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1
p. 72-79
« Venons au Siege de Cambray. Je croy, Madame, qu'il n'est [...] »
Début :
Venons au Siege de Cambray. Je croy, Madame, qu'il n'est [...]
Mots clefs :
Siège de Cambrai, Monarque, Valenciennes, Citadelle
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texteReconnaissance textuelle : « Venons au Siege de Cambray. Je croy, Madame, qu'il n'est [...] »
- Venons an Siege de Cam- bray. Je croy, Madame , qu'il n'eſt pas beſoin de vous fai- re ſouvenir que cette Ville
eſt unedes plus anciennes de la Gaule Belgique , qu'elle fut baſtie du temps de Servius
GALANT. 55
Tullius fixiéme Roy des Ro- mains, & qu'il atoûjours eſté fi difficile de la prendre à force ouverte ſans y perdre beau- coup de monde , quequand le ſecond de nos Rois s'en
rendit le Maître , ce ne fut qu'apres y avoir veu périr cinquante - trois mille Hom- mes de part &d'autre. Si cet- te grande Ville eſtoit ſi forte dés le temps de Clodion , on pouvoit la croire imprenable depuis que Charles Quint y
cut fait bâtir cette redoutable
Citadelle dont il n'y aperſon.
ne qui ne parle avec étonne- ment. Nous avons perdu cer- te Place il y a quatre- vingts deux ans. Les Eſpagnols l'af ſiegerent en 1595. Monfieur le Duc de Rhetelois ſe jetta Cij
96 LE MERCURE
dedans par l'ordre de Mon- ſieur le Duc de Nevers fon
Pere. Le Maréchal de Balagny qui y commandoit en avoit êté declaré Prince,& ne
croyez pas , Madame , qu'elle fût alors attaquéede lamanie- re qu'elle vient de l'eſtre par le Roy. Cette vigueur n'ap- partient qu'aux François, & il eſt difficile deles vaincre,ſi on
ne joint l'adreſſe à la force.
Quand les Eſpagnols médite- rent cette Conqueſte , le Roy Henry IV. qui avoit des affai- res chez luy , eſtoit à Fontai- ne-Françoiſe où il tailloit de la beſogne aux Ennemis qui vouloient paſſer en Bourgo- gne; mais ce n'eſtoit pointaf- fez que ce Grand Prince fût hors d'état de venir ſecourin
GALAN Τ. 17
-
Cambray,il y avoitdes Fraçois dedans, &les Eſpagnols crai- gnant qu'ils ne fiſſent une trop longue reſiſtance qui en au- roit pû empêcher la priſe , en donnant lieu au Secours de
s'aſſembler , s'aviſerent d'un
ſtratagéme qui leur réüſſit.
Le prix du Bled eſtoit dimi- nuéde beaucoup par l'abon- dance de l'année , ils ſça- voient qu'il y en avoit de grandes proviſions dans la Place,& ils pratiquerét adroi- tement des Particuliers qui
endonnoientplus qu'il ne valoit. La veuë d'un gain confiderable tenta l'avarice de Madame de Balagny , qui au dé- çeu de ſon Mary en vendit la plus grande partie en divers temps ; & quand on eneur
CW
58 LE MERCURE en quelque façon épuisé la Place, le Comte de Fuentes la vint aſſieger. L'impoſſibilité d'attendre du Secours parce que les Vivres manquerent incontinent aux Affiegez , les obligea de ſe rendre , & on tient qu'il en prit un fi grand faiſiſſement à Madame deBalagny , qu'elle mourut dans le momentque fon Mary ſignoit la Capitulation . Toutes ces choſes relevent debeaucoup
la gloire du Roy, & tous ac- coûtumez que nous fommes à voir autant de Miracles
qu'il fait de Conqueſtes, nous ne concevons qu'avec pei- ne qu'en fi peu temps , &
fans aucune perte confidera- ble , il ait pû réduire une Vil- le qui a coûté autrefois tant
GALAN T. 59
DELE
a
a
5
de milliers d'Hommes , fortifiée d'une Citadellequi endevoit au moins retarder la priſe depluſieurs mois, &que l'Efpagne ne nous avoit oftée que par ſurpriſe,pendant que l'In- vincible Henry qui en eſtoit fort éloigné , avoit ailleurs de Preſſantes Guerres àfou
tenir. Mais ſuivons noftre
Grand Monarque , il ne fait
que fortir de Valenciennes,&
il eſt déja devant Cambray.
eſt unedes plus anciennes de la Gaule Belgique , qu'elle fut baſtie du temps de Servius
GALANT. 55
Tullius fixiéme Roy des Ro- mains, & qu'il atoûjours eſté fi difficile de la prendre à force ouverte ſans y perdre beau- coup de monde , quequand le ſecond de nos Rois s'en
rendit le Maître , ce ne fut qu'apres y avoir veu périr cinquante - trois mille Hom- mes de part &d'autre. Si cet- te grande Ville eſtoit ſi forte dés le temps de Clodion , on pouvoit la croire imprenable depuis que Charles Quint y
cut fait bâtir cette redoutable
Citadelle dont il n'y aperſon.
ne qui ne parle avec étonne- ment. Nous avons perdu cer- te Place il y a quatre- vingts deux ans. Les Eſpagnols l'af ſiegerent en 1595. Monfieur le Duc de Rhetelois ſe jetta Cij
96 LE MERCURE
dedans par l'ordre de Mon- ſieur le Duc de Nevers fon
Pere. Le Maréchal de Balagny qui y commandoit en avoit êté declaré Prince,& ne
croyez pas , Madame , qu'elle fût alors attaquéede lamanie- re qu'elle vient de l'eſtre par le Roy. Cette vigueur n'ap- partient qu'aux François, & il eſt difficile deles vaincre,ſi on
ne joint l'adreſſe à la force.
Quand les Eſpagnols médite- rent cette Conqueſte , le Roy Henry IV. qui avoit des affai- res chez luy , eſtoit à Fontai- ne-Françoiſe où il tailloit de la beſogne aux Ennemis qui vouloient paſſer en Bourgo- gne; mais ce n'eſtoit pointaf- fez que ce Grand Prince fût hors d'état de venir ſecourin
GALAN Τ. 17
-
Cambray,il y avoitdes Fraçois dedans, &les Eſpagnols crai- gnant qu'ils ne fiſſent une trop longue reſiſtance qui en au- roit pû empêcher la priſe , en donnant lieu au Secours de
s'aſſembler , s'aviſerent d'un
ſtratagéme qui leur réüſſit.
Le prix du Bled eſtoit dimi- nuéde beaucoup par l'abon- dance de l'année , ils ſça- voient qu'il y en avoit de grandes proviſions dans la Place,& ils pratiquerét adroi- tement des Particuliers qui
endonnoientplus qu'il ne valoit. La veuë d'un gain confiderable tenta l'avarice de Madame de Balagny , qui au dé- çeu de ſon Mary en vendit la plus grande partie en divers temps ; & quand on eneur
CW
58 LE MERCURE en quelque façon épuisé la Place, le Comte de Fuentes la vint aſſieger. L'impoſſibilité d'attendre du Secours parce que les Vivres manquerent incontinent aux Affiegez , les obligea de ſe rendre , & on tient qu'il en prit un fi grand faiſiſſement à Madame deBalagny , qu'elle mourut dans le momentque fon Mary ſignoit la Capitulation . Toutes ces choſes relevent debeaucoup
la gloire du Roy, & tous ac- coûtumez que nous fommes à voir autant de Miracles
qu'il fait de Conqueſtes, nous ne concevons qu'avec pei- ne qu'en fi peu temps , &
fans aucune perte confidera- ble , il ait pû réduire une Vil- le qui a coûté autrefois tant
GALAN T. 59
DELE
a
a
5
de milliers d'Hommes , fortifiée d'une Citadellequi endevoit au moins retarder la priſe depluſieurs mois, &que l'Efpagne ne nous avoit oftée que par ſurpriſe,pendant que l'In- vincible Henry qui en eſtoit fort éloigné , avoit ailleurs de Preſſantes Guerres àfou
tenir. Mais ſuivons noftre
Grand Monarque , il ne fait
que fortir de Valenciennes,&
il eſt déja devant Cambray.
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Résumé : « Venons au Siege de Cambray. Je croy, Madame, qu'il n'est [...] »
Le texte décrit le siège de Cambrai, une ancienne ville de la Gaule Belgique fondée du temps de Servius Tullius. Cambrai était connue pour sa forte défense et avait résisté à Clodion, roi des Francs, causant la mort de cinquante-trois mille hommes. Sa citadelle, construite par Charles Quint, était réputée imprenable. En 1595, Cambrai avait été perdue par les Français lors d'un siège mené par les Espagnols. Le duc de Rhettelois avait défendu la ville sur ordre du duc de Nevers, et le maréchal de Balagny en était le commandant. Les Espagnols avaient utilisé un stratagème en réduisant le prix du blé pour épuiser les réserves de la ville. Madame de Balagny, malgré les avertissements de son mari, avait vendu une grande partie des provisions. Une fois les vivres épuisés, le comte de Fuentes avait assiégé Cambrai, forçant sa reddition. Le texte souligne la gloire du roi pour avoir conquis Cambrai rapidement et sans pertes significatives, malgré la forte défense de la ville. Le roi Henri IV, occupé ailleurs, n'avait pas pu secourir Cambrai à temps. Le texte se conclut par l'arrivée du roi devant Cambrai après avoir quitté Valenciennes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 128-184
La nuit du 5 au 6 d'Avril
Début :
Le Roy fit ouvrir la Tranchée à l'Esplanade de la [...]
Mots clefs :
Ennemis, Bastion, Citadelle, Travaux, Camp, Tranchée, Nuit, Contrescarpe, Régiment, Gardes, Capitaines, Canon, Fossé, Officiers espagnols, Soldats, Assiégés, Attaque, Morts, Majesté, Cambrai
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texteReconnaissance textuelle : La nuit du 5 au 6 d'Avril
Lanuit du 5 au 6 d'Auril.
Le Roy fit ouvrir la Tran- chée à l'Eſplanade de la Cita- delle,&commencer une Attaque par dehors. On ne fit cette nuit quegabionner les ave- nuës des Ruës,&'pouffer quel- ques ſapes : on fit auſſi un petit Logement àdroit & à gauche au bout des deux Ruës qui a- boutiſſoient à l'Eſplanade. La meſme Trachéequi avoitdéja
ſervy
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LE MERCURE N
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ſervy pour l'attaque de la Vil- le,fut encore pouſſée dehors à
la gauche contre la Citadelle.
Lanuit du 6au7
VAN
Les Suiſſes travaillerent toute la nuitdans la Ville à pouf- ſer leurs Logemens. Les Ennemis firent une Sortie,&vin- rent juſques à l'endroit où Monfieur de Vigny prenoit
ſes meſures pour loger ſes Mortiers. Comme il ſe vitau
milieu d'eux, il les ſuivit avec
beaucoup de preſence d'eſprit juſques àleur Contreſcarpe ,
ou apres qu'ils ſe furent reti- rez,il ſe coula le longdela muraille du rampart de la Ville.
Les Suiſſes le prirent pour un Rédu,&il fut coduit aux Offciers,qui le recõnurēt d'abord.
On pouffa cette nuit-là les
Tome 3 .
E
DEL
100 LE MERCURE
Travaux fort pres du Glacis de la Contreſcarpe. Les Affie- gez firent deux Sorties : ils pouſſerent quelques Travailleurs que lesOfficiers remenerent auſſi-tôt. Deux de nos
Batteries ſe trouverent le matin en état de tirer,quoy que pluſieursde nos Travailleurs euſſentété tuez par le Canon des Ennemis qui étoit monté
fur des Cavaliers fort élevez,
&qui découvroit tout ce qui
ſe paſſoit dans la Plaine. Il tua MonfieurChamants,Commif- fairedel'Artillerie qui étoit en grande reputation,&emporta le bras d'un autre,dõt la force
du coup fit tõber le Chapeau,
qu'il ramaſſa froidement.Monſieur de Sautour Lieutenant
aux Gardes qui alloit viſiter
GALANT. JOI
S
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a
e
les Travaux, &venoit à cheval du Camp,eu ce mémejour les deux bras emportez d'un |. coup de Canondontil mourut trois heures apres. Monfieurle Comte d'Auvergne courut auſſi grand hazard de la vie,
un Bouletayant emporté un Gabionderrierelequel il étoit.
Il fut couvert de pierres &de terre, il eut une contufion à la
teſte,quelques égratignuresau viſage;&la fiévre l'ayant pris,
leRoyluy fit donnerſa Litiere pour le conduire à la plus pro- chaine Ville.
S
0
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1
Lanuit du 7 au 8
La Tranchée du côté de la
Ville fut pouffée par les Gar- des à quarante pas de la Con- treſcarpe. Monfieur deCati- nal quien eſt Major General,
E ij
102 MERCURE.
ordonna à Monfieur de Beau
regard , & à Monfieurd'An- glure Capitaines au méme Corps , de prendre douze ou quinze de leurs meilleurs Sol- dats,avec un bon Sergentpour ſoûtenir leurs Sapeurs.Les En- nemis ſortirent au nombre de
trente ou quarante du côté de Monfieur le Marquis d'An- glure. Le Sergent détaché avec ce petit nombre de Sol- dats les attendit , & leur fit
unedécharge ſi à propos, qu'il enjetta pluſieurs par terre, les autres ſe retirerent dans leurs
Paliſſades . Ils tenterent la méme choſe à la gauche , & ils eurent un pareil ſuccés. On fitunLogement ſur le Baſtion attaché à la Ville. On dreſſa
lematin une Baterie de huic
pieces de Canon au Loge-
GALANT. 103 ment qu'on avoit fait ſur le méme Baſtion de l'attaque de la Ville. On mit en état la Baterie des Mortiers. M.de Megnac , Commiſſaire de l'Artillerie, fut tué.
Lanuit du 8 au 9 :
On acheva la communicationde toutes les Sapes ; la Tranchée du côté de l'Eſpla- nade fut avancée auſſi-bien
que celle qui eſt du côté de la
Campagne. L'on pratiqua deux Bateries , l'une ſur le Baſtion du Moulin à la gauche de l'attaque de la Ville , de dix
pieces de Canoſous M.Tibergeau&l'autre ſur leBaſtionde
Sainte Barbe, de ſept pieces à
ladroite vers la Portede France ſous M. d'Alinville. On
ne pouvoit pas mieux pofter E iij
104 LE MERCURE deux Bateries ; celle de Monſieur Tibergeau découvroit toute la Porte &le Pont de la
Citadelle à la Ville,avec toute
la face duBaſtion neuf ; & la
Baterie de Monfieur d'Alinville voyoit l'autre face du Ba- ſtion neuf, & celle du Baſtion
qui regarde la Porte du Se- cours.Al'Attaque de Picardie hors de la Ville,on avança une aurre Baterie qui démonta une
partieduCanondes Ennemis.
UnedenosBombes étant tombéedans la Citadelle ſur un
tas deGrenades,le feu s'y prit &fit un grand fracas ; celles que les Ennemis jetterent étoient ſi petites & fi foibles,
qu'entombant elles ſe caſſoiét fur le pavé. Les Afliegez ne craignoient rien tant que de
E
3
コ
2
GALANT. Iτος certains Manequins remplis de pierres de toutes groſſeurs,
que l'on met dans des Mor- tiers faits expres , & qui font plus longs que les autres : ces pierres s'écartent en l'air , &
briſent en tombant tout ce
qu'elles rencontrent ; les blef- fures en font dangereuſes , &
la gangrene s'y met bien toUE DELAVIZ
La nuit du 9 au 10 YON
On fit trois Bateries,ontra- vailla dans le Foffé pour s'ap
procher de la pointe du Ba- ſtion de la Place. Monfieur Faucher Ingenieur,allant viſi- ter les Sapes où les Ennemis jettoient une infinité de Gre- nades , reçent un coup de
Mouſquer dans la teſte. On acheva la communication de
la droite à lagauche entre les E iiij
106 LE MERCURE
deux Tranchées qui embraf- ſent deux Baſtions exterieurs
de la Placequi n'en a que qua -
tre. On auroit pû faire la dé- cente du Foffe ; mais comme
tout y étoit plein de Caponie- res &de Fourneaux , le Roy voulut ménager ſon monde.
Sa Majesté vit jetter des Bom- bes&des Carcaſſes , elles mirentle feu dans un Magaſin de Bois de la Citadelle qui fut conſommé ; ce qui obligea les Ennemis à ſe retirer dans leurs
Cazemates. Monfieur le Tillier Commiſſaire de l'Artillerie fut tué l'apreſdînée.
Le dixième au matin,M. le
Duc de Villeroy revenant de
la Tranchée, &s'en allant au
Camp par la Porte de Nôtre- Dame,dont le chemin étoit
battu de quelques Pieces de
GALANT. 107
S
2
la Citadelle que nôtre Canon
n'avoit pû démonter, on dit à
Monfieur le Marquis de Renel , qui étoit avec Monfieur
le Marquis d'Arcy, que Mon- ſieurle Duc de Villeroy ve- noit derriere luy; il fe retour- na pour aller au devant , &
voyant en méme temps mettre le feu au Canon il dit, Voilaqui estpour nous , & le Boulet luydonna auſſi- tôt dans le
milieudu corps.
Lanuit du 10 AU II .
Orpouſſa les Sapes à ladroi- te,&l'on fit des communications : les Affſiegez ſortirent à
la gauche & firent plier nos Travailleurs ; mais Meſſieurs
lesMarquis deTilladet &d'U- xelles les raſſureret & repouf- ferét les Enemis. Améme teps Ev
1
108 LE MERCURE
Meſſieurs de Chapereux &de Courtevin , Capitaines déta- chez de Picardie, prirent une grande Demy- lune reveſtuë &tres-bien cazematée , avec
des creneaux à trois gueules qui defendoient le Foffe , &
deux grandes Caponieres.Nos Soldats étant entrez dans les
Cazemates avec beaucoup de
vigueur, furent fort incommo- dez du feu qui s'y mit par le moyen des Poudres que les Ennemis y avoient laiſſées,&
dont ils avoient fait des traínées. Onfit un Logementàla gorge de la Demy - lune qui venoit d'être priſe , & l'on dreſſa deux Bateries à l'attaque gauche pour batre une Demy-lune du corps de la Citadelle.
GALANT. 109
C
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La nuit du II au 12 1
LeRoyayant réſolu de faire attaquertoute la Contreſcarpe du côté de l'Eſplanade , &de faire faire un Logement ſur le bordduFoſſé à lagauche hors de la Ville,les Suiſſes monterentlaTranchée,&l'on fit des
Détachemens de deux cens
Hommes des Gardes Françoi.
ſes du Regiment du Roy , du Regiment Dauphin , de ce- luy de Picardie , & de celuy des Fuſeliers. Les Capitaines détachez des Gardes étoient
M. d'Avezan, qui devoit être foûtenu par M. le Chevalier de Mirabeau en cas debeſoin.
M. le Chevalier de Tilladet
étoit le Mareſchal de Camp de jour; il y avoit un Brigadier à
la gauche.Monfieurle Prince
110 LE MERCURE
d'Elbeufétoit Ayde de Camp du Roy. L'ordre étoit donné
pour minuit , & on étoit con- venu qu'au dernier coup de Canon des huit que la Baterie de Tibergeau devoit tirer, on feroit connoître par un Vive le Roy à ceuxdes autres Atta- ques, que nous étions maîtres de la Contreſcarpe. Pluſieurs voulurent eſtre de la partie comme Volontaires , & entr'autres Monfieur le Marquis d'Anglure , qui montra autant d'impatience enatten- dant le Signal , que s'il n'euſt pas déja eu toute la réputation qu'il a ſi juſtement meritée.
Les autres étoient Monfieur
le Chevalier de Courtenay,
Monfieur le Marquis de Ma- loſe Neveu de Monfieur le
GALANT. III
Mareſchal de Lorge , Mr. le Vicomte de Maux petit - Fils
de M. le Duc d'Orval , M. le
Vicomte de Corbeil Fils de
M. le Comte de Bregy , M. le Chevalier de Feuquieres ,
Monfieur le Comte de la
Vauguyon , Monfieur le Jay Fils de M. le Preſident le Jay,
Monfieurle Chevalier d'Arnoul, & Meſſieurs Boiſy , de Rouvray,de Vauroüy,Parfait,
Goulon,Tilly,Asfeld Suedois,
&pluſieurs autres. Le Roy étoit vers la Porte de Peronne
qui devoit voir l'Attaque. Le dernier coupde Canon ayant tiré,on marcha dans un grand filéce juſques à la Contreſcar- pe. Ony fut à peine arrivé,que les Soldats firent un grand cry de Vive le Roy , & un grand
112 LE MERCURE
feu de Mouſquets & de cer- taines Machines de verre pleines de poudre , qui ne man- quent jamais de s'alumer en les jettant. On força tout ce qu'on rencontra , & l'on mar- cha en faiſant toûjours un fort grand feu juſques à une gue- rite du Rempart de la Ville qui aboutit ſur le Foſſé de la Citadelle. Les Ennemis qui n'oſoient lever la teſte ſur
leursBastions,nyſurleur cour.
tine, laifferent à nos Travailleurs tout le temps d'avancer leur Travail fans beaucoup de riſque. Les Affiegezſe conten- toient de jetter des Grenades qui tomboient difficilement
dans le chemin couvert,à cauſede la largeur du Foſſé. Ils s'apperçeurent de leur pen
GALANT. 113
ב
2
.
i
d'effet , &voyant que le feu des nôtres qui avoit déjaduré trois heures ſe ralentiſſoit par
le manquement de munitions,
par la laſſitude des Soldats , &
par la chaleur des Mouſquets qui commençoient à s'échauf.
fer beaucoup,ils firent de leur courtine &de la face de leur
Baſtion un feude Mouſquete- rie ſi grand juſques au jour,
qu'on ne ſçauroit s'imaginer qu'avecpeine comment le Lo- gement put être achevé. Il le fut cependant; mais on yper- dit du monde , & Meſſieurs les Chevaliers de Courtenay
S &d'Arnoul furent bleſſez,
auſſi- bien que Meſſieurs de
Rouvray, le Jay , Boify , Vau- roüy,Parfait, & le Fils de M. le Colonel Lokman. Il y eut un
Sous - Lieutenant de Catinal
114 LE MERCURE tué. Le Roy dit qu'il n'avois jamais veu un ſi grand feu.
Le douziéme pendant le jour on fit un trou à coups de Canon à la face du Baſtion, à
la gauche de la Ville, pour lo- ger le Mineur.
Lanuit du 12 au 13
On travailla à faire la communication des Attaques du côté de celle des Gardes. A
la gauche on fit une Baterie dansle Foffé de la Ville qui bâtit la muraille qui le ſepare d'avecceluy de la Citadelle,&
qui devoit foûtenir le Mineur qu'on avoit attaché à la face du Baſtio oppoſé à celuy de la Ville. Cette Baterie étoit ſoûtenuë par un Détachement des Grenadiers àcheval de la
MaiſonduRoy,tousGensd'é
GALANT. IJ
ELAV
VIL
lite , cõmandez par Monfieur Riotot. Le Mineur travailla
avec toute la diligéce poſſible,
&il avoit preſque tout diſpo- ſé , quandles ennemis qui en eurétquelque ſoupço,envoie- rent la nuit un Colonel Eſpa- gnol nomé Couvaruvias pour reconnoître ce qui ſe paffoit dans le Foffé . Son Bonnet fut emporté d'une moufquetade.
Lanuit du 13 au 14
Onélargit les Logemens &les Places d'armes àlattaque droite. On travailla à cinq Bate- ries à la gauche,& l'on fut oc- cupé à faire en deux endroits
la Defcente dans le Foffé , &
àdreſſer un Logement pour le Mineur , avec une Bateric
de quatre pieces. Le feu des ennemis fut fort grand pen- dant toute la nuit.
a
a
116 LE MERCEUR
Le 14. au matin.
Les Bateries pourbatre leBaſtion dela gauche, &cellesdu Foſſé pour favoriſet le Mi- neur,tirerent ſur les neufheures , & fur les dix on attaqua
hors de la Ville une Demy-lunedeterre à la gaucheduBa- ſtion . L'impatiéce de ceux qui étoient deſtinez pour l'atta- quer fut fi grande qu'ils ne purent attendre l'heure qui avoit été marquée. CetteDemy-lune fut auſſi-toſt empor- tée, quoy qu'elle fûr revêtuë par la gorge.On prit quelques Ennemis avec un Officier.
Monfieur Parifot Ingenieur étoit de jour, il avoit eu ordre de faire travailler à un Logement au milieu de la Demy- lune , & même au delà s'il
GALANT. 117
d
iétoit poſſible, afin qu'on pûc y
mettre plus de monde, &que les nôtres en fuſſent entierement maîtres.c'étoit un moye
תב d'éviter les Fourneaux qui sot
U
U
ordinairement aux angles où l'on a accoûtumé de faire les
a- Logemens. On fit avancer les travailleurs avecleurs gabios,
facines &autres outils.Ils trat vaillerent pendat trois quarts
U
e
d'heures à la faveur d'un fort
grand feu de nos Gens déta1
t
chez,&de celuy qu'on faiſoit denosTravaux: cependat les Ennemis jetterent quatité de Grenades , & réſolurent de
nous chaffer. Un Regimet Il- ladois,avecpluſieurs Officiers Eſpagnols , fut comandé pour cela. Ils firent joüer un Fourneau ſur la gorge de la De-
118 LE MERCURE
my- lune ; pour s'en faciliter l'entrée , &parurent ſur leurs Baſtions & fur leur Courtine,
enfaiſant un feu extraordinaire. Il fut fi violent,que nos Soldats qui n'étoient plus en état de leur répondre par un auſſi grand , à caufede celuy qu'ils avoient déja fait , fu- rent obligez de ſe retirer , le Logement n'ayant pû être achevé Les Affiegez deſcen- dirent pour ruïner la teſte de nos Travaux ; mais Monfieur
le Duc de Villeroy ſoûtint leur premier effort , & les obligea de rentrer , de forte qu'ils ſe contenterent de re- prendre ce qu'ils avoient per- du. Meſſieurs d'Eronville ,
Dort Neveu de Monfieur de
Feuquieres , &Parifot Inge-
GALANT. 119
S
Di
1
nieur , furent bleſſez. Monſieur le Duc de Villeroy ſe tint toûjours dans un Poſte avancé , où il eſſuya pendant quatreheures le feu des En- nemis avec une fermeté inébranlable , Monfieur de Rubantel donna des marques d'une grande intrepidité , &
ſe tint dans la Demy - lune tantqu'on la put garder. Mon- ſieur le Marquis d'Uxelles y
donna des marques de fon courage & de ſa conduite.Les autres qui ſe ſignalerent , furent Monfieur le Marquis de Dangeau &Monfieur leMar- quis de Palaiſeau,Fils de Mõ- fieur le Maréchal de Clerambault, M.le Chevalier de Brevron - d'Harcour , Meſſieurs
les Vicomtes de Meaux &de
120 LE MERCURE
Corbeil , Monfieur des Crochets Capitaine au Regiment Dauphin; Meſſieurs d'agicour,
Goulon Ingénieur , &Affeld Suedois. Pluſieurs autres ſediſtinguerent encor ; je vous les feray connoiſtre quand j'en auray appris les noms. Les En- nemis firent une perte confi- dérable,&l'on n'en peutdou- ter , puis qu'ils demanderent eux meſmes une tréve pour retirer leurs Morts. Elle commença à deux heures apres midy, &dura une demy-heu- ge, ou trois quarts-d'heure.
On leur apprit pendant ce temps , que les trois Déchar- ges que nous avions faites ily
avoit deux jours , eſtoient en réjoüiſſance de la Victoire que Monfieur avoit renportée ſur
GALANT. 121
コ
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لا
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le Prince d'Orange. Monfieur le Ducde Villeroy & Mon- ſieur le Marquis de Dangeau,
curent un entretien avec le
Colonel Couvaruvias qui eftoit ſur le Baſtion ſous lequel le Mineur eſtoit attaché , &
Monfieurle Duc de Villeroy ne fit point de dificulté deluy enmontrer le trou.
Lanuit du 14 au 15 A l'Attaque de la droite ,
on fit un Logement à la gorge
de la Demy-lunequi couvre la Porte de la Citadelle. Ala
gauche , on travailla à unLo- gement de la Contreſcarpe d'une Demy-lune. Onne per- dit qu'un Homecette nuit-là.
Lanuit duis au 16 Onſe rendit maiſtre de la
Demy- lune que les Ennemis
YOU
122 GALANT.
avoient repriſe ; & tous ceux
qui la gardoient furent pris ou tuez. Monfieur la Magno Ca- pitaine au Regimét Dauphin fut bleffé ,&l'on pratiqua un Logement à lapointe. Ala droite on plaça trois Bateries àl'angle de la face du Baſtion neuf. Elles furent dreſſées par l'ordre de Monfieur du Mets,
&par les ſoins de Monfieur
d'Alinville , & firent un ſi ef- froyable feu , &une bréche ſi conſidérable,queles Ennemis furent contrains de retirer leur Canon en arriere,dans
la crainte qu'ils eurent que le Baſtion contre lequel ces Ba- teries donnoient ,
ne s'éboulaſt , &n'entrainaſt leur Artilleriedans les Foſſé. Ils avancerēt des Chevauxde friſe pour garder
GALANT. 123
X
n
la
e
A
al
S
F
garder leur Bréche.
Le 16
Le Mineur étant attaché
au Baſtion neuf, &la Mine en
état de faire ſon effet , on fit
dire au Gouverneur que le Roy avoit bien voulu qu'il fût averty de l'état des choſes;
qu'il devoitſe rendre,puis que le Canon avoit déja fait une bréche aſſez grade pourmon- ter à l'Affaut , &que la Mine
étoit preſte à joüer ; que s'il s'opiniatroit davantage , Sa Majeſté auroit le déplaiſir de ſe voir contrainte à le forcer
par les armes; qu'ayant donné aſſez de marques de valeur &
dereſiſtance,il nedevoit point refuſer'la Compoſition qu'Elle étoit preſte à luy donner;
qu'Elle offroitde faire voir à
Tome 3 .
F
124 LE MERCURE ceux qu'il luy voudroit envo- yer , que les choſes eſtoient enlamanierequ'on les diſoit;
&que ſi apres cela il s'obſtinoit à ſe defendre , il ne de- voit point eſperer d'autre par- tyqueceluydeſe rendre àdif- cretio. LeGouverneur répõdit à cela , apres avoir tenu Con- ſeil , qu'il eſtoit bien obligé à
la bonté du Roy ; mais qu'il croyoit qu'eſtant le plus ge- néreux Prince du monde ; il
ne ſeroit pas fâchéqu'il fiſtſon devoir, puisqu'enſe défendat bien , la conqueſte en ſeroit plus glorieuſe pour les ar- mes de Sa Majesté,que cepen.
dant il oſoit l'aſſurer quil ne ſe voyoit pas encor en état de pouvoirétre ſi -tôt réduit àré- dre la Place,puis que quandle
GALANT. 125
コー
Hie
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Baſtion où eſtoit attaché le
Mineur , ſeroit ſauté , il luy reſtoit trois Baſtions qu'ildé- fendroit comme autant deCitadelles. Le Gouverneur apres cette réponce , régala & fit boiredu Vind'Eſpagne à ceux qui l'eſtoient venu ſommer.
Le Roy commanda auſſitoſt qu'on relevaſt la Tranchée,&
qu'on retiraſt les Bateries &
il
1
2
1
lesCorps deGarde qui eſtoiết proche des Fourneaux
peur qu'ils n'en fuſſent endo- magez. On mit en ſuite le feu à la Mine , qui fit tout l'effet
que l'on pouvoit ſouhaiter ,
mais fans beaucoup de bruit ,
ayant fait en éboulant une bréche au Baſtion depuis le hautjuſques au bas , que l'on élargit encore avec le Canon.
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de
Fij
126 LE MERCURE
Monfieur le Maréchal de la
Feüillade qui commandoit les
Attaques le jour que la Mine joüa, ne voulant point hazar- derun Affaut ſans eſtre aſſuré
ſi les Ennemis étoient retranchez dans la gorgedu Baſtion,
refolut d'en faire reconnoître
l'état.ll demanda au Major des Gardes àqui des Lieutenans c'étoit à marcher ; & ayant ſçeu que c'étoit à Monfieur de Boiſſelau , il adjoûta que c'é- toit ſon Homme, & qu'on le fiſt venir. Il luy commandade monter fur le haut duBaſtion
pour reconnoître ſi les Enne- mis étoient retranchez , &
voir leur contenance , luy
donna trente Grenadiers des
Gardes pour le ſoûtenir , &
le fit accompagner du Ne-
GALAN Τ. 127
10
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veu de Monfieur de Vauban,
&de Monfieur Goulon Inge- nieurs, afin qu'ils puſſent tous enſemble rendre un fidelle
rapport de l'état des Ennemis.
Monfieur de Boiſſelau ſe mit
à la teſte de ces Gens détachez avec M. Solus SousLieutenant aux Gardes , &
M.des Crochets Capitaine du Regiment Dauphin. Le che- min étoit fi difficile,& la terre
ſi molle,que ce ne fut pas ſans beaucoup de peine qu'ils mõ- terent ſur le Baſtion.Ils apper.
çeurent un petit Retranche- ment àdix pas d'eux , où il y
avoit cinquate Grenadiers des
Ennemis qui leur firent un
S tres-grad feu, qui n'empeſcha pourtat pas qu'ils n'examinaf- fent chacunde leur coſté ce
Fiij
128 LE MERCURE
qu'il y avoit à remarquer.
Monfieur de Boiffel'au commanda aux trente Grenadiers
qu'il avoit avec luy de jetter leurs Grenades dans le Loge- mentdes Ennemis : ils étoient
retranchez à la gorge de leur Baſtion, &avoient un Parapet fort élevé au deſſus du petit Retranchement où étoient
leurs Grenadiers. Ils firent un
feu continuel de mouſquete- rie,& jetterent une ſi grande quantité de Grenades, que le Neveu de Monfieur de Vauban fut tué auffi-bien que
ququelques Soldats. Mõſieur des Crochets fut bleſſé , &M. de Boiſſelau eut un coup de Gre- nade ſur l'épaule ,qui alla fai- re fon effet plus loin ſans le bleſſer. Monfieur le Maréchal de la Feüillade attendoit
GALANT. 119
S
コ
!
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-
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au pied de la Bréche ; mais voyantque Monfieur de Boif- ſelauqui étoit monté deſſus ,
y avoit demeuré pres d'un quart d'heure ſans luy venir faire fon rapport , il luy en- voyadire deux fois dedeſcen- dre.Il executa cet ordre,ayant fait retirer devant luy les Morts & les Bleſſez. Il rendit compte à Monfieur de la Feüillade de l'état des Ennemis& de leurs Retranchemens , & ce Maréchal le fut rendre en ſuite à Sa Majeſté.
Lanuit du 16au 17.
On n'entreprit rien
Le17
THE
Onfitdans lademy-lunere
veſtuë,un Logement tout du longde la facedroite, afin d'y poſter des Gens pour faire Fiiij
130 LE MERCURE feu ſur la Bréche. On dreſſa
une Baterie à Mortiers dans
cette méme Demy- lune , &
aubas de la Bréche, une autre
Baterie pour tirer des pierres.
Nôtre Canon fit une bréche
de plus de quarante pas au Baſtionde la droite ; mais il ſe
trouva une muraille derriere.
On crût queles Ennemis vouloient fouffrir un Aſſaut, mais
ils ne l'attendirent pas , &ju- geant bien qu'ils pouvoient étre forcez , puis que trente Hommes avoient pû monter furleur Baſtion , le Gouverneur qui ne donnoit plus ſes
ordres que dans une Cazemate, & à la clarté d'une Bougie,
fit batre la Chamade. On courut en porter la Nouvelle au Roy.Il étoit à la Meſſe,&il en4
GALANT. 131 tendit dire que le feu avoit pris à ſon Quartier , & qu'on battoit la Chamade , ſans donner aucune marque qu'il eût rien entendu que la Meſſe ne fût achevée. On donna des
Oſtages de part &d'autre , &
la Negotiation dura deux heures. Les Ennemis envoye- rent le Comte de Tilly Goa
neral de leur Cavalerie , le
Colonel Couvaruvas Eſpa- gnol, & le Colonel Buis,pour traiter des Articles de la Capitulation. Ils en propoſerent quelques-uns, &ſe remiréten- fin entieremét à lageneroſité du Roy , ſans rien exiger que ce qu'il luy plairoit de leur ac- corder. Cette foûmiſſion leur
fut avantageuſe,puis qu'il leur fut permis de faire fortir leur Infanterie par la
2
Fv
132 LE MERCURE
pour
Breche , Tambour battant ,
*Meſche allumée par les deux bouts , Enſeignes déployées ,
&leur Cavalerie en ordre de
Gens de Guerre par la Porte du Secours pour être conduits
àBruxelles , avec deux pieces
de Canon, deux Mortiers , &
cinquante Chariots porter ceux de leurs Malades qui pouvoient étre tranſpor- rez. Le Roy leur promit de plus d'établir un Hôpital pour ceux qu'ils ne pouroient emmener, &qu'il donneroit per- miſſion à quelques-uns de leurs Officiers d'en venir
prendre ſoin , &de demeurer
dans la Ville. Le Gouverneur
nommé Dom pedro de Sava- lafortit àlaqueuë deſa Cava- lerie , couchédans ſon Carof-
GALANT.
133
a
S
ſeparce qu'il avoit été bleſſé.
LeRoyluydit quelques paro- les obligeantes ſur ſes bleſſu- res ; à quoy il répondit.Ah,Sa- crée Majesté , qu'un rencontre comme celuy-cy m'auroitfaitfai- re de folies dans un âge moins avancée! Mais graces àl'expe- rience de quelques années , j'ay bien connu le Prince à qui nous
avions àfaire , & trouvé qu'il valoit mieuxfubir le joug de bonne grace , que de prodiguer inu- tilement le fang des Nôtres par uneplus longue resistance. Il fortit de la Citadelle environ fix
cens Dragons & Cravates ,
dont les Officiers rendirent leurs foûmiffions au Roy
L'Infanterie Eſpagnole pa- rut fort bonne : elle compoſoit deux vieilles Terces,
134 LE MERCURE
l'une deCanarie, &l'autre de
Couvaruvias. Les Fantaſſins
avoient tous des Rondaches ,
degroſſes Piques , &de gros Mouſquets. Leurs Soldats
Hollandois étoient bons,quoy qu'âgez ; mais les VValons étoient trop jeunes , &la plû- part nus. Ils ſortirent environ deux mille quatre cens Hom- mes. Il y avoit beaucoup. de Negres dans le Regiment de Canarie.
Le lendemain 19.le Roy alla
faire chanter le Te Deum dans
l'Egliſe Cathedrale de Cam- bray , où tout le Clergé le re- çeut à la Porte. C'eſt une des plus belles Eglifesde l'Europe,
il y adeux Jubez,dont l'un eſt
toutde cuivre,&tres bien travaillé. La Porte du Cœur eſt de
GALAN T. 135
5
コ
la même matiere , &toute ci- zelée. Son Horloge ſonne à
toute les heures &demy heu.
res , un Carillon en muſique.
Outre le Trefor de l'Eglife , il ya encor celuy de Notre-Da- medeGrace,dontla Chapel- le qui eſt dans la même Ca- thedrale, eſt tres- magnifique.
Son Tabernacle eſt d'argent cizelé,& éclairé àtoute heure
par vingt Lampes d'un fort grand prix. Il y a neufParoif- ſesdans la Ville , & des Monaſteres à proportion.Les Bâ- timens en ſont aſſez beaux,
auffi-bien que les Ruës. Sa Place d'armes eſt d'une gran- deur extraordinaire , &capa- blede contenir toute la Garniſon enbataille.
Apres le TeDeum , le Roy fut voir tous les Travaux , &
136 LE MERCURE
viſiter la Citadelle.Un Officier
Eſpagnol qui avoit été bleſſé,
&qui parut tres- galant Hom- me à quelques François qui l'entretinrent , les aſſura que dans la ſeule Citadelle il y
avoit eu plus de mille Hom- mes tuez ou bleſſez .
Le Roy fit ouvrir la Tran- chée à l'Eſplanade de la Cita- delle,&commencer une Attaque par dehors. On ne fit cette nuit quegabionner les ave- nuës des Ruës,&'pouffer quel- ques ſapes : on fit auſſi un petit Logement àdroit & à gauche au bout des deux Ruës qui a- boutiſſoient à l'Eſplanade. La meſme Trachéequi avoitdéja
ſervy
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LE MERCURE N
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ſervy pour l'attaque de la Vil- le,fut encore pouſſée dehors à
la gauche contre la Citadelle.
Lanuit du 6au7
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Les Suiſſes travaillerent toute la nuitdans la Ville à pouf- ſer leurs Logemens. Les Ennemis firent une Sortie,&vin- rent juſques à l'endroit où Monfieur de Vigny prenoit
ſes meſures pour loger ſes Mortiers. Comme il ſe vitau
milieu d'eux, il les ſuivit avec
beaucoup de preſence d'eſprit juſques àleur Contreſcarpe ,
ou apres qu'ils ſe furent reti- rez,il ſe coula le longdela muraille du rampart de la Ville.
Les Suiſſes le prirent pour un Rédu,&il fut coduit aux Offciers,qui le recõnurēt d'abord.
On pouffa cette nuit-là les
Tome 3 .
E
DEL
100 LE MERCURE
Travaux fort pres du Glacis de la Contreſcarpe. Les Affie- gez firent deux Sorties : ils pouſſerent quelques Travailleurs que lesOfficiers remenerent auſſi-tôt. Deux de nos
Batteries ſe trouverent le matin en état de tirer,quoy que pluſieursde nos Travailleurs euſſentété tuez par le Canon des Ennemis qui étoit monté
fur des Cavaliers fort élevez,
&qui découvroit tout ce qui
ſe paſſoit dans la Plaine. Il tua MonfieurChamants,Commif- fairedel'Artillerie qui étoit en grande reputation,&emporta le bras d'un autre,dõt la force
du coup fit tõber le Chapeau,
qu'il ramaſſa froidement.Monſieur de Sautour Lieutenant
aux Gardes qui alloit viſiter
GALANT. JOI
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80
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les Travaux, &venoit à cheval du Camp,eu ce mémejour les deux bras emportez d'un |. coup de Canondontil mourut trois heures apres. Monfieurle Comte d'Auvergne courut auſſi grand hazard de la vie,
un Bouletayant emporté un Gabionderrierelequel il étoit.
Il fut couvert de pierres &de terre, il eut une contufion à la
teſte,quelques égratignuresau viſage;&la fiévre l'ayant pris,
leRoyluy fit donnerſa Litiere pour le conduire à la plus pro- chaine Ville.
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Lanuit du 7 au 8
La Tranchée du côté de la
Ville fut pouffée par les Gar- des à quarante pas de la Con- treſcarpe. Monfieur deCati- nal quien eſt Major General,
E ij
102 MERCURE.
ordonna à Monfieur de Beau
regard , & à Monfieurd'An- glure Capitaines au méme Corps , de prendre douze ou quinze de leurs meilleurs Sol- dats,avec un bon Sergentpour ſoûtenir leurs Sapeurs.Les En- nemis ſortirent au nombre de
trente ou quarante du côté de Monfieur le Marquis d'An- glure. Le Sergent détaché avec ce petit nombre de Sol- dats les attendit , & leur fit
unedécharge ſi à propos, qu'il enjetta pluſieurs par terre, les autres ſe retirerent dans leurs
Paliſſades . Ils tenterent la méme choſe à la gauche , & ils eurent un pareil ſuccés. On fitunLogement ſur le Baſtion attaché à la Ville. On dreſſa
lematin une Baterie de huic
pieces de Canon au Loge-
GALANT. 103 ment qu'on avoit fait ſur le méme Baſtion de l'attaque de la Ville. On mit en état la Baterie des Mortiers. M.de Megnac , Commiſſaire de l'Artillerie, fut tué.
Lanuit du 8 au 9 :
On acheva la communicationde toutes les Sapes ; la Tranchée du côté de l'Eſpla- nade fut avancée auſſi-bien
que celle qui eſt du côté de la
Campagne. L'on pratiqua deux Bateries , l'une ſur le Baſtion du Moulin à la gauche de l'attaque de la Ville , de dix
pieces de Canoſous M.Tibergeau&l'autre ſur leBaſtionde
Sainte Barbe, de ſept pieces à
ladroite vers la Portede France ſous M. d'Alinville. On
ne pouvoit pas mieux pofter E iij
104 LE MERCURE deux Bateries ; celle de Monſieur Tibergeau découvroit toute la Porte &le Pont de la
Citadelle à la Ville,avec toute
la face duBaſtion neuf ; & la
Baterie de Monfieur d'Alinville voyoit l'autre face du Ba- ſtion neuf, & celle du Baſtion
qui regarde la Porte du Se- cours.Al'Attaque de Picardie hors de la Ville,on avança une aurre Baterie qui démonta une
partieduCanondes Ennemis.
UnedenosBombes étant tombéedans la Citadelle ſur un
tas deGrenades,le feu s'y prit &fit un grand fracas ; celles que les Ennemis jetterent étoient ſi petites & fi foibles,
qu'entombant elles ſe caſſoiét fur le pavé. Les Afliegez ne craignoient rien tant que de
E
3
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GALANT. Iτος certains Manequins remplis de pierres de toutes groſſeurs,
que l'on met dans des Mor- tiers faits expres , & qui font plus longs que les autres : ces pierres s'écartent en l'air , &
briſent en tombant tout ce
qu'elles rencontrent ; les blef- fures en font dangereuſes , &
la gangrene s'y met bien toUE DELAVIZ
La nuit du 9 au 10 YON
On fit trois Bateries,ontra- vailla dans le Foffé pour s'ap
procher de la pointe du Ba- ſtion de la Place. Monfieur Faucher Ingenieur,allant viſi- ter les Sapes où les Ennemis jettoient une infinité de Gre- nades , reçent un coup de
Mouſquer dans la teſte. On acheva la communication de
la droite à lagauche entre les E iiij
106 LE MERCURE
deux Tranchées qui embraf- ſent deux Baſtions exterieurs
de la Placequi n'en a que qua -
tre. On auroit pû faire la dé- cente du Foffe ; mais comme
tout y étoit plein de Caponie- res &de Fourneaux , le Roy voulut ménager ſon monde.
Sa Majesté vit jetter des Bom- bes&des Carcaſſes , elles mirentle feu dans un Magaſin de Bois de la Citadelle qui fut conſommé ; ce qui obligea les Ennemis à ſe retirer dans leurs
Cazemates. Monfieur le Tillier Commiſſaire de l'Artillerie fut tué l'apreſdînée.
Le dixième au matin,M. le
Duc de Villeroy revenant de
la Tranchée, &s'en allant au
Camp par la Porte de Nôtre- Dame,dont le chemin étoit
battu de quelques Pieces de
GALANT. 107
S
2
la Citadelle que nôtre Canon
n'avoit pû démonter, on dit à
Monfieur le Marquis de Renel , qui étoit avec Monfieur
le Marquis d'Arcy, que Mon- ſieurle Duc de Villeroy ve- noit derriere luy; il fe retour- na pour aller au devant , &
voyant en méme temps mettre le feu au Canon il dit, Voilaqui estpour nous , & le Boulet luydonna auſſi- tôt dans le
milieudu corps.
Lanuit du 10 AU II .
Orpouſſa les Sapes à ladroi- te,&l'on fit des communications : les Affſiegez ſortirent à
la gauche & firent plier nos Travailleurs ; mais Meſſieurs
lesMarquis deTilladet &d'U- xelles les raſſureret & repouf- ferét les Enemis. Améme teps Ev
1
108 LE MERCURE
Meſſieurs de Chapereux &de Courtevin , Capitaines déta- chez de Picardie, prirent une grande Demy- lune reveſtuë &tres-bien cazematée , avec
des creneaux à trois gueules qui defendoient le Foffe , &
deux grandes Caponieres.Nos Soldats étant entrez dans les
Cazemates avec beaucoup de
vigueur, furent fort incommo- dez du feu qui s'y mit par le moyen des Poudres que les Ennemis y avoient laiſſées,&
dont ils avoient fait des traínées. Onfit un Logementàla gorge de la Demy - lune qui venoit d'être priſe , & l'on dreſſa deux Bateries à l'attaque gauche pour batre une Demy-lune du corps de la Citadelle.
GALANT. 109
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La nuit du II au 12 1
LeRoyayant réſolu de faire attaquertoute la Contreſcarpe du côté de l'Eſplanade , &de faire faire un Logement ſur le bordduFoſſé à lagauche hors de la Ville,les Suiſſes monterentlaTranchée,&l'on fit des
Détachemens de deux cens
Hommes des Gardes Françoi.
ſes du Regiment du Roy , du Regiment Dauphin , de ce- luy de Picardie , & de celuy des Fuſeliers. Les Capitaines détachez des Gardes étoient
M. d'Avezan, qui devoit être foûtenu par M. le Chevalier de Mirabeau en cas debeſoin.
M. le Chevalier de Tilladet
étoit le Mareſchal de Camp de jour; il y avoit un Brigadier à
la gauche.Monfieurle Prince
110 LE MERCURE
d'Elbeufétoit Ayde de Camp du Roy. L'ordre étoit donné
pour minuit , & on étoit con- venu qu'au dernier coup de Canon des huit que la Baterie de Tibergeau devoit tirer, on feroit connoître par un Vive le Roy à ceuxdes autres Atta- ques, que nous étions maîtres de la Contreſcarpe. Pluſieurs voulurent eſtre de la partie comme Volontaires , & entr'autres Monfieur le Marquis d'Anglure , qui montra autant d'impatience enatten- dant le Signal , que s'il n'euſt pas déja eu toute la réputation qu'il a ſi juſtement meritée.
Les autres étoient Monfieur
le Chevalier de Courtenay,
Monfieur le Marquis de Ma- loſe Neveu de Monfieur le
GALANT. III
Mareſchal de Lorge , Mr. le Vicomte de Maux petit - Fils
de M. le Duc d'Orval , M. le
Vicomte de Corbeil Fils de
M. le Comte de Bregy , M. le Chevalier de Feuquieres ,
Monfieur le Comte de la
Vauguyon , Monfieur le Jay Fils de M. le Preſident le Jay,
Monfieurle Chevalier d'Arnoul, & Meſſieurs Boiſy , de Rouvray,de Vauroüy,Parfait,
Goulon,Tilly,Asfeld Suedois,
&pluſieurs autres. Le Roy étoit vers la Porte de Peronne
qui devoit voir l'Attaque. Le dernier coupde Canon ayant tiré,on marcha dans un grand filéce juſques à la Contreſcar- pe. Ony fut à peine arrivé,que les Soldats firent un grand cry de Vive le Roy , & un grand
112 LE MERCURE
feu de Mouſquets & de cer- taines Machines de verre pleines de poudre , qui ne man- quent jamais de s'alumer en les jettant. On força tout ce qu'on rencontra , & l'on mar- cha en faiſant toûjours un fort grand feu juſques à une gue- rite du Rempart de la Ville qui aboutit ſur le Foſſé de la Citadelle. Les Ennemis qui n'oſoient lever la teſte ſur
leursBastions,nyſurleur cour.
tine, laifferent à nos Travailleurs tout le temps d'avancer leur Travail fans beaucoup de riſque. Les Affiegezſe conten- toient de jetter des Grenades qui tomboient difficilement
dans le chemin couvert,à cauſede la largeur du Foſſé. Ils s'apperçeurent de leur pen
GALANT. 113
ב
2
.
i
d'effet , &voyant que le feu des nôtres qui avoit déjaduré trois heures ſe ralentiſſoit par
le manquement de munitions,
par la laſſitude des Soldats , &
par la chaleur des Mouſquets qui commençoient à s'échauf.
fer beaucoup,ils firent de leur courtine &de la face de leur
Baſtion un feude Mouſquete- rie ſi grand juſques au jour,
qu'on ne ſçauroit s'imaginer qu'avecpeine comment le Lo- gement put être achevé. Il le fut cependant; mais on yper- dit du monde , & Meſſieurs les Chevaliers de Courtenay
S &d'Arnoul furent bleſſez,
auſſi- bien que Meſſieurs de
Rouvray, le Jay , Boify , Vau- roüy,Parfait, & le Fils de M. le Colonel Lokman. Il y eut un
Sous - Lieutenant de Catinal
114 LE MERCURE tué. Le Roy dit qu'il n'avois jamais veu un ſi grand feu.
Le douziéme pendant le jour on fit un trou à coups de Canon à la face du Baſtion, à
la gauche de la Ville, pour lo- ger le Mineur.
Lanuit du 12 au 13
On travailla à faire la communication des Attaques du côté de celle des Gardes. A
la gauche on fit une Baterie dansle Foffé de la Ville qui bâtit la muraille qui le ſepare d'avecceluy de la Citadelle,&
qui devoit foûtenir le Mineur qu'on avoit attaché à la face du Baſtio oppoſé à celuy de la Ville. Cette Baterie étoit ſoûtenuë par un Détachement des Grenadiers àcheval de la
MaiſonduRoy,tousGensd'é
GALANT. IJ
ELAV
VIL
lite , cõmandez par Monfieur Riotot. Le Mineur travailla
avec toute la diligéce poſſible,
&il avoit preſque tout diſpo- ſé , quandles ennemis qui en eurétquelque ſoupço,envoie- rent la nuit un Colonel Eſpa- gnol nomé Couvaruvias pour reconnoître ce qui ſe paffoit dans le Foffé . Son Bonnet fut emporté d'une moufquetade.
Lanuit du 13 au 14
Onélargit les Logemens &les Places d'armes àlattaque droite. On travailla à cinq Bate- ries à la gauche,& l'on fut oc- cupé à faire en deux endroits
la Defcente dans le Foffé , &
àdreſſer un Logement pour le Mineur , avec une Bateric
de quatre pieces. Le feu des ennemis fut fort grand pen- dant toute la nuit.
a
a
116 LE MERCEUR
Le 14. au matin.
Les Bateries pourbatre leBaſtion dela gauche, &cellesdu Foſſé pour favoriſet le Mi- neur,tirerent ſur les neufheures , & fur les dix on attaqua
hors de la Ville une Demy-lunedeterre à la gaucheduBa- ſtion . L'impatiéce de ceux qui étoient deſtinez pour l'atta- quer fut fi grande qu'ils ne purent attendre l'heure qui avoit été marquée. CetteDemy-lune fut auſſi-toſt empor- tée, quoy qu'elle fûr revêtuë par la gorge.On prit quelques Ennemis avec un Officier.
Monfieur Parifot Ingenieur étoit de jour, il avoit eu ordre de faire travailler à un Logement au milieu de la Demy- lune , & même au delà s'il
GALANT. 117
d
iétoit poſſible, afin qu'on pûc y
mettre plus de monde, &que les nôtres en fuſſent entierement maîtres.c'étoit un moye
תב d'éviter les Fourneaux qui sot
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ordinairement aux angles où l'on a accoûtumé de faire les
a- Logemens. On fit avancer les travailleurs avecleurs gabios,
facines &autres outils.Ils trat vaillerent pendat trois quarts
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d'heures à la faveur d'un fort
grand feu de nos Gens déta1
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chez,&de celuy qu'on faiſoit denosTravaux: cependat les Ennemis jetterent quatité de Grenades , & réſolurent de
nous chaffer. Un Regimet Il- ladois,avecpluſieurs Officiers Eſpagnols , fut comandé pour cela. Ils firent joüer un Fourneau ſur la gorge de la De-
118 LE MERCURE
my- lune ; pour s'en faciliter l'entrée , &parurent ſur leurs Baſtions & fur leur Courtine,
enfaiſant un feu extraordinaire. Il fut fi violent,que nos Soldats qui n'étoient plus en état de leur répondre par un auſſi grand , à caufede celuy qu'ils avoient déja fait , fu- rent obligez de ſe retirer , le Logement n'ayant pû être achevé Les Affiegez deſcen- dirent pour ruïner la teſte de nos Travaux ; mais Monfieur
le Duc de Villeroy ſoûtint leur premier effort , & les obligea de rentrer , de forte qu'ils ſe contenterent de re- prendre ce qu'ils avoient per- du. Meſſieurs d'Eronville ,
Dort Neveu de Monfieur de
Feuquieres , &Parifot Inge-
GALANT. 119
S
Di
1
nieur , furent bleſſez. Monſieur le Duc de Villeroy ſe tint toûjours dans un Poſte avancé , où il eſſuya pendant quatreheures le feu des En- nemis avec une fermeté inébranlable , Monfieur de Rubantel donna des marques d'une grande intrepidité , &
ſe tint dans la Demy - lune tantqu'on la put garder. Mon- ſieur le Marquis d'Uxelles y
donna des marques de fon courage & de ſa conduite.Les autres qui ſe ſignalerent , furent Monfieur le Marquis de Dangeau &Monfieur leMar- quis de Palaiſeau,Fils de Mõ- fieur le Maréchal de Clerambault, M.le Chevalier de Brevron - d'Harcour , Meſſieurs
les Vicomtes de Meaux &de
120 LE MERCURE
Corbeil , Monfieur des Crochets Capitaine au Regiment Dauphin; Meſſieurs d'agicour,
Goulon Ingénieur , &Affeld Suedois. Pluſieurs autres ſediſtinguerent encor ; je vous les feray connoiſtre quand j'en auray appris les noms. Les En- nemis firent une perte confi- dérable,&l'on n'en peutdou- ter , puis qu'ils demanderent eux meſmes une tréve pour retirer leurs Morts. Elle commença à deux heures apres midy, &dura une demy-heu- ge, ou trois quarts-d'heure.
On leur apprit pendant ce temps , que les trois Déchar- ges que nous avions faites ily
avoit deux jours , eſtoient en réjoüiſſance de la Victoire que Monfieur avoit renportée ſur
GALANT. 121
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le Prince d'Orange. Monfieur le Ducde Villeroy & Mon- ſieur le Marquis de Dangeau,
curent un entretien avec le
Colonel Couvaruvias qui eftoit ſur le Baſtion ſous lequel le Mineur eſtoit attaché , &
Monfieurle Duc de Villeroy ne fit point de dificulté deluy enmontrer le trou.
Lanuit du 14 au 15 A l'Attaque de la droite ,
on fit un Logement à la gorge
de la Demy-lunequi couvre la Porte de la Citadelle. Ala
gauche , on travailla à unLo- gement de la Contreſcarpe d'une Demy-lune. Onne per- dit qu'un Homecette nuit-là.
Lanuit duis au 16 Onſe rendit maiſtre de la
Demy- lune que les Ennemis
YOU
122 GALANT.
avoient repriſe ; & tous ceux
qui la gardoient furent pris ou tuez. Monfieur la Magno Ca- pitaine au Regimét Dauphin fut bleffé ,&l'on pratiqua un Logement à lapointe. Ala droite on plaça trois Bateries àl'angle de la face du Baſtion neuf. Elles furent dreſſées par l'ordre de Monfieur du Mets,
&par les ſoins de Monfieur
d'Alinville , & firent un ſi ef- froyable feu , &une bréche ſi conſidérable,queles Ennemis furent contrains de retirer leur Canon en arriere,dans
la crainte qu'ils eurent que le Baſtion contre lequel ces Ba- teries donnoient ,
ne s'éboulaſt , &n'entrainaſt leur Artilleriedans les Foſſé. Ils avancerēt des Chevauxde friſe pour garder
GALANT. 123
X
n
la
e
A
al
S
F
garder leur Bréche.
Le 16
Le Mineur étant attaché
au Baſtion neuf, &la Mine en
état de faire ſon effet , on fit
dire au Gouverneur que le Roy avoit bien voulu qu'il fût averty de l'état des choſes;
qu'il devoitſe rendre,puis que le Canon avoit déja fait une bréche aſſez grade pourmon- ter à l'Affaut , &que la Mine
étoit preſte à joüer ; que s'il s'opiniatroit davantage , Sa Majeſté auroit le déplaiſir de ſe voir contrainte à le forcer
par les armes; qu'ayant donné aſſez de marques de valeur &
dereſiſtance,il nedevoit point refuſer'la Compoſition qu'Elle étoit preſte à luy donner;
qu'Elle offroitde faire voir à
Tome 3 .
F
124 LE MERCURE ceux qu'il luy voudroit envo- yer , que les choſes eſtoient enlamanierequ'on les diſoit;
&que ſi apres cela il s'obſtinoit à ſe defendre , il ne de- voit point eſperer d'autre par- tyqueceluydeſe rendre àdif- cretio. LeGouverneur répõdit à cela , apres avoir tenu Con- ſeil , qu'il eſtoit bien obligé à
la bonté du Roy ; mais qu'il croyoit qu'eſtant le plus ge- néreux Prince du monde ; il
ne ſeroit pas fâchéqu'il fiſtſon devoir, puisqu'enſe défendat bien , la conqueſte en ſeroit plus glorieuſe pour les ar- mes de Sa Majesté,que cepen.
dant il oſoit l'aſſurer quil ne ſe voyoit pas encor en état de pouvoirétre ſi -tôt réduit àré- dre la Place,puis que quandle
GALANT. 125
コー
Hie
ar
if
di
n
Baſtion où eſtoit attaché le
Mineur , ſeroit ſauté , il luy reſtoit trois Baſtions qu'ildé- fendroit comme autant deCitadelles. Le Gouverneur apres cette réponce , régala & fit boiredu Vind'Eſpagne à ceux qui l'eſtoient venu ſommer.
Le Roy commanda auſſitoſt qu'on relevaſt la Tranchée,&
qu'on retiraſt les Bateries &
il
1
2
1
lesCorps deGarde qui eſtoiết proche des Fourneaux
peur qu'ils n'en fuſſent endo- magez. On mit en ſuite le feu à la Mine , qui fit tout l'effet
que l'on pouvoit ſouhaiter ,
mais fans beaucoup de bruit ,
ayant fait en éboulant une bréche au Baſtion depuis le hautjuſques au bas , que l'on élargit encore avec le Canon.
د
de
Fij
126 LE MERCURE
Monfieur le Maréchal de la
Feüillade qui commandoit les
Attaques le jour que la Mine joüa, ne voulant point hazar- derun Affaut ſans eſtre aſſuré
ſi les Ennemis étoient retranchez dans la gorgedu Baſtion,
refolut d'en faire reconnoître
l'état.ll demanda au Major des Gardes àqui des Lieutenans c'étoit à marcher ; & ayant ſçeu que c'étoit à Monfieur de Boiſſelau , il adjoûta que c'é- toit ſon Homme, & qu'on le fiſt venir. Il luy commandade monter fur le haut duBaſtion
pour reconnoître ſi les Enne- mis étoient retranchez , &
voir leur contenance , luy
donna trente Grenadiers des
Gardes pour le ſoûtenir , &
le fit accompagner du Ne-
GALAN Τ. 127
10
e
.
e
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1
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S
e
-
veu de Monfieur de Vauban,
&de Monfieur Goulon Inge- nieurs, afin qu'ils puſſent tous enſemble rendre un fidelle
rapport de l'état des Ennemis.
Monfieur de Boiſſelau ſe mit
à la teſte de ces Gens détachez avec M. Solus SousLieutenant aux Gardes , &
M.des Crochets Capitaine du Regiment Dauphin. Le che- min étoit fi difficile,& la terre
ſi molle,que ce ne fut pas ſans beaucoup de peine qu'ils mõ- terent ſur le Baſtion.Ils apper.
çeurent un petit Retranche- ment àdix pas d'eux , où il y
avoit cinquate Grenadiers des
Ennemis qui leur firent un
S tres-grad feu, qui n'empeſcha pourtat pas qu'ils n'examinaf- fent chacunde leur coſté ce
Fiij
128 LE MERCURE
qu'il y avoit à remarquer.
Monfieur de Boiffel'au commanda aux trente Grenadiers
qu'il avoit avec luy de jetter leurs Grenades dans le Loge- mentdes Ennemis : ils étoient
retranchez à la gorge de leur Baſtion, &avoient un Parapet fort élevé au deſſus du petit Retranchement où étoient
leurs Grenadiers. Ils firent un
feu continuel de mouſquete- rie,& jetterent une ſi grande quantité de Grenades, que le Neveu de Monfieur de Vauban fut tué auffi-bien que
ququelques Soldats. Mõſieur des Crochets fut bleſſé , &M. de Boiſſelau eut un coup de Gre- nade ſur l'épaule ,qui alla fai- re fon effet plus loin ſans le bleſſer. Monfieur le Maréchal de la Feüillade attendoit
GALANT. 119
S
コ
!
コ
a
-
-
au pied de la Bréche ; mais voyantque Monfieur de Boif- ſelauqui étoit monté deſſus ,
y avoit demeuré pres d'un quart d'heure ſans luy venir faire fon rapport , il luy en- voyadire deux fois dedeſcen- dre.Il executa cet ordre,ayant fait retirer devant luy les Morts & les Bleſſez. Il rendit compte à Monfieur de la Feüillade de l'état des Ennemis& de leurs Retranchemens , & ce Maréchal le fut rendre en ſuite à Sa Majeſté.
Lanuit du 16au 17.
On n'entreprit rien
Le17
THE
Onfitdans lademy-lunere
veſtuë,un Logement tout du longde la facedroite, afin d'y poſter des Gens pour faire Fiiij
130 LE MERCURE feu ſur la Bréche. On dreſſa
une Baterie à Mortiers dans
cette méme Demy- lune , &
aubas de la Bréche, une autre
Baterie pour tirer des pierres.
Nôtre Canon fit une bréche
de plus de quarante pas au Baſtionde la droite ; mais il ſe
trouva une muraille derriere.
On crût queles Ennemis vouloient fouffrir un Aſſaut, mais
ils ne l'attendirent pas , &ju- geant bien qu'ils pouvoient étre forcez , puis que trente Hommes avoient pû monter furleur Baſtion , le Gouverneur qui ne donnoit plus ſes
ordres que dans une Cazemate, & à la clarté d'une Bougie,
fit batre la Chamade. On courut en porter la Nouvelle au Roy.Il étoit à la Meſſe,&il en4
GALANT. 131 tendit dire que le feu avoit pris à ſon Quartier , & qu'on battoit la Chamade , ſans donner aucune marque qu'il eût rien entendu que la Meſſe ne fût achevée. On donna des
Oſtages de part &d'autre , &
la Negotiation dura deux heures. Les Ennemis envoye- rent le Comte de Tilly Goa
neral de leur Cavalerie , le
Colonel Couvaruvas Eſpa- gnol, & le Colonel Buis,pour traiter des Articles de la Capitulation. Ils en propoſerent quelques-uns, &ſe remiréten- fin entieremét à lageneroſité du Roy , ſans rien exiger que ce qu'il luy plairoit de leur ac- corder. Cette foûmiſſion leur
fut avantageuſe,puis qu'il leur fut permis de faire fortir leur Infanterie par la
2
Fv
132 LE MERCURE
pour
Breche , Tambour battant ,
*Meſche allumée par les deux bouts , Enſeignes déployées ,
&leur Cavalerie en ordre de
Gens de Guerre par la Porte du Secours pour être conduits
àBruxelles , avec deux pieces
de Canon, deux Mortiers , &
cinquante Chariots porter ceux de leurs Malades qui pouvoient étre tranſpor- rez. Le Roy leur promit de plus d'établir un Hôpital pour ceux qu'ils ne pouroient emmener, &qu'il donneroit per- miſſion à quelques-uns de leurs Officiers d'en venir
prendre ſoin , &de demeurer
dans la Ville. Le Gouverneur
nommé Dom pedro de Sava- lafortit àlaqueuë deſa Cava- lerie , couchédans ſon Carof-
GALANT.
133
a
S
ſeparce qu'il avoit été bleſſé.
LeRoyluydit quelques paro- les obligeantes ſur ſes bleſſu- res ; à quoy il répondit.Ah,Sa- crée Majesté , qu'un rencontre comme celuy-cy m'auroitfaitfai- re de folies dans un âge moins avancée! Mais graces àl'expe- rience de quelques années , j'ay bien connu le Prince à qui nous
avions àfaire , & trouvé qu'il valoit mieuxfubir le joug de bonne grace , que de prodiguer inu- tilement le fang des Nôtres par uneplus longue resistance. Il fortit de la Citadelle environ fix
cens Dragons & Cravates ,
dont les Officiers rendirent leurs foûmiffions au Roy
L'Infanterie Eſpagnole pa- rut fort bonne : elle compoſoit deux vieilles Terces,
134 LE MERCURE
l'une deCanarie, &l'autre de
Couvaruvias. Les Fantaſſins
avoient tous des Rondaches ,
degroſſes Piques , &de gros Mouſquets. Leurs Soldats
Hollandois étoient bons,quoy qu'âgez ; mais les VValons étoient trop jeunes , &la plû- part nus. Ils ſortirent environ deux mille quatre cens Hom- mes. Il y avoit beaucoup. de Negres dans le Regiment de Canarie.
Le lendemain 19.le Roy alla
faire chanter le Te Deum dans
l'Egliſe Cathedrale de Cam- bray , où tout le Clergé le re- çeut à la Porte. C'eſt une des plus belles Eglifesde l'Europe,
il y adeux Jubez,dont l'un eſt
toutde cuivre,&tres bien travaillé. La Porte du Cœur eſt de
GALAN T. 135
5
コ
la même matiere , &toute ci- zelée. Son Horloge ſonne à
toute les heures &demy heu.
res , un Carillon en muſique.
Outre le Trefor de l'Eglife , il ya encor celuy de Notre-Da- medeGrace,dontla Chapel- le qui eſt dans la même Ca- thedrale, eſt tres- magnifique.
Son Tabernacle eſt d'argent cizelé,& éclairé àtoute heure
par vingt Lampes d'un fort grand prix. Il y a neufParoif- ſesdans la Ville , & des Monaſteres à proportion.Les Bâ- timens en ſont aſſez beaux,
auffi-bien que les Ruës. Sa Place d'armes eſt d'une gran- deur extraordinaire , &capa- blede contenir toute la Garniſon enbataille.
Apres le TeDeum , le Roy fut voir tous les Travaux , &
136 LE MERCURE
viſiter la Citadelle.Un Officier
Eſpagnol qui avoit été bleſſé,
&qui parut tres- galant Hom- me à quelques François qui l'entretinrent , les aſſura que dans la ſeule Citadelle il y
avoit eu plus de mille Hom- mes tuez ou bleſſez .
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Résumé : La nuit du 5 au 6 d'Avril
Du 5 au 14 avril, plusieurs actions militaires ont été menées autour d'une citadelle. La nuit du 5 au 6 avril, le roi ordonna l'ouverture d'une tranchée à l'esplanade de la citadelle et le début d'une attaque extérieure. Les travaux incluaient le gabionnage des avenues et le creusement de sapes. La tranchée utilisée pour attaquer la ville fut également poussée vers la gauche contre la citadelle. Les nuits suivantes, les Suisses renforcèrent leurs positions dans la ville, tandis que les ennemis tentèrent plusieurs sorties, repoussées par les défenseurs. Des batteries furent mises en état de tirer malgré les pertes causées par le canon ennemi. La nuit du 7 au 8 avril, la tranchée fut poussée à quarante pas de la contrescarpe, et une batterie de huit pièces de canon fut dressée. La nuit du 8 au 9 avril, la communication entre les sapes fut achevée, et deux batteries furent pratiquées sur les bastions du Moulin et de Sainte-Barbe. Une bombe tomba dans la citadelle, causant un grand fracas. Le 10 avril au matin, le duc de Villeroy fut tué par un boulet de canon. Les nuits suivantes, les assiégés tentèrent de perturber les travaux des défenseurs, mais furent repoussés. Une demi-lune bien fortifiée fut prise par les capitaines Chapereux et Courtevin. Le 11 avril, le roi ordonna l'attaque de toute la contrescarpe du côté de l'esplanade, et les travaux continuèrent pour faire la communication des attaques du côté des Gardes. Le 14 avril, les batteries tirèrent sur le bastion de gauche et le fossé pour soutenir le mineur, et une demi-lune fut attaquée et prise. Les travaux de fortification se poursuivirent avec la construction de logements et de batteries. Le gouverneur refusa de se rendre, affirmant qu'il défendrait les bastions restants. Le roi ordonna de mettre le feu à une mine, créant une brèche significative. Malgré un feu ennemi intense, le Lieutenant de Boisselau put rendre compte de la situation. Le gouverneur battit finalement la chamade, signifiant sa reddition. Les négociations aboutirent à une capitulation favorable aux ennemis, leur permettant de quitter la ville avec honneur. Le roi visita l'église cathédrale de Cambrai et inspecta les travaux et la citadelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 193-209
« Il me souvient, Madame, que je vous ay déja parlé [...] »
Début :
Il me souvient, Madame, que je vous ay déja parlé [...]
Mots clefs :
Valeur, Cambrai, Famille, Tranchée, Chevalier, Citadelle, Marquis, Ennemis, Contrescarpe, Guerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Il me souvient, Madame, que je vous ay déja parlé [...] »
Il me ſouvient,Madame, que je vous aydéja parlépluſieurs foisdela Famille de Monfieur
le Maréchal de la Feüillade,
&du merite particulier de ce Duc. Vous ſçavez ce qu'il
GALANT. 143 a fait en Hongrie, en Candie,
& en France , &je puis vous ☐ aſſurer qu'il a continué à don- ner pendant cette Campagne des marquesde ſa valeur &de fon grand zele pour la gloire du Roy. L'un & l'autre ont pa.
ru devat la Citadellede Cambray , & je vous ay marqué qu'il attendoit luy-même au pied de la Bréche la réponſe de ceux qu'il yavoit fait mon- ter pour reconnoître l'état des
Ennemis. Quelques jours au- paravant un Boulet de Canon avoit paſſe ſous le ventre de ſon Cheval, & il avoit penſé en eſtre tué.
S
Monfieur le Mareſchal de
Lorge a beaucoup contribué à la priſe de la Contreſcarpe.
Il eſt de la Maiſon de Duras,
qui eſt une des plus Illuſtres
144 LE MERCURE
deGuienne. Il a ſervy tres-uti- lement le Roy en Italie. On
ne peut s'attacher avec une
plus grande application au mêtier de la Guerre , & il a fi bien étudié ce grand Art ſous feu MonfieurdeTurenne fon
Oncle, qu'il en met toutes les
manieres en pratique lors que l'occaſion s'en preſente. La fameuſeRetraite qu'il fit apres la mort de ce grand Homme,
àla veuë d'une Armée beaucoup plus forte que la ſienne,
fait beaucoup mieux ſonElo- ge,que tout ce que j'en pour- rois dire.
Je ne parle point icy des Of- ficiers Generaux , ils ſe ſont
montrez dignes du choix de Sa Majesté, & je ne ferois en
vous entretenant de leurs
GALANT. 145 - actions paſſées que vous re- peter ce que je vous ay déja ditend'autres endroits. Al'é-
■ gard de Cambray , on ne peut douter qu'ils n'ayent fait voir - & beaucoup de conduite &
1 beaucoup de valeur,puis qu'ils ont tour à tour monté la
- Tranchée , & que dans les occafions les plus perilleuſes ils ont les premiers eſſuyé le feu des Ennemis àla tête des
Troupes qu'ils commădoient.
Monfieur le Prince d'Elbeuf,
Aydede Camp du Roy, a fait voir une ardeur fi boüillante,
que ſi on ne l'eût ſouvét rete- nu de force, il ſe ſeroit expoſé à tous les perils du Siege,Mõ- ſieur le Comte d'Auvergne ne voulant point le laiſſer al- ler àl'attaque des deux De
146 LE MERCURE
my-lunes,ce Prince fit ce qu'il put pour ſe dérober de luy, &
rien ne le put empêcher d'y venir à la fin de l'attaque; mais le peril ſe trouva alors plus grand , parce que les Enne- mis ne tirerent de leurs Remparts quelors que leurs Gens furent fortis des Demy-lunes,
de peur de tirer fur eux. Ce Prince y demeura tant qu'on fit le Logement , & fut pen- dant tout ce temps expoſé au feudes Ennemis. Il étoit auſſi
àl'artaque de la Contreſcarpe.
Monfieur le Chevalier de
Feuquieres qui s'eſt diſtingué au Siege de la Citadelle , eſt Fils de Monfieur le Marquis de Feuquieres Gouverneur de Verdun , & Ambaſſadeur en Suéde,petit- Fils du fameux
Marquis
GALANT. 147
Marquis de Feuquieres , qui a commandé fi long-temps les Armées du feu Roy en Al- lemagne : l'Hiſtoire eſt rem- plie de ſes Victoires , & des fameuſes Negotiations qu'il a faites aupresde la plusgran- de partie des Princes Etrangers. Le Chevalier dont nous
parlons eſt bien fait, &il don- ne tous les jours marques de ſa valeur.
de nouvelles
La mort de Monfieur leLYON
Marquis de Renel ne medoit 8435
pas empécher de parler de luy , & je croy devoir rendre juſtice àſa memoire. Sa Valeur étoit connuë , il avoit des
Amis du premier rang , & il étoit aiméde ſon Maître. Ce
n'eſt pas d'aujourd'huy que le Titre de Marquis eſt dans
Tome 3 . G
148 GALANT.
ſa Famille , & l'Hiſtoire nous parle d'un Marquis de Renel Gouverneur de Vitry qui fu- tué en 1615 en voulant em- peſcher la jonction de ſix cent Reïſtres àl'Armée des Princes. On ne peut douter de la Nobleſſe de cette Famille
puisqu'elledeſcendde la Mai- ſond'Amboiſe , ſi connuë das
toutes nos Hiſtoires. La douleur que Madame la Marqui- ſe de Renel ſent encor tous les
jours dela pertequ'elle a faite,
ſeroit difficile à exprimer.El- le aimoit celuy qu'elle pleure avecunetendreſſe inconcevable;mais cette tendreſſe n'empeſchoit pointqu'elle ne facri- fiât toutes chofes , afin qu'il puſt ſervir ſon Prince en hom- mede ſaQualité.
LE MER CURE 149 Monfieur le Vicomte de
1 Meaux , Fils de Monfieur dę
Betune ,&petit- Fils de Monfieur le Duc d'Orval , s'eſt
trouvé dans toutes les occafions de vigueur ; & l'on n'en ſçauroit douter, puis qu'il a re- çeupendant le ſeul Siege dont nous parlonsjuſqu'à fix coups,
dont heureuſement pour luy il a eſté quite pour quel- ques contufions. Monfieur le Duc d'Orval dont je vous parle , eſt Fils de Monfieur le Duc de Sully , Favory de
Henry IV.
s
Monfieur le Comte de la
Vauguyon s'eſt ſignalé en en- trant le troifiéme dans la Contreſcarpe. Il a eſté Chambella
deMonfieur. Il eſt d'une tresbonne Famille de Poitou , &
fon Pere a eu des Emplois
Gij
ISO LE MERCURE confiderables dans les Indes.
Monfieur 'le Vicomte de
Corbeil , Fils de Monfieur le
Comte de Bregy , Lieutenant General , & autrefois Ambaffadeur Extraordinaire en Pologne , s'eſt trouvé à toutes les attaques de la Citadelle de Cambray , & ne s'y eſt pas trouvé des derniers. Il eſt ſi
modeſte là-deſſus , & donne
tant de loüanges à tous ceux qui s'y ſont ſignalez,qu'il ſem- ble qu'il ne croye pas en me- riter : cependant il eſt impof- fiblede raiſonner de la maniere qu'il fait ſur tout ce qui s'y eſt paffé de plus particulier ,
ſans avoir eſté exposé aux plus grands périls. Il ſçait le mêtier de la Guerre,il entend
GALANT. 151 les Fortifications,&il en parle
auſſi juſte que Madamela Co- teſſe de Bregy ſa Mere écrit agreablement.Je n'oſe vous en dire davantage, ſçachat qu'el- le cache avec grand foin tou- tes les belles productions de ſon eſprit , &qu'elle ne ſe ré- ſout qu'avec peine à les com- muniquer à ceux à qui elles ſe cofie le plus.Elle al'eſprit bril- lant &folide tout enſemble,
&donne un tour ſi agreable à
tout ce qu'elle dit , qu'on ne
- ſort jamais d'avec elle ſans étre charméde ſa converſatio.Elle
eſt genereuſe, & fert ſes Amis
avec une ardeur qu'on ne peut affez loüer. Jugez , Mada- me, ſi ce n'eſt pas avec raiſon que tant de belles qualitez Giij
152 LE MERCURE luy ont acquis l'eſtime parti- culiere de Leurs Alteſſes
Royales ; mais le zele qui m'enporte en parlant d'une Perſonne qui a tant de merite,
me fait oublier que je ſuis en- cor devant la Citadelle de
Cambray,ou du moins quej'y dois étre. Il eſt temps d'en être. Il eſt temps d'enfortir fi
jeveuxvous mander d'autres Nouvelles. Achevons donc
en deux mots , & diſons que
les Pages du Roy ont tous fais voir une valeur digne de la
naiſſance qu'il faut avoir pour obtenir un Poſte ſi avantageux. Il s'en trouvoit tous les jours deux à la tête desBatail- lonsquimontoient les Gardes des Tranchées ; Sa Majesté l'avoit ordonné ainſi pour les
GALANT. 153 empêcher d'y aller tous. Ce- pendant il étoit ſouvent diffi- cile de les retenir.
Je vous parlerois icy de Monfieur du Mets , ſi je n'é- tois accablé par la matiere.
C'eſt un Article que je fuis
obligéde remettre àune autre fois , &de finir en vous diſant qu'il nemérite pas moins de loüanges pour ſa vigilance &
fes foins , que Monfieur de Vauban pour les grands &
prodigieux Travaux qu'il a
fait faire , & qu'il a fi bien,
conduits ; ayant particuliere- ment recherché les moyens ,
d'épargner le fang , enq
le Maréchal de la Feüillade,
&du merite particulier de ce Duc. Vous ſçavez ce qu'il
GALANT. 143 a fait en Hongrie, en Candie,
& en France , &je puis vous ☐ aſſurer qu'il a continué à don- ner pendant cette Campagne des marquesde ſa valeur &de fon grand zele pour la gloire du Roy. L'un & l'autre ont pa.
ru devat la Citadellede Cambray , & je vous ay marqué qu'il attendoit luy-même au pied de la Bréche la réponſe de ceux qu'il yavoit fait mon- ter pour reconnoître l'état des
Ennemis. Quelques jours au- paravant un Boulet de Canon avoit paſſe ſous le ventre de ſon Cheval, & il avoit penſé en eſtre tué.
S
Monfieur le Mareſchal de
Lorge a beaucoup contribué à la priſe de la Contreſcarpe.
Il eſt de la Maiſon de Duras,
qui eſt une des plus Illuſtres
144 LE MERCURE
deGuienne. Il a ſervy tres-uti- lement le Roy en Italie. On
ne peut s'attacher avec une
plus grande application au mêtier de la Guerre , & il a fi bien étudié ce grand Art ſous feu MonfieurdeTurenne fon
Oncle, qu'il en met toutes les
manieres en pratique lors que l'occaſion s'en preſente. La fameuſeRetraite qu'il fit apres la mort de ce grand Homme,
àla veuë d'une Armée beaucoup plus forte que la ſienne,
fait beaucoup mieux ſonElo- ge,que tout ce que j'en pour- rois dire.
Je ne parle point icy des Of- ficiers Generaux , ils ſe ſont
montrez dignes du choix de Sa Majesté, & je ne ferois en
vous entretenant de leurs
GALANT. 145 - actions paſſées que vous re- peter ce que je vous ay déja ditend'autres endroits. Al'é-
■ gard de Cambray , on ne peut douter qu'ils n'ayent fait voir - & beaucoup de conduite &
1 beaucoup de valeur,puis qu'ils ont tour à tour monté la
- Tranchée , & que dans les occafions les plus perilleuſes ils ont les premiers eſſuyé le feu des Ennemis àla tête des
Troupes qu'ils commădoient.
Monfieur le Prince d'Elbeuf,
Aydede Camp du Roy, a fait voir une ardeur fi boüillante,
que ſi on ne l'eût ſouvét rete- nu de force, il ſe ſeroit expoſé à tous les perils du Siege,Mõ- ſieur le Comte d'Auvergne ne voulant point le laiſſer al- ler àl'attaque des deux De
146 LE MERCURE
my-lunes,ce Prince fit ce qu'il put pour ſe dérober de luy, &
rien ne le put empêcher d'y venir à la fin de l'attaque; mais le peril ſe trouva alors plus grand , parce que les Enne- mis ne tirerent de leurs Remparts quelors que leurs Gens furent fortis des Demy-lunes,
de peur de tirer fur eux. Ce Prince y demeura tant qu'on fit le Logement , & fut pen- dant tout ce temps expoſé au feudes Ennemis. Il étoit auſſi
àl'artaque de la Contreſcarpe.
Monfieur le Chevalier de
Feuquieres qui s'eſt diſtingué au Siege de la Citadelle , eſt Fils de Monfieur le Marquis de Feuquieres Gouverneur de Verdun , & Ambaſſadeur en Suéde,petit- Fils du fameux
Marquis
GALANT. 147
Marquis de Feuquieres , qui a commandé fi long-temps les Armées du feu Roy en Al- lemagne : l'Hiſtoire eſt rem- plie de ſes Victoires , & des fameuſes Negotiations qu'il a faites aupresde la plusgran- de partie des Princes Etrangers. Le Chevalier dont nous
parlons eſt bien fait, &il don- ne tous les jours marques de ſa valeur.
de nouvelles
La mort de Monfieur leLYON
Marquis de Renel ne medoit 8435
pas empécher de parler de luy , & je croy devoir rendre juſtice àſa memoire. Sa Valeur étoit connuë , il avoit des
Amis du premier rang , & il étoit aiméde ſon Maître. Ce
n'eſt pas d'aujourd'huy que le Titre de Marquis eſt dans
Tome 3 . G
148 GALANT.
ſa Famille , & l'Hiſtoire nous parle d'un Marquis de Renel Gouverneur de Vitry qui fu- tué en 1615 en voulant em- peſcher la jonction de ſix cent Reïſtres àl'Armée des Princes. On ne peut douter de la Nobleſſe de cette Famille
puisqu'elledeſcendde la Mai- ſond'Amboiſe , ſi connuë das
toutes nos Hiſtoires. La douleur que Madame la Marqui- ſe de Renel ſent encor tous les
jours dela pertequ'elle a faite,
ſeroit difficile à exprimer.El- le aimoit celuy qu'elle pleure avecunetendreſſe inconcevable;mais cette tendreſſe n'empeſchoit pointqu'elle ne facri- fiât toutes chofes , afin qu'il puſt ſervir ſon Prince en hom- mede ſaQualité.
LE MER CURE 149 Monfieur le Vicomte de
1 Meaux , Fils de Monfieur dę
Betune ,&petit- Fils de Monfieur le Duc d'Orval , s'eſt
trouvé dans toutes les occafions de vigueur ; & l'on n'en ſçauroit douter, puis qu'il a re- çeupendant le ſeul Siege dont nous parlonsjuſqu'à fix coups,
dont heureuſement pour luy il a eſté quite pour quel- ques contufions. Monfieur le Duc d'Orval dont je vous parle , eſt Fils de Monfieur le Duc de Sully , Favory de
Henry IV.
s
Monfieur le Comte de la
Vauguyon s'eſt ſignalé en en- trant le troifiéme dans la Contreſcarpe. Il a eſté Chambella
deMonfieur. Il eſt d'une tresbonne Famille de Poitou , &
fon Pere a eu des Emplois
Gij
ISO LE MERCURE confiderables dans les Indes.
Monfieur 'le Vicomte de
Corbeil , Fils de Monfieur le
Comte de Bregy , Lieutenant General , & autrefois Ambaffadeur Extraordinaire en Pologne , s'eſt trouvé à toutes les attaques de la Citadelle de Cambray , & ne s'y eſt pas trouvé des derniers. Il eſt ſi
modeſte là-deſſus , & donne
tant de loüanges à tous ceux qui s'y ſont ſignalez,qu'il ſem- ble qu'il ne croye pas en me- riter : cependant il eſt impof- fiblede raiſonner de la maniere qu'il fait ſur tout ce qui s'y eſt paffé de plus particulier ,
ſans avoir eſté exposé aux plus grands périls. Il ſçait le mêtier de la Guerre,il entend
GALANT. 151 les Fortifications,&il en parle
auſſi juſte que Madamela Co- teſſe de Bregy ſa Mere écrit agreablement.Je n'oſe vous en dire davantage, ſçachat qu'el- le cache avec grand foin tou- tes les belles productions de ſon eſprit , &qu'elle ne ſe ré- ſout qu'avec peine à les com- muniquer à ceux à qui elles ſe cofie le plus.Elle al'eſprit bril- lant &folide tout enſemble,
&donne un tour ſi agreable à
tout ce qu'elle dit , qu'on ne
- ſort jamais d'avec elle ſans étre charméde ſa converſatio.Elle
eſt genereuſe, & fert ſes Amis
avec une ardeur qu'on ne peut affez loüer. Jugez , Mada- me, ſi ce n'eſt pas avec raiſon que tant de belles qualitez Giij
152 LE MERCURE luy ont acquis l'eſtime parti- culiere de Leurs Alteſſes
Royales ; mais le zele qui m'enporte en parlant d'une Perſonne qui a tant de merite,
me fait oublier que je ſuis en- cor devant la Citadelle de
Cambray,ou du moins quej'y dois étre. Il eſt temps d'en être. Il eſt temps d'enfortir fi
jeveuxvous mander d'autres Nouvelles. Achevons donc
en deux mots , & diſons que
les Pages du Roy ont tous fais voir une valeur digne de la
naiſſance qu'il faut avoir pour obtenir un Poſte ſi avantageux. Il s'en trouvoit tous les jours deux à la tête desBatail- lonsquimontoient les Gardes des Tranchées ; Sa Majesté l'avoit ordonné ainſi pour les
GALANT. 153 empêcher d'y aller tous. Ce- pendant il étoit ſouvent diffi- cile de les retenir.
Je vous parlerois icy de Monfieur du Mets , ſi je n'é- tois accablé par la matiere.
C'eſt un Article que je fuis
obligéde remettre àune autre fois , &de finir en vous diſant qu'il nemérite pas moins de loüanges pour ſa vigilance &
fes foins , que Monfieur de Vauban pour les grands &
prodigieux Travaux qu'il a
fait faire , & qu'il a fi bien,
conduits ; ayant particuliere- ment recherché les moyens ,
d'épargner le fang , enq
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Résumé : « Il me souvient, Madame, que je vous ay déja parlé [...] »
Le texte décrit les exploits militaires de divers nobles et officiers lors du siège de la citadelle de Cambray. Le Maréchal de la Feuillade est particulièrement loué pour ses actions en Hongrie, en Candie et en France, ainsi que pour sa bravoure durant la campagne. Le Maréchal de Lorge, membre de la maison de Duras, est également mentionné pour ses contributions, notamment sa célèbre retraite après la mort de Turenne, son oncle. Les officiers généraux se sont distingués par leur conduite et leur valeur, montant la tranchée et affrontant les ennemis. Le Prince d'Elbeuf a montré une ardeur exceptionnelle, se mettant en danger lors des attaques. Le Chevalier de Feuquières, fils du Marquis de Feuquières, a également été remarqué pour sa valeur. Le texte rend hommage au Marquis de Renel, connu pour sa bravoure et son dévouement à son maître. Le Vicomte de Meaux, fils du Duc de Betune et petit-fils du Duc d'Orval, a reçu plusieurs blessures. Le Comte de la Vauguyon s'est signalé en entrant dans la contrescarpe. Le Vicomte de Corbeil, fils du Comte de Bregy, a participé à toutes les attaques et est reconnu pour ses compétences en fortifications. Les pages du roi ont également montré une grande valeur en montant les gardes des tranchées. Le texte mentionne brièvement la vigilance de Monsieur du Mets et les travaux de Monsieur de Vauban.
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4
p. 66-71
« Je croy qu'ils ont tous fait paroistre un courage [...] »
Début :
Je croy qu'ils ont tous fait paroistre un courage [...]
Mots clefs :
Régiment des gardes, Officiers généraux, Attaque, Cambrai, Citadelle
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texteReconnaissance textuelle : « Je croy qu'ils ont tous fait paroistre un courage [...] »
Je croy qu'ils ont tous faitparoiſtre un coura- ge dignede leur naiſſance , ce- pendant je ne puis rien dire de
GALANT. 43
d:
en
Tes
en
particulier que de ceux , dont le hazard ou leurs Amis m'ont inftruit. Je ſçay ſeulement que la pluſpart ſe ſont ſouvent écha- pez pour aller , comme Volon- taires , auxAttaquesqui ſe ſont faites les jours qu'ils n'eſtoient pointde Garde.
Monfieur de Braque , d'une
le
desplus puiſſantes Maiſons du Royaume , &Meſſieurs de Boif- dennemets & le Feron ſe ſignaHe lerentàla teſteduRegimentdes Gardes , le jour que la Ville de
es
1
S
Valenciennes fut emportée; ils prirent pluſieurs Officiers des Ennemis , auſquels ils donne- rentla vie. Ils les mirent entre
les mains des Mouſquetaires
Noirs & allerent en ſuite au
Guichetde laVille , où ils arriverent des premiers. Meſſieurs de Luxembourg &de Danjeau
44 LE MERCVRE
ayant trouvé unegrande confir- fion entre les foldats qui s'effor- çoientd'entrer , peut-eſtre dans l'efperance du pillage, ordonna,
aux Pages que je viens de nom- mer,de les faire retirer ſur une hauteur , &d'empefcher qu'ils n'aprochaffent.Apres avoirexe- cute cet ordre, ils entrerentdans laVille, où avec plusde pruden- ce qu'on n'en devoit attendre des Perſonnes de leur age , ils empeſcherent le defordre , &
arreſterent quantité de Soldats quiſe preparoient àpiller.. Mrs deBraque,du Mets-Tier- celin &de la Grange , ſe trou- verent à l'Attaque de la Demy- lune qui fut priſe la veille que la Villede Cambray compoſa.
Les deux premiers avecMeſ- fieurs de Ganges & de Pelot furét à l'Attaque de la Contref
GALAN T. 45
SL
1
२
e
S
1-
re
&
ts
r1-
V리
{-
t
carpe de la Citadelle de Cam- bray , où ils ſe ſignalerent à la teſte des Gardes. Ce dernier
eſt Fils de Monfieur de Pelot ,
Premier Preſident au Parlement de Roüen. Le merite de
ce grand Homme eſt aſſez connu , & chacun ſçait que fa haute capacité , & l'exacte ju- ſtice qu'il a toûjours renduë, &
dans cette grande Charge &
dansſon Intendance de Guyen-:
ne , luy ont acquis aupres du Roy une eſtime qui luy permet l'eſperance des plus importans Emplois.
Ms de Serignan , aîné & ca- det, ſe diſtinguerent auſſi à l'At- taque de la Demy-lune qui fut
repriſe.
M le Chevalier de la Grange receut à la Tranchée de Va- lenciennes un coup de Mouf-
46 LE MERCVRE
quet dans le bras qui ne luy fit qu'une contufion : Il en eut
encor une devant Cambray qui luy fut cauſée par un éclatde Grenade. M² du Mets- Tiercelin y eut ſes cheveux brulez en foûtenant les Travailleurs avec
M le Chevalier des Gaux , &
M' de Braque.
GALANT. 43
d:
en
Tes
en
particulier que de ceux , dont le hazard ou leurs Amis m'ont inftruit. Je ſçay ſeulement que la pluſpart ſe ſont ſouvent écha- pez pour aller , comme Volon- taires , auxAttaquesqui ſe ſont faites les jours qu'ils n'eſtoient pointde Garde.
Monfieur de Braque , d'une
le
desplus puiſſantes Maiſons du Royaume , &Meſſieurs de Boif- dennemets & le Feron ſe ſignaHe lerentàla teſteduRegimentdes Gardes , le jour que la Ville de
es
1
S
Valenciennes fut emportée; ils prirent pluſieurs Officiers des Ennemis , auſquels ils donne- rentla vie. Ils les mirent entre
les mains des Mouſquetaires
Noirs & allerent en ſuite au
Guichetde laVille , où ils arriverent des premiers. Meſſieurs de Luxembourg &de Danjeau
44 LE MERCVRE
ayant trouvé unegrande confir- fion entre les foldats qui s'effor- çoientd'entrer , peut-eſtre dans l'efperance du pillage, ordonna,
aux Pages que je viens de nom- mer,de les faire retirer ſur une hauteur , &d'empefcher qu'ils n'aprochaffent.Apres avoirexe- cute cet ordre, ils entrerentdans laVille, où avec plusde pruden- ce qu'on n'en devoit attendre des Perſonnes de leur age , ils empeſcherent le defordre , &
arreſterent quantité de Soldats quiſe preparoient àpiller.. Mrs deBraque,du Mets-Tier- celin &de la Grange , ſe trou- verent à l'Attaque de la Demy- lune qui fut priſe la veille que la Villede Cambray compoſa.
Les deux premiers avecMeſ- fieurs de Ganges & de Pelot furét à l'Attaque de la Contref
GALAN T. 45
SL
1
२
e
S
1-
re
&
ts
r1-
V리
{-
t
carpe de la Citadelle de Cam- bray , où ils ſe ſignalerent à la teſte des Gardes. Ce dernier
eſt Fils de Monfieur de Pelot ,
Premier Preſident au Parlement de Roüen. Le merite de
ce grand Homme eſt aſſez connu , & chacun ſçait que fa haute capacité , & l'exacte ju- ſtice qu'il a toûjours renduë, &
dans cette grande Charge &
dansſon Intendance de Guyen-:
ne , luy ont acquis aupres du Roy une eſtime qui luy permet l'eſperance des plus importans Emplois.
Ms de Serignan , aîné & ca- det, ſe diſtinguerent auſſi à l'At- taque de la Demy-lune qui fut
repriſe.
M le Chevalier de la Grange receut à la Tranchée de Va- lenciennes un coup de Mouf-
46 LE MERCVRE
quet dans le bras qui ne luy fit qu'une contufion : Il en eut
encor une devant Cambray qui luy fut cauſée par un éclatde Grenade. M² du Mets- Tiercelin y eut ſes cheveux brulez en foûtenant les Travailleurs avec
M le Chevalier des Gaux , &
M' de Braque.
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Résumé : « Je croy qu'ils ont tous fait paroistre un courage [...] »
Le texte décrit les actions héroïques de jeunes nobles durant plusieurs batailles. Monsieur de Braque, Messieurs de Boisfondenets et le Feron se sont distingués lors de la prise de Valenciennes en capturant des officiers ennemis et en les remettant aux Mousquetaires Noirs. Ils ont également été parmi les premiers à atteindre le guichet de la ville. Messieurs de Luxembourg et de Danjeau ont ordonné aux pages de prévenir le pillage, ce que ces derniers ont accompli en arrêtant de nombreux soldats. Lors de l'attaque de la Demy-lune et de la prise de Cambray, Messieurs de Braque, du Mets-Tiercelin et de la Grange se sont illustrés. Messieurs de Ganges et de Pelot ont été remarquables lors de l'attaque de la contrescarpe de la citadelle de Cambray. Monsieur de Serignan et son cadet se sont également distingués lors de la reprise de la Demy-lune. Le Chevalier de la Grange a été blessé à deux reprises, tandis que Monsieur du Mets-Tiercelin a eu les cheveux brûlés en soutenant les travailleurs.
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5
p. 131-136
Doulens. [titre d'après la table]
Début :
Suivant la route qui avoit esté arrêtée, on devoit aller [...]
Mots clefs :
Doullens, Roi, Ville, Ambassadeurs, Voyage, Citadelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Doulens. [titre d'après la table]
Suivant la route qui avoit
eſté arrêtée , on devoit aller
coucher d'Amiens à Arras ;
mais le temps ſe trouva fi
132 III P.duVoyage
mauvais & les chemins fi
د
rompus , qu'on jugea à propos
d'aller dîner & coucher à
Dourlans. Ainſi quand cette
Ville- là ne ſe ſeroit pas fi
bien acquittée de ſon devoir
que les autres , on n'auroit pas
fujet de s'en plaindre. Čependant
les Ambaſſadeurs ont
eu tout lieu d'en eſtre contens.
Dourlans eſt une Place
forte en Picardie vers les Frontieres
d'Artois, fur la Riviere
d'Authie. Elle fut autrefois
aux Comtes de Ponthieu .
Guillaume II . marié en 1195.
àAlix de France, fille duRoy
des Amb. de Siam. 133
-
Loüis VII . eut Marie Comteſſe
de Ponthieu, qui donna
fon droit ſur Dourlans au
Roy Loüis VIII. Charles VII .
Paliena à Philippes le Bon
Duc de Bourgogne , par le
Traité d'Arras de l'an 1435..
& il fut racheté en 1463. Antoine
de Bayencourt ayant eu
- la Ville de Dourlans en Don,
le Procureur du Roy la fit
faifir en 1559. & enfuite réünir
à la Couronne , comme
eſtant du Domaine Royal .
Les Ambaſſadeurs en arrivant
virent d'abord un gros Efcadron
, que M Sero Lieuter
134 III. P.duVoyage
nant de Roy fit aller au de
vant d'eux. On les receut
au bruit du Canon ; la Garde
ſe trouva poſtée devant leur
Logis , & ils furent complimentez
au nom de la Ville,
qui leur envoya les Prefens
accoûtumez . Ils donnerent
ce foir là pour mot , Profperité
de Voyage. Ce mot convenoit
bien, en ce que cette
Ville eſtant la premierePlace
forte où ils avoient trouvé
Garniſon , il ſembloit que
leur Voyage commençaſt par
là. Ils auroient autrefois trouvé
Amiens bien remply de
1
des Amb. de Siam. 135
Troupes ; mais depuis que les
Conquestes du Roy ont reculé
ſes Frontieres , ce Monarque
a l'avantage d'avoir
mis preſque dans le coeur de
fon Royaume des Places fortes
, leſquelles par cette raifon
n'ont plus beſoin d'eftre
gardées . Les Ambaffadeurs
viſiterent les Ramparts
avec beaucoup d'exactitude ,
auffi-bien que la Citadelle.
Ils marquerent toute la con.
fideration poffible pour Me
la Lieutenante de Roy, dont
le Mary ſoupa avec eux , &
firent aux Dames qui les vi
136 III. P. du Voyage
rent manger, les civilitez qui
leur ont acquis tant de bienveillance
par tout où ils ont
paſſé.
eſté arrêtée , on devoit aller
coucher d'Amiens à Arras ;
mais le temps ſe trouva fi
132 III P.duVoyage
mauvais & les chemins fi
د
rompus , qu'on jugea à propos
d'aller dîner & coucher à
Dourlans. Ainſi quand cette
Ville- là ne ſe ſeroit pas fi
bien acquittée de ſon devoir
que les autres , on n'auroit pas
fujet de s'en plaindre. Čependant
les Ambaſſadeurs ont
eu tout lieu d'en eſtre contens.
Dourlans eſt une Place
forte en Picardie vers les Frontieres
d'Artois, fur la Riviere
d'Authie. Elle fut autrefois
aux Comtes de Ponthieu .
Guillaume II . marié en 1195.
àAlix de France, fille duRoy
des Amb. de Siam. 133
-
Loüis VII . eut Marie Comteſſe
de Ponthieu, qui donna
fon droit ſur Dourlans au
Roy Loüis VIII. Charles VII .
Paliena à Philippes le Bon
Duc de Bourgogne , par le
Traité d'Arras de l'an 1435..
& il fut racheté en 1463. Antoine
de Bayencourt ayant eu
- la Ville de Dourlans en Don,
le Procureur du Roy la fit
faifir en 1559. & enfuite réünir
à la Couronne , comme
eſtant du Domaine Royal .
Les Ambaſſadeurs en arrivant
virent d'abord un gros Efcadron
, que M Sero Lieuter
134 III. P.duVoyage
nant de Roy fit aller au de
vant d'eux. On les receut
au bruit du Canon ; la Garde
ſe trouva poſtée devant leur
Logis , & ils furent complimentez
au nom de la Ville,
qui leur envoya les Prefens
accoûtumez . Ils donnerent
ce foir là pour mot , Profperité
de Voyage. Ce mot convenoit
bien, en ce que cette
Ville eſtant la premierePlace
forte où ils avoient trouvé
Garniſon , il ſembloit que
leur Voyage commençaſt par
là. Ils auroient autrefois trouvé
Amiens bien remply de
1
des Amb. de Siam. 135
Troupes ; mais depuis que les
Conquestes du Roy ont reculé
ſes Frontieres , ce Monarque
a l'avantage d'avoir
mis preſque dans le coeur de
fon Royaume des Places fortes
, leſquelles par cette raifon
n'ont plus beſoin d'eftre
gardées . Les Ambaffadeurs
viſiterent les Ramparts
avec beaucoup d'exactitude ,
auffi-bien que la Citadelle.
Ils marquerent toute la con.
fideration poffible pour Me
la Lieutenante de Roy, dont
le Mary ſoupa avec eux , &
firent aux Dames qui les vi
136 III. P. du Voyage
rent manger, les civilitez qui
leur ont acquis tant de bienveillance
par tout où ils ont
paſſé.
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Résumé : Doulens. [titre d'après la table]
Le texte relate le voyage d'ambassadeurs qui, en raison de mauvaises conditions météorologiques et de chemins détériorés, se dirigèrent vers Dourlans plutôt qu'Arras. Dourlans, une place forte en Picardie située près des frontières de l'Artois sur la rivière Authie, possède une histoire riche. Elle appartenait autrefois aux Comtes de Ponthieu et passa ensuite à divers rois et ducs, notamment Louis VII, Louis VIII et Charles VII. En 1435, elle fut cédée au Duc de Bourgogne par le Traité d'Arras, puis rachetée en 1463. Antoine de Bayencourt en reçut la ville en don, mais elle fut réintégrée au domaine royal en 1559. À leur arrivée, les ambassadeurs furent accueillis par un escadron de cavalerie, des salves de canon et une garde postée devant leur logis. Ils reçurent des présents et des compliments de la ville. Ils visitèrent les remparts et la citadelle avec attention et montrèrent respect et civilité envers les autorités locales et les dames présentes.
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6
p. 136-185
Arras [titre d'après la table]
Début :
Le 19. ils disnerent à Sarbret, & ce qu'il y a de surprenant, [...]
Mots clefs :
Arras, Ville, Roi, Ambassadeurs, Comté, France, Dames, Ambassadeur, L'Arbret, Aix-Noulette, Temps, Église cathédrale, Place, Officiers, Actions, Armes, Magnificence, Fortifications, Régiment, Villeneuve, Gloire, Guerre, Prince, Citadelle, Mains, Lieutenant, Honneurs, Capitaine, Monarque, Merveilles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Arras [titre d'après la table]
Le 19. ils difnerent à Sarbret
, & ce qu'il y a de furprenant
, c'eſt qu'encore qu'il
n'y euſt en cet endroit qu'une
ſeule maiſon , deſtinée ſeulement
pour la Poſte , & dans
laquelle il n'y a que des chevaux
, les Ambaſſadeurs y
furent ſervis avec la meſme
magnificence qu'à Paris , ce
qur
qui dans un petit lieu , où
l'on ne peut rien trouver
ſembla tenir de l'enchante-
2
des Amb. de Siam. 137
ment. Les Services paroiffoient
preſque auffi grands que la
Maiſon , ce qui fit dire au
premier Ambaſſadeur que tout
contribuoit à faire voir la magnificence
du Roy. Ils partirent
enfuite pour Arras , Capitale
de l'Artois fur la riviere de
Scarpe. C'eſt une Ville dont
les Fortifications font tresregulieres.
Elle est fort ancienne
, & eftoit la premiere
du Comté de Flandre, quand
Charles leChauvé ladonna en
dotàJudith ſa fille , que Baudoüin
ditBras de fer,Comte de
Flandre épouſa en 863. Elle fut
M
138 III. P. dùVoyage
réunie à la France avec tout
l'Artois en 1180. par le mariage
de Philippe Augufte , avec
Iſabelle de Hainaut , Fille de
Baudoüin V. Le Chapitre de
l'Eglife Cathedrale de Nôtre-
Dame eſt compoſé de 40.
Chanoines , & de 52. Chapelains.
L'Evêque d'Arras eft
Suffragant de Cambray. Il y
a encore d'autres belles Eglifes
, la celebre Abaye de S.
Vaft , & unCollege de Jefuites.
Cette Ville fut livrée à
Maximilien I. en 1493. & enfin
ſoûmiſe aux François en
1640.
des Amb. de Siam. 139.
Les Ambaſſadeurs arriverent
fur les trois heures àune
demie licuë de cette Place . La
Cavalerie qui estoit allée au
devant d'eux , lesy attendoit.
Elle estoit compofée de douze
Compagnies du Regiment
de Conigſmark de 40.Maîtres
chacune. M' Mullor premier
Major du Regiment les commandoit.
Lorſque les Ambaffadeurs
approcherent , il les
fit ſaluer de l'épée par toute
cette Cavalerie , qui preceda
enfuite leur Caroffe. Ils trouverent
à la Bariere de la Contreſcarpe
, Male Comte de
Mij
140 III . P. du Voyage
1
Villeneuve Lieutenant de
Roy d'Aras , & qui commande
en l'abſence deM leComte
de Nancré qui en eſtGouverneur.
Il eſtoit accompagné
de tous les Officiers Majors. Il
leur témoigna la joye qu'il
avoit de pouvoir leur rendre
tous les honneurs que Sa Majeſté
luy avoit ordonné de
leur faire. Ils répondirent à ce
compliment de la maniere la
plus honneſte , & qui pouvoit
mieux marquer leur reconnoiſſance
Ils entrerent enfuite
dans la Ville au bruit
du Canon, & au travers d'une
des Amb. de Siam , 14
double haye d'Infanterie.Elle
eſtoit compoſée du Regiment
de Phiffer , qui avoit la droite,
& de 4 Compagnies du Regiment
de Stoup le jeune ,
qui estoit à gauche , à la tête
deſquelles eſtoit M. Lifler Capitaine
du Regiment. Les
Ambaſſadeurs faluerent toutes
les Dames qui estoient aux
feneftres pour les voir paffer.
Toute l'Infanterie les ſalua
de la pique. Pendant cetems
le carillon de la Ville ſe faifoit
entendre , & l'on fonna
une Cloche appellée Ioyeuse ,
parce qu'on ne la ſonne ja
142 III. P. du Voyage
mais que pour des ſujets de
réjoüiſlance. Quand la tête
de la Cavalerie eût atteint la
queuë de la Garde , à la teſte
de laquelle estoit M Courteft
Capitaine de Phiffer , elle
s'ouvrit , & forma deux hayes
pour laiſſer paffer leurs Caroffes
. M le Comte de Villeneuve
les reçut à la porte de
leur logis , & les conduifit
dans leur chambre , où il
entra feul avec M Torf , &
les Officiers Majors. On lia
converfation en attendant
Mrs les Magiſtrats. Les Ambaſſadeurs
ſe ſervirent de ce
desAmb. de Siam. 143
temps pour demander combien
il y avoit de feux &
d'Habitans dans Arras , & de
quelle grandeur eſtoit la Ville,
dont ils marquerent ſouhaiter
le Plan. Le Pere Recteur
des Jefuites vint pendant ce
temps- là , & leur témoigna ſa
reconnoiſſance que toute la
Compagnie avoit du bon
accüeil que le Roy de Siam
faiſoit aux Jeſuites dans fon
Royaume. L'Ambaſſadeur
luy répondit que le Roy fon
Maître les estimoit beaucoup ,
qu'ils n'en pouvoiët douter, puis
qu'il en demandoit encore. Mrs
144 III. P. du Voyage
du Magiſtrat eftant enſuite
arrivez , les Ambaſſadeurs ſe
leverent de leurs fauteüils , &
apres qu'ils les eurent ſaluez
à leur maniere pour repondre
à leur falut , Mª Palifor
d'Incourt Confeiller de Ville ,
& Deputé General & ordinaire
des Etats d'Artois pour
te tiers Etat , leur parla de cetle
forte .
MESSEIGNEVRS,
Cette Ville d' Arras a toûjours esté
Si jalouſe d'exécuter les ordres du
Roy , qu'elle les a toûjours receus
avec autant d'empreffement que de
Soumiffion. Ceux que Sa Majesté
nous
des Amb.de Siam. 145
nous donne aujourd'huy de vous
honorer avec une distinction toute
finguliere, font fi precis &fi pofitifs
, que nous avons juſte ſujet de
craindre que nos efforts ne soient
auſſi vains là deſſus, que nos volontezfont
finceres & toutes remplies
de ce zéle qui a toûjours fait toute
l'ame&tout l'esprit de nostre obéiffance.
En effet, Meſſeigneurs , ce
grand Roy ne pouvoit pas publier
avec plus d'éclat l'estime qu'il fait
de vostre Monarque & de vos Per-
Sonnes, qui charmez de la gloire
qu'il s'est acquiſe dans les expeditions
de la Guerre , &de laſageſſe
de ſa conduite dans la Paix, avez
bien voulu traverſer tant de mers
&fuivre, pour ainsi dire, le cours
du Soleil , pour voir un Prince quż
par la rapidité defes Victoires Sçait
N
146 III. P. du Voyage
le mieux imiter le mouvement de
ce bel Astre , qu'il prend pour fa
Deviſe. Vous reſſemblez en cela à
l'excellente Princeffe Nicaulis Reine
d'Egypte & d'Ethiopie, laquelle
ayant entendu parler de la vertu &
de la sagesse de Salomon, defira de
voir de ses propres yeux ,fi ce que
la Renommée publivit de luy estoit
veritable ; elle ne craignit point
pour cet effet d'entreprendre un long
voyage ; & aprés avoir esté remplie
d'étonnement de voir dans ce Prince
une capacitéfi extraordinaire, &
tant de merveilles dansfon Royau
me , elle ne pût s'empêcher de s'écrier,
Probavi quod media pars
mihi nuntiata non fuerit , major
eft fapientia tua & opera tua ,
quam rumor quem audivi. Ainsi,
Meßeigneurs , nous ne doutons pas
3
1
des Amb. de Siam. 147
qu'aprés que vous aurez admiré
l'esprit de Loüis le Grand , qui est
le Salomon de nostre fiecle, dans la
grandeur & la magnificence deſes
Bâtimens , dans l'oeconomie de sa
Maison, dans le bel ordre de fes
Troupes nombreuſes tant sur mer
quesur terre , dans le nombre infiny
deſesſurprenantes Conquestes , dans
la regularité des Fortifications de
fes Places, & en un mot, dans tout
le reste deſa conduite, vous ne rapportiezfidellement
à voſtre Souverain
Seigneur , que le bonheur de
nostre augusteMonarquefurpaſſede
beaucoup tout ce que vous vous en
estiezimaginé, &qu'il faut l'avoir
vû pour le pouvoir croire. Au reſte,
Meſſeigneurs , nous ne pouvons
mieux répondre aux commandemens
de Sa Majesté , qu'en vous
Nij
148 III . P. du Voyage
Suppliant trés-humblement de nous
honorer des vostres , & d'agréer ces
petits Prefens que nous vous apportons
pour marque qu'il n'y a rien
dans la Ville qui ne foit entierement
à voſtre diſpoſition , & que
nous sommes avec tout le respect
dont nous sommes capables,
MESSEIGNEVRS,
Vos tres humbles &
tres- obéïffans Serviteurs ,
Les Mayeur & Eſchevins
de la Ville d'Arras ..
1
L'Ambaſſadeur répondit,
Que le Roy fon Maistre estoit
un grand Monarque , qui ayant
entendu parler de la grandeur
desAmb de Siam. 149
du Roy de France , defes Conquestes,
&deſes manieres toutes
genereuſes , avoit envoyé il y a
quelques années des Ambaſſadeurs
pour luy demander fon
amitié ; mais que ces Ambaſſadeurs
ayant vray-femblablement
pery, puiſqu'on n'en avoit point
entendu parler, Sa Majesté Siamoiſe
impatiente de voirfon defir
accomply, les avoit de nouveau
envoyezenFrance, non pour aucun
interest ny pour traiterd'affaires
, puisque l'on doit estre
affez perfuadé que ces deux
grands Rois n'en ont point à
démefler enſemble ; mais uni-
Niij
150 III . P. du Voyage
quement pour l'honorer & pour
luy marquer avec quel empreffement
le Roy de Siam recherche
fon amitié. Ils adjoûterent,
qu'ils avoient beaucoup d'obligation
au Roy de la reception
qu'il avoit ordonné qu'on leur
fift dans toutes les Villes où ils
avoient paßé , & qu'ils remer
cioient en particulierMrs d'Arras
, de l'honneur & des Prefens
qu'ils leur faisoient. Cette réponſe
fit connoiſtre qu'ils
avoient compris le ſens de la
Harangue, puiſque l'Hiſtoire
nous apprend que la Reine de
Saba n'eſtoit venuë voir Sa-
1
des Amb. de Siam. 151
lomon que pouffée du defir
de reconnoiſtre en luy toutes
les merveilles que la Renommée
en publioit, & non pour
traiter avec luy d'aucunes
affaires . M de Ville eftant
fortis , M le Comte de Villeneuve
leur demanda l'ordre
, & ils donnerent pour
mot , qui m'attaque fe pert. Il
eſt à propos de marquer icy
une choſe qui vous fera connoiſtre
les raiſons qu'ils ont
cuës de donner par tout les
mots qui ont eſte ſi approuvez
, & qui leur ont fait meriter
tant de loüanges. En
Niiij
152 III. P. du Voyage
approchant de chaque Ville,
ils s'informoient de l'hiſtoire
de la Ville où ils alloient , de
l'état de la Place , des Sieges
qu'elle avoit ſoûtenus, & du
merite , de la qualité & des
actions du Gouverneur ; & de
toutes ces chofes , ainſi que
de ce qui leur arrivoit , &
de ce qu'ils voyoient dans la
Place, ils formoient les mots
que pour leur faire plus
d'honneur & marquer plus
de déference , les Commandans
leur demandoient. C'eſt
pourquoy ils donnerent celuy
de qui m'attaque se pert,
des Amb. de Siam. 153
ayant appris que de nombreuſes
Armées remplies de
Troupes de differentes Na--
tions,&commandées par des
Chefs d'une grande experience
, & d'une haute reputation
, avoient eſté contraints
de lever le Siege de devant
Arras. Le concours du peuple
fut grand pour les voir
ſouper ; mais comme ils auroient
eſté trop incommodez
, on ne laiſſa entrer que
les premieres perſonnes de la
Ville , & les principales Dames,
auſquelles ils firent tout
le bon accüeil imaginable.
154 III . P. du Voyage
Ils donnerent à la plus confiderable
ce que leur Deffert
avoit de plus beau , pour le
diftribuer aux autres ; ce
qu'ils ont fait fort ſouvent
en de pareilles occaſions .
Ils ne fortirent point le
lendemain matin , mais ils
reçûrent les viſites de M. le
Comte de Villeneuve Lieutenant
de Roy , de M² Bifſetz
Major de la Place , des
principaux Officiers de la
Garnifon , & de quelques
Mrs du Confeil. La plupart
de la Nobleſſe des environs
d'Arras vint auſſi les falier.i
des Amb. de Siam. iss
Onleur propoſa de leur faire
entendre l'aprés- dînée ce qui
fut chanté à Sceaux devant
le Roy , lorſque Sa Majefté
fit l'honneur àMª de Seignelay
d'aller voir cette belle
Maiſon , à quoy ils confentirent.
On ne laiſſa entrer
que les Dames pour les voir
dîner. Sur les deux heures
Me le Comte de Villeneuve
les vint prendre dans quatre
Carroffes , pour les mener à
la Citadelle , où Mª de la
Pleigniere qui en eſt Gouverneur
, les fit recevoir au
bruit du Canon. Ils paffer
156 III. P. du Voyage
rent au travers de deux hayes
d'Infanterie , & les Officiers
les falüerent de la Pique. II
leur fit voir les Fortifications
de la Place ; ils les examinerent
toutes , & demanderent
le nom de chaque piece. Ils
virent auſſi faire l'Exercice à
un Bataillon de Picardie qui
eftoit ſous les Armes , à quoy
ils prirent beaucoup de plaifir
. On leur fit voir enſuite
l'Arcenal , & tout ce qu'il y
a de remarquable dans cette
Citadelle ; aprés quoy on leur
fervit une magnifiqueCollation
, où l'on bût de quandesAnb.
de Siam. 157
zité de differentes Liqueurs.
Les Dames les plus diftinguées
de la Ville s'eſtoient
renduës dans la Citadelle ,
pour les voir plus commodément.
Ils les regalerent
de Confitures , & trouverent
qu'Arras ne manquoit pas de
beautez . La Santé du Roy
ne fut pas oubliée , & quelques
Dames la bûrent auffi.
Cette Affemblée n'eſtoitcompoſée
que de Gens de marque
, puiſqu'outre les Dames
il n'y avoit d'Hommes que
les Officiers de la Garniſon,
tant de la Ville , que de
158 IHI. P. du Voyage
la Citadelle . L'Ambaſſadeur
ayant apperçu un Plan qui
eſtoit attaché à la Tapiſſerie,
demanda quel Plan c'eſtoit.
On luy répondit , que s'eftoit
celuy de la Citadelle ; &
il le demanda à Mª de la
Pleigniere, qui le luy donna.
Comme ils avoient encore
beaucoup de choſes à
voir pendant le reſte de l'aprés-
dînée , ils ſortirent aufſi
- tôt que la Collation fut
finie , aprés avoir remercié
Mª de la Pleigniere en termes
fort obligeans, & le Canonſe
fit entendre à leur for
des Amb . de Siam. 159
tie de la même maniere qu'il
avoit fait lorſqu'ils eftoient
entrez. Ils allerent de là à
F'Eglife Cathedrale , où tout
le Peuple eſtoit accouru en
foule ; ils furent reçûs au
grand Portail par tout leChapitre
en corps , ce qui marquoit
quelque choſe de venerable
& d'augufte. Il avoit
à ſa tête M. le Févre
Prevoſt , Chanoine & Theologal
de cette Cathedrale ,
que nous avons veu Aumônier
& Predicateur de la Reine.
Voicy en quels termes
it parla aux Ambaſſadeurs .
160 III. P. du Voyage
MESSEIGNEURS ,
Puisque Sa Majesté vous envoye
furfes Frontieres pour vous rendre
Spectateurs de ſes Conquestes , que
la Renommée a portées jusqu'au
bout du Monde , ce qui vous afait
traverſer tant de Mers pour venir
admirer ce Salomon de nôtre Siecle
, nous ofons vous afſeurer que
la Ville d'Arras est un des plus
beaux &un des plus anciens Fleurons
de sa Couronne , & qu'il n'a
point dans tous ſes Estats de Province
plus memorable que celle
d'Artois , puisqu'elle a toûjours esté
regardée comme l'oeil & la clefde
toute la Flandre. En effet , Cefar
même n'a point balancé de paſſer
les Alpes , & de faire voir l'Aigle
Romaine aux Portes de cette CapidesAmb.
de Siam. 161
tale , dont le Siege luy cousta si
cher, qu'il avoue dansſes Commentaires
, que dans toutes les autres
attaques il avoit combattu pour la
gloire , mais qu'il avoit dans cellecy
deffendu fa propre vie , tant il
avoit trouvé de courage & de reſiſtance
dans lesPeuples qui la deffendoient.
On en voit encore les
glorieux restes , dans ce fameux
Camp * qui nous environne , où
ce grand Capitaine fut obligé de
demeurer fort long-temps , ne pou
vant vaincre cette genereuse opiniaſtreté
des Artefiens , qui arresta
le cours de ſes Victoires , &qui luy
fit acheter fi cherement la gloire
qu'il en remporta.
Cette Comté fameuse ayant par la
viciffitude des Temps & la revo-
*Le Camp de Cefar prés de l'Abbaye d'Eſtrun
162 III . P. duVoyage
lution des Guerres changé deMaitre
, & passé des mains des Ro
mains , dans celles des François,نم
de Payenne estant devenue Chrétienne,
fut l'Appanage de nos Princes
du Sang. Le grand faint Louys
enfit un Present à Robertfon Frere
; luy laiſſant pour partage les
Fleurs-de-Lys fans nombre , * it
luy fit comprendre qu'il ne devoit
point donner de bornes àson courage
sous un si glorieux Eftendart.
C'est ce Robert d'Artois qui paffantfur
le ventre à tant d'Infideles,
dont il achevoit la deffaiteà la
Mazoure dans l'Egypte , en devint
enfin la Victime , se croyant trop
heureux de verſertoutsonfangpour
la querelle du Sauveur du Monde ,
dont il vouloit arracher le facré
* Qui font les Armes encore aujourd'huy de
cetteProvince,
des Amb. de Siam. 163
Sepulchre des mains des Ottomans,
àla pointe deson épée.
Maissi cette Ville d'Arras s'est
distinguéepar les actions heroïques
qui se sont paßées au pied deses
murailles, &parses Princes qui se
font transportez chez les Nations
tesplus reculées pourysignaler leur
valeur , elle n'est pas moins recommandable
par ce fameux Traité de
Paix d'Arras en 1435.qui mit fin
à tant de differens, &à unesifanglante
guerre qui s'estoit allumée
dans toute l'Europe , ou le Duc de
Bourgogne fut en perſonne avec la
Ducheffefon Epouse Infante de Por
tugal. Ce Traitéy attira tout ce qu'il
yavoit de gens plus confiderables &
plus nobles fur la terre , les Legats
du Pape Eugene IV. ceux du Concile
de Bafle,&de l'Anti-Pape Fe
O ij
164 III. P. du Voyage
lix. L'EmpereurSigismond, lesRois
de Caſtille, d'Arragon, de Navarre,
de Naple , de Sicile & de Chypre,
de Dannemark & de Pologne, yenu.
voyerent leurs Ambaſſadeurs , qui .
jaloux de la gloire de leurs Nations
, affectoient une magnificence
extraordinaire . Ceux de France &
d'Angleterre encherirentfur les au
tres par la pompe de leurs Equipages
, les Ducs de Bourbon & de
Vendofme, avec les Conneſtable &
Chancelier, les Marcſchaux deRieux.
& de la Fayette, Adam de Cambray
Premier President au Parlement de
Paris,tous accompagnez d'une infinité
de Nobleffe de la Nation, qui
par leur politeffe & leur lustre don
nerent une haute idée de la leur.
Ce fut dans cetteAſſemblée que le..
Roy de France &le Duc de BourdesAmb.
de Siam. 165
gogne jetterent les fondemens d'une
Paix fincere, dont les fuites ont
esté trés- avantageuses à toute l'Europe
, qui fut jurée folemnellement
dans cette Eglise Cathedrale.
Voilà, Meffſeigneurs , l'éclat que
ba Ville d'Arras a tiré de la Paix
comme de la Guerre ; & cette Capitale
ayant depuis tombé tantôt.
dans les mains de Lauys XI. tantôt
dans celles de l'Empereur Maximilien
, qui faisoient à l'envy
leurs efforts pout s'en rendre les
Maistres , elle fut ensuite la dépofitaire
des cendres des Heros les.
plus distinguez dans la Guerre ;
puisque le Duc de Parme &le Maréchal
de Gaffion fant ensevelis.
dans l'enceinte de ses murailles,
comme si c'estoit le deftin à cette
Ville martiale de garder les précieux.
166 III. P. du Voyage
reftes de la bravoure& de la ge
nerosité qui fut le partage de ces
deux grands Capitaines.
Enfin Louys le lufte fut le dernier
Prince qui s'en afſeura la conqueste
par ses Armes victorieuses .
Elle ne balança pas d'ouvrir fis
Portes à un Roy qui devoit finir
fes miferes auffi- tôt qu'elle deviendroit
sasujette ; &pour en écarter
àjamais la tempeste qui la me
naçoit , LOVIS LE GRAND
en a reculé si loin la Frontiere de
fes Estats , qu'elte en est aujour
d'huy le centre , au lieu qu'elle en
estoit autrefois l'extremité : fi bien
que comme le grand Pompée fe
vantoit d'avoir fait parsa victoire
de l'Asie mineure , le milieu de
l'Empire Romain , qu'elle bornoiz
auparavant ; auffi l'on peut dire
des Amb. de Siam. 167
que la fameuse Ville d'Arras doit
aux Armesde LOVIS LE GRAND
l'avantage d'estre aujour'dbuy le
coeur de la France , dont elle estoit
cy - devant la teste.
Mais il manquoit àfagloire d'avoir
pour témoins deses antiquitez,
deses Fortifications , &defes
fertiles Campagnes , les Peuples les
plus reculez , quipour admirer toutes
ces merveilles ont traversé
toute la distance qui ſeparele Gange
d'avec la Mer Occidentale ,
qui vivant dans des Climats où
le Soleil commence sa course , font
venus jusqu'à ceux où ce grand
Aftre la finit ; en forte que l'on
peut dire de chacun de vous, Mef-
Seigneurs, ce que nous liſons dans
LeRoyProphete, quand il nous veut
donner une idée de fon mouve168
III . P. du Voyage
ment : * Exultavit ut gigas ad
currendam viam à ſummo Cælo
egreffio ejus , & occurfus ejus,
uſque ad fummum ejus.
Heureuſe Province , d'avoir receu
des Ambassadeurs Estrangers,
également venerables par le Prince
qu'ils reprefentent , &par l'importance
de leur ministere , qui n'ont
point apprehendé de faire un Voyage
de fix mille lieües pour ſe ménager
une Alliance avec LOVIS
LE GRAND. Ils pourront apprendre
au Roy de Siam toutes les
chofes quise font paßées sous fon
Regne , les grandes & fameuses
Victoires qu'il a remportées , les
Provinces qu'il a conquiſes , les
Citadelles qu'il a fait élever au
milien des Eaux , les Marais qu'il
*Pfal.. 44
desAmb de Siam. 169
deſſechez, le fecret qu'il a trouvé
de faire une Digue à la Mer,
pour arreſter l'impetuosité de ses ondes
qui n'avoient point encore più
trouver d'obstacle à leur rapidité.
Sans doute , Meſſeigneurs , le Roy
de Siam furpris de tant de merveilles
, se fera de LOVIS LE
GRAND une idée bien au deſſus
de celle que sa reputation luy avoit
donnée. Vôtre Roy que vous nommez
chez vous le Seigneur des Seigneurs
, & la seule cause du bon
heur deses Peuples , fera bien aiſe
d'apprendre de vous que vom avez
trouvé les François pleins de refpect
& de foimiſſion pour leur
Prince. Puiſſi z vous l'affeurer qu'il
n'est pas moins l'exemple , que le
Souverain de fes Sujets , &qu'il les
gouverne encore plus parses vertus,
P
1
170 III. P. du Voyage
que parses Loix. Peut- estre qu'en
luy representant l'Architecture &م
la beauté de cette Cathedrale , ore
reposent les cendres de Monfieur le
Comte de Vermandois , qui marchant
fur les traces de fon auguste Pere ,
aujourd'huy le plus grand des Rois ,
commençoit à ſe ſignaler déja dans la
Guerre ( C'est le précieux dépost que
Sa Majesté nous a confié depuis trois
ans dans ce Temple , où les ceremonies
de l'Eglife Chrétienne se celebrent
avec tant d'exactitude, & qui
depuis plus de treize Siecles a toujours
efté deffervie par tant de Saints
Evêques par tant de Chanoines,
d'un merite fi diftingué ) Peut- estre,
dis - je , que par un miracle qui n'a
point encore paru dans nosjours , le
Ciclouvrira fon coeur , & le faisant
fortir avec ses sujets des tenebres
des Amb. de Siam. 171
qui les aveuglent , il luy donnera
l'envie d'imiter LOVIS LE
GRAND dans sa Religion , comme
dans sa Domination : fi bienque
faisant tous deux une Alliance de
picté , comme de commerce ilsferont
tous deux également heureux
dans ce Monde , &pourront ajous.
ter à la Couronne qu'ils poſſedent
déjafur la Terre , celle de l'Eternité.
,
CetteHarangue ayant eſté
interpretée , l'Ambaſſadeur
répondit , Voftre Harangue ,
Monfieur , roule fur deux chefs,
fur la gloire de Loüis XIV. &
fur le defir que vous avez ainſi
que Sa Majesté , de noftre con-
Pij
172 III. P. du Voyage
version. A l'égard du premier,
on ne peut estre mieux perfuadé
que nous leſommes, des grandes
actions de ce Monarque , dont
la reputation nous a fait venir
de fi loin. Nous ne doutons pas
non plus defa magnificence &
de fa grandeur, puisque nous en
avons fait une experience ſenſible
à ſa Cour &furfes Frontieres.
A l'égard du ſecond point
qui regarde nostre converſion à
la Foy Catholique Romaine, nous
avons des Evesques en noftre
Royaume , qui pourront nous en
inftruire. Il remercia enfuite
tout le Corps du Chapitre,
des Amb. de Siam. 173
de l'honneur qu'il leur faifoit
; aprés quoy ils regarderent
l'Egliſe tant par dehors
que par dedans. Ils entrerent
dans le Choeur , dont ils admirerent
l'Architecture , &
particulierement les petits pilliers
qui ſoûtiennent un auffi
grand Vaiſſeau. On les conduifit
vers la Tombe de M
le Comte de Vermandois , &
on leur dit , qu'il eſtoit grand
Admiral, legitimé de France, &
Frere de Madame la Princeffe de
Conty. L'on s'apperceut alors
qu'ils ſe mirent tous trois fur
ce Tombeau, qu'ils porterent
Piij
174 III . P. du Voyage
leurs mains à leurs yeux , &
qu'ils les frotterent ; & l'on
apprit que c'eſt une maniere
uſitée chez eux pour témoigner
leur deüil. Ils prirent
beaucoup de plaisir à entendre
les Orgues de cette Cathedrale
, qui font fort bonnes
; & fortirent de cette
Egliſe aprés avoir fait de
nouveaux remercîmens au
Prevoſt & aux Chanoines .
Apres cela ils allerent au
Magaſin d'Armes, qu'ils trouverent
en trés-bon état. C'eſt
l'effet des ſoins du Miniſtre
qui s'en meſle. Ils virent auffi
desAmb . de Siam , 175
la celebre Abbaye de Saint-
Vaaſt , & furent receus à la
Porte par le Grand Prieur ,
qui eſtoit à la teſte de fa
Communauté , & qui leur fit
un compliment affez court.
Il le finit en diſant , qu'ils les
recevoient avec tous les honneurs
qu'il eſtoit en leur pouvoir de
leurfaire, puiſque la haute eftime
que Sa Majesté faisoit du
Monarque qui les luy avoit envoyez,
&la confideration particuliere
qu'Elle avoit pour leurs
Excellences , estoit la régle du
profond respect avec lequel ils
ſe preſentoient à eux, en leur
Piiij
176 III. P. du Voyage
offrant très-humblement leMonastere
& tout ce qui en dépendoit.
Ils répondirent qu'ils eftoient
bien perfuadez que les
honneurs que ces Religieux leur
rendoient, estoient une continiation
des effets de la bonté du
Roy à leur égard , & que c'eftoit
à Sa Majesté à qui ils en
avoient toute l'obligation ; mais
qu'ils vouloient pourtant leur en
avoir aufſi. Enfuite ils les
remercierent de la maniere
honneſte dont ils en uſoient;
aprés quoy ils entrerent dans
l'Eglife , & s'arreſterent dans
la Nef pour en confiderer la
des Amb. de Siam. 177
ſtructure ; ce qu'ils firent fort
attentivement. Puis ils entrerent
au Choeur , & s'attacherent
à regarder la ſculpture
des Chaiſes, qui eſt trés-belle
&fort eſtimée . On leur montra
leTombeau du RoyThierry
de la premiere Race , & Fondateur
de ce Convent ; & on
leur dit qu'il ne s'en faloit que
8 années qu'il ne fuft mort ily
a mille ans. L'Ambaſſadeur
demanda comment il eſtoit poffible
qu'ily eust un Roy de France
enterré dans cette Abbaye depuis
fi longtemps , &qu'ily en
cust fi peu , que ce Pays ap
178 III. P. du Voyage
partenoit à la France , Arras
ayant esté pris par le feu Roy.
Le Grand Prieur leur expliqua
en peu de mots , comment
tout le Pays-bas eſtoit
une partie du Royaume de
France ; qu'il n'en avoit eſté
ſeparé que trés-peu de temps,
ſçavoir depuis l'an 1525. jufques
en l'an 1640. & qu'à
l'exception de ce temps-là,
les Rois de France en avoient
toûjours eſté reconnus pour
legitimes Souverains . On les
mena au fortir de l'Eglife ,
dans les Cloiftres, & dans un
Refectoire. De là ils repaffe
des Amb. de Siam. 179
rent par l'Eglife , & eftant à
la porte , l'Ambaſſadeur fit
tout ce qu'il pût pour empeſcher
le Grand Prieur de le
conduire juſqu'à fon carroffe
; mais il crut eſtre obligé
de l'y voir monter. Je ne
vous parleray point des complimens
de remercîment que
firent les Ambaſſadeurs , & je
les retrancheray meſme en
beaucoup d'endroits, puiſque
leur civilité eſt aſſez connuë
pour ne pas douter qu'ils n'en
ayent donné des marques à
toutes les perſonnes qui ont
pris la peine de leur montrer
quelque choſe.
180 III. P. du Voyage
Au fortir de l'Abbaye de
Saint Vaaft , ils allerent au
Concert dont on leur avoit
parlé le matin , & dont Madame
de Préfontaine, femme
du Prefident du Confeil d'Artois
, faifoit les honneurs
Elle les reçût accompagnée
des principales Dames de la
Ville. Les Muficiens estoient
dans une fort grande Salle,
dans laquelle il ſe trouva une
grande affluence de monde,
quelque ordre qu'on cût apporté
pour empêcher la foule.
Ils furent fort fatisfaits
de ce Concert , & le témoides
Amb . de Siam. 181
gnerent à Madame de Préfontaine
, en luy faiſant leurs
remerciemens . Ils retournerent
enſuite chez eux , où ils
trouverent leur Garde ſous
les Armes ; car on avoit mis
à la porte de leur Logement
une Compagnie Suiſſe , avec
un Capitaine & un Lieutenant.
Elle fortoit du Corps
de garde pour ſe mettre en
hayequand les Ambaſſadeurs
devoient fortir , & battoit
lorſqu'ils fortoient & qu'ils
rentroient. Aufli - tôt qu'ils
furent arrivez chez eux , Mr
Biſſetz leur porta le Plan de
182 III. P.du Voyage
la Ville que le premier Am
baffadeur luy avoit deman-
-dé , & qu'il examina d'une
maniere qui marquoit qu'il
commençoit à devenir ſçavant
dans nos Fortifications .
Ce même Major leur demanda
le mot , & ils donnerent
Actions éclatantes , par
rapport à ce ce qu'on leur
avoit dit, qu'aux deux Sieges
d'Arras il y avoit eu beaucoup
d'actions remarquables,
& particulierement au ſecond
, où les Afliegeans avoient
ſouvent eſté repouffez.
On leur avoit même
4
des Amb. de Siam. 183
montré les endroits où les
actions de vigueur s'eftoient
-faites . Le premier Ambaffadeur
demanda à M Biffetz
, s'il estoit François ; &
comme on luy eut répondu ,
que oüy , &qu'il estoit Major
de la Place , il luy dit , qu'en
fon Pays on avoit la barbe &
les cheveux comme luy. M
Biſſetz luy répondit , que s'il
n'eſtoit point François , il voudroit
estre Siamois . Comme
il y avoit beaucoup de Dames
à Arras qui n'avoient
encore pû les voir , il s'en
trouva beaucoup ce foir-là à
r
184 III. P.du Voyage
leur ſoûpé , où tout ſe paſſa
à lordinaire .
Le lendemain 21. M le
Lieutenant de Roy & Ms les
Officiers Majors , ſe rendirent
à leur lever ; & les Ambaſſadeurs
aprés les avoir remerciez
avec des expreffions
pleines de reconnoiffance ,
monterent en Carroſſe à huit
heures préciſes du matin ; &
toutes les Troupes eſtant
fous les Armes comme à leur
arrivée , ils fortirent au bruit
du Canon & du Carillon de
la Ville. Mes du Magiſtrat
le firent joüer trois fois le
desAmb. de Siam. 185
jour pendant tout le temps
que ces Ambaſſadeurs féjournerent
à Arras , ſçavoir une
heure au matin , une hcure à
midy , & une heure. le ſoir,
ainſi qu'à leur entrée & à leur
fortie . Ils allerent ce jour-là
21. dîner à Aiffe , qui eſt un
petit Village entre Arras &
Bethune.
, & ce qu'il y a de furprenant
, c'eſt qu'encore qu'il
n'y euſt en cet endroit qu'une
ſeule maiſon , deſtinée ſeulement
pour la Poſte , & dans
laquelle il n'y a que des chevaux
, les Ambaſſadeurs y
furent ſervis avec la meſme
magnificence qu'à Paris , ce
qur
qui dans un petit lieu , où
l'on ne peut rien trouver
ſembla tenir de l'enchante-
2
des Amb. de Siam. 137
ment. Les Services paroiffoient
preſque auffi grands que la
Maiſon , ce qui fit dire au
premier Ambaſſadeur que tout
contribuoit à faire voir la magnificence
du Roy. Ils partirent
enfuite pour Arras , Capitale
de l'Artois fur la riviere de
Scarpe. C'eſt une Ville dont
les Fortifications font tresregulieres.
Elle est fort ancienne
, & eftoit la premiere
du Comté de Flandre, quand
Charles leChauvé ladonna en
dotàJudith ſa fille , que Baudoüin
ditBras de fer,Comte de
Flandre épouſa en 863. Elle fut
M
138 III. P. dùVoyage
réunie à la France avec tout
l'Artois en 1180. par le mariage
de Philippe Augufte , avec
Iſabelle de Hainaut , Fille de
Baudoüin V. Le Chapitre de
l'Eglife Cathedrale de Nôtre-
Dame eſt compoſé de 40.
Chanoines , & de 52. Chapelains.
L'Evêque d'Arras eft
Suffragant de Cambray. Il y
a encore d'autres belles Eglifes
, la celebre Abaye de S.
Vaft , & unCollege de Jefuites.
Cette Ville fut livrée à
Maximilien I. en 1493. & enfin
ſoûmiſe aux François en
1640.
des Amb. de Siam. 139.
Les Ambaſſadeurs arriverent
fur les trois heures àune
demie licuë de cette Place . La
Cavalerie qui estoit allée au
devant d'eux , lesy attendoit.
Elle estoit compofée de douze
Compagnies du Regiment
de Conigſmark de 40.Maîtres
chacune. M' Mullor premier
Major du Regiment les commandoit.
Lorſque les Ambaffadeurs
approcherent , il les
fit ſaluer de l'épée par toute
cette Cavalerie , qui preceda
enfuite leur Caroffe. Ils trouverent
à la Bariere de la Contreſcarpe
, Male Comte de
Mij
140 III . P. du Voyage
1
Villeneuve Lieutenant de
Roy d'Aras , & qui commande
en l'abſence deM leComte
de Nancré qui en eſtGouverneur.
Il eſtoit accompagné
de tous les Officiers Majors. Il
leur témoigna la joye qu'il
avoit de pouvoir leur rendre
tous les honneurs que Sa Majeſté
luy avoit ordonné de
leur faire. Ils répondirent à ce
compliment de la maniere la
plus honneſte , & qui pouvoit
mieux marquer leur reconnoiſſance
Ils entrerent enfuite
dans la Ville au bruit
du Canon, & au travers d'une
des Amb. de Siam , 14
double haye d'Infanterie.Elle
eſtoit compoſée du Regiment
de Phiffer , qui avoit la droite,
& de 4 Compagnies du Regiment
de Stoup le jeune ,
qui estoit à gauche , à la tête
deſquelles eſtoit M. Lifler Capitaine
du Regiment. Les
Ambaſſadeurs faluerent toutes
les Dames qui estoient aux
feneftres pour les voir paffer.
Toute l'Infanterie les ſalua
de la pique. Pendant cetems
le carillon de la Ville ſe faifoit
entendre , & l'on fonna
une Cloche appellée Ioyeuse ,
parce qu'on ne la ſonne ja
142 III. P. du Voyage
mais que pour des ſujets de
réjoüiſlance. Quand la tête
de la Cavalerie eût atteint la
queuë de la Garde , à la teſte
de laquelle estoit M Courteft
Capitaine de Phiffer , elle
s'ouvrit , & forma deux hayes
pour laiſſer paffer leurs Caroffes
. M le Comte de Villeneuve
les reçut à la porte de
leur logis , & les conduifit
dans leur chambre , où il
entra feul avec M Torf , &
les Officiers Majors. On lia
converfation en attendant
Mrs les Magiſtrats. Les Ambaſſadeurs
ſe ſervirent de ce
desAmb. de Siam. 143
temps pour demander combien
il y avoit de feux &
d'Habitans dans Arras , & de
quelle grandeur eſtoit la Ville,
dont ils marquerent ſouhaiter
le Plan. Le Pere Recteur
des Jefuites vint pendant ce
temps- là , & leur témoigna ſa
reconnoiſſance que toute la
Compagnie avoit du bon
accüeil que le Roy de Siam
faiſoit aux Jeſuites dans fon
Royaume. L'Ambaſſadeur
luy répondit que le Roy fon
Maître les estimoit beaucoup ,
qu'ils n'en pouvoiët douter, puis
qu'il en demandoit encore. Mrs
144 III. P. du Voyage
du Magiſtrat eftant enſuite
arrivez , les Ambaſſadeurs ſe
leverent de leurs fauteüils , &
apres qu'ils les eurent ſaluez
à leur maniere pour repondre
à leur falut , Mª Palifor
d'Incourt Confeiller de Ville ,
& Deputé General & ordinaire
des Etats d'Artois pour
te tiers Etat , leur parla de cetle
forte .
MESSEIGNEVRS,
Cette Ville d' Arras a toûjours esté
Si jalouſe d'exécuter les ordres du
Roy , qu'elle les a toûjours receus
avec autant d'empreffement que de
Soumiffion. Ceux que Sa Majesté
nous
des Amb.de Siam. 145
nous donne aujourd'huy de vous
honorer avec une distinction toute
finguliere, font fi precis &fi pofitifs
, que nous avons juſte ſujet de
craindre que nos efforts ne soient
auſſi vains là deſſus, que nos volontezfont
finceres & toutes remplies
de ce zéle qui a toûjours fait toute
l'ame&tout l'esprit de nostre obéiffance.
En effet, Meſſeigneurs , ce
grand Roy ne pouvoit pas publier
avec plus d'éclat l'estime qu'il fait
de vostre Monarque & de vos Per-
Sonnes, qui charmez de la gloire
qu'il s'est acquiſe dans les expeditions
de la Guerre , &de laſageſſe
de ſa conduite dans la Paix, avez
bien voulu traverſer tant de mers
&fuivre, pour ainsi dire, le cours
du Soleil , pour voir un Prince quż
par la rapidité defes Victoires Sçait
N
146 III. P. du Voyage
le mieux imiter le mouvement de
ce bel Astre , qu'il prend pour fa
Deviſe. Vous reſſemblez en cela à
l'excellente Princeffe Nicaulis Reine
d'Egypte & d'Ethiopie, laquelle
ayant entendu parler de la vertu &
de la sagesse de Salomon, defira de
voir de ses propres yeux ,fi ce que
la Renommée publivit de luy estoit
veritable ; elle ne craignit point
pour cet effet d'entreprendre un long
voyage ; & aprés avoir esté remplie
d'étonnement de voir dans ce Prince
une capacitéfi extraordinaire, &
tant de merveilles dansfon Royau
me , elle ne pût s'empêcher de s'écrier,
Probavi quod media pars
mihi nuntiata non fuerit , major
eft fapientia tua & opera tua ,
quam rumor quem audivi. Ainsi,
Meßeigneurs , nous ne doutons pas
3
1
des Amb. de Siam. 147
qu'aprés que vous aurez admiré
l'esprit de Loüis le Grand , qui est
le Salomon de nostre fiecle, dans la
grandeur & la magnificence deſes
Bâtimens , dans l'oeconomie de sa
Maison, dans le bel ordre de fes
Troupes nombreuſes tant sur mer
quesur terre , dans le nombre infiny
deſesſurprenantes Conquestes , dans
la regularité des Fortifications de
fes Places, & en un mot, dans tout
le reste deſa conduite, vous ne rapportiezfidellement
à voſtre Souverain
Seigneur , que le bonheur de
nostre augusteMonarquefurpaſſede
beaucoup tout ce que vous vous en
estiezimaginé, &qu'il faut l'avoir
vû pour le pouvoir croire. Au reſte,
Meſſeigneurs , nous ne pouvons
mieux répondre aux commandemens
de Sa Majesté , qu'en vous
Nij
148 III . P. du Voyage
Suppliant trés-humblement de nous
honorer des vostres , & d'agréer ces
petits Prefens que nous vous apportons
pour marque qu'il n'y a rien
dans la Ville qui ne foit entierement
à voſtre diſpoſition , & que
nous sommes avec tout le respect
dont nous sommes capables,
MESSEIGNEVRS,
Vos tres humbles &
tres- obéïffans Serviteurs ,
Les Mayeur & Eſchevins
de la Ville d'Arras ..
1
L'Ambaſſadeur répondit,
Que le Roy fon Maistre estoit
un grand Monarque , qui ayant
entendu parler de la grandeur
desAmb de Siam. 149
du Roy de France , defes Conquestes,
&deſes manieres toutes
genereuſes , avoit envoyé il y a
quelques années des Ambaſſadeurs
pour luy demander fon
amitié ; mais que ces Ambaſſadeurs
ayant vray-femblablement
pery, puiſqu'on n'en avoit point
entendu parler, Sa Majesté Siamoiſe
impatiente de voirfon defir
accomply, les avoit de nouveau
envoyezenFrance, non pour aucun
interest ny pour traiterd'affaires
, puisque l'on doit estre
affez perfuadé que ces deux
grands Rois n'en ont point à
démefler enſemble ; mais uni-
Niij
150 III . P. du Voyage
quement pour l'honorer & pour
luy marquer avec quel empreffement
le Roy de Siam recherche
fon amitié. Ils adjoûterent,
qu'ils avoient beaucoup d'obligation
au Roy de la reception
qu'il avoit ordonné qu'on leur
fift dans toutes les Villes où ils
avoient paßé , & qu'ils remer
cioient en particulierMrs d'Arras
, de l'honneur & des Prefens
qu'ils leur faisoient. Cette réponſe
fit connoiſtre qu'ils
avoient compris le ſens de la
Harangue, puiſque l'Hiſtoire
nous apprend que la Reine de
Saba n'eſtoit venuë voir Sa-
1
des Amb. de Siam. 151
lomon que pouffée du defir
de reconnoiſtre en luy toutes
les merveilles que la Renommée
en publioit, & non pour
traiter avec luy d'aucunes
affaires . M de Ville eftant
fortis , M le Comte de Villeneuve
leur demanda l'ordre
, & ils donnerent pour
mot , qui m'attaque fe pert. Il
eſt à propos de marquer icy
une choſe qui vous fera connoiſtre
les raiſons qu'ils ont
cuës de donner par tout les
mots qui ont eſte ſi approuvez
, & qui leur ont fait meriter
tant de loüanges. En
Niiij
152 III. P. du Voyage
approchant de chaque Ville,
ils s'informoient de l'hiſtoire
de la Ville où ils alloient , de
l'état de la Place , des Sieges
qu'elle avoit ſoûtenus, & du
merite , de la qualité & des
actions du Gouverneur ; & de
toutes ces chofes , ainſi que
de ce qui leur arrivoit , &
de ce qu'ils voyoient dans la
Place, ils formoient les mots
que pour leur faire plus
d'honneur & marquer plus
de déference , les Commandans
leur demandoient. C'eſt
pourquoy ils donnerent celuy
de qui m'attaque se pert,
des Amb. de Siam. 153
ayant appris que de nombreuſes
Armées remplies de
Troupes de differentes Na--
tions,&commandées par des
Chefs d'une grande experience
, & d'une haute reputation
, avoient eſté contraints
de lever le Siege de devant
Arras. Le concours du peuple
fut grand pour les voir
ſouper ; mais comme ils auroient
eſté trop incommodez
, on ne laiſſa entrer que
les premieres perſonnes de la
Ville , & les principales Dames,
auſquelles ils firent tout
le bon accüeil imaginable.
154 III . P. du Voyage
Ils donnerent à la plus confiderable
ce que leur Deffert
avoit de plus beau , pour le
diftribuer aux autres ; ce
qu'ils ont fait fort ſouvent
en de pareilles occaſions .
Ils ne fortirent point le
lendemain matin , mais ils
reçûrent les viſites de M. le
Comte de Villeneuve Lieutenant
de Roy , de M² Bifſetz
Major de la Place , des
principaux Officiers de la
Garnifon , & de quelques
Mrs du Confeil. La plupart
de la Nobleſſe des environs
d'Arras vint auſſi les falier.i
des Amb. de Siam. iss
Onleur propoſa de leur faire
entendre l'aprés- dînée ce qui
fut chanté à Sceaux devant
le Roy , lorſque Sa Majefté
fit l'honneur àMª de Seignelay
d'aller voir cette belle
Maiſon , à quoy ils confentirent.
On ne laiſſa entrer
que les Dames pour les voir
dîner. Sur les deux heures
Me le Comte de Villeneuve
les vint prendre dans quatre
Carroffes , pour les mener à
la Citadelle , où Mª de la
Pleigniere qui en eſt Gouverneur
, les fit recevoir au
bruit du Canon. Ils paffer
156 III. P. du Voyage
rent au travers de deux hayes
d'Infanterie , & les Officiers
les falüerent de la Pique. II
leur fit voir les Fortifications
de la Place ; ils les examinerent
toutes , & demanderent
le nom de chaque piece. Ils
virent auſſi faire l'Exercice à
un Bataillon de Picardie qui
eftoit ſous les Armes , à quoy
ils prirent beaucoup de plaifir
. On leur fit voir enſuite
l'Arcenal , & tout ce qu'il y
a de remarquable dans cette
Citadelle ; aprés quoy on leur
fervit une magnifiqueCollation
, où l'on bût de quandesAnb.
de Siam. 157
zité de differentes Liqueurs.
Les Dames les plus diftinguées
de la Ville s'eſtoient
renduës dans la Citadelle ,
pour les voir plus commodément.
Ils les regalerent
de Confitures , & trouverent
qu'Arras ne manquoit pas de
beautez . La Santé du Roy
ne fut pas oubliée , & quelques
Dames la bûrent auffi.
Cette Affemblée n'eſtoitcompoſée
que de Gens de marque
, puiſqu'outre les Dames
il n'y avoit d'Hommes que
les Officiers de la Garniſon,
tant de la Ville , que de
158 IHI. P. du Voyage
la Citadelle . L'Ambaſſadeur
ayant apperçu un Plan qui
eſtoit attaché à la Tapiſſerie,
demanda quel Plan c'eſtoit.
On luy répondit , que s'eftoit
celuy de la Citadelle ; &
il le demanda à Mª de la
Pleigniere, qui le luy donna.
Comme ils avoient encore
beaucoup de choſes à
voir pendant le reſte de l'aprés-
dînée , ils ſortirent aufſi
- tôt que la Collation fut
finie , aprés avoir remercié
Mª de la Pleigniere en termes
fort obligeans, & le Canonſe
fit entendre à leur for
des Amb . de Siam. 159
tie de la même maniere qu'il
avoit fait lorſqu'ils eftoient
entrez. Ils allerent de là à
F'Eglife Cathedrale , où tout
le Peuple eſtoit accouru en
foule ; ils furent reçûs au
grand Portail par tout leChapitre
en corps , ce qui marquoit
quelque choſe de venerable
& d'augufte. Il avoit
à ſa tête M. le Févre
Prevoſt , Chanoine & Theologal
de cette Cathedrale ,
que nous avons veu Aumônier
& Predicateur de la Reine.
Voicy en quels termes
it parla aux Ambaſſadeurs .
160 III. P. du Voyage
MESSEIGNEURS ,
Puisque Sa Majesté vous envoye
furfes Frontieres pour vous rendre
Spectateurs de ſes Conquestes , que
la Renommée a portées jusqu'au
bout du Monde , ce qui vous afait
traverſer tant de Mers pour venir
admirer ce Salomon de nôtre Siecle
, nous ofons vous afſeurer que
la Ville d'Arras est un des plus
beaux &un des plus anciens Fleurons
de sa Couronne , & qu'il n'a
point dans tous ſes Estats de Province
plus memorable que celle
d'Artois , puisqu'elle a toûjours esté
regardée comme l'oeil & la clefde
toute la Flandre. En effet , Cefar
même n'a point balancé de paſſer
les Alpes , & de faire voir l'Aigle
Romaine aux Portes de cette CapidesAmb.
de Siam. 161
tale , dont le Siege luy cousta si
cher, qu'il avoue dansſes Commentaires
, que dans toutes les autres
attaques il avoit combattu pour la
gloire , mais qu'il avoit dans cellecy
deffendu fa propre vie , tant il
avoit trouvé de courage & de reſiſtance
dans lesPeuples qui la deffendoient.
On en voit encore les
glorieux restes , dans ce fameux
Camp * qui nous environne , où
ce grand Capitaine fut obligé de
demeurer fort long-temps , ne pou
vant vaincre cette genereuse opiniaſtreté
des Artefiens , qui arresta
le cours de ſes Victoires , &qui luy
fit acheter fi cherement la gloire
qu'il en remporta.
Cette Comté fameuse ayant par la
viciffitude des Temps & la revo-
*Le Camp de Cefar prés de l'Abbaye d'Eſtrun
162 III . P. duVoyage
lution des Guerres changé deMaitre
, & passé des mains des Ro
mains , dans celles des François,نم
de Payenne estant devenue Chrétienne,
fut l'Appanage de nos Princes
du Sang. Le grand faint Louys
enfit un Present à Robertfon Frere
; luy laiſſant pour partage les
Fleurs-de-Lys fans nombre , * it
luy fit comprendre qu'il ne devoit
point donner de bornes àson courage
sous un si glorieux Eftendart.
C'est ce Robert d'Artois qui paffantfur
le ventre à tant d'Infideles,
dont il achevoit la deffaiteà la
Mazoure dans l'Egypte , en devint
enfin la Victime , se croyant trop
heureux de verſertoutsonfangpour
la querelle du Sauveur du Monde ,
dont il vouloit arracher le facré
* Qui font les Armes encore aujourd'huy de
cetteProvince,
des Amb. de Siam. 163
Sepulchre des mains des Ottomans,
àla pointe deson épée.
Maissi cette Ville d'Arras s'est
distinguéepar les actions heroïques
qui se sont paßées au pied deses
murailles, &parses Princes qui se
font transportez chez les Nations
tesplus reculées pourysignaler leur
valeur , elle n'est pas moins recommandable
par ce fameux Traité de
Paix d'Arras en 1435.qui mit fin
à tant de differens, &à unesifanglante
guerre qui s'estoit allumée
dans toute l'Europe , ou le Duc de
Bourgogne fut en perſonne avec la
Ducheffefon Epouse Infante de Por
tugal. Ce Traitéy attira tout ce qu'il
yavoit de gens plus confiderables &
plus nobles fur la terre , les Legats
du Pape Eugene IV. ceux du Concile
de Bafle,&de l'Anti-Pape Fe
O ij
164 III. P. du Voyage
lix. L'EmpereurSigismond, lesRois
de Caſtille, d'Arragon, de Navarre,
de Naple , de Sicile & de Chypre,
de Dannemark & de Pologne, yenu.
voyerent leurs Ambaſſadeurs , qui .
jaloux de la gloire de leurs Nations
, affectoient une magnificence
extraordinaire . Ceux de France &
d'Angleterre encherirentfur les au
tres par la pompe de leurs Equipages
, les Ducs de Bourbon & de
Vendofme, avec les Conneſtable &
Chancelier, les Marcſchaux deRieux.
& de la Fayette, Adam de Cambray
Premier President au Parlement de
Paris,tous accompagnez d'une infinité
de Nobleffe de la Nation, qui
par leur politeffe & leur lustre don
nerent une haute idée de la leur.
Ce fut dans cetteAſſemblée que le..
Roy de France &le Duc de BourdesAmb.
de Siam. 165
gogne jetterent les fondemens d'une
Paix fincere, dont les fuites ont
esté trés- avantageuses à toute l'Europe
, qui fut jurée folemnellement
dans cette Eglise Cathedrale.
Voilà, Meffſeigneurs , l'éclat que
ba Ville d'Arras a tiré de la Paix
comme de la Guerre ; & cette Capitale
ayant depuis tombé tantôt.
dans les mains de Lauys XI. tantôt
dans celles de l'Empereur Maximilien
, qui faisoient à l'envy
leurs efforts pout s'en rendre les
Maistres , elle fut ensuite la dépofitaire
des cendres des Heros les.
plus distinguez dans la Guerre ;
puisque le Duc de Parme &le Maréchal
de Gaffion fant ensevelis.
dans l'enceinte de ses murailles,
comme si c'estoit le deftin à cette
Ville martiale de garder les précieux.
166 III. P. du Voyage
reftes de la bravoure& de la ge
nerosité qui fut le partage de ces
deux grands Capitaines.
Enfin Louys le lufte fut le dernier
Prince qui s'en afſeura la conqueste
par ses Armes victorieuses .
Elle ne balança pas d'ouvrir fis
Portes à un Roy qui devoit finir
fes miferes auffi- tôt qu'elle deviendroit
sasujette ; &pour en écarter
àjamais la tempeste qui la me
naçoit , LOVIS LE GRAND
en a reculé si loin la Frontiere de
fes Estats , qu'elte en est aujour
d'huy le centre , au lieu qu'elle en
estoit autrefois l'extremité : fi bien
que comme le grand Pompée fe
vantoit d'avoir fait parsa victoire
de l'Asie mineure , le milieu de
l'Empire Romain , qu'elle bornoiz
auparavant ; auffi l'on peut dire
des Amb. de Siam. 167
que la fameuse Ville d'Arras doit
aux Armesde LOVIS LE GRAND
l'avantage d'estre aujour'dbuy le
coeur de la France , dont elle estoit
cy - devant la teste.
Mais il manquoit àfagloire d'avoir
pour témoins deses antiquitez,
deses Fortifications , &defes
fertiles Campagnes , les Peuples les
plus reculez , quipour admirer toutes
ces merveilles ont traversé
toute la distance qui ſeparele Gange
d'avec la Mer Occidentale ,
qui vivant dans des Climats où
le Soleil commence sa course , font
venus jusqu'à ceux où ce grand
Aftre la finit ; en forte que l'on
peut dire de chacun de vous, Mef-
Seigneurs, ce que nous liſons dans
LeRoyProphete, quand il nous veut
donner une idée de fon mouve168
III . P. du Voyage
ment : * Exultavit ut gigas ad
currendam viam à ſummo Cælo
egreffio ejus , & occurfus ejus,
uſque ad fummum ejus.
Heureuſe Province , d'avoir receu
des Ambassadeurs Estrangers,
également venerables par le Prince
qu'ils reprefentent , &par l'importance
de leur ministere , qui n'ont
point apprehendé de faire un Voyage
de fix mille lieües pour ſe ménager
une Alliance avec LOVIS
LE GRAND. Ils pourront apprendre
au Roy de Siam toutes les
chofes quise font paßées sous fon
Regne , les grandes & fameuses
Victoires qu'il a remportées , les
Provinces qu'il a conquiſes , les
Citadelles qu'il a fait élever au
milien des Eaux , les Marais qu'il
*Pfal.. 44
desAmb de Siam. 169
deſſechez, le fecret qu'il a trouvé
de faire une Digue à la Mer,
pour arreſter l'impetuosité de ses ondes
qui n'avoient point encore più
trouver d'obstacle à leur rapidité.
Sans doute , Meſſeigneurs , le Roy
de Siam furpris de tant de merveilles
, se fera de LOVIS LE
GRAND une idée bien au deſſus
de celle que sa reputation luy avoit
donnée. Vôtre Roy que vous nommez
chez vous le Seigneur des Seigneurs
, & la seule cause du bon
heur deses Peuples , fera bien aiſe
d'apprendre de vous que vom avez
trouvé les François pleins de refpect
& de foimiſſion pour leur
Prince. Puiſſi z vous l'affeurer qu'il
n'est pas moins l'exemple , que le
Souverain de fes Sujets , &qu'il les
gouverne encore plus parses vertus,
P
1
170 III. P. du Voyage
que parses Loix. Peut- estre qu'en
luy representant l'Architecture &م
la beauté de cette Cathedrale , ore
reposent les cendres de Monfieur le
Comte de Vermandois , qui marchant
fur les traces de fon auguste Pere ,
aujourd'huy le plus grand des Rois ,
commençoit à ſe ſignaler déja dans la
Guerre ( C'est le précieux dépost que
Sa Majesté nous a confié depuis trois
ans dans ce Temple , où les ceremonies
de l'Eglife Chrétienne se celebrent
avec tant d'exactitude, & qui
depuis plus de treize Siecles a toujours
efté deffervie par tant de Saints
Evêques par tant de Chanoines,
d'un merite fi diftingué ) Peut- estre,
dis - je , que par un miracle qui n'a
point encore paru dans nosjours , le
Ciclouvrira fon coeur , & le faisant
fortir avec ses sujets des tenebres
des Amb. de Siam. 171
qui les aveuglent , il luy donnera
l'envie d'imiter LOVIS LE
GRAND dans sa Religion , comme
dans sa Domination : fi bienque
faisant tous deux une Alliance de
picté , comme de commerce ilsferont
tous deux également heureux
dans ce Monde , &pourront ajous.
ter à la Couronne qu'ils poſſedent
déjafur la Terre , celle de l'Eternité.
,
CetteHarangue ayant eſté
interpretée , l'Ambaſſadeur
répondit , Voftre Harangue ,
Monfieur , roule fur deux chefs,
fur la gloire de Loüis XIV. &
fur le defir que vous avez ainſi
que Sa Majesté , de noftre con-
Pij
172 III. P. du Voyage
version. A l'égard du premier,
on ne peut estre mieux perfuadé
que nous leſommes, des grandes
actions de ce Monarque , dont
la reputation nous a fait venir
de fi loin. Nous ne doutons pas
non plus defa magnificence &
de fa grandeur, puisque nous en
avons fait une experience ſenſible
à ſa Cour &furfes Frontieres.
A l'égard du ſecond point
qui regarde nostre converſion à
la Foy Catholique Romaine, nous
avons des Evesques en noftre
Royaume , qui pourront nous en
inftruire. Il remercia enfuite
tout le Corps du Chapitre,
des Amb. de Siam. 173
de l'honneur qu'il leur faifoit
; aprés quoy ils regarderent
l'Egliſe tant par dehors
que par dedans. Ils entrerent
dans le Choeur , dont ils admirerent
l'Architecture , &
particulierement les petits pilliers
qui ſoûtiennent un auffi
grand Vaiſſeau. On les conduifit
vers la Tombe de M
le Comte de Vermandois , &
on leur dit , qu'il eſtoit grand
Admiral, legitimé de France, &
Frere de Madame la Princeffe de
Conty. L'on s'apperceut alors
qu'ils ſe mirent tous trois fur
ce Tombeau, qu'ils porterent
Piij
174 III . P. du Voyage
leurs mains à leurs yeux , &
qu'ils les frotterent ; & l'on
apprit que c'eſt une maniere
uſitée chez eux pour témoigner
leur deüil. Ils prirent
beaucoup de plaisir à entendre
les Orgues de cette Cathedrale
, qui font fort bonnes
; & fortirent de cette
Egliſe aprés avoir fait de
nouveaux remercîmens au
Prevoſt & aux Chanoines .
Apres cela ils allerent au
Magaſin d'Armes, qu'ils trouverent
en trés-bon état. C'eſt
l'effet des ſoins du Miniſtre
qui s'en meſle. Ils virent auffi
desAmb . de Siam , 175
la celebre Abbaye de Saint-
Vaaſt , & furent receus à la
Porte par le Grand Prieur ,
qui eſtoit à la teſte de fa
Communauté , & qui leur fit
un compliment affez court.
Il le finit en diſant , qu'ils les
recevoient avec tous les honneurs
qu'il eſtoit en leur pouvoir de
leurfaire, puiſque la haute eftime
que Sa Majesté faisoit du
Monarque qui les luy avoit envoyez,
&la confideration particuliere
qu'Elle avoit pour leurs
Excellences , estoit la régle du
profond respect avec lequel ils
ſe preſentoient à eux, en leur
Piiij
176 III. P. du Voyage
offrant très-humblement leMonastere
& tout ce qui en dépendoit.
Ils répondirent qu'ils eftoient
bien perfuadez que les
honneurs que ces Religieux leur
rendoient, estoient une continiation
des effets de la bonté du
Roy à leur égard , & que c'eftoit
à Sa Majesté à qui ils en
avoient toute l'obligation ; mais
qu'ils vouloient pourtant leur en
avoir aufſi. Enfuite ils les
remercierent de la maniere
honneſte dont ils en uſoient;
aprés quoy ils entrerent dans
l'Eglife , & s'arreſterent dans
la Nef pour en confiderer la
des Amb. de Siam. 177
ſtructure ; ce qu'ils firent fort
attentivement. Puis ils entrerent
au Choeur , & s'attacherent
à regarder la ſculpture
des Chaiſes, qui eſt trés-belle
&fort eſtimée . On leur montra
leTombeau du RoyThierry
de la premiere Race , & Fondateur
de ce Convent ; & on
leur dit qu'il ne s'en faloit que
8 années qu'il ne fuft mort ily
a mille ans. L'Ambaſſadeur
demanda comment il eſtoit poffible
qu'ily eust un Roy de France
enterré dans cette Abbaye depuis
fi longtemps , &qu'ily en
cust fi peu , que ce Pays ap
178 III. P. du Voyage
partenoit à la France , Arras
ayant esté pris par le feu Roy.
Le Grand Prieur leur expliqua
en peu de mots , comment
tout le Pays-bas eſtoit
une partie du Royaume de
France ; qu'il n'en avoit eſté
ſeparé que trés-peu de temps,
ſçavoir depuis l'an 1525. jufques
en l'an 1640. & qu'à
l'exception de ce temps-là,
les Rois de France en avoient
toûjours eſté reconnus pour
legitimes Souverains . On les
mena au fortir de l'Eglife ,
dans les Cloiftres, & dans un
Refectoire. De là ils repaffe
des Amb. de Siam. 179
rent par l'Eglife , & eftant à
la porte , l'Ambaſſadeur fit
tout ce qu'il pût pour empeſcher
le Grand Prieur de le
conduire juſqu'à fon carroffe
; mais il crut eſtre obligé
de l'y voir monter. Je ne
vous parleray point des complimens
de remercîment que
firent les Ambaſſadeurs , & je
les retrancheray meſme en
beaucoup d'endroits, puiſque
leur civilité eſt aſſez connuë
pour ne pas douter qu'ils n'en
ayent donné des marques à
toutes les perſonnes qui ont
pris la peine de leur montrer
quelque choſe.
180 III. P. du Voyage
Au fortir de l'Abbaye de
Saint Vaaft , ils allerent au
Concert dont on leur avoit
parlé le matin , & dont Madame
de Préfontaine, femme
du Prefident du Confeil d'Artois
, faifoit les honneurs
Elle les reçût accompagnée
des principales Dames de la
Ville. Les Muficiens estoient
dans une fort grande Salle,
dans laquelle il ſe trouva une
grande affluence de monde,
quelque ordre qu'on cût apporté
pour empêcher la foule.
Ils furent fort fatisfaits
de ce Concert , & le témoides
Amb . de Siam. 181
gnerent à Madame de Préfontaine
, en luy faiſant leurs
remerciemens . Ils retournerent
enſuite chez eux , où ils
trouverent leur Garde ſous
les Armes ; car on avoit mis
à la porte de leur Logement
une Compagnie Suiſſe , avec
un Capitaine & un Lieutenant.
Elle fortoit du Corps
de garde pour ſe mettre en
hayequand les Ambaſſadeurs
devoient fortir , & battoit
lorſqu'ils fortoient & qu'ils
rentroient. Aufli - tôt qu'ils
furent arrivez chez eux , Mr
Biſſetz leur porta le Plan de
182 III. P.du Voyage
la Ville que le premier Am
baffadeur luy avoit deman-
-dé , & qu'il examina d'une
maniere qui marquoit qu'il
commençoit à devenir ſçavant
dans nos Fortifications .
Ce même Major leur demanda
le mot , & ils donnerent
Actions éclatantes , par
rapport à ce ce qu'on leur
avoit dit, qu'aux deux Sieges
d'Arras il y avoit eu beaucoup
d'actions remarquables,
& particulierement au ſecond
, où les Afliegeans avoient
ſouvent eſté repouffez.
On leur avoit même
4
des Amb. de Siam. 183
montré les endroits où les
actions de vigueur s'eftoient
-faites . Le premier Ambaffadeur
demanda à M Biffetz
, s'il estoit François ; &
comme on luy eut répondu ,
que oüy , &qu'il estoit Major
de la Place , il luy dit , qu'en
fon Pays on avoit la barbe &
les cheveux comme luy. M
Biſſetz luy répondit , que s'il
n'eſtoit point François , il voudroit
estre Siamois . Comme
il y avoit beaucoup de Dames
à Arras qui n'avoient
encore pû les voir , il s'en
trouva beaucoup ce foir-là à
r
184 III. P.du Voyage
leur ſoûpé , où tout ſe paſſa
à lordinaire .
Le lendemain 21. M le
Lieutenant de Roy & Ms les
Officiers Majors , ſe rendirent
à leur lever ; & les Ambaſſadeurs
aprés les avoir remerciez
avec des expreffions
pleines de reconnoiffance ,
monterent en Carroſſe à huit
heures préciſes du matin ; &
toutes les Troupes eſtant
fous les Armes comme à leur
arrivée , ils fortirent au bruit
du Canon & du Carillon de
la Ville. Mes du Magiſtrat
le firent joüer trois fois le
desAmb. de Siam. 185
jour pendant tout le temps
que ces Ambaſſadeurs féjournerent
à Arras , ſçavoir une
heure au matin , une hcure à
midy , & une heure. le ſoir,
ainſi qu'à leur entrée & à leur
fortie . Ils allerent ce jour-là
21. dîner à Aiffe , qui eſt un
petit Village entre Arras &
Bethune.
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Résumé : Arras [titre d'après la table]
Le 19, les ambassadeurs de Siam arrivèrent à Sarbret, où ils furent reçus avec magnificence malgré l'absence de commodités. Ils se dirigèrent ensuite vers Arras, capitale de l'Artois, située sur la rivière de Scarpe. Arras est une ville ancienne, ayant été donnée en dot par Charles le Chauve à Judith, épouse de Baudouin Bras de Fer en 863, et réunie à la France en 1180 par le mariage de Philippe Auguste avec Isabelle de Hainaut. La ville possède des fortifications régulières et plusieurs édifices religieux notables, dont la cathédrale Notre-Dame et l'abbaye de Saint-Vaast. Les ambassadeurs furent accueillis par une cavalerie composée de douze compagnies du régiment de Conigsmark et reçus par le comte de Villeneuve, lieutenant du roi d'Arras. Ils entrèrent dans la ville au bruit du canon et au travers d'une haie d'infanterie. Les magistrats de la ville leur adressèrent un discours, soulignant la loyauté d'Arras envers le roi de France et l'estime portée aux ambassadeurs. Ces derniers répondirent en exprimant leur gratitude et en soulignant que leur visite n'avait pas de but diplomatique, mais visait à honorer le roi de France. Les ambassadeurs visitèrent la citadelle d'Arras, où ils assistèrent à un exercice militaire et reçurent une collation. Ils se rendirent également à la cathédrale Notre-Dame, où ils furent accueillis par le chapitre. Leur séjour à Arras fut marqué par des réceptions et des visites officielles, témoignant de l'importance accordée à leur mission. Les ambassadeurs assistèrent à un concert à Arras, accueillis par Madame de Préfontaine, épouse du Président du Conseil d'Artois, et les principales dames de la ville. Malgré les mesures pour éviter la foule, une grande affluence se rassembla dans la salle. Les ambassadeurs apprécièrent le concert et exprimèrent leur satisfaction à Madame de Préfontaine. De retour chez eux, ils trouvèrent une compagnie suisse en garde à leur porte. Le Major Bissetz leur apporta un plan de la ville, que le premier ambassadeur examina avec intérêt, démontrant ses connaissances en fortifications. Bissetz demanda le mot de passe, et les ambassadeurs mentionnèrent les actions militaires remarquables lors des sièges d'Arras. Le lendemain, les ambassadeurs furent salués par le Lieutenant du Roi et les officiers majors avant de quitter Arras en carrosse, escortés par les troupes et accompagnés par le canon et le carillon de la ville. Ils se rendirent à Aisse pour dîner.
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7
p. 207-215
Calais. [titre d'après la table]
Début :
Ils dînerent à Regouge qui est un petit Village sur [...]
Mots clefs :
Calais, Fort, Ville, Roi, Place, Port, Porte, Ambassadeurs, Canon, Citadelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Calais. [titre d'après la table]
Ils dînerent à
Regouge qui est un petit Vi
208 III. P du Voyage
lage ſur le chemin de Calais ,
&arriverent le ſoir à la Ville
de ce nom. C'eſt un Port de
Mer dans la partie de la Picardie,
appellée Païs reconquis.
La Ville eſt bien bâtie & beaucoup
peuplée , & a de fort belles
ruës. Ily en a une qui commence
à la Porte de Terce, &
qui traverſant la grande Place
où eſt la Maiſon de Ville , aboutit
au Port. C'eſt la plus
confiderable . On voit dans
Calais le Palais de l'Auditoire
la Tour du Guet , de magnifiques
Eglifes , plufieurs Monafteres
, & divers Forts . Edes
Anb. de Siam. 209
doüard III. Roy d'Angleterre
emporta cette Ville ſur les
François en 1347. aprés un
Siege de plus de dix mois. Les
Anglois la conſerverent jufques
en 1558. que le Duc de
Guiſe l'affiegea , & la prit dix
jours apres . L'Archiduc Albert
d'Autriche que le Roy
d'Eſpagne avoit fait Gouverneur
des Pays -bas , la reptit en
1596. & deux ans aprés , elle
fut renduë au Roy Henry IV.
par le Traité de Vervins . Depuis
ce temps-là , elle a eſté
fortifiée tres - regulierement ,
& eſt devenue une des plus
S
210 III. P. du Voyage
importantes Places du Royaume.
Les Ambaſſadeurs y furent
receus au bruit du Canon
& le Major qui commandoit
les Troupes , leur fit compliment
à la porte. Ils paſſerent
àtravers pour ſe rendre aulogis
qui leur avoit efté preparé
, &trouverent à la porte de
leur logement une Compagnie
de so. Hommes , avec unCapitaine
, un Lieutenant , & un
Enſeigne. Apres que Mrs du
Magiſtrat ſe furent acquitez
de leur compliment , en leur
offrant les Preſens de la Ville,
leMajor leur vint demander le
desAmb. de Siam . 211
mot , & celuy qu'il receut
fut , où la valeur reſiſte , la ruſe
fuccombe , parce qu'ils avoient
ſceu qu'on avoit tenté pluſieurs
fois de ſurprendre cette
Place , & que de telles entrepriſes
avoient toûjours
manqué de fuccez .
La pluye qui tomba le
lendemain en abondance, ne
les empeſcha point de viſiter
toutes les Fortifications de la
Ville, avec l'Ingenieur qui en
avoit le Plan , & de l'examiner
en meſme temps. Ils s'attacherent
fort à confiderer le
glacis qui regardeGravelines,
S ij
212 III. P. du Voyage
qu'ils trouverent tres-beau ,
ainſi que celuy d'où l'on peut
voir les Châteaux de Douvres
& les Dunes. Le Port leur parut
également beau &grand...
Il eſt fort feur & feparé en
deux bras pour recevoir les
Vaiſſeaux qu'on y voit toû--
jours en fort grand nombre.
Ils font deffendus par unFort
nommé le Fort de Risban, qui
eft à gauche du Port, & que
les Ambaſſadeurs examinerent
avec grand foin. Ils allerent
auffi à la Citadelle à
laquelle le Roy a fait beaucoup
travailler. Elle est fort
des Amb.de Siam. 213
grande & entourée de foſſez
profonds , & de marais qui
font tous remplis de l'eaude
la mer. Toutes les commoditez
qu'on peut ſouhaiter dans
une Place de guerre, font dans
cette Citadelle , & l'on peut
dire que cette Ville - là tire
encore beaucoup de force du
zéle & de la valeur de fes
Habitans, qui ont donné fort
ſouvent des marques de leur
affection pour la France. Les
Ambaſſadeurs qui avoient
efté receus au bruit du canon
du Fort par M. Vignon
qui en eſt Gouverneur , &
214 III . P. du Voyage
qui leur avoit rendu tous les
honneurs qu'ils pouvoient
attendre , ne le furent pas
moins bien à la Citadelle par
M. de Bouteville Lieutenant
de Roy , & tout s'y paſſa pour
les honneurs & pour l'examen
de la Place, comme dans
les autres Citadelles dont je
vous ay déja parlé. Lorſqu'ils
pafferent devant la Maiſon
de Ville , on tira du canon
qui estoit devant le Corps de
garde de la Place. Ils donnerent
ce foir-là pour mot , il
eſt revenu pour triompher, parce
que le Roy avoit eſté fort
des Amb . de Siam. 215
malade à Calais , & qu'il a
toujours triomphé depuis cette
maladie.
Regouge qui est un petit Vi
208 III. P du Voyage
lage ſur le chemin de Calais ,
&arriverent le ſoir à la Ville
de ce nom. C'eſt un Port de
Mer dans la partie de la Picardie,
appellée Païs reconquis.
La Ville eſt bien bâtie & beaucoup
peuplée , & a de fort belles
ruës. Ily en a une qui commence
à la Porte de Terce, &
qui traverſant la grande Place
où eſt la Maiſon de Ville , aboutit
au Port. C'eſt la plus
confiderable . On voit dans
Calais le Palais de l'Auditoire
la Tour du Guet , de magnifiques
Eglifes , plufieurs Monafteres
, & divers Forts . Edes
Anb. de Siam. 209
doüard III. Roy d'Angleterre
emporta cette Ville ſur les
François en 1347. aprés un
Siege de plus de dix mois. Les
Anglois la conſerverent jufques
en 1558. que le Duc de
Guiſe l'affiegea , & la prit dix
jours apres . L'Archiduc Albert
d'Autriche que le Roy
d'Eſpagne avoit fait Gouverneur
des Pays -bas , la reptit en
1596. & deux ans aprés , elle
fut renduë au Roy Henry IV.
par le Traité de Vervins . Depuis
ce temps-là , elle a eſté
fortifiée tres - regulierement ,
& eſt devenue une des plus
S
210 III. P. du Voyage
importantes Places du Royaume.
Les Ambaſſadeurs y furent
receus au bruit du Canon
& le Major qui commandoit
les Troupes , leur fit compliment
à la porte. Ils paſſerent
àtravers pour ſe rendre aulogis
qui leur avoit efté preparé
, &trouverent à la porte de
leur logement une Compagnie
de so. Hommes , avec unCapitaine
, un Lieutenant , & un
Enſeigne. Apres que Mrs du
Magiſtrat ſe furent acquitez
de leur compliment , en leur
offrant les Preſens de la Ville,
leMajor leur vint demander le
desAmb. de Siam . 211
mot , & celuy qu'il receut
fut , où la valeur reſiſte , la ruſe
fuccombe , parce qu'ils avoient
ſceu qu'on avoit tenté pluſieurs
fois de ſurprendre cette
Place , & que de telles entrepriſes
avoient toûjours
manqué de fuccez .
La pluye qui tomba le
lendemain en abondance, ne
les empeſcha point de viſiter
toutes les Fortifications de la
Ville, avec l'Ingenieur qui en
avoit le Plan , & de l'examiner
en meſme temps. Ils s'attacherent
fort à confiderer le
glacis qui regardeGravelines,
S ij
212 III. P. du Voyage
qu'ils trouverent tres-beau ,
ainſi que celuy d'où l'on peut
voir les Châteaux de Douvres
& les Dunes. Le Port leur parut
également beau &grand...
Il eſt fort feur & feparé en
deux bras pour recevoir les
Vaiſſeaux qu'on y voit toû--
jours en fort grand nombre.
Ils font deffendus par unFort
nommé le Fort de Risban, qui
eft à gauche du Port, & que
les Ambaſſadeurs examinerent
avec grand foin. Ils allerent
auffi à la Citadelle à
laquelle le Roy a fait beaucoup
travailler. Elle est fort
des Amb.de Siam. 213
grande & entourée de foſſez
profonds , & de marais qui
font tous remplis de l'eaude
la mer. Toutes les commoditez
qu'on peut ſouhaiter dans
une Place de guerre, font dans
cette Citadelle , & l'on peut
dire que cette Ville - là tire
encore beaucoup de force du
zéle & de la valeur de fes
Habitans, qui ont donné fort
ſouvent des marques de leur
affection pour la France. Les
Ambaſſadeurs qui avoient
efté receus au bruit du canon
du Fort par M. Vignon
qui en eſt Gouverneur , &
214 III . P. du Voyage
qui leur avoit rendu tous les
honneurs qu'ils pouvoient
attendre , ne le furent pas
moins bien à la Citadelle par
M. de Bouteville Lieutenant
de Roy , & tout s'y paſſa pour
les honneurs & pour l'examen
de la Place, comme dans
les autres Citadelles dont je
vous ay déja parlé. Lorſqu'ils
pafferent devant la Maiſon
de Ville , on tira du canon
qui estoit devant le Corps de
garde de la Place. Ils donnerent
ce foir-là pour mot , il
eſt revenu pour triompher, parce
que le Roy avoit eſté fort
des Amb . de Siam. 215
malade à Calais , & qu'il a
toujours triomphé depuis cette
maladie.
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Résumé : Calais. [titre d'après la table]
Le texte relate un voyage vers Calais, une ville portuaire en Picardie, célèbre pour ses rues et ses fortifications. Calais a été conquise par Édouard III d'Angleterre en 1347 après un siège de dix mois et est restée sous contrôle anglais jusqu'en 1558, date à laquelle le Duc de Guise la reprit. L'Archiduc Albert d'Autriche la reconquit en 1596, mais elle fut rendue à Henri IV par le Traité de Vervins en 1598. Depuis, Calais a été régulièrement fortifiée et est devenue une place stratégique du royaume. Les ambassadeurs de Siam y furent reçus avec des honneurs militaires, notamment des salves de canon. Ils visitèrent les fortifications, examinant le glacis vers Gravelines, les Châteaux de Douvres, le Port et le Fort de Risban. La Citadelle, renforcée par le roi, est entourée de fossés et de marais marins et est bien équipée pour la défense. Les habitants de Calais sont reconnus pour leur zèle et leur valeur. Les ambassadeurs reçurent également des honneurs à la Citadelle et passèrent devant la Maison de Ville, où des salves de canon furent tirées. Leur mot du jour fut 'il est revenu pour triompher', en référence à la guérison du roi après une maladie à Calais.
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8
p. 217-234
Dunkerque. [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent le même jour coucher à Dunkerque, Ville sur [...]
Mots clefs :
Dunkerque, Place, Intendant, Ville, Roi, Fort, Bergues, Comte, Ambassadeurs, Artillerie, Armes, Folie, Remparts, Du Verger, Mer, Citadelle, Ambassadeur, Mégron
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dunkerque. [titre d'après la table]
Ils allerent le même jour
coucher à Dunkerque , Ville
fur la Mer dans le Comté de
Flandres . Le Comte Baudoüin
III . dit le Jeune, la fit
bâtir en 960. Elle a de fort
bellesRuës, unPort extrémement
frequenté , & des Ha-
T
218 III . P. du Voyage
bitans fort renommez pour
la Navigation. Marie de Luxembourg
, Comteſſe de S.
Paul, Dame de Dunkerque,
Fille unique de Pierre de Luxembourg
& de Marguerite
de Savoye, épouſa François de
Bourbon, Comte de Vendôme
, quatriéme Ayeul paternel
du Roy. C'eſt ſur cela
que font fondées les legitimes
pretentions qu'a Sa Majeſté
ſur la Ville de Dunkerque.
Les François la prirent
en 1558. Le Duc de Parme
la reprit en 1583. Monfieur
le Prince , alors Duc d'An-
1
des Amb. de Siam. 319
guien, s'en rendit Maiſtre en
1646. & les Eſpagnols qui
l'emporterent en 1652. lagarderent
juſqu'en 1658. que
Mr le Maréchal de Turenne
la leur ôta. Elle fut remiſe
aux Anglois , de qui le Roy
la racheta en 1662. La Citadelle
que Sa Majeſté y a fait
faire , eft tres - confiderable ,
auſſi - bien que les Fortifications.
Les Ambaſſadeurs aprés a
voir paſſé entre le Fort du
Bois &le Fort Mardic , qu'ils
confidererent , approcherent
de la Place au bruit d'une
Tij
220 III. P. du Voyage
groffe Artillerie. M Me
gron Major qui y commandoit
, les reçût à la Porte de
la Ville. Toute la Garniſon,
parmy laquelle il y avoit
beaucoup de Compagnies
Suiffes, eſtoit ſous les Armes.
Ils furent logez à l'Hoſtel de
Ville, où ils reçûrent les complimens
des Magiftrats, & les
Preſens ordinaires. Ils furent
auſſi complimentez par
pluſieurs Corps . Le foir tout
'Hoſtel de Ville ſe trouva
éclairé par l'ordre des Magiſtrats.
Ils donnerent ce
foir- là pour Mot , La clef eft
des Amb de Siam . 221
digne de la ferrure , fur ce
qu'on leur avoit dit que Dunkerque
eſt une Clef du
Royaume. Ils furent ravis
de trouver à Dunkerque Madame
la Princeſſe de Bournonville,
Me la Comteffe de
Sore , & Ms les Princes de
Bournonville & de Robec,
qu'ils avoient veus à Berny, &
dont ils avoient reçû de grandeshonnêtetez.
MadamePatoulet,
femmede M² l'Intendant
de la Marine à Dunkerque
, eſtoit de la Compagnie.
M Deſmadrit Intendant
de Juſtice , Police des
Tiij
222 III . P. du Voyage
Troupes , & Finances de Sa
Majesté, & M Patoulet, vinrent
auſſi les ſalüer . M Defmadrit
leur dit , qu'il alloit à
Ypres , où il auroit l'honneur de
les voir , & qu'il eſperoit qu'ils
luy feroient la grace de diſner
chez luy. Ils fouperent à l'ordinaire
en bonne Compagnie.
Le lendemain ils monterent
en Carroſſe pour aller
du côté de la Mer , où ils
trouverent des Chaloupes
fort propres, & virent les Jettées
& les Forts qui ſont def
ſus, qui les ſalüerent de toute
leur Artillerie. Ils meſurerent
desAmb. de Siam, 223
eux-mêmes les épaiſſeurs &
les hauteurs des murailles , les
hauteurs & les profondeurs
des foſſez , & examinerent
tous les ouvrages avancez. Ils
virent fortir à pleines voiles
un affez gros Vaiffeau, chargé
de tout ſon Canon. De là
ils allerent au Rifban , où ils
monterent & deſcendirent
dans tous les endroits qu'ils
jugerent dignes de leur curioſité.
Ils marquerent une
ſurpriſe qui ne ſe peut exprimer
, & crûrent voir une
des premieres merveilles du
Monde. Ils vinrent enſuite
Tiiij
224 III. P. du Voyage
à pied juſqu'à la Jettée, où
l'on ſe rembarqua pour regagner
le Carroffe. Le lendemain
ils allerent à la Citadelle
que le Roy a fait bâtir.
Ils furent receus au bruit du
Canon , & trouverent l'Infanterie
ſous les Armes ; ils
virent les Magaſins & les Arcenaux
, & dirent que non
Seulement cette Fortereffe leur
paroiſſoit imprenable , mais mefme
qu'ils ne croyoient pas que
l'on pût ſonger à l'attaquer ,
parce qu'on n'attaquoit pas ce
qu'on sçavoit qu'il estoit impoffible
de prendre. On tira une
des Amb. de Siam. 225
Coulevrine , appellée la grande
Coulevrine de Nancy. Comme
on leur avoit donné les
Violons , ce qui continua
tant qu'ils ſéjournerent à
Dunkerque , ils avoient demandé
les noms de pluſieurs
Airs , & même la raiſon des
noms qu'on leur avoit dits.
La Folie d'Eſpagne s'eſtant
trouvée de ce nombre , il ne
ſe rencontra perſonne qui
-leur pût apprendre pourquoy
cét Air avoit eu ce nom : ce
qui fut cauſe que M Megron
leur ayant demádé l'Ordre
, ils dirent la Folie d'Ef
r
226 III. P. du Voyage
pagne. M: Torf leur demanda
, pourquoy ils donnoient
ce mot. Ils répondirent, qu'ils
avoient peut- estre plus de raiſon
de le donner , que le Muſicien
n'en avoit eu de nommer
Folie un Air qui paroiffoit tresbeau
, puiſque c'en estoit une tresgrande
que d'avoir laiffé prendre
une Ville comme Dunkerque.
Lejour ſuivant (car ilsſéjournerent
deux jours àDunkerque
) ils firent le tour de
la Place avec M Megron ,
& trouverent les Ramparts
d'une propreté qui paſſe tout
des Amb. de Siam. 227
د
ce qu'on s'en peut imaginer.
On n'y voit aucune ordure
de quelque nature qu'elle
puiſſe eſtre , & les Jardins les
plus propres & les mieux entretenus
du Prince le plus curieux
ne pourroient qu'à
peine approcher de ce qu'ils
virent. Cela fait connoiftre
que Me Megron ſçaitbien ſe
faire obeïr , & qui fe fait obefr,
doit eſtre du nombre
des meilleurs Officiers . M du
Verger Ingenieur de la Place,
en fit le tour avec les Ambaſſadeurs.
Illeur apprit tout
cequ'ils ſouhaiterent ſçavoir
228 III. P. du Voyage
&répondit ſi bien à toutes
leurs queſtions , qu'ils conçûrentbeaucoup
d'eftime, &
prirent même quelque forte
d'amitié pour luy. Ils dirent,
que le Roy de Siam n'épargneroit
rien pour avoir un auffi habile
Homme qu'il eſtoit , & le
prierent de vouloir bien les accompagner
jusqu'à Bergues, par
où ils devoientpaffer pour aller à
Ypres. Enfin ils luy dirent ,
qu'il s'expliquoit si bien , que
tout marquoit en luy ce qu'il
vouloit dire , & que ceux àqui
il parloit n'avoient que faire de
fçavoirfa langue , pour concedes
Amb. de Siam. 229
voir ce qu'il vouloit faire entendre.
Ils ne quitterent les Ramparts
que pour aller voir l'Arcenal,
où ils ne laiſſerent rien
à viſiter : de forte qu'eſtant
tous remplis de la beauté de
la Place , &de la grandeur du
Roy , ils fortirent en difant,
qu'ils voyoient par tout des chofes
inoüies. M Patoulet Intendant
de Marine , ayant
fait charger pluſieurs Ecluſes,
vint ſur le ſoir les prier d'en
voir l'effet , & leur dit , que
cela ne dureroit qu'un instant.
Ils demanderent, fi leRoy les
avoit fait faire comme le reste.
230 III . P. du Voyage
On leur dit que oüy. Ils repartirent
auffi -toſt , qu'ils ne
doutoient pas que cela ne répon
diſt à la magnificence de Sa Majesté
, &qu'ilsypaſſeroient non
pas un instant , mais la nuit
entiere. Ils monterent dans le
Carroffe de Me l'Intendant,
qui en avoit fait amener
d'autres pour leur Suite. Dés
qu'ils furent arrivez , on ouvrit
les Ecluſes, qui firent les
effets qu'on en attendoit.
L'Ambaſſadeur dit qu'il estoit
caution de la netteté du Port,
tant qu'on entretiendroit cesEclufes-
là. Ils virent le nouveau
L
des Amb. de Siam. 231
Baffin pour les Vaiſſeaux du
Roy , qui eſt encore un des
Ouvrages qui répond le plus
à la grandeur de Sa Majefté.
On leur montra auſſi plufieurs
Vaiſſeaux fur le chantier.
Si je voulois vous faire
un détail entier de tout ce
que les Ambaſſadeurs ont vû
& dit à Dunkerque , & de la
maniere dont le Roy y eſt
ſervy, j'avoue qu'il me feroit
difficile de trouver la fin de
certe Relation . L'Ambaſſadeur
donna ce ſoir-là pour
mot , Nous triomphons par fa
victoire, & dit que c'eſtoit une
234 III . P. du Voyage
verité , puiſque l'état où ef
toit la Ville , depuis qu'elle
avoit eſté conquiſe par Sa
Majesté , & l'opulence des
Peuples , faifoient voir qu'ils
triomphoient par la victoire
de ce
de ce grand Monarque.
Aprés avoir ſejourné à
Dunkerque le 29. & le 30. ils
en partirent avec des honneurs
qui ne peuvent eſtre
comparez qu'à ceux qu'ils avoient
receus en y entrant.
Ils s'embarquerent dés ſept
heures du matin, ſur le canal
de Bergues , qui eſt hors la
Ville, dans un batteau coudes
Amb. de Siam. 233
vert bien meublé & vîtré,
que M Deſmadrit leur avoit
fait préparer. Ils avoient prié
de trop bonne grace M du
Verger de venir avec eux jufques
à Bergues , pour en eſtre
refufez. Il les accompagna
juſque- là, & ils parlerent pendant
tout le chemin de Fortifications
& des inondations
de Siam. L'Ambaſſadeur luy
dit qu'il croyoit qu'il estoit un
homme univerſel. Ils trouverent
fur le chemin de Dunkerque
à Bergues, le long du
Canal, le Fort Louis, & le Fort
S. François , qui font deux
V
234 III. P.du Voyage
Forts Royaux , & quelques
Redoutes . Ils en furent falüez
, & les Garniſons parurent
en bataille ſur les ramparts
. Eftant arrivez à Bergues
, Mª du Verger les quit
ta , dont ils témoignerent du
regret. Ils trouverent leurs
Carroffes , dans lesquels ils
monterent pour continuër
leur route. Ils furent falüez
par l'Artillerie de Bergues , &
trouverent la Garnifon fous
les armes , depuis une Porte
juſques à l'autre. Ils furent
meſme haranguez , & receurent
les Prefens de la Ville.
coucher à Dunkerque , Ville
fur la Mer dans le Comté de
Flandres . Le Comte Baudoüin
III . dit le Jeune, la fit
bâtir en 960. Elle a de fort
bellesRuës, unPort extrémement
frequenté , & des Ha-
T
218 III . P. du Voyage
bitans fort renommez pour
la Navigation. Marie de Luxembourg
, Comteſſe de S.
Paul, Dame de Dunkerque,
Fille unique de Pierre de Luxembourg
& de Marguerite
de Savoye, épouſa François de
Bourbon, Comte de Vendôme
, quatriéme Ayeul paternel
du Roy. C'eſt ſur cela
que font fondées les legitimes
pretentions qu'a Sa Majeſté
ſur la Ville de Dunkerque.
Les François la prirent
en 1558. Le Duc de Parme
la reprit en 1583. Monfieur
le Prince , alors Duc d'An-
1
des Amb. de Siam. 319
guien, s'en rendit Maiſtre en
1646. & les Eſpagnols qui
l'emporterent en 1652. lagarderent
juſqu'en 1658. que
Mr le Maréchal de Turenne
la leur ôta. Elle fut remiſe
aux Anglois , de qui le Roy
la racheta en 1662. La Citadelle
que Sa Majeſté y a fait
faire , eft tres - confiderable ,
auſſi - bien que les Fortifications.
Les Ambaſſadeurs aprés a
voir paſſé entre le Fort du
Bois &le Fort Mardic , qu'ils
confidererent , approcherent
de la Place au bruit d'une
Tij
220 III. P. du Voyage
groffe Artillerie. M Me
gron Major qui y commandoit
, les reçût à la Porte de
la Ville. Toute la Garniſon,
parmy laquelle il y avoit
beaucoup de Compagnies
Suiffes, eſtoit ſous les Armes.
Ils furent logez à l'Hoſtel de
Ville, où ils reçûrent les complimens
des Magiftrats, & les
Preſens ordinaires. Ils furent
auſſi complimentez par
pluſieurs Corps . Le foir tout
'Hoſtel de Ville ſe trouva
éclairé par l'ordre des Magiſtrats.
Ils donnerent ce
foir- là pour Mot , La clef eft
des Amb de Siam . 221
digne de la ferrure , fur ce
qu'on leur avoit dit que Dunkerque
eſt une Clef du
Royaume. Ils furent ravis
de trouver à Dunkerque Madame
la Princeſſe de Bournonville,
Me la Comteffe de
Sore , & Ms les Princes de
Bournonville & de Robec,
qu'ils avoient veus à Berny, &
dont ils avoient reçû de grandeshonnêtetez.
MadamePatoulet,
femmede M² l'Intendant
de la Marine à Dunkerque
, eſtoit de la Compagnie.
M Deſmadrit Intendant
de Juſtice , Police des
Tiij
222 III . P. du Voyage
Troupes , & Finances de Sa
Majesté, & M Patoulet, vinrent
auſſi les ſalüer . M Defmadrit
leur dit , qu'il alloit à
Ypres , où il auroit l'honneur de
les voir , & qu'il eſperoit qu'ils
luy feroient la grace de diſner
chez luy. Ils fouperent à l'ordinaire
en bonne Compagnie.
Le lendemain ils monterent
en Carroſſe pour aller
du côté de la Mer , où ils
trouverent des Chaloupes
fort propres, & virent les Jettées
& les Forts qui ſont def
ſus, qui les ſalüerent de toute
leur Artillerie. Ils meſurerent
desAmb. de Siam, 223
eux-mêmes les épaiſſeurs &
les hauteurs des murailles , les
hauteurs & les profondeurs
des foſſez , & examinerent
tous les ouvrages avancez. Ils
virent fortir à pleines voiles
un affez gros Vaiffeau, chargé
de tout ſon Canon. De là
ils allerent au Rifban , où ils
monterent & deſcendirent
dans tous les endroits qu'ils
jugerent dignes de leur curioſité.
Ils marquerent une
ſurpriſe qui ne ſe peut exprimer
, & crûrent voir une
des premieres merveilles du
Monde. Ils vinrent enſuite
Tiiij
224 III. P. du Voyage
à pied juſqu'à la Jettée, où
l'on ſe rembarqua pour regagner
le Carroffe. Le lendemain
ils allerent à la Citadelle
que le Roy a fait bâtir.
Ils furent receus au bruit du
Canon , & trouverent l'Infanterie
ſous les Armes ; ils
virent les Magaſins & les Arcenaux
, & dirent que non
Seulement cette Fortereffe leur
paroiſſoit imprenable , mais mefme
qu'ils ne croyoient pas que
l'on pût ſonger à l'attaquer ,
parce qu'on n'attaquoit pas ce
qu'on sçavoit qu'il estoit impoffible
de prendre. On tira une
des Amb. de Siam. 225
Coulevrine , appellée la grande
Coulevrine de Nancy. Comme
on leur avoit donné les
Violons , ce qui continua
tant qu'ils ſéjournerent à
Dunkerque , ils avoient demandé
les noms de pluſieurs
Airs , & même la raiſon des
noms qu'on leur avoit dits.
La Folie d'Eſpagne s'eſtant
trouvée de ce nombre , il ne
ſe rencontra perſonne qui
-leur pût apprendre pourquoy
cét Air avoit eu ce nom : ce
qui fut cauſe que M Megron
leur ayant demádé l'Ordre
, ils dirent la Folie d'Ef
r
226 III. P. du Voyage
pagne. M: Torf leur demanda
, pourquoy ils donnoient
ce mot. Ils répondirent, qu'ils
avoient peut- estre plus de raiſon
de le donner , que le Muſicien
n'en avoit eu de nommer
Folie un Air qui paroiffoit tresbeau
, puiſque c'en estoit une tresgrande
que d'avoir laiffé prendre
une Ville comme Dunkerque.
Lejour ſuivant (car ilsſéjournerent
deux jours àDunkerque
) ils firent le tour de
la Place avec M Megron ,
& trouverent les Ramparts
d'une propreté qui paſſe tout
des Amb. de Siam. 227
د
ce qu'on s'en peut imaginer.
On n'y voit aucune ordure
de quelque nature qu'elle
puiſſe eſtre , & les Jardins les
plus propres & les mieux entretenus
du Prince le plus curieux
ne pourroient qu'à
peine approcher de ce qu'ils
virent. Cela fait connoiftre
que Me Megron ſçaitbien ſe
faire obeïr , & qui fe fait obefr,
doit eſtre du nombre
des meilleurs Officiers . M du
Verger Ingenieur de la Place,
en fit le tour avec les Ambaſſadeurs.
Illeur apprit tout
cequ'ils ſouhaiterent ſçavoir
228 III. P. du Voyage
&répondit ſi bien à toutes
leurs queſtions , qu'ils conçûrentbeaucoup
d'eftime, &
prirent même quelque forte
d'amitié pour luy. Ils dirent,
que le Roy de Siam n'épargneroit
rien pour avoir un auffi habile
Homme qu'il eſtoit , & le
prierent de vouloir bien les accompagner
jusqu'à Bergues, par
où ils devoientpaffer pour aller à
Ypres. Enfin ils luy dirent ,
qu'il s'expliquoit si bien , que
tout marquoit en luy ce qu'il
vouloit dire , & que ceux àqui
il parloit n'avoient que faire de
fçavoirfa langue , pour concedes
Amb. de Siam. 229
voir ce qu'il vouloit faire entendre.
Ils ne quitterent les Ramparts
que pour aller voir l'Arcenal,
où ils ne laiſſerent rien
à viſiter : de forte qu'eſtant
tous remplis de la beauté de
la Place , &de la grandeur du
Roy , ils fortirent en difant,
qu'ils voyoient par tout des chofes
inoüies. M Patoulet Intendant
de Marine , ayant
fait charger pluſieurs Ecluſes,
vint ſur le ſoir les prier d'en
voir l'effet , & leur dit , que
cela ne dureroit qu'un instant.
Ils demanderent, fi leRoy les
avoit fait faire comme le reste.
230 III . P. du Voyage
On leur dit que oüy. Ils repartirent
auffi -toſt , qu'ils ne
doutoient pas que cela ne répon
diſt à la magnificence de Sa Majesté
, &qu'ilsypaſſeroient non
pas un instant , mais la nuit
entiere. Ils monterent dans le
Carroffe de Me l'Intendant,
qui en avoit fait amener
d'autres pour leur Suite. Dés
qu'ils furent arrivez , on ouvrit
les Ecluſes, qui firent les
effets qu'on en attendoit.
L'Ambaſſadeur dit qu'il estoit
caution de la netteté du Port,
tant qu'on entretiendroit cesEclufes-
là. Ils virent le nouveau
L
des Amb. de Siam. 231
Baffin pour les Vaiſſeaux du
Roy , qui eſt encore un des
Ouvrages qui répond le plus
à la grandeur de Sa Majefté.
On leur montra auſſi plufieurs
Vaiſſeaux fur le chantier.
Si je voulois vous faire
un détail entier de tout ce
que les Ambaſſadeurs ont vû
& dit à Dunkerque , & de la
maniere dont le Roy y eſt
ſervy, j'avoue qu'il me feroit
difficile de trouver la fin de
certe Relation . L'Ambaſſadeur
donna ce ſoir-là pour
mot , Nous triomphons par fa
victoire, & dit que c'eſtoit une
234 III . P. du Voyage
verité , puiſque l'état où ef
toit la Ville , depuis qu'elle
avoit eſté conquiſe par Sa
Majesté , & l'opulence des
Peuples , faifoient voir qu'ils
triomphoient par la victoire
de ce
de ce grand Monarque.
Aprés avoir ſejourné à
Dunkerque le 29. & le 30. ils
en partirent avec des honneurs
qui ne peuvent eſtre
comparez qu'à ceux qu'ils avoient
receus en y entrant.
Ils s'embarquerent dés ſept
heures du matin, ſur le canal
de Bergues , qui eſt hors la
Ville, dans un batteau coudes
Amb. de Siam. 233
vert bien meublé & vîtré,
que M Deſmadrit leur avoit
fait préparer. Ils avoient prié
de trop bonne grace M du
Verger de venir avec eux jufques
à Bergues , pour en eſtre
refufez. Il les accompagna
juſque- là, & ils parlerent pendant
tout le chemin de Fortifications
& des inondations
de Siam. L'Ambaſſadeur luy
dit qu'il croyoit qu'il estoit un
homme univerſel. Ils trouverent
fur le chemin de Dunkerque
à Bergues, le long du
Canal, le Fort Louis, & le Fort
S. François , qui font deux
V
234 III. P.du Voyage
Forts Royaux , & quelques
Redoutes . Ils en furent falüez
, & les Garniſons parurent
en bataille ſur les ramparts
. Eftant arrivez à Bergues
, Mª du Verger les quit
ta , dont ils témoignerent du
regret. Ils trouverent leurs
Carroffes , dans lesquels ils
monterent pour continuër
leur route. Ils furent falüez
par l'Artillerie de Bergues , &
trouverent la Garnifon fous
les armes , depuis une Porte
juſques à l'autre. Ils furent
meſme haranguez , & receurent
les Prefens de la Ville.
Fermer
Résumé : Dunkerque. [titre d'après la table]
Le texte décrit la visite des ambassadeurs de Siam à Dunkerque, une ville située en Flandres, fondée en 960 par le Comte Baudouin III. Dunkerque est réputée pour ses rues pittoresques, son port actif et ses habitants experts en navigation. Marie de Luxembourg, Comtesse de Saint-Pol et Dame de Dunkerque, a épousé François de Bourbon, Comte de Vendôme, ancêtre du roi de France, ce qui a justifié les prétentions royales sur la ville. Dunkerque a connu plusieurs changements de mains au fil des siècles. Elle a été prise par les Français en 1558, reprise par les Espagnols en 1583, conquise par le Duc d'Anjou en 1646, puis de nouveau par les Espagnols en 1652, avant d'être finalement rachetée par le roi de France en 1662. La citadelle et les fortifications de Dunkerque sont particulièrement remarquables. Lors de leur visite, les ambassadeurs de Siam ont été accueillis avec des honneurs militaires et civils. Ils ont été logés à l'Hôtel de Ville et ont reçu des présents. Ils ont visité les fortifications, les jetées et les forts, et ont été impressionnés par la propreté et la discipline des lieux. Ils ont également assisté à des démonstrations de l'artillerie et des écluses, exprimant leur admiration pour les ouvrages et la grandeur du roi. Après deux jours à Dunkerque, ils ont quitté la ville en bateau, accompagnés par des salves d'artillerie et des honneurs militaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 245-269
Lille. [titre d'après la table]
Début :
Ce même jour 3. de Novembre ils allerent coucher à [...]
Mots clefs :
Lille, Ville, Fort, Sébastien Le Prestre de Vauban, Roi, La Rablière, Place, Hôtel de la monnaie, Flandre, Citadelle, Ambassadeurs, Monde, Argent, Gendarmes, France, Temps, Dames, Moulin, Peuple, Chevaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lille. [titre d'après la table]
Ce même jour 3. de Novembre
ils allerent coucher à
Lifle , qui eſt ſur la Riviere de
Deulle , dont l'eau remplit ſes
doubles foffez qu'on a diftinguez
de demy-lunes. La Ville
eft fort grande & a des Eglifes
magnifiques. Baudoüin V.
dit de Lifle , Comte de Flandre
y fonda la Collegiale de
S. Pierre . C'eſt la plus confiderable
. Lifle , Capitale de la
Flandre nommée Gallicane ,
fut entourée deMurailles par
le meſme Baudoüin V. en
1046. Philippes le Hardy y
établit une Chambre des
X iij
246 II P. du Voyage
Comtes en 1385. Le Roy la foûmit
en 1667. & comme elle eſt
reftée à la France par la Paix
d'Aix la Chapelle en 1668, Sa
Majesté y a fait élever une
forte Citadelle flanquée de
cinq grands BaſtionsRoyaux.
Apeine les Ambaſſadeurs furent-
ils fortis de Menin, qu'ils
commencerent à voir le Peuple
de Lifle qui rempliſſoit la
Campagne. A une lieuë de la
Place, ils trouverent un fort
grand nombre de Caroffes &
de Chevaux , tant de la Nobleſſe
de la Ville , que decelle
des environs .On avoitran
des Amb . de Siam. 247
gélaGendarmerie en bataille,
elle eſtoit fort leſte , & commandée
par Me Doleac qui
eſtoit à la teſte , & qui falia
les Ambaſſadeurs ainſi que
tous les Officiers ; chacun
d'eux avoit l'épée à la main.
Mde la Rabliere Comman--
dant , les reçût hors la Ville ,
&leur preſenta Mts du Magiftrat
qui leur témoignerent
la joye qu'ils avoient de les
recevoir ,& d'executer l'ordre
du Roy. Ces premiers
complimens eſtant finis , ils
entrerent dans la Ville , où la
foule du Peuple eſtoit fi gran-
X iiij
248 III. P. du Voyage
de , que les Ambaſſadeurs di
rent qu'ils croyoient eftre encore au
jour de leur Entrée à Paris. Aprés
avoir paſſé dans pluſieurs
grandes&belles ruës bordées
de Troupes , ils retrouverent
la Gendarmerie en bataille
dans la place. M² de la Rabliere
les alla voir peu de
temps aprés leur arrivée , &
leur demanda le Mot. Ils
ſçavoient que Me le Maref
chal de Humieres , Gouverneur
de Lifle , commandoit
les Armées du Roy , & eftoit
grand Maître de l'Artillerie ,
c'eſt pourquoy ils donnerent,
des Anb. de Siam. 249
quand le Soleil menace , le Tonnere
gronde. Il y eut beaucoup
de monde à les voir fouper ,
&fur tout quantité de Dames,
il s'en trouva un grand nombre
de fort belles. Le lendemain
M de la Rabliere donna
ordre qu'on amenaft des
Caroſſes à la porte du lieu où
ils eftoient logez , & les conduiſit
à la Citadelle. Ils y furent
receus au bruit du Canon
, comme ils l'avoient eſté
le jour precedent au bruit de
celuy de la Ville. L'Infanterie
eſtoit en bataille. Ils monterent
fur les Remparts , & en
250 III P duVoyage
firent le tour , avec M Morion
qui en eſt Lieutenant de
Roy , ainſi qu'avec le Major &
l'Ingenieur ,je dis l'Ingenieur,
parcequ'il y en a undans chaque
Place. On leur dit que
Mr de Vauban estoit Gouverneur
de cette Citadelle qu'il avoit
luy-mefme fait construire ,
que c'étoit le premier homme du
Monde pour les Fortifications ,
&que tout ce qu'il y avoit de
beaux Ouvrages en France de
cette nature , avoient étéfaits par
fesfoins. Ils allerent voir fon
Jardin qui eſt dans la meſme
Citadelle , & entrerent dans
des Amb. de Siam. 251
une Grotte où l'on fit moüiller
beaucoup de monde pour
les divertir. Ils virent auffi
P'Arcenal qui eſt dans le même
lieu ,& generalement tout
ce qu'ils jugerent digne de
leur curioſité , c'eſt à dire qu'ils
ne laiſſerent aucun endroit de
la Place ſans le viſiter. Le même
jour ils eurent le plaifir
d'une Chaſſe , dont ils avoient
eſté priez par Me de la Rabliere
; ils allerent juſques à la
porte de la Ville dans les Caroffes
qu'il leur avoit envoyez,
puis ils monterent à cheval.
Il y avoit auſſi quantité de
252 III. P. du Voyage
Dames à cheval fort parées
& veſtuës en Amazones , &
plus de vingt mille perfonnes.
Les chiens prirent beaucoup
de gibier , & comme la populace
en prit encore davantage
, on fut contraint de
faire ceffer la chaffe , & d'obliger
du moins autant qu'on
le pût , tout ce grand Peuple
à rentrer. M du Magiftrat
leur donnerent la Comedie
dans l'Hôtel de Ville , aprés
quoy ils pafferent dans une
grande Sale , où il y avoit un
fort beau Concert de voix , &
d'inſtrumens qui dura une
1
desAmb. de Siam. 253
heure & demie. Ils allerent
delà dans une autre Salle où
eſtoit ſervie une collation magnifique
de vingt couverts.
Les Dames ſe mirent à table,
& la beauté de Mlle de la
Rianderie , qui charma toute
l'Aflemblée , auroit eu tous
les applaudiſſemens, ſiſa douceur
n'euſt pas eu l'avantage
de les partager. L'Ambaffadeur
donna ce ſoir là pour
mot , Ie defendray mon Ouvrage
, voulant dire que M de
Vauban qui avoit fait la Citadelle
, la defendroit auffibien
que la Ville , ſi l'une &
254 III. P. du Voyage
l'autre eſtoit attaquée. L'af-
Auence du monde ſe trouva
ſi grande pour les voir fouper
, qu'il y avoit apparence
que la plus part des Dames ,
loin de pouvoir trouver place
, ne pourroient pas meſme
entrer. Cela fut cauſe que les
Ambaſſadeurs prierent qu'on
ne laiſſaſt entrer qu'elles , difant
que les hommes les pouvoient
voir dans les autres lieux
où ils alloient.
Le lendemain ils furen tconduits
dans l'Hôtel de la Monnoye
par Mr de la Rabliere.
Ils commencerent par la Fondes
Amb de Siam. 255
derie , où ils virent faire les
moûles & couler dedans l'Argent
fondu , d'où l'on tira en
leur prefence les lames pour
les Loüis d'Argent de 40 ſols,
qui furent portez au Moulin ,
où ils les virent allonger &
recuire ', & enſuite coûper les
flancs. Ils en coûperent euxmêmes
pluſieurs . De là ils allerent
dans l'ouvrerie , où
les Ouvriers Ajuſteurs limerent
ces flancs , & les rendirent
du juſte poids. Enſuite
on les mena dans le Blanchi
ment, où l'on fit rougir les
flancs puis on les mit
د
256 III. P. du Voyage
boüillir à la maniere ordinaire
pour leur rendre leur
couleur naturelle. Aprés cela
ils allerent voir la nouvelle
Machine qui met les Lettres
fur la tranche avec autant de
promptitude, que de facilité
& de propreté. Ils eurent le
plaifir d'en marquer eux -
mêmes pluſieurs, & fe rendirent
dans le Monnoyage, où
aprés qu'ils eurent veu monnoyer
pluſieurs Pieces
Maiſtre de la Monnoye remarqua
qu'ils avoient envie
de voir de plus prés comme
cela ſe faiſoit. Auſſi - tôt il
د
le
des Amb. de Siam. 257
pria le premier Ambaſſadeur
d'entrer dans la Foſſe à côté
du Monnoyeur , & de mettre
luy- même les Pieces fous
la preſſe. Il le fit , & re
garda avec plaifir ſon ouvrage
, voyant la Piece recevoir
ſon empreinte des deux côtez
en même temps . Il marqua
par un ſigne de tête qu'il
comprenoit bien la choſe.
On fit voir auſſi aux Ambaſſadeurs
comment on faifoit
les laveures, & de quelle
maniere on retrouvoit l'Argent
qu'ils avoient remarqué
eſtre dans les fables des moû
Y
A
258 111. P. du Voyage
les , & qu'ils avoient veu ſe
répandre quand on avoit
jetté la Fonte dans ces moûles.
Ils furent furpris d'apprendre
que cét Argent-là
qui eft imperceptible, ſe retrouvoit
par le moyen du vif
Argent , ou Mercure . On
voulut les conduire dans l'ef
ſayerie & dans la Chambre
de la Délivrance ; mais le
temps manquoit , & on avoit
encore beaucoup de choſes à
leur faire voir ailleurs . Се-
pendant on s'apperçût qu'on
ne les tiroit de tous ces Travaux
qu'avec peine , parce
des Amb . de Siam . 159
qu'ils ne pouvoient ſe laffer
d'admirer toutes ces diverſes
machines , principalement
celles du Moulin & du Monnoyage.
Ils manioient les
Coûpoirs & les Rouleaux,
ainſi que les autres uſtenciles,
&en admiroient l'invention.
Enfin ils firent beaucoup de
remerciemens au Maîtrede la
Monnoye , & luy dirent que
l'on ne pouvoit eſtre plus
content qu'ils eftoient , &
qu'ils auroient bien voulu
avoir plus de temps pour
viſiter plus exactement tous
leurs Travaux. Ils deman-
Y ij
60. III. P. du Voyage
derent, ſi l'on n'auroit pas plûtôt
fait de jetter nos Efpeces en
moûle , comme ils faisoient les
leurs , parce que cela faciliteroit
beaucoup le travailerépargneroit
bien du monde & de la dépense .
Le Maiſtre de la Monnoye
répondit , que la Monnoyejettée
en moûle n'est jamais fi belle
que la nôtre ; &qu'à l'égard dia
grand embarras &de la grande
on ſouhaitoit plutôt
l'augmenter que de la diminuër,
pouréviter les Faux- monnoyeurs
qui font fort embaraffez quand
ils font obligez d'avoir tant de
machines. Ils virent tout
dépense ,
des Amb. de Siam. 261
د
cela en moins d'une heure
& demie le tout ayant
eſté tenu tout preſt. En entrant
& en fortant de l'Hôtel
des Monnoyes , ils regarderent
avec furpriſe le grand
Bâtiment que Sa Majefté a
fait faire pour fabriquer la
Monnoye de Flandre. S'il
eût eſté achevé , leur étonnement
eût eſté plus grand , le
deſſein en eſtant tres - beau ;
mais il n'y en a que la moitie
de bâty.
Au fortir de la monnoye,
ils allerent à l'Hôpital Comteſſe
, où ils virent des Reli262
III. P. du Voyage
gieuſes ( toutes Filles de qualité
) qui ont ſoin des malades
& des Bleffez de la Garniſon.
Leur zele les édifia beaucoup,
& leur Eglife leur parut extrémement
belle. Elles leur
firent preſent de quelques
Bouquets de leurs ouvrages,
qu'ils trouverent trés - bien
travaillez , & dont ils les remercierent
avec toute l'honnefteté
poſſible.
M Doleac qui commandoit
la Gendarmerie leur envoya
dire qu'il la feroit monter à
cheval. Ils eurent du chagrin
d'eſtre obligez de fe conten
desAmb. de Siam. 263
ter de l'avoir veuë à leur arrivée
; mais le reſte de leur
aprés- dînée devoit eſtre employée
à voir la Place, les Arcenaux
& les Magaſins. Ils
avoient eſté ſurpris de la
beauté de cette Gendarmerie
auſſi nombreuſe que leſte.
Elle estoit composée des Gendarmes
Ecoffois, de ceux de Bourgogne
& de Flandre , des Gendarmes
Anglois , des Gendarmes
& Chevaux-Legers de la Reine,
des Gendarmes &Chevaux-
Legers de Monseigneur le Dauphin
, & des Gendarmes d'Anjou.
Les Ambaſſadeuts firent
264 III . P. du Voyage
ce jour-là le tour de la Place,
qu'ils trouverent d'une grande
beauté. Ils viſiterent auffi
les Arcenaux & les Magaſins,
& furent furpris de les voir
ſi propres & d'y trouver tout
en fi bon ordre. On leur dit
que c'eſtoit par les foins de Mr
du Mets , l'un des plus braves
Officiers que le Roy ait dansſes
Troupes , & qui entend parfaitement
l' Artillerie. Ils dirent
qu'ils en avoient oüy parler fi
avantageusement en tant d'endroits
, qu'ils auroient bien foubaité
de le voir. En rentrant
ils allerent aux Jeſuites , où
tous
des Amb. de Siam. 265
tous les Peres les receurent.
Aprés qu'ils eurent viſité une
partie de leur Maiſon , on
leur fit voir un moulin à eau
qui peut eſtre mis au nombre
des chofes les plus extraordinaires
, puiſque ſans que
perſonne agiffe, il entonne le
bled, meut & fait tout le refte
que nous voyons dans les
Moulins , lorſque les hommes
s'en meflent. Ils demanderent
le Plan de ce moulin , & on
les fatisfit là-deſſus , ils furent
enfuite conduits dans une
grande Sale , où ils trouverent
une magnifique Collation. Ils
Z
226 III. P. du Voyage
dirent à ces Peres , qu'il n'appartenoit
qu'à eux de ſe diftinguer
en tout , & qu'ils ne manqueroient
pas de rendre compte
au Roy de Siam du bon accueil
qu'ils avoient reçu de leur Compagnie
dans tous les endroits où
ils les avoient trouvez établis.
Ils donnerent ce ſoir là pour
mot , point d'amis , ny d'ennemis
que les fiens , & allerent
ſouper chez M de la Rabliere
, qui les avoit invités. Ce
Repas fut d'une tres--grande
magnificence , & accompagné
d'une Simphonie , compoſée
d'un fort grand nom
des Amb. de Siam. 267
bre d'Inſtrumens , on y but
les Santés de l'AlianceRoyale,
& l'on recommença pluſieurs
fois celle du Roy. Il y eût un
grandBal apres le ſoupé , où
Mlle Deſpiere ſe fit admirer.
On m'a aſſuré qu'elle eſt de la
force de tout ce qu'il y a de
perſonnes en France qui dancent
le mieux. Les Ambaſſa .
deurs ne s'en retournerent
qu'aprés minuit. Ce ne fut
pas fans avoir fait de grands
remerciemens à de la Rabliere,
non ſeulement du regale
qu'il leur venoit de donner ,
Zij
268 III. P. du Voyage
mais encore de fes manieres
honneſtes . Le maiſtre de la
Monnoye les vint ſaluër le lendemain.
Ils le reconurent auffitoft
, & le receurent d'une maniere
tres - obligeante. Ils dînerent
cejour-là de fort bonne
heure , & fortirent de la
Ville de la maniere qu'ils y
eſtoient entrés , ils parlerent
beaucoup de m' de la Rabliere
pendant le chemin , & dirent
qu'on pouvoit appeller Lille , la
Reyne de Flandre , comme Paris
la Reyne de France , & recommençant
continuellement à
parler des grandeurs du Roy,
des Amb. de Siam. 269
ils dirent que rien n'en approchoit
, & que ce qui en parois
foitsouffroit la veuë , mais non
pas l'expreffion.
ils allerent coucher à
Lifle , qui eſt ſur la Riviere de
Deulle , dont l'eau remplit ſes
doubles foffez qu'on a diftinguez
de demy-lunes. La Ville
eft fort grande & a des Eglifes
magnifiques. Baudoüin V.
dit de Lifle , Comte de Flandre
y fonda la Collegiale de
S. Pierre . C'eſt la plus confiderable
. Lifle , Capitale de la
Flandre nommée Gallicane ,
fut entourée deMurailles par
le meſme Baudoüin V. en
1046. Philippes le Hardy y
établit une Chambre des
X iij
246 II P. du Voyage
Comtes en 1385. Le Roy la foûmit
en 1667. & comme elle eſt
reftée à la France par la Paix
d'Aix la Chapelle en 1668, Sa
Majesté y a fait élever une
forte Citadelle flanquée de
cinq grands BaſtionsRoyaux.
Apeine les Ambaſſadeurs furent-
ils fortis de Menin, qu'ils
commencerent à voir le Peuple
de Lifle qui rempliſſoit la
Campagne. A une lieuë de la
Place, ils trouverent un fort
grand nombre de Caroffes &
de Chevaux , tant de la Nobleſſe
de la Ville , que decelle
des environs .On avoitran
des Amb . de Siam. 247
gélaGendarmerie en bataille,
elle eſtoit fort leſte , & commandée
par Me Doleac qui
eſtoit à la teſte , & qui falia
les Ambaſſadeurs ainſi que
tous les Officiers ; chacun
d'eux avoit l'épée à la main.
Mde la Rabliere Comman--
dant , les reçût hors la Ville ,
&leur preſenta Mts du Magiftrat
qui leur témoignerent
la joye qu'ils avoient de les
recevoir ,& d'executer l'ordre
du Roy. Ces premiers
complimens eſtant finis , ils
entrerent dans la Ville , où la
foule du Peuple eſtoit fi gran-
X iiij
248 III. P. du Voyage
de , que les Ambaſſadeurs di
rent qu'ils croyoient eftre encore au
jour de leur Entrée à Paris. Aprés
avoir paſſé dans pluſieurs
grandes&belles ruës bordées
de Troupes , ils retrouverent
la Gendarmerie en bataille
dans la place. M² de la Rabliere
les alla voir peu de
temps aprés leur arrivée , &
leur demanda le Mot. Ils
ſçavoient que Me le Maref
chal de Humieres , Gouverneur
de Lifle , commandoit
les Armées du Roy , & eftoit
grand Maître de l'Artillerie ,
c'eſt pourquoy ils donnerent,
des Anb. de Siam. 249
quand le Soleil menace , le Tonnere
gronde. Il y eut beaucoup
de monde à les voir fouper ,
&fur tout quantité de Dames,
il s'en trouva un grand nombre
de fort belles. Le lendemain
M de la Rabliere donna
ordre qu'on amenaft des
Caroſſes à la porte du lieu où
ils eftoient logez , & les conduiſit
à la Citadelle. Ils y furent
receus au bruit du Canon
, comme ils l'avoient eſté
le jour precedent au bruit de
celuy de la Ville. L'Infanterie
eſtoit en bataille. Ils monterent
fur les Remparts , & en
250 III P duVoyage
firent le tour , avec M Morion
qui en eſt Lieutenant de
Roy , ainſi qu'avec le Major &
l'Ingenieur ,je dis l'Ingenieur,
parcequ'il y en a undans chaque
Place. On leur dit que
Mr de Vauban estoit Gouverneur
de cette Citadelle qu'il avoit
luy-mefme fait construire ,
que c'étoit le premier homme du
Monde pour les Fortifications ,
&que tout ce qu'il y avoit de
beaux Ouvrages en France de
cette nature , avoient étéfaits par
fesfoins. Ils allerent voir fon
Jardin qui eſt dans la meſme
Citadelle , & entrerent dans
des Amb. de Siam. 251
une Grotte où l'on fit moüiller
beaucoup de monde pour
les divertir. Ils virent auffi
P'Arcenal qui eſt dans le même
lieu ,& generalement tout
ce qu'ils jugerent digne de
leur curioſité , c'eſt à dire qu'ils
ne laiſſerent aucun endroit de
la Place ſans le viſiter. Le même
jour ils eurent le plaifir
d'une Chaſſe , dont ils avoient
eſté priez par Me de la Rabliere
; ils allerent juſques à la
porte de la Ville dans les Caroffes
qu'il leur avoit envoyez,
puis ils monterent à cheval.
Il y avoit auſſi quantité de
252 III. P. du Voyage
Dames à cheval fort parées
& veſtuës en Amazones , &
plus de vingt mille perfonnes.
Les chiens prirent beaucoup
de gibier , & comme la populace
en prit encore davantage
, on fut contraint de
faire ceffer la chaffe , & d'obliger
du moins autant qu'on
le pût , tout ce grand Peuple
à rentrer. M du Magiftrat
leur donnerent la Comedie
dans l'Hôtel de Ville , aprés
quoy ils pafferent dans une
grande Sale , où il y avoit un
fort beau Concert de voix , &
d'inſtrumens qui dura une
1
desAmb. de Siam. 253
heure & demie. Ils allerent
delà dans une autre Salle où
eſtoit ſervie une collation magnifique
de vingt couverts.
Les Dames ſe mirent à table,
& la beauté de Mlle de la
Rianderie , qui charma toute
l'Aflemblée , auroit eu tous
les applaudiſſemens, ſiſa douceur
n'euſt pas eu l'avantage
de les partager. L'Ambaffadeur
donna ce ſoir là pour
mot , Ie defendray mon Ouvrage
, voulant dire que M de
Vauban qui avoit fait la Citadelle
, la defendroit auffibien
que la Ville , ſi l'une &
254 III. P. du Voyage
l'autre eſtoit attaquée. L'af-
Auence du monde ſe trouva
ſi grande pour les voir fouper
, qu'il y avoit apparence
que la plus part des Dames ,
loin de pouvoir trouver place
, ne pourroient pas meſme
entrer. Cela fut cauſe que les
Ambaſſadeurs prierent qu'on
ne laiſſaſt entrer qu'elles , difant
que les hommes les pouvoient
voir dans les autres lieux
où ils alloient.
Le lendemain ils furen tconduits
dans l'Hôtel de la Monnoye
par Mr de la Rabliere.
Ils commencerent par la Fondes
Amb de Siam. 255
derie , où ils virent faire les
moûles & couler dedans l'Argent
fondu , d'où l'on tira en
leur prefence les lames pour
les Loüis d'Argent de 40 ſols,
qui furent portez au Moulin ,
où ils les virent allonger &
recuire ', & enſuite coûper les
flancs. Ils en coûperent euxmêmes
pluſieurs . De là ils allerent
dans l'ouvrerie , où
les Ouvriers Ajuſteurs limerent
ces flancs , & les rendirent
du juſte poids. Enſuite
on les mena dans le Blanchi
ment, où l'on fit rougir les
flancs puis on les mit
د
256 III. P. du Voyage
boüillir à la maniere ordinaire
pour leur rendre leur
couleur naturelle. Aprés cela
ils allerent voir la nouvelle
Machine qui met les Lettres
fur la tranche avec autant de
promptitude, que de facilité
& de propreté. Ils eurent le
plaifir d'en marquer eux -
mêmes pluſieurs, & fe rendirent
dans le Monnoyage, où
aprés qu'ils eurent veu monnoyer
pluſieurs Pieces
Maiſtre de la Monnoye remarqua
qu'ils avoient envie
de voir de plus prés comme
cela ſe faiſoit. Auſſi - tôt il
د
le
des Amb. de Siam. 257
pria le premier Ambaſſadeur
d'entrer dans la Foſſe à côté
du Monnoyeur , & de mettre
luy- même les Pieces fous
la preſſe. Il le fit , & re
garda avec plaifir ſon ouvrage
, voyant la Piece recevoir
ſon empreinte des deux côtez
en même temps . Il marqua
par un ſigne de tête qu'il
comprenoit bien la choſe.
On fit voir auſſi aux Ambaſſadeurs
comment on faifoit
les laveures, & de quelle
maniere on retrouvoit l'Argent
qu'ils avoient remarqué
eſtre dans les fables des moû
Y
A
258 111. P. du Voyage
les , & qu'ils avoient veu ſe
répandre quand on avoit
jetté la Fonte dans ces moûles.
Ils furent furpris d'apprendre
que cét Argent-là
qui eft imperceptible, ſe retrouvoit
par le moyen du vif
Argent , ou Mercure . On
voulut les conduire dans l'ef
ſayerie & dans la Chambre
de la Délivrance ; mais le
temps manquoit , & on avoit
encore beaucoup de choſes à
leur faire voir ailleurs . Се-
pendant on s'apperçût qu'on
ne les tiroit de tous ces Travaux
qu'avec peine , parce
des Amb . de Siam . 159
qu'ils ne pouvoient ſe laffer
d'admirer toutes ces diverſes
machines , principalement
celles du Moulin & du Monnoyage.
Ils manioient les
Coûpoirs & les Rouleaux,
ainſi que les autres uſtenciles,
&en admiroient l'invention.
Enfin ils firent beaucoup de
remerciemens au Maîtrede la
Monnoye , & luy dirent que
l'on ne pouvoit eſtre plus
content qu'ils eftoient , &
qu'ils auroient bien voulu
avoir plus de temps pour
viſiter plus exactement tous
leurs Travaux. Ils deman-
Y ij
60. III. P. du Voyage
derent, ſi l'on n'auroit pas plûtôt
fait de jetter nos Efpeces en
moûle , comme ils faisoient les
leurs , parce que cela faciliteroit
beaucoup le travailerépargneroit
bien du monde & de la dépense .
Le Maiſtre de la Monnoye
répondit , que la Monnoyejettée
en moûle n'est jamais fi belle
que la nôtre ; &qu'à l'égard dia
grand embarras &de la grande
on ſouhaitoit plutôt
l'augmenter que de la diminuër,
pouréviter les Faux- monnoyeurs
qui font fort embaraffez quand
ils font obligez d'avoir tant de
machines. Ils virent tout
dépense ,
des Amb. de Siam. 261
د
cela en moins d'une heure
& demie le tout ayant
eſté tenu tout preſt. En entrant
& en fortant de l'Hôtel
des Monnoyes , ils regarderent
avec furpriſe le grand
Bâtiment que Sa Majefté a
fait faire pour fabriquer la
Monnoye de Flandre. S'il
eût eſté achevé , leur étonnement
eût eſté plus grand , le
deſſein en eſtant tres - beau ;
mais il n'y en a que la moitie
de bâty.
Au fortir de la monnoye,
ils allerent à l'Hôpital Comteſſe
, où ils virent des Reli262
III. P. du Voyage
gieuſes ( toutes Filles de qualité
) qui ont ſoin des malades
& des Bleffez de la Garniſon.
Leur zele les édifia beaucoup,
& leur Eglife leur parut extrémement
belle. Elles leur
firent preſent de quelques
Bouquets de leurs ouvrages,
qu'ils trouverent trés - bien
travaillez , & dont ils les remercierent
avec toute l'honnefteté
poſſible.
M Doleac qui commandoit
la Gendarmerie leur envoya
dire qu'il la feroit monter à
cheval. Ils eurent du chagrin
d'eſtre obligez de fe conten
desAmb. de Siam. 263
ter de l'avoir veuë à leur arrivée
; mais le reſte de leur
aprés- dînée devoit eſtre employée
à voir la Place, les Arcenaux
& les Magaſins. Ils
avoient eſté ſurpris de la
beauté de cette Gendarmerie
auſſi nombreuſe que leſte.
Elle estoit composée des Gendarmes
Ecoffois, de ceux de Bourgogne
& de Flandre , des Gendarmes
Anglois , des Gendarmes
& Chevaux-Legers de la Reine,
des Gendarmes &Chevaux-
Legers de Monseigneur le Dauphin
, & des Gendarmes d'Anjou.
Les Ambaſſadeuts firent
264 III . P. du Voyage
ce jour-là le tour de la Place,
qu'ils trouverent d'une grande
beauté. Ils viſiterent auffi
les Arcenaux & les Magaſins,
& furent furpris de les voir
ſi propres & d'y trouver tout
en fi bon ordre. On leur dit
que c'eſtoit par les foins de Mr
du Mets , l'un des plus braves
Officiers que le Roy ait dansſes
Troupes , & qui entend parfaitement
l' Artillerie. Ils dirent
qu'ils en avoient oüy parler fi
avantageusement en tant d'endroits
, qu'ils auroient bien foubaité
de le voir. En rentrant
ils allerent aux Jeſuites , où
tous
des Amb. de Siam. 265
tous les Peres les receurent.
Aprés qu'ils eurent viſité une
partie de leur Maiſon , on
leur fit voir un moulin à eau
qui peut eſtre mis au nombre
des chofes les plus extraordinaires
, puiſque ſans que
perſonne agiffe, il entonne le
bled, meut & fait tout le refte
que nous voyons dans les
Moulins , lorſque les hommes
s'en meflent. Ils demanderent
le Plan de ce moulin , & on
les fatisfit là-deſſus , ils furent
enfuite conduits dans une
grande Sale , où ils trouverent
une magnifique Collation. Ils
Z
226 III. P. du Voyage
dirent à ces Peres , qu'il n'appartenoit
qu'à eux de ſe diftinguer
en tout , & qu'ils ne manqueroient
pas de rendre compte
au Roy de Siam du bon accueil
qu'ils avoient reçu de leur Compagnie
dans tous les endroits où
ils les avoient trouvez établis.
Ils donnerent ce ſoir là pour
mot , point d'amis , ny d'ennemis
que les fiens , & allerent
ſouper chez M de la Rabliere
, qui les avoit invités. Ce
Repas fut d'une tres--grande
magnificence , & accompagné
d'une Simphonie , compoſée
d'un fort grand nom
des Amb. de Siam. 267
bre d'Inſtrumens , on y but
les Santés de l'AlianceRoyale,
& l'on recommença pluſieurs
fois celle du Roy. Il y eût un
grandBal apres le ſoupé , où
Mlle Deſpiere ſe fit admirer.
On m'a aſſuré qu'elle eſt de la
force de tout ce qu'il y a de
perſonnes en France qui dancent
le mieux. Les Ambaſſa .
deurs ne s'en retournerent
qu'aprés minuit. Ce ne fut
pas fans avoir fait de grands
remerciemens à de la Rabliere,
non ſeulement du regale
qu'il leur venoit de donner ,
Zij
268 III. P. du Voyage
mais encore de fes manieres
honneſtes . Le maiſtre de la
Monnoye les vint ſaluër le lendemain.
Ils le reconurent auffitoft
, & le receurent d'une maniere
tres - obligeante. Ils dînerent
cejour-là de fort bonne
heure , & fortirent de la
Ville de la maniere qu'ils y
eſtoient entrés , ils parlerent
beaucoup de m' de la Rabliere
pendant le chemin , & dirent
qu'on pouvoit appeller Lille , la
Reyne de Flandre , comme Paris
la Reyne de France , & recommençant
continuellement à
parler des grandeurs du Roy,
des Amb. de Siam. 269
ils dirent que rien n'en approchoit
, & que ce qui en parois
foitsouffroit la veuë , mais non
pas l'expreffion.
Fermer
Résumé : Lille. [titre d'après la table]
Le 3 novembre, les ambassadeurs séjournèrent à Lille, une ville située sur la rivière Deûle, célèbre pour ses eaux remplissant ses doubles fossés en forme de demi-lunes. Lille est une grande ville avec des églises magnifiques. Baudouin V de Lille, Comte de Flandre, y fonda la collégiale de Saint-Pierre. Lille, capitale de la Flandre gallicane, fut entourée de murailles par Baudouin V en 1046. Philippe le Hardy y établit une Chambre des Comtes en 1385. Le roi la soumit en 1667 et, selon la Paix d'Aix-la-Chapelle en 1668, elle resta à la France. Sa Majesté y fit construire une citadelle flanquée de cinq grands bastions royaux. À leur arrivée, les ambassadeurs furent accueillis par une foule nombreuse et une gendarmerie commandée par M. Doleac. M. de la Rablière, commandant, les reçut et leur présenta les membres du magistrat. Ils entrèrent ensuite dans la ville, où la foule était si dense qu'ils crurent revivre leur entrée à Paris. Après avoir traversé plusieurs rues bordées de troupes, ils retrouvèrent la gendarmerie en bataille sur la place. Le lendemain, M. de la Rablière les conduisit à la citadelle, où ils furent reçus au bruit du canon. Ils visitèrent les remparts avec M. Morion, lieutenant du roi, et l'ingénieur. On leur expliqua que M. de Vauban était le gouverneur de cette citadelle, qu'il avait lui-même construite, et qu'il était réputé pour ses fortifications. Ils visitèrent également le jardin, une grotte, et l'arsenal. Dans l'après-midi, ils participèrent à une chasse et assistèrent à une comédie suivie d'un concert et d'une collation magnifique à l'hôtel de ville. Les ambassadeurs furent ensuite conduits à l'hôtel de la Monnoye, où ils virent la fabrication des monnaies, de la fonte des moules à la mise en circulation des pièces. Ils admirèrent les machines et les processus de fabrication. Ils exprimèrent leur admiration et leur souhait de voir plus de détails, mais le temps manquait. Ils visitèrent également l'hôpital Comtesse, où des religieuses soignaient les malades et les blessés. Elles leur offrirent des bouquets de leurs ouvrages. M. Doleac leur envoya un message pour leur montrer la gendarmerie, mais ils durent décliner en raison de leur emploi du temps chargé. Les ambassadeurs firent le tour de la place, visitèrent les arsenaux et les magasins, et furent impressionnés par leur organisation. Ils se rendirent ensuite chez les Jésuites, où ils virent un moulin à eau remarquable. Ils furent invités à une collation et exprimèrent leur gratitude pour l'accueil reçu. Le soir, ils souperèrent chez M. de la Rablière, où un grand bal fut organisé. Ils ne quittèrent la ville que le lendemain, après avoir dîné de bonne heure, en parlant des grandeurs du roi et des beautés de Lille.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 269-301
Tournay. [titre d'après la table]
Début :
Ce mesme jour qui estoit le 6. ils arriverent à Tournay. [...]
Mots clefs :
Tournai, Surmon, Pierre Paul Rubens, Édouard-François Colbert, Comte de Maulévrier, Ville, Ambassadeurs, Voir, Roi, Porte, Dames, Ville, Fort, Comtesse, Place, Citadelle, Table, France, Gouverneur, Fourneaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tournay. [titre d'après la table]
Ce meſme jour qui eſtoit
le 6. ils arriverent à Tournay.
C'eſt une Place tres-forte, défenduë
par un Chafteau, qu'on
dit que les Angiois ont bafty.
Elle eſt ſur l'Eſcaut , & Capitale
d'un petit Païs appellé
le Tournaiſis. Outre l'Eglife
Cathedrale de Nôtre-Dame
qui est tres-belle , elle a dix
Paroiſſes , deux Abbayes , &
diverſes autres Maiſons Religieuſes
. L'Empereur Charles
Zij
270 III . P. du Voyage
V. la prit en 1521. aux François
qui s'en eſtoient rendus
Maiſtres trois ans auparavant.
Elle eſt demeurée au Roy par
le Traité d'Aix la Chapelle.
Sa Majesté l'avoit priſe en
1667. Cette Ville est tres- ancienne.
L'Evêché eſt Suffragant
de Cambray. M le
Comte de Maulevrier , Lieutenant
General des Armées du
Roy , Gouverneur des Ville
&Citadelle de Tournay & du
Tournefis , avoit envoyé fur
le midy à une lieuë au devant
des Ambaſſadeurs vingt Maîtres
du Regiment des Cuiraf
r
des Amb. de Siam. 271
fiers qui eſt en garniſon dans
la Ville , commandez par un
Lieutenant , auquel il avoit
marqué le lieu où il devoit ſe
trouver avec ſa Troupe , &
donné ordre qu'aprés que ce
Lieutenant auroit ſalue les
Ambaſſadeurs , il marcheroit
àla teſte de leur Caroſſe avec
fix des ſiens , feroit marcher
les 14. autres derriere , qu'ils
eſcorteroient ainſi ju qu'au
Village de Markin , qui eft à
une demy-lieuë de Tournay ,
où il avoit reſolu de venir
avec un Eſcadron des Cuiraffiers.
Apres que ce Comte
272 III . P. du Voyage
les eût ſaluez , & qu'il leut cût
fait fon compliment au lieu
où il eſtoit venu les attendre,
il prit le devant , & ſe rendit
à la maiſon qu'il leur avoit
fait preparer , & qui estoit magnifiquement
meublée, pendant
que tout l'Eſcadron marchoit
devant & derriere leur
Caroffe. En approchant de la
Barriere , ils furent ſaluez de
vingt coups de Canon , &
paſſerent depuis la porte de
la Ville entre deux hayes d'Infanterie
juſqu'à leur logis , où
Mle Comte de Maulevrier
les receut
د &leur preſenta
des Amb. de Siam , 273
Mrs du Magiftrat. La harangue
qu'ils firent , fut prononcée
par M de Surmon Conſeiller
Penſionnaire, qui adrefſa
la parole au premier Ambaſſadeur
, & luy parla en ces
termes .
MONSEIGNEVR ,
La renommée nous avoit appris
les grandes qualitez du Roy de Siam,
&la grandeur de son genie pour la
conduite deſes Peuples, &nousſçavions
auſſiiessoins particuliers qu'il
y apporte. Nous admirons aujourd'huy
le zele qu'il a fait paroître
pour reconnoître les choses les plus
importantes de la terre , & nous
274 III . P. du Voyage
1
nous réjouiſſons en mesme temps
du bonheur qui a accompagné vôtre
Excellence pourfurmonter les perils
& les fatigues que luy ont causé
l'éloignement & les difficultez du
chemin. Nous avons bien de la joye,
Monseigneur ,du fuccez de ce voyage
que le Ciel a inspiré pour rechercher
l'amitié de nostre Auguste Mo.
narque , qui apres avoir vaincu tous
Ses ennemis,& pouvant encore pouffer
plus loinfes Conquestes,a missa
plus grande gloire , à donner la Paix
à toute l'Europe. Nous voyons pre-
Sentement que Sa Majesté cherche à
fairepart au Roy vostre Maistre de
toutes les lumieres dont ila besoin ,
pour reconnoistre & embrasfer la Foy
Chrétienne , qui ſeule est recenë en
tous ſes Royaumes , afin d'augmenter
par ce moyen le merite de fon zele.
des Amb . de Siam. 275
Nous venons , Monseigneur , de la
part du Magistrat de cette ville
rendre nos reſpects à voſtre Excellence
, & la ſuplier d'agréer l'offre
de nos tres-humbles fervices , & les
Vins honoraires de la Ville que luy
profententfes tres-humbles & tresobeiſſans
Serviteurs , Les Prevost ,
Iurez, Majeur, & Eſchevins de la
Villede Tournay.
Le Preſent de Ville fut de
fix douzaines de Bouteilles
de tres- excellent Vin. L'Ambaſſadeur
répondit ,
MESSIEVRS,
Le Roy de Siam notre Maistre
ayant esté informé de la grandeur
276 III . P. du Voyage
du Roy de France , & de toutes ses
Conquestes , luy a envoyé trois Ambassadeurs
, pour luy demander fon
amitié ; & afin d'estre instruit plus
particulierement de ſes Victoires ,
Sa Majesté nous a fait combler de
tres-grands honneurs dans tous les
endroits de fon Royaume où nous
avons pasé. Nous remercions ,
Meffieurs , la Ville de Tournay de
ceux qu'elle nous rend enfon particulier
, & de ſes Prefens.
Les Magiftrats ſe retirerent
aprés cette réponſe , &
M le Comte de Maulevrier
prit l'ordre des Ambaſſadeurs
, qui le luy donnerent
en ces mots , Aufſfi fidelle que
brave , ce qui s'applique à la
des Amb. de Siam. 277
perſonne de ce Gouverneur.
Sur les cinq heures du ſoir
Me l'Evêque de Tournay leur
rendit viſite, accompagné de
M de Mefgrigny , Gouverneur
de la Citadelle . Une
heure aprés on fit joüer un
Feu d'Artifice , que Mrs du
Magiſtrat avoient fait dreſſer
devant leurs feneftres . Il eftoit
de vingt - quatre pieds
en quarré, fur douze à quinze
d'élevation. Au milieu paroiſſoient
deux Elephans ſur
un Piedeftal , & entr'eux un
Soleil un peu plus élevé , le
tout gaudronné , de maniere
278 III. P. du Voyage
que les Elephans & le Soleil
demeurerent enflâmez pendant
que le Feu dura. Le
reſte eſtoit compofé de quantité
d'Artifice. On avoit cu
deſſein d'orner la machine de
ce Feu de quelques Deviſes
à la gloire des deux Roys ,
&pour cet effet on demanda
aux Ambaſſadeurs le nom du
Roy de Siam ; mais ils répondirent
qu'ils ignoroient le
nom de leurs Roys tant qu'ils
vivoient, & qu'ils ne l'apprenoient
jamais qu'aprés leur mort.
Le Feu finy , ils demanderent
à quoy ſervoient qua
د
des Amb. de Siam. 279
artre
Pompes que l'on avoit
fait mener aux quatre coins.
On leur dit , qu'elles fervoient
à jetter de l'eau dedans &fur
les Maiſons , en cas qu'ily
rivât quelque accidentpar lefeu.
Ils ſouhaiterent en voir l'effet.
On les fit joüer devant
eux ; & comme cela ne ſe
pouvoit fans moüiller le Peuple
, ce fut encore un plaifir
qu'ils eurent. Le troifiéme
Ambaſſadeur defcendit pour
examiner une de ces Machines
. Avant que l'on fiſt joüer
le Feu, il y eur une décharge
d'une trentaine de Boëtes
280 III . P. du Voyage
qu'on avoit rangées autour.
Sur les ſept heures les Ambaſſadeurs
envoyerent prier
Me le Comte de Maulevrier,
de permettre à M le Marquis
fon Fils de venir ſouper
avec eux . Ils ſe mirent à table
ſi- tôt qu'il fut arrivé , &
on ne laiſſa entrer que les
Dames pour les voir manger.
Le lendemain 7. à neuf
heures du matin, Male Comte
de Maulevrier leur envoya
ſes trois Carroſſes , qui les
conduiſirent à la Citadelle, à
l'entrée de laquelle Me de
desAmb de Siam. 281
Meſgrigny les fit faluër de
vingt coups de canon. Aprés
les avoir reçûs , il les mena
d'abord fur le Baſtion Dauphin.
Comme ils avoient en
main le Plan de la Ville &
de la Citadelle, ils ſe contenterent
de voir ce ſeul Baſtion,
& admirerent tous les Ouvrages
qu'ils découvtoient
de ce lieu. Monfieur de
Meſgrigny leur fit entendre
que tout ce qu'ils voyoient
&tous les environs de la Citadelle
estoient minez & contreminez
, & même qu'à la
pointe du glacis de ce Baf
Aa
282 III. P. du Voyage
tion ily avoit trois Fourneaux
chargez, qui estoient preſts à
fauter. Ils demanderent à
defcendre dans les Galeries
afin de mieux examiner ces
Fourneaux ; ce qu'ils firet fort
curieufement , & aprés quel
ques raiſonnemens & quelques
queſtions qu'ils firent à
M de Mefgrigny fur la Fortification
, ils remonterent ,
& fortirent à la Porte Dauphine.
Me de Meſgrigny
leur montra l'endroit où ef
toient les trois Fourneaux ,
que l'on fit ſauter en leur prefence.
L'un eftoit chargé d'un
r
des Amb. de Siam. 283
millier de Poudre , l'autre de
douze cens livres , & le troifiéme
de trois mille cinq cens
livres . Ces trois Fourneaux
eurent tout l'effet qu'on en
pouvoit efperer , & leur firent
un ſi grand plaiſir, qu'ils
demanderent à voir les Contremines
. M de Mefgrigny
les mena à l'Arcenal , où il
leur en fit voir le Plan. Ils
luy témoignerent quelque envie
de l'avoir ; mais il leur
fit entendre que ces Plans-là
eſtant le vray fecret d'une
Place, ils ne ſe donnoient ny
ne ſe montroient jamais à per-
A a ij
284 III . P. du Voyage
fonne. Aprés l'avoir bien
examiné , & demandé raiſon
de toutes chofes , ils allerent
voir faire l'Exercice à la Compagnie
des jeunes Gentilshommes
, qui fit fort bien à
fon ordinaire.Cela eſtant fait,
ils fortirent de la Citadelle, &
furent falüez par vingt autres
coups de Canon ; & enfuite
ils retournerent chez eux, où
toutes les Dames les virent
dîner. En ſortant de table,
ils monterent en Carroffe , &
allerent à la Porte S. Martin,
où ils trouverent des Chevaux
que Me le Comte de MaudesAmb.
de Siam. 285
levrier leur avoit fait tenir
preſts. Ils s'en ſervirent pour
aller viſiter les Ouvrages de
la Place. Comme ils en avoient
le Plan avec eux , ils
ſe contenterent d'en voir une
partie. Ils rentrerent par la
Porte de Lille , & vinrent à la
Comedie , où madame la
Comteſſe de maulevrier , &
Madame la Comteſſe de ме-
davy , les attendoient avec
une vingtaine de Dames des
mieux faites de la Ville. Ils
y donnerent l'ordre à m ' de
Jearny major de la Ville , en
ces mots : Ie m'appuiray du
د
286 III . P. du Voyage
bâton en combattant de l'épée.
Ce Mot ainſi que le precedent
, eft appliqué à la perfonne
de M le Comte de
Maulevrier . Ce n'eſt pas à
moy à raifonner fur ces mots,
& je n'en dois rien dire , finon
qu'ils furent fort applaudis.
On joüa une Piece
Comique ; mais afin de faire
voir de beaux Habits aux
Ambaſſadeurs , Male Comte
de maulevrier ordonna aux
Comediens de ſe veſtir à
la Romaine ; ce qui réüffit
fort bien. Aprés la Comedie,
ce Comte les fit mener dans
des Amb. de Siam. 287
ſes Carroffes fur l'Eſplanade,
où il leur avoit fait preparer
quatre mortiers , pour leur
faire voir l'effet de deux
Bombes , d'un Boulet rou-
,
ge , & d'une Carcaffe. Ils
admirerent ces machines ,
& en raiſonnerent fort par-
د
ticulierement , ſe faiſant inſtruire
de tout & mefme
des moindres chofes . Ils monterent
fur la muraille , & virent
jetter les bombes dans la
Campagne avec beaucoup
d'admiration. M le Comte
de Maulevrier les conduifit
enfuite dans ſa maiſon , dont
288 III. P. du Voyage
ils trouverent le devant de la
porte & la Cour fort illuminez.
Il les fit monter dans
l'Appartement de Madame la
Comteſſe de Maulevrier qui
les receut avec Madame la
Comteſſe de Medavy & plufieurs
Dames . En attendant
on leur
د l'heure du ſoupé
donna le divertiſſement d'un
Concert de Muſique , compoſé
de tres-belles voix , d'une
viole & de quelques flutes
douces . Ce Concert fut trouvé
bien executé & de bon
goût. L'heure du ſoupé venuë
, ils deſcendirent dans la
grande
desAmb. de Siam. 289
grande Sale , où ils trouverent
une table de vingt-quatre
couverts , remplie de viandes
les plus delicates & les
plus exquiſes. M le Comte de
Maulevrier leur en avoit fait
ſervir devant eux qui eſtoient
appreſtées à la Françoiſe & à
leurs manieres ce qui les fit
د
demeurer plus longtemps à
table qu'ils n'auroient fait.
Leurs trois places eſtoient de
ſuite ſeparées des autres , & à
droit & à gauche eſtoient Mme
la Comteſſe de maulevrier ,
Madame la Comteſſe de Medavy
, & fix Dames des mieux
Bb
290. III. P. du Voyage
faites de la Ville. Pendant le
foupé, on leur donna le divertiſſement
d'un autre Concert
compoſé de voix , de hautbois&
de violons. M. leComte
de maulevrier but à leurs
fantez, & ils luy firent raifon
chacun en particulier avec
toute l'honneſteté imaginable.
Ilbeut enſuite à l'Alliance
des deux Couronnes , &
lorſque les Ambaſſadeurs y
burent auſſi on entendit
une décharge de quantité de
boëttes. Elle fut fuivie prefque
auffi-tôt d'ungrand bruit
de Timbales & de Trompet-
د
des Amb. de Siam. 291
tes qui continua juſqu'à ce
que les Ambaſſadeurs buſſent
à la ſanté du Roy de France.
Pendant que m' le Comte de
Maulevrier leur en fit raifon ,
une autre décharge de boëttes
ſe fit entendre , & le bruit
des Timballes & des Trompettes
recommença. On but
enfuite à la ſanté du puiſſant
Roy de Siam , & pendant ce
temps , la meſme quantité de
boëttes , de Timballes & de
Trompettes fit encore le mê.
me bruit. Il continua lorſque
M. le Comte de Maulevrier
but à leur bonVoyage. Cette
Bb ij
292 III. P. du Voyage
Γ
ſanté leur fit beaucoup de
plaifir. Ils burent auſſi à celle
des Dames. Aprés que l'on
fut forty de table , M² le
Comte de maulevrier les conduifit
dans fon Appartement,
& leur demanda s'ils ne voudroient
point fumer , mais
comme apparemment ils ſçavoient
que cela ſe pratique
peu en France , & fur tout en
compagnie , ils l'en remercierent.
Peu de temps aprés
il les mena à la porte de fon
Jardin , au milieu duquel &
au tour du Baffin , il y avoit
un fort grand nombre de fu
des Amb. de Siam. 293
ſées volantes qu'ils virent tirer
avec beaucoup du plaifir.
Ils rentrerent dans la Sale
ils trouverent les Dames rangées
, & quantité de violons
qui joüoient. Comme ils avoient
ſceu que M. le Comte
de Maulevrier icur vouloit
donner le divertiſſement d'un
Bal , ils prirent les places qui
leur eſtoient preparées , & virent
dancer pendant deux
heures avec une joye qui faiſoit
connoître qu'ils eftoient
tres-fatisfaits de tous cesplaifirs
; aprés quoy ils prirent
congé de M. le Gouverneur ,
Bb iij
294 III P. du Voyage
auquel ils marqueret une tresgrande
reconnoiſſance de tous
les honneurs qu'il leur avoit
rendus. Ils luy firent dire entr'autres
chofes qu'il ſembloit
toute sa famille s'estoit fait
à l'envy un plaisir de les comblerde
toutes fortes d'honneſtetez .
Ils monterent dans ſes Carofſes
, & s'en retournerent à leur
logis. La court& le devant de
la porte eſtoient encore éclai
rez . Tous ces divertiſſemens ſe
pafferent ſans la moindre confufion
, & avec un ordre digne
des precautions que M
&Me la Comteſſe de Maы-
:
1
r
des Amb.de Siam. 295
levrier avoient priſes ſur toutes
choſes.
Le lendemain 8. fur les 9.
heures du matin, les Ambaſſadeurs
envoyerent querir M
le marquis de Maulevrier pour
déjeuner avec eux. Ils ſe mirent
à table ſi-toft qu'il fut
arrivé. Les Dames ; c'eſt à dire
celles qui pouvoient eſtre levées
, les virent encore pendant
ce temps , & apres qu'ils
eurent déjeuné , toutes chofes
eftant preparées pour leur départ
, &M le Comte deMaulevrier
eſtant venu prendre
congé d'eux , ils monterent
Bb iiij
296 III. P. du Voyage
en Caroffe ,& pafſferent entre
deux hayes au milieu d'un
Eſcadron de Cavallerie , &
d'un Bataillon d'Infanterie
rangez ſur la Place , & depuis
la Place juſqu'à la grande Egliſe
qu'ils voulurent voir. Ils y
trouverent M. l'Eveſque de
Tournay qui les y attendoit,&
lui firentdire que s'ils ne l'euffent
pas trouvé là , leur deſſein eſtoit
d'aller chezluy pouravoir l'honneur
de le voir. M² l'Eveſque
les remercia. Il parut qu'en
entrant dans ce magnifique
Temple , ils furent touchez de
quelque ſecret mouvement
des Amb. de Siam. 297
qui leur inſpirade faire dire à
ce Prelat qu'ils le prioient d'obtenir
du vray Dieu qu'ils le puſſent
connoître, & qu'illuy plût de les
tirer des Tenebres où ils pouvoient
estre pourprofeſſerla veritable Religion.
M l'Eveſque leur répondit
, que toute la France &
toute la Chrétienté prioit tous les
jours Dieu pour cela. Il les conduiſit
enſuite dans le Choeur
qui eſt un des plus beaux qu'il
y ait en France. Ils y trouverent
Ms du Chapitre rangez
chacun dans ſa place. Ils les
ſaluerent , & allerent juſqu'au
prés & derriere l'Autel , où
298 III. P du Voyage
ils furent quelque temps à admirer
deux excellens Tableaux
de Rubens, & quantité
de tres- beaux Ouvrages de
Marbre & d'Albatre nouvellement
faits autour de l'Autel.
Delà ils revinrent dans
le Choeur , où Ms du Chapitre
leur firent chanter un
Moret par leur Muſique, aprés
quoy les Ambaſſadeurs firent
repeter encore à M. l'Eveſque
qu'ils leprioient d'obtenir du vray
Dieu qu'il les daignaſt éclairer ,
& mettre en estat de profeffer la
veritable Religion. Ils prirent
enfuite congé de luy & de
des Amb . de Siam . 299
Mrs du Chapitre qu'ils remercierenr
. Eſtant remontez dans
leurs Caroffes , ils pafferent
encore entre deux hayes d'Infanterie
, depuis l'Egliſe jufqu'à
la Porte de Maruis , pour
prendre le chemin de Condé .
M le Comte de Maulevrier
les conduifit avec la meſme
quantité de Cavalerie , qui
avoit eſté au devant d'eux à
leur entrée . L'Artillerie les
ſalua de nouveau à la fortie
de la Barriere .
Le major du Regiment
d'Erlac eſtant venu avec les
Ambaſſadeurs depuis Grave
300 III . P. du Voyage
lines juſqu'à Tournay , où il
commande un Bataillon , ils
conçûrent de l'eftime pour
luy, &dans le chemin l'Ambaſſadeur
monta dans ſa
Chaiſe, pour eſſayer s'il conduiroit
bie cette forte de Voiture.
Il n'eut pas de peine à
faire connoître que fon adreſſe
égale fon eſprit. Ils
furent fi fatisfaits de се ма-
jor , que lorſqu'il prit congé
d'eux quand ils partirent de
Tournay, ils luydemáderent,
s'il ne pouvoitpas venir jusqu'à
Paris avec eux ; mais fon devoir
l'engageoit à demeurer
des Amb de Siam. 301
à Tournay. Ils virent fur le
chemin de Condé un Bourg
appellé Anthoin , qui appartient
à Madame la Princeffe
d'Epinoy , & ils ſe ſouvinrent
qu'ils avoient mangé avec
elle , à la Collation que M
de Seignelay leur donna le
jour qu'ils en eurent Audience.
le 6. ils arriverent à Tournay.
C'eſt une Place tres-forte, défenduë
par un Chafteau, qu'on
dit que les Angiois ont bafty.
Elle eſt ſur l'Eſcaut , & Capitale
d'un petit Païs appellé
le Tournaiſis. Outre l'Eglife
Cathedrale de Nôtre-Dame
qui est tres-belle , elle a dix
Paroiſſes , deux Abbayes , &
diverſes autres Maiſons Religieuſes
. L'Empereur Charles
Zij
270 III . P. du Voyage
V. la prit en 1521. aux François
qui s'en eſtoient rendus
Maiſtres trois ans auparavant.
Elle eſt demeurée au Roy par
le Traité d'Aix la Chapelle.
Sa Majesté l'avoit priſe en
1667. Cette Ville est tres- ancienne.
L'Evêché eſt Suffragant
de Cambray. M le
Comte de Maulevrier , Lieutenant
General des Armées du
Roy , Gouverneur des Ville
&Citadelle de Tournay & du
Tournefis , avoit envoyé fur
le midy à une lieuë au devant
des Ambaſſadeurs vingt Maîtres
du Regiment des Cuiraf
r
des Amb. de Siam. 271
fiers qui eſt en garniſon dans
la Ville , commandez par un
Lieutenant , auquel il avoit
marqué le lieu où il devoit ſe
trouver avec ſa Troupe , &
donné ordre qu'aprés que ce
Lieutenant auroit ſalue les
Ambaſſadeurs , il marcheroit
àla teſte de leur Caroſſe avec
fix des ſiens , feroit marcher
les 14. autres derriere , qu'ils
eſcorteroient ainſi ju qu'au
Village de Markin , qui eft à
une demy-lieuë de Tournay ,
où il avoit reſolu de venir
avec un Eſcadron des Cuiraffiers.
Apres que ce Comte
272 III . P. du Voyage
les eût ſaluez , & qu'il leut cût
fait fon compliment au lieu
où il eſtoit venu les attendre,
il prit le devant , & ſe rendit
à la maiſon qu'il leur avoit
fait preparer , & qui estoit magnifiquement
meublée, pendant
que tout l'Eſcadron marchoit
devant & derriere leur
Caroffe. En approchant de la
Barriere , ils furent ſaluez de
vingt coups de Canon , &
paſſerent depuis la porte de
la Ville entre deux hayes d'Infanterie
juſqu'à leur logis , où
Mle Comte de Maulevrier
les receut
د &leur preſenta
des Amb. de Siam , 273
Mrs du Magiftrat. La harangue
qu'ils firent , fut prononcée
par M de Surmon Conſeiller
Penſionnaire, qui adrefſa
la parole au premier Ambaſſadeur
, & luy parla en ces
termes .
MONSEIGNEVR ,
La renommée nous avoit appris
les grandes qualitez du Roy de Siam,
&la grandeur de son genie pour la
conduite deſes Peuples, &nousſçavions
auſſiiessoins particuliers qu'il
y apporte. Nous admirons aujourd'huy
le zele qu'il a fait paroître
pour reconnoître les choses les plus
importantes de la terre , & nous
274 III . P. du Voyage
1
nous réjouiſſons en mesme temps
du bonheur qui a accompagné vôtre
Excellence pourfurmonter les perils
& les fatigues que luy ont causé
l'éloignement & les difficultez du
chemin. Nous avons bien de la joye,
Monseigneur ,du fuccez de ce voyage
que le Ciel a inspiré pour rechercher
l'amitié de nostre Auguste Mo.
narque , qui apres avoir vaincu tous
Ses ennemis,& pouvant encore pouffer
plus loinfes Conquestes,a missa
plus grande gloire , à donner la Paix
à toute l'Europe. Nous voyons pre-
Sentement que Sa Majesté cherche à
fairepart au Roy vostre Maistre de
toutes les lumieres dont ila besoin ,
pour reconnoistre & embrasfer la Foy
Chrétienne , qui ſeule est recenë en
tous ſes Royaumes , afin d'augmenter
par ce moyen le merite de fon zele.
des Amb . de Siam. 275
Nous venons , Monseigneur , de la
part du Magistrat de cette ville
rendre nos reſpects à voſtre Excellence
, & la ſuplier d'agréer l'offre
de nos tres-humbles fervices , & les
Vins honoraires de la Ville que luy
profententfes tres-humbles & tresobeiſſans
Serviteurs , Les Prevost ,
Iurez, Majeur, & Eſchevins de la
Villede Tournay.
Le Preſent de Ville fut de
fix douzaines de Bouteilles
de tres- excellent Vin. L'Ambaſſadeur
répondit ,
MESSIEVRS,
Le Roy de Siam notre Maistre
ayant esté informé de la grandeur
276 III . P. du Voyage
du Roy de France , & de toutes ses
Conquestes , luy a envoyé trois Ambassadeurs
, pour luy demander fon
amitié ; & afin d'estre instruit plus
particulierement de ſes Victoires ,
Sa Majesté nous a fait combler de
tres-grands honneurs dans tous les
endroits de fon Royaume où nous
avons pasé. Nous remercions ,
Meffieurs , la Ville de Tournay de
ceux qu'elle nous rend enfon particulier
, & de ſes Prefens.
Les Magiftrats ſe retirerent
aprés cette réponſe , &
M le Comte de Maulevrier
prit l'ordre des Ambaſſadeurs
, qui le luy donnerent
en ces mots , Aufſfi fidelle que
brave , ce qui s'applique à la
des Amb. de Siam. 277
perſonne de ce Gouverneur.
Sur les cinq heures du ſoir
Me l'Evêque de Tournay leur
rendit viſite, accompagné de
M de Mefgrigny , Gouverneur
de la Citadelle . Une
heure aprés on fit joüer un
Feu d'Artifice , que Mrs du
Magiſtrat avoient fait dreſſer
devant leurs feneftres . Il eftoit
de vingt - quatre pieds
en quarré, fur douze à quinze
d'élevation. Au milieu paroiſſoient
deux Elephans ſur
un Piedeftal , & entr'eux un
Soleil un peu plus élevé , le
tout gaudronné , de maniere
278 III. P. du Voyage
que les Elephans & le Soleil
demeurerent enflâmez pendant
que le Feu dura. Le
reſte eſtoit compofé de quantité
d'Artifice. On avoit cu
deſſein d'orner la machine de
ce Feu de quelques Deviſes
à la gloire des deux Roys ,
&pour cet effet on demanda
aux Ambaſſadeurs le nom du
Roy de Siam ; mais ils répondirent
qu'ils ignoroient le
nom de leurs Roys tant qu'ils
vivoient, & qu'ils ne l'apprenoient
jamais qu'aprés leur mort.
Le Feu finy , ils demanderent
à quoy ſervoient qua
د
des Amb. de Siam. 279
artre
Pompes que l'on avoit
fait mener aux quatre coins.
On leur dit , qu'elles fervoient
à jetter de l'eau dedans &fur
les Maiſons , en cas qu'ily
rivât quelque accidentpar lefeu.
Ils ſouhaiterent en voir l'effet.
On les fit joüer devant
eux ; & comme cela ne ſe
pouvoit fans moüiller le Peuple
, ce fut encore un plaifir
qu'ils eurent. Le troifiéme
Ambaſſadeur defcendit pour
examiner une de ces Machines
. Avant que l'on fiſt joüer
le Feu, il y eur une décharge
d'une trentaine de Boëtes
280 III . P. du Voyage
qu'on avoit rangées autour.
Sur les ſept heures les Ambaſſadeurs
envoyerent prier
Me le Comte de Maulevrier,
de permettre à M le Marquis
fon Fils de venir ſouper
avec eux . Ils ſe mirent à table
ſi- tôt qu'il fut arrivé , &
on ne laiſſa entrer que les
Dames pour les voir manger.
Le lendemain 7. à neuf
heures du matin, Male Comte
de Maulevrier leur envoya
ſes trois Carroſſes , qui les
conduiſirent à la Citadelle, à
l'entrée de laquelle Me de
desAmb de Siam. 281
Meſgrigny les fit faluër de
vingt coups de canon. Aprés
les avoir reçûs , il les mena
d'abord fur le Baſtion Dauphin.
Comme ils avoient en
main le Plan de la Ville &
de la Citadelle, ils ſe contenterent
de voir ce ſeul Baſtion,
& admirerent tous les Ouvrages
qu'ils découvtoient
de ce lieu. Monfieur de
Meſgrigny leur fit entendre
que tout ce qu'ils voyoient
&tous les environs de la Citadelle
estoient minez & contreminez
, & même qu'à la
pointe du glacis de ce Baf
Aa
282 III. P. du Voyage
tion ily avoit trois Fourneaux
chargez, qui estoient preſts à
fauter. Ils demanderent à
defcendre dans les Galeries
afin de mieux examiner ces
Fourneaux ; ce qu'ils firet fort
curieufement , & aprés quel
ques raiſonnemens & quelques
queſtions qu'ils firent à
M de Mefgrigny fur la Fortification
, ils remonterent ,
& fortirent à la Porte Dauphine.
Me de Meſgrigny
leur montra l'endroit où ef
toient les trois Fourneaux ,
que l'on fit ſauter en leur prefence.
L'un eftoit chargé d'un
r
des Amb. de Siam. 283
millier de Poudre , l'autre de
douze cens livres , & le troifiéme
de trois mille cinq cens
livres . Ces trois Fourneaux
eurent tout l'effet qu'on en
pouvoit efperer , & leur firent
un ſi grand plaiſir, qu'ils
demanderent à voir les Contremines
. M de Mefgrigny
les mena à l'Arcenal , où il
leur en fit voir le Plan. Ils
luy témoignerent quelque envie
de l'avoir ; mais il leur
fit entendre que ces Plans-là
eſtant le vray fecret d'une
Place, ils ne ſe donnoient ny
ne ſe montroient jamais à per-
A a ij
284 III . P. du Voyage
fonne. Aprés l'avoir bien
examiné , & demandé raiſon
de toutes chofes , ils allerent
voir faire l'Exercice à la Compagnie
des jeunes Gentilshommes
, qui fit fort bien à
fon ordinaire.Cela eſtant fait,
ils fortirent de la Citadelle, &
furent falüez par vingt autres
coups de Canon ; & enfuite
ils retournerent chez eux, où
toutes les Dames les virent
dîner. En ſortant de table,
ils monterent en Carroffe , &
allerent à la Porte S. Martin,
où ils trouverent des Chevaux
que Me le Comte de MaudesAmb.
de Siam. 285
levrier leur avoit fait tenir
preſts. Ils s'en ſervirent pour
aller viſiter les Ouvrages de
la Place. Comme ils en avoient
le Plan avec eux , ils
ſe contenterent d'en voir une
partie. Ils rentrerent par la
Porte de Lille , & vinrent à la
Comedie , où madame la
Comteſſe de maulevrier , &
Madame la Comteſſe de ме-
davy , les attendoient avec
une vingtaine de Dames des
mieux faites de la Ville. Ils
y donnerent l'ordre à m ' de
Jearny major de la Ville , en
ces mots : Ie m'appuiray du
د
286 III . P. du Voyage
bâton en combattant de l'épée.
Ce Mot ainſi que le precedent
, eft appliqué à la perfonne
de M le Comte de
Maulevrier . Ce n'eſt pas à
moy à raifonner fur ces mots,
& je n'en dois rien dire , finon
qu'ils furent fort applaudis.
On joüa une Piece
Comique ; mais afin de faire
voir de beaux Habits aux
Ambaſſadeurs , Male Comte
de maulevrier ordonna aux
Comediens de ſe veſtir à
la Romaine ; ce qui réüffit
fort bien. Aprés la Comedie,
ce Comte les fit mener dans
des Amb. de Siam. 287
ſes Carroffes fur l'Eſplanade,
où il leur avoit fait preparer
quatre mortiers , pour leur
faire voir l'effet de deux
Bombes , d'un Boulet rou-
,
ge , & d'une Carcaffe. Ils
admirerent ces machines ,
& en raiſonnerent fort par-
د
ticulierement , ſe faiſant inſtruire
de tout & mefme
des moindres chofes . Ils monterent
fur la muraille , & virent
jetter les bombes dans la
Campagne avec beaucoup
d'admiration. M le Comte
de Maulevrier les conduifit
enfuite dans ſa maiſon , dont
288 III. P. du Voyage
ils trouverent le devant de la
porte & la Cour fort illuminez.
Il les fit monter dans
l'Appartement de Madame la
Comteſſe de Maulevrier qui
les receut avec Madame la
Comteſſe de Medavy & plufieurs
Dames . En attendant
on leur
د l'heure du ſoupé
donna le divertiſſement d'un
Concert de Muſique , compoſé
de tres-belles voix , d'une
viole & de quelques flutes
douces . Ce Concert fut trouvé
bien executé & de bon
goût. L'heure du ſoupé venuë
, ils deſcendirent dans la
grande
desAmb. de Siam. 289
grande Sale , où ils trouverent
une table de vingt-quatre
couverts , remplie de viandes
les plus delicates & les
plus exquiſes. M le Comte de
Maulevrier leur en avoit fait
ſervir devant eux qui eſtoient
appreſtées à la Françoiſe & à
leurs manieres ce qui les fit
د
demeurer plus longtemps à
table qu'ils n'auroient fait.
Leurs trois places eſtoient de
ſuite ſeparées des autres , & à
droit & à gauche eſtoient Mme
la Comteſſe de maulevrier ,
Madame la Comteſſe de Medavy
, & fix Dames des mieux
Bb
290. III. P. du Voyage
faites de la Ville. Pendant le
foupé, on leur donna le divertiſſement
d'un autre Concert
compoſé de voix , de hautbois&
de violons. M. leComte
de maulevrier but à leurs
fantez, & ils luy firent raifon
chacun en particulier avec
toute l'honneſteté imaginable.
Ilbeut enſuite à l'Alliance
des deux Couronnes , &
lorſque les Ambaſſadeurs y
burent auſſi on entendit
une décharge de quantité de
boëttes. Elle fut fuivie prefque
auffi-tôt d'ungrand bruit
de Timbales & de Trompet-
د
des Amb. de Siam. 291
tes qui continua juſqu'à ce
que les Ambaſſadeurs buſſent
à la ſanté du Roy de France.
Pendant que m' le Comte de
Maulevrier leur en fit raifon ,
une autre décharge de boëttes
ſe fit entendre , & le bruit
des Timballes & des Trompettes
recommença. On but
enfuite à la ſanté du puiſſant
Roy de Siam , & pendant ce
temps , la meſme quantité de
boëttes , de Timballes & de
Trompettes fit encore le mê.
me bruit. Il continua lorſque
M. le Comte de Maulevrier
but à leur bonVoyage. Cette
Bb ij
292 III. P. du Voyage
Γ
ſanté leur fit beaucoup de
plaifir. Ils burent auſſi à celle
des Dames. Aprés que l'on
fut forty de table , M² le
Comte de maulevrier les conduifit
dans fon Appartement,
& leur demanda s'ils ne voudroient
point fumer , mais
comme apparemment ils ſçavoient
que cela ſe pratique
peu en France , & fur tout en
compagnie , ils l'en remercierent.
Peu de temps aprés
il les mena à la porte de fon
Jardin , au milieu duquel &
au tour du Baffin , il y avoit
un fort grand nombre de fu
des Amb. de Siam. 293
ſées volantes qu'ils virent tirer
avec beaucoup du plaifir.
Ils rentrerent dans la Sale
ils trouverent les Dames rangées
, & quantité de violons
qui joüoient. Comme ils avoient
ſceu que M. le Comte
de Maulevrier icur vouloit
donner le divertiſſement d'un
Bal , ils prirent les places qui
leur eſtoient preparées , & virent
dancer pendant deux
heures avec une joye qui faiſoit
connoître qu'ils eftoient
tres-fatisfaits de tous cesplaifirs
; aprés quoy ils prirent
congé de M. le Gouverneur ,
Bb iij
294 III P. du Voyage
auquel ils marqueret une tresgrande
reconnoiſſance de tous
les honneurs qu'il leur avoit
rendus. Ils luy firent dire entr'autres
chofes qu'il ſembloit
toute sa famille s'estoit fait
à l'envy un plaisir de les comblerde
toutes fortes d'honneſtetez .
Ils monterent dans ſes Carofſes
, & s'en retournerent à leur
logis. La court& le devant de
la porte eſtoient encore éclai
rez . Tous ces divertiſſemens ſe
pafferent ſans la moindre confufion
, & avec un ordre digne
des precautions que M
&Me la Comteſſe de Maы-
:
1
r
des Amb.de Siam. 295
levrier avoient priſes ſur toutes
choſes.
Le lendemain 8. fur les 9.
heures du matin, les Ambaſſadeurs
envoyerent querir M
le marquis de Maulevrier pour
déjeuner avec eux. Ils ſe mirent
à table ſi-toft qu'il fut
arrivé. Les Dames ; c'eſt à dire
celles qui pouvoient eſtre levées
, les virent encore pendant
ce temps , & apres qu'ils
eurent déjeuné , toutes chofes
eftant preparées pour leur départ
, &M le Comte deMaulevrier
eſtant venu prendre
congé d'eux , ils monterent
Bb iiij
296 III. P. du Voyage
en Caroffe ,& pafſferent entre
deux hayes au milieu d'un
Eſcadron de Cavallerie , &
d'un Bataillon d'Infanterie
rangez ſur la Place , & depuis
la Place juſqu'à la grande Egliſe
qu'ils voulurent voir. Ils y
trouverent M. l'Eveſque de
Tournay qui les y attendoit,&
lui firentdire que s'ils ne l'euffent
pas trouvé là , leur deſſein eſtoit
d'aller chezluy pouravoir l'honneur
de le voir. M² l'Eveſque
les remercia. Il parut qu'en
entrant dans ce magnifique
Temple , ils furent touchez de
quelque ſecret mouvement
des Amb. de Siam. 297
qui leur inſpirade faire dire à
ce Prelat qu'ils le prioient d'obtenir
du vray Dieu qu'ils le puſſent
connoître, & qu'illuy plût de les
tirer des Tenebres où ils pouvoient
estre pourprofeſſerla veritable Religion.
M l'Eveſque leur répondit
, que toute la France &
toute la Chrétienté prioit tous les
jours Dieu pour cela. Il les conduiſit
enſuite dans le Choeur
qui eſt un des plus beaux qu'il
y ait en France. Ils y trouverent
Ms du Chapitre rangez
chacun dans ſa place. Ils les
ſaluerent , & allerent juſqu'au
prés & derriere l'Autel , où
298 III. P du Voyage
ils furent quelque temps à admirer
deux excellens Tableaux
de Rubens, & quantité
de tres- beaux Ouvrages de
Marbre & d'Albatre nouvellement
faits autour de l'Autel.
Delà ils revinrent dans
le Choeur , où Ms du Chapitre
leur firent chanter un
Moret par leur Muſique, aprés
quoy les Ambaſſadeurs firent
repeter encore à M. l'Eveſque
qu'ils leprioient d'obtenir du vray
Dieu qu'il les daignaſt éclairer ,
& mettre en estat de profeffer la
veritable Religion. Ils prirent
enfuite congé de luy & de
des Amb . de Siam . 299
Mrs du Chapitre qu'ils remercierenr
. Eſtant remontez dans
leurs Caroffes , ils pafferent
encore entre deux hayes d'Infanterie
, depuis l'Egliſe jufqu'à
la Porte de Maruis , pour
prendre le chemin de Condé .
M le Comte de Maulevrier
les conduifit avec la meſme
quantité de Cavalerie , qui
avoit eſté au devant d'eux à
leur entrée . L'Artillerie les
ſalua de nouveau à la fortie
de la Barriere .
Le major du Regiment
d'Erlac eſtant venu avec les
Ambaſſadeurs depuis Grave
300 III . P. du Voyage
lines juſqu'à Tournay , où il
commande un Bataillon , ils
conçûrent de l'eftime pour
luy, &dans le chemin l'Ambaſſadeur
monta dans ſa
Chaiſe, pour eſſayer s'il conduiroit
bie cette forte de Voiture.
Il n'eut pas de peine à
faire connoître que fon adreſſe
égale fon eſprit. Ils
furent fi fatisfaits de се ма-
jor , que lorſqu'il prit congé
d'eux quand ils partirent de
Tournay, ils luydemáderent,
s'il ne pouvoitpas venir jusqu'à
Paris avec eux ; mais fon devoir
l'engageoit à demeurer
des Amb de Siam. 301
à Tournay. Ils virent fur le
chemin de Condé un Bourg
appellé Anthoin , qui appartient
à Madame la Princeffe
d'Epinoy , & ils ſe ſouvinrent
qu'ils avoient mangé avec
elle , à la Collation que M
de Seignelay leur donna le
jour qu'ils en eurent Audience.
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Résumé : Tournay. [titre d'après la table]
Le 6, les ambassadeurs de Siam arrivèrent à Tournay, une ville forte située sur l'Escaut et capitale du Tournaisis. Tournay est protégée par un château et possède une cathédrale, dix paroisses, deux abbayes et diverses maisons religieuses. La ville avait été prise par l'empereur Charles III en 1521 et restituée au roi de France par le traité d'Aix-la-Chapelle après avoir été reprise en 1667. Le comte de Maulevrier, lieutenant général des armées du roi et gouverneur de la ville et de la citadelle, organisa une réception en leur honneur. Les ambassadeurs furent accueillis par vingt maîtres du régiment des cuirassiers et escortés jusqu'à leur logis, où le comte de Maulevrier les reçut et leur présenta les magistrats de la ville. M. de Surmon, Conseiller Pensionnaire, prononça une harangue louant les qualités du roi de Siam et exprimant la joie de voir ce dernier rechercher l'amitié du roi de France. L'ambassadeur de Siam répondit en remerciant pour les honneurs reçus et en exprimant le désir du roi de Siam de connaître les victoires du roi de France. Les magistrats offrirent un présent de vin, et les ambassadeurs visitèrent ensuite la citadelle, admirant les fortifications et assistant à des démonstrations de feu d'artifice et de bombardements. Le soir, ils furent invités à souper par le comte de Maulevrier, qui organisa divers divertissements, y compris un concert, une comédie et un bal. Les ambassadeurs exprimèrent leur grande satisfaction et leur reconnaissance envers le gouverneur pour les honneurs reçus. Le lendemain, ils invitèrent le marquis de Maulevrier à déjeuner. Après le déjeuner, ils montèrent en carrosse et passèrent entre des haies de cavalerie et d'infanterie jusqu'à une grande église, où ils rencontrèrent l'évêque de Tournay. Ils exprimèrent leur désir de connaître le vrai Dieu et de professer la véritable religion. L'évêque les conduisit dans le chœur, où ils admirèrent des tableaux et des œuvres d'art, écoutèrent un morceau de musique et répétèrent leur prière. Ils prirent ensuite congé et furent escortés jusqu'à la porte de Maruis par le comte de Maulevrier et une escorte militaire. Ils exprimèrent leur estime pour le major du régiment d'Erlac, qui les avait accompagnés depuis Gravelines jusqu'à Tournay. Sur le chemin de Condé, ils passèrent par un bourg appartenant à la princesse d'Epinoy, se souvenant d'un repas partagé avec elle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 306-321
Valenciennes. [titre d'après la table]
Début :
Ils en partirent le 9. pour aller coucher à Valencienne. [...]
Mots clefs :
Valenciennes, Monsieur Château, Toile, Bardo di Bardi Magalotti, Tableaux, Ville, Roi, Empereur, Hainaut, Maison de Bavière, Ambassadeur, Citadelle, Cavalerie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Valenciennes. [titre d'après la table]
Ils en partirent le 9. pour
aller coucher à Valencienne .
Il y a dans cette Ville - là &
dans ſes Fauxbourgs 4523 .
Maiſons , 21108. Perſonnes,
fans compter les Troupes du
Roy , 34. Eglifes , une Abbaye
, un Chapitre de Cha.
noines , 7. Paroiffes , 10.Con
desAnb. de Siam. 307
vens d'Hommes , & 11. de
Filles. La Ville eſt des plus
confiderables pour ſon antiquité.
Les Romains y établirent
diverſes Manufactures
; & ayant eſté ruinée pluſieurs
fois , l'Empereur Valentinien
la fit reparer , &
entourer de murailles vers
l'An 367. & luy donna fon
nom qu'elle retient encore
aujourd'huy. Elle demeura
fous la puiſſance Romaine
juſqu'à la venuë de Clodion,
qui la tranfmit aux Roys de
France ſes Succeſſeurs , &fut
ſous les deux premieres Races
Cc ij
308 III. P. du Voyage
de ſes Roys , comme Terre
diftinguée de limites , avec le
titre de Comté. Elle fut depuis
à des Princes qui la tenoient
en qualité de Seigneurs
, y faiſant battre de la
Monnoye à leur coin à titre
de Comtes de Valencienne.
Ce Comté comprenoit le
Païs d'Oſtrevant , de Burbant,
& l'eſpace qui eſt entre
Morchipont , Mortmal & la
Selle , qui relevoient en partie
de Lorraine & de France .
Le mariage de Matilde Comteſſe
de Valencienne , avec
Regnier IV. Fils d'Avide ,
des Amb. de Siam. 309
1
Fille de Huë- Capet Comte
de Hainaut , fit paffer cette
Ville à ſes Heritiers l'An 1030 .
à condition d'eſtre toûjours
diftinguée, & de n'eſtre point
confondue avec le Hainaut.
Par le mariage de Marguerite
d'Avefne Comteſſe de
Hainaut avec l'Empereur
Loüis de Baviere , elle paſſa à
la Maiſon de Baviere l'An
1346. juſqu'à ce que Jacqueline
de Baviere vint à mourir,
laiſſant Philippes le Bon, Duc
de Bourgogne, fon Heritier
en 1437. Elle demeura dans
ſa Famille juſqu'en 1452.
310 III . P. du Voyage
qu'elle paſſa à la Maiſon
d'Autriche par la mort de
Marie de Bourgogne Femme
de l'Empereur maximilien, à
qui elle fut juſqu'en 1677 .
que tout imprenable qu'on
la croyoit , elle fut priſe d'affaut
par les Armes invincibles
de LOUIS LE GRAND.
Ce qui eſt de remarquable,
c'eſt qu'elle peut ſe vanter
d'avoir eu deux Palais
Royaux , l'un où eſt à prefent
la Citadelle , l'autre où
eſt l'Eglife des Cordeliers ;
Que Charlemagne y tint ſes
Eftats Generaux pour la pre
des Amb. de Siam. 311
miere fois , & y reçût la Couronne
d'Auſtraſie aprés la
mort de fon Frere Carloman.
On dit que le Roy Pepin y
fonda l'Égliſe de Nôtre-Dame.
La Maiſon de Ville merite
d'y eſtre veuë. Les Ambaſſadeurs
trouverent en approchant
de cette Place, la
Cavalerie de 'la Garnifon
qui les vint recevoir , & enfuite
M. de Magalotti qui
les attendoit à la Porte. Son
viſage ouvert leur plût extrémement
; & lorſqu'il les
eut quittez pour leur laiſſer
prendre la route du lieu
r
312 III . P. du Voyage
qu'on leur avoit preparé pour
leur Logement , ils dirent de
luy mille choſes obligeantes,
quoy qu'ils ne luy euſſent
parlé qu'un moment. Ils arriverent
à leur Logis , aprés
avoir eſté ſalüez du Canon,
& des Officiers des Troupes
qui formoient deux hayes
dans la Ville. MF de Magalotti
avoit pris foin de faire
meubler la maifon où ils allerent
, & il y ayoit fait porter
quantité de fort beaux Tableaux
, & beaucoup de Portraits.
Aprés qu'ils ſe furent
un peu repoſez , il leur prefenta
des Anb. de Siam. 313
r
ſenta Ms du Magiftrat , &
M. Château Conſeiller de
Ville qui portoit la parole,
parla en ces termes.
MESSEIGNEURS ,
>
C'est dans une joye qui ne peut
s'exprimer, que leMagistrat de cette
Ville vientse presenter à vos Excellences
, pour leur témoigner les
respects & les foûmiſſions deuës
aux Perſonnes qui representent l'un
des plus Grands & des plus Augustes
Monarques de l'Afie, & dont
l'amitié estsi chere au Roy. Nous
ne ferons point , Meſſeigneurs ,le
détail des Conquestes , des Triomphes
, & des Victoires éclatantes
que nôtre Grand Monarque a rem-
Dd
314 III. P. du Voyage
portées sur ses Ennemis , dont la
gloire est fi grande , que la Renommée
s'en est répandue par toute la
Terre. Nous nous contenterons de
dire qu'entre toutes les perfections
&les vertus Royales qui reluiſent
comme les rayons du Soleil en fa
Personne facrée ,ſa fidelité inviolable
enversfes Alliez en est une
des plus brillantes. Nous prenons
la liberté , Meſſeigneurs , de prefenter
à vos Excellences les Vins
d'honneur , & quelques pieces de
Toilettes pour échantillons desManufactures
de cette Ville. Nous aurions
bien de la joye si ce Commerce
pouvoit s'établir dans vos Provinces,
à l'exemple des autres Royaumes
de l'Afie , de l'Afrique , de
l'Amerique, &deplusieurs Regions
de l'Europe où cette Manufacture
des Amb. de Siam. 315
est dans la plus haute confideration
.
Cette Harangue finie, le
Magiftrat leur preſenta trois
pieces de Toile des plus fines
de la Fabrique de Valencienne.
Chaque Piece eſtoit enveloppée
dans un Brocard
argent & bleu , & noüée avec
des Rubans de la même
couleur. Ils eurent d'abord
quelque peine à les accepter,
& dirent , qu'ils n'estoient point
accoûtumez à prendre des Pre-
Sens ; mais que puisque c'estoit
des échantillons d'une Manufa-
Eture de la Ville , ils les rete-
Ddij
316 III. P. du Voyage
r
noient pour les faire voirau Roy
leurMaistre. M de Magalotti
leur demanda l'ordre ,
& ils dirent , Miracle de nos
jours. Ils firent entendre ,
qu'ils vouloient parler de la
maniere dont la Place avoit
eſté priſe , qu'ils regardoient
come un miracle de nôtre Siecle.
Les Dames ſeules eurent le
privilege de les voir ſouper.
Le lendemain la fiévre ayant
pris à Me Torf, ils en montrerent
une grande inquietude
,& l'allerent voir pluſieurs
fois . Il leur dit qu'il n'estoit
pas de leur dignité de viſiter un
des Amb de Siam. 317
particulier. Ils répondirent
qu'ils le regardoient comme un
autre eux- mefmes, & ils allerent
ce jour-là à la Citadelle, d'où
on leur montra le Paté par où
la Place avoit eſté priſe. Ils
virent faire l'Exercice aux Cadets
, & l'Ambaſſadeur les regarda
avec rant de plaifir
qu'il ſembloit qu'il enviaft
leur bonheur. Il dit qu'il voudroit
n'estre pas Ambaſſadeur , ou
du moins n'estre pas le Premier ,
afin de faire une Campagne ou
deux avec le Roy en cas qu'ily
eût Guerre , & il ajoûta qu'il
ſçauroit faire approuver fa
Dd iij
318 III. P. duVoyage
r
conduite au Roy ſon Maiſtre. Ils
allerent diner chez M de
Magalotti . Le Repas fut ſplendide
, & ils burent de tout ce
que l'Italie a de meilleures Liqueurs.
Ils s'attacherent à confiderer
des Tableaux de petit
point de la Manufacture de
Valenciennes , qui reprefentoient
des fleurs , & comme
ils les trouverent parfaitement
beaux , M'de Magalotti voulut
les leur donner , mais ils
ne les accepterent point. Au
fortir de ce grand Repas où
il y eut deux Tables , chacune
de 20. couverts , ils allerent
desAmb . de Siam. 319
voir les Fortifications , & firent
le tour de la Ville . M² de
Magalotti leur fit une defcription
de tout le Siege ; il leur
marqua tous les quartiers , &
particulierement celuy du
Roy. Ils examinerent de nouveau
& de plus pres l'endroit
par où l'on a pris la Place , &
firent des reflexions ſur l'intrepide
valeur des François.
Ils remercierent fort M de
Magalotti de toutes ſes peines
, & luy donnerent pour
mot l'âge rend t'homme parfait,
ſes cheveux blancs leur firent
croire qu'il eſtoit plus âgé
D'dinj
320 III. P. du Voyage
qu'il ne l'eſt. Les Dames leur
tinrent encore ce foir-làbonne
compagnie pendant leur fouper.
Le lendemain M deMagalotti,
l'Estat major, &leMagiftrat
leur allerent faire compliment
fur leurdépart. Alors
l'Ambaſſadeur leur dit d'un
air riant , qu'ils leurestoientfort
obligez de toutes leurs honnestetez,
qu'ils ne les oubliroient jamais
,&qu'ils ne manqueroient
pas de les marquer au Roy leur
Maistre. Les mefmes Ceremonies
qui avoient eſté obfervées
à leur entrée , ſe firent à
leur fortie . Ils trouverent dans
des Amb. de Siam , 321
leur Caroffe les deux Tableaux
que Me de Magalotti leur avoit
offerts , & qu'il avoit fait
mettre dans de tres- riches
bordures . Cette honneſteté les
furprit extrémement ; ils les
garderent craignant de les
defobliger , s'ils les
voyoient .La Cavalerie les reconduifit
fi loin , qu'ils furent
obligez de la prier de s'en retourner
.
aller coucher à Valencienne .
Il y a dans cette Ville - là &
dans ſes Fauxbourgs 4523 .
Maiſons , 21108. Perſonnes,
fans compter les Troupes du
Roy , 34. Eglifes , une Abbaye
, un Chapitre de Cha.
noines , 7. Paroiffes , 10.Con
desAnb. de Siam. 307
vens d'Hommes , & 11. de
Filles. La Ville eſt des plus
confiderables pour ſon antiquité.
Les Romains y établirent
diverſes Manufactures
; & ayant eſté ruinée pluſieurs
fois , l'Empereur Valentinien
la fit reparer , &
entourer de murailles vers
l'An 367. & luy donna fon
nom qu'elle retient encore
aujourd'huy. Elle demeura
fous la puiſſance Romaine
juſqu'à la venuë de Clodion,
qui la tranfmit aux Roys de
France ſes Succeſſeurs , &fut
ſous les deux premieres Races
Cc ij
308 III. P. du Voyage
de ſes Roys , comme Terre
diftinguée de limites , avec le
titre de Comté. Elle fut depuis
à des Princes qui la tenoient
en qualité de Seigneurs
, y faiſant battre de la
Monnoye à leur coin à titre
de Comtes de Valencienne.
Ce Comté comprenoit le
Païs d'Oſtrevant , de Burbant,
& l'eſpace qui eſt entre
Morchipont , Mortmal & la
Selle , qui relevoient en partie
de Lorraine & de France .
Le mariage de Matilde Comteſſe
de Valencienne , avec
Regnier IV. Fils d'Avide ,
des Amb. de Siam. 309
1
Fille de Huë- Capet Comte
de Hainaut , fit paffer cette
Ville à ſes Heritiers l'An 1030 .
à condition d'eſtre toûjours
diftinguée, & de n'eſtre point
confondue avec le Hainaut.
Par le mariage de Marguerite
d'Avefne Comteſſe de
Hainaut avec l'Empereur
Loüis de Baviere , elle paſſa à
la Maiſon de Baviere l'An
1346. juſqu'à ce que Jacqueline
de Baviere vint à mourir,
laiſſant Philippes le Bon, Duc
de Bourgogne, fon Heritier
en 1437. Elle demeura dans
ſa Famille juſqu'en 1452.
310 III . P. du Voyage
qu'elle paſſa à la Maiſon
d'Autriche par la mort de
Marie de Bourgogne Femme
de l'Empereur maximilien, à
qui elle fut juſqu'en 1677 .
que tout imprenable qu'on
la croyoit , elle fut priſe d'affaut
par les Armes invincibles
de LOUIS LE GRAND.
Ce qui eſt de remarquable,
c'eſt qu'elle peut ſe vanter
d'avoir eu deux Palais
Royaux , l'un où eſt à prefent
la Citadelle , l'autre où
eſt l'Eglife des Cordeliers ;
Que Charlemagne y tint ſes
Eftats Generaux pour la pre
des Amb. de Siam. 311
miere fois , & y reçût la Couronne
d'Auſtraſie aprés la
mort de fon Frere Carloman.
On dit que le Roy Pepin y
fonda l'Égliſe de Nôtre-Dame.
La Maiſon de Ville merite
d'y eſtre veuë. Les Ambaſſadeurs
trouverent en approchant
de cette Place, la
Cavalerie de 'la Garnifon
qui les vint recevoir , & enfuite
M. de Magalotti qui
les attendoit à la Porte. Son
viſage ouvert leur plût extrémement
; & lorſqu'il les
eut quittez pour leur laiſſer
prendre la route du lieu
r
312 III . P. du Voyage
qu'on leur avoit preparé pour
leur Logement , ils dirent de
luy mille choſes obligeantes,
quoy qu'ils ne luy euſſent
parlé qu'un moment. Ils arriverent
à leur Logis , aprés
avoir eſté ſalüez du Canon,
& des Officiers des Troupes
qui formoient deux hayes
dans la Ville. MF de Magalotti
avoit pris foin de faire
meubler la maifon où ils allerent
, & il y ayoit fait porter
quantité de fort beaux Tableaux
, & beaucoup de Portraits.
Aprés qu'ils ſe furent
un peu repoſez , il leur prefenta
des Anb. de Siam. 313
r
ſenta Ms du Magiftrat , &
M. Château Conſeiller de
Ville qui portoit la parole,
parla en ces termes.
MESSEIGNEURS ,
>
C'est dans une joye qui ne peut
s'exprimer, que leMagistrat de cette
Ville vientse presenter à vos Excellences
, pour leur témoigner les
respects & les foûmiſſions deuës
aux Perſonnes qui representent l'un
des plus Grands & des plus Augustes
Monarques de l'Afie, & dont
l'amitié estsi chere au Roy. Nous
ne ferons point , Meſſeigneurs ,le
détail des Conquestes , des Triomphes
, & des Victoires éclatantes
que nôtre Grand Monarque a rem-
Dd
314 III. P. du Voyage
portées sur ses Ennemis , dont la
gloire est fi grande , que la Renommée
s'en est répandue par toute la
Terre. Nous nous contenterons de
dire qu'entre toutes les perfections
&les vertus Royales qui reluiſent
comme les rayons du Soleil en fa
Personne facrée ,ſa fidelité inviolable
enversfes Alliez en est une
des plus brillantes. Nous prenons
la liberté , Meſſeigneurs , de prefenter
à vos Excellences les Vins
d'honneur , & quelques pieces de
Toilettes pour échantillons desManufactures
de cette Ville. Nous aurions
bien de la joye si ce Commerce
pouvoit s'établir dans vos Provinces,
à l'exemple des autres Royaumes
de l'Afie , de l'Afrique , de
l'Amerique, &deplusieurs Regions
de l'Europe où cette Manufacture
des Amb. de Siam. 315
est dans la plus haute confideration
.
Cette Harangue finie, le
Magiftrat leur preſenta trois
pieces de Toile des plus fines
de la Fabrique de Valencienne.
Chaque Piece eſtoit enveloppée
dans un Brocard
argent & bleu , & noüée avec
des Rubans de la même
couleur. Ils eurent d'abord
quelque peine à les accepter,
& dirent , qu'ils n'estoient point
accoûtumez à prendre des Pre-
Sens ; mais que puisque c'estoit
des échantillons d'une Manufa-
Eture de la Ville , ils les rete-
Ddij
316 III. P. du Voyage
r
noient pour les faire voirau Roy
leurMaistre. M de Magalotti
leur demanda l'ordre ,
& ils dirent , Miracle de nos
jours. Ils firent entendre ,
qu'ils vouloient parler de la
maniere dont la Place avoit
eſté priſe , qu'ils regardoient
come un miracle de nôtre Siecle.
Les Dames ſeules eurent le
privilege de les voir ſouper.
Le lendemain la fiévre ayant
pris à Me Torf, ils en montrerent
une grande inquietude
,& l'allerent voir pluſieurs
fois . Il leur dit qu'il n'estoit
pas de leur dignité de viſiter un
des Amb de Siam. 317
particulier. Ils répondirent
qu'ils le regardoient comme un
autre eux- mefmes, & ils allerent
ce jour-là à la Citadelle, d'où
on leur montra le Paté par où
la Place avoit eſté priſe. Ils
virent faire l'Exercice aux Cadets
, & l'Ambaſſadeur les regarda
avec rant de plaifir
qu'il ſembloit qu'il enviaft
leur bonheur. Il dit qu'il voudroit
n'estre pas Ambaſſadeur , ou
du moins n'estre pas le Premier ,
afin de faire une Campagne ou
deux avec le Roy en cas qu'ily
eût Guerre , & il ajoûta qu'il
ſçauroit faire approuver fa
Dd iij
318 III. P. duVoyage
r
conduite au Roy ſon Maiſtre. Ils
allerent diner chez M de
Magalotti . Le Repas fut ſplendide
, & ils burent de tout ce
que l'Italie a de meilleures Liqueurs.
Ils s'attacherent à confiderer
des Tableaux de petit
point de la Manufacture de
Valenciennes , qui reprefentoient
des fleurs , & comme
ils les trouverent parfaitement
beaux , M'de Magalotti voulut
les leur donner , mais ils
ne les accepterent point. Au
fortir de ce grand Repas où
il y eut deux Tables , chacune
de 20. couverts , ils allerent
desAmb . de Siam. 319
voir les Fortifications , & firent
le tour de la Ville . M² de
Magalotti leur fit une defcription
de tout le Siege ; il leur
marqua tous les quartiers , &
particulierement celuy du
Roy. Ils examinerent de nouveau
& de plus pres l'endroit
par où l'on a pris la Place , &
firent des reflexions ſur l'intrepide
valeur des François.
Ils remercierent fort M de
Magalotti de toutes ſes peines
, & luy donnerent pour
mot l'âge rend t'homme parfait,
ſes cheveux blancs leur firent
croire qu'il eſtoit plus âgé
D'dinj
320 III. P. du Voyage
qu'il ne l'eſt. Les Dames leur
tinrent encore ce foir-làbonne
compagnie pendant leur fouper.
Le lendemain M deMagalotti,
l'Estat major, &leMagiftrat
leur allerent faire compliment
fur leurdépart. Alors
l'Ambaſſadeur leur dit d'un
air riant , qu'ils leurestoientfort
obligez de toutes leurs honnestetez,
qu'ils ne les oubliroient jamais
,&qu'ils ne manqueroient
pas de les marquer au Roy leur
Maistre. Les mefmes Ceremonies
qui avoient eſté obfervées
à leur entrée , ſe firent à
leur fortie . Ils trouverent dans
des Amb. de Siam , 321
leur Caroffe les deux Tableaux
que Me de Magalotti leur avoit
offerts , & qu'il avoit fait
mettre dans de tres- riches
bordures . Cette honneſteté les
furprit extrémement ; ils les
garderent craignant de les
defobliger , s'ils les
voyoient .La Cavalerie les reconduifit
fi loin , qu'ils furent
obligez de la prier de s'en retourner
.
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Résumé : Valenciennes. [titre d'après la table]
Le texte décrit un voyage vers Valenciennes, une ville caractérisée par ses 4 523 maisons, 21 108 habitants, 34 églises, une abbaye, un chapitre de chanoines, 7 paroisses et 10 couvents. Valenciennes est renommée pour son antiquité et ses manufactures, établies par les Romains. En 367, l'empereur Valentinien la fit réparer et entourer de murailles. La ville passa sous la domination des rois de France avec Clodion et resta une terre distinguée sous les premières dynasties royales françaises. Par la suite, elle fut possession de divers princes et comtes, incluant les comtes de Hainaut et de Bavière, avant de devenir une possession des ducs de Bourgogne puis de la Maison d'Autriche. En 1677, Valenciennes fut prise par Louis XIV. La ville a également accueilli des figures historiques telles que Charlemagne et Pépin le Bref. Les ambassadeurs de Siam y furent reçus avec honneur, visitèrent la citadelle et les fortifications, et reçurent des présents de la ville. Ils exprimèrent leur admiration pour la prise de la ville par les Français et pour les fortifications. Lors de leur départ, ils furent escortés par la cavalerie et reçurent des tableaux en cadeau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 34-58
Leur Entrée à Cambray avec les honneurs qu'ils y ont reçus, les Harangues des Magistrats, & tout ce qu'ils ont vû, fait, & dit. [titre d'après la table]
Début :
Le lendemain 13. ils partirent pour aller coucher à Cambray, [...]
Mots clefs :
Cambrai, Ville, Comte de Monbron, Roi, Citadelle, Place, Médaille, Peuples, Harangue, Ambassadeurs, Archevêque, Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Leur Entrée à Cambray avec les honneurs qu'ils y ont reçus, les Harangues des Magistrats, & tout ce qu'ils ont vû, fait, & dit. [titre d'après la table]
Le lendemain 13. ils partirentpour
aller coucher àCambray
, & leur fortie fut auffi
éclatante qu'avoit eſté leur en
des Amb. de Siam. 35
:
trée. Cambray eſt une des plus
fortes Villes de l'Europe. Elle
eſt grande , belle , bien bâtie
, & fituée fur l'Elcaut qui
la traverſe d'un coſté. Elle
a double Citadelle. L'Egliſe
Metropolitaine de Notre-
Dame eſt tres - magnifique .
Son Chapitre eft compoſé de
48. Chanoines , & de 95. Eccleſiaſtiques
qui fervent dans
cette Eglife. L'Eveſché qui
avoit efté uny à celuy d'Arras
juſqu'à l'an 1095. fut erigé en
Archeveſché en 1559. par le
Pape Paul II. On tient que
Clodion conquit cette Villa
36 IV. P. du Voyage
en 445. Apres avoir eſté le
partage de Charles le Chauve
en 843. elle devint le ſujet de
la Guerre entre les Rois de
France , les Empereurs & les
Comtes de Flandre. Baudoüin
I. Comte de Flandre , l'ayant
prife & donnée à fon Fils Raoul
, les Empereurs ne laiſſerent
point de la declarer Cité
libre , fans que les François
cedaffent leurs droits . Charles
Quint ne voulut point s'en
tenir à la neutralité que le Roy
François I. luy avoit accordée.
Cet Empereur la prit en 1543 .
&fit bâtir une Citadelle aux
des Amb de Siam. 37
dépens des Habitans , auf
quels il fit croire que c'eſtoit
pour empêcher que les François
ne s'en emparaffent. Le
Duc d'Alençon Frere du Roy
Henry III . ayant eſté fait
Comte de Flandre, fut auffi
Maiſtre de Cambray. Il remit
cette Place à Jean de Montluc
Seigneur de Balagny , qui
prit le party de la ligue , &
fit enſuite ſa Paix avec le Roy
Henry IV. qui le fit Prince de
Cambray , & Marefchal de
France. Ce fut fur luy que les
Eſpagnols ſurprirent cette
Ville en 1595. Ils la fortifie38
IV. P. du Voyage
:
rent , y entretinrentunegroffe
Garnifon , & elle paffoit
pour une Place imprenable ,
mais elle ne l'a pas efté
pour LOUIS LE GRAND ,
qui apres avoir pris la Ville en
peu de jours, força laCitadelleà
ſe rendre le 16. Mars 1677.
La grande Citadelle qui eſt ſur
un lieu éminent , commande
toute la Ville , & a ſes foſſez
taillez dans le roc. Ceux qui
entourent les murailles de la
Ville ſont profonds & larges,
& ces murailles ſont reveſtuës
de bons Baſtions . Cambray
eſt defendu par un Fort du
des Amb. de Siam. 39
côté de la Riviere , & comme
la Ville eſt dans un Pays afſez
bas de ce côté-là , on en
pourroit inonder les environs
eny lâchant les Ecluſes ; les
autres Forts ſont auſſi tresimportans
. De grandes & belles
ruës aboutiſſent à la Place
où eſt la Maiſon de Ville .
C'eſt un magnifique Bâtiment
orné d'une Horloge tres-curieuſe
, que les Eſtrangers y
vont admirer. Male Comte
de Monbron , Gouverneur de
cette Place, envoya la Cavale.
rie au devant des Ambaffadeurs
juſques à moitié che
40 IV . P. du Voyage
mın de Valencienues. Ils trou
verent en approchant de la
Ville une fort grande quantité
de Peuple , & M. le Comte
de Monbron qui les attendoit
à la porte. Ils entreren
au bruit du Canon , & au tra
vers de l'Infanterie de laGar
nifon qui formoit deux haye
juſqu'à leur logis , au devan
duquel toute cette Infanterie
fit une décharge fi-tôt qu'ils
y furent arrivés. Ma le Comte
de Monbron s'y rendit peu
de temps aprés , & leur preſenta
Mdu Magiftrat , &
M Defgruſeliers , premier
Confeiller
des Amb. de Siam. 41
Conſeiller Penfionnaire , en
Robe , & Bonnet de velours
noir , qui leur fit le diſcours
fuivant.
MESSEIGNEURS,
L'honneur que la France vient
de recevoir par l' Ambaffade que le
trés-puiffantRoy de Siam a envoyée
à nostre invincible Monarque, fait
bien voir que l'éclat de fes Vertus
héroïques a prévalufur celuy defes
trésors & de ses finances. En effet,
la charmante conduite que Sa Ma
jefté tient pour gouvernerses peuples
, donne de l'admiration à toute
la terre , & ce n'est pas fans fujet
que le Roy vostre Maistre a voulu
Sefaire instruire de fes belles maxi-
D
42 IV. P. du Voyage
mes pour s'en fervir à l'égard de
fes Sujets , & les rendre heureux
par l'administration de la Iustice.
Cette Ambaſſade, Meßeigneurs, eft
d'autant plus celebre qu'elle s'eft
faite de la part du plus puiſſant
Roy de l'orient , au plus glorieux
Monarque de l'Europe ; &fi l'on
confulte l'Histoire , il ne s'est rien
vû de pareil depuis plusieurs fiecles,
fi ce n'est lorſque Charlemagne
, premier Empereur du Nom
François , ayant humilié l'infolence
l'impieté des Lombards, &affeuré
le Souverain Pontife Adrien I.
dansfon Pontificat, receut de luy la
Couronne Imperiale,&peu de temps
aprés les Ambaſſades des Rois de
Perse & de Fez , Celle que vos
Excellences viennent de faire , s'a
dreſſe à Louis le Grand, digne he-
7
des Amb. de Siam. 43.
ritier des Vertas de ce faint Empereur
, pour avoir donné la paixó
le repos à toute la Chreftienté , &
chaßé de ses Estats les Heresies de
Luther & de Calvin .
Heureux les Peuples qui vivent
Sous cette agreable domination ,
plus heureux encore ceux du grand
Roy de Siam , si profitant des travaux
& des lumieres que vos Excellences
leur donneront, ils parviennent
àla connoiſſance du grandRoy
du Ciel & de la Terre, &joüiffent
du bonheur d'estre gouvernez avec
La mefme douceur, que la bonté de
nostre grand Roy fait goûter àses
fidelles Sujets. C'est à cette fin que
nous leur adreſſons leſouhait duPoëte,
Vivite fælices, quibus eſt fortuna peracta,
Vobis parta quics eft, nullum jam æquor arang
dum,
/
Di
44 IV. P. du Voyage
Loüiffez , Peuples de Siam, de la
douceur du repos, puisque vos illuftres
Ambassadeurs vont repaffer les
mers pourvous porter les belles maximes
d'y parvenir & vous rendre
keureux dans la fuite de tous les
temps. C'est leſouhait que font avec
beaucoup de respect &de tendreſſe,
à vos Excellences , le Magistrat &
Peuple de la Ville de Cambray.
Cette harangue fut ſuivie
du preſent d'une Medaille
d'or du poids de vingt-ſept
piſtoles , dont la face droite
repreſente le Roy avec ces
mots Ludovico Victore
Pacis datore. La Ville de Cambray
paroift au revers avec
د
desAmb. de Siam. 45
ces paroles dulcius vivimus.
Toutes ces Lettres font numerales
hormis la lettre S , &
font enſemble l'an 1678. qui
fuit celle de la reduction de
cette Place en l'obeïſſance du
Roy , & dans laquelle ces
Peuples comencerent à reſſentir
les douceurs du Gouvernement
de Sa Majesté , ainſi
qu'ils le publient par le revers
de la Medaille qu'ils ont
eux-meſmes fait frapper.Cette
Medaille avoit eſté preſentée
au Roy en 1678. au
nom de la Ville de Cambray
par M Defgrufeliers , qui
r
46 IH. P. du Voyage
bien qu'il en ſoit l'Autheur ,
n'a cherché qu'à exprimer les
fentiments du Peuple. Lors
qu'ik la preſenta aux Ambaffadeurs
, il leur dit que cette
Medaille fervoit de preuve incontestable
de la fatisfaction que
Le Peuple de Cambray avoit
d'eftre au nombre des Sujets du
Roy, & qu'ils souhaitoient que
tous les Peuples du Monde en
puffent estre informés.
Le Diſtique ſuivant eſtoit
dansl'envelope de laMedaille.
Vicifti , Princeps , Vrbi pacemque dediſti
Qui Rex &Pater es , dulcius eße dabis.
des Amb. de Siam. 47
,
On preſenta enfuite aux
Ambaſſadeurs trois pieces de
toile tres-fine , de la fabrique
de Cambray & nommée
dans le Commerce , Toile de
Cambray depuis pluſieurs Siecles.
L'Ambaſſadeur répondit
que le Roy leur avoit fait
rendre de grands honneurs , en
les faiſant recevoir magnifiquement
dans tous les lieux où ils
avoient paffé ; qu'on leur avoit
montré par fon ordre toutes ses
Maiſons Royales , & tout ce
que ce Monarque a de plus curieux
; qu'on leur avoit fait voir
une partie de ſes Conquestes , où
48 IV . P. du Voyage
l'on n'avoit rien oublié pour leur
marquer l'estime qu'on a pour
le Roy leur Maître , à qui ils
feroient à leur retour un recit
fidelle de tous les honneurs qu'ils
avoient receus , & qu'ils n'oublieroient
pas de luy remettre entre
les mains la Medaille repre-
Sentant Sa Majesté, &la Ville
de Cambray , afin que la memoire
en fûtconfervée chez eux
pendant tous les Siecles à venir.
Ils ajoûterent qu'ils eftimoient
cette Medaille plus d'un million,
&aprés avoir remercié Ms
duMagiftrat, de l'exactitude
avec laquelle ils leur rendoier
tant
des Amb. de Siam. 49
d'honneurs , le premier Ambaffadeur
demanda une Co
pie de la harangue qui leur
venoit d'eſtre faite , afin , ditil
, qu'ils la puſſent admirer avec
reflexion . M l'Archevef
que de Cambray les vint
voir le meſme ſoir , ils en témoignerent
beaucoup de
joye , parce qu'ils avoient
oüy parler de ſon grand merite
, & qu'ils ont beaucoup
de confideration pour les perſonnes
de ſon caractere. Ils
avoient avec eux deux Interpretes,
dont l'un s'eſt mis depuis
pluſieurs années dans la
E
So IV. P. du Voyage
Miffion qui s'eſt établie à
Siam ; il eſt déja dans les
Ordres ; il parle bien François
, & encore mieux Latin
&ſe nomme M Antoine.M
l'Archeveſque de Cambray
qui en avoit oüy dire beaucoup
de bien, l'émena ſouper
avec luy,&le fit coucher dans
l'Archeveſché. Il luy demanda
quantité de choſes touchant
le Royaume de Siam,
&fut tres-content de ſes réponſes
. Ce Prélat luy donna
un Chapelet avec des Medailles
d'or.
Aprés qu'il eut quitté les
des Amb. de Siam. st
Ambaſſadeurs, M¹ le Comte
de Monbron leur demanda
l'ordre , & ils donnerent
pour mot , Fidelle à fon
choix , ce qui marque que
ce Comte fert le Roy avec
beaucoup d'ardeur & de
fidelité , & qu'il ne dément
point la bonne opinion que
Sa Majefté a euë de luy, en
commençant à reconnoiſtre
ſon merite& ſes ſervices, dans
un âge ou beaucoup d'autres
ne font pas en eſtat de recevoir
ſi- toſt de ſi glorieuſes
recompenfes . Il ſoupa le foir
avec les Ambaſſadeurs , &
Eij
52 IV. P. duVoyage
quoy que toute la Ville fou
haitaſt de les voir manger , la
curioſité des Dames fut ſeule
fatisfaite.
Le lendemain matin , M
le Comte de Monbron leur
envoya quatre Carroffes. Ils
ſe mirent dedans. Lorſqu'ils
furent fortis de la Ville, ils
trouverent des Chevaux que
ce même Comte leur avoit
fait tenir preſts. Ils monterent
deſſus, &viſirerent les
Fortifications avec M de
Monbron & l'Ingenieur qui
tenoit le Plan. On leur fie
voir toutes les Fortifications,
desAmb. de Siam. 53
tous les ouvrages avancez, &
meſme ceux qui n'eſtoient
que commencez. Ils ſe recrierent
de nouveau ſur la grandeur
du Roy , ayant vû non
ſeulement des Ouvriers par
tout , mais auffi en grand
nombre , & travaillant à de
grands ouvrages. Ils remonterent
enfuite en carroffe , &
allerent à la Citadelle, où M
duTilleul qui en eſt Gouverneur
, les attendoit avec les
Officiers majors. Ils y furent
receus comme ils l'avoient
eſté dans les autres Citadelles.
La Compagnie des Cadets
r
E iij
34 IV. P. duVoyage
eſtoit en bataille . L'Ambaf
fadeur qui avoit déja pris
beaucoup de plaifir à en voir
en d'autres Villes , dit que fi
Le Roy estoit plus grand en puiffance
que les autres Monarques,
il l'estoit auſſi en vertu ; qu'il
donnoit du pain à la jeuneNobleſſe
dés l'enfance , & qu'il en
donnoit à ceux qui devenoient
des , foit par de groſſes re
compenses ,foit par des places
dans le lieu qu'il avoit étably
pour les loger ; & qu'ainsi ils
estoient affeurez d'avoir dequoy
vivre, &dans leur jeunesse, &
dans leur vieilleffe. Ils firent le
:
des Amb. de Siam. 55
tour de la Citadelle, & admirerent
la hauteur & la profondeur
des Bastions, ne pouvant
comprendre comment
on avoit pû ſe rendre maiftre
d'une Place fi forte. Le
premier Ambaſſadeur dit que
s'il estoit dans une Place pareille
avec des Troupes Françoiſes,
il ne croyoit pas qu'onfongeast
àl'attaquer. Pendant qu'ils eftoient
ſur les ramparts de la
Citadelle, on fit venir ſur l'EC
planade qui eſt entre la Ville
& la Citadelle , une Compagnie
de Cadets . Ils firent l'exercice;
mais comme le jour
E iiij
56 IV. P. du Voyage
commençoit à finir , & qu'ils
avoient refolu d'aller voir
M l'Archeveſque , l'Ambaffadeur
dit qu'il estoit accoutumé
à voir de la Noblesse &des
Troupes , mais qu'il ne verroit
pas par tout des Archevesques
comme celuy de Cambray. Ils
allerent dans fon Eglife , où
ils le trouverent à la teſte de
ſon Chapitre. Aprés le compliment
de ce Corps, lesAmbaſſadeurs
ne voulurent point
avancer que M'l'Archevefque
ne paſſaſt devant eux, &
luy dirent qu'ils avoient oüy
parlerdefa pieté&desagran
des Amb. de Siam. 57
deur, de toutes manieres. Ce Prélat
leur fit voir tout ce qu'il
y avoit de plus curieux dans
fon Eglife , & leur en fit entendre
la Muſique & les Orgues.
Il voulut enfuire les reconduire
juſques à la porte,
quoyque les Ambaſſadeurs
s'efforçaſſent de ren empefcher
, ne croyant pas qu'il ſe
dûſt donner ces ſoins.Quand
ils furent de retour chez eux,
le Major alla prendre le mot
& on luy donna , Il achevera
fon Ouvrage. Ce mot regarde
le Roy & Me le Comte de
Monbron; & ce n'eft pas à
58 IV. P. du Voyage
moy à raiſonner là- deſſus .
aller coucher àCambray
, & leur fortie fut auffi
éclatante qu'avoit eſté leur en
des Amb. de Siam. 35
:
trée. Cambray eſt une des plus
fortes Villes de l'Europe. Elle
eſt grande , belle , bien bâtie
, & fituée fur l'Elcaut qui
la traverſe d'un coſté. Elle
a double Citadelle. L'Egliſe
Metropolitaine de Notre-
Dame eſt tres - magnifique .
Son Chapitre eft compoſé de
48. Chanoines , & de 95. Eccleſiaſtiques
qui fervent dans
cette Eglife. L'Eveſché qui
avoit efté uny à celuy d'Arras
juſqu'à l'an 1095. fut erigé en
Archeveſché en 1559. par le
Pape Paul II. On tient que
Clodion conquit cette Villa
36 IV. P. du Voyage
en 445. Apres avoir eſté le
partage de Charles le Chauve
en 843. elle devint le ſujet de
la Guerre entre les Rois de
France , les Empereurs & les
Comtes de Flandre. Baudoüin
I. Comte de Flandre , l'ayant
prife & donnée à fon Fils Raoul
, les Empereurs ne laiſſerent
point de la declarer Cité
libre , fans que les François
cedaffent leurs droits . Charles
Quint ne voulut point s'en
tenir à la neutralité que le Roy
François I. luy avoit accordée.
Cet Empereur la prit en 1543 .
&fit bâtir une Citadelle aux
des Amb de Siam. 37
dépens des Habitans , auf
quels il fit croire que c'eſtoit
pour empêcher que les François
ne s'en emparaffent. Le
Duc d'Alençon Frere du Roy
Henry III . ayant eſté fait
Comte de Flandre, fut auffi
Maiſtre de Cambray. Il remit
cette Place à Jean de Montluc
Seigneur de Balagny , qui
prit le party de la ligue , &
fit enſuite ſa Paix avec le Roy
Henry IV. qui le fit Prince de
Cambray , & Marefchal de
France. Ce fut fur luy que les
Eſpagnols ſurprirent cette
Ville en 1595. Ils la fortifie38
IV. P. du Voyage
:
rent , y entretinrentunegroffe
Garnifon , & elle paffoit
pour une Place imprenable ,
mais elle ne l'a pas efté
pour LOUIS LE GRAND ,
qui apres avoir pris la Ville en
peu de jours, força laCitadelleà
ſe rendre le 16. Mars 1677.
La grande Citadelle qui eſt ſur
un lieu éminent , commande
toute la Ville , & a ſes foſſez
taillez dans le roc. Ceux qui
entourent les murailles de la
Ville ſont profonds & larges,
& ces murailles ſont reveſtuës
de bons Baſtions . Cambray
eſt defendu par un Fort du
des Amb. de Siam. 39
côté de la Riviere , & comme
la Ville eſt dans un Pays afſez
bas de ce côté-là , on en
pourroit inonder les environs
eny lâchant les Ecluſes ; les
autres Forts ſont auſſi tresimportans
. De grandes & belles
ruës aboutiſſent à la Place
où eſt la Maiſon de Ville .
C'eſt un magnifique Bâtiment
orné d'une Horloge tres-curieuſe
, que les Eſtrangers y
vont admirer. Male Comte
de Monbron , Gouverneur de
cette Place, envoya la Cavale.
rie au devant des Ambaffadeurs
juſques à moitié che
40 IV . P. du Voyage
mın de Valencienues. Ils trou
verent en approchant de la
Ville une fort grande quantité
de Peuple , & M. le Comte
de Monbron qui les attendoit
à la porte. Ils entreren
au bruit du Canon , & au tra
vers de l'Infanterie de laGar
nifon qui formoit deux haye
juſqu'à leur logis , au devan
duquel toute cette Infanterie
fit une décharge fi-tôt qu'ils
y furent arrivés. Ma le Comte
de Monbron s'y rendit peu
de temps aprés , & leur preſenta
Mdu Magiftrat , &
M Defgruſeliers , premier
Confeiller
des Amb. de Siam. 41
Conſeiller Penfionnaire , en
Robe , & Bonnet de velours
noir , qui leur fit le diſcours
fuivant.
MESSEIGNEURS,
L'honneur que la France vient
de recevoir par l' Ambaffade que le
trés-puiffantRoy de Siam a envoyée
à nostre invincible Monarque, fait
bien voir que l'éclat de fes Vertus
héroïques a prévalufur celuy defes
trésors & de ses finances. En effet,
la charmante conduite que Sa Ma
jefté tient pour gouvernerses peuples
, donne de l'admiration à toute
la terre , & ce n'est pas fans fujet
que le Roy vostre Maistre a voulu
Sefaire instruire de fes belles maxi-
D
42 IV. P. du Voyage
mes pour s'en fervir à l'égard de
fes Sujets , & les rendre heureux
par l'administration de la Iustice.
Cette Ambaſſade, Meßeigneurs, eft
d'autant plus celebre qu'elle s'eft
faite de la part du plus puiſſant
Roy de l'orient , au plus glorieux
Monarque de l'Europe ; &fi l'on
confulte l'Histoire , il ne s'est rien
vû de pareil depuis plusieurs fiecles,
fi ce n'est lorſque Charlemagne
, premier Empereur du Nom
François , ayant humilié l'infolence
l'impieté des Lombards, &affeuré
le Souverain Pontife Adrien I.
dansfon Pontificat, receut de luy la
Couronne Imperiale,&peu de temps
aprés les Ambaſſades des Rois de
Perse & de Fez , Celle que vos
Excellences viennent de faire , s'a
dreſſe à Louis le Grand, digne he-
7
des Amb. de Siam. 43.
ritier des Vertas de ce faint Empereur
, pour avoir donné la paixó
le repos à toute la Chreftienté , &
chaßé de ses Estats les Heresies de
Luther & de Calvin .
Heureux les Peuples qui vivent
Sous cette agreable domination ,
plus heureux encore ceux du grand
Roy de Siam , si profitant des travaux
& des lumieres que vos Excellences
leur donneront, ils parviennent
àla connoiſſance du grandRoy
du Ciel & de la Terre, &joüiffent
du bonheur d'estre gouvernez avec
La mefme douceur, que la bonté de
nostre grand Roy fait goûter àses
fidelles Sujets. C'est à cette fin que
nous leur adreſſons leſouhait duPoëte,
Vivite fælices, quibus eſt fortuna peracta,
Vobis parta quics eft, nullum jam æquor arang
dum,
/
Di
44 IV. P. du Voyage
Loüiffez , Peuples de Siam, de la
douceur du repos, puisque vos illuftres
Ambassadeurs vont repaffer les
mers pourvous porter les belles maximes
d'y parvenir & vous rendre
keureux dans la fuite de tous les
temps. C'est leſouhait que font avec
beaucoup de respect &de tendreſſe,
à vos Excellences , le Magistrat &
Peuple de la Ville de Cambray.
Cette harangue fut ſuivie
du preſent d'une Medaille
d'or du poids de vingt-ſept
piſtoles , dont la face droite
repreſente le Roy avec ces
mots Ludovico Victore
Pacis datore. La Ville de Cambray
paroift au revers avec
د
desAmb. de Siam. 45
ces paroles dulcius vivimus.
Toutes ces Lettres font numerales
hormis la lettre S , &
font enſemble l'an 1678. qui
fuit celle de la reduction de
cette Place en l'obeïſſance du
Roy , & dans laquelle ces
Peuples comencerent à reſſentir
les douceurs du Gouvernement
de Sa Majesté , ainſi
qu'ils le publient par le revers
de la Medaille qu'ils ont
eux-meſmes fait frapper.Cette
Medaille avoit eſté preſentée
au Roy en 1678. au
nom de la Ville de Cambray
par M Defgrufeliers , qui
r
46 IH. P. du Voyage
bien qu'il en ſoit l'Autheur ,
n'a cherché qu'à exprimer les
fentiments du Peuple. Lors
qu'ik la preſenta aux Ambaffadeurs
, il leur dit que cette
Medaille fervoit de preuve incontestable
de la fatisfaction que
Le Peuple de Cambray avoit
d'eftre au nombre des Sujets du
Roy, & qu'ils souhaitoient que
tous les Peuples du Monde en
puffent estre informés.
Le Diſtique ſuivant eſtoit
dansl'envelope de laMedaille.
Vicifti , Princeps , Vrbi pacemque dediſti
Qui Rex &Pater es , dulcius eße dabis.
des Amb. de Siam. 47
,
On preſenta enfuite aux
Ambaſſadeurs trois pieces de
toile tres-fine , de la fabrique
de Cambray & nommée
dans le Commerce , Toile de
Cambray depuis pluſieurs Siecles.
L'Ambaſſadeur répondit
que le Roy leur avoit fait
rendre de grands honneurs , en
les faiſant recevoir magnifiquement
dans tous les lieux où ils
avoient paffé ; qu'on leur avoit
montré par fon ordre toutes ses
Maiſons Royales , & tout ce
que ce Monarque a de plus curieux
; qu'on leur avoit fait voir
une partie de ſes Conquestes , où
48 IV . P. du Voyage
l'on n'avoit rien oublié pour leur
marquer l'estime qu'on a pour
le Roy leur Maître , à qui ils
feroient à leur retour un recit
fidelle de tous les honneurs qu'ils
avoient receus , & qu'ils n'oublieroient
pas de luy remettre entre
les mains la Medaille repre-
Sentant Sa Majesté, &la Ville
de Cambray , afin que la memoire
en fûtconfervée chez eux
pendant tous les Siecles à venir.
Ils ajoûterent qu'ils eftimoient
cette Medaille plus d'un million,
&aprés avoir remercié Ms
duMagiftrat, de l'exactitude
avec laquelle ils leur rendoier
tant
des Amb. de Siam. 49
d'honneurs , le premier Ambaffadeur
demanda une Co
pie de la harangue qui leur
venoit d'eſtre faite , afin , ditil
, qu'ils la puſſent admirer avec
reflexion . M l'Archevef
que de Cambray les vint
voir le meſme ſoir , ils en témoignerent
beaucoup de
joye , parce qu'ils avoient
oüy parler de ſon grand merite
, & qu'ils ont beaucoup
de confideration pour les perſonnes
de ſon caractere. Ils
avoient avec eux deux Interpretes,
dont l'un s'eſt mis depuis
pluſieurs années dans la
E
So IV. P. du Voyage
Miffion qui s'eſt établie à
Siam ; il eſt déja dans les
Ordres ; il parle bien François
, & encore mieux Latin
&ſe nomme M Antoine.M
l'Archeveſque de Cambray
qui en avoit oüy dire beaucoup
de bien, l'émena ſouper
avec luy,&le fit coucher dans
l'Archeveſché. Il luy demanda
quantité de choſes touchant
le Royaume de Siam,
&fut tres-content de ſes réponſes
. Ce Prélat luy donna
un Chapelet avec des Medailles
d'or.
Aprés qu'il eut quitté les
des Amb. de Siam. st
Ambaſſadeurs, M¹ le Comte
de Monbron leur demanda
l'ordre , & ils donnerent
pour mot , Fidelle à fon
choix , ce qui marque que
ce Comte fert le Roy avec
beaucoup d'ardeur & de
fidelité , & qu'il ne dément
point la bonne opinion que
Sa Majefté a euë de luy, en
commençant à reconnoiſtre
ſon merite& ſes ſervices, dans
un âge ou beaucoup d'autres
ne font pas en eſtat de recevoir
ſi- toſt de ſi glorieuſes
recompenfes . Il ſoupa le foir
avec les Ambaſſadeurs , &
Eij
52 IV. P. duVoyage
quoy que toute la Ville fou
haitaſt de les voir manger , la
curioſité des Dames fut ſeule
fatisfaite.
Le lendemain matin , M
le Comte de Monbron leur
envoya quatre Carroffes. Ils
ſe mirent dedans. Lorſqu'ils
furent fortis de la Ville, ils
trouverent des Chevaux que
ce même Comte leur avoit
fait tenir preſts. Ils monterent
deſſus, &viſirerent les
Fortifications avec M de
Monbron & l'Ingenieur qui
tenoit le Plan. On leur fie
voir toutes les Fortifications,
desAmb. de Siam. 53
tous les ouvrages avancez, &
meſme ceux qui n'eſtoient
que commencez. Ils ſe recrierent
de nouveau ſur la grandeur
du Roy , ayant vû non
ſeulement des Ouvriers par
tout , mais auffi en grand
nombre , & travaillant à de
grands ouvrages. Ils remonterent
enfuite en carroffe , &
allerent à la Citadelle, où M
duTilleul qui en eſt Gouverneur
, les attendoit avec les
Officiers majors. Ils y furent
receus comme ils l'avoient
eſté dans les autres Citadelles.
La Compagnie des Cadets
r
E iij
34 IV. P. duVoyage
eſtoit en bataille . L'Ambaf
fadeur qui avoit déja pris
beaucoup de plaifir à en voir
en d'autres Villes , dit que fi
Le Roy estoit plus grand en puiffance
que les autres Monarques,
il l'estoit auſſi en vertu ; qu'il
donnoit du pain à la jeuneNobleſſe
dés l'enfance , & qu'il en
donnoit à ceux qui devenoient
des , foit par de groſſes re
compenses ,foit par des places
dans le lieu qu'il avoit étably
pour les loger ; & qu'ainsi ils
estoient affeurez d'avoir dequoy
vivre, &dans leur jeunesse, &
dans leur vieilleffe. Ils firent le
:
des Amb. de Siam. 55
tour de la Citadelle, & admirerent
la hauteur & la profondeur
des Bastions, ne pouvant
comprendre comment
on avoit pû ſe rendre maiftre
d'une Place fi forte. Le
premier Ambaſſadeur dit que
s'il estoit dans une Place pareille
avec des Troupes Françoiſes,
il ne croyoit pas qu'onfongeast
àl'attaquer. Pendant qu'ils eftoient
ſur les ramparts de la
Citadelle, on fit venir ſur l'EC
planade qui eſt entre la Ville
& la Citadelle , une Compagnie
de Cadets . Ils firent l'exercice;
mais comme le jour
E iiij
56 IV. P. du Voyage
commençoit à finir , & qu'ils
avoient refolu d'aller voir
M l'Archeveſque , l'Ambaffadeur
dit qu'il estoit accoutumé
à voir de la Noblesse &des
Troupes , mais qu'il ne verroit
pas par tout des Archevesques
comme celuy de Cambray. Ils
allerent dans fon Eglife , où
ils le trouverent à la teſte de
ſon Chapitre. Aprés le compliment
de ce Corps, lesAmbaſſadeurs
ne voulurent point
avancer que M'l'Archevefque
ne paſſaſt devant eux, &
luy dirent qu'ils avoient oüy
parlerdefa pieté&desagran
des Amb. de Siam. 57
deur, de toutes manieres. Ce Prélat
leur fit voir tout ce qu'il
y avoit de plus curieux dans
fon Eglife , & leur en fit entendre
la Muſique & les Orgues.
Il voulut enfuire les reconduire
juſques à la porte,
quoyque les Ambaſſadeurs
s'efforçaſſent de ren empefcher
, ne croyant pas qu'il ſe
dûſt donner ces ſoins.Quand
ils furent de retour chez eux,
le Major alla prendre le mot
& on luy donna , Il achevera
fon Ouvrage. Ce mot regarde
le Roy & Me le Comte de
Monbron; & ce n'eft pas à
58 IV. P. du Voyage
moy à raiſonner là- deſſus .
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Résumé : Leur Entrée à Cambray avec les honneurs qu'ils y ont reçus, les Harangues des Magistrats, & tout ce qu'ils ont vû, fait, & dit. [titre d'après la table]
Le 13, les ambassadeurs quittèrent Cambray après une entrée triomphale. Cambray, une des villes les plus fortes d'Europe, est située sur l'Escaut et possède une double citadelle. L'église métropolitaine de Notre-Dame est majestueuse, avec un chapitre composé de 48 chanoines et 95 ecclésiastiques. L'archevêché, autrefois uni à celui d'Arras jusqu'en 1095, fut érigé en 1559 par le pape Paul IV. La ville a une histoire riche et mouvementée. Elle fut conquise par Clodion en 445 et devint un enjeu de conflits entre les rois de France, les empereurs et les comtes de Flandre. Baudouin Ier de Flandre la prit et la donna à son fils Raoul, mais les empereurs la déclarèrent cité libre. Charles Quint la conquit en 1543 et y fit construire une citadelle. Le duc d'Alençon, frère du roi Henri III, fut maître de Cambray et la remit à Jean de Montluc, qui prit le parti de la Ligue avant de faire la paix avec Henri IV. Les Espagnols surprirent la ville en 1595 et la fortifièrent. Louis XIV la conquit en 1677, forçant la citadelle à se rendre le 16 mars. Cambray est défendue par des fortifications impressionnantes, y compris des fossés taillés dans le roc et des bastions. La ville accueillit les ambassadeurs de Siam avec une grande cérémonie, incluant un discours et des présents, comme une médaille d'or et de la toile fine. Les ambassadeurs visitèrent les fortifications et exprimèrent leur admiration pour la puissance et la vertu du roi de France. Ils rencontrèrent également l'archevêque de Cambray, qui leur montra les curiosités de son église.
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13
p. 199-200
Du Camp de l'Armée Autrichienne sous Neifs, le 30. Octobre.
Début :
Nous commençâmes le 22. à construire une redoute avec une batterie de [...]
Mots clefs :
Canons, Artillerie, Citadelle, Ennemis, Opérations militaires, Bataillons, Général, Comte
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texteReconnaissance textuelle : Du Camp de l'Armée Autrichienne sous Neifs, le 30. Octobre.
Du Camp de l'Armée Autrichienne fous Neifs ,
30. Octobre. le
Nous commençâmes le 22. à conſtruire une
redoute avec une batterie de 8 canons & de 4
Fiv
200 MERCURE DE FRANCE.
mortiers , vers le faubourg de Merengaſſen , auquel
les Affiégés ont mis le feu. Cet cuvrage fut
achevé le 26. & le même jour , le feu de notre
Artillerie ruina une écluſe qui retenoit les eaux
autour de la Place . L'ouverture de la tranchée
ſe fit le 28. à 200 toifes du fond de l'attaque ,
qui eft dirigée contre la Citadelle . Cette opération
fut conduite avec tant d'habileté que l'Ennemi
ne s'en appercut qu'à 7. heures du matin
le 29. nous effuyâmes fur notre droite , un grand
feu de canons , de mortiers & de pierriers. On
perfectionna les travaux de la Tranchée , & on
éleva une feconde batterie de 36 canons & de
20 mortiers.
Le Comte de Drafcowitz Lieutenant Général ,
& le fieur de Beckman , Major Général , étoient
à l'ouverture de la tranchée avec trois Bataillons
& fix Compagnies de Grenadiers , pour foutenir
les Travailleurs . Un Bataillon de Croates étoit
en avant de la trace de la paralléle , pour en
dérober la vue aux Affiégés. Deux redoutes fervent
d'épaulement à cette premiere paralléle. La
feconde ſera à quarante toifes du chemin couvert
, & nous n'en aurons que deux , pour abré-
⚫ger le travail .
Les huit Bataillons que nous envoye le Général
Daun , arriveront demain , ainfi que le
dernier Convoi d'Artillerie. Nous aurons alors
quatre - vingt canons & quarante mortiers en
batterie.
Le Comte de Harſch eft préſent à tout : il
anime l'ardeur du Soldat par fon activité ; & le
Marquis de Ville contribue beaucoup à accélérer
nos opérations , par la connoiffance parfaite
qu'il a du Pays.
30. Octobre. le
Nous commençâmes le 22. à conſtruire une
redoute avec une batterie de 8 canons & de 4
Fiv
200 MERCURE DE FRANCE.
mortiers , vers le faubourg de Merengaſſen , auquel
les Affiégés ont mis le feu. Cet cuvrage fut
achevé le 26. & le même jour , le feu de notre
Artillerie ruina une écluſe qui retenoit les eaux
autour de la Place . L'ouverture de la tranchée
ſe fit le 28. à 200 toifes du fond de l'attaque ,
qui eft dirigée contre la Citadelle . Cette opération
fut conduite avec tant d'habileté que l'Ennemi
ne s'en appercut qu'à 7. heures du matin
le 29. nous effuyâmes fur notre droite , un grand
feu de canons , de mortiers & de pierriers. On
perfectionna les travaux de la Tranchée , & on
éleva une feconde batterie de 36 canons & de
20 mortiers.
Le Comte de Drafcowitz Lieutenant Général ,
& le fieur de Beckman , Major Général , étoient
à l'ouverture de la tranchée avec trois Bataillons
& fix Compagnies de Grenadiers , pour foutenir
les Travailleurs . Un Bataillon de Croates étoit
en avant de la trace de la paralléle , pour en
dérober la vue aux Affiégés. Deux redoutes fervent
d'épaulement à cette premiere paralléle. La
feconde ſera à quarante toifes du chemin couvert
, & nous n'en aurons que deux , pour abré-
⚫ger le travail .
Les huit Bataillons que nous envoye le Général
Daun , arriveront demain , ainfi que le
dernier Convoi d'Artillerie. Nous aurons alors
quatre - vingt canons & quarante mortiers en
batterie.
Le Comte de Harſch eft préſent à tout : il
anime l'ardeur du Soldat par fon activité ; & le
Marquis de Ville contribue beaucoup à accélérer
nos opérations , par la connoiffance parfaite
qu'il a du Pays.
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Résumé : Du Camp de l'Armée Autrichienne sous Neifs, le 30. Octobre.
Le document relate les opérations militaires autrichiennes près de Neifs, débutées le 22 octobre. Les troupes autrichiennes ont construit une redoute équipée de huit canons et quatre mortiers près du faubourg de Merengassen, incendié par les assiégés. La redoute, achevée le 26 octobre, permit à l'artillerie autrichienne de détruire une écluse et de libérer les eaux autour de la place. Le 28 octobre, les Autrichiens ont ouvert une tranchée à 200 toises de la citadelle, surprenant l'ennemi qui ne s'en aperçut que le 29 octobre. Les travaux de la tranchée furent perfectionnés et une seconde batterie de 36 canons et 20 mortiers fut élevée. Le Comte de Drafcowitz et le sieur de Beckman supervisèrent l'ouverture de la tranchée avec trois bataillons et six compagnies de grenadiers pour protéger les travailleurs. Un bataillon de Croates masqua la vue des assiégés sur la parallèle. Deux redoutes servaient d'épaulement à la première parallèle, et une seconde parallèle était prévue à quarante toises du chemin couvert. Le Général Daun envoya huit bataillons et un convoi d'artillerie, portant le total à quatre-vingt canons et quarante mortiers. Le Comte de Harsch et le Marquis de Ville contribuèrent activement à accélérer les opérations.
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14
p. 198-199
DU HAVRE, le 7 Juillet.
Début :
Le 2 de ce mois on apperçut de cette Ville trois Frégates Angloises. [...]
Mots clefs :
Frégates, Flotte anglaise, Ennemis, Attaques, Bombes, Citadelle, Bateaux, Port, Dégâts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DU HAVRE, le 7 Juillet.
DU HAVRE , le 7 Juillet.
Le 2 de ce mois on apperçut de cette Ville
trois Frégates Angloiſes. Le 3 à fix heures du ma-
tin la flotte Angloife parut : les Ennemis tirèrent
cinq bombes pour en effayer la portée. Le 4 ils
s'approchèrent à la pointe du jour avec leurs tro
bombardes , dont l'une fut établie vis-à-vis de la
jettée , & les deux autres en face du Chantier où
Ï'on conftruit les batteaux. Ils commencèrent à
trois heures & demie du matin à jetter des bom-
bes de tous côtés. Plusieurs tombèrent dans la
Ville & dans la Citadelle fans caufer de dom-
mage. Ils tirèrent jufqu'à minuit ; mais pendant
cet intervalle , leur feu fe rallentiffoit de temps
à autre. Ils recommencerent à tirer les à trois
heures du matin : leur feu continua juſqu'à ſept
heures du ſoir. A neuf heures ils appareillerent,
·
A
·
OUST
.
1759
.
199
&
ils
replièrent la
moitié
de
leur
ligne
fur
leur
gauche
.
A
onze
heures
du
foir
ils
recommence-
rent
leur
fen
,
&
ne
jettèrent
pendant
la
nuit
qu'en-
viron
une douzaine de
bombes
,
fans
beaucoup
de
fuccès
.
Leur
feu
cella
entièrement
le
6
au
matin
.
A
midi
on
apperçut
qu'ils
faifoient
beaucoup
de
mouvemens
.
Les
Ennemis
ont gardé
leur
pofi-tion
jufqu'au ſept
à
neuf
heures
du
matin
,
ayane
leur
droite
à
la hauteur
du
Cap
de
la
Have
,
&
fans
jetter
aucune
bombe
.
Les Ouvriers
ont
repris
le
travail
fur
le chantier
,
&
l'on
doit
mettre
l'eau
aujourd'hui
trois
nouveaux
bateaux
calfatés
.
Les
Anglois ont
appareillé à
dix
heures
du
matin
.
Le
vent
fait
juger
qu'ils
tiennent
route
de
départ
.
A
trois
heures
après
midi
ils
étoient
déja
à
quatre
lieues
,
faifant
route
vraisemblablement
pour
ren-
trer
dans
leur
ports
.
Le
dommage
n'a
pas
été
,
à
beauconp
près
,
autfi
confidérable
qu'il
auroit
.
pû
l'être
,
eu égard
à
la
quantité prodigieufe
de
bombes
qu'ils
ont
jettées
.
Le
feu a été
éteint
avec
la
plus
grande promptitude par
les
troupes
&
les
Ouvriers
de
la
Marine
.
On
évalue
à
très
-
peu
de
choſe
la
perte
cauſée
par
le
feu
de l'Enne-
mi
dans
les
chantiers
de
conſtruction
.
Elle
a
été
réparée fur
le
champ
.
Il
eft
à
préfumer que
les
bombardes
des
Ennemis
ont
été
miſes hors
de
combat
,
tant
par
le
feu
qu'elles
ont
effuyé
denos
batteries
,
que
par
les efforts
de
leurs
pro-pres
mortiers
,
qui
étoient
chargés de
trente
à
trente
-
fix livres
de poudre
.
Le 2 de ce mois on apperçut de cette Ville
trois Frégates Angloiſes. Le 3 à fix heures du ma-
tin la flotte Angloife parut : les Ennemis tirèrent
cinq bombes pour en effayer la portée. Le 4 ils
s'approchèrent à la pointe du jour avec leurs tro
bombardes , dont l'une fut établie vis-à-vis de la
jettée , & les deux autres en face du Chantier où
Ï'on conftruit les batteaux. Ils commencèrent à
trois heures & demie du matin à jetter des bom-
bes de tous côtés. Plusieurs tombèrent dans la
Ville & dans la Citadelle fans caufer de dom-
mage. Ils tirèrent jufqu'à minuit ; mais pendant
cet intervalle , leur feu fe rallentiffoit de temps
à autre. Ils recommencerent à tirer les à trois
heures du matin : leur feu continua juſqu'à ſept
heures du ſoir. A neuf heures ils appareillerent,
·
A
·
OUST
.
1759
.
199
&
ils
replièrent la
moitié
de
leur
ligne
fur
leur
gauche
.
A
onze
heures
du
foir
ils
recommence-
rent
leur
fen
,
&
ne
jettèrent
pendant
la
nuit
qu'en-
viron
une douzaine de
bombes
,
fans
beaucoup
de
fuccès
.
Leur
feu
cella
entièrement
le
6
au
matin
.
A
midi
on
apperçut
qu'ils
faifoient
beaucoup
de
mouvemens
.
Les
Ennemis
ont gardé
leur
pofi-tion
jufqu'au ſept
à
neuf
heures
du
matin
,
ayane
leur
droite
à
la hauteur
du
Cap
de
la
Have
,
&
fans
jetter
aucune
bombe
.
Les Ouvriers
ont
repris
le
travail
fur
le chantier
,
&
l'on
doit
mettre
l'eau
aujourd'hui
trois
nouveaux
bateaux
calfatés
.
Les
Anglois ont
appareillé à
dix
heures
du
matin
.
Le
vent
fait
juger
qu'ils
tiennent
route
de
départ
.
A
trois
heures
après
midi
ils
étoient
déja
à
quatre
lieues
,
faifant
route
vraisemblablement
pour
ren-
trer
dans
leur
ports
.
Le
dommage
n'a
pas
été
,
à
beauconp
près
,
autfi
confidérable
qu'il
auroit
.
pû
l'être
,
eu égard
à
la
quantité prodigieufe
de
bombes
qu'ils
ont
jettées
.
Le
feu a été
éteint
avec
la
plus
grande promptitude par
les
troupes
&
les
Ouvriers
de
la
Marine
.
On
évalue
à
très
-
peu
de
choſe
la
perte
cauſée
par
le
feu
de l'Enne-
mi
dans
les
chantiers
de
conſtruction
.
Elle
a
été
réparée fur
le
champ
.
Il
eft
à
préfumer que
les
bombardes
des
Ennemis
ont
été
miſes hors
de
combat
,
tant
par
le
feu
qu'elles
ont
effuyé
denos
batteries
,
que
par
les efforts
de
leurs
pro-pres
mortiers
,
qui
étoient
chargés de
trente
à
trente
-
fix livres
de poudre
.
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Résumé : DU HAVRE, le 7 Juillet.
Du 2 au 7 juillet, Le Havre fut la cible d'attaques navales britanniques. Le 2 juillet, trois frégates anglaises furent repérées. Le 3 juillet, la flotte anglaise apparut et testa ses armes. Le 4 juillet, trois bombardes ennemies commencèrent à bombarder la ville et la citadelle dès 3h30 du matin, avec des pauses intermittentes jusqu'à 19 heures. Les attaques reprirent à 21 heures et 23 heures, sans causer de dommages significatifs. Le 6 juillet, le bombardement cessa. Le 7 juillet, les navires anglais quittèrent la zone. Les dégâts furent minimes, les incendies furent rapidement maîtrisés par les troupes et les ouvriers. Les pertes dans les chantiers de construction furent légères et réparées immédiatement. Les bombardes ennemies furent probablement neutralisées par le feu des batteries françaises et leurs propres mortiers.
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15
p. 203-204
De l'Armée aux ordres du Maréchal de Contades, le 23 Juillet.
Début :
Le Marquis d'Armentieres ayant fait toute ses dispositions pour le siège de Munster, [...]
Mots clefs :
Marquis, Artillerie, Siège, Ville, Garnison, Citadelle, Maréchal de camp, Capitulation, Officiers
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texteReconnaissance textuelle : De l'Armée aux ordres du Maréchal de Contades, le 23 Juillet.
De l'Armée aux ordres du Maréchal de Contades ,
le 23 Juillet.
Le Marquis d'Armentieres ayant fait toutes les
I vi
204 MERCURE DE FRANCE.
ditpofitions pour le fiége de Munfter , & l'artille
rie étant arrivée de Caffel le 18 , il fit ouvrir la
tranchée en deux endroits , l'une devant la Ville
le 19 , & l'autre devant la Citadelle le z1 . On
poulla les ouvrages avec beaucoup de vivacité
& fans perte. La Garniton craignant d'être emportée
l'épée à la main , évacua la Ville , & fe
retira dans la Citadelle. On convint d'une neutralité
pour la Ville , & le Marquis de Goyon ,
Maréchal de Camp , y fut etabli pour y com
mander.
La Citadelle s'eft rendue le 25 à fept heures
du matin. La tranchée avoit été ouverte la nuit
du 21 au 22 , & les batteries avoient commencé
à tirer le 25 au point du jour. Par la Capitulation
, la Garnifon au nombre de trois mille quatre-
vingt- dix hommes , non compris les Off-
*ciers & commandée par le fieur Zoftrow ,
Lieutenant Général , eft prifonniere de guerre.
Elle a été conduite à Weſel.
le 23 Juillet.
Le Marquis d'Armentieres ayant fait toutes les
I vi
204 MERCURE DE FRANCE.
ditpofitions pour le fiége de Munfter , & l'artille
rie étant arrivée de Caffel le 18 , il fit ouvrir la
tranchée en deux endroits , l'une devant la Ville
le 19 , & l'autre devant la Citadelle le z1 . On
poulla les ouvrages avec beaucoup de vivacité
& fans perte. La Garniton craignant d'être emportée
l'épée à la main , évacua la Ville , & fe
retira dans la Citadelle. On convint d'une neutralité
pour la Ville , & le Marquis de Goyon ,
Maréchal de Camp , y fut etabli pour y com
mander.
La Citadelle s'eft rendue le 25 à fept heures
du matin. La tranchée avoit été ouverte la nuit
du 21 au 22 , & les batteries avoient commencé
à tirer le 25 au point du jour. Par la Capitulation
, la Garnifon au nombre de trois mille quatre-
vingt- dix hommes , non compris les Off-
*ciers & commandée par le fieur Zoftrow ,
Lieutenant Général , eft prifonniere de guerre.
Elle a été conduite à Weſel.
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Résumé : De l'Armée aux ordres du Maréchal de Contades, le 23 Juillet.
Le 23 juillet, le Marquis d'Armentières prit des mesures pour ouvrir des tranchées devant Münster. Les travaux débutèrent le 19 juillet devant la ville et le 21 juillet devant la citadelle, sans pertes notables. Face à la menace d'un assaut, la garnison quitta la ville pour se retrancher dans la citadelle. Une neutralité fut établie pour la ville, et le Marquis de Goyon fut nommé pour la commander. La citadelle capitula le 25 juillet à sept heures du matin. Les batteries commencèrent à tirer ce même jour à l'aube. Selon les termes de la capitulation, la garnison, composée de 3 090 hommes sous le commandement du Lieutenant Général Zoftrow, fut capturée et conduite à Wesel.
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16
p. 202-203
De l'Armée à Francfort, le 4 Juin.
Début :
Il a été convenu le 16 Mai, entre Sa Majesté Très-Chrétienne & le Duc de Virtemberg, [...]
Mots clefs :
Duc, Prince, Armée française, Maréchal de Broglie, Ennemis, Détachement, Baron, Commandement, Lieutenant, Alliés, Armée, Citadelle, Artillerie
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texteReconnaissance textuelle : De l'Armée à Francfort, le 4 Juin.
De l'Armée à Francfort , le 4 Juin .
Il a été convenu le 16 Mai , entre Sa Majeſté
Très-Chrétienne & le Duc de Virtemberg , que
ce Prince retirera fes troupes de l'Armée Françoiſe
pour les faire rentrer dans fes Etats , où elles continueront
d'être à la difpofition du Roi de France
& de fes Alliést
Le Maréchal de Broglie ayanteu avis le 143
que le Corps avancé des Ennemis s'étoit porté
le même jour , de grand matin , fur Butzbach
& que les détachemens qui occupoient ce poſte
avoient été obligés de céder au nombre , fe rendit
le 25 àFriberg, où il apprit que les ennemis s'étoient
retirés de Butzbach , & que des détachemens de
nos Huffards y étoient rentrés . Il fe porta jufqu'à
Butzbach , où il eut nouvelle que le corps des Ennemis
, commandé par le fieur Luckner , avoit paffé
la Lohn entre Giellen & Marburg , & qu'il s'étoit
retiré fur les hauteurs de Krofdorf. Il apprit en
même tems que le Baron du Blaifel , Commandant
a Gieffen , avoit attaqué avec des détachemens
de la Garnifon l'arriere - garde du fieur
Luckner , & qu'il avoit fait plufieurs prifonniers.
Le Maréchal de Broglie eft revenu ici , après
avoir donné tous les ordres néceflaires pour les
pofte de Butzbach & de Fridberg , dont il a remis
le Commandement au Comte de Vaux , LieuJUILLET.
1760. 203
tenant -Général . Depuis ce tems on n'a point entendu
parler des ennemis , & l'on juge que l'Armée
du Prince Ferdinand n'a fait aucun mouvement.
Le Comte de Luface commande la réferve
de notre Armée, qui s'eft affemblé a Lohr.
L'Electeur de Cologne arriva ici , le 31 du mois
dernier , vers le midi. Le Maréchal Duc d. Broglie
alla le recevoir à Sakenhaufen , où les Grenadiers
de France étoient fous les armes. Ce Prince
entra dans la Ville au bruit de l'Artillerie des
Remparts. Il foupa chez le Maréchal de Broglie ;
& il partit, le premier de ce nois , pour Bonn ,
lieu de la réfidence ordinaire.
Les Alliés travaillent à mettre la Citadelle de
Munſter , en état de faire une bonne défenfe. C'eſt
le Comte de la Lippe- Schaunbourg , qui dirige
ces travaux,
Il a été convenu le 16 Mai , entre Sa Majeſté
Très-Chrétienne & le Duc de Virtemberg , que
ce Prince retirera fes troupes de l'Armée Françoiſe
pour les faire rentrer dans fes Etats , où elles continueront
d'être à la difpofition du Roi de France
& de fes Alliést
Le Maréchal de Broglie ayanteu avis le 143
que le Corps avancé des Ennemis s'étoit porté
le même jour , de grand matin , fur Butzbach
& que les détachemens qui occupoient ce poſte
avoient été obligés de céder au nombre , fe rendit
le 25 àFriberg, où il apprit que les ennemis s'étoient
retirés de Butzbach , & que des détachemens de
nos Huffards y étoient rentrés . Il fe porta jufqu'à
Butzbach , où il eut nouvelle que le corps des Ennemis
, commandé par le fieur Luckner , avoit paffé
la Lohn entre Giellen & Marburg , & qu'il s'étoit
retiré fur les hauteurs de Krofdorf. Il apprit en
même tems que le Baron du Blaifel , Commandant
a Gieffen , avoit attaqué avec des détachemens
de la Garnifon l'arriere - garde du fieur
Luckner , & qu'il avoit fait plufieurs prifonniers.
Le Maréchal de Broglie eft revenu ici , après
avoir donné tous les ordres néceflaires pour les
pofte de Butzbach & de Fridberg , dont il a remis
le Commandement au Comte de Vaux , LieuJUILLET.
1760. 203
tenant -Général . Depuis ce tems on n'a point entendu
parler des ennemis , & l'on juge que l'Armée
du Prince Ferdinand n'a fait aucun mouvement.
Le Comte de Luface commande la réferve
de notre Armée, qui s'eft affemblé a Lohr.
L'Electeur de Cologne arriva ici , le 31 du mois
dernier , vers le midi. Le Maréchal Duc d. Broglie
alla le recevoir à Sakenhaufen , où les Grenadiers
de France étoient fous les armes. Ce Prince
entra dans la Ville au bruit de l'Artillerie des
Remparts. Il foupa chez le Maréchal de Broglie ;
& il partit, le premier de ce nois , pour Bonn ,
lieu de la réfidence ordinaire.
Les Alliés travaillent à mettre la Citadelle de
Munſter , en état de faire une bonne défenfe. C'eſt
le Comte de la Lippe- Schaunbourg , qui dirige
ces travaux,
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Résumé : De l'Armée à Francfort, le 4 Juin.
Le 16 mai 1760, un accord fut conclu entre le roi de France et le duc de Wurtemberg, permettant aux troupes du duc de se retirer de l'armée française tout en restant disponibles pour le roi et ses alliés. Le 14 juin, le maréchal de Broglie apprit que les forces ennemies s'étaient déplacées vers Butzbach, forçant les détachements français à se retirer. Le 25 juin, il découvrit que les ennemis avaient quitté Butzbach et que des hussards français avaient repris le poste. Il apprit aussi que le corps ennemi, dirigé par Luckner, s'était retiré sur les hauteurs de Krofdorf. Le baron du Blaifel avait attaqué l'arrière-garde de Luckner, capturant plusieurs prisonniers. Le maréchal de Broglie revint ensuite à Francfort et confia le commandement des postes de Butzbach et de Friedberg au comte de Vaux. Aucun mouvement ennemi n'a été signalé depuis. Le comte de Luface commande la réserve de l'armée française à Lohr. L'électeur de Cologne arriva à Francfort le 31 mai et quitta la ville le 1er juin pour Bonn. Les alliés fortifient la citadelle de Münster sous la direction du comte de la Lippe-Schaumbourg.
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17
p. 204
De BELLEISLE, le 11 Mai 1763.
Début :
Le Chevalier de Warren, Maréchal de Camp, nommé par le Roi pour commander [...]
Mots clefs :
Chevalier, Maréchal de camp, Troupes, Gouverneur, Citadelle, Anglais, Belle-Île
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texteReconnaissance textuelle : De BELLEISLE, le 11 Mai 1763.
De BELLEISLE , le 11 Mai 1763 .
Le Chevalier de Warren , Maréchal de Camp ,
nommé par le Roi pour commander les troupes
deftinées à reprendre poffeffion de cette Ile ,
ayant remis hier au Gouverneur Anglõis la let-:
tre par laquelle Sa Majeſté Britannique ordonne
que l'lfle , la Citadelle , le Fort , &c , foient re- .
mis entre les mains des François ; les Anglois fe
font retirés , & le Chevalier de Warren a pris poffeffion
de l'Ifle.
Le Chevalier de Warren , Maréchal de Camp ,
nommé par le Roi pour commander les troupes
deftinées à reprendre poffeffion de cette Ile ,
ayant remis hier au Gouverneur Anglõis la let-:
tre par laquelle Sa Majeſté Britannique ordonne
que l'lfle , la Citadelle , le Fort , &c , foient re- .
mis entre les mains des François ; les Anglois fe
font retirés , & le Chevalier de Warren a pris poffeffion
de l'Ifle.
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