine
Un petit coin de terre où tu maintiens tes droits.
Rarement on t'entend dansla bouche
des Rais
,
Le beau monde te fuit;tesplusbeaux
privilèges,
Sont renfermezdans les colleges,
Déterrons des Latins les plus vieux
monumens,
Foüillons dans leurssombres Archives.
:en verrons-nous un seul exempt des invectives
Etdes censures des Sçavans ?
Ciceron ,le premieren butte à la Critique
Laisse un peu trop voir etart,diuen,
quand il s'explique,
Il est diffus en trop d'endroits.
Live qu'on metaurangdes Auteurs
les plus rares,
Garde de son pays certains termes
barbares
Donton le raille quelquefois.
Plaute, cet illustre Comique,
A-t-ilaujourd'huy rien quipique?
Voit-on un Peupleassez badaut
A qui plustsabouffonnerie,
Etsasadeplaisanterie
Neseroit-ellepassiflée à Guenegaut ?
9
Terence , , a
toutpilléMénandre :
Seneque estempouâe>
pour ne le pas
entendre
L'Auditeur effrayése retire à
l'écart.
Enfin la Scene antique estsans regle
&sans art.
Laissons le Cothurne tragique,
Pour parler du PoëmeEpique :
Virgile a-t-il rien destbeaae?
Enparlant deses Dieux,desTroyens,
deson Pere,
Queses vers ont-ils de nouveau 'fJn ennuyeuxtissu des dépoüilles
d'Hornere!
Est-ce
d,Ovidsel'Amoureux
Dont on vaudra vanterla plume ?
-que n'a-t-ilestéplussoigneux
De remettre ses vers mal polis fils fenclume?
Scaligernous apprend qu'ils en vaudroient bien mieux.
Jï^uand au dessus du vent je vois
volerHorace
,
Iltombe, dit un autre,&sa chute me
glace.
Lucain esttropguindé;Juvenal efi
trop duri [obscur.
Evitantd'estre long,Perse devient.
Le badinage de Tibulle
Ne me charme pas plus que celuy de
Catulle,
Dont le verssautillant
>
siflant, &
mal-formé
,
Ressemble hfin Moineaudansla cage
enfermé.
Mais,France, Pepiniere agreable&
secondé
Des plus fameux auteurs du
monde,
Nous voyons aujourd'hui que tes
heureux Dessins
Te mettent au dessus des Grecs & des
Latins.
Aristote efi vaincu ,son traducteur
Cassandre
Estpluspoly, plus doux, &se fait
mieux entendre. [ voix,
Philipe qui craignit Demostene J&si
Trembleroit aux Sermons du tonnant
Bourdaloüe;
Et quand le Divin Flechierloüse,
C'est bien mieux que Pline autresiss. &
Jamais Rome au Barreauvit-elle une
éloquence
Egale au grand Patru plaidant pour
l'innocence,
Et du vainqueur d'Asie en lisant les
combats,
N'estime t-on pas moins Curse que
VaugeLu ?
Malgré les vers pompeux que Lucain
nous étaley
Cesar eust de Brebeuf adoré la Pharsale;
Toutsçavantqu'ilestoit il auroitfait
saCour,
Pour avoir un cahier chez,liUtfîre
Ablanceur.
Mais Rome enfinse glorifie
D'avoir eu dans son sein la doli
Sulpicie: [jou
Ellese vante encor d'avoirdonnél
A lasçavante Cornelie :
NostreFrance bien plus polie,
A de charmansobjets à vanter à fioti
tour.
Elle n'a pas pour une Muse;
Bregy, Des-Houlieres, la Suze,
Et mille autres Saphos que je ne nomme pas,
Font de nostre Parnasse un lieu rempli -d'dpas.
Qu'on ne nous vanteplus le theatre
d'Athene,
Dont les Acteurscruels ensanglantoient la Scene ;
Sidans Sophocle,Ajax meurtdesa
propre main
,
Etsi dans Euripide une mere cruelle
Plonge àses deux enfans unpoignard
dans lefein
, Avoüons que che.z-noUi la methode
estplusbelle.
Le Cid, Pompée, Horace en seront
les témoins;
C'estlà que le divin Corneille
Touchant le cœur,charmel'oreille.
Dans Cinna que croiroit-on moins £)uun ingrataccabléparlesfaveurs
d'Auguste,
Conspirant contre luypar un retour injuste?(sanglant
Il eustfallu dans Rome unfpeffade
Pourpunir cette audaceextrême
Maisle pardon tient lieu desang,
Auguste oublie
,
Emilie aime,
Cinna devient reconnoissant,
Et les vers du Poëte ont un toursi
puiffint
Qu'on croit entendre August
méme.
a
Represente-t-on Phedre&toutesse
On y
fureurs
plaint le
?
chaste Hyppolite.
Si la veuve d'Hectorpleure, Dieux
quelle excite
De tendressentimens dans lefond d
nos cœurs!
Raciney ce charmant Genie,
Tire des soûpirs & des pleurs
Des Peuples attendris au récit de.
malheurs,
D'une mourante Iphigenie.
Chacuns'Agamemnpn abhorre le dejsein, (victime
Voyant le couteau prest d'égorger la
Chacunsoupire de ce crime,
Etcroitsentir le coup qui luyperce U
sein.
Las de pleurersil'on- veut rire
Et dans le mêrne-inlfantî"I'nstruire,
Qu'on aille de Moliere écouter les
leçons.
En voyant le Tartusse drson misque
On apprendra
hypocrite,,comme on éviteDe tant defaux Devots les trompeurs
hameçons.
LesMarquisyles Facheax
,
l'A
vare
Et le Misantrope hitttrrt,
LesmauvaisMedecins, lesFemmes,
les Maris
verront de leurs mœurs la. critique
subtile
, -
Comme ontfait la Cour & Paris.
Heureux, quijoint ainsi leplaisant
à l'utile!
Veutprodiguerses Versendéfitde
Minerve,
Et pour peu que ify-mefine on si
connoisse bien
,
Lisant le nom d'un autre on peut
lire le sien.
Heureuxenfin, heureux
,
qui pour
devenirsage,
En voyant ces Portraits peuty voir
son image!
Naissi le Lesteuraime mieuxUn Ouvrage qui soit comique &-
serieux ;
Voiture efi inventeur de ce genre
décrire
,
admire,
J%u'on ne peut imiter & que chacun
La Langue Françoisia tente
Toutcequafait l'Antiquité;
Le Bossu Phrygien d'line facile
veine -
A fait parler les Animaux,
Sesdiscours fabuleuxsont beaux;
Mais on donne la Palme à ceux dè
la Fontaine..
cf<!!oy quejelife tous lèsjours
Les entretiens& etArifte & d'EII.
gene». Je
voy je nefcty.quoy- dans leurs
charmas discours,
Dontle tour m'enchantetoujours ;
Ll-s Grâcess'unissant aux Filles
d'Hypacrene
,
Y font l'éloge de Bouhours
En cela nostreLangueétalefin (mpire.
Far longueperiphraje un Latinfiait
écrire;
£'Espagnoltrop enflé, l'Italien• trtp
doux.
Sans lesecours de l'Art ne
pourront
jamais dire
Ce que le naturel exprimera eheZ
-
nous..
Noussçavons bien que le langage
Dont nous..nous servonsaujourd'huy [ malpoly,
Futpendant certainstemps un marbre
Et brut, on ne peut davantage.
Nostre France eut besoin alors
De cesHommes fameux & de tous
leurs efforts
a
Pour polir unsigrand Ouvrage.
Malherbe d'abord l'ébaucha,
L'inutileilen retranchai.
.Sdlzac la lime en main vint & fifit connoistre,
Il radoucit, il retoucha,
Sescoups surent des coups de
Hdijlre
3/
Deces deuxOuvrierscharmans
Nojlre Langue recent ses premiers
ornemens.
La politesse alorsparlaFêurpre
affermie
Du grand Armandsuivit les loix.
Ce. futluy qftifille beau choix
Dont ilforma l'Acadtmie.
Cette Academie au Berceau,
Semblable au valeureux Alcide,
Etoussoit tous les jours quelque
Monstre nouveau
Dont l'ignoranceestoitleguide.
Arbitre déja des écrits,
Lessentimens des beaux Esprits
Estoientfournis àsapuissance.
Sa force accruë avec le temps
Sans peineproduisît dans son adolescence
Vn nombreinfny de Sçavans,
Nous la voyons enfin au comble dfr
sonâge,
Et dans ce comblefortune
c!i!.!!,'adora sous Platon l'Univers
étonné,
Dans ces fameux Jardins & danJ<
l'Areopage,
L'Eloquence, les Vers, les Languess.
les b.tltux Arts,
Les travaux de Minerve & les exploitsde Mars,
Sont les heureux emplois que les
Muses luy donnent:
LOVISson Apollon
,
l'illuminetoujours,
Son augustepresenceanime ses discours,
Son exemplel'instruit tsesbien-faits
la couronnent.
Animezvos cœurs & vos voix,
Vous
,
Homeres nouveaux,& voufi.
Cursessublimes
:
Employé£ l'Eloquence
,
& les plus
douces rimes,
Pourparlerduplusgranddes Rois.
Annoncez, par toutsesVictoires
,
Eternisez, son nom dans vos doctes
memoires.
La , que sur l'airain dureront
ses exploits.
OU), grandRoy, cessçavans Oracles
Aux siecles à venir apprendront tes
miracles.
Ils tepeindront tonnantsurle Rhin,
forClfch
Vainqueursurl'Escaut,surla Meuse;
Et triomphant tout seul d'une hgut
fameuse
.!f!.!!,i t'acquit àjamais un honneur
immortel.
On
On verra par ton bras les placesfoudroyées,
Faire voler bien loin les Aigles esfrayées:
•
On verra les Lions soûmis
Implorer à tes pieds ton auguste
clemence;
Enfin l'on te verradans le cœur de
la France,
Renverser par ta foy de plusfiers
Ennemis.
L'Indien étonné dubruit de ces
merveilles,
En croit à peine ses oreilles:
Ilpart ensuperbeappareil,
Quitteses Dieux brillans, le Soleil,
& laurare;
Il vient, il te voit,il t'adore,
Surpris en toy de voir encore Un éclat plus brillant que celuydit
Soleil.
Mais, GRAND Roi, ma
Mufe s'égare,
Et pensant ay ~destini d'Icare,
Son aiste foible encor pourtraverser
les Mers,
Vêle à fleurd'eau, tremblante,& refuse des vers.
Tant d'exploits à chanter sont de
douces amorces;
Mais c'est une entreprise au dessus de
sesforces;
Et quoy qu'elle ait long-tempssuivi
tesétendards,
Ses chants les plus hardissont peu
dignes de Mars.
Retirée, à l'écart, au coin d'une
Province
,
[Prince,
Elle adore ensecret les vertus deson
Fait mille vœux pour luy ,veut chanterses vertus
Tfend La Plume, Li quitte
,
(£•
lU
peut rien de plus.
lire est la traduction d'un
Poëme Latin composé par un
Jesuite,ensuite d'un discours
fort éloquent
,
qu'il avoit
prononcé en faveur de la langue Latine contre la Françoijfe. Celafait voir que quand
on a
de l'esprit, on peut soûtenir également le pour & le
contre.
PALINODIE.
R Aisonnemens trompeurs, Eloquencefuneste
,
Vains discours,queje vous detefie!
J'ay voulu lâchement trahirvostre
party,
France, mon aimable. Patrie:
J'ay voulu signaler mon aveugle fu*.
rie,
Et moyseulje mesuis trahy.
Ah, Mere des beauxArts, pardonne
à l'insolence
D'un Orateur trop vehement.
riens) langue des Latins, rens à
celle de France
L'honneur que tu luy doissi légitimement.
X)ou vient que malgré,tavieillesse
Tu veux tepiquer de beauté?
Scais-tu que ton éclat qui surprend
lajeunesse.
N'a rien qui nesoit emprunté ?
C'est vainement que l'on s'enteste
Desfoibles ornemens que ton adresse
aprefie,
Tous ces airsconcentrez,cettefausse
candeur,
Cefardqu'on voitsurton visage,
- Cestermes affectezquiforment lOti:
langage
,
Tefont Sibille en
âge aussi-bienqu'en,
laideur.
Voilà ce qui tefit silong-temps
Souveraine [tesloix,
Des Romainsprévenus en fAveur d,
Mais aujourd'huy tu tiens àpeine
Un petit coin de terre où tu maintiens tes droits.
Rarement on t'entend dansla bouche
des Rais
,
Le beau monde te fuit;tesplusbeaux
privilèges,
Sont renfermezdans les colleges,
Déterrons des Latins les plus vieux
monumens,
Foüillons dans leurssombres Archives.
:en verrons-nous un seul exempt des invectives
Etdes censures des Sçavans ?
Ciceron ,le premieren butte à la Critique
Laisse un peu trop voir etart,diuen,
quand il s'explique,
Il est diffus en trop d'endroits.
Live qu'on metaurangdes Auteurs
les plus rares,
Garde de son pays certains termes
barbares
Donton le raille quelquefois.
Plaute, cet illustre Comique,
A-t-ilaujourd'huy rien quipique?
Voit-on un Peupleassez badaut
A qui plustsabouffonnerie,
Etsasadeplaisanterie
Neseroit-ellepassiflée à Guenegaut ?
9
Terence , , a
toutpilléMénandre :
Seneque estempouâe>
pour ne le pas
entendre
L'Auditeur effrayése retire à
l'écart.
Enfin la Scene antique estsans regle
&sans art.
Laissons le Cothurne tragique,
Pour parler du PoëmeEpique :
Virgile a-t-il rien destbeaae?
Enparlant deses Dieux,desTroyens,
deson Pere,
Queses vers ont-ils de nouveau 'fJn ennuyeuxtissu des dépoüilles
d'Hornere!
Est-ce
d,Ovidsel'Amoureux
Dont on vaudra vanterla plume ?
-que n'a-t-ilestéplussoigneux
De remettre ses vers mal polis fils fenclume?
Scaligernous apprend qu'ils en vaudroient bien mieux.
Jï^uand au dessus du vent je vois
volerHorace
,
Iltombe, dit un autre,&sa chute me
glace.
Lucain esttropguindé;Juvenal efi
trop duri [obscur.
Evitantd'estre long,Perse devient.
Le badinage de Tibulle
Ne me charme pas plus que celuy de
Catulle,
Dont le verssautillant
>
siflant, &
mal-formé
,
Ressemble hfin Moineaudansla cage
enfermé.
Mais,France, Pepiniere agreable&
secondé
Des plus fameux auteurs du
monde,
Nous voyons aujourd'hui que tes
heureux Dessins
Te mettent au dessus des Grecs & des
Latins.
Aristote efi vaincu ,son traducteur
Cassandre
Estpluspoly, plus doux, &se fait
mieux entendre. [ voix,
Philipe qui craignit Demostene J&si
Trembleroit aux Sermons du tonnant
Bourdaloüe;
Et quand le Divin Flechierloüse,
C'est bien mieux que Pline autresiss. &
Jamais Rome au Barreauvit-elle une
éloquence
Egale au grand Patru plaidant pour
l'innocence,
Et du vainqueur d'Asie en lisant les
combats,
N'estime t-on pas moins Curse que
VaugeLu ?
Malgré les vers pompeux que Lucain
nous étaley
Cesar eust de Brebeuf adoré la Pharsale;
Toutsçavantqu'ilestoit il auroitfait
saCour,
Pour avoir un cahier chez,liUtfîre
Ablanceur.
Mais Rome enfinse glorifie
D'avoir eu dans son sein la doli
Sulpicie: [jou
Ellese vante encor d'avoirdonnél
A lasçavante Cornelie :
NostreFrance bien plus polie,
A de charmansobjets à vanter à fioti
tour.
Elle n'a pas pour une Muse;
Bregy, Des-Houlieres, la Suze,
Et mille autres Saphos que je ne nomme pas,
Font de nostre Parnasse un lieu rempli -d'dpas.
Qu'on ne nous vanteplus le theatre
d'Athene,
Dont les Acteurscruels ensanglantoient la Scene ;
Sidans Sophocle,Ajax meurtdesa
propre main
,
Etsi dans Euripide une mere cruelle
Plonge àses deux enfans unpoignard
dans lefein
, Avoüons que che.z-noUi la methode
estplusbelle.
Le Cid, Pompée, Horace en seront
les témoins;
C'estlà que le divin Corneille
Touchant le cœur,charmel'oreille.
Dans Cinna que croiroit-on moins £)uun ingrataccabléparlesfaveurs
d'Auguste,
Conspirant contre luypar un retour injuste?(sanglant
Il eustfallu dans Rome unfpeffade
Pourpunir cette audaceextrême
Maisle pardon tient lieu desang,
Auguste oublie
,
Emilie aime,
Cinna devient reconnoissant,
Et les vers du Poëte ont un toursi
puiffint
Qu'on croit entendre August
méme.
a
Represente-t-on Phedre&toutesse
On y
fureurs
plaint le
?
chaste Hyppolite.
Si la veuve d'Hectorpleure, Dieux
quelle excite
De tendressentimens dans lefond d
nos cœurs!
Raciney ce charmant Genie,
Tire des soûpirs & des pleurs
Des Peuples attendris au récit de.
malheurs,
D'une mourante Iphigenie.
Chacuns'Agamemnpn abhorre le dejsein, (victime
Voyant le couteau prest d'égorger la
Chacunsoupire de ce crime,
Etcroitsentir le coup qui luyperce U
sein.
Las de pleurersil'on- veut rire
Et dans le mêrne-inlfantî"I'nstruire,
Qu'on aille de Moliere écouter les
leçons.
En voyant le Tartusse drson misque
On apprendra
hypocrite,,comme on éviteDe tant defaux Devots les trompeurs
hameçons.
LesMarquisyles Facheax
,
l'A
vare
Et le Misantrope hitttrrt,
LesmauvaisMedecins, lesFemmes,
les Maris
verront de leurs mœurs la. critique
subtile
, -
Comme ontfait la Cour & Paris.
Heureux, quijoint ainsi leplaisant
à l'utile!
Veutprodiguerses Versendéfitde
Minerve,
Et pour peu que ify-mefine on si
connoisse bien
,
Lisant le nom d'un autre on peut
lire le sien.
Heureuxenfin, heureux
,
qui pour
devenirsage,
En voyant ces Portraits peuty voir
son image!
Naissi le Lesteuraime mieuxUn Ouvrage qui soit comique &-
serieux ;
Voiture efi inventeur de ce genre
décrire
,
admire,
J%u'on ne peut imiter & que chacun
La Langue Françoisia tente
Toutcequafait l'Antiquité;
Le Bossu Phrygien d'line facile
veine -
A fait parler les Animaux,
Sesdiscours fabuleuxsont beaux;
Mais on donne la Palme à ceux dè
la Fontaine..
cf<!!oy quejelife tous lèsjours
Les entretiens& etArifte & d'EII.
gene». Je
voy je nefcty.quoy- dans leurs
charmas discours,
Dontle tour m'enchantetoujours ;
Ll-s Grâcess'unissant aux Filles
d'Hypacrene
,
Y font l'éloge de Bouhours
En cela nostreLangueétalefin (mpire.
Far longueperiphraje un Latinfiait
écrire;
£'Espagnoltrop enflé, l'Italien• trtp
doux.
Sans lesecours de l'Art ne
pourront
jamais dire
Ce que le naturel exprimera eheZ
-
nous..
Noussçavons bien que le langage
Dont nous..nous servonsaujourd'huy [ malpoly,
Futpendant certainstemps un marbre
Et brut, on ne peut davantage.
Nostre France eut besoin alors
De cesHommes fameux & de tous
leurs efforts
a
Pour polir unsigrand Ouvrage.
Malherbe d'abord l'ébaucha,
L'inutileilen retranchai.
.Sdlzac la lime en main vint & fifit connoistre,
Il radoucit, il retoucha,
Sescoups surent des coups de
Hdijlre
3/
Deces deuxOuvrierscharmans
Nojlre Langue recent ses premiers
ornemens.
La politesse alorsparlaFêurpre
affermie
Du grand Armandsuivit les loix.
Ce. futluy qftifille beau choix
Dont ilforma l'Acadtmie.
Cette Academie au Berceau,
Semblable au valeureux Alcide,
Etoussoit tous les jours quelque
Monstre nouveau
Dont l'ignoranceestoitleguide.
Arbitre déja des écrits,
Lessentimens des beaux Esprits
Estoientfournis àsapuissance.
Sa force accruë avec le temps
Sans peineproduisît dans son adolescence
Vn nombreinfny de Sçavans,
Nous la voyons enfin au comble dfr
sonâge,
Et dans ce comblefortune
c!i!.!!,'adora sous Platon l'Univers
étonné,
Dans ces fameux Jardins & danJ<
l'Areopage,
L'Eloquence, les Vers, les Languess.
les b.tltux Arts,
Les travaux de Minerve & les exploitsde Mars,
Sont les heureux emplois que les
Muses luy donnent:
LOVISson Apollon
,
l'illuminetoujours,
Son augustepresenceanime ses discours,
Son exemplel'instruit tsesbien-faits
la couronnent.
Animezvos cœurs & vos voix,
Vous
,
Homeres nouveaux,& voufi.
Cursessublimes
:
Employé£ l'Eloquence
,
& les plus
douces rimes,
Pourparlerduplusgranddes Rois.
Annoncez, par toutsesVictoires
,
Eternisez, son nom dans vos doctes
memoires.
La , que sur l'airain dureront
ses exploits.
OU), grandRoy, cessçavans Oracles
Aux siecles à venir apprendront tes
miracles.
Ils tepeindront tonnantsurle Rhin,
forClfch
Vainqueursurl'Escaut,surla Meuse;
Et triomphant tout seul d'une hgut
fameuse
.!f!.!!,i t'acquit àjamais un honneur
immortel.
