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1
p. 243-249
« Je commence par celle de Monsieur le President Nicolaï; & [...] »
Début :
Je commence par celle de Monsieur le President Nicolaï; & [...]
Mots clefs :
Roi, Ennemis, Place, Europe, Saint Omer, Valenciennes
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texteReconnaissance textuelle : « Je commence par celle de Monsieur le President Nicolaï; & [...] »
Le commence par celle de Mon- fieur le Prefident Nicolaï ; & ce
que je prétens vous en dire,
n'eſt ny ſa Harangue , ny un Extrait, ny meſmeun fragment,
c'eſt moins que tour cela , & il ne doit ſervir qu'à vous faire concevoir une legere idée de quelques-unes de ſes penſées..Il a dit au Roy , en parlant de Valenciennes, qu'on ne pouvoit affez admirer qu'il euſt pris en fi peu de jours une des plus grandesVilles, qui pût marquer La puiſſance deſesEnnemis:une Villevaſte parſon étenduë , fie- redeſes Privileges, orgueilleuſe par ſes Boulevarts , forte par la
valeur & le nombre de ſes Ci
160 LE MERCVRE
toyens , fameuſe par fon Com- merce , & redoutable par nos pertes. Il a adjoûté à tout cela qu'on ſçavoit affez de quelle forte le Roy s'eſtoit rendu maî- tre de cette puiſſante Place , &
que de la maniere que les cho- fes s'eſtoient paffées,on ne pour- voittrop loüer lagrande bonté,
&la prudence de Sa Majesté,
qui par un ſeulmot de ſabouche avoit defendu cette Ville
du plus grand malheur qu'elle puſt craindre, &dont elle n'a- voit pû eſtre garantie par un million de bras , & par tant de Princes intereſſez à ſa défenſe.
Il a fait voir encor qu'on avoit adimiré fur tout , que dans un temps où l'on ne pouvoit faire 'un pas dans l'Europe ſans trou- verquelque Ennemyde la Fra- ce,leRoyavoireõquis trois Pla-
GALANT. гыг
cesdontlaforcen'étoitque trop connuë , &que s'il avoit trouvé des Ennemis, il ſembloirque ce n'euſt eſté que pour ſervir de matiere àfon triomphe ; Qu'on lui avoit veu fecourir parſa pru- dence & par une prevoyance merveilleufe, les lieux, où if ne
pouvoitſetrouver enPerſonne,
eny envoyant le puiſſant Se- cours qu'il leur fit recevoir,
quand il ſçeut que les Ennemis amaffez en fi grand nombre,ve- noientpour jetter de nouvelles forces dans S. Omer ; Que fes Armes avoient eſté victoricufes, fous la conduite d'un Prince
qui ne voit riendans le monde au deffus de luy, foit par fa naif- fance, foitpar fon merite & fes grandes vertus , que ſon ſeul Souverain. Il a dit encor d'une
manierequiacharmé tous ceux
162 LE MERCVRE
qui l'ont entendu , quependant que toute l'Europe eſtoit enfe- veliedans unprofond fommeil,
Sa Majesté ſeule veilloit, lagloi- re & le bien de ſon Royaume luytenant les yeux ouverts , &
que les Ennemis n'eſtoient re- venus de ceprofond affoupiffe- ment , que pour voir enmeſme temps leurs pertes , & fervir à
fontriomphe
que je prétens vous en dire,
n'eſt ny ſa Harangue , ny un Extrait, ny meſmeun fragment,
c'eſt moins que tour cela , & il ne doit ſervir qu'à vous faire concevoir une legere idée de quelques-unes de ſes penſées..Il a dit au Roy , en parlant de Valenciennes, qu'on ne pouvoit affez admirer qu'il euſt pris en fi peu de jours une des plus grandesVilles, qui pût marquer La puiſſance deſesEnnemis:une Villevaſte parſon étenduë , fie- redeſes Privileges, orgueilleuſe par ſes Boulevarts , forte par la
valeur & le nombre de ſes Ci
160 LE MERCVRE
toyens , fameuſe par fon Com- merce , & redoutable par nos pertes. Il a adjoûté à tout cela qu'on ſçavoit affez de quelle forte le Roy s'eſtoit rendu maî- tre de cette puiſſante Place , &
que de la maniere que les cho- fes s'eſtoient paffées,on ne pour- voittrop loüer lagrande bonté,
&la prudence de Sa Majesté,
qui par un ſeulmot de ſabouche avoit defendu cette Ville
du plus grand malheur qu'elle puſt craindre, &dont elle n'a- voit pû eſtre garantie par un million de bras , & par tant de Princes intereſſez à ſa défenſe.
Il a fait voir encor qu'on avoit adimiré fur tout , que dans un temps où l'on ne pouvoit faire 'un pas dans l'Europe ſans trou- verquelque Ennemyde la Fra- ce,leRoyavoireõquis trois Pla-
GALANT. гыг
cesdontlaforcen'étoitque trop connuë , &que s'il avoit trouvé des Ennemis, il ſembloirque ce n'euſt eſté que pour ſervir de matiere àfon triomphe ; Qu'on lui avoit veu fecourir parſa pru- dence & par une prevoyance merveilleufe, les lieux, où if ne
pouvoitſetrouver enPerſonne,
eny envoyant le puiſſant Se- cours qu'il leur fit recevoir,
quand il ſçeut que les Ennemis amaffez en fi grand nombre,ve- noientpour jetter de nouvelles forces dans S. Omer ; Que fes Armes avoient eſté victoricufes, fous la conduite d'un Prince
qui ne voit riendans le monde au deffus de luy, foit par fa naif- fance, foitpar fon merite & fes grandes vertus , que ſon ſeul Souverain. Il a dit encor d'une
manierequiacharmé tous ceux
162 LE MERCVRE
qui l'ont entendu , quependant que toute l'Europe eſtoit enfe- veliedans unprofond fommeil,
Sa Majesté ſeule veilloit, lagloi- re & le bien de ſon Royaume luytenant les yeux ouverts , &
que les Ennemis n'eſtoient re- venus de ceprofond affoupiffe- ment , que pour voir enmeſme temps leurs pertes , & fervir à
fontriomphe
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Résumé : « Je commence par celle de Monsieur le President Nicolaï; & [...] »
Le Président Nicolaï a prononcé un discours sur la prise de Valenciennes par le roi. Valenciennes est décrite comme une grande ville, fière de ses privilèges et de ses boulevards, forte par ses citoyens et célèbre pour son commerce. Le roi a rapidement conquis cette place puissante et a évité à la ville un grand malheur par un simple ordre. Nicolaï mentionne également que le roi a conquis trois places fortes en Europe malgré la présence d'ennemis, utilisant sa prudence et sa prévoyance pour secourir des lieux où il ne pouvait être présent. Les armes du roi ont été victorieuses sous la conduite d'un prince qui ne reconnaît que le roi au-dessus de lui, que ce soit par naissance, mérite ou grandes vertus. Enfin, Nicolaï souligne que tandis que toute l'Europe était endormie, le roi veillait sur la gloire et le bien de son royaume, permettant aux ennemis de se réveiller pour constater leurs pertes et contribuer à son triomphe.
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2
p. 279-281
AU PRINCE D'ORANGE assiegeant Charleroy. MADRIGAL.
Début :
Je ne puis finir cet Article, sans donner les loüanges / Attaquer une Place, où commande Montal ! [...]
Mots clefs :
Prince d'Orange, Charleroi, Place, Montal
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texteReconnaissance textuelle : AU PRINCE D'ORANGE assiegeant Charleroy. MADRIGAL.
Je ne puis finir cet Article,
ſans donner les loüanges qui font deuës à Monfieur leComte de Marfan , à meſſieurs les
Princes d'Harcour&d'Elbeuf,
àM.le Comtede Soiffons , &à
M. le Chevalier de Savoye, Ils ont eſté dans tous les endroits
où ils ont crû pouvoir enga- ger les Ennemis à combatre.
Ils ſuivirent M. le Comte du
Pleſſis , M.de Tillader , &M. Roſe, qui furent commandez
avectrois mille chevaux pour s'oppofer auxConvois quileur devoient venir de Monts. On
n'oſa les en faire fortir , &ce
fut pourquoy le Prince d'O-
196 LE MERCURE range manqua de Vivre pref- quedans lemeſme tempsqu'il eut bloquéCharleroy. LaRe- traite qu'il fit après avoir de- meuré quatre jours devant cette Place, nous a produit ce Madrigal.
AU PRINCE D'ORANGE
aſſiegeant Charleroy.
{
MADRIGAL.
ATiaquerune Place, oncommanMontal, dontle Grand Nom porte unfeurprivilege Devous faire lever le Siege,
Ou vous n'y pensezpas , ou vousy
pensezmal.
Quitezdesprojets inutiles,
Vous perdrez vos efforts aupres de Charleroy
GALANT. 197 Montal qui le defend,fust-ilfeul ,a
dequoy Répondrede toutes les Villes.
Ainfi comme autrefoispour éviterſes
coups,
Décampez,fuyez ,Sauvez-vou:
ſans donner les loüanges qui font deuës à Monfieur leComte de Marfan , à meſſieurs les
Princes d'Harcour&d'Elbeuf,
àM.le Comtede Soiffons , &à
M. le Chevalier de Savoye, Ils ont eſté dans tous les endroits
où ils ont crû pouvoir enga- ger les Ennemis à combatre.
Ils ſuivirent M. le Comte du
Pleſſis , M.de Tillader , &M. Roſe, qui furent commandez
avectrois mille chevaux pour s'oppofer auxConvois quileur devoient venir de Monts. On
n'oſa les en faire fortir , &ce
fut pourquoy le Prince d'O-
196 LE MERCURE range manqua de Vivre pref- quedans lemeſme tempsqu'il eut bloquéCharleroy. LaRe- traite qu'il fit après avoir de- meuré quatre jours devant cette Place, nous a produit ce Madrigal.
AU PRINCE D'ORANGE
aſſiegeant Charleroy.
{
MADRIGAL.
ATiaquerune Place, oncommanMontal, dontle Grand Nom porte unfeurprivilege Devous faire lever le Siege,
Ou vous n'y pensezpas , ou vousy
pensezmal.
Quitezdesprojets inutiles,
Vous perdrez vos efforts aupres de Charleroy
GALANT. 197 Montal qui le defend,fust-ilfeul ,a
dequoy Répondrede toutes les Villes.
Ainfi comme autrefoispour éviterſes
coups,
Décampez,fuyez ,Sauvez-vou:
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Résumé : AU PRINCE D'ORANGE assiegeant Charleroy. MADRIGAL.
Le texte rend hommage à plusieurs personnalités militaires, dont le Comte de Marfan, les Princes d'Harcourt et d'Elbeuf, le Comte de Soiffons et le Chevalier de Savoye, pour leur engagement contre les ennemis. Ces individus ont agi sous les ordres du Comte du Plessis, de Tillader et de Rose, qui commandaient trois mille chevaux. Leur intervention a empêché les ennemis de sortir et a contribué à la pénurie de vivres du Prince d'Orange, le forçant à lever le siège de Charleroy après quatre jours. Un madrigal est adressé au Prince d'Orange, le mettant en garde contre l'attaque de Charleroy, défendue par Montal. Le madrigal lui conseille d'abandonner ses projets inutiles et de se retirer pour éviter des pertes.
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3
p. 253-274
Suite des Nouvelles de la Guerre. [titre d'après la table]
Début :
Je reprens la Levée du Siege de Charleroy, dont j'ay [...]
Mots clefs :
Ennemis, Troupes, Siège de Charleroi, Prince d'Orange, Billet, Marquis de Montal, Duc de Villa-Hermosa, Campagne, Gand, Armée, Comte de Soissons, Hommes, Canon, Lieutenant, Place, Régiment, Chevaux
4
p. 43-46
SUR LA CAMPAGNE des Ennemis en Flandre. SONNET IRREGULIER.
Début :
Monsieur le Duc de Luxembourg ne s'estoit avancé sur le / Tenter au mois d'Avril le secours d'une Place [...]
Mots clefs :
Flandre, Place, Ennemis, Campagne
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texteReconnaissance textuelle : SUR LA CAMPAGNE des Ennemis en Flandre. SONNET IRREGULIER.
M' le Duc de Luxembourg ne s'eſtoit avancé ſur le Canal
de Bruxelles que pour faire quiter la Sambre aux Ennemis;
cequ'ils firent , dés qu'ils eurent
appris qu'il eſtoit ſi proche d'eux. Leur Campagne n'a pas eſté fortglorieuſe. Voyez-en la peinture dans ce Sonnet.
GALANT. 29 1
P
やややややややややややや や
SUR LA CAMPAGNE
des Ennemis en Flandre.
SONNET IRREGULIER.
Enter au mois d'Avril lefecours
d'unePlace
Etnepouvoir lafecourir ;
Chercher une Bataille , ardammens ,
Ets'y voir bien batus pour prix deleur audace.
1
S'aviſer quatre mois apres cette difgrace,
Pour essayerdes'aguerrir ,
Deformerungrand Siege, &craignant
d'ypérir.
Lelever auſſitost,&fuirde bonne grace.
Faireavorterparlàtous les vaſtes projets Qu'apres de longs Conſeils vingtsMi- nistres ontfaits ;
Biij
30 LE MERCVRE '
Pour les en confoter , conquérir deuse Chaumieres.
Ceder par tout l'avantage aux Prançois;
C'est ainsiqu'on aveu réüſſir les affaires Etdes fiers Espagnols,&des bonsHol landois.
de Bruxelles que pour faire quiter la Sambre aux Ennemis;
cequ'ils firent , dés qu'ils eurent
appris qu'il eſtoit ſi proche d'eux. Leur Campagne n'a pas eſté fortglorieuſe. Voyez-en la peinture dans ce Sonnet.
GALANT. 29 1
P
やややややややややややや や
SUR LA CAMPAGNE
des Ennemis en Flandre.
SONNET IRREGULIER.
Enter au mois d'Avril lefecours
d'unePlace
Etnepouvoir lafecourir ;
Chercher une Bataille , ardammens ,
Ets'y voir bien batus pour prix deleur audace.
1
S'aviſer quatre mois apres cette difgrace,
Pour essayerdes'aguerrir ,
Deformerungrand Siege, &craignant
d'ypérir.
Lelever auſſitost,&fuirde bonne grace.
Faireavorterparlàtous les vaſtes projets Qu'apres de longs Conſeils vingtsMi- nistres ontfaits ;
Biij
30 LE MERCVRE '
Pour les en confoter , conquérir deuse Chaumieres.
Ceder par tout l'avantage aux Prançois;
C'est ainsiqu'on aveu réüſſir les affaires Etdes fiers Espagnols,&des bonsHol landois.
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Résumé : SUR LA CAMPAGNE des Ennemis en Flandre. SONNET IRREGULIER.
Le Duc de Luxembourg a avancé sur le Canal de Bruxelles, forçant les ennemis à quitter la Sambre. Les ennemis ont tenté de prendre une place en avril et de se regrouper en août, mais ont été vaincus et ont fui. Leurs projets ont échoué, limités à la conquête de deux chaumières. Les Français, Espagnols et Hollandais ont marqué un succès.
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5
p. 153-159
Madame va voir prendre un Fort attaqué & defendu par Messieurs les Academistes de l'Academie de Bernardy. [titre d'après la table]
Début :
Il n'y avoit autrefois que le temps qui pust faire [...]
Mots clefs :
Académies, Armée, M. de Bernardi, Madame, Académistes, Attaque du fort, Place, Défendre
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texteReconnaissance textuelle : Madame va voir prendre un Fort attaqué & defendu par Messieurs les Academistes de l'Academie de Bernardy. [titre d'après la table]
Il n'y avoit autrefois que le temps qui puſt faire de
GALANT. 99 veritables Guerriers, les premie- res occaſions ne ſervoient en
quelque façon que d'eſſay à l'a- dreſſe &àla valeur , & il eſtoit
rare qu'on montraſt tout d'un coup ce qu'on eſtoit. On pré- vient aujourd'huy les années; &
la manieredontles Gentilshommes ſont élevez dans les Académies , a quelque choſe de ſi martial , qu'on peut dire qu'ils y
font leurs premieres Campa- gnes. Du moins ils en ſortent tellement aguerris , que dés qu'ils paroiffent à l'Armée, tous jeunes qu'ils font, on diroit qu'ils n'ont fait toute leur vie autre
choſe que de combatre. Il eſt vray que l'exactitude avec la- quelle M.de Bernardy leurdon- ne ſes ſoins , contribuë beaucoup aux avantages qu'ils en re- çoivent. Onne luy en peutdon Eij
100 LE MERCVRE
ner trop de loüanges. Il ne ſe contente pas de leur enſeigner leurs Exercices; il leurfait pren- dre dans tout ce qu'ils font un air noble,qui perfuade aiſément de leur naiſſance, & c'eſt ce qui luy attire non ſeulement tout ce qu'il y a de grand &d'illuſtre en France , mais auſſi quantité de jeunes Seigneurs qui luy font envoyez des Royaumes étran- gers. La maniere d'attaquer &
de défendre les Places, eſt une
Leçonqu'il n'oublie point à leur donner. C'eſt pour cela qu'il fit bâtiril y a quelques années un Fort au boutdu Palais de Luxembourg. LesAcademiſtes s'y vontexercer tous les Samedis; &
le bruit de leur adreſſe qui a
ſouvent pour témoin ungrand nombre de Perſonnes de quali- té, s'eſt tellement répandu, que
GALANT. ΙΟΙ
Madame n'a pas dédaigné de les honorer de ſa preſence. Elle avoit choiſy un jour extraordi- naire pour leur venir voir faire l'attaquedu Fort. Ils s'y prépa- rerent avec joye. Monfieur le Duc de Valentinois , Fils de Monfieur le Prince de Monaco,
l'attaqua avec beaucoup de vi gueur; & la maniere dont il fut ſecondé,eut un je-ne-ſçay quel air de bravoure qui plut fi fort à Son Alteſſe Royale, qu'elle en congratula Monfieur de Bernardy, &luy ditobligeamment,
qu'elle viendroit admirerplus d'u ne fois les jeunes Guerriers qu'il avoitfaits. Elle estoit ſuivie d'une partie de ſa Cour ; & leur bonne mine jointe àl'air relevé qui accompagna tout ce qu'ils firent , leur ayant acquis des Maiſtreſſes , donna lieu à quel
E iij
102 LE MERCVRE
ques Avantures galantes dont je vous entretiendray le Mois prochain. Je tâcheray de me trouver moy - meſme à l'at- taque de leur Fort , afin de vous en mander quelque cho- ſe de plus particulier , & je vous feray ſçavoir en meſme temps les Noms de ces Braves Fortunez, qui ſçaventde ſibon- ne heure conquérir des Places
& gagner des Cœurs.
GALANT. 99 veritables Guerriers, les premie- res occaſions ne ſervoient en
quelque façon que d'eſſay à l'a- dreſſe &àla valeur , & il eſtoit
rare qu'on montraſt tout d'un coup ce qu'on eſtoit. On pré- vient aujourd'huy les années; &
la manieredontles Gentilshommes ſont élevez dans les Académies , a quelque choſe de ſi martial , qu'on peut dire qu'ils y
font leurs premieres Campa- gnes. Du moins ils en ſortent tellement aguerris , que dés qu'ils paroiffent à l'Armée, tous jeunes qu'ils font, on diroit qu'ils n'ont fait toute leur vie autre
choſe que de combatre. Il eſt vray que l'exactitude avec la- quelle M.de Bernardy leurdon- ne ſes ſoins , contribuë beaucoup aux avantages qu'ils en re- çoivent. Onne luy en peutdon Eij
100 LE MERCVRE
ner trop de loüanges. Il ne ſe contente pas de leur enſeigner leurs Exercices; il leurfait pren- dre dans tout ce qu'ils font un air noble,qui perfuade aiſément de leur naiſſance, & c'eſt ce qui luy attire non ſeulement tout ce qu'il y a de grand &d'illuſtre en France , mais auſſi quantité de jeunes Seigneurs qui luy font envoyez des Royaumes étran- gers. La maniere d'attaquer &
de défendre les Places, eſt une
Leçonqu'il n'oublie point à leur donner. C'eſt pour cela qu'il fit bâtiril y a quelques années un Fort au boutdu Palais de Luxembourg. LesAcademiſtes s'y vontexercer tous les Samedis; &
le bruit de leur adreſſe qui a
ſouvent pour témoin ungrand nombre de Perſonnes de quali- té, s'eſt tellement répandu, que
GALANT. ΙΟΙ
Madame n'a pas dédaigné de les honorer de ſa preſence. Elle avoit choiſy un jour extraordi- naire pour leur venir voir faire l'attaquedu Fort. Ils s'y prépa- rerent avec joye. Monfieur le Duc de Valentinois , Fils de Monfieur le Prince de Monaco,
l'attaqua avec beaucoup de vi gueur; & la maniere dont il fut ſecondé,eut un je-ne-ſçay quel air de bravoure qui plut fi fort à Son Alteſſe Royale, qu'elle en congratula Monfieur de Bernardy, &luy ditobligeamment,
qu'elle viendroit admirerplus d'u ne fois les jeunes Guerriers qu'il avoitfaits. Elle estoit ſuivie d'une partie de ſa Cour ; & leur bonne mine jointe àl'air relevé qui accompagna tout ce qu'ils firent , leur ayant acquis des Maiſtreſſes , donna lieu à quel
E iij
102 LE MERCVRE
ques Avantures galantes dont je vous entretiendray le Mois prochain. Je tâcheray de me trouver moy - meſme à l'at- taque de leur Fort , afin de vous en mander quelque cho- ſe de plus particulier , & je vous feray ſçavoir en meſme temps les Noms de ces Braves Fortunez, qui ſçaventde ſibon- ne heure conquérir des Places
& gagner des Cœurs.
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Résumé : Madame va voir prendre un Fort attaqué & defendu par Messieurs les Academistes de l'Academie de Bernardy. [titre d'après la table]
Le texte relate l'évolution de la formation des guerriers en France. Autrefois, les premiers combats servaient de tests pour évaluer l'adresse et la valeur des combattants. Aujourd'hui, les jeunes gentilshommes sont formés dans des académies, où ils acquièrent une expérience martiale telle qu'ils semblent vétérans dès leur arrivée à l'armée. Cette formation est supervisée par M. de Bernardy, dont les soins et l'exactitude contribuent aux succès des élèves. Il leur enseigne les exercices militaires ainsi qu'une noblesse d'attitude révélant leur naissance. Cette réputation attire des jeunes seigneurs de France et de royaumes étrangers. L'académie inclut des leçons sur l'attaque et la défense des places fortes. Un fort a été construit au bout du Palais du Luxembourg pour les exercices des académistes, qui se déroulent chaque samedi. Leur adresse a été remarquée par Madame, qui a assisté à une attaque du fort. Le Duc de Valentinois, fils du Prince de Monaco, a mené l'attaque avec vigueur, impressionnant Madame. Elle a félicité M. de Bernardy et exprimé son désir de revenir admirer les jeunes guerriers. La bonne mine et l'air relevé des académistes leur ont valu des maîtresses et des aventures galantes. L'auteur prévoit de se rendre à l'attaque du fort pour en rapporter des détails et les noms des braves fortunés.
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6
p. 209-251
Ce qui s'est passé en Allemagne depuis la Iournée de Kokberg, la Prise de Fribourg, la Défaite d'une Arriere garde des Ennemis, & la Prise de Valkrik. [titre d'après la table]
Début :
Apres la glorieuse Journée de Cokeberg, les Ennemis demeurerent si [...]
Mots clefs :
Ennemis, Fribourg, Journée de Cokeberg, Maréchal de Créquy, Quartiers d'Hiver, Troupes, Place, Montagne, Tranchée, Armée, Siège, Disposition, Français, Bataillons, Prise, Campagne, Ordres, Conduite
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé en Allemagne depuis la Iournée de Kokberg, la Prise de Fribourg, la Défaite d'une Arriere garde des Ennemis, & la Prise de Valkrik. [titre d'après la table]
Apres la glorieuſe Journée deCokeberg , les Ennemis de- meurerent fi conſternez , qu'ils ſe laifferent battre par diuers
Fvj
132 LE MERCVRE
Partis. Monfieur de Créquy fit donner ordre au Gouverneur
de la Petite - Pierre d'en envoyer par derriere l'Armée en- nemiequi en fut incommodée.
Il fit auſſi brûler les Fourages de tous les lieuxd'oùilsen pou- voient tirer,&les inquieta tel- lement , qu'apres les avoir ba- tus engros , on peutdire ( fi ce n'eſt point abuſer du terme)
qu'il les batit encore en détail.
Depuis ce temps - là , ils ne fçeurent plus ny ce quils fai- ſoient , ny ce qu'ils vouloient faire. Ils manquent de Foura- ges , en vont chercher à huit lieuës,& cesGensquidevoient tout prendre , craignent qu'on ne leur prenne Sarbrük. Ils s'é- loignent peu à peu de noſtre Armée. M' Jacquier tombe ma- lade , tout le monde fait des
GALANT. 133
r
vœuxpour luy ; mais les ordres font fi bien donnez , que les Noftres ne manquant de rien,
ne recoivent aucun préjudice de fa maladie. Monfieur de
Créquy prend le Fourage de quatre Villages des environs de Strasbourg. On luydéputepour luy enfaire des plaintes. Il ré- pond à ceux qui en font char- gez , qu'il faut qu'il ſe ferve de ce qui eſt à portée , qu'ils l'ont bien voulu, &qu'ilempefchera le,deſordre. Il envoye en effet.
ſes Gardes pour l'empefcher.. Les ennemis n'ontque du Bled
de Turquie &de la Paille;&
apres avoir efté chez eux ſe rafraichir &prendre du mon- de,des munitions &de l'argent,
ils viennent ſe ruiner de nouveau. Ils apprennent qu'on a
blâme à Vienne l'imprudence
:
3
134 LE MERCVRE qu'ils ont euë d'engager urr Combat à la Journée de Cокеberg contre la Maiſon du Roy,
celle de l'Empereur ( dont en cette Occafion les Cuiraffiers
faiſoient partie ) n'eſtant pasca- pable de luy refifter. Pendant qu'ils fongent à aller prendre leurs Quartiers d'Hyver , on réſout d'affieger Fribourg. On cache ce deſſein. Les meſures
font priſes àla Cour & à l'Ar- mée. Rien ne ſe découvre du
Secret , rien n'en échape. Les Ennemis croyent qu'on va a
Sarbruk,&on fait tout ce qu'il faut pour les entretenir dans cette penſée. Ils y envoyentdes Troupes. Onenfait avancerde Flandre pour les mieux trom- per. Admirez cette conduite.
Tout agit , tout marche , &
rien ne paroiſt. Avantqued'en-
GALANT. 135
Π
コ
trer dans les particularitez du Siege , il eſt aſſez à propos de vous faire connoiſtre l'impor- tance de la Place. Elle estoit autrefois la Capitale du Canton Catholique appellé le Canton deFribourg. Sa fituation eft en partie fur une Montagne , &
en partie fur le panchant de cette Montagne. La Riviere de Sana l'environne preſque en- tiere,&luy fertd'un large Foffé,
qui fait la ſeparation d'un grand Fauxbourg. Ce Fauxbourg a fes
Portes & ſes Murailles , & fe
joint à la Ville par trois grands Pontsquidonnent communica- tion de l'un à l'autre. C'eſt du
coſtéde la Riviere où Fribourg eſt au Midy ſur le panchant de la Montagne. La Montagne eſt de l'autre coſté avec des Rochers eſcarpez en façon de
136 LE MERCVRE
haute Muraille au bordde cette
meſme Riviere , en forte qu'il n'y a pointàcraindre qu'on les puiſſe eſcalader. La Ville eft
Ipatieuſe.C'eſtun Eveſché , &
la plus conſidérable des trois
Univerfitez des Terresde l'Empereur. On l'a fortifiée d'une
maniere qui f'auroit renduë im- prénable à d'autres qu'à des
François. Elle a deux foſſez où
ily a des retenuës d'eau , deux Murailles avec des Tours , &
une grande Redoute de pierre plus élevée que la Citadelle,
qui eſt de quatre Baſtions ſur la hauteur. Cette Place a eſté
jugée d'une telle conféquence,
que l'ordre eſtoit donné de le
ver le Siege de Philifbourg ,
plutoft que de la laiffer perdre ſi on l'euſt attaquéependant ce Siege. Je ne vous feray point
GALAN T. 137
e
|
un long Détail de ceux à qui
elle a appartenu,je vous diray ſeulement qu'elle est preſente- ment à l'Empereur,& qu'on ne peutl'entendre nommerſans ſe ſouvenir des grands & prodi- gieux Exploits qu'a faits autre- foisMonfieur le Prince en Allemagne , lors qu'il n'eſtoit en- cor que Duc d'Enguien. La priſe de cette place eſtoit d'au- tantplus importante pour nous,
qu'eſtant dans le Pays de l'Em- pereur , il ne sçauroit avancer ſur les Terres qui nous appar- tiennent , qu'on en faſſe auffi- toſt demeſme fur celles quiſont,
à luy. Joignez à cela que Fri- bourg eſtant fort grand , ony
peut mettre ſept ou huit mille hommes enGarniſon , dontune partie ſera toûjours preſte à la defendre , tandis que l'autre
138 LE MERCVRE s'étendra dans le Païs. Depe- tites Places pareilles à Phi- lifbourg ne font pas ſi avanta- geuſes. Ce ne ſont que des For- tereſſes qui ne pouvant conte- mir un fi grand nombre de Troupes , ne peuvent faire de ſi grandes executions. D'ailleurs Fribourg affure Briſac que les Ennemis menacent depuis &
long-temps, &àl'avenir ils par- leront peut-eftre moins del'af- freger , que de reprendre ce qu'ils ont perdu. Cette Place ne nous met pas ſeulement en pouvoir de faire contribuer la Suabe ; mais elle nous donne
moyen d'entrer dans les Païs Hereditaires , & ofte à l'Empe- reurune partie confiderable de fes Revenus , eſtant certain que la pluſpart des Penfions qu'il donnoit à ſes Officiers eſtoient
GALANT. 139
|-
|-
afſignées ſur ce qu'il retiroit de Fribourg. Le Pays eft fort rem- ply de Nobleffe , & n'a gue- res de Païſans qui ne foient ri- ches. La Place n'eſt commandée par aucune Ville , & elfe commande à toutes celles des
environs. Sa priſe rompt les meſures des Ennemis , leur fait
quiter leurs Quartiers d'Hyver,
&les oblige àen chercher d'au- tres. Adjoûtez à ces avanta- ges , celuy de nous eſtre ren- dus maiſtres d'une Place où
font tous les Magaſins donton
auroit eu beſoin pour le Siege de Briſac. Cependant fi les dif- ficultez augmentent la gloire,
onpeut dire qu'il n'y a rien qui égale celle des François. Ils ne s'attachent jamais à des Entre- priſes faciles, &les Places qu'ils ont attaqué cette année ont
140 LE MERCVRE toûjours paſſe pour impréna- bles. Fribourg l'euſt efté ſans doute pour d'autres Ennemis
que pour eux ; & quoy qu'elle ne ſoit pas auſſi forte que Va- lenciénes, Cambray,& S.Omer,
mille difficultez en devoient
rendre la Priſe impoffible. C'eſt une Ville environnée de Dé- filez qui devoient empefcherde l'affieger, ſi les Impériaux n'euf- ſent pas manquéde prévoyan- ce; & toute Place dont on peut empeſcher le Siege, peut paffer pour imprenable. Sa ſcituation furle panchantde la Montagne,
pouvoit donner lieu de la mieux défendre. Elle avoit des Munitions deguerre &de bouche,
& un Commandant qui a toû- jours paſſé pour avoir de la conduite & du cœur. L'Hyver avoit commencé de puis long2
GALANT. 141 temps en ce Païs-là ; il y avoit plus de trois ſemaines qu'il ef- toit couvert de nége , & cepen- dant on réſout d'inveſtir Fribourg. On ne peut dire qu'on aitprévenules Ennemis , pour ſe mettre en campagne avant la Saiſon ; qu'ils n'avoient point de Troupes fur pied , &qu'on eſtoit éloigné d'eux. Le con- traire eft connude tout le monde , les Armées eſtoient pro- ches l'une de l'autre , & la leur
eſtoit forte quand on a formé ce deſſein. Mais dequoy ne vient-on point à bout , quand ce qu'on entreprend eſt bien digeré, & qu'on execute avec beaucoup devaleur &de conduite des Ordres envoyez avec de prudentes reflections ? M
le Mareſchal de Créquy apres avoir donné aux Ennemis la
142 LE MERCVRE jalouſie dont je vous ay deja parlé,fait courir le bruit dans ſon Camp , qu'il attend pour le quiter , que le Prince Charles aitdécampé. Cependant il part une heure apres , & fe rend à
Briſac avec unediligence incro- yable.Il avoit donné ordre qu'on fiſt un Pont de Bâteaux fur le
Rhin. Il fut achevé en douze
heures par les ordresde M. de Viſſac. Cet illuſtre General ayant veu que toutes les choſes qu'il avoit euſoin de faire pré- parereſtoienten état , ordonna
unDéchementde quinze mai- ſtres par Compagnie , & м. de Lançon LieutenantGeneraleut ordre de demeurer avec le reſte
de la Cavalerie dansdesQuar- tiersdepuis Scheleſtat juſques à
Briſac. Admirez la conduite de
Monfieur de Créquy. Il s'éloi-
GALANT. 143 gne des Ennemis ſans en éloi- gner ſes Troupes. Elles couvrent encorBrifac & Scheleſtat , & il
oſte aux Ennemis le moyen de faire aucune Entrepriſe pen- dant qu'il aſſiegera Fribourg ,
en casqu'ils ne veulent pas ten- ter de le ſecourir. Apres tant d'ordres auſſi judicieuſement que ſecretement donnez , M. le Baron de monclar part à dix heures du ſoir avec uneBrigade de Cavalerie , les Dragons de du Fay ,& cinq Bataillons que commandoit M. d'Aubijoux,
afin d'inveſtir Fribourg. Le reſte de l'Armée défila à la
pointe du jourſur deux Ponts ;
&d'abord queles autres Trou- pesordonnées pour cette Expe- dition eurent paffé , M. deCré- quyſe mità lateſte de la maiſon duRoy. Jevousaydéja marqué
:
144 LE MERCVRE
qu'il y avoitdes Défilez pour ar- river à Fribourg.M. le marefchal de Créquy fit couper beaucoup deBois qui les embaraſſerentde telle forte , que les Ennemis n'auroient pû les paſſer fans beaucoup de peine , & fans grande perte. Le voila devant Fribourg. Si ceux de la Place furent étonnez de voir qu'on les affiegeoit , les Affiegeans ne le furentpasmoins , de connoiſtre ledeſſeinqu'on avoitpris , le ſe- cret ayant eſté ſi bien gardé,
qu'ils n'avoient ſçeu juſques-là enquel lieu onles menoit.Quad cette Nouvelle fut publiée àla Cour , leGeneral major Harang (qui comme vous ſçavez avoit eſtéprisdans la Journée de Cox- berg) dit qu'il eſtoit impoſſible que le Siege fut veritable , à
moins que l'Armée de l'Empereur
GALANT. 145 reur ſon Maiſtre n'euſt eſté entierement défaite. Et quand il apprit qu'on ne s'eſtoit point ba- tu,il admira la merveilleuſe conduite duRoy, laprudence de ſes Miniſtres & l'ardeur infatigable de ſes Generaux. Toutes les
Troupes n'eſtant pas encor arri- vées,m. le mareſchal de Créquy viſita la Place , les Poſtes & les Paſſagesdes environs,avant que defaire la diſpoſition des Quar- tiers. Les Ennemis brûlerent un
deleurs Fauxbourgs ,&tirerent pluſieurs volées de Canon ſur lesTroupes les plus avancées.M.
d'Aubijoux ſe logea avec les cinq Bataillons dans le Faux- bourgbrûlédu coſté de la gorge de la montagne , où l'on reſolut defaire l'Attaque. Il pouſſa mef- meunLogement avec cinquan- teHommes , à quelques pas du Tome IX. G
146 LE MERCVRE Foffé. Les Ennemis firent un
affez grand feu. Il n'y eut que vingt Soldats tuez &bleffez, un Capitaine'd'Orleans tué , &un de Feuquieres bleſſé. Le lende- main le reſtedes Troupes eſtant arrivé , M. le marefchal diſpoſa les Quartiers dans l'ordre fui- vant,afin que les Troupes ne fouffriffent point.
DISPOSITION DES .
Quartiers de'lArmée devant
Fribourg le 10. Novembre.
M. deChoifeuil,
Monfieur de la reüillée,
M. de Hautefeüille ,
Eſtoient à Vendeling , avec les Brigades Dela Maiſon du Roy ,
- DeBulonde
Et dela Ferté
GALANT. 147 M. le marquisdeGenlis,
M. deRenty.
M. le Comte deRoye,
Et M. de Boquemar ,
Eſtoient à Lehen,avec les Brigades DeBeaupré,
DeVivans,
De Boiſdavid ,
Et de Vendofme.
M. le Baron de Monclar,
EtMile Marquisde Lambert,
Eſtoient à Betzenhuls , avec les
Brigades DeMoreüil ,
DeDugas,
• Et deJoſſau
८
M. le Comtede Maulevrier
Colbert,
EtM. le Comtede Broglio,
Gij
148 LE MERCVRE Eſtoient à Zering , avec les
Brigades
De S. Loup ,
De Bertillac ,
Et les Dragonsde Liſtenay Et de Teffé.
M. le Comtede Schomberg
eſtoit à Herdem
Brigades DeNovion ,
Etde Nefle.
T
avec les
La Brigade de M. d'Aubijoux eſtoit à Viter , Fauxbourg brûlé.
Les Dragons du Roy & de duFay , eſtoient à Neter ; Et la Brigade de la Valete , à Gun- terſtal & à Delhuts..
Apres cette diſpoſition , il
GALANT. 149
د
changea l'ordre qui avoit eſté donné pour l'ouverture de la Tranchée & voulut qu'on
l'ouvriſt de l'autre coſté de la
Ville , laiffant la Montagne à
gauche. Il fit conſerver le pre- mier Logement pour ſervir de fauffe Attaque. Le meſme jour M. le Comte de Schomberg emporta l'Epée à la main , deux Redoutes avancées fur la hauteur du Chaſteau. Il eſtoit à la
teſtede trois cens Hommes,foutenusdes Brigadesde Norman- die&de Nefle..
La Tranchée fut ouverte à
l'entréede la nuit. Les Officiers
Generaux estoient M'le Comte
de Maulevrier- Colbert , & M"
de laFeüillée &deBoiſdavid.M.
le Marquis de Harcour-Bévron commandoit deuxBataillons de
Picardie.Deux autres de ChamGiij
150 LE MERCVRE pagne prenoient les ordres d'un des principaux Officiers de ce Corps. Comme les François ſont intrepides & accoûtumez à
vaincre ,& qu'on vouloitvenir promptement à bout de cette Entrepriſe ,on ne ſuivit point la pratique ordinaire,qui eſt d'ou- vrir la Tranchée fort loin de la
Place.Elle futcommencée affez
prés ,&ontira une grande Li- gne paralelle à la portée duPi- ſtolet. Les Bateries qu'on avoit dreffées la nuit , tirerent à la pointe du jour. Elles ruinerent des Flancs & des Embraſures
par où les Ennemis pouvoient tirer. La Garde de la Cavalerie
eſtoit commandée par M. de Neuchelles LieutenantdesGardes du Corps. On perdit quel- ques Officiers fubalternes. M. Je ComtedeBuffay undesLieu-
GALANT.
151I
.
tenansGeneraux de l'Artillerie,
&M. deCulan Colonel de Picardie, furenttuez.
LesBataillonsde Normandie ,
Feuquieres , la Marine, &Vau- becour, releverent la Tranchée
la nuit du onze au douze. M.le
Marquis de Choiſeüil , M's les Comte de Broglio & d'Aubi- joux, eſtoient de jour. On pré- para toutes choſes pour ladef- cente du Foffe , & on ſe contenta de ſe loger ſur le bord,
parce qu'on le trouva large &
difficile à combler. On mit encor quelques Pieces enbaterie par les ſoins de M. le marquis de la Freſeliere. Elles furent
tres--bien ſervies, &Monfieur le
Mareſchal de Créquy paſſa la nuit àſon ordinaire , c'eſt àdire
dans la Tranchée. Comme le
clair de Lune eſtoitgrand, nous Gj
152 LE MERCVRE perdîmes quelques Gens cette nuit-là . M. de la Tillaye Lieute- nant Colonel du Regiment de
Normandie , Officier d'un merite fingulier , fut tue. M. d'Af- fonville Aydede CampdeM.de Créquy ,& M. de Roquefeüille Enſeigne de ſes Gardes, furent bleſſez. On fit une Bréche de
quarantepas par le haut , apres laquelle on ſomma le Gouver- neur , qui fier d'avoir appris fon Meſtier parmy les Troupes de France , répondit qu'un Hom.
me comme luy ne ſe rendoit pas au premier Affaut.
La Tranchée fut relevée la
nuitdu douzeau treize , par M. le Comte de Roye , M. de Boquemar , & м. le Chevalier de Novion , avec les Bataillons
d'Auvergne , de Bretagne , &
de Dampierre. On travailla à
GALANT 153
une nouvelte Sape &àune au- tre Baterie qui voyoit la Bréche àrevers ,&on élargit les Travaux.
د
Le treize au foir , les Officiers Generaux qui releverent la Tranchée , furent M" les maгquis deGenlis , de Renty , &de la Ferté avec les Bataillons
d'Orleans , de la Couronne , &
de la Freſeliere. Onavança fort par les Sapes , & l'on travailla à
une mine. Monfieurle Mareſchal
deCréquy alla luy-meſme re- connoiſtre la Breche , & refolut de tenter unLogementdef- fus , ayant reconnuque les En- nemis netravailloientpointder- riere. Des Gens détachez avec
des Travailleurs , deſcendirent
dans le foffé avecdes Echelles,
&monterent àla Brêche àqua- tre heures. Elle ne futdefenduë
G V
154 LE MERCVRE que parun grand feuque firent
les Affiegez des Maiſons qu'ils avoient percées. On la paffa malgré cet obſtacle. Ceux qui fe rencontrerent dans les Ruës
furent tuez. Onapprocha de la
Porte de la ſeconde Envelope..
Les Bataillons d'Orleans &dela
Freſeliere eurent ordre de M. de
Créquy d'entrer par la Bréche:
pour ſoûtenir les Gens déta- chez. M. le marquis de la Ferté &M. de Tracy ſe ſaiſirent des Poſtes avancez avec beaucoup d'intrépidité , & y mirent des Soldats. м. lе mаrquis de la Fer- té fut bleſſé en cette occafion..
M. le marquis de la Freſeliere le
fut auſſi le meſme jour , en don- nant ſes ordres avec ſon activité
ordinaire,pour faire avacer une Piece deCanon contre laPorte
qui ſe trouva bouchéede fumier..
Y
GALAN T. 135 La Tranchée fut relevée par les Regimens de Vendoſme ,la Ferté, Condé , & la Fére. Les
Officiers Generaux estoient M.
le Comte de Maulevrier , M.le
Marquis de Bouflairs , & M. le
Duc de Vendofme. M. de Cré-
-quy voulut preffer l'Attaque de laVille;&pour cet effet , pen- dant que le Canon batoit en
Brêche , il ordonna au Regi- mentde la Ferté qui avoit late-- ſte de ladroite,de faire un Logement fur le borddu Foffe , &
mefme la defcente; &à celuy deVendoſme , de faire la mer
mechoſeſurlagauche. Comme le terrain eftoit tout pavé , on ne pût aisémentremuer la ter re,&il falut porter avec ſoy-de-- quoy ſe loger. Il ne ſuffit pasd'e- ftre François pour oſer tenter unepareille Entrepriſe , il faut
Gvj
296 LE MERCVRE eſtre neſous le Regnede Loüis XIV. dont l'exemple n'inſpire que des prodiges. M. de Laubanie Major du Regiment de la Ferté,y futbleſſé d'unautre cofté . M. le Comte de Schomberg:
s'empara d'un Ouvragede terre
qui couvrait la Redoute depier- re dont le Chaſteau eft commandé,&un peu apres il ſe ren dit maiſtre de cette Redoute par le moyendedeux Pieces de Ca- non que les Anglois avoient guindées , dont ils furent bien récompenfez par M. le maref- chal de Créquy. Le premier coup de Canonemporta la teſte deceluy qui commandoit dans cette Redoute , dont la priſe avança fort celle de la Ville. On tenta deux Logemens pourfot- tenir celuy qu'on avoit fait au- pres du reveſtiſſement du Foffé,
GALANT. 157 Noftre General nevoulut pas les faire achever, parce qu'il fa loit alleràdécouvert, &effuyer le feu du Canon chargé àcar touches. C'eſtoit en plein jour ,
&cependant l'ardeurdesTrou- pes eſtoit fi grande, qu'on eut toutes les peines du monde à les
faire retirer. Le Bataillon de
Vendoſme firmerveille en cette
occafion. M. Limbaut, qui erreſt Lieutenant Colonel, yfut blef- fé. Il eſt impoſſible de faire voir plusd'intrépidité &plus de con- duite qu'en fit paroiſtre M. le Ducde Vendoſme ; le péril ne l'étonnoit point,il eſtoitpartout,
il animoit les Soldats , & l'on
peut direque ſon exemplefervit beaucoup. m.de Créquy fit tout diſpoſer pourl'Affaut.resEnne- mis l'appréhendérent , & bati- rent la Chamade, Ils envoyerent
158 LE MERCVRE un Oftage , & reçeurent en fa place M. de Courvaillon Lieute- nantColonel deCondé. LaNégotiation dura quelque temps.
On permit auxOfficiers d'aller voir laBréche. Le Gouverneur
demanda deux Pieces de Canon, on luy en accorda une , &
la ſeconde fut donnée en confidération duMarquis de Baden.
LesArticles ordinaires ayateſté dreſſez , les Ennemis livrerent
une Portede la Ville , &une du
Chaſteau.. Il n'eſtoit pas neuf heures du matin: La Garnifon
qui estoit encorde quatre cens Chevaux , & de dix-fept cens Hommesde pied , fortit àmidy,
&fut conduite àReinsfeldt. M. d'Oſſonville partit auſſitoſt par l'ordre de M. le Mareſchalde
Créquy, pour aller rendrecom-- pteauRoydu prompt ſuccésde
6
GALANT. 159 cetteſurprenante Entrepriſe.
Cette nouvelle Conqueſte vafourniraux beaux Eſpritsune ample matiere d'écrire.. Voicy ce qui me vientd'eſtre envoyé.
Lifez , Madame. Ces Vers ſont
dignes de celuy qui les a faits.
Vous avez déja veu de belles choſesde luy, & vous en con- viendrez , quand ilmefera per- misdevous le nommer..
SUR LA PRISE
DE FRIBOVRG
Ndit que tous les Rois font les
vives Images
De l'Estre indépendant qui reçoit nos hommages,
Etqu'un écoulement de la Divinité Eaitfur lefront des Rois briller saMa jesté..
rbo LE MERCVRE
Maissi jamais un Roy dans sa toute puissance Apûtflater ſon cœur de cette reſſem- blance,
C'est le Roy des François , ce premier des Mortels
Qui de nos vieux.Héros renverſe les
Antels,
Qui tientfousfes Lauriers leursPat mes étouffée ,
Decesfaux Demy Dieux détruit tous les trophées,
Etprépare une Histoire à la Posteri té
Qui nepeut espérer que l'incrédulité.. Lorsque LOVISparoiſtdans une paix.
profonde,
Son ame eft occupée à gouverner le Monde, ৮
Etlesſoinsaffidus de ſon plus doux re--
pos Guident les mouvemens de cent mille
Héros.
Ceuxqui vont ſousſon Nomde Victorreen Victoire ,
>
Brillansdeses rayons , &convertsdefar gloire,
GALANT. 161
Sonttoujours agiſſansfur la Terre &les Mers ..
Etcraignent le reposplus que tous les dangers.
Créquy , c'estoit affezd'avoir dans ta
Campagne Arrêtéles efforsdecesRoisd'allemagne,
Et d'avoirfait connoistre , à tant de Souverains ,
Celuy quevent leCielpourMaistre des Humains.
Chaque instant , chaque pas valoitune Conqueste;
Maisdetant de Lauriers tu veuxchargertaTeste ,
Que le Sortde laGuerre avec tous fes bazars
N'aitplus pourtoy de foudre ,&te gale aux Césars.
LeSiegede Fribourg , cette haute Entrepriſe Apeineestoit connu , quand on a ſçen
Sapriſe;
:১
Et ceux qui chez le Prince avoient quelques accés,
S'informent du deſſein ,ont appris le Succés.
162 LE MERCVRE
Vy,gloire des François , vy Héros magnanime ,
Seurde tout nostre amour ,de toutenoStre estime ;
Mais en vivantpour nous, connois ce
que tu vaux ,
Etmenagetes jours parmy tant detravaux ;
Nenous force jamais à regretter un Homme
Que Fabrice enviroit , s'il renaiſſoir dansRome
Et laiſſe profiterles Peuplesfans effroy Dessoins d'un grand Sujet ſousles Loix d'unGrandRoy
CeMadrigald'une Perſonne dequalité ſur le meſme fujer ,
merite bienque vous le voyiez.
Ovelques datsd'Allemagne braves que foient ,
lesSolEtceux quifont nourrisſous les armes d'Espagne ,
On nevoitqu'enEsté leurs plus vail lansGuerriers..
:
GALANT. 163 Danslabelle Saiſon tout lemonde mois- Sonne;
Loüisſeul en Hyver , au Printemps,
dans l'Automne ,
Surl' Empire,en tous lieux ,fçait cüeillir desLauriers.
C'eſt aſſurément quelque choſe de ſurprenant , que d'a- voir ajoûté Fribourg dans le commencementde l'Hyver, aux Conqueſtes qui avoient eſté fai- tes avant le Printemps. Si-toſt qu'il fut pris , M le Mareſchal deCréquy y fit tracer de nou- velles Fortifications. M. leMarquis de Lambert Mareſchal de
Camp y doit commander , &
M. de S.Juſt ſous luy. Il eſtoit Lieutenant de Roydans Philif- bourg. Il ade la conduite , &
fçait faire valoir les avantages quedonnent les Placesde cette importance.. M. de Créquy ne
164 LE MERCVRE
F
demeura pas longtemps dans celle- cy.La Victoire l'appellant ailleurs , ily mena la Maiſon du
Roy. M.le Marquis de Genlis ,
& M le Comte de Broglio eſtantdejour , ſe mirent à la te- ſte de l'Armée. M. le Marquis deVillars qui commandoit trois censHommes avancez, rencontra plufieurs Regimés deCava- lerie, if en batit l'Arrieregarde,
qu'il poursuivit longtemps avec la meſme vigueur &la meſme conduite qu'il adéja fait paroi ſtre plufieurs fois pendant cette Campagne , quoy qu'il foit dans une grande jeuneffe. Il fit plus de ſoixante Priſonniers , entre
leſquels eſtoient deux Capitai- nes , &ily eurenviron quaran te Dragons tuez. Nous euffions pouffé nos avantages plus loin-,
fanousn'eufſſions pointeſtédans
GALANT. 165 unegorge de Montagne où les Troupes avoient beaucoup de peine àpaſſer. Les Ennemis en eurent plus de temps pour fuir.
On prit en ſuite la Ville &le Chaſteau de Vvalkvik , qui ſe rendirent apres avoir eſté ſom- mez. Ony trouva unegrande quantité de toute forte de Pro- viſions. Cette Place eſt à deux
lieuës de Fribourg dans uneVal- léequi conduit en Suabe.
Je ne puis quiter l'Armée d'Allemagne , ſans vous dire que les demeflez du Prince Charles &de Monfieur le Duc
de Vendoſme dont je vous ay parlé , ne regardent que les in- tereſts du Roy & de l'Empe- reur. Ils conſervent une par- faite eſtime &une fort grande honneſteté l'un pour l'autre.
Monfieur de Vendoſme, com
166 LE MERCVRE
me un des plus proches &des plus illuftres Parens de la Ducheſſe de Lorraine , luy a toû- jours rendu ſes devoirs , & l'a viſitée ſouvent à Strasbourg. Si ces Princes s'y rencontroient ,
ils feroient comme nos Braves,
de l'une&de l'autre Armée qui apres s'eſtre régalez malgré la diverſitédu Party , ſe batent au fortir des Lieux où l'on obſerve
la Neutralité comme s'ils ne
s'eſtoient point connus auparavant. ر
Fvj
132 LE MERCVRE
Partis. Monfieur de Créquy fit donner ordre au Gouverneur
de la Petite - Pierre d'en envoyer par derriere l'Armée en- nemiequi en fut incommodée.
Il fit auſſi brûler les Fourages de tous les lieuxd'oùilsen pou- voient tirer,&les inquieta tel- lement , qu'apres les avoir ba- tus engros , on peutdire ( fi ce n'eſt point abuſer du terme)
qu'il les batit encore en détail.
Depuis ce temps - là , ils ne fçeurent plus ny ce quils fai- ſoient , ny ce qu'ils vouloient faire. Ils manquent de Foura- ges , en vont chercher à huit lieuës,& cesGensquidevoient tout prendre , craignent qu'on ne leur prenne Sarbrük. Ils s'é- loignent peu à peu de noſtre Armée. M' Jacquier tombe ma- lade , tout le monde fait des
GALANT. 133
r
vœuxpour luy ; mais les ordres font fi bien donnez , que les Noftres ne manquant de rien,
ne recoivent aucun préjudice de fa maladie. Monfieur de
Créquy prend le Fourage de quatre Villages des environs de Strasbourg. On luydéputepour luy enfaire des plaintes. Il ré- pond à ceux qui en font char- gez , qu'il faut qu'il ſe ferve de ce qui eſt à portée , qu'ils l'ont bien voulu, &qu'ilempefchera le,deſordre. Il envoye en effet.
ſes Gardes pour l'empefcher.. Les ennemis n'ontque du Bled
de Turquie &de la Paille;&
apres avoir efté chez eux ſe rafraichir &prendre du mon- de,des munitions &de l'argent,
ils viennent ſe ruiner de nouveau. Ils apprennent qu'on a
blâme à Vienne l'imprudence
:
3
134 LE MERCVRE qu'ils ont euë d'engager urr Combat à la Journée de Cокеberg contre la Maiſon du Roy,
celle de l'Empereur ( dont en cette Occafion les Cuiraffiers
faiſoient partie ) n'eſtant pasca- pable de luy refifter. Pendant qu'ils fongent à aller prendre leurs Quartiers d'Hyver , on réſout d'affieger Fribourg. On cache ce deſſein. Les meſures
font priſes àla Cour & à l'Ar- mée. Rien ne ſe découvre du
Secret , rien n'en échape. Les Ennemis croyent qu'on va a
Sarbruk,&on fait tout ce qu'il faut pour les entretenir dans cette penſée. Ils y envoyentdes Troupes. Onenfait avancerde Flandre pour les mieux trom- per. Admirez cette conduite.
Tout agit , tout marche , &
rien ne paroiſt. Avantqued'en-
GALANT. 135
Π
コ
trer dans les particularitez du Siege , il eſt aſſez à propos de vous faire connoiſtre l'impor- tance de la Place. Elle estoit autrefois la Capitale du Canton Catholique appellé le Canton deFribourg. Sa fituation eft en partie fur une Montagne , &
en partie fur le panchant de cette Montagne. La Riviere de Sana l'environne preſque en- tiere,&luy fertd'un large Foffé,
qui fait la ſeparation d'un grand Fauxbourg. Ce Fauxbourg a fes
Portes & ſes Murailles , & fe
joint à la Ville par trois grands Pontsquidonnent communica- tion de l'un à l'autre. C'eſt du
coſtéde la Riviere où Fribourg eſt au Midy ſur le panchant de la Montagne. La Montagne eſt de l'autre coſté avec des Rochers eſcarpez en façon de
136 LE MERCVRE
haute Muraille au bordde cette
meſme Riviere , en forte qu'il n'y a pointàcraindre qu'on les puiſſe eſcalader. La Ville eft
Ipatieuſe.C'eſtun Eveſché , &
la plus conſidérable des trois
Univerfitez des Terresde l'Empereur. On l'a fortifiée d'une
maniere qui f'auroit renduë im- prénable à d'autres qu'à des
François. Elle a deux foſſez où
ily a des retenuës d'eau , deux Murailles avec des Tours , &
une grande Redoute de pierre plus élevée que la Citadelle,
qui eſt de quatre Baſtions ſur la hauteur. Cette Place a eſté
jugée d'une telle conféquence,
que l'ordre eſtoit donné de le
ver le Siege de Philifbourg ,
plutoft que de la laiffer perdre ſi on l'euſt attaquéependant ce Siege. Je ne vous feray point
GALAN T. 137
e
|
un long Détail de ceux à qui
elle a appartenu,je vous diray ſeulement qu'elle est preſente- ment à l'Empereur,& qu'on ne peutl'entendre nommerſans ſe ſouvenir des grands & prodi- gieux Exploits qu'a faits autre- foisMonfieur le Prince en Allemagne , lors qu'il n'eſtoit en- cor que Duc d'Enguien. La priſe de cette place eſtoit d'au- tantplus importante pour nous,
qu'eſtant dans le Pays de l'Em- pereur , il ne sçauroit avancer ſur les Terres qui nous appar- tiennent , qu'on en faſſe auffi- toſt demeſme fur celles quiſont,
à luy. Joignez à cela que Fri- bourg eſtant fort grand , ony
peut mettre ſept ou huit mille hommes enGarniſon , dontune partie ſera toûjours preſte à la defendre , tandis que l'autre
138 LE MERCVRE s'étendra dans le Païs. Depe- tites Places pareilles à Phi- lifbourg ne font pas ſi avanta- geuſes. Ce ne ſont que des For- tereſſes qui ne pouvant conte- mir un fi grand nombre de Troupes , ne peuvent faire de ſi grandes executions. D'ailleurs Fribourg affure Briſac que les Ennemis menacent depuis &
long-temps, &àl'avenir ils par- leront peut-eftre moins del'af- freger , que de reprendre ce qu'ils ont perdu. Cette Place ne nous met pas ſeulement en pouvoir de faire contribuer la Suabe ; mais elle nous donne
moyen d'entrer dans les Païs Hereditaires , & ofte à l'Empe- reurune partie confiderable de fes Revenus , eſtant certain que la pluſpart des Penfions qu'il donnoit à ſes Officiers eſtoient
GALANT. 139
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afſignées ſur ce qu'il retiroit de Fribourg. Le Pays eft fort rem- ply de Nobleffe , & n'a gue- res de Païſans qui ne foient ri- ches. La Place n'eſt commandée par aucune Ville , & elfe commande à toutes celles des
environs. Sa priſe rompt les meſures des Ennemis , leur fait
quiter leurs Quartiers d'Hyver,
&les oblige àen chercher d'au- tres. Adjoûtez à ces avanta- ges , celuy de nous eſtre ren- dus maiſtres d'une Place où
font tous les Magaſins donton
auroit eu beſoin pour le Siege de Briſac. Cependant fi les dif- ficultez augmentent la gloire,
onpeut dire qu'il n'y a rien qui égale celle des François. Ils ne s'attachent jamais à des Entre- priſes faciles, &les Places qu'ils ont attaqué cette année ont
140 LE MERCVRE toûjours paſſe pour impréna- bles. Fribourg l'euſt efté ſans doute pour d'autres Ennemis
que pour eux ; & quoy qu'elle ne ſoit pas auſſi forte que Va- lenciénes, Cambray,& S.Omer,
mille difficultez en devoient
rendre la Priſe impoffible. C'eſt une Ville environnée de Dé- filez qui devoient empefcherde l'affieger, ſi les Impériaux n'euf- ſent pas manquéde prévoyan- ce; & toute Place dont on peut empeſcher le Siege, peut paffer pour imprenable. Sa ſcituation furle panchantde la Montagne,
pouvoit donner lieu de la mieux défendre. Elle avoit des Munitions deguerre &de bouche,
& un Commandant qui a toû- jours paſſé pour avoir de la conduite & du cœur. L'Hyver avoit commencé de puis long2
GALANT. 141 temps en ce Païs-là ; il y avoit plus de trois ſemaines qu'il ef- toit couvert de nége , & cepen- dant on réſout d'inveſtir Fribourg. On ne peut dire qu'on aitprévenules Ennemis , pour ſe mettre en campagne avant la Saiſon ; qu'ils n'avoient point de Troupes fur pied , &qu'on eſtoit éloigné d'eux. Le con- traire eft connude tout le monde , les Armées eſtoient pro- ches l'une de l'autre , & la leur
eſtoit forte quand on a formé ce deſſein. Mais dequoy ne vient-on point à bout , quand ce qu'on entreprend eſt bien digeré, & qu'on execute avec beaucoup devaleur &de conduite des Ordres envoyez avec de prudentes reflections ? M
le Mareſchal de Créquy apres avoir donné aux Ennemis la
142 LE MERCVRE jalouſie dont je vous ay deja parlé,fait courir le bruit dans ſon Camp , qu'il attend pour le quiter , que le Prince Charles aitdécampé. Cependant il part une heure apres , & fe rend à
Briſac avec unediligence incro- yable.Il avoit donné ordre qu'on fiſt un Pont de Bâteaux fur le
Rhin. Il fut achevé en douze
heures par les ordresde M. de Viſſac. Cet illuſtre General ayant veu que toutes les choſes qu'il avoit euſoin de faire pré- parereſtoienten état , ordonna
unDéchementde quinze mai- ſtres par Compagnie , & м. de Lançon LieutenantGeneraleut ordre de demeurer avec le reſte
de la Cavalerie dansdesQuar- tiersdepuis Scheleſtat juſques à
Briſac. Admirez la conduite de
Monfieur de Créquy. Il s'éloi-
GALANT. 143 gne des Ennemis ſans en éloi- gner ſes Troupes. Elles couvrent encorBrifac & Scheleſtat , & il
oſte aux Ennemis le moyen de faire aucune Entrepriſe pen- dant qu'il aſſiegera Fribourg ,
en casqu'ils ne veulent pas ten- ter de le ſecourir. Apres tant d'ordres auſſi judicieuſement que ſecretement donnez , M. le Baron de monclar part à dix heures du ſoir avec uneBrigade de Cavalerie , les Dragons de du Fay ,& cinq Bataillons que commandoit M. d'Aubijoux,
afin d'inveſtir Fribourg. Le reſte de l'Armée défila à la
pointe du jourſur deux Ponts ;
&d'abord queles autres Trou- pesordonnées pour cette Expe- dition eurent paffé , M. deCré- quyſe mità lateſte de la maiſon duRoy. Jevousaydéja marqué
:
144 LE MERCVRE
qu'il y avoitdes Défilez pour ar- river à Fribourg.M. le marefchal de Créquy fit couper beaucoup deBois qui les embaraſſerentde telle forte , que les Ennemis n'auroient pû les paſſer fans beaucoup de peine , & fans grande perte. Le voila devant Fribourg. Si ceux de la Place furent étonnez de voir qu'on les affiegeoit , les Affiegeans ne le furentpasmoins , de connoiſtre ledeſſeinqu'on avoitpris , le ſe- cret ayant eſté ſi bien gardé,
qu'ils n'avoient ſçeu juſques-là enquel lieu onles menoit.Quad cette Nouvelle fut publiée àla Cour , leGeneral major Harang (qui comme vous ſçavez avoit eſtéprisdans la Journée de Cox- berg) dit qu'il eſtoit impoſſible que le Siege fut veritable , à
moins que l'Armée de l'Empereur
GALANT. 145 reur ſon Maiſtre n'euſt eſté entierement défaite. Et quand il apprit qu'on ne s'eſtoit point ba- tu,il admira la merveilleuſe conduite duRoy, laprudence de ſes Miniſtres & l'ardeur infatigable de ſes Generaux. Toutes les
Troupes n'eſtant pas encor arri- vées,m. le mareſchal de Créquy viſita la Place , les Poſtes & les Paſſagesdes environs,avant que defaire la diſpoſition des Quar- tiers. Les Ennemis brûlerent un
deleurs Fauxbourgs ,&tirerent pluſieurs volées de Canon ſur lesTroupes les plus avancées.M.
d'Aubijoux ſe logea avec les cinq Bataillons dans le Faux- bourgbrûlédu coſté de la gorge de la montagne , où l'on reſolut defaire l'Attaque. Il pouſſa mef- meunLogement avec cinquan- teHommes , à quelques pas du Tome IX. G
146 LE MERCVRE Foffé. Les Ennemis firent un
affez grand feu. Il n'y eut que vingt Soldats tuez &bleffez, un Capitaine'd'Orleans tué , &un de Feuquieres bleſſé. Le lende- main le reſtedes Troupes eſtant arrivé , M. le marefchal diſpoſa les Quartiers dans l'ordre fui- vant,afin que les Troupes ne fouffriffent point.
DISPOSITION DES .
Quartiers de'lArmée devant
Fribourg le 10. Novembre.
M. deChoifeuil,
Monfieur de la reüillée,
M. de Hautefeüille ,
Eſtoient à Vendeling , avec les Brigades Dela Maiſon du Roy ,
- DeBulonde
Et dela Ferté
GALANT. 147 M. le marquisdeGenlis,
M. deRenty.
M. le Comte deRoye,
Et M. de Boquemar ,
Eſtoient à Lehen,avec les Brigades DeBeaupré,
DeVivans,
De Boiſdavid ,
Et de Vendofme.
M. le Baron de Monclar,
EtMile Marquisde Lambert,
Eſtoient à Betzenhuls , avec les
Brigades DeMoreüil ,
DeDugas,
• Et deJoſſau
८
M. le Comtede Maulevrier
Colbert,
EtM. le Comtede Broglio,
Gij
148 LE MERCVRE Eſtoient à Zering , avec les
Brigades
De S. Loup ,
De Bertillac ,
Et les Dragonsde Liſtenay Et de Teffé.
M. le Comtede Schomberg
eſtoit à Herdem
Brigades DeNovion ,
Etde Nefle.
T
avec les
La Brigade de M. d'Aubijoux eſtoit à Viter , Fauxbourg brûlé.
Les Dragons du Roy & de duFay , eſtoient à Neter ; Et la Brigade de la Valete , à Gun- terſtal & à Delhuts..
Apres cette diſpoſition , il
GALANT. 149
د
changea l'ordre qui avoit eſté donné pour l'ouverture de la Tranchée & voulut qu'on
l'ouvriſt de l'autre coſté de la
Ville , laiffant la Montagne à
gauche. Il fit conſerver le pre- mier Logement pour ſervir de fauffe Attaque. Le meſme jour M. le Comte de Schomberg emporta l'Epée à la main , deux Redoutes avancées fur la hauteur du Chaſteau. Il eſtoit à la
teſtede trois cens Hommes,foutenusdes Brigadesde Norman- die&de Nefle..
La Tranchée fut ouverte à
l'entréede la nuit. Les Officiers
Generaux estoient M'le Comte
de Maulevrier- Colbert , & M"
de laFeüillée &deBoiſdavid.M.
le Marquis de Harcour-Bévron commandoit deuxBataillons de
Picardie.Deux autres de ChamGiij
150 LE MERCVRE pagne prenoient les ordres d'un des principaux Officiers de ce Corps. Comme les François ſont intrepides & accoûtumez à
vaincre ,& qu'on vouloitvenir promptement à bout de cette Entrepriſe ,on ne ſuivit point la pratique ordinaire,qui eſt d'ou- vrir la Tranchée fort loin de la
Place.Elle futcommencée affez
prés ,&ontira une grande Li- gne paralelle à la portée duPi- ſtolet. Les Bateries qu'on avoit dreffées la nuit , tirerent à la pointe du jour. Elles ruinerent des Flancs & des Embraſures
par où les Ennemis pouvoient tirer. La Garde de la Cavalerie
eſtoit commandée par M. de Neuchelles LieutenantdesGardes du Corps. On perdit quel- ques Officiers fubalternes. M. Je ComtedeBuffay undesLieu-
GALANT.
151I
.
tenansGeneraux de l'Artillerie,
&M. deCulan Colonel de Picardie, furenttuez.
LesBataillonsde Normandie ,
Feuquieres , la Marine, &Vau- becour, releverent la Tranchée
la nuit du onze au douze. M.le
Marquis de Choiſeüil , M's les Comte de Broglio & d'Aubi- joux, eſtoient de jour. On pré- para toutes choſes pour ladef- cente du Foffe , & on ſe contenta de ſe loger ſur le bord,
parce qu'on le trouva large &
difficile à combler. On mit encor quelques Pieces enbaterie par les ſoins de M. le marquis de la Freſeliere. Elles furent
tres--bien ſervies, &Monfieur le
Mareſchal de Créquy paſſa la nuit àſon ordinaire , c'eſt àdire
dans la Tranchée. Comme le
clair de Lune eſtoitgrand, nous Gj
152 LE MERCVRE perdîmes quelques Gens cette nuit-là . M. de la Tillaye Lieute- nant Colonel du Regiment de
Normandie , Officier d'un merite fingulier , fut tue. M. d'Af- fonville Aydede CampdeM.de Créquy ,& M. de Roquefeüille Enſeigne de ſes Gardes, furent bleſſez. On fit une Bréche de
quarantepas par le haut , apres laquelle on ſomma le Gouver- neur , qui fier d'avoir appris fon Meſtier parmy les Troupes de France , répondit qu'un Hom.
me comme luy ne ſe rendoit pas au premier Affaut.
La Tranchée fut relevée la
nuitdu douzeau treize , par M. le Comte de Roye , M. de Boquemar , & м. le Chevalier de Novion , avec les Bataillons
d'Auvergne , de Bretagne , &
de Dampierre. On travailla à
GALANT 153
une nouvelte Sape &àune au- tre Baterie qui voyoit la Bréche àrevers ,&on élargit les Travaux.
د
Le treize au foir , les Officiers Generaux qui releverent la Tranchée , furent M" les maгquis deGenlis , de Renty , &de la Ferté avec les Bataillons
d'Orleans , de la Couronne , &
de la Freſeliere. Onavança fort par les Sapes , & l'on travailla à
une mine. Monfieurle Mareſchal
deCréquy alla luy-meſme re- connoiſtre la Breche , & refolut de tenter unLogementdef- fus , ayant reconnuque les En- nemis netravailloientpointder- riere. Des Gens détachez avec
des Travailleurs , deſcendirent
dans le foffé avecdes Echelles,
&monterent àla Brêche àqua- tre heures. Elle ne futdefenduë
G V
154 LE MERCVRE que parun grand feuque firent
les Affiegez des Maiſons qu'ils avoient percées. On la paffa malgré cet obſtacle. Ceux qui fe rencontrerent dans les Ruës
furent tuez. Onapprocha de la
Porte de la ſeconde Envelope..
Les Bataillons d'Orleans &dela
Freſeliere eurent ordre de M. de
Créquy d'entrer par la Bréche:
pour ſoûtenir les Gens déta- chez. M. le marquis de la Ferté &M. de Tracy ſe ſaiſirent des Poſtes avancez avec beaucoup d'intrépidité , & y mirent des Soldats. м. lе mаrquis de la Fer- té fut bleſſé en cette occafion..
M. le marquis de la Freſeliere le
fut auſſi le meſme jour , en don- nant ſes ordres avec ſon activité
ordinaire,pour faire avacer une Piece deCanon contre laPorte
qui ſe trouva bouchéede fumier..
Y
GALAN T. 135 La Tranchée fut relevée par les Regimens de Vendoſme ,la Ferté, Condé , & la Fére. Les
Officiers Generaux estoient M.
le Comte de Maulevrier , M.le
Marquis de Bouflairs , & M. le
Duc de Vendofme. M. de Cré-
-quy voulut preffer l'Attaque de laVille;&pour cet effet , pen- dant que le Canon batoit en
Brêche , il ordonna au Regi- mentde la Ferté qui avoit late-- ſte de ladroite,de faire un Logement fur le borddu Foffe , &
mefme la defcente; &à celuy deVendoſme , de faire la mer
mechoſeſurlagauche. Comme le terrain eftoit tout pavé , on ne pût aisémentremuer la ter re,&il falut porter avec ſoy-de-- quoy ſe loger. Il ne ſuffit pasd'e- ftre François pour oſer tenter unepareille Entrepriſe , il faut
Gvj
296 LE MERCVRE eſtre neſous le Regnede Loüis XIV. dont l'exemple n'inſpire que des prodiges. M. de Laubanie Major du Regiment de la Ferté,y futbleſſé d'unautre cofté . M. le Comte de Schomberg:
s'empara d'un Ouvragede terre
qui couvrait la Redoute depier- re dont le Chaſteau eft commandé,&un peu apres il ſe ren dit maiſtre de cette Redoute par le moyendedeux Pieces de Ca- non que les Anglois avoient guindées , dont ils furent bien récompenfez par M. le maref- chal de Créquy. Le premier coup de Canonemporta la teſte deceluy qui commandoit dans cette Redoute , dont la priſe avança fort celle de la Ville. On tenta deux Logemens pourfot- tenir celuy qu'on avoit fait au- pres du reveſtiſſement du Foffé,
GALANT. 157 Noftre General nevoulut pas les faire achever, parce qu'il fa loit alleràdécouvert, &effuyer le feu du Canon chargé àcar touches. C'eſtoit en plein jour ,
&cependant l'ardeurdesTrou- pes eſtoit fi grande, qu'on eut toutes les peines du monde à les
faire retirer. Le Bataillon de
Vendoſme firmerveille en cette
occafion. M. Limbaut, qui erreſt Lieutenant Colonel, yfut blef- fé. Il eſt impoſſible de faire voir plusd'intrépidité &plus de con- duite qu'en fit paroiſtre M. le Ducde Vendoſme ; le péril ne l'étonnoit point,il eſtoitpartout,
il animoit les Soldats , & l'on
peut direque ſon exemplefervit beaucoup. m.de Créquy fit tout diſpoſer pourl'Affaut.resEnne- mis l'appréhendérent , & bati- rent la Chamade, Ils envoyerent
158 LE MERCVRE un Oftage , & reçeurent en fa place M. de Courvaillon Lieute- nantColonel deCondé. LaNégotiation dura quelque temps.
On permit auxOfficiers d'aller voir laBréche. Le Gouverneur
demanda deux Pieces de Canon, on luy en accorda une , &
la ſeconde fut donnée en confidération duMarquis de Baden.
LesArticles ordinaires ayateſté dreſſez , les Ennemis livrerent
une Portede la Ville , &une du
Chaſteau.. Il n'eſtoit pas neuf heures du matin: La Garnifon
qui estoit encorde quatre cens Chevaux , & de dix-fept cens Hommesde pied , fortit àmidy,
&fut conduite àReinsfeldt. M. d'Oſſonville partit auſſitoſt par l'ordre de M. le Mareſchalde
Créquy, pour aller rendrecom-- pteauRoydu prompt ſuccésde
6
GALANT. 159 cetteſurprenante Entrepriſe.
Cette nouvelle Conqueſte vafourniraux beaux Eſpritsune ample matiere d'écrire.. Voicy ce qui me vientd'eſtre envoyé.
Lifez , Madame. Ces Vers ſont
dignes de celuy qui les a faits.
Vous avez déja veu de belles choſesde luy, & vous en con- viendrez , quand ilmefera per- misdevous le nommer..
SUR LA PRISE
DE FRIBOVRG
Ndit que tous les Rois font les
vives Images
De l'Estre indépendant qui reçoit nos hommages,
Etqu'un écoulement de la Divinité Eaitfur lefront des Rois briller saMa jesté..
rbo LE MERCVRE
Maissi jamais un Roy dans sa toute puissance Apûtflater ſon cœur de cette reſſem- blance,
C'est le Roy des François , ce premier des Mortels
Qui de nos vieux.Héros renverſe les
Antels,
Qui tientfousfes Lauriers leursPat mes étouffée ,
Decesfaux Demy Dieux détruit tous les trophées,
Etprépare une Histoire à la Posteri té
Qui nepeut espérer que l'incrédulité.. Lorsque LOVISparoiſtdans une paix.
profonde,
Son ame eft occupée à gouverner le Monde, ৮
Etlesſoinsaffidus de ſon plus doux re--
pos Guident les mouvemens de cent mille
Héros.
Ceuxqui vont ſousſon Nomde Victorreen Victoire ,
>
Brillansdeses rayons , &convertsdefar gloire,
GALANT. 161
Sonttoujours agiſſansfur la Terre &les Mers ..
Etcraignent le reposplus que tous les dangers.
Créquy , c'estoit affezd'avoir dans ta
Campagne Arrêtéles efforsdecesRoisd'allemagne,
Et d'avoirfait connoistre , à tant de Souverains ,
Celuy quevent leCielpourMaistre des Humains.
Chaque instant , chaque pas valoitune Conqueste;
Maisdetant de Lauriers tu veuxchargertaTeste ,
Que le Sortde laGuerre avec tous fes bazars
N'aitplus pourtoy de foudre ,&te gale aux Césars.
LeSiegede Fribourg , cette haute Entrepriſe Apeineestoit connu , quand on a ſçen
Sapriſe;
:১
Et ceux qui chez le Prince avoient quelques accés,
S'informent du deſſein ,ont appris le Succés.
162 LE MERCVRE
Vy,gloire des François , vy Héros magnanime ,
Seurde tout nostre amour ,de toutenoStre estime ;
Mais en vivantpour nous, connois ce
que tu vaux ,
Etmenagetes jours parmy tant detravaux ;
Nenous force jamais à regretter un Homme
Que Fabrice enviroit , s'il renaiſſoir dansRome
Et laiſſe profiterles Peuplesfans effroy Dessoins d'un grand Sujet ſousles Loix d'unGrandRoy
CeMadrigald'une Perſonne dequalité ſur le meſme fujer ,
merite bienque vous le voyiez.
Ovelques datsd'Allemagne braves que foient ,
lesSolEtceux quifont nourrisſous les armes d'Espagne ,
On nevoitqu'enEsté leurs plus vail lansGuerriers..
:
GALANT. 163 Danslabelle Saiſon tout lemonde mois- Sonne;
Loüisſeul en Hyver , au Printemps,
dans l'Automne ,
Surl' Empire,en tous lieux ,fçait cüeillir desLauriers.
C'eſt aſſurément quelque choſe de ſurprenant , que d'a- voir ajoûté Fribourg dans le commencementde l'Hyver, aux Conqueſtes qui avoient eſté fai- tes avant le Printemps. Si-toſt qu'il fut pris , M le Mareſchal deCréquy y fit tracer de nou- velles Fortifications. M. leMarquis de Lambert Mareſchal de
Camp y doit commander , &
M. de S.Juſt ſous luy. Il eſtoit Lieutenant de Roydans Philif- bourg. Il ade la conduite , &
fçait faire valoir les avantages quedonnent les Placesde cette importance.. M. de Créquy ne
164 LE MERCVRE
F
demeura pas longtemps dans celle- cy.La Victoire l'appellant ailleurs , ily mena la Maiſon du
Roy. M.le Marquis de Genlis ,
& M le Comte de Broglio eſtantdejour , ſe mirent à la te- ſte de l'Armée. M. le Marquis deVillars qui commandoit trois censHommes avancez, rencontra plufieurs Regimés deCava- lerie, if en batit l'Arrieregarde,
qu'il poursuivit longtemps avec la meſme vigueur &la meſme conduite qu'il adéja fait paroi ſtre plufieurs fois pendant cette Campagne , quoy qu'il foit dans une grande jeuneffe. Il fit plus de ſoixante Priſonniers , entre
leſquels eſtoient deux Capitai- nes , &ily eurenviron quaran te Dragons tuez. Nous euffions pouffé nos avantages plus loin-,
fanousn'eufſſions pointeſtédans
GALANT. 165 unegorge de Montagne où les Troupes avoient beaucoup de peine àpaſſer. Les Ennemis en eurent plus de temps pour fuir.
On prit en ſuite la Ville &le Chaſteau de Vvalkvik , qui ſe rendirent apres avoir eſté ſom- mez. Ony trouva unegrande quantité de toute forte de Pro- viſions. Cette Place eſt à deux
lieuës de Fribourg dans uneVal- léequi conduit en Suabe.
Je ne puis quiter l'Armée d'Allemagne , ſans vous dire que les demeflez du Prince Charles &de Monfieur le Duc
de Vendoſme dont je vous ay parlé , ne regardent que les in- tereſts du Roy & de l'Empe- reur. Ils conſervent une par- faite eſtime &une fort grande honneſteté l'un pour l'autre.
Monfieur de Vendoſme, com
166 LE MERCVRE
me un des plus proches &des plus illuftres Parens de la Ducheſſe de Lorraine , luy a toû- jours rendu ſes devoirs , & l'a viſitée ſouvent à Strasbourg. Si ces Princes s'y rencontroient ,
ils feroient comme nos Braves,
de l'une&de l'autre Armée qui apres s'eſtre régalez malgré la diverſitédu Party , ſe batent au fortir des Lieux où l'on obſerve
la Neutralité comme s'ils ne
s'eſtoient point connus auparavant. ر
Fermer
Résumé : Ce qui s'est passé en Allemagne depuis la Iournée de Kokberg, la Prise de Fribourg, la Défaite d'une Arriere garde des Ennemis, & la Prise de Valkrik. [titre d'après la table]
Après la victoire de la Journée de Cokeburg, les ennemis furent désorganisés et harcelés par divers partis. Monsieur de Créquy ordonna au gouverneur de la Petite-Pierre d'envoyer des troupes derrière l'armée ennemie, perturbant ainsi leurs mouvements. Il fit également brûler les fourrages des lieux d'où les ennemis pouvaient se ravitailler, les forçant à chercher des ressources à huit lieues de distance. Les ennemis craignaient la prise de Sarbrük et s'éloignèrent progressivement de l'armée française. Malgré la maladie de Monsieur Jacquier, les ordres furent bien exécutés, assurant que les troupes françaises ne manquèrent de rien. Monsieur de Créquy prit le fourrage de quatre villages près de Strasbourg, justifiant cette action par la nécessité de se servir de ce qui était à portée. Les ennemis, après s'être ravitaillés, furent de nouveau en difficulté. Ils apprirent que leur imprudence à engager un combat à Cokeburg avait été blâmée à Vienne. Pendant qu'ils songeaient à prendre leurs quartiers d'hiver, il fut décidé d'assiéger Fribourg, une place importante située en partie sur une montagne et entourée par la rivière de Sana. Fribourg était la capitale du canton catholique de Fribourg, un évêché et l'une des universités les plus considérables des terres de l'Empereur. Sa prise était cruciale pour empêcher l'Empereur d'avancer sur les terres françaises et pour assurer la défense de Brisac. Les Français, connus pour leurs entreprises difficiles, résolurent d'investir Fribourg malgré les défenses et les munitions de la place. Monsieur de Créquy, après avoir perturbé les ennemis, partit pour Brisac avec diligence, ordonnant la préparation d'un pont de bateaux sur le Rhin. Il investit Fribourg avec une brigade de cavalerie et des dragons, malgré les défiles qui entravaient l'accès. Les ennemis, surpris, brûlèrent un de leurs faubourgs et tirèrent plusieurs volées de canon. Monsieur de Créquy disposa les quartiers des troupes pour éviter les souffrances et ouvrit la tranchée malgré les difficultés. Les Français, intrepides et accoutumés à vaincre, commencèrent la tranchée près de la place pour agir promptement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 276-305
Siege & Prise de S. Guilain. [titre d'après la table]
Début :
A peine eut-on apporté la nouvelle de Friboug rendu, [...]
Mots clefs :
Gardes, Attaque, Place, Ennemis, Troupes, Régiment, Canon, Maréchal d'Humières, Allemagne, Siège, Mr de S. Pouange, Tranchée, Navarre, Ville, Bataillon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Siege & Prise de S. Guilain. [titre d'après la table]
A peine eut-on apporté la nouvelle de Fribourg rendu ,
qu'elle fit méditer une autre Conqueſte. M. de S. Poüange partit en poſte de la Cour pour porter les ordres du Roy , faire préparer toutes chofes , &pref.
ſer l'execution de cequ'on avoit réſolu. Son ardeur pour le fer- vice de Sa Majesté eſt connuë,
& le zele qu'il fit voir pour la gloire de ſes armes à la Bataille de Caffel , fut fi grand , qu'il chargea luy-meſme les Enne- mis l'Epée à la main , quoy que fon Employl'en duſt diſpenſer.
Son départ fit faire de grands raiſonnemens , mais perſonne n'en devina le veritable ſujet,
&pluſieurs meſme crûment qu'il eſtoit envoyé en Allemagne.
Peu de jours apres nosTroupes deFlandre firent quelquesmou
190 LE MERCVRE
vemens. Elles inquiéterent les Ennemis , qui furent bientoft perfuadez qu'on alloit affieger Ypres , & c'eſtoit ce que l'on vouloit qu'ils crûffent. Cepen- dant S. Guilain ſe trouva inveſty , & le Gouverneur ne l'apprit qu'en le voyant. Le nombre des Troupes augmenta
en peude temps, & il y eut de- vant cette Place juſques à cent Eſcadrons , & quarante Bataillons qui ne demandoient qu'à combatre , & qui avoient meſme témoigné ſouhaiter qu'on fiſt un Siege , parce qu'ils commençoient à s'ennuyer dans leurs Garnifſons. Comme ils
avoient eſté tirez des Places des
environs , on nomma pour Of- ficiers Generaux les Gouverneurs de ces meſmes Places , à
cauſe de la facilité que chacun
GALAN T. 191
d'eux pouvoit avoirà faire venir defonGouvernementtoutes les
choſes neceſſaires pendant le Siege ; auſſi n'y manqua-t-on de rien. Toutes les Troupes fu- rent auſſi -bien nourries,& auffi
bien chaufées , qu'elles auroient pû l'eſtre dans leurs Quartiers d'Hyver , & on ne peut trop donner de loüanges aux Gou- verneurs pour les foins qu'ils ont eu de leur faire fournir tout
ce que la mauvaiſe Saifon de- mandoit qu'on leur donnaſt au delà de ce qu'elles avoient ac- coûtumé d'avoir dans le temps ordinaire de la Campagne.
Vous ne devez point vous éton- ner apres cela , Madame , fi on s'eſt rendu Maiſtre de S. Guilain, quoyque ce ſoit une Place qu'on n'euſt jamais crû de voir eſtre aſſiegée dans l'Hyver à
192 LE MERCVRE
cauſe des eaux qui l'environ- nent. C'eſt ce qui ne paroiſſoit pas vray - ſemblable ; mais les François prennent fans mena- cer ,au lieu que les Ennemis
menacent &ne viennent àbout
de rien ; &il eſt ſi vray que nos entrepriſes réüſſiſſent toûjours,
&mefme en fort peu de temps,
que je ne vous écris jamais le Siege d'une Place , que dans la
meſme Lettre je ne vous en marque la priſe ; mais il faut que je vous avoue queje man- que d'expreſſions pour parler,
comme il faudroit de la merveilleuſe conduite de la France.
Tous les termes ſont épuiſez ,
toutes les loüanges ſont uſées,
& cependant les reſſorts qui
font tout mouvoir , ne le font
pas : Au contraire , nous les
voyons tous les jours agir avec plus
GALANT. 193
plus de force , &cette derniere
Conqueſte en eſt une preuve.
Pour vous en informer plus par- ticulierement , il faut vous dire
que S. Guilain eſt une petite Ville du Hainault,à laquelle un Abbéqui vivoitvers leſeptieme Siecle , a donné ſon nom. Elle n'eſt qu'à une bonne lieuë de
Mons , ſur la Riviere de Haine.
Meſſieurs de Turenne & de la
Ferté , la prirent en 1635. en meſme temps que Condé, apres qu'on ſe fut rendu maiſtre de Landrecies. L'année ſuivante,
le Siege de Valenciennes eſtant levé , & Condé repris par les Eſpagnols, elle fut afſiegée pen- dant que M. de Turenne eſtoit devant laCapelle ; mais comme cette derniere Place reſiſta peu,
M. de Turenne eut le temps d'aller traverſer les Ennemis à
Tome X. I
194 LE MERCVRE
S. Guilain. Ils leverent le Siege fans l'attendre , & l'ayant for- médenouveau au mois de Mars
de l'année 1657. ils en vinrent à
bout parla trahiſon de quelques Etrangers qui leur livrerent les Dehors qu'ils gardoient.Quand à ce qui regarde la force de la Place , elle est environnée de
Marais. La Riviere de Haine
qui paſſe au milieu , ſe ſepare en trois bras dans la Ville, & fe
rejoint en deux pour en fortir.
Elle eſt defenduë par trois Fof- ſez pleins d'eau , par un Ou- vrage appellé le Pâté , qui eſt une eſpece de Boulevart , par
un autre Ouvrage à corne, une Demy-Lune , & pluſieurs Re- doutes , dont quelques - unes font entourées d'eau. Il me
reſte à vous apprendre les noms detous les Officiers Generaux
GALANT. 195
qui ont eu la conduite de ce Siege ſous M. le Mareſchal de
Humieres. Les Lieutenans Generaux furent M. de Nancre
Gouverneur d'Ath , & M. le
Comte Bardi - Magaloti , Gou- verneur de Valenciennes. On
choiſit pour Mareſchaux de Camp M. de Pertuis Gouverneur de Courtray , M. du Ran- ché Gouverneur du Queſnoy,
M.de SainfandouxGouverneur
de Tournay, m.le Chevalier de Tilladet , м. le Baron de Quinсу , м. de Cezan Gouverneur deCambray, & M.de Rubantel Capitaine au Regiment des Gardes. Mrs de Vauban & du
mez, qui ont la meſme qualité,
furent commandez pour la con- duite des Travaux &de l'Artillerie , & l'on peut juger par lå que le ſuccésde ces deux choIij
196 LE MERCVRE
ſes eſtoit infaillible. Les Briga- diers qui ont ſervy à ce Siege ;
font M. d'Aubarede Meſtre de
Camp du Regiment des Vaif- ſeaux , M. de S. George Meſtre deCamp du Regiment du Roy,
M. le Chevalier de Souvray
Lieutenant Colonel de Navarre , & M. Chimene. M. de Momont y a fait les fonctions de Major General. Un Siege en- trepris apres de ſi juſtes meſu- res , & qui devoit eſtre pouffé par tant de Braves , ne pouvoit manquer de réüffir. C'eſt ce qui a fait dire à un bel Eſprit de Lile , en s'adreſſant aux Ennemis ,
Espagnols, Hollandois, courez à Saint
Guilain ,
Malgréles Elemensd'Humieres le va
prendre ,
Etl'onne croitpasquedemain
GALANT.: 197 LaPlacepuiſſe ſe défendre.
Dépeſchez, &venez au moins Voirdeplus prés une Victoire Que vous auriez peut - estre peine à
croire ,
:
ON
Si vous n'en eſtiez les Témoins.YOM
Ils ont ſuivy ce confeil , &fem- blent n'eſtre venus fort pres de S. Guilain que pour en appren- dre plûtoſt la priſe. Voicy par ordre ce qui s'eſt paſſé au Siege de cette Place.
J Monfieur le mareſchal de
Humieres partit de Lile le 30.
de Novembre , avec м. lе маг- quis de Humieres ſon Fils , &
M. le Baron de Quincy. Il eſtoit accompagné delept Eſca- drons de Cavalerie , & fuiuy de M. de Sainfandoux , avec les
Troupes qui venoient du coſté de la Lys. Il arriva le premier de Decembre devant S. GuilI iij
198 LE MERCVRE
lain , à la pointedujour. Mude Nancré, deMagaloti , leChe- valier de Tilladet , du Ranché,
&de S. Riche , s'y trouverent enmeſme temps, ſuivant les or- dres qui leur avoient eſté en- voyez le jour précedent. Ils conduiſoient la Cavalerie,& les
Dragons d'Ath , Condé , Va- lenciennes , Doüay , S. Amant,
Orchies , Marchiennes , Bou- chain , &du Queſnoy , le tour au nombre de cinquante Eſca- drons. Deux Pieces de Canon
arriverent le meſme jour , &fu- rent menées à un Moulin pro- che la Redoute de Baudours.
Deux cens Dragons des Regi- mens Dauphin & Fimarcon ,
avec cinquante Mouſquetaires de la Garniſon d'Ath , l'attaquerent à l'entrée de la nuit.
Elle estoit gardée par cinquante
GALANT. 199
Hommes , qui l'abandonnerent apres avoir tiré cinquante ou ſoixante coups. Nos Gens les pourſuivirent,&en prirent dixhuitouvingt.
La Circonvalation fut reglée le lendemain , & l'Infanterie
qui devoit faire le Siege arriva au Camp. On ordonna trois Attaques. La premiere fut celle des Gardes. Elle devoit empor- ter une grande Redoute envi- ronnée de Foffez remplis d'eau,
avant que d'aprocher du Corps de la Place. Il faloit en fuite
arracher des Paliſſades qui de- fendoient le Pâté. Il ne pouvoit eſtre pris qu'en paſſant par def- fus une Digue fort étroite , &
fur laquelle on ne pouvoit aller qu'un àun.
La ſeconde Attaque , appel- lée celle de Navarre, avoit deux
I iiij
200 LE MERCVRE
grandes Redoutes à prendre ,
avec de grands Foffez pleins
d'eau.
L'Attaque de Boſſu eſtoit la troiſieme , & il faloit qu'elle gagnaſt un Ouvrage à corne ,
&une Demy-Lune , avantque d'arriver au Corps de la Place.
Le 4. on ouvrit la Tranchée
à ces trois Attaques. Onavança beaucoup le travail , principale- mentà celles de M du Ranché
& de S. George. M. le Maref- chal deHumieres demeura juf- ques àune heure apres minuit à
les viſiter continuellement depuis la teſte juſques à la queuë.
Les deux premiers Bataillons
des Gardes , de Navarre , & un du Royal , monterent la Garde,
& furent relevez le lendemain
par autant de Bataillons des meſmes Corps. Les Ennemis ne
GALANT.
:
201
tirerent que trois coups de Mouſquet , & un de Canon.
Le noſtre leur répondit le 6. au matin avec une Baterie de fix
Pieces.
une
Le 7. apres midy , on prit à.
l'Attaque de Navarre ,
grande Redoute qui n'eſtoit qu'à quarante pasdu Pâté. Elle eſtoit gardée par trois cens Hommes , qui ſe défendirent avec beaucoup de vigueur,mais ce ne fut que pour augmenter la gloire de Monfieur le Comte de Soiffons , qui s'expoſa tout- à- fait à cette Attaque,où il alla l'Epée à la main. Son Lieute.- nant Colonel eut le bras caffé,
celuy du Regiment du Pleſſis y
fut tué , & M. d'Aubarede dangereuſement bleſſe d'un coup de Mouſquet à la teſte.
Le 8. au foir , M. de SainfanIv
202 LE MERCVRE
doux monta laTranchée àl'Attaque des Gardes , avec le Re- giment de Rouffillon ; Mrs de Cezan & de Villechauve , à
celle de Navarre , avec le Regiment de Humieres ; &M.du Ranché , avec M. de Chimene,
à celle de Boſſu, avec le Regi- ment de Conty. On s'établit pendant la nuit à celle de Na- varre, dans les Logemens qu'on avoit faits. A celle de Boffu,
on paſſa l'Avant-foſſé de l'Ou- vrage à corne , & l'on y fit un Logement ſur le glacis. On dreſſa la meſme nuit une Baterie
de fixPieces,qui tiradésle point du jour ; &l'on augmenta celle de Navarre juſques au nombre de neuf ; de maniere que ces deux Bateries qui voyoient le Pâte à revers , incommoderent
fort chacunedeſon coſté.
GALANT. 203 Le 9. apres midy , fur l'avis que M. le mareſchal de Humieres eut que les Ennemis s'a- vançoient , & qu'ils n'eſtoient qu'à trois petites lieuës de mons,
il alla choiſir un Camp pour al- ler audevantd'eux,&leur donner Bataille , s'ils oſoient combatre. Il refolut en ſuite l'Attaque generale des Dehors ; &
comme lesglaces ne ſe trouve- rent pas affez fortes pour porter lesGardes qui devoient inſulter le Pâté , ils paſſerent un à un avec leur intrepidité ordinaire,
fur la Digue qui conduit à cet Ouvrage ; puis ils ſe raffem- blerent pour donner tous en... femble à l heure de l'Attaque.
Elle commença à une heure apres minuit. Huit coups de Canon enfurent le ſignal.Tou- tes nos Troupes firent égale Ivj
104 LE MERCVRE ment bien ; il eſtoit neceffaire
qu'elles montraſſent de la vi- gueur pour forcer la reſiſtance
desEnnemis qui fut tres-grande dans tous les endroits qu'on at- taqua. On ne peut voir un plus grand feu de Grenades & de Mouſqueterie que celuy qu'ef- ſuyerent nos Gens pendanttrois heures. M. le Chevalier de Tilladet commandoit l'Attaque de
Navarre , & ſe rendit maiſtre
de tous les Ouvrages juſques à
la muraille de la Ville. Les
deux Bataillons de Bourgogne y eſtoientde garde , avec M. le Chevalier de Souvray , qui s'y eſt particulierement diftingué.
On y avoit auffi envoyé les Compagnies des Grenadiers de Humieres , Navarre , & Languedoc. L'Attaque des Gardes eut tout le ſuccès qu'on pou-
GALANT. 205 voit defirer. M. de Rubantel y
ſervoit de mareſchal de Camp,
&M. de S. Germain de la Breteche y commandoit trois cens Hommes détachez du Regiment des Gardes , avec leſquels
il chaſſa les Ennemis des Ouvrages qui regardent le Baſtion de Horn , juſques à l'Attaque
deNavarre, où il joignit le Re- giment de Bourgogne. Les deux Bataillons des Fuziliers ,
&un de Stoup , eſtoient de garde à l'Attaque de Boffu.
м. de Quincy mareſchal de
Camp , y commandoit , ayant ſous luy M. de Chimene Bri- gadier. Les Troupes de cette Attaque , avec les Grenadiers de la Reyne qui avoient à leur
teſte M. Paſſillon 1un de leurs,
Capitaines, ſe mirent dans l'eau glacée juſques à la ceinture ,
206 LE MERCVRE
& ayant paſſe l'Avant - Foffé de l'Ouvrage à corne , empor- terent cet Ouvrage avec une Demy- Lune. C'eſtoit tout ce qu'on leur avoit donné ordre d'attaquer. Trois cens Dra- gons commandez par M. de Fimarcon , firent une fauffe
Attaque à la Digue de Bo- dours. Ils prirent quatre-vingts fix Soldats , & deux Officiers.
M. de Sainfandoux voulut ſe
charger de cette Attaque, quoy
qu'il ne fuſt pas de jour. On auroit entré dans la Ville , ſi on avoit eu les choſes neceſſaires
pour en rompre la Porte , ou des Echelles pour monter.
Apres la priſe du Pâté , les TTroupes des deux autres Atta- ques ſe joignirent , & il en couſta aux Ennemis quatre Pie- ces de Canon qui estoient au
GALANT. 207 bout de leur Pont- Levis , & tiroient par des embraſures. Ces meſmes Troupes apres avoir fait des Retranchemens avec
desGabions , tournerent contre
la Porte de la Ville les quatre Pieces de Canon qu'elles ve- noient de gagner. Il y en avoit encor trois autres en état de
foudroyer les Affiegez; & tout eſtant preparé pour donner un Affaut general la nuit du dix au onze , le Gouverneur qui le ſçeut fit battre la Chamade à
deux heures apres midy. M. le Mareſchal ſe rendit à l'inſtant
meſme à la Thanchée , où il
trouva les Oftages qu'on luy amenoit. Il convint avec eux
qu'ils luy remettroient une des
Portes de la Ville , où il fit entrer auffi-toſt un Bataillon des
Gardes Françoiſes , & un des
208 LE MERCVRE
Gardes Suiſſes. La Garnison
de plus de mille Hommes for- tit le onzième au matin , avec
Armes &Bagages , &une Piece de Canon , pour aller à Bru- xelles , eſcortée par quatre- vingts Maiſtres des Troupesdu Royquidevoient revenir àAth.
Les Ennemis eſtoient arrivez
le 10. au ſoir à Mons , où ils
avoient fait tous les préparatifs.
neceſſaires pour le ſecours de la Place. Ils ne manquoient pas de Troupes , mais l'importance eſtant de choiſir un Chef, tous
ceux qui pouvoient en efperer le Commandement , avoient
long-temps conferé enſemble pour voir fur qui on trouvoit à
propos qu'on le fiſt tomber.
Monfieur le Mareſchal de
Humieres a paru infatigable pendant ce Siege ; on ne ſcau-
GALAN T. 209
roit exprimer ſa vigilance ; a
paffé les nuits entieres ou à la Tranchée, ou à visiter les Poſtes,
ou au Bioüac , & preſque tous les jours à cheval. Il ſembloit auffi que les Troupes fufſent animées par ſon exemple. La rigueur du temps n'a pû les re- froidir un moment , & on a
trouvé la meſme facilité à leur
faire faire toutes choſes qu'on auroit euëdans le Mois de Juin.
M. le Prince d'Iſenghien ayant eſté averty de ce Siege , prit auffi- toft la Poſte pour y aller joindre M. le marefchal deHu- mieres fon Beaupere , &donna des preuves de fon courage avec le marquis de ce nom fon Beau- frere. Comme l'impatience des François eft grande , fur tout quand il faut courir à la gloire,
des que M. le marquis de Na
210 LE MERCVRE
vailles eut appris qu'il y avoit une Place afſiegée , il s'y rendit auſſi-toſt en poſte , &fervit dés le ſoir meſme en qualité de Vo- lontaire. Il monta la Tranchée
avec le ſecond Bataillon des
Gardes ,&il continua à faire la
meſme choſe pendant tout le Siege. Ayant ſçeu que le ſoir qu'on devoit attaquer la Con- treſcarpe , le Regiment deNa- varre auroit le plus àfouffrir , il ſe mit à la teſte de ce Regiment;
où ſon intrépidité &ſa valeur ſe firent admirer. M. le Comte
de Tonnerre alla auſſi Volontaire à la Tranchée , & il y reçeut un coup de Mouſquet. M
leMarquis des Hiſſars quicommande le Regiment de Langue- doc, fit des choſes ſurprenantes
à la teſte de ce Regiment , qui s'eſt acquis beaucoup de repu
GALANT. 211 :
tation. Celuy du Pleffis ne s'eft pas moins fignalé , & s'il avoit eu desHaches pour rompre les Portesde laVille , il feroit entré
dedans comme nos Troupes firent à Valenciennes. M du
Poncer qui en eſtoit Lieute- nant Colonel , a eſté tué. M.
Deshoy Capitaine de ce Regi- ment , & M. Bienfait de Beaulieu,s'y ſont ſignalez. M.Cham- pagne premier Brigadier des Gardes de M. le Marefchal de
Humieres , s'eſt fort diſtingué pendant ce Siege , ainſi que M. Duparc Garde dans le mef- me Corps , & M. de Tangis qui en eſtoit forty pouragir enqua- lité d'Ingénieur. On ne peut douter qu'il n'y ait donné beau- coup de marques de courage ,
puis qu'il y fut bleſſé. M. de S. Germain de la Breteche le
212 LE MERCVRE
fut auffi à l'Attaque des Gar- des, & tomba du hautde la Digue , apres avoir receu deux bleffures. M. de Soify , Fils de M. le Preſident le Bailleul , fut
bleſſé dans la meſme occafion ;
tomba dans le Foffé , & paffa la nuit furla glace, parce qu'on ne le pût trouver que le lendemain. Mª de Seraucour & de
Chéviere Sous-Lieutenans aux
Gardes , & м. de Torcy Enſei- gne, ont eſté bleſſez , &м. Сі- gogne Lieutenant , tué. M. de Pierrebaſſe Ayde- major des Gardes, a eu la teſte emportée d'une voléede Canon.
rs
La nouvelle de la priſe de S. Guilain fut apportée auRoy par M. de la Taulade Ayde de Camp de M. le mareſchal de Humieres. M. le marquis de Louvois qui le preſenta , dit à
4
GALAN T. 213 Sa majeſté que les Ennemis publioient que les Anges Tu- telaires de la France luy fer- voient d'Eſpions dans le Ciel pour l'avertir des changemens du temps qui luy eſtoient pref- que toûjours favorable. Le Duc de Villa - Hermoſa eſtoit
à Haurec fort prés de la Place,
avec douze à treize mille Hommes, faiſant porter des Echelles pour paffer les Marais, & fe vantant qu'il attaqueroit les Lignes. Lors qu'il entendit que le Canontiroit fort peu, &puis qu'il ceſſoit entierement, il crût le Siege levé , & ayant détaché trois cens Chevaux pour pren- dre langue , ils en trouverent cinquante des Noftres envoyez pour le meſme deſſein. Celuy qui les commandoit ayant eſté pris pour avoir eu fon Cheval tué ſous luy , eut peine àdeſa
214 LE MERCVRE
bufer ce Duc, en l'aſſurant qu'il avoit veu entrerles Troupes de Sa majeſté dans la Place ; &
lors que les Affiegez batoient la Chamade , Monfieur le маreſchal de Humieres faifoit
monter ſa Cavalerie à cheval
pour aller vers les Ennemis dont
il venoit d'apprendre des nou- velles.
Le Roy a donné le Gouver- nement de S. Guilain à м. СаtinalCapitaine aux Gardes, qui a fait la Campagne paſſée en qualité de major des Gardes.
M. de Longpré Capitaine au Regimentde Picardie, en a eſté fait Lieutenant de Roy; & M. de l'Apparat Capitaine dans Piémont , en a eu la majorité.
Jamais Campagne ne fut plus glorieuſement finie. Cette der- niere Conqueſte adonné lieu àces Vers.
GALANT. 215 C'est àce coup qu'ilse faut rendre,
OFlandre ,
Puisque contre Loüis
Sontvains.
tous tes efforts
Saint Omer, Saint Guilain t'en donnant des exemples
Tres-amples,
Tunepeuxfaire mieux que d'imiter tes
Saints.
qu'elle fit méditer une autre Conqueſte. M. de S. Poüange partit en poſte de la Cour pour porter les ordres du Roy , faire préparer toutes chofes , &pref.
ſer l'execution de cequ'on avoit réſolu. Son ardeur pour le fer- vice de Sa Majesté eſt connuë,
& le zele qu'il fit voir pour la gloire de ſes armes à la Bataille de Caffel , fut fi grand , qu'il chargea luy-meſme les Enne- mis l'Epée à la main , quoy que fon Employl'en duſt diſpenſer.
Son départ fit faire de grands raiſonnemens , mais perſonne n'en devina le veritable ſujet,
&pluſieurs meſme crûment qu'il eſtoit envoyé en Allemagne.
Peu de jours apres nosTroupes deFlandre firent quelquesmou
190 LE MERCVRE
vemens. Elles inquiéterent les Ennemis , qui furent bientoft perfuadez qu'on alloit affieger Ypres , & c'eſtoit ce que l'on vouloit qu'ils crûffent. Cepen- dant S. Guilain ſe trouva inveſty , & le Gouverneur ne l'apprit qu'en le voyant. Le nombre des Troupes augmenta
en peude temps, & il y eut de- vant cette Place juſques à cent Eſcadrons , & quarante Bataillons qui ne demandoient qu'à combatre , & qui avoient meſme témoigné ſouhaiter qu'on fiſt un Siege , parce qu'ils commençoient à s'ennuyer dans leurs Garnifſons. Comme ils
avoient eſté tirez des Places des
environs , on nomma pour Of- ficiers Generaux les Gouverneurs de ces meſmes Places , à
cauſe de la facilité que chacun
GALAN T. 191
d'eux pouvoit avoirà faire venir defonGouvernementtoutes les
choſes neceſſaires pendant le Siege ; auſſi n'y manqua-t-on de rien. Toutes les Troupes fu- rent auſſi -bien nourries,& auffi
bien chaufées , qu'elles auroient pû l'eſtre dans leurs Quartiers d'Hyver , & on ne peut trop donner de loüanges aux Gou- verneurs pour les foins qu'ils ont eu de leur faire fournir tout
ce que la mauvaiſe Saifon de- mandoit qu'on leur donnaſt au delà de ce qu'elles avoient ac- coûtumé d'avoir dans le temps ordinaire de la Campagne.
Vous ne devez point vous éton- ner apres cela , Madame , fi on s'eſt rendu Maiſtre de S. Guilain, quoyque ce ſoit une Place qu'on n'euſt jamais crû de voir eſtre aſſiegée dans l'Hyver à
192 LE MERCVRE
cauſe des eaux qui l'environ- nent. C'eſt ce qui ne paroiſſoit pas vray - ſemblable ; mais les François prennent fans mena- cer ,au lieu que les Ennemis
menacent &ne viennent àbout
de rien ; &il eſt ſi vray que nos entrepriſes réüſſiſſent toûjours,
&mefme en fort peu de temps,
que je ne vous écris jamais le Siege d'une Place , que dans la
meſme Lettre je ne vous en marque la priſe ; mais il faut que je vous avoue queje man- que d'expreſſions pour parler,
comme il faudroit de la merveilleuſe conduite de la France.
Tous les termes ſont épuiſez ,
toutes les loüanges ſont uſées,
& cependant les reſſorts qui
font tout mouvoir , ne le font
pas : Au contraire , nous les
voyons tous les jours agir avec plus
GALANT. 193
plus de force , &cette derniere
Conqueſte en eſt une preuve.
Pour vous en informer plus par- ticulierement , il faut vous dire
que S. Guilain eſt une petite Ville du Hainault,à laquelle un Abbéqui vivoitvers leſeptieme Siecle , a donné ſon nom. Elle n'eſt qu'à une bonne lieuë de
Mons , ſur la Riviere de Haine.
Meſſieurs de Turenne & de la
Ferté , la prirent en 1635. en meſme temps que Condé, apres qu'on ſe fut rendu maiſtre de Landrecies. L'année ſuivante,
le Siege de Valenciennes eſtant levé , & Condé repris par les Eſpagnols, elle fut afſiegée pen- dant que M. de Turenne eſtoit devant laCapelle ; mais comme cette derniere Place reſiſta peu,
M. de Turenne eut le temps d'aller traverſer les Ennemis à
Tome X. I
194 LE MERCVRE
S. Guilain. Ils leverent le Siege fans l'attendre , & l'ayant for- médenouveau au mois de Mars
de l'année 1657. ils en vinrent à
bout parla trahiſon de quelques Etrangers qui leur livrerent les Dehors qu'ils gardoient.Quand à ce qui regarde la force de la Place , elle est environnée de
Marais. La Riviere de Haine
qui paſſe au milieu , ſe ſepare en trois bras dans la Ville, & fe
rejoint en deux pour en fortir.
Elle eſt defenduë par trois Fof- ſez pleins d'eau , par un Ou- vrage appellé le Pâté , qui eſt une eſpece de Boulevart , par
un autre Ouvrage à corne, une Demy-Lune , & pluſieurs Re- doutes , dont quelques - unes font entourées d'eau. Il me
reſte à vous apprendre les noms detous les Officiers Generaux
GALANT. 195
qui ont eu la conduite de ce Siege ſous M. le Mareſchal de
Humieres. Les Lieutenans Generaux furent M. de Nancre
Gouverneur d'Ath , & M. le
Comte Bardi - Magaloti , Gou- verneur de Valenciennes. On
choiſit pour Mareſchaux de Camp M. de Pertuis Gouverneur de Courtray , M. du Ran- ché Gouverneur du Queſnoy,
M.de SainfandouxGouverneur
de Tournay, m.le Chevalier de Tilladet , м. le Baron de Quinсу , м. de Cezan Gouverneur deCambray, & M.de Rubantel Capitaine au Regiment des Gardes. Mrs de Vauban & du
mez, qui ont la meſme qualité,
furent commandez pour la con- duite des Travaux &de l'Artillerie , & l'on peut juger par lå que le ſuccésde ces deux choIij
196 LE MERCVRE
ſes eſtoit infaillible. Les Briga- diers qui ont ſervy à ce Siege ;
font M. d'Aubarede Meſtre de
Camp du Regiment des Vaif- ſeaux , M. de S. George Meſtre deCamp du Regiment du Roy,
M. le Chevalier de Souvray
Lieutenant Colonel de Navarre , & M. Chimene. M. de Momont y a fait les fonctions de Major General. Un Siege en- trepris apres de ſi juſtes meſu- res , & qui devoit eſtre pouffé par tant de Braves , ne pouvoit manquer de réüffir. C'eſt ce qui a fait dire à un bel Eſprit de Lile , en s'adreſſant aux Ennemis ,
Espagnols, Hollandois, courez à Saint
Guilain ,
Malgréles Elemensd'Humieres le va
prendre ,
Etl'onne croitpasquedemain
GALANT.: 197 LaPlacepuiſſe ſe défendre.
Dépeſchez, &venez au moins Voirdeplus prés une Victoire Que vous auriez peut - estre peine à
croire ,
:
ON
Si vous n'en eſtiez les Témoins.YOM
Ils ont ſuivy ce confeil , &fem- blent n'eſtre venus fort pres de S. Guilain que pour en appren- dre plûtoſt la priſe. Voicy par ordre ce qui s'eſt paſſé au Siege de cette Place.
J Monfieur le mareſchal de
Humieres partit de Lile le 30.
de Novembre , avec м. lе маг- quis de Humieres ſon Fils , &
M. le Baron de Quincy. Il eſtoit accompagné delept Eſca- drons de Cavalerie , & fuiuy de M. de Sainfandoux , avec les
Troupes qui venoient du coſté de la Lys. Il arriva le premier de Decembre devant S. GuilI iij
198 LE MERCVRE
lain , à la pointedujour. Mude Nancré, deMagaloti , leChe- valier de Tilladet , du Ranché,
&de S. Riche , s'y trouverent enmeſme temps, ſuivant les or- dres qui leur avoient eſté en- voyez le jour précedent. Ils conduiſoient la Cavalerie,& les
Dragons d'Ath , Condé , Va- lenciennes , Doüay , S. Amant,
Orchies , Marchiennes , Bou- chain , &du Queſnoy , le tour au nombre de cinquante Eſca- drons. Deux Pieces de Canon
arriverent le meſme jour , &fu- rent menées à un Moulin pro- che la Redoute de Baudours.
Deux cens Dragons des Regi- mens Dauphin & Fimarcon ,
avec cinquante Mouſquetaires de la Garniſon d'Ath , l'attaquerent à l'entrée de la nuit.
Elle estoit gardée par cinquante
GALANT. 199
Hommes , qui l'abandonnerent apres avoir tiré cinquante ou ſoixante coups. Nos Gens les pourſuivirent,&en prirent dixhuitouvingt.
La Circonvalation fut reglée le lendemain , & l'Infanterie
qui devoit faire le Siege arriva au Camp. On ordonna trois Attaques. La premiere fut celle des Gardes. Elle devoit empor- ter une grande Redoute envi- ronnée de Foffez remplis d'eau,
avant que d'aprocher du Corps de la Place. Il faloit en fuite
arracher des Paliſſades qui de- fendoient le Pâté. Il ne pouvoit eſtre pris qu'en paſſant par def- fus une Digue fort étroite , &
fur laquelle on ne pouvoit aller qu'un àun.
La ſeconde Attaque , appel- lée celle de Navarre, avoit deux
I iiij
200 LE MERCVRE
grandes Redoutes à prendre ,
avec de grands Foffez pleins
d'eau.
L'Attaque de Boſſu eſtoit la troiſieme , & il faloit qu'elle gagnaſt un Ouvrage à corne ,
&une Demy-Lune , avantque d'arriver au Corps de la Place.
Le 4. on ouvrit la Tranchée
à ces trois Attaques. Onavança beaucoup le travail , principale- mentà celles de M du Ranché
& de S. George. M. le Maref- chal deHumieres demeura juf- ques àune heure apres minuit à
les viſiter continuellement depuis la teſte juſques à la queuë.
Les deux premiers Bataillons
des Gardes , de Navarre , & un du Royal , monterent la Garde,
& furent relevez le lendemain
par autant de Bataillons des meſmes Corps. Les Ennemis ne
GALANT.
:
201
tirerent que trois coups de Mouſquet , & un de Canon.
Le noſtre leur répondit le 6. au matin avec une Baterie de fix
Pieces.
une
Le 7. apres midy , on prit à.
l'Attaque de Navarre ,
grande Redoute qui n'eſtoit qu'à quarante pasdu Pâté. Elle eſtoit gardée par trois cens Hommes , qui ſe défendirent avec beaucoup de vigueur,mais ce ne fut que pour augmenter la gloire de Monfieur le Comte de Soiffons , qui s'expoſa tout- à- fait à cette Attaque,où il alla l'Epée à la main. Son Lieute.- nant Colonel eut le bras caffé,
celuy du Regiment du Pleſſis y
fut tué , & M. d'Aubarede dangereuſement bleſſe d'un coup de Mouſquet à la teſte.
Le 8. au foir , M. de SainfanIv
202 LE MERCVRE
doux monta laTranchée àl'Attaque des Gardes , avec le Re- giment de Rouffillon ; Mrs de Cezan & de Villechauve , à
celle de Navarre , avec le Regiment de Humieres ; &M.du Ranché , avec M. de Chimene,
à celle de Boſſu, avec le Regi- ment de Conty. On s'établit pendant la nuit à celle de Na- varre, dans les Logemens qu'on avoit faits. A celle de Boffu,
on paſſa l'Avant-foſſé de l'Ou- vrage à corne , & l'on y fit un Logement ſur le glacis. On dreſſa la meſme nuit une Baterie
de fixPieces,qui tiradésle point du jour ; &l'on augmenta celle de Navarre juſques au nombre de neuf ; de maniere que ces deux Bateries qui voyoient le Pâte à revers , incommoderent
fort chacunedeſon coſté.
GALANT. 203 Le 9. apres midy , fur l'avis que M. le mareſchal de Humieres eut que les Ennemis s'a- vançoient , & qu'ils n'eſtoient qu'à trois petites lieuës de mons,
il alla choiſir un Camp pour al- ler audevantd'eux,&leur donner Bataille , s'ils oſoient combatre. Il refolut en ſuite l'Attaque generale des Dehors ; &
comme lesglaces ne ſe trouve- rent pas affez fortes pour porter lesGardes qui devoient inſulter le Pâté , ils paſſerent un à un avec leur intrepidité ordinaire,
fur la Digue qui conduit à cet Ouvrage ; puis ils ſe raffem- blerent pour donner tous en... femble à l heure de l'Attaque.
Elle commença à une heure apres minuit. Huit coups de Canon enfurent le ſignal.Tou- tes nos Troupes firent égale Ivj
104 LE MERCVRE ment bien ; il eſtoit neceffaire
qu'elles montraſſent de la vi- gueur pour forcer la reſiſtance
desEnnemis qui fut tres-grande dans tous les endroits qu'on at- taqua. On ne peut voir un plus grand feu de Grenades & de Mouſqueterie que celuy qu'ef- ſuyerent nos Gens pendanttrois heures. M. le Chevalier de Tilladet commandoit l'Attaque de
Navarre , & ſe rendit maiſtre
de tous les Ouvrages juſques à
la muraille de la Ville. Les
deux Bataillons de Bourgogne y eſtoientde garde , avec M. le Chevalier de Souvray , qui s'y eſt particulierement diftingué.
On y avoit auffi envoyé les Compagnies des Grenadiers de Humieres , Navarre , & Languedoc. L'Attaque des Gardes eut tout le ſuccès qu'on pou-
GALANT. 205 voit defirer. M. de Rubantel y
ſervoit de mareſchal de Camp,
&M. de S. Germain de la Breteche y commandoit trois cens Hommes détachez du Regiment des Gardes , avec leſquels
il chaſſa les Ennemis des Ouvrages qui regardent le Baſtion de Horn , juſques à l'Attaque
deNavarre, où il joignit le Re- giment de Bourgogne. Les deux Bataillons des Fuziliers ,
&un de Stoup , eſtoient de garde à l'Attaque de Boffu.
м. de Quincy mareſchal de
Camp , y commandoit , ayant ſous luy M. de Chimene Bri- gadier. Les Troupes de cette Attaque , avec les Grenadiers de la Reyne qui avoient à leur
teſte M. Paſſillon 1un de leurs,
Capitaines, ſe mirent dans l'eau glacée juſques à la ceinture ,
206 LE MERCVRE
& ayant paſſe l'Avant - Foffé de l'Ouvrage à corne , empor- terent cet Ouvrage avec une Demy- Lune. C'eſtoit tout ce qu'on leur avoit donné ordre d'attaquer. Trois cens Dra- gons commandez par M. de Fimarcon , firent une fauffe
Attaque à la Digue de Bo- dours. Ils prirent quatre-vingts fix Soldats , & deux Officiers.
M. de Sainfandoux voulut ſe
charger de cette Attaque, quoy
qu'il ne fuſt pas de jour. On auroit entré dans la Ville , ſi on avoit eu les choſes neceſſaires
pour en rompre la Porte , ou des Echelles pour monter.
Apres la priſe du Pâté , les TTroupes des deux autres Atta- ques ſe joignirent , & il en couſta aux Ennemis quatre Pie- ces de Canon qui estoient au
GALANT. 207 bout de leur Pont- Levis , & tiroient par des embraſures. Ces meſmes Troupes apres avoir fait des Retranchemens avec
desGabions , tournerent contre
la Porte de la Ville les quatre Pieces de Canon qu'elles ve- noient de gagner. Il y en avoit encor trois autres en état de
foudroyer les Affiegez; & tout eſtant preparé pour donner un Affaut general la nuit du dix au onze , le Gouverneur qui le ſçeut fit battre la Chamade à
deux heures apres midy. M. le Mareſchal ſe rendit à l'inſtant
meſme à la Thanchée , où il
trouva les Oftages qu'on luy amenoit. Il convint avec eux
qu'ils luy remettroient une des
Portes de la Ville , où il fit entrer auffi-toſt un Bataillon des
Gardes Françoiſes , & un des
208 LE MERCVRE
Gardes Suiſſes. La Garnison
de plus de mille Hommes for- tit le onzième au matin , avec
Armes &Bagages , &une Piece de Canon , pour aller à Bru- xelles , eſcortée par quatre- vingts Maiſtres des Troupesdu Royquidevoient revenir àAth.
Les Ennemis eſtoient arrivez
le 10. au ſoir à Mons , où ils
avoient fait tous les préparatifs.
neceſſaires pour le ſecours de la Place. Ils ne manquoient pas de Troupes , mais l'importance eſtant de choiſir un Chef, tous
ceux qui pouvoient en efperer le Commandement , avoient
long-temps conferé enſemble pour voir fur qui on trouvoit à
propos qu'on le fiſt tomber.
Monfieur le Mareſchal de
Humieres a paru infatigable pendant ce Siege ; on ne ſcau-
GALAN T. 209
roit exprimer ſa vigilance ; a
paffé les nuits entieres ou à la Tranchée, ou à visiter les Poſtes,
ou au Bioüac , & preſque tous les jours à cheval. Il ſembloit auffi que les Troupes fufſent animées par ſon exemple. La rigueur du temps n'a pû les re- froidir un moment , & on a
trouvé la meſme facilité à leur
faire faire toutes choſes qu'on auroit euëdans le Mois de Juin.
M. le Prince d'Iſenghien ayant eſté averty de ce Siege , prit auffi- toft la Poſte pour y aller joindre M. le marefchal deHu- mieres fon Beaupere , &donna des preuves de fon courage avec le marquis de ce nom fon Beau- frere. Comme l'impatience des François eft grande , fur tout quand il faut courir à la gloire,
des que M. le marquis de Na
210 LE MERCVRE
vailles eut appris qu'il y avoit une Place afſiegée , il s'y rendit auſſi-toſt en poſte , &fervit dés le ſoir meſme en qualité de Vo- lontaire. Il monta la Tranchée
avec le ſecond Bataillon des
Gardes ,&il continua à faire la
meſme choſe pendant tout le Siege. Ayant ſçeu que le ſoir qu'on devoit attaquer la Con- treſcarpe , le Regiment deNa- varre auroit le plus àfouffrir , il ſe mit à la teſte de ce Regiment;
où ſon intrépidité &ſa valeur ſe firent admirer. M. le Comte
de Tonnerre alla auſſi Volontaire à la Tranchée , & il y reçeut un coup de Mouſquet. M
leMarquis des Hiſſars quicommande le Regiment de Langue- doc, fit des choſes ſurprenantes
à la teſte de ce Regiment , qui s'eſt acquis beaucoup de repu
GALANT. 211 :
tation. Celuy du Pleffis ne s'eft pas moins fignalé , & s'il avoit eu desHaches pour rompre les Portesde laVille , il feroit entré
dedans comme nos Troupes firent à Valenciennes. M du
Poncer qui en eſtoit Lieute- nant Colonel , a eſté tué. M.
Deshoy Capitaine de ce Regi- ment , & M. Bienfait de Beaulieu,s'y ſont ſignalez. M.Cham- pagne premier Brigadier des Gardes de M. le Marefchal de
Humieres , s'eſt fort diſtingué pendant ce Siege , ainſi que M. Duparc Garde dans le mef- me Corps , & M. de Tangis qui en eſtoit forty pouragir enqua- lité d'Ingénieur. On ne peut douter qu'il n'y ait donné beau- coup de marques de courage ,
puis qu'il y fut bleſſé. M. de S. Germain de la Breteche le
212 LE MERCVRE
fut auffi à l'Attaque des Gar- des, & tomba du hautde la Digue , apres avoir receu deux bleffures. M. de Soify , Fils de M. le Preſident le Bailleul , fut
bleſſé dans la meſme occafion ;
tomba dans le Foffé , & paffa la nuit furla glace, parce qu'on ne le pût trouver que le lendemain. Mª de Seraucour & de
Chéviere Sous-Lieutenans aux
Gardes , & м. de Torcy Enſei- gne, ont eſté bleſſez , &м. Сі- gogne Lieutenant , tué. M. de Pierrebaſſe Ayde- major des Gardes, a eu la teſte emportée d'une voléede Canon.
rs
La nouvelle de la priſe de S. Guilain fut apportée auRoy par M. de la Taulade Ayde de Camp de M. le mareſchal de Humieres. M. le marquis de Louvois qui le preſenta , dit à
4
GALAN T. 213 Sa majeſté que les Ennemis publioient que les Anges Tu- telaires de la France luy fer- voient d'Eſpions dans le Ciel pour l'avertir des changemens du temps qui luy eſtoient pref- que toûjours favorable. Le Duc de Villa - Hermoſa eſtoit
à Haurec fort prés de la Place,
avec douze à treize mille Hommes, faiſant porter des Echelles pour paffer les Marais, & fe vantant qu'il attaqueroit les Lignes. Lors qu'il entendit que le Canontiroit fort peu, &puis qu'il ceſſoit entierement, il crût le Siege levé , & ayant détaché trois cens Chevaux pour pren- dre langue , ils en trouverent cinquante des Noftres envoyez pour le meſme deſſein. Celuy qui les commandoit ayant eſté pris pour avoir eu fon Cheval tué ſous luy , eut peine àdeſa
214 LE MERCVRE
bufer ce Duc, en l'aſſurant qu'il avoit veu entrerles Troupes de Sa majeſté dans la Place ; &
lors que les Affiegez batoient la Chamade , Monfieur le маreſchal de Humieres faifoit
monter ſa Cavalerie à cheval
pour aller vers les Ennemis dont
il venoit d'apprendre des nou- velles.
Le Roy a donné le Gouver- nement de S. Guilain à м. СаtinalCapitaine aux Gardes, qui a fait la Campagne paſſée en qualité de major des Gardes.
M. de Longpré Capitaine au Regimentde Picardie, en a eſté fait Lieutenant de Roy; & M. de l'Apparat Capitaine dans Piémont , en a eu la majorité.
Jamais Campagne ne fut plus glorieuſement finie. Cette der- niere Conqueſte adonné lieu àces Vers.
GALANT. 215 C'est àce coup qu'ilse faut rendre,
OFlandre ,
Puisque contre Loüis
Sontvains.
tous tes efforts
Saint Omer, Saint Guilain t'en donnant des exemples
Tres-amples,
Tunepeuxfaire mieux que d'imiter tes
Saints.
Fermer
Résumé : Siege & Prise de S. Guilain. [titre d'après la table]
Après la reddition de Fribourg, des préparatifs furent entrepris pour une nouvelle conquête. Monsieur de Saint-Poüange fut envoyé exécuter les ordres du roi, suscitant des spéculations sur sa destination. Les troupes en Flandre effectuèrent des mouvements pour inquiéter les ennemis, qui crurent qu'Ypres serait assiégée. Cependant, Saint-Guilain fut investi, et le gouverneur ne l'apprit qu'en voyant les troupes françaises. Le nombre de troupes augmenta rapidement, avec cent escadrons et quarante bataillons prêts à combattre. Les gouverneurs des places environnantes furent nommés officiers généraux pour faciliter l'approvisionnement. Malgré les conditions hivernales défavorables, les Français prirent Saint-Guilain, une petite ville du Hainault près de Mons, sur la rivière de Haine. La place était protégée par des marais et des ouvrages défensifs. Le siège fut dirigé par le maréchal d'Humières, avec plusieurs lieutenants généraux et maréchaux de camp. Les troupes furent bien nourries et chauffées, grâce aux efforts des gouverneurs. Le siège débuta le 30 novembre, avec des attaques sur plusieurs redoutes et ouvrages défensifs. Les Français prirent la redoute de Navarre le 7 décembre, malgré une résistance acharnée. L'attaque générale eut lieu dans la nuit du 9 au 10 décembre, avec un succès complet. Les troupes françaises forcèrent les défenses ennemies, prenant plusieurs ouvrages et entrant dans la ville. Le gouverneur demanda une trêve, et la place se rendit le 11 décembre. Le 11 avril, le maréchal de Humieres se rendit à la tranchée et convint avec des otages de la remise d'une des portes de la ville, permettant l'entrée d'un bataillon des Gardes Françaises et des Gardes Suisses. La garnison, forte de plus de mille hommes, quitta la ville au matin avec armes, bagages et une pièce de canon, escortée par quatre-vingts maîtres des troupes du roi revenant d'Ath. Les ennemis, prêts à secourir la place, hésitaient sur le choix d'un chef. Le maréchal de Humieres montra une vigilance infatigable durant le siège, passant les nuits à la tranchée ou à visiter les postes. Le prince d'Isenghien et le marquis de Navailles rejoignirent le maréchal, démontrant leur courage. Plusieurs officiers se distinguèrent par leur bravoure. Plusieurs blessés furent recensés, dont M. de Tangis, ingénieur, et M. de Pierrebasse, aide-major des Gardes. La nouvelle de la prise de Saint-Guilain fut apportée au roi par M. de la Taulade. Le duc de Villa-Hermosa, près de la place avec douze à treize mille hommes, crut le siège levé lorsqu'il entendit que le canon cessait. Le roi nomma M. Catinal gouverneur de Saint-Guilain, M. de Longpré lieutenant du roi, et M. de l'Apparat major. La campagne se conclut glorieusement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 17-29
LETTRE DE MR LE MARQUIS DE L... A MR LE COMTE DE... LIEUTENANT DE ROY A...
Début :
Ayant à vous donner des nouvelles de l'Attaque du Fort, /Sans une maladie qui m'a fait garder le Lit plus de cinq semaines, [...]
Mots clefs :
Place, Marquis, Académie, Comte, Attaque, Assiégeants, Épée, Noblesse, Grenades, Prince de Soubise, Travaux, Monsieur Bernardi, Gentilhommes, Fort
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE DE MR LE MARQUIS DE L... A MR LE COMTE DE... LIEUTENANT DE ROY A...
Ayant à vous donner des nouvelles
de l'Attaque du Fort , qui
a efté faite par les Gentilshommes
de l'Académie de monfienr
Bernardi , je ne puis fatisfaire
mieux vôtre curiofité, qu'en vous
envoyant la Lettre qui fuit.
18 MERCURE
LETTRE
DE ME LE MARQUIS
DE L …….
A M LE COMTE DE ...
LIEVTENANT DE ROY A...
Sav
Ans une maladie qui m'a fait
garder le Lit plus de cinq femaines
, je n'aurois pas tant diferé
àvous rendre comte de ce que vous
m'avez demandé par voftre obligeante
Lettre , touchant l'état de
l'Académie de Monfieur Bernardi,
Neveu de l'illuftre Bernardi que
vous aimiez tant , & à vous faire
le détail de tout ce que j'ay ou an'
Fort que les Gentilshommes de cette
· Académie renouvellent tous les ans
GALANT. ) 19
Pour n'oublier rien de ce que vous
defire fçavoir , j'ay efté plufieurs
fois dans cette Maifon , remarquer
jufques à la moindre chofe , & je
puis vous affurer , Monfieur , que
toute la Nobleffe ne sçauroit affe
reconnoistre l'aplication avec laquelle
les Chefs de l'Académie travaillent
, pour leur donner une éducation
digne de leur naiffance ; &
que Monfieur Bernardi d'à preſent
n'a pas moins hérité des biens defeu
fon Oncle , que de fes beaux talens
dans ce noble Employ . Vous connoiffelle
mérite de Monfieur de Chateauneuf.
C'est le méme qui pendant
vingt-cinq ans a tenu avec
feu Monfieur Bernardi , la plus belle
& la plus, nombreuſe Académie de
l'Europe , avec tant d'ordre , & une
fi belle difcipline , qu'ils ont toujours
eu un applaudiffement univerfel.
Les chofes dans cette Maifon font
20 MERCURE
toujoursfur le mefme pied ; je n'y ay
rien trouvé de changé. L'Equipage
que vousy avez vû , a esté de tout
temps des plus confidérables de
Paris ; mais j'ay efté temoin de l'augmentation
que l'on y a faite depuis
peu de jours d'un grand nombre
de tres- bons chevaux de l'Académie
de Monfieur Coulon , ce qui
rend auiourd'huy cet Equipage plus
beau que iamais , & fans contredit
le meilleur qu'on ait encore vû dans
Aucune Académie . Ainsi , Monfieur,
vous ne devez point balancer à envoyer
Meffieurs vos Enfans profiter
des avantages que l'on a dans celle-
cy, où l'on prend unfoin tout par.
ticulier des moeurs & de la conduite
ieunes Seigneurs. Outre ce bon
ordre pour toutes chofes , la Difci
pline Militaire y eft obfervée par
› faitement dans les Attaques du
Fort dont vous avez entenduparler
do
GALANT.
"
21
& c'est encore un avantage qu'on
ne trouve que dans cette feule Maifon
, Comme vous m'en avez dé
mandé le détail , ie vous diray tout
ce qui s'y eft paffé cette année , n'en
ayant pas perdu un feul iour l'occafion
, afin de vous en pouvoir mieux
informer. l'ay vi toute cette belle
Nobleffe marcher dans les Ruës de
Paris avec un ordre admirable
I'en ay compté plus de foixante &
dix , tous le Moufquetfur l'épaule
parmy lefquels il y en avoit defi
jeunes , qu'àpeine avoient . ils laforce
de le porter. Les deux Commandans
eftoient à la Tefte. Ce font
d'ordinaire les deux Doyens de l'Académie,
Les Tambours & les Hautbois
fuivoient cette belle Troupe.
Quand on fut au Rendez vous ,
l'on commença l'Attaque du Fort
parunefurprife. Le Prince de Muf
feran , Doyen de l'Academie , qui
2.2 MERCURE
eftoit le General de cette petite Armée
, alla reconnoiftre la Place infques
à la Paliffade , & détacha
enfuite le Prince de Soubife & le
Marquis de Sourches , foutenus par
le Comte de Morftein ,, les Marquis
de Bourry , de Lomaria , de Busy,
d'offac , de Sainte Croix , de Galle,
& plufieurs autres , avec ordre de
dreffer des Echelles aux deux côte
de la Porte , pour abatffer le Pont- .
levis , & enfoncer cette Porte avec
un petard. Un autre Détachements
qui avoit à la Tefte le Marquis de
Maridor fuivy du Marquis de
Chabanes , les Comtes de Maldegben
, de Vandeuvre , de Mefgrigny
, de la Roque , de Coffe, Forbeffe,
& autres , defcendit dans le Feffé,
pour efcalader la Place . Le Gros
des Troupes , où étoient les Marquis
de Prélat , & d'Amon , le Comte
de Leoncron , le Baron du Chastel,
GALANT.
23
les Marquis de Moilie , Linard
Gauville , Boyer , Robien , & plufieurs
autres Seigneurs Etrangers
dont ie n'ay puretenir les noms , fuivoit
pour foutenir ces deux Attaques.
Les uns & les autres s'aquitérent
de leur devoir en braves
Gens. Le Pont ayant efté abaiffe,
fans que la Sentinelle s'en fuft apperçuë
, on appliqua le Petard à la
Porte fi à propos , qu'elle fut enfoncée
, mais ceux du Corps de Garde
étant accouru au bruit , eurent affez
de temps pour abatre la Herfe , &
arréterent tout court la vigueur de
ceux qui fe préfentoient l'Epée à
la main pour paffer par la Porte.
A l'autre Attaque , les plus hardis
eftant montez par des Echelles , furent
aperçus , & repouffe . Le Com
mandant de la Place ayant fair
faire divers feux , &ietter de la
paille allumée dans le Foffé pour
24 MERCURE
L'éclairer , donna fi bon ordre à la
defenfe , qu'il obligea les Affaillans
à la retraite ; mais ils ne la firent
que pour infulter la Place avec plus
de vigueur qu'auparavant . Dans
ce deffein on fit trois fauffes Attaques,
& deux veritables. La Place
fut efcaladée par plufieurs endroits,
pendant que le Prince de Soubife,
à la faveur des Grenades qui luy
rendirent l'accés de la Porte libre,
& quifirent retirer ceux qui étoient
derriere la Porte , fit appliquer un
Second Petard àla Helfe , & entra
avec fes Troupes l'Epée à la main
dans la Place. On a obfervé en
toutes ces occafions tout ce qui fe
pratique à l'Attaque d'une Place
emportée dans les formes.
A
On a vú celle- cy en état de défence.
Elle eftoit fraifée & paliffadée.
Ses Dehors étoient de la derniere
propreté, & ily avoit une
Garnifon
GALAN T.
25
Garnifon nombreuſe. D'un autre
cofté , nôtre illuftre Armée n'avoit
rienoubliépour fefortifier dans fon
Camppar des Lignes de Circonvallation
d'une jufteffe achevez. Les
Tentes & les Pavillous dont il étoit
remply , étoient dreffées avec une
fimetrie digne de remarque. On
commençafans brait par l'ouverture
de la Tranchée , apres avoir fait
la Place d' Armes. Tandis que ces
jeunes Héros travailloient à la terre
avec une chaleur incroyable , donnant
des marques de ce qu'ils feauroient
faire un jour , les Ennemis
firent une Sortie fur eux , avec
des Grenadiers , & vinrent combler
& ruiner les Travaux des Affiém
geans ; mais ils furent enfuite vigoureufement
repouffe dans la
Place par un Gros de la Grande
Garde , qui fortit fur eux l'Epée à
la main. On continua depuis à tra
Janvier 1685.
B
26 MERCURE
vailler , nonobftant le feu continuel
qu'onfaifoit de la Place , pour em
pefcher le Travail. le visun Party
de la Campagne , qui vint attaquer
les Lignes , & porter des Fafcines.
pour combler le Foffé. Ony acourut
du Camp avec un Gros , pour les
défendre , mais l'on s'aperçut bientoft
apres , que ce n'eftoit qu'une
fauffe Attaque , pour favorifer un
Convoy qui paffa de l'autre cofté,
fans que ceux du Camp puffent s'opofer
a fon paffage , les Affiégez.
ayant fait une Sortie , pourfoûtenir
ceux qui conduifoient le Convoy.
Vous fçavez que je me fuis trouve
en plufieurs occafions à l'Armée ;
mais je n'ayjamais vû un fi grand
feu , pendant plus de trois heures
que cela dura.
la
La feconde fois , apres que
Garde fat montée , & que chacun
fut pris fes Poftes , l'on commença
GALANT. 27
par avancer les Bateries plus prés
de la Place , afin de ruiner les Paliffades
, & obliger des troupes qui
étoient dans les Dehors , à fe retirer.
Les Affiégez firent une Sortie,
& à la faveur d'une pluye de Grenades
qu'ils jetterent à ceux qui
gardoient des Bateries , ils s'en ren
dirent les maiftres. Ils fe fervirent
de cette Baterie pour ruiner les
Travaux des Affiégeans ; mais elle
fut bien- toft apres regagnée , &
prefque tous ceux qui la gardoient
furent faits Prifonniers , les autres
ayant pris lafuite. Les Affiégezfe
trouvant incommodez d'une Redou
te que les Affiégeans avoient faite,
ils y firent jouer un Fourneau, ayant
fait uneSortie en mefme temps , &
y montérent à l'Affaut , & l'emportérent.
Ils ne la gardèrent pas
long- temps , car les Affiégeans la
regagnérent l'Epée à la main , à la
B 2
28 MERCURE
faveur d'une infinité de Grenades
que l'on y jettoit du Camp , pour en
chaffer ceux qui s'en étoient rendus
maîtres. On rétablit d'abord la
Bréche avec des Fafcines , & l'on
continua à avancer des Travaux,
Ily avoit ce iour - là un nombre infiny
de Gens.
Une autre fois les Affiégeans commencérent
par un Logement qu'ils
firent fur la Contrefcarpe . Ceux de
la Place lefirent fauter bien- toft
apres , par un Fourneau qu'ils firent
iouer. Ce Pofte fut encore regagné,
& le Logement refait ; ce qui obligeales
Affiégez à fe retirer dans la
Demy.lune . Cela donne lieu à la
defcente dans le Foffe . Le Mineur
fut attaché à la Demy- lume. La
Mine fit une Bréche affe confidérable
, & les Affiégeans montérent
à l'Affaut avec une vigueur & une
chaleur digne de ceux que ie vous
GALANT. 29
ay nommez. Apres le Logementfait
fur la Demy line , ceux de la Place
fe rendirent avec une Compofition
honorable. Le Canon a fait grand
bruit depart & d'autre , auffi -bien
que les Bombes , les Carcaffes & les
Grenades. Le Terrainy a efté difpu
tépied àpied , & toûjours avec un
feu continuel.
Toutes ces occafions fe font paffées
en préfence d'un grand nombre de
Perfonnes de qualité ; & les Gens
du Metier ont avoüé qu'on ne pouvoit
rien faire de plus avantageux
pourcette ieune Nobleffe.
de l'Attaque du Fort , qui
a efté faite par les Gentilshommes
de l'Académie de monfienr
Bernardi , je ne puis fatisfaire
mieux vôtre curiofité, qu'en vous
envoyant la Lettre qui fuit.
18 MERCURE
LETTRE
DE ME LE MARQUIS
DE L …….
A M LE COMTE DE ...
LIEVTENANT DE ROY A...
Sav
Ans une maladie qui m'a fait
garder le Lit plus de cinq femaines
, je n'aurois pas tant diferé
àvous rendre comte de ce que vous
m'avez demandé par voftre obligeante
Lettre , touchant l'état de
l'Académie de Monfieur Bernardi,
Neveu de l'illuftre Bernardi que
vous aimiez tant , & à vous faire
le détail de tout ce que j'ay ou an'
Fort que les Gentilshommes de cette
· Académie renouvellent tous les ans
GALANT. ) 19
Pour n'oublier rien de ce que vous
defire fçavoir , j'ay efté plufieurs
fois dans cette Maifon , remarquer
jufques à la moindre chofe , & je
puis vous affurer , Monfieur , que
toute la Nobleffe ne sçauroit affe
reconnoistre l'aplication avec laquelle
les Chefs de l'Académie travaillent
, pour leur donner une éducation
digne de leur naiffance ; &
que Monfieur Bernardi d'à preſent
n'a pas moins hérité des biens defeu
fon Oncle , que de fes beaux talens
dans ce noble Employ . Vous connoiffelle
mérite de Monfieur de Chateauneuf.
C'est le méme qui pendant
vingt-cinq ans a tenu avec
feu Monfieur Bernardi , la plus belle
& la plus, nombreuſe Académie de
l'Europe , avec tant d'ordre , & une
fi belle difcipline , qu'ils ont toujours
eu un applaudiffement univerfel.
Les chofes dans cette Maifon font
20 MERCURE
toujoursfur le mefme pied ; je n'y ay
rien trouvé de changé. L'Equipage
que vousy avez vû , a esté de tout
temps des plus confidérables de
Paris ; mais j'ay efté temoin de l'augmentation
que l'on y a faite depuis
peu de jours d'un grand nombre
de tres- bons chevaux de l'Académie
de Monfieur Coulon , ce qui
rend auiourd'huy cet Equipage plus
beau que iamais , & fans contredit
le meilleur qu'on ait encore vû dans
Aucune Académie . Ainsi , Monfieur,
vous ne devez point balancer à envoyer
Meffieurs vos Enfans profiter
des avantages que l'on a dans celle-
cy, où l'on prend unfoin tout par.
ticulier des moeurs & de la conduite
ieunes Seigneurs. Outre ce bon
ordre pour toutes chofes , la Difci
pline Militaire y eft obfervée par
› faitement dans les Attaques du
Fort dont vous avez entenduparler
do
GALANT.
"
21
& c'est encore un avantage qu'on
ne trouve que dans cette feule Maifon
, Comme vous m'en avez dé
mandé le détail , ie vous diray tout
ce qui s'y eft paffé cette année , n'en
ayant pas perdu un feul iour l'occafion
, afin de vous en pouvoir mieux
informer. l'ay vi toute cette belle
Nobleffe marcher dans les Ruës de
Paris avec un ordre admirable
I'en ay compté plus de foixante &
dix , tous le Moufquetfur l'épaule
parmy lefquels il y en avoit defi
jeunes , qu'àpeine avoient . ils laforce
de le porter. Les deux Commandans
eftoient à la Tefte. Ce font
d'ordinaire les deux Doyens de l'Académie,
Les Tambours & les Hautbois
fuivoient cette belle Troupe.
Quand on fut au Rendez vous ,
l'on commença l'Attaque du Fort
parunefurprife. Le Prince de Muf
feran , Doyen de l'Academie , qui
2.2 MERCURE
eftoit le General de cette petite Armée
, alla reconnoiftre la Place infques
à la Paliffade , & détacha
enfuite le Prince de Soubife & le
Marquis de Sourches , foutenus par
le Comte de Morftein ,, les Marquis
de Bourry , de Lomaria , de Busy,
d'offac , de Sainte Croix , de Galle,
& plufieurs autres , avec ordre de
dreffer des Echelles aux deux côte
de la Porte , pour abatffer le Pont- .
levis , & enfoncer cette Porte avec
un petard. Un autre Détachements
qui avoit à la Tefte le Marquis de
Maridor fuivy du Marquis de
Chabanes , les Comtes de Maldegben
, de Vandeuvre , de Mefgrigny
, de la Roque , de Coffe, Forbeffe,
& autres , defcendit dans le Feffé,
pour efcalader la Place . Le Gros
des Troupes , où étoient les Marquis
de Prélat , & d'Amon , le Comte
de Leoncron , le Baron du Chastel,
GALANT.
23
les Marquis de Moilie , Linard
Gauville , Boyer , Robien , & plufieurs
autres Seigneurs Etrangers
dont ie n'ay puretenir les noms , fuivoit
pour foutenir ces deux Attaques.
Les uns & les autres s'aquitérent
de leur devoir en braves
Gens. Le Pont ayant efté abaiffe,
fans que la Sentinelle s'en fuft apperçuë
, on appliqua le Petard à la
Porte fi à propos , qu'elle fut enfoncée
, mais ceux du Corps de Garde
étant accouru au bruit , eurent affez
de temps pour abatre la Herfe , &
arréterent tout court la vigueur de
ceux qui fe préfentoient l'Epée à
la main pour paffer par la Porte.
A l'autre Attaque , les plus hardis
eftant montez par des Echelles , furent
aperçus , & repouffe . Le Com
mandant de la Place ayant fair
faire divers feux , &ietter de la
paille allumée dans le Foffé pour
24 MERCURE
L'éclairer , donna fi bon ordre à la
defenfe , qu'il obligea les Affaillans
à la retraite ; mais ils ne la firent
que pour infulter la Place avec plus
de vigueur qu'auparavant . Dans
ce deffein on fit trois fauffes Attaques,
& deux veritables. La Place
fut efcaladée par plufieurs endroits,
pendant que le Prince de Soubife,
à la faveur des Grenades qui luy
rendirent l'accés de la Porte libre,
& quifirent retirer ceux qui étoient
derriere la Porte , fit appliquer un
Second Petard àla Helfe , & entra
avec fes Troupes l'Epée à la main
dans la Place. On a obfervé en
toutes ces occafions tout ce qui fe
pratique à l'Attaque d'une Place
emportée dans les formes.
A
On a vú celle- cy en état de défence.
Elle eftoit fraifée & paliffadée.
Ses Dehors étoient de la derniere
propreté, & ily avoit une
Garnifon
GALAN T.
25
Garnifon nombreuſe. D'un autre
cofté , nôtre illuftre Armée n'avoit
rienoubliépour fefortifier dans fon
Camppar des Lignes de Circonvallation
d'une jufteffe achevez. Les
Tentes & les Pavillous dont il étoit
remply , étoient dreffées avec une
fimetrie digne de remarque. On
commençafans brait par l'ouverture
de la Tranchée , apres avoir fait
la Place d' Armes. Tandis que ces
jeunes Héros travailloient à la terre
avec une chaleur incroyable , donnant
des marques de ce qu'ils feauroient
faire un jour , les Ennemis
firent une Sortie fur eux , avec
des Grenadiers , & vinrent combler
& ruiner les Travaux des Affiém
geans ; mais ils furent enfuite vigoureufement
repouffe dans la
Place par un Gros de la Grande
Garde , qui fortit fur eux l'Epée à
la main. On continua depuis à tra
Janvier 1685.
B
26 MERCURE
vailler , nonobftant le feu continuel
qu'onfaifoit de la Place , pour em
pefcher le Travail. le visun Party
de la Campagne , qui vint attaquer
les Lignes , & porter des Fafcines.
pour combler le Foffé. Ony acourut
du Camp avec un Gros , pour les
défendre , mais l'on s'aperçut bientoft
apres , que ce n'eftoit qu'une
fauffe Attaque , pour favorifer un
Convoy qui paffa de l'autre cofté,
fans que ceux du Camp puffent s'opofer
a fon paffage , les Affiégez.
ayant fait une Sortie , pourfoûtenir
ceux qui conduifoient le Convoy.
Vous fçavez que je me fuis trouve
en plufieurs occafions à l'Armée ;
mais je n'ayjamais vû un fi grand
feu , pendant plus de trois heures
que cela dura.
la
La feconde fois , apres que
Garde fat montée , & que chacun
fut pris fes Poftes , l'on commença
GALANT. 27
par avancer les Bateries plus prés
de la Place , afin de ruiner les Paliffades
, & obliger des troupes qui
étoient dans les Dehors , à fe retirer.
Les Affiégez firent une Sortie,
& à la faveur d'une pluye de Grenades
qu'ils jetterent à ceux qui
gardoient des Bateries , ils s'en ren
dirent les maiftres. Ils fe fervirent
de cette Baterie pour ruiner les
Travaux des Affiégeans ; mais elle
fut bien- toft apres regagnée , &
prefque tous ceux qui la gardoient
furent faits Prifonniers , les autres
ayant pris lafuite. Les Affiégezfe
trouvant incommodez d'une Redou
te que les Affiégeans avoient faite,
ils y firent jouer un Fourneau, ayant
fait uneSortie en mefme temps , &
y montérent à l'Affaut , & l'emportérent.
Ils ne la gardèrent pas
long- temps , car les Affiégeans la
regagnérent l'Epée à la main , à la
B 2
28 MERCURE
faveur d'une infinité de Grenades
que l'on y jettoit du Camp , pour en
chaffer ceux qui s'en étoient rendus
maîtres. On rétablit d'abord la
Bréche avec des Fafcines , & l'on
continua à avancer des Travaux,
Ily avoit ce iour - là un nombre infiny
de Gens.
Une autre fois les Affiégeans commencérent
par un Logement qu'ils
firent fur la Contrefcarpe . Ceux de
la Place lefirent fauter bien- toft
apres , par un Fourneau qu'ils firent
iouer. Ce Pofte fut encore regagné,
& le Logement refait ; ce qui obligeales
Affiégez à fe retirer dans la
Demy.lune . Cela donne lieu à la
defcente dans le Foffe . Le Mineur
fut attaché à la Demy- lume. La
Mine fit une Bréche affe confidérable
, & les Affiégeans montérent
à l'Affaut avec une vigueur & une
chaleur digne de ceux que ie vous
GALANT. 29
ay nommez. Apres le Logementfait
fur la Demy line , ceux de la Place
fe rendirent avec une Compofition
honorable. Le Canon a fait grand
bruit depart & d'autre , auffi -bien
que les Bombes , les Carcaffes & les
Grenades. Le Terrainy a efté difpu
tépied àpied , & toûjours avec un
feu continuel.
Toutes ces occafions fe font paffées
en préfence d'un grand nombre de
Perfonnes de qualité ; & les Gens
du Metier ont avoüé qu'on ne pouvoit
rien faire de plus avantageux
pourcette ieune Nobleffe.
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Résumé : LETTRE DE MR LE MARQUIS DE L... A MR LE COMTE DE... LIEUTENANT DE ROY A...
Le marquis de L... adresse une lettre au comte de..., lieutenant du roi, pour répondre à sa demande concernant l'état de l'Académie de Monsieur Bernardi et les détails de l'attaque annuelle du Fort. Après une maladie de cinq semaines, le marquis décrit l'attaque du Fort, organisée par les gentilshommes de l'Académie. Il souligne l'application et le mérite des chefs de l'Académie, notamment Monsieur de Chateauneuf, qui a collaboré avec feu Monsieur Bernardi pour maintenir l'une des académies les plus prestigieuses d'Europe. Les préparatifs de l'attaque sont minutieusement décrits, ainsi que les participants et les différentes phases de l'assaut. Les jeunes gentilshommes ont démontré discipline et bravoure durant l'événement. De nombreuses personnes de qualité ont observé l'attaque, reconnaissant la valeur éducative et militaire de cet exercice.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 95-116
REMERCIMENT A MESSIEURS DE L'ACADEMIE FRANÇOISE.
Début :
MESSIEURS, J'ay souhaité avec tant d'ardeur l'honneur [...]
Mots clefs :
Homme, Honneur, Donner, Matière, Demander, Place, Compagnie, Mérite, Avantages, Heureux, Perte, Roi, Gloire, Prix, Honneurs, Ministère, Places, Mémoire, Peine, Esprit
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texteReconnaissance textuelle : REMERCIMENT A MESSIEURS DE L'ACADEMIE FRANÇOISE.
REMERCIMENT
A MESSIEURS
DE L'ACADEMIE
FRANCOISE.
MESSIEUE ESSIEURS ,
Fay fouhaité avec tant d'ardeur
l'honneur que je reçois aujourd'huy,
& mes empressemens à le demander
vous l'ont marqué en tant de ren96
MERCURE
1
contres , que vous ne pouviez douter
que je ne le regarde comme une chofe,
qui en rempliffant tous mes de
firs , me met en état de n'en plus
former. En effet, Meſſieurs , jusqu'où
pourroit aller mon ambition , fi elle
n'étoit pas entierement fatisfaite ?
M'accorder une Place parmy vous,
c'eft me la donner dans la plus Illustre
Compagnie où les belles Lettres
ayent jamais ouvert l'entrée.
Pour bien concevoir de quel prix.
elle eft , je n'ay qu'à jetter les yeux
fur tant de grands Hommes , qui
élevez aux premieres Dignitez de
l'Eglife & de la Robe , comblez des
honneurs du Miniftere , distingue
par une naiffance qui leur fait tenir
les plus hauts rangs à la Cour,
Je font empreffez à eftre de vostre
Corps. Ces Dignite éminentes , ces
Honneurs du Miniftere, la fplendeur
de la Naiffance , l'élevation du
Rangi
GALANT. 97
(
1
·Bang; tout cela n'a pú leur perfuader
que rien ne manquoit à leur
merite Ils en ont cherché l'accom-
:
pliffement dans les avantages que
l'esprit peut procurer à ceux en qui
l'on voit les rares Talens , qui font
voftre heureux partage ; & pour
perfectionner ce qui les mettoit au
deffus de vous , ils ont fait gloire de
vous demander des Places qui vous
égalent à eux. Mais , Meffieurs , il
n'y a point lieu d'en estre furpris .
On afpire naturellement à s'acque.
rir l Immortalité ; & où peut- on plus
feurement l'acquerir que dans une
Compagnie où toutes les belles connoiffances
fe trouvent comme ramaffées
pour communiquer à ceux
qui ont l'honneur d'y entrer
qu'elles ont de folide, de delicat, &
digne d'eftre fçeu ; car dans les
Sciences mefmes il y a des chofs
qu'on peut negliger comme inutiles ,
Janvier 1685.
E
,
ce
981 MERCURE
& je ne fçay fi ce n'est point un
défaut dans unfçavant Homme, que
de l'eftre trop. Plufieurs de ceux à
qui l'on donne ce nom , ne doivent
peut - estre qu'au bonheur de leur
memoire, ce qui les met au rang des
Sçavans. Ils ont beaucoup leu ; ils
ont travaillé à s'imprimer fortement
tout ce qu'ils ont leu ; & chargez
de l'indigefte & confus amas de ce
qu'ils ont retenu fur chaque matiere,
ce font des Bibliotheques vivantes
, preftes à fournir diverſes recherches
fur tout ce qui peut tomber
en difpute ; mais ces richellesfemées
dans un fond qui ne produit rien de
Joy , les laiffent fouvent dans l'indigence.
Aucune lumiere qui vienne
d'eux ne débrouille ce Cahos . Ils
difent de grandes chofes, qui ne leur
coûtent que
la peine de les dire , &
avec tout leurfçavoir étranger , on
pourroit avoir fujet de demander
s'ils at de l'efprit.
LYO
*
1832
GALAN T.
bye
'S
pla
Ce n'est point , Meffic
qu'on trouve parmy vous .
profonde érudition s'y rencontre.
mais dépouillée de ce qu'elle a ordinairement
d'épineux , & defanvage.
La Philofophie , la Théologie,
l'Eloquence , la Poëfie, l'Hiftoire, &
les autres Connoiffances qui font
éclater les dons que l'efprit reçoit de.
la Nature , vous les poffedez dans ce
qu'elles ont de plus fublime. Tout
vous en eft familier Vous les manie
comme il vous plaift , mais en grands
Maiftres , toûjours avec agrément ,
toûjours avec politeffe ; & fi dans
les Chef d'oeuvres qui partent de
vous , & qui font les modèles les
plus parfaits qu'onfe puiffe propofer
dans toute forte de genres d'écrire,
vous tire quelque utilité de vos
Lectures , fi vous vous fervez de
quelques penfées des Anciens , pour
mettre les voftres dans un plus bean
DEL
E 2
100 MERCURE
jour ; ces pensées tiennent toûjours
plus de vous , que de ceux qui vous
les prefent. Vous trouvez moyen de
les embellir par le tour heureux que
vous leur devez. Ce font à la verité
des Diamans , mais vous les
taillez ; vous les enchaffe avec
tant d'art , que la maniere de les
mettre en oeuvre , paffe tout le prix
qu'ils ont d'eux mefmes.
Si des excellens Ouvrages dont
chacun de vous choisit la matiere
felon fon Genie particulier , je viens
à ce grand & labourieux Travail
qui fait le fujet de vos Aſſemblées ,
& pour lequel vous uniffez tous les
jours vos foins ; qu'elles louanges ,
Meffieurs,ne doit- on pas vous donner
pour cette conftante application
avec laquelle vous vous attachez à
nous aider à déveloper ce qu'onpeut
dire , qui fait en quelquefaçon l'effence
de l'Homme. L'Homme n'eft
GALAN T.
ΠΟΙ
Homme principalement que parce
qu'il penfe . Ce qu'il conçoit au dedans
, il a befoin de le produire au
dehors , & en travaillant à nous apprendre
à quel ufage chaque mot eft
deftiné, vous cherchez à nous donner
des moyens certains de montrer ce
que nous fommes. Par ce fecours
attendu de tout le monde avec tant
d'impatience , ceux qui font affez
heureuxpour penſer juste , auront la
mefme jufteffe à s'exprimer ; & file
Public doit tirer tant d'avantages
de vos fçavantes & judicieufes décifions
, que n'en doivent point attendre
ceux qui estant reçeus dans
ces Conferences , où vous répande
vos lumiéres fi abondamment ,
peuvent
les puiferjufque dans Irurfource?
Je me vois prefentement de ce
nombre heureux , & dans la poffef
fion de ce bonheur , j'ay peine à m'imaginer
que je ne m'abuſe pas .
E
3
102 MERCURE
4
Fe le répete , Meffieurs , une Place
parmy vous donne tant de gloire,
&je la connois d'un figrand prix ,
quefilefuccés de quelques Ouvrages
que le public a reçeus de moy affez
favorablement m'a fait croire
quelque -fois que vous ne defapprouweriek
pas l'ambitieux fentimens
qui me portoit à la demander , i'ay
defefperéde pouvoir iamais en eftre
digne , quand les obftacles qui m'ont
sufqu'icy empefché de l'obtenir m'ont
fait examiner avec plus d'attention
quelles grandes qualite il faut
avoir pour réüſfir dans une entreprim
fe fi relevée. Les Illuftres Concurrens
qui ont emporté vos fuffrages
toutes les fois que j'ay ofé'y préten
dre , m'ont ouvert les yeuxfur mes
efperances trop présomptueuses. En
me montrant ce merite confommé
qui les a fait recevoir fi toft qu'ils
Se font offerts , ils m'ont fait voir
GALANT. 103
ce que je devois tâcher d'acquérir
pour eftre en état de leur reffembler.
L'ay rendu justice à voftre difcernement
, & me la rendant en même
temps à moy - même , j'ay employé
tous mes foins à ne me pas laiffer
inutiles les fameux exemples que
vous m'avezproposez
faitla
L'avoue , Meffieurs , que quand
aprés tant d'épreuves , vous m'avez
grace de jetter les yeux fur
moy , vous m'auriez mis en péril de
me permettre la vanité la plus condamnable
, fi je ne m'estois affez
fortement étudié pour n'oublier pas
ce que je fuis. Le me feroit peut- eftre
flaté, qu'enfin vous m'auriez trouvé
Les qualitez que vousfouhaitez dans
des Academiciens dignes de ce Nom ,
d'un gouft exquis , d'une penetration
entiére parfaitement éclairez
enun mot tels que vous eftes . Mais
Meffieurs , l'honneur qu'il vous a
•
E 4
104 MERCURE
plu de me faire, quelque grand qu'il
foit , ne m'aveugle point . Plus vôtre
confentement à me l'accorder a
efté prompt , & fi je l'ofe dire, unanime
, plus je voy par quel motif
Vous avez accompagné vostre choix
d'une diftinction fi peu ordinaire. Ce
que mes defauts me défendoient d'efpérer
de vous , vous l'avez donné à
la memoire d'un Homme que vous
regardiezcomme un des principaux.
ornemens de voftre Corps. L'eftime
particuliere que vous avez toujours
euë pour luy, m'attire celle dont vous
me donne des marques fi obligeantes.
Sa perte vous a touche , &
pour le faire revivreparmy vous autant
qu'il vous eft poſſible , vous
avez voulu me faire remplir fa
Place , ne doutant point que qua.
lité de Frere , qui l'a fait plus d'u
ne fois vous folliciter en mafaveur ,
ne l'euft engagé à m'inspirer les
La
GALANT.
105
fentimens d'admiration qu'il avoit
pour toute voftre Illuftre Compagnie.
Ainfi , Meffieurs , vous l'avezcherché
en moy , & n'y pouvant trouver
fon merite, vous vous cftes contentek
d'y trouver fon Nom.
Famais une perte fi confiderable
nepouvoit eftre plus imparfaitement
reparée ; mais pour vous rendre l'inégalité
du changement plus fupportable
, fongez , Meffieurs , que
lors qu'un siècle a produit un Homme
auffi extraordinaire qu'il eftoit , il
arrive rarement que ce mefme Siécle
en produife d'autres capables de
l'égaler. Il est vray que celuy où nous
vivons eft le siècle des Miracles, &
jay fans doute à rougir d'avoir ſi
mal profité de tant de Leçons que
jay reçûës de fa propre bouche , par
cette pratique continuelle qué me
donnoit avec luy la plus parfaite
union qu'on ait jamais venë entre
E S
106 MERCURE
deux Freres , quand d'heureux Gé.
nies , privez de cet avantage , fe
font elevez avec tant de gloire ,
que ce qui a paru d'eux a esté le
charme de la Cour & du Public . Ce
pendant , quand mefme l'on pourroit
dire que quelqu'un l'euft furpaſſe;
luy qu'on a mis tant de fois au deffus
des Anciens , ilferoit toûjours tresvray
que le Théatre François luy
doit tout l'éclat où nous le voyons.
Ie n'ofe , Meffieurs , vous en dire
rien de plus. Sa perte qui vous
eft fenfible à tous , eftfi particuliére
pour moy , que l'ay peine à foutenir
Les triftes idées qu'elle me prefente .
J'ajouteray feulement qu'une des
chofes qui vous doit le plus faire,
cherir fa memoire ; c'est l'attachement
queje luy ay toûjours remarqué
pour tout ce qui regardoit les interests
de l'Academie. Il montroit par
là combien il avoit d'estime pour
GALANT. 107
tous les Illuftres qui la compofent, &
reconnoiffoit en même temps les bienfaits
dont il avoit efté honoré par
Monfieur le Cardinal de Richelieu ,
qui en eft le Fondateur. Ce grand
Miniftre, tout couvert degloire qu'il
étoit par le floriffant état où il avoit
mis la France , fe répondit moins de
l'éternelle durée de fon Nom , pour
avoir executé avec des fuccés prefque
incroyables les Ordres reccus de
Louis le juste, que pour avoir étably
la celebre Compagnie dont vous foû
tenez l'honneur avec tant d'éclat.
Il n'employa ny le Bronze ny.
rain , pour leur confier les differentes
merveilles qui rendent fameux le
temps de fon Miniftere. Il s'en repofa
fur voftre reconnoiffance , & fe
tint plus affuré d'atteindre par vous
jufqu'à la pofterité la plus reculée,
que par les deffeins de l'Herefie renverfe
, & par l'orgueil fi fouvent
l'Ai-
E 6
108 MERCURE
humilié d'une Maifon fière de la
longue fuite d'Empereurs qu'il y a
plus de deux Siecles qu'elle donne à
l'Allemagne. Sa mort vous fut un
coup rude. Elle vous laiffoit dans un
état qui vous donnoit tout à craindre
, mais vous étiezrefervezà des
honneurs éclatans , &en attendant
que le temps en fuft venu , un des
grands Chanceliers que la France
ait eus, prit foin de vous confoler de
cette perte. L'amour qu'il avois pour
les belles Lettres luy infpira le def- ·
fein de vous attirer chez luy. Vous
y receûtes tous les adouciffemens que
vous pouvez efperer dans vostre
douleur , d'un Protecteur Kelé pour
vos avantages. Mais , Meffieurs ,juf
qu'où n'allerent ils point , quand le
Roy luy - mefme vous logeant dans
fon Palais ,& vous approchant defa
Ferfonne Sacrée , vous bonora de fes
graces &de fa protection ?
GALANT. 109
·
Voftre fortune eft bien glorieufe ,
mais n'a t elle rien qui vous étonne?
L'ardeur qui vous porte à reconnoître
les bontez d'un fi grand Prince ,
quelque pressée qu'elle soit par les
Miracles continuels de fa vie , n'eftelle
point arrestée par l'impuiffante
de vous exprimer ? Quoy que nostre
Langue abonde en paroles , & que
toutes les richeffes vous en foient
connues , vous la trouvez fans doute
fterile,quand voulant vous en fervir
pour expliquer ces Miracles , vous
portez vostre imagination au delà
de tout ce qu'elle peut vous fournir.
fur une fi vaste matiere . Si c'eft un
malheur pour vous de ne pouvoir
fatisfaire vostre Zele par des expreffions
qui égalent ce que l'Envie
elle - mefme ne peut fe défendre
d'admirer, au moins vous en pouvez
estre confolé par le plaifir de connoitre
que quelque foibles que puf110
MERCURE
fent estre ces expreffions , la gloire du
Roy n'y fçauroit rien perdre. Ce n'eft .
que pour relever les actions mediocres
qu'on a befoin d'éloquence. Ses
ornemens fi neceffaires à celles qui
ne brillent point par elles mefmes,
font inutiles par ces Exploits fur-.
prenans qui approchent du prodige,
& qui étant crûs, parce qu'on en eft
témoin , ne laiffent pas de nous paroître
incroyables.
Quand vous diriez feulement,
Louis LE GRAND a foûmis
une Province entiere en huit
jours , dans la plus forte rigueur
de l'Hyver.En vingt - quatre heures
il s'est rendu Maître de quatre
Villes affiegées tout à la fois .
Il a pris foixante Places en une
feule Campagne. Il a refifté luy
feul aux Puiffances les plus redoutables
de l'Europe liguées enfemble
pour empeſcher fes ConGALANT.
III
quetes. Il a rétably fes Alliez .
Aprés avoir impofé la Paix , faifapt
marcher la Juftice pour toutes
armes , il s'eft fait ouvrir en un
mefme jour les Portes de Strafbourg
, & de Cafal , qui l'ont reconnu
pour leur Souverain , Cela
eft tout fimple, cela est uny ; mais
cela remplit l'efprit de fi grandes
chofes , qu'il embrasse incontinent
tout ce qu'on n'explique pas , & je
doute que ce grand Panegyrique qui
a coûte tant de foin à Pline le feu-
пе foffe autant pour la gloire de
Trajan, que ce peu de mots , tout dénuez
qu'ils font de ce fard qui embellit
les objets , feroit capable de
faire pour celle de nostre Auguste
Monarque.
"
Il eft vray , Meffieurs , qu'il n'en
feroit pas de mefme ,fi vous vouliez
faire la Peinture des rares vertus
du Roy. Où tromveriez- vous des terII
2 MERCURE
mes pour reprefenter affez digne
ment cette grandeur d'ame , qui l'élevant
au deffus de tout ce qu'il y a
de plus Noble , de plus Heroique , &
de plus Parfait , c'eft à dire de Luymefme,
le fait renoncer à des avantages
que d'autres que luy recherche
roient aux dépens de toutes choſes ?
Aucune entreprise ne luy a manqué.
Pour fe tenir affuré de réuſſir dans
les Conqueftes les plus importantes,
il n'a qu'à vouloir tout ce qu'il peut.
La Victoire qui l'a fuivy en tous
lieux , est toujours prefte à l'accom.
pagner. Elle tâche de toucher fon
coeur par fes plus doux charmes . It
a tout vaincu , il veut la vaincre
elle mefme, & il fe fert pour cela
des armes d'une Moderation qui n'a
point d'exemple. Il s'arrefte au milieu
de fes Triomphes ; il offre la
Paix ; il en preferit les conditions,
& ces conditions fe trouventfijuftes,
GALANT. 113
que fes Ennemis font obligez de les
accepter. La jaloufte où les met la
gloire qu'il ad'eftre feul Arbitre du
Deftin du Monde , leurfait chercher
des difficulte pour troubler le calme
qu'il a rétably. On luy declare de
nouveau la Guerre . Cette Declaraleur
tation ne l'ébranle point. Il offre la
Paix encore une fois ; & comme il
Scait que la Tréve n'a aucunes fuites
qui en puiffent autorifer la rupture
, il laiffe le choix de l'une ou
de l'autre. Ses Ennemis balansent
long- temps fur la refolution qu'ils
doivent prendre. Il voit que
avantage eft de confentir à ce qu'il
leur offre. Pour les y forcer , il attaque
Luxembourg.Cette Place , impre
nable pour tout autre, fe rend en an
mois , & auroit moins refifté , fi pour
épargner le fang de fes Officiers &
de fes Soldats , ce fage Monarque
n'eust ordonné que l'on fift le Siege
114 MERCURE
dans toutes les formes. La Victoire
qui cherche toujours à l'éblouir , luy
fait voir que cette prife luy répond
de celle de toutes les Places du Païs
Efpagnol. Elle parle fans qu'elle fe
puiffe faire écouter. Il perfiste dans
fes propofitions de Tréve, elle eft enfin
acceptée , & voila l'Europe dans
un plein repos.
Que de merveilles renferme cette
grandeur d'ame , dont i'ay oféfaire
une foible ébauche ! C'est à vous ,
Meffieurs , à traiter cette matiére
dans toute fon étenduë. Si noftre
Langue ne vous prefte point dequoy
luy donner affez de poids & de force
, vousfuppléerez à cette fterilité
par le talent merveilleux que vous
avezde faire fentir plus que vous
ne dites . Ilfaut de grands traits pour
les grandes chofes que le Roy a faites
, de ces traits qui montrent tout
d'une feule veuë , & qui offrent à
GALANT. 113
L'imagination ce que les ombres du
Tableau nous cachent. Quand vous
parlerez defa vigilance exacte &
toniour's active , pour ce qui regarde
Le bien de fes Peuples , la gloire de
Jes Etats , & la maicfté du Trône ;
de ce zele ardent & infatigable, qui
luy fait donner fes plus grands foins
à détruire entierement l'Herefte , go
à rétablir le culte de Dieu , dans
toutes fa pureté; & enfin de tant
d'autres qualite auguftes , que le
Ciel a voulu voir en luy , pour le
rendre le plus grand de tous les
Hommes ; fi vous trouvez la matiere
inépuisable, voftre adreſſe à exe
cuter heureufement les plus hauts
deffeins , vous fera choisir des expreffions
fi vives , qu'elles nous feront
entrer tout d'un coup dans tout
ce que vous voudrez nous faire entendre.
Par l'ouverture qu'elles donneront
à noftre esprit , nos reflexions
2
716 MERCURE
nous meneront jufqu'où vous entreprendrez
de les faire aller , & c'eft
ainsi que vous remplire parfaitement
toute la grandeur de votre
Sujet.
Quel bon- heur pour moy , Meffieurs
, de pouvoir m'inftruire fous
de fi grands Maifires ! Mes foins
affidus à me trouver dans vos Af-
Semblées pour y profiter de vos Leçons
, vous feront connoiftre , que fi
l'honneur que vous m'avez fait ,
paffe de beaucoup mon peu de merite
, du moins vous ne pouviez le
repandre fur une perfonae qui le
reçeuft avec des fentimens plus refpectueux
& plus remplis de reconnoiffance.
A MESSIEURS
DE L'ACADEMIE
FRANCOISE.
MESSIEUE ESSIEURS ,
Fay fouhaité avec tant d'ardeur
l'honneur que je reçois aujourd'huy,
& mes empressemens à le demander
vous l'ont marqué en tant de ren96
MERCURE
1
contres , que vous ne pouviez douter
que je ne le regarde comme une chofe,
qui en rempliffant tous mes de
firs , me met en état de n'en plus
former. En effet, Meſſieurs , jusqu'où
pourroit aller mon ambition , fi elle
n'étoit pas entierement fatisfaite ?
M'accorder une Place parmy vous,
c'eft me la donner dans la plus Illustre
Compagnie où les belles Lettres
ayent jamais ouvert l'entrée.
Pour bien concevoir de quel prix.
elle eft , je n'ay qu'à jetter les yeux
fur tant de grands Hommes , qui
élevez aux premieres Dignitez de
l'Eglife & de la Robe , comblez des
honneurs du Miniftere , distingue
par une naiffance qui leur fait tenir
les plus hauts rangs à la Cour,
Je font empreffez à eftre de vostre
Corps. Ces Dignite éminentes , ces
Honneurs du Miniftere, la fplendeur
de la Naiffance , l'élevation du
Rangi
GALANT. 97
(
1
·Bang; tout cela n'a pú leur perfuader
que rien ne manquoit à leur
merite Ils en ont cherché l'accom-
:
pliffement dans les avantages que
l'esprit peut procurer à ceux en qui
l'on voit les rares Talens , qui font
voftre heureux partage ; & pour
perfectionner ce qui les mettoit au
deffus de vous , ils ont fait gloire de
vous demander des Places qui vous
égalent à eux. Mais , Meffieurs , il
n'y a point lieu d'en estre furpris .
On afpire naturellement à s'acque.
rir l Immortalité ; & où peut- on plus
feurement l'acquerir que dans une
Compagnie où toutes les belles connoiffances
fe trouvent comme ramaffées
pour communiquer à ceux
qui ont l'honneur d'y entrer
qu'elles ont de folide, de delicat, &
digne d'eftre fçeu ; car dans les
Sciences mefmes il y a des chofs
qu'on peut negliger comme inutiles ,
Janvier 1685.
E
,
ce
981 MERCURE
& je ne fçay fi ce n'est point un
défaut dans unfçavant Homme, que
de l'eftre trop. Plufieurs de ceux à
qui l'on donne ce nom , ne doivent
peut - estre qu'au bonheur de leur
memoire, ce qui les met au rang des
Sçavans. Ils ont beaucoup leu ; ils
ont travaillé à s'imprimer fortement
tout ce qu'ils ont leu ; & chargez
de l'indigefte & confus amas de ce
qu'ils ont retenu fur chaque matiere,
ce font des Bibliotheques vivantes
, preftes à fournir diverſes recherches
fur tout ce qui peut tomber
en difpute ; mais ces richellesfemées
dans un fond qui ne produit rien de
Joy , les laiffent fouvent dans l'indigence.
Aucune lumiere qui vienne
d'eux ne débrouille ce Cahos . Ils
difent de grandes chofes, qui ne leur
coûtent que
la peine de les dire , &
avec tout leurfçavoir étranger , on
pourroit avoir fujet de demander
s'ils at de l'efprit.
LYO
*
1832
GALAN T.
bye
'S
pla
Ce n'est point , Meffic
qu'on trouve parmy vous .
profonde érudition s'y rencontre.
mais dépouillée de ce qu'elle a ordinairement
d'épineux , & defanvage.
La Philofophie , la Théologie,
l'Eloquence , la Poëfie, l'Hiftoire, &
les autres Connoiffances qui font
éclater les dons que l'efprit reçoit de.
la Nature , vous les poffedez dans ce
qu'elles ont de plus fublime. Tout
vous en eft familier Vous les manie
comme il vous plaift , mais en grands
Maiftres , toûjours avec agrément ,
toûjours avec politeffe ; & fi dans
les Chef d'oeuvres qui partent de
vous , & qui font les modèles les
plus parfaits qu'onfe puiffe propofer
dans toute forte de genres d'écrire,
vous tire quelque utilité de vos
Lectures , fi vous vous fervez de
quelques penfées des Anciens , pour
mettre les voftres dans un plus bean
DEL
E 2
100 MERCURE
jour ; ces pensées tiennent toûjours
plus de vous , que de ceux qui vous
les prefent. Vous trouvez moyen de
les embellir par le tour heureux que
vous leur devez. Ce font à la verité
des Diamans , mais vous les
taillez ; vous les enchaffe avec
tant d'art , que la maniere de les
mettre en oeuvre , paffe tout le prix
qu'ils ont d'eux mefmes.
Si des excellens Ouvrages dont
chacun de vous choisit la matiere
felon fon Genie particulier , je viens
à ce grand & labourieux Travail
qui fait le fujet de vos Aſſemblées ,
& pour lequel vous uniffez tous les
jours vos foins ; qu'elles louanges ,
Meffieurs,ne doit- on pas vous donner
pour cette conftante application
avec laquelle vous vous attachez à
nous aider à déveloper ce qu'onpeut
dire , qui fait en quelquefaçon l'effence
de l'Homme. L'Homme n'eft
GALAN T.
ΠΟΙ
Homme principalement que parce
qu'il penfe . Ce qu'il conçoit au dedans
, il a befoin de le produire au
dehors , & en travaillant à nous apprendre
à quel ufage chaque mot eft
deftiné, vous cherchez à nous donner
des moyens certains de montrer ce
que nous fommes. Par ce fecours
attendu de tout le monde avec tant
d'impatience , ceux qui font affez
heureuxpour penſer juste , auront la
mefme jufteffe à s'exprimer ; & file
Public doit tirer tant d'avantages
de vos fçavantes & judicieufes décifions
, que n'en doivent point attendre
ceux qui estant reçeus dans
ces Conferences , où vous répande
vos lumiéres fi abondamment ,
peuvent
les puiferjufque dans Irurfource?
Je me vois prefentement de ce
nombre heureux , & dans la poffef
fion de ce bonheur , j'ay peine à m'imaginer
que je ne m'abuſe pas .
E
3
102 MERCURE
4
Fe le répete , Meffieurs , une Place
parmy vous donne tant de gloire,
&je la connois d'un figrand prix ,
quefilefuccés de quelques Ouvrages
que le public a reçeus de moy affez
favorablement m'a fait croire
quelque -fois que vous ne defapprouweriek
pas l'ambitieux fentimens
qui me portoit à la demander , i'ay
defefperéde pouvoir iamais en eftre
digne , quand les obftacles qui m'ont
sufqu'icy empefché de l'obtenir m'ont
fait examiner avec plus d'attention
quelles grandes qualite il faut
avoir pour réüſfir dans une entreprim
fe fi relevée. Les Illuftres Concurrens
qui ont emporté vos fuffrages
toutes les fois que j'ay ofé'y préten
dre , m'ont ouvert les yeuxfur mes
efperances trop présomptueuses. En
me montrant ce merite confommé
qui les a fait recevoir fi toft qu'ils
Se font offerts , ils m'ont fait voir
GALANT. 103
ce que je devois tâcher d'acquérir
pour eftre en état de leur reffembler.
L'ay rendu justice à voftre difcernement
, & me la rendant en même
temps à moy - même , j'ay employé
tous mes foins à ne me pas laiffer
inutiles les fameux exemples que
vous m'avezproposez
faitla
L'avoue , Meffieurs , que quand
aprés tant d'épreuves , vous m'avez
grace de jetter les yeux fur
moy , vous m'auriez mis en péril de
me permettre la vanité la plus condamnable
, fi je ne m'estois affez
fortement étudié pour n'oublier pas
ce que je fuis. Le me feroit peut- eftre
flaté, qu'enfin vous m'auriez trouvé
Les qualitez que vousfouhaitez dans
des Academiciens dignes de ce Nom ,
d'un gouft exquis , d'une penetration
entiére parfaitement éclairez
enun mot tels que vous eftes . Mais
Meffieurs , l'honneur qu'il vous a
•
E 4
104 MERCURE
plu de me faire, quelque grand qu'il
foit , ne m'aveugle point . Plus vôtre
confentement à me l'accorder a
efté prompt , & fi je l'ofe dire, unanime
, plus je voy par quel motif
Vous avez accompagné vostre choix
d'une diftinction fi peu ordinaire. Ce
que mes defauts me défendoient d'efpérer
de vous , vous l'avez donné à
la memoire d'un Homme que vous
regardiezcomme un des principaux.
ornemens de voftre Corps. L'eftime
particuliere que vous avez toujours
euë pour luy, m'attire celle dont vous
me donne des marques fi obligeantes.
Sa perte vous a touche , &
pour le faire revivreparmy vous autant
qu'il vous eft poſſible , vous
avez voulu me faire remplir fa
Place , ne doutant point que qua.
lité de Frere , qui l'a fait plus d'u
ne fois vous folliciter en mafaveur ,
ne l'euft engagé à m'inspirer les
La
GALANT.
105
fentimens d'admiration qu'il avoit
pour toute voftre Illuftre Compagnie.
Ainfi , Meffieurs , vous l'avezcherché
en moy , & n'y pouvant trouver
fon merite, vous vous cftes contentek
d'y trouver fon Nom.
Famais une perte fi confiderable
nepouvoit eftre plus imparfaitement
reparée ; mais pour vous rendre l'inégalité
du changement plus fupportable
, fongez , Meffieurs , que
lors qu'un siècle a produit un Homme
auffi extraordinaire qu'il eftoit , il
arrive rarement que ce mefme Siécle
en produife d'autres capables de
l'égaler. Il est vray que celuy où nous
vivons eft le siècle des Miracles, &
jay fans doute à rougir d'avoir ſi
mal profité de tant de Leçons que
jay reçûës de fa propre bouche , par
cette pratique continuelle qué me
donnoit avec luy la plus parfaite
union qu'on ait jamais venë entre
E S
106 MERCURE
deux Freres , quand d'heureux Gé.
nies , privez de cet avantage , fe
font elevez avec tant de gloire ,
que ce qui a paru d'eux a esté le
charme de la Cour & du Public . Ce
pendant , quand mefme l'on pourroit
dire que quelqu'un l'euft furpaſſe;
luy qu'on a mis tant de fois au deffus
des Anciens , ilferoit toûjours tresvray
que le Théatre François luy
doit tout l'éclat où nous le voyons.
Ie n'ofe , Meffieurs , vous en dire
rien de plus. Sa perte qui vous
eft fenfible à tous , eftfi particuliére
pour moy , que l'ay peine à foutenir
Les triftes idées qu'elle me prefente .
J'ajouteray feulement qu'une des
chofes qui vous doit le plus faire,
cherir fa memoire ; c'est l'attachement
queje luy ay toûjours remarqué
pour tout ce qui regardoit les interests
de l'Academie. Il montroit par
là combien il avoit d'estime pour
GALANT. 107
tous les Illuftres qui la compofent, &
reconnoiffoit en même temps les bienfaits
dont il avoit efté honoré par
Monfieur le Cardinal de Richelieu ,
qui en eft le Fondateur. Ce grand
Miniftre, tout couvert degloire qu'il
étoit par le floriffant état où il avoit
mis la France , fe répondit moins de
l'éternelle durée de fon Nom , pour
avoir executé avec des fuccés prefque
incroyables les Ordres reccus de
Louis le juste, que pour avoir étably
la celebre Compagnie dont vous foû
tenez l'honneur avec tant d'éclat.
Il n'employa ny le Bronze ny.
rain , pour leur confier les differentes
merveilles qui rendent fameux le
temps de fon Miniftere. Il s'en repofa
fur voftre reconnoiffance , & fe
tint plus affuré d'atteindre par vous
jufqu'à la pofterité la plus reculée,
que par les deffeins de l'Herefie renverfe
, & par l'orgueil fi fouvent
l'Ai-
E 6
108 MERCURE
humilié d'une Maifon fière de la
longue fuite d'Empereurs qu'il y a
plus de deux Siecles qu'elle donne à
l'Allemagne. Sa mort vous fut un
coup rude. Elle vous laiffoit dans un
état qui vous donnoit tout à craindre
, mais vous étiezrefervezà des
honneurs éclatans , &en attendant
que le temps en fuft venu , un des
grands Chanceliers que la France
ait eus, prit foin de vous confoler de
cette perte. L'amour qu'il avois pour
les belles Lettres luy infpira le def- ·
fein de vous attirer chez luy. Vous
y receûtes tous les adouciffemens que
vous pouvez efperer dans vostre
douleur , d'un Protecteur Kelé pour
vos avantages. Mais , Meffieurs ,juf
qu'où n'allerent ils point , quand le
Roy luy - mefme vous logeant dans
fon Palais ,& vous approchant defa
Ferfonne Sacrée , vous bonora de fes
graces &de fa protection ?
