Résultats : 1 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 51-59
DISCOURS, sur l'obligation qu'il y a pour les Femmes, de nourrir elles-mêmes leurs enfans.
Début :
LA Comtesse de *** étant heureusement accouchée d'un Garçon, [...]
Mots clefs :
Mère et enfant, Nourrir un enfant, Naissance, Lait, Sang, Nourrice, Lait de brebis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS, sur l'obligation qu'il y a pour les Femmes, de nourrir elles-mêmes leurs enfans.
DISCOURS, sur l'obligation qu'il y as
pour les Femmes, de nourrir elles- mêmes
leurs enfans.
LA
A Comtesse de *** étant heureuse
'ment accouchée d'un Garçon , M.
de *** son cousin germain en ayant
apris la nouvelle , monta aussi- tôt à
son appartement , après lui avoir fait
les complimens ordinaires , il se rendit
dans la Chambre où toute la famille
étoit assemblée pour la féciliter sur cette
agréable naissance : Je viens , dit - il , en
entrant , de laisser Madame dans une
tranquilité et une santé qui nous promet
les plus heureuses suites de son accouchement..
52 MERCURE DE FRANCE.
ment. Je ne doute point , ajouta - t - ik;
qu'elle ne nourrisse son fils de son propre lait.
Il alloit continuer , mais la mere de la
Comtesse qui se trouvoit présente , l'interrompit ; et d'un ton , mêlé de colere et
de raillerie , dit qu'elle se donneroit bien
de garde de suivre ses leçons ; qu'elle
sçauroit ménager la délicatesse de sa fille,
et donner promptement une Nourrice à
l'Enfant ; pour ne point ajouter aux tra
vaux de l'accouchement , l'étrange et pénible fonction de nourrir elle- même le
fils qu'elle venoit de mettre au monde.
De grace , Madame , repliqua M✶✶* * *
trouvez bon qu'elle ne soit pas mere à
demi ; car enfin quelle seroit cette espece de maternité imparfaite ; et si j'ose le
dire, manquée , d'enfanter un fils et de le
rejetter aussitôt loin d'elle , d'avoir
nourri dans ses entrailles du plus pur de
son sang je ne sçai quel enfant qu'elle
ne voyoit point , qu'elle ne connoissoit
point , et de cesser de le nourrir du lait
que la nature lui donne si liberalement à
ce dessein , dès qu'elle le voit né ,
dès
qu'il commence même à le demander par
ees cris touchants qui implorent si vivement le secours de sa mere. Eh quoi !
pensez - vous donc que ce ne soit que
pour
JANVIER. 1732. 53.
par
و
pour un vain ornement , ou pour l'art
dangereux de plaire , et non pour nourrir leurs enfans , que la nature ait donné
les mammelles aux femmes; et cependant
par un étrange renversement la pluspart
des meres s'empressent à tarir et à éteindre cette source sainte ; cette nourrice
précieuse du genre humain , aux hazards
des maux qu'un lait ainsi détourné , et
là corrompu , ne leur cause que trop
souvent. Aveugles de sacrifier à l'opinion et à une vaine délicatesse leurs interêts et
leurs devoirs les plus pressans? Leur faute est-elle donc bien differente du crime de
ces meres dénaturées , qui par de cruels
artifices , font avorter l'enfant que la nature a créé dans leur sein , de peur que
le poids de la grossesse , et le travail de
l'enfantement n'alterent la beauté et les
graces d'un corps dont elles sont idolâtres. Quesi c'est une action digne de l'éxécration publique d'aller chercher une
créature vivante et raisonnable pour lui
porter le coup de la mort , jusques dans
les mains même de la nature qui s'empressoit de l'animer et de la former, qu'il
s'en faut peu qu'il ne soit aussi criminel de
priver un enfant déja né, déja devenu son
propre fils , d'un aliment dont la nature
Pavoit mis en possession , qu'elle a fait
pour
54 MERCURE DE FRANCE
pour lui , et sur lequel il a des droits
qu'on ne peut lui ravir sans injustice et
sans cruauté !