On
On verra par ton bras les placesfoudroyées,
Faire voler bien loin les Aigles esfrayées:
•
On verra les Lions soûmis
Implorer à tes pieds ton auguste
clemence;
Enfin l'on te verradans le cœur de
la France,
Renverser par ta foy de plusfiers
Ennemis.
L'Indien étonné dubruit de ces
merveilles,
En croit à peine ses oreilles:
Ilpart ensuperbeappareil,
Quitteses Dieux brillans, le Soleil,
& laurare;
Il vient, il te voit,il t'adore,
Surpris en toy de voir encore Un éclat plus brillant que celuydit
Soleil.
Mais, GRAND Roi, ma
Mufe s'égare,
Et pensant ay ~destini d'Icare,
Son aiste foible encor pourtraverser
les Mers,
Vêle à fleurd'eau, tremblante,& refuse des vers.
Tant d'exploits à chanter sont de
douces amorces;
Mais c'est une entreprise au dessus de
sesforces;
Et quoy qu'elle ait long-tempssuivi
tesétendards,
Ses chants les plus hardissont peu
dignes de Mars.
Retirée, à l'écart, au coin d'une
Province
,
[Prince,
Elle adore ensecret les vertus deson
Fait mille vœux pour luy ,veut chanterses vertus
Tfend La Plume, Li quitte
,
(£•
lU
peut rien de plus.
Fermer
Résumé : PALINODIE.
L'ouvrage est la traduction d'un poème latin intitulé 'Palinodie', composé par un jésuite. Ce poème est une rétractation où l'auteur reconnaît avoir trahi la France en défendant la langue latine. Il exprime désormais son admiration pour la langue française et critique la langue latine, soulignant que cette dernière, malgré son ancienneté, a perdu de son importance et est rarement utilisée par les rois et le beau monde. L'auteur critique les auteurs latins classiques tels que Cicéron, Live, Plaute, et Virgile pour leurs défauts stylistiques et leurs erreurs. En revanche, il présente la France comme une terre de grands auteurs et de beaux-arts. Des écrivains comme Corneille, Racine, et Molière sont loués pour leurs œuvres qui touchent le cœur et instruisent. La langue française est décrite comme ayant évolué grâce à des figures comme Malherbe, Vaugelas, et l'Académie française, qui ont polie et affiné la langue. Le poème se termine par une admiration pour le roi de France, dont les exploits militaires et la grandeur sont célébrés. L'auteur exprime également son humilité en reconnaissant l'immensité de la tâche de chanter les louanges du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
47
p. 336-355
Situation generale des Affaires de l'Europe, [titre d'après la table]
Début :
Il seroit difficile de vous parler juste de la veritable [...]
Mots clefs :
Affaires de l'Europe, Campagne, Suède, Haut-Rhin, Pologne, Armée, Milan, France
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Situation generale des Affaires de l'Europe, [titre d'après la table]
Il feroit difficile de vous
parler jufte de la veritable
fituation generale des Affaires
GALANT 1337
res del'Europe dans le moment
que je vous écris , car avant
qu'elles puiffent cftre fixées
pour la Campagne prochaine,
& quechacun puiffe voir quel
party il prendra , il faut que
les Parties intereffées fçachent
comment finiront certaines
chofes qui ont des faces differentes , &qui font en mouve
ment.
Il faut que le Roy de Suede,
dont on nous parle tous les
jours differemment , ait commencé d'entrer en action
car s'il entre en Pologne avec
une Armée formidable pour
Février 1710. Ff
>
338 MERCURE
rétablir le Roy Staniflas , le
Roy Auguſte avec toutes les
forces aura de la peine à fe
maintenir fur le Trône , & il
fera obligé de retirer toutes les
Troupes qu'il a en Flandre
ce qui apportera un grand
changement aux Affaires de
ce colté-là , & fera changer
toutes les mesures que les
Alliez peuvent avoir prifes
pour la Campagne.
Ils feront encore obligez de les
changer, fi l'Electeur de Brandebourg tient fa parole , &retire fes Troupes de Flandre , en
cas que l'on neluy rende pas la
GALANT 339
juftice qu'il pretend touchant
la fucceffion du feu Prince
d'Orange , ce qui eſt abſolument impoffible , les chofes
qu'il demande eftant trop fortes & regardant un Prince
dont les Hollandois font
charmez.
·
A l'égard des Affaires du
Haut Rhinqui paroiffent nonfeulement ; mais qui font en
effet tres avangeufes pour
nous il eft impoffible de
pouvoir dire quel party on
prendra de part & d'autre de
ce cofté- là , jufqu'à ce que
l'on ait fçu fi le Duc d'HaFfij
340 MERCURE
novre y commandera l'Armée , & fi elle fera nombreufe ou non , & il n'y a pas d'apparence qu'elle doive eftre
forte , puifque plus le temps
de l'ouverture de la Campagne avance , plus ceux qui
doivent fournir des Troupes pour cette Armée , déclarent qu'ils font dans l'impoffi
bilité de le faire , & quand
même ils en fourniroient , il
n'y a nulle apparence que
Armée puiffe eftrefuperieure à
la noſtre qui ne manque de
rien , & qui a fait payer en
bleds une partie des Contribu
leur
GALANT 341
tions qu'elle auroit pu tirere n
argent , dont elle ne manque
point , enayant tiré de l'un &
de l'autre, & de quelque manicre que ce foit , les Affaires ne
peuvent que nous eftre avantageufes de ce cofté - là , car
s'ils n'y ont pas de grandes
forces , nous penetrerons dans
leur Pays , & s'ils en ont affez,
non pas pour avoir des avantages fur nous car cela paroift impoffible , mais feulement pour nous empêcher
d'en avoirfur eux , ils ne pour
ront envoyer que tres peu
de Troupes en Flandre , ou
Ffiij
342 MERCURE
?
s'il arrive , felon que je vous
viens de marquer , que les
Troupes Saxonnes , les Pruffiennes , & les Allemandes
manquent aux Alliez , auffi
bien que l'argent qui manque
abfolument aux Hollandois
& dont les Anglois manquent
auffi beaucoup , les fubfides
accordez par le Parlement
n'ayant pû eſtre remplis à beaucoup prés , les Alliez feront
en Flandre hors d'eftat de faire
aucune Conquefte , & pendant
qu'ils y manquent d'argent
on fait tous les jours des fonds
nouveaux en France pour en
ALANT 343
avoir fuffifamment pour faire
la Campagne, Ainfi l'on ne
peut dire encore comment les
chofes tourneront. Il vient en
France du bled de toutes parts ,
& il y en aura bien- toft abondamment à Paris même , ce
qui fuffira juſqu'au temps de
la recolte , qui fera des plus
abondantes , & le vin même
diminuë de prix tous les jours
dans toute la France. Enfin
nous fommes dans le temps
des grandes revolutions , &
nous voyons des chofes dans
trop violent pour y
un eftat
pouvoir
demeurer
long- temps
,
344 MERCURE
gent
La France, comme je vous ay
fait voir le mois paffé ade l'arabondamment , & la circulation y manque feulement ,
au lieu que l'efpece manque
tout-à - fait en Angleterre , par
les raifons dont je vous ay envoyé le détail le mois paffé.
Al'égard des Affaires d'Italie , elles font dans un eſtat
trop violent pour y pouvoir
demeurer long- temps , & particulierement le Royaume de
Naples. Les peuples yfont dans
le dernier accablement , & fur
tour à Naples , où le Viceroy
fe fert tour à tour de divers
GALANT 345
pretextes pour ne point paroître en public , craignant d'eftre
infulté. Enfinles Peuples y font
dans le dernier defeſpoir , &
l'on doit tout craindre du defeſpoir d'un Peuple qu'on a
pouffé à bout, qui n'a plus rien
a menager, & qui eftoit florif
fant fous le de fon pre- regne
cedent Monarque , qu'il n'a
point ceffé d'aimer , la revolu
tion n'eftant arrivée que par
des traîtres , qui ont plongé
leur Patrie dans l'état où elle fe
trouve.
L'Etat de Milan n'eft pas
mieux. Onen tire jufqu'au der
346 MERCURE
nier fol, comme l'on a fait du
Royaume de Naples , & quand
la Maifon d'Autriche a mis
une fois le pied dans un Païs ,
elle n'en traite pas les Peuples
en fujets , mais en efclaves.
Les autres Puiffances d'Italic
ne font pas moins outrées de
la maniere dont on les traite,
& les cent mille piftoles de
contribution qu'on tire d'eux
tous les ans en font une preu
ve parlante, & qui crient vengeance ; & il n'eft enfin pas
poffible que les chofes demeurent toûjours en cet état , &
ce qu'une revolution a fait naî
GALANT 347
tre en peu de temps , finira par
une autre revolution.
Il n'en eft pas de mefme en
Espagne, où l'amour que le
Peuple a pour fon Roy cft cauLe que tout ce qui s'y fait pour
ce Monarque , eft auffi volon
taire qu'il eft forcé en Italie.
On n'a jamais vû dans aucun
fiecle , & dans aucun Etat , ce
qui fe paffe aujourd'huy en Efpagne. Les hommes s'offrent
en foule , les Troupes y paroiffent fortir de terre , auffi-bien
que les chevaux , que les Provinces qui en abondent offrent
au Roy, à qui l'on offre de 2.
348 MERCURE
l'argent de toutes parts. Enfin
il paroift par la formidable &
nombreufe Armée que S. M.
C. met fur pied, que l'Europe
entiere n'en pourroit faire davantage, & comme tout s'y
fait avec zele & de plein gré,
il y a d'autant plus lieu de croire qu'une pareille Armée fera
des prodiges , & fur tout eſtant
compofée d'Espagnols qui ne
reculent jamais , fuivant les
grands exemples que je vous
ay fouvent raportez là- deſſus,
&l'on peut dire que dans cette
occafion l'Armée d'Espagne a
pris pour Devife , Vaincre on
mourir.
Voilà
GALANT 349
Voilà la fituation oùfe trouvent aujourd'huy toutes les
affaires de l'Europe ; nous ver
rons à la fin du mois prochain
en quoy elle aura changé.
La maniere dont le Carnaval s'eft paffé à Paris , doit paroître bien differente aux Alliez, de la fituation où ils pretendent que nous nous trouvons, & dont ils font tous les
jours des peintures dans leurs
Ecrits publics bien contraires
à la verité. L'état où la France
s'eft trouvée eft venu de la
cherté du bled, qui commença
au mois de Fevrier de l'année
Février 1710. Gg
350 MERCUR F
derniere; ce quifut caufé, comme vous fçavez , par la force
de la gelée qu'il fit cette annéelà , & vous fçavez comment
les chofes fe pafferent à cette
occafion. Le Roy fe facrifia
alors pourle bien de fes Sujets;
il fit ceffer le payement des
Tailles , & de divers autres
Droits, & dans le Prelude d'une de mes Lettres , je vous fis
voir alors jufqu'à neuf Articles par lefquels Sa Majesté
abandonnoit fes Droits , & je
ne vous impofois pas , puifque
je vous raportay autant d'Arrefts , d'Edits ou de Declara
GALANT 351
tions qui regardoient le facri
fice qu'Elle faifoit à fes Peuples , outre la dépense qu'Elle
fit de plufieurs Bâtimens armez à fes dépens pour aller en
courfe , fans vouloir rien pren
dre pour les frais de l'armement , ni partager des bleds
que tous ces Bâtimens raporteroient; Sa Majeſté n'a rétably les Tailles , & commencé à recevoir plufieurs autres
Droits qu'Elle avoit abandonnez que depuis quelques mois.
Ainfi l'on ne doit pas s'étonner fi l'argent luy manquoit ;
mais l'on peut dire prefenteGg ij
352 MERCURE
ment que les chofes vont leur
train ordinaire ; mais comme
S. M. eftoit fort arrierée, il faut
encore quelque temps pour
que tous ceux à qui Elle doit ,
puiffent eftre contens , & l'on
pourroit mefme dire qu'ils le
font déja par avance, puifqu'il
eft feur que leurs efperances
ne feront pas vaines, & que la
verité de ce que j'avance eſt de
notorieté publique. Ainfi l'on
ne doit pas s'étonner fi.le Carnaval s'eft paffé à Paris de la
mefme maniere qu'il s'y eft
paffé dans tous les temps. Il eft
vray que les chofes ne s'y font
1
GALANT 353
pas faites avec les emporte
mens de joye immoderez qui
ont paru en de certains temps ;
mais pendant tout le Carnaval
il y a eu des Bals à l'ordinaire ;
on s'eft regalé , tous les fpectacles ont cfté remplis ; la foule
des Caroffes a efté auffi grande
au Fauxbourg Saint Antoine
dans les derniers jours du Carnaval , qu'elle l'a toûjours efté,
& rien n'a marqué la miferable
fituation dont tous les écrits
publics des Alliez font remplis,
dans le deffein d'éblouir leurs
Sujets en publiant des chofes
entierement contraires à la veGg iij rité.
354 MERCURE
Outre tous les bleds dont je
vous ay déja parlé qui font entrez de plufieurs endroits dans
le Royaume , je ne vous repeteray point ce que nos nouvelles publiques vous ont dit des
fix à fept mille charges de
bled , arrivées du Levant à
Toulon, & dont les Commandans des Vaiffeaux qui les ont
amenées ont rapporté qu'il en
viendroit encore beaucoup ;
de manière que tous ces bleds ,
joints à ceux des Provinces
dont la recolte a efté bonne
l'année derniere , & à l'eſpoir
de celle de cette année qui pa-
GALANY 355
roift devoir eftre des plus abondantes dans toute la France ,
& l'eſpoir du bon effet que
produira le rétabliffement des
revenus du Roy, n'ont pas peu.
contribué aux divertiffemens
du Carnaval qui ont étégrands
& continuels ; mais fans avoir
efté outrez.-
parler jufte de la veritable
fituation generale des Affaires
GALANT 1337
res del'Europe dans le moment
que je vous écris , car avant
qu'elles puiffent cftre fixées
pour la Campagne prochaine,
& quechacun puiffe voir quel
party il prendra , il faut que
les Parties intereffées fçachent
comment finiront certaines
chofes qui ont des faces differentes , &qui font en mouve
ment.
Il faut que le Roy de Suede,
dont on nous parle tous les
jours differemment , ait commencé d'entrer en action
car s'il entre en Pologne avec
une Armée formidable pour
Février 1710. Ff
>
338 MERCURE
rétablir le Roy Staniflas , le
Roy Auguſte avec toutes les
forces aura de la peine à fe
maintenir fur le Trône , & il
fera obligé de retirer toutes les
Troupes qu'il a en Flandre
ce qui apportera un grand
changement aux Affaires de
ce colté-là , & fera changer
toutes les mesures que les
Alliez peuvent avoir prifes
pour la Campagne.
Ils feront encore obligez de les
changer, fi l'Electeur de Brandebourg tient fa parole , &retire fes Troupes de Flandre , en
cas que l'on neluy rende pas la
GALANT 339
juftice qu'il pretend touchant
la fucceffion du feu Prince
d'Orange , ce qui eſt abſolument impoffible , les chofes
qu'il demande eftant trop fortes & regardant un Prince
dont les Hollandois font
charmez.
·
A l'égard des Affaires du
Haut Rhinqui paroiffent nonfeulement ; mais qui font en
effet tres avangeufes pour
nous il eft impoffible de
pouvoir dire quel party on
prendra de part & d'autre de
ce cofté- là , jufqu'à ce que
l'on ait fçu fi le Duc d'HaFfij
340 MERCURE
novre y commandera l'Armée , & fi elle fera nombreufe ou non , & il n'y a pas d'apparence qu'elle doive eftre
forte , puifque plus le temps
de l'ouverture de la Campagne avance , plus ceux qui
doivent fournir des Troupes pour cette Armée , déclarent qu'ils font dans l'impoffi
bilité de le faire , & quand
même ils en fourniroient , il
n'y a nulle apparence que
Armée puiffe eftrefuperieure à
la noſtre qui ne manque de
rien , & qui a fait payer en
bleds une partie des Contribu
leur
GALANT 341
tions qu'elle auroit pu tirere n
argent , dont elle ne manque
point , enayant tiré de l'un &
de l'autre, & de quelque manicre que ce foit , les Affaires ne
peuvent que nous eftre avantageufes de ce cofté - là , car
s'ils n'y ont pas de grandes
forces , nous penetrerons dans
leur Pays , & s'ils en ont affez,
non pas pour avoir des avantages fur nous car cela paroift impoffible , mais feulement pour nous empêcher
d'en avoirfur eux , ils ne pour
ront envoyer que tres peu
de Troupes en Flandre , ou
Ffiij
342 MERCURE
?
s'il arrive , felon que je vous
viens de marquer , que les
Troupes Saxonnes , les Pruffiennes , & les Allemandes
manquent aux Alliez , auffi
bien que l'argent qui manque
abfolument aux Hollandois
& dont les Anglois manquent
auffi beaucoup , les fubfides
accordez par le Parlement
n'ayant pû eſtre remplis à beaucoup prés , les Alliez feront
en Flandre hors d'eftat de faire
aucune Conquefte , & pendant
qu'ils y manquent d'argent
on fait tous les jours des fonds
nouveaux en France pour en
ALANT 343
avoir fuffifamment pour faire
la Campagne, Ainfi l'on ne
peut dire encore comment les
chofes tourneront. Il vient en
France du bled de toutes parts ,
& il y en aura bien- toft abondamment à Paris même , ce
qui fuffira juſqu'au temps de
la recolte , qui fera des plus
abondantes , & le vin même
diminuë de prix tous les jours
dans toute la France. Enfin
nous fommes dans le temps
des grandes revolutions , &
nous voyons des chofes dans
trop violent pour y
un eftat
pouvoir
demeurer
long- temps
,
344 MERCURE
gent
La France, comme je vous ay
fait voir le mois paffé ade l'arabondamment , & la circulation y manque feulement ,
au lieu que l'efpece manque
tout-à - fait en Angleterre , par
les raifons dont je vous ay envoyé le détail le mois paffé.
Al'égard des Affaires d'Italie , elles font dans un eſtat
trop violent pour y pouvoir
demeurer long- temps , & particulierement le Royaume de
Naples. Les peuples yfont dans
le dernier accablement , & fur
tour à Naples , où le Viceroy
fe fert tour à tour de divers
GALANT 345
pretextes pour ne point paroître en public , craignant d'eftre
infulté. Enfinles Peuples y font
dans le dernier defeſpoir , &
l'on doit tout craindre du defeſpoir d'un Peuple qu'on a
pouffé à bout, qui n'a plus rien
a menager, & qui eftoit florif
fant fous le de fon pre- regne
cedent Monarque , qu'il n'a
point ceffé d'aimer , la revolu
tion n'eftant arrivée que par
des traîtres , qui ont plongé
leur Patrie dans l'état où elle fe
trouve.
L'Etat de Milan n'eft pas
mieux. Onen tire jufqu'au der
346 MERCURE
nier fol, comme l'on a fait du
Royaume de Naples , & quand
la Maifon d'Autriche a mis
une fois le pied dans un Païs ,
elle n'en traite pas les Peuples
en fujets , mais en efclaves.
Les autres Puiffances d'Italic
ne font pas moins outrées de
la maniere dont on les traite,
& les cent mille piftoles de
contribution qu'on tire d'eux
tous les ans en font une preu
ve parlante, & qui crient vengeance ; & il n'eft enfin pas
poffible que les chofes demeurent toûjours en cet état , &
ce qu'une revolution a fait naî
GALANT 347
tre en peu de temps , finira par
une autre revolution.
Il n'en eft pas de mefme en
Espagne, où l'amour que le
Peuple a pour fon Roy cft cauLe que tout ce qui s'y fait pour
ce Monarque , eft auffi volon
taire qu'il eft forcé en Italie.
On n'a jamais vû dans aucun
fiecle , & dans aucun Etat , ce
qui fe paffe aujourd'huy en Efpagne. Les hommes s'offrent
en foule , les Troupes y paroiffent fortir de terre , auffi-bien
que les chevaux , que les Provinces qui en abondent offrent
au Roy, à qui l'on offre de 2.
348 MERCURE
l'argent de toutes parts. Enfin
il paroift par la formidable &
nombreufe Armée que S. M.
C. met fur pied, que l'Europe
entiere n'en pourroit faire davantage, & comme tout s'y
fait avec zele & de plein gré,
il y a d'autant plus lieu de croire qu'une pareille Armée fera
des prodiges , & fur tout eſtant
compofée d'Espagnols qui ne
reculent jamais , fuivant les
grands exemples que je vous
ay fouvent raportez là- deſſus,
&l'on peut dire que dans cette
occafion l'Armée d'Espagne a
pris pour Devife , Vaincre on
mourir.
Voilà
GALANT 349
Voilà la fituation oùfe trouvent aujourd'huy toutes les
affaires de l'Europe ; nous ver
rons à la fin du mois prochain
en quoy elle aura changé.
La maniere dont le Carnaval s'eft paffé à Paris , doit paroître bien differente aux Alliez, de la fituation où ils pretendent que nous nous trouvons, & dont ils font tous les
jours des peintures dans leurs
Ecrits publics bien contraires
à la verité. L'état où la France
s'eft trouvée eft venu de la
cherté du bled, qui commença
au mois de Fevrier de l'année
Février 1710. Gg
350 MERCUR F
derniere; ce quifut caufé, comme vous fçavez , par la force
de la gelée qu'il fit cette annéelà , & vous fçavez comment
les chofes fe pafferent à cette
occafion. Le Roy fe facrifia
alors pourle bien de fes Sujets;
il fit ceffer le payement des
Tailles , & de divers autres
Droits, & dans le Prelude d'une de mes Lettres , je vous fis
voir alors jufqu'à neuf Articles par lefquels Sa Majesté
abandonnoit fes Droits , & je
ne vous impofois pas , puifque
je vous raportay autant d'Arrefts , d'Edits ou de Declara
GALANT 351
tions qui regardoient le facri
fice qu'Elle faifoit à fes Peuples , outre la dépense qu'Elle
fit de plufieurs Bâtimens armez à fes dépens pour aller en
courfe , fans vouloir rien pren
dre pour les frais de l'armement , ni partager des bleds
que tous ces Bâtimens raporteroient; Sa Majeſté n'a rétably les Tailles , & commencé à recevoir plufieurs autres
Droits qu'Elle avoit abandonnez que depuis quelques mois.
