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1
p. 771-779
Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
Début :
Le 5. Avril on donne la Tragédie d'Idomenée, qui [...]
Mots clefs :
Tragédie, Prologue, Symphonie, Vénus, Dieux, Outrages, Jalousie
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texteReconnaissance textuelle : Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
Le s . Avril on donna la Tragedie
d'Idomenée , qui avoit été donnée dans sa
-nouveauté le 1 2. Janvier 1712. Le Poëme
est de M. Danchet , et la Musique de
M. Campra.
Au Prologue le Théatre représente les
Antres d'Eole ; ce Dieu y paroît au milieu
des vents , qui sont enchaînés à des
rochers. Ils veulent sortir de leurs prisons
; Eole les y retient malgré eux. Venus
annoncée par une douce symphonie ,
se présente à Eole , et lui parle ainsi :
Un vainqueur des Troyens fend la liquide plaine
;
Des rives de la Créte écarte ses vaisseaux ;
Ordonne aux Aquillons de soulever les eaux
Et de servir ma juste haine.
Eole.
Brisez vos fers ; pártez , vents orageux ;
De la Mere d'Amour allez remplir les voeux.
Les Aquilions sortent des Antres où ils
étoient renfermez , et s'élancent dans les
airs pour aller servir la haine de Venus.
Gij La
772 MERCURE
DE FRANCE
La fête de ce prologue est ordonnée
par Venus : en voici le motif.
Je vai remplir ta Cour
Des Nymphes et des Dieux soumis à ma puissance
;
Tandis que tes sujets exercent ma vengeance ,
Les miens viendront t'offrir les charmes de l'Amour.
?
les Plaisirs Venus appelle l'Amour
et les Jeux. Ce prologue a paru d'autant
plus heureusement imaginé, qu'ilannonce
la Tragedie,
Au premier Acte , le Théatre représente
le magnifique Palais des Rois de Crete,
Ilione , fille d'Agamemnon
, Roy d'Argos
et de Mycene , ouvre la Scene. Elle
fait connoître qu'elle est arrivée en Crete
dans un seul vaisseau que la tempête avoit
séparé de la flotte d'Idomenée ; elle ajoûte
qu'elle a méprisé l'amour de ce Roi , mais
qu'elle n'a pas été aussi insensible à celui
d'Idamante son fils qui ignore encore sa
victoire ; elle appelle la gloire et la fierté
à son secours,
Idamante ordonne à sa suite d'assembler
les Troyens ; il dit à Ilione qu'il est
rassuré sur le sort de son Pere que Minerve
a protegé contre la fureur de Neptune
; il lui annonce qu'il va délivrer les
Troyens
1
AVRIL: 1731. 773
Troyens en attendant le retour du Roi ,
persuadé qu'il les auroit lui-même remis.
en liberté , si les vents lui avoient permis
d'aborder en Créte ; il fui déclare son
amour ; elle en 'paroît offensée ; il lui réproche
l'injustice quelle a de vouloir pu
nir en lui ce qui n'est que le crime des
Dieux , ennemis des Troyens. Les Crétois
et les Troyens font le divertissement
de ce premier Acte ; on brise les chaînes
de ces derniers.
Arbas vient troubler la fête par une
fausse nouvelle de la mort d'Idomenée
qu'il annonce comme certaine . Electre qui
survient trouve fort étrange qu'on ait remis
les Troyens en liberté. Cette Princesse
Grecque , ne doutant point que cette
liberté ne soit l'ouvrage de l'amour d'Idamante
pour Ilione , s'abandonne à sa
jalouse rage, et ne respire que vengeance.
Au second Acte , le Théatre représente
les bords de la mer agitée par une tempê
te affreuse ; tout le fond est rempli de
vaisseaux qui ont fait ou qui vont faire
naufrage. Un choeur de Peuples prêts à
périr , ouvre la scene par ces deux vers :
O Dieux , ô justes Dieux , donnez -nous du se
cours' ;
Les vents , les mers , le ciel , tout menace nes
jours
Ciij Neptun
774 MERGURE DE FRANCE
Neptune sort de la mer , et dit à Idomenée
Ne crains plus les outrages
Des flots et des vents ennemis ;
Mais offre moi sur ces rivages
L'hommage que tu m'as promis.
Idomenée fait entendre à Arcas , qui
s'est sauvé du naufrage comme lui , le
funeste voeu qu'il a fait à Neptune ; voici
comme il s'explique :
Dans l'horreur du naufrage ,
Pour ravir à la mort mes sujets allarmés ,
Apprens les voeux que j'ai formés.
Voeux indiscrets , trop tard vous troublez mon
courage ;
Si Neptune en courroux faisoit cesser l'orage ,
J'ai promis d'immoler le premier des humains
Que je verrai sur le rivage.
Dans le sang innocent dois-je tremper res
mains.
Il voit paroître sa victime ; c'est son
propre fils qu'il ne connoît pas › attendu
la longueur du siege de Troye. Idamante
qui ne peut pas non plus le connoître , et
qui le prend pour un de ces malheureux
qui viennent de faire naufrave , lui offre
genereusement son secours ; la Scene est
trésAVRIL.
1731. 773
très -touchante de part et d'autre, et menagée
avec beaucoup d'art jusqu'au moment
de la reconnoissance. Idomenée saisi
d'horreur et accablé de tristesse , dit à
son fils qui le veut suivre,pour sçavoir ce
qui l'oblige à se refuser à ses embrassemens
:
Gårdez Vous de me suivre.
Pourquoi m'avez vous vû ? craignez de me revoir.
Idamante ne laisse pas de marcher sur
ses pas. Electre qui arrive croi qu'il la fuit;
elle implore Venus . La Déesse fait entendre
à Electre qu'elle va la vanger. Venus
évoque la jalousie qui vient avec sa suite ,
et fait la fête de ce second Acte , qui finit
par ces vers que Venus adresse à la jalousie.
Au coeur d'Idomenée inspirez la terreur
Contre son propre Fils allumez sa fureur,
La décoration du troisiéme Acte représente
le Port de Sydonie,
Idomenée ne se peut résoudre à donner
à Neptune la victime qu'il lui a promise
; de la tendresse de Pere , il passe
à la fureur d'un rival ; la liberté que son
fils a rendue aux Troyens lui persuade
qu'il aime Ilione , Arcas lui conseille d'éloigner
ce Prince ; Idomenće prend ce
G iiij parti ;
776 MERCURE DE FRANCE
parti ; Arcas par ses ordres va tout prépa
rer pour le départ d'Idamante qui selon
ce nouveau projet doit conduire Electre
à Argos et la vanger d'Egyste qui a usurpé
sur elle le thrône de ses yeux.
Ilione vient ; Idomenée la veut fuir
mais il demeure malgré lui ; il n'apprend
que trop ce qu'il avoit voulu ignorer , il
fait entendre à Ilione qu'elle a tout à craindre
pour son Amant , qui n'a pas besoin
pour périt du nom odieux de Rival .
>
Electre vient remercier Idomenée du
secours qu'il lui offre contre ses tyrans
Idomenée la quitte en lui disant que son
fils s'est chargé de la conduire et de la
vanger. Electre s'abandonne à sa joye ; les
Matelots grecs et tous ceux qui doivent
suivre cette Princesse viennent celebrer
leur retour dans leur Patrie après la fête ,
Prothée sort du fond des flots et annonce
à Idamenée la vengeance de Neptune
prête à tomber sur lui pour le punir de
son parjure ; l'orage empêche Electre de
partir ; Idomenée proteste qu'il n'immo .
lera jamais la victime que Neptune lui
demande . Un Monstre sorti de la mer ,
commence la vengeance de ce Dieu irrité.
Au quatriéme Acte , le Theatre représente
une campagne agréable , et dans l'éloignement
le Temple de Neptune.
Ilione
AVRIL. 1731. 777
Ilione fait des imprécations contre les
Crétois, et prie les Dieux de les faire tous
périr par le monstre ; son amour lui fait
excepter Idamante qui veut le combattre.
Idamanre vient faire ses derniers adieut
à Ilione , ne doutant point qu'il ne périsse
dans le projet que son désespoir lui fait
entreprendre ; le péril où ce Prince va
s'exposer , par la seule raison qu'il est
odieux à sa chere Ilione , détermine cette
Princesse à rompre un trop long silence
, et à déclarer son amour ; elle apprend
à son Amant qu'il a un rival re- .
doutable ; Idamante reconnoît par-là que
c'est le Roi.
Idomenée vient offrir un sacrifice à
Neptune ; il éloigne son fils du Temple
de ce Dieu , sans lui déclarer le funeste
voeu qu'il a fait.
Après cette premiere fête , qui consiste
en des hymnes chantez à la gloire de
Neptune , on entend des chants de victoire
derriere le Théatre ; Arcas vient apprendre
à Idomenée que le monstre a suc- ,
combé sous les coups d'Idamante ; Idomenée
se flatte d'avoir fléchi le Dieu des ,
flots,puisqu'il a permis que son fils triom
phât de ce monstre. Des Bergers et des
Bergeres , mêlés avec les habitans de Sydonie
, viennent celebrer la victoire d'I
damante. Après cette derniere fête , Ido-
G vj
menée
1
778 MERCURE DE ERANCE
menée se surmonte lui- même , et forme
la résolution de ceder Ilione à son fils ; il
n'en demeure pas là , il lui cede encore le
Trône , il en explique le motif
vers ;
par
ces
Le Roi seul fit un voeu fatal à tout mon sang ,
Cessons de l'etre ; il faut que mon fils dans mon
rang
:
Ait pour sa sureté la grandeur souveraine.
L'action du dernier Acte se passe dans
un lieu préparé pour le couronnement d'I
damante ; Electre au désespoir de l'hymen
dont on fait les apprêts , déclare sont
amour au Prince de Créte et voyant
qu'il ne l'écoute pas , elle sort pour aller
irriter la colere de Neptune contre tous
les Auteurs des outrages qu'elle a reçus en
ce jour .
Ilione et Idamante s'applaudissent de
leur prochain bonheur. Idomenée déclare
à ses Peuples que c'est son fils qui doit
désormais leur dispenser des loix ' ; il dit
galamment à Ilione qu'il se fait un plus
grand effort en la cedant à son fils , qu'en
lui remettant le pouvoir suprême. Les
Crétois font leur cour à leur nouveau
Maître , par des chants convenables à la
fête. Idomenée dépose sur un carreau son
Sceptre et sa Couronne. Nemesis sort des
Enfers
AVRIL. 1731. 779
1
par ces vers Enfers et trouble la fête
qu'elle adresse à Idomenée :
Du souverain des mers Ennemi temeraire ,
'Penses - tu donc ainsi désarmer sa colere ?
Voi Nemesis , les Dieux m'ont imposé la loi
D'exercer leur vengeance :
Que l'Univers avec effroi
Apprenne à respecter leur suprême puissance .
Nemesis rentre dans les Enfers ; le thrône
se brise , et les furies emportent le
pavillon qui le couvroit. Idomenée devenu
furieux , se croit transporté dans un
lieu où l'on offre un sacrifice à Neptune ;
il veut avoir l'honneur de porter le coup
mortel à la victime ; cette prétendue victime
est son propre fils , qu'il immole
de sa propre main ; après cet affreux
sacrifice , les Dieux lui rendent la
raison , pour lui découvrir son parricide ,
il veut s'en punir ; on lui arrache l'épée.
Ilione finit la Tragedie par ces vers .
Pour le punir , laissez le vivre ;
C'est à moi seul de mourir.
V
lc
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles pendant ce mois
Légataire, et la Sérénade. Saul Tragédie
et Attendez - moi sous Porne. L'Ecole des
Amans , et Chrispin Medecin. Andronic ,
et l'Esprit de contradiction . L'Esprit folet ,
et la Comtesse d'Escarbagnas .
d'Idomenée , qui avoit été donnée dans sa
-nouveauté le 1 2. Janvier 1712. Le Poëme
est de M. Danchet , et la Musique de
M. Campra.
Au Prologue le Théatre représente les
Antres d'Eole ; ce Dieu y paroît au milieu
des vents , qui sont enchaînés à des
rochers. Ils veulent sortir de leurs prisons
; Eole les y retient malgré eux. Venus
annoncée par une douce symphonie ,
se présente à Eole , et lui parle ainsi :
Un vainqueur des Troyens fend la liquide plaine
;
Des rives de la Créte écarte ses vaisseaux ;
Ordonne aux Aquillons de soulever les eaux
Et de servir ma juste haine.
Eole.
Brisez vos fers ; pártez , vents orageux ;
De la Mere d'Amour allez remplir les voeux.
Les Aquilions sortent des Antres où ils
étoient renfermez , et s'élancent dans les
airs pour aller servir la haine de Venus.
Gij La
772 MERCURE
DE FRANCE
La fête de ce prologue est ordonnée
par Venus : en voici le motif.
Je vai remplir ta Cour
Des Nymphes et des Dieux soumis à ma puissance
;
Tandis que tes sujets exercent ma vengeance ,
Les miens viendront t'offrir les charmes de l'Amour.
?
les Plaisirs Venus appelle l'Amour
et les Jeux. Ce prologue a paru d'autant
plus heureusement imaginé, qu'ilannonce
la Tragedie,
Au premier Acte , le Théatre représente
le magnifique Palais des Rois de Crete,
Ilione , fille d'Agamemnon
, Roy d'Argos
et de Mycene , ouvre la Scene. Elle
fait connoître qu'elle est arrivée en Crete
dans un seul vaisseau que la tempête avoit
séparé de la flotte d'Idomenée ; elle ajoûte
qu'elle a méprisé l'amour de ce Roi , mais
qu'elle n'a pas été aussi insensible à celui
d'Idamante son fils qui ignore encore sa
victoire ; elle appelle la gloire et la fierté
à son secours,
Idamante ordonne à sa suite d'assembler
les Troyens ; il dit à Ilione qu'il est
rassuré sur le sort de son Pere que Minerve
a protegé contre la fureur de Neptune
; il lui annonce qu'il va délivrer les
Troyens
1
AVRIL: 1731. 773
Troyens en attendant le retour du Roi ,
persuadé qu'il les auroit lui-même remis.
en liberté , si les vents lui avoient permis
d'aborder en Créte ; il fui déclare son
amour ; elle en 'paroît offensée ; il lui réproche
l'injustice quelle a de vouloir pu
nir en lui ce qui n'est que le crime des
Dieux , ennemis des Troyens. Les Crétois
et les Troyens font le divertissement
de ce premier Acte ; on brise les chaînes
de ces derniers.
Arbas vient troubler la fête par une
fausse nouvelle de la mort d'Idomenée
qu'il annonce comme certaine . Electre qui
survient trouve fort étrange qu'on ait remis
les Troyens en liberté. Cette Princesse
Grecque , ne doutant point que cette
liberté ne soit l'ouvrage de l'amour d'Idamante
pour Ilione , s'abandonne à sa
jalouse rage, et ne respire que vengeance.
Au second Acte , le Théatre représente
les bords de la mer agitée par une tempê
te affreuse ; tout le fond est rempli de
vaisseaux qui ont fait ou qui vont faire
naufrage. Un choeur de Peuples prêts à
périr , ouvre la scene par ces deux vers :
O Dieux , ô justes Dieux , donnez -nous du se
cours' ;
Les vents , les mers , le ciel , tout menace nes
jours
Ciij Neptun
774 MERGURE DE FRANCE
Neptune sort de la mer , et dit à Idomenée
Ne crains plus les outrages
Des flots et des vents ennemis ;
Mais offre moi sur ces rivages
L'hommage que tu m'as promis.
Idomenée fait entendre à Arcas , qui
s'est sauvé du naufrage comme lui , le
funeste voeu qu'il a fait à Neptune ; voici
comme il s'explique :
Dans l'horreur du naufrage ,
Pour ravir à la mort mes sujets allarmés ,
Apprens les voeux que j'ai formés.
Voeux indiscrets , trop tard vous troublez mon
courage ;
Si Neptune en courroux faisoit cesser l'orage ,
J'ai promis d'immoler le premier des humains
Que je verrai sur le rivage.
Dans le sang innocent dois-je tremper res
mains.
Il voit paroître sa victime ; c'est son
propre fils qu'il ne connoît pas › attendu
la longueur du siege de Troye. Idamante
qui ne peut pas non plus le connoître , et
qui le prend pour un de ces malheureux
qui viennent de faire naufrave , lui offre
genereusement son secours ; la Scene est
trésAVRIL.
1731. 773
très -touchante de part et d'autre, et menagée
avec beaucoup d'art jusqu'au moment
de la reconnoissance. Idomenée saisi
d'horreur et accablé de tristesse , dit à
son fils qui le veut suivre,pour sçavoir ce
qui l'oblige à se refuser à ses embrassemens
:
Gårdez Vous de me suivre.
Pourquoi m'avez vous vû ? craignez de me revoir.
Idamante ne laisse pas de marcher sur
ses pas. Electre qui arrive croi qu'il la fuit;
elle implore Venus . La Déesse fait entendre
à Electre qu'elle va la vanger. Venus
évoque la jalousie qui vient avec sa suite ,
et fait la fête de ce second Acte , qui finit
par ces vers que Venus adresse à la jalousie.
Au coeur d'Idomenée inspirez la terreur
Contre son propre Fils allumez sa fureur,
La décoration du troisiéme Acte représente
le Port de Sydonie,
Idomenée ne se peut résoudre à donner
à Neptune la victime qu'il lui a promise
; de la tendresse de Pere , il passe
à la fureur d'un rival ; la liberté que son
fils a rendue aux Troyens lui persuade
qu'il aime Ilione , Arcas lui conseille d'éloigner
ce Prince ; Idomenće prend ce
G iiij parti ;
776 MERCURE DE FRANCE
parti ; Arcas par ses ordres va tout prépa
rer pour le départ d'Idamante qui selon
ce nouveau projet doit conduire Electre
à Argos et la vanger d'Egyste qui a usurpé
sur elle le thrône de ses yeux.
Ilione vient ; Idomenée la veut fuir
mais il demeure malgré lui ; il n'apprend
que trop ce qu'il avoit voulu ignorer , il
fait entendre à Ilione qu'elle a tout à craindre
pour son Amant , qui n'a pas besoin
pour périt du nom odieux de Rival .
>
Electre vient remercier Idomenée du
secours qu'il lui offre contre ses tyrans
Idomenée la quitte en lui disant que son
fils s'est chargé de la conduire et de la
vanger. Electre s'abandonne à sa joye ; les
Matelots grecs et tous ceux qui doivent
suivre cette Princesse viennent celebrer
leur retour dans leur Patrie après la fête ,
Prothée sort du fond des flots et annonce
à Idamenée la vengeance de Neptune
prête à tomber sur lui pour le punir de
son parjure ; l'orage empêche Electre de
partir ; Idomenée proteste qu'il n'immo .
lera jamais la victime que Neptune lui
demande . Un Monstre sorti de la mer ,
commence la vengeance de ce Dieu irrité.
Au quatriéme Acte , le Theatre représente
une campagne agréable , et dans l'éloignement
le Temple de Neptune.
Ilione
AVRIL. 1731. 777
Ilione fait des imprécations contre les
Crétois, et prie les Dieux de les faire tous
périr par le monstre ; son amour lui fait
excepter Idamante qui veut le combattre.
Idamanre vient faire ses derniers adieut
à Ilione , ne doutant point qu'il ne périsse
dans le projet que son désespoir lui fait
entreprendre ; le péril où ce Prince va
s'exposer , par la seule raison qu'il est
odieux à sa chere Ilione , détermine cette
Princesse à rompre un trop long silence
, et à déclarer son amour ; elle apprend
à son Amant qu'il a un rival re- .
doutable ; Idamante reconnoît par-là que
c'est le Roi.
Idomenée vient offrir un sacrifice à
Neptune ; il éloigne son fils du Temple
de ce Dieu , sans lui déclarer le funeste
voeu qu'il a fait.
Après cette premiere fête , qui consiste
en des hymnes chantez à la gloire de
Neptune , on entend des chants de victoire
derriere le Théatre ; Arcas vient apprendre
à Idomenée que le monstre a suc- ,
combé sous les coups d'Idamante ; Idomenée
se flatte d'avoir fléchi le Dieu des ,
flots,puisqu'il a permis que son fils triom
phât de ce monstre. Des Bergers et des
Bergeres , mêlés avec les habitans de Sydonie
, viennent celebrer la victoire d'I
damante. Après cette derniere fête , Ido-
G vj
menée
1
778 MERCURE DE ERANCE
menée se surmonte lui- même , et forme
la résolution de ceder Ilione à son fils ; il
n'en demeure pas là , il lui cede encore le
Trône , il en explique le motif
vers ;
par
ces
Le Roi seul fit un voeu fatal à tout mon sang ,
Cessons de l'etre ; il faut que mon fils dans mon
rang
:
Ait pour sa sureté la grandeur souveraine.
L'action du dernier Acte se passe dans
un lieu préparé pour le couronnement d'I
damante ; Electre au désespoir de l'hymen
dont on fait les apprêts , déclare sont
amour au Prince de Créte et voyant
qu'il ne l'écoute pas , elle sort pour aller
irriter la colere de Neptune contre tous
les Auteurs des outrages qu'elle a reçus en
ce jour .
Ilione et Idamante s'applaudissent de
leur prochain bonheur. Idomenée déclare
à ses Peuples que c'est son fils qui doit
désormais leur dispenser des loix ' ; il dit
galamment à Ilione qu'il se fait un plus
grand effort en la cedant à son fils , qu'en
lui remettant le pouvoir suprême. Les
Crétois font leur cour à leur nouveau
Maître , par des chants convenables à la
fête. Idomenée dépose sur un carreau son
Sceptre et sa Couronne. Nemesis sort des
Enfers
AVRIL. 1731. 779
1
par ces vers Enfers et trouble la fête
qu'elle adresse à Idomenée :
Du souverain des mers Ennemi temeraire ,
'Penses - tu donc ainsi désarmer sa colere ?
Voi Nemesis , les Dieux m'ont imposé la loi
D'exercer leur vengeance :
Que l'Univers avec effroi
Apprenne à respecter leur suprême puissance .
Nemesis rentre dans les Enfers ; le thrône
se brise , et les furies emportent le
pavillon qui le couvroit. Idomenée devenu
furieux , se croit transporté dans un
lieu où l'on offre un sacrifice à Neptune ;
il veut avoir l'honneur de porter le coup
mortel à la victime ; cette prétendue victime
est son propre fils , qu'il immole
de sa propre main ; après cet affreux
sacrifice , les Dieux lui rendent la
raison , pour lui découvrir son parricide ,
il veut s'en punir ; on lui arrache l'épée.
Ilione finit la Tragedie par ces vers .
Pour le punir , laissez le vivre ;
C'est à moi seul de mourir.
V
lc
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles pendant ce mois
Légataire, et la Sérénade. Saul Tragédie
et Attendez - moi sous Porne. L'Ecole des
Amans , et Chrispin Medecin. Andronic ,
et l'Esprit de contradiction . L'Esprit folet ,
et la Comtesse d'Escarbagnas .
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Résumé : Idomenée, Opera remis , Extrait. [titre d'après la table]
En avril 1731, la tragédie 'Idoménée' a été représentée pour la première fois le 12 janvier 1712. Le poème est de M. Danchet et la musique de M. Campra. L'histoire commence dans les antres d'Éole, où Vénus demande à Éole de libérer les vents pour aider un vainqueur des Troyens. Le premier acte se déroule dans le palais des rois de Crète. Ilione, fille d'Agamemnon, révèle son arrivée en Crète et son mépris pour l'amour du roi Idoménée, mais pas pour celui de son fils Idamante. Idamante déclare son amour à Ilione, qui semble offensée. Arbas annonce faussement la mort d'Idoménée, provoquant la colère d'Électre, jalouse de l'amour entre Idamante et Ilione. Dans le second acte, sur les bords de la mer agitée, Neptune apparaît à Idoménée et lui rappelle un vœu funeste qu'il a fait. Idoménée voit son fils Idamante, qu'il ne reconnaît pas, et qui lui offre son aide. La scène est poignante jusqu'à la reconnaissance. Électre, croyant qu'Idamante la fuit, implore Vénus. Le troisième acte se déroule au port de Sydonie. Idoménée, déchiré entre sa tendresse paternelle et sa jalousie, décide d'éloigner Idamante. Ilione et Électre apparaissent, et Prothée annonce la vengeance de Neptune. Un monstre commence à attaquer. Le quatrième acte se passe dans une campagne agréable. Ilione prie les dieux contre les Crétois. Idamante combat le monstre et survit. Idoménée, croyant avoir apaisé Neptune, décide de céder le trône à Idamante. Le dernier acte se déroule lors du couronnement d'Idamante. Électre, désespérée, sort pour irriter Neptune. Idoménée déclare son abdication en faveur de son fils. Nemesis apparaît et trouble la fête, révélant qu'Idoménée doit payer pour son parricide. Idoménée, rendu furieux, tue son fils par erreur. Les dieux lui rendent la raison pour lui révéler son crime. Ilione conclut la tragédie en demandant que son père vive pour souffrir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 795-798
Cérémonie du Parlement et de la Chambre des Comptes, [titre d'après la table]
Début :
Suivant la cérémonie qui se pratique tous les ans les [...]
Mots clefs :
Prologue, Opéra, Actrice, Concert, Cour, Messe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Cérémonie du Parlement et de la Chambre des Comptes, [titre d'après la table]
Suivant la
cérémonie qui se pratique tous
les ans les vendredi de la semaine de Pâ
ques. Messieurs du
Parlement et de la
Chambre des Comptes invitez par les Prevôt
des
Marchandset
Echevins , se rendi- '
rent en robes
ordinaires , et précedez de
leurs huissiers , en l'Eglise de Notre -Da
me , placez sur un même banc , tenans même
ligne et mêlez
ensemble , ensorte que'
le
Président du
Parlement avoit après lui
Hij
le
796 MERCURE DE FRANCE
le Président de la Chambre des Comptes ,
le Conseiller de la Cour , un Officier de
la Chambre , et ainsi de suite , tant qu'ils
firent nombre , et ils assisterent à une
Messe chantée en Musique à la Chapelle
de la Vierge , en memoire de l'expulsion
des Anglois du Royaume de France , sous
le Regne de Charles VII. L'origine de
cette cérémonie est , que la nouvelle de
la défaite des Anglois s'étant répanduë
dans Paris , le vendredi d'après Pâques de
Fannée 1436. Messieurs du Parlement et
de la Chambre des Comptes , au milieu
des acclamations du Peuple , se rendirent
confusément , et sans garder entr'eux ni
pas ni rang dans l'Eglise Notre - Dame
poury rendre graces graces à Dieu , devant l'Autel
de la Vierge , de l'heureuse nouvelle
qu'on venoit de leur apprendre.
›
On assure que le Roi a accordé à l'Ordre
Hospitalier du S. Esprit de Montpelier
des Lettres Patentes , portant réiinion
du Prieuré de S. Nicolas de Bar-sur-
Aube à l'Hôpital du S. Esprit de cette
Ville , qui est du même Ordre.
Le 4 Avril , il y eut Concert à la Cour ;
M. Destouches , Sur- Intendant de la Musique
de la Chambre du Roi de semestre ,
fit chanter devant la Reine , dans son Salon
, le Prologue et le premier Acte de
POpera
AVRIL. 1731. 797
par
l'Opera de Thésée , qui fut continué le 9
le second et troisiéme Acte , et le 11.
on finit par le quatrième et le dernier Acte.
La Dile Julie chanta le Rôle de Médée ,
et la Dile Lenner celui d'Eglé , dans les
trois premiers Actes avec beaucoup de
succès ; une indisposition survenue à cette
Actrice l'empêcha de continuer. La Dlle
Pelissier la remplaça ; et y reçût de grands
applaudissemens. Les Sieurs d'Angerville
et Guidon chanterent les Rôles d'Egée et
de Thésée , et les Diles Barbier et Robelin ,
firent les Confidentes , à la satisfaction de
la Reine et de toute la Cour.
! Le 16 , on chanta dans le même Salon
le Prologue et le premier Acte de l'Opera
de Tarsis et Zelie , dont le Poëme est de
M. de la Serre , et la Musique des Sieurs
Rebel et Francoeur.
ศ
9
Le 18 et le 23. on continua le même
Opera , dans lequel les Des Lenner et
Pellissier chanterent les Rôles de Zelie et
d'Arelife avec beaucoup d'applaudissement
, de même que la De Erremens
qui plût infiniment dans le Rôle de la Sybille
, et dans d'autres mòrceaux qu'elle
chanta avec beaucoup de graces et de legereté.
Les deux Auteurs de cet Opera
furent présentez à la Reine par M. Destouches
; ils reçûrent de S. M. des témoignages
pleins de bonté , de la satisfaction
Hiij qu'elle
798 MERCURE DE FRANCE
t
qu'elle avoit eû d'entendre cet Opera
dont l'exécution fut parfaite , et la Musi
que extrêmement goûtée.
pre Le 25. on chanta le Prologue et le
mier Acte d'Atys , qu'on continua le Lundy
, dernier jour du mois.
cérémonie qui se pratique tous
les ans les vendredi de la semaine de Pâ
ques. Messieurs du
Parlement et de la
Chambre des Comptes invitez par les Prevôt
des
Marchandset
Echevins , se rendi- '
rent en robes
ordinaires , et précedez de
leurs huissiers , en l'Eglise de Notre -Da
me , placez sur un même banc , tenans même
ligne et mêlez
ensemble , ensorte que'
le
Président du
Parlement avoit après lui
Hij
le
796 MERCURE DE FRANCE
le Président de la Chambre des Comptes ,
le Conseiller de la Cour , un Officier de
la Chambre , et ainsi de suite , tant qu'ils
firent nombre , et ils assisterent à une
Messe chantée en Musique à la Chapelle
de la Vierge , en memoire de l'expulsion
des Anglois du Royaume de France , sous
le Regne de Charles VII. L'origine de
cette cérémonie est , que la nouvelle de
la défaite des Anglois s'étant répanduë
dans Paris , le vendredi d'après Pâques de
Fannée 1436. Messieurs du Parlement et
de la Chambre des Comptes , au milieu
des acclamations du Peuple , se rendirent
confusément , et sans garder entr'eux ni
pas ni rang dans l'Eglise Notre - Dame
poury rendre graces graces à Dieu , devant l'Autel
de la Vierge , de l'heureuse nouvelle
qu'on venoit de leur apprendre.
›
On assure que le Roi a accordé à l'Ordre
Hospitalier du S. Esprit de Montpelier
des Lettres Patentes , portant réiinion
du Prieuré de S. Nicolas de Bar-sur-
Aube à l'Hôpital du S. Esprit de cette
Ville , qui est du même Ordre.
Le 4 Avril , il y eut Concert à la Cour ;
M. Destouches , Sur- Intendant de la Musique
de la Chambre du Roi de semestre ,
fit chanter devant la Reine , dans son Salon
, le Prologue et le premier Acte de
POpera
AVRIL. 1731. 797
par
l'Opera de Thésée , qui fut continué le 9
le second et troisiéme Acte , et le 11.
on finit par le quatrième et le dernier Acte.
La Dile Julie chanta le Rôle de Médée ,
et la Dile Lenner celui d'Eglé , dans les
trois premiers Actes avec beaucoup de
succès ; une indisposition survenue à cette
Actrice l'empêcha de continuer. La Dlle
Pelissier la remplaça ; et y reçût de grands
applaudissemens. Les Sieurs d'Angerville
et Guidon chanterent les Rôles d'Egée et
de Thésée , et les Diles Barbier et Robelin ,
firent les Confidentes , à la satisfaction de
la Reine et de toute la Cour.
! Le 16 , on chanta dans le même Salon
le Prologue et le premier Acte de l'Opera
de Tarsis et Zelie , dont le Poëme est de
M. de la Serre , et la Musique des Sieurs
Rebel et Francoeur.
ศ
9
Le 18 et le 23. on continua le même
Opera , dans lequel les Des Lenner et
Pellissier chanterent les Rôles de Zelie et
d'Arelife avec beaucoup d'applaudissement
, de même que la De Erremens
qui plût infiniment dans le Rôle de la Sybille
, et dans d'autres mòrceaux qu'elle
chanta avec beaucoup de graces et de legereté.
Les deux Auteurs de cet Opera
furent présentez à la Reine par M. Destouches
; ils reçûrent de S. M. des témoignages
pleins de bonté , de la satisfaction
Hiij qu'elle
798 MERCURE DE FRANCE
t
qu'elle avoit eû d'entendre cet Opera
dont l'exécution fut parfaite , et la Musi
que extrêmement goûtée.
pre Le 25. on chanta le Prologue et le
mier Acte d'Atys , qu'on continua le Lundy
, dernier jour du mois.
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Résumé : Cérémonie du Parlement et de la Chambre des Comptes, [titre d'après la table]
Le texte relate deux événements distincts. Le premier est une cérémonie annuelle se déroulant le vendredi de la semaine de Pâques. Les membres du Parlement et de la Chambre des Comptes, invités par le Prévôt des Marchands et les Échevins, se rendent à l'église Notre-Dame en robes ordinaires pour assister à une messe chantée en musique à la Chapelle de la Vierge. Cette cérémonie commémore l'expulsion des Anglais du Royaume de France en 1436 sous le règne de Charles VII. À l'origine, elle a eu lieu après la nouvelle de cette défaite, lorsque les membres du Parlement et de la Chambre des Comptes se sont rendus à l'église pour rendre grâce à Dieu. Le second événement concerne des concerts à la cour en avril 1731. Le 4 avril, M. Destouches, surintendant de la musique de la Chambre du Roi, fit chanter devant la Reine le prologue et le premier acte de l'opéra 'Thésée'. Les représentations se poursuivirent les 9 et 11 avril, avec les demoiselles Julie, Lenner, Pelissier, ainsi que les sieurs d'Angerville et Guidon dans les rôles principaux. Le 16 avril, le prologue et le premier acte de l'opéra 'Tarsis et Zelie' furent chantés, avec des représentations supplémentaires les 18 et 23 avril. Les demoiselles Lenner, Pellissier et Erremens reçurent des applaudissements. Les auteurs de l'opéra furent présentés à la Reine, qui exprima sa satisfaction. Le 25 avril, le prologue et le premier acte de l'opéra 'Atys' furent chantés, avec la suite des représentations le lundi suivant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1998-2002
Brutus, Tragedie, représentée à Caen, et Balet caracterisé, Prologue, &c. [titre d'après la table]
Début :
BRUTUS, Tragedie de M. de Voltaire, représentée au College du Bois de la très - celebre [...]
Mots clefs :
Comédiens italiens du roi, Prix, Tragédie, Parodie, Prologue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Brutus, Tragedie, représentée à Caen, et Balet caracterisé, Prologue, &c. [titre d'après la table]
BRUTUS , Tragedie de M. de Voltaire ,
présentée au College du Bois de la très - celebre
Université de Caën , pour la distribution solemnelle
des Prix , donnez par Noble Homme Jacques
Maheult de Sainte - Croix , Proviseur du
même College , le Jeudi 31. Juillet.
C'est le titre d'un Programme que nous avons
reçû de Caën , lequel contient le Sujet et le Plan
de cette belle Tragedie , tel à peu près qu'il se
trouve exposé dans l'Extrait que nous en avons
donné lorsqu'elle fut mise pour la premiere fois
sur la Scêne Françoise. Nous avons cependant
remarqué une licence que Mrs de Caën se sont
donnée en faisant paroître au second Acte , Julie
chargée de chaines , déclarant à Argine , sa Confidente
, son amour pour Titus. Ces chaînes ont
apparemment parû plus touchantes , et devoir produire
un plus grand effet sur le Théatre Normand ,
qui s'impathise peut - être un peu avec le Théatre
Anglois. Quoiqu'il en soit , nous avons appris
que cette Piece a été três - bien executée et fort
applaudie par une Assemblée des plus nombreuses..
Selon
A O UST. 1731. 1999
Selon le même Programme , la Tragedie de
Brutus fut suivie de la Parodie qui en a été faite
par les Comédiens Italiens du Roi , intitulée Balus
, et après ce Divertissement onjoua l'Etourdi
eu les Contretemps , Comédie de Moliere , avec
des Intermedes.
Le Spectacle triomphant du Vice , ou le Théa
ore digne de l'Honnête Homme , est le sujet d'un
grandna Balet qui fut dansé sur le même Théatre
, à l'occasion de la Tragédie ; on en trouve
le dessein et la division dans le même Programme.
La Tragedie , l'Opera , ie Balet , et la Comédie
, fournirent le sujet des quatre principales,
Entrées qui parurent avec les caracteres et les suites
qui leur sont propres . Ce Balet et la plûpart
des Airs , sont de la composition de M. Hardouin,
qui s'attira de nouvelles louanges.
Le Programme dont nous rendons compte ,
contient sur tout cela un détail curieux , dans lequel
il nous est impossible d'entrer , qui prouve
que l'esprit et le bon goût continuent de regner
dans la Ville de Caën. Nous nous contenterons
d'ajoûter ici le peu de Vers qui ont précedé la
Tragedie et le Balet . Ils sont de M. Heurtauld
de qui nous avons déja inseré plusieurs bonnes
Pieces dans notre Journal .
Li
Prologue de la Tragédie.
L est une Vertu severe ,
Qui n'a dans ses Arrêts aucun respect humain.
Tel se montra jadis ce courageux Romain ,
Dont nous traçons le caractere.
Brutus en vrai Consul deffend Rome et les Dieux,
It son fils a tramé des desseins factieux.
Dan's
2000 MERCURE DE FRANCE
Dans cette extremité , Ciel , à quoi se résoudre !
Le Consul doit punir : le Pere doit absoudre.
· Raison , pitié , devoir , amour
Quels combats à son coeur vous livrez tour à
tour,!
S'il condamne son fils , il trahit la tendresse :
S'il épargne un coupable , il trahit l'équité :
C'en est fait ; il condamne : un zele ardent le
presse ,
Et la justice enfin , surmonte la bonté !
Cet exemple est pour vous , Peres pleins d'indulgence
,
Qui souffrez d'un enfant la coupable licence ,
Et dont le bras trop lâche est si - tôt désarmé ,
Quand le coup doit tomber sur un objet aimé.
Mais vous que séduit l'âge tendre ,
Enfans , si vous donnez dans quelque égarement ,
Titus mourant doit vous apprendre ,
A vous soumettre aux Loix d'un juste châtiment .
Fidele à sa Patrie , il la vengeoit en brave.
Il triomphoit dans les combâts ;
Mais vaincu par l'amour , il devient traître , es
clave ,
Et la victime du trépas
Jeunes coeurs , de l'amour telle est l'affreuse sufte ;
Craignez son poison dangereux.
Il soüille notre gloire , et corrompt le mérite
Des naturels les plus heureux.
C'est l'utile leçon que vous donne l'ouvrage ,
D'us
A UUS 1. 1731. 2002
D'un Auteur autrefois , habitant de ces lieux.
Quel plaisir , s'il voyoit la troupe illustre et sage¿
Qui s'apprête à gouter ses sons harmonieux !
Și, comme eux , nous étions sûrs de votre suffrage,
Qu'aujourd'hui notre sort deviendroit glorieux.
JE
Prologue du Balet.
Eunes Mortels , accourez pleins de zele.
Ce doux spectacle a des charmes puissans.
Que craignez-vous ? la vertu vous appelle
Livrez vos coeurs à ces jeux innocens ,
M
Loin de ces lieux le vice et l'ignorance,
On n'y reçoit que de pures leçons.
C'est la vertu qui regle notre Danse ,
Nos pas , nos voix et nos doctes Chansons.
M
Par le Tragique on abhorre le crime :
Par le Comique on réforme les moeurs :
L'Opera chante un Héros magúanime :
La Danse peint les sentimens des coeurs,
粥
De ces talens un heureux assemblage ,
Ici concourt à flater vos desirs.
Quel passe -tems convient mieux à votre âge ?
Est-il ailleurs de plus charmans plaisirs ? &c.
présentée au College du Bois de la très - celebre
Université de Caën , pour la distribution solemnelle
des Prix , donnez par Noble Homme Jacques
Maheult de Sainte - Croix , Proviseur du
même College , le Jeudi 31. Juillet.
C'est le titre d'un Programme que nous avons
reçû de Caën , lequel contient le Sujet et le Plan
de cette belle Tragedie , tel à peu près qu'il se
trouve exposé dans l'Extrait que nous en avons
donné lorsqu'elle fut mise pour la premiere fois
sur la Scêne Françoise. Nous avons cependant
remarqué une licence que Mrs de Caën se sont
donnée en faisant paroître au second Acte , Julie
chargée de chaines , déclarant à Argine , sa Confidente
, son amour pour Titus. Ces chaînes ont
apparemment parû plus touchantes , et devoir produire
un plus grand effet sur le Théatre Normand ,
qui s'impathise peut - être un peu avec le Théatre
Anglois. Quoiqu'il en soit , nous avons appris
que cette Piece a été três - bien executée et fort
applaudie par une Assemblée des plus nombreuses..
Selon
A O UST. 1731. 1999
Selon le même Programme , la Tragedie de
Brutus fut suivie de la Parodie qui en a été faite
par les Comédiens Italiens du Roi , intitulée Balus
, et après ce Divertissement onjoua l'Etourdi
eu les Contretemps , Comédie de Moliere , avec
des Intermedes.
Le Spectacle triomphant du Vice , ou le Théa
ore digne de l'Honnête Homme , est le sujet d'un
grandna Balet qui fut dansé sur le même Théatre
, à l'occasion de la Tragédie ; on en trouve
le dessein et la division dans le même Programme.
La Tragedie , l'Opera , ie Balet , et la Comédie
, fournirent le sujet des quatre principales,
Entrées qui parurent avec les caracteres et les suites
qui leur sont propres . Ce Balet et la plûpart
des Airs , sont de la composition de M. Hardouin,
qui s'attira de nouvelles louanges.
Le Programme dont nous rendons compte ,
contient sur tout cela un détail curieux , dans lequel
il nous est impossible d'entrer , qui prouve
que l'esprit et le bon goût continuent de regner
dans la Ville de Caën. Nous nous contenterons
d'ajoûter ici le peu de Vers qui ont précedé la
Tragedie et le Balet . Ils sont de M. Heurtauld
de qui nous avons déja inseré plusieurs bonnes
Pieces dans notre Journal .
Li
Prologue de la Tragédie.
L est une Vertu severe ,
Qui n'a dans ses Arrêts aucun respect humain.
Tel se montra jadis ce courageux Romain ,
Dont nous traçons le caractere.
Brutus en vrai Consul deffend Rome et les Dieux,
It son fils a tramé des desseins factieux.
Dan's
2000 MERCURE DE FRANCE
Dans cette extremité , Ciel , à quoi se résoudre !
Le Consul doit punir : le Pere doit absoudre.
· Raison , pitié , devoir , amour
Quels combats à son coeur vous livrez tour à
tour,!
S'il condamne son fils , il trahit la tendresse :
S'il épargne un coupable , il trahit l'équité :
C'en est fait ; il condamne : un zele ardent le
presse ,
Et la justice enfin , surmonte la bonté !
Cet exemple est pour vous , Peres pleins d'indulgence
,
Qui souffrez d'un enfant la coupable licence ,
Et dont le bras trop lâche est si - tôt désarmé ,
Quand le coup doit tomber sur un objet aimé.
Mais vous que séduit l'âge tendre ,
Enfans , si vous donnez dans quelque égarement ,
Titus mourant doit vous apprendre ,
A vous soumettre aux Loix d'un juste châtiment .
Fidele à sa Patrie , il la vengeoit en brave.
Il triomphoit dans les combâts ;
Mais vaincu par l'amour , il devient traître , es
clave ,
Et la victime du trépas
Jeunes coeurs , de l'amour telle est l'affreuse sufte ;
Craignez son poison dangereux.