Mais , dit - on , pourvû que l'enfant
vive et soit nourri , qu'importe de quel
lait il le soit. O vous , qui me faites cette
objection , si vous sçavez si peu démêler
les vrais sentimens de la niture ; croyezvous donc aussi , qu'il n'importe dans le
sein de quelle mere, et de quel sang un
enfant ait été engendré ; non sans doute.
Mais ce sang qui par l'action des esprits
et par une douce chaleur , a blanchi les
mammelles. N'est il pas toujours le même
qu'il étoit dans les entrailles de la mere ,
et c'est icy que l'adresse de la nature est
bien remarquable, car après que ce sang,
mis en œuvre par ses adroites mains , a
perfectionné le corps de l'enfant , lorsque
le temps de l'accouchement approche ,
n'ayant plus rien à faire en bas , il s'élevé
en haut, se filtre et se place dans les mam
melles , tout prêt d'y entretenir et de fortifier cette source de vie et de lumiere
que l'enfant reçoit en venant au monde
et de lui offrir une nourriture déja connuë et familiere.
st
C'est sur ce fondement que l'on penavec raison que la nature et les propriétez du lait ne contribuoient pis
moins
JANVIER. 173 2 . 35
moins à tracer et dans le corps et dans
l'esprit des enfans ces ressemblances .
avec leurs parens , si fortes et si frequentes , que la vertu même et l'impression
de la sémence.
.certain
L'experience nous montre cette vérité
non seulement dans les hommes , mais
encore dans les animaux ; car si , les Chevreaux sont allaitez de lait de Brebis , et
les Agneaux de celui de Chévre , il est
la laine de ceux - cy sera que
moins fine , et le poil de ceux - là plus
doux ; jusques dans les Plantes et les
Grains , l'on observe que les terres qui
les contiennent et les eaux qui les humectent ont plus de force et de puissance,
soit pour fortifier , soit pour alterer leurs
qualitez naturelles que la semence même;
et ne voyons- nous pas souvent des arbres
pleins de force et de vigueur , périr bientôt , lorsque transplantez , ils reçoivent
les tristes influences d'un súc étranger.
Quelle raison donc , grand Dieu , on
plutôt quel aveuglement de laisser alte-.
rer la pureté et la noblesse naturelle de
ce sang, qui coule dans les veines d'un
enfant nouveau né , par l'aliment souvent pernicieux , mais toujours étranger
d'un lait qui degeneres sur tout , si la
nourrice qu'on lui donne est de condi- tion
yo MERCURE DE FRANCE
tion servile et d'une naissance extrêmement basse , comme il arrive ordinairement si elle est laide ou méchante , si
elle aime le vin ou même la débauche
car pour comble de mal on prend presque toujours sans choix et sans discernement , celle qui se presente pour être
nourrice.
›
Exposerons-nous donc cet Enfant chéri , qui nous vient de naître , à être infecté d'une contagion si dangereuse , soufririons- nous que son ame et son corps
encore tendres reçoivent les esprits qui
forment et entretiennent la vie par les organes d'un corps souvent aussi vicieux
que l'ame qui l'habite.
C'est-là >, sans doute , la cause de ce que
nous voyons arriver tous les jours avec
surprise , que des femmes tres- vertueuses , ont des enfans qui leur ressemblent
si peu , et qui par leur temperamment
vicieux, semblent desavoüer leur origine.
Virgile qui n'étoit pas moins grand Philosophe que parfait Poëte , a bien senti
cette verité dans ces Vers , où la tendre
Didon reproche au trop vertueux Enée ,
qu'il ne pouvoit être le fils d'une Déesse,
et qu'il falloit , cruel comme il étoit, que
le Caucase l'eut engendré , dans ses affreuses Roches , car Didon ajoute incontinent
JANVIER. 1732. 57.
nent: Une Tigresse féroce t'a sans
doute allaité,
.... Hyrcanaque admorunt ubera
Tygrés.
