Résultats : 21 texte(s)
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1
p. [1206]-1207
ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume, Dixit Dominus.
Début :
Quand mon Roi s'éleva lui-même, [...]
Mots clefs :
Ode sacrée, Psaume, Roi, Être suprême, Vengeance, Univers, Étoile, Prêtre, Arbitre, Tyrannie
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texteReconnaissance textuelle : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume, Dixit Dominus.
ODE SACRE'E ,
Tirée du Pseaume , Dixit Dominus.
Uand mon Roi s'éleva lui- même ,
Jusqu'à la Celeste Cité ,
Mon fils , lui dit l'Etre suprême ,
Viens te placer à mon côté ,
Jouis ici de ma puissance ,
En attendant
que ma vengeance ,
I. Veh
A ij . Mette
1206 MERCURE DE FRANCE
Mette à tes pieds tes ennemis :
De Sion au bout de la Terre ,
Ton bras ira porter
la guerre ;
Et l'Univers sera soumis.
L'Eclat d'une telle victoire ,
Fera voir alors aux Humains ,
Quel est ton Empire et ta gloire ,
'Au milieu des splendeurs des Saints ;
Je t'engendray de ma substance ,
Avant que ma Toute- Puissance ,
Eût fait l'Etoille du matin.
Avec moi tu régis le Monde ,
Et les Cieux et la Terre et l'Onde ,
Sont les Ouvrages de ta main.
Toi seul es le souverain Prêtre ,
Par Melchisedech figuré ;
Tu ne cesseras point de l'être ,
Comme le Très-haut l'a juré.
'A ta droite dans sa colere ,
Il brisa l'orgueil témeraire ,
Des Rois soulevez contre toy :
Et s'armant un jour de la Foudre ,
Il doit juger et mettre en poudre ,
Ceux qui mépriseront ta Loy.
I. Vol. Soumis
JUIN.
1731. 1207
Soumis aux ordres de son Pere .
Il viendra chez les Nations ,
Boire à longs traits de l'Onde amére
Du torrent des afflictions :
C'est en sacrifiant sa vie ,`
Qu'il détruira la tyrannie ,
Du noir Monarque des Enfers ,
Et c'est à ce prix qu'il doit être ,
L'Arbitre et le souverain maître ,
Des Puissances de l'Univers.
Tirée du Pseaume , Dixit Dominus.
Uand mon Roi s'éleva lui- même ,
Jusqu'à la Celeste Cité ,
Mon fils , lui dit l'Etre suprême ,
Viens te placer à mon côté ,
Jouis ici de ma puissance ,
En attendant
que ma vengeance ,
I. Veh
A ij . Mette
1206 MERCURE DE FRANCE
Mette à tes pieds tes ennemis :
De Sion au bout de la Terre ,
Ton bras ira porter
la guerre ;
Et l'Univers sera soumis.
L'Eclat d'une telle victoire ,
Fera voir alors aux Humains ,
Quel est ton Empire et ta gloire ,
'Au milieu des splendeurs des Saints ;
Je t'engendray de ma substance ,
Avant que ma Toute- Puissance ,
Eût fait l'Etoille du matin.
Avec moi tu régis le Monde ,
Et les Cieux et la Terre et l'Onde ,
Sont les Ouvrages de ta main.
Toi seul es le souverain Prêtre ,
Par Melchisedech figuré ;
Tu ne cesseras point de l'être ,
Comme le Très-haut l'a juré.
'A ta droite dans sa colere ,
Il brisa l'orgueil témeraire ,
Des Rois soulevez contre toy :
Et s'armant un jour de la Foudre ,
Il doit juger et mettre en poudre ,
Ceux qui mépriseront ta Loy.
I. Vol. Soumis
JUIN.
1731. 1207
Soumis aux ordres de son Pere .
Il viendra chez les Nations ,
Boire à longs traits de l'Onde amére
Du torrent des afflictions :
C'est en sacrifiant sa vie ,`
Qu'il détruira la tyrannie ,
Du noir Monarque des Enfers ,
Et c'est à ce prix qu'il doit être ,
L'Arbitre et le souverain maître ,
Des Puissances de l'Univers.
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Résumé : ODE SACRÉE, Tirée du Pseaume, Dixit Dominus.
Le poème 'Ode Sacrée' du Psaume 'Dixit Dominus' relate l'ascension d'un roi, fils de l'Etre suprême, vers la Cité Céleste. Ce roi est destiné à recevoir la puissance divine pour soumettre ses ennemis et régner sur l'univers. L'Etre suprême promet de briser l'orgueil des rois rebelles et de juger ceux qui méprisent sa loi. Le roi, obéissant à son Père, viendra parmi les nations pour endurer les afflictions. En sacrifiant sa vie, il détruira la tyrannie du 'noir Monarque des Enfers' et deviendra l'arbitre et le souverain maître des Puissances de l'Univers. Le poème souligne la souveraineté et la mission divine du roi, ainsi que son rôle de souverain prêtre et de juge.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1207-1213
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
Début :
J'ay toûjours differé à vous parler d'une découverte qui fut faite près de cette [...]
Mots clefs :
Découverte, Vaux, Rivière d'Yonne, Fourche de fer, Urne, Médailles, Auxerre, Histoire ecclésiastique
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
EXTRAITF d'une Lettre écrite d'Au
xerre à M. D. L. R. au mois d'Avril
1731. par M.L. B. C. S. sur une Urne
et des Médailles trouvées.
. د ه د ه د د
BadaB& AD
differé à vous d'une
découverte qui fut faite près de cette
Ville la veille de laFête de S. Pierre dernie
"re , c'est- à- dire le 28. Juin 1730. dans le
territoire d'un Village appellé Vaux , à
une lieuë d'ici , sur le bord de la Riviere
d'Yone. Un Laboureur préparant une
terre pour la semaille prochaine , le Soc
de sa Charuë rencontra un ferrement qui
l'arrêta. Il voulut tirer ce ferrement qui
étoit placé perpendiculairement en terre,
mais il ne put en venir à bout qu'en creu
I. Vol.
A iij sant
1208 MERCURE DE FRANCE
sant dans l'endroit ; l'ayant arraché de ce
lieu , il reconnut par le bout qui étoit
plus avant dans la terre , que c'étoit une
fourche de fer à trois fourchons , longue
d'environ deux pieds : elle a depuis été
cassée en trois pieces , et il n'a resté que
le bout des trois fourchons que ce Paysan.
m'a mis entre les mains . On y trouva
aussi un autre Instrument de fer
que je
n'ai pû voir , et qu'il juge avoir servi à
attiser un foyer de charbons . Comme les,
pointes de la fourche aboutissoient à une
grosse pierre , il crut qu'il y avoit cous
cette pierre brute quelque chose de pré
cieux. Mais l'ayant levée , il n'y trouva
d'autre trésor que des cendres , des frag
mens d'une Urne de terre de couleur grise
cendrée , et quelques restes d'Ossemens ,
avec du charbon , er dix Médailles de
Bronze , dont il y en avoit d'épanchées
dans les terres que la pioche remua.
J
Etant allé sur le lieu , je ramassai les
fragmens d'Urne que le Laboureur avoit
méprisez les examinant ensuite , je fus.
assez surpris de trouver parmi ces frag
mens deux morceaux de crâne humain ..
La matiere poreuse qui cause leur legere
té me servit à les distinguer tout aussi
tôt du reste de ce que j'avois ramassé , et
les ayant frottés , je découvris qu'il y en
1. Vol.
JUI N. 1737. 1209
a un qui a encore conservé jusqu'à pre
sent la couleur que le feu lui a donnée
et celui- la sonne comme un morceau de
terre cuite.
A cette occasion j'ai voulu relire ce que
le sçavant Abbé des Thuilleries fit impri
mer contre M. Capperon en 1722. dans
le Mercure de Juin touchant la cessation
de l'usage de bruler les corps humains.
Quoique je ne fusse point porté à suivre
le sentiment de M. Capperon , qui croit
que l'usage de bruler les corps morts n'a
point passé le temps des Antonins , et
que ce furent eux qui l'abrogerent , j'en
suis encore plus éloigné que jamais depuis
cette découverte , et ce qui m'autorise à
préferer le sentiment de M. l'Abbé des
Thuilleries , qui soutient après Kirchman
que la coutume de bruler le corps des
deffunts duroit encore au troisiéme siecle ,
est que le corps qui a été brulé sur le
Rivage oriental de notre Riviere , et dont
j'ai vu les foibles restes , est surement
d'un Payen qui vivoit du temps de Pos
tume. Il est vrai que lorsqu'on eut re
mué la terre de ce lieu , on reconnut
parmi les Médailles qu'on y ramassa qu'il
y en avoit quelques-unes du premier et du
second siecle , mais il s'y en trouva aussi
du troisiéme , et ces dernieres étoient
L. Vol. A iiij
même
1210 MERCURE DE FRANCE
même en plus grand nombre. L'une étoit
de l'Empereur Hadrien , une autre d'An
tonin le Preux , l'une de Marc- Aurele ,
trois des plus effacées qui ont été dissi
pées , je n'ai pû les voir ; mais j'ai recou
vré les quatre principales de cette petite
quantité elles sont toutes de Posthume,
en grand et moyen Bronze , et deux de
celles qui sont en grand Bronze ont pour
Legende LAETITIA AUG. avec le
Vaisseau Prétorien , et de ces deux l'une
est si belle , quoique peu épaisse , qu'on
diroit qu'elle sort des mains de l'Ouvrier,
car le Paysan qui m'a vendu trois de ces
Posthumes , avoit cru bien faire de les
éclaircir et d'en ôter la roüille . Je ne sçai si
ce Vaisseau auroit quelque rapport à la Na
vigation de la Riviere d'Yone. J'en laisse
la décision à d'autres . Permettez que j'ap
puye encore ici en passant un article de la
défense que l'Abbé des Thuilleries a faite
du sentiment de M.Huet , Evêque d'Avran
ches ,sur l'origine du nom d'Eu.Le premier
Village au- dessus d'Auxerre en remontant
le long de la Riviere , à gauche , s'appelle
Augy , et justement c'est un Pays de Plai
ne et de Prairies. C'est donc encore un
exemple qui peut être cité avec les au
tres dont ce sçavant Prélat , aussi-bien que
M. Du Cange , s'autorisent pour assurer
B
I. Vala que
JUIN. 1731 . 1211
on
>
que les mots au , auu , auve , en , o
оии , verifient par la situation des lieux
dans le nom desquels il entre une de ces syl
labes , que ces noms viennent de l'ancien
langage Teutonique , parce qu'encore de
nos jours en langage Alleman ces mots si
gnifient un Pré. L'article du Glossaire est
court ; mais il me paroît formel par le
moyen du Texte qu'il allegue de la vie
de S. Colman , où il est parlé ainsi d'une
Eglise bâtie dans une Prairie : Est autem
prope Danubium quædam speciosa et delec
tabilis Augia , in qua noviter constructa
fuit Basilica d'où M. Du Cange a eu bien
raison d'inferer que par Augia il faut en
tendre une Prairie située sur le bord d'u
ne Riviere , ou entourée d'un Fleuve : Au
gia campus pascuus amni adjacens veľ
amne circumfusus , eu Germanico Au vel
Auw. Au-dessus du Village de notre Au
gy , la Plaine devient labourable , et ce
n'est qu'à un quart de lieuë delà que se
trouve le Vaax en question , si toutefois
il faut l'écrire ainsi : car je suis porté à
croire que c'est l'ancien Uno , nom indé
cliné , dont la vie de S. Aunaire , Evêque
d'Auxerre , écrite au VII , ou VIII . siecle,
dit que c'étoit un Village situé tout pro
che Auxerre , dans lequel il y avoit une
Fontaine dont les eaux faisoient bouil
1. Vol "Av lonnet
212 MERCURE DE FRANCE
'onner le sable , et qui étoit de profondeur
à noyer un homme : en effet tout cela se
trouve veritable à Augy , où l'on voit l'u
ne des plus spacieuses sources qui soit bien
loin d'ici.
Au reste, Monsieur , si j'avois été dans le
pays dans le temps de la découverte faite à
Vaux , je m'y serois transporté dès le jour
ou le lendemain , et j'aurois pû vous.en.
rendre un compte plus détaillé. Mais vous
vous ressouviendrez que j'étois alors en
route dans le Berry , tant pour me dé
lasser des fatigues attachées à ma fonction,
que pour vérifier , en chemin faisant , un
point de l'Histoire Ecclesiastique de ce
Diocèse , et éclaircir un endroit de l'His
toire de S. Grégoire de Tours , sur lequel
je crois qu'on a été jusqu'ici dans l'erreur.
Quelque perite qu'ait été la découverte
faite à Vaux, elle a été très - publique dans
le lieu . Le Curé de la Paroisse en est té
moin , aussi bien qu'un grand nombre de .
Paysans ausquels j'ai parlé , et qui sont
tous d'accord sur le fait. Ce n'est point de
ces découvertes controuvées dont on ne
peut montrer les effets , ni produire au
cun témoin , telle est celle * qu'on
Cette prétendu Découverte se trouve dans
le Journal de Verdun , du mois de Novembre
1727 page 3261
ty
La Vol.
JUIN. 1731. 1213
a supposé il y a quelques années avoit été
faite dans un petit Village du Diocèse de
Sens , à quelques lieues d'ici , dans la
quelle tout a été également invisible
Pierre, Inscription et Médailles.Heureuse
ment , Monsieur , ce n'est point votre
Journal qui en a été la duppe. Je plains
ceux qui sont si mal servis , et je suis , &c.
xerre à M. D. L. R. au mois d'Avril
1731. par M.L. B. C. S. sur une Urne
et des Médailles trouvées.
. د ه د ه د د
BadaB& AD
differé à vous d'une
découverte qui fut faite près de cette
Ville la veille de laFête de S. Pierre dernie
"re , c'est- à- dire le 28. Juin 1730. dans le
territoire d'un Village appellé Vaux , à
une lieuë d'ici , sur le bord de la Riviere
d'Yone. Un Laboureur préparant une
terre pour la semaille prochaine , le Soc
de sa Charuë rencontra un ferrement qui
l'arrêta. Il voulut tirer ce ferrement qui
étoit placé perpendiculairement en terre,
mais il ne put en venir à bout qu'en creu
I. Vol.
A iij sant
1208 MERCURE DE FRANCE
sant dans l'endroit ; l'ayant arraché de ce
lieu , il reconnut par le bout qui étoit
plus avant dans la terre , que c'étoit une
fourche de fer à trois fourchons , longue
d'environ deux pieds : elle a depuis été
cassée en trois pieces , et il n'a resté que
le bout des trois fourchons que ce Paysan.
m'a mis entre les mains . On y trouva
aussi un autre Instrument de fer
que je
n'ai pû voir , et qu'il juge avoir servi à
attiser un foyer de charbons . Comme les,
pointes de la fourche aboutissoient à une
grosse pierre , il crut qu'il y avoit cous
cette pierre brute quelque chose de pré
cieux. Mais l'ayant levée , il n'y trouva
d'autre trésor que des cendres , des frag
mens d'une Urne de terre de couleur grise
cendrée , et quelques restes d'Ossemens ,
avec du charbon , er dix Médailles de
Bronze , dont il y en avoit d'épanchées
dans les terres que la pioche remua.
J
Etant allé sur le lieu , je ramassai les
fragmens d'Urne que le Laboureur avoit
méprisez les examinant ensuite , je fus.
assez surpris de trouver parmi ces frag
mens deux morceaux de crâne humain ..
La matiere poreuse qui cause leur legere
té me servit à les distinguer tout aussi
tôt du reste de ce que j'avois ramassé , et
les ayant frottés , je découvris qu'il y en
1. Vol.
JUI N. 1737. 1209
a un qui a encore conservé jusqu'à pre
sent la couleur que le feu lui a donnée
et celui- la sonne comme un morceau de
terre cuite.
A cette occasion j'ai voulu relire ce que
le sçavant Abbé des Thuilleries fit impri
mer contre M. Capperon en 1722. dans
le Mercure de Juin touchant la cessation
de l'usage de bruler les corps humains.
Quoique je ne fusse point porté à suivre
le sentiment de M. Capperon , qui croit
que l'usage de bruler les corps morts n'a
point passé le temps des Antonins , et
que ce furent eux qui l'abrogerent , j'en
suis encore plus éloigné que jamais depuis
cette découverte , et ce qui m'autorise à
préferer le sentiment de M. l'Abbé des
Thuilleries , qui soutient après Kirchman
que la coutume de bruler le corps des
deffunts duroit encore au troisiéme siecle ,
est que le corps qui a été brulé sur le
Rivage oriental de notre Riviere , et dont
j'ai vu les foibles restes , est surement
d'un Payen qui vivoit du temps de Pos
tume. Il est vrai que lorsqu'on eut re
mué la terre de ce lieu , on reconnut
parmi les Médailles qu'on y ramassa qu'il
y en avoit quelques-unes du premier et du
second siecle , mais il s'y en trouva aussi
du troisiéme , et ces dernieres étoient
L. Vol. A iiij
même
1210 MERCURE DE FRANCE
même en plus grand nombre. L'une étoit
de l'Empereur Hadrien , une autre d'An
tonin le Preux , l'une de Marc- Aurele ,
trois des plus effacées qui ont été dissi
pées , je n'ai pû les voir ; mais j'ai recou
vré les quatre principales de cette petite
quantité elles sont toutes de Posthume,
en grand et moyen Bronze , et deux de
celles qui sont en grand Bronze ont pour
Legende LAETITIA AUG. avec le
Vaisseau Prétorien , et de ces deux l'une
est si belle , quoique peu épaisse , qu'on
diroit qu'elle sort des mains de l'Ouvrier,
car le Paysan qui m'a vendu trois de ces
Posthumes , avoit cru bien faire de les
éclaircir et d'en ôter la roüille . Je ne sçai si
ce Vaisseau auroit quelque rapport à la Na
vigation de la Riviere d'Yone. J'en laisse
la décision à d'autres . Permettez que j'ap
puye encore ici en passant un article de la
défense que l'Abbé des Thuilleries a faite
du sentiment de M.Huet , Evêque d'Avran
ches ,sur l'origine du nom d'Eu.Le premier
Village au- dessus d'Auxerre en remontant
le long de la Riviere , à gauche , s'appelle
Augy , et justement c'est un Pays de Plai
ne et de Prairies. C'est donc encore un
exemple qui peut être cité avec les au
tres dont ce sçavant Prélat , aussi-bien que
M. Du Cange , s'autorisent pour assurer
B
I. Vala que
JUIN. 1731 . 1211
on
>
que les mots au , auu , auve , en , o
оии , verifient par la situation des lieux
dans le nom desquels il entre une de ces syl
labes , que ces noms viennent de l'ancien
langage Teutonique , parce qu'encore de
nos jours en langage Alleman ces mots si
gnifient un Pré. L'article du Glossaire est
court ; mais il me paroît formel par le
moyen du Texte qu'il allegue de la vie
de S. Colman , où il est parlé ainsi d'une
Eglise bâtie dans une Prairie : Est autem
prope Danubium quædam speciosa et delec
tabilis Augia , in qua noviter constructa
fuit Basilica d'où M. Du Cange a eu bien
raison d'inferer que par Augia il faut en
tendre une Prairie située sur le bord d'u
ne Riviere , ou entourée d'un Fleuve : Au
gia campus pascuus amni adjacens veľ
amne circumfusus , eu Germanico Au vel
Auw. Au-dessus du Village de notre Au
gy , la Plaine devient labourable , et ce
n'est qu'à un quart de lieuë delà que se
trouve le Vaax en question , si toutefois
il faut l'écrire ainsi : car je suis porté à
croire que c'est l'ancien Uno , nom indé
cliné , dont la vie de S. Aunaire , Evêque
d'Auxerre , écrite au VII , ou VIII . siecle,
dit que c'étoit un Village situé tout pro
che Auxerre , dans lequel il y avoit une
Fontaine dont les eaux faisoient bouil
1. Vol "Av lonnet
212 MERCURE DE FRANCE
'onner le sable , et qui étoit de profondeur
à noyer un homme : en effet tout cela se
trouve veritable à Augy , où l'on voit l'u
ne des plus spacieuses sources qui soit bien
loin d'ici.
Au reste, Monsieur , si j'avois été dans le
pays dans le temps de la découverte faite à
Vaux , je m'y serois transporté dès le jour
ou le lendemain , et j'aurois pû vous.en.
rendre un compte plus détaillé. Mais vous
vous ressouviendrez que j'étois alors en
route dans le Berry , tant pour me dé
lasser des fatigues attachées à ma fonction,
que pour vérifier , en chemin faisant , un
point de l'Histoire Ecclesiastique de ce
Diocèse , et éclaircir un endroit de l'His
toire de S. Grégoire de Tours , sur lequel
je crois qu'on a été jusqu'ici dans l'erreur.
Quelque perite qu'ait été la découverte
faite à Vaux, elle a été très - publique dans
le lieu . Le Curé de la Paroisse en est té
moin , aussi bien qu'un grand nombre de .
Paysans ausquels j'ai parlé , et qui sont
tous d'accord sur le fait. Ce n'est point de
ces découvertes controuvées dont on ne
peut montrer les effets , ni produire au
cun témoin , telle est celle * qu'on
Cette prétendu Découverte se trouve dans
le Journal de Verdun , du mois de Novembre
1727 page 3261
ty
La Vol.
JUIN. 1731. 1213
a supposé il y a quelques années avoit été
faite dans un petit Village du Diocèse de
Sens , à quelques lieues d'ici , dans la
quelle tout a été également invisible
Pierre, Inscription et Médailles.Heureuse
ment , Monsieur , ce n'est point votre
Journal qui en a été la duppe. Je plains
ceux qui sont si mal servis , et je suis , &c.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Auxerre à M. D. L. R. au mois d'Avril 1731. par M. L. B. C. S. sur une Urne et des Médailles trouvées.
En juin 1730, près de la ville d'Auxerre, un laboureur découvrit une fourche de fer et des fragments d'une urne contenant des ossements humains et des médailles de bronze. Cette découverte eut lieu à Vaux, un village situé à une lieue d'Auxerre, sur le bord de la rivière d'Yonne. L'urne, de couleur grise cendrée, contenait également des cendres et du charbon. Parmi les médailles, certaines datent des premier, deuxième et troisième siècles, avec une majorité du troisième siècle. Notamment, plusieurs médailles de l'empereur Posthume furent trouvées, certaines portant la légende 'LAETITIA AUG.' avec un vaisseau prétorien. L'auteur de la lettre, M. L. B. C. S., examina les fragments de l'urne et identifia des morceaux de crâne humain ayant conservé la couleur du feu. Il mentionne également une controverse entre l'abbé des Thuilleries et M. Capperon concernant la cessation de l'usage de brûler les corps humains, préférant l'opinion de l'abbé selon laquelle cette pratique persistait au troisième siècle. L'auteur évoque aussi l'origine du nom du village d'Augy, situé au-dessus d'Auxerre, et son lien avec le langage teutonique. Il conclut en soulignant la publicité de la découverte à Vaux, confirmée par le curé de la paroisse et plusieurs paysans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1213-1217
DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
Début :
Dieux ! quel est le projet que la douleur m'inspire ! [...]
Mots clefs :
Enfers, Jupiter, Ombre, Dieux, Destinées, Tombeau, Tristesse, Haine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
DESCENTE AUX ENFERS,
O DE.
D
Ieux quel est le projet que la douleur
m'inspire !
Je me livre aux transports que j'éprouve en co
jour ::
N'hésitons plus allons au ténébreux empire
Ravir l'aimable objet d'un malheureux amour..
Orphée à ses accords dut le rare avantage ,
De pouvoir pénétrer jusqu'au sombre rivage ;
* Le Eils de Jupiter le dut à sa valeur ::
Pour attendrir Caron , pour appaiser Cerbere ,,
Pour flêchir des enfers le Monarque severe ,,
Je ne veux employer que ma vive douleur..
$2
* Hercule.
ܬܵܐ
I. Vol. Sii A vi
1214 MERCURE DE FRANCE
Si je ne puis te rendre à la clarté celeste ,
Chere ombre ; j'y renonce et je reste avec toi ...
Mais ou suis- je ! Quel bruit ! Quel Spectacle
funefte !
La frayeur me saisit ... c'est le styx que je voi :
Que des Manes errants sur ses fatales rives !
Insensible aux regrets de ces ombres plaintives ;
Caron prête l'oreille à mes tristes accords :
Il approche , et malgré les ordres de la Parque ;
Il se rend à mes voeux , me reçoit dans sa barque,
Il me passe ; déja je touche à d'autres bords.
M
Ici , Dieux immortels , des tourmens innom→
brables ,
Vous vangent de l'abus qu'on fit de vos bienfaits.
Hé , qui ne plaindroit pas le sort de ces coupables?
Quels supplices affreux punissent leurs forfaits ?
Trois monstres , Alecton , Tisiphone & Megere,
Ont le soin de servir votre juste colere.
En leurs barbares mains vous remettez vos droits
Je fremis , et mon oeil à regret les contemple ;
Ha ! je n'ai pas besoin d'un si terrible exemple ,
Dieux justes,pour apprendre à respecter vos Loix
Fuyons : éloignons nous de ces objets funebres :
Ils me glacent d'horreur ... je tombe dans la nuit ;
Par où dois -je passer ? je suis dans les tenebres ....
I, Vol.
Mais
JUIN. 1215 1731.
à
Mais d'où vient la clarté qui tout
La cruelle Atropos à mes yeux se presente ;
Je sens à cet aspect que
ma douleur augmente
Elle tient en ses mains le terrible ciseau ,
Qui de tous les mortels regle les destinées ,
Et qui vient de trancher les plus belles années
D'un objet que j'adore au de- là du tombeau.
coup me luie?
Elevé sur un Trône , au milieu des fantômes ,
Le Gendre de Cerés vient s'offrir à mes yeux.
Terrible Souverain de ces sombres Royaumes ,
Tu connois le dessein qui m'amene en ces lieux ;
Soulage la douleur de mon ame éperduë ,
Ordonne qu'à mes voeux Camille soit rendûë :
Pluton , si -mes sanglots ne peuvent t'émouvoir¿
Și la Loi du destin s'oppose à ma tendresse
Attendri par mes pleurs , sensible à ma tristesse
Daigne permettre au moins que je puisse le voir.
Le severe Pluton n'est pas inéxorable ,
Touché de mes regrets , il ordonne à Minos
De conduire mes pas vers cet azile aimable ,
Où Camille joüit d'un éternel repos :
J'apperçois du Léthé les tranquilles rivages ;
Agréable séjour ; c'est ici que les Sages ,
Goûtent après leur mort le plus parfait bonheur g
I. Vol.
Pour
1216 MERCURE DE FRANCE -
Pour ces lieux fortunez , les Dieux nous ont faig
naître ......
Camille à mes regards tarde trop de paroître ;
Minos , que tu sers mal les transports de mon
coeur !
Hâtons-nous je la vois , elle a repris ces
charmes ,
Que la faulx de la mort avoit sçû moissonner..
Chere ombre , arrête toi sois sensible à mes
larmes ,
>
A mes chastes transports , 'daigne t'abandonner …..
Camille ! tu me fuis ! tu ne veux pas m'entendre ,
A ce nouveau malheur aurois- je dû m'attendre ,
Après avoir franchi tant d'obstacles affreux ?
Quel accueil ! Quels regards ! Quel farouche
silence !
...
9
Helas ! me faudra -t-il pleurer ton inconstance !
Les plus tendres Amans sont-ils les moins heu
reux ?
Les Dieux condamnent-ils une si belle flâme ?
As tu pûte resoudre à me manquer de foy ?
Que dis-je ! quel soupçon vient s'offrir â mon
ame !
Ah ! tel est du destin l'irrévocable Loy :
Oui , ce n'est qu'à regret que Camille m'évite ;
Mais, de tant de malheurs mon desespoir s'irrite
St
I. Vol. Je
JUIN. 173F. 1217
Je la suivrai par tout , je ne la quitte pas ....
Minos , près de Pluton vas reprendre ta place ,,
De rester en ces lieux qu'il m'accorde la grace .
Sans Camille la vie a pour moi peu d'appas .
Ay-je pû , justes Dieux , meriter votre haine ,.
Pourquoi me forcez -vous de quitter ce séjour !:
Je vous implore en vain ; et Minos qui me meine
Va me rendre bientôt à la clarté du jour .
Pour la seconde fois chere ombre on nous sépare;;
Cedons sans murmurer à cet ordre barbare ,
Et respectons les Dieux jusques dans leur rigueur;
Adieu , puisse du moins la douleur qui m'accable,
Abreger de mes jours le reste déplorable ,
Cette seule esperance adoucit mon malheur.
Par M. V. D. L. T. d'Aix..
O DE.
D
Ieux quel est le projet que la douleur
m'inspire !
Je me livre aux transports que j'éprouve en co
jour ::
N'hésitons plus allons au ténébreux empire
Ravir l'aimable objet d'un malheureux amour..
Orphée à ses accords dut le rare avantage ,
De pouvoir pénétrer jusqu'au sombre rivage ;
* Le Eils de Jupiter le dut à sa valeur ::
Pour attendrir Caron , pour appaiser Cerbere ,,
Pour flêchir des enfers le Monarque severe ,,
Je ne veux employer que ma vive douleur..
$2
* Hercule.
ܬܵܐ
I. Vol. Sii A vi
1214 MERCURE DE FRANCE
Si je ne puis te rendre à la clarté celeste ,
Chere ombre ; j'y renonce et je reste avec toi ...
Mais ou suis- je ! Quel bruit ! Quel Spectacle
funefte !
La frayeur me saisit ... c'est le styx que je voi :
Que des Manes errants sur ses fatales rives !
Insensible aux regrets de ces ombres plaintives ;
Caron prête l'oreille à mes tristes accords :
Il approche , et malgré les ordres de la Parque ;
Il se rend à mes voeux , me reçoit dans sa barque,
Il me passe ; déja je touche à d'autres bords.
M
Ici , Dieux immortels , des tourmens innom→
brables ,
Vous vangent de l'abus qu'on fit de vos bienfaits.
Hé , qui ne plaindroit pas le sort de ces coupables?
Quels supplices affreux punissent leurs forfaits ?
Trois monstres , Alecton , Tisiphone & Megere,
Ont le soin de servir votre juste colere.
En leurs barbares mains vous remettez vos droits
Je fremis , et mon oeil à regret les contemple ;
Ha ! je n'ai pas besoin d'un si terrible exemple ,
Dieux justes,pour apprendre à respecter vos Loix
Fuyons : éloignons nous de ces objets funebres :
Ils me glacent d'horreur ... je tombe dans la nuit ;
Par où dois -je passer ? je suis dans les tenebres ....
I, Vol.
Mais
JUIN. 1215 1731.
à
Mais d'où vient la clarté qui tout
La cruelle Atropos à mes yeux se presente ;
Je sens à cet aspect que
ma douleur augmente
Elle tient en ses mains le terrible ciseau ,
Qui de tous les mortels regle les destinées ,
Et qui vient de trancher les plus belles années
D'un objet que j'adore au de- là du tombeau.
coup me luie?
Elevé sur un Trône , au milieu des fantômes ,
Le Gendre de Cerés vient s'offrir à mes yeux.
Terrible Souverain de ces sombres Royaumes ,
Tu connois le dessein qui m'amene en ces lieux ;
Soulage la douleur de mon ame éperduë ,
Ordonne qu'à mes voeux Camille soit rendûë :
Pluton , si -mes sanglots ne peuvent t'émouvoir¿
Și la Loi du destin s'oppose à ma tendresse
Attendri par mes pleurs , sensible à ma tristesse
Daigne permettre au moins que je puisse le voir.
Le severe Pluton n'est pas inéxorable ,
Touché de mes regrets , il ordonne à Minos
De conduire mes pas vers cet azile aimable ,
Où Camille joüit d'un éternel repos :
J'apperçois du Léthé les tranquilles rivages ;
Agréable séjour ; c'est ici que les Sages ,
Goûtent après leur mort le plus parfait bonheur g
I. Vol.
Pour
1216 MERCURE DE FRANCE -
Pour ces lieux fortunez , les Dieux nous ont faig
naître ......
Camille à mes regards tarde trop de paroître ;
Minos , que tu sers mal les transports de mon
coeur !
Hâtons-nous je la vois , elle a repris ces
charmes ,
Que la faulx de la mort avoit sçû moissonner..
Chere ombre , arrête toi sois sensible à mes
larmes ,
>
A mes chastes transports , 'daigne t'abandonner …..
Camille ! tu me fuis ! tu ne veux pas m'entendre ,
A ce nouveau malheur aurois- je dû m'attendre ,
Après avoir franchi tant d'obstacles affreux ?
Quel accueil ! Quels regards ! Quel farouche
silence !
...
9
Helas ! me faudra -t-il pleurer ton inconstance !
Les plus tendres Amans sont-ils les moins heu
reux ?
Les Dieux condamnent-ils une si belle flâme ?
As tu pûte resoudre à me manquer de foy ?
Que dis-je ! quel soupçon vient s'offrir â mon
ame !
Ah ! tel est du destin l'irrévocable Loy :
Oui , ce n'est qu'à regret que Camille m'évite ;
Mais, de tant de malheurs mon desespoir s'irrite
St
I. Vol. Je
JUIN. 173F. 1217
Je la suivrai par tout , je ne la quitte pas ....
Minos , près de Pluton vas reprendre ta place ,,
De rester en ces lieux qu'il m'accorde la grace .
Sans Camille la vie a pour moi peu d'appas .
Ay-je pû , justes Dieux , meriter votre haine ,.
Pourquoi me forcez -vous de quitter ce séjour !:
Je vous implore en vain ; et Minos qui me meine
Va me rendre bientôt à la clarté du jour .
Pour la seconde fois chere ombre on nous sépare;;
Cedons sans murmurer à cet ordre barbare ,
Et respectons les Dieux jusques dans leur rigueur;
Adieu , puisse du moins la douleur qui m'accable,
Abreger de mes jours le reste déplorable ,
Cette seule esperance adoucit mon malheur.
Par M. V. D. L. T. d'Aix..
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Résumé : DESCENTE AUX ENFERS, ODE.
Le texte 'Descente aux enfers' narre le périple d'un personnage déterminé à retrouver son amour perdu, Camille. Motivé par une profonde douleur, il s'engage dans une expédition vers le 'ténébreux empire' pour sauver Camille. À l'instar d'Orphée et d'Hercule, il utilise sa souffrance pour apitoyer Caron et Cerbère, ainsi que pour émouvoir le souverain des enfers. Il traverse le fleuve Styx et observe les tourments infligés aux coupables, surveillés par les Furies. Il rencontre ensuite Atropos, qui lui révèle le destin scellé de Camille. Désespéré, il supplie Pluton de lui rendre Camille ou, à défaut, de lui permettre de la voir. Ému par ses larmes, Pluton ordonne à Minos de conduire le personnage vers Camille. Après l'avoir retrouvée, Camille le fuit. Désespéré, il décide de rester aux enfers avec elle. Cependant, Minos le ramène à la surface. Avant de partir, il espère que la douleur mettra fin à ses jours.
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4
p. 1217-1221
LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans le Corps humain.
Début :
Je gémis, Monsieur, je vous l'avoüe, quand je vois dans vos Mercures tant [...]
Mots clefs :
Pierre, Vessie, Tirer, Remède, Dissolvant, Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans le Corps humain.
LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans
Le Corps humain.
E gémis , Monsieur , je vous l'avoie ,
I
de Dissertations sur les manieres diffe
rentes de tirer la Pierre de la Vessie par la
taille. N'est-il pas étonnant que dans un
L. Kolo sić
1218 MERCURE DE FRANCE
siécle aussi éclairé que le nôtre
puisse se défaire de la prévention qu'on a
on ne
en faveur des anciens Auteurs ? car c'est
cet axiome, Remedium calculi cultrum est ; le
Couteau est le Remede de la Pierre , qui
est cause qu'on employe l'Art plutôt que
de consulter la Nature pour guérir ce
mal et qu'on préfere une operation
cruelle et très - dangereuse , qui fait tous
Les jours périr tant de personnes , aux
moyens simples et naturels qui le pour
roient dissiper sans aucun danger.
Mais , dira - t - on , un corps aussi dur que;
la Pierre , ou plutôt que le Caillou qui se
forme dans le Corps humain , ne pour
roit être dissous que par un Dissolvant
des plus puissans : or ne voit- on pas que
ce Dissolvant agiroit bien plus fortement
sur les parties tendres et délicates des Vis
ceres et des Vaisseaux par où il passeroit
dans le Corps , et causeroit dans le Sang des
desordres funestes. D'ailleurs , comme ce
Corps étranger qui est dans les reins ou
dans la Vessie , n'a aucuns Vaisseaux par le
moyen desquels il communique avec le
sang comment la vertu salutaire du
Remede y pourroit- elle arriver ? Enfin
qui a t- on vû délivré par un Remede
pris interieurement d'une Pierre bien
formée & d'un gros Volume ?
ر
.
(
(
I. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1219
Pour détruire la premiere de ces trois
objections , qui est la plus folide , il faut
encore que j'attaque un Axiome respec
table par son antiquité , sçavoir , que qui
peut le plus , peut le moins. Ne fçait -on
pas que l'eau forte qui dissout le plus dur
de tous les métaux , qui est le fer , ne peut
rien sur l'Or , qui est beaucoup plus mol,
ni même sur la Cire ; que le jus de Ci
tron qui dissout dans la main le Corail et
les perles , ne peut rien sur le Bois , ni sur
une infinité d'autres corps beaucoup plus
tendres : et que l'Eau commune , qui dis
sout fi vîte le sel , et au bout de quelque
tems le fer même , ne peut rien sur la
Cire , ni sur beaucoup d'autres choses
très-molles ?
Comme la Pierre n'est autre chofe qu'un
amas de sels , fixez par la chaleur des reins
qui , étant entrainez avec l'urine dans la
vessie , s'y assemblent , & forment un
corps par le moyen des glaires qui com
me un mastic , les lient ensemble , & de
vient dur par la chaleur de ce viscere ; il
n'est pas si difficile de trouver un Dissol
vant,ou plutôt un fondant, qui décompo
se cette espece de Caillou , puisqu'il ne
faut pour cela qu'amolir ,et réduire en li
queur ce mastic glaireux qui les tient ras
semblez : au moyen dequoi ces sels fixes
I.Vol
di
1220 MERCURE DE FRANCE
divisez et devenus libres , s'écouleront
aisément par l'uretre avec l'urine. Et puis
que l'urine n'est autre chose que la par
tie sereuse , saline et sulfureuse , séparée
du sang par la filtration qui se fait dans
les reins , il est aisé de comprendre qu'a
yant tiré du sang la qualité fondante du
Remede qu'on aura pris , elle décompo
sera aisément la Pierre qui baigne sans
cesse dans l'urine..
.
Enfin , Monsieur , pour répondre à la.
troisiéme objection et convaincre les
plus incrédules , ayez la bonté d'inviter
les personnes qui ont été délivrées de la
Pierre par des Remedes intérieurs , ou par
l'application de la Pierre divine , à en fai
re part au Public par la voye de votre
Mercure: vous verrez qu'il y ades moyens.
plus surs et plus faciles que le Couteau
pour faire sortir la Pierre du Corps hu
main..
le
Si vous voulez inviter en même-tems
ceux qui ont été guéris par des Remedes
trés-simples d'Hidropisies formées , vous
connoitrez aussi , et tout le Public par
même moyen , que la ponction n'eſt pas
nécessaire dans l'Hidropisie for née ; et
que pour perfectionner la Medecine , il
vaudrait mieux s'appliquer à étudier la
Nature , et à éprouver les qualités salu
(
128
N
N
I
L. Vol . taires
JUIN. 1731. 1221
taires de ses differentes productions , que
d'avoir recours aux Operations manuel
les , et de composer tous les jours , com
me on fait , de nouveaux sistêmes ..
Ce que j'ai l'honneur de vous proposer
interresse trop le bien public pour douter
que vous n'inseriez ma Lettre , que j'ai
Sort abregée dans le prochain Mercure..
Je suis Mon ieur , &c .
De La Loge.
Le Corps humain.
E gémis , Monsieur , je vous l'avoie ,
I
de Dissertations sur les manieres diffe
rentes de tirer la Pierre de la Vessie par la
taille. N'est-il pas étonnant que dans un
L. Kolo sić
1218 MERCURE DE FRANCE
siécle aussi éclairé que le nôtre
puisse se défaire de la prévention qu'on a
on ne
en faveur des anciens Auteurs ? car c'est
cet axiome, Remedium calculi cultrum est ; le
Couteau est le Remede de la Pierre , qui
est cause qu'on employe l'Art plutôt que
de consulter la Nature pour guérir ce
mal et qu'on préfere une operation
cruelle et très - dangereuse , qui fait tous
Les jours périr tant de personnes , aux
moyens simples et naturels qui le pour
roient dissiper sans aucun danger.
Mais , dira - t - on , un corps aussi dur que;
la Pierre , ou plutôt que le Caillou qui se
forme dans le Corps humain , ne pour
roit être dissous que par un Dissolvant
des plus puissans : or ne voit- on pas que
ce Dissolvant agiroit bien plus fortement
sur les parties tendres et délicates des Vis
ceres et des Vaisseaux par où il passeroit
dans le Corps , et causeroit dans le Sang des
desordres funestes. D'ailleurs , comme ce
Corps étranger qui est dans les reins ou
dans la Vessie , n'a aucuns Vaisseaux par le
moyen desquels il communique avec le
sang comment la vertu salutaire du
Remede y pourroit- elle arriver ? Enfin
qui a t- on vû délivré par un Remede
pris interieurement d'une Pierre bien
formée & d'un gros Volume ?
ر
.
(
(
I. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1219
Pour détruire la premiere de ces trois
objections , qui est la plus folide , il faut
encore que j'attaque un Axiome respec
table par son antiquité , sçavoir , que qui
peut le plus , peut le moins. Ne fçait -on
pas que l'eau forte qui dissout le plus dur
de tous les métaux , qui est le fer , ne peut
rien sur l'Or , qui est beaucoup plus mol,
ni même sur la Cire ; que le jus de Ci
tron qui dissout dans la main le Corail et
les perles , ne peut rien sur le Bois , ni sur
une infinité d'autres corps beaucoup plus
tendres : et que l'Eau commune , qui dis
sout fi vîte le sel , et au bout de quelque
tems le fer même , ne peut rien sur la
Cire , ni sur beaucoup d'autres choses
très-molles ?
Comme la Pierre n'est autre chofe qu'un
amas de sels , fixez par la chaleur des reins
qui , étant entrainez avec l'urine dans la
vessie , s'y assemblent , & forment un
corps par le moyen des glaires qui com
me un mastic , les lient ensemble , & de
vient dur par la chaleur de ce viscere ; il
n'est pas si difficile de trouver un Dissol
vant,ou plutôt un fondant, qui décompo
se cette espece de Caillou , puisqu'il ne
faut pour cela qu'amolir ,et réduire en li
queur ce mastic glaireux qui les tient ras
semblez : au moyen dequoi ces sels fixes
I.Vol
di
1220 MERCURE DE FRANCE
divisez et devenus libres , s'écouleront
aisément par l'uretre avec l'urine. Et puis
que l'urine n'est autre chose que la par
tie sereuse , saline et sulfureuse , séparée
du sang par la filtration qui se fait dans
les reins , il est aisé de comprendre qu'a
yant tiré du sang la qualité fondante du
Remede qu'on aura pris , elle décompo
sera aisément la Pierre qui baigne sans
cesse dans l'urine..
.
Enfin , Monsieur , pour répondre à la.
troisiéme objection et convaincre les
plus incrédules , ayez la bonté d'inviter
les personnes qui ont été délivrées de la
Pierre par des Remedes intérieurs , ou par
l'application de la Pierre divine , à en fai
re part au Public par la voye de votre
Mercure: vous verrez qu'il y ades moyens.
plus surs et plus faciles que le Couteau
pour faire sortir la Pierre du Corps hu
main..
le
Si vous voulez inviter en même-tems
ceux qui ont été guéris par des Remedes
trés-simples d'Hidropisies formées , vous
connoitrez aussi , et tout le Public par
même moyen , que la ponction n'eſt pas
nécessaire dans l'Hidropisie for née ; et
que pour perfectionner la Medecine , il
vaudrait mieux s'appliquer à étudier la
Nature , et à éprouver les qualités salu
(
128
N
N
I
L. Vol . taires
JUIN. 1731. 1221
taires de ses differentes productions , que
d'avoir recours aux Operations manuel
les , et de composer tous les jours , com
me on fait , de nouveaux sistêmes ..
Ce que j'ai l'honneur de vous proposer
interresse trop le bien public pour douter
que vous n'inseriez ma Lettre , que j'ai
Sort abregée dans le prochain Mercure..
Je suis Mon ieur , &c .
De La Loge.
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Résumé : LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans le Corps humain.
L'auteur d'une lettre discute des méthodes de traitement des calculs rénaux, exprimant son étonnement face à la persistance des préventions en faveur des anciens auteurs, notamment l'axiome 'Remedium calculi cultrum est' (le couteau est le remède de la pierre). Cette croyance privilégie des opérations chirurgicales dangereuses plutôt que des moyens naturels et simples pour dissoudre les calculs. L'auteur conteste l'idée que les dissolvants puissants nécessaires pour dissoudre les calculs endommageraient les parties tendres du corps. Il argue que des substances comme l'eau-forte, le jus de citron ou l'eau commune dissolvent certains matériaux mais pas d'autres, démontrant ainsi que des dissolvants spécifiques peuvent être trouvés pour les calculs rénaux sans nuire aux tissus environnants. Les calculs rénaux sont décrits comme des amas de sels fixés par la chaleur des reins et liés par des glaires. Un dissolvant approprié pourrait amollir ces glaires, permettant aux sels de se dissoudre et de s'écouler avec l'urine. L'auteur suggère que des remèdes pris intérieurement ou l'application de la 'Pierre divine' peuvent être efficaces. Enfin, l'auteur invite à publier des témoignages de personnes guéries par des remèdes intérieurs ou simples pour convaincre les sceptiques et promouvoir une médecine plus naturelle et moins invasive. Il espère que sa lettre sera publiée pour le bien public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1221-1224
STANCES.
Début :
Cephise en dois-je croire au rapport d'un Enfant ? [...]
Mots clefs :
Céphise, Fable, Bonheur, Amour, Cœur, Joie, Récompense
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES.
Ephise en dois- je croire au rapport d'us
Enfant
Où dois - je le traiter de fable ?
Fft- ce de votre part qu'il m'a fait compliment ?
Plus ce bonheur me paroît grand ,
Et moins il me paroît croyable !:
Mon coeur , un tel espoir a droit de vous saisir
Ne vous refusez pas à cette joye extrême ;
Il est doux de s'aider à se tromper soi -même
Lorse l'erreur eft un plaisir..
L'Enfant a t'il dit vrai suis - je heureux ? suis -je
à plaindre ?
I. Vol Qui
1222 MERCURE DE FRANCE
Qui pourra m'assurer de sa sincerité ?
Cet âge ne sçait il ni feindre ,
Ni déguiser la verité ?
Non , ce n'est point une imposture ;
Je le crois , j'en ai pour garant
Le petit Dieu qui met mon ame à la torture ;
Il n'eft lui-même qu'un enfant :
Amour , je te ferois injure :
Ji je me défiois de ton âge innocent.
Mais mon doute toûjours revient et m'embarasse,
Dois-je ne point songer aux adieux qu'on m'a
faits ?
Ou remercier d'une grace ,
A laquelle peut-être on ne songea jamais ≥
A chaque inftant mille scrupules ,
De mon esprit flotant redoublent l'embarras ;
S'il faut choisir enfin, ah ! paroissons credules ,
Plûtôt que de paroître ingrats..
Mais je me flatte trop d'une grace incertaine ,
Moy qu'on vit rarement près de vous s'arrêter ,
Moi que vous connoissez à peine ,
Qu'ay-je fait pour la meriter
<
52
TO
D
I. Vala
Sei
JUIN. 1731. 1223
Seroient- ce mes regards , dont l'éloquent silence,
A sans doute trahi les secrets de mon coeur ;
Seroient- ce mon respect , ma timide conſtance
Qui m'ont attiré ce bonheur ?
Seroit- ce qu'entendant quelques flutes plaintives
Troubler pendant la nuit le silence des Airs ,
Vous connussiez la voix de mes ardeurs crain
tives.
Qui s'expliquoient par ces concerts ?
Vous auroit-on appris que mon coeur équitable
Faisoit gloire par tout d'être en bute à vos traits
Auriez- vous sçû combien je vous trouvois ai
mable ?
Et comment en tout lieu je vantois vos attraits ?
D'un éloge sans fard ; est- ce la récompense ?
Cephise , avez-vous crû lui devoir ce retour ?
Je le vois , je dois tout à la reconnoissance ,
Et je ne dois rien à l'amour.
Helas ! peut- être encore la pitié s'y joint- elle ;
Prévoyant la douleur mortelle ,
Dont votre prompt départ accableroit mes sens ,
Vous devintes sensible à ma peine cruelle ,
Et sçûtes l'addoucir par deux mots obligeans.
I. Vol. Oui
224 MERCURE DE FRANCE
Oui , même en apprenant que vous étiez partie
Ces mots sçurent me réjouir :
Mais quel chagrin alors dans mon ame ravie !
Quels transports opposés s'en vinrent me saisir!
Dans le même moment je crus perdre la vie ,
Et de douleur & de plaisir.
Je ne m'expose point , Cephise , à vous déplaire;
En découvrant mes sentimens ;
L'aveu de mon amour n'a rien de téméraire ,
Si l'enfant par votre ordre a fait les complimens
Si la grace eft imaginaire ,
Vous ne sçaurez de qui sont les remerciemens
Ephise en dois- je croire au rapport d'us
Enfant
Où dois - je le traiter de fable ?
Fft- ce de votre part qu'il m'a fait compliment ?
Plus ce bonheur me paroît grand ,
Et moins il me paroît croyable !:
Mon coeur , un tel espoir a droit de vous saisir
Ne vous refusez pas à cette joye extrême ;
Il est doux de s'aider à se tromper soi -même
Lorse l'erreur eft un plaisir..
L'Enfant a t'il dit vrai suis - je heureux ? suis -je
à plaindre ?
I. Vol Qui
1222 MERCURE DE FRANCE
Qui pourra m'assurer de sa sincerité ?
Cet âge ne sçait il ni feindre ,
Ni déguiser la verité ?
Non , ce n'est point une imposture ;
Je le crois , j'en ai pour garant
Le petit Dieu qui met mon ame à la torture ;
Il n'eft lui-même qu'un enfant :
Amour , je te ferois injure :
Ji je me défiois de ton âge innocent.
Mais mon doute toûjours revient et m'embarasse,
Dois-je ne point songer aux adieux qu'on m'a
faits ?
Ou remercier d'une grace ,
A laquelle peut-être on ne songea jamais ≥
A chaque inftant mille scrupules ,
De mon esprit flotant redoublent l'embarras ;
S'il faut choisir enfin, ah ! paroissons credules ,
Plûtôt que de paroître ingrats..
Mais je me flatte trop d'une grace incertaine ,
Moy qu'on vit rarement près de vous s'arrêter ,
Moi que vous connoissez à peine ,
Qu'ay-je fait pour la meriter
<
52
TO
D
I. Vala
Sei
JUIN. 1731. 1223
Seroient- ce mes regards , dont l'éloquent silence,
A sans doute trahi les secrets de mon coeur ;
Seroient- ce mon respect , ma timide conſtance
Qui m'ont attiré ce bonheur ?
Seroit- ce qu'entendant quelques flutes plaintives
Troubler pendant la nuit le silence des Airs ,
Vous connussiez la voix de mes ardeurs crain
tives.
Qui s'expliquoient par ces concerts ?
Vous auroit-on appris que mon coeur équitable
Faisoit gloire par tout d'être en bute à vos traits
Auriez- vous sçû combien je vous trouvois ai
mable ?
Et comment en tout lieu je vantois vos attraits ?
D'un éloge sans fard ; est- ce la récompense ?
Cephise , avez-vous crû lui devoir ce retour ?
Je le vois , je dois tout à la reconnoissance ,
Et je ne dois rien à l'amour.
Helas ! peut- être encore la pitié s'y joint- elle ;
Prévoyant la douleur mortelle ,
Dont votre prompt départ accableroit mes sens ,
Vous devintes sensible à ma peine cruelle ,
Et sçûtes l'addoucir par deux mots obligeans.
I. Vol. Oui
224 MERCURE DE FRANCE
Oui , même en apprenant que vous étiez partie
Ces mots sçurent me réjouir :
Mais quel chagrin alors dans mon ame ravie !
Quels transports opposés s'en vinrent me saisir!
Dans le même moment je crus perdre la vie ,
Et de douleur & de plaisir.
Je ne m'expose point , Cephise , à vous déplaire;
En découvrant mes sentimens ;
L'aveu de mon amour n'a rien de téméraire ,
Si l'enfant par votre ordre a fait les complimens
Si la grace eft imaginaire ,
Vous ne sçaurez de qui sont les remerciemens
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Résumé : STANCES.
Le texte relate les doutes et les émotions d'un individu face à un rapport concernant un enfant. L'auteur oscille entre bonheur et incrédulité, se demandant s'il doit croire à ce rapport ou le considérer comme une fable. Il exprime des scrupules et des doutes sur la sincérité de l'enfant, tout en reconnaissant l'innocence de l'amour. Il se questionne sur la possibilité d'une imposture et sur les raisons pour lesquelles il pourrait mériter ce bonheur, mentionnant ses regards, son respect et sa constance. L'auteur se demande si ses sentiments ont pu être trahis par des flûtes plaintives ou des éloges. Il reconnaît que ce bonheur pourrait être dû à la reconnaissance ou à la pitié. Il évoque également les sentiments contradictoires ressentis lors du départ de Cephise, mêlant douleur et plaisir. L'auteur affirme ne pas chercher à déplaire à Cephise en révélant ses sentiments et ne pas considérer l'aveu de son amour comme téméraire, surtout si la grâce est imaginaire.
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6
p. 1224-1235
LETTRE de la Marquise de .... au Chevalier de ....
Début :
Je ne doute point, Monsieur, que vous n'ayez été surpris du long silence que [...]
Mots clefs :
Nouvelliste du Parnasse, Amour propre, Lettre, Tragédie, Actrices, Rhétorique, Hymen, Hémistiche
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de la Marquise de .... au Chevalier de ....
LETTRE de la Marquise de ....
au Chevalier de ...
L
C
E ne doute point , Monsieur , que vous
été que
j'ai gardé au sujet de la septiéme Lettre
du Nouvelliste du Parnasse , que vous
m'aviez sans doute envoyée pour morti
fier mon amour propre ; vous m'aviez
raillée sur quelques larmes que je n'a
vois pû retenir à la premiere representa
tion de la reprise d'Amasis ; je vous sou
tins avec une espece de dépit , ¡que mes.
¿
V
C
t
2
(
1. Vol .
pleurs
JUIN. 1731. 7225
pleurs ne couloient jamais à faux , et que
j'osois garantir la Piece bonne , sur la foi
de ma sensibilité. Nous nous separâmes
assez mécontents l'un de l'autre ; vous ne
fûtes pas long-tems à trouver une occa→
sion de vous vanger de la hauteur avec
laquelle j'avois décidé en faveur d'une
Piece qui n'avoit pas le bonheur de vous
plaire ; et vous ne crûtes le pouvoir mieux
qu'en m'envoyant la Lettre en question.
J'y aurois répondu sur le champ , si je
me fusses trouvée assez de sang froid ,
pour ne pas ressembler à votre impétueux
Nouvelliste , persuadée que la critique
perd infiniment de son prix , quand elle
est dictée par la passion ; me voilà donc,
Monsieur , dans un état assez tranquille
pour ne rien hazarder sans refléxion.
Le début de cette septiéme Lettre de
vroit rendre son Auteur suspect , puis
qu'il n'est établi que sur une fausse hypo
these : Piece, dit- il, en parlant de la Trage
die d'Amasis , jufqu'ici ignorée ou peu van
tée. Notre Ariftarque mal instruit se fon
de , sans doute , sur le peu de representa
tions que cette Tragedie eut dans sa nais
sance ; mais s'il avoit pris la peine de re
monter jusqu'au temps où elle fut donnée
pour la premiere fois , il auroit appris
qu'elle fut accueillie avec autant d'équité,
I. Vol. qu'elle
1226 MERCURE DE FRANCE
qu'elle l'est aujourd'hui > et que par
consequent elle n'a dû être , ni ignorée
ni peu vantée : les meilleurs Ouvrages du
Theatre ne sont pas à l'épreuve des Sai
sons , et le froid extréme qui alors empêcha
le Public d'aller aux Spectacles , fit partager
à ce même Public , aussi bien qu'à M. de
la Grange , le regret de la prompte dispa
rition d'Amasis , sans compter quelque
aigreur entre l'Auteur et une des princi
pales Actrices de ce tems-là , qui ne par
loit jamais de la Piece que pour la dé
- crier.
Ainsi c'est admettre un mauvais Prin
cipe que de dire
que cette Piece est gou
tée aujourd'hui par la même raison qui
a fait dédaigner Brutus. A Dieu ne plaise
que je traite assez mal le Public pour croi
re qu'il a dédaigné cette derniere Trage
die ; le mépris ne sçauroit être le partage
d'un Auteur tel qu'est M. de Voltaire ,
sans commettre la plus criante de toutes
les injustices ; tout le monde s'accorde à
la mettre au rang des meilleurs versifica
teurs de notre siecle ; rien n'eft plus digne
d'admiration que le beau feu qui anime
toutes ses Poesies , et j'ose avancer qu'il
seroit à souhaiter qu'il en eût quelquefois
un peu moins ; il ne s'y laisseroit pas en
traîner si rapidement dans des Ouvrages
I. Vol.
qui
JUIN. 1731. 1227
qui demandent plus de raison que d'an
tousiasme.Revenons à nôtre Archiloque.
Après avoir dit que la Tragedie d'A
masis est remplie de situations & d'évenemens
bizares qui se succedent à chaque instant ;
il lui fait la grace d'avouer , qu'elle ne lais
se pas de conserver une espece d'unité. Com
bien cette verité a- t'elle de peine à sortir
de sa plume ! On en juge par tous les
termes dont il se sert pour faire cet aveu
forcé ; elle ne laiffe pas : quoi de plus mé
prisant ? de conserver. Quelle continua
tion de mépris une espece d'unité ; quel
malin diminutif; je suis surprise qu'il n'ait
pas dit quellefaçon d'unité . Il craint mê
me d'avoir été trop favorable à l'Auteur,
et de peur qu'on ne prenne le change sur
ses expressions , il ajoûte aussi-tôt aprés ,
que cette espece d'unité a bien l'apparence de
la multiplicité , quel rafinement !
→
Quels blasphêmes ne profere - t- il pas con
tre le respectable Parterrel? En voici un : le
Parterre moderne , si je l'ose dire , fent et ne
pense point; Au reste, on doit lui tenir com
pte du Correctif, c'est unefigure de Retho
rique dont il fait rarement ufage.
Voici le second blasphême : dès qu'une
piece lui plaît , il s'imagine qu'elle a droit de
lui plaire , et qu'elle tient cet avantage , non
de son ignorance & de fon mauvais goût
1. Vol. B mai
1228 MERCURE DE FRANCE
mais du merite qu'elle a , parce qu'il se sup
pose infaillible. Quels traits plus deshono
rans ! ignorance , mauvais goût , présom
ption ; l'Auteur de cette Lettre ne seroit- il
pas dans le cas de ces Plaideurs , qui di
sent que rien n'est plus injuste que la Jus
tice , quand ils viennent de perdre une
cause dont la bonté ne subsistoit que dans
leur imagination ? Je crains , Monsieur ,
de sortir du sang froid , dont je me suis
vantée ; tâchons de le reprendre , je ne
puis mieux punir l'adversaire d'Amasis
qu'en me réduisant à faire simplement
l'apologie d'une Piece qu'il attaque avec
tant d'acharnement ; mes éloges lui tien
dront lieu d'invectives.
>
Il reproche à Sesostris de n'être occupé que
du dessein qu'il a de se défaire d' Amasis par
une trahison, Je réponds tranquillement
à cela , que si c'est être perfide que de
vouloir vanger la mort d'un Pere cruelle
ment assassiné , et d'employer l'artifice
au deffaut de la force ouverte , pour re
monter sur un Trône usurpé , je passe con
damnation sur la trahison si injustement
imputée au Heros de cette Tragedie.
il l'accuse encore d'un desir impa
tient de voir sa Mere , et traite de puéri
lité ce que la nature inspire à tous les hom
mes. Sesostris brûle d'impatience de voir
I. Vol,
sa
E
JUIN. 1731. 1229
sa Mere ; quoi de plus digne d'un Fils
vertueux et d'un digne Successeur du
grand Apriès ? Ce qu'il y a de plus remar
quable dans cette Critique, c'est l'endroit
où l'Auteur s'avise de la placer. Il vient
de convenir de la meilleure foi du monde ,
que l'entretien de Sesostris avec Nitocris a
quelque chose de touchant ; et il ajoûte , mais
pourquoi a- t-il un desirsi violent et fi pen
fondé de la voir & de l'entretenir ? Peut- on
prendre plus mal son champ de Bataille ?
Si cette Scene a fait tant de plaisir aux
Spectateurs , pourquoi y a-t-il du regret ?
il y a des situations si touchantes , qu'il
faudroit les acheter mêmes aux dépens de
quelques fautes , mais qu'il s'en faut que
celle- ci ait besoin de l'indulgence dont
je parle ! Sesostris ne craint rientant ici
que de voir une Mere desolée à qui il doit
porter un coup mortel , en lui montrant
le poignard qu'elle croit tout degoutant
encore du sang de son Fils , il voudroit
l'éviter , et l'éviteroit en effet si un sa
ge confident ne lui faisoit entendre
qu'après l'ordre exprès d'Amasis , il ne
peut lui desobeïr sans se rendre suspect ,
et sans exposer lesjours de sa mere avec les
*siens ¿
"
"
La confidence que Nitocris fait à Arte
nice n'est pas si déraisonnable que notre
1. Vol.
Bij severe
1230 MERCURE DE FRANCE
severe Nouvelliste prétend le persuader.
En effet , pourquoi doit- elle se défier
d'une jeune personne qui vient de lui dé
clarer l'aversion invincible qu'elle a pour
l'Hymen que le Tyran lui propose ? Elle
est fille de Phanès , mais ce Phanès n'a pas
paru jusqu'à ce jour le mortel ennemi de
Nitocris , comme notre Censeur le supo
se cela est si peu marqué dans la Piece ,
que lorsque Phanès vient si à propos in
terrompre la Scene où Sesostris est prêt à se
faire reconnoître à sa Mere éperdue , elle
témoigne sa surprise sur ce que tout la
trahit jusqu'à Phanès i d'où il est naturel
de conclure, qu'elle ne l'a pas consideré
commeson mortel ennemi. Il ne me seroit
pas moins facile de justifier le caractére
d'Amasis , qu'on traite gratuitement de
sot & d'aveugle,
›
Au reste , ce qui fait que les Spectateurs
prennent quelquefois le change sur les
differentes actions qui se passent sous leurs
yeux ; c'est qu'ils supposent que les per
sonnages qu'ils accusent de donner dans
des pieges grossiers est aussi instruit
qu'eux- mêmes . En effet , nous sçavons
que Phanès conspire contre Amasis , par
ce qu'il nous l'a fait entendre ; mais l'a-t- il
fait connoître à Amasis ? Ce Tyran établit
d'abord son caractére de la maniere du
J. Vol,
mon
JUIN. 1731. 1231
monde , qui puisse faire le plus d'hon
neur à l'Auteur de la Tragedie. Il ne dit
rien qui ne marque sa défiance : il pousse
même l'ingenuité jusqu'à dire à Phanès
qu'il y a des momens où il lui devient
suspect lui-même malgré tous les témoi
gnages de fidélité qu'il lui rend ; fidélité
d'autant moins sincere , qu'il ne croit pas
l'avoir méritée; il ajoûte que ce Fils même,
qui lui est si cher , lui a inspiré des mou
vemens d'aversion à son premier aspect ,
et' qu'il fremit de l'aceuil qu'il lui auroit
fait , s'il ne s'étoit pas fait reconnoître à
des signes incontestables , tels que la
Lettre de sa femme.
Voici encore le Public attaqué ; je ne
crois pas pouvoir me dispenser de dé
fendre sa cause . L'Auteur de la Lettre
s'explique en ces termes : C'estpar rapport
à cette Piece ,plus qu'à l'égard d'aucune autre
que le Public distrait & inattentif, fait usa
ge d'une maxime pernicieuse à laquelle tous
les mauvais Auteurs s'efforcent de donner
Cours , qui est , que le langage pur & éle
gant , le stile noble & correct & la beauté
de la versification sont inutiles sur le Théa
tre.
Peut-on rien dire de plus injurieux pour
ce Public respectable , que d'oser avancer
qu'il fait usage d'une maxime si deraison
I. Vol.
B iij
nable
1232 MERCURE DE FRANCE
•
{ .
nable, s'il étoit dans un pareil sentiment
viendroit- il en foule aux Tragedies de
Racine , et balanceroit -il un seul moment
entre Corneille et lui ? il n'y a personne
qui ne convienne que Corneille l'empor
te autant sur Racine par l'action que Ra
cine l'emporte sur Corneille par la dic
tion ; cependant l'un ne fait pas negliger
l'autre ; il n'eft donc pas vrai de dire que
le langage pur et élegant , le stile noble et cor
rect et la beauté de la versification , sont ju
gez par le Public inutiles au Théatre .
Si M. de la Grange se dément quelque
fois dans sa maniere de versifier , ce n'est
point là ce que le Public aplaudit dans ses
Ouvrages de Théatres ; ou plutôt s'il lui
passe quelques negligences de diction , ce
n'est qu'en faveur des beautez frappantes
qui se tecedent dans ses Pieces par rapport
aux situations dont elles sont remplies .
Je ne conviens pas pourtant , Mon
sieur , que l'Amasis soit écrit avec toute la
négligence , la rudesse et la barbarie possibles;
je suis bien éloignée d'adopter des termes
si familiers au Nouvelliste ; il cite çes trois
Vers , pour prouver ce qu'il avance.
C
Il recule , j'avance ; il se débat , il tombe ;
Là , sans être touché de son sort abbatu ,
Mon bras de l'achever , se fait une vertu.
1. Vol. · J'a
JUIN. 1731. 1233
J'avoue que le dernier hemistiche du se
cond vers , n'est pas le plus heureux du
monde ; mais si les grands exemples suffi
soient pour autoriser des fautes , Corneil
le et l'Auteur même de Brutus m'en four
niroient d'ailleurs , sort abbatu , est au
rang de ces figures par lesquelles on attri
bue à la cause ce qui n'appartient qu'à
l'effet , et puisqu'on dit un sort malheu
reux , quoique le malheur ne soit que
l'effet , et point du tout la cause du sort ,
pourquoi l'épithete d'abbatu attachée
au sort , ne jouiroit - elle pas du même pri
vilege ?
Voila à peu près , c'est le Nouvelliste
qui parle , comme sont faits tous les Vers de
la Piece ; non-seulement , ajoute - t-il , on
est aujourd'hui indulgent au Théatre par
rapport aux mauvais Vers , et au mauvais
langage , mais encore on y applaudit ; Voici
comment il le prouve on se récrie , par
exemple , à ce vers de Nitocris.
Menace moi de vivre , et non pas de mourir.
Si c'est-là un de ces Vers que le Nou
velliste appelle negligés , rudes et barbares
j'avoue à ma honte que j'ai terriblement
pris le change ; mais ce qui me console ,
c'est que tout le Public l'a pris comme moi :
Voici encore de la dialectique de l'Adver
›
I. Vol. B iiij saire
1234
MERCURE
DE FRANCE
saire d'Amasis Le Verbe qui suit celui de
menace ne se rapporte- t - il pas toûjours à la
personne qui menace ! Ces paroles , pour
suit-il avec un air de triomphe ; menace
moi de vivre et non pas de mourir , signi
fient donc proprement et grammaticalement
menace-moi que tu vivras & non que tu
.
mourras.
Après cette décision , il semble qu'il n'y
ait plus qu'à admirer ; mais je n'en suis
pas réduite -là , ce Vers m'a trop bien af
fectée pour le placer au rang des mauvais
et des barbares ; ceux qu'Amasis dit aupa
ravant , nous portent naturellement à un
sens tout contraire à celui qu'une mau
vaise Grammaire lui prête contre toutes
les regles , vivre et mourir sont ici au lieu de
vie & de mort ; et le Vers attaqué ne veut
dire autre chose que menace-moi de la vie et
non pas de la mort la vie étant regardée
par Nitocris comme un supplice , & la mort
comme une grace ; un Regent de Rethorique
que j'ai consulté là - dessus , m'a dit que ce
prétendu Barbarisme n'est tout au plus
qu'un Latinisme il a fait sur cela un
Vers Latin qu'il m'a donné par écrit : le
voici ,
;
:
Mortem minaris proximam ! vitamjube.
Mais je ne m'apperçois pas que ma
I. Vol. Let
JUIN
. 1731. 1235
Lettre commence à devenir longue et
peut-être ennuyeuse , je la finis brus
quement pour ne point abuser de votre
patience ; Je suis , &c.
au Chevalier de ...
L
C
E ne doute point , Monsieur , que vous
été que
j'ai gardé au sujet de la septiéme Lettre
du Nouvelliste du Parnasse , que vous
m'aviez sans doute envoyée pour morti
fier mon amour propre ; vous m'aviez
raillée sur quelques larmes que je n'a
vois pû retenir à la premiere representa
tion de la reprise d'Amasis ; je vous sou
tins avec une espece de dépit , ¡que mes.
¿
V
C
t
2
(
1. Vol .
pleurs
JUIN. 1731. 7225
pleurs ne couloient jamais à faux , et que
j'osois garantir la Piece bonne , sur la foi
de ma sensibilité. Nous nous separâmes
assez mécontents l'un de l'autre ; vous ne
fûtes pas long-tems à trouver une occa→
sion de vous vanger de la hauteur avec
laquelle j'avois décidé en faveur d'une
Piece qui n'avoit pas le bonheur de vous
plaire ; et vous ne crûtes le pouvoir mieux
qu'en m'envoyant la Lettre en question.
J'y aurois répondu sur le champ , si je
me fusses trouvée assez de sang froid ,
pour ne pas ressembler à votre impétueux
Nouvelliste , persuadée que la critique
perd infiniment de son prix , quand elle
est dictée par la passion ; me voilà donc,
Monsieur , dans un état assez tranquille
pour ne rien hazarder sans refléxion.
Le début de cette septiéme Lettre de
vroit rendre son Auteur suspect , puis
qu'il n'est établi que sur une fausse hypo
these : Piece, dit- il, en parlant de la Trage
die d'Amasis , jufqu'ici ignorée ou peu van
tée. Notre Ariftarque mal instruit se fon
de , sans doute , sur le peu de representa
tions que cette Tragedie eut dans sa nais
sance ; mais s'il avoit pris la peine de re
monter jusqu'au temps où elle fut donnée
pour la premiere fois , il auroit appris
qu'elle fut accueillie avec autant d'équité,
I. Vol. qu'elle
1226 MERCURE DE FRANCE
qu'elle l'est aujourd'hui > et que par
consequent elle n'a dû être , ni ignorée
ni peu vantée : les meilleurs Ouvrages du
Theatre ne sont pas à l'épreuve des Sai
sons , et le froid extréme qui alors empêcha
le Public d'aller aux Spectacles , fit partager
à ce même Public , aussi bien qu'à M. de
la Grange , le regret de la prompte dispa
rition d'Amasis , sans compter quelque
aigreur entre l'Auteur et une des princi
pales Actrices de ce tems-là , qui ne par
loit jamais de la Piece que pour la dé
- crier.
Ainsi c'est admettre un mauvais Prin
cipe que de dire
que cette Piece est gou
tée aujourd'hui par la même raison qui
a fait dédaigner Brutus. A Dieu ne plaise
que je traite assez mal le Public pour croi
re qu'il a dédaigné cette derniere Trage
die ; le mépris ne sçauroit être le partage
d'un Auteur tel qu'est M. de Voltaire ,
sans commettre la plus criante de toutes
les injustices ; tout le monde s'accorde à
la mettre au rang des meilleurs versifica
teurs de notre siecle ; rien n'eft plus digne
d'admiration que le beau feu qui anime
toutes ses Poesies , et j'ose avancer qu'il
seroit à souhaiter qu'il en eût quelquefois
un peu moins ; il ne s'y laisseroit pas en
traîner si rapidement dans des Ouvrages
I. Vol.
qui
JUIN. 1731. 1227
qui demandent plus de raison que d'an
tousiasme.Revenons à nôtre Archiloque.
Après avoir dit que la Tragedie d'A
masis est remplie de situations & d'évenemens
bizares qui se succedent à chaque instant ;
il lui fait la grace d'avouer , qu'elle ne lais
se pas de conserver une espece d'unité. Com
bien cette verité a- t'elle de peine à sortir
de sa plume ! On en juge par tous les
termes dont il se sert pour faire cet aveu
forcé ; elle ne laiffe pas : quoi de plus mé
prisant ? de conserver. Quelle continua
tion de mépris une espece d'unité ; quel
malin diminutif; je suis surprise qu'il n'ait
pas dit quellefaçon d'unité . Il craint mê
me d'avoir été trop favorable à l'Auteur,
et de peur qu'on ne prenne le change sur
ses expressions , il ajoûte aussi-tôt aprés ,
que cette espece d'unité a bien l'apparence de
la multiplicité , quel rafinement !
→
Quels blasphêmes ne profere - t- il pas con
tre le respectable Parterrel? En voici un : le
Parterre moderne , si je l'ose dire , fent et ne
pense point; Au reste, on doit lui tenir com
pte du Correctif, c'est unefigure de Retho
rique dont il fait rarement ufage.
Voici le second blasphême : dès qu'une
piece lui plaît , il s'imagine qu'elle a droit de
lui plaire , et qu'elle tient cet avantage , non
de son ignorance & de fon mauvais goût
1. Vol. B mai
1228 MERCURE DE FRANCE
mais du merite qu'elle a , parce qu'il se sup
pose infaillible. Quels traits plus deshono
rans ! ignorance , mauvais goût , présom
ption ; l'Auteur de cette Lettre ne seroit- il
pas dans le cas de ces Plaideurs , qui di
sent que rien n'est plus injuste que la Jus
tice , quand ils viennent de perdre une
cause dont la bonté ne subsistoit que dans
leur imagination ? Je crains , Monsieur ,
de sortir du sang froid , dont je me suis
vantée ; tâchons de le reprendre , je ne
puis mieux punir l'adversaire d'Amasis
qu'en me réduisant à faire simplement
l'apologie d'une Piece qu'il attaque avec
tant d'acharnement ; mes éloges lui tien
dront lieu d'invectives.
>
Il reproche à Sesostris de n'être occupé que
du dessein qu'il a de se défaire d' Amasis par
une trahison, Je réponds tranquillement
à cela , que si c'est être perfide que de
vouloir vanger la mort d'un Pere cruelle
ment assassiné , et d'employer l'artifice
au deffaut de la force ouverte , pour re
monter sur un Trône usurpé , je passe con
damnation sur la trahison si injustement
imputée au Heros de cette Tragedie.
il l'accuse encore d'un desir impa
tient de voir sa Mere , et traite de puéri
lité ce que la nature inspire à tous les hom
mes. Sesostris brûle d'impatience de voir
I. Vol,
sa
E
JUIN. 1731. 1229
sa Mere ; quoi de plus digne d'un Fils
vertueux et d'un digne Successeur du
grand Apriès ? Ce qu'il y a de plus remar
quable dans cette Critique, c'est l'endroit
où l'Auteur s'avise de la placer. Il vient
de convenir de la meilleure foi du monde ,
que l'entretien de Sesostris avec Nitocris a
quelque chose de touchant ; et il ajoûte , mais
pourquoi a- t-il un desirsi violent et fi pen
fondé de la voir & de l'entretenir ? Peut- on
prendre plus mal son champ de Bataille ?
Si cette Scene a fait tant de plaisir aux
Spectateurs , pourquoi y a-t-il du regret ?
il y a des situations si touchantes , qu'il
faudroit les acheter mêmes aux dépens de
quelques fautes , mais qu'il s'en faut que
celle- ci ait besoin de l'indulgence dont
je parle ! Sesostris ne craint rientant ici
que de voir une Mere desolée à qui il doit
porter un coup mortel , en lui montrant
le poignard qu'elle croit tout degoutant
encore du sang de son Fils , il voudroit
l'éviter , et l'éviteroit en effet si un sa
ge confident ne lui faisoit entendre
qu'après l'ordre exprès d'Amasis , il ne
peut lui desobeïr sans se rendre suspect ,
et sans exposer lesjours de sa mere avec les
*siens ¿
"
"
La confidence que Nitocris fait à Arte
nice n'est pas si déraisonnable que notre
1. Vol.
Bij severe
1230 MERCURE DE FRANCE
severe Nouvelliste prétend le persuader.
En effet , pourquoi doit- elle se défier
d'une jeune personne qui vient de lui dé
clarer l'aversion invincible qu'elle a pour
l'Hymen que le Tyran lui propose ? Elle
est fille de Phanès , mais ce Phanès n'a pas
paru jusqu'à ce jour le mortel ennemi de
Nitocris , comme notre Censeur le supo
se cela est si peu marqué dans la Piece ,
que lorsque Phanès vient si à propos in
terrompre la Scene où Sesostris est prêt à se
faire reconnoître à sa Mere éperdue , elle
témoigne sa surprise sur ce que tout la
trahit jusqu'à Phanès i d'où il est naturel
de conclure, qu'elle ne l'a pas consideré
commeson mortel ennemi. Il ne me seroit
pas moins facile de justifier le caractére
d'Amasis , qu'on traite gratuitement de
sot & d'aveugle,
›
Au reste , ce qui fait que les Spectateurs
prennent quelquefois le change sur les
differentes actions qui se passent sous leurs
yeux ; c'est qu'ils supposent que les per
sonnages qu'ils accusent de donner dans
des pieges grossiers est aussi instruit
qu'eux- mêmes . En effet , nous sçavons
que Phanès conspire contre Amasis , par
ce qu'il nous l'a fait entendre ; mais l'a-t- il
fait connoître à Amasis ? Ce Tyran établit
d'abord son caractére de la maniere du
J. Vol,
mon
JUIN. 1731. 1231
monde , qui puisse faire le plus d'hon
neur à l'Auteur de la Tragedie. Il ne dit
rien qui ne marque sa défiance : il pousse
même l'ingenuité jusqu'à dire à Phanès
qu'il y a des momens où il lui devient
suspect lui-même malgré tous les témoi
gnages de fidélité qu'il lui rend ; fidélité
d'autant moins sincere , qu'il ne croit pas
l'avoir méritée; il ajoûte que ce Fils même,
qui lui est si cher , lui a inspiré des mou
vemens d'aversion à son premier aspect ,
et' qu'il fremit de l'aceuil qu'il lui auroit
fait , s'il ne s'étoit pas fait reconnoître à
des signes incontestables , tels que la
Lettre de sa femme.
Voici encore le Public attaqué ; je ne
crois pas pouvoir me dispenser de dé
fendre sa cause . L'Auteur de la Lettre
s'explique en ces termes : C'estpar rapport
à cette Piece ,plus qu'à l'égard d'aucune autre
que le Public distrait & inattentif, fait usa
ge d'une maxime pernicieuse à laquelle tous
les mauvais Auteurs s'efforcent de donner
Cours , qui est , que le langage pur & éle
gant , le stile noble & correct & la beauté
de la versification sont inutiles sur le Théa
tre.
Peut-on rien dire de plus injurieux pour
ce Public respectable , que d'oser avancer
qu'il fait usage d'une maxime si deraison
I. Vol.
B iij
nable
1232 MERCURE DE FRANCE
•
{ .
nable, s'il étoit dans un pareil sentiment
viendroit- il en foule aux Tragedies de
Racine , et balanceroit -il un seul moment
entre Corneille et lui ? il n'y a personne
qui ne convienne que Corneille l'empor
te autant sur Racine par l'action que Ra
cine l'emporte sur Corneille par la dic
tion ; cependant l'un ne fait pas negliger
l'autre ; il n'eft donc pas vrai de dire que
le langage pur et élegant , le stile noble et cor
rect et la beauté de la versification , sont ju
gez par le Public inutiles au Théatre .
Si M. de la Grange se dément quelque
fois dans sa maniere de versifier , ce n'est
point là ce que le Public aplaudit dans ses
Ouvrages de Théatres ; ou plutôt s'il lui
passe quelques negligences de diction , ce
n'est qu'en faveur des beautez frappantes
qui se tecedent dans ses Pieces par rapport
aux situations dont elles sont remplies .
Je ne conviens pas pourtant , Mon
sieur , que l'Amasis soit écrit avec toute la
négligence , la rudesse et la barbarie possibles;
je suis bien éloignée d'adopter des termes
si familiers au Nouvelliste ; il cite çes trois
Vers , pour prouver ce qu'il avance.
C
Il recule , j'avance ; il se débat , il tombe ;
Là , sans être touché de son sort abbatu ,
Mon bras de l'achever , se fait une vertu.
1. Vol. · J'a
JUIN. 1731. 1233
J'avoue que le dernier hemistiche du se
cond vers , n'est pas le plus heureux du
monde ; mais si les grands exemples suffi
soient pour autoriser des fautes , Corneil
le et l'Auteur même de Brutus m'en four
niroient d'ailleurs , sort abbatu , est au
rang de ces figures par lesquelles on attri
bue à la cause ce qui n'appartient qu'à
l'effet , et puisqu'on dit un sort malheu
reux , quoique le malheur ne soit que
l'effet , et point du tout la cause du sort ,
pourquoi l'épithete d'abbatu attachée
au sort , ne jouiroit - elle pas du même pri
vilege ?
Voila à peu près , c'est le Nouvelliste
qui parle , comme sont faits tous les Vers de
la Piece ; non-seulement , ajoute - t-il , on
est aujourd'hui indulgent au Théatre par
rapport aux mauvais Vers , et au mauvais
langage , mais encore on y applaudit ; Voici
comment il le prouve on se récrie , par
exemple , à ce vers de Nitocris.
Menace moi de vivre , et non pas de mourir.
Si c'est-là un de ces Vers que le Nou
velliste appelle negligés , rudes et barbares
j'avoue à ma honte que j'ai terriblement
pris le change ; mais ce qui me console ,
c'est que tout le Public l'a pris comme moi :
Voici encore de la dialectique de l'Adver
›
I. Vol. B iiij saire
1234
MERCURE
DE FRANCE
saire d'Amasis Le Verbe qui suit celui de
menace ne se rapporte- t - il pas toûjours à la
personne qui menace ! Ces paroles , pour
suit-il avec un air de triomphe ; menace
moi de vivre et non pas de mourir , signi
fient donc proprement et grammaticalement
menace-moi que tu vivras & non que tu
.
mourras.
Après cette décision , il semble qu'il n'y
ait plus qu'à admirer ; mais je n'en suis
pas réduite -là , ce Vers m'a trop bien af
fectée pour le placer au rang des mauvais
et des barbares ; ceux qu'Amasis dit aupa
ravant , nous portent naturellement à un
sens tout contraire à celui qu'une mau
vaise Grammaire lui prête contre toutes
les regles , vivre et mourir sont ici au lieu de
vie & de mort ; et le Vers attaqué ne veut
dire autre chose que menace-moi de la vie et
non pas de la mort la vie étant regardée
par Nitocris comme un supplice , & la mort
comme une grace ; un Regent de Rethorique
que j'ai consulté là - dessus , m'a dit que ce
prétendu Barbarisme n'est tout au plus
qu'un Latinisme il a fait sur cela un
Vers Latin qu'il m'a donné par écrit : le
voici ,
;
:
Mortem minaris proximam ! vitamjube.
Mais je ne m'apperçois pas que ma
I. Vol. Let
JUIN
. 1731. 1235
Lettre commence à devenir longue et
peut-être ennuyeuse , je la finis brus
quement pour ne point abuser de votre
patience ; Je suis , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE de la Marquise de .... au Chevalier de ....
La Marquise de... écrit au Chevalier de... pour répondre à une critique de la septième lettre du Nouvelliste du Parnasse concernant la tragédie 'Amasis' de Voltaire. La Marquise conteste les accusations du critique, affirmant que ses larmes lors de la représentation n'étaient pas injustifiées et que la pièce est bien accueillie par le public. Elle critique la fausse hypothèse du critique selon laquelle 'Amasis' était ignorée ou peu vantée à ses débuts, expliquant que les conditions météorologiques et des conflits personnels avaient limité les représentations. La Marquise défend également la qualité littéraire et la sensibilité de Voltaire, tout en critiquant la partialité et l'exagération du critique. Elle réfute les accusations de bizarrerie et de manque d'unité dans la pièce, et défend les choix artistiques de Voltaire. La Marquise conclut en soulignant l'injustice des critiques du public et en affirmant que 'Amasis' mérite son succès. La lettre est datée de juin 1731 et inclut une phrase en latin : 'Mortem minaris proximam! vitamjube.' L'auteur exprime ensuite qu'il ne souhaite pas que sa lettre devienne trop longue et ennuyeuse, et décide de la terminer abruptement pour ne pas abuser de la patience du destinataire. La lettre se conclut par une formule de politesse : 'Je suis, &c.'
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 1235-1240
L'INTEREST, ODE Qui par le jugement de l'Académie des Jeux Floraux, a remporté cette année 1731. le Prix de l'Amarante d'or, destiné à ce genre de Poësie ; elle est de M. l'Abbé Poncy de Neuville ; c'est pour la septiéme fois qu'il est couronné dans cette Académie.
Début :
Quelle est cette horrible furie ! [...]
Mots clefs :
Furie, Ambition, Intérêt, Abîme, Funérailles, Princes, Fleuves de sang, Guerre, Paix, Sisyphe
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texteReconnaissance textuelle : L'INTEREST, ODE Qui par le jugement de l'Académie des Jeux Floraux, a remporté cette année 1731. le Prix de l'Amarante d'or, destiné à ce genre de Poësie ; elle est de M. l'Abbé Poncy de Neuville ; c'est pour la septiéme fois qu'il est couronné dans cette Académie.
L'INTEREST ,
ODE
Quipar lejugement de l'Académie des Jeux
Floraux , a remporté cette année 1731 .
le Prix de l'Amarante d'or , destiné à
cegenre de Poësies elle est de M. l'Abbé
Poncy de Neuville ; c'est pour la septième
fois qu'il est couronné dans cette Académie.
Quelle
Uelle est cette horrible furie !
Son souffle empoisonne les Airs ;
Sa pernicieuse industrie ,
De crimes remplit l'Univers
D'un glaive sa main est armée
Elle va de rage animée
Creuser en cent lieux des Tombeaux
L'ambition et l'avarice ,
L'affreuse envie et l'injustice ,
L'éclairent de leurs noirs flambeaux,
I. Vol
By C'est
1236 MERCURE DE FRANCE
C'est l'Interêt ; non. le Tartare ,
Fécond en vices éclatans ,
N'a rien vomi de plus barbare
Depuis la naissance des temps ,
Sur un vaste amas de ruines ,
Il s'éleve fier des rapines >
Dont on enrichit ses Autels
Les insatiables harpies ,
Volent autour des dons impies
Que lui prodiguent les Mortels.
Le Nocher , loin de sa Patrie ,
Pour lui seul renonce au repos ;
Il part , il brave la Furie ,
Des Vents déchaînez et des Flots
Si- tôt que l'Interêt décide ,
Rien n'arrête , rien n'intimide ,
Que dis- je ? on renonce aux plaisirs ,
Les esprits opposez s'unissent
Les plus indociles fléchissent
Tout change au gré de ses desirs.
&
Tyran que l'Univers encense
Malgré l'honneur et la raison ,
Sous le regne de l'innocence ,
On ignoroit jusqu'à ton nom
Dans les flancs des profonds abymes
2
1
I. Vol.
Les
JUIN.
1731. 1237
Les trésors , source de nos crimes ,
Etoient encore resserrez •
Nous n'aurions point connu la guerre ,
Sï jamais du sein de la Terre ,
Ton bras ne les avoit tirez.
{
Quelles horribles funerailles !
Je nâge en des Fleuves de sang ;
Le cruel démon des batailles ,
Porte la mort de rang en rang ;
Les Provinces sont ravagées ;
Les Citez tombent saccagées ;
Et sous ces Palais désolez ,
Je vois par d'odieuses trames ,
Parmi les cris , parmi les flâmes ,
Périr cent Princes immolez.
Quand les feux des guerres publiques ,
S'éteignent aux pieds de la Paix ,
Auteu: des troubles domestiques ,
Tu vas causer d'autres forfaits ,
Le fils s'arme contre le pere ,
Le frere attente sur le frere ,
L'ami méconnoît ses amis ,
Grands Dieux , ses maximes sinistres ,
Souillent quelquefois vos Ministres ,
Et corrompent ceux de Tlémis.
9
I. Vol.
Par
B vj
1238 MERCURE DE FRANCE
Par les coupables artifices ,
On trahit , on vend l'équité ,
On profane les Sacrifices ,
Que vous offre la pieté;
Combien ... mais non…….. que mon silence },
Dérobe à l'injuste licence ,
Des Portraits toujours dangereux ;
Craignons de lui fournir des armes ;
Effaçons plutôt par nos larmes ,
Tout ce que leurs, traits ont d'affreux.
Ce ne sont plus ces simpaties ,
Desames qu'un rapport heureux
Auroit l'une à l'autre assorties ,.
Qui de l'Hymen forment les noeuds
Toi seul regle la destinée ,
De la Victime infortunée ,
Qu'on entraîne aux pieds de l'Autel ;
Interêt , quel est ton empire-?
Le tendre Amour en vain soupire,
Il y reçoit le coup mortel.
Delà ces feux illegitimes ,
Par qui le Ciel est irrité.
Ah ! n'imputons qu'à toi les crimes ;
Que commet l'infidelité ;
On s'est uni sans se connoître ,
..
* 15 :
I. Vol. On
JUIN. 1731 8239
On se seroit aimé peut-être ;
Le coeur au moins eût combattu :
Mais par ton funeste caprice ,
Barbare , tu forces au yice ,
Ce coeur formé pour lá vertu.
Qu'elle est cette Idole fragile ,
Livrée au caprice du vent è
La tête est d'or , les pieds d'argile
Ont pour baze un sable mouvant
J'entends les fiers Sujets d'Eole ;
Ils s'unissent contre l'Idole ;
Quel bruit ! quel fracas ! quel débris !
Le decret des Cieux s'execute
Et le lieu même de sa chute ,
Disparoît aux regards surpris
.
>
De votre sort c'est là l'image
De l'Interêt vils Partisans ,
La Fortune abbat son ouvrage ,
Fuyez ses perfides présens
Quand elle seroit plus constante ,
Quand tout rempliroit votre attente ,
Par un long et coupable abus ,
Les plus formidables Monarques ,
Naissent tributaires des Parques ,
Vous leur devez mêmes tributs
D
i ita
I. Vol. Des
1240 MERCURE DE FRANCE
Des Sysiphes , des Promethées ,
Vous méritez les châtimens ,
Les Eumenides irritées ,
Vous préparent mêmes tourmens ;
Vos vains honneurs , coupables Ombres ,
N'ont plus d'éclat dans ces lieux sombres ,
Ou tous les rangs sont confondus ,
Et ces biens pour qui l'on soupire ,
Ne peuvent rien dans un Empire ,
Où l'on juge au poids des vertus.
Va par tes brigues infernales ,
Sordide Interêt , Monstre affreux ,
Regner sur des ames vénales ;
Reçois l'hommage de leurs voeux ;
Je préfère à ton opulence ,
Une vertueuse indigence ;
Tu ne peux séduire mon coeur ;
Et je le percerois moi- même ,
Si par un changement extrême ,
Il t'avouoit pour son Vainqueur.
ODE
Quipar lejugement de l'Académie des Jeux
Floraux , a remporté cette année 1731 .
le Prix de l'Amarante d'or , destiné à
cegenre de Poësies elle est de M. l'Abbé
Poncy de Neuville ; c'est pour la septième
fois qu'il est couronné dans cette Académie.
Quelle
Uelle est cette horrible furie !
Son souffle empoisonne les Airs ;
Sa pernicieuse industrie ,
De crimes remplit l'Univers
D'un glaive sa main est armée
Elle va de rage animée
Creuser en cent lieux des Tombeaux
L'ambition et l'avarice ,
L'affreuse envie et l'injustice ,
L'éclairent de leurs noirs flambeaux,
I. Vol
By C'est
1236 MERCURE DE FRANCE
C'est l'Interêt ; non. le Tartare ,
Fécond en vices éclatans ,
N'a rien vomi de plus barbare
Depuis la naissance des temps ,
Sur un vaste amas de ruines ,
Il s'éleve fier des rapines >
Dont on enrichit ses Autels
Les insatiables harpies ,
Volent autour des dons impies
Que lui prodiguent les Mortels.
Le Nocher , loin de sa Patrie ,
Pour lui seul renonce au repos ;
Il part , il brave la Furie ,
Des Vents déchaînez et des Flots
Si- tôt que l'Interêt décide ,
Rien n'arrête , rien n'intimide ,
Que dis- je ? on renonce aux plaisirs ,
Les esprits opposez s'unissent
Les plus indociles fléchissent
Tout change au gré de ses desirs.
&
Tyran que l'Univers encense
Malgré l'honneur et la raison ,
Sous le regne de l'innocence ,
On ignoroit jusqu'à ton nom
Dans les flancs des profonds abymes
2
1
I. Vol.
Les
JUIN.
1731. 1237
Les trésors , source de nos crimes ,
Etoient encore resserrez •
Nous n'aurions point connu la guerre ,
Sï jamais du sein de la Terre ,
Ton bras ne les avoit tirez.
{
Quelles horribles funerailles !
Je nâge en des Fleuves de sang ;
Le cruel démon des batailles ,
Porte la mort de rang en rang ;
Les Provinces sont ravagées ;
Les Citez tombent saccagées ;
Et sous ces Palais désolez ,
Je vois par d'odieuses trames ,
Parmi les cris , parmi les flâmes ,
Périr cent Princes immolez.
Quand les feux des guerres publiques ,
S'éteignent aux pieds de la Paix ,
Auteu: des troubles domestiques ,
Tu vas causer d'autres forfaits ,
Le fils s'arme contre le pere ,
Le frere attente sur le frere ,
L'ami méconnoît ses amis ,
Grands Dieux , ses maximes sinistres ,
Souillent quelquefois vos Ministres ,
Et corrompent ceux de Tlémis.
9
I. Vol.
Par
B vj
1238 MERCURE DE FRANCE
Par les coupables artifices ,
On trahit , on vend l'équité ,
On profane les Sacrifices ,
Que vous offre la pieté;
Combien ... mais non…….. que mon silence },
Dérobe à l'injuste licence ,
Des Portraits toujours dangereux ;
Craignons de lui fournir des armes ;
Effaçons plutôt par nos larmes ,
Tout ce que leurs, traits ont d'affreux.
Ce ne sont plus ces simpaties ,
Desames qu'un rapport heureux
Auroit l'une à l'autre assorties ,.
Qui de l'Hymen forment les noeuds
Toi seul regle la destinée ,
De la Victime infortunée ,
Qu'on entraîne aux pieds de l'Autel ;
Interêt , quel est ton empire-?
Le tendre Amour en vain soupire,
Il y reçoit le coup mortel.
Delà ces feux illegitimes ,
Par qui le Ciel est irrité.
Ah ! n'imputons qu'à toi les crimes ;
Que commet l'infidelité ;
On s'est uni sans se connoître ,
..
* 15 :
I. Vol. On
JUIN. 1731 8239
On se seroit aimé peut-être ;
Le coeur au moins eût combattu :
Mais par ton funeste caprice ,
Barbare , tu forces au yice ,
Ce coeur formé pour lá vertu.
Qu'elle est cette Idole fragile ,
Livrée au caprice du vent è
La tête est d'or , les pieds d'argile
Ont pour baze un sable mouvant
J'entends les fiers Sujets d'Eole ;
Ils s'unissent contre l'Idole ;
Quel bruit ! quel fracas ! quel débris !
Le decret des Cieux s'execute
Et le lieu même de sa chute ,
Disparoît aux regards surpris
.
>
De votre sort c'est là l'image
De l'Interêt vils Partisans ,
La Fortune abbat son ouvrage ,
Fuyez ses perfides présens
Quand elle seroit plus constante ,
Quand tout rempliroit votre attente ,
Par un long et coupable abus ,
Les plus formidables Monarques ,
Naissent tributaires des Parques ,
Vous leur devez mêmes tributs
D
i ita
I. Vol. Des
1240 MERCURE DE FRANCE
Des Sysiphes , des Promethées ,
Vous méritez les châtimens ,
Les Eumenides irritées ,
Vous préparent mêmes tourmens ;
Vos vains honneurs , coupables Ombres ,
N'ont plus d'éclat dans ces lieux sombres ,
Ou tous les rangs sont confondus ,
Et ces biens pour qui l'on soupire ,
Ne peuvent rien dans un Empire ,
Où l'on juge au poids des vertus.
Va par tes brigues infernales ,
Sordide Interêt , Monstre affreux ,
Regner sur des ames vénales ;
Reçois l'hommage de leurs voeux ;
Je préfère à ton opulence ,
Une vertueuse indigence ;
Tu ne peux séduire mon coeur ;
Et je le percerois moi- même ,
Si par un changement extrême ,
Il t'avouoit pour son Vainqueur.
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Résumé : L'INTEREST, ODE Qui par le jugement de l'Académie des Jeux Floraux, a remporté cette année 1731. le Prix de l'Amarante d'or, destiné à ce genre de Poësie ; elle est de M. l'Abbé Poncy de Neuville ; c'est pour la septiéme fois qu'il est couronné dans cette Académie.
L'ode 'L'INTEREST' de l'Abbé Poncy de Neuville, lauréate du Prix de l'Amarante d'or de l'Académie des Jeux Floraux en 1731, dépeint l'Interêt comme une force destructrice et corrompue. L'auteur présente cette entité comme la source de nombreux maux, tels que l'ambition, l'avarice, l'envie et l'injustice. L'Interêt pousse les hommes à commettre des crimes et à sacrifier leur honneur et leur raison. Il est comparé à un tyran qui règne sur l'univers, provoquant des guerres, des massacres et des divisions familiales. Cette force corrompt également les ministres et les juges, et pervertit les relations humaines, y compris l'amour et le mariage. L'ode met en garde contre les dangers de l'Interêt et exalte la vertu et l'indigence vertueuse par opposition à l'opulence corrompue. L'auteur refuse de se laisser séduire par l'Interêt et préfère une vie vertueuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
8
p. 1241-1251
LETTRE de M. D. L. R. sur un Ouvrage du R. P. Feijoo, Benedictin Espagnol.
Début :
J'ay enfin, Monsieur, entre les mains de l'Ouvrage dont vous avez entendu [...]
Mots clefs :
Rétablissement de la santé, Espagne, Ambassadeur, Madrid, Médecin, Épître, Théologie, Arts, Sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D. L. R. sur un Ouvrage du R. P. Feijoo, Benedictin Espagnol.
.I. Vol.
LET
JUIN 1731. 1241
}
****************
LETTRE de M. D. L. R. sur un
Ouvrage du R. P. Feijoo , Benedictin
Espagnol.
.
entre les
傻
l'Ouvrage dont vous avez entendu
parler. C'est M. Boyer , Docteur en Me
decine de la Faculté de Montpellier , et
Docteur- Régent en celle de Paris , qui l'a
apporté d'Eſpagne , depuis peu de tems .
Vous sçavez que ce Medecin partit d'ici
sur la fin du mois de Juillet dernier pour
le rétablissement de la santé de M. le
Marquis de Brancars , Ambassadeur de
France à la Cour de S. M. Catholique ;
vous sçavez aussi qu'il a fait un voyage
heureux, et qu'il a ramené M. l'Ambassa
deur parfaitement guéri.
Mais vous pouvez ignorer que notre
Medecin , toujours attentif sur la Litte
rature , et mettant tout à profit à cet
égard , quand il est obligé de voyager ,
n'a pas manqué d'apporter plusieurs Li
vres Espagnols , des meilleurs et des plus
nouveaux. Celui pour lequel vous vous
interessez , ne pouvoit pas être oublié ;
en voici le Titre.
I. Vol. THEA
1242 MERCURE DE FRANCE
THEATRO CRITICO , UNIVERSAL,
O Discursos varios en toto genero de Ma
terias para desengano de Errores comunes.
Dedicado A RP P. Fr. Joseph de Bar
nuero , General de la Congregacion de San
Benito de Espana , Inglaterra , & c. Escrito
por El M. R. P. M. Fr. Benito Jeronymo
Feijoo , Maestro General de la Religion de
San Benito , y Cathedratico de Visperas de
Theologia de la Universidad de Oviedo.
Tercera Impression En Madrid : En la
Imprenta de Francisco del Hierro , Anno de
M. DCC . XXIX . C'est-à -dire , THEA
TRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours
divers sur toute sorte de sujets pour désa
buser les hommes des erreurs communes
et ordinaires . Dédié au Reverendissime
Pere General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne , en Angle
terre, &c. Composé par le R. P. BENOIST
JEROSME FEIJOO , Maître ou Professeur
General dans la même Congrégation ,
Professeur en Thélogie de l'Université
d'Oviedo; quatre Volumes in 4% Troisiéme
Edition. A Madrid , de l'Imprimerie de
François del Hierro , M. DCC. XXIX .
On trouve à la tête du premier Vo
lume une Epitre Dédicatoire fort bien
tournée , adressée au R. P. General Jo
seph de Barnuero , lequel , outre cette
I.Vol.
qualité
JUIN. 1731. 1243
qualité , avoit été le Maître des Etudes
de Théologie de l'Auteur , dans l'Uni
versité de Salamanque. Les Approba
tions de divers Docteurs suivent cette
Dédicace.
Une courte Préface qui déclare les in
tentions du P. Feijoo , et qui fait voir
l'ordre et la disposition de tout son Ou
vrage , est précedée d'une Lettre de Don
Louis de Salazar , Commandeur de l'Or
dre de Calatrava , Conseiller du Conseil
Royal des Ordres , et premier Historio
graphe de Castille et des Indes . Cette
Lettre écrite à notre Auteur le 11. Août
1726. est un Eloge raisonné de son Théa
tre critique ; on peut dire que le suffrage
de ce Seigneur en a entraîné quantité
d'autres , et qu'il n'avoit paru depuis
long- temps de Livre en Espagne plus ge
neralement estimé. D'un autre côté le
R. P. Jean de Champverd , de la Com
pagnie de Jesus , Docteur et Professeur
en Théologie de l'Université d'Alcala ,
Théologien du Roi , et Examinateur Sy
nodal de l'Archevêché de Tolede , pa
roît si content de cet Ouvrage , qu'il nous
assure dans son Approbation , que son
Auteur devoit être appellé le Maître Ge
neral de tous les Arts et des Sciences.
Ce premier Volume de 400. pages
I. Vol. contient
1244 MERCURE DE FRANCE
contient seize Discours divisez chacun en
plusieurs Paragraphes ou Articles . Le
1. Discours est intitulé la Voix du Peuple.
Le II. la Vertu et le Vice. Le III . L'ob
scurité et la haute fortune. IV. La plus
fine Politique. V. La Medecine. VI. Ré
gime pour la conservation de la santé.
VII. La Deffense de la Profession Litte
raire. VIII. L'Astrologie Judiciaire et les
Almanachs. IX. Les Eclipses. X. Les Co
metes. XI. Les Années Climateriques .
XII. La Vieillesse du Monde. XIII . Con
tre les Philosophes modernes . XIV. La
Musique des Eglises . XV. Parallele des
Langues. XVI . Apologie des femmes.
Toutes ces Dissertations fournissent une
lecture agréable et variée , elles sont bien
écrites , et instruisent de beaucoup de
choses. Les Medecins ne sont pas bien
traitez dans la V. s'ils s'avisent de mar
quer à notre Auteur quelque ressenti
ment , les Femmes , et sur tout les Fem
mes sçavantes et vertueuses , seront obli
gées , par reconnoissance , de prendre sa
deffense ; car rien n'est plus recherché
plus obligeant , plus étendu dans le I.Vo
lume , que la XVI. et derniere Disserta
tion , qui est toute employée à la deffense
du beau Sexe. Vous en jugerez si je puis
un jour vous en procurer la lecture .
I. Vol
Passons
JUIN. 1731.
1245
S
1
e.
Passons cependant au second Volume.
T.II. seconde Edition M. DCC . XXX .
Ce volume , comme le précedent, est orné
d'une Dedicace , addressée à un autre
Mecéne , et munie d'Approbations ma
gnifiques. La plus étendue et la plus fla
teuse , est sans doute celle du R. P. Este
van de la Torre , Professeur géneral des
Benedictins d'Espagne , Abbé de S. Vin
cent d'Oviedo , Professeur en Théologie ,
et de l'Ecriture Sainte en l'Université de
la même Ville , lequel paroît si prévenu
du merite de cet ouvrage , et de la haute
capacité de son Autheur , qu'il ne fait
point de difficulté de lui appliquer ce que
le Sçavant P. Mabillon a dit de l'ouvrage
de S. Bernard , de Consideratione , addressé
au Pape Eugene. Hac sane fuit Bernardi
dexteritas , ut , quam primum ejus Libri de
Consideratione in publicum prodiere , eos
certatim exquisierunt , lectitarunt , amave
runt universi. L'Approbateur ne doutant
point qu'il n'arrive la même chose à l'égard
de ce second volume , n'oublie pas dans
cette occasion d'appliquer aussi à nôtre
Autheur ce passage connu de l'Ecriture .
Faciendi plures Libros nullus eft finis.
Ecclesiast. C. 12.v. 12. C'est , dit- il , sui
vre à la lettre le conseil du Sage , on ne
doit , pour ainsi dire , point finir quand
1. Vol. on
1246 MERCURE DE FRANCE
on écrit des livres qui enseignent à dé
tromper les hommes de leurs erreurs , et
à établir des veritez . Enfin le R. P. Joseph
Navajas, Trinitaire, Professeur en Théo
logie , et Examinateur de l'Archevêché
de Toléde , en donnant aussi son attache
et ces éloges à ce livre , ne craint pas de
rien exagerer en le nommant une Biblio
theque entiere.
Hic liber est , Lector , librorum magna sup→
pellex.
Et non exigua Bibliotheca , lege.
Les Dissertations contenues dans ce
second Tome de plus de 400. pages , sont
précedées d'une assés courte Preface , la
quelle a deux principaux Objets : le pre
mier de remercier le public du favorable
accueil qu'il a fait au premier volume ,
le second de parler de quelques envieux ,
qui ont publié des écrits peu mésurés
contre ce livre. Chose inévitable et arri
vée dans tous les temps , à l'égard même
des Autheurs du premier merite. Sur
quoy le P. Feijoo nous parle des disgra
ces qu'eurent à essuyer en France deux cé
lebres Académiciens , sçavoir Pierre Cor
neille et Jean -Louis de Balzac , que les
suffrages du public dédomagerent ample
I. Vol. ment
JUIN. 1731 1247
ment, sur tout , dit- il , le grand Corneille,
qui ne succomba point sous le poids du
credit d'un fameux Ministre , et de la
censure de l'Academie el formidable Cuer
po
de la Academia Francesa , non pas , ajoû
te-t'il, qu'il veuille se comparer à ces deux
grands Genies , mais rappellant seulement
ce fameux exemple,à cause de la parité de
situation où la Fortune le met aujour
d'hui . Il se justifie ensuite sur le titre de
son Ouvrage,où il ne trouve rien de cette
présomption que ses Adversaires luy ont
reprochée. Il a jugé à propos , nous dit-il ,
enfin , par le conseil de personnes sages ,
de publier à la fin de ce second Tome
les deux réponses Apologetiques qu'on y
trouvera. Celle qui regarde le Docteur
Ros est en latin , parceque ce Docteur l'a
attaqué en la même Langue . Il a aussi fait
imprimer la lettre Apologetique du Doc
teur Martinez , crainte, dit il , que ce trait
précieux de sa plume ne soit enseveli dans
l'oubli , tout ce que ce sage et éloquent
Autheur écrit étant digne de l'immorta
lité ; c'est ainsi que nôtre autheur parle
de son Adversaire . A l'égard de la criti
que du Docteur Ros , elle étoit trop lon
gue pour l'imprimer pareillement à la
fin de ce second volume.
>
Les Dissertations qui le composent sont
4. Vol.
au
1248 MERCURE DE FRANCE
au nombre de quinze , dont je me con
tenterai de vous rapporter les titres. I.
Les Guerres Philosophiques . II . L'Histoi
re Naturelle. III. L'Art Divinatoire.
I V. Les Propheties supposées. V. L'Usage
de la Magie . VI. Les modes. VII. La
Vieillesse Morale du Genre Humain .
VIII. La Science Aparente et Superfi
ciele. IX. L'Antipathie entre les Fran
çois et les Espagnols. X. Les Jours Cri
tiques. XI. Le Poids de l'Air. XII . La
Sphere du Feu. XIII. L'Antiperistase .
XIV. Paradoxes Phisiques . XV. Table
contenant la comparaison des Nations..
Ces quinze Discours sont suivis de trois
morceaux de Critique anoncés dans la
Préface, qui ont été composez dépuis l'im
pression du premier volume , lequel en a été
l'occasion.Le premier est intituléCarta De
fensiva & c. ou , Lettre Apologetique de
Don Martin Martinez Docteur en Mede
cine , Medecin de la Maison du Roy, Pro
fesseur d'Anatomie , et actuellement Presi
dent de la Societé Royale des Sciences de
Seville & c.Sur le premier Tome du Thea
tre critique universel du R. P. Feijoo . Il y a
de trés bonnes choses dans cette Lettre ,
elle donne our ainsi dire , un nouveau
lustre au Theatre critique , sur lequel l'Au
theur avoit prié le Medecin de lui mar
I.Vol.
quer
JUIN. 1731. 1249
quer ses sentimens. Il s'en acquitte en
parcourant toutes les dissertations , et en
discourant sommairement sur chacune.
Il paroît que ce Docteur a réservé toute
son érudition , et toute sa critique , à
l'égard de celle qui regarde la Medecine.
Le P. Feijoo a dû s'y attendre aprés tout
ce qu'il a dit de cette science dans sa V.
Dissert. du premier vol. M. Martinez fait
non seulement l'Apologie de la Medeci
ne et des Medecins , mais l'Eloge de cette
Science , et de ceux qui l'ont professée
dans tous les temps ; sur quoy ce Doc
teur nous étale une grande lecture et des
Recherches singulieres. Je vais en éfleurer
quelques -unes. Les Egyptiens , dit il
faisoient des Medecins leurs Prêtres , et
des Prêtres leurs Rois , sur quoy les an
ciens Historiens nous ont conservé cette
formule. Medicus non es ; nolo te constitue
re Regem. Giges et Sapor Rois des Medes
ont été Medecins , sans parler des Prin
ces qui l'ont pareillement été parmi les
Perses , les Arabes , les Syriens & c . La lis
te de ces Rois ou Princes Medecins , est
longue chez nôtre Docteur , et on est tout
étonné d'y trouver des Sujets d'un grand
nom , mais peu connus de côté la ; par
exemple , Hercule , Alexandre le Grand ,
l'Empereur Hadrien &c. Vous jugez bien ,
I. Vol.
Monsieur
1250 MERCURE DE FRANCE
Monsieur que le Pere de la Medecine
Grecque , le Prince , et le Chef de tous'
les Medecins qui sont venus depuis , je
veux dire, Hippocrate , n'est pas oublié;
il finit par lui sa liste et ses éloges , en re
marquant que les Grecs rendirent à ce
grand Homme des honneurs divins , et les
mêmes qu'ils rendoient à Hercule. M.
Martinez pouvoit ajoûter qu'on frappa
aussi pour lui des Medailles ; vous avez
vû . Monsieur , chez
chez moy la
gravure
d'une de ces Medailles où l'on voit d'un
côté la tête d'Hippocrate et autour IП...
TOY et sur le Revers le fameux Baton
d'Esculape entouré d'un Serpent avec ce
mot KION , pour signifier que la
Medaille a été frappée par les habitans de
l'Isle de Cos , Patrie d'Hippocrate , sur
quoy je vous entretiendrai un jour plus
précisement dans un autre Ecrit .
,
Les Medecins chrétiens d'un rang il
lustre , sont joints à ceux du Paganisme.
L'Auteur prend les choses de bien haut ,
il trouve dans des temps posterieurs des
Papes , des Cardinaux , des Prelats Me
decins ; je vous renvoye là dessus au livre
même.
Le second morceau de critique est la Ré
ponse du P. Feijoo à la lettre dont je viens
de vous donner une idée du Docteur
I. Vol. Martinez
JUIN. 1731.
7251
Martinez. Cette Réponse est sage et ac
compagnée de tous les égards , et de tous
les ménagemens qui ne se rencontrent
guéres ordinairement entre des Sçavans
qui écrivent l'un contre l'autre , pour
soutenir des opinions differentes . L'habi
le et poli Benedictin avoue même obli
geamment à son Antagoniste , qu'il ne
fait aucun doute que dans cette contesta
tion litteraire ils ne soient au fond tous
deux de même sentiment ; car , dit- il ,
vous ne disconvenez point que la Mede
cine ne soit accompagnée d'incertitude ,
et moi je n'ay jamais nié positivement
l'utilité de cette Science. Quoique la
Réponse dont il s'agit icy soit addressée
au Docteur Martinez même , elle est pré
cedée d'une Epitre Dedicatoire à l'Illus
triss. Don Fr. Joseph Garcia , Evêque de
Siguenza , pour le remercier de l'accueil
favorable qu'il a fait au premier vol . du
Theatre Critique, et pour le prier de pro
teger également et l'ouvrage et l'Autheur.
Je ne vous dirai rien de la derniere
Piece , parce qu'elle roule a peu prés sur
le même sujet , et que je suis bien aise
que vous en jugiez un jour par vous mê
me ; je me prépare cependant à vous ren
dre compte de la suite de cet Ouvrage
et je suis toujours. & c.
A Paris ce 19. Fevrier 1731 .
LET
JUIN 1731. 1241
}
****************
LETTRE de M. D. L. R. sur un
Ouvrage du R. P. Feijoo , Benedictin
Espagnol.
.
entre les
傻
l'Ouvrage dont vous avez entendu
parler. C'est M. Boyer , Docteur en Me
decine de la Faculté de Montpellier , et
Docteur- Régent en celle de Paris , qui l'a
apporté d'Eſpagne , depuis peu de tems .
Vous sçavez que ce Medecin partit d'ici
sur la fin du mois de Juillet dernier pour
le rétablissement de la santé de M. le
Marquis de Brancars , Ambassadeur de
France à la Cour de S. M. Catholique ;
vous sçavez aussi qu'il a fait un voyage
heureux, et qu'il a ramené M. l'Ambassa
deur parfaitement guéri.
Mais vous pouvez ignorer que notre
Medecin , toujours attentif sur la Litte
rature , et mettant tout à profit à cet
égard , quand il est obligé de voyager ,
n'a pas manqué d'apporter plusieurs Li
vres Espagnols , des meilleurs et des plus
nouveaux. Celui pour lequel vous vous
interessez , ne pouvoit pas être oublié ;
en voici le Titre.
I. Vol. THEA
1242 MERCURE DE FRANCE
THEATRO CRITICO , UNIVERSAL,
O Discursos varios en toto genero de Ma
terias para desengano de Errores comunes.
Dedicado A RP P. Fr. Joseph de Bar
nuero , General de la Congregacion de San
Benito de Espana , Inglaterra , & c. Escrito
por El M. R. P. M. Fr. Benito Jeronymo
Feijoo , Maestro General de la Religion de
San Benito , y Cathedratico de Visperas de
Theologia de la Universidad de Oviedo.
Tercera Impression En Madrid : En la
Imprenta de Francisco del Hierro , Anno de
M. DCC . XXIX . C'est-à -dire , THEA
TRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours
divers sur toute sorte de sujets pour désa
buser les hommes des erreurs communes
et ordinaires . Dédié au Reverendissime
Pere General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne , en Angle
terre, &c. Composé par le R. P. BENOIST
JEROSME FEIJOO , Maître ou Professeur
General dans la même Congrégation ,
Professeur en Thélogie de l'Université
d'Oviedo; quatre Volumes in 4% Troisiéme
Edition. A Madrid , de l'Imprimerie de
François del Hierro , M. DCC. XXIX .
On trouve à la tête du premier Vo
lume une Epitre Dédicatoire fort bien
tournée , adressée au R. P. General Jo
seph de Barnuero , lequel , outre cette
I.Vol.
qualité
JUIN. 1731. 1243
qualité , avoit été le Maître des Etudes
de Théologie de l'Auteur , dans l'Uni
versité de Salamanque. Les Approba
tions de divers Docteurs suivent cette
Dédicace.
Une courte Préface qui déclare les in
tentions du P. Feijoo , et qui fait voir
l'ordre et la disposition de tout son Ou
vrage , est précedée d'une Lettre de Don
Louis de Salazar , Commandeur de l'Or
dre de Calatrava , Conseiller du Conseil
Royal des Ordres , et premier Historio
graphe de Castille et des Indes . Cette
Lettre écrite à notre Auteur le 11. Août
1726. est un Eloge raisonné de son Théa
tre critique ; on peut dire que le suffrage
de ce Seigneur en a entraîné quantité
d'autres , et qu'il n'avoit paru depuis
long- temps de Livre en Espagne plus ge
neralement estimé. D'un autre côté le
R. P. Jean de Champverd , de la Com
pagnie de Jesus , Docteur et Professeur
en Théologie de l'Université d'Alcala ,
Théologien du Roi , et Examinateur Sy
nodal de l'Archevêché de Tolede , pa
roît si content de cet Ouvrage , qu'il nous
assure dans son Approbation , que son
Auteur devoit être appellé le Maître Ge
neral de tous les Arts et des Sciences.
Ce premier Volume de 400. pages
I. Vol. contient
1244 MERCURE DE FRANCE
contient seize Discours divisez chacun en
plusieurs Paragraphes ou Articles . Le
1. Discours est intitulé la Voix du Peuple.
Le II. la Vertu et le Vice. Le III . L'ob
scurité et la haute fortune. IV. La plus
fine Politique. V. La Medecine. VI. Ré
gime pour la conservation de la santé.
VII. La Deffense de la Profession Litte
raire. VIII. L'Astrologie Judiciaire et les
Almanachs. IX. Les Eclipses. X. Les Co
metes. XI. Les Années Climateriques .
XII. La Vieillesse du Monde. XIII . Con
tre les Philosophes modernes . XIV. La
Musique des Eglises . XV. Parallele des
Langues. XVI . Apologie des femmes.
Toutes ces Dissertations fournissent une
lecture agréable et variée , elles sont bien
écrites , et instruisent de beaucoup de
choses. Les Medecins ne sont pas bien
traitez dans la V. s'ils s'avisent de mar
quer à notre Auteur quelque ressenti
ment , les Femmes , et sur tout les Fem
mes sçavantes et vertueuses , seront obli
gées , par reconnoissance , de prendre sa
deffense ; car rien n'est plus recherché
plus obligeant , plus étendu dans le I.Vo
lume , que la XVI. et derniere Disserta
tion , qui est toute employée à la deffense
du beau Sexe. Vous en jugerez si je puis
un jour vous en procurer la lecture .
I. Vol
Passons
JUIN. 1731.
1245
S
1
e.
Passons cependant au second Volume.
T.II. seconde Edition M. DCC . XXX .
Ce volume , comme le précedent, est orné
d'une Dedicace , addressée à un autre
Mecéne , et munie d'Approbations ma
gnifiques. La plus étendue et la plus fla
teuse , est sans doute celle du R. P. Este
van de la Torre , Professeur géneral des
Benedictins d'Espagne , Abbé de S. Vin
cent d'Oviedo , Professeur en Théologie ,
et de l'Ecriture Sainte en l'Université de
la même Ville , lequel paroît si prévenu
du merite de cet ouvrage , et de la haute
capacité de son Autheur , qu'il ne fait
point de difficulté de lui appliquer ce que
le Sçavant P. Mabillon a dit de l'ouvrage
de S. Bernard , de Consideratione , addressé
au Pape Eugene. Hac sane fuit Bernardi
dexteritas , ut , quam primum ejus Libri de
Consideratione in publicum prodiere , eos
certatim exquisierunt , lectitarunt , amave
runt universi. L'Approbateur ne doutant
point qu'il n'arrive la même chose à l'égard
de ce second volume , n'oublie pas dans
cette occasion d'appliquer aussi à nôtre
Autheur ce passage connu de l'Ecriture .
Faciendi plures Libros nullus eft finis.
Ecclesiast. C. 12.v. 12. C'est , dit- il , sui
vre à la lettre le conseil du Sage , on ne
doit , pour ainsi dire , point finir quand
1. Vol. on
1246 MERCURE DE FRANCE
on écrit des livres qui enseignent à dé
tromper les hommes de leurs erreurs , et
à établir des veritez . Enfin le R. P. Joseph
Navajas, Trinitaire, Professeur en Théo
logie , et Examinateur de l'Archevêché
de Toléde , en donnant aussi son attache
et ces éloges à ce livre , ne craint pas de
rien exagerer en le nommant une Biblio
theque entiere.
Hic liber est , Lector , librorum magna sup→
pellex.
Et non exigua Bibliotheca , lege.
Les Dissertations contenues dans ce
second Tome de plus de 400. pages , sont
précedées d'une assés courte Preface , la
quelle a deux principaux Objets : le pre
mier de remercier le public du favorable
accueil qu'il a fait au premier volume ,
le second de parler de quelques envieux ,
qui ont publié des écrits peu mésurés
contre ce livre. Chose inévitable et arri
vée dans tous les temps , à l'égard même
des Autheurs du premier merite. Sur
quoy le P. Feijoo nous parle des disgra
ces qu'eurent à essuyer en France deux cé
lebres Académiciens , sçavoir Pierre Cor
neille et Jean -Louis de Balzac , que les
suffrages du public dédomagerent ample
I. Vol. ment
JUIN. 1731 1247
ment, sur tout , dit- il , le grand Corneille,
qui ne succomba point sous le poids du
credit d'un fameux Ministre , et de la
censure de l'Academie el formidable Cuer
po
de la Academia Francesa , non pas , ajoû
te-t'il, qu'il veuille se comparer à ces deux
grands Genies , mais rappellant seulement
ce fameux exemple,à cause de la parité de
situation où la Fortune le met aujour
d'hui . Il se justifie ensuite sur le titre de
son Ouvrage,où il ne trouve rien de cette
présomption que ses Adversaires luy ont
reprochée. Il a jugé à propos , nous dit-il ,
enfin , par le conseil de personnes sages ,
de publier à la fin de ce second Tome
les deux réponses Apologetiques qu'on y
trouvera. Celle qui regarde le Docteur
Ros est en latin , parceque ce Docteur l'a
attaqué en la même Langue . Il a aussi fait
imprimer la lettre Apologetique du Doc
teur Martinez , crainte, dit il , que ce trait
précieux de sa plume ne soit enseveli dans
l'oubli , tout ce que ce sage et éloquent
Autheur écrit étant digne de l'immorta
lité ; c'est ainsi que nôtre autheur parle
de son Adversaire . A l'égard de la criti
que du Docteur Ros , elle étoit trop lon
gue pour l'imprimer pareillement à la
fin de ce second volume.
>
Les Dissertations qui le composent sont
4. Vol.
au
1248 MERCURE DE FRANCE
au nombre de quinze , dont je me con
tenterai de vous rapporter les titres. I.
Les Guerres Philosophiques . II . L'Histoi
re Naturelle. III. L'Art Divinatoire.
I V. Les Propheties supposées. V. L'Usage
de la Magie . VI. Les modes. VII. La
Vieillesse Morale du Genre Humain .
VIII. La Science Aparente et Superfi
ciele. IX. L'Antipathie entre les Fran
çois et les Espagnols. X. Les Jours Cri
tiques. XI. Le Poids de l'Air. XII . La
Sphere du Feu. XIII. L'Antiperistase .
XIV. Paradoxes Phisiques . XV. Table
contenant la comparaison des Nations..
Ces quinze Discours sont suivis de trois
morceaux de Critique anoncés dans la
Préface, qui ont été composez dépuis l'im
pression du premier volume , lequel en a été
l'occasion.Le premier est intituléCarta De
fensiva & c. ou , Lettre Apologetique de
Don Martin Martinez Docteur en Mede
cine , Medecin de la Maison du Roy, Pro
fesseur d'Anatomie , et actuellement Presi
dent de la Societé Royale des Sciences de
Seville & c.Sur le premier Tome du Thea
tre critique universel du R. P. Feijoo . Il y a
de trés bonnes choses dans cette Lettre ,
elle donne our ainsi dire , un nouveau
lustre au Theatre critique , sur lequel l'Au
theur avoit prié le Medecin de lui mar
I.Vol.
quer
JUIN. 1731. 1249
quer ses sentimens. Il s'en acquitte en
parcourant toutes les dissertations , et en
discourant sommairement sur chacune.
Il paroît que ce Docteur a réservé toute
son érudition , et toute sa critique , à
l'égard de celle qui regarde la Medecine.
Le P. Feijoo a dû s'y attendre aprés tout
ce qu'il a dit de cette science dans sa V.
Dissert. du premier vol. M. Martinez fait
non seulement l'Apologie de la Medeci
ne et des Medecins , mais l'Eloge de cette
Science , et de ceux qui l'ont professée
dans tous les temps ; sur quoy ce Doc
teur nous étale une grande lecture et des
Recherches singulieres. Je vais en éfleurer
quelques -unes. Les Egyptiens , dit il
faisoient des Medecins leurs Prêtres , et
des Prêtres leurs Rois , sur quoy les an
ciens Historiens nous ont conservé cette
formule. Medicus non es ; nolo te constitue
re Regem. Giges et Sapor Rois des Medes
ont été Medecins , sans parler des Prin
ces qui l'ont pareillement été parmi les
Perses , les Arabes , les Syriens & c . La lis
te de ces Rois ou Princes Medecins , est
longue chez nôtre Docteur , et on est tout
étonné d'y trouver des Sujets d'un grand
nom , mais peu connus de côté la ; par
exemple , Hercule , Alexandre le Grand ,
l'Empereur Hadrien &c. Vous jugez bien ,
I. Vol.
Monsieur
1250 MERCURE DE FRANCE
Monsieur que le Pere de la Medecine
Grecque , le Prince , et le Chef de tous'
les Medecins qui sont venus depuis , je
veux dire, Hippocrate , n'est pas oublié;
il finit par lui sa liste et ses éloges , en re
marquant que les Grecs rendirent à ce
grand Homme des honneurs divins , et les
mêmes qu'ils rendoient à Hercule. M.
Martinez pouvoit ajoûter qu'on frappa
aussi pour lui des Medailles ; vous avez
vû . Monsieur , chez
chez moy la
gravure
d'une de ces Medailles où l'on voit d'un
côté la tête d'Hippocrate et autour IП...
TOY et sur le Revers le fameux Baton
d'Esculape entouré d'un Serpent avec ce
mot KION , pour signifier que la
Medaille a été frappée par les habitans de
l'Isle de Cos , Patrie d'Hippocrate , sur
quoy je vous entretiendrai un jour plus
précisement dans un autre Ecrit .
,
Les Medecins chrétiens d'un rang il
lustre , sont joints à ceux du Paganisme.
L'Auteur prend les choses de bien haut ,
il trouve dans des temps posterieurs des
Papes , des Cardinaux , des Prelats Me
decins ; je vous renvoye là dessus au livre
même.
Le second morceau de critique est la Ré
ponse du P. Feijoo à la lettre dont je viens
de vous donner une idée du Docteur
I. Vol. Martinez
JUIN. 1731.
7251
Martinez. Cette Réponse est sage et ac
compagnée de tous les égards , et de tous
les ménagemens qui ne se rencontrent
guéres ordinairement entre des Sçavans
qui écrivent l'un contre l'autre , pour
soutenir des opinions differentes . L'habi
le et poli Benedictin avoue même obli
geamment à son Antagoniste , qu'il ne
fait aucun doute que dans cette contesta
tion litteraire ils ne soient au fond tous
deux de même sentiment ; car , dit- il ,
vous ne disconvenez point que la Mede
cine ne soit accompagnée d'incertitude ,
et moi je n'ay jamais nié positivement
l'utilité de cette Science. Quoique la
Réponse dont il s'agit icy soit addressée
au Docteur Martinez même , elle est pré
cedée d'une Epitre Dedicatoire à l'Illus
triss. Don Fr. Joseph Garcia , Evêque de
Siguenza , pour le remercier de l'accueil
favorable qu'il a fait au premier vol . du
Theatre Critique, et pour le prier de pro
teger également et l'ouvrage et l'Autheur.
Je ne vous dirai rien de la derniere
Piece , parce qu'elle roule a peu prés sur
le même sujet , et que je suis bien aise
que vous en jugiez un jour par vous mê
me ; je me prépare cependant à vous ren
dre compte de la suite de cet Ouvrage
et je suis toujours. & c.
A Paris ce 19. Fevrier 1731 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. D. L. R. sur un Ouvrage du R. P. Feijoo, Benedictin Espagnol.
En juin 1731, une lettre fait référence à un ouvrage du Père Benito Jerónimo Feijoo, bénédictin espagnol, intitulé 'Théâtre critique universel'. Cet ouvrage, composé de plusieurs volumes, vise à corriger les erreurs communes chez les hommes à travers divers discours. Le premier volume, dédié au Père Joseph de Barnuero, contient seize discours abordant des sujets tels que la médecine, l'astrologie et la défense des femmes. Le second volume, dédié à un autre mécène, comprend quinze discours ainsi que des réponses apologétiques à des critiques. L'ouvrage a été bien accueilli par plusieurs docteurs et professeurs, qui ont souligné son mérite et son utilité. Par exemple, le Docteur Martinez a écrit une lettre apologétique en réponse à la critique de la médecine dans le premier volume. Le Père Feijoo a répondu à cette lettre de manière respectueuse et mesurée. Une lettre datée du 19 février 1731 à Paris mentionne également cet ouvrage. L'auteur de cette lettre indique qu'il ne commentera pas la dernière pièce, car elle traite d'un sujet similaire à une œuvre précédente et préfère que le destinataire se forme sa propre opinion. Il se prépare toutefois à fournir un compte rendu de la suite de l'ouvrage. La lettre se termine par une formule de politesse, indiquant la continuité de la correspondance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 1252-1254
L'AIGLON ET LE GEAY. FABLE. Présentée à Monseigneur le Comte de Clermont, par M. de Castera, au sujet du Livre intitulé le Théatre des Passions et de la Fortune, que l'Autheur a dedié à son Altesse Serenissime.
Début :
Dans un agréable Bocage, [...]
Mots clefs :
Bocage, Aiglon, Geay, Oiseau, Orgueil, Rossignols, Naïveté, Vérité, Style
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AIGLON ET LE GEAY. FABLE. Présentée à Monseigneur le Comte de Clermont, par M. de Castera, au sujet du Livre intitulé le Théatre des Passions et de la Fortune, que l'Autheur a dedié à son Altesse Serenissime.
JUIN 1731. 1241
}
****************
LETTRE de M. D. L. R. sur un
Ouvrage du R. P. Feijoo , Benedictin
Espagnol.
.
entre les
傻
l'Ouvrage dont vous avez entendu
parler. C'est M. Boyer , Docteur en Me
decine de la Faculté de Montpellier , et
Docteur- Régent en celle de Paris , qui l'a
apporté d'Eſpagne , depuis peu de tems .
Vous sçavez que ce Medecin partit d'ici
sur la fin du mois de Juillet dernier pour
le rétablissement de la santé de M. le
Marquis de Brancars , Ambassadeur de
France à la Cour de S. M. Catholique ;
vous sçavez aussi qu'il a fait un voyage
heureux, et qu'il a ramené M. l'Ambassa
deur parfaitement guéri.
Mais vous pouvez ignorer que notre
Medecin , toujours attentif sur la Litte
rature , et mettant tout à profit à cet
égard , quand il est obligé de voyager ,
n'a pas manqué d'apporter plusieurs Li
vres Espagnols , des meilleurs et des plus
nouveaux. Celui pour lequel vous vous
interessez , ne pouvoit pas être oublié ;
en voici le Titre.
I. Vol. THEA
1242 MERCURE DE FRANCE
THEATRO CRITICO , UNIVERSAL,
O Discursos varios en toto genero de Ma
terias para desengano de Errores comunes.
Dedicado A RP P. Fr. Joseph de Bar
nuero , General de la Congregacion de San
Benito de Espana , Inglaterra , & c. Escrito
por El M. R. P. M. Fr. Benito Jeronymo
Feijoo , Maestro General de la Religion de
San Benito , y Cathedratico de Visperas de
Theologia de la Universidad de Oviedo.
Tercera Impression En Madrid : En la
Imprenta de Francisco del Hierro , Anno de
M. DCC . XXIX . C'est-à -dire , THEA
TRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours
divers sur toute sorte de sujets pour désa
buser les hommes des erreurs communes
et ordinaires . Dédié au Reverendissime
Pere General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne , en Angle
terre, &c. Composé par le R. P. BENOIST
JEROSME FEIJOO , Maître ou Professeur
General dans la même Congrégation ,
Professeur en Thélogie de l'Université
d'Oviedo; quatre Volumes in 4% Troisiéme
Edition. A Madrid , de l'Imprimerie de
François del Hierro , M. DCC. XXIX .
On trouve à la tête du premier Vo
lume une Epitre Dédicatoire fort bien
tournée , adressée au R. P. General Jo
seph de Barnuero , lequel , outre cette
I.Vol.
qualité
JUIN. 1731. 1243
qualité , avoit été le Maître des Etudes
de Théologie de l'Auteur , dans l'Uni
versité de Salamanque. Les Approba
tions de divers Docteurs suivent cette
Dédicace.
Une courte Préface qui déclare les in
tentions du P. Feijoo , et qui fait voir
l'ordre et la disposition de tout son Ou
vrage , est précedée d'une Lettre de Don
Louis de Salazar , Commandeur de l'Or
dre de Calatrava , Conseiller du Conseil
Royal des Ordres , et premier Historio
graphe de Castille et des Indes . Cette
Lettre écrite à notre Auteur le 11. Août
1726. est un Eloge raisonné de son Théa
tre critique ; on peut dire que le suffrage
de ce Seigneur en a entraîné quantité
d'autres , et qu'il n'avoit paru depuis
long- temps de Livre en Espagne plus ge
neralement estimé. D'un autre côté le
R. P. Jean de Champverd , de la Com
pagnie de Jesus , Docteur et Professeur
en Théologie de l'Université d'Alcala ,
Théologien du Roi , et Examinateur Sy
nodal de l'Archevêché de Tolede , pa
roît si content de cet Ouvrage , qu'il nous
assure dans son Approbation , que son
Auteur devoit être appellé le Maître Ge
neral de tous les Arts et des Sciences.
Ce premier Volume de 400. pages
I. Vol. contient
1244 MERCURE DE FRANCE
contient seize Discours divisez chacun en
plusieurs Paragraphes ou Articles . Le
1. Discours est intitulé la Voix du Peuple.
Le II. la Vertu et le Vice. Le III . L'ob
scurité et la haute fortune. IV. La plus
fine Politique. V. La Medecine. VI. Ré
gime pour la conservation de la santé.
VII. La Deffense de la Profession Litte
raire. VIII. L'Astrologie Judiciaire et les
Almanachs. IX. Les Eclipses. X. Les Co
metes. XI. Les Années Climateriques .
XII. La Vieillesse du Monde. XIII . Con
tre les Philosophes modernes . XIV. La
Musique des Eglises . XV. Parallele des
Langues. XVI . Apologie des femmes.
Toutes ces Dissertations fournissent une
lecture agréable et variée , elles sont bien
écrites , et instruisent de beaucoup de
choses. Les Medecins ne sont pas bien
traitez dans la V. s'ils s'avisent de mar
quer à notre Auteur quelque ressenti
ment , les Femmes , et sur tout les Fem
mes sçavantes et vertueuses , seront obli
gées , par reconnoissance , de prendre sa
deffense ; car rien n'est plus recherché
plus obligeant , plus étendu dans le I.Vo
lume , que la XVI. et derniere Disserta
tion , qui est toute employée à la deffense
du beau Sexe. Vous en jugerez si je puis
un jour vous en procurer la lecture .
I. Vol
Passons
JUIN. 1731.
1245
S
1
e.
Passons cependant au second Volume.
T.II. seconde Edition M. DCC . XXX .
Ce volume , comme le précedent, est orné
d'une Dedicace , addressée à un autre
Mecéne , et munie d'Approbations ma
gnifiques. La plus étendue et la plus fla
teuse , est sans doute celle du R. P. Este
van de la Torre , Professeur géneral des
Benedictins d'Espagne , Abbé de S. Vin
cent d'Oviedo , Professeur en Théologie ,
et de l'Ecriture Sainte en l'Université de
la même Ville , lequel paroît si prévenu
du merite de cet ouvrage , et de la haute
capacité de son Autheur , qu'il ne fait
point de difficulté de lui appliquer ce que
le Sçavant P. Mabillon a dit de l'ouvrage
de S. Bernard , de Consideratione , addressé
au Pape Eugene. Hac sane fuit Bernardi
dexteritas , ut , quam primum ejus Libri de
Consideratione in publicum prodiere , eos
certatim exquisierunt , lectitarunt , amave
runt universi. L'Approbateur ne doutant
point qu'il n'arrive la même chose à l'égard
de ce second volume , n'oublie pas dans
cette occasion d'appliquer aussi à nôtre
Autheur ce passage connu de l'Ecriture .
Faciendi plures Libros nullus eft finis.
Ecclesiast. C. 12.v. 12. C'est , dit- il , sui
vre à la lettre le conseil du Sage , on ne
doit , pour ainsi dire , point finir quand
1. Vol. on
1246 MERCURE DE FRANCE
on écrit des livres qui enseignent à dé
tromper les hommes de leurs erreurs , et
à établir des veritez . Enfin le R. P. Joseph
Navajas, Trinitaire, Professeur en Théo
logie , et Examinateur de l'Archevêché
de Toléde , en donnant aussi son attache
et ces éloges à ce livre , ne craint pas de
rien exagerer en le nommant une Biblio
theque entiere.
Hic liber est , Lector , librorum magna sup→
pellex.
Et non exigua Bibliotheca , lege.
Les Dissertations contenues dans ce
second Tome de plus de 400. pages , sont
précedées d'une assés courte Preface , la
quelle a deux principaux Objets : le pre
mier de remercier le public du favorable
accueil qu'il a fait au premier volume ,
le second de parler de quelques envieux ,
qui ont publié des écrits peu mésurés
contre ce livre. Chose inévitable et arri
vée dans tous les temps , à l'égard même
des Autheurs du premier merite. Sur
quoy le P. Feijoo nous parle des disgra
ces qu'eurent à essuyer en France deux cé
lebres Académiciens , sçavoir Pierre Cor
neille et Jean -Louis de Balzac , que les
suffrages du public dédomagerent ample
I. Vol. ment
JUIN. 1731 1247
ment, sur tout , dit- il , le grand Corneille,
qui ne succomba point sous le poids du
credit d'un fameux Ministre , et de la
censure de l'Academie el formidable Cuer
po
de la Academia Francesa , non pas , ajoû
te-t'il, qu'il veuille se comparer à ces deux
grands Genies , mais rappellant seulement
ce fameux exemple,à cause de la parité de
situation où la Fortune le met aujour
d'hui . Il se justifie ensuite sur le titre de
son Ouvrage,où il ne trouve rien de cette
présomption que ses Adversaires luy ont
reprochée. Il a jugé à propos , nous dit-il ,
enfin , par le conseil de personnes sages ,
de publier à la fin de ce second Tome
les deux réponses Apologetiques qu'on y
trouvera. Celle qui regarde le Docteur
Ros est en latin , parceque ce Docteur l'a
attaqué en la même Langue . Il a aussi fait
imprimer la lettre Apologetique du Doc
teur Martinez , crainte, dit il , que ce trait
précieux de sa plume ne soit enseveli dans
l'oubli , tout ce que ce sage et éloquent
Autheur écrit étant digne de l'immorta
lité ; c'est ainsi que nôtre autheur parle
de son Adversaire . A l'égard de la criti
que du Docteur Ros , elle étoit trop lon
gue pour l'imprimer pareillement à la
fin de ce second volume.
>
Les Dissertations qui le composent sont
4. Vol.
au
1248 MERCURE DE FRANCE
au nombre de quinze , dont je me con
tenterai de vous rapporter les titres. I.
Les Guerres Philosophiques . II . L'Histoi
re Naturelle. III. L'Art Divinatoire.
I V. Les Propheties supposées. V. L'Usage
de la Magie . VI. Les modes. VII. La
Vieillesse Morale du Genre Humain .
VIII. La Science Aparente et Superfi
ciele. IX. L'Antipathie entre les Fran
çois et les Espagnols. X. Les Jours Cri
tiques. XI. Le Poids de l'Air. XII . La
Sphere du Feu. XIII. L'Antiperistase .
XIV. Paradoxes Phisiques . XV. Table
contenant la comparaison des Nations..
Ces quinze Discours sont suivis de trois
morceaux de Critique anoncés dans la
Préface, qui ont été composez dépuis l'im
pression du premier volume , lequel en a été
l'occasion.Le premier est intituléCarta De
fensiva & c. ou , Lettre Apologetique de
Don Martin Martinez Docteur en Mede
cine , Medecin de la Maison du Roy, Pro
fesseur d'Anatomie , et actuellement Presi
dent de la Societé Royale des Sciences de
Seville & c.Sur le premier Tome du Thea
tre critique universel du R. P. Feijoo . Il y a
de trés bonnes choses dans cette Lettre ,
elle donne our ainsi dire , un nouveau
lustre au Theatre critique , sur lequel l'Au
theur avoit prié le Medecin de lui mar
I.Vol.
quer
JUIN. 1731. 1249
quer ses sentimens. Il s'en acquitte en
parcourant toutes les dissertations , et en
discourant sommairement sur chacune.
Il paroît que ce Docteur a réservé toute
son érudition , et toute sa critique , à
l'égard de celle qui regarde la Medecine.
Le P. Feijoo a dû s'y attendre aprés tout
ce qu'il a dit de cette science dans sa V.
Dissert. du premier vol. M. Martinez fait
non seulement l'Apologie de la Medeci
ne et des Medecins , mais l'Eloge de cette
Science , et de ceux qui l'ont professée
dans tous les temps ; sur quoy ce Doc
teur nous étale une grande lecture et des
Recherches singulieres. Je vais en éfleurer
quelques -unes. Les Egyptiens , dit il
faisoient des Medecins leurs Prêtres , et
des Prêtres leurs Rois , sur quoy les an
ciens Historiens nous ont conservé cette
formule. Medicus non es ; nolo te constitue
re Regem. Giges et Sapor Rois des Medes
ont été Medecins , sans parler des Prin
ces qui l'ont pareillement été parmi les
Perses , les Arabes , les Syriens & c . La lis
te de ces Rois ou Princes Medecins , est
longue chez nôtre Docteur , et on est tout
étonné d'y trouver des Sujets d'un grand
nom , mais peu connus de côté la ; par
exemple , Hercule , Alexandre le Grand ,
l'Empereur Hadrien &c. Vous jugez bien ,
I. Vol.
Monsieur
1250 MERCURE DE FRANCE
Monsieur que le Pere de la Medecine
Grecque , le Prince , et le Chef de tous'
les Medecins qui sont venus depuis , je
veux dire, Hippocrate , n'est pas oublié;
il finit par lui sa liste et ses éloges , en re
marquant que les Grecs rendirent à ce
grand Homme des honneurs divins , et les
mêmes qu'ils rendoient à Hercule. M.
Martinez pouvoit ajoûter qu'on frappa
aussi pour lui des Medailles ; vous avez
vû . Monsieur , chez
chez moy la
gravure
d'une de ces Medailles où l'on voit d'un
côté la tête d'Hippocrate et autour IП...
TOY et sur le Revers le fameux Baton
d'Esculape entouré d'un Serpent avec ce
mot KION , pour signifier que la
Medaille a été frappée par les habitans de
l'Isle de Cos , Patrie d'Hippocrate , sur
quoy je vous entretiendrai un jour plus
précisement dans un autre Ecrit .
,
Les Medecins chrétiens d'un rang il
lustre , sont joints à ceux du Paganisme.
L'Auteur prend les choses de bien haut ,
il trouve dans des temps posterieurs des
Papes , des Cardinaux , des Prelats Me
decins ; je vous renvoye là dessus au livre
même.
Le second morceau de critique est la Ré
ponse du P. Feijoo à la lettre dont je viens
de vous donner une idée du Docteur
I. Vol. Martinez
JUIN. 1731.
7251
Martinez. Cette Réponse est sage et ac
compagnée de tous les égards , et de tous
les ménagemens qui ne se rencontrent
guéres ordinairement entre des Sçavans
qui écrivent l'un contre l'autre , pour
soutenir des opinions differentes . L'habi
le et poli Benedictin avoue même obli
geamment à son Antagoniste , qu'il ne
fait aucun doute que dans cette contesta
tion litteraire ils ne soient au fond tous
deux de même sentiment ; car , dit- il ,
vous ne disconvenez point que la Mede
cine ne soit accompagnée d'incertitude ,
et moi je n'ay jamais nié positivement
l'utilité de cette Science. Quoique la
Réponse dont il s'agit icy soit addressée
au Docteur Martinez même , elle est pré
cedée d'une Epitre Dedicatoire à l'Illus
triss. Don Fr. Joseph Garcia , Evêque de
Siguenza , pour le remercier de l'accueil
favorable qu'il a fait au premier vol . du
Theatre Critique, et pour le prier de pro
teger également et l'ouvrage et l'Autheur.
Je ne vous dirai rien de la derniere
Piece , parce qu'elle roule a peu prés sur
le même sujet , et que je suis bien aise
que vous en jugiez un jour par vous mê
me ; je me prépare cependant à vous ren
dre compte de la suite de cet Ouvrage
et je suis toujours. & c.
A Paris ce 19. Fevrier 1731 .
I. Vol. с L'AIGLON
1252 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
L'AIGLON ET LE GEAY.
FABLE.
Presentée à Monseigneur le Comte de Cler
mont , par M. de Castera , au sujet du
Livre intitulé le Théatre des Passions et
de la Fortune , que l'Autheur a dedié à
Son Altesse Serenissime.
D Ans un agréable Bocage .
Brilloit un Aiglon glorieux ,
Affable , doux , de beau plumage.
Et qui portoit dans l'éclat de ses yeux
L'infaillible Présage
D'une ame noble et d'un coeur généreux ;
Dés le moment de sa naissance
Hebé , les Graces , et l'Amour ,
Auprés de lui fixerent leur séjour ,
Pour prendre soin de son enfance ;
Jamais les accents douloureux ,
D'un Oyseau triste et malheureux ,
A son oreille en vain ne se firent entendre :
Exempt du chimerique orgueil ,
Qui des grands aveuglés est l'ordinaire écueil ;
De son rang il sçavoit descendre ;
Il sçavoit asservir son coeur ,
Aux Loix d'une amitié tendre et pleine d'ardeurs
1
1. Vol.
Rossignols ,
JUIN.
1253 1731.
Rossignols , Serins et Fauvettes ,
Eternisoient la gloire de leur nom ;
En consacrant à cet illustre Aiglon,
Leurs Refrains et leur's Chansonnettes
Parmi les aimables accents ,
་ ་
Dont ces Chantres Divins varioient leurMusique,'
Un Geay d'humeur simple et rustique ,
Ösa mêler ces fredons glapissants :
Son jargon étoit rude ,
Mais il parloit avec naïveté.
Dire toujours la verité ,
C'étoit et sa Devise et son unique étude.
On lui cria quelle témérité
Enfle aujourd'hui ta voix sans methode et sans
grace ?
Entre les Hôtes du Parnasse.
Apollon ne t'a point compté :
Je sçais bien,repond- t'il, que ma voix est grossiere,
Mais aussi je connois la générosité ,
Qui de l'Auguste Aiglon forme le caractére ,
Mon hommage est juste et sincere ,
Il ne sera point rebuté ;
L'Offrande d'un berger qui vit dans l'innocence ;
Touche le coeur des Immortels ;
Souvent plus de Magnificence
Attire leur mépris , et ternit leurs Autels ;
D'ailleurs , si pour louer cet Aiglon magnanime ?
Il faut àson merite égaler notre voix ,
I. Vol
Les
Cij
1254 MERCURE DE FRANCE
Les plus sçavants Hôtes des bois
N'ont pû l'entreprendre sans crime,
Seigneur , cette allusion ,
Exempte de tout nuage ,
Sous le Portrait de l'Aiglon ,
Dépeint icy vôtre image.
tel que le Geay sans étude et sans fard,
J'ose vous consacrer
mes veilles
¿
D'autres
pourront
avec plus d'Art
Prendre un style pompeux pour charmer vos
oreilles ;
Pour moy
Ecrire poliment surpasse mon pouvoir ,
Je dis ce que je pense , et c'est tout mon sçavoir,
}
****************
LETTRE de M. D. L. R. sur un
Ouvrage du R. P. Feijoo , Benedictin
Espagnol.
.
entre les
傻
l'Ouvrage dont vous avez entendu
parler. C'est M. Boyer , Docteur en Me
decine de la Faculté de Montpellier , et
Docteur- Régent en celle de Paris , qui l'a
apporté d'Eſpagne , depuis peu de tems .
Vous sçavez que ce Medecin partit d'ici
sur la fin du mois de Juillet dernier pour
le rétablissement de la santé de M. le
Marquis de Brancars , Ambassadeur de
France à la Cour de S. M. Catholique ;
vous sçavez aussi qu'il a fait un voyage
heureux, et qu'il a ramené M. l'Ambassa
deur parfaitement guéri.
Mais vous pouvez ignorer que notre
Medecin , toujours attentif sur la Litte
rature , et mettant tout à profit à cet
égard , quand il est obligé de voyager ,
n'a pas manqué d'apporter plusieurs Li
vres Espagnols , des meilleurs et des plus
nouveaux. Celui pour lequel vous vous
interessez , ne pouvoit pas être oublié ;
en voici le Titre.
I. Vol. THEA
1242 MERCURE DE FRANCE
THEATRO CRITICO , UNIVERSAL,
O Discursos varios en toto genero de Ma
terias para desengano de Errores comunes.
Dedicado A RP P. Fr. Joseph de Bar
nuero , General de la Congregacion de San
Benito de Espana , Inglaterra , & c. Escrito
por El M. R. P. M. Fr. Benito Jeronymo
Feijoo , Maestro General de la Religion de
San Benito , y Cathedratico de Visperas de
Theologia de la Universidad de Oviedo.
Tercera Impression En Madrid : En la
Imprenta de Francisco del Hierro , Anno de
M. DCC . XXIX . C'est-à -dire , THEA
TRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours
divers sur toute sorte de sujets pour désa
buser les hommes des erreurs communes
et ordinaires . Dédié au Reverendissime
Pere General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne , en Angle
terre, &c. Composé par le R. P. BENOIST
JEROSME FEIJOO , Maître ou Professeur
General dans la même Congrégation ,
Professeur en Thélogie de l'Université
d'Oviedo; quatre Volumes in 4% Troisiéme
Edition. A Madrid , de l'Imprimerie de
François del Hierro , M. DCC. XXIX .
On trouve à la tête du premier Vo
lume une Epitre Dédicatoire fort bien
tournée , adressée au R. P. General Jo
seph de Barnuero , lequel , outre cette
I.Vol.
qualité
JUIN. 1731. 1243
qualité , avoit été le Maître des Etudes
de Théologie de l'Auteur , dans l'Uni
versité de Salamanque. Les Approba
tions de divers Docteurs suivent cette
Dédicace.
Une courte Préface qui déclare les in
tentions du P. Feijoo , et qui fait voir
l'ordre et la disposition de tout son Ou
vrage , est précedée d'une Lettre de Don
Louis de Salazar , Commandeur de l'Or
dre de Calatrava , Conseiller du Conseil
Royal des Ordres , et premier Historio
graphe de Castille et des Indes . Cette
Lettre écrite à notre Auteur le 11. Août
1726. est un Eloge raisonné de son Théa
tre critique ; on peut dire que le suffrage
de ce Seigneur en a entraîné quantité
d'autres , et qu'il n'avoit paru depuis
long- temps de Livre en Espagne plus ge
neralement estimé. D'un autre côté le
R. P. Jean de Champverd , de la Com
pagnie de Jesus , Docteur et Professeur
en Théologie de l'Université d'Alcala ,
Théologien du Roi , et Examinateur Sy
nodal de l'Archevêché de Tolede , pa
roît si content de cet Ouvrage , qu'il nous
assure dans son Approbation , que son
Auteur devoit être appellé le Maître Ge
neral de tous les Arts et des Sciences.
Ce premier Volume de 400. pages
I. Vol. contient
1244 MERCURE DE FRANCE
contient seize Discours divisez chacun en
plusieurs Paragraphes ou Articles . Le
1. Discours est intitulé la Voix du Peuple.
Le II. la Vertu et le Vice. Le III . L'ob
scurité et la haute fortune. IV. La plus
fine Politique. V. La Medecine. VI. Ré
gime pour la conservation de la santé.
VII. La Deffense de la Profession Litte
raire. VIII. L'Astrologie Judiciaire et les
Almanachs. IX. Les Eclipses. X. Les Co
metes. XI. Les Années Climateriques .
XII. La Vieillesse du Monde. XIII . Con
tre les Philosophes modernes . XIV. La
Musique des Eglises . XV. Parallele des
Langues. XVI . Apologie des femmes.
Toutes ces Dissertations fournissent une
lecture agréable et variée , elles sont bien
écrites , et instruisent de beaucoup de
choses. Les Medecins ne sont pas bien
traitez dans la V. s'ils s'avisent de mar
quer à notre Auteur quelque ressenti
ment , les Femmes , et sur tout les Fem
mes sçavantes et vertueuses , seront obli
gées , par reconnoissance , de prendre sa
deffense ; car rien n'est plus recherché
plus obligeant , plus étendu dans le I.Vo
lume , que la XVI. et derniere Disserta
tion , qui est toute employée à la deffense
du beau Sexe. Vous en jugerez si je puis
un jour vous en procurer la lecture .
I. Vol
Passons
JUIN. 1731.
1245
S
1
e.
Passons cependant au second Volume.
T.II. seconde Edition M. DCC . XXX .
Ce volume , comme le précedent, est orné
d'une Dedicace , addressée à un autre
Mecéne , et munie d'Approbations ma
gnifiques. La plus étendue et la plus fla
teuse , est sans doute celle du R. P. Este
van de la Torre , Professeur géneral des
Benedictins d'Espagne , Abbé de S. Vin
cent d'Oviedo , Professeur en Théologie ,
et de l'Ecriture Sainte en l'Université de
la même Ville , lequel paroît si prévenu
du merite de cet ouvrage , et de la haute
capacité de son Autheur , qu'il ne fait
point de difficulté de lui appliquer ce que
le Sçavant P. Mabillon a dit de l'ouvrage
de S. Bernard , de Consideratione , addressé
au Pape Eugene. Hac sane fuit Bernardi
dexteritas , ut , quam primum ejus Libri de
Consideratione in publicum prodiere , eos
certatim exquisierunt , lectitarunt , amave
runt universi. L'Approbateur ne doutant
point qu'il n'arrive la même chose à l'égard
de ce second volume , n'oublie pas dans
cette occasion d'appliquer aussi à nôtre
Autheur ce passage connu de l'Ecriture .
Faciendi plures Libros nullus eft finis.
Ecclesiast. C. 12.v. 12. C'est , dit- il , sui
vre à la lettre le conseil du Sage , on ne
doit , pour ainsi dire , point finir quand
1. Vol. on
1246 MERCURE DE FRANCE
on écrit des livres qui enseignent à dé
tromper les hommes de leurs erreurs , et
à établir des veritez . Enfin le R. P. Joseph
Navajas, Trinitaire, Professeur en Théo
logie , et Examinateur de l'Archevêché
de Toléde , en donnant aussi son attache
et ces éloges à ce livre , ne craint pas de
rien exagerer en le nommant une Biblio
theque entiere.
Hic liber est , Lector , librorum magna sup→
pellex.
Et non exigua Bibliotheca , lege.
Les Dissertations contenues dans ce
second Tome de plus de 400. pages , sont
précedées d'une assés courte Preface , la
quelle a deux principaux Objets : le pre
mier de remercier le public du favorable
accueil qu'il a fait au premier volume ,
le second de parler de quelques envieux ,
qui ont publié des écrits peu mésurés
contre ce livre. Chose inévitable et arri
vée dans tous les temps , à l'égard même
des Autheurs du premier merite. Sur
quoy le P. Feijoo nous parle des disgra
ces qu'eurent à essuyer en France deux cé
lebres Académiciens , sçavoir Pierre Cor
neille et Jean -Louis de Balzac , que les
suffrages du public dédomagerent ample
I. Vol. ment
JUIN. 1731 1247
ment, sur tout , dit- il , le grand Corneille,
qui ne succomba point sous le poids du
credit d'un fameux Ministre , et de la
censure de l'Academie el formidable Cuer
po
de la Academia Francesa , non pas , ajoû
te-t'il, qu'il veuille se comparer à ces deux
grands Genies , mais rappellant seulement
ce fameux exemple,à cause de la parité de
situation où la Fortune le met aujour
d'hui . Il se justifie ensuite sur le titre de
son Ouvrage,où il ne trouve rien de cette
présomption que ses Adversaires luy ont
reprochée. Il a jugé à propos , nous dit-il ,
enfin , par le conseil de personnes sages ,
de publier à la fin de ce second Tome
les deux réponses Apologetiques qu'on y
trouvera. Celle qui regarde le Docteur
Ros est en latin , parceque ce Docteur l'a
attaqué en la même Langue . Il a aussi fait
imprimer la lettre Apologetique du Doc
teur Martinez , crainte, dit il , que ce trait
précieux de sa plume ne soit enseveli dans
l'oubli , tout ce que ce sage et éloquent
Autheur écrit étant digne de l'immorta
lité ; c'est ainsi que nôtre autheur parle
de son Adversaire . A l'égard de la criti
que du Docteur Ros , elle étoit trop lon
gue pour l'imprimer pareillement à la
fin de ce second volume.
>
Les Dissertations qui le composent sont
4. Vol.
au
1248 MERCURE DE FRANCE
au nombre de quinze , dont je me con
tenterai de vous rapporter les titres. I.
Les Guerres Philosophiques . II . L'Histoi
re Naturelle. III. L'Art Divinatoire.
I V. Les Propheties supposées. V. L'Usage
de la Magie . VI. Les modes. VII. La
Vieillesse Morale du Genre Humain .
VIII. La Science Aparente et Superfi
ciele. IX. L'Antipathie entre les Fran
çois et les Espagnols. X. Les Jours Cri
tiques. XI. Le Poids de l'Air. XII . La
Sphere du Feu. XIII. L'Antiperistase .
XIV. Paradoxes Phisiques . XV. Table
contenant la comparaison des Nations..
Ces quinze Discours sont suivis de trois
morceaux de Critique anoncés dans la
Préface, qui ont été composez dépuis l'im
pression du premier volume , lequel en a été
l'occasion.Le premier est intituléCarta De
fensiva & c. ou , Lettre Apologetique de
Don Martin Martinez Docteur en Mede
cine , Medecin de la Maison du Roy, Pro
fesseur d'Anatomie , et actuellement Presi
dent de la Societé Royale des Sciences de
Seville & c.Sur le premier Tome du Thea
tre critique universel du R. P. Feijoo . Il y a
de trés bonnes choses dans cette Lettre ,
elle donne our ainsi dire , un nouveau
lustre au Theatre critique , sur lequel l'Au
theur avoit prié le Medecin de lui mar
I.Vol.
quer
JUIN. 1731. 1249
quer ses sentimens. Il s'en acquitte en
parcourant toutes les dissertations , et en
discourant sommairement sur chacune.
Il paroît que ce Docteur a réservé toute
son érudition , et toute sa critique , à
l'égard de celle qui regarde la Medecine.
Le P. Feijoo a dû s'y attendre aprés tout
ce qu'il a dit de cette science dans sa V.
Dissert. du premier vol. M. Martinez fait
non seulement l'Apologie de la Medeci
ne et des Medecins , mais l'Eloge de cette
Science , et de ceux qui l'ont professée
dans tous les temps ; sur quoy ce Doc
teur nous étale une grande lecture et des
Recherches singulieres. Je vais en éfleurer
quelques -unes. Les Egyptiens , dit il
faisoient des Medecins leurs Prêtres , et
des Prêtres leurs Rois , sur quoy les an
ciens Historiens nous ont conservé cette
formule. Medicus non es ; nolo te constitue
re Regem. Giges et Sapor Rois des Medes
ont été Medecins , sans parler des Prin
ces qui l'ont pareillement été parmi les
Perses , les Arabes , les Syriens & c . La lis
te de ces Rois ou Princes Medecins , est
longue chez nôtre Docteur , et on est tout
étonné d'y trouver des Sujets d'un grand
nom , mais peu connus de côté la ; par
exemple , Hercule , Alexandre le Grand ,
l'Empereur Hadrien &c. Vous jugez bien ,
I. Vol.
Monsieur
1250 MERCURE DE FRANCE
Monsieur que le Pere de la Medecine
Grecque , le Prince , et le Chef de tous'
les Medecins qui sont venus depuis , je
veux dire, Hippocrate , n'est pas oublié;
il finit par lui sa liste et ses éloges , en re
marquant que les Grecs rendirent à ce
grand Homme des honneurs divins , et les
mêmes qu'ils rendoient à Hercule. M.
Martinez pouvoit ajoûter qu'on frappa
aussi pour lui des Medailles ; vous avez
vû . Monsieur , chez
chez moy la
gravure
d'une de ces Medailles où l'on voit d'un
côté la tête d'Hippocrate et autour IП...
TOY et sur le Revers le fameux Baton
d'Esculape entouré d'un Serpent avec ce
mot KION , pour signifier que la
Medaille a été frappée par les habitans de
l'Isle de Cos , Patrie d'Hippocrate , sur
quoy je vous entretiendrai un jour plus
précisement dans un autre Ecrit .
,
Les Medecins chrétiens d'un rang il
lustre , sont joints à ceux du Paganisme.
L'Auteur prend les choses de bien haut ,
il trouve dans des temps posterieurs des
Papes , des Cardinaux , des Prelats Me
decins ; je vous renvoye là dessus au livre
même.
Le second morceau de critique est la Ré
ponse du P. Feijoo à la lettre dont je viens
de vous donner une idée du Docteur
I. Vol. Martinez
JUIN. 1731.
7251
Martinez. Cette Réponse est sage et ac
compagnée de tous les égards , et de tous
les ménagemens qui ne se rencontrent
guéres ordinairement entre des Sçavans
qui écrivent l'un contre l'autre , pour
soutenir des opinions differentes . L'habi
le et poli Benedictin avoue même obli
geamment à son Antagoniste , qu'il ne
fait aucun doute que dans cette contesta
tion litteraire ils ne soient au fond tous
deux de même sentiment ; car , dit- il ,
vous ne disconvenez point que la Mede
cine ne soit accompagnée d'incertitude ,
et moi je n'ay jamais nié positivement
l'utilité de cette Science. Quoique la
Réponse dont il s'agit icy soit addressée
au Docteur Martinez même , elle est pré
cedée d'une Epitre Dedicatoire à l'Illus
triss. Don Fr. Joseph Garcia , Evêque de
Siguenza , pour le remercier de l'accueil
favorable qu'il a fait au premier vol . du
Theatre Critique, et pour le prier de pro
teger également et l'ouvrage et l'Autheur.
Je ne vous dirai rien de la derniere
Piece , parce qu'elle roule a peu prés sur
le même sujet , et que je suis bien aise
que vous en jugiez un jour par vous mê
me ; je me prépare cependant à vous ren
dre compte de la suite de cet Ouvrage
et je suis toujours. & c.
A Paris ce 19. Fevrier 1731 .
I. Vol. с L'AIGLON
1252 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
L'AIGLON ET LE GEAY.
FABLE.
Presentée à Monseigneur le Comte de Cler
mont , par M. de Castera , au sujet du
Livre intitulé le Théatre des Passions et
de la Fortune , que l'Autheur a dedié à
Son Altesse Serenissime.
D Ans un agréable Bocage .
Brilloit un Aiglon glorieux ,
Affable , doux , de beau plumage.
Et qui portoit dans l'éclat de ses yeux
L'infaillible Présage
D'une ame noble et d'un coeur généreux ;
Dés le moment de sa naissance
Hebé , les Graces , et l'Amour ,
Auprés de lui fixerent leur séjour ,
Pour prendre soin de son enfance ;
Jamais les accents douloureux ,
D'un Oyseau triste et malheureux ,
A son oreille en vain ne se firent entendre :
Exempt du chimerique orgueil ,
Qui des grands aveuglés est l'ordinaire écueil ;
De son rang il sçavoit descendre ;
Il sçavoit asservir son coeur ,
Aux Loix d'une amitié tendre et pleine d'ardeurs
1
1. Vol.
Rossignols ,
JUIN.
1253 1731.
Rossignols , Serins et Fauvettes ,
Eternisoient la gloire de leur nom ;
En consacrant à cet illustre Aiglon,
Leurs Refrains et leur's Chansonnettes
Parmi les aimables accents ,
་ ་
Dont ces Chantres Divins varioient leurMusique,'
Un Geay d'humeur simple et rustique ,
Ösa mêler ces fredons glapissants :
Son jargon étoit rude ,
Mais il parloit avec naïveté.
Dire toujours la verité ,
C'étoit et sa Devise et son unique étude.
On lui cria quelle témérité
Enfle aujourd'hui ta voix sans methode et sans
grace ?
Entre les Hôtes du Parnasse.
Apollon ne t'a point compté :
Je sçais bien,repond- t'il, que ma voix est grossiere,
Mais aussi je connois la générosité ,
Qui de l'Auguste Aiglon forme le caractére ,
Mon hommage est juste et sincere ,
Il ne sera point rebuté ;
L'Offrande d'un berger qui vit dans l'innocence ;
Touche le coeur des Immortels ;
Souvent plus de Magnificence
Attire leur mépris , et ternit leurs Autels ;
D'ailleurs , si pour louer cet Aiglon magnanime ?
Il faut àson merite égaler notre voix ,
I. Vol
Les
Cij
1254 MERCURE DE FRANCE
Les plus sçavants Hôtes des bois
N'ont pû l'entreprendre sans crime,
Seigneur , cette allusion ,
Exempte de tout nuage ,
Sous le Portrait de l'Aiglon ,
Dépeint icy vôtre image.
tel que le Geay sans étude et sans fard,
J'ose vous consacrer
mes veilles
¿
D'autres
pourront
avec plus d'Art
Prendre un style pompeux pour charmer vos
oreilles ;
Pour moy
Ecrire poliment surpasse mon pouvoir ,
Je dis ce que je pense , et c'est tout mon sçavoir,
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Résumé : L'AIGLON ET LE GEAY. FABLE. Présentée à Monseigneur le Comte de Clermont, par M. de Castera, au sujet du Livre intitulé le Théatre des Passions et de la Fortune, que l'Autheur a dedié à son Altesse Serenissime.
En juin 1731, une lettre mentionne un ouvrage du Père Benito Jerónimo Feijoo, bénédictin espagnol. Cet ouvrage, intitulé 'Théâtre critique universel' ou 'Discursos varios en todo genero de materias para desengano de errores comunes', est dédié au Père Joseph de Barnuero, général de la Congrégation de Saint-Benoît en Espagne et en Angleterre. L'ouvrage, en quatre volumes, a été imprimé pour la troisième fois à Madrid en 1729. Il contient des discours variés sur divers sujets visant à désabuser les hommes des erreurs communes. L'ouvrage a été apporté en France par M. Boyer, un médecin de la Faculté de Montpellier et docteur-régent à Paris, qui s'était rendu en Espagne pour soigner le Marquis de Brancars, ambassadeur de France. Boyer, attentif à la littérature, a rapporté plusieurs livres espagnols, dont celui de Feijoo. Le premier volume, de 400 pages, comprend seize discours sur des sujets tels que la voix du peuple, la vertu et le vice, la médecine, l'astrologie, et une apologie des femmes. Le second volume, également de plus de 400 pages, contient quinze discours et est précédé d'une préface remerciant le public et répondant à des critiques. Les approbations de divers docteurs soulignent la qualité et l'importance de l'ouvrage. Le Docteur Martinez, dans une lettre apologétique, défend la médecine et les médecins contre les critiques de Feijoo. Feijoo répond à Martinez de manière respectueuse, reconnaissant les incertitudes de la médecine tout en affirmant son utilité. L'ouvrage a reçu des éloges de plusieurs personnalités, notamment Don Luis de Salazar et le Père Jean de Champverd. Par ailleurs, une lettre et une fable intitulée 'L'Aiglon et le Geai' sont présentées à Monseigneur le Comte de Clermont par M. de Castera. La lettre, datée du 19 février 1731, mentionne que l'auteur ne commentera pas la dernière pièce, préférant que le destinataire en juge par lui-même. Il se prépare à rendre compte de la suite de l'ouvrage. La fable raconte l'histoire d'un aiglon glorieux, affable et doux, né avec des qualités nobles et un cœur généreux. Dès sa naissance, les Grâces, l'Amour et Hébé veillent sur lui. L'aiglon est exempt d'orgueil et sait descendre de son rang pour des amitiés tendres. Les rossignols, serins et fauvettes chantent sa gloire, tandis qu'un geai, avec une voix rude mais naïve, ose également lui rendre hommage. Le geai explique que sa vérité et sa sincérité sont plus précieuses que des louanges pompeuses. Il compare l'aiglon au Comte de Clermont, soulignant que son hommage, bien que simple, est sincère et touchant. Le geai affirme que les offrandes des bergers innocents peuvent toucher les cœurs des immortels, contrairement aux magnificences qui peuvent attirer le mépris.
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10
p. 1254-1256
EXTRAIT d'une Lettre de M. Miget, ancien Avocat du Roy à Pontarlier en Franche-Comté, le 15. May, contenant un Fait singulier et un Avis aux Gens de Lettres.
Début :
Aggréez, Monsieur, que je vous envoye la longueur et la grosseur (a) [...]
Mots clefs :
Lame d'épée, Tête, Querelle, Acousmate, Volumes, Manuscrits, Érudition
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre de M. Miget, ancien Avocat du Roy à Pontarlier en Franche-Comté, le 15. May, contenant un Fait singulier et un Avis aux Gens de Lettres.
EXT AIT d'une Lettre de M. Miget ;
ancien Avocat du Roy à Pontarlier en
Franche- Comté , le 15. May , contenant
un Fait singulier et un Avis aux Gens
1
de Lettres.
A
Ggréez , Monsieur , que je vous en
voye la longueur et la grosseur (a)
d'une pointe de lame d'épée en carrelet ,
(a) Ce tronçon de l
mi de longueur , et
sposé à la pointe. 7
-is pouces et de
**ge du côté
I. Vol.
qui
JUI N. 1731
1255
qui est restée dant la tête d'un de nos
Bourgeois , dépuis la S. Martin derniere
jusqu'au 4. de May, sans en ressentir au
cune incommodité. Dans une querelle
qu'il eût à Besançon , on luy porta un
coup qu'il tâcha de parer avec le bras :
mais ce ne fut que pour le recevoir dans
le côté gauche du nez , entre l'os et le car
tilage , entre lesquels l'épée se rompit ,
sans pouvoir deviner pour lors ce que cet
te pointe étoit devenuë. Si cet évenement
qui a paru trés singulier , merite l'atten
tion des Curieux , je vous enverray un.
détail bien circonstancié de cet accident ;
et si dans la suite vous le trouvés bon
je vous informeray de tout ce qui arri
vera d'extraordinaire dans ces montagnes,
et dans le pays voisin .
Je viens d'apprendre , qu'à une journée
de cette Ville , on parle d'un Evênement
aussi incroyable , et pour le moins aussi
curieux que l'Akousmate dont vous avez
fait mention ; si la relation que j'en de
mande à gens dignes de foy se trouve
conforme à tout ce qu'on m'en a conté
je ne manquerai pas de vous la commu
niquer.
>
J'ajoute , avant que de finir , que j'ay
vingt volumes en petit in folio , ou en
grand in 4° . partie manuscrits , et partie
1. Vol.
Ciij imprimés,
1256 MERCURE DE FRANCE
imprimés , des ouvrages d'un de mes On
cles , Chanoine du Chapitre de la Metro
politaine de Bezançon , qui , en qualité
d'Avocat des Saints , travailloit en son
tems à Rome avec le fameux Pierre de
Rossi , Fiscal de la Rote , connu sous le
nom de Petrus de Rubeis. La plupart de
ces Pieces n'ont jamais vû le jour; et com
me je présume que vôtre travail ne peut
Vous dispenser de quelque liaison avec
les personnes d'érudition , et les princi
paux Libraires , j'ai cru que vous ne
désaprouverez pas que je m'addresse à vous
pour leur faire entendre que je suis dans
le dessein de m'en defaire , pour les rem
placer par d'autres livres de mon goût
et au cas que quelqu'un ait la pensée d'en
connoître le sujet et les matieres . je vous
serai trés obligé de vouloir bien donner
mon adresse ; et lorsqu'on le desirera , je
donnerai les éclaircissemens nécessaires »
par un extrait du contenu en chacun de
ces volumes..
ancien Avocat du Roy à Pontarlier en
Franche- Comté , le 15. May , contenant
un Fait singulier et un Avis aux Gens
1
de Lettres.
A
Ggréez , Monsieur , que je vous en
voye la longueur et la grosseur (a)
d'une pointe de lame d'épée en carrelet ,
(a) Ce tronçon de l
mi de longueur , et
sposé à la pointe. 7
-is pouces et de
**ge du côté
I. Vol.
qui
JUI N. 1731
1255
qui est restée dant la tête d'un de nos
Bourgeois , dépuis la S. Martin derniere
jusqu'au 4. de May, sans en ressentir au
cune incommodité. Dans une querelle
qu'il eût à Besançon , on luy porta un
coup qu'il tâcha de parer avec le bras :
mais ce ne fut que pour le recevoir dans
le côté gauche du nez , entre l'os et le car
tilage , entre lesquels l'épée se rompit ,
sans pouvoir deviner pour lors ce que cet
te pointe étoit devenuë. Si cet évenement
qui a paru trés singulier , merite l'atten
tion des Curieux , je vous enverray un.
détail bien circonstancié de cet accident ;
et si dans la suite vous le trouvés bon
je vous informeray de tout ce qui arri
vera d'extraordinaire dans ces montagnes,
et dans le pays voisin .
Je viens d'apprendre , qu'à une journée
de cette Ville , on parle d'un Evênement
aussi incroyable , et pour le moins aussi
curieux que l'Akousmate dont vous avez
fait mention ; si la relation que j'en de
mande à gens dignes de foy se trouve
conforme à tout ce qu'on m'en a conté
je ne manquerai pas de vous la commu
niquer.
>
J'ajoute , avant que de finir , que j'ay
vingt volumes en petit in folio , ou en
grand in 4° . partie manuscrits , et partie
1. Vol.
Ciij imprimés,
1256 MERCURE DE FRANCE
imprimés , des ouvrages d'un de mes On
cles , Chanoine du Chapitre de la Metro
politaine de Bezançon , qui , en qualité
d'Avocat des Saints , travailloit en son
tems à Rome avec le fameux Pierre de
Rossi , Fiscal de la Rote , connu sous le
nom de Petrus de Rubeis. La plupart de
ces Pieces n'ont jamais vû le jour; et com
me je présume que vôtre travail ne peut
Vous dispenser de quelque liaison avec
les personnes d'érudition , et les princi
paux Libraires , j'ai cru que vous ne
désaprouverez pas que je m'addresse à vous
pour leur faire entendre que je suis dans
le dessein de m'en defaire , pour les rem
placer par d'autres livres de mon goût
et au cas que quelqu'un ait la pensée d'en
connoître le sujet et les matieres . je vous
serai trés obligé de vouloir bien donner
mon adresse ; et lorsqu'on le desirera , je
donnerai les éclaircissemens nécessaires »
par un extrait du contenu en chacun de
ces volumes..
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre de M. Miget, ancien Avocat du Roy à Pontarlier en Franche-Comté, le 15. May, contenant un Fait singulier et un Avis aux Gens de Lettres.
Dans une lettre datée du 15 mai 1731, M. Miget, ancien avocat du roi à Pontarlier en Franche-Comté, décrit un incident survenu à Besançon. Un bourgeois de Pontarlier a reçu une pointe de lame d'épée dans la tête lors d'une querelle. La pointe, mesurant sept pouces de longueur et un pouce d'épaisseur, est restée logée entre l'os et le cartilage du nez du blessé depuis la Saint-Martin jusqu'au 4 mai, sans lui causer de douleur. M. Miget propose de fournir plus de détails sur cet accident et de signaler d'autres événements extraordinaires dans la région. Il possède vingt volumes, en partie manuscrits et en partie imprimés, écrits par un de ses oncles, chanoine du Chapitre de la Métropolitaine de Besançon, qui avait collaboré avec Pierre de Rossi à Rome. M. Miget souhaite se défaire de ces ouvrages pour les remplacer par d'autres de son goût et offre de fournir des éclaircissements sur leur contenu à ceux qui en feraient la demande.
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11
p. 1257-1260
LA GOUTE VAINCUE. A M. Le Chevalier D. L. Poëte, qui a été gueri par le remede que M. Blomet, Apotiquaire du Roy distribuë sous le nom de Teinture solaire.
Début :
Enfin, cher Licidas, au lieu des tristes plaintes, [...]
Mots clefs :
Plâtre, Enflures, Jointures, Médecine, Gouttes, Science divine, Python, Apothicaire, Pommade, Eau d'Égypte
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texteReconnaissance textuelle : LA GOUTE VAINCUE. A M. Le Chevalier D. L. Poëte, qui a été gueri par le remede que M. Blomet, Apotiquaire du Roy distribuë sous le nom de Teinture solaire.
LA GOUTE VAINCUE.
A M. Le Chevalier D. L. Poëte , qui a
étégueri par le remede que M. Blomer,
Apotiquaire du Roy distribuë sous le nom
de Teinture solaire.
Enfin , cher Licidas , au lieu des tristes plain
tes ,
Que t'arrachoient les cruelles atteintes
Du mal dont tu fus tourmenté ,
Tu dois pousser des cris de joye ,
Puis qu'aux vives douleursdont tu devins la proye,.
Succede l'aimable santé.
A la gloire du Dieu qui finit ton martyre ,
Tu peux présentement faire parler ta Lyre
Avec le même art qu'autrefois ,
Et sur elle montrer l'adresse de tes doigts :
A leurs douloureuses jointures
On ne voit plus d'afreux nodus ,
Et le plâtre brulant qui causoit leurs enflures ,
Cesse de les rendre perclus.
Hâte-toi , Licidas , d'entendre ,
Comment ce prodige s'est fait ;
1. Vol.
C iiij. De
1258 MERCURE DE FRANCE
De moi seul tu le peux apprendre ;
Aucun autre mortel n'en a sçû le secret.
Ennuyé de ton long supplice ,
Que ma tendre amitié me faisoit partager
Et qu'elle n'avoit pû jusqu'alors soulager ,
Je suivis un soudain caprice
Qui m'entraîna vers Apollon.
Il s'amusoit dans le sacré Vallon
A répéter quelque chanson nouvelle .
Pardonnez , lui dis - je , Seigneur
Si , plein d'une juste douleur ,
Un de vos Sujets vous querelle ;
Je vois que de la bagatelle
Vous vous occupez dans ces lieux ,
Tandis qu'un monstre furieux
Dans l'Univers vous deshonore ,
Et même en cet instant dévore
Licidas , qui par vos leçons ,
Est devenu fameux entre vos nourrissons,
A quoy sert que la Medecine
Vous prenne pour son Protecteur ,
Et raporte son origine
A vôtre science divine ,
Si ce monstre en détruit l'honneur ?
Pour tout dire en un mot , la Goute a l'insolence
De braver des Docteurs la plus forte ordonnance,
"
I. Vol. Ez
JUIN. 1731. 1259
Et de leur Arsenal elle eut dans tous les tems ,
Le secret d'éluder les traits les plus puissants.
C'est à vous d'y penser . Vôtre ancienne Victoire
Sur le Serpent Python qui tomba sous vos coups.
Ne vous acquit point tant de gloire
Que la Goute vaincuë en répandroit sur vous.
Le Dieu sur cet avis sincére ,
Rougit de honte et frémit de colere..
C'en est fait , répond-il , nous en viendrons à
bout ;
Et comme les Dieux presque en tout ,
Veulent bien des humains employer l'entremise
Un Artiste prudent , adroit , laborieux ,
Va par mon ordre et sous mes yeux
Finir cette grande entreprise ::
Son zéle pour son Roy , son amour pour léss
Dieux ,
Méritent qu'à ses soins la chose soit commise..
Ouy,
Blomet va faire un remede nouveau >
Par qui l'on se verra delivré d'un fleau
Trop cruel et trop ordinaire ;
Et pour qu'on ne puisse ignorer
Qu'on tient de ma faveur un don si salutaire
J'ai résolu de l'honorer
Du nom de Teinture solaire..
I. Vol.
C v L'e
1260 MERCURE DE FRANCE
Le dessein d'Apollon se trouve éxécuté ;
C'est à luy , Licidas , que tu dois ta santé.
Par M. M.
On croit faire plaifir au Public , de l'avertir
en Prose et sans fiction,que le remede de M. Blo
met Apoticaire , demeurant à Paris , ruë du Tem
ple , est si facile , qu'il ne s'agit que de mouiller
dans sa teinture un morceau de futaine que l'on
appliqué sur les articles attaquez de la Goute. On
assure que cela dissout l'humeur plâtreuse , et la
dissipe , ensorte qu'on en reçoit un prompt sou
lagement , et que jamais le mal ne remonte.
Le même Apoticaire possede une pommade qui
guérit les Hemoroïdes tant internes qu'externes.
On trouve aussi chez lui l'Eau d'Egypte , qui
a la vertu de brunir ou noircir les cheveux les plus
roux.
A M. Le Chevalier D. L. Poëte , qui a
étégueri par le remede que M. Blomer,
Apotiquaire du Roy distribuë sous le nom
de Teinture solaire.
Enfin , cher Licidas , au lieu des tristes plain
tes ,
Que t'arrachoient les cruelles atteintes
Du mal dont tu fus tourmenté ,
Tu dois pousser des cris de joye ,
Puis qu'aux vives douleursdont tu devins la proye,.
Succede l'aimable santé.
A la gloire du Dieu qui finit ton martyre ,
Tu peux présentement faire parler ta Lyre
Avec le même art qu'autrefois ,
Et sur elle montrer l'adresse de tes doigts :
A leurs douloureuses jointures
On ne voit plus d'afreux nodus ,
Et le plâtre brulant qui causoit leurs enflures ,
Cesse de les rendre perclus.
Hâte-toi , Licidas , d'entendre ,
Comment ce prodige s'est fait ;
1. Vol.
C iiij. De
1258 MERCURE DE FRANCE
De moi seul tu le peux apprendre ;
Aucun autre mortel n'en a sçû le secret.
Ennuyé de ton long supplice ,
Que ma tendre amitié me faisoit partager
Et qu'elle n'avoit pû jusqu'alors soulager ,
Je suivis un soudain caprice
Qui m'entraîna vers Apollon.
Il s'amusoit dans le sacré Vallon
A répéter quelque chanson nouvelle .
Pardonnez , lui dis - je , Seigneur
Si , plein d'une juste douleur ,
Un de vos Sujets vous querelle ;
Je vois que de la bagatelle
Vous vous occupez dans ces lieux ,
Tandis qu'un monstre furieux
Dans l'Univers vous deshonore ,
Et même en cet instant dévore
Licidas , qui par vos leçons ,
Est devenu fameux entre vos nourrissons,
A quoy sert que la Medecine
Vous prenne pour son Protecteur ,
Et raporte son origine
A vôtre science divine ,
Si ce monstre en détruit l'honneur ?
Pour tout dire en un mot , la Goute a l'insolence
De braver des Docteurs la plus forte ordonnance,
"
I. Vol. Ez
JUIN. 1731. 1259
Et de leur Arsenal elle eut dans tous les tems ,
Le secret d'éluder les traits les plus puissants.
C'est à vous d'y penser . Vôtre ancienne Victoire
Sur le Serpent Python qui tomba sous vos coups.
Ne vous acquit point tant de gloire
Que la Goute vaincuë en répandroit sur vous.
Le Dieu sur cet avis sincére ,
Rougit de honte et frémit de colere..
C'en est fait , répond-il , nous en viendrons à
bout ;
Et comme les Dieux presque en tout ,
Veulent bien des humains employer l'entremise
Un Artiste prudent , adroit , laborieux ,
Va par mon ordre et sous mes yeux
Finir cette grande entreprise ::
Son zéle pour son Roy , son amour pour léss
Dieux ,
Méritent qu'à ses soins la chose soit commise..
Ouy,
Blomet va faire un remede nouveau >
Par qui l'on se verra delivré d'un fleau
Trop cruel et trop ordinaire ;
Et pour qu'on ne puisse ignorer
Qu'on tient de ma faveur un don si salutaire
J'ai résolu de l'honorer
Du nom de Teinture solaire..
I. Vol.
C v L'e
1260 MERCURE DE FRANCE
Le dessein d'Apollon se trouve éxécuté ;
C'est à luy , Licidas , que tu dois ta santé.
Par M. M.
On croit faire plaifir au Public , de l'avertir
en Prose et sans fiction,que le remede de M. Blo
met Apoticaire , demeurant à Paris , ruë du Tem
ple , est si facile , qu'il ne s'agit que de mouiller
dans sa teinture un morceau de futaine que l'on
appliqué sur les articles attaquez de la Goute. On
assure que cela dissout l'humeur plâtreuse , et la
dissipe , ensorte qu'on en reçoit un prompt sou
lagement , et que jamais le mal ne remonte.
Le même Apoticaire possede une pommade qui
guérit les Hemoroïdes tant internes qu'externes.
On trouve aussi chez lui l'Eau d'Egypte , qui
a la vertu de brunir ou noircir les cheveux les plus
roux.
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Résumé : LA GOUTE VAINCUE. A M. Le Chevalier D. L. Poëte, qui a été gueri par le remede que M. Blomet, Apotiquaire du Roy distribuë sous le nom de Teinture solaire.
Le texte raconte la guérison de Licidas, un poète atteint de la goutte, grâce à un remède appelé 'Teinture solaire' préparé par M. Blomet, apothicaire du roi. Licidas, libéré de ses douleurs, peut de nouveau jouer de la lyre. Le narrateur, compatissant, invoque Apollon pour vaincre cette maladie. Apollon, embarrassé, confie la tâche à M. Blomet, qui crée le remède. Le texte se termine par une annonce indiquant que le remède de M. Blomet, disponible à Paris, rue du Temple, dissout et dissipe l'humeur causée par la goutte, offrant un soulagement rapide et durable. De plus, M. Blomet propose une pommade pour les hémorroïdes et une eau d'Égypte pour teindre les cheveux.
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12
p. 1260-1262
RACOMMODEMENT, ODE.
Début :
Rebuté des mépris de la jeune Glicere, [...]
Mots clefs :
Amour, Flambeau, Belle, Cœur, Reine de Cythère, Tendre colère, Ingrate maîtresse, Vengeance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RACOMMODEMENT, ODE.
RACOMMODEMENT ,
O D E.
REbuté des mépris de la jeune Glicere ;
Je crus braver l'Amour en son flambeau fatal ,
Fabjurai son Carquois , je blasphemai sa mere
Mais que je me connoissois mal ! .
Helas ! en revoyant cette Belle inhumaine ,
1. Vola Me
JU iv . 1.6.1
1731.
Mes séns se sont émus , mon coeur a soupiré ,
Je ne sçai quoi m'a dit de rentrer dans sa chaîne,
Et dans l'instant j'y suis rentré.
Elle auroit effacé la Reine de Cithere ,
Son teint sembloit mêlé de Roses & de Lis ,
Je vis ses yeux briller d'une tendre colere
Et les miens en furent surpris.
"
Pour ne point m'attendrir aux traits de l'Infidelle
Je crus qu'il suffisoit d'opposer sa rigueur ,
Je cherchois le moyen de la trouver moins belle ,
Mais je n'y pus forcer mon coeur.
M
Je voulois me cacher l'excès de ma foiblesse
Je me dissimulois mes lâches sentimens ;
Je croïois mépriser mon ingrate Maîtresse ,
Et je trouvois ses traits charmans.
Sh
Tel que sur le penchant d'une Roche glissante
Malgré de vains efforts on se laisse tomber ,
Je ne pus résister , mon ame chancelante ,
Trouva plaisir à succomber.
Quand je ne la vois pas , je ressens mille allarmes
I. Vol. C vj
Har
J'en
1262 MERCURE DE FRANCE
J'en parle à chaque instant ; je la cherche en tous
lieux ,
Hors de la contempler ou penser à ses charmes ,
Tout le reste m'eſt ennuyeux.
'Amour , dont j'ai suivi les Loix sans resistance ,
Au milieu de son coeur daigne allumer tes feux ;
Si par un prompt retour on fléchit la vengeance ,
Dois- je encore être malheureux ?
L. C. D. N. D. M. O. au R, D. L. M. J.
O D E.
REbuté des mépris de la jeune Glicere ;
Je crus braver l'Amour en son flambeau fatal ,
Fabjurai son Carquois , je blasphemai sa mere
Mais que je me connoissois mal ! .
Helas ! en revoyant cette Belle inhumaine ,
1. Vola Me
JU iv . 1.6.1
1731.
Mes séns se sont émus , mon coeur a soupiré ,
Je ne sçai quoi m'a dit de rentrer dans sa chaîne,
Et dans l'instant j'y suis rentré.
Elle auroit effacé la Reine de Cithere ,
Son teint sembloit mêlé de Roses & de Lis ,
Je vis ses yeux briller d'une tendre colere
Et les miens en furent surpris.
"
Pour ne point m'attendrir aux traits de l'Infidelle
Je crus qu'il suffisoit d'opposer sa rigueur ,
Je cherchois le moyen de la trouver moins belle ,
Mais je n'y pus forcer mon coeur.
M
Je voulois me cacher l'excès de ma foiblesse
Je me dissimulois mes lâches sentimens ;
Je croïois mépriser mon ingrate Maîtresse ,
Et je trouvois ses traits charmans.
Sh
Tel que sur le penchant d'une Roche glissante
Malgré de vains efforts on se laisse tomber ,
Je ne pus résister , mon ame chancelante ,
Trouva plaisir à succomber.
Quand je ne la vois pas , je ressens mille allarmes
I. Vol. C vj
Har
J'en
1262 MERCURE DE FRANCE
J'en parle à chaque instant ; je la cherche en tous
lieux ,
Hors de la contempler ou penser à ses charmes ,
Tout le reste m'eſt ennuyeux.
'Amour , dont j'ai suivi les Loix sans resistance ,
Au milieu de son coeur daigne allumer tes feux ;
Si par un prompt retour on fléchit la vengeance ,
Dois- je encore être malheureux ?
L. C. D. N. D. M. O. au R, D. L. M. J.
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Résumé : RACOMMODEMENT, ODE.
Le poème 'Racommodement' de 1731 relate la capitulation du narrateur face à l'amour. Après avoir tenté de résister, il se retrouve vaincu en revoyant Glicere, une jeune femme. Il décrit une émotion intense et une incapacité à résister à son charme, malgré ses efforts pour la trouver moins belle et mépriser ses sentiments. Il compare sa situation à celle de quelqu'un glissant sur une roche et incapable de résister à la chute. En son absence, il ressent une angoisse constante et parle d'elle à chaque instant. Il implore l'amour de fléchir sa vengeance et de lui permettre de retrouver le bonheur.
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13
p. 1262-1275
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. Boyer, Docteur en Medecine de la Faculté de Montpellier, & Docteur-Regent en celle de Paris, au sujet d'une Medaille Latine de la Ville de Troade, & d'une Médaille Grecque des Dardaniens.
Début :
Ce n'est pas assez, Monsieur, d'avoir reçû avec reconnaissance les onze [...]
Mots clefs :
Médaille latine, Médaille grecque, Voyages du Levant, Bronze, Troie, Embellissements, Colonie romaine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. Boyer, Docteur en Medecine de la Faculté de Montpellier, & Docteur-Regent en celle de Paris, au sujet d'une Medaille Latine de la Ville de Troade, & d'une Médaille Grecque des Dardaniens.
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M.
Boyer , Docteur en Medecine de la Facul
té de Montpellier , & Docteur- Regent en
celle de Paris , au sujet d'une Medaille
Latine de la Ville de Troade , & du
ne Médaille Grecque des Dardaniens .
E n'est pas Monsieur , d'avoir
Creçu avec reconnoissance les onze
Médailles antiques , qu'il vous a plû de
me donner ces jours passés , que vous
avez rapportées de vos Voyages du Le
vant , et qui ont été trouvées aux envi
rons desDardanelles et des ruines de Troye ,
c'est- à-dire , sur les lieux du Monde les
I. Vol. plus
JUIN . 17317 r263
plus fameux dans l'Antiquité Grecque et
Romaine . La même reconnoissance m'en
gage de tenir ma parole , et de vous
marquer ce que ces Médailles peuvent
avoir de singulier , n'ayant pû , comme
vous sçavez , les examiner sur le champ .
Permettez moi d'en mettre d'abord neuf
au nombre de celles qui ne feront jamais
suer les Antiquaires , et qu'on trouve as
sez communément . En revanche , il y en
a deux qui me paroissent meriter une con
sideration particuliere , elles feront aussi
tout le sujet de cette Lettre .
La premiere est de moyen bronze , fort
nette , et bien conservée . On y voit d'un
côté une tête de femme couronnée , ou
coëffée de Tours ; comme vous savez que
•
les Anciens symbolisoient les principales
Villes avec une Enseigne Militaire derrie→
re; cette Legende est autour de la Tête CO .
ALEX TR , et encore ces deux Let
tres dans l'Enseigne Militaire CO. Sur
le revers est représentée la Louve avec les
deux Jumeaux , Fondateurs de Rome : on
lit au dessus COL AVG. et dans l'E
xergue T RO A. C'est -à -dire , d'un côté
Colonia Alexandrina Troadis , & de l'au
tre , Colonia Augusta Troadis ; avec la ré
petition du mot Colonia dans l'Enseigne
Militaire. Ainsi , M. je ne fais nul doute
I. Vol. que
1264 MERCURE
DE
FRANCE
que cette Médaille n'apartienne , et n'aig
été frapée à Troade , Ville de Phrygie ,
devenue dans la suite Colonie Romaine ;
mais cela ne suffit pas , il faut vous faire
connoitre cette Ville plus particuliere
ment , expliquer par-là notre Medaille,
et vous en faire connoître la singularité.
Troade étoit située sur les bords de
l'Hellespont dans cette Partie de la Phry
gie qui portoit aussi le nom de Troade ,
et selon le sentiment de plusieurs , elle de
voit son origine et sa fondation à la fa
meuse Troye , qui n'étoit éloignée du ter
rain occupé par cette nouvelle Ville , que
d'environ cinq ou six lieuës . Alexandre
le Grand , ajoûte- t-on , après avoir visité
les restes de l'ancienne Troye , et déploré
ses malheurs , fit bâtir une ville de ses
ruines , et pour mieux conserver la mé
moire de Troye , il donna le nom de
Troade a cette nouvelle Ville , qui porta
aussi le nom d'Alexandrie , à cause de son
Fondateur et du Restaurateur de Troye..
Dans la suite des tems , les Romains
ayant conquis la Grece , et cette partie de
l'Asie qui en dépendoit , la Ville de
Troade fut chez eux d'une grande consi
deration , et devint Colonie Romaine dès
le tems d'Auguste : d'autres Empereurs la
favoriserent en plusieurs manieres , et la
1.Vol.
dis
JUIN. 1731.
1265
distinguerent beaucoup par des Embelis
semens , des Privileges , &c. c'est pour
conserver la memoire de ces faveurs , et
pour marquer sa reconnoissance
que
Troade , à l'imitation des autres fameu
ses Villes , fit fraper plusieurs Médailles ,
dont quelques- unes se voyent encore dans
les Cabinets des Curieux , et sont rapor
tées dans les Ouvrages des Antiquaires.
M. Vaillant , qui en a composé un ex
près sur les Medailles des Colonies , a fait
graver les plus curieuses de celles de Troa
de qui étoient venuës à sa connoissance
lesquelles ont été frapées dans cette Ville
en l'honneur de plusieurs Empereurs et
Imperatrices depuis Trajan jusqu'à Gallus.
Ces Médailles ont d'un côtê la tête de
PEmpereur couronnée de laurier , ou de
l'Imperatrice , en l'honneur de qui elles
ont été frapées , avec la legende qui con
vient. Les Revers sont presque tous dif
ferens , et contiennent des symboles , qui
ont rapport à l'Histoire ancienne , et aux
motifs que ceux de Troade avoient en
fabriquant ces Monumens , ainsi que nous
le remarquerons dans la suite.Les légendes:
des Revers sont pareillement differentes ::
les unes ne contiennent que ces deux mots,,
Col. Troad , les autres Col. Aug. Troc ..
quelques unes Col. Alex. Aug. et dans l'E
.
د و
1. Vol.
xergue
1266 MERCURE DE FRANCE
xergue Tro. d'autres Col. Alexand. Aug. II
s'en trouve enfin qui portent ces mots Col.
Aur. Antoniana Alex. J'ajoûte que ces Me
dailles sont de moyen ou de petit bronze,
et que le sçavant Antiquaire qui les ra
porte , assure qu'elles sont presque tou
tes rares et quelques-unes d'une trés
grande rareté , et d'une consideration sin
guliere.
>
Si cela est , comme il y a lieu de le croi
re , j'ose vous assurer , Monsieur , que
notre Medaille de Troade surpasse toutes
celles dont nous venons de parler par sa
singularité et je crois que vous allez
en convenir. Elle n'a point été frapée pour
un Empereur, c'est une Medaille de Ville,
comme nous en voyons plusieurs de ces
Villes fameuses , qui ont fait une grande
figure dans l'Antiquité , lesquelles portent
d'un côté le Type de la Ville sous la figure
d'une Femme , ou d'une Déesse , comme
celles d'Athenes de Marseille , d'An
tioche, de Smyrne , & c. et sur le Revers ,
les symboles qui leur sont propres.
2
Comme Troade tiroit sa principale
gloire d'être Colonie Romaine , et qu'elle
vouloit plaire à ses Maîtres en faisant va
loir cette circonstance , on voit sur notre
Medaille une chose qui n'est pas ordinaí
re , sçavoir , non-seulement le nom de la
Ville , gravé sur les deux côtez , mais ce
qui est encore plus rare , le Titre de Co
lonie répété jusqu'à trois fois dans cette
même Médaille. Je sçai qu'il y a quel
ques exemples de Médailles Grecques ,
dont le nom de la Ville qui les a faites
fraper , se trouve sur les deux côtés ; mais
àPégard de la répetition du Titre de Colo
nie , je n'ai encore rien vû de semblable.
Au reste , Monsieur , je ne prétends
pas vous insinuer par ce que je viens de
vous dire ,, que les Médailles de la Ville de
Troade , comme Médailles de Villé , soient
plus rares que les Médailles Imperiales
de la même Ville , qui le sont déja as
sez , et par-là faire valoir plus que de rai
son notre découverte , qui sans cela
aura toûjours son mérite et sa singularité.
Il est cependant vrai , que dans Goltzius ,
dans Patin et dans le P. Hardouin , on
ne trouve la Médaille de Troade , que
comme frappée en l'honneur de quelque
Empereur ou Imperatrice ; mais comme il
se fait tous les jours de nouvelles décou
vertes , je trouve une Médaille de la qua
lité de la nôtre , quoiqu'elle n'ait ni les
mêmes symboles au Revers , ni les mêmes
Legendes , rapportée dans le bel Ouvrage
du Tresor de Brandebourg , composé par
Beger , T. I. p . 491. et j'aprens que M.
>
I. Vol. Le
1268 MERCURE DE FRANCE
Lebret , Conseiller d'Etat , Premier Pré
sident du Parlement d'Aix , Intendant de
Justice et du Commerce en Provence
possede dans son riche Cabinet quelques
Medailles de Troade , de la qualité de
celle dont il s'agit ici .
La Médaille du Tresor de Brandebourg
a d'un côté le Type de la Ville de Troade,
tout-à fait semblable à celui qui paroît sur
la nôtre , c'est- à - dire, une Tête de femme,
couronnée de Tours , et une Enseigne Mi
litaire derriere , avec ces Lettres autour.
ALEX TRO. l'Enseigne Militaire
ne porte aucunes Lettres. Le Revers est
tout-à- fait different. On y voit un Che
val qui paît , et cette Legende autour :
COL. AVG O , et dans l'ExergueTROĄ.
Si vous me demandez ce qu'il faut enten
dre par la Lettre O , qui suit après COL
AVG sur cette Medaille et sur quel
ques - unes semblables du Cabinet de
M. Lebret , je vous répondrai que c'est
un mistere qui a été jusqu'à present
impénétrable à tous les Antiquaires , et .
sur lequel on ne peut que hazarder des
conjectures.
→
Mais revenons à notre propre Medaille,
sur laquelle il y a encore deux observa
tions à faire. Commençons par le sym
bole de la Louve , et des deux Jumeaux
I.Vol. qui
JUIN. 1731. 1269
qui paroît sur son Revers . Rien ne con
vient mieux que ce symbole à une Me
daille de la Ville de Troade , qui , cor
sidérée seulement comme Colonie Ro
maine , devoit l'employer. Rien en effet de
plus jufte , & de plus flateur pour ses Maî
tres ,que de désigner ainsi la Ville de Rome
par le Type de sa fondation : mais le sym
bole paroit encore plus convenable , & plus
heureusement appliqué , s'il étoit vrai que
Troade ait été bâtie des débris de l'ancien
neTroye, et qu'elle représentoit en quelque
façon cette fameuse Ville , qui par Enée
Troyen, et par Remus et Romulus ses des
cendans , a , felon l'Histoire ancienne ,
donné naissance à la Ville de Rome , et au
Peuple Romain.
L'autre observation tombe sur la Legen
de de laTête CO ALEX TR.c'est- à- dire,
Colonia AlexandrinaTroadensis, ou Colonia
Alexandria Troadis . Il s'agit de sçavoir la
veritable raison de cette dénomination ..
Tous les Antiquaires qui ont parlé des Mé
dailles de Troade avec le titre ou le nom
d'Alexandriene, car toutes ne le portent pas,
comme nous le remarquerons en son lieu .
Tous les Antiquaires , dis-je , n'hésitent
point d'attribuer la fondation de la Ville:
de Troade à Alexandre le Grand.
M. Vaillant s'en explique dans ce sens .
I. Vol . même
1270 MERCURE DE FRANCE
même sur une Médaille de cette Ville
>
›
qui ne porte point le titre d'Alexan
drienne Troas urbs Phrygia minoris ab
Alexandro Magno , unde Troas Alexandri
seu Alexandria ut pluribus narrat Q
Curtius. Ce sont ces paroles ; cependant ,
le croiriez - vous Monsieur Quinte
Curce , si précisément cité , ne dit rien
là -deffus dans son Histoire. Il est seule
ment vrai que dans les Suplemens de cet
Hiftorien , Edition d'Elzevir 1664. il est
dit qu'Alexandre est venu deux fois à l'an
cienne Troye , que l'Auteur Latin ap
pelle aussi Ilium , qu'il y a visité le tom
beau d'Achille dont il se disoit issu du côté
de sa Mere , qu'il y a fait des Sacrifices , et
d'autres Ceremonies , qui sont décrites
dans le même Livre ; mais on n'y trouve
point , que ce Conquerant ait fait bâtir de
Ville dans ce Païs.
Le même M. Vaillant , prévenu sans
doute sur cette opinion , en expliquanr
dans ses Colonies,T.II. une autreMédaille
de Troade , frapée pour l'Empereur Ale
xandre Severe , avec le Titre d'Alexandri
ne,allegue encore le témoignage deQuinte
Curce , qu'il joint à celui de Strabon.sur
le même fait , Alexandria , dit - il . appet
* Medaille d'Antonin Pie , expliquée dans le
IT det Colonies de Vaillant.
1. Vol.
tationem
JUIN. 1731. 1271
lationem habet, vel ab Alexandro Magno, à
quo ex Troja ruderibus extructa est , Strabo
ne et Q. Curtio testibus , vel ab Alexandro
Severo , &c.
Nous venons de voir que la Citation
de Quinte - Curce est ici tout-à- fait gra
tuite ; celle de Strabon n'est gueres mieux
fondée ; mais elle demandera quelque exa
men , aussi - bien que ces dernieres paroles
de M. Vaillant , vel ab Alexandro Severo,
K
c. Je vous dirai cependant , que dans
Plutarque , dans Arrien , dans Êlien , et
dans les autres Auteurs qui ont parlé d'A
lexandre , je ne trouve rien qui favorise
Popinion et la citation de M. Vaillant.
Strabon a écrit
Voyons d'abord ce que
sur cette Ville : je trouve dans le second
Livre de ce celebre Auteur , la Ville dont
nous parlons , placée , comme on l'a déja
vû , dans la Phrygie , et située sur la Côte
de l'Hellespont. Dans ce même Livre , il
est aussi parlé d'une Ville d'Alexandrie
du Pays de Troade .
Strabon , en revenant dans son XIII.Li
vre à la Côte de l'Hellespont et de la
Propontide , dit expressément que Troade
est la premiere des Villes de cette Côte , il
ajoûte que sa réputation est celebre , et
que toute désolée et toute deserte qu'on la
voyoit alors , elle fourniroit la matiere
1
1
1
1
1
I
1
1
4
1
I
1
1
I
d'un ample discours.
1
1272 MERCURE DE FRANCE
En continuant la Description de l'Hel
lespont , après avoir nommé Ilium et Te
nedos , il nomme tout de suite Alexandrie
Troade , Villes , ajoûte-t'il , au- dessus des
quelles s'éleve le Mont Ida ...
Dans la suite il parle de la Ville qui
subsistoit de son tems sous le nom d'I
lium > et rapporte ce qu'on en disoit ,
sçavoir , qu'Alexandre le Grand l'ayant
visitée , après le combat du Granique ,
lui fit de grandes liberalitez , qu'il lui
donna son nom , et ordonna à ses Lieu
tenans de la réparer , ajoûtant qu'il l'a
mit au nombre des Villes libres, et qui ne
payoient aucun tribut. Enfin que ce Con
querant,après avoir vaincu les Perses, écri
vit à ces mêmes Lieutenans une Lettre
très-obligeante en faveur d'Ilium , pro
mettant d'en faire une grande Ville , d'y
bâtir un Temple superbe , et d'y établir
des Combats et es Jeux sacrez .
Après la mort d'Alexandre , c'est toû
jours Strabon qui parle , Lysimachus prit
un soin particulier de cette Ville , il y
bâtit un Temple , lui fit faire une grande
enceinte de murailles , et ordonna que
les Habitans des Villes voisines ruinées
s'y retireroient. Dans ce même tems
Lysimachus prit aussi soin de rétablir
Alexandrie , Ville qu'Antigonus avoit
1. Vol. bâtie
JUIN.
1731. 1273
bâtie au même Pays , laquelle fut d'abord
appellée Antigone , et qui changea ce
nom en celui d'Alexandrie ; cette Ville a
duré long- tems et a beaucoup prosperé.
C'est même encore aujourd'hui , dit Stra
bon , une Colonie Romaine , une Ville
enfin du nombre de celles qu'on appelle
Villes Nobles.
L'Auteur Grec revient à Ilium , pour
remarquer que quand les Romains y ar
riverent pour la premiere fois , et qu'ils
chasserent Antiochus le Grand , au-delà
du Mont Taurus , cette Ville n'étoit
gueres alors qu'un Village : il fait voir
aussi par plusieurs raisons que l'ancien
Ilium qui subsistoit du temps d'Homere ,
n'étoit point situé dans le même Lieu ,
qu'occupoit cet autre Ilium , dont il
parle .
Strabon observe de plus que le Lieu oc
cupé par cette Alexandrie,dont il est parlé
cy- dessus , étoit auparavant appellé Sigée.
Enfin il fait un peu plus bas mention
dans le même Pays d'une autre Ville nom
mée Alexandrie , bâtie au pied d'une
Montagne , et appellée aussi Antandrus.
C'est-là , ajoûte- t'il, qu'on assure qu'arriva
la celebre contestation des trois Déesses
au sujet de leur beauté , dont Pâris fut
1'Arbitre.
.
1. Vol
Il
1.274 MERCURE
DE FRANCE
Il étoit à propos , Monsieur , de vous
rapporter sommairement ce que dit Stra
bon , non-seulement au sujet de Troade;
mais encore de quelques Villes voisines ,
pour bien éclaircir la matiere dont il est ici
question . Vous voyez déja , Monsieur, que
Strabon n'a jamais dit , non plus que
Quinte- Curce , que notre Troade ait été
bâtie par Alexandre , des ruines de l'an
cienne Troye , ainsi que M. Vaillant l'a
écrit , et après lui ou avec lui , Baudrand ,
dans sa Géographie , lequel se sert à peu
près des mêmes termes , ab Alexandre
Magno excitata ut narrat Q. Curtius .
Il nous reste à voir , s'il est possible ;
ce qui peut avoir donné lieu à une er
reur de fait si considerable , à établir en
suite ce qu'il y a de certain et de plus
curieux à sçavoir sur la Ville de Troade,
principalement depuis son union à l'Em
pire Romain , et depuis que cette Ville fut
devenue une fameuse Colonie Romai ne
sans oublier ce que j'ai à vous dire sur la
Médaille des Dardaniens , que vous voyez
ici gravée avec celle de Troade .
Mais commeje prévois , Monsieur , que
cette matiere peut exceder les bornes d'une
Lettre , sans compter le peché * dont parle
In publica commoda peccem ,
· ·
Si longo sermone morer tua tempora ,
1. Vol. Horace
JUIN. 1731. . 1275
Horace , que je veux éviter , en n'arrêtant
pas trop long temps un Homme aussi dé
voué que vous à l'utilité publique ; je crois
devoir m'arrêter ici , en vous promettant
le plutôt qu'il me sera possible la suite de
ma Dissertation . Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , le 1. Janvier 1731 .
Boyer , Docteur en Medecine de la Facul
té de Montpellier , & Docteur- Regent en
celle de Paris , au sujet d'une Medaille
Latine de la Ville de Troade , & du
ne Médaille Grecque des Dardaniens .
E n'est pas Monsieur , d'avoir
Creçu avec reconnoissance les onze
Médailles antiques , qu'il vous a plû de
me donner ces jours passés , que vous
avez rapportées de vos Voyages du Le
vant , et qui ont été trouvées aux envi
rons desDardanelles et des ruines de Troye ,
c'est- à-dire , sur les lieux du Monde les
I. Vol. plus
JUIN . 17317 r263
plus fameux dans l'Antiquité Grecque et
Romaine . La même reconnoissance m'en
gage de tenir ma parole , et de vous
marquer ce que ces Médailles peuvent
avoir de singulier , n'ayant pû , comme
vous sçavez , les examiner sur le champ .
Permettez moi d'en mettre d'abord neuf
au nombre de celles qui ne feront jamais
suer les Antiquaires , et qu'on trouve as
sez communément . En revanche , il y en
a deux qui me paroissent meriter une con
sideration particuliere , elles feront aussi
tout le sujet de cette Lettre .
La premiere est de moyen bronze , fort
nette , et bien conservée . On y voit d'un
côté une tête de femme couronnée , ou
coëffée de Tours ; comme vous savez que
•
les Anciens symbolisoient les principales
Villes avec une Enseigne Militaire derrie→
re; cette Legende est autour de la Tête CO .
ALEX TR , et encore ces deux Let
tres dans l'Enseigne Militaire CO. Sur
le revers est représentée la Louve avec les
deux Jumeaux , Fondateurs de Rome : on
lit au dessus COL AVG. et dans l'E
xergue T RO A. C'est -à -dire , d'un côté
Colonia Alexandrina Troadis , & de l'au
tre , Colonia Augusta Troadis ; avec la ré
petition du mot Colonia dans l'Enseigne
Militaire. Ainsi , M. je ne fais nul doute
I. Vol. que
1264 MERCURE
DE
FRANCE
que cette Médaille n'apartienne , et n'aig
été frapée à Troade , Ville de Phrygie ,
devenue dans la suite Colonie Romaine ;
mais cela ne suffit pas , il faut vous faire
connoitre cette Ville plus particuliere
ment , expliquer par-là notre Medaille,
et vous en faire connoître la singularité.
Troade étoit située sur les bords de
l'Hellespont dans cette Partie de la Phry
gie qui portoit aussi le nom de Troade ,
et selon le sentiment de plusieurs , elle de
voit son origine et sa fondation à la fa
meuse Troye , qui n'étoit éloignée du ter
rain occupé par cette nouvelle Ville , que
d'environ cinq ou six lieuës . Alexandre
le Grand , ajoûte- t-on , après avoir visité
les restes de l'ancienne Troye , et déploré
ses malheurs , fit bâtir une ville de ses
ruines , et pour mieux conserver la mé
moire de Troye , il donna le nom de
Troade a cette nouvelle Ville , qui porta
aussi le nom d'Alexandrie , à cause de son
Fondateur et du Restaurateur de Troye..
Dans la suite des tems , les Romains
ayant conquis la Grece , et cette partie de
l'Asie qui en dépendoit , la Ville de
Troade fut chez eux d'une grande consi
deration , et devint Colonie Romaine dès
le tems d'Auguste : d'autres Empereurs la
favoriserent en plusieurs manieres , et la
1.Vol.
dis
JUIN. 1731.
1265
distinguerent beaucoup par des Embelis
semens , des Privileges , &c. c'est pour
conserver la memoire de ces faveurs , et
pour marquer sa reconnoissance
que
Troade , à l'imitation des autres fameu
ses Villes , fit fraper plusieurs Médailles ,
dont quelques- unes se voyent encore dans
les Cabinets des Curieux , et sont rapor
tées dans les Ouvrages des Antiquaires.
M. Vaillant , qui en a composé un ex
près sur les Medailles des Colonies , a fait
graver les plus curieuses de celles de Troa
de qui étoient venuës à sa connoissance
lesquelles ont été frapées dans cette Ville
en l'honneur de plusieurs Empereurs et
Imperatrices depuis Trajan jusqu'à Gallus.
Ces Médailles ont d'un côtê la tête de
PEmpereur couronnée de laurier , ou de
l'Imperatrice , en l'honneur de qui elles
ont été frapées , avec la legende qui con
vient. Les Revers sont presque tous dif
ferens , et contiennent des symboles , qui
ont rapport à l'Histoire ancienne , et aux
motifs que ceux de Troade avoient en
fabriquant ces Monumens , ainsi que nous
le remarquerons dans la suite.Les légendes:
des Revers sont pareillement differentes ::
les unes ne contiennent que ces deux mots,,
Col. Troad , les autres Col. Aug. Troc ..
quelques unes Col. Alex. Aug. et dans l'E
.
د و
1. Vol.
xergue
1266 MERCURE DE FRANCE
xergue Tro. d'autres Col. Alexand. Aug. II
s'en trouve enfin qui portent ces mots Col.
Aur. Antoniana Alex. J'ajoûte que ces Me
dailles sont de moyen ou de petit bronze,
et que le sçavant Antiquaire qui les ra
porte , assure qu'elles sont presque tou
tes rares et quelques-unes d'une trés
grande rareté , et d'une consideration sin
guliere.
>
Si cela est , comme il y a lieu de le croi
re , j'ose vous assurer , Monsieur , que
notre Medaille de Troade surpasse toutes
celles dont nous venons de parler par sa
singularité et je crois que vous allez
en convenir. Elle n'a point été frapée pour
un Empereur, c'est une Medaille de Ville,
comme nous en voyons plusieurs de ces
Villes fameuses , qui ont fait une grande
figure dans l'Antiquité , lesquelles portent
d'un côté le Type de la Ville sous la figure
d'une Femme , ou d'une Déesse , comme
celles d'Athenes de Marseille , d'An
tioche, de Smyrne , & c. et sur le Revers ,
les symboles qui leur sont propres.
2
Comme Troade tiroit sa principale
gloire d'être Colonie Romaine , et qu'elle
vouloit plaire à ses Maîtres en faisant va
loir cette circonstance , on voit sur notre
Medaille une chose qui n'est pas ordinaí
re , sçavoir , non-seulement le nom de la
Ville , gravé sur les deux côtez , mais ce
qui est encore plus rare , le Titre de Co
lonie répété jusqu'à trois fois dans cette
même Médaille. Je sçai qu'il y a quel
ques exemples de Médailles Grecques ,
dont le nom de la Ville qui les a faites
fraper , se trouve sur les deux côtés ; mais
àPégard de la répetition du Titre de Colo
nie , je n'ai encore rien vû de semblable.
Au reste , Monsieur , je ne prétends
pas vous insinuer par ce que je viens de
vous dire ,, que les Médailles de la Ville de
Troade , comme Médailles de Villé , soient
plus rares que les Médailles Imperiales
de la même Ville , qui le sont déja as
sez , et par-là faire valoir plus que de rai
son notre découverte , qui sans cela
aura toûjours son mérite et sa singularité.
Il est cependant vrai , que dans Goltzius ,
dans Patin et dans le P. Hardouin , on
ne trouve la Médaille de Troade , que
comme frappée en l'honneur de quelque
Empereur ou Imperatrice ; mais comme il
se fait tous les jours de nouvelles décou
vertes , je trouve une Médaille de la qua
lité de la nôtre , quoiqu'elle n'ait ni les
mêmes symboles au Revers , ni les mêmes
Legendes , rapportée dans le bel Ouvrage
du Tresor de Brandebourg , composé par
Beger , T. I. p . 491. et j'aprens que M.
>
I. Vol. Le
1268 MERCURE DE FRANCE
Lebret , Conseiller d'Etat , Premier Pré
sident du Parlement d'Aix , Intendant de
Justice et du Commerce en Provence
possede dans son riche Cabinet quelques
Medailles de Troade , de la qualité de
celle dont il s'agit ici .
La Médaille du Tresor de Brandebourg
a d'un côté le Type de la Ville de Troade,
tout-à fait semblable à celui qui paroît sur
la nôtre , c'est- à - dire, une Tête de femme,
couronnée de Tours , et une Enseigne Mi
litaire derriere , avec ces Lettres autour.
ALEX TRO. l'Enseigne Militaire
ne porte aucunes Lettres. Le Revers est
tout-à- fait different. On y voit un Che
val qui paît , et cette Legende autour :
COL. AVG O , et dans l'ExergueTROĄ.
Si vous me demandez ce qu'il faut enten
dre par la Lettre O , qui suit après COL
AVG sur cette Medaille et sur quel
ques - unes semblables du Cabinet de
M. Lebret , je vous répondrai que c'est
un mistere qui a été jusqu'à present
impénétrable à tous les Antiquaires , et .
sur lequel on ne peut que hazarder des
conjectures.
→
Mais revenons à notre propre Medaille,
sur laquelle il y a encore deux observa
tions à faire. Commençons par le sym
bole de la Louve , et des deux Jumeaux
I.Vol. qui
JUIN. 1731. 1269
qui paroît sur son Revers . Rien ne con
vient mieux que ce symbole à une Me
daille de la Ville de Troade , qui , cor
sidérée seulement comme Colonie Ro
maine , devoit l'employer. Rien en effet de
plus jufte , & de plus flateur pour ses Maî
tres ,que de désigner ainsi la Ville de Rome
par le Type de sa fondation : mais le sym
bole paroit encore plus convenable , & plus
heureusement appliqué , s'il étoit vrai que
Troade ait été bâtie des débris de l'ancien
neTroye, et qu'elle représentoit en quelque
façon cette fameuse Ville , qui par Enée
Troyen, et par Remus et Romulus ses des
cendans , a , felon l'Histoire ancienne ,
donné naissance à la Ville de Rome , et au
Peuple Romain.
L'autre observation tombe sur la Legen
de de laTête CO ALEX TR.c'est- à- dire,
Colonia AlexandrinaTroadensis, ou Colonia
Alexandria Troadis . Il s'agit de sçavoir la
veritable raison de cette dénomination ..
Tous les Antiquaires qui ont parlé des Mé
dailles de Troade avec le titre ou le nom
d'Alexandriene, car toutes ne le portent pas,
comme nous le remarquerons en son lieu .
Tous les Antiquaires , dis-je , n'hésitent
point d'attribuer la fondation de la Ville:
de Troade à Alexandre le Grand.
M. Vaillant s'en explique dans ce sens .
I. Vol . même
1270 MERCURE DE FRANCE
même sur une Médaille de cette Ville
>
›
qui ne porte point le titre d'Alexan
drienne Troas urbs Phrygia minoris ab
Alexandro Magno , unde Troas Alexandri
seu Alexandria ut pluribus narrat Q
Curtius. Ce sont ces paroles ; cependant ,
le croiriez - vous Monsieur Quinte
Curce , si précisément cité , ne dit rien
là -deffus dans son Histoire. Il est seule
ment vrai que dans les Suplemens de cet
Hiftorien , Edition d'Elzevir 1664. il est
dit qu'Alexandre est venu deux fois à l'an
cienne Troye , que l'Auteur Latin ap
pelle aussi Ilium , qu'il y a visité le tom
beau d'Achille dont il se disoit issu du côté
de sa Mere , qu'il y a fait des Sacrifices , et
d'autres Ceremonies , qui sont décrites
dans le même Livre ; mais on n'y trouve
point , que ce Conquerant ait fait bâtir de
Ville dans ce Païs.
Le même M. Vaillant , prévenu sans
doute sur cette opinion , en expliquanr
dans ses Colonies,T.II. une autreMédaille
de Troade , frapée pour l'Empereur Ale
xandre Severe , avec le Titre d'Alexandri
ne,allegue encore le témoignage deQuinte
Curce , qu'il joint à celui de Strabon.sur
le même fait , Alexandria , dit - il . appet
* Medaille d'Antonin Pie , expliquée dans le
IT det Colonies de Vaillant.
1. Vol.
tationem
JUIN. 1731. 1271
lationem habet, vel ab Alexandro Magno, à
quo ex Troja ruderibus extructa est , Strabo
ne et Q. Curtio testibus , vel ab Alexandro
Severo , &c.
Nous venons de voir que la Citation
de Quinte - Curce est ici tout-à- fait gra
tuite ; celle de Strabon n'est gueres mieux
fondée ; mais elle demandera quelque exa
men , aussi - bien que ces dernieres paroles
de M. Vaillant , vel ab Alexandro Severo,
K
c. Je vous dirai cependant , que dans
Plutarque , dans Arrien , dans Êlien , et
dans les autres Auteurs qui ont parlé d'A
lexandre , je ne trouve rien qui favorise
Popinion et la citation de M. Vaillant.
Strabon a écrit
Voyons d'abord ce que
sur cette Ville : je trouve dans le second
Livre de ce celebre Auteur , la Ville dont
nous parlons , placée , comme on l'a déja
vû , dans la Phrygie , et située sur la Côte
de l'Hellespont. Dans ce même Livre , il
est aussi parlé d'une Ville d'Alexandrie
du Pays de Troade .
Strabon , en revenant dans son XIII.Li
vre à la Côte de l'Hellespont et de la
Propontide , dit expressément que Troade
est la premiere des Villes de cette Côte , il
ajoûte que sa réputation est celebre , et
que toute désolée et toute deserte qu'on la
voyoit alors , elle fourniroit la matiere
1
1
1
1
1
I
1
1
4
1
I
1
1
I
d'un ample discours.
1
1272 MERCURE DE FRANCE
En continuant la Description de l'Hel
lespont , après avoir nommé Ilium et Te
nedos , il nomme tout de suite Alexandrie
Troade , Villes , ajoûte-t'il , au- dessus des
quelles s'éleve le Mont Ida ...
Dans la suite il parle de la Ville qui
subsistoit de son tems sous le nom d'I
lium > et rapporte ce qu'on en disoit ,
sçavoir , qu'Alexandre le Grand l'ayant
visitée , après le combat du Granique ,
lui fit de grandes liberalitez , qu'il lui
donna son nom , et ordonna à ses Lieu
tenans de la réparer , ajoûtant qu'il l'a
mit au nombre des Villes libres, et qui ne
payoient aucun tribut. Enfin que ce Con
querant,après avoir vaincu les Perses, écri
vit à ces mêmes Lieutenans une Lettre
très-obligeante en faveur d'Ilium , pro
mettant d'en faire une grande Ville , d'y
bâtir un Temple superbe , et d'y établir
des Combats et es Jeux sacrez .
Après la mort d'Alexandre , c'est toû
jours Strabon qui parle , Lysimachus prit
un soin particulier de cette Ville , il y
bâtit un Temple , lui fit faire une grande
enceinte de murailles , et ordonna que
les Habitans des Villes voisines ruinées
s'y retireroient. Dans ce même tems
Lysimachus prit aussi soin de rétablir
Alexandrie , Ville qu'Antigonus avoit
1. Vol. bâtie
JUIN.
1731. 1273
bâtie au même Pays , laquelle fut d'abord
appellée Antigone , et qui changea ce
nom en celui d'Alexandrie ; cette Ville a
duré long- tems et a beaucoup prosperé.
C'est même encore aujourd'hui , dit Stra
bon , une Colonie Romaine , une Ville
enfin du nombre de celles qu'on appelle
Villes Nobles.
L'Auteur Grec revient à Ilium , pour
remarquer que quand les Romains y ar
riverent pour la premiere fois , et qu'ils
chasserent Antiochus le Grand , au-delà
du Mont Taurus , cette Ville n'étoit
gueres alors qu'un Village : il fait voir
aussi par plusieurs raisons que l'ancien
Ilium qui subsistoit du temps d'Homere ,
n'étoit point situé dans le même Lieu ,
qu'occupoit cet autre Ilium , dont il
parle .
Strabon observe de plus que le Lieu oc
cupé par cette Alexandrie,dont il est parlé
cy- dessus , étoit auparavant appellé Sigée.
Enfin il fait un peu plus bas mention
dans le même Pays d'une autre Ville nom
mée Alexandrie , bâtie au pied d'une
Montagne , et appellée aussi Antandrus.
C'est-là , ajoûte- t'il, qu'on assure qu'arriva
la celebre contestation des trois Déesses
au sujet de leur beauté , dont Pâris fut
1'Arbitre.
.
1. Vol
Il
1.274 MERCURE
DE FRANCE
Il étoit à propos , Monsieur , de vous
rapporter sommairement ce que dit Stra
bon , non-seulement au sujet de Troade;
mais encore de quelques Villes voisines ,
pour bien éclaircir la matiere dont il est ici
question . Vous voyez déja , Monsieur, que
Strabon n'a jamais dit , non plus que
Quinte- Curce , que notre Troade ait été
bâtie par Alexandre , des ruines de l'an
cienne Troye , ainsi que M. Vaillant l'a
écrit , et après lui ou avec lui , Baudrand ,
dans sa Géographie , lequel se sert à peu
près des mêmes termes , ab Alexandre
Magno excitata ut narrat Q. Curtius .
Il nous reste à voir , s'il est possible ;
ce qui peut avoir donné lieu à une er
reur de fait si considerable , à établir en
suite ce qu'il y a de certain et de plus
curieux à sçavoir sur la Ville de Troade,
principalement depuis son union à l'Em
pire Romain , et depuis que cette Ville fut
devenue une fameuse Colonie Romai ne
sans oublier ce que j'ai à vous dire sur la
Médaille des Dardaniens , que vous voyez
ici gravée avec celle de Troade .
Mais commeje prévois , Monsieur , que
cette matiere peut exceder les bornes d'une
Lettre , sans compter le peché * dont parle
In publica commoda peccem ,
· ·
Si longo sermone morer tua tempora ,
1. Vol. Horace
JUIN. 1731. . 1275
Horace , que je veux éviter , en n'arrêtant
pas trop long temps un Homme aussi dé
voué que vous à l'utilité publique ; je crois
devoir m'arrêter ici , en vous promettant
le plutôt qu'il me sera possible la suite de
ma Dissertation . Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , le 1. Janvier 1731 .
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Résumé : LETTRE de M. D. L. R. écrite à M. Boyer, Docteur en Medecine de la Faculté de Montpellier, & Docteur-Regent en celle de Paris, au sujet d'une Medaille Latine de la Ville de Troade, & d'une Médaille Grecque des Dardaniens.
La lettre de M. D. L. R. à M. Boyer, docteur en médecine, discute de deux médailles antiques provenant des environs des Dardanelles et des ruines de Troie. L'auteur exprime sa gratitude pour les onze médailles reçues et se concentre sur l'examen de deux d'entre elles. La première médaille, en moyen bronze, présente sur une face une tête de femme couronnée avec l'inscription 'CO. ALEX TR' et une enseigne militaire. Sur l'autre face, elle montre la louve avec les jumeaux Romulus et Rémus, symbolisant la fondation de Rome, avec les inscriptions 'COL AVG.' et 'T RO A'. Cette médaille est identifiée comme appartenant à la ville de Troade, une colonie romaine en Phrygie fondée par Alexandre le Grand sur les ruines de l'ancienne Troie. Troade, située sur les bords de l'Hellespont, était une ville importante qui devint une colonie romaine sous Auguste. Plusieurs empereurs l'ont favorisée par des embellissements et des privilèges. La médaille en question est unique car elle répète le titre de 'Colonie' jusqu'à trois fois, ce qui est rare pour les médailles de ville. L'auteur mentionne également d'autres médailles de Troade, frappées en l'honneur de divers empereurs, et note que la sienne est singulière car elle n'est pas dédiée à un empereur mais à la ville elle-même. Le texte traite également de plusieurs villes historiques mentionnées par Strabon. Alexandrie, initialement nommée Antigone, a été fondée par Antigonus et est aujourd'hui une colonie romaine et une ville noble. Strabon mentionne également Ilium, qui n'était qu'un village lorsque les Romains y arrivèrent pour chasser Antiochus le Grand. Il précise que l'ancien Ilium d'Homère n'était pas situé au même endroit que celui de son époque. Strabon observe que l'emplacement d'Alexandrie était auparavant appelé Sigée. Il parle également d'une autre ville nommée Alexandrie, située au pied d'une montagne et appelée Antandrus, où aurait eu lieu la célèbre contestation des trois déesses au sujet de leur beauté, avec Pâris comme arbitre. L'auteur souligne que Strabon et Quintus Curtius n'ont jamais affirmé que la Troade avait été bâtie par Alexandre à partir des ruines de l'ancienne Troie, contrairement à ce que certains auteurs comme M. Vaillant et Baudrand ont écrit. Il promet de poursuivre sa dissertation sur la ville de Troade, son union à l'Empire romain, et sa transformation en une célèbre colonie romaine, ainsi que sur la médaille des Dardaniens.
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14
p. 1275-1279
LE PLAISIR ÉPURÉ. ODE.
Début :
Je reprends aujourd'hui la Lire [...]
Mots clefs :
Lyre, Vers, Plaisir, Volupté sauvage, Chrétien, Léthargie, Allégresse, Volupté paisible, Sages désirs, Innocence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PLAISIR ÉPURÉ. ODE.
LE PLAISIR EPURE.
O D E.
JE reprends aujourd'hui la Lire
Qu'autrefois je sçûs animer ;
Dieu des Vers , le Plaisir m'inspire :
Lui seul me suffit pour rimer.
Mais quelle vive ardeur me presse ?
Des premiers feux de ma jeunesse ,
Je ressens la vivacité :
Phébus j'abjure ta Méthode ,
Le Plaisir répand sur cette Ode ,
Ses charmes et sa nouveauté.
* L'Auteur à l'âge de 17. ans , avoit balancé
les suffrages de l'Académie des Jeux Floraux
pour le Prix de l'Ode, J
D Loin
1275 MERCURE DE FRANCE
Loin d'ici volupté sauvage ,
Dont Epicure fit un bien :
Les douceurs bien plus que la rage ,
Sont à craindre pour un Chrétien.
Par tes phantômes assallie ,
La raison tombe en létargie ,
Et ne s'éveille qu'en fureur ;
Mais la douceur enchanteresse ,
Du vif plaisir qui m'interesse ,
Eleve une ame et regle un coeur.
>
Aux beaux jours d'une vie heureuse ,
S'enflâment les riants Plaisirs :
La joye aisée et gracieuse ,
Brille , rit , éclate en desirs.
Ce n'est que transport , qu'allegresse ,
Où la plus séduisante yvresse ,
Flatte , amuse , enchante l'esprit :
Avec ce secours l'homme s'aime ;
Et croit , n'aimant plus que lui-même
Que l'Univers entier lui rit.
M
Oui , quand le plaisir nous anime
Et nous prévient de sa douceur ,
On sent une flamme sublime ,
Couler jusques au fond du coeur ;
L'esprit tiré de la matiere ,
I. Vol.
L
Jouit Į
JUIN. 1731. 1277
Joüit d'une pure lumiere ,
Plus brillante qu'un jour serain ;
Et quand dans les nuits les plus sombres,
Le plaisir dissipe les ombres ,
Il jouit du plus beau matin.
2
Tu nous sers , volupté paisible ,
Contre nos ennuis et nos maux :
Tu prépares un coeur sensible ,
A des transports toûjours nouveaux.
Cruels ennemis de nous- mêmes ,
Par tes séduisans stratagêmes ,
A nous - mêmes tu nous ravis ;
Et d'une trop fragile vie ,
Tu retiens le noeud qui la lie ;
Et tu répares ses esprits.
De deux amis qui se chérissent ,
Le Plaisir accroît la bonté :
C'est par ce Philtre que s'unissent ,
Tous les gens de Societé.
On s'assemble , mais c'est pour plaire :
Le Plaisir alors necessaire ,
Du commerce est le doux lien ,
Et dans ces momens favorables ,
On en trouve bien plus aimables ,
Les Convives et l'entretien,
Dij
L'hu
1278 MERCURE DE FRANCE
L'humeur philosophique et sombre
Qui ne m'abandonne jamais
M'invite à reposer à l'ombre ,
Sur le tapis d'un gazon frais :
Là , sur le bord d'une Onde
pure ,
Le Chêne entretient sa verdure ,
Mille fleurs y brillent aux yeux :
C'est là qu'avec plaisir je pense ,.
A conserver mon innocence ,
Par l'innocence de ces lieux .
粥
Là , quand la saison rigoureuse
Seme ses glaçons , ses frimats ,
Une societé nombreuse ,
M'invite à ne la craindre pas .
Tel chez moi lassé du commerce ;
-Près d'un brasier Bacchus m'exerce ,
Lui qui ne m'a jamais vaincu ;
Bien-tôt secouru d'un bon Livre ,
J'ai le bonheur d'apprendre à vivre ,
Et le plaisir d'avoir vécu .
Dans un âge encor susceptible
Des plus vives impressions ,
Je sens qu'il n'est plus si pénible ,
De combattre ses passions.
* 33. ans .
Le
JUIN. 1279 1731.
Le plaisir qui charme la vie ,
Unique et seul bien que j'envie ,
M'inspire de sages desirs ;
Et dans ces desirs j'envisage
Cette vie , et je la ménage ,
Dans l'esperance des plaisirs.
M
Le tems qui malgré nous entraîne
Nos jours trop prompts à s'écouler
Refuse à la vie incertaine ,
Le moyen de les rappeller.
C'est en vain que l'homme soupire
Du Monarque du sombre Empire ,
Il doit habiter le séjour.
Qu'il vive (a ) ou qu'aux Royaumes sombres ,
Il aille apprendre aux pâles Ombres ,
Qu'il a seulement vû le jour . (6)
In rebus jucundis vive beatus :
Vive memor , quam sis avi brevis .
Hor. Satyr. 6. Liv. 2.
(a) Vivre selon les Epicuriens , est de sçavoir
se procurer les plaisirs délicats ; ils en faisoient
même une espece de prudence. Prudentiam in
troducunt scientiam suppeditantem voluptates,
depellentem dolores . Cic. Offic. Liv. 3. c . 33 .
(b) Qui répond au Vixit des Romains , pour
dire qu'on n'est plus.
Parl'Abbé Day** ,Curé de G*** en Marsan.
O D E.
JE reprends aujourd'hui la Lire
Qu'autrefois je sçûs animer ;
Dieu des Vers , le Plaisir m'inspire :
Lui seul me suffit pour rimer.
Mais quelle vive ardeur me presse ?
Des premiers feux de ma jeunesse ,
Je ressens la vivacité :
Phébus j'abjure ta Méthode ,
Le Plaisir répand sur cette Ode ,
Ses charmes et sa nouveauté.
* L'Auteur à l'âge de 17. ans , avoit balancé
les suffrages de l'Académie des Jeux Floraux
pour le Prix de l'Ode, J
D Loin
1275 MERCURE DE FRANCE
Loin d'ici volupté sauvage ,
Dont Epicure fit un bien :
Les douceurs bien plus que la rage ,
Sont à craindre pour un Chrétien.
Par tes phantômes assallie ,
La raison tombe en létargie ,
Et ne s'éveille qu'en fureur ;
Mais la douceur enchanteresse ,
Du vif plaisir qui m'interesse ,
Eleve une ame et regle un coeur.
>
Aux beaux jours d'une vie heureuse ,
S'enflâment les riants Plaisirs :
La joye aisée et gracieuse ,
Brille , rit , éclate en desirs.
Ce n'est que transport , qu'allegresse ,
Où la plus séduisante yvresse ,
Flatte , amuse , enchante l'esprit :
Avec ce secours l'homme s'aime ;
Et croit , n'aimant plus que lui-même
Que l'Univers entier lui rit.
M
Oui , quand le plaisir nous anime
Et nous prévient de sa douceur ,
On sent une flamme sublime ,
Couler jusques au fond du coeur ;
L'esprit tiré de la matiere ,
I. Vol.
L
Jouit Į
JUIN. 1731. 1277
Joüit d'une pure lumiere ,
Plus brillante qu'un jour serain ;
Et quand dans les nuits les plus sombres,
Le plaisir dissipe les ombres ,
Il jouit du plus beau matin.
2
Tu nous sers , volupté paisible ,
Contre nos ennuis et nos maux :
Tu prépares un coeur sensible ,
A des transports toûjours nouveaux.
Cruels ennemis de nous- mêmes ,
Par tes séduisans stratagêmes ,
A nous - mêmes tu nous ravis ;
Et d'une trop fragile vie ,
Tu retiens le noeud qui la lie ;
Et tu répares ses esprits.
De deux amis qui se chérissent ,
Le Plaisir accroît la bonté :
C'est par ce Philtre que s'unissent ,
Tous les gens de Societé.
On s'assemble , mais c'est pour plaire :
Le Plaisir alors necessaire ,
Du commerce est le doux lien ,
Et dans ces momens favorables ,
On en trouve bien plus aimables ,
Les Convives et l'entretien,
Dij
L'hu
1278 MERCURE DE FRANCE
L'humeur philosophique et sombre
Qui ne m'abandonne jamais
M'invite à reposer à l'ombre ,
Sur le tapis d'un gazon frais :
Là , sur le bord d'une Onde
pure ,
Le Chêne entretient sa verdure ,
Mille fleurs y brillent aux yeux :
C'est là qu'avec plaisir je pense ,.
A conserver mon innocence ,
Par l'innocence de ces lieux .
粥
Là , quand la saison rigoureuse
Seme ses glaçons , ses frimats ,
Une societé nombreuse ,
M'invite à ne la craindre pas .
Tel chez moi lassé du commerce ;
-Près d'un brasier Bacchus m'exerce ,
Lui qui ne m'a jamais vaincu ;
Bien-tôt secouru d'un bon Livre ,
J'ai le bonheur d'apprendre à vivre ,
Et le plaisir d'avoir vécu .
Dans un âge encor susceptible
Des plus vives impressions ,
Je sens qu'il n'est plus si pénible ,
De combattre ses passions.
* 33. ans .
Le
JUIN. 1279 1731.
Le plaisir qui charme la vie ,
Unique et seul bien que j'envie ,
M'inspire de sages desirs ;
Et dans ces desirs j'envisage
Cette vie , et je la ménage ,
Dans l'esperance des plaisirs.
M
Le tems qui malgré nous entraîne
Nos jours trop prompts à s'écouler
Refuse à la vie incertaine ,
Le moyen de les rappeller.
C'est en vain que l'homme soupire
Du Monarque du sombre Empire ,
Il doit habiter le séjour.
Qu'il vive (a ) ou qu'aux Royaumes sombres ,
Il aille apprendre aux pâles Ombres ,
Qu'il a seulement vû le jour . (6)
In rebus jucundis vive beatus :
Vive memor , quam sis avi brevis .
Hor. Satyr. 6. Liv. 2.
(a) Vivre selon les Epicuriens , est de sçavoir
se procurer les plaisirs délicats ; ils en faisoient
même une espece de prudence. Prudentiam in
troducunt scientiam suppeditantem voluptates,
depellentem dolores . Cic. Offic. Liv. 3. c . 33 .
(b) Qui répond au Vixit des Romains , pour
dire qu'on n'est plus.
Parl'Abbé Day** ,Curé de G*** en Marsan.
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Résumé : LE PLAISIR ÉPURÉ. ODE.
Le texte 'Le Plaisir Epuré' célèbre les bienfaits du plaisir sur l'âme et le cœur. L'auteur, guidé par une ardeur juvénile, distingue les voluptés sauvages, condamnées par Épicure, des douceurs du plaisir chrétien, qui élèvent l'âme et régulent le cœur. Le plaisir est présenté comme une force vitale apportant joie, allégresse et une ivresse séduisante. Il dissipe les ombres des nuits sombres et permet de jouir d'une lumière pure. Le plaisir est aussi un remède contre les ennuis et les maux, préparant le cœur à de nouveaux transports et renforçant les liens d'amitié et de société. L'auteur évoque des moments de réflexion solitaire dans la nature, où il conserve son innocence, ainsi que des moments de convivialité en société. Il conclut en soulignant que le plaisir charme la vie et inspire des désirs sages, tout en étant conscient de la brièveté de l'existence.
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15
p. 1280-1282
NOUVEAU Paradoxe proposé aux Géométres Infinitaires, par le P. C. J.
Début :
Dans la Mathématique universelle j'ai dit que le quarré de 1. 1. 1. 1. [...]
Mots clefs :
Géomètres, Infinitaires, Paradoxe, Société royale, Calcul, Géométrie ordinaire, Quarré
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texteReconnaissance textuelle : NOUVEAU Paradoxe proposé aux Géométres Infinitaires, par le P. C. J.
NOUVEAU Paradoxe proposé aux
Géométres Infinitaires , par le P. C. J.
Dia I.
Ans la Mathématique universelle
j'ai dit que le quarré de 1. 1. 1. 1 .
1. I. I. I. &c. c'est - à- dire de toutes les
unitez prises en nombre infini , étoit 1 .
3. 5. 7. 9. 11. 13. &c . c'est - à- dire , tous
les nombres impairs pris aussi en nom
bre infini . Je viens de recevoir d'Angle
terre le Livre Anglois , intitulé : Princi
pes philosophiques de la Religion naturelle,
composé par le celebre M. Cheyne , de la
Societé Royale , et j'ai été étonné d'y
trouver que les impairs 1. 3. 5. 7. 9. 11 .
& c. étcient le quarré , non des unitez ,
mais des demies unitez prises en nombre
infini ,,,,,, & c.
II .
A cette vue je n'ai pas balancé un mo
ment à croire que l'erreur étoit toute de
mon côté. J'ai revû mon Calcul et mes
Preuves , je les ai trouvées justes . J'ai de
nouveau examiné ses Principes et ses
Preuves, rien n'est plus juste et plus exact.
C'est donc encore ici une nouvelle preu
ve de la superiorité de la Géométrie de
Pinfini sur la Géometrie ordinaire , et
I. Vol.
des
JUIN .
ཉ 1731. 1:81
des contradictions apparentes qui ne
sont point réelles , et par consequent de
la délicatesse avec laquelle on doit ma
nier toutes ces questions de l'infini .
Oui , M. Cheyne a raison et je n'ai
pas tort , lorsque, selon lui , le quarré des
demies unitez , et que, selon moi, le quarre
des unitez sont égaux aux nombres im
pairs 1. 3. 5. 7. &c. quoique cependant
il soit toûjours vrai que le quarré du tout
est quadruple du quarré de la moitié . Je
laisse aux habiles Géometres Infinitaires
le plaisir de trouver la conciliation de
deux veritez si contradictoires. Mais je
ne conseille à personne de se presser de
condamner aucun des deux Calculs . L'in
fini a toûjours droit d'embarasser ceux qui
ne le possedent pas , quoique ce ne soit
qu'un jeu pour ceux qui connoissent un
peu le Systême,
C
!
Un autre point dans lequel nous ne
sommes pas d'accord , M. Cheyne , et moi,
et où je crois que l'un de nous deux a
tort , est celui où il prétend que le quar
ré de 1. 1. 1. 1. 1. , &c . est égal à la som
me des nombres naturels 1. 2. 3. 4. 5. 6.7 .
& c. au lieu que j'ai prétendu , et que je
prétends encore qu'il est égal à la somme
des impairs. M.Cheyne va contre ses pro
pres principes , lorsqu'après avoir assigné
1. Vol. Dij le
1282 MERCURE DE FRANCE
le quart du quarré de l'infini par le quarré
de la somme des moitiez ,,,, & c.
il assigne les nombres naturels pour le
quarré des unitez , puisque selon Euclide,
ce quarré doit être quadruple de celui des
moitiez , et que cependant , selon lui , la
somme des nombres naturels n'est que la
moitié du quarré de l'infini , par conse
quent le double de la somme des impairs.
Par la démonstration même de M. Chey
ne , on peut prouver que le quarré des
unitez est double de la somme des nom
bres naturels , et par consequent égale à
la somme pleine des pairs ou des impairs.
Géométres Infinitaires , par le P. C. J.
Dia I.
Ans la Mathématique universelle
j'ai dit que le quarré de 1. 1. 1. 1 .
1. I. I. I. &c. c'est - à- dire de toutes les
unitez prises en nombre infini , étoit 1 .
3. 5. 7. 9. 11. 13. &c . c'est - à- dire , tous
les nombres impairs pris aussi en nom
bre infini . Je viens de recevoir d'Angle
terre le Livre Anglois , intitulé : Princi
pes philosophiques de la Religion naturelle,
composé par le celebre M. Cheyne , de la
Societé Royale , et j'ai été étonné d'y
trouver que les impairs 1. 3. 5. 7. 9. 11 .
& c. étcient le quarré , non des unitez ,
mais des demies unitez prises en nombre
infini ,,,,,, & c.
II .
A cette vue je n'ai pas balancé un mo
ment à croire que l'erreur étoit toute de
mon côté. J'ai revû mon Calcul et mes
Preuves , je les ai trouvées justes . J'ai de
nouveau examiné ses Principes et ses
Preuves, rien n'est plus juste et plus exact.
C'est donc encore ici une nouvelle preu
ve de la superiorité de la Géométrie de
Pinfini sur la Géometrie ordinaire , et
I. Vol.
des
JUIN .
ཉ 1731. 1:81
des contradictions apparentes qui ne
sont point réelles , et par consequent de
la délicatesse avec laquelle on doit ma
nier toutes ces questions de l'infini .
Oui , M. Cheyne a raison et je n'ai
pas tort , lorsque, selon lui , le quarré des
demies unitez , et que, selon moi, le quarre
des unitez sont égaux aux nombres im
pairs 1. 3. 5. 7. &c. quoique cependant
il soit toûjours vrai que le quarré du tout
est quadruple du quarré de la moitié . Je
laisse aux habiles Géometres Infinitaires
le plaisir de trouver la conciliation de
deux veritez si contradictoires. Mais je
ne conseille à personne de se presser de
condamner aucun des deux Calculs . L'in
fini a toûjours droit d'embarasser ceux qui
ne le possedent pas , quoique ce ne soit
qu'un jeu pour ceux qui connoissent un
peu le Systême,
C
!
Un autre point dans lequel nous ne
sommes pas d'accord , M. Cheyne , et moi,
et où je crois que l'un de nous deux a
tort , est celui où il prétend que le quar
ré de 1. 1. 1. 1. 1. , &c . est égal à la som
me des nombres naturels 1. 2. 3. 4. 5. 6.7 .
& c. au lieu que j'ai prétendu , et que je
prétends encore qu'il est égal à la somme
des impairs. M.Cheyne va contre ses pro
pres principes , lorsqu'après avoir assigné
1. Vol. Dij le
1282 MERCURE DE FRANCE
le quart du quarré de l'infini par le quarré
de la somme des moitiez ,,,, & c.
il assigne les nombres naturels pour le
quarré des unitez , puisque selon Euclide,
ce quarré doit être quadruple de celui des
moitiez , et que cependant , selon lui , la
somme des nombres naturels n'est que la
moitié du quarré de l'infini , par conse
quent le double de la somme des impairs.
Par la démonstration même de M. Chey
ne , on peut prouver que le quarré des
unitez est double de la somme des nom
bres naturels , et par consequent égale à
la somme pleine des pairs ou des impairs.
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Résumé : NOUVEAU Paradoxe proposé aux Géométres Infinitaires, par le P. C. J.
Le texte traite d'un paradoxe mathématique lié aux propriétés des nombres infinis. Un géomètre infini affirme que le carré de toutes les unités prises en nombre infini est égal à la somme des nombres impairs (1, 3, 5, etc.). Il mentionne avoir reçu un livre de M. Cheyne, qui soutient que le carré des demi-unités prises en nombre infini est également égal à la somme des nombres impairs. Après réexamen, l'auteur conclut que les deux affirmations peuvent être vraies simultanément, soulignant la complexité des questions infinies et la supériorité de la géométrie infinie sur la géométrie ordinaire. Un autre point de désaccord concerne la somme des nombres naturels. M. Cheyne affirme que le carré des unités est égal à la somme des nombres naturels (1, 2, 3, etc.), tandis que l'auteur maintient que cette somme est égale à celle des nombres impairs. L'auteur critique M. Cheyne pour avoir violé ses propres principes en assignant les nombres naturels comme le carré des unités, contrairement aux principes euclidiens qui stipulent que ce carré devrait être quadruple de celui des demi-unités.
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16
p. 1282-1284
A MADLLE DE LA GUYTERIE. BOUQUET.
Début :
Peu ne s'en faut, ravissante Chichon, [...]
Mots clefs :
Muse, Balades, Ratures, Triolets, Constante froidure, Bise, Marchandise, Belle
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texteReconnaissance textuelle : A MADLLE DE LA GUYTERIE. BOUQUET.
A MADLLE DE LA GUYTERIE.
BOUQUET.
PEu ne s'en faut , ravissante Chichon ,
Que je ne puisse obtenir de ma Muse
Des Vers pour toi : j'aurois plus d'une excuse
Je ne sçavois qu'on te nommât Fanchon ;
Si j'avois sçû , prenant bien mes mesures
Depuis long- temps Balades ou Sonnets ,
Rondeaux , Chansons , à force de ratures.
Eussent trouvé place entre tes Bouquets.
Non que ce soit une chose facile ,.
De te chanter ... mais quelques Triolets ,
>
እ
I. Vol. Ou
JUI N. 1731. 1253
Où j'aurois fait passer tes Briolets .... *
Ah ! par ma foi je deviens imbécile ,
Parler pour vingt , ce n'est chose facile ,
Et c'est pourtant moins qu'on ne t'en connoît
Il me restoit pour me tirer d'affaire ,
D'avoir au moins des fleurs à présenter ;
Assez n'y font pas de plus grand mystere ?
Mais le moyen ? autant vaudroit brouter.
De la saison la constante froidure
A tout gelé , pas même de verdure ;
Mais pour Chichon , rien n'étant mal- aisé ,
Voicy ce dont je me suis avisé.
Flore , ai- je dit , bon gré malgré la bise ,
Ne peut manquer de telle Marchandise ;
Il ne s'agit donc pour en obtenir ,
Que de sçavoir ce qui peut convenir .
Nommer la. Belle , est justement l'affaire ,,
Son nom vaut seul un éloquent Discours
Et j'ai trouvé le seul point necessaire ,
Puisqu'elle sçait.commander aux Amours ;
Fut dit et fait , je cours avec vîtesse ;
En arrivant je vois les Jeux , les Ris ,
Qui recevoient des mains de la Déesse ;.
Bouquets de goût pour leur mere Cypris ;;
( Car c'est demain qu'on celebre à Cythere ,
Le jour natal.de cette Deïté ;
Terme du Pays pour dire Amans.
29
I.. Vol. Vous DV
1284 MERCURE DE FRANCE
Vous entendez à demi mot l'affaire ;
Vous deux avez même solemnité . )
Zéphir, de Flore excitoit la tendresse
Flore à Zéphir faisoit mainte caresse ,
Et Cupidon étoit à leur côté ,
Qui finissoit d'orner une Guirlande,
Dont à Venus il destinoit l'offrande ;
En te nommant il me donna le choix ,
De mille fleurs nouvellement écloses,
Chichon , lui dis- je , aime sur tout les Roses
Il en tenoit une en ses petits doigts ,
Dont je croyois qu'il dût payer mon zele ,
Lors qu'il me dit n'aspire à tant d'honneur
C'est de ma main qu'elle aura cette fleur ,
Le seul Amour peut l'offrir à la Belle.
*
Le Chevalier de Neufville de Montador ;
Enseigne au Régiment de la Marche.
A Auch , le 8. Mars 1731 ..
BOUQUET.
PEu ne s'en faut , ravissante Chichon ,
Que je ne puisse obtenir de ma Muse
Des Vers pour toi : j'aurois plus d'une excuse
Je ne sçavois qu'on te nommât Fanchon ;
Si j'avois sçû , prenant bien mes mesures
Depuis long- temps Balades ou Sonnets ,
Rondeaux , Chansons , à force de ratures.
Eussent trouvé place entre tes Bouquets.
Non que ce soit une chose facile ,.
De te chanter ... mais quelques Triolets ,
>
እ
I. Vol. Ou
JUI N. 1731. 1253
Où j'aurois fait passer tes Briolets .... *
Ah ! par ma foi je deviens imbécile ,
Parler pour vingt , ce n'est chose facile ,
Et c'est pourtant moins qu'on ne t'en connoît
Il me restoit pour me tirer d'affaire ,
D'avoir au moins des fleurs à présenter ;
Assez n'y font pas de plus grand mystere ?
Mais le moyen ? autant vaudroit brouter.
De la saison la constante froidure
A tout gelé , pas même de verdure ;
Mais pour Chichon , rien n'étant mal- aisé ,
Voicy ce dont je me suis avisé.
Flore , ai- je dit , bon gré malgré la bise ,
Ne peut manquer de telle Marchandise ;
Il ne s'agit donc pour en obtenir ,
Que de sçavoir ce qui peut convenir .
Nommer la. Belle , est justement l'affaire ,,
Son nom vaut seul un éloquent Discours
Et j'ai trouvé le seul point necessaire ,
Puisqu'elle sçait.commander aux Amours ;
Fut dit et fait , je cours avec vîtesse ;
En arrivant je vois les Jeux , les Ris ,
Qui recevoient des mains de la Déesse ;.
Bouquets de goût pour leur mere Cypris ;;
( Car c'est demain qu'on celebre à Cythere ,
Le jour natal.de cette Deïté ;
Terme du Pays pour dire Amans.
29
I.. Vol. Vous DV
1284 MERCURE DE FRANCE
Vous entendez à demi mot l'affaire ;
Vous deux avez même solemnité . )
Zéphir, de Flore excitoit la tendresse
Flore à Zéphir faisoit mainte caresse ,
Et Cupidon étoit à leur côté ,
Qui finissoit d'orner une Guirlande,
Dont à Venus il destinoit l'offrande ;
En te nommant il me donna le choix ,
De mille fleurs nouvellement écloses,
Chichon , lui dis- je , aime sur tout les Roses
Il en tenoit une en ses petits doigts ,
Dont je croyois qu'il dût payer mon zele ,
Lors qu'il me dit n'aspire à tant d'honneur
C'est de ma main qu'elle aura cette fleur ,
Le seul Amour peut l'offrir à la Belle.
*
Le Chevalier de Neufville de Montador ;
Enseigne au Régiment de la Marche.
A Auch , le 8. Mars 1731 ..
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Résumé : A MADLLE DE LA GUYTERIE. BOUQUET.
Le poème est adressé à Mademoiselle de La Guyterie, surnommée Chichon. L'auteur exprime son désir de composer des vers en son honneur, mais avoue ignorer son surnom jusqu'alors. Il regrette de ne pas avoir préparé des poèmes plus tôt et mentionne diverses formes poétiques qu'il aurait pu utiliser. En raison du froid hivernal, il ne peut lui offrir des fleurs. Il se rend alors auprès de la déesse Flore, qui célèbre la fête de Vénus à Cythère, accompagné de Zéphyr et de Cupidon. Il choisit des roses pour Chichon, car elle les aime particulièrement. Cependant, Cupidon insiste pour offrir lui-même la rose, soulignant que seul l'amour peut offrir une telle fleur. Le poème se conclut par une mention du Chevalier de Neufville de Montador, enseigne au Régiment de la Marche, datée du 8 mars 1731 à Auch.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 1284-1303
REPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure de Novembre 1730. sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
Début :
N'y aura t'il personne, Monsieur, qui veüille prendre en main les interêts [...]
Mots clefs :
Éloquence, Orateurs, Poètes, Empire des Lettres, Modernes, Anciens, Ouvrages
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure de Novembre 1730. sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
REPONSE à la Lettre.inserée dans le
Mercure de Novembre 1739, sur la gloi
re des Orateurs et des Poëtes.
aura t'il
N'qui veuille prendre en main les in
erêts de l'Eloquence , attaquée dans le
Ja Vola
Mer
JUIN De 1731. 1285
Mercure de Novembre dernier ? On y a
donné la préférence aux Poëtes sur les
Orateurs , et c'est là - dessus que je sens
réveiller toute l'ardeur de mon zele ; je
me vois obligé presque malgré moi à
vous déclarer mes sentimens : je dis mal
gré moi , n'aimant pas naturellement à
me produire aux yeux du Public , outre
que la cause qu'il s'agit de soutenir me
paroît fort superieure à la foiblesse de
mes forces ; mais aprés tout , ce seroit ,
à mon avis , une lâcheté que de laisser dé
grader l'Eloquence du haut rang qu'elle a
tenu jusqu'ici , et qu'elle a dû tenir dans
l'Empire des Lettres , soit parmi les An
ciens , soit parmi les Modernes. J'ent e
prens donc de faire valoir les droits de l'E
loquence , et de repondre à tout ce que
l'Auteur de la Lettre , inserée dans le
Mercure, a dit en faveur de la Poësie. Que
si je ne m'acquite pas tout à fait de ce que
j'entreprens , il ne tiendra qu'à vous de
supléer par vôtre pétration et par vos
lumieres , à ce qui manquera à mes Re
flexions et à mes paroles.
On ne me fera point un crime de join
dre ici les Letrres Françoises avec les
Grecques et les Latines : car quelque res
pect que l'on doive aux Anciens , on est ,
ce me semble , convenu dans ce siecle
I. Val.
D vj que
1286 MERCURE DE FRANCE
que les Modernes en approchent d'assés
prés , pour ne leur être point tout à fait
inferieurs. En effet , nous avons d'aussi
habiles Orateurs , et d'aussi grands Poë
tes que l'Antiquité en a eu , non pas tout
à fait , si l'on veut , dans le Poëme Epique,
qui est le seul genre , dans lequel l'Auteur
de la Lettre a fait un préjugé incontesta
ble en faveur des Anciens contre les Mo
dernes , mais dans les autres especes de
Poësie , telles que sont la Tragedie , fa
Comedie , la Satyre , les Fables , dans les
quelles il est certain que nos Auteurs
ont égalé , pour ne pas dire , surpassé les
'Anciens..
Mais , comme il faut se renfermer ici
dans le seul parallele des Orateurs et des
Poëtes , afin de repondre précisement à
la Lettre inserée dans le Mercure , jose
dire hardiment , et sans crainte d'être dé
menti par les connoisseurs habiles et ju
dicieux , que l'Eloquence est en toute
maniere préferable à la Poësie , et voici
sur quelles raisons je fonde la solidité de
mon sentiment.
J'avance premierement , que l'Elo
quence est d'un usage plus utile , plus
étendu , plus important que la Poësie ,
parcequ'elle estproprement et par un titre
particulier , l'arbitre du bon sens , de la
J.Kol verité
JUIN. 1731. 1287
verité , et de la raison ; au lieu que la Poë
sie n'est, à le bien prendre, que l'ouvrage
de l'invention et de l'imagination humai
ne : Car on convient que le but principal
et même unique des Poëtes , est de plaire
par la beauté des images, par les hardiesses
figurées de l'expression et du langage .
C'est ce qu'on peut voir dans le discours
que M. de la Motte a fait sur la Poësie
en general , et qu'il a mis à la tête de ses
Odes : mais l'Eloquence a non seulement
pour objet l'art de plaire , elle triomphe
des Passions , elle se rend maitresse des
volontez ; Ce qui est beaucoup plus no
ble , plus difficile , et demande de plus
grands efforts de la part des Orateurs ,
que de celle des Poëtes qui ne touchent et
ne meuvent que par occasion , et , pour
ainsi dire , par hazard , par la raison qu'ils
ne s'attachent qu'à flatter , qu'à favoriser
les passions , plutôt qu'à les combattre..
En un mot , tout ce qu'il y a de sçavans
hommes demeurent d'accord , que la
Poësie n'est presque qu'un amusement de
PEsprit humain ; que son unique partage
est d'embellir les objets qu'elle represente,
d'où vient que par un abus qui lui est
propre , elle s'employe plus souvent à
farder le vice , qu'à honorer la vertu ;:
mais ils conviennent tous que l'avantage
L. Vol.
de
# 288 MERCURE DE FRANCE
de l'Eloquence est de regner sur l'esprit
des Princes , des Magistrats , et des Peu
ples entiers , de soutenir la raison et la
justice , de faire vouloir aux hommes ce
qu'ils ne vouloient pas , de donner enfin
la Loy aux Coeurs les plus obstinez et les
plus rebelles .
Il s'agit maintenant de ce qu'a dit l'Au
teur de la Lettre , qui rapporte le témoi
gnage de Ciceron , pour faire voir que la
Poësie est un Art divin , qui éleve l'hom
me au dessus de lui-même , et que c'est
dans cette vue qu'il a écrit que les Poëtes
étoient comme animez d'un souffle et
d'un esprit divin , Spiritu quodam divino
affati. Mais à ce témoignage de Ciceron,
j'en oppose un autre qui n'est pas moins
respectable , et qui lui est trés- avantageux
à lui même et à l'Eloquence. C'est celui
du celebre Longin , qui dans le Traité
du Sublime , que M. Despréaux a si bien
traduit en notre langue , a donné la plus
grande idée du merite de Ciceron et de
Demosthéne. Il compare le premier à un
grand embrasement qui dévore et consume
tout ce qu'il rencontre , avec un feu qui ne
s'eteint point , qu'il répand diversement danș
ses ouvrages , et qui à mesure qu'il s'avance,
prend toujours de nouvelles forces. Et pour
Le second , c'est - à-dire , Demosthéne , il le
I. Vol.
compare
JUIN. 1731. 1289
ra
compare à une tempête et à un foudre , à
cause de la violence , de la rapidité , de la
force , et de la vehemence avec laquelle il
vage ,pour ainsi dire,et emporte tout. Demos
théne , dit - il , ayant ramassé en soi toutes les
qualitez d'un Orateur veritablement né aw
sublime , et entierement perfectionné par l'étu
de ; ce ton de majesté , et de grandeur , ces
mouvemens animez , cette fertilité , cette
adresse , cette promptitude , et ce qu'on doit
sur tout estimer en luy , cette force et cette ve
bemence , dont jamais personne n'a pû ap
procher. Par toutes ces divines qualitez ,
que je regarde en effet , dit il , comme autant
derares presens qu'il avoit reçus des Dieux¸et
qu'il ne m'est pas permis d'appeller des qua
linez humaines , il a effacé tout ce qu'il y
a eu d'Orateurs celebres dans tous les siecles,
les laissant comme abbatus ct éblouis , pour
ainsi dire , de ses tonnerres et de ses éclairs ;
car dans les parties où il excelle , il est tel
lement élevé au dessus d'eux , qu'il repare
entierement par là celles qui lui manquent.
Et certainement , ajoute- t'il , il est plus aisé
d'envisager fixement et les yeux ouverts , les
foudres qui tombent du Ciel , que de n'être
point ému des violentes passions qui regnent
en foule dans ses ouvrages .
Tel est le passage de Longin , traduit
dans toute sa force par M. Despreaux
Jo Vola
Quel
1290 MERCURE DE FRANCE
Quelles reflexions ne peut- on pas faire
là dessus ? voilà l'Eloquence traitée de
qualité plus qu'humaine , de qualité divi
ne. la voilà comparée à ce qu'il y a de plus
fort , de plus puissant dans la nature , je
veux dire , aux tempêtes , et aux foudres .
A t'on jamais attribué quelque chose de
semblable à la Poësie ? Et n'est- il pas évi
dent que l'Eloquence a par cet endroit
là un avantage que tous les charmes et
les agrémens de la Poësie ne sçauroient
égaler .
On n'a qu'à se rappeller ici les grands
fuccès qui accompagnoient l'Eloquence de
Ciceron. Ignore- t'on l'avantage qu'il eur,.
en faisant l'Apologie de Ligarius , en pre
sence de Jules - Cesar , son ennemi declaré
, et qui avoit résolu de le proscrire ?
C'étoit dans ce dessein qu'il s'étoit rendu
au Senat ; et malgré tous les mouvemerrs
de sa haine et de son ambition , on vit
eet Empereur , aussi distingué par son
esprit que par ses armes victorieuses ,
rendre hommage, pour ainsi dire , à l'Elo
quence de Ciceron ; laisser tomber le pa
pier qu'il tenoit dans sa main , par la sur
prise où il étoit de voir justifier comme in
nocent celui qu'il avoit regardé comme
coupable.
C'est ainsi que l'Eloquence sçait se ren.
Lo.Vol.
dre ,
JUIN. 1731. 12.9
dre maîtresse des volontez ; et qu'on ne
dise pas que Ciceron ne dût ce succès
qu'à la vehemence de sa prononciation.
Ce n'étoit point le sentiment du grand
Prince de Condé ; Ce Prince aussi céle
bre que Cesar par son génie et par ses
Conquêtes , soutenoit qu'on ne pouvoit
lire les Ouvrages de Ciceron sans en être
ému ; cela fait voir que le talent même
de la prononciation , dont là plûpart des
Poëtes ne font nul usage , n'empêche pas
que les Discours des Orateurs , par la lec
ture qu'on en fait , ne triomphent dans
tous les Pays et dans tous les siecles.
Que dire après cela , du mépris que
l'Auteur de la Lettre fait de la Prose :
qu'il met au - dessous de la versification et
de l'harmonie de la Poësie , comme si
cette harmonie étoit particuliere aux Pdë
tes , et qu'il ne fût pas possible aux Ora
teurs d'enchanter les esprits par les char
mes de la parole ? on sçait , sans doute, ce
qui arriva au fameux Alphonse Roy d'Ar
ragon. Attaqué d'une maladie de lan
gueur qui paroissoit incurable aux Mede
cins , il recouvra sa santé par la lecture
de l'Histoire de Quint Curce : a t'on ja
mais crû que les Histoires appartiennent
à la Poësie ? ne sont-elles pas uniquement
du ressort de l'Eloquence qui sçait ramas
I. Vol
ser
1292 MERCURE DE FRANCE
ser quand elle veut , et les agrémens du
Discours, et les images les plus vives de la
nature.
Quant à ce que l'Auteur a dit de l'en
tousiasme de David et des Prophetes , qui
se sont servis du langage de la Poësie pour
exprimer leurs sentimens , il est aisé de ré
pondre que ce Saint Roy n'écrivit ces
Oracles en vers , que parce qu'il voulut
qu'ils fussent chantez dans les assemblées
du Peuple , et l'on sçait bien que le chant
ne peut se passer de la cadence de la Poë
sie ; mais il ne s'ensuit pas delà , que les
Exhortations des Prophetes n'ayent eu
de la force que parce qu'elles étoient en
vers : au contraire, plusieurs d'entr'eux se
sont servis de la Prose pour parler aux
Peuples , et l'on sent encore, en les lisant
que rien ne manque à la grandeur et à
la majesté qui convenoit à Dieu même
qui les inspiroit.
Il est tems de venir aux Modernes , et
à l'Eloquence de notre siecle. Est- il pos
sible que l'Auteur de la lettre ait si fort.
méconnu le merite de nos Orateurs et de
nos Ecrivains , que de leur préferer les
agrémens de la Poësie ? Croit -il avoir ga
gné sa cause en établissant sur le senti
ment du P. Bouhours , du P. Rapin , de
M. D'Aubignac, que le Poëme Epique est
I. Vola le
JUIN. 1731. 1293
>
le Chef- d'oeuvre de l'esprit humain ? Je
le surpre ndrai bien plus , quand je luy
dirai qu'il y a tel Discours en nôtre lan
gue , tel Panegyrique , telle Harangue
qui est un Chef-d'oeuvre de l'esprit hu
main : et cela est d'autant plus vrai , que
sans avoir recours aux Fables , aux sup
positions , aux chimeres de la Poësie , on
s'en trouve charmé par la seule verité
par la seule force de la parole. Je le re- .
péte: il y a dans ces Discours dont je par
le , autant d'art , de vivacité , de gran
deur , et quelquefois plus , que dans tous.
les Poëmes anciens et modernes.
Que dis - je ? l'Eloquence n'a - t'elle pas
plus de force ordinairement par la liber
té qu'elle a de se tourner de tous côtés ;
de pousser ou de moderer la vigueur et
la rapidité de son style , selon les occa
sions , ou les passions qu'elle fait agir ; on
sçait que dans la Poësie la raison se trouve
enchainée par les loix rigoureuses de la
versification : les plus excellens Poëtes s'en
sont plaints , et ils n'ont pû dissimuler
leur contrainte : mais dans la Prose l'esprit
peut prendre tout son essor , il a le choix
de ces images vives , justes et agréables ,
qui par un doux charme saisissent l'esprit
et le coeur. Dans la Poësie , la nature est
quelquefois si envelopée sous des figures
8
1
3
1
1
1. Vol.
étrangeres ,
1294 MERCURE DE FRANCE
étrangeres , qu'on a de la peine à la récon
noître mais l'Eloquence présente toûjours
une fidele image de la nature , et il n'ap
partient qu'à elle de faire bien valoir la
verité et la raison .
L'Auteur a crû beaucoup avancer en
rapportant quelques endroits d'Homere
et de Racine , qu'il défie nos Ecrivains de
mettre en Prose avec le même succés , mais
il se fait illusion à lui-même. S'il y a des
traits dans les Poëtes que la Prose ne puis
se égaler , on en voit aussi dans les Ora
teurs où la Poësie ne sçauroit atteindre :
cela dépend de la justesse et de la préci
sion avec laquelle les uns et les autres se
sont exprimés . Il est certain que ce qui est
exprimé fortement et noblement dans
une langue ou dans un genre , ne peut
passer avec la même grace dans un autre.
On en voit des preuves dans toutes les
Traductions qu'on a faites des ouvrages
des Anciens et des Modernes : et on a tou
jours été convaincu que les Traductions
mêmes de nos Auteurs François ne valent
pas les Originaux ; il en est de même des
Orateurs et des Poëtes ; mais il ne s'ensuit
point de ce parallele que la Poësie ait au
cun avantage sur l'Eloquence .
Puisque l'Auteur de la Lettre a employé
les citations en faveur de la Poësie , il nous
I. Vol
doit
JUIN. 1731. 1295
par
E doit être permis de les employer aussi
pour l'Eloquence : en voici une d'un Ora
teur celebre qui a été en son temps une
lumiere de l'Eglise ; je parle de M. Bos
suet Evêque de Meaux ; on l'a comparé
à Demosthéne. C'est dans l'Oraison fune
bre de la Reine d'Angleterre
, Epouse
du Roy Charles premier , où ce grand
Prélat , aprés avoir marqué tous les mal
heurs qui arriverent à ce Prince , et sa
détention les Ennemis
de sa person
ne et de son Royaume , s'exprime ainsi .
Le Roy est mené de captivité en captivi
té: et la Reine remue en vain la France ,
la Hollande , la Pologne même , et les Puis
sances du Nord les plus éloignées : elle ranime
les Ecossois , qui arment trente mille hom
mes ; ellefait avec le Duc de Lorraine une
entreprise pour la delivrance du Roy , dont
le succés paroit infaillible , tant le concert en
est justes elle retire ses chers enfans , l'uni
que esperance de sa maison , et confesse cette
fois , que parmi les plus mortelles douleurs ,
on est encore capable de joye : elle console
le Roy , qui lui écrit de saprison même , qu'elle
seule soutient son esprit , et qu'il ne faut
craindre de lui aucune bassesse , parceque
sans cesse il se souvient qu'il est à elle. O
Mere ! O Femme ! O Reine admirable !
et digne d'une meilleure Fortune , si les For
དྲ
3
S
$
i
5
*
I. Vol.
tunes
1296 MERCURE DE FRANCE
tunes de la Terre éroient quelque chose ! en
fin , il faut ceder à vôtre sort ; vous avez as
sés soutenu l'Etat qui est attaqué par uneforce
invincible et divine ; il ne reste plus désor
mais sinon que vous teniez ferme parmi fes
ruines.
Qui cependant , continua t- il , pourroit
exprimer ses juftes douleurs ? Qui pourroit ra
conter ses plaintes t Non , Messieurs , Jere
mie lui-même , qui seul semble être capable
d'égaler les lamentations aux calamitez , ne
suffiroit pas à de tels regrets . Elle s'écrie avec
eeProphéte : Voyez , Seigneur , mon affliction ;
mon ennemi s'est fortifié , et mes enfans sont
perdus ; le cruel amis sa main sacrilege surce
qui m'étoit le plus cher ; la Royauté a été pro
fanée , et les Princes sont foulez aux pieds ;
baiffez-moi , je pleurerai amérement ; n'en
trepenez pas de me consoler : Le glaive afra
pé au dehors , mais je sens en moi - même une
mort semblable.
Voilà l'endroit de M. Boffuet , qu'on
a été obligé de rapporter tout entier , quoi
qu'un peu long. Quelle foule de paffions
& de mouvemens ne voit- on pas dans
cette Description du malheur de ce Prince?
mais quelle addreffe , de s'arrêter tout
d'un coup , pour ne pas raconter la funefte
mort qu'on lui fit souffrir & de relever
par son silence , ce qu'il sentoit bien ne
I. Vel pou
E JUIN. 1731 . 1297
To
T
#
TE
+
"
1
7
pouvoir égaler par fon discours , de passer
enfin à cette apoftrophe imprevûë , par
laquelle il s'écrie , comme s'il eût été hors
de lui- même , O mere ! O femme ! O
Reine admirable , & digne d'une meilleure
fortune , fi les fortunes de la Terre étoient
quelque chose .... On doit admirer encore
l'application merveilleuse qu'il fait à cette
Reine , des expressions de Jeremie , qui
repreſentent fi fortement la grandeur de
son infortune et de ses douleurs . Peut- on
rien voir de plus frappant ? que la Poësie
s'efforce de mettre en Vers cet en
droit , & plufieurs autres qui se trouvent
dans cette Oraison funebre , & dans celle
de la Duchesse d'Orleans qui la suit
immediatement , elle n'en viendra ja
mais à bout.
>
On peut encore se souvenir de celle
du Grand Prince de Condé faite par le
même Prélat , où tout ce que la Guerre
a de plus héroïque , tout ce que l'esprit
& le coeur ont de plus grand se trouve
renfermé de la maniere du monde la plus
vive , sans parler du détail qu'il y fait de
la mort de ce Héros , Ouvrage immor
tel , où l'on a dit avec raison , que cet
admirable Orateur s'étoit surpaffé lui-mê
me. Tout cela est fort au - deffus des agré
mens de la Poësie .
1. Vol.
Que
1298 MERCURE DE FRANCE
Que s'il faut passer aux Orateurs de
notre siécle , qu'y a- t'il de plus beau , de
plus éloquent , de plus sublime , que les
Eloges funebres , composez par M. Fle
chier , Evêque de Nîmes. On sçait qu'il
a porté l'Art de la louange à un point de
perfection , où les Anciens ni les Moder
nes n'ont presque pû atteindre . On n'a
qu'à lire ces Eloges , on y trouvera une
infinité d'endroits que les plus grands
Poëtes auroient bien de la peine à égaler.
Entr'autres , celui - ci qui se voit à la fin de
P'Oraison funebre de la Reine,
Que lui restoit-il à demander à Dieu , dit
il , ou à desirer sur la terre ? Elle voyoit le
Roy au comble des prosperitez humaines ; ai
mé des uns , craint des autres , estimé de tous;
pouvant tout ce qu'il veut , et ne voulant que
ce qu'il doit ; au dessus de tout par sa
gloire , et par sa moderation au dessus de sa
gloire même.
Quelle précision ! Quelle grandeur ! dans
ce peu de mots , qui comprennent tout ce
qu'on a dit de plus beau à la gloire de
Louis le Grand ? mais quelle cadence !
quelle harmonic ! en peut- on trouver da
vantage dans les Poëtes les plus confom
mez ?
Il ne faut qu'ouvrir l'Eloge funebre
qu'il a fait du Grand Turenne. C'est- là
1. Vol.
qu'il
JUIN. 1731. X299
W
qu'il a déployé toute la force de son Art.
Il s'y est élevé aussi haut que la gloire du
Heros qu'il vouloit loüer. En voici des
traits inimitables .
Oùbrillent, dit- il, avecplus d'éclat les effets
glorieux de la vertu Militaire conduites
d'Armées, Sieges de Places , Prises de Villes
Passages de Rivieres : Attaques hardies , Re
traites honorables , Campemens bien ordon
nez , Combats soutenus , Batailles gagnées ,
Ennemis vaincus par la force , dissipez par
Paddresse, lassez et consumez par une sage et
noble patience où peut-on trouver tant et de
si puissans exemples , que dans les actions
d'un Homme sage , liberal , desinterressé
dévoué au Service du Prince & de la Patrie;
grand dans l'adversité par son courage
dans la prosperité par sa modestie , dans.
les difficultez par sa prudence , dans les
perils par sa valeur , dans la Religion par
sa pieté ? ...
Villes , que nos Ennemis s'étoient déja
partagées , vous êtes encore dans l'enceinte de
notre Empire. Provinces qu'ils avoient déja
ravagées dans le desir et dans la pensée , vous
avez encore recueilli vos moissons. Vous du
rez encore , Places que l'Art et la Nature a
fortifiées , et qu'ils avoient dessein de démo
lir et vous n'avez tremblé que sous de
projets frivoles d'un Vainqueur en idée , qui
I.Vol. - E 1 comp
.
333107
1300 MERCURE DE FRANCE .
comptoit le nombre de nos Soldats et qui
ne songeoit pas à la sagesse de leur Capi
taine
د
....
Ilparle , chacun écoute ses Oracles : il com
mande , chacun avec joye suit ses ordres ; il
marche , chacun croit courir à la gloire. On
diroit qu'il va combattre des Rois , confe
derez avec sa seule Maison comme un au
tre Abraham ; que ceux qui le suivent sont
ses Soldats et ses Domestiques , et qu'il est
General et Pere de Famille tout ensem
ble ....
Il se cache ; mais sa réputation le décou
vresilmarche sans suite et sans équipage,mais
chacun dans son esprit le met sur un Char
de Triomphe : On compte en le voyant les
ennemis qu'il a vaincus, nonpas les Serviteurs
qui le suivent tout seul qu'il est , on se figure
autour de lui ses vertus et ses victoires qui
Paccompagnent ; il y a je ne sçai quoi de no
ble dans cette honnête simplicité , et moins
il est superbe , plus il devient venerable ...
L'enviefut étouffée , ou par le mépris qu'il
en fit , ou par des accroissemens perpetuels
d'honneur et de gloire : le merite l'avoit fait
naître , le merite la fit mourir. Ceux qui
lui étoient moins favorables
combien il étoit necessaire à l'Etat ceux
qui ne pouvoient souffrir son élevation se
srurent enfin oblige d'y consentir , et n'o
ont reconnu
د
I. Vol. sens
JUIN. 1731. 1301
sans s'affliger de la prosperité d'un Hom
me qui ne leur avoit jamais donné la mise
rable consolation de se réjouir de quelqu'une
de ses fautes , ils joignirent leur voix à la voix
publique et crurent qu'être fon Ennemi
>
c'étoit l'Etre de toute la France ...
En voilà bien assez , et un peu trop ,
pour faire repentir l'Auteur de la Lettre
du mépris qu'il a fait de l'Eloquence , fion
a cité un peu au long cet éloge de M. de
Turenne c'est que tout le monde con
vient que c'est un chef - d'oeuvre de
l'Esprit humain , et que M. Fléchier s'eſt
immortalisé lui-même , en immortalisant
le Heros .
›
>
On ne dira rien ici du Panegyrique
du Roy par M. Pelisson , qui a été traduit
en toutes sortes de Langues de l'Europe
à l'honneur de la nôtre ni de tant
de Harangues prononcées , soit à l'Aca
demie , soit ailleurs ; cela nous meneroit
trop loin ; mais qu'eft-il besoin de s'é
tendre davantage ? Quel a été jusqu'ici
le but de l'Académie Françoise ? Eft - ce
de cultiver principalement la Poësie , &
de la préferer à l'Eloquence ? qu'on le
demande aux sçavans Hommes qui l'a
composent , Ils diront que c'est l'Elo
quence qui a toujours fait le principal
objet de leurs soins ; qu'ils n'ont rien ou
1. Vol
E ij blié
יכ
LVLM JP 1 дауUD
blié
par leurs
Ecrits
, pour
la rendre
su
blime
, touchante
, et digne
enfin
de toute
la gloire
de
notre
Siècle
. Ils
diront
qu'ils
connoissent
tous
le
mérite
de
la Poësie
.
qu'ils
couronnent
tous
les ans
par
des
prix
;
mais
qu'ils
sont
persuadez
que
l'Eloquence
qui
est
aussi
couronnée
par
leurs
mains
,
est
d'un
usage
plus
étendu
, plus
utile
,
plus
noble
et plus
importants
que
l'on
di
se après
cela
que
la Poësie
eft le langage
des
Dieux
, on répond
que
l'Eloquence
,étant
le
langage
des
Hommes
, & des
Hommes
les
plus
distinguez
, elle
a plus
de droit
sur
leur
estime
, & qu'on
doit
s'attacher
avec
plus
de soin
à la cultiver
et à la maintenir
dans
sa
perfection
.
On doit conclure de tout ce qu'il vient
d'être dit , que la Poësie ne regardant que
le plaisir de l'esprit , et l'Eloquence ayant
pour objet la vérité , la juftice , la vertu et
la sagesse , elle mérite par conséquent
d'être préférée à la Poësie.
On n'a pas eu le tems de s'étendre sur
ce qu'a dit l'Auteur de la Lettre au sujet
des Prédicateurs , qu'il prétend être fades
et ennuyeux , un Amateur des Théatres
et des Operas doit avoir quelque peine à
les gouter ; mais il ne laisse pas d'être vrai
que
que l'Eloquence de la Chaire a été portée
de nos jours à une très grande perfection ;
I. Vol. et
JUIN. 1731. 1303
et qu'on ne sçauroit mépriser les Prédica
teurs , sans se moquer des Saints Peres qui
'en sont les modéles , un Ambroise , un
Cyprien , un Auguſtin , un Chrysostome
que nos Orateurs Chrétiens suivent de
fort près : Ces Grands Hommes ont été
infiniment au dessus de tous les Poëtes.
Le 3. Janvier 1731.
Mercure de Novembre 1739, sur la gloi
re des Orateurs et des Poëtes.
aura t'il
N'qui veuille prendre en main les in
erêts de l'Eloquence , attaquée dans le
Ja Vola
Mer
JUIN De 1731. 1285
Mercure de Novembre dernier ? On y a
donné la préférence aux Poëtes sur les
Orateurs , et c'est là - dessus que je sens
réveiller toute l'ardeur de mon zele ; je
me vois obligé presque malgré moi à
vous déclarer mes sentimens : je dis mal
gré moi , n'aimant pas naturellement à
me produire aux yeux du Public , outre
que la cause qu'il s'agit de soutenir me
paroît fort superieure à la foiblesse de
mes forces ; mais aprés tout , ce seroit ,
à mon avis , une lâcheté que de laisser dé
grader l'Eloquence du haut rang qu'elle a
tenu jusqu'ici , et qu'elle a dû tenir dans
l'Empire des Lettres , soit parmi les An
ciens , soit parmi les Modernes. J'ent e
prens donc de faire valoir les droits de l'E
loquence , et de repondre à tout ce que
l'Auteur de la Lettre , inserée dans le
Mercure, a dit en faveur de la Poësie. Que
si je ne m'acquite pas tout à fait de ce que
j'entreprens , il ne tiendra qu'à vous de
supléer par vôtre pétration et par vos
lumieres , à ce qui manquera à mes Re
flexions et à mes paroles.
On ne me fera point un crime de join
dre ici les Letrres Françoises avec les
Grecques et les Latines : car quelque res
pect que l'on doive aux Anciens , on est ,
ce me semble , convenu dans ce siecle
I. Val.
D vj que
1286 MERCURE DE FRANCE
que les Modernes en approchent d'assés
prés , pour ne leur être point tout à fait
inferieurs. En effet , nous avons d'aussi
habiles Orateurs , et d'aussi grands Poë
tes que l'Antiquité en a eu , non pas tout
à fait , si l'on veut , dans le Poëme Epique,
qui est le seul genre , dans lequel l'Auteur
de la Lettre a fait un préjugé incontesta
ble en faveur des Anciens contre les Mo
dernes , mais dans les autres especes de
Poësie , telles que sont la Tragedie , fa
Comedie , la Satyre , les Fables , dans les
quelles il est certain que nos Auteurs
ont égalé , pour ne pas dire , surpassé les
'Anciens..
Mais , comme il faut se renfermer ici
dans le seul parallele des Orateurs et des
Poëtes , afin de repondre précisement à
la Lettre inserée dans le Mercure , jose
dire hardiment , et sans crainte d'être dé
menti par les connoisseurs habiles et ju
dicieux , que l'Eloquence est en toute
maniere préferable à la Poësie , et voici
sur quelles raisons je fonde la solidité de
mon sentiment.
J'avance premierement , que l'Elo
quence est d'un usage plus utile , plus
étendu , plus important que la Poësie ,
parcequ'elle estproprement et par un titre
particulier , l'arbitre du bon sens , de la
J.Kol verité
JUIN. 1731. 1287
verité , et de la raison ; au lieu que la Poë
sie n'est, à le bien prendre, que l'ouvrage
de l'invention et de l'imagination humai
ne : Car on convient que le but principal
et même unique des Poëtes , est de plaire
par la beauté des images, par les hardiesses
figurées de l'expression et du langage .
C'est ce qu'on peut voir dans le discours
que M. de la Motte a fait sur la Poësie
en general , et qu'il a mis à la tête de ses
Odes : mais l'Eloquence a non seulement
pour objet l'art de plaire , elle triomphe
des Passions , elle se rend maitresse des
volontez ; Ce qui est beaucoup plus no
ble , plus difficile , et demande de plus
grands efforts de la part des Orateurs ,
que de celle des Poëtes qui ne touchent et
ne meuvent que par occasion , et , pour
ainsi dire , par hazard , par la raison qu'ils
ne s'attachent qu'à flatter , qu'à favoriser
les passions , plutôt qu'à les combattre..
En un mot , tout ce qu'il y a de sçavans
hommes demeurent d'accord , que la
Poësie n'est presque qu'un amusement de
PEsprit humain ; que son unique partage
est d'embellir les objets qu'elle represente,
d'où vient que par un abus qui lui est
propre , elle s'employe plus souvent à
farder le vice , qu'à honorer la vertu ;:
mais ils conviennent tous que l'avantage
L. Vol.
de
# 288 MERCURE DE FRANCE
de l'Eloquence est de regner sur l'esprit
des Princes , des Magistrats , et des Peu
ples entiers , de soutenir la raison et la
justice , de faire vouloir aux hommes ce
qu'ils ne vouloient pas , de donner enfin
la Loy aux Coeurs les plus obstinez et les
plus rebelles .
Il s'agit maintenant de ce qu'a dit l'Au
teur de la Lettre , qui rapporte le témoi
gnage de Ciceron , pour faire voir que la
Poësie est un Art divin , qui éleve l'hom
me au dessus de lui-même , et que c'est
dans cette vue qu'il a écrit que les Poëtes
étoient comme animez d'un souffle et
d'un esprit divin , Spiritu quodam divino
affati. Mais à ce témoignage de Ciceron,
j'en oppose un autre qui n'est pas moins
respectable , et qui lui est trés- avantageux
à lui même et à l'Eloquence. C'est celui
du celebre Longin , qui dans le Traité
du Sublime , que M. Despréaux a si bien
traduit en notre langue , a donné la plus
grande idée du merite de Ciceron et de
Demosthéne. Il compare le premier à un
grand embrasement qui dévore et consume
tout ce qu'il rencontre , avec un feu qui ne
s'eteint point , qu'il répand diversement danș
ses ouvrages , et qui à mesure qu'il s'avance,
prend toujours de nouvelles forces. Et pour
Le second , c'est - à-dire , Demosthéne , il le
I. Vol.
compare
JUIN. 1731. 1289
ra
compare à une tempête et à un foudre , à
cause de la violence , de la rapidité , de la
force , et de la vehemence avec laquelle il
vage ,pour ainsi dire,et emporte tout. Demos
théne , dit - il , ayant ramassé en soi toutes les
qualitez d'un Orateur veritablement né aw
sublime , et entierement perfectionné par l'étu
de ; ce ton de majesté , et de grandeur , ces
mouvemens animez , cette fertilité , cette
adresse , cette promptitude , et ce qu'on doit
sur tout estimer en luy , cette force et cette ve
bemence , dont jamais personne n'a pû ap
procher. Par toutes ces divines qualitez ,
que je regarde en effet , dit il , comme autant
derares presens qu'il avoit reçus des Dieux¸et
qu'il ne m'est pas permis d'appeller des qua
linez humaines , il a effacé tout ce qu'il y
a eu d'Orateurs celebres dans tous les siecles,
les laissant comme abbatus ct éblouis , pour
ainsi dire , de ses tonnerres et de ses éclairs ;
car dans les parties où il excelle , il est tel
lement élevé au dessus d'eux , qu'il repare
entierement par là celles qui lui manquent.
Et certainement , ajoute- t'il , il est plus aisé
d'envisager fixement et les yeux ouverts , les
foudres qui tombent du Ciel , que de n'être
point ému des violentes passions qui regnent
en foule dans ses ouvrages .
Tel est le passage de Longin , traduit
dans toute sa force par M. Despreaux
Jo Vola
Quel
1290 MERCURE DE FRANCE
Quelles reflexions ne peut- on pas faire
là dessus ? voilà l'Eloquence traitée de
qualité plus qu'humaine , de qualité divi
ne. la voilà comparée à ce qu'il y a de plus
fort , de plus puissant dans la nature , je
veux dire , aux tempêtes , et aux foudres .
A t'on jamais attribué quelque chose de
semblable à la Poësie ? Et n'est- il pas évi
dent que l'Eloquence a par cet endroit
là un avantage que tous les charmes et
les agrémens de la Poësie ne sçauroient
égaler .
On n'a qu'à se rappeller ici les grands
fuccès qui accompagnoient l'Eloquence de
Ciceron. Ignore- t'on l'avantage qu'il eur,.
en faisant l'Apologie de Ligarius , en pre
sence de Jules - Cesar , son ennemi declaré
, et qui avoit résolu de le proscrire ?
C'étoit dans ce dessein qu'il s'étoit rendu
au Senat ; et malgré tous les mouvemerrs
de sa haine et de son ambition , on vit
eet Empereur , aussi distingué par son
esprit que par ses armes victorieuses ,
rendre hommage, pour ainsi dire , à l'Elo
quence de Ciceron ; laisser tomber le pa
pier qu'il tenoit dans sa main , par la sur
prise où il étoit de voir justifier comme in
nocent celui qu'il avoit regardé comme
coupable.
C'est ainsi que l'Eloquence sçait se ren.
Lo.Vol.
dre ,
JUIN. 1731. 12.9
dre maîtresse des volontez ; et qu'on ne
dise pas que Ciceron ne dût ce succès
qu'à la vehemence de sa prononciation.
Ce n'étoit point le sentiment du grand
Prince de Condé ; Ce Prince aussi céle
bre que Cesar par son génie et par ses
Conquêtes , soutenoit qu'on ne pouvoit
lire les Ouvrages de Ciceron sans en être
ému ; cela fait voir que le talent même
de la prononciation , dont là plûpart des
Poëtes ne font nul usage , n'empêche pas
que les Discours des Orateurs , par la lec
ture qu'on en fait , ne triomphent dans
tous les Pays et dans tous les siecles.
Que dire après cela , du mépris que
l'Auteur de la Lettre fait de la Prose :
qu'il met au - dessous de la versification et
de l'harmonie de la Poësie , comme si
cette harmonie étoit particuliere aux Pdë
tes , et qu'il ne fût pas possible aux Ora
teurs d'enchanter les esprits par les char
mes de la parole ? on sçait , sans doute, ce
qui arriva au fameux Alphonse Roy d'Ar
ragon. Attaqué d'une maladie de lan
gueur qui paroissoit incurable aux Mede
cins , il recouvra sa santé par la lecture
de l'Histoire de Quint Curce : a t'on ja
mais crû que les Histoires appartiennent
à la Poësie ? ne sont-elles pas uniquement
du ressort de l'Eloquence qui sçait ramas
I. Vol
ser
1292 MERCURE DE FRANCE
ser quand elle veut , et les agrémens du
Discours, et les images les plus vives de la
nature.
Quant à ce que l'Auteur a dit de l'en
tousiasme de David et des Prophetes , qui
se sont servis du langage de la Poësie pour
exprimer leurs sentimens , il est aisé de ré
pondre que ce Saint Roy n'écrivit ces
Oracles en vers , que parce qu'il voulut
qu'ils fussent chantez dans les assemblées
du Peuple , et l'on sçait bien que le chant
ne peut se passer de la cadence de la Poë
sie ; mais il ne s'ensuit pas delà , que les
Exhortations des Prophetes n'ayent eu
de la force que parce qu'elles étoient en
vers : au contraire, plusieurs d'entr'eux se
sont servis de la Prose pour parler aux
Peuples , et l'on sent encore, en les lisant
que rien ne manque à la grandeur et à
la majesté qui convenoit à Dieu même
qui les inspiroit.
Il est tems de venir aux Modernes , et
à l'Eloquence de notre siecle. Est- il pos
sible que l'Auteur de la lettre ait si fort.
méconnu le merite de nos Orateurs et de
nos Ecrivains , que de leur préferer les
agrémens de la Poësie ? Croit -il avoir ga
gné sa cause en établissant sur le senti
ment du P. Bouhours , du P. Rapin , de
M. D'Aubignac, que le Poëme Epique est
I. Vola le
JUIN. 1731. 1293
>
le Chef- d'oeuvre de l'esprit humain ? Je
le surpre ndrai bien plus , quand je luy
dirai qu'il y a tel Discours en nôtre lan
gue , tel Panegyrique , telle Harangue
qui est un Chef-d'oeuvre de l'esprit hu
main : et cela est d'autant plus vrai , que
sans avoir recours aux Fables , aux sup
positions , aux chimeres de la Poësie , on
s'en trouve charmé par la seule verité
par la seule force de la parole. Je le re- .
péte: il y a dans ces Discours dont je par
le , autant d'art , de vivacité , de gran
deur , et quelquefois plus , que dans tous.
les Poëmes anciens et modernes.
Que dis - je ? l'Eloquence n'a - t'elle pas
plus de force ordinairement par la liber
té qu'elle a de se tourner de tous côtés ;
de pousser ou de moderer la vigueur et
la rapidité de son style , selon les occa
sions , ou les passions qu'elle fait agir ; on
sçait que dans la Poësie la raison se trouve
enchainée par les loix rigoureuses de la
versification : les plus excellens Poëtes s'en
sont plaints , et ils n'ont pû dissimuler
leur contrainte : mais dans la Prose l'esprit
peut prendre tout son essor , il a le choix
de ces images vives , justes et agréables ,
qui par un doux charme saisissent l'esprit
et le coeur. Dans la Poësie , la nature est
quelquefois si envelopée sous des figures
8
1
3
1
1
1. Vol.
étrangeres ,
1294 MERCURE DE FRANCE
étrangeres , qu'on a de la peine à la récon
noître mais l'Eloquence présente toûjours
une fidele image de la nature , et il n'ap
partient qu'à elle de faire bien valoir la
verité et la raison .
L'Auteur a crû beaucoup avancer en
rapportant quelques endroits d'Homere
et de Racine , qu'il défie nos Ecrivains de
mettre en Prose avec le même succés , mais
il se fait illusion à lui-même. S'il y a des
traits dans les Poëtes que la Prose ne puis
se égaler , on en voit aussi dans les Ora
teurs où la Poësie ne sçauroit atteindre :
cela dépend de la justesse et de la préci
sion avec laquelle les uns et les autres se
sont exprimés . Il est certain que ce qui est
exprimé fortement et noblement dans
une langue ou dans un genre , ne peut
passer avec la même grace dans un autre.
On en voit des preuves dans toutes les
Traductions qu'on a faites des ouvrages
des Anciens et des Modernes : et on a tou
jours été convaincu que les Traductions
mêmes de nos Auteurs François ne valent
pas les Originaux ; il en est de même des
Orateurs et des Poëtes ; mais il ne s'ensuit
point de ce parallele que la Poësie ait au
cun avantage sur l'Eloquence .
Puisque l'Auteur de la Lettre a employé
les citations en faveur de la Poësie , il nous
I. Vol
doit
JUIN. 1731. 1295
par
E doit être permis de les employer aussi
pour l'Eloquence : en voici une d'un Ora
teur celebre qui a été en son temps une
lumiere de l'Eglise ; je parle de M. Bos
suet Evêque de Meaux ; on l'a comparé
à Demosthéne. C'est dans l'Oraison fune
bre de la Reine d'Angleterre
, Epouse
du Roy Charles premier , où ce grand
Prélat , aprés avoir marqué tous les mal
heurs qui arriverent à ce Prince , et sa
détention les Ennemis
de sa person
ne et de son Royaume , s'exprime ainsi .
Le Roy est mené de captivité en captivi
té: et la Reine remue en vain la France ,
la Hollande , la Pologne même , et les Puis
sances du Nord les plus éloignées : elle ranime
les Ecossois , qui arment trente mille hom
mes ; ellefait avec le Duc de Lorraine une
entreprise pour la delivrance du Roy , dont
le succés paroit infaillible , tant le concert en
est justes elle retire ses chers enfans , l'uni
que esperance de sa maison , et confesse cette
fois , que parmi les plus mortelles douleurs ,
on est encore capable de joye : elle console
le Roy , qui lui écrit de saprison même , qu'elle
seule soutient son esprit , et qu'il ne faut
craindre de lui aucune bassesse , parceque
sans cesse il se souvient qu'il est à elle. O
Mere ! O Femme ! O Reine admirable !
et digne d'une meilleure Fortune , si les For
དྲ
3
S
$
i
5
*
I. Vol.
tunes
1296 MERCURE DE FRANCE
tunes de la Terre éroient quelque chose ! en
fin , il faut ceder à vôtre sort ; vous avez as
sés soutenu l'Etat qui est attaqué par uneforce
invincible et divine ; il ne reste plus désor
mais sinon que vous teniez ferme parmi fes
ruines.
Qui cependant , continua t- il , pourroit
exprimer ses juftes douleurs ? Qui pourroit ra
conter ses plaintes t Non , Messieurs , Jere
mie lui-même , qui seul semble être capable
d'égaler les lamentations aux calamitez , ne
suffiroit pas à de tels regrets . Elle s'écrie avec
eeProphéte : Voyez , Seigneur , mon affliction ;
mon ennemi s'est fortifié , et mes enfans sont
perdus ; le cruel amis sa main sacrilege surce
qui m'étoit le plus cher ; la Royauté a été pro
fanée , et les Princes sont foulez aux pieds ;
baiffez-moi , je pleurerai amérement ; n'en
trepenez pas de me consoler : Le glaive afra
pé au dehors , mais je sens en moi - même une
mort semblable.
Voilà l'endroit de M. Boffuet , qu'on
a été obligé de rapporter tout entier , quoi
qu'un peu long. Quelle foule de paffions
& de mouvemens ne voit- on pas dans
cette Description du malheur de ce Prince?
mais quelle addreffe , de s'arrêter tout
d'un coup , pour ne pas raconter la funefte
mort qu'on lui fit souffrir & de relever
par son silence , ce qu'il sentoit bien ne
I. Vel pou
E JUIN. 1731 . 1297
To
T
#
TE
+
"
1
7
pouvoir égaler par fon discours , de passer
enfin à cette apoftrophe imprevûë , par
laquelle il s'écrie , comme s'il eût été hors
de lui- même , O mere ! O femme ! O
Reine admirable , & digne d'une meilleure
fortune , fi les fortunes de la Terre étoient
quelque chose .... On doit admirer encore
l'application merveilleuse qu'il fait à cette
Reine , des expressions de Jeremie , qui
repreſentent fi fortement la grandeur de
son infortune et de ses douleurs . Peut- on
rien voir de plus frappant ? que la Poësie
s'efforce de mettre en Vers cet en
droit , & plufieurs autres qui se trouvent
dans cette Oraison funebre , & dans celle
de la Duchesse d'Orleans qui la suit
immediatement , elle n'en viendra ja
mais à bout.
>
On peut encore se souvenir de celle
du Grand Prince de Condé faite par le
même Prélat , où tout ce que la Guerre
a de plus héroïque , tout ce que l'esprit
& le coeur ont de plus grand se trouve
renfermé de la maniere du monde la plus
vive , sans parler du détail qu'il y fait de
la mort de ce Héros , Ouvrage immor
tel , où l'on a dit avec raison , que cet
admirable Orateur s'étoit surpaffé lui-mê
me. Tout cela est fort au - deffus des agré
mens de la Poësie .
1. Vol.
Que
1298 MERCURE DE FRANCE
Que s'il faut passer aux Orateurs de
notre siécle , qu'y a- t'il de plus beau , de
plus éloquent , de plus sublime , que les
Eloges funebres , composez par M. Fle
chier , Evêque de Nîmes. On sçait qu'il
a porté l'Art de la louange à un point de
perfection , où les Anciens ni les Moder
nes n'ont presque pû atteindre . On n'a
qu'à lire ces Eloges , on y trouvera une
infinité d'endroits que les plus grands
Poëtes auroient bien de la peine à égaler.
Entr'autres , celui - ci qui se voit à la fin de
P'Oraison funebre de la Reine,
Que lui restoit-il à demander à Dieu , dit
il , ou à desirer sur la terre ? Elle voyoit le
Roy au comble des prosperitez humaines ; ai
mé des uns , craint des autres , estimé de tous;
pouvant tout ce qu'il veut , et ne voulant que
ce qu'il doit ; au dessus de tout par sa
gloire , et par sa moderation au dessus de sa
gloire même.
Quelle précision ! Quelle grandeur ! dans
ce peu de mots , qui comprennent tout ce
qu'on a dit de plus beau à la gloire de
Louis le Grand ? mais quelle cadence !
quelle harmonic ! en peut- on trouver da
vantage dans les Poëtes les plus confom
mez ?
Il ne faut qu'ouvrir l'Eloge funebre
qu'il a fait du Grand Turenne. C'est- là
1. Vol.
qu'il
JUIN. 1731. X299
W
qu'il a déployé toute la force de son Art.
Il s'y est élevé aussi haut que la gloire du
Heros qu'il vouloit loüer. En voici des
traits inimitables .
Oùbrillent, dit- il, avecplus d'éclat les effets
glorieux de la vertu Militaire conduites
d'Armées, Sieges de Places , Prises de Villes
Passages de Rivieres : Attaques hardies , Re
traites honorables , Campemens bien ordon
nez , Combats soutenus , Batailles gagnées ,
Ennemis vaincus par la force , dissipez par
Paddresse, lassez et consumez par une sage et
noble patience où peut-on trouver tant et de
si puissans exemples , que dans les actions
d'un Homme sage , liberal , desinterressé
dévoué au Service du Prince & de la Patrie;
grand dans l'adversité par son courage
dans la prosperité par sa modestie , dans.
les difficultez par sa prudence , dans les
perils par sa valeur , dans la Religion par
sa pieté ? ...
Villes , que nos Ennemis s'étoient déja
partagées , vous êtes encore dans l'enceinte de
notre Empire. Provinces qu'ils avoient déja
ravagées dans le desir et dans la pensée , vous
avez encore recueilli vos moissons. Vous du
rez encore , Places que l'Art et la Nature a
fortifiées , et qu'ils avoient dessein de démo
lir et vous n'avez tremblé que sous de
projets frivoles d'un Vainqueur en idée , qui
I.Vol. - E 1 comp
.
333107
1300 MERCURE DE FRANCE .
comptoit le nombre de nos Soldats et qui
ne songeoit pas à la sagesse de leur Capi
taine
د
....
Ilparle , chacun écoute ses Oracles : il com
mande , chacun avec joye suit ses ordres ; il
marche , chacun croit courir à la gloire. On
diroit qu'il va combattre des Rois , confe
derez avec sa seule Maison comme un au
tre Abraham ; que ceux qui le suivent sont
ses Soldats et ses Domestiques , et qu'il est
General et Pere de Famille tout ensem
ble ....
Il se cache ; mais sa réputation le décou
vresilmarche sans suite et sans équipage,mais
chacun dans son esprit le met sur un Char
de Triomphe : On compte en le voyant les
ennemis qu'il a vaincus, nonpas les Serviteurs
qui le suivent tout seul qu'il est , on se figure
autour de lui ses vertus et ses victoires qui
Paccompagnent ; il y a je ne sçai quoi de no
ble dans cette honnête simplicité , et moins
il est superbe , plus il devient venerable ...
L'enviefut étouffée , ou par le mépris qu'il
en fit , ou par des accroissemens perpetuels
d'honneur et de gloire : le merite l'avoit fait
naître , le merite la fit mourir. Ceux qui
lui étoient moins favorables
combien il étoit necessaire à l'Etat ceux
qui ne pouvoient souffrir son élevation se
srurent enfin oblige d'y consentir , et n'o
ont reconnu
د
I. Vol. sens
JUIN. 1731. 1301
sans s'affliger de la prosperité d'un Hom
me qui ne leur avoit jamais donné la mise
rable consolation de se réjouir de quelqu'une
de ses fautes , ils joignirent leur voix à la voix
publique et crurent qu'être fon Ennemi
>
c'étoit l'Etre de toute la France ...
En voilà bien assez , et un peu trop ,
pour faire repentir l'Auteur de la Lettre
du mépris qu'il a fait de l'Eloquence , fion
a cité un peu au long cet éloge de M. de
Turenne c'est que tout le monde con
vient que c'est un chef - d'oeuvre de
l'Esprit humain , et que M. Fléchier s'eſt
immortalisé lui-même , en immortalisant
le Heros .
›
>
On ne dira rien ici du Panegyrique
du Roy par M. Pelisson , qui a été traduit
en toutes sortes de Langues de l'Europe
à l'honneur de la nôtre ni de tant
de Harangues prononcées , soit à l'Aca
demie , soit ailleurs ; cela nous meneroit
trop loin ; mais qu'eft-il besoin de s'é
tendre davantage ? Quel a été jusqu'ici
le but de l'Académie Françoise ? Eft - ce
de cultiver principalement la Poësie , &
de la préferer à l'Eloquence ? qu'on le
demande aux sçavans Hommes qui l'a
composent , Ils diront que c'est l'Elo
quence qui a toujours fait le principal
objet de leurs soins ; qu'ils n'ont rien ou
1. Vol
E ij blié
יכ
LVLM JP 1 дауUD
blié
par leurs
Ecrits
, pour
la rendre
su
blime
, touchante
, et digne
enfin
de toute
la gloire
de
notre
Siècle
. Ils
diront
qu'ils
connoissent
tous
le
mérite
de
la Poësie
.
qu'ils
couronnent
tous
les ans
par
des
prix
;
mais
qu'ils
sont
persuadez
que
l'Eloquence
qui
est
aussi
couronnée
par
leurs
mains
,
est
d'un
usage
plus
étendu
, plus
utile
,
plus
noble
et plus
importants
que
l'on
di
se après
cela
que
la Poësie
eft le langage
des
Dieux
, on répond
que
l'Eloquence
,étant
le
langage
des
Hommes
, & des
Hommes
les
plus
distinguez
, elle
a plus
de droit
sur
leur
estime
, & qu'on
doit
s'attacher
avec
plus
de soin
à la cultiver
et à la maintenir
dans
sa
perfection
.
On doit conclure de tout ce qu'il vient
d'être dit , que la Poësie ne regardant que
le plaisir de l'esprit , et l'Eloquence ayant
pour objet la vérité , la juftice , la vertu et
la sagesse , elle mérite par conséquent
d'être préférée à la Poësie.
On n'a pas eu le tems de s'étendre sur
ce qu'a dit l'Auteur de la Lettre au sujet
des Prédicateurs , qu'il prétend être fades
et ennuyeux , un Amateur des Théatres
et des Operas doit avoir quelque peine à
les gouter ; mais il ne laisse pas d'être vrai
que
que l'Eloquence de la Chaire a été portée
de nos jours à une très grande perfection ;
I. Vol. et
JUIN. 1731. 1303
et qu'on ne sçauroit mépriser les Prédica
teurs , sans se moquer des Saints Peres qui
'en sont les modéles , un Ambroise , un
Cyprien , un Auguſtin , un Chrysostome
que nos Orateurs Chrétiens suivent de
fort près : Ces Grands Hommes ont été
infiniment au dessus de tous les Poëtes.
Le 3. Janvier 1731.
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Résumé : REPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure de Novembre 1730. sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
Le texte est une réponse à une lettre publiée dans le Mercure de Novembre 1739, qui accordait la préférence aux poètes sur les orateurs. L'auteur, bien que réticent à s'exprimer publiquement, se sent obligé de défendre l'éloquence contre cette dépréciation. Il affirme que l'éloquence a toujours occupé une place supérieure dans l'Empire des Lettres, tant chez les Anciens que chez les Modernes. L'auteur soutient que l'éloquence est plus utile et plus importante que la poésie, car elle est l'arbitre du bon sens, de la vérité et de la raison. Contrairement à la poésie, qui se limite à plaire par la beauté des images et l'imagination, l'éloquence triomphe des passions et maîtrise les volontés. Il cite des exemples comme Cicéron, dont l'éloquence a su convaincre Jules César, et Démosthène, comparé à une tempête par Longin. Le texte critique également l'idée que la poésie est un art divin, en opposant le témoignage de Cicéron à celui de Longin sur Démosthène. Il souligne que l'éloquence a un pouvoir supérieur, capable de régner sur les esprits des princes, des magistrats et des peuples. En ce qui concerne les Modernes, l'auteur affirme que les orateurs et écrivains français sont aussi habiles que les Anciens. Il mentionne que des discours en prose peuvent être des chefs-d'œuvre de l'esprit humain, sans recourir aux fables et aux suppositions de la poésie. Il conclut en affirmant que l'éloquence a plus de force et de liberté d'expression que la poésie, qui est contrainte par les lois de la versification. Le texte présente également des exemples d'orateurs célèbres, comme Bossuet, évêque de Meaux, comparé à Démosthène, et son oraison funèbre pour la reine d'Angleterre, épouse du roi Charles Ier. Bossuet y décrit les malheurs du roi, sa captivité et les efforts vains de la reine pour le libérer. Il exprime l'admiration pour la reine et la force de son esprit malgré les épreuves. Le texte souligne également l'éloquence de Bossuet dans d'autres discours, comme celui pour le prince de Condé, où il dépeint héroïquement la guerre et la mort du héros. Le texte mentionne ensuite Flechier, évêque de Nîmes, et ses éloges funèbres, notamment celui de la reine et du maréchal Turenne, où il atteint une grande perfection dans l'art de la louange. Il insiste sur la supériorité de l'éloquence sur la poésie, car elle traite de la vérité, de la justice, de la vertu et de la sagesse, contrairement à la poésie qui se limite au plaisir de l'esprit. Il conclut en affirmant que l'éloquence est plus utile et noble, et qu'elle mérite d'être cultivée avec soin. Enfin, il mentionne brièvement la perfection atteinte par l'éloquence de la chaire et les grands prédicateurs chrétiens.
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18
p. 1303-1304
LOGOGRYPHE.
Début :
Prenez-moi tout entier, je presente à vos yeux [...]
Mots clefs :
Tableau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGOGRYPHE.
PRenez
à vos yeux
Renez- moi tout entier , je presente
Un objet des plus gracieux ;
Je rappelle un fait mémorable ,
Ou de l'Histoire ou de la Fable ;
Je vous offre des Prez , des Arbres et des Fleurs
Que l'Aurore jamais ne baigna de ses pleurs.
Grand , petit , rond , quarré, comme le veut mon
pere ,
Je ne compterai point ici tous les sujets
Dont on me fait dépositaire :
Mon nom aussi vous offre une foule d'objets ;
En effet , l'on y trouve un meuble necessaire ,
Qui sert à bien plus d'une affaire ;
Vous y verrez un Elément ;
Un des enfans du premier homme ;
Une grande Cité plus ancienne que Rome ;
1. Vol.
E iij
1304 MERCURE DE FRANCE
Ce qui nous plaît infiniment ;
Ce que chacun voudroit atteindre ;
Certain Globe qui se fait craindre,
Et qui porte des coups mortels ;
Un vétement dont font usage ,
Les Ministres des saints Autels ;
Faut - il en dire davantage ?
Vous y verrez une couleur ;
Un mot Latin , qui signifie
Un Instrument dont l'harmonie ,
Annonce les Combats , excite la valeur ;
Je n'aurois jamais fait si je voulois tout dire
Vous y verrez enfin les lieux où tout respire ,
Les Plaisirs , la Joye et l'Amour ,
Lieux d'où l'on sort quand il est jour..
:
Par M. V. D. L. T. d'Aix.
PRenez
à vos yeux
Renez- moi tout entier , je presente
Un objet des plus gracieux ;
Je rappelle un fait mémorable ,
Ou de l'Histoire ou de la Fable ;
Je vous offre des Prez , des Arbres et des Fleurs
Que l'Aurore jamais ne baigna de ses pleurs.
Grand , petit , rond , quarré, comme le veut mon
pere ,
Je ne compterai point ici tous les sujets
Dont on me fait dépositaire :
Mon nom aussi vous offre une foule d'objets ;
En effet , l'on y trouve un meuble necessaire ,
Qui sert à bien plus d'une affaire ;
Vous y verrez un Elément ;
Un des enfans du premier homme ;
Une grande Cité plus ancienne que Rome ;
1. Vol.
E iij
1304 MERCURE DE FRANCE
Ce qui nous plaît infiniment ;
Ce que chacun voudroit atteindre ;
Certain Globe qui se fait craindre,
Et qui porte des coups mortels ;
Un vétement dont font usage ,
Les Ministres des saints Autels ;
Faut - il en dire davantage ?
Vous y verrez une couleur ;
Un mot Latin , qui signifie
Un Instrument dont l'harmonie ,
Annonce les Combats , excite la valeur ;
Je n'aurois jamais fait si je voulois tout dire
Vous y verrez enfin les lieux où tout respire ,
Les Plaisirs , la Joye et l'Amour ,
Lieux d'où l'on sort quand il est jour..
:
Par M. V. D. L. T. d'Aix.
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19
p. 1304-1305
ENIGME du même Auteur.
Début :
On voit à me former plusieurs Dieux concourir ; [...]
Mots clefs :
Salade
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME du même Auteur.
ENIGME du même Auteur.
N voit à me former plusieurs Dieux con
ΟΝ courir ;
Cybelle me reçoit , et daigne me nourrir ;
Quand je sors de son sein, au Soleil je m'expose
L'Aurore de ses pleurs m'arrose;
Je suis aussi l'objet des soins ,
Et de Vertumne et de Pomone ;
d. Vola Ce
JUIN. 1731. 1305
-
Ce n'est pas tout encor, avant que je sois bonne ,
Il faut que d'autres Dieux ne me servent pas
moins ;
Le Dieu de la Plaine liquide ,
M'offre l'Elixir de ses eaux ,
Sans lui je serois insipide :
Déesse dont le bras est armé d'une Egide ,
Tu me donnes le jus du fruit de ces Rameaux ,
Qui , tandis que l'hyver attriste la Nature ,
Conservent toûjours la verdure :
Charmant Bacchus , sur moi tu répans ta Li
queur ,
Non pas telle , il est vrai , qu'elle plaît au buveur.
Mortels , en cet état je puis vous être offerte ;
Mais quel traitement je reçoi !
Plusieurs mains s'arment pour ma perte ,
Elles viennent fondre sur moi :
Est-il un destin plus funeste ?
Pour vous dire en deux mots le reste
On me porte dans un Palais ,
Où je suis bien- tôt déchirée :
Quelle injustice? helas ! par ceux à qui je plais ;
Faut- il que je sois dévorée ?
N voit à me former plusieurs Dieux con
ΟΝ courir ;
Cybelle me reçoit , et daigne me nourrir ;
Quand je sors de son sein, au Soleil je m'expose
L'Aurore de ses pleurs m'arrose;
Je suis aussi l'objet des soins ,
Et de Vertumne et de Pomone ;
d. Vola Ce
JUIN. 1731. 1305
-
Ce n'est pas tout encor, avant que je sois bonne ,
Il faut que d'autres Dieux ne me servent pas
moins ;
Le Dieu de la Plaine liquide ,
M'offre l'Elixir de ses eaux ,
Sans lui je serois insipide :
Déesse dont le bras est armé d'une Egide ,
Tu me donnes le jus du fruit de ces Rameaux ,
Qui , tandis que l'hyver attriste la Nature ,
Conservent toûjours la verdure :
Charmant Bacchus , sur moi tu répans ta Li
queur ,
Non pas telle , il est vrai , qu'elle plaît au buveur.
Mortels , en cet état je puis vous être offerte ;
Mais quel traitement je reçoi !
Plusieurs mains s'arment pour ma perte ,
Elles viennent fondre sur moi :
Est-il un destin plus funeste ?
Pour vous dire en deux mots le reste
On me porte dans un Palais ,
Où je suis bien- tôt déchirée :
Quelle injustice? helas ! par ceux à qui je plais ;
Faut- il que je sois dévorée ?
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20
p. 1305-1306
SECONDE ENIGME. du même Auteur.
Début :
Lecteur, voici de quoi rêver, [...]
Mots clefs :
Lettre A
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE ENIGME. du même Auteur.
SECONDE
du même Auteur.
Lecteur ,
Ecteur, voici de quoi rêver ,
De plusieurs soeurs je suis l'aînée ,
I. Vol.
Je
E.iiij
1306 MERCURE DE FRANCE
Je ne parois jamais à la fin de l'année ; ·
commencement que l'on peut me C'est au
trouver.
En Espagne j'occupe une place honorable ;
Je suis necessaire à la table ;
Pour le Jeu , je ne m'y plaits pas
Inséparable de Pallas ,
Je concours à former la valeur et l'audace ;
Je suis au milieu d'une Place :
Sans moi vous n'auriez point d'argent.
Je marche avec le pauvre , et je fuis l'opulent ;
Mais cependant je sers au faste , à la parure ;
On m'employe à l'Architecture.
Le François m'a chassé de Rome sans raison ,
Mais je suis dans Paris ; est- il une maison ,
Où je ne trouve un sûr azile ?
Laissons ce détail inutile ,
Voici pour me connoître un signal très- certain ;
Lecteur , tu me tiens dans la main.
du même Auteur.
Lecteur ,
Ecteur, voici de quoi rêver ,
De plusieurs soeurs je suis l'aînée ,
I. Vol.
Je
E.iiij
1306 MERCURE DE FRANCE
Je ne parois jamais à la fin de l'année ; ·
commencement que l'on peut me C'est au
trouver.
En Espagne j'occupe une place honorable ;
Je suis necessaire à la table ;
Pour le Jeu , je ne m'y plaits pas
Inséparable de Pallas ,
Je concours à former la valeur et l'audace ;
Je suis au milieu d'une Place :
Sans moi vous n'auriez point d'argent.
Je marche avec le pauvre , et je fuis l'opulent ;
Mais cependant je sers au faste , à la parure ;
On m'employe à l'Architecture.
Le François m'a chassé de Rome sans raison ,
Mais je suis dans Paris ; est- il une maison ,
Où je ne trouve un sûr azile ?
Laissons ce détail inutile ,
Voici pour me connoître un signal très- certain ;
Lecteur , tu me tiens dans la main.
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21
p. 1306-1307
EXPLICATION de l'Enigme et des deux Logogryphes de May.
Début :
Je les tiens les vers mots ; Barbe, qui vient de naitre, [...]
Mots clefs :
Barbe, Poutre, Logogriphe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION de l'Enigme et des deux Logogryphes de May.
EXPLICATION de l'Enigme
et des deux Logogryphes de May.
qui
JE
E les tiens les vrais mots ; Barbe ,
naitre ,
Est signe de prudence , ou du moins devroit
P'être ;
vient de
Tout le reste y convient. Poutre certainement ,
Į. Vol.
Estce
JUI N.
1307
1731.
Estce Prothée obscur , dont le prompt change
ment ,
Fait une Tour , un Port , une Porte , une Route
Un Ver ; mais c'est assez : le troisiéme , sans
doute ,
S'est lui-même dépeint ; Logogrypbe est aisé
A reconnoître aux traits qui l'avoient déguisé.
et des deux Logogryphes de May.
qui
JE
E les tiens les vrais mots ; Barbe ,
naitre ,
Est signe de prudence , ou du moins devroit
P'être ;
vient de
Tout le reste y convient. Poutre certainement ,
Į. Vol.
Estce
JUI N.
1307
1731.
Estce Prothée obscur , dont le prompt change
ment ,
Fait une Tour , un Port , une Porte , une Route
Un Ver ; mais c'est assez : le troisiéme , sans
doute ,
S'est lui-même dépeint ; Logogrypbe est aisé
A reconnoître aux traits qui l'avoient déguisé.
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Résumé : EXPLICATION de l'Enigme et des deux Logogryphes de May.
Le texte explique une énigme et deux logogryphes de May. Il identifie 'Barbe' comme signe de prudence et mentionne les années 1307 et 1731. Prothée, figure mythologique capable de changer de forme, est décrit comme obscur et se transformant en divers objets. Le troisième logogryphe se dépeint lui-même et est reconnaissable par ses traits déguisés.
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