Ainfi l'on ne doit pas s'étonner fi l'argent luy manquoit ;
mais l'on peut dire prefenteGg ij
352 MERCURE
ment que les chofes vont leur
train ordinaire ; mais comme
S. M. eftoit fort arrierée, il faut
encore quelque temps pour
que tous ceux à qui Elle doit ,
puiffent eftre contens , & l'on
pourroit mefme dire qu'ils le
font déja par avance, puifqu'il
eft feur que leurs efperances
ne feront pas vaines, & que la
verité de ce que j'avance eſt de
notorieté publique. Ainfi l'on
ne doit pas s'étonner fi.le Carnaval s'eft paffé à Paris de la
mefme maniere qu'il s'y eft
paffé dans tous les temps. Il eft
vray que les chofes ne s'y font
1
GALANT 353
pas faites avec les emporte
mens de joye immoderez qui
ont paru en de certains temps ;
mais pendant tout le Carnaval
il y a eu des Bals à l'ordinaire ;
on s'eft regalé , tous les fpectacles ont cfté remplis ; la foule
des Caroffes a efté auffi grande
au Fauxbourg Saint Antoine
dans les derniers jours du Carnaval , qu'elle l'a toûjours efté,
& rien n'a marqué la miferable
fituation dont tous les écrits
publics des Alliez font remplis,
dans le deffein d'éblouir leurs
Sujets en publiant des chofes
entierement contraires à la veGg iij rité.
354 MERCURE
Outre tous les bleds dont je
vous ay déja parlé qui font entrez de plufieurs endroits dans
le Royaume , je ne vous repeteray point ce que nos nouvelles publiques vous ont dit des
fix à fept mille charges de
bled , arrivées du Levant à
Toulon, & dont les Commandans des Vaiffeaux qui les ont
amenées ont rapporté qu'il en
viendroit encore beaucoup ;
de manière que tous ces bleds ,
joints à ceux des Provinces
dont la recolte a efté bonne
l'année derniere , & à l'eſpoir
de celle de cette année qui pa-
GALANY 355
roift devoir eftre des plus abondantes dans toute la France ,
& l'eſpoir du bon effet que
produira le rétabliffement des
revenus du Roy, n'ont pas peu.
contribué aux divertiffemens
du Carnaval qui ont étégrands
& continuels ; mais fans avoir
efté outrez.-
Fermer
Résumé : Situation generale des Affaires de l'Europe, [titre d'après la table]
En février 1710, l'Europe est marquée par une grande incertitude politique et économique. En Pologne, la situation est critique car le roi de Suède pourrait intervenir pour rétablir Stanislas sur le trône, ce qui obligerait le roi Auguste à retirer ses troupes de Flandre, perturbant ainsi les plans des alliés pour la prochaine campagne. De plus, l'électeur de Brandebourg menace de retirer ses troupes de Flandre si ses revendications successorales ne sont pas satisfaites. Dans le Haut-Rhin, l'incertitude règne également, dépendant de la composition et de la force de l'armée du duc de Savoie. Sur le plan économique, la France est bien approvisionnée en blé et en vin, ce qui lui permet de se préparer pour la prochaine campagne malgré des difficultés financières passées. En Italie, les populations sont dans un état de désespoir, notamment à Naples et en Espagne, où l'armée royale se prépare à combattre avec zèle. À Paris, le carnaval s'est déroulé normalement, contrairement aux descriptions alarmistes des alliés. La France a récemment rétabli certains droits et taxes qu'elle avait suspendus en raison de la cherté du blé causée par un hiver rigoureux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
48
p. 350-379
Situation des Affaires de l'Europe, [titre d'après la table]
Début :
Je passe à la situation des Affaires de l'Europe telles qu'elles [...]
Mots clefs :
Affaires de l'Europe, France, Espagne, Monarque, Puissances, Armée, Angleterre, Doctrine, Ministère, Chambre des pairs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Situation des Affaires de l'Europe, [titre d'après la table]
Je paffe à la fituation des
Affaires de l'Europe telles qu'el
les fe trouvent dans le moment
que je vous écris. Je dis dans le
moment que je vous écris , car
il pourroit y avoir du changement dans le temps que vous
recevrez ma Lettre.
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GALANT 35%
De quelque cofté que l'Em
pereur regarde fes Affaires , il
fe trouve fort embaraffé. Il eft
certain que fes Troupes ont
efté battues en plufieurs occafions par les Confederez
d'Hongrie , & qu'il a fait une
perte confiderable , qui a efté
fuivie de celle de l'Ile de Schut.
Ce font des faits conftants
dont les nouvelles publiques
imprimées chez les Alliez mêmes font mention. On doit
remarquer que l'Ifle de Schut,
n'eftant qu'à douze lieües de
Vienne , les Confederez peuvent faire des courfes juſqu'à
352 MERCURE
fes Porres , & que l'on n'en
fortir fans rifquer beau- peut
coup.
Les Cercles ne fe font pas
encore mis en devoir de lever
un fol, ni un homme pour tenir tefte à une Armée victoricufe & de prés de cinquante
millehommes que les François
ont du cofté du haut Rhin.
Cette Armée ne manque de
rien , ayant tiré les Contributions que les Allemans ont efté
obligez de luy payer moitié en
argent & moitié en grains.
L'Empereur ne peut efperer
aucunes Troupes de Danne-
GALANT 353
marck , & fur tout depuis la
derniere Bataille , ny d'aucun
autre cofté ; de maniere qu'il
fe trouve obligé de faire revenir d'Italie huit mille hömmes de fes meilleures Troupes,
qui ne fuffiront pas pour envoyer du cofte d'Hongrie &
du cofté du Rhin ; & ces Troupes , tirées d'Italie feront caufe
que Monfieur le Duc de Savoyenefera pas affez fort pour
mettre une Armée en Campagne. Joignez à cela qu'il luy
fera tres- difficile de tirer des
fubfides d'Angleterre , puis
qu'elle n'a pas tous les fonds
"Mars 1710. Gg
354 MERCURE
neceffaires pour faire la Campagne prochaine , & qu'il luy
fera abfolument impoffible de
rien tirer des Hollandois , qui
manquent encore beaucoup
plus d'argent , & des chofes
neceffaires pour faire la Campagne que les Anglois. Cefone
des faits connus, & publiezpar
eux-mêmes.
2
Quant à la France elle ne
manque point de Troupes , &
elles font invincibles lorfqu'elles font bien conduites. Ses
fonds feront plus que fuffifans
pout faire une gleufe Campagne. Le rachatla Paulet-
GALANT 355
de celuy de la Capitation
du Clergé , de plufieurs Affaires & de plufieurs autres
Particuliers qui ont laiffé en
mourant des fommes immenfes qui appartiennent au Roy,
& de fes revenus ordinaires qui
commencent à produire beaucoup , & qu'une grande recolte que le Ciel femble luy promettre , doit encore augmenter beaucoup , remettront fes
affaires dans une bonne fituation. Joignez à cela qu'elle
doit tirer une grande quantité
de bleds du Languedoc , que
la Bretagne luy en fournit tous
•
Gg ij
356 MERCURE
les jours ; qu'il en eſto venu
beaucoup du Levant ; qu'il en
vient encore tous les jours deo
ce cofté- là , & que tout celuy
du premier envoy que les Ge
nois devoient faire eft arrivé à
Marſeille , oùilyena quaranté
mille muids que l'on a com
mencé à fairevenir de ce coftécy, & dont une partie arrivera
inceffamment à Paris. Jenedis
rien de tous les fruits de la terre dont il paroift que nous de
vons avoir une abondante recolte. Toutes les Recrues des
Troupes font faites il ya déja
long temps , & lorfqu'il fera
GALANT 357
temps d'entrer en Campagne,
les Alliez connoîtront qu'ils
onc efté longtemps abufez fur
la veritable fituation de nos
affaires.
Il paroift qu'ils doivent peu
compter fur les Troupes Saxo
nes. Le Roy Auguſte , il eft
vray, cft retourné en Pologne;
mais comme les affaires de ce
Royaume font encore dans un
granddefordre , & que tous les
Partis ne luy font pas favorables , il a beſoin de Troupes
pour s'y maintenir , & moins
les Polonois veulent voir de
Saxons dans leurs Etats , plus
358 MERCURE
"
il y doit faire groffir le nombre de fes Troupes , fans lef
quelles il ne peut eftre bien af
fermi fur le Tiône. Enfin de
quelque cofté que l'on envifa
ge la fituation des Affaires , il
paroift que toutes les Puiffan
ces ont befoin de leurs Troum
pes , & que quand les Alliezauroient plus d'argent à leur don
ner qu'ils n'en ont en effet , ils
ont trop befoin deleurs Trou.
pes pour les envoyer hors de
chez eux , & peut- cftre , comme nous verrons dans la fuite,
les Augios feront- ils obligez
d'en referver beaucoup chez
GALANT 359
eux , puifqu'il eft impoffible
que le feu de la divifion quis'y
eft mis , puiffe eftre ftoft
éteint , & qu'il le puiffe même
eftre qu'en apparence , car les
divifions caufées par des affaires de Religion finiffent rarement ; & lors qu'on les croit
finies , elles ne font qu'affoupics , & font toûjours prêtes à
reprendre feu. A l'égard des Affaires d'El
pagne , elles fe trouvent, aujourd'huy dans une fi heureufe fituation qu'elle eft en état
de fe procurer feule fa gloire
& fon bonheur fans rien de-
360 MERCURE
voir à perfonne , & de maintenir fur fes Trônes le Monarqueà qui ils appartiennentlegitiment ; qu'elle a reconnu avec
joye , & audevant duquel elle a
envoyé avec unempreffement
remplyd'allegreffe ; de maniere
qu'elle n'auroir pas fait autre
ment quand elle l'auroit ellement choifi. Et en effet c'étoit
le choifir que de reconnoître
fesdroits fondez fur la nature
& declarez juftes par fon dernier Monarque mourant , &
en prefence de fon Dieu , ce
qu'il n'auroit pas fait s'il avoit
ctû le contraire dans le moment
GALANT 361
ment qu'il eftoit preft de luy
aller rendre compte de fes actions , &fes droits font fi vifi;
bles & fi inconteſtables , que
toutes les Puiffances de l'Europe qui les luy diſputent aujourd'huy , les ont non feulementreconnus , mais ont même efté jufqu'à Madrid l'affurer de cette reconnoiſſance , &
ont demeuré à fa Cour, foit
en qualité d'Ambaffadeurs ,
foit en qualité d'Envoyez pour
yrefider. De maniere quetoutes les Puiffances qui font liguées aujourd huy contre luy,
excepté la Maifon d'Autriche
Mars 1710.
.Hh
362 MERCURE
fur
qui ne veut pas reconnoître
fon droit , n'ont des rai- que
fons politiques pour le faire
defcendre d'un Trône auquel
tant d'autres font unis , & qui
luy appartient legitimement.
Leurs raifons font fi foibles ,
que n'eftint fondées que
la politique, &non fur le droit,
ils fe font laffez d'en parler, ou
plûtôt ils en ont eu honte.
Ainfi il n'eft plus queftion parmy les Alliez pour détrôner
Philippes V. d'autres raifons ,
que de raifons de bien-ſeance;
& c'eft pourquoy le Ciel qui
n'approuve pas ces raifons , a
GALANT 363
toûjours protegé fi vifiblement cette Couronne , & la
protege encore contre toutes
les Puiffances liguées qui l'attaquent , & que les feuls Elpagnols ont entrepris de défendre aux dépens de tout leur
fang & de tout leur bien. Ils
font charmez de la juftice
de l'efprit , de la valeur &
de la douceur du Monarque
qui les gouverne , & de la Reine fon époufe en qui toutes
les vertus abondent , & qui en
plufieurs occafions a fait voir
le cœur d'une veritable Amazone, & qui feroit digne de
Hhij
364 MERCURE
commander fi , ayant dit que
l'occafion s'en prefentoit , elle
iroit à la tefte de l'Armée avec
le Prince fon fils ; qui ne fait
pas plus de dépenfe qu'une
Dame particuliere , & qui envoye chaque jour à la Caiſſe
Militaire tout ce qu'elle reçoit
pour fon entretien , fuivant la
grandeur de fon rang. Enfin
il paroît que le Ciel a beny
cette Monarchie , & le Roy &
la Reine d'Efpagne , puifqu'il
leur a donné un fucceffeur , la
feule chofe qu'il pouvoit leur
manquer. Ils ont le plaifir de
voir aujourd'huy ſous les ar-
GALANT 365
més , pour maintenir leurs
droits , toute l'Efpagne ; c'eftà-dire , un monde entier , fans
avoir befoin d'aucun fecours
étranger. L'argent ne leur manque point non plus que les
hommes. Tous les Royaumes
leur donnent gratuitement
tout ce qui fe trouvent chez
eux , les uns des Chevaux ,
les autres des Vivres , & le
Clergé , même leur a offert
toute l'Argenterie de leurs Eglifes qui eft nombreuſe en Efpagne , ce qu'ils n'accepteront
qu'en cas qu'ils en ayent un
preffant befoin , ce qui n'arriHhv
366 MERCURE
vera pas pendant le cours de la
Campagne qui va commencer;
de forte qu'ils pourront garder
cette reffource pour une autre
Campagne, ainfi que l'argent
de la florte du Mexique qui
vient d'arriver à Cadix , fans
les grandes fommes qui peuvent continuellement arriver
du Perou, d'où ils peuvent toû
jours en attendre , & que l'on
ne manquera pas de leur envoyer pour foûtenir la gloire
d'une Nation qui va feule fe
défendre glorieuſement contre un Monde d'Ennemis. La
fituation des affaires eft telle ,
9
GALANT 367
que les Alliez ne pouvant envoyer contre l'Espagne des
Troupes que par Mer , toute
l'Europe s'épuiferoit d'hommes avant que de pouvoir former en Espagne une Armée
qui fut à beaucoup prés capable de tenir tefte aux fidelles
Efpagnols , parce que le trajet
feroit périr beaucoup d'hommes & de chevaux , à caufe des
maladies que l'air de la Mer
caufe parmy les Troupes de
tranfport qui ne font pas accoûtumées à faire un long féjour fur Mer , & de la mortalité qu'il caufe parmy les Che
368 MERCURE
;
vaux , joint à ce que les tempêtes fontperir de Vaiffeaux
& par confequent d'hommes
& de chevaux , & que l'air du
Pays atoûjours fait auffi mourir beaucoup de ceux qui yfont
arrivez à bon port ; en forte
que par les calculs que l'on a
fouvent faits , on a trouvé que
de toutes les troupes qu'on envoyoit par Mer en Espagne &
en Portugal , le cinquième
homme pouvoit à peine être
en état de rendre fervice.
Quand aprés tant de pertes
&de dépenfes , les Alliez pourroient former une Armée ca-
GALANT 369
pable de faire quelque tentative , il luy feroit abfolument
impoffible de conquerir tous
les Royaumes d'Espagne les
uns aprés les autres , & avant
que d'avoir pû emporter quelques Places , ces troupes feroient tellement diminuées que
les Alliez feroient obligez à
recommencer les mêmes dépenfes , & à faire les mêmes.
efforts ; de forte qu'aprés quelque temps toutes leurs forces
periroient , & qu'ils ne pou
roient continuer à faire des
levées qui n'auroient pas un
meilleur fuccés. Ainfil'on peut
370 MERCURE
dire que l'Espagne eft prefentement comme un rocher au
milieu de la Mer , contre lequeltous les Vaiffeaux qui en
approcheroient fe briferoient.
Je reviens à ce qui regarde
l'affaire du Docteur Sacheverel dont je vous ay déja parlé.
Il eft impoffible , tant que la
face des affaires , & la face du
Gouvernement ne feront pas
changées , que l'Angleterre ,
&fur tout la Ville de Londres
ne s'en reffentent , & que
plus grande partie des Troupes de l'un & de l'autre Parti
puiffent abandonner Londres
la
GALANT 371
1
fans craindre que leur party
foit infulté , ce quifera grand
tort aux Affaires du Royaumedans la fituation où elles fe
trouvent aujourd'huy, puifque,
de la maniereque tournent les
Affaires , les Alliez doivent avoir befoin de Troupes Angloifes , &fur tout s'il arrive ,
comme il s'y trouve beaucoup
d'apparence que les Troupes
Danoifes , celle du Roy Augufte , & celles de l'Electeur de
Brandebourg en foient rappellées. Ce qui donne lieu
de le craindre , eft que ces
Puiffances ayant engagé pour
372 MERCURE
leurs propres intereft le Roy
de Dannemarck d'attaquer le
Royde Suede , elles fe trouvent
engagées à foûtenir S. M. D.
pour nela pas laiffer périr , &
que d'ailleurs fi elles l'abandonnent , le Roy de Suede avançant toûjours , & fe faifant
jour par tout , pouroit encore
s'agrandir , & leur tailler bien
de la befogne. Et ainfi les Allicz qui fouffrent de tant de
manieres en Flandre auroient
bien de la peine à y continuer
guerre, ou pour mieux dire
nel'y pouroient foûtenir. Ainfila Cour d'Angleterre doit de
plus
la
GALANT 373
plus en plus ouvrir lesyeux fur
la faute qu'elle a faite en attaquant le Docteur Sacheverel.
Tous ceux dont on a pillé les
Temples auront raiſon auffibien que les Anglicans , de ne
pas envoyer hors du Royaume
les Troupes de leur Religion
& fi les premiers ont cité infultez ils n'en doivent accufer
que ceux qui gouvernent en
Angleterre qui auroient pû
feindre de n'avoir pas remarqué ce que le Docteur Sacheverel avoit prêché,puifqu'il n'a
fait que parler pour la Religion dominante du Pays , &
Mars 1710. I i
374 MERCURE
établie par les Loix , & que les
autres ne font que tollerées
pour les interefts de la Reine ,
& par une politique dont je
vous ay fouvent parlé , & que
je vous ay amplement expli
quée.
La Caufe du Docteur Sacheverel eft fi jufte que fes Avocats le jour qu'ils commencerent à répondre à fes accufations , ne firent autre chofe que
lire des Homelies , des Sermons , & d'autres ouvrages
qui enfeignent la même Doctrine qu'il a prêchée & qui elt
autorisée par les Livres ap-
GALANT 375
prouvez par le Parlement
Le Chevalier Harcourt plaidant en faveur de ce Docteur
fur le premier Chef d'accufation , dit entre autres chofes ,
que le Docteur Sacheverel n'avoit rien avancé contre la revolution , & que s'il avoit toûjours foûtenu la Doctrine de
l'obéïffance paffive , il avoit une foule de garents & d'autoritez parmy les fameux Docteurs de l'Eglife Anglicane ,
tant morts que vivants , & entr'autres plus de vingt Archevêques ou Evêques , dont quelques-uns étoient là pour le ju
Ii ij
376 MERCURE
ger , & dans les Sermons ou
certe Doctrine étoit maintenuë , quiavoient eftéimprimez
par ordre exprés de S. M. ou
de la Chambredes Pairs.
Le lendemain les quatre Avocats du Docteur Sacheverel
produifirent un figrand nombre de preuves pour la Doctrine de l'obéillance paffive ,
que cela occupa la Cour depuis onze heures du matin juf
qu'à fix heures du ſoir.
Les accufations faites contre le Docteur Sacheverelfont
fi criantes , & ont tellement
irrité tous les Anglicans , que
GALANT 377
2
nonobſtant les pourſuites qu'2
ils ont vû faire contre ce Docteur , ils font prefts de l'imiter
en tout ce qui regardera leur
Miniftere lorfqu'ils fe trouveront en pareilles occafions fans
craindre d'encourir la difgrace
de la Cour , & il eft arrivé làdeffus un fait auffi extraordinaire que furprenant , & qui
fait voir que les Docteurs de
Egliſe Anglicane la défendront toûjours. Ce fait eft arrivé en preſence de la Reine , &
l'on pouroit dire en s'adreffant
à elle-même , puifqu'il parloit
à l'Auditoire dont cette PrinIi iij
378 MERCURE
ceffe étoit à la tête.
Mr Palmer ayant eſté nommé par l'Evêque de Londres
pour prêcher dans la Chapelle
de la Reine à Witchall , il obéït ; mais dans fon Sermon il
pria Dieu pour le Docteur Sacheverel commepour unhomme perfecuté , & comme la
Reine a donné ordre à l'Evêque de Londres de le fufpendre de fes fonctions ; ce procedé qui eſt auſſi hardy que
glorieux pour ce Predicateur ,
a efté fort applaudi des Anglicans , & l'on peut juger par là
des fuites que l'on doit crainK
GALANT 379
dre de cette affaire , & de la
combuftion où se trouve toute la Nation Angloiſe , qui
penfera moins à l'avenir aux
affaires du dehors qu'à celles du
dedans , tous les chaftimens
n'ayant fait que l'aigrir , &
chacun ne fongeant plus qu'à
la défenfe de fa caufe, & à fa
défenſe même.
Enfin pour mieux faire remarquer la fituation violente
oùfe trouvent les chofes , il me
fuffira de vous dire que l'on
prêche hautement dans Londres contre l'injuftice du Gou
vernement.
Affaires de l'Europe telles qu'el
les fe trouvent dans le moment
que je vous écris. Je dis dans le
moment que je vous écris , car
il pourroit y avoir du changement dans le temps que vous
recevrez ma Lettre.