Æneid. IV.
En effet , la nature du lait et le caractere de la nourrice , doivent avoir une
grande part dans la formation du tempe- famment et du caractere de l'Enfant. Ce
lait , n'en doutons point , empreint d'abord de la semence paternelle , figure
le naturel tendre de l'enfant qui le reçoit
des traits de l'esprit et du corps de la
'nourrice qui le donne. Mais quand tou
tes ces raisons manqueroient , devroiton compter pour rien , que les meres qui
abandonnent ainsi leurs enfans loin d'el
les et les donnent à nourrir d'un lait mercenaire, rompent, ou du moins relâchent extrêmement ces noeuds et ces ressorts
secrets dont la nature les avoit liez à eux;
car dès que la mere n'a plus devant ses
yeux l'Enfant emmené en nourrice, toute
la force et l'ardeur de l'amour maternelle
s'éteint insensiblement. Cette tendre inquiétude et ce doux soin qui en fait le
principal caractere , languit bien-tôt à un
tel point , qu'un fils relégué entre les
bras d'une nourrice , n'est gueres moins
oublié qu'un fils qui ne seroit plus ; l'EnD fant
MERCURE DE FRANCE
fant donne de son côté à sa nourrice toure
son affection , tout son attachement.C'est
le centre où se réunissent tous ses sentimens ; elle devient pour lui sa veritable
mere , tandis que celle qui devoit l'être ,
a laissé éteindre ses droits dans le cœur
de son enfant; et c'est ainsi que les plus
intimes et les premiers sentimens de l'amour filial étant perdus , tout l'amour
que des enfans peuvent concevoir dans la suite pour leurs parens , n'est point cet
amour naturel , qui seul dure toujours
mais un amour d'institution , un amour
arbitraire , aussi foible que le principe"
qui l'a produit.
Tel est à peu près le discours que j'entendis faire sur ce sujet à M. de ****
avec tout le feu et toute l'éloquence dont
il étoit capable.
Au reste,en le publiant , je ' ne me suis
pas flatté de réformer l'usage qui y est
combattu. Les hommes esclaves de l'opinion, se contentent d'ordinaire d'approuver spéculativement le parti le plus conforme à la raison ; lorsqu'on l'expose vi
vement à leurs yeux , et qu'on les force
par là de le reconnoître ; mais cette ap
probation stérile n'influë presque jamais
sur leur conduite , contre la tirannie de
Pusage.
J'avoue
JANVIER 1732. 5
J'avoue donc que j'ai senti que je ne
serois pas icy plus heureux , que lorsque
par la bouche de Pitagore et de Plutarque , j'ai tâché de montrer dans une Dissertation sur les Vers qu'Ovide met dans
la bouche de Pithagore, au liv . xiv. de ses
Métamorphoses , combien l'usage de tuer
et de manger les animaux est contraire
aux sentimens d'une raison pure et éclairées mais qu'importe , c'est toujours rendre à la vérité un hommage bien digne
de l'homme , que d'oser s'élever contre
des erreurs dominantes, et il est bon pour
l'honneur de la raison qu'il y ait toujours
des gens qui reclament en sa faveur
contre le préjugez , même sans esperancè de succès.
pour les Femmes, de nourrir elles- mêmes
leurs enfans.
LA
A Comtesse de *** étant heureuse
'ment accouchée d'un Garçon , M.
de *** son cousin germain en ayant
apris la nouvelle , monta aussi- tôt à
son appartement , après lui avoir fait
les complimens ordinaires , il se rendit
dans la Chambre où toute la famille
étoit assemblée pour la féciliter sur cette
agréable naissance : Je viens , dit - il , en
entrant , de laisser Madame dans une
tranquilité et une santé qui nous promet
les plus heureuses suites de son accouchement..
