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1
p. 1732-1738
LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
Début :
Nous sommes trop sensibles, Monsieur, à tout ce qui peut s'opposer à [...]
Mots clefs :
Eau de vie, Thèse, Fibres, Sang, Liqueur spiritueuse
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
LETTRE écrite de Pezenas , le 11 .
Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions
Sur l'ufage interieur de l'Eau- de-Vie
inferées dans le Mercure du mois de May
de l'année 1730. Contre la Thefe de
M. le Hoc.
Ous
Nficur , à tout ce qui peut s'oppofer à
fommes trop fenfibles , Mon
la confervation de l'homme , pour laiffer
de votre côtê le droit de la queftion pré
fente ; auffi fans craindre d'encourir vos
difgraces , ( vous en étant pris tout le prea
mier à la conclufion & à l'Ouvrage entier
de M. le Hoc ) nous allons nous en
prendre à notre tour à vos Reflexions ,
quelques judicieufes qu'elles paroiffent.
Vous prétendez , contre la conclufion
de la Theſe dont il s'agit , que l'Eau- de-
Vie eft falutaire à l'homme , qu'elle luf
donne de la force, de la vigueur, & prolonge
même la durée de les jours ; vous vous
trompez grandement , & vous en con
viendrez fans peine , fi vous confiderez
que cette Liqueur ne releve d'abord les
forces que pour les abattre peu après ; en
effet l'Eau de vie dans le temps de fon
action fur les organes du corps , réveillant
AOUST . 1730 . 1733
faut toutes les puillances
que
la nature
y
maintient dans une jufte étenduë , les
porte toûjours au - delà ce qui fait que
cette liqueur fpiritueufe ayant cellé d'agir
, ces mêmes puiffances deviennent fanguiffantes
, & fe trouvent alors de beaucoup
plus éloignées de l'état naturel où
elles étoient avant que d'être preffées
d'en fortir . Les bons beuveurs d'Eau de
vie font de très- fideles garants de ce que
nous avançons.
L'effet que cette Liqueur fpiritueufe
produit dans le corps en lui donnant de
fa vigueur & de la force , agit principa
lement en rendant le tiffu des fibres mufculaires
plus compactes , plus robuftes ,
& les muſcles mêmes par confequent plus
puiffants, mais auffi plus rebelles aux caufes
de leur mouvement qu'ils n'ont coûtume
; ce qui arrive à ces fibres en fe procurant
entre elles un contact plus intime
par le jeu de contraction ou de reffort que
les fréquents érethifmes de cette Liqueur
fpiritueule , fur le genre nerveux , follicitent
; cependant l'humide radical ( fi
l'on peut parler ainfi ) ou ce fuc lymphatique
, que la nature a mis à l'entre- deux
des fibrilles & des fibres mêmes , pour
les humecter dans le befoin & conferver
integrité , fe trouve forcé de fortir de
fa place , de prendre de nouvelles routes
&
1734 MERCURE DE FRANCE
& de priver ainfi ces parties d'un ſecours
dont elles ne fçauroient fe paffer , fans que
les caufes d'une longue vie en reffentent
de rudes atteintes. A quelles pertes de
ce fuc lymphatique ne donnent donc pas
lieu ceux qui fe perfuadent de trouver
leur vie dans l'uſage d'une veritable Eau
de mort ? pertes d'autant plus ou moins
confiderables , que l'ufage d'une telle Liqueur
fera plus ou moins moderé ; & delà
vient qu'on aura toûjours droit de dire
que l'Eau de vie , loin d'être falutaire à
l'homme , eft un mortel ennemi qui alfaillit
( malgré l'ancienne prévention de
Les bons effets qui en autorifent l'ufage parmi
les hommes ) les caufes de la vie même.
C'eft ainfi que l'Eau de vie tariffant les
fources des liqueurs limphatiques qui donnent
la foupleffe aux fibres , d'où dépend
le rythme des fonctions , racornit les folides
, fous une trompeufe apparence de
rendre le corps vigoureux.
Vous objectez enfuite contre l'Ouvrage
entier de l'Auteur , que l'Eau de vie ne
fçauroit racornir les folides , fondé précilement
fur ce que notre corps étant
percé de millions de manieres , cette Liqueur
fpiritueufe n'y féjourne point affez
long- temps ; à la verité , l'objection paroît
jufte du premier abord , mais dans le fond
elle eft peu folide ; faites un moment d'attention
A O UST . 1730. 1735
tention , qu'il ne faut pour donner lieu
à l'effet mentionné de l'Eau de vie , que
le paffage de cette Liqueur fpiritueule de
dedans en dehors , ce qui ne fe fait point
fans contredit auffi fubitement que vous
l'avez penfé fubtilement .
que
Nous avons quelque raifon de préfumer
maintenant , Monfieur , qu'ayant autant
d'efprit , de bon's fens , & de bonne
foi , qu'il en eft dans les veritables Sçavans
, vous devez être fenfible aux fortes
preuves que nous venons d'alleguer pour
détruire vos Reflexions ; cependant comme
il reste encore à vous convaincre
l'Eau de vie prife par la bouche , coagule
les humeurs , nous prévoyons bien que
pour vous venger entierement de notre
parti , il faut vous faire voir que l'évidence
s'y trouve , ce que vous découvrirez
vous-même aifément en diftinguant
deux temps qui fe fuccedent dans l'ufage
de cette Liqueur ; dès le premier tout le
réveille , tout s'anime dans la machine ,
les refforts ſe bandent & fe débandent ,
fuivant les loix de la réaction ; les folides
ainfi débridez , effarouchez ( s'il eft permis
de parler de la forte ) fouëttent le fang,
le divifent , l'aténuënt , l'affinent , en un
mot augmentent fes mouvemens , & pendant
le temps de cette agitation , lorique
fon vehicule ou ce qui fe trouve naturellement
1736 MERCURE DE FRANCE
lement dans cette Liqueur rouge de plus
liquide, s'eft diffipé (dans le fecond temps)
les parties les plus maffives, les plus groffieres,
s'approchent, fe touchent par des plus
larges furfaces ou par plufieurs points , la
difficulté dans leurs frotemens réciproques
de liquidité augmente , & pour lors
le mouvement fe ralentit , ou pour mieux
le dire le fang s'épaiffit & fe coagule.Après
quoi vous avez tout ſujet de vous écrier.
Helas ! mes propres traits fe tournent contre moi.
Ainfi vous jugez bien , M. , que notre
imprudence n'ira jamais jufqu'à donner
de l'Eau de vie dans le cas où vous voulez
qu'elle convienne , fuivant notre fentiment
; la durée de l'homme nous touche
de trop près , & notre pratique de Medecine
, toute faine qu'elle eft , s'accorde
trop bien avec notre théorie , pour nous
écarter des routes fi connuës .
Au refte , vous nous faites un crime
fur ce que dans les Experiences nous nous
fommes fervis auffi indifferemment de
'Efprit de vin que de l'Eau de vie , mais
fi vous avez bien penfé que ces deux Liqueurs
ne different entre- elles que du plus
ou du moins d'énergie , vous auriez été ,
fans doute, plus indulgent . Peut-être croirez-
vous avoir plus de droit dans cette
ennuyeuſe fuite de confequencesque vous
fçavez
A O UST . 1730. 1737
fçavez tirer favorablement de nos Experiences
? Détrompez -vous , nous ne te
nons de ſemblables raifonnemens qu'autant
qu'une injufte prévention contre notre
fentiment , nous en fait les Auteurs ;
en effet , vous ne fçauriez foutenir avec
un fondement d'équité , que quoique
l'Eau de vie ne tue pas l'homme auffi
promptement que les bêtes , elle doive
paffer pour une Eau falutaire , puifqu'il
eft certain par tout ce que nous venons
d'avancer , qu'on doit regarder très - férieufement
cette Liqueur fpiritueufe dans
l'ufage que l'on en fait , comme un poiſon
lent qui retranche tout doucement du
temps de cette féduifante efperance de
longue vie.
Il eſt aifé de voir maintenant , fuivant
l'effet que l'Eau de vie produit dans tout
le corps , principalement fur la texture
des vifceres de l'eftomac ( par exemple )
du foye , &c. que cette Liqueur fpiritueufe
doit non-feulement nuire confiderablement
à la digeſtion , mais encore avancer
les derniers momens de la vie , foit
en dépravant l'exercice des fonctions , foit
en interceptant ou ralentiffant les coups
des fecretions , d'où fuit le dérangement
de la diatheſe du fang , la confufion & le
trouble dans toute la maffe . Ces Phlogoſes,
ces Duretés fchireufes qui en font ordi-
C nairement
1738 MERCURE DE FRANCE
>
nairement le terme dans ces fortes de cas ,
ces concretions calculeufes ; en un mot
ce nombre prodigieux de maux qui fe
mettent de la partie , reconnoiffent enfemble
la même caufe ; & delà vient qu'on
peut regarder juftement l'ufage interieur
de cette Liqueur fpiritueufe , comme la
fource & l'origine de mille maladies , attribuées
bien fouvent à toutes autres
cauſes rebelles à celui qui les traite & combattuës
par des remedes qui tourmentent,
qui tuent même plutôt qu'ils ne foulagent
ou ne guériffent. Je m'apperçois que
que je vous tiens déja depuis trop longtemps
, & que je fuis dans l'obligation de
mettre fin à ma Lettre ; excufez , Monfieur
, mon indifcretion , le deffein de
trouver la verité , m'a fi fortement occupé
, que m'étant oublié moi-même , je
n'ai pas pris garde que j'abufois de votre
patience dans la lecture d'une fi longue
Lettre, que j'aurois peut-être même pouffé
plus loin , fi le devoir de ma Profeffion
ne m'eût appellé ailleurs ; perfuadé , Monfieur,
que quoique je me fois montré contraire
à vos Reflexions , je ne fuis pas moins
attaché à votre perfonne que j'eftime infiniment
, étant avec toute la confideration
poffible , &c,
G. BARRE'S , Docteur en Medecine de
la Faculté de Montpellier,
Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions
Sur l'ufage interieur de l'Eau- de-Vie
inferées dans le Mercure du mois de May
de l'année 1730. Contre la Thefe de
M. le Hoc.
Ous
Nficur , à tout ce qui peut s'oppofer à
fommes trop fenfibles , Mon
la confervation de l'homme , pour laiffer
de votre côtê le droit de la queftion pré
fente ; auffi fans craindre d'encourir vos
difgraces , ( vous en étant pris tout le prea
mier à la conclufion & à l'Ouvrage entier
de M. le Hoc ) nous allons nous en
prendre à notre tour à vos Reflexions ,
quelques judicieufes qu'elles paroiffent.
Vous prétendez , contre la conclufion
de la Theſe dont il s'agit , que l'Eau- de-
Vie eft falutaire à l'homme , qu'elle luf
donne de la force, de la vigueur, & prolonge
même la durée de les jours ; vous vous
trompez grandement , & vous en con
viendrez fans peine , fi vous confiderez
que cette Liqueur ne releve d'abord les
forces que pour les abattre peu après ; en
effet l'Eau de vie dans le temps de fon
action fur les organes du corps , réveillant
AOUST . 1730 . 1733
faut toutes les puillances
que
la nature
y
maintient dans une jufte étenduë , les
porte toûjours au - delà ce qui fait que
cette liqueur fpiritueufe ayant cellé d'agir
, ces mêmes puiffances deviennent fanguiffantes
, & fe trouvent alors de beaucoup
plus éloignées de l'état naturel où
elles étoient avant que d'être preffées
d'en fortir . Les bons beuveurs d'Eau de
vie font de très- fideles garants de ce que
nous avançons.
L'effet que cette Liqueur fpiritueufe
produit dans le corps en lui donnant de
fa vigueur & de la force , agit principa
lement en rendant le tiffu des fibres mufculaires
plus compactes , plus robuftes ,
& les muſcles mêmes par confequent plus
puiffants, mais auffi plus rebelles aux caufes
de leur mouvement qu'ils n'ont coûtume
; ce qui arrive à ces fibres en fe procurant
entre elles un contact plus intime
par le jeu de contraction ou de reffort que
les fréquents érethifmes de cette Liqueur
fpiritueule , fur le genre nerveux , follicitent
; cependant l'humide radical ( fi
l'on peut parler ainfi ) ou ce fuc lymphatique
, que la nature a mis à l'entre- deux
des fibrilles & des fibres mêmes , pour
les humecter dans le befoin & conferver
integrité , fe trouve forcé de fortir de
fa place , de prendre de nouvelles routes
&
1734 MERCURE DE FRANCE
& de priver ainfi ces parties d'un ſecours
dont elles ne fçauroient fe paffer , fans que
les caufes d'une longue vie en reffentent
de rudes atteintes. A quelles pertes de
ce fuc lymphatique ne donnent donc pas
lieu ceux qui fe perfuadent de trouver
leur vie dans l'uſage d'une veritable Eau
de mort ? pertes d'autant plus ou moins
confiderables , que l'ufage d'une telle Liqueur
fera plus ou moins moderé ; & delà
vient qu'on aura toûjours droit de dire
que l'Eau de vie , loin d'être falutaire à
l'homme , eft un mortel ennemi qui alfaillit
( malgré l'ancienne prévention de
Les bons effets qui en autorifent l'ufage parmi
les hommes ) les caufes de la vie même.
C'eft ainfi que l'Eau de vie tariffant les
fources des liqueurs limphatiques qui donnent
la foupleffe aux fibres , d'où dépend
le rythme des fonctions , racornit les folides
, fous une trompeufe apparence de
rendre le corps vigoureux.
Vous objectez enfuite contre l'Ouvrage
entier de l'Auteur , que l'Eau de vie ne
fçauroit racornir les folides , fondé précilement
fur ce que notre corps étant
percé de millions de manieres , cette Liqueur
fpiritueufe n'y féjourne point affez
long- temps ; à la verité , l'objection paroît
jufte du premier abord , mais dans le fond
elle eft peu folide ; faites un moment d'attention
A O UST . 1730. 1735
tention , qu'il ne faut pour donner lieu
à l'effet mentionné de l'Eau de vie , que
le paffage de cette Liqueur fpiritueule de
dedans en dehors , ce qui ne fe fait point
fans contredit auffi fubitement que vous
l'avez penfé fubtilement .
que
Nous avons quelque raifon de préfumer
maintenant , Monfieur , qu'ayant autant
d'efprit , de bon's fens , & de bonne
foi , qu'il en eft dans les veritables Sçavans
, vous devez être fenfible aux fortes
preuves que nous venons d'alleguer pour
détruire vos Reflexions ; cependant comme
il reste encore à vous convaincre
l'Eau de vie prife par la bouche , coagule
les humeurs , nous prévoyons bien que
pour vous venger entierement de notre
parti , il faut vous faire voir que l'évidence
s'y trouve , ce que vous découvrirez
vous-même aifément en diftinguant
deux temps qui fe fuccedent dans l'ufage
de cette Liqueur ; dès le premier tout le
réveille , tout s'anime dans la machine ,
les refforts ſe bandent & fe débandent ,
fuivant les loix de la réaction ; les folides
ainfi débridez , effarouchez ( s'il eft permis
de parler de la forte ) fouëttent le fang,
le divifent , l'aténuënt , l'affinent , en un
mot augmentent fes mouvemens , & pendant
le temps de cette agitation , lorique
fon vehicule ou ce qui fe trouve naturellement
1736 MERCURE DE FRANCE
lement dans cette Liqueur rouge de plus
liquide, s'eft diffipé (dans le fecond temps)
les parties les plus maffives, les plus groffieres,
s'approchent, fe touchent par des plus
larges furfaces ou par plufieurs points , la
difficulté dans leurs frotemens réciproques
de liquidité augmente , & pour lors
le mouvement fe ralentit , ou pour mieux
le dire le fang s'épaiffit & fe coagule.Après
quoi vous avez tout ſujet de vous écrier.