GALANT. 109
·
Voftre fortune eft bien glorieufe ,
mais n'a t elle rien qui vous étonne?
L'ardeur qui vous porte à reconnoître
les bontez d'un fi grand Prince ,
quelque pressée qu'elle soit par les
Miracles continuels de fa vie , n'eftelle
point arrestée par l'impuiffante
de vous exprimer ? Quoy que nostre
Langue abonde en paroles , & que
toutes les richeffes vous en foient
connues , vous la trouvez fans doute
fterile,quand voulant vous en fervir
pour expliquer ces Miracles , vous
portez vostre imagination au delà
de tout ce qu'elle peut vous fournir.
fur une fi vaste matiere . Si c'eft un
malheur pour vous de ne pouvoir
fatisfaire vostre Zele par des expreffions
qui égalent ce que l'Envie
elle - mefme ne peut fe défendre
d'admirer, au moins vous en pouvez
estre confolé par le plaifir de connoitre
que quelque foibles que puf110
MERCURE
fent estre ces expreffions , la gloire du
Roy n'y fçauroit rien perdre. Ce n'eft .
que pour relever les actions mediocres
qu'on a befoin d'éloquence. Ses
ornemens fi neceffaires à celles qui
ne brillent point par elles mefmes,
font inutiles par ces Exploits fur-.
prenans qui approchent du prodige,
& qui étant crûs, parce qu'on en eft
témoin , ne laiffent pas de nous paroître
incroyables.
Quand vous diriez feulement,
Louis LE GRAND a foûmis
une Province entiere en huit
jours , dans la plus forte rigueur
de l'Hyver.En vingt - quatre heures
il s'est rendu Maître de quatre
Villes affiegées tout à la fois .
Il a pris foixante Places en une
feule Campagne. Il a refifté luy
feul aux Puiffances les plus redoutables
de l'Europe liguées enfemble
pour empeſcher fes ConGALANT.
III
quetes. Il a rétably fes Alliez .
Aprés avoir impofé la Paix , faifapt
marcher la Juftice pour toutes
armes , il s'eft fait ouvrir en un
mefme jour les Portes de Strafbourg
, & de Cafal , qui l'ont reconnu
pour leur Souverain , Cela
eft tout fimple, cela est uny ; mais
cela remplit l'efprit de fi grandes
chofes , qu'il embrasse incontinent
tout ce qu'on n'explique pas , & je
doute que ce grand Panegyrique qui
a coûte tant de foin à Pline le feu-
пе foffe autant pour la gloire de
Trajan, que ce peu de mots , tout dénuez
qu'ils font de ce fard qui embellit
les objets , feroit capable de
faire pour celle de nostre Auguste
Monarque.
"
Il eft vray , Meffieurs , qu'il n'en
feroit pas de mefme ,fi vous vouliez
faire la Peinture des rares vertus
du Roy. Où tromveriez- vous des terII
2 MERCURE
mes pour reprefenter affez digne
ment cette grandeur d'ame , qui l'élevant
au deffus de tout ce qu'il y a
de plus Noble , de plus Heroique , &
de plus Parfait , c'eft à dire de Luymefme,
le fait renoncer à des avantages
que d'autres que luy recherche
roient aux dépens de toutes choſes ?
Aucune entreprise ne luy a manqué.
Pour fe tenir affuré de réuſſir dans
les Conqueftes les plus importantes,
il n'a qu'à vouloir tout ce qu'il peut.
La Victoire qui l'a fuivy en tous
lieux , est toujours prefte à l'accom.
pagner. Elle tâche de toucher fon
coeur par fes plus doux charmes . It
a tout vaincu , il veut la vaincre
elle mefme, & il fe fert pour cela
des armes d'une Moderation qui n'a
point d'exemple. Il s'arrefte au milieu
de fes Triomphes ; il offre la
Paix ; il en preferit les conditions,
& ces conditions fe trouventfijuftes,
GALANT. 113
que fes Ennemis font obligez de les
accepter. La jaloufte où les met la
gloire qu'il ad'eftre feul Arbitre du
Deftin du Monde , leurfait chercher
des difficulte pour troubler le calme
qu'il a rétably. On luy declare de
nouveau la Guerre . Cette Declaraleur
tation ne l'ébranle point. Il offre la
Paix encore une fois ; & comme il
Scait que la Tréve n'a aucunes fuites
qui en puiffent autorifer la rupture
, il laiffe le choix de l'une ou
de l'autre. Ses Ennemis balansent
long- temps fur la refolution qu'ils
doivent prendre. Il voit que
avantage eft de confentir à ce qu'il
leur offre. Pour les y forcer , il attaque
Luxembourg.Cette Place , impre
nable pour tout autre, fe rend en an
mois , & auroit moins refifté , fi pour
épargner le fang de fes Officiers &
de fes Soldats , ce fage Monarque
n'eust ordonné que l'on fift le Siege
114 MERCURE
dans toutes les formes. La Victoire
qui cherche toujours à l'éblouir , luy
fait voir que cette prife luy répond
de celle de toutes les Places du Païs
Efpagnol. Elle parle fans qu'elle fe
puiffe faire écouter. Il perfiste dans
fes propofitions de Tréve, elle eft enfin
acceptée , & voila l'Europe dans
un plein repos.
Que de merveilles renferme cette
grandeur d'ame , dont i'ay oféfaire
une foible ébauche ! C'est à vous ,
Meffieurs , à traiter cette matiére
dans toute fon étenduë. Si noftre
Langue ne vous prefte point dequoy
luy donner affez de poids & de force
, vousfuppléerez à cette fterilité
par le talent merveilleux que vous
avezde faire fentir plus que vous
ne dites . Ilfaut de grands traits pour
les grandes chofes que le Roy a faites
, de ces traits qui montrent tout
d'une feule veuë , & qui offrent à
GALANT. 113
L'imagination ce que les ombres du
Tableau nous cachent. Quand vous
parlerez defa vigilance exacte &
toniour's active , pour ce qui regarde
Le bien de fes Peuples , la gloire de
Jes Etats , & la maicfté du Trône ;
de ce zele ardent & infatigable, qui
luy fait donner fes plus grands foins
à détruire entierement l'Herefte , go
à rétablir le culte de Dieu , dans
toutes fa pureté; & enfin de tant
d'autres qualite auguftes , que le
Ciel a voulu voir en luy , pour le
rendre le plus grand de tous les
Hommes ; fi vous trouvez la matiere
inépuisable, voftre adreſſe à exe
cuter heureufement les plus hauts
deffeins , vous fera choisir des expreffions
fi vives , qu'elles nous feront
entrer tout d'un coup dans tout
ce que vous voudrez nous faire entendre.
Par l'ouverture qu'elles donneront
à noftre esprit , nos reflexions
2
716 MERCURE
nous meneront jufqu'où vous entreprendrez
de les faire aller , & c'eft
ainsi que vous remplire parfaitement
toute la grandeur de votre
Sujet.
Quel bon- heur pour moy , Meffieurs
, de pouvoir m'inftruire fous
de fi grands Maifires ! Mes foins
affidus à me trouver dans vos Af-
Semblées pour y profiter de vos Leçons
, vous feront connoiftre , que fi
l'honneur que vous m'avez fait ,
paffe de beaucoup mon peu de merite
, du moins vous ne pouviez le
repandre fur une perfonae qui le
reçeuft avec des fentimens plus refpectueux
& plus remplis de reconnoiffance.
Fermer
Résumé : REMERCIMENT A MESSIEURS DE L'ACADEMIE FRANÇOISE.
Le premier texte est un remerciement adressé aux membres de l'Académie française pour l'honneur de l'admission. L'auteur exprime sa gratitude et souligne l'importance de cette distinction, qui le place parmi les plus illustres représentants des belles-lettres. Il admire les grands hommes qui, malgré leurs dignités et honneurs, ont cherché à compléter leur mérite en rejoignant l'Académie. L'auteur reconnaît la valeur des connaissances et des talents partagés au sein de cette institution, où la philosophie, la théologie, l'éloquence, la poésie, et l'histoire sont maîtrisées avec subtilité et agrément. Il loue également le travail constant des académiciens pour développer et clarifier la langue française, aidant ainsi à exprimer les pensées humaines. L'auteur mentionne qu'il a été inspiré par son frère, un membre éminent de l'Académie, et exprime sa peine face à sa perte. Il conclut en soulignant l'attachement de son frère aux intérêts de l'Académie et en rendant hommage au Cardinal de Richelieu, fondateur de l'institution. Le second texte est un panégyrique célébrant les vertus et les exploits d'un monarque. L'auteur commence par souligner que quelques mots simples peuvent suffire à glorifier le roi, plus que de longs discours. Il met en avant la grandeur d'âme du monarque, qui renonce à des avantages pour maintenir la paix et la justice. Le roi est décrit comme un conquérant invincible, toujours victorieux, mais qui préfère la modération et la paix. Il offre la paix à ses ennemis, même lorsqu'ils déclarent la guerre, et ses victoires sont obtenues avec une grande humanité, épargnant le sang de ses soldats. L'auteur évoque ensuite la prise de Luxembourg, une place imprenable, qui se rend en un mois grâce à la sagesse du monarque. Cette victoire conduit à une trêve acceptée par l'Europe, rétablissant la paix. Le texte insiste sur la nécessité de grands traits pour décrire les grandes actions du roi, et encourage les orateurs à utiliser leur talent pour faire sentir plus que ce qu'ils disent. Enfin, l'auteur exprime son bonheur de pouvoir s'instruire auprès de grands maîtres et son respect pour l'honneur qui lui est fait de participer à leurs assemblées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 116-141
« Monsieur de Corneille ayant cessé de parler, Monsieur de Bergeret [...] »
Début :
Monsieur de Corneille ayant cessé de parler, Monsieur de Bergeret [...]
Mots clefs :
Académie française, Jean Racine, Jean-Louis Bergeret, Gloire, Roi, Parler, Corneille, Esprit, Discours, Vertus, Histoire, Rois, Protecteur, Nom, Paix, Ennemis, Lettres, Place, Royaume, Compagnie, Justice, Monde, Attention, Avantage, Public
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Monsieur de Corneille ayant cessé de parler, Monsieur de Bergeret [...] »
Monfieur de Corneille ayant
ceffé de parler , Monfieur de Bergeret
prit la parole , & fit un difcours
trés - éloquent. Il dit , qu'il
GALANT. 117
avoit déia éprouvé plus d'une fois ,
que dés qu'on vouloit penser avec
attention à l'Academie Françoife,
l'imagination fe trouvoit auffitoft
remplie & étonnée de tout ce qu'il
ya de plus beau dans l'Empire des
Lettres , qu'eft un Empire qui n'est
borné ny par les Montagnes , ny
pariles Mers , qui comprend toutes
les Nations & tous les Sicles ; dans
lequel les plus grands Princes ont
tenu à bonneurs d'avoir quelque
place , & où Meffieurs de l'Acade ·
mie Françoife ont l'avantage de
tenir le premier rang. Que s'il entreprenoit
de parler de toutes les
fortes de merites , qui font la gloire
de ceux qui la compofent , il fentoit
bien que l'habitude de parler en public
, & d'en avoir fait le Miniftere
plufieurs années , en parlant
pour le Roy dans un des Parlemens
defon Royaume, ne l'empefcheroit
118 MERCURE
pas de tomber dans le defordre.
Enfuite il loüa Monfieur de Cordemoy
dont il occupe la Place
for ce qu'il avoit joint toutes les
vertus Morales & Chrétiennes
aux plus riches talens de l'efprit,
fur les grandes lumiéres qu'il
avoit dans la Jurifprudence, dans
la Philofophie , & dans l'Hiftoire ,
& fur tout for une certaine prefence
d'efprit qui luy eftoir particuliére
, & qui le rendoit capable
de parler fans préparation ,
avec autant d'ordre & de ne teté
qu'on peut en avoir en écrivant
avec le plus de loiſir . Il n'oublia
les beaux & fçavans Traitez
de Phyfique qu'il à donnez au
Public; & en parlant de fa grande
Hiftoire de nos Roys qu'on acheve
d'imprimer, il ajoûta, Que fifa
trop promte mort avoit laiffé ce
dernier Ouvrage imparfait , quoy
qu'ily manquaft pour eftre entier ,
pas
GALANT. 119
ilne manqueroit rien à la réputa
tion de l'Autheur ; qu'on eftimeroit
toûjours ce qu'il a écrit , & qu'on regreteroit
toujours ce qu'il n'a pas eu le
temps d'écrire.Cet Eloge fut fuivy
de celuy de Monfieur le Cardinal
de Richelieu , inftituteur de l'Academie
Françoife . Il dit , Que
non feulement, il avoit fait les plus
grandes chofes pour la gloire de
lEtat , mais qu'il avoit fait les
plus grands Hommes pour celebrer
perpetuellement cette gloire ; que
tous les Academitiens luy apartenoient
par le Titre mefme de la
naiſſance de l'Academie, & qu'ils
étoient tous comme la Pofteritefçavante
& Spirituelle de ce grand
Miniftre ; Que l'illuftre Chancelier
qui luy avoit fuccedé dans la
protection de cette celebre Compagnie
, auroit toûjours part à la
mefme gloire; & que parmy toutes
"
110 MERCURE
les vertus qui l'avoient rendu digne
d'eftre Chefde la Justice , on releveroit
toûjours l'affection particulie
re qu'il avoit enë pour les Lettres,
& qui l'avoit obligé d'eftre fimple
Academicien long tems avant qu'il
devinft Protecteur de l'Academie ;
ce qui luy étoit d'autant plus glorieux
, que ces deux titres ne pou
voient plus estre reünis dans une
Perfonne privée , quelque éminente
qu'elle fuft en Dignité , le nom de
Protecteur del' Academie étant devenu
comme un titre Royal , par la
bonté que le Roy avoit euë de le
prendre , & de vouloir bien en faveur
des Lettres , que le Vainqueur
des Roys & l'Arbitre de l'Univers,
fuft auffi appellé le Protecteur de
l'Academie Françoife. Le reste de
fon Difcours roula fous les merveilleufes
qualitez de cet Augufte
Monarque. Il dit , Que tout ce
qu'il
GALANT. 121
cachoit
qu'il faifoit voir au monde n'eftoit
rien en comparaison de ce qu'il luy
; que tant de Victoire , de
Conqueftes , & d'Evenemens prodigieux
qui étonnoient toute la Terre,
n'avoient rien de comparable à
la fageffe incomprehenfible qui en
eftoit la caufe , & que lors qu'on
pouvoit voir quelque chofe des confeils
de cette Sageffe plus qu'humai
ne onfe trouvoit , pour ainsi dire,
dans une fi haute region d'esprit .
qu'on en perdoit la pensée , comme
quand on eft dans un air trop élevé ,
& troppur , on perd la refpiration.
Il ajoûta , Quefe tenant renfermé
dans les termes de l'admiration &
du filence , il ne cefferoit de fe taire
que pour nommer les Souveraines
Vertus qu'il admiroit ; une Prudence
qui penetroit tout , & qui étoit ellemefme
impenetrable ; une Justice
qui préferoit l'intereft du sujet à
Janvier 1685 .
A
F
122 MERCURE
celuy du Prince ; une Valeur qui prenoit
toutes les Villes qu'elle attaquoit
, comme un Torrent qui rompt
tous les obftacles qu'il rencontre ;
une Moderation qui avoit tant de
fois arrefté ce Torrent , &fufpendu
cet Orage ; une Bonté qui par l'entiere
abolition des Duels , prenoit
plus de foin de la vie des Sujets,
qu'ils n'en prenoient eux - mefmes ;
un Zele pour la Religion, qui faifoit
chaque jour de fi grands & de fi
heureux projets ; & que ce qui étoit
encore plus admirable dans toutes
ces Vertus fi differentes , c'eftoit de
les voir agir toutes ensemble , &
dans la Paix & dans la Guerre ,fansdifference
ny diftinction de temps.
Aprés une peinture fort vive des
grandes chofes que le Roy a faites
pendant la Paix , qui avoit
toûjours efté pour luy non feulement
agiffante , mais encore
GALANT. 123
victorieuſe , puis que par un
bonheur incomparable , elle n'avoit
pas arreſté fes Conqueftes ,
& que les trois plus importantes
Places du Royaume , & pour fa
gloire , & pour fa fûreté , Dunkerque
, Strasbourg , & Cazal
trois Villes qui font les Clefs de
trois Etats voifins , & dont la
Prife auroit fignalé trois Campagnes
, avoient efté conquifes
fans armes & fans Combats , il
dit, Qu'on avoit vû l'Europe entiere
conjurée contre la France , que
tout le Royaume avoit efté environné
d'Armées Ennemies & que
cependant il n'eftoit jamais arrivé
qu'un feul de tant de Genéraux
Etrangers euft pris feulement un
Quartier d'Hyver fur nos Frontie
res; Que tous ces Chefs Ennemis
Se promettoient d'entrer dans nos
Provinces en Vainqueurs & en Con-
,
F 2
124
MERCURE
quérans , mais qu'aucun d'eux ne
les avoit veües , que ceux qu'on y
avoit amenez Prifonniers ; que tous
les autres estoient demeure autour
du Royaume , comme s'ils l'avoient
gardé ,fans troubler la tranquilité
dont iljouiffoit , & que c'eftoit un
prodige inouy , que tant de Nations
jaloufes de la gloire du Roy , & qui
s'étoient affemblées pour le combatre
, n'eulent pû faire autre choſe
que de l'admirer
& d'entendre
d'affez loin le bruit terrible defes
Foudres , qui renverfoient les Murs
de quarante Villes en moins,
trente jours , & qui cependant par
une espece de miracle , n'avoient
point empefché que la voix des Loix
n'euft efté toujours entenduë ; toûjours
la Justice également gardée,
l'obeiffance rendue , la Difcipline
obfervée, le Commerce maintenu , les
Arts floriffans , les Lettres cultivées,
>
de
GALANT
. 125
le Mérite recompenfe , tous les Reglemens
de la Police generalement
executez ; & non feulement de la
Police Civile , qui par les heureux
changemens qu'elle avoit faits ,fembloit
nous avoir donné un autre Air
& une autre Ville ; mais encore de
la Police Militaire , qui avoit civilife
les Soldats,& leur avoit inspire
un amour de la gloire & de la difcipline
, quifaifoit que les Armées du
Roy étoient en mefme temps la plus
belle & la plus terrible chofe du
monde. Il finit en difant, Que c'étoit
une grande gloire pour un Prince
Conquerant, que l'onput dire de
Luy, qu'il avoit toûjours eu un efprit
de paix dans toutes les Guerres qu'il
avoit faites , depuis la premiere
Campagne jufqu'à la derniere , depuis
la Prife de Marfal jufqu'à
celle de Luxembourg ; Que cette
derniere & admirable Conquefte ,
F
3
126 MERCURE
qui en affurant toutes les autres, venoit
heureufement de finir la Guerreferoit
dire encor plus que jamais,
que le Roy étoit un Héros toûjours
Vainqueur & toûjours Pacifique ,puis
que non feulement il avoit pris cette
Place ,une des plusfortes du Monde,
&qu'il l'avoit prife malgré tous les
obftacles de la Nature , malgré tous
les efforts de l'Art , malgré toute la
refiftance des Ennemis ; mais ce qui
étoit encore plus, malgré luy - même:
Eftant certain qu'il ne l'avoit attaquée
qu'à regret , &aprés avoir
preßé long-temps fes Ennemis cent
fois vaincus , de vouloir accepter
Paix qu'il leur offroit , & de ne le
pas contraindre à fe fervir du Droit
des Armes ; de forte que par un évenement
tout fingulier , cettefameufe
Villeferoit toûjours pour la gloire du
Roy un Monument éternel , non feulement
de la plus grande valeur .
la
GALANT. 127
mais auffi de la plus grande modes
ration dont on euft jamais parlé.
Toute l'Affemblée fut tresfatisfaite
de ce Difcours,& Monfieurde
Bergeret eut tout lieu de
l'eftre des louanges qu'il reçûr.
Monfieur Racines , qui eftoit
alors Directeur de l'Académie ,
répondit à ces deux nouveaux
Académiciens au nom de la
Compagnie. Je tâcherois inutilement
de vous exprimer combien
cette Reponſe fut éloquente
, & avec combien de grace il
la prononça . Elle fut interrom
pue par des applaudiffemens fréquemment
reiterez ; & comme
il en employe une partie à élever
le mérite de Monfieur de Corneille
, il fut aiſé de connoiſtre
qu'on voyoit avec plaifir dans la
bouche d'un des plus grands
Maiftres du Theatre ; les louan-
F 4
128
MERCURE
ges de celuy qui a porté la Scene
Françoife au degré de perfection
où elle eft. Il dit d'abord , Que
l'Academie avoit regardé fa mort
comme un des plus rudes coups qui
La puft fraper ; Que quoy que depuis
un an une longue maladie l'euft
privée de fa présence , & qu'elle
euft perdu en quelque façon l'espérance
de le revoir iamais dans fes
Affemblées , toutefois il vivoit , &
que dans la Lifte où font les noms
de tous ceux qui la compofent , cette
Compagnie dont il eftoit le Doyen ,
avoit au moins la confolation de
voir immédiatement audeffous du
nom facré de fon augufte Protecteur,
le fameux nom de Corneille . Il fit
enfaite une peinture admirable
du defordre & de l'irrégularité
où fe trouvoit la Scene Françoife
, lors qu'il commença à travailler.
Nul gouft , nulle connoiffan
GALANT. 129
遂
ce des veritables beautez du Theatre.
Les Autheurs auffi ignorans que
les Spectateurs. La plupart des Sujets
extravagans & dénue de vraifemblance.
Point de Moeurs , point
de Caracteres. La Diction encore
plus vicieufe que l'Action , & dont
les Pointes , & de miferables jeux
de mots, faifoient le principal ornement
. En un mot, toutes les Regles de
l'Art , celles mefme de l'honnefteté
& de la bienséance , violées . Il pourfuivit
en difant , Que dans ce Cahos
du Poëme Dramatique parmy
nous , Monfieur de Corneille , aprés
avoir quelque temps cherche le bon
chemin , & lutte contre le mauvais
goût de fon Siecle , enfin infpiré d'un
Genie extraordinaire , & aidé de la
lecture des Anciens , avoit fait voir
fur la Scene la Raifon , mais la Raifon
accompagnée de toute la pompe,
de tous les ornemens dont nôtre !
F
130
MERCURE
gue eft capable , accorde heureuſement
le Vrai-femblable & le Merveilleux,
& laiffe bien loin derriere
Luy tout ce qu'il avoit de Rivaux,
dont la plupart defefperant de l'atteindre,&
n'ofant plus entreprendre
de luy difputer le Prix , s'eftoient
bornez à combatre la Voix publique
déclarée pour luy , & avoient eſſayé
en vain par leur difcours & par
Leurs frivoles critiques , de rabaiffer
un merite qu'ils ne pouvoient égaler.
Il paffa de là aux acclamations
qu'avoient excité à leur naiffance
le Cid , Horace , Cinna , Pompée ,
& les autres Chef- d'oeuvres qui
les avoient fuivis , & dit , Qu'on
ne trouvoit point de Poëte qui eust
poffedé à la fois tant d'excellantes
parties , l'Art , laforce , le lugement
, & l'Efprit. Il parla de la
furprenantes varieté qu'il avoit
mellée dans les Caracteres , en
<
GALANT.
131
forte, que tant de Roys, de Princes,
& de Heros qu'il avoit repréfentez,
étoient toujours tels qu'ils devoient
estre , toûjours uniformes en euxmémes
, & jamais ne fe reffemblant
les uns aux autres ; Qu'il y avoit
parmy tout cela une magnificence
d'expreffion proportionnée aux Maitres
du Monde qu'ilfaifoit fouvent
parler , capable neanmoins de s'abaiffer
quand il vouloit , & de defcendre
jufqu'aux plus fimples naïvete
du Comique , où il eftoit encore
inimitable; Qu'enfin ce qui luy
étoit fur tout particulier , c'étoit une
certaineforce, une certaine élevatio,
qui en furprenant & en élevant ,
rendoit jufqu'à fes defauts , fi on luy
en pouvoit reprocher quelques uns,
plus eftimables que les vertus des
autres. Il ajoûta , Qu'on pouvoit le
regarder comme un Homme veritablement
népour lagloire de fon Païs ,
·
F 6
132 MERCURE
,
efme
comparable , non pas à tout ce que
Fancienne Rome avoit eu d'excellens
Tragiques , puis qu'elle confeffoit
elle-mefme qu'en ce genre elle
n'avoit pas efté fort heureuſe , mais
aux Efchiles , aux Sophocles , aux
Euripides , dont la fameuse Athenes
ne s'honoroit pas moins que des
Themiftocles , des Pericles , & des
Alcibiades , qui vivoient en me
temps qu'eux. Il s'étendit fur la juftice
la Pofterité rend aux
que
habiles Ecrivains , en les égalant
à tout ce qu'il y a de plus confiderable
parmy les Hommes , &
faifant marcher de pair l'excellent
Poëte & le grand Capitaine ; &
dit là deffus , Que le mefme Siecie
qui fe glorifioit aujourd'huy d'avoir
produit Auguste, ne fe glorifioit
guere moins d'avoir produit Horace
& Virgile ; qu'ainfi lors
ages fuivans on parleroit avec éton
que
dans les
GALANT.
133
nement des Victoires prodigieufes ,
& de toutes les chofes qui rendront
nostre fiecle l'admiration de tous les
fiecles à venir , l'illuftre Corneille
tiendroit fa place parmis toutes ces
merveilles ; que la France fe fouviendroit
avec plaifir quefous le
Regne du plus grand de fes Roys ,
auroit fleury le plus celebre de fes
Poëtes , qu'on croiroit mefme ajoûter
quelque chofe à la gloire de noftre
Augufte Monarque , lors qu'on diroit
qu'il avoit eftimé, qu'il avoit honoré
de fes bien faits cet excellent Genie;
que même deux jours avant la mort,
& lors qu'il ne luy reftoit plus qu'un
rayon de connoiffance , il luy avoit
´encore envoyé des marques de fa liberalité
; & qu'enfin les dernieres
paroles de Corneille avoient efté
des remercimens pour Louis LE
GRANDAprés
l'avoir loué fur d'autre
134
MERCURE
qualitez particulieres , fur fa probité
, fur fa piété , & fur l'efprit
de douceur & de déference qu'il
apportoit à l'Academie , ne fe
préferant jamais à aucun de fes
Confreres , & ne tenant aucun
avantage des aplaudiffemens qu'il
recevoit dans le Public Monfieur
Racines adreffa la parole à Monfieur
de Bergeret , & dit , Que fi
l'Academie Françoife avoit perdu
en Monfieur Cordemoy , un Homme
qui aprés avoir donné au Barreau
une partie de fa vie , s'eftoit depuis
appliqué tout entier à l'étude de
nôtre ancienne Hiftoire , elle luy avoit
choisi pour Succeffeur un Homme,qui
après avoir eftélong - temps l'organe
d'un Parlement celebre , avoit effé
appellé à un des plus importans Emplois
de l'Etat , & qui avec une
connoiffance exacte , & de l'Hiftoire
& de tous les bons Livres, luy apporGALAN
T.
135
toit encore la connoiffance parfaite
de la merveilleufe Hiftoire de fon
Protecteur , qui étoit quelque chofe
de bien plus utile , & de bien plus
confiderable pour elle ; queperfonne
mieux que luy ne pouvoit parler de
tant de grands évenemens , dont
les motifs & les principaux refforts
avoient efté fi fouvent confiez à fa
fidelité & à fa fageffe , puis que
perfonne ne fçavoit mieux à fond
tout ce qui s'eftoit paßé de memorable
dans les Cours Etrangeres , les
Traitez, les Alliances , & toutes les
importantes Négotiations , qui fous
le Regne de Sa Majesté avoient
donne le branle à toute l'Europe ;
que cependant , s'il falloit dire la
verité , la voye de la négotiation
étoit bien courte fous un Prince qui
ayant toujours de fon cofté la Puiffance
& la Justice , n'avoit befoin
pour faire executerfes volontez, que
136 MERCURE
de les declarer ; Qu'autrefois la
France trop facile à fe laiffer fur
prendre par les artifices de fes Voifins
, paffoit pour eftre auffi infortunée
dans fes Accommodemens, qu'elle
étoit heureufe redoutable dans la
Guerre ; Quefur tout l'Espagne ,fon
orgueilleufe Ennemie , fe vantoit de
n'avoir jamais figné, mefme au plus
fort de nos profperitez , que des Trai
tezavantageux, & de regagnerfou
vent par un trait de plume , ce qu'elle
avoit perdu en plufieurs Campagne
; que cette adroite Politique
dont elle faifoit tant de vanité, luy
étoit prefentement inutile ; que toute
l'Europe avoit veu avec étonnement
, dés les premieres démarches
du Roy , cette fuperbe Nation contrainte
de venir jufque dans le Louvre
reconnoître publiquement fon
inferiorité , & nous abandonner de
puis par des Traitez folemnels , tant
GALANT . 137
l'emde
Places fi famenfes , tant de grandes
Provinces, celles mefme dont les
Roys empruntoient leurs plus glorieux
Titres ; que ce changement ne
s'étoit fait , ny par une longue fuite
de Négociations traînées , ny par la
dexterité de nos Ministres dans les
Pais Etrangers, puis qu'eux - mefmes
confeffoient que le Royfait tout, voit
tout dans les Cours où il les envoye,
& qu'ils n'ont tout au plus que
barras d'y faire entendre avec dignité
ce qu'il leur a dicté avec fageffe
. Il s'étendit encore quelque
temps fur les louanges de ce
grand Monarque, avec une force
d'expreffion tres - digne de fa matiere.
Il dit , Qu'ayant refolu dans
fon Cabinet,pour le bien de la Chré
tienté , qu'il n'y euft plus de guerre,
il avoit tracé fix lignes , & les avoit
envoyées à fon Ambassadeur à la
Haye , la veille qu'il devoit partir
138
MERCURE
pour se mettre à la teste d'une de
fes Armées ; que là- deffus tout s'étoit
agité , tout s'étoit remué , &
qu'enfin, fuivant ce qu'il avoit prévú,
fes Ennemis aprés bien des Conferences
, bien des Projets , bien des.
Plaintes inutiles , avoient efté contraints
d'accepter ces mefmes Conditions
qu'il leur avoit offertes, fans
avoir pu avec tous leurs efforts , s'écarter
d'un feul pas du cercle étroit
qu'il luy avoit plû de leur tracer.
Il s'adreffa alors à Meffieurs de
l'Academie , & ce qu'il leur dit fut
fi vif & fi bien peint , que j'affoiblirois
la beauté de cette fin d'un
Difcours fi éloquent , ſi j'en retranchois
une parole . Voicy les
termes qu'il y employa .
Quel avantage pour tous tant
que nous fommes, Meffieurs , qui cha
eun felon nos differens talens avons
entrepris de celebrer tant de granGALANT.
139
des chofes ! Vous n'aurez point pour
les mettre en jour , à difcuter avec
des fatigues incroyables une foule
d'intrigues , difficiles à developer.
Vous n'aurez pas mefme à fouiller
dans le Cabinet de fes Ennemis .
Leur mauvaife volonté , leur impuiffance
, leur douleur eft publique
à toute la Terre. Vous n'aurez point
à craindre enfin tous ces longs détails
de chicanes ennuyeuſes , qui
fechent l'efprit de l'Ecrivain , &
qui jettent tant de langueur dans
la plupart des Hiftoires modernes,
où le Lecteur qui cherchoit desfaits,
ne trouvant que de paroles , fent
mourir à chaque pas fon attention,
&perd de vue lefil des évenemens,
Dans l'Histoire du Roy, tout rit,tout
marche , tout eft en action. Il ne
faut que le fuivre fi l'on peut, & le
bien étudier luy feul. C'est un enchaînement
continuel de Faits mer-
3
140 MERCURË
veilleux que luy mefme commence,
que luy- mefme acheve , auffi clairs ,
auffi intelligibles quand ils font executez
, qu'impenetrables avant l'execution
. En un mot , lé miracle fut
de prés un autre miracle . L'attention
eft toûjours vive , l'admiration
toûjours tenduë , & l'on n'eft
pas moins frapé de la grandeur &
de la promptitude avec laquelle fe.
fait la Paix , que de la rapidité
avec laquelle fe font les Conquêtes .
Cette réponſe de Monfieur Racine
fut fuivie de tous les applau
diffemens qu'elle méritoit . Chacun
à l'envy s'empreffa a luy
marquer le plaifir que l'Affemblée
en avoit reçu , & on demeura
d'accord tout d'une voix , que
le Sort qui l'avoit fait Directeur,
n'avoit point efté aveugle dans
fon choix , & qu'on ne pouvoit
parler plus dignement au nom
GALANT.
141
de l'illuftre Compagnie , qui recevoit
dans fon Corps les deux
nouveaux Académiciens.
ceffé de parler , Monfieur de Bergeret
prit la parole , & fit un difcours
trés - éloquent. Il dit , qu'il
GALANT. 117
avoit déia éprouvé plus d'une fois ,
que dés qu'on vouloit penser avec
attention à l'Academie Françoife,
l'imagination fe trouvoit auffitoft
remplie & étonnée de tout ce qu'il
ya de plus beau dans l'Empire des
Lettres , qu'eft un Empire qui n'est
borné ny par les Montagnes , ny
pariles Mers , qui comprend toutes
les Nations & tous les Sicles ; dans
lequel les plus grands Princes ont
tenu à bonneurs d'avoir quelque
place , & où Meffieurs de l'Acade ·
mie Françoife ont l'avantage de
tenir le premier rang. Que s'il entreprenoit
de parler de toutes les
fortes de merites , qui font la gloire
de ceux qui la compofent , il fentoit
bien que l'habitude de parler en public
, & d'en avoir fait le Miniftere
plufieurs années , en parlant
pour le Roy dans un des Parlemens
defon Royaume, ne l'empefcheroit
118 MERCURE
pas de tomber dans le defordre.
Enfuite il loüa Monfieur de Cordemoy
dont il occupe la Place
for ce qu'il avoit joint toutes les
vertus Morales & Chrétiennes
aux plus riches talens de l'efprit,
fur les grandes lumiéres qu'il
avoit dans la Jurifprudence, dans
la Philofophie , & dans l'Hiftoire ,
& fur tout for une certaine prefence
d'efprit qui luy eftoir particuliére
, & qui le rendoit capable
de parler fans préparation ,
avec autant d'ordre & de ne teté
qu'on peut en avoir en écrivant
avec le plus de loiſir . Il n'oublia
les beaux & fçavans Traitez
de Phyfique qu'il à donnez au
Public; & en parlant de fa grande
Hiftoire de nos Roys qu'on acheve
d'imprimer, il ajoûta, Que fifa
trop promte mort avoit laiffé ce
dernier Ouvrage imparfait , quoy
qu'ily manquaft pour eftre entier ,
pas
GALANT. 119
ilne manqueroit rien à la réputa
tion de l'Autheur ; qu'on eftimeroit
toûjours ce qu'il a écrit , & qu'on regreteroit
toujours ce qu'il n'a pas eu le
temps d'écrire.Cet Eloge fut fuivy
de celuy de Monfieur le Cardinal
de Richelieu , inftituteur de l'Academie
Françoife . Il dit , Que
non feulement, il avoit fait les plus
grandes chofes pour la gloire de
lEtat , mais qu'il avoit fait les
plus grands Hommes pour celebrer
perpetuellement cette gloire ; que
tous les Academitiens luy apartenoient
par le Titre mefme de la
naiſſance de l'Academie, & qu'ils
étoient tous comme la Pofteritefçavante
& Spirituelle de ce grand
Miniftre ; Que l'illuftre Chancelier
qui luy avoit fuccedé dans la
protection de cette celebre Compagnie
, auroit toûjours part à la
mefme gloire; & que parmy toutes
"
110 MERCURE
les vertus qui l'avoient rendu digne
d'eftre Chefde la Justice , on releveroit
toûjours l'affection particulie
re qu'il avoit enë pour les Lettres,
& qui l'avoit obligé d'eftre fimple
Academicien long tems avant qu'il
devinft Protecteur de l'Academie ;
ce qui luy étoit d'autant plus glorieux
, que ces deux titres ne pou
voient plus estre reünis dans une
Perfonne privée , quelque éminente
qu'elle fuft en Dignité , le nom de
Protecteur del' Academie étant devenu
comme un titre Royal , par la
bonté que le Roy avoit euë de le
prendre , & de vouloir bien en faveur
des Lettres , que le Vainqueur
des Roys & l'Arbitre de l'Univers,
fuft auffi appellé le Protecteur de
l'Academie Françoife. Le reste de
fon Difcours roula fous les merveilleufes
qualitez de cet Augufte
Monarque. Il dit , Que tout ce
qu'il
GALANT. 121
cachoit
qu'il faifoit voir au monde n'eftoit
rien en comparaison de ce qu'il luy
; que tant de Victoire , de
Conqueftes , & d'Evenemens prodigieux
qui étonnoient toute la Terre,
n'avoient rien de comparable à
la fageffe incomprehenfible qui en
eftoit la caufe , & que lors qu'on
pouvoit voir quelque chofe des confeils
de cette Sageffe plus qu'humai
ne onfe trouvoit , pour ainsi dire,
dans une fi haute region d'esprit .
qu'on en perdoit la pensée , comme
quand on eft dans un air trop élevé ,
& troppur , on perd la refpiration.
Il ajoûta , Quefe tenant renfermé
dans les termes de l'admiration &
du filence , il ne cefferoit de fe taire
que pour nommer les Souveraines
Vertus qu'il admiroit ; une Prudence
qui penetroit tout , & qui étoit ellemefme
impenetrable ; une Justice
qui préferoit l'intereft du sujet à
Janvier 1685 .
A
F
122 MERCURE
celuy du Prince ; une Valeur qui prenoit
toutes les Villes qu'elle attaquoit
, comme un Torrent qui rompt
tous les obftacles qu'il rencontre ;
une Moderation qui avoit tant de
fois arrefté ce Torrent , &fufpendu
cet Orage ; une Bonté qui par l'entiere
abolition des Duels , prenoit
plus de foin de la vie des Sujets,
qu'ils n'en prenoient eux - mefmes ;
un Zele pour la Religion, qui faifoit
chaque jour de fi grands & de fi
heureux projets ; & que ce qui étoit
encore plus admirable dans toutes
ces Vertus fi differentes , c'eftoit de
les voir agir toutes ensemble , &
dans la Paix & dans la Guerre ,fansdifference
ny diftinction de temps.
Aprés une peinture fort vive des
grandes chofes que le Roy a faites
pendant la Paix , qui avoit
toûjours efté pour luy non feulement
agiffante , mais encore
GALANT. 123
victorieuſe , puis que par un
bonheur incomparable , elle n'avoit
pas arreſté fes Conqueftes ,
& que les trois plus importantes
Places du Royaume , & pour fa
gloire , & pour fa fûreté , Dunkerque
, Strasbourg , & Cazal
trois Villes qui font les Clefs de
trois Etats voifins , & dont la
Prife auroit fignalé trois Campagnes
, avoient efté conquifes
fans armes & fans Combats , il
dit, Qu'on avoit vû l'Europe entiere
conjurée contre la France , que
tout le Royaume avoit efté environné
d'Armées Ennemies & que
cependant il n'eftoit jamais arrivé
qu'un feul de tant de Genéraux
Etrangers euft pris feulement un
Quartier d'Hyver fur nos Frontie
res; Que tous ces Chefs Ennemis
Se promettoient d'entrer dans nos
Provinces en Vainqueurs & en Con-
,
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MERCURE
quérans , mais qu'aucun d'eux ne
les avoit veües , que ceux qu'on y
avoit amenez Prifonniers ; que tous
les autres estoient demeure autour
du Royaume , comme s'ils l'avoient
gardé ,fans troubler la tranquilité
dont iljouiffoit , & que c'eftoit un
prodige inouy , que tant de Nations
jaloufes de la gloire du Roy , & qui
s'étoient affemblées pour le combatre
, n'eulent pû faire autre choſe
que de l'admirer
& d'entendre
d'affez loin le bruit terrible defes
Foudres , qui renverfoient les Murs
de quarante Villes en moins,
trente jours , & qui cependant par
une espece de miracle , n'avoient
point empefché que la voix des Loix
n'euft efté toujours entenduë ; toûjours
la Justice également gardée,
l'obeiffance rendue , la Difcipline
obfervée, le Commerce maintenu , les
Arts floriffans , les Lettres cultivées,
>
de
GALANT
. 125
le Mérite recompenfe , tous les Reglemens
de la Police generalement
executez ; & non feulement de la
Police Civile , qui par les heureux
changemens qu'elle avoit faits ,fembloit
nous avoir donné un autre Air
& une autre Ville ; mais encore de
la Police Militaire , qui avoit civilife
les Soldats,& leur avoit inspire
un amour de la gloire & de la difcipline
, quifaifoit que les Armées du
Roy étoient en mefme temps la plus
belle & la plus terrible chofe du
monde. Il finit en difant, Que c'étoit
une grande gloire pour un Prince
Conquerant, que l'onput dire de
Luy, qu'il avoit toûjours eu un efprit
de paix dans toutes les Guerres qu'il
avoit faites , depuis la premiere
Campagne jufqu'à la derniere , depuis
la Prife de Marfal jufqu'à
celle de Luxembourg ; Que cette
derniere & admirable Conquefte ,
F
3
126 MERCURE
qui en affurant toutes les autres, venoit
heureufement de finir la Guerreferoit
dire encor plus que jamais,
que le Roy étoit un Héros toûjours
Vainqueur & toûjours Pacifique ,puis
que non feulement il avoit pris cette
Place ,une des plusfortes du Monde,
&qu'il l'avoit prife malgré tous les
obftacles de la Nature , malgré tous
les efforts de l'Art , malgré toute la
refiftance des Ennemis ; mais ce qui
étoit encore plus, malgré luy - même:
Eftant certain qu'il ne l'avoit attaquée
qu'à regret , &aprés avoir
preßé long-temps fes Ennemis cent
fois vaincus , de vouloir accepter
Paix qu'il leur offroit , & de ne le
pas contraindre à fe fervir du Droit
des Armes ; de forte que par un évenement
tout fingulier , cettefameufe
Villeferoit toûjours pour la gloire du
Roy un Monument éternel , non feulement
de la plus grande valeur .
la
GALANT. 127
mais auffi de la plus grande modes
ration dont on euft jamais parlé.
Toute l'Affemblée fut tresfatisfaite
de ce Difcours,& Monfieurde
Bergeret eut tout lieu de
l'eftre des louanges qu'il reçûr.
Monfieur Racines , qui eftoit
alors Directeur de l'Académie ,
répondit à ces deux nouveaux
Académiciens au nom de la
Compagnie. Je tâcherois inutilement
de vous exprimer combien
cette Reponſe fut éloquente
, & avec combien de grace il
la prononça . Elle fut interrom
pue par des applaudiffemens fréquemment
reiterez ; & comme
il en employe une partie à élever
le mérite de Monfieur de Corneille
, il fut aiſé de connoiſtre
qu'on voyoit avec plaifir dans la
bouche d'un des plus grands
Maiftres du Theatre ; les louan-
F 4
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MERCURE
ges de celuy qui a porté la Scene
Françoife au degré de perfection
où elle eft. Il dit d'abord , Que
l'Academie avoit regardé fa mort
comme un des plus rudes coups qui
La puft fraper ; Que quoy que depuis
un an une longue maladie l'euft
privée de fa présence , & qu'elle
euft perdu en quelque façon l'espérance
de le revoir iamais dans fes
Affemblées , toutefois il vivoit , &
que dans la Lifte où font les noms
de tous ceux qui la compofent , cette
Compagnie dont il eftoit le Doyen ,
avoit au moins la confolation de
voir immédiatement audeffous du
nom facré de fon augufte Protecteur,
le fameux nom de Corneille . Il fit
enfaite une peinture admirable
du defordre & de l'irrégularité
où fe trouvoit la Scene Françoife
, lors qu'il commença à travailler.
Nul gouft , nulle connoiffan
GALANT. 129
遂
ce des veritables beautez du Theatre.
Les Autheurs auffi ignorans que
les Spectateurs. La plupart des Sujets
extravagans & dénue de vraifemblance.
Point de Moeurs , point
de Caracteres. La Diction encore
plus vicieufe que l'Action , & dont
les Pointes , & de miferables jeux
de mots, faifoient le principal ornement
. En un mot, toutes les Regles de
l'Art , celles mefme de l'honnefteté
& de la bienséance , violées . Il pourfuivit
en difant , Que dans ce Cahos
du Poëme Dramatique parmy
nous , Monfieur de Corneille , aprés
avoir quelque temps cherche le bon
chemin , & lutte contre le mauvais
goût de fon Siecle , enfin infpiré d'un
Genie extraordinaire , & aidé de la
lecture des Anciens , avoit fait voir
fur la Scene la Raifon , mais la Raifon
accompagnée de toute la pompe,
de tous les ornemens dont nôtre !
F
130
MERCURE
gue eft capable , accorde heureuſement
le Vrai-femblable & le Merveilleux,
& laiffe bien loin derriere
Luy tout ce qu'il avoit de Rivaux,
dont la plupart defefperant de l'atteindre,&
n'ofant plus entreprendre
de luy difputer le Prix , s'eftoient
bornez à combatre la Voix publique
déclarée pour luy , & avoient eſſayé
en vain par leur difcours & par
Leurs frivoles critiques , de rabaiffer
un merite qu'ils ne pouvoient égaler.
Il paffa de là aux acclamations
qu'avoient excité à leur naiffance
le Cid , Horace , Cinna , Pompée ,
& les autres Chef- d'oeuvres qui
les avoient fuivis , & dit , Qu'on
ne trouvoit point de Poëte qui eust
poffedé à la fois tant d'excellantes
parties , l'Art , laforce , le lugement
, & l'Efprit. Il parla de la
furprenantes varieté qu'il avoit
mellée dans les Caracteres , en
<
GALANT.
131
forte, que tant de Roys, de Princes,
& de Heros qu'il avoit repréfentez,
étoient toujours tels qu'ils devoient
estre , toûjours uniformes en euxmémes
, & jamais ne fe reffemblant
les uns aux autres ; Qu'il y avoit
parmy tout cela une magnificence
d'expreffion proportionnée aux Maitres
du Monde qu'ilfaifoit fouvent
parler , capable neanmoins de s'abaiffer
quand il vouloit , & de defcendre
jufqu'aux plus fimples naïvete
du Comique , où il eftoit encore
inimitable; Qu'enfin ce qui luy
étoit fur tout particulier , c'étoit une
certaineforce, une certaine élevatio,
qui en furprenant & en élevant ,
rendoit jufqu'à fes defauts , fi on luy
en pouvoit reprocher quelques uns,
plus eftimables que les vertus des
autres. Il ajoûta , Qu'on pouvoit le
regarder comme un Homme veritablement
népour lagloire de fon Païs ,
·
F 6
132 MERCURE
,
efme
comparable , non pas à tout ce que
Fancienne Rome avoit eu d'excellens
Tragiques , puis qu'elle confeffoit
elle-mefme qu'en ce genre elle
n'avoit pas efté fort heureuſe , mais
aux Efchiles , aux Sophocles , aux
Euripides , dont la fameuse Athenes
ne s'honoroit pas moins que des
Themiftocles , des Pericles , & des
Alcibiades , qui vivoient en me
temps qu'eux. Il s'étendit fur la juftice
la Pofterité rend aux
que
habiles Ecrivains , en les égalant
à tout ce qu'il y a de plus confiderable
parmy les Hommes , &
faifant marcher de pair l'excellent
Poëte & le grand Capitaine ; &
dit là deffus , Que le mefme Siecie
qui fe glorifioit aujourd'huy d'avoir
produit Auguste, ne fe glorifioit
guere moins d'avoir produit Horace
& Virgile ; qu'ainfi lors
ages fuivans on parleroit avec éton
que
dans les
GALANT.
133
nement des Victoires prodigieufes ,
& de toutes les chofes qui rendront
nostre fiecle l'admiration de tous les
fiecles à venir , l'illuftre Corneille
tiendroit fa place parmis toutes ces
merveilles ; que la France fe fouviendroit
avec plaifir quefous le
Regne du plus grand de fes Roys ,
auroit fleury le plus celebre de fes
Poëtes , qu'on croiroit mefme ajoûter
quelque chofe à la gloire de noftre
Augufte Monarque , lors qu'on diroit
qu'il avoit eftimé, qu'il avoit honoré
de fes bien faits cet excellent Genie;
que même deux jours avant la mort,
& lors qu'il ne luy reftoit plus qu'un
rayon de connoiffance , il luy avoit
´encore envoyé des marques de fa liberalité
; & qu'enfin les dernieres
paroles de Corneille avoient efté
des remercimens pour Louis LE
GRANDAprés
l'avoir loué fur d'autre
134
MERCURE
qualitez particulieres , fur fa probité
, fur fa piété , & fur l'efprit
de douceur & de déference qu'il
apportoit à l'Academie , ne fe
préferant jamais à aucun de fes
Confreres , & ne tenant aucun
avantage des aplaudiffemens qu'il
recevoit dans le Public Monfieur
Racines adreffa la parole à Monfieur
de Bergeret , & dit , Que fi
l'Academie Françoife avoit perdu
en Monfieur Cordemoy , un Homme
qui aprés avoir donné au Barreau
une partie de fa vie , s'eftoit depuis
appliqué tout entier à l'étude de
nôtre ancienne Hiftoire , elle luy avoit
choisi pour Succeffeur un Homme,qui
après avoir eftélong - temps l'organe
d'un Parlement celebre , avoit effé
appellé à un des plus importans Emplois
de l'Etat , & qui avec une
connoiffance exacte , & de l'Hiftoire
& de tous les bons Livres, luy apporGALAN
T.
135
toit encore la connoiffance parfaite
de la merveilleufe Hiftoire de fon
Protecteur , qui étoit quelque chofe
de bien plus utile , & de bien plus
confiderable pour elle ; queperfonne
mieux que luy ne pouvoit parler de
tant de grands évenemens , dont
les motifs & les principaux refforts
avoient efté fi fouvent confiez à fa
fidelité & à fa fageffe , puis que
perfonne ne fçavoit mieux à fond
tout ce qui s'eftoit paßé de memorable
dans les Cours Etrangeres , les
Traitez, les Alliances , & toutes les
importantes Négotiations , qui fous
le Regne de Sa Majesté avoient
donne le branle à toute l'Europe ;
que cependant , s'il falloit dire la
verité , la voye de la négotiation
étoit bien courte fous un Prince qui
ayant toujours de fon cofté la Puiffance
& la Justice , n'avoit befoin
pour faire executerfes volontez, que
136 MERCURE
de les declarer ; Qu'autrefois la
France trop facile à fe laiffer fur
prendre par les artifices de fes Voifins
, paffoit pour eftre auffi infortunée
dans fes Accommodemens, qu'elle
étoit heureufe redoutable dans la
Guerre ; Quefur tout l'Espagne ,fon
orgueilleufe Ennemie , fe vantoit de
n'avoir jamais figné, mefme au plus
fort de nos profperitez , que des Trai
tezavantageux, & de regagnerfou
vent par un trait de plume , ce qu'elle
avoit perdu en plufieurs Campagne
; que cette adroite Politique
dont elle faifoit tant de vanité, luy
étoit prefentement inutile ; que toute
l'Europe avoit veu avec étonnement
, dés les premieres démarches
du Roy , cette fuperbe Nation contrainte
de venir jufque dans le Louvre
reconnoître publiquement fon
inferiorité , & nous abandonner de
puis par des Traitez folemnels , tant
GALANT . 137
l'emde
Places fi famenfes , tant de grandes
Provinces, celles mefme dont les
Roys empruntoient leurs plus glorieux
Titres ; que ce changement ne
s'étoit fait , ny par une longue fuite
de Négociations traînées , ny par la
dexterité de nos Ministres dans les
Pais Etrangers, puis qu'eux - mefmes
confeffoient que le Royfait tout, voit
tout dans les Cours où il les envoye,
& qu'ils n'ont tout au plus que
barras d'y faire entendre avec dignité
ce qu'il leur a dicté avec fageffe
. Il s'étendit encore quelque
temps fur les louanges de ce
grand Monarque, avec une force
d'expreffion tres - digne de fa matiere.
Il dit , Qu'ayant refolu dans
fon Cabinet,pour le bien de la Chré
tienté , qu'il n'y euft plus de guerre,
il avoit tracé fix lignes , & les avoit
envoyées à fon Ambassadeur à la
Haye , la veille qu'il devoit partir
138
MERCURE
pour se mettre à la teste d'une de
fes Armées ; que là- deffus tout s'étoit
agité , tout s'étoit remué , &
qu'enfin, fuivant ce qu'il avoit prévú,
fes Ennemis aprés bien des Conferences
, bien des Projets , bien des.
Plaintes inutiles , avoient efté contraints
d'accepter ces mefmes Conditions
qu'il leur avoit offertes, fans
avoir pu avec tous leurs efforts , s'écarter
d'un feul pas du cercle étroit
qu'il luy avoit plû de leur tracer.
Il s'adreffa alors à Meffieurs de
l'Academie , & ce qu'il leur dit fut
fi vif & fi bien peint , que j'affoiblirois
la beauté de cette fin d'un
Difcours fi éloquent , ſi j'en retranchois
une parole . Voicy les
termes qu'il y employa .
Quel avantage pour tous tant
que nous fommes, Meffieurs , qui cha
eun felon nos differens talens avons
entrepris de celebrer tant de granGALANT.
139
des chofes ! Vous n'aurez point pour
les mettre en jour , à difcuter avec
des fatigues incroyables une foule
d'intrigues , difficiles à developer.
Vous n'aurez pas mefme à fouiller
dans le Cabinet de fes Ennemis .
Leur mauvaife volonté , leur impuiffance
, leur douleur eft publique
à toute la Terre. Vous n'aurez point
à craindre enfin tous ces longs détails
de chicanes ennuyeuſes , qui
fechent l'efprit de l'Ecrivain , &
qui jettent tant de langueur dans
la plupart des Hiftoires modernes,
où le Lecteur qui cherchoit desfaits,
ne trouvant que de paroles , fent
mourir à chaque pas fon attention,
&perd de vue lefil des évenemens,
Dans l'Histoire du Roy, tout rit,tout
marche , tout eft en action. Il ne
faut que le fuivre fi l'on peut, & le
bien étudier luy feul. C'est un enchaînement
continuel de Faits mer-
3
140 MERCURË
veilleux que luy mefme commence,
que luy- mefme acheve , auffi clairs ,
auffi intelligibles quand ils font executez
, qu'impenetrables avant l'execution
. En un mot , lé miracle fut
de prés un autre miracle . L'attention
eft toûjours vive , l'admiration
toûjours tenduë , & l'on n'eft
pas moins frapé de la grandeur &
de la promptitude avec laquelle fe.
fait la Paix , que de la rapidité
avec laquelle fe font les Conquêtes .
Cette réponſe de Monfieur Racine
fut fuivie de tous les applau
diffemens qu'elle méritoit . Chacun
à l'envy s'empreffa a luy
marquer le plaifir que l'Affemblée
en avoit reçu , & on demeura
d'accord tout d'une voix , que
le Sort qui l'avoit fait Directeur,
n'avoit point efté aveugle dans
fon choix , & qu'on ne pouvoit
parler plus dignement au nom
GALANT.
141
de l'illuftre Compagnie , qui recevoit
dans fon Corps les deux
nouveaux Académiciens.
Fermer
Résumé : « Monsieur de Corneille ayant cessé de parler, Monsieur de Bergeret [...] »
Monsieur de Bergeret prononce un discours à l'Académie Française, soulignant la grandeur de cette institution qui attire les plus grands princes. Il rend hommage à Monsieur de Cordemoy, louant ses vertus morales et chrétiennes, ainsi que ses talents intellectuels. Cordemoy avait entrepris une grande histoire des rois de France, restée inachevée à cause de sa mort prématurée. Le discours est suivi d'un éloge du Cardinal de Richelieu, fondateur de l'Académie, célébré pour ses contributions à la gloire de l'État et son rôle de protecteur des lettres. Le roi est ensuite loué pour ses qualités exceptionnelles telles que la prudence, la justice, la valeur, la modération, la bonté et son zèle pour la religion. Ses actions pendant la paix et la guerre, notamment la conquête de places stratégiques sans combat et la gestion efficace du royaume malgré les menaces extérieures, illustrent ces vertus. Monsieur Racine, directeur de l'Académie, répond aux nouveaux académiciens en soulignant l'importance de Pierre Corneille pour le théâtre français. Racine décrit l'état chaotique du théâtre avant l'œuvre de Corneille, qui a introduit la raison et la vraisemblance sur scène, surpassant tous ses contemporains. Il compare Corneille aux grands tragiques de l'Antiquité et souligne son impact durable sur la littérature française. Le texte mentionne également la gloire de la France, qui se glorifie d'avoir produit des figures illustres comme Auguste, Horace et Virgile, et prédit que le siècle sera admiré pour ses victoires prodigieuses. Corneille est décrit comme une merveille parmi ces exploits. La France se souviendra avec plaisir que, sous le règne de Louis XIV, le plus célèbre de ses poètes a fleuri. Le roi a honoré Corneille de ses bienfaits, même deux jours avant sa mort, en lui envoyant des marques de libéralité. Les dernières paroles de Corneille ont été des remerciements à Louis XIV, qu'il a loué pour sa probité, sa piété et son esprit de douceur. Racine adresse ensuite la parole à Bergeret, soulignant que l'Académie française a perdu en Cordemoy un homme dédié à l'étude de l'histoire ancienne, mais a choisi un successeur compétent en Bergeret. Ce dernier, après avoir été l'organe d'un parlement célèbre et occupé un emploi important dans l'État, apporte à l'Académie une connaissance parfaite de l'histoire et des livres, ainsi que de l'histoire de son protecteur. Racine loue Bergeret pour sa connaissance des grands événements, des traités, des alliances et des négociations sous le règne de Sa Majesté. Racine mentionne également la supériorité de la France dans les négociations, contrastant avec les politiques passées où la France était souvent désavantagée. Il souligne que l'Espagne, autrefois orgueilleuse, a dû reconnaître publiquement son infériorité et abandonner des places et provinces importantes. Ce changement est attribué à la puissance et à la justice du roi, qui n'a besoin que de déclarer ses volontés pour les voir exécutées. Racine conclut en louant le roi pour sa résolution de mettre fin à la guerre et pour son habileté à tracer des lignes de paix que les ennemis ont dû accepter.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 1-216
HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
Début :
Nous avons vû en moins d'une année deux choses [...]
Mots clefs :
Bude, Siège de Buda, Siège, Prince, Histoire, Comte, Troupes, Place, Hommes, Armée, Ville, Attaque, Canon, Assiéger, Place, Prince Charles, Charles V de Lorraine, Électeur de Bavière, Maximilien-Emmanuel de Bavière, Général, Camp, Assiégés, Brandebourg, Assiégeants, Pièces, Travaux, Soldats, Ennemis, Rondelle, Brèche, Nuit, Turcs, Bavarois, Lieutenant, Colonel, Janissaires, Lignes, Major, Régiment, Palissades, Côté
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texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
HISTOIRE
DU SIEGE
DE BUD E.
OUS avons vu en
moins d'une annéedeux
chofes fi remarquables ,
l'une en France , & l'autre
en Hongrie , qu'il eft impoffible
qu'elles ne paffent jufqu'à la
pofterité la plus éloignée , puifque
plufieurs fiecles enſemble ne
fourniffent pas quelquefois des
actions d'un fi grand éclat. Tout
A
Hiftoire du Siege
l'Empire Ottoman employoit fes
foins & fes principales forces à
empefcher que l'on ne prît Bude,
parce que cette Ville peut ouvrir
le paffage jufques à Conftantinople
, & qu'il eft malaisé que le
Royaume de Hongrie dont elle
eft la Capitale , ne foit pasfoumis
à la domination de celuy qui
la poffede. C'eſt pour cela que les
Tures fe font toûjours attachez à
la conferver. Elle a foûtenu quatre
fieges depuis qu'ils en font les
maiſtres , & n'a efté prife qu'au
cinquième , qui eft celuy qui
vient d'eftre fait par l'Armée confedérée
des Chrétiens. L'Empereur
à qui tant de Troupes auxiliaires
jointes aux fiennes , ont
facilité cette Conquête , y va rétablir
la veritable Religion , pendant
que Sa Majefté fortifie cette
méme Religion dans huit cens
Villes
de Bude. 3
t
Villes ou Bourgs , d'où Elle a
chaffe la fauffe , que fept de fes
predeceffeurs n'avoient pû détruire.
Ces deux Nouvelles ayant
donné au Pape la plus fenfible
joye qu'il ait receue depuis fon
Exaltation au Pontificat , il a ordonné
de femblables remerciemens
à Dieu , & d'égales rejoüiffances
dans Rome, pour des actions
qui font du plus grand merite au
prés du S. Siege. On n'y a parlé
jufqu'à la prife de Bude , que de
ce que l'Eglife doit au Roy de
France , & depuis la Conquête
de cette importante Place, on n'y
parle que de l'une & de l'autre
action, & on les regardes comme
les deux plus grands Triomphes
que l'Eglife pouvoit remporter.
Je vous ay entretenue de l'une
pendant plufieurs mois , il faut
vous entretenir de l'autre ; mais
A ij
4 Hiftoire
du Siege
pour le faire avec un peu d'ordre ,
je croy qu'il fera bon de vous expliquer
en peu de mots comment
la Ville de Bude a paffé au pouvoir
des Ottomans.
Louis II. dit le Jeune , Roy de
Hongrie , ayant pery en 1526. à
la bataille de Mohacs , Jean de
Zapol , Comte de Scepus , Vaivode
de Tranfilvanie fut falué
Roy par une partie des Hongrois.
L'autre élut Ferdinand Roy de
Boheme , qui avoit époufé Anne ,
Soeur du defunt Roy Loiys . Ferdinand
affifté des forces de l'Empereur
Charle Quint fon frere ,
alla droit à Bude , dont il fe fai fit
en ayant chaffe Jean de Zapol , qui
par diverfes pratiques qu'il eut à
la Porte , vint enfin à bout de faire
venir Soliman à fon fecours . Solyman
eftant entré dans la Hongrie
avec de puiffantes forces en 1529.
marcha
de Bude.
5
€
C
marcha vers Bude , la prit & retablit
le Roy Jean dans fon Eftat.
Ce dernier pour s'y maintenir
fans trouble , fit un accord avec
Ferdinand , par lequel il devoit
jour du Royaume de Hongrie
jufques à fa mort , à condition
que Ferdinand , ou l'un de fes
Fils , luy fuccederoit , & comme
il fe pouvoit faire que Jean venant
à fe marier auroit des enfans
, il fut arrefté que s'il avoit
un Fils , ce Fils feroit Prince de
Tranfilvanie, & poffederoit toutes
les terres , Villes & Chateaux
qui avoient appartenu à Jean avant
que les Hongrois l'euffent
fait leur Roy. Ce Traité eftant
conclu, il fe maria avec Elifabeth.
fille de Sigifmond Roy de Polog.
ne, & mourut prefque auffi - toft ,
laiffant au berceau un Fils qu'il
en eut. Quelques- uns mirent la
A iij
6 .
Hiftoire du Siege
Couronne fur la tefte de l'Enfant
le jour qu'il fut baptifé , & Ferdinand
ayant demandé à Elifabeth
l'execution du Traité fait
avec le Royfon Mary cette malheureufe
Reyne qui fut avertie
qu'il preparoit une Armée pour
la contraindre à l'obeïffance , envoya
des Ambaffadeurs à Solimã .
Ils en furent bien receus , & en
rapporterent une Robe d'écarlate
en broderie , une maffe de fer
avec le pommeau & la poignée
d'or , & un cimeterre dont le fourreau
eftoit tout femé de pierreries
, pour marque de fon amitié
& de fa protection . En mefme
temps Solyman donna fes ordres
pour faire fecourir Elifabeth fi
elle eftoit attaquée , & Guillaume
Rocandolph, General des Troupes
de Ferdinand , ayant commencé
le Siege de Bude , Mahomet Bacha
de Bude ..
7
cha , & Mahomet Sangiac de
Belgrade , pour obeir à leur Empereur
, marcherent vers cette
Place avec toute la diligence poffible
. Rocandolph remüa fon
Camp à leur arrivée . Il le mit au
pied du Mont S. Girard . Le Sangiac
de Belgrade alla camper fur
les cofteaux de la Plaine qui s'étend
depuis ce Mont le long du
Danube pour enfermer les Chreftiens,
& Mahomet Bacha campa
d'un autre cofté , & fi prés de
Rocandolph , que les Tentes de
l'une & de l'autre Armée n'étoient
éloignées que d'une demie
lieuë. Il y eut de legers combats
entre les deux Camps , avec des
fuccez , tantoft favorables pour
l'un des partis , & tantoft pour
l'autre ; mais enfin Rocandolph
ayant appris que Solyman venoit
luy- mefme appuyer les deffeins
A iiij
8
Hiftoire du Siege
de fes Generaux à la tefte de
deux- cens mille hommes , jugea à
propos de fe retirer . Les Turcs
avertis de fon deffein l'attaquerent
dans fa retraite , & plus de
vingt mille Chrêtiens demeurerent
fur la place . La levée du Siege
n'empefcha pas Solyman de
pourfuivre fon voyage , & de venir
jufque devant Bude . Il envoya
de là affurer la Reine Elifabeth
de fa bienveillance ; & la fit
prier de fatisfaire l'envie qu'il
avoit de voir le jeune Eftienne
fon Fils. Elifabeth trouvant dangereux
de le refufer , parce que
c'eût été marquer de la défiance ,
& irriter un Prince puiffant, l'envoya
au Camp de Solyman , avec
les principaux Seigneurs de fa
Cour. Le Turc le receut avec
beaucoup de careffes , & le fit
loger avec Bajazet & Selim fes
Fils ,
de Bude.
Fils , qu'il avoit eus de Roxelane .
Les Bachas traiterent magnifiquement
les Seigneurs Hongrois
qui avoient accompagné leur
jeune Roy , & cependant les Janiffaires
de Solyman qui avoient
fes ordres , eftant entrez dans la
Ville comme amis , fe répandirent
par tout fous pretexte de
confiderer la beauté des Bâtimens
, & fe voyant affez forts
pour executer leur entreprife , ils
fe faifirent de toutes les Places ,
forcerent les Gardes des Portes
qui ne foupçonnoient point cette
trahifon , & les ouvrirent à quelques
Troupes qu'on avoit fait
avancer. Enfuite on commanda
aux Bourgeois de rendre les armes
, & ce fut ainfi que Solyman
s'empara de Bude , fans qu'il en
coutât le fang d'un feul homme .
Cela arriva en 1541. Apres un
•
A V
Hiftoire du Siege
évenement fi favorable , l'Empereur
Turc tint confeil , & l'on
y
mit en deliberation s'il retiendroit
le Royaume de Hongrie,
ou s'il le rendroit au jeune Roy.
Mahomet Bacha eftoit d'avis que
Solyman le menaſt à Conſtantinople
avec les Seigneurs Hongrois
qu'il avoit entre fes mains ,
& qu'il mift à Bude un Gouverneur
qui ufant de moderation ,
apprit à ce Peuple à fe foumettre
au joug Ottoman . Ruftan
, Gendre de l'Empereur &
de Roxelane , luy voulut perfuader
de garder ſa foy , qu'il ne
pouvoit violer fans honte , & le
Sangiac de Belgrade fut d'avis
qu'en reduifant la Hongrie en
Province , il fe delivraft par là
de la neceffité, où il pourroit eftre
encore de revenir de fi loin fecourir
une Femme & un Enfant.
Il
de Bude. I
Il luy reprefenta qu'ils ne pourroient
refifter aux forces Allemandes
que par le fecours de
celles de la Hauteffe , & que les
Guerres ne fe devant faire que
pour avoir le moyen de vivre en
paix , il eftoit de l'intereft du
Sultan fon Maiftre, de reduire en
Province un Royaume qu'il avoit
fi fouvent défendu ; qu'ainfi il
falloit renvoyer la Reyne en Pologne
à fon Pere Sigifmond , mener
le jeune Roy Eftienne à
Conftantinople pour l'y élever
dans la Loy Mahometane , faire
trancher la tefte à tous les
Seigneurs Hongrois prifonniers,
rafer leurs Fortereffes , tranfporter
une pattie des familles en
Afie , & tenir les autres dans le
devoir par de fortes Garnifons.
Soliman ne fuivit aucun de ces
avis. Il entra dans Bude, & aprés
avoir
12
Hiftoire du Siege
, avoir renverfé les Autels &
fait brifer toutes les Images de
l'Eglife Cathedrale pour la confacrer
felon les Superftitions Mahometanes
, il fit fortir Elifabeth
de la Ville , & l'obligea de ſe retirer
à Lippe avec fon Fils pour
gouverner la Transilvanie , l'affurant
qu'il le rétabliroit fur le
Trône quand il feroit dans un
âge plus avancé. Cependant il la
declara Tutrice de ce jeune Prince
dont il luy promit d'eftre le
Protecteur, & luy rendit Georges
Martinufius pour eftre Miniftre
de fes Eftats. Depuis ce temps-là
la Ville de Bude que les Allemans
appellent offen , eftoit toûjours
demeurée au pouvoir des Turcs.
Elle fut affiegée en 1598. fous
le Regne de Mahomet III . par
l'Archiduc Mathias . Il força le
Fauxbourg qui eft du cofté du
Da
de Bude . 13
1
I
Danube , & fe rendit maiſtre
du Fort bafty fur le Mont Saint
Girard , où il trova quatre- vingt
pieces de canon , mais il ne put
venir à bout de la Citadelle .
Elle fut & vigoureufement défendue
, que la mauvaiſe faifon
s'avançant , il fe vit contraint de
lever le Siege. Comme il n'abandonnoit
le deffein de faire
cette conquefte que par la confideration
de l'hyver , fi - toſt
qu'il vit le temps propre à l'entreprendre
, il ramena fon Armée
devant cette Place. Les
Turcs qui en apprehendoient
la perte , s'avancerent promptement
pour la fecourir. Ils furent
défaits , mais cette victoire qui
donnoit de fi grandes efperances
aux Princes Chreftiens qui attaquoient
Bude ne pût rien
diminuer de la fermeté des
,
Affie
14 Hiftoire du Siege
Affiegez à fe bien défendre .
L'Armée Chreftienne trouva
dans ce fecond Siege les mefmes
hommes , & la mefme refiftance
qui luy avoit fait quitter
le premier , & elle fe retira
encore une fois.
>
Apres la perte d'Albe - Royale
, repriſe en 1602. par les
Turcs qui l'avoient perduë
l'année precedente , le mefine
Archiduc Mathias , qui commandoit
une Armée de quarante
mille hommes , marcha pour
la troifiéme fois contre Bude.
La Ville - baffe ayant efté
facilement emportée , il affiegea
la haute , furprit la Ville de
Peft , & ces commencemens furent
fi heureux , qu'on ne douta
point qu'il ne vint à bout de
fon entrepriſe. Cependant toute
la valeur & la prévoyance
des
de Bude.
15
des Chreftiens ne put empefcher
que la Citadelle ne fût rafraîchie
d'hommes , de vivres &
de munitions . de Guerre ; ainfi
il fallut encore lever le Siège.
Charles de Gonzague , Duc de
Nevers , y fut bleffé d'un coup de
moufquet à l'épaule.
Le dernier Siege eft connu
de tout le monde. Il fut commencé
par le Prince Charles de
Lorraine le 14 de Juillet 1684.
& le fecours jetté dans la Place
, le mauvais eftat dés Troupes
, l'incommodité de la faifon
, & le hazard auquel on fe
feroit exposé en donnant un
affaut general , dans lequel on
auroit eu à combattre en meſme
temps & ceux de la Ville , &
le Seraskier qui n'eftoit pas éloigné
des Lignes , ayant fait
craindre un mauvais fuccez de
cette
16 Histoire du Siege
cette entrepriſe , l'Armée Chreftienne
fe retira le premier jour
de Septembre , fans eftre inquietée
par les Ennemis dans fa
retraite .
Je viens au cinquième Siege
de cette importante Place.
Rien n'eft plus difficile qu'u
ne Relation de cette nature ,
fur tout lors qu'un Siege a efté
long , qu'il a fait verfer beaucoup
de fang, & que l'évenement
en a efté attendu de toute
l'Europe. Comme dans celuy
que j'entreprens de décrire , le
nombre des Intereffez a efté
grand , & qu'il y a eu differens
quartiers de divers Souverains,
fans compter quantité de Volontaires
repandus de plufieurs
Nations, chacun voudroit qu'on
n'oubliaft rien de ce qui le regarde
, & c'est une exactitude
qui
de Bude.
17
,
qui eft entieremet impoffible.Cependant
s'il arrive qu'on ne parle
point d'une action d'un feul Volotaire
lors qu'il eft d'une qualité.
diftinguée, cela eft caufe que tous
ceux de la mefme Nation fe récrient
fur la fauffeté d'un ouvrage
, qui ne manque quelquefois
qu'en ces fortes de circonftances
qui ne meriteroient pas
qu'on s'en mift en peine . Il y en
a d'autres qui pouffent le point
d'honneur plus loing , & qui ne
voudroient pas qu'on marquaft
que ceux de leur Nation ont eu
fouvent du defavantage pendant
le cours du Siege , comme fi la
- Victoire qui couronne tous les
travaux par la priſe d'une Place,
& qui efface toutes les pertes,
pouvoit empécher que l'on n'euft
efté quelquefois batu avant le
triomphe. S'il ne faloit point
parler
18
Hiftoire du Siege
parler des de avantages du Vainqueur,
il faudroit feulement marquer
la Prife , & la Victoire &
ce ne feroit plus alors la Relation
d'un Siege , mais le détail de la
derniere action. Bien que l'on
foit affuré de la priſe de la Place
avant que d'écrire la premiere
ligne du Siege , & qu'on fçache
que ceux qui fe font venus rendre
aux Afliegeans ont dit la
plus - part des fauffetez , il faut
pourtant faire mention de ces
fauffetez ,quoy que dans le tems
qu'on les écrit , on les connoiffe
pour telles. Il faut mettre dans
un journal tout ce qui s'est fait
& tout ce qui s'eft dit , parce que
felon ces chofes ont voit les vraies
& les fauffes mefures qu'ont pris
tant les Affiegeans que les Affiegez.
C'eſt par là que la Pofterité
s'inftruit , & c'eft ce qui doit
donner
de Bude. 19
3:
donner des lumieres à ceux qui
en de pareilles occafions peuvent
un jour avoir des commandemens.
Ainfi quand je diray la
verité de ce qui s'eft paffe pendant
le cours du Siege de Bude
,je ne feray pas pour cela contre
les Allemans. Tout depend
de la derniere action , puifque
lors qu'on reuffit , on a toûjours
pris de juítes mefures. Je dois
dire à l'avantage de la France,
qu'une Place fans dehors , com-
I me celle que vient de reduire
l'Armée des Confederez, fe pourroit
compter prife d'abord
les François l'affiegeoient , puifqu'on
ne manque jamais de capituler
dés qu'ils ont pris les dehors
de quelque Place , & que
Bude n'en avoit point . Ils auroient
pû faire voir en cette occafion
ce qu'ils ont fouvent fait
, fi
éprou
20
Hiftoire du Siege
éprouver à plufieurs Villes , mais
l'Allemagne avoit trop connu
leur valeur en la fameufe journée
de S. Godard pour vouloir
donner lieu à d'autres qu'à fes
Sujets d'acquerir une auffi grande
gloire , & elle a mieux aimé
faire lentement cette Conquête,
quand mefme elle auroit deu
rifquer à ne la pas faire
,, que de
laiffer aux François les avantages
qu'ils font toûjours feurs de
remporter dans toutes leurs entrepriſes.
Comme le fuccés de
celle- cy paroiffoit douteux , elle
fut fort debatue au Confeil de
l'Empereur.Les fentimens étoient
partagez, & il y en avoit d'entierement
cotraires à l'avis du Prince
Charles de Lorraine , qui fouhaitoit
d'ouvrir la Campagne par
un Siege auffi confiderable que
celuy de Bude paroiffoit aux Allemans
.
de Bude. 21
lemans. Il avoit efté contraint
de le lever en 1684. & il croyoit
qu'il y alloit de fa gloire de reparer
par la prife de cette Place
qu'on jugeoit fi importante , le
malheur qu'il avoit eu l'affiegeant
inutilement. Il trouvoit l'occafion
favorable , & qu'il luy eftoit
facile d'acquerir beaucoup de
gloire , à moins qu'il n'euft toû
jours le mefme malheur , puis
qu'il devoit eftre fecondé dans
cette Expedition , non feulement
par les Troupes de l'Empire , mais
encore par celles de plufieurs
Souverains , dont il y en avoit
un tout remply de coeur , qui
vouloit commander les fiennes en
perfonne , & que ces Troupes
qui ne manquoient de rien , étoient
aguerries à l'exemple de
leur Chef , qui a déja fait voir
fon courage & fon intrepidité
en
22 Hiftoire du Siege
en plufieurs occafions . Ileft aisé
de juger que c'eft de l'Electeur
de Baviere que je parle. Outre
tout cela ,le Prince Charles voyoit
accourir en foule quantité d'illuftres
Volontaires de toutes les
Cours de l'Europe , parmi lefquels
eftoient beaucoup de François
qui fe trouvent toujours dans les
lieux où ils peuvent voir qu'il y
a de la gloire à acquerir. Ce n'étoit
pas encore tout ce qui foutenoit
l'efperance de ce Prince. Il
fçavoit que les liberalitez du Pape
fe répadoient à pleines mains,
pour faire fubfifter fes Troupes,
que chaque Souverain de l'Europe
fourniffoit des hommes , de
l'argent , ou des munitions pour
avancer le fuccés de fes deffeins,
& qu'enfin le Siege de Bude étoit
pluftoft l'entrepriſe de la
Chreftienté entiere,que de l'Empire.
de Bude.
23
pire. Comme tous ces avantages
pouvoient contribuer à fa.
gloire & le faire triompher , il
eftoit de ſes interefts de profiter
de l'occafion , puis que l'honneur
de remporter la Victoire , quoy
que deuë aux plus braves fujets
de tous les Souverains de l'Eurodevoit
réjaillir preſque fur
pe ,
luy feul.
Si ce Prince fouhaittoit avec
une extreme impatience qu'il luy
fuft permis d'affieger Bude , les
Turcs qui n'avoient point d'armée
en campagne , ne defiroient
pas avec moins d'ardeur de luy
voir former ce Siege . Celle des
Chreftiens eftoit puiffante , de
forte que l'on eftoit affeuré que
la Place qu'ils attaqueroient ne
pourroit refifter long- temps , ny
attendre le fecours , à moins
qu'on n'affiegeaft la plus forte, &
la
24 Hiftoire du Siege
la mieux remplie d'hommes , &
de munitions & tout cela fe
trouvant à Bude , les Turcs avoient
raiſon de fouhaiter qu'on
mift le Siege devant cette Place,
afin que la longue refiftace qu'elle
feroit, leur puft donner lieu de
preparer un puiffant fecours , &
de le faire mefme venir du fond
de la Turquie , s'il en eftoit befoin
. Michel Abaffi , Prince de
Tranfilvanie , qui eftoit de concert
avec eux fit entendre aux
Imperiaux qu'il fe declareroit
plus ouvertement en leur faveur,
files Ottomans n'eftoient plus
maiftres de Bude. Ainfi tout
contribua à cette entreprife,quoy
que le fuccez en fuft incertain,
parce que la Place , ainfi que la
fuite l'a fait voir , ne manquoit
ny de Soldats , ny de Chefs intrepides
& aguerris, ny d'argent,
2
ny
de Bude.
25
Ο
C
ny de toutes fortes de munitions.
D'ailleurs la forte & longue reſiſtance
que le Gouverneur avoit
faite pendant le dernier Siege
, devoit fervir de regle à celuy
à qui l'on en avoit commis
la défenfe , & comme il étoit
feur d'eftre étranglé s'il rendoit
la Place , il y avoit
apparence
qu'il la défendroit jufqu'à la derniere
extremité. Il y avoit auffi
lieu de prefumer pour plufieurs
raifons , que le grand Vizir venant
en perfonne , periroit plutoft
, que de ne la pas fecourir.
La deftinée de fes deux Predeceffeurs
le devoient engager à
cet effort , c'eftoit par la qu'il
pouvoit fe monftrer digne du
choix qu'on venoit de faire en
Il'élevant à la dignité où il fe
voyoit. Il avoit eu l'adreffe de
fe faire mettre . en la place de
B
16
Hiftoire du Siege
fon Predeceffeur, & il avoit commandé
une Armée contre la Pologne
avec affez de fuccés pour
faire attendre de plus grandes
chofes de luy , quand il feroit à
la tefte d'un plus grand nombre
de Troupes , & cependant c'eft
luy qui eft caufe que l'on a pris
Bude.
Quelque nombreuse que foit
une Armée devant une Place, &
quelque fortifiée qu'elle foit , il eft
prefque impoffible ( & c'eft ce
qu'on n'a prefque point vû depuis
plufieurs ficcles) qu'elle empefche
une Armée Royale de fecourir
la Place affiegée lors que
cette Armée a pu faire affez de
diligence pour arriver avant la
prife de la Ville qu'elle a voulu
delivrer d'un fiege . C'est pour ceque
dans la plufpart des capitulations
, les Villes affiegées metla
tent
de Bude.
27
tent qu'elles fe rendront au jour
dont on convient, pourveu qu'avant
ce jour-là il n'arrive point
d'Armée Royale pour les fecourir.
Il eft enfin conftant que de
vingt Armées qui ont donné
dans des Lignes pour les forcer,
quoy que défenduës par un plus
grand nombre de Troupes , dixneuf
y ont réuffi. La raifon en
eft facile à comprendre. Une Armée
,, quoy que tres -nombreuſe,
qui entoure une Place, peut eftre
forcée par une plus foible , parce
qu'elle eft obligée d'occuper plufieurs
lieues de terrain autour de
la Place qu'elle affiege, & quainfi
chaque quartier eft peu garny
de Troupe , au lieu que l'Armée
qui attaque eft toute raf
femblée en un corps , ce qui la
rend beaucoup plus forte. Celle
qui eft dans les lignes pour-
Bij
28 Hiftoire du Siege
roit faire la mefme chofe , &
unir auffi toutes les forces pour
défendre l'endroit par lequel elle
eft attaquée , mais quand ceux
qui la veulent forcer font habiles
, ils donnent de fauffes attaques
fi à propos qu'on n'ofe dégarnir
aucun Pofte , parce qu'on
ne peut deviner la veritable at
taque. Ainfi l'Armée qui veut
paffer dans une Place , & qui
prend toutes les mesures qu'il
faut pour cela , cela , ne trouvant que
les Troupes d'un feul quartier
à combattre , les forces , aidée
de la Garniſon qui en ce rencontre
ne manque jamais de vigoureufes
forties. Ceft par là que
les Villes affiegées qui ont be
foin d'eftre fecouruës , le font
toujours, quand les Armées qu'on
veut employer pour ce fecours,
arrivent affez à temps . Le Grand
•
Vizir
de Bude. 29
Vizir au lieu de fe fervir de
tous ces avantages , a fait quan
tité de fautes , & elles ont efté
caufe de la prife de la Place
qu'il auroit pû fecourir. Il a fait
batre plufieurs fois fes meilleures
Troupes en détail , ce qui
ne pouvoit manquer d'arriver ,
puifque les corps qu'il envoyoit
eftoient moins forts que toute
Farmée qu'ils avoient à combatre.
Il a laiffé le temps de connoiſtre
que celle qu'il amenoit,
eftoit moins nombreuſe qu'on
n'avoit crû. Il a fait rallentir la
chaleur de fes Troupes , en les
faifant battre trop fouvent , & en
sobftinant à ne pas attaquer les
lignes avec toute fon Armée . Il
a par la frequente défaite de ces
mefmes Troupes rehauffé le courage
des Chreftiens. Il leur a
donné le temps de faire venir
Bij
30
Hiftoire du Siege
le General Scheffemberg avec
les fiennes , qui n'eſtant rebutées
par aucun affaut , ont emporté
la Place ; il eſt cauſe de
la mort du Gouverneur , & de
perte de tout ce qui reftoit
de bonnes Troupes dans Bude,
parce que fi fa preſence n'euft
pas fait efperer un
la
prompt
& vigoureux fecours , on auroit
capitulé lors qu'on auroit
crû n'eftre plus en eftat de fe
défendre. Ainfi fa prefence a
donné aux Affiegeans une Vitoire
, & plus grande , & plus
complette . Elle a fait voir le
peu
de valeur , & le petit nombre
des Troupes Ottomanes
que le peu d'experience de fes
Chefs. Elle a caufé les pertes
que les Troupes ont faites depuis
la prife de Bude , & qui entraifneront
celles qui les doivent
fuivre .
•
>
ainfi
de Bude.
31
e
fuivre. Elle a donné du coeur
aux Victorieux ; elle a ofté la
terreur qui depuis long - temps
faifoit apprehender l'Empire Ot-
& fera caufe qu'aucu- toman
ne Place forte ne ſe défendra autant
qu'elle pourroit faire quand
elle fera affiegée , de crainte
d'éprouver le fort de Neuhaufel
& de Bude .
Toute l'Europe eſtoit attentive
fur l'entreprife par laquelle
les Imperiaux feroient cette année
l'ouverture de la Campagne.
L'Electeur de Baviere eſtant
arrivé à Neuftadt le vingtiéme
de May , l'Empereur y tint plufieurs
fois confeil de guerre avec
les Officiers generaux &
ſes Miniftres. On y propofa le
fiege d'Albe Royale , auquel il
y eut quantité d'avis contraires .
-
B üij
32 Hiftoire du Siege
pes
·
On reprefentoit que les Troueftant
fraifches , & l'Artillerie
en bon eftat , il feroit beaucoup
plus avantageux d'attaquer
Bude. On convenoit que ce Siege
ne fe pouvoit faire fans beaucoup
de peine , à caufe que les
fortifications en avoient efté
tres bien rétablies , & qu'on
y avoit ajouté quelques ouvrages
pour en fortifier les dehors
le long du Danube jufqu'à la
Montagne.On fçavoit encore que
le Foffe avoit efté aprofondy de
l'autre coſté de la Ville , que
avoit contreminé les endroits où
les Imperiaux avoient preparé
des mines lors qu'ils l'affiegerent
en 1684. qu'il y avoit de fauffes
portes pour faire des forties par
deffous , & qu'on avoit dépavé
les rues , ofté les toits , & fait
couvrir de terre toutes les maifons
,
l'on
de Bude.
33
C
3
fons , afin d'empefcher l'effet des
Bombes & des Carcaffes. Des
Deferteurs avoient auffi rapporté
qu'il y avoit dans la Place des
munitions de guerre & de bouche
, pour foutenir un Siege de
plus de fix mois ,,
que la garnifon
eftoit de plus de dix mille
hommes choifis entre les Janiffaires
& les Spahis , & que le
1 Bacha Abdi qui commandoit
dans la Place , eftoit un homme
tres - confommé dans le meftier
de la Guerre , qui avoit fous luy
fix autres Officiers fort experimenteż.
On balança toutes ces
raifons , & elles ne furent point
affez fortes pour empêcher qu'on
ne refoluft d'affieger Bude. Le
rendez vous general fut donné
aux Troupes pour le 29. de
ce mefme mois à la referve de
celles de Brandebourg , qui tra-
·
B v
34 Hiftoire du Siege
verfant la Silefie de fort mau
par
vais chemins, ne pouvoient marcher
qu'à petites journées. Il fut
arrefté fuivant la divifion qui
s'en fit que la grande Armée
que commanderoit le Prince
Charles de Lorraine , feroit de
cinquante- huit à foixante mille
hommes , fçavoir de quinze mille
hommes d'Infanterie Allemande
, de quatorze mille Chevaux
& Dragons Allemans , des Troupes
auxiliaires de Saxe , de Brandebourg
, & de Suabe , & de
quatre mille Hongrois , & que
l'Armée dont l'Electeur de Baviere
auroit le commandement ,
feroit compofée de douze mille
Fantaffins Allemans , de dix
mille Chevaux auffi Allemans
des Troupes de cet Electeur ,
& de celles des Cercles de Baviere
& de Franconie , & de
troisde
Bude..
35
+
trois- mille Hongrois . Dans l'Armée
du Prince Charles les
Comtes de Caprara & de Staremberg
furent nommez Marefchaux
de Camp Generaux ;
le Duc de Croy General d'Infanterie
, le Prince Louis de
Neubourg , & le Comte de Suze
Lieutenans Generaux ; les
Barons de Thingen & de Thun,
& le Marquis de Nigrelli Sergeans
Majors de Bataille ; les
Comtes de Schults & de Dunevald
Generaux de Cavalerie ;
les Comtes de Taff , & de Palfi
, & le Baron de Mercy Lieutenans
Generaux ; le Prince Eugene
de Savoye qui eftoit arrivé
d'Efpagne en pofte depuis
peu de jours , le Comte Philippe
de Thaun , le Baron de Lodron,
& le Comte de Stirum Sergeans
Majors de Bataille .
Le
Comte
36
Hiftoire
du Siege
Comte de Leſlie fut fait Maref
chal de Camp General de l'Armée
de l'Electeur de Baviere ; le
Comte de Sherini General d'Infanterie
, le Marquis de la Verne
& le Comte de Schaffemberg
Lieutenans Generaux, & les Barons
de Wallis & de Berk , &
le Comte d'Afpremont Majors
Generaux . Il fut auffi arrefté que
le Comte de Scherffemberg demeureroit
en Tranfilvanie , &
le Comte Caraffa vers Zatmar
avec les détachemens qu'ils y
commandoient pour la confervation
des Conqueftes nouvellement
faites. Quelques accés.
de fievre qui retinrent le Prince
Charles à Edembourg , l'ayant
empéché d'aller fe mettre à la tête
des Troupes dont on devoit
faire le 29. une reveue Generale
dans les Plaines de Barcam , elle
fut
de Bude.
37
fut remife au 8. de Juin. Ce Prince
partit d'Edembourg le 20.
après avoir eu une longue conference
avec l'Electeur de Baviere
, qui fe rendit à Neuſtadt
le lendemain pour en rendre
compte à l'Empereur. Cependant
tout le trajet du Danube
depuis Ratisbonne jufqu'à Presbourg
eftoit couvert de Barques
& autres petits Vaiffeaux chargez
de munitions & de vivres, & des
Troupes de Baviere , de Franconie
& de Suabe qui defcendoient
vers la Hongrie. Jamais entrepriſe
n'a efté executée avec tant de
joye. On fe preparoit au Siege
de Bude avec un courage & une
ardeur qui ne fe peut exprimer.
Les Volontaires accouroient , de
France, d'Espagne , d'Angleterre,
d'Allemagne & de tous les endroits
de la Chrêtienté , & le
Duc
E
38 Hiftoire du Siege
Duc de Bejar Grand d'Eſpagne,
vint joindre à Vienne le Marquis
de Valero fon frere , qui s'y
eftoit déja rendu avec quelques
autres. Le 29. le Prince Loüis
de Bade partit de Neuftadt en
pofte pour aller joindre l'Electeur
de Baviere , & le Prince
Charles s'y eſtant rendu de Raab
le premier de Juin pour prendre
congé de Sa Majefté Imperiale,
reprit la route de Hongrie , accompagné
du Comte Stratman,
Grand Chancelier. Le 5. il arriva
à Comorrhe , où l'Electeur de
Baviere avoit efté receu deux
jours auparavant au bruit du
Canon & de la Moufqueterie. Ils
en partirent enſemble pour aller
au rendez - vous general. Le Prince
Charles y trouva les Troupes
dont l'Armée Imperiale devoit
eftre compofée. Elles avoient eſté
affem
A
de Bude.
39
affemblées proche de Barkam ,
par les foins du Comte de Staremberg.
On ne peut s'imaginer
la joyé qu'elles témoignerent en
voyant leur General . Il fut aisé
de connoître par toutes les marques
qu'elles en donnerent l'impatience
que chacun avoit de
marcher fous fa conduite . Les
Troupes de Saxe eſtant arrivées
au nombre de mille Chevaux
, & de quatre mille hommes
d'Infanterie , le Prince de
Saxe qui les commandoit , envoya
prier le Prince Charles
de les venir voir. Ce Prince
en fit la reveuë , & alla enfuite
difner dans la Tente de l'Electeur
de Baviere , qui luy fit voir les
fiennes rangées en bataille . I
retourna de là à Comorre pour
quelques ordres qu'il avoit à y
donner. Cependant les Troupes
du
40 Hiftoire du Siege
du Cercle de Suabe , commandées
par le Marquis de Bade-
Dourlach , joignirent l'Armée.
Elles étoient de trois mille hommes
de pied , & de trois mille
Chevaux. On intercepta des
Lettres , par lesquelles on apprit
, que le Grand- Viſir eſtoit
venu à Belgrade , qu'il avoit
donné le commandement en
Chef de l'Armée Ottomane en
Hongrie à Achmet Bacha , auquel
il avoit laiffé des ordres
particuliers , de ne rien épargner
pour la confervation de
Bude & d'Effek comme des
deux Places qui leur eftoient les
plus importantes , & qui faifoient
la feureté de toutes celles
qui leur reftoient dans le Royaume,
& qu'il eftoit enſuite retourné
à Andrinople avec une extreme
diligence. On fçeut auffi
›
par
de Bude. 41
par les Efpions que l'on avoit
envoyez pour reconnoiftre les
forces des Turcs , qu'ils ne pouvoient
mettre au plus que quarante
mille hommes en Campagne
, & que les Troupes d'Afie
avoient pour la plufpart deferté
dans leur marche d'Andrinople
à Belgrade. Les Huffars de Papa,
Dotis , Vefprin & Comorre allerent
en courſe au nombre de
quinze cens jufqu'à quatre lieuës
plus bas que Bude , & jufqu'à
deux lieues du Camp que les
Turcs avoient formé entre cette
Ville & le Pont d'Effeck . Ils emmenerent
prés de deux mille
moutons , deux cens boeufs , &
quantité de chevaux , fans avoir
trouvé perfonne qui leur difputaft
tout ce butin.
9 .
Le le Confeil de guerre fut
tenu au Camp , où tous les Officiers
42 Hiftoire du Siege
ciers Generaux s'eftoient affemblez.
Le Comte Stratman s'y
trouva de la part de Sa Majesté
Imperiale . On leur fit part de ce
qu'on avoit refolu touchant le
Siege de Bude , & deux jours
aprés le Comte de Stratman partit
pour Vienne , où il rendit
compte à l'Empereur de tout ce
qui s'eftoit paffé dans ce Confeil
. Le Comte Rabata , Commif
faire general , s'en retourna auffi
à Vienne , afin de donner ſes ordres
pour faire venir inceffamment
les vivres & les munitions
neceffaires.
Le 12. le Prince Charles partit
de Comorre , & fe rendit au
Camp de Barkan . L'Electeur de
Baviere l'y joignit le lendemain ,
& aprés que l'on eut fait une Reveuë
generale des Troupes , on
commença à leur faire paffer le
Da
de Bude.
43
9
Danube fur le Pont de Gran.
Celles de Saxe marcherent à l'Avant-
garde. L'Electeur de Baviere
partit à la tefte d'un Corps
d'Armée de vingt quatre mille
hommes , compofé des Troupes
Bavaroifes , & de plufieurs Regimens
Imperiaux , & prit fa mar
che en deçà de la Riviere. I
s'avança vers Hatwan , dans le
deffein de s'en rendre Maistre ,
& d'attaquer Peft enfuite. La
priſe de ces deux Places , dont la
derniere n'eft feparée de Bude
que par le Danube , devoit empefcher
les Ennemis d'avoir aut
cune communication entre Bude
& Agria. Le 14. les Défilez,
& la difficulté des chemins qu'il
fallut élargir en plufieurs endroits
, pour les rendre pratiquables
, ayant obligé l'Infanterie à
demeurer derriere avec l'Artillerie,
44 Hiftoire du Siege
lerie , le Prince Charles la laiffa
fous la conduite du Comte de
Staremberg , & s'avança vers
Vicegrad , du côté droit du Danube
, tandis que l'Electeur de
Baviere continuoit fa marche de
l'autre cofté , à une diſtance égale
, en forte que les deux Armées
euffent pû fe fecourir reciproquement
en cas de befoin .
Le 15.
la Cavalerie Imperiale
campa à Poftkamp , & le lendemain
à Saint André. L'Electeur
de Baviere marcha toûjours fous
une meſme ligne , n'ayant que le
Danube entre deux , & vint
le 16. camper à Weitzen. Les Ennemis
qui les pouvoient découvrir
des Ramparts de Bude des
deux coftez de ce Fleuve , ne firent
aucun mouvement pour les
venir reconnoiftre. On fceut par
quelques Turcs qui furent pris
pen
de Bude.
45
pendant cette marche , que le
Commandant de Bude ne s'attendoit
point à voir fa Place affiegée
que dans la croyance
que l'Armée Chreftienne attaqueroit
Agria ou Albe Royale,
on les avoit munies de bonnes
Garnifons & de quantité de vivres
, & qu'on en avort tranf
porté à Bude la pluſpart des richeffes
& des plus beaux meubles
des Officiers & des Bourgeois
, avec les femmes , les enfans
, & les bouches inutiles ; que
fur l'avis que ce Commandant
avoit receu qu'on venoit à luy,
il avoit envoyé demander des
Troupes à ceux des Places voifines
pour en renforcer fa Garnifon
, mais qu'il n'y avoit pas
d'apparence qu'on luy en puft
envoyer avant que les Princes
eunent inveſty la Place . Certe
Gar
46 Hiftoire du Siege
Garnifon ne laiffoit pas d'eftre
forte, puis qu'elle eftoit de douze
mille hommes de pied & trois
mille Chevaux , à ce qu'on aprit
de ces mefmes prifonniers. ,
Le 17. la Cavalerie fe repofa
dans le mefme campement afin
d'attendre que l'Infanterie fuft
arrivée , & l'on fit defcendre les
Bateaux dont on fe devoit fervir
pour conftruire un Pont à faire
paffer le Corps d'Armée de l'E
lecteur de Baviere. Ce Prince
qui defcendoit à gauche du
Fleuve s'empara de Peft , d'où
la garnifon Turque s'eftoit retirée
, aprés avoir fait fauter une
partie des murailles , & tiré de
la Place les munitions & les vivres.
Elle avoit enfuite rompu le
Pont qui luy donnoit communication
avec Bude , mais elle ne
put fi bien faire fa retraite,
qu'un
de Bude.
47
qu'un Aga ne tombaft entre les
mains des Bavarois avec trente
Janiffaires. Son Alteffe Electorale,
ayant laiffé garnifon dan Peft
& donné les ordres pour en reparer
les fortifications , détacha
le Comte de Steinaw avec fix
mille hommes pour aller attar
quer Hatwan , & fe mit en marche
vers l'ifte de S. André pour
paffer le Danube fur les Ponts
que l'on devoit y avoir dieffez,
& fe trouver au Camp devanţ
Bude. Le Prince Charles y étoit
arrivé le 18 & ce mefme jour
toute l'Infanterie ayant joint
l'Armée , il luy fit prendre des
poftes à demie lieuë de la Place,
La Cavalerie les prit de l'autre
cofté vers Albe Royale , & l'on
commença à travailler aux lignes
de circonvallation . Pendant ce
temps il fut tiré des Rempars
plu
48
Hiftoire du Siege
plufieurs volées de Cañon , dont
tout l'effet fut de tuer un Païfan
. On vit auffi paroiftre un detachement
de Cavalerie & d'Infanterie
de la Garnifon de Bude
qui fe prefenta pour embaraffer
les Travailleurs , mais il fe retira
prefque auffi- toft , ne fe trouvant
pas en eftat de foutenir un
gros de Cavalerie Imperiale qui
fe preparoit à le charger . L'avantgarde
du détachement que le
Prince Charles avoit envoyé
pour inveftir la Place, enleva un
Chaoux avec vingt Turcs de
quarante qui l'eſcortoient . Il venoit
de Belgrade, & apportoit des
Lettres au Bacha de Bude . Elles
confirmoient que l'Armée Ottomane
feroit commandée par Achmet
Bacha & que le Grand-
Vifir avoit eu ordre de fe rendre
promptement auprés de fa
Hauteffe
>
>
de Bude. 49
Hauteffe qui eftoit allée à Conftantinople.
Le 19. on ferra la Place de tous
les coftez par où elle eft acceffible
, & le Quartier general fut
étably à un quart de lieuë , avec
quelques Regimens d'Infanterie .
Le lendemain les Affiegez ayant
fait une fortie de trois cens Chevaux
foûtenus d'un pareil nombre
de Janiffaires , il y eut quel
que
Efcarmouche , mais elle fut
de peu de durée , parce qu'ils fe
tinrent toûjours fous le Canon
de la Place , fans qu'on les puft
attirer plus loin . Le Comte d'Altheim
y fut bleffé. Ce mefme
jour on commença d'ouvrir les
Lignes de circonvallation , & de
tracer les premieres Places d'Armes.
On marqua auffi trois Batteries
, & autant d'épaulemens
pour tenir à couvert la Cavalerie
C
50 Hiftoire du Siege
,
dont les Travailleurs devoient
eftre foûtenus dans les approches.
Sur le foir , le Comte de
Staremberg receut ordre d'aller
fe pofter proche les Bains afin
d'attaquer le Vafferftadt ou la
Ville baffe contre laquelle on
drefla deux Batteries du cofté
qui defcend vers le Danube. I
fit ouvrir la Tranchée , & on la
pouffa affez avant. Le Bacha de
Bude trouvant à propos de fe
défaire de beaucoup de bouches
inutiles >
donna la liberté
à tous les Chreftiens .
que
l'on trouva incapables de porter
les armes , & l'on fceut par
eux , qu'ayant affemblé la Garnifon
dans la grande Place , il
leur avoit leu les ordres du
Grand Seigneur qui les exhortoit
à refifter vigoureufement;
qu'il avoit enfuite défendu aux
Sol
de Bude.
51
X
1 Soldats & aux Habitans fous
peine de la vie de parler de Capitulation
, & que s'il arrivoit
qu'il fut tué en leur donnant
l'exemple de fe bien défendre,
on avoit nommé quatre Bachas
qui devoient l'un aprés l'autre
prendre le Commandement.
Le 21. les Bavarois commencerent
à paffer le Danube fur le
Pont de Bateaux de l'Ile de
S. André , & ce jour là fut employé
à ranger les Bagages dans
les Lignes , & à divifer les Troupes
par Eſcadrons & par Batail-
Ilons , afin de faire la diftinction
des Quartiers. Le Prince Charles
occupa les mefmes Poftes qu'il
avoit pris dans le dernier Siege.
L'Electeur de Baviere fit la mefme
chofe , & vint fe camper au
pied du Mont S. Gerard .
Le 22. on dreffa une nou-
Cij
52 Hiftoire du Siege
velle Batterie de fix pieces de
Canon contre la Ville baffe , &
l'on commença en mefme temps
à travailler aux Tranchées par
l'ouverture de trois grandes Places
d'Armes ; beaucoup plus prés
de la Ville que l'on n'avoit fait
en 1684. Il fut refolu qu'il y au
roit trois Attaques ; la premiere
commandée par l'Electeur de
Baviere ; la feconde par le Comte
de Staremberg , & la troifiéme
par les Troupes de l'Electeur
de Brandebourg que l'on attendoit
inceffamment , & auf
quelles on devoit joindre quelques
Regimens Imperiaux , &
d'autres Troupes Auxiliaires . Le
Prince Charles ne garda que
dix hommes de Cavalerie par
Compagnie pour fervir au
Camp à couvrir les Travailleurs
fous les ordres du Comte de Pal-
,
fi,
de Bude.
53
fi , & il envoya le reste aux environs
d'Albe- Royale , afin d'y
confumer les Fourages, & d'ofter
par là aux Infidelles les moyens
d'y fubfifter. Les Affiegez firent
grand feu tout le jour & toute la
nuit fuivante, & il y eut neuf Soldats
tuez ou bleffez .
Le 23. la nouvelle Batterie de
fix pieces de Canon s'eftant
trouvée prefte , commença dés
le matin à tirer , & fit une Bréche
de fix pas. Ceux qui estoient
au haut des Montagnes , apperçurent
par cette bréche quantité
de Betail & de Chevaux , mais
les Ennemis ne parurent point.
Il y eut fix Soldats à la Batterie
emportez par le Canon de la Place.
Quelques Huffarts & Croates
qui s'étoient avancez trois
lieuës au delà de Bude fous la
conduite du Comte Budiani ,
C iij
$4 Hiftoire du Siege
,
ayant efté avertis que le Bacha
en avoit fait fortir quantité de
Barques chargées de femmes ,
d'enfans & de quantité de
meubles qu'il envoyoit à Belgrade
, les pourſuivirent avec
trois cens Dragons , & les rencontrerent
à l'Ile de Sainte Marguerite.
Ils taillerent en pieces
tous ceux qui les eſcortoient,
s'emparerent de leurs Trefors ,
& amenerent deux cens Prifonniers
, qui furent les Vieillards
, & autres qu'ils jugerent
les plus propres à fe faire ra
cheter.
Le 24. la bréche ayant efté
élargie de vingt pas , on examina
la contenance des Affiegez
qui s'eftoient retranchez à droit
& à gauche au nombre de quatre
cens . Il fut refolu que l'on
iroit à l'Affaut , & comme c'eftoit
de Bude.
55
1 ftoit la premiere action du Siege
, chacun à l'envy chercha à
fe diftinguer. Les difpofitions
de l'attaque furent faites , & à
dix heures du foir on en donna
le fignal par trois volées de Ca-
1 non. Cent Grenadiers s'avancerent
les premiers , ayant un Capitaine
à leur tefte ; ils furent
fuivis de deux cens Moufquetaires
que commandoit un Sergent
Major , & foûtenus de trois
cens autres fous la conduite d'un
Lieutenant Colonel. Ils allerent
vers la brèche , & attaquerent
avec tant de force & de bravoure
les Ennemis qui la défendoient,
qu'ils les forcerent d'abandonner
leurs retranchemens. Six cens
hommes d'Infanterie en deux
Brigades marcherent aprés ceuxcy
, & fe pofterent au pied de
la bréche avec cinq petites pie-
C iiij
$6
Hiftoire
du
Siege
ces de Canon qu'ils avoient fait.
conduire avec eux . Elle fut franchie
par le Prince de Vaudemont,
par le Prince de Commercy,
& par un tres grand nombre
de Volontaires qui s'eftoient
mis à la tefte de l'Infanterie , &
qui fe pofterent dans la Ville
baffe malgré le feu continuel
que firent les Affiegez . Il n'y eut
que cinq Soldats tuez & onze
bleffez. Le Comte de Marfilly,
Infpecteur general des Ingenieurs
, eut le bras caffé au deffus
du coude , d'un coup de Mouf
quet qu'il réceut dans la tranchée
avant que l'on commençant l'Attaque
.
Le 25. fut employé à perfectionner
les Poftes que l'on avoit
occupez dans la baffe Ville , &
fix Bataillons furent logez au
pied des murailles. Il y eut un
Lieu
de Bude .
57
Lieutenant des Grenadiers tué
d'un boulet qui tomba dans la
Tranchée, & qui emporta les bras
& les jambes à cinq Soldats. Un
Chevalier de Malte François fut
auffi dangereufement bleffé . Il
eftoit avec le Marquis de Souvray,
qui fit paroiftre beaucoup
de bravoure .
Le 26. on s'apperceut que les
Affiegez faifoient gliffer du monde
le long de l'eau par dedans la
Ville baffe , pour venir attaquer
un Pofte qui eftoit devant une
groffe Tour joignant le Danube.
Le Chevalier de Rhofne , Capitaine
du Regiment de Staremberg,
foûtenu du Comte d'Awersbergs
, Lieutenant Colonel du
Regiment de Mansfeld , vint à
leur rencontre , & ils les repoufferent
avec beaucoup de vigueur.
Le Prince de Vaudemont le
,
C v
58
Hiftoire
du Siege
Prince de Commercy , & plufieurs
autres Volontaires qualifiez
, accoururent à l'efcarmouche
, qui dura une heure fous le
Canon de la Place. Il n'y eut que
quinze hommes tuez ou bleffez
du cofté des Affiegeans . Le Sieur
Bourgers , Capitaine du Regiment
de Staremberg fut de ces
derniers , & Milord Mongois receut
une contufion à la temple.
Les Affiegez perdirent trente
hommes, & le nombre des bleffez
fut beaucoup plus grand. Ce jour
là le Prince de Neubourg, Grand
Maître de l'Ordre Teutonique,
Lieutenant General , qui eftoit
arrivé au Camp le 22. & le
Comte de Diepenthal , General
Major , monterent la Tranchée,
fuivant ce qui avoit efté arreſté
quelques jours auparavant au
Confeil de Guerre , que tous les
jours
de Bude.
59.
jours ce feroit un Lieutenant General
, & un General Major qui
la monteroient à chaque Attaque
avec deux mille hommes,
& qu'on les releveroit de vingtquatre
heures , en vingt- quatre
heures . Outre ces deux mille
hommes , il y avoit toûjours fix
Bataillons de referve , & une
Garde de Cavalerie pour les
foûtenir. On travailla la nuit à
pouffer une grande Coupure fur
Ela droite le long de la muraille ,
afin de couvrir une Batterie de
douze Pieces qu'on vouloit mettre
en estat contre les défences
de deux Rondelles, & de la Courtine,
vers laquelle on devoit conduire
la Tranchée. On ouvrit
auffi une porte au coin de cette
Muraille , où l'on fe logea en dedans
de la baffe Ville , à trois
cens pas du Corps de la haute,
&
60
Histoire
du siege
& en tous ces logemens on ne
perdit que quinze hommes.
Le 27. les Travaux fe trouverent
fort avancez à l'Attaque
de l'Electeur de Baviere , qui fit
dreffer une Batterie fur le panchant
de la Montagne. Il fit faire
auffi fur la hauteur de cette
meſme, Montagne un Logement
affez grand pour contenir mille
hommes , & affeurer la tefte de
la Tranchée , qui fut ouverte au
pied du Chafteau , vis à vis la
grande Tour qui en couvre la
façade. Le foir les Affiegeans firent
une fortie au nombre de
quatre
cens, Cavalerie & Infanterie,
fur cent hommes retranchez à la
teſte des Travaux qu'on avoit
faits la nuit précedente. Le Comte
de Saur, Capitaine au Regiment
de Lorraine qui les commandoit
fit une fi vigoureuſe reſiſtance,
de Bude. 61
cè , que la grande Garde eut le
temps d'y accourir. Les Ennemis
furent repouflez ; ils laifferent
feize des leurs fur la place , &.
eurent quelques bleffez.La Tranchée
fut relevée ce jour- là par
le Comte de Souches , Lieutenant
General , & par le Comte
de Tinghen , Mareſchal Major.
Le 28. on joignit les deux Attaques
par une Ligne de communication
de quatre cens pas .
On mit auffi huit groffes pieces
de Canon fur une nouvelle Baterie
à l'Attaque du Prince Charles
, devant laquelle on tira une
Ligne de deux cens pas ,
afin
qu'on y puft aller de la Tranchée
fans eftre infulté des Ennemis.
Cette Baterie fervit à tirer
contre deux Ouvrages avancez
en forme de pafté , qui défendoient
la Porte du cofté de
la
62 Hiftoire du Siege
la baffe-Ville . Les Ennemis faifoient
de là un feu continuel de
Canon , dont les Affiegeans eftoient
fort incommodez . Les Travaux
furent continuez fans beaucoup
d'obſtacle la nuit de ce
même jour , & on perfectionna la
Ligne de communication
entre
la Porte du milieu & la derniere
, ce qui donnoit moyen
moyen d'entrer
à couvert dans la nouvelle
Baterie.
Le 29. le Sieur Soulars , Ingenieur
, fut bleffé en faifant travailler
à de nouvelles Lignes
qu'on fit en forme de paralelles,
pour communiquer avec les au
tres Travaux , & s'approcher plus
prés de la Place . L'Electeur de
Baviere ayant eu quelque indifpofition
, le Prince Charles l'alla
vifiter fur les cinq heures du foir,
& dans ce temps mefme , les Af-
י
Liegez
de Bude.
63
fiegez firent une Sortie en bien
plus grand nombre qu'ils n'avoient
encore fait du cofté de
l'Attaque des Bavarois. Ils attaquerent
les Travailleurs & les
Troupes qui eftoient en garde
dans la Tranchée , & les
ayant
mis en defordre , ils euffent comblé
les Travaux , fi le Comte de
Hoffkirken n'euft promptement
amené la Garde de Cavalerie.
L'Electeur de Baviere ayant efté
averty de cette Sortie , rien ne
fut capable de le retenir. Il y
courut , quoy qu'indifpofé , auffi-
bien que le Prince Charles , &
leur prefence anima fi bien tous
ceux qui avoient déja commencé
à foûtenir les efforts des Infidelles,
qu'après en avoir tué beaucoup,
ils les forcerent à fe retirer,
& les pourſuivirent jufqu'à quarante
pas de la Tranchée Le Prin64
Hiftoire du Siege
ce Eugene de Savoye fe fit remarquer
par fa bravoure , & eut
un cheval tué fous luy
, auffibien
qu'un de fes Gentilshommes.
Le Baron de Zwitterthal ,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Steinaw , fut tué avec
trente ou quarante Bavarois. Il
y eut auffi quelques bleffez . Le
Baron de Billes , Capitaine dans
le Regiment d'Arko , le fut dangereuſement
.
Le 30. on repara les Travaux
que les Ennemis avoient ruinez
le jour precedent , & on avança
jufqu'à fix-vingt pas de la muraille.
Ce méme jour , deux Compagnies
de Paffau & de Ratisbonne
arriverent au Camp, auffi
- bien que les Troupes de Suabe
& de Franconie . Elles étoient
en tres-bon eftat , & au nombre
de cinq à fix mille hommes . Celles
de Suede commandées par le
de Bude.
65
po-
Marquis de Turlac , arriverent
pareillement , & prirent leur
ite fur une hauteur, afin de pouvoir
agir où il feroit le plus neceffaire.
Le feu parut en differens
endroits de la Ville ; il y avoit
efté mis par des Bombes .
qu'une Baterie de Mortiers avoit
jettées. Le Comte de Dunewald
partit ce jour- là du Camp , pour
aller commander la Cavalerie
inutile au Siege , qui eftoit venuë
camper au nombre de plus
de douze mille hommes jufqu'à
la portée du Canon d'Albe Royale
, ce qui avoit obligé les Turcs
à abandonner plufieurs Chafteaux
, & d'autres petits Poftes
aux environs.
Le 1. de Juillet fut employé à
perfectionner la ligne de communication
à l'attaque du Prince
Charles , & les Poftes deftinez
66
Hiftoire du Siege
par
nez aux Poftes de Suabe & de
Franconie leur furent donnez.
On apprit par des Transfuges
qu'il y avoit une grande confternation
dans la Ville, caufée
la perte qu'avoient fait les Affiegez
à la fortie du 29. il y eut
quatorze de leurs Officiers tuez
avec quantité de Janiffaires. Les
ouvrages qui avoiết eſté comencez
fur la droite , furent achevez .
la nuit fuivante , & on pouffa
ceux de la gauche jufqu'à cent
cinquante pas de la muraille .
Le 2. douze pieces de Canon
& huit Mortiers batirent la Ville.
Deux bateries que les Affiegez
avoient , l'une fur la groffe
Tour , & l'autre fur une autre
Tour , furent démontées en peu
de temps. Les Bombes cauferent
ce jour- là beaucoup de dommage
dans la Ville , à ce qu'on apprit
de Bude. 67
prit d'un Deferteur qui dit qu'elle
n'eftoit défenduë que par ſept
ou huit mille hommes , & que
les vivres commençoient à eſtre
chers , parce qu'ils n'y eftoient
pas en grande abondance. Il parut
quelques Troupes Ennemies
du cofté de Peft , & fur l'avis
qu'on en eut , le Prince Charles
ordonn que l'on fift conſtruire
trois redoutes au bord du Danube
, que les Heiduques & les
Hongrois garderoient . On fit
une brêche de quinze pas du
cofté de l'attaque du Prince
Charles.
Le 3. le Regiment du Prince
Eugene de Savoye arriva au
Camp , & on eut avis que les
Troupes de Brandebourg n'en
eftoient qu'à une lieuë. Quatre .
Mortiers furent ajoutez aux 8.
que l'on avoit mis fur la baterie
dreffée
68
Hiftoire du Siege
dreffée à l'attaque des Imperiaux,
& tout cela fit grand feu la nuit
fuivante. La Baterie des Bavarois
n'en fit pas moins , elle eftoit de
fept Mortiers. L'Artillerie des
Ennemis fit auffi grand feu , &
les Affiegeans furent fort incommodez
des Pierres qu'on leur jetta.
Le Sieur Collery , Capitaine
dans le Regiment de Lorraine,
eut le genouil fracaffé d'un éclat
de Bombe , & un des meilleurs
Bombardiers receut un coup à la
tefte. Il y eut encore quinze ou
vingt hommes bleffez . Un Offi
cier Turc qui vint ſe rendre, fur
mené à l'Electeur de Baviere,auquel
il conta qu'ayant tué le mary
d'une femme dont il eftoit amoureux
, il avoit eſté obligé de
quitter la Ville , & s'eftoit tenu
caché pendant quelques heures
dans un endroit où fa maiftreffe
luy
de Bude. 69
luy avoit promis de le venir joindre
, mais , mais que la crainte d'eftre
découvert par les Affiegeans qui
luy auroient fait un mechant
party , ne luy avoit pas permis de
l'attendre. Il ajouta qu'il n'y avoit
dans la Place que trois mille
Janiflaires , & un pareil nombre
de Soldats ; que malgré l'effet des
Carcaffes & des Bombes , qui avoient
obligé le Commandant à
fe loger dans une cave voutée
prés du Chateau pour y eftre
plus en feureté , ils eftoient tous
refolus de fe bien défendre ; qu'il
n'eftoit entré perfonne dans la
Ville comme on l'avoit crû, mais
que des Turcs en eftoient fortis
pour aller demander un prompt
fecours à Achmet Bacha Seraf
Kier , & aux Tartares.
Le 4. ce mefme Officier montra
à l'Electeur de Baviere , &
aux
70 Hiftoire du Siege
Le
aux Princes de Bade & de Savoye
, le Magafin à poudres &
les mines des Affiegez . Il dit
qu'il y en avoit fous la Rondelle
du Chafteau & à l'endroit de la
breche des Imperiaux. Un autre
Transfuge qui fe difoit Polonois,
fe rendit au Camp & affeura que
les Affiegez ne pourroient tenir
encore un mois , fi l'Armée du
Seraskier ne les fecouroit.
Prince Charles paſſa le Danube
pour aller voir les Troupes de
Brandebourg qui eftoient arri
vées le jour precedent avec une
belle Artillerie. Elles eftoient
compofées de huit mille hommes
, en fix Eſcadrons de Cavalerie
& dix Bataillons d'Infanterie
Le General Schoning qui
les commandoit, receut ce Prince
au bruit du Canon , qui fut
ſuivy de 3. décharges de Mouſque
de Bude.
71
I
queterie. Il luy donna enfuite
un magnifique difner dans fa
tente.
Le
4
5. on fit paffer le Danube
à ces Troupes , qui prirent le pofte
qui leur avoit eſté deſtiné du
cofté de la Ville baffe. Il fut refolu
qu'on en tireroit quinze
cens hommes tous les jours pour
monter la tranchée , & qu'on les
joindroit aux Imperiaux & aux
Suedois, afin de faire quatre mille
hommes pour les Poles qui étoient
du coſté de l'attaque du
Prince Charles.
Un Deferteur Grec arriva en-
*
core au Camp & raporta que
cinq Turcs qu'on avoit fait fortit
à la nage , eftoient allez preffer
le fecours que lors
que les Trou
pes de Brandebourg avoient paru
, les Affiegez avoient fait
roiftre beaucoup de joye dans la
penfée
pa72
Hiftoire du Siege
1
penféc que ce fuft celles du Se
raskier , & que le Commendant ,
ayant appris que c'eftoit un renfort
pour l'Armée Chreftienne,
avoit taché de le déguifer à la
garnifon , en difant que c'eftoit
un mouvement que les Affiegeans
avoient fait faire à leurs Troupes
pour faire croire qu'il leur en
eftoit venu de nouvelles . La plufpart
des Bateries des Affiegez furent
miſes en defordre par le grad
feu qui fut fait de l'attaque des
Imperiaux & de celle des Bavarois.
Il leur demonta plufieurs pieces
de Canon, & fit un fort grand
dommage au couronnement des
deux Pâtez,en forte qu'ils ne pouvoient
prefque plus y demeurer
à couvert . La breche ſe trouva
large de quatre - vingt pas , &
comme les ruines n'avoient point
couvert le pied de la muraille
qui
de Bude.
73
qui paroiffoit encore haute de
dix pieds , ont refolut de l'égaler
avec des Fafcines & des facs à
terre. L'attaque des Bavarois fut
auffi fort avancée , mais la breche
n'eftoit pas fi fpacieuſe.Ceux
Ide Brandebourg qui avoient ou-
Evert la tranchée à leur attaque
avec 1200. hommes , avancerent
- leurs travaux fur la gauche avec
tant de diligence , qu'ils fe trouverent
prefque au pied de la muraille
. Ce jour- là mefme ils donnerent
des marques de leur valeur.
Les Affiegez n'avoient point
fait de fortie depuis celle du 29.
= & pour eftonner ces nouveaux
1 venus ils en firent une fort
brufque & bien concertée fur
leurs Travailleurs , mais ils furent
repouffez avec grand carnage
jufques à la porte de la
Ville , devant laquelle fe pofte-
,
D
74 Hiftoire du Siege
rent ceux qui les avoient pourfuivis.
Ils s'y maintinrent , &
travaillerent de ces Poftes avancez
en reculant , & de la tefte
de la Tranchée en avançant ,
pour rejoindre les Travaux , &
les faire communiquer les uns
avec les autres. Les Ennemis
perdirent quatre ou cinq cens
hommes , & il en coufta à ceux
de Brandebourg un de leurs Ingenieurs
, quatre Lieutenans ,
autant d'Enfeignes, environ . trente
Soldats , & le Fils aifné du
General d'Orffling . il eftoit venu
en Hongrie pour faire cette
Campagne en qualité de Volontaire
, & il fut tué d'un coup
de Moufquet au travers du corps.
La nuit on jetta quantité de
Bombes & de Carcaffes dans la
Ville , principalement du cofté
de l'attaque des Imperiaux. L'Eglife
de Bude.
75
glife de faint Jean , qui fervoit
aux Turcs de grande Moſquée,
fut reduite en cendres avec cinquante
maiſons voifines.Le nombre
des Travailleurs ayant efté
augmenté , on pouffa encore les
approches, & les Lignes de communication
entre les trois attaques
qui furent perfectionnées. ›
Le fixiéme les Troupes de
Brandebourg continuerent leurs
travaux , & ils les poufferent
de telle forte qu'ils fe trouverent
auffi avancez que ceux des
deux autres attaques. Un Capitaine
& quatre de leurs Soldats
furent bleffez , & il y en
eut huit tuez . On fit jouer du
cofté de l'attaque des Bavarois
une Batterie de dix pieces de
Canon dont une fut demontée
auffi- toft par le Canon de
la Ville. Ils fe pofterent la nuit
Dij
76 Hiftoire du Siege
tout proche les Pallades , &
eurent prés de foixante hommes
tuez ou bleffez . Le Sieur Funck,
Lieutenant
Colonel du Regiment
de Souches , fut de ces derniers.
Le 7. les Travaux furent avancez
à droit & à gauche , jufques
à dix ou douze pas de la
bréche , où les Imperiaux fe pofterent.
Ils perdirent prés de cin-
Le Sergent
quante hommes .
General de Dinghen fut bleffé
au pied , à la tefte de l'attaque,
où il eftoit cette nuit de garde
avec le Comte de Souches , &
le Chevalier de Rofne receut
un coup de Moufquet au travers
corps. Les Mineurs eurent ordre
de faire éventer les Contremines
des Affiegez dont on
avoit eſté averty , & les Troupes
de Brandebourg qui travaillerent
de Bude.
77
lerent à dreffer leurs bateries,
les mirent prefque en eftat. Le
bruit fe repandit dans le Camp
que le Grand Vizir eftoit en
marche entre Belgrade & Effek
avec une Armée confiderable,
mais on connut auffi - toft la fauffeté
de ce bruit. C'eftoit Benfi
Bacha , Aga des Jani ffaires. Il
avoit joint les Troupes des Turcs
qui eftoient campez depuis longtemps
en ce lieu - là.
Le huitiéme on travailla à
élever deux nouvelles Batteries
à l'Attaque de Lorraine , l'une
de cinq pieces de Canon , &
l'autre de quatre , afin d'élargir
les brèches. La petite Rondelle
fut abatue par le Canon des Bavarois,
qu'elle incommodoit beaucoup
dans les Tranchées , & la
nuit fuivante on tira une Ligne
qui traverfoit le long de la Ron-
Dij
78 Hiftoire du Siege
,
delle gauche vers la Courtine
droite. Comme ce travail ſe faifoit
fort prés , les pierres & les
Grenades que jetterent les Ennemis
, tuerent ou blefferent prés.
de trente hommes. Le Comte
Guido de Staremberg , Lieutenant
Colonel du Regiment de
ce nom qui commandoit à la
Tranchée , s'y fit diftinguer par
fa valeur , auffi bien que le Major
Bifchoffhaufen , qui fut bleffé
au bras d'une balle de Moufquet.
Un Capitaine de Staremberg
le fut auffi à l'épaule , &
fon Capitaine Lieutenant au
pied . Trois Turcs fe rendirent,
& on apprit d'eux que les Affiegez
avoient grande impatience
qu'il leur vinft quelque fecours,
& qu'ils fe défendoient avec
d'autant plus de réſolution &
de courage, que les belles actions
eftoient
de Bude.
79
eftoient récompenſées par le
Commandant. Quelques autres.
Turcs fortirent de la Ville , dans.
le deffein de brûler les Batteries
des Affiegeans , mais l'un d'eux
ayant efté mis par terre d'un
coup de Moufquet , tout le refte
prit la fuite.
Le neuvième les Affiegez à
la pointe du jour firent jouer
un Fourneau entre la Porte &
la Rondelle du milieu. Il ruina
la Mine que les Imperiaux
avoient faite. Il y eut fept Mineurs
enterrez , & leur Capitaine
fut dangereufement bleffé
. Ils firent enfuite une Sortie
entre cette Attaque & celle
de Brandebourg. Les Troupes
de cette derniere furent d'abord
mifes en defordre , & fe renverferent
fur les Travailleurs avec
perte d'environ cent hom-
D iiij
80
Hiftoire du Siege
mes , entre lefquels furent deux
Lieutenans Colonels ,
II
quatre Capitaines
, & quelques Officiers
fubalternes
. Cependant le Corps
de réſerve de la Place d'Armes
la plus voifine eftant accouru,
on chargea les Turcs d'une maniere
fi vigoureufe , qu'ils fe retirerent
avec plus de précipitation
qu'ils n'eftoient venus.
demeura plus de quatre - vingt
des leurs fur la Place , fans les
bleffez , & l'on fit fix prifonniers.
Aprés qu'ils eurent efté
repouffez , on travailla à retirer
les Mineurs & les Travailleurs
des ruines que le Fourneau avoit
faites. Il n'y en eut qu'un
que l'on ne put retrouver. On
continua les Travaux avec autant
d'ardeur que s'il ne s'eftoit
point fait de Sortie. Les Bavarois
firent jouer une autre Batterie
de Bude. 81
terie de dix pieces , ayant eſté
obligez de changer la premiere,
à caufe que le Canon de la Ville.
l'incommodoit , & qu'elle en
eftoit trop éloignée . Ce mefme
jour , quelques Hongrois donnerent
avis à l'Electeur de Baviere
que fept mille Tartares étoient
en marche , pour jetter
du fecours avec un Bacha dans
Bude du cofté de Peft. Cela
obligea d'envoyer en diligence
trois cens . cinquante hommes :
dans cette derniere Place , avec
ordre de travailler à des Redoutes
, afin que les Ennemis trouvant
les Paffages coupez, ne pûffent
executer leur deffein.
Le dixième on attacha les
Mineurs fous la Paliffade de la
Rondelle oppofée à l'Attaque de
Baviere , & l'on redreffa en celle
de Lorraine la Galerie qui
D v
821 Hiftoire du Siege
→
avoit efté brûlée en partie le
jour précedent . On y attacha
auffi les Mineurs , pour tâcher
d'éventer les Contre- mines fous
la Rondelle qui eftoit à gauche
& fous celle du milieu .
Quoy qu'il tombaſt ce jour- là
une groffe pluye , elle ne put
empefcher que le Prince Charles
ne fift dreffer deux nouvelles
Batteries l'une au milieu
des Travaux , & l'autre de
neuf pieces de Canon fur la
gauche .
Le 11. fut employé à perfectionner
les approches à l'Attaque
de Lorraine , & l'on mit le
Canon fur les deux nouvelles :
Batteries , & deux Mortiers fur
une autre. Il y eut quelques Soldats
tuez & bleffez , mais en
petit nombre. On travailla auffaux
Mines , & à rencontrer
celles
de Bude.
83
celles
,
que les Affiegez pouvoient
avoir préparées pour les faire fauter
contre les Affiegeans , s'ils
donnoient l'affaut. Pendant tout
ce jour , les Canons & les Mortiers
tirerent fans ceffe tant
pour élargir les bréches, que pour
ruiner les Retranchemens qu'avoient
fait les Affiegez , dans le
deffein de bien foûtenir l'affaut.
La Batterie de ceux de Brandebourg
joia , auffi- bien que
celle de Dom Antonio Gonçales
, Lieutenant general de l'Artillerie
, & d'un Ingenieur Efpagnol
, qui par l'élevation de fes
feux d'artifice donna beaucoup
de plaifirs aux Affiegeans , en
mefme temps qu'il caufoit de
grands dommages aux Affiegez .
Les Bavarois battirent inceffam-.
ment la Rondelle du Chafteau,
& y jetterent des Bombes de
deux
$4 Hiftoire du Siege
deux Batteries de trois Mortiers
chacune , dont l'une n'eftoit qu'à
trente pas de la Paliffade . Trois
de leurs Mineurs furent tuez par
leurs propres Cannoniers & le
mefme malheur feroit arrivé à
l'Electeur de Baviere , s'il n'euft
pas changé de place un moment
auparavant.Sur l'avis qu'on avoit
eu que le Seraskier s'eftoit avancé
jufqu'à trois lieuës de Peſt as
vec un Corps de huit mille hommes,
tirez des Garnifons de Themifwar,
Lippa, Giula, grand Waradin
, Segedin , Agria , Hatwan
, & autres Places des Turcs
en la baffe Hongrie , & fur
les Frontieres de Tranfylvanie,
dans le deffein de fecourir Bude
le Prince Charles détacha
le Baron de Mercy & le
Prince Eugene de Savoye avec
trois
,
de Bude. 85
un
trois mille chevaux , & fix Bataillons
d'Infanterie , qui pafferent
le Danube , & fe pofterent
proche de Peft de l'autre colté
du Pont , hors de la portée du Canon
, pour y attendre les Turcs,
& empefcher qu'ils ne fe puffent.
= jetter dans la Place . On fit auffi
un Détachement confiderable de
Cavalerie & de Dragons pour
renforcer ceux que l'on avoit envoyez
à Peſt , où ils travailloient
à de nouvelles fortifications du
cofté du Danube , & pour refferrer
la garnifon d'Albe- Royale,
qui auroit pu faire quelque diverfion
en faveur des Affiegez ,
afin de faciliter le fecours qu'ils
attendoient .
Le 12. on fit applanir à l'attaque
de Lorraine la defcente dans
les Foffez oppofez aux breches,
à la faveur du Canon & des
Bom
86
Hiftoire du Siege
Bombes , afin de pouvoir monter
à l'Affaut , & l'on fit auffi grand
feu aux attaques de Baviere &
de Brandebourg. Quoy que la
breche que l'on avoit commencé
à faire dans cette derniere le
jour precedent , fe trouvaſt élargie
de plus de quinze pas , la muraille
eftoit encore trop haute depuis
fon pied jufques à l'éboulement.
Ainfi l'on continua de
tirer le Canon avec plus de violence
, pour taſcher d'y faire des
ruines plus confiderables , & les
Affiegez qui jetterent inceffamment
des feux d'artifice & des
pierres de leurs Mortiers , n'empêcherent
point qu'en l'une &
en l'autre on n'avançaft les approches
fort prés des foffez . On
vit paroiftre la flâme pendant
plus de huit heures en plufieurs
endroits de la Ville , ce qui fit
2
juger
de Bude.
juger que
les Bombes & les Carcaffes
des Affiegeans
y avoient
caufé un grand dommage. Le
feu de la Baterie des Bavarois
prit à des Tonneaux
de poudre,
& fit fauter en l'air prés de vingt
perfonnes.
Le 13. les Regimens de Steireim
, de Pafc , & de Goucqfes
arriverent des environs de Stulweiſenbourg
au camp des Troupes
commandées par le Baron de
Mercy & par le Prince Eugene
de Savoye , ce qui fit un corps de
neufmille hommes. Les Ennemis
éventerent la mine des Imperiaux
, mais les Mineurs eurent
le loifir de fe fauver. Ils mirent
auffi le feu à un Fourneau dans
l'efperance de faire fauter la
grande garde des Imperiaux , &
l'effet en fut contraire à ce qu'ils
avoient attendu les terres retom
88
Hiftoire du Siege
tomberent fur eux , & remplirent
feulement une partie de la tefte
des travaux des Affiegeans . Cependant
le feu mis à ce Fourneau
ayant ebranlé la Tour fous
laquelle le Mineur avoit eſté attaché
, on pointa contre cette
mefme Tour huit pieces de Canon
qui y firent une breche confiderable.
On tint un Confeil de
guerre où l'on refolut de donner
Affaut par trois endroits , à la
breche de l'attaque de Lorraine.
Le Comte Guido de Staremberg
, & le Comte d'Awersberg
furent commandez , chacun avec
deux- cens quatre - vingts hommes
, le premier à la droite de
l'attaque proche la grande Rondelle
, & le fecond à la gauche.
Le Comte de Herberftein , avec
qui marchoient les Fufeliers ,
Pionniers , & Travailleurs, avoit
or
1
de Bude. 8.9
ordre de donner au milieu de la
Courtine. Il eftoit auffi fuivy de
deux cens quatre - vingts hommes
, & le refte , au nombre de
deux-mille , demeura de referve
pour les foutenir . Sur les fept
heures du foir , le Signal ayant
efté donné pour l'affaut par une
décharge de tout le Canon qui
eftoit en baterie à cette attaque,
on commença de monter à la breche
, ce qui n'eftoit pas aisé , à
caufe que les Ennemis l'avoient
I reparée par plufieurs rangs
de
Paliffades . On ne laiffa pas de les
forcer, quoy qu'ils fiffent une vigoureufe
refiftance , & l'on fe pofta
fur la brêche à la faveur de
la Moufqueterie & des Grenades
qu'on tira dans les retranchemens
paliffadez qu'ils avoient.
faits , derriere lefquels ils fe maintinrent
en tres- bon ordre. Rie
n'e
୨୦ Hiftoire du Siege
·
n'eft égal à l'ardeur que firent
paroiftre tout ce qu'il y avoit de
Volontaires & de Braves à l'Armée
, pour eſtre des premiers à
fe trouver fur la breche . On y
demeura prés de deux heures:
que l'efcarmouche dura, & pendant
ce temps les Affiegez firent
fauter deux Mines , qui cauferent
moins de perte aux Affiegeans
, que les Fleches , les Bombes
, les Grenades & les Pierres.
Cependant on ne pût venir à
bout de faire le logement ; le
defordre & la chaleur du combat
avoient éloigné les Travailleurs
, & d'ailleurs il auroit falu
plus de Fafcines & de facs à terre
, qu'on n'en avoit , pour pou
voir fe mettre à couvert & ſe retrancher.
Cela fut cauſe que l'on
ugea à propos de faire retirer les
raupes dans leurs Poftes, ce que
l'on
de Bude . 91
lon fit à neuf heures du foir, tandis
que le
Canon
, des
Bombes
&
la Moufqueterie
de
deux
Bataillons
de
Souches
&
de
Mansfeld
favorifoient
la retraite
. Le
Prince
Charles
fut
preſent
à l'action
, &
eut
deux
Pages
, l'un
tué
à fes
coftez
, &
l'autre
bleffé
.
La
perte
fut
grande
de
part
& d'autre
. On
tient
qu'il
y
eut
plus
de
cinq
cens
Soldats
tuez
du
cofté
des
Affiegeans
, &
prés
de
trois
cens
bleffez
, ' outre
quelques
Colonels
,
Capitaines
, autres
Officiers
, &
beaucoup
de
Volontaires
. Parmy
ces
derniers
fut
le
Prince
de
Commercy
, qui
demeura
longtemps
fur
la
bréche
expofé
au
feu
. Le
Sieur
du
Pleffis
, fon
Ecuyer
, fut
tué
auprés
de
luy
, &
le
Sieur
de
S. Sulpice
, l'un
de
fes
Gentilhommes
, y_receut
quelques
bleffures
. Le
Duc
de
Bejar
,
Grand
92
Hiftoire du Siege
Grand d'Espagne , monta un des
premiers à l'affaut. Il y fut bleffé
dangereufement , & mourut trois
jours aprés . Le Fils du Prince Robert,
& Milord Georges Savil, fe
cond Fils du Marquis d'Halifax,
avec plufieurs autres Seigneurs
Anglois furent tuez , ainfi que
le
Prince Palatin de Veldens,le jeune
Comte de Maldeghen , le Chevalier
de Cormaillon , le Comte
de Herberſtein , le Comte de
Kouffstein , Capitaine dans Staremberg
, le Baron de Rolle , &
le Sieur Kirchmeir , tous deux
Capitaines dans le Regiment de
Souches, le Baron de Chiffer , le
Comte de Strottembach , & plufieurs
autres Volontaires & Officiers
fubalternes. Milord Fitz-
James, Fils naturel du Roy d'Angleterre
, fut bleffé legerement.
Le Prince Picolomini mourut
dés
de Bude.
93
dés le lendemain de fes bleffures,
& fut enterré dans Peft . Les autres
Bleffez confiderables , dont
les noms ont efté fçeus , furent le
Comte de Staremberg , Lieutenant
Colonel , qui avoit le commandement
de la droite ; le
Comte d'Aversberg , auffi Lieutenant
Colonel , qui commandoit
la gauche ; le Comte de Dona ,
Colonel dans les Troupes de
Brandebourg ; le Marquis de la
Verne , Lieutenant Maréchal de
Camp ; le Duc de Scalona , Grand
d'Efpagne ; le Comte de Valero,
frere du Duc de Bejar ; Dom
Gafpard de Suneja , fon Coufin;
le Comte de Cormaillon ; le Fils
du Comte d'Urfet , & fon Ecuyer;
le Sieur de Longueval ; le Chevalier
de Rhofne ; le Sieur de Landas
, Capitaine de Starembergs
les Capitaines Herrero & le Bay,
&
94 Hiftoire du Siege
& quelques Officiers venus de
Flandre ; le Sieur de Vaubonne ,
Capitaine des Grenadiers de
Bade ; le Baron Golenski , Capitaine
de Becq ; Dom Francifco
l'Africain ; le Sieur de la Brigondelle
, & le Sieur de Vaucou-
Gentilhomme du jeune leur
Prince de Vaudemont. Le Marquis
de Blanchefort , Fils du Maréchal
de Crequi , fut auffi bleffé ,
& la maniere dont il fe diftingua
fit affez connoiftre de quel
Sang il eft forty. Les Affiegez
perdirent beaucoup de monde.
On fçeut d'un Transfuge , qu'une
feule Bombe , qui eftoit tombée
dans leurs Retranchemens après
l'action , avoit emporté deux Agas
des Janiffaires, & plus de quarante
Soldats. Comme ils croyoient les
Troupes des Affiegeans fort en
defordre, il voulurent profiter de
l'oc
de Bude.
95
l'occafion , en faifant une Sortie
fur celles de Brandebourg , mais
ils furent repouffez avec beaucoup
de vigueur, & laifferent plus
de 40. des leurs fur la place. On
fit quinze Prifonniers.
Le 14. on travailla à applanir
les débris que les Contremines
des Affiegez avoient faits à l'Attaque
de Lorraine , & à combler
les Foffez de celles de Baviere
& de Brandebourg. On continua
de canonner la Place , & d'y
jetter des Carcaffes & des Bombes.
On nettoya auffi la Tranchée
, & on en ofta les terres ,
dont les Fourneaux des Ennemis
en avoient remply une partie . On
en découvrit deux ce jour là , &
l'on en tira les Poudres. ' Il y eut
un Mineur tué par l'imprudence,
d'un Canonnier, La Mine prit
feu, & vingt Soldats & deux Ca-
$
no
96
Hiftoire du Siege
nonniers furent emportez. On
eut avis que les Troupes d'Afie
eſtoient arrivées à Belgrade fous
la conduite du Grand Vifir , qu'il
y en avoit encore pris de nouvelles
, & qu'il s'eftoit enfuite
avancé vers le Pont d'Effeck ,
aprés avoir envoyé fix mille Spahis
à Walpo & à Poffega , avec
ordre d'obferver le General
Schults , qui avoit mené huit
mille Allemans & cinq cens
Croates de ce coſté - là.
Le 15. on attacha le Mineur
à la Muraille de la grande Rondelle
, & on commença deux Galaries
au pied de la Courtine.
Quelques Païfans fortis de Bude
furent conduits à l'Attaque de
Lorraine . Ils dirent qu'à l'affaut
du 13. il y avoit eu plus de cinq
cens hommes tuez du cofté des
Ennemis. On avança les Travaux
juſqu'au
de Bude.
97
jufqu'au Foffé , fur le bord du
quel on dreffa une nouvelle bat--
terie , pour ruiner à droit le cofté
de la grande Rondelle , qu'on
n'avoit pas encore attaqué. Tandis
que les Mineurs travailloient
à deux chambres de Mine , les
Affiegez en firent fauter une à
la gauche de l'Attaque. Elle ne
fit qu'agrandir la brèche du cofté
de ceux de Brandebourg. On
en éventa deux autres qu'on n'avoit
point encore chargées. Les
Bombes que l'Ingenieur Espagnol
fembloit élever jufqu'aux Etoiles,
faifoient un effet fi prodigieux
en retombant , qu'un Transfuge
rapporta qu'une feule avoit enfoncé
deux planchers & deux
voûtes , & tué plus de
perfonnes dans la plus baffe ; ce
qui caufoit une grande defolation
, parce qu'il n'y avoit pref-
E
quarante
98
Hiftoire
du
Siege
que plus d'endroits où l'on fe
puft tenir à couvert. On eut
avis que les Turcs qui venoient
fecourir Bude , eftoient campez
vers Hatwan , aprés avoir paffe
la Teyffe avec un Convoy prés
de Segedin. On détacha auffitoft
les Regimens de Stirum , de
Taff , & de Trurks , pour aller
joindre le Barón de Mercy , afin
d'obliger les Infidelles à repaffer
la Riviere..
Le 16. les Bavarois firent jouer
deux Mines , qui au lieu de
combler le Foffe de la Rondelle
du Chafteau , & de faire fauter
la Paliffade , comme on l'avoit
creu , renverferent les premiers
poftes de leurs Tranchées,
de forte qu'il y eut plus de trente
hommes tuez ou bleffez. Le
Marquis de la Verne , qui n'avoit
efté bleffé que legerement
à
de Bude.
୨୨
#
à l'affaut du 13. le fut ce jourlà
d'un éclat de pierre. Cet accident
fit qu'on réfolut de ne
plus faire jouer de Mines , qu'on
n'euft achevé toutes celles où
l'on travailloit , afin de les faire
fauter toutes à la fois , quand
les trois Attaques donneroient
l'affaut. Un Armenien , qui avoit
fa Femme & fes Enfans à Vienne
, s'eftant échapé de Bude , vint
donner avis que les Janiffaires
avoient preffé deux fois le Bacha
de rendre la Place mais
que ne l'ayant pas trouvé de ce
fentiment , ils luy avoient déclaré
qu'ils fe défendroient encore
quelque temps , mais qu'ils
ne vouloient pas attendre l'extremité
. Il ajoûta que les Affiegez
avoient perdu beaucoup de
monde dans l'action du 13. qu'ils
auroient capitulé fi l'on avoit
E ij
TE
DE
LA
>-
LYON
1895
roo
Hiftoire du Siege
pû fe maintenir fur la brèche,
qu'ils ne s'eftoient tenus en fi
bon ordre derriere leurs rétranchemens
, que parce qu'un Deferteur
eftoit venu leur donner
avis de la refolution que l'on
avoit priſe de donner l'Affaut ;
que cependant l'ayant pris pour
un Efpion , ils luy avoient fait
couper la tefte , & qu'ils en feroient
autant à tous ceux qui
viendroient ſe rendre ; que l'on
avoit commencé à manger les
Chevaux , faute de fourage &
d'autre viande ; qu'un pain
pour vivre un feul jour couftoit
un écu , & que les Bombes de
I'Ingenieur Eſpagnol , qu'ils nommoient
le feu du Ciel , perçoient
les voûtes des Caves. La nuit
les Bavarois fe pofterent derriete
la Paliffade du Foffé de la
Rondelle du Chafteau , de forte
.
que
de Bude. ΙΟΥ
que les Ennemis furent obligez
de s'en retirer avec perte de
quelques hommes. Le Comte
de Fontaine , qui commandoit
les Bavarois , fut tué d'un coup
de Moufquet. Le Comte d'Apre
mont fut bleffé dans la mefme
occafion , auffi bien que le Capitaine
des Grenadiers du Regiment
de Bade. Son Lieutenant
fut tué , & il y eut encore environ
quarante Soldats tuez ou
bleſſez Les Ennemis deffendoient
ce poſte au nombre de deux
cens cinquante , & comme on
leur coupa d'abord le chemin
de la retraite , il n'en échappa
que vingt-fix qui demanderent
quartier. Tout le reste fut tué .
Un Turc qui fortoit de Bude fut
arrefté cette mefme nuit. Il eftoit
Mineur. On apprit de luy que
quoy que la Ville fuft extremé-
E iij
102
Hiftoire du Siege
ment incommodée de l'infection
des Cadavres , qu'on ne pouvoit
enterrer faute de trouver des
lieux où l'on puft les mettre , &
que les Habitans fouffriffent une
fort grande difette à cauſe qu'on
ne diftribuoit des vivres qu'aux
Soldats , les Affiegez ne laiffoient.
pas d'eftre refolus de continuer à
fe bien défendre , & qu'il y avoit
des Fourneaux en divers endroits
avec des coupures & des retranchemens
dans les ruës , à la teſte
defquels ils avoient mis plufieurs
pieces de Canon chargées de
Cartouches.
Le 17. le Prince Charles de
Neubourg eftant arrivé au Camp,
alla fe pofter avec fon Regiment
de l'autre cofté du Pont . Le
Maréchal Caprara , & le General
Palfi , revinrent des environs de
Stulweifembourg avec plufieurs
Re
de Bude.
103
Regimens de Cavalerie . Le premier
paffa le Danube , & prit
le commandement
des Troupes
qui eftoient campées proche de
Peft. Le Marquis de la Verne,
quoy que bleffé , eftant demeurẻ
feul à remplir la Charge de
Lieutenant Maréchal de Camp
general d'Infanterie , ne voulut
plus fortir de l'attaque à caufe
que
le Comte de Fontaine ayant
efté tué la nuit precedente , il
n'y avoit plus d'Officier de fon
caractere pour le relever. On
avança les approches des trois
attaques jufqu'au pied de la
muraille , & l'on acheva une baterie
de trois pieces de Canon à
celle de Lorraine pour battre
l'Angle de la Tour. On travailla
aux Mines à l'Attaque de Brandebourg,
& les Mineurs fe trouverent
fous la Courtine proche
E iiij
104 Hiftoire du Siege
la troifieme Rondelle de celle de
Lorraine , & fous une autre à
gauche. On applanit auffi la defcente
dans les foflez , & pendant
tout le jour & toute la nuit on
ne ceffa point aux trois Attaques
de faire un grand feu de toutes
les Bateries , afin d'agrandir les
bréches & d'achever de ruiner
toutes les defences & les coupures
qui eftoient derriere , ce qui
devoit mettre les Generaux en
eftat de faire donner l'Affaut general
, qu'ils ne vouloient point
hazarder qu'on n'euft éventé les
Contremines.
Le 18. une partie de ceux qui
eftoient campez proche de Peft ,
& qui ne compófoient point
de Regiment , retournerent à
leurs premiers Poftes , fur les
avis qu'on receut que les Troupes
Ottomanes , qu'on croyoit
de
de Bude.
105
,
devoir venir de ce cofté là jetter
du fecours dans Bude s'efloient
retirées apres avoir mis
des vivres dans Hatwan & dans
Erlaw. On apprit le mefme jour
que des Turcs eftoient venus à
deux lieues du Camp couper la
tefte à quelques Fourageurs &
Vivandiers . Sur les onze heures
du foir , les Affiegez fe montrerent
fur la breche . Ils poufferent
de grands cris , & cela fit croire
qu'ils fe preparoient à une fortie .
On fit fur eux un grand feu qui
les contraignit de fe retirer . Ils
éventerent la Mine de l'Attaque
des Imperiaux par un Fourneau
qu'ils firent jouer. Quatre Mineurs
& le Sieur Liber leur Capitaine
, y furent enfevelis . On
les chercha auffi- toft , & on ne
put trouver que deux Mineurs ,
qui n'eftoient pas morts. Les Ba
E v
106
Hiftoire du Siege
varois mirent le feu dans le Chafteau
par une Bombe qu'ils y firent
tomber. Cependant les Ennemis
barricaderent d'une nouvelle
Paliffade la Breche de la
Rondelle .
Le 19.les Affiegez travaillerent
inceffamment entre la Breche des
Imperiaux & la muraille de la
Ville, ce qui fit croire qu'ils y faifoient
un nouveau retranchement.
Les Bavarois travaillerent
de mefme pendant tout le jour à
à une Baterie fur le bord du Foffé
, afin d'abatre la Paliffade , & le
refte de la Rondelle du Cha fteau .
Ils attacherent en mefme temps
le Mineur, pour chercher les Mines
des Ennemis . La nuit les
Troupes de l'Attaque de Lorraine
donnerent un faux Affaut , &
firent jouer plufieurs Mortiers
chargez de Bombes , de Carcaffes
&
de Bude.
107
& de Grenades. L'effet en fut
terrible pour les Affiegez , qui
eftoient accourus en foule pour fe
defendre. Un Transfuge paffa
de la Ville au Camp , & en parlant
des defordres que faifoient
les Bombés dans la Place , il dit
qu'il en eftoit tombé une fur une
voute , qu'elle l'avoit enfoncée, &
que plus de cent hommes qui
eftoient deffous , en avoient efté
tuez .
Le 20. les Affiegez donnerent
trois fauffes allarmes, ce qui obligea
de faire avancer contr'eux
un détachement de Grenadiers
à chaque attaque. On s'apperceus
qu'ils s'aflembloient derriere leurs
Paliffades, & dans la penfée qu'on
eut qu'ils avoient deffein de faire
une fortie, on fit pointer le Canon
& les Mortiers de ce costé là . Les
Bateries firent un grand feu , & le
fuc
108
Hiftoire du Siege
fuccez en fut fort avantageux
aux Affiegeans. Le mefine jour le
General Palfi retourna fur fes pas
avec fix Regimens , & eut ordre
d'obferver les mouvemens des
Troupes Ottomanes , qui avoient
déja paffé le Pont d'Effeck , à ce
que difoient tous les Efpions. Le
Prince Charles alla reconnoiftre
les endroits par où les Turcs pouvoient
jetter du fecours dans la
Place. Il y eut encore un Armenien
qui fe fauva de la Ville. Il
dit que la confternation yeftoit
tres -grande ; qu'il n'y reftoit plus.
que deux mille Janiffaires dont
le nombre diminuoit tous les
jours , & qu'ils ne ſe defendoient
que parce qu'on les avoit affurez,
qu'il y avoit deux Armées en
marche , pour venir faire lever
le Siege .
Le 21. on continua d'élargir
la
de Bude. 109
la brêche à coups de Canon à
l'Attaque de Lorraine , & de
rompre la Paliffade que les Ennemis
y avoient mife. Le Baron
de Mercy , qui avoit fait repaffer
la Teyffe aux Turcs qui s'étoient
avancez vers Hatwan , &
dont il avoit défait une partie de
l'Arriere garde , receut ordre de
repaffer le Danube , & de marcher
avec la Cavalerie que l'on
avoit jugée inutile pour le Siege,
à la rencontre des Infidelles qu'on
difoit s'eftre affemblez vers le
Pont d'Effeck , au nombre de
vingt- cinq à trente mille. Un Cavalier
du Regiment de Caprara
fe faifit d'un Turc qui eftoit caché
dans un Marais . Il avoit des
Lettres pour le Grand Vizir , &
pour quelques Officiers de l'Armée
Turque. Elles furent déchifrées.
Le Bacha de Bude leur
don
110
Hiftoire du Siege
donnoit avis de l'eftat de la Place
, & du preffant befoin qu'il
avoit qu'on le fecouruft.
Le 22. de grand matin les Af
fiegez fortirent du cofté des Bavarois
, & ayant pouffe la Garde
qui étoit à la tefte de la Tracheé,
ils tuerent prés de cent hommes,
entre lefquels fe trouverent le
Sieur Lôben Colonel dans les
Troupes de Saxe , un Capitaine
, & quelques Officiers fubalternes.
Le Sieur Defchwint, Colonel
de l'Artillerie de Baviere,
fut mortellement bleffé au cou.
Ils enclouerent trois pieces de
Canon & un Mortier, & auroient
caufé un plus grand defordre , fi
un Lieutenant & quelques Fantaffins
du Regiment de Bade qui
accoururent n'euffent foûtenu
les Bavarois , & contraint les Ennemis
de fe retirer avec perte de
>
plus
de Bude. III
plus de fix- vingt des leurs, qu'ils
laifferent fur la place. L'avis en
ayant efté donné à l'Electeur de
Baviere , il vint auffi - toft dans la
Tranchée. On décloüa le Mortier
& deux pieces de Canon, &
en fuite on jetta une Bombe de
ce Mortier. Un peu après, on entendit
un bruit extraordinaire,
& il fe fit comme un tremblement
de terre qui ébranla tout
le Camp, & dont plufieurs Tentes
furent renversées. Il s'éleva
une fumée fi épaiffe qu'on' fut
quelque temps fans voir la Ville.
Soit par l'effet de la Bombe,
foit par quelque autre accident,
le feu s'eftoit mis à un Magafin
à poudre , qui eftant proche de
la muraille en renverfa plus de
quarante pas de longueur, en forte
qu'on y euft pû monter aifément;
IIZ
Hiftoire du Siege
ment , fi la Riviere n'en avoit
pas empêché l'accez. Des Fantaffs
fe jetterent fur l'Electeur
de Baviere pour le garantir des
pierres qui tomboient en quantité
dans les Tranchées . On en
trouva un fort grand nombre
dans Peft & dans tout le Camp,
de la pefanteur de deux , trois,
& quatre cens livres , jufques à
cinq cens. On dit qu'il y avoit
neuf cens Quintaux de poudre
dans ce Magafin , & qu'il fit perir
, en fautant en l'air , plus de
quinze cens perfonnes , hommes
femmes & enfans , fans compter
ceux qui demeurerent enfevelis
dans les caves voifines qui furent
couvertes des ruïnes de ce
grand bâtiment. La nuit, on travailla
à la chambre de la Mine
fous la grande Rondelle . Les Af
fiegez la contreminerent , ce qui
obligea
de Bude. 113
geans
obligea les Mineurs des Affied'abandonner
le travail. Il
n'y eut que celuy qui eftoit attaché
à la Courtine du milieu à
la gauche , qui continua . Il arri-
Iva dans la chambre de la Mine
que les Ennemis avoient éventée
, & la voulut rétablir , mais
ayant entendu travailler fous lui,
il fe retira, & laiffa quelques barils
de poudres découverts ; le
feu y prit pluftoft qu'on ne l'avoit
crû , & jetta le Lieutenant
des Mineurs jufque fur la batterie
de Brandebourg . Celuy qui
les commandoit fut brûlé . Comme
la Mine n'eftoit pas affez profonde
, l'ouverture qu'elle fit au
pied de la Courtine , fut feulement
de deux toifes. Les Turcs
fortirent en fi grand nombre ,
qu'on ne les put arrefter que par
un feu extraordinaire que l'on fit
fur eux.
Le
114 Hiftoire du Siege
a
Le 23. Le Mineur attaché à la
Rondelle du milieu, ayant achevé
de perfectionner la Mine , il
fut refolu que fi elle avoit l'effet
que l'on pouvoit s'en promettre,
on donneroit l'Affaut , general,,
Cependant le Prince Charles jugea
à propos
de faire fommer les
Afliegez avant que de l'entreprendre.
Le Magaſin fanté le
jour précedent , avoit mis un fi
grand defordre dans la Place
qu'il y avoit lieu de croire qu'on
les trouveroit moins obftinez , &
qu'ils fe refoudroient à fe rendre
fi on leur offroit des conditions
avantageufes. Ainfi fur les trois
heures aprés midy, ce Prince envoya
le Comte de Konigfek, fon
Aide de Camp general , avec un
Tambour & un Interprete pour
fommer la Ville. Les Affiegez
le voyant venir , & connoiffant
au
de Bude.
115
,
au fignal d'un mouchoir blanc
qu'il avoit quelque propofition
à leur faire planterent fur la
Muraille un Drapeau de mefme
couleur , & vinrent enfuite
prendre la Lettre du Prince
Charles pour la porter au Bacha
, qui dormoit alors , à ce
qu'ils dirent. En attendant la
réponſe , on luy laiffa trois Turcs
pour Oftages , & on luy vint
dire un peu aprés que le Bacha
avoit affemblé fes Officiers,
pour deliberer fur cette Lettre.
Il y eut de part & d'autre fufpenfion
d'armes pendant deux
heures
, & aprés ce temps on
apporta la réponſe du Bacha au
Prince Charles , envelopée d'écarlate.
Voicy les termes qu'elle
contenoit .
GRAND
116
Hiftoire du Siege
RAND VISIR DES
G&RESTIENS,
Tu es bien présomptueux de venir
une feconde fois mettre le Siege
devant Bude , qui a déja couté tant
de monde & tant d'argent aux
Chreftiens. Il est bien vray que ce
Siege nous a furpris , parce que nous
ne nous y attendions point ; mais
par l'affiftance de Dieu, & de noftre
Prophete Mahomet, vous aurez efte
par deux fois honteufement repous-
Sez, & vous n'aurez pas à nous
donner tat d'affauts que vous croiez.
Nous efperons qu'il vous en arrivera
comme il vous est déja arrivé . Si
voftre Empereur vous a commandé
de nous attaquer , nous avons ordre
du noftre de nous bien défendre .
Cette réponſe pleine de fierté
obligea les Affiegeans à faire joüer
le Canon des trois Attaques , &
de Bude.
117
à bombarder la Place avec plus
de furie que l'on n'avoit fait auparavant.
Le 24. Les Imperiaux firent
jouer une Mine , qui au lieu de
renverfer la Rondelle qui eftoit
entre leur bréche & celle des
Troupes de Brandebourg , combla
les premiers poftes de leurs
Tranchées , ce qui fâcha fort les
Hongrois , qui au nombre de
deux mille eftoient tout prefts de
monter à l'affaut , à la tefte des
Troupes de l'Attaque de Lorraine.
Le Capitaine des Mineurs &
deux Travailleurs furent accablez
par les débris de la Mine,
dont plus de deux cens Soldats
furent tuez ou bleffez. Un fugitif
vint apprendre au Prince
Charles que le Treforier des Janiffaires
avoit eu deffein de livrer
la Ville , à condition qu'on
l'en
118 Hiftoire du Siege
t
l'en feroit Vice - Commandant ,
mais que deux Païfans qui luy
devoient apporter la Lettre aïant
efté arreftez , le Bacha avoit fait
couper la tefte au Treforier , &
pendre les Païfans . Il ajoûta que
cinquante Turcs & un Aga a-
- voient efté tuez de la Mine, que
les Imperiaux avoient fait jouër
ce mefme jour, a
Le 25. une Bombe des Affiegeans
renverfa fur la Rondelle
du Chafteau quelques Paliffades,
& deux ou trois cofres chargez
de terre & de pierres qui les foûtenoient.
Le General Dunewald
receut ordre de prendre langue
de l'Armée des Infidelles. Sur les
cinq heures du foir , les Affiegez
firent une Sortie avec 200. hommes
fur la droite de l'Attaque de
Lorraine , où commandoit le
Comte de Saur , qui les repouſſa
vigou
de Bude.
119
quelque
.
vigoureufement avec
perte de leut cofté , mais elle
ne les empefcha pas d'en faire
une autre fur la gauche , où é-.
toient les Troupes de Brandebourg.
Ils couperent la tefte à
quarante hommes , & après avoir
encore efté répouffez de ce coſté
là , ils revinrent de nouveau , 1 , &
poufferent ceux de Brandebourg,
qui furent contraints de quitter
leurs Lignes. Le Prince Charles
en fut averty , & fit incontinent
avancer les Bataillons de referve,
qui eftoient poftez le long du
Danube prés des murailles de la
Ville- baffe. Les Turcs plierent
-lors qu'ils virent ce fecours , &
quoy qu'ils en euffent receu du
Bacha,qui leur envoyoit dé temps
en temps de nouvelles Troupes
pour les foûtenir , ils rentrerent
dans la Ville aprés une Efcarmouche
I 20
Hiftoire du Siege
che qui dura prés de quatre heures.
Il ne demeura que vingt
des leurs fur la place. Ceux de
Brandebourg perdirent le Lieutenant
Colonel de leurs Gardes.
Le Baron d'Ati qui commandoit
le Corps de referve , fut bleffé
au pied d'un coup de Moufquet,
& l'Aide de Camp du Comte de
Staremberg eut les deux jambes
emportées d'un coup de Canon.
Le Baron de Hoenwart fut tué
avec un Enſeigne du Regiment
de Souches , & quelques autres
Officiers.
Le 26. on prepara toutes les
chofes neceffaires pour donner le
lendemain l'Affaut general . Le
Maréchal Caprara paffa le Danube
, & vint fe camper au milieu
des Imperiaux & des Bavarois
, afin de fermer le paffage
· par où les Ennemis auroient pû
fe
de Bude. 121
fe fauver , ou faire des Sorties
fur les Affiegeans. Le Prince
Charles, qui avoit refolu de faire
donner l'Affaut à la pointe du
jour , paffa toute la nuit dans la
Tranchée , & pendant ce temps
on executa la refolution que l'on
avoit priſe d'attacher aux Paliffades
une certaine compofition
de feu artificiel pour les brûler;
elle eut un tres- grand effet .
,
Le 17. au matin les Paliffades
eftant encore toutes enflâmées
par la quantité qu'on y
avoit mis de cette compofition,
on attendit pour donner l'Affaut
qu'une petite pluye , qui
commença à tomber , euft éteint
les feux qui fervoient comme de
défenſe aux Ennemis. Tous les
ordres avoient été donnez le jour
précedent à tous les Officiers Generaux
Subalternes qui devoient
F
7 122 Hiftoire du Siege
eftre employez aux 3.Attaques,&
ils fçavoient en quel lieu & en
quelle maniere ils devoient agir
lors qu'ils auroient oüy le Signal.
Ce Signal eftoit 3. décharges de
12.petites pieces de Canon du côté
de Peft,afin qu'on en puft entendre
le bruit auffibien au quartier
de Baviere, qu'à ceux de Lorraine
& de Brandebourg. Il fut
donné fur les fix heures du foir, &
auffi- toft ceux qui eftoient commandez
à l'Attaque de Lortaine,
marcherent en fort bon ordre
vers la groffe Rondelle à droit,afin
de fe loger fur la bréche . Quarante
Grenadiers ayant un Capitaine
à leur tefte avec un Lieutenant
& un Sergent , furent fuivis
de cinquante Fufeliers , &
d'un pareil nombre d'hommes armez
de faulx , fous les ordres
d'un Capitaine , d'un Lieutenam
,
de Bude. 123
nant , d'un Sergent , & des autres
Officiers fubalternels. Cent
hommes chargez de haches &
pelles eftoient à la premiere ligne,
commandez par un Capitaine
, par un Lieutenant , & par
un Sergent, & avoient deux cens
Moufquetaires pour les foûtenir.
Le Prince de Neubourg, Grand-
Maistre de l'Ordre, Teutonique
, commandoit en cet endroit
de l'Attaque , & le Marquis de
Nigrelli , General de Bataille ,
le Colonel Keth , le Baron Reder
, Lieutenant Colonel , & le
Lieutenant Major de Staremberg
l'accompagnoient pour
porter fes ordres , & les faire
executer avec plus de promptitude.
Le Comte de Souches, qui
avoit auprés de luy le Sergent
general Diepental , le Colonel
d'Oetingen , le Comte Jorger,
,
Fij
124 Hiftoire du Siege
1
Lieutenant Colonel , & le Sergent
Major de Croy, marcha au milieu
vers la Courtine , précedé de 50.
Grenadiers , de cent Fufeliers, &
-de cent autres hommes armez de
faulx & de bâtons ferrez par les
deux bouts . Ceux - cy ayant leurs
Officiers à leur tefte , avoient
auffi pour les foûtenir 200. Moufquetaires
& 5o.hommes avec des
haches & des bêches propres à faper
& à faire des logemens après
qu'on auroit chaffe les Ennemis
de leurs poftes. La difpofition fut
pareille à l'Attaque de Brandebourg.
Ceux qui devoient donner
à la bréche de la Rondelle à gauche,
eftoient foutenus d'un pareil
nombre de Moufquetaires , & avoient
ordre de faire grand feu
contre les Turcs fi- toft qu'ils fe
montreroient hors de leurs Coupures.
Les Heiduques furent
commandez pour donner une
de Bude. 125
fauffe alarme du cofté de l'eau ,
à l'endroit où l'embrafement du
Magafin avoit ouvert la Murailles.
Trois cens hommes les foutenoient
fous les ordres d'un Sergent
Major , de trois Capitaines
& des autres Officiers Inferieurs.
Tous les autres Generaux
furent poftez en divers endroits
pour y faire la fonction
de leurs charges fuivant le commandement
qu'ils avoient receu
. On avoit mis douce cens
hommes de reſerve dans un fond
au pied de la brêche , & ils devoient
s'avancer par files afin de
remplir la place de ceux qui feroient
tuez . Le General Dinghen
les commandoit. Le refte de l'Infanterie
eftoit deftiné pour s'avancer
de la mefme forte fi les
Generaux & les autre Officiers
à qui l'on avoit confié la garde
Y
Fiij
126 Hiftoire du Siege
de la Tranchée , l'euffent jugé
à propos. Tout ayant efté difpofé
de cette forte , les Troupes
Imperiales & celles de Brandebourg
marcherent en mefme
temps du coté des brêches ,
chacun en fon rang , tant les Of
ficiers que les Soldats , principalement
vers la grande Rondelle,
dont la maçonnerie n'avoit
pas
efté bien éboulée , quoy qu'on
y euft fait jouer plufieurs Mines.
Ce fut de part & d'autre
un feu effroyable & un bruit
terrible qu'on ne sçauroit exprimer.
Si le Canon , les Bombes
, les Carcaffes , les Grenades,
& la moufqueterie des Affiegeans
, firent un fracas qui euſt
pû épouvanter les plus intrepides
, le feu que firent les Affiegez
& par leur Canon & par
leurs Mortiers à pierres qu'ils ac- .
compagnerent d'une grefle de
de Bude.
127
Fleches , de Dards , de Bombes
ardentes , & autres Machines,
qu'ils faifoient rouler du haut
des brêches où ils s'expofoient
à corps découvert , fit voir aux
Chreftiens qu'ils avoient à faire
à des gens determinez qui leur
vendroient cherement leurs vies.
Les Imperiaux s'avancerent
bord jufqu'aux Paliffades , dont
les Ennemis avoient reparé les
bréches des Rondelles . Ils eurert
peine à y conferver leur
pofte , à caufe du grand nombre
de Fourneaux qu'on y fit
jouer. Plus de trois cens hommes
furent tuez ou accablez du
premier , & la refiftance des
Affiegez qui fut extraordinaire ,
fit reculer les Imperiaux juf
qu'à trois fois. Le Prince Charles
qui s'en appercent du lieu où
il donnoit les ordres , & qui les
F
128
Hiftoire
du Siege
રે
vit au milieu des feux , tant des
Machines que les Ennemis faifoient
rouler , que de neuf Mines
& de neuf fourneaux qu'ils
firent fauter en fort peu de
temps , s'avança luy - meſme au
pied de la brêche pour les foûtenir
avec de nouvelles Troupes
Sa prefence les anima telle.
ment , que voyant leur General
s'expofer comme eux au plus
grand peril , & vouloir fe rendre
témoin de leurs actions , ils
forcerent les Paliffades , & fe
rendirent maiftres de la grande
Rondelle où ils fe logerent. Ceux
de Brandebourg n'eurent
moins de fuccez à leur attaque.
Ils vinrent à bout de fe loger
fur la Courtine & fur la Rondelle
à gauche. Les Ennemis qui
s'eftoient retirez derriere les retranchemens
qu'ils avoient faits
pas
all
de Bude. 129
= au de- là des Paliffades , firent
leurs efforts pour les en chaffer,
& jetterent fur les uns & fur
les autres quantité de Fleches ,
de feux d'artifices , & d'autres
Inftrumens remplis de foufre ;
fur tout leurs Mortiers à pierres,
les Mines & les Sacs à poudre
aufquels ils mettoient le feu en
ſe retirant des Poftes qu'on les
forçoit de quitter , tuerent &
blefferent un grand nombre de
Chreftiens. La prefence du Prince
Charles qui ne voulut point
abandonner l'entreprife , contribua
fort à l'heureux fuccez qu'elle
cut. Chacun cherchoit à fe
fignaler avec une intrepidité qui
n'eft pas croyable , & les Soldats
à envy les uns des autres,
prenoient le Pofte que leurs camarades
leur abandonnoient en
perdant la vie. Les Imperiaux
F v
130 Hiftoire du Siege.
trouverent dans la grande Rondelle
deux Etendarts des Janiffaires
, & trois Pieces de Canon,
& ceux de Brandebourg en trouverent
fept & quelques Mortiers
dans la Rondelle dont ils s'étoient
emparez à gauche.
Pendant que l'on donna l'affaut
de ce cofté - là , l'Electeur de Baviere
le donna auffi du cofté de
fon attaque . Il avoit fait brûler le
jour precedent les Paliffades que
les Ennemis avoient plantées fur
la brêche, & fi-toft qu'on eut entendu
le Signal pour y monter,les
Fufeliers , & les Grenadiers avec
les hommes armez de haches qui
avoient fes ordres pour faper celles
qui pouvoient encore embaraffer
, fortirent de la Tranchée,
fuivis de cent Moufquetaires fous
un Capitaine & deux Lieutenans
, pour monter à l'affaut, tant
à
de Bude.
à droit qu'à gauche. Ĉent Travailleurs
marcherent en fuite, 25 .
avec des Pelles , & foixante &
quinze avec des faux , pour faire
un logement fur la hauteur de la
Rondelle, aprés qu'on s'en feroit
emparé. Ils eftoient fouftenus de
50. Fufeliers , de 30. Grenadiers,
& de 200. Moufquetaires. D'autres
Moufquetaires choifis avoiết
efté commandez pour feconder
de chaque cofté les trois Bataillons
Imperiaux , Bavarois & Saxons
qui devoient fouftenir les
premiers. On fe mit en marche
par les Ouvertures qui avoient
efté faites aux foffez vers la brêche
à droit & à gauche de la
Rondelle. En mefme temps toutes
les bateries commencerent à
tirer fur les brêches, & contre les
murailles hautes & les feneftres
des maifons du Chafteau, & l'on
jetta
132
Hiftoire du Siege
jetta auffi fans aucun relâche des
bombes & des carcaffes , dont il
y en eut quantité qui furent jettées
contre les retranchemens
des Affiegez , & entre les deux
premieres murailles du cofté du
Danube. Quoy que la muraille
fuft encore haute & difficile
à monter , on s'avança vers
la brêche à droit & à gauche
avec tant de valeur , de courage
& de conduite , que l'on
s'empara de la Rondelle , malgré
les coups de Moufquets que
les Ennemis tiroient fans ceffe
des Crenaux de cette meſme
muraille . On s'empara auffi à
gauche d'un lieu fitué entre les
maifons , & la muraille exterieure
, ce qui n'eftoit pas aifé
, parce que les endroits les
plus éminens du Chateau le
commandoient , & que l'on jettoit
de Bude .
133
toit de là fur les Affiegeans
une infinité de pierres , de Grenades
, de Bombes & de Sacs
à poudre. Ce feu continuel ne
put arrefter l'ardeur qui les emportoit
, & ils l'effuyerent avec
une bravoure qu'on ne peut affez
loüer, mais la nuit qui commençoit
d'approcher , ne permit pas
qu'on avançaft davantage. On
travailla à des Logemens fur la
Rondelle , & dans les autres Poftes
que l'on avoit occupez . L'Electeur
de Baviere fe tint expofé
au feu pendant toute l'action . Il
vifita tous les Poftes , & alla par
tout donner les ordres qu'il jugea
utiles pour la feureté & pour la
perfection du travail. Non feulement
il animoit les Soldats par
fa prefence , mais il les engageoit
à continuer de bien faire en leur
donnant des marques de fa liberali
F34
Histoire du Siege
ralité . Le Prince Louis de Bade
fit paroiftre auffi beaucoup d'intrepidité
, & demeura expofé
aux coups pendant toute l'efcarmouche
, afin qu'on apprift par
fon exemple à méprifer le peril.
Le Prince de Neubourg, le Prince
Eugene de Savoye , & plufieurs
autres Generaux montrerent
de leur cofté toute la bravoure
qui pouvoit donner un
nouveau courage aux Attaquans,
& la fermeté avec laquelle ils les
voyoient foûtenir le grand feu
des Ennemis , fervit beaucoup à
leur faire remporter les avantages
qu'ils eurent en cette journée.
Ce que firent les Heiduques
ne fut pas confiderable. Auffi ne
faifoient- ils qu'une fauffe attaque
afin d'attirer les Ennemis de
ce cofté- là . Ils y trouverent les
Poftes tres -bien garnis , à caufe
que
de Bude..
135
*
que c'eftoit l'endroit où te Magafin
avoit fauté , & par confequent
le plus découvert. L'affaut:
dura trois heures avec grand
perte du côté des Affiegeans . Ils .
eurent prés de deux mille hom .
mes tuez ou bleffez , fans un fort
grand nombre d'autres qui furent
brûlez ou enterrez par les
mines. Le Prince Charles fut
atteint legerement d'un coup de
pierre à la jambe , & le Sieur
d'Artein fon Ayde de Camp general
de ce Prince , fut tué auprés
de luy. Le Duc de Croy qui
n'avoit receu d'abord qu'une
bleffure peu confiderable , receut
enfuite un coup de Moufquet qui
luy perça le genoüil . Le Duc de
Curland Colonel dans les Troudes
de Brandebourg , fut bleffé
dangereufement , auffi bien que
le Comte Schileck, & le Marquis
Sa
136
Hiftoire
du Siege
,
Sanati . Le General Major de
Thingen le fut mortellement à la
teſte. Le Baron d'Afti qui n'eſtoit
pas encore guery d'une bleffure
qu'il avoit receu e deux jours auparavant
, eut les deux cuiffes
percées , & le Baron de Welbersheim
, les deux bras caffez . Le
Prince de Comercy qui s'eft
toûjours fignalé dans les occafions
où il y avoit le plus de peril
à effuyer , receut auffi une legere
bleffure. Les autres bleffez
dont on a pû jufqu'icy fçavoir les
noms , furent le Duc de Scalona ,
le General Major Diepenthal , le
Comte & le Chevalier d'Apremont
, Freres , le Colonel Goeling
; le Comte d'Archinto ; le
Comte Zacco Sergent Major , le
Lieutenant Colonel Rotten ; le
Comte de Saur ; le Sieur Reder,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Bude 137
ment de Neubourg . Le Sergent-
Major Pini , le Marquis de la
Verne , le General Rummel , le
Baron de Welberg , Lieutenant
Colonel de Beck , avec plufieurs
Officiers de ce mefme Regiment:
le Comte de Palfi , Lieutenant
Colonel ; le Baron d'Aversberg,
le Sergent Major , un Capitaine
& un Lieutenant de Staremberg,
& plufieurs autres Officiers
des Regimens de Bade , de Beck,
de Steinau, de Rummel , de Selbolftoff,
de Gallensfels , & autres.
Le Comte de Dona , & le Sergent
Major de Marwitz , furent
tuez à l'attaque de Brandebourg.
Le 28. on dreffa une Batterie
fur la Rondelle du milieu , dont
les Imperiaux s'eftoient rendus
maiſtres à l'Attaque de Lorraine ,
& l'on applanit les bréches , afin
d'y
138 Hiftoire du Siege
d'y pouvoir guinder l'Artillerie .
On travailla à perfectionner les
Lignes de communication des
logemens , & l'on pourfuivit le
travail de trois Mines , qui avoient
efté commencées fous la
feconde Muraille incontinent aprés
l'Affaut du jour précedent.
Le Mineur fut attaché en deux
endroits de cette mefme Muraille.
Ceux de Brandebourg tirerent
une Ligne paralelle à cette
Attaque .
Le 29. on fit fauter deux mines
à l'Attaque de Lorraine. Il y
en eut une qui renverfa quinze
toifes de maçonnerie dans le Foffé
. Elle ne laifferent pas de caufer
du dommage aux Affiegeans ,
puis que deux Capitaines des
Troupes de Brandebourg , & environ
cinquante Fantaffins , la
plufpart des mefmes Troupes.
£u
de Bude.
139
furent enterrez fous leur debris .
Une Batterie de trois pieces de
Canon fut achevée ce jour - là à
la mefine Attaque . Quelques Armeniens
fugitifs vinrent avertir
que plus de mille perfonnes , hommes
, femmes & enfans , avoient
efté tuez dans la Place le jour
qu'on avoit donné l'Affaut ; qu'une
grande quantité avoient voulu
fe fauver du cofté de la Ri
viere , mais qu'ils y avoient trouvé
tous les Bateaux enchaifnez;
que la Garnifon n'eftoit plus que
de mille Combattans , & que le
Muphti les exhortoit inceffammet
à fe rédre,mais que le Bacha
les animoit à refifter jufqu'au
bout par l'efperance du fecours
qu'il attendoit ; qu'il y avoit par
tout des Retranchemens & des
Coupures , & qu'à la derniere
extremité il avoit efté refolus
qu'on
140 Hiftoire du Siege
qu'on mettroit le feu aux Magagafins
, pour faire fauter la Ville
avec tous ceux qui fe trouveroient
dedans. La nuit , les Bavarois
avancerent environ de quarante
pas dans la Rondelle du
Chafteau , en tirant du cofté de
la Riviere , avec perte de cinquante
hommes , & ils y firent
mener deux pieces de Canon,afin
d'élargir la bréche de la feconde
Muraille .
Le 30. le Comte de Souches
& le Comte de Lodron ,Major de
Cavalerie , monterent la Tranchée
. Ce dernier avoit efté nommé
pour la relever , aina que le
Comte de Stirum , auffi Major de
Cavalerie , parce qu'il n'y avoit
plus que le Comte de Nigrelli ,
Major general d'Infanterie , qui
puft fervir. On fit jouër ce jourlà
une troifiéme Mine à l'Attaque
de Bude. 141
que de Lorraine , & deux à l'Attaque
de Baviere, qui firent affez
d'effet. Cependant le Prince
Charles jugeant qu'il y alloit du
fervice de l'Empereur de ne pas
expofer la Ville à l'affaut & au
pillage , envoya une ſeconde fois
fommer le Commandant de fe
rendre. Comme il eftoit déja
tard , les Affiegez prierent les Députez
d'attendre jufqu'au lendemain
la réponſe qu'ils leur demandoient
, parce qu'il falloit affembler
le Confeil fur une affaire
d'une fi grande importance.
Le 31. le Prince Eugene de
Savoye & un Interprete allerent
à la Porte de la Ville , où aprés
qu'on les eut fait attendre une
heure & demie , on leur apporta
deux Lettres du Commandant,
l'une adreffée au Prince Charles,
&
142 Hiftoire du Siege
& l'autre à l'Electeur de Baviere .
Elles contenoient , que la confervation
de Bude , qui eftoit la clef
de Conftantinople & de Jerufalem,
eftoit d'une telle confequence
pour les Ottomans , qu'il ne
pouvoit fe refoudre à la remettre
entre les mains des Chreftiens
mais qu'on n'avoit qu'à
choifir une autre Ville , & qu'il
eftoit preſt à la donner , efperant
par là qu'on luy voudroit bien
accorder la Paix . Ce mefme jour
le premier Capitaine d'Artillerie
eut le bras percé , & le Comte de
Staremberg , en reconnoiffant la
bréche, receut un coup de Moufquet
qui luy emporta un doigt,
& le bleffa à l'épaule . La fièvre
qui luy furvint , accompagnée
d'une diffenterie , l'obligea de fe
faire tranfporter à Comore , où le
Prince de Vaudemont , qu'une
vio
de Bude.
143
violente maladie avoit forcé de
quitter le Camp , eftoit déja depuis
quelques jours. Sur les huit
heures du foir , les Affiegez qui
n'avoient point eu de réponſe,
envoyerent deux Agas au Prince
Charles , & emmenerent avec
eux le Baron de Crentz , Ayde
de Camp du Prince Louis de
Bade , & un Interprete. On crut
que le Commandant avoit deffein
de capituler , mais toute la
negociation aboutit encore à dire
, qu'il feroit livrer telle Ville
qu'on voudroit fi on levoit le
Siege de Bude , ou qu'il rendroit
cette Place pourveu qu'on fift
une Paix generale avec l'Empire
Ottoman . Le Prince Charles
voyant que l'on n'avoit point
d'autres propofitions à luy faire,
renvoya les deux Agas , & rappella
les Oftages. Ils dirent qu'on
les
144 Hiftoire du Siege
les avoit receus fort civilement,
& qu'à leur départ ils avoient
veu beaucoup de confternation
dans la Ville. On fceut ce jour
là que l'Aga des Janiffaires eftoit
mort des bleffures qu'il avoit receues
à l'Affaut du 27. & qu'il y
avoit plus de deux mille hommes
des Ennernis bleffez ou malades.
Le premier jour d'Aouft les
Imperiaux firent jouër une Mine
qui eut un tres - bon effet. Elle fit
bréche dans la feconde Muraille,
& ébranla mefme la troifiéme , ce
qui obligea les Affiegez d'y accourir
en grand nombre. Les
Bavarois profiterent de ce moment
pour attaquer le Chafteau .
Ils y entrerent , mais ils ne purent
fe maintenir dans le logement
qu'ils y avoient commencé.
Le Marquis de la Vergne,
Gene
de Bude . 145
General Major , receut deux
coups de Fléches , dont l'un luy
perça le bras & l'autre la cuiffe .
Le Lieutenant Colonel de l'Artillerie
en receut un autre au ventre.
Quatre Fugitifs vinrent a-,
vertir que les Affiegez travailloient
à une Mine pour faire fauter
la grande Rondelle dont les
Imperiaux s'eftoient emparez. Le
General Dunewald arriva au
Camp avec la Cavalerie qu'il
commandoit aux environs de
Stulweiſembourg.
Le 2. le Comte Caraffa , Major
General, & le General Heufler
, arriverent auffi au Camp,
avec un Corps de quatre mille
hommes qu'ils commandoient
dans la haute Hongrie du cofté
de Zolnoch , & ils prirent leurs
poftes au delà du Danube , où
deux mille Hongrois comman-
G
146
Hiftoire du Siege
dez par le Comte Budiani les
joignirent . La nuit on travailla
aux Lignes de circonvallation
, pour arrefter le fecours des
Ennemis.
Le 3. on vit paroiftre des Avant-
coureurs de l'Armée des
Infidelles, & les Affiegez firet une
falve de tous leurs Canons . Comme
on s'eftoit difpofé à donner
un troifiéme Affaut , les Affiegeans
firent jouer une Mine , mais
elle n'eut pas l'effet qu'on en avoit
eſperé , & la bréche ne s'êtant
pas trouvée affez profonde,
le Prince Charles envoya dire à
l'Electeur de Baviere qu'il ne jugeoit
pas à propos de donner
l'Affaut. Les Troupes de cet Electeur
ne laifferent pas d'y monter
, foit que l'ardeur qui les ani
moit leur fift avancer l'heure du
Combat , foit qu'elles euffent
pris
de Bude.
147
-
pris le bruit de la Mine pour le
Signal dont on étoit convenu . Le
Prince Charles qui en eut avis
fit donner l'attaque de fon cofté .
Les Affiegez au nombre de plus
de deux cens , fe montrerent fur
la Bréche , le Sabre à la main , &
le corps tout découvert. Les Femmes
& les Enfans y parurent
mefme tirant des Fléches , &
faifant rouler des pierres. Il y
eut beaucoup de vigueur de part
& d'autre , & la refiftance fut
telle du cofté des Ennemis , que
tout ce que purent faire les Imperiaux
, ce fut d'avancer leurs
Logemens jufqu'au pied de la
troifiéme muraille. Ils eurent plus
de deux cens hommes tuez ou
bleffez. Les Bavarois fe faifirent
de deux ouvrages , où ils trouverent
du Canon & des Mortiers ;
mais ce ne fut pas fans perdre
G
11
148 Hiftoire du Siege
beaucoup de monde . Le Prince
de Bade receut une contufion
d'une Balle de Moufquet qui luy
perça le Ceinturon & le Jufte
au corps par derriere , & le Prince
Eugene eut un coup de Fléche
, dont le fer luy entra entierement
dans la main . Le Comte
de Caunits , Lieutenant Colonel
du Regiment de Metternich , le
Comte Hermeftein Lieutenant
Colonel de Souches , le Sieur de
Breffey , Gentilhomme Bourguignon
, Major du Regiment de
Grana , & le Major du Regiment
de la Vergne, furent bleffez à l'attaque
des Imperiaux avec plufieurs
autres Officiers. Il y eut un
jeune Comte de Staremberg tué
au commencement de cet Allaut.
Le Chevalier Huberti , Capitaine
des Gardes de l'Electeur de
Baviere , fut bleffé à l'attaque des
Ba
de Bude. 149
Bavarois avec quelques Officiers,
qui ne pûrent obliger les Fantaffins
à les fuivre , tant ils eftoient
rebutez par le feu des Ennemis,
& par les Bombes , Pierres & Grenades
qu'ils jettoient fur eux du
haut du Chateau.