52 MERCURE DE FRANCE.
ment. Je ne doute point , ajouta - t - ik;
qu'elle ne nourrisse son fils de son propre lait.
Il alloit continuer , mais la mere de la
Comtesse qui se trouvoit présente , l'interrompit ; et d'un ton , mêlé de colere et
de raillerie , dit qu'elle se donneroit bien
de garde de suivre ses leçons ; qu'elle
sçauroit ménager la délicatesse de sa fille,
et donner promptement une Nourrice à
l'Enfant ; pour ne point ajouter aux tra
vaux de l'accouchement , l'étrange et pénible fonction de nourrir elle- même le
fils qu'elle venoit de mettre au monde.
De grace , Madame , repliqua M✶✶* * *
trouvez bon qu'elle ne soit pas mere à
demi ; car enfin quelle seroit cette espece de maternité imparfaite ; et si j'ose le
dire, manquée , d'enfanter un fils et de le
rejetter aussitôt loin d'elle , d'avoir
nourri dans ses entrailles du plus pur de
son sang je ne sçai quel enfant qu'elle
ne voyoit point , qu'elle ne connoissoit
point , et de cesser de le nourrir du lait
que la nature lui donne si liberalement à
ce dessein , dès qu'elle le voit né ,
dès
qu'il commence même à le demander par
ees cris touchants qui implorent si vivement le secours de sa mere. Eh quoi !
pensez - vous donc que ce ne soit que
pour
JANVIER. 1732. 53.
par
و
pour un vain ornement , ou pour l'art
dangereux de plaire , et non pour nourrir leurs enfans , que la nature ait donné
les mammelles aux femmes; et cependant
par un étrange renversement la pluspart
des meres s'empressent à tarir et à éteindre cette source sainte ; cette nourrice
précieuse du genre humain , aux hazards
des maux qu'un lait ainsi détourné , et
là corrompu , ne leur cause que trop
souvent. Aveugles de sacrifier à l'opinion et à une vaine délicatesse leurs interêts et
leurs devoirs les plus pressans? Leur faute est-elle donc bien differente du crime de
ces meres dénaturées , qui par de cruels
artifices , font avorter l'enfant que la nature a créé dans leur sein , de peur que
le poids de la grossesse , et le travail de
l'enfantement n'alterent la beauté et les
graces d'un corps dont elles sont idolâtres. Quesi c'est une action digne de l'éxécration publique d'aller chercher une
créature vivante et raisonnable pour lui
porter le coup de la mort , jusques dans
les mains même de la nature qui s'empressoit de l'animer et de la former, qu'il
s'en faut peu qu'il ne soit aussi criminel de
priver un enfant déja né, déja devenu son
propre fils , d'un aliment dont la nature
Pavoit mis en possession , qu'elle a fait
pour
54 MERCURE DE FRANCE
pour lui , et sur lequel il a des droits
qu'on ne peut lui ravir sans injustice et
sans cruauté !
Mais , dit - on , pourvû que l'enfant
vive et soit nourri , qu'importe de quel
lait il le soit. O vous , qui me faites cette
objection , si vous sçavez si peu démêler
les vrais sentimens de la niture ; croyezvous donc aussi , qu'il n'importe dans le
sein de quelle mere, et de quel sang un
enfant ait été engendré ; non sans doute.