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LYON
#1893
19TH THE 1971
35
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GALANT 35%
De quelque cofté que l'Em
pereur regarde fes Affaires , il
fe trouve fort embaraffé. Il eft
certain que fes Troupes ont
efté battues en plufieurs occafions par les Confederez
d'Hongrie , & qu'il a fait une
perte confiderable , qui a efté
fuivie de celle de l'Ile de Schut.
Ce font des faits conftants
dont les nouvelles publiques
imprimées chez les Alliez mêmes font mention. On doit
remarquer que l'Ifle de Schut,
n'eftant qu'à douze lieües de
Vienne , les Confederez peuvent faire des courfes juſqu'à
352 MERCURE
fes Porres , & que l'on n'en
fortir fans rifquer beau- peut
coup.
Les Cercles ne fe font pas
encore mis en devoir de lever
un fol, ni un homme pour tenir tefte à une Armée victoricufe & de prés de cinquante
millehommes que les François
ont du cofté du haut Rhin.
Cette Armée ne manque de
rien , ayant tiré les Contributions que les Allemans ont efté
obligez de luy payer moitié en
argent & moitié en grains.
L'Empereur ne peut efperer
aucunes Troupes de Danne-
GALANT 353
marck , & fur tout depuis la
derniere Bataille , ny d'aucun
autre cofté ; de maniere qu'il
fe trouve obligé de faire revenir d'Italie huit mille hömmes de fes meilleures Troupes,
qui ne fuffiront pas pour envoyer du cofte d'Hongrie &
du cofté du Rhin ; & ces Troupes , tirées d'Italie feront caufe
que Monfieur le Duc de Savoyenefera pas affez fort pour
mettre une Armée en Campagne. Joignez à cela qu'il luy
fera tres- difficile de tirer des
fubfides d'Angleterre , puis
qu'elle n'a pas tous les fonds
"Mars 1710. Gg
354 MERCURE
neceffaires pour faire la Campagne prochaine , & qu'il luy
fera abfolument impoffible de
rien tirer des Hollandois , qui
manquent encore beaucoup
plus d'argent , & des chofes
neceffaires pour faire la Campagne que les Anglois. Cefone
des faits connus, & publiezpar
eux-mêmes.
2
Quant à la France elle ne
manque point de Troupes , &
elles font invincibles lorfqu'elles font bien conduites. Ses
fonds feront plus que fuffifans
pout faire une gleufe Campagne. Le rachatla Paulet-
GALANT 355
de celuy de la Capitation
du Clergé , de plufieurs Affaires & de plufieurs autres
Particuliers qui ont laiffé en
mourant des fommes immenfes qui appartiennent au Roy,
& de fes revenus ordinaires qui
commencent à produire beaucoup , & qu'une grande recolte que le Ciel femble luy promettre , doit encore augmenter beaucoup , remettront fes
affaires dans une bonne fituation. Joignez à cela qu'elle
doit tirer une grande quantité
de bleds du Languedoc , que
la Bretagne luy en fournit tous
•
Gg ij
356 MERCURE
les jours ; qu'il en eſto venu
beaucoup du Levant ; qu'il en
vient encore tous les jours deo
ce cofté- là , & que tout celuy
du premier envoy que les Ge
nois devoient faire eft arrivé à
Marſeille , oùilyena quaranté
mille muids que l'on a com
mencé à fairevenir de ce coftécy, & dont une partie arrivera
inceffamment à Paris. Jenedis
rien de tous les fruits de la terre dont il paroift que nous de
vons avoir une abondante recolte. Toutes les Recrues des
Troupes font faites il ya déja
long temps , & lorfqu'il fera
GALANT 357
temps d'entrer en Campagne,
les Alliez connoîtront qu'ils
onc efté longtemps abufez fur
la veritable fituation de nos
affaires.
Il paroift qu'ils doivent peu
compter fur les Troupes Saxo
nes. Le Roy Auguſte , il eft
vray, cft retourné en Pologne;
mais comme les affaires de ce
Royaume font encore dans un
granddefordre , & que tous les
Partis ne luy font pas favorables , il a beſoin de Troupes
pour s'y maintenir , & moins
les Polonois veulent voir de
Saxons dans leurs Etats , plus
358 MERCURE
"
il y doit faire groffir le nombre de fes Troupes , fans lef
quelles il ne peut eftre bien af
fermi fur le Tiône. Enfin de
quelque cofté que l'on envifa
ge la fituation des Affaires , il
paroift que toutes les Puiffan
ces ont befoin de leurs Troum
pes , & que quand les Alliezauroient plus d'argent à leur don
ner qu'ils n'en ont en effet , ils
ont trop befoin deleurs Trou.
pes pour les envoyer hors de
chez eux , & peut- cftre , comme nous verrons dans la fuite,
les Augios feront- ils obligez
d'en referver beaucoup chez
GALANT 359
eux , puifqu'il eft impoffible
que le feu de la divifion quis'y
eft mis , puiffe eftre ftoft
éteint , & qu'il le puiffe même
eftre qu'en apparence , car les
divifions caufées par des affaires de Religion finiffent rarement ; & lors qu'on les croit
finies , elles ne font qu'affoupics , & font toûjours prêtes à
reprendre feu. A l'égard des Affaires d'El
pagne , elles fe trouvent, aujourd'huy dans une fi heureufe fituation qu'elle eft en état
de fe procurer feule fa gloire
& fon bonheur fans rien de-
360 MERCURE
voir à perfonne , & de maintenir fur fes Trônes le Monarqueà qui ils appartiennentlegitiment ; qu'elle a reconnu avec
joye , & audevant duquel elle a
envoyé avec unempreffement
remplyd'allegreffe ; de maniere
qu'elle n'auroir pas fait autre
ment quand elle l'auroit ellement choifi. Et en effet c'étoit
le choifir que de reconnoître
fesdroits fondez fur la nature
& declarez juftes par fon dernier Monarque mourant , &
en prefence de fon Dieu , ce
qu'il n'auroit pas fait s'il avoit
ctû le contraire dans le moment
GALANT 361
ment qu'il eftoit preft de luy
aller rendre compte de fes actions , &fes droits font fi vifi;
bles & fi inconteſtables , que
toutes les Puiffances de l'Europe qui les luy diſputent aujourd'huy , les ont non feulementreconnus , mais ont même efté jufqu'à Madrid l'affurer de cette reconnoiſſance , &
ont demeuré à fa Cour, foit
en qualité d'Ambaffadeurs ,
foit en qualité d'Envoyez pour
yrefider. De maniere quetoutes les Puiffances qui font liguées aujourd huy contre luy,
excepté la Maifon d'Autriche
Mars 1710.
.Hh
362 MERCURE
fur
qui ne veut pas reconnoître
fon droit , n'ont des rai- que
fons politiques pour le faire
defcendre d'un Trône auquel
tant d'autres font unis , & qui
luy appartient legitimement.
Leurs raifons font fi foibles ,
que n'eftint fondées que
la politique, &non fur le droit,
ils fe font laffez d'en parler, ou
plûtôt ils en ont eu honte.
Ainfi il n'eft plus queftion parmy les Alliez pour détrôner
Philippes V. d'autres raifons ,
que de raifons de bien-ſeance;
& c'eft pourquoy le Ciel qui
n'approuve pas ces raifons , a
GALANT 363
toûjours protegé fi vifiblement cette Couronne , & la
protege encore contre toutes
les Puiffances liguées qui l'attaquent , & que les feuls Elpagnols ont entrepris de défendre aux dépens de tout leur
fang & de tout leur bien. Ils
font charmez de la juftice
de l'efprit , de la valeur &
de la douceur du Monarque
qui les gouverne , & de la Reine fon époufe en qui toutes
les vertus abondent , & qui en
plufieurs occafions a fait voir
le cœur d'une veritable Amazone, & qui feroit digne de
Hhij
364 MERCURE
commander fi , ayant dit que
l'occafion s'en prefentoit , elle
iroit à la tefte de l'Armée avec
le Prince fon fils ; qui ne fait
pas plus de dépenfe qu'une
Dame particuliere , & qui envoye chaque jour à la Caiſſe
Militaire tout ce qu'elle reçoit
pour fon entretien , fuivant la
grandeur de fon rang. Enfin
il paroît que le Ciel a beny
cette Monarchie , & le Roy &
la Reine d'Efpagne , puifqu'il
leur a donné un fucceffeur , la
feule chofe qu'il pouvoit leur
manquer. Ils ont le plaifir de
voir aujourd'huy ſous les ar-
GALANT 365
més , pour maintenir leurs
droits , toute l'Efpagne ; c'eftà-dire , un monde entier , fans
avoir befoin d'aucun fecours
étranger. L'argent ne leur manque point non plus que les
hommes. Tous les Royaumes
leur donnent gratuitement
tout ce qui fe trouvent chez
eux , les uns des Chevaux ,
les autres des Vivres , & le
Clergé , même leur a offert
toute l'Argenterie de leurs Eglifes qui eft nombreuſe en Efpagne , ce qu'ils n'accepteront
qu'en cas qu'ils en ayent un
preffant befoin , ce qui n'arriHhv
366 MERCURE
vera pas pendant le cours de la
Campagne qui va commencer;
de forte qu'ils pourront garder
cette reffource pour une autre
Campagne, ainfi que l'argent
de la florte du Mexique qui
vient d'arriver à Cadix , fans
les grandes fommes qui peuvent continuellement arriver
du Perou, d'où ils peuvent toû
jours en attendre , & que l'on
ne manquera pas de leur envoyer pour foûtenir la gloire
d'une Nation qui va feule fe
défendre glorieuſement contre un Monde d'Ennemis. La
fituation des affaires eft telle ,
9
GALANT 367
que les Alliez ne pouvant envoyer contre l'Espagne des
Troupes que par Mer , toute
l'Europe s'épuiferoit d'hommes avant que de pouvoir former en Espagne une Armée
qui fut à beaucoup prés capable de tenir tefte aux fidelles
Efpagnols , parce que le trajet
feroit périr beaucoup d'hommes & de chevaux , à caufe des
maladies que l'air de la Mer
caufe parmy les Troupes de
tranfport qui ne font pas accoûtumées à faire un long féjour fur Mer , & de la mortalité qu'il caufe parmy les Che
368 MERCURE
;
vaux , joint à ce que les tempêtes fontperir de Vaiffeaux
& par confequent d'hommes
& de chevaux , & que l'air du
Pays atoûjours fait auffi mourir beaucoup de ceux qui yfont
arrivez à bon port ; en forte
que par les calculs que l'on a
fouvent faits , on a trouvé que
de toutes les troupes qu'on envoyoit par Mer en Espagne &
en Portugal , le cinquième
homme pouvoit à peine être
en état de rendre fervice.
Quand aprés tant de pertes
&de dépenfes , les Alliez pourroient former une Armée ca-
GALANT 369
pable de faire quelque tentative , il luy feroit abfolument
impoffible de conquerir tous
les Royaumes d'Espagne les
uns aprés les autres , & avant
que d'avoir pû emporter quelques Places , ces troupes feroient tellement diminuées que
les Alliez feroient obligez à
recommencer les mêmes dépenfes , & à faire les mêmes.
efforts ; de forte qu'aprés quelque temps toutes leurs forces
periroient , & qu'ils ne pou
roient continuer à faire des
levées qui n'auroient pas un
meilleur fuccés. Ainfil'on peut
370 MERCURE
dire que l'Espagne eft prefentement comme un rocher au
milieu de la Mer , contre lequeltous les Vaiffeaux qui en
approcheroient fe briferoient.
Je reviens à ce qui regarde
l'affaire du Docteur Sacheverel dont je vous ay déja parlé.
Il eft impoffible , tant que la
face des affaires , & la face du
Gouvernement ne feront pas
changées , que l'Angleterre ,
&fur tout la Ville de Londres
ne s'en reffentent , & que
plus grande partie des Troupes de l'un & de l'autre Parti
puiffent abandonner Londres
la
GALANT 371
1
fans craindre que leur party
foit infulté , ce quifera grand
tort aux Affaires du Royaumedans la fituation où elles fe
trouvent aujourd'huy, puifque,
de la maniereque tournent les
Affaires , les Alliez doivent avoir befoin de Troupes Angloifes , &fur tout s'il arrive ,
comme il s'y trouve beaucoup
d'apparence que les Troupes
Danoifes , celle du Roy Augufte , & celles de l'Electeur de
Brandebourg en foient rappellées. Ce qui donne lieu
de le craindre , eft que ces
Puiffances ayant engagé pour
372 MERCURE
leurs propres intereft le Roy
de Dannemarck d'attaquer le
Royde Suede , elles fe trouvent
engagées à foûtenir S. M. D.
pour nela pas laiffer périr , &
que d'ailleurs fi elles l'abandonnent , le Roy de Suede avançant toûjours , & fe faifant
jour par tout , pouroit encore
s'agrandir , & leur tailler bien
de la befogne. Et ainfi les Allicz qui fouffrent de tant de
manieres en Flandre auroient
bien de la peine à y continuer
guerre, ou pour mieux dire
nel'y pouroient foûtenir. Ainfila Cour d'Angleterre doit de
plus
la
GALANT 373
plus en plus ouvrir lesyeux fur
la faute qu'elle a faite en attaquant le Docteur Sacheverel.
Tous ceux dont on a pillé les
Temples auront raiſon auffibien que les Anglicans , de ne
pas envoyer hors du Royaume
les Troupes de leur Religion
& fi les premiers ont cité infultez ils n'en doivent accufer
que ceux qui gouvernent en
Angleterre qui auroient pû
feindre de n'avoir pas remarqué ce que le Docteur Sacheverel avoit prêché,puifqu'il n'a
fait que parler pour la Religion dominante du Pays , &
Mars 1710. I i
374 MERCURE
établie par les Loix , & que les
autres ne font que tollerées
pour les interefts de la Reine ,
& par une politique dont je
vous ay fouvent parlé , & que
je vous ay amplement expli
quée.
La Caufe du Docteur Sacheverel eft fi jufte que fes Avocats le jour qu'ils commencerent à répondre à fes accufations , ne firent autre chofe que
lire des Homelies , des Sermons , & d'autres ouvrages
qui enfeignent la même Doctrine qu'il a prêchée & qui elt
autorisée par les Livres ap-
GALANT 375
prouvez par le Parlement
Le Chevalier Harcourt plaidant en faveur de ce Docteur
fur le premier Chef d'accufation , dit entre autres chofes ,
que le Docteur Sacheverel n'avoit rien avancé contre la revolution , & que s'il avoit toûjours foûtenu la Doctrine de
l'obéïffance paffive , il avoit une foule de garents & d'autoritez parmy les fameux Docteurs de l'Eglife Anglicane ,
tant morts que vivants , & entr'autres plus de vingt Archevêques ou Evêques , dont quelques-uns étoient là pour le ju
Ii ij
376 MERCURE
ger , & dans les Sermons ou
certe Doctrine étoit maintenuë , quiavoient eftéimprimez
par ordre exprés de S. M. ou
de la Chambredes Pairs.
Le lendemain les quatre Avocats du Docteur Sacheverel
produifirent un figrand nombre de preuves pour la Doctrine de l'obéillance paffive ,
que cela occupa la Cour depuis onze heures du matin juf
qu'à fix heures du ſoir.
Les accufations faites contre le Docteur Sacheverelfont
fi criantes , & ont tellement
irrité tous les Anglicans , que
GALANT 377
2
nonobſtant les pourſuites qu'2
ils ont vû faire contre ce Docteur , ils font prefts de l'imiter
en tout ce qui regardera leur
Miniftere lorfqu'ils fe trouveront en pareilles occafions fans
craindre d'encourir la difgrace
de la Cour , & il eft arrivé làdeffus un fait auffi extraordinaire que furprenant , & qui
fait voir que les Docteurs de
Egliſe Anglicane la défendront toûjours. Ce fait eft arrivé en preſence de la Reine , &
l'on pouroit dire en s'adreffant
à elle-même , puifqu'il parloit
à l'Auditoire dont cette PrinIi iij
378 MERCURE
ceffe étoit à la tête.
Mr Palmer ayant eſté nommé par l'Evêque de Londres
pour prêcher dans la Chapelle
de la Reine à Witchall , il obéït ; mais dans fon Sermon il
pria Dieu pour le Docteur Sacheverel commepour unhomme perfecuté , & comme la
Reine a donné ordre à l'Evêque de Londres de le fufpendre de fes fonctions ; ce procedé qui eſt auſſi hardy que
glorieux pour ce Predicateur ,
a efté fort applaudi des Anglicans , & l'on peut juger par là
des fuites que l'on doit crainK
GALANT 379
dre de cette affaire , & de la
combuftion où se trouve toute la Nation Angloiſe , qui
penfera moins à l'avenir aux
affaires du dehors qu'à celles du
dedans , tous les chaftimens
n'ayant fait que l'aigrir , &
chacun ne fongeant plus qu'à
la défenfe de fa caufe, & à fa
défenſe même.
Enfin pour mieux faire remarquer la fituation violente
oùfe trouvent les chofes , il me
fuffira de vous dire que l'on
prêche hautement dans Londres contre l'injuftice du Gou
vernement.
Fermer
Résumé : Situation des Affaires de l'Europe, [titre d'après la table]
En mars 1710, la situation politique et militaire en Europe est marquée par des difficultés pour l'Empereur. Ses troupes ont subi plusieurs défaites, notamment en Hongrie et à l'île de Schut, près de Vienne. Les cercles impériaux n'ont pas encore mobilisé de fonds ou de soldats pour affronter l'armée française victorieuse près du Rhin. L'Empereur ne peut compter sur des renforts du Danemark ou d'autres alliés et doit rapatrier des troupes d'Italie, affaiblissant ainsi la défense en Savoie. Les finances de l'Angleterre et des Pays-Bas sont également insuffisantes pour soutenir une campagne. En revanche, la France dispose de troupes nombreuses et bien équipées, avec des fonds suffisants grâce à divers rachats et revenus royaux. Les récoltes abondantes et les importations de blé assurent une bonne situation alimentaire. Les recrues sont prêtes et les alliés sous-estiment la véritable situation des affaires françaises. Les troupes saxonnes sont nécessaires en Pologne pour maintenir le roi Auguste face à l'opposition locale. Toutes les puissances européennes ont besoin de leurs troupes et les alliés, malgré leurs ressources financières, manquent de soldats à envoyer à l'extérieur. En Espagne, la situation est favorable au roi Philippe V, légitimement reconnu et soutenu par les Espagnols, qui fournissent volontairement hommes et ressources. Les alliés ne peuvent envoyer des troupes par mer sans subir de lourdes pertes, comparant la situation en Espagne à un rocher imprenable. En Angleterre, l'affaire du Docteur Sacheverell, dont les prédications ont causé des tensions, est un point crucial. Le Chevalier Harcourt, chef d'accusation contre Sacheverell, a affirmé que ce dernier n'avait jamais contesté la révolution et soutenait la doctrine de l'obéissance passive, partagée par de nombreux docteurs de l'Église Anglicane. Les sermons de ces autorités, imprimés par ordre du roi ou de la Chambre des Pairs, maintenaient cette doctrine. Les accusations ont suscité une forte réaction parmi les Anglicans, prêts à imiter Sacheverell malgré les poursuites. Un fait notable est survenu en présence de la reine : Mr Palmer, nommé par l'évêque de Londres pour prêcher à la chapelle de la reine, a prié pour Sacheverell comme pour un homme persécuté, acte applaudi par les Anglicans. La situation est tendue, avec des prêches contre l'injustice du gouvernement à Londres, la nation étant plus préoccupée par les affaires intérieures que par les affaires extérieures.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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49
p. 173-208
Troisiéme Article des Morts. [titre d'après la table]
Début :
Dame Marie Charlotte de Roquelaure, Duchesse de [...]
Mots clefs :
Comte, Maréchal, France, Dame
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Troisiéme Article des Morts. [titre d'après la table]
Dame Marie Charlotte de
Piij
174 MERCURE
Roquelaure , Ducheffe de
Foix , eft morte a l'âge de ss.
ans. Cette Dame épouía en
1674. Henry Charles François de Foix de Candalle , Duc
de Rendan Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy,
Prince Captal de Bucs , Marquis Senecay , Comte de
Beunauges , de Gurfon , & de
Fleix , la Maifon de Foix dont
çe Duc cft Chef , eft , difent
quelques Auteurs , fortie de
celle des Anciens Rois de Navarre ; la Maifon de Candalle
dont le fameux Duc d'Epernon , favory d'Henry III.
GALANT 175
époufa l'heritiere , eftoit une
branche de celle de Foix , qui
a formé auffi une autre branche qui fubfifte en Savoye &
dont un Gentilhomme qui a
époufé la fœur de Mr le Comte de Blancheville eft chef.
Me la Ducheffe de Foix eftoit
fœur de Mr le Duc de Roquelaure qui commande en
Languedoc , & fille de JeanBaptifte Gaſton , Chevalier des
Ordres du Roy , Gouverneur
de Guyenne , & grand- Maiſtre
de la Garderobe & premier
Ducde Roquelaure , &de Maric- Charlotte de Daillon , feP iij
176 MERCURE
fa valeur que par La
conde fille de Timoleon de
Daillon, Comte du Lude , que
ce Duc époufa en 1653. &1
qui mourut 4. années aprés
âgée feulement de 2 1. ans. Ce
premier Duc de Roquelaure
s'éleva encore plus par fon merite & par
naiffance. Il fervit dés l'année
1635. en qualité de Capitaine
de Cavalerie , il fut bleffe & fait
prifonnier à la Bataille de la
Marfée prés de Sedan en 1641 .
en chargeant les ennemis à la
tefte de fon Efcadron. Il fervit
en qualité de Maréchal de
Camp au premier Siege de Gra-
GALANT 177
velines en 1644. à la prife de
Bourbourg en 45. au Siege de
Courtray en 46. eftant Lieutenant general. Il fut bleffé au
Siege de Bordeaux & fait Duc
au mois de Juin 1652. Il fervit à la conquefte de la Franche-Comté en 1668. & dans
la guerre de Hollande en 1672 .
