CODRUS ,
POEME.
Ar de lugubres cris , pourquoi frapper les
Cieux ? PA
Athénes , est-ce ainsi que tu rends grace aux
Dieux ?
Oses-tu , Peuple ingrat , déplorant ta victoire
,
Faire au destin propice , un crime de ta
Gloire ?
Öses - tu .....
erreur !
mais hélas ! quelle étoit mon
Je cesse d'insulter à ta juste douleur.
Poursui , par des regrets , par des pleurs légi
times ,
Honore d'un Héros les cendres magnanimes.
Moi-même retraçant sa vertu dans mes Vers ,
Je vais lui rendre hommage aux yeux de l'Univers.
Les Armes à la main , l'impérieuse Athénes ,
S'avançoit contre Sparte et lui portoit des
chaînes .
Sparte armoit à son tour , pour défendre ses
droits ,
Et forcer sa Rivale à fléchir sous ses Loix.
D iiij
Mais
1980 MERCURE DE FRANCE
Mais Delphes , vain obstacle à leur jalouse
rage ,
N'annonçoit au vainqueur qu'un barbare avantage.
Qu'un Triomphe odieux , chérement acheté ,
Triste arbitre du joug , ou de la liberté ,
Un des Rois immolez , victime infortunée ,
De ses Grecs triomphans , fixoit la destinée.
Il devoit arroser de son sang précieux
Les funestes Lauriers d'un peuple ambitieux.
Instruit des Loix du Sort , mais bravant sa disgrace
,
Codrus offre sa tête au coup qui la menace.
Contre la vie , armé du plus noble mépris ,
11 va remettre aux Dieux des jours qu'ils ont
proscrits.
Cher aux siens , son grand coeur surptend leu
vigilance ,
Cher à ses ennemis , il trompe leur prudence.'
Pour voiler ses desseins d'un sûr déguisement ,
Il revêt d'un Berger , l'obscur habillement.
Dépouilles à ses yeux cent fois plus glo
rieuses ,
Que de l'autorité les marques fastueuses.
Orné par la vertu , riche de ses Trésors ,
Que Codrus étoit grand , sous ces humbles de
hors !
Ah ! Prince, peu touché d'un honneur chiméri
que ,
De Sparte laisse agir la sage politique.
Ton
SEPTEMBRE . 1733. 1981
Ton ennemi lui-même aide à ta sûreté
Avide des honneurs et de la liberté .
Quénes à son gré les défende elle même ;
Absous , absous les Dieux d'une injustice extrê
me.
Leurs Oracles souvent , par des sens imposteurs、
Des Crédules humains , ont guidé les erreurs.
'Arrête ... c'en est fait , ce Guerrier intrépide ,
Suit hardiment la voïe où son honneur le guide.
'Athénes, Dieux , Destin , dit- il, sans s'ébranler
Récompensez le sang. que vous faites couler.
Assûre tes succès , florissante Patrie ,
J'acquitte tes faveurs aux dépens de ma vie.
Heureux de te servir , par un trépas certain ,
Oui , Codrus , méritoit de naître dans ton sein.
Il dit , de quelle ardeur son ame est enflammée !
Il vole impatient de l'une à l'autre armée.
Il parvient jusqu'aux lieux où Sparte a ses regards
Fait au loin dans les Airs , flotter ses Etendarts,
Utile à ses projets , une feinte insolence ,
Contre lui des Soldats aigrit la violence ,
D'un monde d'ennemis , justement irrité ,
Il méprise la rage et craint l'humanité.
Il brave leur couroux. Il défie , il menace ,
Il étale en tous lieux une impuissante audace.
Trois fois de sa grandeur , un secret sentiment ,
L'avoit déja soustrait à leur ressentiment.
Ses efforts, étoient vains , son insulte impunie
3.
Dv Et
1982 MERCURE DE FRANCE
Et les Dieux , malgré lui , le rendoient à la vie. “
Mais dédaignant du sort l'importune faveur ,
Des Soldats outragez îl arme la fureur.
Athénes va regner. Levez pour la vengeance ,
Mille bras vont punir sa téméraire offense.
Je vois le coup mortel , qui va trancher ses
jours ,
Cruels , que faites- vous ? ménages - en le cours
Connoissez , .... respectez ,
Monarque , ...
.... conservez us
Il doit vous être cher , ... mais c'en est fait
la Parque ;
8
Finit le Sacrifice , en fermant son Ciseau ,
Sparte aux Fers , va bien- tôt honorer son Tombeau.
Il meurt , et l'avenir chérissant sa mémoire ,
Couronne sa vertu d'une immortelle gloire.
Venez , Tyrans , venez admirer à la fois ,
Un Citoyen , un Roy , le modele des Rois.
Imitez -le , sachez dans les Grandeurs suprêmes.
Au bien de vos Etats , vous immoler vous- mêmes.
M. DE ROYAUCOURT ,
de Soissons.