Mais ce sang qui par l'action des esprits
et par une douce chaleur , a blanchi les
mammelles. N'est il pas toujours le même
qu'il étoit dans les entrailles de la mere ,
et c'est icy que l'adresse de la nature est
bien remarquable, car après que ce sang,
mis en œuvre par ses adroites mains , a
perfectionné le corps de l'enfant , lorsque
le temps de l'accouchement approche ,
n'ayant plus rien à faire en bas , il s'élevé
en haut, se filtre et se place dans les mam
melles , tout prêt d'y entretenir et de fortifier cette source de vie et de lumiere
que l'enfant reçoit en venant au monde
et de lui offrir une nourriture déja connuë et familiere.
st
C'est sur ce fondement que l'on penavec raison que la nature et les propriétez du lait ne contribuoient pis
moins
JANVIER. 173 2 . 35
moins à tracer et dans le corps et dans
l'esprit des enfans ces ressemblances .
avec leurs parens , si fortes et si frequentes , que la vertu même et l'impression
de la sémence.
.certain
L'experience nous montre cette vérité
non seulement dans les hommes , mais
encore dans les animaux ; car si , les Chevreaux sont allaitez de lait de Brebis , et
les Agneaux de celui de Chévre , il est
la laine de ceux - cy sera que
moins fine , et le poil de ceux - là plus
doux ; jusques dans les Plantes et les
Grains , l'on observe que les terres qui
les contiennent et les eaux qui les humectent ont plus de force et de puissance,
soit pour fortifier , soit pour alterer leurs
qualitez naturelles que la semence même;
et ne voyons- nous pas souvent des arbres
pleins de force et de vigueur , périr bientôt , lorsque transplantez , ils reçoivent
les tristes influences d'un súc étranger.
Quelle raison donc , grand Dieu , on
plutôt quel aveuglement de laisser alte-.
rer la pureté et la noblesse naturelle de
ce sang, qui coule dans les veines d'un
enfant nouveau né , par l'aliment souvent pernicieux , mais toujours étranger
d'un lait qui degeneres sur tout , si la
nourrice qu'on lui donne est de condi- tion
yo MERCURE DE FRANCE
tion servile et d'une naissance extrêmement basse , comme il arrive ordinairement si elle est laide ou méchante , si
elle aime le vin ou même la débauche
car pour comble de mal on prend presque toujours sans choix et sans discernement , celle qui se presente pour être
nourrice.
›
Exposerons-nous donc cet Enfant chéri , qui nous vient de naître , à être infecté d'une contagion si dangereuse , soufririons- nous que son ame et son corps
encore tendres reçoivent les esprits qui
forment et entretiennent la vie par les organes d'un corps souvent aussi vicieux
que l'ame qui l'habite.
C'est-là >, sans doute , la cause de ce que
nous voyons arriver tous les jours avec
surprise , que des femmes tres- vertueuses , ont des enfans qui leur ressemblent
si peu , et qui par leur temperamment
vicieux, semblent desavoüer leur origine.
Virgile qui n'étoit pas moins grand Philosophe que parfait Poëte , a bien senti
cette verité dans ces Vers , où la tendre
Didon reproche au trop vertueux Enée ,
qu'il ne pouvoit être le fils d'une Déesse,
et qu'il falloit , cruel comme il étoit, que
le Caucase l'eut engendré , dans ses affreuses Roches , car Didon ajoute incontinent
JANVIER. 1732. 57.
nent: Une Tigresse féroce t'a sans
doute allaité,
.... Hyrcanaque admorunt ubera
Tygrés.
Æneid. IV.