Helas ! mes propres traits fe tournent contre moi.
Ainfi vous jugez bien , M. , que notre
imprudence n'ira jamais jufqu'à donner
de l'Eau de vie dans le cas où vous voulez
qu'elle convienne , fuivant notre fentiment
; la durée de l'homme nous touche
de trop près , & notre pratique de Medecine
, toute faine qu'elle eft , s'accorde
trop bien avec notre théorie , pour nous
écarter des routes fi connuës .
Au refte , vous nous faites un crime
fur ce que dans les Experiences nous nous
fommes fervis auffi indifferemment de
'Efprit de vin que de l'Eau de vie , mais
fi vous avez bien penfé que ces deux Liqueurs
ne different entre- elles que du plus
ou du moins d'énergie , vous auriez été ,
fans doute, plus indulgent . Peut-être croirez-
vous avoir plus de droit dans cette
ennuyeuſe fuite de confequencesque vous
fçavez
A O UST . 1730. 1737
fçavez tirer favorablement de nos Experiences
? Détrompez -vous , nous ne te
nons de ſemblables raifonnemens qu'autant
qu'une injufte prévention contre notre
fentiment , nous en fait les Auteurs ;
en effet , vous ne fçauriez foutenir avec
un fondement d'équité , que quoique
l'Eau de vie ne tue pas l'homme auffi
promptement que les bêtes , elle doive
paffer pour une Eau falutaire , puifqu'il
eft certain par tout ce que nous venons
d'avancer , qu'on doit regarder très - férieufement
cette Liqueur fpiritueufe dans
l'ufage que l'on en fait , comme un poiſon
lent qui retranche tout doucement du
temps de cette féduifante efperance de
longue vie.
Il eſt aifé de voir maintenant , fuivant
l'effet que l'Eau de vie produit dans tout
le corps , principalement fur la texture
des vifceres de l'eftomac ( par exemple )
du foye , &c. que cette Liqueur fpiritueufe
doit non-feulement nuire confiderablement
à la digeſtion , mais encore avancer
les derniers momens de la vie , foit
en dépravant l'exercice des fonctions , foit
en interceptant ou ralentiffant les coups
des fecretions , d'où fuit le dérangement
de la diatheſe du fang , la confufion & le
trouble dans toute la maffe . Ces Phlogoſes,
ces Duretés fchireufes qui en font ordi-
C nairement
1738 MERCURE DE FRANCE
>
nairement le terme dans ces fortes de cas ,
ces concretions calculeufes ; en un mot
ce nombre prodigieux de maux qui fe
mettent de la partie , reconnoiffent enfemble
la même caufe ; & delà vient qu'on
peut regarder juftement l'ufage interieur
de cette Liqueur fpiritueufe , comme la
fource & l'origine de mille maladies , attribuées
bien fouvent à toutes autres
cauſes rebelles à celui qui les traite & combattuës
par des remedes qui tourmentent,
qui tuent même plutôt qu'ils ne foulagent
ou ne guériffent. Je m'apperçois que
que je vous tiens déja depuis trop longtemps
, & que je fuis dans l'obligation de
mettre fin à ma Lettre ; excufez , Monfieur
, mon indifcretion , le deffein de
trouver la verité , m'a fi fortement occupé
, que m'étant oublié moi-même , je
n'ai pas pris garde que j'abufois de votre
patience dans la lecture d'une fi longue
Lettre, que j'aurois peut-être même pouffé
plus loin , fi le devoir de ma Profeffion
ne m'eût appellé ailleurs ; perfuadé , Monfieur,
que quoique je me fois montré contraire
à vos Reflexions , je ne fuis pas moins
attaché à votre perfonne que j'eftime infiniment
, étant avec toute la confideration
poffible , &c,
G. BARRE'S , Docteur en Medecine de
la Faculté de Montpellier,
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Résumé : LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.
Le 11 juillet 1730, une lettre est adressée à l'auteur des Réflexions sur l'usage intérieur de l'Eau-de-Vie, publiées dans le Mercure de mai 1730, en réponse à la thèse de M. le Hoc. L'auteur de la lettre conteste les bienfaits de l'Eau-de-Vie, affirmant qu'elle est nuisible à la santé humaine. Il soutient que cette liqueur procure initialement une sensation de force et de vigueur, mais finit par affaiblir les forces du corps. L'Eau-de-Vie stimule les fibres musculaires, les rendant plus compactes et puissantes, mais les rend également plus résistantes aux mouvements naturels. Elle force l'humide radical, essentiel pour l'humectation et la conservation des fibres, à quitter sa place, entraînant des pertes significatives. L'auteur explique que l'Eau-de-Vie tarit les sources des liquides lymphatiques, rendant les solides plus rigides et moins souples, ce qui nuit à la longévité. Il réfute également l'objection selon laquelle l'Eau-de-Vie ne séjourne pas assez longtemps dans le corps pour causer des dommages, en expliquant que son passage suffit à provoquer des effets néfastes. La lettre conclut en affirmant que l'Eau-de-Vie est un poison lent, causant diverses maladies et raccourcissant la durée de vie. L'auteur exprime son attachement à la vérité et à la personne de son destinataire, malgré leurs désaccords.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2783-2789
RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
Début :
I. QUESTION. Si l'Amour et la Raison peuvent se trouver en même temps dans [...]
Mots clefs :
Réflexions, Prieur, Amour, Raison, Enfants, Fibres
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texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
REFLEXIONS de M. Simonnet , Prieur
d'Heurgeville , près de Vernon sur
les deux Questions proposées dans le
Mercure de Mai 1731.
1. QUESTION. Si l'Amour et la Rai--
son peuvent se trouver en même temps danse
la même
personne &c ?:
T
Oute Passion dominante ne s'ac
corde point avec la raison : si elle
ne la banit pas entieremént , elle la rend
esclave , et ne lui laisse plus de mouve
ment ni d'action. Où la passion domine ,
la raison n'est plus la maîtresse ; il faut
donc ou qu'elle cede la place , ou qu'ellesoit
réduite à la servitude ..
Point de passion si imperieuse et si absolue
que l'Amour : tout lui cede. Dès
qu'il attaque , il est presque sûr de vainere
; A- til vaincu ? il use de sa victoire
avec hauteur. Quelquefois la raison crie ,
sagite , réclame ses droits : l'Amour ne
До Кова peut:
784 MERCURE DE FRANCE
peut souffrir cette importune ; d'abord
lui impose silence , et pour s'en débarasser
, il l'exclurt de sa domination . On sent
bien qu'on est en proye à un Tyran , on
soupire dans ses fers on voudroit les
briser , on rappelle la raison à son se
cours , mais elle est trop foible pour un
tel ennemi : il se jouë de ses attaques ,
et la répousse bien loin. Elle a beau reve
nir à la charge , et faire de nouveaux efforts
, P'Amour sçait s'en tirer avec avantage
, et n'en devient souvent que plus
fougueux.
Il parolt doux cependant , et c'est par
sa maligne douceur qu'il séduit , qu'il
s'insinue et qu'il triomphe aux dépens de
la raison. Les lumieres de celle - ci sont
bien- tôt éteintes , par les vapeurs enchanteresses
qu'il répand , et dont on es
comme enyvré.
L'Amour est un petit libertin qui
'entend point raison . S'il l'entendoit
il changeroit de nature ; s'il étoit sage ,
il ne seroit plus amour ; et comment seroit-
il sage ? Il marche en aveugle. La
folie et la témérité sont ses compagnes
inséparables. Il vole au gré de ses désirs
et ses désirs sont indiscrets. Il veut par
tout être maître à quelque prix que ce
soit avec son carquois et ses fléches em-
1 1. Vol
poi-
1
DECEMBRE. 1931. 2785
poisonnées il attaque les coeurs , les bles
se , les dompte , et dès-là , vertu , sagesse
prudence , et raison n'y peuvent plus
tenir.
Son air gracieux lui donne une facila
entrée ; mais à peine est- il en place , que
sa malice jouë son rôle , et quels ravages
ne fait-il pas ? Il va jusqu'à la fureur :
il ne respecte ni le sacré ni le profane s
pour satisfaire ses désirs ou son désespoir,
il n'épargne point le sang et le carnage ;
témoins tant d'histoires tragiques dont
l'amour est l'ame , et dont le monde est
continuellement le Theatre..
Si l'on aime raisonnablement , si l'on
se renferme dans les bornes du devoir
ce n'est plus amour , ce n'est plus cette
passion de jeunesse , passion aveugle
passion vive , inquiete , turbulente , ef-
Frenée , qui ne sent , qui n'écoute , qui
ne suit que son impetueuse ardeur.
Il est vrai que l'amour a regné dans le
coeur des plus grands hommes , dans les
sages même ; mais s'ils étoient grands
s'ils étoient sages , judicieux , raisonnables
, ce ne fut pas dans les accès de la
P sion ; car on les a vûs tomber , comme
les autres , dans des folies et dans des
extravagances , se ruiner , se dégrader ,
s'avilir par des actions basses et indignes.
S 1. Veh Om
2788 MERCURE DE FRANCE
On a vû un Salomon offrir de l'Encens
à des Idoles ét donner dans les der
niers excès. Si jamais la raison dut se
maintenir avec l'amour , et en moderer
des saillies , ce fut dans ce prodige de
sagesse : Exemple qui prouve assez com
bien la raison et l'amour sont incompa
tibles.
II. QUESTION. Quelle ett la Canes
Physique ou Morale de l'effet qui arrive
dans les Enfans qui meurent jeunes , après
savoir donné de grandes esperances , et dars
les Enfans dont la vivacité s'est changes
son 'stupidité ? & c.
H peut arriver
qu'un
grand
nombr
d'Enfans de toutes conditions meurenter
bas âge par des accidens inévitables . 11
ise trouve quelquefois en eux des semences
de corruption , qui , dans la suice ,
venant à se développer , gâtent toute la
substance de ces petits corps , et les fo at
tomber en pourriture. Il ne faut qu'une
intemperie de l'air , quelque souffle empoisonné
, un aliment mal- sain , ou peu
convenable 'une nourriture `trop forts
ou trop legere , pour endommager de
tendres Enfans , et les faire périr , pendant
que d'autres ne se trouveront pas
3
1.Vole
dans
DECEMBRE. 1731 2787
dans les mêmes circonstances , ou auront
le bonheur de s'en tirer par une forte
complexion à peu près comme des fruits
d'une même espece , sur le même arbre
dans la même exposition , les uns réüssissent
, pendant que quantité d'autres
tombent par differentes infortunes.
Pour ce qui regarde en particulier les
Enfans dont l'esprit et la vivacité promettent
beaucoup , on ne peut disconvenir
que le trop grand soin que l'on
prend de leur éducation , ne contribue
beaucoup à avancer leurs jours , ou à faire
dégenerer leur esprit en stupidité.
Dans ces Enfans les fibres sont plus
molles et plus flexibles , les petits vaisseaux
plus déliez , et par conséquent plus
foibles que dans les Enfans d'un genio
grossier et tardif , qui ne sont tels que
par la dureté et le peu de fléxibilité de
leurs organes ; c'est de l'aveu presque
universel , ce qui fait la difference des
uns et des autres.
Or quand on voit un Enfant né avec
cès heureuses et rares dispositions d'esprit
, on croit ne pouvoir trop tôt en
profiter. On pousse , on force , on accable
une imagination quelquefois déja
trop vive. Il suffit qu'elle plaise , qu'elle
charme , on ne craint point de la fati-
1. Vota
guer.
88 MERCURE DE FRANC
:
guer. De-là qu'arrive-t'il En peu de
temps les esprits s'épuisent , les fibres
s'émoussent et s'affoiblissent , les traces st
confondent : ces vaisseaux si délicats n'y
peuvent plus résister le jeu et tout le
ressort de la Nature manque insensible
ment : le corps se mine . et enfin tombe
en ruine ; ou s'il ne succombe pas à tant
d'efforts , la tête se dérange : cette grande
vivacité s'évanouit , et l'esprit disparoît ,
parce qu'il n'y a plus dans les organes
usez cette juste proportion qui devoit
P'entretenir.
Quelque excellent que soit un Arbre
si , lorsqu'il est jeune , on lui donn
trop de portée , si on lui laisse produir
une surabondance de fruits qui se mon
trent , il mourra bien-tôt , ou ne fera que
languir. Il en est de même d'un Enfant
plein d'esprit et de vivacité. Il ne demar
de qu'à produire les plus beaux fruits
mais dès que vous le surchargez
que vous voulez en tirer trop d'abord
c'est un grand hazard si vous ne le voyez
aussi-tôt déperir , et si une mort préma
turée ne vous l'enleve. Quelques-uns plus
robustes y résisteront mais le grand
nombre en sera la victime .
Pour obvier à un si funeste inconve
mient , on ne peut , avec trop d'atten
1. Vol
ci
tion
DECEMBRE 1731. 2789
tion , ménager ces jeunes esprits . Leur
extrême vivacité les porte assez d'ellemême
à vouloir tout connoître , tout
approfondir ; bien loin donc de les pousser
et de les animer , il faudroit ne les
faire avancer dans les études et dans les
differentes connoissances que pied à pied.
Plus ils apprennent facilement , plus on
devroit leur donner de récréations et de
divertissemens honnêtes ; les arracher
même à l'étude quand ils s'y veulent trop
appliquer , ne perdant jamais de vûë cette
sage maxime : L'Arc trop souvent tendu ,
ne peut durer long-temps.
d'Heurgeville , près de Vernon sur
les deux Questions proposées dans le
Mercure de Mai 1731.
1. QUESTION. Si l'Amour et la Rai--
son peuvent se trouver en même temps danse
la même
personne &c ?:
T
Oute Passion dominante ne s'ac
corde point avec la raison : si elle
ne la banit pas entieremént , elle la rend
esclave , et ne lui laisse plus de mouve
ment ni d'action. Où la passion domine ,
la raison n'est plus la maîtresse ; il faut
donc ou qu'elle cede la place , ou qu'ellesoit
réduite à la servitude ..
Point de passion si imperieuse et si absolue
que l'Amour : tout lui cede. Dès
qu'il attaque , il est presque sûr de vainere
; A- til vaincu ? il use de sa victoire
avec hauteur. Quelquefois la raison crie ,
sagite , réclame ses droits : l'Amour ne
До Кова peut:
784 MERCURE DE FRANCE
peut souffrir cette importune ; d'abord
lui impose silence , et pour s'en débarasser
, il l'exclurt de sa domination . On sent
bien qu'on est en proye à un Tyran , on
soupire dans ses fers on voudroit les
briser , on rappelle la raison à son se
cours , mais elle est trop foible pour un
tel ennemi : il se jouë de ses attaques ,
et la répousse bien loin. Elle a beau reve
nir à la charge , et faire de nouveaux efforts
, P'Amour sçait s'en tirer avec avantage
, et n'en devient souvent que plus
fougueux.
Il parolt doux cependant , et c'est par
sa maligne douceur qu'il séduit , qu'il
s'insinue et qu'il triomphe aux dépens de
la raison. Les lumieres de celle - ci sont
bien- tôt éteintes , par les vapeurs enchanteresses
qu'il répand , et dont on es
comme enyvré.
L'Amour est un petit libertin qui
'entend point raison . S'il l'entendoit
il changeroit de nature ; s'il étoit sage ,
il ne seroit plus amour ; et comment seroit-
il sage ? Il marche en aveugle. La
folie et la témérité sont ses compagnes
inséparables. Il vole au gré de ses désirs
et ses désirs sont indiscrets. Il veut par
tout être maître à quelque prix que ce
soit avec son carquois et ses fléches em-
1 1. Vol
poi-
1
DECEMBRE. 1931. 2785
poisonnées il attaque les coeurs , les bles
se , les dompte , et dès-là , vertu , sagesse
prudence , et raison n'y peuvent plus
tenir.
Son air gracieux lui donne une facila
entrée ; mais à peine est- il en place , que
sa malice jouë son rôle , et quels ravages
ne fait-il pas ? Il va jusqu'à la fureur :
il ne respecte ni le sacré ni le profane s
pour satisfaire ses désirs ou son désespoir,
il n'épargne point le sang et le carnage ;
témoins tant d'histoires tragiques dont
l'amour est l'ame , et dont le monde est
continuellement le Theatre..
Si l'on aime raisonnablement , si l'on
se renferme dans les bornes du devoir
ce n'est plus amour , ce n'est plus cette
passion de jeunesse , passion aveugle
passion vive , inquiete , turbulente , ef-
Frenée , qui ne sent , qui n'écoute , qui
ne suit que son impetueuse ardeur.
Il est vrai que l'amour a regné dans le
coeur des plus grands hommes , dans les
sages même ; mais s'ils étoient grands
s'ils étoient sages , judicieux , raisonnables
, ce ne fut pas dans les accès de la
P sion ; car on les a vûs tomber , comme
les autres , dans des folies et dans des
extravagances , se ruiner , se dégrader ,
s'avilir par des actions basses et indignes.
S 1. Veh Om
2788 MERCURE DE FRANCE
On a vû un Salomon offrir de l'Encens
à des Idoles ét donner dans les der
niers excès. Si jamais la raison dut se
maintenir avec l'amour , et en moderer
des saillies , ce fut dans ce prodige de
sagesse : Exemple qui prouve assez com
bien la raison et l'amour sont incompa
tibles.
II. QUESTION. Quelle ett la Canes
Physique ou Morale de l'effet qui arrive
dans les Enfans qui meurent jeunes , après
savoir donné de grandes esperances , et dars
les Enfans dont la vivacité s'est changes
son 'stupidité ? & c.
H peut arriver
qu'un
grand
nombr
d'Enfans de toutes conditions meurenter
bas âge par des accidens inévitables . 11
ise trouve quelquefois en eux des semences
de corruption , qui , dans la suice ,
venant à se développer , gâtent toute la
substance de ces petits corps , et les fo at
tomber en pourriture. Il ne faut qu'une
intemperie de l'air , quelque souffle empoisonné
, un aliment mal- sain , ou peu
convenable 'une nourriture `trop forts
ou trop legere , pour endommager de
tendres Enfans , et les faire périr , pendant
que d'autres ne se trouveront pas
3
1.Vole
dans
DECEMBRE. 1731 2787
dans les mêmes circonstances , ou auront
le bonheur de s'en tirer par une forte
complexion à peu près comme des fruits
d'une même espece , sur le même arbre
dans la même exposition , les uns réüssissent
, pendant que quantité d'autres
tombent par differentes infortunes.
Pour ce qui regarde en particulier les
Enfans dont l'esprit et la vivacité promettent
beaucoup , on ne peut disconvenir
que le trop grand soin que l'on
prend de leur éducation , ne contribue
beaucoup à avancer leurs jours , ou à faire
dégenerer leur esprit en stupidité.
Dans ces Enfans les fibres sont plus
molles et plus flexibles , les petits vaisseaux
plus déliez , et par conséquent plus
foibles que dans les Enfans d'un genio
grossier et tardif , qui ne sont tels que
par la dureté et le peu de fléxibilité de
leurs organes ; c'est de l'aveu presque
universel , ce qui fait la difference des
uns et des autres.
Or quand on voit un Enfant né avec
cès heureuses et rares dispositions d'esprit
, on croit ne pouvoir trop tôt en
profiter. On pousse , on force , on accable
une imagination quelquefois déja
trop vive. Il suffit qu'elle plaise , qu'elle
charme , on ne craint point de la fati-
1. Vota
guer.
88 MERCURE DE FRANC
:
guer. De-là qu'arrive-t'il En peu de
temps les esprits s'épuisent , les fibres
s'émoussent et s'affoiblissent , les traces st
confondent : ces vaisseaux si délicats n'y
peuvent plus résister le jeu et tout le
ressort de la Nature manque insensible
ment : le corps se mine . et enfin tombe
en ruine ; ou s'il ne succombe pas à tant
d'efforts , la tête se dérange : cette grande
vivacité s'évanouit , et l'esprit disparoît ,
parce qu'il n'y a plus dans les organes
usez cette juste proportion qui devoit
P'entretenir.
Quelque excellent que soit un Arbre
si , lorsqu'il est jeune , on lui donn
trop de portée , si on lui laisse produir
une surabondance de fruits qui se mon
trent , il mourra bien-tôt , ou ne fera que
languir. Il en est de même d'un Enfant
plein d'esprit et de vivacité. Il ne demar
de qu'à produire les plus beaux fruits
mais dès que vous le surchargez
que vous voulez en tirer trop d'abord
c'est un grand hazard si vous ne le voyez
aussi-tôt déperir , et si une mort préma
turée ne vous l'enleve. Quelques-uns plus
robustes y résisteront mais le grand
nombre en sera la victime .
Pour obvier à un si funeste inconve
mient , on ne peut , avec trop d'atten
1. Vol
ci
tion
DECEMBRE 1731. 2789
tion , ménager ces jeunes esprits . Leur
extrême vivacité les porte assez d'ellemême
à vouloir tout connoître , tout
approfondir ; bien loin donc de les pousser
et de les animer , il faudroit ne les
faire avancer dans les études et dans les
differentes connoissances que pied à pied.
Plus ils apprennent facilement , plus on
devroit leur donner de récréations et de
divertissemens honnêtes ; les arracher
même à l'étude quand ils s'y veulent trop
appliquer , ne perdant jamais de vûë cette
sage maxime : L'Arc trop souvent tendu ,
ne peut durer long-temps.
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Résumé : RÉFLEXIONS de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville, près de Vernon, sur les deux Questions proposées dans le Mercure de Mai 1731.
Le texte 'Réflexions de M. Simonnet, Prieur d'Heurgeville' traite de deux questions soulevées dans le Mercure de mai 1731. La première question porte sur la compatibilité de l'amour et de la raison. Simonnet soutient que toute passion dominante, notamment l'amour, est incompatible avec la raison. L'amour, qualifié de tyran, asservit la raison et la domine de manière impérieuse et absolue. Cette passion triomphe toujours au détriment de la raison, même chez les grands hommes et les sages, qui peuvent sombrer dans des folies et des extravagances sous son influence, comme en témoigne l'exemple de Salomon. La deuxième question explore les causes physiques ou morales de la mort prématurée des enfants prometteurs ou de la dégénérescence de leur vivacité en stupidité. Simonnet identifie plusieurs facteurs possibles, tels que des accidents inévitables, des semences de corruption ou des intempéries, qui peuvent entraîner la mort des enfants. Pour les enfants brillants, un excès de soin dans leur éducation peut épuiser leurs esprits et affaiblir leurs organes. Il compare cette situation à un jeune arbre surchargé de fruits, qui finit par mourir ou languir. Pour éviter ce phénomène, il est essentiel de ménager ces jeunes esprits, de leur offrir des récréations et de ne pas les surcharger d'études.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2160-2175
LETTRE du Frere *** Jardinier des RR. PP. *** d'Auxerre, au Frere C*** Jardinier des Peres du même Ordre à Paris.
Début :
MON TRÈS-CHER FRERE, la paix de Dieu en J. Notre Seigneur. [...]
Mots clefs :
Greffe, Fibres, Portion ligneuse, Jardinier, Écorce, Union, Observations, Branche, Endroit, Direction, Duhamel du Monceau, Couche, Forme, Frère, Sentiment, Replis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE du Frere *** Jardinier des RR. PP. *** d'Auxerre, au Frere C*** Jardinier des Peres du même Ordre à Paris.
LETTRE du Frere *** Jardinier
des RR. P P. *** d'Auxerre , au
·Frere C *** Jardinier des Peres du
même Ordre à Paris.
MON
ON TRE'S -CHER FRERE , la paix
de Dieu en J. Notre Seigneur.
Permettez moi de vous faire part de
quelques unes de mes Obsèrvations
sur la maniere dont le Sujet et là Greffe
s'unissent dans les Arbres greffez ; il y
a déja fort long temps que je me suis
appliqué à examiner ce qui se passe dans
cette jonction si intime ; j'ai détruit pour
cela une quantité considerable d'arbres
greff.z ; j'en ai aussi observé qui étoient
morts sur pied , j'en ai choisi de vieux
et de jeunes , afin de suivre , pour ainsi
dire , dans tous les âges , le travail admirable
de la Nature ; tantôt j'ai scié
Tendroit de la greffe , tantôt je l'ai fendu
, quelquefois régulierement , d'autres
fois irrégulièrement. Les coupes que j'en
ai faites ont été aussi suivant differens '
plans ; afin que rien n'échappât à ma
vûë , j'ai observé toutes les especes de
greffes ; mais comme toutes peuvent se
réduire
OCTOBRE. 1733 218t
réduire à la greffe en écusson et à celle
en fente , je vais vous entretenir de tout
ce que j'ai remarqué dans ces deux especes
de greffe. Ces amusemens innocens
sont permis dans notre état , et peuvent
servir de récréation dans la solitude . C'est
pourquoi j'espere que le petit détail que
je vous envoye ne vous déplaira pas.
Dans la greffe en écusson , la greffe fait
toujours avec le sujet , un angle plus
ou moins considérable , selon que sa situation
à l'égard du sujet est plus ou
moins oblique. L'union de la greffe et
du sujet commence à se faire par les fibres
de la couche la plus interieure du
Livre. ou ce qui est la même chose ,
par les fibres qui doivent dans la suite
former le cercle exterieur de la portion
ligneuse ; les fibres de cette couche du
Livre , s'insinuent dans les fibres de la
couche opposée qui se trouve dans le
sujet, et s'y attachent de façon que dans les
vieilles greffes il est impossible d'appercevoir
la maniere dont s'est faite l'union
des fibres de la greffe avec celle du sujet,
quand la couche la plus intérieure du
Livre de la greffe s'est unie assez inti-
* On appelle Livre , la partie intérieure de l'êcorcé
, celle qui touche le bois , et qui est olle - même
prête à devenir bois.
C mement
F
2462 MERCURE DE FRANCE
mement avec celle du sujet pour qu'elle
puisse vegeter sur elle , alors la couche
de l'écorce qui est exterieure à la couche
interieure du Livre commence à
pousser dans celle du sujet qui lui correspond
, et ainsi toujours de la même
maniere de l'interieur à l'exterieur , jusqu'à
ce qu'enfin il se fasse un bourrelet qui
soude par dehors l'écorce de la greffe avec
celle du sujet. Il ne se forme aucune
union entre la portion ligneuse du sujet
et la portion ligneuse de la greffe , ni
entre la portion ligneuse du même sujet
et l'écorce de la greffe ; mais la portion
ligneuse du sujet périt tout d'abord ; ce
qui se remarque facilement par le changement
de couleur qui lui arrive. Pareillement
la portion ligneuse de la greffe
ne s'unit avec aucune partie du sujet ;
elle cesse même de croître ; car les fibres
de la portion ligneuse de la greffe
Cétant parvenuës presque vis - à - vis de
celles du sujet , elles font un petit détour
; la plus grande partie s'arrêtent
précisément en cet endroit et s'adossent ,
pour ainsi- dire , sur la portion ligneuse
du sujet, sans cependant s'y unir en aucune
façon , tandis que les autres fibresqui
descendent un peu plus bas , glissent sur
* Voyez la figure 1.
la
OCTOBR E. 1733. 2163
la portion ligneuse , et que les extrémitez
de ces fibres qui ne vont pas plus loiny
forment differens étages très sensibles.
Pour me rendre un peu plus clair et plus
intelligible dans ce qui me reste à dire
sur la greffe en écusson , il est bon de
regarder l'écorce qui environne la greffe,
comme divisée en deux portions séparées
par la partie ligneuse qui en occupele
centre ; de ces deux portions l'une sera
superieure et l'autre infericure ; la portion
superieure de l'écorce forme le plus
souvent un bourrelet qui peu à peu recouvre
la tige qui a été coupée un peu
au- dessus de la greffe ; il y a des greffes
où cette écorce après avoir fait une espece
de calotte pour recouvrir entierement le
bois coupé , s'unit tellement avec l'écor
ce du sujet, qu'on ne voit aucune marque
de jonction : j'ai , entr'autres , une vieil
le
*
groffe , où à l'exterieur les levres du
bourrelet se sont tellement effacées , qu'il
est impossible de voir l'endroit de la
greffe . De cette nouvelle écorce préci
sément à l'endroit où elle a recouvert
la tige coupée , il a poussé une branche
aussi grosse que les autres branches latérales
; la portion inferieure de l'écorce
de la greffe pousse de même dans l'écorce
du sujet , sans qu'on puisse obser-
73
Cij ver
2164 MERCURE DE FRANCE
1
ver non- plus de quelle maniere s'est faite
l'union entre les fibres. La direcrjon
des fibres de ces deux portions d'écorces
doit nécessairement être d'abord un
peu oblique ; elle devient ensuite longitudinale
et pour l'ordinaire très régulie
re. Ces fibres sont absolument dispo
sées de la même maniere que dans les
branches qui partent de la tige ; car la:
direction des fibres qui étoit d'abord
longitudinale , devient un peu oblique
pour se redresser ensuite et redevenit
longitudinale ; aussi quand on scie lon-.
gitudinalement la tige d'un arbre dans
un endroit d'où il sort une branche .
on observe absolument la même direction
de fibres que dans la greffe ; pareillement
si on arrache une greffe qui a
commencé à vegeter sur le sujet et si
on sépare une jeune branche d'un arbre
dans l'endroit où la branche est articulée
avec la tige dans l'un et dans l'autre,
les fibres paroîtront disposées de la mê
me maniere.
J'ai observé dans la greffe en fente à
peu près le même procedé de la Nature
que dans la greffe en écusson , la végétation
de la greffe dans le sujet commence
à se faire par la couche la plus in- >
* Voyez lafig. 1,
terieure
OCTOBR E. 1733. 2165
terieure du Livre et l'union des fibres
de la greffe avec celle du sujet , se fait
toujours de l'interieur à l'exterieur jusqu'à
ce qu'enfin l'écorce du sujet qui
avoit été fendue pour recevoir la greffe,
se soit soudée par le moyen de sa jonction
immédiate avec les fibres de l'écorce
de la greffe : pour lors la portion ligneuse
du sujet devient inutile , elle meurt le
plus souvent, et il ne se fait aucune union
entre elle et la portion ligneuse de la
greffe , ce qui se reconnoît facilement
dans les greffes , même les plus vieilles ;
il n'y a que les écorces dont les fibres se
soient unies , et cette union se fait dans
quelques greffes si intimement , qu'il est
impossible de voir dans l'interieur de la
tige les endroits où la jonction s'est faite,
on ne s'en apperçoit que sur l'exterieur
de l'écorce , car au- dedans la direction
des fibres est si bien la-même , que les
fibres de la greffe ne paroissent être qu'u
ne continuation de celles du sujet. J'ai
une greffe de Pommier , âgée de quatorze
ans , dans laquelle on voit très - clairement
qu'il n'y a eu aucune union entre
la portion ligneuse de la greffe et celle
du sujet , et que les portions ligneuses
de l'une et de l'autre , ont péri entierement.
Dans la portion ligneuse du sujet,
Ciij trois
2166 MERCURE DE FRANCE
trois doigts au -dessous de l'endroit où
la tige avoit été coupée , il y avoit eu
une branche qu'on avoit abbatuë et on
voit très distinctement la marque de la
coupure qui n'a changé ni de figure ni
de couleur , et qui a été ensuite recou
verte par l'écorce dans laquelle elle a
laissé son empreinte, sans s'y unir en aucune
façon. A mesure que la jonction
entre la greffe et le sujet devient plus
intime , les écorces de la greffe et da
sujet se distendent peu a peu , augmentent
de volume et enfin deviennent capables
de former un bourrelet assez considerable
pour recouvrir entierement le
bois coupé et ne former plus qu'un seul
corps , lorsqu'elles sont venues à se joindre.
Dans cette greffe de Pommier faite
il y a quatorze ans , il y avoit eu aussi
une branche de la greffe coupée à la tige
un peu au dessus de l'endroit de la greffe,
et de l'autre côté il y avoit une petite
branche qui mourut quelque temps après,
dans l'accroissement des écorces du sujet
et de la greffe , l'endroit où la branche
avoit été coupée aussi - bien que la
petite branche morte , ont été totalement
enveloppez , sans qu'il soit demeuré à
l'exterieur aucun vestige de ces parties ;
je conserve avec grand soin cette greffe
que
OCTOBR E. 1733. 2167
porque
je regarde comme une Piéce précieu
se. Quand les fibres se sont soudées et que
le bourrelet s'est formé , la direction des
fibres paroît tres réguliere, et pour l'ordinaire
longitudinale ; on remarque sculement
à la partie la plus voisine de la
tion ligneuse , tant du sujet que d de la
greffe , la position des fibres les plus intérieures
qui est un peu oblique , parce
que les fibres du sujet sont obligées de
faire un détour pour aller s'unir avec
celles de la greffe ; mais quand elles sont
parvenues à la greffe , cette direction chanbien-
tôt pour devenir longitudinale ;
ge
vers l'extérieur la direction des fibres est
pour l'ordinaire absolument longitudinale.
*
Ce sont là , mon cher frere , les observations
que j'avois faites il y a très-longtemps
sur les greffes ; mais il y a environ
deux ans que je fus tres - surpris lorsqu'un
Monsieur de mes amis , homme
d'esprit et fort curieux , à qui j'avois fait
part de mes recherches , vint m'apporter
Mémoires de l'Académie Royale des
Sciences de 1728. J'y lûs un Mémoire de
M. Duhamel sur la greffe , dans lequel il
se trouve des observations qui sont absolument
différentes des miennes ; comme
* Voyez les figures 2 et 3 .
C iiij
Vous
2168 MERCURE DE FRANCE
vous ne serez peut- être pas
fâché de sçavoir
ce que pense ce sçavant homime ,
voici un précis exact de son sentiment :
Il dit qu'il doit se faire plusieurs Sections
tant dans les Orifices de la greffe , que
dans celles du sujet lorsqu'on appliquera
la greffe sur le sujet, ce qui produit necessairement
un Philtre plus fin ; l'union de la
greffe avec le sujet ne se peut faire selon lui .
sans un allongement tant de la part des
fibres de la greffe que de celles du sujet
qui dans cet allongement doivent faire
différentes infléxions , divers plis et replis
pour s'ajuster et s'anastomoser les
unes aux autres ; il ajoute qu'il y a icy
quelque chose qui approche de la méchanique
des glandes , qu'il s'y fait des filtrations
et des sécrétions , et que dans la
greffe il y a un viscere nouveau qui peut
changer en quelque chose la nature de
la greffe, ou plutôt la qualité de ses productions
; il appuye cecy en disant qu'il
n'est parvenu à toutes ces grandes connoissances
qu'à force d'expériences réïtérées
; il va plus loin ; non content de
cette sécrétion qu'il a découverte dans la
greffe , il veut qu'il y ait non seulement
des Philtres aux racines et aux tiges qui
ne font que commencer à perfectionner
la séve , mais encore qu'il s'en trouve
d'au
OCTOBRE. 1733. 2169
d'autres ou dans les petites branches , ou
à l'approche des fruits qui achevent de
préparer la séve , et séparer les parties
suaves et agréables d'avec les autres ; il a
prouvé même ceci par lexpérience suivante;
si on goute les feuilles et les branches
d'un arbre qui a le fruit doux , on y
trouvera une séve extremement âcre et
amere , ce qui fait voir ( à cet Académi
cien ) le besoin qu'elle a d'être rectifiée
avant que de passer dans les fruits . Je vous
avouë , mon cher frere , que je fus fort
frappé , après avoir lû les Observations
de M. Duhamel , j'avois lieu en effet d'être
doublement surpris, car il y avoit une
partie de cet éloquent discours que je
n'entendois point du tout , et peu que
je compris dans le reste me sembloit entierement
opposé à ce que j'avois cru
voir ; ces observations me portoient à
croire , 1. qu'il se faisoit une union bienexacte
entre les fibres de la portion ligneuse
; j'avois vû le contraire dans les
portions ligneuses de la greffe et du su-
Jet , 29
, que dans cette union les fibres
avoient des directions bizarres , et qu'elles
formoient des plis et replis ; les fibres
m'avoient paru le plus souvent bien
droites et bien régulieres celles qui
avoient la direction la plus bizarre , fai-
C # soient
et le
2170 MERCURE DE FRANCE
,
soient quelques petits détours, sans se replier
et se contourner comme M. Duhamel
le dit. D'ailleurs il n'y a pas plus
de plis et replis à la greffe qu'aux noeuds
et qu'aux articulations des branches à la
tige ; c'est pourquoi les noeuds et les articulations
devroient tenir lieu du manége
de la greffe qui deviendroit pourlors
inutile ; j'avois bien des raisons pour
deffendre mon sentiment , mais quand
je faisois réfléxion que ces observations
partoient d'un Membre de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , qui doit
sur ce seul titre être regardé comme un
homme bien sçavant ; toutes mes raisons
s'évanouissoient et je croïois véritablement
m'être trompé , cependant je fus
porté par je ne sçai quel mouvement
d'amour propre , à ne point me défier si
fort de mes forces , j'étois persuadé que
dans ma retraite je pouvois peut - être
faire ce qu'un homme répandu dans le
monde ne peut point faire ; il me vint
donc en pensée de vérifier mes observations
et d'examiner de nouveau les greffes
; je le fis , et je puis dire , avec succès
, car je fus confirmé pleinement dans
mon premier sentiment; ainsi content de
moi même , il ne me restoit plus que de
tâcher de comprendre ce que M. Duhamel
OCTOBRE. 1733. 2171
mel dit dans son Mémoire. Il parle de
Philares , de Filtrations , de Sécrétions , de
Glandes , &c. je n'entendois rien à tous
ces termes , il falloit m'en instruire, puisqu'on
supposoit dans les greffes de pareils
visceres , et qu'on prétendoit qu'il y
avoit de semblables organes , principalement
à l'insertion des racines , aux tiges ,
suivant l'observation . de plusieurs ( a )
Etrangers : Je ne trouvai point d'expédient
plus court pour venir about de
mon dessein que d'aller trouver notre
Chirurgien , qui est un fort habile hom--
me dans son Art, et d'ailleurs sçavant en
Anatomie je le priai de me dire ce que
c'étoit qu'une glande et quel étoit son
usage dans le corps des animaux , il me
répondit qu'on appelloit glandes , certains
pelotons particuliers et certaines
masses distinguées de toutes les autres
parties du corps , par leur contour , leur
forme , &c. qu'elles étoient en general
composées par des vaisseaux de différente
espece , differemment pliez , repliez et
empaquetez les uns sur les autres, et que
leur fonction en general étoit de séparer
de la masse du sang certaines liqueurs
destinées à différens usages , suivant les
vûës de la nature ; enfin il me dit que cet-
( a ) Grevu , Malpighi , Levvenouh er . Mariotte
C vj
te
2172 MERCURE DE FRANCE
te fonction propre à la glande de séparer
une liqueur d'une, autre se nomme Pécrétion
ou filtration ; et que la glande ellemême
étoit regardée comme un filtre ;
j'écoutai tres - attentivement tout ce qu'il
me dit , et je le concevois fort bien , mais
quand je voulus appliquer ces notions
à la greffe , je n'y entendis plus rien du
tout , mon ignorance me fit rentrer dans
mon néant , je fis réfléxion qu'il n'appartenoit
pas à un petit frere Jardinier de
porter son sentiment sur une matiere
aussi difficile , sur tout avec des lumieres
aussi bornées que les miennes, cependant
je ne pus me refuser de faire les observations
suivantes , qui m'ont empêché d'adopter
ces glandes : Voici comme j'ai rai
sonné, pour qu'une sécrétion se fasse , il
faut un organe , cet organe est formé par
divers plis , replis , contours et entrelassemens
; outre cela la glande est une partie
, pour ainsi dire , isolée des autres
parties du corps des animaux ; dans les
plantes je ne trouve rien de semblable ,
point de partie séparée des autres, à moins
que ce ne soit des especes de Chevilles
qu'on trouve assez souvent dans les Planches
de Sapin , les fibres sont pour l'ordinaire
bien droites , bien regulieres ,
quand elles sont irrégulieres ce sont des
chanOCTOBRE
. 1733. 217%
1
changemens de direction ausquelles elles
ont été forcées à cause qu'elles ont trouvé
quelque empêchement et quelque embarras
dans leur chemin , ce qui les a obligé
de se détourner ; au reste on rencontre
des directions aussi bizarres dans les
noeuds , qui pour lors devroient faire l'office
de la greffe, mais jamais dans les greffes
, il n'y a de contours et de replis qui
semblent marquer un entortillement
comme dans la glande ; enfin pour qu'une
sécrétion se fasse il faut qu'il y ait une
liqueur qui soit séparée de la masse du
fluide ; j'étois bien embarrassé à la trouver
dans la greffe .
Je fis part de toutes ces réfléxions
à l'ami
qui m'avoit
prêté les Mémoires
de l'Académie
des Sciences
, il m'en parut
frapé , et il me dit que le sentiment
de M. Duhamel
n'étoit point nouveau
, que des Auteurs
célébres
l'avoient
soutenu
et
qu'il étoit moins surpris que M.Duhamel
Feut renouvellé
qu'il ne l'étoit
que cet Académicien
n'eut point
cité ceux de
qui , selon toutes les apparences
, il le tenoit
; il me promit
de m'apporter
les Au- teurs qu'il sçavoit avoir parlé de ces fil- trations
et de ces sécrétions
; il tint sa pa- role , et il me fit voir les Mémoires
de P'Académic
Royale
des Sciences
, de l'année
2174 MERCURE DE FRANCE
née 1705. parmi lesquels il y en a un
sur les maladies des Plantes , donné
par l'illustre M. de Tournefort , à la fin
duquel se trouve le systême des glandes
détaillé avec peut être beaucoup plus de
précision que dans le Mémoire de M.Duhamel
, et j'ai eu un sensible plaisir lorsque
j'y ai vu que M. de Tournefort s'étoit
apperçu avant moi , que les fibres de
la portion ligneuse , qu'il nomme Chicot
, se déssechoient entierement , que la
blessure étoit couverte par une espece de
calotte , qui enveloppe ce bois coupé , et
que ce bourlet n'étoit formé que par les
lévres de l'écorce qui se tuméfioients
mon ami me fit voir encore le même systême
dans l'Agriculture parfaite d'Agricola
, partie premiere , page 73.74. C. 5.
n. 13. Quoique ces autoritez ne levassent
point mes difficultez , cependant je fus
fort sa isfait de ceque j'avois appris , et je
pensai que si ces grands hommes s'étoient
trompez , ce qui ne m'appartenoit pas de
décider , la matiere devoit être plus difficile
que je ne me l'étois imaginé d'abord ;
c'est pourquoi , mon cher frere , je vous
prie de vérifier , si vos grandes occupations
vous le permettent , mes Observations
, et de me dire librement votre
sentiment ; tout honnête homme , tout
homme
OCTOBRE . 1733. 2175
homme sçavant , et à plus forte raison un
ignorant comme moi , doit se croire faillible
, ainsi c'est la vérité que nous devons
toujours avoir en vue , parce que
nous devons avoir toujours Dieu present
dans toutes nos actions , et que nous lui
devons tout rapporter , songez un peu
moi dans vos prieres. J'ai l'honneur d'ê
tre , &c.
A Auxerre , ce 4 Octobre 1733.
des RR. P P. *** d'Auxerre , au
·Frere C *** Jardinier des Peres du
même Ordre à Paris.
MON
ON TRE'S -CHER FRERE , la paix
de Dieu en J. Notre Seigneur.
Permettez moi de vous faire part de
quelques unes de mes Obsèrvations
sur la maniere dont le Sujet et là Greffe
s'unissent dans les Arbres greffez ; il y
a déja fort long temps que je me suis
appliqué à examiner ce qui se passe dans
cette jonction si intime ; j'ai détruit pour
cela une quantité considerable d'arbres
greff.z ; j'en ai aussi observé qui étoient
morts sur pied , j'en ai choisi de vieux
et de jeunes , afin de suivre , pour ainsi
dire , dans tous les âges , le travail admirable
de la Nature ; tantôt j'ai scié
Tendroit de la greffe , tantôt je l'ai fendu
, quelquefois régulierement , d'autres
fois irrégulièrement. Les coupes que j'en
ai faites ont été aussi suivant differens '
plans ; afin que rien n'échappât à ma
vûë , j'ai observé toutes les especes de
greffes ; mais comme toutes peuvent se
réduire
OCTOBRE. 1733 218t
réduire à la greffe en écusson et à celle
en fente , je vais vous entretenir de tout
ce que j'ai remarqué dans ces deux especes
de greffe. Ces amusemens innocens
sont permis dans notre état , et peuvent
servir de récréation dans la solitude . C'est
pourquoi j'espere que le petit détail que
je vous envoye ne vous déplaira pas.
Dans la greffe en écusson , la greffe fait
toujours avec le sujet , un angle plus
ou moins considérable , selon que sa situation
à l'égard du sujet est plus ou
moins oblique. L'union de la greffe et
du sujet commence à se faire par les fibres
de la couche la plus interieure du
Livre. ou ce qui est la même chose ,
par les fibres qui doivent dans la suite
former le cercle exterieur de la portion
ligneuse ; les fibres de cette couche du
Livre , s'insinuent dans les fibres de la
couche opposée qui se trouve dans le
sujet, et s'y attachent de façon que dans les
vieilles greffes il est impossible d'appercevoir
la maniere dont s'est faite l'union
des fibres de la greffe avec celle du sujet,
quand la couche la plus intérieure du
Livre de la greffe s'est unie assez inti-
* On appelle Livre , la partie intérieure de l'êcorcé
, celle qui touche le bois , et qui est olle - même
prête à devenir bois.
C mement
F
2462 MERCURE DE FRANCE
mement avec celle du sujet pour qu'elle
puisse vegeter sur elle , alors la couche
de l'écorce qui est exterieure à la couche
interieure du Livre commence à
pousser dans celle du sujet qui lui correspond
, et ainsi toujours de la même
maniere de l'interieur à l'exterieur , jusqu'à
ce qu'enfin il se fasse un bourrelet qui
soude par dehors l'écorce de la greffe avec
celle du sujet. Il ne se forme aucune
union entre la portion ligneuse du sujet
et la portion ligneuse de la greffe , ni
entre la portion ligneuse du même sujet
et l'écorce de la greffe ; mais la portion
ligneuse du sujet périt tout d'abord ; ce
qui se remarque facilement par le changement
de couleur qui lui arrive. Pareillement
la portion ligneuse de la greffe
ne s'unit avec aucune partie du sujet ;
elle cesse même de croître ; car les fibres
de la portion ligneuse de la greffe
Cétant parvenuës presque vis - à - vis de
celles du sujet , elles font un petit détour
; la plus grande partie s'arrêtent
précisément en cet endroit et s'adossent ,
pour ainsi- dire , sur la portion ligneuse
du sujet, sans cependant s'y unir en aucune
façon , tandis que les autres fibresqui
descendent un peu plus bas , glissent sur
* Voyez la figure 1.
la
OCTOBR E. 1733. 2163
la portion ligneuse , et que les extrémitez
de ces fibres qui ne vont pas plus loiny
forment differens étages très sensibles.
Pour me rendre un peu plus clair et plus
intelligible dans ce qui me reste à dire
sur la greffe en écusson , il est bon de
regarder l'écorce qui environne la greffe,
comme divisée en deux portions séparées
par la partie ligneuse qui en occupele
centre ; de ces deux portions l'une sera
superieure et l'autre infericure ; la portion
superieure de l'écorce forme le plus
souvent un bourrelet qui peu à peu recouvre
la tige qui a été coupée un peu
au- dessus de la greffe ; il y a des greffes
où cette écorce après avoir fait une espece
de calotte pour recouvrir entierement le
bois coupé , s'unit tellement avec l'écor
ce du sujet, qu'on ne voit aucune marque
de jonction : j'ai , entr'autres , une vieil
le
*
groffe , où à l'exterieur les levres du
bourrelet se sont tellement effacées , qu'il
est impossible de voir l'endroit de la
greffe . De cette nouvelle écorce préci
sément à l'endroit où elle a recouvert
la tige coupée , il a poussé une branche
aussi grosse que les autres branches latérales
; la portion inferieure de l'écorce
de la greffe pousse de même dans l'écorce
du sujet , sans qu'on puisse obser-
73
Cij ver
2164 MERCURE DE FRANCE
1
ver non- plus de quelle maniere s'est faite
l'union entre les fibres. La direcrjon
des fibres de ces deux portions d'écorces
doit nécessairement être d'abord un
peu oblique ; elle devient ensuite longitudinale
et pour l'ordinaire très régulie
re. Ces fibres sont absolument dispo
sées de la même maniere que dans les
branches qui partent de la tige ; car la:
direction des fibres qui étoit d'abord
longitudinale , devient un peu oblique
pour se redresser ensuite et redevenit
longitudinale ; aussi quand on scie lon-.
gitudinalement la tige d'un arbre dans
un endroit d'où il sort une branche .
on observe absolument la même direction
de fibres que dans la greffe ; pareillement
si on arrache une greffe qui a
commencé à vegeter sur le sujet et si
on sépare une jeune branche d'un arbre
dans l'endroit où la branche est articulée
avec la tige dans l'un et dans l'autre,
les fibres paroîtront disposées de la mê
me maniere.
J'ai observé dans la greffe en fente à
peu près le même procedé de la Nature
que dans la greffe en écusson , la végétation
de la greffe dans le sujet commence
à se faire par la couche la plus in- >
* Voyez lafig. 1,
terieure
OCTOBR E. 1733. 2165
terieure du Livre et l'union des fibres
de la greffe avec celle du sujet , se fait
toujours de l'interieur à l'exterieur jusqu'à
ce qu'enfin l'écorce du sujet qui
avoit été fendue pour recevoir la greffe,
se soit soudée par le moyen de sa jonction
immédiate avec les fibres de l'écorce
de la greffe : pour lors la portion ligneuse
du sujet devient inutile , elle meurt le
plus souvent, et il ne se fait aucune union
entre elle et la portion ligneuse de la
greffe , ce qui se reconnoît facilement
dans les greffes , même les plus vieilles ;
il n'y a que les écorces dont les fibres se
soient unies , et cette union se fait dans
quelques greffes si intimement , qu'il est
impossible de voir dans l'interieur de la
tige les endroits où la jonction s'est faite,
on ne s'en apperçoit que sur l'exterieur
de l'écorce , car au- dedans la direction
des fibres est si bien la-même , que les
fibres de la greffe ne paroissent être qu'u
ne continuation de celles du sujet. J'ai
une greffe de Pommier , âgée de quatorze
ans , dans laquelle on voit très - clairement
qu'il n'y a eu aucune union entre
la portion ligneuse de la greffe et celle
du sujet , et que les portions ligneuses
de l'une et de l'autre , ont péri entierement.
Dans la portion ligneuse du sujet,
Ciij trois
2166 MERCURE DE FRANCE
trois doigts au -dessous de l'endroit où
la tige avoit été coupée , il y avoit eu
une branche qu'on avoit abbatuë et on
voit très distinctement la marque de la
coupure qui n'a changé ni de figure ni
de couleur , et qui a été ensuite recou
verte par l'écorce dans laquelle elle a
laissé son empreinte, sans s'y unir en aucune
façon. A mesure que la jonction
entre la greffe et le sujet devient plus
intime , les écorces de la greffe et da
sujet se distendent peu a peu , augmentent
de volume et enfin deviennent capables
de former un bourrelet assez considerable
pour recouvrir entierement le
bois coupé et ne former plus qu'un seul
corps , lorsqu'elles sont venues à se joindre.
Dans cette greffe de Pommier faite
il y a quatorze ans , il y avoit eu aussi
une branche de la greffe coupée à la tige
un peu au dessus de l'endroit de la greffe,
et de l'autre côté il y avoit une petite
branche qui mourut quelque temps après,
dans l'accroissement des écorces du sujet
et de la greffe , l'endroit où la branche
avoit été coupée aussi - bien que la
petite branche morte , ont été totalement
enveloppez , sans qu'il soit demeuré à
l'exterieur aucun vestige de ces parties ;
je conserve avec grand soin cette greffe
que
OCTOBR E. 1733. 2167
porque
je regarde comme une Piéce précieu
se. Quand les fibres se sont soudées et que
le bourrelet s'est formé , la direction des
fibres paroît tres réguliere, et pour l'ordinaire
longitudinale ; on remarque sculement
à la partie la plus voisine de la
tion ligneuse , tant du sujet que d de la
greffe , la position des fibres les plus intérieures
qui est un peu oblique , parce
que les fibres du sujet sont obligées de
faire un détour pour aller s'unir avec
celles de la greffe ; mais quand elles sont
parvenues à la greffe , cette direction chanbien-
tôt pour devenir longitudinale ;
ge
vers l'extérieur la direction des fibres est
pour l'ordinaire absolument longitudinale.
*
Ce sont là , mon cher frere , les observations
que j'avois faites il y a très-longtemps
sur les greffes ; mais il y a environ
deux ans que je fus tres - surpris lorsqu'un
Monsieur de mes amis , homme
d'esprit et fort curieux , à qui j'avois fait
part de mes recherches , vint m'apporter
Mémoires de l'Académie Royale des
Sciences de 1728. J'y lûs un Mémoire de
M. Duhamel sur la greffe , dans lequel il
se trouve des observations qui sont absolument
différentes des miennes ; comme
* Voyez les figures 2 et 3 .
C iiij
Vous
2168 MERCURE DE FRANCE
vous ne serez peut- être pas
fâché de sçavoir
ce que pense ce sçavant homime ,
voici un précis exact de son sentiment :
Il dit qu'il doit se faire plusieurs Sections
tant dans les Orifices de la greffe , que
dans celles du sujet lorsqu'on appliquera
la greffe sur le sujet, ce qui produit necessairement
un Philtre plus fin ; l'union de la
greffe avec le sujet ne se peut faire selon lui .
sans un allongement tant de la part des
fibres de la greffe que de celles du sujet
qui dans cet allongement doivent faire
différentes infléxions , divers plis et replis
pour s'ajuster et s'anastomoser les
unes aux autres ; il ajoute qu'il y a icy
quelque chose qui approche de la méchanique
des glandes , qu'il s'y fait des filtrations
et des sécrétions , et que dans la
greffe il y a un viscere nouveau qui peut
changer en quelque chose la nature de
la greffe, ou plutôt la qualité de ses productions
; il appuye cecy en disant qu'il
n'est parvenu à toutes ces grandes connoissances
qu'à force d'expériences réïtérées
; il va plus loin ; non content de
cette sécrétion qu'il a découverte dans la
greffe , il veut qu'il y ait non seulement
des Philtres aux racines et aux tiges qui
ne font que commencer à perfectionner
la séve , mais encore qu'il s'en trouve
d'au
OCTOBRE. 1733. 2169
d'autres ou dans les petites branches , ou
à l'approche des fruits qui achevent de
préparer la séve , et séparer les parties
suaves et agréables d'avec les autres ; il a
prouvé même ceci par lexpérience suivante;
si on goute les feuilles et les branches
d'un arbre qui a le fruit doux , on y
trouvera une séve extremement âcre et
amere , ce qui fait voir ( à cet Académi
cien ) le besoin qu'elle a d'être rectifiée
avant que de passer dans les fruits . Je vous
avouë , mon cher frere , que je fus fort
frappé , après avoir lû les Observations
de M. Duhamel , j'avois lieu en effet d'être
doublement surpris, car il y avoit une
partie de cet éloquent discours que je
n'entendois point du tout , et peu que
je compris dans le reste me sembloit entierement
opposé à ce que j'avois cru
voir ; ces observations me portoient à
croire , 1. qu'il se faisoit une union bienexacte
entre les fibres de la portion ligneuse
; j'avois vû le contraire dans les
portions ligneuses de la greffe et du su-
Jet , 29
, que dans cette union les fibres
avoient des directions bizarres , et qu'elles
formoient des plis et replis ; les fibres
m'avoient paru le plus souvent bien
droites et bien régulieres celles qui
avoient la direction la plus bizarre , fai-
C # soient
et le
2170 MERCURE DE FRANCE
,
soient quelques petits détours, sans se replier
et se contourner comme M. Duhamel
le dit. D'ailleurs il n'y a pas plus
de plis et replis à la greffe qu'aux noeuds
et qu'aux articulations des branches à la
tige ; c'est pourquoi les noeuds et les articulations
devroient tenir lieu du manége
de la greffe qui deviendroit pourlors
inutile ; j'avois bien des raisons pour
deffendre mon sentiment , mais quand
je faisois réfléxion que ces observations
partoient d'un Membre de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , qui doit
sur ce seul titre être regardé comme un
homme bien sçavant ; toutes mes raisons
s'évanouissoient et je croïois véritablement
m'être trompé , cependant je fus
porté par je ne sçai quel mouvement
d'amour propre , à ne point me défier si
fort de mes forces , j'étois persuadé que
dans ma retraite je pouvois peut - être
faire ce qu'un homme répandu dans le
monde ne peut point faire ; il me vint
donc en pensée de vérifier mes observations
et d'examiner de nouveau les greffes
; je le fis , et je puis dire , avec succès
, car je fus confirmé pleinement dans
mon premier sentiment; ainsi content de
moi même , il ne me restoit plus que de
tâcher de comprendre ce que M. Duhamel
OCTOBRE. 1733. 2171
mel dit dans son Mémoire. Il parle de
Philares , de Filtrations , de Sécrétions , de
Glandes , &c. je n'entendois rien à tous
ces termes , il falloit m'en instruire, puisqu'on
supposoit dans les greffes de pareils
visceres , et qu'on prétendoit qu'il y
avoit de semblables organes , principalement
à l'insertion des racines , aux tiges ,
suivant l'observation . de plusieurs ( a )
Etrangers : Je ne trouvai point d'expédient
plus court pour venir about de
mon dessein que d'aller trouver notre
Chirurgien , qui est un fort habile hom--
me dans son Art, et d'ailleurs sçavant en
Anatomie je le priai de me dire ce que
c'étoit qu'une glande et quel étoit son
usage dans le corps des animaux , il me
répondit qu'on appelloit glandes , certains
pelotons particuliers et certaines
masses distinguées de toutes les autres
parties du corps , par leur contour , leur
forme , &c. qu'elles étoient en general
composées par des vaisseaux de différente
espece , differemment pliez , repliez et
empaquetez les uns sur les autres, et que
leur fonction en general étoit de séparer
de la masse du sang certaines liqueurs
destinées à différens usages , suivant les
vûës de la nature ; enfin il me dit que cet-
( a ) Grevu , Malpighi , Levvenouh er . Mariotte
C vj
te
2172 MERCURE DE FRANCE
te fonction propre à la glande de séparer
une liqueur d'une, autre se nomme Pécrétion
ou filtration ; et que la glande ellemême
étoit regardée comme un filtre ;
j'écoutai tres - attentivement tout ce qu'il
me dit , et je le concevois fort bien , mais
quand je voulus appliquer ces notions
à la greffe , je n'y entendis plus rien du
tout , mon ignorance me fit rentrer dans
mon néant , je fis réfléxion qu'il n'appartenoit
pas à un petit frere Jardinier de
porter son sentiment sur une matiere
aussi difficile , sur tout avec des lumieres
aussi bornées que les miennes, cependant
je ne pus me refuser de faire les observations
suivantes , qui m'ont empêché d'adopter
ces glandes : Voici comme j'ai rai
sonné, pour qu'une sécrétion se fasse , il
faut un organe , cet organe est formé par
divers plis , replis , contours et entrelassemens
; outre cela la glande est une partie
, pour ainsi dire , isolée des autres
parties du corps des animaux ; dans les
plantes je ne trouve rien de semblable ,
point de partie séparée des autres, à moins
que ce ne soit des especes de Chevilles
qu'on trouve assez souvent dans les Planches
de Sapin , les fibres sont pour l'ordinaire
bien droites , bien regulieres ,
quand elles sont irrégulieres ce sont des
chanOCTOBRE
. 1733. 217%
1
changemens de direction ausquelles elles
ont été forcées à cause qu'elles ont trouvé
quelque empêchement et quelque embarras
dans leur chemin , ce qui les a obligé
de se détourner ; au reste on rencontre
des directions aussi bizarres dans les
noeuds , qui pour lors devroient faire l'office
de la greffe, mais jamais dans les greffes
, il n'y a de contours et de replis qui
semblent marquer un entortillement
comme dans la glande ; enfin pour qu'une
sécrétion se fasse il faut qu'il y ait une
liqueur qui soit séparée de la masse du
fluide ; j'étois bien embarrassé à la trouver
dans la greffe .
Je fis part de toutes ces réfléxions
à l'ami
qui m'avoit
prêté les Mémoires
de l'Académie
des Sciences
, il m'en parut
frapé , et il me dit que le sentiment
de M. Duhamel
n'étoit point nouveau
, que des Auteurs
célébres
l'avoient
soutenu
et
qu'il étoit moins surpris que M.Duhamel
Feut renouvellé
qu'il ne l'étoit
que cet Académicien
n'eut point
cité ceux de
qui , selon toutes les apparences
, il le tenoit
; il me promit
de m'apporter
les Au- teurs qu'il sçavoit avoir parlé de ces fil- trations
et de ces sécrétions
; il tint sa pa- role , et il me fit voir les Mémoires
de P'Académic
Royale
des Sciences
, de l'année
2174 MERCURE DE FRANCE
née 1705. parmi lesquels il y en a un
sur les maladies des Plantes , donné
par l'illustre M. de Tournefort , à la fin
duquel se trouve le systême des glandes
détaillé avec peut être beaucoup plus de
précision que dans le Mémoire de M.Duhamel
, et j'ai eu un sensible plaisir lorsque
j'y ai vu que M. de Tournefort s'étoit
apperçu avant moi , que les fibres de
la portion ligneuse , qu'il nomme Chicot
, se déssechoient entierement , que la
blessure étoit couverte par une espece de
calotte , qui enveloppe ce bois coupé , et
que ce bourlet n'étoit formé que par les
lévres de l'écorce qui se tuméfioients
mon ami me fit voir encore le même systême
dans l'Agriculture parfaite d'Agricola
, partie premiere , page 73.74. C. 5.
n. 13. Quoique ces autoritez ne levassent
point mes difficultez , cependant je fus
fort sa isfait de ceque j'avois appris , et je
pensai que si ces grands hommes s'étoient
trompez , ce qui ne m'appartenoit pas de
décider , la matiere devoit être plus difficile
que je ne me l'étois imaginé d'abord ;
c'est pourquoi , mon cher frere , je vous
prie de vérifier , si vos grandes occupations
vous le permettent , mes Observations
, et de me dire librement votre
sentiment ; tout honnête homme , tout
homme
OCTOBRE . 1733. 2175
homme sçavant , et à plus forte raison un
ignorant comme moi , doit se croire faillible
, ainsi c'est la vérité que nous devons
toujours avoir en vue , parce que
nous devons avoir toujours Dieu present
dans toutes nos actions , et que nous lui
devons tout rapporter , songez un peu
moi dans vos prieres. J'ai l'honneur d'ê
tre , &c.
A Auxerre , ce 4 Octobre 1733.
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Résumé : LETTRE du Frere *** Jardinier des RR. PP. *** d'Auxerre, au Frere C*** Jardinier des Peres du même Ordre à Paris.
En octobre 1733, un frère jardinier des RR. PP. d'Auxerre adresse une lettre à un frère jardinier à Paris pour partager ses observations sur les greffes. Il examine diverses techniques de greffe, notamment la greffe en écusson et la greffe en fente, sur des arbres de différents âges et en effectuant diverses coupes. Dans la greffe en écusson, l'union commence par les fibres de la couche intérieure du greffon, qui s'insinuent dans les fibres du sujet. L'écorce du greffon pousse ensuite vers l'extérieur, formant un bourrelet qui soude l'écorce du greffon avec celle du sujet. La portion ligneuse du sujet périt rapidement, et celle du greffon cesse de croître, les fibres s'adossant sans s'unir. Pour la greffe en fente, le processus est similaire : l'union des fibres commence par la couche intérieure du greffon et progresse vers l'extérieur. Les écorces se soudent intimement, tandis que les portions ligneuses du sujet et du greffon périssent. L'auteur conserve une greffe de pommier de quatorze ans illustrant ces observations. L'auteur mentionne des divergences avec les observations de M. Duhamel, membre de l'Académie Royale des Sciences, qui décrit des processus mécaniques et des sécrétions dans la greffe. L'auteur trouve ces observations surprenantes et en partie incompréhensibles, notant des différences significatives avec ses propres observations. Le jardinier, porté par un sentiment d'amour-propre, décide de vérifier ses observations et de réexaminer les greffes, confirmant ainsi ses premières impressions. Il rencontre des difficultés à comprendre les termes techniques utilisés par M. Duhamel, tels que 'Philares', 'Filtrations', 'Sécrétions' et 'Glandes'. Pour clarifier ces concepts, il consulte un chirurgien, qui lui explique que les glandes sont des organes composés de vaisseaux et dont la fonction est de séparer des liquides du sang. Bien que ces explications soient claires, le jardinier ne parvient pas à les appliquer aux greffes, notant l'absence de structures similaires dans les plantes. Il partage ses observations avec un ami, qui lui montre des mémoires de l'Académie des Sciences et des écrits de Tournefort et Agricola, confirmant certaines de ses observations. Le jardinier conclut que la matière est plus complexe qu'il ne l'avait imaginé et demande à son frère de vérifier ses observations. Il insiste sur l'importance de la vérité et de la présence de Dieu dans leurs actions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2792-2806
LETTRE du Jardinier Solitaire, à M. *** au sujet d'une Lettre sur la Greffe, inserée dans le Mercure de France.
Début :
Plusieurs personnes de mes amis m'ont apporté le Mercure du mois [...]
Mots clefs :
Greffe, Duhamel du Monceau, Écorce, Écusson, Union, Lettre, Mémoire, Bois, Fibres, Greffes, Observations, Espèces, Cicatrice, Portion ligneuse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE du Jardinier Solitaire, à M. *** au sujet d'une Lettre sur la Greffe, inserée dans le Mercure de France.
LETTRE du Jardinier Solitaire , à
M. *** au sujet d'une Lettre sur la
Greffe , inserée dans le Mercure de
P
France.
Lusieurs personnes de mes amis
m'ont apporté le Mercure du mois
d'Octobre dernier , pour me faire voir
une Lettre au sujet de la Greffe , qui
paroît m'être adressée , et qu'ils croyoient
m'interesser à cause de l'application que
je donne à tout ce qui regarde l'Agricul
ture , sur tout depuis quinze ans que je
suis chargé du soin de notre Jardin ; mais
je les ai assurez que cette Lettre ne me
regardoit en aucune maniere ; je n'en connois
pas l'Auteur qui me paroît supposé;
je vous dirai même que je n'ambitionne
pas de le connoître , tant j'ai été choqué
de la malignité de son stile ; je souhaite
seulement de me conformer , autant qu'il
me sera possible , aux grands principes
qu'il a mis au commencement et à la
II. Vol. fin
DECEMBRE . 1733. 2793
fin de sa Lettre ; c'est uniquement dans
cette vûë que je ne crois obligé de vous
dire ce que je pense de cet Ouvrage , pour,
rendre justice à M. Duhamel , qui m'a
tnujours communiqué son travail sur
l'Agriculture , peut - être par une espece
de reconnoissance des secours que notre
Jardin peut lui fournir de tems en tems
pour faire les experiences dont il croit
tirer quelque avantage.
Je distingue deux pa ties dans la Lettre
en question ; l'une qui renferme des
Observations sur l'union de la greffe avec
son sujet , et l'autre qui est une Critique
d'un Memoire de M. Duhamel , ou qui
en est plutôt une Parodie.
La premiere Partie m'a parû assez bonne
et m'a fait plaisir à lire , quoiqu'elle
n'ait rien de nouveau pour moi , puisqu'il
y a plus d'un an que M. D. m'a
fait voir les préparations qu'il avoit faites
au sujet de la greffe , et qu'il venoit
de démontrer à l'Académie...
bois
1 °. Que jamais le bois des greffes , en
fente ou en couronne , ne s'unit au
du sujet,non - plus que le bois des écussons
quand de mauvais Jardiniers y en laissent.
2°. Que l'union de la greffe avec son
sujet se fait dans la portion de l'écorce
qui doit devenir bois , c'est-à-dire, dans
11. Vol.
cette
2794 MERCURE DE FRANCE
cette partie interieure de l'écorce dont
les fibres ont une direction longitudinale,
ce que M. D. regarde comme du bois en
herbe , de telle sorte que l'union se fait
principalement par la jonction des fibres
herbaces , tant de la greffe, que du sujet,
qui correspondent les unes aux autres ,
d'abord et plus intimement par en bas ,
ensuite par en haut , même par les côtez ,
&c. mais rarement du corps de l'écusson .
avec le bois du sujet je dis rarement ,
car M. Duhamel m'a fait remarquer des
cas où cela arrive .
3º . J'ai vû avec beaucoup de plaisir
dans plusieurs préparations que M. D.
a faites sur les greffes que l'union étoit
toûjours plus intime entre certaines especes
, qui constamment réussissent bien
dans nos Pépinieres , comme le Bon Chritien
d'hyver sur Coignassier, qu'entre d'autres
qui ont toujours de la peine à s'allier
comme la Merveille d'hyver sur le
Coignassier , ce qui nous a donné lieu
de remarquer qu'assez souvent les fibres
s'inclinent et se replient pour s'aboucher,
pendant que dans d'autes cas ces fibres
se joignent sans aucune infléxion .
4. Par des dissections du Guy , il m'a
fait remarquer , tantôt la conformité , et
tantôt le peu de ressemblance qu'il y a
II. Vol. entre
DECEMBRE. 1733. 2795
entre l'union que le Guy contracte avec
les arbres et l'union de la greffe avec leurs
sujets .
5. Nous avons fait ensemble des playes
à plusieurs arbres pour en observer la
réunion ou la formation de la cicatrice ,
ce qui a encore fourni à M. D. des lumieres
sur la greffe.
6°. Enfin M. D. m'a fait voir plusieurs
fois une suite curieuse de greffes de tous
les âges , preparées de maniere à faire voir
très- clairement les progrès de leur union
avec leurs sujets.
Il est fâcheux pour le prétendu Solitaire
, que M; D. soit nanti de toutes ces
choses depuis plus d'un an , et qu'il en aft
fait la démonstration à l'Académie , et
en mon particulier je n'ai point fait de
mystere de m'en entretenir avec tous
les Curieux qui sont venus se promener
dans notre Jardin , il faut cependant
l'avouer , il y a quelque chose de nouveau
dans les Observations qui sont au
commencement de la Lettre , mais dont
je crois que M. D. ne conviendra pass
on y Tit que
dins
, la greffe
en
écusson
,
la greffe fait toujours avec le sujet un an-
-gle plus ou moins considerable , selon que
sa situation avec le sujet est plus ou moins
oblique. Comme si l'on pouvoit placer
II. Vol.
un
2/90 IVIL
un écusson plus ou moins obliquement
à l'égard de son su et . L'obliquité de la
pousse ne dépend donc pas de la situation
plus ou moins oblique de la greffe ,
puisque la situation d'une greffe en écusson
ne peut varier , mais elle dépend de la
situation du bouton ou de ce que nous appellons
l'oeil , par rapport aux autres parties
de l'écusson; et la situation de cet oeil
dépend de la situation què la branche sur
laquelle on a levé cet écusson , avoit sur
l'arbre dont on l'a coupée.
Quelques lignes après il dit : Alors la
couche de l'écorce qui est exierieure à la
couche interieure du Livre , commence à
Pousser dans celle du sujet qui lui correspond.
M. Duhamel croit que les fibres
de la greffe et celles du sujet s'allongent
mutuellement , ce qu'il avance après
* C'est pour cela que M. de la Quintinie et
mon Prédecesseur , ont recommandé de lever
toujours des écussons sur des branches droites ,
sur tout quand il s'agit de greffer des beaux Presents
ou des Inconnues , Cheneau , &c. qui sont
fort sujettes à pousser de travers, quelquefois cependant
par une fausse position des écussons , il
peut arriver que les fibres de l'écusson soient un
peu inclinez par rapport à celles du sujet et alors
la pousse fera d'abord un petit coude qui se redressera
en peu de temps , je ne sçai pas si c'est
de cette obliquité que l'Auteur de la Lettre veut
parler.
II. Vol.
des
DECEMBRE . 1733. 2797
des observations dont il a fait part à l Académie.
Il ajoûte : Mais la portion ligneuse du
sujet périt d'abord , cela est faux , et si
l'on n'a pas soin d'étêter les arbres écussonnez
, ils poussent comme si on ne leur
avoit rien fait.
On lit ensuite Pareillement la portion
ligneuse de la greffe , & c. C'est une mau
vaise méthode que de laisser du bois
dans la greffe en écusson . Quelques lignes
après il dir : Que cette portion ligneuse
ne s'unit avec aucune partie du sujet ; cola
est vrai et a été bien prouvé par M. D.
Elles cessent même de croître , continue-t'il
cela est bien necessaire , puisqu'elle meurt :
cependant il le prouve ainsi , car la por
tion ligneuse de la greffe étant parvenuë
presque vis-à- vis celle du sujet , elles font
un petit détour. Elles cessent de croître ;
pour preuve de cela : C'est qu'elles parviennent
vis - à- vis de celles du sujet , et
qu'elles font un détour. Voila ce que je
n'entends pas. Il parle ensuite assez obscurément
de la formation de la cicatrice
sur l'argot, ou de la maniere dont se ferme
la playe qu'on a faite en retranchant
la tige du sujet ; mais s'apercevant de
son obscurité , et pour se rendre plus clair
es plus intelligible dans ce qui lui reste à
II. Val. dire
2798 MERCURE DE FRANCE
c'est
dire sur la greffe en écusson , voici ce qu'il
dit : Il est bon de regarder l'écorce qui environne
la greffe , comme divisée en deux por
tions , séparées par la partie ligneuse qui en
occupe le centre. Il y a bien de la métho-
оссире
de là - dedans, mais point du tout de clatté.
Qui a jamais entendu parler de portion
ligneuse qui sépare en deux l'écorce,
qui environne un écusson ? Encore un
coup , il ne doit point rester de bois for
mé dans un écusson bien fait . Si je veux
faire entendre à quelqu'un ce que
qu'un écusson , je le distinguerai avec
M. D. en deux parties principales ; l'une
sera le bouton qui en occupe le milieu ,
l'autre l'écorce qui l'environne. Le bouton
est formé exterieurement par des
écailles membraneuses , et interieurement
par ce qu'on appelle l'oeil ou le racourci
d'une jeune branche qui est tendre et
herbassée . L'écorce qui appartient à l'écusson
se peut aussi diviser en deux parties
, l'écorce , proprement dite , est la
plus exterieure , elle est mince , membraneuse
et sert d'enveloppe à l'autre ,
qu'on appelle improprement écorce , et
qui doit devenir dans peu une couche
ligneuse.
Maintenant que nous lui avons donné
une idée claire de la greffe , nous pou
11. Vol.
YOUS
DECEMBRE . 1733. 2799
vons distinguer avec lui l'écorce qui environne
l'oeil de l'écusson en deux portions
, l'une superieure et l'autre inferieure.
La portion superieure de l'écorce ,
suivant lui , forme le plus souvent un bourelet
, qui peu peu recouvre la tige qui a
été coupée, Nous avons trop
bien vû que
le recouvrement dont il est question est
formé partie par l'écorce de la greffe et
en plus grande partie par celle du sujet,
pour que M. Duhamel convienne que
ce recouvrement soit fait le plus souvent
par un bourelet formé par un prolongement
de la greffe , qui peu à peu recouvre la tige
qui a été coupées cependant le prétendu
Solitaire persiste dans son sentiment , en
disant ; lly a des greffes où cette écorce après
avoirfait cette espece de calotte pour reconvrir
entierement le bois coupé , s'unit tellement
avec l'écorce du sujet , qu'on ne voit
aucune marque de jonction. Il n'est pas
surprenant qu'après s'être mis dans la
tête que l'argot étoit entierement recouvert
par l'écorce de la greffe , il n'y reconnoisse
plus d'union , puisqu'il la
cherche où elle n'est pas , cependant il
est sûr que cette union est quelquefois
peu apparente. Il rapporte ensuite un
exemple qui n'est pas fort interessant ,
d'un arbre qui a poussé une branche de
II, Vol.
cet
2800 MERCURE DE FRANCE
; cet endroit quelle raison y auroit il
pour qu'il n'en poussât pas de- là , comme
d'ailleurs ?
Ce que notre Solitaire dit de la greffe
en fente , revient , à peu de cbose près ,
à ce qu'il a dit de l'écusson ; ainsi nous
nous contenterons d'inviter les curieux à
aller voir une greffe de Pommier , âgée
de 14. ans , c'est , selon lui , une piece
fort précieuse , qu'il conserve avec soin
dans son Cabinet : on sera bien dédommagé
du voyage d'Auxerre.
Voilà , M. où se terminent les Observations
du Solitaire , et où commence
la Parodie du Memoire de M Duhamel ,
que je n'aurois jamais reconnu dans ceux
de l'Académie , si l'Auteur de la Lettre
ne l'avoit pas indiqué dans le Tome
de l'Année 1728 .
Premierement , il dit avoir lû dans
le Volume de cette année un Memoire
de M. D. sur la greffe , ce qui est faux ,
puisqu'il n'y a que deux Memoires de
M. D. en 1728. l'un où il découvre la
source d'une maladie du Saffran , et l'autre
où il recherche la cause phisique des
nouvelles especes de fruits ; il est vrai
que cette recherche l'a engagé à dire un
mot de la greffe , mais ce n'est que par
occasion et dans l'espace tout au plus
II. Vol. de
DECEMBRE. 1733. 2801
de deux feuilles , * ce qui dispense M.Duhamel
de l'exactitude que j'espere qu'on
trouvera dans les derniers Memoires qu'il
a faits sur cette pratique d'Agriculture ,
et où il traite en particulier de la maniere
dont la greffe s'unit au sujet ; ainsi
le Memoire cité pa Auteur de la Lettre
n'a pas la greffe pour objet principal.
Secondement , l'Auteur de la Lettre essaye
en raprochant plusieurs morceaux
détachez du Mémoire de M. D. de forcer
le vrai sens du Mémoire , pour avoir
occasion ensuite de le tourner en ridicule.
En effet , suivant la Lettre il semble
que M. D. annonce la découverte
d'une vraie glande à laquelle il attribuë
de grands avantages , pendant qu'il n'a
d'autre but que de prouver que la greffe
ne change pas les especes ; pour cela M.
D. commence par rapporter tout ce qui
* Dans le Tome de 1730. M. D. dit , j'eus occasion
l'année derniere dans un Memoire qui
avoit pour titre , Recherche sur les causes , & c.
d'examiner en passant l'Anatomie de la greffe ..
Cet examen des parties de la greffe ne m'ayant
pas paru suffisant pour détruire un sentiment assez
generalement adopté , à moins que les Observations
Anatomiques ne fussent soutenues
par des Experiences exactes et plusieurs fois réïterées
, j'ai rapporté plusieurs greffes que l'on
pratique tous les jours , &c...
11. Vol. C pa
2892 MERCURE DE FRANCE
paroît favorable à li greffe ou plutôt au
Systême qu'il combat ; il avoue qu'on ne
peut gueres concevoir que deux Arbres
de differente espece se joignent sans qu'il
en arrive une cicatrice qui soit d'un tissu
plus serré que le tissu des Bois qui se
sont joints , il ajoute qu'on voit assez
souvent des infléxions ou changemens de
directions dans les fibres et qu'il peut
bien y avoir quelque chose qui approche
de la Méchanique des gandes ; il
croît même qu'on peut attribuer à cette
nouvelle organisation la petite perfection
qu'acquerrent les fuits par la greffe , et
suppose que cette perfection sera plus
considérabe à proportion que la cicatrice
sera d un tissu plus serré , et qu'ain.
si on ne peut pas esperer que la greffe
affranchisse beaucoup les especes quand
y ayant trop de rapport entre la greffe et
le sujet l'union est si intime qu'il n'y a
presque pas de cicatrice ( 1 ) , après tout
ce sont- là de ces points de Physique où il
n'y a que de la vrai- semblance , et sur
lesquels chacun peut avoir son sentimen
; mais M, Duhamel revient bien tột
au but principal de son Mémoire , et il
dit qu'il ne voit rien dans cette organi
&
( 1 ) Ce qu'on peut voir dans un de ses Mémoires
, imprimé en 17319
LI, Vol Zie
DECEMBRE. 1733 . 2803
sation qui puisse changer les especes :
Voici comme il termine cet article.
Si en effet la glande,le filtre ou le noud
qui est produit par l'application de la
greffe , étoit capable de changer si considérablement
la séve il en naîtroit un fruit
totalement different de celui qu'on auroit
greffé ; ce qui n'arrive pas , il donne seulement
une petite perfection à la séve ,
et quelque petite que soit cette perfec
tion , elle ne laisse pas de se faire remar
quer dans le fruit ; ce que M. D. ach ve
de prouver par plusieurs expériences de
pratique,
A l'égard de l'union des fibres de la
greffe avec le Bois déja formé ; quoique
cela arrive quelquefois , je n'ai point
vû que M. D. l'eut avancé dans son Mémoire
; au contraire , il y a plus d'un an
qu'il m'a fait voir que cette union n'arrivoit
que rarement ; mais quand il seroit
vrai que M. Duhamel se seroit trompé
dans ce Mémoire au sujet de la greffe ,
ne seroit- il pas en droit d'en appeller à
la suite de son rravail sur cette matiere ?
Puisqu'on ne continue à observer que
pour acquerir de nouvelles connoissances
et rectifier les anciennes , et je n'ai rien de
mieux à faire pour l'entiere justification
de M.D. que d'exhorter ceux qui auront
II. Vol. Cij lû
2804 MERCURE DE FRANCE
lû la Lettre du prétendu Frere , à lire le
Mémoire qui a été l'objet de la critique ,
en attendant que la suite de ses Observations
soit imprimée.
Cependant comme l'ami du prétendu
Solitaire , suivant l'usage de tous les Critiques
de mauvaise humeur , ne manque
pas de taxer M. D, de Plagiaire. J'ai été
curieux de m'assurer par moi- même , si
effectivement les Auteurs citez avoient
échapé à M. D. comme cela auroit pû
arriver. Mais cette recherche n'a servi qu'à
me faire voir combien l'envie et la jalousie
déguisent les objets aux yeux
de ceux
qui sont susceptibles de ces passions.
Voici le passage de M.Tournefort: Pour
remplir le dénombrement des causes auxquelles
l'on araporté les maladies des Plantes ;
Il nous reste, à parler des bosses qui naissent
autour des greffes comme les Vaisseaux de
la greffe ne répondent pas bout à bout aux
Vaissaux du sujet sur lequel on l'a appliquée
, il n'est pas possible que le suc nourrissier
les enfile en ligne droite , si-bien
que le
cal bossu est inévitable ; d'ailleurs il se trouve
bien de la matiere inutile dans la filtration
qui se fait du sujet dans la greffe , et cette
matiere qui ne sçauroit être vuidée par aucun
Vaisseau , ni defferens ni extrotoires , ne
laisse pas d'augmenter la Bosse,
II, Vol On
DECEMBRE. 1733. 2805
On voit par le passage
de M. de Tournefort
que l'objet
de cet Illustre
Académicien
, étant
d'expliquer
comment
se
forment
les Louppes
qui se rencontrent
au lieu de l'application
de certaines
greffes
, il a recours
à l'extravasion
du suc
ligueux
; mais examine
- t-il si le noeud
,
la cicatrice
ou le cal qui naît de l'union
des deux Bois , est capable'de
changer
les
especes
c'est cependant
là le but de
M. Duhamel
, dit-il , que cette nouvelle
organisation
peut
produire
les petites
perfections
que les fruits
acquerent
par la
greffe , comme
le soupçonne
M. D. Ce
n'est point du tout l'objet
de M.de Tournefort
; ainsi tout ce que l'on peut dire >
c'est
les deux
Académiciens
ne se
que
trouvent
point
en contrariété
de sentimens
; ce qui ne peut faire que plaisir
à
M. D. H. Le sentiment
d'Agricola
ne
ressemble
pas beaucoup
plus à celui de
M: Duhamel
, mais je ne m'arrêterai
pas
à établir
cette différence
, il me fuffit de
faire remarquer
que l'Agriculture
parfaite
d'Agricola
est un Livre Allemand
,
assez nouveau
, et qui n'a été imprimé
en
François
qu'en
1732. ce qui le rend bien
postérieur
au Mémoire
de M. Duhamel
,
qui a été imprimé
en 1728. Vous voyez ,
Monsieur
, combien
le reproche
que l'on
.II. Vol. C iij
fait
2806 MERCURE DE FRANCE
fait à M.D. est ridicule , et le cas que l'on
peut faire des Critiques d'humeur ; on ne
peut que déplorer la misérable inclination
de ceux qui employent leur esprit et
leurs talens à altérer la réputation des
autres , et à les traverser dans leur travail.
J'ai l'honneur d'être , &c .
M. *** au sujet d'une Lettre sur la
Greffe , inserée dans le Mercure de
P
France.
Lusieurs personnes de mes amis
m'ont apporté le Mercure du mois
d'Octobre dernier , pour me faire voir
une Lettre au sujet de la Greffe , qui
paroît m'être adressée , et qu'ils croyoient
m'interesser à cause de l'application que
je donne à tout ce qui regarde l'Agricul
ture , sur tout depuis quinze ans que je
suis chargé du soin de notre Jardin ; mais
je les ai assurez que cette Lettre ne me
regardoit en aucune maniere ; je n'en connois
pas l'Auteur qui me paroît supposé;
je vous dirai même que je n'ambitionne
pas de le connoître , tant j'ai été choqué
de la malignité de son stile ; je souhaite
seulement de me conformer , autant qu'il
me sera possible , aux grands principes
qu'il a mis au commencement et à la
II. Vol. fin
DECEMBRE . 1733. 2793
fin de sa Lettre ; c'est uniquement dans
cette vûë que je ne crois obligé de vous
dire ce que je pense de cet Ouvrage , pour,
rendre justice à M. Duhamel , qui m'a
tnujours communiqué son travail sur
l'Agriculture , peut - être par une espece
de reconnoissance des secours que notre
Jardin peut lui fournir de tems en tems
pour faire les experiences dont il croit
tirer quelque avantage.
Je distingue deux pa ties dans la Lettre
en question ; l'une qui renferme des
Observations sur l'union de la greffe avec
son sujet , et l'autre qui est une Critique
d'un Memoire de M. Duhamel , ou qui
en est plutôt une Parodie.
La premiere Partie m'a parû assez bonne
et m'a fait plaisir à lire , quoiqu'elle
n'ait rien de nouveau pour moi , puisqu'il
y a plus d'un an que M. D. m'a
fait voir les préparations qu'il avoit faites
au sujet de la greffe , et qu'il venoit
de démontrer à l'Académie...
bois
1 °. Que jamais le bois des greffes , en
fente ou en couronne , ne s'unit au
du sujet,non - plus que le bois des écussons
quand de mauvais Jardiniers y en laissent.
2°. Que l'union de la greffe avec son
sujet se fait dans la portion de l'écorce
qui doit devenir bois , c'est-à-dire, dans
11. Vol.
cette
2794 MERCURE DE FRANCE
cette partie interieure de l'écorce dont
les fibres ont une direction longitudinale,
ce que M. D. regarde comme du bois en
herbe , de telle sorte que l'union se fait
principalement par la jonction des fibres
herbaces , tant de la greffe, que du sujet,
qui correspondent les unes aux autres ,
d'abord et plus intimement par en bas ,
ensuite par en haut , même par les côtez ,
&c. mais rarement du corps de l'écusson .
avec le bois du sujet je dis rarement ,
car M. Duhamel m'a fait remarquer des
cas où cela arrive .
3º . J'ai vû avec beaucoup de plaisir
dans plusieurs préparations que M. D.
a faites sur les greffes que l'union étoit
toûjours plus intime entre certaines especes
, qui constamment réussissent bien
dans nos Pépinieres , comme le Bon Chritien
d'hyver sur Coignassier, qu'entre d'autres
qui ont toujours de la peine à s'allier
comme la Merveille d'hyver sur le
Coignassier , ce qui nous a donné lieu
de remarquer qu'assez souvent les fibres
s'inclinent et se replient pour s'aboucher,
pendant que dans d'autes cas ces fibres
se joignent sans aucune infléxion .
4. Par des dissections du Guy , il m'a
fait remarquer , tantôt la conformité , et
tantôt le peu de ressemblance qu'il y a
II. Vol. entre
DECEMBRE. 1733. 2795
entre l'union que le Guy contracte avec
les arbres et l'union de la greffe avec leurs
sujets .
5. Nous avons fait ensemble des playes
à plusieurs arbres pour en observer la
réunion ou la formation de la cicatrice ,
ce qui a encore fourni à M. D. des lumieres
sur la greffe.
6°. Enfin M. D. m'a fait voir plusieurs
fois une suite curieuse de greffes de tous
les âges , preparées de maniere à faire voir
très- clairement les progrès de leur union
avec leurs sujets.
Il est fâcheux pour le prétendu Solitaire
, que M; D. soit nanti de toutes ces
choses depuis plus d'un an , et qu'il en aft
fait la démonstration à l'Académie , et
en mon particulier je n'ai point fait de
mystere de m'en entretenir avec tous
les Curieux qui sont venus se promener
dans notre Jardin , il faut cependant
l'avouer , il y a quelque chose de nouveau
dans les Observations qui sont au
commencement de la Lettre , mais dont
je crois que M. D. ne conviendra pass
on y Tit que
dins
, la greffe
en
écusson
,
la greffe fait toujours avec le sujet un an-
-gle plus ou moins considerable , selon que
sa situation avec le sujet est plus ou moins
oblique. Comme si l'on pouvoit placer
II. Vol.
un
2/90 IVIL
un écusson plus ou moins obliquement
à l'égard de son su et . L'obliquité de la
pousse ne dépend donc pas de la situation
plus ou moins oblique de la greffe ,
puisque la situation d'une greffe en écusson
ne peut varier , mais elle dépend de la
situation du bouton ou de ce que nous appellons
l'oeil , par rapport aux autres parties
de l'écusson; et la situation de cet oeil
dépend de la situation què la branche sur
laquelle on a levé cet écusson , avoit sur
l'arbre dont on l'a coupée.
Quelques lignes après il dit : Alors la
couche de l'écorce qui est exierieure à la
couche interieure du Livre , commence à
Pousser dans celle du sujet qui lui correspond.
M. Duhamel croit que les fibres
de la greffe et celles du sujet s'allongent
mutuellement , ce qu'il avance après
* C'est pour cela que M. de la Quintinie et
mon Prédecesseur , ont recommandé de lever
toujours des écussons sur des branches droites ,
sur tout quand il s'agit de greffer des beaux Presents
ou des Inconnues , Cheneau , &c. qui sont
fort sujettes à pousser de travers, quelquefois cependant
par une fausse position des écussons , il
peut arriver que les fibres de l'écusson soient un
peu inclinez par rapport à celles du sujet et alors
la pousse fera d'abord un petit coude qui se redressera
en peu de temps , je ne sçai pas si c'est
de cette obliquité que l'Auteur de la Lettre veut
parler.
II. Vol.
des
DECEMBRE . 1733. 2797
des observations dont il a fait part à l Académie.
Il ajoûte : Mais la portion ligneuse du
sujet périt d'abord , cela est faux , et si
l'on n'a pas soin d'étêter les arbres écussonnez
, ils poussent comme si on ne leur
avoit rien fait.
On lit ensuite Pareillement la portion
ligneuse de la greffe , & c. C'est une mau
vaise méthode que de laisser du bois
dans la greffe en écusson . Quelques lignes
après il dir : Que cette portion ligneuse
ne s'unit avec aucune partie du sujet ; cola
est vrai et a été bien prouvé par M. D.
Elles cessent même de croître , continue-t'il
cela est bien necessaire , puisqu'elle meurt :
cependant il le prouve ainsi , car la por
tion ligneuse de la greffe étant parvenuë
presque vis-à- vis celle du sujet , elles font
un petit détour. Elles cessent de croître ;
pour preuve de cela : C'est qu'elles parviennent
vis - à- vis de celles du sujet , et
qu'elles font un détour. Voila ce que je
n'entends pas. Il parle ensuite assez obscurément
de la formation de la cicatrice
sur l'argot, ou de la maniere dont se ferme
la playe qu'on a faite en retranchant
la tige du sujet ; mais s'apercevant de
son obscurité , et pour se rendre plus clair
es plus intelligible dans ce qui lui reste à
II. Val. dire
2798 MERCURE DE FRANCE
c'est
dire sur la greffe en écusson , voici ce qu'il
dit : Il est bon de regarder l'écorce qui environne
la greffe , comme divisée en deux por
tions , séparées par la partie ligneuse qui en
occupe le centre. Il y a bien de la métho-
оссире
de là - dedans, mais point du tout de clatté.
Qui a jamais entendu parler de portion
ligneuse qui sépare en deux l'écorce,
qui environne un écusson ? Encore un
coup , il ne doit point rester de bois for
mé dans un écusson bien fait . Si je veux
faire entendre à quelqu'un ce que
qu'un écusson , je le distinguerai avec
M. D. en deux parties principales ; l'une
sera le bouton qui en occupe le milieu ,
l'autre l'écorce qui l'environne. Le bouton
est formé exterieurement par des
écailles membraneuses , et interieurement
par ce qu'on appelle l'oeil ou le racourci
d'une jeune branche qui est tendre et
herbassée . L'écorce qui appartient à l'écusson
se peut aussi diviser en deux parties
, l'écorce , proprement dite , est la
plus exterieure , elle est mince , membraneuse
et sert d'enveloppe à l'autre ,
qu'on appelle improprement écorce , et
qui doit devenir dans peu une couche
ligneuse.
Maintenant que nous lui avons donné
une idée claire de la greffe , nous pou
11. Vol.
YOUS
DECEMBRE . 1733. 2799
vons distinguer avec lui l'écorce qui environne
l'oeil de l'écusson en deux portions
, l'une superieure et l'autre inferieure.
La portion superieure de l'écorce ,
suivant lui , forme le plus souvent un bourelet
, qui peu peu recouvre la tige qui a
été coupée, Nous avons trop
bien vû que
le recouvrement dont il est question est
formé partie par l'écorce de la greffe et
en plus grande partie par celle du sujet,
pour que M. Duhamel convienne que
ce recouvrement soit fait le plus souvent
par un bourelet formé par un prolongement
de la greffe , qui peu à peu recouvre la tige
qui a été coupées cependant le prétendu
Solitaire persiste dans son sentiment , en
disant ; lly a des greffes où cette écorce après
avoirfait cette espece de calotte pour reconvrir
entierement le bois coupé , s'unit tellement
avec l'écorce du sujet , qu'on ne voit
aucune marque de jonction. Il n'est pas
surprenant qu'après s'être mis dans la
tête que l'argot étoit entierement recouvert
par l'écorce de la greffe , il n'y reconnoisse
plus d'union , puisqu'il la
cherche où elle n'est pas , cependant il
est sûr que cette union est quelquefois
peu apparente. Il rapporte ensuite un
exemple qui n'est pas fort interessant ,
d'un arbre qui a poussé une branche de
II, Vol.
cet
2800 MERCURE DE FRANCE
; cet endroit quelle raison y auroit il
pour qu'il n'en poussât pas de- là , comme
d'ailleurs ?
Ce que notre Solitaire dit de la greffe
en fente , revient , à peu de cbose près ,
à ce qu'il a dit de l'écusson ; ainsi nous
nous contenterons d'inviter les curieux à
aller voir une greffe de Pommier , âgée
de 14. ans , c'est , selon lui , une piece
fort précieuse , qu'il conserve avec soin
dans son Cabinet : on sera bien dédommagé
du voyage d'Auxerre.
Voilà , M. où se terminent les Observations
du Solitaire , et où commence
la Parodie du Memoire de M Duhamel ,
que je n'aurois jamais reconnu dans ceux
de l'Académie , si l'Auteur de la Lettre
ne l'avoit pas indiqué dans le Tome
de l'Année 1728 .
Premierement , il dit avoir lû dans
le Volume de cette année un Memoire
de M. D. sur la greffe , ce qui est faux ,
puisqu'il n'y a que deux Memoires de
M. D. en 1728. l'un où il découvre la
source d'une maladie du Saffran , et l'autre
où il recherche la cause phisique des
nouvelles especes de fruits ; il est vrai
que cette recherche l'a engagé à dire un
mot de la greffe , mais ce n'est que par
occasion et dans l'espace tout au plus
II. Vol. de
DECEMBRE. 1733. 2801
de deux feuilles , * ce qui dispense M.Duhamel
de l'exactitude que j'espere qu'on
trouvera dans les derniers Memoires qu'il
a faits sur cette pratique d'Agriculture ,
et où il traite en particulier de la maniere
dont la greffe s'unit au sujet ; ainsi
le Memoire cité pa Auteur de la Lettre
n'a pas la greffe pour objet principal.
Secondement , l'Auteur de la Lettre essaye
en raprochant plusieurs morceaux
détachez du Mémoire de M. D. de forcer
le vrai sens du Mémoire , pour avoir
occasion ensuite de le tourner en ridicule.
En effet , suivant la Lettre il semble
que M. D. annonce la découverte
d'une vraie glande à laquelle il attribuë
de grands avantages , pendant qu'il n'a
d'autre but que de prouver que la greffe
ne change pas les especes ; pour cela M.
D. commence par rapporter tout ce qui
* Dans le Tome de 1730. M. D. dit , j'eus occasion
l'année derniere dans un Memoire qui
avoit pour titre , Recherche sur les causes , & c.
d'examiner en passant l'Anatomie de la greffe ..
Cet examen des parties de la greffe ne m'ayant
pas paru suffisant pour détruire un sentiment assez
generalement adopté , à moins que les Observations
Anatomiques ne fussent soutenues
par des Experiences exactes et plusieurs fois réïterées
, j'ai rapporté plusieurs greffes que l'on
pratique tous les jours , &c...
11. Vol. C pa
2892 MERCURE DE FRANCE
paroît favorable à li greffe ou plutôt au
Systême qu'il combat ; il avoue qu'on ne
peut gueres concevoir que deux Arbres
de differente espece se joignent sans qu'il
en arrive une cicatrice qui soit d'un tissu
plus serré que le tissu des Bois qui se
sont joints , il ajoute qu'on voit assez
souvent des infléxions ou changemens de
directions dans les fibres et qu'il peut
bien y avoir quelque chose qui approche
de la Méchanique des gandes ; il
croît même qu'on peut attribuer à cette
nouvelle organisation la petite perfection
qu'acquerrent les fuits par la greffe , et
suppose que cette perfection sera plus
considérabe à proportion que la cicatrice
sera d un tissu plus serré , et qu'ain.
si on ne peut pas esperer que la greffe
affranchisse beaucoup les especes quand
y ayant trop de rapport entre la greffe et
le sujet l'union est si intime qu'il n'y a
presque pas de cicatrice ( 1 ) , après tout
ce sont- là de ces points de Physique où il
n'y a que de la vrai- semblance , et sur
lesquels chacun peut avoir son sentimen
; mais M, Duhamel revient bien tột
au but principal de son Mémoire , et il
dit qu'il ne voit rien dans cette organi
&
( 1 ) Ce qu'on peut voir dans un de ses Mémoires
, imprimé en 17319
LI, Vol Zie
DECEMBRE. 1733 . 2803
sation qui puisse changer les especes :
Voici comme il termine cet article.
Si en effet la glande,le filtre ou le noud
qui est produit par l'application de la
greffe , étoit capable de changer si considérablement
la séve il en naîtroit un fruit
totalement different de celui qu'on auroit
greffé ; ce qui n'arrive pas , il donne seulement
une petite perfection à la séve ,
et quelque petite que soit cette perfec
tion , elle ne laisse pas de se faire remar
quer dans le fruit ; ce que M. D. ach ve
de prouver par plusieurs expériences de
pratique,
A l'égard de l'union des fibres de la
greffe avec le Bois déja formé ; quoique
cela arrive quelquefois , je n'ai point
vû que M. D. l'eut avancé dans son Mémoire
; au contraire , il y a plus d'un an
qu'il m'a fait voir que cette union n'arrivoit
que rarement ; mais quand il seroit
vrai que M. Duhamel se seroit trompé
dans ce Mémoire au sujet de la greffe ,
ne seroit- il pas en droit d'en appeller à
la suite de son rravail sur cette matiere ?
Puisqu'on ne continue à observer que
pour acquerir de nouvelles connoissances
et rectifier les anciennes , et je n'ai rien de
mieux à faire pour l'entiere justification
de M.D. que d'exhorter ceux qui auront
II. Vol. Cij lû
2804 MERCURE DE FRANCE
lû la Lettre du prétendu Frere , à lire le
Mémoire qui a été l'objet de la critique ,
en attendant que la suite de ses Observations
soit imprimée.
Cependant comme l'ami du prétendu
Solitaire , suivant l'usage de tous les Critiques
de mauvaise humeur , ne manque
pas de taxer M. D, de Plagiaire. J'ai été
curieux de m'assurer par moi- même , si
effectivement les Auteurs citez avoient
échapé à M. D. comme cela auroit pû
arriver. Mais cette recherche n'a servi qu'à
me faire voir combien l'envie et la jalousie
déguisent les objets aux yeux
de ceux
qui sont susceptibles de ces passions.
Voici le passage de M.Tournefort: Pour
remplir le dénombrement des causes auxquelles
l'on araporté les maladies des Plantes ;
Il nous reste, à parler des bosses qui naissent
autour des greffes comme les Vaisseaux de
la greffe ne répondent pas bout à bout aux
Vaissaux du sujet sur lequel on l'a appliquée
, il n'est pas possible que le suc nourrissier
les enfile en ligne droite , si-bien
que le
cal bossu est inévitable ; d'ailleurs il se trouve
bien de la matiere inutile dans la filtration
qui se fait du sujet dans la greffe , et cette
matiere qui ne sçauroit être vuidée par aucun
Vaisseau , ni defferens ni extrotoires , ne
laisse pas d'augmenter la Bosse,
II, Vol On
DECEMBRE. 1733. 2805
On voit par le passage
de M. de Tournefort
que l'objet
de cet Illustre
Académicien
, étant
d'expliquer
comment
se
forment
les Louppes
qui se rencontrent
au lieu de l'application
de certaines
greffes
, il a recours
à l'extravasion
du suc
ligueux
; mais examine
- t-il si le noeud
,
la cicatrice
ou le cal qui naît de l'union
des deux Bois , est capable'de
changer
les
especes
c'est cependant
là le but de
M. Duhamel
, dit-il , que cette nouvelle
organisation
peut
produire
les petites
perfections
que les fruits
acquerent
par la
greffe , comme
le soupçonne
M. D. Ce
n'est point du tout l'objet
de M.de Tournefort
; ainsi tout ce que l'on peut dire >
c'est
les deux
Académiciens
ne se
que
trouvent
point
en contrariété
de sentimens
; ce qui ne peut faire que plaisir
à
M. D. H. Le sentiment
d'Agricola
ne
ressemble
pas beaucoup
plus à celui de
M: Duhamel
, mais je ne m'arrêterai
pas
à établir
cette différence
, il me fuffit de
faire remarquer
que l'Agriculture
parfaite
d'Agricola
est un Livre Allemand
,
assez nouveau
, et qui n'a été imprimé
en
François
qu'en
1732. ce qui le rend bien
postérieur
au Mémoire
de M. Duhamel
,
qui a été imprimé
en 1728. Vous voyez ,
Monsieur
, combien
le reproche
que l'on
.II. Vol. C iij
fait
2806 MERCURE DE FRANCE
fait à M.D. est ridicule , et le cas que l'on
peut faire des Critiques d'humeur ; on ne
peut que déplorer la misérable inclination
de ceux qui employent leur esprit et
leurs talens à altérer la réputation des
autres , et à les traverser dans leur travail.
J'ai l'honneur d'être , &c .
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Résumé : LETTRE du Jardinier Solitaire, à M. *** au sujet d'une Lettre sur la Greffe, inserée dans le Mercure de France.
Le Jardinier Solitaire répond à une lettre publiée dans le Mercure de France, qui traite de la greffe des plantes. Plusieurs amis lui ont montré cette lettre, pensant qu'elle l'intéresserait en raison de son expertise en agriculture. Cependant, le Jardinier Solitaire affirme que la lettre ne lui est pas adressée et qu'il ne connaît pas son auteur, dont le style l'a choqué. La lettre est divisée en deux parties. La première contient des observations sur l'union de la greffe avec son sujet. Le Jardinier Solitaire trouve cette partie intéressante, bien qu'elle ne contienne rien de nouveau pour lui, car M. Duhamel lui a déjà montré ses préparations et démonstrations sur la greffe à l'Académie. Les observations incluent : le bois des greffes ne s'unit jamais au bois du sujet, l'union se fait principalement par les fibres herbacées de l'écorce, certaines espèces s'unissent mieux que d'autres, des dissections du gui montrent des similitudes et des différences avec l'union des greffes, des expériences sur la cicatrisation des plaies des arbres ont fourni des lumières sur la greffe, et M. Duhamel a montré des séries de greffes préparées pour illustrer les progrès de leur union. Le Jardinier Solitaire critique certaines affirmations de la lettre, notamment sur l'obliquité des greffes en écusson et la formation de la cicatrice, soulignant que certaines observations sont incorrectes ou mal interprétées. La seconde partie de la lettre est une critique d'un mémoire de M. Duhamel, que l'auteur de la lettre présente de manière erronée. Le Jardinier Solitaire corrige ces erreurs et explique que le mémoire de M. Duhamel ne traite pas principalement de la greffe, mais mentionne la greffe de manière incidente. Il dénonce également les tentatives de l'auteur de la lettre de tourner en ridicule le mémoire de M. Duhamel. Le texte traite également des observations de M. Duhamel sur la greffe des plantes, publiées dans un mémoire en 1731. Duhamel affirme que la greffe n'affranchit pas les espèces et que l'union entre la greffe et le sujet est si intime qu'il n'y a presque pas de cicatrice. Il explique que la greffe améliore légèrement la sève, ce qui se remarque dans le fruit, mais ne change pas l'espèce. Le texte mentionne des critiques adressées à Duhamel, notamment l'accusation de plagiat. Cependant, il est souligné que les travaux de Tournefort et Agricola, cités par les critiques, ne contredisent pas les observations de Duhamel et que ces critiques sont motivées par l'envie et la jalousie. Le mémoire de Duhamel, imprimé en 1728, précède la publication des œuvres mentionnées, invalidant ainsi les accusations de plagiat.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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