Résultats : 21 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 46-47
« Vous avez impatience sans-doute que je vienne aux particularitez [...] »
Début :
Vous avez impatience sans-doute que je vienne aux particularitez [...]
Mots clefs :
Sièges, Mémoires, Aventure, Raconter
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Vous avez impatience sans-doute que je vienne aux particularitez [...] »
Vous avez impatience ſansdoute que je vienne aux par- ticularitez des deux derniers
Sieges qui ont acquis tant de gloire aux Armes du Roy.
J'en ay recueilly de tres-fidel- les Memoires : mais , Madame, avant que de vous en fai- re part , il faut que je vous conte une Avanture qui a
mis de la froideur entre des
Gens qui ſembloient ne de- voir jamais eſtre broüillez;
Vous connoiffez une des Parties intereſſées, &voicy.com- me le tout s'eſt paffé
Sieges qui ont acquis tant de gloire aux Armes du Roy.
J'en ay recueilly de tres-fidel- les Memoires : mais , Madame, avant que de vous en fai- re part , il faut que je vous conte une Avanture qui a
mis de la froideur entre des
Gens qui ſembloient ne de- voir jamais eſtre broüillez;
Vous connoiffez une des Parties intereſſées, &voicy.com- me le tout s'eſt paffé
Fermer
2
p. 102-103
« A l'heure qu'il est, on m'apporte une Lettre [...] »
Début :
A l'heure qu'il est, on m'apporte une Lettre [...]
Mots clefs :
Mercure galant, Public, Approbation, Nouvelles, Aventure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « A l'heure qu'il est, on m'apporte une Lettre [...] »
Al'heure qu'il eſt,on m'apporte une Lettre qui merite
bien de vous efſtre envoyée,
& qui eſt une eſpece d'avan- ture pour moy. C'eſt à vous ,
Madame, à qui je dois les cho- ſes obligeantes que vous y
verrez. Si vous n'aviez pas ſouffert que les Nouvelles que
j'ay ſoin de vous envoyer tous les mois 4
, priffent le Titre de
GALANT. 79
Mercure Galant pour courir le monde , apres qu'elles ont eſté juſqu'à vous , je n'aurois pas reçeu un témoignage ſi avantageux de l'approbation que leur donne le Public. J'ignore le nom de la Perſon- nequimefait la grace de m'é- crire , je ſçay ſeulement celuy dela Dame dont on me parP
,
)
drez parler d'elle plus fois dans le Mercure.
duneDE
le , & vous voudrez bien que
je vous le taiſe. Tout ce que
je me croy permis de vous en dire, c'eſt qu'elle est d'unmérite generalement reconnu ,
&qu'aſſurément vous enten
bien de vous efſtre envoyée,
& qui eſt une eſpece d'avan- ture pour moy. C'eſt à vous ,
Madame, à qui je dois les cho- ſes obligeantes que vous y
verrez. Si vous n'aviez pas ſouffert que les Nouvelles que
j'ay ſoin de vous envoyer tous les mois 4
, priffent le Titre de
GALANT. 79
Mercure Galant pour courir le monde , apres qu'elles ont eſté juſqu'à vous , je n'aurois pas reçeu un témoignage ſi avantageux de l'approbation que leur donne le Public. J'ignore le nom de la Perſon- nequimefait la grace de m'é- crire , je ſçay ſeulement celuy dela Dame dont on me parP
,
)
drez parler d'elle plus fois dans le Mercure.
duneDE
le , & vous voudrez bien que
je vous le taiſe. Tout ce que
je me croy permis de vous en dire, c'eſt qu'elle est d'unmérite generalement reconnu ,
&qu'aſſurément vous enten
Fermer
Résumé : « A l'heure qu'il est, on m'apporte une Lettre [...] »
L'auteur reçoit une lettre concernant des nouvelles mensuelles envoyées à une dame. Il exprime sa gratitude envers cette dame, sans qui les nouvelles n'auraient pas été intitulées 'Mercure Galant' et n'auraient pas été approuvées par le public. L'auteur connaît la dame mais ignore l'identité de la personne qui lui écrit. Il demande à la dame de garder ce nom secret.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 46-61
« Je devrois estre déja devant S. Omer; mais je ne puis [...] »
Début :
Je devrois estre déja devant S. Omer; mais je ne puis [...]
Mots clefs :
Aventure, Cavalier, Dame, Conversation, Repas, Vin, Dormir, Dents
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je devrois estre déja devant S. Omer; mais je ne puis [...] »
Je devrois eſtre déja devant
S. Omer ; mais je ne puis me defendre de m'arreſter encor un
momenticy, pourvous faire rire d'une Avanture dont unCavalier , que vous connoiffez toutes les peines du monde àſe conſoler: c'eſt celuy , qui au dernier Voyage que vous fiſtes icy, vousdittant d'agreablesBa- gatelles aux Tuilleries. Vous
ſçavez , Madame , combienſa converſation eſt enjoüée. C'eſt un talent merveilleux pour ſe faire ſouhaiterpar tout. Il dit les chofes finement , fait un Conte
GALAN T. 31
1.
1%
۲۰
nt
me
in
re
aaefe
au
es
aUS
fa
eft
fe
es
te
debonne grace, & il feroit pref- que fans defaut , s'il n'avoit pas celuy de ſe mettre quelquefois de trop bonne humeur , quand il reçoit un Défy dans la Dé- bauche. Il s'oublie pourtant af- ſez rarement la-deſſus &s'ilne
s'en corrige pas tout à fait, c'eſt parce , qu'iln'a que cequi s'ap- pelleunVingay,&que ſe don- nant ſeulement tout à la joye , il ne s'en eſt jamais fait d'affaires,
que celle que je vous vais con- ter. On l'avoit mis d'un fort
grandRepas chez Bergerat. Vn Comte & un Marquis de fes plus particuliers Amis s'y trou- verent : ils eſtoient tous deux de
ſa confidence , &ils avoient habitudel'un & l'autre chez une
Damequi ne montroit pas d'in- difference pour luy. La Dame eftoit digne de ſes ſoins , jeune,
Biv
32 LE MERCVRE
aimable , mais d'une fierté à
gronder long- tempspourpeude chofe. Toutes ces circonstances.
font àſçavoir pour l'intelligence de l'Histoire. On ſe metà Table , on rit, on chante , on dit
des folies , & le Cavalier porte fi loin la joye , qu'il la fait aller juſqu'a l'excés. Il boit la ſanté des Belles , exagere leur merite,
&laiſſe égarer ſa raiſon à force de vouloir raifonner Apresquel- ques rafadesun peu trop large- mentréïterées , il ſe jette ſur un Lit de repos , l'aſſoupiſſement l'y prend,&il eſt tel que l'heu- rede ſe ſeparer arrive avantqu'il aitceffé dedormir. Ses Amis ſe
croyent obligez d'en prendre foin. On le porte dans le Car- roffe du Comte , qui le fait me- ner chez luy. Ses Laquais le des- habillét,on le couche fans qu'il
GALAN T. 33
e
es
ce
aHit
te
Jer
1
te
te,
ce
el
eun
ent
ell1
fe
Hre
ares
faffe autre choſe qu'ouvrir un peu les yeux &ſe rendormir. Ce long oubly de luy-meſme mer leComte en humeurde luy fai- re piece. Il oblige une de ſes Amies d'aller chez la Dame ,
dont je vous ay fait la peinture.
Elle la met ſur le chapitre du Cavalier , &luy demande fi elle eſtoit broüillée avec luy , parce qu'il s'eſtoit trouvé en lieu où il n'avoit pas parlé d'elle comme il devoit. La Dame eſtoit fiere,
elle prend feu , & luy prepare une froideur plus propre à le chagriner que ne pourroient faire ſes plaintes. C'eſtoit là ce que le Comtevouloit. Il va trou- ver le Marquis leur Amycom- mun , & concerte avec luy le perſonnage qu'il doit joüer. La nuit ſe paſſe , le Cavaliers'éveil- le ,&eft fort furpris de ſe trou
Bv
34 LE MERCVRE
ver chez le Comte , qui entre un
moment apresdans ſaChambre.
Il s'informe de l'enchantement
qui l'amis oùil ſe voit. Le Com- te foûrit , &luydemandes'il ne ſeſouvient plus detoutes les fo-- lies qu'il a faites depuis le Repas de Bergerat. Il luy fait croire qu'il l'avoit trouvé chez une Ducheſſe d'où il l'avoir ramené
chez luy , parce qu'iln'eſtoit pas dans ſon bon ſens. Il adjoûte qu'il venoitde ſçavoirqu'il avoit rendu viſite àſon Amie , à qui il avoitdit force impertinences;, qu'on ne luy avoit pû dire pré- cifément ce que c'eſtoit , mais qu'elle en eſtoit fort indignée,
&d'autant plus que c'eſtoit en preſence du Marquis qu'il luy avoitdit toutes les choſes deſobligeantes dont elleſe plaignoit.. LeCavalier ne ſçaitoù il en eſt.
GALAN T. 35
t
-
e
0-
as
re
ne
ne
Das
ite
oit
qui
es;
reais
ée,
en
Juy
-fooit
eft.
Il ſe ſouvient duRepas deBer- gerat. Mais il neſe ſouvient de rien autre choſe. Il ne laiſſe pas d'eſtre perfuadé , que comme il eſt venu coucher chez le Comte ſans s'en eftre apperçeu, il peutbien avoir fait toutes lesex- travagances dont on l'accufe. W
courtchez le Marquis. LeMar٦١٨
*
quis , qui estoit inftruit, débute
auec luy par une grande Mercu- riale. Il luy ditqu'il ne comprend point comment il a pû s'oublier au point qu'il a fait , qu'on ne traite point une Femme qu'on eftime , comme il a traité ſon
Amie , & qu'il meritoit bien qu'elle ne renoüât jamais avec luy. Le Cavalier veut ſçavoir fon crime ; ce crime eſt qu'il a
reproché à la Dame devant luy qu'elle avoit de fauffe Dents,
qu'il ne s'eſt pas contenté de le Bvj
36 LE MERCVRE dire une fois qu'il l'a repeté , &.
qu'elle en eſt dans une fi grande colere, qu'il fera bien d'allerl'ap-- paiſerſur l'heure, afin qu'elle ne s'affermiſſe pas dans la refolutionde ne luy pardonner jamais:
Je ne vous puis dire , Madame,
ſi le Marquis crut ſuppoſer ce defaut àla Belle,où s'il ſçavoit qu'il fuſt effectif, mais la verité eſt que toutes ſes Dents n'ef- toient point à elle. Le malheur de les perdre eſt inévitable à
bien de Gens , & on n'eſt point:
blamable d'y remedier ; mais les Dames qui le cachent avec ſoin,
nefontpas bien aiſes qu'on s'ens apperçoive , & il faut toûjours avoir la difcretion de n'en rien
voir. Le Cavalier aimoit la Dame , il donne dans le panneau,
va chez elle , apres avoir quitté le Marquis ; & ne jugeant pas
GALANT. 37
e
1-
S:
e,
ce
Dis
ite
efeur
int
les
Din,
S'en
urs
ien
Daalus
itte
pas
qu'une injure de faufſes Dents reprochées ſoit difficile à ou blier , parce qu'il ne croit pas qu'elle en airde fauffes , il com- mence par des excuſes genera- lesd'avoir laiſſe échapper quel- que choſe quiluy air deplû. La Damequ'on eſtoit venue aver- tir dupeu de confideration qu'il avoit montré pour elle , répond fierement qu'elle semettoit fort peu en peine de ce qu'il avoit pû dire ſur ſon chapitre , que c'e- ſtoit tantpis pour luy ,&qu'elle ſe croyoit à couvertde toute for- te de cenfures , fi on ne diſoit
que des veritez . C'eſt parlà que le Cavalier pretend qu'on luy doit aifément pardonner , puis qu'eſtantdansuneſtat à ne ſça- voir pas trop bien ce qu'il diſoit,
il l'avoit accufée d'avoirde faufſes Dents , elle qui les avoit fi
38 LE MERCVRE belles & fi bien rangées par la Nature. La Dame qui ſe ſent attaquée par ſon foible ne peut plus ſe retenir ; elle croit qu'a- pres avoir mal parlé d'elle , il a
encor l'infolence de la venir infulter. Elle éclate; & plus elle marque de colere , plus il de- mande ce qu'ily a de criminel dans l'article ſuposé des fauſſes Dents. Elle le chaſſe, il s'obſtine
àdemeurer , revient encor à ſes
Dents , &la met dans une telle
impatience qu'elle le quitte, &
va s'enfermer dans ſon Cabinet..
Le Cavalier demeure dans une
furpriſe inconcevable. Il s'addreſſe à ſa Suivante , & veut
l'employer à faire ſa paix. La Suivante l'entreprend , luy de- mande dequoy il s'eſt aviſé de parlerdes Dents de ſa Maiſtref fe , & luy ayant dit qu'elle ne
GALAN T. 39
a
ut
ala
nelle
Henel
Tes
-ine
fes
elle
, &
et
ane
adeur
La
dede
ref
ne
doit compte àperſonne ſi elle en a d'appliquées ou non, elle luy fait enfinſoupçonnerqu'il pour- roit avoir dit vray en n'y pen- ſant pas. Cependant il eſt obli- gé de fortir ſans avoir pû faire fatisfaction à la Dame. Ileſt retourné dix fois chez elle depuis ce temps-là , & elle ne l'a point encore voulu recevoir. Voilà ,
Madame, en quel eſtat font les choſes. LeCavalier à découvert
depuis deux jours la piece que fesAmisluy avoient joüée , il en eſt fort piqué, &ily aura peut- eſtre de la ſuite que je neman- queray pas à vous apprendre.
S. Omer ; mais je ne puis me defendre de m'arreſter encor un
momenticy, pourvous faire rire d'une Avanture dont unCavalier , que vous connoiffez toutes les peines du monde àſe conſoler: c'eſt celuy , qui au dernier Voyage que vous fiſtes icy, vousdittant d'agreablesBa- gatelles aux Tuilleries. Vous
ſçavez , Madame , combienſa converſation eſt enjoüée. C'eſt un talent merveilleux pour ſe faire ſouhaiterpar tout. Il dit les chofes finement , fait un Conte
GALAN T. 31
1.
1%
۲۰
nt
me
in
re
aaefe
au
es
aUS
fa
eft
fe
es
te
debonne grace, & il feroit pref- que fans defaut , s'il n'avoit pas celuy de ſe mettre quelquefois de trop bonne humeur , quand il reçoit un Défy dans la Dé- bauche. Il s'oublie pourtant af- ſez rarement la-deſſus &s'ilne
s'en corrige pas tout à fait, c'eſt parce , qu'iln'a que cequi s'ap- pelleunVingay,&que ſe don- nant ſeulement tout à la joye , il ne s'en eſt jamais fait d'affaires,
que celle que je vous vais con- ter. On l'avoit mis d'un fort
grandRepas chez Bergerat. Vn Comte & un Marquis de fes plus particuliers Amis s'y trou- verent : ils eſtoient tous deux de
ſa confidence , &ils avoient habitudel'un & l'autre chez une
Damequi ne montroit pas d'in- difference pour luy. La Dame eftoit digne de ſes ſoins , jeune,
Biv
32 LE MERCVRE
aimable , mais d'une fierté à
gronder long- tempspourpeude chofe. Toutes ces circonstances.
font àſçavoir pour l'intelligence de l'Histoire. On ſe metà Table , on rit, on chante , on dit
des folies , & le Cavalier porte fi loin la joye , qu'il la fait aller juſqu'a l'excés. Il boit la ſanté des Belles , exagere leur merite,
&laiſſe égarer ſa raiſon à force de vouloir raifonner Apresquel- ques rafadesun peu trop large- mentréïterées , il ſe jette ſur un Lit de repos , l'aſſoupiſſement l'y prend,&il eſt tel que l'heu- rede ſe ſeparer arrive avantqu'il aitceffé dedormir. Ses Amis ſe
croyent obligez d'en prendre foin. On le porte dans le Car- roffe du Comte , qui le fait me- ner chez luy. Ses Laquais le des- habillét,on le couche fans qu'il
GALAN T. 33
e
es
ce
aHit
te
Jer
1
te
te,
ce
el
eun
ent
ell1
fe
Hre
ares
faffe autre choſe qu'ouvrir un peu les yeux &ſe rendormir. Ce long oubly de luy-meſme mer leComte en humeurde luy fai- re piece. Il oblige une de ſes Amies d'aller chez la Dame ,
dont je vous ay fait la peinture.
Elle la met ſur le chapitre du Cavalier , &luy demande fi elle eſtoit broüillée avec luy , parce qu'il s'eſtoit trouvé en lieu où il n'avoit pas parlé d'elle comme il devoit. La Dame eſtoit fiere,
elle prend feu , & luy prepare une froideur plus propre à le chagriner que ne pourroient faire ſes plaintes. C'eſtoit là ce que le Comtevouloit. Il va trou- ver le Marquis leur Amycom- mun , & concerte avec luy le perſonnage qu'il doit joüer. La nuit ſe paſſe , le Cavaliers'éveil- le ,&eft fort furpris de ſe trou
Bv
34 LE MERCVRE
ver chez le Comte , qui entre un
moment apresdans ſaChambre.
Il s'informe de l'enchantement
qui l'amis oùil ſe voit. Le Com- te foûrit , &luydemandes'il ne ſeſouvient plus detoutes les fo-- lies qu'il a faites depuis le Repas de Bergerat. Il luy fait croire qu'il l'avoit trouvé chez une Ducheſſe d'où il l'avoir ramené
chez luy , parce qu'iln'eſtoit pas dans ſon bon ſens. Il adjoûte qu'il venoitde ſçavoirqu'il avoit rendu viſite àſon Amie , à qui il avoitdit force impertinences;, qu'on ne luy avoit pû dire pré- cifément ce que c'eſtoit , mais qu'elle en eſtoit fort indignée,
&d'autant plus que c'eſtoit en preſence du Marquis qu'il luy avoitdit toutes les choſes deſobligeantes dont elleſe plaignoit.. LeCavalier ne ſçaitoù il en eſt.
GALAN T. 35
t
-
e
0-
as
re
ne
ne
Das
ite
oit
qui
es;
reais
ée,
en
Juy
-fooit
eft.
Il ſe ſouvient duRepas deBer- gerat. Mais il neſe ſouvient de rien autre choſe. Il ne laiſſe pas d'eſtre perfuadé , que comme il eſt venu coucher chez le Comte ſans s'en eftre apperçeu, il peutbien avoir fait toutes lesex- travagances dont on l'accufe. W
courtchez le Marquis. LeMar٦١٨
*
quis , qui estoit inftruit, débute
auec luy par une grande Mercu- riale. Il luy ditqu'il ne comprend point comment il a pû s'oublier au point qu'il a fait , qu'on ne traite point une Femme qu'on eftime , comme il a traité ſon
Amie , & qu'il meritoit bien qu'elle ne renoüât jamais avec luy. Le Cavalier veut ſçavoir fon crime ; ce crime eſt qu'il a
reproché à la Dame devant luy qu'elle avoit de fauffe Dents,
qu'il ne s'eſt pas contenté de le Bvj
36 LE MERCVRE dire une fois qu'il l'a repeté , &.
qu'elle en eſt dans une fi grande colere, qu'il fera bien d'allerl'ap-- paiſerſur l'heure, afin qu'elle ne s'affermiſſe pas dans la refolutionde ne luy pardonner jamais:
Je ne vous puis dire , Madame,
ſi le Marquis crut ſuppoſer ce defaut àla Belle,où s'il ſçavoit qu'il fuſt effectif, mais la verité eſt que toutes ſes Dents n'ef- toient point à elle. Le malheur de les perdre eſt inévitable à
bien de Gens , & on n'eſt point:
blamable d'y remedier ; mais les Dames qui le cachent avec ſoin,
nefontpas bien aiſes qu'on s'ens apperçoive , & il faut toûjours avoir la difcretion de n'en rien
voir. Le Cavalier aimoit la Dame , il donne dans le panneau,
va chez elle , apres avoir quitté le Marquis ; & ne jugeant pas
GALANT. 37
e
1-
S:
e,
ce
Dis
ite
efeur
int
les
Din,
S'en
urs
ien
Daalus
itte
pas
qu'une injure de faufſes Dents reprochées ſoit difficile à ou blier , parce qu'il ne croit pas qu'elle en airde fauffes , il com- mence par des excuſes genera- lesd'avoir laiſſe échapper quel- que choſe quiluy air deplû. La Damequ'on eſtoit venue aver- tir dupeu de confideration qu'il avoit montré pour elle , répond fierement qu'elle semettoit fort peu en peine de ce qu'il avoit pû dire ſur ſon chapitre , que c'e- ſtoit tantpis pour luy ,&qu'elle ſe croyoit à couvertde toute for- te de cenfures , fi on ne diſoit
que des veritez . C'eſt parlà que le Cavalier pretend qu'on luy doit aifément pardonner , puis qu'eſtantdansuneſtat à ne ſça- voir pas trop bien ce qu'il diſoit,
il l'avoit accufée d'avoirde faufſes Dents , elle qui les avoit fi
38 LE MERCVRE belles & fi bien rangées par la Nature. La Dame qui ſe ſent attaquée par ſon foible ne peut plus ſe retenir ; elle croit qu'a- pres avoir mal parlé d'elle , il a
encor l'infolence de la venir infulter. Elle éclate; & plus elle marque de colere , plus il de- mande ce qu'ily a de criminel dans l'article ſuposé des fauſſes Dents. Elle le chaſſe, il s'obſtine
àdemeurer , revient encor à ſes
Dents , &la met dans une telle
impatience qu'elle le quitte, &
va s'enfermer dans ſon Cabinet..
Le Cavalier demeure dans une
furpriſe inconcevable. Il s'addreſſe à ſa Suivante , & veut
l'employer à faire ſa paix. La Suivante l'entreprend , luy de- mande dequoy il s'eſt aviſé de parlerdes Dents de ſa Maiſtref fe , & luy ayant dit qu'elle ne
GALAN T. 39
a
ut
ala
nelle
Henel
Tes
-ine
fes
elle
, &
et
ane
adeur
La
dede
ref
ne
doit compte àperſonne ſi elle en a d'appliquées ou non, elle luy fait enfinſoupçonnerqu'il pour- roit avoir dit vray en n'y pen- ſant pas. Cependant il eſt obli- gé de fortir ſans avoir pû faire fatisfaction à la Dame. Ileſt retourné dix fois chez elle depuis ce temps-là , & elle ne l'a point encore voulu recevoir. Voilà ,
Madame, en quel eſtat font les choſes. LeCavalier à découvert
depuis deux jours la piece que fesAmisluy avoient joüée , il en eſt fort piqué, &ily aura peut- eſtre de la ſuite que je neman- queray pas à vous apprendre.
Fermer
Résumé : « Je devrois estre déja devant S. Omer; mais je ne puis [...] »
Le texte narre une aventure impliquant un cavalier réputé pour son talent de conversation et son humour, mais également pour son tempérament impulsif après avoir consommé de l'alcool. Lors d'un repas chez Bergerat, le cavalier se laisse emporter par la joie et, après s'être endormi, est ramené chez un comte par ses amis. Le comte et un marquis, amis du cavalier, décident de profiter de la situation pour le punir d'une offense imaginaire. Ils lui font croire qu'il a insulté une dame en lui reprochant d'avoir de fausses dents, ce qui est en réalité faux. Le cavalier, ignorant la supercherie, tente de se justifier auprès de la dame, mais elle le chasse, furieuse. Le cavalier, perplexe, essaie de se racheter sans succès. Il découvre finalement la vérité deux jours plus tard et est contrarié par la plaisanterie de ses amis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 167-168
« Deux mots, s'il vous plaist, sur une Avanture de l'Opéra [...] »
Début :
Deux mots, s'il vous plaist, sur une Avanture de l'Opéra [...]
Mots clefs :
Opéra, Aventure, Scarron, Divertissant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Deux mots, s'il vous plaist, sur une Avanture de l'Opéra [...] »
Deux mots, s'il vous plaiſt,
fur une Avanture de l'Opéra:
car commevous ſçavez ,Mada- me , l'Opéra est fort propre à
faire naiſtre des Avantures , &
depuis que les troiſiémes Loges qu'on a retranchées à la livrée,
s'occupent fans honte pardes perſonnes de Qualité , la ren-
LE MERCVRE
t
contre desBrancards de Scaron
eſt moins divertiſſante que cel- lesqu'onyfait tous les jours
fur une Avanture de l'Opéra:
car commevous ſçavez ,Mada- me , l'Opéra est fort propre à
faire naiſtre des Avantures , &
depuis que les troiſiémes Loges qu'on a retranchées à la livrée,
s'occupent fans honte pardes perſonnes de Qualité , la ren-
LE MERCVRE
t
contre desBrancards de Scaron
eſt moins divertiſſante que cel- lesqu'onyfait tous les jours
Fermer
5
p. 14-43
Histoire de la fausse Provençale. [titre d'après la table]
Début :
Si tout le monde suivoit ces Maximes, l'Amour ne causeroit [...]
Mots clefs :
Jaloux, Aventure, Fausse provençale, Dame, Absence, Occasion, Divertissement, Coquette, Venger, Couvent, Paris, Incognito, Mari, Outrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire de la fausse Provençale. [titre d'après la table]
Si tout le monde ſuivoit ces
Maximes , l'Amour ne cauſeroit
pas tant de malheurs , & l'em- portement inconſideré d'un Ja-
GALANT.
loux n'auroit pas donné lieu à
l'Avanture que vous allez entendre.
Une Dame bien faite , jolie,
ſpirituelle , enjoüée, vertueuſe dans le fond , mais ayant l'air du monde , & trouvant un plaifir ſenſible à s'entendre conter des
douceurs , ne pût s'empeſcher de s'abandonner à fon panc panchant
1
pendant l'absence de fonMary,
que d'importantes affaires a->
voient appellé pour quelques mois dans le Languedoc. II ai- thoit ſa Femme , & elle meritoit
bien qu'il l'aimaſt; mais foit ja- loufie,ſoit délicateſſe trop ſcru- puleuſe ſur le point-d'honneur,
il eſtoit ſevere pour ce qui regar- doit ſa conduite , &il l'obligeoit àvivre dans une regularite un peu eloignée des innocentes li- bertez qu'elle auroit crû pouvoir A vj
12 LE MERCVRE
s'accorder. Ainſi il ne faut pas eſtre ſurpris , ſi ſe voyant mai- ſtreſſe de ſes actions par ſon de- part , elle n'euſt pas tous les ſcru- pules qu'il avoit tâché de luy donner. Elle estoit née pour la joye , l'occafion estoit favorable,
& elle crût qu'il luy devoit eſtre permis de s'en fervir. Elle eut pourtant ſoin d'éviter l'éclat , &
ne voulut recevoir aucune viſite
chez elle; mais elle avoir des Amies,ces Amies voyoient le beau monde,& l'enjoûmentde ſon hu- meur joint aux agrémens de f
Perſonne,fit bientôt l'effet qu'er- lefouhaitoit. On la vit, elle plût,
on luy dit qu'elle estoit belle ,
fans qu'elle témoignaſt s'en fa- cher ; les tendres déclarations
ſuivirent, elle les reçeuten Fem-- me d'eſprit qui veut en profiter ſans ſe commettre; & là-deffus,
GALAN T. 13
grands deſſeins de s'en faire ai- mer. Promenades , Comédies ,
Opéra , Feſtes galantes , tout eft mis en uſage , & c'eſt tous les jours quelque nouveau Divertiſ- fement. Cette maniere de vie
auffi agreable que comode , avoit pour elle une douceur merveil- leuſe , & jamais Femme ne s'ac- commoda mieux de l'absence de
fon Mary. Les plus éclairez pour- tant en fait deGalanterie , s'ap- perceurentbientôtqu'il n'yavoit que des paroles à eſperer d'elle.. Hs l'en eſtimerent davantage , &
n'eneurentpas moins d'empref- ſement à ſe rendre où ils cro
yoientladevoirtrouver. Juſque-- làtoutalloit le mieuxdu monde;
mais cequi gaſta tout, ce fut un de ces Meſſieurs du bel air ,
qui fottement amoureux d'eux- mefmes fur leurs propres com
14 LE MERCVRE
1
plaiſances , s'imaginent qu'il n'y a point de Femmes à l'épreuve de leurs douceurs, quand ils dai- gnent ſe donner la peine d'en conter. Celuy-cy , dontune Per- ruque blonde , des Rubans bien compaſſez , & force Point de France répandu par tout , fai- foient le merite le pluséclatant,
ſe tenoit fi fort aſſuré des faveurs
delaBelledont il s'agit , ſurquel- ques Réponſes enjoüées qu'il n'avoit pas eu l'eſprit de com- prendre , qu'il ſe hazarda unjour àpouffer les affaires un peu trop loin. La Damele regarda fiere- ment, changea de ſtile , prit fon ſérieux , & rabatit tellement fa
vanité , qu'il endemeura incon- folable. Il ſe croyoit beau , &
troppleinduridicule entêtement qu'il avoit pour luy , il ne trou voit pas vray-femblable qu'il ſe
GALANT. IS fuſt offert ſans qu'on euſt ac- cepté leParty. Il examinade plus pres les manieres de la Dame, la vit de belle humeur avec ceux
qu'il regardoit comme ſes Ri- vaux; &fans fonger qu'ils ne luy avoient pas donné les meſmes ſujets de plainte que luy , impu- tant àquelque préoccupation de cœur ce qui n'eſtoit qu'un effet de ſa vertu , il prit conſeil de ſa jalousie ,&ne chercha plusque
ſe vangerde l'aveuglement qu'el le avoit de faire des Heureux
ſon préjudice. Il entrouva l'occa- fion &plus prompte & toute au- tre qu'il ne l'eſperoit. La Dame eſtoit allée àune Partie de Campagne pour quelques jours avec une Amie.Par malheur pour elle,
ſonMary revint inopinementde Laguedoc le lendemain de cette Partie.Il fut furpris de ne la point
16 LE MERCVRE
rencontrer en arrivant. Cellequi
l'avoit emmenée hors de Paris
eſtoit un peu en réputation de Coquete. Le chagrin le prit. II forma des ſoupçons , & il y fut confirmé par l'amant jaloux,qur ayant ſçeu ſon retour , fut des premiers à le voir. Comme ils avoient toûjours veſcu enſemble • avec affez de familiarité , le Mary ne luy cacha point la mau- vaife humeur où le mettoit l'imprudente Promenade de fa Fem- me. Cet infidelle Amy qui ne cherchoit qu'à ſe vanger d'elle,
crût qu'il ne pouvoit prendre mieux ſon temps. Illa juſtifie en apparence , & entrant dans le détail de toutes les Connoiffan
ces qu'elle a faitesdepuisſonde- part,pour prévenir,dit-il,les mé- chans contes que d'indifcrets Zélez luy enpourroient faire, il
GALANT. 17 டர்
is
e
t
S
S
a
{
les excuſe d'une maniere qui la rend coupable de tout ce qu'il feint de vouloirqu'il croye innocent. LeMary prend feu. Quel- ques petites railleries que d'au- tres luy font , &qui ont du ra port avec cette premiere accufa- tion, achevent de lebleſſer iufqu'au vif. Il s'emporte,il fulmine,
&il auroit pris quelque réfolu- tion violente , ſi ſes veritables Amisn'euffentdétournélecoup.
Tout ce qu'ils peuvent gagner pourtant , c'eſt qu'en attendant qu'il foit éclaircydes prétenduës galanteries de ſa Femme, elle ira fe mettredans unCouvent qu'il
feur nomme à douze ou quinze
lieuës de Paris. Deux Parétes des
plus prudes ſe chargent de luy porter l'ordre, & de le faire exe- cuter.La Dame qui connoiſſoit la
ſeverité de fon Mary, ne balance
18 LE MERCVRE
point àfaire ce qu'il fouhaite. La voilàdans le Couvent, dont heu- reuſement pour elle l'Abbeffe eſtoit Sœurd'un de ceuxqui luy en avoiét leplus conté,quoyque ce comercefut demeuréinconnu à l'Amant jaloux. Ainfi elle ne manqua pas de Lettres de faveur pour tous les Privileges qui pou- voient luy eſtre accordez. Elle p'avoit pas trop beſoin d'une re- commandation particuliere. Ses manieresengageantes & flaten- ſes en estoient une tres-forte
pour elle , &il ne falloit rien da- vantage pour la faire aimer de toutle Couvent. C'eſtoit une neceſſité pour elle d'y paſſer quel que temps , elle aimoit les plai- firs , &elle s'en fit de tout ce qui en peut donner dans la retraite.
Elle noüa fur tout amitié avec
une jeune Veuve Provençale ,
GALANT. 19
a
e
Penſionaire du Couventcomme
elle. Son langage la charmatelle- ment ( iln'y en a point de plus agreable pour les Dames ) qu'elle s'attacha à l'étudier ; &comme il
ne faut quevouloir fortement les,
choſes poury réüſſir, elle s'y ren- dit ſi ſçavante entrois mois,qu'on l'eut priſe pour une Provençale originaire. Cependant il y en a- voit déja fix qu'elle estoit réclu-- ſe. Sa priſon l'ennuyoit , & elle fuccomba à la tentation de venir
à Paris incognito paſſer quinze jours avecſes Amies. L'Abbeſſe,
quoy qu'avec un peude peine,
luy accorda ce congé à l'inſtante follicitation de ſon Frere , à qui elle devoit ce qu'elle eſtoit. Elle ſe précautione pour n'eſtre point découverte. Une Amie avecqui elle concerte ſon deſſein , & qui ſe charge de luy faire donner
20 LE MERCVRE
tin Apartement en lieu où elle ne ſoit connue d'aucun Domeſtique , la va prendre à deux lieuës de Paris , &la mene chez la Femme d'un vieux Conſeiller,
qui ne l'ayant jamais veuë , la reçoit comme une Dame qui ar- rive nouvellementde Provence.
Grande amitié quiſe lie entr'el- les. Il n'eſt parlé quede la belle Provençale , c'eſt fous ce nom qu'on fonge à la divertir , & elle joüefi bien fon perſonnage, que ne voyant que trois ou quatre deſes plus particuliers Amisqui font avertis de tour , il eſt impoffible qu'on la ſoupçonne de n'eſtre pas ce qu'elle ſedit. Tout contribuë àmettre ſon ſecret en
aſſurance. Lequartier oùelle lo- ge eft fort éloigné deſon Mary,
elle ne fort jamais que maſquée avec la Femmedu Confeiller, &
GALANT. 21
T
quandelle fait quelque Partie de promenade avec ſon Amie , ce font tous Gens choiſfis qui en font , & leur indifcretion n'eſt
point à craindre pour elle. Trois ſemaines ſe paſſent de cette for- te. Elle prend ſes meſures pour toutes les choſes qui peuvent obliger ſon Mary à la rapeler au- pres de luy , & feignant tout-à- coup d'avoir reçeu des nouvel- les qui la preſſent de ſe rendre en Provence, elle ſe diſpoſeà s'aller renfermer dans le Couvent. Le
joureſt pris pour cela. Elle doit aller coucher avec ſon Amie à
cinq ou fix lieuës de Paris , &
les adieux ſont déja à demy-faits ſans qu'on ait rien découvert de ce qu'elle a intereſt à tenir ca- ché. Dans cettediſpoſition qui euſt pû prévoir ce qui luy arri-
:
ve ? SonMary avoit un Procés,
22 LE MERCVRE
le Conſeiller qui la loge en eft nommé Raporteur ; il cherche accés aupresde luy , & s'adreffe àunGentilhomme avec qui il a
fait connoiffance en Langue- doc , &qu'il ſçait eſtre le tout- puiſſant dans cette Maiſon. Le Gentilhomme prend volontiers cette occafion defaire valoir fon
credit , & ils vont enſemble chez
le Conſeiller le jour meſme que la fauſſe Provençale doit par tir. Le Conſeiller s'eſtoit enfermé dans ſon Cabinet au re
tourduPalais pour une Affaire qu'il falloit neceſſairement qu'il examinaſt ſur l'heure. Il eſtoit
queſtion d'attendre. Le Gentil- homme pour mieux fervir fon
Amy , le mene àl'Apartementde Madame qu'il veut mettre dans ſes intereſts. Commeil y entroit fansfaçon à toutes les heurés du
GALAN T. 23
e
e
a
-
e
TS
n
2
e
↑ jour , il y monte ſansqu'elle en ſoit avertie , & il la ſurprend avec la fauſſe Provençale , qui ne s'attendoit à rien moins qu'à une viſite de fon Mary. Jugez de t- la ſurpriſe de l'un &de l'autre.
Le Mary ne ſçait où il eneſt. Il regarde , reconnoiſt ſa Femme,
& troublé d'une rencontre fi
inopinée , il oublie ſon Procés,
&n'écoute preſque pointce que ſon Amyditen ſa faveur.La Da- men'eſt pas moins embaraffée de ſon coſté, mais comme elle voit le
pas dangereux pour elle , felle n'yremedieparſoneſprit, elle ne ſe déconcerte point , & parlant ProvençalauGentilhomme qu'- elle adéjaveu pluſieurs fois , elle luyditcentplaifanteries quimet- tent le Mary dans un embarras nouveau. Il demande tout bas à
fon Amyqui elleeft ,&il luy réコー
é
il
t
-
1
e
S
24 LE MERCVRE
pond de fi bonne foy ( comme il le croit ) que c'eſt une Dame de Provence venuë à Paris pour af- faires , que fon langage ſervant âconfirmer ce qu'il luy dit , il commence à croire que la ref- ſemblance des traits àpû le trom- per , &il nes'en fautgueremefmequ'il ne lestrouve moins ref- ſemblans qu'ils ne luy ont paru d'abord. Il s'approche d'elle, l'e- xamine, luy parle ; & le Gentil- homme luy ayant dit qu'il falloit qu'elle follicitaſt pour ſon Amy,
elle prometde s'y employercom- me si c'eſtoit ſon affaire propre.
Elle tientparole , & le Confeil .
ler entrant , c'eſt elle qui com- mence la follicitation; mais elle
lefait avectant de grace& avec une telle libertéd'eſprit , que ſon Mary ne peut croire que ſi elle eſtoit ſa Femme , elle euſt pû ſe poffe
GALANT. 25
د
poſſeder affez pourpouffer le dé- guiſementjuſque-là. Il fort tres- - fatisfait du Conſeiller ; & pour = n'avoir aucun ſcrupule d'eſtre la Dupedecerterencontre , il ſe ré- foutd'allerdésle lendemaintrouver ſa Femme au Couvent. Elle
y met ordre par la promptitude de fon retour &devinant ce
qu'il eſt capable de faire pour s'éclaircir , au lieu d'aller coucher où ſon Amie la devoit
ner , elle marche toute la nuit,
&arrive de tres-grand matin Couvent. L'Abbeſſe à qui elle rend compte de tout , inſtruit la Tourierede ce qu'elle doit dire,
ſi quelqu'un la vientdemander.
SonMary fait diligence , & arri- ve fix heures apres elle. Il vient au Parloir. Onlayditque faFem- men'a preſque point quité le Lit depuis huit jours , à cauſe d'une
Tome VII. B
26 LE MERCV RE
legere indiſpoſition , & elle pa- roît un quart-d'heure apres en coifure de Convalefcente. La fatigue du voyage , & le manque dedormir pendant toute la nuit paſſée , l'avoient un peu abatuë.
Cela vint le plus à propos du monde. Comme ſon Mary ne luy trouva nyles meſmes ajuſtemens,
nyla meſmevivacité de teint qui l'avoit ébloüy le jour précedent dans la Provençale , il fut aifé- mentperfuadé qu'il y avoit eude l'erreur dans ce qu'il s'en eſtoit figuréd'abord. Cependant il avoit remarqué tant de merite dans cette prétenduë Provençale , &
il en eſtoit tellement touché ; que ſe tenant trop heureux de poffe- derune Perſonne qui luy reffem- bloit , & eſtant d'ailleurs con- vaincuqu'il y avoit eu plus d'im- prudence que de crime dans la
GALANT. 27
--
11
e
it
S
11
conduite de ſa Femme , il luy dit les chofes les plus touchantes pour luy faire oublier ce que fix
mois de clôture luy avoient pû cauſer de chagrin. Elle garde quelque temps ſon ſérieux avec luy, luy fait ſes plaintes en bon accent François de ſon injurieux procedé , & apres quelques feints refus de luy pardonner fi-toſt un outragequi avoit faittantde tort àſa reputation , elle ſe rend aux preſſans témoignages de ſa ten-- dreſſe , & retourne avec luy le lendemain à Paris. Il luy conte
e
t
t
S l'Avanture de la Provençale qu'il
2
prometde luy faire voir , & il de- meure un peu interdit , quand l'eſtant allé demander chez le
Conſeiller , il apprend que ſes
-
affaires l'avoient rapelée enPro- vence. Je ne ſçay ſi undepart 6
prompt luy a fait ſoupçonner
Bij
28 LE MERCVRE
quelque choſe , mais il en uſe tres-bien avec ſa Femme , & il
luy laiſſe mefme plus de liberté qu'il neluy enſoufroit avant fon voyagede Languedoc
Maximes , l'Amour ne cauſeroit
pas tant de malheurs , & l'em- portement inconſideré d'un Ja-
GALANT.
loux n'auroit pas donné lieu à
l'Avanture que vous allez entendre.