Ce Duc avoit efté élevé à une
bonne Ecole. Il eftoit als d'Antoine de Roquelaure Maréchal
de France , & de Sulanne de
Baffepar fa feconde femme , &
de Catherine d'Ornezan fa premiere femme , veuve de Gilles
de Montal Baron de Roque-
178 MERCURE
bron , & fille de Jean- Claude
d'Ornezan , Sieur d'Auradé &
de Noaillan Gouverneur de
Mets , ce Maréchal cut JeanLouis Baron de Biran grandMaiftre de la Garderobe du
Roy, mort fans eftre marié ;
Louiſe premiere femme d'Antoine 2. Duc de Grammont ,
Rofe femme de François de
Noailles, Comte d'Ayen, Chevalier des Ordres du Roy ,
ayeul & ayeule de Monfieur le
Cardinal de Noailles : Catherine Abbeffe de Rhodez , morte
au Calvaire à Paris , & Marie
femme de Jacques Eſthuer ,
GALANT 179
>
Comte de la Vauguyon. Du
fecond lit outre feu Mr le Duc
de Roquelaure , il eut feuë Me
la Marquise de Mirepoix , Me
la Marquife de Balagny
Me la Marquife de Fimarcon
( Caffagnet de Narbonne.) Le
Maréchal de Roquelaure eftoit
grand- Maiſtre de la Garderobe du Roy , Chevalier de fes
Ordres , Sénéchal & Gouverneur de Rouergue & de Foix ,
Lieutenant general de la haute
Auvergne , Sénéchal & Gouverneur de Guyenne ; il porta
dans fa jeuneffe le nom de
Longart , fous lequel il ſe fit
180 MERCURE
eltimer ; la Reine Jeanne
d'Albret bifayeule du Roy ,
commença la fortune. Henry
IV. l'éleva & Louis XIII. le fit
Maréchal de France en 1615.
Me la Ducheffe de Foix fa petite fille eftoit tres - eftimée. Sa
conduite a toûjours efté reguliere & uniforme & avoit beaucoup de vertu .
Dame Charlotte Marie le
Meufnier , épouse de M™ Guillaume Bénard, Chevalier Seigneur de Rezay , Second
Prefident de la premiere
Chambre des Enquestes. Cette Dame eftoit veuve de M
GALANT 181
с
Jean Sevin , Chevalier Seigneur de Guiney , de Gometzla Ville , &c. Prefident en la
Cinquiéme Chambre des Enqueftes , mort en la 59 année de fon âge. Me la Prefidente de Rezay eftoit belle - foeur de Mr l'Evefque
d'Angoulême ; ce Prelat eftoit.
frere de Mr. le Prefident de
Rezay,& Coufin de Mre N....
Bénard de Rezay, Capitaine des
Levrettes de Monfieur le Duc
d'Orleans. Il y a prés de 26.
ans que Mr le Prefident de
Rezay exerce fa Charge. Il y
fue reçû le 30. Decembre
182 MERCURE
1684. Cette Dame eftoit proche parente de Mre René le
Meufnier , Premier Confeiller
Clerc de la Grand'Chambre ,
& qui eftoit Officier dans le
Parlement depuis le 29. May
de l'année 1665.
Me la Prefidente de Rezay
a efté fort regrettée. C'eftoit
une Dame de merite , qui s'étoit attiré l'eftime & la confideration de tout ceux qui la
connoiffoient, par les manieres
honnêtes & bienfaifantes.
Elle eftoit alliée à plufieurs
perfonnes de confideration du
Parlement, &il y en avoit peu
GALANT 183
de diftinguées par leur naiſſance à qui elle ne touchât du
côté maternel. Elle eftoit proche parente de Mr de Verthamon Villemenon , & de Mrs
de Leffeville , qui font de l'ancienne famille de le Clerc ,
connue depuis fi long- temps
dans le Parlement , & que quelques Auteurs pretendent avoir
donné un Chancellier à la
France. Elle eftoit auffi parente de Mrs Leſcalopier , & de
Mrs de Semonville , familles
dont il y en a deux actuellement Confeillers à la Grand'-
Chambre. Me la Prefidente de
184 MERCURE
Rezay a cfté fort regretée des
Pauvres, à qui elle faifoit beaucoup de bien. Elle leur a donné des marques de ſa tendreſſe
en mourant.
Dame Adrienne Philippine
de Lannoy , veuve de Jacques
Marie de la Baulme , Comte
de Montrevel &Brigadier des
Armées du Roy, tué à la Bataille de Nerwinde , eft morte
âgée de 57. ans. Elle avoit eſté
Fille d'Honneur de la Reine.
Elle avoit cu deux fils de feu
Mr le Comte de Montrevel,
dont l'aîné qui portoit la même qualité fut tué il y quel-
GALANT 185
ques années , & au commencement de cette guerre , à la
tête du Regiment de Montrevel , dont il eftoit Colonel , &
qui fut enfuite donné à Mr
fon frere , qui porte aujourd'huy le nom de Comte de
Montrevel. Il est petit neveu
de Mrle Maréchal de Mont
revel , & petit fils de Mr Id
Marquis de Saint Martin , &
de Dame N..... de Saux de
Tavanes, morte depuis quelques années à Tournay , où
elle faifoit fa refidence , & larriere petit-fils de Mr le Comte
-de Montrevel, Chevalier des
Avril 1710.
186 MERCURE
Ordres du Roy , & fon Lieute
nant General enBreffe, Bugey,
Valromay & Gex.
с
La Maifonde Lannoy eft une
des plus illuftres de Flandres ;
elle y tenoit déja un rang confiderable dans le 12 & le 13
fiecle. Elle eft alliée aux Maifons de Horne, de Robek, de
Berghes, d'Aremberg, & d'Egmont. Dans la revolution qui
ôta une partie des Païs Bas au
Royd'Espagne Philippe II. La
Maifon de Lannoy fut une
des plus fidelles à la Maiſon
d'Autriche , & elle ne prit dans
ces temps difficiles aucun en-
GALANT 187
gagement contraire à fes devoirs ; lors du Siege de Breda
par Ambroife Spinola , les
Comtes de Lannoy ne perdirent aucune occafion de donner des marques de leur fidelité au Roy Philippes IV. petit
fils de Philippes II. de mefme
qu'au Siege de Cafal fait par
le Gouverneur de Milan , & ce
fut le Comte de Lannoy ayeul
de la Damequi vient de mourir , qui empêcha les effets de
la Ligue des Provinces- Unies
contre la Maifon d'Autriche.
Cette Ligue formidable dans
fon commencement , fut diffi
Qij
188 MERCURE
pée par la prudence & par l'activité de ce Seigneur : Enfin le
nom de Lannoy a toûjours
efté cher à la Maifon d'Autriche , & la feüe Reine choifit
elle même , & par la fuite de
l'inclination naturelle qu'elle
avoit pour ce nom , ' Mlle de
Lannoy pour une de fes filles
d'honneur.
Mr
d'Olton Comte d'Aubarede ,
Lieutenant General des Armées du Roy & Gouverneur
de Salins , eft mort icy âgé de
90. ans.Il avoit elté auparavant
Gouverneur de l'Ile de Ré. Il
Bernard d'Aftorg
GALANT 189
s'eftoit diftingué dans toutes
les occafions les plus celebres
de fon temps & fes bleffures
eftoient autant de glorieufes
marques qu'il portoit fur luy
de fes fervices. Il eftoit d'une
ancienne famille originaire de
Quercy &établie à Toulouſe
dans le 13° fiecle. Il y a 412.
ans qu'un Aftorg eftoit Capitoul de Touloufe ; & cette
famille a donné fon nom àune
ruëde la même Ville. Elle a
produit plufieurs branches ; les
plus confiderables font celles
de Montbartier , & d'Aubare
de , & celuy dont je vous
190 MERCURE
apprens la mort eftoit de la
derniere.
Mr Guillaume de Vic
Baron de Clermont aujour
d'huy Confeiller au Parlement
de Toulouſe a époufé N...
d'Aftorg de Montbartier de
la même Maifon que fou M' le
Marquis d'Aubarede qui vient
de mourir. M' d'Aftorg
Lieutenant de Roy de Blaye
&Chevalier de S. Louis de la
Promotion de 1703. eft de la
même Maiſon, Mr le Comte
d'Aubarede recût le même
honneur en 1694, &en 1696.
il fut fait Lieutenant General
GALANT 191
il fut le fecond de la Promotion du 3º Janvier & Mr le
Marquis de Puyfieux fut le
premier & Mr le Maréchal
d'Arraignan fut le quatrième.
Mr d'Aubarede eftoit Gouverneur de Salins en Franchecomté depuis plufieurs années.
Cette Place fut prife le 22.
Juin de l'an 1674. Mr de
Saliere Gentilhomme de Dauphiné , proche parent de Me
I'Abbeffe be Bons de Belley,
& Lieutenant de Roy de cette Place , Mr de Fermoville,
Major , Mr Tourte Ayde- Major & Capitaine des Portes
192 MERCURE
ont fait faire un Service magnifique à Salins pour leur Gouverneur ; les Officiers des Forts
de S. André & de Blin , y ont
affifté.
Mre N... de Joyeufe Abbé
de Gorze en Touraine , eft
mort dans un âge fort avancé.
Il eftoit Preftre , & avoit toûjours mené une vie fort exemplaire ; la Maiſon de Joyeufe
eft illuftre & ancienne. Bernard Seigneur de Joyeuſe
époufa en 1312. Alix de Pey
re ; il en eut Randon qui continua la pofterité , & Jeanne
qui époufa en 1343 Geraud
Adhemar
GALANT 193
Adhemar Seigneur de Grignan , & de là vient l'alliance
de cette Maiſon avec celles de
Grignan & de RochebonneChasteauneuf. Randon fecond
du nom , petit- fils de Randon
premier, eftoit Chambellan du
Dauphin Charles , Regent du
Royaume & Gouverneur de
Dauphiné en 1422. Il époufa
en premières nôces CatherineAlberte de Monteil de Gelas ,
dite de Charlus , Dame de Botheonen Forez. Il en eut
Louis 2 Seigneur de Joyeufe , que les Anglois firent prifonnier à la journée de Crevant
Avril 1710.
R
194 MERCURE
en 1423. & Jeanne épouse du
Maréchal de la Fayette ( Gilbert ) de Jeanne fille de Jean
Louvet Prefident en Proven
ce , Louis 2 , eut TanneguyVi
comte de Joycufe , qui épouſa
en 1448. Blanche de Tournon ; il en cut Guillaume 1 .
dont je parleray, Charles Ab
bé de Chambon, nommé Evêque de S. Flour en 1483. Jeanne femme de Guy de la Baume
4. du nom Comte de Montrevel , & Louis Sieur de Bothcon
Comte de Grandpré , Cham-i
bellan des Rois Louis XI. &
Charles VIII. & Lieutenant
GALANT 195
general au Gouvernement de
Paris , Ile de France , Orlean.
nois , Champagne , Brie , Câtinois & Vermandois. Le Roy
Louis XI. luy fit épouſer Jeanne de Bourbon , fille de Jean 2.
Comte de Vendôme , un des
ayeux de S. M. Il eut de cette
illuftre alliance , Anne mariée
en 1497. à Gabriel de Levy
Comte de Courſon , & François Sieur de Botheon , Anne
de Gafte Dame de la Barge,
dont il cut Jeanne de Joyeuſe
alliée 1. à Claude Sieur de S.
Chaumont , & à François de
Montmorin Seigneur de Saint
K ij
196 MERCURE
Heran Gouverneur d'Auver
gne. Louis eut d'Ifabeau d'Halluin fa premiere femme Robett Comte de Grandpré , tige
des Comtes de Grandpré, bran
che cadette de la Maifon de
Joyeufe & dont cftoit l'Abbé
qui vient de mourir. Cette
branche eft à prefent l'aifnée,
celle des Ducs de Joyeuſe s'étant éteinte dans le 16° & dans.
le dernier fiecle. Mr l'Abbé de
Joyeuse eftoit fils d'AntoineFrançois de Joyeuſe & de Marguerite de Joyeuse heritiere du
Comte de Grandpré , & frere
de Mre Charles - François de
GALANT 197
Joyeuse , & de Jean-Armand
Maréchal de France , Chevalier des Ordres du Roy, & Gou
verneur des trois Evêchez , &
de feu Mr le Comte de Grandpré qui a laiffé des enfans , de
Charlotte de Mailly &d'Henriette Loüife de Cominges
Vervins fes deux femmes. Mr
le Maréchal n'a point eu d'enfans : pour revenir à Guillaume 1. il fut Chambellan du
Duc de Bourbon , il épouſa
Anne de Balzac fille de Rufec
de Balzac Senéchal de Beauvais,
& de Jeanne d'Albon. Il en eut
Charles Vicomte de Joyeuse ,
Riij
198 MERCURE
Louis Evêque de Saint Flour
Guillaume Evêque d'Alet ,
Jacques Abbé & General de
l'Ordre de Saint Antoine &
Doyen du Puy. Thibaud Chevalier de Rhodes, & Jean Sieur
de S. Sauveur ; Charles époufa
Françoise de Meüillon fille
d'Antoine Sieur de Preffieux
& d'Ifabeau de Peyre, dont il
cut Louis tué à la Journée de
Pavic ; Jacques Vicomte de
Joyeuse qui mourant fans en--
fans , laifla pour heritier Jean
de Saint Sauveur fon oncle , &
Jeanne mariée à Gaſpard d'Urfé. Jean de Joyeuse Sieur de
ALQUE
GALANT (199 DE
LA
VILLA
Joycufe Gouverneur de r
bonnes, Chevalier de l'Orde
du Roy , époufa en 1518.
Françoiſe de Voifins , Dame
d'Arques , de la Tour-Fenouil
let, fille unique de Jean de Voifins & de Paule de Foix de Rabat; il fut pere de Guillaume
2. Maréchal de France , qui de
Marie de Batarnay fille de René Comte du Bouchage , &
d'Ifabelle de Savoye- Tende ,
cut Anne Duc & Pair &
Maréchal de France , Favori
d'Henry III. dont il devint
beaufrere , fon frere ayant
époufé Marguerite de LorraiRiiij
200 MERCURE
ne fœur puifnée de la Reine
Louife. Il fut tué à la Bataille
de Coutras qu'il perdit le 20.
Avril de l'an 1587. François
fon frere fut, Cardinal Archevefque de Narbonne & enſuite de Toulouſe. Le Pape Gregoire XIII. l'honora de la
Pourpre , & il fut Protecteur
de la Couronne de France à
Rome. Henry Comte deBouchage , puis Duc de Joyeuſe
Pair & Maréchal de France
Chevalier des Ordres du Roy ,
grand Maiftre de la Garderobbe, Gouverneur & Lieutenant
general d'Anjou , Touraine , le "
GALANT 201
Maine, & le Perche , fe fit d'abord Capucin aprés la mort dé
fa femme. I eftoit troifiémé
fils de Guillaume 2. Maréchal
de France. La mort du Duc de
Joyeufe fon frere fut caufe
qu'il fortit des Capucins , mais
il yrentra en 1599. De Catherine de la Valette fa femme
fout puifnée du fameux Duc
d'Epernonite qu'uns fille
unique qui époufa Henry de
Bourbon Duc de Montpenfier,
d'où vint auffi une fille unique
qui épouſa feuë S. A. R. Gafton de France Duc d'Orleans
Oncle du Roy, & dont elle cut
202 MERCURE
feue S. A. R. Mademoiſelle.
Voila par où Mrs de Joyeuſe
eftoient alliez de feue Mademoifelle. Il y a encore eu un
Maréchal de France de cette
Maifon. Guillaume Vicomte
de Joyeuse Lieutenant general
pour le Roy au Gouvernement
de Languedoc , & qui eftoit fils
puifné de Jean de Joyeufe S
deSaint Sauveur, Gouverneur
de Narbene & de Françoiſe
deVoifins,dont je vous ay déja
parlé. Antoine - Scipion Chevalier de Malte , grand Prieur
de Toulouſe & puis Duc de
Joyeuse , & George Vicomte
GALANT 203
de S. Didier eftoient auffi freres
du Duc de Joyeufe Favory
d'Henry III.
Mre Louis de Baradat Evêque & Comte de Vabres , &
Abbé de Clermont eft mort
dans un âge affez avancé. Ce
Prelat eftoit d'une famille
diftinguée par fon rang & par
fon ancienneté dans le Languedoc. Elle y eftoit connue dés
le 13 ficcle. Elle eft fortie par
les femmes de celles de Balefta,
de Baragnes,& de Barthelemy.
Cette derniere a produit de
nos jours Mr l'Evêque de S.
Papoul.Mr l'Evêque deVabres
204 MERCURE
cftoit fort éloquent & il en a
donné des preuves dans des
Chaires celebres. Il fut choifi
àla mort de feu Mr l'Archevêque de Paris , pour faire
l'Oraifonfunebre de ce Prelat,
& il la fit avec un fuccés merveilleux. Il a efté Député en
plufieurs affemblées du Clergé
& il y a donné des marques
de fa Doctrine & de fon experience dans les affaires Ecclefiaftiques. L'Evêché de Vabres
eft fuffragant d'Alby . Feu Mr
Habert Docteur de Sorbonne
& Evêque de Vabres fut fort
mêlé dans les affaires du Janfe-
GALANT 205
nifme dont il fut un des plus
implacables adverfaires. Il
n'eftoit pas encore alors Evêque , & fon zele pour la faine
Doctrine fut recompenfé de
l'Epifcopat. Vabres eft une
Ville de Rouergue où il y avoit
autrefois une celebre Abbaye
de l'Ordre de S. Benoift, que
Pape Jean XXII. érigea en
Evêché en 1317. L'Abbé
Pierre Olargeo en fut le premier Evêque & il a eu d'illuftres
Succeffeurs qui ont tous eu le
titre d'Evêques Comtes de
Vabres. Saint Gregoire de
Tours parle avantageufement
le
206 MERCURE
C
de cette Ville au Chapitre 9
de fon 9 Livre , de la gloire
des Confeffeurs. Un Africain
de la Ville de Vage qui vint
s'établir à Vabres à la fin du
14°fiecle contribua beaucoup
aux embelliffemens de cette
Ville ; les foins qu'il prit pour
l'orner , ont rendu fa memoire
chere à la pofterité , & un
certain jour de l'année le
Peuple de Vabres va felon une
ancienne coûtume danfer &
fe rejouir devant une maiſon
qu'il habitoit , & on y chance
de vieilles Chanfons à ſa gloire. Le Chapitre de Vabres
GALANT 207
1
с
a produit d'excellens fujets.
Un Chanoine de cette Cathedrale fur la fin du 14 ficcle
fe diftingua entre les Interpretes de l'Ecriture. Il mir en
œuvre la plus grande partic
des memoires de Pierre Olargeo , premier Evêque de
Vabres.
Mre N... de l'Etang
Preftre , Prieur de S. Michel
en Poitou , Diocefe de Poitiers , eft mort âgé de plus
de 60 ans. Il eftoit frere de
Mrl'Abbé de l'Etang Docteur
de Sorbonne , & Prieur de
S. N. de Bourges & de Mrsde
208 MERCURE
l'Etang , tous diftinguez par
lcur merite , & par leur talens.
Ces Mrs font beaux freres de
Mr Bolduc de l'Academie des
Sciences.
Piij
174 MERCURE
Roquelaure , Ducheffe de
Foix , eft morte a l'âge de ss.
ans. Cette Dame épouía en
1674. Henry Charles François de Foix de Candalle , Duc
de Rendan Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy,
Prince Captal de Bucs , Marquis Senecay , Comte de
Beunauges , de Gurfon , & de
Fleix , la Maifon de Foix dont
çe Duc cft Chef , eft , difent
quelques Auteurs , fortie de
celle des Anciens Rois de Navarre ; la Maifon de Candalle
dont le fameux Duc d'Epernon , favory d'Henry III.
GALANT 175
époufa l'heritiere , eftoit une
branche de celle de Foix , qui
a formé auffi une autre branche qui fubfifte en Savoye &
dont un Gentilhomme qui a
époufé la fœur de Mr le Comte de Blancheville eft chef.
Me la Ducheffe de Foix eftoit
fœur de Mr le Duc de Roquelaure qui commande en
Languedoc , & fille de JeanBaptifte Gaſton , Chevalier des
Ordres du Roy , Gouverneur
de Guyenne , & grand- Maiſtre
de la Garderobe & premier
Ducde Roquelaure , &de Maric- Charlotte de Daillon , feP iij
176 MERCURE
fa valeur que par La
conde fille de Timoleon de
Daillon, Comte du Lude , que
ce Duc époufa en 1653. &1
qui mourut 4. années aprés
âgée feulement de 2 1. ans. Ce
premier Duc de Roquelaure
s'éleva encore plus par fon merite & par
naiffance. Il fervit dés l'année
1635. en qualité de Capitaine
de Cavalerie , il fut bleffe & fait
prifonnier à la Bataille de la
Marfée prés de Sedan en 1641 .
en chargeant les ennemis à la
tefte de fon Efcadron. Il fervit
en qualité de Maréchal de
Camp au premier Siege de Gra-
GALANT 177
velines en 1644. à la prife de
Bourbourg en 45. au Siege de
Courtray en 46. eftant Lieutenant general. Il fut bleffé au
Siege de Bordeaux & fait Duc
au mois de Juin 1652. Il fervit à la conquefte de la Franche-Comté en 1668. & dans
la guerre de Hollande en 1672 .