Le 4. on continua de, canonner
& de bombarder la Ville , &
Fon eut avis que l'Armée Ottomane
s'approchoit . On acheva
les deux logemens à droit & à
gauche de la grande Rondelle,
& l'on conduifit quatre pieces
de Canon fur la bréche . On mit
plufieurs rangs de Pali ffades, dont
on fortifia les Travaux , que l'on
avança fort prés des Retranchemens
des Affiegez . Le Prince
Charles employa ce jour à vifiter
tous les Poftes , & à difpofer tout
ce qu'il crut neceffaire pour
eftre en eftat d'aller au devant
G iij
150 Hiftoire du Siege
de l'Armée des Ennemis.
l'Ar-
Le 5. on ne fit que travailler
aux Lignes de circonvallation, &
de contrevallation , & à des Redoutes.
On travailla auffi à des
Mines, à de nouvelles Bateries, &
à combler le Foffé à l'Attaque des
Imperiaux . On eut avis que
mée des Ottomans s'avançoit
toûjours , & que le Grand Vifir
la commandoit en perfonne. On
détacha auffi- toft differens partis ,
afin d'en avoir des nouvelles affeurées
; & cependant la garde
fut redoublée dans tous les Pofles
. Les Affiegez jetterent quantité
de Bombes. Il y en eut une
qui tomba à trois pas du Prince
Charles proche les Bateries des
Imperiaux. Elle mit le feu à
quelques barils de poudre , tua
vingt Canonniers ou Soldats , &
en bleffa plufieurs autres. Pendant
de Bude. 151
dant la nuit les Affiegez firent
defcendre un Batteau chargé de
monde & de meubles,ce qui obligea
de faire un Pont prés de Pefty
pour empefcher que la mefme
chofe n'arrivaft encore , & pour
avoir le fourage plus commodement.
Le 6. les Huffars , après avoir
battu un Party de trente Turcs,
qui s'eftoient détachez pour donner
quelques avis au Bacha de
Bude , amenerent quatre Prifonniers
, par lesquels on fçeut qu'il y
avoit une Armée de vingt mille
hommes du cofté de Stulweiſembourg,
fous le commandement du
Seraskier , & que le Grand Vifir
devoit fuivre avec une Armée de
trente mille hommes, & quarante
pieces de Canon . Le Prince Charles
donna auffi toft fes ordres
pour faire tranſporter les Mala-
Güij
152 Hiftoire du Siege
des , les Bleffez , & tout le bagage
fuperflu dans l'Ifle de S. André;
l'on travailla avec toute la diligence
poffible à perfectionner les
Ouvrages neceffaires pour mettre
le Camp en feureté , & pour
empefcher que les Ennemis ne
fecouruffent la Place . Les Bavarois
firent jouer un Fourneau qui
réüffit affez bien . Il y en avoit encore
un autre mais les Mineurs
ayant rencontré ceux de la Ville,
ne le pûrent achever.
,
Le 7. comme on fe trouvoit
fort incommodé d'une Batterie
que les Affiegez avoient derriere
la petite Rondelle , on en dref
fa une de deux . Canons pour la
démonter . Elle fit l'effet qu'on
en avoit attendu . Les , Bavarois
en firent
firent jouer une nouvelle ,
qui eftoit auffi de deux pieces
de Canon. Ils l'avoient dreffée fur
un
de Bude.
153
un échafaut bien élevé au bout
de la premiere muraille de la
Rondelle , pour abatre le Chafteau
. La nuit, on tâcha de combler
le Foffé avec des fafcines,
mais tout ce qu'on y jetta fut confumé
par des fléches ardentes que
tirerent les Affiegez , & qui y mirent
le feu. Sur le midy on fceut
par des Prifonniers que toute l'Armée
Ottomane devoit s'affembler
le lendemain devant Albe Royale.
On vint dire le foir qu'il y en
avoit partie arrivé à une lieuë du
Camp , du cofté du Chateau où
eftoit l'Attaque des Bavarois.Cela
obligea le Prince Charles à changer
fon Camp. Il fit occuper les
hauteurs & les vallons qui environnent
la Place , & nomma les
Regimens que l'on devoit envoyer
au devant des Ennemis, &
ceux qui demeureroient pour
G V
154 Hiftoire du Siege
continuer le Siege. On eut avis
ce jour là que le General Schults
eftoit mort. Il commandoit un
Camp- volant entre la Save & la
Drave.
Le 8. à la pointe du jour , trois
mille Turcs & Tartares parurent
fur une hauteur. Ils enleverent
deux Gardes avancées de douze
hommes chacune , & aprés avoir
efcarmouché avec les Huffars,
ils fe retirerent fur le midy. Cent
cinquante Hongrois qui avoient
efté détachez pour reconnoiftre
l'Armée des Infidelles , & qui
revenoient au Camp avec quelques
Prifonniers , tomberent entre
leurs mains , & en furent taillez
en pieces , à la referve de
quelques- uns qui en apporterent
la nouvelle. Ce mefme jour
les Affiegez ayant ouvert la Porte
du Chafteau , on fit un déta
de Bude.
155
tachement à l'attaque de Baviere
, pour s'avancer de ce coſtélà.
On en vit un fort grand nombre
le fabre à la main derriere
leurs retranchemens , & ils jetterent
tant de Grenades, qu'on fut
obligé de fe retirer , avec perte
de foixante hommes. On continua
de mettre les Lignes de Circonvalation
en défenfe , en les
fortifiant avec des Redoutes , fur
lofquelles on plaça quelques pieces
de Campagne.Douze hommes.
furent tuéz ou bleffez à une Batterie
à laquelle on travailloit depuis
plufieurs jours , & que les
Bombes des Ennemis ruinerent.
&
Le 9. les Tartares & les Turcs
revinrent fur le midy le long de
la Montagne vis à vis le Camp
de l'Electeur de Baviere
pafferent tout le jour à efcarmoucher.
Quoy qu'ils ne fuffent
pas,
156
Hiftoire
du Siege
pas en affez grand nombre pour
forcer les Lignes, ils ne laifferent
pas d'incommoder , parce qu'on
fut obligé de fe tenir toûjours
fous les Armes. Une Bombe des
Affiegez tomba à l'Attaque des
Imperiaux au milieu de plus
de mille Grenades . Elle mit le
feu à quelques unes dont quatre
ou cinq Moufquetaires furent
tuez. Le Comte d'Archinto
fut bleffé legerement. On pour
fuivit le travail des Mines que
l'on deftinoit à renverfer la feconde
muraille, & les retranchemens
des Paliffades dont les Ennemis
avoient reparé les brèches,
& les Heiduques furent employez
à faire des Fafcines & des
Sacs à terre , pour en remplir les
Foffez, qui eftoient de la hauteurde
deux piques .
Le 10. les Affiegez firent une
for
de Bude. 157
fique
fortie à l'Attaque des Bavarois,
& couperent la tefte à quarante
hommes qu'ils trouverent dans la
Rondelle du Chateau. Un gros
de Turcs au nombre de douze
ou quinze cens , s'approcha du
Camp , mais ils n'eurent pas
toft aperceu un détachement.
commandoit le General Dunewald,
qu'ils prirent la fuite .Trente
Huffarts ayant rencontré
quarante
Turcs, les combatirent . Ils.
en tuerent fix , & firent cinq
Prifonniers , parmy lefquels eftoit
un Aga , qui ayant efté déja pris
il y a quelques années , avoit
payé huit mille écus de rançon.
Ils dirent que le Seraskier avoit
ordre de fecourir Bude à quelque
prix que ce fuft ; mais qu'ils
croyoient que l'on auroit peine
à l'engager au Combat .. Un Efpion
vint donner avis que l'Armée
158 Hiftoire du Siege
mée Otomane, compolée de plus
de foixante mille hommes , eftoit
campée le long du Danube à
trois lieues des Affiegeans. Il dit
qu'il avoit efté la reconnoiftre en
habit de Tartare , que le Serafkier
la commandoit , qu'elle occupoit
deux lieues d'étendue, &
que le grand Vifir eftoit demeuré
derriere avec mille hommes
qu'il avoit retenus pour le
garder.
La Ligne de communication
de l'attaque des Bavarois avec
celle des Imperiaux fut achevée
, & un Foffé profond que
l'on fit avec des bons épaulemens,
mit leur Quartier hors d'eftat
d'eftre infulté par les Ennemis.
Le 11. deux mille Chevaux
Turcs parurent fur la hauteur vis
à vis de l'Attaque de Baviere.
Quelques Efcadrons furent dé
tachez pour les aller reconnoitre.
de Bude.
159
tre. Il y eut une Efcarmouche
dans laquelle
le Prince
Charles
de Neubourg
eut un Cheval
tué
fous luy ; mais les Infidelles
commencerent
à defcendre
en fi grad
nombre
qu'il fut impoffible
de
les fouftenir
. Ainfi il falut fe retirer,
& fe contenter
de faire fur
eux un feu continuel
de Canon .
Trois Mines
furent
miſes en état
de jouer le lendemain
. La plus
grande
avoit huit Chambres
, &
leur charge
eftoit de cinq milliers
de poudre
. Comme
on avoit
refolu
d'aller
à l'Affaut
fi elles
réuffiffoient
, le Prince
Charles
commanda
trois mille hommes
de pied avec quinze
cens Chevaux
ou Dragons
, pour les foûtenir
. Le Comte
Petnehafi
arriva
au Camp
avec trois mille
Hongrois
,
Le 12. on fit jouer les trois Mines,
160
Hiftoire du Siege
nes, dont la plus grande n'eut aucun
effet , ce qui fit croire qu'el
le avoit efté découverte, & qu'on
en avoit tiré les poudres. Les
deux autres ne firent qu'une ouverture
pour dix hommes de
front , encore n'eut- elle pas efté
pluftoft faite que les Affiegez la
reboucherent par le moyen des
chevaux de frife , de forte que
l'on ne jugea pas qu'on d'euft
hazerder l'affaut ,
, quoy qu'on s'y
fuft déja difpofé . On fit retirer
les detachemens , & les Mineurs
eurent ordre de commencer un
nouveau travail . Les Mines jettérent
dans la Tranchée quantité
de pierres , dont plufieurs des
Affiegeans furent bleffez ,entr'autres
le Prince de Wirtemberg , le
Comte de Ridberg , & les Lieutenans
Colonels des Regimens de
Lodron de Neubourg. L'Armée
des
de Bude. 161
des Infidelles vint camper fur le
haut d'une Montagne qui n'étoit
pas fort éloignée des Lignes.
Ceux qu'on avoit envoyez pour
s'en informer,rapporterent qu'elle
eftoit de cinquante mille hommes
avec du Canon .
Le 13. les Affiegez firent une
fortie à cheval fur la grande Garde
des Imperiaux ,dont ils tuerent
douze hommes , & emmenerent
quatre Prifonniers qu'ils firent .
Le Comte de Colonitz , Page du
Prince Charles , & un Trompette
de l'Electeur de Baviere , eurent
la tefte coupée dans cette
efcarmouche. Les Turcs parurent
en bataille devat leur Camp,
& comme ils firent defcendre une
partie de leur Armée, on crut
qu'ils avoiet envie de döner combat.
Cela obligea le Prince Charles,
quidésle jour precedent avoit
fait
162
Hiftoire du Siege
fait fortir des Lignes toute la Cavalerie
, Dragons , Huffars , &
Croates,d'en faire auffi fortir l'Infanterie
, à la referve de vingt
mille hommes ,aufquels il en confia
la garde , & celle des trois attaques.
On forma deux Efcadrons
de la plupart des Volontaires , &
deux mille Heiduques , & un pareil
nombre de Hongrois , furent
commandez pour faire l'avantgarde
de l'Armee , & pour venir
les premiers aux mains fi les
Turcs vouloient entreprendre
quelque chofe. Ceux qu'on avoit
veus d'abord ne tenterent rien,
& fe retirerent le foir dans leur
Camp.
Le 14 dés fix heures du matin
, on s'apperceut qu'ils avoient
formé un corps de trois mille Janiffaires
& d'environ 5000. Chevaux
, qui devoit fervir d'avantgarde,
de Bude.
163
que
garde à leur Armée , tandis
le refte demeureroit derriere rangé
en bataille pour les fouftenir.
On apprit que leur deſſein eftoit
de faire paffer les trois mille Janiffaires
entre le quartier des Imperiaux
, & celuy de Brandebourg,
& que pendant l'action les Affiegez
devoient faire une Sortie
pour leur faciliter le paffage, &
leur donner moyen d'entrer dans
la Ville.En meſme temps le Prince
Charles commanda le Comte
de Dunewald pour former l'aifle
gauche de la Bataille avec neuf
Kegimens Imperiaux , qui furent
ceux de Caprara , Palfi , Taff, Lodron
, Neubourg , Furftemberg,
Stirum , Serau, & Schultz , & huit
cens Huffars. Le General Heufler
eut la droite avec un pareil
nombre de Regimens , tant Imperiaux
& Bavarois, que de ceux
de
164 Hiftoire du Siege
de Saxe & de Brandebourg , qui
occuperent une hauteur dont le
terrein leur eftoit avantageux, &
d'où tous les mouvemens des Ennemis
pouvoient eftre décou
verts . Le gros de l'Armée eftoit
difpofé en fort bon ordre , &
dans une diſtance de terrein- qui
luy donnoit facilité de charger
tout ce qui s'avanceroit pour fecourir
Bude. Les huit mille Janiffaires
& Spahis qui devoient
forcer les Lignes, après avoir voltigé
derriere les hauteurs pendant
deux heures , prirent leur
marche entre ces mefmes hauteurs
, & rencontrerent d'abord
les quatre mille hommes de l'Avantgarde
, qui furent rompus au
premier choc. Le Baron de Mercy
les voyant plier , ſe mit à la
tefte du Regiment de Schultz
pour les fouftenir , & en faifant
fermé,
de Bude. 165
>
ferme , il donna le temps au
Comte de Dunewald d'avancer
avec les Regimens de Taff , de
Lodron , & autres. Ce fut alors
que l'on vint à un Combat tresrude
& tres - opiniaftré . Les
Infidelles furent chargez avec
toute la vigueur poffible , & ces
Regimens faifant leurs decharges
à propos , renverferent
leur
Cavalerie qui prit la fuite & abandonna
les Janiffaires. Il y en
eut deux mille de tuez . Chacun
d'eux portoit quatre à cinq Grenades
, & ils avoient tous , les uns
des haches , les autres des pelles
pour rompre les Lignes & les
applanir s'ils euffent pu aller jufques-
là. On prit huit pieces de
Canon , quarante Etendarts , &
fon fit quatre à cinq cens Prifonniers.
Aprés le Combat , les
Infidelles firent divers mouvemens
166
Hiftoire du Siege
mens en s'avançant dans la Plaine
oppofée au Čamp de l'Electeur
de Baviere , qui ayant fait
auffi fortir fon Armée des Lignes
, la tenoit en ordre de Bataille.
Il fut refolu dans un Confeil
general qui fe tint , qu'on iroit
les attaquer , ce qui fut executé
par cet Electeur , mais ſe voyant
pourfuivis ils fe retirerent dans
leur Camp.Le Comte de Dunewald
, & le General Heufler , qui
s'étoient avacez avec les Huffars
par de là les hauteurs , rencontrerent
un gros de Spahis , que
les Ennemis avoient laiffé pour
couvrir leur retraite. Ils en tuerent
prés de deux cens , & en
firent trente Prifonniers. Il n'y
eut qu'environ cent hommes tuez
du cofté des Imperiaux , entre
lefquels fe trouvèrent le Comte
de Lodron , Lieutenant Colonel
de Bude. 167
nel du Regiment de Croates de
ce nom , & le Major du Regiment
de Caprara On fceut que
les Tures avoient perdu plus de
quatre mille hommes , fans un
fort grand nombre de bleffez, &
qu'ils eftoient d'autant plus touchez
de cette perte , que les Janiffaires
qui avoient eſté tuez
eftoient l'élite de leurs Troupes,
& que c'eftoit par eux principalement
qu'ils s'eftoient flatez
de pouvoir jetter du fecours dans
Bude. Les Affiegez firent une
fortie pendant le Combat , mais
ils furent fi vigoureufement repouffez
, qu'ils tarderent peu à
fe retirer. L'Armée Imperiale
eſtant retournée dans ſon Camp ,
& celle de l'Electeur de Baviere
dans le fien , on fit une falve de
tout le Canon des trois Attaques.
On expofa fur des Piques
plu
168
Hiftoire du Siege
plufieurs teftes de ceux qui avoient
efté tuez dans le Combat
, & l'on planta fur la brêche
les Drapeaux gagnez , afin que
les Affiegez ne puffent douter
de la Victoire qu'on venoit de
remporter. La nuit on furprit
deux Efpions avec des lettres
pour le Grand Vifir. Le Bacha
de Bude luy mandoit qu'il avoit
beſoin d'un prompt fecours , &
qu'il falloit fe fervir de la nuit
pour enfoncer les Lignes des Affiegeans
; que pour luy il s'eftoit
retranché dans la Ville , mais
qu'ils eftoient trop avancez pour
leur pouvoir refiſter.
Le 15. on connut que les
Ennemis avoient decampé , &
qu'ils s'eftoient éloignez de deux
lieuës. Le Prince Charles ordonna
qu'on fift enterrer les
Morts qui eftoient demeurez
dans
de Bude.
169
dans le Champ de Bataille , afin
qu'ils n'infectaffent point l'air, &
aprés avoir envoyé aux Affiegez
un des Prifonniers qu'on avoit
faits , pour les informer de
l'heureux fuccez du jour precedent
, qui les devoit empefcher
d'efperer aucun fecours , il fit
partir le Comte de Lamberg
pour aller fommer la Ville , mais
il ne fut pas pluſtoſt arrivé à la
porte , qu'ils commencerent à
tirer fur luy , de forte qu'il fut
obligé de fe retirer . Le foir,
on apprit par un Transfuge que
trois Bachas eftoient demeurez
au dernier Combat que le
Grand Vifir avoit fait couper
la tefte à un autre , & qu'at- '
tribuant au Seraskier le mauvais
fuccez de cette journée , il
l'avoit infulté avec toutes for-
H
>
170 Hiftoire du Siege
tes de marques de, mépris & de
colere.
Le 16. les Affiegez firent joier
une Mine à l'Attaque des imperiaux
, & fortirent en mefme
temps pour tâcher de profiter de
la confufion où ils croyoient les
trouver dans leurs Tranchées,
mas ils connurent que leur Mine
n'avoit eu aucun effet , & fe retirerent
avec quelque perte . Les
Imperiaux mirent le feu aux Paliffades
de la brêche , & en brû
lerent une partie , mais les Affiegez
en remirent d'autres pendant
la nuit. On s'apperceut
qu'il y en avoit un double rang
derriere les premieres , & qu'ils
les avoient moüillées , afin d'empefcher
que celles qui eftoient
en feu ne les confumaffent.Cinq
Polonois qui vinrent ſe rendre,
rapporterent que les Jani ffaires
avoient
de Bude. 171
avoient declaré qu'ils ne vouloient
plus aller au Combat, parce
que la Cavalerie les abandonnoit
toûjours dans le peril. Ils
ajoûterent que le Grand Vifir en
avoit fait mourir quelques - uns
pour remettre les autres dans l'obeillance.
Le 17. une Mine des Affiegeans
fut éventée à l'Attaque des
Imperiaux. Un Transfuge rapporta
que le foir qu'on avoit brulé
les Paliffades , prés de cent
Turcs avoient été bleffez ou tuez
par les Bombes qu'ils y avoient
enterrées , & aufquelles ils auroient
mis le feu , fi Ton euſt
monté à l'affaut ; qu'il ne reftoit
dans la Ville qu'environ mille
hommes capables de porter les
armes , mais que chacun eftoit
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang. Six
.
H ij
172 Hiftoire du Siege
Fantaffins qui avoient merité la
mort , monterent par ordre de
l'Electeur de Baviere au haut du
Chafteau pour en découvrir le
dedans , mais les Affiegez qui les
découvrirent les firent defcendre
trop toft. La nuit , trente
Volontaires qui s'eftoient détachez
voulurent mettre le feu aux
Paliffades qui défendoient la
brêche de la derniere enceinte
de la Place , mais il y avoit des
poudres répandues aux environs
qui en brûlerent quelquesuns
, & les Affiegez en tuerent
quelques autres , de forte qu'ils
ne purent executer leur def
fein.
Le 18. deux Polonois qui s'étoient
fauvez de l'Armée des
Turcs, rapporterent que le Grand
Vifir avoit promis trente écus
à chacun des Janiffaires qui
pour
de Bude.
173
pourroient forcer les Lignes &
fe jetter dans la Place , qu'ils s'étoient
mis en marche au nombre
de deux mille avec quantité
de Tartares , pour aller gagner
les Montagnes qui regardent la
Ville- baffe , que c'eftoit par là
que les Ennemis pretendoient
faire entrer dans Bude le fecours
que le Commandant continuoit
de preffer , & qu'ayant un Pont
à cinq lieues du Camp des Chrétiens,
ils avoient envoyé du monde
en de là du Danube pour
faire diverfion. Oń fit jouer une
Mine à l'Attaque des Imperiaux
, &le peu de ffuucccceezz qu'elle
eut , obligea de differer l'Affaut
general , & de retirer les
détachemens que l'on avoit faits
à ce deffein. La nuit , on refolut
de nouveau de brûler les Paliffades
, & trois cens hommes
-
Hiij
174 Hiftoire du Siege
furent commandez pour cela ,
mais il n'y eut qu'un fort petit
nombre de Grenadiers qui monterent.
Le grand feu que firent
les Affiegez , & la quantité de
Grenades & de Sacs à poudre
qu'ils jetterent , épouvanterent
fi fort les Moufquetaires qui les
devoient fouftenir , qu'une partie
fe cacha , en forte que les
Officiers s'avancerent prefque
feuls.
Le 19.les Imperiaux tâcherent
de fe pofter fur la petite Rondelle
de la feconde muraille,mais
la refiftance qu'ils trouverent les
en empefcha . Ils eurent prés
de quarante hommes tuez , ou
bleffez. On fut averty par un
Transfuge que le Grand Vifir
avoit commencé de fe mettre
en marche pour revenir vers le
Camp des Affiegeans mais
qu'ayant
de Bude.
175
qu'ayant appris d'un Deferteur
qu'il leur eftoit arrivé un corps
de dix mille hommes , cette nouvelle
l'avoit obligé de retourner
fur fes pas , & que vingt - cinq
mille Tartares eftoient au de- là
du Danube peur tâcher d'y faire
diverfion.
Le 20. à la pointe du jour,
pendant que l'Armée Ottomane
venoit le mettre en Bataille devant
le Camp de- l'Electeur de
Baviere , deux mille Janitaires
qui s'eftoient tenus cachez la
nuit , defcendirent par le grand
Vallon aprés que le Biouac fe fut
retiré , & ils paffetent les Lignes.
de circonvallation que l'on n'avoit
pû laiffer garnies faute de
monde. Ils poufferent la grande
Garde , mais les Generaux
Caprara, & Heufler s'eftant trouvez
heureuſement à cheval , y
Hij
176
Hiftoire du Siege
accoururent. Ils couperent ceux
qui avoient déja forcé les retranchemens
, & les taillerent en pieces
, mais toute leur refiftance,
quoyque des plus vigoureuſes ,
n'empefcha pas que prés de trois
cens ne paffaffent dans la Place,
le refte fut repouffé hors du
Camp. On fit trois cens Prifonniers
, & il y en eut beaucoup
de tuez. Le Sieur Sentini Chevalier
de Malte , & Capitaine
de Cavalerie dans les Troupes
de Baviere , s'eftant trop avancé
pour reconnoiftre les Ennemis,
fut fait prifonnier. Le Comte
de Konigfmark Lieutenant Cólonel
de Beck fut tué , & le General
Heufler bleffé au pied.
Quoy que ceux qui entrerent
dans la Ville , fuffent la plufpart
bleffez & en petit nombre , les
Affiegez ne laifferent pas de faire
de Bude.
177
re une falve de tous leurs Canons
, pour faire croire qu'il leur
eftoit arrivé un plus grand fecours.
On apprit par un Chrétien
qui s'échappa de l'Armée
des Ottomans , que le Grand Vifir
avoit fait affembler fes Troupes
,,
pour leur dire que le fecours
qu'il avoit envoyé , eftoit
entierement entré dans la Ville,
& qu'il donneroit à tous ceux
qui auroient envie de s'y jetter,
la mefme fomme qu'il avoit donnée
aux autres . L'Armée des Infidelles
fe retira à quelques lieuës
du Camp des Chreftiens .
>
Le 21. la Baterie de l'attaque
des Imperiaux qui battoit en
flanc les retranchemens des Af-
Liegez receut un fort grand
dommage du feu que fit leur Artillerie
. Elle en fut prefque entierement
démontée , ce qui fit
H v
178
Hiftoire
du Siege
qu'on augmenta le nombre des
Travailleurs pour la rétablir pen
dant la nuit.Ön redoubla auffi les
Troupes de la Tranchée , & l'on
fit un feu continuel afin d'occu
per les Ennemis. Cette même nuit
on fe prepara à donner un Affaut
au Chafteau du cofté de l'attaque
des Bavarois.
Le 22. le Prince . Charles fit
faire une fauffe Attaque , pour
faciliter par une diverfion celle
que l'Electeur de Baviere commençoit
de fon cofté. Les Turcs.
eftant accourus en grand nom.
bre fur la brêche du cofté des
Imperiaux , on fit fur eux une
décharge de Mortiers , qui leur
tuerent cent hommes , & pen
dant ce temps les Bavarois , qu'animoit
la prefence de leur Prince
, fe rendirent maiftres de la
plus grande partie du Chateau,
malgré
de Bude..
179
malgré la refiftance opiniaftre
de ceux qui le défendoient. Le
General Rummel qui commandoit
l'Attaque , fut tué d'un coup
de Moufquet dans les approches.
H fut extremement regretté .C'étoit
un Officier d'une grande experience
. On ne perdit que trente
hommes , mais plus de deux
cens furent bleffez , la plufpart
par des Sacs à poudre . Un Duc
de Saxe- Mesbourg , ayant une
Compagnie dans le Regiment
de Bade , receut deux coups de
Moufquet, dont l'un luy calla la
jambe. La nuit , les Ennemis
tacherent de repoufler les Bava-
Fois du Pofte qu'ils occupoient,
mais ils ne purent en venir
bout.
Le 23. les Affiegez firent une
Sortie fur la grande Garde des
Bavarois , mais ceux - cy les contrai
180 Hiftoire du Siege
traignirent de fe retirer , & les
pourfuivirent jufques aux portes.
Le Lieutenant Colonel d'Arco
y ayant efté tué d'un coup de
Moufquet , les Turcs emporterent
le corps dans la Ville . On
prit dans l'lfle de Sainte Marguerite
un Turc qui eftoit fortyde
Bude à la nage avec un More
, pendant un orage qui s'eftoit
élevé la nuit . Il dit que ce More
qu'on n'avoit pu arrefter , eftoit
envoyé au Grand Vifir avec
des lettres , par lesquelles le Bacha
de Bude le preffoit de luy
donner promptement un fecours
plus fort que celuy qu'il avoit re
ceu que la Ville ne pouvoit te
nir encore bien long- temps , &
que le Chafteau eftoit fur le
point d'eftre perdu . Il ajoûta ,
qu'il n'eftoit entré que deux
cens cinquante Janiffaires la
plus
de Bude. 181
plufparts bleffez , & hors de combat
, & que le Bacha en publioit
le nombre plus grand pour donner
courage à ceux de la Ville;
que les Affiegez avoient perdu
cent hommes le jour que les Bavarois
s'eftoient poſtez au haut
-du Chafteau & que le Bacha
avoit promis cinq cens écus à
ceux qui eftoient venus la nuit
pour les en chaffer , mais que celuy
qui les commandoit avoit
pris la fuite...
Le 24. les Bavarois fe fortifierent
dans les Poftes dont ils s'eftoient
emparez. Les Affiegez firent
contre eux de nouveaux efforts
mais ils furent inutiles.
Trente Soldats y furent tuez avec
le Lieutenant Colonel du Regiment
Saxon de Trautmansdorf.
L'Armée Ottomane parut de
nouveau à la veuë du Camp , &
sen
182
Hiftoire du Siege
›
s'en retourna le mefmejour à une
lieuë de là. Comme les Affiegez
avoient fait des feu pendant la
nuit, & allumé plufieurs fois de la
poudre au deffus de la grande
Rondelle , on ne douta point que
ce ne fuffent autant de Signaux
pour preffer les Turcs de faire
encore quelque tentative. Le
Prince Charles , pour prevenir
leurs deffeins , détacha fix Efca
drons, & fix Bataillons , qu'il fit
commander par le Baron de Mercy
, le Comte de Souches & le
General Heufler. Ils pafferent
toute la nuit fous les armes fans
qu'il fe fift aucun mouvement du
cofté des Infidelles. On continua
pendant cette mefme nuit , de
combler les Foffez, & d'affurer les
Travaux qui avoient eſté faits
du cofté de l'attaque de Lorrai
ne. On eut avis que le Comte de
Scherf
de Bade. 183
Scherffemberg dont on preffoit
Farrivée , eftoit auprés de Zolnoch
avec les Troupes qu'il commandoit
en Tranfilvanie, & qu'il
feroit toute la diligence poffible
pour le rendre promptement au
Camp , quoy que fon Infanterie
fuft fort fatiguée .
Le 25 deux Escadrons que l'on
avoit détachez , eurent ordre de
revenir au Camp , & les quatre
autres furent poftez au pied des
murailles. Le Prince Charles fit
fortifier les Lignes le long du Danube
, de plufieurs rangs de Paliffades,
& quatre cens Allemans
& deux cens Hongrois y furent
envoyez fous le commandement
du Baron d'Afti pour s'oppofer
au fecours , fi les Ennemis tachoient
d'en faire paffer par là.
Les Travaux que les Bavarois avoient
faits au hautdu Chafteau ,
fu
184 Hiftoire du Siege
furent entierement brûlez par les
facs à poudre, & autres Machines
à feu que les Affiegez y jetterent.
Ainfi l'on fut obligé de fe
retirer , & de fe pofter plus à la
droite. Il y eut en cette occafion
dix ou douze hommes tuez , &
plus de deux-cens bleſſez .
Le 26. le Canon des Affiegeans
ayant ruiné la face de la grande
Rondelle dont ils s'eftoient ren
dus maiftres , on y fit une maniere
de pont avec des poutres. Elles
alloient d'une muraille à l'autre,
& faifoient la communication
des Logemens . Les Ennemis firent
ce qu'ils purent pour bruler
ce Pont, mais on le garnit fi bien
de toutes les chofes qui le pou
voient garantir du feu, qu'ils furent
forcez d'abandonner ce deffen.
Il ne leur reftoit plus que
fept groffes pieces de Canon en
bat
de Bude.
185
batterie ; toutes les autres avoient
efté demontées. Un Turc fut arrêté
proche de la Ville. Il dit que
quantité de Janiffaires animez
par les promeffes du Grand Vifir,
montoient tous les jours à cheval
avec refolution de fe venir
jetter dans la Place , mais que le
courage leur manquoit , fſii toft
qu'ils découvroient le Camp des
Chreftiens.
Le 27. on terraffa le Pont de
communication , & on fit une
forte Redoute pour en defendre
la tefte . On travailla auffi à un
Logement fur la grande Rondelle.
Il fut étendu fur un terrain
uny qui donnoit paffage jufqu'à
la derniere muraille de la Ville.
Ainfi les Affiegeans n'eftoient
plus qu'à cinq ou fix pas des Ennemis
, qui tâcherent de redoubler
leur defence. Ils jetterent
quan
186 Hiftoire du Siege
quantité de feux d'artifice , fans
pouvoir endommager le Logement
qui touchoit leurs Palifades
. Un Croate Deferteur vint
avertir que les Ennemis avoient
receu un renfort de huit mille
hommes , & tiré de Stulweifembourg
huit groffes pieces de Canon
; que le Grand Viſir ayant
promis de récompenfer tous ceux
qui fe jetteroient dans la Ville,
plufieurs s'eftoient déja prefentez
, & que la nuit fuivante on
devoit venir attaquer le Camp
des Chrefliens par deux endroits .
Ce rapport fit qu'on la paffa toute
entiere fous les armes . On s'y
tint mefme le lendemain jufques
à midy , mais on ne vit que quelques
détachemens qui ne firent
que paroiftre, & fe retirerent prefque
auffi - toft.
Le 28. les Affiegeans fe fortific
de Bude.
187
1
fierent dans leur Logement, malgré
tout le feu des Affiegez qui
commença à diminuer. On ag
grandit la bréche du flanc de ce
Logement , & toutes chofes furent
heureuſement difpofées pour
reüffir dans l'affaut. La Baterie de
Suabe continua de faire grand
feu. Elle eftoit fur le panchant
de la Montagne d'où l'on tiroit
avec des Boulets enchaifnez,afin
qu'il fuft plus ailé d'abatre les
Paliffades. Ce mefme jour on
furprit on Turc qui eftoit encore
forty de la Ville à la nage . Il avoitpaffé
fous les deux Ponts , &
s'eftoit caché dans un trou au
de - là des Lignes . Il n'avoit fur
luy qu'une écharpe & un Sabre
avec une Lettre qu'il portoit à
l'Armée Turque pour l'Aga des
Janiffaires. Elle eftoit écrite par
ce
188 Histoire du Siege
celuy qui commandoit les Janiffaires
dans Bude , & n'avoit rien
de particulier , finon que l'Homme
que le Grand Vifir avoit envoyé
, eftoit entré dans la Ville,
& qu'elle eftoit fort preffe. Il fut
impoffible pendant tout le jour
de faire parler ce Turc , mais enfin
on l'intimida fi bien par les
menaces , qu'il avoüa fur le foir,
que le Commandant de Bude
l'avoit chargé de dire au Grand
Vifir, qu'il yavoit prés de quinze
jours qu'il eftoit campé devant
la Ville , & qu'il s'étonnoit que
fcachant le preffant danger où
ilfe trouvoit , il ne luy envoyat
pas un fecours confiderable ; que
les Troupes qu'il commandoit
témoignoient avoir moins de
courage que les Femmes de la
Ville , puifqu'on ne tentoit aucune
chofe , que pour luy il eftoit
re
de Bude. 189
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang , mais
qu'il ne pouvoit répondre de la
Place s'il ne recevoit un prompt
fecours. Ce Turc ajoûta que le
Bacha luy avoit auffi donné ordre
de recommander la Ville de
Bude & l'honneur de l'Empire
Ottoman au Commandant des
Tartares ; qu'il y avoit encore
2000. hommes dans la Place , avec
quatre cens Janiffaires qui
s'y eftoient jettez le 20 que les
Affiegez s'eftoient bien retranchez
du coſté de l'Attaque des
Imperiaux ; que derriere la Paliffade
de la feconde brêche il y
avoit encore un Foffe & une autre
Paliffade , mais qu'ils n'avoient
point travaillé du cofté
du Chafteau , eſperant eſtre ſecourus.
Le 29. un Polonois vint ſe rendre
190 Hiftoire du Siege
dre le matin , & raporta que les
Infidelles devoient venir atta,
quer le Camp par trois endroits.
Peu de temps aprés , mille Spahis
& deux mille Janiffaires commandez
par deux Bachas, & foutenus
de quinze mille Tartares,
qui avoient ordre de leur faciliter
l'entrée dans la Ville, vinrent
du cofté d'Actoffen pour s'y jetter
, mais comme ils n'y trouve
rent point de paffage & qu'ils
virent qu'on faifoit fur eux une
vigoureufe décharge , ils gagnerent
une colline , d'où eftant enfuite
defcendus dans un Marais
qu'on trouve dans le Vallon , ils
furent envelopez par des Efcadrons
, à la tefte defquels eftoient
le Baron de Mercy & le General
Heufler , & par la garde des Bavarois
. Il en refta huit cens fur la
place. Ils avoient chacun trente
écus
de Bude. 191
écus qu'on leur trouva dans la
poche , le refte fut mis en fuite,
& il n'y en eut que quinze qui
purent paffer ; encore n'en entra↓
t- il que quatre dans la Ville , les
onze autres ayant eſté tuez avant
que d'y arriver. On coupa chemin
à cent Spahis , dont foixante
& feize furent paffez au fil de
l'épée par deux differentes Troupes
de celles de Brandebourg , &
quatre autres tuez dans le quar
tier du General. Le Baron de
Mercy receut trois coups de Sabre
dans cette action,un à l'épaule
, & deux à la tefte , Son Ayde
de Camp fut tué à ſes coftez .
Dans ce mefme temps les Affiegez
voulant faciliter l'entrée du
Secours , hazarderent une Sortie,
mais les Bavarois qui avoient la
garde de la Tranchée , les contraignirent
de fe retirer avec perte
192 Hiftoire du Siege
te de cinquante hommes. D'un
autre cofté l'Armée des Ennemis
vint en ordre de Bataille vers les
Lignes du Camp de Baviere ,
mais elle ne tenta rien , & le
Grand Vifir ayant veu paroiſtre
vingt cinq Efcadrons du corps
d'Armée du Comte de Scherffemberg
qui paffoient le Pont du
Danube , fous le commandement
du General Picolomini , prit le
parti de fe retirer. On gagna
trente Drapeaux, la plufpart rou
ges , les autres eftoient de differentes
couleurs. On fceut par un
Deferteur , que des trois mille
Janiffaires ou Spahis qui avoient
juré au Grand Vifir qu'ils ne reculeroient
, ny ne fuiroient point,
il n'en eftoit pas retourné plus de
cinq cens.
Le 30.quatre Chreftiens écha
pez des mains des Infidelles , fe
rendi
de Bude.
193
Jap
rendirent dans le Camp , & rapporterent
que l'Armée Ottomane
eftoit allée camper une lieuë plus
loin que la plufpart de leurs
Troupes defertoient avec les Drapeaux
, & qu'elles avoient une
grande difette de vivres . Ce mef
me jour le Comte de Scherffemberg
arriva de Tranfilvanie avec
les trois Regimens d'Infanterie ,
de Sherini , de Scherffemberg ,
de Spinola , & le refte de la Cavalerie
, fçavoir soo . Hongrois &
les Regimens de Picolomini ; de
Veterani , de Sainte Croix ; de
Magni , & de Tefvin. Celuy de
Sherini fut joint au corps de Ba
viere , & les autres allerent occu
per le terrein qui reftoit vuide
du cofté de la baffe Ville , depuis'
la droite des Imperiaux jufques
au Dambe."
Le 31 on eit avis, que fept
isque I
194 Hiftoire du Siege
mille Tartares s'eftoient avancez
vers Gran , afin d'empécher
qu'il ne defcendift des vivres
pour les Affiegeans. On entendit
mefme tirer le Canon de cette
Ville. Les Bavarois firent mener
de nouvelles Pieces fur leurs Batteries
à la place de celles qui avoient
eſté gaſtées . Les Troupes
demeurerent fous les armes toute
la nuit , fur ce que le bruit
s'eftoit répandu le foir , que l'Armée
des Infidelles s'eftoit mife
en marche pour les venir attaquer.
Le premier jour de Septembre
on ne ceffa de jetter dans la
Ville des Carcaffes & des Bombes
, & de battre les Paliffades
avec le Canon . Ce mefme jour on
tint un Confeil de Guerre , où ſe
trouverent tous les Generaux
des Troupes auxiliaires . Il fut
agité
de Bude.
195
agité fi l'on iroit attaquer le
Grand Vifir en laiffant affez de
Troupes pour continuer le Siege
, où fi on l'attendroit dans
les Lignes. Plufieurs crurent qu'il
falloit aller aux Ennemis & profiter
de la confternation où les
mettoit la perte qu'ils avoient faite,
mais l'avis contraire l'emporta
, & on refolut de donner l'affaut.
Cette reſolution fut tenuë
fecrette , & le Prince Charles fit
fortir des Lignes trente mille
hommes de Cavalerie & dix mille
d'Infanterie qu'il fit ranger en
Bataille dans la plaine oppofée
au front du terrain que les Infidelles
occupoient > comme s'il
euft eu deffein de les aller attaquer.
Il les empefchoit par là de
faire des détachemens pour le
fecours de la Place. Les Generaux
qui eurent le commande-
I ij
196
Hiftoire du Siege
ment de la Cavalerie , furent le
General Bielke , le Prince Eugene
de Savoye , & les Comtes de
la Torre & d'Arco . Le General
Steinau & le Comte d'Afpremont
commanderent l'Infanterie.
Les ordres furent enfuite
donnez pour l'affaut . Le Comte
de Souches fut commandé pour
l'Attaque de la droite, & le Comte
de Scherffemberg le fut pour
la gauche, chacun avec trois mille
chevaux choifis , & un pareil
nombre d'hommes de pied . La
marche des Volontaires , qui attendoient
ce grand jour avec une
extreme impatience , fut ordonnée
entre les deux aifles, avecordre
de ne pas preceder les premieres
files.
Le 2 . tous les Generaux ſe
trouverent à cheval fi- toft que le
jour parut . Ils allerent vifiter les
Tra
de Bude.
197
Travaux , & le Prince Charles
ayant fait venir les Officiers Ma-.
jors dans fa Tente , les avertit de
tenir toutes les Troupes preftes
pour donner l'affaut à deux heures
aprés midy. L'Electeur de Baviere
n'oublia de fon cofté aucun
des ordres qui pouvoient
eftre neceffaires pour achever de
fe rendre maiftres du Chateau.
Le General Schoning tint auffi
toutes chofes difpofées à l'attaque
de Brandebourg , & d'abord
que le Signal cut efté donné par
fix Pieces de Canon tirées du
quartier des Troupes de Suabe,
quatre Capitaines fuivis chacun
de cinquante Grenadiers , avec
quatre Lieutenans , quatre Sergens
, & les autres Officiers inferieurs
, marcherent à la droite
de l'Attaque. Le Baron d'Afti
eftoit à leur tefte , & ils eftoient
I iij
198 Hiftoire du Siege
fouftenus de deux cens Moufquetaires
que commandoient
quatre Capitaines & d'autres
Officiers fubalternes, ayant à leur
tefte un Lieutenant Colonel &
un Major. Ceux - cy eftoient fuivis
de cent hommes armez d'une
demie Pique & d'un Sabre , chacun
avec deux Piftolets de ceinture
. On fit marcher à quelque
diſtance trois cens Arquebufiers
commandez par quatre Capitaines,
& trois Bataillons de reſerve
les fuivoient. Ils eftoient chacun
de fix cens hommes avec leurs
Officiers. La difpofition de la
gauche fut pareille . Toute la difference
qu'il y eut , c'eſt que cent
cinquante Arquebufiers furent
les premiers qui s'avancerent, &
qu'ils n'eftoient precedez que de
cinquante Grenadiers , & de
vingt- cinq à trente hommes armez
de Bude. 199
mez de Pertuifanes , d'une Epée,
& d'une Hache . Tout fut difpofé
de la muc torte à l'Attaque
de Daviere, & à celle de Rrandebourg
, & jamais Affaut ne fut
entrepris avec plus d'ardeur , &
plus d'intrepidité . Le Baron
d'Afti qui avoit l'Avant- garde
des Grenadiers , & qui marchoit
à leur tefte , fut bleffé d'abord,
& le Sieur Bifchoff- haufen , Sergent
Major du Regiment de Diepenthal
, prit le Commandement
en fa place. Quoy qu'ils fuffent
foûtenus des Bataillons qu'on avoit
fait fuivre , ils trouverent
une fi furieuſe refiftance de la
part des Affiegez , qu'ils furent
contraints de reculer. Outre la
grande quantité de facs à poudre
qu'on jetta fur eux , les Ennemis
firent jouer une Mine qui
leur caufa un fort grand defor-
I iiij
200
Hiftoire du Siege
dre. Ils retournerent une feconde
fois à l'affaut avec une vigueur
extraordine , & ils ne
Purent encore obliger les Tercs
a fuir , mais enfin aprés une tresrude
Efcarmouche qui dura une
heure devant la Ville , les Affiegez
ayant perdu courage par la mort
du Commandant qui fut tué fur
la Bréche , ils firent fi bien qu'ils
vinrent à bout d'arracher les
Paliffades , & de forcer leurs
Retranchemens. Ils y trouverent
huit cens Janiffaires qu'ils taillerent
en pieces , fans avoir aucun
égard à la poſture foûmife
où ils fe mirent en leur demandant
quartier , & jettant leurs
Armes bas. Quelques - uns d'entre
eux voyant qu'ils ne vouloient
épargner perfonne , reprirent
leurs Armes , fe défendirent
en defefperez , & firent
jouër
•
de Bude. 201
jouer un Fourneau dont plufieurs
Maifons fauterent . Le feu
du Fourneau fe communiqua à
une certaine machine qu'il avoient
difpofée auparavant , &
produifit un autre feu bien plus
dangereux qui couroit de place
en place, & que perfonne ne prenoit
le foin d'efteindre , parce
que les Victorieux eftoient alors
occupez à pourfuivre , & à exterminer
tout ce qui pouvoit
refter d'Ennemis dans la Ville ,
où quelques ordres que les Of
ficiers puffent donner , il fut impoffible
d'empefcher le carnage.
Ainfi l'embrafement fut prefque
general. Ceux de Brandebourg
entrerent en mefme temps dans
la Ville , & penetrant dans les
rues au travers des flâmes , ils
firent main baffe fur tout ce
qu'ils rencontrerent , fans épar
I v
202 Hiftoire du Siege
gner Vieillards , Femmes & Enfans
. Les Victorieux n'en confultoient
que la fureur qui les
animoit , & qui les portoit à fe
vanger de l'opiniâtre reſiſtance
que ces malheureux avoient faite
fur la Bréche à force de Bombes
, de Mines , de Pots à feu &
autres machines roulantes qu'ils
avoient jettées à la faveur de
leur Moufqueterie , & d'une
grefle de fléches. Cependant la
Cavalerie qu'on avoit tirée des
Lignes fous les Generaux nommez
pour la commander eftoit
demeurée , ainsi que l'Infanterie,
toûjours en action , & en Bataille
avec les Ennemis , dont
l'Armée , non feulement avoit
paru de ce coſté là , mais meſme
avoit commencé à attaquer l'Avantgarde
des Chreftiens. D'un
autre cofté les Generaux Sherini
,
de Bude.
203
rini, la Vergne & de Beck , n'ou
blierent rien pour achever de
fe rendre maiftres de ce qui reftoit
à occuper du Chateau,
fouftenant avec un courage tout
heroïque l'affaut qu'ils y avoient
donné , & en mefme temps les
Grenades & les Pierres que jettoient
les Janiffaires , qui ne fçachant
encore rien du fuccez de
l'autre attaque , faifoient leurs
derniers efforts pour fe maintenir
fur une hauteur d'où dépendoit
la confervation du Chafteau.
Pendant qu'ils fe deffendoient
avec toute la bravoure
qu'on peut attendre de gens.
auffi aguerris que determinez ,
les Turcs qui eftoient auparavant
de l'autre cofté , s'eftoient
venus retirer de celuy - cy , partie
du cofté de la Riviere , &
partie du cofté du Chaſteau où
ils
204 Hiftoire du Siege
ils avoient merveilleufement renforcé
les Janiflaires. Pour s'oppofer
au fecours qu'ils leurs donnoient
, l'Electeur de Baviere ,
qui remarqua que le Grand Vifir
n'agifloit point , & qu'il ne
faifoit mine d'aucun mouvement
, commanda le Comte d'Apremont
avec 500. hommes , &
le fit aller à l'affaut avec les autres
pour les foûtenir. Le Prince
Louis de Bade s'apercevant de
l'inevitable neceffité qu'il y a
voit de s'emparer de la hauteur
qui occupoient encore les Affiegez
, pour le rendre enfuite maifres
du bas où ils avoient plufieurs
places d'armes & autres
Logemens , paffa luy mefme de
ce coflé-là , & ordonna de l'efcalader
& de grimper au deffus,
ce qui fut fait fi heureuſement,
que
de Bude.
205
que l'on envoya une grefle de
de moufquerades & de Grenades
fur les Turcs qui fe voyant foudroyez
de cette forte , arborerent
un Drapeau blanc , & jufques à
leurs Turbans , criant de toute
leur force qu'on leur donnaft
quartier & la vie. Il y en cut
plufieurs , qui ne voulant point
attendre ce qu'on refoudroit, pafferent
par deffus le mur d'un
chemin couvert , & tâcherent de
fe fauver avec quelques Juifs par
le Danube dans de petits Bateaux
qu'ils trouverent mais
les Tolpazes les ayant atteints
avec leurs Saiques , coulerent à
fond plufieurs de ces petits Baftimens
, tuerent la plupart de
ceux qui avoient cru s'échaper,
& les autres qui avoient déja
paffe la Riviere , furent taillez
2
en
206
Hiftoire du Siege
>
en pieces , ou faits prifonniers
par les Hongrois qui eftoient
dans Peft . L'Electeur de Baviere
accorda la vie au Lieutenant
du Bacha & à plus de
douze cens hommes , qui voyant
les Imperiaux Maitres de la
Place , l'avoient fuivy dans une
Rondelle où il s'eftoit retiré
entre le Chafteau & la Ville.
Il fit de mefine quartier à ce qui
reftoit de Turcs dans le Chafteau
, d'où il les envoya fous
bonne garde dans une grande
Mofquée & dans un grand Magafin
. Les Soldats qu'on ne
put faire revenir fi - toft de leur
premiere fureur , affommerent
& jetterent dans la Riviere les
vieilles Gens fans nulle diftinction
de Sexe , & il y en eut
quelques - uns de fi
,
cruels ,
qu'ayant
de Bude.
207
cruautez ,
qu'ayant trouvé des Femmes
avec des Enfans de deux ou trois
mois , ils leur ouvrirent le ventre
, & y fourrerent ces miferables
Enfans. L'Electeur de Baviere
, & le Comte de Stratman ,
Chancelier de l'Empereur , qui
arriverent dans la Ville pendant
que l'on commettoit ces
ne pûrent les faire
ceffer qu'aprés des défenfes tres
rigoureufes , & plufieurs fois reïterées.
Le feu eftoit répandu par
tout , & avec le fang qui couloit
de tous coftez , il est aisé de
s'imaginer quel affreux Spectacle
offroit cette trifte Ville abandonnée
au pillage . Cependant
la principale Mofquée , qui
avoit efté autrefois l'Eglife de
Saint Etienne , Roy de Hongrie
, fut préfervée de l'embrafement,
208
Hiftoire du Siege
>
fement , ainfi qu'un grand Magafin
, dans lequel eftoient quantité
de vivres , & un autre plein
de poudres . Ces deux Magalins
furent confervez par les foins
du Commiffaire Rabata qui
eut là - deffus beaucoup de conduite
& de vigilance . On perdit
prés de deux cens hommes
à l'Attaque de Lorraine , avec
le Marquis de Spinola , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie . Il
y eut trois cens cinquante Soldats
tuez à celle de Baviere , à
caufe d'un Fourneau que les Ennemis
y firent jouër . Le Comte
de Tartembac fut auffi tué à
cette Attaque , & le Comte de
Zacco , Major du Regiment
d'Alpremont , y fut bleffé à
mort ainfi que le Sieur Mon-
.ticolli , Capitaine dans le meſme
>
Re
de Bude . 209
Regiment. Ceux de Brandebourg
ne perdirent que cent
hommes , & le nombre des Blef
fez ne fut que de quatre cens
dans toutes les trois Attaques .
11 y eut plus de trois mille hommes
tuez ce jour- là - du cofté des
Affiegez . On jetta les corps des
Turcs & des Juifs dans la Riviere
, & les Chretiens furent enterrez.
Le Lieutenant du Bacha
dit qu'au commencement du Siege
la Garnifon eftoit de dix mille
Janiffaires , fans compter les Juifs
& les Habitans capables de porter
les armes , qui faifoient encore
plus de cinq mille hommes.
L'Aga des Janiffaires &
le Mufthi demeurerent prifonniers
avec ce Lieutenant du Bacha
, & plufieurs autres Offciers.
L'Aga fut donné au Prince
Char
210 Hiftoire du Siege
Charles. Cette conqueſte eft
d'autant plus glorienfe , qu'elle
s'eft faite à la veuë de l'Armée
des Ottomans , qui fans ofer rien
tenter , ont laiffé prendre une
Ville auffi importante que Bude,
& dont ils eftoient en poffeffion
dépuis cent quarante-cinq ans.
On dit que lors qu'ils connurent
que les Chreftiens y eftoient entrez
, ils s'arracherent la barbe
de defefpoir , & fe jetterent par
terre. Le foir ils fe retirerent à la
faveur de la nuit .
dans la Place trois à
On a trouvé
quatre cens
dont il dont y en
pieces de Canon ,
a quantité d'un fort grand calibre
, avec foixante Mortiers,
& un nombre incroyable de Boulets
, de Grenades , de Carcaffes ,
de Bombes , & d'autres Machines
de Guerre. On fit environ
deux
de Bude. 211
deux mille prifonniers , & l'on
prit plus de cent Juifs qui s'eftoient
refugiez dans leur Synagogue.
Le Prince Charles fit tout
ce qu'on peut attendre d'un
grand & experimenté Capitaine,
donnant les ordres par tout où
fa prefence eftoit neceffaire , &
n'oubliant rien de ce qui pouvoit
contribuer à l'heureux fuccés
de cette grande journée . L'Electeur
de Baviere s'y acquit
beaucoup de gloire , & fit
roiftre combien il eft intrepide
par la maniere dont il s'expofa
au feu. Tous les Volontaires
chercherent à fe fignaler à l'envy
les uns des autres , & le Prince
de Commercy donna d'éclatantes
marques de valeur &
de courage. Comme ils pouvoient
fe trouver par tout , le
pa-
Mar
212
Hiftoire du Siege
allerent
Marquis de Blanchefort , & le
Marquis de Souvray
dans tous les Poftes où le peril
eftoit le plus apparent. C'eſt ce
qu'ils avoient déja fait pendant
tout le Siege, n'ayant laiffé échaper
aucune occafion , quelque
dangereufe quelle fuft , fans y
courir avec une ardeur qui ne
fe peut exprimer. Le Prince
Louis de Bade receut un coup
de Moufquet qui luy éfleura la
chair. Il monta un des premiers
à l'affaut , & anima les Soldats
par fa valeur . Le Prince Euge
ne de Savoye , qui eft fon Coufin
Germain , ne fe diftingua
pas
moins. Il avoit cfté deftiné
à l'Eglife , mais le Chevalier de
Savoye , fon Frere , qui commandoit
un Regiment de Dragons
au fervice de l'Empereur,
eftant
de Bude .
2137
eftant mort au Siege de Vienne,
il refolut de quitter l'Etat Ecclefiaftique
, & s'eftant rendu en
pofte à ce mefme Siege aprés a--
voir efté faluër S. M. I. qui étoit '
à Lints , il s'y fignala , & acheva
la Campagne en qualité de Volontaire
, âgé feulement de dixneuf
ans. L'Empereur voulant
reconnoiftre la valeur de ce jeune
Prince , luy donna un Regiment
de Dragons , à la tefte duquel
il fervit la Campagne fui- :
vante , & fit des chofes au delà !
de fon âge à la prife de Strigonie,
& au premier Siege de Bude , où
il fut bleffé d'un coup de Moufquet
au bras. Aprés la Campa
gne, il alla voir le Duc de Savoye
Chef de fa Maifon , qui le receut
avec toutes les marques d'honneur
deuës à ſa naiffance & à fon
me
214 Hiftoire du Siege
merite. Il paffa de là à Veniſe , revint
à la Cour de l'Empereur , &
fe trouva àla Prife de Neuhaufel
& autres Places . Au retour.
de cette Campagne , quoy qu'il
n'euft alors que vingt & un an,
l'Empereur le fit General Major.
de fes Troupes fur la fin de l'année
derniere . Le Siege de Bude
ayant efté refolu , il fe rendit au
Camp des Impériaux pour y faire
les fonctions de cet employ , dont
il s'eft acquité avec toute la gloire
poffible.
Si-toft
que
la Place
eut eſté
prife
, le Prince
Antoine
de Neubourg
, Grand
Maiftre
de l'Or.
dre Teutonique
, & le Prince
de Commercy
partirent
pour
en
apporter
la nouvelle
, l'un à l'Empereur
, & l'autre
à l'Imperatrice
.
Doüairiere
, le Comte
de Sherini
,
de Bude. 215
rini , dépefché par l'Electeur de
Baviere , l'apporta à l'Electrice fa
Femme. Le Comte de Konigfeeck
fut auffi dépeſché par le
Prince Charles avec le grand
Drapeau des Turcs trouvé dans
Bude qu'il apporta au Prince Hereditaire
Imperial .
Le 3. le Prince Charles & les
Generaux vinrent au Quartier
de l'Electeur de Baviere , où le
Te Deum fut chanté au bruit des
Trompettes , des Timbales , &
des Canons , dont on fit faire trois
décharges autour des Lignes. On
mit auffi le feu aux Bombes qu'on
y avoit enterrées pour les Ennemis,
s'ils euffent ofé entreprendre
de les
attaquer.
Le 6. toute l'Armée partit en
bon ordre pour marcher du cofté
du Pont d'Effeck. On laiffa
dans
216 Hiftoire du Siege de Dude.
dans Bude les Regimens d'In-1
fanterie de Beck , de Salme &
de Diepenthal , avec des détachemens
des Alliez fous le
Commandement du Baron de
Beck .
F I
DU SIEGE
DE BUD E.
OUS avons vu en
moins d'une annéedeux
chofes fi remarquables ,
l'une en France , & l'autre
en Hongrie , qu'il eft impoffible
qu'elles ne paffent jufqu'à la
pofterité la plus éloignée , puifque
plufieurs fiecles enſemble ne
fourniffent pas quelquefois des
actions d'un fi grand éclat. Tout
A
Hiftoire du Siege
l'Empire Ottoman employoit fes
foins & fes principales forces à
empefcher que l'on ne prît Bude,
parce que cette Ville peut ouvrir
le paffage jufques à Conftantinople
, & qu'il eft malaisé que le
Royaume de Hongrie dont elle
eft la Capitale , ne foit pasfoumis
à la domination de celuy qui
la poffede. C'eſt pour cela que les
Tures fe font toûjours attachez à
la conferver. Elle a foûtenu quatre
fieges depuis qu'ils en font les
maiſtres , & n'a efté prife qu'au
cinquième , qui eft celuy qui
vient d'eftre fait par l'Armée confedérée
des Chrétiens. L'Empereur
à qui tant de Troupes auxiliaires
jointes aux fiennes , ont
facilité cette Conquête , y va rétablir
la veritable Religion , pendant
que Sa Majefté fortifie cette
méme Religion dans huit cens
Villes
de Bude. 3
t
Villes ou Bourgs , d'où Elle a
chaffe la fauffe , que fept de fes
predeceffeurs n'avoient pû détruire.
Ces deux Nouvelles ayant
donné au Pape la plus fenfible
joye qu'il ait receue depuis fon
Exaltation au Pontificat , il a ordonné
de femblables remerciemens
à Dieu , & d'égales rejoüiffances
dans Rome, pour des actions
qui font du plus grand merite au
prés du S. Siege. On n'y a parlé
jufqu'à la prife de Bude , que de
ce que l'Eglife doit au Roy de
France , & depuis la Conquête
de cette importante Place, on n'y
parle que de l'une & de l'autre
action, & on les regardes comme
les deux plus grands Triomphes
que l'Eglife pouvoit remporter.
Je vous ay entretenue de l'une
pendant plufieurs mois , il faut
vous entretenir de l'autre ; mais
A ij
4 Hiftoire
du Siege
pour le faire avec un peu d'ordre ,
je croy qu'il fera bon de vous expliquer
en peu de mots comment
la Ville de Bude a paffé au pouvoir
des Ottomans.
Louis II. dit le Jeune , Roy de
Hongrie , ayant pery en 1526. à
la bataille de Mohacs , Jean de
Zapol , Comte de Scepus , Vaivode
de Tranfilvanie fut falué
Roy par une partie des Hongrois.
L'autre élut Ferdinand Roy de
Boheme , qui avoit époufé Anne ,
Soeur du defunt Roy Loiys . Ferdinand
affifté des forces de l'Empereur
Charle Quint fon frere ,
alla droit à Bude , dont il fe fai fit
en ayant chaffe Jean de Zapol , qui
par diverfes pratiques qu'il eut à
la Porte , vint enfin à bout de faire
venir Soliman à fon fecours . Solyman
eftant entré dans la Hongrie
avec de puiffantes forces en 1529.
marcha
de Bude.
5
€
C
marcha vers Bude , la prit & retablit
le Roy Jean dans fon Eftat.
Ce dernier pour s'y maintenir
fans trouble , fit un accord avec
Ferdinand , par lequel il devoit
jour du Royaume de Hongrie
jufques à fa mort , à condition
que Ferdinand , ou l'un de fes
Fils , luy fuccederoit , & comme
il fe pouvoit faire que Jean venant
à fe marier auroit des enfans
, il fut arrefté que s'il avoit
un Fils , ce Fils feroit Prince de
Tranfilvanie, & poffederoit toutes
les terres , Villes & Chateaux
qui avoient appartenu à Jean avant
que les Hongrois l'euffent
fait leur Roy. Ce Traité eftant
conclu, il fe maria avec Elifabeth.
fille de Sigifmond Roy de Polog.
ne, & mourut prefque auffi - toft ,
laiffant au berceau un Fils qu'il
en eut. Quelques- uns mirent la
A iij
6 .
Hiftoire du Siege
Couronne fur la tefte de l'Enfant
le jour qu'il fut baptifé , & Ferdinand
ayant demandé à Elifabeth
l'execution du Traité fait
avec le Royfon Mary cette malheureufe
Reyne qui fut avertie
qu'il preparoit une Armée pour
la contraindre à l'obeïffance , envoya
des Ambaffadeurs à Solimã .
Ils en furent bien receus , & en
rapporterent une Robe d'écarlate
en broderie , une maffe de fer
avec le pommeau & la poignée
d'or , & un cimeterre dont le fourreau
eftoit tout femé de pierreries
, pour marque de fon amitié
& de fa protection . En mefme
temps Solyman donna fes ordres
pour faire fecourir Elifabeth fi
elle eftoit attaquée , & Guillaume
Rocandolph, General des Troupes
de Ferdinand , ayant commencé
le Siege de Bude , Mahomet Bacha
de Bude ..
7
cha , & Mahomet Sangiac de
Belgrade , pour obeir à leur Empereur
, marcherent vers cette
Place avec toute la diligence poffible
. Rocandolph remüa fon
Camp à leur arrivée . Il le mit au
pied du Mont S. Girard . Le Sangiac
de Belgrade alla camper fur
les cofteaux de la Plaine qui s'étend
depuis ce Mont le long du
Danube pour enfermer les Chreftiens,
& Mahomet Bacha campa
d'un autre cofté , & fi prés de
Rocandolph , que les Tentes de
l'une & de l'autre Armée n'étoient
éloignées que d'une demie
lieuë. Il y eut de legers combats
entre les deux Camps , avec des
fuccez , tantoft favorables pour
l'un des partis , & tantoft pour
l'autre ; mais enfin Rocandolph
ayant appris que Solyman venoit
luy- mefme appuyer les deffeins
A iiij
8
Hiftoire du Siege
de fes Generaux à la tefte de
deux- cens mille hommes , jugea à
propos de fe retirer . Les Turcs
avertis de fon deffein l'attaquerent
dans fa retraite , & plus de
vingt mille Chrêtiens demeurerent
fur la place . La levée du Siege
n'empefcha pas Solyman de
pourfuivre fon voyage , & de venir
jufque devant Bude . Il envoya
de là affurer la Reine Elifabeth
de fa bienveillance ; & la fit
prier de fatisfaire l'envie qu'il
avoit de voir le jeune Eftienne
fon Fils. Elifabeth trouvant dangereux
de le refufer , parce que
c'eût été marquer de la défiance ,
& irriter un Prince puiffant, l'envoya
au Camp de Solyman , avec
les principaux Seigneurs de fa
Cour. Le Turc le receut avec
beaucoup de careffes , & le fit
loger avec Bajazet & Selim fes
Fils ,
de Bude.
Fils , qu'il avoit eus de Roxelane .
Les Bachas traiterent magnifiquement
les Seigneurs Hongrois
qui avoient accompagné leur
jeune Roy , & cependant les Janiffaires
de Solyman qui avoient
fes ordres , eftant entrez dans la
Ville comme amis , fe répandirent
par tout fous pretexte de
confiderer la beauté des Bâtimens
, & fe voyant affez forts
pour executer leur entreprife , ils
fe faifirent de toutes les Places ,
forcerent les Gardes des Portes
qui ne foupçonnoient point cette
trahifon , & les ouvrirent à quelques
Troupes qu'on avoit fait
avancer. Enfuite on commanda
aux Bourgeois de rendre les armes
, & ce fut ainfi que Solyman
s'empara de Bude , fans qu'il en
coutât le fang d'un feul homme .
Cela arriva en 1541. Apres un
•
A V
Hiftoire du Siege
évenement fi favorable , l'Empereur
Turc tint confeil , & l'on
y
mit en deliberation s'il retiendroit
le Royaume de Hongrie,
ou s'il le rendroit au jeune Roy.
Mahomet Bacha eftoit d'avis que
Solyman le menaſt à Conſtantinople
avec les Seigneurs Hongrois
qu'il avoit entre fes mains ,
& qu'il mift à Bude un Gouverneur
qui ufant de moderation ,
apprit à ce Peuple à fe foumettre
au joug Ottoman . Ruftan
, Gendre de l'Empereur &
de Roxelane , luy voulut perfuader
de garder ſa foy , qu'il ne
pouvoit violer fans honte , & le
Sangiac de Belgrade fut d'avis
qu'en reduifant la Hongrie en
Province , il fe delivraft par là
de la neceffité, où il pourroit eftre
encore de revenir de fi loin fecourir
une Femme & un Enfant.
Il
de Bude. I
Il luy reprefenta qu'ils ne pourroient
refifter aux forces Allemandes
que par le fecours de
celles de la Hauteffe , & que les
Guerres ne fe devant faire que
pour avoir le moyen de vivre en
paix , il eftoit de l'intereft du
Sultan fon Maiftre, de reduire en
Province un Royaume qu'il avoit
fi fouvent défendu ; qu'ainfi il
falloit renvoyer la Reyne en Pologne
à fon Pere Sigifmond , mener
le jeune Roy Eftienne à
Conftantinople pour l'y élever
dans la Loy Mahometane , faire
trancher la tefte à tous les
Seigneurs Hongrois prifonniers,
rafer leurs Fortereffes , tranfporter
une pattie des familles en
Afie , & tenir les autres dans le
devoir par de fortes Garnifons.
Soliman ne fuivit aucun de ces
avis. Il entra dans Bude, & aprés
avoir
12
Hiftoire du Siege
, avoir renverfé les Autels &
fait brifer toutes les Images de
l'Eglife Cathedrale pour la confacrer
felon les Superftitions Mahometanes
, il fit fortir Elifabeth
de la Ville , & l'obligea de ſe retirer
à Lippe avec fon Fils pour
gouverner la Transilvanie , l'affurant
qu'il le rétabliroit fur le
Trône quand il feroit dans un
âge plus avancé. Cependant il la
declara Tutrice de ce jeune Prince
dont il luy promit d'eftre le
Protecteur, & luy rendit Georges
Martinufius pour eftre Miniftre
de fes Eftats. Depuis ce temps-là
la Ville de Bude que les Allemans
appellent offen , eftoit toûjours
demeurée au pouvoir des Turcs.
Elle fut affiegée en 1598. fous
le Regne de Mahomet III . par
l'Archiduc Mathias . Il força le
Fauxbourg qui eft du cofté du
Da
de Bude . 13
1
I
Danube , & fe rendit maiſtre
du Fort bafty fur le Mont Saint
Girard , où il trova quatre- vingt
pieces de canon , mais il ne put
venir à bout de la Citadelle .
Elle fut & vigoureufement défendue
, que la mauvaiſe faifon
s'avançant , il fe vit contraint de
lever le Siege. Comme il n'abandonnoit
le deffein de faire
cette conquefte que par la confideration
de l'hyver , fi - toſt
qu'il vit le temps propre à l'entreprendre
, il ramena fon Armée
devant cette Place. Les
Turcs qui en apprehendoient
la perte , s'avancerent promptement
pour la fecourir. Ils furent
défaits , mais cette victoire qui
donnoit de fi grandes efperances
aux Princes Chreftiens qui attaquoient
Bude ne pût rien
diminuer de la fermeté des
,
Affie
14 Hiftoire du Siege
Affiegez à fe bien défendre .
L'Armée Chreftienne trouva
dans ce fecond Siege les mefmes
hommes , & la mefme refiftance
qui luy avoit fait quitter
le premier , & elle fe retira
encore une fois.
>
Apres la perte d'Albe - Royale
, repriſe en 1602. par les
Turcs qui l'avoient perduë
l'année precedente , le mefine
Archiduc Mathias , qui commandoit
une Armée de quarante
mille hommes , marcha pour
la troifiéme fois contre Bude.
La Ville - baffe ayant efté
facilement emportée , il affiegea
la haute , furprit la Ville de
Peft , & ces commencemens furent
fi heureux , qu'on ne douta
point qu'il ne vint à bout de
fon entrepriſe. Cependant toute
la valeur & la prévoyance
des
de Bude.
15
des Chreftiens ne put empefcher
que la Citadelle ne fût rafraîchie
d'hommes , de vivres &
de munitions . de Guerre ; ainfi
il fallut encore lever le Siège.
Charles de Gonzague , Duc de
Nevers , y fut bleffé d'un coup de
moufquet à l'épaule.
Le dernier Siege eft connu
de tout le monde. Il fut commencé
par le Prince Charles de
Lorraine le 14 de Juillet 1684.
& le fecours jetté dans la Place
, le mauvais eftat dés Troupes
, l'incommodité de la faifon
, & le hazard auquel on fe
feroit exposé en donnant un
affaut general , dans lequel on
auroit eu à combattre en meſme
temps & ceux de la Ville , &
le Seraskier qui n'eftoit pas éloigné
des Lignes , ayant fait
craindre un mauvais fuccez de
cette
16 Histoire du Siege
cette entrepriſe , l'Armée Chreftienne
fe retira le premier jour
de Septembre , fans eftre inquietée
par les Ennemis dans fa
retraite .
Je viens au cinquième Siege
de cette importante Place.
Rien n'eft plus difficile qu'u
ne Relation de cette nature ,
fur tout lors qu'un Siege a efté
long , qu'il a fait verfer beaucoup
de fang, & que l'évenement
en a efté attendu de toute
l'Europe. Comme dans celuy
que j'entreprens de décrire , le
nombre des Intereffez a efté
grand , & qu'il y a eu differens
quartiers de divers Souverains,
fans compter quantité de Volontaires
repandus de plufieurs
Nations, chacun voudroit qu'on
n'oubliaft rien de ce qui le regarde
, & c'est une exactitude
qui
de Bude.
17
,
qui eft entieremet impoffible.Cependant
s'il arrive qu'on ne parle
point d'une action d'un feul Volotaire
lors qu'il eft d'une qualité.
diftinguée, cela eft caufe que tous
ceux de la mefme Nation fe récrient
fur la fauffeté d'un ouvrage
, qui ne manque quelquefois
qu'en ces fortes de circonftances
qui ne meriteroient pas
qu'on s'en mift en peine . Il y en
a d'autres qui pouffent le point
d'honneur plus loing , & qui ne
voudroient pas qu'on marquaft
que ceux de leur Nation ont eu
fouvent du defavantage pendant
le cours du Siege , comme fi la
- Victoire qui couronne tous les
travaux par la priſe d'une Place,
& qui efface toutes les pertes,
pouvoit empécher que l'on n'euft
efté quelquefois batu avant le
triomphe. S'il ne faloit point
parler
18
Hiftoire du Siege
parler des de avantages du Vainqueur,
il faudroit feulement marquer
la Prife , & la Victoire &
ce ne feroit plus alors la Relation
d'un Siege , mais le détail de la
derniere action. Bien que l'on
foit affuré de la priſe de la Place
avant que d'écrire la premiere
ligne du Siege , & qu'on fçache
que ceux qui fe font venus rendre
aux Afliegeans ont dit la
plus - part des fauffetez , il faut
pourtant faire mention de ces
fauffetez ,quoy que dans le tems
qu'on les écrit , on les connoiffe
pour telles. Il faut mettre dans
un journal tout ce qui s'est fait
& tout ce qui s'eft dit , parce que
felon ces chofes ont voit les vraies
& les fauffes mefures qu'ont pris
tant les Affiegeans que les Affiegez.
C'eſt par là que la Pofterité
s'inftruit , & c'eft ce qui doit
donner
de Bude. 19
3:
donner des lumieres à ceux qui
en de pareilles occafions peuvent
un jour avoir des commandemens.
Ainfi quand je diray la
verité de ce qui s'eft paffe pendant
le cours du Siege de Bude
,je ne feray pas pour cela contre
les Allemans. Tout depend
de la derniere action , puifque
lors qu'on reuffit , on a toûjours
pris de juítes mefures. Je dois
dire à l'avantage de la France,
qu'une Place fans dehors , com-
I me celle que vient de reduire
l'Armée des Confederez, fe pourroit
compter prife d'abord
les François l'affiegeoient , puifqu'on
ne manque jamais de capituler
dés qu'ils ont pris les dehors
de quelque Place , & que
Bude n'en avoit point . Ils auroient
pû faire voir en cette occafion
ce qu'ils ont fouvent fait
, fi
éprou
20
Hiftoire du Siege
éprouver à plufieurs Villes , mais
l'Allemagne avoit trop connu
leur valeur en la fameufe journée
de S. Godard pour vouloir
donner lieu à d'autres qu'à fes
Sujets d'acquerir une auffi grande
gloire , & elle a mieux aimé
faire lentement cette Conquête,
quand mefme elle auroit deu
rifquer à ne la pas faire
,, que de
laiffer aux François les avantages
qu'ils font toûjours feurs de
remporter dans toutes leurs entrepriſes.
Comme le fuccés de
celle- cy paroiffoit douteux , elle
fut fort debatue au Confeil de
l'Empereur.Les fentimens étoient
partagez, & il y en avoit d'entierement
cotraires à l'avis du Prince
Charles de Lorraine , qui fouhaitoit
d'ouvrir la Campagne par
un Siege auffi confiderable que
celuy de Bude paroiffoit aux Allemans
.
de Bude. 21
lemans. Il avoit efté contraint
de le lever en 1684. & il croyoit
qu'il y alloit de fa gloire de reparer
par la prife de cette Place
qu'on jugeoit fi importante , le
malheur qu'il avoit eu l'affiegeant
inutilement. Il trouvoit l'occafion
favorable , & qu'il luy eftoit
facile d'acquerir beaucoup de
gloire , à moins qu'il n'euft toû
jours le mefme malheur , puis
qu'il devoit eftre fecondé dans
cette Expedition , non feulement
par les Troupes de l'Empire , mais
encore par celles de plufieurs
Souverains , dont il y en avoit
un tout remply de coeur , qui
vouloit commander les fiennes en
perfonne , & que ces Troupes
qui ne manquoient de rien , étoient
aguerries à l'exemple de
leur Chef , qui a déja fait voir
fon courage & fon intrepidité
en
22 Hiftoire du Siege
en plufieurs occafions . Ileft aisé
de juger que c'eft de l'Electeur
de Baviere que je parle. Outre
tout cela ,le Prince Charles voyoit
accourir en foule quantité d'illuftres
Volontaires de toutes les
Cours de l'Europe , parmi lefquels
eftoient beaucoup de François
qui fe trouvent toujours dans les
lieux où ils peuvent voir qu'il y
a de la gloire à acquerir. Ce n'étoit
pas encore tout ce qui foutenoit
l'efperance de ce Prince. Il
fçavoit que les liberalitez du Pape
fe répadoient à pleines mains,
pour faire fubfifter fes Troupes,
que chaque Souverain de l'Europe
fourniffoit des hommes , de
l'argent , ou des munitions pour
avancer le fuccés de fes deffeins,
& qu'enfin le Siege de Bude étoit
pluftoft l'entrepriſe de la
Chreftienté entiere,que de l'Empire.
de Bude.
23
pire. Comme tous ces avantages
pouvoient contribuer à fa.
gloire & le faire triompher , il
eftoit de ſes interefts de profiter
de l'occafion , puis que l'honneur
de remporter la Victoire , quoy
que deuë aux plus braves fujets
de tous les Souverains de l'Eurodevoit
réjaillir preſque fur
pe ,
luy feul.
Si ce Prince fouhaittoit avec
une extreme impatience qu'il luy
fuft permis d'affieger Bude , les
Turcs qui n'avoient point d'armée
en campagne , ne defiroient
pas avec moins d'ardeur de luy
voir former ce Siege . Celle des
Chreftiens eftoit puiffante , de
forte que l'on eftoit affeuré que
la Place qu'ils attaqueroient ne
pourroit refifter long- temps , ny
attendre le fecours , à moins
qu'on n'affiegeaft la plus forte, &
la
24 Hiftoire du Siege
la mieux remplie d'hommes , &
de munitions & tout cela fe
trouvant à Bude , les Turcs avoient
raiſon de fouhaiter qu'on
mift le Siege devant cette Place,
afin que la longue refiftace qu'elle
feroit, leur puft donner lieu de
preparer un puiffant fecours , &
de le faire mefme venir du fond
de la Turquie , s'il en eftoit befoin
. Michel Abaffi , Prince de
Tranfilvanie , qui eftoit de concert
avec eux fit entendre aux
Imperiaux qu'il fe declareroit
plus ouvertement en leur faveur,
files Ottomans n'eftoient plus
maiftres de Bude. Ainfi tout
contribua à cette entreprife,quoy
que le fuccez en fuft incertain,
parce que la Place , ainfi que la
fuite l'a fait voir , ne manquoit
ny de Soldats , ny de Chefs intrepides
& aguerris, ny d'argent,
2
ny
de Bude.
25
Ο
C
ny de toutes fortes de munitions.
D'ailleurs la forte & longue reſiſtance
que le Gouverneur avoit
faite pendant le dernier Siege
, devoit fervir de regle à celuy
à qui l'on en avoit commis
la défenfe , & comme il étoit
feur d'eftre étranglé s'il rendoit
la Place , il y avoit
apparence
qu'il la défendroit jufqu'à la derniere
extremité. Il y avoit auffi
lieu de prefumer pour plufieurs
raifons , que le grand Vizir venant
en perfonne , periroit plutoft
, que de ne la pas fecourir.
La deftinée de fes deux Predeceffeurs
le devoient engager à
cet effort , c'eftoit par la qu'il
pouvoit fe monftrer digne du
choix qu'on venoit de faire en
Il'élevant à la dignité où il fe
voyoit. Il avoit eu l'adreffe de
fe faire mettre . en la place de
B
16
Hiftoire du Siege
fon Predeceffeur, & il avoit commandé
une Armée contre la Pologne
avec affez de fuccés pour
faire attendre de plus grandes
chofes de luy , quand il feroit à
la tefte d'un plus grand nombre
de Troupes , & cependant c'eft
luy qui eft caufe que l'on a pris
Bude.
Quelque nombreuse que foit
une Armée devant une Place, &
quelque fortifiée qu'elle foit , il eft
prefque impoffible ( & c'eft ce
qu'on n'a prefque point vû depuis
plufieurs ficcles) qu'elle empefche
une Armée Royale de fecourir
la Place affiegée lors que
cette Armée a pu faire affez de
diligence pour arriver avant la
prife de la Ville qu'elle a voulu
delivrer d'un fiege . C'est pour ceque
dans la plufpart des capitulations
, les Villes affiegées metla
tent
de Bude.
27
tent qu'elles fe rendront au jour
dont on convient, pourveu qu'avant
ce jour-là il n'arrive point
d'Armée Royale pour les fecourir.
Il eft enfin conftant que de
vingt Armées qui ont donné
dans des Lignes pour les forcer,
quoy que défenduës par un plus
grand nombre de Troupes , dixneuf
y ont réuffi. La raifon en
eft facile à comprendre. Une Armée
,, quoy que tres -nombreuſe,
qui entoure une Place, peut eftre
forcée par une plus foible , parce
qu'elle eft obligée d'occuper plufieurs
lieues de terrain autour de
la Place qu'elle affiege, & quainfi
chaque quartier eft peu garny
de Troupe , au lieu que l'Armée
qui attaque eft toute raf
femblée en un corps , ce qui la
rend beaucoup plus forte. Celle
qui eft dans les lignes pour-
Bij
28 Hiftoire du Siege
roit faire la mefme chofe , &
unir auffi toutes les forces pour
défendre l'endroit par lequel elle
eft attaquée , mais quand ceux
qui la veulent forcer font habiles
, ils donnent de fauffes attaques
fi à propos qu'on n'ofe dégarnir
aucun Pofte , parce qu'on
ne peut deviner la veritable at
taque. Ainfi l'Armée qui veut
paffer dans une Place , & qui
prend toutes les mesures qu'il
faut pour cela , cela , ne trouvant que
les Troupes d'un feul quartier
à combattre , les forces , aidée
de la Garniſon qui en ce rencontre
ne manque jamais de vigoureufes
forties. Ceft par là que
les Villes affiegées qui ont be
foin d'eftre fecouruës , le font
toujours, quand les Armées qu'on
veut employer pour ce fecours,
arrivent affez à temps . Le Grand
•
Vizir
de Bude. 29
Vizir au lieu de fe fervir de
tous ces avantages , a fait quan
tité de fautes , & elles ont efté
caufe de la prife de la Place
qu'il auroit pû fecourir. Il a fait
batre plufieurs fois fes meilleures
Troupes en détail , ce qui
ne pouvoit manquer d'arriver ,
puifque les corps qu'il envoyoit
eftoient moins forts que toute
Farmée qu'ils avoient à combatre.
Il a laiffé le temps de connoiſtre
que celle qu'il amenoit,
eftoit moins nombreuſe qu'on
n'avoit crû. Il a fait rallentir la
chaleur de fes Troupes , en les
faifant battre trop fouvent , & en
sobftinant à ne pas attaquer les
lignes avec toute fon Armée . Il
a par la frequente défaite de ces
mefmes Troupes rehauffé le courage
des Chreftiens. Il leur a
donné le temps de faire venir
Bij
30
Hiftoire du Siege
le General Scheffemberg avec
les fiennes , qui n'eſtant rebutées
par aucun affaut , ont emporté
la Place ; il eſt cauſe de
la mort du Gouverneur , & de
perte de tout ce qui reftoit
de bonnes Troupes dans Bude,
parce que fi fa preſence n'euft
pas fait efperer un
la
prompt
& vigoureux fecours , on auroit
capitulé lors qu'on auroit
crû n'eftre plus en eftat de fe
défendre. Ainfi fa prefence a
donné aux Affiegeans une Vitoire
, & plus grande , & plus
complette . Elle a fait voir le
peu
de valeur , & le petit nombre
des Troupes Ottomanes
que le peu d'experience de fes
Chefs. Elle a caufé les pertes
que les Troupes ont faites depuis
la prife de Bude , & qui entraifneront
celles qui les doivent
fuivre .
•
>
ainfi
de Bude.
31
e
fuivre. Elle a donné du coeur
aux Victorieux ; elle a ofté la
terreur qui depuis long - temps
faifoit apprehender l'Empire Ot-
& fera caufe qu'aucu- toman
ne Place forte ne ſe défendra autant
qu'elle pourroit faire quand
elle fera affiegée , de crainte
d'éprouver le fort de Neuhaufel
& de Bude .
Toute l'Europe eſtoit attentive
fur l'entreprife par laquelle
les Imperiaux feroient cette année
l'ouverture de la Campagne.
L'Electeur de Baviere eſtant
arrivé à Neuftadt le vingtiéme
de May , l'Empereur y tint plufieurs
fois confeil de guerre avec
les Officiers generaux &
ſes Miniftres. On y propofa le
fiege d'Albe Royale , auquel il
y eut quantité d'avis contraires .
-
B üij
32 Hiftoire du Siege
pes
·
On reprefentoit que les Troueftant
fraifches , & l'Artillerie
en bon eftat , il feroit beaucoup
plus avantageux d'attaquer
Bude. On convenoit que ce Siege
ne fe pouvoit faire fans beaucoup
de peine , à caufe que les
fortifications en avoient efté
tres bien rétablies , & qu'on
y avoit ajouté quelques ouvrages
pour en fortifier les dehors
le long du Danube jufqu'à la
Montagne.On fçavoit encore que
le Foffe avoit efté aprofondy de
l'autre coſté de la Ville , que
avoit contreminé les endroits où
les Imperiaux avoient preparé
des mines lors qu'ils l'affiegerent
en 1684. qu'il y avoit de fauffes
portes pour faire des forties par
deffous , & qu'on avoit dépavé
les rues , ofté les toits , & fait
couvrir de terre toutes les maifons
,
l'on
de Bude.
33
C
3
fons , afin d'empefcher l'effet des
Bombes & des Carcaffes. Des
Deferteurs avoient auffi rapporté
qu'il y avoit dans la Place des
munitions de guerre & de bouche
, pour foutenir un Siege de
plus de fix mois ,,
que la garnifon
eftoit de plus de dix mille
hommes choifis entre les Janiffaires
& les Spahis , & que le
1 Bacha Abdi qui commandoit
dans la Place , eftoit un homme
tres - confommé dans le meftier
de la Guerre , qui avoit fous luy
fix autres Officiers fort experimenteż.
On balança toutes ces
raifons , & elles ne furent point
affez fortes pour empêcher qu'on
ne refoluft d'affieger Bude. Le
rendez vous general fut donné
aux Troupes pour le 29. de
ce mefme mois à la referve de
celles de Brandebourg , qui tra-
·
B v
34 Hiftoire du Siege
verfant la Silefie de fort mau
par
vais chemins, ne pouvoient marcher
qu'à petites journées. Il fut
arrefté fuivant la divifion qui
s'en fit que la grande Armée
que commanderoit le Prince
Charles de Lorraine , feroit de
cinquante- huit à foixante mille
hommes , fçavoir de quinze mille
hommes d'Infanterie Allemande
, de quatorze mille Chevaux
& Dragons Allemans , des Troupes
auxiliaires de Saxe , de Brandebourg
, & de Suabe , & de
quatre mille Hongrois , & que
l'Armée dont l'Electeur de Baviere
auroit le commandement ,
feroit compofée de douze mille
Fantaffins Allemans , de dix
mille Chevaux auffi Allemans
des Troupes de cet Electeur ,
& de celles des Cercles de Baviere
& de Franconie , & de
troisde
Bude..
35
+
trois- mille Hongrois . Dans l'Armée
du Prince Charles les
Comtes de Caprara & de Staremberg
furent nommez Marefchaux
de Camp Generaux ;
le Duc de Croy General d'Infanterie
, le Prince Louis de
Neubourg , & le Comte de Suze
Lieutenans Generaux ; les
Barons de Thingen & de Thun,
& le Marquis de Nigrelli Sergeans
Majors de Bataille ; les
Comtes de Schults & de Dunevald
Generaux de Cavalerie ;
les Comtes de Taff , & de Palfi
, & le Baron de Mercy Lieutenans
Generaux ; le Prince Eugene
de Savoye qui eftoit arrivé
d'Efpagne en pofte depuis
peu de jours , le Comte Philippe
de Thaun , le Baron de Lodron,
& le Comte de Stirum Sergeans
Majors de Bataille .
Le
Comte
36
Hiftoire
du Siege
Comte de Leſlie fut fait Maref
chal de Camp General de l'Armée
de l'Electeur de Baviere ; le
Comte de Sherini General d'Infanterie
, le Marquis de la Verne
& le Comte de Schaffemberg
Lieutenans Generaux, & les Barons
de Wallis & de Berk , &
le Comte d'Afpremont Majors
Generaux . Il fut auffi arrefté que
le Comte de Scherffemberg demeureroit
en Tranfilvanie , &
le Comte Caraffa vers Zatmar
avec les détachemens qu'ils y
commandoient pour la confervation
des Conqueftes nouvellement
faites. Quelques accés.
de fievre qui retinrent le Prince
Charles à Edembourg , l'ayant
empéché d'aller fe mettre à la tête
des Troupes dont on devoit
faire le 29. une reveue Generale
dans les Plaines de Barcam , elle
fut
de Bude.
37
fut remife au 8. de Juin. Ce Prince
partit d'Edembourg le 20.
après avoir eu une longue conference
avec l'Electeur de Baviere
, qui fe rendit à Neuſtadt
le lendemain pour en rendre
compte à l'Empereur. Cependant
tout le trajet du Danube
depuis Ratisbonne jufqu'à Presbourg
eftoit couvert de Barques
& autres petits Vaiffeaux chargez
de munitions & de vivres, & des
Troupes de Baviere , de Franconie
& de Suabe qui defcendoient
vers la Hongrie. Jamais entrepriſe
n'a efté executée avec tant de
joye. On fe preparoit au Siege
de Bude avec un courage & une
ardeur qui ne fe peut exprimer.
Les Volontaires accouroient , de
France, d'Espagne , d'Angleterre,
d'Allemagne & de tous les endroits
de la Chrêtienté , & le
Duc
E
38 Hiftoire du Siege
Duc de Bejar Grand d'Eſpagne,
vint joindre à Vienne le Marquis
de Valero fon frere , qui s'y
eftoit déja rendu avec quelques
autres. Le 29. le Prince Loüis
de Bade partit de Neuftadt en
pofte pour aller joindre l'Electeur
de Baviere , & le Prince
Charles s'y eſtant rendu de Raab
le premier de Juin pour prendre
congé de Sa Majefté Imperiale,
reprit la route de Hongrie , accompagné
du Comte Stratman,
Grand Chancelier. Le 5. il arriva
à Comorrhe , où l'Electeur de
Baviere avoit efté receu deux
jours auparavant au bruit du
Canon & de la Moufqueterie. Ils
en partirent enſemble pour aller
au rendez - vous general. Le Prince
Charles y trouva les Troupes
dont l'Armée Imperiale devoit
eftre compofée. Elles avoient eſté
affem
A
de Bude.
39
affemblées proche de Barkam ,
par les foins du Comte de Staremberg.
On ne peut s'imaginer
la joyé qu'elles témoignerent en
voyant leur General . Il fut aisé
de connoître par toutes les marques
qu'elles en donnerent l'impatience
que chacun avoit de
marcher fous fa conduite . Les
Troupes de Saxe eſtant arrivées
au nombre de mille Chevaux
, & de quatre mille hommes
d'Infanterie , le Prince de
Saxe qui les commandoit , envoya
prier le Prince Charles
de les venir voir. Ce Prince
en fit la reveuë , & alla enfuite
difner dans la Tente de l'Electeur
de Baviere , qui luy fit voir les
fiennes rangées en bataille . I
retourna de là à Comorre pour
quelques ordres qu'il avoit à y
donner. Cependant les Troupes
du
40 Hiftoire du Siege
du Cercle de Suabe , commandées
par le Marquis de Bade-
Dourlach , joignirent l'Armée.
Elles étoient de trois mille hommes
de pied , & de trois mille
Chevaux. On intercepta des
Lettres , par lesquelles on apprit
, que le Grand- Viſir eſtoit
venu à Belgrade , qu'il avoit
donné le commandement en
Chef de l'Armée Ottomane en
Hongrie à Achmet Bacha , auquel
il avoit laiffé des ordres
particuliers , de ne rien épargner
pour la confervation de
Bude & d'Effek comme des
deux Places qui leur eftoient les
plus importantes , & qui faifoient
la feureté de toutes celles
qui leur reftoient dans le Royaume,
& qu'il eftoit enſuite retourné
à Andrinople avec une extreme
diligence. On fçeut auffi
›
par
de Bude. 41
par les Efpions que l'on avoit
envoyez pour reconnoiftre les
forces des Turcs , qu'ils ne pouvoient
mettre au plus que quarante
mille hommes en Campagne
, & que les Troupes d'Afie
avoient pour la plufpart deferté
dans leur marche d'Andrinople
à Belgrade. Les Huffars de Papa,
Dotis , Vefprin & Comorre allerent
en courſe au nombre de
quinze cens jufqu'à quatre lieuës
plus bas que Bude , & jufqu'à
deux lieues du Camp que les
Turcs avoient formé entre cette
Ville & le Pont d'Effeck . Ils emmenerent
prés de deux mille
moutons , deux cens boeufs , &
quantité de chevaux , fans avoir
trouvé perfonne qui leur difputaft
tout ce butin.
9 .
Le le Confeil de guerre fut
tenu au Camp , où tous les Officiers
42 Hiftoire du Siege
ciers Generaux s'eftoient affemblez.
Le Comte Stratman s'y
trouva de la part de Sa Majesté
Imperiale . On leur fit part de ce
qu'on avoit refolu touchant le
Siege de Bude , & deux jours
aprés le Comte de Stratman partit
pour Vienne , où il rendit
compte à l'Empereur de tout ce
qui s'eftoit paffé dans ce Confeil
. Le Comte Rabata , Commif
faire general , s'en retourna auffi
à Vienne , afin de donner ſes ordres
pour faire venir inceffamment
les vivres & les munitions
neceffaires.
Le 12. le Prince Charles partit
de Comorre , & fe rendit au
Camp de Barkan . L'Electeur de
Baviere l'y joignit le lendemain ,
& aprés que l'on eut fait une Reveuë
generale des Troupes , on
commença à leur faire paffer le
Da
de Bude.
43
9
Danube fur le Pont de Gran.
Celles de Saxe marcherent à l'Avant-
garde. L'Electeur de Baviere
partit à la tefte d'un Corps
d'Armée de vingt quatre mille
hommes , compofé des Troupes
Bavaroifes , & de plufieurs Regimens
Imperiaux , & prit fa mar
che en deçà de la Riviere. I
s'avança vers Hatwan , dans le
deffein de s'en rendre Maistre ,
& d'attaquer Peft enfuite. La
priſe de ces deux Places , dont la
derniere n'eft feparée de Bude
que par le Danube , devoit empefcher
les Ennemis d'avoir aut
cune communication entre Bude
& Agria. Le 14. les Défilez,
& la difficulté des chemins qu'il
fallut élargir en plufieurs endroits
, pour les rendre pratiquables
, ayant obligé l'Infanterie à
demeurer derriere avec l'Artillerie,
44 Hiftoire du Siege
lerie , le Prince Charles la laiffa
fous la conduite du Comte de
Staremberg , & s'avança vers
Vicegrad , du côté droit du Danube
, tandis que l'Electeur de
Baviere continuoit fa marche de
l'autre cofté , à une diſtance égale
, en forte que les deux Armées
euffent pû fe fecourir reciproquement
en cas de befoin .
Le 15.
la Cavalerie Imperiale
campa à Poftkamp , & le lendemain
à Saint André. L'Electeur
de Baviere marcha toûjours fous
une meſme ligne , n'ayant que le
Danube entre deux , & vint
le 16. camper à Weitzen. Les Ennemis
qui les pouvoient découvrir
des Ramparts de Bude des
deux coftez de ce Fleuve , ne firent
aucun mouvement pour les
venir reconnoiftre. On fceut par
quelques Turcs qui furent pris
pen
de Bude.
45
pendant cette marche , que le
Commandant de Bude ne s'attendoit
point à voir fa Place affiegée
que dans la croyance
que l'Armée Chreftienne attaqueroit
Agria ou Albe Royale,
on les avoit munies de bonnes
Garnifons & de quantité de vivres
, & qu'on en avort tranf
porté à Bude la pluſpart des richeffes
& des plus beaux meubles
des Officiers & des Bourgeois
, avec les femmes , les enfans
, & les bouches inutiles ; que
fur l'avis que ce Commandant
avoit receu qu'on venoit à luy,
il avoit envoyé demander des
Troupes à ceux des Places voifines
pour en renforcer fa Garnifon
, mais qu'il n'y avoit pas
d'apparence qu'on luy en puft
envoyer avant que les Princes
eunent inveſty la Place . Certe
Gar
46 Hiftoire du Siege
Garnifon ne laiffoit pas d'eftre
forte, puis qu'elle eftoit de douze
mille hommes de pied & trois
mille Chevaux , à ce qu'on aprit
de ces mefmes prifonniers. ,
Le 17. la Cavalerie fe repofa
dans le mefme campement afin
d'attendre que l'Infanterie fuft
arrivée , & l'on fit defcendre les
Bateaux dont on fe devoit fervir
pour conftruire un Pont à faire
paffer le Corps d'Armée de l'E
lecteur de Baviere. Ce Prince
qui defcendoit à gauche du
Fleuve s'empara de Peft , d'où
la garnifon Turque s'eftoit retirée
, aprés avoir fait fauter une
partie des murailles , & tiré de
la Place les munitions & les vivres.
Elle avoit enfuite rompu le
Pont qui luy donnoit communication
avec Bude , mais elle ne
put fi bien faire fa retraite,
qu'un
de Bude.
47
qu'un Aga ne tombaft entre les
mains des Bavarois avec trente
Janiffaires. Son Alteffe Electorale,
ayant laiffé garnifon dan Peft
& donné les ordres pour en reparer
les fortifications , détacha
le Comte de Steinaw avec fix
mille hommes pour aller attar
quer Hatwan , & fe mit en marche
vers l'ifte de S. André pour
paffer le Danube fur les Ponts
que l'on devoit y avoir dieffez,
& fe trouver au Camp devanţ
Bude. Le Prince Charles y étoit
arrivé le 18 & ce mefme jour
toute l'Infanterie ayant joint
l'Armée , il luy fit prendre des
poftes à demie lieuë de la Place,
La Cavalerie les prit de l'autre
cofté vers Albe Royale , & l'on
commença à travailler aux lignes
de circonvallation . Pendant ce
temps il fut tiré des Rempars
plu
48
Hiftoire du Siege
plufieurs volées de Cañon , dont
tout l'effet fut de tuer un Païfan
. On vit auffi paroiftre un detachement
de Cavalerie & d'Infanterie
de la Garnifon de Bude
qui fe prefenta pour embaraffer
les Travailleurs , mais il fe retira
prefque auffi- toft , ne fe trouvant
pas en eftat de foutenir un
gros de Cavalerie Imperiale qui
fe preparoit à le charger . L'avantgarde
du détachement que le
Prince Charles avoit envoyé
pour inveftir la Place, enleva un
Chaoux avec vingt Turcs de
quarante qui l'eſcortoient . Il venoit
de Belgrade, & apportoit des
Lettres au Bacha de Bude . Elles
confirmoient que l'Armée Ottomane
feroit commandée par Achmet
Bacha & que le Grand-
Vifir avoit eu ordre de fe rendre
promptement auprés de fa
Hauteffe
>
>
de Bude. 49
Hauteffe qui eftoit allée à Conftantinople.
Le 19. on ferra la Place de tous
les coftez par où elle eft acceffible
, & le Quartier general fut
étably à un quart de lieuë , avec
quelques Regimens d'Infanterie .
Le lendemain les Affiegez ayant
fait une fortie de trois cens Chevaux
foûtenus d'un pareil nombre
de Janiffaires , il y eut quel
que
Efcarmouche , mais elle fut
de peu de durée , parce qu'ils fe
tinrent toûjours fous le Canon
de la Place , fans qu'on les puft
attirer plus loin . Le Comte d'Altheim
y fut bleffé. Ce mefme
jour on commença d'ouvrir les
Lignes de circonvallation , & de
tracer les premieres Places d'Armes.
On marqua auffi trois Batteries
, & autant d'épaulemens
pour tenir à couvert la Cavalerie
C
50 Hiftoire du Siege
,
dont les Travailleurs devoient
eftre foûtenus dans les approches.
Sur le foir , le Comte de
Staremberg receut ordre d'aller
fe pofter proche les Bains afin
d'attaquer le Vafferftadt ou la
Ville baffe contre laquelle on
drefla deux Batteries du cofté
qui defcend vers le Danube. I
fit ouvrir la Tranchée , & on la
pouffa affez avant. Le Bacha de
Bude trouvant à propos de fe
défaire de beaucoup de bouches
inutiles >
donna la liberté
à tous les Chreftiens .
que
l'on trouva incapables de porter
les armes , & l'on fceut par
eux , qu'ayant affemblé la Garnifon
dans la grande Place , il
leur avoit leu les ordres du
Grand Seigneur qui les exhortoit
à refifter vigoureufement;
qu'il avoit enfuite défendu aux
Sol
de Bude.
51
X
1 Soldats & aux Habitans fous
peine de la vie de parler de Capitulation
, & que s'il arrivoit
qu'il fut tué en leur donnant
l'exemple de fe bien défendre,
on avoit nommé quatre Bachas
qui devoient l'un aprés l'autre
prendre le Commandement.
Le 21. les Bavarois commencerent
à paffer le Danube fur le
Pont de Bateaux de l'Ile de
S. André , & ce jour là fut employé
à ranger les Bagages dans
les Lignes , & à divifer les Troupes
par Eſcadrons & par Batail-
Ilons , afin de faire la diftinction
des Quartiers. Le Prince Charles
occupa les mefmes Poftes qu'il
avoit pris dans le dernier Siege.
L'Electeur de Baviere fit la mefme
chofe , & vint fe camper au
pied du Mont S. Gerard .
Le 22. on dreffa une nou-
Cij
52 Hiftoire du Siege
velle Batterie de fix pieces de
Canon contre la Ville baffe , &
l'on commença en mefme temps
à travailler aux Tranchées par
l'ouverture de trois grandes Places
d'Armes ; beaucoup plus prés
de la Ville que l'on n'avoit fait
en 1684. Il fut refolu qu'il y au
roit trois Attaques ; la premiere
commandée par l'Electeur de
Baviere ; la feconde par le Comte
de Staremberg , & la troifiéme
par les Troupes de l'Electeur
de Brandebourg que l'on attendoit
inceffamment , & auf
quelles on devoit joindre quelques
Regimens Imperiaux , &
d'autres Troupes Auxiliaires . Le
Prince Charles ne garda que
dix hommes de Cavalerie par
Compagnie pour fervir au
Camp à couvrir les Travailleurs
fous les ordres du Comte de Pal-
,
fi,
de Bude.
53
fi , & il envoya le reste aux environs
d'Albe- Royale , afin d'y
confumer les Fourages, & d'ofter
par là aux Infidelles les moyens
d'y fubfifter. Les Affiegez firent
grand feu tout le jour & toute la
nuit fuivante, & il y eut neuf Soldats
tuez ou bleffez .
Le 23. la nouvelle Batterie de
fix pieces de Canon s'eftant
trouvée prefte , commença dés
le matin à tirer , & fit une Bréche
de fix pas. Ceux qui estoient
au haut des Montagnes , apperçurent
par cette bréche quantité
de Betail & de Chevaux , mais
les Ennemis ne parurent point.
Il y eut fix Soldats à la Batterie
emportez par le Canon de la Place.
Quelques Huffarts & Croates
qui s'étoient avancez trois
lieuës au delà de Bude fous la
conduite du Comte Budiani ,
C iij
$4 Hiftoire du Siege
,
ayant efté avertis que le Bacha
en avoit fait fortir quantité de
Barques chargées de femmes ,
d'enfans & de quantité de
meubles qu'il envoyoit à Belgrade
, les pourſuivirent avec
trois cens Dragons , & les rencontrerent
à l'Ile de Sainte Marguerite.
Ils taillerent en pieces
tous ceux qui les eſcortoient,
s'emparerent de leurs Trefors ,
& amenerent deux cens Prifonniers
, qui furent les Vieillards
, & autres qu'ils jugerent
les plus propres à fe faire ra
cheter.
Le 24. la bréche ayant efté
élargie de vingt pas , on examina
la contenance des Affiegez
qui s'eftoient retranchez à droit
& à gauche au nombre de quatre
cens . Il fut refolu que l'on
iroit à l'Affaut , & comme c'eftoit
de Bude.
55
1 ftoit la premiere action du Siege
, chacun à l'envy chercha à
fe diftinguer. Les difpofitions
de l'attaque furent faites , & à
dix heures du foir on en donna
le fignal par trois volées de Ca-
1 non. Cent Grenadiers s'avancerent
les premiers , ayant un Capitaine
à leur tefte ; ils furent
fuivis de deux cens Moufquetaires
que commandoit un Sergent
Major , & foûtenus de trois
cens autres fous la conduite d'un
Lieutenant Colonel. Ils allerent
vers la brèche , & attaquerent
avec tant de force & de bravoure
les Ennemis qui la défendoient,
qu'ils les forcerent d'abandonner
leurs retranchemens. Six cens
hommes d'Infanterie en deux
Brigades marcherent aprés ceuxcy
, & fe pofterent au pied de
la bréche avec cinq petites pie-
C iiij
$6
Hiftoire
du
Siege
ces de Canon qu'ils avoient fait.
conduire avec eux . Elle fut franchie
par le Prince de Vaudemont,
par le Prince de Commercy,
& par un tres grand nombre
de Volontaires qui s'eftoient
mis à la tefte de l'Infanterie , &
qui fe pofterent dans la Ville
baffe malgré le feu continuel
que firent les Affiegez . Il n'y eut
que cinq Soldats tuez & onze
bleffez. Le Comte de Marfilly,
Infpecteur general des Ingenieurs
, eut le bras caffé au deffus
du coude , d'un coup de Mouf
quet qu'il réceut dans la tranchée
avant que l'on commençant l'Attaque
.
Le 25. fut employé à perfectionner
les Poftes que l'on avoit
occupez dans la baffe Ville , &
fix Bataillons furent logez au
pied des murailles. Il y eut un
Lieu
de Bude .
57
Lieutenant des Grenadiers tué
d'un boulet qui tomba dans la
Tranchée, & qui emporta les bras
& les jambes à cinq Soldats. Un
Chevalier de Malte François fut
auffi dangereufement bleffé . Il
eftoit avec le Marquis de Souvray,
qui fit paroiftre beaucoup
de bravoure .
Le 26. on s'apperceut que les
Affiegez faifoient gliffer du monde
le long de l'eau par dedans la
Ville baffe , pour venir attaquer
un Pofte qui eftoit devant une
groffe Tour joignant le Danube.
Le Chevalier de Rhofne , Capitaine
du Regiment de Staremberg,
foûtenu du Comte d'Awersbergs
, Lieutenant Colonel du
Regiment de Mansfeld , vint à
leur rencontre , & ils les repoufferent
avec beaucoup de vigueur.
Le Prince de Vaudemont le
,
C v
58
Hiftoire
du Siege
Prince de Commercy , & plufieurs
autres Volontaires qualifiez
, accoururent à l'efcarmouche
, qui dura une heure fous le
Canon de la Place. Il n'y eut que
quinze hommes tuez ou bleffez
du cofté des Affiegeans . Le Sieur
Bourgers , Capitaine du Regiment
de Staremberg fut de ces
derniers , & Milord Mongois receut
une contufion à la temple.
Les Affiegez perdirent trente
hommes, & le nombre des bleffez
fut beaucoup plus grand. Ce jour
là le Prince de Neubourg, Grand
Maître de l'Ordre Teutonique,
Lieutenant General , qui eftoit
arrivé au Camp le 22. & le
Comte de Diepenthal , General
Major , monterent la Tranchée,
fuivant ce qui avoit efté arreſté
quelques jours auparavant au
Confeil de Guerre , que tous les
jours
de Bude.
59.
jours ce feroit un Lieutenant General
, & un General Major qui
la monteroient à chaque Attaque
avec deux mille hommes,
& qu'on les releveroit de vingtquatre
heures , en vingt- quatre
heures . Outre ces deux mille
hommes , il y avoit toûjours fix
Bataillons de referve , & une
Garde de Cavalerie pour les
foûtenir. On travailla la nuit à
pouffer une grande Coupure fur
Ela droite le long de la muraille ,
afin de couvrir une Batterie de
douze Pieces qu'on vouloit mettre
en estat contre les défences
de deux Rondelles, & de la Courtine,
vers laquelle on devoit conduire
la Tranchée. On ouvrit
auffi une porte au coin de cette
Muraille , où l'on fe logea en dedans
de la baffe Ville , à trois
cens pas du Corps de la haute,
&
60
Histoire
du siege
& en tous ces logemens on ne
perdit que quinze hommes.
Le 27. les Travaux fe trouverent
fort avancez à l'Attaque
de l'Electeur de Baviere , qui fit
dreffer une Batterie fur le panchant
de la Montagne. Il fit faire
auffi fur la hauteur de cette
meſme, Montagne un Logement
affez grand pour contenir mille
hommes , & affeurer la tefte de
la Tranchée , qui fut ouverte au
pied du Chafteau , vis à vis la
grande Tour qui en couvre la
façade. Le foir les Affiegeans firent
une fortie au nombre de
quatre
cens, Cavalerie & Infanterie,
fur cent hommes retranchez à la
teſte des Travaux qu'on avoit
faits la nuit précedente. Le Comte
de Saur, Capitaine au Regiment
de Lorraine qui les commandoit
fit une fi vigoureuſe reſiſtance,
de Bude. 61
cè , que la grande Garde eut le
temps d'y accourir. Les Ennemis
furent repouflez ; ils laifferent
feize des leurs fur la place , &.
eurent quelques bleffez.La Tranchée
fut relevée ce jour- là par
le Comte de Souches , Lieutenant
General , & par le Comte
de Tinghen , Mareſchal Major.
Le 28. on joignit les deux Attaques
par une Ligne de communication
de quatre cens pas .
On mit auffi huit groffes pieces
de Canon fur une nouvelle Baterie
à l'Attaque du Prince Charles
, devant laquelle on tira une
Ligne de deux cens pas ,
afin
qu'on y puft aller de la Tranchée
fans eftre infulté des Ennemis.
Cette Baterie fervit à tirer
contre deux Ouvrages avancez
en forme de pafté , qui défendoient
la Porte du cofté de
la
62 Hiftoire du Siege
la baffe-Ville . Les Ennemis faifoient
de là un feu continuel de
Canon , dont les Affiegeans eftoient
fort incommodez . Les Travaux
furent continuez fans beaucoup
d'obſtacle la nuit de ce
même jour , & on perfectionna la
Ligne de communication
entre
la Porte du milieu & la derniere
, ce qui donnoit moyen
moyen d'entrer
à couvert dans la nouvelle
Baterie.
Le 29. le Sieur Soulars , Ingenieur
, fut bleffé en faifant travailler
à de nouvelles Lignes
qu'on fit en forme de paralelles,
pour communiquer avec les au
tres Travaux , & s'approcher plus
prés de la Place . L'Electeur de
Baviere ayant eu quelque indifpofition
, le Prince Charles l'alla
vifiter fur les cinq heures du foir,
& dans ce temps mefme , les Af-
י
Liegez
de Bude.
63
fiegez firent une Sortie en bien
plus grand nombre qu'ils n'avoient
encore fait du cofté de
l'Attaque des Bavarois. Ils attaquerent
les Travailleurs & les
Troupes qui eftoient en garde
dans la Tranchée , & les
ayant
mis en defordre , ils euffent comblé
les Travaux , fi le Comte de
Hoffkirken n'euft promptement
amené la Garde de Cavalerie.
L'Electeur de Baviere ayant efté
averty de cette Sortie , rien ne
fut capable de le retenir. Il y
courut , quoy qu'indifpofé , auffi-
bien que le Prince Charles , &
leur prefence anima fi bien tous
ceux qui avoient déja commencé
à foûtenir les efforts des Infidelles,
qu'après en avoir tué beaucoup,
ils les forcerent à fe retirer,
& les pourſuivirent jufqu'à quarante
pas de la Tranchée Le Prin64
Hiftoire du Siege
ce Eugene de Savoye fe fit remarquer
par fa bravoure , & eut
un cheval tué fous luy
, auffibien
qu'un de fes Gentilshommes.
Le Baron de Zwitterthal ,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Steinaw , fut tué avec
trente ou quarante Bavarois. Il
y eut auffi quelques bleffez . Le
Baron de Billes , Capitaine dans
le Regiment d'Arko , le fut dangereuſement
.
Le 30. on repara les Travaux
que les Ennemis avoient ruinez
le jour precedent , & on avança
jufqu'à fix-vingt pas de la muraille.
Ce méme jour , deux Compagnies
de Paffau & de Ratisbonne
arriverent au Camp, auffi
- bien que les Troupes de Suabe
& de Franconie . Elles étoient
en tres-bon eftat , & au nombre
de cinq à fix mille hommes . Celles
de Suede commandées par le
de Bude.
65
po-
Marquis de Turlac , arriverent
pareillement , & prirent leur
ite fur une hauteur, afin de pouvoir
agir où il feroit le plus neceffaire.
Le feu parut en differens
endroits de la Ville ; il y avoit
efté mis par des Bombes .
qu'une Baterie de Mortiers avoit
jettées. Le Comte de Dunewald
partit ce jour- là du Camp , pour
aller commander la Cavalerie
inutile au Siege , qui eftoit venuë
camper au nombre de plus
de douze mille hommes jufqu'à
la portée du Canon d'Albe Royale
, ce qui avoit obligé les Turcs
à abandonner plufieurs Chafteaux
, & d'autres petits Poftes
aux environs.
Le 1. de Juillet fut employé à
perfectionner la ligne de communication
à l'attaque du Prince
Charles , & les Poftes deftinez
66
Hiftoire du Siege
par
nez aux Poftes de Suabe & de
Franconie leur furent donnez.
On apprit par des Transfuges
qu'il y avoit une grande confternation
dans la Ville, caufée
la perte qu'avoient fait les Affiegez
à la fortie du 29. il y eut
quatorze de leurs Officiers tuez
avec quantité de Janiffaires. Les
ouvrages qui avoiết eſté comencez
fur la droite , furent achevez .
la nuit fuivante , & on pouffa
ceux de la gauche jufqu'à cent
cinquante pas de la muraille .
Le 2. douze pieces de Canon
& huit Mortiers batirent la Ville.
Deux bateries que les Affiegez
avoient , l'une fur la groffe
Tour , & l'autre fur une autre
Tour , furent démontées en peu
de temps. Les Bombes cauferent
ce jour- là beaucoup de dommage
dans la Ville , à ce qu'on apprit
de Bude. 67
prit d'un Deferteur qui dit qu'elle
n'eftoit défenduë que par ſept
ou huit mille hommes , & que
les vivres commençoient à eſtre
chers , parce qu'ils n'y eftoient
pas en grande abondance. Il parut
quelques Troupes Ennemies
du cofté de Peft , & fur l'avis
qu'on en eut , le Prince Charles
ordonn que l'on fift conſtruire
trois redoutes au bord du Danube
, que les Heiduques & les
Hongrois garderoient . On fit
une brêche de quinze pas du
cofté de l'attaque du Prince
Charles.
Le 3. le Regiment du Prince
Eugene de Savoye arriva au
Camp , & on eut avis que les
Troupes de Brandebourg n'en
eftoient qu'à une lieuë. Quatre .
Mortiers furent ajoutez aux 8.
que l'on avoit mis fur la baterie
dreffée
68
Hiftoire du Siege
dreffée à l'attaque des Imperiaux,
& tout cela fit grand feu la nuit
fuivante. La Baterie des Bavarois
n'en fit pas moins , elle eftoit de
fept Mortiers. L'Artillerie des
Ennemis fit auffi grand feu , &
les Affiegeans furent fort incommodez
des Pierres qu'on leur jetta.
Le Sieur Collery , Capitaine
dans le Regiment de Lorraine,
eut le genouil fracaffé d'un éclat
de Bombe , & un des meilleurs
Bombardiers receut un coup à la
tefte. Il y eut encore quinze ou
vingt hommes bleffez . Un Offi
cier Turc qui vint ſe rendre, fur
mené à l'Electeur de Baviere,auquel
il conta qu'ayant tué le mary
d'une femme dont il eftoit amoureux
, il avoit eſté obligé de
quitter la Ville , & s'eftoit tenu
caché pendant quelques heures
dans un endroit où fa maiftreffe
luy
de Bude. 69
luy avoit promis de le venir joindre
, mais , mais que la crainte d'eftre
découvert par les Affiegeans qui
luy auroient fait un mechant
party , ne luy avoit pas permis de
l'attendre. Il ajouta qu'il n'y avoit
dans la Place que trois mille
Janiflaires , & un pareil nombre
de Soldats ; que malgré l'effet des
Carcaffes & des Bombes , qui avoient
obligé le Commandant à
fe loger dans une cave voutée
prés du Chateau pour y eftre
plus en feureté , ils eftoient tous
refolus de fe bien défendre ; qu'il
n'eftoit entré perfonne dans la
Ville comme on l'avoit crû, mais
que des Turcs en eftoient fortis
pour aller demander un prompt
fecours à Achmet Bacha Seraf
Kier , & aux Tartares.
Le 4. ce mefme Officier montra
à l'Electeur de Baviere , &
aux
70 Hiftoire du Siege
Le
aux Princes de Bade & de Savoye
, le Magafin à poudres &
les mines des Affiegez . Il dit
qu'il y en avoit fous la Rondelle
du Chafteau & à l'endroit de la
breche des Imperiaux. Un autre
Transfuge qui fe difoit Polonois,
fe rendit au Camp & affeura que
les Affiegez ne pourroient tenir
encore un mois , fi l'Armée du
Seraskier ne les fecouroit.
Prince Charles paſſa le Danube
pour aller voir les Troupes de
Brandebourg qui eftoient arri
vées le jour precedent avec une
belle Artillerie. Elles eftoient
compofées de huit mille hommes
, en fix Eſcadrons de Cavalerie
& dix Bataillons d'Infanterie
Le General Schoning qui
les commandoit, receut ce Prince
au bruit du Canon , qui fut
ſuivy de 3. décharges de Mouſque
de Bude.
71
I
queterie. Il luy donna enfuite
un magnifique difner dans fa
tente.
Le
4
5. on fit paffer le Danube
à ces Troupes , qui prirent le pofte
qui leur avoit eſté deſtiné du
cofté de la Ville baffe. Il fut refolu
qu'on en tireroit quinze
cens hommes tous les jours pour
monter la tranchée , & qu'on les
joindroit aux Imperiaux & aux
Suedois, afin de faire quatre mille
hommes pour les Poles qui étoient
du coſté de l'attaque du
Prince Charles.
Un Deferteur Grec arriva en-
*
core au Camp & raporta que
cinq Turcs qu'on avoit fait fortit
à la nage , eftoient allez preffer
le fecours que lors
que les Trou
pes de Brandebourg avoient paru
, les Affiegez avoient fait
roiftre beaucoup de joye dans la
penfée
pa72
Hiftoire du Siege
1
penféc que ce fuft celles du Se
raskier , & que le Commendant ,
ayant appris que c'eftoit un renfort
pour l'Armée Chreftienne,
avoit taché de le déguifer à la
garnifon , en difant que c'eftoit
un mouvement que les Affiegeans
avoient fait faire à leurs Troupes
pour faire croire qu'il leur en
eftoit venu de nouvelles . La plufpart
des Bateries des Affiegez furent
miſes en defordre par le grad
feu qui fut fait de l'attaque des
Imperiaux & de celle des Bavarois.
Il leur demonta plufieurs pieces
de Canon, & fit un fort grand
dommage au couronnement des
deux Pâtez,en forte qu'ils ne pouvoient
prefque plus y demeurer
à couvert . La breche ſe trouva
large de quatre - vingt pas , &
comme les ruines n'avoient point
couvert le pied de la muraille
qui
de Bude.
73
qui paroiffoit encore haute de
dix pieds , ont refolut de l'égaler
avec des Fafcines & des facs à
terre. L'attaque des Bavarois fut
auffi fort avancée , mais la breche
n'eftoit pas fi fpacieuſe.Ceux
Ide Brandebourg qui avoient ou-
Evert la tranchée à leur attaque
avec 1200. hommes , avancerent
- leurs travaux fur la gauche avec
tant de diligence , qu'ils fe trouverent
prefque au pied de la muraille
. Ce jour- là mefme ils donnerent
des marques de leur valeur.
Les Affiegez n'avoient point
fait de fortie depuis celle du 29.
= & pour eftonner ces nouveaux
1 venus ils en firent une fort
brufque & bien concertée fur
leurs Travailleurs , mais ils furent
repouffez avec grand carnage
jufques à la porte de la
Ville , devant laquelle fe pofte-
,
D
74 Hiftoire du Siege
rent ceux qui les avoient pourfuivis.
Ils s'y maintinrent , &
travaillerent de ces Poftes avancez
en reculant , & de la tefte
de la Tranchée en avançant ,
pour rejoindre les Travaux , &
les faire communiquer les uns
avec les autres. Les Ennemis
perdirent quatre ou cinq cens
hommes , & il en coufta à ceux
de Brandebourg un de leurs Ingenieurs
, quatre Lieutenans ,
autant d'Enfeignes, environ . trente
Soldats , & le Fils aifné du
General d'Orffling . il eftoit venu
en Hongrie pour faire cette
Campagne en qualité de Volontaire
, & il fut tué d'un coup
de Moufquet au travers du corps.
La nuit on jetta quantité de
Bombes & de Carcaffes dans la
Ville , principalement du cofté
de l'attaque des Imperiaux. L'Eglife
de Bude.
75
glife de faint Jean , qui fervoit
aux Turcs de grande Moſquée,
fut reduite en cendres avec cinquante
maiſons voifines.Le nombre
des Travailleurs ayant efté
augmenté , on pouffa encore les
approches, & les Lignes de communication
entre les trois attaques
qui furent perfectionnées. ›
Le fixiéme les Troupes de
Brandebourg continuerent leurs
travaux , & ils les poufferent
de telle forte qu'ils fe trouverent
auffi avancez que ceux des
deux autres attaques. Un Capitaine
& quatre de leurs Soldats
furent bleffez , & il y en
eut huit tuez . On fit jouer du
cofté de l'attaque des Bavarois
une Batterie de dix pieces de
Canon dont une fut demontée
auffi- toft par le Canon de
la Ville. Ils fe pofterent la nuit
Dij
76 Hiftoire du Siege
tout proche les Pallades , &
eurent prés de foixante hommes
tuez ou bleffez . Le Sieur Funck,
Lieutenant
Colonel du Regiment
de Souches , fut de ces derniers.
Le 7. les Travaux furent avancez
à droit & à gauche , jufques
à dix ou douze pas de la
bréche , où les Imperiaux fe pofterent.
Ils perdirent prés de cin-
Le Sergent
quante hommes .
General de Dinghen fut bleffé
au pied , à la tefte de l'attaque,
où il eftoit cette nuit de garde
avec le Comte de Souches , &
le Chevalier de Rofne receut
un coup de Moufquet au travers
corps. Les Mineurs eurent ordre
de faire éventer les Contremines
des Affiegez dont on
avoit eſté averty , & les Troupes
de Brandebourg qui travaillerent
de Bude.
77
lerent à dreffer leurs bateries,
les mirent prefque en eftat. Le
bruit fe repandit dans le Camp
que le Grand Vizir eftoit en
marche entre Belgrade & Effek
avec une Armée confiderable,
mais on connut auffi - toft la fauffeté
de ce bruit. C'eftoit Benfi
Bacha , Aga des Jani ffaires. Il
avoit joint les Troupes des Turcs
qui eftoient campez depuis longtemps
en ce lieu - là.
Le huitiéme on travailla à
élever deux nouvelles Batteries
à l'Attaque de Lorraine , l'une
de cinq pieces de Canon , &
l'autre de quatre , afin d'élargir
les brèches. La petite Rondelle
fut abatue par le Canon des Bavarois,
qu'elle incommodoit beaucoup
dans les Tranchées , & la
nuit fuivante on tira une Ligne
qui traverfoit le long de la Ron-
Dij
78 Hiftoire du Siege
,
delle gauche vers la Courtine
droite. Comme ce travail ſe faifoit
fort prés , les pierres & les
Grenades que jetterent les Ennemis
, tuerent ou blefferent prés.
de trente hommes. Le Comte
Guido de Staremberg , Lieutenant
Colonel du Regiment de
ce nom qui commandoit à la
Tranchée , s'y fit diftinguer par
fa valeur , auffi bien que le Major
Bifchoffhaufen , qui fut bleffé
au bras d'une balle de Moufquet.
Un Capitaine de Staremberg
le fut auffi à l'épaule , &
fon Capitaine Lieutenant au
pied . Trois Turcs fe rendirent,
& on apprit d'eux que les Affiegez
avoient grande impatience
qu'il leur vinft quelque fecours,
& qu'ils fe défendoient avec
d'autant plus de réſolution &
de courage, que les belles actions
eftoient
de Bude.
79
eftoient récompenſées par le
Commandant. Quelques autres.
Turcs fortirent de la Ville , dans.
le deffein de brûler les Batteries
des Affiegeans , mais l'un d'eux
ayant efté mis par terre d'un
coup de Moufquet , tout le refte
prit la fuite.
Le neuvième les Affiegez à
la pointe du jour firent jouer
un Fourneau entre la Porte &
la Rondelle du milieu. Il ruina
la Mine que les Imperiaux
avoient faite. Il y eut fept Mineurs
enterrez , & leur Capitaine
fut dangereufement bleffé
. Ils firent enfuite une Sortie
entre cette Attaque & celle
de Brandebourg. Les Troupes
de cette derniere furent d'abord
mifes en defordre , & fe renverferent
fur les Travailleurs avec
perte d'environ cent hom-
D iiij
80
Hiftoire du Siege
mes , entre lefquels furent deux
Lieutenans Colonels ,
II
quatre Capitaines
, & quelques Officiers
fubalternes
. Cependant le Corps
de réſerve de la Place d'Armes
la plus voifine eftant accouru,
on chargea les Turcs d'une maniere
fi vigoureufe , qu'ils fe retirerent
avec plus de précipitation
qu'ils n'eftoient venus.
demeura plus de quatre - vingt
des leurs fur la Place , fans les
bleffez , & l'on fit fix prifonniers.
Aprés qu'ils eurent efté
repouffez , on travailla à retirer
les Mineurs & les Travailleurs
des ruines que le Fourneau avoit
faites. Il n'y en eut qu'un
que l'on ne put retrouver. On
continua les Travaux avec autant
d'ardeur que s'il ne s'eftoit
point fait de Sortie. Les Bavarois
firent jouer une autre Batterie
de Bude. 81
terie de dix pieces , ayant eſté
obligez de changer la premiere,
à caufe que le Canon de la Ville.
l'incommodoit , & qu'elle en
eftoit trop éloignée . Ce mefme
jour , quelques Hongrois donnerent
avis à l'Electeur de Baviere
que fept mille Tartares étoient
en marche , pour jetter
du fecours avec un Bacha dans
Bude du cofté de Peft. Cela
obligea d'envoyer en diligence
trois cens . cinquante hommes :
dans cette derniere Place , avec
ordre de travailler à des Redoutes
, afin que les Ennemis trouvant
les Paffages coupez, ne pûffent
executer leur deffein.
Le dixième on attacha les
Mineurs fous la Paliffade de la
Rondelle oppofée à l'Attaque de
Baviere , & l'on redreffa en celle
de Lorraine la Galerie qui
D v
821 Hiftoire du Siege
→
avoit efté brûlée en partie le
jour précedent . On y attacha
auffi les Mineurs , pour tâcher
d'éventer les Contre- mines fous
la Rondelle qui eftoit à gauche
& fous celle du milieu .
Quoy qu'il tombaſt ce jour- là
une groffe pluye , elle ne put
empefcher que le Prince Charles
ne fift dreffer deux nouvelles
Batteries l'une au milieu
des Travaux , & l'autre de
neuf pieces de Canon fur la
gauche .
Le 11. fut employé à perfectionner
les approches à l'Attaque
de Lorraine , & l'on mit le
Canon fur les deux nouvelles :
Batteries , & deux Mortiers fur
une autre. Il y eut quelques Soldats
tuez & bleffez , mais en
petit nombre. On travailla auffaux
Mines , & à rencontrer
celles
de Bude.
83
celles
,
que les Affiegez pouvoient
avoir préparées pour les faire fauter
contre les Affiegeans , s'ils
donnoient l'affaut. Pendant tout
ce jour , les Canons & les Mortiers
tirerent fans ceffe tant
pour élargir les bréches, que pour
ruiner les Retranchemens qu'avoient
fait les Affiegez , dans le
deffein de bien foûtenir l'affaut.
La Batterie de ceux de Brandebourg
joia , auffi- bien que
celle de Dom Antonio Gonçales
, Lieutenant general de l'Artillerie
, & d'un Ingenieur Efpagnol
, qui par l'élevation de fes
feux d'artifice donna beaucoup
de plaifirs aux Affiegeans , en
mefme temps qu'il caufoit de
grands dommages aux Affiegez .
Les Bavarois battirent inceffam-.
ment la Rondelle du Chafteau,
& y jetterent des Bombes de
deux
$4 Hiftoire du Siege
deux Batteries de trois Mortiers
chacune , dont l'une n'eftoit qu'à
trente pas de la Paliffade . Trois
de leurs Mineurs furent tuez par
leurs propres Cannoniers & le
mefme malheur feroit arrivé à
l'Electeur de Baviere , s'il n'euft
pas changé de place un moment
auparavant.Sur l'avis qu'on avoit
eu que le Seraskier s'eftoit avancé
jufqu'à trois lieuës de Peſt as
vec un Corps de huit mille hommes,
tirez des Garnifons de Themifwar,
Lippa, Giula, grand Waradin
, Segedin , Agria , Hatwan
, & autres Places des Turcs
en la baffe Hongrie , & fur
les Frontieres de Tranfylvanie,
dans le deffein de fecourir Bude
le Prince Charles détacha
le Baron de Mercy & le
Prince Eugene de Savoye avec
trois
,
de Bude. 85
un
trois mille chevaux , & fix Bataillons
d'Infanterie , qui pafferent
le Danube , & fe pofterent
proche de Peft de l'autre colté
du Pont , hors de la portée du Canon
, pour y attendre les Turcs,
& empefcher qu'ils ne fe puffent.
= jetter dans la Place . On fit auffi
un Détachement confiderable de
Cavalerie & de Dragons pour
renforcer ceux que l'on avoit envoyez
à Peſt , où ils travailloient
à de nouvelles fortifications du
cofté du Danube , & pour refferrer
la garnifon d'Albe- Royale,
qui auroit pu faire quelque diverfion
en faveur des Affiegez ,
afin de faciliter le fecours qu'ils
attendoient .
Le 12. on fit applanir à l'attaque
de Lorraine la defcente dans
les Foffez oppofez aux breches,
à la faveur du Canon & des
Bom
86
Hiftoire du Siege
Bombes , afin de pouvoir monter
à l'Affaut , & l'on fit auffi grand
feu aux attaques de Baviere &
de Brandebourg. Quoy que la
breche que l'on avoit commencé
à faire dans cette derniere le
jour precedent , fe trouvaſt élargie
de plus de quinze pas , la muraille
eftoit encore trop haute depuis
fon pied jufques à l'éboulement.
Ainfi l'on continua de
tirer le Canon avec plus de violence
, pour taſcher d'y faire des
ruines plus confiderables , & les
Affiegez qui jetterent inceffamment
des feux d'artifice & des
pierres de leurs Mortiers , n'empêcherent
point qu'en l'une &
en l'autre on n'avançaft les approches
fort prés des foffez . On
vit paroiftre la flâme pendant
plus de huit heures en plufieurs
endroits de la Ville , ce qui fit
2
juger
de Bude.
juger que
les Bombes & les Carcaffes
des Affiegeans
y avoient
caufé un grand dommage. Le
feu de la Baterie des Bavarois
prit à des Tonneaux
de poudre,
& fit fauter en l'air prés de vingt
perfonnes.
Le 13. les Regimens de Steireim
, de Pafc , & de Goucqfes
arriverent des environs de Stulweiſenbourg
au camp des Troupes
commandées par le Baron de
Mercy & par le Prince Eugene
de Savoye , ce qui fit un corps de
neufmille hommes. Les Ennemis
éventerent la mine des Imperiaux
, mais les Mineurs eurent
le loifir de fe fauver. Ils mirent
auffi le feu à un Fourneau dans
l'efperance de faire fauter la
grande garde des Imperiaux , &
l'effet en fut contraire à ce qu'ils
avoient attendu les terres retom
88
Hiftoire du Siege
tomberent fur eux , & remplirent
feulement une partie de la tefte
des travaux des Affiegeans . Cependant
le feu mis à ce Fourneau
ayant ebranlé la Tour fous
laquelle le Mineur avoit eſté attaché
, on pointa contre cette
mefme Tour huit pieces de Canon
qui y firent une breche confiderable.
On tint un Confeil de
guerre où l'on refolut de donner
Affaut par trois endroits , à la
breche de l'attaque de Lorraine.
Le Comte Guido de Staremberg
, & le Comte d'Awersberg
furent commandez , chacun avec
deux- cens quatre - vingts hommes
, le premier à la droite de
l'attaque proche la grande Rondelle
, & le fecond à la gauche.
Le Comte de Herberftein , avec
qui marchoient les Fufeliers ,
Pionniers , & Travailleurs, avoit
or
1
de Bude. 8.9
ordre de donner au milieu de la
Courtine. Il eftoit auffi fuivy de
deux cens quatre - vingts hommes
, & le refte , au nombre de
deux-mille , demeura de referve
pour les foutenir . Sur les fept
heures du foir , le Signal ayant
efté donné pour l'affaut par une
décharge de tout le Canon qui
eftoit en baterie à cette attaque,
on commença de monter à la breche
, ce qui n'eftoit pas aisé , à
caufe que les Ennemis l'avoient
I reparée par plufieurs rangs
de
Paliffades . On ne laiffa pas de les
forcer, quoy qu'ils fiffent une vigoureufe
refiftance , & l'on fe pofta
fur la brêche à la faveur de
la Moufqueterie & des Grenades
qu'on tira dans les retranchemens
paliffadez qu'ils avoient.
faits , derriere lefquels ils fe maintinrent
en tres- bon ordre. Rie
n'e
୨୦ Hiftoire du Siege
·
n'eft égal à l'ardeur que firent
paroiftre tout ce qu'il y avoit de
Volontaires & de Braves à l'Armée
, pour eſtre des premiers à
fe trouver fur la breche . On y
demeura prés de deux heures:
que l'efcarmouche dura, & pendant
ce temps les Affiegez firent
fauter deux Mines , qui cauferent
moins de perte aux Affiegeans
, que les Fleches , les Bombes
, les Grenades & les Pierres.
Cependant on ne pût venir à
bout de faire le logement ; le
defordre & la chaleur du combat
avoient éloigné les Travailleurs
, & d'ailleurs il auroit falu
plus de Fafcines & de facs à terre
, qu'on n'en avoit , pour pou
voir fe mettre à couvert & ſe retrancher.
Cela fut cauſe que l'on
ugea à propos de faire retirer les
raupes dans leurs Poftes, ce que
l'on
de Bude . 91
lon fit à neuf heures du foir, tandis
que le
Canon
, des
Bombes
&
la Moufqueterie
de
deux
Bataillons
de
Souches
&
de
Mansfeld
favorifoient
la retraite
. Le
Prince
Charles
fut
preſent
à l'action
, &
eut
deux
Pages
, l'un
tué
à fes
coftez
, &
l'autre
bleffé
.
La
perte
fut
grande
de
part
& d'autre
. On
tient
qu'il
y
eut
plus
de
cinq
cens
Soldats
tuez
du
cofté
des
Affiegeans
, &
prés
de
trois
cens
bleffez
, ' outre
quelques
Colonels
,
Capitaines
, autres
Officiers
, &
beaucoup
de
Volontaires
. Parmy
ces
derniers
fut
le
Prince
de
Commercy
, qui
demeura
longtemps
fur
la
bréche
expofé
au
feu
. Le
Sieur
du
Pleffis
, fon
Ecuyer
, fut
tué
auprés
de
luy
, &
le
Sieur
de
S. Sulpice
, l'un
de
fes
Gentilhommes
, y_receut
quelques
bleffures
. Le
Duc
de
Bejar
,
Grand
92
Hiftoire du Siege
Grand d'Espagne , monta un des
premiers à l'affaut. Il y fut bleffé
dangereufement , & mourut trois
jours aprés . Le Fils du Prince Robert,
& Milord Georges Savil, fe
cond Fils du Marquis d'Halifax,
avec plufieurs autres Seigneurs
Anglois furent tuez , ainfi que
le
Prince Palatin de Veldens,le jeune
Comte de Maldeghen , le Chevalier
de Cormaillon , le Comte
de Herberſtein , le Comte de
Kouffstein , Capitaine dans Staremberg
, le Baron de Rolle , &
le Sieur Kirchmeir , tous deux
Capitaines dans le Regiment de
Souches, le Baron de Chiffer , le
Comte de Strottembach , & plufieurs
autres Volontaires & Officiers
fubalternes. Milord Fitz-
James, Fils naturel du Roy d'Angleterre
, fut bleffé legerement.
Le Prince Picolomini mourut
dés
de Bude.
93
dés le lendemain de fes bleffures,
& fut enterré dans Peft . Les autres
Bleffez confiderables , dont
les noms ont efté fçeus , furent le
Comte de Staremberg , Lieutenant
Colonel , qui avoit le commandement
de la droite ; le
Comte d'Aversberg , auffi Lieutenant
Colonel , qui commandoit
la gauche ; le Comte de Dona ,
Colonel dans les Troupes de
Brandebourg ; le Marquis de la
Verne , Lieutenant Maréchal de
Camp ; le Duc de Scalona , Grand
d'Efpagne ; le Comte de Valero,
frere du Duc de Bejar ; Dom
Gafpard de Suneja , fon Coufin;
le Comte de Cormaillon ; le Fils
du Comte d'Urfet , & fon Ecuyer;
le Sieur de Longueval ; le Chevalier
de Rhofne ; le Sieur de Landas
, Capitaine de Starembergs
les Capitaines Herrero & le Bay,
&
94 Hiftoire du Siege
& quelques Officiers venus de
Flandre ; le Sieur de Vaubonne ,
Capitaine des Grenadiers de
Bade ; le Baron Golenski , Capitaine
de Becq ; Dom Francifco
l'Africain ; le Sieur de la Brigondelle
, & le Sieur de Vaucou-
Gentilhomme du jeune leur
Prince de Vaudemont. Le Marquis
de Blanchefort , Fils du Maréchal
de Crequi , fut auffi bleffé ,
& la maniere dont il fe diftingua
fit affez connoiftre de quel
Sang il eft forty. Les Affiegez
perdirent beaucoup de monde.
On fçeut d'un Transfuge , qu'une
feule Bombe , qui eftoit tombée
dans leurs Retranchemens après
l'action , avoit emporté deux Agas
des Janiffaires, & plus de quarante
Soldats. Comme ils croyoient les
Troupes des Affiegeans fort en
defordre, il voulurent profiter de
l'oc
de Bude.
95
l'occafion , en faifant une Sortie
fur celles de Brandebourg , mais
ils furent repouffez avec beaucoup
de vigueur, & laifferent plus
de 40. des leurs fur la place. On
fit quinze Prifonniers.
Le 14. on travailla à applanir
les débris que les Contremines
des Affiegez avoient faits à l'Attaque
de Lorraine , & à combler
les Foffez de celles de Baviere
& de Brandebourg. On continua
de canonner la Place , & d'y
jetter des Carcaffes & des Bombes.
On nettoya auffi la Tranchée
, & on en ofta les terres ,
dont les Fourneaux des Ennemis
en avoient remply une partie . On
en découvrit deux ce jour là , &
l'on en tira les Poudres. ' Il y eut
un Mineur tué par l'imprudence,
d'un Canonnier, La Mine prit
feu, & vingt Soldats & deux Ca-
$
no
96
Hiftoire du Siege
nonniers furent emportez. On
eut avis que les Troupes d'Afie
eſtoient arrivées à Belgrade fous
la conduite du Grand Vifir , qu'il
y en avoit encore pris de nouvelles
, & qu'il s'eftoit enfuite
avancé vers le Pont d'Effeck ,
aprés avoir envoyé fix mille Spahis
à Walpo & à Poffega , avec
ordre d'obferver le General
Schults , qui avoit mené huit
mille Allemans & cinq cens
Croates de ce coſté - là.
Le 15. on attacha le Mineur
à la Muraille de la grande Rondelle
, & on commença deux Galaries
au pied de la Courtine.
Quelques Païfans fortis de Bude
furent conduits à l'Attaque de
Lorraine . Ils dirent qu'à l'affaut
du 13. il y avoit eu plus de cinq
cens hommes tuez du cofté des
Ennemis. On avança les Travaux
juſqu'au
de Bude.
97
jufqu'au Foffé , fur le bord du
quel on dreffa une nouvelle bat--
terie , pour ruiner à droit le cofté
de la grande Rondelle , qu'on
n'avoit pas encore attaqué. Tandis
que les Mineurs travailloient
à deux chambres de Mine , les
Affiegez en firent fauter une à
la gauche de l'Attaque. Elle ne
fit qu'agrandir la brèche du cofté
de ceux de Brandebourg. On
en éventa deux autres qu'on n'avoit
point encore chargées. Les
Bombes que l'Ingenieur Espagnol
fembloit élever jufqu'aux Etoiles,
faifoient un effet fi prodigieux
en retombant , qu'un Transfuge
rapporta qu'une feule avoit enfoncé
deux planchers & deux
voûtes , & tué plus de
perfonnes dans la plus baffe ; ce
qui caufoit une grande defolation
, parce qu'il n'y avoit pref-
E
quarante
98
Hiftoire
du
Siege
que plus d'endroits où l'on fe
puft tenir à couvert. On eut
avis que les Turcs qui venoient
fecourir Bude , eftoient campez
vers Hatwan , aprés avoir paffe
la Teyffe avec un Convoy prés
de Segedin. On détacha auffitoft
les Regimens de Stirum , de
Taff , & de Trurks , pour aller
joindre le Barón de Mercy , afin
d'obliger les Infidelles à repaffer
la Riviere..
Le 16. les Bavarois firent jouer
deux Mines , qui au lieu de
combler le Foffe de la Rondelle
du Chafteau , & de faire fauter
la Paliffade , comme on l'avoit
creu , renverferent les premiers
poftes de leurs Tranchées,
de forte qu'il y eut plus de trente
hommes tuez ou bleffez. Le
Marquis de la Verne , qui n'avoit
efté bleffé que legerement
à
de Bude.
୨୨
#
à l'affaut du 13. le fut ce jourlà
d'un éclat de pierre. Cet accident
fit qu'on réfolut de ne
plus faire jouer de Mines , qu'on
n'euft achevé toutes celles où
l'on travailloit , afin de les faire
fauter toutes à la fois , quand
les trois Attaques donneroient
l'affaut. Un Armenien , qui avoit
fa Femme & fes Enfans à Vienne
, s'eftant échapé de Bude , vint
donner avis que les Janiffaires
avoient preffé deux fois le Bacha
de rendre la Place mais
que ne l'ayant pas trouvé de ce
fentiment , ils luy avoient déclaré
qu'ils fe défendroient encore
quelque temps , mais qu'ils
ne vouloient pas attendre l'extremité
. Il ajoûta que les Affiegez
avoient perdu beaucoup de
monde dans l'action du 13. qu'ils
auroient capitulé fi l'on avoit
E ij
TE
DE
LA
>-
LYON
1895
roo
Hiftoire du Siege
pû fe maintenir fur la brèche,
qu'ils ne s'eftoient tenus en fi
bon ordre derriere leurs rétranchemens
, que parce qu'un Deferteur
eftoit venu leur donner
avis de la refolution que l'on
avoit priſe de donner l'Affaut ;
que cependant l'ayant pris pour
un Efpion , ils luy avoient fait
couper la tefte , & qu'ils en feroient
autant à tous ceux qui
viendroient ſe rendre ; que l'on
avoit commencé à manger les
Chevaux , faute de fourage &
d'autre viande ; qu'un pain
pour vivre un feul jour couftoit
un écu , & que les Bombes de
I'Ingenieur Eſpagnol , qu'ils nommoient
le feu du Ciel , perçoient
les voûtes des Caves. La nuit
les Bavarois fe pofterent derriete
la Paliffade du Foffé de la
Rondelle du Chafteau , de forte
.
que
de Bude. ΙΟΥ
que les Ennemis furent obligez
de s'en retirer avec perte de
quelques hommes. Le Comte
de Fontaine , qui commandoit
les Bavarois , fut tué d'un coup
de Moufquet. Le Comte d'Apre
mont fut bleffé dans la mefme
occafion , auffi bien que le Capitaine
des Grenadiers du Regiment
de Bade. Son Lieutenant
fut tué , & il y eut encore environ
quarante Soldats tuez ou
bleſſez Les Ennemis deffendoient
ce poſte au nombre de deux
cens cinquante , & comme on
leur coupa d'abord le chemin
de la retraite , il n'en échappa
que vingt-fix qui demanderent
quartier. Tout le reste fut tué .
Un Turc qui fortoit de Bude fut
arrefté cette mefme nuit. Il eftoit
Mineur. On apprit de luy que
quoy que la Ville fuft extremé-
E iij
102
Hiftoire du Siege
ment incommodée de l'infection
des Cadavres , qu'on ne pouvoit
enterrer faute de trouver des
lieux où l'on puft les mettre , &
que les Habitans fouffriffent une
fort grande difette à cauſe qu'on
ne diftribuoit des vivres qu'aux
Soldats , les Affiegez ne laiffoient.
pas d'eftre refolus de continuer à
fe bien défendre , & qu'il y avoit
des Fourneaux en divers endroits
avec des coupures & des retranchemens
dans les ruës , à la teſte
defquels ils avoient mis plufieurs
pieces de Canon chargées de
Cartouches.
Le 17. le Prince Charles de
Neubourg eftant arrivé au Camp,
alla fe pofter avec fon Regiment
de l'autre cofté du Pont . Le
Maréchal Caprara , & le General
Palfi , revinrent des environs de
Stulweifembourg avec plufieurs
Re
de Bude.
103
Regimens de Cavalerie . Le premier
paffa le Danube , & prit
le commandement
des Troupes
qui eftoient campées proche de
Peft. Le Marquis de la Verne,
quoy que bleffé , eftant demeurẻ
feul à remplir la Charge de
Lieutenant Maréchal de Camp
general d'Infanterie , ne voulut
plus fortir de l'attaque à caufe
que
le Comte de Fontaine ayant
efté tué la nuit precedente , il
n'y avoit plus d'Officier de fon
caractere pour le relever. On
avança les approches des trois
attaques jufqu'au pied de la
muraille , & l'on acheva une baterie
de trois pieces de Canon à
celle de Lorraine pour battre
l'Angle de la Tour. On travailla
aux Mines à l'Attaque de Brandebourg,
& les Mineurs fe trouverent
fous la Courtine proche
E iiij
104 Hiftoire du Siege
la troifieme Rondelle de celle de
Lorraine , & fous une autre à
gauche. On applanit auffi la defcente
dans les foflez , & pendant
tout le jour & toute la nuit on
ne ceffa point aux trois Attaques
de faire un grand feu de toutes
les Bateries , afin d'agrandir les
bréches & d'achever de ruiner
toutes les defences & les coupures
qui eftoient derriere , ce qui
devoit mettre les Generaux en
eftat de faire donner l'Affaut general
, qu'ils ne vouloient point
hazarder qu'on n'euft éventé les
Contremines.
Le 18. une partie de ceux qui
eftoient campez proche de Peft ,
& qui ne compófoient point
de Regiment , retournerent à
leurs premiers Poftes , fur les
avis qu'on receut que les Troupes
Ottomanes , qu'on croyoit
de
de Bude.
105
,
devoir venir de ce cofté là jetter
du fecours dans Bude s'efloient
retirées apres avoir mis
des vivres dans Hatwan & dans
Erlaw. On apprit le mefme jour
que des Turcs eftoient venus à
deux lieues du Camp couper la
tefte à quelques Fourageurs &
Vivandiers . Sur les onze heures
du foir , les Affiegez fe montrerent
fur la breche . Ils poufferent
de grands cris , & cela fit croire
qu'ils fe preparoient à une fortie .
On fit fur eux un grand feu qui
les contraignit de fe retirer . Ils
éventerent la Mine de l'Attaque
des Imperiaux par un Fourneau
qu'ils firent jouer. Quatre Mineurs
& le Sieur Liber leur Capitaine
, y furent enfevelis . On
les chercha auffi- toft , & on ne
put trouver que deux Mineurs ,
qui n'eftoient pas morts. Les Ba
E v
106
Hiftoire du Siege
varois mirent le feu dans le Chafteau
par une Bombe qu'ils y firent
tomber. Cependant les Ennemis
barricaderent d'une nouvelle
Paliffade la Breche de la
Rondelle .
Le 19.les Affiegez travaillerent
inceffamment entre la Breche des
Imperiaux & la muraille de la
Ville, ce qui fit croire qu'ils y faifoient
un nouveau retranchement.
Les Bavarois travaillerent
de mefme pendant tout le jour à
à une Baterie fur le bord du Foffé
, afin d'abatre la Paliffade , & le
refte de la Rondelle du Cha fteau .
Ils attacherent en mefme temps
le Mineur, pour chercher les Mines
des Ennemis . La nuit les
Troupes de l'Attaque de Lorraine
donnerent un faux Affaut , &
firent jouer plufieurs Mortiers
chargez de Bombes , de Carcaffes
&
de Bude.
107
& de Grenades. L'effet en fut
terrible pour les Affiegez , qui
eftoient accourus en foule pour fe
defendre. Un Transfuge paffa
de la Ville au Camp , & en parlant
des defordres que faifoient
les Bombés dans la Place , il dit
qu'il en eftoit tombé une fur une
voute , qu'elle l'avoit enfoncée, &
que plus de cent hommes qui
eftoient deffous , en avoient efté
tuez .
Le 20. les Affiegez donnerent
trois fauffes allarmes, ce qui obligea
de faire avancer contr'eux
un détachement de Grenadiers
à chaque attaque. On s'apperceus
qu'ils s'aflembloient derriere leurs
Paliffades, & dans la penfée qu'on
eut qu'ils avoient deffein de faire
une fortie, on fit pointer le Canon
& les Mortiers de ce costé là . Les
Bateries firent un grand feu , & le
fuc
108
Hiftoire du Siege
fuccez en fut fort avantageux
aux Affiegeans. Le mefine jour le
General Palfi retourna fur fes pas
avec fix Regimens , & eut ordre
d'obferver les mouvemens des
Troupes Ottomanes , qui avoient
déja paffé le Pont d'Effeck , à ce
que difoient tous les Efpions. Le
Prince Charles alla reconnoiftre
les endroits par où les Turcs pouvoient
jetter du fecours dans la
Place. Il y eut encore un Armenien
qui fe fauva de la Ville. Il
dit que la confternation yeftoit
tres -grande ; qu'il n'y reftoit plus.
que deux mille Janiffaires dont
le nombre diminuoit tous les
jours , & qu'ils ne ſe defendoient
que parce qu'on les avoit affurez,
qu'il y avoit deux Armées en
marche , pour venir faire lever
le Siege .
Le 21. on continua d'élargir
la
de Bude. 109
la brêche à coups de Canon à
l'Attaque de Lorraine , & de
rompre la Paliffade que les Ennemis
y avoient mife. Le Baron
de Mercy , qui avoit fait repaffer
la Teyffe aux Turcs qui s'étoient
avancez vers Hatwan , &
dont il avoit défait une partie de
l'Arriere garde , receut ordre de
repaffer le Danube , & de marcher
avec la Cavalerie que l'on
avoit jugée inutile pour le Siege,
à la rencontre des Infidelles qu'on
difoit s'eftre affemblez vers le
Pont d'Effeck , au nombre de
vingt- cinq à trente mille. Un Cavalier
du Regiment de Caprara
fe faifit d'un Turc qui eftoit caché
dans un Marais . Il avoit des
Lettres pour le Grand Vizir , &
pour quelques Officiers de l'Armée
Turque. Elles furent déchifrées.
Le Bacha de Bude leur
don
110
Hiftoire du Siege
donnoit avis de l'eftat de la Place
, & du preffant befoin qu'il
avoit qu'on le fecouruft.
Le 22. de grand matin les Af
fiegez fortirent du cofté des Bavarois
, & ayant pouffe la Garde
qui étoit à la tefte de la Tracheé,
ils tuerent prés de cent hommes,
entre lefquels fe trouverent le
Sieur Lôben Colonel dans les
Troupes de Saxe , un Capitaine
, & quelques Officiers fubalternes.
Le Sieur Defchwint, Colonel
de l'Artillerie de Baviere,
fut mortellement bleffé au cou.
Ils enclouerent trois pieces de
Canon & un Mortier, & auroient
caufé un plus grand defordre , fi
un Lieutenant & quelques Fantaffins
du Regiment de Bade qui
accoururent n'euffent foûtenu
les Bavarois , & contraint les Ennemis
de fe retirer avec perte de
>
plus
de Bude. III
plus de fix- vingt des leurs, qu'ils
laifferent fur la place. L'avis en
ayant efté donné à l'Electeur de
Baviere , il vint auffi - toft dans la
Tranchée. On décloüa le Mortier
& deux pieces de Canon, &
en fuite on jetta une Bombe de
ce Mortier. Un peu après, on entendit
un bruit extraordinaire,
& il fe fit comme un tremblement
de terre qui ébranla tout
le Camp, & dont plufieurs Tentes
furent renversées. Il s'éleva
une fumée fi épaiffe qu'on' fut
quelque temps fans voir la Ville.
Soit par l'effet de la Bombe,
foit par quelque autre accident,
le feu s'eftoit mis à un Magafin
à poudre , qui eftant proche de
la muraille en renverfa plus de
quarante pas de longueur, en forte
qu'on y euft pû monter aifément;
IIZ
Hiftoire du Siege
ment , fi la Riviere n'en avoit
pas empêché l'accez. Des Fantaffs
fe jetterent fur l'Electeur
de Baviere pour le garantir des
pierres qui tomboient en quantité
dans les Tranchées . On en
trouva un fort grand nombre
dans Peft & dans tout le Camp,
de la pefanteur de deux , trois,
& quatre cens livres , jufques à
cinq cens. On dit qu'il y avoit
neuf cens Quintaux de poudre
dans ce Magafin , & qu'il fit perir
, en fautant en l'air , plus de
quinze cens perfonnes , hommes
femmes & enfans , fans compter
ceux qui demeurerent enfevelis
dans les caves voifines qui furent
couvertes des ruïnes de ce
grand bâtiment. La nuit, on travailla
à la chambre de la Mine
fous la grande Rondelle . Les Af
fiegez la contreminerent , ce qui
obligea
de Bude. 113
geans
obligea les Mineurs des Affied'abandonner
le travail. Il
n'y eut que celuy qui eftoit attaché
à la Courtine du milieu à
la gauche , qui continua . Il arri-
Iva dans la chambre de la Mine
que les Ennemis avoient éventée
, & la voulut rétablir , mais
ayant entendu travailler fous lui,
il fe retira, & laiffa quelques barils
de poudres découverts ; le
feu y prit pluftoft qu'on ne l'avoit
crû , & jetta le Lieutenant
des Mineurs jufque fur la batterie
de Brandebourg . Celuy qui
les commandoit fut brûlé . Comme
la Mine n'eftoit pas affez profonde
, l'ouverture qu'elle fit au
pied de la Courtine , fut feulement
de deux toifes. Les Turcs
fortirent en fi grand nombre ,
qu'on ne les put arrefter que par
un feu extraordinaire que l'on fit
fur eux.
Le
114 Hiftoire du Siege
a
Le 23. Le Mineur attaché à la
Rondelle du milieu, ayant achevé
de perfectionner la Mine , il
fut refolu que fi elle avoit l'effet
que l'on pouvoit s'en promettre,
on donneroit l'Affaut , general,,
Cependant le Prince Charles jugea
à propos
de faire fommer les
Afliegez avant que de l'entreprendre.
Le Magaſin fanté le
jour précedent , avoit mis un fi
grand defordre dans la Place
qu'il y avoit lieu de croire qu'on
les trouveroit moins obftinez , &
qu'ils fe refoudroient à fe rendre
fi on leur offroit des conditions
avantageufes. Ainfi fur les trois
heures aprés midy, ce Prince envoya
le Comte de Konigfek, fon
Aide de Camp general , avec un
Tambour & un Interprete pour
fommer la Ville. Les Affiegez
le voyant venir , & connoiffant
au
de Bude.
115
,
au fignal d'un mouchoir blanc
qu'il avoit quelque propofition
à leur faire planterent fur la
Muraille un Drapeau de mefme
couleur , & vinrent enfuite
prendre la Lettre du Prince
Charles pour la porter au Bacha
, qui dormoit alors , à ce
qu'ils dirent. En attendant la
réponſe , on luy laiffa trois Turcs
pour Oftages , & on luy vint
dire un peu aprés que le Bacha
avoit affemblé fes Officiers,
pour deliberer fur cette Lettre.
Il y eut de part & d'autre fufpenfion
d'armes pendant deux
heures
, & aprés ce temps on
apporta la réponſe du Bacha au
Prince Charles , envelopée d'écarlate.
Voicy les termes qu'elle
contenoit .
GRAND
116
Hiftoire du Siege
RAND VISIR DES
G&RESTIENS,
Tu es bien présomptueux de venir
une feconde fois mettre le Siege
devant Bude , qui a déja couté tant
de monde & tant d'argent aux
Chreftiens. Il est bien vray que ce
Siege nous a furpris , parce que nous
ne nous y attendions point ; mais
par l'affiftance de Dieu, & de noftre
Prophete Mahomet, vous aurez efte
par deux fois honteufement repous-
Sez, & vous n'aurez pas à nous
donner tat d'affauts que vous croiez.
Nous efperons qu'il vous en arrivera
comme il vous est déja arrivé . Si
voftre Empereur vous a commandé
de nous attaquer , nous avons ordre
du noftre de nous bien défendre .
Cette réponſe pleine de fierté
obligea les Affiegeans à faire joüer
le Canon des trois Attaques , &
de Bude.
117
à bombarder la Place avec plus
de furie que l'on n'avoit fait auparavant.
Le 24. Les Imperiaux firent
jouer une Mine , qui au lieu de
renverfer la Rondelle qui eftoit
entre leur bréche & celle des
Troupes de Brandebourg , combla
les premiers poftes de leurs
Tranchées , ce qui fâcha fort les
Hongrois , qui au nombre de
deux mille eftoient tout prefts de
monter à l'affaut , à la tefte des
Troupes de l'Attaque de Lorraine.
Le Capitaine des Mineurs &
deux Travailleurs furent accablez
par les débris de la Mine,
dont plus de deux cens Soldats
furent tuez ou bleffez. Un fugitif
vint apprendre au Prince
Charles que le Treforier des Janiffaires
avoit eu deffein de livrer
la Ville , à condition qu'on
l'en
118 Hiftoire du Siege
t
l'en feroit Vice - Commandant ,
mais que deux Païfans qui luy
devoient apporter la Lettre aïant
efté arreftez , le Bacha avoit fait
couper la tefte au Treforier , &
pendre les Païfans . Il ajoûta que
cinquante Turcs & un Aga a-
- voient efté tuez de la Mine, que
les Imperiaux avoient fait jouër
ce mefme jour, a
Le 25. une Bombe des Affiegeans
renverfa fur la Rondelle
du Chafteau quelques Paliffades,
& deux ou trois cofres chargez
de terre & de pierres qui les foûtenoient.
Le General Dunewald
receut ordre de prendre langue
de l'Armée des Infidelles. Sur les
cinq heures du foir , les Affiegez
firent une Sortie avec 200. hommes
fur la droite de l'Attaque de
Lorraine , où commandoit le
Comte de Saur , qui les repouſſa
vigou
de Bude.
119
quelque
.
vigoureufement avec
perte de leut cofté , mais elle
ne les empefcha pas d'en faire
une autre fur la gauche , où é-.
toient les Troupes de Brandebourg.
Ils couperent la tefte à
quarante hommes , & après avoir
encore efté répouffez de ce coſté
là , ils revinrent de nouveau , 1 , &
poufferent ceux de Brandebourg,
qui furent contraints de quitter
leurs Lignes. Le Prince Charles
en fut averty , & fit incontinent
avancer les Bataillons de referve,
qui eftoient poftez le long du
Danube prés des murailles de la
Ville- baffe. Les Turcs plierent
-lors qu'ils virent ce fecours , &
quoy qu'ils en euffent receu du
Bacha,qui leur envoyoit dé temps
en temps de nouvelles Troupes
pour les foûtenir , ils rentrerent
dans la Ville aprés une Efcarmouche
I 20
Hiftoire du Siege
che qui dura prés de quatre heures.
Il ne demeura que vingt
des leurs fur la place. Ceux de
Brandebourg perdirent le Lieutenant
Colonel de leurs Gardes.
Le Baron d'Ati qui commandoit
le Corps de referve , fut bleffé
au pied d'un coup de Moufquet,
& l'Aide de Camp du Comte de
Staremberg eut les deux jambes
emportées d'un coup de Canon.
Le Baron de Hoenwart fut tué
avec un Enſeigne du Regiment
de Souches , & quelques autres
Officiers.
Le 26. on prepara toutes les
chofes neceffaires pour donner le
lendemain l'Affaut general . Le
Maréchal Caprara paffa le Danube
, & vint fe camper au milieu
des Imperiaux & des Bavarois
, afin de fermer le paffage
· par où les Ennemis auroient pû
fe
de Bude. 121
fe fauver , ou faire des Sorties
fur les Affiegeans. Le Prince
Charles, qui avoit refolu de faire
donner l'Affaut à la pointe du
jour , paffa toute la nuit dans la
Tranchée , & pendant ce temps
on executa la refolution que l'on
avoit priſe d'attacher aux Paliffades
une certaine compofition
de feu artificiel pour les brûler;
elle eut un tres- grand effet .
,
Le 17. au matin les Paliffades
eftant encore toutes enflâmées
par la quantité qu'on y
avoit mis de cette compofition,
on attendit pour donner l'Affaut
qu'une petite pluye , qui
commença à tomber , euft éteint
les feux qui fervoient comme de
défenſe aux Ennemis. Tous les
ordres avoient été donnez le jour
précedent à tous les Officiers Generaux
Subalternes qui devoient
F
7 122 Hiftoire du Siege
eftre employez aux 3.Attaques,&
ils fçavoient en quel lieu & en
quelle maniere ils devoient agir
lors qu'ils auroient oüy le Signal.
Ce Signal eftoit 3. décharges de
12.petites pieces de Canon du côté
de Peft,afin qu'on en puft entendre
le bruit auffibien au quartier
de Baviere, qu'à ceux de Lorraine
& de Brandebourg. Il fut
donné fur les fix heures du foir, &
auffi- toft ceux qui eftoient commandez
à l'Attaque de Lortaine,
marcherent en fort bon ordre
vers la groffe Rondelle à droit,afin
de fe loger fur la bréche . Quarante
Grenadiers ayant un Capitaine
à leur tefte avec un Lieutenant
& un Sergent , furent fuivis
de cinquante Fufeliers , &
d'un pareil nombre d'hommes armez
de faulx , fous les ordres
d'un Capitaine , d'un Lieutenam
,
de Bude. 123
nant , d'un Sergent , & des autres
Officiers fubalternels. Cent
hommes chargez de haches &
pelles eftoient à la premiere ligne,
commandez par un Capitaine
, par un Lieutenant , & par
un Sergent, & avoient deux cens
Moufquetaires pour les foûtenir.
Le Prince de Neubourg, Grand-
Maistre de l'Ordre, Teutonique
, commandoit en cet endroit
de l'Attaque , & le Marquis de
Nigrelli , General de Bataille ,
le Colonel Keth , le Baron Reder
, Lieutenant Colonel , & le
Lieutenant Major de Staremberg
l'accompagnoient pour
porter fes ordres , & les faire
executer avec plus de promptitude.
Le Comte de Souches, qui
avoit auprés de luy le Sergent
general Diepental , le Colonel
d'Oetingen , le Comte Jorger,
,
Fij
124 Hiftoire du Siege
1
Lieutenant Colonel , & le Sergent
Major de Croy, marcha au milieu
vers la Courtine , précedé de 50.
Grenadiers , de cent Fufeliers, &
-de cent autres hommes armez de
faulx & de bâtons ferrez par les
deux bouts . Ceux - cy ayant leurs
Officiers à leur tefte , avoient
auffi pour les foûtenir 200. Moufquetaires
& 5o.hommes avec des
haches & des bêches propres à faper
& à faire des logemens après
qu'on auroit chaffe les Ennemis
de leurs poftes. La difpofition fut
pareille à l'Attaque de Brandebourg.
Ceux qui devoient donner
à la bréche de la Rondelle à gauche,
eftoient foutenus d'un pareil
nombre de Moufquetaires , & avoient
ordre de faire grand feu
contre les Turcs fi- toft qu'ils fe
montreroient hors de leurs Coupures.
Les Heiduques furent
commandez pour donner une
de Bude. 125
fauffe alarme du cofté de l'eau ,
à l'endroit où l'embrafement du
Magafin avoit ouvert la Murailles.
Trois cens hommes les foutenoient
fous les ordres d'un Sergent
Major , de trois Capitaines
& des autres Officiers Inferieurs.
Tous les autres Generaux
furent poftez en divers endroits
pour y faire la fonction
de leurs charges fuivant le commandement
qu'ils avoient receu
. On avoit mis douce cens
hommes de reſerve dans un fond
au pied de la brêche , & ils devoient
s'avancer par files afin de
remplir la place de ceux qui feroient
tuez . Le General Dinghen
les commandoit. Le refte de l'Infanterie
eftoit deftiné pour s'avancer
de la mefme forte fi les
Generaux & les autre Officiers
à qui l'on avoit confié la garde
Y
Fiij
126 Hiftoire du Siege
de la Tranchée , l'euffent jugé
à propos. Tout ayant efté difpofé
de cette forte , les Troupes
Imperiales & celles de Brandebourg
marcherent en mefme
temps du coté des brêches ,
chacun en fon rang , tant les Of
ficiers que les Soldats , principalement
vers la grande Rondelle,
dont la maçonnerie n'avoit
pas
efté bien éboulée , quoy qu'on
y euft fait jouer plufieurs Mines.
Ce fut de part & d'autre
un feu effroyable & un bruit
terrible qu'on ne sçauroit exprimer.
Si le Canon , les Bombes
, les Carcaffes , les Grenades,
& la moufqueterie des Affiegeans
, firent un fracas qui euſt
pû épouvanter les plus intrepides
, le feu que firent les Affiegez
& par leur Canon & par
leurs Mortiers à pierres qu'ils ac- .
compagnerent d'une grefle de
de Bude.
127
Fleches , de Dards , de Bombes
ardentes , & autres Machines,
qu'ils faifoient rouler du haut
des brêches où ils s'expofoient
à corps découvert , fit voir aux
Chreftiens qu'ils avoient à faire
à des gens determinez qui leur
vendroient cherement leurs vies.
Les Imperiaux s'avancerent
bord jufqu'aux Paliffades , dont
les Ennemis avoient reparé les
bréches des Rondelles . Ils eurert
peine à y conferver leur
pofte , à caufe du grand nombre
de Fourneaux qu'on y fit
jouer. Plus de trois cens hommes
furent tuez ou accablez du
premier , & la refiftance des
Affiegez qui fut extraordinaire ,
fit reculer les Imperiaux juf
qu'à trois fois. Le Prince Charles
qui s'en appercent du lieu où
il donnoit les ordres , & qui les
F
128
Hiftoire
du Siege
રે
vit au milieu des feux , tant des
Machines que les Ennemis faifoient
rouler , que de neuf Mines
& de neuf fourneaux qu'ils
firent fauter en fort peu de
temps , s'avança luy - meſme au
pied de la brêche pour les foûtenir
avec de nouvelles Troupes
Sa prefence les anima telle.
ment , que voyant leur General
s'expofer comme eux au plus
grand peril , & vouloir fe rendre
témoin de leurs actions , ils
forcerent les Paliffades , & fe
rendirent maiftres de la grande
Rondelle où ils fe logerent. Ceux
de Brandebourg n'eurent
moins de fuccez à leur attaque.
Ils vinrent à bout de fe loger
fur la Courtine & fur la Rondelle
à gauche. Les Ennemis qui
s'eftoient retirez derriere les retranchemens
qu'ils avoient faits
pas
all
de Bude. 129
= au de- là des Paliffades , firent
leurs efforts pour les en chaffer,
& jetterent fur les uns & fur
les autres quantité de Fleches ,
de feux d'artifices , & d'autres
Inftrumens remplis de foufre ;
fur tout leurs Mortiers à pierres,
les Mines & les Sacs à poudre
aufquels ils mettoient le feu en
ſe retirant des Poftes qu'on les
forçoit de quitter , tuerent &
blefferent un grand nombre de
Chreftiens. La prefence du Prince
Charles qui ne voulut point
abandonner l'entreprife , contribua
fort à l'heureux fuccez qu'elle
cut. Chacun cherchoit à fe
fignaler avec une intrepidité qui
n'eft pas croyable , & les Soldats
à envy les uns des autres,
prenoient le Pofte que leurs camarades
leur abandonnoient en
perdant la vie. Les Imperiaux
F v
130 Hiftoire du Siege.
trouverent dans la grande Rondelle
deux Etendarts des Janiffaires
, & trois Pieces de Canon,
& ceux de Brandebourg en trouverent
fept & quelques Mortiers
dans la Rondelle dont ils s'étoient
emparez à gauche.
Pendant que l'on donna l'affaut
de ce cofté - là , l'Electeur de Baviere
le donna auffi du cofté de
fon attaque . Il avoit fait brûler le
jour precedent les Paliffades que
les Ennemis avoient plantées fur
la brêche, & fi-toft qu'on eut entendu
le Signal pour y monter,les
Fufeliers , & les Grenadiers avec
les hommes armez de haches qui
avoient fes ordres pour faper celles
qui pouvoient encore embaraffer
, fortirent de la Tranchée,
fuivis de cent Moufquetaires fous
un Capitaine & deux Lieutenans
, pour monter à l'affaut, tant
à
de Bude.
à droit qu'à gauche. Ĉent Travailleurs
marcherent en fuite, 25 .
avec des Pelles , & foixante &
quinze avec des faux , pour faire
un logement fur la hauteur de la
Rondelle, aprés qu'on s'en feroit
emparé. Ils eftoient fouftenus de
50. Fufeliers , de 30. Grenadiers,
& de 200. Moufquetaires. D'autres
Moufquetaires choifis avoiết
efté commandez pour feconder
de chaque cofté les trois Bataillons
Imperiaux , Bavarois & Saxons
qui devoient fouftenir les
premiers. On fe mit en marche
par les Ouvertures qui avoient
efté faites aux foffez vers la brêche
à droit & à gauche de la
Rondelle. En mefme temps toutes
les bateries commencerent à
tirer fur les brêches, & contre les
murailles hautes & les feneftres
des maifons du Chafteau, & l'on
jetta
132
Hiftoire du Siege
jetta auffi fans aucun relâche des
bombes & des carcaffes , dont il
y en eut quantité qui furent jettées
contre les retranchemens
des Affiegez , & entre les deux
premieres murailles du cofté du
Danube. Quoy que la muraille
fuft encore haute & difficile
à monter , on s'avança vers
la brêche à droit & à gauche
avec tant de valeur , de courage
& de conduite , que l'on
s'empara de la Rondelle , malgré
les coups de Moufquets que
les Ennemis tiroient fans ceffe
des Crenaux de cette meſme
muraille . On s'empara auffi à
gauche d'un lieu fitué entre les
maifons , & la muraille exterieure
, ce qui n'eftoit pas aifé
, parce que les endroits les
plus éminens du Chateau le
commandoient , & que l'on jettoit
de Bude .
133
toit de là fur les Affiegeans
une infinité de pierres , de Grenades
, de Bombes & de Sacs
à poudre. Ce feu continuel ne
put arrefter l'ardeur qui les emportoit
, & ils l'effuyerent avec
une bravoure qu'on ne peut affez
loüer, mais la nuit qui commençoit
d'approcher , ne permit pas
qu'on avançaft davantage. On
travailla à des Logemens fur la
Rondelle , & dans les autres Poftes
que l'on avoit occupez . L'Electeur
de Baviere fe tint expofé
au feu pendant toute l'action . Il
vifita tous les Poftes , & alla par
tout donner les ordres qu'il jugea
utiles pour la feureté & pour la
perfection du travail. Non feulement
il animoit les Soldats par
fa prefence , mais il les engageoit
à continuer de bien faire en leur
donnant des marques de fa liberali
F34
Histoire du Siege
ralité . Le Prince Louis de Bade
fit paroiftre auffi beaucoup d'intrepidité
, & demeura expofé
aux coups pendant toute l'efcarmouche
, afin qu'on apprift par
fon exemple à méprifer le peril.
Le Prince de Neubourg, le Prince
Eugene de Savoye , & plufieurs
autres Generaux montrerent
de leur cofté toute la bravoure
qui pouvoit donner un
nouveau courage aux Attaquans,
& la fermeté avec laquelle ils les
voyoient foûtenir le grand feu
des Ennemis , fervit beaucoup à
leur faire remporter les avantages
qu'ils eurent en cette journée.
Ce que firent les Heiduques
ne fut pas confiderable. Auffi ne
faifoient- ils qu'une fauffe attaque
afin d'attirer les Ennemis de
ce cofté- là . Ils y trouverent les
Poftes tres -bien garnis , à caufe
que
de Bude..
135
*
que c'eftoit l'endroit où te Magafin
avoit fauté , & par confequent
le plus découvert. L'affaut:
dura trois heures avec grand
perte du côté des Affiegeans . Ils .
eurent prés de deux mille hom .
mes tuez ou bleffez , fans un fort
grand nombre d'autres qui furent
brûlez ou enterrez par les
mines. Le Prince Charles fut
atteint legerement d'un coup de
pierre à la jambe , & le Sieur
d'Artein fon Ayde de Camp general
de ce Prince , fut tué auprés
de luy. Le Duc de Croy qui
n'avoit receu d'abord qu'une
bleffure peu confiderable , receut
enfuite un coup de Moufquet qui
luy perça le genoüil . Le Duc de
Curland Colonel dans les Troudes
de Brandebourg , fut bleffé
dangereufement , auffi bien que
le Comte Schileck, & le Marquis
Sa
136
Hiftoire
du Siege
,
Sanati . Le General Major de
Thingen le fut mortellement à la
teſte. Le Baron d'Afti qui n'eſtoit
pas encore guery d'une bleffure
qu'il avoit receu e deux jours auparavant
, eut les deux cuiffes
percées , & le Baron de Welbersheim
, les deux bras caffez . Le
Prince de Comercy qui s'eft
toûjours fignalé dans les occafions
où il y avoit le plus de peril
à effuyer , receut auffi une legere
bleffure. Les autres bleffez
dont on a pû jufqu'icy fçavoir les
noms , furent le Duc de Scalona ,
le General Major Diepenthal , le
Comte & le Chevalier d'Apremont
, Freres , le Colonel Goeling
; le Comte d'Archinto ; le
Comte Zacco Sergent Major , le
Lieutenant Colonel Rotten ; le
Comte de Saur ; le Sieur Reder,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Bude 137
ment de Neubourg . Le Sergent-
Major Pini , le Marquis de la
Verne , le General Rummel , le
Baron de Welberg , Lieutenant
Colonel de Beck , avec plufieurs
Officiers de ce mefme Regiment:
le Comte de Palfi , Lieutenant
Colonel ; le Baron d'Aversberg,
le Sergent Major , un Capitaine
& un Lieutenant de Staremberg,
& plufieurs autres Officiers
des Regimens de Bade , de Beck,
de Steinau, de Rummel , de Selbolftoff,
de Gallensfels , & autres.
Le Comte de Dona , & le Sergent
Major de Marwitz , furent
tuez à l'attaque de Brandebourg.
Le 28. on dreffa une Batterie
fur la Rondelle du milieu , dont
les Imperiaux s'eftoient rendus
maiſtres à l'Attaque de Lorraine ,
& l'on applanit les bréches , afin
d'y
138 Hiftoire du Siege
d'y pouvoir guinder l'Artillerie .
On travailla à perfectionner les
Lignes de communication des
logemens , & l'on pourfuivit le
travail de trois Mines , qui avoient
efté commencées fous la
feconde Muraille incontinent aprés
l'Affaut du jour précedent.
Le Mineur fut attaché en deux
endroits de cette mefme Muraille.
Ceux de Brandebourg tirerent
une Ligne paralelle à cette
Attaque .
Le 29. on fit fauter deux mines
à l'Attaque de Lorraine. Il y
en eut une qui renverfa quinze
toifes de maçonnerie dans le Foffé
. Elle ne laifferent pas de caufer
du dommage aux Affiegeans ,
puis que deux Capitaines des
Troupes de Brandebourg , & environ
cinquante Fantaffins , la
plufpart des mefmes Troupes.
£u
de Bude.
139
furent enterrez fous leur debris .
Une Batterie de trois pieces de
Canon fut achevée ce jour - là à
la mefine Attaque . Quelques Armeniens
fugitifs vinrent avertir
que plus de mille perfonnes , hommes
, femmes & enfans , avoient
efté tuez dans la Place le jour
qu'on avoit donné l'Affaut ; qu'une
grande quantité avoient voulu
fe fauver du cofté de la Ri
viere , mais qu'ils y avoient trouvé
tous les Bateaux enchaifnez;
que la Garnifon n'eftoit plus que
de mille Combattans , & que le
Muphti les exhortoit inceffammet
à fe rédre,mais que le Bacha
les animoit à refifter jufqu'au
bout par l'efperance du fecours
qu'il attendoit ; qu'il y avoit par
tout des Retranchemens & des
Coupures , & qu'à la derniere
extremité il avoit efté refolus
qu'on
140 Hiftoire du Siege
qu'on mettroit le feu aux Magagafins
, pour faire fauter la Ville
avec tous ceux qui fe trouveroient
dedans. La nuit , les Bavarois
avancerent environ de quarante
pas dans la Rondelle du
Chafteau , en tirant du cofté de
la Riviere , avec perte de cinquante
hommes , & ils y firent
mener deux pieces de Canon,afin
d'élargir la bréche de la feconde
Muraille .
Le 30. le Comte de Souches
& le Comte de Lodron ,Major de
Cavalerie , monterent la Tranchée
. Ce dernier avoit efté nommé
pour la relever , aina que le
Comte de Stirum , auffi Major de
Cavalerie , parce qu'il n'y avoit
plus que le Comte de Nigrelli ,
Major general d'Infanterie , qui
puft fervir. On fit jouër ce jourlà
une troifiéme Mine à l'Attaque
de Bude. 141
que de Lorraine , & deux à l'Attaque
de Baviere, qui firent affez
d'effet. Cependant le Prince
Charles jugeant qu'il y alloit du
fervice de l'Empereur de ne pas
expofer la Ville à l'affaut & au
pillage , envoya une ſeconde fois
fommer le Commandant de fe
rendre. Comme il eftoit déja
tard , les Affiegez prierent les Députez
d'attendre jufqu'au lendemain
la réponſe qu'ils leur demandoient
, parce qu'il falloit affembler
le Confeil fur une affaire
d'une fi grande importance.
Le 31. le Prince Eugene de
Savoye & un Interprete allerent
à la Porte de la Ville , où aprés
qu'on les eut fait attendre une
heure & demie , on leur apporta
deux Lettres du Commandant,
l'une adreffée au Prince Charles,
&
142 Hiftoire du Siege
& l'autre à l'Electeur de Baviere .
Elles contenoient , que la confervation
de Bude , qui eftoit la clef
de Conftantinople & de Jerufalem,
eftoit d'une telle confequence
pour les Ottomans , qu'il ne
pouvoit fe refoudre à la remettre
entre les mains des Chreftiens
mais qu'on n'avoit qu'à
choifir une autre Ville , & qu'il
eftoit preſt à la donner , efperant
par là qu'on luy voudroit bien
accorder la Paix . Ce mefme jour
le premier Capitaine d'Artillerie
eut le bras percé , & le Comte de
Staremberg , en reconnoiffant la
bréche, receut un coup de Moufquet
qui luy emporta un doigt,
& le bleffa à l'épaule . La fièvre
qui luy furvint , accompagnée
d'une diffenterie , l'obligea de fe
faire tranfporter à Comore , où le
Prince de Vaudemont , qu'une
vio
de Bude.
143
violente maladie avoit forcé de
quitter le Camp , eftoit déja depuis
quelques jours. Sur les huit
heures du foir , les Affiegez qui
n'avoient point eu de réponſe,
envoyerent deux Agas au Prince
Charles , & emmenerent avec
eux le Baron de Crentz , Ayde
de Camp du Prince Louis de
Bade , & un Interprete. On crut
que le Commandant avoit deffein
de capituler , mais toute la
negociation aboutit encore à dire
, qu'il feroit livrer telle Ville
qu'on voudroit fi on levoit le
Siege de Bude , ou qu'il rendroit
cette Place pourveu qu'on fift
une Paix generale avec l'Empire
Ottoman . Le Prince Charles
voyant que l'on n'avoit point
d'autres propofitions à luy faire,
renvoya les deux Agas , & rappella
les Oftages. Ils dirent qu'on
les
144 Hiftoire du Siege
les avoit receus fort civilement,
& qu'à leur départ ils avoient
veu beaucoup de confternation
dans la Ville. On fceut ce jour
là que l'Aga des Janiffaires eftoit
mort des bleffures qu'il avoit receues
à l'Affaut du 27. & qu'il y
avoit plus de deux mille hommes
des Ennernis bleffez ou malades.
Le premier jour d'Aouft les
Imperiaux firent jouër une Mine
qui eut un tres - bon effet. Elle fit
bréche dans la feconde Muraille,
& ébranla mefme la troifiéme , ce
qui obligea les Affiegez d'y accourir
en grand nombre. Les
Bavarois profiterent de ce moment
pour attaquer le Chafteau .
Ils y entrerent , mais ils ne purent
fe maintenir dans le logement
qu'ils y avoient commencé.
Le Marquis de la Vergne,
Gene
de Bude . 145
General Major , receut deux
coups de Fléches , dont l'un luy
perça le bras & l'autre la cuiffe .
Le Lieutenant Colonel de l'Artillerie
en receut un autre au ventre.
Quatre Fugitifs vinrent a-,
vertir que les Affiegez travailloient
à une Mine pour faire fauter
la grande Rondelle dont les
Imperiaux s'eftoient emparez. Le
General Dunewald arriva au
Camp avec la Cavalerie qu'il
commandoit aux environs de
Stulweiſembourg.
Le 2. le Comte Caraffa , Major
General, & le General Heufler
, arriverent auffi au Camp,
avec un Corps de quatre mille
hommes qu'ils commandoient
dans la haute Hongrie du cofté
de Zolnoch , & ils prirent leurs
poftes au delà du Danube , où
deux mille Hongrois comman-
G
146
Hiftoire du Siege
dez par le Comte Budiani les
joignirent . La nuit on travailla
aux Lignes de circonvallation
, pour arrefter le fecours des
Ennemis.
Le 3. on vit paroiftre des Avant-
coureurs de l'Armée des
Infidelles, & les Affiegez firet une
falve de tous leurs Canons . Comme
on s'eftoit difpofé à donner
un troifiéme Affaut , les Affiegeans
firent jouer une Mine , mais
elle n'eut pas l'effet qu'on en avoit
eſperé , & la bréche ne s'êtant
pas trouvée affez profonde,
le Prince Charles envoya dire à
l'Electeur de Baviere qu'il ne jugeoit
pas à propos de donner
l'Affaut. Les Troupes de cet Electeur
ne laifferent pas d'y monter
, foit que l'ardeur qui les ani
moit leur fift avancer l'heure du
Combat , foit qu'elles euffent
pris
de Bude.
147
-
pris le bruit de la Mine pour le
Signal dont on étoit convenu . Le
Prince Charles qui en eut avis
fit donner l'attaque de fon cofté .
Les Affiegez au nombre de plus
de deux cens , fe montrerent fur
la Bréche , le Sabre à la main , &
le corps tout découvert. Les Femmes
& les Enfans y parurent
mefme tirant des Fléches , &
faifant rouler des pierres. Il y
eut beaucoup de vigueur de part
& d'autre , & la refiftance fut
telle du cofté des Ennemis , que
tout ce que purent faire les Imperiaux
, ce fut d'avancer leurs
Logemens jufqu'au pied de la
troifiéme muraille. Ils eurent plus
de deux cens hommes tuez ou
bleffez. Les Bavarois fe faifirent
de deux ouvrages , où ils trouverent
du Canon & des Mortiers ;
mais ce ne fut pas fans perdre
G
11
148 Hiftoire du Siege
beaucoup de monde . Le Prince
de Bade receut une contufion
d'une Balle de Moufquet qui luy
perça le Ceinturon & le Jufte
au corps par derriere , & le Prince
Eugene eut un coup de Fléche
, dont le fer luy entra entierement
dans la main . Le Comte
de Caunits , Lieutenant Colonel
du Regiment de Metternich , le
Comte Hermeftein Lieutenant
Colonel de Souches , le Sieur de
Breffey , Gentilhomme Bourguignon
, Major du Regiment de
Grana , & le Major du Regiment
de la Vergne, furent bleffez à l'attaque
des Imperiaux avec plufieurs
autres Officiers. Il y eut un
jeune Comte de Staremberg tué
au commencement de cet Allaut.
Le Chevalier Huberti , Capitaine
des Gardes de l'Electeur de
Baviere , fut bleffé à l'attaque des
Ba
de Bude. 149
Bavarois avec quelques Officiers,
qui ne pûrent obliger les Fantaffins
à les fuivre , tant ils eftoient
rebutez par le feu des Ennemis,
& par les Bombes , Pierres & Grenades
qu'ils jettoient fur eux du
haut du Chateau.
Le 4. on continua de, canonner
& de bombarder la Ville , &
Fon eut avis que l'Armée Ottomane
s'approchoit . On acheva
les deux logemens à droit & à
gauche de la grande Rondelle,
& l'on conduifit quatre pieces
de Canon fur la bréche . On mit
plufieurs rangs de Pali ffades, dont
on fortifia les Travaux , que l'on
avança fort prés des Retranchemens
des Affiegez . Le Prince
Charles employa ce jour à vifiter
tous les Poftes , & à difpofer tout
ce qu'il crut neceffaire pour
eftre en eftat d'aller au devant
G iij
150 Hiftoire du Siege
de l'Armée des Ennemis.
l'Ar-
Le 5. on ne fit que travailler
aux Lignes de circonvallation, &
de contrevallation , & à des Redoutes.
On travailla auffi à des
Mines, à de nouvelles Bateries, &
à combler le Foffé à l'Attaque des
Imperiaux . On eut avis que
mée des Ottomans s'avançoit
toûjours , & que le Grand Vifir
la commandoit en perfonne. On
détacha auffi- toft differens partis ,
afin d'en avoir des nouvelles affeurées
; & cependant la garde
fut redoublée dans tous les Pofles
. Les Affiegez jetterent quantité
de Bombes. Il y en eut une
qui tomba à trois pas du Prince
Charles proche les Bateries des
Imperiaux. Elle mit le feu à
quelques barils de poudre , tua
vingt Canonniers ou Soldats , &
en bleffa plufieurs autres. Pendant
de Bude. 151
dant la nuit les Affiegez firent
defcendre un Batteau chargé de
monde & de meubles,ce qui obligea
de faire un Pont prés de Pefty
pour empefcher que la mefme
chofe n'arrivaft encore , & pour
avoir le fourage plus commodement.
Le 6. les Huffars , après avoir
battu un Party de trente Turcs,
qui s'eftoient détachez pour donner
quelques avis au Bacha de
Bude , amenerent quatre Prifonniers
, par lesquels on fçeut qu'il y
avoit une Armée de vingt mille
hommes du cofté de Stulweiſembourg,
fous le commandement du
Seraskier , & que le Grand Vifir
devoit fuivre avec une Armée de
trente mille hommes, & quarante
pieces de Canon . Le Prince Charles
donna auffi toft fes ordres
pour faire tranſporter les Mala-
Güij
152 Hiftoire du Siege
des , les Bleffez , & tout le bagage
fuperflu dans l'Ifle de S. André;
l'on travailla avec toute la diligence
poffible à perfectionner les
Ouvrages neceffaires pour mettre
le Camp en feureté , & pour
empefcher que les Ennemis ne
fecouruffent la Place . Les Bavarois
firent jouer un Fourneau qui
réüffit affez bien . Il y en avoit encore
un autre mais les Mineurs
ayant rencontré ceux de la Ville,
ne le pûrent achever.
,
Le 7. comme on fe trouvoit
fort incommodé d'une Batterie
que les Affiegez avoient derriere
la petite Rondelle , on en dref
fa une de deux . Canons pour la
démonter . Elle fit l'effet qu'on
en avoit attendu . Les , Bavarois
en firent
firent jouer une nouvelle ,
qui eftoit auffi de deux pieces
de Canon. Ils l'avoient dreffée fur
un
de Bude.
153
un échafaut bien élevé au bout
de la premiere muraille de la
Rondelle , pour abatre le Chafteau
. La nuit, on tâcha de combler
le Foffé avec des fafcines,
mais tout ce qu'on y jetta fut confumé
par des fléches ardentes que
tirerent les Affiegez , & qui y mirent
le feu. Sur le midy on fceut
par des Prifonniers que toute l'Armée
Ottomane devoit s'affembler
le lendemain devant Albe Royale.
On vint dire le foir qu'il y en
avoit partie arrivé à une lieuë du
Camp , du cofté du Chateau où
eftoit l'Attaque des Bavarois.Cela
obligea le Prince Charles à changer
fon Camp. Il fit occuper les
hauteurs & les vallons qui environnent
la Place , & nomma les
Regimens que l'on devoit envoyer
au devant des Ennemis, &
ceux qui demeureroient pour
G V
154 Hiftoire du Siege
continuer le Siege. On eut avis
ce jour là que le General Schults
eftoit mort. Il commandoit un
Camp- volant entre la Save & la
Drave.
Le 8. à la pointe du jour , trois
mille Turcs & Tartares parurent
fur une hauteur. Ils enleverent
deux Gardes avancées de douze
hommes chacune , & aprés avoir
efcarmouché avec les Huffars,
ils fe retirerent fur le midy. Cent
cinquante Hongrois qui avoient
efté détachez pour reconnoiftre
l'Armée des Infidelles , & qui
revenoient au Camp avec quelques
Prifonniers , tomberent entre
leurs mains , & en furent taillez
en pieces , à la referve de
quelques- uns qui en apporterent
la nouvelle. Ce mefme jour
les Affiegez ayant ouvert la Porte
du Chafteau , on fit un déta
de Bude.
155
tachement à l'attaque de Baviere
, pour s'avancer de ce coſtélà.
On en vit un fort grand nombre
le fabre à la main derriere
leurs retranchemens , & ils jetterent
tant de Grenades, qu'on fut
obligé de fe retirer , avec perte
de foixante hommes. On continua
de mettre les Lignes de Circonvalation
en défenfe , en les
fortifiant avec des Redoutes , fur
lofquelles on plaça quelques pieces
de Campagne.Douze hommes.
furent tuéz ou bleffez à une Batterie
à laquelle on travailloit depuis
plufieurs jours , & que les
Bombes des Ennemis ruinerent.
&
Le 9. les Tartares & les Turcs
revinrent fur le midy le long de
la Montagne vis à vis le Camp
de l'Electeur de Baviere
pafferent tout le jour à efcarmoucher.
Quoy qu'ils ne fuffent
pas,
156
Hiftoire
du Siege
pas en affez grand nombre pour
forcer les Lignes, ils ne laifferent
pas d'incommoder , parce qu'on
fut obligé de fe tenir toûjours
fous les Armes. Une Bombe des
Affiegez tomba à l'Attaque des
Imperiaux au milieu de plus
de mille Grenades . Elle mit le
feu à quelques unes dont quatre
ou cinq Moufquetaires furent
tuez. Le Comte d'Archinto
fut bleffé legerement. On pour
fuivit le travail des Mines que
l'on deftinoit à renverfer la feconde
muraille, & les retranchemens
des Paliffades dont les Ennemis
avoient reparé les brèches,
& les Heiduques furent employez
à faire des Fafcines & des
Sacs à terre , pour en remplir les
Foffez, qui eftoient de la hauteurde
deux piques .
Le 10. les Affiegez firent une
for
de Bude. 157
fique
fortie à l'Attaque des Bavarois,
& couperent la tefte à quarante
hommes qu'ils trouverent dans la
Rondelle du Chateau. Un gros
de Turcs au nombre de douze
ou quinze cens , s'approcha du
Camp , mais ils n'eurent pas
toft aperceu un détachement.
commandoit le General Dunewald,
qu'ils prirent la fuite .Trente
Huffarts ayant rencontré
quarante
Turcs, les combatirent . Ils.
en tuerent fix , & firent cinq
Prifonniers , parmy lefquels eftoit
un Aga , qui ayant efté déja pris
il y a quelques années , avoit
payé huit mille écus de rançon.
Ils dirent que le Seraskier avoit
ordre de fecourir Bude à quelque
prix que ce fuft ; mais qu'ils
croyoient que l'on auroit peine
à l'engager au Combat .. Un Efpion
vint donner avis que l'Armée
158 Hiftoire du Siege
mée Otomane, compolée de plus
de foixante mille hommes , eftoit
campée le long du Danube à
trois lieues des Affiegeans. Il dit
qu'il avoit efté la reconnoiftre en
habit de Tartare , que le Serafkier
la commandoit , qu'elle occupoit
deux lieues d'étendue, &
que le grand Vifir eftoit demeuré
derriere avec mille hommes
qu'il avoit retenus pour le
garder.
La Ligne de communication
de l'attaque des Bavarois avec
celle des Imperiaux fut achevée
, & un Foffé profond que
l'on fit avec des bons épaulemens,
mit leur Quartier hors d'eftat
d'eftre infulté par les Ennemis.
Le 11. deux mille Chevaux
Turcs parurent fur la hauteur vis
à vis de l'Attaque de Baviere.
Quelques Efcadrons furent dé
tachez pour les aller reconnoitre.
de Bude.
159
tre. Il y eut une Efcarmouche
dans laquelle
le Prince
Charles
de Neubourg
eut un Cheval
tué
fous luy ; mais les Infidelles
commencerent
à defcendre
en fi grad
nombre
qu'il fut impoffible
de
les fouftenir
. Ainfi il falut fe retirer,
& fe contenter
de faire fur
eux un feu continuel
de Canon .
Trois Mines
furent
miſes en état
de jouer le lendemain
. La plus
grande
avoit huit Chambres
, &
leur charge
eftoit de cinq milliers
de poudre
. Comme
on avoit
refolu
d'aller
à l'Affaut
fi elles
réuffiffoient
, le Prince
Charles
commanda
trois mille hommes
de pied avec quinze
cens Chevaux
ou Dragons
, pour les foûtenir
. Le Comte
Petnehafi
arriva
au Camp
avec trois mille
Hongrois
,
Le 12. on fit jouer les trois Mines,
160
Hiftoire du Siege
nes, dont la plus grande n'eut aucun
effet , ce qui fit croire qu'el
le avoit efté découverte, & qu'on
en avoit tiré les poudres. Les
deux autres ne firent qu'une ouverture
pour dix hommes de
front , encore n'eut- elle pas efté
pluftoft faite que les Affiegez la
reboucherent par le moyen des
chevaux de frife , de forte que
l'on ne jugea pas qu'on d'euft
hazerder l'affaut ,
, quoy qu'on s'y
fuft déja difpofé . On fit retirer
les detachemens , & les Mineurs
eurent ordre de commencer un
nouveau travail . Les Mines jettérent
dans la Tranchée quantité
de pierres , dont plufieurs des
Affiegeans furent bleffez ,entr'autres
le Prince de Wirtemberg , le
Comte de Ridberg , & les Lieutenans
Colonels des Regimens de
Lodron de Neubourg. L'Armée
des
de Bude. 161
des Infidelles vint camper fur le
haut d'une Montagne qui n'étoit
pas fort éloignée des Lignes.
Ceux qu'on avoit envoyez pour
s'en informer,rapporterent qu'elle
eftoit de cinquante mille hommes
avec du Canon .
Le 13. les Affiegez firent une
fortie à cheval fur la grande Garde
des Imperiaux ,dont ils tuerent
douze hommes , & emmenerent
quatre Prifonniers qu'ils firent .
Le Comte de Colonitz , Page du
Prince Charles , & un Trompette
de l'Electeur de Baviere , eurent
la tefte coupée dans cette
efcarmouche. Les Turcs parurent
en bataille devat leur Camp,
& comme ils firent defcendre une
partie de leur Armée, on crut
qu'ils avoiet envie de döner combat.
Cela obligea le Prince Charles,
quidésle jour precedent avoit
fait
162
Hiftoire du Siege
fait fortir des Lignes toute la Cavalerie
, Dragons , Huffars , &
Croates,d'en faire auffi fortir l'Infanterie
, à la referve de vingt
mille hommes ,aufquels il en confia
la garde , & celle des trois attaques.
On forma deux Efcadrons
de la plupart des Volontaires , &
deux mille Heiduques , & un pareil
nombre de Hongrois , furent
commandez pour faire l'avantgarde
de l'Armee , & pour venir
les premiers aux mains fi les
Turcs vouloient entreprendre
quelque chofe. Ceux qu'on avoit
veus d'abord ne tenterent rien,
& fe retirerent le foir dans leur
Camp.
Le 14 dés fix heures du matin
, on s'apperceut qu'ils avoient
formé un corps de trois mille Janiffaires
& d'environ 5000. Chevaux
, qui devoit fervir d'avantgarde,
de Bude.
163
que
garde à leur Armée , tandis
le refte demeureroit derriere rangé
en bataille pour les fouftenir.
On apprit que leur deſſein eftoit
de faire paffer les trois mille Janiffaires
entre le quartier des Imperiaux
, & celuy de Brandebourg,
& que pendant l'action les Affiegez
devoient faire une Sortie
pour leur faciliter le paffage, &
leur donner moyen d'entrer dans
la Ville.En meſme temps le Prince
Charles commanda le Comte
de Dunewald pour former l'aifle
gauche de la Bataille avec neuf
Kegimens Imperiaux , qui furent
ceux de Caprara , Palfi , Taff, Lodron
, Neubourg , Furftemberg,
Stirum , Serau, & Schultz , & huit
cens Huffars. Le General Heufler
eut la droite avec un pareil
nombre de Regimens , tant Imperiaux
& Bavarois, que de ceux
de
164 Hiftoire du Siege
de Saxe & de Brandebourg , qui
occuperent une hauteur dont le
terrein leur eftoit avantageux, &
d'où tous les mouvemens des Ennemis
pouvoient eftre décou
verts . Le gros de l'Armée eftoit
difpofé en fort bon ordre , &
dans une diſtance de terrein- qui
luy donnoit facilité de charger
tout ce qui s'avanceroit pour fecourir
Bude. Les huit mille Janiffaires
& Spahis qui devoient
forcer les Lignes, après avoir voltigé
derriere les hauteurs pendant
deux heures , prirent leur
marche entre ces mefmes hauteurs
, & rencontrerent d'abord
les quatre mille hommes de l'Avantgarde
, qui furent rompus au
premier choc. Le Baron de Mercy
les voyant plier , ſe mit à la
tefte du Regiment de Schultz
pour les fouftenir , & en faifant
fermé,
de Bude. 165
>
ferme , il donna le temps au
Comte de Dunewald d'avancer
avec les Regimens de Taff , de
Lodron , & autres. Ce fut alors
que l'on vint à un Combat tresrude
& tres - opiniaftré . Les
Infidelles furent chargez avec
toute la vigueur poffible , & ces
Regimens faifant leurs decharges
à propos , renverferent
leur
Cavalerie qui prit la fuite & abandonna
les Janiffaires. Il y en
eut deux mille de tuez . Chacun
d'eux portoit quatre à cinq Grenades
, & ils avoient tous , les uns
des haches , les autres des pelles
pour rompre les Lignes & les
applanir s'ils euffent pu aller jufques-
là. On prit huit pieces de
Canon , quarante Etendarts , &
fon fit quatre à cinq cens Prifonniers.
Aprés le Combat , les
Infidelles firent divers mouvemens
166
Hiftoire du Siege
mens en s'avançant dans la Plaine
oppofée au Čamp de l'Electeur
de Baviere , qui ayant fait
auffi fortir fon Armée des Lignes
, la tenoit en ordre de Bataille.
Il fut refolu dans un Confeil
general qui fe tint , qu'on iroit
les attaquer , ce qui fut executé
par cet Electeur , mais ſe voyant
pourfuivis ils fe retirerent dans
leur Camp.Le Comte de Dunewald
, & le General Heufler , qui
s'étoient avacez avec les Huffars
par de là les hauteurs , rencontrerent
un gros de Spahis , que
les Ennemis avoient laiffé pour
couvrir leur retraite. Ils en tuerent
prés de deux cens , & en
firent trente Prifonniers. Il n'y
eut qu'environ cent hommes tuez
du cofté des Imperiaux , entre
lefquels fe trouvèrent le Comte
de Lodron , Lieutenant Colonel
de Bude. 167
nel du Regiment de Croates de
ce nom , & le Major du Regiment
de Caprara On fceut que
les Tures avoient perdu plus de
quatre mille hommes , fans un
fort grand nombre de bleffez, &
qu'ils eftoient d'autant plus touchez
de cette perte , que les Janiffaires
qui avoient eſté tuez
eftoient l'élite de leurs Troupes,
& que c'eftoit par eux principalement
qu'ils s'eftoient flatez
de pouvoir jetter du fecours dans
Bude. Les Affiegez firent une
fortie pendant le Combat , mais
ils furent fi vigoureufement repouffez
, qu'ils tarderent peu à
fe retirer. L'Armée Imperiale
eſtant retournée dans ſon Camp ,
& celle de l'Electeur de Baviere
dans le fien , on fit une falve de
tout le Canon des trois Attaques.
On expofa fur des Piques
plu
168
Hiftoire du Siege
plufieurs teftes de ceux qui avoient
efté tuez dans le Combat
, & l'on planta fur la brêche
les Drapeaux gagnez , afin que
les Affiegez ne puffent douter
de la Victoire qu'on venoit de
remporter. La nuit on furprit
deux Efpions avec des lettres
pour le Grand Vifir. Le Bacha
de Bude luy mandoit qu'il avoit
beſoin d'un prompt fecours , &
qu'il falloit fe fervir de la nuit
pour enfoncer les Lignes des Affiegeans
; que pour luy il s'eftoit
retranché dans la Ville , mais
qu'ils eftoient trop avancez pour
leur pouvoir refiſter.
Le 15. on connut que les
Ennemis avoient decampé , &
qu'ils s'eftoient éloignez de deux
lieuës. Le Prince Charles ordonna
qu'on fift enterrer les
Morts qui eftoient demeurez
dans
de Bude.
169
dans le Champ de Bataille , afin
qu'ils n'infectaffent point l'air, &
aprés avoir envoyé aux Affiegez
un des Prifonniers qu'on avoit
faits , pour les informer de
l'heureux fuccez du jour precedent
, qui les devoit empefcher
d'efperer aucun fecours , il fit
partir le Comte de Lamberg
pour aller fommer la Ville , mais
il ne fut pas pluſtoſt arrivé à la
porte , qu'ils commencerent à
tirer fur luy , de forte qu'il fut
obligé de fe retirer . Le foir,
on apprit par un Transfuge que
trois Bachas eftoient demeurez
au dernier Combat que le
Grand Vifir avoit fait couper
la tefte à un autre , & qu'at- '
tribuant au Seraskier le mauvais
fuccez de cette journée , il
l'avoit infulté avec toutes for-
H
>
170 Hiftoire du Siege
tes de marques de, mépris & de
colere.
Le 16. les Affiegez firent joier
une Mine à l'Attaque des imperiaux
, & fortirent en mefme
temps pour tâcher de profiter de
la confufion où ils croyoient les
trouver dans leurs Tranchées,
mas ils connurent que leur Mine
n'avoit eu aucun effet , & fe retirerent
avec quelque perte . Les
Imperiaux mirent le feu aux Paliffades
de la brêche , & en brû
lerent une partie , mais les Affiegez
en remirent d'autres pendant
la nuit. On s'apperceut
qu'il y en avoit un double rang
derriere les premieres , & qu'ils
les avoient moüillées , afin d'empefcher
que celles qui eftoient
en feu ne les confumaffent.Cinq
Polonois qui vinrent ſe rendre,
rapporterent que les Jani ffaires
avoient
de Bude. 171
avoient declaré qu'ils ne vouloient
plus aller au Combat, parce
que la Cavalerie les abandonnoit
toûjours dans le peril. Ils
ajoûterent que le Grand Vifir en
avoit fait mourir quelques - uns
pour remettre les autres dans l'obeillance.
Le 17. une Mine des Affiegeans
fut éventée à l'Attaque des
Imperiaux. Un Transfuge rapporta
que le foir qu'on avoit brulé
les Paliffades , prés de cent
Turcs avoient été bleffez ou tuez
par les Bombes qu'ils y avoient
enterrées , & aufquelles ils auroient
mis le feu , fi Ton euſt
monté à l'affaut ; qu'il ne reftoit
dans la Ville qu'environ mille
hommes capables de porter les
armes , mais que chacun eftoit
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang. Six
.
H ij
172 Hiftoire du Siege
Fantaffins qui avoient merité la
mort , monterent par ordre de
l'Electeur de Baviere au haut du
Chafteau pour en découvrir le
dedans , mais les Affiegez qui les
découvrirent les firent defcendre
trop toft. La nuit , trente
Volontaires qui s'eftoient détachez
voulurent mettre le feu aux
Paliffades qui défendoient la
brêche de la derniere enceinte
de la Place , mais il y avoit des
poudres répandues aux environs
qui en brûlerent quelquesuns
, & les Affiegez en tuerent
quelques autres , de forte qu'ils
ne purent executer leur def
fein.
Le 18. deux Polonois qui s'étoient
fauvez de l'Armée des
Turcs, rapporterent que le Grand
Vifir avoit promis trente écus
à chacun des Janiffaires qui
pour
de Bude.
173
pourroient forcer les Lignes &
fe jetter dans la Place , qu'ils s'étoient
mis en marche au nombre
de deux mille avec quantité
de Tartares , pour aller gagner
les Montagnes qui regardent la
Ville- baffe , que c'eftoit par là
que les Ennemis pretendoient
faire entrer dans Bude le fecours
que le Commandant continuoit
de preffer , & qu'ayant un Pont
à cinq lieues du Camp des Chrétiens,
ils avoient envoyé du monde
en de là du Danube pour
faire diverfion. Oń fit jouer une
Mine à l'Attaque des Imperiaux
, &le peu de ffuucccceezz qu'elle
eut , obligea de differer l'Affaut
general , & de retirer les
détachemens que l'on avoit faits
à ce deffein. La nuit , on refolut
de nouveau de brûler les Paliffades
, & trois cens hommes
-
Hiij
174 Hiftoire du Siege
furent commandez pour cela ,
mais il n'y eut qu'un fort petit
nombre de Grenadiers qui monterent.
Le grand feu que firent
les Affiegez , & la quantité de
Grenades & de Sacs à poudre
qu'ils jetterent , épouvanterent
fi fort les Moufquetaires qui les
devoient fouftenir , qu'une partie
fe cacha , en forte que les
Officiers s'avancerent prefque
feuls.
Le 19.les Imperiaux tâcherent
de fe pofter fur la petite Rondelle
de la feconde muraille,mais
la refiftance qu'ils trouverent les
en empefcha . Ils eurent prés
de quarante hommes tuez , ou
bleffez. On fut averty par un
Transfuge que le Grand Vifir
avoit commencé de fe mettre
en marche pour revenir vers le
Camp des Affiegeans mais
qu'ayant
de Bude.
175
qu'ayant appris d'un Deferteur
qu'il leur eftoit arrivé un corps
de dix mille hommes , cette nouvelle
l'avoit obligé de retourner
fur fes pas , & que vingt - cinq
mille Tartares eftoient au de- là
du Danube peur tâcher d'y faire
diverfion.
Le 20. à la pointe du jour,
pendant que l'Armée Ottomane
venoit le mettre en Bataille devant
le Camp de- l'Electeur de
Baviere , deux mille Janitaires
qui s'eftoient tenus cachez la
nuit , defcendirent par le grand
Vallon aprés que le Biouac fe fut
retiré , & ils paffetent les Lignes.
de circonvallation que l'on n'avoit
pû laiffer garnies faute de
monde. Ils poufferent la grande
Garde , mais les Generaux
Caprara, & Heufler s'eftant trouvez
heureuſement à cheval , y
Hij
176
Hiftoire du Siege
accoururent. Ils couperent ceux
qui avoient déja forcé les retranchemens
, & les taillerent en pieces
, mais toute leur refiftance,
quoyque des plus vigoureuſes ,
n'empefcha pas que prés de trois
cens ne paffaffent dans la Place,
le refte fut repouffé hors du
Camp. On fit trois cens Prifonniers
, & il y en eut beaucoup
de tuez. Le Sieur Sentini Chevalier
de Malte , & Capitaine
de Cavalerie dans les Troupes
de Baviere , s'eftant trop avancé
pour reconnoiftre les Ennemis,
fut fait prifonnier. Le Comte
de Konigfmark Lieutenant Cólonel
de Beck fut tué , & le General
Heufler bleffé au pied.
Quoy que ceux qui entrerent
dans la Ville , fuffent la plufpart
bleffez & en petit nombre , les
Affiegez ne laifferent pas de faire
de Bude.
177
re une falve de tous leurs Canons
, pour faire croire qu'il leur
eftoit arrivé un plus grand fecours.
On apprit par un Chrétien
qui s'échappa de l'Armée
des Ottomans , que le Grand Vifir
avoit fait affembler fes Troupes
,,
pour leur dire que le fecours
qu'il avoit envoyé , eftoit
entierement entré dans la Ville,
& qu'il donneroit à tous ceux
qui auroient envie de s'y jetter,
la mefme fomme qu'il avoit donnée
aux autres . L'Armée des Infidelles
fe retira à quelques lieuës
du Camp des Chreftiens .
>
Le 21. la Baterie de l'attaque
des Imperiaux qui battoit en
flanc les retranchemens des Af-
Liegez receut un fort grand
dommage du feu que fit leur Artillerie
. Elle en fut prefque entierement
démontée , ce qui fit
H v
178
Hiftoire
du Siege
qu'on augmenta le nombre des
Travailleurs pour la rétablir pen
dant la nuit.Ön redoubla auffi les
Troupes de la Tranchée , & l'on
fit un feu continuel afin d'occu
per les Ennemis. Cette même nuit
on fe prepara à donner un Affaut
au Chafteau du cofté de l'attaque
des Bavarois.
Le 22. le Prince . Charles fit
faire une fauffe Attaque , pour
faciliter par une diverfion celle
que l'Electeur de Baviere commençoit
de fon cofté. Les Turcs.
eftant accourus en grand nom.
bre fur la brêche du cofté des
Imperiaux , on fit fur eux une
décharge de Mortiers , qui leur
tuerent cent hommes , & pen
dant ce temps les Bavarois , qu'animoit
la prefence de leur Prince
, fe rendirent maiftres de la
plus grande partie du Chateau,
malgré
de Bude..
179
malgré la refiftance opiniaftre
de ceux qui le défendoient. Le
General Rummel qui commandoit
l'Attaque , fut tué d'un coup
de Moufquet dans les approches.
H fut extremement regretté .C'étoit
un Officier d'une grande experience
. On ne perdit que trente
hommes , mais plus de deux
cens furent bleffez , la plufpart
par des Sacs à poudre . Un Duc
de Saxe- Mesbourg , ayant une
Compagnie dans le Regiment
de Bade , receut deux coups de
Moufquet, dont l'un luy calla la
jambe. La nuit , les Ennemis
tacherent de repoufler les Bava-
Fois du Pofte qu'ils occupoient,
mais ils ne purent en venir
bout.
Le 23. les Affiegez firent une
Sortie fur la grande Garde des
Bavarois , mais ceux - cy les contrai
180 Hiftoire du Siege
traignirent de fe retirer , & les
pourfuivirent jufques aux portes.
Le Lieutenant Colonel d'Arco
y ayant efté tué d'un coup de
Moufquet , les Turcs emporterent
le corps dans la Ville . On
prit dans l'lfle de Sainte Marguerite
un Turc qui eftoit fortyde
Bude à la nage avec un More
, pendant un orage qui s'eftoit
élevé la nuit . Il dit que ce More
qu'on n'avoit pu arrefter , eftoit
envoyé au Grand Vifir avec
des lettres , par lesquelles le Bacha
de Bude le preffoit de luy
donner promptement un fecours
plus fort que celuy qu'il avoit re
ceu que la Ville ne pouvoit te
nir encore bien long- temps , &
que le Chafteau eftoit fur le
point d'eftre perdu . Il ajoûta ,
qu'il n'eftoit entré que deux
cens cinquante Janiffaires la
plus
de Bude. 181
plufparts bleffez , & hors de combat
, & que le Bacha en publioit
le nombre plus grand pour donner
courage à ceux de la Ville;
que les Affiegez avoient perdu
cent hommes le jour que les Bavarois
s'eftoient poſtez au haut
-du Chafteau & que le Bacha
avoit promis cinq cens écus à
ceux qui eftoient venus la nuit
pour les en chaffer , mais que celuy
qui les commandoit avoit
pris la fuite...
Le 24. les Bavarois fe fortifierent
dans les Poftes dont ils s'eftoient
emparez. Les Affiegez firent
contre eux de nouveaux efforts
mais ils furent inutiles.
Trente Soldats y furent tuez avec
le Lieutenant Colonel du Regiment
Saxon de Trautmansdorf.
L'Armée Ottomane parut de
nouveau à la veuë du Camp , &
sen
182
Hiftoire du Siege
›
s'en retourna le mefmejour à une
lieuë de là. Comme les Affiegez
avoient fait des feu pendant la
nuit, & allumé plufieurs fois de la
poudre au deffus de la grande
Rondelle , on ne douta point que
ce ne fuffent autant de Signaux
pour preffer les Turcs de faire
encore quelque tentative. Le
Prince Charles , pour prevenir
leurs deffeins , détacha fix Efca
drons, & fix Bataillons , qu'il fit
commander par le Baron de Mercy
, le Comte de Souches & le
General Heufler. Ils pafferent
toute la nuit fous les armes fans
qu'il fe fift aucun mouvement du
cofté des Infidelles. On continua
pendant cette mefme nuit , de
combler les Foffez, & d'affurer les
Travaux qui avoient eſté faits
du cofté de l'attaque de Lorrai
ne. On eut avis que le Comte de
Scherf
de Bade. 183
Scherffemberg dont on preffoit
Farrivée , eftoit auprés de Zolnoch
avec les Troupes qu'il commandoit
en Tranfilvanie, & qu'il
feroit toute la diligence poffible
pour le rendre promptement au
Camp , quoy que fon Infanterie
fuft fort fatiguée .
Le 25 deux Escadrons que l'on
avoit détachez , eurent ordre de
revenir au Camp , & les quatre
autres furent poftez au pied des
murailles. Le Prince Charles fit
fortifier les Lignes le long du Danube
, de plufieurs rangs de Paliffades,
& quatre cens Allemans
& deux cens Hongrois y furent
envoyez fous le commandement
du Baron d'Afti pour s'oppofer
au fecours , fi les Ennemis tachoient
d'en faire paffer par là.
Les Travaux que les Bavarois avoient
faits au hautdu Chafteau ,
fu
184 Hiftoire du Siege
furent entierement brûlez par les
facs à poudre, & autres Machines
à feu que les Affiegez y jetterent.
Ainfi l'on fut obligé de fe
retirer , & de fe pofter plus à la
droite. Il y eut en cette occafion
dix ou douze hommes tuez , &
plus de deux-cens bleſſez .
Le 26. le Canon des Affiegeans
ayant ruiné la face de la grande
Rondelle dont ils s'eftoient ren
dus maiftres , on y fit une maniere
de pont avec des poutres. Elles
alloient d'une muraille à l'autre,
& faifoient la communication
des Logemens . Les Ennemis firent
ce qu'ils purent pour bruler
ce Pont, mais on le garnit fi bien
de toutes les chofes qui le pou
voient garantir du feu, qu'ils furent
forcez d'abandonner ce deffen.
Il ne leur reftoit plus que
fept groffes pieces de Canon en
bat
de Bude.
185
batterie ; toutes les autres avoient
efté demontées. Un Turc fut arrêté
proche de la Ville. Il dit que
quantité de Janiffaires animez
par les promeffes du Grand Vifir,
montoient tous les jours à cheval
avec refolution de fe venir
jetter dans la Place , mais que le
courage leur manquoit , fſii toft
qu'ils découvroient le Camp des
Chreftiens.
Le 27. on terraffa le Pont de
communication , & on fit une
forte Redoute pour en defendre
la tefte . On travailla auffi à un
Logement fur la grande Rondelle.
Il fut étendu fur un terrain
uny qui donnoit paffage jufqu'à
la derniere muraille de la Ville.
Ainfi les Affiegeans n'eftoient
plus qu'à cinq ou fix pas des Ennemis
, qui tâcherent de redoubler
leur defence. Ils jetterent
quan
186 Hiftoire du Siege
quantité de feux d'artifice , fans
pouvoir endommager le Logement
qui touchoit leurs Palifades
. Un Croate Deferteur vint
avertir que les Ennemis avoient
receu un renfort de huit mille
hommes , & tiré de Stulweifembourg
huit groffes pieces de Canon
; que le Grand Viſir ayant
promis de récompenfer tous ceux
qui fe jetteroient dans la Ville,
plufieurs s'eftoient déja prefentez
, & que la nuit fuivante on
devoit venir attaquer le Camp
des Chrefliens par deux endroits .
Ce rapport fit qu'on la paffa toute
entiere fous les armes . On s'y
tint mefme le lendemain jufques
à midy , mais on ne vit que quelques
détachemens qui ne firent
que paroiftre, & fe retirerent prefque
auffi - toft.
Le 28. les Affiegeans fe fortific
de Bude.
187
1
fierent dans leur Logement, malgré
tout le feu des Affiegez qui
commença à diminuer. On ag
grandit la bréche du flanc de ce
Logement , & toutes chofes furent
heureuſement difpofées pour
reüffir dans l'affaut. La Baterie de
Suabe continua de faire grand
feu. Elle eftoit fur le panchant
de la Montagne d'où l'on tiroit
avec des Boulets enchaifnez,afin
qu'il fuft plus ailé d'abatre les
Paliffades. Ce mefme jour on
furprit on Turc qui eftoit encore
forty de la Ville à la nage . Il avoitpaffé
fous les deux Ponts , &
s'eftoit caché dans un trou au
de - là des Lignes . Il n'avoit fur
luy qu'une écharpe & un Sabre
avec une Lettre qu'il portoit à
l'Armée Turque pour l'Aga des
Janiffaires. Elle eftoit écrite par
ce
188 Histoire du Siege
celuy qui commandoit les Janiffaires
dans Bude , & n'avoit rien
de particulier , finon que l'Homme
que le Grand Vifir avoit envoyé
, eftoit entré dans la Ville,
& qu'elle eftoit fort preffe. Il fut
impoffible pendant tout le jour
de faire parler ce Turc , mais enfin
on l'intimida fi bien par les
menaces , qu'il avoüa fur le foir,
que le Commandant de Bude
l'avoit chargé de dire au Grand
Vifir, qu'il yavoit prés de quinze
jours qu'il eftoit campé devant
la Ville , & qu'il s'étonnoit que
fcachant le preffant danger où
ilfe trouvoit , il ne luy envoyat
pas un fecours confiderable ; que
les Troupes qu'il commandoit
témoignoient avoir moins de
courage que les Femmes de la
Ville , puifqu'on ne tentoit aucune
chofe , que pour luy il eftoit
re
de Bude. 189
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang , mais
qu'il ne pouvoit répondre de la
Place s'il ne recevoit un prompt
fecours. Ce Turc ajoûta que le
Bacha luy avoit auffi donné ordre
de recommander la Ville de
Bude & l'honneur de l'Empire
Ottoman au Commandant des
Tartares ; qu'il y avoit encore
2000. hommes dans la Place , avec
quatre cens Janiffaires qui
s'y eftoient jettez le 20 que les
Affiegez s'eftoient bien retranchez
du coſté de l'Attaque des
Imperiaux ; que derriere la Paliffade
de la feconde brêche il y
avoit encore un Foffe & une autre
Paliffade , mais qu'ils n'avoient
point travaillé du cofté
du Chafteau , eſperant eſtre ſecourus.
Le 29. un Polonois vint ſe rendre
190 Hiftoire du Siege
dre le matin , & raporta que les
Infidelles devoient venir atta,
quer le Camp par trois endroits.
Peu de temps aprés , mille Spahis
& deux mille Janiffaires commandez
par deux Bachas, & foutenus
de quinze mille Tartares,
qui avoient ordre de leur faciliter
l'entrée dans la Ville, vinrent
du cofté d'Actoffen pour s'y jetter
, mais comme ils n'y trouve
rent point de paffage & qu'ils
virent qu'on faifoit fur eux une
vigoureufe décharge , ils gagnerent
une colline , d'où eftant enfuite
defcendus dans un Marais
qu'on trouve dans le Vallon , ils
furent envelopez par des Efcadrons
, à la tefte defquels eftoient
le Baron de Mercy & le General
Heufler , & par la garde des Bavarois
. Il en refta huit cens fur la
place. Ils avoient chacun trente
écus
de Bude. 191
écus qu'on leur trouva dans la
poche , le refte fut mis en fuite,
& il n'y en eut que quinze qui
purent paffer ; encore n'en entra↓
t- il que quatre dans la Ville , les
onze autres ayant eſté tuez avant
que d'y arriver. On coupa chemin
à cent Spahis , dont foixante
& feize furent paffez au fil de
l'épée par deux differentes Troupes
de celles de Brandebourg , &
quatre autres tuez dans le quar
tier du General. Le Baron de
Mercy receut trois coups de Sabre
dans cette action,un à l'épaule
, & deux à la tefte , Son Ayde
de Camp fut tué à ſes coftez .
Dans ce mefme temps les Affiegez
voulant faciliter l'entrée du
Secours , hazarderent une Sortie,
mais les Bavarois qui avoient la
garde de la Tranchée , les contraignirent
de fe retirer avec perte
192 Hiftoire du Siege
te de cinquante hommes. D'un
autre cofté l'Armée des Ennemis
vint en ordre de Bataille vers les
Lignes du Camp de Baviere ,
mais elle ne tenta rien , & le
Grand Vifir ayant veu paroiſtre
vingt cinq Efcadrons du corps
d'Armée du Comte de Scherffemberg
qui paffoient le Pont du
Danube , fous le commandement
du General Picolomini , prit le
parti de fe retirer. On gagna
trente Drapeaux, la plufpart rou
ges , les autres eftoient de differentes
couleurs. On fceut par un
Deferteur , que des trois mille
Janiffaires ou Spahis qui avoient
juré au Grand Vifir qu'ils ne reculeroient
, ny ne fuiroient point,
il n'en eftoit pas retourné plus de
cinq cens.
Le 30.quatre Chreftiens écha
pez des mains des Infidelles , fe
rendi
de Bude.
193
Jap
rendirent dans le Camp , & rapporterent
que l'Armée Ottomane
eftoit allée camper une lieuë plus
loin que la plufpart de leurs
Troupes defertoient avec les Drapeaux
, & qu'elles avoient une
grande difette de vivres . Ce mef
me jour le Comte de Scherffemberg
arriva de Tranfilvanie avec
les trois Regimens d'Infanterie ,
de Sherini , de Scherffemberg ,
de Spinola , & le refte de la Cavalerie
, fçavoir soo . Hongrois &
les Regimens de Picolomini ; de
Veterani , de Sainte Croix ; de
Magni , & de Tefvin. Celuy de
Sherini fut joint au corps de Ba
viere , & les autres allerent occu
per le terrein qui reftoit vuide
du cofté de la baffe Ville , depuis'
la droite des Imperiaux jufques
au Dambe."
Le 31 on eit avis, que fept
isque I
194 Hiftoire du Siege
mille Tartares s'eftoient avancez
vers Gran , afin d'empécher
qu'il ne defcendift des vivres
pour les Affiegeans. On entendit
mefme tirer le Canon de cette
Ville. Les Bavarois firent mener
de nouvelles Pieces fur leurs Batteries
à la place de celles qui avoient
eſté gaſtées . Les Troupes
demeurerent fous les armes toute
la nuit , fur ce que le bruit
s'eftoit répandu le foir , que l'Armée
des Infidelles s'eftoit mife
en marche pour les venir attaquer.
Le premier jour de Septembre
on ne ceffa de jetter dans la
Ville des Carcaffes & des Bombes
, & de battre les Paliffades
avec le Canon . Ce mefme jour on
tint un Confeil de Guerre , où ſe
trouverent tous les Generaux
des Troupes auxiliaires . Il fut
agité
de Bude.
195
agité fi l'on iroit attaquer le
Grand Vifir en laiffant affez de
Troupes pour continuer le Siege
, où fi on l'attendroit dans
les Lignes. Plufieurs crurent qu'il
falloit aller aux Ennemis & profiter
de la confternation où les
mettoit la perte qu'ils avoient faite,
mais l'avis contraire l'emporta
, & on refolut de donner l'affaut.
Cette reſolution fut tenuë
fecrette , & le Prince Charles fit
fortir des Lignes trente mille
hommes de Cavalerie & dix mille
d'Infanterie qu'il fit ranger en
Bataille dans la plaine oppofée
au front du terrain que les Infidelles
occupoient > comme s'il
euft eu deffein de les aller attaquer.
Il les empefchoit par là de
faire des détachemens pour le
fecours de la Place. Les Generaux
qui eurent le commande-
I ij
196
Hiftoire du Siege
ment de la Cavalerie , furent le
General Bielke , le Prince Eugene
de Savoye , & les Comtes de
la Torre & d'Arco . Le General
Steinau & le Comte d'Afpremont
commanderent l'Infanterie.
Les ordres furent enfuite
donnez pour l'affaut . Le Comte
de Souches fut commandé pour
l'Attaque de la droite, & le Comte
de Scherffemberg le fut pour
la gauche, chacun avec trois mille
chevaux choifis , & un pareil
nombre d'hommes de pied . La
marche des Volontaires , qui attendoient
ce grand jour avec une
extreme impatience , fut ordonnée
entre les deux aifles, avecordre
de ne pas preceder les premieres
files.
Le 2 . tous les Generaux ſe
trouverent à cheval fi- toft que le
jour parut . Ils allerent vifiter les
Tra
de Bude.
197
Travaux , & le Prince Charles
ayant fait venir les Officiers Ma-.
jors dans fa Tente , les avertit de
tenir toutes les Troupes preftes
pour donner l'affaut à deux heures
aprés midy. L'Electeur de Baviere
n'oublia de fon cofté aucun
des ordres qui pouvoient
eftre neceffaires pour achever de
fe rendre maiftres du Chateau.
Le General Schoning tint auffi
toutes chofes difpofées à l'attaque
de Brandebourg , & d'abord
que le Signal cut efté donné par
fix Pieces de Canon tirées du
quartier des Troupes de Suabe,
quatre Capitaines fuivis chacun
de cinquante Grenadiers , avec
quatre Lieutenans , quatre Sergens
, & les autres Officiers inferieurs
, marcherent à la droite
de l'Attaque. Le Baron d'Afti
eftoit à leur tefte , & ils eftoient
I iij
198 Hiftoire du Siege
fouftenus de deux cens Moufquetaires
que commandoient
quatre Capitaines & d'autres
Officiers fubalternes, ayant à leur
tefte un Lieutenant Colonel &
un Major. Ceux - cy eftoient fuivis
de cent hommes armez d'une
demie Pique & d'un Sabre , chacun
avec deux Piftolets de ceinture
. On fit marcher à quelque
diſtance trois cens Arquebufiers
commandez par quatre Capitaines,
& trois Bataillons de reſerve
les fuivoient. Ils eftoient chacun
de fix cens hommes avec leurs
Officiers. La difpofition de la
gauche fut pareille . Toute la difference
qu'il y eut , c'eſt que cent
cinquante Arquebufiers furent
les premiers qui s'avancerent, &
qu'ils n'eftoient precedez que de
cinquante Grenadiers , & de
vingt- cinq à trente hommes armez
de Bude. 199
mez de Pertuifanes , d'une Epée,
& d'une Hache . Tout fut difpofé
de la muc torte à l'Attaque
de Daviere, & à celle de Rrandebourg
, & jamais Affaut ne fut
entrepris avec plus d'ardeur , &
plus d'intrepidité . Le Baron
d'Afti qui avoit l'Avant- garde
des Grenadiers , & qui marchoit
à leur tefte , fut bleffé d'abord,
& le Sieur Bifchoff- haufen , Sergent
Major du Regiment de Diepenthal
, prit le Commandement
en fa place. Quoy qu'ils fuffent
foûtenus des Bataillons qu'on avoit
fait fuivre , ils trouverent
une fi furieuſe refiftance de la
part des Affiegez , qu'ils furent
contraints de reculer. Outre la
grande quantité de facs à poudre
qu'on jetta fur eux , les Ennemis
firent jouer une Mine qui
leur caufa un fort grand defor-
I iiij
200
Hiftoire du Siege
dre. Ils retournerent une feconde
fois à l'affaut avec une vigueur
extraordine , & ils ne
Purent encore obliger les Tercs
a fuir , mais enfin aprés une tresrude
Efcarmouche qui dura une
heure devant la Ville , les Affiegez
ayant perdu courage par la mort
du Commandant qui fut tué fur
la Bréche , ils firent fi bien qu'ils
vinrent à bout d'arracher les
Paliffades , & de forcer leurs
Retranchemens. Ils y trouverent
huit cens Janiffaires qu'ils taillerent
en pieces , fans avoir aucun
égard à la poſture foûmife
où ils fe mirent en leur demandant
quartier , & jettant leurs
Armes bas. Quelques - uns d'entre
eux voyant qu'ils ne vouloient
épargner perfonne , reprirent
leurs Armes , fe défendirent
en defefperez , & firent
jouër
•
de Bude. 201
jouer un Fourneau dont plufieurs
Maifons fauterent . Le feu
du Fourneau fe communiqua à
une certaine machine qu'il avoient
difpofée auparavant , &
produifit un autre feu bien plus
dangereux qui couroit de place
en place, & que perfonne ne prenoit
le foin d'efteindre , parce
que les Victorieux eftoient alors
occupez à pourfuivre , & à exterminer
tout ce qui pouvoit
refter d'Ennemis dans la Ville ,
où quelques ordres que les Of
ficiers puffent donner , il fut impoffible
d'empefcher le carnage.
Ainfi l'embrafement fut prefque
general. Ceux de Brandebourg
entrerent en mefme temps dans
la Ville , & penetrant dans les
rues au travers des flâmes , ils
firent main baffe fur tout ce
qu'ils rencontrerent , fans épar
I v
202 Hiftoire du Siege
gner Vieillards , Femmes & Enfans
. Les Victorieux n'en confultoient
que la fureur qui les
animoit , & qui les portoit à fe
vanger de l'opiniâtre reſiſtance
que ces malheureux avoient faite
fur la Bréche à force de Bombes
, de Mines , de Pots à feu &
autres machines roulantes qu'ils
avoient jettées à la faveur de
leur Moufqueterie , & d'une
grefle de fléches. Cependant la
Cavalerie qu'on avoit tirée des
Lignes fous les Generaux nommez
pour la commander eftoit
demeurée , ainsi que l'Infanterie,
toûjours en action , & en Bataille
avec les Ennemis , dont
l'Armée , non feulement avoit
paru de ce coſté là , mais meſme
avoit commencé à attaquer l'Avantgarde
des Chreftiens. D'un
autre cofté les Generaux Sherini
,
de Bude.
203
rini, la Vergne & de Beck , n'ou
blierent rien pour achever de
fe rendre maiftres de ce qui reftoit
à occuper du Chateau,
fouftenant avec un courage tout
heroïque l'affaut qu'ils y avoient
donné , & en mefme temps les
Grenades & les Pierres que jettoient
les Janiffaires , qui ne fçachant
encore rien du fuccez de
l'autre attaque , faifoient leurs
derniers efforts pour fe maintenir
fur une hauteur d'où dépendoit
la confervation du Chafteau.
Pendant qu'ils fe deffendoient
avec toute la bravoure
qu'on peut attendre de gens.
auffi aguerris que determinez ,
les Turcs qui eftoient auparavant
de l'autre cofté , s'eftoient
venus retirer de celuy - cy , partie
du cofté de la Riviere , &
partie du cofté du Chaſteau où
ils
204 Hiftoire du Siege
ils avoient merveilleufement renforcé
les Janiflaires. Pour s'oppofer
au fecours qu'ils leurs donnoient
, l'Electeur de Baviere ,
qui remarqua que le Grand Vifir
n'agifloit point , & qu'il ne
faifoit mine d'aucun mouvement
, commanda le Comte d'Apremont
avec 500. hommes , &
le fit aller à l'affaut avec les autres
pour les foûtenir. Le Prince
Louis de Bade s'apercevant de
l'inevitable neceffité qu'il y a
voit de s'emparer de la hauteur
qui occupoient encore les Affiegez
, pour le rendre enfuite maifres
du bas où ils avoient plufieurs
places d'armes & autres
Logemens , paffa luy mefme de
ce coflé-là , & ordonna de l'efcalader
& de grimper au deffus,
ce qui fut fait fi heureuſement,
que
de Bude.
205
que l'on envoya une grefle de
de moufquerades & de Grenades
fur les Turcs qui fe voyant foudroyez
de cette forte , arborerent
un Drapeau blanc , & jufques à
leurs Turbans , criant de toute
leur force qu'on leur donnaft
quartier & la vie. Il y en cut
plufieurs , qui ne voulant point
attendre ce qu'on refoudroit, pafferent
par deffus le mur d'un
chemin couvert , & tâcherent de
fe fauver avec quelques Juifs par
le Danube dans de petits Bateaux
qu'ils trouverent mais
les Tolpazes les ayant atteints
avec leurs Saiques , coulerent à
fond plufieurs de ces petits Baftimens
, tuerent la plupart de
ceux qui avoient cru s'échaper,
& les autres qui avoient déja
paffe la Riviere , furent taillez
2
en
206
Hiftoire du Siege
>
en pieces , ou faits prifonniers
par les Hongrois qui eftoient
dans Peft . L'Electeur de Baviere
accorda la vie au Lieutenant
du Bacha & à plus de
douze cens hommes , qui voyant
les Imperiaux Maitres de la
Place , l'avoient fuivy dans une
Rondelle où il s'eftoit retiré
entre le Chafteau & la Ville.
Il fit de mefine quartier à ce qui
reftoit de Turcs dans le Chafteau
, d'où il les envoya fous
bonne garde dans une grande
Mofquée & dans un grand Magafin
. Les Soldats qu'on ne
put faire revenir fi - toft de leur
premiere fureur , affommerent
& jetterent dans la Riviere les
vieilles Gens fans nulle diftinction
de Sexe , & il y en eut
quelques - uns de fi
,
cruels ,
qu'ayant
de Bude.
207
cruautez ,
qu'ayant trouvé des Femmes
avec des Enfans de deux ou trois
mois , ils leur ouvrirent le ventre
, & y fourrerent ces miferables
Enfans. L'Electeur de Baviere
, & le Comte de Stratman ,
Chancelier de l'Empereur , qui
arriverent dans la Ville pendant
que l'on commettoit ces
ne pûrent les faire
ceffer qu'aprés des défenfes tres
rigoureufes , & plufieurs fois reïterées.
Le feu eftoit répandu par
tout , & avec le fang qui couloit
de tous coftez , il est aisé de
s'imaginer quel affreux Spectacle
offroit cette trifte Ville abandonnée
au pillage . Cependant
la principale Mofquée , qui
avoit efté autrefois l'Eglife de
Saint Etienne , Roy de Hongrie
, fut préfervée de l'embrafement,
208
Hiftoire du Siege
>
fement , ainfi qu'un grand Magafin
, dans lequel eftoient quantité
de vivres , & un autre plein
de poudres . Ces deux Magalins
furent confervez par les foins
du Commiffaire Rabata qui
eut là - deffus beaucoup de conduite
& de vigilance . On perdit
prés de deux cens hommes
à l'Attaque de Lorraine , avec
le Marquis de Spinola , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie . Il
y eut trois cens cinquante Soldats
tuez à celle de Baviere , à
caufe d'un Fourneau que les Ennemis
y firent jouër . Le Comte
de Tartembac fut auffi tué à
cette Attaque , & le Comte de
Zacco , Major du Regiment
d'Alpremont , y fut bleffé à
mort ainfi que le Sieur Mon-
.ticolli , Capitaine dans le meſme
>
Re
de Bude . 209
Regiment. Ceux de Brandebourg
ne perdirent que cent
hommes , & le nombre des Blef
fez ne fut que de quatre cens
dans toutes les trois Attaques .
11 y eut plus de trois mille hommes
tuez ce jour- là - du cofté des
Affiegez . On jetta les corps des
Turcs & des Juifs dans la Riviere
, & les Chretiens furent enterrez.
Le Lieutenant du Bacha
dit qu'au commencement du Siege
la Garnifon eftoit de dix mille
Janiffaires , fans compter les Juifs
& les Habitans capables de porter
les armes , qui faifoient encore
plus de cinq mille hommes.
L'Aga des Janiffaires &
le Mufthi demeurerent prifonniers
avec ce Lieutenant du Bacha
, & plufieurs autres Offciers.
L'Aga fut donné au Prince
Char
210 Hiftoire du Siege
Charles. Cette conqueſte eft
d'autant plus glorienfe , qu'elle
s'eft faite à la veuë de l'Armée
des Ottomans , qui fans ofer rien
tenter , ont laiffé prendre une
Ville auffi importante que Bude,
& dont ils eftoient en poffeffion
dépuis cent quarante-cinq ans.
On dit que lors qu'ils connurent
que les Chreftiens y eftoient entrez
, ils s'arracherent la barbe
de defefpoir , & fe jetterent par
terre. Le foir ils fe retirerent à la
faveur de la nuit .
dans la Place trois à
On a trouvé
quatre cens
dont il dont y en
pieces de Canon ,
a quantité d'un fort grand calibre
, avec foixante Mortiers,
& un nombre incroyable de Boulets
, de Grenades , de Carcaffes ,
de Bombes , & d'autres Machines
de Guerre. On fit environ
deux
de Bude. 211
deux mille prifonniers , & l'on
prit plus de cent Juifs qui s'eftoient
refugiez dans leur Synagogue.
Le Prince Charles fit tout
ce qu'on peut attendre d'un
grand & experimenté Capitaine,
donnant les ordres par tout où
fa prefence eftoit neceffaire , &
n'oubliant rien de ce qui pouvoit
contribuer à l'heureux fuccés
de cette grande journée . L'Electeur
de Baviere s'y acquit
beaucoup de gloire , & fit
roiftre combien il eft intrepide
par la maniere dont il s'expofa
au feu. Tous les Volontaires
chercherent à fe fignaler à l'envy
les uns des autres , & le Prince
de Commercy donna d'éclatantes
marques de valeur &
de courage. Comme ils pouvoient
fe trouver par tout , le
pa-
Mar
212
Hiftoire du Siege
allerent
Marquis de Blanchefort , & le
Marquis de Souvray
dans tous les Poftes où le peril
eftoit le plus apparent. C'eſt ce
qu'ils avoient déja fait pendant
tout le Siege, n'ayant laiffé échaper
aucune occafion , quelque
dangereufe quelle fuft , fans y
courir avec une ardeur qui ne
fe peut exprimer. Le Prince
Louis de Bade receut un coup
de Moufquet qui luy éfleura la
chair. Il monta un des premiers
à l'affaut , & anima les Soldats
par fa valeur . Le Prince Euge
ne de Savoye , qui eft fon Coufin
Germain , ne fe diftingua
pas
moins. Il avoit cfté deftiné
à l'Eglife , mais le Chevalier de
Savoye , fon Frere , qui commandoit
un Regiment de Dragons
au fervice de l'Empereur,
eftant
de Bude .
2137
eftant mort au Siege de Vienne,
il refolut de quitter l'Etat Ecclefiaftique
, & s'eftant rendu en
pofte à ce mefme Siege aprés a--
voir efté faluër S. M. I. qui étoit '
à Lints , il s'y fignala , & acheva
la Campagne en qualité de Volontaire
, âgé feulement de dixneuf
ans. L'Empereur voulant
reconnoiftre la valeur de ce jeune
Prince , luy donna un Regiment
de Dragons , à la tefte duquel
il fervit la Campagne fui- :
vante , & fit des chofes au delà !
de fon âge à la prife de Strigonie,
& au premier Siege de Bude , où
il fut bleffé d'un coup de Moufquet
au bras. Aprés la Campa
gne, il alla voir le Duc de Savoye
Chef de fa Maifon , qui le receut
avec toutes les marques d'honneur
deuës à ſa naiffance & à fon
me
214 Hiftoire du Siege
merite. Il paffa de là à Veniſe , revint
à la Cour de l'Empereur , &
fe trouva àla Prife de Neuhaufel
& autres Places . Au retour.
de cette Campagne , quoy qu'il
n'euft alors que vingt & un an,
l'Empereur le fit General Major.
de fes Troupes fur la fin de l'année
derniere . Le Siege de Bude
ayant efté refolu , il fe rendit au
Camp des Impériaux pour y faire
les fonctions de cet employ , dont
il s'eft acquité avec toute la gloire
poffible.
Si-toft
que
la Place
eut eſté
prife
, le Prince
Antoine
de Neubourg
, Grand
Maiftre
de l'Or.
dre Teutonique
, & le Prince
de Commercy
partirent
pour
en
apporter
la nouvelle
, l'un à l'Empereur
, & l'autre
à l'Imperatrice
.
Doüairiere
, le Comte
de Sherini
,
de Bude. 215
rini , dépefché par l'Electeur de
Baviere , l'apporta à l'Electrice fa
Femme. Le Comte de Konigfeeck
fut auffi dépeſché par le
Prince Charles avec le grand
Drapeau des Turcs trouvé dans
Bude qu'il apporta au Prince Hereditaire
Imperial .
Le 3. le Prince Charles & les
Generaux vinrent au Quartier
de l'Electeur de Baviere , où le
Te Deum fut chanté au bruit des
Trompettes , des Timbales , &
des Canons , dont on fit faire trois
décharges autour des Lignes. On
mit auffi le feu aux Bombes qu'on
y avoit enterrées pour les Ennemis,
s'ils euffent ofé entreprendre
de les
attaquer.
Le 6. toute l'Armée partit en
bon ordre pour marcher du cofté
du Pont d'Effeck. On laiffa
dans
216 Hiftoire du Siege de Dude.
dans Bude les Regimens d'In-1
fanterie de Beck , de Salme &
de Diepenthal , avec des détachemens
des Alliez fous le
Commandement du Baron de
Beck .
F I
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Résumé : HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
Le siège de Buda, capitale stratégique du royaume de Hongrie, fut marqué par plusieurs événements militaires significatifs. En 1526, après la mort du roi Louis II à la bataille de Mohács, Jean de Zapolya et Ferdinand de Bohême se disputèrent le trône. Ferdinand, soutenu par Charles Quint, prit Buda mais dut la rendre en 1529 après l'intervention de Soliman le Magnifique, qui rétablit Jean de Zapolya. À la mort de ce dernier, sa veuve Élisabeth envoya leur fils Étienne à Soliman, qui s'empara de Buda en 1541 sans combat. La ville resta sous domination ottomane jusqu'en 1686. Plusieurs sièges eurent lieu par la suite. En 1598 et 1602, l'archiduc Mathias échoua à prendre la citadelle. En 1684, le prince Charles de Lorraine commença un siège mais dut se retirer. Le cinquième et dernier siège, en 1686, fut mené par une armée chrétienne confédérée et aboutit à la prise de Buda, rétablissant ainsi la domination chrétienne sur la ville. Les préparatifs du siège de 1686 inclurent la revue des troupes et les travaux de circonvallation. Les attaques impériales et bavaroises désorganisèrent les batteries des assiégés, ouvrant une brèche dans la muraille. Les combats furent intenses, avec des pertes des deux côtés. Le 2 septembre 1686, les troupes impériales entrèrent dans Buda après une résistance farouche. Les pertes furent lourdes : les troupes de Brandebourg perdirent 100 hommes, les forces adverses 400, et 3 000 hommes furent tués du côté des assiégés. Les corps des Turcs et des Juifs furent jetés dans la rivière, tandis que les chrétiens furent enterrés. La garnison comptait 10 000 janissaires, 5 000 Juifs et habitants armés. Plusieurs officiers ottomans furent capturés. La conquête de Buda eut lieu sous les yeux de l'armée ottomane, qui se retira sans intervenir. Dans la ville, on découvrit 400 pièces de canon, 60 mortiers et une grande quantité de munitions. Environ 2 000 prisonniers furent faits, dont plus de 100 Juifs réfugiés dans leur synagogue. Le Prince Charles et l'Électeur de Bavière se distinguèrent par leur bravoure, ainsi que le Prince Eugène de Savoie. Après la prise de la ville, un Te Deum fut chanté pour célébrer la victoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
s. p.
A SON ALTESSE ROYALE MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLEANS FRERE UNIQUE DU ROY.
Début :
MONSEIGNEUR, S'il n'y a rien de plus difficile [...]
Mots clefs :
Monseigneur, Roi, Siège, Prince, Ennemis, Place, Vie, Temps, Ordres, Âge, Lieux, Monarque, Places, Guerre, Troupes, Combat, Reine, Admiration, Actions, Attaque
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texteReconnaissance textuelle : A SON ALTESSE ROYALE MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLEANS FRERE UNIQUE DU ROY.
ASON ALTESSE ROYALE
201
و
MONSEIGNEUR
:
0
LE DUC
D'ORLEANS
FRERE UNIQUE DU ROY
M ONSEIGNEUR,
م
S'il n'y a rien de plus
difficile àfaire que les EpiEPISTRE
.
Stres de la nature de celle
que j'ofe entreprendre ,
c'eſt ſur tout lors qu'onse
propose de donner quelque
idée d'une Vie toute glorieuse
, & qui s'est formée
Sur un Modelle où les
plushautes Vertus se trouvent
dans leur plus brillant
éclat. Quoy que les
bonnes inclinations qu'un
Prince fait voir si - toft
qu'il fort de l'Enfance ,
Semblent devoir faire croire
que la ſuite répondra à de Mon
EPISTRE .
fi beaux commencemens ,
'Histoire ne laiſſe pas de
nous fournir de grands
exemples du contrairs.
Mais , MONSEIGNEUR ,
on n'a pas douté un moment
que le temps ne donnaft
de la force aux vertus
naiſſantes deVoftreAlteffe
Royale , quand on vous a
veu pour la feuë Reyne vostre
Mere un respect 15
une tendreffe qui caufoient
de la joye & de l'admiration
à tous ceux qui avoient
EPISTRE.
P'honneur de vous aprocher.
V. A. R. n'estoit jamais
plus contente , que lors qu'-
Elle estoit avec cette Princeffe.
Vous quittiez fouvent
les plaiſirs qui ont accoutumé
d'attacher les Per-
Sonnes d'un age peu avancé
, pour ſuivre cette vertueuse
Reyne dans les lieux
où sa pieté la conduiſoit..
Vostre chagrin paroiſſoit
fenſible, lors que vous croyiez
luy avoir déplû en quelque
chofe ; & dés queV. A. R.
EPISTRE .
eut remarqué que cettefage
Princeffe fouhaitoit que
vous vous attachaßiez au
Roy, ces voeux furent außitoſt
remplis ; mais , MONSEIGNEUR
, comme vous ne
faites en cela que ſuivre
voſtre penchant naturel , il
a toûjours paru depuis ce
temps-là que rien ne pouvoit
alterer la reſpectueuse
amitié que vous aviez pour
un Monarque quieft devenu
les delices defes Peuples,
& l'admiration de toute la
EPISTRE.
Terre ; le temps n'a fait
qu'augmenter cette union ,
& la tendreſſe vous ayant
joint au Roy ainfi que le
Sang, tout a marqué la
parfaite intelligence dans
laquelle vous vivez. Lors
qu'il s'estagy des divertiffemens
que l'age autorise , &
des Spectacles qu'unSouverain
doit donner pour la
gloire deſon Etat , & pour
occuper la plus vive Feuneſſe
de fa Cour, qui ſans
ces plaisirs neceſſaires auroit
EPISTRE.
pû en chercher d'autres
moins permis on vous a vûs
briller enfemble , &vous
faire reconnoiſtre par voſtre
bonne grace & par vostre
bon air, toutes les fois que
l'usage observé dans ces
fortes de Spectacles demandoit
que vous fußiez caché.
Quandde cesfeux on apaffé
à quelque divertiſſement
Martial , on vous a veus
dans ces Festes guerrieres
dans ces Carrousels commander
l'un l'autre les
EPISTRE .
premieres Quadrilles.Enfin
lors qu'il s'estagy de veritables
fatigues , & de perils
eff ctifs, on peut dire,MONSEIGNEUR
, que vous n'avez
pas feulement accom
pagnéleRoy, mais que vous
avez toujours esté ſonOm
bre,s'ilm' eftpermisdeparler
ainsi, à moins que V.A.R.
n'ait quitté cet Augufte
Frere pour aller vaincre
fes Ennemis en prenant
des Places, ou en gagnant
des Batailles. Le doy parler
EPISTRE.
de cette union , puis que d'e
toutes les merveilles de ce
floriffantEtat, c'est ceque le
Roy deSiam ale plus admiré.
Les Relations conviennent
toutes que lors que ce
Monarque l'eut apprise, il
ditqu'il nes'étonnoitplusdes
prosperitez de la France ,
ny du malheur de quelques
Roisfes voifins, dont la di
viſion de la Famille Royale
avoit cauſe laruine. Enfin
ce Prince en parla d'une
maniere quifit paroiſtre que
EPISTRE.
cestoit la seule chose qui
manquoit au bonheur deSa
Vie , esque s'il euſt eu quelques
Souhaits à former , ils
ne pouvoient estre quesur
une choſe dans laquelle il
faisoit confifter leſouverain
bonheurd'unEtat. LesAmbaffadeurs
de ce Monarque
ne luy diront pas seulement
ce qu'ils ont veu de cetteunion;
mais aprés luy avoir
confirmé tout ce que la Renommée
a prisſoin de luy aprendre
des merveilles de la
i
Vie
EPISTRE.
Viedu Roy , ils parleront de
V. A. R. Ils enfont charmez
, & voicy la troiſiéme
Relation , où l'on peut voir
de quelle maniere ils ont expliqué
ce qu'ils en penſent.
Vostre bonté , MONSEIGNEUR,
leur a paru dans
les choses obligeantes queV.
AR a bien voulu leur dire,
Vostre magnificence a brillé
à leurs yeux dans vos Palais
&&dans vos Festes , &
ils ont paßé pendant leur
Voyage de Flandre dans
EPISTRE.
quelques - uns des lieux où
V. A. R. a fait marcher la
Victoireàses coſtez. Mais
comme ils n'ont vũ qu'une
partie de ce que vous avez
conquis pour le Roy , je ne
Sçaurois m'empescher de
marquer icy tout ce que vous
avez fait lors que vous avez
commandé en Chef les
Armées d'un FrereAuguste
qui vous est plus cher que
vous- même. QuandceMonarque
entreprit la glorieu-
Se Guerre qui vangea tant
EPISTRE.
de Rois , en humiliant une
Puissance inferieure à ces
Souverains , & qui s'en di-
Soit lArbitre. SaMajesté
commença pardesEntrepri-
Ses dont tous les Siecles paf-
Sezne luy fourniffoient aucun
exemple. Elle ouvrit la
Campagne par quatre Sieges
àla fois , &vous euftes
Pavantage , MONSEL
GNEUR, de triompher le
premier en forçant la Ville
d'Orsoy de ſe rendre à dif
cretion ; de forte qu'on ne
Tij
EPISTRE .
1
peut s'entretenir de cette fameuse
Guerre qu'aprés avoir
admiré le Roy dans
tout ce qu'il a fait pour la
Soûtenir außi glorieusement
qu'il l'avoit commencée , on
ne paſſe aux Actions du
Prince à qui est deuë la
conqueste de cette Place.Elle
couta peu de temps & peu
d'hommes ; & cependant ,
MONSEIGNEUR , le Roy ,
&V. A.R toûjours inſepables
, ſur tout dans le
peril , vous courustes risque
EPISTRE .
L
de la Vie. Sa Majestévoulant
tout voir , & donner
par ttoouuttſeess ordres elle-mefme
, alloit tantoft àun Siege
& tantoſt à l'autre. Ainfi
on peut dire qu' Ellé estoiten
meſme temps devant les
quatre Places aßiegées. Ce
Monarque estant un jour
venu dans vostre Camp ,
vous allaſtes enſemble voir
quelques attaques . Vous
bravaſtes le peril , & demeuraſtes
quelque tempsen
un lieu où M. le Chevalier
EPISTRE .
preff aftes
d Arquin,qui vousſuivoit,
fut tué d'un coup de Canon
avant que vous fußiezhors
deſa portée. Ce Siege fut
bien-toft finy, mais la maniere
dont vous preffaftes
cette Place , & voſtre inébranlable
fermetéfirent connoiſtre
que vous eſtiez capable
des plus hautes entreprifes.
Le Roy enfut bien per
Suadé, puis qu'aprés cette
conqueſte il choisit V. A. R.
pour faire le Siege de Zutphen,
Placeforte , & Capi
EPISTRE .
tale d'une Province. L'impatiente
ardeur que vous
fiftes alors paroistre fut une
preuve incontestable es de
voſtre valeur , & du desir
que vous aviez d'acquerir
de la gloire. Vous partiſtes
à trois heures du matin , &
demeurastes quatorze heures
àcheval. Enfin , MONSEIGNEUR,
vous n'arrestates
qu'àla veuë de laPlace,
où vous deviez cueillir des
Lauriers, &fi elle avoit esté
plus éloignée, l'ardeur quié
EPSSTRE .
chaufoit votre courage,vous
auroit empeſché desentirles
fatiques ausquelles l'homme
le plus robuſte auroit dûfuccomber
Vous allastes reconnoiſtre
la Place jusqu'à la
portée du Mousquet. Vous
marquâtes l'endroit où vous
vouliez que la Tranchée
fust ouverte , es les lieux
où l'on devoit drefferles Bateries
; vous poursuiviſtes le
Siege avec vigueur ,
triomphant &des ruſes que
les Ennemis mirent en ufaEPISTRE.
ام
ge, &de toute la valeur
qu'ils firent paroiſtre , vous
réduiistes ſous l'obeiffance
du Roy unePlace forte par
elle-mesme,&par une nombreuse
Garnison , &munie
de tout ce qui pouvoitfervir
àune longue défense;mais
vostre pieté vous empefcha
d'y entrer , avant que d'y
avoir rétably le culte des
Autels , eny faisant celebrer
laMeffe.
L'année ſuivante le Roy
ayant aßiegeMastric, donEPISTRE.
naà V. A. R. l'attaque dis
Fort de Veich. Ce ne devoit
estre qu'unefaufſe Attaque,
mais vous la poufſfaſtes avec
tant de chaleur le jour que
vos Troupes donnerent pour
favorifer la veritable , que
vousfiſtesrompre les Palif-
Sades,&emporterla Demylune
; deforte quefi on eust
préparé des échelles , on se
Seroit rendu Maistre de la
Place par escalade , tant
vous ſcavez inſpirer d'ardeur
aux Troupes qui com-
د.
EPISTRE.
battent ſous vos ordres .
Pendant le cours de cette
Guerre , V. A. R. prit encore
deux Places importantes,
5gagna une Bataille qui
en afſeura beaucoup autres.
Bouchain fut la premiere
qui connut que vous n'attaquezjamais
fans triompher.
Aprés avoir reconnu
vous- mefmes les endroits les
plus avantageux , vous ré-
Solûtes d'ataquer deux Baſtions
. L'un estoit convert
par un Ouvrage à corne,
>
EPISTRE .
LaCourtine qui estoit entre
ces deux Bastions estoitaußi
couverte d'une Demy-lune ,
&pour diviſerle feu desAffiegezpar
une diverſion neceffaire,
&faciliterles Travaux
de cette attaque qui
embrafſoit plusieurs grands
Ouvrages , V. A. R. jugea
àpropos d'en faire commencer
une du costé de la baffe-
Ville.
Vous estiez appliqué à
ce Siege , lors que le Roy
vous envoya avertir, fuivant
EPISTRE.
vant la parole qu'il vous
avoit donnée , Qu'il voyoit
quelque apparence deBataille
,& qu'il croyoit que
le Prince d'Orange expoſeroit
plûtoſt cinquante
mille hommes, que d'eſtre
témoin de la priſe de Bouchain.
Vous marchastes
außi- toft,laiſſant vos ordres
pour la continuation du Siege.
Vous trouvaſtes leRoy
en Bataille en presence des
Ennemis, &vous vousmi
tes àla teſte de l'aifle gauche
ū
EPISTRE .
que vous deviez commander.
Le Prince d'Orange
ayant évitéle Combat, vous
retournaſtes au Camp , 5
tout remply encore de l'ardeur
dont vous eſtiez animé
, vous ordonnaſtes qu'on
emportaft tous les Dehors
de Bouchain l'épée à la
main, ce qui fut executé,
laPlace ſe rendit bien- toft
aprés. Tant que ce Siege
dura, V. A. R. paffa toutes
les nuits à cheval. Elle viſitoit
les Attaques , les BateEPISTRE.
ries , & les Gardes des Lignes.
Elle entroit dans tous
les détails , & envoyoit
fans ceffe des rafraichiffemens
aux Soldats pour les
encourager au travail.
Fedeurois parlericy d'une
Conqueſte bien plus importante
, &dire ce que V. A.
R. fit devant Saint Omer
mais comme on en peut jugerpar
les Sieges des Places
que vous avez prifes ,dont
Je viens d'ébaucher quelques
Actions, je ne parleray
EPISTRE.
plus que de la Bataille de
Caffel ; elle est remplie de
trop de circonstances glorieuses
àV. A. R. pourn'en
marquerpas au moins quelques-
unes . L'Armée ennemie
estoit plus forte que celle
du Roy,elle estoit postée dans
des lieux naturellementfortifiez.
Des hayes vives &
des foſſez pleins d'eau luy
fervoient de rempart, elle
n'estoit point obligée de di
viſerſes forces comme vous,
MONSEIGNEUR , qui de
EPISTRE .
viez laiffer des Troupes
dans la Tranchée de Saint-
Omer,& dans les postes que
que vous aviez gagnez autour
de cette Place. Cependant
voyant la neceßité , ou
de combattre , ou d'eſtre contraint
à lever le Siege que
vous aviez ſi heureuſement
commencé, vous ne balançastes
point,quoy que leConfeildeGuerre
euft de lapeine
àSerefoudre au Combat,
dites, Que vous ne vouliez
pas eſtre obligé à lever le
EPISTRE.
Siege , & que fous voſtre
Commandement les Armes
du Roy receuffent un
affront qui ne leur eſtoit
point encorearrivé depuis
le commencement de la
Guerre. Vous vous avançaftes
enfuitepour reconnoiſtre
les Ennemis , & donnastes
des ordres pour les
aller attaquer. Ce fut - là
que vous remplistes les devoirs
& d'un brave Capitaine
, & d'un General experimenté
Vous exhortaftes
EPISTRE.
les Soldats, vous leur inspiraſtes
de l'ardeur , & vous
les menaſtes à la charge.
Ainsi vostre esprit esvostre
coeur n'agirent pas moins
que vostre bras. Dés que les
Ennemis faisoient quelque
mouvement , vous donniez
de nouveaux ordres , & vous
fuftes toûjours defangfroid
au milieu des dangers ,Sans
paroiſtre un seul moment
embaraßé. Lefeu des Ennemis
ne vous étonna point;
vous vistes pluſieurs de vos
A
EPISTRE.
Officiers bleffez autour de
vous ; vous eustes mesme un
cheval bleßé , & receustes
un coup de Mousquet dans
vos Armes. Tout cela ne
vous empécha point de chargerſouvent
à la teste des
EscadronsedesBataillons,
d'estre toûjours au plus fort
de la mêlée , & de remener
vous-mesme au Combat,des
Troupes qui avoient plié.
Le lendemain la douceur
ayant pris la place du feu
qui brilloit dans vos yeux
EPISTRE..
ود
le jour du Combat ,le foin
que vous fiftes prendre des
Bleſſez,vous rendit l'amour
des Vaincus dont vous
aviez esté la terreur , comme
vous devinſtes l'admiration
des Vainqueurs..
Mais, MONSEIGNEUR, ce
n'est pas affez , qu'aprés a
voir fait voir voſtre ſage
conduite dans un âge où la
prudence eft fi peu ordinatre
àla jeunesse , jaye fait une
legere peinture d'une partie
de vos éclatantes Actions ;
aa
EPISTRE.
Jedois ajoûter icy que nousne
voyons point de Souverains
, meſmeparmy les plus
puiſſans Monarques , qui
ayent porté la magnificence
außi loin que V. A. R. Vos
Superbes Bastimens , vos
Meubles magnifiques, &la
riche abondance de vosPierrerits
, tout marque le Sang
dont vous fortez. Cependant,
MONSEIGNEUR,tant
dechoſes n'empeſchent point
que la Nobleffe infortunée
ne trouve un azile auprés
EPSSTRE.
de vous , es que beaucoup
d'illustres Malheureux ne
foient tous les ans vangez
par vos bienfaits des injuſtices
de la fortune. Si l'on
joint à toutes ces dépenses
les grandes &galantes Feſtes
que vous donnez ſouvent
, on connoistra, MONSEIGNEUR
, que vous fçavezfoûtenir
de toutes manieres
l'éclat de vostre augufterang;
außı perſonne n'en
connoift-il mieux la grandeur
,&les droits queV.A
EPISTRE .
R. Maisquoy que vous les
Coûteniez ſi dignement ,
vous avez une bonté naturelle
, qui ſans vous faire
defcendre de vostre rang
vous attire tous les coeurs.
Iusqu où ne va- t- elle point
pour les auguſtes Perfonnes
qui vous touchent ? Quels
Soins ne prenez - vous pas
de l'éducation d'un Prince,
dont l'efprit a brillé avant
l'âge , &à qui vous donnez
ſi ſouvent d'utiles leçons.?
Quelle tendreffe n'avez-
VOUS
EPISTRE.
C
pas pour la Reyne d'Eſpagne
, & pour Madame la
DucheffeRoyalede Savoye,
vos augustes Filles ! On en
peut juger par l'empreſſo
ment que vous avez à leur
apprendre de vos nouvelles ,
& à recevoir des leurs , &
par les Preſens que vous
leur faites continuellement;
de forte que si elles ne tenoient
point la vie de vous ,
vous paroiftriez peut- estre
trop galant à leur égard.
Mais , MONSEIGNEUR
ee
EPISTRE.
on peut dire quesi l'avan
tage eft grandde vous avoir
pour Pere , il y en a außi
beaucoup à vous avoir pour
Maistre. Ceux qui ont
I'honneur de vous fervir ,
trouvent unProtecteurdans
V. A. R. Vous avez la
bonté d'entrer jusque dans
le détail de leurs affaires.
S'ils ont des proces que vous
trouviez juftes , vous les
faites recommander ; &sit
faut obtenir du Roy quetque
grace en leur faveur .
EPISTR E.
V. A. R. ne dédaigne
point de parler pour eux.
Enfin ,MONSEIGNEUR ,
-Si on vous rend quelque
Service diftingué , vous
accablez de bienfaits ceux
dont vous le recevez .Mais,
MONSEIGNEUR , je
voy qu'il faut que je finiffe
malgré l'abondance de
la matiere qui me reste ,
& que pour ne point pas-
Ser tes bornes d'une Epiſtre
, j'ajoûteſeulement icy
EPISTRE.
que je suis avec le plus profond
respect,
MONSEIGNEUR,
De Voſtre Alteſſe Royale
Le tres -humble & tres
obeïllant Serviteur
DEVIZE .
201
و
MONSEIGNEUR
:
0
LE DUC
D'ORLEANS
FRERE UNIQUE DU ROY
M ONSEIGNEUR,
م
S'il n'y a rien de plus
difficile àfaire que les EpiEPISTRE
.
Stres de la nature de celle
que j'ofe entreprendre ,
c'eſt ſur tout lors qu'onse
propose de donner quelque
idée d'une Vie toute glorieuse
, & qui s'est formée
Sur un Modelle où les
plushautes Vertus se trouvent
dans leur plus brillant
éclat. Quoy que les
bonnes inclinations qu'un
Prince fait voir si - toft
qu'il fort de l'Enfance ,
Semblent devoir faire croire
que la ſuite répondra à de Mon
EPISTRE .
fi beaux commencemens ,
'Histoire ne laiſſe pas de
nous fournir de grands
exemples du contrairs.
Mais , MONSEIGNEUR ,
on n'a pas douté un moment
que le temps ne donnaft
de la force aux vertus
naiſſantes deVoftreAlteffe
Royale , quand on vous a
veu pour la feuë Reyne vostre
Mere un respect 15
une tendreffe qui caufoient
de la joye & de l'admiration
à tous ceux qui avoient
EPISTRE.
P'honneur de vous aprocher.
V. A. R. n'estoit jamais
plus contente , que lors qu'-
Elle estoit avec cette Princeffe.
Vous quittiez fouvent
les plaiſirs qui ont accoutumé
d'attacher les Per-
Sonnes d'un age peu avancé
, pour ſuivre cette vertueuse
Reyne dans les lieux
où sa pieté la conduiſoit..
Vostre chagrin paroiſſoit
fenſible, lors que vous croyiez
luy avoir déplû en quelque
chofe ; & dés queV. A. R.
EPISTRE .
eut remarqué que cettefage
Princeffe fouhaitoit que
vous vous attachaßiez au
Roy, ces voeux furent außitoſt
remplis ; mais , MONSEIGNEUR
, comme vous ne
faites en cela que ſuivre
voſtre penchant naturel , il
a toûjours paru depuis ce
temps-là que rien ne pouvoit
alterer la reſpectueuse
amitié que vous aviez pour
un Monarque quieft devenu
les delices defes Peuples,
& l'admiration de toute la
EPISTRE.
Terre ; le temps n'a fait
qu'augmenter cette union ,
& la tendreſſe vous ayant
joint au Roy ainfi que le
Sang, tout a marqué la
parfaite intelligence dans
laquelle vous vivez. Lors
qu'il s'estagy des divertiffemens
que l'age autorise , &
des Spectacles qu'unSouverain
doit donner pour la
gloire deſon Etat , & pour
occuper la plus vive Feuneſſe
de fa Cour, qui ſans
ces plaisirs neceſſaires auroit
EPISTRE.
pû en chercher d'autres
moins permis on vous a vûs
briller enfemble , &vous
faire reconnoiſtre par voſtre
bonne grace & par vostre
bon air, toutes les fois que
l'usage observé dans ces
fortes de Spectacles demandoit
que vous fußiez caché.
Quandde cesfeux on apaffé
à quelque divertiſſement
Martial , on vous a veus
dans ces Festes guerrieres
dans ces Carrousels commander
l'un l'autre les
EPISTRE .
premieres Quadrilles.Enfin
lors qu'il s'estagy de veritables
fatigues , & de perils
eff ctifs, on peut dire,MONSEIGNEUR
, que vous n'avez
pas feulement accom
pagnéleRoy, mais que vous
avez toujours esté ſonOm
bre,s'ilm' eftpermisdeparler
ainsi, à moins que V.A.R.
n'ait quitté cet Augufte
Frere pour aller vaincre
fes Ennemis en prenant
des Places, ou en gagnant
des Batailles. Le doy parler
EPISTRE.
de cette union , puis que d'e
toutes les merveilles de ce
floriffantEtat, c'est ceque le
Roy deSiam ale plus admiré.
Les Relations conviennent
toutes que lors que ce
Monarque l'eut apprise, il
ditqu'il nes'étonnoitplusdes
prosperitez de la France ,
ny du malheur de quelques
Roisfes voifins, dont la di
viſion de la Famille Royale
avoit cauſe laruine. Enfin
ce Prince en parla d'une
maniere quifit paroiſtre que
EPISTRE.
cestoit la seule chose qui
manquoit au bonheur deSa
Vie , esque s'il euſt eu quelques
Souhaits à former , ils
ne pouvoient estre quesur
une choſe dans laquelle il
faisoit confifter leſouverain
bonheurd'unEtat. LesAmbaffadeurs
de ce Monarque
ne luy diront pas seulement
ce qu'ils ont veu de cetteunion;
mais aprés luy avoir
confirmé tout ce que la Renommée
a prisſoin de luy aprendre
des merveilles de la
i
Vie
EPISTRE.
Viedu Roy , ils parleront de
V. A. R. Ils enfont charmez
, & voicy la troiſiéme
Relation , où l'on peut voir
de quelle maniere ils ont expliqué
ce qu'ils en penſent.
Vostre bonté , MONSEIGNEUR,
leur a paru dans
les choses obligeantes queV.
AR a bien voulu leur dire,
Vostre magnificence a brillé
à leurs yeux dans vos Palais
&&dans vos Festes , &
ils ont paßé pendant leur
Voyage de Flandre dans
EPISTRE.
quelques - uns des lieux où
V. A. R. a fait marcher la
Victoireàses coſtez. Mais
comme ils n'ont vũ qu'une
partie de ce que vous avez
conquis pour le Roy , je ne
Sçaurois m'empescher de
marquer icy tout ce que vous
avez fait lors que vous avez
commandé en Chef les
Armées d'un FrereAuguste
qui vous est plus cher que
vous- même. QuandceMonarque
entreprit la glorieu-
Se Guerre qui vangea tant
EPISTRE.
de Rois , en humiliant une
Puissance inferieure à ces
Souverains , & qui s'en di-
Soit lArbitre. SaMajesté
commença pardesEntrepri-
Ses dont tous les Siecles paf-
Sezne luy fourniffoient aucun
exemple. Elle ouvrit la
Campagne par quatre Sieges
àla fois , &vous euftes
Pavantage , MONSEL
GNEUR, de triompher le
premier en forçant la Ville
d'Orsoy de ſe rendre à dif
cretion ; de forte qu'on ne
Tij
EPISTRE .
1
peut s'entretenir de cette fameuse
Guerre qu'aprés avoir
admiré le Roy dans
tout ce qu'il a fait pour la
Soûtenir außi glorieusement
qu'il l'avoit commencée , on
ne paſſe aux Actions du
Prince à qui est deuë la
conqueste de cette Place.Elle
couta peu de temps & peu
d'hommes ; & cependant ,
MONSEIGNEUR , le Roy ,
&V. A.R toûjours inſepables
, ſur tout dans le
peril , vous courustes risque
EPISTRE .
L
de la Vie. Sa Majestévoulant
tout voir , & donner
par ttoouuttſeess ordres elle-mefme
, alloit tantoft àun Siege
& tantoſt à l'autre. Ainfi
on peut dire qu' Ellé estoiten
meſme temps devant les
quatre Places aßiegées. Ce
Monarque estant un jour
venu dans vostre Camp ,
vous allaſtes enſemble voir
quelques attaques . Vous
bravaſtes le peril , & demeuraſtes
quelque tempsen
un lieu où M. le Chevalier
EPISTRE .
preff aftes
d Arquin,qui vousſuivoit,
fut tué d'un coup de Canon
avant que vous fußiezhors
deſa portée. Ce Siege fut
bien-toft finy, mais la maniere
dont vous preffaftes
cette Place , & voſtre inébranlable
fermetéfirent connoiſtre
que vous eſtiez capable
des plus hautes entreprifes.
Le Roy enfut bien per
Suadé, puis qu'aprés cette
conqueſte il choisit V. A. R.
pour faire le Siege de Zutphen,
Placeforte , & Capi
EPISTRE .
tale d'une Province. L'impatiente
ardeur que vous
fiftes alors paroistre fut une
preuve incontestable es de
voſtre valeur , & du desir
que vous aviez d'acquerir
de la gloire. Vous partiſtes
à trois heures du matin , &
demeurastes quatorze heures
àcheval. Enfin , MONSEIGNEUR,
vous n'arrestates
qu'àla veuë de laPlace,
où vous deviez cueillir des
Lauriers, &fi elle avoit esté
plus éloignée, l'ardeur quié
EPSSTRE .
chaufoit votre courage,vous
auroit empeſché desentirles
fatiques ausquelles l'homme
le plus robuſte auroit dûfuccomber
Vous allastes reconnoiſtre
la Place jusqu'à la
portée du Mousquet. Vous
marquâtes l'endroit où vous
vouliez que la Tranchée
fust ouverte , es les lieux
où l'on devoit drefferles Bateries
; vous poursuiviſtes le
Siege avec vigueur ,
triomphant &des ruſes que
les Ennemis mirent en ufaEPISTRE.
ام
ge, &de toute la valeur
qu'ils firent paroiſtre , vous
réduiistes ſous l'obeiffance
du Roy unePlace forte par
elle-mesme,&par une nombreuse
Garnison , &munie
de tout ce qui pouvoitfervir
àune longue défense;mais
vostre pieté vous empefcha
d'y entrer , avant que d'y
avoir rétably le culte des
Autels , eny faisant celebrer
laMeffe.
L'année ſuivante le Roy
ayant aßiegeMastric, donEPISTRE.
naà V. A. R. l'attaque dis
Fort de Veich. Ce ne devoit
estre qu'unefaufſe Attaque,
mais vous la poufſfaſtes avec
tant de chaleur le jour que
vos Troupes donnerent pour
favorifer la veritable , que
vousfiſtesrompre les Palif-
Sades,&emporterla Demylune
; deforte quefi on eust
préparé des échelles , on se
Seroit rendu Maistre de la
Place par escalade , tant
vous ſcavez inſpirer d'ardeur
aux Troupes qui com-
د.
EPISTRE.
battent ſous vos ordres .
Pendant le cours de cette
Guerre , V. A. R. prit encore
deux Places importantes,
5gagna une Bataille qui
en afſeura beaucoup autres.
Bouchain fut la premiere
qui connut que vous n'attaquezjamais
fans triompher.
Aprés avoir reconnu
vous- mefmes les endroits les
plus avantageux , vous ré-
Solûtes d'ataquer deux Baſtions
. L'un estoit convert
par un Ouvrage à corne,
>
EPISTRE .
LaCourtine qui estoit entre
ces deux Bastions estoitaußi
couverte d'une Demy-lune ,
&pour diviſerle feu desAffiegezpar
une diverſion neceffaire,
&faciliterles Travaux
de cette attaque qui
embrafſoit plusieurs grands
Ouvrages , V. A. R. jugea
àpropos d'en faire commencer
une du costé de la baffe-
Ville.
Vous estiez appliqué à
ce Siege , lors que le Roy
vous envoya avertir, fuivant
EPISTRE.
vant la parole qu'il vous
avoit donnée , Qu'il voyoit
quelque apparence deBataille
,& qu'il croyoit que
le Prince d'Orange expoſeroit
plûtoſt cinquante
mille hommes, que d'eſtre
témoin de la priſe de Bouchain.
Vous marchastes
außi- toft,laiſſant vos ordres
pour la continuation du Siege.
Vous trouvaſtes leRoy
en Bataille en presence des
Ennemis, &vous vousmi
tes àla teſte de l'aifle gauche
ū
EPISTRE .
que vous deviez commander.
Le Prince d'Orange
ayant évitéle Combat, vous
retournaſtes au Camp , 5
tout remply encore de l'ardeur
dont vous eſtiez animé
, vous ordonnaſtes qu'on
emportaft tous les Dehors
de Bouchain l'épée à la
main, ce qui fut executé,
laPlace ſe rendit bien- toft
aprés. Tant que ce Siege
dura, V. A. R. paffa toutes
les nuits à cheval. Elle viſitoit
les Attaques , les BateEPISTRE.
ries , & les Gardes des Lignes.
Elle entroit dans tous
les détails , & envoyoit
fans ceffe des rafraichiffemens
aux Soldats pour les
encourager au travail.
Fedeurois parlericy d'une
Conqueſte bien plus importante
, &dire ce que V. A.
R. fit devant Saint Omer
mais comme on en peut jugerpar
les Sieges des Places
que vous avez prifes ,dont
Je viens d'ébaucher quelques
Actions, je ne parleray
EPISTRE.
plus que de la Bataille de
Caffel ; elle est remplie de
trop de circonstances glorieuses
àV. A. R. pourn'en
marquerpas au moins quelques-
unes . L'Armée ennemie
estoit plus forte que celle
du Roy,elle estoit postée dans
des lieux naturellementfortifiez.
Des hayes vives &
des foſſez pleins d'eau luy
fervoient de rempart, elle
n'estoit point obligée de di
viſerſes forces comme vous,
MONSEIGNEUR , qui de
EPISTRE .
viez laiffer des Troupes
dans la Tranchée de Saint-
Omer,& dans les postes que
que vous aviez gagnez autour
de cette Place. Cependant
voyant la neceßité , ou
de combattre , ou d'eſtre contraint
à lever le Siege que
vous aviez ſi heureuſement
commencé, vous ne balançastes
point,quoy que leConfeildeGuerre
euft de lapeine
àSerefoudre au Combat,
dites, Que vous ne vouliez
pas eſtre obligé à lever le
EPISTRE.
Siege , & que fous voſtre
Commandement les Armes
du Roy receuffent un
affront qui ne leur eſtoit
point encorearrivé depuis
le commencement de la
Guerre. Vous vous avançaftes
enfuitepour reconnoiſtre
les Ennemis , & donnastes
des ordres pour les
aller attaquer. Ce fut - là
que vous remplistes les devoirs
& d'un brave Capitaine
, & d'un General experimenté
Vous exhortaftes
EPISTRE.
les Soldats, vous leur inspiraſtes
de l'ardeur , & vous
les menaſtes à la charge.
Ainsi vostre esprit esvostre
coeur n'agirent pas moins
que vostre bras. Dés que les
Ennemis faisoient quelque
mouvement , vous donniez
de nouveaux ordres , & vous
fuftes toûjours defangfroid
au milieu des dangers ,Sans
paroiſtre un seul moment
embaraßé. Lefeu des Ennemis
ne vous étonna point;
vous vistes pluſieurs de vos
A
EPISTRE.
Officiers bleffez autour de
vous ; vous eustes mesme un
cheval bleßé , & receustes
un coup de Mousquet dans
vos Armes. Tout cela ne
vous empécha point de chargerſouvent
à la teste des
EscadronsedesBataillons,
d'estre toûjours au plus fort
de la mêlée , & de remener
vous-mesme au Combat,des
Troupes qui avoient plié.
Le lendemain la douceur
ayant pris la place du feu
qui brilloit dans vos yeux
EPISTRE..
ود
le jour du Combat ,le foin
que vous fiftes prendre des
Bleſſez,vous rendit l'amour
des Vaincus dont vous
aviez esté la terreur , comme
vous devinſtes l'admiration
des Vainqueurs..
Mais, MONSEIGNEUR, ce
n'est pas affez , qu'aprés a
voir fait voir voſtre ſage
conduite dans un âge où la
prudence eft fi peu ordinatre
àla jeunesse , jaye fait une
legere peinture d'une partie
de vos éclatantes Actions ;
aa
EPISTRE.
Jedois ajoûter icy que nousne
voyons point de Souverains
, meſmeparmy les plus
puiſſans Monarques , qui
ayent porté la magnificence
außi loin que V. A. R. Vos
Superbes Bastimens , vos
Meubles magnifiques, &la
riche abondance de vosPierrerits
, tout marque le Sang
dont vous fortez. Cependant,
MONSEIGNEUR,tant
dechoſes n'empeſchent point
que la Nobleffe infortunée
ne trouve un azile auprés
EPSSTRE.
de vous , es que beaucoup
d'illustres Malheureux ne
foient tous les ans vangez
par vos bienfaits des injuſtices
de la fortune. Si l'on
joint à toutes ces dépenses
les grandes &galantes Feſtes
que vous donnez ſouvent
, on connoistra, MONSEIGNEUR
, que vous fçavezfoûtenir
de toutes manieres
l'éclat de vostre augufterang;
außı perſonne n'en
connoift-il mieux la grandeur
,&les droits queV.A
EPISTRE .
R. Maisquoy que vous les
Coûteniez ſi dignement ,
vous avez une bonté naturelle
, qui ſans vous faire
defcendre de vostre rang
vous attire tous les coeurs.
Iusqu où ne va- t- elle point
pour les auguſtes Perfonnes
qui vous touchent ? Quels
Soins ne prenez - vous pas
de l'éducation d'un Prince,
dont l'efprit a brillé avant
l'âge , &à qui vous donnez
ſi ſouvent d'utiles leçons.?
Quelle tendreffe n'avez-
VOUS
EPISTRE.
C
pas pour la Reyne d'Eſpagne
, & pour Madame la
DucheffeRoyalede Savoye,
vos augustes Filles ! On en
peut juger par l'empreſſo
ment que vous avez à leur
apprendre de vos nouvelles ,
& à recevoir des leurs , &
par les Preſens que vous
leur faites continuellement;
de forte que si elles ne tenoient
point la vie de vous ,
vous paroiftriez peut- estre
trop galant à leur égard.
Mais , MONSEIGNEUR
ee
EPISTRE.
on peut dire quesi l'avan
tage eft grandde vous avoir
pour Pere , il y en a außi
beaucoup à vous avoir pour
Maistre. Ceux qui ont
I'honneur de vous fervir ,
trouvent unProtecteurdans
V. A. R. Vous avez la
bonté d'entrer jusque dans
le détail de leurs affaires.
S'ils ont des proces que vous
trouviez juftes , vous les
faites recommander ; &sit
faut obtenir du Roy quetque
grace en leur faveur .
EPISTR E.
V. A. R. ne dédaigne
point de parler pour eux.
Enfin ,MONSEIGNEUR ,
-Si on vous rend quelque
Service diftingué , vous
accablez de bienfaits ceux
dont vous le recevez .Mais,
MONSEIGNEUR , je
voy qu'il faut que je finiffe
malgré l'abondance de
la matiere qui me reste ,
& que pour ne point pas-
Ser tes bornes d'une Epiſtre
, j'ajoûteſeulement icy
EPISTRE.
que je suis avec le plus profond
respect,
MONSEIGNEUR,
De Voſtre Alteſſe Royale
Le tres -humble & tres
obeïllant Serviteur
DEVIZE .
Fermer
Résumé : A SON ALTESSE ROYALE MONSEIGNEUR LE DUC D'ORLEANS FRERE UNIQUE DU ROY.
L'épître est adressée à Monseigneur le Duc d'Orléans, frère unique du roi, et met en lumière les vertus et les exploits du Duc. L'auteur reconnaît la difficulté de décrire une vie aussi glorieuse et vertueuse, tout en soulignant que les bonnes inclinations d'un prince peuvent se manifester dès l'enfance, bien que l'histoire offre des exemples contraires. Le Duc d'Orléans est loué pour son respect et sa tendresse envers la reine, sa mère, ainsi que pour son attachement au roi. Il a souvent préféré la compagnie de la reine aux plaisirs habituels de son âge, et son chagrin était visible lorsqu'il croyait lui avoir déplu. La reine souhaitait qu'il se rapproche du roi, ce qui fut réalisé. Leur relation est marquée par une respectueuse amitié et une parfaite intelligence, renforcée par des divertissements et des spectacles où ils brillaient ensemble. Lors des divertissements martiaux, le Duc et le roi se distinguaient dans les carrousels et les fêtes guerrières. Leur union a été admirée par le roi de Siam, qui y voyait une clé du bonheur et de la prospérité de l'État français. L'épître détaille également les exploits militaires du Duc, notamment lors de la guerre contre une puissance inférieure. Le Duc a joué un rôle crucial dans la prise de plusieurs places fortes, comme Orsoy, Zutphen, et Bouchain, montrant un courage et une détermination exceptionnels, souvent au péril de sa vie. Il a également participé à la bataille de Cassel, où il a mené les troupes avec ardeur et stratégie. Sa conduite sage et brave a été saluée par tous. Enfin, l'épître souligne la magnificence du Duc, visible dans ses bâtiments superbes, ses meubles magnifiques, et la richesse de ses pierreries, tout en notant que ces richesses n'entravent pas sa noblesse et sa générosité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 136-185
Arras [titre d'après la table]
Début :
Le 19. ils disnerent à Sarbret, & ce qu'il y a de surprenant, [...]
Mots clefs :
Arras, Ville, Roi, Ambassadeurs, Comté, France, Dames, Ambassadeur, L'Arbret, Aix-Noulette, Temps, Église cathédrale, Place, Officiers, Actions, Armes, Magnificence, Fortifications, Régiment, Villeneuve, Gloire, Guerre, Prince, Citadelle, Mains, Lieutenant, Honneurs, Capitaine, Monarque, Merveilles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Arras [titre d'après la table]
Le 19. ils difnerent à Sarbret
, & ce qu'il y a de furprenant
, c'eſt qu'encore qu'il
n'y euſt en cet endroit qu'une
ſeule maiſon , deſtinée ſeulement
pour la Poſte , & dans
laquelle il n'y a que des chevaux
, les Ambaſſadeurs y
furent ſervis avec la meſme
magnificence qu'à Paris , ce
qur
qui dans un petit lieu , où
l'on ne peut rien trouver
ſembla tenir de l'enchante-
2
des Amb. de Siam. 137
ment. Les Services paroiffoient
preſque auffi grands que la
Maiſon , ce qui fit dire au
premier Ambaſſadeur que tout
contribuoit à faire voir la magnificence
du Roy. Ils partirent
enfuite pour Arras , Capitale
de l'Artois fur la riviere de
Scarpe. C'eſt une Ville dont
les Fortifications font tresregulieres.
Elle est fort ancienne
, & eftoit la premiere
du Comté de Flandre, quand
Charles leChauvé ladonna en
dotàJudith ſa fille , que Baudoüin
ditBras de fer,Comte de
Flandre épouſa en 863. Elle fut
M
138 III. P. dùVoyage
réunie à la France avec tout
l'Artois en 1180. par le mariage
de Philippe Augufte , avec
Iſabelle de Hainaut , Fille de
Baudoüin V. Le Chapitre de
l'Eglife Cathedrale de Nôtre-
Dame eſt compoſé de 40.
Chanoines , & de 52. Chapelains.
L'Evêque d'Arras eft
Suffragant de Cambray. Il y
a encore d'autres belles Eglifes
, la celebre Abaye de S.
Vaft , & unCollege de Jefuites.
Cette Ville fut livrée à
Maximilien I. en 1493. & enfin
ſoûmiſe aux François en
1640.
des Amb. de Siam. 139.
Les Ambaſſadeurs arriverent
fur les trois heures àune
demie licuë de cette Place . La
Cavalerie qui estoit allée au
devant d'eux , lesy attendoit.
Elle estoit compofée de douze
Compagnies du Regiment
de Conigſmark de 40.Maîtres
chacune. M' Mullor premier
Major du Regiment les commandoit.
Lorſque les Ambaffadeurs
approcherent , il les
fit ſaluer de l'épée par toute
cette Cavalerie , qui preceda
enfuite leur Caroffe. Ils trouverent
à la Bariere de la Contreſcarpe
, Male Comte de
Mij
140 III . P. du Voyage
1
Villeneuve Lieutenant de
Roy d'Aras , & qui commande
en l'abſence deM leComte
de Nancré qui en eſtGouverneur.
Il eſtoit accompagné
de tous les Officiers Majors. Il
leur témoigna la joye qu'il
avoit de pouvoir leur rendre
tous les honneurs que Sa Majeſté
luy avoit ordonné de
leur faire. Ils répondirent à ce
compliment de la maniere la
plus honneſte , & qui pouvoit
mieux marquer leur reconnoiſſance
Ils entrerent enfuite
dans la Ville au bruit
du Canon, & au travers d'une
des Amb. de Siam , 14
double haye d'Infanterie.Elle
eſtoit compoſée du Regiment
de Phiffer , qui avoit la droite,
& de 4 Compagnies du Regiment
de Stoup le jeune ,
qui estoit à gauche , à la tête
deſquelles eſtoit M. Lifler Capitaine
du Regiment. Les
Ambaſſadeurs faluerent toutes
les Dames qui estoient aux
feneftres pour les voir paffer.
Toute l'Infanterie les ſalua
de la pique. Pendant cetems
le carillon de la Ville ſe faifoit
entendre , & l'on fonna
une Cloche appellée Ioyeuse ,
parce qu'on ne la ſonne ja
142 III. P. du Voyage
mais que pour des ſujets de
réjoüiſlance. Quand la tête
de la Cavalerie eût atteint la
queuë de la Garde , à la teſte
de laquelle estoit M Courteft
Capitaine de Phiffer , elle
s'ouvrit , & forma deux hayes
pour laiſſer paffer leurs Caroffes
. M le Comte de Villeneuve
les reçut à la porte de
leur logis , & les conduifit
dans leur chambre , où il
entra feul avec M Torf , &
les Officiers Majors. On lia
converfation en attendant
Mrs les Magiſtrats. Les Ambaſſadeurs
ſe ſervirent de ce
desAmb. de Siam. 143
temps pour demander combien
il y avoit de feux &
d'Habitans dans Arras , & de
quelle grandeur eſtoit la Ville,
dont ils marquerent ſouhaiter
le Plan. Le Pere Recteur
des Jefuites vint pendant ce
temps- là , & leur témoigna ſa
reconnoiſſance que toute la
Compagnie avoit du bon
accüeil que le Roy de Siam
faiſoit aux Jeſuites dans fon
Royaume. L'Ambaſſadeur
luy répondit que le Roy fon
Maître les estimoit beaucoup ,
qu'ils n'en pouvoiët douter, puis
qu'il en demandoit encore. Mrs
144 III. P. du Voyage
du Magiſtrat eftant enſuite
arrivez , les Ambaſſadeurs ſe
leverent de leurs fauteüils , &
apres qu'ils les eurent ſaluez
à leur maniere pour repondre
à leur falut , Mª Palifor
d'Incourt Confeiller de Ville ,
& Deputé General & ordinaire
des Etats d'Artois pour
te tiers Etat , leur parla de cetle
forte .
MESSEIGNEVRS,
Cette Ville d' Arras a toûjours esté
Si jalouſe d'exécuter les ordres du
Roy , qu'elle les a toûjours receus
avec autant d'empreffement que de
Soumiffion. Ceux que Sa Majesté
nous
des Amb.de Siam. 145
nous donne aujourd'huy de vous
honorer avec une distinction toute
finguliere, font fi precis &fi pofitifs
, que nous avons juſte ſujet de
craindre que nos efforts ne soient
auſſi vains là deſſus, que nos volontezfont
finceres & toutes remplies
de ce zéle qui a toûjours fait toute
l'ame&tout l'esprit de nostre obéiffance.
En effet, Meſſeigneurs , ce
grand Roy ne pouvoit pas publier
avec plus d'éclat l'estime qu'il fait
de vostre Monarque & de vos Per-
Sonnes, qui charmez de la gloire
qu'il s'est acquiſe dans les expeditions
de la Guerre , &de laſageſſe
de ſa conduite dans la Paix, avez
bien voulu traverſer tant de mers
&fuivre, pour ainsi dire, le cours
du Soleil , pour voir un Prince quż
par la rapidité defes Victoires Sçait
N
146 III. P. du Voyage
le mieux imiter le mouvement de
ce bel Astre , qu'il prend pour fa
Deviſe. Vous reſſemblez en cela à
l'excellente Princeffe Nicaulis Reine
d'Egypte & d'Ethiopie, laquelle
ayant entendu parler de la vertu &
de la sagesse de Salomon, defira de
voir de ses propres yeux ,fi ce que
la Renommée publivit de luy estoit
veritable ; elle ne craignit point
pour cet effet d'entreprendre un long
voyage ; & aprés avoir esté remplie
d'étonnement de voir dans ce Prince
une capacitéfi extraordinaire, &
tant de merveilles dansfon Royau
me , elle ne pût s'empêcher de s'écrier,
Probavi quod media pars
mihi nuntiata non fuerit , major
eft fapientia tua & opera tua ,
quam rumor quem audivi. Ainsi,
Meßeigneurs , nous ne doutons pas
3
1
des Amb. de Siam. 147
qu'aprés que vous aurez admiré
l'esprit de Loüis le Grand , qui est
le Salomon de nostre fiecle, dans la
grandeur & la magnificence deſes
Bâtimens , dans l'oeconomie de sa
Maison, dans le bel ordre de fes
Troupes nombreuſes tant sur mer
quesur terre , dans le nombre infiny
deſesſurprenantes Conquestes , dans
la regularité des Fortifications de
fes Places, & en un mot, dans tout
le reste deſa conduite, vous ne rapportiezfidellement
à voſtre Souverain
Seigneur , que le bonheur de
nostre augusteMonarquefurpaſſede
beaucoup tout ce que vous vous en
estiezimaginé, &qu'il faut l'avoir
vû pour le pouvoir croire. Au reſte,
Meſſeigneurs , nous ne pouvons
mieux répondre aux commandemens
de Sa Majesté , qu'en vous
Nij
148 III . P. du Voyage
Suppliant trés-humblement de nous
honorer des vostres , & d'agréer ces
petits Prefens que nous vous apportons
pour marque qu'il n'y a rien
dans la Ville qui ne foit entierement
à voſtre diſpoſition , & que
nous sommes avec tout le respect
dont nous sommes capables,
MESSEIGNEVRS,
Vos tres humbles &
tres- obéïffans Serviteurs ,
Les Mayeur & Eſchevins
de la Ville d'Arras ..
1
L'Ambaſſadeur répondit,
Que le Roy fon Maistre estoit
un grand Monarque , qui ayant
entendu parler de la grandeur
desAmb de Siam. 149
du Roy de France , defes Conquestes,
&deſes manieres toutes
genereuſes , avoit envoyé il y a
quelques années des Ambaſſadeurs
pour luy demander fon
amitié ; mais que ces Ambaſſadeurs
ayant vray-femblablement
pery, puiſqu'on n'en avoit point
entendu parler, Sa Majesté Siamoiſe
impatiente de voirfon defir
accomply, les avoit de nouveau
envoyezenFrance, non pour aucun
interest ny pour traiterd'affaires
, puisque l'on doit estre
affez perfuadé que ces deux
grands Rois n'en ont point à
démefler enſemble ; mais uni-
Niij
150 III . P. du Voyage
quement pour l'honorer & pour
luy marquer avec quel empreffement
le Roy de Siam recherche
fon amitié. Ils adjoûterent,
qu'ils avoient beaucoup d'obligation
au Roy de la reception
qu'il avoit ordonné qu'on leur
fift dans toutes les Villes où ils
avoient paßé , & qu'ils remer
cioient en particulierMrs d'Arras
, de l'honneur & des Prefens
qu'ils leur faisoient. Cette réponſe
fit connoiſtre qu'ils
avoient compris le ſens de la
Harangue, puiſque l'Hiſtoire
nous apprend que la Reine de
Saba n'eſtoit venuë voir Sa-
1
des Amb. de Siam. 151
lomon que pouffée du defir
de reconnoiſtre en luy toutes
les merveilles que la Renommée
en publioit, & non pour
traiter avec luy d'aucunes
affaires . M de Ville eftant
fortis , M le Comte de Villeneuve
leur demanda l'ordre
, & ils donnerent pour
mot , qui m'attaque fe pert. Il
eſt à propos de marquer icy
une choſe qui vous fera connoiſtre
les raiſons qu'ils ont
cuës de donner par tout les
mots qui ont eſte ſi approuvez
, & qui leur ont fait meriter
tant de loüanges. En
Niiij
152 III. P. du Voyage
approchant de chaque Ville,
ils s'informoient de l'hiſtoire
de la Ville où ils alloient , de
l'état de la Place , des Sieges
qu'elle avoit ſoûtenus, & du
merite , de la qualité & des
actions du Gouverneur ; & de
toutes ces chofes , ainſi que
de ce qui leur arrivoit , &
de ce qu'ils voyoient dans la
Place, ils formoient les mots
que pour leur faire plus
d'honneur & marquer plus
de déference , les Commandans
leur demandoient. C'eſt
pourquoy ils donnerent celuy
de qui m'attaque se pert,
des Amb. de Siam. 153
ayant appris que de nombreuſes
Armées remplies de
Troupes de differentes Na--
tions,&commandées par des
Chefs d'une grande experience
, & d'une haute reputation
, avoient eſté contraints
de lever le Siege de devant
Arras. Le concours du peuple
fut grand pour les voir
ſouper ; mais comme ils auroient
eſté trop incommodez
, on ne laiſſa entrer que
les premieres perſonnes de la
Ville , & les principales Dames,
auſquelles ils firent tout
le bon accüeil imaginable.
154 III . P. du Voyage
Ils donnerent à la plus confiderable
ce que leur Deffert
avoit de plus beau , pour le
diftribuer aux autres ; ce
qu'ils ont fait fort ſouvent
en de pareilles occaſions .
Ils ne fortirent point le
lendemain matin , mais ils
reçûrent les viſites de M. le
Comte de Villeneuve Lieutenant
de Roy , de M² Bifſetz
Major de la Place , des
principaux Officiers de la
Garnifon , & de quelques
Mrs du Confeil. La plupart
de la Nobleſſe des environs
d'Arras vint auſſi les falier.i
des Amb. de Siam. iss
Onleur propoſa de leur faire
entendre l'aprés- dînée ce qui
fut chanté à Sceaux devant
le Roy , lorſque Sa Majefté
fit l'honneur àMª de Seignelay
d'aller voir cette belle
Maiſon , à quoy ils confentirent.
On ne laiſſa entrer
que les Dames pour les voir
dîner. Sur les deux heures
Me le Comte de Villeneuve
les vint prendre dans quatre
Carroffes , pour les mener à
la Citadelle , où Mª de la
Pleigniere qui en eſt Gouverneur
, les fit recevoir au
bruit du Canon. Ils paffer
156 III. P. du Voyage
rent au travers de deux hayes
d'Infanterie , & les Officiers
les falüerent de la Pique. II
leur fit voir les Fortifications
de la Place ; ils les examinerent
toutes , & demanderent
le nom de chaque piece. Ils
virent auſſi faire l'Exercice à
un Bataillon de Picardie qui
eftoit ſous les Armes , à quoy
ils prirent beaucoup de plaifir
. On leur fit voir enſuite
l'Arcenal , & tout ce qu'il y
a de remarquable dans cette
Citadelle ; aprés quoy on leur
fervit une magnifiqueCollation
, où l'on bût de quandesAnb.
de Siam. 157
zité de differentes Liqueurs.
Les Dames les plus diftinguées
de la Ville s'eſtoient
renduës dans la Citadelle ,
pour les voir plus commodément.
Ils les regalerent
de Confitures , & trouverent
qu'Arras ne manquoit pas de
beautez . La Santé du Roy
ne fut pas oubliée , & quelques
Dames la bûrent auffi.
Cette Affemblée n'eſtoitcompoſée
que de Gens de marque
, puiſqu'outre les Dames
il n'y avoit d'Hommes que
les Officiers de la Garniſon,
tant de la Ville , que de
158 IHI. P. du Voyage
la Citadelle . L'Ambaſſadeur
ayant apperçu un Plan qui
eſtoit attaché à la Tapiſſerie,
demanda quel Plan c'eſtoit.
On luy répondit , que s'eftoit
celuy de la Citadelle ; &
il le demanda à Mª de la
Pleigniere, qui le luy donna.
Comme ils avoient encore
beaucoup de choſes à
voir pendant le reſte de l'aprés-
dînée , ils ſortirent aufſi
- tôt que la Collation fut
finie , aprés avoir remercié
Mª de la Pleigniere en termes
fort obligeans, & le Canonſe
fit entendre à leur for
des Amb . de Siam. 159
tie de la même maniere qu'il
avoit fait lorſqu'ils eftoient
entrez. Ils allerent de là à
F'Eglife Cathedrale , où tout
le Peuple eſtoit accouru en
foule ; ils furent reçûs au
grand Portail par tout leChapitre
en corps , ce qui marquoit
quelque choſe de venerable
& d'augufte. Il avoit
à ſa tête M. le Févre
Prevoſt , Chanoine & Theologal
de cette Cathedrale ,
que nous avons veu Aumônier
& Predicateur de la Reine.
Voicy en quels termes
it parla aux Ambaſſadeurs .
160 III. P. du Voyage
MESSEIGNEURS ,
Puisque Sa Majesté vous envoye
furfes Frontieres pour vous rendre
Spectateurs de ſes Conquestes , que
la Renommée a portées jusqu'au
bout du Monde , ce qui vous afait
traverſer tant de Mers pour venir
admirer ce Salomon de nôtre Siecle
, nous ofons vous afſeurer que
la Ville d'Arras est un des plus
beaux &un des plus anciens Fleurons
de sa Couronne , & qu'il n'a
point dans tous ſes Estats de Province
plus memorable que celle
d'Artois , puisqu'elle a toûjours esté
regardée comme l'oeil & la clefde
toute la Flandre. En effet , Cefar
même n'a point balancé de paſſer
les Alpes , & de faire voir l'Aigle
Romaine aux Portes de cette CapidesAmb.
de Siam. 161
tale , dont le Siege luy cousta si
cher, qu'il avoue dansſes Commentaires
, que dans toutes les autres
attaques il avoit combattu pour la
gloire , mais qu'il avoit dans cellecy
deffendu fa propre vie , tant il
avoit trouvé de courage & de reſiſtance
dans lesPeuples qui la deffendoient.
On en voit encore les
glorieux restes , dans ce fameux
Camp * qui nous environne , où
ce grand Capitaine fut obligé de
demeurer fort long-temps , ne pou
vant vaincre cette genereuse opiniaſtreté
des Artefiens , qui arresta
le cours de ſes Victoires , &qui luy
fit acheter fi cherement la gloire
qu'il en remporta.
Cette Comté fameuse ayant par la
viciffitude des Temps & la revo-
*Le Camp de Cefar prés de l'Abbaye d'Eſtrun
162 III . P. duVoyage
lution des Guerres changé deMaitre
, & passé des mains des Ro
mains , dans celles des François,نم
de Payenne estant devenue Chrétienne,
fut l'Appanage de nos Princes
du Sang. Le grand faint Louys
enfit un Present à Robertfon Frere
; luy laiſſant pour partage les
Fleurs-de-Lys fans nombre , * it
luy fit comprendre qu'il ne devoit
point donner de bornes àson courage
sous un si glorieux Eftendart.
C'est ce Robert d'Artois qui paffantfur
le ventre à tant d'Infideles,
dont il achevoit la deffaiteà la
Mazoure dans l'Egypte , en devint
enfin la Victime , se croyant trop
heureux de verſertoutsonfangpour
la querelle du Sauveur du Monde ,
dont il vouloit arracher le facré
* Qui font les Armes encore aujourd'huy de
cetteProvince,
des Amb. de Siam. 163
Sepulchre des mains des Ottomans,
àla pointe deson épée.
Maissi cette Ville d'Arras s'est
distinguéepar les actions heroïques
qui se sont paßées au pied deses
murailles, &parses Princes qui se
font transportez chez les Nations
tesplus reculées pourysignaler leur
valeur , elle n'est pas moins recommandable
par ce fameux Traité de
Paix d'Arras en 1435.qui mit fin
à tant de differens, &à unesifanglante
guerre qui s'estoit allumée
dans toute l'Europe , ou le Duc de
Bourgogne fut en perſonne avec la
Ducheffefon Epouse Infante de Por
tugal. Ce Traitéy attira tout ce qu'il
yavoit de gens plus confiderables &
plus nobles fur la terre , les Legats
du Pape Eugene IV. ceux du Concile
de Bafle,&de l'Anti-Pape Fe
O ij
164 III. P. du Voyage
lix. L'EmpereurSigismond, lesRois
de Caſtille, d'Arragon, de Navarre,
de Naple , de Sicile & de Chypre,
de Dannemark & de Pologne, yenu.
voyerent leurs Ambaſſadeurs , qui .
jaloux de la gloire de leurs Nations
, affectoient une magnificence
extraordinaire . Ceux de France &
d'Angleterre encherirentfur les au
tres par la pompe de leurs Equipages
, les Ducs de Bourbon & de
Vendofme, avec les Conneſtable &
Chancelier, les Marcſchaux deRieux.
& de la Fayette, Adam de Cambray
Premier President au Parlement de
Paris,tous accompagnez d'une infinité
de Nobleffe de la Nation, qui
par leur politeffe & leur lustre don
nerent une haute idée de la leur.
Ce fut dans cetteAſſemblée que le..
Roy de France &le Duc de BourdesAmb.
de Siam. 165
gogne jetterent les fondemens d'une
Paix fincere, dont les fuites ont
esté trés- avantageuses à toute l'Europe
, qui fut jurée folemnellement
dans cette Eglise Cathedrale.
Voilà, Meffſeigneurs , l'éclat que
ba Ville d'Arras a tiré de la Paix
comme de la Guerre ; & cette Capitale
ayant depuis tombé tantôt.
dans les mains de Lauys XI. tantôt
dans celles de l'Empereur Maximilien
, qui faisoient à l'envy
leurs efforts pout s'en rendre les
Maistres , elle fut ensuite la dépofitaire
des cendres des Heros les.
plus distinguez dans la Guerre ;
puisque le Duc de Parme &le Maréchal
de Gaffion fant ensevelis.
dans l'enceinte de ses murailles,
comme si c'estoit le deftin à cette
Ville martiale de garder les précieux.
166 III. P. du Voyage
reftes de la bravoure& de la ge
nerosité qui fut le partage de ces
deux grands Capitaines.
Enfin Louys le lufte fut le dernier
Prince qui s'en afſeura la conqueste
par ses Armes victorieuses .
Elle ne balança pas d'ouvrir fis
Portes à un Roy qui devoit finir
fes miferes auffi- tôt qu'elle deviendroit
sasujette ; &pour en écarter
àjamais la tempeste qui la me
naçoit , LOVIS LE GRAND
en a reculé si loin la Frontiere de
fes Estats , qu'elte en est aujour
d'huy le centre , au lieu qu'elle en
estoit autrefois l'extremité : fi bien
que comme le grand Pompée fe
vantoit d'avoir fait parsa victoire
de l'Asie mineure , le milieu de
l'Empire Romain , qu'elle bornoiz
auparavant ; auffi l'on peut dire
des Amb. de Siam. 167
que la fameuse Ville d'Arras doit
aux Armesde LOVIS LE GRAND
l'avantage d'estre aujour'dbuy le
coeur de la France , dont elle estoit
cy - devant la teste.
Mais il manquoit àfagloire d'avoir
pour témoins deses antiquitez,
deses Fortifications , &defes
fertiles Campagnes , les Peuples les
plus reculez , quipour admirer toutes
ces merveilles ont traversé
toute la distance qui ſeparele Gange
d'avec la Mer Occidentale ,
qui vivant dans des Climats où
le Soleil commence sa course , font
venus jusqu'à ceux où ce grand
Aftre la finit ; en forte que l'on
peut dire de chacun de vous, Mef-
Seigneurs, ce que nous liſons dans
LeRoyProphete, quand il nous veut
donner une idée de fon mouve168
III . P. du Voyage
ment : * Exultavit ut gigas ad
currendam viam à ſummo Cælo
egreffio ejus , & occurfus ejus,
uſque ad fummum ejus.
Heureuſe Province , d'avoir receu
des Ambassadeurs Estrangers,
également venerables par le Prince
qu'ils reprefentent , &par l'importance
de leur ministere , qui n'ont
point apprehendé de faire un Voyage
de fix mille lieües pour ſe ménager
une Alliance avec LOVIS
LE GRAND. Ils pourront apprendre
au Roy de Siam toutes les
chofes quise font paßées sous fon
Regne , les grandes & fameuses
Victoires qu'il a remportées , les
Provinces qu'il a conquiſes , les
Citadelles qu'il a fait élever au
milien des Eaux , les Marais qu'il
*Pfal.. 44
desAmb de Siam. 169
deſſechez, le fecret qu'il a trouvé
de faire une Digue à la Mer,
pour arreſter l'impetuosité de ses ondes
qui n'avoient point encore più
trouver d'obstacle à leur rapidité.
Sans doute , Meſſeigneurs , le Roy
de Siam furpris de tant de merveilles
, se fera de LOVIS LE
GRAND une idée bien au deſſus
de celle que sa reputation luy avoit
donnée. Vôtre Roy que vous nommez
chez vous le Seigneur des Seigneurs
, & la seule cause du bon
heur deses Peuples , fera bien aiſe
d'apprendre de vous que vom avez
trouvé les François pleins de refpect
& de foimiſſion pour leur
Prince. Puiſſi z vous l'affeurer qu'il
n'est pas moins l'exemple , que le
Souverain de fes Sujets , &qu'il les
gouverne encore plus parses vertus,
P
1
170 III. P. du Voyage
que parses Loix. Peut- estre qu'en
luy representant l'Architecture &م
la beauté de cette Cathedrale , ore
reposent les cendres de Monfieur le
Comte de Vermandois , qui marchant
fur les traces de fon auguste Pere ,
aujourd'huy le plus grand des Rois ,
commençoit à ſe ſignaler déja dans la
Guerre ( C'est le précieux dépost que
Sa Majesté nous a confié depuis trois
ans dans ce Temple , où les ceremonies
de l'Eglife Chrétienne se celebrent
avec tant d'exactitude, & qui
depuis plus de treize Siecles a toujours
efté deffervie par tant de Saints
Evêques par tant de Chanoines,
d'un merite fi diftingué ) Peut- estre,
dis - je , que par un miracle qui n'a
point encore paru dans nosjours , le
Ciclouvrira fon coeur , & le faisant
fortir avec ses sujets des tenebres
des Amb. de Siam. 171
qui les aveuglent , il luy donnera
l'envie d'imiter LOVIS LE
GRAND dans sa Religion , comme
dans sa Domination : fi bienque
faisant tous deux une Alliance de
picté , comme de commerce ilsferont
tous deux également heureux
dans ce Monde , &pourront ajous.
ter à la Couronne qu'ils poſſedent
déjafur la Terre , celle de l'Eternité.
,
CetteHarangue ayant eſté
interpretée , l'Ambaſſadeur
répondit , Voftre Harangue ,
Monfieur , roule fur deux chefs,
fur la gloire de Loüis XIV. &
fur le defir que vous avez ainſi
que Sa Majesté , de noftre con-
Pij
172 III. P. du Voyage
version. A l'égard du premier,
on ne peut estre mieux perfuadé
que nous leſommes, des grandes
actions de ce Monarque , dont
la reputation nous a fait venir
de fi loin. Nous ne doutons pas
non plus defa magnificence &
de fa grandeur, puisque nous en
avons fait une experience ſenſible
à ſa Cour &furfes Frontieres.
A l'égard du ſecond point
qui regarde nostre converſion à
la Foy Catholique Romaine, nous
avons des Evesques en noftre
Royaume , qui pourront nous en
inftruire. Il remercia enfuite
tout le Corps du Chapitre,
des Amb. de Siam. 173
de l'honneur qu'il leur faifoit
; aprés quoy ils regarderent
l'Egliſe tant par dehors
que par dedans. Ils entrerent
dans le Choeur , dont ils admirerent
l'Architecture , &
particulierement les petits pilliers
qui ſoûtiennent un auffi
grand Vaiſſeau. On les conduifit
vers la Tombe de M
le Comte de Vermandois , &
on leur dit , qu'il eſtoit grand
Admiral, legitimé de France, &
Frere de Madame la Princeffe de
Conty. L'on s'apperceut alors
qu'ils ſe mirent tous trois fur
ce Tombeau, qu'ils porterent
Piij
174 III . P. du Voyage
leurs mains à leurs yeux , &
qu'ils les frotterent ; & l'on
apprit que c'eſt une maniere
uſitée chez eux pour témoigner
leur deüil. Ils prirent
beaucoup de plaisir à entendre
les Orgues de cette Cathedrale
, qui font fort bonnes
; & fortirent de cette
Egliſe aprés avoir fait de
nouveaux remercîmens au
Prevoſt & aux Chanoines .
Apres cela ils allerent au
Magaſin d'Armes, qu'ils trouverent
en trés-bon état. C'eſt
l'effet des ſoins du Miniſtre
qui s'en meſle. Ils virent auffi
desAmb . de Siam , 175
la celebre Abbaye de Saint-
Vaaſt , & furent receus à la
Porte par le Grand Prieur ,
qui eſtoit à la teſte de fa
Communauté , & qui leur fit
un compliment affez court.
Il le finit en diſant , qu'ils les
recevoient avec tous les honneurs
qu'il eſtoit en leur pouvoir de
leurfaire, puiſque la haute eftime
que Sa Majesté faisoit du
Monarque qui les luy avoit envoyez,
&la confideration particuliere
qu'Elle avoit pour leurs
Excellences , estoit la régle du
profond respect avec lequel ils
ſe preſentoient à eux, en leur
Piiij
176 III. P. du Voyage
offrant très-humblement leMonastere
& tout ce qui en dépendoit.
Ils répondirent qu'ils eftoient
bien perfuadez que les
honneurs que ces Religieux leur
rendoient, estoient une continiation
des effets de la bonté du
Roy à leur égard , & que c'eftoit
à Sa Majesté à qui ils en
avoient toute l'obligation ; mais
qu'ils vouloient pourtant leur en
avoir aufſi. Enfuite ils les
remercierent de la maniere
honneſte dont ils en uſoient;
aprés quoy ils entrerent dans
l'Eglife , & s'arreſterent dans
la Nef pour en confiderer la
des Amb. de Siam. 177
ſtructure ; ce qu'ils firent fort
attentivement. Puis ils entrerent
au Choeur , & s'attacherent
à regarder la ſculpture
des Chaiſes, qui eſt trés-belle
&fort eſtimée . On leur montra
leTombeau du RoyThierry
de la premiere Race , & Fondateur
de ce Convent ; & on
leur dit qu'il ne s'en faloit que
8 années qu'il ne fuft mort ily
a mille ans. L'Ambaſſadeur
demanda comment il eſtoit poffible
qu'ily eust un Roy de France
enterré dans cette Abbaye depuis
fi longtemps , &qu'ily en
cust fi peu , que ce Pays ap
178 III. P. du Voyage
partenoit à la France , Arras
ayant esté pris par le feu Roy.
Le Grand Prieur leur expliqua
en peu de mots , comment
tout le Pays-bas eſtoit
une partie du Royaume de
France ; qu'il n'en avoit eſté
ſeparé que trés-peu de temps,
ſçavoir depuis l'an 1525. jufques
en l'an 1640. & qu'à
l'exception de ce temps-là,
les Rois de France en avoient
toûjours eſté reconnus pour
legitimes Souverains . On les
mena au fortir de l'Eglife ,
dans les Cloiftres, & dans un
Refectoire. De là ils repaffe
des Amb. de Siam. 179
rent par l'Eglife , & eftant à
la porte , l'Ambaſſadeur fit
tout ce qu'il pût pour empeſcher
le Grand Prieur de le
conduire juſqu'à fon carroffe
; mais il crut eſtre obligé
de l'y voir monter. Je ne
vous parleray point des complimens
de remercîment que
firent les Ambaſſadeurs , & je
les retrancheray meſme en
beaucoup d'endroits, puiſque
leur civilité eſt aſſez connuë
pour ne pas douter qu'ils n'en
ayent donné des marques à
toutes les perſonnes qui ont
pris la peine de leur montrer
quelque choſe.
180 III. P. du Voyage
Au fortir de l'Abbaye de
Saint Vaaft , ils allerent au
Concert dont on leur avoit
parlé le matin , & dont Madame
de Préfontaine, femme
du Prefident du Confeil d'Artois
, faifoit les honneurs
Elle les reçût accompagnée
des principales Dames de la
Ville. Les Muficiens estoient
dans une fort grande Salle,
dans laquelle il ſe trouva une
grande affluence de monde,
quelque ordre qu'on cût apporté
pour empêcher la foule.
Ils furent fort fatisfaits
de ce Concert , & le témoides
Amb . de Siam. 181
gnerent à Madame de Préfontaine
, en luy faiſant leurs
remerciemens . Ils retournerent
enſuite chez eux , où ils
trouverent leur Garde ſous
les Armes ; car on avoit mis
à la porte de leur Logement
une Compagnie Suiſſe , avec
un Capitaine & un Lieutenant.
Elle fortoit du Corps
de garde pour ſe mettre en
hayequand les Ambaſſadeurs
devoient fortir , & battoit
lorſqu'ils fortoient & qu'ils
rentroient. Aufli - tôt qu'ils
furent arrivez chez eux , Mr
Biſſetz leur porta le Plan de
182 III. P.du Voyage
la Ville que le premier Am
baffadeur luy avoit deman-
-dé , & qu'il examina d'une
maniere qui marquoit qu'il
commençoit à devenir ſçavant
dans nos Fortifications .
Ce même Major leur demanda
le mot , & ils donnerent
Actions éclatantes , par
rapport à ce ce qu'on leur
avoit dit, qu'aux deux Sieges
d'Arras il y avoit eu beaucoup
d'actions remarquables,
& particulierement au ſecond
, où les Afliegeans avoient
ſouvent eſté repouffez.
On leur avoit même
4
des Amb. de Siam. 183
montré les endroits où les
actions de vigueur s'eftoient
-faites . Le premier Ambaffadeur
demanda à M Biffetz
, s'il estoit François ; &
comme on luy eut répondu ,
que oüy , &qu'il estoit Major
de la Place , il luy dit , qu'en
fon Pays on avoit la barbe &
les cheveux comme luy. M
Biſſetz luy répondit , que s'il
n'eſtoit point François , il voudroit
estre Siamois . Comme
il y avoit beaucoup de Dames
à Arras qui n'avoient
encore pû les voir , il s'en
trouva beaucoup ce foir-là à
r
184 III. P.du Voyage
leur ſoûpé , où tout ſe paſſa
à lordinaire .
Le lendemain 21. M le
Lieutenant de Roy & Ms les
Officiers Majors , ſe rendirent
à leur lever ; & les Ambaſſadeurs
aprés les avoir remerciez
avec des expreffions
pleines de reconnoiffance ,
monterent en Carroſſe à huit
heures préciſes du matin ; &
toutes les Troupes eſtant
fous les Armes comme à leur
arrivée , ils fortirent au bruit
du Canon & du Carillon de
la Ville. Mes du Magiſtrat
le firent joüer trois fois le
desAmb. de Siam. 185
jour pendant tout le temps
que ces Ambaſſadeurs féjournerent
à Arras , ſçavoir une
heure au matin , une hcure à
midy , & une heure. le ſoir,
ainſi qu'à leur entrée & à leur
fortie . Ils allerent ce jour-là
21. dîner à Aiffe , qui eſt un
petit Village entre Arras &
Bethune.
, & ce qu'il y a de furprenant
, c'eſt qu'encore qu'il
n'y euſt en cet endroit qu'une
ſeule maiſon , deſtinée ſeulement
pour la Poſte , & dans
laquelle il n'y a que des chevaux
, les Ambaſſadeurs y
furent ſervis avec la meſme
magnificence qu'à Paris , ce
qur
qui dans un petit lieu , où
l'on ne peut rien trouver
ſembla tenir de l'enchante-
2
des Amb. de Siam. 137
ment. Les Services paroiffoient
preſque auffi grands que la
Maiſon , ce qui fit dire au
premier Ambaſſadeur que tout
contribuoit à faire voir la magnificence
du Roy. Ils partirent
enfuite pour Arras , Capitale
de l'Artois fur la riviere de
Scarpe. C'eſt une Ville dont
les Fortifications font tresregulieres.
Elle est fort ancienne
, & eftoit la premiere
du Comté de Flandre, quand
Charles leChauvé ladonna en
dotàJudith ſa fille , que Baudoüin
ditBras de fer,Comte de
Flandre épouſa en 863. Elle fut
M
138 III. P. dùVoyage
réunie à la France avec tout
l'Artois en 1180. par le mariage
de Philippe Augufte , avec
Iſabelle de Hainaut , Fille de
Baudoüin V. Le Chapitre de
l'Eglife Cathedrale de Nôtre-
Dame eſt compoſé de 40.
Chanoines , & de 52. Chapelains.
L'Evêque d'Arras eft
Suffragant de Cambray. Il y
a encore d'autres belles Eglifes
, la celebre Abaye de S.
Vaft , & unCollege de Jefuites.
Cette Ville fut livrée à
Maximilien I. en 1493. & enfin
ſoûmiſe aux François en
1640.
des Amb. de Siam. 139.
Les Ambaſſadeurs arriverent
fur les trois heures àune
demie licuë de cette Place . La
Cavalerie qui estoit allée au
devant d'eux , lesy attendoit.
Elle estoit compofée de douze
Compagnies du Regiment
de Conigſmark de 40.Maîtres
chacune. M' Mullor premier
Major du Regiment les commandoit.
Lorſque les Ambaffadeurs
approcherent , il les
fit ſaluer de l'épée par toute
cette Cavalerie , qui preceda
enfuite leur Caroffe. Ils trouverent
à la Bariere de la Contreſcarpe
, Male Comte de
Mij
140 III . P. du Voyage
1
Villeneuve Lieutenant de
Roy d'Aras , & qui commande
en l'abſence deM leComte
de Nancré qui en eſtGouverneur.
Il eſtoit accompagné
de tous les Officiers Majors. Il
leur témoigna la joye qu'il
avoit de pouvoir leur rendre
tous les honneurs que Sa Majeſté
luy avoit ordonné de
leur faire. Ils répondirent à ce
compliment de la maniere la
plus honneſte , & qui pouvoit
mieux marquer leur reconnoiſſance
Ils entrerent enfuite
dans la Ville au bruit
du Canon, & au travers d'une
des Amb. de Siam , 14
double haye d'Infanterie.Elle
eſtoit compoſée du Regiment
de Phiffer , qui avoit la droite,
& de 4 Compagnies du Regiment
de Stoup le jeune ,
qui estoit à gauche , à la tête
deſquelles eſtoit M. Lifler Capitaine
du Regiment. Les
Ambaſſadeurs faluerent toutes
les Dames qui estoient aux
feneftres pour les voir paffer.
Toute l'Infanterie les ſalua
de la pique. Pendant cetems
le carillon de la Ville ſe faifoit
entendre , & l'on fonna
une Cloche appellée Ioyeuse ,
parce qu'on ne la ſonne ja
142 III. P. du Voyage
mais que pour des ſujets de
réjoüiſlance. Quand la tête
de la Cavalerie eût atteint la
queuë de la Garde , à la teſte
de laquelle estoit M Courteft
Capitaine de Phiffer , elle
s'ouvrit , & forma deux hayes
pour laiſſer paffer leurs Caroffes
. M le Comte de Villeneuve
les reçut à la porte de
leur logis , & les conduifit
dans leur chambre , où il
entra feul avec M Torf , &
les Officiers Majors. On lia
converfation en attendant
Mrs les Magiſtrats. Les Ambaſſadeurs
ſe ſervirent de ce
desAmb. de Siam. 143
temps pour demander combien
il y avoit de feux &
d'Habitans dans Arras , & de
quelle grandeur eſtoit la Ville,
dont ils marquerent ſouhaiter
le Plan. Le Pere Recteur
des Jefuites vint pendant ce
temps- là , & leur témoigna ſa
reconnoiſſance que toute la
Compagnie avoit du bon
accüeil que le Roy de Siam
faiſoit aux Jeſuites dans fon
Royaume. L'Ambaſſadeur
luy répondit que le Roy fon
Maître les estimoit beaucoup ,
qu'ils n'en pouvoiët douter, puis
qu'il en demandoit encore. Mrs
144 III. P. du Voyage
du Magiſtrat eftant enſuite
arrivez , les Ambaſſadeurs ſe
leverent de leurs fauteüils , &
apres qu'ils les eurent ſaluez
à leur maniere pour repondre
à leur falut , Mª Palifor
d'Incourt Confeiller de Ville ,
& Deputé General & ordinaire
des Etats d'Artois pour
te tiers Etat , leur parla de cetle
forte .
MESSEIGNEVRS,
Cette Ville d' Arras a toûjours esté
Si jalouſe d'exécuter les ordres du
Roy , qu'elle les a toûjours receus
avec autant d'empreffement que de
Soumiffion. Ceux que Sa Majesté
nous
des Amb.de Siam. 145
nous donne aujourd'huy de vous
honorer avec une distinction toute
finguliere, font fi precis &fi pofitifs
, que nous avons juſte ſujet de
craindre que nos efforts ne soient
auſſi vains là deſſus, que nos volontezfont
finceres & toutes remplies
de ce zéle qui a toûjours fait toute
l'ame&tout l'esprit de nostre obéiffance.
En effet, Meſſeigneurs , ce
grand Roy ne pouvoit pas publier
avec plus d'éclat l'estime qu'il fait
de vostre Monarque & de vos Per-
Sonnes, qui charmez de la gloire
qu'il s'est acquiſe dans les expeditions
de la Guerre , &de laſageſſe
de ſa conduite dans la Paix, avez
bien voulu traverſer tant de mers
&fuivre, pour ainsi dire, le cours
du Soleil , pour voir un Prince quż
par la rapidité defes Victoires Sçait
N
146 III. P. du Voyage
le mieux imiter le mouvement de
ce bel Astre , qu'il prend pour fa
Deviſe. Vous reſſemblez en cela à
l'excellente Princeffe Nicaulis Reine
d'Egypte & d'Ethiopie, laquelle
ayant entendu parler de la vertu &
de la sagesse de Salomon, defira de
voir de ses propres yeux ,fi ce que
la Renommée publivit de luy estoit
veritable ; elle ne craignit point
pour cet effet d'entreprendre un long
voyage ; & aprés avoir esté remplie
d'étonnement de voir dans ce Prince
une capacitéfi extraordinaire, &
tant de merveilles dansfon Royau
me , elle ne pût s'empêcher de s'écrier,
Probavi quod media pars
mihi nuntiata non fuerit , major
eft fapientia tua & opera tua ,
quam rumor quem audivi. Ainsi,
Meßeigneurs , nous ne doutons pas
3
1
des Amb. de Siam. 147
qu'aprés que vous aurez admiré
l'esprit de Loüis le Grand , qui est
le Salomon de nostre fiecle, dans la
grandeur & la magnificence deſes
Bâtimens , dans l'oeconomie de sa
Maison, dans le bel ordre de fes
Troupes nombreuſes tant sur mer
quesur terre , dans le nombre infiny
deſesſurprenantes Conquestes , dans
la regularité des Fortifications de
fes Places, & en un mot, dans tout
le reste deſa conduite, vous ne rapportiezfidellement
à voſtre Souverain
Seigneur , que le bonheur de
nostre augusteMonarquefurpaſſede
beaucoup tout ce que vous vous en
estiezimaginé, &qu'il faut l'avoir
vû pour le pouvoir croire. Au reſte,
Meſſeigneurs , nous ne pouvons
mieux répondre aux commandemens
de Sa Majesté , qu'en vous
Nij
148 III . P. du Voyage
Suppliant trés-humblement de nous
honorer des vostres , & d'agréer ces
petits Prefens que nous vous apportons
pour marque qu'il n'y a rien
dans la Ville qui ne foit entierement
à voſtre diſpoſition , & que
nous sommes avec tout le respect
dont nous sommes capables,
MESSEIGNEVRS,
Vos tres humbles &
tres- obéïffans Serviteurs ,
Les Mayeur & Eſchevins
de la Ville d'Arras ..
1
L'Ambaſſadeur répondit,
Que le Roy fon Maistre estoit
un grand Monarque , qui ayant
entendu parler de la grandeur
desAmb de Siam. 149
du Roy de France , defes Conquestes,
&deſes manieres toutes
genereuſes , avoit envoyé il y a
quelques années des Ambaſſadeurs
pour luy demander fon
amitié ; mais que ces Ambaſſadeurs
ayant vray-femblablement
pery, puiſqu'on n'en avoit point
entendu parler, Sa Majesté Siamoiſe
impatiente de voirfon defir
accomply, les avoit de nouveau
envoyezenFrance, non pour aucun
interest ny pour traiterd'affaires
, puisque l'on doit estre
affez perfuadé que ces deux
grands Rois n'en ont point à
démefler enſemble ; mais uni-
Niij
150 III . P. du Voyage
quement pour l'honorer & pour
luy marquer avec quel empreffement
le Roy de Siam recherche
fon amitié. Ils adjoûterent,
qu'ils avoient beaucoup d'obligation
au Roy de la reception
qu'il avoit ordonné qu'on leur
fift dans toutes les Villes où ils
avoient paßé , & qu'ils remer
cioient en particulierMrs d'Arras
, de l'honneur & des Prefens
qu'ils leur faisoient. Cette réponſe
fit connoiſtre qu'ils
avoient compris le ſens de la
Harangue, puiſque l'Hiſtoire
nous apprend que la Reine de
Saba n'eſtoit venuë voir Sa-
1
des Amb. de Siam. 151
lomon que pouffée du defir
de reconnoiſtre en luy toutes
les merveilles que la Renommée
en publioit, & non pour
traiter avec luy d'aucunes
affaires . M de Ville eftant
fortis , M le Comte de Villeneuve
leur demanda l'ordre
, & ils donnerent pour
mot , qui m'attaque fe pert. Il
eſt à propos de marquer icy
une choſe qui vous fera connoiſtre
les raiſons qu'ils ont
cuës de donner par tout les
mots qui ont eſte ſi approuvez
, & qui leur ont fait meriter
tant de loüanges. En
Niiij
152 III. P. du Voyage
approchant de chaque Ville,
ils s'informoient de l'hiſtoire
de la Ville où ils alloient , de
l'état de la Place , des Sieges
qu'elle avoit ſoûtenus, & du
merite , de la qualité & des
actions du Gouverneur ; & de
toutes ces chofes , ainſi que
de ce qui leur arrivoit , &
de ce qu'ils voyoient dans la
Place, ils formoient les mots
que pour leur faire plus
d'honneur & marquer plus
de déference , les Commandans
leur demandoient. C'eſt
pourquoy ils donnerent celuy
de qui m'attaque se pert,
des Amb. de Siam. 153
ayant appris que de nombreuſes
Armées remplies de
Troupes de differentes Na--
tions,&commandées par des
Chefs d'une grande experience
, & d'une haute reputation
, avoient eſté contraints
de lever le Siege de devant
Arras. Le concours du peuple
fut grand pour les voir
ſouper ; mais comme ils auroient
eſté trop incommodez
, on ne laiſſa entrer que
les premieres perſonnes de la
Ville , & les principales Dames,
auſquelles ils firent tout
le bon accüeil imaginable.
154 III . P. du Voyage
Ils donnerent à la plus confiderable
ce que leur Deffert
avoit de plus beau , pour le
diftribuer aux autres ; ce
qu'ils ont fait fort ſouvent
en de pareilles occaſions .
Ils ne fortirent point le
lendemain matin , mais ils
reçûrent les viſites de M. le
Comte de Villeneuve Lieutenant
de Roy , de M² Bifſetz
Major de la Place , des
principaux Officiers de la
Garnifon , & de quelques
Mrs du Confeil. La plupart
de la Nobleſſe des environs
d'Arras vint auſſi les falier.i
des Amb. de Siam. iss
Onleur propoſa de leur faire
entendre l'aprés- dînée ce qui
fut chanté à Sceaux devant
le Roy , lorſque Sa Majefté
fit l'honneur àMª de Seignelay
d'aller voir cette belle
Maiſon , à quoy ils confentirent.
On ne laiſſa entrer
que les Dames pour les voir
dîner. Sur les deux heures
Me le Comte de Villeneuve
les vint prendre dans quatre
Carroffes , pour les mener à
la Citadelle , où Mª de la
Pleigniere qui en eſt Gouverneur
, les fit recevoir au
bruit du Canon. Ils paffer
156 III. P. du Voyage
rent au travers de deux hayes
d'Infanterie , & les Officiers
les falüerent de la Pique. II
leur fit voir les Fortifications
de la Place ; ils les examinerent
toutes , & demanderent
le nom de chaque piece. Ils
virent auſſi faire l'Exercice à
un Bataillon de Picardie qui
eftoit ſous les Armes , à quoy
ils prirent beaucoup de plaifir
. On leur fit voir enſuite
l'Arcenal , & tout ce qu'il y
a de remarquable dans cette
Citadelle ; aprés quoy on leur
fervit une magnifiqueCollation
, où l'on bût de quandesAnb.
de Siam. 157
zité de differentes Liqueurs.
Les Dames les plus diftinguées
de la Ville s'eſtoient
renduës dans la Citadelle ,
pour les voir plus commodément.
Ils les regalerent
de Confitures , & trouverent
qu'Arras ne manquoit pas de
beautez . La Santé du Roy
ne fut pas oubliée , & quelques
Dames la bûrent auffi.
Cette Affemblée n'eſtoitcompoſée
que de Gens de marque
, puiſqu'outre les Dames
il n'y avoit d'Hommes que
les Officiers de la Garniſon,
tant de la Ville , que de
158 IHI. P. du Voyage
la Citadelle . L'Ambaſſadeur
ayant apperçu un Plan qui
eſtoit attaché à la Tapiſſerie,
demanda quel Plan c'eſtoit.
On luy répondit , que s'eftoit
celuy de la Citadelle ; &
il le demanda à Mª de la
Pleigniere, qui le luy donna.
Comme ils avoient encore
beaucoup de choſes à
voir pendant le reſte de l'aprés-
dînée , ils ſortirent aufſi
- tôt que la Collation fut
finie , aprés avoir remercié
Mª de la Pleigniere en termes
fort obligeans, & le Canonſe
fit entendre à leur for
des Amb . de Siam. 159
tie de la même maniere qu'il
avoit fait lorſqu'ils eftoient
entrez. Ils allerent de là à
F'Eglife Cathedrale , où tout
le Peuple eſtoit accouru en
foule ; ils furent reçûs au
grand Portail par tout leChapitre
en corps , ce qui marquoit
quelque choſe de venerable
& d'augufte. Il avoit
à ſa tête M. le Févre
Prevoſt , Chanoine & Theologal
de cette Cathedrale ,
que nous avons veu Aumônier
& Predicateur de la Reine.
Voicy en quels termes
it parla aux Ambaſſadeurs .
160 III. P. du Voyage
MESSEIGNEURS ,
Puisque Sa Majesté vous envoye
furfes Frontieres pour vous rendre
Spectateurs de ſes Conquestes , que
la Renommée a portées jusqu'au
bout du Monde , ce qui vous afait
traverſer tant de Mers pour venir
admirer ce Salomon de nôtre Siecle
, nous ofons vous afſeurer que
la Ville d'Arras est un des plus
beaux &un des plus anciens Fleurons
de sa Couronne , & qu'il n'a
point dans tous ſes Estats de Province
plus memorable que celle
d'Artois , puisqu'elle a toûjours esté
regardée comme l'oeil & la clefde
toute la Flandre. En effet , Cefar
même n'a point balancé de paſſer
les Alpes , & de faire voir l'Aigle
Romaine aux Portes de cette CapidesAmb.
de Siam. 161
tale , dont le Siege luy cousta si
cher, qu'il avoue dansſes Commentaires
, que dans toutes les autres
attaques il avoit combattu pour la
gloire , mais qu'il avoit dans cellecy
deffendu fa propre vie , tant il
avoit trouvé de courage & de reſiſtance
dans lesPeuples qui la deffendoient.
On en voit encore les
glorieux restes , dans ce fameux
Camp * qui nous environne , où
ce grand Capitaine fut obligé de
demeurer fort long-temps , ne pou
vant vaincre cette genereuse opiniaſtreté
des Artefiens , qui arresta
le cours de ſes Victoires , &qui luy
fit acheter fi cherement la gloire
qu'il en remporta.
Cette Comté fameuse ayant par la
viciffitude des Temps & la revo-
*Le Camp de Cefar prés de l'Abbaye d'Eſtrun
162 III . P. duVoyage
lution des Guerres changé deMaitre
, & passé des mains des Ro
mains , dans celles des François,نم
de Payenne estant devenue Chrétienne,
fut l'Appanage de nos Princes
du Sang. Le grand faint Louys
enfit un Present à Robertfon Frere
; luy laiſſant pour partage les
Fleurs-de-Lys fans nombre , * it
luy fit comprendre qu'il ne devoit
point donner de bornes àson courage
sous un si glorieux Eftendart.
C'est ce Robert d'Artois qui paffantfur
le ventre à tant d'Infideles,
dont il achevoit la deffaiteà la
Mazoure dans l'Egypte , en devint
enfin la Victime , se croyant trop
heureux de verſertoutsonfangpour
la querelle du Sauveur du Monde ,
dont il vouloit arracher le facré
* Qui font les Armes encore aujourd'huy de
cetteProvince,
des Amb. de Siam. 163
Sepulchre des mains des Ottomans,
àla pointe deson épée.
Maissi cette Ville d'Arras s'est
distinguéepar les actions heroïques
qui se sont paßées au pied deses
murailles, &parses Princes qui se
font transportez chez les Nations
tesplus reculées pourysignaler leur
valeur , elle n'est pas moins recommandable
par ce fameux Traité de
Paix d'Arras en 1435.qui mit fin
à tant de differens, &à unesifanglante
guerre qui s'estoit allumée
dans toute l'Europe , ou le Duc de
Bourgogne fut en perſonne avec la
Ducheffefon Epouse Infante de Por
tugal. Ce Traitéy attira tout ce qu'il
yavoit de gens plus confiderables &
plus nobles fur la terre , les Legats
du Pape Eugene IV. ceux du Concile
de Bafle,&de l'Anti-Pape Fe
O ij
164 III. P. du Voyage
lix. L'EmpereurSigismond, lesRois
de Caſtille, d'Arragon, de Navarre,
de Naple , de Sicile & de Chypre,
de Dannemark & de Pologne, yenu.
voyerent leurs Ambaſſadeurs , qui .
jaloux de la gloire de leurs Nations
, affectoient une magnificence
extraordinaire . Ceux de France &
d'Angleterre encherirentfur les au
tres par la pompe de leurs Equipages
, les Ducs de Bourbon & de
Vendofme, avec les Conneſtable &
Chancelier, les Marcſchaux deRieux.
& de la Fayette, Adam de Cambray
Premier President au Parlement de
Paris,tous accompagnez d'une infinité
de Nobleffe de la Nation, qui
par leur politeffe & leur lustre don
nerent une haute idée de la leur.
Ce fut dans cetteAſſemblée que le..
Roy de France &le Duc de BourdesAmb.
de Siam. 165
gogne jetterent les fondemens d'une
Paix fincere, dont les fuites ont
esté trés- avantageuses à toute l'Europe
, qui fut jurée folemnellement
dans cette Eglise Cathedrale.
Voilà, Meffſeigneurs , l'éclat que
ba Ville d'Arras a tiré de la Paix
comme de la Guerre ; & cette Capitale
ayant depuis tombé tantôt.
dans les mains de Lauys XI. tantôt
dans celles de l'Empereur Maximilien
, qui faisoient à l'envy
leurs efforts pout s'en rendre les
Maistres , elle fut ensuite la dépofitaire
des cendres des Heros les.
plus distinguez dans la Guerre ;
puisque le Duc de Parme &le Maréchal
de Gaffion fant ensevelis.
dans l'enceinte de ses murailles,
comme si c'estoit le deftin à cette
Ville martiale de garder les précieux.
166 III. P. du Voyage
reftes de la bravoure& de la ge
nerosité qui fut le partage de ces
deux grands Capitaines.
Enfin Louys le lufte fut le dernier
Prince qui s'en afſeura la conqueste
par ses Armes victorieuses .
Elle ne balança pas d'ouvrir fis
Portes à un Roy qui devoit finir
fes miferes auffi- tôt qu'elle deviendroit
sasujette ; &pour en écarter
àjamais la tempeste qui la me
naçoit , LOVIS LE GRAND
en a reculé si loin la Frontiere de
fes Estats , qu'elte en est aujour
d'huy le centre , au lieu qu'elle en
estoit autrefois l'extremité : fi bien
que comme le grand Pompée fe
vantoit d'avoir fait parsa victoire
de l'Asie mineure , le milieu de
l'Empire Romain , qu'elle bornoiz
auparavant ; auffi l'on peut dire
des Amb. de Siam. 167
que la fameuse Ville d'Arras doit
aux Armesde LOVIS LE GRAND
l'avantage d'estre aujour'dbuy le
coeur de la France , dont elle estoit
cy - devant la teste.
Mais il manquoit àfagloire d'avoir
pour témoins deses antiquitez,
deses Fortifications , &defes
fertiles Campagnes , les Peuples les
plus reculez , quipour admirer toutes
ces merveilles ont traversé
toute la distance qui ſeparele Gange
d'avec la Mer Occidentale ,
qui vivant dans des Climats où
le Soleil commence sa course , font
venus jusqu'à ceux où ce grand
Aftre la finit ; en forte que l'on
peut dire de chacun de vous, Mef-
Seigneurs, ce que nous liſons dans
LeRoyProphete, quand il nous veut
donner une idée de fon mouve168
III . P. du Voyage
ment : * Exultavit ut gigas ad
currendam viam à ſummo Cælo
egreffio ejus , & occurfus ejus,
uſque ad fummum ejus.
Heureuſe Province , d'avoir receu
des Ambassadeurs Estrangers,
également venerables par le Prince
qu'ils reprefentent , &par l'importance
de leur ministere , qui n'ont
point apprehendé de faire un Voyage
de fix mille lieües pour ſe ménager
une Alliance avec LOVIS
LE GRAND. Ils pourront apprendre
au Roy de Siam toutes les
chofes quise font paßées sous fon
Regne , les grandes & fameuses
Victoires qu'il a remportées , les
Provinces qu'il a conquiſes , les
Citadelles qu'il a fait élever au
milien des Eaux , les Marais qu'il
*Pfal.. 44
desAmb de Siam. 169
deſſechez, le fecret qu'il a trouvé
de faire une Digue à la Mer,
pour arreſter l'impetuosité de ses ondes
qui n'avoient point encore più
trouver d'obstacle à leur rapidité.
Sans doute , Meſſeigneurs , le Roy
de Siam furpris de tant de merveilles
, se fera de LOVIS LE
GRAND une idée bien au deſſus
de celle que sa reputation luy avoit
donnée. Vôtre Roy que vous nommez
chez vous le Seigneur des Seigneurs
, & la seule cause du bon
heur deses Peuples , fera bien aiſe
d'apprendre de vous que vom avez
trouvé les François pleins de refpect
& de foimiſſion pour leur
Prince. Puiſſi z vous l'affeurer qu'il
n'est pas moins l'exemple , que le
Souverain de fes Sujets , &qu'il les
gouverne encore plus parses vertus,
P
1
170 III. P. du Voyage
que parses Loix. Peut- estre qu'en
luy representant l'Architecture &م
la beauté de cette Cathedrale , ore
reposent les cendres de Monfieur le
Comte de Vermandois , qui marchant
fur les traces de fon auguste Pere ,
aujourd'huy le plus grand des Rois ,
commençoit à ſe ſignaler déja dans la
Guerre ( C'est le précieux dépost que
Sa Majesté nous a confié depuis trois
ans dans ce Temple , où les ceremonies
de l'Eglife Chrétienne se celebrent
avec tant d'exactitude, & qui
depuis plus de treize Siecles a toujours
efté deffervie par tant de Saints
Evêques par tant de Chanoines,
d'un merite fi diftingué ) Peut- estre,
dis - je , que par un miracle qui n'a
point encore paru dans nosjours , le
Ciclouvrira fon coeur , & le faisant
fortir avec ses sujets des tenebres
des Amb. de Siam. 171
qui les aveuglent , il luy donnera
l'envie d'imiter LOVIS LE
GRAND dans sa Religion , comme
dans sa Domination : fi bienque
faisant tous deux une Alliance de
picté , comme de commerce ilsferont
tous deux également heureux
dans ce Monde , &pourront ajous.
ter à la Couronne qu'ils poſſedent
déjafur la Terre , celle de l'Eternité.
,
CetteHarangue ayant eſté
interpretée , l'Ambaſſadeur
répondit , Voftre Harangue ,
Monfieur , roule fur deux chefs,
fur la gloire de Loüis XIV. &
fur le defir que vous avez ainſi
que Sa Majesté , de noftre con-
Pij
172 III. P. du Voyage
version. A l'égard du premier,
on ne peut estre mieux perfuadé
que nous leſommes, des grandes
actions de ce Monarque , dont
la reputation nous a fait venir
de fi loin. Nous ne doutons pas
non plus defa magnificence &
de fa grandeur, puisque nous en
avons fait une experience ſenſible
à ſa Cour &furfes Frontieres.
A l'égard du ſecond point
qui regarde nostre converſion à
la Foy Catholique Romaine, nous
avons des Evesques en noftre
Royaume , qui pourront nous en
inftruire. Il remercia enfuite
tout le Corps du Chapitre,
des Amb. de Siam. 173
de l'honneur qu'il leur faifoit
; aprés quoy ils regarderent
l'Egliſe tant par dehors
que par dedans. Ils entrerent
dans le Choeur , dont ils admirerent
l'Architecture , &
particulierement les petits pilliers
qui ſoûtiennent un auffi
grand Vaiſſeau. On les conduifit
vers la Tombe de M
le Comte de Vermandois , &
on leur dit , qu'il eſtoit grand
Admiral, legitimé de France, &
Frere de Madame la Princeffe de
Conty. L'on s'apperceut alors
qu'ils ſe mirent tous trois fur
ce Tombeau, qu'ils porterent
Piij
174 III . P. du Voyage
leurs mains à leurs yeux , &
qu'ils les frotterent ; & l'on
apprit que c'eſt une maniere
uſitée chez eux pour témoigner
leur deüil. Ils prirent
beaucoup de plaisir à entendre
les Orgues de cette Cathedrale
, qui font fort bonnes
; & fortirent de cette
Egliſe aprés avoir fait de
nouveaux remercîmens au
Prevoſt & aux Chanoines .
Apres cela ils allerent au
Magaſin d'Armes, qu'ils trouverent
en trés-bon état. C'eſt
l'effet des ſoins du Miniſtre
qui s'en meſle. Ils virent auffi
desAmb . de Siam , 175
la celebre Abbaye de Saint-
Vaaſt , & furent receus à la
Porte par le Grand Prieur ,
qui eſtoit à la teſte de fa
Communauté , & qui leur fit
un compliment affez court.
Il le finit en diſant , qu'ils les
recevoient avec tous les honneurs
qu'il eſtoit en leur pouvoir de
leurfaire, puiſque la haute eftime
que Sa Majesté faisoit du
Monarque qui les luy avoit envoyez,
&la confideration particuliere
qu'Elle avoit pour leurs
Excellences , estoit la régle du
profond respect avec lequel ils
ſe preſentoient à eux, en leur
Piiij
176 III. P. du Voyage
offrant très-humblement leMonastere
& tout ce qui en dépendoit.
Ils répondirent qu'ils eftoient
bien perfuadez que les
honneurs que ces Religieux leur
rendoient, estoient une continiation
des effets de la bonté du
Roy à leur égard , & que c'eftoit
à Sa Majesté à qui ils en
avoient toute l'obligation ; mais
qu'ils vouloient pourtant leur en
avoir aufſi. Enfuite ils les
remercierent de la maniere
honneſte dont ils en uſoient;
aprés quoy ils entrerent dans
l'Eglife , & s'arreſterent dans
la Nef pour en confiderer la
des Amb. de Siam. 177
ſtructure ; ce qu'ils firent fort
attentivement. Puis ils entrerent
au Choeur , & s'attacherent
à regarder la ſculpture
des Chaiſes, qui eſt trés-belle
&fort eſtimée . On leur montra
leTombeau du RoyThierry
de la premiere Race , & Fondateur
de ce Convent ; & on
leur dit qu'il ne s'en faloit que
8 années qu'il ne fuft mort ily
a mille ans. L'Ambaſſadeur
demanda comment il eſtoit poffible
qu'ily eust un Roy de France
enterré dans cette Abbaye depuis
fi longtemps , &qu'ily en
cust fi peu , que ce Pays ap
178 III. P. du Voyage
partenoit à la France , Arras
ayant esté pris par le feu Roy.
Le Grand Prieur leur expliqua
en peu de mots , comment
tout le Pays-bas eſtoit
une partie du Royaume de
France ; qu'il n'en avoit eſté
ſeparé que trés-peu de temps,
ſçavoir depuis l'an 1525. jufques
en l'an 1640. & qu'à
l'exception de ce temps-là,
les Rois de France en avoient
toûjours eſté reconnus pour
legitimes Souverains . On les
mena au fortir de l'Eglife ,
dans les Cloiftres, & dans un
Refectoire. De là ils repaffe
des Amb. de Siam. 179
rent par l'Eglife , & eftant à
la porte , l'Ambaſſadeur fit
tout ce qu'il pût pour empeſcher
le Grand Prieur de le
conduire juſqu'à fon carroffe
; mais il crut eſtre obligé
de l'y voir monter. Je ne
vous parleray point des complimens
de remercîment que
firent les Ambaſſadeurs , & je
les retrancheray meſme en
beaucoup d'endroits, puiſque
leur civilité eſt aſſez connuë
pour ne pas douter qu'ils n'en
ayent donné des marques à
toutes les perſonnes qui ont
pris la peine de leur montrer
quelque choſe.
180 III. P. du Voyage
Au fortir de l'Abbaye de
Saint Vaaft , ils allerent au
Concert dont on leur avoit
parlé le matin , & dont Madame
de Préfontaine, femme
du Prefident du Confeil d'Artois
, faifoit les honneurs
Elle les reçût accompagnée
des principales Dames de la
Ville. Les Muficiens estoient
dans une fort grande Salle,
dans laquelle il ſe trouva une
grande affluence de monde,
quelque ordre qu'on cût apporté
pour empêcher la foule.
Ils furent fort fatisfaits
de ce Concert , & le témoides
Amb . de Siam. 181
gnerent à Madame de Préfontaine
, en luy faiſant leurs
remerciemens . Ils retournerent
enſuite chez eux , où ils
trouverent leur Garde ſous
les Armes ; car on avoit mis
à la porte de leur Logement
une Compagnie Suiſſe , avec
un Capitaine & un Lieutenant.
Elle fortoit du Corps
de garde pour ſe mettre en
hayequand les Ambaſſadeurs
devoient fortir , & battoit
lorſqu'ils fortoient & qu'ils
rentroient. Aufli - tôt qu'ils
furent arrivez chez eux , Mr
Biſſetz leur porta le Plan de
182 III. P.du Voyage
la Ville que le premier Am
baffadeur luy avoit deman-
-dé , & qu'il examina d'une
maniere qui marquoit qu'il
commençoit à devenir ſçavant
dans nos Fortifications .
Ce même Major leur demanda
le mot , & ils donnerent
Actions éclatantes , par
rapport à ce ce qu'on leur
avoit dit, qu'aux deux Sieges
d'Arras il y avoit eu beaucoup
d'actions remarquables,
& particulierement au ſecond
, où les Afliegeans avoient
ſouvent eſté repouffez.
On leur avoit même
4
des Amb. de Siam. 183
montré les endroits où les
actions de vigueur s'eftoient
-faites . Le premier Ambaffadeur
demanda à M Biffetz
, s'il estoit François ; &
comme on luy eut répondu ,
que oüy , &qu'il estoit Major
de la Place , il luy dit , qu'en
fon Pays on avoit la barbe &
les cheveux comme luy. M
Biſſetz luy répondit , que s'il
n'eſtoit point François , il voudroit
estre Siamois . Comme
il y avoit beaucoup de Dames
à Arras qui n'avoient
encore pû les voir , il s'en
trouva beaucoup ce foir-là à
r
184 III. P.du Voyage
leur ſoûpé , où tout ſe paſſa
à lordinaire .
Le lendemain 21. M le
Lieutenant de Roy & Ms les
Officiers Majors , ſe rendirent
à leur lever ; & les Ambaſſadeurs
aprés les avoir remerciez
avec des expreffions
pleines de reconnoiffance ,
monterent en Carroſſe à huit
heures préciſes du matin ; &
toutes les Troupes eſtant
fous les Armes comme à leur
arrivée , ils fortirent au bruit
du Canon & du Carillon de
la Ville. Mes du Magiſtrat
le firent joüer trois fois le
desAmb. de Siam. 185
jour pendant tout le temps
que ces Ambaſſadeurs féjournerent
à Arras , ſçavoir une
heure au matin , une hcure à
midy , & une heure. le ſoir,
ainſi qu'à leur entrée & à leur
fortie . Ils allerent ce jour-là
21. dîner à Aiffe , qui eſt un
petit Village entre Arras &
Bethune.
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Résumé : Arras [titre d'après la table]
Le 19, les ambassadeurs de Siam arrivèrent à Sarbret, où ils furent reçus avec magnificence malgré l'absence de commodités. Ils se dirigèrent ensuite vers Arras, capitale de l'Artois, située sur la rivière de Scarpe. Arras est une ville ancienne, ayant été donnée en dot par Charles le Chauve à Judith, épouse de Baudouin Bras de Fer en 863, et réunie à la France en 1180 par le mariage de Philippe Auguste avec Isabelle de Hainaut. La ville possède des fortifications régulières et plusieurs édifices religieux notables, dont la cathédrale Notre-Dame et l'abbaye de Saint-Vaast. Les ambassadeurs furent accueillis par une cavalerie composée de douze compagnies du régiment de Conigsmark et reçus par le comte de Villeneuve, lieutenant du roi d'Arras. Ils entrèrent dans la ville au bruit du canon et au travers d'une haie d'infanterie. Les magistrats de la ville leur adressèrent un discours, soulignant la loyauté d'Arras envers le roi de France et l'estime portée aux ambassadeurs. Ces derniers répondirent en exprimant leur gratitude et en soulignant que leur visite n'avait pas de but diplomatique, mais visait à honorer le roi de France. Les ambassadeurs visitèrent la citadelle d'Arras, où ils assistèrent à un exercice militaire et reçurent une collation. Ils se rendirent également à la cathédrale Notre-Dame, où ils furent accueillis par le chapitre. Leur séjour à Arras fut marqué par des réceptions et des visites officielles, témoignant de l'importance accordée à leur mission. Les ambassadeurs assistèrent à un concert à Arras, accueillis par Madame de Préfontaine, épouse du Président du Conseil d'Artois, et les principales dames de la ville. Malgré les mesures pour éviter la foule, une grande affluence se rassembla dans la salle. Les ambassadeurs apprécièrent le concert et exprimèrent leur satisfaction à Madame de Préfontaine. De retour chez eux, ils trouvèrent une compagnie suisse en garde à leur porte. Le Major Bissetz leur apporta un plan de la ville, que le premier ambassadeur examina avec intérêt, démontrant ses connaissances en fortifications. Bissetz demanda le mot de passe, et les ambassadeurs mentionnèrent les actions militaires remarquables lors des sièges d'Arras. Le lendemain, les ambassadeurs furent salués par le Lieutenant du Roi et les officiers majors avant de quitter Arras en carrosse, escortés par les troupes et accompagnés par le canon et le carillon de la ville. Ils se rendirent à Aisse pour dîner.
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14
p. 185-193
Bethune. [titre d'après la table]
Début :
Aprés un Repas aussi magnifique qu'on l'eût pû faire [...]
Mots clefs :
Béthune, Régiment, Ville, Fort, Lieutenant, Capitaine, Place, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Bethune. [titre d'après la table]
Aprés un Repas auffi magnifique
qu'on l'eût pû faire
dans la plus grande &la plus
abondante Ville du Royaume
, ils partirent pour aller
coucher à Bethune. C'eſt
une Place du Pays - Bas dans
186 III . P. du Voyage
l'Artois , affez bien fortifiée.
Elle eſt ſur la petite Riviere
de Biette. Les François la
prirent en 1645. & elle leur
fut cedée en 1659. par leTraité
de la Paix des Pyrenées.
Elle a eu des Seigneurs particuliers
. Robert VII. Seigneur
de Bethune & deTenremonde
, maria Mahaud fa
Fille unique avec Guy de
Dampierre , Comte de Flandres
, dont elle cut Robert
VIII. dit de Bethune , Comte
de Flandres. Le Regiment
de Cavalerie de Chartres qui
eſtoit enGarniſon àBethune,
des Amb. de Siam. 187
fit un détachement pour aller
au devant des Ambafladeurs
, & le refte eſtant demeuré
en bataille ſur la Contreſcarpe,
les falua l'épée à la
main lorſqu'ils pafferent. Mr
de Limbeuf Lieutenant de
Roy de cette Place , les reçut
à la Porte de la Ville. Le
Regiment de Baffigny d'Infanterie
commandé par M
de Chanterene Lieutenant
Colonel, en l'absence de M
le Comte de Mailly qui en
eft Colonel , formoit deux
hayes juſqu'au Château où ils
logerent. M² de Chanter
12
r
Qij
188 III . P. du Voyage
3
rene tenoit la droite du pre
mier rang , & le premier Capitaine
la gauche. LesAmbaſſadeurs
qui en furent
falüez , ainſi que de tous
les autres Capitaines , trouverent
à la porte de leur Logis
une Garde du même Regiment
, avec un Capitaine,
un Lieutenant, un Enſeigne,
& deux Sergens. Auffi-tôt
qu'ils furent arrivez , ils reçûrent
les complimens de la
Ville , & les Prefens ordinaites
. Ils fortirent enfuite à
pied , pour voir le Regiment
que je vous ay dit qui s'eſtoit
e
desAmb. de Siam. 189
mis en bataille fur la Place ,
& demanderent qu'on luy
fiſt faire l'exercice au Tambour
; ce qui fut aufli - tôt
executé. Ils témoignerent
en eſtre fort fatisfaits , & aprés
pluſieurs queſtions qu'ils
firent , ils voulurent ſavoir
de combien d'Hommes ce
Regiment estoit compofé.
Onles fatisfit fur toutes leurs
demandes, & ils loüerent la
propreté de ce Regiment qui
eſtoit fort leſte. Tous lesSoldats
avoient des Chapeaux
neufs , & bordez d'or. Leurs
Bandolieres , Ceinturons , &
190 III. P. du Voyage
cordons de Poires , eſtoient
auffi fort propres ; le tour
garny de force Rubans, couleur
de feu & blancs . Leurs
Epées eſtoient toutes de même
maniere , & tous les Officiers
avoient des Habits fort
riches , & également ornez .
Aprés cela les Ambaſſadeurs
allerent fur les ramparts, dont
ils firent le tour à pied , &
aprés en avoir examiné toutes
les Fortifications , ils rentrerent
au Château où ils eftoient
logez. Ils en fortirent,
quelque temps aprés pour en
faire le tour ſur la Terraffe,
des Amb. de Siam. 191
Σ
r
& admirerent la ſituation de
laVille, qu'ils trouverent trésbelle
& fort à leur gré. M
de Limbeuf alla enfuite prendre
le mot , & ils donnerent
la valeur & la vigilance, parcequ'ils
avoient fceu que M
le Mareſchal de Crequy eftoit
Gouverneur de la Ville ,
& qu'il avoit pris des Places
importantes en commandant
en chef les Armées du Roy ;
ce qui ne ſe peut faire fans
vigilance & fans valeur. Ils
arreſterent le ſoir M de
Chanterene à ſouper, avec le
Capitaine qui commandoit
192 III . P. duVoyage
la Garde devant leur logis.
M de Chanterene fit venir
des Violons qui joüerent
pendant tout le Repas.
Quantité de Dames qui s'y
trouverent , & dont beaucoup
leur parurent belles, en
reçûrent autant de loüanges
que de Fruits & de Confitures
. On leur fit le lendemain
à leur départ les mêmes honneurs
qu'on leur avoit faits à
leur arrivée , & ils fortirent
de la Ville au bruit du Canon
comme ils y estoient entrez,
aprés avoir remercié avec les
termes obligeans qui leur font
des Amb . de Siam. 193
finaturels , M'le Lieutenant
de Roy , & les Officiers des
Troupes.
qu'on l'eût pû faire
dans la plus grande &la plus
abondante Ville du Royaume
, ils partirent pour aller
coucher à Bethune. C'eſt
une Place du Pays - Bas dans
186 III . P. du Voyage
l'Artois , affez bien fortifiée.
Elle eſt ſur la petite Riviere
de Biette. Les François la
prirent en 1645. & elle leur
fut cedée en 1659. par leTraité
de la Paix des Pyrenées.
Elle a eu des Seigneurs particuliers
. Robert VII. Seigneur
de Bethune & deTenremonde
, maria Mahaud fa
Fille unique avec Guy de
Dampierre , Comte de Flandres
, dont elle cut Robert
VIII. dit de Bethune , Comte
de Flandres. Le Regiment
de Cavalerie de Chartres qui
eſtoit enGarniſon àBethune,
des Amb. de Siam. 187
fit un détachement pour aller
au devant des Ambafladeurs
, & le refte eſtant demeuré
en bataille ſur la Contreſcarpe,
les falua l'épée à la
main lorſqu'ils pafferent. Mr
de Limbeuf Lieutenant de
Roy de cette Place , les reçut
à la Porte de la Ville. Le
Regiment de Baffigny d'Infanterie
commandé par M
de Chanterene Lieutenant
Colonel, en l'absence de M
le Comte de Mailly qui en
eft Colonel , formoit deux
hayes juſqu'au Château où ils
logerent. M² de Chanter
12
r
Qij
188 III . P. du Voyage
3
rene tenoit la droite du pre
mier rang , & le premier Capitaine
la gauche. LesAmbaſſadeurs
qui en furent
falüez , ainſi que de tous
les autres Capitaines , trouverent
à la porte de leur Logis
une Garde du même Regiment
, avec un Capitaine,
un Lieutenant, un Enſeigne,
& deux Sergens. Auffi-tôt
qu'ils furent arrivez , ils reçûrent
les complimens de la
Ville , & les Prefens ordinaites
. Ils fortirent enfuite à
pied , pour voir le Regiment
que je vous ay dit qui s'eſtoit
e
desAmb. de Siam. 189
mis en bataille fur la Place ,
& demanderent qu'on luy
fiſt faire l'exercice au Tambour
; ce qui fut aufli - tôt
executé. Ils témoignerent
en eſtre fort fatisfaits , & aprés
pluſieurs queſtions qu'ils
firent , ils voulurent ſavoir
de combien d'Hommes ce
Regiment estoit compofé.
Onles fatisfit fur toutes leurs
demandes, & ils loüerent la
propreté de ce Regiment qui
eſtoit fort leſte. Tous lesSoldats
avoient des Chapeaux
neufs , & bordez d'or. Leurs
Bandolieres , Ceinturons , &
190 III. P. du Voyage
cordons de Poires , eſtoient
auffi fort propres ; le tour
garny de force Rubans, couleur
de feu & blancs . Leurs
Epées eſtoient toutes de même
maniere , & tous les Officiers
avoient des Habits fort
riches , & également ornez .
Aprés cela les Ambaſſadeurs
allerent fur les ramparts, dont
ils firent le tour à pied , &
aprés en avoir examiné toutes
les Fortifications , ils rentrerent
au Château où ils eftoient
logez. Ils en fortirent,
quelque temps aprés pour en
faire le tour ſur la Terraffe,
des Amb. de Siam. 191
Σ
r
& admirerent la ſituation de
laVille, qu'ils trouverent trésbelle
& fort à leur gré. M
de Limbeuf alla enfuite prendre
le mot , & ils donnerent
la valeur & la vigilance, parcequ'ils
avoient fceu que M
le Mareſchal de Crequy eftoit
Gouverneur de la Ville ,
& qu'il avoit pris des Places
importantes en commandant
en chef les Armées du Roy ;
ce qui ne ſe peut faire fans
vigilance & fans valeur. Ils
arreſterent le ſoir M de
Chanterene à ſouper, avec le
Capitaine qui commandoit
192 III . P. duVoyage
la Garde devant leur logis.
M de Chanterene fit venir
des Violons qui joüerent
pendant tout le Repas.
Quantité de Dames qui s'y
trouverent , & dont beaucoup
leur parurent belles, en
reçûrent autant de loüanges
que de Fruits & de Confitures
. On leur fit le lendemain
à leur départ les mêmes honneurs
qu'on leur avoit faits à
leur arrivée , & ils fortirent
de la Ville au bruit du Canon
comme ils y estoient entrez,
aprés avoir remercié avec les
termes obligeans qui leur font
des Amb . de Siam. 193
finaturels , M'le Lieutenant
de Roy , & les Officiers des
Troupes.
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Résumé : Bethune. [titre d'après la table]
Après un repas somptueux, les ambassadeurs se rendirent à Béthune, une ville fortifiée de l'Artois située sur la rivière de Biette. Les Français s'emparèrent de Béthune en 1645 et elle leur fut cédée en 1659 par le traité des Pyrénées. La ville eut des seigneurs particuliers, dont Robert VII de Béthune, qui maria sa fille unique à Guy de Dampierre, Comte de Flandres. À leur arrivée, les ambassadeurs furent accueillis par le régiment de cavalerie de Chartres et le régiment d'infanterie de Bassigny, commandé par M. de Chanterene. Ils furent logés au château et reçurent des honneurs militaires, incluant une démonstration de l'exercice du régiment. Les ambassadeurs admirèrent la propreté et la discipline des soldats, ainsi que la richesse de leurs uniformes. Ils visitèrent également les fortifications de la ville et apprécièrent sa situation. Le soir, ils invitèrent M. de Chanterene et le capitaine de la garde à souper, accompagné de musique et de la présence de nombreuses dames. Le lendemain, ils quittèrent Béthune avec les mêmes honneurs qu'à leur arrivée, remerciant les officiers des troupes.
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15
p. 193-199
Aire. [titre d'après la table]
Début :
Le 22. ils partirent pour aller coucher à Aire, & [...]
Mots clefs :
Aire, Fort, François de Calvo, Ville, Place
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Aire. [titre d'après la table]
Le 22. ils partirent pour
aller coucher à Aire &
mangerent auparavant à Bethune
, afin de ne ſe point arrêter
en chemin. Aire eſt dans
l'Artois fur les Frontieres de
Flandre . La Riviere de Lys
ſepare la Ville en deux.
C'eſt une Place extremement
forte avec un fort bon
Chaſteau. Les ruës en ſont
grandes , & l'on y voit de
belles Eglifes . La principale
eſt celle de S. Pierre qui eſt
R
194 III. P. duVoyage
Collegiale & fort ancienne.
Quatorze Prebendes y furent
fondées pour des Chanoines
en 1064. par Baudoüin de l'Iſle,
Comte de Flandre , & Philippe
d'Alface en augmenta le nombre
en 1186.Cette ville fut priſe
par les François en 1641. & repriſe
bien- toſt aprés par les Efpagnols
. Le Roy s'en rendit
Maiſtre en 1676. apres cinq
jours de tranchée ouverte . Les
Ambaſſadeurs trouverent affez
loin de la Place un Eſcadron
de Cravates , qui apres
les avoir faluez , les accompagna
juſques à la porte de la
Ville , où eſtoit M² de Calvo,
des Amb. de Siam. 195
au
qui mit pied à terre ſi toſt
qu'il les apperçût. Apres des
complimens reciproques , ils
entrerent dans la Ville
bruit du Canon , & pafferent
entre deux rangs d'Infanterie
qui estoit en haye juſques à
la porte du lieu , deſtiné pour
les loger , aprés quoy toute
cette Infanterie ſe mit en bataille.
Auſſi-tôt qu'ils furent
arrivez , M's du Magiſtrat
vinrent faire leur compliment,
& apporterent les Preſens accoûtumez
. M de Calvo leur
vint rendre viſite , & leur demanda
le Mot , ils donnerent
Rij
196 III. P. du Voyage
bien attaqué , mieux defendu ,
parce que Mr de Calvo ayant
eſté vigoureuſement attaqué
dans Maſtric , il s'étoit encore
mieux défendu , ayant fait
lever le Siege aux Troupes qui
l'avoient fort avancé. Ils allerent
le lendemain au Fort
de S. François avec M¹ de
Calvo. Ils y entrerent au bruit
duCanon;l'Infaterie étoit ſous
les armes pour les recevoir.
Ce Fort eft tres-beau & a
cinqBaſtions, ils virent l'Inondation
& les Ecluſes , ce qui
leur plût tellement , qu'ils dirent
, qu'ilssouhaiteroient avoir
د
des Amb. de Siam. 197
un ſemblable Fort aux Indes.
Ils firent le tour de la Place
avec Mode Calvo , admirant
toûjours la magnificence , &
la grande dépence du Roy.
Ils remarquerent qu'il y avoit
des ouvriers par tout , & dirent
qu'il fembloit que le Roy
voulût faire autant de Places
neuves , qu'il avoit fait de Conquestes.
Eſtant retournez à Aire,
M de S. Lo Major de la Place
, alla ſur le ſoir leur demander
le Mot , & ils donnerent,
Ma valeur est comme aux
Indes , parce que la levée du
Siege de Maſtric ,y a fait con
Riij
198 III. P. du Voyage
noître la valeur de M.de Calvo.
Ils retinrent ce ſoir là Mde
S. Lo à ſouper , & ils ne partirent
d'Aire que le 24. aprés
avoir dîné de bonne heure . Je
ne vous dis point que pendant
les 4. Repas qu'ils y ont faits,
toutes les principales Dames
de laVille les ontvûs manger,
&je ne vous repete nyles Preſens
qu'on leur a faits, ny leurs
civilitez , c'eſt ce que
pouvez aifément vous imaginer.
Je ne vous dis point non
plus qu'ils viſiterent tout ce
qu'il ya de remarquable dans
la Ville , & toutes les fortifi
vous
des Amb. de Siam. 199
cations , puiſque c'étoit le but
de leur voyage. Ils fortirent
fort fatisfaits de cette Place ,
toute la Garniſon eftant fous
les armes , & le Canon ayant
marqué leur fortie.
aller coucher à Aire &
mangerent auparavant à Bethune
, afin de ne ſe point arrêter
en chemin. Aire eſt dans
l'Artois fur les Frontieres de
Flandre . La Riviere de Lys
ſepare la Ville en deux.
C'eſt une Place extremement
forte avec un fort bon
Chaſteau. Les ruës en ſont
grandes , & l'on y voit de
belles Eglifes . La principale
eſt celle de S. Pierre qui eſt
R
194 III. P. duVoyage
Collegiale & fort ancienne.
Quatorze Prebendes y furent
fondées pour des Chanoines
en 1064. par Baudoüin de l'Iſle,
Comte de Flandre , & Philippe
d'Alface en augmenta le nombre
en 1186.Cette ville fut priſe
par les François en 1641. & repriſe
bien- toſt aprés par les Efpagnols
. Le Roy s'en rendit
Maiſtre en 1676. apres cinq
jours de tranchée ouverte . Les
Ambaſſadeurs trouverent affez
loin de la Place un Eſcadron
de Cravates , qui apres
les avoir faluez , les accompagna
juſques à la porte de la
Ville , où eſtoit M² de Calvo,
des Amb. de Siam. 195
au
qui mit pied à terre ſi toſt
qu'il les apperçût. Apres des
complimens reciproques , ils
entrerent dans la Ville
bruit du Canon , & pafferent
entre deux rangs d'Infanterie
qui estoit en haye juſques à
la porte du lieu , deſtiné pour
les loger , aprés quoy toute
cette Infanterie ſe mit en bataille.
Auſſi-tôt qu'ils furent
arrivez , M's du Magiſtrat
vinrent faire leur compliment,
& apporterent les Preſens accoûtumez
. M de Calvo leur
vint rendre viſite , & leur demanda
le Mot , ils donnerent
Rij
196 III. P. du Voyage
bien attaqué , mieux defendu ,
parce que Mr de Calvo ayant
eſté vigoureuſement attaqué
dans Maſtric , il s'étoit encore
mieux défendu , ayant fait
lever le Siege aux Troupes qui
l'avoient fort avancé. Ils allerent
le lendemain au Fort
de S. François avec M¹ de
Calvo. Ils y entrerent au bruit
duCanon;l'Infaterie étoit ſous
les armes pour les recevoir.
Ce Fort eft tres-beau & a
cinqBaſtions, ils virent l'Inondation
& les Ecluſes , ce qui
leur plût tellement , qu'ils dirent
, qu'ilssouhaiteroient avoir
د
des Amb. de Siam. 197
un ſemblable Fort aux Indes.
Ils firent le tour de la Place
avec Mode Calvo , admirant
toûjours la magnificence , &
la grande dépence du Roy.
Ils remarquerent qu'il y avoit
des ouvriers par tout , & dirent
qu'il fembloit que le Roy
voulût faire autant de Places
neuves , qu'il avoit fait de Conquestes.
Eſtant retournez à Aire,
M de S. Lo Major de la Place
, alla ſur le ſoir leur demander
le Mot , & ils donnerent,
Ma valeur est comme aux
Indes , parce que la levée du
Siege de Maſtric ,y a fait con
Riij
198 III. P. du Voyage
noître la valeur de M.de Calvo.
Ils retinrent ce ſoir là Mde
S. Lo à ſouper , & ils ne partirent
d'Aire que le 24. aprés
avoir dîné de bonne heure . Je
ne vous dis point que pendant
les 4. Repas qu'ils y ont faits,
toutes les principales Dames
de laVille les ontvûs manger,
&je ne vous repete nyles Preſens
qu'on leur a faits, ny leurs
civilitez , c'eſt ce que
pouvez aifément vous imaginer.
Je ne vous dis point non
plus qu'ils viſiterent tout ce
qu'il ya de remarquable dans
la Ville , & toutes les fortifi
vous
des Amb. de Siam. 199
cations , puiſque c'étoit le but
de leur voyage. Ils fortirent
fort fatisfaits de cette Place ,
toute la Garniſon eftant fous
les armes , & le Canon ayant
marqué leur fortie.
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Résumé : Aire. [titre d'après la table]
Le 22, un groupe se rendit à Aire, en Artois, près des frontières de la Flandre, traversée par la rivière Lys. Aire est une place forte avec un château robuste, des rues larges et de belles églises, dont la principale est la collégiale Saint-Pierre, fondée en 1064 et augmentée en 1186. La ville fut prise par les Français en 1641, reprise par les Espagnols, puis reconquise par le roi en 1676 après cinq jours de tranchée ouverte. À leur arrivée, les ambassadeurs furent escortés par des cavaliers et accueillis par M. de Calvo. Ils entrèrent en ville au bruit du canon, escortés par l'infanterie, et reçurent des présents du magistrat. Le lendemain, ils visitèrent le fort de Saint-François, admirant ses cinq bastions et les travaux en cours. Ils dînèrent tôt et partirent le 24, après avoir reçu divers présents et civilités des dames de la ville et avoir visité toutes les fortifications.
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16
p. 207-215
Calais. [titre d'après la table]
Début :
Ils dînerent à Regouge qui est un petit Village sur [...]
Mots clefs :
Calais, Fort, Ville, Roi, Place, Port, Porte, Ambassadeurs, Canon, Citadelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Calais. [titre d'après la table]
Ils dînerent à
Regouge qui est un petit Vi
208 III. P du Voyage
lage ſur le chemin de Calais ,
&arriverent le ſoir à la Ville
de ce nom. C'eſt un Port de
Mer dans la partie de la Picardie,
appellée Païs reconquis.
La Ville eſt bien bâtie & beaucoup
peuplée , & a de fort belles
ruës. Ily en a une qui commence
à la Porte de Terce, &
qui traverſant la grande Place
où eſt la Maiſon de Ville , aboutit
au Port. C'eſt la plus
confiderable . On voit dans
Calais le Palais de l'Auditoire
la Tour du Guet , de magnifiques
Eglifes , plufieurs Monafteres
, & divers Forts . Edes
Anb. de Siam. 209
doüard III. Roy d'Angleterre
emporta cette Ville ſur les
François en 1347. aprés un
Siege de plus de dix mois. Les
Anglois la conſerverent jufques
en 1558. que le Duc de
Guiſe l'affiegea , & la prit dix
jours apres . L'Archiduc Albert
d'Autriche que le Roy
d'Eſpagne avoit fait Gouverneur
des Pays -bas , la reptit en
1596. & deux ans aprés , elle
fut renduë au Roy Henry IV.
par le Traité de Vervins . Depuis
ce temps-là , elle a eſté
fortifiée tres - regulierement ,
& eſt devenue une des plus
S
210 III. P. du Voyage
importantes Places du Royaume.
Les Ambaſſadeurs y furent
receus au bruit du Canon
& le Major qui commandoit
les Troupes , leur fit compliment
à la porte. Ils paſſerent
àtravers pour ſe rendre aulogis
qui leur avoit efté preparé
, &trouverent à la porte de
leur logement une Compagnie
de so. Hommes , avec unCapitaine
, un Lieutenant , & un
Enſeigne. Apres que Mrs du
Magiſtrat ſe furent acquitez
de leur compliment , en leur
offrant les Preſens de la Ville,
leMajor leur vint demander le
desAmb. de Siam . 211
mot , & celuy qu'il receut
fut , où la valeur reſiſte , la ruſe
fuccombe , parce qu'ils avoient
ſceu qu'on avoit tenté pluſieurs
fois de ſurprendre cette
Place , & que de telles entrepriſes
avoient toûjours
manqué de fuccez .
La pluye qui tomba le
lendemain en abondance, ne
les empeſcha point de viſiter
toutes les Fortifications de la
Ville, avec l'Ingenieur qui en
avoit le Plan , & de l'examiner
en meſme temps. Ils s'attacherent
fort à confiderer le
glacis qui regardeGravelines,
S ij
212 III. P. du Voyage
qu'ils trouverent tres-beau ,
ainſi que celuy d'où l'on peut
voir les Châteaux de Douvres
& les Dunes. Le Port leur parut
également beau &grand...
Il eſt fort feur & feparé en
deux bras pour recevoir les
Vaiſſeaux qu'on y voit toû--
jours en fort grand nombre.
Ils font deffendus par unFort
nommé le Fort de Risban, qui
eft à gauche du Port, & que
les Ambaſſadeurs examinerent
avec grand foin. Ils allerent
auffi à la Citadelle à
laquelle le Roy a fait beaucoup
travailler. Elle est fort
des Amb.de Siam. 213
grande & entourée de foſſez
profonds , & de marais qui
font tous remplis de l'eaude
la mer. Toutes les commoditez
qu'on peut ſouhaiter dans
une Place de guerre, font dans
cette Citadelle , & l'on peut
dire que cette Ville - là tire
encore beaucoup de force du
zéle & de la valeur de fes
Habitans, qui ont donné fort
ſouvent des marques de leur
affection pour la France. Les
Ambaſſadeurs qui avoient
efté receus au bruit du canon
du Fort par M. Vignon
qui en eſt Gouverneur , &
214 III . P. du Voyage
qui leur avoit rendu tous les
honneurs qu'ils pouvoient
attendre , ne le furent pas
moins bien à la Citadelle par
M. de Bouteville Lieutenant
de Roy , & tout s'y paſſa pour
les honneurs & pour l'examen
de la Place, comme dans
les autres Citadelles dont je
vous ay déja parlé. Lorſqu'ils
pafferent devant la Maiſon
de Ville , on tira du canon
qui estoit devant le Corps de
garde de la Place. Ils donnerent
ce foir-là pour mot , il
eſt revenu pour triompher, parce
que le Roy avoit eſté fort
des Amb . de Siam. 215
malade à Calais , & qu'il a
toujours triomphé depuis cette
maladie.
Regouge qui est un petit Vi
208 III. P du Voyage
lage ſur le chemin de Calais ,
&arriverent le ſoir à la Ville
de ce nom. C'eſt un Port de
Mer dans la partie de la Picardie,
appellée Païs reconquis.
La Ville eſt bien bâtie & beaucoup
peuplée , & a de fort belles
ruës. Ily en a une qui commence
à la Porte de Terce, &
qui traverſant la grande Place
où eſt la Maiſon de Ville , aboutit
au Port. C'eſt la plus
confiderable . On voit dans
Calais le Palais de l'Auditoire
la Tour du Guet , de magnifiques
Eglifes , plufieurs Monafteres
, & divers Forts . Edes
Anb. de Siam. 209
doüard III. Roy d'Angleterre
emporta cette Ville ſur les
François en 1347. aprés un
Siege de plus de dix mois. Les
Anglois la conſerverent jufques
en 1558. que le Duc de
Guiſe l'affiegea , & la prit dix
jours apres . L'Archiduc Albert
d'Autriche que le Roy
d'Eſpagne avoit fait Gouverneur
des Pays -bas , la reptit en
1596. & deux ans aprés , elle
fut renduë au Roy Henry IV.
par le Traité de Vervins . Depuis
ce temps-là , elle a eſté
fortifiée tres - regulierement ,
& eſt devenue une des plus
S
210 III. P. du Voyage
importantes Places du Royaume.
Les Ambaſſadeurs y furent
receus au bruit du Canon
& le Major qui commandoit
les Troupes , leur fit compliment
à la porte. Ils paſſerent
àtravers pour ſe rendre aulogis
qui leur avoit efté preparé
, &trouverent à la porte de
leur logement une Compagnie
de so. Hommes , avec unCapitaine
, un Lieutenant , & un
Enſeigne. Apres que Mrs du
Magiſtrat ſe furent acquitez
de leur compliment , en leur
offrant les Preſens de la Ville,
leMajor leur vint demander le
desAmb. de Siam . 211
mot , & celuy qu'il receut
fut , où la valeur reſiſte , la ruſe
fuccombe , parce qu'ils avoient
ſceu qu'on avoit tenté pluſieurs
fois de ſurprendre cette
Place , & que de telles entrepriſes
avoient toûjours
manqué de fuccez .
La pluye qui tomba le
lendemain en abondance, ne
les empeſcha point de viſiter
toutes les Fortifications de la
Ville, avec l'Ingenieur qui en
avoit le Plan , & de l'examiner
en meſme temps. Ils s'attacherent
fort à confiderer le
glacis qui regardeGravelines,
S ij
212 III. P. du Voyage
qu'ils trouverent tres-beau ,
ainſi que celuy d'où l'on peut
voir les Châteaux de Douvres
& les Dunes. Le Port leur parut
également beau &grand...
Il eſt fort feur & feparé en
deux bras pour recevoir les
Vaiſſeaux qu'on y voit toû--
jours en fort grand nombre.
Ils font deffendus par unFort
nommé le Fort de Risban, qui
eft à gauche du Port, & que
les Ambaſſadeurs examinerent
avec grand foin. Ils allerent
auffi à la Citadelle à
laquelle le Roy a fait beaucoup
travailler. Elle est fort
des Amb.de Siam. 213
grande & entourée de foſſez
profonds , & de marais qui
font tous remplis de l'eaude
la mer. Toutes les commoditez
qu'on peut ſouhaiter dans
une Place de guerre, font dans
cette Citadelle , & l'on peut
dire que cette Ville - là tire
encore beaucoup de force du
zéle & de la valeur de fes
Habitans, qui ont donné fort
ſouvent des marques de leur
affection pour la France. Les
Ambaſſadeurs qui avoient
efté receus au bruit du canon
du Fort par M. Vignon
qui en eſt Gouverneur , &
214 III . P. du Voyage
qui leur avoit rendu tous les
honneurs qu'ils pouvoient
attendre , ne le furent pas
moins bien à la Citadelle par
M. de Bouteville Lieutenant
de Roy , & tout s'y paſſa pour
les honneurs & pour l'examen
de la Place, comme dans
les autres Citadelles dont je
vous ay déja parlé. Lorſqu'ils
pafferent devant la Maiſon
de Ville , on tira du canon
qui estoit devant le Corps de
garde de la Place. Ils donnerent
ce foir-là pour mot , il
eſt revenu pour triompher, parce
que le Roy avoit eſté fort
des Amb . de Siam. 215
malade à Calais , & qu'il a
toujours triomphé depuis cette
maladie.
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Résumé : Calais. [titre d'après la table]
Le texte relate un voyage vers Calais, une ville portuaire en Picardie, célèbre pour ses rues et ses fortifications. Calais a été conquise par Édouard III d'Angleterre en 1347 après un siège de dix mois et est restée sous contrôle anglais jusqu'en 1558, date à laquelle le Duc de Guise la reprit. L'Archiduc Albert d'Autriche la reconquit en 1596, mais elle fut rendue à Henri IV par le Traité de Vervins en 1598. Depuis, Calais a été régulièrement fortifiée et est devenue une place stratégique du royaume. Les ambassadeurs de Siam y furent reçus avec des honneurs militaires, notamment des salves de canon. Ils visitèrent les fortifications, examinant le glacis vers Gravelines, les Châteaux de Douvres, le Port et le Fort de Risban. La Citadelle, renforcée par le roi, est entourée de fossés et de marais marins et est bien équipée pour la défense. Les habitants de Calais sont reconnus pour leur zèle et leur valeur. Les ambassadeurs reçurent également des honneurs à la Citadelle et passèrent devant la Maison de Ville, où des salves de canon furent tirées. Leur mot du jour fut 'il est revenu pour triompher', en référence à la guérison du roi après une maladie à Calais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 215-217
Gravelines. [titre d'après la table]
Début :
Aprés avoir séjourné le 27. à Calais, ils en partirent le [...]
Mots clefs :
Gravelines, Calais, Dîner, Places, Place
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Gravelines. [titre d'après la table]
Aprés avoir féjourné le 27.
à Calais , ils en partirent le
lendemain pour aller dîner à
Gravelines . Cette Ville eſt
ſituée prés de la Mer ſur la
Riviere d'Aa , entre Calais
& Dunkerque. Charles-
Quint y fit bâtir un fort
Château en 1528. C'eſt aujourd'huy
une des plus fortes
& des plus regulieres Places
de l'Europe . Elle a eſté cedée
aux François par la Paix
des Pyrenées. Ils l'avoient
216 III. P. du Voyage
priſe en 1658. Quoy que les
Ambaſſadeurs ne dûfſſent s'y
arrêter que pour dîner ſeulement
, ils ne laifferent pas
d'y eſtre reçûs avec les mêmes
honneurs que dans toutes
les autres Villes où ils avoient
couché. Toutes les
Trcupes qui compoſent la
Garniſon eftoient ſous les Armes
, & ils trouverent une
Garde poſée à la porte de leur
Logis. Ils ne pûrent voir la
Place qu'en entrant , & en
ſortant ; mais ils envoyerent
plufieurs Mandarins pour en
viſiter les endroits qu'ils ne
pûrent
des Amb. de Siam. 217
pûrent voir. Pendant qu'ils
en examinerent le Plan avec
l'Ingenieur de la Place , ils
On
demanderent, s'ils ne verroient
plus d'auffi belles Places.
leur répondit , qu'ils jugeroient
eux-mefmes ſi celles qu'on avoit
encore à leur faire voir, estoient
auffi belles .
à Calais , ils en partirent le
lendemain pour aller dîner à
Gravelines . Cette Ville eſt
ſituée prés de la Mer ſur la
Riviere d'Aa , entre Calais
& Dunkerque. Charles-
Quint y fit bâtir un fort
Château en 1528. C'eſt aujourd'huy
une des plus fortes
& des plus regulieres Places
de l'Europe . Elle a eſté cedée
aux François par la Paix
des Pyrenées. Ils l'avoient
216 III. P. du Voyage
priſe en 1658. Quoy que les
Ambaſſadeurs ne dûfſſent s'y
arrêter que pour dîner ſeulement
, ils ne laifferent pas
d'y eſtre reçûs avec les mêmes
honneurs que dans toutes
les autres Villes où ils avoient
couché. Toutes les
Trcupes qui compoſent la
Garniſon eftoient ſous les Armes
, & ils trouverent une
Garde poſée à la porte de leur
Logis. Ils ne pûrent voir la
Place qu'en entrant , & en
ſortant ; mais ils envoyerent
plufieurs Mandarins pour en
viſiter les endroits qu'ils ne
pûrent
des Amb. de Siam. 217
pûrent voir. Pendant qu'ils
en examinerent le Plan avec
l'Ingenieur de la Place , ils
On
demanderent, s'ils ne verroient
plus d'auffi belles Places.
leur répondit , qu'ils jugeroient
eux-mefmes ſi celles qu'on avoit
encore à leur faire voir, estoient
auffi belles .
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Résumé : Gravelines. [titre d'après la table]
Le 27, les ambassadeurs séjournèrent à Calais avant de partir pour Gravelines, située près de la mer sur la rivière d'Aa, entre Calais et Dunkerque. Charles Quint y fit construire un fort château en 1528. Gravelines est aujourd'hui l'une des places les plus fortes et régulières d'Europe. Elle fut cédée aux Français par la Paix des Pyrénées après avoir été prise en 1658. Bien que les ambassadeurs ne devaient s'y arrêter que pour dîner, ils furent reçus avec les mêmes honneurs que dans les autres villes. Toutes les troupes de la garnison étaient sous les armes, et une garde était postée à la porte de leur logis. Les ambassadeurs ne purent voir la place qu'en entrant et en sortant, mais ils envoyèrent plusieurs mandarins pour en visiter les endroits qu'ils ne purent voir. Pendant qu'ils examinaient le plan avec l'ingénieur de la place, ils demandèrent s'ils verraient d'autres places aussi belles. On leur répondit qu'ils jugeraient eux-mêmes si les places qu'on leur ferait encore voir étaient aussi belles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 217-234
Dunkerque. [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent le même jour coucher à Dunkerque, Ville sur [...]
Mots clefs :
Dunkerque, Place, Intendant, Ville, Roi, Fort, Bergues, Comte, Ambassadeurs, Artillerie, Armes, Folie, Remparts, Du Verger, Mer, Citadelle, Ambassadeur, Mégron
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dunkerque. [titre d'après la table]
Ils allerent le même jour
coucher à Dunkerque , Ville
fur la Mer dans le Comté de
Flandres . Le Comte Baudoüin
III . dit le Jeune, la fit
bâtir en 960. Elle a de fort
bellesRuës, unPort extrémement
frequenté , & des Ha-
T
218 III . P. du Voyage
bitans fort renommez pour
la Navigation. Marie de Luxembourg
, Comteſſe de S.
Paul, Dame de Dunkerque,
Fille unique de Pierre de Luxembourg
& de Marguerite
de Savoye, épouſa François de
Bourbon, Comte de Vendôme
, quatriéme Ayeul paternel
du Roy. C'eſt ſur cela
que font fondées les legitimes
pretentions qu'a Sa Majeſté
ſur la Ville de Dunkerque.
Les François la prirent
en 1558. Le Duc de Parme
la reprit en 1583. Monfieur
le Prince , alors Duc d'An-
1
des Amb. de Siam. 319
guien, s'en rendit Maiſtre en
1646. & les Eſpagnols qui
l'emporterent en 1652. lagarderent
juſqu'en 1658. que
Mr le Maréchal de Turenne
la leur ôta. Elle fut remiſe
aux Anglois , de qui le Roy
la racheta en 1662. La Citadelle
que Sa Majeſté y a fait
faire , eft tres - confiderable ,
auſſi - bien que les Fortifications.
Les Ambaſſadeurs aprés a
voir paſſé entre le Fort du
Bois &le Fort Mardic , qu'ils
confidererent , approcherent
de la Place au bruit d'une
Tij
220 III. P. du Voyage
groffe Artillerie. M Me
gron Major qui y commandoit
, les reçût à la Porte de
la Ville. Toute la Garniſon,
parmy laquelle il y avoit
beaucoup de Compagnies
Suiffes, eſtoit ſous les Armes.
Ils furent logez à l'Hoſtel de
Ville, où ils reçûrent les complimens
des Magiftrats, & les
Preſens ordinaires. Ils furent
auſſi complimentez par
pluſieurs Corps . Le foir tout
'Hoſtel de Ville ſe trouva
éclairé par l'ordre des Magiſtrats.
Ils donnerent ce
foir- là pour Mot , La clef eft
des Amb de Siam . 221
digne de la ferrure , fur ce
qu'on leur avoit dit que Dunkerque
eſt une Clef du
Royaume. Ils furent ravis
de trouver à Dunkerque Madame
la Princeſſe de Bournonville,
Me la Comteffe de
Sore , & Ms les Princes de
Bournonville & de Robec,
qu'ils avoient veus à Berny, &
dont ils avoient reçû de grandeshonnêtetez.
MadamePatoulet,
femmede M² l'Intendant
de la Marine à Dunkerque
, eſtoit de la Compagnie.
M Deſmadrit Intendant
de Juſtice , Police des
Tiij
222 III . P. du Voyage
Troupes , & Finances de Sa
Majesté, & M Patoulet, vinrent
auſſi les ſalüer . M Defmadrit
leur dit , qu'il alloit à
Ypres , où il auroit l'honneur de
les voir , & qu'il eſperoit qu'ils
luy feroient la grace de diſner
chez luy. Ils fouperent à l'ordinaire
en bonne Compagnie.
Le lendemain ils monterent
en Carroſſe pour aller
du côté de la Mer , où ils
trouverent des Chaloupes
fort propres, & virent les Jettées
& les Forts qui ſont def
ſus, qui les ſalüerent de toute
leur Artillerie. Ils meſurerent
desAmb. de Siam, 223
eux-mêmes les épaiſſeurs &
les hauteurs des murailles , les
hauteurs & les profondeurs
des foſſez , & examinerent
tous les ouvrages avancez. Ils
virent fortir à pleines voiles
un affez gros Vaiffeau, chargé
de tout ſon Canon. De là
ils allerent au Rifban , où ils
monterent & deſcendirent
dans tous les endroits qu'ils
jugerent dignes de leur curioſité.
Ils marquerent une
ſurpriſe qui ne ſe peut exprimer
, & crûrent voir une
des premieres merveilles du
Monde. Ils vinrent enſuite
Tiiij
224 III. P. du Voyage
à pied juſqu'à la Jettée, où
l'on ſe rembarqua pour regagner
le Carroffe. Le lendemain
ils allerent à la Citadelle
que le Roy a fait bâtir.
Ils furent receus au bruit du
Canon , & trouverent l'Infanterie
ſous les Armes ; ils
virent les Magaſins & les Arcenaux
, & dirent que non
Seulement cette Fortereffe leur
paroiſſoit imprenable , mais mefme
qu'ils ne croyoient pas que
l'on pût ſonger à l'attaquer ,
parce qu'on n'attaquoit pas ce
qu'on sçavoit qu'il estoit impoffible
de prendre. On tira une
des Amb. de Siam. 225
Coulevrine , appellée la grande
Coulevrine de Nancy. Comme
on leur avoit donné les
Violons , ce qui continua
tant qu'ils ſéjournerent à
Dunkerque , ils avoient demandé
les noms de pluſieurs
Airs , & même la raiſon des
noms qu'on leur avoit dits.
La Folie d'Eſpagne s'eſtant
trouvée de ce nombre , il ne
ſe rencontra perſonne qui
-leur pût apprendre pourquoy
cét Air avoit eu ce nom : ce
qui fut cauſe que M Megron
leur ayant demádé l'Ordre
, ils dirent la Folie d'Ef
r
226 III. P. du Voyage
pagne. M: Torf leur demanda
, pourquoy ils donnoient
ce mot. Ils répondirent, qu'ils
avoient peut- estre plus de raiſon
de le donner , que le Muſicien
n'en avoit eu de nommer
Folie un Air qui paroiffoit tresbeau
, puiſque c'en estoit une tresgrande
que d'avoir laiffé prendre
une Ville comme Dunkerque.
Lejour ſuivant (car ilsſéjournerent
deux jours àDunkerque
) ils firent le tour de
la Place avec M Megron ,
& trouverent les Ramparts
d'une propreté qui paſſe tout
des Amb. de Siam. 227
د
ce qu'on s'en peut imaginer.
On n'y voit aucune ordure
de quelque nature qu'elle
puiſſe eſtre , & les Jardins les
plus propres & les mieux entretenus
du Prince le plus curieux
ne pourroient qu'à
peine approcher de ce qu'ils
virent. Cela fait connoiftre
que Me Megron ſçaitbien ſe
faire obeïr , & qui fe fait obefr,
doit eſtre du nombre
des meilleurs Officiers . M du
Verger Ingenieur de la Place,
en fit le tour avec les Ambaſſadeurs.
Illeur apprit tout
cequ'ils ſouhaiterent ſçavoir
228 III. P. du Voyage
&répondit ſi bien à toutes
leurs queſtions , qu'ils conçûrentbeaucoup
d'eftime, &
prirent même quelque forte
d'amitié pour luy. Ils dirent,
que le Roy de Siam n'épargneroit
rien pour avoir un auffi habile
Homme qu'il eſtoit , & le
prierent de vouloir bien les accompagner
jusqu'à Bergues, par
où ils devoientpaffer pour aller à
Ypres. Enfin ils luy dirent ,
qu'il s'expliquoit si bien , que
tout marquoit en luy ce qu'il
vouloit dire , & que ceux àqui
il parloit n'avoient que faire de
fçavoirfa langue , pour concedes
Amb. de Siam. 229
voir ce qu'il vouloit faire entendre.
Ils ne quitterent les Ramparts
que pour aller voir l'Arcenal,
où ils ne laiſſerent rien
à viſiter : de forte qu'eſtant
tous remplis de la beauté de
la Place , &de la grandeur du
Roy , ils fortirent en difant,
qu'ils voyoient par tout des chofes
inoüies. M Patoulet Intendant
de Marine , ayant
fait charger pluſieurs Ecluſes,
vint ſur le ſoir les prier d'en
voir l'effet , & leur dit , que
cela ne dureroit qu'un instant.
Ils demanderent, fi leRoy les
avoit fait faire comme le reste.
230 III . P. du Voyage
On leur dit que oüy. Ils repartirent
auffi -toſt , qu'ils ne
doutoient pas que cela ne répon
diſt à la magnificence de Sa Majesté
, &qu'ilsypaſſeroient non
pas un instant , mais la nuit
entiere. Ils monterent dans le
Carroffe de Me l'Intendant,
qui en avoit fait amener
d'autres pour leur Suite. Dés
qu'ils furent arrivez , on ouvrit
les Ecluſes, qui firent les
effets qu'on en attendoit.
L'Ambaſſadeur dit qu'il estoit
caution de la netteté du Port,
tant qu'on entretiendroit cesEclufes-
là. Ils virent le nouveau
L
des Amb. de Siam. 231
Baffin pour les Vaiſſeaux du
Roy , qui eſt encore un des
Ouvrages qui répond le plus
à la grandeur de Sa Majefté.
On leur montra auſſi plufieurs
Vaiſſeaux fur le chantier.
Si je voulois vous faire
un détail entier de tout ce
que les Ambaſſadeurs ont vû
& dit à Dunkerque , & de la
maniere dont le Roy y eſt
ſervy, j'avoue qu'il me feroit
difficile de trouver la fin de
certe Relation . L'Ambaſſadeur
donna ce ſoir-là pour
mot , Nous triomphons par fa
victoire, & dit que c'eſtoit une
234 III . P. du Voyage
verité , puiſque l'état où ef
toit la Ville , depuis qu'elle
avoit eſté conquiſe par Sa
Majesté , & l'opulence des
Peuples , faifoient voir qu'ils
triomphoient par la victoire
de ce
de ce grand Monarque.
Aprés avoir ſejourné à
Dunkerque le 29. & le 30. ils
en partirent avec des honneurs
qui ne peuvent eſtre
comparez qu'à ceux qu'ils avoient
receus en y entrant.
Ils s'embarquerent dés ſept
heures du matin, ſur le canal
de Bergues , qui eſt hors la
Ville, dans un batteau coudes
Amb. de Siam. 233
vert bien meublé & vîtré,
que M Deſmadrit leur avoit
fait préparer. Ils avoient prié
de trop bonne grace M du
Verger de venir avec eux jufques
à Bergues , pour en eſtre
refufez. Il les accompagna
juſque- là, & ils parlerent pendant
tout le chemin de Fortifications
& des inondations
de Siam. L'Ambaſſadeur luy
dit qu'il croyoit qu'il estoit un
homme univerſel. Ils trouverent
fur le chemin de Dunkerque
à Bergues, le long du
Canal, le Fort Louis, & le Fort
S. François , qui font deux
V
234 III. P.du Voyage
Forts Royaux , & quelques
Redoutes . Ils en furent falüez
, & les Garniſons parurent
en bataille ſur les ramparts
. Eftant arrivez à Bergues
, Mª du Verger les quit
ta , dont ils témoignerent du
regret. Ils trouverent leurs
Carroffes , dans lesquels ils
monterent pour continuër
leur route. Ils furent falüez
par l'Artillerie de Bergues , &
trouverent la Garnifon fous
les armes , depuis une Porte
juſques à l'autre. Ils furent
meſme haranguez , & receurent
les Prefens de la Ville.
coucher à Dunkerque , Ville
fur la Mer dans le Comté de
Flandres . Le Comte Baudoüin
III . dit le Jeune, la fit
bâtir en 960. Elle a de fort
bellesRuës, unPort extrémement
frequenté , & des Ha-
T
218 III . P. du Voyage
bitans fort renommez pour
la Navigation. Marie de Luxembourg
, Comteſſe de S.
Paul, Dame de Dunkerque,
Fille unique de Pierre de Luxembourg
& de Marguerite
de Savoye, épouſa François de
Bourbon, Comte de Vendôme
, quatriéme Ayeul paternel
du Roy. C'eſt ſur cela
que font fondées les legitimes
pretentions qu'a Sa Majeſté
ſur la Ville de Dunkerque.
Les François la prirent
en 1558. Le Duc de Parme
la reprit en 1583. Monfieur
le Prince , alors Duc d'An-
1
des Amb. de Siam. 319
guien, s'en rendit Maiſtre en
1646. & les Eſpagnols qui
l'emporterent en 1652. lagarderent
juſqu'en 1658. que
Mr le Maréchal de Turenne
la leur ôta. Elle fut remiſe
aux Anglois , de qui le Roy
la racheta en 1662. La Citadelle
que Sa Majeſté y a fait
faire , eft tres - confiderable ,
auſſi - bien que les Fortifications.
Les Ambaſſadeurs aprés a
voir paſſé entre le Fort du
Bois &le Fort Mardic , qu'ils
confidererent , approcherent
de la Place au bruit d'une
Tij
220 III. P. du Voyage
groffe Artillerie. M Me
gron Major qui y commandoit
, les reçût à la Porte de
la Ville. Toute la Garniſon,
parmy laquelle il y avoit
beaucoup de Compagnies
Suiffes, eſtoit ſous les Armes.
Ils furent logez à l'Hoſtel de
Ville, où ils reçûrent les complimens
des Magiftrats, & les
Preſens ordinaires. Ils furent
auſſi complimentez par
pluſieurs Corps . Le foir tout
'Hoſtel de Ville ſe trouva
éclairé par l'ordre des Magiſtrats.
Ils donnerent ce
foir- là pour Mot , La clef eft
des Amb de Siam . 221
digne de la ferrure , fur ce
qu'on leur avoit dit que Dunkerque
eſt une Clef du
Royaume. Ils furent ravis
de trouver à Dunkerque Madame
la Princeſſe de Bournonville,
Me la Comteffe de
Sore , & Ms les Princes de
Bournonville & de Robec,
qu'ils avoient veus à Berny, &
dont ils avoient reçû de grandeshonnêtetez.
MadamePatoulet,
femmede M² l'Intendant
de la Marine à Dunkerque
, eſtoit de la Compagnie.
M Deſmadrit Intendant
de Juſtice , Police des
Tiij
222 III . P. du Voyage
Troupes , & Finances de Sa
Majesté, & M Patoulet, vinrent
auſſi les ſalüer . M Defmadrit
leur dit , qu'il alloit à
Ypres , où il auroit l'honneur de
les voir , & qu'il eſperoit qu'ils
luy feroient la grace de diſner
chez luy. Ils fouperent à l'ordinaire
en bonne Compagnie.
Le lendemain ils monterent
en Carroſſe pour aller
du côté de la Mer , où ils
trouverent des Chaloupes
fort propres, & virent les Jettées
& les Forts qui ſont def
ſus, qui les ſalüerent de toute
leur Artillerie. Ils meſurerent
desAmb. de Siam, 223
eux-mêmes les épaiſſeurs &
les hauteurs des murailles , les
hauteurs & les profondeurs
des foſſez , & examinerent
tous les ouvrages avancez. Ils
virent fortir à pleines voiles
un affez gros Vaiffeau, chargé
de tout ſon Canon. De là
ils allerent au Rifban , où ils
monterent & deſcendirent
dans tous les endroits qu'ils
jugerent dignes de leur curioſité.
Ils marquerent une
ſurpriſe qui ne ſe peut exprimer
, & crûrent voir une
des premieres merveilles du
Monde. Ils vinrent enſuite
Tiiij
224 III. P. du Voyage
à pied juſqu'à la Jettée, où
l'on ſe rembarqua pour regagner
le Carroffe. Le lendemain
ils allerent à la Citadelle
que le Roy a fait bâtir.
Ils furent receus au bruit du
Canon , & trouverent l'Infanterie
ſous les Armes ; ils
virent les Magaſins & les Arcenaux
, & dirent que non
Seulement cette Fortereffe leur
paroiſſoit imprenable , mais mefme
qu'ils ne croyoient pas que
l'on pût ſonger à l'attaquer ,
parce qu'on n'attaquoit pas ce
qu'on sçavoit qu'il estoit impoffible
de prendre. On tira une
des Amb. de Siam. 225
Coulevrine , appellée la grande
Coulevrine de Nancy. Comme
on leur avoit donné les
Violons , ce qui continua
tant qu'ils ſéjournerent à
Dunkerque , ils avoient demandé
les noms de pluſieurs
Airs , & même la raiſon des
noms qu'on leur avoit dits.
La Folie d'Eſpagne s'eſtant
trouvée de ce nombre , il ne
ſe rencontra perſonne qui
-leur pût apprendre pourquoy
cét Air avoit eu ce nom : ce
qui fut cauſe que M Megron
leur ayant demádé l'Ordre
, ils dirent la Folie d'Ef
r
226 III. P. du Voyage
pagne. M: Torf leur demanda
, pourquoy ils donnoient
ce mot. Ils répondirent, qu'ils
avoient peut- estre plus de raiſon
de le donner , que le Muſicien
n'en avoit eu de nommer
Folie un Air qui paroiffoit tresbeau
, puiſque c'en estoit une tresgrande
que d'avoir laiffé prendre
une Ville comme Dunkerque.
Lejour ſuivant (car ilsſéjournerent
deux jours àDunkerque
) ils firent le tour de
la Place avec M Megron ,
& trouverent les Ramparts
d'une propreté qui paſſe tout
des Amb. de Siam. 227
د
ce qu'on s'en peut imaginer.
On n'y voit aucune ordure
de quelque nature qu'elle
puiſſe eſtre , & les Jardins les
plus propres & les mieux entretenus
du Prince le plus curieux
ne pourroient qu'à
peine approcher de ce qu'ils
virent. Cela fait connoiftre
que Me Megron ſçaitbien ſe
faire obeïr , & qui fe fait obefr,
doit eſtre du nombre
des meilleurs Officiers . M du
Verger Ingenieur de la Place,
en fit le tour avec les Ambaſſadeurs.
Illeur apprit tout
cequ'ils ſouhaiterent ſçavoir
228 III. P. du Voyage
&répondit ſi bien à toutes
leurs queſtions , qu'ils conçûrentbeaucoup
d'eftime, &
prirent même quelque forte
d'amitié pour luy. Ils dirent,
que le Roy de Siam n'épargneroit
rien pour avoir un auffi habile
Homme qu'il eſtoit , & le
prierent de vouloir bien les accompagner
jusqu'à Bergues, par
où ils devoientpaffer pour aller à
Ypres. Enfin ils luy dirent ,
qu'il s'expliquoit si bien , que
tout marquoit en luy ce qu'il
vouloit dire , & que ceux àqui
il parloit n'avoient que faire de
fçavoirfa langue , pour concedes
Amb. de Siam. 229
voir ce qu'il vouloit faire entendre.
Ils ne quitterent les Ramparts
que pour aller voir l'Arcenal,
où ils ne laiſſerent rien
à viſiter : de forte qu'eſtant
tous remplis de la beauté de
la Place , &de la grandeur du
Roy , ils fortirent en difant,
qu'ils voyoient par tout des chofes
inoüies. M Patoulet Intendant
de Marine , ayant
fait charger pluſieurs Ecluſes,
vint ſur le ſoir les prier d'en
voir l'effet , & leur dit , que
cela ne dureroit qu'un instant.
Ils demanderent, fi leRoy les
avoit fait faire comme le reste.
230 III . P. du Voyage
On leur dit que oüy. Ils repartirent
auffi -toſt , qu'ils ne
doutoient pas que cela ne répon
diſt à la magnificence de Sa Majesté
, &qu'ilsypaſſeroient non
pas un instant , mais la nuit
entiere. Ils monterent dans le
Carroffe de Me l'Intendant,
qui en avoit fait amener
d'autres pour leur Suite. Dés
qu'ils furent arrivez , on ouvrit
les Ecluſes, qui firent les
effets qu'on en attendoit.
L'Ambaſſadeur dit qu'il estoit
caution de la netteté du Port,
tant qu'on entretiendroit cesEclufes-
là. Ils virent le nouveau
L
des Amb. de Siam. 231
Baffin pour les Vaiſſeaux du
Roy , qui eſt encore un des
Ouvrages qui répond le plus
à la grandeur de Sa Majefté.
On leur montra auſſi plufieurs
Vaiſſeaux fur le chantier.
Si je voulois vous faire
un détail entier de tout ce
que les Ambaſſadeurs ont vû
& dit à Dunkerque , & de la
maniere dont le Roy y eſt
ſervy, j'avoue qu'il me feroit
difficile de trouver la fin de
certe Relation . L'Ambaſſadeur
donna ce ſoir-là pour
mot , Nous triomphons par fa
victoire, & dit que c'eſtoit une
234 III . P. du Voyage
verité , puiſque l'état où ef
toit la Ville , depuis qu'elle
avoit eſté conquiſe par Sa
Majesté , & l'opulence des
Peuples , faifoient voir qu'ils
triomphoient par la victoire
de ce
de ce grand Monarque.
Aprés avoir ſejourné à
Dunkerque le 29. & le 30. ils
en partirent avec des honneurs
qui ne peuvent eſtre
comparez qu'à ceux qu'ils avoient
receus en y entrant.
Ils s'embarquerent dés ſept
heures du matin, ſur le canal
de Bergues , qui eſt hors la
Ville, dans un batteau coudes
Amb. de Siam. 233
vert bien meublé & vîtré,
que M Deſmadrit leur avoit
fait préparer. Ils avoient prié
de trop bonne grace M du
Verger de venir avec eux jufques
à Bergues , pour en eſtre
refufez. Il les accompagna
juſque- là, & ils parlerent pendant
tout le chemin de Fortifications
& des inondations
de Siam. L'Ambaſſadeur luy
dit qu'il croyoit qu'il estoit un
homme univerſel. Ils trouverent
fur le chemin de Dunkerque
à Bergues, le long du
Canal, le Fort Louis, & le Fort
S. François , qui font deux
V
234 III. P.du Voyage
Forts Royaux , & quelques
Redoutes . Ils en furent falüez
, & les Garniſons parurent
en bataille ſur les ramparts
. Eftant arrivez à Bergues
, Mª du Verger les quit
ta , dont ils témoignerent du
regret. Ils trouverent leurs
Carroffes , dans lesquels ils
monterent pour continuër
leur route. Ils furent falüez
par l'Artillerie de Bergues , &
trouverent la Garnifon fous
les armes , depuis une Porte
juſques à l'autre. Ils furent
meſme haranguez , & receurent
les Prefens de la Ville.
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Résumé : Dunkerque. [titre d'après la table]
Le texte décrit la visite des ambassadeurs de Siam à Dunkerque, une ville située en Flandres, fondée en 960 par le Comte Baudouin III. Dunkerque est réputée pour ses rues pittoresques, son port actif et ses habitants experts en navigation. Marie de Luxembourg, Comtesse de Saint-Pol et Dame de Dunkerque, a épousé François de Bourbon, Comte de Vendôme, ancêtre du roi de France, ce qui a justifié les prétentions royales sur la ville. Dunkerque a connu plusieurs changements de mains au fil des siècles. Elle a été prise par les Français en 1558, reprise par les Espagnols en 1583, conquise par le Duc d'Anjou en 1646, puis de nouveau par les Espagnols en 1652, avant d'être finalement rachetée par le roi de France en 1662. La citadelle et les fortifications de Dunkerque sont particulièrement remarquables. Lors de leur visite, les ambassadeurs de Siam ont été accueillis avec des honneurs militaires et civils. Ils ont été logés à l'Hôtel de Ville et ont reçu des présents. Ils ont visité les fortifications, les jetées et les forts, et ont été impressionnés par la propreté et la discipline des lieux. Ils ont également assisté à des démonstrations de l'artillerie et des écluses, exprimant leur admiration pour les ouvrages et la grandeur du roi. Après deux jours à Dunkerque, ils ont quitté la ville en bateau, accompagnés par des salves d'artillerie et des honneurs militaires.
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19
p. 235-242
Ipres. [titre d'après la table]
Début :
Aprés l'avoir traversée, ils allerent dîner à Rosbruck, qui [...]
Mots clefs :
Ypres, Roesbrugge, Ville, Fort, Roi, La Neuville, Ambassadeurs, Place, Canon
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texteReconnaissance textuelle : Ipres. [titre d'après la table]
Aprés l'avoir traversée , ils allerent
dîner à Rolbruck , qui
eſt un Bourg ſur le chemin
d'Ipre , où ils coucherent
le 3r. Ipre eſt une Ville
fort riche & qui a pluſieurs
belles Eglifes, dont S. Martin
eft la Cathedrale. Paul IV. y
eftablit un Eveſché en 1550.
ſous la Jurisdiction de l'Archeveſché
de Malines. On y
voit de beaux Edifiors , des
Palais&diverſes Places, entre
leſquelles celle de la Seigneurie
eft confiderable. CerteVille
a foutenu pluſieurs Sieges,
&fut foumiſe à laFrance par
Vij
236 III. P. du Voyage
celuy qu'y mit le Roy en
1678. aprés la priſe de Gand.
M de la Neuville, Lieutenant
de Roy, qui commande dans
la Place , receut les Ambaſſadeurs
à leur arrivée , & leur
marqua qu'il executoit avec
plaifir les ordres qu'il en avoit
eus de Sa Majefté. Le canon
ſe fit entendre,& la Garnifon
leur parut auffi belle que
nombreuſe . Ils allerent defcendre
à la Châtellenie , que
la Ville avoit deſtinée pour
leur logement, &qu'elle avoit
pris ſoin de faire meubler.
Aprés que M de Ville les
desAmb de Siam. 237
eurent complimentez avec la
ceremonie ordinaire des Prefens
, M de la Neuville demanda
le mot. Le premier
Ambaſſadeur donna mauvais
voisin , parceque ceste Ville
eſt proche de Gand & de Bruges,&
que le Roy eſt un dangereux
voiſin quand on l'offenſe
. Le lendemain ils virent
en dehors le corps de la Place,
& tous les Travaux, où ils
trouverent une grande quantité
de Perdrix ; ce qui leur
donna beaucoup de plaifir,
& les obligea de dire qu'il
faloit que Mr de la Neuville
238 III. P. du Voyage
fust un homme d'un grand ordre,
puiſqu'il pouvoit venir à bout
de faire conſerver tout ce Gibier.
Les foffez eſtoient auſſi remplis
de Canards & de Sercelles,&
de toute forte de Gibier
ſauvage. Ils virent un trésgrand
nombre d'Ouvriers qui
travailloient en pluſieurs endroits,
& cela fut cauſe qu'ils
parlerent beaucoup de la
grandeur & de la puiſſance
du Roy , & de l'amour qu'il
avoit pour ſes Sujets , puifqu'il
faifoit tant de dépenſe
pour les mettre en ſeureté.
On dîna chez M Deſmadrit
1
N
des Amb. de Siam. 239
le repas fut propre , magnifique
& grand , & accompagné
de quantité d'inſtrumens ,
ainſi que de pluſieurs fortes
de Liqueurs , dont il y avoit
en abondance. On ſe mit enfuite
dans un bateau fort
propre pour aller voir les éclufes
qui font à une lieuë de S.
Omer . Il y avoit dans ce bateau
un grand nombre de
trompettes qui joüoient alternativement
, & fe repondoient
les uns aux autres. On
arriva aux Ecluſes, où l'on fit
monter deux bateaux chargez
de pierres , ce qui furprit
240 III. P. du Voyage
fort les Ambaſſadeurs , hors
le ſecond qui dit qu'il en avoit
vû de même à la Chine. Ils
prierent qu'on leur fiſt voir
juſques à la moindre partie
de ces écluſes ; on leur donna
cette fatisfaction , ce qui
fut cauſe qu'on rentra fort
tard ; le bruit des Inftrumens
annonça le retour des Ambaſſadeurs
. Ils donnerent ce
foir là pour mot , ſi l'on m'attaque
je rongeray mon bras ,
parce que M de la Neuville
Commandant de la Place chez
د
qui ils alloient ſouper eft
manchot. On ne peut rien
ajouter
des Amb. de Siam. 241
ajoûter à la propreté , & à la
magnificence de ce repas . On
y but la Santé de l'Alliance
Royale , & celle des deux
Rois avec un fi grand bruit
de Canon , que beaucoup de
vitres ſe reſſentirent de cette
grande joye. Ainſi les Ambaſſadeurs
qui chaque jour
eſtoient de plus en plus remplis
de la grandeur de Sa Majeſté
, s'en retournerent charmez
de la bonne reception
que ſes Sujets luy faifoient
par tout. Ils partirent le lendemain
2. deNovembre aprés
avoir fait de grands remer-
4
X
242 III. P. du Voyage
ciemens à ces Ms qui les a
voient fi magnifiquement regalez
, & ne s'éloignerent du
bruit du Canon qui les ſalua
à leur fortie , que pour aller
entendre celuy de Menin.
dîner à Rolbruck , qui
eſt un Bourg ſur le chemin
d'Ipre , où ils coucherent
le 3r. Ipre eſt une Ville
fort riche & qui a pluſieurs
belles Eglifes, dont S. Martin
eft la Cathedrale. Paul IV. y
eftablit un Eveſché en 1550.
ſous la Jurisdiction de l'Archeveſché
de Malines. On y
voit de beaux Edifiors , des
Palais&diverſes Places, entre
leſquelles celle de la Seigneurie
eft confiderable. CerteVille
a foutenu pluſieurs Sieges,
&fut foumiſe à laFrance par
Vij
236 III. P. du Voyage
celuy qu'y mit le Roy en
1678. aprés la priſe de Gand.
M de la Neuville, Lieutenant
de Roy, qui commande dans
la Place , receut les Ambaſſadeurs
à leur arrivée , & leur
marqua qu'il executoit avec
plaifir les ordres qu'il en avoit
eus de Sa Majefté. Le canon
ſe fit entendre,& la Garnifon
leur parut auffi belle que
nombreuſe . Ils allerent defcendre
à la Châtellenie , que
la Ville avoit deſtinée pour
leur logement, &qu'elle avoit
pris ſoin de faire meubler.
Aprés que M de Ville les
desAmb de Siam. 237
eurent complimentez avec la
ceremonie ordinaire des Prefens
, M de la Neuville demanda
le mot. Le premier
Ambaſſadeur donna mauvais
voisin , parceque ceste Ville
eſt proche de Gand & de Bruges,&
que le Roy eſt un dangereux
voiſin quand on l'offenſe
. Le lendemain ils virent
en dehors le corps de la Place,
& tous les Travaux, où ils
trouverent une grande quantité
de Perdrix ; ce qui leur
donna beaucoup de plaifir,
& les obligea de dire qu'il
faloit que Mr de la Neuville
238 III. P. du Voyage
fust un homme d'un grand ordre,
puiſqu'il pouvoit venir à bout
de faire conſerver tout ce Gibier.
Les foffez eſtoient auſſi remplis
de Canards & de Sercelles,&
de toute forte de Gibier
ſauvage. Ils virent un trésgrand
nombre d'Ouvriers qui
travailloient en pluſieurs endroits,
& cela fut cauſe qu'ils
parlerent beaucoup de la
grandeur & de la puiſſance
du Roy , & de l'amour qu'il
avoit pour ſes Sujets , puifqu'il
faifoit tant de dépenſe
pour les mettre en ſeureté.
On dîna chez M Deſmadrit
1
N
des Amb. de Siam. 239
le repas fut propre , magnifique
& grand , & accompagné
de quantité d'inſtrumens ,
ainſi que de pluſieurs fortes
de Liqueurs , dont il y avoit
en abondance. On ſe mit enfuite
dans un bateau fort
propre pour aller voir les éclufes
qui font à une lieuë de S.
Omer . Il y avoit dans ce bateau
un grand nombre de
trompettes qui joüoient alternativement
, & fe repondoient
les uns aux autres. On
arriva aux Ecluſes, où l'on fit
monter deux bateaux chargez
de pierres , ce qui furprit
240 III. P. du Voyage
fort les Ambaſſadeurs , hors
le ſecond qui dit qu'il en avoit
vû de même à la Chine. Ils
prierent qu'on leur fiſt voir
juſques à la moindre partie
de ces écluſes ; on leur donna
cette fatisfaction , ce qui
fut cauſe qu'on rentra fort
tard ; le bruit des Inftrumens
annonça le retour des Ambaſſadeurs
. Ils donnerent ce
foir là pour mot , ſi l'on m'attaque
je rongeray mon bras ,
parce que M de la Neuville
Commandant de la Place chez
د
qui ils alloient ſouper eft
manchot. On ne peut rien
ajouter
des Amb. de Siam. 241
ajoûter à la propreté , & à la
magnificence de ce repas . On
y but la Santé de l'Alliance
Royale , & celle des deux
Rois avec un fi grand bruit
de Canon , que beaucoup de
vitres ſe reſſentirent de cette
grande joye. Ainſi les Ambaſſadeurs
qui chaque jour
eſtoient de plus en plus remplis
de la grandeur de Sa Majeſté
, s'en retournerent charmez
de la bonne reception
que ſes Sujets luy faifoient
par tout. Ils partirent le lendemain
2. deNovembre aprés
avoir fait de grands remer-
4
X
242 III. P. du Voyage
ciemens à ces Ms qui les a
voient fi magnifiquement regalez
, & ne s'éloignerent du
bruit du Canon qui les ſalua
à leur fortie , que pour aller
entendre celuy de Menin.
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Résumé : Ipres. [titre d'après la table]
Le texte relate le voyage d'ambassadeurs de Siam à Ipre, une ville riche et fortifiée. Après avoir traversé une rivière, ils dînèrent à Rolbruck et passèrent la nuit à Ipre, où ils furent accueillis par M. de la Neuville, lieutenant du roi. Ipre, célèbre pour ses églises et édifices, avait connu plusieurs sièges et fut soumise à la France en 1678. Les ambassadeurs visitèrent les fortifications et admirèrent la gestion du gibier par M. de la Neuville. Ils furent impressionnés par les travaux de défense et la quantité d'ouvriers. Un dîner somptueux fut organisé chez M. Desmadrit, suivi d'une visite des écluses près de Saint-Omer. Les ambassadeurs furent surpris par les écluses chargées de pierres, similaires à celles de la Chine. Le soir, ils soupergèrent chez le commandant manchot de la place, M. de la Neuville, et firent des vœux pour l'alliance royale. Le lendemain, ils partirent après avoir remercié leurs hôtes et entendirent le canon de Menin.
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20
p. 242-244
Menin. [titre d'après la table]
Début :
Cette place est sur la Lys. Elle est forte, & la quantité de [...]
Mots clefs :
Menin, Depertuis, Place, Ville, Mot
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Menin. [titre d'après la table]
Cette Place eſt ſur la Lys. Elle
eft forte , & la quantité de
biere & de draps que l'on y
fait , la rendent celebre dans
tout le Pays. La Cavalerie de
cette Ville- là, vint au devant
des Ambaffadeurs , & M
Depertuis qui en eftGouverneur
, les reçût à l'entrée de
la porte. Ils trouverent la garnifonqui
formoit deux hayes
Γ
des Amb.de Siam. 243
juſqu'à leur logis , & aprés
que Mrs de Ville eurent fair
leurs complimens &leurs Prefens
, M Depertuis alla leur
rendre vifite , & leur demander
le mot , qui fut, je brille de
à cauſe qu'ils avoient
ſceu que Menin n'étoit
qu'un Village il n'y a pas
long-temps , & qu'il devoit
au Roy tout l'éclat , & toute
la force qu'on luy voit prefentement.
fes -rayons ,
Ils eurent le plaiſir de fouper
devant de tres -belles Perſonnes
,& furent ſurpris d'une
Dame de qualité de Hollande
X ij
2.44 III. P. duVoyage
qui ſe trouva là avec ſa fille!
M Depertuis les alla voir le
lendemain , & fit amener avec
luy des chevaux de felle. Ils
monterent deſſus ainſi que les
Mandarins , & quelques-uns
de leur fuite . Ils firent le tour
de la Place en dehors , & plus
on l'examina , plus on trouva
que le Mot qu'ils avoient
donné le jour precedent eſtoit
juſte. Ils vinrent enſuite difner
, & partirent auſſi - toſt aprés.
Ils remercierent M² Depertuis,&
le prierent de venir
manger avec eux s'il venoit
à Paris avant leur départ.
eft forte , & la quantité de
biere & de draps que l'on y
fait , la rendent celebre dans
tout le Pays. La Cavalerie de
cette Ville- là, vint au devant
des Ambaffadeurs , & M
Depertuis qui en eftGouverneur
, les reçût à l'entrée de
la porte. Ils trouverent la garnifonqui
formoit deux hayes
Γ
des Amb.de Siam. 243
juſqu'à leur logis , & aprés
que Mrs de Ville eurent fair
leurs complimens &leurs Prefens
, M Depertuis alla leur
rendre vifite , & leur demander
le mot , qui fut, je brille de
à cauſe qu'ils avoient
ſceu que Menin n'étoit
qu'un Village il n'y a pas
long-temps , & qu'il devoit
au Roy tout l'éclat , & toute
la force qu'on luy voit prefentement.
fes -rayons ,
Ils eurent le plaiſir de fouper
devant de tres -belles Perſonnes
,& furent ſurpris d'une
Dame de qualité de Hollande
X ij
2.44 III. P. duVoyage
qui ſe trouva là avec ſa fille!
M Depertuis les alla voir le
lendemain , & fit amener avec
luy des chevaux de felle. Ils
monterent deſſus ainſi que les
Mandarins , & quelques-uns
de leur fuite . Ils firent le tour
de la Place en dehors , & plus
on l'examina , plus on trouva
que le Mot qu'ils avoient
donné le jour precedent eſtoit
juſte. Ils vinrent enſuite difner
, & partirent auſſi - toſt aprés.
Ils remercierent M² Depertuis,&
le prierent de venir
manger avec eux s'il venoit
à Paris avant leur départ.
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Résumé : Menin. [titre d'après la table]
Le texte relate la visite d'ambassadeurs de Siam à Menin, une ville réputée pour sa production de bière et de draps. À leur arrivée, la cavalerie de Menin les accueillit et le gouverneur, M. Depertuis, les reçut. La garnison forma deux haies jusqu'à leur logis. Après des échanges de compliments et de présents, M. Depertuis demanda le mot de passe, qui fut 'je brille de vos rayons', soulignant la prospérité et la force de Menin grâce au roi. Les ambassadeurs rencontrèrent également une dame hollandaise et sa fille. Le lendemain, M. Depertuis organisa une visite à cheval autour de la ville, confirmant la justesse du mot de passe. Les ambassadeurs quittèrent Menin peu après, remerciant M. Depertuis et l'invitant à les rejoindre à Paris.
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21
p. 245-269
Lille. [titre d'après la table]
Début :
Ce même jour 3. de Novembre ils allerent coucher à [...]
Mots clefs :
Lille, Ville, Fort, Sébastien Le Prestre de Vauban, Roi, La Rablière, Place, Hôtel de la monnaie, Flandre, Citadelle, Ambassadeurs, Monde, Argent, Gendarmes, France, Temps, Dames, Moulin, Peuple, Chevaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lille. [titre d'après la table]
Ce même jour 3. de Novembre
ils allerent coucher à
Lifle , qui eſt ſur la Riviere de
Deulle , dont l'eau remplit ſes
doubles foffez qu'on a diftinguez
de demy-lunes. La Ville
eft fort grande & a des Eglifes
magnifiques. Baudoüin V.
dit de Lifle , Comte de Flandre
y fonda la Collegiale de
S. Pierre . C'eſt la plus confiderable
. Lifle , Capitale de la
Flandre nommée Gallicane ,
fut entourée deMurailles par
le meſme Baudoüin V. en
1046. Philippes le Hardy y
établit une Chambre des
X iij
246 II P. du Voyage
Comtes en 1385. Le Roy la foûmit
en 1667. & comme elle eſt
reftée à la France par la Paix
d'Aix la Chapelle en 1668, Sa
Majesté y a fait élever une
forte Citadelle flanquée de
cinq grands BaſtionsRoyaux.
Apeine les Ambaſſadeurs furent-
ils fortis de Menin, qu'ils
commencerent à voir le Peuple
de Lifle qui rempliſſoit la
Campagne. A une lieuë de la
Place, ils trouverent un fort
grand nombre de Caroffes &
de Chevaux , tant de la Nobleſſe
de la Ville , que decelle
des environs .On avoitran
des Amb . de Siam. 247
gélaGendarmerie en bataille,
elle eſtoit fort leſte , & commandée
par Me Doleac qui
eſtoit à la teſte , & qui falia
les Ambaſſadeurs ainſi que
tous les Officiers ; chacun
d'eux avoit l'épée à la main.
Mde la Rabliere Comman--
dant , les reçût hors la Ville ,
&leur preſenta Mts du Magiftrat
qui leur témoignerent
la joye qu'ils avoient de les
recevoir ,& d'executer l'ordre
du Roy. Ces premiers
complimens eſtant finis , ils
entrerent dans la Ville , où la
foule du Peuple eſtoit fi gran-
X iiij
248 III. P. du Voyage
de , que les Ambaſſadeurs di
rent qu'ils croyoient eftre encore au
jour de leur Entrée à Paris. Aprés
avoir paſſé dans pluſieurs
grandes&belles ruës bordées
de Troupes , ils retrouverent
la Gendarmerie en bataille
dans la place. M² de la Rabliere
les alla voir peu de
temps aprés leur arrivée , &
leur demanda le Mot. Ils
ſçavoient que Me le Maref
chal de Humieres , Gouverneur
de Lifle , commandoit
les Armées du Roy , & eftoit
grand Maître de l'Artillerie ,
c'eſt pourquoy ils donnerent,
des Anb. de Siam. 249
quand le Soleil menace , le Tonnere
gronde. Il y eut beaucoup
de monde à les voir fouper ,
&fur tout quantité de Dames,
il s'en trouva un grand nombre
de fort belles. Le lendemain
M de la Rabliere donna
ordre qu'on amenaft des
Caroſſes à la porte du lieu où
ils eftoient logez , & les conduiſit
à la Citadelle. Ils y furent
receus au bruit du Canon
, comme ils l'avoient eſté
le jour precedent au bruit de
celuy de la Ville. L'Infanterie
eſtoit en bataille. Ils monterent
fur les Remparts , & en
250 III P duVoyage
firent le tour , avec M Morion
qui en eſt Lieutenant de
Roy , ainſi qu'avec le Major &
l'Ingenieur ,je dis l'Ingenieur,
parcequ'il y en a undans chaque
Place. On leur dit que
Mr de Vauban estoit Gouverneur
de cette Citadelle qu'il avoit
luy-mefme fait construire ,
que c'étoit le premier homme du
Monde pour les Fortifications ,
&que tout ce qu'il y avoit de
beaux Ouvrages en France de
cette nature , avoient étéfaits par
fesfoins. Ils allerent voir fon
Jardin qui eſt dans la meſme
Citadelle , & entrerent dans
des Amb. de Siam. 251
une Grotte où l'on fit moüiller
beaucoup de monde pour
les divertir. Ils virent auffi
P'Arcenal qui eſt dans le même
lieu ,& generalement tout
ce qu'ils jugerent digne de
leur curioſité , c'eſt à dire qu'ils
ne laiſſerent aucun endroit de
la Place ſans le viſiter. Le même
jour ils eurent le plaifir
d'une Chaſſe , dont ils avoient
eſté priez par Me de la Rabliere
; ils allerent juſques à la
porte de la Ville dans les Caroffes
qu'il leur avoit envoyez,
puis ils monterent à cheval.
Il y avoit auſſi quantité de
252 III. P. du Voyage
Dames à cheval fort parées
& veſtuës en Amazones , &
plus de vingt mille perfonnes.
Les chiens prirent beaucoup
de gibier , & comme la populace
en prit encore davantage
, on fut contraint de
faire ceffer la chaffe , & d'obliger
du moins autant qu'on
le pût , tout ce grand Peuple
à rentrer. M du Magiftrat
leur donnerent la Comedie
dans l'Hôtel de Ville , aprés
quoy ils pafferent dans une
grande Sale , où il y avoit un
fort beau Concert de voix , &
d'inſtrumens qui dura une
1
desAmb. de Siam. 253
heure & demie. Ils allerent
delà dans une autre Salle où
eſtoit ſervie une collation magnifique
de vingt couverts.
Les Dames ſe mirent à table,
& la beauté de Mlle de la
Rianderie , qui charma toute
l'Aflemblée , auroit eu tous
les applaudiſſemens, ſiſa douceur
n'euſt pas eu l'avantage
de les partager. L'Ambaffadeur
donna ce ſoir là pour
mot , Ie defendray mon Ouvrage
, voulant dire que M de
Vauban qui avoit fait la Citadelle
, la defendroit auffibien
que la Ville , ſi l'une &
254 III. P. du Voyage
l'autre eſtoit attaquée. L'af-
Auence du monde ſe trouva
ſi grande pour les voir fouper
, qu'il y avoit apparence
que la plus part des Dames ,
loin de pouvoir trouver place
, ne pourroient pas meſme
entrer. Cela fut cauſe que les
Ambaſſadeurs prierent qu'on
ne laiſſaſt entrer qu'elles , difant
que les hommes les pouvoient
voir dans les autres lieux
où ils alloient.
Le lendemain ils furen tconduits
dans l'Hôtel de la Monnoye
par Mr de la Rabliere.
Ils commencerent par la Fondes
Amb de Siam. 255
derie , où ils virent faire les
moûles & couler dedans l'Argent
fondu , d'où l'on tira en
leur prefence les lames pour
les Loüis d'Argent de 40 ſols,
qui furent portez au Moulin ,
où ils les virent allonger &
recuire ', & enſuite coûper les
flancs. Ils en coûperent euxmêmes
pluſieurs . De là ils allerent
dans l'ouvrerie , où
les Ouvriers Ajuſteurs limerent
ces flancs , & les rendirent
du juſte poids. Enſuite
on les mena dans le Blanchi
ment, où l'on fit rougir les
flancs puis on les mit
د
256 III. P. du Voyage
boüillir à la maniere ordinaire
pour leur rendre leur
couleur naturelle. Aprés cela
ils allerent voir la nouvelle
Machine qui met les Lettres
fur la tranche avec autant de
promptitude, que de facilité
& de propreté. Ils eurent le
plaifir d'en marquer eux -
mêmes pluſieurs, & fe rendirent
dans le Monnoyage, où
aprés qu'ils eurent veu monnoyer
pluſieurs Pieces
Maiſtre de la Monnoye remarqua
qu'ils avoient envie
de voir de plus prés comme
cela ſe faiſoit. Auſſi - tôt il
د
le
des Amb. de Siam. 257
pria le premier Ambaſſadeur
d'entrer dans la Foſſe à côté
du Monnoyeur , & de mettre
luy- même les Pieces fous
la preſſe. Il le fit , & re
garda avec plaifir ſon ouvrage
, voyant la Piece recevoir
ſon empreinte des deux côtez
en même temps . Il marqua
par un ſigne de tête qu'il
comprenoit bien la choſe.
On fit voir auſſi aux Ambaſſadeurs
comment on faifoit
les laveures, & de quelle
maniere on retrouvoit l'Argent
qu'ils avoient remarqué
eſtre dans les fables des moû
Y
A
258 111. P. du Voyage
les , & qu'ils avoient veu ſe
répandre quand on avoit
jetté la Fonte dans ces moûles.
Ils furent furpris d'apprendre
que cét Argent-là
qui eft imperceptible, ſe retrouvoit
par le moyen du vif
Argent , ou Mercure . On
voulut les conduire dans l'ef
ſayerie & dans la Chambre
de la Délivrance ; mais le
temps manquoit , & on avoit
encore beaucoup de choſes à
leur faire voir ailleurs . Се-
pendant on s'apperçût qu'on
ne les tiroit de tous ces Travaux
qu'avec peine , parce
des Amb . de Siam . 159
qu'ils ne pouvoient ſe laffer
d'admirer toutes ces diverſes
machines , principalement
celles du Moulin & du Monnoyage.
Ils manioient les
Coûpoirs & les Rouleaux,
ainſi que les autres uſtenciles,
&en admiroient l'invention.
Enfin ils firent beaucoup de
remerciemens au Maîtrede la
Monnoye , & luy dirent que
l'on ne pouvoit eſtre plus
content qu'ils eftoient , &
qu'ils auroient bien voulu
avoir plus de temps pour
viſiter plus exactement tous
leurs Travaux. Ils deman-
Y ij
60. III. P. du Voyage
derent, ſi l'on n'auroit pas plûtôt
fait de jetter nos Efpeces en
moûle , comme ils faisoient les
leurs , parce que cela faciliteroit
beaucoup le travailerépargneroit
bien du monde & de la dépense .
Le Maiſtre de la Monnoye
répondit , que la Monnoyejettée
en moûle n'est jamais fi belle
que la nôtre ; &qu'à l'égard dia
grand embarras &de la grande
on ſouhaitoit plutôt
l'augmenter que de la diminuër,
pouréviter les Faux- monnoyeurs
qui font fort embaraffez quand
ils font obligez d'avoir tant de
machines. Ils virent tout
dépense ,
des Amb. de Siam. 261
د
cela en moins d'une heure
& demie le tout ayant
eſté tenu tout preſt. En entrant
& en fortant de l'Hôtel
des Monnoyes , ils regarderent
avec furpriſe le grand
Bâtiment que Sa Majefté a
fait faire pour fabriquer la
Monnoye de Flandre. S'il
eût eſté achevé , leur étonnement
eût eſté plus grand , le
deſſein en eſtant tres - beau ;
mais il n'y en a que la moitie
de bâty.
Au fortir de la monnoye,
ils allerent à l'Hôpital Comteſſe
, où ils virent des Reli262
III. P. du Voyage
gieuſes ( toutes Filles de qualité
) qui ont ſoin des malades
& des Bleffez de la Garniſon.
Leur zele les édifia beaucoup,
& leur Eglife leur parut extrémement
belle. Elles leur
firent preſent de quelques
Bouquets de leurs ouvrages,
qu'ils trouverent trés - bien
travaillez , & dont ils les remercierent
avec toute l'honnefteté
poſſible.
M Doleac qui commandoit
la Gendarmerie leur envoya
dire qu'il la feroit monter à
cheval. Ils eurent du chagrin
d'eſtre obligez de fe conten
desAmb. de Siam. 263
ter de l'avoir veuë à leur arrivée
; mais le reſte de leur
aprés- dînée devoit eſtre employée
à voir la Place, les Arcenaux
& les Magaſins. Ils
avoient eſté ſurpris de la
beauté de cette Gendarmerie
auſſi nombreuſe que leſte.
Elle estoit composée des Gendarmes
Ecoffois, de ceux de Bourgogne
& de Flandre , des Gendarmes
Anglois , des Gendarmes
& Chevaux-Legers de la Reine,
des Gendarmes &Chevaux-
Legers de Monseigneur le Dauphin
, & des Gendarmes d'Anjou.
Les Ambaſſadeuts firent
264 III . P. du Voyage
ce jour-là le tour de la Place,
qu'ils trouverent d'une grande
beauté. Ils viſiterent auffi
les Arcenaux & les Magaſins,
& furent furpris de les voir
ſi propres & d'y trouver tout
en fi bon ordre. On leur dit
que c'eſtoit par les foins de Mr
du Mets , l'un des plus braves
Officiers que le Roy ait dansſes
Troupes , & qui entend parfaitement
l' Artillerie. Ils dirent
qu'ils en avoient oüy parler fi
avantageusement en tant d'endroits
, qu'ils auroient bien foubaité
de le voir. En rentrant
ils allerent aux Jeſuites , où
tous
des Amb. de Siam. 265
tous les Peres les receurent.
Aprés qu'ils eurent viſité une
partie de leur Maiſon , on
leur fit voir un moulin à eau
qui peut eſtre mis au nombre
des chofes les plus extraordinaires
, puiſque ſans que
perſonne agiffe, il entonne le
bled, meut & fait tout le refte
que nous voyons dans les
Moulins , lorſque les hommes
s'en meflent. Ils demanderent
le Plan de ce moulin , & on
les fatisfit là-deſſus , ils furent
enfuite conduits dans une
grande Sale , où ils trouverent
une magnifique Collation. Ils
Z
226 III. P. du Voyage
dirent à ces Peres , qu'il n'appartenoit
qu'à eux de ſe diftinguer
en tout , & qu'ils ne manqueroient
pas de rendre compte
au Roy de Siam du bon accueil
qu'ils avoient reçu de leur Compagnie
dans tous les endroits où
ils les avoient trouvez établis.
Ils donnerent ce ſoir là pour
mot , point d'amis , ny d'ennemis
que les fiens , & allerent
ſouper chez M de la Rabliere
, qui les avoit invités. Ce
Repas fut d'une tres--grande
magnificence , & accompagné
d'une Simphonie , compoſée
d'un fort grand nom
des Amb. de Siam. 267
bre d'Inſtrumens , on y but
les Santés de l'AlianceRoyale,
& l'on recommença pluſieurs
fois celle du Roy. Il y eût un
grandBal apres le ſoupé , où
Mlle Deſpiere ſe fit admirer.
On m'a aſſuré qu'elle eſt de la
force de tout ce qu'il y a de
perſonnes en France qui dancent
le mieux. Les Ambaſſa .
deurs ne s'en retournerent
qu'aprés minuit. Ce ne fut
pas fans avoir fait de grands
remerciemens à de la Rabliere,
non ſeulement du regale
qu'il leur venoit de donner ,
Zij
268 III. P. du Voyage
mais encore de fes manieres
honneſtes . Le maiſtre de la
Monnoye les vint ſaluër le lendemain.
Ils le reconurent auffitoft
, & le receurent d'une maniere
tres - obligeante. Ils dînerent
cejour-là de fort bonne
heure , & fortirent de la
Ville de la maniere qu'ils y
eſtoient entrés , ils parlerent
beaucoup de m' de la Rabliere
pendant le chemin , & dirent
qu'on pouvoit appeller Lille , la
Reyne de Flandre , comme Paris
la Reyne de France , & recommençant
continuellement à
parler des grandeurs du Roy,
des Amb. de Siam. 269
ils dirent que rien n'en approchoit
, & que ce qui en parois
foitsouffroit la veuë , mais non
pas l'expreffion.
ils allerent coucher à
Lifle , qui eſt ſur la Riviere de
Deulle , dont l'eau remplit ſes
doubles foffez qu'on a diftinguez
de demy-lunes. La Ville
eft fort grande & a des Eglifes
magnifiques. Baudoüin V.
dit de Lifle , Comte de Flandre
y fonda la Collegiale de
S. Pierre . C'eſt la plus confiderable
. Lifle , Capitale de la
Flandre nommée Gallicane ,
fut entourée deMurailles par
le meſme Baudoüin V. en
1046. Philippes le Hardy y
établit une Chambre des
X iij
246 II P. du Voyage
Comtes en 1385. Le Roy la foûmit
en 1667. & comme elle eſt
reftée à la France par la Paix
d'Aix la Chapelle en 1668, Sa
Majesté y a fait élever une
forte Citadelle flanquée de
cinq grands BaſtionsRoyaux.
Apeine les Ambaſſadeurs furent-
ils fortis de Menin, qu'ils
commencerent à voir le Peuple
de Lifle qui rempliſſoit la
Campagne. A une lieuë de la
Place, ils trouverent un fort
grand nombre de Caroffes &
de Chevaux , tant de la Nobleſſe
de la Ville , que decelle
des environs .On avoitran
des Amb . de Siam. 247
gélaGendarmerie en bataille,
elle eſtoit fort leſte , & commandée
par Me Doleac qui
eſtoit à la teſte , & qui falia
les Ambaſſadeurs ainſi que
tous les Officiers ; chacun
d'eux avoit l'épée à la main.
Mde la Rabliere Comman--
dant , les reçût hors la Ville ,
&leur preſenta Mts du Magiftrat
qui leur témoignerent
la joye qu'ils avoient de les
recevoir ,& d'executer l'ordre
du Roy. Ces premiers
complimens eſtant finis , ils
entrerent dans la Ville , où la
foule du Peuple eſtoit fi gran-
X iiij
248 III. P. du Voyage
de , que les Ambaſſadeurs di
rent qu'ils croyoient eftre encore au
jour de leur Entrée à Paris. Aprés
avoir paſſé dans pluſieurs
grandes&belles ruës bordées
de Troupes , ils retrouverent
la Gendarmerie en bataille
dans la place. M² de la Rabliere
les alla voir peu de
temps aprés leur arrivée , &
leur demanda le Mot. Ils
ſçavoient que Me le Maref
chal de Humieres , Gouverneur
de Lifle , commandoit
les Armées du Roy , & eftoit
grand Maître de l'Artillerie ,
c'eſt pourquoy ils donnerent,
des Anb. de Siam. 249
quand le Soleil menace , le Tonnere
gronde. Il y eut beaucoup
de monde à les voir fouper ,
&fur tout quantité de Dames,
il s'en trouva un grand nombre
de fort belles. Le lendemain
M de la Rabliere donna
ordre qu'on amenaft des
Caroſſes à la porte du lieu où
ils eftoient logez , & les conduiſit
à la Citadelle. Ils y furent
receus au bruit du Canon
, comme ils l'avoient eſté
le jour precedent au bruit de
celuy de la Ville. L'Infanterie
eſtoit en bataille. Ils monterent
fur les Remparts , & en
250 III P duVoyage
firent le tour , avec M Morion
qui en eſt Lieutenant de
Roy , ainſi qu'avec le Major &
l'Ingenieur ,je dis l'Ingenieur,
parcequ'il y en a undans chaque
Place. On leur dit que
Mr de Vauban estoit Gouverneur
de cette Citadelle qu'il avoit
luy-mefme fait construire ,
que c'étoit le premier homme du
Monde pour les Fortifications ,
&que tout ce qu'il y avoit de
beaux Ouvrages en France de
cette nature , avoient étéfaits par
fesfoins. Ils allerent voir fon
Jardin qui eſt dans la meſme
Citadelle , & entrerent dans
des Amb. de Siam. 251
une Grotte où l'on fit moüiller
beaucoup de monde pour
les divertir. Ils virent auffi
P'Arcenal qui eſt dans le même
lieu ,& generalement tout
ce qu'ils jugerent digne de
leur curioſité , c'eſt à dire qu'ils
ne laiſſerent aucun endroit de
la Place ſans le viſiter. Le même
jour ils eurent le plaifir
d'une Chaſſe , dont ils avoient
eſté priez par Me de la Rabliere
; ils allerent juſques à la
porte de la Ville dans les Caroffes
qu'il leur avoit envoyez,
puis ils monterent à cheval.
Il y avoit auſſi quantité de
252 III. P. du Voyage
Dames à cheval fort parées
& veſtuës en Amazones , &
plus de vingt mille perfonnes.
Les chiens prirent beaucoup
de gibier , & comme la populace
en prit encore davantage
, on fut contraint de
faire ceffer la chaffe , & d'obliger
du moins autant qu'on
le pût , tout ce grand Peuple
à rentrer. M du Magiftrat
leur donnerent la Comedie
dans l'Hôtel de Ville , aprés
quoy ils pafferent dans une
grande Sale , où il y avoit un
fort beau Concert de voix , &
d'inſtrumens qui dura une
1
desAmb. de Siam. 253
heure & demie. Ils allerent
delà dans une autre Salle où
eſtoit ſervie une collation magnifique
de vingt couverts.
Les Dames ſe mirent à table,
& la beauté de Mlle de la
Rianderie , qui charma toute
l'Aflemblée , auroit eu tous
les applaudiſſemens, ſiſa douceur
n'euſt pas eu l'avantage
de les partager. L'Ambaffadeur
donna ce ſoir là pour
mot , Ie defendray mon Ouvrage
, voulant dire que M de
Vauban qui avoit fait la Citadelle
, la defendroit auffibien
que la Ville , ſi l'une &
254 III. P. du Voyage
l'autre eſtoit attaquée. L'af-
Auence du monde ſe trouva
ſi grande pour les voir fouper
, qu'il y avoit apparence
que la plus part des Dames ,
loin de pouvoir trouver place
, ne pourroient pas meſme
entrer. Cela fut cauſe que les
Ambaſſadeurs prierent qu'on
ne laiſſaſt entrer qu'elles , difant
que les hommes les pouvoient
voir dans les autres lieux
où ils alloient.
Le lendemain ils furen tconduits
dans l'Hôtel de la Monnoye
par Mr de la Rabliere.
Ils commencerent par la Fondes
Amb de Siam. 255
derie , où ils virent faire les
moûles & couler dedans l'Argent
fondu , d'où l'on tira en
leur prefence les lames pour
les Loüis d'Argent de 40 ſols,
qui furent portez au Moulin ,
où ils les virent allonger &
recuire ', & enſuite coûper les
flancs. Ils en coûperent euxmêmes
pluſieurs . De là ils allerent
dans l'ouvrerie , où
les Ouvriers Ajuſteurs limerent
ces flancs , & les rendirent
du juſte poids. Enſuite
on les mena dans le Blanchi
ment, où l'on fit rougir les
flancs puis on les mit
د
256 III. P. du Voyage
boüillir à la maniere ordinaire
pour leur rendre leur
couleur naturelle. Aprés cela
ils allerent voir la nouvelle
Machine qui met les Lettres
fur la tranche avec autant de
promptitude, que de facilité
& de propreté. Ils eurent le
plaifir d'en marquer eux -
mêmes pluſieurs, & fe rendirent
dans le Monnoyage, où
aprés qu'ils eurent veu monnoyer
pluſieurs Pieces
Maiſtre de la Monnoye remarqua
qu'ils avoient envie
de voir de plus prés comme
cela ſe faiſoit. Auſſi - tôt il
د
le
des Amb. de Siam. 257
pria le premier Ambaſſadeur
d'entrer dans la Foſſe à côté
du Monnoyeur , & de mettre
luy- même les Pieces fous
la preſſe. Il le fit , & re
garda avec plaifir ſon ouvrage
, voyant la Piece recevoir
ſon empreinte des deux côtez
en même temps . Il marqua
par un ſigne de tête qu'il
comprenoit bien la choſe.
On fit voir auſſi aux Ambaſſadeurs
comment on faifoit
les laveures, & de quelle
maniere on retrouvoit l'Argent
qu'ils avoient remarqué
eſtre dans les fables des moû
Y
A
258 111. P. du Voyage
les , & qu'ils avoient veu ſe
répandre quand on avoit
jetté la Fonte dans ces moûles.
Ils furent furpris d'apprendre
que cét Argent-là
qui eft imperceptible, ſe retrouvoit
par le moyen du vif
Argent , ou Mercure . On
voulut les conduire dans l'ef
ſayerie & dans la Chambre
de la Délivrance ; mais le
temps manquoit , & on avoit
encore beaucoup de choſes à
leur faire voir ailleurs . Се-
pendant on s'apperçût qu'on
ne les tiroit de tous ces Travaux
qu'avec peine , parce
des Amb . de Siam . 159
qu'ils ne pouvoient ſe laffer
d'admirer toutes ces diverſes
machines , principalement
celles du Moulin & du Monnoyage.
Ils manioient les
Coûpoirs & les Rouleaux,
ainſi que les autres uſtenciles,
&en admiroient l'invention.
Enfin ils firent beaucoup de
remerciemens au Maîtrede la
Monnoye , & luy dirent que
l'on ne pouvoit eſtre plus
content qu'ils eftoient , &
qu'ils auroient bien voulu
avoir plus de temps pour
viſiter plus exactement tous
leurs Travaux. Ils deman-
Y ij
60. III. P. du Voyage
derent, ſi l'on n'auroit pas plûtôt
fait de jetter nos Efpeces en
moûle , comme ils faisoient les
leurs , parce que cela faciliteroit
beaucoup le travailerépargneroit
bien du monde & de la dépense .
Le Maiſtre de la Monnoye
répondit , que la Monnoyejettée
en moûle n'est jamais fi belle
que la nôtre ; &qu'à l'égard dia
grand embarras &de la grande
on ſouhaitoit plutôt
l'augmenter que de la diminuër,
pouréviter les Faux- monnoyeurs
qui font fort embaraffez quand
ils font obligez d'avoir tant de
machines. Ils virent tout
dépense ,
des Amb. de Siam. 261
د
cela en moins d'une heure
& demie le tout ayant
eſté tenu tout preſt. En entrant
& en fortant de l'Hôtel
des Monnoyes , ils regarderent
avec furpriſe le grand
Bâtiment que Sa Majefté a
fait faire pour fabriquer la
Monnoye de Flandre. S'il
eût eſté achevé , leur étonnement
eût eſté plus grand , le
deſſein en eſtant tres - beau ;
mais il n'y en a que la moitie
de bâty.
Au fortir de la monnoye,
ils allerent à l'Hôpital Comteſſe
, où ils virent des Reli262
III. P. du Voyage
gieuſes ( toutes Filles de qualité
) qui ont ſoin des malades
& des Bleffez de la Garniſon.
Leur zele les édifia beaucoup,
& leur Eglife leur parut extrémement
belle. Elles leur
firent preſent de quelques
Bouquets de leurs ouvrages,
qu'ils trouverent trés - bien
travaillez , & dont ils les remercierent
avec toute l'honnefteté
poſſible.
M Doleac qui commandoit
la Gendarmerie leur envoya
dire qu'il la feroit monter à
cheval. Ils eurent du chagrin
d'eſtre obligez de fe conten
desAmb. de Siam. 263
ter de l'avoir veuë à leur arrivée
; mais le reſte de leur
aprés- dînée devoit eſtre employée
à voir la Place, les Arcenaux
& les Magaſins. Ils
avoient eſté ſurpris de la
beauté de cette Gendarmerie
auſſi nombreuſe que leſte.
Elle estoit composée des Gendarmes
Ecoffois, de ceux de Bourgogne
& de Flandre , des Gendarmes
Anglois , des Gendarmes
& Chevaux-Legers de la Reine,
des Gendarmes &Chevaux-
Legers de Monseigneur le Dauphin
, & des Gendarmes d'Anjou.
Les Ambaſſadeuts firent
264 III . P. du Voyage
ce jour-là le tour de la Place,
qu'ils trouverent d'une grande
beauté. Ils viſiterent auffi
les Arcenaux & les Magaſins,
& furent furpris de les voir
ſi propres & d'y trouver tout
en fi bon ordre. On leur dit
que c'eſtoit par les foins de Mr
du Mets , l'un des plus braves
Officiers que le Roy ait dansſes
Troupes , & qui entend parfaitement
l' Artillerie. Ils dirent
qu'ils en avoient oüy parler fi
avantageusement en tant d'endroits
, qu'ils auroient bien foubaité
de le voir. En rentrant
ils allerent aux Jeſuites , où
tous
des Amb. de Siam. 265
tous les Peres les receurent.
Aprés qu'ils eurent viſité une
partie de leur Maiſon , on
leur fit voir un moulin à eau
qui peut eſtre mis au nombre
des chofes les plus extraordinaires
, puiſque ſans que
perſonne agiffe, il entonne le
bled, meut & fait tout le refte
que nous voyons dans les
Moulins , lorſque les hommes
s'en meflent. Ils demanderent
le Plan de ce moulin , & on
les fatisfit là-deſſus , ils furent
enfuite conduits dans une
grande Sale , où ils trouverent
une magnifique Collation. Ils
Z
226 III. P. du Voyage
dirent à ces Peres , qu'il n'appartenoit
qu'à eux de ſe diftinguer
en tout , & qu'ils ne manqueroient
pas de rendre compte
au Roy de Siam du bon accueil
qu'ils avoient reçu de leur Compagnie
dans tous les endroits où
ils les avoient trouvez établis.
Ils donnerent ce ſoir là pour
mot , point d'amis , ny d'ennemis
que les fiens , & allerent
ſouper chez M de la Rabliere
, qui les avoit invités. Ce
Repas fut d'une tres--grande
magnificence , & accompagné
d'une Simphonie , compoſée
d'un fort grand nom
des Amb. de Siam. 267
bre d'Inſtrumens , on y but
les Santés de l'AlianceRoyale,
& l'on recommença pluſieurs
fois celle du Roy. Il y eût un
grandBal apres le ſoupé , où
Mlle Deſpiere ſe fit admirer.
On m'a aſſuré qu'elle eſt de la
force de tout ce qu'il y a de
perſonnes en France qui dancent
le mieux. Les Ambaſſa .
deurs ne s'en retournerent
qu'aprés minuit. Ce ne fut
pas fans avoir fait de grands
remerciemens à de la Rabliere,
non ſeulement du regale
qu'il leur venoit de donner ,
Zij
268 III. P. du Voyage
mais encore de fes manieres
honneſtes . Le maiſtre de la
Monnoye les vint ſaluër le lendemain.
Ils le reconurent auffitoft
, & le receurent d'une maniere
tres - obligeante. Ils dînerent
cejour-là de fort bonne
heure , & fortirent de la
Ville de la maniere qu'ils y
eſtoient entrés , ils parlerent
beaucoup de m' de la Rabliere
pendant le chemin , & dirent
qu'on pouvoit appeller Lille , la
Reyne de Flandre , comme Paris
la Reyne de France , & recommençant
continuellement à
parler des grandeurs du Roy,
des Amb. de Siam. 269
ils dirent que rien n'en approchoit
, & que ce qui en parois
foitsouffroit la veuë , mais non
pas l'expreffion.
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Résumé : Lille. [titre d'après la table]
Le 3 novembre, les ambassadeurs séjournèrent à Lille, une ville située sur la rivière Deûle, célèbre pour ses eaux remplissant ses doubles fossés en forme de demi-lunes. Lille est une grande ville avec des églises magnifiques. Baudouin V de Lille, Comte de Flandre, y fonda la collégiale de Saint-Pierre. Lille, capitale de la Flandre gallicane, fut entourée de murailles par Baudouin V en 1046. Philippe le Hardy y établit une Chambre des Comtes en 1385. Le roi la soumit en 1667 et, selon la Paix d'Aix-la-Chapelle en 1668, elle resta à la France. Sa Majesté y fit construire une citadelle flanquée de cinq grands bastions royaux. À leur arrivée, les ambassadeurs furent accueillis par une foule nombreuse et une gendarmerie commandée par M. Doleac. M. de la Rablière, commandant, les reçut et leur présenta les membres du magistrat. Ils entrèrent ensuite dans la ville, où la foule était si dense qu'ils crurent revivre leur entrée à Paris. Après avoir traversé plusieurs rues bordées de troupes, ils retrouvèrent la gendarmerie en bataille sur la place. Le lendemain, M. de la Rablière les conduisit à la citadelle, où ils furent reçus au bruit du canon. Ils visitèrent les remparts avec M. Morion, lieutenant du roi, et l'ingénieur. On leur expliqua que M. de Vauban était le gouverneur de cette citadelle, qu'il avait lui-même construite, et qu'il était réputé pour ses fortifications. Ils visitèrent également le jardin, une grotte, et l'arsenal. Dans l'après-midi, ils participèrent à une chasse et assistèrent à une comédie suivie d'un concert et d'une collation magnifique à l'hôtel de ville. Les ambassadeurs furent ensuite conduits à l'hôtel de la Monnoye, où ils virent la fabrication des monnaies, de la fonte des moules à la mise en circulation des pièces. Ils admirèrent les machines et les processus de fabrication. Ils exprimèrent leur admiration et leur souhait de voir plus de détails, mais le temps manquait. Ils visitèrent également l'hôpital Comtesse, où des religieuses soignaient les malades et les blessés. Elles leur offrirent des bouquets de leurs ouvrages. M. Doleac leur envoya un message pour leur montrer la gendarmerie, mais ils durent décliner en raison de leur emploi du temps chargé. Les ambassadeurs firent le tour de la place, visitèrent les arsenaux et les magasins, et furent impressionnés par leur organisation. Ils se rendirent ensuite chez les Jésuites, où ils virent un moulin à eau remarquable. Ils furent invités à une collation et exprimèrent leur gratitude pour l'accueil reçu. Le soir, ils souperèrent chez M. de la Rablière, où un grand bal fut organisé. Ils ne quittèrent la ville que le lendemain, après avoir dîné de bonne heure, en parlant des grandeurs du roi et des beautés de Lille.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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22
p. 269-301
Tournay. [titre d'après la table]
Début :
Ce mesme jour qui estoit le 6. ils arriverent à Tournay. [...]
Mots clefs :
Tournai, Surmon, Pierre Paul Rubens, Édouard-François Colbert, Comte de Maulévrier, Ville, Ambassadeurs, Voir, Roi, Porte, Dames, Ville, Fort, Comtesse, Place, Citadelle, Table, France, Gouverneur, Fourneaux
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texteReconnaissance textuelle : Tournay. [titre d'après la table]
Ce meſme jour qui eſtoit
le 6. ils arriverent à Tournay.
C'eſt une Place tres-forte, défenduë
par un Chafteau, qu'on
dit que les Angiois ont bafty.
Elle eſt ſur l'Eſcaut , & Capitale
d'un petit Païs appellé
le Tournaiſis. Outre l'Eglife
Cathedrale de Nôtre-Dame
qui est tres-belle , elle a dix
Paroiſſes , deux Abbayes , &
diverſes autres Maiſons Religieuſes
. L'Empereur Charles
Zij
270 III . P. du Voyage
V. la prit en 1521. aux François
qui s'en eſtoient rendus
Maiſtres trois ans auparavant.
Elle eſt demeurée au Roy par
le Traité d'Aix la Chapelle.
Sa Majesté l'avoit priſe en
1667. Cette Ville est tres- ancienne.
L'Evêché eſt Suffragant
de Cambray. M le
Comte de Maulevrier , Lieutenant
General des Armées du
Roy , Gouverneur des Ville
&Citadelle de Tournay & du
Tournefis , avoit envoyé fur
le midy à une lieuë au devant
des Ambaſſadeurs vingt Maîtres
du Regiment des Cuiraf
r
des Amb. de Siam. 271
fiers qui eſt en garniſon dans
la Ville , commandez par un
Lieutenant , auquel il avoit
marqué le lieu où il devoit ſe
trouver avec ſa Troupe , &
donné ordre qu'aprés que ce
Lieutenant auroit ſalue les
Ambaſſadeurs , il marcheroit
àla teſte de leur Caroſſe avec
fix des ſiens , feroit marcher
les 14. autres derriere , qu'ils
eſcorteroient ainſi ju qu'au
Village de Markin , qui eft à
une demy-lieuë de Tournay ,
où il avoit reſolu de venir
avec un Eſcadron des Cuiraffiers.
Apres que ce Comte
272 III . P. du Voyage
les eût ſaluez , & qu'il leut cût
fait fon compliment au lieu
où il eſtoit venu les attendre,
il prit le devant , & ſe rendit
à la maiſon qu'il leur avoit
fait preparer , & qui estoit magnifiquement
meublée, pendant
que tout l'Eſcadron marchoit
devant & derriere leur
Caroffe. En approchant de la
Barriere , ils furent ſaluez de
vingt coups de Canon , &
paſſerent depuis la porte de
la Ville entre deux hayes d'Infanterie
juſqu'à leur logis , où
Mle Comte de Maulevrier
les receut
د &leur preſenta
des Amb. de Siam , 273
Mrs du Magiftrat. La harangue
qu'ils firent , fut prononcée
par M de Surmon Conſeiller
Penſionnaire, qui adrefſa
la parole au premier Ambaſſadeur
, & luy parla en ces
termes .
MONSEIGNEVR ,
La renommée nous avoit appris
les grandes qualitez du Roy de Siam,
&la grandeur de son genie pour la
conduite deſes Peuples, &nousſçavions
auſſiiessoins particuliers qu'il
y apporte. Nous admirons aujourd'huy
le zele qu'il a fait paroître
pour reconnoître les choses les plus
importantes de la terre , & nous
274 III . P. du Voyage
1
nous réjouiſſons en mesme temps
du bonheur qui a accompagné vôtre
Excellence pourfurmonter les perils
& les fatigues que luy ont causé
l'éloignement & les difficultez du
chemin. Nous avons bien de la joye,
Monseigneur ,du fuccez de ce voyage
que le Ciel a inspiré pour rechercher
l'amitié de nostre Auguste Mo.
narque , qui apres avoir vaincu tous
Ses ennemis,& pouvant encore pouffer
plus loinfes Conquestes,a missa
plus grande gloire , à donner la Paix
à toute l'Europe. Nous voyons pre-
Sentement que Sa Majesté cherche à
fairepart au Roy vostre Maistre de
toutes les lumieres dont ila besoin ,
pour reconnoistre & embrasfer la Foy
Chrétienne , qui ſeule est recenë en
tous ſes Royaumes , afin d'augmenter
par ce moyen le merite de fon zele.
des Amb . de Siam. 275
Nous venons , Monseigneur , de la
part du Magistrat de cette ville
rendre nos reſpects à voſtre Excellence
, & la ſuplier d'agréer l'offre
de nos tres-humbles fervices , & les
Vins honoraires de la Ville que luy
profententfes tres-humbles & tresobeiſſans
Serviteurs , Les Prevost ,
Iurez, Majeur, & Eſchevins de la
Villede Tournay.
Le Preſent de Ville fut de
fix douzaines de Bouteilles
de tres- excellent Vin. L'Ambaſſadeur
répondit ,
MESSIEVRS,
Le Roy de Siam notre Maistre
ayant esté informé de la grandeur
276 III . P. du Voyage
du Roy de France , & de toutes ses
Conquestes , luy a envoyé trois Ambassadeurs
, pour luy demander fon
amitié ; & afin d'estre instruit plus
particulierement de ſes Victoires ,
Sa Majesté nous a fait combler de
tres-grands honneurs dans tous les
endroits de fon Royaume où nous
avons pasé. Nous remercions ,
Meffieurs , la Ville de Tournay de
ceux qu'elle nous rend enfon particulier
, & de ſes Prefens.
Les Magiftrats ſe retirerent
aprés cette réponſe , &
M le Comte de Maulevrier
prit l'ordre des Ambaſſadeurs
, qui le luy donnerent
en ces mots , Aufſfi fidelle que
brave , ce qui s'applique à la
des Amb. de Siam. 277
perſonne de ce Gouverneur.
Sur les cinq heures du ſoir
Me l'Evêque de Tournay leur
rendit viſite, accompagné de
M de Mefgrigny , Gouverneur
de la Citadelle . Une
heure aprés on fit joüer un
Feu d'Artifice , que Mrs du
Magiſtrat avoient fait dreſſer
devant leurs feneftres . Il eftoit
de vingt - quatre pieds
en quarré, fur douze à quinze
d'élevation. Au milieu paroiſſoient
deux Elephans ſur
un Piedeftal , & entr'eux un
Soleil un peu plus élevé , le
tout gaudronné , de maniere
278 III. P. du Voyage
que les Elephans & le Soleil
demeurerent enflâmez pendant
que le Feu dura. Le
reſte eſtoit compofé de quantité
d'Artifice. On avoit cu
deſſein d'orner la machine de
ce Feu de quelques Deviſes
à la gloire des deux Roys ,
&pour cet effet on demanda
aux Ambaſſadeurs le nom du
Roy de Siam ; mais ils répondirent
qu'ils ignoroient le
nom de leurs Roys tant qu'ils
vivoient, & qu'ils ne l'apprenoient
jamais qu'aprés leur mort.
Le Feu finy , ils demanderent
à quoy ſervoient qua
د
des Amb. de Siam. 279
artre
Pompes que l'on avoit
fait mener aux quatre coins.
On leur dit , qu'elles fervoient
à jetter de l'eau dedans &fur
les Maiſons , en cas qu'ily
rivât quelque accidentpar lefeu.
Ils ſouhaiterent en voir l'effet.
On les fit joüer devant
eux ; & comme cela ne ſe
pouvoit fans moüiller le Peuple
, ce fut encore un plaifir
qu'ils eurent. Le troifiéme
Ambaſſadeur defcendit pour
examiner une de ces Machines
. Avant que l'on fiſt joüer
le Feu, il y eur une décharge
d'une trentaine de Boëtes
280 III . P. du Voyage
qu'on avoit rangées autour.
Sur les ſept heures les Ambaſſadeurs
envoyerent prier
Me le Comte de Maulevrier,
de permettre à M le Marquis
fon Fils de venir ſouper
avec eux . Ils ſe mirent à table
ſi- tôt qu'il fut arrivé , &
on ne laiſſa entrer que les
Dames pour les voir manger.
Le lendemain 7. à neuf
heures du matin, Male Comte
de Maulevrier leur envoya
ſes trois Carroſſes , qui les
conduiſirent à la Citadelle, à
l'entrée de laquelle Me de
desAmb de Siam. 281
Meſgrigny les fit faluër de
vingt coups de canon. Aprés
les avoir reçûs , il les mena
d'abord fur le Baſtion Dauphin.
Comme ils avoient en
main le Plan de la Ville &
de la Citadelle, ils ſe contenterent
de voir ce ſeul Baſtion,
& admirerent tous les Ouvrages
qu'ils découvtoient
de ce lieu. Monfieur de
Meſgrigny leur fit entendre
que tout ce qu'ils voyoient
&tous les environs de la Citadelle
estoient minez & contreminez
, & même qu'à la
pointe du glacis de ce Baf
Aa
282 III. P. du Voyage
tion ily avoit trois Fourneaux
chargez, qui estoient preſts à
fauter. Ils demanderent à
defcendre dans les Galeries
afin de mieux examiner ces
Fourneaux ; ce qu'ils firet fort
curieufement , & aprés quel
ques raiſonnemens & quelques
queſtions qu'ils firent à
M de Mefgrigny fur la Fortification
, ils remonterent ,
& fortirent à la Porte Dauphine.
Me de Meſgrigny
leur montra l'endroit où ef
toient les trois Fourneaux ,
que l'on fit ſauter en leur prefence.
L'un eftoit chargé d'un
r
des Amb. de Siam. 283
millier de Poudre , l'autre de
douze cens livres , & le troifiéme
de trois mille cinq cens
livres . Ces trois Fourneaux
eurent tout l'effet qu'on en
pouvoit efperer , & leur firent
un ſi grand plaiſir, qu'ils
demanderent à voir les Contremines
. M de Mefgrigny
les mena à l'Arcenal , où il
leur en fit voir le Plan. Ils
luy témoignerent quelque envie
de l'avoir ; mais il leur
fit entendre que ces Plans-là
eſtant le vray fecret d'une
Place, ils ne ſe donnoient ny
ne ſe montroient jamais à per-
A a ij
284 III . P. du Voyage
fonne. Aprés l'avoir bien
examiné , & demandé raiſon
de toutes chofes , ils allerent
voir faire l'Exercice à la Compagnie
des jeunes Gentilshommes
, qui fit fort bien à
fon ordinaire.Cela eſtant fait,
ils fortirent de la Citadelle, &
furent falüez par vingt autres
coups de Canon ; & enfuite
ils retournerent chez eux, où
toutes les Dames les virent
dîner. En ſortant de table,
ils monterent en Carroffe , &
allerent à la Porte S. Martin,
où ils trouverent des Chevaux
que Me le Comte de MaudesAmb.
de Siam. 285
levrier leur avoit fait tenir
preſts. Ils s'en ſervirent pour
aller viſiter les Ouvrages de
la Place. Comme ils en avoient
le Plan avec eux , ils
ſe contenterent d'en voir une
partie. Ils rentrerent par la
Porte de Lille , & vinrent à la
Comedie , où madame la
Comteſſe de maulevrier , &
Madame la Comteſſe de ме-
davy , les attendoient avec
une vingtaine de Dames des
mieux faites de la Ville. Ils
y donnerent l'ordre à m ' de
Jearny major de la Ville , en
ces mots : Ie m'appuiray du
د
286 III . P. du Voyage
bâton en combattant de l'épée.
Ce Mot ainſi que le precedent
, eft appliqué à la perfonne
de M le Comte de
Maulevrier . Ce n'eſt pas à
moy à raifonner fur ces mots,
& je n'en dois rien dire , finon
qu'ils furent fort applaudis.
On joüa une Piece
Comique ; mais afin de faire
voir de beaux Habits aux
Ambaſſadeurs , Male Comte
de maulevrier ordonna aux
Comediens de ſe veſtir à
la Romaine ; ce qui réüffit
fort bien. Aprés la Comedie,
ce Comte les fit mener dans
des Amb. de Siam. 287
ſes Carroffes fur l'Eſplanade,
où il leur avoit fait preparer
quatre mortiers , pour leur
faire voir l'effet de deux
Bombes , d'un Boulet rou-
,
ge , & d'une Carcaffe. Ils
admirerent ces machines ,
& en raiſonnerent fort par-
د
ticulierement , ſe faiſant inſtruire
de tout & mefme
des moindres chofes . Ils monterent
fur la muraille , & virent
jetter les bombes dans la
Campagne avec beaucoup
d'admiration. M le Comte
de Maulevrier les conduifit
enfuite dans ſa maiſon , dont
288 III. P. du Voyage
ils trouverent le devant de la
porte & la Cour fort illuminez.
Il les fit monter dans
l'Appartement de Madame la
Comteſſe de Maulevrier qui
les receut avec Madame la
Comteſſe de Medavy & plufieurs
Dames . En attendant
on leur
د l'heure du ſoupé
donna le divertiſſement d'un
Concert de Muſique , compoſé
de tres-belles voix , d'une
viole & de quelques flutes
douces . Ce Concert fut trouvé
bien executé & de bon
goût. L'heure du ſoupé venuë
, ils deſcendirent dans la
grande
desAmb. de Siam. 289
grande Sale , où ils trouverent
une table de vingt-quatre
couverts , remplie de viandes
les plus delicates & les
plus exquiſes. M le Comte de
Maulevrier leur en avoit fait
ſervir devant eux qui eſtoient
appreſtées à la Françoiſe & à
leurs manieres ce qui les fit
د
demeurer plus longtemps à
table qu'ils n'auroient fait.
Leurs trois places eſtoient de
ſuite ſeparées des autres , & à
droit & à gauche eſtoient Mme
la Comteſſe de maulevrier ,
Madame la Comteſſe de Medavy
, & fix Dames des mieux
Bb
290. III. P. du Voyage
faites de la Ville. Pendant le
foupé, on leur donna le divertiſſement
d'un autre Concert
compoſé de voix , de hautbois&
de violons. M. leComte
de maulevrier but à leurs
fantez, & ils luy firent raifon
chacun en particulier avec
toute l'honneſteté imaginable.
Ilbeut enſuite à l'Alliance
des deux Couronnes , &
lorſque les Ambaſſadeurs y
burent auſſi on entendit
une décharge de quantité de
boëttes. Elle fut fuivie prefque
auffi-tôt d'ungrand bruit
de Timbales & de Trompet-
د
des Amb. de Siam. 291
tes qui continua juſqu'à ce
que les Ambaſſadeurs buſſent
à la ſanté du Roy de France.
Pendant que m' le Comte de
Maulevrier leur en fit raifon ,
une autre décharge de boëttes
ſe fit entendre , & le bruit
des Timballes & des Trompettes
recommença. On but
enfuite à la ſanté du puiſſant
Roy de Siam , & pendant ce
temps , la meſme quantité de
boëttes , de Timballes & de
Trompettes fit encore le mê.
me bruit. Il continua lorſque
M. le Comte de Maulevrier
but à leur bonVoyage. Cette
Bb ij
292 III. P. du Voyage
Γ
ſanté leur fit beaucoup de
plaifir. Ils burent auſſi à celle
des Dames. Aprés que l'on
fut forty de table , M² le
Comte de maulevrier les conduifit
dans fon Appartement,
& leur demanda s'ils ne voudroient
point fumer , mais
comme apparemment ils ſçavoient
que cela ſe pratique
peu en France , & fur tout en
compagnie , ils l'en remercierent.
Peu de temps aprés
il les mena à la porte de fon
Jardin , au milieu duquel &
au tour du Baffin , il y avoit
un fort grand nombre de fu
des Amb. de Siam. 293
ſées volantes qu'ils virent tirer
avec beaucoup du plaifir.
Ils rentrerent dans la Sale
ils trouverent les Dames rangées
, & quantité de violons
qui joüoient. Comme ils avoient
ſceu que M. le Comte
de Maulevrier icur vouloit
donner le divertiſſement d'un
Bal , ils prirent les places qui
leur eſtoient preparées , & virent
dancer pendant deux
heures avec une joye qui faiſoit
connoître qu'ils eftoient
tres-fatisfaits de tous cesplaifirs
; aprés quoy ils prirent
congé de M. le Gouverneur ,
Bb iij
294 III P. du Voyage
auquel ils marqueret une tresgrande
reconnoiſſance de tous
les honneurs qu'il leur avoit
rendus. Ils luy firent dire entr'autres
chofes qu'il ſembloit
toute sa famille s'estoit fait
à l'envy un plaisir de les comblerde
toutes fortes d'honneſtetez .
Ils monterent dans ſes Carofſes
, & s'en retournerent à leur
logis. La court& le devant de
la porte eſtoient encore éclai
rez . Tous ces divertiſſemens ſe
pafferent ſans la moindre confufion
, & avec un ordre digne
des precautions que M
&Me la Comteſſe de Maы-
:
1
r
des Amb.de Siam. 295
levrier avoient priſes ſur toutes
choſes.
Le lendemain 8. fur les 9.
heures du matin, les Ambaſſadeurs
envoyerent querir M
le marquis de Maulevrier pour
déjeuner avec eux. Ils ſe mirent
à table ſi-toft qu'il fut
arrivé. Les Dames ; c'eſt à dire
celles qui pouvoient eſtre levées
, les virent encore pendant
ce temps , & apres qu'ils
eurent déjeuné , toutes chofes
eftant preparées pour leur départ
, &M le Comte deMaulevrier
eſtant venu prendre
congé d'eux , ils monterent
Bb iiij
296 III. P. du Voyage
en Caroffe ,& pafſferent entre
deux hayes au milieu d'un
Eſcadron de Cavallerie , &
d'un Bataillon d'Infanterie
rangez ſur la Place , & depuis
la Place juſqu'à la grande Egliſe
qu'ils voulurent voir. Ils y
trouverent M. l'Eveſque de
Tournay qui les y attendoit,&
lui firentdire que s'ils ne l'euffent
pas trouvé là , leur deſſein eſtoit
d'aller chezluy pouravoir l'honneur
de le voir. M² l'Eveſque
les remercia. Il parut qu'en
entrant dans ce magnifique
Temple , ils furent touchez de
quelque ſecret mouvement
des Amb. de Siam. 297
qui leur inſpirade faire dire à
ce Prelat qu'ils le prioient d'obtenir
du vray Dieu qu'ils le puſſent
connoître, & qu'illuy plût de les
tirer des Tenebres où ils pouvoient
estre pourprofeſſerla veritable Religion.
M l'Eveſque leur répondit
, que toute la France &
toute la Chrétienté prioit tous les
jours Dieu pour cela. Il les conduiſit
enſuite dans le Choeur
qui eſt un des plus beaux qu'il
y ait en France. Ils y trouverent
Ms du Chapitre rangez
chacun dans ſa place. Ils les
ſaluerent , & allerent juſqu'au
prés & derriere l'Autel , où
298 III. P du Voyage
ils furent quelque temps à admirer
deux excellens Tableaux
de Rubens, & quantité
de tres- beaux Ouvrages de
Marbre & d'Albatre nouvellement
faits autour de l'Autel.
Delà ils revinrent dans
le Choeur , où Ms du Chapitre
leur firent chanter un
Moret par leur Muſique, aprés
quoy les Ambaſſadeurs firent
repeter encore à M. l'Eveſque
qu'ils leprioient d'obtenir du vray
Dieu qu'il les daignaſt éclairer ,
& mettre en estat de profeffer la
veritable Religion. Ils prirent
enfuite congé de luy & de
des Amb . de Siam . 299
Mrs du Chapitre qu'ils remercierenr
. Eſtant remontez dans
leurs Caroffes , ils pafferent
encore entre deux hayes d'Infanterie
, depuis l'Egliſe jufqu'à
la Porte de Maruis , pour
prendre le chemin de Condé .
M le Comte de Maulevrier
les conduifit avec la meſme
quantité de Cavalerie , qui
avoit eſté au devant d'eux à
leur entrée . L'Artillerie les
ſalua de nouveau à la fortie
de la Barriere .
Le major du Regiment
d'Erlac eſtant venu avec les
Ambaſſadeurs depuis Grave
300 III . P. du Voyage
lines juſqu'à Tournay , où il
commande un Bataillon , ils
conçûrent de l'eftime pour
luy, &dans le chemin l'Ambaſſadeur
monta dans ſa
Chaiſe, pour eſſayer s'il conduiroit
bie cette forte de Voiture.
Il n'eut pas de peine à
faire connoître que fon adreſſe
égale fon eſprit. Ils
furent fi fatisfaits de се ма-
jor , que lorſqu'il prit congé
d'eux quand ils partirent de
Tournay, ils luydemáderent,
s'il ne pouvoitpas venir jusqu'à
Paris avec eux ; mais fon devoir
l'engageoit à demeurer
des Amb de Siam. 301
à Tournay. Ils virent fur le
chemin de Condé un Bourg
appellé Anthoin , qui appartient
à Madame la Princeffe
d'Epinoy , & ils ſe ſouvinrent
qu'ils avoient mangé avec
elle , à la Collation que M
de Seignelay leur donna le
jour qu'ils en eurent Audience.
le 6. ils arriverent à Tournay.
C'eſt une Place tres-forte, défenduë
par un Chafteau, qu'on
dit que les Angiois ont bafty.
Elle eſt ſur l'Eſcaut , & Capitale
d'un petit Païs appellé
le Tournaiſis. Outre l'Eglife
Cathedrale de Nôtre-Dame
qui est tres-belle , elle a dix
Paroiſſes , deux Abbayes , &
diverſes autres Maiſons Religieuſes
. L'Empereur Charles
Zij
270 III . P. du Voyage
V. la prit en 1521. aux François
qui s'en eſtoient rendus
Maiſtres trois ans auparavant.
Elle eſt demeurée au Roy par
le Traité d'Aix la Chapelle.
Sa Majesté l'avoit priſe en
1667. Cette Ville est tres- ancienne.
L'Evêché eſt Suffragant
de Cambray. M le
Comte de Maulevrier , Lieutenant
General des Armées du
Roy , Gouverneur des Ville
&Citadelle de Tournay & du
Tournefis , avoit envoyé fur
le midy à une lieuë au devant
des Ambaſſadeurs vingt Maîtres
du Regiment des Cuiraf
r
des Amb. de Siam. 271
fiers qui eſt en garniſon dans
la Ville , commandez par un
Lieutenant , auquel il avoit
marqué le lieu où il devoit ſe
trouver avec ſa Troupe , &
donné ordre qu'aprés que ce
Lieutenant auroit ſalue les
Ambaſſadeurs , il marcheroit
àla teſte de leur Caroſſe avec
fix des ſiens , feroit marcher
les 14. autres derriere , qu'ils
eſcorteroient ainſi ju qu'au
Village de Markin , qui eft à
une demy-lieuë de Tournay ,
où il avoit reſolu de venir
avec un Eſcadron des Cuiraffiers.
Apres que ce Comte
272 III . P. du Voyage
les eût ſaluez , & qu'il leut cût
fait fon compliment au lieu
où il eſtoit venu les attendre,
il prit le devant , & ſe rendit
à la maiſon qu'il leur avoit
fait preparer , & qui estoit magnifiquement
meublée, pendant
que tout l'Eſcadron marchoit
devant & derriere leur
Caroffe. En approchant de la
Barriere , ils furent ſaluez de
vingt coups de Canon , &
paſſerent depuis la porte de
la Ville entre deux hayes d'Infanterie
juſqu'à leur logis , où
Mle Comte de Maulevrier
les receut
د &leur preſenta
des Amb. de Siam , 273
Mrs du Magiftrat. La harangue
qu'ils firent , fut prononcée
par M de Surmon Conſeiller
Penſionnaire, qui adrefſa
la parole au premier Ambaſſadeur
, & luy parla en ces
termes .
MONSEIGNEVR ,
La renommée nous avoit appris
les grandes qualitez du Roy de Siam,
&la grandeur de son genie pour la
conduite deſes Peuples, &nousſçavions
auſſiiessoins particuliers qu'il
y apporte. Nous admirons aujourd'huy
le zele qu'il a fait paroître
pour reconnoître les choses les plus
importantes de la terre , & nous
274 III . P. du Voyage
1
nous réjouiſſons en mesme temps
du bonheur qui a accompagné vôtre
Excellence pourfurmonter les perils
& les fatigues que luy ont causé
l'éloignement & les difficultez du
chemin. Nous avons bien de la joye,
Monseigneur ,du fuccez de ce voyage
que le Ciel a inspiré pour rechercher
l'amitié de nostre Auguste Mo.
narque , qui apres avoir vaincu tous
Ses ennemis,& pouvant encore pouffer
plus loinfes Conquestes,a missa
plus grande gloire , à donner la Paix
à toute l'Europe. Nous voyons pre-
Sentement que Sa Majesté cherche à
fairepart au Roy vostre Maistre de
toutes les lumieres dont ila besoin ,
pour reconnoistre & embrasfer la Foy
Chrétienne , qui ſeule est recenë en
tous ſes Royaumes , afin d'augmenter
par ce moyen le merite de fon zele.
des Amb . de Siam. 275
Nous venons , Monseigneur , de la
part du Magistrat de cette ville
rendre nos reſpects à voſtre Excellence
, & la ſuplier d'agréer l'offre
de nos tres-humbles fervices , & les
Vins honoraires de la Ville que luy
profententfes tres-humbles & tresobeiſſans
Serviteurs , Les Prevost ,
Iurez, Majeur, & Eſchevins de la
Villede Tournay.
Le Preſent de Ville fut de
fix douzaines de Bouteilles
de tres- excellent Vin. L'Ambaſſadeur
répondit ,
MESSIEVRS,
Le Roy de Siam notre Maistre
ayant esté informé de la grandeur
276 III . P. du Voyage
du Roy de France , & de toutes ses
Conquestes , luy a envoyé trois Ambassadeurs
, pour luy demander fon
amitié ; & afin d'estre instruit plus
particulierement de ſes Victoires ,
Sa Majesté nous a fait combler de
tres-grands honneurs dans tous les
endroits de fon Royaume où nous
avons pasé. Nous remercions ,
Meffieurs , la Ville de Tournay de
ceux qu'elle nous rend enfon particulier
, & de ſes Prefens.
Les Magiftrats ſe retirerent
aprés cette réponſe , &
M le Comte de Maulevrier
prit l'ordre des Ambaſſadeurs
, qui le luy donnerent
en ces mots , Aufſfi fidelle que
brave , ce qui s'applique à la
des Amb. de Siam. 277
perſonne de ce Gouverneur.
Sur les cinq heures du ſoir
Me l'Evêque de Tournay leur
rendit viſite, accompagné de
M de Mefgrigny , Gouverneur
de la Citadelle . Une
heure aprés on fit joüer un
Feu d'Artifice , que Mrs du
Magiſtrat avoient fait dreſſer
devant leurs feneftres . Il eftoit
de vingt - quatre pieds
en quarré, fur douze à quinze
d'élevation. Au milieu paroiſſoient
deux Elephans ſur
un Piedeftal , & entr'eux un
Soleil un peu plus élevé , le
tout gaudronné , de maniere
278 III. P. du Voyage
que les Elephans & le Soleil
demeurerent enflâmez pendant
que le Feu dura. Le
reſte eſtoit compofé de quantité
d'Artifice. On avoit cu
deſſein d'orner la machine de
ce Feu de quelques Deviſes
à la gloire des deux Roys ,
&pour cet effet on demanda
aux Ambaſſadeurs le nom du
Roy de Siam ; mais ils répondirent
qu'ils ignoroient le
nom de leurs Roys tant qu'ils
vivoient, & qu'ils ne l'apprenoient
jamais qu'aprés leur mort.
Le Feu finy , ils demanderent
à quoy ſervoient qua
د
des Amb. de Siam. 279
artre
Pompes que l'on avoit
fait mener aux quatre coins.
On leur dit , qu'elles fervoient
à jetter de l'eau dedans &fur
les Maiſons , en cas qu'ily
rivât quelque accidentpar lefeu.
Ils ſouhaiterent en voir l'effet.
On les fit joüer devant
eux ; & comme cela ne ſe
pouvoit fans moüiller le Peuple
, ce fut encore un plaifir
qu'ils eurent. Le troifiéme
Ambaſſadeur defcendit pour
examiner une de ces Machines
. Avant que l'on fiſt joüer
le Feu, il y eur une décharge
d'une trentaine de Boëtes
280 III . P. du Voyage
qu'on avoit rangées autour.
Sur les ſept heures les Ambaſſadeurs
envoyerent prier
Me le Comte de Maulevrier,
de permettre à M le Marquis
fon Fils de venir ſouper
avec eux . Ils ſe mirent à table
ſi- tôt qu'il fut arrivé , &
on ne laiſſa entrer que les
Dames pour les voir manger.
Le lendemain 7. à neuf
heures du matin, Male Comte
de Maulevrier leur envoya
ſes trois Carroſſes , qui les
conduiſirent à la Citadelle, à
l'entrée de laquelle Me de
desAmb de Siam. 281
Meſgrigny les fit faluër de
vingt coups de canon. Aprés
les avoir reçûs , il les mena
d'abord fur le Baſtion Dauphin.
Comme ils avoient en
main le Plan de la Ville &
de la Citadelle, ils ſe contenterent
de voir ce ſeul Baſtion,
& admirerent tous les Ouvrages
qu'ils découvtoient
de ce lieu. Monfieur de
Meſgrigny leur fit entendre
que tout ce qu'ils voyoient
&tous les environs de la Citadelle
estoient minez & contreminez
, & même qu'à la
pointe du glacis de ce Baf
Aa
282 III. P. du Voyage
tion ily avoit trois Fourneaux
chargez, qui estoient preſts à
fauter. Ils demanderent à
defcendre dans les Galeries
afin de mieux examiner ces
Fourneaux ; ce qu'ils firet fort
curieufement , & aprés quel
ques raiſonnemens & quelques
queſtions qu'ils firent à
M de Mefgrigny fur la Fortification
, ils remonterent ,
& fortirent à la Porte Dauphine.
Me de Meſgrigny
leur montra l'endroit où ef
toient les trois Fourneaux ,
que l'on fit ſauter en leur prefence.
L'un eftoit chargé d'un
r
des Amb. de Siam. 283
millier de Poudre , l'autre de
douze cens livres , & le troifiéme
de trois mille cinq cens
livres . Ces trois Fourneaux
eurent tout l'effet qu'on en
pouvoit efperer , & leur firent
un ſi grand plaiſir, qu'ils
demanderent à voir les Contremines
. M de Mefgrigny
les mena à l'Arcenal , où il
leur en fit voir le Plan. Ils
luy témoignerent quelque envie
de l'avoir ; mais il leur
fit entendre que ces Plans-là
eſtant le vray fecret d'une
Place, ils ne ſe donnoient ny
ne ſe montroient jamais à per-
A a ij
284 III . P. du Voyage
fonne. Aprés l'avoir bien
examiné , & demandé raiſon
de toutes chofes , ils allerent
voir faire l'Exercice à la Compagnie
des jeunes Gentilshommes
, qui fit fort bien à
fon ordinaire.Cela eſtant fait,
ils fortirent de la Citadelle, &
furent falüez par vingt autres
coups de Canon ; & enfuite
ils retournerent chez eux, où
toutes les Dames les virent
dîner. En ſortant de table,
ils monterent en Carroffe , &
allerent à la Porte S. Martin,
où ils trouverent des Chevaux
que Me le Comte de MaudesAmb.
de Siam. 285
levrier leur avoit fait tenir
preſts. Ils s'en ſervirent pour
aller viſiter les Ouvrages de
la Place. Comme ils en avoient
le Plan avec eux , ils
ſe contenterent d'en voir une
partie. Ils rentrerent par la
Porte de Lille , & vinrent à la
Comedie , où madame la
Comteſſe de maulevrier , &
Madame la Comteſſe de ме-
davy , les attendoient avec
une vingtaine de Dames des
mieux faites de la Ville. Ils
y donnerent l'ordre à m ' de
Jearny major de la Ville , en
ces mots : Ie m'appuiray du
د
286 III . P. du Voyage
bâton en combattant de l'épée.
Ce Mot ainſi que le precedent
, eft appliqué à la perfonne
de M le Comte de
Maulevrier . Ce n'eſt pas à
moy à raifonner fur ces mots,
& je n'en dois rien dire , finon
qu'ils furent fort applaudis.
On joüa une Piece
Comique ; mais afin de faire
voir de beaux Habits aux
Ambaſſadeurs , Male Comte
de maulevrier ordonna aux
Comediens de ſe veſtir à
la Romaine ; ce qui réüffit
fort bien. Aprés la Comedie,
ce Comte les fit mener dans
des Amb. de Siam. 287
ſes Carroffes fur l'Eſplanade,
où il leur avoit fait preparer
quatre mortiers , pour leur
faire voir l'effet de deux
Bombes , d'un Boulet rou-
,
ge , & d'une Carcaffe. Ils
admirerent ces machines ,
& en raiſonnerent fort par-
د
ticulierement , ſe faiſant inſtruire
de tout & mefme
des moindres chofes . Ils monterent
fur la muraille , & virent
jetter les bombes dans la
Campagne avec beaucoup
d'admiration. M le Comte
de Maulevrier les conduifit
enfuite dans ſa maiſon , dont
288 III. P. du Voyage
ils trouverent le devant de la
porte & la Cour fort illuminez.
Il les fit monter dans
l'Appartement de Madame la
Comteſſe de Maulevrier qui
les receut avec Madame la
Comteſſe de Medavy & plufieurs
Dames . En attendant
on leur
د l'heure du ſoupé
donna le divertiſſement d'un
Concert de Muſique , compoſé
de tres-belles voix , d'une
viole & de quelques flutes
douces . Ce Concert fut trouvé
bien executé & de bon
goût. L'heure du ſoupé venuë
, ils deſcendirent dans la
grande
desAmb. de Siam. 289
grande Sale , où ils trouverent
une table de vingt-quatre
couverts , remplie de viandes
les plus delicates & les
plus exquiſes. M le Comte de
Maulevrier leur en avoit fait
ſervir devant eux qui eſtoient
appreſtées à la Françoiſe & à
leurs manieres ce qui les fit
د
demeurer plus longtemps à
table qu'ils n'auroient fait.
Leurs trois places eſtoient de
ſuite ſeparées des autres , & à
droit & à gauche eſtoient Mme
la Comteſſe de maulevrier ,
Madame la Comteſſe de Medavy
, & fix Dames des mieux
Bb
290. III. P. du Voyage
faites de la Ville. Pendant le
foupé, on leur donna le divertiſſement
d'un autre Concert
compoſé de voix , de hautbois&
de violons. M. leComte
de maulevrier but à leurs
fantez, & ils luy firent raifon
chacun en particulier avec
toute l'honneſteté imaginable.
Ilbeut enſuite à l'Alliance
des deux Couronnes , &
lorſque les Ambaſſadeurs y
burent auſſi on entendit
une décharge de quantité de
boëttes. Elle fut fuivie prefque
auffi-tôt d'ungrand bruit
de Timbales & de Trompet-
د
des Amb. de Siam. 291
tes qui continua juſqu'à ce
que les Ambaſſadeurs buſſent
à la ſanté du Roy de France.
Pendant que m' le Comte de
Maulevrier leur en fit raifon ,
une autre décharge de boëttes
ſe fit entendre , & le bruit
des Timballes & des Trompettes
recommença. On but
enfuite à la ſanté du puiſſant
Roy de Siam , & pendant ce
temps , la meſme quantité de
boëttes , de Timballes & de
Trompettes fit encore le mê.
me bruit. Il continua lorſque
M. le Comte de Maulevrier
but à leur bonVoyage. Cette
Bb ij
292 III. P. du Voyage
Γ
ſanté leur fit beaucoup de
plaifir. Ils burent auſſi à celle
des Dames. Aprés que l'on
fut forty de table , M² le
Comte de maulevrier les conduifit
dans fon Appartement,
& leur demanda s'ils ne voudroient
point fumer , mais
comme apparemment ils ſçavoient
que cela ſe pratique
peu en France , & fur tout en
compagnie , ils l'en remercierent.
Peu de temps aprés
il les mena à la porte de fon
Jardin , au milieu duquel &
au tour du Baffin , il y avoit
un fort grand nombre de fu
des Amb. de Siam. 293
ſées volantes qu'ils virent tirer
avec beaucoup du plaifir.
Ils rentrerent dans la Sale
ils trouverent les Dames rangées
, & quantité de violons
qui joüoient. Comme ils avoient
ſceu que M. le Comte
de Maulevrier icur vouloit
donner le divertiſſement d'un
Bal , ils prirent les places qui
leur eſtoient preparées , & virent
dancer pendant deux
heures avec une joye qui faiſoit
connoître qu'ils eftoient
tres-fatisfaits de tous cesplaifirs
; aprés quoy ils prirent
congé de M. le Gouverneur ,
Bb iij
294 III P. du Voyage
auquel ils marqueret une tresgrande
reconnoiſſance de tous
les honneurs qu'il leur avoit
rendus. Ils luy firent dire entr'autres
chofes qu'il ſembloit
toute sa famille s'estoit fait
à l'envy un plaisir de les comblerde
toutes fortes d'honneſtetez .
Ils monterent dans ſes Carofſes
, & s'en retournerent à leur
logis. La court& le devant de
la porte eſtoient encore éclai
rez . Tous ces divertiſſemens ſe
pafferent ſans la moindre confufion
, & avec un ordre digne
des precautions que M
&Me la Comteſſe de Maы-
:
1
r
des Amb.de Siam. 295
levrier avoient priſes ſur toutes
choſes.
Le lendemain 8. fur les 9.
heures du matin, les Ambaſſadeurs
envoyerent querir M
le marquis de Maulevrier pour
déjeuner avec eux. Ils ſe mirent
à table ſi-toft qu'il fut
arrivé. Les Dames ; c'eſt à dire
celles qui pouvoient eſtre levées
, les virent encore pendant
ce temps , & apres qu'ils
eurent déjeuné , toutes chofes
eftant preparées pour leur départ
, &M le Comte deMaulevrier
eſtant venu prendre
congé d'eux , ils monterent
Bb iiij
296 III. P. du Voyage
en Caroffe ,& pafſferent entre
deux hayes au milieu d'un
Eſcadron de Cavallerie , &
d'un Bataillon d'Infanterie
rangez ſur la Place , & depuis
la Place juſqu'à la grande Egliſe
qu'ils voulurent voir. Ils y
trouverent M. l'Eveſque de
Tournay qui les y attendoit,&
lui firentdire que s'ils ne l'euffent
pas trouvé là , leur deſſein eſtoit
d'aller chezluy pouravoir l'honneur
de le voir. M² l'Eveſque
les remercia. Il parut qu'en
entrant dans ce magnifique
Temple , ils furent touchez de
quelque ſecret mouvement
des Amb. de Siam. 297
qui leur inſpirade faire dire à
ce Prelat qu'ils le prioient d'obtenir
du vray Dieu qu'ils le puſſent
connoître, & qu'illuy plût de les
tirer des Tenebres où ils pouvoient
estre pourprofeſſerla veritable Religion.
M l'Eveſque leur répondit
, que toute la France &
toute la Chrétienté prioit tous les
jours Dieu pour cela. Il les conduiſit
enſuite dans le Choeur
qui eſt un des plus beaux qu'il
y ait en France. Ils y trouverent
Ms du Chapitre rangez
chacun dans ſa place. Ils les
ſaluerent , & allerent juſqu'au
prés & derriere l'Autel , où
298 III. P du Voyage
ils furent quelque temps à admirer
deux excellens Tableaux
de Rubens, & quantité
de tres- beaux Ouvrages de
Marbre & d'Albatre nouvellement
faits autour de l'Autel.
Delà ils revinrent dans
le Choeur , où Ms du Chapitre
leur firent chanter un
Moret par leur Muſique, aprés
quoy les Ambaſſadeurs firent
repeter encore à M. l'Eveſque
qu'ils leprioient d'obtenir du vray
Dieu qu'il les daignaſt éclairer ,
& mettre en estat de profeffer la
veritable Religion. Ils prirent
enfuite congé de luy & de
des Amb . de Siam . 299
Mrs du Chapitre qu'ils remercierenr
. Eſtant remontez dans
leurs Caroffes , ils pafferent
encore entre deux hayes d'Infanterie
, depuis l'Egliſe jufqu'à
la Porte de Maruis , pour
prendre le chemin de Condé .
M le Comte de Maulevrier
les conduifit avec la meſme
quantité de Cavalerie , qui
avoit eſté au devant d'eux à
leur entrée . L'Artillerie les
ſalua de nouveau à la fortie
de la Barriere .
Le major du Regiment
d'Erlac eſtant venu avec les
Ambaſſadeurs depuis Grave
300 III . P. du Voyage
lines juſqu'à Tournay , où il
commande un Bataillon , ils
conçûrent de l'eftime pour
luy, &dans le chemin l'Ambaſſadeur
monta dans ſa
Chaiſe, pour eſſayer s'il conduiroit
bie cette forte de Voiture.
Il n'eut pas de peine à
faire connoître que fon adreſſe
égale fon eſprit. Ils
furent fi fatisfaits de се ма-
jor , que lorſqu'il prit congé
d'eux quand ils partirent de
Tournay, ils luydemáderent,
s'il ne pouvoitpas venir jusqu'à
Paris avec eux ; mais fon devoir
l'engageoit à demeurer
des Amb de Siam. 301
à Tournay. Ils virent fur le
chemin de Condé un Bourg
appellé Anthoin , qui appartient
à Madame la Princeffe
d'Epinoy , & ils ſe ſouvinrent
qu'ils avoient mangé avec
elle , à la Collation que M
de Seignelay leur donna le
jour qu'ils en eurent Audience.
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Résumé : Tournay. [titre d'après la table]
Le 6, les ambassadeurs de Siam arrivèrent à Tournay, une ville forte située sur l'Escaut et capitale du Tournaisis. Tournay est protégée par un château et possède une cathédrale, dix paroisses, deux abbayes et diverses maisons religieuses. La ville avait été prise par l'empereur Charles III en 1521 et restituée au roi de France par le traité d'Aix-la-Chapelle après avoir été reprise en 1667. Le comte de Maulevrier, lieutenant général des armées du roi et gouverneur de la ville et de la citadelle, organisa une réception en leur honneur. Les ambassadeurs furent accueillis par vingt maîtres du régiment des cuirassiers et escortés jusqu'à leur logis, où le comte de Maulevrier les reçut et leur présenta les magistrats de la ville. M. de Surmon, Conseiller Pensionnaire, prononça une harangue louant les qualités du roi de Siam et exprimant la joie de voir ce dernier rechercher l'amitié du roi de France. L'ambassadeur de Siam répondit en remerciant pour les honneurs reçus et en exprimant le désir du roi de Siam de connaître les victoires du roi de France. Les magistrats offrirent un présent de vin, et les ambassadeurs visitèrent ensuite la citadelle, admirant les fortifications et assistant à des démonstrations de feu d'artifice et de bombardements. Le soir, ils furent invités à souper par le comte de Maulevrier, qui organisa divers divertissements, y compris un concert, une comédie et un bal. Les ambassadeurs exprimèrent leur grande satisfaction et leur reconnaissance envers le gouverneur pour les honneurs reçus. Le lendemain, ils invitèrent le marquis de Maulevrier à déjeuner. Après le déjeuner, ils montèrent en carrosse et passèrent entre des haies de cavalerie et d'infanterie jusqu'à une grande église, où ils rencontrèrent l'évêque de Tournay. Ils exprimèrent leur désir de connaître le vrai Dieu et de professer la véritable religion. L'évêque les conduisit dans le chœur, où ils admirèrent des tableaux et des œuvres d'art, écoutèrent un morceau de musique et répétèrent leur prière. Ils prirent ensuite congé et furent escortés jusqu'à la porte de Maruis par le comte de Maulevrier et une escorte militaire. Ils exprimèrent leur estime pour le major du régiment d'Erlac, qui les avait accompagnés depuis Gravelines jusqu'à Tournay. Sur le chemin de Condé, ils passèrent par un bourg appartenant à la princesse d'Epinoy, se souvenant d'un repas partagé avec elle.
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23
p. 301-306
Condé. [titre d'après la table]
Début :
Ce jour-là 8. Novembre ils arriverent à Condé. C'est [...]
Mots clefs :
Condé-sur-l'Escaut, Marie de Luxembourg, Princes de Condé, Nom de Condé, Bourbon, Ville, Place, Comte, Pétau, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Condé. [titre d'après la table]
Ce jour-là 8. Novembre ils
arriverent à Condé. C'eſt
une Ville dans le Hainaut
qui fut priſe par les François
en 1676. & où le Roy a fait
faire des Fortifications , qui
la rendent une Place tres
302 III. P. du Voyage
importante. Elle eſt ſur l'Efcaut
, & a une Egliſe Collegiale
fort ancienne. Cette
Ville eft celebre pour avoir
eu des Seigneurs d'un grand
merite , mais fur tout pour
avoir donné fon nom à pluſieurs
grands Princes de la
Royale Maiſon de Bourbon.
François de Bourbon , Comte
de Vendôme , épouſa en
1487. Marie de Luxembourg,
Fille aînée & principale heritiere
de Pierre de Luxembourg
II. du nom , Comte
de S. Paul , de Couverſan &
de Soiſſons. Elle estoit Vides
Amb. de Siam. 303
comteſſe de Meaux , Dame
d'Anguien , de Condé , &c .
Elle mourut à la Fére en 1547 .
aprés avoir eſté veuve 52. ans,
&ſes petits Enfans prirent le
nom de Princes de Condé.
Charles de Bourbon ſon Fils,
Comte & enſuite premier
Duc de Vendôme , fut Pere
d'Antoine de Bourbon , qui
eut pour Fils le Roy Henry
le Grand , & Loüis de Bourbon
Prince de Condé , qui a
fait la branche des Princes
qui portent ce nom. Lorfque
les Ambaſſadeurs approcherent
de Condé , ils trou
304 III . P. du Voyage
verent la Cavalerie de la Place
qui eſtoit venue au devant
d'eux. Aprés que le Canon
ſe fut fait entendre , M. Petau
Gouverneur de la Ville ,
parut pour les recevoir. Les
Ruës le trouverent bordées
d'Infanterie juſqu'à la porre
de leur Logis, & ils reçûrent
les complimens & les Prefens
comme dans les autres Villes .
Quoy que M' le Comte de
Sore ne fuſt pas à Condé ,
ils ne laifferent pas de loger
dans ſa maiſon qu'il leur avoit
offerte , & on leur en donna
les plus magnifiques Appardes
Amb. de Siam. 305
temens. M Petau alla prendre
l'ordre , & ils donnerent
pour Mot , le foûtiendray ſon
nom. Ils s'expliquerent là -
deffus , & dirent que le nom
de Condé eſtoit un nom fi
illuftre, qu'on feroit toûjours
beaucoup lorſqu'on en foûtiendroit
la gloire. Ainfi
vous voyez que c'eſt la Ville
qui parle , & qui dit qu'elle
foûtiendra le nom de Condé.
M Petau les traita le ſoir en
maigre , & le Repas fut magnifique.
Ils monterent à
cheval le lendemain de grand
matin, pour aller voir les For-
Cc
306 III. P. du Voyage
tifications de la Place, &M
Petau leur fit remarquer jufqu'aux
moindres endroits . Il
leur donna enſuite un fort
grand Dîner , n'ayant pas
voulu qu'ils ayent mangé ailleurs
que chez luy, tant qu'ils
ont demeuré dans la Place .
arriverent à Condé. C'eſt
une Ville dans le Hainaut
qui fut priſe par les François
en 1676. & où le Roy a fait
faire des Fortifications , qui
la rendent une Place tres
302 III. P. du Voyage
importante. Elle eſt ſur l'Efcaut
, & a une Egliſe Collegiale
fort ancienne. Cette
Ville eft celebre pour avoir
eu des Seigneurs d'un grand
merite , mais fur tout pour
avoir donné fon nom à pluſieurs
grands Princes de la
Royale Maiſon de Bourbon.
François de Bourbon , Comte
de Vendôme , épouſa en
1487. Marie de Luxembourg,
Fille aînée & principale heritiere
de Pierre de Luxembourg
II. du nom , Comte
de S. Paul , de Couverſan &
de Soiſſons. Elle estoit Vides
Amb. de Siam. 303
comteſſe de Meaux , Dame
d'Anguien , de Condé , &c .
Elle mourut à la Fére en 1547 .
aprés avoir eſté veuve 52. ans,
&ſes petits Enfans prirent le
nom de Princes de Condé.
Charles de Bourbon ſon Fils,
Comte & enſuite premier
Duc de Vendôme , fut Pere
d'Antoine de Bourbon , qui
eut pour Fils le Roy Henry
le Grand , & Loüis de Bourbon
Prince de Condé , qui a
fait la branche des Princes
qui portent ce nom. Lorfque
les Ambaſſadeurs approcherent
de Condé , ils trou
304 III . P. du Voyage
verent la Cavalerie de la Place
qui eſtoit venue au devant
d'eux. Aprés que le Canon
ſe fut fait entendre , M. Petau
Gouverneur de la Ville ,
parut pour les recevoir. Les
Ruës le trouverent bordées
d'Infanterie juſqu'à la porre
de leur Logis, & ils reçûrent
les complimens & les Prefens
comme dans les autres Villes .
Quoy que M' le Comte de
Sore ne fuſt pas à Condé ,
ils ne laifferent pas de loger
dans ſa maiſon qu'il leur avoit
offerte , & on leur en donna
les plus magnifiques Appardes
Amb. de Siam. 305
temens. M Petau alla prendre
l'ordre , & ils donnerent
pour Mot , le foûtiendray ſon
nom. Ils s'expliquerent là -
deffus , & dirent que le nom
de Condé eſtoit un nom fi
illuftre, qu'on feroit toûjours
beaucoup lorſqu'on en foûtiendroit
la gloire. Ainfi
vous voyez que c'eſt la Ville
qui parle , & qui dit qu'elle
foûtiendra le nom de Condé.
M Petau les traita le ſoir en
maigre , & le Repas fut magnifique.
Ils monterent à
cheval le lendemain de grand
matin, pour aller voir les For-
Cc
306 III. P. du Voyage
tifications de la Place, &M
Petau leur fit remarquer jufqu'aux
moindres endroits . Il
leur donna enſuite un fort
grand Dîner , n'ayant pas
voulu qu'ils ayent mangé ailleurs
que chez luy, tant qu'ils
ont demeuré dans la Place .
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Résumé : Condé. [titre d'après la table]
Le 8 novembre, des ambassadeurs arrivèrent à Condé, une ville du Hainaut prise et fortifiée par les Français en 1676. Condé, située sur l'Escaut, est connue pour son église collégiale ancienne et ses seigneurs méritants. En 1487, François de Bourbon, comte de Vendôme, épousa Marie de Luxembourg, héritière de Pierre de Luxembourg II. Marie, comtesse de Meaux et dame de Condé, mourut en 1547. Ses petits-enfants adoptèrent le nom de princes de Condé. Charles de Bourbon, fils de Marie, devint le premier duc de Vendôme et père d'Antoine de Bourbon, dont les fils furent le roi Henri IV et Louis de Bourbon, prince de Condé. À leur arrivée, les ambassadeurs furent accueillis par les forces de la ville et reçus par M. Petau, gouverneur de Condé, qui leur offrit des logements et un dîner somptueux après une visite des fortifications.
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24
p. 34-58
Leur Entrée à Cambray avec les honneurs qu'ils y ont reçus, les Harangues des Magistrats, & tout ce qu'ils ont vû, fait, & dit. [titre d'après la table]
Début :
Le lendemain 13. ils partirent pour aller coucher à Cambray, [...]
Mots clefs :
Cambrai, Ville, Comte de Monbron, Roi, Citadelle, Place, Médaille, Peuples, Harangue, Ambassadeurs, Archevêque, Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Leur Entrée à Cambray avec les honneurs qu'ils y ont reçus, les Harangues des Magistrats, & tout ce qu'ils ont vû, fait, & dit. [titre d'après la table]
Le lendemain 13. ils partirentpour
aller coucher àCambray
, & leur fortie fut auffi
éclatante qu'avoit eſté leur en
des Amb. de Siam. 35
:
trée. Cambray eſt une des plus
fortes Villes de l'Europe. Elle
eſt grande , belle , bien bâtie
, & fituée fur l'Elcaut qui
la traverſe d'un coſté. Elle
a double Citadelle. L'Egliſe
Metropolitaine de Notre-
Dame eſt tres - magnifique .
Son Chapitre eft compoſé de
48. Chanoines , & de 95. Eccleſiaſtiques
qui fervent dans
cette Eglife. L'Eveſché qui
avoit efté uny à celuy d'Arras
juſqu'à l'an 1095. fut erigé en
Archeveſché en 1559. par le
Pape Paul II. On tient que
Clodion conquit cette Villa
36 IV. P. du Voyage
en 445. Apres avoir eſté le
partage de Charles le Chauve
en 843. elle devint le ſujet de
la Guerre entre les Rois de
France , les Empereurs & les
Comtes de Flandre. Baudoüin
I. Comte de Flandre , l'ayant
prife & donnée à fon Fils Raoul
, les Empereurs ne laiſſerent
point de la declarer Cité
libre , fans que les François
cedaffent leurs droits . Charles
Quint ne voulut point s'en
tenir à la neutralité que le Roy
François I. luy avoit accordée.
Cet Empereur la prit en 1543 .
&fit bâtir une Citadelle aux
des Amb de Siam. 37
dépens des Habitans , auf
quels il fit croire que c'eſtoit
pour empêcher que les François
ne s'en emparaffent. Le
Duc d'Alençon Frere du Roy
Henry III . ayant eſté fait
Comte de Flandre, fut auffi
Maiſtre de Cambray. Il remit
cette Place à Jean de Montluc
Seigneur de Balagny , qui
prit le party de la ligue , &
fit enſuite ſa Paix avec le Roy
Henry IV. qui le fit Prince de
Cambray , & Marefchal de
France. Ce fut fur luy que les
Eſpagnols ſurprirent cette
Ville en 1595. Ils la fortifie38
IV. P. du Voyage
:
rent , y entretinrentunegroffe
Garnifon , & elle paffoit
pour une Place imprenable ,
mais elle ne l'a pas efté
pour LOUIS LE GRAND ,
qui apres avoir pris la Ville en
peu de jours, força laCitadelleà
ſe rendre le 16. Mars 1677.
La grande Citadelle qui eſt ſur
un lieu éminent , commande
toute la Ville , & a ſes foſſez
taillez dans le roc. Ceux qui
entourent les murailles de la
Ville ſont profonds & larges,
& ces murailles ſont reveſtuës
de bons Baſtions . Cambray
eſt defendu par un Fort du
des Amb. de Siam. 39
côté de la Riviere , & comme
la Ville eſt dans un Pays afſez
bas de ce côté-là , on en
pourroit inonder les environs
eny lâchant les Ecluſes ; les
autres Forts ſont auſſi tresimportans
. De grandes & belles
ruës aboutiſſent à la Place
où eſt la Maiſon de Ville .
C'eſt un magnifique Bâtiment
orné d'une Horloge tres-curieuſe
, que les Eſtrangers y
vont admirer. Male Comte
de Monbron , Gouverneur de
cette Place, envoya la Cavale.
rie au devant des Ambaffadeurs
juſques à moitié che
40 IV . P. du Voyage
mın de Valencienues. Ils trou
verent en approchant de la
Ville une fort grande quantité
de Peuple , & M. le Comte
de Monbron qui les attendoit
à la porte. Ils entreren
au bruit du Canon , & au tra
vers de l'Infanterie de laGar
nifon qui formoit deux haye
juſqu'à leur logis , au devan
duquel toute cette Infanterie
fit une décharge fi-tôt qu'ils
y furent arrivés. Ma le Comte
de Monbron s'y rendit peu
de temps aprés , & leur preſenta
Mdu Magiftrat , &
M Defgruſeliers , premier
Confeiller
des Amb. de Siam. 41
Conſeiller Penfionnaire , en
Robe , & Bonnet de velours
noir , qui leur fit le diſcours
fuivant.
MESSEIGNEURS,
L'honneur que la France vient
de recevoir par l' Ambaffade que le
trés-puiffantRoy de Siam a envoyée
à nostre invincible Monarque, fait
bien voir que l'éclat de fes Vertus
héroïques a prévalufur celuy defes
trésors & de ses finances. En effet,
la charmante conduite que Sa Ma
jefté tient pour gouvernerses peuples
, donne de l'admiration à toute
la terre , & ce n'est pas fans fujet
que le Roy vostre Maistre a voulu
Sefaire instruire de fes belles maxi-
D
42 IV. P. du Voyage
mes pour s'en fervir à l'égard de
fes Sujets , & les rendre heureux
par l'administration de la Iustice.
Cette Ambaſſade, Meßeigneurs, eft
d'autant plus celebre qu'elle s'eft
faite de la part du plus puiſſant
Roy de l'orient , au plus glorieux
Monarque de l'Europe ; &fi l'on
confulte l'Histoire , il ne s'est rien
vû de pareil depuis plusieurs fiecles,
fi ce n'est lorſque Charlemagne
, premier Empereur du Nom
François , ayant humilié l'infolence
l'impieté des Lombards, &affeuré
le Souverain Pontife Adrien I.
dansfon Pontificat, receut de luy la
Couronne Imperiale,&peu de temps
aprés les Ambaſſades des Rois de
Perse & de Fez , Celle que vos
Excellences viennent de faire , s'a
dreſſe à Louis le Grand, digne he-
7
des Amb. de Siam. 43.
ritier des Vertas de ce faint Empereur
, pour avoir donné la paixó
le repos à toute la Chreftienté , &
chaßé de ses Estats les Heresies de
Luther & de Calvin .
Heureux les Peuples qui vivent
Sous cette agreable domination ,
plus heureux encore ceux du grand
Roy de Siam , si profitant des travaux
& des lumieres que vos Excellences
leur donneront, ils parviennent
àla connoiſſance du grandRoy
du Ciel & de la Terre, &joüiffent
du bonheur d'estre gouvernez avec
La mefme douceur, que la bonté de
nostre grand Roy fait goûter àses
fidelles Sujets. C'est à cette fin que
nous leur adreſſons leſouhait duPoëte,
Vivite fælices, quibus eſt fortuna peracta,
Vobis parta quics eft, nullum jam æquor arang
dum,
/
Di
44 IV. P. du Voyage
Loüiffez , Peuples de Siam, de la
douceur du repos, puisque vos illuftres
Ambassadeurs vont repaffer les
mers pourvous porter les belles maximes
d'y parvenir & vous rendre
keureux dans la fuite de tous les
temps. C'est leſouhait que font avec
beaucoup de respect &de tendreſſe,
à vos Excellences , le Magistrat &
Peuple de la Ville de Cambray.
Cette harangue fut ſuivie
du preſent d'une Medaille
d'or du poids de vingt-ſept
piſtoles , dont la face droite
repreſente le Roy avec ces
mots Ludovico Victore
Pacis datore. La Ville de Cambray
paroift au revers avec
د
desAmb. de Siam. 45
ces paroles dulcius vivimus.
Toutes ces Lettres font numerales
hormis la lettre S , &
font enſemble l'an 1678. qui
fuit celle de la reduction de
cette Place en l'obeïſſance du
Roy , & dans laquelle ces
Peuples comencerent à reſſentir
les douceurs du Gouvernement
de Sa Majesté , ainſi
qu'ils le publient par le revers
de la Medaille qu'ils ont
eux-meſmes fait frapper.Cette
Medaille avoit eſté preſentée
au Roy en 1678. au
nom de la Ville de Cambray
par M Defgrufeliers , qui
r
46 IH. P. du Voyage
bien qu'il en ſoit l'Autheur ,
n'a cherché qu'à exprimer les
fentiments du Peuple. Lors
qu'ik la preſenta aux Ambaffadeurs
, il leur dit que cette
Medaille fervoit de preuve incontestable
de la fatisfaction que
Le Peuple de Cambray avoit
d'eftre au nombre des Sujets du
Roy, & qu'ils souhaitoient que
tous les Peuples du Monde en
puffent estre informés.
Le Diſtique ſuivant eſtoit
dansl'envelope de laMedaille.
Vicifti , Princeps , Vrbi pacemque dediſti
Qui Rex &Pater es , dulcius eße dabis.
des Amb. de Siam. 47
,
On preſenta enfuite aux
Ambaſſadeurs trois pieces de
toile tres-fine , de la fabrique
de Cambray & nommée
dans le Commerce , Toile de
Cambray depuis pluſieurs Siecles.
L'Ambaſſadeur répondit
que le Roy leur avoit fait
rendre de grands honneurs , en
les faiſant recevoir magnifiquement
dans tous les lieux où ils
avoient paffé ; qu'on leur avoit
montré par fon ordre toutes ses
Maiſons Royales , & tout ce
que ce Monarque a de plus curieux
; qu'on leur avoit fait voir
une partie de ſes Conquestes , où
48 IV . P. du Voyage
l'on n'avoit rien oublié pour leur
marquer l'estime qu'on a pour
le Roy leur Maître , à qui ils
feroient à leur retour un recit
fidelle de tous les honneurs qu'ils
avoient receus , & qu'ils n'oublieroient
pas de luy remettre entre
les mains la Medaille repre-
Sentant Sa Majesté, &la Ville
de Cambray , afin que la memoire
en fûtconfervée chez eux
pendant tous les Siecles à venir.
Ils ajoûterent qu'ils eftimoient
cette Medaille plus d'un million,
&aprés avoir remercié Ms
duMagiftrat, de l'exactitude
avec laquelle ils leur rendoier
tant
des Amb. de Siam. 49
d'honneurs , le premier Ambaffadeur
demanda une Co
pie de la harangue qui leur
venoit d'eſtre faite , afin , ditil
, qu'ils la puſſent admirer avec
reflexion . M l'Archevef
que de Cambray les vint
voir le meſme ſoir , ils en témoignerent
beaucoup de
joye , parce qu'ils avoient
oüy parler de ſon grand merite
, & qu'ils ont beaucoup
de confideration pour les perſonnes
de ſon caractere. Ils
avoient avec eux deux Interpretes,
dont l'un s'eſt mis depuis
pluſieurs années dans la
E
So IV. P. du Voyage
Miffion qui s'eſt établie à
Siam ; il eſt déja dans les
Ordres ; il parle bien François
, & encore mieux Latin
&ſe nomme M Antoine.M
l'Archeveſque de Cambray
qui en avoit oüy dire beaucoup
de bien, l'émena ſouper
avec luy,&le fit coucher dans
l'Archeveſché. Il luy demanda
quantité de choſes touchant
le Royaume de Siam,
&fut tres-content de ſes réponſes
. Ce Prélat luy donna
un Chapelet avec des Medailles
d'or.
Aprés qu'il eut quitté les
des Amb. de Siam. st
Ambaſſadeurs, M¹ le Comte
de Monbron leur demanda
l'ordre , & ils donnerent
pour mot , Fidelle à fon
choix , ce qui marque que
ce Comte fert le Roy avec
beaucoup d'ardeur & de
fidelité , & qu'il ne dément
point la bonne opinion que
Sa Majefté a euë de luy, en
commençant à reconnoiſtre
ſon merite& ſes ſervices, dans
un âge ou beaucoup d'autres
ne font pas en eſtat de recevoir
ſi- toſt de ſi glorieuſes
recompenfes . Il ſoupa le foir
avec les Ambaſſadeurs , &
Eij
52 IV. P. duVoyage
quoy que toute la Ville fou
haitaſt de les voir manger , la
curioſité des Dames fut ſeule
fatisfaite.
Le lendemain matin , M
le Comte de Monbron leur
envoya quatre Carroffes. Ils
ſe mirent dedans. Lorſqu'ils
furent fortis de la Ville, ils
trouverent des Chevaux que
ce même Comte leur avoit
fait tenir preſts. Ils monterent
deſſus, &viſirerent les
Fortifications avec M de
Monbron & l'Ingenieur qui
tenoit le Plan. On leur fie
voir toutes les Fortifications,
desAmb. de Siam. 53
tous les ouvrages avancez, &
meſme ceux qui n'eſtoient
que commencez. Ils ſe recrierent
de nouveau ſur la grandeur
du Roy , ayant vû non
ſeulement des Ouvriers par
tout , mais auffi en grand
nombre , & travaillant à de
grands ouvrages. Ils remonterent
enfuite en carroffe , &
allerent à la Citadelle, où M
duTilleul qui en eſt Gouverneur
, les attendoit avec les
Officiers majors. Ils y furent
receus comme ils l'avoient
eſté dans les autres Citadelles.
La Compagnie des Cadets
r
E iij
34 IV. P. duVoyage
eſtoit en bataille . L'Ambaf
fadeur qui avoit déja pris
beaucoup de plaifir à en voir
en d'autres Villes , dit que fi
Le Roy estoit plus grand en puiffance
que les autres Monarques,
il l'estoit auſſi en vertu ; qu'il
donnoit du pain à la jeuneNobleſſe
dés l'enfance , & qu'il en
donnoit à ceux qui devenoient
des , foit par de groſſes re
compenses ,foit par des places
dans le lieu qu'il avoit étably
pour les loger ; & qu'ainsi ils
estoient affeurez d'avoir dequoy
vivre, &dans leur jeunesse, &
dans leur vieilleffe. Ils firent le
:
des Amb. de Siam. 55
tour de la Citadelle, & admirerent
la hauteur & la profondeur
des Bastions, ne pouvant
comprendre comment
on avoit pû ſe rendre maiftre
d'une Place fi forte. Le
premier Ambaſſadeur dit que
s'il estoit dans une Place pareille
avec des Troupes Françoiſes,
il ne croyoit pas qu'onfongeast
àl'attaquer. Pendant qu'ils eftoient
ſur les ramparts de la
Citadelle, on fit venir ſur l'EC
planade qui eſt entre la Ville
& la Citadelle , une Compagnie
de Cadets . Ils firent l'exercice;
mais comme le jour
E iiij
56 IV. P. du Voyage
commençoit à finir , & qu'ils
avoient refolu d'aller voir
M l'Archeveſque , l'Ambaffadeur
dit qu'il estoit accoutumé
à voir de la Noblesse &des
Troupes , mais qu'il ne verroit
pas par tout des Archevesques
comme celuy de Cambray. Ils
allerent dans fon Eglife , où
ils le trouverent à la teſte de
ſon Chapitre. Aprés le compliment
de ce Corps, lesAmbaſſadeurs
ne voulurent point
avancer que M'l'Archevefque
ne paſſaſt devant eux, &
luy dirent qu'ils avoient oüy
parlerdefa pieté&desagran
des Amb. de Siam. 57
deur, de toutes manieres. Ce Prélat
leur fit voir tout ce qu'il
y avoit de plus curieux dans
fon Eglife , & leur en fit entendre
la Muſique & les Orgues.
Il voulut enfuire les reconduire
juſques à la porte,
quoyque les Ambaſſadeurs
s'efforçaſſent de ren empefcher
, ne croyant pas qu'il ſe
dûſt donner ces ſoins.Quand
ils furent de retour chez eux,
le Major alla prendre le mot
& on luy donna , Il achevera
fon Ouvrage. Ce mot regarde
le Roy & Me le Comte de
Monbron; & ce n'eft pas à
58 IV. P. du Voyage
moy à raiſonner là- deſſus .
aller coucher àCambray
, & leur fortie fut auffi
éclatante qu'avoit eſté leur en
des Amb. de Siam. 35
:
trée. Cambray eſt une des plus
fortes Villes de l'Europe. Elle
eſt grande , belle , bien bâtie
, & fituée fur l'Elcaut qui
la traverſe d'un coſté. Elle
a double Citadelle. L'Egliſe
Metropolitaine de Notre-
Dame eſt tres - magnifique .
Son Chapitre eft compoſé de
48. Chanoines , & de 95. Eccleſiaſtiques
qui fervent dans
cette Eglife. L'Eveſché qui
avoit efté uny à celuy d'Arras
juſqu'à l'an 1095. fut erigé en
Archeveſché en 1559. par le
Pape Paul II. On tient que
Clodion conquit cette Villa
36 IV. P. du Voyage
en 445. Apres avoir eſté le
partage de Charles le Chauve
en 843. elle devint le ſujet de
la Guerre entre les Rois de
France , les Empereurs & les
Comtes de Flandre. Baudoüin
I. Comte de Flandre , l'ayant
prife & donnée à fon Fils Raoul
, les Empereurs ne laiſſerent
point de la declarer Cité
libre , fans que les François
cedaffent leurs droits . Charles
Quint ne voulut point s'en
tenir à la neutralité que le Roy
François I. luy avoit accordée.
Cet Empereur la prit en 1543 .
&fit bâtir une Citadelle aux
des Amb de Siam. 37
dépens des Habitans , auf
quels il fit croire que c'eſtoit
pour empêcher que les François
ne s'en emparaffent. Le
Duc d'Alençon Frere du Roy
Henry III . ayant eſté fait
Comte de Flandre, fut auffi
Maiſtre de Cambray. Il remit
cette Place à Jean de Montluc
Seigneur de Balagny , qui
prit le party de la ligue , &
fit enſuite ſa Paix avec le Roy
Henry IV. qui le fit Prince de
Cambray , & Marefchal de
France. Ce fut fur luy que les
Eſpagnols ſurprirent cette
Ville en 1595. Ils la fortifie38
IV. P. du Voyage
:
rent , y entretinrentunegroffe
Garnifon , & elle paffoit
pour une Place imprenable ,
mais elle ne l'a pas efté
pour LOUIS LE GRAND ,
qui apres avoir pris la Ville en
peu de jours, força laCitadelleà
ſe rendre le 16. Mars 1677.
La grande Citadelle qui eſt ſur
un lieu éminent , commande
toute la Ville , & a ſes foſſez
taillez dans le roc. Ceux qui
entourent les murailles de la
Ville ſont profonds & larges,
& ces murailles ſont reveſtuës
de bons Baſtions . Cambray
eſt defendu par un Fort du
des Amb. de Siam. 39
côté de la Riviere , & comme
la Ville eſt dans un Pays afſez
bas de ce côté-là , on en
pourroit inonder les environs
eny lâchant les Ecluſes ; les
autres Forts ſont auſſi tresimportans
. De grandes & belles
ruës aboutiſſent à la Place
où eſt la Maiſon de Ville .
C'eſt un magnifique Bâtiment
orné d'une Horloge tres-curieuſe
, que les Eſtrangers y
vont admirer. Male Comte
de Monbron , Gouverneur de
cette Place, envoya la Cavale.
rie au devant des Ambaffadeurs
juſques à moitié che
40 IV . P. du Voyage
mın de Valencienues. Ils trou
verent en approchant de la
Ville une fort grande quantité
de Peuple , & M. le Comte
de Monbron qui les attendoit
à la porte. Ils entreren
au bruit du Canon , & au tra
vers de l'Infanterie de laGar
nifon qui formoit deux haye
juſqu'à leur logis , au devan
duquel toute cette Infanterie
fit une décharge fi-tôt qu'ils
y furent arrivés. Ma le Comte
de Monbron s'y rendit peu
de temps aprés , & leur preſenta
Mdu Magiftrat , &
M Defgruſeliers , premier
Confeiller
des Amb. de Siam. 41
Conſeiller Penfionnaire , en
Robe , & Bonnet de velours
noir , qui leur fit le diſcours
fuivant.
MESSEIGNEURS,
L'honneur que la France vient
de recevoir par l' Ambaffade que le
trés-puiffantRoy de Siam a envoyée
à nostre invincible Monarque, fait
bien voir que l'éclat de fes Vertus
héroïques a prévalufur celuy defes
trésors & de ses finances. En effet,
la charmante conduite que Sa Ma
jefté tient pour gouvernerses peuples
, donne de l'admiration à toute
la terre , & ce n'est pas fans fujet
que le Roy vostre Maistre a voulu
Sefaire instruire de fes belles maxi-
D
42 IV. P. du Voyage
mes pour s'en fervir à l'égard de
fes Sujets , & les rendre heureux
par l'administration de la Iustice.
Cette Ambaſſade, Meßeigneurs, eft
d'autant plus celebre qu'elle s'eft
faite de la part du plus puiſſant
Roy de l'orient , au plus glorieux
Monarque de l'Europe ; &fi l'on
confulte l'Histoire , il ne s'est rien
vû de pareil depuis plusieurs fiecles,
fi ce n'est lorſque Charlemagne
, premier Empereur du Nom
François , ayant humilié l'infolence
l'impieté des Lombards, &affeuré
le Souverain Pontife Adrien I.
dansfon Pontificat, receut de luy la
Couronne Imperiale,&peu de temps
aprés les Ambaſſades des Rois de
Perse & de Fez , Celle que vos
Excellences viennent de faire , s'a
dreſſe à Louis le Grand, digne he-
7
des Amb. de Siam. 43.
ritier des Vertas de ce faint Empereur
, pour avoir donné la paixó
le repos à toute la Chreftienté , &
chaßé de ses Estats les Heresies de
Luther & de Calvin .
Heureux les Peuples qui vivent
Sous cette agreable domination ,
plus heureux encore ceux du grand
Roy de Siam , si profitant des travaux
& des lumieres que vos Excellences
leur donneront, ils parviennent
àla connoiſſance du grandRoy
du Ciel & de la Terre, &joüiffent
du bonheur d'estre gouvernez avec
La mefme douceur, que la bonté de
nostre grand Roy fait goûter àses
fidelles Sujets. C'est à cette fin que
nous leur adreſſons leſouhait duPoëte,
Vivite fælices, quibus eſt fortuna peracta,
Vobis parta quics eft, nullum jam æquor arang
dum,
/
Di
44 IV. P. du Voyage
Loüiffez , Peuples de Siam, de la
douceur du repos, puisque vos illuftres
Ambassadeurs vont repaffer les
mers pourvous porter les belles maximes
d'y parvenir & vous rendre
keureux dans la fuite de tous les
temps. C'est leſouhait que font avec
beaucoup de respect &de tendreſſe,
à vos Excellences , le Magistrat &
Peuple de la Ville de Cambray.
Cette harangue fut ſuivie
du preſent d'une Medaille
d'or du poids de vingt-ſept
piſtoles , dont la face droite
repreſente le Roy avec ces
mots Ludovico Victore
Pacis datore. La Ville de Cambray
paroift au revers avec
د
desAmb. de Siam. 45
ces paroles dulcius vivimus.
Toutes ces Lettres font numerales
hormis la lettre S , &
font enſemble l'an 1678. qui
fuit celle de la reduction de
cette Place en l'obeïſſance du
Roy , & dans laquelle ces
Peuples comencerent à reſſentir
les douceurs du Gouvernement
de Sa Majesté , ainſi
qu'ils le publient par le revers
de la Medaille qu'ils ont
eux-meſmes fait frapper.Cette
Medaille avoit eſté preſentée
au Roy en 1678. au
nom de la Ville de Cambray
par M Defgrufeliers , qui
r
46 IH. P. du Voyage
bien qu'il en ſoit l'Autheur ,
n'a cherché qu'à exprimer les
fentiments du Peuple. Lors
qu'ik la preſenta aux Ambaffadeurs
, il leur dit que cette
Medaille fervoit de preuve incontestable
de la fatisfaction que
Le Peuple de Cambray avoit
d'eftre au nombre des Sujets du
Roy, & qu'ils souhaitoient que
tous les Peuples du Monde en
puffent estre informés.
Le Diſtique ſuivant eſtoit
dansl'envelope de laMedaille.
Vicifti , Princeps , Vrbi pacemque dediſti
Qui Rex &Pater es , dulcius eße dabis.
des Amb. de Siam. 47
,
On preſenta enfuite aux
Ambaſſadeurs trois pieces de
toile tres-fine , de la fabrique
de Cambray & nommée
dans le Commerce , Toile de
Cambray depuis pluſieurs Siecles.
L'Ambaſſadeur répondit
que le Roy leur avoit fait
rendre de grands honneurs , en
les faiſant recevoir magnifiquement
dans tous les lieux où ils
avoient paffé ; qu'on leur avoit
montré par fon ordre toutes ses
Maiſons Royales , & tout ce
que ce Monarque a de plus curieux
; qu'on leur avoit fait voir
une partie de ſes Conquestes , où
48 IV . P. du Voyage
l'on n'avoit rien oublié pour leur
marquer l'estime qu'on a pour
le Roy leur Maître , à qui ils
feroient à leur retour un recit
fidelle de tous les honneurs qu'ils
avoient receus , & qu'ils n'oublieroient
pas de luy remettre entre
les mains la Medaille repre-
Sentant Sa Majesté, &la Ville
de Cambray , afin que la memoire
en fûtconfervée chez eux
pendant tous les Siecles à venir.
Ils ajoûterent qu'ils eftimoient
cette Medaille plus d'un million,
&aprés avoir remercié Ms
duMagiftrat, de l'exactitude
avec laquelle ils leur rendoier
tant
des Amb. de Siam. 49
d'honneurs , le premier Ambaffadeur
demanda une Co
pie de la harangue qui leur
venoit d'eſtre faite , afin , ditil
, qu'ils la puſſent admirer avec
reflexion . M l'Archevef
que de Cambray les vint
voir le meſme ſoir , ils en témoignerent
beaucoup de
joye , parce qu'ils avoient
oüy parler de ſon grand merite
, & qu'ils ont beaucoup
de confideration pour les perſonnes
de ſon caractere. Ils
avoient avec eux deux Interpretes,
dont l'un s'eſt mis depuis
pluſieurs années dans la
E
So IV. P. du Voyage
Miffion qui s'eſt établie à
Siam ; il eſt déja dans les
Ordres ; il parle bien François
, & encore mieux Latin
&ſe nomme M Antoine.M
l'Archeveſque de Cambray
qui en avoit oüy dire beaucoup
de bien, l'émena ſouper
avec luy,&le fit coucher dans
l'Archeveſché. Il luy demanda
quantité de choſes touchant
le Royaume de Siam,
&fut tres-content de ſes réponſes
. Ce Prélat luy donna
un Chapelet avec des Medailles
d'or.
Aprés qu'il eut quitté les
des Amb. de Siam. st
Ambaſſadeurs, M¹ le Comte
de Monbron leur demanda
l'ordre , & ils donnerent
pour mot , Fidelle à fon
choix , ce qui marque que
ce Comte fert le Roy avec
beaucoup d'ardeur & de
fidelité , & qu'il ne dément
point la bonne opinion que
Sa Majefté a euë de luy, en
commençant à reconnoiſtre
ſon merite& ſes ſervices, dans
un âge ou beaucoup d'autres
ne font pas en eſtat de recevoir
ſi- toſt de ſi glorieuſes
recompenfes . Il ſoupa le foir
avec les Ambaſſadeurs , &
Eij
52 IV. P. duVoyage
quoy que toute la Ville fou
haitaſt de les voir manger , la
curioſité des Dames fut ſeule
fatisfaite.
Le lendemain matin , M
le Comte de Monbron leur
envoya quatre Carroffes. Ils
ſe mirent dedans. Lorſqu'ils
furent fortis de la Ville, ils
trouverent des Chevaux que
ce même Comte leur avoit
fait tenir preſts. Ils monterent
deſſus, &viſirerent les
Fortifications avec M de
Monbron & l'Ingenieur qui
tenoit le Plan. On leur fie
voir toutes les Fortifications,
desAmb. de Siam. 53
tous les ouvrages avancez, &
meſme ceux qui n'eſtoient
que commencez. Ils ſe recrierent
de nouveau ſur la grandeur
du Roy , ayant vû non
ſeulement des Ouvriers par
tout , mais auffi en grand
nombre , & travaillant à de
grands ouvrages. Ils remonterent
enfuite en carroffe , &
allerent à la Citadelle, où M
duTilleul qui en eſt Gouverneur
, les attendoit avec les
Officiers majors. Ils y furent
receus comme ils l'avoient
eſté dans les autres Citadelles.
La Compagnie des Cadets
r
E iij
34 IV. P. duVoyage
eſtoit en bataille . L'Ambaf
fadeur qui avoit déja pris
beaucoup de plaifir à en voir
en d'autres Villes , dit que fi
Le Roy estoit plus grand en puiffance
que les autres Monarques,
il l'estoit auſſi en vertu ; qu'il
donnoit du pain à la jeuneNobleſſe
dés l'enfance , & qu'il en
donnoit à ceux qui devenoient
des , foit par de groſſes re
compenses ,foit par des places
dans le lieu qu'il avoit étably
pour les loger ; & qu'ainsi ils
estoient affeurez d'avoir dequoy
vivre, &dans leur jeunesse, &
dans leur vieilleffe. Ils firent le
:
des Amb. de Siam. 55
tour de la Citadelle, & admirerent
la hauteur & la profondeur
des Bastions, ne pouvant
comprendre comment
on avoit pû ſe rendre maiftre
d'une Place fi forte. Le
premier Ambaſſadeur dit que
s'il estoit dans une Place pareille
avec des Troupes Françoiſes,
il ne croyoit pas qu'onfongeast
àl'attaquer. Pendant qu'ils eftoient
ſur les ramparts de la
Citadelle, on fit venir ſur l'EC
planade qui eſt entre la Ville
& la Citadelle , une Compagnie
de Cadets . Ils firent l'exercice;
mais comme le jour
E iiij
56 IV. P. du Voyage
commençoit à finir , & qu'ils
avoient refolu d'aller voir
M l'Archeveſque , l'Ambaffadeur
dit qu'il estoit accoutumé
à voir de la Noblesse &des
Troupes , mais qu'il ne verroit
pas par tout des Archevesques
comme celuy de Cambray. Ils
allerent dans fon Eglife , où
ils le trouverent à la teſte de
ſon Chapitre. Aprés le compliment
de ce Corps, lesAmbaſſadeurs
ne voulurent point
avancer que M'l'Archevefque
ne paſſaſt devant eux, &
luy dirent qu'ils avoient oüy
parlerdefa pieté&desagran
des Amb. de Siam. 57
deur, de toutes manieres. Ce Prélat
leur fit voir tout ce qu'il
y avoit de plus curieux dans
fon Eglife , & leur en fit entendre
la Muſique & les Orgues.
Il voulut enfuire les reconduire
juſques à la porte,
quoyque les Ambaſſadeurs
s'efforçaſſent de ren empefcher
, ne croyant pas qu'il ſe
dûſt donner ces ſoins.Quand
ils furent de retour chez eux,
le Major alla prendre le mot
& on luy donna , Il achevera
fon Ouvrage. Ce mot regarde
le Roy & Me le Comte de
Monbron; & ce n'eft pas à
58 IV. P. du Voyage
moy à raiſonner là- deſſus .
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Résumé : Leur Entrée à Cambray avec les honneurs qu'ils y ont reçus, les Harangues des Magistrats, & tout ce qu'ils ont vû, fait, & dit. [titre d'après la table]
Le 13, les ambassadeurs quittèrent Cambray après une entrée triomphale. Cambray, une des villes les plus fortes d'Europe, est située sur l'Escaut et possède une double citadelle. L'église métropolitaine de Notre-Dame est majestueuse, avec un chapitre composé de 48 chanoines et 95 ecclésiastiques. L'archevêché, autrefois uni à celui d'Arras jusqu'en 1095, fut érigé en 1559 par le pape Paul IV. La ville a une histoire riche et mouvementée. Elle fut conquise par Clodion en 445 et devint un enjeu de conflits entre les rois de France, les empereurs et les comtes de Flandre. Baudouin Ier de Flandre la prit et la donna à son fils Raoul, mais les empereurs la déclarèrent cité libre. Charles Quint la conquit en 1543 et y fit construire une citadelle. Le duc d'Alençon, frère du roi Henri III, fut maître de Cambray et la remit à Jean de Montluc, qui prit le parti de la Ligue avant de faire la paix avec Henri IV. Les Espagnols surprirent la ville en 1595 et la fortifièrent. Louis XIV la conquit en 1677, forçant la citadelle à se rendre le 16 mars. Cambray est défendue par des fortifications impressionnantes, y compris des fossés taillés dans le roc et des bastions. La ville accueillit les ambassadeurs de Siam avec une grande cérémonie, incluant un discours et des présents, comme une médaille d'or et de la toile fine. Les ambassadeurs visitèrent les fortifications et exprimèrent leur admiration pour la puissance et la vertu du roi de France. Ils rencontrèrent également l'archevêque de Cambray, qui leur montra les curiosités de son église.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 78-95
Saint-Quentin. [titre d'après la table]
Début :
C'est une Ville sur la Somme, Capitale du Pays de [...]
Mots clefs :
Saint-Quentin, Ville, Roi, Gouverneur, Chevaliers de la couronne, Ambassadeurs, Abancourt, Bourgeois, Décharge, Carrosse, Place, France, Pradel, Arquebuses, Fenêtres, Cavalerie, Somme, Vermandois
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texteReconnaissance textuelle : Saint-Quentin. [titre d'après la table]
C'eſt une Ville ſur
la Somme , Capitale du Pays
de Vermandois en Picardie.
Elle eft grande & bien peuplée
, & on y fait diverſes
Manufactures . Elle a eſté aux
Comtes de Vermandois , &
le Roy Philippe Auguſte
l'ayant réünie à la Couronne
, elle fut depuis engagée
aux Ducs de Bourgogne;
mais elle en a toûjours eſté
retirée avec les autres Villes
fur la Somme, Philibert Ema
des Amb. de Siam. 79
nuel Duc de Savoye , Gouverneur
des Pays-bas, l'ayant
affiegée pour Philippe II.
Roy d'Eſpagne, le Conneſtable
de Montmorency y jetta
quelque ſecours. Il fut attaqué
dans ſa retraite , & fait
prifonnier avec les Ducs de
Montpenfier & de Longueville
, Loüis de Gonzague,
depuis Duc de Nevers , le
Maréchal de S. André , dix
Chevaliers de l'Ordre, & trois
cens Gentilshommes. Cette
Bataille qui fut donnée le 10.
Aouſt 1557. coûta beaucoup
de fang aux François. Jean
Giiij
80 IV. P.du Voyage
de Bourbon, Duc d'Anguien,
fut trouvé parmy les morts.
Les Ennemis , ſans fonger à
profiter de l'avantage qu'ils
venoient de remporter, s'arrefterent
au Siege de Saint-
Quentin, où le Roy Philippes
vint le 27. d'Aouſt. L'Amiral
Coligny qui deffendoit cette
Place , ayant trop tardé à
capituler , la fit ſauter par
cinq bréches , & fut fait prifonnier.
Elle fut rendue à
la France en 1559. par la Paix
de Cateau - Cambreſis . M
d'Abancourt , Lieutenant de
Roy de cette Ville , en fit
r
des Amb. de Siam . 81
les honneurs, en l'absence de
M le Marquis de Pradel ,
Lieutenant general des Armées
du Roy , qui en eft
Gouverneur. Il fortit de Saint
Quentin , dans un Carroſſe
precedé d'une partie des Gardes
de M. de Pradel , tous
bien montez , ainſi que les
Chevaliers de la Couronne,
& de la Jeuneffe , qui l'accompagnoient.
Ils avoient
des Plumes blanches, & eftoient
tous fort leſtement
veſtus , & conduits par leurs
Capitaines. Il y avoit auffi
plus de deux cens notables
82 IV . P. du Voyage
Bourgeois , qui avoient en
teſte Mfs Boutillier &Tabary
, anciens Mayeurs de la
Ville. Ils allerent plus de deux
lieuës au devant des Ambaffadeurs
. M d'Abancourt defcendit
de carroſſe dés qu'il
les eut apperceus , ainſi que
Mt Ainet , Roy de la Couronne
. Cette Compagnie &
celle de la Jeuneſſe , font
composées des jeunes gens
de la Ville , qui s'accoutumant
de bonne heure dans
les Exercices guerriers, ſe difputent
ſouvent des Prix les
uns aux autres , & ces Prix
des Amb. de Siam. 83
font donnez à ceux qui font
voir le plus d'adreſſe. Toutes
ces Troupes, ainſi que les Archers
de la Maréchauffée, faluërent
les Ambaſſadeurs par
une décharge de leurs piftolets,
puis les Chevaliers de la
Couronne environerent leur
Carroſſe l'épée à la main.
Celuy de M d'Abancourt
alloit devant, & eſtoit précedé
de la Maréchauffée. Lors
qu'on fut arrivé à la Porte
de la Ville, le canon des ramparts
ſalüa , comme il avoit
fait par tout ailleurs. LesAmbaſſadeurs
paſſerent au tra
84 III. P. du Voyage
vers d'une double haye de
Bourgeois , dont les ruës eftoient
bordées depuis les
premieres maiſons du Fauxbourg
juſqu'au lieu qui leur
avoit eſté préparé pour leur
logement, & qui estoit gardé
par les deux Compagnies des
Canonniers & Arquebufiers.
Ce logis eftoit fort ſpatieux,
& M de Ville avoient pris
foin de le faire meubler. Ils
avoient fait mettre au deſſus
de la Porte les Armes du Roy
de Siam , qui brilloient extrémement
par les ornemens
dont elles eftoient environ
des Amb. de Siam. 85
nées . LesAmbaſſadeurs eſtant
arrivez à la porte de ce logis,
on fit une décharge de quarante
Arquebuſes à croc , qui
eſtoient aux feneſtres de la
Maiſon de Ville, vis-à-vis de
l'Hoſtel qu'on avoit fait préparer
pour eux ; de forte qu'ils
les entendirent & les virent
de leurs feneftres . Peu de
temps aprés les Mayeur &
Eſchevins en Corps, précedez
de leurs quatre Huiffiers à
longues robbes , & fuivis de
huit autres de robbe courte,
qui portoient lesVins de prefent,
vinrent les complimen
86 IV. P. du Voyage
r
ter. La parole fut portée par
M Rohart , Advocat , &
Mayeur de la Ville. L'Ambaſſadeur
répondit qu'ils eftoient
fort redevables àM*s de
Saint-Quentin des honnestetez
qu'ils leur faisoient,&de l'esti
me qu'ils marquoient pour le
Roy de Siam: Qu'ils auroient
voulu avoir occafion de fervir
la Ville , en revanche de l'honneur
qu'ils en recevoient ; &
qu'ils s'eſtonnoient de voir de ſi
belle Cavalerie , & de fi belle
Infanterie , dans une Place où
il n'y avoit point de Garnison.
L'Infanterie ayant enſuite
des Amb. de Siam. 87
paffé devant leur logis , où
elle fit une décharge, lesAmbaſſadeurs
prierent Mas de
Ville de la renvoyer , & leur
firent de nouveaux remercîmens.
Enſuite le Chapitre
Royal de Saint-Quentin les
vint ſaluër en Corps , & leur
fit auſſi ſes Preſens en particulier
; ce qui merite d'eftre
remarqué , puiſque ce n'eſt
pas une choſe ordinaire aux
Chapitres. M. l'Abbé Gobinet
, Eſcolaſtre & Docteur
en Theologie , parla en l'abfence
de M. de Maupeou,
Doyen , nommé à l'Eveſché
88 IV. P. du Voyage
de Caſtre . L'Ambaſſadeur ré
pondit , qu'ils estoient fort obli
gezà cette Compagnie des honneſtetez
qu'elle venoit leurfaire
; qu'ils sçavoient de quelle
importance estoit le Chapitre de
Saint-Quentin , puiſqu'il avoit
l'honneur d'avoir un des plus
grands Rois de la terre pourfon
premier Chanoine , & qu'il eftoit
Gardien depuis pluſieurs fiecles
du Corps d'un glorieux
Martyr , & qui avoit tant
fouffert; que la modeſtie qu'il
voyoit paroiſtre ſur le visage de
tous les Chanoines , leur estoit
une preuve évidente de la bondes
Amb . de Siam. 89
téde laReligion Chreftienne; que
le Roy de Siam leur Maistre,
qui avoit une eſtime trés-particuliere
pour le Roy de France,
confideroit tous ceux de ſa Religion,
protegeoit dasfonRoyaume
, les Evesques , les Prestres,
les Miffionnaires, pour lefquels
il avoit fait bastir des
Eglifes. Il leur demanda qu'ils
vouluſſent bien prier pour le
Peuple de Siam ; & tous les
Chanoines eſtant enſuite pafſez
devant luy , il les falia
tous chacun en particulier.
Aprés cela ils receurent les
complimens de Mts du Bail
H
90 IV. P. du Voyage
lage , de la Prevoſté, de l'Election
& du Grenier à Sel,
qui tous enſemble ne firent
qu'un Corps. Ces complimens
eſtant achevez, Mª d'Abancourt
leur demanda l'ordre,
& l'Ambaſſadeur donna
pour mot, Plus chargé de lauriers
que d'années, faiſant alluſion
aux grands ſervices de
M. le Marquis de Pradel ,
Gouverneur de S. Quentin,
qui a receu beaucoup de
bleſſeures pendant les Campagnes
qu'il a faites. Mrs de
Ville firent illuminer le ſoir
les feneftres de leur Hoſtel,
r
desAmb. de Siam. gr
qui donnoient vis-à-vis de
celuy où les Ambaſſadeurs
eſtoient logez ; ce qui éclairoit
la grande Place, qui eft
une des plus ſpacieuſes , des
plus regulieres & des plus
belles de France. Toute la
Ville fut auffi illuminée , les
ordres ayant eſté donnez de
mettre des lanternes à toutes
les feneftres .On foupa à l'ordinaire.
L'Afſſemblée fut remarquable
, & les Ambaſſadeurs
trouverentque le nombre
des Dames eſtoit grand
à S. Quentin , & qu'il y en
avoir beaucoup de belles,
Hij
92 IV. P. du Voyage
On leur donna les Violons
aprés foupé, & quand ils eurent
joüé longtemps , ils ſe
mêlerent aux Trompettes des
Chevaliers de la Couronne,
avec lesquels ils s'eſtoient
concertez ; & les plaiſirs de
cette ſoirée finirent par le
bruit de la décharge d'un
grand nombre d'Arquebuſes
à croc , qui estoient à l'Hoftel
de Ville. Le lendemain 17.
quelques Mandarins &quelques
Secretaires allerent par
ordre des Ambaſſadeurs, à la
grande Eglife , afin de leur
faire rapport de ce qu'ils ver
des Amb de Siam. 93
1
roient pour l'écrire enfuite,
comme ils ont fait dans tous
les lieux où ils ont eſté. Ils
trouverent cetre Eglife trésbelle
, tant pour ſa grandeur
que pour ſa conſtruction. Sur
les neuf heures du matin les
Ambaſſadeurs ayant achevé
de déjeuner , les Mayeur &
Eſchevins leur vinrent encore
faire compliment par
la bouche de M Rochart.
L'Ambaſladeur leur marqua
avec les termes les plus ohligeans
& les plus forts, qu'on
ne pouvoit eſtre plus content
qu'ils l'eſtoient de la
94 IV. P. du Voyage
Ville & de luy. Comme ils
avoient defiré d'entendre les
Cloches de la grande Eglife
avant leur départ, ils ſe mirent
à la feneſtre , & on les
fit ſonner à volée, & enſuite
carillonner. Ils furent aprés
falüez des Arquebuſes de
'Hoſtel de Ville , qu'ils avoient
déja veuës & entenduës
avec plaifir, & partirent
precedez des Chevaliers de la
Couronne avec leurs Etendarts
, leurs Trompettes , &
tout ce qui peut marquer des
Troupes reglées , dont ils avoient
l'air. Il y avoit auffi
desAmb. de Siam. 95
plus de deux cens Bourgeois
à cheval', & toute cette Cavalerie
eſtant jointe à la mareſchauffée
, paroiſſoit fort
nombreuſe. Ils pafferent entre
deux hayés de Bourgeois
ſous les armes , ainſi qu'ils
avoient fait en entrant. Le
canon tira à leur fortie , &
la Cavalerie qui les accompagnoit
, ne les quitta qu'à
plus de deux lieuës de laVil-
Ie.
la Somme , Capitale du Pays
de Vermandois en Picardie.
Elle eft grande & bien peuplée
, & on y fait diverſes
Manufactures . Elle a eſté aux
Comtes de Vermandois , &
le Roy Philippe Auguſte
l'ayant réünie à la Couronne
, elle fut depuis engagée
aux Ducs de Bourgogne;
mais elle en a toûjours eſté
retirée avec les autres Villes
fur la Somme, Philibert Ema
des Amb. de Siam. 79
nuel Duc de Savoye , Gouverneur
des Pays-bas, l'ayant
affiegée pour Philippe II.
Roy d'Eſpagne, le Conneſtable
de Montmorency y jetta
quelque ſecours. Il fut attaqué
dans ſa retraite , & fait
prifonnier avec les Ducs de
Montpenfier & de Longueville
, Loüis de Gonzague,
depuis Duc de Nevers , le
Maréchal de S. André , dix
Chevaliers de l'Ordre, & trois
cens Gentilshommes. Cette
Bataille qui fut donnée le 10.
Aouſt 1557. coûta beaucoup
de fang aux François. Jean
Giiij
80 IV. P.du Voyage
de Bourbon, Duc d'Anguien,
fut trouvé parmy les morts.
Les Ennemis , ſans fonger à
profiter de l'avantage qu'ils
venoient de remporter, s'arrefterent
au Siege de Saint-
Quentin, où le Roy Philippes
vint le 27. d'Aouſt. L'Amiral
Coligny qui deffendoit cette
Place , ayant trop tardé à
capituler , la fit ſauter par
cinq bréches , & fut fait prifonnier.
Elle fut rendue à
la France en 1559. par la Paix
de Cateau - Cambreſis . M
d'Abancourt , Lieutenant de
Roy de cette Ville , en fit
r
des Amb. de Siam . 81
les honneurs, en l'absence de
M le Marquis de Pradel ,
Lieutenant general des Armées
du Roy , qui en eft
Gouverneur. Il fortit de Saint
Quentin , dans un Carroſſe
precedé d'une partie des Gardes
de M. de Pradel , tous
bien montez , ainſi que les
Chevaliers de la Couronne,
& de la Jeuneffe , qui l'accompagnoient.
Ils avoient
des Plumes blanches, & eftoient
tous fort leſtement
veſtus , & conduits par leurs
Capitaines. Il y avoit auffi
plus de deux cens notables
82 IV . P. du Voyage
Bourgeois , qui avoient en
teſte Mfs Boutillier &Tabary
, anciens Mayeurs de la
Ville. Ils allerent plus de deux
lieuës au devant des Ambaffadeurs
. M d'Abancourt defcendit
de carroſſe dés qu'il
les eut apperceus , ainſi que
Mt Ainet , Roy de la Couronne
. Cette Compagnie &
celle de la Jeuneſſe , font
composées des jeunes gens
de la Ville , qui s'accoutumant
de bonne heure dans
les Exercices guerriers, ſe difputent
ſouvent des Prix les
uns aux autres , & ces Prix
des Amb. de Siam. 83
font donnez à ceux qui font
voir le plus d'adreſſe. Toutes
ces Troupes, ainſi que les Archers
de la Maréchauffée, faluërent
les Ambaſſadeurs par
une décharge de leurs piftolets,
puis les Chevaliers de la
Couronne environerent leur
Carroſſe l'épée à la main.
Celuy de M d'Abancourt
alloit devant, & eſtoit précedé
de la Maréchauffée. Lors
qu'on fut arrivé à la Porte
de la Ville, le canon des ramparts
ſalüa , comme il avoit
fait par tout ailleurs. LesAmbaſſadeurs
paſſerent au tra
84 III. P. du Voyage
vers d'une double haye de
Bourgeois , dont les ruës eftoient
bordées depuis les
premieres maiſons du Fauxbourg
juſqu'au lieu qui leur
avoit eſté préparé pour leur
logement, & qui estoit gardé
par les deux Compagnies des
Canonniers & Arquebufiers.
Ce logis eftoit fort ſpatieux,
& M de Ville avoient pris
foin de le faire meubler. Ils
avoient fait mettre au deſſus
de la Porte les Armes du Roy
de Siam , qui brilloient extrémement
par les ornemens
dont elles eftoient environ
des Amb. de Siam. 85
nées . LesAmbaſſadeurs eſtant
arrivez à la porte de ce logis,
on fit une décharge de quarante
Arquebuſes à croc , qui
eſtoient aux feneſtres de la
Maiſon de Ville, vis-à-vis de
l'Hoſtel qu'on avoit fait préparer
pour eux ; de forte qu'ils
les entendirent & les virent
de leurs feneftres . Peu de
temps aprés les Mayeur &
Eſchevins en Corps, précedez
de leurs quatre Huiffiers à
longues robbes , & fuivis de
huit autres de robbe courte,
qui portoient lesVins de prefent,
vinrent les complimen
86 IV. P. du Voyage
r
ter. La parole fut portée par
M Rohart , Advocat , &
Mayeur de la Ville. L'Ambaſſadeur
répondit qu'ils eftoient
fort redevables àM*s de
Saint-Quentin des honnestetez
qu'ils leur faisoient,&de l'esti
me qu'ils marquoient pour le
Roy de Siam: Qu'ils auroient
voulu avoir occafion de fervir
la Ville , en revanche de l'honneur
qu'ils en recevoient ; &
qu'ils s'eſtonnoient de voir de ſi
belle Cavalerie , & de fi belle
Infanterie , dans une Place où
il n'y avoit point de Garnison.
L'Infanterie ayant enſuite
des Amb. de Siam. 87
paffé devant leur logis , où
elle fit une décharge, lesAmbaſſadeurs
prierent Mas de
Ville de la renvoyer , & leur
firent de nouveaux remercîmens.
Enſuite le Chapitre
Royal de Saint-Quentin les
vint ſaluër en Corps , & leur
fit auſſi ſes Preſens en particulier
; ce qui merite d'eftre
remarqué , puiſque ce n'eſt
pas une choſe ordinaire aux
Chapitres. M. l'Abbé Gobinet
, Eſcolaſtre & Docteur
en Theologie , parla en l'abfence
de M. de Maupeou,
Doyen , nommé à l'Eveſché
88 IV. P. du Voyage
de Caſtre . L'Ambaſſadeur ré
pondit , qu'ils estoient fort obli
gezà cette Compagnie des honneſtetez
qu'elle venoit leurfaire
; qu'ils sçavoient de quelle
importance estoit le Chapitre de
Saint-Quentin , puiſqu'il avoit
l'honneur d'avoir un des plus
grands Rois de la terre pourfon
premier Chanoine , & qu'il eftoit
Gardien depuis pluſieurs fiecles
du Corps d'un glorieux
Martyr , & qui avoit tant
fouffert; que la modeſtie qu'il
voyoit paroiſtre ſur le visage de
tous les Chanoines , leur estoit
une preuve évidente de la bondes
Amb . de Siam. 89
téde laReligion Chreftienne; que
le Roy de Siam leur Maistre,
qui avoit une eſtime trés-particuliere
pour le Roy de France,
confideroit tous ceux de ſa Religion,
protegeoit dasfonRoyaume
, les Evesques , les Prestres,
les Miffionnaires, pour lefquels
il avoit fait bastir des
Eglifes. Il leur demanda qu'ils
vouluſſent bien prier pour le
Peuple de Siam ; & tous les
Chanoines eſtant enſuite pafſez
devant luy , il les falia
tous chacun en particulier.
Aprés cela ils receurent les
complimens de Mts du Bail
H
90 IV. P. du Voyage
lage , de la Prevoſté, de l'Election
& du Grenier à Sel,
qui tous enſemble ne firent
qu'un Corps. Ces complimens
eſtant achevez, Mª d'Abancourt
leur demanda l'ordre,
& l'Ambaſſadeur donna
pour mot, Plus chargé de lauriers
que d'années, faiſant alluſion
aux grands ſervices de
M. le Marquis de Pradel ,
Gouverneur de S. Quentin,
qui a receu beaucoup de
bleſſeures pendant les Campagnes
qu'il a faites. Mrs de
Ville firent illuminer le ſoir
les feneftres de leur Hoſtel,
r
desAmb. de Siam. gr
qui donnoient vis-à-vis de
celuy où les Ambaſſadeurs
eſtoient logez ; ce qui éclairoit
la grande Place, qui eft
une des plus ſpacieuſes , des
plus regulieres & des plus
belles de France. Toute la
Ville fut auffi illuminée , les
ordres ayant eſté donnez de
mettre des lanternes à toutes
les feneftres .On foupa à l'ordinaire.
L'Afſſemblée fut remarquable
, & les Ambaſſadeurs
trouverentque le nombre
des Dames eſtoit grand
à S. Quentin , & qu'il y en
avoir beaucoup de belles,
Hij
92 IV. P. du Voyage
On leur donna les Violons
aprés foupé, & quand ils eurent
joüé longtemps , ils ſe
mêlerent aux Trompettes des
Chevaliers de la Couronne,
avec lesquels ils s'eſtoient
concertez ; & les plaiſirs de
cette ſoirée finirent par le
bruit de la décharge d'un
grand nombre d'Arquebuſes
à croc , qui estoient à l'Hoftel
de Ville. Le lendemain 17.
quelques Mandarins &quelques
Secretaires allerent par
ordre des Ambaſſadeurs, à la
grande Eglife , afin de leur
faire rapport de ce qu'ils ver
des Amb de Siam. 93
1
roient pour l'écrire enfuite,
comme ils ont fait dans tous
les lieux où ils ont eſté. Ils
trouverent cetre Eglife trésbelle
, tant pour ſa grandeur
que pour ſa conſtruction. Sur
les neuf heures du matin les
Ambaſſadeurs ayant achevé
de déjeuner , les Mayeur &
Eſchevins leur vinrent encore
faire compliment par
la bouche de M Rochart.
L'Ambaſladeur leur marqua
avec les termes les plus ohligeans
& les plus forts, qu'on
ne pouvoit eſtre plus content
qu'ils l'eſtoient de la
94 IV. P. du Voyage
Ville & de luy. Comme ils
avoient defiré d'entendre les
Cloches de la grande Eglife
avant leur départ, ils ſe mirent
à la feneſtre , & on les
fit ſonner à volée, & enſuite
carillonner. Ils furent aprés
falüez des Arquebuſes de
'Hoſtel de Ville , qu'ils avoient
déja veuës & entenduës
avec plaifir, & partirent
precedez des Chevaliers de la
Couronne avec leurs Etendarts
, leurs Trompettes , &
tout ce qui peut marquer des
Troupes reglées , dont ils avoient
l'air. Il y avoit auffi
desAmb. de Siam. 95
plus de deux cens Bourgeois
à cheval', & toute cette Cavalerie
eſtant jointe à la mareſchauffée
, paroiſſoit fort
nombreuſe. Ils pafferent entre
deux hayés de Bourgeois
ſous les armes , ainſi qu'ils
avoient fait en entrant. Le
canon tira à leur fortie , &
la Cavalerie qui les accompagnoit
, ne les quitta qu'à
plus de deux lieuës de laVil-
Ie.
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Résumé : Saint-Quentin. [titre d'après la table]
Le texte présente la ville de Saint-Quentin, située sur la Somme et capitale du Pays de Vermandois en Picardie. Cette ville est notable pour sa taille, sa population et ses diverses manufactures. Historiquement, Saint-Quentin a appartenu aux Comtes de Vermandois avant d'être intégrée à la Couronne par le roi Philippe Auguste. Par la suite, elle a été engagée aux Ducs de Bourgogne. En 1557, la ville a été assiégée par Philibert Emmanuel, Duc de Savoie, agissant pour le compte de Philippe II, roi d'Espagne. Lors de la bataille du 10 août 1557, plusieurs nobles français, dont le Connétable de Montmorency, furent capturés. Saint-Quentin fut restituée à la France en 1559 par la Paix de Cateau-Cambrésis. Le texte mentionne également la visite des ambassadeurs de Siam à Saint-Quentin. La ville leur réserva un accueil solennel, avec des honneurs militaires et des réceptions officielles. Les ambassadeurs furent impressionnés par la beauté et l'organisation de la ville. Ils reçurent des compliments du maire, des échevins et du chapitre royal de Saint-Quentin. La ville fut illuminée en leur honneur, et une assemblée remarquable eut lieu, suivie de musique et de salves d'arquebuses. Le lendemain, les ambassadeurs visitèrent la grande église de la ville avant de partir, escortés par une cavalerie nombreuse et des troupes régulières.
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26
p. 95-104
La Fére. [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent le jour mesme coucher à la Fére, forte Place [...]
Mots clefs :
La Fère, Ville, Place, Roi, Marcognet, Ambassadeur, Rivière, Saint-Firmin, Espagnols, Vice-sénéchal
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Fére. [titre d'après la table]
Ils allerent le jour meſme
coucher à la Fére, forte Place
en Picardie ſur la riviere
d'Oyſe. Elle eſt ſituée dans
un pays fort marécageux , &
96 IV. P. du Voyage
entourée de pluſieurs Baftions
& de bons remparts.
Ils font reveſtus de fortes
murailles de brique, & la riviere
en lave le pied. Elle s'y
diviſe en diverſes branches.
Il y a un Château, & la Ville
eft entre deux grands Fauxbourgs
, qu'on appelle de S.
Firmin & de Noſtre-Dame .
Elle tomba ſous la Domination
des Eſpagnols, fur la fin
du dernier fiecle, par la perfidie
de Colas Vice-Seneſchal
de Montelimar. Le marquis
de maignelay , qui en eſtoit
Gouverneur pour la Ligue,
avoir
des Amb . de Siam. 97
avoit promis au Roy Henry
IV. de rentrer dans ſon devoir
, & lors qu'il eſtoit preſt
de tenir parole , il fut affaffiné
au milieu de la Ville, par
ce Vice-Seneſchal à qui le
Duc deMayenne en donna
le Gouvernement. Ce nouveauGouverneur
s'eſtant mis
enfuite du party des Eſpagnols,
leur livra la Fére, & ils
luy en laiſſerent le Domaine
ſous le titre de Comté. Elle
fut bloquée ſur la fin de 1596.
par l'Armée du Roy. On en
commença le Siege au mois
de Mars de l'année ſuivante,
I
98 IV. P. du Voyage
& elle fut renduë aux Fran
çois dans le mois de May.
Colas qui figna à la Capitulation,
y prit le titre de Com
te de la Fére.
LesAmbaſſadeurs trouve
rent à une lieuë de cette
Ville-là , M de la Fontaine,
Major de la Place , que M
Marcognet qui y commande
, avoit envoyé au devant
d'eux avec cent Chevaux.
La Compagnie de la Jeuneſſe
les attendoit ſous les armes,
hors des Portes de la Ville.
M Marcognet les complimenta
à l'entrée du Fauxdes
Amb. de Siam. 99
bourg de S. Firmin , & leur
dit , qu'il venoit affeurer leurs
Excellences de la joye que luy
donnoit l'honneur qu'il avoit de
les recevoir , & leur dire que
les Peuples de la Fere la partageoient
avec luy. Il ajoûta ,
qu'il avoit ordre du Roy de leur
faire voir la Place, les Fortifi
cations, les Magaſins, l'Arcenal
& tout ce qu'il y a de plus curieux
, enforte qu'ils y
deroient, & qu'il ne feroitqu'obéir.
L'Ambaſſadeur , aprés
avoir répondu à fon compliment
en termes fort obligeans
, le pria particulierecomman
Lij
100 IV. P. du Voyage
ment de leur faire voir les
Fortifications & le Plan de la
Place , & le remercia en baiffant
le corps & les bras hors
de fon Carroffe. Ils trouverent
dans le Fauxbourg les
Troupes de la Garniſon & la
Milice de la Ville , qui bordoit
les rües juſqu'au lieu
préparé pour les loger , &
furent receus au bruit du canon.
M de Saint-Canal, l'un
des Capitaines de la Garnifon
, avoit monté la Garde
avec cinquante Hommes, devant
le logis où ils allerent
deſcendre. Ils furent haran
des Amb . de Siam. 101
guez à la Porte de la Ville
par M le Procureur du Roy,
àla teſte de la Juſtice; &lors
qu'ils furent entrez dans la
Ville , Ms les Magiſtrats les
complimenterent. M l'Evef.
que de Laon, Duc & Pair de
France , ſuivy de tout fon
Chapitre, alla leur rendre vifite
chez eux, en habit de ceremonie.
Les Ambaſſadeurs
de prierent à fouper, ainſi que
M Marcognet. Les Dames
feules les virent manger , &
en receurent beaucoup de civilitez
, de fruits & de confitures.
M² Marcognet ayant
I nj
102 IV . P. du Voyage
demandé l'ordre avant le
Soupé, l'Ambaſſadeur donna
pour mot , Iefuis aux Indes,
diſant qu'il avoit obſervé qu'il
estoit dans une Ville toute environnée
d'eau , & qui avoit
du rapport à celle de Siam. Le
Plan de la Place luy ayant
paru forr beau, il le demanda
avec des manieres fi obligeantes
qu'il euſt eſté difficile
de refuſer de le ſatisfaire.
Le lendemain aumatin
M Marcognet eſtant allé
à fon lever, l'Ambaſſadeur
luy montra le Plan qu'il avoit
fait mettre à la ruelle de fon
des Amb. de Siam:
103
lit avec ſon ſabre, & luy dit
qu'ilfaisoit tant de cas du prefent
qu'il avoit bien voulu luy
en faire , qu'il le mettoit avec
ce qu'il avoit de plus pretieux.
Ils partirent à huit heures du
matin , au bruit du canon,
ainſi qu'ils eſtoient entrez .
La Garnifon & les Bourgeois
eftoient encore ſous les armes
. Ils allerent dîner à
Croucy-le-Chaſteau , où M²
de Launay, qui a eſté Exemt
des Gardes du Corps du Roy,
les falüa . Comme ils avoient
ſceu que c'eſtoit un Homme
qui avoittres-bien ſervi,ils lui
I iiij
104 IV. P. du Voyage
r
firent de grandes honneftetez
, & firent l'honneur à M
de Launay fon Fils, de le retenir
à manger avec eux. Ils
prirent enfuite le chemin de
Soiffons .
coucher à la Fére, forte Place
en Picardie ſur la riviere
d'Oyſe. Elle eſt ſituée dans
un pays fort marécageux , &
96 IV. P. du Voyage
entourée de pluſieurs Baftions
& de bons remparts.
Ils font reveſtus de fortes
murailles de brique, & la riviere
en lave le pied. Elle s'y
diviſe en diverſes branches.
Il y a un Château, & la Ville
eft entre deux grands Fauxbourgs
, qu'on appelle de S.
Firmin & de Noſtre-Dame .
Elle tomba ſous la Domination
des Eſpagnols, fur la fin
du dernier fiecle, par la perfidie
de Colas Vice-Seneſchal
de Montelimar. Le marquis
de maignelay , qui en eſtoit
Gouverneur pour la Ligue,
avoir
des Amb . de Siam. 97
avoit promis au Roy Henry
IV. de rentrer dans ſon devoir
, & lors qu'il eſtoit preſt
de tenir parole , il fut affaffiné
au milieu de la Ville, par
ce Vice-Seneſchal à qui le
Duc deMayenne en donna
le Gouvernement. Ce nouveauGouverneur
s'eſtant mis
enfuite du party des Eſpagnols,
leur livra la Fére, & ils
luy en laiſſerent le Domaine
ſous le titre de Comté. Elle
fut bloquée ſur la fin de 1596.
par l'Armée du Roy. On en
commença le Siege au mois
de Mars de l'année ſuivante,
I
98 IV. P. du Voyage
& elle fut renduë aux Fran
çois dans le mois de May.
Colas qui figna à la Capitulation,
y prit le titre de Com
te de la Fére.
LesAmbaſſadeurs trouve
rent à une lieuë de cette
Ville-là , M de la Fontaine,
Major de la Place , que M
Marcognet qui y commande
, avoit envoyé au devant
d'eux avec cent Chevaux.
La Compagnie de la Jeuneſſe
les attendoit ſous les armes,
hors des Portes de la Ville.
M Marcognet les complimenta
à l'entrée du Fauxdes
Amb. de Siam. 99
bourg de S. Firmin , & leur
dit , qu'il venoit affeurer leurs
Excellences de la joye que luy
donnoit l'honneur qu'il avoit de
les recevoir , & leur dire que
les Peuples de la Fere la partageoient
avec luy. Il ajoûta ,
qu'il avoit ordre du Roy de leur
faire voir la Place, les Fortifi
cations, les Magaſins, l'Arcenal
& tout ce qu'il y a de plus curieux
, enforte qu'ils y
deroient, & qu'il ne feroitqu'obéir.
L'Ambaſſadeur , aprés
avoir répondu à fon compliment
en termes fort obligeans
, le pria particulierecomman
Lij
100 IV. P. du Voyage
ment de leur faire voir les
Fortifications & le Plan de la
Place , & le remercia en baiffant
le corps & les bras hors
de fon Carroffe. Ils trouverent
dans le Fauxbourg les
Troupes de la Garniſon & la
Milice de la Ville , qui bordoit
les rües juſqu'au lieu
préparé pour les loger , &
furent receus au bruit du canon.
M de Saint-Canal, l'un
des Capitaines de la Garnifon
, avoit monté la Garde
avec cinquante Hommes, devant
le logis où ils allerent
deſcendre. Ils furent haran
des Amb . de Siam. 101
guez à la Porte de la Ville
par M le Procureur du Roy,
àla teſte de la Juſtice; &lors
qu'ils furent entrez dans la
Ville , Ms les Magiſtrats les
complimenterent. M l'Evef.
que de Laon, Duc & Pair de
France , ſuivy de tout fon
Chapitre, alla leur rendre vifite
chez eux, en habit de ceremonie.
Les Ambaſſadeurs
de prierent à fouper, ainſi que
M Marcognet. Les Dames
feules les virent manger , &
en receurent beaucoup de civilitez
, de fruits & de confitures.
M² Marcognet ayant
I nj
102 IV . P. du Voyage
demandé l'ordre avant le
Soupé, l'Ambaſſadeur donna
pour mot , Iefuis aux Indes,
diſant qu'il avoit obſervé qu'il
estoit dans une Ville toute environnée
d'eau , & qui avoit
du rapport à celle de Siam. Le
Plan de la Place luy ayant
paru forr beau, il le demanda
avec des manieres fi obligeantes
qu'il euſt eſté difficile
de refuſer de le ſatisfaire.
Le lendemain aumatin
M Marcognet eſtant allé
à fon lever, l'Ambaſſadeur
luy montra le Plan qu'il avoit
fait mettre à la ruelle de fon
des Amb. de Siam:
103
lit avec ſon ſabre, & luy dit
qu'ilfaisoit tant de cas du prefent
qu'il avoit bien voulu luy
en faire , qu'il le mettoit avec
ce qu'il avoit de plus pretieux.
Ils partirent à huit heures du
matin , au bruit du canon,
ainſi qu'ils eſtoient entrez .
La Garnifon & les Bourgeois
eftoient encore ſous les armes
. Ils allerent dîner à
Croucy-le-Chaſteau , où M²
de Launay, qui a eſté Exemt
des Gardes du Corps du Roy,
les falüa . Comme ils avoient
ſceu que c'eſtoit un Homme
qui avoittres-bien ſervi,ils lui
I iiij
104 IV. P. du Voyage
r
firent de grandes honneftetez
, & firent l'honneur à M
de Launay fon Fils, de le retenir
à manger avec eux. Ils
prirent enfuite le chemin de
Soiffons .
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Résumé : La Fére. [titre d'après la table]
Le texte décrit la ville de La Fère, une forte place en Picardie située sur la rivière d'Oyse, dans une région marécageuse. La ville est entourée de bastions et de remparts, protégée par des murailles de brique, et la rivière se divise en plusieurs branches. La Fère comprend un château et est située entre deux grands faubourgs, Saint-Firmin et Notre-Dame. À la fin du XVIe siècle, La Fère tomba sous la domination des Espagnols après la trahison de Colas, Vice-Seneschal de Montelimar. Le marquis de Maignelay, gouverneur pour la Ligue, avait promis au roi Henri IV de se rallier, mais fut assassiné par Colas, qui livra ensuite la ville aux Espagnols. L'armée du roi bloqua La Fère en fin d'année 1596 et la ville se rendit en mai 1597. Colas obtint le titre de comte de La Fère après la capitulation. Plus tard, les ambassadeurs de Siam furent accueillis à une lieue de La Fère par M. de la Fontaine, Major de la Place, envoyé par M. Marcognet, commandant de la ville. Ils furent reçus par la compagnie de la Jeunesse sous les armes et complimentés par M. Marcognet. Les ambassadeurs visitèrent les fortifications, les magasins et l'arsenal de la ville, accompagnés par les troupes de la garnison et la milice. Ils furent également reçus par les magistrats et l'évêque de Laon, qui leur rendit visite en habit de cérémonie. Les ambassadeurs et M. Marcognet soupèrent ensemble, et les ambassadeurs reçurent de nombreuses civilités. Le lendemain, ils partirent pour Croucy-le-Château, où ils furent reçus par M. de Launay, avant de continuer leur chemin vers Soiffons.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 1-337
JOURNAL DU VOYAGE DE SA MAJESTÉ A LUXEMBOURG.
Début :
Je vous l'ay promis, Madame. Il faut vous satisfaire [...]
Mots clefs :
Roi, Luxembourg, Sa Majesté, Prince, Place, Voyage, Ville, Cour, Gardes, Église, Verdun, François-Henri de Montmorency-Bouteville, Maison, Duc de Luxembourg, Honneur, Bonté, Paris, Comte, Fortifications, Troupes, Officiers, Évêché, Abbé, Versailles, France, Médailles, Corps, Personnes, Messe, Châlons-en-Champagne, Évêque, Marquis, Lieux, Régiment, Champagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : JOURNAL DU VOYAGE DE SA MAJESTÉ A LUXEMBOURG.
JOURNAL
1 DV VOYAGE
DE
SA MAJESTÉl
A LUXEMBOURG.
E vous l'aypromis
,
Madame. Il faut
vous satisfaire sur le
grand Article du Voyage
de Sa Majesté à Luxembourg,
Pc. comme vous m'avez ordonné
de n'enoublier aucune
des circonstances, elles
feront le sujet d'une Lettre
entière. Un pareil Journal
doit estre agréable aux Curieux
Tout le monde scait
que le Roy ne peut faire un
pas hors le lieu de sa résidence
ordinaire, que toute
l'Europe ne soit aussi-tost
en mouvement. Le bruit de
ce Voyage n'eut pas plûtost
Commencé à se répandre,
qu'elle fit paroistre de grandes
alarmes. Mais que pouvoit-
elle avoir à craindre?
Elle devoitestre persuadée,
que le Monarque qui luy a
donné la Paix? n'avoir aucun
dessein de la rompre.
C'est son ouvrage, & loin
de songer à le détruire,Sa
Majesté fera toûjours preste
à faire repentir ceux qui travailleront
à troubler le calme
qu'il a étably. Un pareil
dessein ne sçauroitestre
conceu que par des Ambitieux
opiniâtres, & trop constamment
jaloux de la grandeur
de ce Prince;mais c'est
àeux seuls à craindre, dans
letemps qu'ils veulent rendresuspectes
toutes ses démarches,
& jetter dans les
cfprits des frayeurs seditieuses,
afin d'exciter dans la
plus grande partie des Etats
voisinsle desordre & la confusion,
sans quoyils demeurent
dans une fâcheuse obsçuiipé?
qui leur est beaucoup
moins supportable que la
douleur que les Victoires du
Roy ont dû leur causer
, pour
ne pas dire, leurs continuelles
défaites. Comme il y a
peu de Regnes qui ne plaisent
,
a quelques chagrins
que l'on puisse estre exposé
en regnant ,ils voudroient
toûjours jouir de la tristesatisfaction
qu'ils ont de com*.
mander aux dépens de la
tranquillité de l'Europey
mais le Roy quien est leBienfai£
teur> & le Pere, voulant
luy conserver le repos qu'il
luy a si genereusement procuré,&
dontil lafait jodir.,
malgré lescontinuels obstacles
qu'on oppose inutilement
à sabonté, renverse
tous leurs desseins par sa prudente
conduite &: par sa perseverance.
Les défiances que
l'on a voulu donner de son
Voyage) donton pretendoit
que de secrets desseins estoient
les motifs, ont esté
une occasion au Roy de confondre
les Ennemis de sa
gloire. Il n'a pu soffrir qu'on
crustqu'il déguisast ses intentions
,8z pour empescher
que leur sincerité ne fust
foupçonnée
9
il a bien voulu
donner un éclaircissement,
quien faisant voir la bonté
qu'il a de'ne point chercher
à troubler l' Europe qu'il a
l, pris foin de pacifier, a servy
encore, par des assurances
publiques,& dont aucun
Prince ne pouvoir douter, à,
dissiper les frayeurs que les
.1n.1.1 intentionnez avoient
jettées dans les coeurs timides,
afin de parvenir à leur but.
Non seulement ils n'y sont
point parvenus ?
mais tout ce
qu'ils ont pû dire, n'a fait que
fairemieux voir combien le
pouvoir du Royest redoutable,
puisqu'ilsontété obligez
de faire connoistre eux-mêmes
par toutes les chosesqu'ils
ont avancées, qu'il suffitque
ce Monarque fasse une entreprise
pour y réiiflir
, & que
s'il veut vaincre, il n'a qu'à
combattre. On a sujet de les
croire. Ils n'ont pas eu desfein
de flater
,
&sur ce qui se
publie de cette nature ,
les
Ennemis sont plus croyables
que d'autres, puis que leur
sincerité ne peut estresoupçonnée.
Mais comme vous
pourriez douter de la mienne
lors que je vous parleai
& croire que je me suis formé
exprés des monstres pour
les combattre, en faisant paffer
mes conjectures pour des
veritez,à l'égard de tout ce
que je viens de vous dire dt.
l'inquietude que l'on a voulu
donner à la plus grande
partie de l'Europe, pour luy
faire prendre de l'ombrage
des desseins du Roy
?
voicy
une piece justificative.
Sa Majesté
,
à qui rien n'est
inconnu, tant à cause de sa
vive penetration
, que des
foins qu'elle prend sans cesse
pour bien s'acquiterde ce que
son rang demande,sçachant
ce qui se disoit du dessein
qu'Elle avoit pris de faire un
VoyageàLuxembourg, voulut
faire voir la mauvaise intention
de ceux qui en répandant
des bruits contraires
au repos public, pretcndoient
venir à bout de leurs entreprises.
Dans cette pensée, Elle
ordonna à Mrle Marquis de
Croissy Colbert
,
Ministre &
Secretaire d'Estat
, ayant le
département des affaires étrangeres,
d'écrire une Lettre
à Mrle Cardinal Ranuzzi,
Nonce de Sa Sainteté enFrance.
Voicy à peu prés le sujet
de cette Lettre. Ive de Croisfy
marquoit à ce Cardinal
que le Roy luy avoit commandé
d'informer son Eminence de la
resolution qu'ilavoit priscel'al.,
lerdans le mois de May à Luxembourg
, CJTouencore que Sa
Majcflr n'eustpas accoûtumé de
rendre raison de Jes actions,
comme Elle ne vouloit pas
néanmoins renouveller l'alarme
qu'on dvùitprise sans fondement
de l'ouverture qui a esté
faite du convertissement de la
Tréve en un TraitédePaix ; Elle
luy avoit ordonné de /'assurer de
sa part ,
qu'Elle ne faisoit ce
Voyage que pour satisfaire la
curiosité qu'Elle avoit de voir
Elle-mesme en quel estat estoit
otlors cette place;, d'oùelleseroit
de retour,troissemaines, ou tout
A-U plus tard un mois aprésqu'Elle
seroit partie de Versailles;
qu'Elle se promettoit que son
Eminence empescheroit par Je$
Lettres tant à Sa Sainteté que
par tout ailleurs où ellel'estimeroit
à propos , que ce Voyage ne
donnast de l'inquietude aux
Etats Voisins
, 0* qu'aucun
Prince ne pustprendre le pretexte
de la marche de Sa Majestéspour
refuseràl'Empereur lessecours
ausquels ilsseseroientengagez,
Sa Majesté n'ayantpas d'autre
dessein que celuy dontElle l'avoit
chargéde l'instruire.
Cette Lettre qui fut écrite
à Marly,estoitdattée du quatrièmed'Avril.
MrleNonce
qui s'apliqueavec tout le foin
imaginable à tout ce qui peut
maintenir la paix, la reçût
avec une extrêmejoye.Il en
envoya des copiesdans tous
les lieux, où ille crut necessaire
pour remettre les esprits,
& n'en refusa point aux Ministres
Etrangers qui sont à
Paris, ny mesme à tous ceux
qui prirent la libertédeluy
en demander ; de forte que
cesCopies s'estant multipliées
en fort peu de temps , cette
Lettre devint aussi-tost commune.
Chacun l'envoya à ses
Amis, &. elle courut incontinent
, non feulement dans
les Provinces de France;mais
encore dans les Pays Etrangers.
Comme le Roy na
jamais manqué à sa parole,
&que tout le monde en est
fortement persuadé
,
les esprits
qu'on avoit voulu inquicter
en leur faisant entendre
que le Voyage de Sa
Majestécouvroit des desseins,
€jui devoient troubler la tranqnilité
de l'Europe, furent
rassurez> & les ambitieux qui
ire cherchoient qu'à renouseller
la guerre en proposant
<de faire une Ligue pour l'éiriter
, demeurerent dans une
Extrême confusion par l'impossibilitéqu'il
y avoit de
venir à bout de leurs desseins.
On ne parla plus que du
Voyage, mais on en parla
d'une autre maniere qu'on
n'avoit fait jusque-là, & ceux
quiavoientvéritablement apprehendé
devoir le Roy à la
teste d'une Armée par les
soupçons qu'on avoit tâché
de jetter dans leurs esprits, se
proposerent de le venir admirer
lors qu'il feroit sur leurs
frontières
?
& ce fut pour eux
un fort grand sujet de joye
s d'esperer de voir de prés, &
de considerer avec toute l'attention
que demandoit leur
curiosité? un Prince qui remplit
tout l'Univers du bruit
de son naIn, & de ses vertus.
Pendant que la Noblessedes
Pays voisîns de Luxembourg:
goûtoit par avance le plaisir
qu'elle attendoit en voyant
le Koy & qu'elle en avoit
l'idée remplie,comme on l'a
ordinairement de toutes les
choses.guc l'onsouhaiteavec
passion, ceux qui estoient du
Voyage s'y preparoient; d'autres
en parloient & d'autres
écrivoient sur ce sujet.Voicy
une Devise deM Magnin de
l'Academie Royale d'Arles,
surceVoyage.Le Soleil estoit
alors au figne du Belier. Cette
Devise a pour mot
CURSUM INCHOAT
OMINE MITI.
Il renouvelle son cours
Sous de fortunezpresages;
Loin d'icy
)
sombres nuages,
Nous n'aurons que de beaux
jours.
Ces Vers convenoient a£-
sez à ce qu'on venoit de publier
touchant les desseins
cachez fous le Voyage du
Roy.
Voicy une autre Devise
de Mr Rault de Roüen, sur
ce mesme Voyage daSa Majesté,
allant visiter ses Conquestes
,&voir ses nouveaux
X Sujets. Cette Devise a pour
corps le Soleil en son midy
sansnuages & sans ombreJ
&jettant de benignes influences
sur les Regions par
où il passe. Ces mots en sontl'ame.
FELICI BEAT
ASPECTU.
Tel que paroist le Dieu du
jour
Porté dans son char de lu
miere
,
Quand par chaque Climat il
faitsonvaste tour
Pourvisiter la terre entiere
J
k
Et que parsesbrillansrayons
Il produit en tous lieux les biens
quenous voyons;
Tel l'Augure LOUIS ruifitant
ses Conquestes,
Quelque part qu'il porte les
yeux,
SurJes Sujets nouveaux qui s'offrent
en ces lieux,
Répandsesfaveurs toutesprefies,
Et quoy qu'il fajfe voir la fierté
du Dieu Mars
,
( Sesyeux nont que de doux
re7g,ardsoLe
temps du Voyage s'avançoit,
& l'on estoit presque
sur le point de partir,
lors que le Roy fut attaqué
d'un grand Rhume. Mais
loin que cet accident sist
prendre aucune résolution
contraire à ce qui avoit esté
arresté, Sa Majesté ne retrancha
pas mesme un quartd'heure
des Conseils qu'Elle
avoit accoûtumé de tenir-
Mr de Louvoispartit quelques
jours auparavant , pour
unVoyage de prés décrois-
-- - .-- - - - --
cens lieues,& Mr de Seignelay
partit de son costé pour
aller voir les Fortifications de
Dunkerque. Comme il faut
donner quelque ordre à cette
Relation, je ne parleray de
leur Voyage que quand je
vous marqueray leur retour
auprès du Roy, Je vous diray
cependant qu'en s'éloignant
de Sa Majesté,ils avoient
toujours la mesme
part aux affaires. Rien n'est
aujourd'huy épargné en
France pour le bien de l'Etat,
&.
& le Roy, par le moyen des
Courriers
> peut conferer tous
les jours avec ceux qui sont
éloignez de luy.MrdeCroissy
fut le seulMinistre qui
devoit accompagner Sa Majesté.
Le Controleur GeneraI,
dont la presence & les
foins font toûjours neccffaires
icy,ne fait jamais aucun
Voyageavec Elle. Mais comme
je viens de vous le marquer,
ceux qui ont affaire au
Roy,parlent, pour ainsi dire
i tous les jours à Sa Majesté
?
quelque longue distance
qui les en feparc ,rien n'estans
épargné pour cela, & les
Postes du Royaume n'ayant
jamais esté en si bon estat
qu'elles sont presentement.
Des raisons avantageuses à
la France empescherentMadame
la Dauphine de se préparer
à estre de ce Voyage.
Monsieur
, qui relevoit de
maladie resolut de prendre
l'air à Saint Cloud pendant
l'absence du Roy, & Madame
voulut tenir compagnie
à ce Prince, malgré le plaisir
qu'elle prend aux Voyages
& à la Chasse, cette Princesse
estantinfatigable dans
des exercices qui lassent quelquefois
les hommes les plus
robustes.
Le Roy ne voulant pas
fatiguer sa Cour pour un
Voyage qui ne devoit passer
que pour une promenade,
resolut d'aller à petites journées,&
de mener Monsieur le
Duc du Maine,&Monsieur
le Comte de Toulouse.Onne
peut trop tost leur faire voir
des. Fortifications; des Troupes,&
des Reveues,& l'on
peut dire que leur en faire
voir de cette maniere, c'est
commencer à leur apprendre
en les divertissant, tout ce
qu'ilsdoivent sçavoir? ce qui
cft cause souvent qu'ils y
prennent plus de plaisir, &
qu'ils s'y attachent davantage
dans la fuite. Ces jeunes
Princes estant du Voya,
ge )
il fut.arresté que les Dagacs
en seroient aussi;celles
qui furentnommées font
Madame la Duchesse, Madame
la Princesse de Conty,
Madame la Princesse d'Harcour)
Madame la Duchesse
de Chevreuse, Madame de
Maintenon, & Madame de
Croissy? avec les Dames, &
Filles d'honneur des Princesses.
Elles devoient toutes
aller, ou dans le Carosse
duCorps du Roy, ou dans
d'autres Carosses de Sa Majesté,
& avoir l'avantage de
manger avec ce Prince. C'est
un honneur qu'elles ont u
pendant tout le Voyage.
Il fut aussi arresté que le Regiment
desGardes ne marcheroit
point, & que suivant ce
qui s'est souvent pratiqué, le
Roy seroit gardé par l'Infanteriequi
se trouveroit dans
les Places, où Sa Majesté
passeroit, & que dans les lieux
où il n'y auroit point d'Infanterie
en garnison les
Mousquetaires mettroient
pied à terre,& feroient garde
autour
l.
du logis du Roy.
Comme les Gendarmes & les
Chevaux-Legers ne servent
que par quartier, de mesme
que les Officiers de sa Maison
, du nombre desquelsils
* sont, & que ces Corps ne
marchent entiers qu'en temps
de Guerre, & lors que Sa
Majestéfait quelque Camp
Elle ne voulut estre accompagnée
dans ce Voyage
) que
de ceux de ces Corps qui esroient
alors en quartier. A
l'égard des Gardes duCorps,
le Roy resolut de mener seulement
leGuet. Comme vous
pourriez ne pas sçavoir ce
que c'est que ce Guet, il fera
bon de vous l'expliquer. Les
Gardes du Corps font toûjours
dans le service, sans
estre néanmoins toûjoursauprés
du Roy. Ils ne fervent
point par quartier comme
les Gendarmes & les Chevaux-
Legers; mais comme
ils font en fort grand nombre,
on les fait loger en plusieurs
Villes? ce qui pourtant
ne s'appelle pas estre en garnsson
, puis qu'ils y font
moins pour garder ces Places,
que pour y attendre
qu'ils fervent auprèsduRoy,
ce qu'ils font alternativement.
On dit en parlant de
ceux qui ne font pas auprès
de Sa Majesté
,
qu'ils font
dans leurs quartiers, & l'on
appelle relever le Guet? lors
qu'il fort un nombre de Gardes
de ces quartiers
, pour
venir prendre la place de
ceux qui font auprésduRoy?
&: que ces derniers retournent
dans les quartiers où ils
estoient auparavant, Il y a
prés de dix-sept cens Gardes
du Corps, qui font divisez
en quatre Compagnies,& ces
CompagniesensixBrigades
chacune,qui font commandées
par six Officiers ; sçavoir
trois Lieutcnans & trois
Enseignes, Chaque Compagnie
elt reconnuë par les
Bandoulieres des Gardes,qui
font de couleurs differentes,
On reconnoist les Gardes de
la premiere Compagnie , au-"
trement>la Colonelle, commandée
par Mr le Duc de
Noailles, aux Bandoulieres
blanches, & aux Housses
rouges; les Gardes de la
Compagnie de Mr le Maréchal
Duc de Duras, aux Baudoulieres
- & aux Housses
bleuës; les Gardes de la Compagnie
de Mr le Duc de Luxembourg,
aux Bandoulieres
&aux Houssesvertes, 8c les
Gardes de la Compagnie de
Mr le Maréchal de Lorges,
aux Bandoulieres& aux
Housses jaunes. Cette derniere
Compagnie portoit
orangé dans son institution,
mais depuis, elle a changé
l'orangé en jaune. La Colonelle
seule a des Housses d'une
couleur différente de celle
desBandoulieres,& cela vient
de ce que le blanc n'etf pas
une couleur à estre employée
en Housses. Il est à remarquer
que le Guet des Gardes du
Corps qui sert auprès de Sa
Majesté, à pied,& à cheval,
est toûjours de deux cens
Gardes, dont une partie est
de Salle, & l'autre se repose
tour à tour. Ce Guet n'est
jamais d'une seule Compagnie
,
mais de plusieurs ensemble.
ainsi que les Officiers
qui les commandent;
de forte que le Capitaine des
Gardes qui est de quartier,
n'a jamais sousluy aucun Ofsicier
desa Compagnie quand
il est de serviceauprésduRoy.
Vousremarquerezencore que
le Guet ne sert qu'un mois
auprès du Roy> à moins qu'ij
n'y ait quelque force raison
pour le faire servir plus longtemps,
comme dans l'occasion
de quelque Voyage tel
que ccluy que l'on vient de
faire. Ce n'est pas que dans
un Voyage plus long le Guet
ne changeast de la mesme
fortequ'à Versailles
, parce
qu'alors on feroit suivre tous
les Gardes. Rien ne marque
tant la grandeur du Roy que
ce changement de deux cens
Gardes tous les mois. J'ar,
crû vous devoiraprendretoutes
ces choses , & que ce ne
feroit pas sortir de la matiere
que je me fuis proposée dans
cette Lettre? parce qu'autrement
vous n'auriez pas bien
compris ce que c'eil: que le
Guet, dont j'ay este oblige
de vous parler,pour vous faire
une Relation du Voyage
du Roy aussi exacte que celle
que j'ay entrepris de vous
envoyer.
Touteschoses estantainsi
arrestées
)
personne ne douta
du Voyage, parce qu'ontient
toûjours pour certain tout ce
que le Roy resout, &le jour
deson départ aprochant,ceux
qui ne devoient pas l'accompagner
redoublerent leurs
empressemens auprès de ce
Prince. Jamais on ne vit de
Cour si grosse. Les Ministres
Etrangers allerenr prendre
congé de Sa Majesté
,
ainsi
que les Chefs des Compagnies
superieures,& plusieurs
autres personnes distinguées
dans la Robe par leurs emplois,&
par leur mérite. Plusieurs
Etrangers se renditent
aussi à Versailles pendant les
derniers jours que le Roy y
devoit demeurer, & quantité
de Peuple de Paris y courut
pour avoir le plaisir de joüir
feulement quelques momens
de la veuë de ce Monarque'
lors qu'il iroità laMesse, ou
à la promenade, ou pendant
qu'il disneroit. Sa Majesté
devant partir un Samedy pour
aller coucher à Clayes, où la
Cour estoit obligéed'entendre
la Messe le lendemain.
parce qu'ilestoit Dimanche,
Elle eut la précaution de recommander
quelques jours
avant qu'Elle partist, qu'il s'y
rencontrait beaucoup de
Prestres pour en celebrer un
assez grand nombre, & fit
paroistre sa pieté par cet
ordre.
Le Voyage avoit esté arJ
resté d'abord pour le deuxiémede
May,mais la rougeole
quisurvinta Madame la
Duchese,fut cause que le
Roy le Temii au dixiéme dta
mesme mois. Ce jour estant
arrive, Sa Majesté
>
après avoir
entendu la Messe dans le
Chasteau de Versailles
, en
partit avec toutes les personnes
de distinction,&les
Troupes que jeviens de vous
nommer. Le nombre de celles
qui devoient faire le Voyage
estoit grand;cependant, celane
faisoit qu'une tres-petite
partie des Troupes de sa Maison
,puisque le Regimentdes
Gardes ne marchoit pas, &
qu'il n'y avoit qu'un quart des
Gendarmes
, & des Chevaux
Legers, avec la neufou dixiéme
partie des Gardes du
Corps ou environ. Il y avoit
outre cela, tous les Officiers
de sa Maison en quartier dont
je ne vous diray rien, tout ce
qui regarde cette Maison
n'estant inconnu à personne.
Comme le Roy devoit
passer à Paris, le Peuple impatient
de le voir occupa dés
le matin tous les lieux de son
passage, aimant mieux l'attendre
pendantplusieurs heul'es,
que de manquer à luy
souhaiter par ses acclamations
une longuevie, & un
heureux Voyage. Les Religieux
sortirentaussi de leurs
Convents, &: la pluspart des
Fenestres furent remplies de
personnesdistinguées.LeRoy
quis'est toûjours moins attiré
les coeurs par la grandeur
de son rang que par ses manieres
toutes engageantes, salüa presque toutes les Dames
qu'il vit aux fenestres.
Sa Majesté passa par la Place
des Victoires, où Mrle Duc
de la Feüillade & Mle Prevost
des Marchands l'attendoient
avec un grand nombre
de personnes de la premiere
qualité. Vous sçavez
sans doute qu'on n'a fait encore
qu'une partie duBastiment
qui doit embellir cette
Place. Cela fut cause qu'on
pria le Roy d'avoir la bonté
de dire de quelle maniere il
souhaitoit qu'on l'achevaft ,
& si on continueroit ce qu'on
avoit commencé , sur les
desseins de Mr Mansard son
premier Archirecte , c'est à
dire à l'égard de la figure de
la place, car les Bastimens onc
toûjours esté trouvez fort
beaux. Sa Majesté en parut
fort satisfaite, & jugea à proposque
l'on fuivift le dessein
qui avoit esté commencé.Mr
de laFeüilladeayant fait entierement
dorer la Figure du
Roy depuis que Sa Majesté
ne l'a veuë ,
Elle s'attacha à
la considerer attentivement.
Quelques-uns dirent qu'ils
l'auroient mieux aimée de
bronzerd'autresfurent d'un
sentiment contraire, &alleguerent
que la Statuë de
Marc Aurele que l'Antiquité
a tant vantée,& qui a esté
si estimée des Romains,avoit
esté dorée.Onrépondit que
ce n'estoit pas ce qui l'avoit
fait admirer,&quel'Empereur
Neron avoit fait dédorer
uneFigure d'Alexandre.Ceux
qui font profession d'estre
curieux ne prirent pas le party
île l'or, parce qu'il y a plus
de
<fcbronze que d'or dans leurs
Cabinets. Le Roy qui neparle
point sans se distinguer
,
dit
beaucoup en ne disant rien.
Il nevoulut chagriner personne,
& dit obligeamment
pourMrdela Feüillade,qu'il
nefalloitpas s'estonner qu'il eust
fait dorersa Figure
,
puisque si
l'onavoitpû la faire d'une matiere
plus precieuse
iI- & qu'il
-eujl eslé en estat d'en soûtenir ltt
dépense , il estoitpersuade qu'il
n'auraitrien épargnépourcela.
-
Je n'interprété gMnr ca.
paroles qui font voir tout le
bon sens & toute la delicatesse
d'esprit impaginable, &
dont la finesse consiste plus
en ce qu'elles font entendre,
qu'en ce qu'elles expliquent
àl'égard de la dorure.
Rienn'estant égal auzele
de Mrle Duc de la Foüillade,
qui tâche sans ccue de le faire
paroistre
,
par des augmentations
qu'il fait à tout ce qui
regarde la fiegure de la Place
es Victoires, & qui font autant
d'embellissemens nouveaux,
&: de témoins éclatans
delavive ardeur qu'il a pour
Sa Majesté
, on trouva huit
Inscriptions nouvelles écrites
en lettres dorées au feu, &
dans huit Cartouches de
bronze doré, attachezautour
du Piedestal
, qui porte cette
Figure couronnée par la Victoire.
Cette augmentation
de beautez
>
après l'estat où
Mr de la Feüillade a mis la
Figure, fait voir que lors qu'il
s'agit de faire quelque chose
qui regardelagloire du Roy
,
il n' y a rien d'assez grand
pour le pouvoir satisfaire,
Voicy ce qui remplit les huit
Cartouches.Les deux qui font
au dessous du Roy & entre les
deux Esclaves qui regardent
l'Hostel de laFeüillade
, contiennent
les paroles suivantes.
I. CARTOUCHE.
Il avoit sur pied deux cens
quarantemille hommes d'Infanterie
,
vsoixantemille chevaux
pins les Troupes de ses .drmées.
AItvalesjors qu'ildonna laPaix
à l¡''EEuropeen 1678(").
II. CARTOUCHE.
Sa fermetédans "/:,), douleurs
rassura les Peuples desolez au
mois de Novembre 1686.
Voicy ce qu'on lit dans
les deux Cartouches de la
face droite du Piedestal ,qui
est du costé de la ruë des Petits-
Champs.
III. CARTOUCHE.
Aprés avoir fait d'utiles Reglemenspour
le Commerce, (')
reformé les abus de laj'ijlicc> l
donna un grandexcnpled'équité
enjugeantcontresespropres ,jntfrests
en faveur des Habitans de
Paris dans une affaire de! sieurs millions.
IV. CARTOUCHE.
Six mille jeunes Gentilshommes
Jepa^e^ par Compagnies,
gardentsesCitadelles,ven remplacentdes
Ofifciersdeses Troupes
; & leur éducation rft dignt
de leur naissance.
Les deux Cartouches qui
font du costé de l'Eglise des
Religieux appellez les Petits-
Peres,fontvoir ce qui suit.
V.CARTOUCHE.
Deuxcens dix Places,Forts,
Citadelles
, Ports, v Ha'1-'(c5
fortifiez gjf revestusdepuis 1661»
jusques à 1086; cent quarante
mille hommesdepied, vtrentemilleChevaux
p.'ye^ par mois ;, assurent Jes Frontieres.
VI.CARTOUCHE.
Il a bastyplus de cinq cens Esqu'il a dottt'Sde riZ'c/itiy
considerables
, & il a estably
l'entretien dequatre censjeunes
Demoiselles dans la magnifique
Maison de S. Cir.
Voicy ce que renferment
les Cartouches du derriere du
piedestal qui regarde la ruë.
VII.CARTOUCHE.
Il a basty un superbe
j &*'
'Va/le édifice pour les Ofifciers &
Soldats que l'âge er les bltfju•*
res rendentincapablesdejervir^
mille livres de rente.
VIII. CARTOUCHE.
L? nombre desoixante mille.
Matelots enrolez,
,
dont vingt
miÜe fontemployer*sonservice
, (èj les quarante mille
Autres au commerce de ses Sujets,
marque la grandeur, dr le
bonordre delaMarine.
Vousvoyez Madame, que
ce qui est contenu dans ces
huit Cartouches donne uuç
haute idée de la vie du Roy,
&qu'onne peut dire plus de
choses en moins de paroles,
nyen faire concevoir davantage.
Chacun s'attacha à lire
ces Eloges,& l'on y prit beaucoup
de plaisir. Le Roy eut
ensuite la bonté d'aller voir
un des Fanaux qui font aux
quatre coins de la Place. Celuyoù
Sa Majefié alla, est le
seul qui soit achevé. Le nom
de Fanaux a estédonné à ces
ouvrages à cause des Fanaux
quifont au dessus. A chaque
endroit où ils ont esté placez,
il y a un groupe de trois colomnes
de Marbre sur un piedestal
de mesme matiere. Au
dessus de chaque groupe est
un Fanal composé de plusieurs
lampes, qui brulent
pendant toutes les nuits, &
pour l'entretien desquelles,
M le Duc de la Feüillade a
estably un fond. Enrre les
colomnes de chaque Fanal,
pendent six Médailles de
bronze
?
dans chacune desquelles
font representées
quelques actions du Roy, ce
JlUi fait vingt quatre Médailles
pour les quatre Fanaux.
Il y a dans le piedestal de chaque
groupe de colomnes , six.
Vers Latins; de maniéré que
le sujet de chaque Medaille.
cftexpliqué par deux de ces
Vers. Les lettres en font de
bronze doré au feu, ainsi que
les bordures & les autres ornemens
des Médailles.Voicy
lesavions deSaMajesté qui
font representées dans chacune
des six Médailles fonduës
en bronze. - - -
La premiere Médaille marque
la paix que le Roy a donné
à l'Europe en 1677. Elle est
expliquée par les Vers fuivans.
»
Teduce,te Domino, LODOIX,
prona omnia Gatio>
Urbesvicapere dociliquoqueparcere
captis.
La secondé represente le
passage du Raab, où les François
qui sauverent l'Allemagne
acquirent une gloire immortelle,
&: Mr de la Feüillade
une réputation
,
qui fera
vivre éternellement son n0111
dans l'Histoire, Les Vers qui
font connoistre cette grande
action, [one,
Et Traces sensere queat quid
Gallicavirtus,
Arrabo cæde tumens , &servata
Austria testis.
Onvoit dans la troisième
Medaille la grandeur, & la
magnificence des Baftimcns
duRoy, ce qui Ce reconuqi#
par les Vers suivans.
Quanta operum moles, &
-
-
quanto surgit ad auras
Vertice!sic positis LOVOIX
agit otia bellis.
Ces trois Medailles font
du costé de la Rue des Pc..
tirs-Champs, & font une
chute les unes sur les autres. ,Les trois autres font plus en
dedans de la Place
,- & en
regardent leBastiment. Elles
sontplacées de la me[mc
raani^te que celles dont jçL
viens de vous parler, c'est à
dire,qu'elles font entre deux
colomnes,&forment un rang
les unes sur les autres. La plus
élevée represente le Roy qui
ordonne qu'on rende les Places
qui ont estéprises à ses
Alliez. On n'a qu'à lire les
deux Vers suivanspourconnoistre
ce qu'elle contient.
Reddere Germanos LODOIX
regnataSueco
C> Arva jubet , Danosque
,
ladcr
~pe~ ~fflftupet Albis.
La Medaille qui suit fait
voir la jonction des deux
Mers
_j
ce que ces deux Vers
expliquent tres-bien.
Misceri tentata prius,Jeniferque
negata
Æquora,perpetuo LO D01Ji
dat foedere jungi.
On n'a qu'àjetter la veuë
sur la derniere de ces six Medailles,
pour y reconnoistre
d'abord l'Audience donnée
par le Roy aux Abassadeurs
xic Siam, & l'on n'a qu'à lire
les Vers suivans pour apprendre
que la renommée ayant
publié dans les Païs les plus
reculez, tout ce qui rend U
Roy l'admiration de l'Univers,
les Souverains de toutes
les Parties du monde, ont
envoyé des Ambassadeurs
pour estre témoins de sa
grandeur.
Ingentem Lodoicum armis,
ma^ne ,
fidemque
EgrejpimScitbia&Libit vt
nerentur~& Indi.
LLeeRoyaprès avoir consideré
avec une attention dignede
sa bonté, les changemens
qu'on avoit faits à la
Place des Victoires depuis le
jour que Sa Majesté y estoit
venuëj&:avoir fait à Mr de
la Feiiilladc»&àMr le Prévost
des Marchands tout
l'accueil qu'ils en pouvoient
cfpercr, partit aux cris de
Vive leRoy,mille&mille
foisréïterez
, car quoy que
la Place fust déjà fort remplie
de Peuple lors que Sa
Majesté y arriva, la foule
augmenta de telle forte sitost
qu'Elle y fut entrée,
qu'on auroit dit que tout
Paris y estoit,si sa grandeur
& le nombre prodigieux de
ses Habitans estoient moins
connus.
La pluspart des Officiers
qui ont accoutumé d'aller à
cheval, s'estant jointsensemble
pour prendre des Carosses,
afind'éviter la poudre qui iri1
commode beaucoup en cette
saison
)
& pour estre plus en
estat de servir le Roy, il y
tn avoit un nombre infiny
à la suite de la Cour, la dén
pense ne leur coutant rien
lors qu'il s'agit du service
d'un Monarque aussî agreable
à ceuxqui ont l'honneur
de l'approcher souvent, qu'il
est redoutable à ses Ennemis
& admiré de toute la Terre.
Je puis en parler ainsi sans
flaterie; & il merite tous M
jours de nouvelles loüanges.
par desendroits qui n'en ont
jamais attiré à aucun Prince.
Aussi peut-on dire que non
feulement il ne laisse jamais
échaper aucune occasion de
faire du bien, mais qu'il cherche
mesme de nouveaux
moyens d'en faire
, & qu'il
tft ingenieux à les trouver;
Ne croyez pas que cecy soit
avancé comme une loüange
vague. Je ne le dis que parce
que j'ay à parler d'un fait
sur ce sujet, qui découvre le
caractere de bonté du Roy,
autant que ses avions d'éclat
font connoistre sa puissance,
& la grandeur de son ame,
C'est icy le lieu demettreen
ion jour le fait qu'il faut que
Je
vous explique, puis qu'il
regarde la fuite de sonVoyage.
Je vous diray donc que
pendant toute la route? Sa
Majesté a presque toujours
dînédansdesVillages. Vous
allez sans doute vous imaginer
(& vostre sentiment fera
generalemeut suivy) que les
Villages
Villages les plus forts & lc^
plus riches ne leftoient pas
trop, pour avoir l'honneur
de recevoir un si grand Monarque.
C'estoit cependant
tout le contraire; le plus pauvre
avoit l'avantage d'estre
préferé, & l'on a veu cela
observé dans toute la route
avec une exactitude que je ,,'
ne sçaurois assez marquer.
Vous n'en pourrez douter,
lors que je vous auray dit
que Sa Majesté, qui ne fait
., point de Voyages sans avoir
la Carte des Païs où Elle va
examinoit tous les jours sur
celle qu'on luy avoit fournie,
les lieux par lesquels il falloit
qu'Elle passast. Elleyvoyoit
tous les Villages, Elle s'informoit
de leur estat, Ôc
nommoit ensuite le moins
accommodé, parce que la
Cour ne s'arreste en aucun
lieu sans y répandre beaucoup
d'argent. C'est ce qui
s'est fait dans tous les Villages
où l'on a este obligé de
s'arrester pendant ce dernier
Voyage. Le Roy dînoit
fous une Feüillée,&
l'onen dressoit aussi pour
les principales Tables de la
Cour. Ainsi tous lesPaïsans
estoientpayez pour couper
des branches de verdure, &
pour travailler à la construction
de ces Feüillées.Ils tiroient
ausside l'argent de
tout ce qu'il y avoit dans leur
Village qui pouvoit servir
aux Tables, & de tout ce
qu'ils avoient d'utile aux
é,quip- ages de la Cour, a.1insi
que de leur foin & de leur
avoine ; & le Roy ne laissoit
pas outre cela de leur faire
encore sentir ses liberalitez;
en forte que ces heureux Villages
le souviendront longtemps
d'avoir veu un Prince
qu'on vient tous les jours admirer
du fond des Climats
les plus reculez.
LeRoy estant sorty de la
Place des Victoires
, trouva
encore une infinité de peuple
dans les autres ruës de Paris.
qu'ilavoitàtraverser, Les dC4
monstrations d'allègresse ne
cesserent point, non plus que
les cris de Vive le Roy, de maniere
que cous les Peuples étant
animez duineline zelcon
eust dit que ces cris dejoye
n'estoient qu'un concert des
mesmes personnes, quoy qu'à
mesure que Saavançoit,
il fust formé par diverses
voix. Le Roydîna ce jour-là.
au Vllage de Bondy, (^ rencontra
sur le cheminM leBaron
deBeauvaisavec tous les
Gardes & les Officiers des
Chasses de sa Capitainerie,
dans toute l'étendue de laquelle
ce Prince luy permit de
l'entretenir à la portiere de
son Carosse. Les Plaines de
S. Denis dépendent de cette
Capitainerie. Mr le Prévost
des Bandes parut sur la même
route, & posta diverses
Brigadesauxenvirons des
Bois. Les Dames que je vous
ay marqué qui estoient du
Voyage, avoient l'honneur
de dîner avec Sa Majesté,
ainsi que Madame la Comtesse
de Gramont, & Madame
de Mornay, que je ne
vous ay pas nommées. Madame
de Moreüil, & Madame
de Bury? Dames d'honneur
de Madame la Duchesse,
& de Madame la Princesse
de Conty, eurent le mesme
avantage. Les Filles d'honneur
ne dînerent point avec
Sa Majesté,mais elles y souperent.
Il fut réglé ce jour-là
qu'il n'y auroit à l'avenir que
deux Filles d'honneur des
deux Princesses qui auroient
ce privilège. Le nombre des
Princesses auroit esté encore
plus grand dans ce Voyage,si
lors que le Roy partit, Mademoiselle
d'Orléans ne s'estoit
point trouvée àEu, &Madame
la Duchesse de Guise
,
aux Eaux de Bourbon. Madame
de Montespan auroit
aafli esté duVoyage, mais
le foin de sa santé l'avoit
obligée d'aller prendre de
ces mesmes Eaux. Monsieur
le Prince,Monsieur le Duc ,
lx, Monsieur le Prince de
Conty n'ont point quitté le
Roy.
Monseigneur leDauphin.
qui après avoir GÜy la Mette*
estoit party de Versailles des
le grand matin pour aller
chasser dans la Forcit de Livry
, yprit un loup des plus
vieux,&congédia Mr le Chevalier
d'Eudicour, Frere du
Grand Louvetier de France,
&toutl'équipage de la Louveterie;
à la teste duquel il
estoit.Le mesme jour,le Roy
aprèsavoirdîné alla chasser
dans les Plaines& sur les coteaux.
Sa Majesté
, a pris le
mesme divertissement pendant
toute la route, comme
je vous le diray dans la fuite
de cette Relation.
Monseigneur le Dauphin
arriva à Claye avant six heures
du soir, parce qu'ilsçavoit
que c'estoit à peu prés
l heure où le Roy devoit s'y
rendre. Il changea d'habit&
alla au devant de Sa Majesté,
On connoist par là combien
ce Prince est infatigable,qu'il
tn galant, & qu'il a beaucoup
de tendresse pour le Roy.
Sa Majestéarriva à Claye
à l'heure que je viens de vous
marquer, & fut commodementlogée
dans lamaison de7
M Enjorant, Avocat general
duGrand Conseil
>
& Seigneur
en partie de ce Village.
Il eut l'honneur de ialuer
leRoy, qui le receut avec
cet air engageant qui est
si naturel à ce grand Mo*
narque. Comme toute sa
maison estoit marquéepour
le. Roy, les Maréchaux des
Logis en marquerent une
pour luy dans le Village, lors
qu'ilsmirent la craye pour
le logement des Officiers qui
estoient du Voyage; de forte
qu'il fut regardé ce jour-là
comme estant de la Maison
de Sa Majesté. La qualité
d'Hofie duRoy futcelle que
les Maréchaux des Logisécrivirent
en mettant la craye
sur le logis qu'ils luy destinerent.
Monseigneur,& Madame
la Duchesse eurent des
[Appârtemens vers le Château
où le Roy logea.Madame la
Princesse de Conty,&Monsieur
le Duc du Maine loge- 1
rent dans la Ferme de Mr
d'Herouville, Maistred'Hostel
deSaMajesté. Messieurs
les Princes du Sang eurent
ensuite les logis les plus commodes,
&: ceux qui voulurent
estre plus au large,allerent
à Meaux.
} M de laSourdiere, Ecuyer
de Madame la Dauphine, qui
cil le mesme qu'elle envoya
cnBavicrc? pour porter à M*
l'Electeur de cc nom) la nouvelle
de la naissance de Monseigneur
le Duc de Berry,
vint à Claye de la part de
cette Princesse
, pour ravoir
si Sa Majesté y estoit arrivée
en bonne santé.
Il y aicy à remarquer une
choseque personne n'a peutestre
jamais observée.C'est
que lors que les Princes de la
Maison Royale font separez,
sans estreéloignez les uns
des autres -que d'une journée>
ilss'envoyent tous les
jours un Gentilhomme pour
s'informer de l'estat de leur
santé,maisaussi-tost qu'ils
commencent à s'éloigner davantage
,
ils ne se donnent
plus de leurs nouvelles que
par des Courriers, qui leur
en apportent tous les jours.
Dés qu'ils reviennent à une
journée de distance
,
ils recommencent
à se dépescher
un Gentilhomme,& c estpar
cette raison que Madame la
Dauphine n'en renvoya plus
qu'après que le Roy commença
d'approcher de Versailles.
Ce Prince estant arrivé à
Claye entre six & sept heures
du [oir) y receut un Gentilhomme
de Madame, &: dépescha
aussi-tost à leurs AItérés
Royales Mdu Boulay,
Gentilhomme ordinaire de
sa Maion, pour apprendre
des nouvelles de la santé de
Monsieur, qui s'estoit trouvé
mal le matin à la Messe de
Sa Majesté à Versailles.
La Cour fut tres- bien logée
à Claye,parce qu'on étendit
les logemens jusques à un
lieu voisin
)
qui est un Hameau
contigu à ce Village,
dont il n'est separé que par
un petit ruisseau? qui fait
trouver aux portes des maifons
des Païsans,desPrairiestres
agréables,plantées avec
soin &avec compartiment.
Je ne vous marque point
les lieux & les heures où le
Roy a tenu Conseil. Ce Prince
ne manque jamais de temps
pour ce qui regarde les affairesde
l'Etat.Illeur sacrifie son
repos & ses plaisirs
}
il tient
Conseil en tous lieux? & à
toute heure ,quand ille juge
important pour le bien de
son Royaume,& il a travaille
dans le Voyage de Luxembourg,
avec la mesme
application qu'il fait à Versailles.
Il est vray que ce n'a
pas esté avec tous ses Ministres
,Mrde Croissy estant le
seul qui soit party de Paris
avec ce Monarque, mais
tomme il est luy-mesme son
premier Ministre,on peut dire
qu'il travaille souvent seul
autant que dans le Conseil,
Sa Majesté donnant aux
affaires pendant ce Voyage
autant d'application qu'à
l'ordinaire
,
voulut que sa
Cour trouvast par tout les
mesmes plaisirs, pendant
qu'Elle ne vouloit se retrancher
ny les peines,ny les soins
qu'on luy a toûjours veu
prendre depuis qu'Elle gouverne
par Elle-mesme ; &
pourcet effet Elle resolutde
tenirpartout Appartement.,
Ainsi dés lapremiere couchée
,qui estoit à Claye, on
trouva plusieurs chambres
préparées pour divers Jeux.
& chacun joüa avec lamesme
tranquillité? & aussi peu
d'embaras que si l'on eust
citéencoreà Versailles, tant
les ordres avoient esté bien
donnez pour les logemens,
:& pourtoutce qui pouvoit
contribuer à la commodité
desPersonnesde clualt"lui
suivoient la Cour.Les Appartteemmeennssoonntt
pprreeslqquuee ccoonnttIinnuueétous
les jours pendant tout
le restedu Voyage.
Monseigneur le Dauphin,
partit de Claye le lendemainonzièmeàsept
heures du.
matin. Ce Princechassatout
le jour dans la Forest deMonceaux
; &commeSa Majesté
devoir coucher ce jour-là à
laFerté sur Joüare, il prit le
party d'y arriver enchaOanCp
;,&de courre le Cerf dansles
:b.uiflx>ns ; ce qu'il fîtavecles
chiens de Mr le Chevalierde
Lorraine. Il prit plusieurs
Cerfs; entre lesquels il y en
avoit un qui se fit courre
long-temps, & qui passa dixhuit
étangs à la nâge.
Le Roy, après avoir entendu
la Messe à Claye, alla
à Monceaux. Toute la Cour
passa dans Meaux, pour se
rendre à cette Maison Royale
, & lors que Sa Majesté
l'eut traversée au bruit des
acclamations du Peuple,Elle
trouva le Regiment de Vivans
qui l'attendoit en ba.
taille. C'est un Regiment de
Cavalerie
>
auquel on ne peut
rien ajoûter,tant pour la
bonté des Cavaliers, que pour
la beauté des chevaux. Ce
Regiment alloit au Camp de
laSaone,& avoit un sejourâ
Meaux?ce qui fut causequ'il
eut l'honneur d'estre veu du
Roy. Sa Majesté en fut trescontente,
de le trouva beau.
Elle eut mesme labonté de
vouloir bien recevoir un
Chien couchant de Mr Li:"
grades qui le commande. Le
Roy dîna à Monceaux. C'est
un vieux Chasteauqui a fait
le plaisir de plusieurs Rois,.
& qui appartient à Sa Majesté.
Ce lieu qui est fortriant,
a une tres-belle veuë, & le
Bastiment enest magnifique..
Le Roy voulant honorer l'ouvrage
de ses Ayeux? le fait
reparer? & bien-tost on ne
verra plusrien en France qui
ne porte des marques de sa
magnificence&de sabonté.
Toutes les Maisons Royales
ayant
ayant pour Capitaine une
personne d'une qualité distinguée,
MrleDuc deGesvres,
premier Gentilhomme
de la Chambre, & Gouverneur
de Paris,joüit de la Capitainerie
de Monceaux?que
possedoitMrle Duc de Trêmes
son Pere. Il vint recevoir
SaMajesté
,
accompagné du
Lieutenant, & de tous les
Officiers & Gardes des Chasses
qni dépendent de luy, à
l'endroit où la Capitainerie
duit jusqu'au mesme endroit
par Mr le Marquis de Livry ,
aussi Capitaine des Chasses de
Livry &c qui avoir esté recevoir
ce Prince jusques à
Bondy avec tous ses OSiciers.
Le Roy? qui avoit dépesché
le foir précedent Mr du
Pouhy
, pour sçavoir l'estat
de la fanté de Monsieur, en
apprit des nouvellesà Monceaux
parce mesme Gentilhomme
, qui arriva pendant
<qjuuee SSaa Maaj*ecsttlé' estoit à table,
êc luy rapporta que Son Altesse
Royale avoit pris du
Quinquina , & dormy assez,
tranquillement depuis quatre
heures du matin jusques
a dix. Ce Prince monta à
cheval à l'issuë de son dîné.
avec Madame la Princesse de
Conty, & deux des Filles
d'honneur decette Princesse,
& alla à la Chasse de l'Oiseau.
Tant que l'on a demeuré
dans l'étenduë de la Generalité
de Paris,Mde Menars
qui en a l'Intendance
, n'a
point quité le Roy afin d'être
toûjours en estat de recevoir
ses ordres, & luy a
rendu un compte exact de
toutes les choses qui regardent
son Employ.Cela fait
voir que Sa Majestés'applique
sans cesse,puis quemesme
dans le temps de ses plaisirs,
Elles'entretient plûtost de ce.
qui se passe dans son Royau-.
!De, que de ce qui peut avoit
rapport à son divertissement
Ce Prince ayant l'esprit ex-r
'- - -.. - -
tremement pénétrant,unmot
luy fait aprofondir bien des
choses, de forte que ce qu'il
aprend lors qu'ilsemble ne
s'informer que par converfation
de ce qui se passe
,
luy
donne lieu de remedier à
quantité de desordres, & fait
que souvent il en prévient
d'autres. Pendant toute sa
marche il a toûjours esté
prest à écouter & à satisfaire
par ses réponses, ceux à qui
sa bonté a permis de luy parler
; & quelquefois lors qu'il
avoit commencé à jouer)aiffn
<J..e la Cour se divertist, il
quittoit le jeu, & travailloit,
ou s'occupoit à faire du
bien.
Mr l'Evesque de Meaux s'est
prouvé par tout où le Roy
a passé dans son Diocese, &
sçachant que le principal
foin de ce Prince estoit que
toute sa Suite entendist la
Messe, &: particulièrement les
Dimanches, ce Prelat envoya
plusieursReligieux à Claye,
& en envoya aussi dans les
Quartiers desGardes duCorps
& dans ceux des Mousquetaires)
des Gendarmes,&des
Chevaux-Légers.LaCour ne
Cf manquoit pas d'Ecclesiastiques
pour la Maison du Roy,
-& Mr l'Evesque d'Orléans -a--
Voit ,in de regler les tempsauGjaeÊs
chacund'eux devoit
C,elcb,-e"la Messe.
Toute la Cour arriva de
bonne heure àla Ferté sur
Joüare. C'est un lieu situé
dans une gorge enchantée,
au fond d'une plaine. LaRiviere
de Marne contribuë
beaucoup à la beauté du païsage,
& à la fertilité du Terroir.
Le petit Morin vient la
grossir auprés & au dessus
de l'Abbaye, & y forme mille
Prairies abondantes en pâturages.
Ce Bourg est dans la
Brie Champenoise,entre Chasteau-
Thierry & Meaux. Les
Prétendus Reformez le prirent
vers l'an 1562. pendant
les Guerres Civiles du der-
-
nier Siecle. La Chasse y fut
tres-divertissante. Le Roy y
vola des Corneilles. Mr de
Terrameni, Capitaine du Vol
des Oiseaux du Cabinet du
Roy ,a eu beaucoup d'honneur
dans ce Voyage. Les Equipages
y ont fort paru, &
il s'en: attiré beaucoup de
louanges pour tout ce qui
regarde sa Charge.
On admira à Joüare un
Pont qui joint le Chasteau
au Fauxbourg. Ce Pont a
cousté beaucoup. Il effc fait
de bois sans appuy ) tout suspendu,
& soutenu feulement
par l'épaisseur des pieces qui
le composent Il est de soixante
& quatre pieds de
long, & depuis qu'il est construit
>
il n'a rien perd u ny de
sa beauté,ny de saforce. On
coucha dans le Chtsteau, qui
appartient à Mrle Comte de
Roye. - Il est situé dans une
petite Isle fortagreable.Monseigneur
prit place dans le
Carosse du Roy. Une des
Dames luy ceda la sienne, &
se mit dans le second Caloife)-
ce que quelques-unes
ont fait alternativement.
Monseigneur n'y estoit que
pendant une partie du jour,
parce que la Chasse
,
dont on
trouve l'exercice utile à sa
santé
)
l'occupoit souvent.
Madame la Princesse d'Harcour
eut ce jour-là un accés
de Fiévrequil'obligea de
partir plus tard. Il fut suivy
d'un second accès de Fièvre
double-tierce. Elle prit du
Quinquina, &la Fiévre ne
luy revint pas. Toute la Cour
en marqua beaucoup de LOYc..
On dîna le it. à liffct
éloignée de quelques Villages
qui sont aux environs,
&qui appartiennent aux Celestins.
On allasouper à
Monmircl
,
qui appartient à
Mr de Louvois. Toutes les
Dames,& plusieurs Seigneurs
de la Cour eurent l'honneur
de souper ce soir-là avec le
Roy. La Table estoitde seize
couverts, On apprit en ce
lieu-là la mort de Madcmoiselle
de Simiane, dont
je vousaydéjà parlé dans ma
Lettre precedente. On y apporta
aussi la nouvelle de la
mort subite de Mr l'Evesque
d'Amiens, qui surpritd'autant
plus, que M de Breteuïl
assura que depuis deux jours
il avoit soupé avec ce Prélat.
Ces deux morts firent parler
de celle d'un descent Suisses
de la Garde de Sa Majesté,
qui estoit mort le matin en
s'habillant. Il y a une tresgrande
quantité de Lievrts
>
& de Perdrix à Monmirel,
Le Roy y pritle divertissement
de la Chasse, & alla voler.
Ony sejourna le 13 & toute
la Cour y demeura avec
joye, parce que le vent estoit
violent à la campagne, &
qu'il y avoit beaucoup de
poussiere. On se promena
dans les Jardins, & le Roy
au retour de la Chasse prit
le divertissement de la promenade
avec les Dames sur
les Terrasses, qu'il trouva fort
belles. Monmirel efl dans un
territoire tres-fertile.
Mr de Louvois qui ne s'applique
pas moins à tout ce
qui peut faire fleurir les beau::
Arts dans le Royaume,qu'à
ce qui est de la Guerre , va
faire establir une Verrerie à
Montmirel
, & la Cour en vit
tous les apprêts.
Le Roy y tint deux fois
Conseil avec Mr de Ci-oiffy ;
c'est ce que Sa Majesté a fait
chaque soir
>
après estre arrivée
dans tous les lieux où
Elle a esté coucher. Elle prit
! aussiàMontmirel le divertissement
du vol du Milan. Le
sejour que l'on y fît, & qui
n'avoit pas esté marqué dans
1i route, fut cause que
l'on retrancha celuy qu'ondevoit
faire à Châlons
)
afin
que le Roy qui ne manque
jamais à executer les desseins
qu'il prend, puft se rendre à
Luxembourg le jour qu'il y
estoit attendu.
Toute la Cour partit de
Montmirelle 14. & alla dîner
à Fromentiercs. A cinq heures
on avoit paffé le défile
d'Etoges. Sa Majesté prit
congé des Dames, & monta
à cheval pour aller chasset
dans les belles plaines de
Champagne. On alla coucher
à Vertus. Ce lieu a este
autrefois considerable, & étoit
l'apanage des Cadets des
Comtes qui portoient le nom
de la Province. Du temps de
Sigebert Roy de Mets, qui
vivoit en 570. il y avoit un
Duc de Champagne nommé
Loup, qui témoigna beaucoup
de fidélité, à conserver
les Etats du jeune Roy Childebert
, contre ceux qui les
vouloient envahir. Il y eut
ensuite plusieurs Ducs de
Champagne
,
mais ce titre de
Ducqui n'estoitpas alors une
dignité perpetuelle, ne faisoit
que marquerune forte de
gouvernement. Le premier
Comtehereditaire de Champagne,
fut Robert de Vermandois
,
Fils d'Herbert IL
&d'Hildebrante, qui se ren-
,
dit maistre de la Ville de
Troye en 253.Je ne vous dfe
rien de ses Successeurs. Ils
continuerent la poiterité jusqu'à
Thibaud IV. surnommé
le Posthume ou le Faiseur de
Chansonsqui succeda à son
Oncle maternel
,
Sanche le
Fort,au Royaumede Navarre.
Il mourut à Troye en 1254.
estant de retour du Voyage
d'Outremer. ThibautV. fou
Fils qui avoit épousé Isabelle,
Fille du Roy Saint Loüis,
estant mort sans Enfans après
avoir fait lemesme Voyage.
laissà ses Estats à Henry ~HI
son Frere. Ce dernier n'avoit
qu'une Fille nommée Jeanne,
qui en 1184. épousa Philippes
le Bel pendant la vie de
Philippes le Hardy son Pere ,
&. depuis ce temps ,la Champagne
a esté inseparablement
unie à la Couronne de France.
Les Comtes de Champagne
faisoient tenir ks Etats de
leur Pays par sept Comtes
leurs Vassaux
,
qu'ils appelloient
Pairs de Champagne.
C'estoient les Comtes de
Joïgny, de Retel >de Bricnîic>
de Roucy
?
de Braine , de
Grand-Pré, &deBar-fur-
SIelinye.
a trois Eglises à Vertu,
avec deux Abbayes hors les
portes. Les Guerres yont laifsédes
marques de leur fureur,
quine peuvent estreeffacées
que par le regne deLoüisLE
GRAND. Le Roy y fut 1-ogc
fort étroitement, & comme
cestoit sur la rue
?
il fut exposé
au bruit du passage des
équipages de la Cour. Ce
Prince auroit pu estremoinsmal
;mais ne pouvant renoncer
à ses manières honnestes,
qu'il conserve mesme aux dépens
de son repos ,
il aima
mieux que celuy des Princesses,
re fust point troublé ,
fk voulue qu'elles fussent logées
plus commodementque
luy.
Le JJ: toute laCour dlfnx.
àBierge
, ôc alla coucher
à a Bierge >-,
& Châlons. Cette Ville est en
Champagne, ôcson Evesché
est Suiffragant del'Archevesché
de Rheims. Elle est ancienne
,
& dés le temps de
Julien l'Apostat, elle tenoit
rang entre les premieres Villes
de la Gaule Belgique, Il y
a de belles rues avec des
maisonsassez bienbasties. La
Place où l'on voit la Maison
de Ville, & celle où est l'Eglise
Collegiale de Nostre-
Dame,font les plus considerables.
La Cathedrale de Saint
Estienne est dans une Isle que
forme la Riviere de Marne,
dont une partie entre dans la
:Ville, &y fert beaucoup pour
la commodité des Habitans.
Elle a de ce cofté-là d'assez
bonnes Fortificarionsquele
Roy François I y a fait faire,
& elle est entouréedemurailles
avec des Fossez presque
toûjours remplis d'eau. Il y
a encore douzeParoisses,entre
lesquelles plusieurs font Collegiales
Les avenues de Châ-
Ions font tres-agreables >& il
y a autour de la Ville plufleurs
lieux de promenade,
entre lesquels celuy du Jare
cil fort renoffilné. La Riviere
,-' der
de Marne qu'on passe sur divers
Ponts, la rend une Ville
de negoce. Elle a eu des Comtes
qui ont cedé leur droit
aux Evesques. C'est par là
qu'ils font Comtes Pairs de
France.
Le Roy entra à cheval à
Châlons
) & fut receu par
le Maire & les Echevins. On
ne luy fit aucune harangue,
parce qu'il avoit fait donner
lordre dans tous les lieux par
IOÙ il devoit passer
)
qu'on ne
le haranguast point ; mais il
eut la bonté de vouloir bicri
recevoir les Presens de Ville,
Le Chapitre de la Cathédrale
eut aussi l'honneur de le famlücr,
ayant à sa teftcM l'Evê.
que deChâlons. Les Chanoines
se recrierent ensuite sur lai
douceur, & sur l'affabilité det
ce Monarque, dont ilsnecesfent
point de parler, Madame:
la DuchessedeNoailles lai
Douairière, qui a esté Dame
d'Atour de la feuë Reyne:
Mere du Roy, & dont la vertu
exemplaire a toûjours çftç:
applaudie,caril en - cft de
faussesqui n'imposent pas a
tout le monde, eut le mesme
honneur. Sa Majesté luy fit
d'autant plus d'honneftetez,
qu'il y along-temps que son
merite luy est particulierement
connu. Le Roy se retira
ensuite -pour tenir Conseil.
Mr le Duc de Noailles
> &
M l'Evesque de Châlonsfon
Frere ,
firent servir plusieurs
Tables magnifiques, pour
toutes les personnes de la
Cour qui voulurent y manger.
Le Jarc leur servit de promenade
pendant quelques
heures. Je ne m'étens point
icy sur la beauté de ce lieu,
parce que j'en ay fait une
description dans le Volume
que j'ay donné, qui ne contient
que ce qui s'est passé au
Mariage de Monseigneur le
Dauphin. Il y eut au Jare une
prodigieusequantité de personnes
de toutes conditions,
que l'impatient dehr de voir
le Roy avoit fait venir de
toute la Champagne. Les
principaux Officiers de la
Ville de Troyes se rendirent
à Châlons? & firent vingt
lieuës pour avoir l'honneur
de salüer ce Monarque. Les
Dames de la Province eurent
beaucoup de chagrin de l'ordre
qui fut donné, de n'en
laisser entre,r faulc.unIela.u1so1u- per , qui n'eust ellenommée
par Sa MLijefté.C:lles qui
crurent n'estre pas assez connuës
pour pouvoir estre du
nombre, ne se presenterent
point, dans la crainte d'estre
refusées,ce qu'on ne trouva
pas ordinaire, & qui fut fort
remarqué. Le Roy eut la bonté
de permettre qu'on les laissast
toutes entrer le lendemain
dans le Choeur de FIL
g-I.Ife>o-t'i elles eurent le temps
de considerer SaMajesté &.
Jtoute la Cour pendant que
l'on dit la Messe.La Musique
de cette Cathedrale chanta
un Motet, dont il parut que
l'on fut assez content. Mr
Evesque Comte de Châlons,
,& Mr le Ducde Noailles accompagnerent
toûjours le
Roy tant qu'il demeura dans
cette Ville. On auroit bien
voulu sejourner dans un lieu
aussi
-
beau & aussispacieux
que celuy là, où les logemens
estoient fort commodes;mais
les mesuresestant prises pour
se rendre à Luxembourg au
jour marqué, on partit le 16.
à dix heures précises du matimpour
aller coucher à Sainre-
Menehout.MdeChâlons
accompagna le Roy jusques
aux confins de son Evesché,
& Mr l'Evesque de Verdun
le reçût à l'entrée du fien.
La journée de Chalons à
Sainte-Menehout se trouva
fort longue pour les Equipages.
On dîna à Bellay, qui
n'est qu'une Ferme sans aucune
autremaison aumilieu
de la camp.-,gnc,& on rendit le
lieu agreable pour y recevoir
le Roy. Sa Majesté y chassa
pendant une partie Je l'aprésdînée,
& alla coucher à
Sainte-Menhout. Cette Place
qui avoit estéprise sur
nous pendant les temps difsiciles,
fut reprise en 1653. par
Mr le Maréchal du Plessis-
Pralin; & ce Siege que le
Roy voulut presser en per,
sonne
,
obligea Sa Majesté
d'aller en Champagne en ce
temps-là. Le Roy ne trouvant
pas la Cour assez commodement
logéedansSainte-
Menehout, resolut de n'y
passer pas la Feste du S. Sacrement
à son retour, &
nomma Chalons pour y faire
la ceremonie de cette FesteCela
obligea de retrancher
un des jours du sejour, de Luxembourg.
Le Roy conti-
Ilua de donner par là des
marques de sa bonté à toute
la Cour,& Mr l'Evesque de
Châlons montra tantdejoye
de ce qu'il auroit l'honneur
de recevoir encore ce Monarque
,que plufieufs luyen
firent compliment.
Le 17. le Roy entendit la
Messe aux Capucins, & fit
de grandes libéralités a leur
Convent. On alla ensuite dV;
ner à Vricourt ,
prés de Clermont
en Argonne. Les chemins
se trouvèrent fort rudes
,dans des bois, dans des
montagnes, & dans des valées
d'un terroir remply de
pierres. On arriva d'assez
bonne heure à Verdun?où
l'on fut si bien logé) que ce
fut avec plaisir
que l'on y
passa la Feste de la Penteccste.
Verdun est une Ville
forte sur la Meuse, & il en
est peu de mieux situées dans
la Lorraine. L'Evesché est
Suffragant de l'Archevesché
de Reims. Cette Eglise a eu
d'illustres Prelats. Ils se disent
Comtes de Verdun,&
Princes du Saint Empire. La
Riviere de Meuse rend cette
Ville agreable par diverses
Isles qu'elle y formé. Le
Roy HenryII. la prit en
IJJI. Le Chapitre de l'Eglise
Cathedrale de Nostre-Dame
est fort considerable.M l'Evesque
de Verdun receut le
Roy dans son Palais Episcopal.
Il est tres-beau, & l'on
y voit jusques à dix pieces de
plein-pied L'air y est admirable.
Ce Palaisest élevé sur un
Roc d'où toute la baffe-Ville
se découvre. Des Prairiesarrofées
par la Meuse
>
& des
vallons assez éloignez, &
tres-fertiles en tout ce qui
est necessaire pour la vie, en
rendent l'aspect des plus
riants. Les ameublemens de
ce Palais sont fort somptueux,
& fervent beaucoup
à faire voir la magnificence
de Mrde Bethune, qui joüit.
en sa retraite de quarante
mille livres de rente, que
luy rapporte son seul Evesché.
Les Anis qu'on appelle
de Verdun, autrement Dragées
de toutes manieres, se
trouvant meilleurs en cette
Ville-là qu'en aucune autre
du monde, elle ne fuit point
l'exemple des autres Villes
dans les Presens qu'elle fait
aux Souverains? & au lieu
d'offrir du Vin, elle donne
de ses Anis. Ainsi elle en sir
present de cent boëtes au
<
Roy. M l'Evesque de Verdun
est Fils d'Happolite de
Bethune? Comte de Selles,
Marquis de Chabris
>
dit le
Comte de Bcthune
, mort en
1665. aprësavoir esté honoré
du Collier desOrdres du Roy
en 16Cu & fait Chevalier
d'honneur de la Reyne Marie-
Therese d'Austriche. Il
avoit épousé en 1629.Anne-
Marie de Beauvilliers, Soeur
de M le Duc de S. Aignan,
qui tant que la feuë Reync
aYcfçuj a eu l'honneur de
la servir en qualité de Dame
d'Atour. Ce Prelat avoit avec
luy Madame de Rouville sa
Soeur,Veuve de M le Marquis
de Rouville, Gouverneur
d'Ardres.Elle eut l'honneur
de manger avec le Roy
dans les trois Repas que Sa
Majestéfit à Verdun.
Le jour de laPentecoste,pres.
que toute la Cour sir ses devotions,
à l'exemple du Roy.
C'estune choseassez extraor.
dinaire pendant le coursd'une
marche. mais quene voiton
point de nouveau fous le
Regne de Loüis XIV. sur
tout pour leschoses qui regardent
la Religion & la
pièce1 Monseigneur le Dauphin
se rendit dans l'Eglise
Cathedrale dés sept heures
du matin;&: après avoir entendu
la Messede M l'Abbé
Fleury, Aumônier du Roy,
ce Prince communia par les
mains de cet Abbé.
Sur les dix heures, le Roy
passa à travers ses Mousquetaires
rangez en haye des
deux costez de la court de
l'Evesché
, &: au milieu des
cent Suisses dela Garde, postez
dans la mesme Eglise.
SaMajestéestoitenvironnée
de ses Gardes du Corps &de
toute sa Cour. Elle se rendit
dans leChoeur, où Elle fut
suiviede Mr l'Evesque de
Verdun,&de tous les Chanoines
de cetteCathedrale.
LeRoyestoit en Habit de
cérémoniec'eit à dire
> en
Manteau,revestu de son Col-
Jjjcr de l'Ordre. Il entendit
là Méfie de Mr l'Evesque
d'Orléans, son premier Aumônier
,
dont il receut la
Communion La seconde
Messeque Sa Majesté entendit,
fut dite par l'un de ses
Chapelains. Au sortir de
l'Eglise, Sa Majesté toucha
prés de cent Malades, dont
Mr leDuc deNoailles avoit
fait amener une partie de
Chalons. Ils estoientrangez
sous les arbres de la premiere
court de l'Evesché. Ce Prince
quitta ensuite son Habit de
ceremonie, & revint avec
Monseigneur le Dauphin, &
toute la Cour, entendre la
grand' Messe, qui fut pontifïcalemenr
celebrée par Mr
l'Evesque de Verdun, &
chantée par la Musique de
la Cathedrale.Cette Musique
plut assez à toute la Cour,
& on trouva la voix d'un des
Enfans de Choeur tres-agreable.
Plusieurs mesme la jugerent
digne de la Chapelle
du Roy. Il y a quatre de ces
Enfans de Choeur qui joüent
du Violon, qui sont, une
Taille, une Haute-contre, &
deux Baffes.
Le Roy eut la bonté de
toucher encore soixante &
dix Malades en sortant de la
grand' Messe. C'estoit beaucoup
après en avoir entendu
trois,&touché d'autres Malades.
Sa Majesté vint l'aprésdînéeentendre
Vespres dans
la mesme Eglise, &: Mr de
Verdun officiaencore en Habits
pontificaux. Le Roy étoit
dans les hautes Chaises à
droite.& aprèsluy,Monseigneur,
Madame la Duchesse,
& Madame la Phnccffe de
Conty. Aprés ces Princesses
estoient Monsieur le Prince-
Monsieur le Duc , Monsieur
le Duc du Maine, & Monsieur
le Comte de Toulouse.
Les Dames occuperent le reste
des places. Jamais les peuples
de Verdun n'avoient vû
ny tant de magnificencesny
une si augusteAssemblée ; &
l'on peut mesme dire qu'ils
n'avoient jamais vû dans leur
Eglise de si grands ny de si
édifians exemples depieté.
Le Roy s'enferma après
Vespres avec le Pere de la
Chaise pour travailler à remplir
les Beneficesqui vacquoient
depuis le jour de
Pasques, qu'il avoit fait une
nomination. On fut quelque
remps sans sçavoir cette derniere
, parce que lePere de
la Chaise n'en dit rien après
qu'il fut forty du Conseil.
Enfinonappritque Mr rAb..
bé de Saint Georges,Comte
de Saint Jean de Lion vnommé
depuis quelque temps à
l'Evesché de Clermont,avoit
esté fait Archevesque de
Tours, & que l'Evesché de
Clermont avoit esté donné
à M l'Abbé de Champigny
Sarron, Chanoine del'Eglise
de Paris. Je vous parlay amplement
de M l'Abbé de S.
Georges
,
lors que le Roy le
pourveut de l'Evesché de
Clermont. M l'Abbé de
Champigny qui vient d'y
estre nommé, est Fils de François
çoisBochartdeChampigny,
Seigneur de Saron, qui après
avoir esté Maistre des Requestes,
Conseiller d'Etat, &
Intendant pendant trente années?
tant dans la Généralité
de Lyon qu'en Provence &
en Dauphiné,se noya malheureusement
en 1665. C'étoit
un homme d'un rare merite,
dont le nom se trouve
souvent dans les Ecrits des
Grands hommes de ce Siecle.
111 avoit épousé Madeleine
Luillier, Soeur de Madame la
Chanceliere d'Aligre, &
estoit Fils de JeanBochart,
Seigneur de Champigny,
Noroy & Saron, Controlleur
General, Sur Intendant des
Finances, & premier President
au Parlement de Paris,
mort en 1630. Cet illustre
Magistrat descendoit de Jean
Bochart Seigneur de Norcy,
Conseillerau Parlement, qui
fut éleu les Chambres assemblées,
pour remplir la Charge
de premier President en 1447.
Celuy-cy eut pour Fils Jean
Bochart II. du Nom, auquel
Jean Silnon, Evesque de Paris,
donna saTerre deChampigny
en luyfaisant époufer sa Niece.
On iceut aussi que l'Evesché
d' Amiens avoit esté donné
à Mr l'Abbé Feydeau de
Brou, l'un des Aumôniers du
Roy, & que M l'Abbé
d'Hantecour, Aumosnier de
la feuëReyne, avoit eu l'Abbaye
de Longuay, Ordre de
Premontré,DiocesedeReims
vacante par le deceds de M,
l'Abbé du Four. Mr l'Abbé
d'Hantecourt est Frerc du
Pere d'Hantecourt, Religieux
de Sainte Geneviéve,
&Chancelier de l'Université.
Cet Abbé estant de quartier
lorsque la Reyne mourut,
eut le triste honneur de
remplir plusieurs fonctions
qui regardoient sa Charge.
Il a esté employé depuis la
mort de cette Princesse aux
conversions des Protestans
dans plusieursVilles de
Françe. L'AbbayedeBalerme
fut donnée le mesmejourau
Frere de Mde la Chetardie,
Commandant de Brifac
?
&
l'Abbaye de Noyers au Fils
de MPinçomAvocat au Parlement,
qui entend parfaitement
les matieres Beneficiates&
Ecclesiastiques, & qui
a écrit là-dessus touchant les
droitsde SaMajesté.Il-y eut
aussi ce jour-là plusieurs Benefices
de moindre consideration
donnez à des Officiers
d'Armée & de laMaison du
Roy, pour leurs enfans otj
pour leurs parens; mais le
Roy ne les accorda qu'après
que le Pere de la Chaise l'eut
asseuré que leurs vies &
moeurs luy estoient connuës.
Les choses qui ne demandent
pas de secret estant
bien-toit répanduës,on ne
fut pas long-temps sans apprendre
les noms de ceux à
qui les Benefices avoient esté
distribuez,& toute la Courfit
paroistre tant de joye de la
nomination de M l'Abbé de
Brou à l'Evesche d' Amiens,
qu'il m'est impossible de vous
la bien exprimer.
Je ne sçaurois m'empescher
de vous marquer icy
qu'un homme qui possede
une des premieres Charges de
la Cour, ayant prié le Roy
de luy donner un Benefice
pour un de ses Fils quiest
tres-jeune) Sa Majesté luy
demanda quel âge il avoit,
& l'ayant sceu
,
Elle luy dit;
quEHe estoit bien lâchée qu'il
eust encore tant de temps à at.
tendre. Celuy qui demandoit
cettegrace voulut donner des
raisons, & rapporta mesme
quelques endroits de l'Ecrisure;
mais le Roy sit connoistre
qu'il la sçavoit beaucoup
mieux que luy, & dit
qu'il ne donneroitjamais de Benefices
qu'à despersonnes capdbles
de sçarvoir à quevelles s'engageoient,
en prenant le party
d'entrer dans l'Eglise. Ce Prince
ajoüta ,on croyait peuteftrr
qu'on emportait quelquefois
des Benefices par faveury
mmaaisisqquueessiicceeuuxxqquuiiavonrv
cette pensée , pouvaient erre témoins
de ce qui se passe dans le
Conseil
,
lors qu'ils'agit de lA
distributiondesBenefice,ils verroientpar
toutes les précautions
qu'on prend pour ne les donner
qu'a des personnesdignes de les
posseder, la peine où ilse trouve
souvent avant que d'oserfixer
son choix. Sa Majesté fit
enfin connoistre
, que ny faveur,
ny brigue) ny recommandation
,ny naissance,ny
services
, ne pouvoient rien
obtenir, à moins qu'Elle ne
fust persuadée que ceux qu'il
- A
-
luy plaisoit d'en gratifier
n'eussent toutes les qualitez
necessaires pour en remplir
les devoirs. Ce n'est pas à
dire pour cela que tous ceux
qui en possedent,s'en acquits
tent dignement. La possession
du bien, & le peu d'occupation
corrompent fouvent
les moeurs. On s'aveugle
quelquefois dans le temps
où l'on devroit avoir le plus
de fageue?&:on ne conferve
pas toûjours les bonnes incli-,
nations qu'on a fait paroistre
dans ses premieres années. Le
Roy peut donner un Benesiceà
l'homme du monde
qui le meritéle mieux dans
le tcmps qu'il l'en pourvoir,
& qui dans la fuite en deviendra
tres-indigne.
- Je pourrois ajoûter- icy
beaucoup de choses sur ce que
le Roy voulut bien dire en
public touchant la nomination
des Benefices; mais ayant.
accoûtumé de vous rapporterles
faits sans aucun taisonnement
,je vous laisse faire làdessus
toutes les reflexion
que le Roy merite qu'on flÍI.
à sa gloire.
Ce Prince après avoir efii*
ployé la plus grande partie
du jour de la Pentecoste à
des avions de devotion &
de pieté
, & tenu un long
Conseil pour la distribution
des Bencfices qui vaquoient
alors, ne crut pas avoir encore
assez fait; il alla faire
le tour de la Place pour en
viliter les Fortifications, &
vit un Bataillon du Régiment
Soissonnois? qui estoit
en bataille sur le Glacis. Ce
Bataillon luy parut fort lestes
& il futtres-content.Il estoit
commandé par M le Duc de
Valentinois, Fils de M le
Prince de Monaco. Sa Majesté
vit aussi le Regiment
des Vaisseaux dans la Citadelle)
commandé pat Mr le
Marquis de Gandelus
?
Fils
de Mle Duc de Gefvrcs, qui
cnetf Colonel, & elle en fut
fort fatisfaitc. M le Marquis
fie Vaubecour, Gouverneur
de Châlons,&Lieutenant de
Roy du Verdunois
, & du
Pays Messin
, accompagna
toujours le Roy, & tint à
Verdun, tant que Sa Majcftc
y demeura,deuxTabks fort
magnifiqueSj ainsi qu'ilavoit
fait à Châlons, pour toutes
les personnes de la Cour qui
voulurent y aller manger. Le
Roy fut fort content de ce
Marquiseluy donna inefme
des marques de la fatisfadion
qu'il avoit de sa conduite.
Enarrivantà Verdun
» on
voit appris la mort de Madmoiselle
de Jarnac Fille
d'honneur de Madame la
Dauphine.dontje vousay déja
parlé.Elle fut fort regretée
à cause de son humeurdouce,
& complaisante,
Quoy que la Ville de Verdun
soit couverte par Longvvy,
Luxembourg, Sar-Loüis,
Strasbourg &autres, on ne
laisse pas de travailler tous
les jours aux fortifications de
cette Place. Le Roy ordonna
'lu)on y preparait les Ecluses,
afin qu'il puft voir à son retour
l'espace du terrain qu'elles
pourroient occuper.
Lors que Sa Majesté visita
la Citadelle qui est de cinq
Bastions fort reguliers , on
luy fit remarquer le Bastion
nommé le Marillac, qui donna
lieu au Procès qui fut fait
au Mareschal de ce mesme
nom> pour le crime de Peculat
, dont il avoit esté accufé.
L'histoirerapporte que
le Ministre qui nomma les tgommiflàiresquile condamnerent
,
leur dit après avoir
apprissacondamnation, qu'il
falloir que les Jugesenflent des
lumieres que le reste des hommes
n'avoitpas &queplus il avoit
fait de reflexionsur l'affaire dît
Maréchal de Marillac, &sur
toutes les choses dont on l'accusoit
,
moins ill'avoit juge digne
de mort; maisquenfin ilfalloit
croire qu'il estoit coupable
j
puis
qu'ilsïanjoient condamne. Il
n'eut dans la fuite que de la
froideur & de l'indifférence
poureux.
Le19.on ne fit que quatre
lieuës & l'on alla dîner
*
& coucher à Estain ; la journéeauroitesté
trop longue si
on avoit estéjusquesàLongvvy.
Mr Mathieu de Castelus
qui y commande vint à
Estain saluer le Roy,& tecevoir
les ordres de Sa Majesté.
Estain est un gros Bourg
muré, du Diocese de Verdun.
C'est le dernier de sa Jurisditèion
du costé de Luxembourg.
Quoy que ce Diocese
foit fort petit & borné de
toutes parts, sonpeu d'étendue
ne diminue pas néanmoins,
son revenu.MrdeVerdun
accompagna le Roy jusques
à Essain. La Cour eut un
tres-beau temps pour traverser
des ruisseaux, & desPlaines
grasses
?
& fertiles. Les
pluyes l'auroient fort incommodée,
mais le Royqui fait
les beaux jours de tous ceux
qu'il regarde favorablement)
devoit estreanez heureux
pour n'en pas manquer luymesme.
Sa Majesté prit ra:
presdinée le divertissement
de la Chasse. Ertain cft un
Païs de Bois accompagné de
belles plaines) & de Vallons
bien culrivez; les Maisons y
sontgrandes, & logeables
presque toutes bastiesà l'Allemande,&
il n'yen a pas une
qui n'ait quatre Chambres
hautes où l'on peut loger.
Le Roy,Monseigneur?& les.
Princesses eurent leursAppartemens
dans la plus grande,
& chaque Corps d'Officiers
logea dans d'autres. Le lieu.
paroist avoir esté autrefois
considerable;les Guerres l'ont
ruiné , parce qu'il n'estoit pas
assez fort pour se deffendre
des courses. La Paroisse est
unassezbeauVaisseau,surtou
dans l'étendue du Choeur,qui
est tres-beau &: fort élevé
Cette Paroissea esté bastie
par les soins de Guillaume de
Huyen, lequel ayantesté in,
struit à Verdun? passa en Italie
; ou la beauté de son génie
luy acquit la bien-veillance
de la Cour de ROIne. Il fut
d'abord Chanoine de Verdun,
& par degrez elevé à la
pourpre, ayant esté fait Cardinal
au titre de Sainte Sa-;
bine. Il employa ks biens a*
l'embellissementde sa Patrie
mais la mort qui le (urpnd
dans l'exécution de ses. def-i
seins
, en rompit le cours
Les Entrepreneurs volerent
l'argenr & lainerenrnglife
imparfaite.Il avait resolude
fonder douze Prebandes,un
College-, &un Hôpital ;.lnaiscil
ne voit qu'un Choeur de-;
licatement construit
, & la
Barete de ce Cardinal suspendue
à la voûte, pour monument
de sa pieté
, & de sa dignité.
Il vivoit en 1406. Un
Curé, & un Vicaire ont foin
de cette Eglise, & du Peuple.
Les Capucins ont en ce lieu
une Maison habitée par huit
ou neuf Religieux. Ils ont
quelque peine à subsister;
mais ils en auroient encore
davantage s'ils n'estoient prés
de Verdun où on leur fait
de grandes charitez»Ces bons
Peres se sont establis en ce
lieu pour aider le Cure., à
causequ'il n'a qu'un, seul
Vicaire avec luy,
Le lendemain 20. la Cour
partit, d'Estain? &alla dîner
à Pierre-Pont qui n'en est éloigné
que de trois lieuës. La
plulpart des Officiers mangerent
surune verdure arrosée
d'un ruisseau fort agreable.
On traversa ensuite plusieurs
petits torrens;on parcourut
des Valées:on monta
des hauteurs?&on gagnaen
&~
finla cime d'une Montagne
où lenouveau Longvvy entièrement
construit par le
Roy) pour faciliter la prise de
Luxembourg. Le Vallon est
arrosé d'une très- belle eau
vive, qui roule toujours, &
qui rend la Plaine fort fertile
; laveue se promene agréablement
sans estre bornée
que des deux costez par deux
Montagnes, mais elles n'offrent
rien qui ne doive plaire.
L'une est remplie d'arbres;
l'autre est occupée par te
vieille) & par la nouvelle
Ville. On découvre dans le
milieu de la Prairie deux mai.
fons de Religieux) l'une de
Recolets. & l'autre de Carmes
) qui y sont établis, &
qui ont foin des anciens Habitans
de ce Pays-là. Ils ne
font logez que dans des hutes
sur la Colline
, & ils avoient
au dessusun Château antique
qui les mettoit à couvert
des Coureurs; mais presentement
il est ruiné) &
l'on n'y trouve que des cabancs
& des masures. Longvvy
est situé sur une hauteur
bordée d'un précipice à IJEfi:f
& au Sud, s'estendans vers le
Nord,& l'Ouest dans une
Plaine fort fertile. La Place
n'est commandée d'aucun
endroit. On y voit une grande
ruë ,
à l'extrémité de laquelle
font deux portes accompagnées
d'un double fossé
, &: défenduës de bons
Battions. Dans cette ruë principale,
sont les maisons des
Bourgeois qui font environ
deux a trois cens feux. La
Place d'Armes est au milieu.
On y voit un beau puits
) &
à gauche une Eglise une fois
aussi grande que les Recolets
de Versailles
, mais ily a
moins de Chapelles. Cette
Eglise est accompagnée d'uaeTour,
de la hauteur de celle
le Saint Jacques du Hautes
à Paris
, qui sert de Beffroy
>
& de laquelle on dé-*
couvre jusques à six lieuës
dans le Pays. La Maison du
Gouverneur est à droite , &
fait face à l'Eglise. Le reste
des Maisons est basty par fimetrie.
Le long desRamparts,
font des Cazernes pour les
Troupes,-& l'on voit d'espace
en espace des Magazins de
différentes grandeurs.Tous
ces Magasins sont soigneusement
gardez. Le Roy logea
dans la Maison du Gouverneur.
Mrle Marquis de Bouflers
, qui a le Gouvernement
de Luxembourg, vint au de.
vantdeSaMajestéàLongvvy.
Il estoit accompagné de quel..
ques-uns de fcs Gardes qui ne
parurent point avec leurs Ca.
rabines. Le Regiment d'Angoumois
commandé par Mr
de Thouy,estoit dans la Place.
Le Royen fit la Reveue>
êcille trouva tres- bon, tous
les hommes estant bien faits,
&audessus de trente ans. Ce
Regiment eut l'honneur de
garder le Roy. Il fautremarquer
que ce Prince ne fut pas
plûtost arrivé) qu'il donna
des marques de son activité
ordinaire. Pendant que cluCun
alla? ou le reposer? ou fc
divertir dans fcs Appartemens,
où il avoitdonné ordre
qu'il y eust toûjours rou.
tes fortes de Jeux preparez,ce
Prince courut? s'ilm'est permis
de m'expliquer ainsi pour
mieux marquerfonardcur.)11
courut?dis-je où la passion
digne d'un grand Capitaines
&: le devoir d'un grand Roy
rappelloient,&sedonna tout
entier le reste de la journée à
voir des Troupes? & des Fortifications.
Il y a dans Longvvy
quatre cens cinquante
Cadets. Sa Majesté leur vit
faire l'exercice, &dit hautement;,
qu'il rijyanjoitpoint de
Troupes qui s'en acquittent
mieux. Elle resolut mcfrnc
d'en prendresoixante ou quatre-
vingt , pour en faire des
Sous-Lieutenans dans tous
les Corps, excepté dans sois
Régiment ,où l'on ne reçoit
point d'Officier qui n'ait esté
Mousquetaire.Toutes les
places qui y vacquent estant
reservées à la Noblesse qui
tort de ce Corps,ils se perfectionnent
encore dans ce Regiment
en ce qui regarde le
métier de la Guerre? avant
que d'estre élevez à de plus
hauts Emplois. L'exercice
que firent les Cadets? fut à la
voix & au commandement
de leur Capitaine, ensuite au
coup de Tambour, câpres
dans le silence, par une habitude
qui est en tous également
naturelle; ce qui se fait
avec tant de justesse, qu'il
semble que ce soit un feut-
J.
homme qui remuë également
toutes les parties de
son corps. Ceux qui prirent
ce divertissement avec le
Roy eurent un tres-grand
plaisîrde voir un mouvement
uniforme dans quatre cens
cinquante personnes de différentesgrandeurs.
Le Royvisita à cheval les
dehors de la Place, & fit à
pied le tour des Remparts.
-
Ce Prince marqua luy-même
ce qui en pouvoit encore
embellir les Travaux, & ce
qu'ils avoient de plus beau
& deplus seur. Cela fait voir
la parfaite intelligence qu'il
a de l'Art de la Guerre.
Il ne faut que voir Longvvy
pour concevoir une haute
idée de la puissance du Roy,
& l'on ne pourra qu'à peine
sepersuader qu'il ait entièrement
fait bâtirune Ville,
élevée sur une cime inaccessible
r & dont les remparts
font d'une prodigieuse hauteur.
Il est impossible de s'imaginer
la dépensequ'où
a faite à couper le Roc, à
rendre le terrain uny, & à
bâtir tant de beaux logemens.
Cette Place est de figure éxagone
r ayant un Baition
coupé ducodedesprécipices
feulement. Ilestsoûtenu par
deux Delny-Iunes, & deux
Ravclins. On amis trois Cavaliers
aux endroirs foibles,
qui découvrent fort loin,&
qui feront montez de vingt
pieces de Canon. Toutes les-
Fortifications de cette Placc
fontd'une ties-grande regularité
; & ce qu'il ya de surprenantec'est
que le Roy en
aitfait entierement conftruireungrand
nombre d'autres
qui ne sont pas moins fortes,
qu'il y fasse encore tra-*
vailler tous les jours, & qu'il
commence à en faire éleyer
denouvelle.Iln'est pas moins
étonnant que SaMajesté voulant
mettre ses Sujets à couvert
des courses de la Garnison
de Luxemboutg., en la
mettant au rang de ses Conquelles,
Elle ait fait bâtu
Longvvy pour faciliter ses
desseins, cette Place ayant
servy de Magasin pour tou,
tes les provisions neceflaircs
à un Siege aulli important
qu'a esté celuy de Luxembourg.
Comme rien n'altère davantage
la fanté qu'une forte
&continuelle app licationau
travail, M de Croissy , qui
par une longue fuite d'Emplois
&par l'occupation que
luy donne celuy qui l'attache
entièrementaujourd'huy,
s'etf attiré des douleurs de
goute depuis quelques années,
en ressentit de violentes
à Longvvy. Cependant
elles ne l'empefcherent point
de servir le Roy, en quoy
il fut parfaitement bien secondé
par M le Marquis de
Torcy son Fils, qui dans un
âge fort peu avancé, a déja
veu toutes les Cours de l'Europe
> en a étudié les maniéres,
& n'ignore rien de ce
qui regarde la Charge dont
Sa Majesté luy a accordé 1:4
survivance.
La Maison du Roy eftanr
si grande) qu'à peine il se
passe une semaine
>
sans qu'on
apprenne la mort de quelque
Officier) on sceut à
Longvvy celle de M Villacienne,
Gentilhomme servant
du Roy? & celle de Mr
de la Planche ,Valet de
Chambre de SiMajesté
,
la
premiere dépendant de Monsieur
le Prince,comme Grand
Maistre delaMaisonduRoy,
& l'autre deSaMajesté parce
que le défunt xi'çftant poirr
marié
,
n'avoit point d'ensans
à qui ce Prince en eust
pû donner la survivance.
Mrde Seignelay, qui avoit
fait le Voyage de Dunkerque
avec une diligence furprenante,
depuis que le Roy
estoit party pour Luxembour,
joignit Sa Majesté à
Longvvy , & luy fit le rapport
de l'estat des Fortifications
de cette premiere Place.
Je vous en ferois icy le
détail, si je n'estois obligé de
le remettreà unautre ÀrcmS)
a cause de la quantité de choses
curieuses que j'ay encore
à vous apprendre touchant
le voyage de Sa Majesté. Je
vous diray cependant que le
Risban, lesJetrées,lesEcluses,&
le Bassin pour les Vaif-
[caux, sont des choses si extraordinaires
à Dunkerque »
<juà moins de vous en faire
la defeription, quelques paroles
dont je pusse me servir,
pour vous marquer la beauté
deces Ouvages* il me seroit
impossiblede vous rien faire
Concevoir qui en approchait,
& vous auriez mesme encore
beaucoup de peine à vous les
representer tels qu'ils [ont) si
vous ne les aviez vûs.
Le Roy estant party de
Longvvy le 21. entra dans le
Luxembourg, &: dîna à Cherasse,
premier Village de la
Province ducosté de France;
Le Païs par où l'on entra, n'a
pas tant de Bois ny de Mon.,
cagnes que les autres Cantons
de cette Province. Ce font
des Plaines grasses & fertiles?
remplies de tres-bons grains.
Les Villages y sont en affcz
grand nombre,mais les maifons
n'en font pas entièrement
rétablies. En approchantdela
Ville de Luxembourgeonvoitde
toutes parts
destrous, desquels on a tiré
de la brique,& de la chaux,
& d'autres materiaux, pour
les nouvelles Fortifications
<i'un Ouvrage qui va au delà
de tout ce que l'on en peut
concevoir.L'aspect delaVilleestbeauducostédeFrancc.
Le plan paroist égal par.
tout,&lesédifices sontgrands
8c magnifiques. On découvre
plusieursEglises couvertes
d'ardoises, descazernes, des
Magasins, des maisons considerables,
Celles des particuliers
semblent estre bâties
desimetrie; mais lors qu'on
est dans la Ville, on est furpris
de ce qu'on n'a découvertqu'une
partie des Fortifications.
Elles sont toutes irregulieres,
& continuées suivant
l'étduë du terrain, dont
la situationpeut étonner des
Assiegeans qui oseroientl'attaquer.
•*
Je devrois vous parler icy
de l'origine de cette Place,
vous entretenir des Ducs qui
en ont porté le nom, & vous
en faire comme un abregé
d Histoire; mais j'ayamplement
parlé de toutes ces choses
dans le Volume que je
vous ay envoyé du seul Journal
du Siege que le Roy fit
)
lors qu'il joignit la Ville de
Luxembourg à ses premieres
Poiiujrfedr
Conquestes. Ainsi jeme COfitenteray
de vous envoyer le
revers de la Medaille qui sur
¿;'faite en ce temps-là, & que
j'ay pris foin de faire graver.
Le Portrait du Roy [e voit
sur laface droite. Jene vous
dis rien du revers, vous le
pouvez voir.
Ce Prince fut receu à la
Porte parleMajor de la Place,
&,' traversa la Ville au milieu
de six rangs de ceux de
la Garnison qui estoient soue,
lesarmes, & en hâye>j[ufque^
au lieuoùSaMajesté alladescendre.
Ils firent trois salves,
mais on ne tira le Canon qu'aprés
l'arrivée du Roy, parce
que cela auroit marqué une
Entrée, & qu'il avoit déclaré
qu'il ne souhaitoit point
qu'on luyen fist.LesBourgeois
vinrent luy offrir leurs hommages.
oLes ruës étoient toutes
tapissèesde branches d'arbres,
suivant la coutume du Pai's.
Pendant le Soupe du Roy
qui dura deux heures, ils aL
lumcrent unfcudejoyc dans
-- .--' -,. --, -' 1er
té —*
--_.
le Pâté qui eH: entre le Paffendal
& le Grompt, vis-à-vis
les fenestres du Palais du
Gouverneur, prés de la Riviere.
Toutes les ruës furent
illuminées, &ces illuminations
continuerent pendant
tout le temps que Sa Majesté
demeura àLuxembourg. La
façade de l'Hostel de Ville parut
éclairée par plus de deux
cens Lanternes, remplies de
Devises à la gloire de ce Prince.
Les Clochers estoient en
feu, & quantité de flambeaux
de cire blanche brûlerent
toute la nuit devant la maison
du Maire. Toutes ces illuminations
furent accompagnées
de cris de Vive le
Roy. Sa Majestéfutgardée
par un Bataillon de Champagne,
commandé par Mr le
Baron de la Coste, La Ville
estoit plus remplie d'Etrangers
que de gens de la fuite
de la Cour, sans compter les
Gouverneurs, les Lieutenans
de Roy, les Officiers des Garnisons
d'Alsace, de Lorraine,
&de Flandre, qui avoient
eu permission de venir. Mr
l'Evesque
)
& Mr le premier
President du Parlement de
Mets, y estoient aussi venus,
avec tout ce qu'il y a de plus
distingué dans la mesme Ville,
suivy d'un grand peuple,
que la curiosité de voir le
Roy y avoit attiré. Il yestoit
passé plus de dix mille hommes
deTreves,deCologne,
de Mayence. de Juliers, de
Hollande, & de la Flandre
Espagnole;& l'on eust dit
que toute la Champagne s'y
estoit renduë, pour remercier
le Roy d'avoir pris cette
Place, afin deladélivrer des
courses de sa Garnison. M1 de
Louvois y estoit arrivé le
jour precedent
,
après avoir
faitun Voyage de deux cens
cinquante lieues depuis que
Sa Majesté estoit partie de
Versailles pour aller à Luxembourg.
Cette diligence
ne paroiftroit pas croyable,
si ce n'estoit une de ces choses
de fait dont on ne [sa?=-:
roit douter. Ce Ministre
rendit compte au Roy de
son Voyage pendant que Sa
Majesté demeura à Luxembourg
& je vous en feray le
détail
, avec celuy de ce qui
s'est paffé dans le temps de
ce sejour,mais il faut auparavant
vous faire la description
de cette Place.
Tous ceux qui l'ont veuë
avant le Siege ,la regardent
avac un etonnement qu'il seroit
difficile d'exprimer, &
sont fort surpris d'avoir à
chercher Luxembourg dans
Luxembourg mesme. On ne
reconnoift: plus cette Place
que par quelques Edifices publics,
presque tous ruinez
dans la Journée des Carcasses
& dans la fuite duSiège, &."
rétablis dans une plus grande
perfection
, par les soins Ôc
par la pieté duRoy. On m'a
assuré que la Ville est grande
deux fois comme Saint Germain
en Laye, &j'ay vû deux
Relations qui le marquent.-
Je ne vous garantis pas
tjue cette grandeur soit juste
On peut s'abuser dans les
choses qu'on écrit sur lerapport
de sa veuë ; cependant
on peut concevoirpar
là une idée approchante de
la grandeur d'un lieu dont
on fouhaitc avoir connoissance.
La Place d'armes de Luxembourg
peut contenir environ
deux mille hommes
rangez en bataille. Les rues
sont larges,&il yen a douze
ou quinze considerables. Les
Bâtimens y sont de deux éta.:=
ges au moins. Ils sont assez
étroits
) mais presque tous
d'une--nlefme, simetrie. La
Cour y estoit assezbien 1&--
gée. Le Commerce n'y est
pas grand, mais la Garnison
y fait rouler beaucoup d'argent
par ses dépenses. On a
esté obligé de prendre des
Domaines, & des Jardinsà
quelques Bourgeois,& à quelques
Païsans, maisils en ont
esté largement indemnisez.
L'Hostel de Ville e£tpetit?
û façade n'est pas large. La
Paroisse est étroite, & il n'y
a qu'un Doyen,&dixEcclesiastiques;
un plus grand
nombre n'en: pasnecessaire,
puis que les Religieux qui
font dans le mesme lieu, les
déchargent presque de tous
les soins qui regardent les
Pasteurs. Il y a quarante-cinq
Religieux dans le Convent
des Recolets, dont la moitié
font François
, & les autres.
Allemands. Ils vivent
des questes delaVille, & dc:
la Province, & preschent
dans l'une & dans l'autre
Langue. Ils sont commis
pour auministrer les Sacremens
à la Garnison. Les Bourgeois
quisontfort devots, &
Flamans en ce point-la?vont
souvent faire leurs dévotions
chez ces Peres, qui sont en
très-grande reputation en
cette Ville-là?&fort estimez
& aimez de tout le Peuple,
Ils ne le font pas moins de la
Garnison qui les respect
beaucoup. Je pourrois ajouter
qu'ils s'en attirent la crainte
aussi-bien que le respect,
puis que ces Peres font toutes
les fonctions Curiales en ce
qui touche cette Garnison.
LePereOlivier Javenayaprés
avoir esté Gardien, & s'estre
acquis une grande réputation
par ses Sermons, a esté éleu
Custode de douze Maisons
.dependantes de celle-là, dont
celle de Luxembourg est la
principale. Les Jesuitesyont
une tres-grande Eglise, fort
propre, & fort riche. Elle est
plusgrande que celle des
Carmes de la Place - Maubert
, & a deux aillés, &
trois beaux Autels. Ils tiennent
leCollege
, & ces Peres
font ordinairement au nombre
de vingt-cinq dans cette
Maison. Encore qu'ils soient
tous François, il yen a quelques-
unsqui sçavent fort bien
l'Allemande & qui ontesti
élever en Allemagne. Leu.
Jardin est beau & spacieux
îc leur maison toute neuve
êc bien ordonnée. Ilsontune
Musique Allemande, que la
Cour alla entendre le jour de
la Trinité. Les Capucins y
ont aussi unConvent
>
dans
lequel on ne trouve que des
Religieux François ,
dont
le nombre peut égaler celuy
des Jesuites. Il y a
deux Refuges dans la Ville,
& une Eglise, appellée le
Saint Esprit, dansunBastion,
Celle desDominicains?qui a
esté fort endommagée par le
Canon, n'est pas encore rctablieIlsdonnerent
ieui
Tour pendant le Siege, pour
placer une Batterie qui incommoda
fort nostre Camp.
On fut obligé de s'en défendre?
& cela* pensa causerla
ruine entiere de leur Eglise.
J'oubliais à vous dire que
les Recolets ont le Cimetiere
de la Garnison. Leur Eglise
est aussi grande que celle des
Cordeliers du Grand Convent
de Paris. Ils ont d'assez
beaux Ornemens, & tout est
chez eux d'une grande propreté.
Leur Jardin est aiTçz
beau pour une Ville de Guerre
Il tomba pendant le Siege
cinq cens Bombes dans leur
enclos, dont trois tomberént
dans une Chapelle,
qui fert de Mausolee auComte
de Mansfeld, l'un des plus
grands Capitaines de son
temps, & fameux par ses Exploits
fous Charles IX. Il
mourut Gouverneur de Luxembourg
âgé dequatrevingt-
six ans. Son tombeau
estde Marbre blanc; safigure
->
& celles de ses deux Fern;
mes ,
font en bronze au desfus
de ce Tombeau,chacune
de six pieds de haut. L'une
des trois Bombes qui tomberent
dans cette Chapelle,
perça une grosse voûte, fit
tin trou fort large à l'extremitédu
Tombeau duComte..,
tourna à demy une pièce
de marbre qui le couvre, &
4jui a huit pieds en quarré
ôc la rompit environ de la
largeur d'un pied. Les Jefuites&
les Recolets ne font
sjparezquepar une rue* &
ïes Capucins sont dans un autre
quartier de la Ville, proche
la Porte-neuve. Il y a
aussi trois Convents de Filles.
Le Comte de Mansfeld dont
je viensde vous parler, a fait
bastir le Palais des Gouverneurs.
Il a esté tout ruiné par
nos attaques, & si bien reparé
par les soins de Mrle Marquis
de Bouslers
, que le Roy
y logea avec Monseigneur;
& les Princesses,Ilest sur un
Bastion. qui donne sur un
Fauxbourg arrosé par la Riviere?
dont la Prairie dans laquelle
elle se répand estun
objet agreable pour la veuë,
& dans une gorge entre deux
Montagnes. Il a pour point
de veuë un reste de petit bois
de haute Futaye. Pour pouvoir
insulter ce Bastion, il
fauts'estre rendu maistre de
sesdeffenses. Le Roy y avoit
une grande Salle, une
grande Chambre pour les
Jeux, sa Chambre,&trois Cabinets.
Les Gouverneurs de
Luxembourg avoient autrefois
une Maison de plaisance
située sur la Riviere qui sert
de point de veue lieur Palais;
mais les guerres les ont
privez de ce lieu de divertis
sement. Luxembourg est fituésur
une hauteur àl'extremité
d'un grand terrain du
costé de l'Ouest & du Sud
fondé sur un roc qui a este
coupé plus de quatre pieds
en terre dans les endroits ou.
l'Esplanade duGlacis n'est pas
sélon les Réglés? & commandé
par le chemin couvert. A
son Est, & à son Nord, ct
sont des Vallées prodigieuses.
qui semblent inaccessibles à
toutes les Nations; & cependant
c'est par ces abismes
qu'on a pris la Place. L'une de
ces Vallées entre le Nord k
l'Est, estarrosée par TEfle*,
petite Riviere sans commerce
qui vient du cofté du Sud
d'Erfche Bourgade„& qui va
se rendre dans la Moselle aprés
s'estre jointe au Sours
&. àSclbourgversVasbilingrr
L'autre est remplie vers le
Sud-Est de quelques petits
Ruisseaux de Ravines. Il se
trouve pourtant entre l'Esse
une langue de terre où cft la
Porte dé Trêves
,
& une autre
langue plus spacieuse occu\.
pée parunFort nommé du
Saint Espritque l'on a fortifié
depuis que le Roy a coiv
quisla Place. Elle estdiviséce
en haute, & en basse Ville,
La haute cft l'ancien Luxembourg
,reparé,&fortifié dt
nouveau. On afaitune Porter
neuve qu'on appelle de France
vers Nostre-Dame de
Consolation, & l'on a pouse
le Bastion de Chimay,jus
ques au delà de l'Insulte. La
baffe-Ville est composée de
deux Fauxbourgs, rendus c-e*
lebres par le dernier Siege.
L'un est nommé le Passendal.,
arrosé par le principal Canal
del'Effe. L'autre est le Minstier
ou le Grompt mouille
aussi par un bras de l'Effe. Entre
ces deux Fauxbourgs
?
est
la Porte de Treves
?
& une.
Plate-forme au dessousquon
appelloit le Pasté. A l'extremité
du Minfter vers la droite
est le nouveau fort du Saint
Esprit. Mr de Montaigu a
levé avec du carton le Plan
de cette formidable Place,
où Ion en remarque aisément
toutes les beautez, avec toutes
les augmentations que le
Roy y a faites. Toute l'Allemagnea
esté surprise de voir
avec quelle promptitude on
en a reparé les brèches &
avec quelle facilite sans avoir
égard à la dépense on a aug.;
mente cette Ville de plus de
deux tiers, afin d'occuper
tout le terrain qui sembloit
estre favorable pour en approcher.
Aprés vous avoir fait voir
la situation de It Place, il faut
que je vous trace icy le Plan
de ses Fottifications. L'entreprise
est hardie, & un terme
mis au lieu d'un autre, peut
répandre de l'obscurité dans
ce que je vous diray les descriptionsde
cette nature,quelques
ques claires quelles soient,
n'eitant qu'à peine intelligibles
pour ceux qui ne sont pas
dumestier.Joignez à cela que
je puis expliquer mal des cho-
[es, dont je n'ay pas toutes
les lumieres necessaires? pour
estreafleuré que je ne me
trompe point. Cependant je
fuis persuadé que quelques
fautes que je puissefaire
, &:
que j'aye peutestre mcfme
déjà faites depuis que j'ay
commencé à vous parler de
Fortifications dans cette Ler
tre, ce que je vous en ay dit,l
& ce qui me reste à vous expliquer
) ne laissera pas de
donner de hautes idées de la
puissance du Roy? & de la
force de Luxembourg.
L'ancienne Ville qui est
toute sur un terrain élevé
cil: un Heptagone ayant un
Bastion coupé par le deffaut
duterrain de Paffendal. Elle
a trois portes ; l'une vers le
Couchant) c'est celle de France;
l'autre au Nord? c'est celle
de Passendal; la troisiéme;
vers l'Orient, c'est celle de
Trêves, & une quatrième
pour les sorties regardant le
Midy. La premiere & la derniere
sont dans la haute Ville
bien flanquées de bons basions?
& de dix Redoutes,
soutenuës de bons Cavaliers,
où l'on mettra quarante pièces
de Canon. On peut voir
dans la premiere porte quelle
supercherie peuvent faire
ceux qui se desfendent dans
leurs maisons. La premiere
entrée prise , il ne faut aller
que pied à pied à la seconde;
& la troisiéme est encore
mieux gardée que les prémieres.
Les Redoutes sont
portées aux endroits les plus
soibles des Courtines pour
deffendre le chemin couvert,
& pour commander sur toute
l'Esplanade;elles font élevées
jusques au cordon pour répondre
au rez de chauffée, &
pour raser l'Esplanade. Au
dc!fij.S est une Plate-forme
avec un Parapet dont on se
sert jusqu'à ce que le Ganofll
l'ait renversé ; on se retire au
dessous où sont des Sarbacanes
pour tirer sur le chemin
couvert & dans le glacis. Dela
on a encore un étage en
- terre d'où l'on se peut desfendre
long- temps , &quand
on est poursuivy par les Galeries,
on a clei portes avec
du Canon de Campagne. Si
les Ennemis vouloient establir
un logement autour de
ces Redoutes, il y a des Mines
& des contre-mines toutes
disposées pour empescher les
Travailleurs d'avancer leurs
ouvtages. Les Fourneaux sont
si bien menagez qu'ils ne
peuvent manquer leur coup.
On a fait deux demy
-
Lunes
dans cette ancienne enceinte..
Le Bastion de Chimay? qui
est à l'extremité du Roc, &
qui commande sur la Porte
de Paffendal, est soûtenu par
deux autres Bastions avancez
le long de cette cime,qu'on
peut appeller une Demy-lune
1-
& une autre Contre-garde,
ce qui semble estre hors.
d'insulte> parce qu'on a fait
la dépense de railler dans le
roc,&qu'on s'est attache à
le rendre inaccessible; &
comme la Riviere qui passe
au dessous de la Porte, a une
hauteur dans son bord opposé
qui commande la Ville
>
car ce fut là qu'an mit une
Batterie pendant le dernier
Siege, pour ruiner jePalais
du Gouverneur; son Badion,
& la Porte,lePvoy a fait faire
sur la cime de cette hauteur
deux Ouvrages à o cornes
qui renferment tout l'espace
par où l'on avoit à craindra
Une Ligne de communication
prend de l'extrémité de
la Contre-garde du Bastion
de Chimay, descend par la
Porte de Passendal dans la
Riviere, & va joindre ces Ouvrages
, qui sont faits avec
toute l'industrie de l'At[,.
pour batere la Plaine d'audelà,
pour commander sur le
vallon où coule l'Effe,& pour
désendre le Chemin couvert
de la Contre-garde du Baftion
de Chimay;&afin qu'on
ne prenne pas ces O1uvrages par le vallon., Sa Majesté qui
voit tout avec des liimieres
qui necedenten rien àcelle5
de les Ineenieurs? a ordonné
deux Reodoutes au dessous,
prés de la Rivière. Ainsi le
Fauxbourg du Paffendal qui
est sur l'eau, fera défendu 8c
couvert de toutes parts. On
y fait un Hôpital, & il y aura
des Cazernes, & des Magasins
comme dans la Ville.
Il est fermé à la droite par
une autre Ligne de communication
semblable à la premiere,
qui joint le sécond
Ouvrage à la Porte de Trêves,
qui se trouve à l'extremité
d'une languete prise
dans le roc qu'on a percé en
deux endroîts, pour faire
passèr les chariots, & les
Troupes du Paffendal au
Minfier, sans monter dans
la. Ville. Le Minsterest aufll
défendu par cette Porte, ôc.
par le Fort du Saint Esprit,
qui a quatre Bastions coustruits
sur une petite éminence
qui commandoit dans
le Fauxbourg. Ces quatreBastions
sont soutenus de Demy-
lunes) de Contre-gardes,
& de Redoutes, qui battent
toute une campagne qui regne
au delà. Voilà les Ouvrages
qui se trouvent dans
les Dehors de Luxembourg,
&: qui font environ onze Bastions,
quinze Redoutes, deux
Ouvrages à corne,un troisiéme
qu'on y ajoûte prés de la.
Porte des Sorties, quatre:
Demy-lunes, trois Contregardes,&
cinq ou six Cavaliers.
Tous ces Travaux n'ont
pas moins surpris la Cour,
qu'ils ont étonné tous les
Etrangers qui les ont vûs.)
car cette Place qui tiroit de
la France deux millions de
contributions
, pourroit en
temps de Guerre en tirer bien
davanrage, & faire contribuer
juseqz ues à Mayence? à
Cologne, à Rez, au Fort de
Skin,à Namur& à beaucoup
d'autres endroits, ce qui ne
seroit pas difficile à une Garnson
de sept ou huit mille
hommes. Je ne vous diray
point à combien de millions
a monté la dépense des Fortifications
de cette Place,
chacun en parle diversement
&met le prix aux Ouvrages
de cette nature, suivant Tétonnement
qu'ils luy eaufent.
Ainfiil n'est pas facile
de parler d'une dépense?
quand elle se monte à plusieurs
millions. Tout ce que
je puisvous dire, c'est que le
Roy ne cherchant que l'entiere
perfection dans tout ce
qu'il fait faire, il y a encore
de nouveaux fonds destinez
pour travailler à cette Place,
quoy qu'il paroisse qu'on ne
puisse rien ajoûter à ces Fortifications
;mais le Roy a des
yeux& deslumieres dont on
ne sçauroit trop admirer la
pénétration. Je ne dois pas
oublier que la petite Chapelle
de Nostre - Dame des
Consolation dont je vous ay
déjà parlé dans ma Relation
duSiege, est restée en son
entier, les Assiegez, & les
Assiegeans l'ayant épargnée.
Toute
-
la Province y court
avec la mesme devotion
qu'on va à Nostre-Dame de
Liesse en France.
Il faudrait pour se bien representerl'aspect
de cette
Place, avoir vû les deux Tableaux
que Mr de Vandermeulen
enafaits pour le Roy.
Ils sont à Marly, & ont chacun
onze pieds de longueur.
Ils representent deux faces dô
laPlaec, de sesFortifications,
& de ses avenuës; mais avec
une telle regularité, que ceux
qui ont veu ces Tableaux ne
sçauroient se souvenir de la
moindre chose,qu'ils ne lareconnoissentaussi-
tost dans
l'unou dans l'autre. Ces Tableaux
sont gravez avec les
Estampes de Mrde Vandermeulen
dont je vous ay déjà
parlé, qui represententtoutes
les Conquestes du Roy de la
mesme maniere. Ainsi si la
description que je viens de
faire de cette Place, excite en
vous ou en vos Amis, la curiosité
de la voir d'un coup
d'ecil, vous pouvez avoir recours
à ces Estampes, qui sont
recherchées dans toutes les
parties du monde.
Le Roy ayant resolu de ne
demeurer que deux jours àLuxembourg
; monta à cheval
aussitost qu'il y fut arrivé, &
en allavisiter les Dehors. Mr
de Louvois qui estoit de retour
depuis un jour de son
Voyage d'Alsace,&MdeVauban
, qui sont les deux personnes
qui pouvoient rendre
un compte exact à Sa Majesté
des Fortifications de cette
Place, & sur tout de celles
qui ont esté faites nouvellement
par son ordre, l'accompagnerentpar
tout. Elle vit
les attaques de ses Troupes
pendant le Siege, &: trouva
de nouveaux sujets de loüanges,
pour tous ceux qui avoientcontribué
à cette conqueste,
M le Comte de Blanchefort
s'eilant trouvé auprés
du Roy, ce Prince toûjours
plein de reconnoissance
& de bonté pour toutes les
personnes qui ont du merite,
témoigna le regret qu'il avoir
de la mort de Mr le Maréchal
de Crequi son Pere,
qui avoit fait le Siegede Luxembourg;
ce qui parut toucher
fort sensiblemenr Mr
le Comte de Blanchcfort,
& renouveller dans son
coeur le dcfir qu'il a de sui
vre ses traces, &- d'imiter sur
tout sa prudence? & sa fidelité
pour le Roy.
, Le 22. Sa Majesté donna
audience à Mrle Baron d'Ingelheim,
Envoyé
-
extraordinaire
de Mrl'Electeur de
Mayence; à Mr le Baron
d'Elts, Envoyé extraordinaire
de M l'Electeur de Tréves,
& à Mrle Comte de
Chellart, Envoyé extraordinaire
de Mr le Prince Electoral
Palatin, Duc de Juliers.
Ils estoienr venus faire compliment
à Sa Majesté de la
part des Princes leurs MaiRreS)
sur son heureuse arrivée
àLuxembourg. Ces Envoyez
eurent aussi audience
de Monseigneur, où ils furent
conduits par MrdeBonneüil
,
Introducteur des Ambassadeurs,
qui les avoit menez
chez le Roy? & les avoir
esté prendre dans les Carosses
de Sa Majesté. Ils firent
present au Roy dela part des
Princes leurs Maistres
,
de
plusieurs tonneaux de vin
du Rhin, & de vin de Moselle>
que Sa Majestéreceutavec
les manieres honnestes
qui luy sont si ordinaires, &.
pour marquer que ces Presens
luyestoient agreables
de la part dont ils venoient,
Sa Majesté voulut qu'ils fussent
conduits à Versailles par
les mesmesVoituriers qui les
avoient amenez; & les Envoyez,
suivant les ordres qu'iL
luy avoir pieu d'en donner,
furent regalez splendidement,
avec toute leur suite,par
lessoins de Mr Delrieu, Contrôleur
ordinaire dela Maifondu
Roy, qui n'oublia rien
en cette rencontre de tout
ce qu'il crut devoir faire
pour leur satisfaction, &qui
entra parfaitement bien dans
leurs manieres,
Quoy que le Palais où logeoit
le Roy sust fort spacieux,
il estoit neanmoins
impossible que tous ceux qui
estoientpressez de l'impatience
de le voir? y pussent
entrer; ainsi ce Prince eut la
bonté de sortir plusieurs fois
à cheval? & d'aller mesme
doucement, afin de satisfaire
ceux qui ne respiroient qu'aprés
sa veuë. Il alla à la Metre
aux Jesuites;& plusieurs personnes
qui jusques alors ne l'avoient
admiré que par la quantité
surprenante des grandes
choses qu'il a faites,& qui n'avoient
jamais eu le plaisir de
levoir,l'admirerent ce jour-là
par sa bonne mine, & par un
air qui perfuaderoit à ceux qui
ne sçauroient pas tout ce qu'il
a fait de grand, que tout ce
qu'on leur en diroit feroit - veritable,
véritable. Le Roy estant forty
dela Messe,vit le plan de
Luxembourg, qui estoit dans
une maisonproche de l'Eglise
des Jesuites, Il monta à
cheval l'aprésdînée, & descendit
dansles Mines;il voulutvoiraussi
les Contre-mines.
Il visita les Fossez, & se
promena sur les Ramparts.
Pendant tout ce temps il s'entretint
des beautez de cette
Place avec Monsieur le Printce,
qui fit voir la parfaite
connoissance qu'il a de tout
ce qui regarde la Guerre, &
quelle est telle qu'onladoit
attendre du Fils d'un Prince
qui auroit pu apprendre ce
grand Art à toute la terre ,
si on l'avoit ignoré. Monsieur
le Duc, Monsieur le
Prince de Conty
,
& Monsieur
le Duc du Maine su.
rent aussi de la conversation,
& firent voir qu'il est des
sciences pour lesquelles les
Princes ne sont jamais jeunes
&qu'ils semblent avoir aj>„
prises en naissant.
Le mal de Mrle Comte de
Toulouse, qui avoit esté attaqué
le jour precedent d'un
mal de teste
)
& d'un mal de
gorge, continua,& la Rougeole
s'estant declarée, le
Roy resolut de sejourner
deux jours de plus à Luxembourg
, non pas pour y attendre
la parfaite guerison dô
ce Prince, laquelle ne pourvoit
arriver si-tost, mais afin
de voir quel pourroit estre le
cours de son mal. On mir:
auprés de luyMrduChesne
Medecin?MrduTertre, Chirurgien
de Monsieur le Prince,
avec un Apoticaire de Sa
Majesté. Le bruit s'estant répanduque
le retour delaCour
estoit reculé, quelques Etrangers
en parurentinquiets,mais
ils furent rassurez si-tostqu'ils
firent reflexion que le Roy
avoit toujours gardé inviolablement
sa parole;qu'il aimait
Monsieur le Comte de
Toulouseavec tendresse; que
ce jeune Prince estoit chery
<dc toute la Cour, & quainsî
l'incertitude du mal qui luy
pouvoit arriver, estoit la
vraye cause qui portoit le
Roy à retarder son depart.
La Rougeole deMonsieur le
Comte de Toulouse, ne fut
pas la premiere qui parut
à la Cour. Une des Filles
d'honneur de Madame la
Princesse de Conty en avoit
déja esté attaquée. Il yavoit
euaussi d'autres Malades; &
la Gouvernante des Filles
d'honneur de Madame Il
Duchesseavoit eu la Fiévre.
La maladie de ce Prince contribua
à l'indisposition d'une
Dame d'un tres-grand meri-
&
re. Elle fut saignée, & son
mal se passa.
Le 13. Mrle Comte Ferdinand
de Furstemberg, & Mr
Ducker, Envoyez extraordinaires
de Cologne
, eurent
aussi Audience du Roy, &
de Monseigneur le Dauphin.
Ils y furent conduits par Mr
de Boneüil avec les mesmes
ceremonies que l'avoientesté
les autres Envoyez,& traitez
demesme.Mr le Cardinal
LangravedeEurftcmberg
faluaaussileRoyavecdeux
de ses Neveux.M le Comte
d'Avaux, Ambassadeur dfe
France auprès des EtatsGéneraux
dès- Provinces unies
s'estant rendu de la Haye à
Luxembourg, y salüa Sa Majesté,
& receut d'Elle de nouvelles
instructions touchant
les negociations ordinaires de
son Ambassade.Lorsqu'il prit
congé du Roy,ce Prince luy
dit qu'ilcontinuastàle servir
de la mesme sorte,& qu'il seroit
content. Cela fit assez
connoistre que Sa Majesté
estoit satisfaite de ses services
passez. Mr Foucher, Envoyé
extraordinaire des Etats Géneraux
auprèsdel'Electeur
de Mayence , eut aussi l'honneur
de salüer ce Monarque.
LeRoy entendit ce jour là la
Messeaux Recolets. & vit enfuite
dans ure Chambre du
Convent le Plan de Trarback
levé par Mr de Montaigu.Je
vous parleray de ce Plan dans
la fuite de ma Lettre. SaMajesté
alla l'apresdinée à la
teste des Tranchées, & des
Lignes, & en examinant la
Place, Elle previt tout ce qui
pourvoit arriver, si on osoit
un jour entreprendre de l'assieger.
Elle fit le mesme jour
la Reveuë des Troupes de la
Garnison, quiconsistoient en
cinq gros Bataillons, & en
plusieurs Escadrons.
Le 14. le Roy entendit la
Messe à la Paroisse, & tint
Conseil le matin & l'apresdînée,
ayant pendanttoutle
temps qu'il a demeuré à Luxembourg
,donné cinq à six
heures par jour, pour tousles
Conseils qu'il y a tenus; de
forte, que le temps qu'il employoit
à voir des Fortifications
& à faire des
-
Reveuës,
estoit celuy qu'il prenoit
pour donner relâche à fan
esprit. Ainsi l'on peut dire
que l'esprit ne commençait
à se reposer que pour donner
lieu au corps d'agir. Pendant
que le Roy n'eliok occupé
que des soins de son
Etat sans se donner un seul
moment de relache
,
la Cour
se partageoit, pour se divertir
selon son goust. Les uns
se
-
promenoient ,
les autres
joüoient , & quelques autres
se rafraîchissoient chez Mrde
Bouflers.Je ne vous diray
point que durant tout le sejour
- que Sa Majesté a fait
dans cette Place, ce Marquis
a tenu plusieurs Tables chaque
jour, tant le soirquele
matin,à un fart grand nombre
de couverts; ce seroitdire
trop peu,puisque non seulement,
tousceux qui ont voulu
manger chez luy y ont
trouvé a toute heure tout ce
qu'ils ont souhaité, mais
qu'on n'a mesme rien refusé
f aucun de ceux qui en ont
envoyé chercher. Commejamais
homme ne fut plus genereux
> jamais dépense n'a
esté faite de meilleure grace.
Mr deBouslers apprehendoit
si fort de n'estre pas à Luxembourgpour
la faire
a.
qu'ilfol^
licita pour n'aller au Camp
qu'ildevoitcommander,qu'aprés
que Sa Majesté seroit
partie. Le Roy qui sçait distinguerladépense
qui n'est
pas interessée,luy a fait un
Present de trois mille Loüis.
Le z5. SaMajesté entendit
encore la Messe aux Jesuites.
Elle se promena de nouveau
à cheval dans les Fossez
) & à
pied sur les Ramparts. Plus
Elle a regardé la Place avec
application,&enaexaminé
les nouvelles Fortifications,
plus Elle en a esté satisfaite ;
8c comme on ne luy rend
point de grands services sans
recevoir des marques de sa libéralité,
par dessus les recompenses
ordinaires, Elle donna
douze mille écus à Mr de
Vauba n.Toutes les Relations
conviennent qu'Elle luy fit
ce Present d'une maniere si
obligeante, que plusieurs
souhaiteroient enavoir acheté
un semblable de beaucoup
plus, & l'avoir receu
Qvec le mesme agrément. JLf
Royafait aussi des Presens
dans toutes les Eglises où il a
esté. Il donnoit une somme
pour les Ornemens. Cette
somme estoit suivie d'une autre
pour les Pauvres, & ces
deux d'une troisiéme, ou de
quelques graces dont il de":
voit revenir de l'argent pour
l'embellissement des lieux. Sa
Majesté n'ayant point mené
de Musique auVoyage )l'un
de ses Musiçiens nommé Mr
de Ville, qui est Chanoine
de Mets> y prit quelques lastrumens,
& quelques voix ,
& fit chanter dans les Eglises
où le Roy entendit la Messe
à Luxembourg, les Motets de
Mrs du Mont, Robert, &
Minoret. Sa Majesté le recompensa
de ses soins, de son
zele, & de sa dépense. Comme
l'argent n'est pas toûjours
ce qui touche davantage,quelques
charmes qu'il ait pour
tout le monde, par l'indispensable
necessité où chacun
cil d'en avoir, le Roy fïr
ouvrir les Prisons à soixante
&dix Malheureux, qui aimerent
encore mieux la liberté
que toute forte de biens;mais
ce Prince ne leur accorda des
graces que selon le genre des
crimes,ne voulant pas que sa
clemence servist à en faire
commettre de nouveaux, à
ceux qui en avoient fait d'enormes,
& que l'on jugeoit
capables d'y retomber,ce que
Mr l'Evesque d'Orléans, Mr
l'Abbé de Brou
,
nommé à
l'Evesché d'Amiens, Mes,
les Abbez de la Salle «
Fleury,& Mrde Noyon Lieu-»
tenant de Mr le Grand Prevost,
ont examiné par l'ordre
du Roy.
Le26.les uns ne songerent
qu'à partir, & les autres s'affligerent
du départ. LaCour
en voyant les Fortifications
de la place, avoir pris un
grand plaisir à se mettre devant
les yeux tout ce qui s'estoit
passé pendant le Siege-
Elle avoit examiné les Attaques&
les Tranchées) admiré
la conduite du General
)
l'intrepidité
des Soldats, le ge.
nie & l'adresse de M'de Vauban
à conserver les Aillegeans;
car le Roy sçachant
l'humeur boüillante des François
, & leur zele pour son
service
, avoit expressément
ordonné à feu Mr le Maréchal
de Crequi, & à Mrde
Vauban,d'épargner les Troupes,
& de prolonger la durée
du Siege,plûtost que de
hazarder le sang des Soldats.
Ce Prince avoit pris ses mesures
pour cela, Il estoit à la
teste d'une Armée pour em-"
pêcher lesecours,&prest à
donner bataille à ceux qui
auroient voulu le tenter.
Lors que la Cour partoit
satisfaite, & toute pleine de
ce qu'elle avoit veu, elle partoit
avec son Prince, & le
devoit toûjours voir; mais
ceuxàqui il ne s'stoit montre
que pour gagner leur
amour,& ensuite les priver
de sa presence,avoient beaucoup
de cbagrin de son départ.
Ce Prince avoit paru
à Luxembourg plûtost enPere
qu'en Roy. Sa douceur & sa
bonté s'estoient fait connoître.
Il s'estoitmontré familier
sans descendre de son
rang; on avoir eu un libre
accés auprés de luy ; ceux qui
luy avoient presenté des Requestes
avoient esté écoutez,
& la pluspart avoient obtenu
les graces qu'ils avoient demandées
;les Prisons avoient
esté ouvertes;laNoblesseavoit
eu un libre accès jusque dans
saChambre ;il avoit permis
plusieurs fois au Peuple de le
voir dîner , ce qu'il avoit
refusé dans les autres Villes,
à cause de la chaleur; ils
avoient admiré la devotion
de Sa Majesté, & la pieté que
son exemple inspire à toute
sa Cour; il avoit fait de
grands dons dans la Ville;
les dépenses ordinaires de là
Cpur y avoient répandu
beaucoup d'argent,ainsi que
le Etrangers que l'envie de
voir ce Prince avoit fait venir
en fort grandnombre; L*
Noblesse avoit esté receuë
aux Tables de la Maison du
Roy,&les Etrangers de distinctionqui
n'estoient pas
venus avec les Envoyez des
Princes Souverains des environs
, y avoient aussimangé;
enfin tout concouroit à faire
aimer, & regreter ce Grand
Prince. Il partit le 26. aprés
avoir entendu la Méfie aux
Capucins,& alla dîner à un
lieu nommé Cherasse.
J'aurois pu vous parler plûtost
du Voyage dont Mr de
Louvois rendit compte ait
Roy à Luxembourg
, mais je
n'ay pas voulu interrompre
la fuite de la Relation que
j'avois à vous faire de ce qui
s'y est passé.CezeléMinistre
partit de Versaillesle30. d'Avril,
passa à Tonnerre & à
Ancy-le-franc,&après avoir
vû les Fortifications de Besançon
, les Troupes, & les
Cadets, il se rendit le 5. de
May après midy à Befort.
C'est la Capitale du Comté
de Ferrette, située dans le
Sunggovv bb 1
Sunggovv,écheuë au Roy
avec l'Alsace par le Traité
de Munster. Mr le Marquis
dela Suze en a esté longtemps
possesseur, par engagement,
ou autrement. Mrle
<C? ardinalMazarinpossedaenfuite
ce Comté, & Mrle Duc
Mazarin, qui luy a succedé,
en jouitpresentement. La
Ville estassez belle. Il y a
un Chasteau, où l'on a fait
quatre Bastions. Mr de Saint
Justest Gouverneur de cette
Ville
>
où Mr de Dampierre,
Lieutenant de Roy, commande
c-iifôn absence. M" de
Louvois visita la Place, les
Troupes, & les nouveaux
Travaux, qu'il trouva en bon
'estât. Ce Ministre coucha
le 6. à Dainm-arie Village
d'Alsace. Il se rendit le 7. à
Huningue. C'est une Place
quiestfort proche de BaDe,
ÔZ qu'on a nouvellement
fortifiée de six Bastions sur
le Rhin ; on y a aussi fait
- des Dehors? & un Pont
ik bois fut le Rhin avec
quelques Ouvrages au bout
pour en fortifierla teste.
Cette Place rend la France
fort puissante sur le Rhin.
Elle est dans l'Alsace. Mrle
Marquis de Puisieux en est
Gouverneur, & Mr de la Sabliere
, Lieutenant de Roy-
Mrde Louvois en examina les
Fortifications,& fit faire reveuë
aux Troupes qui y et;
toient e& Garnison. Le 8. il
coucha à Fribourg, Capitale
c- duBrifgaw
,
située sur la petite
Rivière deTreiseim,i
bout d'une Plaine fertile, &
sous une hauteur qui cft le
commencement de laForest
loire. Elle est grande, bien
)euprlee.&: a diverfcsEcrllfcs,
&: plusieursMaisons Rcligieuses.
Le Chapitre de Basle
y fait sa residence, quoy que
l'Evesque ne l'y faire pas. Il la
fait à' Potentru, depuis que
les Protestans ont esté Maistres
de Basle. Il y a une Chambre
Souveraine à Fribourg,
& une celebre Université,
qu'Albert VI. dit le Debonnaire
,y fonda en 1450. Les
Ducs de Zeringuen ont possedé
autrefois cette Ville; qui
passa dans la Maisonde FULstemberg,
par le mariage d'Agnes
avec le Comte Hugue
ou Egon, dont les Descendans
l'ont gardée jusque
vers l'an 1386. après quoy les
Bourgeois s'estant mutinez,
se donnerent aux Ducs d'Austriche.
Elle fut prise trois
fois en six ans par les Suédois;
sçavoir en 1632.. en 1634. ôc
en 1638. Son nom s'est rendu
fameux dans toute leuropc,
par la celebre Victoire que
feu Monsieur le Prince, qui
n'estoit alors que Duc d'Anguien,
remporta en 1644. sur
les Troupes Bavaroises, aprés
un Combat sanglant & opïniastré
qui dura trois jours,
pour les postes difputcz de
la Montagne-noire., à une
lieuë de Fribourg. Ces trois
jours furent le 3. le 4. & le 5.
du mois d'Aoust. Feu M le
Maréchal de CrequLqui commandoit
une des Armées,du
Ro.yj.piMt cette Villele17.
Noyen).bre1677.aprèsun Sijer
gaevdoeisteapltorosuckhuuxitmjouurrasi.llIelsy»
uneCitadelle
à quatre Ri-
(rions, dç bons FolLz? o~
quelques autres Ouvrages.
Depuis ce temps-làles François
l'ont fortifiée plus regulierement.
La Rivière- du.
Trcifeim, qui n'est jamais
glacée? nettoye toutes les
rues. On a ajoutéquelques
Bastions aux anciennes muraillesde,
laVille,& les Fortifications
du Chasteau ont
este augmentées. On les a
étendues sur toute la hauteur.
C'est un chef-d'oeuvre de Mr
de Vauban. On yaaussi bâty
d'autres Forts qui commandent
à deux vallées. Les
Archiducs d'Autriche y avoient
étably une Chancelleric.
Il y a quatorze Mona.
stercs à Fribourg, & des Maisons
de trois Ordres de Chevalerie.
Mr du Fay en est
Gouverneur, Mr Barrege.
Lieutenant de Roy, & Mr
Roais commande dans leChasteau,
Mr de Louvois dîna le
,. à Brissac,&vit la Place
&les Troupes.Cest une Ville
d'Alsacedans le Brisgavv qui
donne un passage sur le
Rhin. Elle fut prise en 1638-
par Bernard de Saxe, Duc de
Vveimar, General de l'Armée
de Suede? avec le secours des
Troupes Françoises que conduisoit
le Maréchal de Guebriant.
On y trouva plus de
deux censpieces de Canon)
avec degrandesrichesse -y,
l'annéesuivante le Duc at
Vveimar estant malade à.
Nevvembourg prés de Irifac?
le mesme Maréchal de Guebriànts'aflxiraaumoia.
deJ all--
kx de cetteimportante- rl -
ce-,ôc des autres qui fuienc re-r
mises au Roy j&r TwtÇ du
9.Octobre de lamesme aPT
née.Elles surent cedées à Sll
Majesté en 1648. par leTraité
de Vvestphalie
, ce qui, fJu;
confirmé en 1^59<parcehijfr
des Pyrénées,Brisaa,que
quelques-uns juçmmenp la
Citadelle de l'Alsace, &d'autres,
laClef de l' Allemagne,
passè aujourd huy pour une
des plus fortes Places del Eu-
-
rape, soit qu'onregarde sa
situation sur un Mont,soit
qu'on examine ce eue l'arta
ccoonnctrriibbuuééaà la rreennddrree rrce~guu--
liere. Elle est sur le bord du
Rhin qu'elle commande,
C'estoit autrefois la Capitale
duBrisgavv, qui areceuson
nom d'elle, mais Fribourg
l'a emportédepuis quelque
temps. Il y a aujourd'hui
double Ville,car outre cellequi
estoit audelà du Rhin,
onafortifié une lac, qui est
presentement habitée, avec
grand nombre de Bastions.
Ilya aussi des Fortifications
en deçà du Rhin? & toutes
ensemble elles peuvent faire
environ trente Bastions. On
travaille incessamment à cette
Place, que l'on peut dire
imprenable. Il y a dans Brisac
une Compagnie de jeunes
Gentilshommes. Mr le Duc
Mazarin en est Gouverneur
Mr de la Chetardie y commande
en sa place,& Mr de
Farges y est Lieurcnant de
Roy. (
Mr deLouvois vit lemesme
jour p. d'Avril, les Fortifications
de Schleftadt. &
les Troupes qui y font en
Garnison.C'est une Place située
dans l'Alsace sur la Riviere
d'Ill qui porte Bateaux.
Elle estoit autrefois fortifiée
de bonnes murailles & de
fortes Tours, avec un Rempart,
& des Fossez très-larges
&fort profonds. On y a fait
des Battions depuis ce temps,
là. C'est une Place fort considerable
,
où l'on fait un
grand trafic. CetteVilles''est
toujours maintenue Catholique
au milreu de i'Heresie,
& il y a un College de Jesuites.
Mrde Gondreville en,est
Gouverneur, & Mrde la Provenchere,
Lieutenantde Roy.
Le 10. Mr de Louvois allacoucher
à Benfeld,petite "-il.
le de la baffe Alsace
,
assezforte,
&: des mieux entenduës..
Elle, dépend de Strasbourg-
,
dont elle n'estéloignée que
de trois lieues. Elle est sur
la Riviere d'Ill. Mr de Louvois
dîna le 10. à Strasbourg
)
ôc y sejourna le n. vit la Ville,
la Citadelle, les Forts, &
les Troupes. Mr de Chamil-
.Iy) si célébré par la défense
de Grave. en est Gouverneur.
Mr de Louvois logea chez Mr
de Monclar, qui commande
-
en Alsace. Je ne vous dis rien
de Strasbourg, comme je ne
Vous ay rien dit de Besançon,
parce que ces Places sont entièrement
connues. Ainsi je
ne vous ay parlé que de cellies
dont j'ay cru pouvoir
vous apprendre quelques particularitez
quine se trouvent
dans aucun Ouvrage imprimé.
Le 12. Mrde Louvois dîna
au Fort Louis du Rhin.
C'est un Fort qui a este construit
dans une Isle du haut
Rhin, huit licuës au dessous
de Strasboug, & autant,au
dessus de Philisbourg. Ce poste
estoit presque inconnu.
Toute l'Isle qui est au Roy,
estant dans l'Alsace qui ap.
partient à Sa Majesté
,
doit
estre fortifiée. Il doit y avoir
plusieursBastions, & des
Ponts avec des Fortifications
à la teste. Mr de Bregy est
Gouverneur de cette Place.
Mr de Louvois aprèsavoirs
examiné l'estat de ce Fort
allalemême jour coucher à
Haguenau. C'est une Ville
fort marchande en A lsace,située
entre les rivieres de Meter
& de Sorn.On gardoit autrefois
dans cette Ville-là,
la Couronne,le Sceptre, la
Pomme d'Or, & l'Epée de
Charlemagne avec les autres
ornemens Impériaux. C'est le
Siege du Bailly du Langraviat
d'Alsace. Mr de Louvois
coucha le 13. à Britche, où il
visita les troupes & la Place.
Cette Ville qui a un Châteauassez
considerable, est
dans la nouvelle Province
de la Sare. Mr de Morton
en est Gouverneur, & Mr de
laGuierleLieutenant deRoy. |
3MVT de LLoouuvvooiiss, aapprrèèss aavvooiirr
Nifité lesFortifications & les
groupes> alla dînerle14. à goù il-ne la même.
choseavec unepareille
activité.Hombourgeft assez
considerab- eoniiderable>&:estauasusmi dans la Provence de laSarre. M1
lç Marquisde laBretesche
qui commande dans cette
Province,en est Gouverneur,
& ^lr de la Gardette y
commande
en son ablençe,
M de Louvois alla ce jourlacouch
r à.jatrpctip Village
de la Province de la Sare qui
se nomme Cucelle &le1/
il passaàKirnoù il difha
en visita le Chasteau. Il cb.,.-
chaleITlefmejourlTraDeri
proche Trarback, & visita
la Presque-Isle de Traben, oi|
l'on va bastir une Placequi
s'appellera Mont-Royal. Cette
Place dont on n'a oiïy parler
qu'en apprenant qu'on y
travailloit
)
fait aujourd'huy
l'entretiende toute l'Europe,
le Roy n'entreprenant
rien qui ne soitassez grand
pour servir de conversation
au monde entier.Quoyqu'on
parle beaucoup d'une chose
ce n'est pas à dire qu'on en
partetoujours jùftc
) & il est
mesme presqueimpossible
:quton puissefejavoir au vray
toutes les pârticularitez d'une
entreprise
?
dont a peine,
at-on appris qu'on a forme,
le dessein. Tout ce que je
puis vous dire de celle-cy,
c'est que j'ay ramassé avec
grand foin* beaucoup de circonstances
qui la regardent*
&: que quandil y en aur,Qi,t;
quelques-unes qui ne feroient
pas toux à fjut vrayes;
je ne laiffer4 pas, 4c ycxuj
apprendre plusieurrs çbofcî
qu'on ne peut encore vous avoir
dites. Le Roy voulant
couvrir Luxembourg en 3
J - s cherché -lps tnoyeps ?
& lesa
trouvez danssesterresen.déT
couvrant un lieu. propre à
fairebastiruneVille. Ce lien,
se nomme Traben, & pour
parler à lamaniéré du Païs,
il eit à trente heures dç-Liirxembourg,
à douze de Tre"
ves, &à six de Coblens. Je
ne me puis tromper de beaucoup
sur le plus ou sur le
moins) & l'espace que je vous
marque) vous doit donner à
peu prés l'idée de l'éloignément
où ces Places peuvent
cftre les unes des autres. Tra.
ben est à la teste de Luxembourg.
On dit que Cesar y a
Autrefois campé, & qu'il y a
des vestiges d'une espece de
Fossé que l'on pretend avoir
autrefois fermé son Camp,
La Nature semble avoir faifre
ce lieu-là afin que le Roy le
fin: servir à sa gloire. Il n'a
que huit toises de largeur à
son entrée, que l'on dit estre
une escarpe& un rocher inaccessible.
La Moselle, qui n'eâ
point guéable en ces quartiers-
là ,envelope lereste de
son enceinte. L'entrée du
terrein elt occupée par un
plan deSapinsqu'onfaitjetter
à bas pour servir à cette
entreprise. La terre qui rcftc
lontient un des meilleurs
plans
plans de vignes de tout lePaïs,
& quelques champs qui rapportent
de tres-beaux grains,
&l'on trouve outre celaassez
de vin &de grain dans l'étendue
de cette presqu'Isle pour
nourrir une Garnison de trois
ou quatre mille hommes, Les
costes qui regnent vis-à-vis
le long dela Riviere,ne commanderont
point la Place, &
comme on ne pourra l'attaquer
que par le terrain que je
viens de vous marquer, il est
aise delarendre imprenable.
Il ya quatre Villagessur Iesr
crestes de ces costes dont on
pourra tirer de grands secours
pour les premiers Travaux,
L'extremité du plan de lapins
est une grosse source, qui se
trouvera dans lesFossez de la
Place, & qui fournira de
l'eau à la Ville. Elle aura
plusieurs Bastions
>
& fera
touteirreguliere, & tracée
sur la longueur, & la largeur
du terrain. Il y aura autour
de lapresqu'IsledesRedoutes
d'espace en espace
) pour dé-«-
fendre le passage de la Riviere.
Cequ'ilyade surprenant,
]
c'est qu'on peut dire que ce
que le Roy rcfout,est à demy
fait presqu'au moment
qu'il est resolu, au lieu que
pour l'ordinaire les grands
desseins demeurent au seul
projet. A peine eut-on plante
les piquets) que les Baraques
pour leslogemens des Soldats
le trouvèrent faites. Sept Bataillons
travaillèrent. Ils furent
bientost fortifiez d'autres
Troupest & l'onregarda
cette entr^prife avec unétonnement
donton n'cft pas encore
rovenu? sur tout pendant
que le Roy fait travail1er
dans le mcfmc temps àun
fort grand nombre de Places.
Quelque Souverainqui aitjamais
entrepris d'en faire, elles
ont estel'ouvrage du temps
plûtofi que de ceux dont elles
ont pris le nom; puis que la
pluspart nont presquerien
fait de plus, que d'en avoir
mis la première pierre. Voilà
la France à couvertdes infultes
deTAllemagne, & le Roy
fait plus à son égard
? que les
Chinoisn'ont jamais fait par
leur muraille de cinq cens
lieuës de long à l'égard des
Tarures.Le Royaume de la
Chine n'est à couvert que par
une feule muraille, & la Fran-*
ce l'est aujourdhuy par deux
rangs de Places forces, qui
doivent au Roy tour ce qui
les rend redoutables. tvir de
Louvoisaprès avoir sejourne
le 16.a Traben, & avoir,
pour ainsi dire, donnéle mouvement
à tous les bras devoient qui agir pour la gloire
du Roy,& pour la tranquillité
de l'Europe, alla coucher
le 17- a Sare-Loiiis, où il fit
la reveuë des Troupes, &vifita
les Fortifications de la Place
Elle est Capitale de laPro,
Vince de la Sare. Ce n'estoit
cjiTun Village, dont le Roy
a fait une Place tres-reguliere.
On luy a donné le nom de
-,ç,arc-Loüls, qui est un composé
deceluy duRoy,&de
celuy de la Province. Cette
Ville a six Bastions Royaux
avec quelques Demy-lunes,
& d'autres Ouvrages, M de
Choisyen est Gouverneur éc
Mr le Comtede Perin Lieutenant
de Roy. M deLouvois
y sejourna le 18. &le lendemain
il alla àThionville,
où il se donna les mesmes
soins, &pritles mesmes fatigues
que dans les autresVilles
où il avoit passé. Thionville
n'appartient à la France
que du regne du feu Roy.
C'est une Ville du Luxembourg
assise sur la Moselle.
C'estoit une des clefs du
Royaume avant les nouvelles
Conquestes de Sa Majesté.
On a razé Domvilliers, &
quelques autres petitesPlaces
voisines
>
afin de rendre celle-
là plus considerable. Mr
d'Espagne enest Gouverneur;
Mrd'Argelé,Lieutenant de
Roy, & Mr de Bouflers,Gouverneur
de Luxembourg,&:
Lieutenant general de la Pto-T
vince.Mr deLouvois a trouvé
dans toutes les places qu'il
avisitées,les Troupes & les
Fortifications fort belles. Le
Canton de Basle luyenvoya
faire compliment à Huningue,
& Mrl'Electeur de Treves
fit la mesme chose pendant
que ce Ministre estoit à
Trarbach, Les Magistrats de
tous les lieux qu'il avisitez,
l'ontaussi complimenté, &
les Gouverneurs des Provinces
&des Places que je viens
de vous nommer,& M les
Jntendans la Grange ôc la
Goupiliere ont fait tout ce
qu'ils ont pu pour le bien reé
galer; mais ce Ministre toûjours
agissant n'avoîtqu'à
peine le temps de voir les Repas
qu'on luy preparoit par
tout. Jamais on n'a fait tant
de chemin) ny vu tant de
Villes
,
de Remparts, & de
Troupes, en si peu de temps
Lors qu'on sert ainsi fou
Prince,on le fait servirde
mesme
; & quand les desseins
du Souverain font grands, on
ne voit rien qui ne sente le
prodige. Mr de Louvois dîna
le 20. à Luxembourg,où Sa
Majesté arriva l'aprésdinée.
Je vous ay fait un détail de
tout ce qui s'y est passé,&
vous ay dit que le Roy alla
le 26. dîner à Cheranc. Ce
Prince coucha à Longvvy,cù
• aprésavoir vu faire l'exercice
aux Cadets dans la Place d'armes
, il en choisit quatrevingt,
pour les mettre en diversCorpsenqualitéde
Sousl^
ieurenans, comme jevons
l'aydéja marqué. La Cour
alla dîüer le 27.à Pierre- Pànt.
Sa Majesté montaà cheval
l'apresdinée
, & arriva te soir
àEtain -en prenant le diver-^
tissement de la Chasse. Sa Ma>-
jesté y fut receuë par Mr de
Verdun. Elle entendit la
Messe le 1$. à la ParoiiTe,Se
fit de grandes liberalitez au
Curé5 & aux Capucins qui
sont établis en ce lieu-là,quoy
qu'Elleleur en eust déja fait
en y passant la premiere fois.
Elle dîna le mesme jour à
Verdun chez M" 1tveique,
à quiElleavoit donnéordre'
le jourprécedent pour 'lC{
âaiur qui fut chanté en
Musique sur les six heures dtV
soir. Toute la Cour y am,
ffcaravec une devotion qvd
répondoit à la pieté du Roy.
Le lendémain 29jour du,
S. Sacrement ,
la pluspart dM
Dames qui avoient accompagné
ce Prince , firent leurs
devotions, ce qui parut fort
édifiant. Le temps estant extremement
pluvieux, on ordonna
que la Procession se
seroit feulement jusques à
l'EglisedesJesuites, & qu'elle
reviendroitaussi-tost dans Ii
Cathedrale. La Procession
commença par les Paroisses
de la Ville, suivies des Mandians,
& autres Religieux.Le
Clergé estoit en fort grand
Nombre, accompagne des
Gardes de la Prevosté
,
des
Cent-Suisses de la Garde, ôc
des Gardes du Corps,qui marchoient
sur deux lignesa coté
de la Procession. Messieurs
les Princes du Sang estoient
immédiatement après leDais.
Monseigneur le Dauphin pa..
roissoit ensuite ; deux Huisfiers
portantdesMasses precedoient
le Roy, qui avoit auprésde
luy lePere de laChaise,
& fesAumôniers.Les Princesses
marchoient aprés, suivies
des Dames les plus distinguées,&
ces Dames l'estoient
d'ungrande nombre de Seigneurs
, & d'Officiers de la
Maison du Roy. Le Presidial
deVerdun marchoitenCorps,
Se MP de Ville suivoient le
Presidial.Aprés cette longue
file quiétoiten fort bonordre,
venoit une foule de peuple
innombrable, sans compter
ce qui se trouvoit encore dans
la Ville. Presque toute laLorraine
s'y estoit renduë,&on
en voyoit jusque sur les toits.
On s'arresta à deux Reposoirs,&
la grande Messe fut cclebrée
par Mr l'Evesque de
Verdun. Le Roy, & toute la
Cour occupoient la droite
des hautes Chaises. LesChanoines
estoient à la gauche,
& la Musique au milieu du
-Choeur; elle s'acquita assez
bien de tout ce qu'elle chanta.
Sa Majesté alla à l'Offrande,
& aprés la Messe Elle eut
à peine le temps de dîner *
pour retourner au mesme
lieu, oùla Cour entendit Vespres.
MdeVerdunofficia encore.
Au sortir de cette Eglise,
le Roy se promena autour
de la Citadelle
)
&: alla
voir les Ecluses, qui sont presentement
achevées, & dont
on se doit servit pour empêi
cher qu'on n'approche de la
Ville du costé où elles sont.
Mr deLouvois alla jufclu-aa
lieu où les eaux remontent.
Plusieurs Particuliers ayant
eu leurs beritages endommagez,
ont esté remboursez par
la bonté de Sa Majesté
, quoy
que cet ouvrage foit pour la
défense de leur Patrie.
Le 30.le Roy entendit encore
laMessedans la Cathedrale,&
Mrde Verdun luy
presenta de l'Eau-benite.Ce
Prince eut la bonté de faire
une remontrance au Chapi
tre,) pour l'exhorter de bien
vivre avec son Eve[quc) &
comme il sçavoit que les Chanoines
estoient en possession
depuis un fort grand nombre
d'années
?
d'estre debout pendant
l'Elevation, il leur deT
manda qu'en sa consideration
ilssissent une Ordonnance
pour abolir cetusage, à quoy
ils ne s'opposerent pas. La
Musique chanta un Motet sur
le rétablissement de la santé
de ce Prince, & receut en
mesme temps des marques de
sa libéralité, Toute la Cour
alla ce mesme jour dîner à.
Brabant, & arriva un peu
tard à Sainte-Menehout. M1
l'Evesque de Châlons s'y
trouva avec quelques Ecclesiastiques
qu'il y avoit ame.
nez. Mr le Duc de Noailles
ayant de son costé amené de
LuxembourgMr de Ville, &
prisà Verdun des Musicièns,
qui se joignirent à d'autres
qu'il avoit fait venir de Châlons,
le Salut fut chanté en
Musique aux Capucins sur
les septheures du soir. M de
Châlonsy donna la benediction
du S. Sacrement. Les
Capucins furent extrêmement
édifiez de voir que la
Cour, à l'exemple de son Souverain
faisoit paroistre une
grande pieté. Ils connurent
encore celle de ce Prince, par
les presens qu'il leur fit le
lendemain en partant, quoy
qu'ils en eussent déja receu
lors qu'il estoit paffé à Sainte-
Menehout, pour se rendre à
Luxembourg.
Le 31. le Cour dîna à Cense
de Bellay & allaà Châlons,
où elle trouva un nombre mfïny
depeuple qui s'y eftoic
assemblé
; croyant qu'elle y
passeroitla Feste de Dieu, cqui
seroit arrivé, si la maladie
de Monsieurle Comte de
Toulouse n'eust point rompu
les mesures que l'onavoit prises.
Le Salut fut chanté par
la Musique avec beaucoup de
iolemnité?M1deChâlonsef-
-tantà lateste desonChapi-
"tre. L'Eglise,& les ruës es-
Iaient si remplies
, qu'on
croyoit estre au milieu du
Peuple de Paris. Un nombre
infiny de routes sortes de gens
qui cherchoient à voir le
Roy, occupoit le Jare , &
Tonassure -qu'il n'y en avoit
jamais tanteu.
Ii
Le premier Juin, le Roy
dîna à Bierge, & coucha à
Vertus. Il y entendit le Salut
à la Paroisse, où il y eut une
Musique tres-agreable
,
soutenue
desHautbois des Mousquetaires.
M de Châlons y
officia,assistiéde M de Luzanfy
& de Lerry? qui ont des
Abbayes en ce lieu.
Lei. on partit de Vertus
à dix heures
du
matin, après
avoir entendu la Messe, pendant
laquelle la Musique continua
de chanter des Motets
de M1r du Mont. On ne sçauroit
trop admirer le zele&
l'activitéde Mrde Noailles,
pour le service de Dieu & du
Roy.M deChâlons aofficié
pendant l'Octave du S. Sacrement
, par tout où Sa Majesté
a esté dans son Diocese,
& il s'est par tout trouvé de
la Musique, par les soins de
M le Duc de Noailles son
frere. La Cour alla de Vertus
dîner à Etoge. C'estunlieu
toutremply d'agrémt.Lebastimentenest
beau,les Jardins
en sont charmans
, & l'abondance
des eaux y donne tous
les plaisirs que l'on en peut
recevoir. Ce lieu appartient
à Mr le Marquis d'Anglure,
& sert de retraite à deux freres
& à une soeur, qui par
leur mérité sefont fait une reputation
qui s'estrepandüe
bien avant dans le Monde. La
vertuest leur passion, la charité
fait leur employ, & leur
pieté est exemplaire. Le Roy
leuravoit fait dire qu'il difneroit
chez eux sans les embarasser,&
quoy qu'il n'euisent
pas l'avantage de donner
à mangeràSa Majesté,ny par
consequent l'honneur de la
servir,leur magnificence ne
JailTa pas de paroistre i la maniere
dont ils traiterent toute
la Cour. L'abondance fut
si grande aux tables qu'ils
firent servir
, que celle du
Chambellan ne tint point,
Monsieur le Prince qui mange
ordinairement à cette table
, ayant fait l'honneur à
cesillultres Solitaires de manger
àcelle qu'ils luyavoient
fait préparer. Le Roy inftruit
de leur vertu voulut sçavoir
le détail de leur vie dans
une solitude si peu commune
à des personnes de cette
qualité. Ce Prince apprit que
lesFreres faisoient le plaisir
- - de
de la Soeur, & la Soeur celuy
des Freres? que leurs heures
font reglées pour leurs exercices
ordinaires qui estoient
toujours égaux, sur tout la
Messe
,
les prieres frequentes,
& la visite des Pauvres. Un
fils de l'aisné qui n'a pas encore
cinq ans, eut l'honneur
de manger avec le Roy. Pendant
queSa Majestéfaisoit
son plaifirde s'entretenir de la
pieté de ses hostes,onluy apprit
que Madame la Princesse
deConty avoit un malde teste
& unedouleur de gorgequi
faisoient craindre que cette
Princesse ne fût bientost attaquée
du mesmemal qûeTilc
le Comte de Thoulouze avoit
essuyé à Luxembourg.
Le Roy ordonna qu'on
fïftauffitoft partir pourMo zmirel,
& se prepara a quitter
1-oge pour ta suivre.Il ne faut
pas que j'oublie à dire qu'il ya
une galerie dans ce Chasteau
qui plut beaucoup à Sa Majesté,
& qui auroit fait plus
long-temps le plaisir de toute
la Cour? si elle n'avoit point
esté pressée de partir. Elle
contient les Portraits- de tous
les grands hommes qui ont
paru en Europe depuis environun
Siècle, &; les Portraits
de ceux qui ont vescu
çlaAs, lemesme temps,-sont
pppofez les uns aux autres,
comme pour en faire des
paralelles; leurs principales
actions& leurs alliances font
marquées au bas. Cette Galerie
est plus curieuseque
magnifique, & l'on y voit
regner une simplicité debon
goust
, qui attire plus de
loüanges à ceux à qui appartient
cette maison, qu'une
magnificence mal entendüe..
-
Le Roy ayant quitté un lieu
jS delicieux
,
arriva de bonne
heure à Montmirel. Mr de
Louvois, comme Seigneur du
lieu, receut Sa Majesté à la
descente de son carosse. Ce
qu'on avoit soupçonné du
mal de Madame la Princesse
de Conty? arriva.Les rougeurs
parurent?&elle fut faignée
le lendemain au matin.
Sarougeolle estoit tres forse?
mais les Medecins dirent
qu'ellen'estoit pas dangereuse.
On Iaifïa aupres de
cette Princesse MrPetit,Pr-emier
Medecin de Monseigneur,&
Mr DodartsonMedecin,
avec MrPoisson, Apotiquaire
du Roy. Comme
ce Voyage approchoit de sa
-fin, la
-
Cour commença à défiler,
& M[ le Prince de
Conty partit pour Paris. On
dit ce jour-là des Messes
tout le matin, & à sept
heures du soir il y eut Salut.
LePrieur Curé, qui est un
Religieux de S. Jean de Soissons
,
fit la céremonie.Le
- 4. Monseigneurle Dauphin
ayant
beaucoup d'impatience
de - revoir Madame la
Dauphine, receut de Sa Majesté
la liberté de partir. Ce
Prince
-
arriva le soir mesme
à Versailles. Plusieurs personnes
quitterent la Cour cC;
jour-là. Les Prieres se firent
comme le jour precedent;on
fut fort en doute si on partÍroÍr,
on reeeut des ordres
pour le depart, & ces ordres
furenr révoquez. Le jour de
FOccave du S. Sacrement,le
Roy ayant sceu à quatreheures
& demie du matin l'estac
--de la maladie de Madame la
Princesse de Conty
?
Ordonna
à Mr de Louvois de faire
partir les Officiers, & cependant
cc Prince , quine songe
pas moins a
-
remplir les aevoirsdeChrestien,
que ceux
de Roy, demanda au Pere de
la Chaise
,
s'il estoit Feste dar s
le Diocese de Soissons,& s'il y
avoit obligation pour ses Officiers
d'entendre la Messe, &
pour luy
3
d'assister à la Procession.
Le Pere de la Chaise
luy repondit, qu'il estoit obligé
d'entendre la Messe
) &
non d'aller à la Procession
mais que cependant il feroit
mieux que Sa Majesté rendist
ce devoir aux ordres de l'Egli[
e,quia étably la Procession
de l'Octave. Il n'en falut
pas davantage pour faire
ordonner qu'on cLft coniti-*
nuellement des Messes, ôc
quoy que les Cloches qui
font fort grosses, fussent
près de la Chambre du Roy,
parce que l'Eglise est dans
le Chasteau, ce PrinceVOUrllut
qu'on les sonnast toutes.
Il entendità huit heures
& demie une Messe,dite par
un Chapelain de quartier.
Cependant le Prieur accom*
pagné d'un Diacre,d'un Sous-
Diacre
,
de trois Enfans de
Choeur, dehuit choristes, &
de huit Chapiers tirez de la
Chapelle du Roy, se preparoit
dans la Sacristie. La Procession
commençasur les neuf
heures; on dit ensuite la
grand' Messe,& le Roy partit
pour aller dîner à Vieu-
Maison,quiappartient à Mr
Jacquier. Monsieur le Prince
quitta la Cour, pour se rendre
à Paris. On coucha ce jourlà
à la Ferté sur Joüare dans
le Diocese de Meaux.M l'Evesque
de Meaux s'y trouva
avec quelques Abbez, & ses
Aumôniers.Onchanta le Salut
en plein Chant à la Paroisse
, & la bénédiction y fut
donnée parcePrelat. Sa Majesté,
qu'une marche continuelle
n'a détournéed'aucune
des fonctions de piet
» dont Elle s'acquite avec in
zele si édifiant, termina ce
cette forte tOétave du S.
Sacrement. On dîna à Monceaux.
Mr de Gesvres, comme
Gouverneur du lieu >^vo-t
fait au Roy pendantledîner
un present defruits,de fleurs
& de Gibier, d'une rh-iiierç
tout-à-fait galante. On traversa
Meaux iar,fulr, , &
on alla coucher à Caye. Le
lendemain, Monseigneur entendit
la Messeà Versaillesà
six heuresdumatin,&priten
suite la Poste pour se rendre
à Livry
3
où l'on attendoit le
Roy. Il estoit accompagne
de Monsieur le Prince de
Conty, de Monsieur de
Vendosme 5Se.de plusieurs
Seigneurs de la Cour. Ils
y arriverent sur les dix
heures & demie. Monseigneur
changea d'habit, & aprés
avoir pris quelques
- rafraifchissemens,
ilalla au devant
de Sa Majesté, quiarriva
sur les onze heures & demie.
Le Chasteau de Livry est
depuis long - temps dans la
Maison de MrSanguin, Sa
situation est charmante
, &
dans le voisinage d'une Forest
tres-agreable,& tres- propre
pour la Chasse. On voit un
beau Jet d'eau dans le milieu
de la court. Le grand corps
de Logisest terminé de chaque
costé par un Pavillon,
dont l'un fait face au Jardin,
& à l'Orangerie. Le Parc qui
est au bout, répond sur le
grand chemin. Le Roy descendit
de Carosse à la grille
de ce Parc. Monseigneur l'y
receut accompagné des Princes
qui l'avoient suivy. Madame
Sanguin) Mcre de Mr
le Marquis de Livry. Mr l'Evesque
de Senlis Madame de
Livry, & quelques autres personnes
de la Famille, reeeurent
Sa Majesté à la porte du
Jard in. Elle les faliiaj& leur
parla avec cet air doux &majestueux
qui luygagne tous
les coeurs. On servit le dîné à
midydansl'anti-chambre du
Roy. Elleestoit richement
meublée, & tenduë. des belles
Tapisseries
,
dont le feu
Roy d'Angleterre fit present
à M de Bordeaux, Pere de
Madame Sanguin, lors qu'il
estoit AmbaOEadeurauprés de
ce Prince. Le Buffct estoit
dressé dans une Salle qui joint
l'antichambre. On ne peut
rien ajoutera la propreté,&
au bon ordre que Madame
Sanguin avoit mis par tout.
Les Appartenons estoientornezavecun
agrément admirable,
& que l'on remarque
dans tout ce qu'elle fait. Mr
l'Evesque-de Sentis &M de
Livry sirent les honneurs;
mais ce dernier ne laissa pas
d'exercer sa Charge de premier
Maistred'Hostel. On
servitenpoisson avec autant
d'ordre qu'il yeut de delicaft{
fe & d'abondance. Monseigneurmangea
avec le Roy.
Les Dames qui eurent l'honneur
d'estre àla Table de Sa
Majcfté> furent, Madame la
Duchesse, Madame d' Armar.
gnac, Madame de Maintenon,
Madame de GramoRÇ*
Madame Sanguin, Madame
de Livry, &: Mademoiselle
de Sourdis,qui ayant esté
élevée chez Madame Sanguin,
ne la quitte point de-
-
puis long-temps. Les Princes
quiavoient suivy Monseigneur,
furent servis à une
autre Table. Celle du Grand
Maistre fut servie après le
dîné du Roy. Sa Majesté se
retira dens sa chambre au
sortir de Table. Elle y demeura
quelque temps,& partit
ensuite
,
après avoir fait
de grandes honnestetez à Madame
Sanguin,à M deSenlis,
& à Madame de Livry
)
& leur avoir dit, qu'Elle
n'avoit point esté si bien traitée
dans tout le Voyage.
Quoy que toute la Famille ait
part à l'honneur de cette Feste,
on peut dire que Madame
Sanguin s'est attiré beaucoup
de louanges , & d'estime,&
qu'elle a réussi dans
:.tour ce que la Cour attendoit
d'elle. Ce n'est pas d'aujourd'huy
que la Famille de Bordeaux
s'estdistinguée dans
toutes les choies qui ont regardé
leRoyCePrince donna
ce jour-là à Mr deMassigny,
l'un de ses Ecuyers,cinq cens
écus de pension. Cette grace qui n'avoit point esté demandée,
tomba sur un Sujet
d'autant plus estimé de toute
la Cour, qu'on luy a toûjours
remarqué un grand attachement
pour la personne
de son Prince. Le Roypassa
l'aprésdînée dé fort bbnéfe
heure par Paris, au bruit des
acclamations du Peuple, &
se rendit à Versailles
)'
ou
Monsieur & Madamel'attendoient.
Sa Majesté trouva
en y arrivant un nombre
infiny de personnes de la première
qualite, qui s' y étoient
rendues pour la salüer à la
descente deson Carosse. Plufleurs
Conseillersd'Estat?
ôc Maistres des Requestes,
eurent aussi cet honneur.
Elle montaaussi-tost à 1Appartement
de Madame la
Dauphine, pour voir certç
Princesse, & se promena
ensuite à pied pendant quatre
heures dans les Jardins
deVerailles.Ellevisita tous
les Ouvrages nouveaux qu'on
y avoit faits pendant sen
absence
,
&vitunfort grand
nombre d'Orangersquc'?Elle
avoit donné ordre de placer
dans l'Orangerie, du nom- bre desquels estoit l'Oranger
nomméleBourbon
,
qu'on dit
avoirenviron cinq cens ans.
Une si longue promenade à
pied au-retour d'un Voyage,
donna beaucoup de joye à
toutela Cour, parcequ'elle
estoit une marque de la parfaite
santé du Roy. Le 8. M"
le Cardinal Nonce, les Ambassadeurs
, les Ministres des
Princes Souverains qui sont
icy , & la pluspart des Chefs
des Compagnies superieures,
se trouvèrent au lever de Sa
Majesté, & luy firent compliment
sur son heureux retour.
Jamais ce Prince nes'étoit
mieux porte, & n'avoit
paru de meilleuremine, quoy
que pendant le cours du
Voyage, il se fust toujours
exposé à la poussieres dont il
auroit pû se garantir, si sa
bonté ne l'eust porté à vouloir
satisfaire à l'empressement
que les Peuples de la
Campagne avoient de le voir,
sur tout après une maladie
quiavoit fait paroistre l'excès
de leur amour pour ce Prince.
Le jour iuivancJa foule
continua à son lever &: cc
Prince voyant sa santé parfaitement
rétablie) puifquc
les fatigues d'un long Voyage
ne l'avoient pu alterer ) recompensa
en grand Roy,ceux
à qui, après Dieu & les voeux
de ses Sujets, il en estoit redevable.
Il donna cent mille
francs à Mr Daquin son
premier Medecin
3 quatrevingt-
mille à M Fagon, premier
Medecin de la seuë
Reyne, en qui il a beaucoup
de confiance, & dont la reputation
est solidement établie,
&: cinquante mille écus
à MrFélix, son premier Chirurgien.
Quelque temps auparavant
, Sa Majesté avoit
donné une somme considerable
à M Bessiere, qui pane
pour le plus fameux Chirurgien
de Paris, & qui avoit
esté consulté dans le temps
du mej du Roy. Voilà de
grandes recompenses , mais
qu'auroiton pu moins. faire
pour des personnes ÎL qui la
francs estsi redevable) &- à
quil'Europedoitlafuite de
1a tranquillité dont elle
jouit ?
Le Roy après son retour
donna un magnifique repas
atou-tes-lesDamesquiavoient
esté du Voyage
Jpendant
lequel
les soins de Sa Majesté
leur ont épargné beaucoup
de fatigue, les divertissemens
s'esxant mesme trouvez par
coût ainsi qu'à Versailles;
mais quandily auroit eu des
peines à essuyer pour cc qui
s'appelle la Cour,leplaisir de
voir quelquefois le Itoy sans
estreaccomrpagoné de la foule qui l'environne toûjours à
Versailles
)
& d'avoir le bonheur
de luy parler plus facilement
lour des choses qu'on
ne pourroit trop payer,Jamais
Prince n'ayant paru si
charmant que ce Monarque,
lors qu'il veut bien avoir la
bonté de se dépoüiller de sa
grandeur, il ne se montre
point dans ces momens,qu'il
ne gagne autant de coeurs
qu'il s'attire d'admirateurs
par
~par les grandes actions. Mr
e Comte de Tolouse arriva
e 8. à Versailles
, & Madame
a Princesse de Conty le 11.
'un & l'autre dans une par-
:11tc faute
> ce qui donna
beaucoup de joye à toute la
Cour,dont ils font lecharme
, & deux des principaux
ornemens.
FI N.
1 DV VOYAGE
DE
SA MAJESTÉl
A LUXEMBOURG.
E vous l'aypromis
,
Madame. Il faut
vous satisfaire sur le
grand Article du Voyage
de Sa Majesté à Luxembourg,
Pc. comme vous m'avez ordonné
de n'enoublier aucune
des circonstances, elles
feront le sujet d'une Lettre
entière. Un pareil Journal
doit estre agréable aux Curieux
Tout le monde scait
que le Roy ne peut faire un
pas hors le lieu de sa résidence
ordinaire, que toute
l'Europe ne soit aussi-tost
en mouvement. Le bruit de
ce Voyage n'eut pas plûtost
Commencé à se répandre,
qu'elle fit paroistre de grandes
alarmes. Mais que pouvoit-
elle avoir à craindre?
Elle devoitestre persuadée,
que le Monarque qui luy a
donné la Paix? n'avoir aucun
dessein de la rompre.
C'est son ouvrage, & loin
de songer à le détruire,Sa
Majesté fera toûjours preste
à faire repentir ceux qui travailleront
à troubler le calme
qu'il a étably. Un pareil
dessein ne sçauroitestre
conceu que par des Ambitieux
opiniâtres, & trop constamment
jaloux de la grandeur
de ce Prince;mais c'est
àeux seuls à craindre, dans
letemps qu'ils veulent rendresuspectes
toutes ses démarches,
& jetter dans les
cfprits des frayeurs seditieuses,
afin d'exciter dans la
plus grande partie des Etats
voisinsle desordre & la confusion,
sans quoyils demeurent
dans une fâcheuse obsçuiipé?
qui leur est beaucoup
moins supportable que la
douleur que les Victoires du
Roy ont dû leur causer
, pour
ne pas dire, leurs continuelles
défaites. Comme il y a
peu de Regnes qui ne plaisent
,
a quelques chagrins
que l'on puisse estre exposé
en regnant ,ils voudroient
toûjours jouir de la tristesatisfaction
qu'ils ont de com*.
mander aux dépens de la
tranquillité de l'Europey
mais le Roy quien est leBienfai£
teur> & le Pere, voulant
luy conserver le repos qu'il
luy a si genereusement procuré,&
dontil lafait jodir.,
malgré lescontinuels obstacles
qu'on oppose inutilement
à sabonté, renverse
tous leurs desseins par sa prudente
conduite &: par sa perseverance.
Les défiances que
l'on a voulu donner de son
Voyage) donton pretendoit
que de secrets desseins estoient
les motifs, ont esté
une occasion au Roy de confondre
les Ennemis de sa
gloire. Il n'a pu soffrir qu'on
crustqu'il déguisast ses intentions
,8z pour empescher
que leur sincerité ne fust
foupçonnée
9
il a bien voulu
donner un éclaircissement,
quien faisant voir la bonté
qu'il a de'ne point chercher
à troubler l' Europe qu'il a
l, pris foin de pacifier, a servy
encore, par des assurances
publiques,& dont aucun
Prince ne pouvoir douter, à,
dissiper les frayeurs que les
.1n.1.1 intentionnez avoient
jettées dans les coeurs timides,
afin de parvenir à leur but.
Non seulement ils n'y sont
point parvenus ?
mais tout ce
qu'ils ont pû dire, n'a fait que
fairemieux voir combien le
pouvoir du Royest redoutable,
puisqu'ilsontété obligez
de faire connoistre eux-mêmes
par toutes les chosesqu'ils
ont avancées, qu'il suffitque
ce Monarque fasse une entreprise
pour y réiiflir
, & que
s'il veut vaincre, il n'a qu'à
combattre. On a sujet de les
croire. Ils n'ont pas eu desfein
de flater
,
&sur ce qui se
publie de cette nature ,
les
Ennemis sont plus croyables
que d'autres, puis que leur
sincerité ne peut estresoupçonnée.
Mais comme vous
pourriez douter de la mienne
lors que je vous parleai
& croire que je me suis formé
exprés des monstres pour
les combattre, en faisant paffer
mes conjectures pour des
veritez,à l'égard de tout ce
que je viens de vous dire dt.
l'inquietude que l'on a voulu
donner à la plus grande
partie de l'Europe, pour luy
faire prendre de l'ombrage
des desseins du Roy
?
voicy
une piece justificative.
Sa Majesté
,
à qui rien n'est
inconnu, tant à cause de sa
vive penetration
, que des
foins qu'elle prend sans cesse
pour bien s'acquiterde ce que
son rang demande,sçachant
ce qui se disoit du dessein
qu'Elle avoit pris de faire un
VoyageàLuxembourg, voulut
faire voir la mauvaise intention
de ceux qui en répandant
des bruits contraires
au repos public, pretcndoient
venir à bout de leurs entreprises.
Dans cette pensée, Elle
ordonna à Mrle Marquis de
Croissy Colbert
,
Ministre &
Secretaire d'Estat
, ayant le
département des affaires étrangeres,
d'écrire une Lettre
à Mrle Cardinal Ranuzzi,
Nonce de Sa Sainteté enFrance.
Voicy à peu prés le sujet
de cette Lettre. Ive de Croisfy
marquoit à ce Cardinal
que le Roy luy avoit commandé
d'informer son Eminence de la
resolution qu'ilavoit priscel'al.,
lerdans le mois de May à Luxembourg
, CJTouencore que Sa
Majcflr n'eustpas accoûtumé de
rendre raison de Jes actions,
comme Elle ne vouloit pas
néanmoins renouveller l'alarme
qu'on dvùitprise sans fondement
de l'ouverture qui a esté
faite du convertissement de la
Tréve en un TraitédePaix ; Elle
luy avoit ordonné de /'assurer de
sa part ,
qu'Elle ne faisoit ce
Voyage que pour satisfaire la
curiosité qu'Elle avoit de voir
Elle-mesme en quel estat estoit
otlors cette place;, d'oùelleseroit
de retour,troissemaines, ou tout
A-U plus tard un mois aprésqu'Elle
seroit partie de Versailles;
qu'Elle se promettoit que son
Eminence empescheroit par Je$
Lettres tant à Sa Sainteté que
par tout ailleurs où ellel'estimeroit
à propos , que ce Voyage ne
donnast de l'inquietude aux
Etats Voisins
, 0* qu'aucun
Prince ne pustprendre le pretexte
de la marche de Sa Majestéspour
refuseràl'Empereur lessecours
ausquels ilsseseroientengagez,
Sa Majesté n'ayantpas d'autre
dessein que celuy dontElle l'avoit
chargéde l'instruire.
Cette Lettre qui fut écrite
à Marly,estoitdattée du quatrièmed'Avril.
MrleNonce
qui s'apliqueavec tout le foin
imaginable à tout ce qui peut
maintenir la paix, la reçût
avec une extrêmejoye.Il en
envoya des copiesdans tous
les lieux, où ille crut necessaire
pour remettre les esprits,
& n'en refusa point aux Ministres
Etrangers qui sont à
Paris, ny mesme à tous ceux
qui prirent la libertédeluy
en demander ; de forte que
cesCopies s'estant multipliées
en fort peu de temps , cette
Lettre devint aussi-tost commune.
Chacun l'envoya à ses
Amis, &. elle courut incontinent
, non feulement dans
les Provinces de France;mais
encore dans les Pays Etrangers.
Comme le Roy na
jamais manqué à sa parole,
&que tout le monde en est
fortement persuadé
,
les esprits
qu'on avoit voulu inquicter
en leur faisant entendre
que le Voyage de Sa
Majestécouvroit des desseins,
€jui devoient troubler la tranqnilité
de l'Europe, furent
rassurez> & les ambitieux qui
ire cherchoient qu'à renouseller
la guerre en proposant
<de faire une Ligue pour l'éiriter
, demeurerent dans une
Extrême confusion par l'impossibilitéqu'il
y avoit de
venir à bout de leurs desseins.
On ne parla plus que du
Voyage, mais on en parla
d'une autre maniere qu'on
n'avoit fait jusque-là, & ceux
quiavoientvéritablement apprehendé
devoir le Roy à la
teste d'une Armée par les
soupçons qu'on avoit tâché
de jetter dans leurs esprits, se
proposerent de le venir admirer
lors qu'il feroit sur leurs
frontières
?
& ce fut pour eux
un fort grand sujet de joye
s d'esperer de voir de prés, &
de considerer avec toute l'attention
que demandoit leur
curiosité? un Prince qui remplit
tout l'Univers du bruit
de son naIn, & de ses vertus.
Pendant que la Noblessedes
Pays voisîns de Luxembourg:
goûtoit par avance le plaisir
qu'elle attendoit en voyant
le Koy & qu'elle en avoit
l'idée remplie,comme on l'a
ordinairement de toutes les
choses.guc l'onsouhaiteavec
passion, ceux qui estoient du
Voyage s'y preparoient; d'autres
en parloient & d'autres
écrivoient sur ce sujet.Voicy
une Devise deM Magnin de
l'Academie Royale d'Arles,
surceVoyage.Le Soleil estoit
alors au figne du Belier. Cette
Devise a pour mot
CURSUM INCHOAT
OMINE MITI.
Il renouvelle son cours
Sous de fortunezpresages;
Loin d'icy
)
sombres nuages,
Nous n'aurons que de beaux
jours.
Ces Vers convenoient a£-
sez à ce qu'on venoit de publier
touchant les desseins
cachez fous le Voyage du
Roy.
Voicy une autre Devise
de Mr Rault de Roüen, sur
ce mesme Voyage daSa Majesté,
allant visiter ses Conquestes
,&voir ses nouveaux
X Sujets. Cette Devise a pour
corps le Soleil en son midy
sansnuages & sans ombreJ
&jettant de benignes influences
sur les Regions par
où il passe. Ces mots en sontl'ame.
FELICI BEAT
ASPECTU.
Tel que paroist le Dieu du
jour
Porté dans son char de lu
miere
,
Quand par chaque Climat il
faitsonvaste tour
Pourvisiter la terre entiere
J
k
Et que parsesbrillansrayons
Il produit en tous lieux les biens
quenous voyons;
Tel l'Augure LOUIS ruifitant
ses Conquestes,
Quelque part qu'il porte les
yeux,
SurJes Sujets nouveaux qui s'offrent
en ces lieux,
Répandsesfaveurs toutesprefies,
Et quoy qu'il fajfe voir la fierté
du Dieu Mars
,
( Sesyeux nont que de doux
re7g,ardsoLe
temps du Voyage s'avançoit,
& l'on estoit presque
sur le point de partir,
lors que le Roy fut attaqué
d'un grand Rhume. Mais
loin que cet accident sist
prendre aucune résolution
contraire à ce qui avoit esté
arresté, Sa Majesté ne retrancha
pas mesme un quartd'heure
des Conseils qu'Elle
avoit accoûtumé de tenir-
Mr de Louvoispartit quelques
jours auparavant , pour
unVoyage de prés décrois-
-- - .-- - - - --
cens lieues,& Mr de Seignelay
partit de son costé pour
aller voir les Fortifications de
Dunkerque. Comme il faut
donner quelque ordre à cette
Relation, je ne parleray de
leur Voyage que quand je
vous marqueray leur retour
auprès du Roy, Je vous diray
cependant qu'en s'éloignant
de Sa Majesté,ils avoient
toujours la mesme
part aux affaires. Rien n'est
aujourd'huy épargné en
France pour le bien de l'Etat,
&.
& le Roy, par le moyen des
Courriers
> peut conferer tous
les jours avec ceux qui sont
éloignez de luy.MrdeCroissy
fut le seulMinistre qui
devoit accompagner Sa Majesté.
Le Controleur GeneraI,
dont la presence & les
foins font toûjours neccffaires
icy,ne fait jamais aucun
Voyageavec Elle. Mais comme
je viens de vous le marquer,
ceux qui ont affaire au
Roy,parlent, pour ainsi dire
i tous les jours à Sa Majesté
?
quelque longue distance
qui les en feparc ,rien n'estans
épargné pour cela, & les
Postes du Royaume n'ayant
jamais esté en si bon estat
qu'elles sont presentement.
Des raisons avantageuses à
la France empescherentMadame
la Dauphine de se préparer
à estre de ce Voyage.
Monsieur
, qui relevoit de
maladie resolut de prendre
l'air à Saint Cloud pendant
l'absence du Roy, & Madame
voulut tenir compagnie
à ce Prince, malgré le plaisir
qu'elle prend aux Voyages
& à la Chasse, cette Princesse
estantinfatigable dans
des exercices qui lassent quelquefois
les hommes les plus
robustes.
Le Roy ne voulant pas
fatiguer sa Cour pour un
Voyage qui ne devoit passer
que pour une promenade,
resolut d'aller à petites journées,&
de mener Monsieur le
Duc du Maine,&Monsieur
le Comte de Toulouse.Onne
peut trop tost leur faire voir
des. Fortifications; des Troupes,&
des Reveues,& l'on
peut dire que leur en faire
voir de cette maniere, c'est
commencer à leur apprendre
en les divertissant, tout ce
qu'ilsdoivent sçavoir? ce qui
cft cause souvent qu'ils y
prennent plus de plaisir, &
qu'ils s'y attachent davantage
dans la fuite. Ces jeunes
Princes estant du Voya,
ge )
il fut.arresté que les Dagacs
en seroient aussi;celles
qui furentnommées font
Madame la Duchesse, Madame
la Princesse de Conty,
Madame la Princesse d'Harcour)
Madame la Duchesse
de Chevreuse, Madame de
Maintenon, & Madame de
Croissy? avec les Dames, &
Filles d'honneur des Princesses.
Elles devoient toutes
aller, ou dans le Carosse
duCorps du Roy, ou dans
d'autres Carosses de Sa Majesté,
& avoir l'avantage de
manger avec ce Prince. C'est
un honneur qu'elles ont u
pendant tout le Voyage.
Il fut aussi arresté que le Regiment
desGardes ne marcheroit
point, & que suivant ce
qui s'est souvent pratiqué, le
Roy seroit gardé par l'Infanteriequi
se trouveroit dans
les Places, où Sa Majesté
passeroit, & que dans les lieux
où il n'y auroit point d'Infanterie
en garnison les
Mousquetaires mettroient
pied à terre,& feroient garde
autour
l.
du logis du Roy.
Comme les Gendarmes & les
Chevaux-Legers ne servent
que par quartier, de mesme
que les Officiers de sa Maison
, du nombre desquelsils
* sont, & que ces Corps ne
marchent entiers qu'en temps
de Guerre, & lors que Sa
Majestéfait quelque Camp
Elle ne voulut estre accompagnée
dans ce Voyage
) que
de ceux de ces Corps qui esroient
alors en quartier. A
l'égard des Gardes duCorps,
le Roy resolut de mener seulement
leGuet. Comme vous
pourriez ne pas sçavoir ce
que c'est que ce Guet, il fera
bon de vous l'expliquer. Les
Gardes du Corps font toûjours
dans le service, sans
estre néanmoins toûjoursauprés
du Roy. Ils ne fervent
point par quartier comme
les Gendarmes & les Chevaux-
Legers; mais comme
ils font en fort grand nombre,
on les fait loger en plusieurs
Villes? ce qui pourtant
ne s'appelle pas estre en garnsson
, puis qu'ils y font
moins pour garder ces Places,
que pour y attendre
qu'ils fervent auprèsduRoy,
ce qu'ils font alternativement.
On dit en parlant de
ceux qui ne font pas auprès
de Sa Majesté
,
qu'ils font
dans leurs quartiers, & l'on
appelle relever le Guet? lors
qu'il fort un nombre de Gardes
de ces quartiers
, pour
venir prendre la place de
ceux qui font auprésduRoy?
&: que ces derniers retournent
dans les quartiers où ils
estoient auparavant, Il y a
prés de dix-sept cens Gardes
du Corps, qui font divisez
en quatre Compagnies,& ces
CompagniesensixBrigades
chacune,qui font commandées
par six Officiers ; sçavoir
trois Lieutcnans & trois
Enseignes, Chaque Compagnie
elt reconnuë par les
Bandoulieres des Gardes,qui
font de couleurs differentes,
On reconnoist les Gardes de
la premiere Compagnie , au-"
trement>la Colonelle, commandée
par Mr le Duc de
Noailles, aux Bandoulieres
blanches, & aux Housses
rouges; les Gardes de la
Compagnie de Mr le Maréchal
Duc de Duras, aux Baudoulieres
- & aux Housses
bleuës; les Gardes de la Compagnie
de Mr le Duc de Luxembourg,
aux Bandoulieres
&aux Houssesvertes, 8c les
Gardes de la Compagnie de
Mr le Maréchal de Lorges,
aux Bandoulieres& aux
Housses jaunes. Cette derniere
Compagnie portoit
orangé dans son institution,
mais depuis, elle a changé
l'orangé en jaune. La Colonelle
seule a des Housses d'une
couleur différente de celle
desBandoulieres,& cela vient
de ce que le blanc n'etf pas
une couleur à estre employée
en Housses. Il est à remarquer
que le Guet des Gardes du
Corps qui sert auprès de Sa
Majesté, à pied,& à cheval,
est toûjours de deux cens
Gardes, dont une partie est
de Salle, & l'autre se repose
tour à tour. Ce Guet n'est
jamais d'une seule Compagnie
,
mais de plusieurs ensemble.
ainsi que les Officiers
qui les commandent;
de forte que le Capitaine des
Gardes qui est de quartier,
n'a jamais sousluy aucun Ofsicier
desa Compagnie quand
il est de serviceauprésduRoy.
Vousremarquerezencore que
le Guet ne sert qu'un mois
auprès du Roy> à moins qu'ij
n'y ait quelque force raison
pour le faire servir plus longtemps,
comme dans l'occasion
de quelque Voyage tel
que ccluy que l'on vient de
faire. Ce n'est pas que dans
un Voyage plus long le Guet
ne changeast de la mesme
fortequ'à Versailles
, parce
qu'alors on feroit suivre tous
les Gardes. Rien ne marque
tant la grandeur du Roy que
ce changement de deux cens
Gardes tous les mois. J'ar,
crû vous devoiraprendretoutes
ces choses , & que ce ne
feroit pas sortir de la matiere
que je me fuis proposée dans
cette Lettre? parce qu'autrement
vous n'auriez pas bien
compris ce que c'eil: que le
Guet, dont j'ay este oblige
de vous parler,pour vous faire
une Relation du Voyage
du Roy aussi exacte que celle
que j'ay entrepris de vous
envoyer.
Touteschoses estantainsi
arrestées
)
personne ne douta
du Voyage, parce qu'ontient
toûjours pour certain tout ce
que le Roy resout, &le jour
deson départ aprochant,ceux
qui ne devoient pas l'accompagner
redoublerent leurs
empressemens auprès de ce
Prince. Jamais on ne vit de
Cour si grosse. Les Ministres
Etrangers allerenr prendre
congé de Sa Majesté
,
ainsi
que les Chefs des Compagnies
superieures,& plusieurs
autres personnes distinguées
dans la Robe par leurs emplois,&
par leur mérite. Plusieurs
Etrangers se renditent
aussi à Versailles pendant les
derniers jours que le Roy y
devoit demeurer, & quantité
de Peuple de Paris y courut
pour avoir le plaisir de joüir
feulement quelques momens
de la veuë de ce Monarque'
lors qu'il iroità laMesse, ou
à la promenade, ou pendant
qu'il disneroit. Sa Majesté
devant partir un Samedy pour
aller coucher à Clayes, où la
Cour estoit obligéed'entendre
la Messe le lendemain.
parce qu'ilestoit Dimanche,
Elle eut la précaution de recommander
quelques jours
avant qu'Elle partist, qu'il s'y
rencontrait beaucoup de
Prestres pour en celebrer un
assez grand nombre, & fit
paroistre sa pieté par cet
ordre.
Le Voyage avoit esté arJ
resté d'abord pour le deuxiémede
May,mais la rougeole
quisurvinta Madame la
Duchese,fut cause que le
Roy le Temii au dixiéme dta
mesme mois. Ce jour estant
arrive, Sa Majesté
>
après avoir
entendu la Messe dans le
Chasteau de Versailles
, en
partit avec toutes les personnes
de distinction,&les
Troupes que jeviens de vous
nommer. Le nombre de celles
qui devoient faire le Voyage
estoit grand;cependant, celane
faisoit qu'une tres-petite
partie des Troupes de sa Maison
,puisque le Regimentdes
Gardes ne marchoit pas, &
qu'il n'y avoit qu'un quart des
Gendarmes
, & des Chevaux
Legers, avec la neufou dixiéme
partie des Gardes du
Corps ou environ. Il y avoit
outre cela, tous les Officiers
de sa Maison en quartier dont
je ne vous diray rien, tout ce
qui regarde cette Maison
n'estant inconnu à personne.
Comme le Roy devoit
passer à Paris, le Peuple impatient
de le voir occupa dés
le matin tous les lieux de son
passage, aimant mieux l'attendre
pendantplusieurs heul'es,
que de manquer à luy
souhaiter par ses acclamations
une longuevie, & un
heureux Voyage. Les Religieux
sortirentaussi de leurs
Convents, &: la pluspart des
Fenestres furent remplies de
personnesdistinguées.LeRoy
quis'est toûjours moins attiré
les coeurs par la grandeur
de son rang que par ses manieres
toutes engageantes, salüa presque toutes les Dames
qu'il vit aux fenestres.
Sa Majesté passa par la Place
des Victoires, où Mrle Duc
de la Feüillade & Mle Prevost
des Marchands l'attendoient
avec un grand nombre
de personnes de la premiere
qualité. Vous sçavez
sans doute qu'on n'a fait encore
qu'une partie duBastiment
qui doit embellir cette
Place. Cela fut cause qu'on
pria le Roy d'avoir la bonté
de dire de quelle maniere il
souhaitoit qu'on l'achevaft ,
& si on continueroit ce qu'on
avoit commencé , sur les
desseins de Mr Mansard son
premier Archirecte , c'est à
dire à l'égard de la figure de
la place, car les Bastimens onc
toûjours esté trouvez fort
beaux. Sa Majesté en parut
fort satisfaite, & jugea à proposque
l'on fuivift le dessein
qui avoit esté commencé.Mr
de laFeüilladeayant fait entierement
dorer la Figure du
Roy depuis que Sa Majesté
ne l'a veuë ,
Elle s'attacha à
la considerer attentivement.
Quelques-uns dirent qu'ils
l'auroient mieux aimée de
bronzerd'autresfurent d'un
sentiment contraire, &alleguerent
que la Statuë de
Marc Aurele que l'Antiquité
a tant vantée,& qui a esté
si estimée des Romains,avoit
esté dorée.Onrépondit que
ce n'estoit pas ce qui l'avoit
fait admirer,&quel'Empereur
Neron avoit fait dédorer
uneFigure d'Alexandre.Ceux
qui font profession d'estre
curieux ne prirent pas le party
île l'or, parce qu'il y a plus
de
<fcbronze que d'or dans leurs
Cabinets. Le Roy qui neparle
point sans se distinguer
,
dit
beaucoup en ne disant rien.
Il nevoulut chagriner personne,
& dit obligeamment
pourMrdela Feüillade,qu'il
nefalloitpas s'estonner qu'il eust
fait dorersa Figure
,
puisque si
l'onavoitpû la faire d'une matiere
plus precieuse
iI- & qu'il
-eujl eslé en estat d'en soûtenir ltt
dépense , il estoitpersuade qu'il
n'auraitrien épargnépourcela.
-
Je n'interprété gMnr ca.
paroles qui font voir tout le
bon sens & toute la delicatesse
d'esprit impaginable, &
dont la finesse consiste plus
en ce qu'elles font entendre,
qu'en ce qu'elles expliquent
àl'égard de la dorure.
Rienn'estant égal auzele
de Mrle Duc de la Foüillade,
qui tâche sans ccue de le faire
paroistre
,
par des augmentations
qu'il fait à tout ce qui
regarde la fiegure de la Place
es Victoires, & qui font autant
d'embellissemens nouveaux,
&: de témoins éclatans
delavive ardeur qu'il a pour
Sa Majesté
, on trouva huit
Inscriptions nouvelles écrites
en lettres dorées au feu, &
dans huit Cartouches de
bronze doré, attachezautour
du Piedestal
, qui porte cette
Figure couronnée par la Victoire.
Cette augmentation
de beautez
>
après l'estat où
Mr de la Feüillade a mis la
Figure, fait voir que lors qu'il
s'agit de faire quelque chose
qui regardelagloire du Roy
,
il n' y a rien d'assez grand
pour le pouvoir satisfaire,
Voicy ce qui remplit les huit
Cartouches.Les deux qui font
au dessous du Roy & entre les
deux Esclaves qui regardent
l'Hostel de laFeüillade
, contiennent
les paroles suivantes.
I. CARTOUCHE.
Il avoit sur pied deux cens
quarantemille hommes d'Infanterie
,
vsoixantemille chevaux
pins les Troupes de ses .drmées.
AItvalesjors qu'ildonna laPaix
à l¡''EEuropeen 1678(").
II. CARTOUCHE.
Sa fermetédans "/:,), douleurs
rassura les Peuples desolez au
mois de Novembre 1686.
Voicy ce qu'on lit dans
les deux Cartouches de la
face droite du Piedestal ,qui
est du costé de la ruë des Petits-
Champs.
III. CARTOUCHE.
Aprés avoir fait d'utiles Reglemenspour
le Commerce, (')
reformé les abus de laj'ijlicc> l
donna un grandexcnpled'équité
enjugeantcontresespropres ,jntfrests
en faveur des Habitans de
Paris dans une affaire de! sieurs millions.
IV. CARTOUCHE.
Six mille jeunes Gentilshommes
Jepa^e^ par Compagnies,
gardentsesCitadelles,ven remplacentdes
Ofifciersdeses Troupes
; & leur éducation rft dignt
de leur naissance.
Les deux Cartouches qui
font du costé de l'Eglise des
Religieux appellez les Petits-
Peres,fontvoir ce qui suit.
V.CARTOUCHE.
Deuxcens dix Places,Forts,
Citadelles
, Ports, v Ha'1-'(c5
fortifiez gjf revestusdepuis 1661»
jusques à 1086; cent quarante
mille hommesdepied, vtrentemilleChevaux
p.'ye^ par mois ;, assurent Jes Frontieres.
VI.CARTOUCHE.
Il a bastyplus de cinq cens Esqu'il a dottt'Sde riZ'c/itiy
considerables
, & il a estably
l'entretien dequatre censjeunes
Demoiselles dans la magnifique
Maison de S. Cir.
Voicy ce que renferment
les Cartouches du derriere du
piedestal qui regarde la ruë.
VII.CARTOUCHE.
Il a basty un superbe
j &*'
'Va/le édifice pour les Ofifciers &
Soldats que l'âge er les bltfju•*
res rendentincapablesdejervir^
mille livres de rente.
VIII. CARTOUCHE.
L? nombre desoixante mille.
Matelots enrolez,
,
dont vingt
miÜe fontemployer*sonservice
, (èj les quarante mille
Autres au commerce de ses Sujets,
marque la grandeur, dr le
bonordre delaMarine.
Vousvoyez Madame, que
ce qui est contenu dans ces
huit Cartouches donne uuç
haute idée de la vie du Roy,
&qu'onne peut dire plus de
choses en moins de paroles,
nyen faire concevoir davantage.
Chacun s'attacha à lire
ces Eloges,& l'on y prit beaucoup
de plaisir. Le Roy eut
ensuite la bonté d'aller voir
un des Fanaux qui font aux
quatre coins de la Place. Celuyoù
Sa Majefié alla, est le
seul qui soit achevé. Le nom
de Fanaux a estédonné à ces
ouvrages à cause des Fanaux
quifont au dessus. A chaque
endroit où ils ont esté placez,
il y a un groupe de trois colomnes
de Marbre sur un piedestal
de mesme matiere. Au
dessus de chaque groupe est
un Fanal composé de plusieurs
lampes, qui brulent
pendant toutes les nuits, &
pour l'entretien desquelles,
M le Duc de la Feüillade a
estably un fond. Enrre les
colomnes de chaque Fanal,
pendent six Médailles de
bronze
?
dans chacune desquelles
font representées
quelques actions du Roy, ce
JlUi fait vingt quatre Médailles
pour les quatre Fanaux.
Il y a dans le piedestal de chaque
groupe de colomnes , six.
Vers Latins; de maniéré que
le sujet de chaque Medaille.
cftexpliqué par deux de ces
Vers. Les lettres en font de
bronze doré au feu, ainsi que
les bordures & les autres ornemens
des Médailles.Voicy
lesavions deSaMajesté qui
font representées dans chacune
des six Médailles fonduës
en bronze. - - -
La premiere Médaille marque
la paix que le Roy a donné
à l'Europe en 1677. Elle est
expliquée par les Vers fuivans.
»
Teduce,te Domino, LODOIX,
prona omnia Gatio>
Urbesvicapere dociliquoqueparcere
captis.
La secondé represente le
passage du Raab, où les François
qui sauverent l'Allemagne
acquirent une gloire immortelle,
&: Mr de la Feüillade
une réputation
,
qui fera
vivre éternellement son n0111
dans l'Histoire, Les Vers qui
font connoistre cette grande
action, [one,
Et Traces sensere queat quid
Gallicavirtus,
Arrabo cæde tumens , &servata
Austria testis.
Onvoit dans la troisième
Medaille la grandeur, & la
magnificence des Baftimcns
duRoy, ce qui Ce reconuqi#
par les Vers suivans.
Quanta operum moles, &
-
-
quanto surgit ad auras
Vertice!sic positis LOVOIX
agit otia bellis.
Ces trois Medailles font
du costé de la Rue des Pc..
tirs-Champs, & font une
chute les unes sur les autres. ,Les trois autres font plus en
dedans de la Place
,- & en
regardent leBastiment. Elles
sontplacées de la me[mc
raani^te que celles dont jçL
viens de vous parler, c'est à
dire,qu'elles font entre deux
colomnes,&forment un rang
les unes sur les autres. La plus
élevée represente le Roy qui
ordonne qu'on rende les Places
qui ont estéprises à ses
Alliez. On n'a qu'à lire les
deux Vers suivanspourconnoistre
ce qu'elle contient.
Reddere Germanos LODOIX
regnataSueco
C> Arva jubet , Danosque
,
ladcr
~pe~ ~fflftupet Albis.
La Medaille qui suit fait
voir la jonction des deux
Mers
_j
ce que ces deux Vers
expliquent tres-bien.
Misceri tentata prius,Jeniferque
negata
Æquora,perpetuo LO D01Ji
dat foedere jungi.
On n'a qu'àjetter la veuë
sur la derniere de ces six Medailles,
pour y reconnoistre
d'abord l'Audience donnée
par le Roy aux Abassadeurs
xic Siam, & l'on n'a qu'à lire
les Vers suivans pour apprendre
que la renommée ayant
publié dans les Païs les plus
reculez, tout ce qui rend U
Roy l'admiration de l'Univers,
les Souverains de toutes
les Parties du monde, ont
envoyé des Ambassadeurs
pour estre témoins de sa
grandeur.
Ingentem Lodoicum armis,
ma^ne ,
fidemque
EgrejpimScitbia&Libit vt
nerentur~& Indi.
LLeeRoyaprès avoir consideré
avec une attention dignede
sa bonté, les changemens
qu'on avoit faits à la
Place des Victoires depuis le
jour que Sa Majesté y estoit
venuëj&:avoir fait à Mr de
la Feiiilladc»&àMr le Prévost
des Marchands tout
l'accueil qu'ils en pouvoient
cfpercr, partit aux cris de
Vive leRoy,mille&mille
foisréïterez
, car quoy que
la Place fust déjà fort remplie
de Peuple lors que Sa
Majesté y arriva, la foule
augmenta de telle forte sitost
qu'Elle y fut entrée,
qu'on auroit dit que tout
Paris y estoit,si sa grandeur
& le nombre prodigieux de
ses Habitans estoient moins
connus.
La pluspart des Officiers
qui ont accoutumé d'aller à
cheval, s'estant jointsensemble
pour prendre des Carosses,
afind'éviter la poudre qui iri1
commode beaucoup en cette
saison
)
& pour estre plus en
estat de servir le Roy, il y
tn avoit un nombre infiny
à la suite de la Cour, la dén
pense ne leur coutant rien
lors qu'il s'agit du service
d'un Monarque aussî agreable
à ceuxqui ont l'honneur
de l'approcher souvent, qu'il
est redoutable à ses Ennemis
& admiré de toute la Terre.
Je puis en parler ainsi sans
flaterie; & il merite tous M
jours de nouvelles loüanges.
par desendroits qui n'en ont
jamais attiré à aucun Prince.
Aussi peut-on dire que non
feulement il ne laisse jamais
échaper aucune occasion de
faire du bien, mais qu'il cherche
mesme de nouveaux
moyens d'en faire
, & qu'il
tft ingenieux à les trouver;
Ne croyez pas que cecy soit
avancé comme une loüange
vague. Je ne le dis que parce
que j'ay à parler d'un fait
sur ce sujet, qui découvre le
caractere de bonté du Roy,
autant que ses avions d'éclat
font connoistre sa puissance,
& la grandeur de son ame,
C'est icy le lieu demettreen
ion jour le fait qu'il faut que
Je
vous explique, puis qu'il
regarde la fuite de sonVoyage.
Je vous diray donc que
pendant toute la route? Sa
Majesté a presque toujours
dînédansdesVillages. Vous
allez sans doute vous imaginer
(& vostre sentiment fera
generalemeut suivy) que les
Villages
Villages les plus forts & lc^
plus riches ne leftoient pas
trop, pour avoir l'honneur
de recevoir un si grand Monarque.
C'estoit cependant
tout le contraire; le plus pauvre
avoit l'avantage d'estre
préferé, & l'on a veu cela
observé dans toute la route
avec une exactitude que je ,,'
ne sçaurois assez marquer.
Vous n'en pourrez douter,
lors que je vous auray dit
que Sa Majesté, qui ne fait
., point de Voyages sans avoir
la Carte des Païs où Elle va
examinoit tous les jours sur
celle qu'on luy avoit fournie,
les lieux par lesquels il falloit
qu'Elle passast. Elleyvoyoit
tous les Villages, Elle s'informoit
de leur estat, Ôc
nommoit ensuite le moins
accommodé, parce que la
Cour ne s'arreste en aucun
lieu sans y répandre beaucoup
d'argent. C'est ce qui
s'est fait dans tous les Villages
où l'on a este obligé de
s'arrester pendant ce dernier
Voyage. Le Roy dînoit
fous une Feüillée,&
l'onen dressoit aussi pour
les principales Tables de la
Cour. Ainsi tous lesPaïsans
estoientpayez pour couper
des branches de verdure, &
pour travailler à la construction
de ces Feüillées.Ils tiroient
ausside l'argent de
tout ce qu'il y avoit dans leur
Village qui pouvoit servir
aux Tables, & de tout ce
qu'ils avoient d'utile aux
é,quip- ages de la Cour, a.1insi
que de leur foin & de leur
avoine ; & le Roy ne laissoit
pas outre cela de leur faire
encore sentir ses liberalitez;
en forte que ces heureux Villages
le souviendront longtemps
d'avoir veu un Prince
qu'on vient tous les jours admirer
du fond des Climats
les plus reculez.
LeRoy estant sorty de la
Place des Victoires
, trouva
encore une infinité de peuple
dans les autres ruës de Paris.
qu'ilavoitàtraverser, Les dC4
monstrations d'allègresse ne
cesserent point, non plus que
les cris de Vive le Roy, de maniere
que cous les Peuples étant
animez duineline zelcon
eust dit que ces cris dejoye
n'estoient qu'un concert des
mesmes personnes, quoy qu'à
mesure que Saavançoit,
il fust formé par diverses
voix. Le Roydîna ce jour-là.
au Vllage de Bondy, (^ rencontra
sur le cheminM leBaron
deBeauvaisavec tous les
Gardes & les Officiers des
Chasses de sa Capitainerie,
dans toute l'étendue de laquelle
ce Prince luy permit de
l'entretenir à la portiere de
son Carosse. Les Plaines de
S. Denis dépendent de cette
Capitainerie. Mr le Prévost
des Bandes parut sur la même
route, & posta diverses
Brigadesauxenvirons des
Bois. Les Dames que je vous
ay marqué qui estoient du
Voyage, avoient l'honneur
de dîner avec Sa Majesté,
ainsi que Madame la Comtesse
de Gramont, & Madame
de Mornay, que je ne
vous ay pas nommées. Madame
de Moreüil, & Madame
de Bury? Dames d'honneur
de Madame la Duchesse,
& de Madame la Princesse
de Conty, eurent le mesme
avantage. Les Filles d'honneur
ne dînerent point avec
Sa Majesté,mais elles y souperent.
Il fut réglé ce jour-là
qu'il n'y auroit à l'avenir que
deux Filles d'honneur des
deux Princesses qui auroient
ce privilège. Le nombre des
Princesses auroit esté encore
plus grand dans ce Voyage,si
lors que le Roy partit, Mademoiselle
d'Orléans ne s'estoit
point trouvée àEu, &Madame
la Duchesse de Guise
,
aux Eaux de Bourbon. Madame
de Montespan auroit
aafli esté duVoyage, mais
le foin de sa santé l'avoit
obligée d'aller prendre de
ces mesmes Eaux. Monsieur
le Prince,Monsieur le Duc ,
lx, Monsieur le Prince de
Conty n'ont point quitté le
Roy.
Monseigneur leDauphin.
qui après avoir GÜy la Mette*
estoit party de Versailles des
le grand matin pour aller
chasser dans la Forcit de Livry
, yprit un loup des plus
vieux,&congédia Mr le Chevalier
d'Eudicour, Frere du
Grand Louvetier de France,
&toutl'équipage de la Louveterie;
à la teste duquel il
estoit.Le mesme jour,le Roy
aprèsavoirdîné alla chasser
dans les Plaines& sur les coteaux.
Sa Majesté
, a pris le
mesme divertissement pendant
toute la route, comme
je vous le diray dans la fuite
de cette Relation.
Monseigneur le Dauphin
arriva à Claye avant six heures
du soir, parce qu'ilsçavoit
que c'estoit à peu prés
l heure où le Roy devoit s'y
rendre. Il changea d'habit&
alla au devant de Sa Majesté,
On connoist par là combien
ce Prince est infatigable,qu'il
tn galant, & qu'il a beaucoup
de tendresse pour le Roy.
Sa Majestéarriva à Claye
à l'heure que je viens de vous
marquer, & fut commodementlogée
dans lamaison de7
M Enjorant, Avocat general
duGrand Conseil
>
& Seigneur
en partie de ce Village.
Il eut l'honneur de ialuer
leRoy, qui le receut avec
cet air engageant qui est
si naturel à ce grand Mo*
narque. Comme toute sa
maison estoit marquéepour
le. Roy, les Maréchaux des
Logis en marquerent une
pour luy dans le Village, lors
qu'ilsmirent la craye pour
le logement des Officiers qui
estoient du Voyage; de forte
qu'il fut regardé ce jour-là
comme estant de la Maison
de Sa Majesté. La qualité
d'Hofie duRoy futcelle que
les Maréchaux des Logisécrivirent
en mettant la craye
sur le logis qu'ils luy destinerent.
Monseigneur,& Madame
la Duchesse eurent des
[Appârtemens vers le Château
où le Roy logea.Madame la
Princesse de Conty,&Monsieur
le Duc du Maine loge- 1
rent dans la Ferme de Mr
d'Herouville, Maistred'Hostel
deSaMajesté. Messieurs
les Princes du Sang eurent
ensuite les logis les plus commodes,
&: ceux qui voulurent
estre plus au large,allerent
à Meaux.
} M de laSourdiere, Ecuyer
de Madame la Dauphine, qui
cil le mesme qu'elle envoya
cnBavicrc? pour porter à M*
l'Electeur de cc nom) la nouvelle
de la naissance de Monseigneur
le Duc de Berry,
vint à Claye de la part de
cette Princesse
, pour ravoir
si Sa Majesté y estoit arrivée
en bonne santé.
Il y aicy à remarquer une
choseque personne n'a peutestre
jamais observée.C'est
que lors que les Princes de la
Maison Royale font separez,
sans estreéloignez les uns
des autres -que d'une journée>
ilss'envoyent tous les
jours un Gentilhomme pour
s'informer de l'estat de leur
santé,maisaussi-tost qu'ils
commencent à s'éloigner davantage
,
ils ne se donnent
plus de leurs nouvelles que
par des Courriers, qui leur
en apportent tous les jours.
Dés qu'ils reviennent à une
journée de distance
,
ils recommencent
à se dépescher
un Gentilhomme,& c estpar
cette raison que Madame la
Dauphine n'en renvoya plus
qu'après que le Roy commença
d'approcher de Versailles.
Ce Prince estant arrivé à
Claye entre six & sept heures
du [oir) y receut un Gentilhomme
de Madame, &: dépescha
aussi-tost à leurs AItérés
Royales Mdu Boulay,
Gentilhomme ordinaire de
sa Maion, pour apprendre
des nouvelles de la santé de
Monsieur, qui s'estoit trouvé
mal le matin à la Messe de
Sa Majesté à Versailles.
La Cour fut tres- bien logée
à Claye,parce qu'on étendit
les logemens jusques à un
lieu voisin
)
qui est un Hameau
contigu à ce Village,
dont il n'est separé que par
un petit ruisseau? qui fait
trouver aux portes des maifons
des Païsans,desPrairiestres
agréables,plantées avec
soin &avec compartiment.
Je ne vous marque point
les lieux & les heures où le
Roy a tenu Conseil. Ce Prince
ne manque jamais de temps
pour ce qui regarde les affairesde
l'Etat.Illeur sacrifie son
repos & ses plaisirs
}
il tient
Conseil en tous lieux? & à
toute heure ,quand ille juge
important pour le bien de
son Royaume,& il a travaille
dans le Voyage de Luxembourg,
avec la mesme
application qu'il fait à Versailles.
Il est vray que ce n'a
pas esté avec tous ses Ministres
,Mrde Croissy estant le
seul qui soit party de Paris
avec ce Monarque, mais
tomme il est luy-mesme son
premier Ministre,on peut dire
qu'il travaille souvent seul
autant que dans le Conseil,
Sa Majesté donnant aux
affaires pendant ce Voyage
autant d'application qu'à
l'ordinaire
,
voulut que sa
Cour trouvast par tout les
mesmes plaisirs, pendant
qu'Elle ne vouloit se retrancher
ny les peines,ny les soins
qu'on luy a toûjours veu
prendre depuis qu'Elle gouverne
par Elle-mesme ; &
pourcet effet Elle resolutde
tenirpartout Appartement.,
Ainsi dés lapremiere couchée
,qui estoit à Claye, on
trouva plusieurs chambres
préparées pour divers Jeux.
& chacun joüa avec lamesme
tranquillité? & aussi peu
d'embaras que si l'on eust
citéencoreà Versailles, tant
les ordres avoient esté bien
donnez pour les logemens,
:& pourtoutce qui pouvoit
contribuer à la commodité
desPersonnesde clualt"lui
suivoient la Cour.Les Appartteemmeennssoonntt
pprreeslqquuee ccoonnttIinnuueétous
les jours pendant tout
le restedu Voyage.
Monseigneur le Dauphin,
partit de Claye le lendemainonzièmeàsept
heures du.
matin. Ce Princechassatout
le jour dans la Forest deMonceaux
; &commeSa Majesté
devoir coucher ce jour-là à
laFerté sur Joüare, il prit le
party d'y arriver enchaOanCp
;,&de courre le Cerf dansles
:b.uiflx>ns ; ce qu'il fîtavecles
chiens de Mr le Chevalierde
Lorraine. Il prit plusieurs
Cerfs; entre lesquels il y en
avoit un qui se fit courre
long-temps, & qui passa dixhuit
étangs à la nâge.
Le Roy, après avoir entendu
la Messe à Claye, alla
à Monceaux. Toute la Cour
passa dans Meaux, pour se
rendre à cette Maison Royale
, & lors que Sa Majesté
l'eut traversée au bruit des
acclamations du Peuple,Elle
trouva le Regiment de Vivans
qui l'attendoit en ba.
taille. C'est un Regiment de
Cavalerie
>
auquel on ne peut
rien ajoûter,tant pour la
bonté des Cavaliers, que pour
la beauté des chevaux. Ce
Regiment alloit au Camp de
laSaone,& avoit un sejourâ
Meaux?ce qui fut causequ'il
eut l'honneur d'estre veu du
Roy. Sa Majesté en fut trescontente,
de le trouva beau.
Elle eut mesme labonté de
vouloir bien recevoir un
Chien couchant de Mr Li:"
grades qui le commande. Le
Roy dîna à Monceaux. C'est
un vieux Chasteauqui a fait
le plaisir de plusieurs Rois,.
& qui appartient à Sa Majesté.
Ce lieu qui est fortriant,
a une tres-belle veuë, & le
Bastiment enest magnifique..
Le Roy voulant honorer l'ouvrage
de ses Ayeux? le fait
reparer? & bien-tost on ne
verra plusrien en France qui
ne porte des marques de sa
magnificence&de sabonté.
Toutes les Maisons Royales
ayant
ayant pour Capitaine une
personne d'une qualité distinguée,
MrleDuc deGesvres,
premier Gentilhomme
de la Chambre, & Gouverneur
de Paris,joüit de la Capitainerie
de Monceaux?que
possedoitMrle Duc de Trêmes
son Pere. Il vint recevoir
SaMajesté
,
accompagné du
Lieutenant, & de tous les
Officiers & Gardes des Chasses
qni dépendent de luy, à
l'endroit où la Capitainerie
duit jusqu'au mesme endroit
par Mr le Marquis de Livry ,
aussi Capitaine des Chasses de
Livry &c qui avoir esté recevoir
ce Prince jusques à
Bondy avec tous ses OSiciers.
Le Roy? qui avoit dépesché
le foir précedent Mr du
Pouhy
, pour sçavoir l'estat
de la fanté de Monsieur, en
apprit des nouvellesà Monceaux
parce mesme Gentilhomme
, qui arriva pendant
<qjuuee SSaa Maaj*ecsttlé' estoit à table,
êc luy rapporta que Son Altesse
Royale avoit pris du
Quinquina , & dormy assez,
tranquillement depuis quatre
heures du matin jusques
a dix. Ce Prince monta à
cheval à l'issuë de son dîné.
avec Madame la Princesse de
Conty, & deux des Filles
d'honneur decette Princesse,
& alla à la Chasse de l'Oiseau.
Tant que l'on a demeuré
dans l'étenduë de la Generalité
de Paris,Mde Menars
qui en a l'Intendance
, n'a
point quité le Roy afin d'être
toûjours en estat de recevoir
ses ordres, & luy a
rendu un compte exact de
toutes les choses qui regardent
son Employ.Cela fait
voir que Sa Majestés'applique
sans cesse,puis quemesme
dans le temps de ses plaisirs,
Elles'entretient plûtost de ce.
qui se passe dans son Royau-.
!De, que de ce qui peut avoit
rapport à son divertissement
Ce Prince ayant l'esprit ex-r
'- - -.. - -
tremement pénétrant,unmot
luy fait aprofondir bien des
choses, de forte que ce qu'il
aprend lors qu'ilsemble ne
s'informer que par converfation
de ce qui se passe
,
luy
donne lieu de remedier à
quantité de desordres, & fait
que souvent il en prévient
d'autres. Pendant toute sa
marche il a toûjours esté
prest à écouter & à satisfaire
par ses réponses, ceux à qui
sa bonté a permis de luy parler
; & quelquefois lors qu'il
avoit commencé à jouer)aiffn
<J..e la Cour se divertist, il
quittoit le jeu, & travailloit,
ou s'occupoit à faire du
bien.
Mr l'Evesque de Meaux s'est
prouvé par tout où le Roy
a passé dans son Diocese, &
sçachant que le principal
foin de ce Prince estoit que
toute sa Suite entendist la
Messe, &: particulièrement les
Dimanches, ce Prelat envoya
plusieursReligieux à Claye,
& en envoya aussi dans les
Quartiers desGardes duCorps
& dans ceux des Mousquetaires)
des Gendarmes,&des
Chevaux-Légers.LaCour ne
Cf manquoit pas d'Ecclesiastiques
pour la Maison du Roy,
-& Mr l'Evesque d'Orléans -a--
Voit ,in de regler les tempsauGjaeÊs
chacund'eux devoit
C,elcb,-e"la Messe.
Toute la Cour arriva de
bonne heure àla Ferté sur
Joüare. C'est un lieu situé
dans une gorge enchantée,
au fond d'une plaine. LaRiviere
de Marne contribuë
beaucoup à la beauté du païsage,
& à la fertilité du Terroir.
Le petit Morin vient la
grossir auprés & au dessus
de l'Abbaye, & y forme mille
Prairies abondantes en pâturages.
Ce Bourg est dans la
Brie Champenoise,entre Chasteau-
Thierry & Meaux. Les
Prétendus Reformez le prirent
vers l'an 1562. pendant
les Guerres Civiles du der-
-
nier Siecle. La Chasse y fut
tres-divertissante. Le Roy y
vola des Corneilles. Mr de
Terrameni, Capitaine du Vol
des Oiseaux du Cabinet du
Roy ,a eu beaucoup d'honneur
dans ce Voyage. Les Equipages
y ont fort paru, &
il s'en: attiré beaucoup de
louanges pour tout ce qui
regarde sa Charge.
On admira à Joüare un
Pont qui joint le Chasteau
au Fauxbourg. Ce Pont a
cousté beaucoup. Il effc fait
de bois sans appuy ) tout suspendu,
& soutenu feulement
par l'épaisseur des pieces qui
le composent Il est de soixante
& quatre pieds de
long, & depuis qu'il est construit
>
il n'a rien perd u ny de
sa beauté,ny de saforce. On
coucha dans le Chtsteau, qui
appartient à Mrle Comte de
Roye. - Il est situé dans une
petite Isle fortagreable.Monseigneur
prit place dans le
Carosse du Roy. Une des
Dames luy ceda la sienne, &
se mit dans le second Caloife)-
ce que quelques-unes
ont fait alternativement.
Monseigneur n'y estoit que
pendant une partie du jour,
parce que la Chasse
,
dont on
trouve l'exercice utile à sa
santé
)
l'occupoit souvent.
Madame la Princesse d'Harcour
eut ce jour-là un accés
de Fiévrequil'obligea de
partir plus tard. Il fut suivy
d'un second accès de Fièvre
double-tierce. Elle prit du
Quinquina, &la Fiévre ne
luy revint pas. Toute la Cour
en marqua beaucoup de LOYc..
On dîna le it. à liffct
éloignée de quelques Villages
qui sont aux environs,
&qui appartiennent aux Celestins.
On allasouper à
Monmircl
,
qui appartient à
Mr de Louvois. Toutes les
Dames,& plusieurs Seigneurs
de la Cour eurent l'honneur
de souper ce soir-là avec le
Roy. La Table estoitde seize
couverts, On apprit en ce
lieu-là la mort de Madcmoiselle
de Simiane, dont
je vousaydéjà parlé dans ma
Lettre precedente. On y apporta
aussi la nouvelle de la
mort subite de Mr l'Evesque
d'Amiens, qui surpritd'autant
plus, que M de Breteuïl
assura que depuis deux jours
il avoit soupé avec ce Prélat.
Ces deux morts firent parler
de celle d'un descent Suisses
de la Garde de Sa Majesté,
qui estoit mort le matin en
s'habillant. Il y a une tresgrande
quantité de Lievrts
>
& de Perdrix à Monmirel,
Le Roy y pritle divertissement
de la Chasse, & alla voler.
Ony sejourna le 13 & toute
la Cour y demeura avec
joye, parce que le vent estoit
violent à la campagne, &
qu'il y avoit beaucoup de
poussiere. On se promena
dans les Jardins, & le Roy
au retour de la Chasse prit
le divertissement de la promenade
avec les Dames sur
les Terrasses, qu'il trouva fort
belles. Monmirel efl dans un
territoire tres-fertile.
Mr de Louvois qui ne s'applique
pas moins à tout ce
qui peut faire fleurir les beau::
Arts dans le Royaume,qu'à
ce qui est de la Guerre , va
faire establir une Verrerie à
Montmirel
, & la Cour en vit
tous les apprêts.
Le Roy y tint deux fois
Conseil avec Mr de Ci-oiffy ;
c'est ce que Sa Majesté a fait
chaque soir
>
après estre arrivée
dans tous les lieux où
Elle a esté coucher. Elle prit
! aussiàMontmirel le divertissement
du vol du Milan. Le
sejour que l'on y fît, & qui
n'avoit pas esté marqué dans
1i route, fut cause que
l'on retrancha celuy qu'ondevoit
faire à Châlons
)
afin
que le Roy qui ne manque
jamais à executer les desseins
qu'il prend, puft se rendre à
Luxembourg le jour qu'il y
estoit attendu.
Toute la Cour partit de
Montmirelle 14. & alla dîner
à Fromentiercs. A cinq heures
on avoit paffé le défile
d'Etoges. Sa Majesté prit
congé des Dames, & monta
à cheval pour aller chasset
dans les belles plaines de
Champagne. On alla coucher
à Vertus. Ce lieu a este
autrefois considerable, & étoit
l'apanage des Cadets des
Comtes qui portoient le nom
de la Province. Du temps de
Sigebert Roy de Mets, qui
vivoit en 570. il y avoit un
Duc de Champagne nommé
Loup, qui témoigna beaucoup
de fidélité, à conserver
les Etats du jeune Roy Childebert
, contre ceux qui les
vouloient envahir. Il y eut
ensuite plusieurs Ducs de
Champagne
,
mais ce titre de
Ducqui n'estoitpas alors une
dignité perpetuelle, ne faisoit
que marquerune forte de
gouvernement. Le premier
Comtehereditaire de Champagne,
fut Robert de Vermandois
,
Fils d'Herbert IL
&d'Hildebrante, qui se ren-
,
dit maistre de la Ville de
Troye en 253.Je ne vous dfe
rien de ses Successeurs. Ils
continuerent la poiterité jusqu'à
Thibaud IV. surnommé
le Posthume ou le Faiseur de
Chansonsqui succeda à son
Oncle maternel
,
Sanche le
Fort,au Royaumede Navarre.
Il mourut à Troye en 1254.
estant de retour du Voyage
d'Outremer. ThibautV. fou
Fils qui avoit épousé Isabelle,
Fille du Roy Saint Loüis,
estant mort sans Enfans après
avoir fait lemesme Voyage.
laissà ses Estats à Henry ~HI
son Frere. Ce dernier n'avoit
qu'une Fille nommée Jeanne,
qui en 1184. épousa Philippes
le Bel pendant la vie de
Philippes le Hardy son Pere ,
&. depuis ce temps ,la Champagne
a esté inseparablement
unie à la Couronne de France.
Les Comtes de Champagne
faisoient tenir ks Etats de
leur Pays par sept Comtes
leurs Vassaux
,
qu'ils appelloient
Pairs de Champagne.
C'estoient les Comtes de
Joïgny, de Retel >de Bricnîic>
de Roucy
?
de Braine , de
Grand-Pré, &deBar-fur-
SIelinye.
a trois Eglises à Vertu,
avec deux Abbayes hors les
portes. Les Guerres yont laifsédes
marques de leur fureur,
quine peuvent estreeffacées
que par le regne deLoüisLE
GRAND. Le Roy y fut 1-ogc
fort étroitement, & comme
cestoit sur la rue
?
il fut exposé
au bruit du passage des
équipages de la Cour. Ce
Prince auroit pu estremoinsmal
;mais ne pouvant renoncer
à ses manières honnestes,
qu'il conserve mesme aux dépens
de son repos ,
il aima
mieux que celuy des Princesses,
re fust point troublé ,
fk voulue qu'elles fussent logées
plus commodementque
luy.
Le JJ: toute laCour dlfnx.
àBierge
, ôc alla coucher
à a Bierge >-,
& Châlons. Cette Ville est en
Champagne, ôcson Evesché
est Suiffragant del'Archevesché
de Rheims. Elle est ancienne
,
& dés le temps de
Julien l'Apostat, elle tenoit
rang entre les premieres Villes
de la Gaule Belgique, Il y
a de belles rues avec des
maisonsassez bienbasties. La
Place où l'on voit la Maison
de Ville, & celle où est l'Eglise
Collegiale de Nostre-
Dame,font les plus considerables.
La Cathedrale de Saint
Estienne est dans une Isle que
forme la Riviere de Marne,
dont une partie entre dans la
:Ville, &y fert beaucoup pour
la commodité des Habitans.
Elle a de ce cofté-là d'assez
bonnes Fortificarionsquele
Roy François I y a fait faire,
& elle est entouréedemurailles
avec des Fossez presque
toûjours remplis d'eau. Il y
a encore douzeParoisses,entre
lesquelles plusieurs font Collegiales
Les avenues de Châ-
Ions font tres-agreables >& il
y a autour de la Ville plufleurs
lieux de promenade,
entre lesquels celuy du Jare
cil fort renoffilné. La Riviere
,-' der
de Marne qu'on passe sur divers
Ponts, la rend une Ville
de negoce. Elle a eu des Comtes
qui ont cedé leur droit
aux Evesques. C'est par là
qu'ils font Comtes Pairs de
France.
Le Roy entra à cheval à
Châlons
) & fut receu par
le Maire & les Echevins. On
ne luy fit aucune harangue,
parce qu'il avoit fait donner
lordre dans tous les lieux par
IOÙ il devoit passer
)
qu'on ne
le haranguast point ; mais il
eut la bonté de vouloir bicri
recevoir les Presens de Ville,
Le Chapitre de la Cathédrale
eut aussi l'honneur de le famlücr,
ayant à sa teftcM l'Evê.
que deChâlons. Les Chanoines
se recrierent ensuite sur lai
douceur, & sur l'affabilité det
ce Monarque, dont ilsnecesfent
point de parler, Madame:
la DuchessedeNoailles lai
Douairière, qui a esté Dame
d'Atour de la feuë Reyne:
Mere du Roy, & dont la vertu
exemplaire a toûjours çftç:
applaudie,caril en - cft de
faussesqui n'imposent pas a
tout le monde, eut le mesme
honneur. Sa Majesté luy fit
d'autant plus d'honneftetez,
qu'il y along-temps que son
merite luy est particulierement
connu. Le Roy se retira
ensuite -pour tenir Conseil.
Mr le Duc de Noailles
> &
M l'Evesque de Châlonsfon
Frere ,
firent servir plusieurs
Tables magnifiques, pour
toutes les personnes de la
Cour qui voulurent y manger.
Le Jarc leur servit de promenade
pendant quelques
heures. Je ne m'étens point
icy sur la beauté de ce lieu,
parce que j'en ay fait une
description dans le Volume
que j'ay donné, qui ne contient
que ce qui s'est passé au
Mariage de Monseigneur le
Dauphin. Il y eut au Jare une
prodigieusequantité de personnes
de toutes conditions,
que l'impatient dehr de voir
le Roy avoit fait venir de
toute la Champagne. Les
principaux Officiers de la
Ville de Troyes se rendirent
à Châlons? & firent vingt
lieuës pour avoir l'honneur
de salüer ce Monarque. Les
Dames de la Province eurent
beaucoup de chagrin de l'ordre
qui fut donné, de n'en
laisser entre,r faulc.unIela.u1so1u- per , qui n'eust ellenommée
par Sa MLijefté.C:lles qui
crurent n'estre pas assez connuës
pour pouvoir estre du
nombre, ne se presenterent
point, dans la crainte d'estre
refusées,ce qu'on ne trouva
pas ordinaire, & qui fut fort
remarqué. Le Roy eut la bonté
de permettre qu'on les laissast
toutes entrer le lendemain
dans le Choeur de FIL
g-I.Ife>o-t'i elles eurent le temps
de considerer SaMajesté &.
Jtoute la Cour pendant que
l'on dit la Messe.La Musique
de cette Cathedrale chanta
un Motet, dont il parut que
l'on fut assez content. Mr
Evesque Comte de Châlons,
,& Mr le Ducde Noailles accompagnerent
toûjours le
Roy tant qu'il demeura dans
cette Ville. On auroit bien
voulu sejourner dans un lieu
aussi
-
beau & aussispacieux
que celuy là, où les logemens
estoient fort commodes;mais
les mesuresestant prises pour
se rendre à Luxembourg au
jour marqué, on partit le 16.
à dix heures précises du matimpour
aller coucher à Sainre-
Menehout.MdeChâlons
accompagna le Roy jusques
aux confins de son Evesché,
& Mr l'Evesque de Verdun
le reçût à l'entrée du fien.
La journée de Chalons à
Sainte-Menehout se trouva
fort longue pour les Equipages.
On dîna à Bellay, qui
n'est qu'une Ferme sans aucune
autremaison aumilieu
de la camp.-,gnc,& on rendit le
lieu agreable pour y recevoir
le Roy. Sa Majesté y chassa
pendant une partie Je l'aprésdînée,
& alla coucher à
Sainte-Menhout. Cette Place
qui avoit estéprise sur
nous pendant les temps difsiciles,
fut reprise en 1653. par
Mr le Maréchal du Plessis-
Pralin; & ce Siege que le
Roy voulut presser en per,
sonne
,
obligea Sa Majesté
d'aller en Champagne en ce
temps-là. Le Roy ne trouvant
pas la Cour assez commodement
logéedansSainte-
Menehout, resolut de n'y
passer pas la Feste du S. Sacrement
à son retour, &
nomma Chalons pour y faire
la ceremonie de cette FesteCela
obligea de retrancher
un des jours du sejour, de Luxembourg.
Le Roy conti-
Ilua de donner par là des
marques de sa bonté à toute
la Cour,& Mr l'Evesque de
Châlons montra tantdejoye
de ce qu'il auroit l'honneur
de recevoir encore ce Monarque
,que plufieufs luyen
firent compliment.
Le 17. le Roy entendit la
Messe aux Capucins, & fit
de grandes libéralités a leur
Convent. On alla ensuite dV;
ner à Vricourt ,
prés de Clermont
en Argonne. Les chemins
se trouvèrent fort rudes
,dans des bois, dans des
montagnes, & dans des valées
d'un terroir remply de
pierres. On arriva d'assez
bonne heure à Verdun?où
l'on fut si bien logé) que ce
fut avec plaisir
que l'on y
passa la Feste de la Penteccste.
Verdun est une Ville
forte sur la Meuse, & il en
est peu de mieux situées dans
la Lorraine. L'Evesché est
Suffragant de l'Archevesché
de Reims. Cette Eglise a eu
d'illustres Prelats. Ils se disent
Comtes de Verdun,&
Princes du Saint Empire. La
Riviere de Meuse rend cette
Ville agreable par diverses
Isles qu'elle y formé. Le
Roy HenryII. la prit en
IJJI. Le Chapitre de l'Eglise
Cathedrale de Nostre-Dame
est fort considerable.M l'Evesque
de Verdun receut le
Roy dans son Palais Episcopal.
Il est tres-beau, & l'on
y voit jusques à dix pieces de
plein-pied L'air y est admirable.
Ce Palaisest élevé sur un
Roc d'où toute la baffe-Ville
se découvre. Des Prairiesarrofées
par la Meuse
>
& des
vallons assez éloignez, &
tres-fertiles en tout ce qui
est necessaire pour la vie, en
rendent l'aspect des plus
riants. Les ameublemens de
ce Palais sont fort somptueux,
& fervent beaucoup
à faire voir la magnificence
de Mrde Bethune, qui joüit.
en sa retraite de quarante
mille livres de rente, que
luy rapporte son seul Evesché.
Les Anis qu'on appelle
de Verdun, autrement Dragées
de toutes manieres, se
trouvant meilleurs en cette
Ville-là qu'en aucune autre
du monde, elle ne fuit point
l'exemple des autres Villes
dans les Presens qu'elle fait
aux Souverains? & au lieu
d'offrir du Vin, elle donne
de ses Anis. Ainsi elle en sir
present de cent boëtes au
<
Roy. M l'Evesque de Verdun
est Fils d'Happolite de
Bethune? Comte de Selles,
Marquis de Chabris
>
dit le
Comte de Bcthune
, mort en
1665. aprësavoir esté honoré
du Collier desOrdres du Roy
en 16Cu & fait Chevalier
d'honneur de la Reyne Marie-
Therese d'Austriche. Il
avoit épousé en 1629.Anne-
Marie de Beauvilliers, Soeur
de M le Duc de S. Aignan,
qui tant que la feuë Reync
aYcfçuj a eu l'honneur de
la servir en qualité de Dame
d'Atour. Ce Prelat avoit avec
luy Madame de Rouville sa
Soeur,Veuve de M le Marquis
de Rouville, Gouverneur
d'Ardres.Elle eut l'honneur
de manger avec le Roy
dans les trois Repas que Sa
Majestéfit à Verdun.
Le jour de laPentecoste,pres.
que toute la Cour sir ses devotions,
à l'exemple du Roy.
C'estune choseassez extraor.
dinaire pendant le coursd'une
marche. mais quene voiton
point de nouveau fous le
Regne de Loüis XIV. sur
tout pour leschoses qui regardent
la Religion & la
pièce1 Monseigneur le Dauphin
se rendit dans l'Eglise
Cathedrale dés sept heures
du matin;&: après avoir entendu
la Messede M l'Abbé
Fleury, Aumônier du Roy,
ce Prince communia par les
mains de cet Abbé.
Sur les dix heures, le Roy
passa à travers ses Mousquetaires
rangez en haye des
deux costez de la court de
l'Evesché
, &: au milieu des
cent Suisses dela Garde, postez
dans la mesme Eglise.
SaMajestéestoitenvironnée
de ses Gardes du Corps &de
toute sa Cour. Elle se rendit
dans leChoeur, où Elle fut
suiviede Mr l'Evesque de
Verdun,&de tous les Chanoines
de cetteCathedrale.
LeRoyestoit en Habit de
cérémoniec'eit à dire
> en
Manteau,revestu de son Col-
Jjjcr de l'Ordre. Il entendit
là Méfie de Mr l'Evesque
d'Orléans, son premier Aumônier
,
dont il receut la
Communion La seconde
Messeque Sa Majesté entendit,
fut dite par l'un de ses
Chapelains. Au sortir de
l'Eglise, Sa Majesté toucha
prés de cent Malades, dont
Mr leDuc deNoailles avoit
fait amener une partie de
Chalons. Ils estoientrangez
sous les arbres de la premiere
court de l'Evesché. Ce Prince
quitta ensuite son Habit de
ceremonie, & revint avec
Monseigneur le Dauphin, &
toute la Cour, entendre la
grand' Messe, qui fut pontifïcalemenr
celebrée par Mr
l'Evesque de Verdun, &
chantée par la Musique de
la Cathedrale.Cette Musique
plut assez à toute la Cour,
& on trouva la voix d'un des
Enfans de Choeur tres-agreable.
Plusieurs mesme la jugerent
digne de la Chapelle
du Roy. Il y a quatre de ces
Enfans de Choeur qui joüent
du Violon, qui sont, une
Taille, une Haute-contre, &
deux Baffes.
Le Roy eut la bonté de
toucher encore soixante &
dix Malades en sortant de la
grand' Messe. C'estoit beaucoup
après en avoir entendu
trois,&touché d'autres Malades.
Sa Majesté vint l'aprésdînéeentendre
Vespres dans
la mesme Eglise, &: Mr de
Verdun officiaencore en Habits
pontificaux. Le Roy étoit
dans les hautes Chaises à
droite.& aprèsluy,Monseigneur,
Madame la Duchesse,
& Madame la Phnccffe de
Conty. Aprés ces Princesses
estoient Monsieur le Prince-
Monsieur le Duc , Monsieur
le Duc du Maine, & Monsieur
le Comte de Toulouse.
Les Dames occuperent le reste
des places. Jamais les peuples
de Verdun n'avoient vû
ny tant de magnificencesny
une si augusteAssemblée ; &
l'on peut mesme dire qu'ils
n'avoient jamais vû dans leur
Eglise de si grands ny de si
édifians exemples depieté.
Le Roy s'enferma après
Vespres avec le Pere de la
Chaise pour travailler à remplir
les Beneficesqui vacquoient
depuis le jour de
Pasques, qu'il avoit fait une
nomination. On fut quelque
remps sans sçavoir cette derniere
, parce que lePere de
la Chaise n'en dit rien après
qu'il fut forty du Conseil.
Enfinonappritque Mr rAb..
bé de Saint Georges,Comte
de Saint Jean de Lion vnommé
depuis quelque temps à
l'Evesché de Clermont,avoit
esté fait Archevesque de
Tours, & que l'Evesché de
Clermont avoit esté donné
à M l'Abbé de Champigny
Sarron, Chanoine del'Eglise
de Paris. Je vous parlay amplement
de M l'Abbé de S.
Georges
,
lors que le Roy le
pourveut de l'Evesché de
Clermont. M l'Abbé de
Champigny qui vient d'y
estre nommé, est Fils de François
çoisBochartdeChampigny,
Seigneur de Saron, qui après
avoir esté Maistre des Requestes,
Conseiller d'Etat, &
Intendant pendant trente années?
tant dans la Généralité
de Lyon qu'en Provence &
en Dauphiné,se noya malheureusement
en 1665. C'étoit
un homme d'un rare merite,
dont le nom se trouve
souvent dans les Ecrits des
Grands hommes de ce Siecle.
111 avoit épousé Madeleine
Luillier, Soeur de Madame la
Chanceliere d'Aligre, &
estoit Fils de JeanBochart,
Seigneur de Champigny,
Noroy & Saron, Controlleur
General, Sur Intendant des
Finances, & premier President
au Parlement de Paris,
mort en 1630. Cet illustre
Magistrat descendoit de Jean
Bochart Seigneur de Norcy,
Conseillerau Parlement, qui
fut éleu les Chambres assemblées,
pour remplir la Charge
de premier President en 1447.
Celuy-cy eut pour Fils Jean
Bochart II. du Nom, auquel
Jean Silnon, Evesque de Paris,
donna saTerre deChampigny
en luyfaisant époufer sa Niece.
On iceut aussi que l'Evesché
d' Amiens avoit esté donné
à Mr l'Abbé Feydeau de
Brou, l'un des Aumôniers du
Roy, & que M l'Abbé
d'Hantecour, Aumosnier de
la feuëReyne, avoit eu l'Abbaye
de Longuay, Ordre de
Premontré,DiocesedeReims
vacante par le deceds de M,
l'Abbé du Four. Mr l'Abbé
d'Hantecourt est Frerc du
Pere d'Hantecourt, Religieux
de Sainte Geneviéve,
&Chancelier de l'Université.
Cet Abbé estant de quartier
lorsque la Reyne mourut,
eut le triste honneur de
remplir plusieurs fonctions
qui regardoient sa Charge.
Il a esté employé depuis la
mort de cette Princesse aux
conversions des Protestans
dans plusieursVilles de
Françe. L'AbbayedeBalerme
fut donnée le mesmejourau
Frere de Mde la Chetardie,
Commandant de Brifac
?
&
l'Abbaye de Noyers au Fils
de MPinçomAvocat au Parlement,
qui entend parfaitement
les matieres Beneficiates&
Ecclesiastiques, & qui
a écrit là-dessus touchant les
droitsde SaMajesté.Il-y eut
aussi ce jour-là plusieurs Benefices
de moindre consideration
donnez à des Officiers
d'Armée & de laMaison du
Roy, pour leurs enfans otj
pour leurs parens; mais le
Roy ne les accorda qu'après
que le Pere de la Chaise l'eut
asseuré que leurs vies &
moeurs luy estoient connuës.
Les choses qui ne demandent
pas de secret estant
bien-toit répanduës,on ne
fut pas long-temps sans apprendre
les noms de ceux à
qui les Benefices avoient esté
distribuez,& toute la Courfit
paroistre tant de joye de la
nomination de M l'Abbé de
Brou à l'Evesche d' Amiens,
qu'il m'est impossible de vous
la bien exprimer.
Je ne sçaurois m'empescher
de vous marquer icy
qu'un homme qui possede
une des premieres Charges de
la Cour, ayant prié le Roy
de luy donner un Benefice
pour un de ses Fils quiest
tres-jeune) Sa Majesté luy
demanda quel âge il avoit,
& l'ayant sceu
,
Elle luy dit;
quEHe estoit bien lâchée qu'il
eust encore tant de temps à at.
tendre. Celuy qui demandoit
cettegrace voulut donner des
raisons, & rapporta mesme
quelques endroits de l'Ecrisure;
mais le Roy sit connoistre
qu'il la sçavoit beaucoup
mieux que luy, & dit
qu'il ne donneroitjamais de Benefices
qu'à despersonnes capdbles
de sçarvoir à quevelles s'engageoient,
en prenant le party
d'entrer dans l'Eglise. Ce Prince
ajoüta ,on croyait peuteftrr
qu'on emportait quelquefois
des Benefices par faveury
mmaaisisqquueessiicceeuuxxqquuiiavonrv
cette pensée , pouvaient erre témoins
de ce qui se passe dans le
Conseil
,
lors qu'ils'agit de lA
distributiondesBenefice,ils verroientpar
toutes les précautions
qu'on prend pour ne les donner
qu'a des personnesdignes de les
posseder, la peine où ilse trouve
souvent avant que d'oserfixer
son choix. Sa Majesté fit
enfin connoistre
, que ny faveur,
ny brigue) ny recommandation
,ny naissance,ny
services
, ne pouvoient rien
obtenir, à moins qu'Elle ne
fust persuadée que ceux qu'il
- A
-
luy plaisoit d'en gratifier
n'eussent toutes les qualitez
necessaires pour en remplir
les devoirs. Ce n'est pas à
dire pour cela que tous ceux
qui en possedent,s'en acquits
tent dignement. La possession
du bien, & le peu d'occupation
corrompent fouvent
les moeurs. On s'aveugle
quelquefois dans le temps
où l'on devroit avoir le plus
de fageue?&:on ne conferve
pas toûjours les bonnes incli-,
nations qu'on a fait paroistre
dans ses premieres années. Le
Roy peut donner un Benesiceà
l'homme du monde
qui le meritéle mieux dans
le tcmps qu'il l'en pourvoir,
& qui dans la fuite en deviendra
tres-indigne.
- Je pourrois ajoûter- icy
beaucoup de choses sur ce que
le Roy voulut bien dire en
public touchant la nomination
des Benefices; mais ayant.
accoûtumé de vous rapporterles
faits sans aucun taisonnement
,je vous laisse faire làdessus
toutes les reflexion
que le Roy merite qu'on flÍI.
à sa gloire.
Ce Prince après avoir efii*
ployé la plus grande partie
du jour de la Pentecoste à
des avions de devotion &
de pieté
, & tenu un long
Conseil pour la distribution
des Bencfices qui vaquoient
alors, ne crut pas avoir encore
assez fait; il alla faire
le tour de la Place pour en
viliter les Fortifications, &
vit un Bataillon du Régiment
Soissonnois? qui estoit
en bataille sur le Glacis. Ce
Bataillon luy parut fort lestes
& il futtres-content.Il estoit
commandé par M le Duc de
Valentinois, Fils de M le
Prince de Monaco. Sa Majesté
vit aussi le Regiment
des Vaisseaux dans la Citadelle)
commandé pat Mr le
Marquis de Gandelus
?
Fils
de Mle Duc de Gefvrcs, qui
cnetf Colonel, & elle en fut
fort fatisfaitc. M le Marquis
fie Vaubecour, Gouverneur
de Châlons,&Lieutenant de
Roy du Verdunois
, & du
Pays Messin
, accompagna
toujours le Roy, & tint à
Verdun, tant que Sa Majcftc
y demeura,deuxTabks fort
magnifiqueSj ainsi qu'ilavoit
fait à Châlons, pour toutes
les personnes de la Cour qui
voulurent y aller manger. Le
Roy fut fort content de ce
Marquiseluy donna inefme
des marques de la fatisfadion
qu'il avoit de sa conduite.
Enarrivantà Verdun
» on
voit appris la mort de Madmoiselle
de Jarnac Fille
d'honneur de Madame la
Dauphine.dontje vousay déja
parlé.Elle fut fort regretée
à cause de son humeurdouce,
& complaisante,
Quoy que la Ville de Verdun
soit couverte par Longvvy,
Luxembourg, Sar-Loüis,
Strasbourg &autres, on ne
laisse pas de travailler tous
les jours aux fortifications de
cette Place. Le Roy ordonna
'lu)on y preparait les Ecluses,
afin qu'il puft voir à son retour
l'espace du terrain qu'elles
pourroient occuper.
Lors que Sa Majesté visita
la Citadelle qui est de cinq
Bastions fort reguliers , on
luy fit remarquer le Bastion
nommé le Marillac, qui donna
lieu au Procès qui fut fait
au Mareschal de ce mesme
nom> pour le crime de Peculat
, dont il avoit esté accufé.
L'histoirerapporte que
le Ministre qui nomma les tgommiflàiresquile condamnerent
,
leur dit après avoir
apprissacondamnation, qu'il
falloir que les Jugesenflent des
lumieres que le reste des hommes
n'avoitpas &queplus il avoit
fait de reflexionsur l'affaire dît
Maréchal de Marillac, &sur
toutes les choses dont on l'accusoit
,
moins ill'avoit juge digne
de mort; maisquenfin ilfalloit
croire qu'il estoit coupable
j
puis
qu'ilsïanjoient condamne. Il
n'eut dans la fuite que de la
froideur & de l'indifférence
poureux.
Le19.on ne fit que quatre
lieuës & l'on alla dîner
*
& coucher à Estain ; la journéeauroitesté
trop longue si
on avoit estéjusquesàLongvvy.
Mr Mathieu de Castelus
qui y commande vint à
Estain saluer le Roy,& tecevoir
les ordres de Sa Majesté.
Estain est un gros Bourg
muré, du Diocese de Verdun.
C'est le dernier de sa Jurisditèion
du costé de Luxembourg.
Quoy que ce Diocese
foit fort petit & borné de
toutes parts, sonpeu d'étendue
ne diminue pas néanmoins,
son revenu.MrdeVerdun
accompagna le Roy jusques
à Essain. La Cour eut un
tres-beau temps pour traverser
des ruisseaux, & desPlaines
grasses
?
& fertiles. Les
pluyes l'auroient fort incommodée,
mais le Royqui fait
les beaux jours de tous ceux
qu'il regarde favorablement)
devoit estreanez heureux
pour n'en pas manquer luymesme.
Sa Majesté prit ra:
presdinée le divertissement
de la Chasse. Ertain cft un
Païs de Bois accompagné de
belles plaines) & de Vallons
bien culrivez; les Maisons y
sontgrandes, & logeables
presque toutes bastiesà l'Allemande,&
il n'yen a pas une
qui n'ait quatre Chambres
hautes où l'on peut loger.
Le Roy,Monseigneur?& les.
Princesses eurent leursAppartemens
dans la plus grande,
& chaque Corps d'Officiers
logea dans d'autres. Le lieu.
paroist avoir esté autrefois
considerable;les Guerres l'ont
ruiné , parce qu'il n'estoit pas
assez fort pour se deffendre
des courses. La Paroisse est
unassezbeauVaisseau,surtou
dans l'étendue du Choeur,qui
est tres-beau &: fort élevé
Cette Paroissea esté bastie
par les soins de Guillaume de
Huyen, lequel ayantesté in,
struit à Verdun? passa en Italie
; ou la beauté de son génie
luy acquit la bien-veillance
de la Cour de ROIne. Il fut
d'abord Chanoine de Verdun,
& par degrez elevé à la
pourpre, ayant esté fait Cardinal
au titre de Sainte Sa-;
bine. Il employa ks biens a*
l'embellissementde sa Patrie
mais la mort qui le (urpnd
dans l'exécution de ses. def-i
seins
, en rompit le cours
Les Entrepreneurs volerent
l'argenr & lainerenrnglife
imparfaite.Il avait resolude
fonder douze Prebandes,un
College-, &un Hôpital ;.lnaiscil
ne voit qu'un Choeur de-;
licatement construit
, & la
Barete de ce Cardinal suspendue
à la voûte, pour monument
de sa pieté
, & de sa dignité.
Il vivoit en 1406. Un
Curé, & un Vicaire ont foin
de cette Eglise, & du Peuple.
Les Capucins ont en ce lieu
une Maison habitée par huit
ou neuf Religieux. Ils ont
quelque peine à subsister;
mais ils en auroient encore
davantage s'ils n'estoient prés
de Verdun où on leur fait
de grandes charitez»Ces bons
Peres se sont establis en ce
lieu pour aider le Cure., à
causequ'il n'a qu'un, seul
Vicaire avec luy,
Le lendemain 20. la Cour
partit, d'Estain? &alla dîner
à Pierre-Pont qui n'en est éloigné
que de trois lieuës. La
plulpart des Officiers mangerent
surune verdure arrosée
d'un ruisseau fort agreable.
On traversa ensuite plusieurs
petits torrens;on parcourut
des Valées:on monta
des hauteurs?&on gagnaen
&~
finla cime d'une Montagne
où lenouveau Longvvy entièrement
construit par le
Roy) pour faciliter la prise de
Luxembourg. Le Vallon est
arrosé d'une très- belle eau
vive, qui roule toujours, &
qui rend la Plaine fort fertile
; laveue se promene agréablement
sans estre bornée
que des deux costez par deux
Montagnes, mais elles n'offrent
rien qui ne doive plaire.
L'une est remplie d'arbres;
l'autre est occupée par te
vieille) & par la nouvelle
Ville. On découvre dans le
milieu de la Prairie deux mai.
fons de Religieux) l'une de
Recolets. & l'autre de Carmes
) qui y sont établis, &
qui ont foin des anciens Habitans
de ce Pays-là. Ils ne
font logez que dans des hutes
sur la Colline
, & ils avoient
au dessusun Château antique
qui les mettoit à couvert
des Coureurs; mais presentement
il est ruiné) &
l'on n'y trouve que des cabancs
& des masures. Longvvy
est situé sur une hauteur
bordée d'un précipice à IJEfi:f
& au Sud, s'estendans vers le
Nord,& l'Ouest dans une
Plaine fort fertile. La Place
n'est commandée d'aucun
endroit. On y voit une grande
ruë ,
à l'extrémité de laquelle
font deux portes accompagnées
d'un double fossé
, &: défenduës de bons
Battions. Dans cette ruë principale,
sont les maisons des
Bourgeois qui font environ
deux a trois cens feux. La
Place d'Armes est au milieu.
On y voit un beau puits
) &
à gauche une Eglise une fois
aussi grande que les Recolets
de Versailles
, mais ily a
moins de Chapelles. Cette
Eglise est accompagnée d'uaeTour,
de la hauteur de celle
le Saint Jacques du Hautes
à Paris
, qui sert de Beffroy
>
& de laquelle on dé-*
couvre jusques à six lieuës
dans le Pays. La Maison du
Gouverneur est à droite , &
fait face à l'Eglise. Le reste
des Maisons est basty par fimetrie.
Le long desRamparts,
font des Cazernes pour les
Troupes,-& l'on voit d'espace
en espace des Magazins de
différentes grandeurs.Tous
ces Magasins sont soigneusement
gardez. Le Roy logea
dans la Maison du Gouverneur.
Mrle Marquis de Bouflers
, qui a le Gouvernement
de Luxembourg, vint au de.
vantdeSaMajestéàLongvvy.
Il estoit accompagné de quel..
ques-uns de fcs Gardes qui ne
parurent point avec leurs Ca.
rabines. Le Regiment d'Angoumois
commandé par Mr
de Thouy,estoit dans la Place.
Le Royen fit la Reveue>
êcille trouva tres- bon, tous
les hommes estant bien faits,
&audessus de trente ans. Ce
Regiment eut l'honneur de
garder le Roy. Il fautremarquer
que ce Prince ne fut pas
plûtost arrivé) qu'il donna
des marques de son activité
ordinaire. Pendant que cluCun
alla? ou le reposer? ou fc
divertir dans fcs Appartemens,
où il avoitdonné ordre
qu'il y eust toûjours rou.
tes fortes de Jeux preparez,ce
Prince courut? s'ilm'est permis
de m'expliquer ainsi pour
mieux marquerfonardcur.)11
courut?dis-je où la passion
digne d'un grand Capitaines
&: le devoir d'un grand Roy
rappelloient,&sedonna tout
entier le reste de la journée à
voir des Troupes? & des Fortifications.
Il y a dans Longvvy
quatre cens cinquante
Cadets. Sa Majesté leur vit
faire l'exercice, &dit hautement;,
qu'il rijyanjoitpoint de
Troupes qui s'en acquittent
mieux. Elle resolut mcfrnc
d'en prendresoixante ou quatre-
vingt , pour en faire des
Sous-Lieutenans dans tous
les Corps, excepté dans sois
Régiment ,où l'on ne reçoit
point d'Officier qui n'ait esté
Mousquetaire.Toutes les
places qui y vacquent estant
reservées à la Noblesse qui
tort de ce Corps,ils se perfectionnent
encore dans ce Regiment
en ce qui regarde le
métier de la Guerre? avant
que d'estre élevez à de plus
hauts Emplois. L'exercice
que firent les Cadets? fut à la
voix & au commandement
de leur Capitaine, ensuite au
coup de Tambour, câpres
dans le silence, par une habitude
qui est en tous également
naturelle; ce qui se fait
avec tant de justesse, qu'il
semble que ce soit un feut-
J.
homme qui remuë également
toutes les parties de
son corps. Ceux qui prirent
ce divertissement avec le
Roy eurent un tres-grand
plaisîrde voir un mouvement
uniforme dans quatre cens
cinquante personnes de différentesgrandeurs.
Le Royvisita à cheval les
dehors de la Place, & fit à
pied le tour des Remparts.
-
Ce Prince marqua luy-même
ce qui en pouvoit encore
embellir les Travaux, & ce
qu'ils avoient de plus beau
& deplus seur. Cela fait voir
la parfaite intelligence qu'il
a de l'Art de la Guerre.
Il ne faut que voir Longvvy
pour concevoir une haute
idée de la puissance du Roy,
& l'on ne pourra qu'à peine
sepersuader qu'il ait entièrement
fait bâtirune Ville,
élevée sur une cime inaccessible
r & dont les remparts
font d'une prodigieuse hauteur.
Il est impossible de s'imaginer
la dépensequ'où
a faite à couper le Roc, à
rendre le terrain uny, & à
bâtir tant de beaux logemens.
Cette Place est de figure éxagone
r ayant un Baition
coupé ducodedesprécipices
feulement. Ilestsoûtenu par
deux Delny-Iunes, & deux
Ravclins. On amis trois Cavaliers
aux endroirs foibles,
qui découvrent fort loin,&
qui feront montez de vingt
pieces de Canon. Toutes les-
Fortifications de cette Placc
fontd'une ties-grande regularité
; & ce qu'il ya de surprenantec'est
que le Roy en
aitfait entierement conftruireungrand
nombre d'autres
qui ne sont pas moins fortes,
qu'il y fasse encore tra-*
vailler tous les jours, & qu'il
commence à en faire éleyer
denouvelle.Iln'est pas moins
étonnant que SaMajesté voulant
mettre ses Sujets à couvert
des courses de la Garnison
de Luxemboutg., en la
mettant au rang de ses Conquelles,
Elle ait fait bâtu
Longvvy pour faciliter ses
desseins, cette Place ayant
servy de Magasin pour tou,
tes les provisions neceflaircs
à un Siege aulli important
qu'a esté celuy de Luxembourg.
Comme rien n'altère davantage
la fanté qu'une forte
&continuelle app licationau
travail, M de Croissy , qui
par une longue fuite d'Emplois
&par l'occupation que
luy donne celuy qui l'attache
entièrementaujourd'huy,
s'etf attiré des douleurs de
goute depuis quelques années,
en ressentit de violentes
à Longvvy. Cependant
elles ne l'empefcherent point
de servir le Roy, en quoy
il fut parfaitement bien secondé
par M le Marquis de
Torcy son Fils, qui dans un
âge fort peu avancé, a déja
veu toutes les Cours de l'Europe
> en a étudié les maniéres,
& n'ignore rien de ce
qui regarde la Charge dont
Sa Majesté luy a accordé 1:4
survivance.
La Maison du Roy eftanr
si grande) qu'à peine il se
passe une semaine
>
sans qu'on
apprenne la mort de quelque
Officier) on sceut à
Longvvy celle de M Villacienne,
Gentilhomme servant
du Roy? & celle de Mr
de la Planche ,Valet de
Chambre de SiMajesté
,
la
premiere dépendant de Monsieur
le Prince,comme Grand
Maistre delaMaisonduRoy,
& l'autre deSaMajesté parce
que le défunt xi'çftant poirr
marié
,
n'avoit point d'ensans
à qui ce Prince en eust
pû donner la survivance.
Mrde Seignelay, qui avoit
fait le Voyage de Dunkerque
avec une diligence furprenante,
depuis que le Roy
estoit party pour Luxembour,
joignit Sa Majesté à
Longvvy , & luy fit le rapport
de l'estat des Fortifications
de cette premiere Place.
Je vous en ferois icy le
détail, si je n'estois obligé de
le remettreà unautre ÀrcmS)
a cause de la quantité de choses
curieuses que j'ay encore
à vous apprendre touchant
le voyage de Sa Majesté. Je
vous diray cependant que le
Risban, lesJetrées,lesEcluses,&
le Bassin pour les Vaif-
[caux, sont des choses si extraordinaires
à Dunkerque »
<juà moins de vous en faire
la defeription, quelques paroles
dont je pusse me servir,
pour vous marquer la beauté
deces Ouvages* il me seroit
impossiblede vous rien faire
Concevoir qui en approchait,
& vous auriez mesme encore
beaucoup de peine à vous les
representer tels qu'ils [ont) si
vous ne les aviez vûs.
Le Roy estant party de
Longvvy le 21. entra dans le
Luxembourg, &: dîna à Cherasse,
premier Village de la
Province ducosté de France;
Le Païs par où l'on entra, n'a
pas tant de Bois ny de Mon.,
cagnes que les autres Cantons
de cette Province. Ce font
des Plaines grasses & fertiles?
remplies de tres-bons grains.
Les Villages y sont en affcz
grand nombre,mais les maifons
n'en font pas entièrement
rétablies. En approchantdela
Ville de Luxembourgeonvoitde
toutes parts
destrous, desquels on a tiré
de la brique,& de la chaux,
& d'autres materiaux, pour
les nouvelles Fortifications
<i'un Ouvrage qui va au delà
de tout ce que l'on en peut
concevoir.L'aspect delaVilleestbeauducostédeFrancc.
Le plan paroist égal par.
tout,&lesédifices sontgrands
8c magnifiques. On découvre
plusieursEglises couvertes
d'ardoises, descazernes, des
Magasins, des maisons considerables,
Celles des particuliers
semblent estre bâties
desimetrie; mais lors qu'on
est dans la Ville, on est furpris
de ce qu'on n'a découvertqu'une
partie des Fortifications.
Elles sont toutes irregulieres,
& continuées suivant
l'étduë du terrain, dont
la situationpeut étonner des
Assiegeans qui oseroientl'attaquer.
•*
Je devrois vous parler icy
de l'origine de cette Place,
vous entretenir des Ducs qui
en ont porté le nom, & vous
en faire comme un abregé
d Histoire; mais j'ayamplement
parlé de toutes ces choses
dans le Volume que je
vous ay envoyé du seul Journal
du Siege que le Roy fit
)
lors qu'il joignit la Ville de
Luxembourg à ses premieres
Poiiujrfedr
Conquestes. Ainsi jeme COfitenteray
de vous envoyer le
revers de la Medaille qui sur
¿;'faite en ce temps-là, & que
j'ay pris foin de faire graver.
Le Portrait du Roy [e voit
sur laface droite. Jene vous
dis rien du revers, vous le
pouvez voir.
Ce Prince fut receu à la
Porte parleMajor de la Place,
&,' traversa la Ville au milieu
de six rangs de ceux de
la Garnison qui estoient soue,
lesarmes, & en hâye>j[ufque^
au lieuoùSaMajesté alladescendre.
Ils firent trois salves,
mais on ne tira le Canon qu'aprés
l'arrivée du Roy, parce
que cela auroit marqué une
Entrée, & qu'il avoit déclaré
qu'il ne souhaitoit point
qu'on luyen fist.LesBourgeois
vinrent luy offrir leurs hommages.
oLes ruës étoient toutes
tapissèesde branches d'arbres,
suivant la coutume du Pai's.
Pendant le Soupe du Roy
qui dura deux heures, ils aL
lumcrent unfcudejoyc dans
-- .--' -,. --, -' 1er
té —*
--_.
le Pâté qui eH: entre le Paffendal
& le Grompt, vis-à-vis
les fenestres du Palais du
Gouverneur, prés de la Riviere.
Toutes les ruës furent
illuminées, &ces illuminations
continuerent pendant
tout le temps que Sa Majesté
demeura àLuxembourg. La
façade de l'Hostel de Ville parut
éclairée par plus de deux
cens Lanternes, remplies de
Devises à la gloire de ce Prince.
Les Clochers estoient en
feu, & quantité de flambeaux
de cire blanche brûlerent
toute la nuit devant la maison
du Maire. Toutes ces illuminations
furent accompagnées
de cris de Vive le
Roy. Sa Majestéfutgardée
par un Bataillon de Champagne,
commandé par Mr le
Baron de la Coste, La Ville
estoit plus remplie d'Etrangers
que de gens de la fuite
de la Cour, sans compter les
Gouverneurs, les Lieutenans
de Roy, les Officiers des Garnisons
d'Alsace, de Lorraine,
&de Flandre, qui avoient
eu permission de venir. Mr
l'Evesque
)
& Mr le premier
President du Parlement de
Mets, y estoient aussi venus,
avec tout ce qu'il y a de plus
distingué dans la mesme Ville,
suivy d'un grand peuple,
que la curiosité de voir le
Roy y avoit attiré. Il yestoit
passé plus de dix mille hommes
deTreves,deCologne,
de Mayence. de Juliers, de
Hollande, & de la Flandre
Espagnole;& l'on eust dit
que toute la Champagne s'y
estoit renduë, pour remercier
le Roy d'avoir pris cette
Place, afin deladélivrer des
courses de sa Garnison. M1 de
Louvois y estoit arrivé le
jour precedent
,
après avoir
faitun Voyage de deux cens
cinquante lieues depuis que
Sa Majesté estoit partie de
Versailles pour aller à Luxembourg.
Cette diligence
ne paroiftroit pas croyable,
si ce n'estoit une de ces choses
de fait dont on ne [sa?=-:
roit douter. Ce Ministre
rendit compte au Roy de
son Voyage pendant que Sa
Majesté demeura à Luxembourg
& je vous en feray le
détail
, avec celuy de ce qui
s'est paffé dans le temps de
ce sejour,mais il faut auparavant
vous faire la description
de cette Place.
Tous ceux qui l'ont veuë
avant le Siege ,la regardent
avac un etonnement qu'il seroit
difficile d'exprimer, &
sont fort surpris d'avoir à
chercher Luxembourg dans
Luxembourg mesme. On ne
reconnoift: plus cette Place
que par quelques Edifices publics,
presque tous ruinez
dans la Journée des Carcasses
& dans la fuite duSiège, &."
rétablis dans une plus grande
perfection
, par les soins Ôc
par la pieté duRoy. On m'a
assuré que la Ville est grande
deux fois comme Saint Germain
en Laye, &j'ay vû deux
Relations qui le marquent.-
Je ne vous garantis pas
tjue cette grandeur soit juste
On peut s'abuser dans les
choses qu'on écrit sur lerapport
de sa veuë ; cependant
on peut concevoirpar
là une idée approchante de
la grandeur d'un lieu dont
on fouhaitc avoir connoissance.
La Place d'armes de Luxembourg
peut contenir environ
deux mille hommes
rangez en bataille. Les rues
sont larges,&il yen a douze
ou quinze considerables. Les
Bâtimens y sont de deux éta.:=
ges au moins. Ils sont assez
étroits
) mais presque tous
d'une--nlefme, simetrie. La
Cour y estoit assezbien 1&--
gée. Le Commerce n'y est
pas grand, mais la Garnison
y fait rouler beaucoup d'argent
par ses dépenses. On a
esté obligé de prendre des
Domaines, & des Jardinsà
quelques Bourgeois,& à quelques
Païsans, maisils en ont
esté largement indemnisez.
L'Hostel de Ville e£tpetit?
û façade n'est pas large. La
Paroisse est étroite, & il n'y
a qu'un Doyen,&dixEcclesiastiques;
un plus grand
nombre n'en: pasnecessaire,
puis que les Religieux qui
font dans le mesme lieu, les
déchargent presque de tous
les soins qui regardent les
Pasteurs. Il y a quarante-cinq
Religieux dans le Convent
des Recolets, dont la moitié
font François
, & les autres.
Allemands. Ils vivent
des questes delaVille, & dc:
la Province, & preschent
dans l'une & dans l'autre
Langue. Ils sont commis
pour auministrer les Sacremens
à la Garnison. Les Bourgeois
quisontfort devots, &
Flamans en ce point-la?vont
souvent faire leurs dévotions
chez ces Peres, qui sont en
très-grande reputation en
cette Ville-là?&fort estimez
& aimez de tout le Peuple,
Ils ne le font pas moins de la
Garnison qui les respect
beaucoup. Je pourrois ajouter
qu'ils s'en attirent la crainte
aussi-bien que le respect,
puis que ces Peres font toutes
les fonctions Curiales en ce
qui touche cette Garnison.
LePereOlivier Javenayaprés
avoir esté Gardien, & s'estre
acquis une grande réputation
par ses Sermons, a esté éleu
Custode de douze Maisons
.dependantes de celle-là, dont
celle de Luxembourg est la
principale. Les Jesuitesyont
une tres-grande Eglise, fort
propre, & fort riche. Elle est
plusgrande que celle des
Carmes de la Place - Maubert
, & a deux aillés, &
trois beaux Autels. Ils tiennent
leCollege
, & ces Peres
font ordinairement au nombre
de vingt-cinq dans cette
Maison. Encore qu'ils soient
tous François, il yen a quelques-
unsqui sçavent fort bien
l'Allemande & qui ontesti
élever en Allemagne. Leu.
Jardin est beau & spacieux
îc leur maison toute neuve
êc bien ordonnée. Ilsontune
Musique Allemande, que la
Cour alla entendre le jour de
la Trinité. Les Capucins y
ont aussi unConvent
>
dans
lequel on ne trouve que des
Religieux François ,
dont
le nombre peut égaler celuy
des Jesuites. Il y a
deux Refuges dans la Ville,
& une Eglise, appellée le
Saint Esprit, dansunBastion,
Celle desDominicains?qui a
esté fort endommagée par le
Canon, n'est pas encore rctablieIlsdonnerent
ieui
Tour pendant le Siege, pour
placer une Batterie qui incommoda
fort nostre Camp.
On fut obligé de s'en défendre?
& cela* pensa causerla
ruine entiere de leur Eglise.
J'oubliais à vous dire que
les Recolets ont le Cimetiere
de la Garnison. Leur Eglise
est aussi grande que celle des
Cordeliers du Grand Convent
de Paris. Ils ont d'assez
beaux Ornemens, & tout est
chez eux d'une grande propreté.
Leur Jardin est aiTçz
beau pour une Ville de Guerre
Il tomba pendant le Siege
cinq cens Bombes dans leur
enclos, dont trois tomberént
dans une Chapelle,
qui fert de Mausolee auComte
de Mansfeld, l'un des plus
grands Capitaines de son
temps, & fameux par ses Exploits
fous Charles IX. Il
mourut Gouverneur de Luxembourg
âgé dequatrevingt-
six ans. Son tombeau
estde Marbre blanc; safigure
->
& celles de ses deux Fern;
mes ,
font en bronze au desfus
de ce Tombeau,chacune
de six pieds de haut. L'une
des trois Bombes qui tomberent
dans cette Chapelle,
perça une grosse voûte, fit
tin trou fort large à l'extremitédu
Tombeau duComte..,
tourna à demy une pièce
de marbre qui le couvre, &
4jui a huit pieds en quarré
ôc la rompit environ de la
largeur d'un pied. Les Jefuites&
les Recolets ne font
sjparezquepar une rue* &
ïes Capucins sont dans un autre
quartier de la Ville, proche
la Porte-neuve. Il y a
aussi trois Convents de Filles.
Le Comte de Mansfeld dont
je viensde vous parler, a fait
bastir le Palais des Gouverneurs.
Il a esté tout ruiné par
nos attaques, & si bien reparé
par les soins de Mrle Marquis
de Bouslers
, que le Roy
y logea avec Monseigneur;
& les Princesses,Ilest sur un
Bastion. qui donne sur un
Fauxbourg arrosé par la Riviere?
dont la Prairie dans laquelle
elle se répand estun
objet agreable pour la veuë,
& dans une gorge entre deux
Montagnes. Il a pour point
de veuë un reste de petit bois
de haute Futaye. Pour pouvoir
insulter ce Bastion, il
fauts'estre rendu maistre de
sesdeffenses. Le Roy y avoit
une grande Salle, une
grande Chambre pour les
Jeux, sa Chambre,&trois Cabinets.
Les Gouverneurs de
Luxembourg avoient autrefois
une Maison de plaisance
située sur la Riviere qui sert
de point de veue lieur Palais;
mais les guerres les ont
privez de ce lieu de divertis
sement. Luxembourg est fituésur
une hauteur àl'extremité
d'un grand terrain du
costé de l'Ouest & du Sud
fondé sur un roc qui a este
coupé plus de quatre pieds
en terre dans les endroits ou.
l'Esplanade duGlacis n'est pas
sélon les Réglés? & commandé
par le chemin couvert. A
son Est, & à son Nord, ct
sont des Vallées prodigieuses.
qui semblent inaccessibles à
toutes les Nations; & cependant
c'est par ces abismes
qu'on a pris la Place. L'une de
ces Vallées entre le Nord k
l'Est, estarrosée par TEfle*,
petite Riviere sans commerce
qui vient du cofté du Sud
d'Erfche Bourgade„& qui va
se rendre dans la Moselle aprés
s'estre jointe au Sours
&. àSclbourgversVasbilingrr
L'autre est remplie vers le
Sud-Est de quelques petits
Ruisseaux de Ravines. Il se
trouve pourtant entre l'Esse
une langue de terre où cft la
Porte dé Trêves
,
& une autre
langue plus spacieuse occu\.
pée parunFort nommé du
Saint Espritque l'on a fortifié
depuis que le Roy a coiv
quisla Place. Elle estdiviséce
en haute, & en basse Ville,
La haute cft l'ancien Luxembourg
,reparé,&fortifié dt
nouveau. On afaitune Porter
neuve qu'on appelle de France
vers Nostre-Dame de
Consolation, & l'on a pouse
le Bastion de Chimay,jus
ques au delà de l'Insulte. La
baffe-Ville est composée de
deux Fauxbourgs, rendus c-e*
lebres par le dernier Siege.
L'un est nommé le Passendal.,
arrosé par le principal Canal
del'Effe. L'autre est le Minstier
ou le Grompt mouille
aussi par un bras de l'Effe. Entre
ces deux Fauxbourgs
?
est
la Porte de Treves
?
& une.
Plate-forme au dessousquon
appelloit le Pasté. A l'extremité
du Minfter vers la droite
est le nouveau fort du Saint
Esprit. Mr de Montaigu a
levé avec du carton le Plan
de cette formidable Place,
où Ion en remarque aisément
toutes les beautez, avec toutes
les augmentations que le
Roy y a faites. Toute l'Allemagnea
esté surprise de voir
avec quelle promptitude on
en a reparé les brèches &
avec quelle facilite sans avoir
égard à la dépense on a aug.;
mente cette Ville de plus de
deux tiers, afin d'occuper
tout le terrain qui sembloit
estre favorable pour en approcher.
Aprés vous avoir fait voir
la situation de It Place, il faut
que je vous trace icy le Plan
de ses Fottifications. L'entreprise
est hardie, & un terme
mis au lieu d'un autre, peut
répandre de l'obscurité dans
ce que je vous diray les descriptionsde
cette nature,quelques
ques claires quelles soient,
n'eitant qu'à peine intelligibles
pour ceux qui ne sont pas
dumestier.Joignez à cela que
je puis expliquer mal des cho-
[es, dont je n'ay pas toutes
les lumieres necessaires? pour
estreafleuré que je ne me
trompe point. Cependant je
fuis persuadé que quelques
fautes que je puissefaire
, &:
que j'aye peutestre mcfme
déjà faites depuis que j'ay
commencé à vous parler de
Fortifications dans cette Ler
tre, ce que je vous en ay dit,l
& ce qui me reste à vous expliquer
) ne laissera pas de
donner de hautes idées de la
puissance du Roy? & de la
force de Luxembourg.
L'ancienne Ville qui est
toute sur un terrain élevé
cil: un Heptagone ayant un
Bastion coupé par le deffaut
duterrain de Paffendal. Elle
a trois portes ; l'une vers le
Couchant) c'est celle de France;
l'autre au Nord? c'est celle
de Passendal; la troisiéme;
vers l'Orient, c'est celle de
Trêves, & une quatrième
pour les sorties regardant le
Midy. La premiere & la derniere
sont dans la haute Ville
bien flanquées de bons basions?
& de dix Redoutes,
soutenuës de bons Cavaliers,
où l'on mettra quarante pièces
de Canon. On peut voir
dans la premiere porte quelle
supercherie peuvent faire
ceux qui se desfendent dans
leurs maisons. La premiere
entrée prise , il ne faut aller
que pied à pied à la seconde;
& la troisiéme est encore
mieux gardée que les prémieres.
Les Redoutes sont
portées aux endroits les plus
soibles des Courtines pour
deffendre le chemin couvert,
& pour commander sur toute
l'Esplanade;elles font élevées
jusques au cordon pour répondre
au rez de chauffée, &
pour raser l'Esplanade. Au
dc!fij.S est une Plate-forme
avec un Parapet dont on se
sert jusqu'à ce que le Ganofll
l'ait renversé ; on se retire au
dessous où sont des Sarbacanes
pour tirer sur le chemin
couvert & dans le glacis. Dela
on a encore un étage en
- terre d'où l'on se peut desfendre
long- temps , &quand
on est poursuivy par les Galeries,
on a clei portes avec
du Canon de Campagne. Si
les Ennemis vouloient establir
un logement autour de
ces Redoutes, il y a des Mines
& des contre-mines toutes
disposées pour empescher les
Travailleurs d'avancer leurs
ouvtages. Les Fourneaux sont
si bien menagez qu'ils ne
peuvent manquer leur coup.
On a fait deux demy
-
Lunes
dans cette ancienne enceinte..
Le Bastion de Chimay? qui
est à l'extremité du Roc, &
qui commande sur la Porte
de Paffendal, est soûtenu par
deux autres Bastions avancez
le long de cette cime,qu'on
peut appeller une Demy-lune
1-
& une autre Contre-garde,
ce qui semble estre hors.
d'insulte> parce qu'on a fait
la dépense de railler dans le
roc,&qu'on s'est attache à
le rendre inaccessible; &
comme la Riviere qui passe
au dessous de la Porte, a une
hauteur dans son bord opposé
qui commande la Ville
>
car ce fut là qu'an mit une
Batterie pendant le dernier
Siege, pour ruiner jePalais
du Gouverneur; son Badion,
& la Porte,lePvoy a fait faire
sur la cime de cette hauteur
deux Ouvrages à o cornes
qui renferment tout l'espace
par où l'on avoit à craindra
Une Ligne de communication
prend de l'extrémité de
la Contre-garde du Bastion
de Chimay, descend par la
Porte de Passendal dans la
Riviere, & va joindre ces Ouvrages
, qui sont faits avec
toute l'industrie de l'At[,.
pour batere la Plaine d'audelà,
pour commander sur le
vallon où coule l'Effe,& pour
désendre le Chemin couvert
de la Contre-garde du Baftion
de Chimay;&afin qu'on
ne prenne pas ces O1uvrages par le vallon., Sa Majesté qui
voit tout avec des liimieres
qui necedenten rien àcelle5
de les Ineenieurs? a ordonné
deux Reodoutes au dessous,
prés de la Rivière. Ainsi le
Fauxbourg du Paffendal qui
est sur l'eau, fera défendu 8c
couvert de toutes parts. On
y fait un Hôpital, & il y aura
des Cazernes, & des Magasins
comme dans la Ville.
Il est fermé à la droite par
une autre Ligne de communication
semblable à la premiere,
qui joint le sécond
Ouvrage à la Porte de Trêves,
qui se trouve à l'extremité
d'une languete prise
dans le roc qu'on a percé en
deux endroîts, pour faire
passèr les chariots, & les
Troupes du Paffendal au
Minfier, sans monter dans
la. Ville. Le Minsterest aufll
défendu par cette Porte, ôc.
par le Fort du Saint Esprit,
qui a quatre Bastions coustruits
sur une petite éminence
qui commandoit dans
le Fauxbourg. Ces quatreBastions
sont soutenus de Demy-
lunes) de Contre-gardes,
& de Redoutes, qui battent
toute une campagne qui regne
au delà. Voilà les Ouvrages
qui se trouvent dans
les Dehors de Luxembourg,
&: qui font environ onze Bastions,
quinze Redoutes, deux
Ouvrages à corne,un troisiéme
qu'on y ajoûte prés de la.
Porte des Sorties, quatre:
Demy-lunes, trois Contregardes,&
cinq ou six Cavaliers.
Tous ces Travaux n'ont
pas moins surpris la Cour,
qu'ils ont étonné tous les
Etrangers qui les ont vûs.)
car cette Place qui tiroit de
la France deux millions de
contributions
, pourroit en
temps de Guerre en tirer bien
davanrage, & faire contribuer
juseqz ues à Mayence? à
Cologne, à Rez, au Fort de
Skin,à Namur& à beaucoup
d'autres endroits, ce qui ne
seroit pas difficile à une Garnson
de sept ou huit mille
hommes. Je ne vous diray
point à combien de millions
a monté la dépense des Fortifications
de cette Place,
chacun en parle diversement
&met le prix aux Ouvrages
de cette nature, suivant Tétonnement
qu'ils luy eaufent.
Ainfiil n'est pas facile
de parler d'une dépense?
quand elle se monte à plusieurs
millions. Tout ce que
je puisvous dire, c'est que le
Roy ne cherchant que l'entiere
perfection dans tout ce
qu'il fait faire, il y a encore
de nouveaux fonds destinez
pour travailler à cette Place,
quoy qu'il paroisse qu'on ne
puisse rien ajoûter à ces Fortifications
;mais le Roy a des
yeux& deslumieres dont on
ne sçauroit trop admirer la
pénétration. Je ne dois pas
oublier que la petite Chapelle
de Nostre - Dame des
Consolation dont je vous ay
déjà parlé dans ma Relation
duSiege, est restée en son
entier, les Assiegez, & les
Assiegeans l'ayant épargnée.
Toute
-
la Province y court
avec la mesme devotion
qu'on va à Nostre-Dame de
Liesse en France.
Il faudrait pour se bien representerl'aspect
de cette
Place, avoir vû les deux Tableaux
que Mr de Vandermeulen
enafaits pour le Roy.
Ils sont à Marly, & ont chacun
onze pieds de longueur.
Ils representent deux faces dô
laPlaec, de sesFortifications,
& de ses avenuës; mais avec
une telle regularité, que ceux
qui ont veu ces Tableaux ne
sçauroient se souvenir de la
moindre chose,qu'ils ne lareconnoissentaussi-
tost dans
l'unou dans l'autre. Ces Tableaux
sont gravez avec les
Estampes de Mrde Vandermeulen
dont je vous ay déjà
parlé, qui represententtoutes
les Conquestes du Roy de la
mesme maniere. Ainsi si la
description que je viens de
faire de cette Place, excite en
vous ou en vos Amis, la curiosité
de la voir d'un coup
d'ecil, vous pouvez avoir recours
à ces Estampes, qui sont
recherchées dans toutes les
parties du monde.
Le Roy ayant resolu de ne
demeurer que deux jours àLuxembourg
; monta à cheval
aussitost qu'il y fut arrivé, &
en allavisiter les Dehors. Mr
de Louvois qui estoit de retour
depuis un jour de son
Voyage d'Alsace,&MdeVauban
, qui sont les deux personnes
qui pouvoient rendre
un compte exact à Sa Majesté
des Fortifications de cette
Place, & sur tout de celles
qui ont esté faites nouvellement
par son ordre, l'accompagnerentpar
tout. Elle vit
les attaques de ses Troupes
pendant le Siege, &: trouva
de nouveaux sujets de loüanges,
pour tous ceux qui avoientcontribué
à cette conqueste,
M le Comte de Blanchefort
s'eilant trouvé auprés
du Roy, ce Prince toûjours
plein de reconnoissance
& de bonté pour toutes les
personnes qui ont du merite,
témoigna le regret qu'il avoir
de la mort de Mr le Maréchal
de Crequi son Pere,
qui avoit fait le Siegede Luxembourg;
ce qui parut toucher
fort sensiblemenr Mr
le Comte de Blanchcfort,
& renouveller dans son
coeur le dcfir qu'il a de sui
vre ses traces, &- d'imiter sur
tout sa prudence? & sa fidelité
pour le Roy.
, Le 22. Sa Majesté donna
audience à Mrle Baron d'Ingelheim,
Envoyé
-
extraordinaire
de Mrl'Electeur de
Mayence; à Mr le Baron
d'Elts, Envoyé extraordinaire
de M l'Electeur de Tréves,
& à Mrle Comte de
Chellart, Envoyé extraordinaire
de Mr le Prince Electoral
Palatin, Duc de Juliers.
Ils estoienr venus faire compliment
à Sa Majesté de la
part des Princes leurs MaiRreS)
sur son heureuse arrivée
àLuxembourg. Ces Envoyez
eurent aussi audience
de Monseigneur, où ils furent
conduits par MrdeBonneüil
,
Introducteur des Ambassadeurs,
qui les avoit menez
chez le Roy? & les avoir
esté prendre dans les Carosses
de Sa Majesté. Ils firent
present au Roy dela part des
Princes leurs Maistres
,
de
plusieurs tonneaux de vin
du Rhin, & de vin de Moselle>
que Sa Majestéreceutavec
les manieres honnestes
qui luy sont si ordinaires, &.
pour marquer que ces Presens
luyestoient agreables
de la part dont ils venoient,
Sa Majesté voulut qu'ils fussent
conduits à Versailles par
les mesmesVoituriers qui les
avoient amenez; & les Envoyez,
suivant les ordres qu'iL
luy avoir pieu d'en donner,
furent regalez splendidement,
avec toute leur suite,par
lessoins de Mr Delrieu, Contrôleur
ordinaire dela Maifondu
Roy, qui n'oublia rien
en cette rencontre de tout
ce qu'il crut devoir faire
pour leur satisfaction, &qui
entra parfaitement bien dans
leurs manieres,
Quoy que le Palais où logeoit
le Roy sust fort spacieux,
il estoit neanmoins
impossible que tous ceux qui
estoientpressez de l'impatience
de le voir? y pussent
entrer; ainsi ce Prince eut la
bonté de sortir plusieurs fois
à cheval? & d'aller mesme
doucement, afin de satisfaire
ceux qui ne respiroient qu'aprés
sa veuë. Il alla à la Metre
aux Jesuites;& plusieurs personnes
qui jusques alors ne l'avoient
admiré que par la quantité
surprenante des grandes
choses qu'il a faites,& qui n'avoient
jamais eu le plaisir de
levoir,l'admirerent ce jour-là
par sa bonne mine, & par un
air qui perfuaderoit à ceux qui
ne sçauroient pas tout ce qu'il
a fait de grand, que tout ce
qu'on leur en diroit feroit - veritable,
véritable. Le Roy estant forty
dela Messe,vit le plan de
Luxembourg, qui estoit dans
une maisonproche de l'Eglise
des Jesuites, Il monta à
cheval l'aprésdînée, & descendit
dansles Mines;il voulutvoiraussi
les Contre-mines.
Il visita les Fossez, & se
promena sur les Ramparts.
Pendant tout ce temps il s'entretint
des beautez de cette
Place avec Monsieur le Printce,
qui fit voir la parfaite
connoissance qu'il a de tout
ce qui regarde la Guerre, &
quelle est telle qu'onladoit
attendre du Fils d'un Prince
qui auroit pu apprendre ce
grand Art à toute la terre ,
si on l'avoit ignoré. Monsieur
le Duc, Monsieur le
Prince de Conty
,
& Monsieur
le Duc du Maine su.
rent aussi de la conversation,
& firent voir qu'il est des
sciences pour lesquelles les
Princes ne sont jamais jeunes
&qu'ils semblent avoir aj>„
prises en naissant.
Le mal de Mrle Comte de
Toulouse, qui avoit esté attaqué
le jour precedent d'un
mal de teste
)
& d'un mal de
gorge, continua,& la Rougeole
s'estant declarée, le
Roy resolut de sejourner
deux jours de plus à Luxembourg
, non pas pour y attendre
la parfaite guerison dô
ce Prince, laquelle ne pourvoit
arriver si-tost, mais afin
de voir quel pourroit estre le
cours de son mal. On mir:
auprés de luyMrduChesne
Medecin?MrduTertre, Chirurgien
de Monsieur le Prince,
avec un Apoticaire de Sa
Majesté. Le bruit s'estant répanduque
le retour delaCour
estoit reculé, quelques Etrangers
en parurentinquiets,mais
ils furent rassurez si-tostqu'ils
firent reflexion que le Roy
avoit toujours gardé inviolablement
sa parole;qu'il aimait
Monsieur le Comte de
Toulouseavec tendresse; que
ce jeune Prince estoit chery
<dc toute la Cour, & quainsî
l'incertitude du mal qui luy
pouvoit arriver, estoit la
vraye cause qui portoit le
Roy à retarder son depart.
La Rougeole deMonsieur le
Comte de Toulouse, ne fut
pas la premiere qui parut
à la Cour. Une des Filles
d'honneur de Madame la
Princesse de Conty en avoit
déja esté attaquée. Il yavoit
euaussi d'autres Malades; &
la Gouvernante des Filles
d'honneur de Madame Il
Duchesseavoit eu la Fiévre.
La maladie de ce Prince contribua
à l'indisposition d'une
Dame d'un tres-grand meri-
&
re. Elle fut saignée, & son
mal se passa.
Le 13. Mrle Comte Ferdinand
de Furstemberg, & Mr
Ducker, Envoyez extraordinaires
de Cologne
, eurent
aussi Audience du Roy, &
de Monseigneur le Dauphin.
Ils y furent conduits par Mr
de Boneüil avec les mesmes
ceremonies que l'avoientesté
les autres Envoyez,& traitez
demesme.Mr le Cardinal
LangravedeEurftcmberg
faluaaussileRoyavecdeux
de ses Neveux.M le Comte
d'Avaux, Ambassadeur dfe
France auprès des EtatsGéneraux
dès- Provinces unies
s'estant rendu de la Haye à
Luxembourg, y salüa Sa Majesté,
& receut d'Elle de nouvelles
instructions touchant
les negociations ordinaires de
son Ambassade.Lorsqu'il prit
congé du Roy,ce Prince luy
dit qu'ilcontinuastàle servir
de la mesme sorte,& qu'il seroit
content. Cela fit assez
connoistre que Sa Majesté
estoit satisfaite de ses services
passez. Mr Foucher, Envoyé
extraordinaire des Etats Géneraux
auprèsdel'Electeur
de Mayence , eut aussi l'honneur
de salüer ce Monarque.
LeRoy entendit ce jour là la
Messeaux Recolets. & vit enfuite
dans ure Chambre du
Convent le Plan de Trarback
levé par Mr de Montaigu.Je
vous parleray de ce Plan dans
la fuite de ma Lettre. SaMajesté
alla l'apresdinée à la
teste des Tranchées, & des
Lignes, & en examinant la
Place, Elle previt tout ce qui
pourvoit arriver, si on osoit
un jour entreprendre de l'assieger.
Elle fit le mesme jour
la Reveuë des Troupes de la
Garnison, quiconsistoient en
cinq gros Bataillons, & en
plusieurs Escadrons.
Le 14. le Roy entendit la
Messe à la Paroisse, & tint
Conseil le matin & l'apresdînée,
ayant pendanttoutle
temps qu'il a demeuré à Luxembourg
,donné cinq à six
heures par jour, pour tousles
Conseils qu'il y a tenus; de
forte, que le temps qu'il employoit
à voir des Fortifications
& à faire des
-
Reveuës,
estoit celuy qu'il prenoit
pour donner relâche à fan
esprit. Ainsi l'on peut dire
que l'esprit ne commençait
à se reposer que pour donner
lieu au corps d'agir. Pendant
que le Roy n'eliok occupé
que des soins de son
Etat sans se donner un seul
moment de relache
,
la Cour
se partageoit, pour se divertir
selon son goust. Les uns
se
-
promenoient ,
les autres
joüoient , & quelques autres
se rafraîchissoient chez Mrde
Bouflers.Je ne vous diray
point que durant tout le sejour
- que Sa Majesté a fait
dans cette Place, ce Marquis
a tenu plusieurs Tables chaque
jour, tant le soirquele
matin,à un fart grand nombre
de couverts; ce seroitdire
trop peu,puisque non seulement,
tousceux qui ont voulu
manger chez luy y ont
trouvé a toute heure tout ce
qu'ils ont souhaité, mais
qu'on n'a mesme rien refusé
f aucun de ceux qui en ont
envoyé chercher. Commejamais
homme ne fut plus genereux
> jamais dépense n'a
esté faite de meilleure grace.
Mr deBouslers apprehendoit
si fort de n'estre pas à Luxembourgpour
la faire
a.
qu'ilfol^
licita pour n'aller au Camp
qu'ildevoitcommander,qu'aprés
que Sa Majesté seroit
partie. Le Roy qui sçait distinguerladépense
qui n'est
pas interessée,luy a fait un
Present de trois mille Loüis.
Le z5. SaMajesté entendit
encore la Messe aux Jesuites.
Elle se promena de nouveau
à cheval dans les Fossez
) & à
pied sur les Ramparts. Plus
Elle a regardé la Place avec
application,&enaexaminé
les nouvelles Fortifications,
plus Elle en a esté satisfaite ;
8c comme on ne luy rend
point de grands services sans
recevoir des marques de sa libéralité,
par dessus les recompenses
ordinaires, Elle donna
douze mille écus à Mr de
Vauba n.Toutes les Relations
conviennent qu'Elle luy fit
ce Present d'une maniere si
obligeante, que plusieurs
souhaiteroient enavoir acheté
un semblable de beaucoup
plus, & l'avoir receu
Qvec le mesme agrément. JLf
Royafait aussi des Presens
dans toutes les Eglises où il a
esté. Il donnoit une somme
pour les Ornemens. Cette
somme estoit suivie d'une autre
pour les Pauvres, & ces
deux d'une troisiéme, ou de
quelques graces dont il de":
voit revenir de l'argent pour
l'embellissement des lieux. Sa
Majesté n'ayant point mené
de Musique auVoyage )l'un
de ses Musiçiens nommé Mr
de Ville, qui est Chanoine
de Mets> y prit quelques lastrumens,
& quelques voix ,
& fit chanter dans les Eglises
où le Roy entendit la Messe
à Luxembourg, les Motets de
Mrs du Mont, Robert, &
Minoret. Sa Majesté le recompensa
de ses soins, de son
zele, & de sa dépense. Comme
l'argent n'est pas toûjours
ce qui touche davantage,quelques
charmes qu'il ait pour
tout le monde, par l'indispensable
necessité où chacun
cil d'en avoir, le Roy fïr
ouvrir les Prisons à soixante
&dix Malheureux, qui aimerent
encore mieux la liberté
que toute forte de biens;mais
ce Prince ne leur accorda des
graces que selon le genre des
crimes,ne voulant pas que sa
clemence servist à en faire
commettre de nouveaux, à
ceux qui en avoient fait d'enormes,
& que l'on jugeoit
capables d'y retomber,ce que
Mr l'Evesque d'Orléans, Mr
l'Abbé de Brou
,
nommé à
l'Evesché d'Amiens, Mes,
les Abbez de la Salle «
Fleury,& Mrde Noyon Lieu-»
tenant de Mr le Grand Prevost,
ont examiné par l'ordre
du Roy.
Le26.les uns ne songerent
qu'à partir, & les autres s'affligerent
du départ. LaCour
en voyant les Fortifications
de la place, avoir pris un
grand plaisir à se mettre devant
les yeux tout ce qui s'estoit
passé pendant le Siege-
Elle avoit examiné les Attaques&
les Tranchées) admiré
la conduite du General
)
l'intrepidité
des Soldats, le ge.
nie & l'adresse de M'de Vauban
à conserver les Aillegeans;
car le Roy sçachant
l'humeur boüillante des François
, & leur zele pour son
service
, avoit expressément
ordonné à feu Mr le Maréchal
de Crequi, & à Mrde
Vauban,d'épargner les Troupes,
& de prolonger la durée
du Siege,plûtost que de
hazarder le sang des Soldats.
Ce Prince avoit pris ses mesures
pour cela, Il estoit à la
teste d'une Armée pour em-"
pêcher lesecours,&prest à
donner bataille à ceux qui
auroient voulu le tenter.
Lors que la Cour partoit
satisfaite, & toute pleine de
ce qu'elle avoit veu, elle partoit
avec son Prince, & le
devoit toûjours voir; mais
ceuxàqui il ne s'stoit montre
que pour gagner leur
amour,& ensuite les priver
de sa presence,avoient beaucoup
de cbagrin de son départ.
Ce Prince avoit paru
à Luxembourg plûtost enPere
qu'en Roy. Sa douceur & sa
bonté s'estoient fait connoître.
Il s'estoitmontré familier
sans descendre de son
rang; on avoir eu un libre
accés auprés de luy ; ceux qui
luy avoient presenté des Requestes
avoient esté écoutez,
& la pluspart avoient obtenu
les graces qu'ils avoient demandées
;les Prisons avoient
esté ouvertes;laNoblesseavoit
eu un libre accès jusque dans
saChambre ;il avoit permis
plusieurs fois au Peuple de le
voir dîner , ce qu'il avoit
refusé dans les autres Villes,
à cause de la chaleur; ils
avoient admiré la devotion
de Sa Majesté, & la pieté que
son exemple inspire à toute
sa Cour; il avoit fait de
grands dons dans la Ville;
les dépenses ordinaires de là
Cpur y avoient répandu
beaucoup d'argent,ainsi que
le Etrangers que l'envie de
voir ce Prince avoit fait venir
en fort grandnombre; L*
Noblesse avoit esté receuë
aux Tables de la Maison du
Roy,&les Etrangers de distinctionqui
n'estoient pas
venus avec les Envoyez des
Princes Souverains des environs
, y avoient aussimangé;
enfin tout concouroit à faire
aimer, & regreter ce Grand
Prince. Il partit le 26. aprés
avoir entendu la Méfie aux
Capucins,& alla dîner à un
lieu nommé Cherasse.
J'aurois pu vous parler plûtost
du Voyage dont Mr de
Louvois rendit compte ait
Roy à Luxembourg
, mais je
n'ay pas voulu interrompre
la fuite de la Relation que
j'avois à vous faire de ce qui
s'y est passé.CezeléMinistre
partit de Versaillesle30. d'Avril,
passa à Tonnerre & à
Ancy-le-franc,&après avoir
vû les Fortifications de Besançon
, les Troupes, & les
Cadets, il se rendit le 5. de
May après midy à Befort.
C'est la Capitale du Comté
de Ferrette, située dans le
Sunggovv bb 1
Sunggovv,écheuë au Roy
avec l'Alsace par le Traité
de Munster. Mr le Marquis
dela Suze en a esté longtemps
possesseur, par engagement,
ou autrement. Mrle
<C? ardinalMazarinpossedaenfuite
ce Comté, & Mrle Duc
Mazarin, qui luy a succedé,
en jouitpresentement. La
Ville estassez belle. Il y a
un Chasteau, où l'on a fait
quatre Bastions. Mr de Saint
Justest Gouverneur de cette
Ville
>
où Mr de Dampierre,
Lieutenant de Roy, commande
c-iifôn absence. M" de
Louvois visita la Place, les
Troupes, & les nouveaux
Travaux, qu'il trouva en bon
'estât. Ce Ministre coucha
le 6. à Dainm-arie Village
d'Alsace. Il se rendit le 7. à
Huningue. C'est une Place
quiestfort proche de BaDe,
ÔZ qu'on a nouvellement
fortifiée de six Bastions sur
le Rhin ; on y a aussi fait
- des Dehors? & un Pont
ik bois fut le Rhin avec
quelques Ouvrages au bout
pour en fortifierla teste.
Cette Place rend la France
fort puissante sur le Rhin.
Elle est dans l'Alsace. Mrle
Marquis de Puisieux en est
Gouverneur, & Mr de la Sabliere
, Lieutenant de Roy-
Mrde Louvois en examina les
Fortifications,& fit faire reveuë
aux Troupes qui y et;
toient e& Garnison. Le 8. il
coucha à Fribourg, Capitale
c- duBrifgaw
,
située sur la petite
Rivière deTreiseim,i
bout d'une Plaine fertile, &
sous une hauteur qui cft le
commencement de laForest
loire. Elle est grande, bien
)euprlee.&: a diverfcsEcrllfcs,
&: plusieursMaisons Rcligieuses.
Le Chapitre de Basle
y fait sa residence, quoy que
l'Evesque ne l'y faire pas. Il la
fait à' Potentru, depuis que
les Protestans ont esté Maistres
de Basle. Il y a une Chambre
Souveraine à Fribourg,
& une celebre Université,
qu'Albert VI. dit le Debonnaire
,y fonda en 1450. Les
Ducs de Zeringuen ont possedé
autrefois cette Ville; qui
passa dans la Maisonde FULstemberg,
par le mariage d'Agnes
avec le Comte Hugue
ou Egon, dont les Descendans
l'ont gardée jusque
vers l'an 1386. après quoy les
Bourgeois s'estant mutinez,
se donnerent aux Ducs d'Austriche.
Elle fut prise trois
fois en six ans par les Suédois;
sçavoir en 1632.. en 1634. ôc
en 1638. Son nom s'est rendu
fameux dans toute leuropc,
par la celebre Victoire que
feu Monsieur le Prince, qui
n'estoit alors que Duc d'Anguien,
remporta en 1644. sur
les Troupes Bavaroises, aprés
un Combat sanglant & opïniastré
qui dura trois jours,
pour les postes difputcz de
la Montagne-noire., à une
lieuë de Fribourg. Ces trois
jours furent le 3. le 4. & le 5.
du mois d'Aoust. Feu M le
Maréchal de CrequLqui commandoit
une des Armées,du
Ro.yj.piMt cette Villele17.
Noyen).bre1677.aprèsun Sijer
gaevdoeisteapltorosuckhuuxitmjouurrasi.llIelsy»
uneCitadelle
à quatre Ri-
(rions, dç bons FolLz? o~
quelques autres Ouvrages.
Depuis ce temps-làles François
l'ont fortifiée plus regulierement.
La Rivière- du.
Trcifeim, qui n'est jamais
glacée? nettoye toutes les
rues. On a ajoutéquelques
Bastions aux anciennes muraillesde,
laVille,& les Fortifications
du Chasteau ont
este augmentées. On les a
étendues sur toute la hauteur.
C'est un chef-d'oeuvre de Mr
de Vauban. On yaaussi bâty
d'autres Forts qui commandent
à deux vallées. Les
Archiducs d'Autriche y avoient
étably une Chancelleric.
Il y a quatorze Mona.
stercs à Fribourg, & des Maisons
de trois Ordres de Chevalerie.
Mr du Fay en est
Gouverneur, Mr Barrege.
Lieutenant de Roy, & Mr
Roais commande dans leChasteau,
Mr de Louvois dîna le
,. à Brissac,&vit la Place
&les Troupes.Cest une Ville
d'Alsacedans le Brisgavv qui
donne un passage sur le
Rhin. Elle fut prise en 1638-
par Bernard de Saxe, Duc de
Vveimar, General de l'Armée
de Suede? avec le secours des
Troupes Françoises que conduisoit
le Maréchal de Guebriant.
On y trouva plus de
deux censpieces de Canon)
avec degrandesrichesse -y,
l'annéesuivante le Duc at
Vveimar estant malade à.
Nevvembourg prés de Irifac?
le mesme Maréchal de Guebriànts'aflxiraaumoia.
deJ all--
kx de cetteimportante- rl -
ce-,ôc des autres qui fuienc re-r
mises au Roy j&r TwtÇ du
9.Octobre de lamesme aPT
née.Elles surent cedées à Sll
Majesté en 1648. par leTraité
de Vvestphalie
, ce qui, fJu;
confirmé en 1^59<parcehijfr
des Pyrénées,Brisaa,que
quelques-uns juçmmenp la
Citadelle de l'Alsace, &d'autres,
laClef de l' Allemagne,
passè aujourd huy pour une
des plus fortes Places del Eu-
-
rape, soit qu'onregarde sa
situation sur un Mont,soit
qu'on examine ce eue l'arta
ccoonnctrriibbuuééaà la rreennddrree rrce~guu--
liere. Elle est sur le bord du
Rhin qu'elle commande,
C'estoit autrefois la Capitale
duBrisgavv, qui areceuson
nom d'elle, mais Fribourg
l'a emportédepuis quelque
temps. Il y a aujourd'hui
double Ville,car outre cellequi
estoit audelà du Rhin,
onafortifié une lac, qui est
presentement habitée, avec
grand nombre de Bastions.
Ilya aussi des Fortifications
en deçà du Rhin? & toutes
ensemble elles peuvent faire
environ trente Bastions. On
travaille incessamment à cette
Place, que l'on peut dire
imprenable. Il y a dans Brisac
une Compagnie de jeunes
Gentilshommes. Mr le Duc
Mazarin en est Gouverneur
Mr de la Chetardie y commande
en sa place,& Mr de
Farges y est Lieurcnant de
Roy. (
Mr deLouvois vit lemesme
jour p. d'Avril, les Fortifications
de Schleftadt. &
les Troupes qui y font en
Garnison.C'est une Place située
dans l'Alsace sur la Riviere
d'Ill qui porte Bateaux.
Elle estoit autrefois fortifiée
de bonnes murailles & de
fortes Tours, avec un Rempart,
& des Fossez très-larges
&fort profonds. On y a fait
des Battions depuis ce temps,
là. C'est une Place fort considerable
,
où l'on fait un
grand trafic. CetteVilles''est
toujours maintenue Catholique
au milreu de i'Heresie,
& il y a un College de Jesuites.
Mrde Gondreville en,est
Gouverneur, & Mrde la Provenchere,
Lieutenantde Roy.
Le 10. Mr de Louvois allacoucher
à Benfeld,petite "-il.
le de la baffe Alsace
,
assezforte,
&: des mieux entenduës..
Elle, dépend de Strasbourg-
,
dont elle n'estéloignée que
de trois lieues. Elle est sur
la Riviere d'Ill. Mr de Louvois
dîna le 10. à Strasbourg
)
ôc y sejourna le n. vit la Ville,
la Citadelle, les Forts, &
les Troupes. Mr de Chamil-
.Iy) si célébré par la défense
de Grave. en est Gouverneur.
Mr de Louvois logea chez Mr
de Monclar, qui commande
-
en Alsace. Je ne vous dis rien
de Strasbourg, comme je ne
Vous ay rien dit de Besançon,
parce que ces Places sont entièrement
connues. Ainsi je
ne vous ay parlé que de cellies
dont j'ay cru pouvoir
vous apprendre quelques particularitez
quine se trouvent
dans aucun Ouvrage imprimé.
Le 12. Mrde Louvois dîna
au Fort Louis du Rhin.
C'est un Fort qui a este construit
dans une Isle du haut
Rhin, huit licuës au dessous
de Strasboug, & autant,au
dessus de Philisbourg. Ce poste
estoit presque inconnu.
Toute l'Isle qui est au Roy,
estant dans l'Alsace qui ap.
partient à Sa Majesté
,
doit
estre fortifiée. Il doit y avoir
plusieursBastions, & des
Ponts avec des Fortifications
à la teste. Mr de Bregy est
Gouverneur de cette Place.
Mr de Louvois aprèsavoirs
examiné l'estat de ce Fort
allalemême jour coucher à
Haguenau. C'est une Ville
fort marchande en A lsace,située
entre les rivieres de Meter
& de Sorn.On gardoit autrefois
dans cette Ville-là,
la Couronne,le Sceptre, la
Pomme d'Or, & l'Epée de
Charlemagne avec les autres
ornemens Impériaux. C'est le
Siege du Bailly du Langraviat
d'Alsace. Mr de Louvois
coucha le 13. à Britche, où il
visita les troupes & la Place.
Cette Ville qui a un Châteauassez
considerable, est
dans la nouvelle Province
de la Sare. Mr de Morton
en est Gouverneur, & Mr de
laGuierleLieutenant deRoy. |
3MVT de LLoouuvvooiiss, aapprrèèss aavvooiirr
Nifité lesFortifications & les
groupes> alla dînerle14. à goù il-ne la même.
choseavec unepareille
activité.Hombourgeft assez
considerab- eoniiderable>&:estauasusmi dans la Provence de laSarre. M1
lç Marquisde laBretesche
qui commande dans cette
Province,en est Gouverneur,
& ^lr de la Gardette y
commande
en son ablençe,
M de Louvois alla ce jourlacouch
r à.jatrpctip Village
de la Province de la Sare qui
se nomme Cucelle &le1/
il passaàKirnoù il difha
en visita le Chasteau. Il cb.,.-
chaleITlefmejourlTraDeri
proche Trarback, & visita
la Presque-Isle de Traben, oi|
l'on va bastir une Placequi
s'appellera Mont-Royal. Cette
Place dont on n'a oiïy parler
qu'en apprenant qu'on y
travailloit
)
fait aujourd'huy
l'entretiende toute l'Europe,
le Roy n'entreprenant
rien qui ne soitassez grand
pour servir de conversation
au monde entier.Quoyqu'on
parle beaucoup d'une chose
ce n'est pas à dire qu'on en
partetoujours jùftc
) & il est
mesme presqueimpossible
:quton puissefejavoir au vray
toutes les pârticularitez d'une
entreprise
?
dont a peine,
at-on appris qu'on a forme,
le dessein. Tout ce que je
puis vous dire de celle-cy,
c'est que j'ay ramassé avec
grand foin* beaucoup de circonstances
qui la regardent*
&: que quandil y en aur,Qi,t;
quelques-unes qui ne feroient
pas toux à fjut vrayes;
je ne laiffer4 pas, 4c ycxuj
apprendre plusieurrs çbofcî
qu'on ne peut encore vous avoir
dites. Le Roy voulant
couvrir Luxembourg en 3
J - s cherché -lps tnoyeps ?
& lesa
trouvez danssesterresen.déT
couvrant un lieu. propre à
fairebastiruneVille. Ce lien,
se nomme Traben, & pour
parler à lamaniéré du Païs,
il eit à trente heures dç-Liirxembourg,
à douze de Tre"
ves, &à six de Coblens. Je
ne me puis tromper de beaucoup
sur le plus ou sur le
moins) & l'espace que je vous
marque) vous doit donner à
peu prés l'idée de l'éloignément
où ces Places peuvent
cftre les unes des autres. Tra.
ben est à la teste de Luxembourg.
On dit que Cesar y a
Autrefois campé, & qu'il y a
des vestiges d'une espece de
Fossé que l'on pretend avoir
autrefois fermé son Camp,
La Nature semble avoir faifre
ce lieu-là afin que le Roy le
fin: servir à sa gloire. Il n'a
que huit toises de largeur à
son entrée, que l'on dit estre
une escarpe& un rocher inaccessible.
La Moselle, qui n'eâ
point guéable en ces quartiers-
là ,envelope lereste de
son enceinte. L'entrée du
terrein elt occupée par un
plan deSapinsqu'onfaitjetter
à bas pour servir à cette
entreprise. La terre qui rcftc
lontient un des meilleurs
plans
plans de vignes de tout lePaïs,
& quelques champs qui rapportent
de tres-beaux grains,
&l'on trouve outre celaassez
de vin &de grain dans l'étendue
de cette presqu'Isle pour
nourrir une Garnison de trois
ou quatre mille hommes, Les
costes qui regnent vis-à-vis
le long dela Riviere,ne commanderont
point la Place, &
comme on ne pourra l'attaquer
que par le terrain que je
viens de vous marquer, il est
aise delarendre imprenable.
Il ya quatre Villagessur Iesr
crestes de ces costes dont on
pourra tirer de grands secours
pour les premiers Travaux,
L'extremité du plan de lapins
est une grosse source, qui se
trouvera dans lesFossez de la
Place, & qui fournira de
l'eau à la Ville. Elle aura
plusieurs Bastions
>
& fera
touteirreguliere, & tracée
sur la longueur, & la largeur
du terrain. Il y aura autour
de lapresqu'IsledesRedoutes
d'espace en espace
) pour dé-«-
fendre le passage de la Riviere.
Cequ'ilyade surprenant,
]
c'est qu'on peut dire que ce
que le Roy rcfout,est à demy
fait presqu'au moment
qu'il est resolu, au lieu que
pour l'ordinaire les grands
desseins demeurent au seul
projet. A peine eut-on plante
les piquets) que les Baraques
pour leslogemens des Soldats
le trouvèrent faites. Sept Bataillons
travaillèrent. Ils furent
bientost fortifiez d'autres
Troupest & l'onregarda
cette entr^prife avec unétonnement
donton n'cft pas encore
rovenu? sur tout pendant
que le Roy fait travail1er
dans le mcfmc temps àun
fort grand nombre de Places.
Quelque Souverainqui aitjamais
entrepris d'en faire, elles
ont estel'ouvrage du temps
plûtofi que de ceux dont elles
ont pris le nom; puis que la
pluspart nont presquerien
fait de plus, que d'en avoir
mis la première pierre. Voilà
la France à couvertdes infultes
deTAllemagne, & le Roy
fait plus à son égard
? que les
Chinoisn'ont jamais fait par
leur muraille de cinq cens
lieuës de long à l'égard des
Tarures.Le Royaume de la
Chine n'est à couvert que par
une feule muraille, & la Fran-*
ce l'est aujourdhuy par deux
rangs de Places forces, qui
doivent au Roy tour ce qui
les rend redoutables. tvir de
Louvoisaprès avoir sejourne
le 16.a Traben, & avoir,
pour ainsi dire, donnéle mouvement
à tous les bras devoient qui agir pour la gloire
du Roy,& pour la tranquillité
de l'Europe, alla coucher
le 17- a Sare-Loiiis, où il fit
la reveuë des Troupes, &vifita
les Fortifications de la Place
Elle est Capitale de laPro,
Vince de la Sare. Ce n'estoit
cjiTun Village, dont le Roy
a fait une Place tres-reguliere.
On luy a donné le nom de
-,ç,arc-Loüls, qui est un composé
deceluy duRoy,&de
celuy de la Province. Cette
Ville a six Bastions Royaux
avec quelques Demy-lunes,
& d'autres Ouvrages, M de
Choisyen est Gouverneur éc
Mr le Comtede Perin Lieutenant
de Roy. M deLouvois
y sejourna le 18. &le lendemain
il alla àThionville,
où il se donna les mesmes
soins, &pritles mesmes fatigues
que dans les autresVilles
où il avoit passé. Thionville
n'appartient à la France
que du regne du feu Roy.
C'est une Ville du Luxembourg
assise sur la Moselle.
C'estoit une des clefs du
Royaume avant les nouvelles
Conquestes de Sa Majesté.
On a razé Domvilliers, &
quelques autres petitesPlaces
voisines
>
afin de rendre celle-
là plus considerable. Mr
d'Espagne enest Gouverneur;
Mrd'Argelé,Lieutenant de
Roy, & Mr de Bouflers,Gouverneur
de Luxembourg,&:
Lieutenant general de la Pto-T
vince.Mr deLouvois a trouvé
dans toutes les places qu'il
avisitées,les Troupes & les
Fortifications fort belles. Le
Canton de Basle luyenvoya
faire compliment à Huningue,
& Mrl'Electeur de Treves
fit la mesme chose pendant
que ce Ministre estoit à
Trarbach, Les Magistrats de
tous les lieux qu'il avisitez,
l'ontaussi complimenté, &
les Gouverneurs des Provinces
&des Places que je viens
de vous nommer,& M les
Jntendans la Grange ôc la
Goupiliere ont fait tout ce
qu'ils ont pu pour le bien reé
galer; mais ce Ministre toûjours
agissant n'avoîtqu'à
peine le temps de voir les Repas
qu'on luy preparoit par
tout. Jamais on n'a fait tant
de chemin) ny vu tant de
Villes
,
de Remparts, & de
Troupes, en si peu de temps
Lors qu'on sert ainsi fou
Prince,on le fait servirde
mesme
; & quand les desseins
du Souverain font grands, on
ne voit rien qui ne sente le
prodige. Mr de Louvois dîna
le 20. à Luxembourg,où Sa
Majesté arriva l'aprésdinée.
Je vous ay fait un détail de
tout ce qui s'y est passé,&
vous ay dit que le Roy alla
le 26. dîner à Cheranc. Ce
Prince coucha à Longvvy,cù
• aprésavoir vu faire l'exercice
aux Cadets dans la Place d'armes
, il en choisit quatrevingt,
pour les mettre en diversCorpsenqualitéde
Sousl^
ieurenans, comme jevons
l'aydéja marqué. La Cour
alla dîüer le 27.à Pierre- Pànt.
Sa Majesté montaà cheval
l'apresdinée
, & arriva te soir
àEtain -en prenant le diver-^
tissement de la Chasse. Sa Ma>-
jesté y fut receuë par Mr de
Verdun. Elle entendit la
Messe le 1$. à la ParoiiTe,Se
fit de grandes liberalitez au
Curé5 & aux Capucins qui
sont établis en ce lieu-là,quoy
qu'Elleleur en eust déja fait
en y passant la premiere fois.
Elle dîna le mesme jour à
Verdun chez M" 1tveique,
à quiElleavoit donnéordre'
le jourprécedent pour 'lC{
âaiur qui fut chanté en
Musique sur les six heures dtV
soir. Toute la Cour y am,
ffcaravec une devotion qvd
répondoit à la pieté du Roy.
Le lendémain 29jour du,
S. Sacrement ,
la pluspart dM
Dames qui avoient accompagné
ce Prince , firent leurs
devotions, ce qui parut fort
édifiant. Le temps estant extremement
pluvieux, on ordonna
que la Procession se
seroit feulement jusques à
l'EglisedesJesuites, & qu'elle
reviendroitaussi-tost dans Ii
Cathedrale. La Procession
commença par les Paroisses
de la Ville, suivies des Mandians,
& autres Religieux.Le
Clergé estoit en fort grand
Nombre, accompagne des
Gardes de la Prevosté
,
des
Cent-Suisses de la Garde, ôc
des Gardes du Corps,qui marchoient
sur deux lignesa coté
de la Procession. Messieurs
les Princes du Sang estoient
immédiatement après leDais.
Monseigneur le Dauphin pa..
roissoit ensuite ; deux Huisfiers
portantdesMasses precedoient
le Roy, qui avoit auprésde
luy lePere de laChaise,
& fesAumôniers.Les Princesses
marchoient aprés, suivies
des Dames les plus distinguées,&
ces Dames l'estoient
d'ungrande nombre de Seigneurs
, & d'Officiers de la
Maison du Roy. Le Presidial
deVerdun marchoitenCorps,
Se MP de Ville suivoient le
Presidial.Aprés cette longue
file quiétoiten fort bonordre,
venoit une foule de peuple
innombrable, sans compter
ce qui se trouvoit encore dans
la Ville. Presque toute laLorraine
s'y estoit renduë,&on
en voyoit jusque sur les toits.
On s'arresta à deux Reposoirs,&
la grande Messe fut cclebrée
par Mr l'Evesque de
Verdun. Le Roy, & toute la
Cour occupoient la droite
des hautes Chaises. LesChanoines
estoient à la gauche,
& la Musique au milieu du
-Choeur; elle s'acquita assez
bien de tout ce qu'elle chanta.
Sa Majesté alla à l'Offrande,
& aprés la Messe Elle eut
à peine le temps de dîner *
pour retourner au mesme
lieu, oùla Cour entendit Vespres.
MdeVerdunofficia encore.
Au sortir de cette Eglise,
le Roy se promena autour
de la Citadelle
)
&: alla
voir les Ecluses, qui sont presentement
achevées, & dont
on se doit servit pour empêi
cher qu'on n'approche de la
Ville du costé où elles sont.
Mr deLouvois alla jufclu-aa
lieu où les eaux remontent.
Plusieurs Particuliers ayant
eu leurs beritages endommagez,
ont esté remboursez par
la bonté de Sa Majesté
, quoy
que cet ouvrage foit pour la
défense de leur Patrie.
Le 30.le Roy entendit encore
laMessedans la Cathedrale,&
Mrde Verdun luy
presenta de l'Eau-benite.Ce
Prince eut la bonté de faire
une remontrance au Chapi
tre,) pour l'exhorter de bien
vivre avec son Eve[quc) &
comme il sçavoit que les Chanoines
estoient en possession
depuis un fort grand nombre
d'années
?
d'estre debout pendant
l'Elevation, il leur deT
manda qu'en sa consideration
ilssissent une Ordonnance
pour abolir cetusage, à quoy
ils ne s'opposerent pas. La
Musique chanta un Motet sur
le rétablissement de la santé
de ce Prince, & receut en
mesme temps des marques de
sa libéralité, Toute la Cour
alla ce mesme jour dîner à.
Brabant, & arriva un peu
tard à Sainte-Menehout. M1
l'Evesque de Châlons s'y
trouva avec quelques Ecclesiastiques
qu'il y avoit ame.
nez. Mr le Duc de Noailles
ayant de son costé amené de
LuxembourgMr de Ville, &
prisà Verdun des Musicièns,
qui se joignirent à d'autres
qu'il avoit fait venir de Châlons,
le Salut fut chanté en
Musique aux Capucins sur
les septheures du soir. M de
Châlonsy donna la benediction
du S. Sacrement. Les
Capucins furent extrêmement
édifiez de voir que la
Cour, à l'exemple de son Souverain
faisoit paroistre une
grande pieté. Ils connurent
encore celle de ce Prince, par
les presens qu'il leur fit le
lendemain en partant, quoy
qu'ils en eussent déja receu
lors qu'il estoit paffé à Sainte-
Menehout, pour se rendre à
Luxembourg.
Le 31. le Cour dîna à Cense
de Bellay & allaà Châlons,
où elle trouva un nombre mfïny
depeuple qui s'y eftoic
assemblé
; croyant qu'elle y
passeroitla Feste de Dieu, cqui
seroit arrivé, si la maladie
de Monsieurle Comte de
Toulouse n'eust point rompu
les mesures que l'onavoit prises.
Le Salut fut chanté par
la Musique avec beaucoup de
iolemnité?M1deChâlonsef-
-tantà lateste desonChapi-
"tre. L'Eglise,& les ruës es-
Iaient si remplies
, qu'on
croyoit estre au milieu du
Peuple de Paris. Un nombre
infiny de routes sortes de gens
qui cherchoient à voir le
Roy, occupoit le Jare , &
Tonassure -qu'il n'y en avoit
jamais tanteu.
Ii
Le premier Juin, le Roy
dîna à Bierge, & coucha à
Vertus. Il y entendit le Salut
à la Paroisse, où il y eut une
Musique tres-agreable
,
soutenue
desHautbois des Mousquetaires.
M de Châlons y
officia,assistiéde M de Luzanfy
& de Lerry? qui ont des
Abbayes en ce lieu.
Lei. on partit de Vertus
à dix heures
du
matin, après
avoir entendu la Messe, pendant
laquelle la Musique continua
de chanter des Motets
de M1r du Mont. On ne sçauroit
trop admirer le zele&
l'activitéde Mrde Noailles,
pour le service de Dieu & du
Roy.M deChâlons aofficié
pendant l'Octave du S. Sacrement
, par tout où Sa Majesté
a esté dans son Diocese,
& il s'est par tout trouvé de
la Musique, par les soins de
M le Duc de Noailles son
frere. La Cour alla de Vertus
dîner à Etoge. C'estunlieu
toutremply d'agrémt.Lebastimentenest
beau,les Jardins
en sont charmans
, & l'abondance
des eaux y donne tous
les plaisirs que l'on en peut
recevoir. Ce lieu appartient
à Mr le Marquis d'Anglure,
& sert de retraite à deux freres
& à une soeur, qui par
leur mérité sefont fait une reputation
qui s'estrepandüe
bien avant dans le Monde. La
vertuest leur passion, la charité
fait leur employ, & leur
pieté est exemplaire. Le Roy
leuravoit fait dire qu'il difneroit
chez eux sans les embarasser,&
quoy qu'il n'euisent
pas l'avantage de donner
à mangeràSa Majesté,ny par
consequent l'honneur de la
servir,leur magnificence ne
JailTa pas de paroistre i la maniere
dont ils traiterent toute
la Cour. L'abondance fut
si grande aux tables qu'ils
firent servir
, que celle du
Chambellan ne tint point,
Monsieur le Prince qui mange
ordinairement à cette table
, ayant fait l'honneur à
cesillultres Solitaires de manger
àcelle qu'ils luyavoient
fait préparer. Le Roy inftruit
de leur vertu voulut sçavoir
le détail de leur vie dans
une solitude si peu commune
à des personnes de cette
qualité. Ce Prince apprit que
lesFreres faisoient le plaisir
- - de
de la Soeur, & la Soeur celuy
des Freres? que leurs heures
font reglées pour leurs exercices
ordinaires qui estoient
toujours égaux, sur tout la
Messe
,
les prieres frequentes,
& la visite des Pauvres. Un
fils de l'aisné qui n'a pas encore
cinq ans, eut l'honneur
de manger avec le Roy. Pendant
queSa Majestéfaisoit
son plaifirde s'entretenir de la
pieté de ses hostes,onluy apprit
que Madame la Princesse
deConty avoit un malde teste
& unedouleur de gorgequi
faisoient craindre que cette
Princesse ne fût bientost attaquée
du mesmemal qûeTilc
le Comte de Thoulouze avoit
essuyé à Luxembourg.
Le Roy ordonna qu'on
fïftauffitoft partir pourMo zmirel,
& se prepara a quitter
1-oge pour ta suivre.Il ne faut
pas que j'oublie à dire qu'il ya
une galerie dans ce Chasteau
qui plut beaucoup à Sa Majesté,
& qui auroit fait plus
long-temps le plaisir de toute
la Cour? si elle n'avoit point
esté pressée de partir. Elle
contient les Portraits- de tous
les grands hommes qui ont
paru en Europe depuis environun
Siècle, &; les Portraits
de ceux qui ont vescu
çlaAs, lemesme temps,-sont
pppofez les uns aux autres,
comme pour en faire des
paralelles; leurs principales
actions& leurs alliances font
marquées au bas. Cette Galerie
est plus curieuseque
magnifique, & l'on y voit
regner une simplicité debon
goust
, qui attire plus de
loüanges à ceux à qui appartient
cette maison, qu'une
magnificence mal entendüe..
-
Le Roy ayant quitté un lieu
jS delicieux
,
arriva de bonne
heure à Montmirel. Mr de
Louvois, comme Seigneur du
lieu, receut Sa Majesté à la
descente de son carosse. Ce
qu'on avoit soupçonné du
mal de Madame la Princesse
de Conty? arriva.Les rougeurs
parurent?&elle fut faignée
le lendemain au matin.
Sarougeolle estoit tres forse?
mais les Medecins dirent
qu'ellen'estoit pas dangereuse.
On Iaifïa aupres de
cette Princesse MrPetit,Pr-emier
Medecin de Monseigneur,&
Mr DodartsonMedecin,
avec MrPoisson, Apotiquaire
du Roy. Comme
ce Voyage approchoit de sa
-fin, la
-
Cour commença à défiler,
& M[ le Prince de
Conty partit pour Paris. On
dit ce jour-là des Messes
tout le matin, & à sept
heures du soir il y eut Salut.
LePrieur Curé, qui est un
Religieux de S. Jean de Soissons
,
fit la céremonie.Le
- 4. Monseigneurle Dauphin
ayant
beaucoup d'impatience
de - revoir Madame la
Dauphine, receut de Sa Majesté
la liberté de partir. Ce
Prince
-
arriva le soir mesme
à Versailles. Plusieurs personnes
quitterent la Cour cC;
jour-là. Les Prieres se firent
comme le jour precedent;on
fut fort en doute si on partÍroÍr,
on reeeut des ordres
pour le depart, & ces ordres
furenr révoquez. Le jour de
FOccave du S. Sacrement,le
Roy ayant sceu à quatreheures
& demie du matin l'estac
--de la maladie de Madame la
Princesse de Conty
?
Ordonna
à Mr de Louvois de faire
partir les Officiers, & cependant
cc Prince , quine songe
pas moins a
-
remplir les aevoirsdeChrestien,
que ceux
de Roy, demanda au Pere de
la Chaise
,
s'il estoit Feste dar s
le Diocese de Soissons,& s'il y
avoit obligation pour ses Officiers
d'entendre la Messe, &
pour luy
3
d'assister à la Procession.
Le Pere de la Chaise
luy repondit, qu'il estoit obligé
d'entendre la Messe
) &
non d'aller à la Procession
mais que cependant il feroit
mieux que Sa Majesté rendist
ce devoir aux ordres de l'Egli[
e,quia étably la Procession
de l'Octave. Il n'en falut
pas davantage pour faire
ordonner qu'on cLft coniti-*
nuellement des Messes, ôc
quoy que les Cloches qui
font fort grosses, fussent
près de la Chambre du Roy,
parce que l'Eglise est dans
le Chasteau, ce PrinceVOUrllut
qu'on les sonnast toutes.
Il entendità huit heures
& demie une Messe,dite par
un Chapelain de quartier.
Cependant le Prieur accom*
pagné d'un Diacre,d'un Sous-
Diacre
,
de trois Enfans de
Choeur, dehuit choristes, &
de huit Chapiers tirez de la
Chapelle du Roy, se preparoit
dans la Sacristie. La Procession
commençasur les neuf
heures; on dit ensuite la
grand' Messe,& le Roy partit
pour aller dîner à Vieu-
Maison,quiappartient à Mr
Jacquier. Monsieur le Prince
quitta la Cour, pour se rendre
à Paris. On coucha ce jourlà
à la Ferté sur Joüare dans
le Diocese de Meaux.M l'Evesque
de Meaux s'y trouva
avec quelques Abbez, & ses
Aumôniers.Onchanta le Salut
en plein Chant à la Paroisse
, & la bénédiction y fut
donnée parcePrelat. Sa Majesté,
qu'une marche continuelle
n'a détournéed'aucune
des fonctions de piet
» dont Elle s'acquite avec in
zele si édifiant, termina ce
cette forte tOétave du S.
Sacrement. On dîna à Monceaux.
Mr de Gesvres, comme
Gouverneur du lieu >^vo-t
fait au Roy pendantledîner
un present defruits,de fleurs
& de Gibier, d'une rh-iiierç
tout-à-fait galante. On traversa
Meaux iar,fulr, , &
on alla coucher à Caye. Le
lendemain, Monseigneur entendit
la Messeà Versaillesà
six heuresdumatin,&priten
suite la Poste pour se rendre
à Livry
3
où l'on attendoit le
Roy. Il estoit accompagne
de Monsieur le Prince de
Conty, de Monsieur de
Vendosme 5Se.de plusieurs
Seigneurs de la Cour. Ils
y arriverent sur les dix
heures & demie. Monseigneur
changea d'habit, & aprés
avoir pris quelques
- rafraifchissemens,
ilalla au devant
de Sa Majesté, quiarriva
sur les onze heures & demie.
Le Chasteau de Livry est
depuis long - temps dans la
Maison de MrSanguin, Sa
situation est charmante
, &
dans le voisinage d'une Forest
tres-agreable,& tres- propre
pour la Chasse. On voit un
beau Jet d'eau dans le milieu
de la court. Le grand corps
de Logisest terminé de chaque
costé par un Pavillon,
dont l'un fait face au Jardin,
& à l'Orangerie. Le Parc qui
est au bout, répond sur le
grand chemin. Le Roy descendit
de Carosse à la grille
de ce Parc. Monseigneur l'y
receut accompagné des Princes
qui l'avoient suivy. Madame
Sanguin) Mcre de Mr
le Marquis de Livry. Mr l'Evesque
de Senlis Madame de
Livry, & quelques autres personnes
de la Famille, reeeurent
Sa Majesté à la porte du
Jard in. Elle les faliiaj& leur
parla avec cet air doux &majestueux
qui luygagne tous
les coeurs. On servit le dîné à
midydansl'anti-chambre du
Roy. Elleestoit richement
meublée, & tenduë. des belles
Tapisseries
,
dont le feu
Roy d'Angleterre fit present
à M de Bordeaux, Pere de
Madame Sanguin, lors qu'il
estoit AmbaOEadeurauprés de
ce Prince. Le Buffct estoit
dressé dans une Salle qui joint
l'antichambre. On ne peut
rien ajoutera la propreté,&
au bon ordre que Madame
Sanguin avoit mis par tout.
Les Appartenons estoientornezavecun
agrément admirable,
& que l'on remarque
dans tout ce qu'elle fait. Mr
l'Evesque-de Sentis &M de
Livry sirent les honneurs;
mais ce dernier ne laissa pas
d'exercer sa Charge de premier
Maistred'Hostel. On
servitenpoisson avec autant
d'ordre qu'il yeut de delicaft{
fe & d'abondance. Monseigneurmangea
avec le Roy.
Les Dames qui eurent l'honneur
d'estre àla Table de Sa
Majcfté> furent, Madame la
Duchesse, Madame d' Armar.
gnac, Madame de Maintenon,
Madame de GramoRÇ*
Madame Sanguin, Madame
de Livry, &: Mademoiselle
de Sourdis,qui ayant esté
élevée chez Madame Sanguin,
ne la quitte point de-
-
puis long-temps. Les Princes
quiavoient suivy Monseigneur,
furent servis à une
autre Table. Celle du Grand
Maistre fut servie après le
dîné du Roy. Sa Majesté se
retira dens sa chambre au
sortir de Table. Elle y demeura
quelque temps,& partit
ensuite
,
après avoir fait
de grandes honnestetez à Madame
Sanguin,à M deSenlis,
& à Madame de Livry
)
& leur avoir dit, qu'Elle
n'avoit point esté si bien traitée
dans tout le Voyage.
Quoy que toute la Famille ait
part à l'honneur de cette Feste,
on peut dire que Madame
Sanguin s'est attiré beaucoup
de louanges , & d'estime,&
qu'elle a réussi dans
:.tour ce que la Cour attendoit
d'elle. Ce n'est pas d'aujourd'huy
que la Famille de Bordeaux
s'estdistinguée dans
toutes les choies qui ont regardé
leRoyCePrince donna
ce jour-là à Mr deMassigny,
l'un de ses Ecuyers,cinq cens
écus de pension. Cette grace qui n'avoit point esté demandée,
tomba sur un Sujet
d'autant plus estimé de toute
la Cour, qu'on luy a toûjours
remarqué un grand attachement
pour la personne
de son Prince. Le Roypassa
l'aprésdînée dé fort bbnéfe
heure par Paris, au bruit des
acclamations du Peuple, &
se rendit à Versailles
)'
ou
Monsieur & Madamel'attendoient.
Sa Majesté trouva
en y arrivant un nombre
infiny de personnes de la première
qualite, qui s' y étoient
rendues pour la salüer à la
descente deson Carosse. Plufleurs
Conseillersd'Estat?
ôc Maistres des Requestes,
eurent aussi cet honneur.
Elle montaaussi-tost à 1Appartement
de Madame la
Dauphine, pour voir certç
Princesse, & se promena
ensuite à pied pendant quatre
heures dans les Jardins
deVerailles.Ellevisita tous
les Ouvrages nouveaux qu'on
y avoit faits pendant sen
absence
,
&vitunfort grand
nombre d'Orangersquc'?Elle
avoit donné ordre de placer
dans l'Orangerie, du nom- bre desquels estoit l'Oranger
nomméleBourbon
,
qu'on dit
avoirenviron cinq cens ans.
Une si longue promenade à
pied au-retour d'un Voyage,
donna beaucoup de joye à
toutela Cour, parcequ'elle
estoit une marque de la parfaite
santé du Roy. Le 8. M"
le Cardinal Nonce, les Ambassadeurs
, les Ministres des
Princes Souverains qui sont
icy , & la pluspart des Chefs
des Compagnies superieures,
se trouvèrent au lever de Sa
Majesté, & luy firent compliment
sur son heureux retour.
Jamais ce Prince nes'étoit
mieux porte, & n'avoit
paru de meilleuremine, quoy
que pendant le cours du
Voyage, il se fust toujours
exposé à la poussieres dont il
auroit pû se garantir, si sa
bonté ne l'eust porté à vouloir
satisfaire à l'empressement
que les Peuples de la
Campagne avoient de le voir,
sur tout après une maladie
quiavoit fait paroistre l'excès
de leur amour pour ce Prince.
Le jour iuivancJa foule
continua à son lever &: cc
Prince voyant sa santé parfaitement
rétablie) puifquc
les fatigues d'un long Voyage
ne l'avoient pu alterer ) recompensa
en grand Roy,ceux
à qui, après Dieu & les voeux
de ses Sujets, il en estoit redevable.
Il donna cent mille
francs à Mr Daquin son
premier Medecin
3 quatrevingt-
mille à M Fagon, premier
Medecin de la seuë
Reyne, en qui il a beaucoup
de confiance, & dont la reputation
est solidement établie,
&: cinquante mille écus
à MrFélix, son premier Chirurgien.
Quelque temps auparavant
, Sa Majesté avoit
donné une somme considerable
à M Bessiere, qui pane
pour le plus fameux Chirurgien
de Paris, & qui avoit
esté consulté dans le temps
du mej du Roy. Voilà de
grandes recompenses , mais
qu'auroiton pu moins. faire
pour des personnes ÎL qui la
francs estsi redevable) &- à
quil'Europedoitlafuite de
1a tranquillité dont elle
jouit ?
Le Roy après son retour
donna un magnifique repas
atou-tes-lesDamesquiavoient
esté du Voyage
Jpendant
lequel
les soins de Sa Majesté
leur ont épargné beaucoup
de fatigue, les divertissemens
s'esxant mesme trouvez par
coût ainsi qu'à Versailles;
mais quandily auroit eu des
peines à essuyer pour cc qui
s'appelle la Cour,leplaisir de
voir quelquefois le Itoy sans
estreaccomrpagoné de la foule qui l'environne toûjours à
Versailles
)
& d'avoir le bonheur
de luy parler plus facilement
lour des choses qu'on
ne pourroit trop payer,Jamais
Prince n'ayant paru si
charmant que ce Monarque,
lors qu'il veut bien avoir la
bonté de se dépoüiller de sa
grandeur, il ne se montre
point dans ces momens,qu'il
ne gagne autant de coeurs
qu'il s'attire d'admirateurs
par
~par les grandes actions. Mr
e Comte de Tolouse arriva
e 8. à Versailles
, & Madame
a Princesse de Conty le 11.
'un & l'autre dans une par-
:11tc faute
> ce qui donna
beaucoup de joye à toute la
Cour,dont ils font lecharme
, & deux des principaux
ornemens.
FI N.
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Résumé : JOURNAL DU VOYAGE DE SA MAJESTÉ A LUXEMBOURG.
Le roi entreprit un voyage à Luxembourg pour inspecter la place forte, suscitant des inquiétudes en Europe. Il assura qu'il n'avait pas l'intention de rompre la paix et ordonna à son ministre, le Marquis de Croissy Colbert, d'écrire au Cardinal Ranuzzi pour rassurer les États voisins et l'Empereur. La lettre, datée du 4 avril, expliquait que le voyage était motivé par la curiosité du roi et qu'il serait de retour dans trois semaines. Le roi voyagea à petites journées, accompagné de quelques membres de la cour et de ses fils, les Ducs du Maine et de Toulouse, avec une sécurité assurée par les Gardes du Corps, les Mousquetaires et l'Infanterie. Le départ du roi de Versailles fut marqué par la présence de ministres étrangers et de personnalités distinguées. Le voyage, initialement prévu pour le 2 mai, fut reporté au 10 mai en raison de la rougeole de la Duchesse. Le roi quitta Versailles après la messe, accompagné d'une partie des troupes et de personnes de distinction. À Paris, le peuple acclama le roi, qui passa par la Place des Victoires et examina la statue dorée à son effigie. Il traversa ensuite les rues de Paris, où il fut acclamé, et se rendit au village de Bondy. Il dîna avec plusieurs dames de la cour et tint conseil à Claye. La cour se déplaça ensuite à Monceaux, puis à Montmirel en raison du mauvais temps. Le roi visita plusieurs villes, dont Châlons et Verdun, où il fut reçu par les autorités locales et participa à des cérémonies religieuses. Le texte mentionne également plusieurs décès, dont ceux de Mademoiselle de Simiane et de l'Évêque d'Amiens. Le roi inspecta les fortifications de Verdun et des régiments, exprimant sa satisfaction envers le marquis de Vaubecour, gouverneur de Châlons. Il visita également Estain et Longwy, une place forte récemment construite pour faciliter la prise de Luxembourg. À Longwy, il inspecta des troupes et des fortifications, exprimant sa satisfaction quant à leur état et leur discipline. Le roi entreprit des travaux de fortification dans plusieurs villes, notamment à l'extrémité du plan de lapins, où une source fournira de l'eau à la ville. Les fortifications incluent des bastions et des redoutes pour défendre le passage de la rivière. Les travaux avancent rapidement avec sept bataillons et d'autres troupes, suscitant l'étonnement et l'admiration. Le roi compare ses efforts à ceux des Chinois avec leur muraille, soulignant que la France est protégée par deux rangs de places fortes construites selon sa volonté. Louvois, ministre du roi, inspecta plusieurs places fortes telles que Sarrelouis, Thionville et Luxembourg, et trouva les troupes et les fortifications en excellent état. Il reçut des compliments de divers magistrats et gouverneurs. Le roi et sa cour participèrent à des cérémonies religieuses à Verdun et Sainte-Menehould, où ils assistèrent à des messes, des processions et des saluts chantés en musique. Le roi fit preuve de générosité envers les curés, les capucins et les musiciens. Le roi visita Étoges, admirant la vertu et la piété des habitants. Informé de la maladie de la princesse de Conti, il ordonna son transfert à Montmirail. Le texte mentionne également la galerie du château d'Étoges, contenant les portraits de grands hommes européens, et la simplicité de bon goût qui y règne. Le roi quitta Étoges pour Montmirail, où la princesse de Conti était alitée en raison de sa maladie. Le texte relate ensuite les derniers jours du voyage royal et le retour du roi à Versailles. La cour commença à quitter le lieu de séjour, et plusieurs messes furent célébrées. Le Dauphin partit rejoindre la Dauphine à Versailles. Le roi, informé de la maladie de la princesse de Conti, ordonna la préparation de messes et d'une procession. Le roi et sa suite continuèrent leur voyage, s'arrêtant à divers endroits comme Vieu-Maison et Caye, où ils furent accueillis par des dignitaires locaux. Ils arrivèrent finalement au château de Livry, où le roi fut reçu par la famille Sanguin. Un dîner somptueux fut servi, et le roi exprima sa satisfaction. Le roi passa l'après-midi à Paris avant de retourner à Versailles, où il fut accueilli par de nombreuses personnalités. Il visita les jardins et les nouvelles constructions du palais. À son retour, le roi récompensa ses médecins et chirurgiens pour leurs soins et organisa un repas en l'honneur des dames ayant participé au voyage. Le comte de Toulouse et la princesse de Conti rejoignirent la cour, apportant de la joie à l'ensemble des courtisans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 270-303
Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Début :
Le 25. du mois passé, l'Academie Françoise solemnisa à son [...]
Mots clefs :
Académie française, Place, Messe, Cardinal Richelieu, Assemblée, Duc de Saint-Aignan, François-Timoléon de Choisy, Saint Louis, Prix d'éloquence et de poésie, Fontenelle, Discours, M. Perrault, Louis le Grand, Gloire, France, Esprit, Hommes, Monde, Paix, Piété, Secrétaire, Louanges, Compagnie, Honneur, Héros, Zèle, Maison, Europe, Lettres, Vertus, Admirable, Éloquence, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Le 25. du mois passé, l'Academie Françoisesolemnisa
à son ordinaire la Feste de S.
Loüis Roy de France, dans la
Chapelle du Louvre. Mr l'Abbé de la Vau
,
l'un desquarante Academiciens, celebra
la Messe, pendant laquelle il
y eut une excellente Musique. Elle estoit dela composition de MrOudot qui fit
paroistre son habileté ce jourlà plus que jamais. Ensuite
Mr l'Abbé Courcier, Theolop-al de l'Eol
i
f
e
de Paris? prononça le Panegyriqne de S.
Loüis avec un succés qui
*
luy attira beaucoup de loüanges. Il remplit tout ce qu'on
pouvoit attendre d'un homme veritablement éloquent,
& lesrapports qu'il trouva des
achons de ce S. Roy à celles
deLOUIS LE GRAND,furent traitez avec tant d'esprit
& tant de delicatesse, qu'il n'y
eut personne qui n'en fust
charmé.L'Assemblée estoit
nombreuse mais en mesme
temps de gens choisis. Elle
ne le fut pas moins l'apresdinée dans la Seance publique
que tinrent Mrs de l'Académie, pour recevoir Mrl'Abbé deChoisy en la place de
Mr le Duc de Saint Aignan.
Vous connoissez son mérite,
& la Relation que je vous ay
envoyée de l'Ambassade de
MrleChevalier de Chaumont à Siam, vous a
fait voir,
combien Sa Majesté l'avoir
jugé propre aux négociations
qu'on avoit a y
traiter. Il
commença son remerciment
endisant
? que si les loix de
l'Academie le pouvoientper-
mettre, il garderoit le silence,
& ne songeroit qu'à se taire
jusqu'à ce que M" de l'Académie luy eussentappris à
bien parler. Il s'étendit enfuite sur les louanges de cette
sçavante Compagnie
,
dans
laquelle les premiers hommes de
l'Estatsedépoüillentde tout le
faste de la grandeur>(;) ne cherchent de distinction que par la
sublimité du genie é par la
profonde capacité, & dit agréablement, qu'il croyoit'- déja
sentir en luy l'esprit de l'Academie quil'élevoit au dessus de luy-mesme
,
& dont il
reconnnoissoit avoir besoin
pour reparer la perte de l'illustre Duc qu'elle regretoit.
Il prit de là occasion d'en
faire un portraitavantageux,
mais fort ressemblant,& après
avoir dit, que c~Af de
l'Academie
a marquer par des
traits immortels la gloire de ce
vrandHomme, dont la memoire
vivroit à jamais dans leurs Ouvrages
-'
puisque tout ce qui part
de leurs mains se sent du genie
sublime de leur Fondateur; il
ajouta quesil'on a
dit autrefois
que comme Cesar par ses Conquestes avoit augmentél'Empire
.le Rome
>
Ciceron par son e/o-~
quence avoitétendul'esprit des
Romains
5
on pouvoit dire que
le CardinaldeRichelieu seul,
avoit fait en France ce que Cesar £7- Ciceron anvoientfait à
Rome, & que si par les ressorts
d'unepolitiqueadmirable il avoit
reculé
nos Frontieres) il nous avoitélevé, poly
,
& si cela se
pouvoit dire, agrandy l'esprit
par l'établissement de l'Acade.
mie. Il poursuivit l'Eloge de
ce fameux Cardinal, parla de
la perte de M( le Chancelier
Seguier,qui fut après luy le
Protecteur del'Academie ,&
exagera ensuite la gloire dont
elle s'estoit Veuë comblée,
lors que le plus grand des
Rois, daignantagréerlemesme titre, avoit bien voulu
luy faire l'honneur de la recevoir dans son Palais, & de
l'égaler aux premieres Compagnies de son Royaume.
Par là, Messieurs
,
continuat-il, car je ne dois retrancher aucun des termes dont il
se servit en parlant de ce
grand Prince. ) Parlàdans
lesSieclesfuturs, vos noms devenus immortels marcheront à
lasuitedu sien
,
& vous pouue,-,
NOUS répondre avous-mesmes de
l'immortalité que vous sçavez
donnerauxautres. Vous lasçavez donner seurement
,
&vous
ladonnerezà LOUIS.Ilsefait
entre ce Prince & vous un
commerce de gloire, & si
sa protection vous fait tant
d'honneur
,
vous pouve% vous
flater de nestrepas inutiles afk
gloire. Oüy, Messieurs, ce prince
si necessaire à tous; à ses Sujets
qu'il a
rendus lesPeuples les plus
redoutables du monde, & qu'il
va achever de rendre plus
heureux
;
à ses Alliez à qui il
accorde par toutmeprotection si
puisante; àses Ennemis mesmes
dontilfaitle bonheurmalgréeux
enlesforçant à
demeureren paix,
ce Prince, qui à l'exemple de
Dieu dontilestl'image vivante
semblen'avoir besoinque de luymesme, il abesoindevouspour
sa gleire
,
&son nom, toutgrand
quil est
,
auroitpeine à passer
tout entierà la derniere posterite
sans vos Ouvrages. Vous y
travaillez, Messieurs. Déja plus
d'une fois vous l'ave^ montré
auxyeux des hommes également
granddans la Paix & dans la
Guerre. Mais qu'est-ce que la
valeur des plus grands Héros,
comparée à la pieté des verita
bles Chretiens? Il regne ce Roy
glorieux, & toujours attentifà
la reçonnoissance qu'il doit à
celuy dont iltient tout
>
ilsonge
continuellement à faireregner
dansson cœur &danssonRoyaume
,
ce Dieu qui depuis tant d'années répandsursapersonne une
si longue suite de prosperite
N'a-t-ilpasfait taire ces malheureux, qui malgré les lumieres
naturelles de l'ame, affectent
une impietéàlaquelle ilsnesçauroient parvenir? N'a-t-il pas
reprimé cette fureur de blasphême
assèz audacieusepouraller attaquerDieujusque dansson Tros-
m f Ilfaitplus; il s'embrase du
zele de la Maison de Dieu
,
il
n'épargne nysoins ny despense
four augmenter le Royaume du
Seigneur. Son zele traverse les
Mers, (jj* va chercher aux ex-
,tremitez de la Terre
,
desPeuples
ensevelis dans les tenebres de l'Idolatrie. Les premieres diffculte.-<
ne le rebutentpoint; ilsuit avec
constance un dessein
que le Ciel
luy a
inspiré
,
& si nos vœux
font exaucez
,
bien-tostfousses
auspices la foy du njray Dieu
fera triomphante dans les Royaumes de 1'0r1ent. Que diray-je
encore ? Ce Heros Chrestien at-
taque ouvertement ce Party
formidable de l'Heresie
,
qui
avoit fait trembler les Roisses
Predecesseurs.Ilacheve enmoins
d'uneannée, ce
quil/s n>a~
voient osé entreprendre depuis
prés de deux ~fc/,~rle Monstre infernal reduit aux abois
>
rentrepourjamais dans l'abisme,
d'où la malice des Novateurs,
&les mœurs corrompuës de nos
Ayeux l'avoient fait sortir.
Heureuse France,tu neverras plus tes Enfans déchirertes
entrailles.Une mesme Religion
leurfera prendre les mesmes in
teredts j&cejl à Louis -;
Grand que tu es redevable d'un
sigrand bien. Parlonsplusjuste,
c'est à Dieu,& le mesme Djetl
pour asseurernostrebonheur,vient
de nous conserver
ce Prince, &
de le rendre auxprieres ardente s
de toute l'Europe; car, Messieurs,lesfrancois ne font pas
les seuls qui s'interessent à
une
santési précieuse, &si quelques
Princes,jaloux de la gloire du
Roy
,
ont témoigné par de vains
projets de Ligues vouloirprofiter
de l'estatou ils le croyoient
,
leurs
Sujets mesmes
>
& tous les Peuples de l'Europe faisoient des
vœuxsecrets pour
luy
cachant
bien Men
saseulePersonne reside la tranquillitéuniverselleMais ou m'emporte mon
zele?
Apeine placé parmy vous,j'entreprens ce qui feroit trembler les
plus grands Orateurs,& sans
consulter mes forces,j'ose parler
d'un Roy dont il n'estpermis de
parler qu'à ceux3 qui comme
vous, Messieurs, le peuvent
faire d'une manieredigne de luy.
Aprés quelque temps laiïle
aux applaudissemens qui furent donnez à
ce Discours,
Mr deBergeret ,Secretaire du
Cabinet, & premier Commis
deMrdeCroissy,Ministre tk,
Secretaire d'Estat,pritlaparole pour y
répondre, & dit
à M l'Abbé de Choisy
,,
que
l'Academie ne luy pouvoit
donner
une marque plus honorable de l'estime qu'elle
faisoit de luy, qu'en le recevant en la place de Mrle Duc
pe S. Aignan. Dansle Portrait
qu'il fit de ce Duc, il fit voir,
Qu'ilaimoit les belles Lettres de
la mesme passion dont il aimoit
la gloire, & qu'ilavoit pris
tous les soinsnecessaires pour
avoir ce
qu'elles ont de plus utile
&deplusagreable. Il dit qu'il
çflyit bienéloigne de la vaine
erreur de ceux qui s'imaginent
que tout le meriteconsiste dans le
bazard d'estrené d'une ancienne
Maison, & qu'il ne regardoit
l'avantage d'avoirtantd'illustres
Ayeux, que comme une obligation indispensable J,'augmenter
l'éclat de leur nom par un merite
personnel; quese voyantattaché
au service d'un Prince,dont les
vertus beroiques donneront plus
d'employ auxLettres, que n'ont
fait tous les Heros de l'Antiquité,il en avoit pris encore plus
d'affection pourelles
;
qu'il s'estoit acquis une maniere de parler
&d'écrire noble,facile, élegante,
&qu'il avoit fait voir à la
France cette Urbanité Romaine,
qui estoit le caractere des Scipions &des plus illustres Romains. Jepasse beaucoup d'autres louanges qui furent écoutéesavec plaisir
,
& qu'il finit
en disant
>
Quesi M. le Duc de
S.Aignan estoit le Protecteur
d'une celebre Academiepar un
titre particulier
,
on pouvoir
dire encore qu'il l'estoit generalement de tous les
gens de
Lettres par une generosité qui
n'exceptoitpersonne; que lemerite, quelque étranger qu'ilfust,
Çy* de quelque part ~;//7~
Yiir„efloiiseur de trouveren luy
de l'appuy & de la protection;
qu'il recevoit avec des témoin
gnages d'affection tous ceux qui
avoient quelque talent
,
& qu'il
ne leurfaisoitsentirsourang èi;
sa dignité
,
que par les bons offices qu'ilseplaisoità leurrendre
Il parla ensuite de sa mort
chrestienne
,
&, de la confolation qu'il avoit euëen mou- lrant de laïsser après luy un
Fils illustre
,
qui s'estoit toujours dql-ingué' avec honneur &
sans affectation, dans lequel
onavoit toûjours veu decourageavecbeaucoupbeaucoup dedou-
crur, une admirable pureté de
mœurs, une parfaite uniformité
de conduite, de la penetration.
de l'application,de la ruigilancr.)
un cœur confiant pour la vérité
pour la justice, em sur tout
une solide pieté, qui le fait Agir
en secret & aux yeux de Dieu
seul,
comme s'il estoit veu de
tous les hommes. Il ajoûta, que
tantde vertus quiavoientmérité que dans un âge si peu avan~
cé, il eustestéfait Chef du Conseil d s
Finances, jufiifioient
chaque jour un si bon choix,(gjr
fdifoicn^ voir que le Royjufie
dijbenfateurde ses grâces "t'VO::
le don suprême de discernerles
esprits. Aprés cela Mr de Bergeret adressa de nouveau la
paroleàMrl'AbbédeChoi-
\yy&: luy dit, quequelque talent qu'il eust pour l'Eloquence
.J la nouvelle nouvelle obligationqu'il avoit o
bligationqu-'il
a-voit
de consacrerses veilles à lagloire de Louis le Grand, luy seroit
sentir de plus en plus combien il
est difficile de parler dignement
d'unPrince dont la vie est une
suite continuelle de prodiges. Les
Poëtes, poursuivit-il ,se plaignent den'avoir point d'expressionsassez fortes pourrepresenter
lemerveilleuxde sesexploits;
les Historiens au contraire de n'en
avoir point d'assi'{ simples, pour
empescher que tant de merveilles
ne passent pour autant defictions.
Quel art, quelle application,
quelle conduite ne faudra- t-il
point pour conserver la vraysemblance avec la grandeur des
choses qu.i! a
faites?Je
ne parle
point decette valeur étonnante,
qui a
pris comme en courant les
plusfortesVilles du monde, &
devant qui lesArmées les plus
nombreuses ont toujours fuy de
peur de * combattre. Je
ne pense
maintenant qu'à cette glorieuse
paix dont nous joueons., & qui
a tfl; faite dans un temps où l'on
ne voyoit de toutes parts que des
puissancesirritées de nos Viéloires, que des Estats ennemis declarez denosinterests, que des
Princesjaloux de nos avantages,
tous avec des pretentions différentes e- incompatibles. Comment donc parut tout d'un coup
cette Paix si heureuse ? C'est un
miracle de la sagesse de Louis le*
Grand
,
que la Politique neffau..
roit comprendre; & comme luy
seul a
pu la donner à toute 1"Euyope.) luy seul aussi peut la IUJl
conserver.Combien d*a£lion3de
pénétration, de prévoyance pour
faire que tant d'Etats libres, dm
dont les interestssontsi contraires,
demeurent dans les termes
qu'il leur a
prescrits? Il faut
voirégalement
ce qui •riefl plus
&ce quin'est pas encore, comme ce qui est. Il faut avoir un
genied'une force&d'une étenduë extraordinaire
,
que nulle affaire ne change, que nul objet
ne trompe, que nulle difficulté
n'arreste; telenfinqu'estle genie
de Louis le Grand
,
qui est répandu dans toutes les parties de
l'Estat, (fy qui n'yest pointrenfermé,agissant au dehors comme
au dedans avec une forceincon-
cevable. Il est jusque dans les
extrémitez du monde, où l'on a
-veit tant desaintesMissionssoutenues par les secours continuels
de sa puissance & de sa piété.
Il estsurlesFrontières duRoyalime
,
qu'il faitfortifier d'une maniere qui déconcerte ~(7 defj<:entous nos Ennemis. Il efi surles
Ports, ou il fait construire ces
Vaisseaux prodigieuxj qui portent par tout le monde la gloire
du nom François. Il est dans les
calemies de Guerre ~ù de Marine ,où la noble éducation jointe
à la Noblesse du sang,forme des
esprits & des courages également
capables du commandement v
de l'exécution dans les plus grandes entreprises Il est enfin par
tout, quifait que tout est reglé
cemme il doit l'estre.Les Garfiijbns toujours entretenues, les
Magasinstoujours pleins, les
Arsenaux toujours garnis
,
les
Troupes toujoursen baleine, v
aprésles travaux de laGuerre,
maintenant occupées à des Ouvragesmagnifiques, qui font les
fruits de la Paix.C'estainsi
que ce Grand Princeagissanten
mesmetempsde toutes parts,v
faisant des choses qui inspirent
continuellement de la terreur à
Jes Ennemis, de l'amour à Jes
Sujets de l'admiration à tout
le monde
,
il peut malgréleshaines
,
les jalousies, vles défiances, conserver la Paix qu'il a
faite3farce qu'il n'ya pointd'Etat
qui ne voye combien il seroit
dangereux de la vouloir rompre.
Quelques Princes de l'Empire
sembloient en avoir la prnsele)
& commencent à former des
Ligues nouvelles, mais le Roy
toujours également juste vsage,
ne voulant ny surprendre ny
estre surpris
:>
fit dire à l'Empereurj que si dans deux mois du
jourdesa Déclaration il ne rece-
voit de luy des asseurances poJiiives de l'observation de la Treve
,
il prendrait les mesuresqu'il
jugeroit necessaires pour le
bien
deson Efidt. Ses Troupes en même temps volentsur les Frontieres de l'Ailsnugne> (fff l'Empereur luy donne toutes les asseurancesqu'il pourvoit souhaiter.
Ainsil'Europe luy doit une seconde fois le repos & la tranquillité dont elle joüit.D'autre
part l'Espagneavoit fait une
mjujiice à nos
Marchands, (!Ï
les contraignoit de payer une taxeviolente
,
fous pretexte qu
'ils
negocioient dans les Indes contre
les Ordonnances. Le Roy3pour
arrester tout à coup ces commencemens de division
,
a
jugé à propos d'envoyer devant Cadix une
Flote capabledeconquérirtoutes
les Indes. dujfi-tost l'EJpdgne
alarmée, a
proYllÍs de rendre ce
qu'elle avoit pris e~ le Roy qui
s'en est contenté, a paru encore
plusgrand parsa moderationque
parsapuissance; car il est vray
que rienn'est si admirable sur la
Terre, que d'y voir un Prince,
qui pourvant tout ce
qu'il veuty
ne
veüille rien qui ne
soitjuste.
Maisc'est le caractere de Louis
le Grand. C'estlefond de cette
Ame heroiqne
>
où toutes les vertus font pures,sinceres
,
solides,
veritables, cm7ent toutesensemlie3 par une admirable union,
qu'il est non seulement le plus
grand de tous les Rois
,
mais encore
le plusparfait de tous les
Hommes.
Cette réponse fut interrompuëbeaucoup de fois par
des applaudissemens qui firent connoistre combien 1*ACsemblée estoit satisfaite de
l'Eloquence de MrdeBergeret. Il parut par là tres-digne
d'estre à la teile d'une si celebreCompagnie; & tout le
monde convint qu'il ne pouvoit mieux remplir la place
qu'iloccupoit. Mrl'Abbé de
Choisy a
fait connoistre par
un fort bel Ouvrage qu'il a
donné au Public depuissa reception,avec combien de justice il remplit la place qu'on
luy afait ocuper. Cet Ouvrage
est laViede Salomon. Il y
aquelquetemps qu'il fitaussiimprimer celle de David avec une
Paraphrase desPseaumes.Jene
vous dis rien de la beautéde
f- ses Livres. Vous pouvez juger
de quoy il est capable par ce
que vous venez de liredeson
Remerciment à PAcadeniieJ
Ces deuxDiscours ayantesté
prononcez ,
on distribua les
Prix d'Eloquence & dePoësie
& l'on declara que le premieravoir esté remporté par
Mrde Fontenelle,& le second
par Mademoiselle des Houlieres, Fille de l'illustre Ma..
dame desHoulieres,dontvous
avez veu tant de beauxOuvrages. Mrl'Abbé de la 'V'aU1
Secretaire de la Compagnie
en l'absence de Mr l'Abbé
Regnier des Marais, Secretaire perpetuel, leut ces deux
Pieces, dont l'uneestoit sur la
Patience, & l'autre sur l'Eduation de la jeune Noblesse
dans les Compagnies des Genilshommes
3
& dans la Maison de S. Cir, &toutes deux
furent écoutées avec l'artenion qu'elles meritoient. Je
vous en diray davantage une
autre fois. A cette lecture
ucceda celle d'un Discours
qu'avoit apporté M Hebert, le
l'Academie de Soissons,
pour sansfaire * 1à l'obligation
où sont ceux de cette Compagnie
,
suivant les Lettres
Patentes de leur établiffci-nelit,
d'enenvoyeruntous lesans,
en Prose ou en Vers,lejour de
S. Loüis
)
à l'Academie Françoise.On
y remarqua de grandes beautez
,
& M. Hébert
eut place parmy les Académiciens. Le sujet de ce Discours estoit, Que les Peuples
sont toujours heureux,lors qu'ils
sont gouvernez par un Prince,
qui a
dela pieté. Aprés cela,
on leut un Madrigal, à la
gloire de Mademoiselle des
Houliers,sur ce qu'elleavoit
remporté le Prix.M.leClerc
leut aussi quelqnes Ouvrages
dePoësie sur divers fujets>&j
la Scance finit par une
Lettré
en Vers de M. Perrault i,dans
laquelle le Siecle remercioit
le Roy de l'avantage qu'illuy
faisoit remportersur les autres Siec
à son ordinaire la Feste de S.
Loüis Roy de France, dans la
Chapelle du Louvre. Mr l'Abbé de la Vau
,
l'un desquarante Academiciens, celebra
la Messe, pendant laquelle il
y eut une excellente Musique. Elle estoit dela composition de MrOudot qui fit
paroistre son habileté ce jourlà plus que jamais. Ensuite
Mr l'Abbé Courcier, Theolop-al de l'Eol
i
f
e
de Paris? prononça le Panegyriqne de S.
Loüis avec un succés qui
*
luy attira beaucoup de loüanges. Il remplit tout ce qu'on
pouvoit attendre d'un homme veritablement éloquent,
& lesrapports qu'il trouva des
achons de ce S. Roy à celles
deLOUIS LE GRAND,furent traitez avec tant d'esprit
& tant de delicatesse, qu'il n'y
eut personne qui n'en fust
charmé.L'Assemblée estoit
nombreuse mais en mesme
temps de gens choisis. Elle
ne le fut pas moins l'apresdinée dans la Seance publique
que tinrent Mrs de l'Académie, pour recevoir Mrl'Abbé deChoisy en la place de
Mr le Duc de Saint Aignan.
Vous connoissez son mérite,
& la Relation que je vous ay
envoyée de l'Ambassade de
MrleChevalier de Chaumont à Siam, vous a
fait voir,
combien Sa Majesté l'avoir
jugé propre aux négociations
qu'on avoit a y
traiter. Il
commença son remerciment
endisant
? que si les loix de
l'Academie le pouvoientper-
mettre, il garderoit le silence,
& ne songeroit qu'à se taire
jusqu'à ce que M" de l'Académie luy eussentappris à
bien parler. Il s'étendit enfuite sur les louanges de cette
sçavante Compagnie
,
dans
laquelle les premiers hommes de
l'Estatsedépoüillentde tout le
faste de la grandeur>(;) ne cherchent de distinction que par la
sublimité du genie é par la
profonde capacité, & dit agréablement, qu'il croyoit'- déja
sentir en luy l'esprit de l'Academie quil'élevoit au dessus de luy-mesme
,
& dont il
reconnnoissoit avoir besoin
pour reparer la perte de l'illustre Duc qu'elle regretoit.
Il prit de là occasion d'en
faire un portraitavantageux,
mais fort ressemblant,& après
avoir dit, que c~Af de
l'Academie
a marquer par des
traits immortels la gloire de ce
vrandHomme, dont la memoire
vivroit à jamais dans leurs Ouvrages
-'
puisque tout ce qui part
de leurs mains se sent du genie
sublime de leur Fondateur; il
ajouta quesil'on a
dit autrefois
que comme Cesar par ses Conquestes avoit augmentél'Empire
.le Rome
>
Ciceron par son e/o-~
quence avoitétendul'esprit des
Romains
5
on pouvoit dire que
le CardinaldeRichelieu seul,
avoit fait en France ce que Cesar £7- Ciceron anvoientfait à
Rome, & que si par les ressorts
d'unepolitiqueadmirable il avoit
reculé
nos Frontieres) il nous avoitélevé, poly
,
& si cela se
pouvoit dire, agrandy l'esprit
par l'établissement de l'Acade.
mie. Il poursuivit l'Eloge de
ce fameux Cardinal, parla de
la perte de M( le Chancelier
Seguier,qui fut après luy le
Protecteur del'Academie ,&
exagera ensuite la gloire dont
elle s'estoit Veuë comblée,
lors que le plus grand des
Rois, daignantagréerlemesme titre, avoit bien voulu
luy faire l'honneur de la recevoir dans son Palais, & de
l'égaler aux premieres Compagnies de son Royaume.
Par là, Messieurs
,
continuat-il, car je ne dois retrancher aucun des termes dont il
se servit en parlant de ce
grand Prince. ) Parlàdans
lesSieclesfuturs, vos noms devenus immortels marcheront à
lasuitedu sien
,
& vous pouue,-,
NOUS répondre avous-mesmes de
l'immortalité que vous sçavez
donnerauxautres. Vous lasçavez donner seurement
,
&vous
ladonnerezà LOUIS.Ilsefait
entre ce Prince & vous un
commerce de gloire, & si
sa protection vous fait tant
d'honneur
,
vous pouve% vous
flater de nestrepas inutiles afk
gloire. Oüy, Messieurs, ce prince
si necessaire à tous; à ses Sujets
qu'il a
rendus lesPeuples les plus
redoutables du monde, & qu'il
va achever de rendre plus
heureux
;
à ses Alliez à qui il
accorde par toutmeprotection si
puisante; àses Ennemis mesmes
dontilfaitle bonheurmalgréeux
enlesforçant à
demeureren paix,
ce Prince, qui à l'exemple de
Dieu dontilestl'image vivante
semblen'avoir besoinque de luymesme, il abesoindevouspour
sa gleire
,
&son nom, toutgrand
quil est
,
auroitpeine à passer
tout entierà la derniere posterite
sans vos Ouvrages. Vous y
travaillez, Messieurs. Déja plus
d'une fois vous l'ave^ montré
auxyeux des hommes également
granddans la Paix & dans la
Guerre. Mais qu'est-ce que la
valeur des plus grands Héros,
comparée à la pieté des verita
bles Chretiens? Il regne ce Roy
glorieux, & toujours attentifà
la reçonnoissance qu'il doit à
celuy dont iltient tout
>
ilsonge
continuellement à faireregner
dansson cœur &danssonRoyaume
,
ce Dieu qui depuis tant d'années répandsursapersonne une
si longue suite de prosperite
N'a-t-ilpasfait taire ces malheureux, qui malgré les lumieres
naturelles de l'ame, affectent
une impietéàlaquelle ilsnesçauroient parvenir? N'a-t-il pas
reprimé cette fureur de blasphême
assèz audacieusepouraller attaquerDieujusque dansson Tros-
m f Ilfaitplus; il s'embrase du
zele de la Maison de Dieu
,
il
n'épargne nysoins ny despense
four augmenter le Royaume du
Seigneur. Son zele traverse les
Mers, (jj* va chercher aux ex-
,tremitez de la Terre
,
desPeuples
ensevelis dans les tenebres de l'Idolatrie. Les premieres diffculte.-<
ne le rebutentpoint; ilsuit avec
constance un dessein
que le Ciel
luy a
inspiré
,
& si nos vœux
font exaucez
,
bien-tostfousses
auspices la foy du njray Dieu
fera triomphante dans les Royaumes de 1'0r1ent. Que diray-je
encore ? Ce Heros Chrestien at-
taque ouvertement ce Party
formidable de l'Heresie
,
qui
avoit fait trembler les Roisses
Predecesseurs.Ilacheve enmoins
d'uneannée, ce
quil/s n>a~
voient osé entreprendre depuis
prés de deux ~fc/,~rle Monstre infernal reduit aux abois
>
rentrepourjamais dans l'abisme,
d'où la malice des Novateurs,
&les mœurs corrompuës de nos
Ayeux l'avoient fait sortir.
Heureuse France,tu neverras plus tes Enfans déchirertes
entrailles.Une mesme Religion
leurfera prendre les mesmes in
teredts j&cejl à Louis -;
Grand que tu es redevable d'un
sigrand bien. Parlonsplusjuste,
c'est à Dieu,& le mesme Djetl
pour asseurernostrebonheur,vient
de nous conserver
ce Prince, &
de le rendre auxprieres ardente s
de toute l'Europe; car, Messieurs,lesfrancois ne font pas
les seuls qui s'interessent à
une
santési précieuse, &si quelques
Princes,jaloux de la gloire du
Roy
,
ont témoigné par de vains
projets de Ligues vouloirprofiter
de l'estatou ils le croyoient
,
leurs
Sujets mesmes
>
& tous les Peuples de l'Europe faisoient des
vœuxsecrets pour
luy
cachant
bien Men
saseulePersonne reside la tranquillitéuniverselleMais ou m'emporte mon
zele?
Apeine placé parmy vous,j'entreprens ce qui feroit trembler les
plus grands Orateurs,& sans
consulter mes forces,j'ose parler
d'un Roy dont il n'estpermis de
parler qu'à ceux3 qui comme
vous, Messieurs, le peuvent
faire d'une manieredigne de luy.
Aprés quelque temps laiïle
aux applaudissemens qui furent donnez à
ce Discours,
Mr deBergeret ,Secretaire du
Cabinet, & premier Commis
deMrdeCroissy,Ministre tk,
Secretaire d'Estat,pritlaparole pour y
répondre, & dit
à M l'Abbé de Choisy
,,
que
l'Academie ne luy pouvoit
donner
une marque plus honorable de l'estime qu'elle
faisoit de luy, qu'en le recevant en la place de Mrle Duc
pe S. Aignan. Dansle Portrait
qu'il fit de ce Duc, il fit voir,
Qu'ilaimoit les belles Lettres de
la mesme passion dont il aimoit
la gloire, & qu'ilavoit pris
tous les soinsnecessaires pour
avoir ce
qu'elles ont de plus utile
&deplusagreable. Il dit qu'il
çflyit bienéloigne de la vaine
erreur de ceux qui s'imaginent
que tout le meriteconsiste dans le
bazard d'estrené d'une ancienne
Maison, & qu'il ne regardoit
l'avantage d'avoirtantd'illustres
Ayeux, que comme une obligation indispensable J,'augmenter
l'éclat de leur nom par un merite
personnel; quese voyantattaché
au service d'un Prince,dont les
vertus beroiques donneront plus
d'employ auxLettres, que n'ont
fait tous les Heros de l'Antiquité,il en avoit pris encore plus
d'affection pourelles
;
qu'il s'estoit acquis une maniere de parler
&d'écrire noble,facile, élegante,
&qu'il avoit fait voir à la
France cette Urbanité Romaine,
qui estoit le caractere des Scipions &des plus illustres Romains. Jepasse beaucoup d'autres louanges qui furent écoutéesavec plaisir
,
& qu'il finit
en disant
>
Quesi M. le Duc de
S.Aignan estoit le Protecteur
d'une celebre Academiepar un
titre particulier
,
on pouvoir
dire encore qu'il l'estoit generalement de tous les
gens de
Lettres par une generosité qui
n'exceptoitpersonne; que lemerite, quelque étranger qu'ilfust,
Çy* de quelque part ~;//7~
Yiir„efloiiseur de trouveren luy
de l'appuy & de la protection;
qu'il recevoit avec des témoin
gnages d'affection tous ceux qui
avoient quelque talent
,
& qu'il
ne leurfaisoitsentirsourang èi;
sa dignité
,
que par les bons offices qu'ilseplaisoità leurrendre
Il parla ensuite de sa mort
chrestienne
,
&, de la confolation qu'il avoit euëen mou- lrant de laïsser après luy un
Fils illustre
,
qui s'estoit toujours dql-ingué' avec honneur &
sans affectation, dans lequel
onavoit toûjours veu decourageavecbeaucoupbeaucoup dedou-
crur, une admirable pureté de
mœurs, une parfaite uniformité
de conduite, de la penetration.
de l'application,de la ruigilancr.)
un cœur confiant pour la vérité
pour la justice, em sur tout
une solide pieté, qui le fait Agir
en secret & aux yeux de Dieu
seul,
comme s'il estoit veu de
tous les hommes. Il ajoûta, que
tantde vertus quiavoientmérité que dans un âge si peu avan~
cé, il eustestéfait Chef du Conseil d s
Finances, jufiifioient
chaque jour un si bon choix,(gjr
fdifoicn^ voir que le Royjufie
dijbenfateurde ses grâces "t'VO::
le don suprême de discernerles
esprits. Aprés cela Mr de Bergeret adressa de nouveau la
paroleàMrl'AbbédeChoi-
\yy&: luy dit, quequelque talent qu'il eust pour l'Eloquence
.J la nouvelle nouvelle obligationqu'il avoit o
bligationqu-'il
a-voit
de consacrerses veilles à lagloire de Louis le Grand, luy seroit
sentir de plus en plus combien il
est difficile de parler dignement
d'unPrince dont la vie est une
suite continuelle de prodiges. Les
Poëtes, poursuivit-il ,se plaignent den'avoir point d'expressionsassez fortes pourrepresenter
lemerveilleuxde sesexploits;
les Historiens au contraire de n'en
avoir point d'assi'{ simples, pour
empescher que tant de merveilles
ne passent pour autant defictions.
Quel art, quelle application,
quelle conduite ne faudra- t-il
point pour conserver la vraysemblance avec la grandeur des
choses qu.i! a
faites?Je
ne parle
point decette valeur étonnante,
qui a
pris comme en courant les
plusfortesVilles du monde, &
devant qui lesArmées les plus
nombreuses ont toujours fuy de
peur de * combattre. Je
ne pense
maintenant qu'à cette glorieuse
paix dont nous joueons., & qui
a tfl; faite dans un temps où l'on
ne voyoit de toutes parts que des
puissancesirritées de nos Viéloires, que des Estats ennemis declarez denosinterests, que des
Princesjaloux de nos avantages,
tous avec des pretentions différentes e- incompatibles. Comment donc parut tout d'un coup
cette Paix si heureuse ? C'est un
miracle de la sagesse de Louis le*
Grand
,
que la Politique neffau..
roit comprendre; & comme luy
seul a
pu la donner à toute 1"Euyope.) luy seul aussi peut la IUJl
conserver.Combien d*a£lion3de
pénétration, de prévoyance pour
faire que tant d'Etats libres, dm
dont les interestssontsi contraires,
demeurent dans les termes
qu'il leur a
prescrits? Il faut
voirégalement
ce qui •riefl plus
&ce quin'est pas encore, comme ce qui est. Il faut avoir un
genied'une force&d'une étenduë extraordinaire
,
que nulle affaire ne change, que nul objet
ne trompe, que nulle difficulté
n'arreste; telenfinqu'estle genie
de Louis le Grand
,
qui est répandu dans toutes les parties de
l'Estat, (fy qui n'yest pointrenfermé,agissant au dehors comme
au dedans avec une forceincon-
cevable. Il est jusque dans les
extrémitez du monde, où l'on a
-veit tant desaintesMissionssoutenues par les secours continuels
de sa puissance & de sa piété.
Il estsurlesFrontières duRoyalime
,
qu'il faitfortifier d'une maniere qui déconcerte ~(7 defj<:entous nos Ennemis. Il efi surles
Ports, ou il fait construire ces
Vaisseaux prodigieuxj qui portent par tout le monde la gloire
du nom François. Il est dans les
calemies de Guerre ~ù de Marine ,où la noble éducation jointe
à la Noblesse du sang,forme des
esprits & des courages également
capables du commandement v
de l'exécution dans les plus grandes entreprises Il est enfin par
tout, quifait que tout est reglé
cemme il doit l'estre.Les Garfiijbns toujours entretenues, les
Magasinstoujours pleins, les
Arsenaux toujours garnis
,
les
Troupes toujoursen baleine, v
aprésles travaux de laGuerre,
maintenant occupées à des Ouvragesmagnifiques, qui font les
fruits de la Paix.C'estainsi
que ce Grand Princeagissanten
mesmetempsde toutes parts,v
faisant des choses qui inspirent
continuellement de la terreur à
Jes Ennemis, de l'amour à Jes
Sujets de l'admiration à tout
le monde
,
il peut malgréleshaines
,
les jalousies, vles défiances, conserver la Paix qu'il a
faite3farce qu'il n'ya pointd'Etat
qui ne voye combien il seroit
dangereux de la vouloir rompre.
Quelques Princes de l'Empire
sembloient en avoir la prnsele)
& commencent à former des
Ligues nouvelles, mais le Roy
toujours également juste vsage,
ne voulant ny surprendre ny
estre surpris
:>
fit dire à l'Empereurj que si dans deux mois du
jourdesa Déclaration il ne rece-
voit de luy des asseurances poJiiives de l'observation de la Treve
,
il prendrait les mesuresqu'il
jugeroit necessaires pour le
bien
deson Efidt. Ses Troupes en même temps volentsur les Frontieres de l'Ailsnugne> (fff l'Empereur luy donne toutes les asseurancesqu'il pourvoit souhaiter.
Ainsil'Europe luy doit une seconde fois le repos & la tranquillité dont elle joüit.D'autre
part l'Espagneavoit fait une
mjujiice à nos
Marchands, (!Ï
les contraignoit de payer une taxeviolente
,
fous pretexte qu
'ils
negocioient dans les Indes contre
les Ordonnances. Le Roy3pour
arrester tout à coup ces commencemens de division
,
a
jugé à propos d'envoyer devant Cadix une
Flote capabledeconquérirtoutes
les Indes. dujfi-tost l'EJpdgne
alarmée, a
proYllÍs de rendre ce
qu'elle avoit pris e~ le Roy qui
s'en est contenté, a paru encore
plusgrand parsa moderationque
parsapuissance; car il est vray
que rienn'est si admirable sur la
Terre, que d'y voir un Prince,
qui pourvant tout ce
qu'il veuty
ne
veüille rien qui ne
soitjuste.
Maisc'est le caractere de Louis
le Grand. C'estlefond de cette
Ame heroiqne
>
où toutes les vertus font pures,sinceres
,
solides,
veritables, cm7ent toutesensemlie3 par une admirable union,
qu'il est non seulement le plus
grand de tous les Rois
,
mais encore
le plusparfait de tous les
Hommes.
Cette réponse fut interrompuëbeaucoup de fois par
des applaudissemens qui firent connoistre combien 1*ACsemblée estoit satisfaite de
l'Eloquence de MrdeBergeret. Il parut par là tres-digne
d'estre à la teile d'une si celebreCompagnie; & tout le
monde convint qu'il ne pouvoit mieux remplir la place
qu'iloccupoit. Mrl'Abbé de
Choisy a
fait connoistre par
un fort bel Ouvrage qu'il a
donné au Public depuissa reception,avec combien de justice il remplit la place qu'on
luy afait ocuper. Cet Ouvrage
est laViede Salomon. Il y
aquelquetemps qu'il fitaussiimprimer celle de David avec une
Paraphrase desPseaumes.Jene
vous dis rien de la beautéde
f- ses Livres. Vous pouvez juger
de quoy il est capable par ce
que vous venez de liredeson
Remerciment à PAcadeniieJ
Ces deuxDiscours ayantesté
prononcez ,
on distribua les
Prix d'Eloquence & dePoësie
& l'on declara que le premieravoir esté remporté par
Mrde Fontenelle,& le second
par Mademoiselle des Houlieres, Fille de l'illustre Ma..
dame desHoulieres,dontvous
avez veu tant de beauxOuvrages. Mrl'Abbé de la 'V'aU1
Secretaire de la Compagnie
en l'absence de Mr l'Abbé
Regnier des Marais, Secretaire perpetuel, leut ces deux
Pieces, dont l'uneestoit sur la
Patience, & l'autre sur l'Eduation de la jeune Noblesse
dans les Compagnies des Genilshommes
3
& dans la Maison de S. Cir, &toutes deux
furent écoutées avec l'artenion qu'elles meritoient. Je
vous en diray davantage une
autre fois. A cette lecture
ucceda celle d'un Discours
qu'avoit apporté M Hebert, le
l'Academie de Soissons,
pour sansfaire * 1à l'obligation
où sont ceux de cette Compagnie
,
suivant les Lettres
Patentes de leur établiffci-nelit,
d'enenvoyeruntous lesans,
en Prose ou en Vers,lejour de
S. Loüis
)
à l'Academie Françoise.On
y remarqua de grandes beautez
,
& M. Hébert
eut place parmy les Académiciens. Le sujet de ce Discours estoit, Que les Peuples
sont toujours heureux,lors qu'ils
sont gouvernez par un Prince,
qui a
dela pieté. Aprés cela,
on leut un Madrigal, à la
gloire de Mademoiselle des
Houliers,sur ce qu'elleavoit
remporté le Prix.M.leClerc
leut aussi quelqnes Ouvrages
dePoësie sur divers fujets>&j
la Scance finit par une
Lettré
en Vers de M. Perrault i,dans
laquelle le Siecle remercioit
le Roy de l'avantage qu'illuy
faisoit remportersur les autres Siec
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Résumé : Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Le 25 du mois précédent, l'Académie Française a célébré la fête de Saint Louis, roi de France, dans la chapelle du Louvre. La messe, célébrée par l'abbé de la Vau, a été accompagnée d'une musique composée par Mr Oudot. L'abbé Courcier a prononcé un panégyrique de Saint Louis, comparant ses actions à celles de Louis le Grand avec esprit et délicatesse, ce qui a été très apprécié. L'après-midi, l'Académie a tenu une séance publique pour accueillir l'abbé de Choisy à la place du duc de Saint Aignan. L'abbé de Choisy a remercié l'Académie en soulignant son mérite et en évoquant son rôle dans l'ambassade du chevalier de Chaumont à Siam. Il a également rendu hommage au duc de Saint Aignan, louant son soutien aux lettres et son mérite personnel. L'abbé de Choisy a comparé le Cardinal de Richelieu à César et Cicéron, soulignant son rôle dans l'établissement de l'Académie et son influence sur l'esprit français. Mr de Bergeret, secrétaire du Cabinet, a répondu en soulignant les qualités du duc de Saint Aignan, notamment son soutien aux gens de lettres et sa générosité. Il a également parlé de la mort chrétienne du duc et de la continuation de son héritage par son fils. Mr de Bergeret a ensuite adressé un éloge à Louis le Grand, soulignant sa valeur, sa sagesse et sa capacité à maintenir la paix en Europe malgré les tensions. Il a également mentionné les missions saintes soutenues par le roi et les fortifications des frontières du royaume. Le texte décrit les actions et les qualités du roi Louis XIV, présenté comme un grand prince qui maintient la paix en Europe malgré les défis. Il agit avec justice et modération, inspirant admiration et respect. Par exemple, il menace de prendre des mesures contre l'empereur s'il ne respecte pas la trêve, mais accepte les excuses de l'Espagne concernant une injustice faite aux marchands français. Louis XIV est loué pour sa capacité à vouloir uniquement ce qui est juste, ce qui le distingue comme le plus grand et le plus parfait des hommes. Lors de la séance à l'Académie française, Monsieur de Bergerey est acclamé pour son éloquence. L'abbé de Choisy est félicité pour son ouvrage sur la vie de Salomon. Les prix d'éloquence et de poésie sont décernés à Monsieur de Fontenelle et à Mademoiselle des Houlières, respectivement. Un discours de Monsieur Hébert, envoyé par l'Académie de Soissons, est également lu et apprécié. La séance se termine par des lectures de poèmes et une lettre en vers de Monsieur Perrault, remerciant le roi pour les avantages qu'il apporte à son siècle.
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29
p. 134-143
Suite du Siége d'Aire.
Début :
La nuit du 27. au 28. Septembre les Assiegez brulerent [...]
Mots clefs :
Attaque, Nuit, Ennemis, Place, Siège d'Aire-sur-la-Lys
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texteReconnaissance textuelle : Suite du Siége d'Aire.
Suite du Sièged'Aire.
La nuit du 17. au 28.
Septembre les Assiegez brulèrent
tous les Ponts des
Assiegeants, & la nuit du
28. am9. ils firentune sor- liede00. hommes qui
juinerent une partie des travaux
& renverserent tout
ce qui se presenta devant
eux, & ne se retirerent qu'aprés
que le General Gromkau
y eut conduit deux Régiments
quifurent aussi fort
maltraitez.
Le 3.Octobre les Ennemis
attaquerent la Redoute
qui est sur la Chaussée de
Bethune; mais ils furent repoussezavec
beaucoup de
- perte , & le lendemain ils y
donnerent un nouvel assaut
voiùveilms efunrtent repoussezaussi
qu'au premier. Ils
remporterent enfin le 5.
mais comme elle est ouverte
du costé de la Place ils
perdirent plus de 300 hommes
en s'y logeant,tant par
le Canon, que par la Moufqueterie
des Assiegez, du
nombre desquels estoient
plusieurs Officiers. Le General
Efferenyfut blclfé
,
& le Comte de Dhona eut
la teste emportée par un
boulet.
Le 7. les Ennemis ayant
fait un logement du costé
de l'avant fosTé à l'attaque
gauche) les Afficuez sirent
une sortie & le ruinerent. La
nuit suivante les Assiegeans
travaillentà lerétablir; mais
le lendemain les Assiegez
y jetterent une si grande
quantité de Bombes qu'ils
le ruincrent de nouveau.
La nuit du9. au 10.les
tranchées de l'attaque gauc
he furent inondées,quoy
que les Ennemis eussent fait
des ouverturespour faire écouler
l'eaude l'avant fossé
Le 10. lesEnnemis travaillerent
encore à faire écouler
les eaux, ce qui n'empêcha
pas que la nuit leurs tranchées&
même une Batterie
furent inondées de nouveau,
mais les jours suivants
ayant encore fait écouler
des eaux, ils pousserentleurs
ouvrages jusqu'àl'avant fossé
& jetterent des Ponts pour
attaquer le Glacis de la Contrescarpe.
Le 16. ils y donnerent
l'Assaut, & ils se rendirent
Maistresd'une partie du
chemin couvert après un
combat fort opiniâtre. Mais
le lendemain ils en furent
chassezavec une perte considerable.
Lesjours suivants,
jusqu'au24.ils y donnerent
plusieursassauts inutilement
ayant toûjours esté repoussez
avec beaucoup de perte;
maisenfin aprèsl'avoir encore
attaqué plusieurs fois,
ils en demeurerent les Maîtres
le 27. à l'exception
d'une Place d'Armes.
La nuit du 28. au 29.
lesEnnemis attaquerent cette
d erniere place d' Armesqu'il
leur restoit à prendre, & s'en
emparerent aprés une vigoureuse
resistance.
Les pluyes estant furvs*
nuës ont si fort incommo
dé lesEnnemisàl'attaque de
la Porte d'Arras, que leurs
Troupes avoient de l'eau
jusqu'à l'estomach
, en sorte
qu'ils furent obligez d'abandonner
cette attaque où
il y avoir trois batteries
qu'ils ne purent retirer des
bouës. Ils avoient déja abandonnéuneautreattaque
& il n'y avoit plus que celle
d'entre la Porte de Nostre-
Dame&cellle d'Arras,d'où
l'on battoir la Place.
Le.29. Mr le Comte
d'Esting , qui estoitcampé
derriere la Colm entre Bergues
&S.Orner,alla camper
avec ses Troupes sous
le canon de la Citadelled'Ipres,
où Mr le Comte de
Villars qui doit commander
dans cette Place,étoit ar.
rivé avec trois Régiments.
Les Ennemis avoient un
Camp de 8000. hommes le
long de la Lis pour favoriserunConvoy
de 300. batteaux
chargez de toutes fortes
de munitions de Guerre
& de bouche qui devoit leur
venir de Gand; mais après
enestre sorci& rentrédeux
fois, ils resolurent de lefaire
escorter par quinze mille
hommes,sur ce qu'ils avoient
esté informez que
nous en avions dix mille du
costé d'Ipresqui devoient
l'attaquer.
Le 30.au soirun party
enleva cent Chevaux aux
Ennemis prés de Lille.
Un de leur Régimentsde
Dragons qu'ils envoyoient
en garnison à Mons
àcause dumauvais cRac ouT,
*1! eftoic, fut attaqué prés de
Tournay par le Partisan Jacob
quien tua cinquante
& en fit pluficurs Prisonniers.
La nuit du 17. au 28.
Septembre les Assiegez brulèrent
tous les Ponts des
Assiegeants, & la nuit du
28. am9. ils firentune sor- liede00. hommes qui
juinerent une partie des travaux
& renverserent tout
ce qui se presenta devant
eux, & ne se retirerent qu'aprés
que le General Gromkau
y eut conduit deux Régiments
quifurent aussi fort
maltraitez.
Le 3.Octobre les Ennemis
attaquerent la Redoute
qui est sur la Chaussée de
Bethune; mais ils furent repoussezavec
beaucoup de
- perte , & le lendemain ils y
donnerent un nouvel assaut
voiùveilms efunrtent repoussezaussi
qu'au premier. Ils
remporterent enfin le 5.
mais comme elle est ouverte
du costé de la Place ils
perdirent plus de 300 hommes
en s'y logeant,tant par
le Canon, que par la Moufqueterie
des Assiegez, du
nombre desquels estoient
plusieurs Officiers. Le General
Efferenyfut blclfé
,
& le Comte de Dhona eut
la teste emportée par un
boulet.
Le 7. les Ennemis ayant
fait un logement du costé
de l'avant fosTé à l'attaque
gauche) les Afficuez sirent
une sortie & le ruinerent. La
nuit suivante les Assiegeans
travaillentà lerétablir; mais
le lendemain les Assiegez
y jetterent une si grande
quantité de Bombes qu'ils
le ruincrent de nouveau.
La nuit du9. au 10.les
tranchées de l'attaque gauc
he furent inondées,quoy
que les Ennemis eussent fait
des ouverturespour faire écouler
l'eaude l'avant fossé
Le 10. lesEnnemis travaillerent
encore à faire écouler
les eaux, ce qui n'empêcha
pas que la nuit leurs tranchées&
même une Batterie
furent inondées de nouveau,
mais les jours suivants
ayant encore fait écouler
des eaux, ils pousserentleurs
ouvrages jusqu'àl'avant fossé
& jetterent des Ponts pour
attaquer le Glacis de la Contrescarpe.
Le 16. ils y donnerent
l'Assaut, & ils se rendirent
Maistresd'une partie du
chemin couvert après un
combat fort opiniâtre. Mais
le lendemain ils en furent
chassezavec une perte considerable.
Lesjours suivants,
jusqu'au24.ils y donnerent
plusieursassauts inutilement
ayant toûjours esté repoussez
avec beaucoup de perte;
maisenfin aprèsl'avoir encore
attaqué plusieurs fois,
ils en demeurerent les Maîtres
le 27. à l'exception
d'une Place d'Armes.
La nuit du 28. au 29.
lesEnnemis attaquerent cette
d erniere place d' Armesqu'il
leur restoit à prendre, & s'en
emparerent aprés une vigoureuse
resistance.
Les pluyes estant furvs*
nuës ont si fort incommo
dé lesEnnemisàl'attaque de
la Porte d'Arras, que leurs
Troupes avoient de l'eau
jusqu'à l'estomach
, en sorte
qu'ils furent obligez d'abandonner
cette attaque où
il y avoir trois batteries
qu'ils ne purent retirer des
bouës. Ils avoient déja abandonnéuneautreattaque
& il n'y avoit plus que celle
d'entre la Porte de Nostre-
Dame&cellle d'Arras,d'où
l'on battoir la Place.
Le.29. Mr le Comte
d'Esting , qui estoitcampé
derriere la Colm entre Bergues
&S.Orner,alla camper
avec ses Troupes sous
le canon de la Citadelled'Ipres,
où Mr le Comte de
Villars qui doit commander
dans cette Place,étoit ar.
rivé avec trois Régiments.
Les Ennemis avoient un
Camp de 8000. hommes le
long de la Lis pour favoriserunConvoy
de 300. batteaux
chargez de toutes fortes
de munitions de Guerre
& de bouche qui devoit leur
venir de Gand; mais après
enestre sorci& rentrédeux
fois, ils resolurent de lefaire
escorter par quinze mille
hommes,sur ce qu'ils avoient
esté informez que
nous en avions dix mille du
costé d'Ipresqui devoient
l'attaquer.
Le 30.au soirun party
enleva cent Chevaux aux
Ennemis prés de Lille.
Un de leur Régimentsde
Dragons qu'ils envoyoient
en garnison à Mons
àcause dumauvais cRac ouT,
*1! eftoic, fut attaqué prés de
Tournay par le Partisan Jacob
quien tua cinquante
& en fit pluficurs Prisonniers.
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Résumé : Suite du Siége d'Aire.
Le siège d'Aire-sur-la-Lys se caractérise par plusieurs actions militaires intenses. Du 17 au 28 septembre, les assiégés incendient les ponts des assiégeants et effectuent des sorties nocturnes pour détruire leurs travaux. Le 3 octobre, les ennemis attaquent une redoute mais sont repoussés avec de lourdes pertes. Le 5 octobre, ils prennent la redoute malgré des pertes importantes, incluant plusieurs officiers blessés ou tués. Les nuits suivantes, les assiégeants tentent de rétablir leurs positions mais sont contrés par des bombardements. Le 10 octobre, ils avancent jusqu'à l'avant-fossé et construisent des ponts pour attaquer le glacis. Le 16 octobre, ils prennent une partie du chemin couvert mais sont repoussés le lendemain. Jusqu'au 24 octobre, plusieurs assauts sont repoussés avec de lourdes pertes. Le 27 octobre, les ennemis prennent le chemin couvert, sauf une place d'armes, qu'ils s'emparent la nuit du 28 au 29 octobre après une résistance vigoureuse. Les pluies perturbent les opérations des ennemis, les forçant à abandonner certaines attaques. Le 29 octobre, le comte d'Esting et le comte de Villars se positionnent près de la citadelle d'Ipres avec leurs troupes. Les ennemis préparent un convoi de munitions escorté par 15 000 hommes pour contrer une attaque prévue par 10 000 soldats français. Le 30 octobre, un détachement français capture cent chevaux ennemis près de Lille et un régiment de dragons ennemis est attaqué près de Tournai, subissant des pertes significatives.
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30
p. 272-279
Extrait de differentes Lettres du Camp devant Fribourg, du 23. Octobre.
Début :
Notre batterie en richochet estoit hier au soir comme inondée [...]
Mots clefs :
Place, Attaque, Ennemis, Brèche, En ricochet, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait de differentes Lettres du Camp devant Fribourg, du 23. Octobre.
Extrait de différentes Lettres
du Camp
devant
Fribourg,
du13. Oclolpfe.
Notre batterie en richochet
estoit hier au foir comme
inondée; mais comme
on ne s'en servoie pius, cela
ne nous a pas causé un grand
préjudice. Il cft vray qu'on
a détourné la riviere dans le
commencement du Siege;
mais les ennemis se sont
conservé une écluse par le
moyen de laquelle ils remplisent
leurs fossez d'eau
quand ils souhaitent, sans
pouvoir cependant la faire
entrer dans la Ville pour
faire aller leurs moutins; on
ne pense pas à saigner le
forte, mais.à y construire six
Ponts. Il ne s'est rien passé
lanuitdu 21. au tt. à l'attaque
du Fort ni à celle de la
Ville. Les ennemis continuënt
à faire un grand feu.
On croit qu'on sera obligé
de changer de place quelques
unes de nos batteries, parce
quelles pourroient nuire à
ceux qui travaillent aux
Ponts sur les Fossez.
Comme on ne peut pas
grimper au Fort S. Pierre par ,
l'endroit qu'on attaque, on
va travailler àdes mines pour
faire fauter une partie du
Roc, & se pratiquer par là
une espece de degré. La
brèche (e fait aux deux bas-
..::t
tions de la Ville que l'on bat
malgré le feu des ennemis.
On devoit commencer le
22. au foir les Pontsdefascinés
sur le Fosse; il y en aura
un à chaque face des deux
bastions que l'on attaque &
deux à la demielune, tout
le monde croit que cela pourra
aller jusqu'au 17. On espereaussique
les Forts feront
rendus en même-temps que
la Place, afin de conserver
vingt-un bataillons qui seroient
pri sonniers de guerre.
Oll a attaché depuis trois
jours le Mineur à laredoute
du chemin couvert.
On mande de Landau
du 17. Octobre qu'un parti
de soixante Dragons prés de
l'armée ennemie ayant passé
le Rhin à Philisbourg s'avança
la nuit du 15.au 16. à
portée de cette Place, dans
le dessein de surprendre cent
hommes que nous avons
dans l'ouvrage de la Justice
qui est la plus avancée, Mr
de Vieux Pont qui y commande
ayanr esté averti par
un Païsan de leur approche,
envoya cent cinquante Grenadiers
à leur rencontre; ils
trouvèrent les ennemis à la
petite pointe du jour, à la
pottéedu canon de l'ouvrage
avec des échelles ils se jetterent
inopinément sur eux
& les enveloperent, ils en
tuerent dix, & firent quarante
deux prisonniers, entre
lesquels est leur Commandant
qui est Lieutenant Colonel
,on les a amenéici.
On écrit de Brifac du
1 8:.
que nos Troupes sont au
pied de la banquette, le long
de laquelle elles ont étendu
les logemens. On batenbrèche
la demie lune & les deux
bastions de la Place où il y
avoir le 17. une brèche
de dix toi les qui alloit jus:
qu'au cordon, il y a aussi
brèche à la demie-lune, &
cetre nuit on y doit attacher
le Mineur. On va aussi travailler
à combler le Foissé.
Les Assiegez sonttoûjours
grand feu cependant il n'y a
que leurs pierricrs qui incommodent
les Troupes, il vient
presque tous les jours desdeferteurs.
A l'attaque du Fort
on a poussé les travaux contre
un ouvrage en forme
de lunette qui ne peut --
eftrc
infultéc par le canon estant
enterée dans le Roc, &
comme elle ne peut-estre
emportée que par escalade,
on cherche les moyens dela
pouvoir miner.
du Camp
devant
Fribourg,
du13. Oclolpfe.
Notre batterie en richochet
estoit hier au foir comme
inondée; mais comme
on ne s'en servoie pius, cela
ne nous a pas causé un grand
préjudice. Il cft vray qu'on
a détourné la riviere dans le
commencement du Siege;
mais les ennemis se sont
conservé une écluse par le
moyen de laquelle ils remplisent
leurs fossez d'eau
quand ils souhaitent, sans
pouvoir cependant la faire
entrer dans la Ville pour
faire aller leurs moutins; on
ne pense pas à saigner le
forte, mais.à y construire six
Ponts. Il ne s'est rien passé
lanuitdu 21. au tt. à l'attaque
du Fort ni à celle de la
Ville. Les ennemis continuënt
à faire un grand feu.
On croit qu'on sera obligé
de changer de place quelques
unes de nos batteries, parce
quelles pourroient nuire à
ceux qui travaillent aux
Ponts sur les Fossez.
Comme on ne peut pas
grimper au Fort S. Pierre par ,
l'endroit qu'on attaque, on
va travailler àdes mines pour
faire fauter une partie du
Roc, & se pratiquer par là
une espece de degré. La
brèche (e fait aux deux bas-
..::t
tions de la Ville que l'on bat
malgré le feu des ennemis.
On devoit commencer le
22. au foir les Pontsdefascinés
sur le Fosse; il y en aura
un à chaque face des deux
bastions que l'on attaque &
deux à la demielune, tout
le monde croit que cela pourra
aller jusqu'au 17. On espereaussique
les Forts feront
rendus en même-temps que
la Place, afin de conserver
vingt-un bataillons qui seroient
pri sonniers de guerre.
Oll a attaché depuis trois
jours le Mineur à laredoute
du chemin couvert.
On mande de Landau
du 17. Octobre qu'un parti
de soixante Dragons prés de
l'armée ennemie ayant passé
le Rhin à Philisbourg s'avança
la nuit du 15.au 16. à
portée de cette Place, dans
le dessein de surprendre cent
hommes que nous avons
dans l'ouvrage de la Justice
qui est la plus avancée, Mr
de Vieux Pont qui y commande
ayanr esté averti par
un Païsan de leur approche,
envoya cent cinquante Grenadiers
à leur rencontre; ils
trouvèrent les ennemis à la
petite pointe du jour, à la
pottéedu canon de l'ouvrage
avec des échelles ils se jetterent
inopinément sur eux
& les enveloperent, ils en
tuerent dix, & firent quarante
deux prisonniers, entre
lesquels est leur Commandant
qui est Lieutenant Colonel
,on les a amenéici.
On écrit de Brifac du
1 8:.
que nos Troupes sont au
pied de la banquette, le long
de laquelle elles ont étendu
les logemens. On batenbrèche
la demie lune & les deux
bastions de la Place où il y
avoir le 17. une brèche
de dix toi les qui alloit jus:
qu'au cordon, il y a aussi
brèche à la demie-lune, &
cetre nuit on y doit attacher
le Mineur. On va aussi travailler
à combler le Foissé.
Les Assiegez sonttoûjours
grand feu cependant il n'y a
que leurs pierricrs qui incommodent
les Troupes, il vient
presque tous les jours desdeferteurs.
A l'attaque du Fort
on a poussé les travaux contre
un ouvrage en forme
de lunette qui ne peut --
eftrc
infultéc par le canon estant
enterée dans le Roc, &
comme elle ne peut-estre
emportée que par escalade,
on cherche les moyens dela
pouvoir miner.
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Résumé : Extrait de differentes Lettres du Camp devant Fribourg, du 23. Octobre.
Le texte relate des événements militaires devant Fribourg et à d'autres localités. Le 13 octobre, une batterie a été inondée sans causer de dommages majeurs. Les ennemis ont détourné une rivière pour remplir leurs fossés, mais ne peuvent inonder la ville. Des travaux sont en cours pour construire six ponts sur les fossés. La nuit du 21 au 22 octobre, aucune attaque n'a eu lieu contre le fort ou la ville, mais les ennemis continuent de tirer. Certaines batteries doivent être déplacées pour éviter de nuire aux travailleurs des ponts. Des mines sont préparées pour accéder au Fort Saint-Pierre. Des brèches sont faites dans les bastions de la ville malgré le feu ennemi. Les ponts de fascines sur les fossés doivent commencer le 22 octobre, et on espère que les forts seront rendus en même temps que la place pour éviter des prisonniers de guerre. À Landau, le 17 octobre, un parti de dragons ennemis a été repoussé, avec dix tués et quarante-deux prisonniers, dont leur commandant. À Brisach, le 18 octobre, les troupes françaises battent brèche sur la demi-lune et les bastions, avec une brèche prévue de dix toises. Les assiégés maintiennent un feu intense, mais seuls leurs pierriers incommodent les troupes. Des défecteurs arrivent presque quotidiennement. Les travaux pour attaquer le fort se concentrent sur un ouvrage en forme de lunette, nécessitant une escalade ou des mines.
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31
p. 151-168
NOUVELLES.
Début :
Les Lettres de Hambourg du premier Mars portent que la [...]
Mots clefs :
Hambourg, Madrid, Troupes, Guerre, Place, Roi du Danemark, Marquis de Valdecañas, Général, Duc de Popoli, Prince, Pièces de canon, Roi de Prusse, Portugal, Hollande
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : NOUVELLES.
NOUVELLES.
Les Lettres de Hambourg
du premier Mars portent que
la maladie contagieufe dimi-
N iiij
*; * MERCURE
"
nuoit fort, & qu'on efpere.
que le Commerce fera bientoft
entierement rétabli avec
les Etats voisins ; que les Danois
rafoient les Lignes
& les autres ouvrages qu'il
avoient faits pour le blocus
de Tonningen. Que le Colonel
Wolf, qui commandoit
dans cette Place , eftoit allé à
Stokholm pour rendre compte
au jeune Duc de Holſtein-
Gottorp , de tout ce qui s'y
étoit paffé & de l'extrême neneceflité
qui l'a obligé de la
rendre par Capitulation au
Roy de Dannemark. La GarGALANT
133
nifon qui en eft fortie a efté
conduite à Eutin. Les malades
font reftez dans la Place
juſqu'à leur entiere guerifon ,
avec un Commiffaire pour en
prendre foin , & les Troupes
Danoifes qui en formoient le
blocus fe font mifes en matche
pour aller aux quartiers
d'hyver qui leur ont efté affi
gnez . Deux bataillons Danois
font entrez en garnifon
dans Tonningen , où l'on
conduit à prefent des provifions
en abondance . Les Of
ficiers Danois travaillent avec
empreſſement à faire leurs re114
MERCURE
crues , & à fe pourvoir de
chevaux de remonte. Ils ont
ordre de fe tenir preſts à marcher
au premier commandement
, & on établit de grands
Magafins à Segoberg ; ce qui
donne lieu de croire que le
Roy de Dannemark a deſſein
de faire le fiege de Wilmat.
Celles de Berlin portent que
le Roy de Pruffe ayant appris
la reddition de Tonningen ,
avoit tenu un grand Confeil ;
qu'il faifoit continuer fes
levées : qu'il avoit fait le Baron
de Loben Lieutenant General ,
fon grand Chambellan , & le
GALANT $ s $
fieur de Cameck , fon grand
Treforier ; que le fieur Lintelo
, envoyé des Etats Generaux
des Provinces unies , luy
avoit prefenté un Memoire
touchant quelques Places que
les Troupes avoient occupées
dans les Pays - Bas.
Les Lettres de Conftantinople
du 16. Janvier portent
que l'Ambaffadeur de France
avoit cu Audiance du grand
Vifir le 6. qu'il avoit complimenté
fur fon arrivéc &
fur fon élevation à la dignité
de premier Miniftre de l'Empire
Othoman : que l'Ambaf
56 MERCURE
fadeur de la Grande Bretagne
avoit cu Audiance fur le même
fujet le 8. le Baile de Venife
le 13. & l'Ambaffadeur
.
de Hollande le 15. Que les
Envoyez du Sultan & du Kan
des Tartares qui étoient allez
en Pologne , n'eftoient
pas
encore revenus. Que les
Commiffaires deftinez pour
regler les Limites de l'Ukraine
& les dépendances
d'Azak
avec les Commiffaires
Polonois
& Mofcovites
, eftoient
partis depuis quelques jours
pour le rendre fur la Frontiere.
Qu'on continuoit
à
GALANT , 117
D'autres
faire de grands preparatifs de
guerre par Mer & Terre
par
fans qu'on fçû à quoy ils
eftoient deftinez.
Lettres du 20. confirment que
les troubles d'Afe cftoient ap
paifez par la défaite des rebelles
. Que le Bacha d'Alepayant
affemblé fes Troupes & celles
des environs , avoit attaqué
leur armée , en avoit taillé en
pieces la plus grande partic , &
avoit fait empaler cent quarante
des principaux auteurs
de la revolte & rétabli le calme
en ces Pays là.
Les avis de Madrid portent que
iss MERCURE
a
fitoft que le Roy cut appris
que la Reine étoit expirée , il
feretira avec le Prince & les
deux Infants au Palais du Duc
de Medina- Celi . Sa Majesté
a refolu de ne point retourner
au Palais , on a fait quelques
changemens à celuy de Medina
Celi pour le rendre plus
commode. Elle a laiffé pour
quinze jours le foin du Gouvernement
au Cardinal Def-
Giudice , comme il l'avoit reglé
avant le decés de la Reine .
La Princeffe des Urfins a efté
déclarée Gouvernante
du
Prince & des deux Infants.
GALANT. 139
Le Prince Pio , Marquis de
Caftel -Rodrigo qui depuis
quelques jours eft arrivé de Si .
cile , a efté fait Capitaine Ge
neral & Gouverneur de Madrid
& de fon Territoire avec
douze mille écus d'appointement
, il aura fous luy quatre
cens hommes , pour veiller à
la fureté & à la tranquilité de la
Ville , avec quatre Officiers de
Juftice qui lui feront fubordonnez
, & qui jugeront envingt-
quatre heures les caufes
des malfaiteurs
Les Lettres du Camp devant
Barcelonne portent qu'on
160 MERCURE
continuoitde de barquer vers
l'embouchure du l'Obregat
les Troupes & les provifions
, & que le Marquis de
Valdecannas y avoit auffi mit
sy
pied à terre , & qu'il devoit
commander en chef dans les
Vigueries de Tarragone , de
Monblanc & de Tortofe , que
200. rebelles s'étant fortifiez
à Saint Paul fur la cofte , entre
Mataro & Blancs , le
Duc de Popoli y envoya un
détachement avec quatre
picces de canon fous 1 cmmandement
de Don- Gabriel
Cano, Maréchal de Camp. II
fic
GALANT. 161.
fit battre la Place le 12. & le
13. Février ; & la bréché é
tant faite , les Affiegez furent
obligez de fe rendre à difcre
tion , offrant pour fauver leur
vie de faire rendre tous les
Officiers qui fe trouvoient prifonniers
à Cardone . On leur
avoit envoyé de Barcelone
une Galiote chargée d'un
fecours de Troupes , de
munitions de guerre & de
vivres ; mais elle fut prife par
les Galeres du Roy. Le Comte
de Montemar avec fon détach
ment a battu les rebelles
en diver fes occafions enforte
Ma's 1714.
16 MERCURE
qu'ils commencent à le foumettre
à l'obeïffance de Sa
Majesté. On a envoyé au
Camp fous une bonne efcorte
trente mille Pistoles pour
payer les Troupes, avec ordre
de preffer les preparatifs du
Siege de Barcelone , auquel
le Duc de Popoli comman
dera .
Le Comte de Fiennes commandera
du cofté de Girone.
Le Marquis de Valdecannas
du cofté de Tarragonne, & le
Marquis de Thouy du coſté
de Lerida :de maniere que l'attaque
de la Place fe fera tranGALANT
163
quillement fans qu'elle puiffe
cftre fecourue ni par Terre ny
par Mer.
On mande de Cadix que
le 21. Février l'Amiral General
Don . Andres de Pez avoit
fait voile pour aller joindre
la Flote fur les Coftes de Ca
talogne , avec trois Vaiffeaux
de guerre dont un eſt monté
de loixante- dix pieces de canon
& un autre de cinquante ,
qu'on avoit fait embarquer
onze cent foldats choifis , &
une grande quantite d'orge &
d'avoine , pour la fubfiftance
de la Cavalerie de l'Armée :
Oij
164 MERCURE
qu'il étoit entré dans la
Baye un Vaiffeau François ,
un Anglois , un Suedois &
deux de Bifcaye , l'un defquels
avoit efté attaqué vers les
Berlingues fur les coftes de
Portugal par deux Corſaires
Turcs de quarante & de cinquante
pieces de canon : mais
que leur ayant montré un
Paffeport de France , & fait
paroistre un paffager François,
ils l'avoient laille paffer , &
luy avoient donné du biſcuit ,
pour lequel on leur rendit du
goudron.
On écrit de Londres que
GALANT. 169
le General Hill a reçû ordre
de partir inceffamment pour
retourner à Dunkerque done
il cft Commandant , afin de
mettre la Garnifon en état
d'abandonner cette
auffi toft que les Fortifications
auront efté entierement démolies
& de marcher vers
Place
Gand & Bruges , afin de renforcer
les Garnifons de ces
Villes que la Reine prétend
garder , jufqu'à ce que los
Hollandois foient convenus
par un Traité avec l'Empereur
de luy remettre les Pays - Bas
Espagnols. Le ficur Keith ,
166 MERCURE
fils du Chevalier . Guillaume
Keith a efté fait Intendanc
General de la Colonie de Ma
ryland , dont le fieur Hart a
efté fait Gouverneur. Ils ne
doivent partir pour aller prendre
poffeffion de ces charges
qu'aprés l'arrivée de l Evêque
de Londres pour nommer à
plufieurs Benefices vacants en
cePaïs là , qui dépendent de fon
Evêché. On charge un Vaiffeau
fur la Tamife , pour porter
cent cinquante tonneaux
de provifions à la Garnifon
de Gibraltar qui en manque.
Oa fait la recherche des Frans
GALANT . 167
çois refugiez qui ont des penfions
furl Irlande , & on les oblige
à donner un état de leurs
biens & de leurs familles . On
mande de Lisbone que le Roy
de Portugal avoit nommé le
jeune Comte Ribeyra fon
Ambaffadeur auprés du Roy
Tres-Chreftien , & que le
fieur de Laval , Envoyé de Sa
Majesté Britannique en Por
tugal s'étoit embarqué fur le
Vaiffeau de guerre le Ludlow-
Caſtle, & avoit fait voilele.12.
Janvier pour retourner à Lon
dres ; que le fieur Worley qui
lui doit fucceder en la même
蕊
168 MERCURE
qualité , cft retenu par les
vents contraires à la Rade de
l'Ifle de Wight.
Les Lettres de Hollande
portent qu'on eft fort inquiet
touchant les prétentions du
Roy de Pruffe , fur les Terres
de la fucceffion de la Maifon
d'Orange . Ce Prince voulant
occuper la Baronie de Herftal
au Pays de Liege ; fes
Troupes ont trouvez que cclles
des Hollandois s'étoient
poſtées dans l'Hoftel de Ville,
& elles fe font retranchées aux
avenues des principales, ruës.
Les Lettres de Hambourg
du premier Mars portent que
la maladie contagieufe dimi-
N iiij
*; * MERCURE
"
nuoit fort, & qu'on efpere.
que le Commerce fera bientoft
entierement rétabli avec
les Etats voisins ; que les Danois
rafoient les Lignes
& les autres ouvrages qu'il
avoient faits pour le blocus
de Tonningen. Que le Colonel
Wolf, qui commandoit
dans cette Place , eftoit allé à
Stokholm pour rendre compte
au jeune Duc de Holſtein-
Gottorp , de tout ce qui s'y
étoit paffé & de l'extrême neneceflité
qui l'a obligé de la
rendre par Capitulation au
Roy de Dannemark. La GarGALANT
133
nifon qui en eft fortie a efté
conduite à Eutin. Les malades
font reftez dans la Place
juſqu'à leur entiere guerifon ,
avec un Commiffaire pour en
prendre foin , & les Troupes
Danoifes qui en formoient le
blocus fe font mifes en matche
pour aller aux quartiers
d'hyver qui leur ont efté affi
gnez . Deux bataillons Danois
font entrez en garnifon
dans Tonningen , où l'on
conduit à prefent des provifions
en abondance . Les Of
ficiers Danois travaillent avec
empreſſement à faire leurs re114
MERCURE
crues , & à fe pourvoir de
chevaux de remonte. Ils ont
ordre de fe tenir preſts à marcher
au premier commandement
, & on établit de grands
Magafins à Segoberg ; ce qui
donne lieu de croire que le
Roy de Dannemark a deſſein
de faire le fiege de Wilmat.
Celles de Berlin portent que
le Roy de Pruffe ayant appris
la reddition de Tonningen ,
avoit tenu un grand Confeil ;
qu'il faifoit continuer fes
levées : qu'il avoit fait le Baron
de Loben Lieutenant General ,
fon grand Chambellan , & le
GALANT $ s $
fieur de Cameck , fon grand
Treforier ; que le fieur Lintelo
, envoyé des Etats Generaux
des Provinces unies , luy
avoit prefenté un Memoire
touchant quelques Places que
les Troupes avoient occupées
dans les Pays - Bas.
Les Lettres de Conftantinople
du 16. Janvier portent
que l'Ambaffadeur de France
avoit cu Audiance du grand
Vifir le 6. qu'il avoit complimenté
fur fon arrivéc &
fur fon élevation à la dignité
de premier Miniftre de l'Empire
Othoman : que l'Ambaf
56 MERCURE
fadeur de la Grande Bretagne
avoit cu Audiance fur le même
fujet le 8. le Baile de Venife
le 13. & l'Ambaffadeur
.
de Hollande le 15. Que les
Envoyez du Sultan & du Kan
des Tartares qui étoient allez
en Pologne , n'eftoient
pas
encore revenus. Que les
Commiffaires deftinez pour
regler les Limites de l'Ukraine
& les dépendances
d'Azak
avec les Commiffaires
Polonois
& Mofcovites
, eftoient
partis depuis quelques jours
pour le rendre fur la Frontiere.
Qu'on continuoit
à
GALANT , 117
D'autres
faire de grands preparatifs de
guerre par Mer & Terre
par
fans qu'on fçû à quoy ils
eftoient deftinez.
Lettres du 20. confirment que
les troubles d'Afe cftoient ap
paifez par la défaite des rebelles
. Que le Bacha d'Alepayant
affemblé fes Troupes & celles
des environs , avoit attaqué
leur armée , en avoit taillé en
pieces la plus grande partic , &
avoit fait empaler cent quarante
des principaux auteurs
de la revolte & rétabli le calme
en ces Pays là.
Les avis de Madrid portent que
iss MERCURE
a
fitoft que le Roy cut appris
que la Reine étoit expirée , il
feretira avec le Prince & les
deux Infants au Palais du Duc
de Medina- Celi . Sa Majesté
a refolu de ne point retourner
au Palais , on a fait quelques
changemens à celuy de Medina
Celi pour le rendre plus
commode. Elle a laiffé pour
quinze jours le foin du Gouvernement
au Cardinal Def-
Giudice , comme il l'avoit reglé
avant le decés de la Reine .
La Princeffe des Urfins a efté
déclarée Gouvernante
du
Prince & des deux Infants.
GALANT. 139
Le Prince Pio , Marquis de
Caftel -Rodrigo qui depuis
quelques jours eft arrivé de Si .
cile , a efté fait Capitaine Ge
neral & Gouverneur de Madrid
& de fon Territoire avec
douze mille écus d'appointement
, il aura fous luy quatre
cens hommes , pour veiller à
la fureté & à la tranquilité de la
Ville , avec quatre Officiers de
Juftice qui lui feront fubordonnez
, & qui jugeront envingt-
quatre heures les caufes
des malfaiteurs
Les Lettres du Camp devant
Barcelonne portent qu'on
160 MERCURE
continuoitde de barquer vers
l'embouchure du l'Obregat
les Troupes & les provifions
, & que le Marquis de
Valdecannas y avoit auffi mit
sy
pied à terre , & qu'il devoit
commander en chef dans les
Vigueries de Tarragone , de
Monblanc & de Tortofe , que
200. rebelles s'étant fortifiez
à Saint Paul fur la cofte , entre
Mataro & Blancs , le
Duc de Popoli y envoya un
détachement avec quatre
picces de canon fous 1 cmmandement
de Don- Gabriel
Cano, Maréchal de Camp. II
fic
GALANT. 161.
fit battre la Place le 12. & le
13. Février ; & la bréché é
tant faite , les Affiegez furent
obligez de fe rendre à difcre
tion , offrant pour fauver leur
vie de faire rendre tous les
Officiers qui fe trouvoient prifonniers
à Cardone . On leur
avoit envoyé de Barcelone
une Galiote chargée d'un
fecours de Troupes , de
munitions de guerre & de
vivres ; mais elle fut prife par
les Galeres du Roy. Le Comte
de Montemar avec fon détach
ment a battu les rebelles
en diver fes occafions enforte
Ma's 1714.
16 MERCURE
qu'ils commencent à le foumettre
à l'obeïffance de Sa
Majesté. On a envoyé au
Camp fous une bonne efcorte
trente mille Pistoles pour
payer les Troupes, avec ordre
de preffer les preparatifs du
Siege de Barcelone , auquel
le Duc de Popoli comman
dera .
Le Comte de Fiennes commandera
du cofté de Girone.
Le Marquis de Valdecannas
du cofté de Tarragonne, & le
Marquis de Thouy du coſté
de Lerida :de maniere que l'attaque
de la Place fe fera tranGALANT
163
quillement fans qu'elle puiffe
cftre fecourue ni par Terre ny
par Mer.
On mande de Cadix que
le 21. Février l'Amiral General
Don . Andres de Pez avoit
fait voile pour aller joindre
la Flote fur les Coftes de Ca
talogne , avec trois Vaiffeaux
de guerre dont un eſt monté
de loixante- dix pieces de canon
& un autre de cinquante ,
qu'on avoit fait embarquer
onze cent foldats choifis , &
une grande quantite d'orge &
d'avoine , pour la fubfiftance
de la Cavalerie de l'Armée :
Oij
164 MERCURE
qu'il étoit entré dans la
Baye un Vaiffeau François ,
un Anglois , un Suedois &
deux de Bifcaye , l'un defquels
avoit efté attaqué vers les
Berlingues fur les coftes de
Portugal par deux Corſaires
Turcs de quarante & de cinquante
pieces de canon : mais
que leur ayant montré un
Paffeport de France , & fait
paroistre un paffager François,
ils l'avoient laille paffer , &
luy avoient donné du biſcuit ,
pour lequel on leur rendit du
goudron.
On écrit de Londres que
GALANT. 169
le General Hill a reçû ordre
de partir inceffamment pour
retourner à Dunkerque done
il cft Commandant , afin de
mettre la Garnifon en état
d'abandonner cette
auffi toft que les Fortifications
auront efté entierement démolies
& de marcher vers
Place
Gand & Bruges , afin de renforcer
les Garnifons de ces
Villes que la Reine prétend
garder , jufqu'à ce que los
Hollandois foient convenus
par un Traité avec l'Empereur
de luy remettre les Pays - Bas
Espagnols. Le ficur Keith ,
166 MERCURE
fils du Chevalier . Guillaume
Keith a efté fait Intendanc
General de la Colonie de Ma
ryland , dont le fieur Hart a
efté fait Gouverneur. Ils ne
doivent partir pour aller prendre
poffeffion de ces charges
qu'aprés l'arrivée de l Evêque
de Londres pour nommer à
plufieurs Benefices vacants en
cePaïs là , qui dépendent de fon
Evêché. On charge un Vaiffeau
fur la Tamife , pour porter
cent cinquante tonneaux
de provifions à la Garnifon
de Gibraltar qui en manque.
Oa fait la recherche des Frans
GALANT . 167
çois refugiez qui ont des penfions
furl Irlande , & on les oblige
à donner un état de leurs
biens & de leurs familles . On
mande de Lisbone que le Roy
de Portugal avoit nommé le
jeune Comte Ribeyra fon
Ambaffadeur auprés du Roy
Tres-Chreftien , & que le
fieur de Laval , Envoyé de Sa
Majesté Britannique en Por
tugal s'étoit embarqué fur le
Vaiffeau de guerre le Ludlow-
Caſtle, & avoit fait voilele.12.
Janvier pour retourner à Lon
dres ; que le fieur Worley qui
lui doit fucceder en la même
蕊
168 MERCURE
qualité , cft retenu par les
vents contraires à la Rade de
l'Ifle de Wight.
Les Lettres de Hollande
portent qu'on eft fort inquiet
touchant les prétentions du
Roy de Pruffe , fur les Terres
de la fucceffion de la Maifon
d'Orange . Ce Prince voulant
occuper la Baronie de Herftal
au Pays de Liege ; fes
Troupes ont trouvez que cclles
des Hollandois s'étoient
poſtées dans l'Hoftel de Ville,
& elles fe font retranchées aux
avenues des principales, ruës.
Fermer
Résumé : NOUVELLES.
Le 1er mars, les nouvelles de Hambourg indiquent une diminution de la maladie contagieuse, permettant une reprise prochaine du commerce avec les États voisins. Les Danois ont levé le blocus de Tonningen, où les garnisons danoises ont pris possession de la place et des provisions sont acheminées. Les officiers danois se préparent à une possible attaque de Wilmat. À Berlin, le roi de Prusse, informé de la reddition de Tonningen, a tenu un conseil et poursuivi ses levées. Il a nommé le baron de Loben lieutenant général et le seigneur de Cameck grand trésorier. L'envoyé des Provinces-Unies a présenté un mémoire concernant des places occupées dans les Pays-Bas. À Constantinople, les ambassadeurs de France, de Grande-Bretagne, de Venise et de Hollande ont été reçus par le grand vizir. Des commissaires sont partis régler les limites de l'Ukraine et les dépendances d'Azov avec les commissaires polonais et moscovites. Des préparatifs de guerre sont en cours par mer et par terre. En Asie, les troubles ont été apaisés par la défaite des rebelles, avec le bacha d'Alep ayant rassemblé ses troupes pour attaquer les rebelles. À Madrid, le roi s'est retiré avec le prince et les deux infants au palais du duc de Medina-Celi après le décès de la reine. La princesse des Ursins a été nommée gouvernante du prince et des deux infants, et le prince Pio a été nommé capitaine général et gouverneur de Madrid. Les troupes et provisions continuent d'être acheminées vers l'embouchure de l'Obregat pour le siège de Barcelone. Les rebelles ont été battus et contraints de se rendre. À Cadix, l'amiral général Don Andrés de Pez a fait voile pour rejoindre la flotte sur les côtes de Catalogne avec des vaisseaux de guerre et des soldats. Un vaisseau français a été attaqué par des corsaires turcs mais a pu passer après avoir montré un passeport français. À Londres, le général Hill a reçu l'ordre de retourner à Dunkerque pour démolir les fortifications et renforcer les garnisons de Gand et Bruges. Le seigneur Keith a été nommé intendant général de la colonie de Maryland, et un vaisseau est chargé de porter des provisions à la garnison de Gibraltar. En Hollande, des inquiétudes sont exprimées concernant les prétentions du roi de Prusse sur les terres de la succession de la maison d'Orange. Les troupes prussiennes et hollandaises se sont affrontées à Liège.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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32
p. 292-298
HUITIÈME Lettre écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
Début :
Je continue, Monsieur, dans la Lettre que je me donne aujourd'hui l'honneur de vous écrire, [...]
Mots clefs :
Roi de Maroc, Ceuta, Maures, Siège, Portugal, Espagne, Princes, Place
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HUITIÈME Lettre écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
HUITIE' ME Lettre écrite par
M. D. L. R. à M. le Marquis de B.
au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta .
J
E continue , Monsieur , dans la Lettre que je
me donne aujourd'hui l'honneur de vous écri
re , et je compte achever le Memoire Historique
que j'ai commencé au sujet de la Ville de Ceuta.
Nous avons laissé cette Ville sous la domination
des Maures ; mais à la veille d'être conquise par
un Monarque Chrétien ; il faut commencer par
vous rendre compte de cet Evenement qui doit
tenir un rang considerable dans les Annales de
la Religion , et dans les Révolutions du XV .
Siecle.
*
Jean I. Roy de Portugal , surnommé Pere de
la Patrie , cut cinq fils de son Mariage avec Philippe
de Lancastre , sçavoir , Edouard , Pierre ,
Henri , Jean et Fernand . Quand les trois ainez
de ces Princes curent atteint un certain âge , le
Roy , charmé de leurs belles qualitez , pour les
faire entrer plus glorieusement dans la carriere de
la vertu militaire , résolut de les armer lui - même
Chevalier , avec toute la solemnité qu'exigeoit
une telle Ceremonie. On en faisoit déja les préparatifs,
qui mettoient tout le Royaume en mouyement
, lorsque le Grand- Trésorier de Portu-
5262-
* Philippe de Lancastre étoit fille de Jean ,
nommé le Grand , Duc de Lancastre et de Blanche
sa premiere femme , soeur de Henry IV, Roy d'Angleterre.
gal,
1
FEVRIER. 1733. 253
gal , chargé de faire les fonds de cette dépense ,
vint trouver le Roy , et comme bon oeconome ,
bon serviteur , excellent Ministre , lui tint un de
ces discours , tels qu'en a tenu long- temps après
en France un parfait Ministre de votre Sang à
P'un de nos plus grands Rois.
L'Endroit le plus pathétique de ce Discours ;
et le mieux touché , fut de soutenir que la dépense
de cette Chevalerie seroit immense , et
qu'il en coûteroit moins de prendre une Place sur
les Maures ajoûtant que l'Expedition seroit plus
glorieuse et plus utile à la Religion et à l'Etat
et qu'après un tel Exploit rien n'empêcheroit
d'armer les Princes Chevaliers , la Céremonie
devenant alors , pour ainsi - dire , autorisée , juste
et plus convenable en toutes manieres.
Le Discours qui contenoit un avis si important
, plut au Roy , et l'avis d'attaquer les Maures
ayant été proposé au Conseil , il fut résolu
de leur enlever la Ville de Ceuta , comme la
Place qui étoit le plus à la bienséance des Portugais
, et qui pouvoit ouvrir le chemin à d'autres
Conquêtes. On délibera en même temps que
l'entreprise seroit tenue secrette , et qu'en faisant
les préparatifs on publieroit , pour amuser les
Maures , que l'Armement regardoit le Duc de
Bretagne , contre qui la Couronne de Portugal
avoit en effet des prétentions , et on fit sçavoir
secretement à ce Prince qu'il n'avoit rien
craindre.
Tout étant prêt pour mettre à la voile , le Roy
et les trois Princes ses Enfans , après s'être préparez
par des Actes de Religion , s'embarquerent
sur une Flote des mieux équipées , laquelle vint
heureusement moniller au Port de Barbasote , à
E l'Ouest .
294 MERCURE DE FRANCE
P'Ouest de Ceuta le 14. d'Août * de l'année 1415.
Les Maures , malgré leur surprise , s'opposerent
tant qu'ils purent à la descente , se deffendirent
au- dehors et en - dedans de la Place avec toute la
valeur possible ; mais enfin ils ne purent résister
à la bravoure des Portugais , animez par la présence
et par l'exemple du Roy et des Princes qui
se signalerent au-delà de toute expression. La
Victoire et la Place leur demeurerent , et rien nẹ
parut plus juste que de faire au retour la Céremonic
proposée avant l'Expedition de Ceuta, duë,
sans doute , avec son heureux succès , aux conseils
éclairez d'un sage Ministre. C'est ainsi que
Ceuta fut démembré du Royaume de Fez et de
la Province de Stabat , pour être unie à la
Couronne de Portugal.
Cette Couronne a toûjours possedé cette Place,
malgré diverses tentatives des Maures pour la
reprendre , jusqu'en l'année 1580. temps auquel
Philippe II . Roy d'Espagne , acheva de réduire
tout le Portugal sous son obéissance. Ce Prince
eut la précaution de mettre à Ceuta un Gouver
neur Espagnol , à cause de l'importance de la
Place , précaution dont les Espagnols sentirent
P'utilité en l'année 1640. lors de la Révolution
de Portugal , qui secoua le joug de l'Espagne , et
se déclara pour la Maison de Bragance. Les Gouverneurs
Espagnols ayant toujours été continuez
à Ceuta , celui qui l'étoit alors se maințint dans
son poste, et demeura fidele à son Maître , fidelité
* Quelques Historiens marquent que le Roy et les
Princes jeûnerent rigoureusement ce jour l'à , veille
de l'Assomption de la sainte Vierge , et d'autres ,
qu'ils ne mangerent qu'après la réduction de la
Place,
qui
FEVRIER. 1733. 295
qui a mérité d'être confirmée par le Traité de
1658. fait entre les deux Couronnes , en vertu
duquel la Ville de Ceuta a été cedée à l'Espagne.
Vous jugez bien , Monsieur , qu'après la prise
de la Ville par le Roy Jean , le Christianisme y
triompha bien-tôt du Mahometisme. On établit
à Ceuta une principale Eglise avec un College de
Chanoines , sous le titre de Cathedrale , parce
qu'on forma un Evêché des Villes de Tanger et
deCeuta,dont le nouvel Evêque devint Suffragant
de l'Archevêque de Lisbonne. Aujourd'hui que
Tanger est retombé au pouvoir des Maures, après
avoir été possedé par les Anglois , et que Ceuta
est unie à la Monarchie d'Espagne , on a changé
cette disposition Ecclesiastique. Ceuta seule est
érigée en Evêché suffragant de l'Archevêché de
Séville , et c'est le Roy qui fournit les revenus de
F'Evêque et de son Chapitre.
: Il est surprenant , au reste , qu'une Place aussi
importante par sa situation , aussi nécessaire au
Roy de Maroc et de Fez , Prince puissant , et
dont les Etats sont d'une si vaste étenduë , il est ,
dis-je , surprenant qu'une telle Place démembrée
d'une Monarchie Mahométane, et qui lui est contigue
du côté du Levant , ait pû se maintenir jusqu'à
présent sous la domination d'un Prince
Chrétien , dont les Etats sont séparez par la Mer.
Il est encore aussi surprenant qu'après un Siege
de plus de quarante années , les Maures soient
aussi peu avancez devant cette Place qua le premier
jour qu'ils l'ont investie.
4
- Ce Siege commença d'être formé en l'année
1690. sous le Regne de Mouley- Ismaël , Roy
de Maroc , & c. et sous le commandement de
l'Alcaide Ali Ben Abdala , Gouverneur de Tanger
et de Tetuan. Ce Commandant , après une
E ij somⓇ
296 MERCURE DE FRANCE
sommation inutile de rendre la Place , campa
autour , fit ouvrir la Tranchée et les autres dispositions
convenables, Mais il fut bien- tôt déconcerté
par la valeur des Espagnols , qui firent
des sorties heureuses et tuerent beaucoup de
monde aux Ennemis. Ceux-cy tenterent ensuite
de faire des Mines , puis l'escalade des murailles,
et enfin ils se contenterent de jetter quelques
Bombes dans la Ville , le tout sans aucun succès.
Cependant les Lettres menaçantes du Roy de
Maroc , tenoient toujours le General Ali devant
Ceuta , mais un nouveau Gouverneur Espagnol
de cette Place imagina un stratagême qui le déconcerta
, et fit retirer l'Armée des Infideles.
Comme il faisoit faire plusieurs sorties en un
même jour , à chaque sortie il habilloit differem .
ment les mêmes Soldats , tantôt de rouge , tantôt
de bleu , et tantôt de blanc. Rien ne décou
rageoit davantage les Maures , qui croyoient
avoir toujours à combattre contre des Troupes
fraîches ; de sorte qu'après avoir perdu bien du
monde ils abandonnerent enfin leurs Tranchées
et leverent honteusement le Siege.
Je n'entrerai point , Monsieur , dans le détail
des autres entreprises des Maures contre la mê→
me Ville qui ont suivi sous differens Regnés et
sous differens Generaux. Ce détail seroit immen¬
se , Sieges , Blocus , Combats , Escarmouches
&c. toujours au desavantage des Infideles qui
ont continué de faire paroître une grande ignorance
dans l'Art Militaire , sur tout dans celui
d'attaquer les Places , et souvent beaucoup de lâ–
cheté. Ensorte qu'à moins d'une į trahison ( ou
d'une surprise , il n'y a aucune apparence que les
Maures reprennent jamais la Ville de Ceuta.
L'occasion d'une trahison s'est présentée dans
FEVRIER. 1733. 297
ees derniers temps , et je crois , Monsieur , vous
en avoir touché quelque chose dans une de mes
Lettres. Vous vous rappellez , sans doute , ce que
je vous ai marqué de l'infidélité de Riperda , lequel
après avoir été Secretaire d'Etat , puis illus
tré de la dignité de Duc , * quoiqu'étranger , mit
le comble à ses trahisons , en prenant l'année
derniere 1732. des engagemens avec le Roy de
Maroc, et en embrassant le Mahometisme.
Presque dans le même temps les Algeriens
ayant perdu Oran et Marsalquibir , ils
envoyerent une Ambassade au Roy de Maroc ,
pour lui demander des secours , celui , du moins,
d'une diversion en leur faveur , en redoublant ses
efforts pour enlever enfin la Ville de Ceuta aux
Espagnols. Un nouveau Siege de cette Place fut
aussi- tôt résolu , et le Roy Maure en donna le
commandement à Ali- Pacha , avec Riperda pour
Adjoint et pour Directeur du Siege. Celui - cy
promit beaucoup , et les Infideles ne douterent
du succès de l'entreprise. pas
Ils parurent en effet bien - tôt à la vûë de Ceuta
jusqu'au nombre de 7. ou 8000. hommes , au
rapport de quelques Esclaves fugitifs , avec de.
PArtillerie et prêts à faire les dispositions du
Siege. Mais le Gouverneur Espagnol ne leur donna
pas le temps
de les commencer , par la vigou
reuse sortie qu'il fit sur les Ennemis le matin du
17. Octobre dernier , sous le commandement de
D. Joseph d'Arambaru , Brigadier et Capitaine
des Gardes Espagnoles.
Les Maures furent attaquez et chargez avec
tant de valeur et tant de conduite , qu'ils furent
d'abord contraints d'abandonner leurs postes et
* Riperda est originaire de Hollande.
E iij de
&
298 MERCURE DE FRANCE
de se retirer au Fort de leur Camp , où ils furene
poursuivis et mis en déroute , le Pacha même
prenant la fuite. Enfin malgré quelque ralliment
et quelque résistance de la part des Maures , on
combla toutes leurs tranchées , on détruisit leurs
Ouvrages , et on enleva quantité de munitions
sans compter les Prisonniers et quelques Etendarts.
La perte a été grande du côté des Infideles
et peu considerable du côté des Espagnols.
>
•
C'est ainsi , Monsieur , que le Ciel a continué
de favoriser les pieux desseins et les Armes de
S. M. C. lesquelles ont glorieusement triomphé
presque en même temps en deux differens endroits
de l'Affrique ; car après cette action du 17.
Octobre devant Ceuta , la Garnison d'Oran eut
comme vous sçavez , le même succès et remporta
une pareille victoire contre les Maures qui en
avoient entrepris le Siege , dans les actions du
21. et du 23. du mois de Novembre. Les principaux
Etendarts des Maures pris devant les deux
Places furent dabord arborez dans le Palais
Royal de Séville , le Roy n'étant pas encore en
état de sortir de ses Appartemens , et après les
actions de graces particulieres rendues dans la
Chapelle du Palais , ces mêmes Etendarts furent
déposez dans l'Eglise Métropolitaine , où l'on
rendit à Dieu des actions de graces plus solemnelles
pour les deux victoires , ce qui a été pareillement
executé par toute l'Espagne.
la
J'espère, Monsieur,que le retour du Printemps,
Popiniâtreté des Maures et d'autres circonstances,
donneront lieu à de nouveaux évenemens , que
protection du Ciel continuera de rendre favora
bles à la Chrétienté.Je ne manquerai pas de vous
en rendre un fidele compte en cas que vous soyez
absent deParis. J'ai l'honneur d'être, Monsieur, &c.
A Paris le 15 Janvier 1733•
M. D. L. R. à M. le Marquis de B.
au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta .
J
E continue , Monsieur , dans la Lettre que je
me donne aujourd'hui l'honneur de vous écri
re , et je compte achever le Memoire Historique
que j'ai commencé au sujet de la Ville de Ceuta.
Nous avons laissé cette Ville sous la domination
des Maures ; mais à la veille d'être conquise par
un Monarque Chrétien ; il faut commencer par
vous rendre compte de cet Evenement qui doit
tenir un rang considerable dans les Annales de
la Religion , et dans les Révolutions du XV .
Siecle.
*
Jean I. Roy de Portugal , surnommé Pere de
la Patrie , cut cinq fils de son Mariage avec Philippe
de Lancastre , sçavoir , Edouard , Pierre ,
Henri , Jean et Fernand . Quand les trois ainez
de ces Princes curent atteint un certain âge , le
Roy , charmé de leurs belles qualitez , pour les
faire entrer plus glorieusement dans la carriere de
la vertu militaire , résolut de les armer lui - même
Chevalier , avec toute la solemnité qu'exigeoit
une telle Ceremonie. On en faisoit déja les préparatifs,
qui mettoient tout le Royaume en mouyement
, lorsque le Grand- Trésorier de Portu-
5262-
* Philippe de Lancastre étoit fille de Jean ,
nommé le Grand , Duc de Lancastre et de Blanche
sa premiere femme , soeur de Henry IV, Roy d'Angleterre.
gal,
1
FEVRIER. 1733. 253
gal , chargé de faire les fonds de cette dépense ,
vint trouver le Roy , et comme bon oeconome ,
bon serviteur , excellent Ministre , lui tint un de
ces discours , tels qu'en a tenu long- temps après
en France un parfait Ministre de votre Sang à
P'un de nos plus grands Rois.
L'Endroit le plus pathétique de ce Discours ;
et le mieux touché , fut de soutenir que la dépense
de cette Chevalerie seroit immense , et
qu'il en coûteroit moins de prendre une Place sur
les Maures ajoûtant que l'Expedition seroit plus
glorieuse et plus utile à la Religion et à l'Etat
et qu'après un tel Exploit rien n'empêcheroit
d'armer les Princes Chevaliers , la Céremonie
devenant alors , pour ainsi - dire , autorisée , juste
et plus convenable en toutes manieres.
Le Discours qui contenoit un avis si important
, plut au Roy , et l'avis d'attaquer les Maures
ayant été proposé au Conseil , il fut résolu
de leur enlever la Ville de Ceuta , comme la
Place qui étoit le plus à la bienséance des Portugais
, et qui pouvoit ouvrir le chemin à d'autres
Conquêtes. On délibera en même temps que
l'entreprise seroit tenue secrette , et qu'en faisant
les préparatifs on publieroit , pour amuser les
Maures , que l'Armement regardoit le Duc de
Bretagne , contre qui la Couronne de Portugal
avoit en effet des prétentions , et on fit sçavoir
secretement à ce Prince qu'il n'avoit rien
craindre.
Tout étant prêt pour mettre à la voile , le Roy
et les trois Princes ses Enfans , après s'être préparez
par des Actes de Religion , s'embarquerent
sur une Flote des mieux équipées , laquelle vint
heureusement moniller au Port de Barbasote , à
E l'Ouest .
294 MERCURE DE FRANCE
P'Ouest de Ceuta le 14. d'Août * de l'année 1415.
Les Maures , malgré leur surprise , s'opposerent
tant qu'ils purent à la descente , se deffendirent
au- dehors et en - dedans de la Place avec toute la
valeur possible ; mais enfin ils ne purent résister
à la bravoure des Portugais , animez par la présence
et par l'exemple du Roy et des Princes qui
se signalerent au-delà de toute expression. La
Victoire et la Place leur demeurerent , et rien nẹ
parut plus juste que de faire au retour la Céremonic
proposée avant l'Expedition de Ceuta, duë,
sans doute , avec son heureux succès , aux conseils
éclairez d'un sage Ministre. C'est ainsi que
Ceuta fut démembré du Royaume de Fez et de
la Province de Stabat , pour être unie à la
Couronne de Portugal.
Cette Couronne a toûjours possedé cette Place,
malgré diverses tentatives des Maures pour la
reprendre , jusqu'en l'année 1580. temps auquel
Philippe II . Roy d'Espagne , acheva de réduire
tout le Portugal sous son obéissance. Ce Prince
eut la précaution de mettre à Ceuta un Gouver
neur Espagnol , à cause de l'importance de la
Place , précaution dont les Espagnols sentirent
P'utilité en l'année 1640. lors de la Révolution
de Portugal , qui secoua le joug de l'Espagne , et
se déclara pour la Maison de Bragance. Les Gouverneurs
Espagnols ayant toujours été continuez
à Ceuta , celui qui l'étoit alors se maințint dans
son poste, et demeura fidele à son Maître , fidelité
* Quelques Historiens marquent que le Roy et les
Princes jeûnerent rigoureusement ce jour l'à , veille
de l'Assomption de la sainte Vierge , et d'autres ,
qu'ils ne mangerent qu'après la réduction de la
Place,
qui
FEVRIER. 1733. 295
qui a mérité d'être confirmée par le Traité de
1658. fait entre les deux Couronnes , en vertu
duquel la Ville de Ceuta a été cedée à l'Espagne.
Vous jugez bien , Monsieur , qu'après la prise
de la Ville par le Roy Jean , le Christianisme y
triompha bien-tôt du Mahometisme. On établit
à Ceuta une principale Eglise avec un College de
Chanoines , sous le titre de Cathedrale , parce
qu'on forma un Evêché des Villes de Tanger et
deCeuta,dont le nouvel Evêque devint Suffragant
de l'Archevêque de Lisbonne. Aujourd'hui que
Tanger est retombé au pouvoir des Maures, après
avoir été possedé par les Anglois , et que Ceuta
est unie à la Monarchie d'Espagne , on a changé
cette disposition Ecclesiastique. Ceuta seule est
érigée en Evêché suffragant de l'Archevêché de
Séville , et c'est le Roy qui fournit les revenus de
F'Evêque et de son Chapitre.
: Il est surprenant , au reste , qu'une Place aussi
importante par sa situation , aussi nécessaire au
Roy de Maroc et de Fez , Prince puissant , et
dont les Etats sont d'une si vaste étenduë , il est ,
dis-je , surprenant qu'une telle Place démembrée
d'une Monarchie Mahométane, et qui lui est contigue
du côté du Levant , ait pû se maintenir jusqu'à
présent sous la domination d'un Prince
Chrétien , dont les Etats sont séparez par la Mer.
Il est encore aussi surprenant qu'après un Siege
de plus de quarante années , les Maures soient
aussi peu avancez devant cette Place qua le premier
jour qu'ils l'ont investie.
4
- Ce Siege commença d'être formé en l'année
1690. sous le Regne de Mouley- Ismaël , Roy
de Maroc , & c. et sous le commandement de
l'Alcaide Ali Ben Abdala , Gouverneur de Tanger
et de Tetuan. Ce Commandant , après une
E ij somⓇ
296 MERCURE DE FRANCE
sommation inutile de rendre la Place , campa
autour , fit ouvrir la Tranchée et les autres dispositions
convenables, Mais il fut bien- tôt déconcerté
par la valeur des Espagnols , qui firent
des sorties heureuses et tuerent beaucoup de
monde aux Ennemis. Ceux-cy tenterent ensuite
de faire des Mines , puis l'escalade des murailles,
et enfin ils se contenterent de jetter quelques
Bombes dans la Ville , le tout sans aucun succès.
Cependant les Lettres menaçantes du Roy de
Maroc , tenoient toujours le General Ali devant
Ceuta , mais un nouveau Gouverneur Espagnol
de cette Place imagina un stratagême qui le déconcerta
, et fit retirer l'Armée des Infideles.
Comme il faisoit faire plusieurs sorties en un
même jour , à chaque sortie il habilloit differem .
ment les mêmes Soldats , tantôt de rouge , tantôt
de bleu , et tantôt de blanc. Rien ne décou
rageoit davantage les Maures , qui croyoient
avoir toujours à combattre contre des Troupes
fraîches ; de sorte qu'après avoir perdu bien du
monde ils abandonnerent enfin leurs Tranchées
et leverent honteusement le Siege.
Je n'entrerai point , Monsieur , dans le détail
des autres entreprises des Maures contre la mê→
me Ville qui ont suivi sous differens Regnés et
sous differens Generaux. Ce détail seroit immen¬
se , Sieges , Blocus , Combats , Escarmouches
&c. toujours au desavantage des Infideles qui
ont continué de faire paroître une grande ignorance
dans l'Art Militaire , sur tout dans celui
d'attaquer les Places , et souvent beaucoup de lâ–
cheté. Ensorte qu'à moins d'une į trahison ( ou
d'une surprise , il n'y a aucune apparence que les
Maures reprennent jamais la Ville de Ceuta.
L'occasion d'une trahison s'est présentée dans
FEVRIER. 1733. 297
ees derniers temps , et je crois , Monsieur , vous
en avoir touché quelque chose dans une de mes
Lettres. Vous vous rappellez , sans doute , ce que
je vous ai marqué de l'infidélité de Riperda , lequel
après avoir été Secretaire d'Etat , puis illus
tré de la dignité de Duc , * quoiqu'étranger , mit
le comble à ses trahisons , en prenant l'année
derniere 1732. des engagemens avec le Roy de
Maroc, et en embrassant le Mahometisme.
Presque dans le même temps les Algeriens
ayant perdu Oran et Marsalquibir , ils
envoyerent une Ambassade au Roy de Maroc ,
pour lui demander des secours , celui , du moins,
d'une diversion en leur faveur , en redoublant ses
efforts pour enlever enfin la Ville de Ceuta aux
Espagnols. Un nouveau Siege de cette Place fut
aussi- tôt résolu , et le Roy Maure en donna le
commandement à Ali- Pacha , avec Riperda pour
Adjoint et pour Directeur du Siege. Celui - cy
promit beaucoup , et les Infideles ne douterent
du succès de l'entreprise. pas
Ils parurent en effet bien - tôt à la vûë de Ceuta
jusqu'au nombre de 7. ou 8000. hommes , au
rapport de quelques Esclaves fugitifs , avec de.
PArtillerie et prêts à faire les dispositions du
Siege. Mais le Gouverneur Espagnol ne leur donna
pas le temps
de les commencer , par la vigou
reuse sortie qu'il fit sur les Ennemis le matin du
17. Octobre dernier , sous le commandement de
D. Joseph d'Arambaru , Brigadier et Capitaine
des Gardes Espagnoles.
Les Maures furent attaquez et chargez avec
tant de valeur et tant de conduite , qu'ils furent
d'abord contraints d'abandonner leurs postes et
* Riperda est originaire de Hollande.
E iij de
&
298 MERCURE DE FRANCE
de se retirer au Fort de leur Camp , où ils furene
poursuivis et mis en déroute , le Pacha même
prenant la fuite. Enfin malgré quelque ralliment
et quelque résistance de la part des Maures , on
combla toutes leurs tranchées , on détruisit leurs
Ouvrages , et on enleva quantité de munitions
sans compter les Prisonniers et quelques Etendarts.
La perte a été grande du côté des Infideles
et peu considerable du côté des Espagnols.
>
•
C'est ainsi , Monsieur , que le Ciel a continué
de favoriser les pieux desseins et les Armes de
S. M. C. lesquelles ont glorieusement triomphé
presque en même temps en deux differens endroits
de l'Affrique ; car après cette action du 17.
Octobre devant Ceuta , la Garnison d'Oran eut
comme vous sçavez , le même succès et remporta
une pareille victoire contre les Maures qui en
avoient entrepris le Siege , dans les actions du
21. et du 23. du mois de Novembre. Les principaux
Etendarts des Maures pris devant les deux
Places furent dabord arborez dans le Palais
Royal de Séville , le Roy n'étant pas encore en
état de sortir de ses Appartemens , et après les
actions de graces particulieres rendues dans la
Chapelle du Palais , ces mêmes Etendarts furent
déposez dans l'Eglise Métropolitaine , où l'on
rendit à Dieu des actions de graces plus solemnelles
pour les deux victoires , ce qui a été pareillement
executé par toute l'Espagne.
la
J'espère, Monsieur,que le retour du Printemps,
Popiniâtreté des Maures et d'autres circonstances,
donneront lieu à de nouveaux évenemens , que
protection du Ciel continuera de rendre favora
bles à la Chrétienté.Je ne manquerai pas de vous
en rendre un fidele compte en cas que vous soyez
absent deParis. J'ai l'honneur d'être, Monsieur, &c.
A Paris le 15 Janvier 1733•
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Résumé : HUITIÈME Lettre écrite par M. D. L. R. à M. le Marquis de B. au sujet des Villes d'Oran et de Ceuta.
La lettre de M. D. L. R. au Marquis de B. relate l'histoire des villes d'Oran et de Ceuta. Elle commence par évoquer la ville de Ceuta, alors sous domination maure, sur le point d'être conquise par un monarque chrétien. Jean Ier, roi de Portugal, surnommé le Père de la Patrie, avait cinq fils avec Philippe de Lancastre. Pour les initier à la carrière militaire, il prévoyait de les adouber chevaliers. Le Grand-Trésorier du Portugal suggéra de financer cette cérémonie en conquérant une place maure, proposant Ceuta comme cible. Cette idée fut approuvée, et l'expédition fut préparée en secret, prétextant une campagne contre le duc de Bretagne. Le 14 août 1415, Jean Ier et ses trois fils aînés, après des prières, débarquèrent à Ceuta. Malgré la résistance des Maures, les Portugais prirent la ville. À leur retour, les princes furent adoubés chevaliers. Ceuta resta sous domination portugaise jusqu'en 1580, date à laquelle Philippe II d'Espagne annexa le Portugal et plaça un gouverneur espagnol à Ceuta. En 1640, lors de la révolution portugaise, le gouverneur espagnol resta fidèle à l'Espagne, et Ceuta fut cédée à l'Espagne par le traité de 1658. La lettre mentionne également les tentatives des Maures pour reprendre Ceuta, notamment un siège en 1690 dirigé par Ali Ben Abdala, qui échoua grâce à la stratégie des Espagnols. Plus récemment, en 1732, le traître Riperda s'allia avec le roi de Maroc pour attaquer Ceuta, mais une sortie espagnole en octobre 1732 repoussa les assaillants. Simultanément, la garnison d'Oran repoussa également une attaque maure. Les étendards capturés furent exposés à Séville et dans les églises pour des actions de grâce. L'auteur espère continuer à informer le Marquis des événements futurs.
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33
p. 1451-1453
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alger, le 25. May, contenant des Nouvelles d'Oran.
Début :
Je vous dirai d'abord ce que je viens d'apprendre par un Espagnol qu'on a amené ici esclave, [...]
Mots clefs :
Maures, Turcs, Marquis de Villadarias, Oran, Travailleurs, Espagnol, Feu, Place, Alger
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alger, le 25. May, contenant des Nouvelles d'Oran.
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alger
le 25. May , contenant des Nouvelles
d'Oran.
E vous dirai d'abord ce que je viens d'appren→
dre par un Espagnol qu'on a amené ici esclave ,
et qui n'est parti d'Oran que depuis douze jours .
Cet Espagnol , ancien dans le Service , m'a assuré
que la Place est abondamment pourvûë de toutes
sortes de provisions de guerre et de bouche. La maladie
contagieuse y a cessé , les Châteaux sont fortifiez
et dans un état à ne plus craindre les efforts
barbaresques , d'autant plus que beaucoup de Maures
, qui en sont bien informez , et qui ennuyez d'un
si long service et de la durée du Siege , se débandent
et fournissen même à la Place,par la communicasion
des Maures de Paix , quantité de Bestiaux ,
ce qui donne un grand soulagement aux Assiegez.
Les Turcs n'ignorent pas ce commerce , mais ils ne
sont pas en état de s'y opposer , ils n'osent pas même
sortir de leur Camp , n'ayant pas moins à craindre
du côté de ces Maures , que de celui des Chrétiens ;
aussi les Turcs ne cessent- ils de demander du secours.
Le Dey cependant n'a pas un homme à leur
envoyer , il a fallu pour contenir les Maures et lever
les Garannes ou Tributs qu'on a coûtume d'éxiger
, envoyer les Camps ordinaires , et pour cela
dégarnir la Ville d'Alger de Soldats . Le puissant
secours qu'on attend du G. S. a retenu jusqu'à présent
les Maures dans la soumission et les Turcs de-
* On appelle ainsi ceux des Maures qui sont
dans les interêts des Espagnols.
II. Vol. I iij vant
145 MERCURE DE FRANCE
vant Oran. Ceux- cy, dès qu'ils seront informez de
la disgrace arrivée à leurs Vaisseaux,pourront bien,
malgré le Dey, abandonner les Tentes et les Bagages
et se retirer à la sourdine pour se dérober à la cruauté
des Maures , du moins c'est ainsi que Pon en juge ,
d'autant mieux que ces Turcs ont eu en dernier lieu
un échec qui les a fort éclaircis . Voici de quelle maniere
le rapporte l'Espagnol qui a été présent à tout.
M. le Marquis de Villadarias , voyant que Les
Maures ne laissoient pas de venir prendre de
Peau à la Fontaine , malgré ses précautions et malgré
le feu du Fort de S. Ferdinand , fit faire une
Galere ou un Boyau de bonne massonnerie , avec de
petits creneaux ou meurtrieres qui donnoient vèrs la
Fontaine, pour écarter ceux qui y viendroient, ce qui
incommodera fort l'Ennemi , qui d'ailleurs ne peut
avoir que de mauvaises eaux. Bigotillos s'étant apperçu
du dessein des Espagnols , se proposa d'enlever
les Travailleurs,mais le M.de Villadarias en ayant
eu vent , fit marcher les Travailleurs à l'ordinaire
avec soixante hommes pour les couvrir ; ilfu encore
sortir 1500. Grenadiers en deux bandes , l'une à
droite et l'autre à gauche , avec ordre de se cacher
dans des Ravines voisines qui favorisoient tout-àfait
son dessein Les Maures se croyant sûrs de leur
coup , ne manquerent point de s'avancer en assez.
grand nombre ; alors les 60. Soldats commandez
pour couvrir les Travailleurs , firent semblant de
redouter ce grand nombre et de se retirer , pour attirer
l'Ennemi dans Pembuscade ; il y donna efectivement
, et les 1500. Grenadiers sortirent de leurs
Ravines et firent feu de tous côtez. A ce coup imprévû
les Turcs et les Maures accoururent en foule
pour secourir les leurs . Le M. de Villadarias , à porsée
de découvrir tout ce qui se passoit , donna ordre
aux siens de feindre une retraite pour attirer insen-
II. Val. siblement
JUIN. 1733. 1453
siblement les Assiegeans sous le Canon . Ce strata
gême lui aparfaitement bien réussi . Trois des Chateaux
firent feu de leurs Canons avec mitrailles et
Bombes , si à propos , qu'il resta sur la place plús
hommes , sans compter les blessez . Les
Turcs y ont perdu plus de 300. des leurs ; ils sont
d'autant plus affligez de cette perte , qu'ils se voyent
hors d'état de la réparer , aussi ne pensent- ils qu'à
se ménager et à conserver leurs têtes .
le 25. May , contenant des Nouvelles
d'Oran.
E vous dirai d'abord ce que je viens d'appren→
dre par un Espagnol qu'on a amené ici esclave ,
et qui n'est parti d'Oran que depuis douze jours .
Cet Espagnol , ancien dans le Service , m'a assuré
que la Place est abondamment pourvûë de toutes
sortes de provisions de guerre et de bouche. La maladie
contagieuse y a cessé , les Châteaux sont fortifiez
et dans un état à ne plus craindre les efforts
barbaresques , d'autant plus que beaucoup de Maures
, qui en sont bien informez , et qui ennuyez d'un
si long service et de la durée du Siege , se débandent
et fournissen même à la Place,par la communicasion
des Maures de Paix , quantité de Bestiaux ,
ce qui donne un grand soulagement aux Assiegez.
Les Turcs n'ignorent pas ce commerce , mais ils ne
sont pas en état de s'y opposer , ils n'osent pas même
sortir de leur Camp , n'ayant pas moins à craindre
du côté de ces Maures , que de celui des Chrétiens ;
aussi les Turcs ne cessent- ils de demander du secours.
Le Dey cependant n'a pas un homme à leur
envoyer , il a fallu pour contenir les Maures et lever
les Garannes ou Tributs qu'on a coûtume d'éxiger
, envoyer les Camps ordinaires , et pour cela
dégarnir la Ville d'Alger de Soldats . Le puissant
secours qu'on attend du G. S. a retenu jusqu'à présent
les Maures dans la soumission et les Turcs de-
* On appelle ainsi ceux des Maures qui sont
dans les interêts des Espagnols.
II. Vol. I iij vant
145 MERCURE DE FRANCE
vant Oran. Ceux- cy, dès qu'ils seront informez de
la disgrace arrivée à leurs Vaisseaux,pourront bien,
malgré le Dey, abandonner les Tentes et les Bagages
et se retirer à la sourdine pour se dérober à la cruauté
des Maures , du moins c'est ainsi que Pon en juge ,
d'autant mieux que ces Turcs ont eu en dernier lieu
un échec qui les a fort éclaircis . Voici de quelle maniere
le rapporte l'Espagnol qui a été présent à tout.
M. le Marquis de Villadarias , voyant que Les
Maures ne laissoient pas de venir prendre de
Peau à la Fontaine , malgré ses précautions et malgré
le feu du Fort de S. Ferdinand , fit faire une
Galere ou un Boyau de bonne massonnerie , avec de
petits creneaux ou meurtrieres qui donnoient vèrs la
Fontaine, pour écarter ceux qui y viendroient, ce qui
incommodera fort l'Ennemi , qui d'ailleurs ne peut
avoir que de mauvaises eaux. Bigotillos s'étant apperçu
du dessein des Espagnols , se proposa d'enlever
les Travailleurs,mais le M.de Villadarias en ayant
eu vent , fit marcher les Travailleurs à l'ordinaire
avec soixante hommes pour les couvrir ; ilfu encore
sortir 1500. Grenadiers en deux bandes , l'une à
droite et l'autre à gauche , avec ordre de se cacher
dans des Ravines voisines qui favorisoient tout-àfait
son dessein Les Maures se croyant sûrs de leur
coup , ne manquerent point de s'avancer en assez.
grand nombre ; alors les 60. Soldats commandez
pour couvrir les Travailleurs , firent semblant de
redouter ce grand nombre et de se retirer , pour attirer
l'Ennemi dans Pembuscade ; il y donna efectivement
, et les 1500. Grenadiers sortirent de leurs
Ravines et firent feu de tous côtez. A ce coup imprévû
les Turcs et les Maures accoururent en foule
pour secourir les leurs . Le M. de Villadarias , à porsée
de découvrir tout ce qui se passoit , donna ordre
aux siens de feindre une retraite pour attirer insen-
II. Val. siblement
JUIN. 1733. 1453
siblement les Assiegeans sous le Canon . Ce strata
gême lui aparfaitement bien réussi . Trois des Chateaux
firent feu de leurs Canons avec mitrailles et
Bombes , si à propos , qu'il resta sur la place plús
hommes , sans compter les blessez . Les
Turcs y ont perdu plus de 300. des leurs ; ils sont
d'autant plus affligez de cette perte , qu'ils se voyent
hors d'état de la réparer , aussi ne pensent- ils qu'à
se ménager et à conserver leurs têtes .
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Alger, le 25. May, contenant des Nouvelles d'Oran.
Le 25 mai, une lettre rapporte des nouvelles d'Oran par un Espagnol récemment arrivé à Alger. Cet ancien soldat indique qu'Oran est bien approvisionnée en vivres et en matériel de guerre. La maladie contagieuse a cessé et les châteaux sont fortifiés, permettant de repousser les attaques barbaresques. De nombreux Maures, lassés du siège, désertent et fournissent des vivres aux assiégés via les Maures de paix. Les Turcs, conscients de ce commerce, ne peuvent l'empêcher et craignent autant les Maures que les Chrétiens. Ils demandent des renforts, mais le Dey d'Alger ne peut en envoyer, car il doit maintenir l'ordre parmi les Maures et lever des tributs, ce qui nécessite de retirer des soldats de la ville. Le marquis de Villadarias, commandant espagnol, a construit une structure pour protéger les travailleurs à la fontaine. Les Maures, tentant de capturer ces travailleurs, sont tombés dans une embuscade préparée par les Espagnols. Les grenadiers espagnols ont ouvert le feu, causant des pertes importantes parmi les Turcs et les Maures. Les Turcs, affligés par cette défaite, cherchent maintenant à se protéger et à conserver leurs forces.
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34
p. 1352-1361
RELATION de ce qui s'est passé à Monaco à l'occasion de l'arrivée de S. A. Honoré III. Prince de Monaco, et de son Avenement à la Souveraineté, sous l'Administration de M. le Duc de Valentinois, Pair de France, son Pere.
Début :
M. le Duc de Valentinois ayant mandé qu'il partiroit de Paris le troisiéme [...]
Mots clefs :
Monaco, Honoré III, Prince de Monaco, Duc de Valentinois, Prince, Place, Ville, Palais, Principauté, Église, Joie, Peuple, Garnison, Cure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RELATION de ce qui s'est passé à Monaco à l'occasion de l'arrivée de S. A. Honoré III. Prince de Monaco, et de son Avenement à la Souveraineté, sous l'Administration de M. le Duc de Valentinois, Pair de France, son Pere.
RELATION de ce qui s'est passé
à Monaco à l'occasion de l'arrivée de
S. A. Honoré III. Princ: de Monaco ,
et de son Avenement à la Souveraineté,
sous l'Administration de M. le Duc de
Valentinois , Pair de France , son Pere,
M
le Duc de Valentinois ayant mandé
qu'il partiroit de Paris le troisiéme
du mois de May pour se rendre
à Monaco avec M. le Prince son fils ,
M. le Chevalier de Grimaldi , Gouverneur
General de la Principauté , envoya
le 21 May à Cannes , Ville Maritime de
Provence , les deux Chalouppes de S. A.
magnifiquement équippées , avec son
Capitaine des Gardes pour les y recevoir;
il fit embarq er aussi quelques Musiciens
et Symphonistes pour amuser le
I k Vol. jeune
JUIN. 1734 1353
Jeune Prince , pendant le petit trajet de
Mer qu'il avoit à faire pour la premiere
fois.
Le treizième , les Chalouppes ayant
paru à la hauteur de la Place , le Canon
commença à tirer et continua par une
salve de 130 coups , au bruit de laquelle
S. A. entra dans les Appartemens de son
Palais.
Tous les Bâtimens qui se trouverent
dans le Port , firent aussi une décharge
de leur Artillerie, lorsque les Chalouppes
y entrérent.
Le Corps qui compo e le Magistrat
et les Principaux de la Ville , suivis d'un
nombre infini d'autres personnes , accoururent
en foule pour se trouver au débarquement
: il se fit aux acclamations de
tout le Peuple qui marquoit son contentement
par les démonstrations de la joye
la plus parfaite.
A la premiere Barriere de la Ville le
Prince trouva M. de Mongremier , Lieutenant
pour le Roy dans la Place , avec
le Comte d'Aunay , Colonel du Regiment
de Vexin , et les Officiers de la
Garnison qui s'étoient avancez pour le
recevoir , et qui le complimenterent sur
son arrivée. On entra ensuite dans la
Place où toute la Garnison
II. Vol.
و
E
qui étoit
Sous
· 1354 MERCURE DE FRANCE
sous les armes , rendit les honneurs dûs
au Souverain de Monaco .
,
Le soir du même jour il y eut dans
toute la Ville de grandes illuminations ,
des feux de joye , beaucoup de déchar
ges d'Artillerie , et de feu d'artifice ;
tout le Peuple accourut en même tems
sur la Place d'Armes au - dessous des
fenêtres du Palais , applaudissant par de
nouvelles acclamations, mêlées de danses,
à l'heureuse arrivée de son Prince.
>
Le lendemain 14. le Magistrat s'étant
rendu à l'heure marquée au Palais en
habit de cérémonie eut l'honneur de
haranguer S. A , au nom de la Ville . Le
Curé de l'Eglise principale , à la tête de
son Clergé, fic la même chose . Toutes les
Dames se présentérent ensuite pour saluer
le Prince .
Pendant la journée ce ne furent que
Fêtes , Danses et continuelles acclamations
de la part du peuple assemblé
dans la grande Place,vis à - vis les Appartemens
du Prince. Les feux , les illuminations
et les réjouissances continuerent
tout le Samedy 15. jusqu'à minuit.
Le 16 , jour destiné pour l'Entrée publique
, S. A. sortit de la Ville sur les
cinq heures du soir ; et après avoir fait
un tour de promenade , il revint sur ses
pas. PenJUIN.
1734 1355
Pendant ce tems- là M. le Chevalier
de Grimaldi , Gouverneur General de la
Principauté , le Magistrat avec tout le
Clergé précedé par la Croix , les Prêtres
en surplis , le Curé et ses deux Assi tans
revêtus de Chappes , allerent à la rencontre
de S. A. ju ques à la premiere
Barriere . Dès qu'el.e y fat arrivée, le Che
valier de G.inaldi , en a qualité , lui présenta
les Clefs de la Ville dans un bassin
de vermeil . M. l'Auditeur , Juge Principal
et Chef du Magis rat , la complimenta
sur son Avénement à la Principauré.
Après ce cérémonial S. A. se mit
genoux sur un Prie Dieu préparé ;
M. le Curé s'étant avancé avec ses Assistans
lui présenta la Croix à baiser ; et
après qu'il eut recité les prieres prescrites
par le Rituel Romain , S. A. se leva
et se mit sous le Diis , porté par les Officiers
de la Magistrature .
à
·
Dans le même tems le Clergé entonna
le Pseaume Benedictus Dominu Deus meus
&c. et S. A. se mit en marche , entourée
de ses Gardes duCorps et des Gens de sa
Cour , pour se rendre à la grande Eglise.
Toutes les Maisons des Rues par où
se faisoit la marche ; étoient ornées de
tapisseries Il y avoit aussi trois gran.is
Arcs de triomphe à des di tance pro-
Eij por II. Vol.
135 MERCURE DE FRANCE
portionnées , ornez de figures Allegoriques
, d'Emblêmes, de Festons &c . éclairez
de quantité de flambeaux , et d'une
infinité de bougies. La Garnison sous les
armes étoit en haye , à droite et à gauche,
de puisle premier Corps de Garde jusques
aux Portes de la grande Eglise.
Cette Eglise étoit richement ornée par
des Tapisseries de brocard d'or, de damas
et de velours cramoisy qui alloient jusqu'à
la voûte. Les illuminations répondoient à
tout le reste ; outre les Lustres de cristal
et la quantité de cierges dont toutes les
Chapelles étoient illuminées , on en avoit
placé trois cent sur le grand Autel .
S. A. étant entrée dans l'Eglise s'avança
jusqu'au milieu du choeur et se mit à genoux
sur un Prie - Dieu , placé sous un
Dais qui étoit suspendu . Le Pseaume
Benedictus étant achevé, le Curé officiant
chanta le verset , O Salutaris Hostia ;
et dans le même temps on fit l'Exposition
du Saint Sacrement ; il entonna
ensuite le Te Deum , et la Place fit aussitôt
une nouvelle salve de 24 piéces de
canon. Après le Te Deum le même Officiant
donna la Bénédiction par laquelle
la cérémonie Ecclesiastique fut terminée.
Le Prince ayant alors quitté son Prie-
Dieu , se mit de nouveau sous le Dais
II Vol
porté
JUIN. 1734 1357
porté par les Magistrats et marcha ainsi
jusqu'aux Portes de l'Eglise précedé par
tout le Clergé , et après avoir reçu un
autre compliment de M. le Curé , il se
rendit au Palais , entouré de ses Gardes du
Corps et suivi par les Gens de sa Cour ,
aux acclamations réïterées de tout le Peuple.
Il passa au milieu des Troupes de
la Garnison qui continuoient à border la
haye à droite et à gauche , et il reçut le
salut accoutumé de la part des Offi
ciers.
Dans ce tems- là , Mrs de la Ville firent
couler quatre fontaines de vin deux
sur la Place et deux à chaque côté du
premier Arc de triomphe. S. A. fit jetter
de l'argent au Peuple , et en fit en
même tems distribuer aux Troupes et aux
Pauvres de la Ville.
Le soir du même jour , les illuminations
, les feux de joye et d'artifice furent
renouvellez dans toute la Ville
fit une autre salve de canon . La Fête
et on
finit par un grand repas donné au Palais ,
où les Officiers Majors de la Place et ceux
de la Garnison furent invitez , ainsi que
les principaux Habitans de Monaco . Ce
jour- là se trouvoit heureusement celui
de la Fête de S. Honoré , dont le Prince
porte le nom.
II. Vol.
E iij Le
1358 MERCURE DE FRANCE
Le 17 , sur les cinq heures du soir
S. A. assise sous un Dais reçut dans la
grande Sale de son Palais le serment de
fidelité de la part de ses sujets de la Principauté
de Monaco .
Le soir toute la jeunesse de la Ville,
pour marquer plus particulierement sa
joye , fit dresser trois tables sur la grande
Place au de sous des fenêtres des Appartemens
du Prince , et donna un grand
souper qui fut accompagné de salves
réïterées , de boëtes , de concerts , de voix
d'instruments , de danses , avec un concours
extraordinaire de Peuple.
Le 18 au soir , il y eut pareillement
une grande réjouissance au Port . Le Bâtiment
armé qui sert de Garde- côte parut
tout illuminé, tant le longde son bord,
que sur ses vergues , ornées de flammes
et de banderoles : plusieurs autres moin
dres Batimens , Chaloupes , Bâteaux & c.
illuminez par des feux godronnez , firent
entr'eux une espece de combat naval par
des décharges de leur Mousqueterie, tandis
que le gros Vaisseau répondoit de
son Artillerie. Les fux de joye et d'artifices
et les décharges de quantité de boëtes
continuerent une grande partie de la nuit,
le tout par un tems calme et à souhait.
Le 19 au soir le Prince donna un .
II. Vol. grand
JUIN. £734. 1359
grand Bal au Palais , accompagné d'une
magnifique colation .
Il se propose
de faire également son
Entrée publique à Menton , autre Ville
de la même Principauté . Par les préparatif
qui s'y font , il est à présumer que
S. A. n'aura pas moins lieu d'être satisfaite
de sa réception , qu'elle vient de
l'être à Monaco.
INSCRIPTIONS
des Arcs de
Triomphe , érigez dans Monaco à
l'occasion de cette Entrée.
HONORATO III.
Monaci Principi optimo,
In ipso adolescentiaflore
Maturo, augusti genitoris judicio,
Supremi Principatûs gubernaculis admoto ,
Populus Monacensis
·Paterna providentia applaudens
In signum grati animi dulcisque sui amor
Hunc triumphalem Arcum
Erexit.
Die xxvi. Maii M. DCC. XXXIV.
HONORATUS.
Tertius Nomine ,
Sed nobilitate , ingenio , ac animi dotibus,
Nemini secundus
II. Vol. E iilj
Prin
1360 MERCURE DE FRANCE
Principatus dignitatempaternâ liberalitate collatan
Prematurè adeptus
Longam Populorum felicitatem promittit ,
Si justa magnarum rerum spei
Ab egregia ejus indole in omnibus excitata ,
Anni juxtà communem votum
Respondeant.
HONORATUS III.
Primitias amoris Paterni
Non tam natura beneficio ,
Quam excelsis animi Dotibus
Et corporis formá imperio digná
Promeritus
Supremam Principis dignitatem
Ab optimo piissimoque Parente ,
Antè diem ultrò sibi delatam ,
·Populorum felicitati ac gaudio ante diem
Studens
Triumphali pompâ non invitus
Ostentat.
TRADUCTION.
Les Habitans de Monaco applaudissant à la
sage prévoyance paternelle , ont érigé cet Arc
de Triomphe en l'honneur du très- excellent
Prince de Monaco , HONORE' III. qui par
le jugement reflechi d'un illustre Pere , est parvenu
à la souveraine Principauté à la fleur de son
âge , le 16. May, 1734 .
II. Vol. Honoré
JUIN.
1261 1734.
Honoré III. du nom , mais qui ne le cede.
à personne en noblesse , en esprit et par les
belles qualitez de son coeur , parvenu avant le
temps à la Principauté , par la pure liberalité
d'un aimable Pere , promet à ses Peuples un
bonheur constant et durable , si les années répondent
aux grandes esperances que la beauté de
son caractere a fait concevoir à tout le monde.
Honoré III. qui a mérité les prémices de
P'amour paternel , moins par un bienfait de la
Nature , que par les belles qualitez de son coeur ,
et par celles du corps , dignes du Trône , travaillant
au bonheur des Peuples et occupé de
leur prosperité , fair remarquer avec joye dans
sa marche triomphale la dignité de Prince dont
il est revétu , par la faveur et la grace du meilleur
et du plus tendre de tous les Peres.
à Monaco à l'occasion de l'arrivée de
S. A. Honoré III. Princ: de Monaco ,
et de son Avenement à la Souveraineté,
sous l'Administration de M. le Duc de
Valentinois , Pair de France , son Pere,
M
le Duc de Valentinois ayant mandé
qu'il partiroit de Paris le troisiéme
du mois de May pour se rendre
à Monaco avec M. le Prince son fils ,
M. le Chevalier de Grimaldi , Gouverneur
General de la Principauté , envoya
le 21 May à Cannes , Ville Maritime de
Provence , les deux Chalouppes de S. A.
magnifiquement équippées , avec son
Capitaine des Gardes pour les y recevoir;
il fit embarq er aussi quelques Musiciens
et Symphonistes pour amuser le
I k Vol. jeune
JUIN. 1734 1353
Jeune Prince , pendant le petit trajet de
Mer qu'il avoit à faire pour la premiere
fois.
Le treizième , les Chalouppes ayant
paru à la hauteur de la Place , le Canon
commença à tirer et continua par une
salve de 130 coups , au bruit de laquelle
S. A. entra dans les Appartemens de son
Palais.
Tous les Bâtimens qui se trouverent
dans le Port , firent aussi une décharge
de leur Artillerie, lorsque les Chalouppes
y entrérent.
Le Corps qui compo e le Magistrat
et les Principaux de la Ville , suivis d'un
nombre infini d'autres personnes , accoururent
en foule pour se trouver au débarquement
: il se fit aux acclamations de
tout le Peuple qui marquoit son contentement
par les démonstrations de la joye
la plus parfaite.
A la premiere Barriere de la Ville le
Prince trouva M. de Mongremier , Lieutenant
pour le Roy dans la Place , avec
le Comte d'Aunay , Colonel du Regiment
de Vexin , et les Officiers de la
Garnison qui s'étoient avancez pour le
recevoir , et qui le complimenterent sur
son arrivée. On entra ensuite dans la
Place où toute la Garnison
II. Vol.
و
E
qui étoit
Sous
· 1354 MERCURE DE FRANCE
sous les armes , rendit les honneurs dûs
au Souverain de Monaco .
,
Le soir du même jour il y eut dans
toute la Ville de grandes illuminations ,
des feux de joye , beaucoup de déchar
ges d'Artillerie , et de feu d'artifice ;
tout le Peuple accourut en même tems
sur la Place d'Armes au - dessous des
fenêtres du Palais , applaudissant par de
nouvelles acclamations, mêlées de danses,
à l'heureuse arrivée de son Prince.
>
Le lendemain 14. le Magistrat s'étant
rendu à l'heure marquée au Palais en
habit de cérémonie eut l'honneur de
haranguer S. A , au nom de la Ville . Le
Curé de l'Eglise principale , à la tête de
son Clergé, fic la même chose . Toutes les
Dames se présentérent ensuite pour saluer
le Prince .
Pendant la journée ce ne furent que
Fêtes , Danses et continuelles acclamations
de la part du peuple assemblé
dans la grande Place,vis à - vis les Appartemens
du Prince. Les feux , les illuminations
et les réjouissances continuerent
tout le Samedy 15. jusqu'à minuit.
Le 16 , jour destiné pour l'Entrée publique
, S. A. sortit de la Ville sur les
cinq heures du soir ; et après avoir fait
un tour de promenade , il revint sur ses
pas. PenJUIN.
1734 1355
Pendant ce tems- là M. le Chevalier
de Grimaldi , Gouverneur General de la
Principauté , le Magistrat avec tout le
Clergé précedé par la Croix , les Prêtres
en surplis , le Curé et ses deux Assi tans
revêtus de Chappes , allerent à la rencontre
de S. A. ju ques à la premiere
Barriere . Dès qu'el.e y fat arrivée, le Che
valier de G.inaldi , en a qualité , lui présenta
les Clefs de la Ville dans un bassin
de vermeil . M. l'Auditeur , Juge Principal
et Chef du Magis rat , la complimenta
sur son Avénement à la Principauré.
Après ce cérémonial S. A. se mit
genoux sur un Prie Dieu préparé ;
M. le Curé s'étant avancé avec ses Assistans
lui présenta la Croix à baiser ; et
après qu'il eut recité les prieres prescrites
par le Rituel Romain , S. A. se leva
et se mit sous le Diis , porté par les Officiers
de la Magistrature .
à
·
Dans le même tems le Clergé entonna
le Pseaume Benedictus Dominu Deus meus
&c. et S. A. se mit en marche , entourée
de ses Gardes duCorps et des Gens de sa
Cour , pour se rendre à la grande Eglise.
Toutes les Maisons des Rues par où
se faisoit la marche ; étoient ornées de
tapisseries Il y avoit aussi trois gran.is
Arcs de triomphe à des di tance pro-
Eij por II. Vol.
135 MERCURE DE FRANCE
portionnées , ornez de figures Allegoriques
, d'Emblêmes, de Festons &c . éclairez
de quantité de flambeaux , et d'une
infinité de bougies. La Garnison sous les
armes étoit en haye , à droite et à gauche,
de puisle premier Corps de Garde jusques
aux Portes de la grande Eglise.
Cette Eglise étoit richement ornée par
des Tapisseries de brocard d'or, de damas
et de velours cramoisy qui alloient jusqu'à
la voûte. Les illuminations répondoient à
tout le reste ; outre les Lustres de cristal
et la quantité de cierges dont toutes les
Chapelles étoient illuminées , on en avoit
placé trois cent sur le grand Autel .
S. A. étant entrée dans l'Eglise s'avança
jusqu'au milieu du choeur et se mit à genoux
sur un Prie - Dieu , placé sous un
Dais qui étoit suspendu . Le Pseaume
Benedictus étant achevé, le Curé officiant
chanta le verset , O Salutaris Hostia ;
et dans le même temps on fit l'Exposition
du Saint Sacrement ; il entonna
ensuite le Te Deum , et la Place fit aussitôt
une nouvelle salve de 24 piéces de
canon. Après le Te Deum le même Officiant
donna la Bénédiction par laquelle
la cérémonie Ecclesiastique fut terminée.
Le Prince ayant alors quitté son Prie-
Dieu , se mit de nouveau sous le Dais
II Vol
porté
JUIN. 1734 1357
porté par les Magistrats et marcha ainsi
jusqu'aux Portes de l'Eglise précedé par
tout le Clergé , et après avoir reçu un
autre compliment de M. le Curé , il se
rendit au Palais , entouré de ses Gardes du
Corps et suivi par les Gens de sa Cour ,
aux acclamations réïterées de tout le Peuple.
Il passa au milieu des Troupes de
la Garnison qui continuoient à border la
haye à droite et à gauche , et il reçut le
salut accoutumé de la part des Offi
ciers.
Dans ce tems- là , Mrs de la Ville firent
couler quatre fontaines de vin deux
sur la Place et deux à chaque côté du
premier Arc de triomphe. S. A. fit jetter
de l'argent au Peuple , et en fit en
même tems distribuer aux Troupes et aux
Pauvres de la Ville.
Le soir du même jour , les illuminations
, les feux de joye et d'artifice furent
renouvellez dans toute la Ville
fit une autre salve de canon . La Fête
et on
finit par un grand repas donné au Palais ,
où les Officiers Majors de la Place et ceux
de la Garnison furent invitez , ainsi que
les principaux Habitans de Monaco . Ce
jour- là se trouvoit heureusement celui
de la Fête de S. Honoré , dont le Prince
porte le nom.
II. Vol.
E iij Le
1358 MERCURE DE FRANCE
Le 17 , sur les cinq heures du soir
S. A. assise sous un Dais reçut dans la
grande Sale de son Palais le serment de
fidelité de la part de ses sujets de la Principauté
de Monaco .
Le soir toute la jeunesse de la Ville,
pour marquer plus particulierement sa
joye , fit dresser trois tables sur la grande
Place au de sous des fenêtres des Appartemens
du Prince , et donna un grand
souper qui fut accompagné de salves
réïterées , de boëtes , de concerts , de voix
d'instruments , de danses , avec un concours
extraordinaire de Peuple.
Le 18 au soir , il y eut pareillement
une grande réjouissance au Port . Le Bâtiment
armé qui sert de Garde- côte parut
tout illuminé, tant le longde son bord,
que sur ses vergues , ornées de flammes
et de banderoles : plusieurs autres moin
dres Batimens , Chaloupes , Bâteaux & c.
illuminez par des feux godronnez , firent
entr'eux une espece de combat naval par
des décharges de leur Mousqueterie, tandis
que le gros Vaisseau répondoit de
son Artillerie. Les fux de joye et d'artifices
et les décharges de quantité de boëtes
continuerent une grande partie de la nuit,
le tout par un tems calme et à souhait.
Le 19 au soir le Prince donna un .
II. Vol. grand
JUIN. £734. 1359
grand Bal au Palais , accompagné d'une
magnifique colation .
Il se propose
de faire également son
Entrée publique à Menton , autre Ville
de la même Principauté . Par les préparatif
qui s'y font , il est à présumer que
S. A. n'aura pas moins lieu d'être satisfaite
de sa réception , qu'elle vient de
l'être à Monaco.
INSCRIPTIONS
des Arcs de
Triomphe , érigez dans Monaco à
l'occasion de cette Entrée.
HONORATO III.
Monaci Principi optimo,
In ipso adolescentiaflore
Maturo, augusti genitoris judicio,
Supremi Principatûs gubernaculis admoto ,
Populus Monacensis
·Paterna providentia applaudens
In signum grati animi dulcisque sui amor
Hunc triumphalem Arcum
Erexit.
Die xxvi. Maii M. DCC. XXXIV.
HONORATUS.
Tertius Nomine ,
Sed nobilitate , ingenio , ac animi dotibus,
Nemini secundus
II. Vol. E iilj
Prin
1360 MERCURE DE FRANCE
Principatus dignitatempaternâ liberalitate collatan
Prematurè adeptus
Longam Populorum felicitatem promittit ,
Si justa magnarum rerum spei
Ab egregia ejus indole in omnibus excitata ,
Anni juxtà communem votum
Respondeant.
HONORATUS III.
Primitias amoris Paterni
Non tam natura beneficio ,
Quam excelsis animi Dotibus
Et corporis formá imperio digná
Promeritus
Supremam Principis dignitatem
Ab optimo piissimoque Parente ,
Antè diem ultrò sibi delatam ,
·Populorum felicitati ac gaudio ante diem
Studens
Triumphali pompâ non invitus
Ostentat.
TRADUCTION.
Les Habitans de Monaco applaudissant à la
sage prévoyance paternelle , ont érigé cet Arc
de Triomphe en l'honneur du très- excellent
Prince de Monaco , HONORE' III. qui par
le jugement reflechi d'un illustre Pere , est parvenu
à la souveraine Principauté à la fleur de son
âge , le 16. May, 1734 .
II. Vol. Honoré
JUIN.
1261 1734.
Honoré III. du nom , mais qui ne le cede.
à personne en noblesse , en esprit et par les
belles qualitez de son coeur , parvenu avant le
temps à la Principauté , par la pure liberalité
d'un aimable Pere , promet à ses Peuples un
bonheur constant et durable , si les années répondent
aux grandes esperances que la beauté de
son caractere a fait concevoir à tout le monde.
Honoré III. qui a mérité les prémices de
P'amour paternel , moins par un bienfait de la
Nature , que par les belles qualitez de son coeur ,
et par celles du corps , dignes du Trône , travaillant
au bonheur des Peuples et occupé de
leur prosperité , fair remarquer avec joye dans
sa marche triomphale la dignité de Prince dont
il est revétu , par la faveur et la grace du meilleur
et du plus tendre de tous les Peres.
Fermer
Résumé : RELATION de ce qui s'est passé à Monaco à l'occasion de l'arrivée de S. A. Honoré III. Prince de Monaco, et de son Avenement à la Souveraineté, sous l'Administration de M. le Duc de Valentinois, Pair de France, son Pere.
Le texte décrit l'arrivée et l'accession au trône d'Honoré III, Prince de Monaco, sous la régence de son père, le Duc de Valentinois. Le 21 mai, le Chevalier de Grimaldi, Gouverneur Général de la Principauté, envoya des chaloupes à Cannes pour accueillir le Duc de Valentinois et le jeune Prince. Le 13 juin, à l'arrivée des chaloupes à Monaco, une salve de 130 coups de canon fut tirée, et le Prince fut accueilli par des acclamations et des démonstrations de joie du peuple. Ce soir-là, des illuminations, des feux de joie et des feux d'artifice furent allumés dans toute la ville. Le lendemain, le Magistrat et le Clergé haranguèrent le Prince, et des fêtes et des danses continuèrent toute la journée. Le 16 juin, jour de l'entrée publique, le Prince fut accueilli par le Chevalier de Grimaldi et le Magistrat, qui lui présentèrent les clefs de la ville. Après une cérémonie religieuse à l'église, le Prince distribua de l'argent au peuple et aux troupes. Les célébrations inclurent des fontaines de vin, des illuminations et un grand repas au Palais. Le 17 juin, le Prince reçut le serment de fidélité de ses sujets. Les réjouissances se poursuivirent avec des bals, des concerts et des feux d'artifice. Le Prince prévoyait également une entrée publique à Menton. Des arcs de triomphe furent érigés à Monaco, portant des inscriptions en latin célébrant les qualités et l'accession au trône d'Honoré III.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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35
p. 1421-1423
DE NAPLES ET DE SICILE.
Début :
Le Roy a nommé le Prince de Laurenzano pour aller à Rome en qualité de son Ambassadeur [...]
Mots clefs :
Prince Laurenzano, Roi, Place, Ville, Troupes, Comte de Visconti, Habitants, Garnison, Royaume, Naples
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE NAPLES ET DE SICILE.
DE NAPLES ET DE SICILE.
L
E Roy a nommé le Prince de Laurenzano
pour aller à Rome en qualité de son Ambassadeur
Extraordinaire auprès du Pape , et ce
Ministre doit partir incessamment pour donner
part à S. S. de l'avenement de S. M. à la Couronne.
Le Duc de Lauria Cala de Laënzina , que
S. M. a fait Chef de son Conseil Privé , a été
chargé de recevoir à la place du Comte de Charny,
Lieutenant General du Royaume , l'hommage
des Députez des Villes et des Barons de l'Etat
qui n'ont pas encore prêté serment de fidélité.
Les Habitans de la Ville de Lecce , à l'occasion
de quelques impositions que deux Officiers de
P'Empereur qui étoient restez dans cette Ville
ont voulu exiger , ont pris les armes et ont chassé
les Imperiaux , après avoir tué M. Cardamone,
P'un de ces deux Officiers .
Les 8. Galeres Françoises , commandées par le
Chevalier d'Orleans , Grand - Prieur de France ,
entrerent le 15. Juin dans le Port de Naples avec
un pareil nombre de Galeres du Roy d'Espagne ,
et le reste de l'Escadre qui avoit fait voile de Barcelone
le 6. du même mois. Les Troupes qui
sont venues sur cette Escadre consistent en 18.
Bataillons et 2500. hommes de Cavalerie ,
quoiqu'une partie des Vaisseaux qui la composent
ait essuyé une assez violente tempête dans la
II. Vol.
et
Mer
jMer deGêlies,
» on n'a pas perdu un homme ni
91B cheval dans le passage.
On a reçu avis que le Comte de Visconti, cy«'
devant Viceroy de tapies
,
étoit parti dePescara,
sur l'avis qu'il avoit tu --',e la Marche d'un Dé,
tachement qu'on avoit envoyé pour l'y assieger
et qu'il étoit à Fumo,d'oLl il devoir aller à Rome
joindre la Comtesse son Epouse.
La Garnison Imperiale qui étoit dans Reggio,
ayant appris que le Comte de Visconti s etoif*
déterminé à sortir du Royaume,elle a abandonna
cette Place et s'est embarquée pour la Sicile.
Trois cens Grenadiers que le Comte de Sasta.
go elivoyoit au Comte de Visconti , ayant débar-
,qlié dans le Royaume de Naples
, ont été faits
prisonniers de Guerre , et la Galere sur laquelle
Détachement avoir été embarqué, a été prise.
- On a commencé le 'iege de Gaette
, et la
Garnison n'étant pas assez forte pour pouvoir
faire une longue detfense
, on espere que la Place
sera bien-tôt réduite sous l'obéissance de S. M.
il a été résolu de ne point assieger dans les formes
la Ville de Capoiie ,
dont les Habitans souf.
frent déjà beaucoup par la disette et par les maladiesqui
y régnent; on s'est contenté d'augmenter
le nombre des Troupes qui en formoienc
le blocus, et de la faire investir entièrement,
afin de couper- toute retraite aux Imperiaux qui y
4ont enfermez.
Au commencement du moi_s de Juin on fit par-
;tir pour la Calabre sous l'escorte du Vaisseau
de guerre le Saint Philippe
,
plusieurs Bâtimcns
sur lesquels se sont embarquez 4. Bataillons destinez
à renforcer les Troupes qui sont dans cette
-Province, d'où on a appris que tous les AlIemands
et les Napolitains qui ayoient suivi le
VIscontià Pescara, étoient sortis du
Royaume,ou avoient reconnu l'autorité du Roy,
On a publié à Naples un Edit par lequel il estdeffendu
à tous les Sujets de S. M. sous peine de confiscation de leurs biens
,
d'entretenir correspondance aucune avec les Sujets de l'Empereur et de tirer aucune Marchandise des Pays de la domination
de S. M. Jmp. oji des autres Princes de
l'Empire.
L
E Roy a nommé le Prince de Laurenzano
pour aller à Rome en qualité de son Ambassadeur
Extraordinaire auprès du Pape , et ce
Ministre doit partir incessamment pour donner
part à S. S. de l'avenement de S. M. à la Couronne.
Le Duc de Lauria Cala de Laënzina , que
S. M. a fait Chef de son Conseil Privé , a été
chargé de recevoir à la place du Comte de Charny,
Lieutenant General du Royaume , l'hommage
des Députez des Villes et des Barons de l'Etat
qui n'ont pas encore prêté serment de fidélité.
Les Habitans de la Ville de Lecce , à l'occasion
de quelques impositions que deux Officiers de
P'Empereur qui étoient restez dans cette Ville
ont voulu exiger , ont pris les armes et ont chassé
les Imperiaux , après avoir tué M. Cardamone,
P'un de ces deux Officiers .
Les 8. Galeres Françoises , commandées par le
Chevalier d'Orleans , Grand - Prieur de France ,
entrerent le 15. Juin dans le Port de Naples avec
un pareil nombre de Galeres du Roy d'Espagne ,
et le reste de l'Escadre qui avoit fait voile de Barcelone
le 6. du même mois. Les Troupes qui
sont venues sur cette Escadre consistent en 18.
Bataillons et 2500. hommes de Cavalerie ,
quoiqu'une partie des Vaisseaux qui la composent
ait essuyé une assez violente tempête dans la
II. Vol.
et
Mer
jMer deGêlies,
» on n'a pas perdu un homme ni
91B cheval dans le passage.
On a reçu avis que le Comte de Visconti, cy«'
devant Viceroy de tapies
,
étoit parti dePescara,
sur l'avis qu'il avoit tu --',e la Marche d'un Dé,
tachement qu'on avoit envoyé pour l'y assieger
et qu'il étoit à Fumo,d'oLl il devoir aller à Rome
joindre la Comtesse son Epouse.
La Garnison Imperiale qui étoit dans Reggio,
ayant appris que le Comte de Visconti s etoif*
déterminé à sortir du Royaume,elle a abandonna
cette Place et s'est embarquée pour la Sicile.
Trois cens Grenadiers que le Comte de Sasta.
go elivoyoit au Comte de Visconti , ayant débar-
,qlié dans le Royaume de Naples
, ont été faits
prisonniers de Guerre , et la Galere sur laquelle
Détachement avoir été embarqué, a été prise.
- On a commencé le 'iege de Gaette
, et la
Garnison n'étant pas assez forte pour pouvoir
faire une longue detfense
, on espere que la Place
sera bien-tôt réduite sous l'obéissance de S. M.
il a été résolu de ne point assieger dans les formes
la Ville de Capoiie ,
dont les Habitans souf.
frent déjà beaucoup par la disette et par les maladiesqui
y régnent; on s'est contenté d'augmenter
le nombre des Troupes qui en formoienc
le blocus, et de la faire investir entièrement,
afin de couper- toute retraite aux Imperiaux qui y
4ont enfermez.
Au commencement du moi_s de Juin on fit par-
;tir pour la Calabre sous l'escorte du Vaisseau
de guerre le Saint Philippe
,
plusieurs Bâtimcns
sur lesquels se sont embarquez 4. Bataillons destinez
à renforcer les Troupes qui sont dans cette
-Province, d'où on a appris que tous les AlIemands
et les Napolitains qui ayoient suivi le
VIscontià Pescara, étoient sortis du
Royaume,ou avoient reconnu l'autorité du Roy,
On a publié à Naples un Edit par lequel il estdeffendu
à tous les Sujets de S. M. sous peine de confiscation de leurs biens
,
d'entretenir correspondance aucune avec les Sujets de l'Empereur et de tirer aucune Marchandise des Pays de la domination
de S. M. Jmp. oji des autres Princes de
l'Empire.
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Résumé : DE NAPLES ET DE SICILE.
Le roi a nommé le Prince de Laurenzano ambassadeur extraordinaire auprès du Pape pour annoncer son avènement au trône. Le Duc de Lauria a remplacé le Comte de Charny pour recevoir l'hommage des députés des villes et des barons n'ayant pas encore prêté serment de fidélité. À Lecce, les habitants ont pris les armes contre des officiers impériaux, tuant l'un d'eux et chassant les troupes impériales. Huit galères françaises, commandées par le Chevalier d'Orléans, sont arrivées à Naples avec un nombre équivalent de galères espagnoles, transportant 18 bataillons et 2500 hommes de cavalerie. Le Comte de Visconti, ancien vice-roi de Naples, a quitté Pescara pour Rome après avoir repoussé un détachement envoyé pour l'assiéger. La garnison impériale de Reggio a abandonné la ville pour la Sicile. Trois cents grenadiers envoyés au Comte de Visconti ont été capturés, ainsi que leur galère. Le siège de Gaète a commencé, et la ville de Capoue est sous blocus. En juin, des troupes ont été envoyées en Calabre pour renforcer les forces locales. Un édit a été publié à Naples, interdisant toute correspondance avec les sujets de l'Empereur et l'importation de marchandises des pays sous domination impériale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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36
p. 193-197
De PARIS, le 25 Octobre.
Début :
Sa Majesté, par son Edit portant établissement de l'Ecole Royale [...]
Mots clefs :
Édit, École royale militaire, Admission, Enfants, Comte, Majestés impériales, Célébration, Mariage, Général, Prisonniers, Magasins, Prince de Deux-Ponts, Place, Attaque, Garnison, Marquis, Prince héréditaire, Blessés et morts, Combat, Infanterie, Troupes, Ennemis, Officiers, Pertes, Loterie de l'école royale militaire, Tirage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De PARIS, le 25 Octobre.
De PARIS , le 25 Octobre
€ Sa Majellé , par fon Edit portant établiſſement
de l'Ecole Royale Militaire , avoit ordonné que ,
dans l'admiffion des Enfans qui feroient préſentés
pour entrer dans cette Ecole , on donnât la préférence
à ceux dont les Peres feroient encore actuéllement
au Service , fe réſervant néanmoins de
s'expliquer dans la fuite fur les cas où l'on pour
roit s'écarter de cette régle , ainfi que fur quelques
autres difpofitions du même Edit . Elle vient d'ordonner
par une nouvelle Déclaration , que les Enfans
des Peres que leurs bleffures , ou des infirmi
tés & des accidens naturels auront mis hors d'état
de lui continuer leurs fervices , foient reçus concurremment
avec ceux dont les Peres font encore
dans les Armées. Sa Majesté entend auffi que les
Enfans des Peres qui ont obtenu la permiffion de
fe retirer , après trente années de fervice , jouiffent
du même privilége.
Le Comte de Colloredo , Chambellan de l'Em--
pereur & de l'Impératrice , Reine de Hongrie &
de Bohême , que Leurs Majeftés Impériales ont
envoyé pour annoncer au Roi la célébration du
Mariage de l'Infante Ifabelle avec l'Archi fuc Jofeph
, arriva en cette Ville le 18 de ce mois ; il
alla le lendemain à Fontainebleau , & il s'ac
quitta de fa commiflion auprès du Roi. Il fut
préfenté à Sa Majesté par le Comte de Starhem-
I
194 MERCURE DE FRANCE.
berg , Amballadeur de Leurs Majeftés Impéria
les. Le Comte de Colloredo fut préfenté le mê-.
me jour à Monfeigneur le Dauphin , à Madame
la Dauphine, & à Madame Adélaïde, à Meſdames
Victoire , Sophie & Louife. Il fe rendit le 20 à
Verfailles , où il fut préfenté à la Reine , à Monfeigneur
le Duc de Bourgogne , Monſeigneur le
Duc de Berry, Monfeigneur le Comte de Provence
, Monfeigneur le Comte d'Artois , & à
Madame.
Nous apprenons encore que le Général Comte
de Lafcy eft entré , le 9 de ce mois , dans Berlin ,
en même temps que les Ruffes. La Garniſon de
cette Ville , compofée de trois mille hommes , a
été faite prifonniere de guerre. Les Commandans
des troupes Autrichiennes & Ruffes ont fait
obferver la plus grande difcipline . Il n'eſt entré
dans Berlin & dans Poftdam que quelques bataillons
de Grenadiers néceffaires pour garder
ces deux Places . Les Officiers des deux Nations
n'y font entrés qu'avec des permiffions par écrit
de leurs Généraux , de forte qu'il ne s'y eft pas
commis le moindre défordre , & les boutiques
des Marchands n'ont pas été fermées. Mais on a
ruiné les Fabriques de toute efpéce qui ont rapport
à la guerre. On a abandonné aux Soldats
tous les magafins remplis d'effets deſtinés à l'entretien
& à l'habillement des troupes Pruffiennes.
On a trouvé dans Berlin & dans Potſdam une
grande quantité d'armes dont on a détruit les
Manufactures , ainfi que les Fonderies d'artille
rie.
Les Ruffes ont exigé quinze cens mille écus de
contributions.
Le Prince de Deux- Ponts ayant appris que le
Roi de Pruffe avoit détaché feize mille hommes
de fon armée pour fecourir Wittemberg , prit la
NOVEMBRE. 1760. 195
réfolution de brufquer le fiége qu'il faifoit de cette
Place , en l'attaquant en même temps de plufieurs
côtés ; ce qui fut exécuté le 13. Le Commandant
de Wittemberg , qui n'avoit porté fon attention
que fur la partie la plus foible de la Place , fe
trouvant preflé de toutes parts , prit le parti de
faire battre la chamade , & de capituler le 14 au
matin ; il s'est rendu prifonnier de guerre avec
fa Garniſon , aux mêmes conditions qui avoient
été accordées à la ville de Torgau . Cette Garnifon
étoit de trois Bataillons & de quatre cens
Soldats convalefcens. On a trouvé dans la Ville
trente piéces de canon , dont douze de vingt- quatre
livres , huit mortiers , & une grande quantité
de munitions. Toutes les fortifications ont été
rafées.
On a reçu le 20 de ce mois un Courier dépêché
le 16 au foir par le Marquis de Caftries ,
Lieutenant Général , pour apporter la nouvelle
d'un Combat qui s'eſt donné le même jour près
de Rhinberg , entre les troupes du Roi , qui étoient
à les ordres , & celles qui étoient commandées
par le Prince Héréditaire de Brunfwik. L'action
a commencé une heure avant le jour , & après
un feu très- long & très- vif , le Prince Héréditaire
a été forcé de ſe retirer avec une perte trèsconfidérable
, laiffant en notre pouvoir le plus
grand nombre de fes Bleffés .
On a appris par un autre Courier dépêché le
18 , que le Prince Héréditaire de Brunfwik arepaffé
le Rhin fur les deux Ponts qu'il avoit établis
au-deffous de Wefel , & qu'il a entierement levé
le fiége de cette Place . On affure qu'il avoit pris
le chemin de Halleren fur la Lippe. Son arrieregarde
a été attaquée vivement en deçà du Rhin ,
& elle a été forcée de paffer ce fleuve en déſor-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE
1
dre , après avoir perdu beaucoup de monde , &
fans avoir pû replier fes ponts , dont nous fommes
reflés maîtres . Dès le is , le Marquis de Caftries
avoit fait attaquer le pofte de Rhinberg ,
qu'on avoit emporté l'épée la main . Il avoit
fait entrer en même temps dans Wefel , le fieur
de Boisclaireau , Brigadier , avec fix cens hommes
d'élite. Le 18 , il y a fait entrer huit Batail-
Ions.
Le corps aux ordres du Prince Héréditaire de
vant Wefel étoit d'environ vingt- cinq mille hommes
; mais il paroît n'avoir eu au Combat que
quinze mille hommes d'Infanterie , & trois à
quatre mille chevaux . La difficulté du terein n'à
permis au Marquis de Caftries de faire combattre
que les quatre brigades d'Infanterie, de Normanmandie
, d'Auvergne , de la Tour- Dupin & d'Alface.
Ces troupes ont combattu avec la plus grande
valeur & avec la plus grande fermeré , ainfi que
la troupe
du fieur Fifcher , qui a foutenu les premiers
éfforts des ennemis à l'Abbaye de Clofter-
Camp. On n'a pas encore de détail de tout ce qui
s'eft paffé pendant l'action , ni l'état des Officiers
qui ont été tués ou bleffés ; on fçait feulement
que le Marquis de Segur , Lieutenant Général , a
été bleffé légèrement & qu'il a été fait priſonnier.
Les Marquis de Perufe & de la Tour-Dupin & le
Baron de Vangen , Brigadiers , ont auffi été bleffés
, & ce dernier a étéfait prifonnier. La Gendarmerie
, qui étoit à l'action , n'a perdu d'Officiers'
que le fieur de Greneville qui a été tué. Le Marquis
de Caftries fait les plus grands éloges des
Troupes & des Officiers Généraux & particuliers
qui ont combattu.
Nous donnerons ci- après la perte que nous avons
faire à cette journée.
NOVEMBRE. 1760. 197
Le tirage de la Loterie de l'Ecole Royale Mili
taire s'eft fait , en la maniere accoutuinée , dans
'Hôtel-de- Ville de Paris , le de ce mois. Les
Numeros qui font fortis de la roue de fortune font
57, 32 , 26 , 84 , 38. Le prochain tirage fe fera
le 6 du mois de Novembre.
€ Sa Majellé , par fon Edit portant établiſſement
de l'Ecole Royale Militaire , avoit ordonné que ,
dans l'admiffion des Enfans qui feroient préſentés
pour entrer dans cette Ecole , on donnât la préférence
à ceux dont les Peres feroient encore actuéllement
au Service , fe réſervant néanmoins de
s'expliquer dans la fuite fur les cas où l'on pour
roit s'écarter de cette régle , ainfi que fur quelques
autres difpofitions du même Edit . Elle vient d'ordonner
par une nouvelle Déclaration , que les Enfans
des Peres que leurs bleffures , ou des infirmi
tés & des accidens naturels auront mis hors d'état
de lui continuer leurs fervices , foient reçus concurremment
avec ceux dont les Peres font encore
dans les Armées. Sa Majesté entend auffi que les
Enfans des Peres qui ont obtenu la permiffion de
fe retirer , après trente années de fervice , jouiffent
du même privilége.
Le Comte de Colloredo , Chambellan de l'Em--
pereur & de l'Impératrice , Reine de Hongrie &
de Bohême , que Leurs Majeftés Impériales ont
envoyé pour annoncer au Roi la célébration du
Mariage de l'Infante Ifabelle avec l'Archi fuc Jofeph
, arriva en cette Ville le 18 de ce mois ; il
alla le lendemain à Fontainebleau , & il s'ac
quitta de fa commiflion auprès du Roi. Il fut
préfenté à Sa Majesté par le Comte de Starhem-
I
194 MERCURE DE FRANCE.
berg , Amballadeur de Leurs Majeftés Impéria
les. Le Comte de Colloredo fut préfenté le mê-.
me jour à Monfeigneur le Dauphin , à Madame
la Dauphine, & à Madame Adélaïde, à Meſdames
Victoire , Sophie & Louife. Il fe rendit le 20 à
Verfailles , où il fut préfenté à la Reine , à Monfeigneur
le Duc de Bourgogne , Monſeigneur le
Duc de Berry, Monfeigneur le Comte de Provence
, Monfeigneur le Comte d'Artois , & à
Madame.
Nous apprenons encore que le Général Comte
de Lafcy eft entré , le 9 de ce mois , dans Berlin ,
en même temps que les Ruffes. La Garniſon de
cette Ville , compofée de trois mille hommes , a
été faite prifonniere de guerre. Les Commandans
des troupes Autrichiennes & Ruffes ont fait
obferver la plus grande difcipline . Il n'eſt entré
dans Berlin & dans Poftdam que quelques bataillons
de Grenadiers néceffaires pour garder
ces deux Places . Les Officiers des deux Nations
n'y font entrés qu'avec des permiffions par écrit
de leurs Généraux , de forte qu'il ne s'y eft pas
commis le moindre défordre , & les boutiques
des Marchands n'ont pas été fermées. Mais on a
ruiné les Fabriques de toute efpéce qui ont rapport
à la guerre. On a abandonné aux Soldats
tous les magafins remplis d'effets deſtinés à l'entretien
& à l'habillement des troupes Pruffiennes.
On a trouvé dans Berlin & dans Potſdam une
grande quantité d'armes dont on a détruit les
Manufactures , ainfi que les Fonderies d'artille
rie.
Les Ruffes ont exigé quinze cens mille écus de
contributions.
Le Prince de Deux- Ponts ayant appris que le
Roi de Pruffe avoit détaché feize mille hommes
de fon armée pour fecourir Wittemberg , prit la
NOVEMBRE. 1760. 195
réfolution de brufquer le fiége qu'il faifoit de cette
Place , en l'attaquant en même temps de plufieurs
côtés ; ce qui fut exécuté le 13. Le Commandant
de Wittemberg , qui n'avoit porté fon attention
que fur la partie la plus foible de la Place , fe
trouvant preflé de toutes parts , prit le parti de
faire battre la chamade , & de capituler le 14 au
matin ; il s'est rendu prifonnier de guerre avec
fa Garniſon , aux mêmes conditions qui avoient
été accordées à la ville de Torgau . Cette Garnifon
étoit de trois Bataillons & de quatre cens
Soldats convalefcens. On a trouvé dans la Ville
trente piéces de canon , dont douze de vingt- quatre
livres , huit mortiers , & une grande quantité
de munitions. Toutes les fortifications ont été
rafées.
On a reçu le 20 de ce mois un Courier dépêché
le 16 au foir par le Marquis de Caftries ,
Lieutenant Général , pour apporter la nouvelle
d'un Combat qui s'eſt donné le même jour près
de Rhinberg , entre les troupes du Roi , qui étoient
à les ordres , & celles qui étoient commandées
par le Prince Héréditaire de Brunfwik. L'action
a commencé une heure avant le jour , & après
un feu très- long & très- vif , le Prince Héréditaire
a été forcé de ſe retirer avec une perte trèsconfidérable
, laiffant en notre pouvoir le plus
grand nombre de fes Bleffés .
On a appris par un autre Courier dépêché le
18 , que le Prince Héréditaire de Brunfwik arepaffé
le Rhin fur les deux Ponts qu'il avoit établis
au-deffous de Wefel , & qu'il a entierement levé
le fiége de cette Place . On affure qu'il avoit pris
le chemin de Halleren fur la Lippe. Son arrieregarde
a été attaquée vivement en deçà du Rhin ,
& elle a été forcée de paffer ce fleuve en déſor-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE
1
dre , après avoir perdu beaucoup de monde , &
fans avoir pû replier fes ponts , dont nous fommes
reflés maîtres . Dès le is , le Marquis de Caftries
avoit fait attaquer le pofte de Rhinberg ,
qu'on avoit emporté l'épée la main . Il avoit
fait entrer en même temps dans Wefel , le fieur
de Boisclaireau , Brigadier , avec fix cens hommes
d'élite. Le 18 , il y a fait entrer huit Batail-
Ions.
Le corps aux ordres du Prince Héréditaire de
vant Wefel étoit d'environ vingt- cinq mille hommes
; mais il paroît n'avoir eu au Combat que
quinze mille hommes d'Infanterie , & trois à
quatre mille chevaux . La difficulté du terein n'à
permis au Marquis de Caftries de faire combattre
que les quatre brigades d'Infanterie, de Normanmandie
, d'Auvergne , de la Tour- Dupin & d'Alface.
Ces troupes ont combattu avec la plus grande
valeur & avec la plus grande fermeré , ainfi que
la troupe
du fieur Fifcher , qui a foutenu les premiers
éfforts des ennemis à l'Abbaye de Clofter-
Camp. On n'a pas encore de détail de tout ce qui
s'eft paffé pendant l'action , ni l'état des Officiers
qui ont été tués ou bleffés ; on fçait feulement
que le Marquis de Segur , Lieutenant Général , a
été bleffé légèrement & qu'il a été fait priſonnier.
Les Marquis de Perufe & de la Tour-Dupin & le
Baron de Vangen , Brigadiers , ont auffi été bleffés
, & ce dernier a étéfait prifonnier. La Gendarmerie
, qui étoit à l'action , n'a perdu d'Officiers'
que le fieur de Greneville qui a été tué. Le Marquis
de Caftries fait les plus grands éloges des
Troupes & des Officiers Généraux & particuliers
qui ont combattu.
Nous donnerons ci- après la perte que nous avons
faire à cette journée.
NOVEMBRE. 1760. 197
Le tirage de la Loterie de l'Ecole Royale Mili
taire s'eft fait , en la maniere accoutuinée , dans
'Hôtel-de- Ville de Paris , le de ce mois. Les
Numeros qui font fortis de la roue de fortune font
57, 32 , 26 , 84 , 38. Le prochain tirage fe fera
le 6 du mois de Novembre.
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Résumé : De PARIS, le 25 Octobre.
En octobre 1760, plusieurs événements militaires et administratifs ont marqué la scène politique et militaire. Le roi a décrété que les enfants des pères blessés, malades ou ayant obtenu la permission de se retirer après trente années de service soient admis à l'École Royale Militaire, aux mêmes conditions que ceux dont les pères sont encore en service. Le comte de Colloredo, représentant de l'empereur et de l'impératrice, est arrivé à Paris pour annoncer le mariage de l'infante Isabelle avec l'archiduc Joseph. Il a été reçu par le roi et plusieurs membres de la famille royale. Sur le front militaire, le général comte de Laffy, accompagné des Russes, a pris Berlin et fait prisonnier la garnison de la ville. Les troupes autrichiennes et russes ont montré une discipline exemplaire. Par ailleurs, le prince de Deux-Ponts a conquis Wittemberg après un assaut. Le marquis de Castries a remporté une victoire près de Rhinberg contre le prince héréditaire de Brunswick, forçant ce dernier à lever le siège de Wesel. À Paris, le tirage de la loterie de l'École Royale Militaire a eu lieu, révélant les numéros gagnants : 57, 32, 26, 84 et 38. Ces événements illustrent une période intense d'activités diplomatiques et militaires, marquée par des décisions royales, des alliances matrimoniales et des succès militaires significatifs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
p. 192
De CASSEL, le 9 Novembre.
Début :
Nous occupons toujours Duderstard & le Pays d'Eyfeldt, d'où il arrive [...]
Mots clefs :
Occupation militaire, Subsistance, Place
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De CASSEL, le 9 Novembre.
De CASSEL , le 9 Novembre.
Nous occupons toujours Duderftard & le Pays
d'Eyfeldt , d'où il arrive à Gottingen une grande
quantité de fubfiftance. On travaille à réparer
cette derniere Place avec la plus grande diligence.
Nous occupons toujours Duderftard & le Pays
d'Eyfeldt , d'où il arrive à Gottingen une grande
quantité de fubfiftance. On travaille à réparer
cette derniere Place avec la plus grande diligence.
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38
p. 206-211
DE PARIS, le 18 Mars 1763.
Début :
Le Comte de Monteynard, Enseigne de la seconde Compagnie des Mousquetaires, ayant [...]
Mots clefs :
Comte, Compagnie des Mousquetaires, Statue du roi, Place, Piédestal, Ordonnances du roi, Compagnies, Réduction, Grenadiers, Officiers réformés, Régiment, Infanterie, Dragons, Colonel, Général, Soldes, Paix, Guerre, Soldats, Pensions militaires, Congé, Archevêque, Duc
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE PARIS, le 18 Mars 1763.
DE PARIS. , le 18 Mars 1763.
Le Comte de Monteynard , Enſeigne de la
feconde Compagnie des Moufquetaires , ayant
obtenu du Roi la permifion de fe démettre de
cet emploi , Sa Majesté a diſpoſé de la cornette
vacante en faveur du Marquis du Hallay , Capitaine
au Régiment Royal- Etranger , Cavalerie.
Le 17 du mois dernier , fur les huit heures
du matin , le Statue du Roi , que Sa Majesté
a permis à la Ville de Paris de lui ériger , &
qui a été fondue fur le modéle du feu Sieur
Bouchardon , a commencé d'être conduite de
l'Attelier vers la place où elle doit être poſée ;
on avoit eu la précaution de la renfermer dans
une cage de charpente roulante ; par le moyen
< de Vindas & de mains d'hommes , on lui a fait
parcourir , dans l'espace de trois jours , le chemin
qu'elle avoit à tenir depuis la fortie de
l'Attelier , hors de la barrière du Fauxbourg
du Roule , jufqu'à la Place de Louis XV , en
lui faifant fuivre toute la rue dudit Fauxbourgi
& le 23 elle a été établie fur fon piedeſtal , aux
acclamations d'un grand concours de peuple.
Le fervice s'eft fait en préfence du Duc de Chevreuſe
, Gouverneur de Paris , du Prévôt des
Marchands & du Bureau de la Ville , avec tout
le fuccès que l'on pouvoit attendre des ſoins & de
l'intelligence des différentes perfonnes qui y
cétoient proposées , & en particulier du fieur
3
16
·M A 1. 1763. 207
2
'Herbette , Maître Charpentier à S. Denis , Entrepreneur
des Ponts & Chauffées & des Bâtimens
du Roi , Auteur des machines. En paffant devant
la porte de la maiſon où eft décédé le fieur Bouchardon
, on a fait une décharge de Canons &
de Boetes , pour honorer la mémoire d'un Ar
tifte fi excellent , qui par cet ouvrage immortel ,
s'eft afferé une gloire que la Nation partage
avec lui.
Il paroît quatre Ordonnances du Roi.
Par la première , en date du 21 Décembre dernier
,"Sa Majesté réduit à trente Compagnies les
quarante qui compofent actuellement le Régiment
des Carabiniers de Monfeigneur le Comte
de Provence. Les difpofitions qui concernent la
nouvelle compofition & la difcipline de ces Corps
font conformes à celles qui ont été établies par
P'Ordonnance de la Cavalerie.
Dans la feconde, du 20 Janvier 1763 , S. M.
réforme le Corps des Grenadiers- Royaux revenus
de la Martinique.
La troifiéme du 31 - da même mois , concerne
le traitement des Officiers réformés des Régimens
de Foix , de Boulonnois , de Quercy & d'Angoumois
, qui étoit de fervice à S. Domingue.
Par la quatrième , du même jour , S. M. réforme
les fx piquets d'Infanterie employés à S.
Domingue.
11 paroît encore quatres autres Ordonnances
du Roi datées du 21 Décembre dernier.
Par la première , concernant le Régiment
Royal- Italien , le Roi fupprime le Régiment d'In-
#fanterie Royal- Corfe dont les neuf Compagnies
feront incorporées dans le Régiment Royal d'Infanterie
Italienne , lequel , au n: oyen de cette inccorporation
, fera compofée de deux Bataillons."
208 MERCURE DE FRANCE.
Par la feconde , concernant les Régimens d'In
fanterie Allemande , Sa Majefté conferve fur pied
ceux d'Altace , d'Anhalt , la Marck , Royal- Bavière
, Royal - Suédois , Naffau , Royal - Deux- Ponts &
celui de Bouillon . Le Régiment d'Alface ne formera
plus que trois Bataillons ; chacun de ceux d'Anhalt
, la Marck , Royal- Bavière , Royal - Suédois ,
Naffau & Royal - Deux-Ponts ne feront compofés
que de deux , & celui de Bouillon d'un feulement
Le Bataillons excédens feront réformés & incorporés
dans ceux que Sa Majefté a jugé à propos
de conferver fur pied . Quant à ce qui concerne
la compofition des Bataillons & Compagnies ,
la création des nouvelles places , le choix & les
fonctions des Officiers , la paye de paix & de guerre
, le traitement des Officiers réformés , &c.
Les difpofitions de ces deux Ordonnances font
conformes à celles qui feront fuivies à l'égard de
l'Infanterie Françoife . Ces deux nouvelles Ordonnances
ont cela de particulier que S. M. accorde
un fol par jour avec une ration de pain aux
femmes des étrangers mariés qui voudront fervir
dans les fufdits Régimens ; mais ce traitement
n'aura lieu que tant qu'elles refteront au quartier
d'affemblée , & que leurs maris feront attachés
aux Régimens.
Par la troifiéme , Sa Majefté conferve fur
pied dix -fept Régimens de Dragons , fçavoir ,
Colonel - Général ; Meftrede Camp - Géné
ral , Royal , du Roi , de la Reine , Dauphin ,
Orléans , Bauffremont , Choifeul , d'Autichamp ,
Chabot , Coigny , Nicolaï , Chapt , Chabril
lant , Languedoc & Schomberg . Chacun de ces
Régimens fera compofé en tout temps de huit
compagnies celui de Schomberg confervera
les huit qui le compoſent ; & les feize de
MA I. 1763 . 208
shacun des autres Régimens feront doublées
pour n'en former également que huit. Chaque
compagnie fera compofée , en temps de paix
de quatre Maréchaux-des- Logis , un Fourrier ,
huit Brigadiers , huit Appointés , vingt-quatra
Dragons & un Tambour , formant quarante- fix
hommes , dont trente feront montés , & feize
refteront à pied. La paye de paix & de guerre.
eft fixée de la maniere fuivante,
COMPAGNIE S A chaque Capitaine ;
1800 livres en paix , & 3600 livres en guerre ;
à chaque Capitaine - Lieutenant des Compagnies ,
Colonel- Général & Meftre- de - Camp- Général , &
à chaque Lieutenant des autres Compagnies
800 livres en paix , & 1000 livres en guerres
au Sous- Lieutenant de la Compagnie du Colonel-
Général des Dragons , 600 livres en paix ,
& 800 livres en guerre ; au Cornette de ladite
Compagnie , 540 livres en paix , & 800 livres
en guerre ; au Sous- Lieutenant des autres Compagnies
, 500 livres en paix , & 800 livres en .
guerre à chaque Maréchal- des- Logis , 216
livres en paix , & 252 livres en guerre ; à chaque
Fourrier , 189 livres en paix , &-225 livres
en guerre ; à chaque Brigadier , 135 livres enpaix
, & 171 livres en guerre ; à chaque Appointé
, 126 livres en paix , & 162 livres en
guerre ; à chaque Dragon ou Tambour , 117
livres en paix , & 153 livres , en guerre. ETATMAJOR.
Au Meftre- de- Camp , y compris fes .
appointemens de Capitaine , 6000 livres en
paix , & 6600 livres en guerre; au Lieutenant-Colonel
, y compris fes appointemens de Capitai
ne , 3600 livres en paix , & 5400 livres en ½
guerre à chacun des Meftre- de- Camp en fe- ..
cond des Régimens du Meftre- de Camp Gé
210 MERCURE DE FRANCE.
néral , d'Orléans & de Schomberg , 2500 livres
en paix , & 3000 livres en guerre ; au Major ,
3000 livres en paix , & 4500 livres en guerre ;
à chaque Aide - Major , avec commiſſion de Capitaine
, 1800 livres en paix , & 3000 livres
en guerre à chaque Aide- Major , fans commillion
de Capitaine , 1500 livres en paix , &
2000 livres en guerre ; à chaque Sous - Aide-
Major , 1000 livres en paix , & 1200 livres en
guerre; au Quartier- Maître , 600 livres en paix ,
& 800 livres en guerre ; à chaque Porte - Guidon
, 480 livres en paix , & 540 livres en guerre
; au Tréforier , 2000 livres en paix , & 3.000
livres en guerre à l'Aumônier & au Chirurgien
, à chacun 720 livres en temps de guerre
feulement.
Les Capitaines réformés jouiront en penfion
fur le Tréfor Royal de soo livres ; les Lieutenans
, qui auront fervi dix ans , de 250 livres
; & les Cornettes , qui auront été Maréchaux-
des- Logis , de 150 livres. Quant aux Offi
ciers incorporés & réformés , à la fuite des Régimens
, ils fe retireront chez eux , & y toucheront
les appointemens qui leur ont été précédemment
accordés ; Sa Majesté ne voulant
plus entretenir d'Officiers incorporés ou réformés
à la fuite des Régimens de Dragons. Cette
* Ordonnance eft terminée par un état de l'uniforme
réglé par le Roi pour les Régimens cidefus.
Par la derniere , Sa Majesté conferve fur pied
les trois Régimens de Houflards de, Berchiny , de
Chamborant & de Royal - Naffau , dont chacun
fera composé de douze compagnies , formant
trois escadrons en temps de paix , & fix en
temps de guerre..Chaque compagnie fera comM
A I. 1763.
2.11
pofée de vingt- neuf hommes , dont dix monstés
, & dix -neuf à pied . Les Tymbales & Eten-.
dards de ces trois Régimens , ainfi que le Prevôt
qui eft dans le Régiment Royal - Nallau ,
feront fupprimés. Sa Majefté regle auffi pour
les Régimens confervés une paye de paix & une
paye de guerre , ainfi que l'uniforme de leur
habillement. L'Ordonnance de la Cavalerie fert
de regle aux deux nouvelles Ordonnances pour
ce qui concerne le choix , le rang & les fonctions
des Officiers , la fuppreffion de certaines
places , la création de nouvelles , l'adminiftration
de la caifle , le terme des engagemens &
la délivrance actuelle des congés , &c.
Le Comte de Taflo , jeune Seigneur Polonois ,
qui étoit en France depuis dix - huit mois , en est
reparti le deux de ce mois, pour retourner en Pologne
, après avoit eu l'honneur de prendre congé
de la Reine , qui luia marqué beaucoup de bonté.
Charles-Antoine de la Roche- Aymon Grand
Aumônier de France , ci-devant Archevêque de
Narbonne , aujourd'hui Archevêque de Rheims ,
& en cette qualité premier Pair Eccléfiaftique du
Royaume ; & le Duc de Sully , Prince d'Enrichemont
, ont été reçus le 14 de ce mois au Parlement,
& y ont pris féance en qualité de Pairs de
France. Le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres ,
le Prince de Condé , le Prince de Conti , & le
Comte de la Marche , ont aſſiſté à leur récep-
Ation .
La fuite des Nouvelles Politiques au Mercure
prochain.
Le Comte de Monteynard , Enſeigne de la
feconde Compagnie des Moufquetaires , ayant
obtenu du Roi la permifion de fe démettre de
cet emploi , Sa Majesté a diſpoſé de la cornette
vacante en faveur du Marquis du Hallay , Capitaine
au Régiment Royal- Etranger , Cavalerie.
Le 17 du mois dernier , fur les huit heures
du matin , le Statue du Roi , que Sa Majesté
a permis à la Ville de Paris de lui ériger , &
qui a été fondue fur le modéle du feu Sieur
Bouchardon , a commencé d'être conduite de
l'Attelier vers la place où elle doit être poſée ;
on avoit eu la précaution de la renfermer dans
une cage de charpente roulante ; par le moyen
< de Vindas & de mains d'hommes , on lui a fait
parcourir , dans l'espace de trois jours , le chemin
qu'elle avoit à tenir depuis la fortie de
l'Attelier , hors de la barrière du Fauxbourg
du Roule , jufqu'à la Place de Louis XV , en
lui faifant fuivre toute la rue dudit Fauxbourgi
& le 23 elle a été établie fur fon piedeſtal , aux
acclamations d'un grand concours de peuple.
Le fervice s'eft fait en préfence du Duc de Chevreuſe
, Gouverneur de Paris , du Prévôt des
Marchands & du Bureau de la Ville , avec tout
le fuccès que l'on pouvoit attendre des ſoins & de
l'intelligence des différentes perfonnes qui y
cétoient proposées , & en particulier du fieur
3
16
·M A 1. 1763. 207
2
'Herbette , Maître Charpentier à S. Denis , Entrepreneur
des Ponts & Chauffées & des Bâtimens
du Roi , Auteur des machines. En paffant devant
la porte de la maiſon où eft décédé le fieur Bouchardon
, on a fait une décharge de Canons &
de Boetes , pour honorer la mémoire d'un Ar
tifte fi excellent , qui par cet ouvrage immortel ,
s'eft afferé une gloire que la Nation partage
avec lui.
Il paroît quatre Ordonnances du Roi.
Par la première , en date du 21 Décembre dernier
,"Sa Majesté réduit à trente Compagnies les
quarante qui compofent actuellement le Régiment
des Carabiniers de Monfeigneur le Comte
de Provence. Les difpofitions qui concernent la
nouvelle compofition & la difcipline de ces Corps
font conformes à celles qui ont été établies par
P'Ordonnance de la Cavalerie.
Dans la feconde, du 20 Janvier 1763 , S. M.
réforme le Corps des Grenadiers- Royaux revenus
de la Martinique.
La troifiéme du 31 - da même mois , concerne
le traitement des Officiers réformés des Régimens
de Foix , de Boulonnois , de Quercy & d'Angoumois
, qui étoit de fervice à S. Domingue.
Par la quatrième , du même jour , S. M. réforme
les fx piquets d'Infanterie employés à S.
Domingue.
11 paroît encore quatres autres Ordonnances
du Roi datées du 21 Décembre dernier.
Par la première , concernant le Régiment
Royal- Italien , le Roi fupprime le Régiment d'In-
#fanterie Royal- Corfe dont les neuf Compagnies
feront incorporées dans le Régiment Royal d'Infanterie
Italienne , lequel , au n: oyen de cette inccorporation
, fera compofée de deux Bataillons."
208 MERCURE DE FRANCE.
Par la feconde , concernant les Régimens d'In
fanterie Allemande , Sa Majefté conferve fur pied
ceux d'Altace , d'Anhalt , la Marck , Royal- Bavière
, Royal - Suédois , Naffau , Royal - Deux- Ponts &
celui de Bouillon . Le Régiment d'Alface ne formera
plus que trois Bataillons ; chacun de ceux d'Anhalt
, la Marck , Royal- Bavière , Royal - Suédois ,
Naffau & Royal - Deux-Ponts ne feront compofés
que de deux , & celui de Bouillon d'un feulement
Le Bataillons excédens feront réformés & incorporés
dans ceux que Sa Majefté a jugé à propos
de conferver fur pied . Quant à ce qui concerne
la compofition des Bataillons & Compagnies ,
la création des nouvelles places , le choix & les
fonctions des Officiers , la paye de paix & de guerre
, le traitement des Officiers réformés , &c.
Les difpofitions de ces deux Ordonnances font
conformes à celles qui feront fuivies à l'égard de
l'Infanterie Françoife . Ces deux nouvelles Ordonnances
ont cela de particulier que S. M. accorde
un fol par jour avec une ration de pain aux
femmes des étrangers mariés qui voudront fervir
dans les fufdits Régimens ; mais ce traitement
n'aura lieu que tant qu'elles refteront au quartier
d'affemblée , & que leurs maris feront attachés
aux Régimens.
Par la troifiéme , Sa Majefté conferve fur
pied dix -fept Régimens de Dragons , fçavoir ,
Colonel - Général ; Meftrede Camp - Géné
ral , Royal , du Roi , de la Reine , Dauphin ,
Orléans , Bauffremont , Choifeul , d'Autichamp ,
Chabot , Coigny , Nicolaï , Chapt , Chabril
lant , Languedoc & Schomberg . Chacun de ces
Régimens fera compofé en tout temps de huit
compagnies celui de Schomberg confervera
les huit qui le compoſent ; & les feize de
MA I. 1763 . 208
shacun des autres Régimens feront doublées
pour n'en former également que huit. Chaque
compagnie fera compofée , en temps de paix
de quatre Maréchaux-des- Logis , un Fourrier ,
huit Brigadiers , huit Appointés , vingt-quatra
Dragons & un Tambour , formant quarante- fix
hommes , dont trente feront montés , & feize
refteront à pied. La paye de paix & de guerre.
eft fixée de la maniere fuivante,
COMPAGNIE S A chaque Capitaine ;
1800 livres en paix , & 3600 livres en guerre ;
à chaque Capitaine - Lieutenant des Compagnies ,
Colonel- Général & Meftre- de - Camp- Général , &
à chaque Lieutenant des autres Compagnies
800 livres en paix , & 1000 livres en guerres
au Sous- Lieutenant de la Compagnie du Colonel-
Général des Dragons , 600 livres en paix ,
& 800 livres en guerre ; au Cornette de ladite
Compagnie , 540 livres en paix , & 800 livres
en guerre ; au Sous- Lieutenant des autres Compagnies
, 500 livres en paix , & 800 livres en .
guerre à chaque Maréchal- des- Logis , 216
livres en paix , & 252 livres en guerre ; à chaque
Fourrier , 189 livres en paix , &-225 livres
en guerre ; à chaque Brigadier , 135 livres enpaix
, & 171 livres en guerre ; à chaque Appointé
, 126 livres en paix , & 162 livres en
guerre ; à chaque Dragon ou Tambour , 117
livres en paix , & 153 livres , en guerre. ETATMAJOR.
Au Meftre- de- Camp , y compris fes .
appointemens de Capitaine , 6000 livres en
paix , & 6600 livres en guerre; au Lieutenant-Colonel
, y compris fes appointemens de Capitai
ne , 3600 livres en paix , & 5400 livres en ½
guerre à chacun des Meftre- de- Camp en fe- ..
cond des Régimens du Meftre- de Camp Gé
210 MERCURE DE FRANCE.
néral , d'Orléans & de Schomberg , 2500 livres
en paix , & 3000 livres en guerre ; au Major ,
3000 livres en paix , & 4500 livres en guerre ;
à chaque Aide - Major , avec commiſſion de Capitaine
, 1800 livres en paix , & 3000 livres
en guerre à chaque Aide- Major , fans commillion
de Capitaine , 1500 livres en paix , &
2000 livres en guerre ; à chaque Sous - Aide-
Major , 1000 livres en paix , & 1200 livres en
guerre; au Quartier- Maître , 600 livres en paix ,
& 800 livres en guerre ; à chaque Porte - Guidon
, 480 livres en paix , & 540 livres en guerre
; au Tréforier , 2000 livres en paix , & 3.000
livres en guerre à l'Aumônier & au Chirurgien
, à chacun 720 livres en temps de guerre
feulement.
Les Capitaines réformés jouiront en penfion
fur le Tréfor Royal de soo livres ; les Lieutenans
, qui auront fervi dix ans , de 250 livres
; & les Cornettes , qui auront été Maréchaux-
des- Logis , de 150 livres. Quant aux Offi
ciers incorporés & réformés , à la fuite des Régimens
, ils fe retireront chez eux , & y toucheront
les appointemens qui leur ont été précédemment
accordés ; Sa Majesté ne voulant
plus entretenir d'Officiers incorporés ou réformés
à la fuite des Régimens de Dragons. Cette
* Ordonnance eft terminée par un état de l'uniforme
réglé par le Roi pour les Régimens cidefus.
Par la derniere , Sa Majesté conferve fur pied
les trois Régimens de Houflards de, Berchiny , de
Chamborant & de Royal - Naffau , dont chacun
fera composé de douze compagnies , formant
trois escadrons en temps de paix , & fix en
temps de guerre..Chaque compagnie fera comM
A I. 1763.
2.11
pofée de vingt- neuf hommes , dont dix monstés
, & dix -neuf à pied . Les Tymbales & Eten-.
dards de ces trois Régimens , ainfi que le Prevôt
qui eft dans le Régiment Royal - Nallau ,
feront fupprimés. Sa Majefté regle auffi pour
les Régimens confervés une paye de paix & une
paye de guerre , ainfi que l'uniforme de leur
habillement. L'Ordonnance de la Cavalerie fert
de regle aux deux nouvelles Ordonnances pour
ce qui concerne le choix , le rang & les fonctions
des Officiers , la fuppreffion de certaines
places , la création de nouvelles , l'adminiftration
de la caifle , le terme des engagemens &
la délivrance actuelle des congés , &c.
Le Comte de Taflo , jeune Seigneur Polonois ,
qui étoit en France depuis dix - huit mois , en est
reparti le deux de ce mois, pour retourner en Pologne
, après avoit eu l'honneur de prendre congé
de la Reine , qui luia marqué beaucoup de bonté.
Charles-Antoine de la Roche- Aymon Grand
Aumônier de France , ci-devant Archevêque de
Narbonne , aujourd'hui Archevêque de Rheims ,
& en cette qualité premier Pair Eccléfiaftique du
Royaume ; & le Duc de Sully , Prince d'Enrichemont
, ont été reçus le 14 de ce mois au Parlement,
& y ont pris féance en qualité de Pairs de
France. Le Duc d'Orléans , le Duc de Chartres ,
le Prince de Condé , le Prince de Conti , & le
Comte de la Marche , ont aſſiſté à leur récep-
Ation .
La fuite des Nouvelles Politiques au Mercure
prochain.
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Résumé : DE PARIS, le 18 Mars 1763.
Le 18 mars 1763, le Comte de Monteynard, Enseigne des Mousquetaires, a obtenu la permission du Roi de démissionner. Le Marquis du Hallay, Capitaine au Régiment Royal-Étranger de Cavalerie, a été nommé pour le remplacer. Le 17 mars, la statue du Roi, fondue d'après le modèle du défunt Bouchardon, a été transportée de l'atelier à la Place de Louis XV. Installée sur son piédestal le 23 mars, elle a été acclamée par une grande foule en présence du Duc de Chevreuse et d'autres dignitaires. Le Maître Charpentier Herbette a supervisé les machines utilisées pour le transport. Quatre ordonnances royales ont été publiées. La première, datée du 21 décembre 1762, réduit le Régiment des Carabiniers de Monseigneur le Comte de Provence à trente compagnies. La deuxième, du 20 janvier 1763, réforme le Corps des Grenadiers-Royaux revenus de la Martinique. La troisième, du 31 janvier, concerne le traitement des officiers réformés des régiments de Foix, de Boulonnois, de Quercy et d'Angoumois, en service à Saint-Domingue. La quatrième réforme les six piquets d'infanterie employés à Saint-Domingue. Quatre autres ordonnances, datées du 21 décembre 1762, ont également été publiées. La première supprime le Régiment d'Infanterie Royal-Corse et incorpore ses compagnies dans le Régiment Royal d'Infanterie Italienne. La deuxième conserve plusieurs régiments d'infanterie allemande et réforme les bataillons excédentaires. La troisième conserve dix-sept régiments de Dragons et réforme leur composition et leur paye. La quatrième conserve trois régiments de Houzards et réforme leur composition et leur paye. Le Comte de Tarslo, un jeune seigneur polonais, a quitté la France le 2 mars pour retourner en Pologne après avoir pris congé de la Reine. Charles-Antoine de la Roche-Aymon, Grand Aumônier de France et Archevêque de Reims, et le Duc de Sully ont été reçus au Parlement le 14 mars et y ont pris séance en qualité de Pairs de France. Le Duc d'Orléans, le Duc de Chartres, le Prince de Condé, le Prince de Conti et le Comte de la Marche ont assisté à leur réception.
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39
p. 192
Du 23 Mai 1763.
Début :
Nous apprenons que le Général Matra, après les deux affaires du 12 [...]
Mots clefs :
Général, Pertes, Soldats, Blessés et morts, Troupes, Place
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Du 23 Mai 1763.
Du 23 Mai 1763.
Nous apprenons que le Général Matra , aprés.
les deux affaires du i où nous perdîmes environ
deux cens hommes , tant morts que bleffés & déferteurs
, ne pouvant fubfifter à Aleria faute de
vivres , s'eft retiré vers la Baſtie . On a déja envoyé
de cette Ville des Batimens pour embarquer les
Troupes de ce Général ; une grande partie eft
arrivée dans cette place , & le refte y eft attendu
d'un moment à l'autre .
Nous apprenons que le Général Matra , aprés.
les deux affaires du i où nous perdîmes environ
deux cens hommes , tant morts que bleffés & déferteurs
, ne pouvant fubfifter à Aleria faute de
vivres , s'eft retiré vers la Baſtie . On a déja envoyé
de cette Ville des Batimens pour embarquer les
Troupes de ce Général ; une grande partie eft
arrivée dans cette place , & le refte y eft attendu
d'un moment à l'autre .
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40
p. 137
De POSANIE, le 1. Juillet 1764.
Début :
On apprend que le Prince Radziwill, Palatin de Wilna, a emporté [...]
Mots clefs :
Prince Radziwill, Assaut, Garnison, Place, Commandant, Troupes, Ordres, Combattre, Expédition, Russes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De POSANIE, le 1. Juillet 1764.
De POSNANIE , le 1. Juillet 1764.
On apprend que le Prince Radziwill , Palatin
de Wilna , a emporté d'affaut la Ville de Terefpol
, a forcé la Garnifon de fe rendre à difcrétion ,
& a mis à contribution la Place & les dépendan
ces ; après quoi il a marché droit au fecours de
fon Château de Niefwien . Mais on a appris ,
comme on l'a annoncé , que le Commandant
de ce Château l'avoit rendu par Capitulation aux
Confédérés & aux Ruffes qui l'affiégeoient. Ceuxci
feront joints par les Généraux Poniatowski &
Ronicker qui commandent un Corps de Troupes
de la Couronne , ainfi que par le Prince Repnin,
Miniftre Plénipotentiaire de Ruffie , qui a fous fes
ordres un Détachement confidérable de Troupes
de fa Nation. Leur projet eft de combattre le
Prince Radziwill , & de mettre en même temps
à couvert les Terres du Prince Czatoriski. Les
huit mille Ruffes qui pafferent dernierement à
Minsk , & le Corps de Troupes de la même Nation
qui eft arrivé à Novogrodeck , ſont auffi deftinés
pour la même expédition.
On apprend que le Prince Radziwill , Palatin
de Wilna , a emporté d'affaut la Ville de Terefpol
, a forcé la Garnifon de fe rendre à difcrétion ,
& a mis à contribution la Place & les dépendan
ces ; après quoi il a marché droit au fecours de
fon Château de Niefwien . Mais on a appris ,
comme on l'a annoncé , que le Commandant
de ce Château l'avoit rendu par Capitulation aux
Confédérés & aux Ruffes qui l'affiégeoient. Ceuxci
feront joints par les Généraux Poniatowski &
Ronicker qui commandent un Corps de Troupes
de la Couronne , ainfi que par le Prince Repnin,
Miniftre Plénipotentiaire de Ruffie , qui a fous fes
ordres un Détachement confidérable de Troupes
de fa Nation. Leur projet eft de combattre le
Prince Radziwill , & de mettre en même temps
à couvert les Terres du Prince Czatoriski. Les
huit mille Ruffes qui pafferent dernierement à
Minsk , & le Corps de Troupes de la même Nation
qui eft arrivé à Novogrodeck , ſont auffi deftinés
pour la même expédition.
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Résumé : De POSANIE, le 1. Juillet 1764.
Le 1er juillet 1764, à Posnanie, des nouvelles rapportent que le Prince Radziwill, Palatin de Wilna, a pris la ville de Terefpol par la force, contraignant la garnison à se rendre. Il a ensuite mis à contribution la place et ses dépendances avant de se diriger vers le château de Nieswień pour le secourir. Cependant, il a appris que le commandant du château avait capitulé face aux confédérés et aux Russes qui l'assiégeaient. Les généraux Poniatowski et Ronicker, à la tête d'un corps de troupes de la Couronne, ainsi que le Prince Repnin, ministre plénipotentiaire de Russie, ont rejoint les assiégeants avec un détachement significatif de troupes russes. Leur objectif est de combattre le Prince Radziwill et de protéger les terres du Prince Czartoryski. Les huit mille Russes récemment passés par Minsk et les troupes russes arrivées à Novogrodek sont également destinés à cette expédition.
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