Une Dame bien faite , jolie,
ſpirituelle , enjoüée, vertueuſe dans le fond , mais ayant l'air du monde , & trouvant un plaifir ſenſible à s'entendre conter des
douceurs , ne pût s'empeſcher de s'abandonner à fon panc panchant
1
pendant l'absence de fonMary,
que d'importantes affaires a->
voient appellé pour quelques mois dans le Languedoc. II ai- thoit ſa Femme , & elle meritoit
bien qu'il l'aimaſt; mais foit ja- loufie,ſoit délicateſſe trop ſcru- puleuſe ſur le point-d'honneur,
il eſtoit ſevere pour ce qui regar- doit ſa conduite , &il l'obligeoit àvivre dans une regularite un peu eloignée des innocentes li- bertez qu'elle auroit crû pouvoir A vj
12 LE MERCVRE
s'accorder. Ainſi il ne faut pas eſtre ſurpris , ſi ſe voyant mai- ſtreſſe de ſes actions par ſon de- part , elle n'euſt pas tous les ſcru- pules qu'il avoit tâché de luy donner. Elle estoit née pour la joye , l'occafion estoit favorable,
& elle crût qu'il luy devoit eſtre permis de s'en fervir. Elle eut pourtant ſoin d'éviter l'éclat , &
ne voulut recevoir aucune viſite
chez elle; mais elle avoir des Amies,ces Amies voyoient le beau monde,& l'enjoûmentde ſon hu- meur joint aux agrémens de f
Perſonne,fit bientôt l'effet qu'er- lefouhaitoit. On la vit, elle plût,
on luy dit qu'elle estoit belle ,
fans qu'elle témoignaſt s'en fa- cher ; les tendres déclarations
ſuivirent, elle les reçeuten Fem-- me d'eſprit qui veut en profiter ſans ſe commettre; & là-deffus,
GALAN T. 13
grands deſſeins de s'en faire ai- mer. Promenades , Comédies ,
Opéra , Feſtes galantes , tout eft mis en uſage , & c'eſt tous les jours quelque nouveau Divertiſ- fement. Cette maniere de vie
auffi agreable que comode , avoit pour elle une douceur merveil- leuſe , & jamais Femme ne s'ac- commoda mieux de l'absence de
fon Mary. Les plus éclairez pour- tant en fait deGalanterie , s'ap- perceurentbientôtqu'il n'yavoit que des paroles à eſperer d'elle.. Hs l'en eſtimerent davantage , &
n'eneurentpas moins d'empref- ſement à ſe rendre où ils cro
yoientladevoirtrouver. Juſque-- làtoutalloit le mieuxdu monde;
mais cequi gaſta tout, ce fut un de ces Meſſieurs du bel air ,
qui fottement amoureux d'eux- mefmes fur leurs propres com
14 LE MERCVRE
1
plaiſances , s'imaginent qu'il n'y a point de Femmes à l'épreuve de leurs douceurs, quand ils dai- gnent ſe donner la peine d'en conter. Celuy-cy , dontune Per- ruque blonde , des Rubans bien compaſſez , & force Point de France répandu par tout , fai- foient le merite le pluséclatant,
ſe tenoit fi fort aſſuré des faveurs
delaBelledont il s'agit , ſurquel- ques Réponſes enjoüées qu'il n'avoit pas eu l'eſprit de com- prendre , qu'il ſe hazarda unjour àpouffer les affaires un peu trop loin. La Damele regarda fiere- ment, changea de ſtile , prit fon ſérieux , & rabatit tellement fa
vanité , qu'il endemeura incon- folable. Il ſe croyoit beau , &
troppleinduridicule entêtement qu'il avoit pour luy , il ne trou voit pas vray-femblable qu'il ſe
GALANT. IS fuſt offert ſans qu'on euſt ac- cepté leParty. Il examinade plus pres les manieres de la Dame, la vit de belle humeur avec ceux
qu'il regardoit comme ſes Ri- vaux; &fans fonger qu'ils ne luy avoient pas donné les meſmes ſujets de plainte que luy , impu- tant àquelque préoccupation de cœur ce qui n'eſtoit qu'un effet de ſa vertu , il prit conſeil de ſa jalousie ,&ne chercha plusque
ſe vangerde l'aveuglement qu'el le avoit de faire des Heureux
ſon préjudice. Il entrouva l'occa- fion &plus prompte & toute au- tre qu'il ne l'eſperoit. La Dame eſtoit allée àune Partie de Campagne pour quelques jours avec une Amie.Par malheur pour elle,
ſonMary revint inopinementde Laguedoc le lendemain de cette Partie.Il fut furpris de ne la point
16 LE MERCVRE
rencontrer en arrivant. Cellequi
l'avoit emmenée hors de Paris
eſtoit un peu en réputation de Coquete. Le chagrin le prit. II forma des ſoupçons , & il y fut confirmé par l'amant jaloux,qur ayant ſçeu ſon retour , fut des premiers à le voir. Comme ils avoient toûjours veſcu enſemble • avec affez de familiarité , le Mary ne luy cacha point la mau- vaife humeur où le mettoit l'imprudente Promenade de fa Fem- me. Cet infidelle Amy qui ne cherchoit qu'à ſe vanger d'elle,
crût qu'il ne pouvoit prendre mieux ſon temps. Illa juſtifie en apparence , & entrant dans le détail de toutes les Connoiffan
ces qu'elle a faitesdepuisſonde- part,pour prévenir,dit-il,les mé- chans contes que d'indifcrets Zélez luy enpourroient faire, il
GALANT. 17 டர்
is
e
t
S
S
a
{
les excuſe d'une maniere qui la rend coupable de tout ce qu'il feint de vouloirqu'il croye innocent. LeMary prend feu. Quel- ques petites railleries que d'au- tres luy font , &qui ont du ra port avec cette premiere accufa- tion, achevent de lebleſſer iufqu'au vif. Il s'emporte,il fulmine,
&il auroit pris quelque réfolu- tion violente , ſi ſes veritables Amisn'euffentdétournélecoup.
Tout ce qu'ils peuvent gagner pourtant , c'eſt qu'en attendant qu'il foit éclaircydes prétenduës galanteries de ſa Femme, elle ira fe mettredans unCouvent qu'il
feur nomme à douze ou quinze
lieuës de Paris. Deux Parétes des
plus prudes ſe chargent de luy porter l'ordre, & de le faire exe- cuter.La Dame qui connoiſſoit la
ſeverité de fon Mary, ne balance
18 LE MERCVRE
point àfaire ce qu'il fouhaite. La voilàdans le Couvent, dont heu- reuſement pour elle l'Abbeffe eſtoit Sœurd'un de ceuxqui luy en avoiét leplus conté,quoyque ce comercefut demeuréinconnu à l'Amant jaloux. Ainfi elle ne manqua pas de Lettres de faveur pour tous les Privileges qui pou- voient luy eſtre accordez. Elle p'avoit pas trop beſoin d'une re- commandation particuliere. Ses manieresengageantes & flaten- ſes en estoient une tres-forte
pour elle , &il ne falloit rien da- vantage pour la faire aimer de toutle Couvent. C'eſtoit une neceſſité pour elle d'y paſſer quel que temps , elle aimoit les plai- firs , &elle s'en fit de tout ce qui en peut donner dans la retraite.
Elle noüa fur tout amitié avec
une jeune Veuve Provençale ,
GALANT. 19
a
e
Penſionaire du Couventcomme
elle. Son langage la charmatelle- ment ( iln'y en a point de plus agreable pour les Dames ) qu'elle s'attacha à l'étudier ; &comme il
ne faut quevouloir fortement les,
choſes poury réüſſir, elle s'y ren- dit ſi ſçavante entrois mois,qu'on l'eut priſe pour une Provençale originaire. Cependant il y en a- voit déja fix qu'elle estoit réclu-- ſe. Sa priſon l'ennuyoit , & elle fuccomba à la tentation de venir
à Paris incognito paſſer quinze jours avecſes Amies. L'Abbeſſe,
quoy qu'avec un peude peine,
luy accorda ce congé à l'inſtante follicitation de ſon Frere , à qui elle devoit ce qu'elle eſtoit. Elle ſe précautione pour n'eſtre point découverte. Une Amie avecqui elle concerte ſon deſſein , & qui ſe charge de luy faire donner
20 LE MERCVRE
tin Apartement en lieu où elle ne ſoit connue d'aucun Domeſtique , la va prendre à deux lieuës de Paris , &la mene chez la Femme d'un vieux Conſeiller,
qui ne l'ayant jamais veuë , la reçoit comme une Dame qui ar- rive nouvellementde Provence.
Grande amitié quiſe lie entr'el- les. Il n'eſt parlé quede la belle Provençale , c'eſt fous ce nom qu'on fonge à la divertir , & elle joüefi bien fon perſonnage, que ne voyant que trois ou quatre deſes plus particuliers Amisqui font avertis de tour , il eſt impoffible qu'on la ſoupçonne de n'eſtre pas ce qu'elle ſedit. Tout contribuë àmettre ſon ſecret en
aſſurance. Lequartier oùelle lo- ge eft fort éloigné deſon Mary,
elle ne fort jamais que maſquée avec la Femmedu Confeiller, &
GALANT. 21
T
quandelle fait quelque Partie de promenade avec ſon Amie , ce font tous Gens choiſfis qui en font , & leur indifcretion n'eſt
point à craindre pour elle. Trois ſemaines ſe paſſent de cette for- te. Elle prend ſes meſures pour toutes les choſes qui peuvent obliger ſon Mary à la rapeler au- pres de luy , & feignant tout-à- coup d'avoir reçeu des nouvel- les qui la preſſent de ſe rendre en Provence, elle ſe diſpoſeà s'aller renfermer dans le Couvent. Le
joureſt pris pour cela. Elle doit aller coucher avec ſon Amie à
cinq ou fix lieuës de Paris , &
les adieux ſont déja à demy-faits ſans qu'on ait rien découvert de ce qu'elle a intereſt à tenir ca- ché. Dans cettediſpoſition qui euſt pû prévoir ce qui luy arri-
:
ve ? SonMary avoit un Procés,
22 LE MERCVRE
le Conſeiller qui la loge en eft nommé Raporteur ; il cherche accés aupresde luy , & s'adreffe àunGentilhomme avec qui il a
fait connoiffance en Langue- doc , &qu'il ſçait eſtre le tout- puiſſant dans cette Maiſon. Le Gentilhomme prend volontiers cette occafion defaire valoir fon
credit , & ils vont enſemble chez
le Conſeiller le jour meſme que la fauſſe Provençale doit par tir. Le Conſeiller s'eſtoit enfermé dans ſon Cabinet au re
tourduPalais pour une Affaire qu'il falloit neceſſairement qu'il examinaſt ſur l'heure. Il eſtoit
queſtion d'attendre. Le Gentil- homme pour mieux fervir fon
Amy , le mene àl'Apartementde Madame qu'il veut mettre dans ſes intereſts. Commeil y entroit fansfaçon à toutes les heurés du
GALAN T. 23
e
e
a
-
e
TS
n
2
e
↑ jour , il y monte ſansqu'elle en ſoit avertie , & il la ſurprend avec la fauſſe Provençale , qui ne s'attendoit à rien moins qu'à une viſite de fon Mary. Jugez de t- la ſurpriſe de l'un &de l'autre.
Le Mary ne ſçait où il eneſt. Il regarde , reconnoiſt ſa Femme,
& troublé d'une rencontre fi
inopinée , il oublie ſon Procés,
&n'écoute preſque pointce que ſon Amyditen ſa faveur.La Da- men'eſt pas moins embaraffée de ſon coſté, mais comme elle voit le
pas dangereux pour elle , felle n'yremedieparſoneſprit, elle ne ſe déconcerte point , & parlant ProvençalauGentilhomme qu'- elle adéjaveu pluſieurs fois , elle luyditcentplaifanteries quimet- tent le Mary dans un embarras nouveau. Il demande tout bas à
fon Amyqui elleeft ,&il luy réコー
é
il
t
-
1
e
S
24 LE MERCVRE
pond de fi bonne foy ( comme il le croit ) que c'eſt une Dame de Provence venuë à Paris pour af- faires , que fon langage ſervant âconfirmer ce qu'il luy dit , il commence à croire que la ref- ſemblance des traits àpû le trom- per , &il nes'en fautgueremefmequ'il ne lestrouve moins ref- ſemblans qu'ils ne luy ont paru d'abord. Il s'approche d'elle, l'e- xamine, luy parle ; & le Gentil- homme luy ayant dit qu'il falloit qu'elle follicitaſt pour ſon Amy,
elle prometde s'y employercom- me si c'eſtoit ſon affaire propre.
Elle tientparole , & le Confeil .
ler entrant , c'eſt elle qui com- mence la follicitation; mais elle
lefait avectant de grace& avec une telle libertéd'eſprit , que ſon Mary ne peut croire que ſi elle eſtoit ſa Femme , elle euſt pû ſe poffe
GALANT. 25
د
poſſeder affez pourpouffer le dé- guiſementjuſque-là. Il fort tres- - fatisfait du Conſeiller ; & pour = n'avoir aucun ſcrupule d'eſtre la Dupedecerterencontre , il ſe ré- foutd'allerdésle lendemaintrouver ſa Femme au Couvent. Elle
y met ordre par la promptitude de fon retour &devinant ce
qu'il eſt capable de faire pour s'éclaircir , au lieu d'aller coucher où ſon Amie la devoit
ner , elle marche toute la nuit,
&arrive de tres-grand matin Couvent. L'Abbeſſe à qui elle rend compte de tout , inſtruit la Tourierede ce qu'elle doit dire,
ſi quelqu'un la vientdemander.
SonMary fait diligence , & arri- ve fix heures apres elle. Il vient au Parloir. Onlayditque faFem- men'a preſque point quité le Lit depuis huit jours , à cauſe d'une
Tome VII. B
26 LE MERCV RE
legere indiſpoſition , & elle pa- roît un quart-d'heure apres en coifure de Convalefcente. La fatigue du voyage , & le manque dedormir pendant toute la nuit paſſée , l'avoient un peu abatuë.
Cela vint le plus à propos du monde. Comme ſon Mary ne luy trouva nyles meſmes ajuſtemens,
nyla meſmevivacité de teint qui l'avoit ébloüy le jour précedent dans la Provençale , il fut aifé- mentperfuadé qu'il y avoit eude l'erreur dans ce qu'il s'en eſtoit figuréd'abord. Cependant il avoit remarqué tant de merite dans cette prétenduë Provençale , &
il en eſtoit tellement touché ; que ſe tenant trop heureux de poffe- derune Perſonne qui luy reffem- bloit , & eſtant d'ailleurs con- vaincuqu'il y avoit eu plus d'im- prudence que de crime dans la
GALANT. 27
--
11
e
it
S
11
conduite de ſa Femme , il luy dit les chofes les plus touchantes pour luy faire oublier ce que fix
mois de clôture luy avoient pû cauſer de chagrin. Elle garde quelque temps ſon ſérieux avec luy, luy fait ſes plaintes en bon accent François de ſon injurieux procedé , & apres quelques feints refus de luy pardonner fi-toſt un outragequi avoit faittantde tort àſa reputation , elle ſe rend aux preſſans témoignages de ſa ten-- dreſſe , & retourne avec luy le lendemain à Paris. Il luy conte
e
t
t
S l'Avanture de la Provençale qu'il
2
prometde luy faire voir , & il de- meure un peu interdit , quand l'eſtant allé demander chez le
Conſeiller , il apprend que ſes
-
affaires l'avoient rapelée enPro- vence. Je ne ſçay ſi undepart 6
prompt luy a fait ſoupçonner
Bij
28 LE MERCVRE
quelque choſe , mais il en uſe tres-bien avec ſa Femme , & il
luy laiſſe mefme plus de liberté qu'il neluy enſoufroit avant fon voyagede Languedoc
Fermer
Résumé : Histoire de la fausse Provençale. [titre d'après la table]
Le texte narre une aventure galante impliquant une dame vertueuse mais enjouée. Son mari, occupé par des affaires dans le Languedoc, impose une rigueur excessive. Pendant son absence, la dame, attirée par les douceurs et les compliments, s'abandonne à son penchant sans recevoir de visites chez elle mais en profitant de la compagnie de ses amies. Elle mène une vie agréable et discrète. Cependant, un galant trop présomptueux tente de la séduire, mais elle le repousse fermement. Jaloux et vexé, cet homme se venge en informant le mari des supposées galanteries de sa femme. Furieux, le mari envoie sa femme dans un couvent. Là-bas, aidée par l'abbesse et ses amies, elle noue des amitiés et apprend le provençal. Elle quitte ensuite le couvent incognito pour passer du temps à Paris avec ses amies, se faisant passer pour une Provençale. Son mari, ignorant tout, la découvre par hasard chez un conseiller, mais grâce à son esprit vif, elle parvient à le tromper. Convaincu de son erreur, le mari rappelle sa femme au bout de six mois, et ils retournent ensemble à Paris. Par ailleurs, le texte mentionne un homme nommé Bij qui, après un voyage en Languedoc, accorde plus de liberté à sa femme, sans fournir de détails supplémentaires sur la nature de ce qu'il a remarqué ou sur les circonstances exactes de son voyage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 164-181
Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Début :
Comme mes Lettres que vous avez bien voulu laisser devenir [...]
Mots clefs :
Mercure galant, Devenir publique, Lettres, Tuileries, Livres, Lire, Femme, Curiosité, Public, Auteur, Louer, Galanterie, Guerre, France, Aventure, Nouvelles, Vers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Comme mes Lettres que vous avez bien voulu laifferdevenir
publiques , ont donné cours au Mercure , je croy vous devoir rendre compte d'un commencement d'Avanture qu'il a caus ſé dans les premiers jours de eeMois. Ils ont eſte ſi beaux,
i
Ev
106 LE MERCVRE
que jamais on n'a veu tant de monde aux Thuilleries. Un
Gentil - homme s'y promenoit ſeul un foir , reſvant peut-eſtre à quelque affaire de cœur,
quand il apperçeut ce quieſtoit fort capable de luy en faireune.
C'eſtoitune jeune Perſonne d'u- ne beauté ſurprenante. Elle eſtoit avec un Homme de Robe qu'il luy entendit nommer fon Coufin , en la ſuivant d'af- fez prés, comme il fit tant qu'el--- le marcha. Apres quelques tours d'Allée , elle alla s'aſſeoir
fur un Banc; & le Gentilhomme impatient de ſçavoir fi elle eſtoit auſſi ſpirituelle que belle,
ſe coula le plus promptement qu'il pût derriere une Paliſſade,
qui luy donna moyend'écouter fans eſtre apperçeu. Je vous l'a-e
voue, diſait-elle quand ils'ap
GALANT. 107
procha , la lecture a tant de charmes pour moy , qu'on ne me ſçauroit obliger plus ſenſi blement, que de me fournir de- quoy lire. J'y paſſe trois &qua- tre heures , de ſuite ſans m'en- nuyer , & les Livres ſont mon entretien ordinaire au defaut
de la Converſation. Et quels Livres , luy dit le Parent , vous divertiſſent leplus?Toutm'eft
propre, reprit elle. Hiſtoires ,
Voyages , Romans , Comédies,
je lis tout; &je vous diray mê- me, au hazard de paffer pour ri- dicule aupres de vous, qu'ilm'a pris fantaiſie depuis peu de parcourir cette Philofophie nou- velle qui fait tant debruit dans le monde. Je ſuis Femme , &
par conſequent curieuſe. Dés qu'on me parle d'une nouveau- té, je brûle d'envie de la voir,
Evj
108 LEMERCVRE
&tandis que mon Pere & ma Mere iront ſolliciter leur Procés, je prétens bien me fatisfai- re l'eſprit ſur toutes les agreables Bagatelles qui s'impriment tous les jours à Paris, car je ne croy pas que nous retournions en Bretagne avant le Careſme. Je m'imagine mabelle Parente, luy dit le Coufin, que vous ne manquerez pas à commencer par le Mercure Galant. Il n'y a point de Livre qui ſoit plus en vogue,
& il feroit honteux qu'il vous échapaſt , puis que vous faites profeffion de rout lire. Et de- quoy traite ce Mercure,luy de- manda - t-elle avec précipita- tion ?De toute forte de matieres , répondit-il. Il parle de la Guerre, &il ne ſe paſſe rien en France , & particulierement à
Paris, qui ſoit unpeu remarqua
GALANT. Log
ble, dont il n'informe le Public.
L'Autheur y meſle ce qu'il apprend de petites Avantures cauſées parl'Amour ; le tout eft diverſifié par des Pieces galan- tes de Vers & de Profe , & ce
mélange a quelque choſe d'a- greable qui fait que ceux qui approuvent le moins fon Livre,
ont toûjours la curiofité de le voir. Pour moy,j'en fuisfi fa- tisfait , que je ferois tres-faché,
qu'il ne le continuaſt pas ; ce.
qui divertit, l'emporte de beau- coup fur ce qui feroit capable d'ennuyer, & fij'y trouve quel- que choſe à redire , c'eſt qu'il louë avec profuſion, &qu'il s'é- tendunpeu trop fur les Articles de Guerre , car il perd plus de temps à décrire la priſe des Vil- les , que le Roy n'en a employé à les conquérir. Vous allez,
IIO LE MERCVRE
loin , répondit l'aimable Coufi- ne , & je ne ſçay ce que vous entendez par ce terme de pro- fuſion. Eft- ce qu'en loiiant les Gens ,l'Autheur du Mercure
neparticulariſe rien,& que fon- dant le bien qu'il en dit fur des expreſſions generales , il affure feulement qu'ils font tous d'un merite achevé , qu'aucune belle qualité ne leur manque , &
qu'il s'y trouve un affemblage de vertus ſi parfait , qu'il eſt im- poſſible d'aller au dela ? Voila ,
ce me ſemble, ce qui s'appelle- roit loüer avec profufion , quoy qu'en effet ce ne fuſt point du tout louer. Je ne ſuis point affez injuſte , repliqua- t- il , pour ac- cuſer l'Autheur dont je vous parle de loüer indiféremment tout le monde. Il éleve plus ou moins ceux qu'il a occaſion de
GALANT. III
nommer ſelon les choſes par leſquelles ils meritent d'eſtre loüez; il cite leurs Actions , fait
connoiſtre les Emplois qui leur ontdonné lieu de ſe rendre confiderables : mais comme je n'ay aucu interêt àcequi les touche,
j'aimerois mieux qu'il m'apprift quelque nouvelle agreable ,
que de me dire ce qu'ilne m'im- porte point de ſçavoir. C'eſt à
dire , mon cher Cousin , reprit la Belle en fiant , que ſi vous ou vos Amis vous aviez de longs Articles dans le Mercure , vous ne trouveriez point qu'il louaſt exceſſivement. Voila l'injustice de beaucoup de Gens. Ils vou- droient qu'il ne ſe fift rienque pour eux , & ils ne confidérent pas , quand on donne quelque ehoſe au Public,que ce Public eftantun Tout composé de di
112 LE MERCVRE
ferentes parties , il faut s'il ſe peut , trouver le moyen de con- tenter toutes fortes d'Eſprits. Je ne ſçay ceque c'eſt quele Mer- cure , mais peut-eſtre n'a- t- il
aucun Article qui ne rencontre ſes Partiſans , quand il auroit meſme quelque chose d'effecti- vement ennuyeux. Les tins s'at- tacherontaux Nouvelles ſerieuſes , les autres aux Avantures d'amour ; ceux cy cherche- ront les Vers ,ceux - là quelqu'autre Galanterie ; & com- me yous m'avez dit que c'eſt un Livre où tout cela eſt
ramaffé , j'ay peine à croire qu'on puſt former un deſſein plus capable de réüiffir. Quant auxloüanges, vouspouvez paf- fer par deſſus ſi vous enſou- frez; mais mille &mille honneſtes Gens qui font en France >
-
r
4 GALANT. 113
ne meritent-ils pas qu'on parle d'eux ? & le defir de ſe rendre
digne d'eſtre loüé, ſervantquel.- quefois d'aiguillon à la Vertu ,
doit-on envierà tant de Braves
qui hazardent tous les jours leur viepour ſervir l'Etat , une récompenſe ſi legitimement deuë à leurs grandes actions ?
La Juſtice qu'aparemment leur rend le Mercure , redouble la
curioſitéque j'ay de le voir, &
je ne crains pointque le trop de Guerre m'importune. La prife de Valenciennes a couſté ſi peu de temps , que je ne m'étonne pas qu'il en faille employer da- vantageà la décrire ; mais outre que dans les Caffandres & les Cyrus j'ay tout lû juſqu'aux plus longues deſcriptions des Barailles , je ſuis perfuadéeque nous ne pouvons ſçavoir trop
114 LE MERCVRE exactementce qui ſe faitde nos jours. Les Relations les plus fi- delles oublient toûjours quel- ques circonstances, &nousn'en
voyons aucune qui n'ait ſa nou- veauté ,du moins par quel- que endroit particulier qui n'a point eſté touché dans les autres.
La nuit s'avançoit , la Belle ſe retira , & le Gentilhomme
que fon eſprit n'avoitpasmoins furpris que fa beauté , la fit fui- vre parun Laquais. Il luy envo- yades le lendemain les ſept pre- miers Tomes du Mercure Galant , avec ces Vers.
LE
MERCVRE GALANT ,
A LA BELLE INCONNUE
qui a dela curioſité pour luy.
AMyde Cupidon , Galant de Rea1.
Je parle également & d'Amour &
d'Armée,
Etviens,mais en tremblant vous conter en cejour Des Nouvelles d'amour.
Si vous me recevezſans vous mettre en
couroux ,
১
Si jeſuispar hazardle bien venu chez
vous,
Rienne peut égaler le bonheur &la
joye Deceluyqui m'envoye.
Vous l'avez avoñé,vous aimez la leEture
116 LE MERCVRE
Vous vous divertiſſez àlire une Avanture;
Mesme dans les Romans ,jeſçay que les Combats
Nevous déplaiſentpas.
Pourquoy vous déplairoy-je en mafincerité ?
Ie nedis jamais rien contre la verité;
Maissur tout aujourd'huy , sans que
l'on me renvoye ,
Ieprétensqu'on le croye.
Cette impréveuë Galanterie embaraſſaunmoment la Belle.
Elle vit bien que la converſa- tion qu'elle avoit euële ſoir pré- cedent aux Thuilleries , eſtoit
cauſedu Préſent qu'on luy fai- foit. Il ne luy déplaiſoit pas,puis qu'il fatisfaifoit l'impatience où elle eftoit de voir le Mercure. Je
ne vous puis dire ce qu'elle pen- ſa , ny par quel motif de curio- fité ou d'intrigue elle fit la Ré
E
GALANT 117 .
ponſe que yous allez voir , car je n'ay point ſceu quelle ſuite a
eul'Avanture , mais il eſt certain qu'elle ne reçeut point le Meſſage en Provinciale façon- niere , & qu'eſtant entrée dans #fon Cabinet , elle écrivit ces
deux Vers qu'elle revint donner au Porteur.
Les Nouvelles d'amourdeceluy qui t'envoye
Ne medéplairont pas,jeprétensqu'il le
croye.
publiques , ont donné cours au Mercure , je croy vous devoir rendre compte d'un commencement d'Avanture qu'il a caus ſé dans les premiers jours de eeMois. Ils ont eſte ſi beaux,
i
Ev
106 LE MERCVRE
que jamais on n'a veu tant de monde aux Thuilleries. Un
Gentil - homme s'y promenoit ſeul un foir , reſvant peut-eſtre à quelque affaire de cœur,
quand il apperçeut ce quieſtoit fort capable de luy en faireune.
C'eſtoitune jeune Perſonne d'u- ne beauté ſurprenante. Elle eſtoit avec un Homme de Robe qu'il luy entendit nommer fon Coufin , en la ſuivant d'af- fez prés, comme il fit tant qu'el--- le marcha. Apres quelques tours d'Allée , elle alla s'aſſeoir
fur un Banc; & le Gentilhomme impatient de ſçavoir fi elle eſtoit auſſi ſpirituelle que belle,
ſe coula le plus promptement qu'il pût derriere une Paliſſade,
qui luy donna moyend'écouter fans eſtre apperçeu. Je vous l'a-e
voue, diſait-elle quand ils'ap
GALANT. 107
procha , la lecture a tant de charmes pour moy , qu'on ne me ſçauroit obliger plus ſenſi blement, que de me fournir de- quoy lire. J'y paſſe trois &qua- tre heures , de ſuite ſans m'en- nuyer , & les Livres ſont mon entretien ordinaire au defaut
de la Converſation. Et quels Livres , luy dit le Parent , vous divertiſſent leplus?Toutm'eft
propre, reprit elle. Hiſtoires ,
Voyages , Romans , Comédies,
je lis tout; &je vous diray mê- me, au hazard de paffer pour ri- dicule aupres de vous, qu'ilm'a pris fantaiſie depuis peu de parcourir cette Philofophie nou- velle qui fait tant debruit dans le monde. Je ſuis Femme , &
par conſequent curieuſe. Dés qu'on me parle d'une nouveau- té, je brûle d'envie de la voir,
Evj
108 LEMERCVRE
&tandis que mon Pere & ma Mere iront ſolliciter leur Procés, je prétens bien me fatisfai- re l'eſprit ſur toutes les agreables Bagatelles qui s'impriment tous les jours à Paris, car je ne croy pas que nous retournions en Bretagne avant le Careſme. Je m'imagine mabelle Parente, luy dit le Coufin, que vous ne manquerez pas à commencer par le Mercure Galant. Il n'y a point de Livre qui ſoit plus en vogue,
& il feroit honteux qu'il vous échapaſt , puis que vous faites profeffion de rout lire. Et de- quoy traite ce Mercure,luy de- manda - t-elle avec précipita- tion ?De toute forte de matieres , répondit-il. Il parle de la Guerre, &il ne ſe paſſe rien en France , & particulierement à
Paris, qui ſoit unpeu remarqua
GALANT. Log
ble, dont il n'informe le Public.
L'Autheur y meſle ce qu'il apprend de petites Avantures cauſées parl'Amour ; le tout eft diverſifié par des Pieces galan- tes de Vers & de Profe , & ce
mélange a quelque choſe d'a- greable qui fait que ceux qui approuvent le moins fon Livre,
ont toûjours la curiofité de le voir. Pour moy,j'en fuisfi fa- tisfait , que je ferois tres-faché,
qu'il ne le continuaſt pas ; ce.
qui divertit, l'emporte de beau- coup fur ce qui feroit capable d'ennuyer, & fij'y trouve quel- que choſe à redire , c'eſt qu'il louë avec profuſion, &qu'il s'é- tendunpeu trop fur les Articles de Guerre , car il perd plus de temps à décrire la priſe des Vil- les , que le Roy n'en a employé à les conquérir. Vous allez,
IIO LE MERCVRE
loin , répondit l'aimable Coufi- ne , & je ne ſçay ce que vous entendez par ce terme de pro- fuſion. Eft- ce qu'en loiiant les Gens ,l'Autheur du Mercure
neparticulariſe rien,& que fon- dant le bien qu'il en dit fur des expreſſions generales , il affure feulement qu'ils font tous d'un merite achevé , qu'aucune belle qualité ne leur manque , &
qu'il s'y trouve un affemblage de vertus ſi parfait , qu'il eſt im- poſſible d'aller au dela ? Voila ,
ce me ſemble, ce qui s'appelle- roit loüer avec profufion , quoy qu'en effet ce ne fuſt point du tout louer. Je ne ſuis point affez injuſte , repliqua- t- il , pour ac- cuſer l'Autheur dont je vous parle de loüer indiféremment tout le monde. Il éleve plus ou moins ceux qu'il a occaſion de
GALANT. III
nommer ſelon les choſes par leſquelles ils meritent d'eſtre loüez; il cite leurs Actions , fait
connoiſtre les Emplois qui leur ontdonné lieu de ſe rendre confiderables : mais comme je n'ay aucu interêt àcequi les touche,
j'aimerois mieux qu'il m'apprift quelque nouvelle agreable ,
que de me dire ce qu'ilne m'im- porte point de ſçavoir. C'eſt à
dire , mon cher Cousin , reprit la Belle en fiant , que ſi vous ou vos Amis vous aviez de longs Articles dans le Mercure , vous ne trouveriez point qu'il louaſt exceſſivement. Voila l'injustice de beaucoup de Gens. Ils vou- droient qu'il ne ſe fift rienque pour eux , & ils ne confidérent pas , quand on donne quelque ehoſe au Public,que ce Public eftantun Tout composé de di
112 LE MERCVRE
ferentes parties , il faut s'il ſe peut , trouver le moyen de con- tenter toutes fortes d'Eſprits. Je ne ſçay ceque c'eſt quele Mer- cure , mais peut-eſtre n'a- t- il
aucun Article qui ne rencontre ſes Partiſans , quand il auroit meſme quelque chose d'effecti- vement ennuyeux. Les tins s'at- tacherontaux Nouvelles ſerieuſes , les autres aux Avantures d'amour ; ceux cy cherche- ront les Vers ,ceux - là quelqu'autre Galanterie ; & com- me yous m'avez dit que c'eſt un Livre où tout cela eſt
ramaffé , j'ay peine à croire qu'on puſt former un deſſein plus capable de réüiffir. Quant auxloüanges, vouspouvez paf- fer par deſſus ſi vous enſou- frez; mais mille &mille honneſtes Gens qui font en France >
-
r
4 GALANT. 113
ne meritent-ils pas qu'on parle d'eux ? & le defir de ſe rendre
digne d'eſtre loüé, ſervantquel.- quefois d'aiguillon à la Vertu ,
doit-on envierà tant de Braves
qui hazardent tous les jours leur viepour ſervir l'Etat , une récompenſe ſi legitimement deuë à leurs grandes actions ?
La Juſtice qu'aparemment leur rend le Mercure , redouble la
curioſitéque j'ay de le voir, &
je ne crains pointque le trop de Guerre m'importune. La prife de Valenciennes a couſté ſi peu de temps , que je ne m'étonne pas qu'il en faille employer da- vantageà la décrire ; mais outre que dans les Caffandres & les Cyrus j'ay tout lû juſqu'aux plus longues deſcriptions des Barailles , je ſuis perfuadéeque nous ne pouvons ſçavoir trop
114 LE MERCVRE exactementce qui ſe faitde nos jours. Les Relations les plus fi- delles oublient toûjours quel- ques circonstances, &nousn'en
voyons aucune qui n'ait ſa nou- veauté ,du moins par quel- que endroit particulier qui n'a point eſté touché dans les autres.
La nuit s'avançoit , la Belle ſe retira , & le Gentilhomme
que fon eſprit n'avoitpasmoins furpris que fa beauté , la fit fui- vre parun Laquais. Il luy envo- yades le lendemain les ſept pre- miers Tomes du Mercure Galant , avec ces Vers.
LE
MERCVRE GALANT ,
A LA BELLE INCONNUE
qui a dela curioſité pour luy.
AMyde Cupidon , Galant de Rea1.
Je parle également & d'Amour &
d'Armée,
Etviens,mais en tremblant vous conter en cejour Des Nouvelles d'amour.
Si vous me recevezſans vous mettre en
couroux ,
১
Si jeſuispar hazardle bien venu chez
vous,
Rienne peut égaler le bonheur &la
joye Deceluyqui m'envoye.
Vous l'avez avoñé,vous aimez la leEture
116 LE MERCVRE
Vous vous divertiſſez àlire une Avanture;
Mesme dans les Romans ,jeſçay que les Combats
Nevous déplaiſentpas.
Pourquoy vous déplairoy-je en mafincerité ?
Ie nedis jamais rien contre la verité;
Maissur tout aujourd'huy , sans que
l'on me renvoye ,
Ieprétensqu'on le croye.
Cette impréveuë Galanterie embaraſſaunmoment la Belle.
Elle vit bien que la converſa- tion qu'elle avoit euële ſoir pré- cedent aux Thuilleries , eſtoit
cauſedu Préſent qu'on luy fai- foit. Il ne luy déplaiſoit pas,puis qu'il fatisfaifoit l'impatience où elle eftoit de voir le Mercure. Je
ne vous puis dire ce qu'elle pen- ſa , ny par quel motif de curio- fité ou d'intrigue elle fit la Ré
E
GALANT 117 .
ponſe que yous allez voir , car je n'ay point ſceu quelle ſuite a
eul'Avanture , mais il eſt certain qu'elle ne reçeut point le Meſſage en Provinciale façon- niere , & qu'eſtant entrée dans #fon Cabinet , elle écrivit ces
deux Vers qu'elle revint donner au Porteur.
Les Nouvelles d'amourdeceluy qui t'envoye
Ne medéplairont pas,jeprétensqu'il le
croye.
Fermer
Résumé : Avantures des Thuilleries. [titre d'après la table]
Le texte décrit une aventure aux Tuileries où un gentilhomme remarque une jeune femme d'une beauté exceptionnelle en compagnie d'un homme de robe, qu'elle appelle son cousin. Intrigué, le gentilhomme se cache pour écouter leur conversation. La jeune femme exprime son amour pour la lecture, mentionnant divers genres, y compris la philosophie nouvelle. Son cousin lui suggère de lire le Mercure Galant, un journal populaire qui traite de sujets variés comme la guerre et les aventures amoureuses, apprécié pour son mélange de nouvelles et de pièces galantes. La jeune femme montre de l'intérêt pour le Mercure Galant. Son cousin explique que le journal loue souvent les gens avec profusion mais distingue les mérites de chacun. La jeune femme défend le journal, affirmant qu'il contient quelque chose pour tous les goûts et que ses louanges peuvent encourager la vertu. Elle souhaite également lire des nouvelles exactes sur les événements contemporains. Impressionné par la beauté et l'esprit de la jeune femme, le gentilhomme la fait suivre par un laquais et lui envoie les sept premiers tomes du Mercure Galant accompagnés d'un poème. La jeune femme, flattée par ce geste, répond de manière élégante, exprimant son intérêt pour les nouvelles d'amour contenues dans le journal.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 208-231
Avanture de Musique. [titre d'après la table]
Début :
Quoy qu'il semble que ce stile soit trop simple [...]
Mots clefs :
Aventure, Musique, Fille, Divertissement public, Opéra, Voix, Cavalier, Père, Rival, Lambert, Hélas, Air, Accident, Amour, Vers, Billet, Sonnet, Orgue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avanture de Musique. [titre d'après la table]
Quoyqu'il ſemble que ce ſtile foit trop fimple pour eftre pro- pre aux grandes matieres, il ne laiſſe pasd'avoir de lagrace le voudrois en avoir autantà vous
conter dansle mien,une Avanturede Muſiquequi a cauſe de- puis peu de grands embarras à
biendeGens. Un Homme confiderable &par fon bien & par l'employ qu'il a dans la Robe ,
eſtant demeuré veuf depuis quelque temps , avec une Fille unique, n'avoit point de plus fortepaffion que celle de lama- rier. La garde luy en ſembloit dangereuſe , & il croyoit ne pouvoir s'en défaire jamais af- ſez toſt. Ce n'eſt pas qu'elle n'euſt beaucoup de vertu , &
qu'ayant eſté toûjours élevée dans une fort grande modeſtie,
elle ne fuft incapable de man-
GALANT. 139
(
quer à rien de cequ'elle ſe de- voitàelle-meſme; mais une Fille qui a vingt ans , de l'efprit &
de la beauté , n'eſt point faite pour eftre cachée, il y adesme- furesdebien- feance à garder, &
un Pere que les Affairesdu Pu- blic occupent continuellement,
ne sçauroit mieux faire que de remettre en d'autres mains ce
qui court toûjours quelque pé- ril entre les ſiennes. Tant de
vertuqu'il vous plaira,unejeu- ne Perſonneaun cœur, ce cœur peuteſtre ſenſible , &on a d'au- tantplus à craindre qu'il ne le devienne , que l'Eſprit ſe joi- gnant à la Beauté , attire toû- jours force Adorateurs. La De- moiſelle dont jevous parle étoit faite d'une maniere àn'en pas manquer ſi les ſcrupules duPe- ren'yeuſſent mis ordre. Onla
:
140 LE MERCVRE voyoit , on l'admiroit dans les Lieux de devotion où il ne luy pouvoit eftredefendu de ſe mõtrer, mais elle ne recevoit chez
elleaucuneViſite, fi vous exceprezcellesde cinq ou fix Paren- tes ouVoifinesqui luy tenoient cõpagnie avec affez d'affiduité.
Celqu'elle regrettoit le plus des divertiſfemens publics,dont elle ne joüifſoit que par le rapport d'autruy, c'eſtoit Opera. Elle a- -voit la voix fort belle , ſçavoit parfaitement la muſique,&n'ai- -moitrientantqued'entédre bié chanter. Deux ou trois de ſesAmies avoient le méme talent&
la méme inclination , & la plus grande partie du temps qu'elles ſeplaifoient à paffer enſemble,
eſtoit employé à de petits Con- certsde leur façon. L'une d'elles avoit un Frere grandMuficien,
GALANT. 141 &c'eſtoit ſur ſes Leçons qu'el- les apprenoit aux autres ce qu'il yavoit de plus agreable &de plus touchant dans les Opéra.
La Belle brûloit d'envie de le
mettre de leurs Concerts,on luy diſoit mille biés de luy,&il n'en entendoit pas moins dire d'elle à
ſa Scœur. Ainfi ils furent preve- nus d'eſtime l'un pour l'autre avant qu'il leur fut permis deſe connoiſtre, & ladifficulté qu'ils y trouverent leur en augmenta le defir. Onparla au Pere,qui ſe montra plus traitable qu'on ne l'eſperoit.Le pretextede la mufi- que fut le ſeul dont on ſe fervit pourobtenir lapermiſſion qu'on luydemadoit.Il ne voulut point envier à ſa Fille l'unique plaifir qu'il ſçavoit eſtre capablede la toucher ; & le Cavalier ne luy paroiſſant point d'une Fortune
142 LE MERCVRE
àformer des pretétions d'allian- ce, il confentit à la priere que fa Sœur luy avoit faite, de trouver bon qu'elle l'amenaft.Ils ſe virét donc, ils ſe parlerent,ils chante- rent , &fans s'eſtre apperceus qu'ils euffent commencéà s'ay- mer, ils ſentirenten peu de téps qu'ils s'aymoient. Iln'yavoitrien quede tendre dans les Airs que
le Cavalier venoit apprendre àla Belle ; il les chantoit tendrement , & à force de les luy faire chanter de meſme , il mit
dans ſon ame des diſpoſitions favorables à bien recevoir la
declaration qu'ilſe hazarda enfin à luy faire. Ses regards a- voient parlé avant luy , & ils avoient eſté entendus fans que les Amiesde la Belle en euffent
penetré le ſecret. Elles impu- toient au feul deſſein d'animer
GALANT. 143 les parolesqu'il chantoit, ce qui eſtoit une explication paffion- née des ſentimens de ſon cœur,
Il trouva enfin l'occaſion d'un
teſte- à- tefte. Il ne la laiſſa pas échaper, & il employa des ter- mes ſi touchans , àfaire connoî tre toute la force de ſon amour
à la charmante Perſonne qui le cauſoit , qu'elle ne pût ſe défendre de luy dire qu'il re marqueroit par la promptitude de fon obeïſſance , l'eſtime par- ticuliere qu'elle avoit pour luy,
s'il pouvoit trouver moyen de luy faire ordonner par fon Pere de le regarder comme unHom- me qu'il luy vouloit donner pour Mary. Que de joye pour le Cavalier ! Il avoit des Alliances fort confiderables , &
ménageoit une Perſonne d'au- torité pour l'engager à venir
144 LE MERCVRE
faire la propoſition pour luy ,
quand il apprend de la Belle que ſon Pere la marioit à un Gentilhome fort richequ'il luy avoit déja amené; que les Arti- cles eſtoient arreftez , & qu'il s'en eſtoit expliqué avec elle d'une maniere ſi impérieuſe ,
qu'elle ne voyoit pas de jour à
ſe pouvoir diſpenſer de luy obeïr. Sa douleur eſt auſſi gran- de que ſa ſurpriſe. Il la conjure d'apporter à ſon malheur tous les retardemens qu'elle pour- roit , tandis que de fon coſté il mettroit tout en uſage pour l'empeſeher. Les témoignages
qu'ils ſe donnent de leurdéplai- fir font interrompus par l'arri- vée de l'Amant choify. Comme il eſtoit naturellement jaloux il obſerve le Cavalier , & trouve
dansſonchagrinje ne ſçayquoy
de
GALANT. 1451 de ſuſpect qui l'oblige àſe faire l'Eſpion de ſa Maiſtreſſe. Il la fuit par tout , & fe rend chez
elle tous les jours de fi bonne .
heure , que le Cavalier aimé ne peut plus trouver moyen de l'entretenir. Il cacheledeſeſpoir
où cet embarras le met, & la Muſique eſtant le pretexte de ſes vifites , il tâche d'éblouir ſon
Rival, encontinuant à luy faire chanter à elle & à ſes Amies,
tous les endroitsqu'elles ſçavent
desOpéra Quelquesjours apres ne pouvant venir à bout de trouver un momentde teſte- àteſte pourſçavoir ſes ſentimens,
il eſſaye un ſtratagême pareil à
celuy de l'Amant du Malade Imaginaire. Il feint que le fa- meux Lambert a fait unAir à
deuxParties que peu de PerſonG
כִּי
146 LE MERCVRE.
nés ont encor veu , &parle fur tout d'un Helas qui a quelque choſe de fort touchant quand la Baffe & le Deſſus ſont meflez enſemble. L'Air&les Paro- les estoient de luy,&le tour ſe
rapportoit àl'eftat preſent de ſa fortune. La Belle qui comme je vous ay deja dit avoit une par- faite connoiffance de la Mufique , demande à voir cet Air fi
touchant, & s'offre en meſine
temps à le chanter avec luy. II.
eſtoit fait furces Paroles.
Ievousd'aydit centfois,belle Iris , je vousaime ;
Comme voftre beauté , mon amour est
extréme 1
Maisje crains un Rival charmé devos
appast emp suis bi Vous pâliffez,Iris; l'aimeriez- vous?
GALANT. 147LI T
de
L'AmantMuficien avoit trouvé
des cheutes fi heureuſes dans la
répétition de cet Helas, que la Belle qui avoit commencé à
chanter ſans s'appercevoir du
miſtere , comprit bientoſt à la maniere tendre &languiſſante dont il attachoit ſes regards ſur elle,qu'il la conjuroitde luy ap- prendre ce qu'elle luy permet- toit d'eſperer. La douleur ſe voir contrainte de ſacrifier
fon amour àfon devoir ,la ſaiſit
tout-à-coup fi fortement,qu'elle perd la voix , tombe évanoüye,
&luy fait connoiſtre par cet ac- cident que fon malheur ne luy eſt pas moins ſenſible qu'àbuy.
C'eſt alors qu'il ne peut plus garder de mefures. L'envie de fecourir ſa belle Maiſtreſſe , le fait agir en Amant paffionné. IF Gij
148 LE MERCVRE
:
court , il va , revient , ſe met à
genoux devant elle , la prie de l'entendre , &ſemble mourir de T'apprehenfion qu'il a de ſa mort. SonRivalqui ne peut plus douter de fon amour , en eſt ja- louxdans l'excés , & le devient
encordavantage , quandla Bel- le commençant à ouvrir les yeux , prononce fon nom , &
demande triſtement s'il eſt par- ty. Il ſe plaint au Pere , en ob- tientle banniſſement du Muficien, le fait ſignifier à ſa Mai- ſtreffe ,&croit le triompheaf- ſurépourluy; mais le Pere em- ploye inutilement ſon autorité.
La Fille ſe révolte , prend pour outrage les défiances de l'A- mant qu'elle veut qu'il épouſe,
&ſous pretexte de luy laiſſer plus de temps à examiner ſa
GALANT 149 conduite, elle recule ſon Mariaged'un mois entier , pendant le- quel elle veutqu'il la voye vivre avec celuy qui luy fait ombra- ge, afin qu'il ſe gueriſſe de ſes injuftes ſoupçons , ouqu'il rom- pe avec elle , s'il la croit inca- pable de le rendre heureux.
-Ainſi les viſites continuent; &
*comme les deux Amans ne
cherchent qu'à dégoûter l'En- nemy de leur bonheur, ils ne ménagent plus ſa jaloufie , &
ſe vangentde l'inquietude qu'il leur donne par les méchantes heures qu'ilsluy font paſſer. Le hazard contribuë à leur en
fournir les occafions. Le Muſicienqui venoittoûjours chan- ter avec la Belle , luy avoit re-- cité des Vers aſſez agreables.
Elle en demande une copie.
Giij
SSO LE MERCVRE L'Amour eft induſtrieux , il ſe fait apporter de quoy écrire,
changeles Vers enbonneProfe bien fignificative, luy explique de la manieredu mondela plus touchante ce que ſa paſſion luy fait fouffrir , luy met ce qu'il a
écrit entre les mains , &la con- jure de luy dire fans déguiſe- ment fi ce quiaeu quelquegra- cedans ſa bouche , luy en pa- roift conferver fur le papier.
Elle lit, foûrit , montre de la
joye , & ne peut affez exagerer les nouvelles beautez que la
lecture luy a fait découvrirdans cet ouvrage. L'Amant jaloux ,
qui estoit veritablement amou-
-reux &gardien perpetuel de fa Maiſtreſſe , ne s'accommode
point de cette écriture. Il de- mandeà lire les Vers , on le re2
i
GALANT. 151 fuſe. Il y ſoupçonne du miftere,
&ce qui le convaincqu'il y en a, c'eſt que ſon Rival s'eſtant ſervy le lendemain du meſme artifice , & n'ayant à donner que la copie d'un Sonnet , il luy voit écrire plus de vingt lignes,
&remarque qu'elles font tou- tes continuées , au lieu que les Versſont ouplus courts ouplus longs ſelon le nombre des let- tres qui entrent dans les mots qui les compoſent. Il acheve de perdre patience en voyant prendre la plume à ſa Maiſtref- ſe. Elle écrit un aſſez longBil- let , le cachete , le donne à fon
Rival , commedevanteſtre ren- du à quelqu'une de ſes Amies,
&le prie de luy en apporter la réponſe le lendemain. Jugez de la joyede l'un , & du deſeſpoir
152 LE MERCVRE de l'autre. L'Amant aimé qui nedoute pas que la Belle n'ait répondupar ceBillet à fon Son- net metamorphofé , brûle d'im- patiencede le lire. Il fort. Son Rivalfortdans le meſmetemps,
le fuit , &l'ayantjoint dans une Ruë où il paſſoit fort peu de monde, il luy demande fiere- ment à voir le Biller. Ces gages de l'amour d'une Maiſtreſſe ne
s'abandonnent jamais qu'avec la vie. Ils mettent l'Epée à la main. La fureur qui anime le Jaloux , ne luy permet point de ſeménager. Il tombe d'une lar- ge bleſſure qu'il reçoit. On la tient mortelle , & cet accident
oblige ſon Rival à ſe cacher.
Voila , Madame, l'état où ſont
àpreſent les choſes. Le Pere fulmine, la Fille proteſte qu'elle
GALANT. 153 ne forcera point ſon inclination pourépouſer un Jaloux qui ne peut que la rendre malheureu- -ſe; & ce queje trouve de fa- cheux dans cette Avanture ,
c'eſt que je ne voy perſonne qui ait lieu d'en eſt
conter dansle mien,une Avanturede Muſiquequi a cauſe de- puis peu de grands embarras à
biendeGens. Un Homme confiderable &par fon bien & par l'employ qu'il a dans la Robe ,
eſtant demeuré veuf depuis quelque temps , avec une Fille unique, n'avoit point de plus fortepaffion que celle de lama- rier. La garde luy en ſembloit dangereuſe , & il croyoit ne pouvoir s'en défaire jamais af- ſez toſt. Ce n'eſt pas qu'elle n'euſt beaucoup de vertu , &
qu'ayant eſté toûjours élevée dans une fort grande modeſtie,
elle ne fuft incapable de man-
GALANT. 139
(
quer à rien de cequ'elle ſe de- voitàelle-meſme; mais une Fille qui a vingt ans , de l'efprit &
de la beauté , n'eſt point faite pour eftre cachée, il y adesme- furesdebien- feance à garder, &
un Pere que les Affairesdu Pu- blic occupent continuellement,
ne sçauroit mieux faire que de remettre en d'autres mains ce
qui court toûjours quelque pé- ril entre les ſiennes. Tant de
vertuqu'il vous plaira,unejeu- ne Perſonneaun cœur, ce cœur peuteſtre ſenſible , &on a d'au- tantplus à craindre qu'il ne le devienne , que l'Eſprit ſe joi- gnant à la Beauté , attire toû- jours force Adorateurs. La De- moiſelle dont jevous parle étoit faite d'une maniere àn'en pas manquer ſi les ſcrupules duPe- ren'yeuſſent mis ordre. Onla
:
140 LE MERCVRE voyoit , on l'admiroit dans les Lieux de devotion où il ne luy pouvoit eftredefendu de ſe mõtrer, mais elle ne recevoit chez
elleaucuneViſite, fi vous exceprezcellesde cinq ou fix Paren- tes ouVoifinesqui luy tenoient cõpagnie avec affez d'affiduité.
Celqu'elle regrettoit le plus des divertiſfemens publics,dont elle ne joüifſoit que par le rapport d'autruy, c'eſtoit Opera. Elle a- -voit la voix fort belle , ſçavoit parfaitement la muſique,&n'ai- -moitrientantqued'entédre bié chanter. Deux ou trois de ſesAmies avoient le méme talent&
la méme inclination , & la plus grande partie du temps qu'elles ſeplaifoient à paffer enſemble,
eſtoit employé à de petits Con- certsde leur façon. L'une d'elles avoit un Frere grandMuficien,
GALANT. 141 &c'eſtoit ſur ſes Leçons qu'el- les apprenoit aux autres ce qu'il yavoit de plus agreable &de plus touchant dans les Opéra.
La Belle brûloit d'envie de le
mettre de leurs Concerts,on luy diſoit mille biés de luy,&il n'en entendoit pas moins dire d'elle à
ſa Scœur. Ainfi ils furent preve- nus d'eſtime l'un pour l'autre avant qu'il leur fut permis deſe connoiſtre, & ladifficulté qu'ils y trouverent leur en augmenta le defir. Onparla au Pere,qui ſe montra plus traitable qu'on ne l'eſperoit.Le pretextede la mufi- que fut le ſeul dont on ſe fervit pourobtenir lapermiſſion qu'on luydemadoit.Il ne voulut point envier à ſa Fille l'unique plaifir qu'il ſçavoit eſtre capablede la toucher ; & le Cavalier ne luy paroiſſant point d'une Fortune
142 LE MERCVRE
àformer des pretétions d'allian- ce, il confentit à la priere que fa Sœur luy avoit faite, de trouver bon qu'elle l'amenaft.Ils ſe virét donc, ils ſe parlerent,ils chante- rent , &fans s'eſtre apperceus qu'ils euffent commencéà s'ay- mer, ils ſentirenten peu de téps qu'ils s'aymoient. Iln'yavoitrien quede tendre dans les Airs que
le Cavalier venoit apprendre àla Belle ; il les chantoit tendrement , & à force de les luy faire chanter de meſme , il mit
dans ſon ame des diſpoſitions favorables à bien recevoir la
declaration qu'ilſe hazarda enfin à luy faire. Ses regards a- voient parlé avant luy , & ils avoient eſté entendus fans que les Amiesde la Belle en euffent
penetré le ſecret. Elles impu- toient au feul deſſein d'animer
GALANT. 143 les parolesqu'il chantoit, ce qui eſtoit une explication paffion- née des ſentimens de ſon cœur,
Il trouva enfin l'occaſion d'un
teſte- à- tefte. Il ne la laiſſa pas échaper, & il employa des ter- mes ſi touchans , àfaire connoî tre toute la force de ſon amour
à la charmante Perſonne qui le cauſoit , qu'elle ne pût ſe défendre de luy dire qu'il re marqueroit par la promptitude de fon obeïſſance , l'eſtime par- ticuliere qu'elle avoit pour luy,
s'il pouvoit trouver moyen de luy faire ordonner par fon Pere de le regarder comme unHom- me qu'il luy vouloit donner pour Mary. Que de joye pour le Cavalier ! Il avoit des Alliances fort confiderables , &
ménageoit une Perſonne d'au- torité pour l'engager à venir
144 LE MERCVRE
faire la propoſition pour luy ,
quand il apprend de la Belle que ſon Pere la marioit à un Gentilhome fort richequ'il luy avoit déja amené; que les Arti- cles eſtoient arreftez , & qu'il s'en eſtoit expliqué avec elle d'une maniere ſi impérieuſe ,
qu'elle ne voyoit pas de jour à
ſe pouvoir diſpenſer de luy obeïr. Sa douleur eſt auſſi gran- de que ſa ſurpriſe. Il la conjure d'apporter à ſon malheur tous les retardemens qu'elle pour- roit , tandis que de fon coſté il mettroit tout en uſage pour l'empeſeher. Les témoignages
qu'ils ſe donnent de leurdéplai- fir font interrompus par l'arri- vée de l'Amant choify. Comme il eſtoit naturellement jaloux il obſerve le Cavalier , & trouve
dansſonchagrinje ne ſçayquoy
de
GALANT. 1451 de ſuſpect qui l'oblige àſe faire l'Eſpion de ſa Maiſtreſſe. Il la fuit par tout , & fe rend chez
elle tous les jours de fi bonne .
heure , que le Cavalier aimé ne peut plus trouver moyen de l'entretenir. Il cacheledeſeſpoir
où cet embarras le met, & la Muſique eſtant le pretexte de ſes vifites , il tâche d'éblouir ſon
Rival, encontinuant à luy faire chanter à elle & à ſes Amies,
tous les endroitsqu'elles ſçavent
desOpéra Quelquesjours apres ne pouvant venir à bout de trouver un momentde teſte- àteſte pourſçavoir ſes ſentimens,
il eſſaye un ſtratagême pareil à
celuy de l'Amant du Malade Imaginaire. Il feint que le fa- meux Lambert a fait unAir à
deuxParties que peu de PerſonG
כִּי
146 LE MERCVRE.
nés ont encor veu , &parle fur tout d'un Helas qui a quelque choſe de fort touchant quand la Baffe & le Deſſus ſont meflez enſemble. L'Air&les Paro- les estoient de luy,&le tour ſe
rapportoit àl'eftat preſent de ſa fortune. La Belle qui comme je vous ay deja dit avoit une par- faite connoiffance de la Mufique , demande à voir cet Air fi
touchant, & s'offre en meſine
temps à le chanter avec luy. II.
eſtoit fait furces Paroles.
Ievousd'aydit centfois,belle Iris , je vousaime ;
Comme voftre beauté , mon amour est
extréme 1
Maisje crains un Rival charmé devos
appast emp suis bi Vous pâliffez,Iris; l'aimeriez- vous?
GALANT. 147LI T
de
L'AmantMuficien avoit trouvé
des cheutes fi heureuſes dans la
répétition de cet Helas, que la Belle qui avoit commencé à
chanter ſans s'appercevoir du
miſtere , comprit bientoſt à la maniere tendre &languiſſante dont il attachoit ſes regards ſur elle,qu'il la conjuroitde luy ap- prendre ce qu'elle luy permet- toit d'eſperer. La douleur ſe voir contrainte de ſacrifier
fon amour àfon devoir ,la ſaiſit
tout-à-coup fi fortement,qu'elle perd la voix , tombe évanoüye,
&luy fait connoiſtre par cet ac- cident que fon malheur ne luy eſt pas moins ſenſible qu'àbuy.
C'eſt alors qu'il ne peut plus garder de mefures. L'envie de fecourir ſa belle Maiſtreſſe , le fait agir en Amant paffionné. IF Gij
148 LE MERCVRE
:
court , il va , revient , ſe met à
genoux devant elle , la prie de l'entendre , &ſemble mourir de T'apprehenfion qu'il a de ſa mort. SonRivalqui ne peut plus douter de fon amour , en eſt ja- louxdans l'excés , & le devient
encordavantage , quandla Bel- le commençant à ouvrir les yeux , prononce fon nom , &
demande triſtement s'il eſt par- ty. Il ſe plaint au Pere , en ob- tientle banniſſement du Muficien, le fait ſignifier à ſa Mai- ſtreffe ,&croit le triompheaf- ſurépourluy; mais le Pere em- ploye inutilement ſon autorité.
La Fille ſe révolte , prend pour outrage les défiances de l'A- mant qu'elle veut qu'il épouſe,
&ſous pretexte de luy laiſſer plus de temps à examiner ſa
GALANT 149 conduite, elle recule ſon Mariaged'un mois entier , pendant le- quel elle veutqu'il la voye vivre avec celuy qui luy fait ombra- ge, afin qu'il ſe gueriſſe de ſes injuftes ſoupçons , ouqu'il rom- pe avec elle , s'il la croit inca- pable de le rendre heureux.
-Ainſi les viſites continuent; &
*comme les deux Amans ne
cherchent qu'à dégoûter l'En- nemy de leur bonheur, ils ne ménagent plus ſa jaloufie , &
ſe vangentde l'inquietude qu'il leur donne par les méchantes heures qu'ilsluy font paſſer. Le hazard contribuë à leur en
fournir les occafions. Le Muſicienqui venoittoûjours chan- ter avec la Belle , luy avoit re-- cité des Vers aſſez agreables.
Elle en demande une copie.
Giij
SSO LE MERCVRE L'Amour eft induſtrieux , il ſe fait apporter de quoy écrire,
changeles Vers enbonneProfe bien fignificative, luy explique de la manieredu mondela plus touchante ce que ſa paſſion luy fait fouffrir , luy met ce qu'il a
écrit entre les mains , &la con- jure de luy dire fans déguiſe- ment fi ce quiaeu quelquegra- cedans ſa bouche , luy en pa- roift conferver fur le papier.
Elle lit, foûrit , montre de la
joye , & ne peut affez exagerer les nouvelles beautez que la
lecture luy a fait découvrirdans cet ouvrage. L'Amant jaloux ,
qui estoit veritablement amou-
-reux &gardien perpetuel de fa Maiſtreſſe , ne s'accommode
point de cette écriture. Il de- mandeà lire les Vers , on le re2
i
GALANT. 151 fuſe. Il y ſoupçonne du miftere,
&ce qui le convaincqu'il y en a, c'eſt que ſon Rival s'eſtant ſervy le lendemain du meſme artifice , & n'ayant à donner que la copie d'un Sonnet , il luy voit écrire plus de vingt lignes,
&remarque qu'elles font tou- tes continuées , au lieu que les Versſont ouplus courts ouplus longs ſelon le nombre des let- tres qui entrent dans les mots qui les compoſent. Il acheve de perdre patience en voyant prendre la plume à ſa Maiſtref- ſe. Elle écrit un aſſez longBil- let , le cachete , le donne à fon
Rival , commedevanteſtre ren- du à quelqu'une de ſes Amies,
&le prie de luy en apporter la réponſe le lendemain. Jugez de la joyede l'un , & du deſeſpoir
152 LE MERCVRE de l'autre. L'Amant aimé qui nedoute pas que la Belle n'ait répondupar ceBillet à fon Son- net metamorphofé , brûle d'im- patiencede le lire. Il fort. Son Rivalfortdans le meſmetemps,
le fuit , &l'ayantjoint dans une Ruë où il paſſoit fort peu de monde, il luy demande fiere- ment à voir le Biller. Ces gages de l'amour d'une Maiſtreſſe ne
s'abandonnent jamais qu'avec la vie. Ils mettent l'Epée à la main. La fureur qui anime le Jaloux , ne luy permet point de ſeménager. Il tombe d'une lar- ge bleſſure qu'il reçoit. On la tient mortelle , & cet accident
oblige ſon Rival à ſe cacher.
Voila , Madame, l'état où ſont
àpreſent les choſes. Le Pere fulmine, la Fille proteſte qu'elle
GALANT. 153 ne forcera point ſon inclination pourépouſer un Jaloux qui ne peut que la rendre malheureu- -ſe; & ce queje trouve de fa- cheux dans cette Avanture ,
c'eſt que je ne voy perſonne qui ait lieu d'en eſt
Fermer
Résumé : Avanture de Musique. [titre d'après la table]
Le texte relate une aventure musicale impliquant un homme respectable et sa fille unique, âgée de vingt ans, vertueuse et belle. Le père, occupé par ses affaires publiques, souhaite la marier mais craint les dangers de la garde de sa fille. Elle est admirée dans les lieux de dévotion mais ne reçoit que des visites de parents ou voisins fidèles. Sa passion secrète est l'opéra et la musique, qu'elle pratique avec quelques amies. L'une de ces amies a un frère musicien qui donne des leçons aux jeunes filles. La fille du narrateur et le musicien développent une estime mutuelle avant même de se rencontrer. Le père, après avoir été sollicité, accepte que le musicien vienne donner des leçons à sa fille. Ils tombent amoureux lors de ces rencontres musicales. Le musicien déclare son amour à la jeune fille, qui accepte de l'épouser à condition qu'il obtienne l'accord de son père. Cependant, le père annonce à sa fille qu'il la marie à un gentilhomme riche. Le musicien, désespéré, tente de retarder l'événement. Le nouveau fiancé, jaloux, surveille la jeune fille et interdit les visites du musicien. Ce dernier utilise un stratagème pour déclarer son amour à la jeune fille en composant un air musical avec des paroles explicites. La jeune fille, émue, s'évanouit. Le père, informé de la situation, bannit le musicien. La fille, révoltée, refuse d'épouser le gentilhomme jaloux et décide de vivre avec le musicien pour prouver son innocence. Les deux amants continuent de se voir, exacerbant la jalousie du gentilhomme. Un duel s'ensuit, lors duquel le gentilhomme est gravement blessé. Le musicien doit se cacher, laissant la situation en suspens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 231-235
Comédie de l'Usurier, [titre d'après la table]
Début :
Le Théatre François ne nous a encore donné qu'une Piéce [...]
Mots clefs :
Théâtre, Nouvelles pièces, Ajax, L'Usurier, Tragédie, Comédie, Héros, Amour, Aventure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Comédie de l'Usurier, [titre d'après la table]
Le Théatre François ne nous
a encore donné qu'une Piéce
nouvelle , depuis le commencement
de l'Hyver ; c'est une Tragedie
intitulée Ajax ; elle eſt de
Monfieur de la Chapelle. Cer
232 MERCURE
Autheur a fait dans toutes fes
Piéces des Scenes fi brillantes
pour Monfieur Baron , que quoy
que cet excellent Acteur ait toûjours
eu beaucoup de réputation ,
il femble en avoir acquis une
nouvelle dans celle- cy . Les mêmes
Comediens promettent une
Piéce Comique fous le nom de
l'ufurier , & elle doit eftre reprefentée
l'un des premiers jours de
la Semaines prochaine. Le nom
de fon Heros me fait fouvenird'un
Mariage que fit ces jours.
paffez un Heros pareil . Cet.
Ufurier avoit prefté une fomme
tres confidérable à un
Homme qui faifoit une affez
bonne figure , & dont le Fils
étoit Amoureux de fa Fille .
Quelque temps apres , on luy
vint dire que fon Emprunteur
avoit fait banquetoute , & que
3
GALANT. 233
les chofes avoient tourné d'unc
maniere qui ne luy laiffoit aucune
espérance de rien retirer
de ce qu'il avoit prêté . Il imagina
mille expédiens pour ne pas
perdre toute fa fomme; & faifant
tout à coup réflexion que le Fils
de celuy dont les Affaires étoient
en defordre aimoit fa Fille , il
réfolut de luy propofer de la luy
donner en mariage & pour dot ,
F'argent que fon Pere luy faifoit
perdre , aimant mieux que fa
Fille fuft gueufe toute la vie ,
que de ne pas tirer
avantage
de
quelque maniere que ce fuft,
de l'argent qu'on luy avoit emporté.
Le Party fut accepté par
l'Amant ; le mariage fe fit ; il fut
confommé ; & l'Ufurier apprit
enfuite , que c'eftoit un tour
qu'on luy avoit joué pour l'obliger
à le faire , parce qu'il n'y auroit
234
MERCURE
cer
pas confenty fans cela ,
Amant ayant beaucoup moins
de bien que fa Fille . Cette Avanture
ne paroiftra pas dans la
Comédie de l'vfurier , dont le
hazard m'a fait trouver à une
lecture que l'Autheur en a faite;
mais l'on y découvre , fans choquer
perfonne , & en marquant
feulement les vices en general ,
tous les fecrets de la Banque ,
c'est à dire , à l'égard de ceux
qui prétent & qui empruntent
de l'argent à ufure ; car àl'égard
de ce qui touche le Commerce ,
on n'en parle point du tout. Ce
qui fait l'agrément de cette Comédie
, qui peut eſtre auffi - toft
appellée le Banquier, que l'Vfurier
eft que les Banquiers connoiffant
l'intérieurs des Affaires
Hommes , & principalement les
Gens de qualité , & les Perſondes
GALANT. 235
nes de toutes les Profeffions
ayant à faire à eux , on en voit
dans cette Piece un grand nombre
de diférens caracteres , &
l'on y remarque une perpétuelle
oppoſition de la Nobleffe gueuſe
à la riche Roture . Ainfi quoy
que cette Piece femble avoir un
Titre Bourgeois , elle ne laiffe
pas d'eftre pour toutes fortes
d'Etats .
a encore donné qu'une Piéce
nouvelle , depuis le commencement
de l'Hyver ; c'est une Tragedie
intitulée Ajax ; elle eſt de
Monfieur de la Chapelle. Cer
232 MERCURE
Autheur a fait dans toutes fes
Piéces des Scenes fi brillantes
pour Monfieur Baron , que quoy
que cet excellent Acteur ait toûjours
eu beaucoup de réputation ,
il femble en avoir acquis une
nouvelle dans celle- cy . Les mêmes
Comediens promettent une
Piéce Comique fous le nom de
l'ufurier , & elle doit eftre reprefentée
l'un des premiers jours de
la Semaines prochaine. Le nom
de fon Heros me fait fouvenird'un
Mariage que fit ces jours.
paffez un Heros pareil . Cet.
Ufurier avoit prefté une fomme
tres confidérable à un
Homme qui faifoit une affez
bonne figure , & dont le Fils
étoit Amoureux de fa Fille .
Quelque temps apres , on luy
vint dire que fon Emprunteur
avoit fait banquetoute , & que
3
GALANT. 233
les chofes avoient tourné d'unc
maniere qui ne luy laiffoit aucune
espérance de rien retirer
de ce qu'il avoit prêté . Il imagina
mille expédiens pour ne pas
perdre toute fa fomme; & faifant
tout à coup réflexion que le Fils
de celuy dont les Affaires étoient
en defordre aimoit fa Fille , il
réfolut de luy propofer de la luy
donner en mariage & pour dot ,
F'argent que fon Pere luy faifoit
perdre , aimant mieux que fa
Fille fuft gueufe toute la vie ,
que de ne pas tirer
avantage
de
quelque maniere que ce fuft,
de l'argent qu'on luy avoit emporté.
Le Party fut accepté par
l'Amant ; le mariage fe fit ; il fut
confommé ; & l'Ufurier apprit
enfuite , que c'eftoit un tour
qu'on luy avoit joué pour l'obliger
à le faire , parce qu'il n'y auroit
234
MERCURE
cer
pas confenty fans cela ,
Amant ayant beaucoup moins
de bien que fa Fille . Cette Avanture
ne paroiftra pas dans la
Comédie de l'vfurier , dont le
hazard m'a fait trouver à une
lecture que l'Autheur en a faite;
mais l'on y découvre , fans choquer
perfonne , & en marquant
feulement les vices en general ,
tous les fecrets de la Banque ,
c'est à dire , à l'égard de ceux
qui prétent & qui empruntent
de l'argent à ufure ; car àl'égard
de ce qui touche le Commerce ,
on n'en parle point du tout. Ce
qui fait l'agrément de cette Comédie
, qui peut eſtre auffi - toft
appellée le Banquier, que l'Vfurier
eft que les Banquiers connoiffant
l'intérieurs des Affaires
Hommes , & principalement les
Gens de qualité , & les Perſondes
GALANT. 235
nes de toutes les Profeffions
ayant à faire à eux , on en voit
dans cette Piece un grand nombre
de diférens caracteres , &
l'on y remarque une perpétuelle
oppoſition de la Nobleffe gueuſe
à la riche Roture . Ainfi quoy
que cette Piece femble avoir un
Titre Bourgeois , elle ne laiffe
pas d'eftre pour toutes fortes
d'Etats .
Fermer
Résumé : Comédie de l'Usurier, [titre d'après la table]
Le Théâtre François a présenté une nouvelle tragédie intitulée 'Ajax', écrite par Monsieur de la Chapelle, depuis le début de l'hiver. Cette pièce met en vedette Monsieur Baron, un acteur réputé dont la renommée a été accrue par cette œuvre. Les comédiens préparent également une pièce comique intitulée 'L'Usurier', prévue pour la semaine prochaine. Cette comédie ne traite pas d'une aventure spécifique mais révèle les secrets de la banque et des prêts à intérêt sans choquer le public. Elle met en scène divers personnages, notamment des banquiers connaissant les affaires intimes des hommes, et oppose la noblesse démunie à la roture riche. Bien que le titre semble bourgeois, la pièce est accessible à toutes les classes sociales.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 163-169
A MADEMOISELLE D'ORVILLE. STANCES.
Début :
Vous avez esté si satisfaite de divers Ouvrages galans que / Iris, sortez de vostre Cage. [...]
Mots clefs :
Iris, Dieu, Sagesse, Repos, Péril, Aventure, Hommage, Ennemis, Amants, Appas
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADEMOISELLE D'ORVILLE. STANCES.
Vous avez efté fi fatisfaite
de divers Ouvrages galans
que je vous ay envoyez, de
M' Vignier de Richelieu ,,
que je croirois vous priver
d'un grand plaifir , fi je négligeois
de vous faire part
des Vers qu'il a fairs pour
une tres - aimable Demoilelle,
qu'il preffe de fortir d'une
Maifon qui menace rüine ,
O ij
164 MERCURE
& où il croit
qu'elle ne peutdemeurer
fans un peril évident
. Voicy ce qu'il luy écrit.
$2: 5$52525:
5225555
A
MADEMOISELLE
D'ORVILLE .
I
STANCE S.
Ris , fortez de voftre Cage,
Ne
demeurez plus dans un Lien,
Oufans
l'affiftance de Dieu,
Vous estes tous lesjours prefte à plier
bagage.
Sa
f
Voyez quelle est vostre conduite,
De voir les Rats quitter leurs trous
Et n'ofer demeurer chés vous ,
GALANT. 165
Et de ne vouloir pas profiter de leur
fuite.
SS
Encor fi vouspechiez en âge,
Vous auricz un peu moins de tort
Maiscen'estpas estrefort fage,
Que d'estrè belle &jeune , & d'avancerfa
mort..
SS
Connoiffant le perilfi proche,
Pouvez- vous dormir en repos,
Et penfiz- vous que vostre des
Soitpour vous garantir, ou de bronze,
oa de roche?
S&
Confiderant cette avanture,
Tout le monde fera d'accort,
Que vous avezun efprit fort,
Mais que vous n'avezpas la cervelle
affez dure.
166 MERCURE
$2
Des Vertus vous estes l'exemple,
Maispour dire la verité,
On ne peutfans temerité,
Vous aller rendre hommage en vostre
frelle Temple.
Sa
Voulez- vous eftre l'homicide
De vous mefme & de vos amis,
Ou fi c'est à vos Ennemis ,
Que vous dreffez ce piége enfaisant
L'Intrépide?
SS
C'eft une chofe pitoyable ,
Qu'ilfautpour vous voirfeurement,
Se confeffer dévotement,
Et fe mettre en état de n'aller pas au-
Diable.
S2
Il eft auffi fort néceſſaire,
GALANT. 167
Qu'étant de touspechez abſous,
Ceux qui veulent aller chez vous,.
Pourfaire Teftament appellent icur
Notaire.
$2
Tel cft charmé de vos æillades ,
Qui craintfort voftre bebergemět,
Et quiferoitfon logement,
Plutoft fur un Rampart au feu des
Moufquetades.
S&
Si vous y restezparfineſſe,
Et pour éprouver un Amant,
Une vifite d'un moment,
Vous marquerafans doute un grand
fonds de tendreffe .
S&
Ah, quelle nouvelle fatale,
Si quelqu'unme difoit dans peu,
Iris fans manquer àſon væu,
Vient d'eftre enfevelie ainſi qu'une
Veftale!
168 MERCURE
Se
Cette beauté qu'on idolâtre,
Ge teint de Rofes & de Lys,
Pourroient- ils dans un tel débris
Conferver leur éclat fous des monscaux
de plâtre?
$ 2
Non , dans un étatfifunefte,
On ne vous reconnoistreitpar
Et de tant de charmans appas
Eft- ce là , direit- on , est- ce là ce qui
refte?
22
Maistouché de vostre merite,
Et tout penetré de douleur,
Suivant le panchant de mon coeur,
l'irais vous retrouverfur les bords du
. Cocyte.
$2
Devoftre mort& de la mienne,
Arreſtez
GALANT. 169
Arreftez le coup mal- heureux ;
Iris , quelque tard qu'elle vierne,
Cefera trop toftpour nous deux.
VIGNIER.
de divers Ouvrages galans
que je vous ay envoyez, de
M' Vignier de Richelieu ,,
que je croirois vous priver
d'un grand plaifir , fi je négligeois
de vous faire part
des Vers qu'il a fairs pour
une tres - aimable Demoilelle,
qu'il preffe de fortir d'une
Maifon qui menace rüine ,
O ij
164 MERCURE
& où il croit
qu'elle ne peutdemeurer
fans un peril évident
. Voicy ce qu'il luy écrit.
$2: 5$52525:
5225555
A
MADEMOISELLE
D'ORVILLE .
I
STANCE S.
Ris , fortez de voftre Cage,
Ne
demeurez plus dans un Lien,
Oufans
l'affiftance de Dieu,
Vous estes tous lesjours prefte à plier
bagage.
Sa
f
Voyez quelle est vostre conduite,
De voir les Rats quitter leurs trous
Et n'ofer demeurer chés vous ,
GALANT. 165
Et de ne vouloir pas profiter de leur
fuite.
SS
Encor fi vouspechiez en âge,
Vous auricz un peu moins de tort
Maiscen'estpas estrefort fage,
Que d'estrè belle &jeune , & d'avancerfa
mort..
SS
Connoiffant le perilfi proche,
Pouvez- vous dormir en repos,
Et penfiz- vous que vostre des
Soitpour vous garantir, ou de bronze,
oa de roche?
S&
Confiderant cette avanture,
Tout le monde fera d'accort,
Que vous avezun efprit fort,
Mais que vous n'avezpas la cervelle
affez dure.
166 MERCURE
$2
Des Vertus vous estes l'exemple,
Maispour dire la verité,
On ne peutfans temerité,
Vous aller rendre hommage en vostre
frelle Temple.
Sa
Voulez- vous eftre l'homicide
De vous mefme & de vos amis,
Ou fi c'est à vos Ennemis ,
Que vous dreffez ce piége enfaisant
L'Intrépide?
SS
C'eft une chofe pitoyable ,
Qu'ilfautpour vous voirfeurement,
Se confeffer dévotement,
Et fe mettre en état de n'aller pas au-
Diable.
S2
Il eft auffi fort néceſſaire,
GALANT. 167
Qu'étant de touspechez abſous,
Ceux qui veulent aller chez vous,.
Pourfaire Teftament appellent icur
Notaire.
$2
Tel cft charmé de vos æillades ,
Qui craintfort voftre bebergemět,
Et quiferoitfon logement,
Plutoft fur un Rampart au feu des
Moufquetades.
S&
Si vous y restezparfineſſe,
Et pour éprouver un Amant,
Une vifite d'un moment,
Vous marquerafans doute un grand
fonds de tendreffe .
S&
Ah, quelle nouvelle fatale,
Si quelqu'unme difoit dans peu,
Iris fans manquer àſon væu,
Vient d'eftre enfevelie ainſi qu'une
Veftale!
168 MERCURE
Se
Cette beauté qu'on idolâtre,
Ge teint de Rofes & de Lys,
Pourroient- ils dans un tel débris
Conferver leur éclat fous des monscaux
de plâtre?
$ 2
Non , dans un étatfifunefte,
On ne vous reconnoistreitpar
Et de tant de charmans appas
Eft- ce là , direit- on , est- ce là ce qui
refte?
22
Maistouché de vostre merite,
Et tout penetré de douleur,
Suivant le panchant de mon coeur,
l'irais vous retrouverfur les bords du
. Cocyte.
$2
Devoftre mort& de la mienne,
Arreſtez
GALANT. 169
Arreftez le coup mal- heureux ;
Iris , quelque tard qu'elle vierne,
Cefera trop toftpour nous deux.
VIGNIER.
Fermer
Résumé : A MADEMOISELLE D'ORVILLE. STANCES.
Une lettre est adressée à une demoiselle d'Orville pour lui transmettre des vers écrits par M. Vignier de Richelieu. L'auteur exprime une inquiétude concernant la maison de la demoiselle, qui menace de ruine et représente un danger imminent. Les vers mettent en garde la demoiselle contre ce péril et l'encouragent à quitter les lieux. L'auteur utilise des métaphores, comme celle des rats quittant leurs trous, pour illustrer la nécessité de partir. Il souligne que, malgré sa jeunesse et sa beauté, la demoiselle court un risque en restant dans cette maison. Les vers évoquent les vertus de la demoiselle mais insistent sur le danger de rester dans un lieu en péril. L'auteur exprime sa crainte qu'elle ne soit victime d'un accident fatal et la supplie d'arrêter le 'coup mal-heureux' en quittant les lieux avant qu'il ne soit trop tard.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 145-202
PROCEZ D'UNE PETITE FILLE reclamée par deux meres.
Début :
Ce Procez se poursuit presentement à Lyon ; mais je prendray [...]
Mots clefs :
Femme, Joie, Mari, Mariage, Grossesse, Amour, Aventure, Bon bourgeois, Grimaces, Procès, Lyon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PROCEZ D'UNE PETITE FILLE reclamée par deux meres.
PROCEZ
D'UNE PETITE FILLE
reclamée par deuxmeres.
Ce Procez sepoursuit
presentement à
Lyon ; mais je prendray
l'histoire de plus
loin, car on vient de
m'envoyer des Mémoires
secrets sur l'origine
de cette Avanture.
Ce sont les amours
d'un jeune Lyonnois
& d'une jeune Lyon.,-
noise. Je tairay le nom
de ces deux Amants;
l'histoire est pourtant
publique. Tout Lyon
les connoist
, toute la
Ville les nomme;je ne
les nommeray point ,
je veux estre plus difcret
qu'uneVille entiere.
Leurs noms de
1 galanterie
-
seront , si
vous voulez, Cleonte
& Angelique; & sans
rien changer au fond
de l'Avanture
,
je déguiseray
feulement les
noms, & les qualitez
des principauxActeurs.
Angelique & Cleonte
se rencontrerent par
hazard dans uneAssemblée.
Angelique fille
sage & modeste regarda
tant Cleonte dés la
premiere fois ,-que dés
la seconde ellen'osoit
plus le regarder; mais
C leonte moinstimide
fixasi tendrement ses
yeux sur elle qu'il en
devint passionnement
amoureux.
,-. SiAngeliqueestbrune
ou blonde,si Cleonte
a beaucoup d'esprit
: ous'ilenapeu je n'en
sçay rien. On ne m'a
pas fait le détail de
leurs perfections; mais
j'ay sçuqu'ilss'entr'aimerent
comme s'ils
eussentesté parfaits.
Cleonte trouva un
jour l'occasion de parleren
particulier à Angélique;
d'abord'illuy
fitune déclaration d'amour
à la françoise, &
sans s'amuserà luy apprendre
qu'il l'aimoit,
il commença par luy
jurer qu'il l'aimeroit
toute savie; mais Angelique
le conjura de
ne la point aimer,parce
que des raisons defamille
l'empescheroient
de pouvoir jamais estre
àluy.
Que je fuis malheureux
! s'écria Cleonte,
un Pere avare que j'ay
m'empeschera aussi
d'estre à vous. Ils se
conterent l'un à autre
toutes les raisons de samille
qui s'oppoloienç
à leurunion, & là dessus
ils resolurenttresprudemment
de ne se
plus voir. Angélique
s'en alloit, mais par un
excez de prudence elle
revint sur ses pas pour
défendre à Cleonte de
penjferjamais à elle,,
Ouy ,dit-elle
, pour
vostre repos je vous defends
de maimer. Que
vous estes cruelle! s'é.
cria Cleonte, de soup-.
çonner feulement que
je puisse vous obéir !
ah ! me défendre de
vous aimer c'est me
prouver que vous ne
m'aimez P"ueres.Enfui.
te il se plaignit de [on
malheur en des termes
si tendres, si passionnez
qu'Angelique en soupira,
& luy dit en
voulant fuir
,
he bien
Cleonte aimez moy
donc; mais jevous deffends
de me voir jamais.
Cleonte l'arreste,
se jette à ses genoux, se
desespere;vousaimer
sans vous voir , vous
voulez donc que je
meure. Helas! luy répond-
elle, (croyant
déja le voir mourant)
helas voyez-moy donc;
mais ne me parlez plus
de vostreamour.Autre
dcfefpoir : autres menaces
de mourir.He
bien (dit Angelique
toute troublée ) vous
me parlerez donc; mais
que personne n'en sçacherien
;car si j'y con*
sens,c'est dans fefpe*
rance qu'il arrivera
quelque changement
dans nos affaires.Il en
arrivera sans doute, reprit
Cleonte ; mon amour
m'enassure.~urf
Ils se quitterent dans
l'esperance de pouvoir
obtenir par leurs soins leconsentement de
leurs parents, &C se virent
plusieurs fois pour
se rendre compte des
facilitez qu'ils se fia-,
toient d'avoir trouvées.
Cependant les
obstacles estoient tousjours
lesmesmes; ilsne
diminuoient qu'à leurs
yeux; mais ils se 1es
diminuoient l'unà l'autreàmesure
que Ie.de-!
sir. de les surmonter
augmentent dans tous
les deux. En un mot
leur amour les aveugla
si fort qu'en peu de
jourstoutesles difficultez
di sparurent. Ils se
persuaderent fermement
que rien ne pouvoit
plus s'opposer à
leur Mariage, & qu'ils
n'avoientcontreeux
qu'un peu de temps à»
attendre. Ils remirent
donc lesformalitezà
ce temps- là;mais dés ce
mesme jour la foy de
Mariage fut donnéereciproquement.
UnAnneau
fut mis au doigt
de l'Epouse, & tous
deux convaincus que
lafoy mutuelle& l'anneau
nuptial suffisoient,
tous deux enfin
dans l'aveuglement &
dans la bonne foy s'imaginerent
estrsassez
mariez pour pouvoir
s'assurer qu'ilsl'estoient..
Le Pere de Cieonte
estoit pour lorsà Paris.
SonconsentementcC*
toit necessaire, & nos
Epouxestoient convenus
que c'estoit par la,
qu'il falloitcommencer.
AinsiCieonteresolut
de partir au plustost.
Les adieux furent:
plus tendres que tristes,
parce que Cleorite
estoit seur, disoit-il,
de rapporter le con fen^
tement de son pere. Il
ne quittoit Angélique
que pour aller saffurer
le bonheur de passer avec
elle le reste de la
vie. Il part enfin, 84
laisse Angelique fort
triste de son dépare,
mais tres - persuadée
que le mariage se confirmeroit
à ion retour.
Quelques semaines
secoulerent: Angéliqueentrela
tristesse &
l'esperance n'estoit pas
tant à plaindre qu'elle
le fut dans lafuite. Les
reflexions commencèrentà
la troubler:elle
envisage sa faute, elle
en a honte; maiselle
se flate quecette honte
seratousjours Ignoree, ,
ne sedoutant point jusques-
là
ques-là quelle portoit
dans son sein une preuve
qu'on ne peut tenir
cachée qu'env iron huit
ou neuf mois. Elle ne
connoissoitencore quune
partie du mal qu'-
elleaveit fait: ainsielle
n'en estoit qu'à demi
repentante. Ses regrets
estoient moderez par
un souvenir agréable ;
les regrets sinceres ne
luy vinrentqu'avec les
maux de coeur. ;
Imaginez-vous ses
allarmes & sa douleur;
joignez à cela l'absence
de san Amant : elle
n'en recevoit aucunes
nouvelles; elle se crut
oubliée, trahie, abandonnée.
A quis'en
plaindre? à qui se con- «
sier dans une situation
si cruelle?elle ne trouve
de sou lagement que
dans ses larmes. Laifsons-
la pleurer à loisir
pendantque nous parlerons
des autres personnes
qui ont part à
cette avanture.
Une femme debien,
avoit épousédepuis
quelques années un
bon Bourgeois fortcurieux
d'avoir lignée
,
& fort mal intentionné
pour ses heritiers
collateraux. Cette femme
que je nommeray
Donmene ,va fraire icy
un personnage tout Opt
posé à celuy d'Angelique,
Dorimene avoit le
malheur d'estre sterile,
& c'est ce qui la de[c!:
peroit, car cette sterilité
la faisoit presque,
haïr de son Mary. Le
bon. Bourgeois qui se
preparoit pour lors à
faire un long voyage,
estoit au desespoir de
partir sans sestre assuré
un ,
héritier. Un soir
qu'il rentroit chez luy
triste & rêveur, sa sens"
me qui avoit médité
tout le jour la maniéré
dont ellele recevroit,
attend le momentqu'il
rentre dans sachambre,
court, à luy comme
une femme transportée
de joye
y
se jette à son
col encriant d'unevoix
entrecoupée
,
bonne
nouvelle mon cherMary
! bonne nouve lle !
j'ay tant de joye que je
ne puis parler. Quelle
joye?dit le Mary,de
quoy s'agit-il?Elle, au
lieu de repondre
, recule
quelques pas comme
une femme qui
chancelle, & se laiflc
tomber sur un fauteüil
, en feignant de sévanouir.
Le bon homme
allarmé s'empresse à la
fairerevei-iirellerevient
un peu, le regain
de tendrement, & luy
dit d'une voix soible
ah mon cher maryî
voicy la troisiéme fois
que je m'évanouisdepuis
ce matin
,
& ce
font ces cvanoiiilïcments
qui j-ont ma
joye. Elle recommence
à lembrasser:nouvelle
joye; nouveaux transports.
Estes-vousfolle?
dit leMary Je vous le
repete répliquala femme
, ce sont ces éva- nouiflèments,& ces
maux decoeurqui me
charment, car ils confirment
les doutes que
j'aydepuis quelque
temps. Oïïy mon cher
Mary,jecroisqu'enfin
je suis en estat de vous
donner un gcag9e v0ivant de ma tendresseconjugale.