Il soüille notre gloire , et corrompt le mérite
Des naturels les plus heureux.
C'est l'utile leçon que vous donne l'ouvrage ,
D'us
A UUS 1. 1731. 2002
D'un Auteur autrefois , habitant de ces lieux.
Quel plaisir , s'il voyoit la troupe illustre et sage¿
Qui s'apprête à gouter ses sons harmonieux !
Și, comme eux , nous étions sûrs de votre suffrage,
Qu'aujourd'hui notre sort deviendroit glorieux.
JE
Prologue du Balet.
Eunes Mortels , accourez pleins de zele.
Ce doux spectacle a des charmes puissans.
Que craignez-vous ? la vertu vous appelle
Livrez vos coeurs à ces jeux innocens ,
M
Loin de ces lieux le vice et l'ignorance,
On n'y reçoit que de pures leçons.
C'est la vertu qui regle notre Danse ,
Nos pas , nos voix et nos doctes Chansons.
M
Par le Tragique on abhorre le crime :
Par le Comique on réforme les moeurs :
L'Opera chante un Héros magúanime :
La Danse peint les sentimens des coeurs,
粥
De ces talens un heureux assemblage ,
Ici concourt à flater vos desirs.
Quel passe -tems convient mieux à votre âge ?
Est-il ailleurs de plus charmans plaisirs ? &c.
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Résumé : Brutus, Tragedie, représentée à Caen, et Balet caracterisé, Prologue, &c. [titre d'après la table]
Le 31 juillet, une représentation de la tragédie 'Brutus' de Voltaire a eu lieu au Collège du Bois de l'Université de Caen. La pièce a été bien exécutée et acclamée par une assemblée nombreuse. La journée a également inclus une parodie de la tragédie intitulée 'Balus', suivie de la comédie 'L'Étourdi' de Molière, avec des intermèdes. Un ballet intitulé 'Le Spectacle triomphant du Vice, ou le Théâtre digne de l'Honnête Homme' a également été présenté. Les principales entrées de la journée étaient donc la tragédie, l'opéra, le ballet et la comédie. Le ballet et la plupart des airs étaient de la composition de M. Hardouin, qui a été félicité pour son travail. Le programme de la journée a démontré l'esprit et le bon goût régnant à Caen. Le prologue de la tragédie 'Brutus' met en avant la vertu sévère de Brutus, qui doit condamner son fils pour trahison, illustrant les conflits entre raison, pitié, devoir et amour. Le prologue du ballet appelle à la vertu et aux jeux innocents, soulignant les bienfaits de la tragédie, de la comédie et de l'opéra pour l'éducation et la réforme des mœurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2412-2424
Amadis, &c. [titre d'après la table]
Début :
Le 4. de ce mois, l'Académie Royale de Musique remit au Theatre Amadis [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Prologue, Déclamation, Magicienne, Chœurs, Critique, Infidèle, Monologue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Amadis, &c. [titre d'après la table]
L
E
1
a-
4. de ce mois , l'Académie Rovaie
de Musique remit au Theatre
dis , Tragedie de Mrs Quinault et L
Il y a 13. ans qu'elle n'avoit été re résensée.
Les deux Rôles du Prologu
l'Enchanteur Alquif , et de l'Encha
resse Urgande , sont joüez par le S
Chassé et par la Dlle Erremens . Les
Tribon , Dun , Chassé , et les Illes
Maure , Petitpas , et Antier , remp
sent les principaux Rôles de la Piece
ne laissent rien à desirer pour le ch
et la déclamation. Au reste , cet Op
esr fort bien remis ; il y a du specta
et du surprenant pour les yeux ; entr'. v
tres , un Combat en l'air d'une vingtai
de Demons , le Char d'Arcabonne , fig
ré en Dragon aîlé , &c. Le Baler est tr.
bien caracterisé , et la Dlle Sallé y dar
avec des graces et une finesse au- dessu
de nos expressions.
ProOCTOBRE.
1731. 2413
Prologue.
"
Urgande , Magicienne bien -faisante ;
et Alquif , Enchanteur , paroissent sous
un riche Pavillon ; ils ont choisi ces lieux
pour y demeurer enchantez avec leur
-suite jusqu'au temps fortuné que le
destin du monde dépendroit d'un Héros
plus grand qu'Amadis Fils de Perion ,
Roy des Gaules ; un éclair et un coup
de Tonnere commencent à les tirer de
leur profond assoupissement ; leur suite
est éveillée par de nouveaux coups de
Tonnere ; ce qui donne lieu à un des
plus beaux Choeurs que Lully ait faits .
Ils témoignent la joye qu'ils ont de n'être
plus enchantez : ils se proposent de
faire revivre Amadis , et de le transporter
dans les lieux où son sang regnoit
autrefois , ce qui annonce la Tragedie.
Ce Prologue a paru très - brillant ; cependant
quelques Critiques ont trouvé
étrange qu'Urgande et Alquif , qui ne
font que de sortir du profond assoupissement
où ils ont été plongez jusqu'alors ,
soient si bien instruits des Victoires du
Heros de la France , dont ils n'ont pû ni
avoir été témoins , ni avoir été informez
par la Renommée. Le Lecteur jugera si
La Critique est fondée.
G Au
2414 MERCURE DE FRANCE
son
Au premier Acte de la Tragedie , Amadis
ouvre la Scene avec Florestan
Frere naturel . Le premier est accablé
d'une douleur mortelle , dont l'autre
tâche de le distraire ; Oriane , Fille de
Lisuart , Roy de la Grande - Bretagne , le
croyant infidele lui a deffendu de la
>
jamais voir et comme elle va épouser
l'Empereur des Romains , il ne doute
point qu'elle ne soit inconstante ellemême.
Florestan ne pouvant soulager sa
douleur , le laisse sortir pour aller chercher
la solitude.
Florestan revoit Corisande après une
longue absence ; ils témoignent une joye
réciproque. Oriane vient se plaindre à
eux de la prétendue infidelité d'Amadis.
Ils ont beau la vouloir tirer d'erreur ;
elle persiste dans ses injustes soupçons
quelque forte induction qu'on lui fasse
du contraire ; cette obstination à croire
Amadis infidele , n'est fondée que sur ces
Vers :
Le confident de sa nouvelle ardeur
N'a que trop bien sçû m'en instruire ;
Il n'est plus permis à mon coeur
De se laisser séduire.
L'injustice de ses soupçons ne laisse pas
do
OCTOBRE 1731. 2415
tels
que
de produire de beaux sentimens ,
cette tendre plainte :
L'ingrat , un peu plus tard , auroit changé sans
crime ;
Je vais devenir la victime
Du devoir qui regle mon sort.
L'inconstant n'a - t'il pû se faire un peu d'effort
De lui-même bien- tôt son coeur alloit dépendre ;
Ah ! que n'attendoit - il mon hymen ou ma mort
Il ne devoit plus guere attendre .
La Fête de ce premier Acte consiste
en un combat ou un tournois qui se ,
fait en son honneur.
›
,
Arcabonne , Magicienne , commence le
second Acte par un Monologue
dans
lequel elle fait connoître que l'Amour
est entré malgré elle dans un coeur qui
n'étoit destiné qu'à la haine. Arcalaus ,
son Frere , est étonné de la trouver triste
et solitaire ; elle lui déclare l'Amour
-qu'elle a pour un inconnu qui lui a sauvé
la vie ; les Spectateurs ne manquent pas
de pressentir que cet inconnu est Amadiss
c'est là que le grand interêt de la- Piece
commence. Amadis a tué Ardan son
Frere à peine Arcalais lui parle de la
vengeance , qu'elle doit à cette ombre
G ij si
,
2416 MERCURE DE FRANCE
si cherie , qu'on voit sa fureurrenaître :
elle l'exprime par ces Vers :
Que le nom d'Amadis m'inspiré de colere !
Quand pourrai-je gouter le plaisir de sa
mort !
Cela donne lieu à ce beau Duo :
Irritons notre barbarie.
Ecoutons nôtre sang qui crie ;
Perisse l'Ennemi , qui nous ose outrager ;
Ah ! qu'il est doux de se vanger !
>
Arcalaüs engage Amadis dans un Enchantement
; Corisande vient se plaindre
du malheur de Florestan , qu'une inconnuë
a entrainé dans un piége fatal ; elle
prie Amadis de secourir son Amant.
Amadis vole au secours de son Frere .
Arcalaus l'arrête , et fait enlever Corisande
, pour la faire perir avec Florestan.
Amadis combat Arcalaüs ; ce dernier appelle
les Demons à son secours. Ces Demons
paroissent sous des formes agréables
Amadis se laisse séduire à celui qui
a pris la forme d'Oriane ; il met ses armes
à ses pieds et la suit. Ces Demons transformez
font la Fête de ce second Acte ;
cette Fête est , sans contredit , la plus
touchante qui soit dans toute la Tragedie.
La Dlle Sallé y brille beaucoup.
Ац
OCTOBRE. 1731. 2417
2
Au troisiéme Acte , Florestan & Corisande
sont prêts d'être immolez sur le
tombeau d'Ardan Canille , frere d'Arcalaüs
et d'Arcabone mort de la main
d'Amadis. Arcabone doit répandre sur le
même tombeau le sang d'Amadis , et celui
de tout ce qu'il a de plus cher; l'Ombre
d'Ardan sort de son tombeau et
témoigne sa colere à Arcabone par ces
Vers :
Ah ! tu me trahis , malheureuse !
Ah ! tu vas trahir tes serments.
,
L'ombre lui annonce la mort par ces
autres Vers :
Je retombe , le jour me blesse ;
Tu me suivras dans peu de temps :
Pour te reprocher ta foiblesse ,
C'est aux Enfers que je t'attends.
L'ombre rentre dans son Tombeau ;
sa Prédiction commence à se remplir ;
on amene Amadis à Arcabone , pour
être immolé le premier ; Arcabone prête
à lui plonger un Poignard dans le sein
reconnoît en lui le même inconnu qui
lui a sauvé la vie . Le Poignard lui tombe
des mains ; elle fait grace , en sa faveur
>
و
G iij
2418 MERCURE DE FRANCE
}
à tous ceux qui lui étoient destinez pour
victimes ; la liberté qu'elle leur rend ,
fait le sujet de la Fête , par où l'Acte
finit.
Arcalais et Arcabone commencent le
quatrième Acte ; Arcalaus presse sa soeur
d'exposer aux yeux d'Oriane , la victime
qu'elle vient d'immoler ; Arcabone soupire
, et fait connoître à son frere qu'elle
a reconnu dans Amadis
l'inconnu qui
lui a sauvé la vie , et qu'elle aime ; elle
s'exprime ainsi :
2
Que vous êtes heureux ! de n'avoir à songer
Qu'à hair et qu'à vous venger !
Helas ! dans nôtre ennemi même
J'ai trouvé l'inconnu que j'aime.
et
Arcalais lui reproche son parjure
la ménace de sa vengeance ; elle lui répond
:
Je l'aime malgré moi cet ennemi charmant ;
Je n'en puis être aimée ; une autre a sçû lui
plaire ';
Je vous défie avec vôtre colere
D'inventer pour mon châtiment
Un plus cruel tourment.
Arcalaus lui dit que pour la mieux
punir ,
OCTOBRE. 1731. 2419
4
punir , il veut qu'Amadis épouse sa rivale
avant qu'il les immole tous deux ;
Voici la fin de ce Dialogue.
Ah ! que plutôt cent fois ils périssent tous deux ?
Entre l'Amour et la haine cruelle ,
J'ai cru pouvoir me partager ;
Mais dans mon coeur l'Amour est étranger,
Et la haine m'est naturelle.
Ma Rivale gémit , que ses maux me sont doux !
Pour punir ces Amans , j'imagine une peine
Digne de ma fureur et de vôtre courroux.
C'est peu d'une mort inhumaine ;
Arcalans.
Puis-je encore me fier à vous ?
Fiez-
Arcabone.
vous à l'Amour jaloux ;
Al est plus cruel que la haine.
Ils sortent pour aller executer ce nouveau
Projet de vengeance. Oriane vient
et se plaint du triste sort où Amadis l'abbandonne
; elle le croit toûjours infidele.
Arcalaüs lui vient annoncer qu'il l'a vengée
, et qu'il a vaincu Amadis ; comme
elle ne veut pas le croire , il le fait paroître
à ses yeux , étendu sur ses Armies ensanglantées.
Elle déplore sa mort par un
G iiij
Mono2420
MERCURE DE FRANCE
2
Monologue , où la Dlle le More , avec le
son ravissant de sa voix met toute l'expression
possible , et se fait generalement
applaudir ; Oriane tombe évanouie sur
un lit de gazon. Arcalaüs et Arcabonė
rentrent , le projet de leur vengeance
est de faire mourir et revivre tour à tour
ces deux Amants , pour éterniser leur
şupplice par un spectacle si douloureux.
Urgande vient au secours d'Amadis
et d'Oriane. C'est cette même Magicienne
bien- faisante , dont nous avons parlé
dans le Prologue . D'un coup de baguette
elle rend Arcalaüs et Arcabone immobiles
; elle dissipe l'enchantement dont
Amadis et Oriane sont saisis ; ces Suivantes
celebrent ce jour heureux . Amadis et
Oriane sont transportez dans le Vaisseau
d'Urgande ; elle ne part qu'après avoir
rendu à Arcalais et à sa soeur l'usage de
leurs sens , pour mieux sentir leur malheur
; Ils évoquent des Demons infernaux
, qui sont défaits par des Demons
Aëriens ; le Frere et la Soeur s'abbandonnent
à leur désespoir et se tuent .
Ce qui nous reste à dire du cinquiéme
Acte , est si inferieur à l'Acte précédent ,
que nous ne nous y arrêterons guere. Ur
gande a transporté Amadis Oriane
Florestan et Corisande au Palais enchanté
›
d'AOCTOBRE.
1731. 2421
.
-
Apollidon c'est là qu'ils se retrouvent
tous , et qu'ils deviennent heureux.
Voici ce que les Connoisseurs pensent
de cette Tragedie. Le Prologue est generalement
approuvé. Il s'en faut bien qu'il
en soit de même de la Tragedie ; l'Episode
de Florestan et de Corisande tient
si peu à la Piece , qu'on souhaitteroit
qu'il n'y fut point du tout. Le noeud du
Poëne ne tient qu'à une présomption qui
n'est fondée sur rien. M. Quinault s'est
bien gardé de faire intervenir une seule
Scene entre Amadis et Oriane dans les
4. premiers Actes ; les soupçons d'Oriane
auroient été dissipez par un seul mot
d'Amadis , et la Piece auroit presque aussi-
tôt fini que commencé : il y a suppléé
par l'Episode d'Arcalaüs et d'Arcabone.
Veritablement le premier n'est interessé
que par la haine dans l'action episodique
; mais Arcabone s'y trouve attachée
tout à la fois par la reconnoissance , l'amour
et la haine , et c'est ce qui fait que
le troisiéme Acte et le quatriéme sont
les plus , interessans . Toute la Piece est
bien verifiée , mais elle n'est pas conduite
avec cet Art si ordinaire à son ingenieux
Auteur . L'unité de lieu y est si
mal observée , qu'on ne sçait le plus sou
vent où se passe l'action ; au reste , la
Gv Piece
2422 MERCURE DE FRANCE
Piece paroît absolument finie au quatriéme
Acte ; la mort d'Arcalais et d'Arcabone
ne laissent plus rien à craindre pour
les quatre Amans qui ont dû interesser
les Spectateurs . Pour ce qui regarde
la Musique , on y reconnoît toûjours le
grand Lully ; et si le genre en est un
peu trop triste , c'est plutôt la faute du
Poëte , que celle du Musicien .
Nous lisons dans des Memoires de ce
temps- là , que quand cet Opera parut ,
Quinault n'avoit pas été si embarrassé de
traitter le sujet d'Amadis comme le bruit
en avoit couru. Il fut representé à Paris
le 15. Janvier 1684. On ne le joua point
à Versailles , à cause de la mort de la
Reine.
3
Ce fut à l'occasion de cet Opera , dont
le Roy avoit donné le sujet , et qui , disoit-
on , embarassoit fort Quinault , que
ce Poëte fit ce Madrigal , qu'il intitula
l'Opera difficile.
Ce n'est pas l'Opera que je fais pour le Roy ;
Qui m'empêche d'être tranquile ,.
• Tout ce qu'on fait pour lui , paroit toûjours.fa
cile.
La grande peine où je me voy ;
C'est d'avoir cinq filles chez moi ,
Dont
OCTOBRE.
2323
1731.
Dont la moins âgée est nubile .
Je dois les établir , et voudrois le pouvoir ;
Mais à suivre Apollon , on ne s'enrichit guerre.
C'est avec peu de bien un terrible devoir ,
De se sentir pressé d'être cinq fois Beau- Pere.
Quoi, cinq Actes devant Notaire !
Pour cinq filles qu'il faut pourvoir !
O Ciel ! peut-on jamais avoir
Opera plus fâcheux à faire ?
On trouva les derniers Actes languis-
Sants en comparaison des trois premiers ;
mais Lully distingua cet Opera entre les
meilleurs qu'il avoit faits , et il distingua
parmi ses meilleurs Airs , celui de Bois
épais redouble & c. comme excellent.
En general , on trouve qu'il y a plus
de Prologues de Lully , excellemment
beaux , que d'Opera ; mais le Prologue
de celui-ci est encore préferé par les Connoisseurs
et mis au dessus de tous les
autres. Il est relatif à la Piece , et travaillé
de la part du Poëte et du Musicien
avec un art infini .
›
-
On écrit de Paris , dit M. Bayle , ( dans
ses nouv. de la Rep. des Lettres , ( Avril
1684. ) que la Troupe Italienne représente
une Comédie très divertissante ,
G vj
et
2414 MERCURE DE FRANCE
et qui attire une foule extraordinaire.
Elle s'intitule Arlequin Empereur dans le
monde de la Lune . C'est , dit - on , une
Satyre de l'Opera d'Amadis , et on ajoute
qu'on doit representer incessamment sur
le même Theatre de l'Hôtel de Bourgogne
, Amadis Cuisinier , parce que celui
qui fait le personnage d'Amadis dans
cet Opera , a éré Cuisinier . Ces nouvelles
, continue M. Bayle , ne sont pas.
trop apparentes ; car , comme on sçait
que le Roy lui-même a donné le sujet de
'Opera d'Amadis , qui oseroit en faire
des railleries si publiques ? Ce Monarque
n'a point voulu que cet Opera fut representé
à la Cour , à cause du deuil de la
Reine . On en loüe fort les paroles , les
machines et les Airs. On voit au commen .
cement du Poëme quelques Vers de M.
de la Fontaine à la loüange du Roy .
E
1
a-
4. de ce mois , l'Académie Rovaie
de Musique remit au Theatre
dis , Tragedie de Mrs Quinault et L
Il y a 13. ans qu'elle n'avoit été re résensée.
Les deux Rôles du Prologu
l'Enchanteur Alquif , et de l'Encha
resse Urgande , sont joüez par le S
Chassé et par la Dlle Erremens . Les
Tribon , Dun , Chassé , et les Illes
Maure , Petitpas , et Antier , remp
sent les principaux Rôles de la Piece
ne laissent rien à desirer pour le ch
et la déclamation. Au reste , cet Op
esr fort bien remis ; il y a du specta
et du surprenant pour les yeux ; entr'. v
tres , un Combat en l'air d'une vingtai
de Demons , le Char d'Arcabonne , fig
ré en Dragon aîlé , &c. Le Baler est tr.
bien caracterisé , et la Dlle Sallé y dar
avec des graces et une finesse au- dessu
de nos expressions.
ProOCTOBRE.
1731. 2413
Prologue.
"
Urgande , Magicienne bien -faisante ;
et Alquif , Enchanteur , paroissent sous
un riche Pavillon ; ils ont choisi ces lieux
pour y demeurer enchantez avec leur
-suite jusqu'au temps fortuné que le
destin du monde dépendroit d'un Héros
plus grand qu'Amadis Fils de Perion ,
Roy des Gaules ; un éclair et un coup
de Tonnere commencent à les tirer de
leur profond assoupissement ; leur suite
est éveillée par de nouveaux coups de
Tonnere ; ce qui donne lieu à un des
plus beaux Choeurs que Lully ait faits .
Ils témoignent la joye qu'ils ont de n'être
plus enchantez : ils se proposent de
faire revivre Amadis , et de le transporter
dans les lieux où son sang regnoit
autrefois , ce qui annonce la Tragedie.
Ce Prologue a paru très - brillant ; cependant
quelques Critiques ont trouvé
étrange qu'Urgande et Alquif , qui ne
font que de sortir du profond assoupissement
où ils ont été plongez jusqu'alors ,
soient si bien instruits des Victoires du
Heros de la France , dont ils n'ont pû ni
avoir été témoins , ni avoir été informez
par la Renommée. Le Lecteur jugera si
La Critique est fondée.
G Au
2414 MERCURE DE FRANCE
son
Au premier Acte de la Tragedie , Amadis
ouvre la Scene avec Florestan
Frere naturel . Le premier est accablé
d'une douleur mortelle , dont l'autre
tâche de le distraire ; Oriane , Fille de
Lisuart , Roy de la Grande - Bretagne , le
croyant infidele lui a deffendu de la
>
jamais voir et comme elle va épouser
l'Empereur des Romains , il ne doute
point qu'elle ne soit inconstante ellemême.
Florestan ne pouvant soulager sa
douleur , le laisse sortir pour aller chercher
la solitude.
Florestan revoit Corisande après une
longue absence ; ils témoignent une joye
réciproque. Oriane vient se plaindre à
eux de la prétendue infidelité d'Amadis.
Ils ont beau la vouloir tirer d'erreur ;
elle persiste dans ses injustes soupçons
quelque forte induction qu'on lui fasse
du contraire ; cette obstination à croire
Amadis infidele , n'est fondée que sur ces
Vers :
Le confident de sa nouvelle ardeur
N'a que trop bien sçû m'en instruire ;
Il n'est plus permis à mon coeur
De se laisser séduire.
L'injustice de ses soupçons ne laisse pas
do
OCTOBRE 1731. 2415
tels
que
de produire de beaux sentimens ,
cette tendre plainte :
L'ingrat , un peu plus tard , auroit changé sans
crime ;
Je vais devenir la victime
Du devoir qui regle mon sort.
L'inconstant n'a - t'il pû se faire un peu d'effort
De lui-même bien- tôt son coeur alloit dépendre ;
Ah ! que n'attendoit - il mon hymen ou ma mort
Il ne devoit plus guere attendre .
La Fête de ce premier Acte consiste
en un combat ou un tournois qui se ,
fait en son honneur.
›
,
Arcabonne , Magicienne , commence le
second Acte par un Monologue
dans
lequel elle fait connoître que l'Amour
est entré malgré elle dans un coeur qui
n'étoit destiné qu'à la haine. Arcalaus ,
son Frere , est étonné de la trouver triste
et solitaire ; elle lui déclare l'Amour
-qu'elle a pour un inconnu qui lui a sauvé
la vie ; les Spectateurs ne manquent pas
de pressentir que cet inconnu est Amadiss
c'est là que le grand interêt de la- Piece
commence. Amadis a tué Ardan son
Frere à peine Arcalais lui parle de la
vengeance , qu'elle doit à cette ombre
G ij si
,
2416 MERCURE DE FRANCE
si cherie , qu'on voit sa fureurrenaître :
elle l'exprime par ces Vers :
Que le nom d'Amadis m'inspiré de colere !
Quand pourrai-je gouter le plaisir de sa
mort !
Cela donne lieu à ce beau Duo :
Irritons notre barbarie.
Ecoutons nôtre sang qui crie ;
Perisse l'Ennemi , qui nous ose outrager ;
Ah ! qu'il est doux de se vanger !
>
Arcalaüs engage Amadis dans un Enchantement
; Corisande vient se plaindre
du malheur de Florestan , qu'une inconnuë
a entrainé dans un piége fatal ; elle
prie Amadis de secourir son Amant.
Amadis vole au secours de son Frere .
Arcalaus l'arrête , et fait enlever Corisande
, pour la faire perir avec Florestan.
Amadis combat Arcalaüs ; ce dernier appelle
les Demons à son secours. Ces Demons
paroissent sous des formes agréables
Amadis se laisse séduire à celui qui
a pris la forme d'Oriane ; il met ses armes
à ses pieds et la suit. Ces Demons transformez
font la Fête de ce second Acte ;
cette Fête est , sans contredit , la plus
touchante qui soit dans toute la Tragedie.
La Dlle Sallé y brille beaucoup.
Ац
OCTOBRE. 1731. 2417
2
Au troisiéme Acte , Florestan & Corisande
sont prêts d'être immolez sur le
tombeau d'Ardan Canille , frere d'Arcalaüs
et d'Arcabone mort de la main
d'Amadis. Arcabone doit répandre sur le
même tombeau le sang d'Amadis , et celui
de tout ce qu'il a de plus cher; l'Ombre
d'Ardan sort de son tombeau et
témoigne sa colere à Arcabone par ces
Vers :
Ah ! tu me trahis , malheureuse !
Ah ! tu vas trahir tes serments.
,
L'ombre lui annonce la mort par ces
autres Vers :
Je retombe , le jour me blesse ;
Tu me suivras dans peu de temps :
Pour te reprocher ta foiblesse ,
C'est aux Enfers que je t'attends.
L'ombre rentre dans son Tombeau ;
sa Prédiction commence à se remplir ;
on amene Amadis à Arcabone , pour
être immolé le premier ; Arcabone prête
à lui plonger un Poignard dans le sein
reconnoît en lui le même inconnu qui
lui a sauvé la vie . Le Poignard lui tombe
des mains ; elle fait grace , en sa faveur
>
و
G iij
2418 MERCURE DE FRANCE
}
à tous ceux qui lui étoient destinez pour
victimes ; la liberté qu'elle leur rend ,
fait le sujet de la Fête , par où l'Acte
finit.
Arcalais et Arcabone commencent le
quatrième Acte ; Arcalaus presse sa soeur
d'exposer aux yeux d'Oriane , la victime
qu'elle vient d'immoler ; Arcabone soupire
, et fait connoître à son frere qu'elle
a reconnu dans Amadis
l'inconnu qui
lui a sauvé la vie , et qu'elle aime ; elle
s'exprime ainsi :
2
Que vous êtes heureux ! de n'avoir à songer
Qu'à hair et qu'à vous venger !
Helas ! dans nôtre ennemi même
J'ai trouvé l'inconnu que j'aime.
et
Arcalais lui reproche son parjure
la ménace de sa vengeance ; elle lui répond
:
Je l'aime malgré moi cet ennemi charmant ;
Je n'en puis être aimée ; une autre a sçû lui
plaire ';
Je vous défie avec vôtre colere
D'inventer pour mon châtiment
Un plus cruel tourment.
Arcalaus lui dit que pour la mieux
punir ,
OCTOBRE. 1731. 2419
4
punir , il veut qu'Amadis épouse sa rivale
avant qu'il les immole tous deux ;
Voici la fin de ce Dialogue.
Ah ! que plutôt cent fois ils périssent tous deux ?
Entre l'Amour et la haine cruelle ,
J'ai cru pouvoir me partager ;
Mais dans mon coeur l'Amour est étranger,
Et la haine m'est naturelle.
Ma Rivale gémit , que ses maux me sont doux !
Pour punir ces Amans , j'imagine une peine
Digne de ma fureur et de vôtre courroux.
C'est peu d'une mort inhumaine ;
Arcalans.
Puis-je encore me fier à vous ?
Fiez-
Arcabone.
vous à l'Amour jaloux ;
Al est plus cruel que la haine.
Ils sortent pour aller executer ce nouveau
Projet de vengeance. Oriane vient
et se plaint du triste sort où Amadis l'abbandonne
; elle le croit toûjours infidele.
Arcalaüs lui vient annoncer qu'il l'a vengée
, et qu'il a vaincu Amadis ; comme
elle ne veut pas le croire , il le fait paroître
à ses yeux , étendu sur ses Armies ensanglantées.
Elle déplore sa mort par un
G iiij
Mono2420
MERCURE DE FRANCE
2
Monologue , où la Dlle le More , avec le
son ravissant de sa voix met toute l'expression
possible , et se fait generalement
applaudir ; Oriane tombe évanouie sur
un lit de gazon. Arcalaüs et Arcabonė
rentrent , le projet de leur vengeance
est de faire mourir et revivre tour à tour
ces deux Amants , pour éterniser leur
şupplice par un spectacle si douloureux.
Urgande vient au secours d'Amadis
et d'Oriane. C'est cette même Magicienne
bien- faisante , dont nous avons parlé
dans le Prologue . D'un coup de baguette
elle rend Arcalaüs et Arcabone immobiles
; elle dissipe l'enchantement dont
Amadis et Oriane sont saisis ; ces Suivantes
celebrent ce jour heureux . Amadis et
Oriane sont transportez dans le Vaisseau
d'Urgande ; elle ne part qu'après avoir
rendu à Arcalais et à sa soeur l'usage de
leurs sens , pour mieux sentir leur malheur
; Ils évoquent des Demons infernaux
, qui sont défaits par des Demons
Aëriens ; le Frere et la Soeur s'abbandonnent
à leur désespoir et se tuent .
Ce qui nous reste à dire du cinquiéme
Acte , est si inferieur à l'Acte précédent ,
que nous ne nous y arrêterons guere. Ur
gande a transporté Amadis Oriane
Florestan et Corisande au Palais enchanté
›
d'AOCTOBRE.
1731. 2421
.
-
Apollidon c'est là qu'ils se retrouvent
tous , et qu'ils deviennent heureux.
Voici ce que les Connoisseurs pensent
de cette Tragedie. Le Prologue est generalement
approuvé. Il s'en faut bien qu'il
en soit de même de la Tragedie ; l'Episode
de Florestan et de Corisande tient
si peu à la Piece , qu'on souhaitteroit
qu'il n'y fut point du tout. Le noeud du
Poëne ne tient qu'à une présomption qui
n'est fondée sur rien. M. Quinault s'est
bien gardé de faire intervenir une seule
Scene entre Amadis et Oriane dans les
4. premiers Actes ; les soupçons d'Oriane
auroient été dissipez par un seul mot
d'Amadis , et la Piece auroit presque aussi-
tôt fini que commencé : il y a suppléé
par l'Episode d'Arcalaüs et d'Arcabone.
Veritablement le premier n'est interessé
que par la haine dans l'action episodique
; mais Arcabone s'y trouve attachée
tout à la fois par la reconnoissance , l'amour
et la haine , et c'est ce qui fait que
le troisiéme Acte et le quatriéme sont
les plus , interessans . Toute la Piece est
bien verifiée , mais elle n'est pas conduite
avec cet Art si ordinaire à son ingenieux
Auteur . L'unité de lieu y est si
mal observée , qu'on ne sçait le plus sou
vent où se passe l'action ; au reste , la
Gv Piece
2422 MERCURE DE FRANCE
Piece paroît absolument finie au quatriéme
Acte ; la mort d'Arcalais et d'Arcabone
ne laissent plus rien à craindre pour
les quatre Amans qui ont dû interesser
les Spectateurs . Pour ce qui regarde
la Musique , on y reconnoît toûjours le
grand Lully ; et si le genre en est un
peu trop triste , c'est plutôt la faute du
Poëte , que celle du Musicien .
Nous lisons dans des Memoires de ce
temps- là , que quand cet Opera parut ,
Quinault n'avoit pas été si embarrassé de
traitter le sujet d'Amadis comme le bruit
en avoit couru. Il fut representé à Paris
le 15. Janvier 1684. On ne le joua point
à Versailles , à cause de la mort de la
Reine.
3
Ce fut à l'occasion de cet Opera , dont
le Roy avoit donné le sujet , et qui , disoit-
on , embarassoit fort Quinault , que
ce Poëte fit ce Madrigal , qu'il intitula
l'Opera difficile.
Ce n'est pas l'Opera que je fais pour le Roy ;
Qui m'empêche d'être tranquile ,.
• Tout ce qu'on fait pour lui , paroit toûjours.fa
cile.
La grande peine où je me voy ;
C'est d'avoir cinq filles chez moi ,
Dont
OCTOBRE.
2323
1731.
Dont la moins âgée est nubile .
Je dois les établir , et voudrois le pouvoir ;
Mais à suivre Apollon , on ne s'enrichit guerre.
C'est avec peu de bien un terrible devoir ,
De se sentir pressé d'être cinq fois Beau- Pere.
Quoi, cinq Actes devant Notaire !
Pour cinq filles qu'il faut pourvoir !
O Ciel ! peut-on jamais avoir
Opera plus fâcheux à faire ?
On trouva les derniers Actes languis-
Sants en comparaison des trois premiers ;
mais Lully distingua cet Opera entre les
meilleurs qu'il avoit faits , et il distingua
parmi ses meilleurs Airs , celui de Bois
épais redouble & c. comme excellent.
En general , on trouve qu'il y a plus
de Prologues de Lully , excellemment
beaux , que d'Opera ; mais le Prologue
de celui-ci est encore préferé par les Connoisseurs
et mis au dessus de tous les
autres. Il est relatif à la Piece , et travaillé
de la part du Poëte et du Musicien
avec un art infini .
›
-
On écrit de Paris , dit M. Bayle , ( dans
ses nouv. de la Rep. des Lettres , ( Avril
1684. ) que la Troupe Italienne représente
une Comédie très divertissante ,
G vj
et
2414 MERCURE DE FRANCE
et qui attire une foule extraordinaire.
Elle s'intitule Arlequin Empereur dans le
monde de la Lune . C'est , dit - on , une
Satyre de l'Opera d'Amadis , et on ajoute
qu'on doit representer incessamment sur
le même Theatre de l'Hôtel de Bourgogne
, Amadis Cuisinier , parce que celui
qui fait le personnage d'Amadis dans
cet Opera , a éré Cuisinier . Ces nouvelles
, continue M. Bayle , ne sont pas.
trop apparentes ; car , comme on sçait
que le Roy lui-même a donné le sujet de
'Opera d'Amadis , qui oseroit en faire
des railleries si publiques ? Ce Monarque
n'a point voulu que cet Opera fut representé
à la Cour , à cause du deuil de la
Reine . On en loüe fort les paroles , les
machines et les Airs. On voit au commen .
cement du Poëme quelques Vers de M.
de la Fontaine à la loüange du Roy .
Fermer
Résumé : Amadis, &c. [titre d'après la table]
En octobre 1731, l'Académie Royale de Musique a représenté la tragédie 'Amadis' de Quinault et Lully, après une absence de treize ans. Les rôles principaux, tels que l'Enchanteur Alquif et l'Enchanteresse Urgande, ont été interprétés par Chassé et la Dlle Erremens. Les acteurs Tribon, Dun, Chassé, Maure, Petitpas et Antier ont également excellé dans leurs rôles. La mise en scène était spectaculaire, avec des effets surprenants comme un combat aérien de démons et un char transformé en dragon ailé. La Dlle Sallé a particulièrement brillé dans le ballet. Le prologue montre Urgande et Alquif, réveillés par un éclair et un coup de tonnerre, se proposant de faire revivre Amadis. La tragédie commence avec Amadis et son frère Florestan, ce dernier tentant de consoler Amadis de la douleur causée par les soupçons d'infidélité d'Oriane. Oriane, croyant Amadis infidèle, refuse de le voir et doit épouser l'Empereur des Romains. Florestan et Corisande se retrouvent après une longue absence, mais Oriane persiste dans ses soupçons malgré leurs efforts pour la détromper. Dans le second acte, Arcabonne, une magicienne, révèle son amour pour un inconnu, pressentiment que cet inconnu est Amadis. Amadis tue Ardan, le frère d'Arcabonne, et cette dernière jure de se venger. Arcalaüs, le frère d'Arcabonne, engage Amadis dans un enchantement et fait enlever Corisande. Amadis combat Arcalaüs et est séduit par un démon prenant la forme d'Oriane. Le troisième acte voit Florestan et Corisande prêts à être sacrifiés. Arcabonne reconnaît Amadis comme l'inconnu qui lui a sauvé la vie et lui fait grâce. La fête de cet acte célèbre la liberté retrouvée. Dans le quatrième acte, Arcalaüs et Arcabonne complotent pour venger Oriane en faisant souffrir Amadis et Oriane. Urgande intervient pour sauver Amadis et Oriane, les transportant dans son vaisseau enchanté. Arcalaüs et Arcabonne, vaincus, se donnent la mort. Le cinquième acte se conclut par le bonheur retrouvé des personnages principaux au palais enchanté d'Apollidon. Les critiques notent que le prologue est apprécié, mais la tragédie souffre d'un épisode secondaire peu pertinent et d'une unité de lieu mal observée. La musique de Lully est reconnue pour sa qualité, malgré un sujet tragique. L'opéra a été représenté à Paris en janvier 1684 et a suscité des satires comme 'Arlequin Empereur dans le monde de la Lune'. Le roi a inspiré cette œuvre, rendant toute critique publique imprudente. L'œuvre est louée pour ses paroles, ses machines et ses airs. Le poème commence par des vers de M. de la Fontaine en l'honneur du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 2679-2681
RÉPONSE de M. le Chevalier D.O.E. à Madame la Marquise D. a. o. s.
Début :
Quoy ! punir par l'endroit sensible [...]
Mots clefs :
Punir, Lettre, Fidèle amant, Concert, Prologue, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE de M. le Chevalier D.O.E. à Madame la Marquise D. a. o. s.
RESPONSE de M. le Chevalier D.O. E.
à Madame la Marquise D. a . o. s .
Quo
Uoy ! punir par l'endroit sensible
Ce cher Tircis tant souhaitté
Qui le croiroit , est- il possible ?
Que n'ayant jamais merité
D'Iris la disgrace terrible ,
De la sorte il en soit traitté ?
Quel tourment encore plus pénible
De n'en être point écouté !
Se lave-t'il par une Lettre à
Loin d'approfondir s'il a tort ,
On le juge en dernier ressort.
Ah destin ! que peut me promettre
Un si funeste Arrêt ? La mort ,
S'il faut sans appel m'y soumetre ;
Mais où m'entraine ce transport ?
Amour , tu sçais qu'elle m'est chere ;
1 iiij
`Vole ,
2680 MERCURE DE FRANCE
Vole , cours fléchir la severe ,
Et l'assurer qu'en ce moment ,
Malgré son injuste colere ,
Je suis son plus fidel amant.
A Annoy , ce 3 Septembre 1731. D. O. E.
Le 5 Novembre il y eût Concert chez
la Reine . M. de Blamont , Surintendant
de la Musique du Roy , y fit chanter les
deux derniers Actes de Thetis et Pellée.
Le 7 , on chanta le Prologue et le premier
Acte d'Iphigenie. La Dlle Antier fit
le principal Rôle , ceux d'Electre et d'Ismenide
furent remplis par les Dlles Lenner
et Pitron , et les Srs. Chassé et Dangerville
chanterent les Rôles d'Oreste et
de Thoas.
Le 12 , on continua le même Opera ;
et on le finit le 14 à Marly , par les deux
derniers Actes , executés par les mêmes
Acteurs.
Le 21 le Concert
commenca par le
Prologue
et le premier Acte de Thesée.
La Dlle Lenner fit le Rôle de Venus dans
le Prologue , et celui d'Eglé dans la Piece
, et les Srs. Chassé et Godeneche
jouerent
les Rôles d'Egée et d'Arcas.
Le 17 , on chanta le second et le troi- 27
siéme Acte. La Dlle Barbier fit le Rôle
d'Eglé ,
NOVEMBRE 1731. 2681
6
d'Eglé , et celui de Medée fut joué par
la Dlle Lenner , et le Sr. Petillot celui
de Thesée.
à Madame la Marquise D. a . o. s .
Quo
Uoy ! punir par l'endroit sensible
Ce cher Tircis tant souhaitté
Qui le croiroit , est- il possible ?
Que n'ayant jamais merité
D'Iris la disgrace terrible ,
De la sorte il en soit traitté ?
Quel tourment encore plus pénible
De n'en être point écouté !
Se lave-t'il par une Lettre à
Loin d'approfondir s'il a tort ,
On le juge en dernier ressort.
Ah destin ! que peut me promettre
Un si funeste Arrêt ? La mort ,
S'il faut sans appel m'y soumetre ;
Mais où m'entraine ce transport ?
Amour , tu sçais qu'elle m'est chere ;
1 iiij
`Vole ,
2680 MERCURE DE FRANCE
Vole , cours fléchir la severe ,
Et l'assurer qu'en ce moment ,
Malgré son injuste colere ,
Je suis son plus fidel amant.
A Annoy , ce 3 Septembre 1731. D. O. E.
Le 5 Novembre il y eût Concert chez
la Reine . M. de Blamont , Surintendant
de la Musique du Roy , y fit chanter les
deux derniers Actes de Thetis et Pellée.
Le 7 , on chanta le Prologue et le premier
Acte d'Iphigenie. La Dlle Antier fit
le principal Rôle , ceux d'Electre et d'Ismenide
furent remplis par les Dlles Lenner
et Pitron , et les Srs. Chassé et Dangerville
chanterent les Rôles d'Oreste et
de Thoas.
Le 12 , on continua le même Opera ;
et on le finit le 14 à Marly , par les deux
derniers Actes , executés par les mêmes
Acteurs.
Le 21 le Concert
commenca par le
Prologue
et le premier Acte de Thesée.
La Dlle Lenner fit le Rôle de Venus dans
le Prologue , et celui d'Eglé dans la Piece
, et les Srs. Chassé et Godeneche
jouerent
les Rôles d'Egée et d'Arcas.
Le 17 , on chanta le second et le troi- 27
siéme Acte. La Dlle Barbier fit le Rôle
d'Eglé ,
NOVEMBRE 1731. 2681
6
d'Eglé , et celui de Medée fut joué par
la Dlle Lenner , et le Sr. Petillot celui
de Thesée.
Fermer
Résumé : RÉPONSE de M. le Chevalier D.O.E. à Madame la Marquise D. a. o. s.
Le Chevalier D.O. E. écrit à la Marquise D. a. o. s. pour exprimer son désarroi face à la punition injuste de Tircis, qui n'est pas écouté. Il demande à Amour d'intercéder en faveur de Tircis auprès d'Iris, affirmant sa fidélité malgré la colère de cette dernière. La lettre est datée du 3 septembre 1731. En novembre 1731, plusieurs événements musicaux eurent lieu à la cour. Le 5 novembre, M. de Blamont, Surintendant de la Musique du Roy, fit chanter les deux derniers actes de l'opéra 'Thetis et Pélée'. Les 7 et 12 novembre, des extraits de l'opéra 'Iphigénie' furent interprétés par les Demoiselles Antier, Lenner, Pitron, et les Sieurs Chassé et Dangerville. Le 14 novembre, l'opéra fut terminé à Marly. Le 21 novembre, le concert débuta avec le prologue et le premier acte de 'Thésée', avec la Demoiselle Lenner dans les rôles de Vénus et Églé, et les Sieurs Chassé et Godeneche dans ceux d'Égée et Arcas. Le 17 novembre, le second et le troisième actes furent chantés, avec la Demoiselle Barbier en Églé, la Demoiselle Lenner en Médée, et le Sieur Petillot en Thésée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 2969-2979
LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
Début :
Ce n'est pas , Monsieur , un si grand mal que vous pourriez le penser [...]
Mots clefs :
Comédie, Spectacles, Neutralité littéraire, Langue vulgaire, Piété chrétienne, Messe, Prologue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet
du Provençal qui a combattu le Livre
du P. le Brun sur la Comédie , avec quetques
Remarques sur un des Discours de
M. l'Abbé Fleury , nouvellement im--
primé.
E n'est pas , Monsieur , un si grand
Cmal que vous pourriez le penser
ވ
que le Livre du Pere le Brun contre la
Comédie ait irrité la personne qui vous a
écrit de Marseille , et que dans la Lettre
qu'il a composée à cette occasion , et
qu'un esprit de neutralité litteraire vous
a fait insérer dans le Mercure d'Août
dernier , il se déclare en faveur de ce que
II..Vol CT le
2970 MERCURE DE FRANCE
7
le P: le Brun condamne. Outre l'Extraitque
le Journal des Sçavans du mois de
Septembre dernier a fait d'un Sermon
que prêcha autrefois l'Abbé Anselme
contre les Spectacles , et qui servit en
particulier contre la Comédie , voilà
M. l'Abbé Fleury qui vient au secours du
docte Oratorien . Le Sçavant , qui de
tems en tems fait présent au Public de
Mémoires choisis de Litterature et d'Histoire
, vient de publier un volume , dans ,
lequel on voit assez les sentimens de cecélébre
Historien Ecclésiastique. C'est
son Discours sur la Poesie des Hebreux ..
Comme ces Mémoires ne sont peut-être
pas si communément répandus que l'est
votre Journal , vous pourriez en extraire .
l'endroit que je vous indique , qui commence
à la page 71. du onzième volume
de cette continuation . La lecture que je
viens d'en faire m'a véritablement édifié ;
j'y reconnois par tout le caractere de sincerité
et de pieté qui releve si noblement
les Ouvrages de cet illustre Abbé , et qui
les fait préférer à tous ces Ecrivains , done.
le style montre souvent plus de brillant
qu'il ne renferme de solidité.
܂
Je ne puis cependant , Monsieur ;
m'empêcher de vous faire part d'une
observation que j'ai faite sur ce qui se lit
11. Vol . dans
DECEMBRE . 1731 2971
page
dáns le même Discours au haut de la
74. » On ne voit point , dit M. l'Abbé
» Fleury , qu'on ait fait en ces tems -là
vers le x11 . et XIII . siécles ) des Poësies
» vulgaires pour honorer Dieu , ou pour
» exciter à la pieté , si ce n'est que l'on
» veüille mettre en ce rang certaines
> chansons très- vieilles , dont le petit
» peuple conserve encore quelque mé
moire , et les Noëls que Pon trouve
encore écrits.Cette proposition de l'Auteur
du Discours ne me paroît point exac
tement véritable. Comme il m'a passé
par les mains une infinité de Manuscrits
du XII. et XII. siécles , je suis bien assûré
d'avoir vû de la Poësie en Langue vulgaire
sur des sujets pieux , qui étoit d'une
écriture du treizième siècle , & quid
pouvoit avoir été composée à la fin du
douzième , et cette Poësie ne consiste
point en chansons , dont le peuple se
ressouvienne encore , ni à plus forte rai
son en Noëls.
J'ai trouvé en Picardie un Manuscrit
in- 12 . du treiziéme siécle , entiérements
en Vers françois , dont la premiere moi
tié , car il est sans commencement , m'a
parû contenir une Critique ou censure
des abus ou des moeurs corrompues de ce:
tems- là , avec plusieurs éloges des anciens
C.vjj H. Vol .
2972 MERCURE DE FRANCE
modéles de la piété chrétienne . Je ne
puis vous dépeindre la forme du caractere
de ce volume , qui ressent tout- àfait
le siécle que je vous ai nommé : mais
Vous pouvez juger de l'antiquité de la
composition du Livre , par les morceaux
que j'en extrairai . Voici , par exemple, une
des Strophes de l'éloge qui y est fait du
saint homme Job. J'userai de points , de
virgules , et d'apostrophes , pour faciliter
l'intelligence du sens de ces Vers : il n'y
en a point dans l'Original.
Job de richoise pas n'usa ,
Si com ti siécles en us a ,
Car plusor malement en usént 3 :
Job au monde pas ne nuisa
Job tous malvais us desusa :
>
Mais or en vois -je moult qui nuifent ,,
Qui por des malvais us desusent ,
Pres tout honor faire refusent ;
Mais Job onques nel refusa :
Si voi moult de chiaux qui s'escusent
De che dont lor coër les accusent ,
Mais oncques Job ne s'escusa.
Après l'Explicit de la premiere partie.
de ce volume , on lit cette Rubrique
Chi se commenche li Livres là on reprent.
U.Vol.
les
DECEMBRE 1731 297
tes, vices et loë les vertus , et est miserere mei
Deus. La premiere Strophe commence.c
effet
par
Miserere mei Deus ,
Car longement je me suis teus.
Voici la morale qui se lit touchant l'aus
mône vers le milieu de ce Livre ?
Qui done aumosne , il se désdete , *
Car aumosne est et dons et déte :
Mais Diex n'en rechut onques une
Ne quidiés pas qu'il en promete
Guerredon , s'ele de main nete
Ne vient , & de nete pécune.
Qui envers son proisme (a) a rancune-
Diex voit sa conscience brune ,
Et par ce s'aumosne ( 6 ) degete :
Et se autrui talt rien aucune ( c) .
Ne lui valt s'aumosne une prune
Mais là ou l'a pris la remete,
De même , après l'Explicit de ce sea .
cond volume on lit : Ci commence li escrit
* C'est-à-dire , il paye fes dettes.
(a ) C'est- à- dire , prochain du latin proximus.
( b ) C'est-à- dire , rejette son aumône ou sa
#umone.
(c) Rem ullam , chose aucune : preuve évis
dente que rien vient de xesø
11. Vol.
Qui
2974 MERCURE DE FRANCE
des IIII verbus, misericorde , verité , pais ,
justice , selont saint Bernart.
Qui en bel rimer velé entendre ,
Il doit bien tel matiere prendre
Dont autrui puist edéfier ,
Ne nus hom ne doit entreprendre ¿ ,
Autrui chastoijer & reprendre
Se il soi ne velt chastoijer :
Car mal faire & bien enseigner
Moult fet tes vie à mespriser
La colpe ne tymie mendre
Que Dieu loër et losengier
Et puis laidir et blascengier :
De tout convenra raiſon rendre .
Ici d'un côté , l'antiquité du langage
jointe à la forme du caractere , prouve
évidemment que cet Ecrit doit être dus
treiziéme siécle : de l'autre , la longueur
des Strophes et la diversité des métres
font voir que ces Poësies ne se chantoient
point. Ainsi voilà de la Poësie vulgaire
sans chant , faite pour honorer Dieu et
pour exciter à la pieté par la seule lecture
: et même le Prologue que je viens deciter
de ce troisiéme Livre , marque ex...
pressément que le Poëte avoit choisi ces
matiéres d'édification , afin de passer pour
un homme entendu , en bel rimer.
II. Vol
DECEMBRE 1731. 2975
On ne peut nier non plus que les les
sons farsies que l'on chantoit en France
à la Messe des grandes Fêtes , dès le douziéme
et treizième siècles , ne fussent des .
Poësies vulgaires . Dom Edmond Martenne
a donné un Fragment de celle du
jour de S. Etienne , par un Manuscrit de
six cens ans , conservé à S. Gatien de
Tours ( a ) C'étoit une explication de
chaque Période de l'Epître de la Messe
qu'une ou deux personnes chantoient du
haut de la Tribune ou du Jubé , après
que le Sous- Diacre avoit prononcé quelques
mots de cette Période , et ainsi par
parcelles et cette explication se faisoit
en Vers françois dans le ton d'une complainte
, lorsqu'il étoit question du martyre
d'un Saint. Cet usage avoit commencé
par la lecture de la vie des Saints ,
peut- être par une suite de l'ancien usage
où l'on étoit dans l'Eglise Gallicane , de
lire à la Messe la Passion des Martyrs ,
ou l'histoire de leur mort. Les bonnes
gens du treizième siècle , sur - tout dans
les Païs - bas , accoûtumez à dire la vie de
S. Etienne , la vie des Innocens , disoient
de même la vie du premier jour de l'An ;
La vie de l'Epiphanie ou de la Tiphaine..
C'est ce que j'ai lû en titre dans un Ma .
( a) Tract. de Sacrif. Missa , page 279.
II. Vol. Aus2976
MERCURE DE FRANCE
"
nuscrit de la fin du treizième siècle.
Mais j'aime mieux attribuer au. Maître
d'Ecole , qu'au Curé de la Paroisse , d'où
venoit ce Manuscrit , la plaisante bévûë
d'avoir intitulé l'explication de la Leçon.
d'Isaïe du jour de l'Epiphanie , vita sanc- :
ta Epiphania. La vie du premier jour de
l'An s'y trouve précedée de ce Prologue..
Bone gent pour qui sauvemens
Dieus de char vestir se deigna ,
En en bercheul vit humlément
Qui tout le mond en sa main a ,,
Rendons li graces douchement ,,
Qui si bien en sa vie ouvra ,
Et pour notre racatement
Dusca le mort s'umilia.
Lectio Epistola B. P. Ap..
Il paroît que ce Prologue tient un peu
de nos vieux Noëls au moins il peut se
chanter sur l'air : Ala venue de Noël.
Mais ce que j'ai rapporté du premier Ma →
nuscrit de Picardie , suffira toujours pour
prouver que M. l'Abbé Fleury a avancé
une proposition un peu trop generale
lorsque sans autre réserve que celles qu'il
a faites , il a ôté au douzième et treizié
me siécles l'honneur d'avoir produit de
la Poësie vulgaire, sur des matiéres de-
II. Vol.
moras
DECEMBRE. 1731. 2977
-
morale. Ce n'est pas une faute de la der
niere conséquence : mais l'exactitude demande
toujours qu'on ne fasse pas les
siécles passez plus obscurs qu'ils n'étoient.
Je reviens , Monsieur , à mon premier
sujet , et pour vous exempter la peine de
recourir aux Mémoires de Litterature
touchant la Comédie , je joins ici ce que
M. l'Abbé Fleury dit en peu de lignes
contre les Poësies françoises qu'on débite
sur les Théatres , leur origine , selon lui
et leur succès.
» Il ne faut point s'étonner , dit- il
si nous sommes si éloignez du goût de
» l'Antiquité sur le sujet de la Poësie ;
c'est qu'en effet , pour ne nous point:
» flater , toute notre Poësie moderne est
» fort miserable en comparaison ; elle a
» commencé par lesTroubadours Proven-
» ceaux , et les Conteurs , Jongleurs et
» Menestrels , dont Fauchet nous a don-
»,né l'Histoire. C'étoient des débauchez
vagabonds , qui lorsque les hostilitez
» universelles commencerent à cesser, et la
» barbarie à diminuer , c'est -à - dire vers
» le douzième siècle commencerent à
» courir les Cours des Princes
, pour
> .chanter à leurs Festins dans les jours de
grande Assemblée. Comme ils avoient
"
IL. Kola
›
naffaire
2978 MERCURE DE FRANCE
» affaire à des Seigneurs très-ignorans ,
» et qu'ils l'étoient fort eux- mêmes , tous
>> leurs sujets n'étoient que des fables
>> impertinentes et monstrueuses , ou des
» histoires si défigurées , qu'elles n'étoient
» pas connoissables , ou des contes médi
» sans de Clercs ér de Moines ; et comme
» ils ne travailloient que par interêt , ils
» ne parloient que de ce qui pouvoit ré-
» jouir leurs Auditeurs . c'est à- dire , de
» Combats et d'Amours ; mais d'Amours
>> brutales et sottes comme celles des
» gens grossiers , outre que ces Auditeurs .
» étoient eux- mêmes de fort malhonnê-
» tes gens : pour ce qui est de l'élocution ,.
» ils furent les premiers qui oserent écrire
» en Langues vulgaires ; car elles avoient
» passé jusques-là pour jargons si absur◄
ndes , que l'on avoit eu per d'en profa-
» ner le papier. De là vient , comme l'on
,
sçait , le nom de Romans François e
" de Romans Espagnols. Il nous reste:
» assez de ces vieilles chansons pour
prouver tout ce que j'ai dit ; et le Ro-
» man de la Rose qui a duré le plus long-
» tems , est un des plus pernicieux Li
»vres pour la Morale , des plus sales et
>> des plus impies qui ayent été écrits dans :
» les derniers siécles. Aussi de tout tems:
les gens vertueux , les faints Evêques
11. Vol
99
les
DECEMBRE. 1731. 2979
les bons Religieux , ont crié hautement
» contre les Poësies profanes , contre les
Jongleurs & les Boufons des Princes : &.
» le-là est venue la guerre que les Prédica-
» teurs ont déclarée aux Romans & aux
2. Comédies.
Animé du même zele contre les Comédiens
qui déclament en public les Poësies
dont M. l'Abbé Fleury vient de par
ler ; et par conséquent contre leurs Apologistes
, j'ajoûterai à tout ce que le Pere
le Brun a écrit contre eux , et ceci servira
en particulier de réponse aux deffenseurs
de la Comédie moderne , j'ajoûterai , dis- je,
qu'en l'année 1701. à l'occasion du grand
Jubilé , les Comédiens François ayant
prétendu être absous sans restriction , et
Messieurs les Curez de Paris ayant tenu
ferme , ils s'aviserent de présenter une
Requête au Pape Clement XI , dans la
quelle rien ne fut oublié . Ce Pape ayant
fait examiner la Requête , elle fut rejettée
, et la discipline des Curez confirmée.
Voilà ce que l'écoulement de six lustres
n'est pas capable de faire oublier dans une
Ville aussi grande que l'est celle de Paris ,
et ce qui doit confondre les Ecrivains qui
se sont déclarez partisans d'une si mauvaise
cause. Je suis , & c .
A Auxerre , ce 15. Novembre 1731 .
du Provençal qui a combattu le Livre
du P. le Brun sur la Comédie , avec quetques
Remarques sur un des Discours de
M. l'Abbé Fleury , nouvellement im--
primé.
E n'est pas , Monsieur , un si grand
Cmal que vous pourriez le penser
ވ
que le Livre du Pere le Brun contre la
Comédie ait irrité la personne qui vous a
écrit de Marseille , et que dans la Lettre
qu'il a composée à cette occasion , et
qu'un esprit de neutralité litteraire vous
a fait insérer dans le Mercure d'Août
dernier , il se déclare en faveur de ce que
II..Vol CT le
2970 MERCURE DE FRANCE
7
le P: le Brun condamne. Outre l'Extraitque
le Journal des Sçavans du mois de
Septembre dernier a fait d'un Sermon
que prêcha autrefois l'Abbé Anselme
contre les Spectacles , et qui servit en
particulier contre la Comédie , voilà
M. l'Abbé Fleury qui vient au secours du
docte Oratorien . Le Sçavant , qui de
tems en tems fait présent au Public de
Mémoires choisis de Litterature et d'Histoire
, vient de publier un volume , dans ,
lequel on voit assez les sentimens de cecélébre
Historien Ecclésiastique. C'est
son Discours sur la Poesie des Hebreux ..
Comme ces Mémoires ne sont peut-être
pas si communément répandus que l'est
votre Journal , vous pourriez en extraire .
l'endroit que je vous indique , qui commence
à la page 71. du onzième volume
de cette continuation . La lecture que je
viens d'en faire m'a véritablement édifié ;
j'y reconnois par tout le caractere de sincerité
et de pieté qui releve si noblement
les Ouvrages de cet illustre Abbé , et qui
les fait préférer à tous ces Ecrivains , done.
le style montre souvent plus de brillant
qu'il ne renferme de solidité.
܂
Je ne puis cependant , Monsieur ;
m'empêcher de vous faire part d'une
observation que j'ai faite sur ce qui se lit
11. Vol . dans
DECEMBRE . 1731 2971
page
dáns le même Discours au haut de la
74. » On ne voit point , dit M. l'Abbé
» Fleury , qu'on ait fait en ces tems -là
vers le x11 . et XIII . siécles ) des Poësies
» vulgaires pour honorer Dieu , ou pour
» exciter à la pieté , si ce n'est que l'on
» veüille mettre en ce rang certaines
> chansons très- vieilles , dont le petit
» peuple conserve encore quelque mé
moire , et les Noëls que Pon trouve
encore écrits.Cette proposition de l'Auteur
du Discours ne me paroît point exac
tement véritable. Comme il m'a passé
par les mains une infinité de Manuscrits
du XII. et XII. siécles , je suis bien assûré
d'avoir vû de la Poësie en Langue vulgaire
sur des sujets pieux , qui étoit d'une
écriture du treizième siècle , & quid
pouvoit avoir été composée à la fin du
douzième , et cette Poësie ne consiste
point en chansons , dont le peuple se
ressouvienne encore , ni à plus forte rai
son en Noëls.
J'ai trouvé en Picardie un Manuscrit
in- 12 . du treiziéme siécle , entiérements
en Vers françois , dont la premiere moi
tié , car il est sans commencement , m'a
parû contenir une Critique ou censure
des abus ou des moeurs corrompues de ce:
tems- là , avec plusieurs éloges des anciens
C.vjj H. Vol .
2972 MERCURE DE FRANCE
modéles de la piété chrétienne . Je ne
puis vous dépeindre la forme du caractere
de ce volume , qui ressent tout- àfait
le siécle que je vous ai nommé : mais
Vous pouvez juger de l'antiquité de la
composition du Livre , par les morceaux
que j'en extrairai . Voici , par exemple, une
des Strophes de l'éloge qui y est fait du
saint homme Job. J'userai de points , de
virgules , et d'apostrophes , pour faciliter
l'intelligence du sens de ces Vers : il n'y
en a point dans l'Original.
Job de richoise pas n'usa ,
Si com ti siécles en us a ,
Car plusor malement en usént 3 :
Job au monde pas ne nuisa
Job tous malvais us desusa :
>
Mais or en vois -je moult qui nuifent ,,
Qui por des malvais us desusent ,
Pres tout honor faire refusent ;
Mais Job onques nel refusa :
Si voi moult de chiaux qui s'escusent
De che dont lor coër les accusent ,
Mais oncques Job ne s'escusa.
Après l'Explicit de la premiere partie.
de ce volume , on lit cette Rubrique
Chi se commenche li Livres là on reprent.
U.Vol.
les
DECEMBRE 1731 297
tes, vices et loë les vertus , et est miserere mei
Deus. La premiere Strophe commence.c
effet
par
Miserere mei Deus ,
Car longement je me suis teus.
Voici la morale qui se lit touchant l'aus
mône vers le milieu de ce Livre ?
Qui done aumosne , il se désdete , *
Car aumosne est et dons et déte :
Mais Diex n'en rechut onques une
Ne quidiés pas qu'il en promete
Guerredon , s'ele de main nete
Ne vient , & de nete pécune.
Qui envers son proisme (a) a rancune-
Diex voit sa conscience brune ,
Et par ce s'aumosne ( 6 ) degete :
Et se autrui talt rien aucune ( c) .
Ne lui valt s'aumosne une prune
Mais là ou l'a pris la remete,
De même , après l'Explicit de ce sea .
cond volume on lit : Ci commence li escrit
* C'est-à-dire , il paye fes dettes.
(a ) C'est- à- dire , prochain du latin proximus.
( b ) C'est-à- dire , rejette son aumône ou sa
#umone.
(c) Rem ullam , chose aucune : preuve évis
dente que rien vient de xesø
11. Vol.
Qui
2974 MERCURE DE FRANCE
des IIII verbus, misericorde , verité , pais ,
justice , selont saint Bernart.
Qui en bel rimer velé entendre ,
Il doit bien tel matiere prendre
Dont autrui puist edéfier ,
Ne nus hom ne doit entreprendre ¿ ,
Autrui chastoijer & reprendre
Se il soi ne velt chastoijer :
Car mal faire & bien enseigner
Moult fet tes vie à mespriser
La colpe ne tymie mendre
Que Dieu loër et losengier
Et puis laidir et blascengier :
De tout convenra raiſon rendre .
Ici d'un côté , l'antiquité du langage
jointe à la forme du caractere , prouve
évidemment que cet Ecrit doit être dus
treiziéme siécle : de l'autre , la longueur
des Strophes et la diversité des métres
font voir que ces Poësies ne se chantoient
point. Ainsi voilà de la Poësie vulgaire
sans chant , faite pour honorer Dieu et
pour exciter à la pieté par la seule lecture
: et même le Prologue que je viens deciter
de ce troisiéme Livre , marque ex...
pressément que le Poëte avoit choisi ces
matiéres d'édification , afin de passer pour
un homme entendu , en bel rimer.
II. Vol
DECEMBRE 1731. 2975
On ne peut nier non plus que les les
sons farsies que l'on chantoit en France
à la Messe des grandes Fêtes , dès le douziéme
et treizième siècles , ne fussent des .
Poësies vulgaires . Dom Edmond Martenne
a donné un Fragment de celle du
jour de S. Etienne , par un Manuscrit de
six cens ans , conservé à S. Gatien de
Tours ( a ) C'étoit une explication de
chaque Période de l'Epître de la Messe
qu'une ou deux personnes chantoient du
haut de la Tribune ou du Jubé , après
que le Sous- Diacre avoit prononcé quelques
mots de cette Période , et ainsi par
parcelles et cette explication se faisoit
en Vers françois dans le ton d'une complainte
, lorsqu'il étoit question du martyre
d'un Saint. Cet usage avoit commencé
par la lecture de la vie des Saints ,
peut- être par une suite de l'ancien usage
où l'on étoit dans l'Eglise Gallicane , de
lire à la Messe la Passion des Martyrs ,
ou l'histoire de leur mort. Les bonnes
gens du treizième siècle , sur - tout dans
les Païs - bas , accoûtumez à dire la vie de
S. Etienne , la vie des Innocens , disoient
de même la vie du premier jour de l'An ;
La vie de l'Epiphanie ou de la Tiphaine..
C'est ce que j'ai lû en titre dans un Ma .
( a) Tract. de Sacrif. Missa , page 279.
II. Vol. Aus2976
MERCURE DE FRANCE
"
nuscrit de la fin du treizième siècle.
Mais j'aime mieux attribuer au. Maître
d'Ecole , qu'au Curé de la Paroisse , d'où
venoit ce Manuscrit , la plaisante bévûë
d'avoir intitulé l'explication de la Leçon.
d'Isaïe du jour de l'Epiphanie , vita sanc- :
ta Epiphania. La vie du premier jour de
l'An s'y trouve précedée de ce Prologue..
Bone gent pour qui sauvemens
Dieus de char vestir se deigna ,
En en bercheul vit humlément
Qui tout le mond en sa main a ,,
Rendons li graces douchement ,,
Qui si bien en sa vie ouvra ,
Et pour notre racatement
Dusca le mort s'umilia.
Lectio Epistola B. P. Ap..
Il paroît que ce Prologue tient un peu
de nos vieux Noëls au moins il peut se
chanter sur l'air : Ala venue de Noël.
Mais ce que j'ai rapporté du premier Ma →
nuscrit de Picardie , suffira toujours pour
prouver que M. l'Abbé Fleury a avancé
une proposition un peu trop generale
lorsque sans autre réserve que celles qu'il
a faites , il a ôté au douzième et treizié
me siécles l'honneur d'avoir produit de
la Poësie vulgaire, sur des matiéres de-
II. Vol.
moras
DECEMBRE. 1731. 2977
-
morale. Ce n'est pas une faute de la der
niere conséquence : mais l'exactitude demande
toujours qu'on ne fasse pas les
siécles passez plus obscurs qu'ils n'étoient.
Je reviens , Monsieur , à mon premier
sujet , et pour vous exempter la peine de
recourir aux Mémoires de Litterature
touchant la Comédie , je joins ici ce que
M. l'Abbé Fleury dit en peu de lignes
contre les Poësies françoises qu'on débite
sur les Théatres , leur origine , selon lui
et leur succès.
» Il ne faut point s'étonner , dit- il
si nous sommes si éloignez du goût de
» l'Antiquité sur le sujet de la Poësie ;
c'est qu'en effet , pour ne nous point:
» flater , toute notre Poësie moderne est
» fort miserable en comparaison ; elle a
» commencé par lesTroubadours Proven-
» ceaux , et les Conteurs , Jongleurs et
» Menestrels , dont Fauchet nous a don-
»,né l'Histoire. C'étoient des débauchez
vagabonds , qui lorsque les hostilitez
» universelles commencerent à cesser, et la
» barbarie à diminuer , c'est -à - dire vers
» le douzième siècle commencerent à
» courir les Cours des Princes
, pour
> .chanter à leurs Festins dans les jours de
grande Assemblée. Comme ils avoient
"
IL. Kola
›
naffaire
2978 MERCURE DE FRANCE
» affaire à des Seigneurs très-ignorans ,
» et qu'ils l'étoient fort eux- mêmes , tous
>> leurs sujets n'étoient que des fables
>> impertinentes et monstrueuses , ou des
» histoires si défigurées , qu'elles n'étoient
» pas connoissables , ou des contes médi
» sans de Clercs ér de Moines ; et comme
» ils ne travailloient que par interêt , ils
» ne parloient que de ce qui pouvoit ré-
» jouir leurs Auditeurs . c'est à- dire , de
» Combats et d'Amours ; mais d'Amours
>> brutales et sottes comme celles des
» gens grossiers , outre que ces Auditeurs .
» étoient eux- mêmes de fort malhonnê-
» tes gens : pour ce qui est de l'élocution ,.
» ils furent les premiers qui oserent écrire
» en Langues vulgaires ; car elles avoient
» passé jusques-là pour jargons si absur◄
ndes , que l'on avoit eu per d'en profa-
» ner le papier. De là vient , comme l'on
,
sçait , le nom de Romans François e
" de Romans Espagnols. Il nous reste:
» assez de ces vieilles chansons pour
prouver tout ce que j'ai dit ; et le Ro-
» man de la Rose qui a duré le plus long-
» tems , est un des plus pernicieux Li
»vres pour la Morale , des plus sales et
>> des plus impies qui ayent été écrits dans :
» les derniers siécles. Aussi de tout tems:
les gens vertueux , les faints Evêques
11. Vol
99
les
DECEMBRE. 1731. 2979
les bons Religieux , ont crié hautement
» contre les Poësies profanes , contre les
Jongleurs & les Boufons des Princes : &.
» le-là est venue la guerre que les Prédica-
» teurs ont déclarée aux Romans & aux
2. Comédies.
Animé du même zele contre les Comédiens
qui déclament en public les Poësies
dont M. l'Abbé Fleury vient de par
ler ; et par conséquent contre leurs Apologistes
, j'ajoûterai à tout ce que le Pere
le Brun a écrit contre eux , et ceci servira
en particulier de réponse aux deffenseurs
de la Comédie moderne , j'ajoûterai , dis- je,
qu'en l'année 1701. à l'occasion du grand
Jubilé , les Comédiens François ayant
prétendu être absous sans restriction , et
Messieurs les Curez de Paris ayant tenu
ferme , ils s'aviserent de présenter une
Requête au Pape Clement XI , dans la
quelle rien ne fut oublié . Ce Pape ayant
fait examiner la Requête , elle fut rejettée
, et la discipline des Curez confirmée.
Voilà ce que l'écoulement de six lustres
n'est pas capable de faire oublier dans une
Ville aussi grande que l'est celle de Paris ,
et ce qui doit confondre les Ecrivains qui
se sont déclarez partisans d'une si mauvaise
cause. Je suis , & c .
A Auxerre , ce 15. Novembre 1731 .
Fermer
Résumé : LETTRE écrite à M. de L. R. au sujet du Provençal qui a combattu le Livre du P. le Brun sur la Comédie, avec quelques Remarques sur un des Discours de M. l'Abbé Fleury, nouvellement imprimé.
La lettre aborde la controverse suscitée par le livre du Père le Brun contre la comédie, notamment en réponse à un Provençal. L'auteur mentionne que l'Abbé Fleury, dans un récent discours, appuie les arguments du Père le Brun. Cependant, l'auteur conteste une affirmation de l'Abbé Fleury selon laquelle il n'existait pas de poésie vulgaire pieuse aux XIIe et XIIIe siècles, à l'exception de quelques chansons et noëls. Pour prouver le contraire, l'auteur présente des exemples de manuscrits du XIIIe siècle en langue vulgaire traitant de sujets pieux. Il cite des fragments de ces manuscrits pour illustrer leur contenu moral et religieux. L'auteur revient ensuite sur la comédie, affirmant que les troubadours provençaux et les jongleurs, à l'origine de la poésie moderne, étaient des débauchés vagabonds dont les œuvres étaient immorales. Il conclut en rappelant que les autorités religieuses ont toujours condamné les poésies profanes et les comédies. Il cite un exemple récent où les comédiens français ont été refusés l'absolution lors du grand Jubilé de 1701.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 525-534
La Critique, Comédie, &c. [titre d'après la table]
Début :
LA CRITIQUE, Comédie de M. de Boissi, représentée pour la [...]
Mots clefs :
Critique, Comédie, Comédiens-Italiens, Prologue, Faiblesses superstitieuses, Apollon, Chrisante
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : La Critique, Comédie, &c. [titre d'après la table]
LA CRITIQUE, Comédie de M. de
Boissi , représentée pour la premiere fois
par les Comédiens Italiens le 9. Fevrier
1732. A Paris, chez P. Prault , Quay de
Gesures, 1732. prix 24. sols.
Nous croyons que cette Piece sera luë
avec
26 MERCURE DE FRANCE
avec autant de plaisir qu'on en a vû les
Représentations. Elle est pleine d'esprit
et bien versifiée ; mais comme ce n'est
pas une Comédie réguliere , et que beau
coup de Scenes pourroient s'en détacher
aisément , sans nuire au progrès de l'action , nous n'en donnerons pas un Extrait
bien regulier , quoiqu'il y ait de quoi en
faire un fort long , si nous voulions y
faire entrer tout ce qui a été applaudi.
Cette Piece est precédée d'un Prologue
intitulé , L'Auteur Superstitieux. Dans la
Représentation , le sieur Romagnesi ,
sous le nom de Clitandre , entre très- bien
dans ce caractere. Il dit à son ami Damon
qui combat ses foiblesses superstitieuses.
L'Interêt , la gloire avec l'Amour ;
Ils m'occupent tous trois , et dans ce même jour,
Onjuge mon affaire , on doit jouer ma Piece ,
Et je suis sur le point d'épouser ma Maîtresse....
Tous mes sens sont émus d'une façon terrible.
Pour l'interêt , amis , je suis très -peu sensible.
Si je perds mon procès , comme je le crois fort ,
Je m'en consolerai sans faire un grand effort.
Pour l'Amour et la gloire il n'en est pas de même,
Tous deux mé font sentir leur ascendant suprême ,
Tous deux d'un feu pareil enflâment mon desir ,
Et sont enmême temps ma peine et mon plaisir.
Dans
7
MARS. 1732. 527
Dans mes sens agitez leur cruelle puissance ,
Fait succeder la peur sans cesse à l'esperance.
Plaire à l'objet que j'aime, et mevoir son époux
Offreà moncœur sensible un triomphe bien doux;
Mais la crainte de perdre un bien si plein de
charmes,
Y porte au même instant les plus vives allarmes.
Par un brillant Ouvrage assembler tout Paris ,
Réunir tous les goûts, charmer tous les esprits ,
Malgré tous les efforts que tente la Critique ,
Captiver par son Art l'attention publique ,
Forcer deux mille mains d'applaudir à la fois ,
Et s'entendre loüer d'une commune voix ,
Presente à mon esprit la plus haute victoire
D'un Guerrier qui triomphe on égale la gloire :
Mais si l'honneur est grand le revers est affreux;
DuParterre indigné , les cris tumultueux,
Sa fureur qui maudit et l'Auteur et l'Ouvrage ,
La tristesse et l'ennui peints sur chaque visage,
Tous les brocards malins qu'on vous donne en
1
:
sortant ,
Et votre nom en butte au mépris éclatant.
Le desert qui succede à la foule écartée ,
Accablent à leur tour mon ame épouventée ;
Je crains de deux côtez d'avoir un sort fâcheux ,
D'être Amant traversé comme Auteur malheu reux.
Il ajoûte en répondant à Damon.
Tout
28, MERCURE DE FRANCE
Tout ce que vous direz ne servira de rien ;
Et pour finir le cours d'un pareil entretien ,
Né superstitieux , je ne suis pas mon Maître ,
Je pense commevous qu'il est honteux de l'être.
Ma raison me le dit , mais elle perd ses soins ;
J'en sens le ridicule et ne le suis pas moins.
Contre les préjugez en vain on se rebelle ,
Lasuperstition à l'homme est naturelle ,
Et le hazard malin pour la fortifier >
Se plaît incessamment à la justifier.
Je l'ai trop éprouvé dans plus d'une occurrence
La raison ne tient pas contre l'experience;
Et votre cœur peut- être auroit le même effroi ,
Si vous étiez, Monsieur, sur le point comme moi,
D'attirer du Public la loüange ou le blâme ,
De perdre ou d'obtenir l'objet de votre flame.
La Scene du Prologue se passe chezClitandre.
Les Acteurs de la Piece , dont la Scene
est au Parnasse , sont Apollon , Thalie ,
la Critique.Un Auteur satyrique , le sieur
Dominique, Chrisante, homme singulier,
le sieur Romagnesi. La Médisance , la
Dlle Sylvia. Le Vaudeville , le sieur Thévenot. Coxesus, Arlequin.La Contredanse,
le Tambourin , le Menuet , &c.
Apollon et Thalie ouvrent la Scene ;
la Muse commence ainsi.
Seigneur,
MARS. 1732 5299
Seigneur , malgré la brigue et la clameur pu
blique , 1
Parmi les doctes Sœurs vous venez de placer
La juste et la saine Critique.
Elle vient s'établir dans l'Etat Poëtique,
Pour y maintenir l'ordre et pour le policer.
Je ne sçaurois, pour moi qui préside au Comique,
Et qui tiens de ses traits mon plus grand agré ment ,
Donner à votre choix trop d'applaudissement.
Quel bonheur de la voir gouverner le Parnasse
Elle qui par le vrai se regle uniquement ,
Et ne fait à personne injustice ni grace,
Apollon.
Dans le monde on a d'elle une autre opinion
Par un injuste effet de la prévention
De tout le Genre humain on la croit l'ennemie
On croit que sans égard et sans distinction ,
Elle condamne tout par une basse envie.
Pour détruire les faux Portraits ,
Qu'a fait d'elle en tous lieux la noire calomnie ,
Il faut aux yeux de tous qu'elle se justifie ,
Et dévoile an grand jour ses veritables traits.
Chacun viendra lui rendre hommage
Et la feliciter sur ses honneurs nouveaux ;
Elle doit faire voir que son goût toûjours sage,
Scait approuver le vrai , comme blâmer le faux;
Qu'elle
530 MERCURE DE FRANCE
Qu'elle reprend sans fiel , et que son badinage ,
Sans blesser la personne , attaque les deffauts ;
Elle ne prétend plus sur tout qu'on la confonde ,
Avec la Satyre , sa sœur ,
Qui sous son nom , s'affichant dans le
monde ,
Lui fair partager sa nóirceur ;
Elle sent trop qu'il est de son honneur,
De démasquer cette même Satyre ,
Qui dans sa maligne fureur
Ne reprend point par le désir d'instruire ,
Mais par le noir plaisir qu'elle prend à médire
Et de désavoüer tous ces Auteurs obscurs
Dont la plume anonyme,
Jusques sur la vertu , répand ses traits impurs
Et qu'inspire en secret , sa scœur illégitime.
t Je dois moi-même les punir ,
.Et pour jamais bannir
Cette engeance coupable ,
Pour la gloire de l'Art qu'elle rend méprisable,
Dans la troisiéme Scene , Chrisante
s'applaudit d'un ouvrage qu'il a entrepris ; c'est la Critique du Public. Ce Tableau présenté au Public lui - même ,
sous les traits les plus ressemblans , est un
morceau
MARS. 17320 535
morceau que nous n'avons pas cru devoir
ometre.
Apollon.
mais voudriez- vous bien Le projet est nouveau ,
Me détailler et m'apprendre
Ce que dans le Public vous trouvez à reprendre
Soit dans ses actions , ou dans son entretien ?
Chrisante.
Mille travers , mille bévuës ,
Son gout pour le Clinquant , dont il est le sou tien ,
Et pour la nouveauté qu'il porte jusqu'aux nuës,
Ou qu'il met au dessous du rien ;
Carjamais il ne garde un milieu raisonnable
Chez lui tout est divin , ou tout est misérable.
Sa fureur pour la mode et pour tout Charlatan 7
Tous les usages foux dont il est partisan ,
Toutes ses politesses fades ,
Ses visites , ses embrassades ,
Et ses saluts du premier jour de l'an,
Du Carnaval ses Mascarades ,
Du Mardy Gras son transport Calotin ,
Et son air sot le lendemain ;
Son exercice aux Thuileries',
Ses caracols , ses lorgneries ;
'Aux Spectacles , ses flots , ses vertiges frequens ,
Ses battemens de mains donnez à contre- temps :
£ Tous
32 MERCURE DE FRANCE
Toutes ses moucheries ,
Ses baillemens , ses crachemens
Aux endroits les plus beaux , les plus interes sans ;
Son ridicule étrange
De recevoir avidement
La plus insipide louange ,
d'applaudir toujours le banal compliment ;
Qu'on lui retourne incessament ;
Sa rage opiniatre ,
De crier presqu'à tout moment ,
Place aux Dames , place au Théatre;
Parlez plus haut ; l'habit noir , chapeau bas ♬
Paix , Monsieur l'Abbé , haut les bras ;
Annoncez ; bis , la Capriole,
Et pour tout dire , enfin , l'insupportable Rôle
Qu'il fair , dès qu'au Parterre il se trouve pressé ,
Ce qui révolte l'ame , et fait hausser l'épaule
A tout homme de gout , છેà. tout homme sensé,
Apollon.
Vous peignez là la multitude ,
Mere du tumulte et du bruit ,
Que n'arrête aucun frein , que l'exemple séduit
Qu'entraîne la coutume , ou l'aveugle habitude
Et non le vrai Public que la raison conduit ,
?
D'où part ce grand corps de lumiere ,
Qui me guide moi - même , et sans cesse m³é—
Claire Ce
MARS. 17320 333
Ce Public, en un mot , avec choix assemblé
Tel qu'on le voit paroître
Aux yeux d'un Théatre réglé.
Quand il écoute en Sage , et qu'il prononce es
Maître
Ses Arrêts qui le font si dignement connoître,
Et dont nul , avant vous , n'a jamais appellé.
Pour mettre le Lecteur en état de juger
du Dialoguede cette Piece , voici le commencement de la 6* Scene , entre la Critique et la Médisance.
Madame , je prens part , comme votre parenté
A votre fortune éclatante.
La Critique.
Pardon, j'ai de la peine à remettre vos traits
J'ai beau vous regarder de près.
La Médisance.
J'ai poutant avec vous assez de ressemblance
La Critique ne devroit pas
Méconnoître la Médisance.
Et de moi dans le monde on fait assez de cas ;
Pour m'avouer d'abord sans nulle repugnance.
La Critique.
Si je vous méconnois , il n'est pas surprenant;
Le chemin que je tiens , est different du vôtre ;
Fij La
$ 34 MERCURE DE FRANCE
La Raison et le Vrai , me guident constam
ment,
Et vous plaisés le plus souvent ,
Aux dépens de l'un et de l'autre , &c.
Les dernieres Scenes se passent entre la
Critique , le Vaudeville , la Contredanse ,
le Menuet , &c. et la Piéce finit par un
diverti
Boissi , représentée pour la premiere fois
par les Comédiens Italiens le 9. Fevrier
1732. A Paris, chez P. Prault , Quay de
Gesures, 1732. prix 24. sols.
Nous croyons que cette Piece sera luë
avec
26 MERCURE DE FRANCE
avec autant de plaisir qu'on en a vû les
Représentations. Elle est pleine d'esprit
et bien versifiée ; mais comme ce n'est
pas une Comédie réguliere , et que beau
coup de Scenes pourroient s'en détacher
aisément , sans nuire au progrès de l'action , nous n'en donnerons pas un Extrait
bien regulier , quoiqu'il y ait de quoi en
faire un fort long , si nous voulions y
faire entrer tout ce qui a été applaudi.
Cette Piece est precédée d'un Prologue
intitulé , L'Auteur Superstitieux. Dans la
Représentation , le sieur Romagnesi ,
sous le nom de Clitandre , entre très- bien
dans ce caractere. Il dit à son ami Damon
qui combat ses foiblesses superstitieuses.
L'Interêt , la gloire avec l'Amour ;
Ils m'occupent tous trois , et dans ce même jour,
Onjuge mon affaire , on doit jouer ma Piece ,
Et je suis sur le point d'épouser ma Maîtresse....
Tous mes sens sont émus d'une façon terrible.
Pour l'interêt , amis , je suis très -peu sensible.
Si je perds mon procès , comme je le crois fort ,
Je m'en consolerai sans faire un grand effort.
Pour l'Amour et la gloire il n'en est pas de même,
Tous deux mé font sentir leur ascendant suprême ,
Tous deux d'un feu pareil enflâment mon desir ,
Et sont enmême temps ma peine et mon plaisir.
Dans
7
MARS. 1732. 527
Dans mes sens agitez leur cruelle puissance ,
Fait succeder la peur sans cesse à l'esperance.
Plaire à l'objet que j'aime, et mevoir son époux
Offreà moncœur sensible un triomphe bien doux;
Mais la crainte de perdre un bien si plein de
charmes,
Y porte au même instant les plus vives allarmes.
Par un brillant Ouvrage assembler tout Paris ,
Réunir tous les goûts, charmer tous les esprits ,
Malgré tous les efforts que tente la Critique ,
Captiver par son Art l'attention publique ,
Forcer deux mille mains d'applaudir à la fois ,
Et s'entendre loüer d'une commune voix ,
Presente à mon esprit la plus haute victoire
D'un Guerrier qui triomphe on égale la gloire :
Mais si l'honneur est grand le revers est affreux;
DuParterre indigné , les cris tumultueux,
Sa fureur qui maudit et l'Auteur et l'Ouvrage ,
La tristesse et l'ennui peints sur chaque visage,
Tous les brocards malins qu'on vous donne en
1
:
sortant ,
Et votre nom en butte au mépris éclatant.
Le desert qui succede à la foule écartée ,
Accablent à leur tour mon ame épouventée ;
Je crains de deux côtez d'avoir un sort fâcheux ,
D'être Amant traversé comme Auteur malheu reux.
Il ajoûte en répondant à Damon.
Tout
28, MERCURE DE FRANCE
Tout ce que vous direz ne servira de rien ;
Et pour finir le cours d'un pareil entretien ,
Né superstitieux , je ne suis pas mon Maître ,
Je pense commevous qu'il est honteux de l'être.
Ma raison me le dit , mais elle perd ses soins ;
J'en sens le ridicule et ne le suis pas moins.
Contre les préjugez en vain on se rebelle ,
Lasuperstition à l'homme est naturelle ,
Et le hazard malin pour la fortifier >
Se plaît incessamment à la justifier.
Je l'ai trop éprouvé dans plus d'une occurrence
La raison ne tient pas contre l'experience;
Et votre cœur peut- être auroit le même effroi ,
Si vous étiez, Monsieur, sur le point comme moi,
D'attirer du Public la loüange ou le blâme ,
De perdre ou d'obtenir l'objet de votre flame.
La Scene du Prologue se passe chezClitandre.
Les Acteurs de la Piece , dont la Scene
est au Parnasse , sont Apollon , Thalie ,
la Critique.Un Auteur satyrique , le sieur
Dominique, Chrisante, homme singulier,
le sieur Romagnesi. La Médisance , la
Dlle Sylvia. Le Vaudeville , le sieur Thévenot. Coxesus, Arlequin.La Contredanse,
le Tambourin , le Menuet , &c.
Apollon et Thalie ouvrent la Scene ;
la Muse commence ainsi.
Seigneur,
MARS. 1732 5299
Seigneur , malgré la brigue et la clameur pu
blique , 1
Parmi les doctes Sœurs vous venez de placer
La juste et la saine Critique.
Elle vient s'établir dans l'Etat Poëtique,
Pour y maintenir l'ordre et pour le policer.
Je ne sçaurois, pour moi qui préside au Comique,
Et qui tiens de ses traits mon plus grand agré ment ,
Donner à votre choix trop d'applaudissement.
Quel bonheur de la voir gouverner le Parnasse
Elle qui par le vrai se regle uniquement ,
Et ne fait à personne injustice ni grace,
Apollon.
Dans le monde on a d'elle une autre opinion
Par un injuste effet de la prévention
De tout le Genre humain on la croit l'ennemie
On croit que sans égard et sans distinction ,
Elle condamne tout par une basse envie.
Pour détruire les faux Portraits ,
Qu'a fait d'elle en tous lieux la noire calomnie ,
Il faut aux yeux de tous qu'elle se justifie ,
Et dévoile an grand jour ses veritables traits.
Chacun viendra lui rendre hommage
Et la feliciter sur ses honneurs nouveaux ;
Elle doit faire voir que son goût toûjours sage,
Scait approuver le vrai , comme blâmer le faux;
Qu'elle
530 MERCURE DE FRANCE
Qu'elle reprend sans fiel , et que son badinage ,
Sans blesser la personne , attaque les deffauts ;
Elle ne prétend plus sur tout qu'on la confonde ,
Avec la Satyre , sa sœur ,
Qui sous son nom , s'affichant dans le
monde ,
Lui fair partager sa nóirceur ;
Elle sent trop qu'il est de son honneur,
De démasquer cette même Satyre ,
Qui dans sa maligne fureur
Ne reprend point par le désir d'instruire ,
Mais par le noir plaisir qu'elle prend à médire
Et de désavoüer tous ces Auteurs obscurs
Dont la plume anonyme,
Jusques sur la vertu , répand ses traits impurs
Et qu'inspire en secret , sa scœur illégitime.
t Je dois moi-même les punir ,
.Et pour jamais bannir
Cette engeance coupable ,
Pour la gloire de l'Art qu'elle rend méprisable,
Dans la troisiéme Scene , Chrisante
s'applaudit d'un ouvrage qu'il a entrepris ; c'est la Critique du Public. Ce Tableau présenté au Public lui - même ,
sous les traits les plus ressemblans , est un
morceau
MARS. 17320 535
morceau que nous n'avons pas cru devoir
ometre.
Apollon.
mais voudriez- vous bien Le projet est nouveau ,
Me détailler et m'apprendre
Ce que dans le Public vous trouvez à reprendre
Soit dans ses actions , ou dans son entretien ?
Chrisante.
Mille travers , mille bévuës ,
Son gout pour le Clinquant , dont il est le sou tien ,
Et pour la nouveauté qu'il porte jusqu'aux nuës,
Ou qu'il met au dessous du rien ;
Carjamais il ne garde un milieu raisonnable
Chez lui tout est divin , ou tout est misérable.
Sa fureur pour la mode et pour tout Charlatan 7
Tous les usages foux dont il est partisan ,
Toutes ses politesses fades ,
Ses visites , ses embrassades ,
Et ses saluts du premier jour de l'an,
Du Carnaval ses Mascarades ,
Du Mardy Gras son transport Calotin ,
Et son air sot le lendemain ;
Son exercice aux Thuileries',
Ses caracols , ses lorgneries ;
'Aux Spectacles , ses flots , ses vertiges frequens ,
Ses battemens de mains donnez à contre- temps :
£ Tous
32 MERCURE DE FRANCE
Toutes ses moucheries ,
Ses baillemens , ses crachemens
Aux endroits les plus beaux , les plus interes sans ;
Son ridicule étrange
De recevoir avidement
La plus insipide louange ,
d'applaudir toujours le banal compliment ;
Qu'on lui retourne incessament ;
Sa rage opiniatre ,
De crier presqu'à tout moment ,
Place aux Dames , place au Théatre;
Parlez plus haut ; l'habit noir , chapeau bas ♬
Paix , Monsieur l'Abbé , haut les bras ;
Annoncez ; bis , la Capriole,
Et pour tout dire , enfin , l'insupportable Rôle
Qu'il fair , dès qu'au Parterre il se trouve pressé ,
Ce qui révolte l'ame , et fait hausser l'épaule
A tout homme de gout , છેà. tout homme sensé,
Apollon.
Vous peignez là la multitude ,
Mere du tumulte et du bruit ,
Que n'arrête aucun frein , que l'exemple séduit
Qu'entraîne la coutume , ou l'aveugle habitude
Et non le vrai Public que la raison conduit ,
?
D'où part ce grand corps de lumiere ,
Qui me guide moi - même , et sans cesse m³é—
Claire Ce
MARS. 17320 333
Ce Public, en un mot , avec choix assemblé
Tel qu'on le voit paroître
Aux yeux d'un Théatre réglé.
Quand il écoute en Sage , et qu'il prononce es
Maître
Ses Arrêts qui le font si dignement connoître,
Et dont nul , avant vous , n'a jamais appellé.
Pour mettre le Lecteur en état de juger
du Dialoguede cette Piece , voici le commencement de la 6* Scene , entre la Critique et la Médisance.
Madame , je prens part , comme votre parenté
A votre fortune éclatante.
La Critique.
Pardon, j'ai de la peine à remettre vos traits
J'ai beau vous regarder de près.
La Médisance.
J'ai poutant avec vous assez de ressemblance
La Critique ne devroit pas
Méconnoître la Médisance.
Et de moi dans le monde on fait assez de cas ;
Pour m'avouer d'abord sans nulle repugnance.
La Critique.
Si je vous méconnois , il n'est pas surprenant;
Le chemin que je tiens , est different du vôtre ;
Fij La
$ 34 MERCURE DE FRANCE
La Raison et le Vrai , me guident constam
ment,
Et vous plaisés le plus souvent ,
Aux dépens de l'un et de l'autre , &c.
Les dernieres Scenes se passent entre la
Critique , le Vaudeville , la Contredanse ,
le Menuet , &c. et la Piéce finit par un
diverti
Fermer
Résumé : La Critique, Comédie, &c. [titre d'après la table]
La pièce 'La Critique' de M. de Boissi a été représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens le 9 février 1732 à Paris. Cette comédie est décrite comme pleine d'esprit et bien versifiée, mais elle ne suit pas une structure régulière. Le texte mentionne un prologue intitulé 'L'Auteur Superstitieux', dans lequel le personnage Clitandre, interprété par le sieur Romagnesi, exprime ses angoisses avant la représentation de sa pièce et son mariage imminent. Il parle de ses craintes concernant le jugement du public, l'amour et la gloire. La scène principale se déroule au Parnasse et met en scène plusieurs personnages, dont Apollon, Thalie, la Critique, et divers autres acteurs. Apollon et Thalie discutent de l'importance de la Critique, qui doit maintenir l'ordre et la justice dans le domaine poétique. La Critique se défend contre les préjugés qui la présentent comme une ennemie, affirmant qu'elle juge avec sagesse et sans partialité. Chrisante critique le public pour ses travers et ses comportements ridicules, comme son goût pour la mode, ses politesses excessives, et ses réactions exagérées lors des spectacles. Apollon distingue ce public superficiel du véritable public guidé par la raison. La pièce se termine par une interaction entre la Critique et la Médisance, où la Critique affirme qu'elle est guidée par la raison et la vérité, contrairement à la Médisance. Les dernières scènes impliquent la Critique, le Vaudeville, la Contredanse, et le Menuet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 571-588
Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique donna la premiere Representation de [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Jepthé, Tragédie, Théâtre, Prologue, Spectacle, Théâtre de l'Académie, Extrait, Musique, Ballet, Acteurs, Danse, Chant, Opéra
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique donna
la premiere Representation de Jephie,
Tragédie , tirée de l'Ecriture sainte , le
premier Jeudy de Carême ; la nouveauté
du genre en avoit rendu le succès si
douteux, qu'on ne croioit pas qu'elle pût
être jouée deux fois ; cette prévention
presque générale n'a pas tenu contre les
beautez du Poëme et de la Musique , et
M. l'Abbé Pellegrin et M. de Monteclair qui en sont les Auteurs , peuvent
se vanter qu'il y a tres- peu d'Opéra que
le Public ait honoré de plus d'applaudissemens. Nos Lecteurs pourront juger du
Poëme par cet Extrait. Pour la Musique ,
les plus grands connoisseurs la trouvent
tres-digne de Lully , et on ne les contredit point.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu orné pour des Spectacles , c'està dire,
*
72 MERCURE DE FRANCE
à- dire , le Théatre même de l'Académie,
dont tous les Dieux fabuleux se sont em
parez , comme du seul Temple qui leur
reste depuis l'extinction du Paganisme :
Apollon invite Polhymnie et Terpsicore à
le seconder dans le dessein qu'il a de
maintenir le culte qu'on leur rend encore sur ce Théatre. Il s'exprime ainsi :
>
Vous , qu'avec Apollon , en ces lieux on adore,
Sçavante Polhymnie , aimable Terpsicore
Par vos chants , par vos jeux , secondez mes´ désirs ;
Ce Temple seul , nous reste encore ;
Faisons-y regner les plaisirs.
Les deux Muses exécutent ces ordres ;*
elles étalent , à l'envi , ce qu'elles ont de
plus flateur , pour séduire les mortels ;
mais leur regne n'est pas de longue durée; la Verité descend des Cieux , suivie
des vertus qui forment sa brillante Cour.
Elle leur parle ainsi :
Phantômes séduisans , Enfans de l'imposture
Osez-vous soûtenir ma clarté vivé et pure ›
Cachez, vous dans l'obscurité ,
Où mon brillant aspect vous plonge ;
Il est temps que la verité ,
Fasseévanouir le mensonge.
C'est
MARS. 1732. $73 .
C'est trop abuser l'Univers ;
Rentrez dans les Enfers.
Les faux Dieux , dont l'Ecriture dit :-
Dii autem Gentium dæmonia , sont forcez
de s'abîmer.
La verité expose le Sujet de la Tragédie qu'on va representer , par ces Vers
qu'elle addresse aux Vertus qui l'accompagnent.
Troupe , immortelle comme moy;
Vertus , ornez ces lieux pour un nouveau Spec tacle ;
Annoncez aux Mortels la redoutable loy,
Du Dieu seul , dont je suis l'Oracle 9.3
Retirez du Tombeau le malheureux Jephté ;,
Rappellez son vœu téméraire ;
Au soin d'instruire , ajoutez l'art de plaire
Vous pouvez adoucir votre sévérité ;
Mais qu'aucun faux brillant n'altere
La splendeur de la vérité.
Le Chœur des Vertus, Suivantes de la
Verité , l'invite à faire briller sur la Terre
sa celeste lumiere. Le Prologue finit par
cet éloge, d'autant plus beau qu'il est dans
la bouche de la Vérité même,
Un Roy qui me chérit dès l'âge le plus ten- dre ,
Bait
son
unique
soin
de marcher
sur
mes
pas.
M
$74 MERCURE DE FRANCE
Il veut qu'en ces heureux climats ,
Ma seule voix se fasse entendre.
Qu'il triomphe par moi , quand je regne par lui,
Que la terre , le ciel , qu'à l'envi tout conspires
Afaire fleurir un Empire ,
Dontje suis le plus ferme appuy.
La DileHerremens, qui remplit le Rôle
dè la Vérité , y réussit parfaitement; mais
passons à la Tragédie.
Le Théatre représente d'abord le Fleuve du Jourdain , dont les Flots séparent
l'Armée des Israëlites de celle des Ammonites.
Jephté ouvre la Scene ; il témoigne d'abort le plaisir qu'il a de revoir Maspha
sa chere Patrie , après un long exil ; la
tristesse succede à la joye quand il voit
les Etendards des Ammonites plantez sur
les bords du Jourd in.
Abdon , l'un des Officiers Généraux
de l'Armée Israëlite , lui vient ` annoncer que l'Arche sainte va paroître à la
tête des Troupes , dont on lui a donné le commandement. A cette heureuse nouvelle Jephté est transporté de joie et
rempli de confiance. C'est icy la Scene
d'exposition ; l'Auteur y apprend aux
Spectateurs des choses essentielles à sa
Piece, et qui servent de base à la situation
MARS. 1732. 57.5
tion la plus frappante ; sçavoir , qu'il n'a
point vû sa fille depuis son enfance ; et
qu'il ne veut la voir qu'après qu'il aura
rempli son premier devoir. Il s'exprime
ainsi :
La gloire du Seigneur, fait mon premier devoir;
Nos Tribus , mes Soldats , sont toute ma Fa- mille.
Quoi ? lui dit Abdon , l'amour ni le
sang , ne peut vous émouvoir ?
Jephte lui répond !
Dis plutôt que je me défie ,
D'un cœur trop prompt à s'attendrir ;
Non ; je ne veux rien voir qui m'attache à la vie,
Quand pour sauver mon Peuple , il faut vaincre ou mourir.
Le Grand Prêtre Phinée vient annoncer à Jephté que la voix du Seigneur confirme le choix que les Hebreux ont fait
de lui , pour regner sur eux ; il lui apprend qu'Ammon , Fils du Roy des Ammonites et Prisonnier dans Maspha, a corrompu la Tribu d'Ephraim , ce qui donné lieu à un très- beau duo:
Les Guerriers Israëlites , assemblez par
l'ordre de Jephté , viennent attendre
l'Arche sainte. Le Grand-Prêtre et Jephté
leur annoncent les prodiges que Dieu a
faits
$76 MERCURE DE FRANCE
faits en faveur de son Peuple. Les Guerriers se mêlent à ce récit. Voicy les Vers
qui forment ce beau Chœur , qui fait
Fadmiration de tout Paris.
Phinée.
Ennemis du Maître suprême ,
Redoutez son couroux vangeur
La Terre , l'Enfer , le Ciel même
Tout tremble devant le Seigneur.
Le Chœur répete : La terre , &c.
Phinée et Fephté.
Le Jourdain retourne en arriere
Le Soleil suspend sa carriere ;
La Mer désarme sa fureur ,
En faveur d'un Peuple qu'il aime.
Le Chœur reprend : La terre , &c.
Phinée et Jephté.
La bruyante Trompette , à l'égal du Tonnerre
Brise les Murs d'airain , jette les Tours par terre ,
Et déclare Israël vainqueur ;
Elle va porter la terreur
Chez l'Idolatre qui blasphême.
Le Chœur.
La Terre , l'Enfer , le Ciel même ,
Tout tremble devant le Seigneur.
L'Arche
MARS. 1732. 577
L'Arche paroît de loin aux yeux dụ
Grand- Prêtre ; il ordonne aux Guerriers
de détourner la vûë; un nuage lumineux
la couvre , comme il arriva la premiere
fois Moïse la voulut offrir aux yeux
duPeuple.
que
Abdon annonce à Jephté que les Ammonites viennent de fondre sur le Camp
des Israëlites. Jephté ordonne qu'on assemble ses Guerriers sous ses Etendards
au son de la Trompette sacrée ; et c'est
dans ce pressant péril qu'il fait ce serment.
Grand Dieu , sois attentif au serment que je fais
Contre tes Ennemis , si je soûtiens ta gloire ,
Le premier qu'à mes yeux offrira mon Palais
Sera sur tes Autels le prix de ma victoire.
Je jure de te l'immoler ;
C'est à toy de choisir le sang qui doit couler
A peine le serment est - il prononcé
que le Jourdain se sépare en deux , et
forme deux remparts , au travers desquels l'armée Israëlite passe au son des
Trompettes.
Au II. Acte , le Théatre représente le
Palais de Jephté ; Ammon ouvre la Scene. Abner, son confident , l'exhorte à
mettre à profit la liberté que la Tribu
d'Ephraim vient de lui rendre , et à se
sauver
3-8 MERCURE DE FRANCE
sauver d'un lieu où il périra, si Jephté revient victorieux. Ammon lui dit qu'il ne
sçauroit quitter Iphise , fille de Jephté ,
dont il est amoureux. Iphise vient ; Am-
'mon lui déclare son amour. Eile le veut
fuïr ; il la retient ; et comme il blaspheme
contre le Dieu des Hébreux , elle lui dit :
Arrête. A l'Univers craint de servir d'exemple ;
Outrage à ton gré tes faux Dieux
Mais au Dieu d'Israël ne livre point la guerre ,
Il régit la terte et les cieux.
;
+
Et sur le Sacrilege , il lance le tonnerrè ;
Tremble , son bras vangeur , est prêt à t'im.
moler.
Elle lui ordonne de se retirer ; il lui
obéit. Iphise fait connoître dans un Monologue l'amour qu'elle sent, malgré elle,
pour Ammon; elle s'exprime ainsi :
Mes yeux , éteignez dans vos larmes
Des feux qui dans mon cœur s'allument malgré moi.
Tu vois mes mortelles allarmes ,
Dieu puissant , j'ai recours à toy.
Pourquoi faut-il , hélas ! que je trouve des char- : mes
Dans un fatal panchant , condamné par ta loy ?
Mes yeux , &c.
Almasie , mere d'Iphise , vient s'affliger
avec
MARS. 1732. 579
avec sa fille , d'un songe terrible qu'elle
a fait , et dans lequel elle a vû tomber
la foudre sur elle : Iphise ne doute point.
que ce ne soit un châtiment que Dieu lui
destine pour la punir de son amour pour
un Idolâtre ; elle en fait un aveu à sa
mere à la fin de la Scene. Abdon leur annonce la victoire de Jephté ; les Peuples
viennent s'en réjouir dans leur Palais. Almasie ordonne à sa Fille de présider aux
jeux , tandis qu'elle va dans le Temple
rendre graces à Dieu d'une si heureuse
victoire. Iphise lui dit qu'elle ira bientôt l'y trouver dans un même esprit de
reconnoissance envers Dieu. Un bruit de
Trompettes annonce l'arrivée de Jephté;
les Peuples se mettent en état d'aller au
devant de lui ; Iphise ne peut s'empêcher
d'y aller à son tour ; elle le fait connoître
par ces Vers qu'elle addresse à Dieu :
Je ne puis résister à mon impatience ;
Seigneur , un seul moment , je ne veux que le voir ,
Et je vole où m'appelle un plus sacré devoir.
C'est-à- dire , au Temple, où elle a promis à sa mere de l'aller joindre.
Le Théatre représente au troisiéme Ac
te une avant- court du Palais de Jephté ,
ornée d'Arcs de Triomphe ; on y a élevé
H au
$80 MERCURE DE FRANCE
un Trône.Jephté troublé de son serment,
fait retirer tous ceux qui le suivent. 11
fait entendre qu'il a vû sa Victime et
qu'il n'a osé lui prononcer l'Arrêt de sa
mort. Il ne sçait pas que cette Victime
est sa propre fille. Il se représente, en frémissant , quelle eût été la rigueur de son
sort si son Epouse ou sa fille eussent paru
les premieres à ses yeux ; on lui à dit
qu'elles sont dans le Temple , ce qui le
met dans une entiere securité ; cependant
il plaint les parens de celle qu'il a vüe
la premiere par ces Vers :
O toi que mon ame attendrie ,
A laissé sans obstacle éloigner de ces lieux ,
Quel pleurs tu vas coûter aux Auteurs de ta vie,
S'il faut que je remplisse un serment odieux !
Almasie vient; Jephté la prie d'excuser
le trouble dont elle le trouve agité ; elle
lui confirme que sa fille est dans le Temple. Iphise arrives Jephté frémit en la
voyant , parce qu'il la reconnoît pour
celle qu'il a vûë la premiere ; mais de
quel coup n'est-il pas frappé quand il
entend ces mots d'Almasie!
Approchez- vous , ma fille,
. Cette situation à tiré des larmes ; voici
la fin de cette interessante Scene.
Iphise
MARS. 1732. 581
Iphise.
Votre présence m'est si chere ,
Pourquoi détournez-vous les yeux ?
Fephré.
Je devrois les fermer à la clarté des Cieux.
Iphise.
O mon pere , envers vous de quoi suis - je coupable?
Ai-je à vos yeux montré trop peu d'amour
Au bruit de votre heureux retour
J'ai volé la premiere.
Jephté.
Eh! c'est ce qui m'accable ;
Et mon malheur est confirmé.
Iphise.
Votre malheur ! Parlez ; quelle douleur vous
presse ?
Me reprochez vous ma tendresse a
Jephie.
Vous ne m'avez que trop aimé ?
Hela's !
Iphise.
Jephte.
Votre présence augmente mon supplices
Eloignez-vous.
Almasie.
Quelle est votre injustice !
Hij Jephti
•
82 MERCURE DE FRANCE
Jephte.
Otez-moi çet objet ; il me perce le cœur. &c.
La Scene entre Jephté et Almasie n'est
gueres moins interressante. Jephté lui
apprend son serment ; elle lui répond
avec transport :
Non , Dieu n'accepte pas un vœu si témeraire.
Mais pensez- vous, cruel, que nos saintes Tribus ,
Malgré vos ordres absolus ,
Ne conserveront pas une fille à sa mere?
Tout Israël lui servira de pere ,
·Puisqu'enfin vous ne l'êtes plus. &c.
Ce troisiéme Acte finit par cette leçon , que Phinée fait à Jephté , après la Fête du Couronnement.
Phinée.
“Jephté , si tu veux qu'on te craigne ,
La crainte du Seigneur doit regler tes projets.
Ce n'est pas toi , c'est Dieu qui regne ;
Sois le premier de ses Sujets.
Grave au fond de ton coeur sa parole éternelle ;
Tiens sans cesse tes yeux attachez sur sa Loy;
Dans ses sermens il est fidelle ;
Ne lui manque jamais de foy.
Ces dernieres paroles prononcées au
hazard
MA'R S. 1732. 58.3
hasard , rappellent à Jephté le fatal serment, et font finir l'Acte d'une maniere
plus interressante et plus propre à augmenter le péril.
Au quatriéme Acte , le Théatre représenteun Jardin, où Almasie a dit à sa fille
dans l'Acte précedent de l'aller attendre.
Iphise ouvre la Scene par ce Monologue
qui convient à sa situation.
Ruisseaux, qui serpentez sur ces fertiles bords ,
Allez loin de mes yeux répandre les trésors ,
Qu'on voit couler avec votre Onde.
Dans le cours de vos flots, l'un par l'autre chassez,
Ruisseaux , hélas ! vous me tracez ,
L'image des grandeurs du monde.
Ruisseaux , &c.
Les Bergers et les Bergeres des Rives
du Jourdain , viennent rendre hommage.
à la fille de leur nouveau Souverain , et lui
présentent les prémices de leurs Champs,
qu'elle rapporte à Dieu par ces Vers :
J'aime à voir vos soins empressez ;
Mais à l'Auteur de la Nature ,
Vos chants doivent être adressez.
Ces fruits , ces fleurs , cette verdure ,
Tout appartient à ce supréme Roy ;
Il en demande les prémices.
H iij Pour
$ 84 MERCURE DE FRANCE
J
Pour attirer sur vous des regards plus propices ,
Immolez-lui vos cœurs , c'est sa premiere Loys
Puissiez-vous dans vos Sacrifices *
Estre plus fidelle que moi !
Cetre Fête , qui est , sans contredit , l'a
plus gracieuse de la Piece , et qu'on compare , à bon droit , à celle du quatriéme
Acte de l'Opera de Roland, est interrompue par Almasie , qui après avoir fait
éloigner les Bergers , annonce à 1phise
qu'elle doit être sacrifiée. Voici comme
elle lui parle :
Par le Grand- Prêtre et par Jephté,
L'Eternel à mes yeux vient d'être consulté.
Que d'horreurs à la fois ! je tremble à te le dire.
Le Ciel gronde , l'Autel que je vois s'ébranler ,
Semble se refuser au sang qui doit couler.
Le Voile sacré se déchire ;
Le Grand-Prêtre saisi d'effroi ,
Jene un sombre regard sur ton pere et sur moi.
Vers l'Arche redoutable en tremblant il s'avanee;
Il l'interroge sur ton sort.
L'Arche garde un triste silence ,
Et ce silence est l'Arrêt de ta mort.
Iphise apprenant que són sang est le
prix de la victoire qui a sauvé le Peuple,
se
MARS. 173-2 585
se dévotie à la mort avec joye ; Almasie
sort pour aller du moins retarder le fatal
Sacrifice. Iphise refléchit sur sa triste situation par ce Monologue.
C'en est donc fait ! bientôt cette Terre, ces Cieux,
Ce Soleil , pourjamais tout se voile à mes yeux !
Malheureux un cœur qui se livre ,
Au vain bonheur qui vient s'offrir !
A peine je commence à vivre ,
Qu'il faut me résoudre à mourir.
Du comble des grandeurs dont l'éclat m'envi
ronne ,
Je cours d'un pas rapide à mes derniers instans;
Je ressemble à ces fleurs que l'Aquilon moissonne ?
Dès les premiers jours du Printemps.
Malheureux un cœur , &c.
L'Acte finit que une Scene les Con- par noisseurs trouvent la plus belle de la Piece. Ammon veut sauver Iphise ; elle refuse le secours qu'il vient lui offrir , soutenu de toute la Tribu d'Ephraïm ; le
désespoir d'Ammon qui veut perir , lui
arrache des sentimens qui Aattent l'amour dont il brule pour elle , mais elle
lui ôte toute esperance par ces Vers :
Apprens que pour sentir une fatale flamme ,
Un grand cœur n'est pas abbattu.
Hiiij L'A-
586 MERCURE DE FRANCE
L'Amour peut entrer dans une ame ,
Sans triompher de la vertu.
Ammon désesperé , lui dit qu'il entrera
dans le Temple , la vengeance à la main
elle se résout à aller se livrer à l'Autel
pour prévenir la fureur de son Amant.
Comme cet Extrait n'est déja que trop
long , nous ne dirons plus que ce qui concerne l'Action théatrale du V. Acte.
Jephté déplore sa situation , et la comparant à celle d'Abraham , il demande à
Dieu la même clémence qu'il fit autrefois éclater en faveur de ce Patriarche.
Iphise vient se livrer à l'Autel malgré le
Peuple qui veut la retenir ; la Scene envers son Pere est des plus touchantes.
Unbruit de guerre oblige Jephté à aller deffendre le Temple qu'Ammon assiege avec la Tribu d'Ephraïm. Ammon
entre dans la partie exterieure du Temple pour enlever Iphise ; elle se sauve
dans l'interieure. Ammon la suit jusques
dans le Sanctuaire , en blasphemant.
Jephté revient , l'épée à la main , et
voyant le Temple forcé , y veut entrer.
Phinée l'arrête, en lui disant, que le Dieu
des Armées n'a pas besoin du secours
d'un foible Mortel ; l'Ange Exterminateur descend dans un Globe de feu. Ammon
MARS. 1732.
587
mon par et les Rebelles font entendre
des voix mourantes qu'ils périssent tous.
•
On amene Iphise pour la sacrifier ; la
résignation de la fille , l'étonnement du
Grand-Prêtre , et la douleur du Pere et
de la Mere , font un tableau qui inspire
tout- à-la fois la pieté et la terreur. Iphise
est sauvée par une inspiration du GrandPrêtre , qui lui annonce que Dieu luj
fait grace en faveur de son repentir.
On a ajoûté une Fête en action de
grace , dont on convient que le Poëme n'avoit pas besoin pour s'assurer un succès des plus complets.
Au surplus cet Opera est executé d'une maniere à satisfaire les Spectateurs les
plus difficiles et les plus délicats. Le sieur
Chassé fait voir dans le premier Rôle ,
par l'expression de son jeu et par la fléxibilité de sa voix , qu'il est capable de
remplir avantageusement tous les Rôles
dont il voudra se charger. La Dile Antier
ne dément point la grande réputation
qu'elle s'est si justement acquise jusqu'aujourd'hui , et la Dile le Maure , dans le
Rôle d'Iphise , joint à la plus belle voix
du monde , toutes les graces , toute la
sensibilité et toute la noblesse qu'on peut
souhaiter. Tous les autres Acteurs , tant
chantans que dansans , se sont distinH v guez
588 MERCURE DE FRANCE
guez;et le sieurBlondi s'est fait un honneur
infini dans la composition d'un Balet, dont
le genre etoit inconnu à ses Prédeceseurs ;
les Diles Camargo et Salé , l'y ont secondé
avec leur legereté et leurs graces ordinaires. Nous apprenons que le succès de cet
Opera augmente de jour en jour , et le
Public se promet avec plaisir de le revoir
le Carême prochain.
la premiere Representation de Jephie,
Tragédie , tirée de l'Ecriture sainte , le
premier Jeudy de Carême ; la nouveauté
du genre en avoit rendu le succès si
douteux, qu'on ne croioit pas qu'elle pût
être jouée deux fois ; cette prévention
presque générale n'a pas tenu contre les
beautez du Poëme et de la Musique , et
M. l'Abbé Pellegrin et M. de Monteclair qui en sont les Auteurs , peuvent
se vanter qu'il y a tres- peu d'Opéra que
le Public ait honoré de plus d'applaudissemens. Nos Lecteurs pourront juger du
Poëme par cet Extrait. Pour la Musique ,
les plus grands connoisseurs la trouvent
tres-digne de Lully , et on ne les contredit point.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu orné pour des Spectacles , c'està dire,
*
72 MERCURE DE FRANCE
à- dire , le Théatre même de l'Académie,
dont tous les Dieux fabuleux se sont em
parez , comme du seul Temple qui leur
reste depuis l'extinction du Paganisme :
Apollon invite Polhymnie et Terpsicore à
le seconder dans le dessein qu'il a de
maintenir le culte qu'on leur rend encore sur ce Théatre. Il s'exprime ainsi :
>
Vous , qu'avec Apollon , en ces lieux on adore,
Sçavante Polhymnie , aimable Terpsicore
Par vos chants , par vos jeux , secondez mes´ désirs ;
Ce Temple seul , nous reste encore ;
Faisons-y regner les plaisirs.
Les deux Muses exécutent ces ordres ;*
elles étalent , à l'envi , ce qu'elles ont de
plus flateur , pour séduire les mortels ;
mais leur regne n'est pas de longue durée; la Verité descend des Cieux , suivie
des vertus qui forment sa brillante Cour.
Elle leur parle ainsi :
Phantômes séduisans , Enfans de l'imposture
Osez-vous soûtenir ma clarté vivé et pure ›
Cachez, vous dans l'obscurité ,
Où mon brillant aspect vous plonge ;
Il est temps que la verité ,
Fasseévanouir le mensonge.
C'est
MARS. 1732. $73 .
C'est trop abuser l'Univers ;
Rentrez dans les Enfers.
Les faux Dieux , dont l'Ecriture dit :-
Dii autem Gentium dæmonia , sont forcez
de s'abîmer.
La verité expose le Sujet de la Tragédie qu'on va representer , par ces Vers
qu'elle addresse aux Vertus qui l'accompagnent.
Troupe , immortelle comme moy;
Vertus , ornez ces lieux pour un nouveau Spec tacle ;
Annoncez aux Mortels la redoutable loy,
Du Dieu seul , dont je suis l'Oracle 9.3
Retirez du Tombeau le malheureux Jephté ;,
Rappellez son vœu téméraire ;
Au soin d'instruire , ajoutez l'art de plaire
Vous pouvez adoucir votre sévérité ;
Mais qu'aucun faux brillant n'altere
La splendeur de la vérité.
Le Chœur des Vertus, Suivantes de la
Verité , l'invite à faire briller sur la Terre
sa celeste lumiere. Le Prologue finit par
cet éloge, d'autant plus beau qu'il est dans
la bouche de la Vérité même,
Un Roy qui me chérit dès l'âge le plus ten- dre ,
Bait
son
unique
soin
de marcher
sur
mes
pas.
M
$74 MERCURE DE FRANCE
Il veut qu'en ces heureux climats ,
Ma seule voix se fasse entendre.
Qu'il triomphe par moi , quand je regne par lui,
Que la terre , le ciel , qu'à l'envi tout conspires
Afaire fleurir un Empire ,
Dontje suis le plus ferme appuy.
La DileHerremens, qui remplit le Rôle
dè la Vérité , y réussit parfaitement; mais
passons à la Tragédie.
Le Théatre représente d'abord le Fleuve du Jourdain , dont les Flots séparent
l'Armée des Israëlites de celle des Ammonites.
Jephté ouvre la Scene ; il témoigne d'abort le plaisir qu'il a de revoir Maspha
sa chere Patrie , après un long exil ; la
tristesse succede à la joye quand il voit
les Etendards des Ammonites plantez sur
les bords du Jourd in.
Abdon , l'un des Officiers Généraux
de l'Armée Israëlite , lui vient ` annoncer que l'Arche sainte va paroître à la
tête des Troupes , dont on lui a donné le commandement. A cette heureuse nouvelle Jephté est transporté de joie et
rempli de confiance. C'est icy la Scene
d'exposition ; l'Auteur y apprend aux
Spectateurs des choses essentielles à sa
Piece, et qui servent de base à la situation
MARS. 1732. 57.5
tion la plus frappante ; sçavoir , qu'il n'a
point vû sa fille depuis son enfance ; et
qu'il ne veut la voir qu'après qu'il aura
rempli son premier devoir. Il s'exprime
ainsi :
La gloire du Seigneur, fait mon premier devoir;
Nos Tribus , mes Soldats , sont toute ma Fa- mille.
Quoi ? lui dit Abdon , l'amour ni le
sang , ne peut vous émouvoir ?
Jephte lui répond !
Dis plutôt que je me défie ,
D'un cœur trop prompt à s'attendrir ;
Non ; je ne veux rien voir qui m'attache à la vie,
Quand pour sauver mon Peuple , il faut vaincre ou mourir.
Le Grand Prêtre Phinée vient annoncer à Jephté que la voix du Seigneur confirme le choix que les Hebreux ont fait
de lui , pour regner sur eux ; il lui apprend qu'Ammon , Fils du Roy des Ammonites et Prisonnier dans Maspha, a corrompu la Tribu d'Ephraim , ce qui donné lieu à un très- beau duo:
Les Guerriers Israëlites , assemblez par
l'ordre de Jephté , viennent attendre
l'Arche sainte. Le Grand-Prêtre et Jephté
leur annoncent les prodiges que Dieu a
faits
$76 MERCURE DE FRANCE
faits en faveur de son Peuple. Les Guerriers se mêlent à ce récit. Voicy les Vers
qui forment ce beau Chœur , qui fait
Fadmiration de tout Paris.
Phinée.
Ennemis du Maître suprême ,
Redoutez son couroux vangeur
La Terre , l'Enfer , le Ciel même
Tout tremble devant le Seigneur.
Le Chœur répete : La terre , &c.
Phinée et Fephté.
Le Jourdain retourne en arriere
Le Soleil suspend sa carriere ;
La Mer désarme sa fureur ,
En faveur d'un Peuple qu'il aime.
Le Chœur reprend : La terre , &c.
Phinée et Jephté.
La bruyante Trompette , à l'égal du Tonnerre
Brise les Murs d'airain , jette les Tours par terre ,
Et déclare Israël vainqueur ;
Elle va porter la terreur
Chez l'Idolatre qui blasphême.
Le Chœur.
La Terre , l'Enfer , le Ciel même ,
Tout tremble devant le Seigneur.
L'Arche
MARS. 1732. 577
L'Arche paroît de loin aux yeux dụ
Grand- Prêtre ; il ordonne aux Guerriers
de détourner la vûë; un nuage lumineux
la couvre , comme il arriva la premiere
fois Moïse la voulut offrir aux yeux
duPeuple.
que
Abdon annonce à Jephté que les Ammonites viennent de fondre sur le Camp
des Israëlites. Jephté ordonne qu'on assemble ses Guerriers sous ses Etendards
au son de la Trompette sacrée ; et c'est
dans ce pressant péril qu'il fait ce serment.
Grand Dieu , sois attentif au serment que je fais
Contre tes Ennemis , si je soûtiens ta gloire ,
Le premier qu'à mes yeux offrira mon Palais
Sera sur tes Autels le prix de ma victoire.
Je jure de te l'immoler ;
C'est à toy de choisir le sang qui doit couler
A peine le serment est - il prononcé
que le Jourdain se sépare en deux , et
forme deux remparts , au travers desquels l'armée Israëlite passe au son des
Trompettes.
Au II. Acte , le Théatre représente le
Palais de Jephté ; Ammon ouvre la Scene. Abner, son confident , l'exhorte à
mettre à profit la liberté que la Tribu
d'Ephraim vient de lui rendre , et à se
sauver
3-8 MERCURE DE FRANCE
sauver d'un lieu où il périra, si Jephté revient victorieux. Ammon lui dit qu'il ne
sçauroit quitter Iphise , fille de Jephté ,
dont il est amoureux. Iphise vient ; Am-
'mon lui déclare son amour. Eile le veut
fuïr ; il la retient ; et comme il blaspheme
contre le Dieu des Hébreux , elle lui dit :
Arrête. A l'Univers craint de servir d'exemple ;
Outrage à ton gré tes faux Dieux
Mais au Dieu d'Israël ne livre point la guerre ,
Il régit la terte et les cieux.
;
+
Et sur le Sacrilege , il lance le tonnerrè ;
Tremble , son bras vangeur , est prêt à t'im.
moler.
Elle lui ordonne de se retirer ; il lui
obéit. Iphise fait connoître dans un Monologue l'amour qu'elle sent, malgré elle,
pour Ammon; elle s'exprime ainsi :
Mes yeux , éteignez dans vos larmes
Des feux qui dans mon cœur s'allument malgré moi.
Tu vois mes mortelles allarmes ,
Dieu puissant , j'ai recours à toy.
Pourquoi faut-il , hélas ! que je trouve des char- : mes
Dans un fatal panchant , condamné par ta loy ?
Mes yeux , &c.
Almasie , mere d'Iphise , vient s'affliger
avec
MARS. 1732. 579
avec sa fille , d'un songe terrible qu'elle
a fait , et dans lequel elle a vû tomber
la foudre sur elle : Iphise ne doute point.
que ce ne soit un châtiment que Dieu lui
destine pour la punir de son amour pour
un Idolâtre ; elle en fait un aveu à sa
mere à la fin de la Scene. Abdon leur annonce la victoire de Jephté ; les Peuples
viennent s'en réjouir dans leur Palais. Almasie ordonne à sa Fille de présider aux
jeux , tandis qu'elle va dans le Temple
rendre graces à Dieu d'une si heureuse
victoire. Iphise lui dit qu'elle ira bientôt l'y trouver dans un même esprit de
reconnoissance envers Dieu. Un bruit de
Trompettes annonce l'arrivée de Jephté;
les Peuples se mettent en état d'aller au
devant de lui ; Iphise ne peut s'empêcher
d'y aller à son tour ; elle le fait connoître
par ces Vers qu'elle addresse à Dieu :
Je ne puis résister à mon impatience ;
Seigneur , un seul moment , je ne veux que le voir ,
Et je vole où m'appelle un plus sacré devoir.
C'est-à- dire , au Temple, où elle a promis à sa mere de l'aller joindre.
Le Théatre représente au troisiéme Ac
te une avant- court du Palais de Jephté ,
ornée d'Arcs de Triomphe ; on y a élevé
H au
$80 MERCURE DE FRANCE
un Trône.Jephté troublé de son serment,
fait retirer tous ceux qui le suivent. 11
fait entendre qu'il a vû sa Victime et
qu'il n'a osé lui prononcer l'Arrêt de sa
mort. Il ne sçait pas que cette Victime
est sa propre fille. Il se représente, en frémissant , quelle eût été la rigueur de son
sort si son Epouse ou sa fille eussent paru
les premieres à ses yeux ; on lui à dit
qu'elles sont dans le Temple , ce qui le
met dans une entiere securité ; cependant
il plaint les parens de celle qu'il a vüe
la premiere par ces Vers :
O toi que mon ame attendrie ,
A laissé sans obstacle éloigner de ces lieux ,
Quel pleurs tu vas coûter aux Auteurs de ta vie,
S'il faut que je remplisse un serment odieux !
Almasie vient; Jephté la prie d'excuser
le trouble dont elle le trouve agité ; elle
lui confirme que sa fille est dans le Temple. Iphise arrives Jephté frémit en la
voyant , parce qu'il la reconnoît pour
celle qu'il a vûë la premiere ; mais de
quel coup n'est-il pas frappé quand il
entend ces mots d'Almasie!
Approchez- vous , ma fille,
. Cette situation à tiré des larmes ; voici
la fin de cette interessante Scene.
Iphise
MARS. 1732. 581
Iphise.
Votre présence m'est si chere ,
Pourquoi détournez-vous les yeux ?
Fephré.
Je devrois les fermer à la clarté des Cieux.
Iphise.
O mon pere , envers vous de quoi suis - je coupable?
Ai-je à vos yeux montré trop peu d'amour
Au bruit de votre heureux retour
J'ai volé la premiere.
Jephté.
Eh! c'est ce qui m'accable ;
Et mon malheur est confirmé.
Iphise.
Votre malheur ! Parlez ; quelle douleur vous
presse ?
Me reprochez vous ma tendresse a
Jephie.
Vous ne m'avez que trop aimé ?
Hela's !
Iphise.
Jephte.
Votre présence augmente mon supplices
Eloignez-vous.
Almasie.
Quelle est votre injustice !
Hij Jephti
•
82 MERCURE DE FRANCE
Jephte.
Otez-moi çet objet ; il me perce le cœur. &c.
La Scene entre Jephté et Almasie n'est
gueres moins interressante. Jephté lui
apprend son serment ; elle lui répond
avec transport :
Non , Dieu n'accepte pas un vœu si témeraire.
Mais pensez- vous, cruel, que nos saintes Tribus ,
Malgré vos ordres absolus ,
Ne conserveront pas une fille à sa mere?
Tout Israël lui servira de pere ,
·Puisqu'enfin vous ne l'êtes plus. &c.
Ce troisiéme Acte finit par cette leçon , que Phinée fait à Jephté , après la Fête du Couronnement.
Phinée.
“Jephté , si tu veux qu'on te craigne ,
La crainte du Seigneur doit regler tes projets.
Ce n'est pas toi , c'est Dieu qui regne ;
Sois le premier de ses Sujets.
Grave au fond de ton coeur sa parole éternelle ;
Tiens sans cesse tes yeux attachez sur sa Loy;
Dans ses sermens il est fidelle ;
Ne lui manque jamais de foy.
Ces dernieres paroles prononcées au
hazard
MA'R S. 1732. 58.3
hasard , rappellent à Jephté le fatal serment, et font finir l'Acte d'une maniere
plus interressante et plus propre à augmenter le péril.
Au quatriéme Acte , le Théatre représenteun Jardin, où Almasie a dit à sa fille
dans l'Acte précedent de l'aller attendre.
Iphise ouvre la Scene par ce Monologue
qui convient à sa situation.
Ruisseaux, qui serpentez sur ces fertiles bords ,
Allez loin de mes yeux répandre les trésors ,
Qu'on voit couler avec votre Onde.
Dans le cours de vos flots, l'un par l'autre chassez,
Ruisseaux , hélas ! vous me tracez ,
L'image des grandeurs du monde.
Ruisseaux , &c.
Les Bergers et les Bergeres des Rives
du Jourdain , viennent rendre hommage.
à la fille de leur nouveau Souverain , et lui
présentent les prémices de leurs Champs,
qu'elle rapporte à Dieu par ces Vers :
J'aime à voir vos soins empressez ;
Mais à l'Auteur de la Nature ,
Vos chants doivent être adressez.
Ces fruits , ces fleurs , cette verdure ,
Tout appartient à ce supréme Roy ;
Il en demande les prémices.
H iij Pour
$ 84 MERCURE DE FRANCE
J
Pour attirer sur vous des regards plus propices ,
Immolez-lui vos cœurs , c'est sa premiere Loys
Puissiez-vous dans vos Sacrifices *
Estre plus fidelle que moi !
Cetre Fête , qui est , sans contredit , l'a
plus gracieuse de la Piece , et qu'on compare , à bon droit , à celle du quatriéme
Acte de l'Opera de Roland, est interrompue par Almasie , qui après avoir fait
éloigner les Bergers , annonce à 1phise
qu'elle doit être sacrifiée. Voici comme
elle lui parle :
Par le Grand- Prêtre et par Jephté,
L'Eternel à mes yeux vient d'être consulté.
Que d'horreurs à la fois ! je tremble à te le dire.
Le Ciel gronde , l'Autel que je vois s'ébranler ,
Semble se refuser au sang qui doit couler.
Le Voile sacré se déchire ;
Le Grand-Prêtre saisi d'effroi ,
Jene un sombre regard sur ton pere et sur moi.
Vers l'Arche redoutable en tremblant il s'avanee;
Il l'interroge sur ton sort.
L'Arche garde un triste silence ,
Et ce silence est l'Arrêt de ta mort.
Iphise apprenant que són sang est le
prix de la victoire qui a sauvé le Peuple,
se
MARS. 173-2 585
se dévotie à la mort avec joye ; Almasie
sort pour aller du moins retarder le fatal
Sacrifice. Iphise refléchit sur sa triste situation par ce Monologue.
C'en est donc fait ! bientôt cette Terre, ces Cieux,
Ce Soleil , pourjamais tout se voile à mes yeux !
Malheureux un cœur qui se livre ,
Au vain bonheur qui vient s'offrir !
A peine je commence à vivre ,
Qu'il faut me résoudre à mourir.
Du comble des grandeurs dont l'éclat m'envi
ronne ,
Je cours d'un pas rapide à mes derniers instans;
Je ressemble à ces fleurs que l'Aquilon moissonne ?
Dès les premiers jours du Printemps.
Malheureux un cœur , &c.
L'Acte finit que une Scene les Con- par noisseurs trouvent la plus belle de la Piece. Ammon veut sauver Iphise ; elle refuse le secours qu'il vient lui offrir , soutenu de toute la Tribu d'Ephraïm ; le
désespoir d'Ammon qui veut perir , lui
arrache des sentimens qui Aattent l'amour dont il brule pour elle , mais elle
lui ôte toute esperance par ces Vers :
Apprens que pour sentir une fatale flamme ,
Un grand cœur n'est pas abbattu.
Hiiij L'A-
586 MERCURE DE FRANCE
L'Amour peut entrer dans une ame ,
Sans triompher de la vertu.
Ammon désesperé , lui dit qu'il entrera
dans le Temple , la vengeance à la main
elle se résout à aller se livrer à l'Autel
pour prévenir la fureur de son Amant.
Comme cet Extrait n'est déja que trop
long , nous ne dirons plus que ce qui concerne l'Action théatrale du V. Acte.
Jephté déplore sa situation , et la comparant à celle d'Abraham , il demande à
Dieu la même clémence qu'il fit autrefois éclater en faveur de ce Patriarche.
Iphise vient se livrer à l'Autel malgré le
Peuple qui veut la retenir ; la Scene envers son Pere est des plus touchantes.
Unbruit de guerre oblige Jephté à aller deffendre le Temple qu'Ammon assiege avec la Tribu d'Ephraïm. Ammon
entre dans la partie exterieure du Temple pour enlever Iphise ; elle se sauve
dans l'interieure. Ammon la suit jusques
dans le Sanctuaire , en blasphemant.
Jephté revient , l'épée à la main , et
voyant le Temple forcé , y veut entrer.
Phinée l'arrête, en lui disant, que le Dieu
des Armées n'a pas besoin du secours
d'un foible Mortel ; l'Ange Exterminateur descend dans un Globe de feu. Ammon
MARS. 1732.
587
mon par et les Rebelles font entendre
des voix mourantes qu'ils périssent tous.
•
On amene Iphise pour la sacrifier ; la
résignation de la fille , l'étonnement du
Grand-Prêtre , et la douleur du Pere et
de la Mere , font un tableau qui inspire
tout- à-la fois la pieté et la terreur. Iphise
est sauvée par une inspiration du GrandPrêtre , qui lui annonce que Dieu luj
fait grace en faveur de son repentir.
On a ajoûté une Fête en action de
grace , dont on convient que le Poëme n'avoit pas besoin pour s'assurer un succès des plus complets.
Au surplus cet Opera est executé d'une maniere à satisfaire les Spectateurs les
plus difficiles et les plus délicats. Le sieur
Chassé fait voir dans le premier Rôle ,
par l'expression de son jeu et par la fléxibilité de sa voix , qu'il est capable de
remplir avantageusement tous les Rôles
dont il voudra se charger. La Dile Antier
ne dément point la grande réputation
qu'elle s'est si justement acquise jusqu'aujourd'hui , et la Dile le Maure , dans le
Rôle d'Iphise , joint à la plus belle voix
du monde , toutes les graces , toute la
sensibilité et toute la noblesse qu'on peut
souhaiter. Tous les autres Acteurs , tant
chantans que dansans , se sont distinH v guez
588 MERCURE DE FRANCE
guez;et le sieurBlondi s'est fait un honneur
infini dans la composition d'un Balet, dont
le genre etoit inconnu à ses Prédeceseurs ;
les Diles Camargo et Salé , l'y ont secondé
avec leur legereté et leurs graces ordinaires. Nous apprenons que le succès de cet
Opera augmente de jour en jour , et le
Public se promet avec plaisir de le revoir
le Carême prochain.
Fermer
Résumé : Extrait de l'Opéra de Jephté, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique présenta 'Jephte', une tragédie biblique, le premier jeudi de Carême. Malgré des doutes initiaux, l'œuvre fut acclamée pour la qualité de son poème et de sa musique, respectivement écrits par l'abbé Pellegrin et M. de Montéclair. Le prologue met en scène Apollon, Polhymnie et Terpsichore, interrompus par la Vérité et ses vertus, qui condamnent les faux dieux et annoncent le sujet de la tragédie. La pièce commence avec Jephté, qui exprime sa joie de revoir sa patrie, Maspha, mais sa tristesse en voyant les étendards des Ammonites. Abdon, un officier, lui annonce l'arrivée de l'Arche sainte. Jephté, déterminé à sauver son peuple, refuse de voir sa fille avant la bataille. Le Grand Prêtre Phinée confirme son choix et révèle la corruption de la tribu d'Éphraïm par Ammon. Les guerriers israéliens, inspirés par les prodiges de Dieu, se préparent au combat. Jephté fait un serment solennel, promettant d'immoler le premier être vivant qu'il verra à son retour. Dans le deuxième acte, Ammon, prisonnier, exprime son amour pour Iphise, la fille de Jephté. Iphise, déchirée entre son amour et sa loyauté envers Dieu, prie pour être délivrée de ses sentiments. Almasie, la mère d'Iphise, partage son inquiétude après un rêve prémonitoire. La victoire de Jephté est annoncée, et Iphise se rend au temple pour remercier Dieu. Le troisième acte montre Jephté troublé par son serment. Il voit Iphise, qu'il reconnaît comme la première personne qu'il a vue à son retour, et est accablé par la nécessité de l'immoler. Almasie et Iphise tentent de le réconforter, mais Jephté est déchiré entre son devoir et son amour paternel. Phinée rappelle à Jephté que ses actions doivent être guidées par la crainte de Dieu. Dans le quatrième acte, Iphise attend dans un jardin, exprimant sa détresse. Des bergers et bergères lui rendent hommage, et elle leur rappelle de louer Dieu pour leurs récoltes. La pièce se conclut sur cette note de dévotion et de sacrifice. Dans la scène suivante, Almasie annonce à Iphise qu'elle doit être sacrifiée. Le Grand-Prêtre, après avoir consulté l'Éternel, décide que le sang d'Iphise est le prix de la victoire. Iphise accepte son destin avec joie, tandis qu'Almasie tente de retarder le sacrifice. Iphise exprime sa tristesse et son acceptation de la mort dans un monologue. Ammon, amoureux d'Iphise, tente de la sauver, mais elle refuse son aide, affirmant que l'amour ne peut triompher de la vertu. Ammon, désespéré, menace de se venger. Dans le cinquième acte, Jephté déplore sa situation et demande clémence à Dieu. Iphise se livre à l'autel malgré les tentatives du peuple de la retenir. Une bataille éclate entre Ammon et Jephté, et Ammon est finalement vaincu par l'Ange Exterminateur. Iphise est amenée pour le sacrifice, mais elle est sauvée grâce à une inspiration du Grand-Prêtre, qui annonce que Dieu lui fait grâce en faveur de son repentir. L'opéra fut exécuté avec succès, avec des performances remarquables des acteurs, notamment Chassé, Dile Antier, et Dile le Maure dans le rôle d'Iphise. Le ballet, composé par le sieur Blondi, fut également salué pour son originalité et l'exécution des danseurs comme Camargo et Salé. Le public apprécia l'opéra et se promit de le revoir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1196-1210
Le Balet des Sens, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique, donna le 5. de ce [...]
Mots clefs :
Académie royale de musique, Ballet des sens, Musique, Théâtre, Entrées, Prologue, Dessein, Camargo, Mademoiselle Sallé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Balet des Sens, Extrait, [titre d'après la table]
L'Académie Royale de Musique , donna le 5. de ce mois la premiere Repré
sentation du Ballet des Sens le Pu- , que
blic vit avec plaisir. Des cinq Entrées qui
composent ce Ballet , on n'en a joué que
trois , on fair esperer que les autres viendront successivement. M. Mouret en a
fait la Musique , dont on a parû très- sa◄
tisfait. Quantà l'Auteur du Poëme , comme il ne juge pas encore à propos de se
nommer , nous ne l'annoncerons que
lorsqu'il voudra bien jouir de sa gloire ;
en attendant , instruisons le Public de ce
qui concerne ce Ballet.
Au Prologue , le Théatre représente
l'Assemblée des Dieux ; ils s'unissent tous
en faveur des Mortels , assujettis aux infirmitez de la vie et à la fatalité de la
mort ; Venus est la Divinité qui paroît
s'interesser le plus dans leur sort ; voici
comme elle parle au Maître des Dieux :
Ton bras soutient contre l'effort des ans.
Les Arbres , les Rochers , de ta vaste puissance ,
Trop insensibles Monumens ;
Des Mers et des Forêts les divers habitans ,
Jouissent de tes dons , mais sans reconnoissance ;
Les Humains t'adressent leurs vœux ;
Ta gloire chaque jour s'accroît par leur hom mage ,
1. Vol. Pour
JUIN. 1732. 1197
Pourquoi ton plus parfait Ouvrage ,
Est-il le moins cher à tes yeux ?
Jupiter lui répond , que tel est l'ordre
du Destin , qui n'a pas voulu leur donner l'immortalité , de peur qu'ils ne bravassent les Dieux par ingratitude , au lieu
de les encenser par reconnoissance .
Mercure se joint à Venus pour obtenir du moins en faveur des Mortels , un
usage agréable des Sens. Jupiter leur répond qu'il craint qu'ils ne rendent ce don
pernicieux par d'injustes caprices ; il ne
laisse pas d'accorder ce qu'on lui demande , et s'explique ainsi :
Volez, charmans plaisirs , volez de toutes parts
Suivez chez les Mortels la Reine de Cythere ;
Brillez , enchantez leurs regards ;
Regnez, et que le Dieu des Arts ,
Vous embellisse et vous éclaire.
leurs Tous les Dieux témoignent par
danses la part qu'ils prennent au bonheur des hommes.
L'ODORAT. Premiere Entrée.
La Scene présente aux yeux les Jardins des Rois de Babilone. Clytie , Reine
de Babylone , commence par se plaindre
de l'inconstance du Soleil , qui après l'aI. Vol.
voir Giiij
1198 MERCURE DE FRANCE
voir quelque temps aimée , a porté ses
vœux à Leucothoé , sa sœur ; Enone , sa
Confidente , vient augmenter la haine
qu'elle a déja pour sa Řivale , en lui
prenant que l'ingrat dont elle se plaint
apva rendre sa nouvelle Maîtresse immortelle. Ce dernier trait porte le désespoir
dans le cœur de Clytie , et la fait parler
ainsi :
Prevenons cet affront ; seconde ma fúrie ;
Que le fer , le poison en délivre mes yeux ;
Il vient : elle se croit au comble de ses vœux ;
Mais ce plaisir sera le dernier de sa vie.
Leucothoć se plaint au Soleil de ce qu'il
la quitte si- tôt :il lui dit qu'il ne remonte
aux Cieuxque pour son propre interêt yet
que le Destin lui a promis de la rendre
immortelle; il ajoûte tendrement et galamment :
Nous unir à jamais , est le bien ou j'aspire ;
Non; dans tout l'Univers j'allume moins de feux
Que dans mon cœur n'en répandent vos yeux :
Pour les voir plus long- temps , ces beaux yeux
que j'adore ,
Je descends plus tard dans les Mers,
J'éveille plus matin l'Aurore ,
J'abbrege les nuits des hyvers.
I. Vol.
Ce
JUIN. 1732. 1199
Ce bel étalage que le Soleil fait de ses
feux , ne rassure pas Leucothoé ; ello lui
fait sentir qu'il a déja aimé sa sœur et
qu'il pourroit bien retourner à ses premieres chaînes ; le Soleil ne veut pas convenir qu'il ait déja été infidele , et par
un aveù tout des plus suspects, il lui div:
Clytie est votre sœuret votre Souveraine ;
Four votre sûreté j'adoucissois sa haine ;
Mais les Dieux vont enfin vous ouvrir leur séjour
Et vous ne craindrez plus une foible Mortelle ;
Je vais marquer au Ciel votre place nouvelle.
Le Soleil remonte aux Cieux , au grand
regret de la tendre Leucothoé. Elle fait
un. Monologue par lequel elle exprime
le desir empressé qu'elle a de revoir l'ob
jet de son amour.
Clytie vient faire avec elle une Scene
de dissimulation ; elle lui fait entendre
qu'elle ne songe plus au Soleil par ces
quatre Vers:
Pour rappeller un infidelle ,
Devons-nous perdre des soupirs ?
C'est nous couvrir d'une honte nouvelle
Et du volage encor redoubler les plaisirs.
Elle ne laisse pas de faire sentir à sa RIvale , qu'elle doit craindre le même sott
I. Kal. GAV qu'elle
1200 MERCURE DE FRANCE
qu'elle a éprouvés Leucothoé en est frappée. Clytie lui dit de l'aller attendre au
Temple , où elles se jureront une amitiééternelle ; et de peur que le Public ne
prenne le change sur sa prétendue sincerité , elle l'instruit de ses vrais sentimens.
par ce Vers :
Rivale que je hais , tu cours à ton supplice.
1
Enone vient lui montrer comme un
dépôt précieux , le Vase empoisonné qui
doit donner la mort à sa sœur ; Clytie
s'applaudit de sa prochaine vengeance
elle apperçoit la clarté renaissante du Soleil ; c'est ce qui la détermine à aller pres
ser l'execution de son barbare projet.
Le Soleil descend des Cieux ; les Heures qui forment sa Cour , forment aussi
la fête de cette premiere Entrée ; le So
leil y appelle les Babyloniens par ces quatre Vers :
Peuples de ces climats , celebrez ma conquête ;.
Dressez-lui les premiers Autels ;
Plaisirs , Amours , à cette Fête ,
Interessez les Dieux et les Mortels.
Pendant que le Soleil ordonne tranquil
lement l'Apothéose de son Amante ; Ĉlytie employe bien mieux des momens si
I. Vol. chers
JUIN. 1732. 1201
chers à sa vengeance ; il semble même
que le Soleil soit de concert avec elle ,
puisqu'il ne s'apperçoit de l'absence de
Leucothoé , que lorsqu'il n'est plus temps
d'empêcher sa mort ; voici quelle est sa
tardive reflexion :
Leucothoé devoit ici m'attendre ;
Qui peut la ravir à mes yeux ?
Cessez vos chants ; je ne puis les entendre ,
OCiel ! en quel état me la rendent les Dieux.
Ce qui donne lieu à ce dernier Vers ,
c'est l'arrivée de Leucothoé empoisonnée et expirante. Le Soleil ne reçoit plus
que ses derniers soupirs , et l'immortalité
que le Destin lui avoit promise pour elle,
se réduit à une métamorphose en l'Arbre
qui porte l'encens.
LE TOUCHER. Seconde Entrée.
Le Théatre représente le Temple de
Proserpine , au milieu duquel est la Statuë de Protesilas , Lardamie est aux pieds
de la Statue. Une Prêtresse de Proserpine
euvre la Scene par ces quatreVers :
Digne fille de Cerès ,
Reçoi les vœux d'un cœur tendre ;
Que l'objet de nos regrets ,
Puisse aujourd'hui les entendre
J. Vola G vj OFF
1202 MERCURE DE FRANCE
On voit bien que ce cœur tendre , c'èst
Laodamie , et que c'est Protesilas qui est
T'objet de ces tristes vœux. Après quelques autres Vers chantez alternativement
par la Prêtresse et par les Chœurs,et animez par des danses , Laodamie s'avance
sur le bord du Théatre , et expose le
sujet par ces. Vers.:
Illustre et cher Epour, non , non , la morg
cruelle ,
Ne sçauroit séparer nos cœurs ;
Tu respires encor dans ce Marbre fidelle ,
Qui trompe et nourrit mes douleurs ;
Je le touche, l'embrasse , et crois que j'y rap
pelle,
La vie , et nos chastes ardeurs.
Illustre et chér Epoux , &c.
Diomede , qui a quitté le Siege de Troye,
pour apporter à Laodamie l'épée et le
Diadême de Protesilas , tristes restes d'un
si cher Epoux , tâche de consoler cette
Reine gémissante; il ne s'en tient pas à
de simples complimens de condoleance,
un plus pressant motif l'a arraché au devoir que sa gloire et ses premiers sermens
lui imposaient; c'est l'amour qu'il avoit
conçu pour Laodamie , avant la mort de
Protesilas ; cette Epouse inconsolable est
si surprise et si irritée de l'aveu qu'il lui
en fair , qu'elle s'écrie :
JUIN. 1732. 1203
Qu'entends-je ? quels discours ! ô Ciel ! le puisje croire
Respectez-vous si peu mon amour et ma gloire
Diomede s'excuse du mieux qu'il peut;
mais voyant qu'il attaque un cœur plus
difficile à emporter que la Ville de Troye;
il renonce à la conquête que son amour
s'étoit proposée , pour retourner à celle
que lui présente sa gloire..
Après de nouveaux regrets ' de Laodamie, dont Proserpine est enfin touchées
cette Reine gagne tout , quand elle croit
tout perdu ; un orage soudain qui fait
tremblerla terre sous ses pas , et qui est
suivi de la foudre , abîme là Statuë de som
cher Epoux; ce nouveau malheur l'acca
ble, et lui fait dire :
ODieux ! ce Monument d'une flamme si belle
Devoit-il de la foudre attirer les éclats ?
J'ai tout perdu ; je languis , je chancelle ;
Le jour fuit ; j'entrevois les routes du trépas !
Elle tombe évanouie. Heureuse pamoi
son ! c'est dans ce même moment que
Proserpine sort des Enfers avec Protesilas , à qui elle dit : ."
Ouvre les yeux à la clarté celeste ;
Triomphe de la Mort, c'est le prix de tes feux-;-
L. Vol Bour
1204 MERCURE DE FRANCE
Pour Admete autrefois j'ai fait revivre Alceste ;
Tendre Epoux, je te rends à l'objet de tes vœux.
La Scene entre Laodamie revenuë de
son évanouissement , et Protesilas ressuscité , a paru très - touchante ; on n'a pas
bien compris comment cette Entrée peut convenir au toucher ; il n'est prequé question de ce Sens que dans ce Vers que nous
avons cité au sujet de la Statuë de Marbre :
Je le touche , l'embrasse , et crois que j'y rappelle
La vie et nos chastes ardeurs , &c.
Mais ce n'est point là , dit- on , ce qui
a ressuscité Protesilas ; c'est la bonté de.
Proserpine ; il est vrai que l'Auteur a prétendu encore nous parler du toucher dans
ces Vers que Laodamie dit à Diomede :
Voilà de mes plaisirs et l'objet et le gage:
Dans ces embrassemens je goute mille appas ;
Vous voyez dans ces traits sa fierté , son courage ;
Sa flamme dans ses yeux ne brille-t'elle pas à
Il semble de mon cœur entendre le langage,
Il semble qu'il me tend les bras.
Tout cela (continuënt les Critiques) nous
parle bien du toucher ; mais ce qu'on nous
en dit ne rend pas la vie au Héros de
I. Vol. Laodamie..
JUIN. 1732. 1205
Laodamie. Apparemment que l'Auteur a
eu ses raisons pour ne pas tirer son allegorie plus au clair ; imitons sa sagesse.
Les Ombres heureuses de la suite de
Proserpine , forment la Fête de cette Entrée, la Musique en a paruë très- touchante , mais plus convenable, dit- on , à une
Tragédie qu'à un Ballet.
LA VUE. Troisiéme Entrée.
Le Théatre représente une vaste Cam- pagne , bornée par des Côteaux fleuris.
Čet Acte a paru un des plus picquants
qu'on ait vûs dans ce genre ; on auroit
souhaité que tous ceux qui forment ce
nouveau Balet fussent sur le même ton..
L'Amour et Zephire exposent le sujet ; la
Dile le Maure représente l'Amour , et la
Die Petitpas fait le Rôle de Zephire. Jamais exposition de Piece n'a été si generalement applaudie ; les deux voix qui la
font sont des plus belles qu'on puisse entendre; la premiere n'eut jamais tant d'éclat , et l'autre a l'avantage de se soutenir à côté de son inimitable concurrente,
et de partager les suffrages avec elle. L'Amour à quitté son bandeau pour la pre
miere fois ; voici comment il expliqueP'impression que les couleurs font sur ses
yeux.
L. Vol. Mes
T206 MERCURE DE FRANCE
Mes yeux qu'un voilé épais a si long- temps cou
verts ,
S'ouvrent enfin à la lumiere ,
Cher Zephire , je crois voir naître l'Univers;
Je crois que le Soleil qui colore les Airs ,
Commence pour moi sa carriere.
Zephire l'exhorte par ces Vers à bien
user de la faveur que les Dieux viennent
de lui accorder , en lui donnant le précieux. usage de la vûë.
Songe à quel prix les Dieux t'accordent ces bienfaits.
Amour , quand ta main témeraire ,
Fait voler au hazard tes flammes et tes traits ,
Ton bandeau sert d'excuse aux mauxque tu peux
faire ;
L'excuse cesse desormais ;
C'est pour le bien des coeurs que le Destin t'éi
claire.
Dans la suite de cette Scene qui se sou
tient du commencement à la fin , l'Amour fait entendre qu'il aime Iris , voici
comment il s'exprime :
·
C'est entre la Terre et les Cieux ,
Que brille l'objet qui m'enchante :
Son Trône est un Arc radieux ,
Et toutes les couleurs qui séduisent les yeux,
L. Kol. Forment
JUIN 17320 1207
Forment sa parure éclatante ; ´´
C'est sur son front serein qu'on voit regner les
jeux ;
Sa presence toujours chérie et bienfaisante ,
Dissipe en un moment les orages affreux ;
C'est Iris , de Junon l'aimable Confidente.
A cet aveu Zephire cesse de craindre
d'avoir un Rival tel que l'Amour ; lés
ailes que le Destin leur a données à tous
deux , et d'autres traits de ressemblance lui faisoient appréhender que Flore ne le prit pour lui ; l'Auteur a imaginé
cette ressemblance , pour faire une Scenetrès-jolie entre l'Amour et Iris. Zephirequitte l'Amour pour aller prévenir Flore
sur cette ressemblance dont elle pourroit
être abusée.
L'Amour fait un beau Monologue.
sur les sentimens de son cœur , en voici
les quatre premiers Vers :
Enchantez mes regards , objets délicieux ,
Vous me dédommagez du séjour du Tonnerre ;-
Brillez , naissantes fleurs , vous êtes à la Terre ;.
Ce que
lés Astres sont aux Cieux.
Cette Scene est interrompue par un
orage qu'Iris vient dissiper ; elle paroît
sur l'Arc- en-Ciel , ce Trône radieux n'a
1. Vol jamais
1208 MERCURE DE FRANCE
jamais paru avec plus d'éclat. Voici le
premier compliment que lui fait l'Amour"
qu'elle prend pour l'inconstant Zephire.
Triomphez, belle Iris , tout ressent vos attraits ,
Et vos regards sont des beaux faits :
Vos couleurs font pâlir l'Aurore ;
Le Soleil éblouit , votre éclat est plus doux,;
Air , la Terre et les Cieux, tout s'embellit par vous.
La Versification du reste de cette Scene répond à ce gracieux début. Iris prenant l'Amour pour Zephire , le renvoye
à Flore , l'Amour est prêt à la détromper , mais il en est empêché par la brusque irruption d'Aquilon , son impetueux
Amant.Onauroit souhaité pour rendre cet
Acte plus parfait que la Scène de déclaration n'eut pas été interrompuë ; la reconnoissance qui ne vient que dans une autre Scene , auroit été plus vive et il n'étoit pas difficile de la filer avec art.
Zephire suivi de la Cour de Flore vient
faire le divertissement de cette troisiéme
Entrée : cette Fête est des plus riantes.
Nous ne parlerons point icy de la quatriéme ni de la cinquième Entrée, qui caracterisent les sens de l'Onie et du Goût ;
I. Vol nous
JUIN. 17320 1209
les
nous en rendrons compte quand elles auront été mises au Théatre , et nous ferons
part à nos Lecteurs des Observations du
Public , dont nous ne sommes que
Echos , quand il aura prononcé sur les
beautez et les deffauts qui peuvent se
trouver dans cet ouvrage.
Au Prologue, la DileErremans,le S*Chassé et le Sr Dumast remplissent les Rôles.
de Venus , de Jupiter et de Mercure.
Dans la premiere Entrée de l'Odorat, les
trois principaux Rôles de Lencothoé , de
Clitie et du Soleil , sont tres bien remplis.
par les Diles Lemaure et Antier , et par
le S Tribon.
Les Rôles de Laodamie , de Proserpine ,
de Protesilas et de Diomede sont parfaite
ment joüez par les Dules Pelissier et Julie ,
et par les S Chassé et Tribon:
Les Rôles d'Iris et d'Aquilon , à la 3 *
Entrée, sont remplis par la DeErremans,
et par le St Dun. Nous avons déja nommé les Diles Lemaure et Petitpas , en parlant de l'Amour et de Zéphire. Le triomphe de cette premiere est complet ;
il semble que le public n'ait des yeux et
des oreilles que pour elle.
Le dessein du Ballet , composé par le
S¹ Blondi , a été trouvé fort ingénieux et
I. Vol.
très-
1210 MERCURE DE FRANCE
tres-bien caracterisé , il est exécuté dans
la plus grande perfection , par les meilleurs sujets de l'Académie. La Dile Ferret
danse dans le Prologue; les S Dupré
Laval et la DeSalé , dans la premiere Entrée ; les Srs Dumoulin et Maltaires dans
la seconde , et les Srs Laval , Dumoulin et
Ja Dile Camargo dans la troisiéme.
sentation du Ballet des Sens le Pu- , que
blic vit avec plaisir. Des cinq Entrées qui
composent ce Ballet , on n'en a joué que
trois , on fair esperer que les autres viendront successivement. M. Mouret en a
fait la Musique , dont on a parû très- sa◄
tisfait. Quantà l'Auteur du Poëme , comme il ne juge pas encore à propos de se
nommer , nous ne l'annoncerons que
lorsqu'il voudra bien jouir de sa gloire ;
en attendant , instruisons le Public de ce
qui concerne ce Ballet.
Au Prologue , le Théatre représente
l'Assemblée des Dieux ; ils s'unissent tous
en faveur des Mortels , assujettis aux infirmitez de la vie et à la fatalité de la
mort ; Venus est la Divinité qui paroît
s'interesser le plus dans leur sort ; voici
comme elle parle au Maître des Dieux :
Ton bras soutient contre l'effort des ans.
Les Arbres , les Rochers , de ta vaste puissance ,
Trop insensibles Monumens ;
Des Mers et des Forêts les divers habitans ,
Jouissent de tes dons , mais sans reconnoissance ;
Les Humains t'adressent leurs vœux ;
Ta gloire chaque jour s'accroît par leur hom mage ,
1. Vol. Pour
JUIN. 1732. 1197
Pourquoi ton plus parfait Ouvrage ,
Est-il le moins cher à tes yeux ?
Jupiter lui répond , que tel est l'ordre
du Destin , qui n'a pas voulu leur donner l'immortalité , de peur qu'ils ne bravassent les Dieux par ingratitude , au lieu
de les encenser par reconnoissance .
Mercure se joint à Venus pour obtenir du moins en faveur des Mortels , un
usage agréable des Sens. Jupiter leur répond qu'il craint qu'ils ne rendent ce don
pernicieux par d'injustes caprices ; il ne
laisse pas d'accorder ce qu'on lui demande , et s'explique ainsi :
Volez, charmans plaisirs , volez de toutes parts
Suivez chez les Mortels la Reine de Cythere ;
Brillez , enchantez leurs regards ;
Regnez, et que le Dieu des Arts ,
Vous embellisse et vous éclaire.
leurs Tous les Dieux témoignent par
danses la part qu'ils prennent au bonheur des hommes.
L'ODORAT. Premiere Entrée.
La Scene présente aux yeux les Jardins des Rois de Babilone. Clytie , Reine
de Babylone , commence par se plaindre
de l'inconstance du Soleil , qui après l'aI. Vol.
voir Giiij
1198 MERCURE DE FRANCE
voir quelque temps aimée , a porté ses
vœux à Leucothoé , sa sœur ; Enone , sa
Confidente , vient augmenter la haine
qu'elle a déja pour sa Řivale , en lui
prenant que l'ingrat dont elle se plaint
apva rendre sa nouvelle Maîtresse immortelle. Ce dernier trait porte le désespoir
dans le cœur de Clytie , et la fait parler
ainsi :
Prevenons cet affront ; seconde ma fúrie ;
Que le fer , le poison en délivre mes yeux ;
Il vient : elle se croit au comble de ses vœux ;
Mais ce plaisir sera le dernier de sa vie.
Leucothoć se plaint au Soleil de ce qu'il
la quitte si- tôt :il lui dit qu'il ne remonte
aux Cieuxque pour son propre interêt yet
que le Destin lui a promis de la rendre
immortelle; il ajoûte tendrement et galamment :
Nous unir à jamais , est le bien ou j'aspire ;
Non; dans tout l'Univers j'allume moins de feux
Que dans mon cœur n'en répandent vos yeux :
Pour les voir plus long- temps , ces beaux yeux
que j'adore ,
Je descends plus tard dans les Mers,
J'éveille plus matin l'Aurore ,
J'abbrege les nuits des hyvers.
I. Vol.
Ce
JUIN. 1732. 1199
Ce bel étalage que le Soleil fait de ses
feux , ne rassure pas Leucothoé ; ello lui
fait sentir qu'il a déja aimé sa sœur et
qu'il pourroit bien retourner à ses premieres chaînes ; le Soleil ne veut pas convenir qu'il ait déja été infidele , et par
un aveù tout des plus suspects, il lui div:
Clytie est votre sœuret votre Souveraine ;
Four votre sûreté j'adoucissois sa haine ;
Mais les Dieux vont enfin vous ouvrir leur séjour
Et vous ne craindrez plus une foible Mortelle ;
Je vais marquer au Ciel votre place nouvelle.
Le Soleil remonte aux Cieux , au grand
regret de la tendre Leucothoé. Elle fait
un. Monologue par lequel elle exprime
le desir empressé qu'elle a de revoir l'ob
jet de son amour.
Clytie vient faire avec elle une Scene
de dissimulation ; elle lui fait entendre
qu'elle ne songe plus au Soleil par ces
quatre Vers:
Pour rappeller un infidelle ,
Devons-nous perdre des soupirs ?
C'est nous couvrir d'une honte nouvelle
Et du volage encor redoubler les plaisirs.
Elle ne laisse pas de faire sentir à sa RIvale , qu'elle doit craindre le même sott
I. Kal. GAV qu'elle
1200 MERCURE DE FRANCE
qu'elle a éprouvés Leucothoé en est frappée. Clytie lui dit de l'aller attendre au
Temple , où elles se jureront une amitiééternelle ; et de peur que le Public ne
prenne le change sur sa prétendue sincerité , elle l'instruit de ses vrais sentimens.
par ce Vers :
Rivale que je hais , tu cours à ton supplice.
1
Enone vient lui montrer comme un
dépôt précieux , le Vase empoisonné qui
doit donner la mort à sa sœur ; Clytie
s'applaudit de sa prochaine vengeance
elle apperçoit la clarté renaissante du Soleil ; c'est ce qui la détermine à aller pres
ser l'execution de son barbare projet.
Le Soleil descend des Cieux ; les Heures qui forment sa Cour , forment aussi
la fête de cette premiere Entrée ; le So
leil y appelle les Babyloniens par ces quatre Vers :
Peuples de ces climats , celebrez ma conquête ;.
Dressez-lui les premiers Autels ;
Plaisirs , Amours , à cette Fête ,
Interessez les Dieux et les Mortels.
Pendant que le Soleil ordonne tranquil
lement l'Apothéose de son Amante ; Ĉlytie employe bien mieux des momens si
I. Vol. chers
JUIN. 1732. 1201
chers à sa vengeance ; il semble même
que le Soleil soit de concert avec elle ,
puisqu'il ne s'apperçoit de l'absence de
Leucothoé , que lorsqu'il n'est plus temps
d'empêcher sa mort ; voici quelle est sa
tardive reflexion :
Leucothoé devoit ici m'attendre ;
Qui peut la ravir à mes yeux ?
Cessez vos chants ; je ne puis les entendre ,
OCiel ! en quel état me la rendent les Dieux.
Ce qui donne lieu à ce dernier Vers ,
c'est l'arrivée de Leucothoé empoisonnée et expirante. Le Soleil ne reçoit plus
que ses derniers soupirs , et l'immortalité
que le Destin lui avoit promise pour elle,
se réduit à une métamorphose en l'Arbre
qui porte l'encens.
LE TOUCHER. Seconde Entrée.
Le Théatre représente le Temple de
Proserpine , au milieu duquel est la Statuë de Protesilas , Lardamie est aux pieds
de la Statue. Une Prêtresse de Proserpine
euvre la Scene par ces quatreVers :
Digne fille de Cerès ,
Reçoi les vœux d'un cœur tendre ;
Que l'objet de nos regrets ,
Puisse aujourd'hui les entendre
J. Vola G vj OFF
1202 MERCURE DE FRANCE
On voit bien que ce cœur tendre , c'èst
Laodamie , et que c'est Protesilas qui est
T'objet de ces tristes vœux. Après quelques autres Vers chantez alternativement
par la Prêtresse et par les Chœurs,et animez par des danses , Laodamie s'avance
sur le bord du Théatre , et expose le
sujet par ces. Vers.:
Illustre et cher Epour, non , non , la morg
cruelle ,
Ne sçauroit séparer nos cœurs ;
Tu respires encor dans ce Marbre fidelle ,
Qui trompe et nourrit mes douleurs ;
Je le touche, l'embrasse , et crois que j'y rap
pelle,
La vie , et nos chastes ardeurs.
Illustre et chér Epoux , &c.
Diomede , qui a quitté le Siege de Troye,
pour apporter à Laodamie l'épée et le
Diadême de Protesilas , tristes restes d'un
si cher Epoux , tâche de consoler cette
Reine gémissante; il ne s'en tient pas à
de simples complimens de condoleance,
un plus pressant motif l'a arraché au devoir que sa gloire et ses premiers sermens
lui imposaient; c'est l'amour qu'il avoit
conçu pour Laodamie , avant la mort de
Protesilas ; cette Epouse inconsolable est
si surprise et si irritée de l'aveu qu'il lui
en fair , qu'elle s'écrie :
JUIN. 1732. 1203
Qu'entends-je ? quels discours ! ô Ciel ! le puisje croire
Respectez-vous si peu mon amour et ma gloire
Diomede s'excuse du mieux qu'il peut;
mais voyant qu'il attaque un cœur plus
difficile à emporter que la Ville de Troye;
il renonce à la conquête que son amour
s'étoit proposée , pour retourner à celle
que lui présente sa gloire..
Après de nouveaux regrets ' de Laodamie, dont Proserpine est enfin touchées
cette Reine gagne tout , quand elle croit
tout perdu ; un orage soudain qui fait
tremblerla terre sous ses pas , et qui est
suivi de la foudre , abîme là Statuë de som
cher Epoux; ce nouveau malheur l'acca
ble, et lui fait dire :
ODieux ! ce Monument d'une flamme si belle
Devoit-il de la foudre attirer les éclats ?
J'ai tout perdu ; je languis , je chancelle ;
Le jour fuit ; j'entrevois les routes du trépas !
Elle tombe évanouie. Heureuse pamoi
son ! c'est dans ce même moment que
Proserpine sort des Enfers avec Protesilas , à qui elle dit : ."
Ouvre les yeux à la clarté celeste ;
Triomphe de la Mort, c'est le prix de tes feux-;-
L. Vol Bour
1204 MERCURE DE FRANCE
Pour Admete autrefois j'ai fait revivre Alceste ;
Tendre Epoux, je te rends à l'objet de tes vœux.
La Scene entre Laodamie revenuë de
son évanouissement , et Protesilas ressuscité , a paru très - touchante ; on n'a pas
bien compris comment cette Entrée peut convenir au toucher ; il n'est prequé question de ce Sens que dans ce Vers que nous
avons cité au sujet de la Statuë de Marbre :
Je le touche , l'embrasse , et crois que j'y rappelle
La vie et nos chastes ardeurs , &c.
Mais ce n'est point là , dit- on , ce qui
a ressuscité Protesilas ; c'est la bonté de.
Proserpine ; il est vrai que l'Auteur a prétendu encore nous parler du toucher dans
ces Vers que Laodamie dit à Diomede :
Voilà de mes plaisirs et l'objet et le gage:
Dans ces embrassemens je goute mille appas ;
Vous voyez dans ces traits sa fierté , son courage ;
Sa flamme dans ses yeux ne brille-t'elle pas à
Il semble de mon cœur entendre le langage,
Il semble qu'il me tend les bras.
Tout cela (continuënt les Critiques) nous
parle bien du toucher ; mais ce qu'on nous
en dit ne rend pas la vie au Héros de
I. Vol. Laodamie..
JUIN. 1732. 1205
Laodamie. Apparemment que l'Auteur a
eu ses raisons pour ne pas tirer son allegorie plus au clair ; imitons sa sagesse.
Les Ombres heureuses de la suite de
Proserpine , forment la Fête de cette Entrée, la Musique en a paruë très- touchante , mais plus convenable, dit- on , à une
Tragédie qu'à un Ballet.
LA VUE. Troisiéme Entrée.
Le Théatre représente une vaste Cam- pagne , bornée par des Côteaux fleuris.
Čet Acte a paru un des plus picquants
qu'on ait vûs dans ce genre ; on auroit
souhaité que tous ceux qui forment ce
nouveau Balet fussent sur le même ton..
L'Amour et Zephire exposent le sujet ; la
Dile le Maure représente l'Amour , et la
Die Petitpas fait le Rôle de Zephire. Jamais exposition de Piece n'a été si generalement applaudie ; les deux voix qui la
font sont des plus belles qu'on puisse entendre; la premiere n'eut jamais tant d'éclat , et l'autre a l'avantage de se soutenir à côté de son inimitable concurrente,
et de partager les suffrages avec elle. L'Amour à quitté son bandeau pour la pre
miere fois ; voici comment il expliqueP'impression que les couleurs font sur ses
yeux.
L. Vol. Mes
T206 MERCURE DE FRANCE
Mes yeux qu'un voilé épais a si long- temps cou
verts ,
S'ouvrent enfin à la lumiere ,
Cher Zephire , je crois voir naître l'Univers;
Je crois que le Soleil qui colore les Airs ,
Commence pour moi sa carriere.
Zephire l'exhorte par ces Vers à bien
user de la faveur que les Dieux viennent
de lui accorder , en lui donnant le précieux. usage de la vûë.
Songe à quel prix les Dieux t'accordent ces bienfaits.
Amour , quand ta main témeraire ,
Fait voler au hazard tes flammes et tes traits ,
Ton bandeau sert d'excuse aux mauxque tu peux
faire ;
L'excuse cesse desormais ;
C'est pour le bien des coeurs que le Destin t'éi
claire.
Dans la suite de cette Scene qui se sou
tient du commencement à la fin , l'Amour fait entendre qu'il aime Iris , voici
comment il s'exprime :
·
C'est entre la Terre et les Cieux ,
Que brille l'objet qui m'enchante :
Son Trône est un Arc radieux ,
Et toutes les couleurs qui séduisent les yeux,
L. Kol. Forment
JUIN 17320 1207
Forment sa parure éclatante ; ´´
C'est sur son front serein qu'on voit regner les
jeux ;
Sa presence toujours chérie et bienfaisante ,
Dissipe en un moment les orages affreux ;
C'est Iris , de Junon l'aimable Confidente.
A cet aveu Zephire cesse de craindre
d'avoir un Rival tel que l'Amour ; lés
ailes que le Destin leur a données à tous
deux , et d'autres traits de ressemblance lui faisoient appréhender que Flore ne le prit pour lui ; l'Auteur a imaginé
cette ressemblance , pour faire une Scenetrès-jolie entre l'Amour et Iris. Zephirequitte l'Amour pour aller prévenir Flore
sur cette ressemblance dont elle pourroit
être abusée.
L'Amour fait un beau Monologue.
sur les sentimens de son cœur , en voici
les quatre premiers Vers :
Enchantez mes regards , objets délicieux ,
Vous me dédommagez du séjour du Tonnerre ;-
Brillez , naissantes fleurs , vous êtes à la Terre ;.
Ce que
lés Astres sont aux Cieux.
Cette Scene est interrompue par un
orage qu'Iris vient dissiper ; elle paroît
sur l'Arc- en-Ciel , ce Trône radieux n'a
1. Vol jamais
1208 MERCURE DE FRANCE
jamais paru avec plus d'éclat. Voici le
premier compliment que lui fait l'Amour"
qu'elle prend pour l'inconstant Zephire.
Triomphez, belle Iris , tout ressent vos attraits ,
Et vos regards sont des beaux faits :
Vos couleurs font pâlir l'Aurore ;
Le Soleil éblouit , votre éclat est plus doux,;
Air , la Terre et les Cieux, tout s'embellit par vous.
La Versification du reste de cette Scene répond à ce gracieux début. Iris prenant l'Amour pour Zephire , le renvoye
à Flore , l'Amour est prêt à la détromper , mais il en est empêché par la brusque irruption d'Aquilon , son impetueux
Amant.Onauroit souhaité pour rendre cet
Acte plus parfait que la Scène de déclaration n'eut pas été interrompuë ; la reconnoissance qui ne vient que dans une autre Scene , auroit été plus vive et il n'étoit pas difficile de la filer avec art.
Zephire suivi de la Cour de Flore vient
faire le divertissement de cette troisiéme
Entrée : cette Fête est des plus riantes.
Nous ne parlerons point icy de la quatriéme ni de la cinquième Entrée, qui caracterisent les sens de l'Onie et du Goût ;
I. Vol nous
JUIN. 17320 1209
les
nous en rendrons compte quand elles auront été mises au Théatre , et nous ferons
part à nos Lecteurs des Observations du
Public , dont nous ne sommes que
Echos , quand il aura prononcé sur les
beautez et les deffauts qui peuvent se
trouver dans cet ouvrage.
Au Prologue, la DileErremans,le S*Chassé et le Sr Dumast remplissent les Rôles.
de Venus , de Jupiter et de Mercure.
Dans la premiere Entrée de l'Odorat, les
trois principaux Rôles de Lencothoé , de
Clitie et du Soleil , sont tres bien remplis.
par les Diles Lemaure et Antier , et par
le S Tribon.
Les Rôles de Laodamie , de Proserpine ,
de Protesilas et de Diomede sont parfaite
ment joüez par les Dules Pelissier et Julie ,
et par les S Chassé et Tribon:
Les Rôles d'Iris et d'Aquilon , à la 3 *
Entrée, sont remplis par la DeErremans,
et par le St Dun. Nous avons déja nommé les Diles Lemaure et Petitpas , en parlant de l'Amour et de Zéphire. Le triomphe de cette premiere est complet ;
il semble que le public n'ait des yeux et
des oreilles que pour elle.
Le dessein du Ballet , composé par le
S¹ Blondi , a été trouvé fort ingénieux et
I. Vol.
très-
1210 MERCURE DE FRANCE
tres-bien caracterisé , il est exécuté dans
la plus grande perfection , par les meilleurs sujets de l'Académie. La Dile Ferret
danse dans le Prologue; les S Dupré
Laval et la DeSalé , dans la premiere Entrée ; les Srs Dumoulin et Maltaires dans
la seconde , et les Srs Laval , Dumoulin et
Ja Dile Camargo dans la troisiéme.
Fermer
Résumé : Le Balet des Sens, Extrait, [titre d'après la table]
Le 5 juin 1732, l'Académie Royale de Musique a présenté le ballet des 'Sens', composé de cinq entrées dont seules trois ont été jouées. La musique, composée par M. Mouret, a été très appréciée. L'auteur du poème est resté anonyme. Le prologue met en scène l'Assemblée des Dieux discutant du sort des mortels. Vénus s'intéresse particulièrement à leur bien-être. Jupiter explique que les mortels ne sont pas immortels pour éviter leur ingratitude. Mercure et Vénus demandent à Jupiter de leur accorder un usage agréable des sens. Jupiter accepte et invite les plaisirs à se répandre parmi les mortels. La première entrée, 'L'Odorat', se déroule dans les jardins des rois de Babylone. Clytie, reine de Babylone, se plaint de l'inconstance du Soleil, qui a porté ses vœux à Leucothoé. Jalouse, Clytie décide de se venger en empoisonnant sa rivale. Le Soleil, après avoir promis l'immortalité à Leucothoé, découvre trop tard sa mort et la transforme en arbre à encens. La deuxième entrée, 'Le Toucher', se passe dans le temple de Proserpine. Laodamie, veuve de Protesilas, pleure la perte de son époux. Diomède, amoureux de Laodamie, lui avoue ses sentiments, mais elle le repousse. Proserpine ressuscite Protesilas, touchée par la douleur de Laodamie. La troisième entrée, 'La Vue', se déroule dans une vaste campagne. L'Amour, ayant retrouvé la vue, exprime sa joie et son amour pour Iris. Zephire, craignant une ressemblance entre l'Amour et lui, prévient Flore. Iris apparaît sur l'arc-en-ciel et dissipe un orage. Iris, prenant l'Amour pour Zéphire, le renvoie à Flore. L'Amour est sur le point de la détromper, mais est interrompu par Aquilon, son amant impétueux. La scène de déclaration est interrompue, ce qui aurait pu rendre la reconnaissance plus vive. Zéphire, suivi de la cour de Flore, offre un divertissement riant lors de la troisième entrée. Les rôles principaux sont interprétés par des artistes renommés. Au prologue, les rôles de Vénus, Jupiter et Mercure sont tenus par les DileErremans, le Sr Chassé et le Sr Dumast. Dans la première entrée de l'odorat, Leucothoé, Clytie et le Soleil sont joués par les Diles Lemaure et Antier, et le Sr Tribon. Laodamie, Proserpine, Protesilas et Diomède sont interprétés par les Dules Pelissier et Julie, et les Srs Chassé et Tribon. Iris et Aquilon, à la troisième entrée, sont incarnés par la DileErremans et le Sr Dun. Le ballet, composé par le Sr Blondi, est exécuté avec perfection par les meilleurs sujets de l'Académie. Les danseurs mentionnés incluent la Dile Ferret, les Srs Dupré, Laval, la DeSalé, Dumoulin, Maltaires, Camargo et Ja. La première représentation a été un triomphe, captivant le public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 2026-2033
EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra Comique le 19 Août, elles sont de la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra Comique.
Début :
Le Théatre représente une Guinguette. Les Acteurs paroissent au fond [...]
Mots clefs :
Opéra comique, Carolet, Symphonie extravagante, Danse, Prologue, Air
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra Comique le 19 Août, elles sont de la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra Comique.
EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra Comique le 19 Août , elles sont de
la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra
Comique.
LE
E Théatre représente une Guinguette. Les Acteurs paroissent au fond
du Théatre endormis sur les Tables , de
même que Colombine et l'Opéra Comique
personnifié. Ils se réveillent au bruit d'u
ne Symphonie extravagante. La premiere Scene est une Parodie du Prologue d'Amadis de Gaule. L'Opéra Comique , Colombine chantent ensemble.
Ah! j'entends un bruit qui nous presse
De nous rassembler tous ;
Le charme cesse ,
Eveillons-nous.
Esprits empressés à nous nuire ,
Vous , qui nous avez mis dans cet état af- freux ,
Votre soin pourroit nous réduire
A fermer désormais la porte de nos Jeux.
Que Momus annonce au Parterre ,
La fin de notre accablement i
Brûlez
SEPTEMBR E. 1732. 2027
Brillez Eclairs , grondez Tonnere ,
Sappez ce Cabaret jusques au fondement.
Le Tonnere tombe et réduit en poudre toute la Guinguette ; le Théatre' s'éclaire , les Danseurs se réjouissent à leur
réveil : la Folie arrive; la Sagesse qui sur
vient , prétend l'emporter sur elle , mais
on la chasse. Une jeune personne paroît
et se plaint a l'Opéra Comique qu'elle à
perdu la Sagesse en entrant à la Foire ;
cette Scene occasionne une morale plaisante ; la Folie la console de cette perte ,
et la reçoit Actrice. Ce Prologue finit par
une Danse de Fous et de Poctes , et par
un Vaudeville dont voici quelques Couplets.
Loin de nous l'Amant ennuyeux ,
Qui de grands mots remplit l'oreille ;
L'Amant badin réussit mieux ;›
Le sage endort , le fou réveille.
Dans l'époux tout est sérieux ,
Fut-il la plus rare merveille ;
Dans l'Amant tout est gracieux,
Le sage cadort , &c.
La Lanterne véridique , Piéce en un
Acte, est dans un goût métaphysique.
Le
7
2028 MERCURE DE FRANCE
Le Théâtre represente le Parnasse et
ses avenues ; Apollon est surpris d'y trouver Mercure , il lui déclare qu'il a résolu
de confondre les faux Sçavans et de
leur faire connoître la portée de leur génie. Il charge Mercure de leur ordonner
de se rendre au Parnasse. Mercure obéit
comme Messager des Dieux ; la Fortune
personifiée paroît , Apollon en est sur
pris , elle lui dit qu'elle ne vient au Parnasse que par hazard , puisque le Parnasse n'est point le lieu de sa résidence , elle
témoigne à Apollon son mépris pour la
Science. Diogene paroît ensuite avec sa
Lanterne , il l'offre à Apollon pour lui
aider à connoître à fond les génies subal
ternes dont il se plaint. Apollon la reçoit ;
Diogene fait une Scene comique , &c.
Mercure arrive , et dit à Apollon qu'il
a trouvé dans certains Caffés de Paris les
Sçavans en question . Apollon le charge
de donner audience pour lui , en lui remettant la Lanterne de Diogene , et après
lui en avoirappris les proprietez merveil
leuses.
Les faux Sçavans arrivent entr'autres
une jeune fille qui se croit Poëte , et qui
ne fait des Vers que parce qu'elle est
amoureuse. Un Auteur qui croit exceller
en tout , et qui n'est que plagiaire. Ceste Scene
SEPTEMBRE. 1732. 2029
Scene est parfaitement renduë par le
sieur Droin , habile Acteur. Un petit Maî
tre , soi- disant bel esprit , et qui n'est
qu'un fat. Une femme qui se pique de
posseder la Satyre , et qui n'est que médisante. Ensuite paroît le Suisse de la Troupe , qui croit en cette qualité avoir la
quintessence de l'esprit. Mercure , qui au
nom d'Apollon a confondu tous les faux
Sçavans , donne la Palme au Suisse ; il
trouvé en lui un bon sens naturel qui le
charme. La Scene du Suisse à été joüée
par le sieur Duperier avec applaudissement. L'Acte finit par un Divertissement
composé de Suisses et de François , et par
ún Vaudeville dans ces goûts- là , que le
Suisse dit être de sa composition : on en
va juger.
Le Suisse.
On blâme à tort notre façon ;
Nous ne suivons pas le caprice,
Un Suisse entend toujours raison ,
Puisque la raison est un Suisse.
1 Tel Plumet courtise un tendron
En vrai fat dans une coulisse ,
Qui souvent n'a pas le teston
our graisser la patte du Suisse.
G Si
2030 MERCURE DE FRANCE
Si Bacchus n'inspire Apollon,
Une Piéce est toujours trop grave,
Pour briller au sacré Vallon ,
Il faut descendre dans la cave,
On trouvera l'Airgravé de ce Vaudeville,
an bas de la Chanson.
Le Parterre merveilleux sert de Prologue
à l'Acte des petits Comédiens..
Le Théatre représente les Jardins d'un
Serrail; une jeune Esclaye ouvre la Scene ;
elle se plaint à sa Suivante de l'absence de
son Amant, qui est un Cavalier François;
l'Amant paroît ; le Bostangy qui écoute
leur conversation les effraye ; mais il les
rassûre , et déclare à la Suivante qu'il l'ai-,
me. Il offre à la jeune Esclave de favoriser
son évasion ; et pour lui prouver qu'il
peut même quelque chose de plus , il fait
sortir sur le champ de la terre six grands
Pots de fleurs , qui disparoissent aussi- tôt,'
et font voir à leur place six enfans qui représentent une Piece en Vers , intitulée
le Rival de lui-même dont voici le
sujet.
د
Orgon a une fille unique nommée Julie
promise à Eraste. Le mariage doit se conclure le jour même ; mais Orgon reçoit
une Lettre du pere d'Eraste , crû mor
depuis
SEPTEMBRE. 17 32. 2031
•
depuis très - long- tems. Orgon qui veut
éprouver l'amour d'Eraste pour sa fille
feint de vouloir changer de résolution ;
il montre cette Lettre à Eraste , qui y
celui de son voyant un autre nom que
pere , fulmine contre Orgon , lequel s'excuse sur un ancien engagement contracté
entre ce vieillard et lui au sujet de leurs
enfans. Eraste qui apprend par cette Lettre que Julie voit tous les jours le fils de
Pamphile , nom du prétendu vieillard signé dans la Lettre , et que Loüison , Suivante de Julie , conduit cette intrigue
déplore sa malheureuse situation ; Crispin,
son valet , se livre à l'exemple de son
Maître , à des excès de jalousie contre
Loüison. Julie et Loüison sont surprises
de se voir traiter d'infidéles par deux
Amans qu'elles aiment tendrement. Eraste qui a appris par Orgon que son prétendu rival doit arriver le soir même et épouser Julie , l'attend de picd ferme pour
l'immoler à sa rage ; au moment qu'il
menace,le pere , qui avoit pris le nom de
Pamphile au lieu de celui d'Orgon , paroît , embrasse son fils , lui conte l'artifice innocent dont il s'est servi pour le
surprendre , et lui assurer de gros biens
avec la possession de Julie. Crispin rassuré de son côté dit à son Maître qu'il doit
Gij 1 se
1631 MERCURE DE FRANCE
se tranquilliser , et qu'il n'a point d'autre
Rival que lui-même. La Piéce finit par
un Divertissement , aussi éxécuté par les
petits Comédiens qui ont representé la
Piéce d'une maniere à se faire applaudir,
Voici quelques Couplets.
Crispin.
Je suis petit Comédien ,
A mon jeu vous le voyez bien
Mais près de l'aimable Lutine ,
Dont l'œil fripon , me porte au cœur
Tirelironfa , tourelontontine ,
deviendrois un grand Acteur,
Fulie.
L'Amour est un Comédien
Qui nous façonne en moins d'un rien ;
Envain notre cœur se mutine ,
Contre cet aimable Vainqueur ;
Tirelironfa , tourelontontine ;
L'Amour en fait un grand Acteur,
Eraste.
L'Amour , à mes tendres desirs ,
Prépare les plus doux plaisirs ;
A présent rien ne me chagrine ,
Charmé du don de votre cœur ,
Tire
SEPTEMBRE. 1732; 2033
Tirelironfa , tourelontontine ;
Je promets d'être un grandActeur.
Loüison au Public.
Messieurs , je connois à vos yeux ,
Que d'ici vous sortez joyeux ;
Faites-nous toujours bonne mine.
Ah ! quel plaisir pour un Auteur ,
Tirelironfa , tourelontontine ,
Quand il entend claquer l'Acteur.
Le 5. le même Opéra Comique donna
la premiere Représentation d'une petite
Piéce en un Acte , avec des Divertissemens , qui a pour titre les Vandanges de
Champagne , qui a été goûtée.
la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra
Comique.
LE
E Théatre représente une Guinguette. Les Acteurs paroissent au fond
du Théatre endormis sur les Tables , de
même que Colombine et l'Opéra Comique
personnifié. Ils se réveillent au bruit d'u
ne Symphonie extravagante. La premiere Scene est une Parodie du Prologue d'Amadis de Gaule. L'Opéra Comique , Colombine chantent ensemble.
Ah! j'entends un bruit qui nous presse
De nous rassembler tous ;
Le charme cesse ,
Eveillons-nous.
Esprits empressés à nous nuire ,
Vous , qui nous avez mis dans cet état af- freux ,
Votre soin pourroit nous réduire
A fermer désormais la porte de nos Jeux.
Que Momus annonce au Parterre ,
La fin de notre accablement i
Brûlez
SEPTEMBR E. 1732. 2027
Brillez Eclairs , grondez Tonnere ,
Sappez ce Cabaret jusques au fondement.
Le Tonnere tombe et réduit en poudre toute la Guinguette ; le Théatre' s'éclaire , les Danseurs se réjouissent à leur
réveil : la Folie arrive; la Sagesse qui sur
vient , prétend l'emporter sur elle , mais
on la chasse. Une jeune personne paroît
et se plaint a l'Opéra Comique qu'elle à
perdu la Sagesse en entrant à la Foire ;
cette Scene occasionne une morale plaisante ; la Folie la console de cette perte ,
et la reçoit Actrice. Ce Prologue finit par
une Danse de Fous et de Poctes , et par
un Vaudeville dont voici quelques Couplets.
Loin de nous l'Amant ennuyeux ,
Qui de grands mots remplit l'oreille ;
L'Amant badin réussit mieux ;›
Le sage endort , le fou réveille.
Dans l'époux tout est sérieux ,
Fut-il la plus rare merveille ;
Dans l'Amant tout est gracieux,
Le sage cadort , &c.
La Lanterne véridique , Piéce en un
Acte, est dans un goût métaphysique.
Le
7
2028 MERCURE DE FRANCE
Le Théâtre represente le Parnasse et
ses avenues ; Apollon est surpris d'y trouver Mercure , il lui déclare qu'il a résolu
de confondre les faux Sçavans et de
leur faire connoître la portée de leur génie. Il charge Mercure de leur ordonner
de se rendre au Parnasse. Mercure obéit
comme Messager des Dieux ; la Fortune
personifiée paroît , Apollon en est sur
pris , elle lui dit qu'elle ne vient au Parnasse que par hazard , puisque le Parnasse n'est point le lieu de sa résidence , elle
témoigne à Apollon son mépris pour la
Science. Diogene paroît ensuite avec sa
Lanterne , il l'offre à Apollon pour lui
aider à connoître à fond les génies subal
ternes dont il se plaint. Apollon la reçoit ;
Diogene fait une Scene comique , &c.
Mercure arrive , et dit à Apollon qu'il
a trouvé dans certains Caffés de Paris les
Sçavans en question . Apollon le charge
de donner audience pour lui , en lui remettant la Lanterne de Diogene , et après
lui en avoirappris les proprietez merveil
leuses.
Les faux Sçavans arrivent entr'autres
une jeune fille qui se croit Poëte , et qui
ne fait des Vers que parce qu'elle est
amoureuse. Un Auteur qui croit exceller
en tout , et qui n'est que plagiaire. Ceste Scene
SEPTEMBRE. 1732. 2029
Scene est parfaitement renduë par le
sieur Droin , habile Acteur. Un petit Maî
tre , soi- disant bel esprit , et qui n'est
qu'un fat. Une femme qui se pique de
posseder la Satyre , et qui n'est que médisante. Ensuite paroît le Suisse de la Troupe , qui croit en cette qualité avoir la
quintessence de l'esprit. Mercure , qui au
nom d'Apollon a confondu tous les faux
Sçavans , donne la Palme au Suisse ; il
trouvé en lui un bon sens naturel qui le
charme. La Scene du Suisse à été joüée
par le sieur Duperier avec applaudissement. L'Acte finit par un Divertissement
composé de Suisses et de François , et par
ún Vaudeville dans ces goûts- là , que le
Suisse dit être de sa composition : on en
va juger.
Le Suisse.
On blâme à tort notre façon ;
Nous ne suivons pas le caprice,
Un Suisse entend toujours raison ,
Puisque la raison est un Suisse.
1 Tel Plumet courtise un tendron
En vrai fat dans une coulisse ,
Qui souvent n'a pas le teston
our graisser la patte du Suisse.
G Si
2030 MERCURE DE FRANCE
Si Bacchus n'inspire Apollon,
Une Piéce est toujours trop grave,
Pour briller au sacré Vallon ,
Il faut descendre dans la cave,
On trouvera l'Airgravé de ce Vaudeville,
an bas de la Chanson.
Le Parterre merveilleux sert de Prologue
à l'Acte des petits Comédiens..
Le Théatre représente les Jardins d'un
Serrail; une jeune Esclaye ouvre la Scene ;
elle se plaint à sa Suivante de l'absence de
son Amant, qui est un Cavalier François;
l'Amant paroît ; le Bostangy qui écoute
leur conversation les effraye ; mais il les
rassûre , et déclare à la Suivante qu'il l'ai-,
me. Il offre à la jeune Esclave de favoriser
son évasion ; et pour lui prouver qu'il
peut même quelque chose de plus , il fait
sortir sur le champ de la terre six grands
Pots de fleurs , qui disparoissent aussi- tôt,'
et font voir à leur place six enfans qui représentent une Piece en Vers , intitulée
le Rival de lui-même dont voici le
sujet.
د
Orgon a une fille unique nommée Julie
promise à Eraste. Le mariage doit se conclure le jour même ; mais Orgon reçoit
une Lettre du pere d'Eraste , crû mor
depuis
SEPTEMBRE. 17 32. 2031
•
depuis très - long- tems. Orgon qui veut
éprouver l'amour d'Eraste pour sa fille
feint de vouloir changer de résolution ;
il montre cette Lettre à Eraste , qui y
celui de son voyant un autre nom que
pere , fulmine contre Orgon , lequel s'excuse sur un ancien engagement contracté
entre ce vieillard et lui au sujet de leurs
enfans. Eraste qui apprend par cette Lettre que Julie voit tous les jours le fils de
Pamphile , nom du prétendu vieillard signé dans la Lettre , et que Loüison , Suivante de Julie , conduit cette intrigue
déplore sa malheureuse situation ; Crispin,
son valet , se livre à l'exemple de son
Maître , à des excès de jalousie contre
Loüison. Julie et Loüison sont surprises
de se voir traiter d'infidéles par deux
Amans qu'elles aiment tendrement. Eraste qui a appris par Orgon que son prétendu rival doit arriver le soir même et épouser Julie , l'attend de picd ferme pour
l'immoler à sa rage ; au moment qu'il
menace,le pere , qui avoit pris le nom de
Pamphile au lieu de celui d'Orgon , paroît , embrasse son fils , lui conte l'artifice innocent dont il s'est servi pour le
surprendre , et lui assurer de gros biens
avec la possession de Julie. Crispin rassuré de son côté dit à son Maître qu'il doit
Gij 1 se
1631 MERCURE DE FRANCE
se tranquilliser , et qu'il n'a point d'autre
Rival que lui-même. La Piéce finit par
un Divertissement , aussi éxécuté par les
petits Comédiens qui ont representé la
Piéce d'une maniere à se faire applaudir,
Voici quelques Couplets.
Crispin.
Je suis petit Comédien ,
A mon jeu vous le voyez bien
Mais près de l'aimable Lutine ,
Dont l'œil fripon , me porte au cœur
Tirelironfa , tourelontontine ,
deviendrois un grand Acteur,
Fulie.
L'Amour est un Comédien
Qui nous façonne en moins d'un rien ;
Envain notre cœur se mutine ,
Contre cet aimable Vainqueur ;
Tirelironfa , tourelontontine ;
L'Amour en fait un grand Acteur,
Eraste.
L'Amour , à mes tendres desirs ,
Prépare les plus doux plaisirs ;
A présent rien ne me chagrine ,
Charmé du don de votre cœur ,
Tire
SEPTEMBRE. 1732; 2033
Tirelironfa , tourelontontine ;
Je promets d'être un grandActeur.
Loüison au Public.
Messieurs , je connois à vos yeux ,
Que d'ici vous sortez joyeux ;
Faites-nous toujours bonne mine.
Ah ! quel plaisir pour un Auteur ,
Tirelironfa , tourelontontine ,
Quand il entend claquer l'Acteur.
Le 5. le même Opéra Comique donna
la premiere Représentation d'une petite
Piéce en un Acte , avec des Divertissemens , qui a pour titre les Vandanges de
Champagne , qui a été goûtée.
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Résumé : EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra Comique le 19 Août, elles sont de la composition de M. Carolet. Le Prologue a pour titre le Réveil de l'Opéra Comique.
Le 19 août, l'Opéra Comique a présenté des pièces composées par M. Carolet. Le prologue, intitulé 'Le Réveil de l'Opéra Comique', se déroule dans une guinguette où les acteurs, Colombine et l'Opéra Comique personnifié, se réveillent au son d'une symphonie extravagante. La première scène est une parodie du prologue d'Amadis de Gaule, avec des chants et des dialogues entre l'Opéra Comique et Colombine. Une tempête détruit la guinguette, et la Folie apparaît, chassant la Sagesse. Une jeune personne se plaint d'avoir perdu la Sagesse à la foire, et la Folie la console en la recevant comme actrice. Le prologue se termine par une danse de fous et de poètes, et un vaudeville. La pièce 'La Lanterne véridique' se déroule au Parnasse, où Apollon, surpris par la présence de Mercure, lui demande de confondre les faux savants. La Fortune et Diogène apparaissent, offrant leur aide à Apollon. Mercure trouve les faux savants dans des cafés parisiens et les confond grâce à la lanterne de Diogène. Parmi les faux savants, on trouve une jeune fille amoureuse, un plagiaire, un fat, une médisante, et un Suisse. Mercure donne la palme au Suisse pour son bon sens naturel. La pièce se termine par un divertissement et un vaudeville. Le prologue 'Le Parterre merveilleux' représente les jardins d'un sérail. Une esclave se plaint de l'absence de son amant français, qui apparaît ensuite. Le bostangy, après les avoir rassurés, offre à l'esclave de favoriser son évasion et fait apparaître six enfants qui représentent une pièce en vers intitulée 'Le Rival de lui-même'. Cette pièce raconte l'histoire d'Orgon, de sa fille Julie, et d'Eraste, dont le père feint d'être mort pour tester l'amour d'Eraste. Après des malentendus et des révélations, la pièce se termine par un divertissement exécuté par les petits comédiens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 2068-2069
« Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le Prologue et le premier Acte de Bellerophon; il [...] »
Début :
Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le Prologue et le premier Acte de Bellerophon; il [...]
Mots clefs :
Concert, Choeur, Violons, Prologue, Reine, Comédiens-Français, Comédiens-Italiens, Loterie de la Compagnie des Indes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le Prologue et le premier Acte de Bellerophon; il [...] »
Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le
Prologue et le premier Acte de Bellerophon ; il fut continué le 6 et le 11. Les principaux rôles
furent remplis par les Sieurs d'Angerville , Tribou , Chassé et du Bourg , et par les Diles Du- hamel , Courvasier et Robelin , lesquels furent très-bien éxécutéz.
Le 13. on chanta le Prologue et le premier
'Acte de Jephté.
Le 18. le second et le troisiéme Acte ; on répéta le Choeur du premier Acte que la Cour souhaita d'entendre encore une fois , et on finit cet
Opéra le 20. par le quatriéme et cinquième Acte ; le Rôle d'Apollon dans le Prologue fut chanté
par le sieur Dubourg , et ceux de Polymnie, Terpsicore , Venus et la Verité , par les Des Courvasier , Robelin , Mathieu et Lenner ; les principaux Rôles de la Piéce furent chantez par les
Ds Antier et le Maure , et par les Sieurs Chas◄
sé , le Begue , Ducros et Petillot. Ce Concert >
dont l'éxécution fut parfaite , fit beaucoup de
plaisir à la Reine et à toute la Cour , les Auteurs
du Poëme et de la Musique en reçûment des
complimens très-gracieux.
Le 25. jour de S. Louis , les 24 Violons de la Chambre exécuterent au dîné et au souper du
Roi plusieurs Piéces de Simphonies de la compo- sition de M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Musique du Roi.
Le 27. on concerta chez la Reiné le Prologue
le premier Acte des Fêtes Grecques et Romai nes&
SEPTEMBRE. 1732. 2069
TIES du même Auteur , qu'on continua le
trente par le second et le troisiéme Acte ; il y
eut le même jour au Souper du Roi une grande
Simphonie , composée de toute sorte d'Instru
mens.
Le 15. 17. et 22. Septembre , on chanta chez
la Reine le Prologue et les cinq Entrées de l'E
rope Galante dont l'éxécution fut parfaite ; les principaux Rôles furent chantés par les meilleurs
Sujets de la Musique du Roi..
Le 16 Septembre les Comédiens François représenterent à Fontainebleau la Tragédie d'Habis , qui fut suivie de la petite Comédie de l'Indiscret , de M. de Voltaire.
Le 18. Les Femmes Sçavantes.
Le 23. La Tragédie de Venceslas et l'Epreuve
Réciproque.
Le 25. Le Médisant.
Le 30. Rhadamiste et l'Amour Diable.
Le 13. les Comédiens Italiens représenterent
l'Embarras des Richesses et la petite Comédie de
l'Ecole des Meres. Le sicur Roland´, dont il a été
parlé , dansa à la fin de la premiere Piéce une
Entrée de Sabotier , et la D Roland , sa fille ,
dansa ensuite un Pas de Deux avec le sieur Lélio qui fit beaucoup de plaisir.
1°
Le 20. Le Jeu de l'Amour et du Hazard ,
fut suivi de la Comédie de la Silphide.
qui
Le 24. Démocrite prétendu Fon , et les Effets du
Dépit.
Le 25. Septembre la Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement des Actions fut tirée en la maniere accoutumée à
PHO
2070 MERCURE DE FRANCE
l'Hôtel de la Compagnie. La Liste des Numeros
gagnans des Actions et dixièmes d'Actions qui
doivent être remboursées a été renduë publique,
aisant en tout le nombre de 319. Actions.
Prologue et le premier Acte de Bellerophon ; il fut continué le 6 et le 11. Les principaux rôles
furent remplis par les Sieurs d'Angerville , Tribou , Chassé et du Bourg , et par les Diles Du- hamel , Courvasier et Robelin , lesquels furent très-bien éxécutéz.
Le 13. on chanta le Prologue et le premier
'Acte de Jephté.
Le 18. le second et le troisiéme Acte ; on répéta le Choeur du premier Acte que la Cour souhaita d'entendre encore une fois , et on finit cet
Opéra le 20. par le quatriéme et cinquième Acte ; le Rôle d'Apollon dans le Prologue fut chanté
par le sieur Dubourg , et ceux de Polymnie, Terpsicore , Venus et la Verité , par les Des Courvasier , Robelin , Mathieu et Lenner ; les principaux Rôles de la Piéce furent chantez par les
Ds Antier et le Maure , et par les Sieurs Chas◄
sé , le Begue , Ducros et Petillot. Ce Concert >
dont l'éxécution fut parfaite , fit beaucoup de
plaisir à la Reine et à toute la Cour , les Auteurs
du Poëme et de la Musique en reçûment des
complimens très-gracieux.
Le 25. jour de S. Louis , les 24 Violons de la Chambre exécuterent au dîné et au souper du
Roi plusieurs Piéces de Simphonies de la compo- sition de M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Musique du Roi.
Le 27. on concerta chez la Reiné le Prologue
le premier Acte des Fêtes Grecques et Romai nes&
SEPTEMBRE. 1732. 2069
TIES du même Auteur , qu'on continua le
trente par le second et le troisiéme Acte ; il y
eut le même jour au Souper du Roi une grande
Simphonie , composée de toute sorte d'Instru
mens.
Le 15. 17. et 22. Septembre , on chanta chez
la Reine le Prologue et les cinq Entrées de l'E
rope Galante dont l'éxécution fut parfaite ; les principaux Rôles furent chantés par les meilleurs
Sujets de la Musique du Roi..
Le 16 Septembre les Comédiens François représenterent à Fontainebleau la Tragédie d'Habis , qui fut suivie de la petite Comédie de l'Indiscret , de M. de Voltaire.
Le 18. Les Femmes Sçavantes.
Le 23. La Tragédie de Venceslas et l'Epreuve
Réciproque.
Le 25. Le Médisant.
Le 30. Rhadamiste et l'Amour Diable.
Le 13. les Comédiens Italiens représenterent
l'Embarras des Richesses et la petite Comédie de
l'Ecole des Meres. Le sicur Roland´, dont il a été
parlé , dansa à la fin de la premiere Piéce une
Entrée de Sabotier , et la D Roland , sa fille ,
dansa ensuite un Pas de Deux avec le sieur Lélio qui fit beaucoup de plaisir.
1°
Le 20. Le Jeu de l'Amour et du Hazard ,
fut suivi de la Comédie de la Silphide.
qui
Le 24. Démocrite prétendu Fon , et les Effets du
Dépit.
Le 25. Septembre la Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement des Actions fut tirée en la maniere accoutumée à
PHO
2070 MERCURE DE FRANCE
l'Hôtel de la Compagnie. La Liste des Numeros
gagnans des Actions et dixièmes d'Actions qui
doivent être remboursées a été renduë publique,
aisant en tout le nombre de 319. Actions.
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Résumé : « Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le Prologue et le premier Acte de Bellerophon; il [...] »
Du 4 au 20 août 1732, plusieurs représentations musicales se déroulèrent au Concert de la Reine. Le 4 août, le prologue et le premier acte de 'Bellerophon' furent interprétés par les sieurs d'Angerville, Tribou, Chassé, du Bourg, et les demoiselles Duhamel, Courvasier et Robelin. Les représentations continuèrent les 6 et 11 août. Le 13 août, le prologue et le premier acte de 'Jephté' furent chantés, suivis des deuxième, troisième, quatrième et cinquième actes les 18 et 20 août, avec des rôles interprétés par les sieurs Dubourg, Courvasier, Robelin, Mathieu, Lenner, Antier, le Maure, Chassé, le Bègue, Ducros et Petillot. L'exécution fut acclamée par la Reine et la Cour. Le 25 août, à la fête de Saint-Louis, les 24 Violons de la Chambre jouèrent des symphonies de M. de Blamont. Le 27 août, le prologue et le premier acte des 'Fêtes Grecques et Romaines' furent chantés chez la Reine. En septembre, plusieurs représentations eurent lieu. Du 15 au 22 septembre, le prologue et les cinq entrées de 'L'Europe Galante' furent chantés chez la Reine. Le 16 septembre, les Comédiens Français jouèrent 'Habis' et 'L'Indiscret' de Voltaire à Fontainebleau. Du 18 au 30 septembre, diverses pièces de théâtre furent représentées, incluant 'Les Femmes Savantes', 'Venceslas', 'Le Médisant', 'Rhadamiste' et 'L'Amour Diable'. Les Comédiens Italiens jouèrent 'L'Embarras des Richesses' et 'L'École des Mères', avec des danses du sieur Roland et de la demoiselle Roland. Le 25 septembre, la lotterie de la Compagnie des Indes fut tirée à l'Hôtel de la Compagnie, avec 319 actions remboursées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 1634-1638
L'Opéra Comique, la Fausse Egyptienne, et Hali et Zemire, &c. en Vaudevilles, [titre d'après la table]
Début :
Le 30 Juin, l'Opéra Comique fit l'ouverture de son Théatre de la Foire Saint [...]
Mots clefs :
La Fausse Égyptienne, Opéra comique, Foire Saint-Laurent, Air, Rime, Prologue, Comique, Vaudevilles, Hali et Zémire, Charles-François Panard
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Opéra Comique, la Fausse Egyptienne, et Hali et Zemire, &c. en Vaudevilles, [titre d'après la table]
Le 30 Juin , l'Opéra Comique fit l'ouverture
de son Théatre de la Foire Saint
Laurent , par deux Piéces nouvelles d'un
Acte chacune , en Vaudevilles , avec des
Divertissemens , intitulée : la Fausse Egypsienne
, et Hali et Zemire , précedées d'un
Prologue qui a été applaudi du Public.
La soeur de la Dlle Rolland , qui est si
fort goûtée au Théatre Italien , y danse
une Entrée avec beaucoup d'applaudissement.
Le sujet de ce Prologue , de la composition
de M. Panard , aussi bien que les
paroles des Vaudevilles , est un Poëte qui
vient
JUILLET. 1733. 1635
vient offrir à l'Opera Comique personifié
, grand nombre de Vaudevilles qu'il
a composez avec soin sur toute sorte de
Sujets ; il en a , dit-il , pour exprimer la
la Fureur , le Desespoir , la Douleur , le
Tendre , l'Enjoüé , &c. il lui en chante
plusieurs que l'Opera Comique goûte
fort , et qu'il placera , dit - il , dans les
Pieces qu'il va donner. Le Poete vantè
entr'autres , ceux qu'il a composez pour
vanter les Talens et chapte les trois
Couplets suivans.
2
UNe Eleve de
Melpomene ,
Rentrée en la Troupe Romaine ,
Par son Art s'y fait remarquer.
Dès qu'elle paroît sur la Scene ,
Tous les suffrages elle entraîne ;
La Rime peut vous l'indiquer.
粥
Une Suivante fort habile ,
Dans un âge à peine nuble ,
Chez les François a du renom ;
Son air naturel et facile ,
Enchante la Cour et la Ville ,
La Rime vous dira son nom.
Une Actrice que l'on adore ,
Hij Telle
1636 MERCURE DE FRANCE
.
Telle qu'il n'en fût point encore ,
Fait le succès de l'Opera.
Des charmes de sa voix sonore
Nous voyons mille Amours éclore ;
Par la Rime on la connoîtra. ·
On trouvera l'Air noté avec la Chanson ;
page 1628.
Ce Prologue est suivi d'un Divertissement
très- bien composé par le sieur
Boudet , dans lequel son fils , âgé de cinq
ou six ans , danse avec un autre garçon
du même âge , une Entrée en Pierrots ,
qui fait beaucoup de plaisir , le tout est
terminé par ce Vaudeville.
Tant qu'un jeune Galant desire ;
A la Beauté qui le ravit ,
Il a mille choses à dire ,
Son discours jamais ne finit ;
Mais dès qu'il a signé certaine clause
De jolis mots la source se tarit
La bouche est close ,
Tout est dit.
M
Tant qu'un Client a des especes ,
Et qu'il fournit à tous les frais ;
On entasse pieces sur pieces ,
Pour
JUILLET. IL
1733. 1637
Pour éterniser le procès ;
Mais quand l'argent ne vient pas à mesure;
Adieu Factums , Requête et contredit;
Plus d'écriture ;
Tout est dit.
雜
Vous vous trompez dans votre attente ;
Vous , qui pour gouter le plaisir , f
D'avoir une femme ignorante ,
Au Village allez la choisir ;
Là , comme icy , maint ,objet est précoce ,
Et Cupidon si jeunes les instruit ,
Qu'avant la noce ,
Tout est dit.
Quand votre fille devient grande ;
Mere , ne la quittés jamais .
C'est un soin que je recommande ;
Contre mès propres interêts :
Craignez qu'Amour , près d'elle ne s'arrête ,
Jamais ce Dieu n'est long dans son récit ,
Tournez la tête ,
Tout est dit.
On dit que dá temps de nos Peres ,
Les jeunes Gens sçavoient parler ?
Ceux d'à-present n'en tiennent guéres ;
H iij
Leur
1638 MERCURE DE FRANCE
Leur langage nous fait bâiller.
Quand ils ont dit deux couplets sur l'allure ,
Qu'ils ont parlé de spectacles , d'habit ,
Et de frisure ,
Tout est dit.
粥
•
Quand les Spectateurs font silence
Et qu'ils écoutent jusqu'au bout
Auteurs ayez de l'esperance ,
Votre ouvrage flate leur gout ;
Mais quand on voit arriver la secousse ,
Qu'avant la fin , le Parterre à grand bruit ,
Se mouche , tousse
Tout est dit.
On trouvera l'Air noté avec la Chanson.
de son Théatre de la Foire Saint
Laurent , par deux Piéces nouvelles d'un
Acte chacune , en Vaudevilles , avec des
Divertissemens , intitulée : la Fausse Egypsienne
, et Hali et Zemire , précedées d'un
Prologue qui a été applaudi du Public.
La soeur de la Dlle Rolland , qui est si
fort goûtée au Théatre Italien , y danse
une Entrée avec beaucoup d'applaudissement.
Le sujet de ce Prologue , de la composition
de M. Panard , aussi bien que les
paroles des Vaudevilles , est un Poëte qui
vient
JUILLET. 1733. 1635
vient offrir à l'Opera Comique personifié
, grand nombre de Vaudevilles qu'il
a composez avec soin sur toute sorte de
Sujets ; il en a , dit-il , pour exprimer la
la Fureur , le Desespoir , la Douleur , le
Tendre , l'Enjoüé , &c. il lui en chante
plusieurs que l'Opera Comique goûte
fort , et qu'il placera , dit - il , dans les
Pieces qu'il va donner. Le Poete vantè
entr'autres , ceux qu'il a composez pour
vanter les Talens et chapte les trois
Couplets suivans.
2
UNe Eleve de
Melpomene ,
Rentrée en la Troupe Romaine ,
Par son Art s'y fait remarquer.
Dès qu'elle paroît sur la Scene ,
Tous les suffrages elle entraîne ;
La Rime peut vous l'indiquer.
粥
Une Suivante fort habile ,
Dans un âge à peine nuble ,
Chez les François a du renom ;
Son air naturel et facile ,
Enchante la Cour et la Ville ,
La Rime vous dira son nom.
Une Actrice que l'on adore ,
Hij Telle
1636 MERCURE DE FRANCE
.
Telle qu'il n'en fût point encore ,
Fait le succès de l'Opera.
Des charmes de sa voix sonore
Nous voyons mille Amours éclore ;
Par la Rime on la connoîtra. ·
On trouvera l'Air noté avec la Chanson ;
page 1628.
Ce Prologue est suivi d'un Divertissement
très- bien composé par le sieur
Boudet , dans lequel son fils , âgé de cinq
ou six ans , danse avec un autre garçon
du même âge , une Entrée en Pierrots ,
qui fait beaucoup de plaisir , le tout est
terminé par ce Vaudeville.
Tant qu'un jeune Galant desire ;
A la Beauté qui le ravit ,
Il a mille choses à dire ,
Son discours jamais ne finit ;
Mais dès qu'il a signé certaine clause
De jolis mots la source se tarit
La bouche est close ,
Tout est dit.
M
Tant qu'un Client a des especes ,
Et qu'il fournit à tous les frais ;
On entasse pieces sur pieces ,
Pour
JUILLET. IL
1733. 1637
Pour éterniser le procès ;
Mais quand l'argent ne vient pas à mesure;
Adieu Factums , Requête et contredit;
Plus d'écriture ;
Tout est dit.
雜
Vous vous trompez dans votre attente ;
Vous , qui pour gouter le plaisir , f
D'avoir une femme ignorante ,
Au Village allez la choisir ;
Là , comme icy , maint ,objet est précoce ,
Et Cupidon si jeunes les instruit ,
Qu'avant la noce ,
Tout est dit.
Quand votre fille devient grande ;
Mere , ne la quittés jamais .
C'est un soin que je recommande ;
Contre mès propres interêts :
Craignez qu'Amour , près d'elle ne s'arrête ,
Jamais ce Dieu n'est long dans son récit ,
Tournez la tête ,
Tout est dit.
On dit que dá temps de nos Peres ,
Les jeunes Gens sçavoient parler ?
Ceux d'à-present n'en tiennent guéres ;
H iij
Leur
1638 MERCURE DE FRANCE
Leur langage nous fait bâiller.
Quand ils ont dit deux couplets sur l'allure ,
Qu'ils ont parlé de spectacles , d'habit ,
Et de frisure ,
Tout est dit.
粥
•
Quand les Spectateurs font silence
Et qu'ils écoutent jusqu'au bout
Auteurs ayez de l'esperance ,
Votre ouvrage flate leur gout ;
Mais quand on voit arriver la secousse ,
Qu'avant la fin , le Parterre à grand bruit ,
Se mouche , tousse
Tout est dit.
On trouvera l'Air noté avec la Chanson.
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Résumé : L'Opéra Comique, la Fausse Egyptienne, et Hali et Zemire, &c. en Vaudevilles, [titre d'après la table]
Le 30 juin, l'Opéra Comique a inauguré son Théâtre de la Foire Saint-Laurent avec deux nouvelles pièces en vaudevilles intitulées 'La Fausse Égyptienne' et 'Hali et Zemire'. Ces pièces étaient précédées d'un prologue acclamé par le public. La sœur de Mlle Rolland, connue au Théâtre Italien, a dansé avec succès. Le prologue, écrit par M. Panard, présentait un poète offrant à l'Opéra Comique des vaudevilles sur divers sujets tels que la fureur, le désespoir, la douleur, le tendre et l'enjoué. Un divertissement composé par le sieur Boudet a suivi, dans lequel son fils, âgé de cinq ou six ans, a dansé avec un autre garçon. Le spectacle s'est terminé par un vaudeville. Les paroles des vaudevilles incluaient des couplets vantant les talents de certaines actrices et des réflexions sur divers aspects de la vie quotidienne et sociale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 2072-2075
« Le 2. de ce mois après midy, le Roy fit dans la Cour du Château de Meudon, [...] »
Début :
Le 2. de ce mois après midy, le Roy fit dans la Cour du Château de Meudon, [...]
Mots clefs :
Prologue, Rôles, Roi, Château, Musique, Duhamel, François Colin de Blamont, Motet, Concert
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 2. de ce mois après midy, le Roy fit dans la Cour du Château de Meudon, [...] »
E 2. de ce mois après midy , le Roy
Lfit dans la Cour du Château de Meudon
, la Revue des deux Compagnies
de Mousquetaires de la Garde de Sa Majesté
, et après que le Roy cut passé
dans les rangs , ils firent l'Exercice des
vant S. M. qui en parut fort satisfaite ,
2 .
La nuit du 23. au 24. du mois dernier,
le feu prit chez un Boulanger du Fauxbourg
S. Martin , avec tant de violence
que toute la maison fut enfâmée avant
qu'on pût y apporter du secours ; quel,
ques autres maisons ont été endommagées
, et 15 , ou 18. personnes ont péri
dans cet lucendie , entr'autres un Religieus
SEPTEMBRE. 1933. 207}
gieux Récollet et deux Enfans de l'Hôpital
de la Trinité , qui travailloient à
L'éteindre , le plancher sur lequel ils
étoient s'étant abîmé tout à coup dans
les flâmes.
Le Concert d'Instrumens que l'Aca
démie Royale de Musique donne tous
les ans au Château des Thuilleries ,à l'occasion
de la Fête du Roy , fut executé
par un grand nombre d'excellens Simphonistes
de la même Académie , qui
joüerent differens Morceaux de Musique
de M. de Lully et d'autres Maîtres modernes
, par une des plus belles soirées
qu'il soit possible de voir , et avec une
multitude incroyable de gens de tous
états , depuis les Princes et Princesses du
Sang , jusqu'à la plus simple Bougeoisie ;
et le tout avec un tel ordre , qu'il n'est
arrivé , non - seulement aucun accident ,
mais pas même de confusion , qu'autant
qu'il eenn falloit pour produire une va
rieté agréable et des oppositions char
mantes d'âges , de Sexes , de qualitez ,
de parures , dont le clair de la Lune ne
laissoit rien perdre ; ensorte que des
Compagnies entieres de gens de grande
condition et autres , étoient dans leur
particulier au milieu de la foule , assis sur
Hii des
2074 MERCURE
DE FRANCE
des chaises qu'on trouvoit en abondante
et qu'on disposoit en rond , &c .
Le 26. Août , il y eut Concert chez
la Reine , M. de Blamont , Sur- Intendant
de la Musique du Roy , fit chanter
le Prologue et le premier Acte de
Thetis et Pelée , qui fut continué le 29.
par le second et le troisiéme Acte , et
on finit le quatrième et le dernier Acte
le 2. Septembre. Les Rôles du Prologue
qui sont la Nuit , la Victoire et le Soleil ,
ont été chantéz par les Dlles Duhamel ,
Levy,et par le sieur le Begues les Princi
paux Rôles de la Piece ont été chantez par
les Dlles Antier , Mathieu , Lenner et
Courvasier , et par les sieurs Massé , le
Begue, Ducros, d'Angerville et du Bourg.
*
Le 29. on concerta le Prologue et le
premier Acte de Thésée ; les Rôles du
Prologue furent chantez par les Dlles Mathieu
et Duhamel , et par les sieurs du
Bourg et Richer , et ceux de la Piece
par les Diles Courvasier , Petitpas
Drouin et Duhamel , et par les sieurs
d'Angerville Chassé et Tribou ,
Le 23. la Reine voulut entendre le
Prologue de la premiere Entrée des Fêtes
Grecques et Romaines , de la composi →
tion de M. de Blamont. Les Dlles Antier.
et
SEPTEMBRE . 1733. 2079
et Petitpas chanterent dans le Prologue
les Roles de Clio et d'Erato , et les sieurs
Chassé et Jeliot , ceux d'Apollon et de
Terpsicore. On chanta la seconde et troisiéme
Entrée le 26. dont les principaux
Rôles furent remplis par les Dlles Antier
, Petitpas , le Maure et Mathieu
et par les sieurs Chassé et Jeliot ; tous
ces differens Concerts firent beaucoup
de plaisir et l'éxécution en fut parfaite.
Le 8. Septembre , Fête de la Nativité
de la Vierge , il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuilleries , on y chanta
le Confitebor , Motet de M. de la Lande,
qui fut suivi d'un petit Motet à voix
seule , chanté par la Dlle Petitpas , et
d'un autre par la Dlle Julie ; après plusieurs
Pieces de Simphonie excellem-
- ment executées , le Concert finit par lė
Motet Exultate justi , du même Auteur .
Lfit dans la Cour du Château de Meudon
, la Revue des deux Compagnies
de Mousquetaires de la Garde de Sa Majesté
, et après que le Roy cut passé
dans les rangs , ils firent l'Exercice des
vant S. M. qui en parut fort satisfaite ,
2 .
La nuit du 23. au 24. du mois dernier,
le feu prit chez un Boulanger du Fauxbourg
S. Martin , avec tant de violence
que toute la maison fut enfâmée avant
qu'on pût y apporter du secours ; quel,
ques autres maisons ont été endommagées
, et 15 , ou 18. personnes ont péri
dans cet lucendie , entr'autres un Religieus
SEPTEMBRE. 1933. 207}
gieux Récollet et deux Enfans de l'Hôpital
de la Trinité , qui travailloient à
L'éteindre , le plancher sur lequel ils
étoient s'étant abîmé tout à coup dans
les flâmes.
Le Concert d'Instrumens que l'Aca
démie Royale de Musique donne tous
les ans au Château des Thuilleries ,à l'occasion
de la Fête du Roy , fut executé
par un grand nombre d'excellens Simphonistes
de la même Académie , qui
joüerent differens Morceaux de Musique
de M. de Lully et d'autres Maîtres modernes
, par une des plus belles soirées
qu'il soit possible de voir , et avec une
multitude incroyable de gens de tous
états , depuis les Princes et Princesses du
Sang , jusqu'à la plus simple Bougeoisie ;
et le tout avec un tel ordre , qu'il n'est
arrivé , non - seulement aucun accident ,
mais pas même de confusion , qu'autant
qu'il eenn falloit pour produire une va
rieté agréable et des oppositions char
mantes d'âges , de Sexes , de qualitez ,
de parures , dont le clair de la Lune ne
laissoit rien perdre ; ensorte que des
Compagnies entieres de gens de grande
condition et autres , étoient dans leur
particulier au milieu de la foule , assis sur
Hii des
2074 MERCURE
DE FRANCE
des chaises qu'on trouvoit en abondante
et qu'on disposoit en rond , &c .
Le 26. Août , il y eut Concert chez
la Reine , M. de Blamont , Sur- Intendant
de la Musique du Roy , fit chanter
le Prologue et le premier Acte de
Thetis et Pelée , qui fut continué le 29.
par le second et le troisiéme Acte , et
on finit le quatrième et le dernier Acte
le 2. Septembre. Les Rôles du Prologue
qui sont la Nuit , la Victoire et le Soleil ,
ont été chantéz par les Dlles Duhamel ,
Levy,et par le sieur le Begues les Princi
paux Rôles de la Piece ont été chantez par
les Dlles Antier , Mathieu , Lenner et
Courvasier , et par les sieurs Massé , le
Begue, Ducros, d'Angerville et du Bourg.
*
Le 29. on concerta le Prologue et le
premier Acte de Thésée ; les Rôles du
Prologue furent chantez par les Dlles Mathieu
et Duhamel , et par les sieurs du
Bourg et Richer , et ceux de la Piece
par les Diles Courvasier , Petitpas
Drouin et Duhamel , et par les sieurs
d'Angerville Chassé et Tribou ,
Le 23. la Reine voulut entendre le
Prologue de la premiere Entrée des Fêtes
Grecques et Romaines , de la composi →
tion de M. de Blamont. Les Dlles Antier.
et
SEPTEMBRE . 1733. 2079
et Petitpas chanterent dans le Prologue
les Roles de Clio et d'Erato , et les sieurs
Chassé et Jeliot , ceux d'Apollon et de
Terpsicore. On chanta la seconde et troisiéme
Entrée le 26. dont les principaux
Rôles furent remplis par les Dlles Antier
, Petitpas , le Maure et Mathieu
et par les sieurs Chassé et Jeliot ; tous
ces differens Concerts firent beaucoup
de plaisir et l'éxécution en fut parfaite.
Le 8. Septembre , Fête de la Nativité
de la Vierge , il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuilleries , on y chanta
le Confitebor , Motet de M. de la Lande,
qui fut suivi d'un petit Motet à voix
seule , chanté par la Dlle Petitpas , et
d'un autre par la Dlle Julie ; après plusieurs
Pieces de Simphonie excellem-
- ment executées , le Concert finit par lė
Motet Exultate justi , du même Auteur .
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Résumé : « Le 2. de ce mois après midy, le Roy fit dans la Cour du Château de Meudon, [...] »
Le 2 septembre, le roi inspecta les Mousquetaires de la Garde à Meudon et fut satisfait de leur exercice. La nuit du 23 au 24 août, un incendie chez un boulanger à Saint-Martin détruisit sa maison et endommagea plusieurs autres, causant la mort de 15 à 18 personnes, dont un religieux Récollet et deux enfants de l'Hôpital de la Trinité. Le 26 août, un concert à l'Académie Royale de Musique aux Tuileries célébra la fête du roi avec des œuvres de Lully et d'autres compositeurs modernes, attirant une foule diverse sans incident. Du 26 août au 2 septembre, des concerts à la cour inclurent des extraits de 'Thetis et Pelée' et 'Thésée', avec des chanteurs tels que les demoiselles Duhamel, Antier, et Mathieu, ainsi que les sieurs Massé et le Begue. Le 23 août, la reine écouta le prologue des 'Fêtes Grecques et Romaines' de Blamont. Le 8 septembre, à la fête de la Nativité de la Vierge, un concert spirituel aux Tuileries présenta des motets de La Lande et des pièces de symphonie.
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14
p. 173-175
« Le premier jour de l'An le Roy entendit à son lever les Hautbois de sa Chambre, [...] »
Début :
Le premier jour de l'An le Roy entendit à son lever les Hautbois de sa Chambre, [...]
Mots clefs :
Prologue, Rôles, Destouches, Omphale, Éléments, Marthésie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le premier jour de l'An le Roy entendit à son lever les Hautbois de sa Chambre, [...] »
Le premier jour de l'An le Roy entendit
à son lever les Hautbois de sa Chambre,
et pendant son diner les vingt- quatre
exécuterent une suite d'Airs de la composition
de M. Destouches , Sur- Inten
dant de la Musique du Roy , en semestre,
Le 4 , la Reine entendit dans son Salon
de Versailles , le Prologue et le premier
Acte de l'Opéra d'Omphale , du
même M. Destouches. Il fut continué
à Marly le 9 par le second et le troisiéme,
les deux derniers furent chantez le Lundi
suivant.Les Dlles Courvasieret Duhamel,
de
174 MERCURE DE FRANCE
de la Musique du Roy ,firent les rolles des
deux Graces dans le Prologue ; la Dlle
Antier et le Sr Chassé ceux d'Argine et
d'Alcide avec beaucoup de succès , de
méme que la Dlle Lenner et le Sr Petillot,
dans les rolles d'Omphale et d'Iphis . Les
Choeurs de la Simphonie furent rendus
dans tout le gout et la précision qu'on
pouvoit désirer.
Le 13 , la Reine ordonna pour Concert
le Prologue et le premier Acte du Ballet
des Elemens , dont le second et le troisiéme
furent continuez le 16 , et le 18 on chanta
le dernier Acte , précédé du Prologue
de Marthesie . La Dlle Antier fit le rolle
d'Emilie , le Sr d'Angerville , celui de
Valere et d'Ixion , et ceux de Pomoncet ,
de Vertumne , furent chantez par la Dlle
Lenner et par le Sr Petillot , lequel remplit
aussi le rolle d'Arion. La Dlle Courvafier
exécuta les rôlles de Junon et de
Leucosie. La Dlle Lenner et le Sr d'Angerville
remplirent dans le Prologue ceux
de Venus et du Destin qui furent très
bien rendus. On applaudit beaucoup le
Prologue de Marthesie , dont les rolles ,
la Simphonie et les Choeurs parurent
très brillans. Les Auteurs de cet Opéra
sont , feu M. de la Mothe , et M. Destouches
; le Public auroit souhaité que
le
JANVIER
+
1734. 175
le Poëte eut bien voulu retoucher ce
Poëme , l'Auteur de la Musique avoüe
qu'il auroit de son cô é réparé beaucoup
de négligences qu'il convient qui lui sont
échapées , si des paroles plus interressantesl'avoient
excité à ce travail .
,
Le 20 , on chanta devant la Reine , le
Prologue et le premier Acte d'Amadis
de Grece , lequel fut continué le 23 , et
le 25 la Dile Antier fit le rolle de
Zirphée dans le Prologue , et celui
d'Argine dans la Piéce ; ce dernier rolle
a aussi été rempli avec succès par la Dile
Courvasier. La Dlie Lenner , chanta celui
de Niquée , et ceux d'Amadis et idu
Prince de Thrace, par les Srs d'Angerville
et le Prince. On louia infiniment l'exécution
de cet Opéra , et sur tout la vivacité
des Airs et des Choeurs de la Magie dans
le troisiéme Acte.
à son lever les Hautbois de sa Chambre,
et pendant son diner les vingt- quatre
exécuterent une suite d'Airs de la composition
de M. Destouches , Sur- Inten
dant de la Musique du Roy , en semestre,
Le 4 , la Reine entendit dans son Salon
de Versailles , le Prologue et le premier
Acte de l'Opéra d'Omphale , du
même M. Destouches. Il fut continué
à Marly le 9 par le second et le troisiéme,
les deux derniers furent chantez le Lundi
suivant.Les Dlles Courvasieret Duhamel,
de
174 MERCURE DE FRANCE
de la Musique du Roy ,firent les rolles des
deux Graces dans le Prologue ; la Dlle
Antier et le Sr Chassé ceux d'Argine et
d'Alcide avec beaucoup de succès , de
méme que la Dlle Lenner et le Sr Petillot,
dans les rolles d'Omphale et d'Iphis . Les
Choeurs de la Simphonie furent rendus
dans tout le gout et la précision qu'on
pouvoit désirer.
Le 13 , la Reine ordonna pour Concert
le Prologue et le premier Acte du Ballet
des Elemens , dont le second et le troisiéme
furent continuez le 16 , et le 18 on chanta
le dernier Acte , précédé du Prologue
de Marthesie . La Dlle Antier fit le rolle
d'Emilie , le Sr d'Angerville , celui de
Valere et d'Ixion , et ceux de Pomoncet ,
de Vertumne , furent chantez par la Dlle
Lenner et par le Sr Petillot , lequel remplit
aussi le rolle d'Arion. La Dlle Courvafier
exécuta les rôlles de Junon et de
Leucosie. La Dlle Lenner et le Sr d'Angerville
remplirent dans le Prologue ceux
de Venus et du Destin qui furent très
bien rendus. On applaudit beaucoup le
Prologue de Marthesie , dont les rolles ,
la Simphonie et les Choeurs parurent
très brillans. Les Auteurs de cet Opéra
sont , feu M. de la Mothe , et M. Destouches
; le Public auroit souhaité que
le
JANVIER
+
1734. 175
le Poëte eut bien voulu retoucher ce
Poëme , l'Auteur de la Musique avoüe
qu'il auroit de son cô é réparé beaucoup
de négligences qu'il convient qui lui sont
échapées , si des paroles plus interressantesl'avoient
excité à ce travail .
,
Le 20 , on chanta devant la Reine , le
Prologue et le premier Acte d'Amadis
de Grece , lequel fut continué le 23 , et
le 25 la Dile Antier fit le rolle de
Zirphée dans le Prologue , et celui
d'Argine dans la Piéce ; ce dernier rolle
a aussi été rempli avec succès par la Dile
Courvasier. La Dlie Lenner , chanta celui
de Niquée , et ceux d'Amadis et idu
Prince de Thrace, par les Srs d'Angerville
et le Prince. On louia infiniment l'exécution
de cet Opéra , et sur tout la vivacité
des Airs et des Choeurs de la Magie dans
le troisiéme Acte.
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Résumé : « Le premier jour de l'An le Roy entendit à son lever les Hautbois de sa Chambre, [...] »
En janvier 1734, plusieurs événements musicaux eurent lieu à la cour royale. Le 1er janvier, le roi écouta des hautbois à son lever et des airs composés par M. Destouches durant son dîner. Le 4 janvier, la reine assista à 'Omphale' de M. Destouches à Versailles, avec des représentations à Marly les 9 et 11 janvier. Les rôles des Grâces furent interprétés par les demoiselles Courvasier et Duhamel, ceux d'Argine et d'Alcide par la demoiselle Antier et M. Chassé, et ceux d'Omphale et d'Iphis par la demoiselle Lenner et M. Petillot. Le 13 janvier, la reine ordonna un concert avec le prologue et le premier acte du ballet 'Les Éléments'. Les deuxième et troisième actes furent joués les 16 et 18 janvier, précédés du prologue de 'Marthésie'. Les rôles principaux furent interprétés par la demoiselle Antier, M. d'Angerville, la demoiselle Lenner et M. Petillot. Les auteurs de cet opéra étaient feu M. de la Motte et M. Destouches. Le 20 janvier, le prologue et le premier acte de 'Amadis de Grèce' furent chantés devant la reine, avec des représentations supplémentaires les 23 et 25 janvier. Les rôles principaux furent interprétés par la demoiselle Antier, la demoiselle Courvasier, la demoiselle Lenner, les sieurs d'Angerville et le Prince. L'exécution de cet opéra fut particulièrement louée pour la vivacité des airs et des chœurs.
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15
p. 368-379
Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Début :
Le goût pour la Comédie, si en vogue depuis quelque temps, ne s'est point rallenti [...]
Mots clefs :
Apollon, Mercure, Thalie, Momus, Melpomène, Déesse, Princesse, Duchesse du Maine, Prologue, Plaisir, Arts, Cour, Jeux, Théâtre de l'Arsenal, Comédie, Pierre de Morand
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Le goût pour la Comédie , si en vogue
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
Fermer
Résumé : Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Le texte relate la montée en popularité de la comédie à Paris, avec plusieurs compagnies connaissant le succès. Parmi elles, la société de l'Hôtel de Brancas, puis de l'Hôtel de Lauzun, se distingue particulièrement. Cette compagnie a été appréciée par des personnes de haut rang et des connaisseurs, et a souvent accueilli des princes et princesses, notamment la Duchesse du Maine. En février 1734, la compagnie a sollicité l'aide de la Duchesse du Maine pour obtenir une salle de représentation. Ils lui ont présenté un placet poétique, la suppliant de les aider à trouver un lieu approprié. La Duchesse du Maine a accepté et leur a fourni une salle dans l'Arsenal. La première représentation dans cette nouvelle salle a eu lieu le 21 février 1734, en présence de la Duchesse du Maine et d'une compagnie choisie. Ils ont joué la tragédie 'Manlius Capitolinus' de M. de la Fosse, suivie de la comédie 'Les trois Frères Rivaux' et d'un divertissement musical. Le prologue, écrit par M. de Morand, louait la princesse et était interprété par des personnages mythologiques tels qu'Apollon, Mercure, Momus, Melpomène et Thalie. Le prologue discutait des rôles de la tragédie et de la comédie, et de leur importance dans l'art. La compagnie prévoit de présenter une nouvelle tragédie du même auteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 764-770
Tragédie nouvelle, jouée à l'Arsenal, et Prologue, [titre d'après la table]
Début :
Le 7. de ce mois, on representa sur le Théatre de l'Arsenal, la Tragedie nouvelle annoncée [...]
Mots clefs :
Acteur, Marquis, Tragédie nouvelle, Théâtre de l'Arsenal, Pyrrhus, Prologue, Comédie, Auteurs, Pièce nouvelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tragédie nouvelle, jouée à l'Arsenal, et Prologue, [titre d'après la table]
Le 7. de ce mois , on representa
sur le Théatre
de l'Arsenal , la Tragedie nouvelle annoncée
dans le Mercure de Fevrier ; Elle fut reçue avec
beaucoup
d'aplaudissement
par une nombreuse
Assemblée : On la rejoua le onze avec plus d'aplaudissements
encore.
Certe Piece est intitulée , Pyrrhus et Teglis :
le Sujet en est tiré partie de Justin , et partie
d'Athénée. Comme elle doit être reprise après
Pâques , nous pourrons alors être en état d'en
donner un Extrait. Elle a été précedée d'une
Scene en forme de Prologue , entre un Marquis
ridicule , et un Acteur de la Comedie de l'Arsenal
, qui a fait beaucoup de plaisir . Voici l'idée
que nous pouvons donner de ce Prologue.
Lorsqu'on leve la toile , le Marquis paroit ,
Occupant un fauteuil nécessaire pour la Tragedie
: Un Acteur surprit de le voir dans cette
place , s'approche poliment , et lui dit qu'il ne
sçauroit demeurer là . Le Marquis en demande
la raison , l'Acteur lui répond que leur Theatre
est trop petit pour que des spectateurs y puissent
AVRIL 765
.
1724.
sent prendre place ; Vous voyez bien , dit - il ,
que vous êtes le seul qui s'y soit placé.
Le Marquis replique que la regle generale n'em
est pas une pour lui , qu'un homme comme lui
en fait toujours l'exception , et que ne venant
au Spectacle que pour être vû , et pour y voir
le beau monde , il n'est point de place plus commode
pour cela que le Theatre.
L'Acteur lui dit que s'il ne vient au Specta
cle que pour être vû , c'est sur un plus grand
Theatre , et devant une assemblée plus nombreuse
qu'il doit paroître. Le Marquis répond
qu'il a déja assisté au Prologue de l'Opera , à
un Acte de la Comédie Françoise , à quelques
Scenes de l'Italienne ; et qu'ayant apris qu'il y
avoit à l'Arsenal une Comedie , où se rassembloient
de fort aimables Personnes , il étoit venu
y passer qu'elques moments, en attendant l'heure
d'aller lutiner les Danseuses de l'Opera Comique.
L'Acteur le remercie de la préférance ....
Ce Marquis demande quelle est la Piéce qu'on
va jouer : on lui dit que c'est une Piece nouvelle.
Il reprend avec vivacité.
Une Piece nouvelle ! Comment , morbleu , une
Piece nouvelle ! Et quel est ce fat d'Auteur qui s'avife
de donner une Piece nouvelle , sans être venú
La lire à ma Toilette ! Sçait - il bien que les Auteurs,
même les plus fameux , viennent me demander
ma protection , aussi je les sers à merveille :
Quand une fois j'ai aprouvé un Ouvrage , le Public
a beau le condamner , je sçai le moien de
faire tout applaudir , de faire paroitre le parterre
plein lors même que la Piece est dans les regles et
si les Comediens n'osent plus la donner , je sçai
l'art de la faire redemander autc de grands broubabas
, afin que sa chute soit imputée à leur mau-
G
:
vaise
766 MERCURE DE FRANCE
vaise humeur , plutôt qu'au dégout du Public.
> ›
L'Acteur lui répond que si les grands Auteurs
vont briguer son suffrage , il n'est pas
étonnant que celui de la Piece nouvelle ne l'ait
pas mandié : que comme il ne fait que de cominencer
, il ne sçait pas comment il faut s'y
prendre pour faire réussir une Piece . Et il
ajoute ensuite. Auteurs , Acteurs Musiciens
tous n'agissent ici que pour leur propre plaisir , pour
celui de leurs amis , et surtout par l'espoir de contribuer
quelquefois aux amusements d'une Princesse
illustre qui nous honore de sa protection
et qui veut bien se contenter de nos foibles
efforts. Ainsi, Monsieur, nous n'avons besoin d'aucun
artifice , ni pour faire applaudir nos Acteurs ,
ni pour faire réussir nos nouveautés &c.
2
Cela est fort heureux , dit le Marquis , mais
la vanité guide tout Acteur qui paroit sur un
Theatre et encore plus un Auteur . Il faut même
que celui de votre Piece nouvelle en ait plus
qu'un autre pour mettre son Ouvrage dans les
mains d'Acteurs, qui ne sont pas consommez dans
l'Art , il faut qu'il le croye asses superieur pour
pouvoir être admiré malgré les défauts de la
réprésentation , où il faut qu'aiant été refusé
par les grands Comédiens , il n'ait plus que
cette triste ressource pour le faire paroître. Il
s'écrie.
Je gagerois , morbleu , cent contre un , que
cette Piece a été refusée des François et des
Italiens.
l'Acteur.
Vous perdriez certainement , elle n'a ja-
* Madame la Duchesse Du Maine.
mais
AVRIL. 173 t . 767
>
mais été luë dans aucun foyer : l'Auteur a craint
le jugement & c . Il s'est deffié de ses propres
forces, et a cru que ce qui pouvoit lui faire honneur
ici et parmi nous , n'auroit pas tout le més
rite nécessaire pour être exposé à un plus grand
jour.
Le Marquis rit de ce que l'on supose de la modestie
dans un Auteur et dit qu'il n'en est
point qui ne se croye égal aux plus grands Maitres
de l'Art ; qu'il en est même qui se croient
bien au dessus et qui sont assez heureux , à
force de le dire , pour le persuader à beaucoup
d'autres.L'Acteur répond que n'étant pas Auteur,
il ignore ce qui se passe dans leur ame : Il ajoute
qu'ils ont pressé leur ami de leur donner son
Ouvrage , afin de l'encourager par là à faire
quelque chose de meilleur , et qu'ils se sont flatés
que
leurs Spectateurs, entrant dans leurs vues,
voudroient bien par leurs aplaudissements don--
ner de l'émulation à un jeune Auteur qui commence.
›
Le Marquis replique que c'est être fort charitable
, et qu'ils sont bien bons d'engager un
nombre d'honnetes - gens à venir s'ennuier pour
donner de l'émulation à un Auteur. Il demande
si la Tragedie nouvelle est en Prose , ou en
Vers ?
l'Acteur.
Une Tragedie en Prose !
Le Marquis.
Il est vrai que le projet n'en a pas fait fortune
je l'avois toujours fort aprouvé à caufe de
sa singularité.
Gij Acteur
768 MERCURE DE FRANCE
l'Acteur.
Ceux qui ne se tirent d'affaire que par le
faste des Vers , n'y auroient pas trouvé leur
compte , et ce ne pourroit être la ressource
que dé quelque Auteur judicieux , sensé , plein
de sentimens capables de composer une Fable ingenieuse
, et de conduire une Piece , mais sans
Brillant , fans feu , sans saillies , et qui n'auroit
pas l'art de bien tourner un Vers .
Le Marquis.
Eh , dites moi , les Vers de votre Tragedie
sont- ils beaux ? y a - t'il de ces Vers ronflants
épithétiques , pompeux ; de ces Vers qui éblouissent
, ravissent , étourdissent ; y a - t'il de ces
traits neufs , hardis......
•
L'Acteur répond que tout est simple chez
eux et que dans la Piece il n'y a qu'un morseau
un peu trop épique que l'Auteur s'est obstiné
à vouloir laisser malgré l'avis de plusieurs
connoisseurs . Le Marquis dit que l'Auteur a fort
bien fait , et qu'il ne faut que deux ou trois mor
ceaux dans ce genre pour faire le succes , d'une
Tragedie : il conclut que le sujet en est tiré d'un
Roman. L'Acteur l'assure qu'il est pris de
l'Histoire , et qu'elle n'est presque pas alterée
dans cette Piece. Le Marquis en paroît fâché
et ajoute . Parlez moi d'un beau Roman mis en
Tragedie , cela fournit des situations , des traits
saillants , des images touchantes , des évenemens.
Beaucoup d'evenemens , morbleu ! beaucoup
d'evenemens entassez les uns sur les autres ,
qui se succedent sans être liés. Cela tient l'esprit
en haleine , on est toujours surpris par
quelque chose d'inesperé.
PActeur
AVRIL
769 1734.
l'Acteur.
Cinq Tragedies dans une ; n'est - ce pas
Le Marquis.
Vous croiez badiner ; mais rien ne marque
mieux l'imagination et la fecondité d'un Auteur .
Voilà qui est bien merveilleux , une seule action
dans Actes ! eh pour moi , je m'endors si je
n'en trouve pas une à chaque Acte , et quand
il y en auroit davantage , je ne m'en plaindrois
pas.
$ L'Acteur lui répond que c'est ce qu'il ne
trouvera pas dans la Piece nouvelle : qu'une
seule action très - simple , fait tout le fond de ce
Poëme. Le Marquis dit qu'il n'est pas curieux
de tant de simplicité ; qu'il veut quelque chose
qui pique , qui réveille , et aprenant le titre de
la Piece , il se recrie : quoi ? encore un Pyrrhus !
L'Acteur l'assure que quoique le nom de ce
Heros ne soit pas nouveau au Theatre , celui - ci
paroit pourtant sur la Scene pour la premiére
fois , etpeut- être pour la derniere, dit le Marquis,
Cela se pourroit , dit l'Acteur , car nous n'aimons
pas à jouer souvent la même chose . Le
Marquis demande qui est cette Teglis qu'il ne
connoit pas. L'Acteur lui répond que c'est à
peu pres * le nom d'une Princeese dont Pyrrhus
étoit épris. Le Marquis en conclut qu'il
y a beaucoup de tendre dans la Piece . et l'Acteur
lui avoue qu'il croit même qu'il y en a
un peu trop , que le Heros aime trop. passio-
* Le vrai nom de cette Maitresse de Pyrrhus étoit
Tigris. Ce nom n'étoit pas favorable pour la Poësie,
ni pour le titre d'une Piece , et il n'a fallu changer
que deux lettres pour en faire un beaucoup plus doux⚫
G' iij
nement
778 MERCURE DE FRANCE
nement et trop constamment , mais que comme
il l'a déja dit , l'Auteur est un jeune homme qui
a cru plaire au beau sexe , en mettant sur la
Scene un Prince qui sacrifie tout à son amour
hors sa vertu et son devoir.
Le Marquis.
>
>
C'est un Amant tendre , constant , fidelle
doucereux , tout cela ne sauroit plaire : ce n'est
plus là le gout du siècle : les Dames même que
vôtre Auteur a cru flater par là seront les premieres
à s'y ennuyer , adieu : j'en sçais assez
pour en pouvoir décider ; simplicité, constance ,
fidelité th ! fi , fi ... vive la confusion , la vivacité
et le changement . ( il sort )
L'Auteur est charmé d'être délivré de cet étourdi
et finit ainsi :Nous n'avons à parler que devant
des perfonnes sensées et raisonnables , qui voudront
bien voir avec bonté le coup d'essai qu'on va leur
offrir. Annoncer un coup d'essai , n'est-ce pas demander
de l'indulgence ? qui ne sçait que des plus
foibles commencements sont sortis quelquefois de
vrais chef-d'oeuvres.
sur le Théatre
de l'Arsenal , la Tragedie nouvelle annoncée
dans le Mercure de Fevrier ; Elle fut reçue avec
beaucoup
d'aplaudissement
par une nombreuse
Assemblée : On la rejoua le onze avec plus d'aplaudissements
encore.
Certe Piece est intitulée , Pyrrhus et Teglis :
le Sujet en est tiré partie de Justin , et partie
d'Athénée. Comme elle doit être reprise après
Pâques , nous pourrons alors être en état d'en
donner un Extrait. Elle a été précedée d'une
Scene en forme de Prologue , entre un Marquis
ridicule , et un Acteur de la Comedie de l'Arsenal
, qui a fait beaucoup de plaisir . Voici l'idée
que nous pouvons donner de ce Prologue.
Lorsqu'on leve la toile , le Marquis paroit ,
Occupant un fauteuil nécessaire pour la Tragedie
: Un Acteur surprit de le voir dans cette
place , s'approche poliment , et lui dit qu'il ne
sçauroit demeurer là . Le Marquis en demande
la raison , l'Acteur lui répond que leur Theatre
est trop petit pour que des spectateurs y puissent
AVRIL 765
.
1724.
sent prendre place ; Vous voyez bien , dit - il ,
que vous êtes le seul qui s'y soit placé.
Le Marquis replique que la regle generale n'em
est pas une pour lui , qu'un homme comme lui
en fait toujours l'exception , et que ne venant
au Spectacle que pour être vû , et pour y voir
le beau monde , il n'est point de place plus commode
pour cela que le Theatre.
L'Acteur lui dit que s'il ne vient au Specta
cle que pour être vû , c'est sur un plus grand
Theatre , et devant une assemblée plus nombreuse
qu'il doit paroître. Le Marquis répond
qu'il a déja assisté au Prologue de l'Opera , à
un Acte de la Comédie Françoise , à quelques
Scenes de l'Italienne ; et qu'ayant apris qu'il y
avoit à l'Arsenal une Comedie , où se rassembloient
de fort aimables Personnes , il étoit venu
y passer qu'elques moments, en attendant l'heure
d'aller lutiner les Danseuses de l'Opera Comique.
L'Acteur le remercie de la préférance ....
Ce Marquis demande quelle est la Piéce qu'on
va jouer : on lui dit que c'est une Piece nouvelle.
Il reprend avec vivacité.
Une Piece nouvelle ! Comment , morbleu , une
Piece nouvelle ! Et quel est ce fat d'Auteur qui s'avife
de donner une Piece nouvelle , sans être venú
La lire à ma Toilette ! Sçait - il bien que les Auteurs,
même les plus fameux , viennent me demander
ma protection , aussi je les sers à merveille :
Quand une fois j'ai aprouvé un Ouvrage , le Public
a beau le condamner , je sçai le moien de
faire tout applaudir , de faire paroitre le parterre
plein lors même que la Piece est dans les regles et
si les Comediens n'osent plus la donner , je sçai
l'art de la faire redemander autc de grands broubabas
, afin que sa chute soit imputée à leur mau-
G
:
vaise
766 MERCURE DE FRANCE
vaise humeur , plutôt qu'au dégout du Public.
> ›
L'Acteur lui répond que si les grands Auteurs
vont briguer son suffrage , il n'est pas
étonnant que celui de la Piece nouvelle ne l'ait
pas mandié : que comme il ne fait que de cominencer
, il ne sçait pas comment il faut s'y
prendre pour faire réussir une Piece . Et il
ajoute ensuite. Auteurs , Acteurs Musiciens
tous n'agissent ici que pour leur propre plaisir , pour
celui de leurs amis , et surtout par l'espoir de contribuer
quelquefois aux amusements d'une Princesse
illustre qui nous honore de sa protection
et qui veut bien se contenter de nos foibles
efforts. Ainsi, Monsieur, nous n'avons besoin d'aucun
artifice , ni pour faire applaudir nos Acteurs ,
ni pour faire réussir nos nouveautés &c.
2
Cela est fort heureux , dit le Marquis , mais
la vanité guide tout Acteur qui paroit sur un
Theatre et encore plus un Auteur . Il faut même
que celui de votre Piece nouvelle en ait plus
qu'un autre pour mettre son Ouvrage dans les
mains d'Acteurs, qui ne sont pas consommez dans
l'Art , il faut qu'il le croye asses superieur pour
pouvoir être admiré malgré les défauts de la
réprésentation , où il faut qu'aiant été refusé
par les grands Comédiens , il n'ait plus que
cette triste ressource pour le faire paroître. Il
s'écrie.
Je gagerois , morbleu , cent contre un , que
cette Piece a été refusée des François et des
Italiens.
l'Acteur.
Vous perdriez certainement , elle n'a ja-
* Madame la Duchesse Du Maine.
mais
AVRIL. 173 t . 767
>
mais été luë dans aucun foyer : l'Auteur a craint
le jugement & c . Il s'est deffié de ses propres
forces, et a cru que ce qui pouvoit lui faire honneur
ici et parmi nous , n'auroit pas tout le més
rite nécessaire pour être exposé à un plus grand
jour.
Le Marquis rit de ce que l'on supose de la modestie
dans un Auteur et dit qu'il n'en est
point qui ne se croye égal aux plus grands Maitres
de l'Art ; qu'il en est même qui se croient
bien au dessus et qui sont assez heureux , à
force de le dire , pour le persuader à beaucoup
d'autres.L'Acteur répond que n'étant pas Auteur,
il ignore ce qui se passe dans leur ame : Il ajoute
qu'ils ont pressé leur ami de leur donner son
Ouvrage , afin de l'encourager par là à faire
quelque chose de meilleur , et qu'ils se sont flatés
que
leurs Spectateurs, entrant dans leurs vues,
voudroient bien par leurs aplaudissements don--
ner de l'émulation à un jeune Auteur qui commence.
›
Le Marquis replique que c'est être fort charitable
, et qu'ils sont bien bons d'engager un
nombre d'honnetes - gens à venir s'ennuier pour
donner de l'émulation à un Auteur. Il demande
si la Tragedie nouvelle est en Prose , ou en
Vers ?
l'Acteur.
Une Tragedie en Prose !
Le Marquis.
Il est vrai que le projet n'en a pas fait fortune
je l'avois toujours fort aprouvé à caufe de
sa singularité.
Gij Acteur
768 MERCURE DE FRANCE
l'Acteur.
Ceux qui ne se tirent d'affaire que par le
faste des Vers , n'y auroient pas trouvé leur
compte , et ce ne pourroit être la ressource
que dé quelque Auteur judicieux , sensé , plein
de sentimens capables de composer une Fable ingenieuse
, et de conduire une Piece , mais sans
Brillant , fans feu , sans saillies , et qui n'auroit
pas l'art de bien tourner un Vers .
Le Marquis.
Eh , dites moi , les Vers de votre Tragedie
sont- ils beaux ? y a - t'il de ces Vers ronflants
épithétiques , pompeux ; de ces Vers qui éblouissent
, ravissent , étourdissent ; y a - t'il de ces
traits neufs , hardis......
•
L'Acteur répond que tout est simple chez
eux et que dans la Piece il n'y a qu'un morseau
un peu trop épique que l'Auteur s'est obstiné
à vouloir laisser malgré l'avis de plusieurs
connoisseurs . Le Marquis dit que l'Auteur a fort
bien fait , et qu'il ne faut que deux ou trois mor
ceaux dans ce genre pour faire le succes , d'une
Tragedie : il conclut que le sujet en est tiré d'un
Roman. L'Acteur l'assure qu'il est pris de
l'Histoire , et qu'elle n'est presque pas alterée
dans cette Piece. Le Marquis en paroît fâché
et ajoute . Parlez moi d'un beau Roman mis en
Tragedie , cela fournit des situations , des traits
saillants , des images touchantes , des évenemens.
Beaucoup d'evenemens , morbleu ! beaucoup
d'evenemens entassez les uns sur les autres ,
qui se succedent sans être liés. Cela tient l'esprit
en haleine , on est toujours surpris par
quelque chose d'inesperé.
PActeur
AVRIL
769 1734.
l'Acteur.
Cinq Tragedies dans une ; n'est - ce pas
Le Marquis.
Vous croiez badiner ; mais rien ne marque
mieux l'imagination et la fecondité d'un Auteur .
Voilà qui est bien merveilleux , une seule action
dans Actes ! eh pour moi , je m'endors si je
n'en trouve pas une à chaque Acte , et quand
il y en auroit davantage , je ne m'en plaindrois
pas.
$ L'Acteur lui répond que c'est ce qu'il ne
trouvera pas dans la Piece nouvelle : qu'une
seule action très - simple , fait tout le fond de ce
Poëme. Le Marquis dit qu'il n'est pas curieux
de tant de simplicité ; qu'il veut quelque chose
qui pique , qui réveille , et aprenant le titre de
la Piece , il se recrie : quoi ? encore un Pyrrhus !
L'Acteur l'assure que quoique le nom de ce
Heros ne soit pas nouveau au Theatre , celui - ci
paroit pourtant sur la Scene pour la premiére
fois , etpeut- être pour la derniere, dit le Marquis,
Cela se pourroit , dit l'Acteur , car nous n'aimons
pas à jouer souvent la même chose . Le
Marquis demande qui est cette Teglis qu'il ne
connoit pas. L'Acteur lui répond que c'est à
peu pres * le nom d'une Princeese dont Pyrrhus
étoit épris. Le Marquis en conclut qu'il
y a beaucoup de tendre dans la Piece . et l'Acteur
lui avoue qu'il croit même qu'il y en a
un peu trop , que le Heros aime trop. passio-
* Le vrai nom de cette Maitresse de Pyrrhus étoit
Tigris. Ce nom n'étoit pas favorable pour la Poësie,
ni pour le titre d'une Piece , et il n'a fallu changer
que deux lettres pour en faire un beaucoup plus doux⚫
G' iij
nement
778 MERCURE DE FRANCE
nement et trop constamment , mais que comme
il l'a déja dit , l'Auteur est un jeune homme qui
a cru plaire au beau sexe , en mettant sur la
Scene un Prince qui sacrifie tout à son amour
hors sa vertu et son devoir.
Le Marquis.
>
>
C'est un Amant tendre , constant , fidelle
doucereux , tout cela ne sauroit plaire : ce n'est
plus là le gout du siècle : les Dames même que
vôtre Auteur a cru flater par là seront les premieres
à s'y ennuyer , adieu : j'en sçais assez
pour en pouvoir décider ; simplicité, constance ,
fidelité th ! fi , fi ... vive la confusion , la vivacité
et le changement . ( il sort )
L'Auteur est charmé d'être délivré de cet étourdi
et finit ainsi :Nous n'avons à parler que devant
des perfonnes sensées et raisonnables , qui voudront
bien voir avec bonté le coup d'essai qu'on va leur
offrir. Annoncer un coup d'essai , n'est-ce pas demander
de l'indulgence ? qui ne sçait que des plus
foibles commencements sont sortis quelquefois de
vrais chef-d'oeuvres.
Fermer
Résumé : Tragédie nouvelle, jouée à l'Arsenal, et Prologue, [titre d'après la table]
Le 7 avril 1724, la tragédie 'Pyrrhus et Teglis' a été représentée au Théâtre de l'Arsenal et a été acclamée par une nombreuse assemblée. La pièce, dont le sujet est tiré de Justin et d'Athénée, a été rejouée le 11 avril avec encore plus d'applaudissements. Elle sera reprise après Pâques, permettant alors de fournir un extrait. La représentation a été précédée d'un prologue entre un marquis ridicule et un acteur de la Comédie de l'Arsenal, qui a beaucoup plu au public. Le prologue commence avec le marquis occupant un fauteuil nécessaire pour la tragédie. Un acteur lui demande poliment de quitter sa place, arguant que le théâtre est trop petit pour que des spectateurs s'y installent. Le marquis répond qu'il vient au spectacle pour être vu et voir le beau monde, et qu'il n'y a pas de place plus commode que le théâtre. L'acteur lui suggère alors de se produire sur un plus grand théâtre devant une assemblée plus nombreuse. Le marquis mentionne avoir assisté à divers spectacles et être venu à l'Arsenal pour passer quelques moments en attendant l'heure d'aller voir les danseuses de l'Opéra Comique. Le marquis demande ensuite quelle est la pièce qui va être jouée. On lui répond qu'il s'agit d'une pièce nouvelle. Il s'indigne que l'auteur n'ait pas lu sa pièce lors de sa toilette et affirme que les auteurs, même les plus célèbres, viennent chercher sa protection. L'acteur lui explique que les auteurs, acteurs et musiciens agissent pour leur propre plaisir, celui de leurs amis et surtout pour contribuer aux amusements d'une princesse illustre qui les protège. Le marquis continue de critiquer la pièce, affirmant que l'auteur doit être vaniteux pour la présenter à des acteurs non consommés dans l'art. L'acteur répond que la pièce n'a jamais été lue dans aucun foyer et que l'auteur a craint le jugement du public. Le marquis rit de cette modestie supposée et affirme que tous les auteurs se croient égaux aux plus grands maîtres. L'acteur ignore les critiques et explique que les acteurs ont encouragé l'auteur à présenter son œuvre pour lui donner de l'émulation. Le marquis demande ensuite si la tragédie est en prose ou en vers. L'acteur répond qu'il s'agit d'une tragédie en vers, car ceux qui ne se tirent d'affaire que par le faste des vers n'y auraient pas trouvé leur compte. Le marquis insiste sur la beauté des vers et les traits saillants, mais l'acteur assure que tout est simple dans la pièce, à l'exception d'un morceau un peu trop épique. Le marquis conclut que le sujet est tiré d'un roman, mais l'acteur affirme qu'il est tiré de l'histoire et presque inchangé. Le marquis exprime son mécontentement face à cette simplicité et apprend le titre de la pièce, 'Pyrrhus et Teglis'. Il s'étonne que le nom de Pyrrhus ne soit pas nouveau au théâtre, mais l'acteur assure que ce Pyrrhus apparaît pour la première fois sur scène. Le marquis demande qui est Teglis, et l'acteur répond qu'il s'agit d'une princesse dont Pyrrhus était épris. Le marquis conclut qu'il y a beaucoup de tendresse dans la pièce, et l'acteur avoue qu'il y en a peut-être un peu trop, le héros aimant passionnément et constamment. Le marquis critique cette constance et fidélité, affirmant que ce n'est plus le goût du siècle. Il quitte la scène, et l'acteur conclut en espérant que le public verra avec bonté ce coup d'essai, rappelant que des chefs-d'œuvre peuvent naître de faibles commencements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 1243-1246
« Le 20 de ce mois, la Reine entendit la Messe dans la Chapelle du Château de [...] »
Début :
Le 20 de ce mois, la Reine entendit la Messe dans la Chapelle du Château de [...]
Mots clefs :
Reine, Château de Versailles, Concert, Roi, Prologue, Messe, Fête, Destouches, Opéra, Château des Tuileries, Vernon, Mordant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 20 de ce mois, la Reine entendit la Messe dans la Chapelle du Château de [...] »
Le 25 de ce mois , la Reine entendig
la Messe dans la Chapelle du Château de
Versailles , et S. M. communia par les
mains du Cardinal de Fleury , son Grand
Aumônier.
Le 24 , Fête du S. Sacrement , le Roy,
accompagné de ses principaux Officiers ,
se rendit à l'Eglise de la Paroisse , où Sa
Majesté entendit la Grand'Messe après
ávoir assisté à la Procession qui vint, sui-
1 Vol. I ij
vant
2244
MERCURE
DE FRANCE
!
vant l'usage à la Chapelle du Château
La Reine entendit la Messe dans sa Tribune,
aprés avoir vû passer la Procession .
Monseigneur le Dauphin , et Mesdames
de France la virent passer d'un des Apartements
du Château .
Le ic.May il y eut Concert dans le Salon
de la Reine ; M. Destouches , Sur- Inten .
dant de la Musique du Roy , fit chanter
le Prologue et le premier Acte de l'Opéra
d'Omphale , qui fut continué le 12. et le
17. la Dile Antier fit le rôle d'Argine , le
Sr d'Angerville celui d'Hercule , la Dlle
Lenner et le Sr Petillot ceux d'Omphale
et d'Iphis.
Le 19 , le 24 et le 26 , la Reine entendit
le Ballet des Elemens , executé par
les mêmes sujets , on ajouta le Prologue
des Stratagêmes de l'Amour à l'Acte de la
Terre, pour former le troisiéme Concert.
Le 31 , on chanta le Prologue et le
premier Acte de Semiramis , qu'on con
tinua le 9 et le 16 Juin. Le premier rôle
fut chanté par la Dlle Antier avec aplau
dissement de même que celui d'Amestris,
par la Dlle Pelissier ; les autres rôles furent
très- bien rendus par les Srs d'An
gerville et Petillot.
Le 21 de ce mois on concerta l'Opéra
1 Vol.
de
JUIN. 1734. 1245
de Marthesie , dont le Poëme est de feu
M. de la Moth et la Musique de M. Destouches.
La Dlle Duhamel fit le rôle de
Cybelle au Prologue , et le Sr d'Angerville
et la Dlle Pelissier chantéront ceux
du Roy des Scythes et de Talestris , et
celui de la Prêtresse du Soleil fut rendu
par la Dlle Lenner à la satisfaction de la
Reine et de toute la Cout. Le soin qu'a
pris M. Destouches de réfondre quelques
morceaux de cet Opéra , et d'y ajouter
quelques Airs nouveaux , rendit ce Concert
très varié et très brillant.
"
Le 3 Juin Fête de l'Ascension , le 13
Dimanche de la Pentecote , et le jour de
la Fête- Dieu , il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuileries. M. Mouret
y a fait exécuter differents Moters de
M. de la Lande et d'autres Maîtres Modernes
, un , entre autres , de l'Abbé du
Luc , Beneficier de l'Eglise de Paris , qui
est un très beau morceau de Musique .
Les Dlies Erremens , Petitpas et le Sr Jeliot
Fot ont chanté differens petits Motets à
une et à deux voix avec beaucoup de
justesse et de précision , de même que le
Sr Berard , Chanteur de la Comédie Italienne
, qui a chanté deux fois un air Ita-
Tien avec beaucoup d'aplaudissemens,
Vol, I v Tous
1246 MERCURE DE FRANCE
Tous ces Concerts ont toujours été terminez
par un Moter à grand Choeur de
M. de la Lande , et précedez de plusieurs
Piéces de Simphonie exécutées en perfection
par les Sieurs le Clair et Blavet.
9 •
On écrit de Vernon que le Mercredy
de ce mois M. Mordant y fut reçû
Lieutenant General du Bailliage à la place
de feu M, son pere , mort en 1733. Ce
jeune Magistrat n'a que 21 ans , et on
peut assurer qu'il marche déja sur les
traces de ses Ancêtres , qui depuis plus .
de 100 ans ont occupé successivement
cette premiere place . Il prononça un
Discours Latin d'une demie heure qui
fut très- gouté. Il avoit été presenté par
M. de Quenremont , Avocat fameux
qui parla avec éloquence sur le choix
d'un Etat. M. de Bordeaux , Procureur
du Roy , parla aussi d'une maniere convenable
à la dignité de son Ministere.
la Messe dans la Chapelle du Château de
Versailles , et S. M. communia par les
mains du Cardinal de Fleury , son Grand
Aumônier.
Le 24 , Fête du S. Sacrement , le Roy,
accompagné de ses principaux Officiers ,
se rendit à l'Eglise de la Paroisse , où Sa
Majesté entendit la Grand'Messe après
ávoir assisté à la Procession qui vint, sui-
1 Vol. I ij
vant
2244
MERCURE
DE FRANCE
!
vant l'usage à la Chapelle du Château
La Reine entendit la Messe dans sa Tribune,
aprés avoir vû passer la Procession .
Monseigneur le Dauphin , et Mesdames
de France la virent passer d'un des Apartements
du Château .
Le ic.May il y eut Concert dans le Salon
de la Reine ; M. Destouches , Sur- Inten .
dant de la Musique du Roy , fit chanter
le Prologue et le premier Acte de l'Opéra
d'Omphale , qui fut continué le 12. et le
17. la Dile Antier fit le rôle d'Argine , le
Sr d'Angerville celui d'Hercule , la Dlle
Lenner et le Sr Petillot ceux d'Omphale
et d'Iphis.
Le 19 , le 24 et le 26 , la Reine entendit
le Ballet des Elemens , executé par
les mêmes sujets , on ajouta le Prologue
des Stratagêmes de l'Amour à l'Acte de la
Terre, pour former le troisiéme Concert.
Le 31 , on chanta le Prologue et le
premier Acte de Semiramis , qu'on con
tinua le 9 et le 16 Juin. Le premier rôle
fut chanté par la Dlle Antier avec aplau
dissement de même que celui d'Amestris,
par la Dlle Pelissier ; les autres rôles furent
très- bien rendus par les Srs d'An
gerville et Petillot.
Le 21 de ce mois on concerta l'Opéra
1 Vol.
de
JUIN. 1734. 1245
de Marthesie , dont le Poëme est de feu
M. de la Moth et la Musique de M. Destouches.
La Dlle Duhamel fit le rôle de
Cybelle au Prologue , et le Sr d'Angerville
et la Dlle Pelissier chantéront ceux
du Roy des Scythes et de Talestris , et
celui de la Prêtresse du Soleil fut rendu
par la Dlle Lenner à la satisfaction de la
Reine et de toute la Cout. Le soin qu'a
pris M. Destouches de réfondre quelques
morceaux de cet Opéra , et d'y ajouter
quelques Airs nouveaux , rendit ce Concert
très varié et très brillant.
"
Le 3 Juin Fête de l'Ascension , le 13
Dimanche de la Pentecote , et le jour de
la Fête- Dieu , il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuileries. M. Mouret
y a fait exécuter differents Moters de
M. de la Lande et d'autres Maîtres Modernes
, un , entre autres , de l'Abbé du
Luc , Beneficier de l'Eglise de Paris , qui
est un très beau morceau de Musique .
Les Dlies Erremens , Petitpas et le Sr Jeliot
Fot ont chanté differens petits Motets à
une et à deux voix avec beaucoup de
justesse et de précision , de même que le
Sr Berard , Chanteur de la Comédie Italienne
, qui a chanté deux fois un air Ita-
Tien avec beaucoup d'aplaudissemens,
Vol, I v Tous
1246 MERCURE DE FRANCE
Tous ces Concerts ont toujours été terminez
par un Moter à grand Choeur de
M. de la Lande , et précedez de plusieurs
Piéces de Simphonie exécutées en perfection
par les Sieurs le Clair et Blavet.
9 •
On écrit de Vernon que le Mercredy
de ce mois M. Mordant y fut reçû
Lieutenant General du Bailliage à la place
de feu M, son pere , mort en 1733. Ce
jeune Magistrat n'a que 21 ans , et on
peut assurer qu'il marche déja sur les
traces de ses Ancêtres , qui depuis plus .
de 100 ans ont occupé successivement
cette premiere place . Il prononça un
Discours Latin d'une demie heure qui
fut très- gouté. Il avoit été presenté par
M. de Quenremont , Avocat fameux
qui parla avec éloquence sur le choix
d'un Etat. M. de Bordeaux , Procureur
du Roy , parla aussi d'une maniere convenable
à la dignité de son Ministere.
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Résumé : « Le 20 de ce mois, la Reine entendit la Messe dans la Chapelle du Château de [...] »
Du 1er au 31 mai, plusieurs événements marquants ont eu lieu à la cour. Le 25 mai, la Reine a assisté à la messe au Château de Versailles et a communié des mains du Cardinal de Fleury. Le 24 mai, le Roi a participé à la Fête du Saint-Sacrement, assistant à la procession et à la grand-messe à l'église paroissiale. La Reine a écouté la messe depuis sa tribune, tandis que le Dauphin et Mesdames de France ont observé la procession depuis un appartement du château. Du 1er au 21 mai, divers spectacles ont été organisés, notamment des représentations de l'opéra 'Omphale', du ballet des Éléments et de l'opéra 'Marthésie', avec des artistes tels que la Dlle Antier, le Sr d'Angerville et la Dlle Pelissier. Le 31 mai, le prologue et le premier acte de 'Semiramis' ont été chantés. Le 3 juin, à l'occasion de l'Ascension, des concerts spirituels ont eu lieu au Château des Tuileries, dirigés par M. Mouret. À Vernon, M. Mordant a été reçu Lieutenant Général du Bailliage, prononçant un discours latin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 203-211
Extrait de Daphnis & Alcimadure.
Début :
Cet opéra nouveau nous rappelle le premier âge en France des lettres & des arts. [...]
Mots clefs :
Opéra, Amour, Coeur, Prologue, Langage, Chants, Peuple, Divertissement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait de Daphnis & Alcimadure.
Extrait de Daphnis & Alcimadure.
Cet opéra nouveau nous rappelle le premier
âge en France des lettres & des arts.
M. Mondonville , poëte tout à la fois &.
muficien , eft l'auteur des paroles & de
la mufique tels étoient autrefois nos fameux
Troubadours.
La paftorale eft écrite en langage Tou-,
loufain , le prologue l'eft en notre langue.
L'inftitution des Jeux Floraux , que nous,
devons à Clémence Ifaure , eft le fujet du
prologue , & ce perfonnage eft le feul
chantant qui y paroiffe. Ifaure eft entourée
de peuples , de jardiniers & de jardi
nieres , & elle dit :
Dans ce féjour riant & fortuné
Phébus , Flore & l'Amour ont fixé leur empire
On y voit de leurs mains le printems couronné
Les coeurs font adoucis par l'air qu'on y reſpire.
On n'y craint point la rigueur des hyvers ,
On n'y craint point l'inconftance des belles ;
Nos arbres y font toujours verds ,,
Et nos amans toujours fideles.
Ces chants d'Ifaure très- bien rendus pa
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
Mlle Chevalier , & coupés de danſes &
de choeurs , amenent le développement du
projet qu'elle a formé ; elle dit :
Peuples , il faut dans ce beau jour ,
D'un fiécle fi chéri tranſmettre la mémoire ,
Et je veux que des prix couronnent la victoire
De ceux qui fçauront mieux chanter le tendre
amour.
On voit paroître en effet les nobles , formant
une entrée , & portant les différens
prix que la célébre Académie de Toulouſe
diftribue tous les ans. Ifaure enfuite propofe
de retracer en langage du pays , les
amours de Daphnis & d'Alcimadure ; elle
dit :
Traçons par quel bonheur
Daphnis fçut attendrir la fiere Alcimadure :
De leur fimplicité la naïve peinture
Eft l'image de notre coeur ..
Les peuples lui répondent par des chants
de triomphe & d'allégreffe , & c'eft ainfi
que finit d'une maniere fort noble ce joli
prologue.
La Paftorale roule fur trois acteurs :
Daphnis , qui aime Alcimadure ; celle - ci
qui n'aime encore rien , & qui s'eft dé cidée
pour fuir toujours l'amour ; & Jean net
fon frere , perfonnage toujours gai , qui
prend vivement les intérêts de fa foeur
qui cherche en s'amufant à lui ménager un
&
DECEMBRE . 1754. 205
établiffement qu'il croit fort convenable.
Daphnis en fe montrant , développe la
fituation de fon ame par un monologue ,
dont le chant peint fort bien la tendreffe
naïve des paroles.
Hélas ! pauret que farey jou !
Tant m'a blaffat l'ou Dion d'amou.
Defpey que l'el d'Alcimadouro
A dedins mon cor amourous
Allucat milo fougairous ,
Souffri la peno la pu duro.
Hélas ! & c.
Alcimadure paroît , & il s'éloigne pour
découvrir ce qui l'amene . Voici la maniere
vive dont elle s'anonce.
Gazouillats , auzelets , à l'umbro del feuillatge ;
Quant bous fiulats moun cor es encantat.
Entendi bé qué din boftré lengatgé .
Bous célébrats la libertat .
El' es lou plazé de ma bido ,
Car y ou la canti coumo bous.
Tabé fan ceflo èlo mé crido
Qu'elo foulo pot rend' huroux .
Après cette ariette d'un chant léger &
très-agréable , Daphnis paroît , & ces deux
perfonnages foutiennent dans la fcene , l'un
le ton de la tendreffe , l'autre le ton de
gaieté que leurs monologues avoient annoncé.
Daphnis y déclare fon amour ; Alcimadure
l'écoute fans le croire , elle le
206 MERCURE DE FRANCE.
rebute même , & paroît refolue à le fuir ,
mais il l'arrête en lui propofant une petite
fête où l'on doit danfer pour elle , & court
chercher les bergers du village pour la lui
donner. Jeannet , frere d'Alcimadure , arrive
alors ; elle lui fait confidence d'un
amour dont elle fe feroit bien paffée. Il combat
cette répugnance , & trouve Daphnis
un parti fortable ; mais Alcimadure n'entend
point raifon fur ce point ; elle dit :
L'ou plazé de la bido
A cos la gayetat ;
E quand on fe marido
On perdla libertat ..
Et plus bas.
Nou boli pas douna moun cor
A qui pot de reni boulatgé.
Qui fe contento de fon for
Nou defiro res dabantagé.
Jeannet infifte , & il fe propofe s'il
rencontre Daphnis dont il n'eft pas connu ,
de l'éprouver fi bien , qu'il ne lui fera pas
poffible de le tromper . Alors le divertiffement
annoncé dans la fcene précédente
arrive. Il eft compofé de bergers & de
bergeres, & les chants qui coupent la danfe
font tous adroitement placés dans la bouche
de Daphnis , & relatifs à la fituation
de fon coeur.-
་
DECEMBRE . 1754. 207
Qui bey la bello Alcimaduro
Bey l'aftré lou pu bel ;
Per charma touto la naturo
Nou li cal qu'un cop d'el.
Per aquelo Benus noubelo
On bey lous amours enfantets
Boultija fan ceffo après elo
Coumo une troupo d'auzelets.
Cette jolie chanfon eft bientôt fuivie
d'une autre , qui peint une image tout auffi
agréable.
Bezets Pourmel per las flouretos
Boulega fous jouinés ramels.
Efcoutats des pichots auzels
Las amouroufos canfounetos.
Per tout charma lou Diu nenet
Tiro fan ceffo de l'arquet.
N'oublido res dins la naturo ,
Hormis lou cor d'Alcimaduro .
Daphnis ne fe laffe point de chanter
l'amour. Ce refrein paroît déplaire à Alcimadure
; elle interrompt brufquement la
fête , & prend pour prétexte qu'elle eft
obligée d'aller joindre fon frere , ce qui
termine le premier acte.
Le ſecond débute par une troupe de vil
lageois conduits par Jeannet , armés pour
une chaffe au loup. Iis s'animent par un
choeur brillant à la chaffe qu'ils doivent
faire , & Jeannet les renvoye après , en
leur difant fierement de l'avertir lofqu'it
208 MERCURE DE FRANCE.
faudra commencer d'entrer en danfe . Avec
les armes qu'il porte , il fe flate d'en impofer
affez à Daphnis pour éprouver fon
amour , & il fe propofe de le fervir auprès
de fa foeur , s'il le trouve fidéle . Daphnis
paroît ; l'explication fe fait par des difcours
naïfs de la part de l'un , & par des bravades
de la part de l'autre . M. M. pour varier
, a voulu jetter du comique dans ce
perfonnage fort bien chanté par M. Delatour.
Sur ce que Daphnis lui dit des
rigueurs qu'il éprouve , il lui répond :
On pot , quand on es malhuroux ,
Se difpenfa d'eftré fidelo .
'Anats , benets , paffejats bous ,
Arpentats coulinos , montagnos ;
Per eftr' encaro pus hurous
Fazets tres ou quatré campagnos.
Daphnis lui réplique :
A qué tout aquo ferbira ,
Per-tout l'amour me ſeguira.
Jeannet fait alors l'étonné. Quoi ! lui
dit-il , vous n'avez jamais vû de batailles ,
de canons , de bombes , &c ?
Daphnis.
Ni lous clarins , ni las troumpetos
Nou troublon pas noftrés hamels.
L'écho n'es rébeillat que per noftros muzetos
E lou ramargé des auzels :
DECEMBRE. 1754 209
Lous els fouls de las paftouretos
Blaffoun lou cor des paftourels.
L'éclairciffement arrive enfuite . Jeannet
feint d'être fur le point de fe marier
avec Alcimadure ; on juge de l'effet d'une
pareille confidence fur Daphnis . Il déclare
avec fermeté qu'il aime cette cruelle. Jeannet
veut le forcer à n'y plus penfer ; il
leve le bras & fon épieu pour l'y contraindre
: mais le berger fidele aime mieux mourir
.... Dans ce moment on entend crier
au fecours : c'eft Alcimadure poursuivie
par un loup prêt à la dévorer . Daphnis arrache
des mains de Jeannet , qui s'enfuit ,
l'épieu dont il étoit armé , combat le loup ,
le tue , revient , & trouve Alcimadure
évanouie. Il lui parle , lui dit que le loup eft
mort , & s'efforce de l'attendrir. Elle n'eft
que reconnoiffante & point tendre. Jeannet
furvient pour faire une nouvelle fanfaronade
tout le village le fuit , & il fe
forme alors un divertiffement qui a pour
objet de célébrer la valeur de Daphnis .
Alcimadure & Jeannet , par ce moyen , fe
trouvent chargés de toutes les chanfons
que M. M. y a placées. L'acte finit par le
projet d'aller préfenter Daphnis en triomphe
au Seigneur du village.
Alcimadure ouvre le troifiéme acte par
un monologue , dans lequel fon coeur dif210
MERCURE DE FRANCE.
pute encore contre l'amour. Jeannet qui
arrive , lui apprend qu'il a éprouvé fon
amant , tâche de vaincre fon indifférence
n'y réuffit pas , & fe retire appercevant
Daphnis. Celui ci fait de nouveaux efforts
, il parle de mourir : Alcimadure fe
trouble , & fe plaint d'avoir été quittée
par Jeannet. A ce nom , que Daphnis croit
être celui de fon rival , il fort au defef
poir , bien réfolu de ne plus vivre. C'eft
alors qu'Alcimadure ne fuit plus que les
mouvemens de fon coeur ; fon amour fe
déclare par fes craintes. Jeannet revient ,
& lui affure que Daphnis eft mort. Elle
ne fe poffede plus à cette nouvelle ; elle
part pour aller percer fon fein du même
couteau qui a percé le coeur de fon amant .
Daphnis paroît alors . Le defefpoir
d'Alcimadure fe change en une joie auffi
vive que tendre. Un duo charmant couronne
le plaifir que caufe tout cet acte ,
& un divertiffement formé par les compagnons
de Daphnis & les compagnes d'Alcimadure
, termine fort heureufement cet
ouvrage , qui joint le piquant de la fingularité
aux graces naïves d'un genre toutà-
fait inconnu . Nous avons déja dit la maniere
dont Mr Delatour s'eft acquitté du
rolle de Jeannet ; ceux d'Alcimadure & de
Daphnis ont été rendus par Mlle Fel & Mr
DE CEM BR E.
1754. 211
Jeliote. Ils font fi fupérieurs l'un & l'autre
, lorfqu'ils chantent le François , qu'il
eft aifé de juger du charme de leur voix ,
de la fineffe de leur expreffion , de la
fection de leurs traits , en rendant le langage
du pays riant auquel nous devons
leur naiffance.
Cet opéra nouveau nous rappelle le premier
âge en France des lettres & des arts.
M. Mondonville , poëte tout à la fois &.
muficien , eft l'auteur des paroles & de
la mufique tels étoient autrefois nos fameux
Troubadours.
La paftorale eft écrite en langage Tou-,
loufain , le prologue l'eft en notre langue.
L'inftitution des Jeux Floraux , que nous,
devons à Clémence Ifaure , eft le fujet du
prologue , & ce perfonnage eft le feul
chantant qui y paroiffe. Ifaure eft entourée
de peuples , de jardiniers & de jardi
nieres , & elle dit :
Dans ce féjour riant & fortuné
Phébus , Flore & l'Amour ont fixé leur empire
On y voit de leurs mains le printems couronné
Les coeurs font adoucis par l'air qu'on y reſpire.
On n'y craint point la rigueur des hyvers ,
On n'y craint point l'inconftance des belles ;
Nos arbres y font toujours verds ,,
Et nos amans toujours fideles.
Ces chants d'Ifaure très- bien rendus pa
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
Mlle Chevalier , & coupés de danſes &
de choeurs , amenent le développement du
projet qu'elle a formé ; elle dit :
Peuples , il faut dans ce beau jour ,
D'un fiécle fi chéri tranſmettre la mémoire ,
Et je veux que des prix couronnent la victoire
De ceux qui fçauront mieux chanter le tendre
amour.
On voit paroître en effet les nobles , formant
une entrée , & portant les différens
prix que la célébre Académie de Toulouſe
diftribue tous les ans. Ifaure enfuite propofe
de retracer en langage du pays , les
amours de Daphnis & d'Alcimadure ; elle
dit :
Traçons par quel bonheur
Daphnis fçut attendrir la fiere Alcimadure :
De leur fimplicité la naïve peinture
Eft l'image de notre coeur ..
Les peuples lui répondent par des chants
de triomphe & d'allégreffe , & c'eft ainfi
que finit d'une maniere fort noble ce joli
prologue.
La Paftorale roule fur trois acteurs :
Daphnis , qui aime Alcimadure ; celle - ci
qui n'aime encore rien , & qui s'eft dé cidée
pour fuir toujours l'amour ; & Jean net
fon frere , perfonnage toujours gai , qui
prend vivement les intérêts de fa foeur
qui cherche en s'amufant à lui ménager un
&
DECEMBRE . 1754. 205
établiffement qu'il croit fort convenable.
Daphnis en fe montrant , développe la
fituation de fon ame par un monologue ,
dont le chant peint fort bien la tendreffe
naïve des paroles.
Hélas ! pauret que farey jou !
Tant m'a blaffat l'ou Dion d'amou.
Defpey que l'el d'Alcimadouro
A dedins mon cor amourous
Allucat milo fougairous ,
Souffri la peno la pu duro.
Hélas ! & c.
Alcimadure paroît , & il s'éloigne pour
découvrir ce qui l'amene . Voici la maniere
vive dont elle s'anonce.
Gazouillats , auzelets , à l'umbro del feuillatge ;
Quant bous fiulats moun cor es encantat.
Entendi bé qué din boftré lengatgé .
Bous célébrats la libertat .
El' es lou plazé de ma bido ,
Car y ou la canti coumo bous.
Tabé fan ceflo èlo mé crido
Qu'elo foulo pot rend' huroux .
Après cette ariette d'un chant léger &
très-agréable , Daphnis paroît , & ces deux
perfonnages foutiennent dans la fcene , l'un
le ton de la tendreffe , l'autre le ton de
gaieté que leurs monologues avoient annoncé.
Daphnis y déclare fon amour ; Alcimadure
l'écoute fans le croire , elle le
206 MERCURE DE FRANCE.
rebute même , & paroît refolue à le fuir ,
mais il l'arrête en lui propofant une petite
fête où l'on doit danfer pour elle , & court
chercher les bergers du village pour la lui
donner. Jeannet , frere d'Alcimadure , arrive
alors ; elle lui fait confidence d'un
amour dont elle fe feroit bien paffée. Il combat
cette répugnance , & trouve Daphnis
un parti fortable ; mais Alcimadure n'entend
point raifon fur ce point ; elle dit :
L'ou plazé de la bido
A cos la gayetat ;
E quand on fe marido
On perdla libertat ..
Et plus bas.
Nou boli pas douna moun cor
A qui pot de reni boulatgé.
Qui fe contento de fon for
Nou defiro res dabantagé.
Jeannet infifte , & il fe propofe s'il
rencontre Daphnis dont il n'eft pas connu ,
de l'éprouver fi bien , qu'il ne lui fera pas
poffible de le tromper . Alors le divertiffement
annoncé dans la fcene précédente
arrive. Il eft compofé de bergers & de
bergeres, & les chants qui coupent la danfe
font tous adroitement placés dans la bouche
de Daphnis , & relatifs à la fituation
de fon coeur.-
་
DECEMBRE . 1754. 207
Qui bey la bello Alcimaduro
Bey l'aftré lou pu bel ;
Per charma touto la naturo
Nou li cal qu'un cop d'el.
Per aquelo Benus noubelo
On bey lous amours enfantets
Boultija fan ceffo après elo
Coumo une troupo d'auzelets.
Cette jolie chanfon eft bientôt fuivie
d'une autre , qui peint une image tout auffi
agréable.
Bezets Pourmel per las flouretos
Boulega fous jouinés ramels.
Efcoutats des pichots auzels
Las amouroufos canfounetos.
Per tout charma lou Diu nenet
Tiro fan ceffo de l'arquet.
N'oublido res dins la naturo ,
Hormis lou cor d'Alcimaduro .
Daphnis ne fe laffe point de chanter
l'amour. Ce refrein paroît déplaire à Alcimadure
; elle interrompt brufquement la
fête , & prend pour prétexte qu'elle eft
obligée d'aller joindre fon frere , ce qui
termine le premier acte.
Le ſecond débute par une troupe de vil
lageois conduits par Jeannet , armés pour
une chaffe au loup. Iis s'animent par un
choeur brillant à la chaffe qu'ils doivent
faire , & Jeannet les renvoye après , en
leur difant fierement de l'avertir lofqu'it
208 MERCURE DE FRANCE.
faudra commencer d'entrer en danfe . Avec
les armes qu'il porte , il fe flate d'en impofer
affez à Daphnis pour éprouver fon
amour , & il fe propofe de le fervir auprès
de fa foeur , s'il le trouve fidéle . Daphnis
paroît ; l'explication fe fait par des difcours
naïfs de la part de l'un , & par des bravades
de la part de l'autre . M. M. pour varier
, a voulu jetter du comique dans ce
perfonnage fort bien chanté par M. Delatour.
Sur ce que Daphnis lui dit des
rigueurs qu'il éprouve , il lui répond :
On pot , quand on es malhuroux ,
Se difpenfa d'eftré fidelo .
'Anats , benets , paffejats bous ,
Arpentats coulinos , montagnos ;
Per eftr' encaro pus hurous
Fazets tres ou quatré campagnos.
Daphnis lui réplique :
A qué tout aquo ferbira ,
Per-tout l'amour me ſeguira.
Jeannet fait alors l'étonné. Quoi ! lui
dit-il , vous n'avez jamais vû de batailles ,
de canons , de bombes , &c ?
Daphnis.
Ni lous clarins , ni las troumpetos
Nou troublon pas noftrés hamels.
L'écho n'es rébeillat que per noftros muzetos
E lou ramargé des auzels :
DECEMBRE. 1754 209
Lous els fouls de las paftouretos
Blaffoun lou cor des paftourels.
L'éclairciffement arrive enfuite . Jeannet
feint d'être fur le point de fe marier
avec Alcimadure ; on juge de l'effet d'une
pareille confidence fur Daphnis . Il déclare
avec fermeté qu'il aime cette cruelle. Jeannet
veut le forcer à n'y plus penfer ; il
leve le bras & fon épieu pour l'y contraindre
: mais le berger fidele aime mieux mourir
.... Dans ce moment on entend crier
au fecours : c'eft Alcimadure poursuivie
par un loup prêt à la dévorer . Daphnis arrache
des mains de Jeannet , qui s'enfuit ,
l'épieu dont il étoit armé , combat le loup ,
le tue , revient , & trouve Alcimadure
évanouie. Il lui parle , lui dit que le loup eft
mort , & s'efforce de l'attendrir. Elle n'eft
que reconnoiffante & point tendre. Jeannet
furvient pour faire une nouvelle fanfaronade
tout le village le fuit , & il fe
forme alors un divertiffement qui a pour
objet de célébrer la valeur de Daphnis .
Alcimadure & Jeannet , par ce moyen , fe
trouvent chargés de toutes les chanfons
que M. M. y a placées. L'acte finit par le
projet d'aller préfenter Daphnis en triomphe
au Seigneur du village.
Alcimadure ouvre le troifiéme acte par
un monologue , dans lequel fon coeur dif210
MERCURE DE FRANCE.
pute encore contre l'amour. Jeannet qui
arrive , lui apprend qu'il a éprouvé fon
amant , tâche de vaincre fon indifférence
n'y réuffit pas , & fe retire appercevant
Daphnis. Celui ci fait de nouveaux efforts
, il parle de mourir : Alcimadure fe
trouble , & fe plaint d'avoir été quittée
par Jeannet. A ce nom , que Daphnis croit
être celui de fon rival , il fort au defef
poir , bien réfolu de ne plus vivre. C'eft
alors qu'Alcimadure ne fuit plus que les
mouvemens de fon coeur ; fon amour fe
déclare par fes craintes. Jeannet revient ,
& lui affure que Daphnis eft mort. Elle
ne fe poffede plus à cette nouvelle ; elle
part pour aller percer fon fein du même
couteau qui a percé le coeur de fon amant .
Daphnis paroît alors . Le defefpoir
d'Alcimadure fe change en une joie auffi
vive que tendre. Un duo charmant couronne
le plaifir que caufe tout cet acte ,
& un divertiffement formé par les compagnons
de Daphnis & les compagnes d'Alcimadure
, termine fort heureufement cet
ouvrage , qui joint le piquant de la fingularité
aux graces naïves d'un genre toutà-
fait inconnu . Nous avons déja dit la maniere
dont Mr Delatour s'eft acquitté du
rolle de Jeannet ; ceux d'Alcimadure & de
Daphnis ont été rendus par Mlle Fel & Mr
DE CEM BR E.
1754. 211
Jeliote. Ils font fi fupérieurs l'un & l'autre
, lorfqu'ils chantent le François , qu'il
eft aifé de juger du charme de leur voix ,
de la fineffe de leur expreffion , de la
fection de leurs traits , en rendant le langage
du pays riant auquel nous devons
leur naiffance.
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Résumé : Extrait de Daphnis & Alcimadure.
L'opéra 'Daphnis & Alcimadure' de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville illustre le premier âge des lettres et des arts en France. Mondonville, à la fois poète et musicien, en est l'auteur des paroles et de la musique, s'inspirant des troubadours d'antan. La pastorale est écrite en langage toulousain, tandis que le prologue est en français. Ce prologue célèbre l'institution des Jeux Floraux, fondée par Clémence Isaure, et la met en scène entourée de peuples, de jardiniers et de jardinières. Clémence Isaure propose de célébrer l'amour à travers des concours de chant et de poésie. L'intrigue se concentre sur trois personnages principaux : Daphnis, amoureux d'Alcimadure, Alcimadure, qui refuse l'amour, et Jeannet, le frère d'Alcimadure, toujours gai et bienveillant. Daphnis exprime son amour pour Alcimadure, qui le repousse initialement. Jeannet tente de convaincre Alcimadure des qualités de Daphnis, mais elle reste réticente, préférant sa liberté. Une fête est organisée, durant laquelle Daphnis chante son amour. Alcimadure interrompt la fête, prétextant devoir rejoindre son frère. Dans le second acte, Jeannet et des villageois partent chasser le loup. Jeannet rencontre Daphnis et le défie, mais finit par reconnaître la sincérité de son amour. Alcimadure est attaquée par un loup, et Daphnis la sauve. Le village célèbre alors la bravoure de Daphnis. Dans le troisième acte, Alcimadure lutte contre ses sentiments amoureux. Jeannet révèle à Alcimadure que Daphnis est mort, la poussant à vouloir se suicider. Daphnis réapparaît, et Alcimadure, folle de joie, lui avoue son amour. Un duo charmant et un divertissement final concluent l'opéra, mettant en scène les compagnons de Daphnis et les compagnes d'Alcimadure. Les rôles de Jeannet, Alcimadure et Daphnis sont interprétés par des artistes dont les performances sont saluées pour leur charme et leur authenticité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 178-181
SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
Début :
L'ACADÉMIE Royale de Musique a remis au Théâtre le Mardi 22 Février [...]
Mots clefs :
Opéra, Musique, Prologue, Ouvrage, Succès
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texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
SPECTACLES DE PARIS.
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a remis au Théâtre le Mardi 22 Février
TITON & L'AURORE, Paftorale Héroïque
en en 3 Actes, précédée d'un Prologue,
dont le Sujet eft PROMETHEE animant
des Statues d'hommes & de femmes
avec le feu du Ciel qu'il a dérobé .
Cet Opéra a été repréſenté pour la
première fois , au mois de Janvier 1753 .
Il eut alors le fuccès le plus éclatant &
le plus longtemps foutenu , qu'on ait
vu fur ce Théâtre. Une époque mémorable
, mais affligeante pour les Amateurs
de ce Spectacle , ajoute encore à
fa célébrité , en ce que cet Opéra a été
le dernier dans lequel M. GELIOTE
a chanté fur le Théâtre de Paris.
Le Public a prouvé dès la première
repréſentation de cette Remife que l'ouvrage
devoit à fon propre mérite , &
non pas aux circonftances , l'avantage
de lui plaire. M. PILLOT qui joue le
rôle de Titon , eft applaudi avec juftice
dans plufieurs endroits éffentiels de ce.
MARS. 1763 . 179
,
rôle. La mémoire récente encore de
M. GELIOTTE , & renouvellée journellement
par les repréſentations de la Cour
eft une ennemie qui fait honneur , même
en triomphant , au talent & à l'application
de M. PILLOT , bien moins
fecondé par l'organe que fon célébre
Prédéceffeur. Mlle LE MIERRE ( époufe
de M. LARRIVÉE ) fans avoir eu
les mêmes obftacles de comparaifon à
vaincre fe fait beaucoup d'honneur
dans le rôle de l'Aurore qu'elle chante
& qu'elle joue avec un égal fuccès . Les
rôles de Palès & d'Eole , quoique moins
intéreffans dans le fujet que les deux précédens
, font beaucoup d'effet , & font
très bien rendus ; le premier , par Mlle
CHEVALIER ; l'autre , par M. GELIN.
Ce dernier eft particuliérement très -applaudi
dans le grand morceau du fecond
Acte Vents furieux , &c , dans
lequel fa belle voix eft déployée avec
tous fes avantages. Mais ce qui , avec
beaucoup de plaifir , fait l'étonnement
& l'attention du Public , c'eft la manière -
dont M.MUGUETchante la célébre Ariette
du Dieu des coeurs &c. On peut avec
autant de justice lui attribuer ce que
nous venons de dire à l'occafion de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
M. PILLOT , puifque cette Ariette étoit
exécutée par M. GELIOTE , & faifoit ,
une partie très - brillante du rôle de
Titon. On doit ajouter au fujet de
M. MUGUET qu'en donnant de juftes
éloges aux foins qu'il a pris de
chanter avec art ce Morceau , il eft redevable
auffi à l'avantage de fa voix du
plaifir que le Public trouve à l'entendre.
Cette favorable circonftance doit
fans doute encourager ce Sujet à redoubler
d'efforts & d'application pour
profiter du même avantage dans d'autres
occafions , & pour faire valoir par le
talent la faveur que la Nature lui a donnée
du côté de l'organe.
Nous ne parlerons point des parties
acceffoires dans cet Opéra ; les vers
& la Mufique fuffifent au fuccès de
l'ouvrage .
Les vers du Prologue font de feu M.
de la MOTHE . Le Poëme de feu M. de
la MARRE , Auteur du Poëme de Zaïde
(a). La Mufique de M. de MONDONVILLE.
(a)Nous ignorons par quel motif dans l'édition
des paroles de cet Opéra , on n'a fait ,
contre l'uſage mention uniquement que de
Auteur de la Mufique . Comme nous n'avons
aucune raifon pour priver la mémoire de feu Made
?
MAR S. 1763. 181
L'Extrait du Poëme fe trouve au Mercure
de Février 1753 .
On continue les Fêtes Grecques & :
Romaines les Jeudis . Le Public y entend
avec beaucoup de plaifir entr'autres
talens de ce Théatre M. LARRIVÉE
dans le rôle d'Alcibiade , ainfi que
dans le rôle de Prométhée au Prologue
de Titon & l'Aurore.
la MARRE de la gloire d'un ouvrage auffi agréable,
nous avons cru , conformément à tous les Journaliſtes
& les Bibliographes de ce Théâtre, devoir
la lui reftituer ici .
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a remis au Théâtre le Mardi 22 Février
TITON & L'AURORE, Paftorale Héroïque
en en 3 Actes, précédée d'un Prologue,
dont le Sujet eft PROMETHEE animant
des Statues d'hommes & de femmes
avec le feu du Ciel qu'il a dérobé .
Cet Opéra a été repréſenté pour la
première fois , au mois de Janvier 1753 .
Il eut alors le fuccès le plus éclatant &
le plus longtemps foutenu , qu'on ait
vu fur ce Théâtre. Une époque mémorable
, mais affligeante pour les Amateurs
de ce Spectacle , ajoute encore à
fa célébrité , en ce que cet Opéra a été
le dernier dans lequel M. GELIOTE
a chanté fur le Théâtre de Paris.
Le Public a prouvé dès la première
repréſentation de cette Remife que l'ouvrage
devoit à fon propre mérite , &
non pas aux circonftances , l'avantage
de lui plaire. M. PILLOT qui joue le
rôle de Titon , eft applaudi avec juftice
dans plufieurs endroits éffentiels de ce.
MARS. 1763 . 179
,
rôle. La mémoire récente encore de
M. GELIOTTE , & renouvellée journellement
par les repréſentations de la Cour
eft une ennemie qui fait honneur , même
en triomphant , au talent & à l'application
de M. PILLOT , bien moins
fecondé par l'organe que fon célébre
Prédéceffeur. Mlle LE MIERRE ( époufe
de M. LARRIVÉE ) fans avoir eu
les mêmes obftacles de comparaifon à
vaincre fe fait beaucoup d'honneur
dans le rôle de l'Aurore qu'elle chante
& qu'elle joue avec un égal fuccès . Les
rôles de Palès & d'Eole , quoique moins
intéreffans dans le fujet que les deux précédens
, font beaucoup d'effet , & font
très bien rendus ; le premier , par Mlle
CHEVALIER ; l'autre , par M. GELIN.
Ce dernier eft particuliérement très -applaudi
dans le grand morceau du fecond
Acte Vents furieux , &c , dans
lequel fa belle voix eft déployée avec
tous fes avantages. Mais ce qui , avec
beaucoup de plaifir , fait l'étonnement
& l'attention du Public , c'eft la manière -
dont M.MUGUETchante la célébre Ariette
du Dieu des coeurs &c. On peut avec
autant de justice lui attribuer ce que
nous venons de dire à l'occafion de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
M. PILLOT , puifque cette Ariette étoit
exécutée par M. GELIOTE , & faifoit ,
une partie très - brillante du rôle de
Titon. On doit ajouter au fujet de
M. MUGUET qu'en donnant de juftes
éloges aux foins qu'il a pris de
chanter avec art ce Morceau , il eft redevable
auffi à l'avantage de fa voix du
plaifir que le Public trouve à l'entendre.
Cette favorable circonftance doit
fans doute encourager ce Sujet à redoubler
d'efforts & d'application pour
profiter du même avantage dans d'autres
occafions , & pour faire valoir par le
talent la faveur que la Nature lui a donnée
du côté de l'organe.
Nous ne parlerons point des parties
acceffoires dans cet Opéra ; les vers
& la Mufique fuffifent au fuccès de
l'ouvrage .
Les vers du Prologue font de feu M.
de la MOTHE . Le Poëme de feu M. de
la MARRE , Auteur du Poëme de Zaïde
(a). La Mufique de M. de MONDONVILLE.
(a)Nous ignorons par quel motif dans l'édition
des paroles de cet Opéra , on n'a fait ,
contre l'uſage mention uniquement que de
Auteur de la Mufique . Comme nous n'avons
aucune raifon pour priver la mémoire de feu Made
?
MAR S. 1763. 181
L'Extrait du Poëme fe trouve au Mercure
de Février 1753 .
On continue les Fêtes Grecques & :
Romaines les Jeudis . Le Public y entend
avec beaucoup de plaifir entr'autres
talens de ce Théatre M. LARRIVÉE
dans le rôle d'Alcibiade , ainfi que
dans le rôle de Prométhée au Prologue
de Titon & l'Aurore.
la MARRE de la gloire d'un ouvrage auffi agréable,
nous avons cru , conformément à tous les Journaliſtes
& les Bibliographes de ce Théâtre, devoir
la lui reftituer ici .
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Résumé : SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
Le 22 février, l'opéra 'Titon et l'Aurore' a été représenté à l'Académie Royale de Musique à Paris. Cet opéra pastoral héroïque en trois actes, précédé d'un prologue, raconte l'histoire de Prométhée animant des statues avec le feu du ciel. Créé en janvier 1753, il a connu un succès retentissant et fut le dernier opéra dans lequel M. GELIOTE chanta à Paris. Le public a apprécié l'œuvre pour son mérite propre, indépendamment des circonstances. M. PILLOT, interprétant Titon, fut acclamé, bien que comparé à M. GELIOTE. Mlle LE MIERRE, épouse de M. LARRIVÉE, a également reçu des éloges pour son rôle d'Aurore. Les rôles de Palès et d'Éole, joués par Mlle CHEVALIER et M. GELIN, furent bien accueillis, ce dernier étant particulièrement applaudi pour son interprétation des 'Vents furieux'. M. MUGUET fut remarqué pour son interprétation de l'ariette 'Dieu des cœurs'. Les vers du prologue sont de M. de la MOTHE, le poème de M. de la MARRE, et la musique de M. de MONDONVILLE. Les fêtes grecques et romaines continuent les jeudis, avec des performances notables de M. LARRIVÉE dans les rôles d'Alcibiade et de Prométhée.
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