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Détail
Liste
1
p. 168-173
« J'ay crû, Madame, vous devoir envoyer tous les endroits sur [...] »
Début :
J'ay crû, Madame, vous devoir envoyer tous les endroits sur [...]
Mots clefs :
Relation, Bataille, Article, Journée de Cassel
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texteReconnaissance textuelle : « J'ay crû, Madame, vous devoir envoyer tous les endroits sur [...] »
l'ay crû, Madame, vous de- voir envoyer tous les endroits
fur leſquels j'aurois pú faire une Relation. Laverite ferencontre rarement en une ſeule,
celuyquidepluſieursdifferen- tes en compoſe une , ne pou- vant ſans la faire trop longue,
trop embaraſſée&horsdesre.
gles , rapporter les ſentimens dechacun, eſt obligé de s'arre- ſter à quelques- uns,ce qu'il ne Tome 2. F
122 LE MERCURE
fait ſouvent que par préven- tion , ou dans le deſſein de favoriſer quelqu'un,ou pard'au- tres raiſons ; c'eſt ce qui m'a porté à vous faire part de plu- ſieurs endroits choiſis de diverſesRelations, &iecroy qu'il n'y a que ce moyen pour faire bien comprendre ce qui s'eſt paſſé dans une bataille ; l'un marque les choſes d'une ma- niere, l'autre d'une autre,&les
uns ont eſté témoins de ce que pluſieurs n'ont pû voir. Ainfi
rien n'eſtoublié; &lesdifferés
termesdont on ſe ſert pour ex- primer tout ce qu'on a remar- qué,joints à tout cela, font que l'un éclaircit ce qu'on atrouvé d'obſcur dans ce que les au -
tres ont écrit,&qu'apres avoir lu tout cequi s'eſt fait ſur une
GALANT. 123
Bataille , l'eſprit ſe la figure de la maniere qu'elle s'eſt don -
née,ſans qu'il ſoit pour cela fa- cileàceluyqui enaconceu une ſi forte idée,d'en bien exprimer toutes les circonstances ; en forte que ſon imagination les
luy repreſentedemeſmequelin
les font arrivées.
Je ne vous parle point de l'ordrede la Bataille , il eſt imprimé,vousl'avez veu,&il n'y arien de nouveau là-deſſus.Ne
croyez pourtant pas que ie finiſſe ſi toſt l'Article de la memorable Journée de Caffel ,
J'ay trop de choſes à vous ra- conter de Monfieur. Vous venezde connoître que toutesles Relations ſe raportent touchất lagloire que SonAlteſſe Roya- = le s'y eſt acquiſe; maiscen'eſt Fij
124 LE MERCURE
pas affez , & ce grand Prince merite bien un Article parti -
culier. Pour ne rien laiſſer pafſer de ce qui le regarde , exa- minons l'estat de l'Arinée ennemie qui devoit eſtre em -
ployée toute entiere àcombatre celle de Monfieur , &
voyonsce quecelle de Son Al- teſſe Royale (beaucoup moins forte) avoit à faire. Admirons
l'eſprit de ce Prince dans le
Conſeil de guerre , voyons en ſuite tous les ordres qu'il donne, ſuivons-le dans le combat,
remarquons tout ce qu'il y
fait , & parlons de tout ce qui luy a gagné les cœurs des en- nemis meſmes apres la Batail- le , &nous admirerons en ſuite fon grand cœur , ſa preſen ced'eſprit , ſa prudence &fa
GALANT. 125
1
E
1
bonténaturelle. Voilà, Madame , toutes les choſes dont l'ay encor à vous parler , touchant SonAlteſſe Royale.
fur leſquels j'aurois pú faire une Relation. Laverite ferencontre rarement en une ſeule,
celuyquidepluſieursdifferen- tes en compoſe une , ne pou- vant ſans la faire trop longue,
trop embaraſſée&horsdesre.
gles , rapporter les ſentimens dechacun, eſt obligé de s'arre- ſter à quelques- uns,ce qu'il ne Tome 2. F
122 LE MERCURE
fait ſouvent que par préven- tion , ou dans le deſſein de favoriſer quelqu'un,ou pard'au- tres raiſons ; c'eſt ce qui m'a porté à vous faire part de plu- ſieurs endroits choiſis de diverſesRelations, &iecroy qu'il n'y a que ce moyen pour faire bien comprendre ce qui s'eſt paſſé dans une bataille ; l'un marque les choſes d'une ma- niere, l'autre d'une autre,&les
uns ont eſté témoins de ce que pluſieurs n'ont pû voir. Ainfi
rien n'eſtoublié; &lesdifferés
termesdont on ſe ſert pour ex- primer tout ce qu'on a remar- qué,joints à tout cela, font que l'un éclaircit ce qu'on atrouvé d'obſcur dans ce que les au -
tres ont écrit,&qu'apres avoir lu tout cequi s'eſt fait ſur une
GALANT. 123
Bataille , l'eſprit ſe la figure de la maniere qu'elle s'eſt don -
née,ſans qu'il ſoit pour cela fa- cileàceluyqui enaconceu une ſi forte idée,d'en bien exprimer toutes les circonstances ; en forte que ſon imagination les
luy repreſentedemeſmequelin
les font arrivées.
Je ne vous parle point de l'ordrede la Bataille , il eſt imprimé,vousl'avez veu,&il n'y arien de nouveau là-deſſus.Ne
croyez pourtant pas que ie finiſſe ſi toſt l'Article de la memorable Journée de Caffel ,
J'ay trop de choſes à vous ra- conter de Monfieur. Vous venezde connoître que toutesles Relations ſe raportent touchất lagloire que SonAlteſſe Roya- = le s'y eſt acquiſe; maiscen'eſt Fij
124 LE MERCURE
pas affez , & ce grand Prince merite bien un Article parti -
culier. Pour ne rien laiſſer pafſer de ce qui le regarde , exa- minons l'estat de l'Arinée ennemie qui devoit eſtre em -
ployée toute entiere àcombatre celle de Monfieur , &
voyonsce quecelle de Son Al- teſſe Royale (beaucoup moins forte) avoit à faire. Admirons
l'eſprit de ce Prince dans le
Conſeil de guerre , voyons en ſuite tous les ordres qu'il donne, ſuivons-le dans le combat,
remarquons tout ce qu'il y
fait , & parlons de tout ce qui luy a gagné les cœurs des en- nemis meſmes apres la Batail- le , &nous admirerons en ſuite fon grand cœur , ſa preſen ced'eſprit , ſa prudence &fa
GALANT. 125
1
E
1
bonténaturelle. Voilà, Madame , toutes les choſes dont l'ay encor à vous parler , touchant SonAlteſſe Royale.
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Résumé : « J'ay crû, Madame, vous devoir envoyer tous les endroits sur [...] »
L'auteur d'une lettre adressée à une dame discute de la rédaction de rapports sur une bataille. Il souligne que la vérité est rarement présentée dans un seul récit et que plusieurs relations sont nécessaires pour obtenir une vision complète. Chaque relation peut être partielle ou influencée par des préjugés ou des intentions de favoriser quelqu'un. Pour mieux comprendre une bataille, il est donc préférable de consulter plusieurs récits, car ils se complètent et éclaircissent mutuellement les détails. L'auteur mentionne qu'il ne parle pas de l'ordre de la bataille, car celui-ci est déjà imprimé et connu. Cependant, il n'a pas encore terminé l'article sur la journée mémorable de Caffel, car il a beaucoup de choses à raconter sur Son Altesse Royale. Toutes les relations mettent en avant la gloire acquise par ce prince, mais l'auteur estime qu'il mérite un article particulier. Il propose d'examiner l'état de l'armée ennemie, les ordres donnés par le prince, ses actions durant le combat, et son comportement après la bataille. L'auteur souhaite également souligner le grand cœur, la présence d'esprit, la prudence et la bonté naturelle de ce prince, qui ont même gagné les cœurs des ennemis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
Ce Mercure est divisé en deux Volumes, parce que la [...]
Mots clefs :
Mercure, Histoire, Nouvelles, Public, Pièces, Ouvrages, Relation, Paris, Volumes, Particuliers
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texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AU
LECTEUR.
E
Mercure eft divifé
enn deux
Volumes
,parce
que la matiere qui le
remplit , n'auroit pu entrer
toute entiere dans un feul.
Quelques Particuliers , car
je feron tort au Public , fi
Tofois len accufer ,fe font
plaintsfouvent de ce que les
fecondesParties n'entroient
pas dans les
premieres, comme
fi deux Volumes d'une
â ij
Au LECTEUR.
feul. Ils
doit
égale groffeur , pouvoient
eftre reduits en un f
apportent pour raifon , que
lors que cette abondance de
matiere ferencontre, on
retrancher quelques Pieces
galantes & d'érudition. Il
y a deux réponses à cela ;
l'une , qu'ilfaut que le premier
Volume ait toujours
fon mélange ordinaire, parce
que le but que l'on a dans
cet Ouvrage eftant de le
vendre propre à toutes fortes
de perfonnes, il faut des
Au
LECTEUR.
Vers , des
Galanteries , e
des
Pieces
détachées pour
ceux qui
n'aiment pas les
Nouvelles des
Pieces d'érudition
pour les
Sçavans ,
& des
Nouvelles pour ceux
que ces fortes de
chofes ne
touchent
point.
Ainfi cha
cun eft content , ou doit le
fre du
moins en
partie; câr
les
Galans ne
voudroient
que des Vers 65 des
Hiftorres,
& les
Nouvell ftes que
des
Nouvelles
Maisquand
on
voudroit
fatisfaire ceuse
á j
Au LECTEUR .
qui demandent qu'on retranche
quelques Ouvrages
galans, lors qu'il fe rencontre
des fujets de fecondes
Parties , afin de les faire
entrer dans la premiere , le
pourroit on, e le quart tout
au plus d'un Volume qu'on
trouveroita retrancher ,
fourniroit il affez de place
pour en faire entrer un en
tier dansle mefm Volume?
On a tache de les contenter
"'il y a un mois ou deux, en
mettant la Relation du
Au
LECTEUR.
Voyage de M. le Chevalier
de
Chaumont à Siam , dans
le
Mercure; mais comme il
fut impoßible de la faire entrer
entiere , il falut avoir
recours à un fecond Volu
me que l'on vouloit éviter ;
ce qui a donné lieu au Public
de fe
plaindre de ce que
la Relation n'eftoit pas tou
te dans un feul Volume.
Cela eft cauſe qu'on s'arreflera
a lavis duplus grand
nombre
quand il fe
trouvera affez de belle maAu
LECTEUR.
&
tiere pour faire une feconde
Partie , on fatisfera le Pu
blic là- deffus. Ces feconds
Tomes font des Ouvrages
d'un grand travail ,
contiennent des détails fr
recherchez & fi curieux ,
que la pofterité ne les trouvera
pas ailleurs . Le Siege
de Vienne , l'Hiftoire du
Siege de Luxembourg , la
Relation de tout ces qui
s'eft fait devant Gennes
par l'Armée Navale du
Roy , le Mariage de MonAu
LECTEUR.
feigneur le
Dauphin , &
celuy de la
Reine
d'Efpagne
, font des
Morceaux
d'Hiftoire
traitez à fond ,
le
Public a
paru
ravy de
les
avoir
feparez,
pour n'efire
point
embarasse à les
chercher
parmy
Nouvelles du
Mercure Si
'ce qu'il en
couste à
quelques
Particuliers pour
avoir les
fecondes
Parties les
fait
parler , on peut leur
répondre
que l'on n'en
profite pas,
que les
Recherches
qu'on eft
1
les
autres
Au LECTEUR .
obligé de faire pour ces for
tes d'Ouvrages reviennent
à beaucoup , & que ceux
qui les font imprimer dans
les Pays Etrangersfur les
Exemplaires de Paris , &
quiles diftribuent dans tou
te l'Europe , en ont feuls
tout le profit ; de forte
qu'on ne les fait qu'afin
d'avoir le plaifir de foute
nir la gloire du Mercure ,
& pour montrer qu'il ne luy
échape rien. La feconde
Partie qu'on donne aujourAu
LECTEUR.
& buy a pourTitre ,
Voya
ge des
Ambaffadeurs
de
Siam en
France ,
contenant
laReception qui leur
a efté faite dans les
Villes
où ils ont paffé , leur Entrée
à Paris , les
Ceremonies
obfervées
dans
l'Audience
qu'ils ont euë du
Roy & de la
MaifonRoya
le , les
Complimens
qu'ils
ont faits , la
Defcription
des
Lieux où ils ont eſté ,
& ce qu'ils ont dit de remarquable
fur
tout ce
Au LECTEUR..
qu'ils ont vu. Ce Titre marque
affez les chofes curieufes
quece Volumerenferme,
& quand il n'y auroit rien
des Ambaffadeurs
de Siams
les Defcriptions
feules des
endroits de Paris où ils ont
efté, peuvent apprendre des
chofes dont jamais perfonne
ne s'est avifé de parler.
LECTEUR.
E
Mercure eft divifé
enn deux
Volumes
,parce
que la matiere qui le
remplit , n'auroit pu entrer
toute entiere dans un feul.
Quelques Particuliers , car
je feron tort au Public , fi
Tofois len accufer ,fe font
plaintsfouvent de ce que les
fecondesParties n'entroient
pas dans les
premieres, comme
fi deux Volumes d'une
â ij
Au LECTEUR.
feul. Ils
doit
égale groffeur , pouvoient
eftre reduits en un f
apportent pour raifon , que
lors que cette abondance de
matiere ferencontre, on
retrancher quelques Pieces
galantes & d'érudition. Il
y a deux réponses à cela ;
l'une , qu'ilfaut que le premier
Volume ait toujours
fon mélange ordinaire, parce
que le but que l'on a dans
cet Ouvrage eftant de le
vendre propre à toutes fortes
de perfonnes, il faut des
Au
LECTEUR.
Vers , des
Galanteries , e
des
Pieces
détachées pour
ceux qui
n'aiment pas les
Nouvelles des
Pieces d'érudition
pour les
Sçavans ,
& des
Nouvelles pour ceux
que ces fortes de
chofes ne
touchent
point.
Ainfi cha
cun eft content , ou doit le
fre du
moins en
partie; câr
les
Galans ne
voudroient
que des Vers 65 des
Hiftorres,
& les
Nouvell ftes que
des
Nouvelles
Maisquand
on
voudroit
fatisfaire ceuse
á j
Au LECTEUR .
qui demandent qu'on retranche
quelques Ouvrages
galans, lors qu'il fe rencontre
des fujets de fecondes
Parties , afin de les faire
entrer dans la premiere , le
pourroit on, e le quart tout
au plus d'un Volume qu'on
trouveroita retrancher ,
fourniroit il affez de place
pour en faire entrer un en
tier dansle mefm Volume?
On a tache de les contenter
"'il y a un mois ou deux, en
mettant la Relation du
Au
LECTEUR.
Voyage de M. le Chevalier
de
Chaumont à Siam , dans
le
Mercure; mais comme il
fut impoßible de la faire entrer
entiere , il falut avoir
recours à un fecond Volu
me que l'on vouloit éviter ;
ce qui a donné lieu au Public
de fe
plaindre de ce que
la Relation n'eftoit pas tou
te dans un feul Volume.
Cela eft cauſe qu'on s'arreflera
a lavis duplus grand
nombre
quand il fe
trouvera affez de belle maAu
LECTEUR.
&
tiere pour faire une feconde
Partie , on fatisfera le Pu
blic là- deffus. Ces feconds
Tomes font des Ouvrages
d'un grand travail ,
contiennent des détails fr
recherchez & fi curieux ,
que la pofterité ne les trouvera
pas ailleurs . Le Siege
de Vienne , l'Hiftoire du
Siege de Luxembourg , la
Relation de tout ces qui
s'eft fait devant Gennes
par l'Armée Navale du
Roy , le Mariage de MonAu
LECTEUR.
feigneur le
Dauphin , &
celuy de la
Reine
d'Efpagne
, font des
Morceaux
d'Hiftoire
traitez à fond ,
le
Public a
paru
ravy de
les
avoir
feparez,
pour n'efire
point
embarasse à les
chercher
parmy
Nouvelles du
Mercure Si
'ce qu'il en
couste à
quelques
Particuliers pour
avoir les
fecondes
Parties les
fait
parler , on peut leur
répondre
que l'on n'en
profite pas,
que les
Recherches
qu'on eft
1
les
autres
Au LECTEUR .
obligé de faire pour ces for
tes d'Ouvrages reviennent
à beaucoup , & que ceux
qui les font imprimer dans
les Pays Etrangersfur les
Exemplaires de Paris , &
quiles diftribuent dans tou
te l'Europe , en ont feuls
tout le profit ; de forte
qu'on ne les fait qu'afin
d'avoir le plaifir de foute
nir la gloire du Mercure ,
& pour montrer qu'il ne luy
échape rien. La feconde
Partie qu'on donne aujourAu
LECTEUR.
& buy a pourTitre ,
Voya
ge des
Ambaffadeurs
de
Siam en
France ,
contenant
laReception qui leur
a efté faite dans les
Villes
où ils ont paffé , leur Entrée
à Paris , les
Ceremonies
obfervées
dans
l'Audience
qu'ils ont euë du
Roy & de la
MaifonRoya
le , les
Complimens
qu'ils
ont faits , la
Defcription
des
Lieux où ils ont eſté ,
& ce qu'ils ont dit de remarquable
fur
tout ce
Au LECTEUR..
qu'ils ont vu. Ce Titre marque
affez les chofes curieufes
quece Volumerenferme,
& quand il n'y auroit rien
des Ambaffadeurs
de Siams
les Defcriptions
feules des
endroits de Paris où ils ont
efté, peuvent apprendre des
chofes dont jamais perfonne
ne s'est avifé de parler.
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Résumé : AU LECTEUR.
La lettre au lecteur explique la division du 'Mercure' en deux volumes en raison de l'abondance de matière. Certains lecteurs regrettent que les secondes parties ne soient pas incluses dans les premières, mais l'auteur justifie cette décision par la diversité des intérêts des lecteurs. Les premiers volumes contiennent des vers, des galanteries, des pièces d'érudition et des nouvelles, tandis que les seconds volumes incluent des sujets importants comme le voyage de M. le Chevalier de Chaumont à Siam. Les secondes parties offrent également des détails curieux et recherchés, tels que le siège de Vienne, l'histoire du siège de Luxembourg, et le mariage du Dauphin. L'auteur souligne que ces publications représentent un travail considérable et que les profits bénéficient principalement aux imprimeurs étrangers. La seconde partie actuelle se concentre sur le voyage des ambassadeurs de Siam en France, incluant leur réception, leur entrée à Paris, et les cérémonies observées lors de leur audience avec le roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1-10
Prélude. [titre d'après la table]
Début :
APRÈS vous avoir fait part de tout ce qui s'est [...]
Mots clefs :
Roi, Peuples, Ambassadeurs de Siam, Relation
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texteReconnaissance textuelle : Prélude. [titre d'après la table]
VOYAGE
DES AMBASSADEURS
DE SIAM
EN FRANCE.
PRE'S vous avoir
fait part de
tout ce qui s'eft
paffé à la Reception des
An Ambaſſadeurs de France
A
2 Voyage des Amb.
auprés du Roy de Siam ,
& vous avoir donné une
ample Relation de ce qu'-
ils ont fait dans ce Royaume
pendant plus de deux
mois de fejour , j'ay cru
vous devoir auſſi envoyer
un dérail exact de tout ce
que les Ambaſſadeurs de
Siam ont vù , fait & dit
en France , ce qui ne fera
pas moins curieux que ce
que vous avezappris dans
ma Relation de Siam . Si
l'éloignement des lieux
1.
de Siam. 3
nous faifoit regarder comme
Barbares des Peuples
que de vaſtes Mers ſeparent
de nous , nous ne devrions
pas l'eftre moins
à leur égard , puis que
nous ſommes auſſi éloignez
d'eux qu'ilsle font
de nous ; mais on ne
peut donner cetre qualité
aux Peuples d'Orient ,
qu'on fçait avoir toujours
efte eſtimez pour leur fageffe
,& pour leur eſprit.
Ce que trois de leurs Rois
A ij
4 Voyagedes Amb.
firent à la Naiſſance du
Sauveur du Monde , paffera
dans tous les Siecles ,
& ce que font aujourd'huy
ces mefines Peuples
pour honorer leurs Souverains
, apprend à toutes
les Nations qui ont le
bonheur de vivre dans un
Eftat Monarchique , la
veneration qu'elles font
obligées d'avoir pour
ceux que Dieu leur àdonnez
pour les gouverner ,
&qui le reprefentent fur
de Siam. S
Terre. La couleur noire ,
brune , ou blanche ne fait
rien au coeur de l'homme,
& fi l'on en pouvoit tirer
quelque conſequence, elle
devroit eſtre à l'avantage
de ceux qui font plus
- prés du Soleil. Il y a peu
de nos Braves qui ayant
eſſuyé les dures fatigues
où une longueCampagne
engage , ne reviennent
* preſque auffi bazanez que
ces Peuples ,& nous avons
vû noſtre Auguſte Prince,,
A iij
6 Voyage des Amb.
aprés s'eſtre expoſé pendant
des Eftez entiers à la
teſte de les Armées , revenir
à demy reint d'une
couleur qui ne luy pouvoit
eſtre que glorieuſe,
puis qu'elle marquoit fon
affiduité à donner par
tout les ordres , pour faire
mouvoir le grand
Corps qu'il commandoit.
Quand les Peuples d'Orient
n'auroient pas autant
de fageffe & d'avantage
qu'ils en ont par
de Siam.
7
-deſſus quantité d'autres ,
nous devons confiderer
dans les Ambaſſadeurs de
Siam un puiffant Monarque
, qui par leshonneurs
qu'il a rendus à celuy du
Roy , l'a non feulement:
diftingué de tous les Sourains
de la Terre , mais
د
qui a voulu que les trente
deux Nations diffe- -
rentes , qui trafiquent
dans ſes Eſtars fuſſent
و
témoins de cette diftinction
, & qui a meſme
A j
8 Voyage des Amb.
ordonné qu'elle leur fuft
expliquée. Quant à ce qui
regarde les Ambaffadeurs
en leur perſonne , je puis
vous affeurer comme ſçachant
par moy - mefme
une partie des choſes que
vous trouverez dans cette
Relation,qu'on ne peut
avoir plus d'eſprit , plus
de prudence , plus d'honneſteté
, & plus de ſens
froid , qu'on leur en voit
tous les jours ; qu'ils font
galans, que leurs reparties
de Siam. 9
font juftes , & qu'enfin ils
ſe font acquis l'eftime de
tous les honneftes Gens .
Auffi font - ils beaucoup
plus confiderez icy quc
pluſieurs Ambaſſadcurs
de Nations éloignées que
nous avons vus en France
. Mais il n'est pas juſte
que vous m'en croyïez
fur ma parole ; je vais me
taire pour laiffer parler
des faits conftans, Ce
qu'ils ont dit ,& ce qu'ils
ont fait depuis qu'ils font
10 Voyage des Amb.
arrivez en France , n'a
point beſoin d'embelliffement
, & pour vous en
faire avoir une haute idée,
il ne faut que me fervir
des meſmes termes qu'ils
ont employez en plufieurs
occafions .
DES AMBASSADEURS
DE SIAM
EN FRANCE.
PRE'S vous avoir
fait part de
tout ce qui s'eft
paffé à la Reception des
An Ambaſſadeurs de France
A
2 Voyage des Amb.
auprés du Roy de Siam ,
& vous avoir donné une
ample Relation de ce qu'-
ils ont fait dans ce Royaume
pendant plus de deux
mois de fejour , j'ay cru
vous devoir auſſi envoyer
un dérail exact de tout ce
que les Ambaſſadeurs de
Siam ont vù , fait & dit
en France , ce qui ne fera
pas moins curieux que ce
que vous avezappris dans
ma Relation de Siam . Si
l'éloignement des lieux
1.
de Siam. 3
nous faifoit regarder comme
Barbares des Peuples
que de vaſtes Mers ſeparent
de nous , nous ne devrions
pas l'eftre moins
à leur égard , puis que
nous ſommes auſſi éloignez
d'eux qu'ilsle font
de nous ; mais on ne
peut donner cetre qualité
aux Peuples d'Orient ,
qu'on fçait avoir toujours
efte eſtimez pour leur fageffe
,& pour leur eſprit.
Ce que trois de leurs Rois
A ij
4 Voyagedes Amb.
firent à la Naiſſance du
Sauveur du Monde , paffera
dans tous les Siecles ,
& ce que font aujourd'huy
ces mefines Peuples
pour honorer leurs Souverains
, apprend à toutes
les Nations qui ont le
bonheur de vivre dans un
Eftat Monarchique , la
veneration qu'elles font
obligées d'avoir pour
ceux que Dieu leur àdonnez
pour les gouverner ,
&qui le reprefentent fur
de Siam. S
Terre. La couleur noire ,
brune , ou blanche ne fait
rien au coeur de l'homme,
& fi l'on en pouvoit tirer
quelque conſequence, elle
devroit eſtre à l'avantage
de ceux qui font plus
- prés du Soleil. Il y a peu
de nos Braves qui ayant
eſſuyé les dures fatigues
où une longueCampagne
engage , ne reviennent
* preſque auffi bazanez que
ces Peuples ,& nous avons
vû noſtre Auguſte Prince,,
A iij
6 Voyage des Amb.
aprés s'eſtre expoſé pendant
des Eftez entiers à la
teſte de les Armées , revenir
à demy reint d'une
couleur qui ne luy pouvoit
eſtre que glorieuſe,
puis qu'elle marquoit fon
affiduité à donner par
tout les ordres , pour faire
mouvoir le grand
Corps qu'il commandoit.
Quand les Peuples d'Orient
n'auroient pas autant
de fageffe & d'avantage
qu'ils en ont par
de Siam.
7
-deſſus quantité d'autres ,
nous devons confiderer
dans les Ambaſſadeurs de
Siam un puiffant Monarque
, qui par leshonneurs
qu'il a rendus à celuy du
Roy , l'a non feulement:
diftingué de tous les Sourains
de la Terre , mais
د
qui a voulu que les trente
deux Nations diffe- -
rentes , qui trafiquent
dans ſes Eſtars fuſſent
و
témoins de cette diftinction
, & qui a meſme
A j
8 Voyage des Amb.
ordonné qu'elle leur fuft
expliquée. Quant à ce qui
regarde les Ambaffadeurs
en leur perſonne , je puis
vous affeurer comme ſçachant
par moy - mefme
une partie des choſes que
vous trouverez dans cette
Relation,qu'on ne peut
avoir plus d'eſprit , plus
de prudence , plus d'honneſteté
, & plus de ſens
froid , qu'on leur en voit
tous les jours ; qu'ils font
galans, que leurs reparties
de Siam. 9
font juftes , & qu'enfin ils
ſe font acquis l'eftime de
tous les honneftes Gens .
Auffi font - ils beaucoup
plus confiderez icy quc
pluſieurs Ambaſſadcurs
de Nations éloignées que
nous avons vus en France
. Mais il n'est pas juſte
que vous m'en croyïez
fur ma parole ; je vais me
taire pour laiffer parler
des faits conftans, Ce
qu'ils ont dit ,& ce qu'ils
ont fait depuis qu'ils font
10 Voyage des Amb.
arrivez en France , n'a
point beſoin d'embelliffement
, & pour vous en
faire avoir une haute idée,
il ne faut que me fervir
des meſmes termes qu'ils
ont employez en plufieurs
occafions .
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Résumé : Prélude. [titre d'après la table]
Le texte décrit le voyage des ambassadeurs de Siam en France, mettant en lumière leurs activités et observations. L'auteur souligne la sagesse et l'esprit des peuples orientaux, y compris ceux de Siam, et compare les gestes de vénération des souverains à ceux observés à la naissance du Sauveur du Monde. Il insiste sur la diversité des couleurs de peau, affirmant que cela n'affecte pas le cœur des hommes. Le texte loue également la bravoure des peuples orientaux et des soldats français. Les ambassadeurs de Siam ont été honorés par leur monarque, qui a distingué le roi de France devant trente-deux nations différentes. Les ambassadeurs sont appréciés pour leur esprit, leur prudence, leur honnêteté et leur sens froid, gagnant ainsi l'estime des honnêtes gens en France. Leur comportement et leurs paroles sont décrits comme dignes de confiance et respectables.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 327-330
Ce qui s'est passé au moment de leur départ. [titre d'après la table]
Début :
Mr le Chevalier de Chaumont, les accompagna jusqu'à leur [...]
Mots clefs :
Départ, Voyage, Paris, France, Relation, Roi, Ambassadeurs, Storf, Monsieur de Ville, Chevalier de Chaumont, Alexandre de Chaumont
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texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé au moment de leur départ. [titre d'après la table]
Mle
Chevalier de Chaumont , les
accompagna juſqu'à leurCartofle,&
les vit partir , l'Am
328 IV . P. du Voyage
baffadeur parut fort touche.
Ils feront traités juſques à
Breft par M. de Ville , qui eſt
le Maître d'Hôtel que leRoy
leur a donné , de forte qu'en
quelque lieu que ce foit , ils
feront fervis de la meſme forte
qu'ils l'ont eſté à Paris , &
dans leVoyage qu'ils ont fait
en France , oula inagnificence
a toûjours efté égale. Je finis
cette Relation à leur départ
part de Paris, parce qu'ils vont
àBreft par le meſme chemin
qu'ils en font venus , & que
dans ma premiere Relation ,
je vous ay parlé de tout ce
'des Amb. de Siam, 329
qui regarde cette route. On
avoit eu deſſein de les faire
pafſer en Normandie , afinde
leur faire voir de nouvelles
Villes , mais les chemins n'étant
pas ſi praticables , & le
temps de l'embarquement
preffant , on a craint quelque
retardement qui les empefchaft
de faire voile au premier
vent favorable.
M. Torf , Gentilhomme
ordinaire de la Maiſon du
Roy, & dont je vous ay fouventparlédans
ces quatreRelations
, les doit conduire à
Breſt , où il a eſté les prendre.
Ee
330 IV. P. du Voyage
On ne peut mieux s'acquitten
que luy de ces fortes de fon-
Stions , & la maniere dont il
a remply cette derniere, marque
le bon choix du Roy. II
a fatisfait Sa Majesté , & les
Ambaſſadeurs , & l'on peut
dire qu'en faiſant ſon devoir,
il a trouvé moyen d'obligert
toute la France pendantneuf
mois.
Chevalier de Chaumont , les
accompagna juſqu'à leurCartofle,&
les vit partir , l'Am
328 IV . P. du Voyage
baffadeur parut fort touche.
Ils feront traités juſques à
Breft par M. de Ville , qui eſt
le Maître d'Hôtel que leRoy
leur a donné , de forte qu'en
quelque lieu que ce foit , ils
feront fervis de la meſme forte
qu'ils l'ont eſté à Paris , &
dans leVoyage qu'ils ont fait
en France , oula inagnificence
a toûjours efté égale. Je finis
cette Relation à leur départ
part de Paris, parce qu'ils vont
àBreft par le meſme chemin
qu'ils en font venus , & que
dans ma premiere Relation ,
je vous ay parlé de tout ce
'des Amb. de Siam, 329
qui regarde cette route. On
avoit eu deſſein de les faire
pafſer en Normandie , afinde
leur faire voir de nouvelles
Villes , mais les chemins n'étant
pas ſi praticables , & le
temps de l'embarquement
preffant , on a craint quelque
retardement qui les empefchaft
de faire voile au premier
vent favorable.
M. Torf , Gentilhomme
ordinaire de la Maiſon du
Roy, & dont je vous ay fouventparlédans
ces quatreRelations
, les doit conduire à
Breſt , où il a eſté les prendre.
Ee
330 IV. P. du Voyage
On ne peut mieux s'acquitten
que luy de ces fortes de fon-
Stions , & la maniere dont il
a remply cette derniere, marque
le bon choix du Roy. II
a fatisfait Sa Majesté , & les
Ambaſſadeurs , & l'on peut
dire qu'en faiſant ſon devoir,
il a trouvé moyen d'obligert
toute la France pendantneuf
mois.
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Résumé : Ce qui s'est passé au moment de leur départ. [titre d'après la table]
Le texte relate le départ des ambassadeurs de Siam de Paris, escortés par le Chevalier de Chaumont. M. de Ville, Maître d'Hôtel du Roi, garantit qu'ils seront traités avec le même soin qu'à Paris durant leur voyage en France. Leur itinéraire de retour à Brest suit le même chemin qu'à l'aller. Initialement, il était prévu de leur faire visiter la Normandie, mais des routes impraticables et l'urgence de l'embarquement ont rendu ce projet impossible. M. Torf, Gentilhomme ordinaire de la Maison du Roi, est chargé de les accompagner à Brest. Ses compétences ont été saluées par le Roi et les ambassadeurs, et il a su se rendre utile en France durant neuf mois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 80-124
A Quebec le 12e. Novembre 1709.
Début :
Il y a déja plusieurs années que je vous envoye une Relation / MONSIEUR, La Description étonnante que vous me faites de l'Hyver [...]
Mots clefs :
Québec, Relation, Hiver, Froid, Nouvelle France, Colonie, Capitaine, Pierriers, New Yorck, Manhate, Espions, Canada, Troupes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Quebec le 12e. Novembre 1709.
Il y a déja plufieurs années
que je vous envoye une Relation de ce qui s'eft paffé en
Canada pendant le cours de
chaque année ; mais quelques
incidens font caufe que je vous
envoye celle que vous allez lire , quelques mois plus tard
quevous n'avez accoûtumé de
la recevoir tous les ans. Elled
vient d'un Officier François quis
eft dans l'Armée Canadienne.
"
GALANTNY 81
$ srpos ench notede af M
A Quebec le 12°. Novembre
299NING 27731709. riba vit
MONSIEUR,
La Defcription étonnante que
vous mefaites de l'Hyver qui a
ravagé l'Europe cette année , m’a
fait faire les reflexions ordinaires
fur le froid que l'on fent en ce
pays - cy. Et effectivement j'ay
admiré plus d'une fois.comment
les racines des Plantes , les Bois,
లో les Animaux, fans parler des
Habitans , refiftoient non-feulement a de tels froids , mais encore
82 MERCURE
à celuy que nous avons éprouvé
icy , vers la fin de l'année 1708 .
peu prés vers le temps que je
finiffois les dernieres Lettres queje
vous ay adreffées ; car il a eftéfi
pénetrant & fi vif, que s'il avoit
continué de la mêmeforce , je crois
quenous aurions tous peri & que
nous ferions tous morts dans les
commencemens d'un Hyverfi affreux. Mais le Seigneur n'a point
permis que nous avons fouffert au
deffus de nos forces.
Ainfi quelque rude qu'ait éfté
Hyver dans vos climats temperez d'ailleurs , il l'a efté incompa
rablement davantage en Canada,
GALANT 83
où la gelée commença vers la fin
de Novembre & perfevera fi
fortement, que dans les derniers
jours de Decembre ( 1708. ) le
Fleuve de S. Laurent , fe trouvaglacéjusqu'à laprofondeur de
dix pieds , & qu'il y avoit déja
quatre pieds de nége fur terre. Je
le repete encore , Monfieur , jepenfe que la Colonie auroit peryſi la
gelée avoit continué de cette violence. Et certes les Anglois fiirritez contre nous auroient eu alors
bon marché du Canada.
Ce froid exceffif nous quitta
fans doute pour vous aller rendre
vifte, puifque vous me marquez
84. MERCURE
que le premierjour de la grande
gelée commença le 6. ou 7. deFanvier de l'année fuivante ( 1709)
ce que je puis vous dire , c'est que
toutes ces horreurs de la nature ,
n'ontpoint efté un obftacle à la terre dela Nouvelle France , de nous
donnerd'affez bonsfruits, &aux
hommes de vivre ; au contraire
nous remarquons que ce froid
tribue à la fanté, & que la nége
qui regnefi longtemps dans l'AmeriqueSeptentrionale , l'engraifmerveilleufement , la moiffon
ayant efté abondante cette année-ci
en bled & enfruits; quoy qu'on
ne féme qu'à lafin d'Avril , le
fe
con-
GALANT 85
blé eft preft à couper au mois
( Je ne commenceray points
Monfieur, les Nouvelles que j'ay
à vous mander de ce pays-cy, par
ce qui s'eft paffé en l'Ile de Terre
Neuve au Fort S. Jean que nous
avons pris aux Anglois , parce
queje connois par vos Lettres que
vous en avez eftéinftruit en France , même d'aſſez bonne heure ;
à quoy je vous prie de faire
attention icy , eft que cette entreprife qui a estéexecutée avecbeaucoupde vigueur où entr'autres,
le fieur de la Ronde , d'une ancien="
ciennefamille de Canada s'eft dif-
86 MERCURE
tingué parfa bravoure intrigue
fort, non - feulement les Anglois
nos voiſins , mais encore ceux que
nous appellons icy les Anglois de
la Vieille- Angleterre, qui au
retour de ce qu'ils poffedent aux
Ifles - Antilles & ailleurs dans
l'Amerique, venoientfe relâcher,
ou radouber en ce Port , qui par
confequent leur eftoit fort commode.
Plufieurs des noftres difent icy
que la prife de ce Pofle & le ravage qu'on afait aux environs ,
va àfix millions. On dit que
Pefche que l'on faifoit proche la
Rade de S.Jean & aux Bancs
la
GALANT 87
voifins , valloit quatre millions de
rente à la Reine Anne. Nous
avons icy le Commandant ( le
Colonel Lloyd ) de ce Fort , prifonnieravecplufieurs Officiers, &
Soldats on Habitans de fon Gouvernement. Ila , àce qu'onpublie
dans Quebec , cent mille livres de
bien, & il veut fe marier icy &
époufer la veuve de Mr de Maricourt mort en 1704. Il eftoit
Capitaine dans cette Colonie &
freredu fameux Mr d'Yberville
qui s'eft fi fort diftingué fur mer
par fa valeur. Un Ecclefiaftique
tres-zelé, du Seminaire de Saint
Sulpice de Ville - Marie en l'Ifle
88 MERCURE
de Montreal, qui fait parfaite
ment l'Anglois , eft defcendu icy
pour travailler à la converfion de
ce Gouverneur Anglois , car
prétend, & il a témoigné librementfon deffein là-deffus , renoncer à la Religion Proteftante &
fe faire Catholique.
L'affaire de l'habitation de S.
Jean en Terre-Neuve futfuivie
d'une autre entrepriſe dans laBaye
d'Hudson , au lieu appellé le petit
Nord.
Mr Capitai- de Mantet
ne dans la Colonie enfut le Chef;
ce fut au mois d'Avril de cette
année 1709. Le Partife trouva
compofé de centhommes tous Ha.
GALANT 89
bitans & mariez pour la pluspart , mais alertes & entrepre P
nans ; Mr de la Nouě Lieutenant commandoit en ſecond ; à ces
deux Officiers s'en joignirent quel.
ques autres Subalternes ; la marche dura un peu plus de deux
mois , au bout duquel temps , nos
gens arrivez au but , déterminerent lejour de l'attaque au fixiémejour de Juillet. On choifit la
nuitpourcela: les Enfans perdus ,
je veux dire ceux qui marcherent
les premiers , donnerent brufquement & tefte baiffée fur un des
Fortsflanqué de quatre Baſtions ,
Février 1710. H
90 MERCURE
munisfelon le rapport de quelquesuns de ceux qui enfont revenus
de foixantepieces de Canon & de
plufieurs Pierriers. Des Boucaniers a qui le gardoient firent une
decharge terrible & du canon &
de leurs longs fufils qui cependant n'empêcha point ces premiers
des noftres , de pouffer leur pointe
avec une ardeur étonnante , de
rompre la paliẞade faite de gros ·
a Gens déterminez, Chaffeurs , propres
à la découverte , foit dans les terres
foit en mer; on pourroit les appeller
Flibuftiers de terre , auffi bien quede
mer. Les Boucaniers vivent fans façon de chair rôtic plus à la fumé
qu'au feu..
GALANT 91
un
pieux de traverſer un foffe
plein d'eau , large de quinzepieds,
qui estoit au de- là ; comme le feu
de l'Ennemy eftoit violent & continuel , & que le canonfaifoit
fracas horrible , & qu'avec cela
le nombre des Soldats oppofez aux
moftres eftoit tout-à-faitfuperieur,
il fallut fe retirer.
Mrde Mantet qui s'eft particulierement fignalé dans cette action , une des plus vives qui fe
foit faite en Amerique , y a efté
tues MrdeMartigny & douze
on quinze Canadiens ont eu le
mêmefort.
Hij
92 MERCURE
Les Anglois de la Vieille er de
la Nouvelle Angleterre ont efté
cette année dans de grands mouvemens pour s'emparer , fuivant
leur deffein , des trois Gouvernemens de la Colonie ; il neferoit
pas facile de vous expliquer combien ilsfe font remuez pour celae
voicy à peu prés la manœuvre
qu'ils ontfaite pourl'execution
ce projet.
uer.comDés que les Anglois de la Nouvelle Angleterre , & furtout ceux
de Bafton qui en eft la Capitale ,
eurentfçu certainement laprife de
leur Habitation du Port S.Jean ,
une des plus confiderables , ſans
GALANT 93
contredit , qu'ils euffent en TerreNeavepour la Pefche & lafureté de leurs Vaiffeaux qui paſſent
ouquireviennent d'Amerique , its
en donnerent avis à la Reine Anne par de petits Baftimens qu'ils
firent partir en diligence ; de forte
que vers la fin de May, un de
nos PartisSauvages ayantpris un
Officier Anglois du cofté de Bafton,
nous apprimes de luy qu'il leur
eftoit arriué des ordres de leur
Reine , par le Capitaine V'éché ,
dont voicy le contenu , autant que
jay pû m'en reſſouvenir: Que
tous les paysde fa domination
voifins de la Nouvelle - Angle-
$
94 MERCURE
terre ; fçavoir b la NouvelleYorck , le New-Jersey , bla
Penſylvanie , Mariland ( qui
veut dire terre de Marie ) la Vir
ginie & la Caroline ( quifemble
eftre une partie de la Floride ) feroient inceffamment proviſion
de vivres & de munitions de
guerre ; Qu'il feroit levé mille
hommes bien équipez & armez , qui fe joindroient à huit
mille Ecoffois prefts à s'embarquer au premier vent favora
ble & former une Efcadre de
dix Vaiffeaux de ligne , fans
Tous ces Pays font entre les 45. & 30.
degrez de Latitude Nord.
GALANT 95
compter les Baftimens de char
ge pour les munitions & les
vivres dont on pouvoit avoir
befoin , & cela pour venir
moüiller devant Bafton à la fin
du mois de Juin. Ces Ecoffois
aidez des Anglois de la Nouvelle
Angleterre devoient , felon leur
intention , affieger Quebec &fe
rendre maiftres detoutes les Coftes
d'en bas , jufqu'à la mer;
pays devoit , dans la pensée de la
Reine, leur demeurer , pour récom
penfe de la dépense & des avan
ces faites par ces Ecoffois les
mêmes ordres de la Reine Anne
marquoient : Que les Habitans
o
7
ce
96 MERCURE
du Gouvernement d'Orange
dans New-Yorck avecceux de
Manhate & les Sauvages leurs
Alliez ou Amis , s'uniroient
enfemble pour faire un Corps
d'Armée de trois mille hommes , qui iroit tomber fur le
Montreal , & feroit ainfi diverfion des forces des François.
d'arMrle Marquis de Vaudreüil,
Gouverneur general de la Nonvelle-France ne faifoit que
river à Ville-Marie , la feule
Ville quifoitdans l'Ile de Montreal éloignée foixante lieues de
Quebec ,lors qu'il apprit les deffeins
GALANT 97
feins des Anglois nos voisins, il
affembla le Confeil de Guerre
pour déliberer fur les mesures
qu'onavoit à prendre , &on fut
d'avis d'aller au devant des Ennemis & de les prévenir. Mr de
Ramezay Gouverneur de Mont
real fut destiné pour né pour commander
les Troupes ou Milices defon Gouvernement , &l'on convint d'y
joindre les Sauvages Iroquois
Algonkins , Abnakis , les autres qui font dans le voisinage.
Tout eftant preft ne vous attendez point icy , Monfieur , à des
Arméesdecent mille hommes comme en Europe , mais à des Partis
Février 1710. I
98 MERCURE.
pluteft qu'à des Armées , proportionnez aux Habitans de ces Regions froides ) la petite Armée , ou
le Partifi vous l'aimez mieux ,
commença à fe mettre en marche
vers le 15. deFuillet, & elle fe
* trouva cftre de treize àquatorze
cens hommes ; compofée des Habitans du Gouvernement de lIfle
de Montreal & de Sauvages de
plufieurs Nations. Onfut juf
qu'au c Lac Champlain , ainfi
eCe Lac s'etend depuis le 44. environ,
jufqu'au 45. degré de latitude Septentrionale. On en diftingue deux à
fes extremitez ; c'eft-à dire au Nord
& au Sud, le Lac de S. François au
Nord, & le Lac, dit du S. Sacrement,
au Sud.
QUA
LYON
GALANT 99
DE
appellé d'un ancien Gour
de Canada de ce nom ; Mrle
Marquis de Vaudreuil qui eft
fage & tres vigilantfaifoit pendantce temps- la fortifier de nouveau Quebec & Ville Marie ,
vulgairement dite Montreal ,
l'Habitation la plus importante
de l'Ifle de ce nom. Les Forts des
environs de l'Ile de Montrealfurent vifitez &reparez où ilfalloit on s'attacha beaucoup à d
celuy de Mrle Baron de Longüeil
Major de Montreal qui eft de
d Le Fort de Longueil eft à peu prés au
Sud de l'Ile de Montreal, fur le bord
du Fleuve S. Laurent.
I ij
100 MERCURE
pierre & un desplus confiderables
dela Colonie; celuy de la Prairie,
dité de la Madeleine , au Sudde
de l'Ifle de Montrealfut auffifortifié de nouveau en même temps
que celuy de e Chambly qui eftoit
Le plus expofe aux infultes de
l'Ennemi ; on en conftruifit un de
pierres à Lorette , Miffionfauvage au Nord de Ville -Marie ,
gouvernée par Mrsde S. Sulpice.
Les Découvreurs marchant devant noftre Arméejufques à trois
ou quatre licuës , rencontrerent un
eCe Fott cft au Nord du Lac Champlain , & à environ dix lieues de la
Rivierb de S. Laurent.
GALANT 101
Parti ennemi au lieu dit la Poinre , fà la chevelure de cent vingt
hommes ou environ ; Mr de Ra
mezay le Commandantfut auſſitoft averti , ilfit rangerfes gens en
ordrede Bataille le fignal donné,
on marcha droit aux Anglois , les
noftres donnerent avec vigueurfur
l'Ennemi en tuerent on firent
Prifonniers une bonne partie
mirent le refte en fuite ; quatre
de nos Sauvages qui s'eftoient un
f Ce lieu est éloigné de Quebec d'environ 6o. lieuës , & il n'eft aing nommé qu'à l'occafion de quelques chevelares levées par des Sauvages; mes
Lettres vous ont déja dit comment
cela fe faifoit.
I iij
102 MERCURE
25.
peu trop avancez ,yfurent tuez.
Les Prifonniers nous apprirent que
les Anglois s'eftoient retranchez à
lieues en deça d'Orange , le
long d'une petite riviere , appellée
la Riviere au Chicot , g qu'ils
faifoient conftruire en cet endroit
de grands Batteaux & des Pirogues &un bon nombre de Canots pour venir ravager le Canada, à lafaveur de la Riviere de
Saint Laurent , dans laquelle ils
feroient entrez par le moyen du
Lac Champlain les Anglois
g
s
Du cofté du Lac du S. Sacrement &
vers l'entrie du Lac Champlain, dans
le voisinage de la Nouvelle- Angleterre & de New-Yorck.
GALANT 103.
avoient en effet élevé trois Forts
avec de gros & grands pieux de
bois de cedre blanc qui eft commun
dans l'Amerique Septentrionale,
dans l'un defquels on diſoit qu'ily
avoit fix ou buitpieces de canon ,
des bombes , quantitédegrenades ,
environ quinze ou dix - huit
cens hommespour les garder.
Sur le rapport de ces Prifonniers Anglois , Mr de Ramezay
affembla tous les Officiers de fa
petite Armée, le Confeil trouvantque ceferoit , cefemble , une
temerité quede s'expofer en avançant contre des Ennemis & plus
nombreux, avec cela tres - bien
I iiij)
104 MERCURE
retranchez , on prit le parti de les
attendre de pied ferme , s'ils en
vouloient venir aux mains ; cer
pendant les Efpions des Anglois
ayant rapporté àleur Camp que
noftre Armée eftoitformidable
que le Lac Champlain eftoit tout
couvert de canots , l'allarme fe mit
parmi eux , & aucun des- leurs
neparoiffant , aprésplufieursjours
d'attente , le Chefdu Parti Canadien confiderant que la recolte
dans l'Ile de Montreal & aux
contrées adjacentespreffait, &mêmé qu'elle eftoit déja commencées
renvoya la Milice & les Habitans de Montreal & des Coftes
+
GALANT 105
cela n'empêchapoint qu'on ne laiffaft des Découvreurs aux environs du Pofte que l'on quittoit ,
c'eft à dire vers les Lacs S. François , de Champlain & du S. Sacrement , celuy - cy cftant le plus.
proche des Ennemis , pour avertir
de tout en cas de befoin. La moiffonfefit pendant ce temps- là &a
efté abondante , non-feulement en
blé , mais encore en legumes & en
fruits tels qu'on les peut conferver
en Canada.
On ramaffoittranquilement les
biens que le Ciel nous avoit don
nez de fa main toute liberale , lors
que vers le 15.du mois de Septem-
106 MERCURE
bre tout à coup un Sauvage qui
avoitdefertédu Camp des ennemis».
vintdire au Montreal queles En
nemis eftoient enmarche du cofté du
LacChamplain. MrdeRamezay
envoya en diligence ce Sauvage à
Mr le Marquis de Vaudreuil
qui eftoit defcendu à Quebecpour .
j bien recevoir les Ennemis , qui
felon le bruit qui couroit, prétendoient l'affieger avec des forces
nombreuſes &par mer &parterre. Les Officiers s'eftant affemblez
chez Mrle Gouverneur general ,
onconclutque le Montrealfe trouvant endanger, ilfalloit lefecou
courir, les Découvreurs que Mr
GALANY 107.
deVaudreuilavoit envoyez àplus
de foixante lieuës au - deffous de
Quebec , ne voyant rien fur le
Fleuve nyfur les Coftes ; l'ordre
ayant donc efté donnépour monter
le Fleuve de S. Laurent , il fe
trouva mille hommes du Gouver
ment de Quebec , preſts à marchers
Mr le Marquis deVaudreuil General de toute la Colonie , fe mit
à la tefte & fut droit au Fort
Chambly, vers l'entrée du Lac
Champlain tous les Sauvages
d'enbas premierement ceux des
environs de Quebec & des trois
Rivieres , fejoignirent à la Milice de la Cpitaledu Canada. Ace
108 MERCURE
Corps de Troupes fe joignit celuy
du Gouverneur de Montreal Mr
de Ramezay , ce qui forma une
Armée d'environ trois mille hom
mes. Le lieu du Campfut affigné
auLac & Fort de Chambly affez
prés du LacS. François quife communique à celuy de Champlain
mais comme aprés trois semaines
ou environ , l'Ennemi ne faifoir
aucun mouvement , on commença
à fe défier du Sauvage deferteur
de fon rapport: ce futen cette
fituation que Mr le Gouverneur
general reçut avis de Quebec , au
commencement d'Octobre , que la
Bellone Fregatte Françoise venois
GALANT 109
"de mouiller devant cette Ville , &
que l'Efcadre Ecoffoife deftinée
pourfaire le Siege de la Capitale
du Canada & favorifer l'attaque
des Anglois par en haut , c'est- àdire du cofté de Montreal , avoit
eu ordre de la Reine Anne de faire
voile vers le Portugal , à caufe
que MrleMarquis de Bay Commandant en Eftramadoure pour
PhilippeV. Roy d'Espagne, avoit
battue défait les Portugais &
les Anglois leurs Alliez. Mr le
General les Officiers de l'Armée Canadiennejugeantdoncqu'il
n'y avoit plus rien à craindre , la
faifon d'ailleurs eftant fort avan
براج
110 MERCURE
cée , on congedia la plupart des
Troupes. Neanmoins MrdeVaudreüil permit à Mr de Montigny
Capitaine tres-brave defaperfonne , que vous avez pu voir à la
Courily a quelques années , accompagné d'un ChefdesSauvages de la nation des Abnakis , de
fe mettre à la tefte d'un petit Parti, compofé de Canadiens experimentez &de Sauvages aguèrris,
pour tacher defaire quelques Prifonniers. Quelques- uns de ce petit
Parti , s'avancerent fi prés des
Forts des Anglois , qu'ils en fçûrent aisément & le nombre
forme. Fuſques à prefent , nous
la
*
GALANT III
n'avons perdu aucun des noftres ,
fice n'eft quatre Sauvages qui s'étoient engagez trop avant , dans
-le combat fous Mrde Ramezay.
Les Ennemis, fi on en croit un
Anglois amené depuis peu par un
Sauvage Abnaki , appellé Carnaret , efperent executer l'année
prochaine ce qu'ils n'ont pas fait
・
celle-cy.
La conclufion de toute la manœuvre des Anglois nos voisins &
de tout ce qu'avoit projetté leur
Reine , eft qu'il leur en coûte environfix millionspour le tout. On
compte cinq millions cinq ou fix
recent mille livres pour la Flotte
112 MERCURE
d'Ecoffe , fur lefquels cinq mil
lions , la Reine avoit fourni la
fomme de cinq ou fix cens mille
Livres , pour encourager les Ecoffois à fe rendre maiftres de toute
la Nouvelle- France , &environ
un million , tant au Baftonnois
qu'à ceuxde la Ménade on Manhate e d'Orange à qui la Reine
Anne donnoit en recompenfe tout
le Pays de Canada qui eft depuis
l'Ile de Montreal jufqu'à Quebec.
Lefuccés n'ayant point répondu à l'atente des Peuples de la
Nouvelle- Angleterre , de NewYork , & autres Pays fujets àla
CALANT 113
Reine Anne en Amerique , fur
lefquels on avoit levé de rudes
impôts & tiré d'exceffives contributions , ils commencent déja à
temoigner hautement leur mécontentementfur tout contre Pitref
culle , Major d'Orange , le principalboute-feu de la Guerre alumée contre nous qui jufqu'à .
prefent les à leurré de vaines
promeffes , leur faifant entendre
qu'il attireroit dans le parti de
l'Angleterre toutes les Nations
Iroquoifes par de magnifiques &
de riches prefens ; fur de fi belles
paroles les Habitans d'Orange,
d'Efope , & de Corlard , abanFévrier 1710.
K
114 MERCURE
#
donent leurs habitations &leurs
biens , courent aux armes.
Ceux de Manhate qui eft da
principale Place de la NouvelleYork , avec leur Gouverneur fe
·laiffent auffi éblouir par les difcours qu'on a foinde femer parmy.
eux , les Habitans de Bafton les
entrainent comme , malgré eux
dans cet expedition ; ils fe mettent
en marche , charient quantité
de provifions de bouche , bâtiffent
des Forts , pour leur fervir de
refuge en cas de défavantage , ils
fontde grandes dépenfes pour des
Convoys & des Munitons prodigieufes en Bombes , Canons ,
GALANT
Grenades , Pierriers . Toutes
ces démarches fembloient devoir
porter la terrear non feulement à
ta nouvelle France ; mais encore à
toute l'Amerique Septentrionalle ,
attirer tous les Sauvages dans
leur parti , neanmoins les Iroquois les plus aguerris d'entr'eux
nebranlentpoint , & les Sonontboüans demeurent neutres. Les
François loin de craindre les Anglois , vont au - devant d'eux ,
battent un de leur parti , font des
Prifonniers & les provoquent
de nouveau au Combat fans que
ces mêmes François ayant perdu
ancun des leurs. Tout nouvelleKij
116 MERCURE
ment nous venons de leur prendre
un Lieutenant qu'on a amené icy
Prifonnier. Une Flutte GardeCôtede Baftonavoit eſtépriſe par
nos gens avec buit Barques chargées de munitions qui alloient audevant de la Flote d'Ecoffe , qui
avoit ordre de la Reine Anne de
Se rendre maistre du Canada.
Ajoutez à cela tous nos petits
partis , difperfez çà , & là, qui
nous ont aporté plufieurs cheve
lures d'Anglois , ce qui a furieufement inquieté nos Ennemis
comptant laplupartdes Sauvages
dans leur parti,
pran
Nous avons vu icy au mois
GALANT 117
de Juillet un Phénomene qui a
fait parler diferemment bien des
fortes de ge
moyenne région de l'Air & avoit
à peu prés le difque apparent de
la Lune. Il yen eut à qui ilne
Sembla eftre qu'à la hauteur des
Arbres àdeuxcents pas d'eux,
tout Montreal l'a vu auffi- bien
que Quebec. Comme tout eft extrême en ce Pays- cy, & quepar
opofition au grandfroid , ilyfait
une chaleur exceffive en Esté
cette exhalaifon s'eft aparamment
formée d'une matiere déja toute
prefte:mais laiffons à Meffieurs
les Philofophes deviner ces effets
gens. Il parut dans la
118 MERCURE
de la nature , racontons quel
que chose qui vous touchera
peut- êtredavantage.
Les Iroquois quoyque battus
deux ou troisfois parles Outaouacs
depuis la Paix , n'ont pas encore remué , quoyque dans l'ame ,
ils ayent , à ce que quelques gens
croyent , bien envie defe vanger.
Les Aniés une des cinq Nations ,
la bonne amie des Anglois la
plus voifine de New York
incitez par nos Ennemis ,fe font
hazardez de venir , par une
lâchefurprife , lever la chevelure
à trois on quatre de nos Iroquois,
du Sant Saint Louis , à une lieuë
GALANT 119
&demie du Montreal,
Nous ménageons les Sauvages & ce n'eft pas peu de les
conferver dans la neutralité
contre lesfollicitations importunes
tres artificieufes de PeterSchuyler , vulgairement appellé
Pitre-Schulle , Major d'Elbanie où Orange en New York, fin
Renard , quipar des prefens réïterez e des difcours adroits
tâche de les metre ( au moins quelques Nations ) dans le parti des
Anglois. Mr de Jonquiere
réuffi merveilleufement auprés des
Sononthouans des Goyogouens
durant plufieurs années qu'il
120 MERCURE
efté auprés d'eux , pour les tenir
affectionnez à la Colonie , ce qui
luy a fait effuyer bien des fatigues. Mr le Baron de Longüeil
Major de Montreal , cheri de
pere en fils de ces Nations , eft allé
chez eux en Ambaffade pour Ne
gotier au moins une neutralité qui
foit ferme & pour les tenir en
refpect. La Nation des Sononthoüans femble être toute entiere.
pournous , & celle des Goyogoüins
enpartie ; ceux - cy quoyque gouvernezpar les premiers , je veux
dire par les Sononthoüans , une
des cinq Nations laplus nombreuSe,font partagez ce qu'ily a
de
GALANT 121
les
de remarquable c'est que les Iro
quois appellent les François ( en
la perfonne de leur Gouverneur
General ) leur Pere , & que
Anglois ne font confiderez chez
eux (fi peut-être on n'en excepte
les Aniez qui depuis du temps
paroiffent leurs grands amis ) que
comme leur Frere.
Voicy les morts les plus confiderables dans la Colonie , de cette
année. Mrle Marquis de Chryfaphi Gouverneur de la Ville des
Trois Rivieres , je ne vous apren
dray point icy , comme une chofe
nouvelle que cette Place eft égale
ment éloignée de Quebec , & de
Février 1710. L
122 MERCURE
Montreal , c'est ce que vous avez
pú connoître par mes precedentes
auffi-bien que beaucoup d'autres
éclairciffemens ou explications
que je ne repeteray pas dans cette
Lettre- ci, depeurde vous ennuyer.
Nous avons auffiperdu Mr de
Linetot MajordesTrois Rivieres.
Mrde Lorimier Capitaine. Mr
de Lor Biniere Doyen des Confeillers du Confeil Souverain de
Quebec un Chanoine de la
Cathedrale , ( Mr Petit ) jou
bliois le Pere ChauffetierJefuite ,
ce bon Pere-ci prétendoit il y a
quelques années avoir trouvé
le fecret de faire du pain avec
د
*
GALANT 123
certaine racine , qui auroit pû
fupléer au pain ordinaire dans un
befoin.
Je finis ma Lettre , que vous
recevez par la Bellone , petite
Fregate defeize Canons , en vous
marquant les perfonnes les plus
confiderables quipaffent en France dans ce Vaiffeau. Me la
Marquife de Vaudreuil femme
de Mrle Gouverneur General ,
s'y embarqua avec Me du Mefnil femme du Major des Troupes
de la Colonie. Mrle Vallet Chanoine de cette Ville & Secretaire
de Monfeigneurde Saint Vallier
noftre Evêque , Mr le Vaſſeur
Lij
124 MERCURE
Ingenieur envoyépar le Roy , c.
C'est avec les mêmes fentimens d'eftime & de wespect que
j'auray toujours pour vous , que
je fuis tres-parfaitement.
·
MONSIEUR,
Voftre tres- humble tresobéiffant ferviteur,
N.D.D
que je vous envoye une Relation de ce qui s'eft paffé en
Canada pendant le cours de
chaque année ; mais quelques
incidens font caufe que je vous
envoye celle que vous allez lire , quelques mois plus tard
quevous n'avez accoûtumé de
la recevoir tous les ans. Elled
vient d'un Officier François quis
eft dans l'Armée Canadienne.
"
GALANTNY 81
$ srpos ench notede af M
A Quebec le 12°. Novembre
299NING 27731709. riba vit
MONSIEUR,
La Defcription étonnante que
vous mefaites de l'Hyver qui a
ravagé l'Europe cette année , m’a
fait faire les reflexions ordinaires
fur le froid que l'on fent en ce
pays - cy. Et effectivement j'ay
admiré plus d'une fois.comment
les racines des Plantes , les Bois,
లో les Animaux, fans parler des
Habitans , refiftoient non-feulement a de tels froids , mais encore
82 MERCURE
à celuy que nous avons éprouvé
icy , vers la fin de l'année 1708 .
peu prés vers le temps que je
finiffois les dernieres Lettres queje
vous ay adreffées ; car il a eftéfi
pénetrant & fi vif, que s'il avoit
continué de la mêmeforce , je crois
quenous aurions tous peri & que
nous ferions tous morts dans les
commencemens d'un Hyverfi affreux. Mais le Seigneur n'a point
permis que nous avons fouffert au
deffus de nos forces.
Ainfi quelque rude qu'ait éfté
Hyver dans vos climats temperez d'ailleurs , il l'a efté incompa
rablement davantage en Canada,
GALANT 83
où la gelée commença vers la fin
de Novembre & perfevera fi
fortement, que dans les derniers
jours de Decembre ( 1708. ) le
Fleuve de S. Laurent , fe trouvaglacéjusqu'à laprofondeur de
dix pieds , & qu'il y avoit déja
quatre pieds de nége fur terre. Je
le repete encore , Monfieur , jepenfe que la Colonie auroit peryſi la
gelée avoit continué de cette violence. Et certes les Anglois fiirritez contre nous auroient eu alors
bon marché du Canada.
Ce froid exceffif nous quitta
fans doute pour vous aller rendre
vifte, puifque vous me marquez
84. MERCURE
que le premierjour de la grande
gelée commença le 6. ou 7. deFanvier de l'année fuivante ( 1709)
ce que je puis vous dire , c'est que
toutes ces horreurs de la nature ,
n'ontpoint efté un obftacle à la terre dela Nouvelle France , de nous
donnerd'affez bonsfruits, &aux
hommes de vivre ; au contraire
nous remarquons que ce froid
tribue à la fanté, & que la nége
qui regnefi longtemps dans l'AmeriqueSeptentrionale , l'engraifmerveilleufement , la moiffon
ayant efté abondante cette année-ci
en bled & enfruits; quoy qu'on
ne féme qu'à lafin d'Avril , le
fe
con-
GALANT 85
blé eft preft à couper au mois
( Je ne commenceray points
Monfieur, les Nouvelles que j'ay
à vous mander de ce pays-cy, par
ce qui s'eft paffé en l'Ile de Terre
Neuve au Fort S. Jean que nous
avons pris aux Anglois , parce
queje connois par vos Lettres que
vous en avez eftéinftruit en France , même d'aſſez bonne heure ;
à quoy je vous prie de faire
attention icy , eft que cette entreprife qui a estéexecutée avecbeaucoupde vigueur où entr'autres,
le fieur de la Ronde , d'une ancien="
ciennefamille de Canada s'eft dif-
86 MERCURE
tingué parfa bravoure intrigue
fort, non - feulement les Anglois
nos voiſins , mais encore ceux que
nous appellons icy les Anglois de
la Vieille- Angleterre, qui au
retour de ce qu'ils poffedent aux
Ifles - Antilles & ailleurs dans
l'Amerique, venoientfe relâcher,
ou radouber en ce Port , qui par
confequent leur eftoit fort commode.
Plufieurs des noftres difent icy
que la prife de ce Pofle & le ravage qu'on afait aux environs ,
va àfix millions. On dit que
Pefche que l'on faifoit proche la
Rade de S.Jean & aux Bancs
la
GALANT 87
voifins , valloit quatre millions de
rente à la Reine Anne. Nous
avons icy le Commandant ( le
Colonel Lloyd ) de ce Fort , prifonnieravecplufieurs Officiers, &
Soldats on Habitans de fon Gouvernement. Ila , àce qu'onpublie
dans Quebec , cent mille livres de
bien, & il veut fe marier icy &
époufer la veuve de Mr de Maricourt mort en 1704. Il eftoit
Capitaine dans cette Colonie &
freredu fameux Mr d'Yberville
qui s'eft fi fort diftingué fur mer
par fa valeur. Un Ecclefiaftique
tres-zelé, du Seminaire de Saint
Sulpice de Ville - Marie en l'Ifle
88 MERCURE
de Montreal, qui fait parfaite
ment l'Anglois , eft defcendu icy
pour travailler à la converfion de
ce Gouverneur Anglois , car
prétend, & il a témoigné librementfon deffein là-deffus , renoncer à la Religion Proteftante &
fe faire Catholique.
L'affaire de l'habitation de S.
Jean en Terre-Neuve futfuivie
d'une autre entrepriſe dans laBaye
d'Hudson , au lieu appellé le petit
Nord.
Mr Capitai- de Mantet
ne dans la Colonie enfut le Chef;
ce fut au mois d'Avril de cette
année 1709. Le Partife trouva
compofé de centhommes tous Ha.
GALANT 89
bitans & mariez pour la pluspart , mais alertes & entrepre P
nans ; Mr de la Nouě Lieutenant commandoit en ſecond ; à ces
deux Officiers s'en joignirent quel.
ques autres Subalternes ; la marche dura un peu plus de deux
mois , au bout duquel temps , nos
gens arrivez au but , déterminerent lejour de l'attaque au fixiémejour de Juillet. On choifit la
nuitpourcela: les Enfans perdus ,
je veux dire ceux qui marcherent
les premiers , donnerent brufquement & tefte baiffée fur un des
Fortsflanqué de quatre Baſtions ,
Février 1710. H
90 MERCURE
munisfelon le rapport de quelquesuns de ceux qui enfont revenus
de foixantepieces de Canon & de
plufieurs Pierriers. Des Boucaniers a qui le gardoient firent une
decharge terrible & du canon &
de leurs longs fufils qui cependant n'empêcha point ces premiers
des noftres , de pouffer leur pointe
avec une ardeur étonnante , de
rompre la paliẞade faite de gros ·
a Gens déterminez, Chaffeurs , propres
à la découverte , foit dans les terres
foit en mer; on pourroit les appeller
Flibuftiers de terre , auffi bien quede
mer. Les Boucaniers vivent fans façon de chair rôtic plus à la fumé
qu'au feu..
GALANT 91
un
pieux de traverſer un foffe
plein d'eau , large de quinzepieds,
qui estoit au de- là ; comme le feu
de l'Ennemy eftoit violent & continuel , & que le canonfaifoit
fracas horrible , & qu'avec cela
le nombre des Soldats oppofez aux
moftres eftoit tout-à-faitfuperieur,
il fallut fe retirer.
Mrde Mantet qui s'eft particulierement fignalé dans cette action , une des plus vives qui fe
foit faite en Amerique , y a efté
tues MrdeMartigny & douze
on quinze Canadiens ont eu le
mêmefort.
Hij
92 MERCURE
Les Anglois de la Vieille er de
la Nouvelle Angleterre ont efté
cette année dans de grands mouvemens pour s'emparer , fuivant
leur deffein , des trois Gouvernemens de la Colonie ; il neferoit
pas facile de vous expliquer combien ilsfe font remuez pour celae
voicy à peu prés la manœuvre
qu'ils ontfaite pourl'execution
ce projet.
uer.comDés que les Anglois de la Nouvelle Angleterre , & furtout ceux
de Bafton qui en eft la Capitale ,
eurentfçu certainement laprife de
leur Habitation du Port S.Jean ,
une des plus confiderables , ſans
GALANT 93
contredit , qu'ils euffent en TerreNeavepour la Pefche & lafureté de leurs Vaiffeaux qui paſſent
ouquireviennent d'Amerique , its
en donnerent avis à la Reine Anne par de petits Baftimens qu'ils
firent partir en diligence ; de forte
que vers la fin de May, un de
nos PartisSauvages ayantpris un
Officier Anglois du cofté de Bafton,
nous apprimes de luy qu'il leur
eftoit arriué des ordres de leur
Reine , par le Capitaine V'éché ,
dont voicy le contenu , autant que
jay pû m'en reſſouvenir: Que
tous les paysde fa domination
voifins de la Nouvelle - Angle-
$
94 MERCURE
terre ; fçavoir b la NouvelleYorck , le New-Jersey , bla
Penſylvanie , Mariland ( qui
veut dire terre de Marie ) la Vir
ginie & la Caroline ( quifemble
eftre une partie de la Floride ) feroient inceffamment proviſion
de vivres & de munitions de
guerre ; Qu'il feroit levé mille
hommes bien équipez & armez , qui fe joindroient à huit
mille Ecoffois prefts à s'embarquer au premier vent favora
ble & former une Efcadre de
dix Vaiffeaux de ligne , fans
Tous ces Pays font entre les 45. & 30.
degrez de Latitude Nord.
GALANT 95
compter les Baftimens de char
ge pour les munitions & les
vivres dont on pouvoit avoir
befoin , & cela pour venir
moüiller devant Bafton à la fin
du mois de Juin. Ces Ecoffois
aidez des Anglois de la Nouvelle
Angleterre devoient , felon leur
intention , affieger Quebec &fe
rendre maiftres detoutes les Coftes
d'en bas , jufqu'à la mer;
pays devoit , dans la pensée de la
Reine, leur demeurer , pour récom
penfe de la dépense & des avan
ces faites par ces Ecoffois les
mêmes ordres de la Reine Anne
marquoient : Que les Habitans
o
7
ce
96 MERCURE
du Gouvernement d'Orange
dans New-Yorck avecceux de
Manhate & les Sauvages leurs
Alliez ou Amis , s'uniroient
enfemble pour faire un Corps
d'Armée de trois mille hommes , qui iroit tomber fur le
Montreal , & feroit ainfi diverfion des forces des François.
d'arMrle Marquis de Vaudreüil,
Gouverneur general de la Nonvelle-France ne faifoit que
river à Ville-Marie , la feule
Ville quifoitdans l'Ile de Montreal éloignée foixante lieues de
Quebec ,lors qu'il apprit les deffeins
GALANT 97
feins des Anglois nos voisins, il
affembla le Confeil de Guerre
pour déliberer fur les mesures
qu'onavoit à prendre , &on fut
d'avis d'aller au devant des Ennemis & de les prévenir. Mr de
Ramezay Gouverneur de Mont
real fut destiné pour né pour commander
les Troupes ou Milices defon Gouvernement , &l'on convint d'y
joindre les Sauvages Iroquois
Algonkins , Abnakis , les autres qui font dans le voisinage.
Tout eftant preft ne vous attendez point icy , Monfieur , à des
Arméesdecent mille hommes comme en Europe , mais à des Partis
Février 1710. I
98 MERCURE.
pluteft qu'à des Armées , proportionnez aux Habitans de ces Regions froides ) la petite Armée , ou
le Partifi vous l'aimez mieux ,
commença à fe mettre en marche
vers le 15. deFuillet, & elle fe
* trouva cftre de treize àquatorze
cens hommes ; compofée des Habitans du Gouvernement de lIfle
de Montreal & de Sauvages de
plufieurs Nations. Onfut juf
qu'au c Lac Champlain , ainfi
eCe Lac s'etend depuis le 44. environ,
jufqu'au 45. degré de latitude Septentrionale. On en diftingue deux à
fes extremitez ; c'eft-à dire au Nord
& au Sud, le Lac de S. François au
Nord, & le Lac, dit du S. Sacrement,
au Sud.
QUA
LYON
GALANT 99
DE
appellé d'un ancien Gour
de Canada de ce nom ; Mrle
Marquis de Vaudreuil qui eft
fage & tres vigilantfaifoit pendantce temps- la fortifier de nouveau Quebec & Ville Marie ,
vulgairement dite Montreal ,
l'Habitation la plus importante
de l'Ifle de ce nom. Les Forts des
environs de l'Ile de Montrealfurent vifitez &reparez où ilfalloit on s'attacha beaucoup à d
celuy de Mrle Baron de Longüeil
Major de Montreal qui eft de
d Le Fort de Longueil eft à peu prés au
Sud de l'Ile de Montreal, fur le bord
du Fleuve S. Laurent.
I ij
100 MERCURE
pierre & un desplus confiderables
dela Colonie; celuy de la Prairie,
dité de la Madeleine , au Sudde
de l'Ifle de Montrealfut auffifortifié de nouveau en même temps
que celuy de e Chambly qui eftoit
Le plus expofe aux infultes de
l'Ennemi ; on en conftruifit un de
pierres à Lorette , Miffionfauvage au Nord de Ville -Marie ,
gouvernée par Mrsde S. Sulpice.
Les Découvreurs marchant devant noftre Arméejufques à trois
ou quatre licuës , rencontrerent un
eCe Fott cft au Nord du Lac Champlain , & à environ dix lieues de la
Rivierb de S. Laurent.
GALANT 101
Parti ennemi au lieu dit la Poinre , fà la chevelure de cent vingt
hommes ou environ ; Mr de Ra
mezay le Commandantfut auſſitoft averti , ilfit rangerfes gens en
ordrede Bataille le fignal donné,
on marcha droit aux Anglois , les
noftres donnerent avec vigueurfur
l'Ennemi en tuerent on firent
Prifonniers une bonne partie
mirent le refte en fuite ; quatre
de nos Sauvages qui s'eftoient un
f Ce lieu est éloigné de Quebec d'environ 6o. lieuës , & il n'eft aing nommé qu'à l'occafion de quelques chevelares levées par des Sauvages; mes
Lettres vous ont déja dit comment
cela fe faifoit.
I iij
102 MERCURE
25.
peu trop avancez ,yfurent tuez.
Les Prifonniers nous apprirent que
les Anglois s'eftoient retranchez à
lieues en deça d'Orange , le
long d'une petite riviere , appellée
la Riviere au Chicot , g qu'ils
faifoient conftruire en cet endroit
de grands Batteaux & des Pirogues &un bon nombre de Canots pour venir ravager le Canada, à lafaveur de la Riviere de
Saint Laurent , dans laquelle ils
feroient entrez par le moyen du
Lac Champlain les Anglois
g
s
Du cofté du Lac du S. Sacrement &
vers l'entrie du Lac Champlain, dans
le voisinage de la Nouvelle- Angleterre & de New-Yorck.
GALANT 103.
avoient en effet élevé trois Forts
avec de gros & grands pieux de
bois de cedre blanc qui eft commun
dans l'Amerique Septentrionale,
dans l'un defquels on diſoit qu'ily
avoit fix ou buitpieces de canon ,
des bombes , quantitédegrenades ,
environ quinze ou dix - huit
cens hommespour les garder.
Sur le rapport de ces Prifonniers Anglois , Mr de Ramezay
affembla tous les Officiers de fa
petite Armée, le Confeil trouvantque ceferoit , cefemble , une
temerité quede s'expofer en avançant contre des Ennemis & plus
nombreux, avec cela tres - bien
I iiij)
104 MERCURE
retranchez , on prit le parti de les
attendre de pied ferme , s'ils en
vouloient venir aux mains ; cer
pendant les Efpions des Anglois
ayant rapporté àleur Camp que
noftre Armée eftoitformidable
que le Lac Champlain eftoit tout
couvert de canots , l'allarme fe mit
parmi eux , & aucun des- leurs
neparoiffant , aprésplufieursjours
d'attente , le Chefdu Parti Canadien confiderant que la recolte
dans l'Ile de Montreal & aux
contrées adjacentespreffait, &mêmé qu'elle eftoit déja commencées
renvoya la Milice & les Habitans de Montreal & des Coftes
+
GALANT 105
cela n'empêchapoint qu'on ne laiffaft des Découvreurs aux environs du Pofte que l'on quittoit ,
c'eft à dire vers les Lacs S. François , de Champlain & du S. Sacrement , celuy - cy cftant le plus.
proche des Ennemis , pour avertir
de tout en cas de befoin. La moiffonfefit pendant ce temps- là &a
efté abondante , non-feulement en
blé , mais encore en legumes & en
fruits tels qu'on les peut conferver
en Canada.
On ramaffoittranquilement les
biens que le Ciel nous avoit don
nez de fa main toute liberale , lors
que vers le 15.du mois de Septem-
106 MERCURE
bre tout à coup un Sauvage qui
avoitdefertédu Camp des ennemis».
vintdire au Montreal queles En
nemis eftoient enmarche du cofté du
LacChamplain. MrdeRamezay
envoya en diligence ce Sauvage à
Mr le Marquis de Vaudreuil
qui eftoit defcendu à Quebecpour .
j bien recevoir les Ennemis , qui
felon le bruit qui couroit, prétendoient l'affieger avec des forces
nombreuſes &par mer &parterre. Les Officiers s'eftant affemblez
chez Mrle Gouverneur general ,
onconclutque le Montrealfe trouvant endanger, ilfalloit lefecou
courir, les Découvreurs que Mr
GALANY 107.
deVaudreuilavoit envoyez àplus
de foixante lieuës au - deffous de
Quebec , ne voyant rien fur le
Fleuve nyfur les Coftes ; l'ordre
ayant donc efté donnépour monter
le Fleuve de S. Laurent , il fe
trouva mille hommes du Gouver
ment de Quebec , preſts à marchers
Mr le Marquis deVaudreuil General de toute la Colonie , fe mit
à la tefte & fut droit au Fort
Chambly, vers l'entrée du Lac
Champlain tous les Sauvages
d'enbas premierement ceux des
environs de Quebec & des trois
Rivieres , fejoignirent à la Milice de la Cpitaledu Canada. Ace
108 MERCURE
Corps de Troupes fe joignit celuy
du Gouverneur de Montreal Mr
de Ramezay , ce qui forma une
Armée d'environ trois mille hom
mes. Le lieu du Campfut affigné
auLac & Fort de Chambly affez
prés du LacS. François quife communique à celuy de Champlain
mais comme aprés trois semaines
ou environ , l'Ennemi ne faifoir
aucun mouvement , on commença
à fe défier du Sauvage deferteur
de fon rapport: ce futen cette
fituation que Mr le Gouverneur
general reçut avis de Quebec , au
commencement d'Octobre , que la
Bellone Fregatte Françoise venois
GALANT 109
"de mouiller devant cette Ville , &
que l'Efcadre Ecoffoife deftinée
pourfaire le Siege de la Capitale
du Canada & favorifer l'attaque
des Anglois par en haut , c'est- àdire du cofté de Montreal , avoit
eu ordre de la Reine Anne de faire
voile vers le Portugal , à caufe
que MrleMarquis de Bay Commandant en Eftramadoure pour
PhilippeV. Roy d'Espagne, avoit
battue défait les Portugais &
les Anglois leurs Alliez. Mr le
General les Officiers de l'Armée Canadiennejugeantdoncqu'il
n'y avoit plus rien à craindre , la
faifon d'ailleurs eftant fort avan
براج
110 MERCURE
cée , on congedia la plupart des
Troupes. Neanmoins MrdeVaudreüil permit à Mr de Montigny
Capitaine tres-brave defaperfonne , que vous avez pu voir à la
Courily a quelques années , accompagné d'un ChefdesSauvages de la nation des Abnakis , de
fe mettre à la tefte d'un petit Parti, compofé de Canadiens experimentez &de Sauvages aguèrris,
pour tacher defaire quelques Prifonniers. Quelques- uns de ce petit
Parti , s'avancerent fi prés des
Forts des Anglois , qu'ils en fçûrent aisément & le nombre
forme. Fuſques à prefent , nous
la
*
GALANT III
n'avons perdu aucun des noftres ,
fice n'eft quatre Sauvages qui s'étoient engagez trop avant , dans
-le combat fous Mrde Ramezay.
Les Ennemis, fi on en croit un
Anglois amené depuis peu par un
Sauvage Abnaki , appellé Carnaret , efperent executer l'année
prochaine ce qu'ils n'ont pas fait
・
celle-cy.
La conclufion de toute la manœuvre des Anglois nos voisins &
de tout ce qu'avoit projetté leur
Reine , eft qu'il leur en coûte environfix millionspour le tout. On
compte cinq millions cinq ou fix
recent mille livres pour la Flotte
112 MERCURE
d'Ecoffe , fur lefquels cinq mil
lions , la Reine avoit fourni la
fomme de cinq ou fix cens mille
Livres , pour encourager les Ecoffois à fe rendre maiftres de toute
la Nouvelle- France , &environ
un million , tant au Baftonnois
qu'à ceuxde la Ménade on Manhate e d'Orange à qui la Reine
Anne donnoit en recompenfe tout
le Pays de Canada qui eft depuis
l'Ile de Montreal jufqu'à Quebec.
Lefuccés n'ayant point répondu à l'atente des Peuples de la
Nouvelle- Angleterre , de NewYork , & autres Pays fujets àla
CALANT 113
Reine Anne en Amerique , fur
lefquels on avoit levé de rudes
impôts & tiré d'exceffives contributions , ils commencent déja à
temoigner hautement leur mécontentementfur tout contre Pitref
culle , Major d'Orange , le principalboute-feu de la Guerre alumée contre nous qui jufqu'à .
prefent les à leurré de vaines
promeffes , leur faifant entendre
qu'il attireroit dans le parti de
l'Angleterre toutes les Nations
Iroquoifes par de magnifiques &
de riches prefens ; fur de fi belles
paroles les Habitans d'Orange,
d'Efope , & de Corlard , abanFévrier 1710.
K
114 MERCURE
#
donent leurs habitations &leurs
biens , courent aux armes.
Ceux de Manhate qui eft da
principale Place de la NouvelleYork , avec leur Gouverneur fe
·laiffent auffi éblouir par les difcours qu'on a foinde femer parmy.
eux , les Habitans de Bafton les
entrainent comme , malgré eux
dans cet expedition ; ils fe mettent
en marche , charient quantité
de provifions de bouche , bâtiffent
des Forts , pour leur fervir de
refuge en cas de défavantage , ils
fontde grandes dépenfes pour des
Convoys & des Munitons prodigieufes en Bombes , Canons ,
GALANT
Grenades , Pierriers . Toutes
ces démarches fembloient devoir
porter la terrear non feulement à
ta nouvelle France ; mais encore à
toute l'Amerique Septentrionalle ,
attirer tous les Sauvages dans
leur parti , neanmoins les Iroquois les plus aguerris d'entr'eux
nebranlentpoint , & les Sonontboüans demeurent neutres. Les
François loin de craindre les Anglois , vont au - devant d'eux ,
battent un de leur parti , font des
Prifonniers & les provoquent
de nouveau au Combat fans que
ces mêmes François ayant perdu
ancun des leurs. Tout nouvelleKij
116 MERCURE
ment nous venons de leur prendre
un Lieutenant qu'on a amené icy
Prifonnier. Une Flutte GardeCôtede Baftonavoit eſtépriſe par
nos gens avec buit Barques chargées de munitions qui alloient audevant de la Flote d'Ecoffe , qui
avoit ordre de la Reine Anne de
Se rendre maistre du Canada.
Ajoutez à cela tous nos petits
partis , difperfez çà , & là, qui
nous ont aporté plufieurs cheve
lures d'Anglois , ce qui a furieufement inquieté nos Ennemis
comptant laplupartdes Sauvages
dans leur parti,
pran
Nous avons vu icy au mois
GALANT 117
de Juillet un Phénomene qui a
fait parler diferemment bien des
fortes de ge
moyenne région de l'Air & avoit
à peu prés le difque apparent de
la Lune. Il yen eut à qui ilne
Sembla eftre qu'à la hauteur des
Arbres àdeuxcents pas d'eux,
tout Montreal l'a vu auffi- bien
que Quebec. Comme tout eft extrême en ce Pays- cy, & quepar
opofition au grandfroid , ilyfait
une chaleur exceffive en Esté
cette exhalaifon s'eft aparamment
formée d'une matiere déja toute
prefte:mais laiffons à Meffieurs
les Philofophes deviner ces effets
gens. Il parut dans la
118 MERCURE
de la nature , racontons quel
que chose qui vous touchera
peut- êtredavantage.
Les Iroquois quoyque battus
deux ou troisfois parles Outaouacs
depuis la Paix , n'ont pas encore remué , quoyque dans l'ame ,
ils ayent , à ce que quelques gens
croyent , bien envie defe vanger.
Les Aniés une des cinq Nations ,
la bonne amie des Anglois la
plus voifine de New York
incitez par nos Ennemis ,fe font
hazardez de venir , par une
lâchefurprife , lever la chevelure
à trois on quatre de nos Iroquois,
du Sant Saint Louis , à une lieuë
GALANT 119
&demie du Montreal,
Nous ménageons les Sauvages & ce n'eft pas peu de les
conferver dans la neutralité
contre lesfollicitations importunes
tres artificieufes de PeterSchuyler , vulgairement appellé
Pitre-Schulle , Major d'Elbanie où Orange en New York, fin
Renard , quipar des prefens réïterez e des difcours adroits
tâche de les metre ( au moins quelques Nations ) dans le parti des
Anglois. Mr de Jonquiere
réuffi merveilleufement auprés des
Sononthouans des Goyogouens
durant plufieurs années qu'il
120 MERCURE
efté auprés d'eux , pour les tenir
affectionnez à la Colonie , ce qui
luy a fait effuyer bien des fatigues. Mr le Baron de Longüeil
Major de Montreal , cheri de
pere en fils de ces Nations , eft allé
chez eux en Ambaffade pour Ne
gotier au moins une neutralité qui
foit ferme & pour les tenir en
refpect. La Nation des Sononthoüans femble être toute entiere.
pournous , & celle des Goyogoüins
enpartie ; ceux - cy quoyque gouvernezpar les premiers , je veux
dire par les Sononthoüans , une
des cinq Nations laplus nombreuSe,font partagez ce qu'ily a
de
GALANT 121
les
de remarquable c'est que les Iro
quois appellent les François ( en
la perfonne de leur Gouverneur
General ) leur Pere , & que
Anglois ne font confiderez chez
eux (fi peut-être on n'en excepte
les Aniez qui depuis du temps
paroiffent leurs grands amis ) que
comme leur Frere.
Voicy les morts les plus confiderables dans la Colonie , de cette
année. Mrle Marquis de Chryfaphi Gouverneur de la Ville des
Trois Rivieres , je ne vous apren
dray point icy , comme une chofe
nouvelle que cette Place eft égale
ment éloignée de Quebec , & de
Février 1710. L
122 MERCURE
Montreal , c'est ce que vous avez
pú connoître par mes precedentes
auffi-bien que beaucoup d'autres
éclairciffemens ou explications
que je ne repeteray pas dans cette
Lettre- ci, depeurde vous ennuyer.
Nous avons auffiperdu Mr de
Linetot MajordesTrois Rivieres.
Mrde Lorimier Capitaine. Mr
de Lor Biniere Doyen des Confeillers du Confeil Souverain de
Quebec un Chanoine de la
Cathedrale , ( Mr Petit ) jou
bliois le Pere ChauffetierJefuite ,
ce bon Pere-ci prétendoit il y a
quelques années avoir trouvé
le fecret de faire du pain avec
د
*
GALANT 123
certaine racine , qui auroit pû
fupléer au pain ordinaire dans un
befoin.
Je finis ma Lettre , que vous
recevez par la Bellone , petite
Fregate defeize Canons , en vous
marquant les perfonnes les plus
confiderables quipaffent en France dans ce Vaiffeau. Me la
Marquife de Vaudreuil femme
de Mrle Gouverneur General ,
s'y embarqua avec Me du Mefnil femme du Major des Troupes
de la Colonie. Mrle Vallet Chanoine de cette Ville & Secretaire
de Monfeigneurde Saint Vallier
noftre Evêque , Mr le Vaſſeur
Lij
124 MERCURE
Ingenieur envoyépar le Roy , c.
C'est avec les mêmes fentimens d'eftime & de wespect que
j'auray toujours pour vous , que
je fuis tres-parfaitement.
·
MONSIEUR,
Voftre tres- humble tresobéiffant ferviteur,
N.D.D
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Résumé : A Quebec le 12e. Novembre 1709.
En novembre 1709, une lettre décrit divers événements survenus au Canada. L'hiver 1708-1709 a été particulièrement rigoureux, avec des températures extrêmement basses et une épaisse couche de neige. Malgré ces conditions, la colonie a produit de bons fruits et la neige a fertilisé les terres. La lettre relate également des victoires militaires françaises. Les Français ont pris le Fort Saint-Jean à Terre-Neuve, dirigé par le sieur de la Ronde, causant des pertes financières significatives aux Anglais. Une autre expédition française a attaqué un fort anglais dans la baie d'Hudson. Les Anglais préparaient une grande offensive pour s'emparer des gouvernements de la colonie française, mais les Français ont renforcé leurs positions et organisé des patrouilles. Une confrontation à la Pointe à la Chevelure a vu la victoire des Français, qui ont capturé des prisonniers révélant les plans anglais de construire des bateaux pour envahir le Canada. Sur le plan militaire, les officiers français, sous le commandement de Monsieur de Ramezay, ont décidé de ne pas avancer contre les ennemis plus nombreux et bien retranchés, préférant les attendre. Les espions anglais ont rapporté que l'armée française était formidable, provoquant une alarme parmi les Anglais. Monsieur de Vaudreuil, gouverneur général, a rassemblé une armée de trois mille hommes près du lac Champlain. Après trois semaines sans mouvement ennemi, les Français ont appris que la flotte écossaise destinée à attaquer Québec avait été redirigée vers le Portugal. Les Français ont alors congédié la plupart des troupes. Monsieur de Montigny a mené une petite expédition contre les prisonniers anglais. Malgré leurs efforts et dépenses, les Anglais n'ont pas réussi à attirer les nations iroquoises dans leur camp. Les Français ont capturé des prisonniers et des munitions, et les Iroquois sont restés neutres. Le texte mentionne également des phénomènes naturels et des décès notables dans la colonie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 54-64
Relation envoyée par M. le Comte de Fienne, Lieutenant general des armées du Roy.
Début :
Les ennemis ayant eu avis que les douze bataillons que [...]
Mots clefs :
Troupes, Ennemis, Relation, Miquelets, Gérone, Lettres
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texteReconnaissance textuelle : Relation envoyée par M. le Comte de Fienne, Lieutenant general des armées du Roy.
A Perpignanle 11. May 1712.
Relation envoyée par M. le
Comte de Fienne , Lieutenant general des armées du
Roy.
LEs ennemis ayant eu
avis que les douze bataillons que l'on avoit envoyez
ici du Dauphiné, étoient en
marche pour y retourner
affemblerent deux corps de
troupes : l'un du côté d'Oftalrich , & l'autre du côté
d'Olot.
GALANT.
dut
Le premier étoit commandé par le Baron de
Vvetzel : il paffa le 30.
mois dernier le Ter à Tor
reilles de Mongry , où il
campa. Le premierde May
il continua fa marche , &
fuivant unchemin coupé de
canaux &de vifieres , il arriva le même jour à faint
Pierre Pefcador de bonne
heure.
L'autre , qui étoit commandé par Don Louis de
Cordoua enl'abfence de Picalquez , defcendit le 29. à
Befalce , vint camper le 30-
E iiij
36 MERCURE
au pont d'Esponella , s'a
vança le premier vers Na
yatta , & envoya un gros,
detachement à Figuieres.
Le premier marchoit fun
moy , & l'autre fuivoit la
montagne , pour tâcher de
me couper la communication avec le Rouffillon. Ils
avoient même déja envoyé
tous leurs, Miquelets & les
Soumettans , pour tâchen
d'en occuper les paffages.
J'avois été obligé de me
mettre à Caſtillon & à Peyralade , derriere la Muga ,
aprés avoir retiré les poſtes.
GALANT.
queje ne pouvois foûtenir,
& renforcé ceux qui pou
voient fe défendre.
Je fis marcher la nuit du
premier au fecond tous les
équipages à unelieuë delà ,
au pied de la montagne,
pour être à portée de paffer
en Rouffillon ; & je les fui
vis lorfque je vis ces deux
corps en mouvement pour
venir auxquartiers que j'oc
cupois.
Le 2. je les fs paffer de
grand matin , & j'en fis l'ar
Fieregarde avec ce que j'avois de troupes , conſiſtant
گیا
38 MERCURE
en 2000. hommes , cavale
rie , infanterie, ou dragons,
tant bons que mauvais. J'arz
rivai le mêmejour à Bañols,
où je diſtribuai les troupes
dans des quartiers à portée
des paffages , pour y attendre celles qui nous arrivent
de France.
a
Ils avoient envoyé tous
leurs Miquelets pour s'emparer des defilez , & m'attaquer dans une retraite :
mais toutes les hauteurs &
le's poftes furent fi bien occupez , qu'elle fe fit fans
qu'ils ofaffent paroître.
GALANT 59
J'avois envoyé deux jours
auparavant M. de Caraffa ,
Maréchal des Camps des
armées de Sa Majesté Catholique, pour commandër
dans Rofes. Il y a dans cette
place deux bataillons François, unbataillon Eſpagnol,
& un d'infanterie Vvallonne : elle eft très bien pour
vûëde munitions de guerre
& de bouche.
Il y a dans Gironne huit
bataillons François , deux
Vvallons , cent chevaux ,
& des fufiliers de monta
gne. Cette place eft pareil-
60 MERCURE
lement bien pourvûë de
tout ce dont on peut avoir
befoin
Quoique les ennemis di
fent qu'ils font 10000. hommes dans ces deux corps ;
neanmoins , par l'état que
jai des regimens qui les
compofent, & de leur for
ce , je vois certainement
qu'ils ne font pas plus de
7000.
Hs publient que lorsque:
les troupes qui leur viennentd'Italieferont arrivées,,
ils doivent faire quelque
entrepriſe confiderable ::
GALANT. 61
mais comme il y a beau
coup d'apparence que ces
troupes ne peuvent arriver
plûtôt qu'au commencement de Juin ; que dans ce
temps- là M. le Ducde Ven
dôme ſe diſpoſera à entrer
&
que
les en campagne ,
troupes qui viennent de
France ence pays- ci ſeront
arrivées , j'efpere que tous
leurs deffeins fe borneront
à manger le pays. Ils attaquent l'Eſcale depuis le s
celui qui eft dans ce pofte
s'y défend bien.
Unregiment Napolitain
62 MERCURE
avoit eu ordre de fe rendre
maître du château de Madignan , prés de Gironne :
mais un detachement de la
garnifon de cette place l'a
obligé de fe retirer avec
precipitation , &avec perte
de plus de cinquante hommes , & de quelques Officiers.
* Les lettres de Perpignan
du 20. May portent que
tout eft fort tranquile dans
le Lampourdan , que le 16.
Ja garnifon de Gironne fit
une courfe jufqu'auprés
d'Oftalric fans trouver
GALANT. 63
d'ennemis. L'on a appris par
des deſerteurs qu'ils fe font
retirez à Barcelone , où le
Comte de Staremberg les
faifoit camper, & qu'ils y
fouffroient une grande difette de toutes choſes , ne
pouvant avoir de ſubſiſtance que du côté de la mer
le pays étant entierement
ruïné &inculte. Ces lettres
ajoûtent que le General
Strembergs'eft determiné
à mettre toute fon infante,
rie dans les places qui lui
reftent , & de tenir la campagne avec la cavalerie ,
64 MERCURE
confiftant en 5. ou 6000.
chevaux, la plupart enmauvais état , juſqu'à ce que le
puiffant fecours qui lui doit
venir d'Italie foit arrivé.
On mande de Valence,
qu'on continue d'envoyer
à Vinaros , fur les frontie
res de Catalogne , des ha
bits pour les foldats , & des
felles pour les chevaux.
Les lettres du Rhin portent feulement que les deux
armées ne font aucun mouvement , & qu'on croit qu'
on y fera fur la défenfiv
Relation envoyée par M. le
Comte de Fienne , Lieutenant general des armées du
Roy.
LEs ennemis ayant eu
avis que les douze bataillons que l'on avoit envoyez
ici du Dauphiné, étoient en
marche pour y retourner
affemblerent deux corps de
troupes : l'un du côté d'Oftalrich , & l'autre du côté
d'Olot.
GALANT.
dut
Le premier étoit commandé par le Baron de
Vvetzel : il paffa le 30.
mois dernier le Ter à Tor
reilles de Mongry , où il
campa. Le premierde May
il continua fa marche , &
fuivant unchemin coupé de
canaux &de vifieres , il arriva le même jour à faint
Pierre Pefcador de bonne
heure.
L'autre , qui étoit commandé par Don Louis de
Cordoua enl'abfence de Picalquez , defcendit le 29. à
Befalce , vint camper le 30-
E iiij
36 MERCURE
au pont d'Esponella , s'a
vança le premier vers Na
yatta , & envoya un gros,
detachement à Figuieres.
Le premier marchoit fun
moy , & l'autre fuivoit la
montagne , pour tâcher de
me couper la communication avec le Rouffillon. Ils
avoient même déja envoyé
tous leurs, Miquelets & les
Soumettans , pour tâchen
d'en occuper les paffages.
J'avois été obligé de me
mettre à Caſtillon & à Peyralade , derriere la Muga ,
aprés avoir retiré les poſtes.
GALANT.
queje ne pouvois foûtenir,
& renforcé ceux qui pou
voient fe défendre.
Je fis marcher la nuit du
premier au fecond tous les
équipages à unelieuë delà ,
au pied de la montagne,
pour être à portée de paffer
en Rouffillon ; & je les fui
vis lorfque je vis ces deux
corps en mouvement pour
venir auxquartiers que j'oc
cupois.
Le 2. je les fs paffer de
grand matin , & j'en fis l'ar
Fieregarde avec ce que j'avois de troupes , conſiſtant
گیا
38 MERCURE
en 2000. hommes , cavale
rie , infanterie, ou dragons,
tant bons que mauvais. J'arz
rivai le mêmejour à Bañols,
où je diſtribuai les troupes
dans des quartiers à portée
des paffages , pour y attendre celles qui nous arrivent
de France.
a
Ils avoient envoyé tous
leurs Miquelets pour s'emparer des defilez , & m'attaquer dans une retraite :
mais toutes les hauteurs &
le's poftes furent fi bien occupez , qu'elle fe fit fans
qu'ils ofaffent paroître.
GALANT 59
J'avois envoyé deux jours
auparavant M. de Caraffa ,
Maréchal des Camps des
armées de Sa Majesté Catholique, pour commandër
dans Rofes. Il y a dans cette
place deux bataillons François, unbataillon Eſpagnol,
& un d'infanterie Vvallonne : elle eft très bien pour
vûëde munitions de guerre
& de bouche.
Il y a dans Gironne huit
bataillons François , deux
Vvallons , cent chevaux ,
& des fufiliers de monta
gne. Cette place eft pareil-
60 MERCURE
lement bien pourvûë de
tout ce dont on peut avoir
befoin
Quoique les ennemis di
fent qu'ils font 10000. hommes dans ces deux corps ;
neanmoins , par l'état que
jai des regimens qui les
compofent, & de leur for
ce , je vois certainement
qu'ils ne font pas plus de
7000.
Hs publient que lorsque:
les troupes qui leur viennentd'Italieferont arrivées,,
ils doivent faire quelque
entrepriſe confiderable ::
GALANT. 61
mais comme il y a beau
coup d'apparence que ces
troupes ne peuvent arriver
plûtôt qu'au commencement de Juin ; que dans ce
temps- là M. le Ducde Ven
dôme ſe diſpoſera à entrer
&
que
les en campagne ,
troupes qui viennent de
France ence pays- ci ſeront
arrivées , j'efpere que tous
leurs deffeins fe borneront
à manger le pays. Ils attaquent l'Eſcale depuis le s
celui qui eft dans ce pofte
s'y défend bien.
Unregiment Napolitain
62 MERCURE
avoit eu ordre de fe rendre
maître du château de Madignan , prés de Gironne :
mais un detachement de la
garnifon de cette place l'a
obligé de fe retirer avec
precipitation , &avec perte
de plus de cinquante hommes , & de quelques Officiers.
* Les lettres de Perpignan
du 20. May portent que
tout eft fort tranquile dans
le Lampourdan , que le 16.
Ja garnifon de Gironne fit
une courfe jufqu'auprés
d'Oftalric fans trouver
GALANT. 63
d'ennemis. L'on a appris par
des deſerteurs qu'ils fe font
retirez à Barcelone , où le
Comte de Staremberg les
faifoit camper, & qu'ils y
fouffroient une grande difette de toutes choſes , ne
pouvant avoir de ſubſiſtance que du côté de la mer
le pays étant entierement
ruïné &inculte. Ces lettres
ajoûtent que le General
Strembergs'eft determiné
à mettre toute fon infante,
rie dans les places qui lui
reftent , & de tenir la campagne avec la cavalerie ,
64 MERCURE
confiftant en 5. ou 6000.
chevaux, la plupart enmauvais état , juſqu'à ce que le
puiffant fecours qui lui doit
venir d'Italie foit arrivé.
On mande de Valence,
qu'on continue d'envoyer
à Vinaros , fur les frontie
res de Catalogne , des ha
bits pour les foldats , & des
felles pour les chevaux.
Les lettres du Rhin portent feulement que les deux
armées ne font aucun mouvement , & qu'on croit qu'
on y fera fur la défenfiv
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Résumé : Relation envoyée par M. le Comte de Fienne, Lieutenant general des armées du Roy.
Le 11 mai 1712, le comte de Fienne, lieutenant général des armées du roi, rapporte que les ennemis, ayant appris le retour des douze bataillons du Dauphiné, ont rassemblé deux corps de troupes. Le premier, commandé par le baron de Vvetzel, a traversé le Ter et campé à Torrelles de Mongry avant de continuer vers Saint-Pierre-Pescador. Le second, dirigé par Don Louis de Cordoua, a descendu à Besalce et campé au pont d'Esponella, envoyant un détachement à Figueres. En réponse, le comte de Fienne a dû se replier à Castillon et Peyralade derrière la Muga, renforçant les postes défensifs. Il a également fait passer les équipages en Roussillon pour éviter d'être coupé des communications. Le 2 mai, il a fait traverser les troupes à Bañols, où elles ont été déployées pour défendre les passages. Les ennemis ont tenté de s'emparer des défilés, mais les hauteurs et les postes ont été bien occupés, empêchant toute attaque. Le comte de Fienne mentionne également la présence de troupes à Roses et Girone, bien pourvues en munitions. Il estime que les ennemis ne sont pas plus de 7000 hommes, malgré leurs déclarations. Les lettres de Perpignan du 20 mai indiquent une tranquillité dans le Roussillon. Les ennemis se sont retirés à Barcelone, souffrant de grandes difficultés de subsistance. Le général Staremberg prévoit de placer son infanterie dans les places fortes et de maintenir la cavalerie en campagne jusqu'à l'arrivée de renforts d'Italie. Des habits et des selles continuent d'être envoyés à Vinaros pour les soldats et les chevaux. Les armées du Rhin ne montrent aucun mouvement significatif.
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7
p. 184-189
RELATION envoyée à Mr Rigaud par un de ses amis qui est à Cadix du 21. Février 1713.
Début :
Voicy un fait que vous n'avez jamais veu, ny ouï parler [...]
Mots clefs :
Relation, Lettres de l'Alphabet, Caractères italiques, Prunelle, Alphabet espagnol, Oeil, Académie des inscriptions, Académie royale des sciences, Oeuf, Poule
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RELATION envoyée à Mr Rigaud par un de ses amis qui est à Cadix du 21. Février 1713.
RELATIOM
envoyée à Mr Rigaud par
,
Cb f
, un defèsamis quirfià
Cadixdu 11.Févrieriji3. vOicy un fait que vous
n'avez jamais veu, ny
ouï parler. LHostesse où je
loge actuellement a chez »elle une petire Niéce, belle
& blonde de l âge de six ans;
elle à les yeux du plus bel
outremer qui se voye, sur
lequel sont marquées toutes
les Lettres de l'Alphabeth
d'un petit filet blanc, en
Caracteres Italiques, coures
rangées, le bas des Lettres
au centre de la Prunelle, distinctes
les unes des autres, &
formées d'une justesse telle
que vostre Pinceau le pourroit
faire.
L'Alphabeth Espagnol
n'a que vingt trois Lettres;
la nature pour les distinguer
des nostres en a mis douze
sur la prunelle de ¡.oeil droit,
& onze sur celle de l'oeil
gauche.
Mais comme les distances
des Lettres sont égallement
o1bkrrvercs, ainsi que les
groiIeurs; il esteroit la
place d'une Lettre dans la
prunelle gauche; si cetexcellent
Artiste ne l'avoit rempli
d'une espece de petite
rose ou ornelncru) tel approchant
qu'il y en a autour de
la Monnoye en France;
quand les mots qu'on y met
ne remplissent pas le cercle
de la piece&ces yeux là son
fort bons &forts sains propres
& disposez à tres bien
faire leur mêtier dans la
fuite. L'indolence des Espagnols
ne leur laisse pas faire
attention à cet espece =
prodige, en sorte que fcs
yeux là ne les émouvent pas
plus que les autres à l'ordinaire
: cependant je les crois
dignes de toute l'attention,
non de Messieurs de l'Academie
des Inscriptions, car
la fille est iiiodcrne,& il ne
leur faut que des Médailles
du plus antique; mais de
Messieurs de l'Academie
Royale des Sciences, qui
ont pour objet principal,
toutes les parties de la Philfique.
Qoiquece foenomene soit
trcs- singulier dansla nature
il ne lame pas dy en avoir
eu d'aussi extraordinaires &
tres averez dans les journaux,
&c.
Une Poulc faitunoeuf,
lequel estans caffé dans lemesme
tems il en fort un
petit Canal d qui crie hannemanus,
attribuë celaàl'imagination
de la Poule & prétend
que cette imagination
peur tout pourvu que les organes
sur lesquelselleagit b Ine
soient point corrompus
le poulet avec une teste
d Epervier. Le Soleil peint
dans unoeuf &c. font pareil-
lemcnt effets de l'imagination
dont l'effet prouvetoit
que les semences ne sont
point absolument determinées
à certaine espece. Il
croit que les petits serpents
trouvez dans un oeuf provenoient
de la semence de
Serpent qu'avale la Poule
gourmande.
envoyée à Mr Rigaud par
,
Cb f
, un defèsamis quirfià
Cadixdu 11.Févrieriji3. vOicy un fait que vous
n'avez jamais veu, ny
ouï parler. LHostesse où je
loge actuellement a chez »elle une petire Niéce, belle
& blonde de l âge de six ans;
elle à les yeux du plus bel
outremer qui se voye, sur
lequel sont marquées toutes
les Lettres de l'Alphabeth
d'un petit filet blanc, en
Caracteres Italiques, coures
rangées, le bas des Lettres
au centre de la Prunelle, distinctes
les unes des autres, &
formées d'une justesse telle
que vostre Pinceau le pourroit
faire.
L'Alphabeth Espagnol
n'a que vingt trois Lettres;
la nature pour les distinguer
des nostres en a mis douze
sur la prunelle de ¡.oeil droit,
& onze sur celle de l'oeil
gauche.
Mais comme les distances
des Lettres sont égallement
o1bkrrvercs, ainsi que les
groiIeurs; il esteroit la
place d'une Lettre dans la
prunelle gauche; si cetexcellent
Artiste ne l'avoit rempli
d'une espece de petite
rose ou ornelncru) tel approchant
qu'il y en a autour de
la Monnoye en France;
quand les mots qu'on y met
ne remplissent pas le cercle
de la piece&ces yeux là son
fort bons &forts sains propres
& disposez à tres bien
faire leur mêtier dans la
fuite. L'indolence des Espagnols
ne leur laisse pas faire
attention à cet espece =
prodige, en sorte que fcs
yeux là ne les émouvent pas
plus que les autres à l'ordinaire
: cependant je les crois
dignes de toute l'attention,
non de Messieurs de l'Academie
des Inscriptions, car
la fille est iiiodcrne,& il ne
leur faut que des Médailles
du plus antique; mais de
Messieurs de l'Academie
Royale des Sciences, qui
ont pour objet principal,
toutes les parties de la Philfique.
Qoiquece foenomene soit
trcs- singulier dansla nature
il ne lame pas dy en avoir
eu d'aussi extraordinaires &
tres averez dans les journaux,
&c.
Une Poulc faitunoeuf,
lequel estans caffé dans lemesme
tems il en fort un
petit Canal d qui crie hannemanus,
attribuë celaàl'imagination
de la Poule & prétend
que cette imagination
peur tout pourvu que les organes
sur lesquelselleagit b Ine
soient point corrompus
le poulet avec une teste
d Epervier. Le Soleil peint
dans unoeuf &c. font pareil-
lemcnt effets de l'imagination
dont l'effet prouvetoit
que les semences ne sont
point absolument determinées
à certaine espece. Il
croit que les petits serpents
trouvez dans un oeuf provenoient
de la semence de
Serpent qu'avale la Poule
gourmande.
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Résumé : RELATION envoyée à Mr Rigaud par un de ses amis qui est à Cadix du 21. Février 1713.
Le document est une lettre datée du 11 février 1713, envoyée par un ami résidant à Cadix à Monsieur Rigaud. L'auteur décrit une jeune fille de six ans, nièce de son hôtesse, dont les yeux portent les lettres de l'alphabet en caractères italiques. Les lettres sont réparties entre les deux yeux : douze sur l'œil droit et onze sur l'œil gauche. Lorsque l'espace de la prunelle n'est pas rempli par les lettres, une petite rose ou une fleur similaire les remplace. Les Espagnols, en raison de leur indolence, ne prêtent pas attention à ce phénomène. L'auteur suggère que ce cas mérite l'attention de l'Académie Royale des Sciences plutôt que celle des Inscriptions, car il relève de la philosophie naturelle. Le texte mentionne également d'autres phénomènes singuliers, comme un œuf pondant un poussin avec une tête d'épervier ou un œuf contenant le Soleil, attribués à l'imagination de la poule. Ces exemples illustrent que les semences ne sont pas déterminées à une espèce spécifique et peuvent être influencées par des facteurs externes.
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8
p. 2804-2833
LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
Début :
MADAME, J'ay crû avoir remarqué dans mes deux Voyages de l'Isle-Adam, que VOTRE ALTESSE [...]
Mots clefs :
Ansacq, Sabbat, Relation, Prince de Conti, Princesse de Conti, Village, Esprit, Campagne, Vallons, Phénomène extraordinaire, Maison, Voix, Bruits, Merveilleux, Voix humaine, Bruit extraordinaire, Phénomènes, Laboureur, Témoins
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
LETTRE de M.Treüillot de Ptoncour,
Curé d'Anfacq , à Madame la Princeffe
de Conty , troifiéme Douairiere , &
Relation d'un Phénomene très extraordinaire
, &c.
MADAM ADAME ,
Fay cru avoir remarqué dans mes deux
Voyages de l'Ile-Adam , queVOTRE Altesse
SERENISSIME n'y venoit de tems en tems que
poury gouter les amusemens de la Campagne
; une Ménagerie , la Chaffe , la Pêche ,
les Promenades , les ouvrages de l'aiguille
ou de la Tapiffèrie , & fur tout d'agréables
lectures , font , ce me femble , tout ce qui peut
former l'aimable varieté de vos innocens plaifirs.
Que je ferois heureux , MADAME ,
fi je pouvois y contribuer en quelque³ maniere,
& augmenter cette varieté par la petite
Relation que je prens la liberté de vous
prefenter!
Tout y refpire l'air de la Campagne ; tout
ce qui y eft contenu s'eft paffé à la Campagnes
c'eft fur le témoignage de gens de la Campagne
que le fait dont il s'agit eft appuyé ;
II. Fol. c'eft
DECEMBRE . 1730. 2803
c'est enfin un Curé , mais le Curé de toutes
vos Campagnes , le plus fidele , le plus zelé ,
& le plus refpectueux , qui a l'honneur de
vous la communiquer.
Le fujet de cette Relation , toute effrayant
qu'il ait parn aux gens de la Campagne qui
difent, en avoir été témoins , devient naturellement
pour les efprits folides , & fur tout
pour celui de V. A. S. un vrai divertiffement
& une matiere agréable de recherches ,
de reflexions, fuppofe fa réalité.
Il s'agit d'un bruit extraordinaire dans
Fair, qui a toutes les apparences d'un Prodige
; prefque tous les habitans du lieu où
il s'eft fait, affurent , jurent & protestent l'avoir
bien entendu.
Ces Témoins , comme gens de la Campagne
, appellent cet évenement un Sabbat ; les
efpritsforts l'appelleront comme ils voudront,
pourront raifonner , ou plutôt badiner à
Leur aife.
> Aux
Pour moi , dans la Differtation que j'ay
mife à la fin , je lui donne le nom grec d'Akoulmate
, pour fignifier une chofe extraor
dinaire qui s'entend dans l'air , comme on
donne le nom grec de Phénomene
chofes qui paroiffent extraordinairement
dans
te même Element ; mais je me garde bien de
rien décider fur le fond ni fur les cauſes .
Quoiqu'il en soit , Efprits , Lutins , Sorciers
, Magiciens , Météores , Conflictions
II. Vol .
de
2806 MERCURE DE FRANCË
de vapeurs , Combats d'Elemens ; je laiffe
aux Curieux à choisir ou à trouver d'autres
caufes : ilme fuffit d'affurer V.A.S. que les
Témoins de ce prétendu Prodige , m'ont paru
de bonne foi , & que les ayant interroge
plufieurs fois , & leur ayant donné tout le
tems de fe contredire & d'oublier dans leurs
deux , trois & quatrième dépofitions , ce qu'ils
m'avoient dit dans la premiere , ils se font
néanmoins foutenus à merveilles , & n'ont
point varié dans la moindre circonftance.
C'en eft affez pour mon deffein , qui fe
termine uniquement au divertiffement de
V. A. S. elle a dans fa Cour & à la suite
de Monfeigneur le PRINCE DE CONTY,
des R R. Peres Jefuites , qui font ordinairement
des perfonnes trés-lettrées & trés- verfées
dans les fecrets de la Nature : fi vous voulez
, MADAME , leur communiquer cette
Relation , & qu'ils veuillent bien en dire
leur fentiment, je ferai charmé de profiter de
leurs lumieres, & je m'engagerai même à rendre
publique leur opinion , avec leur permiffion,
s'entend, je ne voudrois pour toute chofe
au monde , jamais rien faire qui pût leur
déplaire.
Au refte , V. A. S. doit prendre d'autant
plus de part à cet évenement , qu'il eft arrivé
dans une de fes Terres.
Si ce font des Efprits de l'Air, comme les
Perdrix & les autres Oifeaux qui habitent
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1730. 2807
le même Element dans l'étenduë du Territoire
d'Amfacq , appartiennent de droit à
V. A. S. fans doute que ces Efprits , pourvn
qu'ils foient familiers & bienfaifants , doivent
vous appartenir par la même raifon ;
en tout cas mon unique but n'eft , encore un
coup , MADAME , que de vous diver
tir, auffi-bien que Monfeigneur LE PRINCE
DE CONTY ; faffe le Ciel quej'y aye réuſſi
aujourd'huy , en attendant que je puiffe donner
des marques plus ferieufes de l'attachement
infini & du refpect profond avec lequel
je fuis de V. A. S. MADAME , & c.
RELATION d'un bruit extraordinaire
comme de voix humaines , entendu dans
l'Airpar plufieurs Particuliers de la Paroiffe
d'Anfacq , Diocéfe de Beauvais
la nuit du 27. au 28. Janvier 1730 .
E Samedi 28. Janvier de la prefente
Lannée , le bruit le répandit dans la
Paroiffe d'Anfacq , près Clermont en
Beauvoifis , que la nuit précédente plufieurs
Particuliers des deux fexes , avoient
entendu dans l'Air une multitude prodigieufe
comme de voix humaines de
differens tons , groffeurs & éclats , de tout
âge , de tout fexe , parlant & criant toutes
enfemble , fans néanmoins que ces Par-
IIV ol.
ticu1808
MERCURE DE FRANCE
ticuliers ayent pu rien diftinguer de ce
que les voix articuloient ; que parmi cette
confufion de voix , on en avoit reconnu
& diftingué un nombre infini qui pouffoit
des cris lugubres & lamentables , comme
de perfonnes affligées , d'autres des cris de
joye & des ris éclatans , comme de perfonnes
qui fe divertiffent ; quelques- uns
ajoûtent qu'ils ont clairement diftingué
parmi ces voix humaines , ſoit- diſant , les
fons de differens inftrumens.
Cette nouvelle vint bientôt jufqu'à
moi , & comme je n'ajoûte pas foi
aifément à ces fortes de bruits populai
res , & que je fuis affez pyrrhonien à l'égard
de tous les contes nocturnes qui fe
débitent fi fouvent dans l'apparition des
Efprits , des Sabbats & de tant d'autres
bagatelles de cette efpece , je me contentai
d'abord de rire de celle-cy & de la regarder
comme un effet ordinaire d'une
Imagination frappée & bleffée de la frayeur
qu'inſpirent ordinairement les tenebres
de la nuit , fur tout à des efprits groffiers
& ignorans , comme ceux de la plupart
gens de la Campagne , qui font nour
ris & élevés par leurs parens dans cette
perfuafion qu'il y a des Sorciers & des
Sabbats , & qui ajoûtent plus de foi aux
contes ridicules qui s'en débitent parmi
eux , qu'aux veritez effentielles de l'Evangile
& de la Religion.
des
DECEMBRE 1730. 2800
Je badinai ainfi jufqu'au lendemain Dimanche
29. dudit mois , me divertiffant
toujours à entendre raconter la chofe par
tous ceux & celles qui difoient l'avoir entenduë.
Entre ceux- là , deux de mes Paroiffiens,
des premiers du lieu , bons Laboureurs ,
gens d'honneur & de probité , beaucoup
plus éclairez & moins crédules que ne
le font ordinairement les gens de la Campagne
, me vinrent faire l'un après l'autre
leur Relation , comme ayant entendu
de près tout ce qui s'étoit paffé .
Ils m'affurerent qu'alors ils étoient dans
un bons fens parfait, qu'ils revenoient de
Senlis , environ à deux heures après minuit
, & qu'ils étoient fùrs d'avoir bien
entendu & fans être trop effrayez , tour
ce qui eft rapporté au commencement de
cette Relation .
Après les avoir bien interrogez & tour.
nez de toutes fortes de manieres , je tâchai
de leur perfuader qu'ils s'étoient trompez,
& que la crainte & la préoccupation leur
avoient fait prendre quelques cris d'Oifeaux
nocturnes pour des voix humaines;
mais leurs réponſes ont toujours été les
mêmes , fans fe les être communiquées
& je n'ai pû y découvrir ni malice , ni
tromperies , ni contradictions .
J'ai eu beau leur faire à chacun en
-II. Vol.
par2810
MERCURE DE FRANCE
particulier toutes les objections qui me
vinrent alors dans l'imagination , ils ont
toujours perfifté& perfiftent encore à affu
rer que lorfqu'en revenant de Senlis ils
s'entretenoient tranquilement d'une affai
re pour laquelle ils avoient été obligez d'aller
en cette Ville ; ils avoient tout à coup
entendu près d'eux un cri horrible d'une
voix lamentable , à laquelle répondit à
fix cens pas delà une voix femblable &
par un même cri , que ces deux cris furent
comme le prélude d'une confuſion
d'autres voix d'hommes , de femmes , de
vieillards , de jeunes gens , d'enfans, qu'ils
entendirent clairement dans l'efpace renfermé
entre les deux premieres voix ,
& que parmi cette confufion ils avoient
diftinctement reconnu les fons de dif
ferens inftrumens comme Violons
Baffes , Trompettes , Flutes , Tambours ,
&c.
Quoique tout cela n'ait pû me tirer
encore de mon pyrrhonifme , je n'ofe
néanmoins traiter de vifionnaires un fi
grand nombre de perfonnes raifonnables ,
entre lefquelles il s'en trouve fur tout
fept ou huit qu'on peut appeller gens
de mérite & de probité pour laCampagne
qui dépofent toutes unanimement la même
chofe , fans fe démentir ni fe contredire
en la moindre circonftance , quoi-,
II. Vol.
qu'elle
DECEMBRE. 1730. 2811
qu'elles ne fe foient ni parlé ni commu❤
niqué , étant logées dans differens quartiers
du Village éloignez l'un de l'autre
& la plupart defunies par des difcusions
d'interêt qui rompent en quelque maniere
entre elles le commerce ordinaire de la
focieté ; enforte que je ne vois nulle apparence
qu'il puiffe s'être formé entre
elles un complot pour me tromper ou
pour fe tromper elles- mêmes.
C'est ce qui m'a déterminé , à tout hazard
, à prendre la dépofition de chaque
Particulier qui dit avoir entendu les bruits
en queſtion , & d'en faire une efpece de
procès verbal , pour le communiquer à
des perfonnes plus éclairées que moi ,
moi , afin
que fuppofé le fait veritable , elles puiffent
exercer leurs efprits & leurs penetrations
à chercher les caufes naturelles
ou furnaturelles d'un évenement fi extraordinaire.
Quoique j'euffe pris d'abord cette réfo
lution , j'avois pourtant négligé de l'executer
, & le procès verbal que j'avois commencé
dès les premiers jours de Fevrier ,
étoit demeuré imparfait. Mais cette efpece
de prodige étant encore arrivé la nuit du
9. au 10. du mois de May , & plufieurs
perfonnes raisonnables en ayant été témoins
, je me fuis enfin déterminé tout à
fait à continuer avec foin cette efpece
d'enquête,
DE2812
MERCURE DE FRANCE
DEPOSITIONS.
Cejourd'hui 17. May 1730. a comparu
pardevant nous, Prêtre, Docteur en Théologie
, Curé d'Anfacq , le nommé Charles
Defcoulleurs , Laboureur , âgé d'environ
48. ans , lequel interrogé par nous ,
s'il étoit vrai qu'il eût entendu le bruit
extraordinaire qu'on difoit s'être fait dans
l'Air la nuit du 27. au 28. Janvier dernier
, & fommé de nous dire la verité
fans détours & fans déguiſemens.
>
A répondu , que cette nuit là , revenant
avec fon frere François Defcoulleurs , de la
Ville de Senlis , & ayant paffé par Mello ,
où ils auroient eu quelques affaires ; ils auroient
été obligez d'y refterjufques bien avant
dans la nuit, mais que voulant neanmoins
revenir coucher chez eux , ils feroient arrivez
environ à deux heures après minuit audeffus
des murs du Parc d'Anfacq , du côté
du Septentrion , & que prêts à defcendre la
Côte par un fentier qui cottoye ces murs , &
conduit au Village , s'entretenant de leurs
affaires , ils auroient été tout à coup interrompus
par une voix terrible , qui leur parut
éloignée d'eux environ de vingt pas ;
qu'une autre voix femblable à la premiere
auroit répondu fur le champ du fond d'une
gorge entre deux Montagnes , à l'autre exremité
du Village , & qu'immédiatement
II. Vol.
aprés
DECEMBRE. 1730. 281 }
leaprés
, une confufion d'autres voix comme
humaines , fe feroient fait entendre dans
Pefpace contenu entre les deux premieres
articulant certain jargon clapiſſant , que
dit Charles Defconlleurs dit n'avoir pû com
prendre , mais qu'il avoit clairement diftinqué
des voix de vieillards , de jeunes hommes
, defemmes ou de filles & d'enfans, &
parmi tout cela les fons de differens Inftru
mens.
Interrogé. Si ce bruit lui avoit paru éloigné
de lui & de fon frere ? A répondu
de quinze on vingt pas. Interrogé , fi ces
voix paroiffoient bien élevées dans l'Air ?
A répondu. A peu près à la hauteur de
vingt ou trente pieds , les unes plus , les autres
moins, & qu'il leur avoit femblé même
que quelques-unes n'étoient qu'à la hauteur
d'un homme ordinaire , & d'autres comme
fi elles fuffent forties de terre.
Interrogé. S'il n'auroit pas pris les cris
de quelques bandes d'Oyes fauvages , de
Canards , de Hyboux , de Renards , ou
les hurlemens de Loups , pour des voix
humaines ? A répondu. Qu'il étoit aufait
de tous ces fortes de cris , & qu'il n'étoit pas
homme ſi aisé à fe frapper , ni fi fufceptible
de crainte, pour prendre ainfi le change .
Interrogé. S'il n'y auroit pas eu un peu
de vin qui lui eut troublé la raiſon , auffibien
qu'à fon frere ? A répondu . Qu'ils
II. Vol étoient
1814 MERCURE DE FRANCE
étoient l'un & l'autre dans leur bon fens
& que bien loin d'avoir trop bû , ils étoient
au contraire dans un besoin preſſant de boire
& de manger, & qu'après le bruit ceffé , il
s'étoit rendu dans la maifon de fon frere , &
là buvant un coup , ils s'étoient entreteaus
de ce qui venoit de fe paffer , fortant de
tems-en-tems dans la cour pour écouter s'ils
'entendroient plus rien.
que
Interrogé. Si le bruit étoit fi grand qu'il
pût s'entendre de bien loin ? A répondu.
Qu'il étoit tel , que fon frere & lui avoient
eu peine à s'entendre l'un & l'autre en parlant
trés-haut.
Interrogé. Combien cela avoit duré ?
A répondu. Environ une demie heure.
Interrogé. Si lui & fon frere s'étoient
arrêtez & n'avoient pas voulu approcher
pour s'éclaircir davantage ? A répondu.
Que fon frere François avoit bien en le def
fein d'avancer & d'examiner dans l'endroit
ce que ce pouvoit être , mais que lui¸ Charles
, l'en avoit empêché.
Interrogé.Comment cela s'étoit terminé ?
Répondu. Que tout avoit fini par des éclats
de rire fenfibles , comme s'il y eût en trois
ou quatre cens perfonnes qui ſe miſſent à rire
de toute leur force.
Ces Articles lûs & relûs audit Charles
Defcoulleurs , a dit iceux contenir tous
verité , que ce n'étoit même qu'une par-
II. Vol. tic
DECEMBRE . 1730. 2815
tie de ce qu'il auroit entendu , qu'il ne
trouvoit point de termes affez forts pour
s'exprimer , qu'il juroit n'avoir rien mis
de fon invention , & que fi fa dépofition
étoit défectueufe , c'étoit plutôt pour n'avoir
pas tout dit , que pour avoir amplifié,
Et a figné à l'Original.
Ce 18. May 1730. a comparu , &c.
François Defcoulleurs , Laboureur d'Anfacq
, âgé de 38. ans, lequel interrogé s'il
auroit entendu le bruit furprenant de la
nuit du 27. au 28. Janvier dernier , a
répondu à chaque demande que nous lui
avons faites , les mêmes chofes , mot pour
mot , que Charles Defcoulleurs fon frere ;
enforte que lui ayant fait la lecture de
tous les articles contenus dans la dépofition
dudit Charles , a dit les reconnoître
pour veritables , n'ayant rien à y ajouter,
finon qu'à la fin de ce tumulte il s'étoit
fait deux bandes. féparées , fe répondant
l'une à l'autre par des cris & des éclats de
rire , que ledit François Defcoulleurs a
imitez devant nous , exprimant les ris des
vieillards par a, a , a , a , a ; tels que font
les ris des perfonnes décrépites à qui les
dents manquent ; les autres ris des jeunes
kommes , femmes & enfans , par ho ,
bo , bo
ho , bo ; hi , hi , hi , hi ; & cela d'une maniere
fi éclatante & avec une fi grande
confufion , que deux hommes auroient eu
...II Vol
•
1
1-
C peine
2816 MERCURE DE FRANCE
peine à le faire entendre dans une converfation
ordinaire ; lecture lui a été faite
de cette dépofition , a dit contenir verité ,
y a perfifté , & l'a fignée , auffi- bien que
celle de fon frere Charles , qu'il a voulu
figner avec la fienne.
Ce 23. May 1730. ont comparu Louis
Duchemin , Marchand Gantier , âgé de
30, ans , & Patrice Toüilly , Maître Maçon
, âgé de 58. ans , demeurant l'un &
L'autre à Anfacq , lefquels interrogez , ont
répondu : Que la nuit du 27. au 28. Fanvier
dernier , ils feraient partis enſemble environ
à deux heures aprés minuit , afin de
Se rendre au point du jour à Beauvais
diftant d'Anfacq de fix lieues ; qu'étant audeffus
de la Côte oppofée à celle où Charles
François Defconlleurs étoient à la même
heure revenant de Senlis , la Vallée d'Anfacq
entre les uns les autres , ils auroient
entendu le même bruit, & en même temps que
lefdits Defcoulleurs qu'eux Louis Duchemin
& Patrice Touilly , fe feroient arrêtez
d'abord pour écouter avec plus d'attention ,
que faifis de crainte , ils auroient déliberé
entre eux de retourner fur leurs pas ;
que comme il auroit fallu paffer dans l'endroit
où ces voixfe faifoient entendre , ils fe
feroient déterminez à s'en éloigner en continuant
leur voyage , toujours en tremblant :
qu'ils auroient entendu le même bruit pendant
mais
II, Vel
-une
DECEMBRE . 1730. 2817
une demie lieuë de chemin , mais foiblement
à mesure qu'ils s'éloignoient. Et ont figné
à
l'Original.
Le même jour a comparu pardevant
nous le fieur Claude Defcoulleurs , ancien
Garde de la Porte , & Penfionnaire de feu
M. le Duc d'Orleans , âgé de 56. ans , lequel
interrogé , a répondu : Que non -feulement
il avoit bien entendu ce bruit du mois de
Janvier , mais encore celui de la nuit du 9.
au 10. du prefent mois de May ; que lors
du premier il étoit bien éveillé & avoit oui
diftinctement tout ce qui s'étoit paffé : que
comme alors il faifoit froid, il ne s'étoit pas
levé pour cette raisons mais que comme la
porte de fa chambre eft vis-à-vis fon lit &
tournée à peu près du côté du Parc d'Anfacq
, il avoit auffi bien entendu que s'il eût
été dans fa cour & dans le lieu même ; que
le bruit étoit fi grand & fi extraordinaire,
que quoiqu'il fut bien enfermé , il n'avoit
pas laiffé d'être effrayé , & de reffentir dans
toutes les parties de fon corps un certain frémiffements
enforte que fes cheveux s'étoient
hériffez. Qu'à la feconde fois étant endormi,
le même bruit l'ayant éveillé en furſaut , il
feroit levé fur le champ ; mais que tandis
qu'il s'habilloit,la Troupe Aërienne avoit en
Le
temps
de s'éloigner; enforte que quand il
fut dans fa cour , il ne l'avoit plus entendrë
que de loin & foiblement , que cependant
11. Vol.
il
Cij
2818 MERCURE DE FRANCE
il en avoit oui affez defon lit & de fa chambre,
pourjuger & reconnoîtrefenfiblement que
ce fecond évenement étoit femblable en toutes
manieres au premier & de même nature.
Interrogé , s'il ne pourroit pas nous
donner une idée plus claire de cet évenement
par la comparaifon de quelque chofe
à peu près femblable , & tirée de
l'ordre ordinaire de la Nature & du Commerce
du Monde ? A répondu de cette.
maniere.
Il n'eft pas , Monfieur , dit-il , que vous
nayez vu plufieurs fois des Foires oufrancs
Marchez vous avez , fans doute, remarqué
que dans ces fortes de lieux deux ou trois
mille perfonnes forment une espece de cabos
ou de confufion de voix d'hommes , de femmes
, de vieillards , de jeunes gens & d'enfans
, où celui qui l'entend d'un peu loin ne
peut abfolument rien comprendre , quoique
chaque Particulier qui fait partie de la confufion
, articule clairement & fe faffe entendre
à ceux avec lesquels il traite de fes affaires
& de fon Commerce . Imaginez- vous donc
être à la porte des Hales à Paris unjour de
grand Marché , ou dans les Sales du Palais
avant l'Audience ; ou enfin à la Foire faint
Germain fur le foir , lorsqu'elle eft remplie
d'un monde infini , n'entend-on pas dans
tous ces lieux, & principalement dans le dernier
un charivari épouvantable , ( ce font fes
II Vol. mêmes
DECEMBRE. 1730. 28 19
›
mêmes termes ) dans lequel on ne comprend
rien en general, quoique chacun en particulier
parle clairement & ſe faſſe diſtinctement entendre?
ajoûtez à tout cela lesfons des Violons ,
des Baffes , Hautbois , Trompettes , Flutes
Tambours & de tous les autres Inftrumens
dont on joue dans les Loges des Spectacles
& qui fe mêlent à cette confufion de voix ,
vous aurez une idée jufte & naturelle des
bruits que j'ai entendus & dans lesquels j'ai
remarqué diftinctement des voix humaines en
nombre prodigieux , auffi - bien que les fons
de differens Inftrumens . Après la lecture
de fa dépofition , a dit , juré & protesté
contenir verité & a figné à l'Original .
ans ,
Le même jour a comparu Alexis Allou ,
. Clerc de la Paroiffe d'Anfacq , âgé de 34.
lequel interrogé &c . a répondu :
...que la même nuit étant couché & endormi,
Sa femme qui ne dormoit pas auroit été frappée
d'un grand bruit , comme d'un nombre
-prodigieux de perfonnes de tout fexe , de tout
age ; que faifie de frayeur , elle auroit éveillé
ledit Allou , fon mari , & qu'alors le même
bruit continuant & augmentant toujours ,
ils auroient crû l'un & l'autre que le feu étoit
à quelque maifon de la Paroiffe , & que les
cris provenoient des habitans accourus an
Secours que lui Allou dans cette perſuaſion
fe feroit levé avec précipitation ; mais qu'étant
prêt à fortir , & avant d'ouvrir fa
II. Vol. Cij porte
2820 MERCURE DE FRANCÉ
porte il auroit entendu paſſer devant fa
maifon une multitude innombrable de perfonnes
, les unes pouffant des cris amers
( ce font fes termes ) les autres des cris de
joye , & parmi tout cela les fons de differens
inftrumens que cette multitude lui avoit femblé
fuivre le long de la rue jufqu'à l'Eglife ,
mais qu'alors unfriſſon l'ayant faifi , il n'auroit
pas ofé écouter plus long- tems , & auroit
étéfe recoucher auffi tôt pour fe raffurer auffi
bien que fa femme qui trembloit de frayeur
dans fon lit. Et a figné à l'original.
Ce 24. May 1730. a comparu Nicolas
de la Place , Laboureur , âgé d'environ
45. ans , demeurant audit Anfacq , lequel
a déclaré : que la nuit du 27 au 28. Janvier
n'étant point encore endormi , il auroit tout
à
coup entendu un bruit extraordinaire , é
que croyant qu'il feroit arrivé quelque accident
dans la Paroiffe , il fe ferait levé nud
en chemife , & qu'après avoir ouvert la porte
de fa chambre , il auroit oùi comme un nombre
prodigieux de perfonnes , de tout âge &
de toutfexe , qui paffoient devant fa maison,
fife proche l'Eglife , & au milieu du Village
, formant un bruit confus , mais éclatant,
de voix comme humaines , mêlées de differens
inftrumens ; qu'alors la crainte & le
froid l'auroient obligé de refermer promtement
fa porte & de fe remettre au lit , d'où
il auroit encore entendu le même bruit & les
II. Vol.
mêmes.
DECEMBRE. 1730. 2821
mêmes voix , comme fi elles euffent monté
la ruë , & paffé devant la Maifon Pres
biterale. Et a figné à l'original.
Le même jour ont comparu Nicolas
Portier , Laboureur , âgé de 25. ans , &
Antoine Le Roi , garçon Marchand Gantier
, âgé d'environ 34. ans , lefquels ont
déposé que ladite nuit & à la même heure
ils auroient entendu paffer le long de la ruë,
dite d'Enbaut , qui conduit à Clermont , &
entre notre Maiſon Presbiterale & la leur,
comme une foule de monde , de tout âge , de
tout fexe , dont une partie pouffoit des cris
affreux , les autres parlant tous ensemble ,
& articulant certain jargon inintelligible s
que le bruit étoit fi grand & fi affreux que
leurs chiens qui étoient couchés dans la
Cour pour lagarde de la maiſon, en avoient
été tellement effrayés , que fans pouffer un
feul aboyement ils s'étoient jettes à la porte
de la chambre de ladite maifon , la mordant
& la rongeant comme pour la forcer , l'ouvrir
& fe mettre à couvert , fuivant l'instinct
naturel de ces animaux. Et ont figné à l'original.
Ce z. Juin 1730. ont comparu Jean
Defcoulleurs , âgé de 40. ans , Jacques
Daim , Etienne Baudart , Chriſtophe Denis
Deftrés , Jean Beugnet , Paul le Roi ,
Jean Caron & un grand nombre d'autres
perfonnes des deux fexes , lefquels ont
II. Vol. Cilj tous
2822 MERCURE DE FRANCÉ
་
tous déclaré d'avoir bien entendu nonfeulement
le bruit aërien du 27 au 28.
Janvier , mais encore celui du 9 au 10.
dé May dernier , fe rapportant tous dans
les mêmes circonftances ; enforte qué
leur ayant fait lecture de toutes les dépofitions
ci-deffus , ont dit icelles contenir
verité , & ont figné l'Original , ceux
qui fçavent écrire , n'ayant pas jugé à
propos de prendre les marques de plus
de vingt perfonnes qui dépofent toutes
les mêmes chofes , mais qui ont declaré
ne fçavoir figner.
Nous fouffigné , Prêtre , Docteur en
Theologie , Curé de S. Lucien d'Anfacq',
Diocèfe de Beauvais , certifions que toutes
les dépofitions ci-deſſus fontfidelles , & telles
qu'on nous les a fournies ; qu'elles font fignées
enforme dans l'Original , & que cette
copie lui eft conforme en toutes fes parties ,
que nous n'avons ajouté ni rien changé dans
Fun & dans l'autre que l'arrangement &
la diction , ayant fcrupuleufement Suivi toutes
les circonftances qui nous ont été données.
Fait à Anfacq , ce 26. Octobre 1730. figné
TREUILLOT DE PTONCOURT , Curé
d'Anfacq.
›
REFLEXIONS.
Avant que de rendre publique cette Relation
, j'ai crû devoir la communiquer à
11. Vol. quelques
DECEMBRE. 1730. 2823
quelques perfonnes éclairées & d'érudition
de mes amis particuliers , leurs ſuffrages
m'ont paru néceffaires pour la rendre
plus autentique , s'agiffant fur tout
d'un évenement qui tient trop du merveilleux
, pour ne pas devenir le fujet
des railleries & du mépris des efprits
forts.
Je fuis bien aife d'avertir ces Meffieurs
que j'ai été jufqu'ici de leur nombre &
leur confrere fidele en ce genre feulement;
mais quoique je ne fois pas encore bien
réfolu de faire faux- bon à leur confrairie
, je les fupplie néanmoins de me permettre
de demeurer neutre entre leur
parti & celui des crédules , jufqu'à ce
que des gens de poids pour la fcience &
pour la pénetration ayent décidé du fait.
dont il s'agit , & m'ayent tiré de la perplexité
où je refterai jufqu'à leur jugement,
Les efprits forts ne peuvent me refuſer
qu'injuftement cette fufpenfion ; je ne
fçai pas bien s'il ne feroit pas auffi injufte
& auffi ridicule de traiter de vifionaires
tant de gens de probité , quoique de
la Campagne , qui conviennent tous du
même fait , que de croire legérement tout
ce que le vulgaire ignorant débite fi fouvent
des fabbats & des autres fottifes de
ce genre.
II. Vol. Cy Quoi
2824 MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en foit , mes amis , bien loin
de me diffuader de donner au Public cette
relation , avec le procès verbal fait en
conféquence , m'ont prié , au contraire ,
non feulement de ne point héfiter à
le faire , mais d'y joindre encore une
deſcription Topographique du Village
d'Anfacq , afin de donner lieu à ceux
qui croirone pouvoir expliquer cet évenement
par des caufes naturelles d'exercer
toute leur Phyfique & leur Philofophie.
En effet , fi les Phénoménes extraor
dinaires qui ont paru dans l'air depuis
cinq ans ont tant exercé les beaux efprits
& ont fait la matiere de plufieurs affemblées
de Meffieurs de l'Académie des
Sciences , pourquoi un événement qui
tombe fous un autre fens , qui n'eft pas
moins réél , ni moins effentiel à l'homme
le fens de la vûë , ne meritera- t'if
que
pas autant l'attention & la curiofité des
mêmes Sçavans !
>
Tout le monde fçait que Phénoméne
eft un mot Grec, que l'on a francifé comme
beaucoup d'autres , parce qu'il ne fe
trouve point dans notre Langue de termes
d'une fignification affez énergique ,
pour exprimer feul & par lui -même les
objets qui paroiffent extraordinairement
dans l'air. Notre Langue ne nous fournit
II. Vol. pas
DECEMBRE. 1730. 2825
pas non plus d'expreffions pour défigner
fes bruits extraordinaires qui fe font , où
qui pourroient fe faire entendre. Mais.
comme ces derniers font bien moins communs
que les premiers , on ne s'eft point
encore avifé jufqu'ici de francifer un mot
Grec pour les exprimer.
; .
L'évenement dont il s'agit , ne pourroit
il donc pas m'autorifer à le faire moimême
? & de même qu'il a plû à nos
Anciens d'appeller , Phénoménes , les
objets extraordinaires qui paroiffent dans
l'air ne pourroit-on pas , par la même
raifon , défigner le bruit étonnant & prodigieux
qui vient de fe faire entendre par
ce mot , Akoufméne , ou pour parler plus
regulierement Grec en François , Akousmate
? Le premier fignifie une chofe qui
paroît extraordinairement ; le fecond fi
gnifiera une chofe qui fe fait entendre
extraordinairement
.
Ce principe établi , je prétens que fi les
Phénoménes font du reffort de la curio
fité des Sçavans , les Akoufmates , ne le
font pas moins , fuppofé leur réalité . Or,
on ne peut guere douter de celui - ci : trop
de gens
raifonnables en font le rapport ,
& s'accordent trop dans les mêmes circonftances
, pour n'y pas ajouter foi .
On me dira peut être ,qu'il y a une grande
difference pour l'autenticité entre les Phe-
II. Vol. Cavi no
2826 MERCURE DE FRANCE
noménes & mes prétendus Akoufmates :
que lorfque les premiers paroiffent , tous
les hommes qui ont le même horiſon naturel
& même rationel , peuvent les appercevoir;
au lieu que les feconds , fuppofé
leur réalité , ne peuvent être entendus
que de peu de perfonnes , & de celles feulement
qui en font à portée & qui demeurent
dans le même lieu où ces Akoufmates arrivent.
Que par confequent un Phénoméne
qui eft apperçu par tous les Sunorifontaux ,
emporte avec foi une autenticité bien
plus grande , qu'un Akoufmate qui ne peut
être entendu que par un petit nombre de
particuliers habitans d'un même lieu.
A cela je répons : que la Sphère d'activité
de la vûë étant bien plus étenduë
que celle de l'oüie , les Phénoménes & les
Akoufmates , ne requiérent pas le même
nombre de témoins pour les rendre autentiques
: que les premiers pouvant être apperçus
de tous les Sunorifontaux , il eſt
neceffaire que le plus grand nombre des
hommes qui habitent l'horifon fur lequel
un Phénoméne paroît , en rende témoignage
; au lieu que pour les feconds , il .
fuffit , ce me femble , qu'il ayent été entendus
par la plus grande & la plus faine
partie des habitans d'un même lieu , &
renfermés dans la Sphère d'activité de
l'oüie.
II. Vol.
Mais
DECEMBRE. 1730. 2827
le
Mais pour rendre le fait dont il s'agit
plus autentique encore , il fuffit de remarquer
que le fens de la vûë eft ordinairement
plus fujet à l'erreur & à l'illuſion ,
le fens de l'oüie . Il n'y a pour
que
prouver qu'à fe reffouvenir de toutes les
extravagances qui ſe débiterent à l'occafion
des derniers Phénoménes & fur tout
de celui du mois d'Octobre 1726.Combien
de gens cturent voir au milieu de l'efpece
de Dôme de feu qui parut alors , les uns
une Colombe ou S. Efprit , les autres un
Ange , un Autel , un Dragon , &c . toutes
chofes qui n'avoient de réalité que
dans leur imagination frappée , ou dans
leurs yeux fatigués & éblouis ?
Mais ici où il ne s'agit que du fens de
l'oiie , tant de gens raifonnables ont ils
pû fe tromper fi groffiérement , que de
s'imaginer entendre quelque chofe lorfqu'il
n'entendoient rien ? Un prétendu
bruit épouventable dans l'air qui n'auroit
confifté qu'en quelques hurlemens de
Loups fur la terre ? Une multitude infinie
de voix comme humaines mêlées de
differens fons d'inftrumens, qui n'auroient
été que des cris d'Oyes ou de Canards
Sauvages . Des perfonnes à dix pas du
lieu où fe paffoit ce charivari , des perfonnes
en voyages qui font arrêtées par
cet accident , & qui difent les avoir en-
II. Vol.
tendu
2828 MERCURE DE FRANCE
tendu finir par des éclats de rire de toute
efpece , tandis que d'autres pouffoient
des cris horribles ? Seroit-il poffible que
tant d'oreilles euffent été enchantées
pour ainfi dire , pour croire entendre ce
qu'elles n'entendoient pas ? C'eft ce que
je ne fçaurois jamais m'imaginer . Je ne
veux néanmoins m'attacher à aucun fentiment
, qu'autant qu'il fera celui de perfonnes
plus habiles que moi.
Defcription du Village.
ANacq cft fitué dans un Vallonformé par
deux Coteaux ou Montagnes , entre Clermont
en Bauvoifis au Nord - Eft , & le Bourg de
Mouy au Sud - Oueft. A peu près à la même diftance
de l'un & de l'autre; trois Gorges fort étroites
, l'une au Nord- Eft , celle du milieu au Nord,
& la troifiéme au Nord - Oueft , font comme les
racines du principal Vallon , forment une espéce
de patte d'Oye, & fe rapprochant, viennent le réünir
à un quart de lieuë d'Anfacq...
Sur la hauteur environ à fix cens pas communs
de la naiffance de ces Gorges ,, eft le commencement
de la Forêt de Haye , dite communément
la Forêt de la Neuville. La Seigneurie du
Pleffier Bilbault , de la Paroiffe d'Anfacq , eft fi
tuée proche la liziere de ladite Forêt , à 400. pas
ou environ de la naiffance de la Gorge du milieu
ou de celle du Nord..
Le Village commence du côté de Clermont
au Nord - Eft , par une rue affés longue , bâtie le
long de la côte Orientale , fur une douce pente,
& vient fe terminer à l'Eglife , dont le principal
II. Vol.
Portail
DECEMBRE . 1730. 2829'
Portail fait face du côté du Couchant , à une Pla
ce bordée de maiſons de part & d'autre , & terminée
par un petit ruiffeau , au delà duquel d'autres
maifons font face au Portail.
De l'Eglife , une autre rue conduit jufqu'aux
murs du Parc vers le Sud- Qüeft : & c'eft au bout
de cette rue , & en dedans du Parc , que les bruits
furprenans dont-il eft ici question , commencent
& le font entendre ordinairement. C'eft auffi audeffus
de l'extrémité de cette ruë , & vers les mêmes
murs , que Charles & François Defcoulleurs,
étoient placés , lorfqu'en revenant de Senlis , ils
furent obligés de s'arrêter , à caufe de ce bruit
étonnant.
>
On fe fouviendra encore de ce qui eft dit dans
la dépofition defdits Defcoulleurs , que deux cris
affreux furent comme le prélude de la confufion
qu'ils entendirent immédiatement après. Le premier
fe fit entendre du fond d'une des Gorges
qui fervent de racines au principal Vallon ,,
c'eft à dire , de la troifiéme qui eft vers le Nord-
Oueft , le fecond cris répondit au premier dans
le Parc , au bout de la rue même dont je viens
de parler , & à quinze ou viage pas de l'endroit
ou lefdits Defcoulleurs étoient. Le Vallon d'Anfacq
ainfi formé , comme je l'ai dit , par la jonc
tion des trois Gorges , continue à peu près de la
même largeur jufqu'au Parc & au Château , éloi
gné du Village environ de huit cent pas.
Le Parc qui peut contenir quatre cens arpens,.
eft un grand quarré long , dont la partie Orien
tale forme dans toute fa longueur du Nord au
Sad un Amphithéatre , ou deux grandes Terraffes
l'une far l'autre qui emportent environ la
moitié de fa largeur , & font ombragées par tout:
d'une petite fotaye de chênes , & en quelques ens
droits de buiffons épais & forts.
11. Vol.
Ꮮ e
2830 MERCURE DE FRANCE
Le Château d'un gout antique avec Tours &
Tourelles eft fitué à cent pas du pied de l'Amphithéatre
, entre deux Cours , dont celle d'entrée
& la principale , regarde le Couchant , l'autre
F'Orient , l'une & l'autre environnées de bâtimens
pour la commodité d'un Laboureur.
Prés du Château on trouve trois Jardins
entourés de Murs , lefquels coupant aflez bifarrement
l'endroit du Parc où ils font placés , forment
trois quarrés & differentes efpeces de chemins
couverts qui les féparent l'un de l'autre , &
conduifent à differentes portes , tant pour entrer
dans la principale Cour que pour ſortir du Parc ;
tout le refte confifte en pâturages , Aulnois ,
plans de faules & Arbres fruitiers.
>
De l'extrémité du Parc , du côté du Sud - Oueſt;
le Vallon continuë pendant une demie lieuë , &
va enfin fe rendre dans la grande Vallée de
Mouy. Il eft partagé dans toute fa longueur par
un petit Ruiffeau , formé par plufieurs fources
qui fortent du pied de la Montagne d'où naiffent
les trois Gorges. Ce Ruiffeau ombragé par
tout de bois aquatiques comme Saules , Peupliers
, Aulnes &c. vient paffer au- deffous des
Jardins de la rue de Clermont , bâtie , comme
je l'ai déja dit , fur la pente de la côte Orientale,
entre enfuite dans le Village par l'extrémité de
la Place qui fait face à l'Eglife , & continuant
fon cours vers le Sud - Oueft , il va fe rendre dans
le Parc ; delà toujours en ferpentant il va arrofer
le principal Jardin , d'où il tombe par une
efpece de petite Caſcade dans les foffez du Châ
teau qu'il parcourt fans les remplir , parceque
les digues en font rompues. Il fort enfuite des
foffez & de la grande Cour pour rentrer dans
l'autre partie du Parc , & cotoyant le pied de
PAmphithéatre il en reffort par le Sud- Ouest, &
II. Vol. va
DECEMBRE. 1730. 2831
a former à fix cens pas delà un petit étang
pour faire moudre un Moulin . En fortant du
Moulin , il fe recourbe un peu vers le Sud ou
Midi , & après une demie lieuë du refte de fon
cours il va fe rendre dans la grande Vallée , &
fe décharger dans la petite Riviere du Terrin ,
entre Mouy & Bury. Le Vallon d'Anfacq depuis
fes racines jufqu'à l'endroit où il fe rend
dans la grande Vallée peut avoir dans toute fa
longueur 3000. pas géometriques, ou une grande
lieuë de France.
༥༤ ་
Outre les trois Gorges dont j'ai parlé, il fe trouve
encore dans toute cette étendue pluſieurs cavées
ou chemins creux de part & d'autre qui
conduisent en differens endroits fur les deux coteaux
oppofés dont le Vallon eft formé.
Il faut obferver que dans toute la longueur da
Vallon il ne fe trouve point d'échos confiderables
qui fe renvoyant les fons les uns aux autres
puiffent fervir de fondement au fentiment de
ceux qui voudroient attribuer les bruits en queftion
à ces cauſes ordinaires & naturelles . C'eft
ce dont j'ai voulu moi - même faire l'experience
pendant une belle nuit & un tems calme , en fai
Tant marcher en même tems que moi plufieurs
perfonnes tant fur les côteaux que dans la Vallée,
& en les faifant crier de tems en tems. J'entêndis
bien les voix de plus de quinze perfonnes ,
hommes & petits garçons qui s'acquiterent parfaitement
de la commiffion que je leur avois donnée
, en criant quelquefois de toutes leurs forces ,
& en parlant de tems en tems , & tous enſemble
à voix haute ; mais cette experience ne produifit
rien qui pût m'éclaircir ; les principaux témoins
de notre prodige que j'avois avec moi , ne
convinrent jamais que ces voix en approchaffent,
& lui reffemblaffent en la moindre circonftance.
II Fol. Il
2832 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai , me dirent -ils , que dans le Sabbat
que nous avons entendu , ( ce font leurs mêmes
termes ) il y avoit à peu près des voix ſemblables
mais en bien plus grand nombre , & qui formoient
une confufion horrible de cris lugubres ,
de cris de joye & de fons d'Inftrumens.Celles - cy,
continuoient- ils , font difperfées & à terre, aulieu
que les autres étoient toutes raffemblées , & la
plus grande partie dans l'Air ; nous entendons le
langage de ceux- cy , mais nous ne comprîmes
jamais rien dans le jargon des autres . Et d'ailleurs
quand ce que nous entendons actuellement approcheroit
en quelque forte de ce que nous avons
entendu;quelle apparence qu'un nombre fi prodigieux
de monde fe fût affemblé dans le Pare
d'Anfacq? Il auroit donc fallu pour cela que tous
les habitans , hommes , femmes , enfans & Menetriers
de tous les Villages à deux lieues à la
ronde , euffent formé ce complot ; & à quel ufa
ge : Les uns pour crier , chanter & rire ? Les autres
pour pleurer , fe plaindre & gémir ? Tel fue
le fruit de mon experience : une plus grande in→
certitude.
ADDITION
Le 31. Octobre dernier , veille de la Touffaint,
le même bruit fe fit entendre au- deffus du Parc
d'Anfacq , entre 9. & 10. heures du ſoir ; il fut fi
épouventable , que non- feulement une partie du
Village l'entendit , mais que des moutons parquez
auprés delà en furent fi effrayez , qu'ils forcerent
le Parc & fe répandirent par la Campagne , enforte
que le Berger fut obligé d'aller chercher
quelques Payfans des environs pour l'aider à raſfembler
fon Troupeau. La femme de ce même
Berger couchée avec lui dans fa Cabane , en fut
fépouventée qu'elle en eft tombée malade.
II. Vol. Comme
DECEMBRE. 1730. 283 3°
Comme j'avois ordonné qu'on m'avertit en
cas que ce même bruit fe fit entendre de nouveau,
on ne manqua pas de courir chez moi dans le
moment , mais ma maiſon étant un peu éloignée
du Parc d'Anfacq , quelque diligence que je puffe
faire pour me rendre fur le lieu , j'y arrivai trop
tard & ne puis rien entendre. J'ay chargé une
perfonne de veiller pendant tout l'hyver jufqu'à
minuit , afin de pouvoir être averti s'il arrivoit
que ce bruit fe fit encore entendre.
y
Ayant communiqué à plufieurs de mes amis ce
ce qui s'eft paffé dans ma Paroiffe ; un d'entre'
eux, homme de Lettres, & ayant une Charge dans
la Justice de Clermont en Beauvoifis , me dit qu'il
avoit quinze ans que paffant la nuit par le Village
d'Anfacq pour s'en retourner à Clermont
étant feul à cheval à quelque diftance dudit Vilge
, il entendit un bruit fi épouventable en l'Air
& fi prés de lui , qu'il en fut tranfi de frayeur . Il
fe jetta à bas de fon cheval & fe mit à genoux
en prieres jufques à ce que ce bruit fut paffé ,
aprés quoi il continua fon chemin. Arrivé chez
lui il eut honte de fa peur & n'oſa jamais ſe
vanter de ce qui lui étoit arrivé , de peur qu'on
ne le prêt pour un vifionaire , mais que puifque
cette avanture devenoit fi fréquente , il avoüoit
fans peine ce qu'il lui étoit arrivé.
Curé d'Anfacq , à Madame la Princeffe
de Conty , troifiéme Douairiere , &
Relation d'un Phénomene très extraordinaire
, &c.
MADAM ADAME ,
Fay cru avoir remarqué dans mes deux
Voyages de l'Ile-Adam , queVOTRE Altesse
SERENISSIME n'y venoit de tems en tems que
poury gouter les amusemens de la Campagne
; une Ménagerie , la Chaffe , la Pêche ,
les Promenades , les ouvrages de l'aiguille
ou de la Tapiffèrie , & fur tout d'agréables
lectures , font , ce me femble , tout ce qui peut
former l'aimable varieté de vos innocens plaifirs.
Que je ferois heureux , MADAME ,
fi je pouvois y contribuer en quelque³ maniere,
& augmenter cette varieté par la petite
Relation que je prens la liberté de vous
prefenter!
Tout y refpire l'air de la Campagne ; tout
ce qui y eft contenu s'eft paffé à la Campagnes
c'eft fur le témoignage de gens de la Campagne
que le fait dont il s'agit eft appuyé ;
II. Fol. c'eft
DECEMBRE . 1730. 2803
c'est enfin un Curé , mais le Curé de toutes
vos Campagnes , le plus fidele , le plus zelé ,
& le plus refpectueux , qui a l'honneur de
vous la communiquer.
Le fujet de cette Relation , toute effrayant
qu'il ait parn aux gens de la Campagne qui
difent, en avoir été témoins , devient naturellement
pour les efprits folides , & fur tout
pour celui de V. A. S. un vrai divertiffement
& une matiere agréable de recherches ,
de reflexions, fuppofe fa réalité.
Il s'agit d'un bruit extraordinaire dans
Fair, qui a toutes les apparences d'un Prodige
; prefque tous les habitans du lieu où
il s'eft fait, affurent , jurent & protestent l'avoir
bien entendu.
Ces Témoins , comme gens de la Campagne
, appellent cet évenement un Sabbat ; les
efpritsforts l'appelleront comme ils voudront,
pourront raifonner , ou plutôt badiner à
Leur aife.
> Aux
Pour moi , dans la Differtation que j'ay
mife à la fin , je lui donne le nom grec d'Akoulmate
, pour fignifier une chofe extraor
dinaire qui s'entend dans l'air , comme on
donne le nom grec de Phénomene
chofes qui paroiffent extraordinairement
dans
te même Element ; mais je me garde bien de
rien décider fur le fond ni fur les cauſes .
Quoiqu'il en soit , Efprits , Lutins , Sorciers
, Magiciens , Météores , Conflictions
II. Vol .
de
2806 MERCURE DE FRANCË
de vapeurs , Combats d'Elemens ; je laiffe
aux Curieux à choisir ou à trouver d'autres
caufes : ilme fuffit d'affurer V.A.S. que les
Témoins de ce prétendu Prodige , m'ont paru
de bonne foi , & que les ayant interroge
plufieurs fois , & leur ayant donné tout le
tems de fe contredire & d'oublier dans leurs
deux , trois & quatrième dépofitions , ce qu'ils
m'avoient dit dans la premiere , ils se font
néanmoins foutenus à merveilles , & n'ont
point varié dans la moindre circonftance.
C'en eft affez pour mon deffein , qui fe
termine uniquement au divertiffement de
V. A. S. elle a dans fa Cour & à la suite
de Monfeigneur le PRINCE DE CONTY,
des R R. Peres Jefuites , qui font ordinairement
des perfonnes trés-lettrées & trés- verfées
dans les fecrets de la Nature : fi vous voulez
, MADAME , leur communiquer cette
Relation , & qu'ils veuillent bien en dire
leur fentiment, je ferai charmé de profiter de
leurs lumieres, & je m'engagerai même à rendre
publique leur opinion , avec leur permiffion,
s'entend, je ne voudrois pour toute chofe
au monde , jamais rien faire qui pût leur
déplaire.
Au refte , V. A. S. doit prendre d'autant
plus de part à cet évenement , qu'il eft arrivé
dans une de fes Terres.
Si ce font des Efprits de l'Air, comme les
Perdrix & les autres Oifeaux qui habitent
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1730. 2807
le même Element dans l'étenduë du Territoire
d'Amfacq , appartiennent de droit à
V. A. S. fans doute que ces Efprits , pourvn
qu'ils foient familiers & bienfaifants , doivent
vous appartenir par la même raifon ;
en tout cas mon unique but n'eft , encore un
coup , MADAME , que de vous diver
tir, auffi-bien que Monfeigneur LE PRINCE
DE CONTY ; faffe le Ciel quej'y aye réuſſi
aujourd'huy , en attendant que je puiffe donner
des marques plus ferieufes de l'attachement
infini & du refpect profond avec lequel
je fuis de V. A. S. MADAME , & c.
RELATION d'un bruit extraordinaire
comme de voix humaines , entendu dans
l'Airpar plufieurs Particuliers de la Paroiffe
d'Anfacq , Diocéfe de Beauvais
la nuit du 27. au 28. Janvier 1730 .
E Samedi 28. Janvier de la prefente
Lannée , le bruit le répandit dans la
Paroiffe d'Anfacq , près Clermont en
Beauvoifis , que la nuit précédente plufieurs
Particuliers des deux fexes , avoient
entendu dans l'Air une multitude prodigieufe
comme de voix humaines de
differens tons , groffeurs & éclats , de tout
âge , de tout fexe , parlant & criant toutes
enfemble , fans néanmoins que ces Par-
IIV ol.
ticu1808
MERCURE DE FRANCE
ticuliers ayent pu rien diftinguer de ce
que les voix articuloient ; que parmi cette
confufion de voix , on en avoit reconnu
& diftingué un nombre infini qui pouffoit
des cris lugubres & lamentables , comme
de perfonnes affligées , d'autres des cris de
joye & des ris éclatans , comme de perfonnes
qui fe divertiffent ; quelques- uns
ajoûtent qu'ils ont clairement diftingué
parmi ces voix humaines , ſoit- diſant , les
fons de differens inftrumens.
Cette nouvelle vint bientôt jufqu'à
moi , & comme je n'ajoûte pas foi
aifément à ces fortes de bruits populai
res , & que je fuis affez pyrrhonien à l'égard
de tous les contes nocturnes qui fe
débitent fi fouvent dans l'apparition des
Efprits , des Sabbats & de tant d'autres
bagatelles de cette efpece , je me contentai
d'abord de rire de celle-cy & de la regarder
comme un effet ordinaire d'une
Imagination frappée & bleffée de la frayeur
qu'inſpirent ordinairement les tenebres
de la nuit , fur tout à des efprits groffiers
& ignorans , comme ceux de la plupart
gens de la Campagne , qui font nour
ris & élevés par leurs parens dans cette
perfuafion qu'il y a des Sorciers & des
Sabbats , & qui ajoûtent plus de foi aux
contes ridicules qui s'en débitent parmi
eux , qu'aux veritez effentielles de l'Evangile
& de la Religion.
des
DECEMBRE 1730. 2800
Je badinai ainfi jufqu'au lendemain Dimanche
29. dudit mois , me divertiffant
toujours à entendre raconter la chofe par
tous ceux & celles qui difoient l'avoir entenduë.
Entre ceux- là , deux de mes Paroiffiens,
des premiers du lieu , bons Laboureurs ,
gens d'honneur & de probité , beaucoup
plus éclairez & moins crédules que ne
le font ordinairement les gens de la Campagne
, me vinrent faire l'un après l'autre
leur Relation , comme ayant entendu
de près tout ce qui s'étoit paffé .
Ils m'affurerent qu'alors ils étoient dans
un bons fens parfait, qu'ils revenoient de
Senlis , environ à deux heures après minuit
, & qu'ils étoient fùrs d'avoir bien
entendu & fans être trop effrayez , tour
ce qui eft rapporté au commencement de
cette Relation .
Après les avoir bien interrogez & tour.
nez de toutes fortes de manieres , je tâchai
de leur perfuader qu'ils s'étoient trompez,
& que la crainte & la préoccupation leur
avoient fait prendre quelques cris d'Oifeaux
nocturnes pour des voix humaines;
mais leurs réponſes ont toujours été les
mêmes , fans fe les être communiquées
& je n'ai pû y découvrir ni malice , ni
tromperies , ni contradictions .
J'ai eu beau leur faire à chacun en
-II. Vol.
par2810
MERCURE DE FRANCE
particulier toutes les objections qui me
vinrent alors dans l'imagination , ils ont
toujours perfifté& perfiftent encore à affu
rer que lorfqu'en revenant de Senlis ils
s'entretenoient tranquilement d'une affai
re pour laquelle ils avoient été obligez d'aller
en cette Ville ; ils avoient tout à coup
entendu près d'eux un cri horrible d'une
voix lamentable , à laquelle répondit à
fix cens pas delà une voix femblable &
par un même cri , que ces deux cris furent
comme le prélude d'une confuſion
d'autres voix d'hommes , de femmes , de
vieillards , de jeunes gens , d'enfans, qu'ils
entendirent clairement dans l'efpace renfermé
entre les deux premieres voix ,
& que parmi cette confufion ils avoient
diftinctement reconnu les fons de dif
ferens inftrumens comme Violons
Baffes , Trompettes , Flutes , Tambours ,
&c.
Quoique tout cela n'ait pû me tirer
encore de mon pyrrhonifme , je n'ofe
néanmoins traiter de vifionnaires un fi
grand nombre de perfonnes raifonnables ,
entre lefquelles il s'en trouve fur tout
fept ou huit qu'on peut appeller gens
de mérite & de probité pour laCampagne
qui dépofent toutes unanimement la même
chofe , fans fe démentir ni fe contredire
en la moindre circonftance , quoi-,
II. Vol.
qu'elle
DECEMBRE. 1730. 2811
qu'elles ne fe foient ni parlé ni commu❤
niqué , étant logées dans differens quartiers
du Village éloignez l'un de l'autre
& la plupart defunies par des difcusions
d'interêt qui rompent en quelque maniere
entre elles le commerce ordinaire de la
focieté ; enforte que je ne vois nulle apparence
qu'il puiffe s'être formé entre
elles un complot pour me tromper ou
pour fe tromper elles- mêmes.
C'est ce qui m'a déterminé , à tout hazard
, à prendre la dépofition de chaque
Particulier qui dit avoir entendu les bruits
en queſtion , & d'en faire une efpece de
procès verbal , pour le communiquer à
des perfonnes plus éclairées que moi ,
moi , afin
que fuppofé le fait veritable , elles puiffent
exercer leurs efprits & leurs penetrations
à chercher les caufes naturelles
ou furnaturelles d'un évenement fi extraordinaire.
Quoique j'euffe pris d'abord cette réfo
lution , j'avois pourtant négligé de l'executer
, & le procès verbal que j'avois commencé
dès les premiers jours de Fevrier ,
étoit demeuré imparfait. Mais cette efpece
de prodige étant encore arrivé la nuit du
9. au 10. du mois de May , & plufieurs
perfonnes raisonnables en ayant été témoins
, je me fuis enfin déterminé tout à
fait à continuer avec foin cette efpece
d'enquête,
DE2812
MERCURE DE FRANCE
DEPOSITIONS.
Cejourd'hui 17. May 1730. a comparu
pardevant nous, Prêtre, Docteur en Théologie
, Curé d'Anfacq , le nommé Charles
Defcoulleurs , Laboureur , âgé d'environ
48. ans , lequel interrogé par nous ,
s'il étoit vrai qu'il eût entendu le bruit
extraordinaire qu'on difoit s'être fait dans
l'Air la nuit du 27. au 28. Janvier dernier
, & fommé de nous dire la verité
fans détours & fans déguiſemens.
>
A répondu , que cette nuit là , revenant
avec fon frere François Defcoulleurs , de la
Ville de Senlis , & ayant paffé par Mello ,
où ils auroient eu quelques affaires ; ils auroient
été obligez d'y refterjufques bien avant
dans la nuit, mais que voulant neanmoins
revenir coucher chez eux , ils feroient arrivez
environ à deux heures après minuit audeffus
des murs du Parc d'Anfacq , du côté
du Septentrion , & que prêts à defcendre la
Côte par un fentier qui cottoye ces murs , &
conduit au Village , s'entretenant de leurs
affaires , ils auroient été tout à coup interrompus
par une voix terrible , qui leur parut
éloignée d'eux environ de vingt pas ;
qu'une autre voix femblable à la premiere
auroit répondu fur le champ du fond d'une
gorge entre deux Montagnes , à l'autre exremité
du Village , & qu'immédiatement
II. Vol.
aprés
DECEMBRE. 1730. 281 }
leaprés
, une confufion d'autres voix comme
humaines , fe feroient fait entendre dans
Pefpace contenu entre les deux premieres
articulant certain jargon clapiſſant , que
dit Charles Defconlleurs dit n'avoir pû com
prendre , mais qu'il avoit clairement diftinqué
des voix de vieillards , de jeunes hommes
, defemmes ou de filles & d'enfans, &
parmi tout cela les fons de differens Inftru
mens.
Interrogé. Si ce bruit lui avoit paru éloigné
de lui & de fon frere ? A répondu
de quinze on vingt pas. Interrogé , fi ces
voix paroiffoient bien élevées dans l'Air ?
A répondu. A peu près à la hauteur de
vingt ou trente pieds , les unes plus , les autres
moins, & qu'il leur avoit femblé même
que quelques-unes n'étoient qu'à la hauteur
d'un homme ordinaire , & d'autres comme
fi elles fuffent forties de terre.
Interrogé. S'il n'auroit pas pris les cris
de quelques bandes d'Oyes fauvages , de
Canards , de Hyboux , de Renards , ou
les hurlemens de Loups , pour des voix
humaines ? A répondu. Qu'il étoit aufait
de tous ces fortes de cris , & qu'il n'étoit pas
homme ſi aisé à fe frapper , ni fi fufceptible
de crainte, pour prendre ainfi le change .
Interrogé. S'il n'y auroit pas eu un peu
de vin qui lui eut troublé la raiſon , auffibien
qu'à fon frere ? A répondu . Qu'ils
II. Vol étoient
1814 MERCURE DE FRANCE
étoient l'un & l'autre dans leur bon fens
& que bien loin d'avoir trop bû , ils étoient
au contraire dans un besoin preſſant de boire
& de manger, & qu'après le bruit ceffé , il
s'étoit rendu dans la maifon de fon frere , &
là buvant un coup , ils s'étoient entreteaus
de ce qui venoit de fe paffer , fortant de
tems-en-tems dans la cour pour écouter s'ils
'entendroient plus rien.
que
Interrogé. Si le bruit étoit fi grand qu'il
pût s'entendre de bien loin ? A répondu.
Qu'il étoit tel , que fon frere & lui avoient
eu peine à s'entendre l'un & l'autre en parlant
trés-haut.
Interrogé. Combien cela avoit duré ?
A répondu. Environ une demie heure.
Interrogé. Si lui & fon frere s'étoient
arrêtez & n'avoient pas voulu approcher
pour s'éclaircir davantage ? A répondu.
Que fon frere François avoit bien en le def
fein d'avancer & d'examiner dans l'endroit
ce que ce pouvoit être , mais que lui¸ Charles
, l'en avoit empêché.
Interrogé.Comment cela s'étoit terminé ?
Répondu. Que tout avoit fini par des éclats
de rire fenfibles , comme s'il y eût en trois
ou quatre cens perfonnes qui ſe miſſent à rire
de toute leur force.
Ces Articles lûs & relûs audit Charles
Defcoulleurs , a dit iceux contenir tous
verité , que ce n'étoit même qu'une par-
II. Vol. tic
DECEMBRE . 1730. 2815
tie de ce qu'il auroit entendu , qu'il ne
trouvoit point de termes affez forts pour
s'exprimer , qu'il juroit n'avoir rien mis
de fon invention , & que fi fa dépofition
étoit défectueufe , c'étoit plutôt pour n'avoir
pas tout dit , que pour avoir amplifié,
Et a figné à l'Original.
Ce 18. May 1730. a comparu , &c.
François Defcoulleurs , Laboureur d'Anfacq
, âgé de 38. ans, lequel interrogé s'il
auroit entendu le bruit furprenant de la
nuit du 27. au 28. Janvier dernier , a
répondu à chaque demande que nous lui
avons faites , les mêmes chofes , mot pour
mot , que Charles Defcoulleurs fon frere ;
enforte que lui ayant fait la lecture de
tous les articles contenus dans la dépofition
dudit Charles , a dit les reconnoître
pour veritables , n'ayant rien à y ajouter,
finon qu'à la fin de ce tumulte il s'étoit
fait deux bandes. féparées , fe répondant
l'une à l'autre par des cris & des éclats de
rire , que ledit François Defcoulleurs a
imitez devant nous , exprimant les ris des
vieillards par a, a , a , a , a ; tels que font
les ris des perfonnes décrépites à qui les
dents manquent ; les autres ris des jeunes
kommes , femmes & enfans , par ho ,
bo , bo
ho , bo ; hi , hi , hi , hi ; & cela d'une maniere
fi éclatante & avec une fi grande
confufion , que deux hommes auroient eu
...II Vol
•
1
1-
C peine
2816 MERCURE DE FRANCE
peine à le faire entendre dans une converfation
ordinaire ; lecture lui a été faite
de cette dépofition , a dit contenir verité ,
y a perfifté , & l'a fignée , auffi- bien que
celle de fon frere Charles , qu'il a voulu
figner avec la fienne.
Ce 23. May 1730. ont comparu Louis
Duchemin , Marchand Gantier , âgé de
30, ans , & Patrice Toüilly , Maître Maçon
, âgé de 58. ans , demeurant l'un &
L'autre à Anfacq , lefquels interrogez , ont
répondu : Que la nuit du 27. au 28. Fanvier
dernier , ils feraient partis enſemble environ
à deux heures aprés minuit , afin de
Se rendre au point du jour à Beauvais
diftant d'Anfacq de fix lieues ; qu'étant audeffus
de la Côte oppofée à celle où Charles
François Defconlleurs étoient à la même
heure revenant de Senlis , la Vallée d'Anfacq
entre les uns les autres , ils auroient
entendu le même bruit, & en même temps que
lefdits Defcoulleurs qu'eux Louis Duchemin
& Patrice Touilly , fe feroient arrêtez
d'abord pour écouter avec plus d'attention ,
que faifis de crainte , ils auroient déliberé
entre eux de retourner fur leurs pas ;
que comme il auroit fallu paffer dans l'endroit
où ces voixfe faifoient entendre , ils fe
feroient déterminez à s'en éloigner en continuant
leur voyage , toujours en tremblant :
qu'ils auroient entendu le même bruit pendant
mais
II, Vel
-une
DECEMBRE . 1730. 2817
une demie lieuë de chemin , mais foiblement
à mesure qu'ils s'éloignoient. Et ont figné
à
l'Original.
Le même jour a comparu pardevant
nous le fieur Claude Defcoulleurs , ancien
Garde de la Porte , & Penfionnaire de feu
M. le Duc d'Orleans , âgé de 56. ans , lequel
interrogé , a répondu : Que non -feulement
il avoit bien entendu ce bruit du mois de
Janvier , mais encore celui de la nuit du 9.
au 10. du prefent mois de May ; que lors
du premier il étoit bien éveillé & avoit oui
diftinctement tout ce qui s'étoit paffé : que
comme alors il faifoit froid, il ne s'étoit pas
levé pour cette raisons mais que comme la
porte de fa chambre eft vis-à-vis fon lit &
tournée à peu près du côté du Parc d'Anfacq
, il avoit auffi bien entendu que s'il eût
été dans fa cour & dans le lieu même ; que
le bruit étoit fi grand & fi extraordinaire,
que quoiqu'il fut bien enfermé , il n'avoit
pas laiffé d'être effrayé , & de reffentir dans
toutes les parties de fon corps un certain frémiffements
enforte que fes cheveux s'étoient
hériffez. Qu'à la feconde fois étant endormi,
le même bruit l'ayant éveillé en furſaut , il
feroit levé fur le champ ; mais que tandis
qu'il s'habilloit,la Troupe Aërienne avoit en
Le
temps
de s'éloigner; enforte que quand il
fut dans fa cour , il ne l'avoit plus entendrë
que de loin & foiblement , que cependant
11. Vol.
il
Cij
2818 MERCURE DE FRANCE
il en avoit oui affez defon lit & de fa chambre,
pourjuger & reconnoîtrefenfiblement que
ce fecond évenement étoit femblable en toutes
manieres au premier & de même nature.
Interrogé , s'il ne pourroit pas nous
donner une idée plus claire de cet évenement
par la comparaifon de quelque chofe
à peu près femblable , & tirée de
l'ordre ordinaire de la Nature & du Commerce
du Monde ? A répondu de cette.
maniere.
Il n'eft pas , Monfieur , dit-il , que vous
nayez vu plufieurs fois des Foires oufrancs
Marchez vous avez , fans doute, remarqué
que dans ces fortes de lieux deux ou trois
mille perfonnes forment une espece de cabos
ou de confufion de voix d'hommes , de femmes
, de vieillards , de jeunes gens & d'enfans
, où celui qui l'entend d'un peu loin ne
peut abfolument rien comprendre , quoique
chaque Particulier qui fait partie de la confufion
, articule clairement & fe faffe entendre
à ceux avec lesquels il traite de fes affaires
& de fon Commerce . Imaginez- vous donc
être à la porte des Hales à Paris unjour de
grand Marché , ou dans les Sales du Palais
avant l'Audience ; ou enfin à la Foire faint
Germain fur le foir , lorsqu'elle eft remplie
d'un monde infini , n'entend-on pas dans
tous ces lieux, & principalement dans le dernier
un charivari épouvantable , ( ce font fes
II Vol. mêmes
DECEMBRE. 1730. 28 19
›
mêmes termes ) dans lequel on ne comprend
rien en general, quoique chacun en particulier
parle clairement & ſe faſſe diſtinctement entendre?
ajoûtez à tout cela lesfons des Violons ,
des Baffes , Hautbois , Trompettes , Flutes
Tambours & de tous les autres Inftrumens
dont on joue dans les Loges des Spectacles
& qui fe mêlent à cette confufion de voix ,
vous aurez une idée jufte & naturelle des
bruits que j'ai entendus & dans lesquels j'ai
remarqué diftinctement des voix humaines en
nombre prodigieux , auffi - bien que les fons
de differens Inftrumens . Après la lecture
de fa dépofition , a dit , juré & protesté
contenir verité & a figné à l'Original .
ans ,
Le même jour a comparu Alexis Allou ,
. Clerc de la Paroiffe d'Anfacq , âgé de 34.
lequel interrogé &c . a répondu :
...que la même nuit étant couché & endormi,
Sa femme qui ne dormoit pas auroit été frappée
d'un grand bruit , comme d'un nombre
-prodigieux de perfonnes de tout fexe , de tout
age ; que faifie de frayeur , elle auroit éveillé
ledit Allou , fon mari , & qu'alors le même
bruit continuant & augmentant toujours ,
ils auroient crû l'un & l'autre que le feu étoit
à quelque maifon de la Paroiffe , & que les
cris provenoient des habitans accourus an
Secours que lui Allou dans cette perſuaſion
fe feroit levé avec précipitation ; mais qu'étant
prêt à fortir , & avant d'ouvrir fa
II. Vol. Cij porte
2820 MERCURE DE FRANCÉ
porte il auroit entendu paſſer devant fa
maifon une multitude innombrable de perfonnes
, les unes pouffant des cris amers
( ce font fes termes ) les autres des cris de
joye , & parmi tout cela les fons de differens
inftrumens que cette multitude lui avoit femblé
fuivre le long de la rue jufqu'à l'Eglife ,
mais qu'alors unfriſſon l'ayant faifi , il n'auroit
pas ofé écouter plus long- tems , & auroit
étéfe recoucher auffi tôt pour fe raffurer auffi
bien que fa femme qui trembloit de frayeur
dans fon lit. Et a figné à l'original.
Ce 24. May 1730. a comparu Nicolas
de la Place , Laboureur , âgé d'environ
45. ans , demeurant audit Anfacq , lequel
a déclaré : que la nuit du 27 au 28. Janvier
n'étant point encore endormi , il auroit tout
à
coup entendu un bruit extraordinaire , é
que croyant qu'il feroit arrivé quelque accident
dans la Paroiffe , il fe ferait levé nud
en chemife , & qu'après avoir ouvert la porte
de fa chambre , il auroit oùi comme un nombre
prodigieux de perfonnes , de tout âge &
de toutfexe , qui paffoient devant fa maison,
fife proche l'Eglife , & au milieu du Village
, formant un bruit confus , mais éclatant,
de voix comme humaines , mêlées de differens
inftrumens ; qu'alors la crainte & le
froid l'auroient obligé de refermer promtement
fa porte & de fe remettre au lit , d'où
il auroit encore entendu le même bruit & les
II. Vol.
mêmes.
DECEMBRE. 1730. 2821
mêmes voix , comme fi elles euffent monté
la ruë , & paffé devant la Maifon Pres
biterale. Et a figné à l'original.
Le même jour ont comparu Nicolas
Portier , Laboureur , âgé de 25. ans , &
Antoine Le Roi , garçon Marchand Gantier
, âgé d'environ 34. ans , lefquels ont
déposé que ladite nuit & à la même heure
ils auroient entendu paffer le long de la ruë,
dite d'Enbaut , qui conduit à Clermont , &
entre notre Maiſon Presbiterale & la leur,
comme une foule de monde , de tout âge , de
tout fexe , dont une partie pouffoit des cris
affreux , les autres parlant tous ensemble ,
& articulant certain jargon inintelligible s
que le bruit étoit fi grand & fi affreux que
leurs chiens qui étoient couchés dans la
Cour pour lagarde de la maiſon, en avoient
été tellement effrayés , que fans pouffer un
feul aboyement ils s'étoient jettes à la porte
de la chambre de ladite maifon , la mordant
& la rongeant comme pour la forcer , l'ouvrir
& fe mettre à couvert , fuivant l'instinct
naturel de ces animaux. Et ont figné à l'original.
Ce z. Juin 1730. ont comparu Jean
Defcoulleurs , âgé de 40. ans , Jacques
Daim , Etienne Baudart , Chriſtophe Denis
Deftrés , Jean Beugnet , Paul le Roi ,
Jean Caron & un grand nombre d'autres
perfonnes des deux fexes , lefquels ont
II. Vol. Cilj tous
2822 MERCURE DE FRANCÉ
་
tous déclaré d'avoir bien entendu nonfeulement
le bruit aërien du 27 au 28.
Janvier , mais encore celui du 9 au 10.
dé May dernier , fe rapportant tous dans
les mêmes circonftances ; enforte qué
leur ayant fait lecture de toutes les dépofitions
ci-deffus , ont dit icelles contenir
verité , & ont figné l'Original , ceux
qui fçavent écrire , n'ayant pas jugé à
propos de prendre les marques de plus
de vingt perfonnes qui dépofent toutes
les mêmes chofes , mais qui ont declaré
ne fçavoir figner.
Nous fouffigné , Prêtre , Docteur en
Theologie , Curé de S. Lucien d'Anfacq',
Diocèfe de Beauvais , certifions que toutes
les dépofitions ci-deſſus fontfidelles , & telles
qu'on nous les a fournies ; qu'elles font fignées
enforme dans l'Original , & que cette
copie lui eft conforme en toutes fes parties ,
que nous n'avons ajouté ni rien changé dans
Fun & dans l'autre que l'arrangement &
la diction , ayant fcrupuleufement Suivi toutes
les circonftances qui nous ont été données.
Fait à Anfacq , ce 26. Octobre 1730. figné
TREUILLOT DE PTONCOURT , Curé
d'Anfacq.
›
REFLEXIONS.
Avant que de rendre publique cette Relation
, j'ai crû devoir la communiquer à
11. Vol. quelques
DECEMBRE. 1730. 2823
quelques perfonnes éclairées & d'érudition
de mes amis particuliers , leurs ſuffrages
m'ont paru néceffaires pour la rendre
plus autentique , s'agiffant fur tout
d'un évenement qui tient trop du merveilleux
, pour ne pas devenir le fujet
des railleries & du mépris des efprits
forts.
Je fuis bien aife d'avertir ces Meffieurs
que j'ai été jufqu'ici de leur nombre &
leur confrere fidele en ce genre feulement;
mais quoique je ne fois pas encore bien
réfolu de faire faux- bon à leur confrairie
, je les fupplie néanmoins de me permettre
de demeurer neutre entre leur
parti & celui des crédules , jufqu'à ce
que des gens de poids pour la fcience &
pour la pénetration ayent décidé du fait.
dont il s'agit , & m'ayent tiré de la perplexité
où je refterai jufqu'à leur jugement,
Les efprits forts ne peuvent me refuſer
qu'injuftement cette fufpenfion ; je ne
fçai pas bien s'il ne feroit pas auffi injufte
& auffi ridicule de traiter de vifionaires
tant de gens de probité , quoique de
la Campagne , qui conviennent tous du
même fait , que de croire legérement tout
ce que le vulgaire ignorant débite fi fouvent
des fabbats & des autres fottifes de
ce genre.
II. Vol. Cy Quoi
2824 MERCURE DE FRANCE
Quoiqu'il en foit , mes amis , bien loin
de me diffuader de donner au Public cette
relation , avec le procès verbal fait en
conféquence , m'ont prié , au contraire ,
non feulement de ne point héfiter à
le faire , mais d'y joindre encore une
deſcription Topographique du Village
d'Anfacq , afin de donner lieu à ceux
qui croirone pouvoir expliquer cet évenement
par des caufes naturelles d'exercer
toute leur Phyfique & leur Philofophie.
En effet , fi les Phénoménes extraor
dinaires qui ont paru dans l'air depuis
cinq ans ont tant exercé les beaux efprits
& ont fait la matiere de plufieurs affemblées
de Meffieurs de l'Académie des
Sciences , pourquoi un événement qui
tombe fous un autre fens , qui n'eft pas
moins réél , ni moins effentiel à l'homme
le fens de la vûë , ne meritera- t'if
que
pas autant l'attention & la curiofité des
mêmes Sçavans !
>
Tout le monde fçait que Phénoméne
eft un mot Grec, que l'on a francifé comme
beaucoup d'autres , parce qu'il ne fe
trouve point dans notre Langue de termes
d'une fignification affez énergique ,
pour exprimer feul & par lui -même les
objets qui paroiffent extraordinairement
dans l'air. Notre Langue ne nous fournit
II. Vol. pas
DECEMBRE. 1730. 2825
pas non plus d'expreffions pour défigner
fes bruits extraordinaires qui fe font , où
qui pourroient fe faire entendre. Mais.
comme ces derniers font bien moins communs
que les premiers , on ne s'eft point
encore avifé jufqu'ici de francifer un mot
Grec pour les exprimer.
; .
L'évenement dont il s'agit , ne pourroit
il donc pas m'autorifer à le faire moimême
? & de même qu'il a plû à nos
Anciens d'appeller , Phénoménes , les
objets extraordinaires qui paroiffent dans
l'air ne pourroit-on pas , par la même
raifon , défigner le bruit étonnant & prodigieux
qui vient de fe faire entendre par
ce mot , Akoufméne , ou pour parler plus
regulierement Grec en François , Akousmate
? Le premier fignifie une chofe qui
paroît extraordinairement ; le fecond fi
gnifiera une chofe qui fe fait entendre
extraordinairement
.
Ce principe établi , je prétens que fi les
Phénoménes font du reffort de la curio
fité des Sçavans , les Akoufmates , ne le
font pas moins , fuppofé leur réalité . Or,
on ne peut guere douter de celui - ci : trop
de gens
raifonnables en font le rapport ,
& s'accordent trop dans les mêmes circonftances
, pour n'y pas ajouter foi .
On me dira peut être ,qu'il y a une grande
difference pour l'autenticité entre les Phe-
II. Vol. Cavi no
2826 MERCURE DE FRANCE
noménes & mes prétendus Akoufmates :
que lorfque les premiers paroiffent , tous
les hommes qui ont le même horiſon naturel
& même rationel , peuvent les appercevoir;
au lieu que les feconds , fuppofé
leur réalité , ne peuvent être entendus
que de peu de perfonnes , & de celles feulement
qui en font à portée & qui demeurent
dans le même lieu où ces Akoufmates arrivent.
Que par confequent un Phénoméne
qui eft apperçu par tous les Sunorifontaux ,
emporte avec foi une autenticité bien
plus grande , qu'un Akoufmate qui ne peut
être entendu que par un petit nombre de
particuliers habitans d'un même lieu.
A cela je répons : que la Sphère d'activité
de la vûë étant bien plus étenduë
que celle de l'oüie , les Phénoménes & les
Akoufmates , ne requiérent pas le même
nombre de témoins pour les rendre autentiques
: que les premiers pouvant être apperçus
de tous les Sunorifontaux , il eſt
neceffaire que le plus grand nombre des
hommes qui habitent l'horifon fur lequel
un Phénoméne paroît , en rende témoignage
; au lieu que pour les feconds , il .
fuffit , ce me femble , qu'il ayent été entendus
par la plus grande & la plus faine
partie des habitans d'un même lieu , &
renfermés dans la Sphère d'activité de
l'oüie.
II. Vol.
Mais
DECEMBRE. 1730. 2827
le
Mais pour rendre le fait dont il s'agit
plus autentique encore , il fuffit de remarquer
que le fens de la vûë eft ordinairement
plus fujet à l'erreur & à l'illuſion ,
le fens de l'oüie . Il n'y a pour
que
prouver qu'à fe reffouvenir de toutes les
extravagances qui ſe débiterent à l'occafion
des derniers Phénoménes & fur tout
de celui du mois d'Octobre 1726.Combien
de gens cturent voir au milieu de l'efpece
de Dôme de feu qui parut alors , les uns
une Colombe ou S. Efprit , les autres un
Ange , un Autel , un Dragon , &c . toutes
chofes qui n'avoient de réalité que
dans leur imagination frappée , ou dans
leurs yeux fatigués & éblouis ?
Mais ici où il ne s'agit que du fens de
l'oiie , tant de gens raifonnables ont ils
pû fe tromper fi groffiérement , que de
s'imaginer entendre quelque chofe lorfqu'il
n'entendoient rien ? Un prétendu
bruit épouventable dans l'air qui n'auroit
confifté qu'en quelques hurlemens de
Loups fur la terre ? Une multitude infinie
de voix comme humaines mêlées de
differens fons d'inftrumens, qui n'auroient
été que des cris d'Oyes ou de Canards
Sauvages . Des perfonnes à dix pas du
lieu où fe paffoit ce charivari , des perfonnes
en voyages qui font arrêtées par
cet accident , & qui difent les avoir en-
II. Vol.
tendu
2828 MERCURE DE FRANCE
tendu finir par des éclats de rire de toute
efpece , tandis que d'autres pouffoient
des cris horribles ? Seroit-il poffible que
tant d'oreilles euffent été enchantées
pour ainfi dire , pour croire entendre ce
qu'elles n'entendoient pas ? C'eft ce que
je ne fçaurois jamais m'imaginer . Je ne
veux néanmoins m'attacher à aucun fentiment
, qu'autant qu'il fera celui de perfonnes
plus habiles que moi.
Defcription du Village.
ANacq cft fitué dans un Vallonformé par
deux Coteaux ou Montagnes , entre Clermont
en Bauvoifis au Nord - Eft , & le Bourg de
Mouy au Sud - Oueft. A peu près à la même diftance
de l'un & de l'autre; trois Gorges fort étroites
, l'une au Nord- Eft , celle du milieu au Nord,
& la troifiéme au Nord - Oueft , font comme les
racines du principal Vallon , forment une espéce
de patte d'Oye, & fe rapprochant, viennent le réünir
à un quart de lieuë d'Anfacq...
Sur la hauteur environ à fix cens pas communs
de la naiffance de ces Gorges ,, eft le commencement
de la Forêt de Haye , dite communément
la Forêt de la Neuville. La Seigneurie du
Pleffier Bilbault , de la Paroiffe d'Anfacq , eft fi
tuée proche la liziere de ladite Forêt , à 400. pas
ou environ de la naiffance de la Gorge du milieu
ou de celle du Nord..
Le Village commence du côté de Clermont
au Nord - Eft , par une rue affés longue , bâtie le
long de la côte Orientale , fur une douce pente,
& vient fe terminer à l'Eglife , dont le principal
II. Vol.
Portail
DECEMBRE . 1730. 2829'
Portail fait face du côté du Couchant , à une Pla
ce bordée de maiſons de part & d'autre , & terminée
par un petit ruiffeau , au delà duquel d'autres
maifons font face au Portail.
De l'Eglife , une autre rue conduit jufqu'aux
murs du Parc vers le Sud- Qüeft : & c'eft au bout
de cette rue , & en dedans du Parc , que les bruits
furprenans dont-il eft ici question , commencent
& le font entendre ordinairement. C'eft auffi audeffus
de l'extrémité de cette ruë , & vers les mêmes
murs , que Charles & François Defcoulleurs,
étoient placés , lorfqu'en revenant de Senlis , ils
furent obligés de s'arrêter , à caufe de ce bruit
étonnant.
>
On fe fouviendra encore de ce qui eft dit dans
la dépofition defdits Defcoulleurs , que deux cris
affreux furent comme le prélude de la confufion
qu'ils entendirent immédiatement après. Le premier
fe fit entendre du fond d'une des Gorges
qui fervent de racines au principal Vallon ,,
c'eft à dire , de la troifiéme qui eft vers le Nord-
Oueft , le fecond cris répondit au premier dans
le Parc , au bout de la rue même dont je viens
de parler , & à quinze ou viage pas de l'endroit
ou lefdits Defcoulleurs étoient. Le Vallon d'Anfacq
ainfi formé , comme je l'ai dit , par la jonc
tion des trois Gorges , continue à peu près de la
même largeur jufqu'au Parc & au Château , éloi
gné du Village environ de huit cent pas.
Le Parc qui peut contenir quatre cens arpens,.
eft un grand quarré long , dont la partie Orien
tale forme dans toute fa longueur du Nord au
Sad un Amphithéatre , ou deux grandes Terraffes
l'une far l'autre qui emportent environ la
moitié de fa largeur , & font ombragées par tout:
d'une petite fotaye de chênes , & en quelques ens
droits de buiffons épais & forts.
11. Vol.
Ꮮ e
2830 MERCURE DE FRANCE
Le Château d'un gout antique avec Tours &
Tourelles eft fitué à cent pas du pied de l'Amphithéatre
, entre deux Cours , dont celle d'entrée
& la principale , regarde le Couchant , l'autre
F'Orient , l'une & l'autre environnées de bâtimens
pour la commodité d'un Laboureur.
Prés du Château on trouve trois Jardins
entourés de Murs , lefquels coupant aflez bifarrement
l'endroit du Parc où ils font placés , forment
trois quarrés & differentes efpeces de chemins
couverts qui les féparent l'un de l'autre , &
conduifent à differentes portes , tant pour entrer
dans la principale Cour que pour ſortir du Parc ;
tout le refte confifte en pâturages , Aulnois ,
plans de faules & Arbres fruitiers.
>
De l'extrémité du Parc , du côté du Sud - Oueſt;
le Vallon continuë pendant une demie lieuë , &
va enfin fe rendre dans la grande Vallée de
Mouy. Il eft partagé dans toute fa longueur par
un petit Ruiffeau , formé par plufieurs fources
qui fortent du pied de la Montagne d'où naiffent
les trois Gorges. Ce Ruiffeau ombragé par
tout de bois aquatiques comme Saules , Peupliers
, Aulnes &c. vient paffer au- deffous des
Jardins de la rue de Clermont , bâtie , comme
je l'ai déja dit , fur la pente de la côte Orientale,
entre enfuite dans le Village par l'extrémité de
la Place qui fait face à l'Eglife , & continuant
fon cours vers le Sud - Oueft , il va fe rendre dans
le Parc ; delà toujours en ferpentant il va arrofer
le principal Jardin , d'où il tombe par une
efpece de petite Caſcade dans les foffez du Châ
teau qu'il parcourt fans les remplir , parceque
les digues en font rompues. Il fort enfuite des
foffez & de la grande Cour pour rentrer dans
l'autre partie du Parc , & cotoyant le pied de
PAmphithéatre il en reffort par le Sud- Ouest, &
II. Vol. va
DECEMBRE. 1730. 2831
a former à fix cens pas delà un petit étang
pour faire moudre un Moulin . En fortant du
Moulin , il fe recourbe un peu vers le Sud ou
Midi , & après une demie lieuë du refte de fon
cours il va fe rendre dans la grande Vallée , &
fe décharger dans la petite Riviere du Terrin ,
entre Mouy & Bury. Le Vallon d'Anfacq depuis
fes racines jufqu'à l'endroit où il fe rend
dans la grande Vallée peut avoir dans toute fa
longueur 3000. pas géometriques, ou une grande
lieuë de France.
༥༤ ་
Outre les trois Gorges dont j'ai parlé, il fe trouve
encore dans toute cette étendue pluſieurs cavées
ou chemins creux de part & d'autre qui
conduisent en differens endroits fur les deux coteaux
oppofés dont le Vallon eft formé.
Il faut obferver que dans toute la longueur da
Vallon il ne fe trouve point d'échos confiderables
qui fe renvoyant les fons les uns aux autres
puiffent fervir de fondement au fentiment de
ceux qui voudroient attribuer les bruits en queftion
à ces cauſes ordinaires & naturelles . C'eft
ce dont j'ai voulu moi - même faire l'experience
pendant une belle nuit & un tems calme , en fai
Tant marcher en même tems que moi plufieurs
perfonnes tant fur les côteaux que dans la Vallée,
& en les faifant crier de tems en tems. J'entêndis
bien les voix de plus de quinze perfonnes ,
hommes & petits garçons qui s'acquiterent parfaitement
de la commiffion que je leur avois donnée
, en criant quelquefois de toutes leurs forces ,
& en parlant de tems en tems , & tous enſemble
à voix haute ; mais cette experience ne produifit
rien qui pût m'éclaircir ; les principaux témoins
de notre prodige que j'avois avec moi , ne
convinrent jamais que ces voix en approchaffent,
& lui reffemblaffent en la moindre circonftance.
II Fol. Il
2832 MERCURE DE FRANCE
Il est vrai , me dirent -ils , que dans le Sabbat
que nous avons entendu , ( ce font leurs mêmes
termes ) il y avoit à peu près des voix ſemblables
mais en bien plus grand nombre , & qui formoient
une confufion horrible de cris lugubres ,
de cris de joye & de fons d'Inftrumens.Celles - cy,
continuoient- ils , font difperfées & à terre, aulieu
que les autres étoient toutes raffemblées , & la
plus grande partie dans l'Air ; nous entendons le
langage de ceux- cy , mais nous ne comprîmes
jamais rien dans le jargon des autres . Et d'ailleurs
quand ce que nous entendons actuellement approcheroit
en quelque forte de ce que nous avons
entendu;quelle apparence qu'un nombre fi prodigieux
de monde fe fût affemblé dans le Pare
d'Anfacq? Il auroit donc fallu pour cela que tous
les habitans , hommes , femmes , enfans & Menetriers
de tous les Villages à deux lieues à la
ronde , euffent formé ce complot ; & à quel ufa
ge : Les uns pour crier , chanter & rire ? Les autres
pour pleurer , fe plaindre & gémir ? Tel fue
le fruit de mon experience : une plus grande in→
certitude.
ADDITION
Le 31. Octobre dernier , veille de la Touffaint,
le même bruit fe fit entendre au- deffus du Parc
d'Anfacq , entre 9. & 10. heures du ſoir ; il fut fi
épouventable , que non- feulement une partie du
Village l'entendit , mais que des moutons parquez
auprés delà en furent fi effrayez , qu'ils forcerent
le Parc & fe répandirent par la Campagne , enforte
que le Berger fut obligé d'aller chercher
quelques Payfans des environs pour l'aider à raſfembler
fon Troupeau. La femme de ce même
Berger couchée avec lui dans fa Cabane , en fut
fépouventée qu'elle en eft tombée malade.
II. Vol. Comme
DECEMBRE. 1730. 283 3°
Comme j'avois ordonné qu'on m'avertit en
cas que ce même bruit fe fit entendre de nouveau,
on ne manqua pas de courir chez moi dans le
moment , mais ma maiſon étant un peu éloignée
du Parc d'Anfacq , quelque diligence que je puffe
faire pour me rendre fur le lieu , j'y arrivai trop
tard & ne puis rien entendre. J'ay chargé une
perfonne de veiller pendant tout l'hyver jufqu'à
minuit , afin de pouvoir être averti s'il arrivoit
que ce bruit fe fit encore entendre.
y
Ayant communiqué à plufieurs de mes amis ce
ce qui s'eft paffé dans ma Paroiffe ; un d'entre'
eux, homme de Lettres, & ayant une Charge dans
la Justice de Clermont en Beauvoifis , me dit qu'il
avoit quinze ans que paffant la nuit par le Village
d'Anfacq pour s'en retourner à Clermont
étant feul à cheval à quelque diftance dudit Vilge
, il entendit un bruit fi épouventable en l'Air
& fi prés de lui , qu'il en fut tranfi de frayeur . Il
fe jetta à bas de fon cheval & fe mit à genoux
en prieres jufques à ce que ce bruit fut paffé ,
aprés quoi il continua fon chemin. Arrivé chez
lui il eut honte de fa peur & n'oſa jamais ſe
vanter de ce qui lui étoit arrivé , de peur qu'on
ne le prêt pour un vifionaire , mais que puifque
cette avanture devenoit fi fréquente , il avoüoit
fans peine ce qu'il lui étoit arrivé.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. Treüillot de Ptoncour, Curé d'Ansacq, à Madame la Princesse de Conty, troisiéme Doüairiere, & Relation d'un Phénomene très extraordinaire, &c.
En décembre 1730, le curé Treüillot de Ptoncour adresse une lettre à Madame la Princesse de Conty pour relater un phénomène extraordinaire survenu dans la paroisse d'Anfacq, près de Clermont-en-Beauvaisis. La nuit du 27 au 28 janvier 1730, plusieurs habitants ont entendu des voix humaines dans l'air, exprimant divers sentiments tels que la joie ou la tristesse. Le curé, initialement sceptique, a interrogé plusieurs témoins, dont deux laboureurs respectés, qui ont confirmé avoir entendu ces bruits. Les témoignages étaient cohérents et les témoins n'ont montré aucun signe de tromperie ou de contradiction. Le phénomène s'est répété la nuit du 9 au 10 mai 1730, incitant le curé à documenter les dépositions des témoins. Parmi les témoins, Charles Descouleurs et son frère François ont déclaré avoir entendu des éclats de rire provenant de centaines de personnes, imitant ceux des vieillards et des jeunes. Louis Duchemin et Patrice Touilly ont également entendu ces bruits en se rendant à Beauvais. Claude Descouleurs a mentionné avoir entendu des bruits similaires en janvier et en mai. Alexis Allou, Nicolas de la Place, Nicolas Portier et Antoine Le Roi ont tous décrit des bruits confus de voix humaines et d'instruments de musique. Le curé de Saint-Lucien d'Anfacq a certifié la fidélité des dépositions. Le texte discute également de la curiosité scientifique suscitée par les phénomènes aériens et propose d'étendre cette curiosité aux bruits extraordinaires, suggérant le terme 'Akoufmates' pour les désigner. L'auteur souligne que, bien que les phénomènes visuels soient plus facilement observables, les Akoufmates, bien que moins communs, méritent également l'attention des savants. Les témoignages sur ces bruits sont nombreux et concordants, rendant leur réalité difficile à nier. Le village d'Anfacq est situé dans un vallon formé par deux coteaux, entre Clermont et Mouy. Les bruits se manifestent principalement dans le parc et sont décrits comme une confusion de cris et de sons d'instruments. Une expérience personnelle visant à vérifier la présence d'échos naturels n'a pas abouti, renforçant ainsi le mystère des Akoufmates. Un incident récent rapporte que les bruits ont effrayé des moutons et une bergère, illustrant l'impact réel de ces phénomènes. L'auteur mentionne avoir entendu un bruit mystérieux près du Parc d'Anfacq et avoir chargé une personne de surveiller jusqu'à minuit durant l'hiver. Un ami, fonctionnaire à Clermont en Beauvoisis, révèle avoir entendu un bruit épouvantable quinze ans auparavant près du village d'Anfacq, alors qu'il passait à cheval. Terrifié, il tomba de son cheval et pria jusqu'à ce que le bruit cesse. Face à la fréquence croissante de tels événements, il avoue enfin ce qui lui est arrivé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1175-1182
Bibliotheque Germanique, &c. [titre d'après la table]
Début :
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE, &c. Année M. DCC. XXIX. Tome XVII. et [...]
Mots clefs :
Édition, Enfant, Temps, Ouvrage, Dessein, Allemand, Relation, Esprit
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texteReconnaissance textuelle : Bibliotheque Germanique, &c. [titre d'après la table]
BIBLIOTHEQUE GERMANIQUE , & c. Année
M. DCC . XXIX . Tome XVII . et
XVIII. 1. vol . 12. A Amsterdam , chez
Pierre Humbert M. DCC . XXIX .
On trouve dans le III . Article du premier
de ces deux Tomes , dequoi se dedommager
de la secheresse et du peu d'interêts
qui règne dans la plupart des autres
Articles . On y rend compte d'un Livre
Allemand , dont le Titre rendu François
, est RELATION d'un Enfant extraordinairement
avancé pour son âge , &c. vol.
in 4. A Leipsic , 1728. Cette Relation
contient aussi d'autres exemples d'Enfans
extraordinaires et distingués par leur sça-
F vj voit 1Vol.
T176 MERCURE DE FRANCE
voir , et des observations utiles et inte
ressantes sur le même sujet.
Jean - Philippe Baratier , Fils de M. Baratier
, Pasteur de la R. P. R. de Schwabach
, dans le Marquisat d'Anspach , est
le principal sujet de la Relation dont le
Pere même est l'Auteur ; mais comme
il a déja été parlé de cet Enfant dans notre
Mercure , nous passerons à un autre
qui paroîtra encore plus extraordinaire.
,
C'est Chrétien Henri Heinecken , fils
d'un Peintre de Lubeck , lequel nâquit
dans cette Ville- là le 6. Fevrier 1721.et
mourut le 27. Juin 1725. Dans ce court
espace de quatre ans et près de cinq mois ,
il donna des preuves si extraordinaires de
son esprit et de sa memoire , qu'on ne
pourroit presque se resoudre à les croire
si elles n'étoient pas attestées par unghd
nombre de témoins éclairés qui ont
eux-mêmes vû et admiré cet Enfant. Ce
fut à dix mois qu'il commença à parler ,
et cela à l'occasion de diverses figures
dont il parut souhaiter l'explication ; on
la lui donna , et tout d'un coup on remarqua
qu'il observoit avec une attention
fixe les mouvemens des levres de ceux
qui lui parloient , et il vint à bout , non
sans effort , de prononcer syllabe après
syllabe ce qu'on lui disoit. Ces progrès
IVol.
furent
JUI N. 1734 1177
furent depuis ce tems - là très- rapides ,
puisqu'à un an il sçavoit les principaux
évenemens du Pentateuque; à treize mois,
l'Histoire de l'Ancien Testament ,
quatorze celle du Nouveau .
et à
Au mois de Septembre 1723. le petit
Heinecken avoit acquis une connoissance
si exacte de l'Histoire ancienne et moderne
, et de la Géographie , qu'il répondoit
pertinemment aux questions qu'on lui
faisoit sur des sujets diversifiés. Il chargea
aussi sa memoire d'une grande quantité de
mots Latins , de sorte qu'il parvint à parler
cette Langue avec facilité , et il apprit
parcoeur en cette Langue les Institutes de
Justinien. Quelque tems après il apprit
aussi passablement le François , et avant
sa quatrième année il étoit bien avancé
dal connoissance de la Genealogie des
principales Maisons de l'Europe. Jamais
onne vit plus d'ardeur à acquerir de nouvelles
connoissances , et cela même est une
preuve du genie de cet Enfant. L'Auteur
de sa vie rapporte d'ailleurs un assez bon
nombre de traits qui marquent et de l'esprit
et du jugement ; l'un et l'autre paroissent
sur tout dans l'application qu'il
faisoit des Sentences et des Passages de
Ecriture Sainte qu'il avoit appris , aux
diverses circonstances où il se trouvoit.
1. Vol. Une
1178 MERCURE DE FRANCE
Une bonne partie de sa quatrième année
fut employée au voyage de Danemarck,
où il fut admiré de toute la Cour ; il harangua
de fort bonne grace le Roi et les
Princes du Sang . De retour à Lubeck il
y apprit à écrire en fort peu de tems ,
quoiqu'il eût à peine la force de tenir sa
plume. Enfin après avoir langui quelques
mois il mourut dans le tems marqué cidessus.
C'est une chose remarquable que cet
Enfant si extraordinaire , par rapport aux
talens de son esprit , fût en même - tems
d'une complexion très - délicate. Il est
d'autant plus étonnant qu'il sçût tant de
choses que des maladies très-fâcheuses qui
se suivirent de près , lui auroient dû ,
ce semble , ôter presque tout moyen de
bien apprendre. L'Auteur de sa vie attri
bue ses infirmités presque continuelles
et sa mort prématurée à sa délicatesse natutelle
, et aux passions de sa Nourrice ,
qui eurent plus d'influences sur lui qu'elles
n'en auroient eu sur un autre , parce
qu'il ne fut sevré que quelques mois avant
sa mort , ayant témoigné beaucoup de répugnance
pour toutes sortes d'alimens
excepté le lait , et en particulier celui
de cette Nourrice . Cette repugnance fut
cause qu'il ne mâchoit qu'avec une extrê
me difficulté. Au
JUIN. 1734
1179
Au reste , la maniere sage et chrétienne
dont le petit Heincken envisagea la
mort , est à proportion aussi extraordi
naire pour son âge , que le sont les connoissances
qu'il avoit acquises pendant sa
vie.
Extrait des Nouvelles Litteraires
du XVII. Tome.
fille
De Strasbourg. Madame Linck
et femme de deux Professeurs en Droit
de cette Ville , a publié une Traduction
du Polyeucte de Corneille , en vers Allemands.
De Nuremberg. On débite une Brochu
re en forme de Dictionnaire , qui contient
la liste de tous les Bains et des Eaux
Minerales , sous le titre de Bibliotheca
cum Lexico Hydrologico.
M. Frederic Bothscholtz a formé le
projet de rassembler en deux Volumes in
folio , tous les Ouvrages qui traitent de
la Librairie et de l'Imprimerie. Chacun
paroîtra tel qu'il est , et même dans la
Langue où il a été imprimé , ou si c'est
un Ouvrage Manuscrit , dans celle où il
aura été composé.
D'Altorf.M. le Professeur Koehler, publie
toutes les semaines une Feuille qui
contient, l'explication et le dessein de
I. Vol. quel1180MERCURE
DE FRANCE
quelque Medaille. C'est à Nuremberg
que s'imprime ce nouvel Ouvrage Periodique
en Allemand .
De Goettingen. M. le Docteur Heumaun ,
Inspecteur du College de cette Ville , publiera
incessamment l'Ouvrage de Charlemagne
contre le second Concile de Nicée
, sur l'Edition que Jean du Tillet Evêque
de Meaux publia à Paris en 1549.
sans nom d'Auteur , et sans marquer le
lieu de l'impression . Cette Edition étoit
devenue extrêmement rare . M. Heumaun
joindra ses propres remarques aux corrections
de du Tillet et de Goldstat , et le
tout sera précedé d'une Dissertation dont
le dessein est de prouver que ce Traité
est de Charlemagne , et contient ses veritables
sentimens , tout au moins de la même
maniere que la Confession d'Ausbourg
doit être attribuée aux Princes qui la fignerent.
De Leipsic DISSERTATIO Epistolica ad
Eminentissimam atque Reverendissimum
Dominum Christianum Wormium , Diaceseos
Sialandica in Danuâ Episcopum, &c.
de scriptis quibusdam integris , fragmentisque
hactenus ineditis , que in itinere Gallico-
Anglico, atque Germanico reperire contigit et
nunc in lucem publicam edenda parat, virosque
eruditos insimul ad conferendas symbolas
IVol. humanisJUIN.
1734: 1181
humanissimè invitat Magnus Crusius Sles-
Wicensis V. D. M.
C'est le titre d'une Brochure de neuf
feuilles que
Gleditsch a imprimé . On
voit par ce titre que M. Crusius , ci- devant
Chapelain de l'Ambassade Danoise
en France et connu par la vie de Duplessis
Mornay qu'il a mis au jour sous ce titre:
Memorabilia Plessiaca , a ramassé de bons
materiaux dans ces voyages , et qu'il a
dessein de les communiquer au Public.
Le détail de ses acquisitions et de ses projets
se trouve dans la Lettre même . Il y
parle , entr'autres , d'une continuation
du Spicilegium Patrum de Grabe ; d'une
nouvelle Edition de S. Irenée , recommandable
par plusieurs Pieces , non imprimées
, de cet ancien Docteur , et par
des Remarques nouvelles de Thomas Aisler
, d'Edouard Bernard , de François du
Jon ou Junius , de Daniel Heinsius , et
de quelques autres Sçavans. M. Crusius
nous promet encore une Edition beaucoup
plus ample que les précedentes , des
Annales de Nicetas Choniate ; une Edition
d'Arnobe contre les Gentils , avec
'des notes de plusieurs Sçavans , lesquelles
n'ont point encore vû le jour ; et une
Histoire du Lutheranisme en France .
De Dresde. M. Mathieu Daniel Poep-
I. Vol.
pelmaun
1182 MERCURE DE FRANCE
pelmaun , Architecte du Roi de Pologne
, a publié une Description de divers
Bâtimens magnifiques de cette Ville et
des environs appartenans à Sa Majesté .
La Description est en Allemand et en
François , accompagnée de quantité de
figures qui font le principal de cet Ouvrage.
On y voit aussi le dessein de la
grande Cuve qu'on a placée depuis peu
à Koenigstein , et qui tient environ deux
cens Bariques de plus que celle de Heidelberg.
>
De Crossen. M. Samuel Ledel , Docteur
en Medecine , travaille à une Histoire de
Monstres. Il a aussi considerablement augmenté
la Centauriologia curiosa Ouvrage
que feu M. son Pere fit imprimer en
1694. à Francfort sur le Mein , et il a
dessein d'en publier une nouvelle Edition
,
M. DCC . XXIX . Tome XVII . et
XVIII. 1. vol . 12. A Amsterdam , chez
Pierre Humbert M. DCC . XXIX .
On trouve dans le III . Article du premier
de ces deux Tomes , dequoi se dedommager
de la secheresse et du peu d'interêts
qui règne dans la plupart des autres
Articles . On y rend compte d'un Livre
Allemand , dont le Titre rendu François
, est RELATION d'un Enfant extraordinairement
avancé pour son âge , &c. vol.
in 4. A Leipsic , 1728. Cette Relation
contient aussi d'autres exemples d'Enfans
extraordinaires et distingués par leur sça-
F vj voit 1Vol.
T176 MERCURE DE FRANCE
voir , et des observations utiles et inte
ressantes sur le même sujet.
Jean - Philippe Baratier , Fils de M. Baratier
, Pasteur de la R. P. R. de Schwabach
, dans le Marquisat d'Anspach , est
le principal sujet de la Relation dont le
Pere même est l'Auteur ; mais comme
il a déja été parlé de cet Enfant dans notre
Mercure , nous passerons à un autre
qui paroîtra encore plus extraordinaire.
,
C'est Chrétien Henri Heinecken , fils
d'un Peintre de Lubeck , lequel nâquit
dans cette Ville- là le 6. Fevrier 1721.et
mourut le 27. Juin 1725. Dans ce court
espace de quatre ans et près de cinq mois ,
il donna des preuves si extraordinaires de
son esprit et de sa memoire , qu'on ne
pourroit presque se resoudre à les croire
si elles n'étoient pas attestées par unghd
nombre de témoins éclairés qui ont
eux-mêmes vû et admiré cet Enfant. Ce
fut à dix mois qu'il commença à parler ,
et cela à l'occasion de diverses figures
dont il parut souhaiter l'explication ; on
la lui donna , et tout d'un coup on remarqua
qu'il observoit avec une attention
fixe les mouvemens des levres de ceux
qui lui parloient , et il vint à bout , non
sans effort , de prononcer syllabe après
syllabe ce qu'on lui disoit. Ces progrès
IVol.
furent
JUI N. 1734 1177
furent depuis ce tems - là très- rapides ,
puisqu'à un an il sçavoit les principaux
évenemens du Pentateuque; à treize mois,
l'Histoire de l'Ancien Testament ,
quatorze celle du Nouveau .
et à
Au mois de Septembre 1723. le petit
Heinecken avoit acquis une connoissance
si exacte de l'Histoire ancienne et moderne
, et de la Géographie , qu'il répondoit
pertinemment aux questions qu'on lui
faisoit sur des sujets diversifiés. Il chargea
aussi sa memoire d'une grande quantité de
mots Latins , de sorte qu'il parvint à parler
cette Langue avec facilité , et il apprit
parcoeur en cette Langue les Institutes de
Justinien. Quelque tems après il apprit
aussi passablement le François , et avant
sa quatrième année il étoit bien avancé
dal connoissance de la Genealogie des
principales Maisons de l'Europe. Jamais
onne vit plus d'ardeur à acquerir de nouvelles
connoissances , et cela même est une
preuve du genie de cet Enfant. L'Auteur
de sa vie rapporte d'ailleurs un assez bon
nombre de traits qui marquent et de l'esprit
et du jugement ; l'un et l'autre paroissent
sur tout dans l'application qu'il
faisoit des Sentences et des Passages de
Ecriture Sainte qu'il avoit appris , aux
diverses circonstances où il se trouvoit.
1. Vol. Une
1178 MERCURE DE FRANCE
Une bonne partie de sa quatrième année
fut employée au voyage de Danemarck,
où il fut admiré de toute la Cour ; il harangua
de fort bonne grace le Roi et les
Princes du Sang . De retour à Lubeck il
y apprit à écrire en fort peu de tems ,
quoiqu'il eût à peine la force de tenir sa
plume. Enfin après avoir langui quelques
mois il mourut dans le tems marqué cidessus.
C'est une chose remarquable que cet
Enfant si extraordinaire , par rapport aux
talens de son esprit , fût en même - tems
d'une complexion très - délicate. Il est
d'autant plus étonnant qu'il sçût tant de
choses que des maladies très-fâcheuses qui
se suivirent de près , lui auroient dû ,
ce semble , ôter presque tout moyen de
bien apprendre. L'Auteur de sa vie attri
bue ses infirmités presque continuelles
et sa mort prématurée à sa délicatesse natutelle
, et aux passions de sa Nourrice ,
qui eurent plus d'influences sur lui qu'elles
n'en auroient eu sur un autre , parce
qu'il ne fut sevré que quelques mois avant
sa mort , ayant témoigné beaucoup de répugnance
pour toutes sortes d'alimens
excepté le lait , et en particulier celui
de cette Nourrice . Cette repugnance fut
cause qu'il ne mâchoit qu'avec une extrê
me difficulté. Au
JUIN. 1734
1179
Au reste , la maniere sage et chrétienne
dont le petit Heincken envisagea la
mort , est à proportion aussi extraordi
naire pour son âge , que le sont les connoissances
qu'il avoit acquises pendant sa
vie.
Extrait des Nouvelles Litteraires
du XVII. Tome.
fille
De Strasbourg. Madame Linck
et femme de deux Professeurs en Droit
de cette Ville , a publié une Traduction
du Polyeucte de Corneille , en vers Allemands.
De Nuremberg. On débite une Brochu
re en forme de Dictionnaire , qui contient
la liste de tous les Bains et des Eaux
Minerales , sous le titre de Bibliotheca
cum Lexico Hydrologico.
M. Frederic Bothscholtz a formé le
projet de rassembler en deux Volumes in
folio , tous les Ouvrages qui traitent de
la Librairie et de l'Imprimerie. Chacun
paroîtra tel qu'il est , et même dans la
Langue où il a été imprimé , ou si c'est
un Ouvrage Manuscrit , dans celle où il
aura été composé.
D'Altorf.M. le Professeur Koehler, publie
toutes les semaines une Feuille qui
contient, l'explication et le dessein de
I. Vol. quel1180MERCURE
DE FRANCE
quelque Medaille. C'est à Nuremberg
que s'imprime ce nouvel Ouvrage Periodique
en Allemand .
De Goettingen. M. le Docteur Heumaun ,
Inspecteur du College de cette Ville , publiera
incessamment l'Ouvrage de Charlemagne
contre le second Concile de Nicée
, sur l'Edition que Jean du Tillet Evêque
de Meaux publia à Paris en 1549.
sans nom d'Auteur , et sans marquer le
lieu de l'impression . Cette Edition étoit
devenue extrêmement rare . M. Heumaun
joindra ses propres remarques aux corrections
de du Tillet et de Goldstat , et le
tout sera précedé d'une Dissertation dont
le dessein est de prouver que ce Traité
est de Charlemagne , et contient ses veritables
sentimens , tout au moins de la même
maniere que la Confession d'Ausbourg
doit être attribuée aux Princes qui la fignerent.
De Leipsic DISSERTATIO Epistolica ad
Eminentissimam atque Reverendissimum
Dominum Christianum Wormium , Diaceseos
Sialandica in Danuâ Episcopum, &c.
de scriptis quibusdam integris , fragmentisque
hactenus ineditis , que in itinere Gallico-
Anglico, atque Germanico reperire contigit et
nunc in lucem publicam edenda parat, virosque
eruditos insimul ad conferendas symbolas
IVol. humanisJUIN.
1734: 1181
humanissimè invitat Magnus Crusius Sles-
Wicensis V. D. M.
C'est le titre d'une Brochure de neuf
feuilles que
Gleditsch a imprimé . On
voit par ce titre que M. Crusius , ci- devant
Chapelain de l'Ambassade Danoise
en France et connu par la vie de Duplessis
Mornay qu'il a mis au jour sous ce titre:
Memorabilia Plessiaca , a ramassé de bons
materiaux dans ces voyages , et qu'il a
dessein de les communiquer au Public.
Le détail de ses acquisitions et de ses projets
se trouve dans la Lettre même . Il y
parle , entr'autres , d'une continuation
du Spicilegium Patrum de Grabe ; d'une
nouvelle Edition de S. Irenée , recommandable
par plusieurs Pieces , non imprimées
, de cet ancien Docteur , et par
des Remarques nouvelles de Thomas Aisler
, d'Edouard Bernard , de François du
Jon ou Junius , de Daniel Heinsius , et
de quelques autres Sçavans. M. Crusius
nous promet encore une Edition beaucoup
plus ample que les précedentes , des
Annales de Nicetas Choniate ; une Edition
d'Arnobe contre les Gentils , avec
'des notes de plusieurs Sçavans , lesquelles
n'ont point encore vû le jour ; et une
Histoire du Lutheranisme en France .
De Dresde. M. Mathieu Daniel Poep-
I. Vol.
pelmaun
1182 MERCURE DE FRANCE
pelmaun , Architecte du Roi de Pologne
, a publié une Description de divers
Bâtimens magnifiques de cette Ville et
des environs appartenans à Sa Majesté .
La Description est en Allemand et en
François , accompagnée de quantité de
figures qui font le principal de cet Ouvrage.
On y voit aussi le dessein de la
grande Cuve qu'on a placée depuis peu
à Koenigstein , et qui tient environ deux
cens Bariques de plus que celle de Heidelberg.
>
De Crossen. M. Samuel Ledel , Docteur
en Medecine , travaille à une Histoire de
Monstres. Il a aussi considerablement augmenté
la Centauriologia curiosa Ouvrage
que feu M. son Pere fit imprimer en
1694. à Francfort sur le Mein , et il a
dessein d'en publier une nouvelle Edition
,
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Résumé : Bibliotheque Germanique, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente un compte rendu de la Bibliothèque Germanique, publié en 1729 à Amsterdam. Le troisième article du premier tome mentionne un livre allemand intitulé 'Relation d'un Enfant extraordinairement avancé pour son âge', publié à Leipzig en 1728. Ce livre relate les exploits de Jean-Philippe Baratier et de Chrétien Henri Heinecken, deux enfants prodiges. Chrétien Henri Heinecken, né à Lübeck le 6 février 1721 et décédé le 27 juin 1725, a démontré des capacités intellectuelles exceptionnelles. À dix mois, il a commencé à parler et a rapidement acquis des connaissances en histoire, géographie, et langues (latin et français). À quatre ans, il maîtrisait les Institutes de Justinien en latin et avait des connaissances en généalogie européenne. Malgré une santé fragile, il a continué à apprendre et à impressionner par son esprit et son jugement. Heinecken est décédé à l'âge de quatre ans et demi, après avoir été admiré par la cour danoise et avoir appris à écrire. Le texte mentionne également diverses publications et projets littéraires, notamment une traduction du 'Polyeucte' de Corneille en allemand par Madame Linck, un dictionnaire des bains et eaux minérales, et plusieurs ouvrages académiques et historiques en préparation ou récemment publiés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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