Ce Duc avoit efté élevé à une
bonne Ecole. Il eftoit als d'Antoine de Roquelaure Maréchal
de France , & de Sulanne de
Baffepar fa feconde femme , &
de Catherine d'Ornezan fa premiere femme , veuve de Gilles
de Montal Baron de Roque-
178 MERCURE
bron , & fille de Jean- Claude
d'Ornezan , Sieur d'Auradé &
de Noaillan Gouverneur de
Mets , ce Maréchal cut JeanLouis Baron de Biran grandMaiftre de la Garderobe du
Roy, mort fans eftre marié ;
Louiſe premiere femme d'Antoine 2. Duc de Grammont ,
Rofe femme de François de
Noailles, Comte d'Ayen, Chevalier des Ordres du Roy ,
ayeul & ayeule de Monfieur le
Cardinal de Noailles : Catherine Abbeffe de Rhodez , morte
au Calvaire à Paris , & Marie
femme de Jacques Eſthuer ,
GALANT 179
>
Comte de la Vauguyon. Du
fecond lit outre feu Mr le Duc
de Roquelaure , il eut feuë Me
la Marquise de Mirepoix , Me
la Marquife de Balagny
Me la Marquife de Fimarcon
( Caffagnet de Narbonne.) Le
Maréchal de Roquelaure eftoit
grand- Maiſtre de la Garderobe du Roy , Chevalier de fes
Ordres , Sénéchal & Gouverneur de Rouergue & de Foix ,
Lieutenant general de la haute
Auvergne , Sénéchal & Gouverneur de Guyenne ; il porta
dans fa jeuneffe le nom de
Longart , fous lequel il ſe fit
180 MERCURE
eltimer ; la Reine Jeanne
d'Albret bifayeule du Roy ,
commença la fortune. Henry
IV. l'éleva & Louis XIII. le fit
Maréchal de France en 1615.
Me la Ducheffe de Foix fa petite fille eftoit tres - eftimée. Sa
conduite a toûjours efté reguliere & uniforme & avoit beaucoup de vertu .
Dame Charlotte Marie le
Meufnier , épouse de M™ Guillaume Bénard, Chevalier Seigneur de Rezay , Second
Prefident de la premiere
Chambre des Enquestes. Cette Dame eftoit veuve de M
GALANT 181
с
Jean Sevin , Chevalier Seigneur de Guiney , de Gometzla Ville , &c. Prefident en la
Cinquiéme Chambre des Enqueftes , mort en la 59 année de fon âge. Me la Prefidente de Rezay eftoit belle - foeur de Mr l'Evefque
d'Angoulême ; ce Prelat eftoit.
frere de Mr. le Prefident de
Rezay,& Coufin de Mre N....
Bénard de Rezay, Capitaine des
Levrettes de Monfieur le Duc
d'Orleans. Il y a prés de 26.
ans que Mr le Prefident de
Rezay exerce fa Charge. Il y
fue reçû le 30. Decembre
182 MERCURE
1684. Cette Dame eftoit proche parente de Mre René le
Meufnier , Premier Confeiller
Clerc de la Grand'Chambre ,
& qui eftoit Officier dans le
Parlement depuis le 29. May
de l'année 1665.
Me la Prefidente de Rezay
a efté fort regrettée. C'eftoit
une Dame de merite , qui s'étoit attiré l'eftime & la confideration de tout ceux qui la
connoiffoient, par les manieres
honnêtes & bienfaifantes.
Elle eftoit alliée à plufieurs
perfonnes de confideration du
Parlement, &il y en avoit peu
GALANT 183
de diftinguées par leur naiſſance à qui elle ne touchât du
côté maternel. Elle eftoit proche parente de Mr de Verthamon Villemenon , & de Mrs
de Leffeville , qui font de l'ancienne famille de le Clerc ,
connue depuis fi long- temps
dans le Parlement , & que quelques Auteurs pretendent avoir
donné un Chancellier à la
France. Elle eftoit auffi parente de Mrs Leſcalopier , & de
Mrs de Semonville , familles
dont il y en a deux actuellement Confeillers à la Grand'-
Chambre. Me la Prefidente de
184 MERCURE
Rezay a cfté fort regretée des
Pauvres, à qui elle faifoit beaucoup de bien. Elle leur a donné des marques de ſa tendreſſe
en mourant.
Dame Adrienne Philippine
de Lannoy , veuve de Jacques
Marie de la Baulme , Comte
de Montrevel &Brigadier des
Armées du Roy, tué à la Bataille de Nerwinde , eft morte
âgée de 57. ans. Elle avoit eſté
Fille d'Honneur de la Reine.
Elle avoit cu deux fils de feu
Mr le Comte de Montrevel,
dont l'aîné qui portoit la même qualité fut tué il y quel-
GALANT 185
ques années , & au commencement de cette guerre , à la
tête du Regiment de Montrevel , dont il eftoit Colonel , &
qui fut enfuite donné à Mr
fon frere , qui porte aujourd'huy le nom de Comte de
Montrevel. Il est petit neveu
de Mrle Maréchal de Mont
revel , & petit fils de Mr Id
Marquis de Saint Martin , &
de Dame N..... de Saux de
Tavanes, morte depuis quelques années à Tournay , où
elle faifoit fa refidence , & larriere petit-fils de Mr le Comte
-de Montrevel, Chevalier des
Avril 1710.
186 MERCURE
Ordres du Roy , & fon Lieute
nant General enBreffe, Bugey,
Valromay & Gex.
с
La Maifonde Lannoy eft une
des plus illuftres de Flandres ;
elle y tenoit déja un rang confiderable dans le 12 & le 13
fiecle. Elle eft alliée aux Maifons de Horne, de Robek, de
Berghes, d'Aremberg, & d'Egmont. Dans la revolution qui
ôta une partie des Païs Bas au
Royd'Espagne Philippe II. La
Maifon de Lannoy fut une
des plus fidelles à la Maiſon
d'Autriche , & elle ne prit dans
ces temps difficiles aucun en-
GALANT 187
gagement contraire à fes devoirs ; lors du Siege de Breda
par Ambroife Spinola , les
Comtes de Lannoy ne perdirent aucune occafion de donner des marques de leur fidelité au Roy Philippes IV. petit
fils de Philippes II. de mefme
qu'au Siege de Cafal fait par
le Gouverneur de Milan , & ce
fut le Comte de Lannoy ayeul
de la Damequi vient de mourir , qui empêcha les effets de
la Ligue des Provinces- Unies
contre la Maifon d'Autriche.
Cette Ligue formidable dans
fon commencement , fut diffi
Qij
188 MERCURE
pée par la prudence & par l'activité de ce Seigneur : Enfin le
nom de Lannoy a toûjours
efté cher à la Maifon d'Autriche , & la feüe Reine choifit
elle même , & par la fuite de
l'inclination naturelle qu'elle
avoit pour ce nom , ' Mlle de
Lannoy pour une de fes filles
d'honneur.
Mr
d'Olton Comte d'Aubarede ,
Lieutenant General des Armées du Roy & Gouverneur
de Salins , eft mort icy âgé de
90. ans.Il avoit elté auparavant
Gouverneur de l'Ile de Ré. Il
Bernard d'Aftorg
GALANT 189
s'eftoit diftingué dans toutes
les occafions les plus celebres
de fon temps & fes bleffures
eftoient autant de glorieufes
marques qu'il portoit fur luy
de fes fervices. Il eftoit d'une
ancienne famille originaire de
Quercy &établie à Toulouſe
dans le 13° fiecle. Il y a 412.
ans qu'un Aftorg eftoit Capitoul de Touloufe ; & cette
famille a donné fon nom àune
ruëde la même Ville. Elle a
produit plufieurs branches ; les
plus confiderables font celles
de Montbartier , & d'Aubare
de , & celuy dont je vous
190 MERCURE
apprens la mort eftoit de la
derniere.
Mr Guillaume de Vic
Baron de Clermont aujour
d'huy Confeiller au Parlement
de Toulouſe a époufé N...
d'Aftorg de Montbartier de
la même Maifon que fou M' le
Marquis d'Aubarede qui vient
de mourir. M' d'Aftorg
Lieutenant de Roy de Blaye
&Chevalier de S. Louis de la
Promotion de 1703. eft de la
même Maiſon, Mr le Comte
d'Aubarede recût le même
honneur en 1694, &en 1696.
il fut fait Lieutenant General
GALANT 191
il fut le fecond de la Promotion du 3º Janvier & Mr le
Marquis de Puyfieux fut le
premier & Mr le Maréchal
d'Arraignan fut le quatrième.
Mr d'Aubarede eftoit Gouverneur de Salins en Franchecomté depuis plufieurs années.
Cette Place fut prife le 22.
Juin de l'an 1674. Mr de
Saliere Gentilhomme de Dauphiné , proche parent de Me
I'Abbeffe be Bons de Belley,
& Lieutenant de Roy de cette Place , Mr de Fermoville,
Major , Mr Tourte Ayde- Major & Capitaine des Portes
192 MERCURE
ont fait faire un Service magnifique à Salins pour leur Gouverneur ; les Officiers des Forts
de S. André & de Blin , y ont
affifté.
Mre N... de Joyeufe Abbé
de Gorze en Touraine , eft
mort dans un âge fort avancé.
Il eftoit Preftre , & avoit toûjours mené une vie fort exemplaire ; la Maiſon de Joyeufe
eft illuftre & ancienne. Bernard Seigneur de Joyeuſe
époufa en 1312. Alix de Pey
re ; il en eut Randon qui continua la pofterité , & Jeanne
qui époufa en 1343 Geraud
Adhemar
GALANT 193
Adhemar Seigneur de Grignan , & de là vient l'alliance
de cette Maiſon avec celles de
Grignan & de RochebonneChasteauneuf. Randon fecond
du nom , petit- fils de Randon
premier, eftoit Chambellan du
Dauphin Charles , Regent du
Royaume & Gouverneur de
Dauphiné en 1422. Il époufa
en premières nôces CatherineAlberte de Monteil de Gelas ,
dite de Charlus , Dame de Botheonen Forez. Il en eut
Louis 2 Seigneur de Joyeufe , que les Anglois firent prifonnier à la journée de Crevant
Avril 1710.
R
194 MERCURE
en 1423. & Jeanne épouse du
Maréchal de la Fayette ( Gilbert ) de Jeanne fille de Jean
Louvet Prefident en Proven
ce , Louis 2 , eut TanneguyVi
comte de Joycufe , qui épouſa
en 1448. Blanche de Tournon ; il en cut Guillaume 1 .
dont je parleray, Charles Ab
bé de Chambon, nommé Evêque de S. Flour en 1483. Jeanne femme de Guy de la Baume
4. du nom Comte de Montrevel , & Louis Sieur de Bothcon
Comte de Grandpré , Cham-i
bellan des Rois Louis XI. &
Charles VIII. & Lieutenant
GALANT 195
general au Gouvernement de
Paris , Ile de France , Orlean.
nois , Champagne , Brie , Câtinois & Vermandois. Le Roy
Louis XI. luy fit épouſer Jeanne de Bourbon , fille de Jean 2.
Comte de Vendôme , un des
ayeux de S. M. Il eut de cette
illuftre alliance , Anne mariée
en 1497. à Gabriel de Levy
Comte de Courſon , & François Sieur de Botheon , Anne
de Gafte Dame de la Barge,
dont il cut Jeanne de Joyeuſe
alliée 1. à Claude Sieur de S.
Chaumont , & à François de
Montmorin Seigneur de Saint
K ij
196 MERCURE
Heran Gouverneur d'Auver
gne. Louis eut d'Ifabeau d'Halluin fa premiere femme Robett Comte de Grandpré , tige
des Comtes de Grandpré, bran
che cadette de la Maifon de
Joyeufe & dont cftoit l'Abbé
qui vient de mourir. Cette
branche eft à prefent l'aifnée,
celle des Ducs de Joyeuſe s'étant éteinte dans le 16° & dans.
le dernier fiecle. Mr l'Abbé de
Joyeuse eftoit fils d'AntoineFrançois de Joyeuſe & de Marguerite de Joyeuse heritiere du
Comte de Grandpré , & frere
de Mre Charles - François de
GALANT 197
Joyeuse , & de Jean-Armand
Maréchal de France , Chevalier des Ordres du Roy, & Gou
verneur des trois Evêchez , &
de feu Mr le Comte de Grandpré qui a laiffé des enfans , de
Charlotte de Mailly &d'Henriette Loüife de Cominges
Vervins fes deux femmes. Mr
le Maréchal n'a point eu d'enfans : pour revenir à Guillaume 1. il fut Chambellan du
Duc de Bourbon , il épouſa
Anne de Balzac fille de Rufec
de Balzac Senéchal de Beauvais,
& de Jeanne d'Albon. Il en eut
Charles Vicomte de Joyeuse ,
Riij
198 MERCURE
Louis Evêque de Saint Flour
Guillaume Evêque d'Alet ,
Jacques Abbé & General de
l'Ordre de Saint Antoine &
Doyen du Puy. Thibaud Chevalier de Rhodes, & Jean Sieur
de S. Sauveur ; Charles époufa
Françoise de Meüillon fille
d'Antoine Sieur de Preffieux
& d'Ifabeau de Peyre, dont il
cut Louis tué à la Journée de
Pavic ; Jacques Vicomte de
Joyeuse qui mourant fans en--
fans , laifla pour heritier Jean
de Saint Sauveur fon oncle , &
Jeanne mariée à Gaſpard d'Urfé. Jean de Joyeuse Sieur de
ALQUE
GALANT (199 DE
LA
VILLA
Joycufe Gouverneur de r
bonnes, Chevalier de l'Orde
du Roy , époufa en 1518.
Françoiſe de Voifins , Dame
d'Arques , de la Tour-Fenouil
let, fille unique de Jean de Voifins & de Paule de Foix de Rabat; il fut pere de Guillaume
2. Maréchal de France , qui de
Marie de Batarnay fille de René Comte du Bouchage , &
d'Ifabelle de Savoye- Tende ,
cut Anne Duc & Pair &
Maréchal de France , Favori
d'Henry III. dont il devint
beaufrere , fon frere ayant
époufé Marguerite de LorraiRiiij
200 MERCURE
ne fœur puifnée de la Reine
Louife. Il fut tué à la Bataille
de Coutras qu'il perdit le 20.
Avril de l'an 1587. François
fon frere fut, Cardinal Archevefque de Narbonne & enſuite de Toulouſe. Le Pape Gregoire XIII. l'honora de la
Pourpre , & il fut Protecteur
de la Couronne de France à
Rome. Henry Comte deBouchage , puis Duc de Joyeuſe
Pair & Maréchal de France
Chevalier des Ordres du Roy ,
grand Maiftre de la Garderobbe, Gouverneur & Lieutenant
general d'Anjou , Touraine , le "
GALANT 201
Maine, & le Perche , fe fit d'abord Capucin aprés la mort dé
fa femme. I eftoit troifiémé
fils de Guillaume 2. Maréchal
de France. La mort du Duc de
Joyeufe fon frere fut caufe
qu'il fortit des Capucins , mais
il yrentra en 1599. De Catherine de la Valette fa femme
fout puifnée du fameux Duc
d'Epernonite qu'uns fille
unique qui époufa Henry de
Bourbon Duc de Montpenfier,
d'où vint auffi une fille unique
qui épouſa feuë S. A. R. Gafton de France Duc d'Orleans
Oncle du Roy, & dont elle cut
202 MERCURE
feue S. A. R. Mademoiſelle.
Voila par où Mrs de Joyeuſe
eftoient alliez de feue Mademoifelle. Il y a encore eu un
Maréchal de France de cette
Maifon. Guillaume Vicomte
de Joyeuse Lieutenant general
pour le Roy au Gouvernement
de Languedoc , & qui eftoit fils
puifné de Jean de Joyeufe S
deSaint Sauveur, Gouverneur
de Narbene & de Françoiſe
deVoifins,dont je vous ay déja
parlé. Antoine - Scipion Chevalier de Malte , grand Prieur
de Toulouſe & puis Duc de
Joyeuse , & George Vicomte
GALANT 203
de S. Didier eftoient auffi freres
du Duc de Joyeufe Favory
d'Henry III.
Mre Louis de Baradat Evêque & Comte de Vabres , &
Abbé de Clermont eft mort
dans un âge affez avancé. Ce
Prelat eftoit d'une famille
diftinguée par fon rang & par
fon ancienneté dans le Languedoc. Elle y eftoit connue dés
le 13 ficcle. Elle eft fortie par
les femmes de celles de Balefta,
de Baragnes,& de Barthelemy.
Cette derniere a produit de
nos jours Mr l'Evêque de S.
Papoul.Mr l'Evêque deVabres
204 MERCURE
cftoit fort éloquent & il en a
donné des preuves dans des
Chaires celebres. Il fut choifi
àla mort de feu Mr l'Archevêque de Paris , pour faire
l'Oraifonfunebre de ce Prelat,
& il la fit avec un fuccés merveilleux. Il a efté Député en
plufieurs affemblées du Clergé
& il y a donné des marques
de fa Doctrine & de fon experience dans les affaires Ecclefiaftiques. L'Evêché de Vabres
eft fuffragant d'Alby . Feu Mr
Habert Docteur de Sorbonne
& Evêque de Vabres fut fort
mêlé dans les affaires du Janfe-
GALANT 205
nifme dont il fut un des plus
implacables adverfaires. Il
n'eftoit pas encore alors Evêque , & fon zele pour la faine
Doctrine fut recompenfé de
l'Epifcopat. Vabres eft une
Ville de Rouergue où il y avoit
autrefois une celebre Abbaye
de l'Ordre de S. Benoift, que
Pape Jean XXII. érigea en
Evêché en 1317. L'Abbé
Pierre Olargeo en fut le premier Evêque & il a eu d'illuftres
Succeffeurs qui ont tous eu le
titre d'Evêques Comtes de
Vabres. Saint Gregoire de
Tours parle avantageufement
le
206 MERCURE
C
de cette Ville au Chapitre 9
de fon 9 Livre , de la gloire
des Confeffeurs. Un Africain
de la Ville de Vage qui vint
s'établir à Vabres à la fin du
14°fiecle contribua beaucoup
aux embelliffemens de cette
Ville ; les foins qu'il prit pour
l'orner , ont rendu fa memoire
chere à la pofterité , & un
certain jour de l'année le
Peuple de Vabres va felon une
ancienne coûtume danfer &
fe rejouir devant une maiſon
qu'il habitoit , & on y chance
de vieilles Chanfons à ſa gloire. Le Chapitre de Vabres
GALANT 207
1
с
a produit d'excellens fujets.
Un Chanoine de cette Cathedrale fur la fin du 14 ficcle
fe diftingua entre les Interpretes de l'Ecriture. Il mir en
œuvre la plus grande partic
des memoires de Pierre Olargeo , premier Evêque de
Vabres.
Mre N... de l'Etang
Preftre , Prieur de S. Michel
en Poitou , Diocefe de Poitiers , eft mort âgé de plus
de 60 ans. Il eftoit frere de
Mrl'Abbé de l'Etang Docteur
de Sorbonne , & Prieur de
S. N. de Bourges & de Mrsde
208 MERCURE
l'Etang , tous diftinguez par
lcur merite , & par leur talens.
Ces Mrs font beaux freres de
Mr Bolduc de l'Academie des
Sciences.
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Résumé : Troisiéme Article des Morts. [titre d'après la table]
Le texte relate la mort de plusieurs personnalités notables et leurs lignées respectives. Marie Charlotte de Roquelaure, Duchesse de Foix, est décédée à l'âge de 66 ans. Elle avait épousé en 1674 Henry Charles François de Foix de Candalle, Duc de Rendan, Pair de France, et Chevalier des Ordres du Roy. La Maison de Foix, dont ce Duc était chef, est issue des anciens Rois de Navarre. La Maison de Candalle, dont le Duc d'Épernon était un membre célèbre, est une branche de la Maison de Foix. La Duchesse de Foix était la sœur du Duc de Roquelaure, commandant en Languedoc, et la fille de Jean-Baptiste Gaston, Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur de Guyenne, et premier Duc de Roquelaure. Jean-Baptiste Gaston de Roquelaure, premier Duc de Roquelaure, s'est distingué par ses mérites et sa naissance. Il a servi dès 1635 en qualité de Capitaine de Cavalerie et a été blessé à plusieurs reprises, notamment à la Bataille de la Marfée en 1641. Il a participé à divers sièges et batailles, et a été fait Duc en 1652. Il a servi dans la conquête de la Franche-Comté en 1668 et dans la guerre de Hollande en 1672. Il était le fils d'Antoine de Roquelaure, Maréchal de France, et de Sulanne de Baffepar. Dame Charlotte Marie le Meufnier, épouse de Guillaume Bénard, Chevalier Seigneur de Rezay, Second Président de la première Chambre des Enquestes, est également décédée. Elle était veuve de Jean Sevin, Chevalier Seigneur de Guiney, et était proche parente de plusieurs personnalités du Parlement. Dame Adrienne Philippine de Lannoy, veuve de Jacques Marie de la Baulme, Comte de Montrevel et Brigadier des Armées du Roy, est morte à l'âge de 57 ans. Elle avait été Fille d'Honneur de la Reine et avait deux fils, dont l'aîné a été tué à la tête du Régiment de Montrevel. Bernard d'Astorg, Comte d'Aubarede, Lieutenant Général des Armées du Roy et Gouverneur de Salins, est décédé à l'âge de 90 ans. Il était issu d'une ancienne famille originaire de Quercy et établie à Toulouse au 13ème siècle. Monsieur de Joyeuse, Abbé de Gorze en Touraine, est mort à un âge avancé. La Maison de Joyeuse est illustre et ancienne, avec des alliances notables, notamment avec les Maisons de Grignan et de Rochebonne-Chasteauneuf. Anne de Joyeuse, Duc et Pair de France, fut favori du roi Henri III et devint son beau-frère en épousant Marguerite de Lorraine, sœur de la reine Louise. Il fut tué à la bataille de Coutras en 1587. Son frère, François, fut Cardinal et Archevêque de Narbonne puis de Toulouse, et fut honoré par le pape Grégoire XIII. Henry de Joyeuse, Comte de Bouchage puis Duc de Joyeuse, fut également Maréchal de France et Chevalier des Ordres du Roi. Après la mort de sa femme, il devint Capucin, mais quitta l'ordre en 1599. Il eut une fille unique qui épousa Gaston de France, Duc d'Orléans. Guillaume de Joyeuse, Vicomte de Joyeuse, fut Lieutenant général au Gouvernement de Languedoc. Antoine-Scipion et Georges de Joyeuse étaient aussi frères du Duc de Joyeuse. Le texte mentionne également Louis de Baradat, Évêque et Comte de Vabres, issu d'une famille distinguée du Languedoc depuis le 13e siècle. Il fut connu pour son éloquence et son implication dans les affaires ecclésiastiques. L'Évêché de Vabres, suffragant d'Alby, fut créé en 1317 par le pape Jean XXII. La ville de Vabres est célèbre pour son histoire et ses figures notables, comme un Africain du 14e siècle qui contribua à son embellissement. Enfin, le texte évoque Monsieur de l'Etang, Prêtre et Prieur de Saint-Michel en Poitou, âgé de plus de 60 ans à sa mort. Il était frère de l'Abbé de l'Etang, Docteur de Sorbonne, et de plusieurs autres personnes distinguées par leur mérite et leurs talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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50
p. 33-70
NOUVELLES de divers endroits.