Ah Ciel! s'écrie
le
le bon Bourgeois3quoy
vous feriez enceinte ?
-cfc-ilpossible?Ellejure
qu'ellele croie. Il
-cmbra& à on tour cetle
qu'ilcroit fécondé;
il est plus charmé qu'-
elle ne seignait de l'estre.
Ce n'e st plus entr'eux
que"mnfports,
que larmes de joye
feintes & veritables.
En un mot depuis ce
moment jusqu'à son
dépare elle joua cette
alternative de joye Se
d'évanoüissement. Et
il partit convaincu qu'-
il trouveroit à Ion retour
Je fils aisné de plusieurs
autresqu'elle luy
promit en iuy disant
adieu.
Dés que leMary fut
parti, Dorimene ne
s'occupa plus que du
foin de paroistre grosse
aux yeux de ses voisiÎIGS
)
& de terminer
cette grossesse comme
si elle eust esté veritable.
Pourcela-ilfalloit
un Enfant d'emprunt;
il falloit confier son
dessein à quelqu'un qui
pust l'aider. Elle fut
trouve£r uneJSage-fem- me qui avoit été autrefois
sa Servante, femme
habile, inventive,
une intriguante enfin,
qui s'appelloit Nerine.
Aprésavoir promis
- une grosse recompense
à cette Nerine
,
Dorimene
luy dit en deux
mots que son dessein
estoit dedonner un fils
à son Mary.
Nerine pleine de ze- lecommenceà luy faire
l'éloge du plus dis-
* cret de tous les jeunes
Lyonnois qu'elle connoissoit.
Dorimenel'interrompt
avec coleré.
Estes-vous folle? ne
po. ,,>
me., connoissez * pas?Jevous - vous pas? Je vous ccoonnnnooiiss
de reste, dit Nerine ;
mais pour faire plaisir à
son Mary,une honneste
femme ne pourroitelle
pas Taisezvous
Nerine. Mais
comment faire donc
Madame ? Comment
faire? reprit Dorimen-
e, je vais vous expliquer
mon dessein,
Dorimene & Nerine
eurent ensemble une
conversation fort
longue. Pour conclure
en deux mots ,
qu'il
fcilloit chercher dansla
Villequelque femme
ou fillequi craignift autant
de paroistreMere
que Dorimene souhaitoit
de lcHre,afin qu'-
elle voulust bien luy
cederson droit de male
ternité.
rendant que nostre
intriguante va cher- ,
cher cet enfant de hazard
chez les plus jolies
personnes de la
Ville,quoyquecela se
trouve aussi chez les
plus laides, Dorimene
commence à joüer toutes
les affectations &
les grimaces d'une premiere
grossesse. Propose-
t-on à Dorimene
une Promenade , elle
l'accepteroit, dit-elle ;
mais la difficulté c'est
la voiture. Le Carosse
la blesserois ; la Chaise
à Porteurs luy souleve
lecoeur; elleapeuren
Batteau ; à pied on fait
des faux pas, le plus
leurest de rester chez
elle; mais elle craint
d'y donner à joüer. Les
grimaces & les contorfions
des Joüeurs luy
sont horreur;elle ne
veut voir que des femmes
gracieuses &C de
beaux hommes. Point
de Spectacles, surtout
I ni Comed ies niOperai,
elle accoucheroit d'un
Neptune ou d'un Arlel.
quin. Elle se reduit
donc au plaisir de la
bonne chere ; elle s'y
dédommagé en se jettant
sur les plus friands
morceaux. Elle les arrache
à ses voisins de
Table: tout permis,
dit-elle,c'est une envie
de femme grosse ; elle
veut mangerde tout ce
qu'elle voit, & dire
tout ce qui luy vient
en pensée,jusqu'à des
médisances, de crainte
que son Enfantn'en
foit marqué.
Parmy toutes ces
feintes, elle n'oublie
pas la principale; il
sautfigurerpar laceinture.
Elle applique
fous un large Corcet
un Coussinet de satinbien
matclasséferriblable
à ceux dont les femmes
maigresse font des
hanches majestueuses.
Dorimene s'en garnit,
& prend foin d'augmenterdemoisenmois
cette grossesse de cotton.
En un mot ,
elle
joüe son rolle si naturellement
que les plus
sins y sont trompez.,
Retournons à la pauvre
Angélique qu_i- prend a*utant de peine,<,
àcacher les défauts de
1 la taille, que celle-cy.
etnipreendnpounr gaester.la
Angélique estoit ro.
peu prés sur son septicme
mois lorsqu'elle sucj
contrainte par une mere
imperieuses qu'elle^
avoit dalleravecelle,
misiter une voisine,&
cette voisine effoit
stement Dorimene.
Cette Mere dd''AAnnggecil'il--
que estoit scrupuleuse
sur Je cérémonial des
visites. Elle '- en devoit
,
une à Dorimene;elle
veut absolument que
[1. fille l'accompagne
dans ce devoir indis-
I pensable. Angelique obéït,&
les voilà chez
I Dorimeneoù plusieurs
autres voisines scitoientassemblées.
;:;.
Angelique souffre 8c
gémit de se voir emprisonnée
dans un habit
serieux ; son corps
la ferre cruellement
quoyqu'il foit lassé
.bien lasche.Ellesetient
droite & se guinde en
hauteur pour tenir
gmoines deuplaceren.lar- Dorimene au coiw
traire estale la grossesse
avec ostentation, bien
à son aise, sans ceinture,
sa Robbe ouverte
à deux battans , appuyant
nonchalemment
ses deux bras
croisez sur l'honorable
fardeau dont chacun
la selicite. Quel crevercoeur
pour Angelique!
quel contraste ! Helas!
dit-elleenellemesme,
que cette femme effc
.t.Jcureu!e de pouvoir
ainsi fairegloire de ce
qui fera ma honte
,
si
l'on s'en apperçoit.
La Sage-femme eCtoit
pour lors dans la
chambre de Dorimene
qui affeotoit de la tenir
prés d'elle depeurd'accident.
Dés qu'Angeliqueavoit
paru cette
rusée avoit remarque
sa taille renforcée &
contrainte
,
sa démarche
che pesante&embarxaffée;
il n'en falloitpas
davantage pour donner
des soupçons à une
connoisseuse. Elle observe
de plus unvisage
affligé & maigri dont
les traitss'a longent. -
Angélique s'apperçoit
qu'on l'examine;elle
est troublée
,
il n'enfaut
pas davantage
pour mettre Nerineau
fait. Cette intriguante
s'approche de Dorimene,
& luydit à l'oreille
: voilà une fille qui
a bien la mine d'avoir
de trop de ce qui
vous manque.
Angeliqua la voyant
parler bas ne douta
plus du jugement
qu'on faisoit d'elle, 8c
pour surcroist de malheur
quelqu'un s'avisa
de dire à Dorimene
qu'elle cfkoit en de boa*
nes mains davoir Nerine
pour Sage-femme.
Au mot de Sage - femme
Angelique paslit
comme un Criminel
qui voit son Juge. La
Mere crut quelle se
trouvoit mal. Nerine
officieuse courut la secourir
par avance, &
c'est ce qui acheva de
lu troubler. Dés que la
Sage-femme a mis la
main sur elle se croit à
terme; lapeurlasaisit;
- elle tombe en foiblesse.
Onla porte sur un lit}-
dans une chambre voisineoù
fous prétexte de
la laisser rcpofcr
,
sa
Mere& lesautres femmes
qui avoientaidé à
la faire revenir de sa
foiblesse, la laisserent
feuleavec Nerine.
Ce fut là le premici:
moment de bonheur
pour Angéliquedepuis
le départde sonAmant,
car Nerine, aprés toutes
les façons que vous
pouvez vous imaginer,
luy fit tout avoüer,
devint sa Confidente ,
& luy promit de la ri.
rer d'affaire sans que sa
Mere mesme puft s'en
appercevoir. En effet,
depuis ce jour-là Ntri,
ne & Angélique prirent
secretement des
mesures.Angélique avoit
une Tante qu'elle
aimoitfort;elle resolut
de luy confier son secret.
Cette Tante avoit
une Maison de Campagne
fort prés de la
Ville. Àinsï quand Nerine
jugea qu'il estoit
temps, la Tante obtint
de la Mere que sa filfe"
iroit passer quelques
jours avec elle à la campagne.
-
Ce fut là qu'Angelique,
parle lecours de
Nerine, se debarassa de
ce qui pouvoit nuire a
sa réputation. Elle retourna
bientost aprés à
la Ville où elle parut
plusbelle, plus fraische,
& plus fille que
jamais.
--
Voicy où comment
cele sujet du Procez.
LaTante& laNièce,
à la sollicitation de Ne- Il-le, conv inrent qu-):-
elle se chargeroit de
l'Enfant qu'elle pro-
~,
mitparunBilletdereprefencerroutes
les fois
que l'amour maternel
d'Angelique la presseroit
de voir en secret
cette petite fille, car
c'eneftoitune, 6L qui
ressembloit parfaitement
à saMere.
Nerine part avec la
petite fille, & court
d'abord chez Dorimene
nequi n'attendoit que
l'heure d'accoucher de
l'Enfant d'Angelique.
Elle s'estoit mise depuis
quelques jours au
lit, oùplusieurs voisiries
la venoient voir.
Les témoins luy efc
toient necessaires afin
qu'on ne pust dans la
fuite luy chicaner la
proprieté de l'Enfant
qui alloit paroistre. Il
falloit donc que ces
voilines vissent & ne
vissent pas; c'e st ce qui
l'embarassoit; car elles
estoient trop curieuses
& trop empressées à la
secourir. Ilestoitdifficile
d'éluder leurs curiositez
ind iscretes.
D'un autre côté Nerineestoitarrivée
avec
l'Enfant parune petite
ruë destournée oùdonnoit
un Jardin de la
maison.Ellegagnapar
un degré dérobe une
Garderobeoù ellelaissa
l'Enfant. Cette Garderobe
donnoit dans la
ruelle du lit de Dorimene
; Nerine entra
seule dans la chambre a donnalesignal.Ausc?
si-tost Dorimene pria
lesvoisines delalaisser
reposer.Elless'éloignèrenttoutesjusqu'à
l'autre
bout de la chambre
,
& bien ditDorimene
impatiente, a
-
quoy en sommes nous.
Tout va bien répond
tout bas Nerine;nous
avons tiré d'affaire nostre
pauvre fille enceinte,
& je vais vous faire
acoucher de l'Enfant
de cette fille-là.
Pendant qu'elles parloient
bas de la maniere
dont elles alloient
joüerdes gobelets l'Enfant
quis'ennuyoitseul
dans la Garderobese
mità crier comme un
Enfant déjà né; lesvoisines
entendirent ces
cris, prématurez
,
6c
tout estoit perdu si Dorimene
n'eu a eu la prefence
d'esprit de couvrir
les cris de l'Enfant
par les siens.Nerine
crioitaussi
, courage,
Madame, courage, &
cela fit un chorus pareil
à celuy que firent
jadis les Corybantespour
cacher àSaturne
les cris du jeuneJupi- ter.
Dans ce moment
Nerine escamota siadroitement
l'Enfant,
que l'ayant glissé sur le
bord du lit, elle l'en
tira comme s'ilfustvenu
de plus loin,& le fit
voir à ces connoisseuses
qui s'estoient avancées.
Elles admirerent sa
beauté, le trouvant
pourtant un peu trop
fort pour sonâge. Nerine
leur figne que la
malade avoit un grand
mal de teste.Elles sortirent
doucement sur
la pointe du pied en
attendant le Baptesme
qui se fit le lendemain
soletnnel lement.
Voila un Enfant
bienvrayemblablement
establidans lafamille
deDorimene.Il y
fut élevépendantquel:
que temps sans qu'Angelique
sceutque c'efroit
le sien. On ne m'a
point dit comment eJ-*
Je en fut in struite;mais
faites attention icy à
ia circonstance la plus
eftonnante de toute
l'histoire. Vous avez
veu la timide Angelique
cacher en tremblant
les fuites de son
mariagesecret, &C on
la voit à present reclamer
publiquement le
témoin de sa faute. Ellenecraint
plus de publier
sa honte: cechangement
neparoist pas
vraysemblable ; c'est
cependant un fait public
, dC qui, comme
j'ay dit, fait à present à
Lion lesujet d'un
grandProcez. L'Avocat
dit que l'amour, matemelseul
la déterminéeàfaireuntel
éclat;
maiselle a eu des raisons
particulières que
je ne puis encore reveler
au public, quand le
Procez sera jugé
,
il
me fera permis dedire
ce que je sçai de ce dé..
nouement,quinerouleencoreà
Lyon, que
sur ladéclaration de la
Sâge- femme.
D'UNE PETITE FILLE
reclamée par deuxmeres.
Ce Procez sepoursuit
presentement à
Lyon ; mais je prendray
l'histoire de plus
loin, car on vient de
m'envoyer des Mémoires
secrets sur l'origine
de cette Avanture.
Ce sont les amours
d'un jeune Lyonnois
& d'une jeune Lyon.,-
noise. Je tairay le nom
de ces deux Amants;
l'histoire est pourtant
publique. Tout Lyon
les connoist
, toute la
Ville les nomme;je ne
les nommeray point ,
je veux estre plus difcret
qu'uneVille entiere.
Leurs noms de
1 galanterie
-
seront , si
vous voulez, Cleonte
& Angelique; & sans
rien changer au fond
de l'Avanture
,
je déguiseray
feulement les
noms, & les qualitez
des principauxActeurs.
Angelique & Cleonte
se rencontrerent par
hazard dans uneAssemblée.
Angelique fille
sage & modeste regarda
tant Cleonte dés la
premiere fois ,-que dés
la seconde ellen'osoit
plus le regarder; mais
C leonte moinstimide
fixasi tendrement ses
yeux sur elle qu'il en
devint passionnement
amoureux.
,-. SiAngeliqueestbrune
ou blonde,si Cleonte
a beaucoup d'esprit
: ous'ilenapeu je n'en
sçay rien. On ne m'a
pas fait le détail de
leurs perfections; mais
j'ay sçuqu'ilss'entr'aimerent
comme s'ils
eussentesté parfaits.
Cleonte trouva un
jour l'occasion de parleren
particulier à Angélique;
d'abord'illuy
fitune déclaration d'amour
à la françoise, &
sans s'amuserà luy apprendre
qu'il l'aimoit,
il commença par luy
jurer qu'il l'aimeroit
toute savie; mais Angelique
le conjura de
ne la point aimer,parce
que des raisons defamille
l'empescheroient
de pouvoir jamais estre
àluy.
Que je fuis malheureux
! s'écria Cleonte,
un Pere avare que j'ay
m'empeschera aussi
d'estre à vous. Ils se
conterent l'un à autre
toutes les raisons de samille
qui s'oppoloienç
à leurunion, & là dessus
ils resolurenttresprudemment
de ne se
plus voir. Angélique
s'en alloit, mais par un
excez de prudence elle
revint sur ses pas pour
défendre à Cleonte de
penjferjamais à elle,,
Ouy ,dit-elle
, pour
vostre repos je vous defends
de maimer. Que
vous estes cruelle! s'é.
cria Cleonte, de soup-.
çonner feulement que
je puisse vous obéir !
ah ! me défendre de
vous aimer c'est me
prouver que vous ne
m'aimez P"ueres.Enfui.
te il se plaignit de [on
malheur en des termes
si tendres, si passionnez
qu'Angelique en soupira,
& luy dit en
voulant fuir
,
he bien
Cleonte aimez moy
donc; mais jevous deffends
de me voir jamais.
Cleonte l'arreste,
se jette à ses genoux, se
desespere;vousaimer
sans vous voir , vous
voulez donc que je
meure. Helas! luy répond-
elle, (croyant
déja le voir mourant)
helas voyez-moy donc;
mais ne me parlez plus
de vostreamour.Autre
dcfefpoir : autres menaces
de mourir.He
bien (dit Angelique
toute troublée ) vous
me parlerez donc; mais
que personne n'en sçacherien
;car si j'y con*
sens,c'est dans fefpe*
rance qu'il arrivera
quelque changement
dans nos affaires.Il en
arrivera sans doute, reprit
Cleonte ; mon amour
m'enassure.~urf
Ils se quitterent dans
l'esperance de pouvoir
obtenir par leurs soins leconsentement de
leurs parents, &C se virent
plusieurs fois pour
se rendre compte des
facilitez qu'ils se fia-,
toient d'avoir trouvées.
Cependant les
obstacles estoient tousjours
lesmesmes; ilsne
diminuoient qu'à leurs
yeux; mais ils se 1es
diminuoient l'unà l'autreàmesure
que Ie.de-!
sir. de les surmonter
augmentent dans tous
les deux. En un mot
leur amour les aveugla
si fort qu'en peu de
jourstoutesles difficultez
di sparurent. Ils se
persuaderent fermement
que rien ne pouvoit
plus s'opposer à
leur Mariage, & qu'ils
n'avoientcontreeux
qu'un peu de temps à»
attendre. Ils remirent
donc lesformalitezà
ce temps- là;mais dés ce
mesme jour la foy de
Mariage fut donnéereciproquement.
UnAnneau
fut mis au doigt
de l'Epouse, & tous
deux convaincus que
lafoy mutuelle& l'anneau
nuptial suffisoient,
tous deux enfin
dans l'aveuglement &
dans la bonne foy s'imaginerent
estrsassez
mariez pour pouvoir
s'assurer qu'ilsl'estoient..
Le Pere de Cieonte
estoit pour lorsà Paris.
SonconsentementcC*
toit necessaire, & nos
Epouxestoient convenus
que c'estoit par la,
qu'il falloitcommencer.
AinsiCieonteresolut
de partir au plustost.
Les adieux furent:
plus tendres que tristes,
parce que Cleorite
estoit seur, disoit-il,
de rapporter le con fen^
tement de son pere. Il
ne quittoit Angélique
que pour aller saffurer
le bonheur de passer avec
elle le reste de la
vie. Il part enfin, 84
laisse Angelique fort
triste de son dépare,
mais tres - persuadée
que le mariage se confirmeroit
à ion retour.
Quelques semaines
secoulerent: Angéliqueentrela
tristesse &
l'esperance n'estoit pas
tant à plaindre qu'elle
le fut dans lafuite. Les
reflexions commencèrentà
la troubler:elle
envisage sa faute, elle
en a honte; maiselle
se flate quecette honte
seratousjours Ignoree, ,
ne sedoutant point jusques-
là
ques-là quelle portoit
dans son sein une preuve
qu'on ne peut tenir
cachée qu'env iron huit
ou neuf mois. Elle ne
connoissoitencore quune
partie du mal qu'-
elleaveit fait: ainsielle
n'en estoit qu'à demi
repentante. Ses regrets
estoient moderez par
un souvenir agréable ;
les regrets sinceres ne
luy vinrentqu'avec les
maux de coeur. ;
Imaginez-vous ses
allarmes & sa douleur;
joignez à cela l'absence
de san Amant : elle
n'en recevoit aucunes
nouvelles; elle se crut
oubliée, trahie, abandonnée.
A quis'en
plaindre? à qui se con- «
sier dans une situation
si cruelle?elle ne trouve
de sou lagement que
dans ses larmes. Laifsons-
la pleurer à loisir
pendantque nous parlerons
des autres personnes
qui ont part à
cette avanture.
Une femme debien,
avoit épousédepuis
quelques années un
bon Bourgeois fortcurieux
d'avoir lignée
,
& fort mal intentionné
pour ses heritiers
collateraux. Cette femme
que je nommeray
Donmene ,va fraire icy
un personnage tout Opt
posé à celuy d'Angelique,
Dorimene avoit le
malheur d'estre sterile,
& c'est ce qui la de[c!:
peroit, car cette sterilité
la faisoit presque,
haïr de son Mary. Le
bon. Bourgeois qui se
preparoit pour lors à
faire un long voyage,
estoit au desespoir de
partir sans sestre assuré
un ,
héritier. Un soir
qu'il rentroit chez luy
triste & rêveur, sa sens"
me qui avoit médité
tout le jour la maniéré
dont ellele recevroit,
attend le momentqu'il
rentre dans sachambre,
court, à luy comme
une femme transportée
de joye
y
se jette à son
col encriant d'unevoix
entrecoupée
,
bonne
nouvelle mon cherMary
! bonne nouve lle !
j'ay tant de joye que je
ne puis parler. Quelle
joye?dit le Mary,de
quoy s'agit-il?Elle, au
lieu de repondre
, recule
quelques pas comme
une femme qui
chancelle, & se laiflc
tomber sur un fauteüil
, en feignant de sévanouir.
Le bon homme
allarmé s'empresse à la
fairerevei-iirellerevient
un peu, le regain
de tendrement, & luy
dit d'une voix soible
ah mon cher maryî
voicy la troisiéme fois
que je m'évanouisdepuis
ce matin
,
& ce
font ces cvanoiiilïcments
qui j-ont ma
joye. Elle recommence
à lembrasser:nouvelle
joye; nouveaux transports.
Estes-vousfolle?
dit leMary Je vous le
repete répliquala femme
, ce sont ces éva- nouiflèments,& ces
maux decoeurqui me
charment, car ils confirment
les doutes que
j'aydepuis quelque
temps. Oïïy mon cher
Mary,jecroisqu'enfin
je suis en estat de vous
donner un gcag9e v0ivant de ma tendresseconjugale.
Ah Ciel! s'écrie
le
le bon Bourgeois3quoy
vous feriez enceinte ?
-cfc-ilpossible?Ellejure
qu'ellele croie. Il
-cmbra& à on tour cetle
qu'ilcroit fécondé;
il est plus charmé qu'-
elle ne seignait de l'estre.
Ce n'e st plus entr'eux
que"mnfports,
que larmes de joye
feintes & veritables.
En un mot depuis ce
moment jusqu'à son
dépare elle joua cette
alternative de joye Se
d'évanoüissement. Et
il partit convaincu qu'-
il trouveroit à Ion retour
Je fils aisné de plusieurs
autresqu'elle luy
promit en iuy disant
adieu.
Dés que leMary fut
parti, Dorimene ne
s'occupa plus que du
foin de paroistre grosse
aux yeux de ses voisiÎIGS
)
& de terminer
cette grossesse comme
si elle eust esté veritable.
Pourcela-ilfalloit
un Enfant d'emprunt;
il falloit confier son
dessein à quelqu'un qui
pust l'aider. Elle fut
trouve£r uneJSage-fem- me qui avoit été autrefois
sa Servante, femme
habile, inventive,
une intriguante enfin,
qui s'appelloit Nerine.
Aprésavoir promis
- une grosse recompense
à cette Nerine
,
Dorimene
luy dit en deux
mots que son dessein
estoit dedonner un fils
à son Mary.
Nerine pleine de ze- lecommenceà luy faire
l'éloge du plus dis-
* cret de tous les jeunes
Lyonnois qu'elle connoissoit.
Dorimenel'interrompt
avec coleré.
Estes-vous folle? ne
po. ,,>
me., connoissez * pas?Jevous - vous pas? Je vous ccoonnnnooiiss
de reste, dit Nerine ;
mais pour faire plaisir à
son Mary,une honneste
femme ne pourroitelle
pas Taisezvous
Nerine. Mais
comment faire donc
Madame ? Comment
faire? reprit Dorimen-
e, je vais vous expliquer
mon dessein,
Dorimene & Nerine
eurent ensemble une
conversation fort
longue. Pour conclure
en deux mots ,
qu'il
fcilloit chercher dansla
Villequelque femme
ou fillequi craignift autant
de paroistreMere
que Dorimene souhaitoit
de lcHre,afin qu'-
elle voulust bien luy
cederson droit de male
ternité.
rendant que nostre
intriguante va cher- ,
cher cet enfant de hazard
chez les plus jolies
personnes de la
Ville,quoyquecela se
trouve aussi chez les
plus laides, Dorimene
commence à joüer toutes
les affectations &
les grimaces d'une premiere
grossesse. Propose-
t-on à Dorimene
une Promenade , elle
l'accepteroit, dit-elle ;
mais la difficulté c'est
la voiture. Le Carosse
la blesserois ; la Chaise
à Porteurs luy souleve
lecoeur; elleapeuren
Batteau ; à pied on fait
des faux pas, le plus
leurest de rester chez
elle; mais elle craint
d'y donner à joüer. Les
grimaces & les contorfions
des Joüeurs luy
sont horreur;elle ne
veut voir que des femmes
gracieuses &C de
beaux hommes. Point
de Spectacles, surtout
I ni Comed ies niOperai,
elle accoucheroit d'un
Neptune ou d'un Arlel.
quin. Elle se reduit
donc au plaisir de la
bonne chere ; elle s'y
dédommagé en se jettant
sur les plus friands
morceaux. Elle les arrache
à ses voisins de
Table: tout permis,
dit-elle,c'est une envie
de femme grosse ; elle
veut mangerde tout ce
qu'elle voit, & dire
tout ce qui luy vient
en pensée,jusqu'à des
médisances, de crainte
que son Enfantn'en
foit marqué.
Parmy toutes ces
feintes, elle n'oublie
pas la principale; il
sautfigurerpar laceinture.
Elle applique
fous un large Corcet
un Coussinet de satinbien
matclasséferriblable
à ceux dont les femmes
maigresse font des
hanches majestueuses.
Dorimene s'en garnit,
& prend foin d'augmenterdemoisenmois
cette grossesse de cotton.
En un mot ,
elle
joüe son rolle si naturellement
que les plus
sins y sont trompez.,
Retournons à la pauvre
Angélique qu_i- prend a*utant de peine,<,
àcacher les défauts de
1 la taille, que celle-cy.
etnipreendnpounr gaester.la
Angélique estoit ro.
peu prés sur son septicme
mois lorsqu'elle sucj
contrainte par une mere
imperieuses qu'elle^
avoit dalleravecelle,
misiter une voisine,&
cette voisine effoit
stement Dorimene.
Cette Mere dd''AAnnggecil'il--
que estoit scrupuleuse
sur Je cérémonial des
visites. Elle '- en devoit
,
une à Dorimene;elle
veut absolument que
[1. fille l'accompagne
dans ce devoir indis-
I pensable. Angelique obéït,&
les voilà chez
I Dorimeneoù plusieurs
autres voisines scitoientassemblées.
;:;.
Angelique souffre 8c
gémit de se voir emprisonnée
dans un habit
serieux ; son corps
la ferre cruellement
quoyqu'il foit lassé
.bien lasche.Ellesetient
droite & se guinde en
hauteur pour tenir
gmoines deuplaceren.lar- Dorimene au coiw
traire estale la grossesse
avec ostentation, bien
à son aise, sans ceinture,
sa Robbe ouverte
à deux battans , appuyant
nonchalemment
ses deux bras
croisez sur l'honorable
fardeau dont chacun
la selicite. Quel crevercoeur
pour Angelique!
quel contraste ! Helas!
dit-elleenellemesme,
que cette femme effc
.t.Jcureu!e de pouvoir
ainsi fairegloire de ce
qui fera ma honte
,
si
l'on s'en apperçoit.
La Sage-femme eCtoit
pour lors dans la
chambre de Dorimene
qui affeotoit de la tenir
prés d'elle depeurd'accident.
Dés qu'Angeliqueavoit
paru cette
rusée avoit remarque
sa taille renforcée &
contrainte
,
sa démarche
che pesante&embarxaffée;
il n'en falloitpas
davantage pour donner
des soupçons à une
connoisseuse. Elle observe
de plus unvisage
affligé & maigri dont
les traitss'a longent. -
Angélique s'apperçoit
qu'on l'examine;elle
est troublée
,
il n'enfaut
pas davantage
pour mettre Nerineau
fait. Cette intriguante
s'approche de Dorimene,
& luydit à l'oreille
: voilà une fille qui
a bien la mine d'avoir
de trop de ce qui
vous manque.
Angeliqua la voyant
parler bas ne douta
plus du jugement
qu'on faisoit d'elle, 8c
pour surcroist de malheur
quelqu'un s'avisa
de dire à Dorimene
qu'elle cfkoit en de boa*
nes mains davoir Nerine
pour Sage-femme.
Au mot de Sage - femme
Angelique paslit
comme un Criminel
qui voit son Juge. La
Mere crut quelle se
trouvoit mal. Nerine
officieuse courut la secourir
par avance, &
c'est ce qui acheva de
lu troubler. Dés que la
Sage-femme a mis la
main sur elle se croit à
terme; lapeurlasaisit;
- elle tombe en foiblesse.
Onla porte sur un lit}-
dans une chambre voisineoù
fous prétexte de
la laisser rcpofcr
,
sa
Mere& lesautres femmes
qui avoientaidé à
la faire revenir de sa
foiblesse, la laisserent
feuleavec Nerine.
Ce fut là le premici:
moment de bonheur
pour Angéliquedepuis
le départde sonAmant,
car Nerine, aprés toutes
les façons que vous
pouvez vous imaginer,
luy fit tout avoüer,
devint sa Confidente ,
& luy promit de la ri.
rer d'affaire sans que sa
Mere mesme puft s'en
appercevoir. En effet,
depuis ce jour-là Ntri,
ne & Angélique prirent
secretement des
mesures.Angélique avoit
une Tante qu'elle
aimoitfort;elle resolut
de luy confier son secret.
Cette Tante avoit
une Maison de Campagne
fort prés de la
Ville. Àinsï quand Nerine
jugea qu'il estoit
temps, la Tante obtint
de la Mere que sa filfe"
iroit passer quelques
jours avec elle à la campagne.
-
Ce fut là qu'Angelique,
parle lecours de
Nerine, se debarassa de
ce qui pouvoit nuire a
sa réputation. Elle retourna
bientost aprés à
la Ville où elle parut
plusbelle, plus fraische,
& plus fille que
jamais.
--
Voicy où comment
cele sujet du Procez.
LaTante& laNièce,
à la sollicitation de Ne- Il-le, conv inrent qu-):-
elle se chargeroit de
l'Enfant qu'elle pro-
~,
mitparunBilletdereprefencerroutes
les fois
que l'amour maternel
d'Angelique la presseroit
de voir en secret
cette petite fille, car
c'eneftoitune, 6L qui
ressembloit parfaitement
à saMere.
Nerine part avec la
petite fille, & court
d'abord chez Dorimene
nequi n'attendoit que
l'heure d'accoucher de
l'Enfant d'Angelique.
Elle s'estoit mise depuis
quelques jours au
lit, oùplusieurs voisiries
la venoient voir.
Les témoins luy efc
toient necessaires afin
qu'on ne pust dans la
fuite luy chicaner la
proprieté de l'Enfant
qui alloit paroistre. Il
falloit donc que ces
voilines vissent & ne
vissent pas; c'e st ce qui
l'embarassoit; car elles
estoient trop curieuses
& trop empressées à la
secourir. Ilestoitdifficile
d'éluder leurs curiositez
ind iscretes.
D'un autre côté Nerineestoitarrivée
avec
l'Enfant parune petite
ruë destournée oùdonnoit
un Jardin de la
maison.Ellegagnapar
un degré dérobe une
Garderobeoù ellelaissa
l'Enfant. Cette Garderobe
donnoit dans la
ruelle du lit de Dorimene
; Nerine entra
seule dans la chambre a donnalesignal.Ausc?
si-tost Dorimene pria
lesvoisines delalaisser
reposer.Elless'éloignèrenttoutesjusqu'à
l'autre
bout de la chambre
,
& bien ditDorimene
impatiente, a
-
quoy en sommes nous.
Tout va bien répond
tout bas Nerine;nous
avons tiré d'affaire nostre
pauvre fille enceinte,
& je vais vous faire
acoucher de l'Enfant
de cette fille-là.
Pendant qu'elles parloient
bas de la maniere
dont elles alloient
joüerdes gobelets l'Enfant
quis'ennuyoitseul
dans la Garderobese
mità crier comme un
Enfant déjà né; lesvoisines
entendirent ces
cris, prématurez
,
6c
tout estoit perdu si Dorimene
n'eu a eu la prefence
d'esprit de couvrir
les cris de l'Enfant
par les siens.Nerine
crioitaussi
, courage,
Madame, courage, &
cela fit un chorus pareil
à celuy que firent
jadis les Corybantespour
cacher àSaturne
les cris du jeuneJupi- ter.
Dans ce moment
Nerine escamota siadroitement
l'Enfant,
que l'ayant glissé sur le
bord du lit, elle l'en
tira comme s'ilfustvenu
de plus loin,& le fit
voir à ces connoisseuses
qui s'estoient avancées.
Elles admirerent sa
beauté, le trouvant
pourtant un peu trop
fort pour sonâge. Nerine
leur figne que la
malade avoit un grand
mal de teste.Elles sortirent
doucement sur
la pointe du pied en
attendant le Baptesme
qui se fit le lendemain
soletnnel lement.
Voila un Enfant
bienvrayemblablement
establidans lafamille
deDorimene.Il y
fut élevépendantquel:
que temps sans qu'Angelique
sceutque c'efroit
le sien. On ne m'a
point dit comment eJ-*
Je en fut in struite;mais
faites attention icy à
ia circonstance la plus
eftonnante de toute
l'histoire. Vous avez
veu la timide Angelique
cacher en tremblant
les fuites de son
mariagesecret, &C on
la voit à present reclamer
publiquement le
témoin de sa faute. Ellenecraint
plus de publier
sa honte: cechangement
neparoist pas
vraysemblable ; c'est
cependant un fait public
, dC qui, comme
j'ay dit, fait à present à
Lion lesujet d'un
grandProcez. L'Avocat
dit que l'amour, matemelseul
la déterminéeàfaireuntel
éclat;
maiselle a eu des raisons
particulières que
je ne puis encore reveler
au public, quand le
Procez sera jugé
,
il
me fera permis dedire
ce que je sçai de ce dé..
nouement,quinerouleencoreà
Lyon, que
sur ladéclaration de la
Sâge- femme.
Fermer
Résumé : PROCEZ D'UNE PETITE FILLE reclamée par deux meres.
Le texte relate une histoire complexe impliquant plusieurs personnages à Lyon. L'intrigue commence par une jeune fille, Angélique, qui est réclamée par deux mères lors d'un procès. Angélique et Cleonte, deux jeunes Lyonnais, tombent amoureux malgré les obstacles familiaux. Ils échangent des anneaux et se considèrent mariés, attendant le consentement de leurs parents. Cleonte part à Paris pour obtenir l'accord de son père. Pendant son absence, Angélique, enceinte, est tourmentée par la honte et l'absence de nouvelles de Cleonte, se croyant trahie et abandonnée. Parallèlement, Dorimene, une femme stérile, simule une grossesse pour satisfaire son mari. Elle cherche une femme ou une fille enceinte pour adopter son enfant. Nerine, une sage-femme, remarque Angélique chez Dorimene et suspecte sa grossesse. Cette découverte conduit au procès où deux mères réclament la jeune fille. L'histoire se poursuit avec Angélique, enceinte de son amant secret, perturbée par l'annonce de la venue d'une sage-femme. Nerine, une servante, devient la confidente d'Angélique et l'aide à cacher sa grossesse. Elles élaborent un plan avec la tante d'Angélique, qui possède une maison de campagne où Angélique accouche en secret. Nerine emmène ensuite l'enfant chez Dorimene, qui est sur le point d'accoucher publiquement pour dissimuler la véritable identité de l'enfant. Nerine introduit l'enfant dans la chambre de Dorimene de manière discrète, malgré la curiosité des voisines. Dorimene et Nerine parviennent à tromper les voisines en faisant croire que l'enfant est le sien. L'enfant est élevé dans la famille de Dorimene sans qu'Angélique en soit informée pendant un certain temps. Plus tard, Angélique décide de révéler publiquement sa maternité, ce qui conduit à un procès à Lyon. L'avocat d'Angélique invoque l'amour maternel comme motif de cette révélation, mais des raisons particulières, non encore divulguées, expliquent ce changement de comportement. Le dénouement de l'histoire reste en suspens, dépendant de la déclaration de la sage-femme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 1-5
L'ANONYME d'Auxerre.
Début :
Je prens plaisir, Monsieur, à m'informer de tout ce [...]
Mots clefs :
Aventure, Vendanges, Style
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ANONYME d'Auxerre.
L'ANONYME
d'Auxerre.
Eprensplaisir Monsieur,
tt m'informer de tout ce
quisepd/fe dans ma Province,
CT j'ai un amy a
Paris, qui me fournit quelques
Mémoires ,rarement
de choses importantes, parce
que les grands évenemens
font rares, mais d'une infinité
de minuties, quitoutes
rassemblée, ne laissent pas
d'amuser la curiosité, si elles
ne la contentent; si je pouvois
me donner la peine de bien
écrire,jeserois votre Anonyme
pour une Lettre chaque
mois : voye^fïmonstyle
négligé& imparfait vous
convient, carje ne puis vous
rendre ce service qu'à plume
SQweante, & quandje vous
promets unstyle négligé, ne
vous attendez pat à un
negligé étudié, je ne yf~f~<
blepoint a ces Coquettes,
qui affectent certains negligez
qui conviennent à leur
taille, à leur air, à leur visage,
& qui sont souvent
endes-babillé, parce que les
habits parez ne leur stéens
point,vous aurtzig un négligéde
bonne foyvray negligé
d'unparesseux, qui ne
firoit pas une rature pour
corriger une faute de construction,
ni peut-être même!
unefaute de bonJens; votU
efeZ de verbiage pour un
paresseux. Commentons à
vous tenir parole par une
petite avanture de vendangeurs
quiconvient au Aiercure
du mois d'Octobrejc'est
auprès d'unepetite ville de
Bourgogne que je ne nomme
point,parce que etefl une
avanturegalante,& qu'en
nommant une petite ville O' dans les Provinces on cdnoît
bientôt les personnes par
l'avanture, pourpeuquelle
soit veritable &circonftanciée,
celle-cy est arrivée naturellement
,comme je vais
Vous h* racontera
d'Auxerre.
Eprensplaisir Monsieur,
tt m'informer de tout ce
quisepd/fe dans ma Province,
CT j'ai un amy a
Paris, qui me fournit quelques
Mémoires ,rarement
de choses importantes, parce
que les grands évenemens
font rares, mais d'une infinité
de minuties, quitoutes
rassemblée, ne laissent pas
d'amuser la curiosité, si elles
ne la contentent; si je pouvois
me donner la peine de bien
écrire,jeserois votre Anonyme
pour une Lettre chaque
mois : voye^fïmonstyle
négligé& imparfait vous
convient, carje ne puis vous
rendre ce service qu'à plume
SQweante, & quandje vous
promets unstyle négligé, ne
vous attendez pat à un
negligé étudié, je ne yf~f~<
blepoint a ces Coquettes,
qui affectent certains negligez
qui conviennent à leur
taille, à leur air, à leur visage,
& qui sont souvent
endes-babillé, parce que les
habits parez ne leur stéens
point,vous aurtzig un négligéde
bonne foyvray negligé
d'unparesseux, qui ne
firoit pas une rature pour
corriger une faute de construction,
ni peut-être même!
unefaute de bonJens; votU
efeZ de verbiage pour un
paresseux. Commentons à
vous tenir parole par une
petite avanture de vendangeurs
quiconvient au Aiercure
du mois d'Octobrejc'est
auprès d'unepetite ville de
Bourgogne que je ne nomme
point,parce que etefl une
avanturegalante,& qu'en
nommant une petite ville O' dans les Provinces on cdnoît
bientôt les personnes par
l'avanture, pourpeuquelle
soit veritable &circonftanciée,
celle-cy est arrivée naturellement
,comme je vais
Vous h* racontera
Fermer
Résumé : L'ANONYME d'Auxerre.
Un auteur anonyme d'Auxerre écrit à un destinataire pour partager des nouvelles de sa province. Il mentionne avoir un ami à Paris qui lui fournit des mémoires, souvent des détails mineurs plutôt que des événements majeurs. L'auteur regrette de ne pas pouvoir écrire de manière plus soignée, mais promet un style négligé et imparfait, sans affectation. Il compare cela à des femmes qui affectent un certain négligé pour leur apparence. Pour tenir sa promesse, il raconte une aventure de vendangeurs survenue près d'une petite ville de Bourgogne, qu'il ne nomme pas pour préserver l'anonymat des personnes impliquées. Cette aventure est appropriée pour le mois d'octobre et est présentée comme naturelle et véridique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 101-120
AVANTURE de deux Officers.
Début :
Un riche bourgeois de Boulogne, bon homme, mais un peu foible [...]
Mots clefs :
Boulogne, Mariage, Capitaine, Père, Fille, Bal, Officiers, Aventure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE de deux Officers.
AVANTVRE
de deux Officiers.
Lettre de Boulogne en
France. MONSIEVR,
Nouslisonsfortrégulièrement vostre Mercure en cette
Ville
J
mais ce que les Dames
Boulonoisesy aiment le mieux
ce
sont les bistoriettes; & commevous ne nous en avezpoint
donné les deux derniers rnoiJ)
nous avons creu que peut-estre
lessajets vous manquoient,voi-
cy une avanture qui vous pourra servir de canevas.
Un riche bourgeois de^
Boulogne, bon homme,
mais un peu foible d'elprit
& fort timide, avoit une
tresjolie filleà marier. Un
Capitaine de nostre garniton qui estoit son hoste,
prit un tel afeendant sur
le bon homme
,
quil ne
put luy refuser sa fille"en
mariage. Cette fille
,
qui
d'ailleurs n'avoit point
d'autreaffaire en teste.consentit par obeïssance à l'épouser, le mariage fut re-
solu. Cependant le pere
nevoulutle conclure qu'aprés qu'il auroic fait un petit voyage à Diepe pour
quelques affaires qu'il falloit y
terminer avant que
de marier sa fille. Il l'emmena avec luy, & promit
au Capitaine qu'il feroit de
retour dans quinze jours
au plus tard.
Cette aimable fille estant arrivée à Diepe avec
son pere, trouva dès le mesme foir, dans l'auberge où
ils descendirent, un jeune
Officier qui devint passion-
nément amoureux d'elle
& s'en fit aimer en peu de
temps. Son pere quis'en
apperceut
,
luy deffendit
de voir le Cavalier. Mais
il n'avoit pas assez de fermeté pour deffendre au Cavalier de lavoir illa vit
en sa presence, & se fit
mesme si bien connoistre
pour homme de famille
noble & riche, que le bon
homme l'eustpréféré au
Capitaines'il eust osé Pour
achever de le déterminer
nostre Cavaliercreut avoir
besoin de luy prouver la
naissance & les richesses.
Il avoit une Terre à dix
lieues de Diepe,oùilfit
un petit voyage de deux
jours feulement pour en
rapporter ses titres & autres preuves convainquantes de ce qu'il estoit.Mais
ce voyage luy cousta cher;
car des qu'il fut party, le
pere ayant terminéses affaires plustost qu'il ne croyoit, & se remettant dans
ridée un Capitaine fier,
emporté, & mesme un peu
brutal., à qui il avoit promis, & qu'il retrouveroit
dans sa maison, sa timidité
le reprit,&il remmena en
diligence sa fille à Boulo
gne, pourconclure avant
que ce nouvel Amant peust
les rejoindre. Le Capitaine
qui attendoit avec impatience le retour de sa maistresse
,
pressa le mariage,
mais elle faisois naistre des
sujets de retardement de
jourenjour. Efin le pere
n'ayant plus la force de resiller à l'empressement du
Capitaine, prépara les noces pour le lendemain.
Cependant l'Officier a-
moureux estant de retour
à Diepe avoit ésté surpris,
comme vous pouvez croire,
de n'y plusretrouver sa
Maistresse.Il cherchoit une
voiture pour Boulogne
,
lorsqu'un Pilote luy promit de l'y mener par mer
en fort peu de temps. Il
accepta le party & s'embarqua. Lesvoilâ en mer
avec un ventsi favorable
qu'ils croyoient desja toucher sa rade de Boulogne
}{)rfqu"'ils apperçûrent un
petit Vaisseau qui venoit
sureux; c'estoit un Capre
Hollandois. Il yavoit avec
cet Officier plusieurs Soldats ramaffcz qui alloient
aussî à Boulogne. L'Officier remarquant que. le
Capre estoit sans canon
,
exhorta les Soldatsà se bien
deffendre
y:
mais les Hollandois
,en nombre fort
superieur,vinrent à l'abordage. Enfin l'Officierfut
fait prisonnier, & ceux qui
le prirent, le voyant magnifiquement vestu,se flaterent d'une forre rançon,
&mirent le Cap versFlessingues. Imaginez-vous le.
desespoir de nostreAmant.
Les Corsaires qui l'avoient
pris n'entendoient point
sa langue: mais par bonheur pour luy un des Equipes du Capre parloit un
peu François
,
& luy servant d'interprete
,
il luy
menagea un accommodement On convint qu'il
leur donneroit en nandissement quelques uns des papiers qu'il avoit sur luy, &
sa parole d'honneur, que
les Corsaires accepterent
sur sa bonne mine, moyennant quoy on le relaschaà
Boulogne feulement pour
vingt
- quatre heures de
temps qu'il leur demanda.
Dés que l'Officier fut
dansla Villeil courut chez
sa Maistresse où le Pere
fut fort surpris de le voir
arriver. Le Pere, la Fille.
&l'Amant, eurent ensemble un éclaircissement, apréslequelJe bon homme,
felon sa foiblessè ordinaire )
témoigna à l'Officier
qu'il eust voulu de bon
coeur luy accorder sa Fille:
mais qu'il craignoit ce Ca-
-
pitaine à qui il avoit donné
sa parole.
L'Officier, sans rien tesmoigner d'un déssein qu'il
avoir sceut adroitement
le nom & la demeure de
ce Capitaine dans Boulogne, & dit au pere qu'il
alloit chercher quelque
moyen d'accommodement à cette affaire. Il
entra dans l'Auberge où
mangeoit ce Capitaine,
dans le moment qu'on alloit Couper. Dès qu'ille
vit entrer il le regardasixement
,
il fut de son
costé
,
surpris en arafii-
geant ce Capitaine, & leur
surprise mutuelle venoit de
ce qu'ils se trouverent un
certain air de ressemblance l'un à l'autre qui les
frappa réciproquement en
mesme temps.
Le dessein de l'Officier,
en allant chercher son rival, estoit de trouver occasion de querelle pour (c
battre contre luy. Mais
cette ressemblance, qui
frappa aussi ceux qui cc..
toient presents
,
fut occasion pour eux d'obliger les
deux Sosiesà boire enfemble.
ble. L'Officier ne put se
dispenser de se mettre à
table avec eux. Il fut triste
ôc réveur pendant tour le
souper: mais le vin qu'on y
butayantmis le Capitaine
en gayeté
,
illuy vint une
imagination gaillardequi
donna lieuànostreOfficier
d'imaginer de son costé ce
que vous verrez dans la
fuite.
Il y
avoit un Bal d'esté
pour une noce chez un
Bourgeois considerable.
Le Capitaine proposa à
l'Officier pour toute mas-
carade de troquer d'habit
avec luy, ce qui fut execu- téeUs allèrent au bal ensemble. Jen'ay point sceu
ce qui s'y passa
,
mais ces
deux honlmes)l'ris apparemment l'un pour fautre,
donneraient sujet à ceux
qui voudroient faire une
Historietre de cette Avanture de s'estendre agréablement sur les méprises
quecela putcauser.
Sur les quatre heures du
matirr leBalfinir,& l'Ofsicier changea le dessein
qu'ilavoit de se battre con-
tre son rival, imaginant un
moyen plus doux pour s'en
défaire, il luy proposa de.
luy donner un déjeuner
mariti)se disant Capitaine
duVaisseau qui l'attendoit.
où illuy promit de donner
mesme s'il vouloit une feste
marine à sa maistresse
,
le
beautemps invita le Capitaine à voir leverl'aurore
ftrr la mer,il accepta le déjeûner,&l'Officierluy demanda seulement un quart
d'heure pour une petite affaire, & le livra à son valet
à qui il avoit doiiiiè le mot
pour le mener tousjours
devant au vaisseau qui attendoit à la rade son prisonnier. CeCapitainefortant du bal n'avoit point
encore change d'habit, ôc
marchoir vers la rade suivy du valet, qui luy dit
comme par une reflexion
soudaine qui luy venoit;je
prévois une plaisante chose,
Monsieur; c'est
que tous lesgens
du Jfaijjcdu de mon Maistre
HJQUS vont prendre pour luy ;
Ce Capiraine prit goust à
la plaisanterie, & dit qu'il
falloit voir s'ils s'y
nié-
prendroient. Ilfaut remarquer que ce valct avoir prévenu ces gensla que ion
Maistre reviendroit; mais
qu'il avoit bu toute lanuit,
& qu'ils ne prissent pas
garde à
ses folies, le Capitaine qui avoit en effet
du vin dans la teste, aborda le vaisseau en criant,
enfans prenez les Armes,
voilà vostre Capitaine qui
revient? en ce moment le
valet leur fit figne qu'ils
le receussent
,
& se sauva sans rien dire pendant
qu'ils faisoienc les hon-
neurs du vaisseau
,
à
celuy
qu'ils croyoient leur prisonnier, trompez par l'habit & la ressemblance.
1
Quand cette ceremonie
eut duréun certain temps,
les Hollandois s'en lasserent, & ayant prrs le large,
le traiterent comme feur
prilonnier qu'ilsemmenerentà Flessingue.
Le Capitaine estant étourdy dcvm & de surprise, & les Hollandais n'entendant pas sa langue, on
juge bien que ie^liirciflfement futimpossible
,
om
l'emmenade force,& il fue
quelquesjoursFlessingue
sans pouvoir retourner à
Boulogne
,
où le Pere
-
timide se mit fous la protection de son gendre,sur la
valeur duquel il se rassura
contre le retour du Capitaine
,
trouvant rautre un
meilleur party pour sa fille
,
le mariage fut conclu avant que le Capitaine
fust revenu de Flessingue,
ils se battirent quelque
temps aprés, leCapitaine
futblessé, tz on les accommoda ensuite de façon
qu'ils sont à present les
meilleurs amis du monde.
de deux Officiers.
Lettre de Boulogne en
France. MONSIEVR,
Nouslisonsfortrégulièrement vostre Mercure en cette
Ville
J
mais ce que les Dames
Boulonoisesy aiment le mieux
ce
sont les bistoriettes; & commevous ne nous en avezpoint
donné les deux derniers rnoiJ)
nous avons creu que peut-estre
lessajets vous manquoient,voi-
cy une avanture qui vous pourra servir de canevas.
Un riche bourgeois de^
Boulogne, bon homme,
mais un peu foible d'elprit
& fort timide, avoit une
tresjolie filleà marier. Un
Capitaine de nostre garniton qui estoit son hoste,
prit un tel afeendant sur
le bon homme
,
quil ne
put luy refuser sa fille"en
mariage. Cette fille
,
qui
d'ailleurs n'avoit point
d'autreaffaire en teste.consentit par obeïssance à l'épouser, le mariage fut re-
solu. Cependant le pere
nevoulutle conclure qu'aprés qu'il auroic fait un petit voyage à Diepe pour
quelques affaires qu'il falloit y
terminer avant que
de marier sa fille. Il l'emmena avec luy, & promit
au Capitaine qu'il feroit de
retour dans quinze jours
au plus tard.
Cette aimable fille estant arrivée à Diepe avec
son pere, trouva dès le mesme foir, dans l'auberge où
ils descendirent, un jeune
Officier qui devint passion-
nément amoureux d'elle
& s'en fit aimer en peu de
temps. Son pere quis'en
apperceut
,
luy deffendit
de voir le Cavalier. Mais
il n'avoit pas assez de fermeté pour deffendre au Cavalier de lavoir illa vit
en sa presence, & se fit
mesme si bien connoistre
pour homme de famille
noble & riche, que le bon
homme l'eustpréféré au
Capitaines'il eust osé Pour
achever de le déterminer
nostre Cavaliercreut avoir
besoin de luy prouver la
naissance & les richesses.
Il avoit une Terre à dix
lieues de Diepe,oùilfit
un petit voyage de deux
jours feulement pour en
rapporter ses titres & autres preuves convainquantes de ce qu'il estoit.Mais
ce voyage luy cousta cher;
car des qu'il fut party, le
pere ayant terminéses affaires plustost qu'il ne croyoit, & se remettant dans
ridée un Capitaine fier,
emporté, & mesme un peu
brutal., à qui il avoit promis, & qu'il retrouveroit
dans sa maison, sa timidité
le reprit,&il remmena en
diligence sa fille à Boulo
gne, pourconclure avant
que ce nouvel Amant peust
les rejoindre. Le Capitaine
qui attendoit avec impatience le retour de sa maistresse
,
pressa le mariage,
mais elle faisois naistre des
sujets de retardement de
jourenjour. Efin le pere
n'ayant plus la force de resiller à l'empressement du
Capitaine, prépara les noces pour le lendemain.
Cependant l'Officier a-
moureux estant de retour
à Diepe avoit ésté surpris,
comme vous pouvez croire,
de n'y plusretrouver sa
Maistresse.Il cherchoit une
voiture pour Boulogne
,
lorsqu'un Pilote luy promit de l'y mener par mer
en fort peu de temps. Il
accepta le party & s'embarqua. Lesvoilâ en mer
avec un ventsi favorable
qu'ils croyoient desja toucher sa rade de Boulogne
}{)rfqu"'ils apperçûrent un
petit Vaisseau qui venoit
sureux; c'estoit un Capre
Hollandois. Il yavoit avec
cet Officier plusieurs Soldats ramaffcz qui alloient
aussî à Boulogne. L'Officier remarquant que. le
Capre estoit sans canon
,
exhorta les Soldatsà se bien
deffendre
y:
mais les Hollandois
,en nombre fort
superieur,vinrent à l'abordage. Enfin l'Officierfut
fait prisonnier, & ceux qui
le prirent, le voyant magnifiquement vestu,se flaterent d'une forre rançon,
&mirent le Cap versFlessingues. Imaginez-vous le.
desespoir de nostreAmant.
Les Corsaires qui l'avoient
pris n'entendoient point
sa langue: mais par bonheur pour luy un des Equipes du Capre parloit un
peu François
,
& luy servant d'interprete
,
il luy
menagea un accommodement On convint qu'il
leur donneroit en nandissement quelques uns des papiers qu'il avoit sur luy, &
sa parole d'honneur, que
les Corsaires accepterent
sur sa bonne mine, moyennant quoy on le relaschaà
Boulogne feulement pour
vingt
- quatre heures de
temps qu'il leur demanda.
Dés que l'Officier fut
dansla Villeil courut chez
sa Maistresse où le Pere
fut fort surpris de le voir
arriver. Le Pere, la Fille.
&l'Amant, eurent ensemble un éclaircissement, apréslequelJe bon homme,
felon sa foiblessè ordinaire )
témoigna à l'Officier
qu'il eust voulu de bon
coeur luy accorder sa Fille:
mais qu'il craignoit ce Ca-
-
pitaine à qui il avoit donné
sa parole.
L'Officier, sans rien tesmoigner d'un déssein qu'il
avoir sceut adroitement
le nom & la demeure de
ce Capitaine dans Boulogne, & dit au pere qu'il
alloit chercher quelque
moyen d'accommodement à cette affaire. Il
entra dans l'Auberge où
mangeoit ce Capitaine,
dans le moment qu'on alloit Couper. Dès qu'ille
vit entrer il le regardasixement
,
il fut de son
costé
,
surpris en arafii-
geant ce Capitaine, & leur
surprise mutuelle venoit de
ce qu'ils se trouverent un
certain air de ressemblance l'un à l'autre qui les
frappa réciproquement en
mesme temps.
Le dessein de l'Officier,
en allant chercher son rival, estoit de trouver occasion de querelle pour (c
battre contre luy. Mais
cette ressemblance, qui
frappa aussi ceux qui cc..
toient presents
,
fut occasion pour eux d'obliger les
deux Sosiesà boire enfemble.
ble. L'Officier ne put se
dispenser de se mettre à
table avec eux. Il fut triste
ôc réveur pendant tour le
souper: mais le vin qu'on y
butayantmis le Capitaine
en gayeté
,
illuy vint une
imagination gaillardequi
donna lieuànostreOfficier
d'imaginer de son costé ce
que vous verrez dans la
fuite.
Il y
avoit un Bal d'esté
pour une noce chez un
Bourgeois considerable.
Le Capitaine proposa à
l'Officier pour toute mas-
carade de troquer d'habit
avec luy, ce qui fut execu- téeUs allèrent au bal ensemble. Jen'ay point sceu
ce qui s'y passa
,
mais ces
deux honlmes)l'ris apparemment l'un pour fautre,
donneraient sujet à ceux
qui voudroient faire une
Historietre de cette Avanture de s'estendre agréablement sur les méprises
quecela putcauser.
Sur les quatre heures du
matirr leBalfinir,& l'Ofsicier changea le dessein
qu'ilavoit de se battre con-
tre son rival, imaginant un
moyen plus doux pour s'en
défaire, il luy proposa de.
luy donner un déjeuner
mariti)se disant Capitaine
duVaisseau qui l'attendoit.
où illuy promit de donner
mesme s'il vouloit une feste
marine à sa maistresse
,
le
beautemps invita le Capitaine à voir leverl'aurore
ftrr la mer,il accepta le déjeûner,&l'Officierluy demanda seulement un quart
d'heure pour une petite affaire, & le livra à son valet
à qui il avoit doiiiiè le mot
pour le mener tousjours
devant au vaisseau qui attendoit à la rade son prisonnier. CeCapitainefortant du bal n'avoit point
encore change d'habit, ôc
marchoir vers la rade suivy du valet, qui luy dit
comme par une reflexion
soudaine qui luy venoit;je
prévois une plaisante chose,
Monsieur; c'est
que tous lesgens
du Jfaijjcdu de mon Maistre
HJQUS vont prendre pour luy ;
Ce Capiraine prit goust à
la plaisanterie, & dit qu'il
falloit voir s'ils s'y
nié-
prendroient. Ilfaut remarquer que ce valct avoir prévenu ces gensla que ion
Maistre reviendroit; mais
qu'il avoit bu toute lanuit,
& qu'ils ne prissent pas
garde à
ses folies, le Capitaine qui avoit en effet
du vin dans la teste, aborda le vaisseau en criant,
enfans prenez les Armes,
voilà vostre Capitaine qui
revient? en ce moment le
valet leur fit figne qu'ils
le receussent
,
& se sauva sans rien dire pendant
qu'ils faisoienc les hon-
neurs du vaisseau
,
à
celuy
qu'ils croyoient leur prisonnier, trompez par l'habit & la ressemblance.
1
Quand cette ceremonie
eut duréun certain temps,
les Hollandois s'en lasserent, & ayant prrs le large,
le traiterent comme feur
prilonnier qu'ilsemmenerentà Flessingue.
Le Capitaine estant étourdy dcvm & de surprise, & les Hollandais n'entendant pas sa langue, on
juge bien que ie^liirciflfement futimpossible
,
om
l'emmenade force,& il fue
quelquesjoursFlessingue
sans pouvoir retourner à
Boulogne
,
où le Pere
-
timide se mit fous la protection de son gendre,sur la
valeur duquel il se rassura
contre le retour du Capitaine
,
trouvant rautre un
meilleur party pour sa fille
,
le mariage fut conclu avant que le Capitaine
fust revenu de Flessingue,
ils se battirent quelque
temps aprés, leCapitaine
futblessé, tz on les accommoda ensuite de façon
qu'ils sont à present les
meilleurs amis du monde.
Fermer
Résumé : AVANTURE de deux Officers.
Le texte narre une aventure impliquant un riche bourgeois de Boulogne, sa fille, un capitaine et un officier. Le bourgeois, timide et faible d'esprit, accepte de marier sa fille à un capitaine logé chez lui. Lors d'un voyage à Dieppe, la fille rencontre un officier qui tombe amoureux d'elle et réciproquement. Malgré l'interdiction de son père, la fille continue de voir l'officier. Pour prouver sa noblesse et sa richesse, l'officier part en voyage mais est capturé par des corsaires hollandais. Il est libéré à condition de revenir à Boulogne pour payer une rançon. À son retour, il découvre que la fille doit épouser le capitaine le lendemain. Pour résoudre la situation, l'officier invite le capitaine à bord d'un vaisseau, où ce dernier est capturé à son tour par les Hollandais. Rassuré par l'absence du capitaine, le père conclut le mariage entre sa fille et l'officier. Plus tard, le capitaine, blessé et libéré de Flessingue, se réconcilie avec l'officier, et ils deviennent amis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 120-121
FRUIT NOUVEAU Du mois de May. Lettre envoyée pour le Mercure Galant par la Gazette veridique du Quartier de la Place Maubert.
Début :
MONSIEUR, Je ne sçay si l'avanture dont je vous fais [...]
Mots clefs :
Fruit nouveau, Fraises, Gazette véridique, Aventure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : FRUIT NOUVEAU Du mois de May. Lettre envoyée pour le Mercure Galant par la Gazette veridique du Quartier de la Place Maubert.
FRUIT NOUVEAU
Du mois de May.
Lettre envoyée pour le
Mercure Galant par la
Gazette veridique du Quartier de la Place Maubert.
MONSIEUR,
Je nefçayfi l'avanture dont
je vous fais part , vaut la
peine qu'on la donne au public,
mais elle aura du moins pour
luy le merite des fruits nowvaux , ce public court fouwent auxfruits vers & nowwaux , preferablement aux
fruits
GALANT 127
fruits murs. Il s'agit icy de
fraifes nouvelles & peut eftre
des premieres qu'on ait vues
Paris cette année ; elles on
caufé dans mon quartier plú☺
fieursjalousies en unjour. La
Pomme de difcorde brouilla
trois Deeffe; enfembles ces Frai?
fes ont brouillé trois ménages,
ne meritent-elles pas bien le
nom de Fraifes de difcorde.
Du mois de May.
Lettre envoyée pour le
Mercure Galant par la
Gazette veridique du Quartier de la Place Maubert.
MONSIEUR,
Je nefçayfi l'avanture dont
je vous fais part , vaut la
peine qu'on la donne au public,
mais elle aura du moins pour
luy le merite des fruits nowvaux , ce public court fouwent auxfruits vers & nowwaux , preferablement aux
fruits
GALANT 127
fruits murs. Il s'agit icy de
fraifes nouvelles & peut eftre
des premieres qu'on ait vues
Paris cette année ; elles on
caufé dans mon quartier plú☺
fieursjalousies en unjour. La
Pomme de difcorde brouilla
trois Deeffe; enfembles ces Frai?
fes ont brouillé trois ménages,
ne meritent-elles pas bien le
nom de Fraifes de difcorde.
Fermer
Résumé : FRUIT NOUVEAU Du mois de May. Lettre envoyée pour le Mercure Galant par la Gazette veridique du Quartier de la Place Maubert.
En mai, la Gazette veridique du Quartier de la Place Maubert rapporte la découverte de nouvelles fraises à Paris. Ces fruits ont suscité des jalousies et des disputes entre trois ménages, les qualifiant de 'fraises de discorde'. Le public parisien préfère les fruits nouveaux et verts.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 39-47
DE LONDRES.
Début :
Dans l'esperance d'une paix prochaine je prends la [...]
Mots clefs :
Londres, Aventure, Anglaise, Amant, Tabatière, Saignée, Maladie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE LONDRES.
DE LONDRES
MONSONSIEUR,
Dans l'efperance d'une paix
prochaine je prends la liberté
de vous demander un com
merce de Lettres , &pour vous
y exciter je vous envoiray les
petites avantures Angloifes qui
viendront à ma connoiffance ;
ce qui fuit n'en est pas une , ce
n'eft qu'un petit fait qui ne
vaut peut - eftre pas la peine
d'eftre escrit. Je vous en promets deplus divertiffants.
40 MERCURE
Une jeune Angloiſe qui
devoit épouser le parent
d'un Milord , luy vouloit
faire quitter l'habitude du
:
tabac, parce qu'elle s'imaginoit que l'odeur du tabac luy donnoit des vapeurs. La complaiſance de
fon Amant alloit bien juſ
qu'à n'en point prendre devant elle mais elle s'imagina qu'il pouvoit avoir
une tabatiere dans fa poche , & cette imagination
luy fit croire qu'elle alloit
s'évanouir , il fe trouva
qu'en effet il en avoit une.
Le
GALANT. 41
Lelendemainil trouva moyen d'en mettre une pleine de tabac dans la poche
de ſa maiſtreſſe ſans qu'elle le fçuft , & elle la porta
fans le fçavoir jufqu'au lendemain. Dés qu'elle vit entrerfonAmant, elle lui cria:
ahje fens que vous avez aujourd'huy voftre tabatiere
dans voftre poche , le jeune Anglois , homme de
fang froid luy refpondit :
Vous y avez mis bon ordre
Mademoiſelle
la priftes l'autre jour , &
vous me l'avezgardée dans la
Fuin 17120
>
car vous me
D
42 MERGURE
voftre depuis ce temps- là La
delicate Angloife trouvant
réellement la tabatiere fur
elle,voulut s'évanouiir, mais
elle ne put jamais, &le tout
fe tourna en plaifanterie ,
elle luy dit qu'elle luy pardonnoit puifque par là elle
fe voyoit guerie de cette
foibleffe ; mais elle luy revalut ce tour- là car l'Anglois ayant efté incommodépendant quelques jours ,
les medecins le preffoient
de fe faire faigner pour
éviter une grande maladie,
mais il ne voulut jamais ;
GALANT. 43
car il avoit une antipathie
fi grande pour la faignée ,
que cet appareil feulement
le faifoit évanouir. Il racontoit cela luy - mefme
chez fa maiftreffe , lorf
qu'enbadinant elle luy dit :
mais fi une perfonne que
vous aimeriez eftoit affez
adroite pourvous faigner ?
ah je luy preſenterois mes
deux bras , luy dit - il en
riant , les deux pieds & la
gorge encore , & deuffayd
je en mourir je fouffrirois
cent faignées d'elle. La
jeune Angloiſe continua
Dij
44 MERCURE
la plaifanterie , & luy dit:
donnez moy feulementun
bras , elle luy mit le bras à
nud en prefence d'une
compagnie affez bonne :
quelqu'un prefta une jartiere pourfervir de bande ,
elle dechira un mouchoir
pour faire une compreffe ;
ce badinage ne faifoit aucun mauvais effet fur le
Cavalier , à qui elle demandoit à chaque préparatif:
hé bien cet appareil vous
fera-t-il évanouir ? Non ,
refpondit il , il mefait pluſ
toft rire ; enfin cette badi-
GALANT. 45
ne perfonne pouffa la ceremonie jufqu'à tirer de
fon tiroir un eftuy , & de
cet eftuy une lancette , car
elle avoit en effet le talent
de faigner à merveille.
L'amant palit à cet aſpect ,
mais il fe piqua de fermeté Angloiſe , onapporta un
vafe de porcelaine pour recevoir le fang , & la faignée fut plantureuſe. Elle
le guerit non feulement de
fon incommodité mais auf
fi de fa foibleffe. C'eft ainfi, luy dit la jeune Angloiſe,
que ceux que le lien duma.
46 MERCURE
riage unit , devoient fe corriger mutuellement
leurs foibleffes.
le
de
Fauray quelque avanture
plus intereffante à envoyerpour
le mois prochain , cette jeune
Angloife pourra mesme me
fournir celle de fes amours avec
parent du Milord, car quoy
qu'avec tout le merite poffible ;
il s'eft trouvé qu'elle eftoit fille
d'un Chirurgien de Douvres.
C'est pour cela qu'elle fçavoit
fi bien faigner. On avoit mis
de grands obftacles à ce mariage, ces obftacles ont donné
lieu à une intrigue fecrette en-
GALANT 47
tre ces deux jeunes amants ,
dont on m'a promis les particu-.
laritez romanefques , quoyque
vrayes, pour pouvoir meriter
L'impreffion
MONSONSIEUR,
Dans l'efperance d'une paix
prochaine je prends la liberté
de vous demander un com
merce de Lettres , &pour vous
y exciter je vous envoiray les
petites avantures Angloifes qui
viendront à ma connoiffance ;
ce qui fuit n'en est pas une , ce
n'eft qu'un petit fait qui ne
vaut peut - eftre pas la peine
d'eftre escrit. Je vous en promets deplus divertiffants.
40 MERCURE
Une jeune Angloiſe qui
devoit épouser le parent
d'un Milord , luy vouloit
faire quitter l'habitude du
:
tabac, parce qu'elle s'imaginoit que l'odeur du tabac luy donnoit des vapeurs. La complaiſance de
fon Amant alloit bien juſ
qu'à n'en point prendre devant elle mais elle s'imagina qu'il pouvoit avoir
une tabatiere dans fa poche , & cette imagination
luy fit croire qu'elle alloit
s'évanouir , il fe trouva
qu'en effet il en avoit une.
Le
GALANT. 41
Lelendemainil trouva moyen d'en mettre une pleine de tabac dans la poche
de ſa maiſtreſſe ſans qu'elle le fçuft , & elle la porta
fans le fçavoir jufqu'au lendemain. Dés qu'elle vit entrerfonAmant, elle lui cria:
ahje fens que vous avez aujourd'huy voftre tabatiere
dans voftre poche , le jeune Anglois , homme de
fang froid luy refpondit :
Vous y avez mis bon ordre
Mademoiſelle
la priftes l'autre jour , &
vous me l'avezgardée dans la
Fuin 17120
>
car vous me
D
42 MERGURE
voftre depuis ce temps- là La
delicate Angloife trouvant
réellement la tabatiere fur
elle,voulut s'évanouiir, mais
elle ne put jamais, &le tout
fe tourna en plaifanterie ,
elle luy dit qu'elle luy pardonnoit puifque par là elle
fe voyoit guerie de cette
foibleffe ; mais elle luy revalut ce tour- là car l'Anglois ayant efté incommodépendant quelques jours ,
les medecins le preffoient
de fe faire faigner pour
éviter une grande maladie,
mais il ne voulut jamais ;
GALANT. 43
car il avoit une antipathie
fi grande pour la faignée ,
que cet appareil feulement
le faifoit évanouir. Il racontoit cela luy - mefme
chez fa maiftreffe , lorf
qu'enbadinant elle luy dit :
mais fi une perfonne que
vous aimeriez eftoit affez
adroite pourvous faigner ?
ah je luy preſenterois mes
deux bras , luy dit - il en
riant , les deux pieds & la
gorge encore , & deuffayd
je en mourir je fouffrirois
cent faignées d'elle. La
jeune Angloiſe continua
Dij
44 MERCURE
la plaifanterie , & luy dit:
donnez moy feulementun
bras , elle luy mit le bras à
nud en prefence d'une
compagnie affez bonne :
quelqu'un prefta une jartiere pourfervir de bande ,
elle dechira un mouchoir
pour faire une compreffe ;
ce badinage ne faifoit aucun mauvais effet fur le
Cavalier , à qui elle demandoit à chaque préparatif:
hé bien cet appareil vous
fera-t-il évanouir ? Non ,
refpondit il , il mefait pluſ
toft rire ; enfin cette badi-
GALANT. 45
ne perfonne pouffa la ceremonie jufqu'à tirer de
fon tiroir un eftuy , & de
cet eftuy une lancette , car
elle avoit en effet le talent
de faigner à merveille.
L'amant palit à cet aſpect ,
mais il fe piqua de fermeté Angloiſe , onapporta un
vafe de porcelaine pour recevoir le fang , & la faignée fut plantureuſe. Elle
le guerit non feulement de
fon incommodité mais auf
fi de fa foibleffe. C'eft ainfi, luy dit la jeune Angloiſe,
que ceux que le lien duma.
46 MERCURE
riage unit , devoient fe corriger mutuellement
leurs foibleffes.
le
de
Fauray quelque avanture
plus intereffante à envoyerpour
le mois prochain , cette jeune
Angloife pourra mesme me
fournir celle de fes amours avec
parent du Milord, car quoy
qu'avec tout le merite poffible ;
il s'eft trouvé qu'elle eftoit fille
d'un Chirurgien de Douvres.
C'est pour cela qu'elle fçavoit
fi bien faigner. On avoit mis
de grands obftacles à ce mariage, ces obftacles ont donné
lieu à une intrigue fecrette en-
GALANT 47
tre ces deux jeunes amants ,
dont on m'a promis les particu-.
laritez romanefques , quoyque
vrayes, pour pouvoir meriter
L'impreffion
Fermer
Résumé : DE LONDRES.
L'auteur écrit une lettre à Londres, espérant une paix prochaine et proposant un échange de lettres. Il raconte l'histoire d'une jeune Anglaise et de son fiancé, parent d'un lord. La jeune femme voulait que son fiancé cesse de consommer du tabac, croyant que l'odeur lui causait des vapeurs. Bien qu'il évitât de fumer en sa présence, elle imaginait qu'il portait une tabatière sur lui, ce qui la faisait s'évanouir. Un jour, il plaça une tabatière pleine de tabac dans la poche de sa maîtresse sans qu'elle le sache. Lorsqu'elle la découvrit, elle voulut s'évanouir mais ne put le faire, transformant la situation en plaisanterie. Plus tard, la jeune femme décida de le faire saigner pour le guérir d'une maladie, malgré son aversion pour les saignées. Elle simula la procédure de manière ludique, mais finit par le faire réellement, le guérissant ainsi. Elle conclut que les couples mariés doivent se corriger mutuellement leurs faiblesses. L'auteur mentionne également qu'il pourrait recevoir des détails plus intéressants sur les amours de la jeune Anglaise, fille d'un chirurgien de Douvres, et les obstacles rencontrés pour leur mariage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 3-32
AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
Début :
Un homme de condition, entre deux âges, homme d'un [...]
Mots clefs :
Mariage, Damis, Lucile, Bague, Amour, Mère, Conversation, Mépris, Rendez-vous, Beauté, Voyage, Dépit, Paris, Aventure, Soupirs, Ami
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
AVANTURE
nouvelle.
Le Mariage par dépit.
UNhomme de condition , entre deux
âges , homme d'un cſOctob. 1712. A ij
4 MERCURE
prit enjoüé , mais un peu
vain , avoit été fi heureux dans fes amours
jufqu'àl'âge de quarante
ans , qu'il s'imaginoit
devoir l'être encore à
foixante. Il étoit garçon,
& difoit quelquefois , en
plaifantant , qu'il fe marieroit quand il auroit
enfin trouvé une cruela
le ; car pour lors , diſoitil , je commencerai à juger par fes mépris que
je ne fuis plus affez jeu-
GALANT 5
ne pour briller dans la
galanterie : & c'eft alors
qu'un homme fait comme moy doit penſer au
mariage.
Cet homme, que nous
appellerons Damis , vir
chez un Preſident , qu'il
alloit folliciter , une jeune & belle perfonne avec
fa mere ; elles follicitoient auffi de leur côté.
Appellons cette jeune
perfonne Lucile.
Damis fut fi frapé de
A iij
6 MERCURE
la beauté de Lucile , qu'il
ne voulut point faire ſa
follicitation ce jour-là ,
pour avoir occafion de
revoir le lendemain cette
beauté , parce qu'il entendit dire à fa mere
qu'elle reviendroit lę
lendemain aporter quelques papiers qu'elle avoit oubliez ce jour- là.
Le lendemain Damiş
Fut affez heureux pour
retrouver Lucile & fa
mere chez le Prefident ,,
GALANT 7
qui revint fort tard du
Palais , enforte qu'il eut
tout le loifir , en l'attendant , de lier converfation avec la mere , que
l'envie de parler de fon
procés rendit fort acceffible. Il fçut qu'elle étoit
Bretonne , & qu'elle
pourfuivoit à Paris une
affaire où il s'agiffoit de
tout fon bien. Il faifit
l'occafion , il offre de la
protection & des amis ,
que la mere eût accepté
Aiiij
8 MERCURE
d'abord : mais Lucile refufoit tout avec une po
liteffe fi froide , que Damis defefpera de pouvoir
jamais s'en faire écouter ;
& comme il n'étoit pas.
d'humeur à foûpirer en
vain , il refolut d'en demeurer là : mais fa refo
lution ne l'empêcha pas
de s'informer plus à fond
qui elles étoient. En fortant il apprit de leur laquais leur nom, leur famille, leur logis, & leurs
و .GALANT
, &
moyens. Quand il fçut
que Lucile avoit à peine
de quoy fubfifter
qu'elle étoit logée tréspetitement , il s'étonna
de l'avoir trouvée ſi fiere :mais il efpera que s'il
pouvoit faire naître l'oc
cafion de lui offrir des
fecours confiderables , il
pourroit enfuite parler
de fon amour.
Il ufa de cent détours
polis & delicats pour
-faire connoître qu'il é--
Do MERCURE
toit liberal, & qu'il avoit
le moyen de l'être : mais
fitôt qu'il touchoit cette
corde, il voyoit redou--
bler les mépris de LuciTe ; & l'on lui eût. Tans
doute défendu la maifon , fila mere , que fon
procés tenoit fort au
cœur , & qui avoit déja
reçû des fervices de Damis , cuſt pu fe refoudre
à perdre un ami qui lui
étoit fi neceffaire.
Les choſes en étoient
GALANT:
là , lors qu'un des amis.
de Damis revint d'un.
voyage qu'il avoit fait
en Bretagne. Cet ami
lui ayant rendu viſite ,
il lui fit une ample confidence du malheureux
fuccés de fon avanture ,
& c'étoit la premiere
qu'il lui euft faite de cette espece ; car depuis dix
ans qu'ils étoient amis.
il l'importunoit fans.
ceffe des détails de fes.
bonnes fortunes. Au tri--
12 MERCURE
fte recit qu'il lui fit de là
maniereméprifantedont
Lucile l'avoit receu , aux
plaintes & aux ſoupirs
dont il accompagna ce
recit , l'ami lui répondit,,
pour toute confolation ::
Le Ciel fout loué ; je te fe--
licite d'avoir enfin rencon
tré la cruelle que tu attendois pour dire fage : fes
mépris l'avertiffent que tu
dt viens moins aimable.
Tu m'as promis de te
marier quandtu ne ferois
いき
GALANT. 13
plus bon qu'à cela , il eſt
temps d'y penfer ; on te
méprife, c'est le fignal de
la retraite , penfes -y feruufement.
A plufieurs plaifanteries pareilles , que Damis écouta avec douleur,
il ne put répondre que
par un foupir. Helas !
dit -il , je n'ai pourtant
encore que quarante ans,
Hé morbleu , reprit brufquement l'ami , un homme àla mode eft vieux à
14 MERCURE
₹
trente. Mais quittons cet
entretien , continua-t-il,
il n'eft pas agreable pour
toy. C'à , mon ami , il
s'agit de me rendre un
ſervice important. Tu
fçais qu'avant mon
voyage mon pere vouloit me marier à uneperfonne qui ne me convient point ; j'apprens à
mon retour que ma famille eft d'accord avec la
fienne : il faut que tu
m'aides à rompre ce mas
GALANT. I
riage ; & pour y parvenir , je fuis convenu avec
elle , qui a auſſi ſes raifons pour le rompre ,
qu'elle feindra d'avoir
de l'inclination pourtoy.
Ses parens font intereffez , ils te croyent trésriche; en un mot il faut
que tu fecondes nôtre
projet , & que tu viennes avec moy chez elle
dés aujourd'hui. Damis
convint de faire tout ce
qu'il faudroit pour fer-
16 MERCURE
vir ſon ami , dont le vrai
deffein étoit de marier
Damis à celle qu'on lui
vouloit donner. Elle avoit tout le merite poffible , & beaucoup d'inclination pour Damis
qu'elle avoit veu plufieurs fois. Laliaifon qui
fe forma entre Damis &
cette aimable perſonne ,
donna infenfiblement à
Damis beaucoup d'eſtime pour elle : mais il é
toit piqué au jeu pour
Luci,
GALANT. 17
Lucile. Unjour que fon
ami lui propofa trés ſerieuſement de penſer au
mariage , il lui répondit
qu'il ne defeſperoit
:
pas
encore de fe faire aimer
de Lucile mais que du
moins s'il ne reüffiffoit
pas auprés d'elle , il étoit
feur que perfonne n'y
reüffiroit. Oc'est trop fe
flater , lui dit fon ami ,
& je veux attaquer ta
vanité jufques dans fes
derniers retranchemens ,
Octobre 1712. B
18 MERCURE
en te faiſant voir que :
Lucilen'a de la fierté que
pour toy ; & la raiſon en
eft toute naturelle , c'eft
que de tous les amans
que je lui connois , tu es
le moins jeune, & qu'en,
fin, moncher ami, ileft
temps que tu te rendes
juſtice , puifque les Dames te la rendent.
que
Damis crut d'abord
fon ami plaifantoit.
Tout ce qu'il lui put dire
de Lucile lui parut in
& privebo
GALANT. 19
croyable ; il la voyoit
tous les jours , elle ne
recevoit perfonne chez
elle , ne fortoit que rarement & avec fa mere , qui l'accompagnoit
prefque toujours dans
fes follicitations. Enfin
il défia fon ami de lui
donner la moindre preuvé de tout ce qu'il lui
avançoit. Par exemple ,
lui difoit-il, je l'ai mife
à toute épreuve fur les
prefens , & il m'a été im
Bij
20 MERCURE
1
poſſible de lui faire ſeulement écouter mes offres. Je fuis ravi , répondit l'ami , d'avoir juftementoccafion de te convaincre fur cet article ;;
car je fuis le confident
d'un cavalier de qui elle
doit recevoir une bague
dés demain. Nous la vîmes enſemble hier, nous
la marchandons , & fitu
yeux venir avec moy
tantôt, je te la ferai voir.
Damis accepta le parti ;
GALANT.. 211
& fon ami , aprés lui
avoir fait examiner la
bague à loifir chez le
Joüailler ; lui dit en fortant, qu'apparemment ib
la verroit dans quelques
jours au doigt de Lucile , & que celui qui lui
en vouloit faire prefent
ne fe tenoit qu'à peu de
choſe.
ศ
Quelle fut la furpriſe
de Damis , dorfque dés
le lendemain il recon--
nut la bague au doigt de
22: MERCURE
Lucile ! Il en pâlit , ik
fut troublé mais il n'ofa
éclater ; car il avoit promis à fon ami une difcretion inviolable furi
les chofes qu'il lui confioit. Ilne put pourtant
s'empêcherde faire compliment à la mere fur la
beauté de la bague de fa
fille.
A quoy la mere ré--
pondit froidement , que
c'étoit uneancienne pier--
se à elle qu'elle avoit fait
GALANT. 232;
remonter. Cemenfonge
ne fit que confirmer les
foupçons de Damis , qui
fortit dans le moment,.,
pour aller témoigner à
fon ami combien il étoit
piqué : mais il n'eut de
lui,, pour toute confolation , que le confeil qu'ib
en avoit déja receu. Ma-.
rie-toy , lui dit- il , marie-toy au plus vîte , &
renonce de bonne grace.
à la vanité de donner de
Famour, puifque tu n'es
24 MERCURE
plus affez jeune même
pour faire accepter tes
prefens. Je ne fuis point
bien convaincu fur la
bague , répondit Damis ,
& il faut qu'il y ait là--
deffous quelque mal en--
tendu ; car , felon tout
ce qu'on m'a dit de Lucile ,& felon tout ce que
j'en ai vû , c'eſt la plus
vertueufe perfonne du
monde , & je l'ai bien
éprouvé par moy- même. Fort bien, repliqua
}
Tami,
GALANT. 23
T'ami , dans ta jeuneffe ,
lorfque quelques femmes avoient de la foibleffe pour toy , tu t'imaginois que toutes étoient foibles ; & tu vas
croire à prefent qu'elles
font toutes des femmes
fortes , parce qu'elles te
refifteront toutes. Cà,
mon ami , que diras- tu
fi dans un certain temps ,
que je prendrai pour
faire connoiffance avec
Lucile, je puis parvenir
Octob. 1712.
C
16 MERCURE
m'en faire aimer : Oh
pour lors , repliqua l'ami , je croirai que je ne
fois plus fait pour être
aimé. Damis donna un
mois detemps àfon ami:
mais en moins de quinze jours ilfut bien receu
dans la maifon, & ſevan
ta même à fon ami d'avoir déja fait quelques
progrés dans le cœur de
Lucile. Mais quel fut
l'étonnement & le dépit
de nôtre amant mépri-
GALANT
27
fe , quand l'autre lui affura ,
quelque temps a
prés , que Lucile lui avoit promis de ſe dérober de fa mere pour l'aller voir chez lui ! Il ne
put le croire d'abord :
mais fon ami l'ayant caché dans fon cabinet le
jour du rendez- vous , il
fut témoin de l'entrevue ; & la converfation
fut fi paffionnée , que
Damis ne fe poffedant
plus fortit brufqueCij
28 MERCURE
ment du cabinet. Lu
cile fe fauva dans la
chambre prochaine. L'ami parut fi irrité de cette
indifcretion , que Damis
lui en demanda pardon,
& comprit , pour la premiere fois defave, qu'i
Le pouvoit faire qu'ung
femme trés - fufceptible
d'amour pour un autre
eût du mépris pour lui.
Son ami profita de fon
dépit ; & pour le determinerà conclure fon
GALANT. 29
mariage, il lui declará
qu'il étoit marié lui- mêThe fecretement depuis
trois mois. Dés le lendemain , le contrát de
Damis étant figné , fon
ami voulut abfolument
lui donner à fouper chez
fuit Comme les nouveaux mariez étoient
prefts à le mettre à table , it leur dit que fa
femme vouloit eftre du
fouper. Quelle fut la furprife de Damis, quand il
C.iij
30 MERCURE
vit fortir d'un cabinet
Lucile avec fa mere ,
qui vinrent le plaiſanter furce qu'il avoit voulu fe faire aimer de la
femmede fon ami. Vous
ne ſcaviez pas , lui ditLucile, qu'en follicitant
nôtre procés vous rendiez fervice à vâtre ami;
en recompenfe il vous a
bien marié, & vous n'euffiez jamais pû vous y
refoudre , s'il ne vous eût
fait comprendre, par les
GALANT. .31
mépris affectez qu'il
m'a ordonné d'avoir
pour vous , qu'il faloit
en éviter de réels , que
vous euffiez peut - eftre
pû vous attirer dans
quelques années , yous
cuffiez arrendu plus long
tempsà vous marier. Tu
n'es plus étonné , lui dit
l'ami , ni du diamant , ni
du rendez-vous que je
donnai ici à mon époufe ? Apprens que le voyage que j'ai fait en Bre
C.iiij
32 MERCURE
tagne a donné occafionà
mon mariage; & quema
femme étant ' arrivée la
premiere à Paris , elle a
profité de cette avantu
re, pour te refoudre à ce
qu'elle fcavoit que je
fouhaitois fi fort , c'eft à.
dire à te voir marié auffi
heureuſement que je le
fuis.
nouvelle.
Le Mariage par dépit.
UNhomme de condition , entre deux
âges , homme d'un cſOctob. 1712. A ij
4 MERCURE
prit enjoüé , mais un peu
vain , avoit été fi heureux dans fes amours
jufqu'àl'âge de quarante
ans , qu'il s'imaginoit
devoir l'être encore à
foixante. Il étoit garçon,
& difoit quelquefois , en
plaifantant , qu'il fe marieroit quand il auroit
enfin trouvé une cruela
le ; car pour lors , diſoitil , je commencerai à juger par fes mépris que
je ne fuis plus affez jeu-
GALANT 5
ne pour briller dans la
galanterie : & c'eft alors
qu'un homme fait comme moy doit penſer au
mariage.
Cet homme, que nous
appellerons Damis , vir
chez un Preſident , qu'il
alloit folliciter , une jeune & belle perfonne avec
fa mere ; elles follicitoient auffi de leur côté.
Appellons cette jeune
perfonne Lucile.
Damis fut fi frapé de
A iij
6 MERCURE
la beauté de Lucile , qu'il
ne voulut point faire ſa
follicitation ce jour-là ,
pour avoir occafion de
revoir le lendemain cette
beauté , parce qu'il entendit dire à fa mere
qu'elle reviendroit lę
lendemain aporter quelques papiers qu'elle avoit oubliez ce jour- là.
Le lendemain Damiş
Fut affez heureux pour
retrouver Lucile & fa
mere chez le Prefident ,,
GALANT 7
qui revint fort tard du
Palais , enforte qu'il eut
tout le loifir , en l'attendant , de lier converfation avec la mere , que
l'envie de parler de fon
procés rendit fort acceffible. Il fçut qu'elle étoit
Bretonne , & qu'elle
pourfuivoit à Paris une
affaire où il s'agiffoit de
tout fon bien. Il faifit
l'occafion , il offre de la
protection & des amis ,
que la mere eût accepté
Aiiij
8 MERCURE
d'abord : mais Lucile refufoit tout avec une po
liteffe fi froide , que Damis defefpera de pouvoir
jamais s'en faire écouter ;
& comme il n'étoit pas.
d'humeur à foûpirer en
vain , il refolut d'en demeurer là : mais fa refo
lution ne l'empêcha pas
de s'informer plus à fond
qui elles étoient. En fortant il apprit de leur laquais leur nom, leur famille, leur logis, & leurs
و .GALANT
, &
moyens. Quand il fçut
que Lucile avoit à peine
de quoy fubfifter
qu'elle étoit logée tréspetitement , il s'étonna
de l'avoir trouvée ſi fiere :mais il efpera que s'il
pouvoit faire naître l'oc
cafion de lui offrir des
fecours confiderables , il
pourroit enfuite parler
de fon amour.
Il ufa de cent détours
polis & delicats pour
-faire connoître qu'il é--
Do MERCURE
toit liberal, & qu'il avoit
le moyen de l'être : mais
fitôt qu'il touchoit cette
corde, il voyoit redou--
bler les mépris de LuciTe ; & l'on lui eût. Tans
doute défendu la maifon , fila mere , que fon
procés tenoit fort au
cœur , & qui avoit déja
reçû des fervices de Damis , cuſt pu fe refoudre
à perdre un ami qui lui
étoit fi neceffaire.
Les choſes en étoient
GALANT:
là , lors qu'un des amis.
de Damis revint d'un.
voyage qu'il avoit fait
en Bretagne. Cet ami
lui ayant rendu viſite ,
il lui fit une ample confidence du malheureux
fuccés de fon avanture ,
& c'étoit la premiere
qu'il lui euft faite de cette espece ; car depuis dix
ans qu'ils étoient amis.
il l'importunoit fans.
ceffe des détails de fes.
bonnes fortunes. Au tri--
12 MERCURE
fte recit qu'il lui fit de là
maniereméprifantedont
Lucile l'avoit receu , aux
plaintes & aux ſoupirs
dont il accompagna ce
recit , l'ami lui répondit,,
pour toute confolation ::
Le Ciel fout loué ; je te fe--
licite d'avoir enfin rencon
tré la cruelle que tu attendois pour dire fage : fes
mépris l'avertiffent que tu
dt viens moins aimable.
Tu m'as promis de te
marier quandtu ne ferois
いき
GALANT. 13
plus bon qu'à cela , il eſt
temps d'y penfer ; on te
méprife, c'est le fignal de
la retraite , penfes -y feruufement.
A plufieurs plaifanteries pareilles , que Damis écouta avec douleur,
il ne put répondre que
par un foupir. Helas !
dit -il , je n'ai pourtant
encore que quarante ans,
Hé morbleu , reprit brufquement l'ami , un homme àla mode eft vieux à
14 MERCURE
₹
trente. Mais quittons cet
entretien , continua-t-il,
il n'eft pas agreable pour
toy. C'à , mon ami , il
s'agit de me rendre un
ſervice important. Tu
fçais qu'avant mon
voyage mon pere vouloit me marier à uneperfonne qui ne me convient point ; j'apprens à
mon retour que ma famille eft d'accord avec la
fienne : il faut que tu
m'aides à rompre ce mas
GALANT. I
riage ; & pour y parvenir , je fuis convenu avec
elle , qui a auſſi ſes raifons pour le rompre ,
qu'elle feindra d'avoir
de l'inclination pourtoy.
Ses parens font intereffez , ils te croyent trésriche; en un mot il faut
que tu fecondes nôtre
projet , & que tu viennes avec moy chez elle
dés aujourd'hui. Damis
convint de faire tout ce
qu'il faudroit pour fer-
16 MERCURE
vir ſon ami , dont le vrai
deffein étoit de marier
Damis à celle qu'on lui
vouloit donner. Elle avoit tout le merite poffible , & beaucoup d'inclination pour Damis
qu'elle avoit veu plufieurs fois. Laliaifon qui
fe forma entre Damis &
cette aimable perſonne ,
donna infenfiblement à
Damis beaucoup d'eſtime pour elle : mais il é
toit piqué au jeu pour
Luci,
GALANT. 17
Lucile. Unjour que fon
ami lui propofa trés ſerieuſement de penſer au
mariage , il lui répondit
qu'il ne defeſperoit
:
pas
encore de fe faire aimer
de Lucile mais que du
moins s'il ne reüffiffoit
pas auprés d'elle , il étoit
feur que perfonne n'y
reüffiroit. Oc'est trop fe
flater , lui dit fon ami ,
& je veux attaquer ta
vanité jufques dans fes
derniers retranchemens ,
Octobre 1712. B
18 MERCURE
en te faiſant voir que :
Lucilen'a de la fierté que
pour toy ; & la raiſon en
eft toute naturelle , c'eft
que de tous les amans
que je lui connois , tu es
le moins jeune, & qu'en,
fin, moncher ami, ileft
temps que tu te rendes
juſtice , puifque les Dames te la rendent.
que
Damis crut d'abord
fon ami plaifantoit.
Tout ce qu'il lui put dire
de Lucile lui parut in
& privebo
GALANT. 19
croyable ; il la voyoit
tous les jours , elle ne
recevoit perfonne chez
elle , ne fortoit que rarement & avec fa mere , qui l'accompagnoit
prefque toujours dans
fes follicitations. Enfin
il défia fon ami de lui
donner la moindre preuvé de tout ce qu'il lui
avançoit. Par exemple ,
lui difoit-il, je l'ai mife
à toute épreuve fur les
prefens , & il m'a été im
Bij
20 MERCURE
1
poſſible de lui faire ſeulement écouter mes offres. Je fuis ravi , répondit l'ami , d'avoir juftementoccafion de te convaincre fur cet article ;;
car je fuis le confident
d'un cavalier de qui elle
doit recevoir une bague
dés demain. Nous la vîmes enſemble hier, nous
la marchandons , & fitu
yeux venir avec moy
tantôt, je te la ferai voir.
Damis accepta le parti ;
GALANT.. 211
& fon ami , aprés lui
avoir fait examiner la
bague à loifir chez le
Joüailler ; lui dit en fortant, qu'apparemment ib
la verroit dans quelques
jours au doigt de Lucile , & que celui qui lui
en vouloit faire prefent
ne fe tenoit qu'à peu de
choſe.
ศ
Quelle fut la furpriſe
de Damis , dorfque dés
le lendemain il recon--
nut la bague au doigt de
22: MERCURE
Lucile ! Il en pâlit , ik
fut troublé mais il n'ofa
éclater ; car il avoit promis à fon ami une difcretion inviolable furi
les chofes qu'il lui confioit. Ilne put pourtant
s'empêcherde faire compliment à la mere fur la
beauté de la bague de fa
fille.
A quoy la mere ré--
pondit froidement , que
c'étoit uneancienne pier--
se à elle qu'elle avoit fait
GALANT. 232;
remonter. Cemenfonge
ne fit que confirmer les
foupçons de Damis , qui
fortit dans le moment,.,
pour aller témoigner à
fon ami combien il étoit
piqué : mais il n'eut de
lui,, pour toute confolation , que le confeil qu'ib
en avoit déja receu. Ma-.
rie-toy , lui dit- il , marie-toy au plus vîte , &
renonce de bonne grace.
à la vanité de donner de
Famour, puifque tu n'es
24 MERCURE
plus affez jeune même
pour faire accepter tes
prefens. Je ne fuis point
bien convaincu fur la
bague , répondit Damis ,
& il faut qu'il y ait là--
deffous quelque mal en--
tendu ; car , felon tout
ce qu'on m'a dit de Lucile ,& felon tout ce que
j'en ai vû , c'eſt la plus
vertueufe perfonne du
monde , & je l'ai bien
éprouvé par moy- même. Fort bien, repliqua
}
Tami,
GALANT. 23
T'ami , dans ta jeuneffe ,
lorfque quelques femmes avoient de la foibleffe pour toy , tu t'imaginois que toutes étoient foibles ; & tu vas
croire à prefent qu'elles
font toutes des femmes
fortes , parce qu'elles te
refifteront toutes. Cà,
mon ami , que diras- tu
fi dans un certain temps ,
que je prendrai pour
faire connoiffance avec
Lucile, je puis parvenir
Octob. 1712.
C
16 MERCURE
m'en faire aimer : Oh
pour lors , repliqua l'ami , je croirai que je ne
fois plus fait pour être
aimé. Damis donna un
mois detemps àfon ami:
mais en moins de quinze jours ilfut bien receu
dans la maifon, & ſevan
ta même à fon ami d'avoir déja fait quelques
progrés dans le cœur de
Lucile. Mais quel fut
l'étonnement & le dépit
de nôtre amant mépri-
GALANT
27
fe , quand l'autre lui affura ,
quelque temps a
prés , que Lucile lui avoit promis de ſe dérober de fa mere pour l'aller voir chez lui ! Il ne
put le croire d'abord :
mais fon ami l'ayant caché dans fon cabinet le
jour du rendez- vous , il
fut témoin de l'entrevue ; & la converfation
fut fi paffionnée , que
Damis ne fe poffedant
plus fortit brufqueCij
28 MERCURE
ment du cabinet. Lu
cile fe fauva dans la
chambre prochaine. L'ami parut fi irrité de cette
indifcretion , que Damis
lui en demanda pardon,
& comprit , pour la premiere fois defave, qu'i
Le pouvoit faire qu'ung
femme trés - fufceptible
d'amour pour un autre
eût du mépris pour lui.
Son ami profita de fon
dépit ; & pour le determinerà conclure fon
GALANT. 29
mariage, il lui declará
qu'il étoit marié lui- mêThe fecretement depuis
trois mois. Dés le lendemain , le contrát de
Damis étant figné , fon
ami voulut abfolument
lui donner à fouper chez
fuit Comme les nouveaux mariez étoient
prefts à le mettre à table , it leur dit que fa
femme vouloit eftre du
fouper. Quelle fut la furprife de Damis, quand il
C.iij
30 MERCURE
vit fortir d'un cabinet
Lucile avec fa mere ,
qui vinrent le plaiſanter furce qu'il avoit voulu fe faire aimer de la
femmede fon ami. Vous
ne ſcaviez pas , lui ditLucile, qu'en follicitant
nôtre procés vous rendiez fervice à vâtre ami;
en recompenfe il vous a
bien marié, & vous n'euffiez jamais pû vous y
refoudre , s'il ne vous eût
fait comprendre, par les
GALANT. .31
mépris affectez qu'il
m'a ordonné d'avoir
pour vous , qu'il faloit
en éviter de réels , que
vous euffiez peut - eftre
pû vous attirer dans
quelques années , yous
cuffiez arrendu plus long
tempsà vous marier. Tu
n'es plus étonné , lui dit
l'ami , ni du diamant , ni
du rendez-vous que je
donnai ici à mon époufe ? Apprens que le voyage que j'ai fait en Bre
C.iiij
32 MERCURE
tagne a donné occafionà
mon mariage; & quema
femme étant ' arrivée la
premiere à Paris , elle a
profité de cette avantu
re, pour te refoudre à ce
qu'elle fcavoit que je
fouhaitois fi fort , c'eft à.
dire à te voir marié auffi
heureuſement que je le
fuis.
Fermer
Résumé : AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
Le texte raconte l'histoire de Damis, un homme d'une quarantaine d'années, vaniteux et jouisseur, qui souhaite se marier avec une femme capable de le mépriser. Il rencontre Lucile, une jeune femme belle et fière, lors d'une sollicitation chez un président. Damis est immédiatement séduit par Lucile mais se heurte à son mépris. Malgré ses efforts pour l'aider dans ses démarches judiciaires, Lucile reste froide et distante. Damis apprend qu'elle vit dans des conditions modestes, ce qui le surprend mais lui donne espoir de la séduire par des offres généreuses. Un ami de Damis, de retour de Bretagne, lui conseille de se marier après avoir entendu les mésaventures de Damis avec Lucile. Cet ami organise une rencontre avec une jeune femme qui accepte de feindre de l'incliner pour Damis afin de rompre un mariage arrangé. Damis, bien que toujours attiré par Lucile, commence à apprécier cette nouvelle femme. Son ami lui révèle que Lucile n'a de la fierté que pour lui et qu'elle est susceptible d'accepter les avances d'un autre homme. Damis, incrédule, défie son ami de prouver ses dires. L'ami lui montre une bague destinée à Lucile, que Damis reconnaît le lendemain au doigt de Lucile. La mère de Lucile explique que la bague est une ancienne pièce remontée. Damis est troublé mais garde le secret. Son ami lui conseille de se marier rapidement. Damis, toujours sceptique, donne un mois à son ami pour tenter sa chance avec Lucile. L'ami réussit rapidement à gagner les faveurs de Lucile, ce qui plonge Damis dans le désespoir. Finalement, Damis assiste à une rencontre secrète entre Lucile et son ami, confirmant ses soupçons. L'ami révèle alors qu'il est secrètement marié à Lucile depuis trois mois. Le lendemain, Damis signe son contrat de mariage avec la jeune femme que son ami lui avait présentée. Lors du dîner de noces, Damis découvre que Lucile et sa mère sont présentes, révélant que tout avait été orchestré pour le pousser à se marier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 196-210
LA PRESENCE d'esprit, Avanture nouvelle.
Début :
Les plaintes soulagent ceux qui souffrent, & sur tout les [...]
Mots clefs :
Femme, Chambre, Garderobe, Aventure, Esprit, Homme, Bougie, Jalousie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA PRESENCE d'esprit, Avanture nouvelle.
LAPESENCE
d'esprit, Avanture nouvelle.
Les plaintes soulagent
ceux qui souffrent, & sur
tout les Dames, quelques
unes même ne iônt pas
faschées que des maux legers leur servent de prétexteau plaisir de se plaindre ; mais les mîux de
l'esprit sont ceux que les
plaintes soulagent le plus.
:'
: Une Dame trés vertueuse estoittourmentée
par la jalousie de [on.mary, & n'avoit d'autreconsolationquecelle de s'en
plaindreàunveritable
amy qui n'estoit point
connu de son tnalY, &
qu'eue n'osoit luy faire
connoistre parce qu'il estoit assez jeune pour luy
donner de l'ombrage,
elle voyoit quelquefois
cet amy dans la chambre
d'une Demoisellequ'elle
avoit & qui estoit d'assez
bonne maison pour qu'elle l'a regardast plustost
comme une amie que
comme une femme à elle.
Cette Demoiselle « estoit
bien faite, Se le mary jaloux en devint amoureux. Un soir voulant
entrer dans sa chambre
il tourna la clef',.& s'aperçut qu'elle estoit fermée au verrouil
,
& dans
lemesme temps entendit
la voix d'un homme ;'.
-
*•
donc il fut allarmé sur le.
compte de la Demoiselle, mais aprés avoir un
peu pressé l'oreille qu'il
avoit trèsfine, comme
l'ont ord inairement les
jaloux, il entendit la voix
de sa fCfilineJ il fut. frappé d'un double coup, je
vous laisse à juger lequel
luy fut le plus rude: il
resva quelque temps au
party qu'il prendrait,ensuite il fermadoucemeat
la P&tc à double tour
,
afin que pas un des trois
ne pust sortir de la chambre
,
& prist le grand tour
pour aller gagner une
garderobe qui estoit de
l'autre costé de cette
chambre &qui dégageoit
un corridor, où il laissa
le flambeau qu'il tenoit
afin de se glisser sansmicre dans la garderobe,
&de pouvoirentendre
ce qui ledisoit entre l'amy la femme & la Demoiselle
,
à peine estoit il
entré-dans la garderobe,
que la femme qui s'en
aperceut feignantde
vouloirmoucher la bougie ;
réteignit avec les
mouchetes pour donner
le loisir à l'amyd'ouvrir
la porte doucement& de
se sauver,elle cria aussitost à la Demoiselle d'aller ralumer sa boucrie
pendant ce temps là l'amy ayant /- tenté vainement d'ouvrir la porte dit
tousbas à la femme qu'il
alloit tascher de se sauver
par la garderobe
,
parce
qu'apparammentle mary
estoitence momentdaus^
la chambre
,
ilsy estoient
en effet alors tous quatre
bien intriguez iàns, dire
mot,&marchant tous
sur la pointe du pied je
ne puis pas bien vous décrire la marthe de cette
scene nocturne QU; chacun tendoit à son but,
celuy du mary estoit de
si:; mettre en un endroit
d'où il pust voir sans ettre veu, car ilne s'estoit
point apperceuqu'ilestoit
découvert ;..-& la Demoiselle, pouis donner le loisir à sa maistresse & à l'amy de s'échapper, feignoit de battre le fusil en
un coinde la chambre, &
de vouloir rallumer la
bougie, ce que le mary
attendoit, s'estant porté
proche la.porte de sa
garderobe; A l'égard de
l'amy - il cherchoità taA
•
tons cette porte pour se
sauver, & ne la trouva
pas sitost que la femme
,
qui en mefrre tempstrouva par hasard le bras de
sonmary quelle prit pour
celuy de son ami; les
premières paroles qu'elle
luy dit tout basneroulerent par bonheur que -sur
des plaintes de la jalousie
de son mari
,
& ne marquerent aucun autrecommerce avec l'ami
,
parce
qu'eneffet je dois estre
persuade que toutes les
femmesdont on met les
avantures dans le Mercure,
sont dans la regle des
bonnesmœurs. Celle-cy
après aVOIr) comme j'ay
dit, fait quelques plaintes de son mari à ion mari
mesme qu'ellecroyoitson
ami, reconnut sa méprise, premierement parct
qu'il ne répondoit point,
&C de plus parce qu'il traversoit la garderobe & le
corridor plus lentement
*
qu'elle ne vouloir
, voulant entendre la confes
sion de sa femme le plus
longtemps qu'ilpourrait,
& craignant d'arriver à
l'endroit où il avoit lai/Té
la bougie, la femme s'ef
tantdonc apperceuë qu
elle parloità
sonmari,continua son discours avec
une presence d'esprit admirable
,
car elle fit succeder aux plaintes sur le
mari, une exhortation vive d'épouser le plustost
qu'il pourroit cette Demoifdie quiestoit de bonne maison ,&que s'il
tardoit davantage, ellene
pourroit se dispenser de
la mettre dehors parce
qu'elle feroit perduë si jamais son mari lerencontroitchez elle. Quand
elle en eut assez dit pour
se * disculper, elle feignit
dene s'appercevoir qu'en
ce moment de sa méprise
à la lueur de la bougie
dontils estoientproche.
alors elle fit un cri de furprise
,
où elle joignit enfuite des mouvemens de
colere si bien contrefaits
contre l'ami, que sans
donner le tempsau mari
de se reconnoistre ni de
répondre, elleprit le flam-
-
beau & courut comme
transportée de rage faire
millereprochesîux deux
amants prétendus qui
l'avoient exposée à une
pareille avanture , l'ami
-
qui avoit de l'esprit fut
0
d'abord
d'abordau fait, & se jettaaux pieds de la femme
ses lui demanda retardemens, pardon &pro-de
mit
l'épouser àla,dès Demoiselle lelende- de
main&del'emmeneren
Province
,
ce fut la le
coup de mailire, car le
mariamoureuxalarméde lapertedesamaiitrdïcr,.
en oublia tous les Coupçons contre sa femme, St lerestede la soirée fut
employé de la part du
mari à trouver sinement
les moyens de retarder ce
mariage, & de la part
de la femme a feindre de
vouloir le haster. Je n'ay
point sceu ce qui fut decidé
)
la femme justifiée
par sa presence d'esprit,
efl: le point unique que
ay voulu traiter, & par
consequent cette avanture doit finir parlà.
d'esprit, Avanture nouvelle.
Les plaintes soulagent
ceux qui souffrent, & sur
tout les Dames, quelques
unes même ne iônt pas
faschées que des maux legers leur servent de prétexteau plaisir de se plaindre ; mais les mîux de
l'esprit sont ceux que les
plaintes soulagent le plus.
:'
: Une Dame trés vertueuse estoittourmentée
par la jalousie de [on.mary, & n'avoit d'autreconsolationquecelle de s'en
plaindreàunveritable
amy qui n'estoit point
connu de son tnalY, &
qu'eue n'osoit luy faire
connoistre parce qu'il estoit assez jeune pour luy
donner de l'ombrage,
elle voyoit quelquefois
cet amy dans la chambre
d'une Demoisellequ'elle
avoit & qui estoit d'assez
bonne maison pour qu'elle l'a regardast plustost
comme une amie que
comme une femme à elle.
Cette Demoiselle « estoit
bien faite, Se le mary jaloux en devint amoureux. Un soir voulant
entrer dans sa chambre
il tourna la clef',.& s'aperçut qu'elle estoit fermée au verrouil
,
& dans
lemesme temps entendit
la voix d'un homme ;'.
-
*•
donc il fut allarmé sur le.
compte de la Demoiselle, mais aprés avoir un
peu pressé l'oreille qu'il
avoit trèsfine, comme
l'ont ord inairement les
jaloux, il entendit la voix
de sa fCfilineJ il fut. frappé d'un double coup, je
vous laisse à juger lequel
luy fut le plus rude: il
resva quelque temps au
party qu'il prendrait,ensuite il fermadoucemeat
la P&tc à double tour
,
afin que pas un des trois
ne pust sortir de la chambre
,
& prist le grand tour
pour aller gagner une
garderobe qui estoit de
l'autre costé de cette
chambre &qui dégageoit
un corridor, où il laissa
le flambeau qu'il tenoit
afin de se glisser sansmicre dans la garderobe,
&de pouvoirentendre
ce qui ledisoit entre l'amy la femme & la Demoiselle
,
à peine estoit il
entré-dans la garderobe,
que la femme qui s'en
aperceut feignantde
vouloirmoucher la bougie ;
réteignit avec les
mouchetes pour donner
le loisir à l'amyd'ouvrir
la porte doucement& de
se sauver,elle cria aussitost à la Demoiselle d'aller ralumer sa boucrie
pendant ce temps là l'amy ayant /- tenté vainement d'ouvrir la porte dit
tousbas à la femme qu'il
alloit tascher de se sauver
par la garderobe
,
parce
qu'apparammentle mary
estoitence momentdaus^
la chambre
,
ilsy estoient
en effet alors tous quatre
bien intriguez iàns, dire
mot,&marchant tous
sur la pointe du pied je
ne puis pas bien vous décrire la marthe de cette
scene nocturne QU; chacun tendoit à son but,
celuy du mary estoit de
si:; mettre en un endroit
d'où il pust voir sans ettre veu, car ilne s'estoit
point apperceuqu'ilestoit
découvert ;..-& la Demoiselle, pouis donner le loisir à sa maistresse & à l'amy de s'échapper, feignoit de battre le fusil en
un coinde la chambre, &
de vouloir rallumer la
bougie, ce que le mary
attendoit, s'estant porté
proche la.porte de sa
garderobe; A l'égard de
l'amy - il cherchoità taA
•
tons cette porte pour se
sauver, & ne la trouva
pas sitost que la femme
,
qui en mefrre tempstrouva par hasard le bras de
sonmary quelle prit pour
celuy de son ami; les
premières paroles qu'elle
luy dit tout basneroulerent par bonheur que -sur
des plaintes de la jalousie
de son mari
,
& ne marquerent aucun autrecommerce avec l'ami
,
parce
qu'eneffet je dois estre
persuade que toutes les
femmesdont on met les
avantures dans le Mercure,
sont dans la regle des
bonnesmœurs. Celle-cy
après aVOIr) comme j'ay
dit, fait quelques plaintes de son mari à ion mari
mesme qu'ellecroyoitson
ami, reconnut sa méprise, premierement parct
qu'il ne répondoit point,
&C de plus parce qu'il traversoit la garderobe & le
corridor plus lentement
*
qu'elle ne vouloir
, voulant entendre la confes
sion de sa femme le plus
longtemps qu'ilpourrait,
& craignant d'arriver à
l'endroit où il avoit lai/Té
la bougie, la femme s'ef
tantdonc apperceuë qu
elle parloità
sonmari,continua son discours avec
une presence d'esprit admirable
,
car elle fit succeder aux plaintes sur le
mari, une exhortation vive d'épouser le plustost
qu'il pourroit cette Demoifdie quiestoit de bonne maison ,&que s'il
tardoit davantage, ellene
pourroit se dispenser de
la mettre dehors parce
qu'elle feroit perduë si jamais son mari lerencontroitchez elle. Quand
elle en eut assez dit pour
se * disculper, elle feignit
dene s'appercevoir qu'en
ce moment de sa méprise
à la lueur de la bougie
dontils estoientproche.
alors elle fit un cri de furprise
,
où elle joignit enfuite des mouvemens de
colere si bien contrefaits
contre l'ami, que sans
donner le tempsau mari
de se reconnoistre ni de
répondre, elleprit le flam-
-
beau & courut comme
transportée de rage faire
millereprochesîux deux
amants prétendus qui
l'avoient exposée à une
pareille avanture , l'ami
-
qui avoit de l'esprit fut
0
d'abord
d'abordau fait, & se jettaaux pieds de la femme
ses lui demanda retardemens, pardon &pro-de
mit
l'épouser àla,dès Demoiselle lelende- de
main&del'emmeneren
Province
,
ce fut la le
coup de mailire, car le
mariamoureuxalarméde lapertedesamaiitrdïcr,.
en oublia tous les Coupçons contre sa femme, St lerestede la soirée fut
employé de la part du
mari à trouver sinement
les moyens de retarder ce
mariage, & de la part
de la femme a feindre de
vouloir le haster. Je n'ay
point sceu ce qui fut decidé
)
la femme justifiée
par sa presence d'esprit,
efl: le point unique que
ay voulu traiter, & par
consequent cette avanture doit finir parlà.
Fermer
Résumé : LA PRESENCE d'esprit, Avanture nouvelle.
Le texte relate une intrigue complexe impliquant une dame vertueuse et son mari jaloux. La dame, tourmentée par la jalousie de son mari, se confie à un ami secret qu'elle ne peut révéler à son époux en raison de son jeune âge. Un soir, le mari jaloux surprend des voix dans la chambre de la demoiselle, amie de sa femme. Il découvre alors que sa femme et son ami sont présents, ainsi que la demoiselle et son propre amant. Une scène confuse s'ensuit, où chacun tente de se sauver sans être découvert. La femme, feignant de vouloir rallumer une bougie, aide son ami à s'échapper. Elle reconnaît ensuite son mari et continue de parler pour se disculper, allant même jusqu'à exhorter son mari à épouser la demoiselle. Finalement, elle feint la colère contre les deux amants prétendus. L'ami, comprenant la situation, propose d'épouser la demoiselle sur-le-champ. Le mari, alarmé par cette perspective, passe le reste de la soirée à chercher des moyens de retarder le mariage, tandis que la femme feint de vouloir le hâter. L'histoire se termine par la justification de la femme grâce à sa présence d'esprit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 64-106
AVANTURE galante.
Début :
Vous croyez peut-être que les amans ne veulent mourir qu'en [...]
Mots clefs :
Marquis, Passion, Amour, Mérite, Poignard, Coeur, Remède, Aventure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE galante.
AVANTURE
galante.
-ê-
Vous
croyez peut-ê
tre que les amans
ne
veulent
mourir
qu'en
vers , & qu'on n'en voit
point qui prennent
cette
refolution
fi ce n'eft dans
une fable . Il eſt aifé
de vous détromper
, en
Vous
GALANT. 65
vous aprenant une avanture
que des perſonnes
trés- dignes de foy vous
affureront être veritable.
Un jeune Marquis ,
à qui fa naiffance & fes
belles qualitez donnoient
entrée chez les
perfonnes les plus confiderables
du beau fexe ,
voyoit la plupart de celles
qui paffoient
pour
être aimables
, fans aucun
peril pour fa liberté
. Il étoit fort delicat
Janv. 1713.
F
66 MERCURE
fur le vrai merite ; &
comme en examinant
toutes les belles , il leur
trouvoit des défauts dont
il ne pouvoit s'accommoder
, quelques frequentes
attaques qui lui
fuffent faites , il fe gas
rantiffoit fans peine des.
ſurpriſes de l'amour. Aprés
que fon coeur cut
été long- temps oifif , le
moment vint où il trou
va de quoy l'occuper.
Un homme de qualité
GALANT.
67
faifant à la Cour fort
bonne figure , alla ſe marier
en Province à une
riche heritiere d'une
Maiſon trés- connuë , &
un mois aprés il l'amena
à Paris . Elle n'étoit point
de ces beautez regulicres
dont la nature femble
avoir pris peine à finir
les traits : mais elle
avoit un air fi piquant ,
& tant d'agrément étoit
répandu dans fa perfonne
& dans fes manieres ,
Fij
68 MERCURE
qu'il étoit prefque impoffible
de n'en être pas
touché . Elle ne fut pas
fitôt arrivée que l'on
s'empreffa de tous côtez
à l'aller feliciter fur fon
mariage. Le jeune Marquis
fut un des premiers
dont elle receut les complimens.
Il alla chez elle,
plein de cette confiance
qui lui avoit toujours fi
bien reüffi ; & quoy qu'il
fuft frapé en la voyant,
& qu'il fentît tout à
GALANT.
69
coup ce trouble fecret ,
qui eft le prefage d'une
grande paffion , il crut
avoir effuyé des occafions
plus dangereuſes
,
& qu'aprés un moment
de reflexion
, & un examen
un peu ferieux , ſa
raifon le maintiendroit
dans l'indépendance
où
il s'étoit toujours
confervé
. Il s'attacha donc
à étudier cette charmante
perfonne mais foit
que fon coeur trop préMERCURE
venu lui cachât en elle
ce qu'il voyoit dans les
autres ; foit que l'habitude
qu'on prend en Province
d'une vie plus retirée
, lui cuft acquis une
droiture d'efprit qui lui
laiffat ignorer ce que
c'eſt
fauffeté & que
que
tromperie , plus il voulut
la connoître , plus il
lui découvrit un merite
fans défaut : elle parloit
jufte , donnoit un tour
ſi agreable à tout ce qu'
1
GALANT..
71
elle difoit , & avoit des
manieres fi polies & fi
attirantes , qu'il ne faut
pas s'étonner fi en peu de
temps elle fe fir une
groffe Cour. Le jeune
Marquis , qui alloit fouvent
chez elle , ne fut
pas fâché d'y trouver la
foule elle empêchoit
qu'on ne remarquât trop
fon empreffement , & il
efpera d'ailleurs qu'ayatl'efprit
fin & delicat , il
brilleroit davantage par
72 MERCURE
mi un nombre de gens
ordinaires , qui ne debitant
que des lieux communs
, étoient incontinent
épuifez. L'impreffion
que fit fur fon coeur
le merite de la Dame ,
lui fit
connoître en peu
de temps que ce qu'il
fentoit pour elle étoit de
l'amour: mais ce merite
avoit un charme ſi attirant
,qu'il étoit contraint
d'applaudir
lui- meſme
à fa paffion : & quand il
n'eût
GALANT. 73
n'eût pas voulu s'y abandonner
, il étoit de fa
deſtinée de s'y foùmet-
>
tre , & tous les efforts
qu'il eût pu faire pour
s'en garantir auroient été
Cependant
,
inutiles.
pour ne negliger aucun
remede dans la naiffance
du mal , il ſe priva quelques
jours du plaifir de
voir la Dame , & la longueur
de ces jours lui fut
fi infupportable
, que
tous les plaifirs fem-
Janv . 1713 .
G
74 MERCURE
bloient être morts pour
lui . La Dame , qui eftimoit
ſon eſprit , & qui
s'étoit
apperçuë
que les
dernieres
converſations
qu'elle avoit euës avec
ceux qui la voyoient ordinairement
n'avoient
pas été fi vives , parce
qu'il avoit manqué de
s'y trouver, lui reprocha
fa deſertion en le revoyant
; & ce reproche ,
qu'elle lui fit d'une maniere
fine & fpirituelle ,
GALANT .
75
acheva de le refoudre à
luidonner tous fes foins .
Ce n'eft pas qu'en s'attachant
à l'aimer, il n'envifageât
la temerité de fon
entreprife . Illa connoiffoit
d'une vertu delicate ,
que les moindres chofes
pouvoient effrayer , &
dans les fcrupules où il
la voyoit fur l'interêt de
fa gloire , il avoit peine à
comprendre comment il
pourroit lui parler de fa
paffion : mais quoy qu'il
Gij
76 MERCURE
ouvrit les yeux fur le
peril du naufrage , il ne
laiffa pas de s'embarquer,
L'amour diffipoit fes
craintes , & les miracles
qu'il fait tous les jours
fur les coeurs les moins
fenfibles lui en faifoient
attendre un pareil . Pour
moins hazarder il crus
à propos de prendre un
air libre , qui l'autorisât
à expliquer un jour à la
Dame fes plus fecrets
fentimens. Il lui difoit
GALANT . 77
quelquefois d'une maniere
galante qu'elle ne
connoiffoit pas la moitié
de fon merite ; quelquefois
il s'avifoit de lui
trouver de nouveaux
brillans qui le faifoient
récrier fur fa beauté : &
en lui difant devant tout
le monde qu'on hazardoit
beaucoup à la voir ,
il croyoit l'accoutumer
infenfiblement
à lui permettre
de faire en particulier
l'application de
G iij
78 MERCURE
ce qu'il fembloit n'avoir
dit qu'en general . Un
jour qu'il étoit feul avec
elle , aprés avoir plaifanté
fur une avanture
de gens qu'elle connoiffoit
, il lui dit avec cet
air libre & enjoüé dont
il s'étoit fait une habitude
, qu'il s'étonnoit
qu'il pût s'aimer affez
peu pour venir toujours
fe perdre en la regardant
. La Dame d'abord
ne repouffa la douceur
GALANT . 79
qu'en lui répondant qu'il
rêvoit mais il ajouta
tant d'autres chofes , qui
faifoient entendre plus
qu'on ne vouloit
, & il
jura tant de fois , quoique
toujours
en riant ,
qu'il ne difoit rien que
de veritable , qu'elle fut
enfin forcée de prendre
fon ferieux , & de lui
dire qu'il ne pouvoit être
de fes amis s'il ne changeoit
de fentimens . Le
Marquis lui repliqua
Giiij
80. MERCURE
que la qualité de fon
ami lui feroit trés- glorieufe
, qu'il fçavoit trop
la connoître
, & fe connoître
lui - mefme
, pour
en fouhaiter
une autre :
mais qu'il étoit impoffible
qu'il vécût content ,
fi elle ne lui faifoit la
grace de le recevoir pour
fon ami de diftinction .
fa vertu
La
Dame , que
rendoit
très- peu diſtinguante
, répondit
d'un
ton fort fier qu'elle ne
GALANT . S
croyoit devoit diftinguer
les gens que par
leur refpect & leur fageffe
, & que quand il
n'oublieroit
pas ce qu'il
lui devoit peut -être
voudroit - elle bien fe
fouvenir qu'il n'étoit pas
fans merite. Cette ré-
>
ponſe , qu'elle accompa
gna d'un regard ſevere ,
déconcerta le jeune Marquis.
Il vint du monde ;
& quoy qu'il pût faire
pour ſe remettre l'efprit
$2 MERCURE
dans un embarras qui
l'obligea de fe retirer ,
les reflexions qu'il fit
furent cruelles : il avoit
le coeur prévenu du plus
violent amour ; & loin
que la fierté de la Dame
lui aidat à l'affoiblir , il
entroit dans les raifons
qui l'avoient portée à
lui ôter toute efperance .
Cette conduite redoubloit
l'eftime qu'il avoit
pour elle ; & plein d'admiration
pour fa vertu
GALANT . 83
ne pouvant
la condamner
, quoy
qu'elle
fût
caufe
de toutes
les peines
, il fe trouvoit comme
affujetti à la paffion
qui le tourmentoit
. La
neceffité d'aimer , & la
douleur de fçavoir qu'il
déplaifoit
en aimant , le
firent tomber dans une
humeur fombre , qui fut
bien-tôt remarquée de
tous ceux qui le voyoiết ,
Ce n'étoit plus cet homme
enjoüé qui tant de
84 MERCURE
fois avoit été l'ame des
plus agreables converfa
tions ; le trouble & l'inquietude
étoient peints:
fur fon viſage , il rêvoit
à tous momens , & il y
avoit des jours où l'on
avoit peine à l'obliger
de parler. Ce changement
ayant furpris tout
le monde , chacun cherchoit
à en penetrer la
cauſe , & il apportoit de
fauffes raiſons pour empêcher
qu'on ne devinât
GALANT. 85
la veritable. Il n'y avoit
que la Dame, qui fe gardoit
bien de lui demander
ce qu'elle étoit fâchée
de favoir ; & quand
quelquefois on le preffoit
devant elle d'employer
quelque remede
contre le chagrin qui le
dominoit, elle difoit que
s'il fuivoit fes confeils ,
il iroit faire quelque
voyage; qu'en changeant
de lieux , on changeoit
fouvent d'humeur , &
86 MERCURE
que rien n'étoit plus propre
à guerir de certains
maux , que de promener
fes yeux fur des objets
étrangers , qui par leur
diverfité ayant de quoy
occuper l'efprit , en banniffoient
peu à peu les
*
triftes images qui le jettoient
dans l'abattement.
Il n'entendoit que
trop bien ce qu'elle vouloit
lui dire : & il s'eftimoit
d'autant plus infortuné
, qu'en lui conGALANT
. 87
feillant
l'éloignement ,
elle lui faifoit paroître
que fon abfence la toucheroit
peu . Il n'oſoit
pourtant s'en plaindre ,
parce qu'il n'euft pû le
faire fans parler de fon
amour , & que la crainte
de l'irriter tout à fait étoit
un puiſſant motif
pour le condamner
au
filence. Enfin aprés avoir
bien fouffert , & s'être
long - temps contraint à
fe taire , il lui dit que la
88 MERCURE
raifon l'avoit remis dans
l'état où elle pouvoit le
fouhaiter : que bien loin
d'exiger d'elle aucune
amitié de preference ,
comme il avoit eu le
malheur de lui déplaire ,
il ſe croyoit moins en
droit que tous les autres
amis de pretendre à ſon
eftime ; & qu'afin de reparer
une faute , qu'il
avoit peine lui-meſme à
fe pardonner , il lui pro - `
reftoit qu'il n'attendroit,
jamais
GALANT . 89-
jamais d'elle aucun ſentiment
dont il puſt tirer
quelque avantage . La
Dame lui témoigna quelle
étoit ravie qu'en
changeant de fentiment,
il vouluft bien ne la
reduire à le bannir de
chez elle : mais elle fut
pas
fort furpriſe quand ,
aprés l'avoir affurée tout
de nouveau qu'il n'afpiroit
plus à eftre aimé ,
la conjura de lui accorder
un foulagement
Fanv . 1713 .
H
il
90 MERCURE
qui ne pouvant intereſ
fer fa vertu , pouvoit au
moins lui rendre la vie
plus fupportable. Ce foulagement
étoit d'ofer lut
dire, fans qu'elle s'en offensât
, qu'il avoit pour
elle la plus violente paffion
, & que faifant confifter
tout fon bonheur
dans le plaifir de la voir ,
il lui confacroit le plus
fincere & le plus refpe-
Atueux attachement qu'-
elle pouvoit attendre
GALANT . 91
d'un homme , qui ne
confervant aucune pretention
, l'aimoit feulement
parce qu'elle avoit
mille qualitez aimables .
La Dame ayant repris
fon ferieux , lui dit qu'-
on ne lui avoit jamais
appris à mettre de difference
entre fouffrir d'être
aimée , & avoir deffein
d'aimer ; & qu'étant
fort éloignée de fentir
de pareils mouyemens
, elle fe verroit
Hij
92 MERCURE
contrainte de rompre avec
lui entierement
, s'il
s'obſtinoit à nourrir un
folamour , que mille raifons
avoient dû lui faire
éteindre . Il fit ce qu'il
put pour la fléchir , il
la trouva inexorable ; il
lui parla de la même
forte en deux ou trois occafions
, il reçut encore
les mêmes réponſes . Enfin
la Dame lui défendit
fi abfolument de lui parler
jamais de fa paffion ,
GALANT. 93
qu'il lui répondit avec
les marques d'un vrai
defefpoir , qu'il lui feroit
plus aiſé de renoncer
à la vie squ'il en fçavoit
les moyens ; & que
quand le mal feroit fans
remede , elle auroit peutêtre
quelque déplaifir
d'en avoir été la caufe .
La Dame lui repliqua -
froidement que fi la joye
de mourir avoit de
le toucher , il pouvoit fe
fatisfaire, & qu'elle étoit
quoy
94 MERCURE
laffe de lui donner d'utiles
confeils. Il fortit
outré de ces dernieres
paroles , & fe mit en
tefte de lui arracher
au moins en mourant
ane fenfibilité dont tout
fon amour n'avoit pû
le rendre digne . Il s'encouragea
le mieux qu'il
put ; & fe fentant de
la fermeté autant qu'il
crut en avoir befoin , il
fe rendit deux jours aprés
chez la Dame , à
GALANT . 95
onze heures du matin ;
il choifit ce temps pour
la trouver feule ; & dans
la crainte qu'elle ne le
renvoyât s'il la faifoit
avertir , il monta tout
droit à fon appartement
.
Il n'y rencontra que la
fuivante , qui lui dit que
fa maîtreffe n'y étoit pas ,
qu'elle reviendroit incontinent
, & qu'il pouvoit
choisir de l'attendre
, ou de l'aller trouver
dans la maiſon où
96 MERCURE
elle étoit . Il refolut de
l'attendre ; & commençant
à marcher avec l'action
d'un homme qui
meditoit quelque chofe
, il s'attira les regards
de cette fuivante , qui'
remarqua dans fes yeux
de l'égarement. Elle fortit
de la chambre , & fe
mit en lieu commode
pour obferver ce qu'il
feroit. Aprés qu'il eut
encore marché quelque
temps , il s'arrefta tout
d'un
GALANT . 97
d'un coup , tenant fa
main fur fon front , &
révant profondément.
Enfuite elle lui vit tirer
un poignard , & le mettre
fous fa toilette ; la
frayeur qu'elle eut penfa
l'obligea à faire un cri :
mais fçachant la chofe ,
elle demeura perſuadée
qu'il n'en pouvoit arriver
de mal , & il lui parut
qu'il valoit mieux ne
rien dire . Dans ce mefme
inftant on entendit
Fanv . 1713 .
I
98 MERCURE
rentrer le caroffe , & auf
fitôt elle vint dire au
Marquis que fa maîtreſſe
arrivoit. Le Marquis étant
allé au - devant d'elle
, pour lui prefenter la
main fur l'efcalier , la
fuivante prit ce temps
pour fe faifir du poignard
, & par je ne ſçai
quel mouvement trouvant
un éventail
fur la
table , elle la mit fous la
toilette , au meſme endroit
où le poignard
a-
BEL
YON
THÈQUE
GALANT.99
voit été caché . La
me entra dans fa chambre
, & entretint le Marquis
de quelques nouvelles
. Il eut la force de
lui déguiſer fon trouble ;
& la fuivante étant fortie
fur quelque ordre de
fa maîtreffe , il fe mit à
fes genoux , la conjurant
de nouveau pour la derniere
fois de ne point
pouffer fon defefpoir aux
extremitez où il craignoit
qu'il n'allât . La
DE
Π
I ij
100 MERCURE
Dame aprehendant qu '
on ne le furprît dans
cette poſture , le fit relever
d'autorité abfoluë ;
& quand il vit que, fans
s'émouvoir de ce qu'il
lui proteftoit qu'il étoit
capable de fe tuer , elle
apelloit ſa ſuivante pour
interrompre fes plaintes
, tout hors de luimefme
, ne fe poffedant
plus , il courut à la toi
lette, prit l'éventail qu'il
y trouva , & s'en donna
GALANT . 101
un coup de toute la force
, fans s'appercevoir
que fon poignard étoit
metamorphofe
. La Dame
furpriſe de ce coup
d'éventail , ne fçavoit
que croire d'un tranfport
fi ridicule ; cependant
elle le vit tomber
à fes pieds. Son imagination
frapée vivement
du deffein de fe tuer
avoit remué tous fes ef
prits ; & ne doutant
point qu'il ne fe fût fait
44
I iij
102 MERCURE
une bleffure mortelle , il
perdit connoiffance
, &
refta long - temps éva
noüi. La fuivante entra
dans ce moment , & ne
fe put empêcher de rire ,
de voir le Marquis dans
l'état où il étoit . La Da
me ne fongea qu'à l'en
tirer , & ne voulut ap
peller perfonne , afin d'é
touffer la choſe , dont
on eûtpû faire des contes
fâcheux . Enfin une bou
teille d'eau de la Reine
GALANT. 103
de Hongrie ranima fes
fens , & le fit revenir à
lui . Il pria d'abord qu'on
le laiffat mourir fans fecours
: fur quoy la Da
me lui dit qu'il aimoit
la vie plus qu'il ne penfoit
, & qu'il pouvoit
s'affurer de n'en fortir de
long - temps , s'il ne vou
loit employer qu'un éventail
pour fe délivrer
de fes malheurs . Il crut
que laDame, pour mieux
l'infulter , affectoit la
I iiij
104 MERCURE
raillerie , & chercha à
terre le fang qu'il devoit
avoir verfé. Il n'en
trouva point , & moins
encore de bleffure. Il
箍
s'étoit donné le coup de
fi bonne foy , qu'il ne
pouvoit revenir de fa
furprife. Il demanda par
quel charme on l'avoit
fauvé de fon defeſpoir
;
& la Dame , qui étoit
bien éloignée de comprendre
qu'il eût voulu
fe tuer effectivement , lui
GALANT. 105
ayant marqué qu'elle
n'aimoit point de pareilles
ſcenes , la fuivante ne
lui voulut pas ôter la
gloire de fa courageufe
refolution de tourner
fon bras contre lui-même
; elle montra le poignard,
& raconta ce qu²-
elle avoit fait. Le Marquis
fut fi honteux de
l'avanture de l'éventail ,
qu'étant d'ailleurs accablé
par les reproches que
lui fit la Dame d'un em106
MERCURE
portement fi extravagant
, il fe retira chez
lui fitôt qu'il fut en état
de s'y conduire. La neceffité
où il étoit de ne
la plus voir lui fit prendre
le deffein de s'en éloigner
; & pour en tirer
quelque merite , il
reſolut à voyager , afin
qu'elle pût connoître
que , même en ſe banniffant
, il s'attachoit à
fuivre fes ordres..
galante.
-ê-
Vous
croyez peut-ê
tre que les amans
ne
veulent
mourir
qu'en
vers , & qu'on n'en voit
point qui prennent
cette
refolution
fi ce n'eft dans
une fable . Il eſt aifé
de vous détromper
, en
Vous
GALANT. 65
vous aprenant une avanture
que des perſonnes
trés- dignes de foy vous
affureront être veritable.
Un jeune Marquis ,
à qui fa naiffance & fes
belles qualitez donnoient
entrée chez les
perfonnes les plus confiderables
du beau fexe ,
voyoit la plupart de celles
qui paffoient
pour
être aimables
, fans aucun
peril pour fa liberté
. Il étoit fort delicat
Janv. 1713.
F
66 MERCURE
fur le vrai merite ; &
comme en examinant
toutes les belles , il leur
trouvoit des défauts dont
il ne pouvoit s'accommoder
, quelques frequentes
attaques qui lui
fuffent faites , il fe gas
rantiffoit fans peine des.
ſurpriſes de l'amour. Aprés
que fon coeur cut
été long- temps oifif , le
moment vint où il trou
va de quoy l'occuper.
Un homme de qualité
GALANT.
67
faifant à la Cour fort
bonne figure , alla ſe marier
en Province à une
riche heritiere d'une
Maiſon trés- connuë , &
un mois aprés il l'amena
à Paris . Elle n'étoit point
de ces beautez regulicres
dont la nature femble
avoir pris peine à finir
les traits : mais elle
avoit un air fi piquant ,
& tant d'agrément étoit
répandu dans fa perfonne
& dans fes manieres ,
Fij
68 MERCURE
qu'il étoit prefque impoffible
de n'en être pas
touché . Elle ne fut pas
fitôt arrivée que l'on
s'empreffa de tous côtez
à l'aller feliciter fur fon
mariage. Le jeune Marquis
fut un des premiers
dont elle receut les complimens.
Il alla chez elle,
plein de cette confiance
qui lui avoit toujours fi
bien reüffi ; & quoy qu'il
fuft frapé en la voyant,
& qu'il fentît tout à
GALANT.
69
coup ce trouble fecret ,
qui eft le prefage d'une
grande paffion , il crut
avoir effuyé des occafions
plus dangereuſes
,
& qu'aprés un moment
de reflexion
, & un examen
un peu ferieux , ſa
raifon le maintiendroit
dans l'indépendance
où
il s'étoit toujours
confervé
. Il s'attacha donc
à étudier cette charmante
perfonne mais foit
que fon coeur trop préMERCURE
venu lui cachât en elle
ce qu'il voyoit dans les
autres ; foit que l'habitude
qu'on prend en Province
d'une vie plus retirée
, lui cuft acquis une
droiture d'efprit qui lui
laiffat ignorer ce que
c'eſt
fauffeté & que
que
tromperie , plus il voulut
la connoître , plus il
lui découvrit un merite
fans défaut : elle parloit
jufte , donnoit un tour
ſi agreable à tout ce qu'
1
GALANT..
71
elle difoit , & avoit des
manieres fi polies & fi
attirantes , qu'il ne faut
pas s'étonner fi en peu de
temps elle fe fir une
groffe Cour. Le jeune
Marquis , qui alloit fouvent
chez elle , ne fut
pas fâché d'y trouver la
foule elle empêchoit
qu'on ne remarquât trop
fon empreffement , & il
efpera d'ailleurs qu'ayatl'efprit
fin & delicat , il
brilleroit davantage par
72 MERCURE
mi un nombre de gens
ordinaires , qui ne debitant
que des lieux communs
, étoient incontinent
épuifez. L'impreffion
que fit fur fon coeur
le merite de la Dame ,
lui fit
connoître en peu
de temps que ce qu'il
fentoit pour elle étoit de
l'amour: mais ce merite
avoit un charme ſi attirant
,qu'il étoit contraint
d'applaudir
lui- meſme
à fa paffion : & quand il
n'eût
GALANT. 73
n'eût pas voulu s'y abandonner
, il étoit de fa
deſtinée de s'y foùmet-
>
tre , & tous les efforts
qu'il eût pu faire pour
s'en garantir auroient été
Cependant
,
inutiles.
pour ne negliger aucun
remede dans la naiffance
du mal , il ſe priva quelques
jours du plaifir de
voir la Dame , & la longueur
de ces jours lui fut
fi infupportable
, que
tous les plaifirs fem-
Janv . 1713 .
G
74 MERCURE
bloient être morts pour
lui . La Dame , qui eftimoit
ſon eſprit , & qui
s'étoit
apperçuë
que les
dernieres
converſations
qu'elle avoit euës avec
ceux qui la voyoient ordinairement
n'avoient
pas été fi vives , parce
qu'il avoit manqué de
s'y trouver, lui reprocha
fa deſertion en le revoyant
; & ce reproche ,
qu'elle lui fit d'une maniere
fine & fpirituelle ,
GALANT .
75
acheva de le refoudre à
luidonner tous fes foins .
Ce n'eft pas qu'en s'attachant
à l'aimer, il n'envifageât
la temerité de fon
entreprife . Illa connoiffoit
d'une vertu delicate ,
que les moindres chofes
pouvoient effrayer , &
dans les fcrupules où il
la voyoit fur l'interêt de
fa gloire , il avoit peine à
comprendre comment il
pourroit lui parler de fa
paffion : mais quoy qu'il
Gij
76 MERCURE
ouvrit les yeux fur le
peril du naufrage , il ne
laiffa pas de s'embarquer,
L'amour diffipoit fes
craintes , & les miracles
qu'il fait tous les jours
fur les coeurs les moins
fenfibles lui en faifoient
attendre un pareil . Pour
moins hazarder il crus
à propos de prendre un
air libre , qui l'autorisât
à expliquer un jour à la
Dame fes plus fecrets
fentimens. Il lui difoit
GALANT . 77
quelquefois d'une maniere
galante qu'elle ne
connoiffoit pas la moitié
de fon merite ; quelquefois
il s'avifoit de lui
trouver de nouveaux
brillans qui le faifoient
récrier fur fa beauté : &
en lui difant devant tout
le monde qu'on hazardoit
beaucoup à la voir ,
il croyoit l'accoutumer
infenfiblement
à lui permettre
de faire en particulier
l'application de
G iij
78 MERCURE
ce qu'il fembloit n'avoir
dit qu'en general . Un
jour qu'il étoit feul avec
elle , aprés avoir plaifanté
fur une avanture
de gens qu'elle connoiffoit
, il lui dit avec cet
air libre & enjoüé dont
il s'étoit fait une habitude
, qu'il s'étonnoit
qu'il pût s'aimer affez
peu pour venir toujours
fe perdre en la regardant
. La Dame d'abord
ne repouffa la douceur
GALANT . 79
qu'en lui répondant qu'il
rêvoit mais il ajouta
tant d'autres chofes , qui
faifoient entendre plus
qu'on ne vouloit
, & il
jura tant de fois , quoique
toujours
en riant ,
qu'il ne difoit rien que
de veritable , qu'elle fut
enfin forcée de prendre
fon ferieux , & de lui
dire qu'il ne pouvoit être
de fes amis s'il ne changeoit
de fentimens . Le
Marquis lui repliqua
Giiij
80. MERCURE
que la qualité de fon
ami lui feroit trés- glorieufe
, qu'il fçavoit trop
la connoître
, & fe connoître
lui - mefme
, pour
en fouhaiter
une autre :
mais qu'il étoit impoffible
qu'il vécût content ,
fi elle ne lui faifoit la
grace de le recevoir pour
fon ami de diftinction .
fa vertu
La
Dame , que
rendoit
très- peu diſtinguante
, répondit
d'un
ton fort fier qu'elle ne
GALANT . S
croyoit devoit diftinguer
les gens que par
leur refpect & leur fageffe
, & que quand il
n'oublieroit
pas ce qu'il
lui devoit peut -être
voudroit - elle bien fe
fouvenir qu'il n'étoit pas
fans merite. Cette ré-
>
ponſe , qu'elle accompa
gna d'un regard ſevere ,
déconcerta le jeune Marquis.
Il vint du monde ;
& quoy qu'il pût faire
pour ſe remettre l'efprit
$2 MERCURE
dans un embarras qui
l'obligea de fe retirer ,
les reflexions qu'il fit
furent cruelles : il avoit
le coeur prévenu du plus
violent amour ; & loin
que la fierté de la Dame
lui aidat à l'affoiblir , il
entroit dans les raifons
qui l'avoient portée à
lui ôter toute efperance .
Cette conduite redoubloit
l'eftime qu'il avoit
pour elle ; & plein d'admiration
pour fa vertu
GALANT . 83
ne pouvant
la condamner
, quoy
qu'elle
fût
caufe
de toutes
les peines
, il fe trouvoit comme
affujetti à la paffion
qui le tourmentoit
. La
neceffité d'aimer , & la
douleur de fçavoir qu'il
déplaifoit
en aimant , le
firent tomber dans une
humeur fombre , qui fut
bien-tôt remarquée de
tous ceux qui le voyoiết ,
Ce n'étoit plus cet homme
enjoüé qui tant de
84 MERCURE
fois avoit été l'ame des
plus agreables converfa
tions ; le trouble & l'inquietude
étoient peints:
fur fon viſage , il rêvoit
à tous momens , & il y
avoit des jours où l'on
avoit peine à l'obliger
de parler. Ce changement
ayant furpris tout
le monde , chacun cherchoit
à en penetrer la
cauſe , & il apportoit de
fauffes raiſons pour empêcher
qu'on ne devinât
GALANT. 85
la veritable. Il n'y avoit
que la Dame, qui fe gardoit
bien de lui demander
ce qu'elle étoit fâchée
de favoir ; & quand
quelquefois on le preffoit
devant elle d'employer
quelque remede
contre le chagrin qui le
dominoit, elle difoit que
s'il fuivoit fes confeils ,
il iroit faire quelque
voyage; qu'en changeant
de lieux , on changeoit
fouvent d'humeur , &
86 MERCURE
que rien n'étoit plus propre
à guerir de certains
maux , que de promener
fes yeux fur des objets
étrangers , qui par leur
diverfité ayant de quoy
occuper l'efprit , en banniffoient
peu à peu les
*
triftes images qui le jettoient
dans l'abattement.
Il n'entendoit que
trop bien ce qu'elle vouloit
lui dire : & il s'eftimoit
d'autant plus infortuné
, qu'en lui conGALANT
. 87
feillant
l'éloignement ,
elle lui faifoit paroître
que fon abfence la toucheroit
peu . Il n'oſoit
pourtant s'en plaindre ,
parce qu'il n'euft pû le
faire fans parler de fon
amour , & que la crainte
de l'irriter tout à fait étoit
un puiſſant motif
pour le condamner
au
filence. Enfin aprés avoir
bien fouffert , & s'être
long - temps contraint à
fe taire , il lui dit que la
88 MERCURE
raifon l'avoit remis dans
l'état où elle pouvoit le
fouhaiter : que bien loin
d'exiger d'elle aucune
amitié de preference ,
comme il avoit eu le
malheur de lui déplaire ,
il ſe croyoit moins en
droit que tous les autres
amis de pretendre à ſon
eftime ; & qu'afin de reparer
une faute , qu'il
avoit peine lui-meſme à
fe pardonner , il lui pro - `
reftoit qu'il n'attendroit,
jamais
GALANT . 89-
jamais d'elle aucun ſentiment
dont il puſt tirer
quelque avantage . La
Dame lui témoigna quelle
étoit ravie qu'en
changeant de fentiment,
il vouluft bien ne la
reduire à le bannir de
chez elle : mais elle fut
pas
fort furpriſe quand ,
aprés l'avoir affurée tout
de nouveau qu'il n'afpiroit
plus à eftre aimé ,
la conjura de lui accorder
un foulagement
Fanv . 1713 .
H
il
90 MERCURE
qui ne pouvant intereſ
fer fa vertu , pouvoit au
moins lui rendre la vie
plus fupportable. Ce foulagement
étoit d'ofer lut
dire, fans qu'elle s'en offensât
, qu'il avoit pour
elle la plus violente paffion
, & que faifant confifter
tout fon bonheur
dans le plaifir de la voir ,
il lui confacroit le plus
fincere & le plus refpe-
Atueux attachement qu'-
elle pouvoit attendre
GALANT . 91
d'un homme , qui ne
confervant aucune pretention
, l'aimoit feulement
parce qu'elle avoit
mille qualitez aimables .
La Dame ayant repris
fon ferieux , lui dit qu'-
on ne lui avoit jamais
appris à mettre de difference
entre fouffrir d'être
aimée , & avoir deffein
d'aimer ; & qu'étant
fort éloignée de fentir
de pareils mouyemens
, elle fe verroit
Hij
92 MERCURE
contrainte de rompre avec
lui entierement
, s'il
s'obſtinoit à nourrir un
folamour , que mille raifons
avoient dû lui faire
éteindre . Il fit ce qu'il
put pour la fléchir , il
la trouva inexorable ; il
lui parla de la même
forte en deux ou trois occafions
, il reçut encore
les mêmes réponſes . Enfin
la Dame lui défendit
fi abfolument de lui parler
jamais de fa paffion ,
GALANT. 93
qu'il lui répondit avec
les marques d'un vrai
defefpoir , qu'il lui feroit
plus aiſé de renoncer
à la vie squ'il en fçavoit
les moyens ; & que
quand le mal feroit fans
remede , elle auroit peutêtre
quelque déplaifir
d'en avoir été la caufe .
La Dame lui repliqua -
froidement que fi la joye
de mourir avoit de
le toucher , il pouvoit fe
fatisfaire, & qu'elle étoit
quoy
94 MERCURE
laffe de lui donner d'utiles
confeils. Il fortit
outré de ces dernieres
paroles , & fe mit en
tefte de lui arracher
au moins en mourant
ane fenfibilité dont tout
fon amour n'avoit pû
le rendre digne . Il s'encouragea
le mieux qu'il
put ; & fe fentant de
la fermeté autant qu'il
crut en avoir befoin , il
fe rendit deux jours aprés
chez la Dame , à
GALANT . 95
onze heures du matin ;
il choifit ce temps pour
la trouver feule ; & dans
la crainte qu'elle ne le
renvoyât s'il la faifoit
avertir , il monta tout
droit à fon appartement
.
Il n'y rencontra que la
fuivante , qui lui dit que
fa maîtreffe n'y étoit pas ,
qu'elle reviendroit incontinent
, & qu'il pouvoit
choisir de l'attendre
, ou de l'aller trouver
dans la maiſon où
96 MERCURE
elle étoit . Il refolut de
l'attendre ; & commençant
à marcher avec l'action
d'un homme qui
meditoit quelque chofe
, il s'attira les regards
de cette fuivante , qui'
remarqua dans fes yeux
de l'égarement. Elle fortit
de la chambre , & fe
mit en lieu commode
pour obferver ce qu'il
feroit. Aprés qu'il eut
encore marché quelque
temps , il s'arrefta tout
d'un
GALANT . 97
d'un coup , tenant fa
main fur fon front , &
révant profondément.
Enfuite elle lui vit tirer
un poignard , & le mettre
fous fa toilette ; la
frayeur qu'elle eut penfa
l'obligea à faire un cri :
mais fçachant la chofe ,
elle demeura perſuadée
qu'il n'en pouvoit arriver
de mal , & il lui parut
qu'il valoit mieux ne
rien dire . Dans ce mefme
inftant on entendit
Fanv . 1713 .
I
98 MERCURE
rentrer le caroffe , & auf
fitôt elle vint dire au
Marquis que fa maîtreſſe
arrivoit. Le Marquis étant
allé au - devant d'elle
, pour lui prefenter la
main fur l'efcalier , la
fuivante prit ce temps
pour fe faifir du poignard
, & par je ne ſçai
quel mouvement trouvant
un éventail
fur la
table , elle la mit fous la
toilette , au meſme endroit
où le poignard
a-
BEL
YON
THÈQUE
GALANT.99
voit été caché . La
me entra dans fa chambre
, & entretint le Marquis
de quelques nouvelles
. Il eut la force de
lui déguiſer fon trouble ;
& la fuivante étant fortie
fur quelque ordre de
fa maîtreffe , il fe mit à
fes genoux , la conjurant
de nouveau pour la derniere
fois de ne point
pouffer fon defefpoir aux
extremitez où il craignoit
qu'il n'allât . La
DE
Π
I ij
100 MERCURE
Dame aprehendant qu '
on ne le furprît dans
cette poſture , le fit relever
d'autorité abfoluë ;
& quand il vit que, fans
s'émouvoir de ce qu'il
lui proteftoit qu'il étoit
capable de fe tuer , elle
apelloit ſa ſuivante pour
interrompre fes plaintes
, tout hors de luimefme
, ne fe poffedant
plus , il courut à la toi
lette, prit l'éventail qu'il
y trouva , & s'en donna
GALANT . 101
un coup de toute la force
, fans s'appercevoir
que fon poignard étoit
metamorphofe
. La Dame
furpriſe de ce coup
d'éventail , ne fçavoit
que croire d'un tranfport
fi ridicule ; cependant
elle le vit tomber
à fes pieds. Son imagination
frapée vivement
du deffein de fe tuer
avoit remué tous fes ef
prits ; & ne doutant
point qu'il ne fe fût fait
44
I iij
102 MERCURE
une bleffure mortelle , il
perdit connoiffance
, &
refta long - temps éva
noüi. La fuivante entra
dans ce moment , & ne
fe put empêcher de rire ,
de voir le Marquis dans
l'état où il étoit . La Da
me ne fongea qu'à l'en
tirer , & ne voulut ap
peller perfonne , afin d'é
touffer la choſe , dont
on eûtpû faire des contes
fâcheux . Enfin une bou
teille d'eau de la Reine
GALANT. 103
de Hongrie ranima fes
fens , & le fit revenir à
lui . Il pria d'abord qu'on
le laiffat mourir fans fecours
: fur quoy la Da
me lui dit qu'il aimoit
la vie plus qu'il ne penfoit
, & qu'il pouvoit
s'affurer de n'en fortir de
long - temps , s'il ne vou
loit employer qu'un éventail
pour fe délivrer
de fes malheurs . Il crut
que laDame, pour mieux
l'infulter , affectoit la
I iiij
104 MERCURE
raillerie , & chercha à
terre le fang qu'il devoit
avoir verfé. Il n'en
trouva point , & moins
encore de bleffure. Il
箍
s'étoit donné le coup de
fi bonne foy , qu'il ne
pouvoit revenir de fa
furprife. Il demanda par
quel charme on l'avoit
fauvé de fon defeſpoir
;
& la Dame , qui étoit
bien éloignée de comprendre
qu'il eût voulu
fe tuer effectivement , lui
GALANT. 105
ayant marqué qu'elle
n'aimoit point de pareilles
ſcenes , la fuivante ne
lui voulut pas ôter la
gloire de fa courageufe
refolution de tourner
fon bras contre lui-même
; elle montra le poignard,
& raconta ce qu²-
elle avoit fait. Le Marquis
fut fi honteux de
l'avanture de l'éventail ,
qu'étant d'ailleurs accablé
par les reproches que
lui fit la Dame d'un em106
MERCURE
portement fi extravagant
, il fe retira chez
lui fitôt qu'il fut en état
de s'y conduire. La neceffité
où il étoit de ne
la plus voir lui fit prendre
le deffein de s'en éloigner
; & pour en tirer
quelque merite , il
reſolut à voyager , afin
qu'elle pût connoître
que , même en ſe banniffant
, il s'attachoit à
fuivre fes ordres..
Fermer
Résumé : AVANTURE galante.
Le texte raconte l'histoire d'un jeune Marquis, réputé pour sa délicatesse et son discernement, qui évitait les pièges de l'amour. Cependant, sa vie change lorsqu'il rencontre une riche héritière récemment mariée à un homme de qualité. Bien que cette dame ne soit pas conventionnellement belle, elle possède un charme et une grâce qui captivent le Marquis. Malgré ses efforts pour résister, il tombe éperdument amoureux d'elle. Il tente de dissimuler ses sentiments en lui rendant visite fréquemment, mais finit par lui avouer son amour. La dame, vertueuse et fière, rejette ses avances et lui somme de changer de sentiments. Le Marquis, désespéré, sombre dans une profonde mélancolie. Après plusieurs tentatives infructueuses pour la convaincre, il décide de se rendre chez elle pour une ultime déclaration. Parallèlement, un autre incident impliquant le Marquis et sa maîtresse est relaté. La servante du Marquis, profitant d'un moment où il accueillait sa maîtresse, remplace un poignard caché dans la toilette par un éventail. La maîtresse du Marquis, ignorant ce changement, le trouve agité et tente de le calmer. Le Marquis, désespéré, se donne un coup d'éventail, croyant tenir le poignard. Il perd connaissance, pensant s'être blessé mortellement. La servante révèle alors la substitution du poignard par l'éventail. Le Marquis, honteux et accablé par les reproches de sa maîtresse, décide de se retirer et de voyager pour éviter de la revoir, espérant ainsi prouver son attachement à ses ordres. Le texte se termine sur cette scène, laissant en suspens la suite des événements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 183-201
QUI RÉPOND paye. Avanture du Carnaval.
Début :
Un jeune Officier, plein de merite, trés-riche et trés-genereux, [...]
Mots clefs :
Aventure, Carnaval, Officier, Avarice, Traiteur, Santé, Logis, Café, Carrosse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUI RÉPOND paye. Avanture du Carnaval.
QJJI REP 0 N D
paye.
AvMtmt du Carnaval. i uN jeune Officier;
plein de mérité, trés-riche
& très-genereux,
nais sujet à oublier les
parties de plaisir, parce
q1u'il en avoit trop à choi- sir,s'etant rencontre'ddepuis
quelques jours chez
une Dame de qualité,
quiregaloit plusieurs d
ses amies & de ses amis
fut prié de la fête par u
ami conlrnun" de cett
Dame&delui.Cetam
étoit aussijeune,riche, 8
avoit quelque mérité
mais il étoit d'une ava
rice qui n'auroit pas me
meété pardonnable à un
vieillard. Ce jeuneavar
étoit amoureux d'un
veuve, amie de la Da
me, qui donnoit souven
des foupers,& c'est pou
cela
cèla qu'il en avoit procuré
la connoissance à
celle qu'il aimoit beaucoup:
mais pas assez pour
se résoudre à lui donner
des cadeaux à ses dépens.
Toute son étude
étoit de; lui en procurer
:jui ne lui coûtassent
tien, Revenons au jeune
Pfhcier..,.. Iln'étoit pas
lâché de donner des repas
: mais il n'écoit pas
rien aised'être la dupe
le l'autre.lts étoient
tous deux du souper de
la Dame, & la bonne
chere qu'on y fit donna
occasion au jeune avare
de louer celle que le jeune
liberal faisoit ordinairement
à ses amis:
ensuite, pour l'engager
, L£.' dl\. 'J - a offrir a dîner a la com
pagnie dont sa maîtresse
étoit, il donna envie aux
Dames d'aller voir un
appartement que l'autre
avoit fait nouvellement
ajuster.Undîner dans
cet appartement fut offert
; &; le jour étant
pris, l'on se donna rendez-
vous chez la Dame
où l'on étoit, pour aller
tous ensemble au dîner
promis. Comme il y avoit
eu deux jours d'intervale,
le dîner fut oublié
par l'Officier: mais
il ne le fut pas par le
jeune avare, qui eut foin
de rassembler tous les
convives chez la Dame,
comme on en etoit convenu
,8c tous ensemble
furent de-,,tré's - bonne
heure, cest- à
-
dire dés
midi, pour voir à loisir
l'appartement & les nouveaux
ajustemens avant
l'heure du dîner. Chacun
monta en carosse,
& l'on se rendit à la maison
, où l'on ne trouva
qu'un laquais & sa cuisîniere
,
qui assurerent
que leur maître nevient
droit pas dîner chez luï
Quelques-uns de la com
pagnie rirent beaucoup
d'un pareil oubli; quelques
autres en furent fâchez
: Se le jeune ava- re, qui prenoitlibrement
& genereusement
son parti chez autrui,
dit à la compagnie qu'
elle ne s'embarassât pas,
& qu'il seroit les honneurs
de la maison de
son ami ; qu'on n'avait
qu'à voir l'appartement,
6c que le dîner viendroit
ensuite.Toute la
compagnie accepta ce
parti; car on connoissoit
le maître de la maison
pour homme qui eti.
tendoit raillerie, & qui
ne se fâcheroit pas qu'-
on l'eût puni de son oubli.
Le jeune avare fut
chez un grand Traiteur,
qui n'etoit pas loin de
là, dont se servoit fouT
vent son ami, & dont
il se servoit lui -mêtra
une fois par an quand il
y étoit forcé. Il cotai
manda un repas magni.
fique, qu'il répondit de
payer au Traiteur,en
casque celui qui le donnoit
ne le payât pas. Il
croyoit bien ne rien risquer,
8c comptoit fort
sur la generofîcé de son
ami.Ledîner fut préparé
, & porté dans l'appartement,
où l'on n'épargna
rienpour sebien
réjouir. La fanté de l'hâte
absent fut bûë plusieurs
fois, & l'on fit venir
violons & hautbois
pour danser jusqu'au
foir. Lemaîtredulogis
revint chez lui dans le
fort de laréjoüissance;
& comme il oublioit
parfaitement ce qu'il oublioit,
il fut trés-surpris
de trouver une espece de
noce dans sa maison , qu'il avoit laissée le matin
si tranquille : mais
dés qu'il vit la compagnie,
sa surprisesetourna
bientôten joye.Il
fit
sit de son mieux, & augmenta
le plaisirdes autres
, en le partageant de
bonne grace: mais il ne
laissa pas de méditer une
cfpece de vengeance de
celui qui avoit fait si librement
les honneurs de
chezlui.Il feignit d'avoir
une petite affaire pour
une demi - heure seulement;
aprés quoy ilrevint
chez lui passer encore
quelques heures,
& pria ensuitela compagnieque
la fête ceL;,
fât surlesneuf oudix
heures, de peur que les
violons dans un temps
decarnaval ne 14 atçii
rassent les masques. On
cessa donc de danser, &
l'h,ô,ce: proposa au jeune
avare de donner ducaffé
chez lui: ce qu'il acceptat
de bon coeur ; car il n'é-
£oit plus questionde souper
aprés un si grand repas,
& de plus, il se piquoit
d'avoir un offiçi.y|
quifaisoitle meilleur
caffé de Paris, S>C il prenoit
sa revanche encaffé
de tous les grands repas
qu'on lui donnoit.
On remonta donc en
carosse, on arriva chez
lui sur lesdix heures.
Il descendit le premier,
& pensa tomber de son
haut,à l'ouverture de
sa porte,quandilvitsa
cour, sonsalon & son
jardin éclairez d'une itlumination.
Toute la
compagnie lui fie des
complimens de sa galanterie
:mais il étoit muet
d'étonnement; & ce sut
bien autrement, quand
il vit en entrant dans sa
sale une table servie superbement,
un busses
magnifiquement, orné
< ëC qu'il entendit un moment
apras les violon
dans son jardin. La si
tuation où il setrouvoit
ne se peut gueres bien
imaginer;car toutesle
Dames étoient surprises
de bonne foy de voir la
fête que cet avare leur
avoit preparée, & lui
n'avoit pas la force d'en
recevoir, ni d'en refuser
les complimens. Il prit
son homme un moment
en particulier
, & lui demanda
si c'étoit lui ou le
diable qui avoit préparé
cette fête sans son ordre.
La premiere réponse que
son homme lui fit fut
de luirire au nez;car il
s'étaitdéjà enyvré au
buffetv?&: fqn3 m?iftrc
ne put tcirerdeluid'autreréponse
que,Ne
'llOJfJ",fâchezpasMonsieur,
ilne vouf en coû-,
tera rien. Un autre valet
moinsyvre :lui-,c6hfirma
lamêmechose, en
lui disant Quiert effet il
îveiui en-cotîtcroicrien,
s'ilnevouloit.Ilseconsolaun
moment,dans
ecxetptleieqsupeerrcaentctee,é&ncsigemfiet.,
On lui dit qu'onavoit
raitapporter coût cela
chez lui par un hommes
quiétoit en effet un diablepour
les impromptu ;
que le Traiteur s'étoit
jointàcet homme, &
que l'amichez qui il avoit
dîné avoit répondue
à cesgens là du payementdetoutes
choses.
il salutealler rejoindre
les Dames;qui demandoientà
cor & à cri ce..¡
lui qui les regaloitsimagnifiquement.
On étoit
déja à table 5iI futcontraint
des'y mettre, plus
troublé&plusagité que
s'il eût eu chez luiàdej
voleurs. Enfin l'auteur
de ce regal éclaircitle
fait à forcede plaisanteries,
& commençaà
l'assurerqu'il neluien
coûteroit pas un
fouJ
puis qu'il avoitrépondu
de toute la dépense qui
se feroit chez lui: mais
lui dit-il un
moment
âpres•, vous avez aussi
promis de payer toute
la dépense de mon dîner,
si je ne la payois pas,
&je vous protc'fie que
si je paye vôtre souper,
dont j'ai répondu,vous
payerez mon dîner, qu'-
on nY'.a1 preparé que par
vos ordres, S£ rien n'est
plus juste: payeQ.
paye.
AvMtmt du Carnaval. i uN jeune Officier;
plein de mérité, trés-riche
& très-genereux,
nais sujet à oublier les
parties de plaisir, parce
q1u'il en avoit trop à choi- sir,s'etant rencontre'ddepuis
quelques jours chez
une Dame de qualité,
quiregaloit plusieurs d
ses amies & de ses amis
fut prié de la fête par u
ami conlrnun" de cett
Dame&delui.Cetam
étoit aussijeune,riche, 8
avoit quelque mérité
mais il étoit d'une ava
rice qui n'auroit pas me
meété pardonnable à un
vieillard. Ce jeuneavar
étoit amoureux d'un
veuve, amie de la Da
me, qui donnoit souven
des foupers,& c'est pou
cela
cèla qu'il en avoit procuré
la connoissance à
celle qu'il aimoit beaucoup:
mais pas assez pour
se résoudre à lui donner
des cadeaux à ses dépens.
Toute son étude
étoit de; lui en procurer
:jui ne lui coûtassent
tien, Revenons au jeune
Pfhcier..,.. Iln'étoit pas
lâché de donner des repas
: mais il n'écoit pas
rien aised'être la dupe
le l'autre.lts étoient
tous deux du souper de
la Dame, & la bonne
chere qu'on y fit donna
occasion au jeune avare
de louer celle que le jeune
liberal faisoit ordinairement
à ses amis:
ensuite, pour l'engager
, L£.' dl\. 'J - a offrir a dîner a la com
pagnie dont sa maîtresse
étoit, il donna envie aux
Dames d'aller voir un
appartement que l'autre
avoit fait nouvellement
ajuster.Undîner dans
cet appartement fut offert
; &; le jour étant
pris, l'on se donna rendez-
vous chez la Dame
où l'on étoit, pour aller
tous ensemble au dîner
promis. Comme il y avoit
eu deux jours d'intervale,
le dîner fut oublié
par l'Officier: mais
il ne le fut pas par le
jeune avare, qui eut foin
de rassembler tous les
convives chez la Dame,
comme on en etoit convenu
,8c tous ensemble
furent de-,,tré's - bonne
heure, cest- à
-
dire dés
midi, pour voir à loisir
l'appartement & les nouveaux
ajustemens avant
l'heure du dîner. Chacun
monta en carosse,
& l'on se rendit à la maison
, où l'on ne trouva
qu'un laquais & sa cuisîniere
,
qui assurerent
que leur maître nevient
droit pas dîner chez luï
Quelques-uns de la com
pagnie rirent beaucoup
d'un pareil oubli; quelques
autres en furent fâchez
: Se le jeune ava- re, qui prenoitlibrement
& genereusement
son parti chez autrui,
dit à la compagnie qu'
elle ne s'embarassât pas,
& qu'il seroit les honneurs
de la maison de
son ami ; qu'on n'avait
qu'à voir l'appartement,
6c que le dîner viendroit
ensuite.Toute la
compagnie accepta ce
parti; car on connoissoit
le maître de la maison
pour homme qui eti.
tendoit raillerie, & qui
ne se fâcheroit pas qu'-
on l'eût puni de son oubli.
Le jeune avare fut
chez un grand Traiteur,
qui n'etoit pas loin de
là, dont se servoit fouT
vent son ami, & dont
il se servoit lui -mêtra
une fois par an quand il
y étoit forcé. Il cotai
manda un repas magni.
fique, qu'il répondit de
payer au Traiteur,en
casque celui qui le donnoit
ne le payât pas. Il
croyoit bien ne rien risquer,
8c comptoit fort
sur la generofîcé de son
ami.Ledîner fut préparé
, & porté dans l'appartement,
où l'on n'épargna
rienpour sebien
réjouir. La fanté de l'hâte
absent fut bûë plusieurs
fois, & l'on fit venir
violons & hautbois
pour danser jusqu'au
foir. Lemaîtredulogis
revint chez lui dans le
fort de laréjoüissance;
& comme il oublioit
parfaitement ce qu'il oublioit,
il fut trés-surpris
de trouver une espece de
noce dans sa maison , qu'il avoit laissée le matin
si tranquille : mais
dés qu'il vit la compagnie,
sa surprisesetourna
bientôten joye.Il
fit
sit de son mieux, & augmenta
le plaisirdes autres
, en le partageant de
bonne grace: mais il ne
laissa pas de méditer une
cfpece de vengeance de
celui qui avoit fait si librement
les honneurs de
chezlui.Il feignit d'avoir
une petite affaire pour
une demi - heure seulement;
aprés quoy ilrevint
chez lui passer encore
quelques heures,
& pria ensuitela compagnieque
la fête ceL;,
fât surlesneuf oudix
heures, de peur que les
violons dans un temps
decarnaval ne 14 atçii
rassent les masques. On
cessa donc de danser, &
l'h,ô,ce: proposa au jeune
avare de donner ducaffé
chez lui: ce qu'il acceptat
de bon coeur ; car il n'é-
£oit plus questionde souper
aprés un si grand repas,
& de plus, il se piquoit
d'avoir un offiçi.y|
quifaisoitle meilleur
caffé de Paris, S>C il prenoit
sa revanche encaffé
de tous les grands repas
qu'on lui donnoit.
On remonta donc en
carosse, on arriva chez
lui sur lesdix heures.
Il descendit le premier,
& pensa tomber de son
haut,à l'ouverture de
sa porte,quandilvitsa
cour, sonsalon & son
jardin éclairez d'une itlumination.
Toute la
compagnie lui fie des
complimens de sa galanterie
:mais il étoit muet
d'étonnement; & ce sut
bien autrement, quand
il vit en entrant dans sa
sale une table servie superbement,
un busses
magnifiquement, orné
< ëC qu'il entendit un moment
apras les violon
dans son jardin. La si
tuation où il setrouvoit
ne se peut gueres bien
imaginer;car toutesle
Dames étoient surprises
de bonne foy de voir la
fête que cet avare leur
avoit preparée, & lui
n'avoit pas la force d'en
recevoir, ni d'en refuser
les complimens. Il prit
son homme un moment
en particulier
, & lui demanda
si c'étoit lui ou le
diable qui avoit préparé
cette fête sans son ordre.
La premiere réponse que
son homme lui fit fut
de luirire au nez;car il
s'étaitdéjà enyvré au
buffetv?&: fqn3 m?iftrc
ne put tcirerdeluid'autreréponse
que,Ne
'llOJfJ",fâchezpasMonsieur,
ilne vouf en coû-,
tera rien. Un autre valet
moinsyvre :lui-,c6hfirma
lamêmechose, en
lui disant Quiert effet il
îveiui en-cotîtcroicrien,
s'ilnevouloit.Ilseconsolaun
moment,dans
ecxetptleieqsupeerrcaentctee,é&ncsigemfiet.,
On lui dit qu'onavoit
raitapporter coût cela
chez lui par un hommes
quiétoit en effet un diablepour
les impromptu ;
que le Traiteur s'étoit
jointàcet homme, &
que l'amichez qui il avoit
dîné avoit répondue
à cesgens là du payementdetoutes
choses.
il salutealler rejoindre
les Dames;qui demandoientà
cor & à cri ce..¡
lui qui les regaloitsimagnifiquement.
On étoit
déja à table 5iI futcontraint
des'y mettre, plus
troublé&plusagité que
s'il eût eu chez luiàdej
voleurs. Enfin l'auteur
de ce regal éclaircitle
fait à forcede plaisanteries,
& commençaà
l'assurerqu'il neluien
coûteroit pas un
fouJ
puis qu'il avoitrépondu
de toute la dépense qui
se feroit chez lui: mais
lui dit-il un
moment
âpres•, vous avez aussi
promis de payer toute
la dépense de mon dîner,
si je ne la payois pas,
&je vous protc'fie que
si je paye vôtre souper,
dont j'ai répondu,vous
payerez mon dîner, qu'-
on nY'.a1 preparé que par
vos ordres, S£ rien n'est
plus juste: payeQ.
Fermer
Résumé : QUI RÉPOND paye. Avanture du Carnaval.
Le texte narre une histoire impliquant deux jeunes hommes, un officier généreux et un avare, ainsi qu'une dame de qualité et ses amis. L'officier, bien que riche et généreux, a tendance à oublier les engagements liés aux plaisirs. Lors d'une fête chez la dame, l'avare, amoureux d'une veuve amie de la dame, cherche à obtenir des cadeaux sans dépenser. Lors du souper, l'avare complimente les repas offerts par l'officier et propose une visite de son nouvel appartement, suivie d'un dîner. L'officier oublie le dîner, mais l'avare rassemble les convives et organise un repas somptueux chez un traiteur, comptant sur la générosité de l'officier pour payer. Lorsqu'ils arrivent à l'appartement, ils trouvent un festin préparé par l'avare. L'officier, surpris, se joint à la fête et décide de se venger. Il invite tout le monde chez lui pour le café, mais à leur arrivée, ils découvrent une table somptueusement dressée et des musiciens. L'avare, stupéfait, apprend que le traiteur et un ami ont organisé cette fête à ses frais. L'auteur du repas révèle finalement que l'avare avait promis de payer le dîner de l'officier s'il ne le faisait pas, et vice versa. Ainsi, les deux jeunes hommes se retrouvent à devoir payer chacun les dépenses de l'autre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 3-47
AVANTURE singuliere.
Début :
MONSIEUR, Quoique cette historiette ait un air romanesque par la singularité [...]
Mots clefs :
Aventure, Historiette, Julie, Jeune, Capitaine, Algérien, Prisonnière, Naufrage, Espagne, Cabane
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE singuliere.
AVANTVRE
Jinguliere.
ONSIEUR,
Quoique cette historietteaitunairromanefque
par lasingularitéde
ses évenemens, elle ne
laisse pas d'être veritable
, & je l'ai trouvée
dans quelques mémoires
de feu Monsieur de
Pointis, qui me tomberent
entre les mains
au retour de son expedition
de Cartagene. Je
vous l'envoye telle que
je l'ai, n'ayant pas le
loisir de l'écrire, si non
galamment, du moins
aussi correctement qu'il
le faudroit pour l'inserer
dans vôtre Mercure.
Une veuve de Provence
se trouvant absolument
ruïnée par la
mort de son mari, prit
la resolution d'aller aux
Indes, pour subsister avec
un frere unique,
qui après avoir mangé
tout son bien, étoitallé
s'y établir
,
& y avoit
gagné quelque chose.
Cette veuve avoit toûjours
vécu honorablement
avec son mari;
qui étoit de très-bonne
maison. Elle étoit fort
gloricuse; êG ne voulant
pas qu'onsçustl'extremité
où elle étoit reduiteeIJ.
e. pretexta que
ses affairesl'obligeoient
d'aller faire un voyage
à Lion, & prit en effet
le chemin de Toulon,
où son frere lui avoifcr
écrit qu'elle trouveroit
unArmateurde sesamis,
avec qui elle pouvoit
s'embarquer pour le venir
trouver. Elle arriva
donc dans une hôtellerie
de Toulon avec sa fille
unique, trés-jeune 8c
très-belle, quiétoit encore
plus fâchée que sa mere
de se voir exilée si loin
par la pauvreté. Elles
resterent quelque temps
à Toulon, attendant que
l'Armateur fust en état
de partir. Pendant ce
temps-là cette jeune
beauté fit beaucoup de
bruic à Toulon, & sa
mere espera que quelque
riche Officier leur
épargneroit le voyage
des Indes. Sans doute
pour peu de bien qu'elle
eusttrouvé dansun homme
de naissace, elle
eust accepté des propositions
de mariage.
Un jeune homme,
qui avoit toutes les bonnes
qualitez imaginables
, hors la richesse,
devint passionnément
amoureux de Julie. C'est
ainsi que s'appella la jeune
personne àToulon,
sa mere cachant avec
foin son veritable nom,
parce qu'elle n'étoit pas
en état de le soutenir,
&£ qu'elle vouloit y rester
inconnuë.
Julie donc fut aussi
charmée du jeune homme
qu'illavoitété d'elle.
Ils s'éntr'aimerent,
& se jurerent de s'aimer
toute leur vie, avanc
que la mereeustle
temps de faire expliquer
la Cavalier sur l'article
du bien; car on ne debute
point par là : Julie
étoit trop jeune pour
faire réflexion sur rien,
que sur les qualitez aimables
de celui qui la
charmoit. Il salut; pourtant
s'expliquer; car la
mere étoit prudente, Se
trés -
severe sur l'honneur.
Elle ne jugea pas
à propos qu'ils se vissent
davantage, si le Cavalier
(que nous nommerons
Ergaste) nétoit pas
un parti convenable. Un
jour qu'il étoit venu
pour les voir, elle laissa
safille dans son cabinet,
& vint feule le recevoir.
Ce fut une conversation
fort polie de la part de
lamere, & fort troublée
de la part d'Ergaste,qui
s'apperçut bien qu'on avoit
empêché Julie de
paroître.Enfin on s'expliqua
; Ergaste avoüa
en franc Picard, qu'il
étoit un cadet de Gascogne,
sans bien & sans
esperance, parce que son
frere aîné
,
qui emportoit
tous les biens de si
famille, s'étoit marié de
puis peu. Aprés unaveu
pareillaconversation su
bientôr finie; SC la me
re, en le quittant, lu
dit qu'il étoit à propo
pour son repos & pou
l'honneur de sa fille, qu
ils ne serevissent jamais,
& qu'elle le prioit de ne
plus revenir chez elle.
Ergaste, qu'un pareil
coup avoit mis au desespoir,
prit le parti de s'aller
faire ruer à la guerre.
Il s'embarqua avec
un Capitaine de vaisseau
qui alloit à Cadix, 8c
qui lui promitdele mener
de la en Espagne
quand il auroit fini quel-,
ques affaires qui le devoient
retenir deux ou
trois mois à Cadix.
Un mois aprés l'Armateur
dont nous avons
parlé fut en état de partir;&
la veuve ne voyant
pas d'apparence qu'il se
trouvât à Toulon d'époufeurs
qui convinssent
à Julie, l'embarqua
,plus morte que vives
, & ilspartirent pour
aller aux Indes. L'Armateurne
fut pas heureux
dans sa course: il
fut attaqué per un Corfaire
d'Alger, son vaisseau
fut pris, & la malheureuse
Julie fut faite
esclaveavec sa mere. Il
y avoit déja prés de deux
mois qu'elles étoient en
mer, où les vents contraires
les avoient tourmentées
furieusement ;
la mere tomba malade,
& mourut dans le vaisseau
Algerien, accablée
de fatigues & de chagrins,
&,- Julie n'y resitta
que par sa grande
jeunesse.Ilse trouva parmi
quelques femmes Algériennes
qui étoient
dans ce vajffeau, une
vieille Grecque, qui avoit
fait quelques voyages
en Europe, & qui
par hazard sçavoit un
peu parler Provençal.
Elle avoit faitamitié avec
Julie, & lui tint
lieu de mere dans le reste
de ses avantures, dont la
première fut la prise du
vaisseau Algerien, qui
, fut
fut attaqué par deux
vaisseauxPortugais.Ainsi
Julie se trouva une seconde
fois prisonniere.
Cette fuliteIdeemalheurs eût pourtant été favorable
à Julie, si elle eût
été moins confiante; car
un jeune Portugais, qui
montoit l'un des deux
vaisseaux, devint amoureux
d'elle. Il étoit trésriche,
& l'auroit épousée,
sielleeût pû seresoudre
à se marier, après
avoir perdu l'esperance
de revoir son cher Ergaste.
Il n'étoit pas loin
d'elle, quand elle donna
ce témoignage de sa confiance
pour lui j car il
avoit aidé sans le sçavoir
à la prendre prisonniere,
&C voici comment.
On vous a dit qu'un
Capitaine des amis d'Ergaste
l'avait mené à Cadix,
& lui avoir promis
de le faire passer en Espagne
quelques mois aprés.
Il y en avoit déja
trois qu'il étoità Cadix,
& ce jeune Capitaine
Portugais étoit celui qui
devoit le passer en Espagne
, par consideration
pour l'autte Capitaine,
avec qui il avoit des liaisons
pour le commerce.
Ergaste se trouva donc
dans l'un des deux vaisseaux
qui attaquerent le
vaisseau Algerien.
Ce vaisseau Algerien
se défendit jusqu'à la
dernicre extrémité, en
sorte que ceux-ci furent
contraints d'aller à l'abordage.
Ergaste,quiaccompagnoit
le jeune
Portugais, entra avec lui
dans le vaisseau Algérien
l'épée à la main r
mais ayant été d'abord
dangereusementblessé,
on le reporta dans son
vaisseau avant que le
combat fût fini >ainsî il
ne vit point Julie, &c étoit
bien loin de s'imaginet
qu'el le fûc dans un
vaisseauAlgérien.Mais
le Capitaine Porrugais,
après l'avoirpris, y resta
avec Julie, donc il étoit
devenu passionnément
amoureux;ainsi les trois
vaisseaux faisant route
vers le Portugal, le jeune
Portugais alloit de
temps en temps voir Ergaste
blessé dans son
vaisseau, & revenoit
dans celui de Julie, donr
il ne put jamaistireraucun
éclaircissement
; car
premièrement elle était
,
fort mal, ôc avoit resolu de
se laisser plutôt mourir, que
de recevoir aucun secours
de celui à qui elle craignoic
d'avoir obligation
: outre
cela elle ne parloit que Provençal
, que le jeune Capitaine
n'entendoit point; il
entendoit encore moins le
jargon de la vieille Greque.
Ainsi sans avoir aucune
conversation avec Julie,
il la crut Greque ou Algérienne,
en un mot toute autre
que ce qu'elle étoit.
Ainsi Ergaste
,
à qui il fit
confidence de sonamour,
étoit bien éloigné de pouvoir
soupçonner que c'étoit
sa chere Julie donc il lui
parloir.
L'amour du Capitaine
augmentoit de jour en jour.
Il trouva moyen de faire
comprendre qu'il avoit de
grands biens, & qu'il oftroit
d'époufer: mais on lui
fîtentendre qu'on refufoic
obstinément, & que Julie
n'ayant pu etre a un amant
pour qui elle mourroit constante,
étoit incapable d'écoûter
d'autres propolitions.
C'estquelque malheureux
Algérien qu'elle
aime, disoit un jour à Ergaste
le Capitaine desesperé,
& qui ne méritéapurement
pas cette confiance.
Le récit des beautez de la
prisonnieren'avoit jamais
pu déterminer Ergaste à
paser dans le vaisseau pour
voir celle qui causoit une
passion si violente à son ami.
Il étoit si occupé de son côté
par celle qu'il avoit perdue
à Toulon, qu'il étoit
insensible à tout ce qu'on
poupouvoit
lui dire des autres
beautez, Cependant cette
constance de la belle priÍon",
niere le coucha d'estime
pour elle.ll n'eut aucune euriofité
de la voir: mais il inspira
à son ami des mouvevens
de generositéqu'il auroit
eus lui-même en pareille
occasion, & persuada
enfin à son ami de renvoyer
le vaisseau pris à l'endroit où
la belle prisonniere vouloit
qu'on la menât.LeCapitaine
repassa dans le vaisseau
où étoit Julie,&lui fit expliquer
comme il put laresolution
genereusequ'il avoir
prise. Elle témoigna
qu'elle auroit une reconnoissance
éternelle d'un si
grand bienfait, &pria seulement
qu'on la fia mener à
Toulon, esperant peut- être
y retrouverencore son cher
Ergaste : mais ne pouvant
pas s'expliquer assezlà-des
sus, pour rairesoupçonnes
au Capitaine que ce fût cel
-
le dont Ergalte lui parloit
tous les jours. LeCapitaine
craignant que sa generosité
ne s'affaiblît s'il voyoit plus
long-temps saprisonniere
Confia le vaisseau à un Lieutenant
du sien, à qui il ordonna
de mener la prisonniere
à Toulon, ôe de lui
ramener le vaisseau en Portugal
,dont ilsn'étoient pas
loin. Quand ces vaisseauxse
separerent, le Capitaine
passa dans celui où il avoit
laissé Ergaste, &lui protesta
que lans lui il n'eût pas
été capable d'une resolution
qui lui coûroit si cher; éc
là-dessus il lui dit quecette
belle personne lui avoitdemandé
d'être conduite
Toulon. Il joignit à cela
plusieurs autres particularitez
de leur separation, &
ôc-même répéta quelques
mots> Provençaux que Julieavoir
prononcez en {àû
pirant. En un mot ilvintà
Ergaste des soupçons de la
verité
)
&cessoupçons se
confirmèrent par mille petites
circonstances que le
Capitaine se rappella. Erl
gaste n'eut pas besoin de
prier leCapitaine de suivre
au plus vice le vaisseau
)
qui
étoit encore àivûë: mais
:les' deux qu'ilsmontoient
avoienc été si mal traitez
dans le combat, qu'ils faisoient
eau de tous côtez.
Nos deux amis rivaux surent
contraints de gagner
le Portugal, dans la resolution
de prendre un autre
val»ffeatfpour aller à Tou-
Ion à force de voiles: ce
qu'ils executerent des le
len demain.
Pendant tout le trajet
que firent ensemble les
deux amis rivaux, ce ne fut
qu'un combat continuel de
sentimens genereux. Le Capitaine
protesta à Ergaste
qu'il le verroit conitam
ment possesseur de ce qu'il
aimoit. Ergaste d'un autre
côtéfaisant reflexion qu'il
il.,avoir point de bien, &
que son ami en avoir beaucoup,
lui jura tres-sincerement
qu'il tâcheron de resoudre
Julie à l'épouser. Ils
disposoient ainsi en faveur
l'un de l'autre d'un bien
qu'ils étoient sûrs de retrouver
à Toulon : mais
en y arrivant ils se trouverent
bien loin de leur compte.
Le Lieutenant a qui on
avoir confié le vaisseau ôc
Julie éroit d'un caraétere
bien différent de son Capitaine
jil écoic aussi groilier
& brural que celui-ci étoic
poli & genereux. Il tâcha
d'abord d'attendrirJulie
par une passion feinte & un.
refpeâ:affedté : mais sitôt
qu'il vit qu'il ne pouvoit
rien ganer sur elle par la
douce'-"urvni par les pr4omet
ses, il la menaça de la mener
dans quelque Isle deserte,
& de l'y laisser si elle
ne vouloit pas consentir à
l'épouser. Imaginez-vous
ce que peut signifier le moc
d'époufer dans la bouche
d'un Corsaire, qui fait l'a-
* mour à force de menaces.
Julie en fut si épouvantée
& si troublée, qu'elle fut
sur le point de se précipiter
dans la mer, sans sçavoir
ce qu'ellefaisoit ; &
cela ne fit qu'augmenter
la brutalité duLieutenant,
qui en fût peut-être venu
aux dernieres violences,
malgré ceux que le Capitaine
avoit mis auprès de
Julie pour en avoir soin.
Mais le gros temps, qui
avoit déjà commencé d'alarmer
tous ceux du vaisseau,
devint une tempête
si furieuse,que le Lieutenant
fut tout occupé du
péril, & bientôt après ne
songea plus qu'àsesauver
dans une chaloupe ; car
son vaisseau perit a la rade
de Toulon, Ôc tout ce qui
étoit dedans fut noyé, excepté
ce qui pur se sauver
dans quelques chaloupes;
&, pour comble de malheur
, Julie ne se trouva
point dans le nombre de
ceux qui sesauverent.
Cependant Ergaste & le
Capitaine avoient fait le
trajet avec tant de vîtesse,
que leur vaisseau étoit à
Toulon dés le foir precedent.
Ils furent fort surpris
en arrivant au port, de n'y
pointtrouver celui du Lieutenant
;& en effet il fût arrivé
bien plutôtqu'eux, s'il
n'sur pas cotoye, & retardé
exprès sa' route pour
avoir plus long-tempsJulie
en sa disposition. L'orage
qui fit perir son vaisseau
avoit duré toute la
nuit,&dés le matin la nou.
velle du naufrage vint à
Toulon. Ergaste& le Capitaine
apprirent des premiers
cette funeste nouvelle
par quelqu'une des
chaloupes qui s'étoient sauvées,
& tous leur assurerent
que Julie avoit péri.
Rien ne peut exprimer la
douleur de ces malheureux
amans ils se reprocherent
mille fois à eux-mêmes cette
generosité qui les avoir
portez a renvoyer cette
prisonniere infortunée
,
&
d'avoir été la cause innocente
de [a mort. Les reprochesqu'ils
se faisoient
furent bien mieux fondez
encore, lors qu'un Officier,
de ceux qui s'étoient
sauvez,vint lui faire le recit
de tout ce qui s'étoit
passé dans le vaisseau. Cet
Officier, galant homme,
s'étoit opposé tout seul au
Lieutenant, lors qu'avec
trois ou quatre scelerats de
sa troupe il avoit voulu
violenter Julie; & dans le
moment du naufrage ils
étoient prers à l'assassiner,
parce qu'il leur avoit fait
manquer leur coup. Le Ca.
pitaine connut par ce recit
que le Lieutenant étoit la
seule cause de la mort de
Julie. Son premier soin fut
de le chercher par-tout,
pour le punir
: mais sa c haloupe
n'étoit pas venuë jusf
qu'au porc;ilavoic abordé
sur la côte, un peu loin de
la ville, & n'avoit oré avancer,
ayant appris par
quelques soldats que son
Capitaine étoit arrivé à
Toulon. Les deux amis
allerent le chercher le long
de la côte; & après avoir
marché quelquetemps, ils
apperçurent quatre hommes
qui se cachoient entre
des rochers. Ils coururent
d'une telle force,
qu'ils les eurent bien
-
tôt
joints. C'étoit le Lieutenant
& ses trois complices.
Ils se défendirent en
desesperez. Le Lieutenant
& un Officier chargerent
le Capitaine, qui tua le fécond
,
qui s'étoit le plus
avancé: mais le Lieutenant
furieux prit le moment
de percer le Capitaine
par le côté, pendant
que sonépée étoit engagée
dans le corps de celui
qu'ilavoirtue.Ergaste
avoit déja blessé l'un des
deux autres, & mis le quatrième
en fuite. Il courut
au secours de son ami; &
après avoir été blessé, tua
de sa main le Lieutenant
furieux. Un peu après quelques
soldats vinrent au
bruit du combat, ôc l'on
porta les deux blessez dans
l'une des premieres maisons
de la ville, dont ils
n'étoientéloignez que d'un
-quart de lieuë. La blessure
d'Erogasteétoit très-legere
celle du Capitaine parut
plus considerable : cependant
ilse trouva assez
bien quand on lui eut mis
le premier appareil. On
les laissa seuls
; ils deplorerent
ensemblela perte de
Julie: mais Ergaste se crut
assez fort pourpouvoir se
porter vers rendrait. du
naufrage, qui n'était pas
loin de la ville. Il s'y transporta,
accompagné feulement
d'un valet. Il se faisoit
une espece de confolation
funeste de voirl'endroit
où Julie avoit peri:
il reconnut ce fatal endroit
droit par quelques. débris
du vaisseau, & quelques
corps que les flots avoient
jettez sur la côte. Ce spectacle
lui donna des idées
si affreuses, qu'il tomba
évnoüi entre les bras de
son valet, qui avec un matelot
le porta dans une cabane
de pêcheur. On le
coucha sur un lit, où il
resta longtemps évanoüi.
Tous ceux qui se crouverent
dans la cabane s'empresserent
pour le secourir.
Il revint de son évanoüissement
: mais avec
une espece de transport au
cerveau ,
rêvant, gemissant,
& faisant des cris
douloureux. Il s'imaginoit
voir le pedre affreux de
Julie noyée; il croyoit lui
parler, il croyoit entendre
sa voix languissante,
& il l'entendoit en effet,
il l'entendoit réellement.
C'est ici une de ces situations
interessantes qui meritent
des descriptions patetiques
:mais comme l'incident
est naturel, il suffîra
au lecteur de se l'imaginer
pour en être touché.
C'étoit en effet Julie &
sa vieille Greque, qui presque
mourantes des perils
quelles avoient courus,
avoient été portées dans
cette même cabane par
deux matelots pitoyables
qui les avoient sauvees du
naufrage, aidez de quelques
planches du vaisseau
brifé. La vieilleGreque
étoit venuë d'abord secourirErgaste,
qu'elle ne connoissoit
point: mais aprés
l'évanouissement elle lui
entendit prononcer plusieurs
fois le nom de Julie.
Elle courut l'avertir
qu'un jeune homme qui
se mouroit parloir d'elle.
Julie court, toute mourante
qu'elle est, & trouve
son cher Ergaste
,
dans
le moment qu'Ergaste s'imaginoit
ne voir que le
fantôme de Julie. Autre
moment difficile à dépeindre
;
il faut laisser ce loin
àceux qui voudront faire
un roman de cette histoire.
On conduisitJulie &
Ergaste à Toulon. Ergaste
la fit lloogr*eerr dans une mmaaii.~-
son voisine de celle où .,.
toit son ami blessé, & courut
pour lui annoncer le
premier cette heureuse
nouvelle:mais sa joye fut
changée en pleurs. Il arriva
dans le moment qu'-
on levoit le premier appareil
.,- qui fit connoître
quelablessure était mortelle.
Dés ce moment le
Capitaine tourna à la morr.
Il ne laissa pas de ressentir
de la joye, quand il
sçut que Julie étoit envie.
Il voulut la voir en presenced'Ergaste
; ôc les
voyant tous deux fondre
en larmes, le Capitaine
leur dit qu'il mourroit contene)
s'ils vouloient accepter
, pour vivre heureux
ensemble
,
les biens
qu'il avoit en Portugal.
Les deux amans ne répondirent
à cela que par
les témoignages d'une affliction
morcelle, oubliant
en ce moment leur amour,
pour s'abandonner à la douleur
de perdre un si genereux
ami & amant, qui
n'arrendir pas leur consentement
pour écrire de sa
main un testament en leur
faveur. Il mourut le mê.
me jour, & le bonheur
des deux époux fut toujours
traversé par le souvenir
de la perte qu'ils a.
voient faite.
Jinguliere.
ONSIEUR,
Quoique cette historietteaitunairromanefque
par lasingularitéde
ses évenemens, elle ne
laisse pas d'être veritable
, & je l'ai trouvée
dans quelques mémoires
de feu Monsieur de
Pointis, qui me tomberent
entre les mains
au retour de son expedition
de Cartagene. Je
vous l'envoye telle que
je l'ai, n'ayant pas le
loisir de l'écrire, si non
galamment, du moins
aussi correctement qu'il
le faudroit pour l'inserer
dans vôtre Mercure.
Une veuve de Provence
se trouvant absolument
ruïnée par la
mort de son mari, prit
la resolution d'aller aux
Indes, pour subsister avec
un frere unique,
qui après avoir mangé
tout son bien, étoitallé
s'y établir
,
& y avoit
gagné quelque chose.
Cette veuve avoit toûjours
vécu honorablement
avec son mari;
qui étoit de très-bonne
maison. Elle étoit fort
gloricuse; êG ne voulant
pas qu'onsçustl'extremité
où elle étoit reduiteeIJ.
e. pretexta que
ses affairesl'obligeoient
d'aller faire un voyage
à Lion, & prit en effet
le chemin de Toulon,
où son frere lui avoifcr
écrit qu'elle trouveroit
unArmateurde sesamis,
avec qui elle pouvoit
s'embarquer pour le venir
trouver. Elle arriva
donc dans une hôtellerie
de Toulon avec sa fille
unique, trés-jeune 8c
très-belle, quiétoit encore
plus fâchée que sa mere
de se voir exilée si loin
par la pauvreté. Elles
resterent quelque temps
à Toulon, attendant que
l'Armateur fust en état
de partir. Pendant ce
temps-là cette jeune
beauté fit beaucoup de
bruic à Toulon, & sa
mere espera que quelque
riche Officier leur
épargneroit le voyage
des Indes. Sans doute
pour peu de bien qu'elle
eusttrouvé dansun homme
de naissace, elle
eust accepté des propositions
de mariage.
Un jeune homme,
qui avoit toutes les bonnes
qualitez imaginables
, hors la richesse,
devint passionnément
amoureux de Julie. C'est
ainsi que s'appella la jeune
personne àToulon,
sa mere cachant avec
foin son veritable nom,
parce qu'elle n'étoit pas
en état de le soutenir,
&£ qu'elle vouloit y rester
inconnuë.
Julie donc fut aussi
charmée du jeune homme
qu'illavoitété d'elle.
Ils s'éntr'aimerent,
& se jurerent de s'aimer
toute leur vie, avanc
que la mereeustle
temps de faire expliquer
la Cavalier sur l'article
du bien; car on ne debute
point par là : Julie
étoit trop jeune pour
faire réflexion sur rien,
que sur les qualitez aimables
de celui qui la
charmoit. Il salut; pourtant
s'expliquer; car la
mere étoit prudente, Se
trés -
severe sur l'honneur.
Elle ne jugea pas
à propos qu'ils se vissent
davantage, si le Cavalier
(que nous nommerons
Ergaste) nétoit pas
un parti convenable. Un
jour qu'il étoit venu
pour les voir, elle laissa
safille dans son cabinet,
& vint feule le recevoir.
Ce fut une conversation
fort polie de la part de
lamere, & fort troublée
de la part d'Ergaste,qui
s'apperçut bien qu'on avoit
empêché Julie de
paroître.Enfin on s'expliqua
; Ergaste avoüa
en franc Picard, qu'il
étoit un cadet de Gascogne,
sans bien & sans
esperance, parce que son
frere aîné
,
qui emportoit
tous les biens de si
famille, s'étoit marié de
puis peu. Aprés unaveu
pareillaconversation su
bientôr finie; SC la me
re, en le quittant, lu
dit qu'il étoit à propo
pour son repos & pou
l'honneur de sa fille, qu
ils ne serevissent jamais,
& qu'elle le prioit de ne
plus revenir chez elle.
Ergaste, qu'un pareil
coup avoit mis au desespoir,
prit le parti de s'aller
faire ruer à la guerre.
Il s'embarqua avec
un Capitaine de vaisseau
qui alloit à Cadix, 8c
qui lui promitdele mener
de la en Espagne
quand il auroit fini quel-,
ques affaires qui le devoient
retenir deux ou
trois mois à Cadix.
Un mois aprés l'Armateur
dont nous avons
parlé fut en état de partir;&
la veuve ne voyant
pas d'apparence qu'il se
trouvât à Toulon d'époufeurs
qui convinssent
à Julie, l'embarqua
,plus morte que vives
, & ilspartirent pour
aller aux Indes. L'Armateurne
fut pas heureux
dans sa course: il
fut attaqué per un Corfaire
d'Alger, son vaisseau
fut pris, & la malheureuse
Julie fut faite
esclaveavec sa mere. Il
y avoit déja prés de deux
mois qu'elles étoient en
mer, où les vents contraires
les avoient tourmentées
furieusement ;
la mere tomba malade,
& mourut dans le vaisseau
Algerien, accablée
de fatigues & de chagrins,
&,- Julie n'y resitta
que par sa grande
jeunesse.Ilse trouva parmi
quelques femmes Algériennes
qui étoient
dans ce vajffeau, une
vieille Grecque, qui avoit
fait quelques voyages
en Europe, & qui
par hazard sçavoit un
peu parler Provençal.
Elle avoit faitamitié avec
Julie, & lui tint
lieu de mere dans le reste
de ses avantures, dont la
première fut la prise du
vaisseau Algerien, qui
, fut
fut attaqué par deux
vaisseauxPortugais.Ainsi
Julie se trouva une seconde
fois prisonniere.
Cette fuliteIdeemalheurs eût pourtant été favorable
à Julie, si elle eût
été moins confiante; car
un jeune Portugais, qui
montoit l'un des deux
vaisseaux, devint amoureux
d'elle. Il étoit trésriche,
& l'auroit épousée,
sielleeût pû seresoudre
à se marier, après
avoir perdu l'esperance
de revoir son cher Ergaste.
Il n'étoit pas loin
d'elle, quand elle donna
ce témoignage de sa confiance
pour lui j car il
avoit aidé sans le sçavoir
à la prendre prisonniere,
&C voici comment.
On vous a dit qu'un
Capitaine des amis d'Ergaste
l'avait mené à Cadix,
& lui avoir promis
de le faire passer en Espagne
quelques mois aprés.
Il y en avoit déja
trois qu'il étoità Cadix,
& ce jeune Capitaine
Portugais étoit celui qui
devoit le passer en Espagne
, par consideration
pour l'autte Capitaine,
avec qui il avoit des liaisons
pour le commerce.
Ergaste se trouva donc
dans l'un des deux vaisseaux
qui attaquerent le
vaisseau Algerien.
Ce vaisseau Algerien
se défendit jusqu'à la
dernicre extrémité, en
sorte que ceux-ci furent
contraints d'aller à l'abordage.
Ergaste,quiaccompagnoit
le jeune
Portugais, entra avec lui
dans le vaisseau Algérien
l'épée à la main r
mais ayant été d'abord
dangereusementblessé,
on le reporta dans son
vaisseau avant que le
combat fût fini >ainsî il
ne vit point Julie, &c étoit
bien loin de s'imaginet
qu'el le fûc dans un
vaisseauAlgérien.Mais
le Capitaine Porrugais,
après l'avoirpris, y resta
avec Julie, donc il étoit
devenu passionnément
amoureux;ainsi les trois
vaisseaux faisant route
vers le Portugal, le jeune
Portugais alloit de
temps en temps voir Ergaste
blessé dans son
vaisseau, & revenoit
dans celui de Julie, donr
il ne put jamaistireraucun
éclaircissement
; car
premièrement elle était
,
fort mal, ôc avoit resolu de
se laisser plutôt mourir, que
de recevoir aucun secours
de celui à qui elle craignoic
d'avoir obligation
: outre
cela elle ne parloit que Provençal
, que le jeune Capitaine
n'entendoit point; il
entendoit encore moins le
jargon de la vieille Greque.
Ainsi sans avoir aucune
conversation avec Julie,
il la crut Greque ou Algérienne,
en un mot toute autre
que ce qu'elle étoit.
Ainsi Ergaste
,
à qui il fit
confidence de sonamour,
étoit bien éloigné de pouvoir
soupçonner que c'étoit
sa chere Julie donc il lui
parloir.
L'amour du Capitaine
augmentoit de jour en jour.
Il trouva moyen de faire
comprendre qu'il avoit de
grands biens, & qu'il oftroit
d'époufer: mais on lui
fîtentendre qu'on refufoic
obstinément, & que Julie
n'ayant pu etre a un amant
pour qui elle mourroit constante,
étoit incapable d'écoûter
d'autres propolitions.
C'estquelque malheureux
Algérien qu'elle
aime, disoit un jour à Ergaste
le Capitaine desesperé,
& qui ne méritéapurement
pas cette confiance.
Le récit des beautez de la
prisonnieren'avoit jamais
pu déterminer Ergaste à
paser dans le vaisseau pour
voir celle qui causoit une
passion si violente à son ami.
Il étoit si occupé de son côté
par celle qu'il avoit perdue
à Toulon, qu'il étoit
insensible à tout ce qu'on
poupouvoit
lui dire des autres
beautez, Cependant cette
constance de la belle priÍon",
niere le coucha d'estime
pour elle.ll n'eut aucune euriofité
de la voir: mais il inspira
à son ami des mouvevens
de generositéqu'il auroit
eus lui-même en pareille
occasion, & persuada
enfin à son ami de renvoyer
le vaisseau pris à l'endroit où
la belle prisonniere vouloit
qu'on la menât.LeCapitaine
repassa dans le vaisseau
où étoit Julie,&lui fit expliquer
comme il put laresolution
genereusequ'il avoir
prise. Elle témoigna
qu'elle auroit une reconnoissance
éternelle d'un si
grand bienfait, &pria seulement
qu'on la fia mener à
Toulon, esperant peut- être
y retrouverencore son cher
Ergaste : mais ne pouvant
pas s'expliquer assezlà-des
sus, pour rairesoupçonnes
au Capitaine que ce fût cel
-
le dont Ergalte lui parloit
tous les jours. LeCapitaine
craignant que sa generosité
ne s'affaiblît s'il voyoit plus
long-temps saprisonniere
Confia le vaisseau à un Lieutenant
du sien, à qui il ordonna
de mener la prisonniere
à Toulon, ôe de lui
ramener le vaisseau en Portugal
,dont ilsn'étoient pas
loin. Quand ces vaisseauxse
separerent, le Capitaine
passa dans celui où il avoit
laissé Ergaste, &lui protesta
que lans lui il n'eût pas
été capable d'une resolution
qui lui coûroit si cher; éc
là-dessus il lui dit quecette
belle personne lui avoitdemandé
d'être conduite
Toulon. Il joignit à cela
plusieurs autres particularitez
de leur separation, &
ôc-même répéta quelques
mots> Provençaux que Julieavoir
prononcez en {àû
pirant. En un mot ilvintà
Ergaste des soupçons de la
verité
)
&cessoupçons se
confirmèrent par mille petites
circonstances que le
Capitaine se rappella. Erl
gaste n'eut pas besoin de
prier leCapitaine de suivre
au plus vice le vaisseau
)
qui
étoit encore àivûë: mais
:les' deux qu'ilsmontoient
avoienc été si mal traitez
dans le combat, qu'ils faisoient
eau de tous côtez.
Nos deux amis rivaux surent
contraints de gagner
le Portugal, dans la resolution
de prendre un autre
val»ffeatfpour aller à Tou-
Ion à force de voiles: ce
qu'ils executerent des le
len demain.
Pendant tout le trajet
que firent ensemble les
deux amis rivaux, ce ne fut
qu'un combat continuel de
sentimens genereux. Le Capitaine
protesta à Ergaste
qu'il le verroit conitam
ment possesseur de ce qu'il
aimoit. Ergaste d'un autre
côtéfaisant reflexion qu'il
il.,avoir point de bien, &
que son ami en avoir beaucoup,
lui jura tres-sincerement
qu'il tâcheron de resoudre
Julie à l'épouser. Ils
disposoient ainsi en faveur
l'un de l'autre d'un bien
qu'ils étoient sûrs de retrouver
à Toulon : mais
en y arrivant ils se trouverent
bien loin de leur compte.
Le Lieutenant a qui on
avoir confié le vaisseau ôc
Julie éroit d'un caraétere
bien différent de son Capitaine
jil écoic aussi groilier
& brural que celui-ci étoic
poli & genereux. Il tâcha
d'abord d'attendrirJulie
par une passion feinte & un.
refpeâ:affedté : mais sitôt
qu'il vit qu'il ne pouvoit
rien ganer sur elle par la
douce'-"urvni par les pr4omet
ses, il la menaça de la mener
dans quelque Isle deserte,
& de l'y laisser si elle
ne vouloit pas consentir à
l'épouser. Imaginez-vous
ce que peut signifier le moc
d'époufer dans la bouche
d'un Corsaire, qui fait l'a-
* mour à force de menaces.
Julie en fut si épouvantée
& si troublée, qu'elle fut
sur le point de se précipiter
dans la mer, sans sçavoir
ce qu'ellefaisoit ; &
cela ne fit qu'augmenter
la brutalité duLieutenant,
qui en fût peut-être venu
aux dernieres violences,
malgré ceux que le Capitaine
avoit mis auprès de
Julie pour en avoir soin.
Mais le gros temps, qui
avoit déjà commencé d'alarmer
tous ceux du vaisseau,
devint une tempête
si furieuse,que le Lieutenant
fut tout occupé du
péril, & bientôt après ne
songea plus qu'àsesauver
dans une chaloupe ; car
son vaisseau perit a la rade
de Toulon, Ôc tout ce qui
étoit dedans fut noyé, excepté
ce qui pur se sauver
dans quelques chaloupes;
&, pour comble de malheur
, Julie ne se trouva
point dans le nombre de
ceux qui sesauverent.
Cependant Ergaste & le
Capitaine avoient fait le
trajet avec tant de vîtesse,
que leur vaisseau étoit à
Toulon dés le foir precedent.
Ils furent fort surpris
en arrivant au port, de n'y
pointtrouver celui du Lieutenant
;& en effet il fût arrivé
bien plutôtqu'eux, s'il
n'sur pas cotoye, & retardé
exprès sa' route pour
avoir plus long-tempsJulie
en sa disposition. L'orage
qui fit perir son vaisseau
avoit duré toute la
nuit,&dés le matin la nou.
velle du naufrage vint à
Toulon. Ergaste& le Capitaine
apprirent des premiers
cette funeste nouvelle
par quelqu'une des
chaloupes qui s'étoient sauvées,
& tous leur assurerent
que Julie avoit péri.
Rien ne peut exprimer la
douleur de ces malheureux
amans ils se reprocherent
mille fois à eux-mêmes cette
generosité qui les avoir
portez a renvoyer cette
prisonniere infortunée
,
&
d'avoir été la cause innocente
de [a mort. Les reprochesqu'ils
se faisoient
furent bien mieux fondez
encore, lors qu'un Officier,
de ceux qui s'étoient
sauvez,vint lui faire le recit
de tout ce qui s'étoit
passé dans le vaisseau. Cet
Officier, galant homme,
s'étoit opposé tout seul au
Lieutenant, lors qu'avec
trois ou quatre scelerats de
sa troupe il avoit voulu
violenter Julie; & dans le
moment du naufrage ils
étoient prers à l'assassiner,
parce qu'il leur avoit fait
manquer leur coup. Le Ca.
pitaine connut par ce recit
que le Lieutenant étoit la
seule cause de la mort de
Julie. Son premier soin fut
de le chercher par-tout,
pour le punir
: mais sa c haloupe
n'étoit pas venuë jusf
qu'au porc;ilavoic abordé
sur la côte, un peu loin de
la ville, & n'avoit oré avancer,
ayant appris par
quelques soldats que son
Capitaine étoit arrivé à
Toulon. Les deux amis
allerent le chercher le long
de la côte; & après avoir
marché quelquetemps, ils
apperçurent quatre hommes
qui se cachoient entre
des rochers. Ils coururent
d'une telle force,
qu'ils les eurent bien
-
tôt
joints. C'étoit le Lieutenant
& ses trois complices.
Ils se défendirent en
desesperez. Le Lieutenant
& un Officier chargerent
le Capitaine, qui tua le fécond
,
qui s'étoit le plus
avancé: mais le Lieutenant
furieux prit le moment
de percer le Capitaine
par le côté, pendant
que sonépée étoit engagée
dans le corps de celui
qu'ilavoirtue.Ergaste
avoit déja blessé l'un des
deux autres, & mis le quatrième
en fuite. Il courut
au secours de son ami; &
après avoir été blessé, tua
de sa main le Lieutenant
furieux. Un peu après quelques
soldats vinrent au
bruit du combat, ôc l'on
porta les deux blessez dans
l'une des premieres maisons
de la ville, dont ils
n'étoientéloignez que d'un
-quart de lieuë. La blessure
d'Erogasteétoit très-legere
celle du Capitaine parut
plus considerable : cependant
ilse trouva assez
bien quand on lui eut mis
le premier appareil. On
les laissa seuls
; ils deplorerent
ensemblela perte de
Julie: mais Ergaste se crut
assez fort pourpouvoir se
porter vers rendrait. du
naufrage, qui n'était pas
loin de la ville. Il s'y transporta,
accompagné feulement
d'un valet. Il se faisoit
une espece de confolation
funeste de voirl'endroit
où Julie avoit peri:
il reconnut ce fatal endroit
droit par quelques. débris
du vaisseau, & quelques
corps que les flots avoient
jettez sur la côte. Ce spectacle
lui donna des idées
si affreuses, qu'il tomba
évnoüi entre les bras de
son valet, qui avec un matelot
le porta dans une cabane
de pêcheur. On le
coucha sur un lit, où il
resta longtemps évanoüi.
Tous ceux qui se crouverent
dans la cabane s'empresserent
pour le secourir.
Il revint de son évanoüissement
: mais avec
une espece de transport au
cerveau ,
rêvant, gemissant,
& faisant des cris
douloureux. Il s'imaginoit
voir le pedre affreux de
Julie noyée; il croyoit lui
parler, il croyoit entendre
sa voix languissante,
& il l'entendoit en effet,
il l'entendoit réellement.
C'est ici une de ces situations
interessantes qui meritent
des descriptions patetiques
:mais comme l'incident
est naturel, il suffîra
au lecteur de se l'imaginer
pour en être touché.
C'étoit en effet Julie &
sa vieille Greque, qui presque
mourantes des perils
quelles avoient courus,
avoient été portées dans
cette même cabane par
deux matelots pitoyables
qui les avoient sauvees du
naufrage, aidez de quelques
planches du vaisseau
brifé. La vieilleGreque
étoit venuë d'abord secourirErgaste,
qu'elle ne connoissoit
point: mais aprés
l'évanouissement elle lui
entendit prononcer plusieurs
fois le nom de Julie.
Elle courut l'avertir
qu'un jeune homme qui
se mouroit parloir d'elle.
Julie court, toute mourante
qu'elle est, & trouve
son cher Ergaste
,
dans
le moment qu'Ergaste s'imaginoit
ne voir que le
fantôme de Julie. Autre
moment difficile à dépeindre
;
il faut laisser ce loin
àceux qui voudront faire
un roman de cette histoire.
On conduisitJulie &
Ergaste à Toulon. Ergaste
la fit lloogr*eerr dans une mmaaii.~-
son voisine de celle où .,.
toit son ami blessé, & courut
pour lui annoncer le
premier cette heureuse
nouvelle:mais sa joye fut
changée en pleurs. Il arriva
dans le moment qu'-
on levoit le premier appareil
.,- qui fit connoître
quelablessure était mortelle.
Dés ce moment le
Capitaine tourna à la morr.
Il ne laissa pas de ressentir
de la joye, quand il
sçut que Julie étoit envie.
Il voulut la voir en presenced'Ergaste
; ôc les
voyant tous deux fondre
en larmes, le Capitaine
leur dit qu'il mourroit contene)
s'ils vouloient accepter
, pour vivre heureux
ensemble
,
les biens
qu'il avoit en Portugal.
Les deux amans ne répondirent
à cela que par
les témoignages d'une affliction
morcelle, oubliant
en ce moment leur amour,
pour s'abandonner à la douleur
de perdre un si genereux
ami & amant, qui
n'arrendir pas leur consentement
pour écrire de sa
main un testament en leur
faveur. Il mourut le mê.
me jour, & le bonheur
des deux époux fut toujours
traversé par le souvenir
de la perte qu'ils a.
voient faite.
Fermer
Résumé : AVANTURE singuliere.
Le texte relate une histoire véridique tirée des mémoires de Monsieur de Pointis, concernant une veuve provençale ruinée par la mort de son mari. Cette veuve, accompagnée de sa fille Julie, se rend à Toulon pour rejoindre son frère aux Indes. À Toulon, Julie rencontre Ergaste, un jeune homme de bonne famille mais sans fortune, dont elle tombe amoureuse. La mère de Julie, prudente et glorieuse, refuse leur union en apprenant la pauvreté d'Ergaste. Désespéré, Ergaste part à la guerre. La veuve et Julie embarquent finalement pour les Indes, mais leur navire est capturé par des corsaires algériens, les réduisant en esclavage. La mère de Julie meurt en mer, et Julie est secourue par une vieille Grecque. Leur navire est ensuite attaqué par des Portugais, et Julie est capturée une seconde fois. Un jeune capitaine portugais, amoureux de Julie, la libère et la ramène à Toulon. Cependant, leur navire fait naufrage, et Julie périt en mer. Ergaste et le capitaine portugais, apprenant la nouvelle, se reprochent leur générosité qui a conduit à la mort de Julie. Un officier raconte au capitaine comment il a protégé Julie contre le lieutenant et ses complices lors du naufrage. Le lieutenant, responsable de la mort de Julie, est recherché et finalement trouvé avec ses complices. Un combat s'ensuit, durant lequel le capitaine et Ergaste, l'ami du capitaine, sont blessés. Le lieutenant est tué par Ergaste. Julie, miraculeusement sauvée, est retrouvée dans une cabane de pêcheur où elle est soignée avec Ergaste. Le capitaine, gravement blessé, apprend la survie de Julie mais meurt peu après. Avant de mourir, il offre ses biens en Portugal aux deux amants, qui sont accablés par la perte de leur ami généreux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
21
p. 112-116
CHANSON en étrennes. Par M. D. L. T. Avec un petit More d'argent émaillé de noir. A Madame la Comtesse de ...
Début :
Je viens des lointains climats [...]
Mots clefs :
Chanson, Étrennes, Comtesse, Amour, Aventure, Prédiction, Feu, Compliment, Entretien, Attraits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON en étrennes. Par M. D. L. T. Avec un petit More d'argent émaillé de noir. A Madame la Comtesse de ...
CHANSON
en étrennes.
ParM.D.L.T.
Avec un petit Mored'argent émaillé
de noir.
eA Madame la Comtesse de. J E viens des lointains
climats
Exprés
, je vous jure,
Pour m'attacher à vos
pas)
Ne me refusezdoncpas
La bonne avanture au
gué, La
La bonne avanture.
Si l'ardentflambeau des
ceux
Noircit ma figure J'aimeroismafy m, ieux
Brûler aufeu de 'Vos
yeux.
La bonne avanture, eSc.
D'un équipage brillant
Jefais la parure;
Jefais bien un compliment,
Etjedisfortjoliment:
La bonne arvanture9 Çfc,
Jde'hvouus pir,édis aujour- Prédiction el sure
Que maint , amoureux
transi
Vous diratout cetan-ci,
La bonne avanture, &c.
Je ne vous couterai rien
Pour la nourriture, Vous voir est l'unique
bien
Qu'ilfaut pourmon entretien.
La bonne avanture, Çfc.
CheZnous onfaitde vos
traits
La blanchepeinture
Je viens pour voir de - plusprés
Si blancvaut noir en attraits.
Labonneavnnture, &c.
Un blanc amant roÕilJ
vientvoir
J'en fesie ) ÇbdngeZ donc du^tanc
au noir,
Si de moy voulez,avoir
La bonne avanture au
gué,
La bonne avanture.-
en étrennes.
ParM.D.L.T.
Avec un petit Mored'argent émaillé
de noir.
eA Madame la Comtesse de. J E viens des lointains
climats
Exprés
, je vous jure,
Pour m'attacher à vos
pas)
Ne me refusezdoncpas
La bonne avanture au
gué, La
La bonne avanture.
Si l'ardentflambeau des
ceux
Noircit ma figure J'aimeroismafy m, ieux
Brûler aufeu de 'Vos
yeux.
La bonne avanture, eSc.
D'un équipage brillant
Jefais la parure;
Jefais bien un compliment,
Etjedisfortjoliment:
La bonne arvanture9 Çfc,
Jde'hvouus pir,édis aujour- Prédiction el sure
Que maint , amoureux
transi
Vous diratout cetan-ci,
La bonne avanture, &c.
Je ne vous couterai rien
Pour la nourriture, Vous voir est l'unique
bien
Qu'ilfaut pourmon entretien.
La bonne avanture, Çfc.
CheZnous onfaitde vos
traits
La blanchepeinture
Je viens pour voir de - plusprés
Si blancvaut noir en attraits.
Labonneavnnture, &c.
Un blanc amant roÕilJ
vientvoir
J'en fesie ) ÇbdngeZ donc du^tanc
au noir,
Si de moy voulez,avoir
La bonne avanture au
gué,
La bonne avanture.-
Fermer
Résumé : CHANSON en étrennes. Par M. D. L. T. Avec un petit More d'argent émaillé de noir. A Madame la Comtesse de ...
La chanson 'En étrennes' est dédiée à Madame la Comtesse de J. L'auteur, M.D.L.T., offre un petit Mored'argent émaillé de noir comme cadeau. Il se présente comme venant de lointains climats pour se lier à elle et lui propose une bonne aventure. L'auteur exprime son désir de brûler au feu de ses yeux, même si cela noircit son visage. Il se vante d'un équipage brillant et prédit que de nombreux amoureux transis diront la même chose à la comtesse. Il assure qu'il ne lui coûtera rien pour la nourriture, car la voir est son unique bien. Il compare les attraits du blanc et du noir, mentionnant un amant blanc qui vient également voir la comtesse. L'auteur invite cette dernière à choisir entre le blanc et le noir pour obtenir la bonne aventure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer