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1
p. 240-277
LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
Début :
Cette Isle noble antique renommée, [...]
Mots clefs :
Jeune roi, Albion, Noble, Palais, Prince Artus, Paix, Sage, Chevalier, Débats, Sang, Éclat, Roches, Salisbury, Peuple, Vieillard, Coeur, Amour, Justice, Lumière
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texteReconnaissance textuelle : LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
LES ROCHES
DE SALISBURY.
ALLEGORIE.
CEtte Ille noble antique
renommée ,
Qui de Neptune à tel point
fut aimée
Qu'un de fes Fils voulut s'y
renfermer ,
Et de fon nom , Albion la
nommer.
Mainte merveille en fon
fein fait reluire
Qu'en ces vers - cy je ne
pretend
GALANT. 241
pretend déduire
Par le menus les Chroni
queurs paffés
En leurs recueils le deduifent
affez ;
Pour le prefent fuffit d'en
citer une
Sans plus , mais qui peut
mieux
qu'aucune ;
Paffer pour rare & que je
garentis
Sur le rapport de ces recuëils
gentils ;
Ge font ces Rocs autre
ment gons de pierre
Qu'on voir femez en cette
noble terre
Mars
1714.
!
X
242 MERCURE
Tout au travers d'un
champ vert & fleury
Que gens du lieu nomment
Saliſbury , ci să
Et que Merlin jadis par
fon genie
Fit transporter des mar
ches d'Ibernie ,
Car tels Rochers ne fcauroient
bonnement
Se trouver la fors par ensachantement.
of C
Orifmoterés qu'entre ces
roches nües , ⠀
Quia pars magie en ces
lieux font venuës
X
GALANT 243
S'en trouvent fept , trois
de
chacune part
Une au deffus , le tout fait
popar tel art
Qu'il
reprefente une porte
effective ,
Porte vraïment bien faite
& bien naïve
Mais c'eft le tout , car qui
voudroit y voir i
Tours & Châtels , doit
Cailleurs fe pourvoir ,
Et ne fçait-on encor pour
Do quel office
Ce haut Portail eft là fans
médifice.
Mais ces fecrets arcanes
X ij]
244 MERCURE
& facrés
Ja ne font faits pour eftre
penetrés ,
Fors de ceux- là que
lance autorife ,
vail-
A pour chaffer vertueufe
entrepriſe
L'Epée au poing , fendant
juſqu'au talons ..
Traitres , Geans , Endriaques
felons
Tant que pareux foit mis
hors de fervage ,
Quelque Empereur ou Roy
de franc lignage ,
Entre ceux- là eftoit prifé
jadis ,
GALANT 245
Agefilan , Florifel , Amadis
,
Et maints encor de qui
Dieu
par fa grace
Jufques à nous a conſervé
la
race ,
Temoin celuy que je vas
publier ,
Sage entre tous , & difcret
Chevalier
Qui merita par fa force invincible
D'eftre introduit dans la
grote invifible ;
Si le tient-on iffu felon la
chair
De Palmerin le Chevalier
X iij
246 MERCURE
fans Pair ,
Iceluy preux vers les roches
décrites
Alloit chantant les vertus
& merites ,
Du Prince Artus , des bons
tant regretté ,
Et recitoit fur fon Luth
argenté
Celui plaintif. O Rives
Britanniques !
O Roy dompteur des Saxons
tyraniques
Si comme on dit par don
furnaturels
Tu dois revoir ce monde
temporel ,
GALANT. 247
Et revenir chaffer hors de
nos terres
Rebellions , debats , troubles
& Guerres .
Que tardes- tu viens revoir
ton Palais
viens de prifon tirer la
douce paix ,
Qui t'as helas ! defolée &
chetive
Chez faction languit tousjours
plaintive.
Ainfi chantoit le Chevalier
dolentejust
Lors fur lui fembla, qu'une
voix l'appellant
X iiij
248 MERCURE
Par fon vrai nom lui parla
de la forte ,
Si les efprits qui gardent
cette porte
En paroiffant n'effarou
chent
tes yeux
,
Tu peux entrer , le Pala
din joyeux
A qui frayeur n'entra ja
mais dans l'ame ,
Prend fon Ecu , fe commande
à ſa Dame
Approche , arrive , & Demons
de hurler
De tempefter , crier fiffler,
voler
,
Mais pour néant car fans
GALANT . 249
merite ni doute
Le Champion pourſuit toujours
fa route
Si qu'euffiez vû tous ces
diables cadets
Larves , Lutins , Lemures,
farfaders
Spectres volans , Tene
brions , Genies ,
En moins de rien ceffer
leurs lytanies ,
& s'éclipfer à tout leur cas
rillon
Comme étourneaux devant
l'émerillon :
Eux départis , ô merveille
imprevuë !
50 MERCURE
2 La terre s'ouvre & ne s'of
fre à la vûë
Qu'un antre noir
mé caverneux ,
en
fu
Ou d'un Bandon l'éclat
fuligineux
Semble éclairer par fes
lueurs funebres
L'affreux manoir du Prince
des Tenebres ;
A la clarté du flambeau
ftygial
Par cent degrés le Che-
> valier loyal
Defcend au creux de la
fpelunque obfcure ..
Et trouve enfin pour l'hif
1
GALANT. __258
toire conclure ,
Un huis fermé qui s'ouvre
fur l'inftant
Et lúi decouvre un Palais
éclatant ;
Palais , non pas ? mais gro
te emerveillable
Tel que l'oeil ne voit onc
de femblable ,
Et que jamais fage n'ob
tint pour don
Telle demeure , hormis
Apollidon.
Car c'eft Illec que la troupe
de Gnomes
Dòminateurs des terref
trés royaumes
252 MERCURE
A raffemblé
pour
prince honorer
leur
Tout ce qui peut fon féjour
decorer ,
Ambre Corail , yvoire ;
marguerites ,
Perles , faphirs , hyacintes ,
Chrifolites
Riches métaux , bronze
Corinthien ,,
Jaſpe , porphire , & marbre
Phrygien ,
Sans oublier mainte belle
efcarboucle
Et
diamans
proprement
mis en boucle
Tout à l'entour , de qui
GALANT.
253
l'éclat riant
Pâlir feroit le Soleil d'Orient.
Or entendes qu'en ce lieu
de lumiere
Où l'art encore ſurpaſſe
la matiere
Brille fur tant de rubis
eftoilé
Un fiége d'or finement
cizelé ,
Ou repofoit le tres noble
Prophete
Qui cette Grote a choifi
pour retraite
Et fut jadis fous le Roy
254 MERCURE
Pendragon
Des Enchanteurs clame le
Bien
Parangon ,
paroiffoit iceluy
grand prud- homme ,
Prince de ceux que fage on
renomme
Tant à le voir fembloit
homme de biens
Vieillard honneſte & de
noble maintien ,
Si qu'eux, voyans feulealment
fon viſager 20
Euffent pour chef accepté
cettuy fage ,
Qui tout a l'heure en fon
féant dreffé VA
GALANT . 255
Ayant trois fois eternué
touffé ,
Les yeux luifans comme
12 deux Girandoles
Au Damoifel addreffa fes
paroles.
Je fuis Merlin qu'en vulpingaire
fermon
0: 0
Vos
vieuxconteurs pre
chent né du
démon ,
Attribuant par
malice grof
-1997
fiere
L'extraction des enfans de
lumiere ,
A la vertu de cet efprit
In enam vilain
Qui de l'Enfer fut créé
ม
256 MERCURE
Châtelain ,
J'ay visité la haut vos Colonies
,
Suivant les us de nous autres
Genies ,
Er fut long -tems Prophete
en Albion
Dont je plorai l'inique
oppreflion ,
Quand Vortiger dans le
fein Britanique
Eut attiré le ferpent Germanique
,
O mon païs ! ô peuples redoutés.
Deffiés -vous de ferpens allaités
.
Aux
GALANT. 257
Aux bords Germains , fuïés
leur
parentage,
Car c'eft d'iceux qu'eft né
vôtre éclavage ;
Je difparus dans ce conflict
amer 霉
Et par mon art tranſporté
d'outre mer
Ces hauts rochers qui fervent
de barriere ,
A cette grotte où bornant
ma carriere ,
Demogorgon
nôtre Roy
fouverain
,
Me fit ſeigneur du peuple
foûterrain.
C'eſt cette gent , dont l'eſ,
Mars 1714. Y
238 MERCURE
prit tutelaire
Va parcourant vôtre mon--
de populaire : -
Où je l'envoye en invifibles
corps ,
Examiner les troubles &
difcors ,
Qui , par l'engin du pere
de l'impofture,
Vont affligéant l'humaine
créature.
Par eux à donc m'ont efté
raportés.
Tous vos débats , maux &
calamités :
Qui par revolte & rufes infernales
,
GALANT 252
Ont affolé vos Provinces
natales .
Si que la Paix onques n'y
peut meurir ,
Tant qu'y verrés iniquités
Aleurir ,
Car ne croyés pouvoir par
smot vartifices
Paix rétablir fans l'aide de
juſtice ,
Par qui d'abord détruire
100% vous convient ,
L'enchantement ou fraude
2 la détient ,
Fraude fans qui rebelle féabpillonie
o
N'ût engendré fuperbe ty-
Y ij
260 MERCURE
rannie :
Et faction mere de tous les
maux ,
Qui font fortis des palais
infernaux ;
Or puis qu'en toy n'eft encore
effacée
La fouvenance & memoire
paffée
Du Prince Artus lá merveille
des Rois .
Je veux du fort t'interpreter
les loix ,
Et t'expliquer les divins ca
racteres
qui font enclos au livre des
myfteres.
GALANT . 261
Ces mots finis le vieillard
s'arrefta
Puis fe fignant quelques
mots marmota ,
En feüillerant fon grand
antiphonaire
Ou par comment & glofe
interlinaire
Se touche au doigt & fe
montre éclairci
Tout l'avenir , lors , pour
fuivit ainsi ,
Ce brave Roy de qui l'ar
dente efpée
Au fang Germain tant de
fois fut trempée
262 MERCURE
De fes hauts faits le monde
récreant ,
Ufurpateurs eut mis tous à
néant
Si d'Atropos la colere felone
N'uft d'Albion renversé la
Colonne
Ah male- mort ! tes larroneffes
mains
Nous ont tollu le plus grand
des humains
Et rien n'y font ceux -là
dont le bon zele
Dans les hauts Cieux comme
Enoch le récele
Doit quelque jour à les oüir
GALANT . 263
narrer
H reviendra fon pays bien
heurer
;
Tous ces rebus d'antiques
propheties
Ne font qu'amas de vieilles
faceties ,
Dont le droit fens &
myftere caché
Eft fans emblême en ce li
vre epluché.
De ce bon Roy l'heroïque.
lignée
Au fond des bois reduite.
& confignée
Donna long- tems aux fi
264 MERCURE
deles Gallois
Chefs Souverains & magnanimes
Rois ,
Tant qu'une Soeur de ces
genereux
Princes
Dont le Germain
detenoit
les Provinces
Le Grand Walter en fes
Alancs enfánta
Qui leur vrai fang chez les
Pictes porta
,
Icy d'Artus fa tige eſt mipartie
Entre les Rois de l'antique
Scotie
Puis fe rejoint dans le fang
bien-aimé
Du
GALANT . 265:
Du bon Henry le fage furnommé
Qui s'uniffant à la royale
race
Dupreux Walter fçut enfuivre
la trace
Des Rois Bretons , dans la
double union
De l'Albanie au regne d'Albion
;
Or entend moy quoique
maint docte livre
ي ف
Conte qu'un jour Artus
doive revivre ,
Pour le deftin de voſtre Ifle
amenderA
CA
Si ne devés ce difcours re-
Z
Mars
1714.
266 MERCURE
garder
Que comme un type ou
fermon prothetique
Qui vous décrit l'evenement
implique
D'un jeune Roy de fon
fang defcendu
Qui par juftice à fon peuple
rendu ,
Doit extirper difcordes inteftines
Guerre ; debats , fcandales ,
& rapines ,
Si que pourrés par lui re-
9 voir encor
En Albion triompher l'âge
d'or
GALANT. 267
Et retourner profperité richeffe
Dilection , paix , amour &
lieffe .
Il de nos bords en naiſſant
diſparu
Terres & Meres dès l'enfance
à couru
Et s'eft appris par épreuve
importune
A fupporter l'une & l'autre
fortune
,
Afin qu'un jour par fon
exemple inftruit
De tout le mal qu'impieté
produit
Juftice & droit à tous il
Zij
168 MERCURE
fache rendre
Aider le foible & l'opprimé
deffendre ,
La noble Fée & le fage
Devin
Qui de ce Prince ont par
vouloir divin
J'ufqu'à ce jour regi la
deftinée
Ja des long- tems fa nail
fance ont ornée
L'une des dons qui le Corps
font chérir
L'autre de ceux qui font
l'ame fleurir
Tant qu'à le voir on ne
peut prefque dire
GALANT 269
Lequel en lui plus de tendreffe
infpire ,
Grace ou vertu ne qui
reüffit mieux
A l'admirer ou le coeur ou
les yeux
.
Déja le Dieu qui les combats
décide
De prés a vû comment ce
jeune Alcide
Sçait manier javelines &
dards
Ecus , haubergs , lances &
braquemars
Et méprifer dans le Champ
de Batailles
Z iij
270 MERCURE
Repos oififs , perils & funerailles
Dont aisément fe peut
imaginer
Comme en fon tems il
Laura gouverner
Ses ennemis , fi quelqu'un
s'en efcrime
Non pas les fiens ; car fon
coeur magnanime
Ne connoiftra pour fes
vrais ennemis
Que ceux du peuple en fa
garde remis
Auffi dans peu ce peu ple
refractaire
GALANT . 271
Reparera fa coulpe involontaire
Et pour bien toft faction
enterrer
Ce jeune Roy n'aura qu'à
ſe montrer ;
Car quel efprit tant foit - il
intraitable
Et fors iffu de manoir delectable
D'entendement , pourroit à
fon aſpect
N'eftre fajfi d'amour & de
respect ,
Eftil Lyon , Tigre ou Serpent
d'Affrique
Qui contemplant le regard
272 MERCURE
heroyque
Le noble éclat de fa douce
fierté
Qui fur ce front rempli de
Majefté
Marque fi bien ce qu'il eft ,
& doit eftre
Ne s'amollit , & reconnut
fon maiſtre
Partant croyés que contre
fes regards
Point ne tiendront les gen
tils Leopards
>
Tous feront bons tous
feront beaux & fages
GALANT . 173
Antiques
moeurs
il reffufci
tera
Gloire & vertu triompher
il fera ,
Que dirai je plus , il ferme
ra le Temple
Du vieux Janus , pour eſtre
à fon exemple
Des bons l'amour
& des
méchans
Feffroy
Finalement
ce legitime
Roy
Fera par tout fleurir paix
& juſtice
Juftice & paix , meres de
tout délice ,
Sans qui richeſſe , honneur
274 MERCURE
profperité
Fait plus de mal que
& pauvreté.
honte
Alors banquets & feltins
domeſtiques
Dances , chanfons , & pe
nices ruftiques ,
Tournois , Behours
tous autres ébats
>
&
Retournent
francs de
noifes & débats ,
Et durera cette joye eftablie
En Albion jufqu'au retour
d'Elic ;
O de tous biens principe &
fondement
GALANT. 275
O Lots en terre & non
point autrement ,
Repos , douceur , allegref
fe , innocence
Deduit , foulas , defir , &
joüiffance
Levés vos coeurs & tendés
vos efprits
Peuples heureux à ſes ordres
preſcrits
Par le vouloir de la Fée
immortelle
Qui vos deftins a pris en fa
tutelle
A tant fe tut le vieillard
nompareil
Lors s'inclina le Chevalier
276 MERCURE
vermeil ,
Qui méditant en extafe
profonde
Le grand Oracle , & myſ
tere où le fonde
Tout gentil coeur ami de
fon devoir
Fut transferé par magique
pouvoir
Dans le Palais de la haute
Pairie
Palais ou git tout l'art de
faërie
Comme celuy qui fait par
fa fplendeur
De toute l'lfle admirer la
grandeur ,.
GALANT . 277
Mais qui pourtant quoy
qu'il joigne & raffemble
De ce Climâ : tous les Sages
enſemble
Si ne reluit , & n'a d'éclat
en foy
Que par le Trofne & les
yeux de fon Roy,
DE SALISBURY.
ALLEGORIE.
CEtte Ille noble antique
renommée ,
Qui de Neptune à tel point
fut aimée
Qu'un de fes Fils voulut s'y
renfermer ,
Et de fon nom , Albion la
nommer.
Mainte merveille en fon
fein fait reluire
Qu'en ces vers - cy je ne
pretend
GALANT. 241
pretend déduire
Par le menus les Chroni
queurs paffés
En leurs recueils le deduifent
affez ;
Pour le prefent fuffit d'en
citer une
Sans plus , mais qui peut
mieux
qu'aucune ;
Paffer pour rare & que je
garentis
Sur le rapport de ces recuëils
gentils ;
Ge font ces Rocs autre
ment gons de pierre
Qu'on voir femez en cette
noble terre
Mars
1714.
!
X
242 MERCURE
Tout au travers d'un
champ vert & fleury
Que gens du lieu nomment
Saliſbury , ci să
Et que Merlin jadis par
fon genie
Fit transporter des mar
ches d'Ibernie ,
Car tels Rochers ne fcauroient
bonnement
Se trouver la fors par ensachantement.
of C
Orifmoterés qu'entre ces
roches nües , ⠀
Quia pars magie en ces
lieux font venuës
X
GALANT 243
S'en trouvent fept , trois
de
chacune part
Une au deffus , le tout fait
popar tel art
Qu'il
reprefente une porte
effective ,
Porte vraïment bien faite
& bien naïve
Mais c'eft le tout , car qui
voudroit y voir i
Tours & Châtels , doit
Cailleurs fe pourvoir ,
Et ne fçait-on encor pour
Do quel office
Ce haut Portail eft là fans
médifice.
Mais ces fecrets arcanes
X ij]
244 MERCURE
& facrés
Ja ne font faits pour eftre
penetrés ,
Fors de ceux- là que
lance autorife ,
vail-
A pour chaffer vertueufe
entrepriſe
L'Epée au poing , fendant
juſqu'au talons ..
Traitres , Geans , Endriaques
felons
Tant que pareux foit mis
hors de fervage ,
Quelque Empereur ou Roy
de franc lignage ,
Entre ceux- là eftoit prifé
jadis ,
GALANT 245
Agefilan , Florifel , Amadis
,
Et maints encor de qui
Dieu
par fa grace
Jufques à nous a conſervé
la
race ,
Temoin celuy que je vas
publier ,
Sage entre tous , & difcret
Chevalier
Qui merita par fa force invincible
D'eftre introduit dans la
grote invifible ;
Si le tient-on iffu felon la
chair
De Palmerin le Chevalier
X iij
246 MERCURE
fans Pair ,
Iceluy preux vers les roches
décrites
Alloit chantant les vertus
& merites ,
Du Prince Artus , des bons
tant regretté ,
Et recitoit fur fon Luth
argenté
Celui plaintif. O Rives
Britanniques !
O Roy dompteur des Saxons
tyraniques
Si comme on dit par don
furnaturels
Tu dois revoir ce monde
temporel ,
GALANT. 247
Et revenir chaffer hors de
nos terres
Rebellions , debats , troubles
& Guerres .
Que tardes- tu viens revoir
ton Palais
viens de prifon tirer la
douce paix ,
Qui t'as helas ! defolée &
chetive
Chez faction languit tousjours
plaintive.
Ainfi chantoit le Chevalier
dolentejust
Lors fur lui fembla, qu'une
voix l'appellant
X iiij
248 MERCURE
Par fon vrai nom lui parla
de la forte ,
Si les efprits qui gardent
cette porte
En paroiffant n'effarou
chent
tes yeux
,
Tu peux entrer , le Pala
din joyeux
A qui frayeur n'entra ja
mais dans l'ame ,
Prend fon Ecu , fe commande
à ſa Dame
Approche , arrive , & Demons
de hurler
De tempefter , crier fiffler,
voler
,
Mais pour néant car fans
GALANT . 249
merite ni doute
Le Champion pourſuit toujours
fa route
Si qu'euffiez vû tous ces
diables cadets
Larves , Lutins , Lemures,
farfaders
Spectres volans , Tene
brions , Genies ,
En moins de rien ceffer
leurs lytanies ,
& s'éclipfer à tout leur cas
rillon
Comme étourneaux devant
l'émerillon :
Eux départis , ô merveille
imprevuë !
50 MERCURE
2 La terre s'ouvre & ne s'of
fre à la vûë
Qu'un antre noir
mé caverneux ,
en
fu
Ou d'un Bandon l'éclat
fuligineux
Semble éclairer par fes
lueurs funebres
L'affreux manoir du Prince
des Tenebres ;
A la clarté du flambeau
ftygial
Par cent degrés le Che-
> valier loyal
Defcend au creux de la
fpelunque obfcure ..
Et trouve enfin pour l'hif
1
GALANT. __258
toire conclure ,
Un huis fermé qui s'ouvre
fur l'inftant
Et lúi decouvre un Palais
éclatant ;
Palais , non pas ? mais gro
te emerveillable
Tel que l'oeil ne voit onc
de femblable ,
Et que jamais fage n'ob
tint pour don
Telle demeure , hormis
Apollidon.
Car c'eft Illec que la troupe
de Gnomes
Dòminateurs des terref
trés royaumes
252 MERCURE
A raffemblé
pour
prince honorer
leur
Tout ce qui peut fon féjour
decorer ,
Ambre Corail , yvoire ;
marguerites ,
Perles , faphirs , hyacintes ,
Chrifolites
Riches métaux , bronze
Corinthien ,,
Jaſpe , porphire , & marbre
Phrygien ,
Sans oublier mainte belle
efcarboucle
Et
diamans
proprement
mis en boucle
Tout à l'entour , de qui
GALANT.
253
l'éclat riant
Pâlir feroit le Soleil d'Orient.
Or entendes qu'en ce lieu
de lumiere
Où l'art encore ſurpaſſe
la matiere
Brille fur tant de rubis
eftoilé
Un fiége d'or finement
cizelé ,
Ou repofoit le tres noble
Prophete
Qui cette Grote a choifi
pour retraite
Et fut jadis fous le Roy
254 MERCURE
Pendragon
Des Enchanteurs clame le
Bien
Parangon ,
paroiffoit iceluy
grand prud- homme ,
Prince de ceux que fage on
renomme
Tant à le voir fembloit
homme de biens
Vieillard honneſte & de
noble maintien ,
Si qu'eux, voyans feulealment
fon viſager 20
Euffent pour chef accepté
cettuy fage ,
Qui tout a l'heure en fon
féant dreffé VA
GALANT . 255
Ayant trois fois eternué
touffé ,
Les yeux luifans comme
12 deux Girandoles
Au Damoifel addreffa fes
paroles.
Je fuis Merlin qu'en vulpingaire
fermon
0: 0
Vos
vieuxconteurs pre
chent né du
démon ,
Attribuant par
malice grof
-1997
fiere
L'extraction des enfans de
lumiere ,
A la vertu de cet efprit
In enam vilain
Qui de l'Enfer fut créé
ม
256 MERCURE
Châtelain ,
J'ay visité la haut vos Colonies
,
Suivant les us de nous autres
Genies ,
Er fut long -tems Prophete
en Albion
Dont je plorai l'inique
oppreflion ,
Quand Vortiger dans le
fein Britanique
Eut attiré le ferpent Germanique
,
O mon païs ! ô peuples redoutés.
Deffiés -vous de ferpens allaités
.
Aux
GALANT. 257
Aux bords Germains , fuïés
leur
parentage,
Car c'eft d'iceux qu'eft né
vôtre éclavage ;
Je difparus dans ce conflict
amer 霉
Et par mon art tranſporté
d'outre mer
Ces hauts rochers qui fervent
de barriere ,
A cette grotte où bornant
ma carriere ,
Demogorgon
nôtre Roy
fouverain
,
Me fit ſeigneur du peuple
foûterrain.
C'eſt cette gent , dont l'eſ,
Mars 1714. Y
238 MERCURE
prit tutelaire
Va parcourant vôtre mon--
de populaire : -
Où je l'envoye en invifibles
corps ,
Examiner les troubles &
difcors ,
Qui , par l'engin du pere
de l'impofture,
Vont affligéant l'humaine
créature.
Par eux à donc m'ont efté
raportés.
Tous vos débats , maux &
calamités :
Qui par revolte & rufes infernales
,
GALANT 252
Ont affolé vos Provinces
natales .
Si que la Paix onques n'y
peut meurir ,
Tant qu'y verrés iniquités
Aleurir ,
Car ne croyés pouvoir par
smot vartifices
Paix rétablir fans l'aide de
juſtice ,
Par qui d'abord détruire
100% vous convient ,
L'enchantement ou fraude
2 la détient ,
Fraude fans qui rebelle féabpillonie
o
N'ût engendré fuperbe ty-
Y ij
260 MERCURE
rannie :
Et faction mere de tous les
maux ,
Qui font fortis des palais
infernaux ;
Or puis qu'en toy n'eft encore
effacée
La fouvenance & memoire
paffée
Du Prince Artus lá merveille
des Rois .
Je veux du fort t'interpreter
les loix ,
Et t'expliquer les divins ca
racteres
qui font enclos au livre des
myfteres.
GALANT . 261
Ces mots finis le vieillard
s'arrefta
Puis fe fignant quelques
mots marmota ,
En feüillerant fon grand
antiphonaire
Ou par comment & glofe
interlinaire
Se touche au doigt & fe
montre éclairci
Tout l'avenir , lors , pour
fuivit ainsi ,
Ce brave Roy de qui l'ar
dente efpée
Au fang Germain tant de
fois fut trempée
262 MERCURE
De fes hauts faits le monde
récreant ,
Ufurpateurs eut mis tous à
néant
Si d'Atropos la colere felone
N'uft d'Albion renversé la
Colonne
Ah male- mort ! tes larroneffes
mains
Nous ont tollu le plus grand
des humains
Et rien n'y font ceux -là
dont le bon zele
Dans les hauts Cieux comme
Enoch le récele
Doit quelque jour à les oüir
GALANT . 263
narrer
H reviendra fon pays bien
heurer
;
Tous ces rebus d'antiques
propheties
Ne font qu'amas de vieilles
faceties ,
Dont le droit fens &
myftere caché
Eft fans emblême en ce li
vre epluché.
De ce bon Roy l'heroïque.
lignée
Au fond des bois reduite.
& confignée
Donna long- tems aux fi
264 MERCURE
deles Gallois
Chefs Souverains & magnanimes
Rois ,
Tant qu'une Soeur de ces
genereux
Princes
Dont le Germain
detenoit
les Provinces
Le Grand Walter en fes
Alancs enfánta
Qui leur vrai fang chez les
Pictes porta
,
Icy d'Artus fa tige eſt mipartie
Entre les Rois de l'antique
Scotie
Puis fe rejoint dans le fang
bien-aimé
Du
GALANT . 265:
Du bon Henry le fage furnommé
Qui s'uniffant à la royale
race
Dupreux Walter fçut enfuivre
la trace
Des Rois Bretons , dans la
double union
De l'Albanie au regne d'Albion
;
Or entend moy quoique
maint docte livre
ي ف
Conte qu'un jour Artus
doive revivre ,
Pour le deftin de voſtre Ifle
amenderA
CA
Si ne devés ce difcours re-
Z
Mars
1714.
266 MERCURE
garder
Que comme un type ou
fermon prothetique
Qui vous décrit l'evenement
implique
D'un jeune Roy de fon
fang defcendu
Qui par juftice à fon peuple
rendu ,
Doit extirper difcordes inteftines
Guerre ; debats , fcandales ,
& rapines ,
Si que pourrés par lui re-
9 voir encor
En Albion triompher l'âge
d'or
GALANT. 267
Et retourner profperité richeffe
Dilection , paix , amour &
lieffe .
Il de nos bords en naiſſant
diſparu
Terres & Meres dès l'enfance
à couru
Et s'eft appris par épreuve
importune
A fupporter l'une & l'autre
fortune
,
Afin qu'un jour par fon
exemple inftruit
De tout le mal qu'impieté
produit
Juftice & droit à tous il
Zij
168 MERCURE
fache rendre
Aider le foible & l'opprimé
deffendre ,
La noble Fée & le fage
Devin
Qui de ce Prince ont par
vouloir divin
J'ufqu'à ce jour regi la
deftinée
Ja des long- tems fa nail
fance ont ornée
L'une des dons qui le Corps
font chérir
L'autre de ceux qui font
l'ame fleurir
Tant qu'à le voir on ne
peut prefque dire
GALANT 269
Lequel en lui plus de tendreffe
infpire ,
Grace ou vertu ne qui
reüffit mieux
A l'admirer ou le coeur ou
les yeux
.
Déja le Dieu qui les combats
décide
De prés a vû comment ce
jeune Alcide
Sçait manier javelines &
dards
Ecus , haubergs , lances &
braquemars
Et méprifer dans le Champ
de Batailles
Z iij
270 MERCURE
Repos oififs , perils & funerailles
Dont aisément fe peut
imaginer
Comme en fon tems il
Laura gouverner
Ses ennemis , fi quelqu'un
s'en efcrime
Non pas les fiens ; car fon
coeur magnanime
Ne connoiftra pour fes
vrais ennemis
Que ceux du peuple en fa
garde remis
Auffi dans peu ce peu ple
refractaire
GALANT . 271
Reparera fa coulpe involontaire
Et pour bien toft faction
enterrer
Ce jeune Roy n'aura qu'à
ſe montrer ;
Car quel efprit tant foit - il
intraitable
Et fors iffu de manoir delectable
D'entendement , pourroit à
fon aſpect
N'eftre fajfi d'amour & de
respect ,
Eftil Lyon , Tigre ou Serpent
d'Affrique
Qui contemplant le regard
272 MERCURE
heroyque
Le noble éclat de fa douce
fierté
Qui fur ce front rempli de
Majefté
Marque fi bien ce qu'il eft ,
& doit eftre
Ne s'amollit , & reconnut
fon maiſtre
Partant croyés que contre
fes regards
Point ne tiendront les gen
tils Leopards
>
Tous feront bons tous
feront beaux & fages
GALANT . 173
Antiques
moeurs
il reffufci
tera
Gloire & vertu triompher
il fera ,
Que dirai je plus , il ferme
ra le Temple
Du vieux Janus , pour eſtre
à fon exemple
Des bons l'amour
& des
méchans
Feffroy
Finalement
ce legitime
Roy
Fera par tout fleurir paix
& juſtice
Juftice & paix , meres de
tout délice ,
Sans qui richeſſe , honneur
274 MERCURE
profperité
Fait plus de mal que
& pauvreté.
honte
Alors banquets & feltins
domeſtiques
Dances , chanfons , & pe
nices ruftiques ,
Tournois , Behours
tous autres ébats
>
&
Retournent
francs de
noifes & débats ,
Et durera cette joye eftablie
En Albion jufqu'au retour
d'Elic ;
O de tous biens principe &
fondement
GALANT. 275
O Lots en terre & non
point autrement ,
Repos , douceur , allegref
fe , innocence
Deduit , foulas , defir , &
joüiffance
Levés vos coeurs & tendés
vos efprits
Peuples heureux à ſes ordres
preſcrits
Par le vouloir de la Fée
immortelle
Qui vos deftins a pris en fa
tutelle
A tant fe tut le vieillard
nompareil
Lors s'inclina le Chevalier
276 MERCURE
vermeil ,
Qui méditant en extafe
profonde
Le grand Oracle , & myſ
tere où le fonde
Tout gentil coeur ami de
fon devoir
Fut transferé par magique
pouvoir
Dans le Palais de la haute
Pairie
Palais ou git tout l'art de
faërie
Comme celuy qui fait par
fa fplendeur
De toute l'lfle admirer la
grandeur ,.
GALANT . 277
Mais qui pourtant quoy
qu'il joigne & raffemble
De ce Climâ : tous les Sages
enſemble
Si ne reluit , & n'a d'éclat
en foy
Que par le Trofne & les
yeux de fon Roy,
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Résumé : LES ROCHES DE SALISBURY. ALLEGORIE.
Le texte décrit les Roches de Salisbury, une île antique et noble, aimée par Neptune et nommée Albion par l'un de ses fils. Cette île est célèbre pour ses merveilles, notamment des rochers transportés par Merlin depuis les marches d'Ibernie. Ces rochers forment une porte mystérieuse dans un champ vert et fleuri près de Salisbury, gardée par des esprits et des démons. Seule une personne vertueuse et autorisée peut franchir cette porte. Un chevalier nommé Palmerin se rend à ces rochers et chante les vertus du prince Arthur. Une voix l'invite à entrer, et il découvre une grotte éclairée par un flambeau funèbre menant à un palais éblouissant décoré de pierres précieuses et de métaux rares. Dans ce palais repose Merlin, le prophète. Merlin explique qu'il a été prophète en Albion et a transporté les rochers pour protéger l'île. Il révèle également que l'île est affligée par des troubles et des révoltes, et que seule la justice peut rétablir la paix. Merlin prophétise le retour d'un jeune roi de la lignée d'Arthur, qui apportera justice et paix en Albion. Ce roi, élevé par une fée et un devin, est destiné à gouverner avec sagesse et à triompher de ses ennemis. Son règne verra le retour de la prospérité, de la paix et de l'amour. Après cette révélation, Merlin se tait, et le chevalier est transporté dans le palais de la haute pairie, où il contemple l'art de la féerie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1470-1478
RÉFLEXIONS sur la Politesse.
Début :
La Politesse consiste à ne rien faire et à ne rien dire qui puisse déplaire aux [...]
Mots clefs :
Politesse, Faire plaisir, Noble, Délicat, Obligeant, Serviable , Complaisant, Civil, Bonté, Finesse
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texteReconnaissance textuelle : RÉFLEXIONS sur la Politesse.
REFLEXIONS sur la Politesse.
A Politesse consiste à ne rien faire et
L ne rien dire qui puisse déplaire aux
à
autres ; à faire et à dire tout ce qui peut
leur faire plaisir , et cela avec un air , une
façon de s'exprimer , et des manieres qui
ayent quelque chose de noble , d'aisé , de
an , et de délicat ..
U. Vol . 1
11
JUIN 1731. 1471
Il faut donc considerer dans la Poli
tesse , et le fond des choses , et la maniere
de les dire et de les faire.
Cette maniere est le point le plus im
portant , un homme auroit beau être obli
geant , serviable , complaisant , civil
même ; sans une certaine maniere d'être
tout cela , il ne passeroit que pour un
honnête homme, un bon homme, et point .
du tout pour un homme poli.
Comme on a appellé l'esprit , raison assai
sonnée , on pourroit appeller la politesse ,
bonté assaisonnée. L'esprit , la politesse ,
sont je ne sçai quoi de fin , de délicat et
de brillant, ajoûtez à la raison , à la bonté.
Il y a beaucoup d'arbitraire dans cette:
maniere de dire et de faire les choses ,
de témoigner aux autres les dispositions .
avantageuses où nous sommes à leur égard
de leur marquer du respect , de l'estime ,.
de l'amitié , &c . .. . Ainsi elle varie selon
les differentes Nations. L'usage du mon
de peut seul la faire bien connoître et y
former. L'instruction la plus étenduë
n'apprend pas tout , parce qu'elle ne sçau
roit tout exprimer , à plus forte raison.
ne met-elle pas en état d'agir. Il y a bien
loin de la politesse speculative , à la poli
tesse pratique. La politesse est une chose:
d'experience et d'usage.
و ا
IL..Vol. E vj. Ca
1472 MERCURE DE FRANCE
Ce qui met le plus en état de profiter
de cette expérience et de cet usage du
monde , c'est beaucoup de bonté et de
douceur dans le caractere , beaucoup de
finesse , de sentiment pour discerner
promptement ce qui convient , eu égard
à toutes les circonstances où l'on se trou
ve , ce qui s'appelle les bienséances ; enfin
beaucoup de souplesse dans l'humeur , et
une grande facilité d'entrer dans toutes
les dispositions , de prendre tous les sen
timens qu'exige l'occasion présente , ou
du moins de les feindre..
Mais il est très difficile de feindre et de
dissimuler. L'homme est naturellement
sincere , il aime à dire ce qu'il pense , à
témoigner ce qu'il sent . Ainsi il est im,
possible qu'on soit poli , du moins qu'on
le soit constamment , avec certains dé
tours qu'il faudroit cacher pour le paroî
tre ,.
comme l'orgueil , la colere , là du
reté de coeur , la malice & c . Disons tout ,
le seul penchant à la sincerité , le grand
éloignement de tout déguisement. et de
toute dissimulation suffit pour rendre
impoli : une des régles les plus commu
nes de la politesse , est qu'il ne faut pas
dire tout ce qu'on pense , ni faire toug
ce qu'on voudroit.
On ne se bornera
pas
même à accuser
Il Vol la
FUIN. 1731. 7473
La sincerité d'impolitesse , comme il y a
d'ordinaire plus de mal que de bien à di
re des hommes , comme il Y a une infi
nité d'occasions de les contredire avec
justice , soit dans leurs opinions , soit dans
leurs passions , celui qui leur parleroit
toujours avec une entiere, sincerité , pas
seroit pour malin ..
Pour être poli positivement , c'est- à
dire , pour faire et surtout pour dire des.
choses polies , il faut avoir de l'esprit ; .
mais. il suffit presque d'avoir une bonne
éducation et un peu de bon sens pour:
être poli négativement , c'est-à - dire , ne
rien faire et ne rien dire d'impoli . Telle
est la politesse de beaucoup de personnes,
d'un esprit médiocre , qui ne laissent pas.
de se faite aimer et d'être de bonne com-.
pagnie jusqu'à un certain point, par leur
complaisance , leurs attentions & c .
Il y a une impolitesse de malice , et
une impolitesse de grossiereté , celle ci
attire le mépris , celle -là attire la haine ..
Mais être appellé impoli , est , à mon
avis , une plus grande injure que d'être
appellé malin et satyrique,
L'accusation d'impolitesse est une des
plus grandes injures , selon moi , parce
qu'elle emporte une idée de bassesse dans
la naissance , et de petitesse dans l'esprit.
II. Vol. Of
F474 MERCURE DE FRANCE
Or les réproches les plus piquants sont
ceux qui régardent l'esprit et la naissan
ce. Un homme de guerre feroit peut- être
aussi offensé d'être appellé sot ou faquin ,
que d'être traité de lâche .
Les personnes extrêmement vives , ne
sont pas pour l'ordinaire fort polies ; leur
vivacité les entraîne presque toujours
tantôt vers un objet , tantôt vers un au
tre ; elle les fait agir et parler précipitam
ment , souvent même sans réfléxion .
Les vives sont presque toujours coleres ,
impatientes , opiniâtres , du moins pour
le moment.
La réputation d'homme poli , est une
des plus avantageuses qu'on puisse avoir
dans le monde la politesse est au moins
l'apparence des plus excellentes vertus ,
des plus belles qualités tant de l'esprit
que du coeur , elle attire tout ensemble
l'estime et l'amour .
Mais souvent pour éviter l'impolitesse
on tombe dans l'affectation et les façons ,
ce qui est plus ridicule et plus desagréa
ble que la simple grossiereté.
Ainsi on peut pecher contre la vraye
politesse par excès et par deffaut.
Les témoignages excessifs et trop fré
quens d'estime , de respect &c. ne flat
tent plus , ne font que géner ceux aus
II. Vol..
quels,
JUIN. 1731. 147
•
quels ils s'addressent , et par là sont con
traires à la vraye politesse , dont le but
est de plaire. C'est un grand Art de sca
voir les mésurer selon les personnes et les
circonstances. Ce qui s'appelle faire des
façons avec son inferieur , ou son égal¸,
s'appelle faire son devoir avec son Supe
rieur.
Les défauts qui nous choquent le plus.
dans les autres , sont ceux qu'ils pren
nent pour des agrémens. Ils sont fort
contents d'eux-mêmes , pendant qu'ils:
nous paroissent ridicules , et dès lors ils
nous le paroissent encore davantage , ils .
nous deviennent même à charge par l'or
güeil qui est d'ordinaire le principe et la
suite de cette méprise. De plus les défauts
ausquels on s'est étudié , comme à des
qualités , sont beaucoup plus choquants
que les vices naturels. Voilà pourquoy
Fair affecté et précieux choque également
tout le monde. La vraye politesse en rit ,.
Pimpolitesse en murmure.
Mais il ne suffit pas de ne rien dire , ni
de ne rien faire qui puisse blesser les au
tres , ce n'est pas avoir satisfait à tout ce
que renferme ce devoir , si l'on ne souf
fre ce que les autres peuvent dire , ou
faire d'offensant ou de moins poli. Ainsi
une grande partie de la politesse consiste
II..Vol
1476 MERCURE DE FRANCE
à souffrir l'impolitesse des autres.
Témoigner aux autres qu'ils nous of
fensent , c'est presque toujours les offen
ser.
, Il est d'autant plus difficile d'être poli
qu'il y a moins de gens qui le soient ve
ritablement..
Comme la plus forte passion des hom
mes est celle d'être estimés et considerés ,
la politesse consiste sur tout à témoigner
aux autres de la consideration et de l'es
time , à flatter leur orgieil. La vanité est
la source , l'assaisonnement de nos plus
grands plaisirs .
Pour apprendre à connoître la poli
tesse , il faut voir des personnes polies ;;
mais pour se perfectionner , et se fortifier
dans la pratique de la politesse , il seroit
peut- être utile quelquefois de se trou->
ver avec des gens impolis. Des occasions,
frequentes d'agir et de surmonter une
difficulté considerable , avancent bien
mieux que de simples exemples. Leur im
politesse déplaît , l'on voit en quoy ils
manquent, et par - là même l'on n'y tombe
pas.
Lecommerce des femmes est , dit- on ,
communément , la meilleure école de
po
litesse . Cela est vray. Non pas tant néan
moins parceque les femmes sont polies 3
II. Vol
que
JUIN. 1731.
1477
2
que parce qu'il faut l'être beaucoup avec
elles. Il n'y a pas tant à profiter des exem
ples de politesse qu'elles nous donnent
que de la necessité où nous sommes d'en
avoir beaucoup à leur égard , non seule
ment pour leur plaire, mais pour en être
soufferts. Le merite le plus essentiel d'un
homme auprés des femmes sages , c'est
une grande politesse . Quelques femmes
ont des Amants à qui manquent toutes
les qualités qui se peuvent nommer. Trés
peu sont capables de choisir pour ami un
homme à qui rien ne manqueroit du côté
de l'esprit et du coeur,mais qui n'auroit pas
ces dehors agréables , ces manieres no
bles, aisées, qu'on appelle l'air du monde,
Il me semble qu'on peut distinguer
trois sortes de mérites , le mérite estima
ble , le mérite aimable et le mérite agréa
ble. Le mérite estimable est celui de la
superiorité , des lumieres , des talens , du
sçavoir , de la parfaite probité , &c. ...
Le mérite aimable est celui des sentimens ,
de la douceur dans le caractere , de l'éga
lité de l'humeur , &c... Le mérite agréa
ble est proprement celui de la politesse .
La timidité ne se corrige guères par de
simples avis , encore moins par des rail
leries et par des reproches. Il est bon de
paroître ne faire pas trop d'attention à
II. Vol uns
1478 MERCURE DE FRANCE
*
ane personne timide , cela la met plus à
son aise . La femme du monde qui mar
che le mieux , marche de mauvaise grace
dès qu'on la regarde ; il faut quelquefois
exciter la confiance de certaines gens par
des louanges courtes et mésurées ; les élo
ges trop forts les déconcertent ; ils plai
roient s'ils pouvoient se flatter de plaire.
Il y en a d'autres qu'il faut tâcher de gue
rir de leur trop de sensibilité aux juge
mens qu'on peut faire d'eux ; car c'est la
source de leur timidité , et cette espece de
timidité est peut être elle- même vanité .
Il y a de la politesse à se livrer de bon
ne grace dans la conversation , à n'avoir
pas plus d'esprit que ceux avec qui on
se trouve , à n'affecter point trop de jus
tesse , à donner quelquefois lieu à la con
tradiction et à la critique ; en un mot
à n'avoir pas toûjours raison . Mª un tel
parle bien , dit - on , mais il ne dit rien
dont il n'ait fait auparavant le broüillon
dans sa tête ; aussi parle- t'il peu ; les
broüillons emportent trop de temps ; le
moment de l'à- propos s'enfuit ; par-là un
homme est toujours gêné et toujours gê
nant. C'est orgueil , c'est vanité pure , et
par consequent impolitesse ; car la po
litesse consiste à sçavoir cacher sa vanité,
et à flatter celle des personnes avec qui
l'on se trouve.
A Politesse consiste à ne rien faire et
L ne rien dire qui puisse déplaire aux
à
autres ; à faire et à dire tout ce qui peut
leur faire plaisir , et cela avec un air , une
façon de s'exprimer , et des manieres qui
ayent quelque chose de noble , d'aisé , de
an , et de délicat ..
U. Vol . 1
11
JUIN 1731. 1471
Il faut donc considerer dans la Poli
tesse , et le fond des choses , et la maniere
de les dire et de les faire.
Cette maniere est le point le plus im
portant , un homme auroit beau être obli
geant , serviable , complaisant , civil
même ; sans une certaine maniere d'être
tout cela , il ne passeroit que pour un
honnête homme, un bon homme, et point .
du tout pour un homme poli.
Comme on a appellé l'esprit , raison assai
sonnée , on pourroit appeller la politesse ,
bonté assaisonnée. L'esprit , la politesse ,
sont je ne sçai quoi de fin , de délicat et
de brillant, ajoûtez à la raison , à la bonté.
Il y a beaucoup d'arbitraire dans cette:
maniere de dire et de faire les choses ,
de témoigner aux autres les dispositions .
avantageuses où nous sommes à leur égard
de leur marquer du respect , de l'estime ,.
de l'amitié , &c . .. . Ainsi elle varie selon
les differentes Nations. L'usage du mon
de peut seul la faire bien connoître et y
former. L'instruction la plus étenduë
n'apprend pas tout , parce qu'elle ne sçau
roit tout exprimer , à plus forte raison.
ne met-elle pas en état d'agir. Il y a bien
loin de la politesse speculative , à la poli
tesse pratique. La politesse est une chose:
d'experience et d'usage.
و ا
IL..Vol. E vj. Ca
1472 MERCURE DE FRANCE
Ce qui met le plus en état de profiter
de cette expérience et de cet usage du
monde , c'est beaucoup de bonté et de
douceur dans le caractere , beaucoup de
finesse , de sentiment pour discerner
promptement ce qui convient , eu égard
à toutes les circonstances où l'on se trou
ve , ce qui s'appelle les bienséances ; enfin
beaucoup de souplesse dans l'humeur , et
une grande facilité d'entrer dans toutes
les dispositions , de prendre tous les sen
timens qu'exige l'occasion présente , ou
du moins de les feindre..
Mais il est très difficile de feindre et de
dissimuler. L'homme est naturellement
sincere , il aime à dire ce qu'il pense , à
témoigner ce qu'il sent . Ainsi il est im,
possible qu'on soit poli , du moins qu'on
le soit constamment , avec certains dé
tours qu'il faudroit cacher pour le paroî
tre ,.
comme l'orgueil , la colere , là du
reté de coeur , la malice & c . Disons tout ,
le seul penchant à la sincerité , le grand
éloignement de tout déguisement. et de
toute dissimulation suffit pour rendre
impoli : une des régles les plus commu
nes de la politesse , est qu'il ne faut pas
dire tout ce qu'on pense , ni faire toug
ce qu'on voudroit.
On ne se bornera
pas
même à accuser
Il Vol la
FUIN. 1731. 7473
La sincerité d'impolitesse , comme il y a
d'ordinaire plus de mal que de bien à di
re des hommes , comme il Y a une infi
nité d'occasions de les contredire avec
justice , soit dans leurs opinions , soit dans
leurs passions , celui qui leur parleroit
toujours avec une entiere, sincerité , pas
seroit pour malin ..
Pour être poli positivement , c'est- à
dire , pour faire et surtout pour dire des.
choses polies , il faut avoir de l'esprit ; .
mais. il suffit presque d'avoir une bonne
éducation et un peu de bon sens pour:
être poli négativement , c'est-à - dire , ne
rien faire et ne rien dire d'impoli . Telle
est la politesse de beaucoup de personnes,
d'un esprit médiocre , qui ne laissent pas.
de se faite aimer et d'être de bonne com-.
pagnie jusqu'à un certain point, par leur
complaisance , leurs attentions & c .
Il y a une impolitesse de malice , et
une impolitesse de grossiereté , celle ci
attire le mépris , celle -là attire la haine ..
Mais être appellé impoli , est , à mon
avis , une plus grande injure que d'être
appellé malin et satyrique,
L'accusation d'impolitesse est une des
plus grandes injures , selon moi , parce
qu'elle emporte une idée de bassesse dans
la naissance , et de petitesse dans l'esprit.
II. Vol. Of
F474 MERCURE DE FRANCE
Or les réproches les plus piquants sont
ceux qui régardent l'esprit et la naissan
ce. Un homme de guerre feroit peut- être
aussi offensé d'être appellé sot ou faquin ,
que d'être traité de lâche .
Les personnes extrêmement vives , ne
sont pas pour l'ordinaire fort polies ; leur
vivacité les entraîne presque toujours
tantôt vers un objet , tantôt vers un au
tre ; elle les fait agir et parler précipitam
ment , souvent même sans réfléxion .
Les vives sont presque toujours coleres ,
impatientes , opiniâtres , du moins pour
le moment.
La réputation d'homme poli , est une
des plus avantageuses qu'on puisse avoir
dans le monde la politesse est au moins
l'apparence des plus excellentes vertus ,
des plus belles qualités tant de l'esprit
que du coeur , elle attire tout ensemble
l'estime et l'amour .
Mais souvent pour éviter l'impolitesse
on tombe dans l'affectation et les façons ,
ce qui est plus ridicule et plus desagréa
ble que la simple grossiereté.
Ainsi on peut pecher contre la vraye
politesse par excès et par deffaut.
Les témoignages excessifs et trop fré
quens d'estime , de respect &c. ne flat
tent plus , ne font que géner ceux aus
II. Vol..
quels,
JUIN. 1731. 147
•
quels ils s'addressent , et par là sont con
traires à la vraye politesse , dont le but
est de plaire. C'est un grand Art de sca
voir les mésurer selon les personnes et les
circonstances. Ce qui s'appelle faire des
façons avec son inferieur , ou son égal¸,
s'appelle faire son devoir avec son Supe
rieur.
Les défauts qui nous choquent le plus.
dans les autres , sont ceux qu'ils pren
nent pour des agrémens. Ils sont fort
contents d'eux-mêmes , pendant qu'ils:
nous paroissent ridicules , et dès lors ils
nous le paroissent encore davantage , ils .
nous deviennent même à charge par l'or
güeil qui est d'ordinaire le principe et la
suite de cette méprise. De plus les défauts
ausquels on s'est étudié , comme à des
qualités , sont beaucoup plus choquants
que les vices naturels. Voilà pourquoy
Fair affecté et précieux choque également
tout le monde. La vraye politesse en rit ,.
Pimpolitesse en murmure.
Mais il ne suffit pas de ne rien dire , ni
de ne rien faire qui puisse blesser les au
tres , ce n'est pas avoir satisfait à tout ce
que renferme ce devoir , si l'on ne souf
fre ce que les autres peuvent dire , ou
faire d'offensant ou de moins poli. Ainsi
une grande partie de la politesse consiste
II..Vol
1476 MERCURE DE FRANCE
à souffrir l'impolitesse des autres.
Témoigner aux autres qu'ils nous of
fensent , c'est presque toujours les offen
ser.
, Il est d'autant plus difficile d'être poli
qu'il y a moins de gens qui le soient ve
ritablement..
Comme la plus forte passion des hom
mes est celle d'être estimés et considerés ,
la politesse consiste sur tout à témoigner
aux autres de la consideration et de l'es
time , à flatter leur orgieil. La vanité est
la source , l'assaisonnement de nos plus
grands plaisirs .
Pour apprendre à connoître la poli
tesse , il faut voir des personnes polies ;;
mais pour se perfectionner , et se fortifier
dans la pratique de la politesse , il seroit
peut- être utile quelquefois de se trou->
ver avec des gens impolis. Des occasions,
frequentes d'agir et de surmonter une
difficulté considerable , avancent bien
mieux que de simples exemples. Leur im
politesse déplaît , l'on voit en quoy ils
manquent, et par - là même l'on n'y tombe
pas.
Lecommerce des femmes est , dit- on ,
communément , la meilleure école de
po
litesse . Cela est vray. Non pas tant néan
moins parceque les femmes sont polies 3
II. Vol
que
JUIN. 1731.
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que parce qu'il faut l'être beaucoup avec
elles. Il n'y a pas tant à profiter des exem
ples de politesse qu'elles nous donnent
que de la necessité où nous sommes d'en
avoir beaucoup à leur égard , non seule
ment pour leur plaire, mais pour en être
soufferts. Le merite le plus essentiel d'un
homme auprés des femmes sages , c'est
une grande politesse . Quelques femmes
ont des Amants à qui manquent toutes
les qualités qui se peuvent nommer. Trés
peu sont capables de choisir pour ami un
homme à qui rien ne manqueroit du côté
de l'esprit et du coeur,mais qui n'auroit pas
ces dehors agréables , ces manieres no
bles, aisées, qu'on appelle l'air du monde,
Il me semble qu'on peut distinguer
trois sortes de mérites , le mérite estima
ble , le mérite aimable et le mérite agréa
ble. Le mérite estimable est celui de la
superiorité , des lumieres , des talens , du
sçavoir , de la parfaite probité , &c. ...
Le mérite aimable est celui des sentimens ,
de la douceur dans le caractere , de l'éga
lité de l'humeur , &c... Le mérite agréa
ble est proprement celui de la politesse .
La timidité ne se corrige guères par de
simples avis , encore moins par des rail
leries et par des reproches. Il est bon de
paroître ne faire pas trop d'attention à
II. Vol uns
1478 MERCURE DE FRANCE
*
ane personne timide , cela la met plus à
son aise . La femme du monde qui mar
che le mieux , marche de mauvaise grace
dès qu'on la regarde ; il faut quelquefois
exciter la confiance de certaines gens par
des louanges courtes et mésurées ; les élo
ges trop forts les déconcertent ; ils plai
roient s'ils pouvoient se flatter de plaire.
Il y en a d'autres qu'il faut tâcher de gue
rir de leur trop de sensibilité aux juge
mens qu'on peut faire d'eux ; car c'est la
source de leur timidité , et cette espece de
timidité est peut être elle- même vanité .
Il y a de la politesse à se livrer de bon
ne grace dans la conversation , à n'avoir
pas plus d'esprit que ceux avec qui on
se trouve , à n'affecter point trop de jus
tesse , à donner quelquefois lieu à la con
tradiction et à la critique ; en un mot
à n'avoir pas toûjours raison . Mª un tel
parle bien , dit - on , mais il ne dit rien
dont il n'ait fait auparavant le broüillon
dans sa tête ; aussi parle- t'il peu ; les
broüillons emportent trop de temps ; le
moment de l'à- propos s'enfuit ; par-là un
homme est toujours gêné et toujours gê
nant. C'est orgueil , c'est vanité pure , et
par consequent impolitesse ; car la po
litesse consiste à sçavoir cacher sa vanité,
et à flatter celle des personnes avec qui
l'on se trouve.
Fermer
Résumé : RÉFLEXIONS sur la Politesse.
Le texte 'Réflexions sur la Politesse' définit la politesse comme l'art de ne rien faire ou dire qui puisse déplaire aux autres, tout en adoptant une attitude noble, aisée et délicate. Elle implique non seulement le fond des actions, mais aussi la manière de les exprimer, comparée à une 'bonté assaisonnée' ajoutant finesse et brillance à la raison et à la bonté. La politesse varie selon les nations et s'acquiert par l'expérience et l'usage du monde. Elle nécessite de la bonté, de la douceur, de la finesse et de la souplesse pour discerner les bienséances. Feindre et dissimuler sont difficiles, car l'homme est naturellement sincère. La politesse positive, qui consiste à faire et dire des choses polies, requiert de l'esprit, tandis que la politesse négative, éviter les impolitesses, demande une bonne éducation et du bon sens. Le texte distingue l'impolitesse de malice et celle de grossièreté, cette dernière attirant le mépris et l'autre la haine. Être appelé impoli est une grande injure, impliquant une idée de bassesse et de petitesse d'esprit. Les personnes vives sont souvent moins polies, car leur vivacité les pousse à agir et parler précipitamment. La réputation d'homme poli est avantageuse, suggérant des vertus excellentes et attirant estime et amour. Cependant, éviter l'impolitesse peut mener à l'affectation et aux façons ridicules. Les témoignages excessifs d'estime ou de respect gênent ceux à qui ils sont adressés et sont contraires à la vraie politesse. Le texte souligne l'importance de souffrir l'impolitesse des autres et de témoigner considération et estime. La vanité est la source des plus grands plaisirs. Pour apprendre la politesse, il est utile de fréquenter des personnes polies et impolies, car cela permet de voir où elles manquent et d'éviter leurs erreurs. Le commerce avec les femmes est considéré comme une bonne école de politesse, non pas parce qu'elles sont polies, mais parce qu'il faut l'être avec elles pour leur plaire et être accepté. Le mérite agréable, propre à la politesse, est distingué du mérite estimable et aimable. Enfin, la timidité se corrige mieux par des encouragements discrets que par des reproches.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2552-2568
LETTRE de M. Simonnet d'Heurgeville, au sujet des Réflexions sur la Politesse, publiées dans le II . Volume du Mercure de Juin dernier.
Début :
Il m'a paru, Monsieur, que plusieurs des Réflexions sur la Politesse, inserées [...]
Mots clefs :
Lettre, Prieur, Politesse, Dérèglements, Société, Noble, Manière fine, Bienséance, Solide, Essentiel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Simonnet d'Heurgeville, au sujet des Réflexions sur la Politesse, publiées dans le II . Volume du Mercure de Juin dernier.
LETTRE de M. Simonnet
d'Heurgeville , au sujet des Réflexions
sur la Politesse , publiées dans le II . V9-
lume du Mercure de Juin dernier.
I
L m'a paru , Monsieur , que plusieurs
des Réflexions sur la Politesse ,
rées dans le Mercure de Juin dernier
étoient ou peu justes , ou même d'une
dangereuse conséquence , parce qu'elles
semblent autoriser certains déreglemens
qui ne regnent que trop dans le commerce
du monde mais qui n'en sont
pas moins contraires au bon ordre et au
bien de la Societé. Je crois très-fort que
ce n'est pas le dessein de l'Anonime , qui
' en est l'Auteur ; mais comme on pour-
,
roit › contre son intention , abuser de
ses Principes , il ne trouvera pas mauvais
que j'essaye d'en faire voir le foible
de les combatre sans blesser personne.
et
$
La Politesse est une matiere très-délicate
à traiter : il est aussi difficile d'en
parler bien juste , que de la pratiquer
dans toute sa perfection. Les Réflexions
dont il s'agit ici , en sont une preuve.
On voit qu'elles partent d'une bonne
P
main.
NOVEMBRE . 1731. 2553
main. Le style en est ordinairement pur ,
et il y a , dans le fond , beaucoup à profiter
; mais toutes ne sont pas également
judicieuses.
L'Auteur fait avec raison consister le
point capital de la Politesse dans un air
une façon , une maniere de parler et d'agir
qui plaît , maniere noble aisće ,
fine , délicate. » Un homme ; ajoute -t'il,
>
auroit beau être obligeant , serviable ,
» complaisant , civil même sans une
» certaine maniere d'être tout cela , il ne
passeroit que pour un honnête homme,
» et point du- tout pour un homme poli.
Je ne sçai si beaucoup de personnes
seroient d'humeur de souscrire à cette
Proposition si exclusive : ce point du- tout
est un peu fort. Le moyen de concevoir
qu'un homme , quelque obligeant qu'il
soit , quoiqu'on le trouve toujours prêt
à faire plaisir , à rendre de bons offices
facile à se prêter aux differentes inclinations
, et à se conformer à la volonté des
autres , ( c'est ce que veut dire complaisant
, ) quoiqu'il soit instruit de toutes
les bienséances du monde , et exact à les
observer ce qui s'appelle civil ; le
moyen , dis je , de concevoir qu'un tel
homme puisse ne passer point du - tout
pour un homme poli , qu'il puisse ne
Ꭰ rien
2554 MERCURE DE FRANCE
rien avoir de cette maniere qui plaît , et
qui est le point le plus important.
,
Ce qui le caracterise , semble être , au
contraire , le solide , l'essentiel de la Politesse
; le surplus n'en est que l'accessoire
, ou , si l'on veut , la plus grande
perfection, Parce que cet honnête homme
n'aura pas tout le sublime de la Politesse
est-il juste d'assurer qu'il n'est
point du-tout poli ? Pour peu qu'on le
pratique , on sentira aisément qu'il l'est
du moins dans quelques degrés , qu'il
l'est même plus veritablement et plus
naturellement que beaucoup d'autres
qui n'ont que du fard et des apparences
trompeuses quoiqu'ils brillent peutêtre
davantage.
و
Prenons l'Auteur des Réflexions par
ses principes. Il distingue être poli posi
tivement , c'est - à - dire , faire et dire des
choses polies ; et être poli négativement ,
c'est-à- dire , ne rien faire et ne rien dire
d'impoli. Ces termes positivement , négativement
seroienr , peut- être , mieux placés
sur les bancs , mais il s'agit moins ici
des mots que des choses. L'Honnête-
Homme , le bon Homme dont nous par
lons , ne sera- t'il pas , du moins , dans
la seconde Categorie ; car il faut parler
lé langage de l'Ecole , puisqu'on nous
met
NOVEMBRE . 1731. 2555
靈
met dans ce goût ? Suivons l'Auteur
c'est lui-même qui décidera . » Telle est ,
» dit- il , la Politesse de beaucoup de Per-
» sonnes d'un esprit mediocre , qui ne
» laissent pas de se faire aimer , et d'être
» de bonne compagnie jusqu'à un certain
» point , par leur complaisance , leurs
» attentions , & c. Voila tout juste mon
homme complaisant , attentif à rendre
service , et le reste ; il ne laissera pas de
se faire aimer , et d'être de bonne compagnie
jusqu'à un certain point. Il sera
donc poli du moins negativement. Il aura
même une grande partie de la Politesse
qui selon nôtre Auteur , consiste à souffrir
l'impolitesse des autres. Sa bonté
complaisance , sa civilité , ne lui permettront
pas de relever dans les autres les
traits d'impolitesse qu'il y remarquera ,
encore moins de s'en fâcher.
>
sa
Supposons cependant que cet honnête
homme ne passe point du - tout pour
poli ; il passera donc pour impoli il ?
n'y a point de milieu. C'est à l'Auteur
à nous dire dans quel genre d'impolitesse
il faut mettre la vertu officieuse
la complaisance , la civilité. Lui - même
distingue deux sortes d'impolitesse : l'une
de malice , qui attire la haine , l'autre de
grossiereté , qui attire le mépris. Laquelle
Dij des
2556 MERCURE DE FRANCE
des deux convient à un si honnête homme?
Il n'y paroît point tant de malice :
bien éloigné de vouloir faire de la peine ,
il est tout obligeant , tout serviable. La
grossiereté qui attire le mépris , ne se
trouve pas non plus dans un homme complaisant
et civil : où est donc l'impoli
tesse et s'il n'y en a point , comment
peut-on dire qu'il ne passera point dutout
pour un homme poli ?
L'impolitesse est toûjours choquante¸
et ne peut jamais plaire ; le caractere dont
nous parlons , plaît du moins quelquefois
, et ne blesse pas toujours ; seroit-ce
trop dire que d'avancer qu'il est des
plus aimables ?
Selon l'Auteur , l'accusation d'impolitesse
est une des plus grandes injures.
Etre appellé impoli , est , à mon avis , ditil
, une plus grande injure , que d'être appellé
malin et satyrique . Peut-être trouvera-
t'on qu'il outre un peu ; mais soit :
dans sa pensée , quelle insulte ne fait - il
pas à cet honnête homme , à cet homme
officieux , toûjours prêt à rendre service ,
à cet homme prévenant par ses complaisances
et ses civilitez , quand il assure
hardiment qu'il a beau être tel , qu'il ne
passera point du- tout pour un homme poli ?
Une injure pareille dans l'opinion de
celui
NOVEMBRE. 1731. 2559
celui qui l'a fait , l'obligeroit à répara
tion d'honneur par quel endroit un
homme d'un si bon caractere se l'est- il
attirée ?
Franchement il seroit à plaindre , si
tout le monde , sur la parole de l'inconnu
, consentoit à le regarder comme un
homme qui n'a aucune politesse. Le Public
est trop équitable pour donner dans
cet excès. Quoiqu'en dise l'Anonime ,
il verra de bon ceil tour homme qui
sçaura joindre à un air obligeant et serviable
, beaucoup de complaisance et
de civilité. Il y trouvera sûrement de
la Politesse.
,
,
Qui ne s'étonnera que lAuteur des Réflexions
, après avoir élevé si haut la po.
litesse , que que très peu de personnes y pourroient
atteindre la rabaisse tout d'un
coup , et la dégrade jusqu'à la rendre
vicieuse nécessairement ou au moins
défectueuse ? Si on l'en croit , on ne
peut être poli sans déguisement et sans
adulation. Il regarde la difficulté de feindre
et de dissimuler comme un grand
obstacle à la Politesse . A l'entendre , cette
difficulté est universelle. L'Homme , ditil
, est naturellement sincere il aime à dire
ce qu'il pense , et à témoigner ce qu'il sent.
On ne voit pas comment une Proposi-
Diij tion
2558 MERCURE DE FRANCE
tion si generale s'accorde avec le genie
et le caractere de plus d'une Nation , et
des Peuples de quelques-unes de nos Provinces.
Je ne les nomme pas : ils sont
assez connus par leur penchant naturel
au déguisement et à la duplicité. Le François
même n'est pas toujours si franc.
C'est souvent l'yvresse de quelque passion
, plutôt que le naturel ,
qui fait
qu'on se montre par son foible , et qu'on
parle plus qu'on ne voudroit. L'Homme
de sang froid est ordinairement plus réservé
et plus circonspect.
deو
Il s'en faut bien que M. l'Abbé de
Bellegarde soit du sentiment de nôtre
Auteur , lui qui avance qu'on ne trouve
sinceres
gens que ceux qui n'ont pas
assez d'esprit pour être fourbes. M. Esprit
prend un juste milieu entre ces deux
opinions si opposées. » Comme il y a ,
» dit- il , des gens qui naissent courageux,
» d'autres chastes , il y a aussi des natu-
» rels sinceres , et des gens qui se font
» une vraie violence quand ils sont con-
>> traints d'user de dissimulation . Il y en
» a d'autres tout-à- fait opposés à ceux ci ,
» qui ne peuvent jamais parler avec fran
» chise , et à qui il est toûjours agréable
de se déguiser.
23
De ces deux sortes de personnes , les
derNOVEMBRE
1731. 2559
dernieres sont les seules que nôtre Auteur
croit être de mise pour la Politesse : les
autres , à son jugement , n'en sont pas
succeptibles. Disons tout , ( c'est lui qui
» parle , ) le seul penchant à la sincerité
» le grand éloignement de tout déguise
ment et de toute dissimulation suffic
» pour rendre impoli : il va plus loin .
On ne se bornera pas même , ( ajoûte-
» t'il , à accuser la sincerité d'impoli
» tesse .... celui qui parleroit toûjours
avec une entiere sincerité
» pour malin.
passeroit
Voilà donc la candeur , la bonne foi ,
la sincerité exclues nécessairement du
commerce du beau monde et des Personnes
polies. Tout homme qui aimera
la droiture , qui aura un coeur ouvert ,
une parfaite ingenuité , n'y sera pas bien
venu ; on l'exclura des cercles et des
compagnies comme un homme grossier ,
rustique , impoli , malin même , ou bien
il n'y sera qu'à charge. Chacun ne paroîtra
poli qu'à mesure qu'il aura d'adresse
à feindre à se déguiser , à dissimuler,
Cette honnête liberté cette aimable
franchise , cette communication mutuelle
et entiere de pensées et de sentimens ,
qui formoient autrefois les plus doux
fiens de l'amitié , qui faisoient l'agrément
Diiij des
2560 MERCURE DE FRANCE
des conversations n'étoient bonnes apparamment
que pour nos vieux Peres : Il
faudra d'autres rafinemens pour un siécle
aussi poli que le notre. La Politesse ne
sera qu'hypocrisie , la societé qu'un commerce
de mensonges , officieux, ou, comme
dit M. Flechier , l'on se fera une politesse
de tromper , et un plaisir d'être trompé.
C'est l'idée précise de cette Politesse
trop en regne , qui exclud la sincerité ,
dont l'ame est le déguisement et la dissimulation
; mais doit-on l'autoriser ?
N'y a- t'il pas une Politesse plus saine ,
plus vraïe seule digne d'approbation ;
une politesse qui n'exclud aucune des
vertus , mais qui les rend plus agréables ;
une Politesse qui tempere les rigueurs de
la sincerité , et qui la fait paroître avec
graces et avec noblesse.
>
Ce qui trompe l'Auteur des Refléxions
, c'est qu'il confond la sincerité
avec l'indiscretion et la témerité , qui
porteroient un homme à dire tout ce
qu'il penseroit , ou à faire tout ce qu'il
voudroit. Il y a , dit M. l'Abbé de Belle-
» garde , une grande difference entre la
>> sincerité et une certaine démangeaison
» de parler , qui fair qu'on s'ouvte à
>> tout le monde. La sincerité ne doit
être ni indiscrette , ni étourdie .
Ainsi
NOVEMBRE. 1731. 2561
'Ainsi , renfermons la sincerité dans
ses justes bornes , considerons- la dans
ce milieu , dans ce point fixe , qui la
tient comme en équilibre entre l'indiscretion
et la dissimulation vices dont
l'un la détruit absolument , et l'autre la
fait dégenerer nous trouverons que
pour être très- sincere on n'en est pas
moins poli.
›
La sincerité consiste à dire toûjours
vrai quand on est obligé de parler , mais
elle n'oblige pas à le faire d'une maniere
choquante , imperieuse , passionnée. La
sincerité consiste encore à mettre simplement
au jour ses pensées , à découvrir
ses sentimens , lorsque la necessité ,
l'utilité , les circonstances le demandent,
ou du moins le permettent , mais elle
ne veut pas qu'on le fasse avec imprudence
et sans discernement ; c'est une
vertu qui n'a rien de commun avec la
contagion du vice. Jamais personne ne
dira qu'on manque de sincerité pour tenir
caché dans le secret du coeur ce qui
doit l'être , du consentement de tout le
monde ; ce n'est- là ni déguisement , ni
dissimulation . On ne regarde comme déguisé
, comme dissimulé , que celui qui
se cache lorsqu'il devroit se montrer , ou
qu'il le pourroit sans aucun risque.
Dv C'est
2562 MERCURE DE FRANCE
›
C'est donc avoir une idée trop desavantageuse
de la politesse , que d'en exclure
la sincerité , la franchise , la naïveté,
qui n'en sont pas les moindres agrémens
, et d'y faire entrer la feinte le
déguisement , la dissimulation , qui la
rendroient même odieuse . En effet il y
a peu de personnes que le deffaut de
sincerité , le déguisement , la dissimulàtion
, conius , noffensent ; or , comme
malgré toutes les ruses et les belles démonstrations
, on pourroit souvent s'en
appercevoir , il arriveroit que cette prétendue
politesse elle-même seroit offensante
, bien loin d'être agréable , marque évidente
de sa defectuosité et de sa fausseté.
Le pis est qu'on y fait entrer l'adulation
, comme partie principale . « La
» politesse ( dit - on ) consiste sur tout à
» témoigner aux autres de la considera-
>tion et de l'estime, à flater leur orgueil.
» La vanité est la source , l'assaisonne-
» ment de nos plus grands plaisirs ; il
faut l'avouer , il n'y a que trop de personnes
qui sont de ce goût- là, et qui mettent
leurs délices à se repaître de vanité
; mais il s'en trouve aussi beaucoup
qui puisent leurs plus grands plaisirs dans
des sources plus pures et qui veulent dư
solide.
Quoiqu'il
NOVEMBRE. 1731 .
2563
Quoiqu'il en soit, n'est- ce pas toûjours
une lâche , une indigne condescendance
que de s'asservir à faire le personnage d'adulateur
, si finement qu'on s'y méprenne
de s'occuper sur tout à flatter l'orgueil
, la plus funeste de toutes les passions
? La politesse engage à ne le pas
blesser , à le menager , à l'épargner autant
que le devoir et la conscience n'y
sont point interressez , dans la crainte de
le révolter ; mais elle n'exige pas qu'on
le fomente , qu'on le flatte , qu'on le caresse
; la Religion , l'équité , la verité le
deffendent. On a toûjours regardé la flaterie
comme une honteuse bassesse indigne
d'un honnête homme , comment
donc s'imaginer qu'elle entre dans la politesse
, qui , selon l'Auteur , doit avoir
quelque chose de noble dans ses manieres
?
On peut , on doit même en bien des
Occasions travailler à détruire le regne de
Ia vanité ; abaisser l'orgueil , mortifier
F'amour propre , souvent l'avantage du
Prochain , les interêts de la justice et de
la verité l'exigent. Le tout est de s'y
prendre finement , avec délicatesse', d'une
maniere qui n'ait rien de rude , rien
de choquant , desorte que les personnes
les plus hautes et les plus fieres , ne puis-
D vj seng
&
2564 MERCURE DE FRANCE
sent s'en aigrir ; et c'est le grand art de
la politesse. Jamais elle n'est plus d'usage
que quand il faut blâmer, reprendre ,
dětromper , contredire ; elle enseigne à
le faire comme à regret , et avec tant de
ménagement et d'adresse , avec taat d'agrément
même , qu'on ne peut s'en offenser.
Il s'en faut donc bien qu'elle soit l'esclave
de la vanité , assujettie à la nourrir
par la flatterie ; elle en est au contraire
la maîtresse , elle sçait la gouverner avec
dexterité , la moderer , la tourner contre
elle-même , y jetter à propos un certain
ridicule qui la rend insensiblement hon- ·
teuse et méprisable aux yeux même des
personnes qui en sont les plus entêtées.
L'Auteur des Refléxions n'a gueres
mieux réussi dans quelques - uns des
moyens qu'il indique pour acquerir ou
perfectionner la politesse. » Pour se perfectionner
( dit- il ) et se fortifier dans la
» pratique de la politesse , il seroit peut-
» être utile quelquefois de se trouver avec
» des gens impolis .... leur impolitesse,
» déplaît , l'on voit en quoi ils manquent
» et par là l'on n'y tombe pas.
Voilà un secret admirable et tout nouveau
de se perfectionner dans la pratique
de la politesse ! Il est vrai que l'Auteur
paroît
NOVEMBRE . 1731. 2563
paroît ne le proposer qu'en tremblant ,
il en sent peut- être lui - même le foible.
la raison qu'il apporte , prouve tout au
plus qu'on se tiendra en garde pour ne
pas faire les fautes grossieres qui déplaisent
dans les gens impolis ; qu'à la vûë
de leurs deffauts les plus frappants , on
pourra sentir les avantages de la politesse
et s'y affectionner ; mais de dire que leur
fréquentation puisse être plus utile que
celle des personnes polies pour se pèrfectionner
et se fortifier dans la pratique
de la politesse , c'est ce qui ne paroît
pas probable et ce qui est contraire à l'experience.
Le mauvais exemple favorisé
par le mauvais penchant, a plus de force
pour nous corrompre , que
le bon exemple
pour nous soutenir ou nous redresser.
Ecoutons encore parler l'Auteur :» Des
» occasions fréquentes d'agir ( dit- il ) et
» de surmonter une difficulté considera-
» ble , avancent bien mieux que de sim
ples exemples . » L'application de ce
principe au sujet dont il s'agit , n'est pas
des plus claires. On sçait qu'il y a bien
des occasions de souffrir des grossieretez ,
de l'impolitesse ; mais il n'est pas aisé de
deviner
ce que l'Auteur entend
Occasions fréquentes d'agir , et par cette
difficulté considerable qu'il faudra sur-
-·
par ces
monter
2566 MERCURE DE FRANCE
monter , dont il tire plus d'avancement
pour la politesse , que des simples exemples
; c'est une Enigme un peu obscure ,
dont il faut attendre de lui - même l'explication
, s'il juge à propos de la donner.
Je doute que tout le monde soit de son
sentiment, lorsqu'il avance qu'il n'y a pas
tant à profiter des exemples de politesse que
nous donnent les femmes , que de la necessité
où nous sommes d'en avoir beaucoup à leur
égard. La difficulté consiste à sçavoir si
la necessité d'être poli avec les Dames
rendra un homme effectivement plus poli,
que tous les exemples de politesse qu'elles
peuvent lui donner. Je comprens que
la necessité l'obligera de s'étudier avec
soin à être poli ; mais son étude sera vaine,
et il n'y fera aucun progrès , s'il n'a d'excellens
modeles pour se former. Comme
dit fort bien l'Auteur : La politesse est
une chose d'experience et d'usage ; or dans
toutes les choses d'experience et d'usage,
il faut necessairement avoir devant lesyeux
quelque modele qui guide et qui
dirige , sans quoi on n'y réussiroit jamais
et on n'y comprendroit rien . En genrede
politesse où trouvera- t'on des modeles
plus accomplis que chez les Dames ?
Mais je laisse cette discussion aux personnes
du monde qui sont plus au fair
de
NOVEMBRE . 1731. 2567
de ce qui les concerne , et je finis par
l'Observation suivante .
›
L'Auteur , après avoir dit que la réputation
d'homme poli attire tout ensemble l'estime
et l'amour , semble dans la suite se
rétracter. Il distingue trois sortes de mérites
: le mérite estimable , le mérite aimable ,
le mérite agréable. Et il ajoûte : le mérite
agréable est proprement celui de la politesse
Ce qui donne à entendre que le propre
mérite de la politesse n'est pas tant d'attirer
l'estime et l'amour , que de paroître
agréable. Ne fera- t'on pas mieux de
dire que ces trois mérites conviennent
proprement à la politesse ? Par son air
noble elle est estimable , par sa douceur
et sa complaisance elle est aimable , par
ses manieres aisées , fines , délicates , elle
est agréable.
Si pour se déclarer amateur de la jusresse
et de la sincerité , ennemi du déguisement
, de la dissimulation , de la
flaterie , on encouroit necessairement le
blâme d'impolitesse , j'aurois tout à crain
dre de ce côté- là . Je m'abandonne au jugement
du Public , et sans me flater ni
prévenir ses suffrages , je crois lui devoir
la justice de penser qu'il me sera favorable
dans le parti que j'embrasse , et j'espere
qu'en consideration de la bonté de
ina
ا ی ک
2568 MERCURE DE FRANCE
ma cause, il me fera grace, si je ne l'ai pas
deffendue avec assez d'agrément et de
plaisir. Je suis , Monsieur , &c.
d'Heurgeville , au sujet des Réflexions
sur la Politesse , publiées dans le II . V9-
lume du Mercure de Juin dernier.
I
L m'a paru , Monsieur , que plusieurs
des Réflexions sur la Politesse ,
rées dans le Mercure de Juin dernier
étoient ou peu justes , ou même d'une
dangereuse conséquence , parce qu'elles
semblent autoriser certains déreglemens
qui ne regnent que trop dans le commerce
du monde mais qui n'en sont
pas moins contraires au bon ordre et au
bien de la Societé. Je crois très-fort que
ce n'est pas le dessein de l'Anonime , qui
' en est l'Auteur ; mais comme on pour-
,
roit › contre son intention , abuser de
ses Principes , il ne trouvera pas mauvais
que j'essaye d'en faire voir le foible
de les combatre sans blesser personne.
et
$
La Politesse est une matiere très-délicate
à traiter : il est aussi difficile d'en
parler bien juste , que de la pratiquer
dans toute sa perfection. Les Réflexions
dont il s'agit ici , en sont une preuve.
On voit qu'elles partent d'une bonne
P
main.
NOVEMBRE . 1731. 2553
main. Le style en est ordinairement pur ,
et il y a , dans le fond , beaucoup à profiter
; mais toutes ne sont pas également
judicieuses.
L'Auteur fait avec raison consister le
point capital de la Politesse dans un air
une façon , une maniere de parler et d'agir
qui plaît , maniere noble aisće ,
fine , délicate. » Un homme ; ajoute -t'il,
>
auroit beau être obligeant , serviable ,
» complaisant , civil même sans une
» certaine maniere d'être tout cela , il ne
passeroit que pour un honnête homme,
» et point du- tout pour un homme poli.
Je ne sçai si beaucoup de personnes
seroient d'humeur de souscrire à cette
Proposition si exclusive : ce point du- tout
est un peu fort. Le moyen de concevoir
qu'un homme , quelque obligeant qu'il
soit , quoiqu'on le trouve toujours prêt
à faire plaisir , à rendre de bons offices
facile à se prêter aux differentes inclinations
, et à se conformer à la volonté des
autres , ( c'est ce que veut dire complaisant
, ) quoiqu'il soit instruit de toutes
les bienséances du monde , et exact à les
observer ce qui s'appelle civil ; le
moyen , dis je , de concevoir qu'un tel
homme puisse ne passer point du - tout
pour un homme poli , qu'il puisse ne
Ꭰ rien
2554 MERCURE DE FRANCE
rien avoir de cette maniere qui plaît , et
qui est le point le plus important.
,
Ce qui le caracterise , semble être , au
contraire , le solide , l'essentiel de la Politesse
; le surplus n'en est que l'accessoire
, ou , si l'on veut , la plus grande
perfection, Parce que cet honnête homme
n'aura pas tout le sublime de la Politesse
est-il juste d'assurer qu'il n'est
point du-tout poli ? Pour peu qu'on le
pratique , on sentira aisément qu'il l'est
du moins dans quelques degrés , qu'il
l'est même plus veritablement et plus
naturellement que beaucoup d'autres
qui n'ont que du fard et des apparences
trompeuses quoiqu'ils brillent peutêtre
davantage.
و
Prenons l'Auteur des Réflexions par
ses principes. Il distingue être poli posi
tivement , c'est - à - dire , faire et dire des
choses polies ; et être poli négativement ,
c'est-à- dire , ne rien faire et ne rien dire
d'impoli. Ces termes positivement , négativement
seroienr , peut- être , mieux placés
sur les bancs , mais il s'agit moins ici
des mots que des choses. L'Honnête-
Homme , le bon Homme dont nous par
lons , ne sera- t'il pas , du moins , dans
la seconde Categorie ; car il faut parler
lé langage de l'Ecole , puisqu'on nous
met
NOVEMBRE . 1731. 2555
靈
met dans ce goût ? Suivons l'Auteur
c'est lui-même qui décidera . » Telle est ,
» dit- il , la Politesse de beaucoup de Per-
» sonnes d'un esprit mediocre , qui ne
» laissent pas de se faire aimer , et d'être
» de bonne compagnie jusqu'à un certain
» point , par leur complaisance , leurs
» attentions , & c. Voila tout juste mon
homme complaisant , attentif à rendre
service , et le reste ; il ne laissera pas de
se faire aimer , et d'être de bonne compagnie
jusqu'à un certain point. Il sera
donc poli du moins negativement. Il aura
même une grande partie de la Politesse
qui selon nôtre Auteur , consiste à souffrir
l'impolitesse des autres. Sa bonté
complaisance , sa civilité , ne lui permettront
pas de relever dans les autres les
traits d'impolitesse qu'il y remarquera ,
encore moins de s'en fâcher.
>
sa
Supposons cependant que cet honnête
homme ne passe point du - tout pour
poli ; il passera donc pour impoli il ?
n'y a point de milieu. C'est à l'Auteur
à nous dire dans quel genre d'impolitesse
il faut mettre la vertu officieuse
la complaisance , la civilité. Lui - même
distingue deux sortes d'impolitesse : l'une
de malice , qui attire la haine , l'autre de
grossiereté , qui attire le mépris. Laquelle
Dij des
2556 MERCURE DE FRANCE
des deux convient à un si honnête homme?
Il n'y paroît point tant de malice :
bien éloigné de vouloir faire de la peine ,
il est tout obligeant , tout serviable. La
grossiereté qui attire le mépris , ne se
trouve pas non plus dans un homme complaisant
et civil : où est donc l'impoli
tesse et s'il n'y en a point , comment
peut-on dire qu'il ne passera point dutout
pour un homme poli ?
L'impolitesse est toûjours choquante¸
et ne peut jamais plaire ; le caractere dont
nous parlons , plaît du moins quelquefois
, et ne blesse pas toujours ; seroit-ce
trop dire que d'avancer qu'il est des
plus aimables ?
Selon l'Auteur , l'accusation d'impolitesse
est une des plus grandes injures.
Etre appellé impoli , est , à mon avis , ditil
, une plus grande injure , que d'être appellé
malin et satyrique . Peut-être trouvera-
t'on qu'il outre un peu ; mais soit :
dans sa pensée , quelle insulte ne fait - il
pas à cet honnête homme , à cet homme
officieux , toûjours prêt à rendre service ,
à cet homme prévenant par ses complaisances
et ses civilitez , quand il assure
hardiment qu'il a beau être tel , qu'il ne
passera point du- tout pour un homme poli ?
Une injure pareille dans l'opinion de
celui
NOVEMBRE. 1731. 2559
celui qui l'a fait , l'obligeroit à répara
tion d'honneur par quel endroit un
homme d'un si bon caractere se l'est- il
attirée ?
Franchement il seroit à plaindre , si
tout le monde , sur la parole de l'inconnu
, consentoit à le regarder comme un
homme qui n'a aucune politesse. Le Public
est trop équitable pour donner dans
cet excès. Quoiqu'en dise l'Anonime ,
il verra de bon ceil tour homme qui
sçaura joindre à un air obligeant et serviable
, beaucoup de complaisance et
de civilité. Il y trouvera sûrement de
la Politesse.
,
,
Qui ne s'étonnera que lAuteur des Réflexions
, après avoir élevé si haut la po.
litesse , que que très peu de personnes y pourroient
atteindre la rabaisse tout d'un
coup , et la dégrade jusqu'à la rendre
vicieuse nécessairement ou au moins
défectueuse ? Si on l'en croit , on ne
peut être poli sans déguisement et sans
adulation. Il regarde la difficulté de feindre
et de dissimuler comme un grand
obstacle à la Politesse . A l'entendre , cette
difficulté est universelle. L'Homme , ditil
, est naturellement sincere il aime à dire
ce qu'il pense , et à témoigner ce qu'il sent.
On ne voit pas comment une Proposi-
Diij tion
2558 MERCURE DE FRANCE
tion si generale s'accorde avec le genie
et le caractere de plus d'une Nation , et
des Peuples de quelques-unes de nos Provinces.
Je ne les nomme pas : ils sont
assez connus par leur penchant naturel
au déguisement et à la duplicité. Le François
même n'est pas toujours si franc.
C'est souvent l'yvresse de quelque passion
, plutôt que le naturel ,
qui fait
qu'on se montre par son foible , et qu'on
parle plus qu'on ne voudroit. L'Homme
de sang froid est ordinairement plus réservé
et plus circonspect.
deو
Il s'en faut bien que M. l'Abbé de
Bellegarde soit du sentiment de nôtre
Auteur , lui qui avance qu'on ne trouve
sinceres
gens que ceux qui n'ont pas
assez d'esprit pour être fourbes. M. Esprit
prend un juste milieu entre ces deux
opinions si opposées. » Comme il y a ,
» dit- il , des gens qui naissent courageux,
» d'autres chastes , il y a aussi des natu-
» rels sinceres , et des gens qui se font
» une vraie violence quand ils sont con-
>> traints d'user de dissimulation . Il y en
» a d'autres tout-à- fait opposés à ceux ci ,
» qui ne peuvent jamais parler avec fran
» chise , et à qui il est toûjours agréable
de se déguiser.
23
De ces deux sortes de personnes , les
derNOVEMBRE
1731. 2559
dernieres sont les seules que nôtre Auteur
croit être de mise pour la Politesse : les
autres , à son jugement , n'en sont pas
succeptibles. Disons tout , ( c'est lui qui
» parle , ) le seul penchant à la sincerité
» le grand éloignement de tout déguise
ment et de toute dissimulation suffic
» pour rendre impoli : il va plus loin .
On ne se bornera pas même , ( ajoûte-
» t'il , à accuser la sincerité d'impoli
» tesse .... celui qui parleroit toûjours
avec une entiere sincerité
» pour malin.
passeroit
Voilà donc la candeur , la bonne foi ,
la sincerité exclues nécessairement du
commerce du beau monde et des Personnes
polies. Tout homme qui aimera
la droiture , qui aura un coeur ouvert ,
une parfaite ingenuité , n'y sera pas bien
venu ; on l'exclura des cercles et des
compagnies comme un homme grossier ,
rustique , impoli , malin même , ou bien
il n'y sera qu'à charge. Chacun ne paroîtra
poli qu'à mesure qu'il aura d'adresse
à feindre à se déguiser , à dissimuler,
Cette honnête liberté cette aimable
franchise , cette communication mutuelle
et entiere de pensées et de sentimens ,
qui formoient autrefois les plus doux
fiens de l'amitié , qui faisoient l'agrément
Diiij des
2560 MERCURE DE FRANCE
des conversations n'étoient bonnes apparamment
que pour nos vieux Peres : Il
faudra d'autres rafinemens pour un siécle
aussi poli que le notre. La Politesse ne
sera qu'hypocrisie , la societé qu'un commerce
de mensonges , officieux, ou, comme
dit M. Flechier , l'on se fera une politesse
de tromper , et un plaisir d'être trompé.
C'est l'idée précise de cette Politesse
trop en regne , qui exclud la sincerité ,
dont l'ame est le déguisement et la dissimulation
; mais doit-on l'autoriser ?
N'y a- t'il pas une Politesse plus saine ,
plus vraïe seule digne d'approbation ;
une politesse qui n'exclud aucune des
vertus , mais qui les rend plus agréables ;
une Politesse qui tempere les rigueurs de
la sincerité , et qui la fait paroître avec
graces et avec noblesse.
>
Ce qui trompe l'Auteur des Refléxions
, c'est qu'il confond la sincerité
avec l'indiscretion et la témerité , qui
porteroient un homme à dire tout ce
qu'il penseroit , ou à faire tout ce qu'il
voudroit. Il y a , dit M. l'Abbé de Belle-
» garde , une grande difference entre la
>> sincerité et une certaine démangeaison
» de parler , qui fair qu'on s'ouvte à
>> tout le monde. La sincerité ne doit
être ni indiscrette , ni étourdie .
Ainsi
NOVEMBRE. 1731. 2561
'Ainsi , renfermons la sincerité dans
ses justes bornes , considerons- la dans
ce milieu , dans ce point fixe , qui la
tient comme en équilibre entre l'indiscretion
et la dissimulation vices dont
l'un la détruit absolument , et l'autre la
fait dégenerer nous trouverons que
pour être très- sincere on n'en est pas
moins poli.
›
La sincerité consiste à dire toûjours
vrai quand on est obligé de parler , mais
elle n'oblige pas à le faire d'une maniere
choquante , imperieuse , passionnée. La
sincerité consiste encore à mettre simplement
au jour ses pensées , à découvrir
ses sentimens , lorsque la necessité ,
l'utilité , les circonstances le demandent,
ou du moins le permettent , mais elle
ne veut pas qu'on le fasse avec imprudence
et sans discernement ; c'est une
vertu qui n'a rien de commun avec la
contagion du vice. Jamais personne ne
dira qu'on manque de sincerité pour tenir
caché dans le secret du coeur ce qui
doit l'être , du consentement de tout le
monde ; ce n'est- là ni déguisement , ni
dissimulation . On ne regarde comme déguisé
, comme dissimulé , que celui qui
se cache lorsqu'il devroit se montrer , ou
qu'il le pourroit sans aucun risque.
Dv C'est
2562 MERCURE DE FRANCE
›
C'est donc avoir une idée trop desavantageuse
de la politesse , que d'en exclure
la sincerité , la franchise , la naïveté,
qui n'en sont pas les moindres agrémens
, et d'y faire entrer la feinte le
déguisement , la dissimulation , qui la
rendroient même odieuse . En effet il y
a peu de personnes que le deffaut de
sincerité , le déguisement , la dissimulàtion
, conius , noffensent ; or , comme
malgré toutes les ruses et les belles démonstrations
, on pourroit souvent s'en
appercevoir , il arriveroit que cette prétendue
politesse elle-même seroit offensante
, bien loin d'être agréable , marque évidente
de sa defectuosité et de sa fausseté.
Le pis est qu'on y fait entrer l'adulation
, comme partie principale . « La
» politesse ( dit - on ) consiste sur tout à
» témoigner aux autres de la considera-
>tion et de l'estime, à flater leur orgueil.
» La vanité est la source , l'assaisonne-
» ment de nos plus grands plaisirs ; il
faut l'avouer , il n'y a que trop de personnes
qui sont de ce goût- là, et qui mettent
leurs délices à se repaître de vanité
; mais il s'en trouve aussi beaucoup
qui puisent leurs plus grands plaisirs dans
des sources plus pures et qui veulent dư
solide.
Quoiqu'il
NOVEMBRE. 1731 .
2563
Quoiqu'il en soit, n'est- ce pas toûjours
une lâche , une indigne condescendance
que de s'asservir à faire le personnage d'adulateur
, si finement qu'on s'y méprenne
de s'occuper sur tout à flatter l'orgueil
, la plus funeste de toutes les passions
? La politesse engage à ne le pas
blesser , à le menager , à l'épargner autant
que le devoir et la conscience n'y
sont point interressez , dans la crainte de
le révolter ; mais elle n'exige pas qu'on
le fomente , qu'on le flatte , qu'on le caresse
; la Religion , l'équité , la verité le
deffendent. On a toûjours regardé la flaterie
comme une honteuse bassesse indigne
d'un honnête homme , comment
donc s'imaginer qu'elle entre dans la politesse
, qui , selon l'Auteur , doit avoir
quelque chose de noble dans ses manieres
?
On peut , on doit même en bien des
Occasions travailler à détruire le regne de
Ia vanité ; abaisser l'orgueil , mortifier
F'amour propre , souvent l'avantage du
Prochain , les interêts de la justice et de
la verité l'exigent. Le tout est de s'y
prendre finement , avec délicatesse', d'une
maniere qui n'ait rien de rude , rien
de choquant , desorte que les personnes
les plus hautes et les plus fieres , ne puis-
D vj seng
&
2564 MERCURE DE FRANCE
sent s'en aigrir ; et c'est le grand art de
la politesse. Jamais elle n'est plus d'usage
que quand il faut blâmer, reprendre ,
dětromper , contredire ; elle enseigne à
le faire comme à regret , et avec tant de
ménagement et d'adresse , avec taat d'agrément
même , qu'on ne peut s'en offenser.
Il s'en faut donc bien qu'elle soit l'esclave
de la vanité , assujettie à la nourrir
par la flatterie ; elle en est au contraire
la maîtresse , elle sçait la gouverner avec
dexterité , la moderer , la tourner contre
elle-même , y jetter à propos un certain
ridicule qui la rend insensiblement hon- ·
teuse et méprisable aux yeux même des
personnes qui en sont les plus entêtées.
L'Auteur des Refléxions n'a gueres
mieux réussi dans quelques - uns des
moyens qu'il indique pour acquerir ou
perfectionner la politesse. » Pour se perfectionner
( dit- il ) et se fortifier dans la
» pratique de la politesse , il seroit peut-
» être utile quelquefois de se trouver avec
» des gens impolis .... leur impolitesse,
» déplaît , l'on voit en quoi ils manquent
» et par là l'on n'y tombe pas.
Voilà un secret admirable et tout nouveau
de se perfectionner dans la pratique
de la politesse ! Il est vrai que l'Auteur
paroît
NOVEMBRE . 1731. 2563
paroît ne le proposer qu'en tremblant ,
il en sent peut- être lui - même le foible.
la raison qu'il apporte , prouve tout au
plus qu'on se tiendra en garde pour ne
pas faire les fautes grossieres qui déplaisent
dans les gens impolis ; qu'à la vûë
de leurs deffauts les plus frappants , on
pourra sentir les avantages de la politesse
et s'y affectionner ; mais de dire que leur
fréquentation puisse être plus utile que
celle des personnes polies pour se pèrfectionner
et se fortifier dans la pratique
de la politesse , c'est ce qui ne paroît
pas probable et ce qui est contraire à l'experience.
Le mauvais exemple favorisé
par le mauvais penchant, a plus de force
pour nous corrompre , que
le bon exemple
pour nous soutenir ou nous redresser.
Ecoutons encore parler l'Auteur :» Des
» occasions fréquentes d'agir ( dit- il ) et
» de surmonter une difficulté considera-
» ble , avancent bien mieux que de sim
ples exemples . » L'application de ce
principe au sujet dont il s'agit , n'est pas
des plus claires. On sçait qu'il y a bien
des occasions de souffrir des grossieretez ,
de l'impolitesse ; mais il n'est pas aisé de
deviner
ce que l'Auteur entend
Occasions fréquentes d'agir , et par cette
difficulté considerable qu'il faudra sur-
-·
par ces
monter
2566 MERCURE DE FRANCE
monter , dont il tire plus d'avancement
pour la politesse , que des simples exemples
; c'est une Enigme un peu obscure ,
dont il faut attendre de lui - même l'explication
, s'il juge à propos de la donner.
Je doute que tout le monde soit de son
sentiment, lorsqu'il avance qu'il n'y a pas
tant à profiter des exemples de politesse que
nous donnent les femmes , que de la necessité
où nous sommes d'en avoir beaucoup à leur
égard. La difficulté consiste à sçavoir si
la necessité d'être poli avec les Dames
rendra un homme effectivement plus poli,
que tous les exemples de politesse qu'elles
peuvent lui donner. Je comprens que
la necessité l'obligera de s'étudier avec
soin à être poli ; mais son étude sera vaine,
et il n'y fera aucun progrès , s'il n'a d'excellens
modeles pour se former. Comme
dit fort bien l'Auteur : La politesse est
une chose d'experience et d'usage ; or dans
toutes les choses d'experience et d'usage,
il faut necessairement avoir devant lesyeux
quelque modele qui guide et qui
dirige , sans quoi on n'y réussiroit jamais
et on n'y comprendroit rien . En genrede
politesse où trouvera- t'on des modeles
plus accomplis que chez les Dames ?
Mais je laisse cette discussion aux personnes
du monde qui sont plus au fair
de
NOVEMBRE . 1731. 2567
de ce qui les concerne , et je finis par
l'Observation suivante .
›
L'Auteur , après avoir dit que la réputation
d'homme poli attire tout ensemble l'estime
et l'amour , semble dans la suite se
rétracter. Il distingue trois sortes de mérites
: le mérite estimable , le mérite aimable ,
le mérite agréable. Et il ajoûte : le mérite
agréable est proprement celui de la politesse
Ce qui donne à entendre que le propre
mérite de la politesse n'est pas tant d'attirer
l'estime et l'amour , que de paroître
agréable. Ne fera- t'on pas mieux de
dire que ces trois mérites conviennent
proprement à la politesse ? Par son air
noble elle est estimable , par sa douceur
et sa complaisance elle est aimable , par
ses manieres aisées , fines , délicates , elle
est agréable.
Si pour se déclarer amateur de la jusresse
et de la sincerité , ennemi du déguisement
, de la dissimulation , de la
flaterie , on encouroit necessairement le
blâme d'impolitesse , j'aurois tout à crain
dre de ce côté- là . Je m'abandonne au jugement
du Public , et sans me flater ni
prévenir ses suffrages , je crois lui devoir
la justice de penser qu'il me sera favorable
dans le parti que j'embrasse , et j'espere
qu'en consideration de la bonté de
ina
ا ی ک
2568 MERCURE DE FRANCE
ma cause, il me fera grace, si je ne l'ai pas
deffendue avec assez d'agrément et de
plaisir. Je suis , Monsieur , &c.
Fermer
Résumé : LETTRE de M. Simonnet d'Heurgeville, au sujet des Réflexions sur la Politesse, publiées dans le II . Volume du Mercure de Juin dernier.
M. Simonnet d'Heurgeville critique les Réflexions sur la Politesse publiées dans le Mercure de Juin, estimant qu'elles autorisent des dérèglements contraires au bon ordre et au bien de la société. Il reconnaît que la politesse est une matière délicate et que les réflexions, bien que souvent judicieuses, ne le sont pas toujours. L'auteur des Réflexions définit la politesse par un air, une façon et une manière de parler et d'agir qui plaît, noble, aisée, fine et délicate. M. Simonnet conteste cette définition exclusive, arguant qu'un homme obligeant, serviable, complaisant et civil peut également être poli, même s'il manque du 'sublime' de la politesse. Il distingue deux types de politesse : positive (faire et dire des choses polies) et négative (ne rien faire et ne rien dire d'impoli). Selon lui, un honnête homme, bien que peut-être impoli au sens positif, est poli au sens négatif et possède une grande partie de la politesse qui consiste à souffrir l'impolitesse des autres. M. Simonnet critique également l'idée que la politesse nécessite du déguisement et de l'adulation, et qu'elle exclut la sincérité. Il argue que la sincérité, bien encadrée, n'est pas incompatible avec la politesse. Il conclut que la politesse véritable doit tempérer les rigueurs de la sincérité et la faire apparaître avec grâce et noblesse, sans nécessiter de feinte ou de dissimulation. Le texte, daté de novembre 1731, discute de la politesse et de la flatterie, qualifiant cette dernière de 'honteuse bassesse' incompatible avec la véritable politesse. La politesse est décrite comme un art permettant de gérer l'orgueil et la vanité sans les alimenter. Elle doit être utilisée pour blâmer ou reprendre avec délicatesse et adresse, afin de ne pas offenser. L'auteur conteste certaines méthodes proposées pour perfectionner la politesse, notamment l'idée de fréquenter des gens impolis pour mieux apprécier la politesse. Il souligne que le mauvais exemple corrompt plus facilement que le bon exemple ne redresse. Le texte aborde également la question des modèles de politesse, suggérant que les femmes offrent des exemples accomplis en la matière. Il distingue trois types de mérites associés à la politesse : estimable, aimable et agréable, et conclut en se déclarant amateur de justice et de sincérité, tout en espérant la faveur du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 213-214
MORTS.
Début :
Messire François-Jérôme de Montigny, ci devant Doyen & Vicaire Général de l'Eglise [...]
Mots clefs :
Doyen, Vicaire, Abbaye, Prêtre, Noble, Dame, Veuve, Décès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORTS.
Meffire François-Jerôme de Montigny , ci devant
Doyen & Vicaire Général de l'Eglife de Chartres ,
Abbé Commendataire de l'Abbaye Royale d'Igny,
Ordre de Citeaux , Diocèle de Rheims , eft mort
dans fon Abbaye les Octobre , âgé de 68 ans.
Le Pere Simplicien , de l'Ordre des Auguſtins
réformés de la Congrégation de France , connu
par fon Hiftoire Généalogique des Maiſons Souveraines
& des Grands Officiers de la Couronne ,
mourut à Paris le ro , dans la foixante- feizieme
année de fon âge.
Meffire Pierre Richadei , Noble Vénitien de la
Ville de Brefce en Lombardie , eft mort en odeur
de Sainteté le 8 , dans l'Hôpital de la Charité ,
âgé de foixante neuf ans. Il avoit confacré les
trente dernieres années de fa vie au ſervice des
Pauvres dans les Hôpitaux & dans les prifons de
cette Ville . Son humilité , fa mortification , fa
conftance dans les fonctions les plus pénibles de
la Charité Chrétienne , ont rendu fa mémoire
précieuſe , & le Peuple en courant en foule autour
de fon cercueil , a manifefté l'admiration
que les vertus lui avoient infpirée.
Dame Magdeleine de Lys , Veuve de Richard
Talbot , Comte de Tyrconnell , Pair du Royaume.
d'Irlande , Maréchal des Camps & Armées du
Roi , ci-devant Miniftre Plénipotentiaire de Sa
Majesté auprès du Roi de Pruffe , mourut à Paris
le 19 Octobre , dans la trente - quatrième année
de fon âge.
214 MERCURE DE FRANCE.
Dame Marie de la Tour Taxis , Veuve de
Meffire Edme Sainlon , Ecuyer , Confeiller Secrétaire
du Roi , Maiſon , Couronne de France &
de fes Finances , eft morte à Paris le 24 Octobre.
Meffire François-Jerôme de Montigny , ci devant
Doyen & Vicaire Général de l'Eglife de Chartres ,
Abbé Commendataire de l'Abbaye Royale d'Igny,
Ordre de Citeaux , Diocèle de Rheims , eft mort
dans fon Abbaye les Octobre , âgé de 68 ans.
Le Pere Simplicien , de l'Ordre des Auguſtins
réformés de la Congrégation de France , connu
par fon Hiftoire Généalogique des Maiſons Souveraines
& des Grands Officiers de la Couronne ,
mourut à Paris le ro , dans la foixante- feizieme
année de fon âge.
Meffire Pierre Richadei , Noble Vénitien de la
Ville de Brefce en Lombardie , eft mort en odeur
de Sainteté le 8 , dans l'Hôpital de la Charité ,
âgé de foixante neuf ans. Il avoit confacré les
trente dernieres années de fa vie au ſervice des
Pauvres dans les Hôpitaux & dans les prifons de
cette Ville . Son humilité , fa mortification , fa
conftance dans les fonctions les plus pénibles de
la Charité Chrétienne , ont rendu fa mémoire
précieuſe , & le Peuple en courant en foule autour
de fon cercueil , a manifefté l'admiration
que les vertus lui avoient infpirée.
Dame Magdeleine de Lys , Veuve de Richard
Talbot , Comte de Tyrconnell , Pair du Royaume.
d'Irlande , Maréchal des Camps & Armées du
Roi , ci-devant Miniftre Plénipotentiaire de Sa
Majesté auprès du Roi de Pruffe , mourut à Paris
le 19 Octobre , dans la trente - quatrième année
de fon âge.
214 MERCURE DE FRANCE.
Dame Marie de la Tour Taxis , Veuve de
Meffire Edme Sainlon , Ecuyer , Confeiller Secrétaire
du Roi , Maiſon , Couronne de France &
de fes Finances , eft morte à Paris le 24 Octobre.
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Résumé : MORTS.
En octobre, plusieurs personnalités notables sont décédées. François-Jerôme de Montigny, Doyen et Vicaire Général de l'Église de Chartres et Abbé Commendataire de l'Abbaye Royale d'Igny, est mort dans son abbaye à l'âge de 68 ans. Le Père Simplicien, membre de l'Ordre des Augustins réformés et auteur de l'Histoire Généalogique des Maisons Souveraines et des Grands Officiers de la Couronne, est décédé à Paris à 62 ans. Pierre Richadei, un noble vénitien de Brescia, a trouvé la mort à 69 ans à l'Hôpital de la Charité après avoir dédié 30 ans au service des pauvres, gagnant ainsi l'admiration du peuple pour son humilité et ses vertus. Magdeleine de Lys, veuve de Richard Talbot, Comte de Tyrconnell et Maréchal des Camps et Armées du Roi, est morte à Paris à 34 ans. Marie de la Tour Taxis, veuve d'Edme Sainlon, Ecuyer et Conseiller Secrétaire du Roi, est également décédée à Paris à la fin du mois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 63-64
VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
Début :
EMULE & digne Successeur [...]
Mots clefs :
Digne, Noble, Mausolée, Poète, Louis, Parnasse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
VERS fur le Maufolée que S. M. a ordonné
d'ériger à feu M. DE CRÉ-
BILLON dans l'Eglife de S. Gervais.
EMULE & digne Succeffeur
Des Racines & des Corneilles ,
Qui , d'un genre nouveau devenu Créateur ,
Sçus r'élever à la hauteur
De leurs plus fublimes merveilles ,
Sans être leur Imitateur :
Du fombre défefpoir , de la pâle terreur
Sûr Oracle , fièr interpréte >
Dont la mâle éloquence & la noble chaleur ,
En charmant nos efprits les pénétrent d'horreur :
64 MERCURE DE FRANCE .
Auffi bon Citoyen que célébre Poëte ,
Dont la Société regrette
Le caractère égal & l'aimable douceur ;
Sage Ecrivain , Docte Cenfeur ,
CRÉBILLON , que ton fort devient digne d'en
vie !
Tandis que couverte de deuil ,
Melpomène, des Dieux du Théâtre fuivie ,
C De larmes baigne ton cercueil ; 1
Louis d'un feul regard te rappelle à la vie.
Ce bienfaifant Monarque, en éffuyant les pleurs
De Melpomène déſolée ,
Par la plus rare des faveurs
Te fait dreffer lui- même un riche Mauſolée .
La Sageffe fourit à ce noble projet ;
La Patrie applaudit ; tout le Parnaſſe ad nire ;
Le faux zéle pâlit & murmure en fecret ;
L'envie en frémiſſant ſoupire ,
Et n'admire qu'à regret
L'éclat du Bienfaiteur , & celui du Bienfait.
Par M, l'Abbé DANGERVILLE ;
d'ériger à feu M. DE CRÉ-
BILLON dans l'Eglife de S. Gervais.
EMULE & digne Succeffeur
Des Racines & des Corneilles ,
Qui , d'un genre nouveau devenu Créateur ,
Sçus r'élever à la hauteur
De leurs plus fublimes merveilles ,
Sans être leur Imitateur :
Du fombre défefpoir , de la pâle terreur
Sûr Oracle , fièr interpréte >
Dont la mâle éloquence & la noble chaleur ,
En charmant nos efprits les pénétrent d'horreur :
64 MERCURE DE FRANCE .
Auffi bon Citoyen que célébre Poëte ,
Dont la Société regrette
Le caractère égal & l'aimable douceur ;
Sage Ecrivain , Docte Cenfeur ,
CRÉBILLON , que ton fort devient digne d'en
vie !
Tandis que couverte de deuil ,
Melpomène, des Dieux du Théâtre fuivie ,
C De larmes baigne ton cercueil ; 1
Louis d'un feul regard te rappelle à la vie.
Ce bienfaifant Monarque, en éffuyant les pleurs
De Melpomène déſolée ,
Par la plus rare des faveurs
Te fait dreffer lui- même un riche Mauſolée .
La Sageffe fourit à ce noble projet ;
La Patrie applaudit ; tout le Parnaſſe ad nire ;
Le faux zéle pâlit & murmure en fecret ;
L'envie en frémiſſant ſoupire ,
Et n'admire qu'à regret
L'éclat du Bienfaiteur , & celui du Bienfait.
Par M, l'Abbé DANGERVILLE ;
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Résumé : VERS sur le Mausolée que S. M. a ordonné d'ériger à feu M. DE CRÉBILLON dans l'Eglise de S. Gervais.
L'éloge funèbre en vers est dédié à Prosper Jolyot de Crébillon, un dramaturge français renommé. Il est comparé à Racine et Corneille pour sa capacité à créer des œuvres originales et sublimes sans les imiter. Crébillon est également loué pour son talent à exprimer le désespoir et la terreur de manière éloquente. En tant que citoyen, il est apprécié pour son caractère égal et sa douceur. La Société regrette profondément sa perte. Melpomène, la muse de la tragédie, pleure sa mort. Le roi Louis XIV, par un geste de bienveillance, ordonne l'érection d'un mausolée en son honneur dans l'église Saint-Gervais. Cette décision est saluée par la sagesse, la patrie et le Parnasse, tandis que l'envie et le faux zèle réagissent avec regret et murmures. L'auteur de ce texte est l'abbé Dangerville.
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