Début :
On a appris par les Lettres de Cadix du 10. Juillet, [...]
Mots clefs :
Duc, Roi, Marquis, Fille, Veuve, Prince, Comte, Guerre, Seigneur, Armée, Commandant, Vaisseau, Espagne, Officier, Chevalier, Croix, Seigneur, Fille, France, Mort
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : NOUVELLES de divers endroits.
NOUVELLES
dedivers endroits.
Onaappris par les Lettres
de Cadix du 10. Juillet r
que Mrl'Aigleaprès yavoir
amenépluseurs Prises
, erv
estoit party le quatre pour
allercroiser vers le Dérroit.
que le lendemain il avoit
attaquéune Fregate Hollandoise
de36. canons commandée
par le Capitaine
Jean Hopener
-, que lecombat
avoit duré plus de deux
heures, U qu'enfin cette
Fregate avoir esté coulée à
fond ;niais que Mr l'Aigle
y avoir été tué, alnllquc:
plusieurs Officiers & Soldats
de son équipage. Son Corps
a estéenterréà Malagaavec
tous les honneurs dûs à un
homme qui s'étoit distinguéen
plusieurs occasions
cependant le cours de cette
guerre.
Le 30, Juillet il parut à
la hauteur de Bayonne une
Escadre de11. Vaisseaux
de guerre Anglois revenant
de Lisbonne &: retournant
dans les Ports d'Angleterre.
Une heure aprèsquelle eut
fait voile une de nos Frégatesamena
deux Prises, dont
l'une estoit un Baftimenc-
Hollandois qui allait. à
Lisbonne chargé de Vins.
*
DesLettresde Lisbonne
du 17. Juin portent que le
Navire Nostra- Senora de
Torso, qui marquoit que
la Flotte de Pernambuco
avoitesté pris le 4. Avrilà
15. lieues du Tage par un
Vaisseau de guerre François
de l'Escadre de Mr du Casse
qui avoir mis l'équipage à
terre à rifle de Madere ;
queceNavire estoit chargé
de 450. caisses de Sucre,
de 400. rolles de Tabac,
de Cuirs, de bois de Bresit,
& de 40. mille Crufades
tant en argent monnayé
qu'en poudre d'or; que le
Vaisseau qui l'avoit pris,
selon le rapport de l'équipage
, estoit parti de Brest
avec fcpt ou huit autres
dont ilavoit estéseparé, &
qu'ildévoiealler à la Martinique.
Je n'ay pû vous parler
plutost de la mort de Don
Antonio Martin Alvarez
de Tolede & Beaumont,
Enriquez
,
de Rivera,Fernandez
)
Manrique, Duc
d'Albe, & de Huefcar
J Comte de Lerin, de Salvatierra,
&c. Marquis deCoria
, &c. Connestable &
Grand Chancellier de Navarre,
Sommellier de Corps
du Roy d'Espagne & Ton
Ambassadeur en France,
qui mourut icy le 28. May
en la 41.l'année de son âge.
Sa maladie a esté des j^lus
longues, &: elle ne luy a
jamaisservy de raison ny de
pretexte pour le dispenser
d'aucuns de ses devoirs, &
ce grand Ministre a toûjours
s-ofuotuernenuud'du'nueneen£ra5ie force
e le poids d'une Ambassade
aussi importante & aussï
laborieuse. Il y a succombé
à la fin, & la mort de
MonCeigneur a achevé de
l'accabler; l'interetvif&
fîneere qu'il y prenoit le fie
paroistreencore plus sensible
à cette perte qu'il ne
l'avoit paru à celle de Mr
le Connestable de Navarre
fonftls unique qui donnait
déjà de si grandes esperances,&
qu'il perdit nlalhcu..
reusement à sa 19eannée.
Comme toute la vie de
Mr le Duc d'Albe avoi-c
esté une préparation à la
mort on n'eut pas de peine
à l'y disposer. Sa résignationavoitesté
plus prompte
que le premier avis qu'oq
eut pû luy en donner. Quelques
heures avant sa mort
il fit prier un de nos, plu£
grands Ministres de vouloir
bienluy rendre encore une
visite,&de venir recevoir
ses derniers adieux. Cet
entretien fut touchant de
part & d'autre; lemourant
parla assezlong
-
temps de
choses importantes avec le
mêmeesprit,lamême force
& la même grandeur d'ame
quil avoit fait dans sa meilleure
santé. Enfinilsouhaita
de recevoir la Benediction
deMr le Cardinal de Noailles
Archevêquede Paris.
Son Eminence s'y transporta
sur l'heure.
Madame la Duchesse
d'Albe n'a pû avoir dans
une douleur aussi accablante
que Dieu pour consolation.
Elle se retira sur l'heureau
Valde Grace. Elle se
tient toujours dans cette
retraite si conforme à sa
situation. Elle a esté le modelle
des femmes mariées ;
elle l'est des veuves de son
rang.
LeRoyd'Espagne luy a
fait l'honneur de luy écrire
de sa main en langue EfpJ.¿
gnole la Lettre du monde
la plus consolante, La Reine
luyaécrit de même. S. NL
C.a joint aux honneurs
qu'elle a fait à cccccittuftre
veuve des liberalitez qui
honorent en elle lamémoire
du deffunt. Elle ;cil de la
grande Maison de Poncé de
Leon
,
fille de l'illustre Me
la Duchesse d'Aveiro
,
&
soeur de Mr le Duc d'Arcos
& de Mr le Duc de Banos
tous deux Granded'Espagne.
Mr le Duc d'Albe qui
n'arienoubliéen mouranc
a laissé par un écrit de sa
main le foin & la conduite
des Affaires d'Espagne en
France: à Mr Don Feliz-
Corncjo son Secrétaire
d'Ambassade. S. M. C. a
confirmé ce choix dans l'interim
jusqu'àce qu'il vienne
icy de sa part un nouvel
Ambassadeur. Le Portrait
en vers de Mr le Ducd'Albeestdansla
partie des Picces
Fugitives de ce moiscy.
Charlotte Armande d'Argouges
de Rannes épouse
de Guillaume Alexandre ,
Marquis de Vieuxpont
Lieutenant General des ar*.
mées du Roy
<
& Couverneur
de la Ville de Beauvais
& du Beauvoisis, mourut
le 28. Juin âgée de 36,.
ans. Elle estoit fille unique
de Nicolas d'Argouges
Marquis de Rannes, Lieutenant
General des Armées
du Roy, Colonel General
des Dragons
, & de Charlotte
de Beautru - Nogentqui
épousaen seconde nôces.
Jean
-
Baptisse Armand de
Rohan Prince de Montauban
,dont elle est veuve.
Mre N.Chabert Chevalier
de Saint Louis
)
Chef
d'Escadre des Armées Na-,
vales du Roy,fils du grand-
ChJbert)est mort à Toulon.
Ilavoit donné dans
toutes les occasions des
preuves de son courage &
de sa capacité. Il avoit ramené
du Sud une Flore d'argent
des plus riches qui
soient jamais venuës de
ces Mers. Il arriva heureusement
à Rochefort sur lafin
du mois de Mars de*
l'année 1709.aprés avoir
évité par son habileté quatre
Escadres des ennelllisr.
quil'attendoient sur sarouteen
quatre endroits differens.
Le Vaisseau du Roy
le Trident qu'il Commandoit
estle premier Vaisseau
de guerre qu'on ait vû à la
Rade de Lima depuis la découverte
de ce Continent
Marie Louis Chevalier,
Marquis de Sourdeilles,
Baron deFeissac, &c. Lieutenantde
Roy au Gouvernement
de Limosin & de
la Marche, est mort dans
son Chasteau de la Ganne
âgé de 44.ans. Ilaesté fort
regretté,&particulièrement
des Pauvres.
Il avoit épousé Marie fille
de Robert Marquis de Lignerac
Comte de Saint Chaînant
d'une des plusillustres
&de plus anciennes maisons
d'Auvergne.
Sa mere estoit de celle
des Vicomtes de Sedicre
A alliée à celles de Noailles9»
de Gimel, &c. & sa grande
mere estoit de celle d'Aubusson
la Feüillade.
Mr le Marquis de Sourdeilles
avoir d'abord pris le
party des Armes;mais la'
mort de son pere dont il
estoit filsunique, l'obligea
de quitter le Service. b
Catherine de Robeyre
3 épouse dYvesMarie dela
Bourdonnaye Seigneur de
Cotoyon
,
Maistre des Requestes
& Intendant à 0r.
leans,mourut aux eaux de
Bour bon le 24. Juin âgée
de 44. ans laissant posterité
Elle estoit fille de Mr de
Ribeyre Conseilier d'Etat,
&deCatherine Potier fills
de Mr de Novion premier
President.- Jean Guillaume Frison,
Prince de Nassau Stathouder
de Fiise., sur noyé le 14<
Juillet avec le Brigadier
WiJkeSc•
Wilkes. Il. sftoit parry de
l'Armée de Flandre pour
aller travailler à l'Affaire de
la successïon du feu Prince
dOrange qu'il avoir contre
l'Electeur de Brandebourg
qui estoit venu en Hollande
pour la terminer. Il s'embarqua
pour traverser le
passage de Moerdick,&
estanc demeuré dans son
Carosseàcause de la pluyc
avec le Brigadier Wilkes
uunnccoouuppddeevveenntt qui survint*,
renversa le ponton. On ne
trouva leurs corps que queL
ques jours après.
Ce Prince eltoïc hfe
d'Henry Casimir Prince de
Nassau & Stathouder de
Frise mort le15 Mars
1686. &d'Amelie fille de
Jean Georges Prince d'Anhalt
Dessau.
Ilestoit néle 4. Aoust;
1687.&avoirépousé le 16.
Avril 1709. Marie Louise
fille de Charles Landgrave
deHesseCassel,&deMarie
Amélie fille Jacques Duc de
Curlande. Il a laisse une
Princesse née au mois de
Septembre1710. & sa
veuve enceinte.
Les Etats Généraux ont
fait un accommodement
provisionnel entre l'Electeur
de Brandebourg &les
héritiers de ce Prince,qui ne
doit prejudicier en aucune
manière aux droits des Parties
; il porte que S.A. E.
jouira par provisionde la
Maisonde la vieille Cour à
la Haye,de la Maison du
Bois,dc HonslardiCK, de
Diercn& de quelquesTerres
qui valent six mille
florins de rente à quoy on
en ajoutera vingt
- quatre
mille pour faire la somme
de cinquante mille Horins
par an ; sur lesquels on en
retiendra dix mille pour
l'entretien de ces Maisons,
8c cela outre les biens donc
il joiiic déja; que la Princes.
se veuve, en qualité de Mere
& de Tutrice de son enfant
ou enfans
3
jouira de la
Maifoii de Loo; de la fomme
de cinquante mille florins
par an ,
qui fera prise
sur les biensde la fucceisson,
&unesomme decinquante
mille florinsune fois payée;
& que six mois après laccouchcment
de cette Prin
cess elle envoyera des Plénipotentiaires
pour termu
ner les pretentions de parc
& d'autre.
1
Madame la Duchesse de
Berry estant accouchée
avant terme le u. Juillet
d'une Princesse qui mourut
en même tem ps , on porta
son corps à SaintDenisle
13.Il y fut accompagné par
Mr la DacheffedeBeauvil
lier & par Me la Marquise
de Chastillon,& il fut inhumé
par Mr l'Evêque de
Séez premier Aumônier de
Monfcigncur le Duc de
Berry.
Charles Claude
,
Sire
& Comte de Breauté, Marquis
du Hotot
,
&c.Maistre
de la Garderobbe de S. A. R,
Philippe petitfils deFrance
Duc d'Orléans, mourut le xi. Juilleten sa 46.année,
Anne Geneviève Charr
rier épousede Charles Cesar
Le scalopier Maistre des
Requestes, & Intendant du
Commerce & de la Generalité
de Châlons,mourus
le14. Juillet.; Annele Maistre,épousede
Marc Anne Goiflard Seigneur
de Montsabert, Baron
de Toureil
)
&c. Conseiller
au Parlement
s mou- *
rut le 26. Juillet. i
MichelFrançois de Bethune
Comte de Charost mourut
le z6. Juillet dans sa
sisiemeannée.Ilestoit fils
d'Armand de Bethune Duc
de Charost& de Catherine
de Lamet sa sécondé femme.
I.(¡
Jean Baptiste Jacques
Ollier Marquis de Veneuil,
Seigneur de Preau Maistre
de la. Garderobbe de feue
S. A. R. Monsieur Frere
unique du Roy, mourut le
17. Juilletâgéde50. ans. Il
estoit Gouverneur deDomfont.
Henry Charles Arnauld
Comte de Pomponne,
mourut le 2.7.Juillet âgé
de 14.ans 7. mois. Ilestoit
fils de Nicolas Simon Arnaud
Marquis de Pomponne
, Sire Baron de Ferrieres,
Chambrois
,
Auquiville
Marqnis de Paloifeau
,
&c.
BrigadierdesArmées du
Roy; Lieutenant General
& Commandant pour Sa
Majeste aux Provinces de
l'isle de France & Soissonnois
; &de Confiance de
Harville Paloiseau.
Le Pere Jean de la Roche
, Prestre de l'Oratoire
fameux Predicateur, mourut
le 18Juittec.: -
François d'Anglure de
Bourlaymont, Docteur en
Theologie de la Faculté de
Paris, qui avoit été nommé
à l'Evêché de Pamiers
en 1681. qui s'en éroit démis
en 1685. sans avoir esté
Sacré, & qui fut nommé à
lors Abbé de Saint Florent
de Saumur, mourut le i-f.
Juillet. Il étoit fils de Nicolas
Marquis de Bourlaymont,
Gouverneur de Sesnay.
Gaspart- Claude Noler,
Docteur en Thologic de la
Faculté de Paris & Chanoi
ne de Nostre Dame, mourut
le premier Aoust âgé de j3.ans.
Mrle Cardinal de Noailles,
a donné son Canonicat
à Mr l'Abbé Vivant, son
Grand Vicaire& Penitentier
del'EglisedeParis,ci devant
.Curé de S.Leusson meriteest
connu de tout le monde..
Alsonce de. Bonne de
Crequi Duc de Lesdiguiéres,
Paire de France,mourut
le 5. Aoust âgé de 85,
ans. Son Corps a esté ports
aux Carmelitesde S. Denis
en France, où a esté inhi*.
méeAnne du Roure sa
mere, qui mourut le 18,
Février. 1686. &qui étoit
veuve de Charles Sire de"
Grequi & de Canapies, , Mestrede Camp du Regi:
ment des Gardes;.mort de
la blessure qu'il reçueau
siege de Chamberylanuitdu14.
au IJ.May 1630.
& qui étoit second fils de
Charles Sire de Crequi Duc
de Lesdiguiéres Maréchal
de France. Celuy qui vient
de mourir avoitépousé à
l'âge de 75. ans le u Septembre
1702. Gabrielle
Victoire de Rochechoüart
fille de Louis Duc de Vivonne
Pair &Maréchal de France
,
& d'Antoinette de
Mesmes, dont il n'a point
cû d'enfans.
Marie Anne Picques
épouse , de Loüis Gabriel
Portail
j
Chevalier Seigneur
de Fresnceu ,&au paravant
veuve de François Pajoc
Seigneur de Cordon,rnourut
le 6. Aoust âgée de quarante
-
iix ans, sans laisser
de postencé de ses deux alliances.
Florcnt de Marparaulr,
Marquis du même lieu
,
mourut le 7. Août.
Nicolle Miron, veuve
de DanielJacquinot
, Seigneur des Pressoirs
,
mourut le 9. Aoustâgée de
85. ans.
Claude le Pelletier
Conseillcr d'Etat ordinaire
; President Honoraire
du Parlement, Minifstr
d'Etat, cy- devant Prevost
des Marchands
,
Contrôlleur
General des Finances,
& sur-Intendant des postes
mourut le 10. Aoust en sa
8 1. année. Il y avoit déjà
long
- temps qu'ils'étoit
retiré du Monde ; & qu'il
ne s'ocupoit qu'à des oeeuvres
de Pieté., & particulièrement
à soulager les Pauvres.
1 Monsieur de Canaples,
ancien Commandant de la
Ville de Lyon dont on vient
de parler, avoir pris le nom
-
de Lesdiguiéres) & c'est luy
qui étoit le dernier de cec-
Ite Maison. Il avoir douze
mille livres de pension de
la Ville de Lyon; comme
6
Commandant, dont il s'en
estoit reservé neuf mille
i
lors qu'il se démit de ce
Commandement en faveur
de M' de Rochebonne en
luy laissant les trois autres
mille livres. Depuislamort
de M' de Canaples la penfion
de neuf mille livres
E
qu'ils'értit reservée sur
li.
celle de douze que fait la
Ville au Commandant ; a
cfté donnée,à Monsieur le
Duc de Villeroy.
Depuis la mort de Monseigneur,
le Roy a acordé
à Madame la Dauphine, la
Nef, le Cadenas, le Bâton
de Maistre d'Hotel & la
Musique. Elle mangea pour
la premiere fois à son grand
Couvert comme Dauphine
le 8. Aoust, & elle fut servie
par Monsieur le Marquis de
Vilacerfson premier Maître
d'Hostel; & le 10. elle fut
servie aussi à son grand
Couvert par Mr de la Croix
son Maître d'Hostel. Il se
rendit à la bouche avec ses
Officiers, lava ses mains; le
Contrôlleur & le Gentilhomme
servant les lavetent
ensuite; l'Ecuyer ordinaire
de la Bouche luy presenta
une Assiettesurlaquelle il
y avoir des Mouillettes - do
pain; il en prit deux avec
lefquclles il toucha tous les
Mets les uns après les autres;
il en donna une à manger à
l'Ecuyer de la Bouche, ensuite
il prit son Baston des
mains de l'Hussier du Bu-f
reau qui l'y avoit apporté.
puis la marche commença
en cet ordre. Un Garde du
Corps du Roy ayant la
Carabine sur l'épaule; un
Huissier de Salle & un
Huissier du Bureau, Mr de
la Croix marchoit derriere
eux, ayant son Baston de
Maistre d'Hostel à la main.
Un Gentil
-
homme servant
& le Contrôlieur portant
chacun un Plat, l'Ecuyer de
la Bouche & les autres
Officiers de la Bouche en
portant aussî chacun un,
marchaient ensuite. Lors
qu'ilsfurent arrivez à la Salleoù
estoit le prest, Mr de la
Croix vit mettre tous les
Plats surlaTable, où un
Gentil-homme servant qui
étoit de Garde au prest, fit
un nouvel essai de chaque
Plat: & donna la Mouillette
dont il avoit fait l'éssai à
chacun de ceux qui avoient
porté les Plats, après quoy
Mr de la Croix les vit met--
tersurla Table par les Gentils-
hommes servants. ;
*i IIlallaen suite,ayant Tonv
Baston à la main,, avertir
Monseigneur le Dauphin;
<k Madame la Dauphine;
puis il revint à la Table ou
il attendit Monseigneur le
Dauphin. Dés qu'il parut
il mit son Chapeau & son
Baston entre les mains du
Chef de Gobelet, & presensa
à ce Prince une serviette
mouilléequiétoic
encre deux Assiettes d'or
pour se laver les mains; il
prit ensuite une autre serviette
mouilléeaussï cntre
deux Alliettes d'or qu'il
presenta de mesme à Madame
la Dauphine. Un
Gentilhomme servant presenta
une autre serviette
mouillée aussi entre deux
assiettes ,à Madame
,
qui
mangea pour la première
fois avec Madame la Dauphine
à son grand couvert
Alors Mr de la Croix
reprit son Bâton & son Chapeau
,&retourna à la bouche
precedé feulement d'un
Garde du Corps & des deux
Huissiers.L'essay du second
fcrvice ne se fit point à IfI
bouche; mais au prest où
citoit la Nef. Il se plaçaen- t
:-
suite au costédroit du Fauteuil
de Monseigneur le
Dauphinoùil restapendant
toutle repasayant toujours
son Bâton à la main; les
Genciihommes servants firentle
Service de même que
cchheezz le RRooyj.
-
Il y avoir à ce repas une
tres grande Assemblée de
Dames;il y en avoit treize
qui avoient le Tabouret
,
les autresestoient debour.
Monfcigneur le Dauphin&
Madame la Dauphine tinrent
ensuite un Cercle dé
Dames comme chez le Roy
aprèssonsoupé; Cérémonie
qui si fait pour les re'--
mercier.
dedivers endroits.
Onaappris par les Lettres
de Cadix du 10. Juillet r
que Mrl'Aigleaprès yavoir
amenépluseurs Prises
, erv
estoit party le quatre pour
allercroiser vers le Dérroit.
que le lendemain il avoit
attaquéune Fregate Hollandoise
de36. canons commandée
par le Capitaine
Jean Hopener
-, que lecombat
avoit duré plus de deux
heures, U qu'enfin cette
Fregate avoir esté coulée à
fond ;niais que Mr l'Aigle
y avoir été tué, alnllquc:
plusieurs Officiers & Soldats
de son équipage. Son Corps
a estéenterréà Malagaavec
tous les honneurs dûs à un
homme qui s'étoit distinguéen
plusieurs occasions
cependant le cours de cette
guerre.
Le 30, Juillet il parut à
la hauteur de Bayonne une
Escadre de11. Vaisseaux
de guerre Anglois revenant
de Lisbonne &: retournant
dans les Ports d'Angleterre.
Une heure aprèsquelle eut
fait voile une de nos Frégatesamena
deux Prises, dont
l'une estoit un Baftimenc-
Hollandois qui allait. à
Lisbonne chargé de Vins.
*
DesLettresde Lisbonne
du 17. Juin portent que le
Navire Nostra- Senora de
Torso, qui marquoit que
la Flotte de Pernambuco
avoitesté pris le 4. Avrilà
15. lieues du Tage par un
Vaisseau de guerre François
de l'Escadre de Mr du Casse
qui avoir mis l'équipage à
terre à rifle de Madere ;
queceNavire estoit chargé
de 450. caisses de Sucre,
de 400. rolles de Tabac,
de Cuirs, de bois de Bresit,
& de 40. mille Crufades
tant en argent monnayé
qu'en poudre d'or; que le
Vaisseau qui l'avoit pris,
selon le rapport de l'équipage
, estoit parti de Brest
avec fcpt ou huit autres
dont ilavoit estéseparé, &
qu'ildévoiealler à la Martinique.
Je n'ay pû vous parler
plutost de la mort de Don
Antonio Martin Alvarez
de Tolede & Beaumont,
Enriquez
,
de Rivera,Fernandez
)
Manrique, Duc
d'Albe, & de Huefcar
J Comte de Lerin, de Salvatierra,
&c. Marquis deCoria
, &c. Connestable &
Grand Chancellier de Navarre,
Sommellier de Corps
du Roy d'Espagne & Ton
Ambassadeur en France,
qui mourut icy le 28. May
en la 41.l'année de son âge.
Sa maladie a esté des j^lus
longues, &: elle ne luy a
jamaisservy de raison ny de
pretexte pour le dispenser
d'aucuns de ses devoirs, &
ce grand Ministre a toûjours
s-ofuotuernenuud'du'nueneen£ra5ie force
e le poids d'une Ambassade
aussi importante & aussï
laborieuse. Il y a succombé
à la fin, & la mort de
MonCeigneur a achevé de
l'accabler; l'interetvif&
fîneere qu'il y prenoit le fie
paroistreencore plus sensible
à cette perte qu'il ne
l'avoit paru à celle de Mr
le Connestable de Navarre
fonftls unique qui donnait
déjà de si grandes esperances,&
qu'il perdit nlalhcu..
reusement à sa 19eannée.
Comme toute la vie de
Mr le Duc d'Albe avoi-c
esté une préparation à la
mort on n'eut pas de peine
à l'y disposer. Sa résignationavoitesté
plus prompte
que le premier avis qu'oq
eut pû luy en donner. Quelques
heures avant sa mort
il fit prier un de nos, plu£
grands Ministres de vouloir
bienluy rendre encore une
visite,&de venir recevoir
ses derniers adieux. Cet
entretien fut touchant de
part & d'autre; lemourant
parla assezlong
-
temps de
choses importantes avec le
mêmeesprit,lamême force
& la même grandeur d'ame
quil avoit fait dans sa meilleure
santé. Enfinilsouhaita
de recevoir la Benediction
deMr le Cardinal de Noailles
Archevêquede Paris.
Son Eminence s'y transporta
sur l'heure.
Madame la Duchesse
d'Albe n'a pû avoir dans
une douleur aussi accablante
que Dieu pour consolation.
Elle se retira sur l'heureau
Valde Grace. Elle se
tient toujours dans cette
retraite si conforme à sa
situation. Elle a esté le modelle
des femmes mariées ;
elle l'est des veuves de son
rang.
LeRoyd'Espagne luy a
fait l'honneur de luy écrire
de sa main en langue EfpJ.¿
gnole la Lettre du monde
la plus consolante, La Reine
luyaécrit de même. S. NL
C.a joint aux honneurs
qu'elle a fait à cccccittuftre
veuve des liberalitez qui
honorent en elle lamémoire
du deffunt. Elle ;cil de la
grande Maison de Poncé de
Leon
,
fille de l'illustre Me
la Duchesse d'Aveiro
,
&
soeur de Mr le Duc d'Arcos
& de Mr le Duc de Banos
tous deux Granded'Espagne.
Mr le Duc d'Albe qui
n'arienoubliéen mouranc
a laissé par un écrit de sa
main le foin & la conduite
des Affaires d'Espagne en
France: à Mr Don Feliz-
Corncjo son Secrétaire
d'Ambassade. S. M. C. a
confirmé ce choix dans l'interim
jusqu'àce qu'il vienne
icy de sa part un nouvel
Ambassadeur. Le Portrait
en vers de Mr le Ducd'Albeestdansla
partie des Picces
Fugitives de ce moiscy.
Charlotte Armande d'Argouges
de Rannes épouse
de Guillaume Alexandre ,
Marquis de Vieuxpont
Lieutenant General des ar*.
mées du Roy
<
& Couverneur
de la Ville de Beauvais
& du Beauvoisis, mourut
le 28. Juin âgée de 36,.
ans. Elle estoit fille unique
de Nicolas d'Argouges
Marquis de Rannes, Lieutenant
General des Armées
du Roy, Colonel General
des Dragons
, & de Charlotte
de Beautru - Nogentqui
épousaen seconde nôces.
Jean
-
Baptisse Armand de
Rohan Prince de Montauban
,dont elle est veuve.
Mre N.Chabert Chevalier
de Saint Louis
)
Chef
d'Escadre des Armées Na-,
vales du Roy,fils du grand-
ChJbert)est mort à Toulon.
Ilavoit donné dans
toutes les occasions des
preuves de son courage &
de sa capacité. Il avoit ramené
du Sud une Flore d'argent
des plus riches qui
soient jamais venuës de
ces Mers. Il arriva heureusement
à Rochefort sur lafin
du mois de Mars de*
l'année 1709.aprés avoir
évité par son habileté quatre
Escadres des ennelllisr.
quil'attendoient sur sarouteen
quatre endroits differens.
Le Vaisseau du Roy
le Trident qu'il Commandoit
estle premier Vaisseau
de guerre qu'on ait vû à la
Rade de Lima depuis la découverte
de ce Continent
Marie Louis Chevalier,
Marquis de Sourdeilles,
Baron deFeissac, &c. Lieutenantde
Roy au Gouvernement
de Limosin & de
la Marche, est mort dans
son Chasteau de la Ganne
âgé de 44.ans. Ilaesté fort
regretté,&particulièrement
des Pauvres.
Il avoit épousé Marie fille
de Robert Marquis de Lignerac
Comte de Saint Chaînant
d'une des plusillustres
&de plus anciennes maisons
d'Auvergne.
Sa mere estoit de celle
des Vicomtes de Sedicre
A alliée à celles de Noailles9»
de Gimel, &c. & sa grande
mere estoit de celle d'Aubusson
la Feüillade.
Mr le Marquis de Sourdeilles
avoir d'abord pris le
party des Armes;mais la'
mort de son pere dont il
estoit filsunique, l'obligea
de quitter le Service. b
Catherine de Robeyre
3 épouse dYvesMarie dela
Bourdonnaye Seigneur de
Cotoyon
,
Maistre des Requestes
& Intendant à 0r.
leans,mourut aux eaux de
Bour bon le 24. Juin âgée
de 44. ans laissant posterité
Elle estoit fille de Mr de
Ribeyre Conseilier d'Etat,
&deCatherine Potier fills
de Mr de Novion premier
President.- Jean Guillaume Frison,
Prince de Nassau Stathouder
de Fiise., sur noyé le 14<
Juillet avec le Brigadier
WiJkeSc•
Wilkes. Il. sftoit parry de
l'Armée de Flandre pour
aller travailler à l'Affaire de
la successïon du feu Prince
dOrange qu'il avoir contre
l'Electeur de Brandebourg
qui estoit venu en Hollande
pour la terminer. Il s'embarqua
pour traverser le
passage de Moerdick,&
estanc demeuré dans son
Carosseàcause de la pluyc
avec le Brigadier Wilkes
uunnccoouuppddeevveenntt qui survint*,
renversa le ponton. On ne
trouva leurs corps que queL
ques jours après.
Ce Prince eltoïc hfe
d'Henry Casimir Prince de
Nassau & Stathouder de
Frise mort le15 Mars
1686. &d'Amelie fille de
Jean Georges Prince d'Anhalt
Dessau.
Ilestoit néle 4. Aoust;
1687.&avoirépousé le 16.
Avril 1709. Marie Louise
fille de Charles Landgrave
deHesseCassel,&deMarie
Amélie fille Jacques Duc de
Curlande. Il a laisse une
Princesse née au mois de
Septembre1710. & sa
veuve enceinte.
Les Etats Généraux ont
fait un accommodement
provisionnel entre l'Electeur
de Brandebourg &les
héritiers de ce Prince,qui ne
doit prejudicier en aucune
manière aux droits des Parties
; il porte que S.A. E.
jouira par provisionde la
Maisonde la vieille Cour à
la Haye,de la Maison du
Bois,dc HonslardiCK, de
Diercn& de quelquesTerres
qui valent six mille
florins de rente à quoy on
en ajoutera vingt
- quatre
mille pour faire la somme
de cinquante mille Horins
par an ; sur lesquels on en
retiendra dix mille pour
l'entretien de ces Maisons,
8c cela outre les biens donc
il joiiic déja; que la Princes.
se veuve, en qualité de Mere
& de Tutrice de son enfant
ou enfans
3
jouira de la
Maifoii de Loo; de la fomme
de cinquante mille florins
par an ,
qui fera prise
sur les biensde la fucceisson,
&unesomme decinquante
mille florinsune fois payée;
& que six mois après laccouchcment
de cette Prin
cess elle envoyera des Plénipotentiaires
pour termu
ner les pretentions de parc
& d'autre.
1
Madame la Duchesse de
Berry estant accouchée
avant terme le u. Juillet
d'une Princesse qui mourut
en même tem ps , on porta
son corps à SaintDenisle
13.Il y fut accompagné par
Mr la DacheffedeBeauvil
lier & par Me la Marquise
de Chastillon,& il fut inhumé
par Mr l'Evêque de
Séez premier Aumônier de
Monfcigncur le Duc de
Berry.
Charles Claude
,
Sire
& Comte de Breauté, Marquis
du Hotot
,
&c.Maistre
de la Garderobbe de S. A. R,
Philippe petitfils deFrance
Duc d'Orléans, mourut le xi. Juilleten sa 46.année,
Anne Geneviève Charr
rier épousede Charles Cesar
Le scalopier Maistre des
Requestes, & Intendant du
Commerce & de la Generalité
de Châlons,mourus
le14. Juillet.; Annele Maistre,épousede
Marc Anne Goiflard Seigneur
de Montsabert, Baron
de Toureil
)
&c. Conseiller
au Parlement
s mou- *
rut le 26. Juillet. i
MichelFrançois de Bethune
Comte de Charost mourut
le z6. Juillet dans sa
sisiemeannée.Ilestoit fils
d'Armand de Bethune Duc
de Charost& de Catherine
de Lamet sa sécondé femme.
I.(¡
Jean Baptiste Jacques
Ollier Marquis de Veneuil,
Seigneur de Preau Maistre
de la. Garderobbe de feue
S. A. R. Monsieur Frere
unique du Roy, mourut le
17. Juilletâgéde50. ans. Il
estoit Gouverneur deDomfont.
Henry Charles Arnauld
Comte de Pomponne,
mourut le 2.7.Juillet âgé
de 14.ans 7. mois. Ilestoit
fils de Nicolas Simon Arnaud
Marquis de Pomponne
, Sire Baron de Ferrieres,
Chambrois
,
Auquiville
Marqnis de Paloifeau
,
&c.
BrigadierdesArmées du
Roy; Lieutenant General
& Commandant pour Sa
Majeste aux Provinces de
l'isle de France & Soissonnois
; &de Confiance de
Harville Paloiseau.
Le Pere Jean de la Roche
, Prestre de l'Oratoire
fameux Predicateur, mourut
le 18Juittec.: -
François d'Anglure de
Bourlaymont, Docteur en
Theologie de la Faculté de
Paris, qui avoit été nommé
à l'Evêché de Pamiers
en 1681. qui s'en éroit démis
en 1685. sans avoir esté
Sacré, & qui fut nommé à
lors Abbé de Saint Florent
de Saumur, mourut le i-f.
Juillet. Il étoit fils de Nicolas
Marquis de Bourlaymont,
Gouverneur de Sesnay.
Gaspart- Claude Noler,
Docteur en Thologic de la
Faculté de Paris & Chanoi
ne de Nostre Dame, mourut
le premier Aoust âgé de j3.ans.
Mrle Cardinal de Noailles,
a donné son Canonicat
à Mr l'Abbé Vivant, son
Grand Vicaire& Penitentier
del'EglisedeParis,ci devant
.Curé de S.Leusson meriteest
connu de tout le monde..
Alsonce de. Bonne de
Crequi Duc de Lesdiguiéres,
Paire de France,mourut
le 5. Aoust âgé de 85,
ans. Son Corps a esté ports
aux Carmelitesde S. Denis
en France, où a esté inhi*.
méeAnne du Roure sa
mere, qui mourut le 18,
Février. 1686. &qui étoit
veuve de Charles Sire de"
Grequi & de Canapies, , Mestrede Camp du Regi:
ment des Gardes;.mort de
la blessure qu'il reçueau
siege de Chamberylanuitdu14.
au IJ.May 1630.
& qui étoit second fils de
Charles Sire de Crequi Duc
de Lesdiguiéres Maréchal
de France. Celuy qui vient
de mourir avoitépousé à
l'âge de 75. ans le u Septembre
1702. Gabrielle
Victoire de Rochechoüart
fille de Louis Duc de Vivonne
Pair &Maréchal de France
,
& d'Antoinette de
Mesmes, dont il n'a point
cû d'enfans.
Marie Anne Picques
épouse , de Loüis Gabriel
Portail
j
Chevalier Seigneur
de Fresnceu ,&au paravant
veuve de François Pajoc
Seigneur de Cordon,rnourut
le 6. Aoust âgée de quarante
-
iix ans, sans laisser
de postencé de ses deux alliances.
Florcnt de Marparaulr,
Marquis du même lieu
,
mourut le 7. Août.
Nicolle Miron, veuve
de DanielJacquinot
, Seigneur des Pressoirs
,
mourut le 9. Aoustâgée de
85. ans.
Claude le Pelletier
Conseillcr d'Etat ordinaire
; President Honoraire
du Parlement, Minifstr
d'Etat, cy- devant Prevost
des Marchands
,
Contrôlleur
General des Finances,
& sur-Intendant des postes
mourut le 10. Aoust en sa
8 1. année. Il y avoit déjà
long
- temps qu'ils'étoit
retiré du Monde ; & qu'il
ne s'ocupoit qu'à des oeeuvres
de Pieté., & particulièrement
à soulager les Pauvres.
1 Monsieur de Canaples,
ancien Commandant de la
Ville de Lyon dont on vient
de parler, avoir pris le nom
-
de Lesdiguiéres) & c'est luy
qui étoit le dernier de cec-
Ite Maison. Il avoir douze
mille livres de pension de
la Ville de Lyon; comme
6
Commandant, dont il s'en
estoit reservé neuf mille
i
lors qu'il se démit de ce
Commandement en faveur
de M' de Rochebonne en
luy laissant les trois autres
mille livres. Depuislamort
de M' de Canaples la penfion
de neuf mille livres
E
qu'ils'értit reservée sur
li.
celle de douze que fait la
Ville au Commandant ; a
cfté donnée,à Monsieur le
Duc de Villeroy.
Depuis la mort de Monseigneur,
le Roy a acordé
à Madame la Dauphine, la
Nef, le Cadenas, le Bâton
de Maistre d'Hotel & la
Musique. Elle mangea pour
la premiere fois à son grand
Couvert comme Dauphine
le 8. Aoust, & elle fut servie
par Monsieur le Marquis de
Vilacerfson premier Maître
d'Hostel; & le 10. elle fut
servie aussi à son grand
Couvert par Mr de la Croix
son Maître d'Hostel. Il se
rendit à la bouche avec ses
Officiers, lava ses mains; le
Contrôlleur & le Gentilhomme
servant les lavetent
ensuite; l'Ecuyer ordinaire
de la Bouche luy presenta
une Assiettesurlaquelle il
y avoir des Mouillettes - do
pain; il en prit deux avec
lefquclles il toucha tous les
Mets les uns après les autres;
il en donna une à manger à
l'Ecuyer de la Bouche, ensuite
il prit son Baston des
mains de l'Hussier du Bu-f
reau qui l'y avoit apporté.
puis la marche commença
en cet ordre. Un Garde du
Corps du Roy ayant la
Carabine sur l'épaule; un
Huissier de Salle & un
Huissier du Bureau, Mr de
la Croix marchoit derriere
eux, ayant son Baston de
Maistre d'Hostel à la main.
Un Gentil
-
homme servant
& le Contrôlieur portant
chacun un Plat, l'Ecuyer de
la Bouche & les autres
Officiers de la Bouche en
portant aussî chacun un,
marchaient ensuite. Lors
qu'ilsfurent arrivez à la Salleoù
estoit le prest, Mr de la
Croix vit mettre tous les
Plats surlaTable, où un
Gentil-homme servant qui
étoit de Garde au prest, fit
un nouvel essai de chaque
Plat: & donna la Mouillette
dont il avoit fait l'éssai à
chacun de ceux qui avoient
porté les Plats, après quoy
Mr de la Croix les vit met--
tersurla Table par les Gentils-
hommes servants. ;
*i IIlallaen suite,ayant Tonv
Baston à la main,, avertir
Monseigneur le Dauphin;
<k Madame la Dauphine;
puis il revint à la Table ou
il attendit Monseigneur le
Dauphin. Dés qu'il parut
il mit son Chapeau & son
Baston entre les mains du
Chef de Gobelet, & presensa
à ce Prince une serviette
mouilléequiétoic
encre deux Assiettes d'or
pour se laver les mains; il
prit ensuite une autre serviette
mouilléeaussï cntre
deux Alliettes d'or qu'il
presenta de mesme à Madame
la Dauphine. Un
Gentilhomme servant presenta
une autre serviette
mouillée aussi entre deux
assiettes ,à Madame
,
qui
mangea pour la première
fois avec Madame la Dauphine
à son grand couvert
Alors Mr de la Croix
reprit son Bâton & son Chapeau
,&retourna à la bouche
precedé feulement d'un
Garde du Corps & des deux
Huissiers.L'essay du second
fcrvice ne se fit point à IfI
bouche; mais au prest où
citoit la Nef. Il se plaçaen- t
:-
suite au costédroit du Fauteuil
de Monseigneur le
Dauphinoùil restapendant
toutle repasayant toujours
son Bâton à la main; les
Genciihommes servants firentle
Service de même que
cchheezz le RRooyj.
-
Il y avoir à ce repas une
tres grande Assemblée de
Dames;il y en avoit treize
qui avoient le Tabouret
,
les autresestoient debour.
Monfcigneur le Dauphin&
Madame la Dauphine tinrent
ensuite un Cercle dé
Dames comme chez le Roy
aprèssonsoupé; Cérémonie
qui si fait pour les re'--
mercier.
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Résumé : NOUVELLES de divers endroits.
Le texte relate divers événements militaires et décès notables. Le navire français 'L'Aigle' a coulé une frégate hollandaise après un combat de plus de deux heures, mais son capitaine a été tué. Le 30 juillet, une escadre anglaise de 11 vaisseaux a été aperçue près de Bayonne. Un navire français a capturé un bateau hollandais chargé de vins près de Lisbonne. Plusieurs personnalités ont également péri, dont le duc d'Albe, ambassadeur d'Espagne en France, décédé à l'âge de 41 ans après une longue maladie. Sa veuve s'est retirée au couvent du Val-de-Grâce. Le marquis de Vieuxpont, lieutenant général des armées du roi, est mort à l'âge de 36 ans. Le chevalier de Chabert, chef d'escadre, est décédé à Toulon après avoir ramené une riche cargaison d'argent. Le marquis de Sourdeilles, lieutenant du roi en Limousin, est mort à l'âge de 44 ans. Parmi les autres décès notables, on compte le prince de Nassau, stathouder de Frise, noyé avec le brigadier Wilkes. La duchesse de Berry a accouché prématurément d'une princesse qui est décédée peu après. Le texte mentionne également des événements et des transferts de responsabilités au sein de la cour. Un commandant avait réservé neuf mille livres, laissant trois mille livres à M. de Rochebonne après sa démission. Suite au décès de M. de Canaples, la pension de neuf mille livres a été transmise au Duc de Villeroy. Après la mort de Monseigneur, le roi a accordé à Madame la Dauphine divers privilèges, dont la Nef, le Cadenas, le Bâton de Maître d'Hôtel et la Musique. Elle a participé pour la première fois à un grand couvert le 8 août, servie par le Marquis de Vilacerf, et le 10 août par M. de la Croix, son Maître d'Hôtel. Ce dernier a suivi un protocole précis, incluant la présentation des mets et l'utilisation de mouillettes. Lors du repas, une grande assemblée de dames était présente, avec treize d'entre elles ayant le privilège du tabouret. Après le souper, Monseigneur le Dauphin et Madame la Dauphine ont tenu un cercle de dames pour remercier les invités.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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