L'HY VER.
DE'ja les charmantes Dryades ,
Ont cessé de danser à l'ombre des Ormeaux ;
Déja de l'Empire des eaux
Le Roy des Aquilons a chassé les Nayades.
Nos Bois et nos Champs sont déserts ;
Zéphir ne caresse plus Flore ,
Et les Oyseaux , par leur Concerts ,
Ne nous annoncent plus le lever de l'Aurore.
Le
728 MERCURE DE FRANCE
La Nege a blanchi nos Guérets ,
De nos plus hauts Rochers , elle couvre les
Cimes ;
Et les Arbres de nos Forêts ,
Du courroux de l'hyver , innocentes victimes ,
A peine en supportent le poids.
Les Faunes , les Sylvains ont quitté leurs Hautbois
;
Et le vieux Sylene lui-même ,
Pour modérer ce froid extrême ,
En buvant , souflé dans ses doigts.
Déja par la bruyante haleine
Des Aquilons fougueux , les flots sont enchaî
nez ;
Et des Elemens consternez ,
La ruine semble prochaine,
Fiers de leurs coups audacieux ,
Ils osent se promettre une pleine victoire ;
Amis , pour les chasser , du plus puissant des
Dieux ,
Implorons le secours , et celebrons la gloire
Que les dépouilles des Forêts ,
Dans un large Foyer, promptement entassées ,
Raniment nos forces glacées ;
Que d'un joyeux festin , on fasse les apprêts ;
Vite , qu'on m'apporte mon verre ,
Qu'à l'instant il soit couronné
De
AVRIL. 17337
729
De ce jus que Bacchus aux Mortels a donné ;
De ce jus pétillant , qui croît près de Tonnere,
C'ett à ce Dieu vainqueur à regler les Saisons.
La nature , à ses Loix , doit être assujettie ;
Partez , rentrez dans vos prisons.
Impetueux sujets , de l'Epoux d'Orithie..
Bacchus rassure l'Univers .
Il a parlé , fuyez les traits de sa colère ,
Et cessant de troubler l'un et l'autre Hémisphere,
Reprenez pour jamais vos fers.
D'un obscur avenir ne perçons point les om
bres ;
Le succès en est incertain ;
Le destin sous des voiler sombres ,
A caché notre sort ; sans attendre à demain ,
Jouissons de notre jeunesse
Aux Jeux, aux Ris , cher ami, fais ta cour,
Enfin partage ta tendresse 2
Entre les Dieux du Vin , des Vers et de l'Amour,
MALALE TAD