En effet , la nature du lait et le caractere de la nourrice , doivent avoir une
grande part dans la formation du tempe- famment et du caractere de l'Enfant. Ce
lait , n'en doutons point , empreint d'abord de la semence paternelle , figure
le naturel tendre de l'enfant qui le reçoit
des traits de l'esprit et du corps de la
'nourrice qui le donne. Mais quand tou
tes ces raisons manqueroient , devroiton compter pour rien , que les meres qui
abandonnent ainsi leurs enfans loin d'el
les et les donnent à nourrir d'un lait mercenaire, rompent, ou du moins relâchent extrêmement ces noeuds et ces ressorts
secrets dont la nature les avoit liez à eux;
car dès que la mere n'a plus devant ses
yeux l'Enfant emmené en nourrice, toute
la force et l'ardeur de l'amour maternelle
s'éteint insensiblement. Cette tendre inquiétude et ce doux soin qui en fait le
principal caractere , languit bien-tôt à un
tel point , qu'un fils relégué entre les
bras d'une nourrice , n'est gueres moins
oublié qu'un fils qui ne seroit plus ; l'EnD fant
MERCURE DE FRANCE
fant donne de son côté à sa nourrice toure
son affection , tout son attachement.C'est
le centre où se réunissent tous ses sentimens ; elle devient pour lui sa veritable
mere , tandis que celle qui devoit l'être ,
a laissé éteindre ses droits dans le cœur
de son enfant; et c'est ainsi que les plus
intimes et les premiers sentimens de l'amour filial étant perdus , tout l'amour
que des enfans peuvent concevoir dans la suite pour leurs parens , n'est point cet
amour naturel , qui seul dure toujours
mais un amour d'institution , un amour
arbitraire , aussi foible que le principe"
qui l'a produit.
Tel est à peu près le discours que j'entendis faire sur ce sujet à M. de ****
avec tout le feu et toute l'éloquence dont
il étoit capable.
Au reste,en le publiant , je ' ne me suis
pas flatté de réformer l'usage qui y est
combattu. Les hommes esclaves de l'opinion, se contentent d'ordinaire d'approuver spéculativement le parti le plus conforme à la raison ; lorsqu'on l'expose vi
vement à leurs yeux , et qu'on les force
par là de le reconnoître ; mais cette ap
probation stérile n'influë presque jamais
sur leur conduite , contre la tirannie de
Pusage.
J'avoue
JANVIER 1732. 5
J'avoue donc que j'ai senti que je ne
serois pas icy plus heureux , que lorsque
par la bouche de Pitagore et de Plutarque , j'ai tâché de montrer dans une Dissertation sur les Vers qu'Ovide met dans
la bouche de Pithagore, au liv . xiv. de ses
Métamorphoses , combien l'usage de tuer
et de manger les animaux est contraire
aux sentimens d'une raison pure et éclairées mais qu'importe , c'est toujours rendre à la vérité un hommage bien digne
de l'homme , que d'oser s'élever contre
des erreurs dominantes, et il est bon pour
l'honneur de la raison qu'il y ait toujours
des gens qui reclament en sa faveur
contre le préjugez , même sans esperancè de succès.
Fermer
Résumé : DISCOURS, sur l'obligation qu'il y a pour les Femmes, de nourrir elles-mêmes leurs enfans.
Le texte relate un discours prononcé par M. de *** à l'occasion de la naissance d'un garçon à la Comtesse de ***. M. de *** exprime son espoir que la Comtesse nourrisse elle-même son enfant, soulignant l'importance de la maternité complète. La mère de la Comtesse, présente, s'oppose à cette idée, préférant engager une nourrice pour éviter à sa fille les tracas de l'allaitement. M. de *** argue que nourrir son enfant est un devoir naturel et essentiel. Il critique les mères qui privilégient leur apparence et leur confort au détriment de la santé de leur enfant. Il compare cette pratique à l'avortement, qualifiant les deux actes de cruels et inhumains. Il insiste sur l'importance du lait maternel, qui est adapté aux besoins spécifiques de l'enfant, et sur les dangers des nourrices mercenaires, souvent de condition sociale basse ou de mauvaise moralité. Le discours met en avant les effets néfastes de l'allaitement par une nourrice sur le développement physique et moral de l'enfant. Il cite des exemples tirés de la nature et de la littérature pour illustrer ses propos. M. de *** conclut en soulignant que les mères qui abandonnent leurs enfants à des nourrices affaiblissent les liens maternels et filiaux. Le texte se termine par une réflexion sur la difficulté de réformer les usages sociaux, même lorsqu'ils sont contraires à la raison.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer