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p. 185-325
Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Début :
Je viens au détail du Voyage de Mr le Chevalier [...]
Mots clefs :
Roi, Chevalier de Chaumont, Siam, Ambassadeur, Hollandais, Mandarins, Eau, Roi de Siam, Terre, Vaisseau, Pays, Banten, Bord, Canon, Tigre, Mer, Rivière, Batavia, Maisons, Côte, Royaume, Constance, Abbé, Vaisseaux, Cap, Général, Gouverneur, Loge, France, Pagode, Frégate, Malades, Europe, Indes, Siamois, Ballon, Alexandre de Chaumont
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texteReconnaissance textuelle : Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Je viensau détail du VoyaJ.
ge de Mr le Chevalier
de Chaumont. Sa Majesté
l'ayant nommé son Ambasfadeur
vers leRoy de Siam.
Il se rendit à Brest avec Mr
l'Abbé de Choisy, sur la fin
de Fevrier de l'année der-
,
niere, & ils s'embarquerent
dans un des Vaisseaux du
Roy,appellél'Oiseau. Mrde
Vaudricourt qui le commandoit
fit mettreà la Voile
le3. de Mars & partit de
Brest avec la Fregate la Maligne,
commandéepar Mr de v
Joyeux. Le vent leur fut toû-
« jours assez favorable, ôc :
comme il y avoit dans le !
Vaisseaudes Millionnaires&
six Jesuites, ce n'estoit tous
les jours qu'Exercices de
pieté, & l'on y vivoitavec
la mesme regularité que
dans unConvent.Ilss'appliquoient
tour à tour à faire
des Exhortations à tout
Equipage. On disoit lar
Messe, on chantoitVespres,
& on passa fort heureufenent
la Ligne le 6. d'Aril
sans souffrir beaucoup
le lachaleur. Ce fut alors
su'il fut question de faire ce
u'on appelle la Ceremonie
u Bàptesme. Ceux qui n'ont
mais passé la Ligne, sont obligez
de souffrir qu'on leur
jette sur le corps certain
nombre de seaux d'eau, à
moins qu'ils ne donnent
quelque argent pour racheter
cette peine. Il n'y a personne
qui puisse s'en exempter
, de quelque condition
quel'on puisse estre, & on
fait jurer tout le monde sur
le Livre des Evangiles, pour
sçavoir si on a fait ce passage.
Mr le Chevalier de Chaumont
ne voulut point endurer
que l'on jurast sur les Evangiles.
Il fit faire ce Serment
sur une Mapemonde,
& mit de l'argent dans un
bassin
, ce que firent après
luy toutes les personnes considerables
du Vaisseau, pour
s'épargner la Ceremonie. La
somme montaà soixanteescus
quifurent distribuezaux
Matelots. Le reste de la traversée
fut tres heureux jusquesau
Cap de bonne Esperance.
On y arriva le 31. de
May,&l'on y receut les Saluts
ordinaires de quatre
Vaisseaux Hollandoisqu'on
y trouva. Ils portoient a Batavia
le Commissaire Generalde
laCompagnie des IiW
des
, avec Mr de S. Martin
François, Major Général.
M. le Chevalier de Chaumonts'arresta
sept jours à
ce Cap afin d'yfaire de l'eau,
& de prendre desrafraichisfemens.
Le Gouverneur qui
eA Hollandois
,
luy en envoya
de toutes fortes, aprés
l'avoir fait complimenter
par le Neveu&par le Secretaire
du Commissaire. Tous:
ceux du Vaisseau mirent pied
a, ~erre lIes urns a,près 1lesautres.
Ils'en trouva quelquesuns
qui estoient malades d&
Scorbut, & ils furent gueris
en quatre jours. La Forteresse
que les Hollandais ont.
fait bastir en ce lieu là
,
est
toute revestuë de pierres,
&a quatre bastions. Elle n'a.
point de fossez, mais elleest
Ilterès- bien garnie de Canon, Havre est fort seur
,
ôc
peut contenirungrand nom- bre de Vaisseaux. Il y a déja
quantité de Maisons qui forment
une espece de Ville.
^Cequ'ilya de plus remar-
,
quable est un Jardin fort
grand & fort spacieux avec
des allées à perte de veuë.
On y a planté tout cequ'il
ya de bons fruits en Europe
& dans les Indes. Les uns
sont d'un costé,les autres de
l'autre
,
& tous y viennent
fort bien. Celuy qui a foin
de ce beau Jardinest unFrançoisqui
est grand Seigneur
en ce Pays-là. Il reconnut
Mr le Chevalier de Chaumont,
qu'il avoit veu chez
Monsieur
, ou il avoit esté
Jardinier.
La terre que les Hollandoisoccupenr,
a esté achetée
d'un petit Roy du Pays, pour
des bagatelles de l'Europe.
Plus on avance en s'éloignant
gnant de la Mer, plus elle
est bonne & fertile, &sur
tout la Chasse y en merveilleuse
; mais on y doit craindre
les Bestes farouches,
comme Lyons,Tygres,Elephans,
& autres. Ces belles
s'écartent à mesure que le
Pays se découvre, & qu'on
y fair de nouvelles habitations.
Les Hollandoisont
déjàcommencé d'en faire
en plusieurs endroits. Pendant
le séjour de Mr l'Ambassadeurau
Cap, deux d'enreeuxestantallezàla
Chase
furent rencontrez & attaquez
par un Tigre. Il le
jetta sur l'un de ces Hollandois,
l'autrele tira & le blessa.
Le Tigre tout en fureur
vint à celuy qui l'avoir blessé,
& il l'auroit devoré sans
doute, si son Camarade qu'il
avoit jetté par terre, ne Ce
fust promptement relevé
pour tirer aussi son coup. Il
le tira si heureusement qu'il
cassa la teste au Tigre. On
l'apporta pour le faire voir.
Il estoit d'une grandeur effroyable.
On mit le Blessé à
un Hospital, qui est là tresbien
fondé, & oùl'on est
rtraité avec tous les soins imaginables.
Tous les Vaisseaux
Hollandois qui viennent
d'Europe, & ceux qui s'yen
retournent, laissent leurs
Malades en ce lieu là
,
& ils
y recouvrent incontinent
leur santé
,
l'air & les eaux
estant admirables.
Les Habitans y sont doux,
assez bien faisans, & il n'est
pas difficile de s'accommoier
de leurs manieres, mais
Ils sont laids, mal-faits, de
petite taille,& ont plus de
rapport à la façon de vivre
les bestes qu'à celle des hommes.
Leurvisageest tout ridé,
ils ont les cheveux remplis
de graisse
;
& comme ils
se frottent le corps d'huile
de Baleine,& qu'ilsne mangent
que de lachaircruë,ils
sont si puans qu'on les sent
de loin. Ils ne mangentleur
Betail que lorsqu'il est mort
de maladie
,
& ce leur est
un fort grand ragoust qu'une
Baleine morte ,
jettée par la
Mer sur le rivage, ou les
tri pes chaudes d'une Bê-
-
te. Ils les secoüent fort legerement
,
& les mangent
avec les ordures
,
aprés en
avoir osté les excremens,
dont quelques-uns se servent
pour se froter le visage. On
leur - a donné le nom de Cafres,&
les hommes &les femmes
n'ont qu'une peau coupée
en triangle pour se couvrir
ce que la nature apprend
à cacher. Ils se l'attachent
avec une ceintire de cuir au
milieu du corps. Quelquesuns
se couvrent les hanches
d'une peau de Boeuf ou de
Lyon. D'autres portent une
peau qui leur descend depuis
les épaules jusque sur les
hanches,& plusieurs se dé-
coupent le visage3 les bras:
& lescuisses
, & achevent
de se défigurer parlescaracteres
étranges qu'ilsy font.
LesFemmes portent aux bras
& aux jambes des Cercles de
fer ou de cuivre, que les Etrangers
troquent avec elles
toujours à leur avantage. Ils
demeurentende petites hûtes
où ils vivent avec leur
bétail fous un mesme couvert.
Ils n'ont ny lit,nysieges,
ny meubles, & s'asseient
sur leurs talons pous se reposer.
Ils nevont vers la Mer
,
que lors qu'ils sçaventqu'il
est arrivé quelque Navire,
& qu'ils peuvent troquer
leur betail. Ils ont aussides
peaux de Lyon, de Boeuf, de
Leopard, & de Tigre, qu'ils
donnent pour des Miroirs,
des Couteaux
,
des Cloux,
des Marteaux,des Haches,
& autres vieilles ferrailles..
Il est malaisé de découvrir
l'estat du Païs au dedans, ôc
les richesses qu'on y peut
trouver,àcause que les GouverneurHollandoisont
fait
faire ferment à tous ceux
qu'ils ont menez avant dans
les Terres, de n'en reveleraucune
chose,On a sçeud'un
Homme quia demeurelongtemps
dans la Forteresse que
depuis quelques années le
Gouverneur avoir esté avec
bonne escorte à plus de deux
cens cinquante lieuës pour
faire la découverte du Pays;
qu'ilavoir trouvé par tout
des Peu ples traitables, ôc
assezbienfaits, les Terres
fort bonnes & ca pables de
-
toute sorte de cu lture, ôc
qu'il y avoit ~desMi d'or,
de fer, & d'une espece de
cuivre où il entroit une septiéme
partie d'or. Onles
trouva chantans & dançans
& ilsavoient des manieres
de Flustes qui estoient sans
trous. Elles estoient creuses,
& une espece de coulisse
-
qu'ils haussoient ou baissoient
avec leurs doigts, faisoit
la diference des tons.
Ce Gouverneur avoit esté
conduit par un Cafre, & ce
Cafre ayant aperçeu deux
hommes de grande taille fqouri.s ven.oien,t à eux, s écria
alarmé
y
qu'ils estoient
perdus, & qu'il voyoit les
deux plus grands Magiciens
du Pays. Le Gouverneur
4
répondit qu'il estoit encore
plus grand Magicien qu'eux,
& qu'il ne s'étonnait point.
Les pretendus Magiciens s'étant
avancez, il sir aporter
un verre remply d'eau de
vie.On y mit le feu,& il lavala.
Ces Malheureux furent si
épouvantez d'un pareil prodige,
qu'ils prirent le Gouverneur
pour un Dieu, & Ce
mirent à genoux pour luy
demander la vie. Les Hollandois
ont fait un nouvel
établissèment au Cap. Il est
au bord de la Mer; mais ils.
le tiennent secret, ne vouIant
pas que les autres Nations
quiviennent s'y rafraischir,
en ayent connoissance.
Ce Cap est l'extremité de la
terre ferme d'Afrique, qui
avance dans la Mer vers le
Sud, à trente-six degrez au
delà de la Ligne.Cette extremité
de terre fut nommée
Cabo de Boa Speranza
, par
Jean II. Roy de Portugal,
fous lequel Barthélémy Dias
la découvriten1493 Ce Prince
la fit appeller ainsi à cause
qu'il esperoit découvrir
en fuite les richesses des Indes
Orientales, & les autres
Nations luy ont confirmé,
ce nom, parce qu a près que
l'ona doubléle Cap, quiest,
presque en distance égale de
deux mille cinq cens lieuës,
entre l'Europe & la Coste la
plus Orientale desIndes,on
a toute forte d'esperance de
pouvoirachever ce grand
Voyage.
Les Malades estant guéris
-' on fit du bois& de l'eau, on
acheta toutes les provisions
que l'onjugea necessaires
- pour aller à Batavia,& l'on
remit à laVoile le 7. de Juin,
après les Saluts donnez &
rendus de part & d'autre
comme onavaitfait en arrivant.
Cette seconde traver- senefut pas si douce que
la premiere. Les vents furent
violens,& la tempeste separa
la Fregate la Maligne du
Vaisseau de Mr l'Ambassadeur
,sans quelle pust le rejoindre
qu'auprés de Batavia.
Le 5. de Juilleton découvrit
l'Isle de Java,
-
& le 16. on
moüilla prés de Bantam. La
longueur del'Isle de Java est
de cent cinquante lieuës,
mais on n'a pas encore bien
sceu quelle est sa largeur.
C'est ce qui a fait croire à
quelques uns quecen'estoit
pas une Ble; mais qu'elle faisoit
partie du Continent que
l'on connoist fous le nom de
terre Australe au près du Détroit
de Magellanes. Les Habitans
pretendent que leurs
Predecesseurs estoient Chinois,&
que ne pouvant sousfrir
la trop severe domination
du Roy de la Chine, ils
passerent dans l'Isle de Java.
Ontrouveeneffet que les Ja- 1
vansontle front& les. machoires
larges,& les yeux pe- l
tits comme lesChinois. Il n'y t
àpresquepoint de Ville dans
Java qui n'ait son Roy, &
tous ces Rois obeissoient autrefoisà
un Empereur mais
depuis environ quatre-vingt
ans,ils ont aboly cette Souveraineté
,
& chacun d'eux
est indépendant. Celuy de
Bantam est le plus puissant.
de tous. La Ville qui porte ce
nom, estau pied d'une Montagne
de laquelle sortent
trois Rivieres,dont l'une traverse
Bantam
,
& les deux
autres lavent ses murailles y
mais elles ont si peu d'eau.
qu'aucune des trois n'est lia.
vigable.LesHollandois sont
maistres de cette Place depuis
peu d'années. Le Roy
de Bantam ayant cedé le
Royaume à son Fils, ce Fils
maltraita d'abord tous ceux
qui avoient esté considerez
de son Pere. Le vieux Roy
l'ayant appris luy en fit faire
des reprimandes, & le Fils
pour s'en vanger, fit massacrer
tous ces malheureux. Ce
différentalluma la guerre
entre le Pere & le Fils, & ce
dernier fut chassé. Dans cette
disgrace
,
il demanda du
secours aux Hollandois qui
le rétablirent & mirent le
vieux Roy dans une Prison
où ils le tiennent encore.
Tout se faitaunom du jeune
Roy
,
qui ay ant une grosse
GardeHollandoisetoujours
avec luy pour l'observer, n'a
pc pouvoirqu'autant que les
Hollandoisluy en laissent.
Le Vaisseau de Mrl'Ambassadeurn'entra
point dans le
Havre de Bantam, mais on
le laissa pas de prendre tous
es rafraichissemens. dont on
ut besoin
,
& ils furent apportez
à bord par ceux du
Pays. - -¡"., -,,-'-'f.
Le 18. on arriva devant Batavia
,
où l'on demeura sept
jours pour soulager les Malades
que l'on mit à terre.
Cette Ville est située à douze
lieuës de Bantam
, vers le
Levant dans une Baye
,
qui
estant couverte de quelques
petites Isles du costé de la
Mer, fait une des plus belles
rades de toutes les Indes.
Ce n'estoit d'abord qu'une
Loge que les Hollandois avoient
à Jacatra
,
& que le
Roy de ce nom leur avoir:
permis de bastir à causedes
avantages qu'il tiroit du de j
bit des Epiceries qu'ils y venoient
acheter. Le Roy de
Bantam leur avoit aussi permis
de bastir une Maison ou
Loge dans son Royaume,
pour y laisser les Facteurs qui
devoient veiller à la conservation
des Marchandises
dont ils trafiquoient. La
mesme permission avoit esté :
donnée aux Anglois, malgré
la repugnance qu'avoient les
Javans de souffrir aucun établissement
aux Estrangers
dans leur Isle, par lacrainte:
où ils estoient qu'ils ne les
traitassentavecla mesme rugueur
que les Portugais avoient
exercée contre les
Rois Indiens qui les avoient
receus chez eux. Les Traitez
que les Hollandois avoient
faits avec ceux de Jacatra &
de Bantam
,
regloient les
Droits d'Entrée &de Sorcier
mais comme ils haussoient
ces Droits àmesurequ'ils
voyoient que le Commerce
devenoit necessaire aux Etrangers,
la mauvaise foy
qu'ils eurent
5
obligea les
Hollandois à fortifier peu à
peu leur Loge de
-
Jacatra,
pour se mettre à couvert de I
la violence que leur pourroient
faire les Barbares
quand ils voudroient se
mettre à couvert de ces injustices.
LesIndiensnes'en
apperçeurent que lors que
la Loge futen estar de desense,
& ne pouvant plus se
décharger des Hollandois
par laforcey ils se servirent
de l'occasion de la mauvaise
ntelligence où ils les virent
Lvec les Anglois, & quiéclaa
principalement batNaval au Com- qui se donna entre
ux le 2. Janvier 1619. entre
acatra & Bantam. LaFlote
Angloise qui estoit d'onze
Ramberges
,
maltraita la
Hollandonise j , qui n'estoit,
composée que de sept Navires.
LesHollandoiss'étantretirez,
le Roy de Jacatra assiegea
leur Fort, auquel ils avoientdonné
le nom de Batavia.
Il se servit des Troupes
Angloises,qui après un Siege
de sixmois,furent contraintes
de l'ab andonnerles Hollandois
ayant renforce leur Flote,
des Navires qu'ils avoient
dans les Moluques. Le Roy
de Jacatrarejetta inutilement
sur lesAnglois la cause de ces
desordres, Le General Hollandois
se paya point de ces
excuses; Il fit débarquer ses
gens au nombre d'onze cens
hommes, attaqua la Ville de
Jacatray la prit de force, &
y fit mettre le feu. Aprés ce
succez,les Hollandoisacheverent
les Fortifications de
leur Loge, & en firent une
Place reguliere, à quatre Bâstionsrevestus
de pierre,bien
fossoyée&palissadée avec
ses demy-lunes, redoutes, ôc
autres Ouvrages. Le Royde
Matran
,
quiestoitcomme
l'Empereur de toute rIfle..
assiegea le Fort en 1628.& s'étant
logé fous le Canon, fit
donner plusieurs assauts à la
Place, mais il fut enfin contraint
de lever le Siege, aussibien
que l'année suivante,
& depuiscetemps là les Hollandois
y akr- étably leur
-
commerceavec lesChinois,
Japonois, Siamois, & autres
Peuples Voisins
,
se failanc
payer dix pour cent pour les
droits de laTraite-Foraine,
de toutes les Marchandises
qui s'y débitent. Ils sont
maistres de toute la Canelle
&du Clou deGirofle quiest
dans I
dans le monde,&envoyent
tous les deux ans un Vaisseau.
au Japon; mais ils n'ont presque
point de liberté en ce
lieu là. Si-tost queleurs Vaiffeaux
y sont arrivez, on 1.
prend leurs Voiles, leurs Agrés,
& tous lesMasts qu'on
met ians unMagasin &
quelque
tempsqu'il
puisse
Faire,on les oblige à partir au
OUI; qui leur est marqué.
Le Directeur du Comptoir
l'y peut estre que trois ans. 1
^.infi il y en a toujours trois,
'un quiva,l'autre qui revient,
( le dernier qui demeure.
On ne souffre point qu'ils
aillent dans le Pays, mais Us?
en rapportent tantde riches
ses, qu'ilssesoûmettent sans
peine à ce qu'on exige d'eux.
Le General Hollandois qui ij
està Batavia,n'est pas moins
puissant qu'un Roy. Quoy
qu'on ne l'élise General que 3
pour trois ans, l'élection se 5
confirme
,
& il est toujours 2
continué. Il a une Garde à i
pied & à cheval. Ses apoin- -
temens sont de quarre mille
francs par mois, & il prend h
tout ce qu'il veut dans les
Magasins sans rendre comp- -
se de rien. Il y a six Conseillers
ordinaires qui font toules
choses
,
& quand il en
meurt quelqu'un,c'est luy
qui luy nomme un Succes-
,- seur fous le bon plaisir de la
Compagnie.Son choix en elt
toujoursapprouve. Il yaaussi
des Conseillers extraordinaires
,mais quand on prend
leurs avis, on ne compte
point leurs voix, si ce n'est
sqeuil'lielrms anque un des six Conordinaires.
Ils sont
tous logez dans la Forteresse.
La Compagnie a dans ce
Pays-là plus de deux cens
Vaisseaux qui font tout le tra- 1 fie de l'Orient.Ondit que
les Hollandois y peuvent l
faireune armée de plus, de
cinquanteVaisseauxdeGuer- '-
re. Ils ont six Gouyernemens
Généraux, desquels dépendent
tous les Gouvernemens
particuliers de leurs Places,
& par consequent tous les
Comptoirs & Loges qu'ils
ont la en tresgrand nombre,
& dans tous les lieux où ils
croyent pouvoir trafiquer.
Mr l'Ambassadeur receut
toutes les honnestetez possibles
de ce General des Hbllandois,
quil'envoya visiter
à bord 7 j , &luy -Et porter toutes
fortes de rafraichissemens.
Quoy qu'il se fust excusé
de sortir de sonVaisseau,
comme il l'en, avoir fait
prier, il ne laissa pas de defcendre
à terre Incognito, ôc
d'aller voir les beaurez de
Batavia. Après avoir donné
quelques jours aux Malades
que l'air de la terre guerit en
fort peu de tem ps, il resolut
de poursuivre son Voyage;
mais comme aucun des Pilotes
n'avoit esté à Siam, il en
prit un du Payspour passer
le Détroit de Banca qui est
dangereux. Ce fut là que la
Fregate la Maligne le rejoignit
, ce qui fut à tous un
fort grand sujet de joye. Peu
de jours aprés, Mr d'Arbouville
Gentilhomme de Normandie
,mourut dans cette
Fregate, & il fut jetté à la.
Mer avec les ceremonies ordinaires
dans ces-tristes occa
fions. Les deux Mandarins
que l'on remenoit de France
à Siam
,
n'avoient sorty que
deux fois du trou où ils s'etoient
mis dans le Vaisseau
pendant tout y ce long Voyage
,
mais lors que l'on commença
a voirdeshommes
noirs vers ce Détroitde Banca,
ils monterentsur letillac,
& donnerent de grandes
marques de joye.
Le 3. de Septembre on repassa
la Ligne, & enfin le 14.
du mesme mois on moüilla
à la Barre de la Riviere de
Siam, qui est une des plus
grandes de toutes les Indes.
On l'appelle Menam, c'est à
dire, Mere des Eaux Elle
n'est pas bien. large , mais
elle est si longue, qu'on dit
qu'on n'a pû encore monter
jusqu'a sa source. Son cours
est du Nord au Sud.Elle f
passe par les Royaumes de
Pegu & d'Auva, & en suite
parceluy de Siam. Elle a
cela de commun avec le Nil,
qu'elle se déborde tous les
ans, & couvre la terre pen
dant quatremois. En s'en
retirant, elle y laisse un limonquiluy
donne lagraisse
& l'humidité dont elle a be.
foin pour la production du
Ris. Elle se dégorge dans le
Golse de Siam par trois grandes
embouchures, dont la
plus commode pour les Navires
& pour les Barques est
la plus orientale, mais ce qui
la rend presque inutile,c'est
uu Banc de sable d'une lieuë
d'étenduë, qui est vis-à-vis
de laRiviere,& qui n'a que
cinq ou six pieds d'eau avec
la basse Marée.Lahaute y
en amene jusqu'à quinze ou
seize; maiscen'e st pasassez
pour les grandsNavires qui
demeurent ordinairement à
la rade à deux lieuës de ce
Banc. Ils y sont en seureté,
& ont en tout temps six
brasses d'eau.Ainsi le Vaisseau
de Mrl'Ambassideur
demeura à cette rade, & la
Fregate qui prenoit moins
d'eau, passa sur le Banc avec
la Marée. Quand on l'apafsé
on peut entrer dans la Riviere
jusques à BancoK, qui
est une Ville éloignée dela
Mer de six lieuës. Celle de
Siam en cil: à vingt-quatre,
Si-tost qu'on eut mouillé à
cette embouchure, Mr le
Chevalier de Chaumont envoya
Mr Vachet, Miffionnaire
Apostolique, qui estoit
venu en France avec les
Mandarins de Siam
,
donner
avisdeson arrivéeàMr l'Evêque
de Metellopolis. Cette
nouvelle causa une extrême
joye au Roy de Siam. Il ordonna
aussi-tost qu'on prearast
toutes choses pour saie
une magnifiquereception
L Mr l'Ambassadeur, & nomna
deux Mandarins du prenier
Ordre pour luy venir
aire com pliment à bord.
C'est ce qu'apprit MrleChevalier
de Chaumont par Mr
Evesque de Metellopolis,
qui vint à bord le 29. avec
Mrl'Abbé de Lyonne. Cét
Abbé estoit passé à Siam en
581. avec Mr l'Evesque d'Heliopolis,
dont il y a quelques 1
mois que je vous appris la
mort. Son zeleestconnue,&
l'on peut juger par là dufruit
qu'il a fait en travaillant à la
Conversion desInfidelles.Le
lendemain les deux Mandarins
vinrentsaluer Mr l'Ambassadeur.
Il les receut dans
sa Chambre
,
assis dans un
Fauteüil
,
&ils s'assirent à la
mode du Pays sur des Carreaux
qui étoiét surle Tapis
de pied. Ilsluy marquerent
1 la joy e que le Roy leur Maîtreavoit
de sonarrivée,& dirent
qu'on luy avoir donné
une agréable Nouvelle,en
luy apprenant quele Roy de
France avoit vaincu tous ses
Ennemis, & donné ensuite
la Paix à l'Europe. Cette Audience
finie, on apporta du
Thé& des Confitures,& l'on
tira neufcoups de Canon à
leur sortie du Vaisseau.
Le I. d'Octobre,MrConstanceFavory
duRoy,envoya
son Secretaire avec des rafraichissemens
en si grand
nombre, qu'il y en eut pour
nourrir tout l'Equipage pendant
quatre jours. Mr Constance
est un homme d'un
fort grand merite, qui s'est
élevé par sa vertu au porte
où il est. Il est Grec,de Mie
de Cefalonie
,
& fut pris petit
Garçon par un Vaisseau,
où il fut fait Mousse. C'est
le nom qu'on donne à de
jeunes Matelots qui fervent
les gens de l'Equipage. On
le mena en Angleterre,&
il continua le service dans
les Vaisseaux. Il passa aux Indes,&
de degré en degré, il
devint enfin Capitaine de
Vaisseau. Il alloit à la Chine,
& au Japon, où il trafiquoit
pour le compte des Marchands.
La tempesteluy
ayant fait faire naufrage à la
Coste de Siam
,
il fut contraint
de semettreau service
du Barcalon, qui est un des
six grands Officiers de ce
Royaume. Son employ consiste
dans l'administration
des Finances. Le Roy de
Siam avoit alors un grand
démeslé avec ses voisins,
touchant un compte par lequel
on pretendoit qu'il demeuroit
redevable de fort
grosses sommes Les Siamois
n'entendent pas bien l'Arithmetique.
Mr Constance de-
-
manda à examiner tous les
Papiers que le Barcalon a-
, voit entre ses mains
,
& il
rendit le compte sinet, qu'il
fit connoistre non seulement
que le Roy de
-
Siam ne devoit
rien
,
mais que l'autre
Roy luy devoit des sommes
tres -
considera bles. Vous
pouvez juger dans quellefaveur
il se mit par là. Le Barcalon
estant mort peu de
temps aprés, le Roy le prit
JL son service ,&il est presentement
tout puissant dans
cet Estat. Il n'a voulu accepter
aucune des six grandes
Charges
,
mais il est sort diffusde au
tous ceux qui les
exercent
,
& il seroit dangereux
dene luy pas obeïr. Il
parle au Roy quand il veut, -
c'est un privilege qui luyest
particulier. Laprincipalede
ces grandes Charges rend
celuy qui la possede comme
Viceroy de tout le Rovau--»
me.elleest presentement
exercée par un Vieillard pour
cjm le Roy mesme a grand
:*e{peâ.-Il est son Oncle & a"
ïsté son Tuteur. Ce Vieilard
estsourd
,
& on luy par- eparile moyen d'uniennp
homme que l'on sait entrer,
& quien criantfort haut,
luy fait entendre ce qu'il faut
qu'il sçache. C'est un homme
de tres-bon sens, & on
s'est toûjours bien trouvé de
ses avis.
Le 8. Mr l'Evesque de Metellopolis
revint à bord avec
deux Mandarins plus qualifiez
que les premiers, qui furent
receus & saluez de la
>•
mesme forte. Ils venoient j
s'informer au nom du Roy
de la santé deMrl'Ambassadeur,
& l'inviter de descendre
à terre. Aprèsqu'ils furent
sortis du Vaisseau, cet
A mbassadeur se mit dans son
Canot, & sur le soir il entra
dans la Riviere avec les per-
»
sonnes de sa fuite, qui avoient
trouvédes Bateaux du
Roy pour les amener. A l'entrée
de cette Riviere estoient
cinqBalons sortmagnifiques
que le Roy avoit envoyez
pour le conduire à Siam. Ce
sont des Bastimens faits d'un
seul arbre. Il y ena qui ont.
cent pieds de longueur, &,
qui n'en ont que huit on
neufpar le milieu,quiest
l'endroit le plus large,& dans
lequel il y auneespece de
Trône couvert. Mrl'Ambassadeur
coucha ce soirlaà
bord de la Maligne, qui étoit
entrée dansla Riviere quelques
jours auparavant.
-
Le 9. deux nouveaux Mandarins
vinrent recevoir ses
ordres. Ils estoienthabillez
comme les autres, avec une
maniere d'écharpe fort large
depuis la peinture jusqu'aux
genoux, sans estre plissée.
Elle estoit de toile peinte,
& tomboitcomme une culote
Il y avoit au bas une
bordure fort bien travaillée,
!& des deux bouts de l'écharpe,
l'un passoit entre leurs
jambes, l'autre par derriere.
- Depuislaceinturejusqu'en
haut,ilsavoient une maniere
de chemise deMousseline
assez ample, tombant par
dessus l'écharpe, & toute ouverte
par le devant. Les
manches venoient un peu
au dessous du cou de
,
& étoient
passablement larges.
~ls avoient la teste nuë
,
ôc
~stoient sans bas & sans souiers.
La plus part de leurs
~alets n'avoient que l'éharpe
& point de chemise.
Onze Bateaux arriverent dej
Siam chargez de toutes sor- ni
tes de vivres. Mr Constance j
les envoyoit de la part du j
Roy,qui luy avoit ordonné t
de faire fournir aux Equipagestoutes
leschoses dontils
auroietbesoin pour leur sub- fl
sistance,pendant leur séjour.
Mr l'Ambassadeur s'étant "a
i < -
mis dans un Balon partità *'j
sept heures du marin, & apres
avoir fait cinqlieuës,
il arriva dans une Maison
bastie de Bambous, qui est
un Bois fort leger, & couverte
de Nates assez propresm
Il y avoir plusieurs Chambres
toutes tapissées de toiles.
peintes. Les Meubles en estoient
fort riches, & tous les
Planchers estoient couverts
de tres-beauxTapis. La
Chambre deMrl'Ambassadeur
estoit meublée plus
magnifiquement que les autres.
Il y avoir un Dais de
toile d'or, un Fauteüil doré,
&un tres- beau Lit. Deux
Mandarins, & les Gouververneurs
de BancoK& de
Pipely le receurent en cette
Maison, qui avoir esté bâtie
expres, ainsique toutes les
autres-où il logea jusqu'àson
arrivée à Siam. Il fautaussi
remarquer que les Meubles 1
de toutes ces Maisons estoient
neufs, & n'avoient
jamais servy. Il y eut un
grand Repas, aussi abondant
en viandes qu'en fruits.
Apres que l'on eut disné, Mr
l'Ambassadeur se remit dans
sonBalon, & arriva le soir à
BancoK, qui est la premiere
Place du Royaume de Siam
sur la Riviere. Un Navire~
Anglois qui se trouva à la
rade, le falüa de 21. coups de
Canon, & les deux Forteresses
ses qui sont des deux costez
de cette Riviere, tirerent
l'une 31. coups de Canon &
l'autre29. Il logea dans l'une
de ces Forteresses, en unf
Maison fort bien bastie, &",
que l'on avoit richement
meublée. Il y fut traité avec
la mefime magnificence.
Il partit le 10. à huitheures
du marin, & receut des Forteresses
le mesme salut qu'à
on arrivée. Il fut complimenté
avant son départ, par
eux nouveaux Mandarins
ui l'accompagnerent avec
~us les autres,auffi- bien que
le Gouverneur de Bancok.
Il trouva de cinq lieuës enn
cinq lieuës de nouvelles
Maisons toujours tres-commodes
,& fort richement
meublées
,
& arriva le 12. à"É
deux lieues de la Ville de
Siam. Il avoit plus de cinquante
Balons à sa suite, de i
cinquante jusqu'à cent pieds
de longueur, & depuis trente
jusqu'à six-vingt Rameurs..
Ilssontassis deux sur chaque *
banc,l'un d'un costé, & l'au-
-
tre de l'autre, le visage vers 2
le lieu où ilsveulent arriver..
Leurs rames sont longues de *
quatre pieds, lapluspart dorées,&
ils fatiguét beaucou p
enramant de cette forte. Il
- faut cependant fort peu de
chose pour les contenter.On
leur donne du ris qu'ils font
cuire avecde l'eau, &quand
on y ajoûte un peu de poisson,
on leur fait grand' chere.
Dans tout ce passageon rendit
à Mr l'Ambassadeur les
mesmes honneurs que l'on
rend au Roy. Il ne demeura
pei sonne dans les Maisons,
& comme toute la Campagne
estoit a lors inondée,tout
le monde estoit prosterné
dans desBalons, ou ssir<
des monceaux de terre élevez
à fleur d'eau,& chacun
avoir les mains jointes proche
le front. Devant toutes
les Maisons & Villages, il y
avoir une espece de parapet,
élevé de sept ou huit pieds
hors de l'eau avec des nates.
C'est ce qu'ils observent lors
que leRoy passe. Ils se jettent
le ventre contre terre, & par
respect ils n' osentjetter les
yeux sur luy. J'ayoublié de
vous dire que toutes les
Maisons où Mr l'Ambassadeur
logea, estoient peintes
derouge,ce qui est particu
lier aux Maisons du Roy.
On y faisoitgarde pendant
lanuit, & ilyavoit des feux
tout autour.
Le 13. Mr m'Ambassadeur
fit prier le Roy de luy vouloir
envoyer quelque personne
de confiance avec
qui il pust s'expliquer, parce
que les manieres de recevoir
les Ambassadeurs des Roys
d'Orient
,
estoient differentes
des Ceremonies que l'on
devoit observer en recevant
un Ambassadeur du Roy de
France. Mr Constance vint
à bord le lendemain
,
& ils
convinrent ensemble de
toutes choses.
Le 15 tout le Seminaire
de Siam vint saluer Mr le
Cheualier de Chaumont. Il
y avoit plusieurs Prestres venerables
par leur grande
barbe, & quantitéde jeunes
Chinois, Japonois, Cochinchinois,
Siamois & autres,
tous en long habit, & avec
une modestietres-édisiante.
Les uns sont dans les Ordres
Sacrez,&les autres aspirent
a y entrer.
Le 16. les Deputez de toutes
les Nations établies à
Siam au nombre de quarante
deux, le vinrentcomplimenter.
Ilsestoient tous habillez
à leur maniere, ce qui
faisoit un effet tres. agréable.
Lesunsavoient desTurbans,
les autres des Bonnetsàl'Arménienne,
ceux-cy des Calotes,&
quelques-uns des Babouches
comme les Turcs,
Il y en avoit qui estoient
teste nuë ainsi que les Siamois,
parmy lesquels ceux
qui font d'une qualité distingllée,
ont un Bonnetcomme
celuy d'un Dragon. Ilest
faitde Mousseline blanche,
& se tient toutdroit. Ils l'arrestent
avec un ruban qu'ils
passent tous leur menton.
Le 17. Mr Constance vint
voirles Presens que Sa Majesté
envoyait nu Roy son
Maistre
,
&il amena quatre
Ballons magnifiques pour
les porteràSiam.
Le 18. Feste de S. Luc,
M l'Ambassadeur sedisposa
à son entrée dés le matin, &
il commença par offrir à
Dieu son Ambassade
,
puisqu'elle
n'avoit esté resoluë
que pour sa gloire. Il fit ses
Dévorions avec sa pieté ordinaire
,
& ensuite il alla
:rouver deuxOyas& quaante
Mandarins qui l'attenloienc
dans la Salie. Les
Dyas sont comme les Ducs -
n France. Il prit la Lettre
lu Roy, & la mit dans une
Boëte d'or, cette Boëte dans
ne Coupe d'or, la Coupe
~DUS une sous-Coupe d'or, &
exposa ainsi sur la table, ou
stoitun richeDais. LesOyas
les Mandarins se profernerent
les mains jointes
11* lefront, levisage contre
rre, & salüerent trois fois
la Lettre en cette posture-
C'est un honneur qui n'avait
jamais esté rendu dans
ces fortes de Ceremonies.
Cela estant fait, Mr l'Ambassadeur
prit la Lettre avec
le Vase, le porta septouhuit
pas & l'ayant donné
à Mrl'Abbé de Choisyqui
marchoit un peu derriere.à
sa gauche,
il alla jusqu'a la
Riviere, où il trouva un Ba-
Ion très-doré
,
dans lequel
estoient deux grands Mandarins.
Alors il reprit la Lettre
du Roy, des mains de M
l'AbbédeChoisy,laportajusue
dans ce Balon & l'ayant
onnée à l'un desdeux Man-
~arins, ce Mandarin la mit
iixs un Dais fort élevé en
pince & tout brillant d'or.
* Balon où cette Lettre tmise
,
suivit ceux qui
~rtoient les Presens du Royeux
autres estoient de cha-
~e cofté
, & il y avoit.
~ux Mandarins dans chaa
pour garder la Lettre.
~tit autres Balons de l'Estat
Siam, tous fort magnifies
,
suivoient ceuxcy ,
Ôc
cedoient un tres -
super-
Balon où Mr l'Ambassadeurestoit
seul. Mrl'Abbé
de Choisy estoit aussi feullli,
dans un autre, & il y en avoit
de vuides qui servoient
d'escorte à droit& à gauche.
-
En suite parurenr quatreautres
Balons, où estoient les
Gentilshommes & les Officiers
de Mr l'Ambassadeur.
Dans d'autres estoientles
Gens de saisuite, tous fort
propres, & accompagnez de 3)
Trompettes & de dix-huit
hommJ.es de livrée. Elle cftoit
fort magnifique,&frap- -<j
pa les Siamois plus que l'or n
des Juste-au-corps. LesNations
étrangeres furent du
Cortege, & l'on ne voyoit
que Balons sur la Riviere.
Les grands Mandarins marchoient
à la teste en deux
colomnes. Le Balon oùef-
~oit la Lettre du Roy & les
leux Balons qui la garloient
avec celuy de Mr
»Ambassadeur
,
tenoient le
milieu. Si tostqu'il fut arrivé
terre, la Ville le salüa
, ce
qui ne s'estoit jamais fait
pour aucun Ambassadeur. Il
~ortit de son Balon,& ayant
~epris laLettre du Roy, illa
pic sur un Char de Triomphe
qui l'attendoit, & quiu
estoit encore plus magnifï--que
que que le Balon. On le ~fiéd
monter dans une Chaise ~déJj
couverte, toute d'or, & ~quoi,
dix hommes porterent. M"i\
l'Abbé de Choisy fut ~portôr
dans uneautre. Les~Gentils-?
hommes & les ~Mandainen
suivoient à cheval, & les/j
Trompettes, & tous les ~Genen
de laMaison de Mr~l'Am-rr
bassadeur alloient à ~piecVj
en fort bon ordre. Les Na~x,l
tions suivirent aussi à ~piedhz
On marcha de cette ~fortor;
dans une ruë assez longue, &&
largeà peu pres comme la
ruëdeS Honoré.Elleestoit
bordée d'arbres, & dune
double file deSoldats, le Pot
enrested'un metaldoré, leBouclier & ferentes au bras avec dif- armes, Sabres, Piques,
Dards, Mousquets,
Arcs & Lances. Ils estoient
nuds pieds., & avoient une Chemise rouge, avec une Echarpe de toile peinte qui leur servoit de culote, com-
~me j'ay déja marqué. Des Tambours sonnant comme des Timbales, des Musettes,
des manieres de petites Cloches,&
des Trompettes qui
nerendoient qu'un son des
Cornet,formoient une har- -
monieaussibizarre qu'extraordinaire.
Apres avoir passé
-
u
par cette ruë, on arriva dans 21
une assez grande Place. C'es- -
toit celle du Palais. On ~n
voy oit des deux costez plumesieurs
Elefans de guerre, & :),
des hommes à cheval habil- - lez à la moresque avec la
-
Lance à la main. Les Na- ~-
tions avec tout le restedu Il
Cortege,quitterent M'l'Am- -e
bassadeur en ce lieu là , à la Li
reserve de ses Gentilshom- -1
mes. Avant que d'entrer ij
dans lePalais, il prit la Lettre
du Roy qu'il remit entre les
mains de Mrl'Abbé de Choi-
(y. En suite on marcha à
pied fort gravement. Les
Gentilshommes & les Ovas
alloient devant en bon ordre.
On traversa plusieurs
Courts. Dans la premiereil
y avoit deux mille Soldats le
Pot en reste, & le Bouclier
lOfé) ayant devant eux leurs
Mousquetsfichez en terre;
ls estoient assis sur leurs taons.
Dans la seconde par~
uurreenntt tcrrooiiss cens CChheevvaauuxx-.
~en Escadron, avec plus de
quatre-vingts Elefans, & :
dans la derniere estoient : quantité de Mandarins le
visage en terre, & soute-
-
nu sur leurs coudes. Il y >
avoit six Chevaux dont 3
tout le harnois estoit d'une e
richesse que l'on auroit peine
à exprimer. Brides,Poitrails,
( Crou pieres,Courroyes
, tout 3
estoit garny d'or,& par des- -
sus il y avoit un nombre infiny
de Perles,de Rubis&de 3
Diamans, en sorte qu'on ne s
pouvoit voir le cuir. Les 2:
Estriers estoient d'or,& les v
Selles d'or ou d'argent. Ils EJ
avoient des anneaux d'or
aux pieds de devant
, &
estoient tenus chacun pardeux
Mandarins.On y voioit
aussi plusieurs Elephans richement
enharnachez,comme
des Chevaux de Carrosse.
Leur harnois estoit de velours
cramoisy avec des boucles
doréesLorsquel'on fut
arri vé auxdegrez de la Salle
destinée pour l' Audience,
Mr l'Ambassadeur s'arresta
avec Mr Constance qui l'cf---
toit venu trouver, pour donner
le tem ps à ses Gentilshommes
d'entrer avant luy
dans cette Salle. Ils y entrerent
à la Françoise, & s'assirent
sur de superbes Tapis,
dont tout le plancher estoit
couvert. Les Mandarins &
tous les Gens de la Garde se
placerent de l'autre costé, &
pendant ce temps le Barca-
Ion dont on n'avoit point
encore entendu parler, entretenoit
Mr l'Ambassadeur
au bas du degré. Il luy dit
qu'a la nouvelle de son arrivée
ala Barre de Siam, il avoit
eu envie de l'aller trouver,
mais que les Affaires de
l'Estat ne luy en avoient
point laissé le temps. Ce
compliment estoit à peine
~Un y
>
qu'on entendit les
Tronl pettes&les Tambours
~lu dedans. Les Trompettes
lu dehors répondirent à ~niit,quifaisoitconnoistcree
~ue le Roy montoit à son
~trône. En effetil parut dans
e moment, & à mesme
~nips tous les Mandarins se
~ofternerent" pat terre les
ains jointes, suivant leur
~»ultumé.' Les François le
~üerenr, mais sans se le.
~r de leurs places. Alors
~Confiance&leBarcalpn.
entrerent dans la Salle les
pieds nuds
,
& en rampant
sur les mains & sur les genoux.
Mr l'Ambassadeur les
suivit
, ayant à sa droite Mr
l'Evesque de Merellopolis,
&à (a gauche M l'Abbé de
Choisy
,
qui portoit le Vase
où estoit la Lettre du Roy.
On tient qu'il pesoit du
moins cent livres, & il l'avoit,
toûjours eu entre les.
mains depuis qu'on l'avoir
tiré du Char de Triomphe.
Il estoit en habit longavec
un Rochet, & son ~manteaux
par dessus.Mrl'Ambassadeurs
osta son chapeau sur le dernier
degré dela Salle, & appercevant
le Roy dés qu'il
fut entré,il fit une profonde
\- reverence. Mr l'Abbé de
Choisynefalüa pas , parce
qu'il portoit la Lettre du
Roy.Ilsmarcherent jusqu'au
milieu de la Salle
, entre les
François assis sur les ta pis dit
Plancher & deux rangs de
grands Mandarins prosternez,
parmy lesquels il y avoit
deux Fils du Roy de
Chiampa
,
& un Frere du
Roy de Camboie, Mr l'Ambassadeur
fit une seconde reverence
,& s'avançant toujours
vers le Trône; lors
qu'il fut proche du lieu où
estoituneChaise à bras
qu'on luy avoir preparée, il
en fit une troisième, & commença
sa Harangue,ne s'asseiant
Ôc ne mettant ion chapeau
qu'aprés en avoir prononcéle
premier mot. Il dit
au Roy de Siam
,
£hte le Roy
son Maistre, fameux par tant de
Victoires, & par la paix qu'il
avoit accordée tant de fois à jes
Ennemis, luy avoit commandé
de venir trouver Sa Majesté aux
extremitez de l'Univers
, pour
luyi
w
wy pfeflnter des marques de jon
ejftme, er l'afj-rcr de son amitié
; mais que rien nefloit plus ca..
fable d'unir deux sigrands Princes
t que de vivre dam les fntinjem
dune mtfrne croyance; que cestoitparticulièremint ce que le
Roy son Maiflreluyavot recommandé
de rrpYl/ enter à Sa
Al.siesté
;
Quele Royleconjuroit
Par l'interef}quilpi non: à ra
véritable gloire
)
de co?1.fidrer
tjue cettesuprême A/fcjefit dont il
ijloit revcjîu sur Li Tcrre
, ne
wàuvoit venirque 'u vr yT)iru dire, du Di u Tout puiss
ant ,
Eternel Infiny
,
tel que
Ses Cbreftiens le reconnoijfent*
qui seulfait regner les Roys,&
réglé lafortune de tous les Peuples
; Que c'efloit à ce Dieu du
Ciel & de la Terre qu'ilfalloit
soumettre toutessesgrandeurs,
non a ces 'Vi'Vinitez qu'on adore
dins l'Orient,rItr dont Sa Maje/
lequi avoittantde lumierese
de pénétration
, ne pouvoit manquer
de voir l'impmjfance. Il finieen
disant,quelaplus agreableNouvelle
quil pourroit porter
au Roy [on Maigre
y
feroit que
Sa Majeftéperfuadée dela veri.
té,sifaisoitinstruire dms la ReligionCbrejhenne
; que cela cimenterott
a jamais iejnme &
iamitié entre les deux Rays ; que
iesFrançoisviendraient dans fort
Royaume avec plus d'empreffimentg)
de confiance,&quâinfi
ea Majefié s'attireroit un honheur
eternel dans le Ciel, après a.
suoit régnéavec rant de prosperité
surla Terre.
- Mr TAmbassadeurprononça
cette Harangue toûjours
assis,& sans oster son Chapeau
, que lors qu'il nommoit
quelqu'un des deux
Roys. Mr Confiance en fut
l'Interprete, & se prosterna
trois fois avant que de corn»
mencer. Aprés quoy M41le
Chevalier deChaumont prit
la Lettre de Sa Majesté des
mainsde Mrl'AbbédeChoisy.
Le Vase où onl'avoitenfermée,
estoit soustenu d'un
grand manche d'or de plus
de trois pieds de long. Ils'avança
jusqu'au Trône, qui
estoitune manieredeTribune
assez élevée dans une fenestre
de la Salle,& il presenta
le Vase sans hausser la
main. Mr Constance luy dit
qu'il prist la Coupe par le
baston, mais il n'en voulut
rien faire. Le Roy se mit à
rire
,
& s'estant levé pour
prendre le Vase, il se baissade
maniere qu'on luy vit
plus de la moitiédu corps. Il
regarda la Lettre qui estoit
dans une autre Boëte d'or
que ce Princeouvrit. Il avoir
une Couronne toute brillante
de gros Diamans, avec un
Bonnet comme celuy d'un
Dragon, qui se tenoit droit,
artaché à la Couronne. Son
Habit estoit une maniere de
Juste-au-corps d'un Brocart
d'or, dont le fond estoit UEP
rouge enfoncé. Ce Juste-aucorps
luy serroit le col & les
poignets, & aux bords il y avoitde
l'or&desDiamans,qui
faisoient comme un collier
& des bracelets.. Il avoit aux
doigts quantitéde Diamans.
LaSalle de l'Audience étoit
elevée de douze ou quinze
degrez.Elle estoit quarrée &
assez grande, avec des fenestres
fort baffes de chaque
coste. Les murs estoient
peints, & il y avoit de grandes
Fleurs d'or depuis le
haut jusqu'au bas. Le platfond
estoit orné de quantité
de Festonsdorez, Deux
Escaliers conduisoient dans,
une Chambre ouestoit le
Roy, & au milieu de ces Escaliers
estoit une fenestre
brisée, devant laquelle on
voyoit troisgrands Parasols
par étages qui alloient jusqu'auPlat
fond,l'étoffe estoit
d'or,& une feüille d'or couvroit
le baston. L'un de ces
trois Parasols estoit au milieu
de la fenestre, & les deux:
autres aux costez. Ce fut par
cette fenêtreque leRoyparla,
Mr le Chevalier de Chaumont
estant retourné en [a'v
place, apres avoir donné la
Lettre de SaMajesté, ce qui:
futune grande marque de
distinction pour l'Ambassadeur
du Roy de France, les
Roisd'Orient ne prenant
aucune Lettre desmains des
Ambassadeurs, Sa Majesté
Siamoiseluyditqu'Elle recevoit
avec grande joye desmarques
de l'estime&del'amitié
du Roy & qu'il luy
seroit fort agréable de luy
faire voir en sa personne
combien elles luy estoient
cheres. Apres celaMrl'Am-
-
bassadeur luy montra quelques
Presens du nombre de
ceux que le Roy luy enroyoit,
& luy- presenta Mr
'AbbédeCkoify5&lesGen-
- iishommes. Ce Prince luy
larIa des Ambassadeurs qu'il
voit envoyez dans le Soleil
Orient, & demanda des
ouTelles de la Maison
.oyale, & ce qui se passoit
n Europe. Mr FAmbanaeur
répondit que Sa Mailsatcée,
apresavoir pris la forte
de Luxembourg avoit
oligél'Empereur,, les Espanols,
les Hollandois, & tous
s Princes d'Allemagne à
gner avec luy une Tréve
3 *
: vingtans. Il fit encore
d'autres Questions sur lesquelles
Mr l'Evesque de Metellopolis
servit d'Interprete,
& apres que M l'Ambassadeur
y eut répondu, on tiraun
Rideau devant la Fenestre
de la Tribune. Ce fut par
là que l' Audience finit. Elle
dura plus d'une heure, &
les Mandarins demeurerent.
prosternez pendant tout cor
temps. Ils avoient tous un.
Bonnet,mais sansCouronne,
& chacun d'eux tenoit une
Boëte, pleine de Betel &
d'Areque, dont ils usentencore
plus que nous ne faions
icy de Tabac, C'estpar
diference de ces Boëtes.
u'on peut distinguer leurs
ualitez.
Au sortir de l'Au dience,
Mr l'Ambassadeur fut conuit
dans le Palais, où il vit,
Elefant blanc. On luy rend
e grands honneurs, & on.
regarde comme une Diviité.
Quatre Mandarins sont
ûjours aupresde luy. Deux
ennent un Eventail pour
nasser les Mouches, & les
eux autres un Parasol, afin,
empescherqu'il ne soit inommodé
du Soleil.Ilest
servyen Vaisselle d'or.
-
One
en éleve un petit qui sert
son Successeur.. Lors qu'il 1
besoin de se laver, on le .me-si
ne à la Riviere, & alors les
Tambours &les Trompetes
marchentdevantluy. Dans
l'endroit où on le lave, il )(
a une espece deSale couverte,
destinée pour cet usage
Il y a eu autrefois de grandesGuerres
pour l'Eléphant
bbllanc '1 f1. 1 1 ,v,
,
& il a cousté la vie iî i
plus de six cens mille personnes.
Le Roy de Pegu
ayant appris que cet,Animal
estoit possedé par le Roy
e Siam,luy envoya une
mbassade des plus solembiles
pour le prier de le
lettre à prix, s'offrant d'en
lyer ce qu'il voudroit. Ce
t en 1568. Le Roy de Siam
rant refusédes'en défaire
luydePegu leva une Arée
d'unmillion d'hommes
en aguerris
,
dans laquelle
y avoit deux cens mille
hevaux
,
nans cinq mille Ele- ,
& trois mille Chaeaux.
Quoy que Pegu soit
Digne de Siam de soixante
cinqjournées de Chaeau
,
il ne laissa pas avec
cetteredoutable Armée, de
venir amener son Ennemi
dans laVille Capitale. Il
prit& laruinaentierement
s'estant rendu Maistre de se
Trésors, de sa Femme & db
ses Enfans, qu'il emmena i
Peguavecl'Eléphant blancs
Le Roy de Siam se défen
dit jusques à l'extremité, &
voyant sa Ville prise
,
il fl
jetta du haut de son Palais
en bas, d'où il fut tiré crû
pieces. Quelques-uns écrin
vent que le Siege dura vingt
deuxmois,&que cette guerre
re couta plus de cinq cen
mille hommes au Roy de
Pegu. Jugezcombien il en
dût perir ducosté des Siamois.
Les Indiens trouventquelque
chose de Divindans l'Elesant
blanc. Ils disent que
ce n'est pas feulement à
cause de sa couleur qu'ils le
respectent, mais que sa fierté
leur fait connoistre qu'il veut
qu'on le traite en Prince,
Sr. qu'ils ont remarqué plurieurs
fois qu'il se fâche,
quand les autres Elefans
nanquent à luy rendre
'honneur qu'ils luy doivent.
Apres que l'on eut fait
voir cet Elefant à M l'Am—r
bassadeur, il fut conduit àssi
l'Hostel qu'on luy avoitpreparé.
Par toutoù il passa, illi
trouva des Elefans avec les
Soldats qui bordoient les
chemins en tres-bel ordre,s
Quelques Troupes,& plusieurs
Mandarins montez sur
des Chevaux ou sur des Elesans
magnifiquementenharnachez,
marchoient devant
luy, & grand nombres
d'autres suivoient par hon- -c
neur, Ainsi il ne manqua &r
rien à cette Entrée pour la d
rendre très superbe. Tous
Siam joüit de ce grand Spectacle,&
ce qu'il y eut de surprenant,
c'est que tout le
monde estoit prosterné,comime
si le Roy eust passé luymesme,&
cela sefitavecun
si grand respect, que l'onnentendoit
personne cracher,
tousser, ny parler. Les
ordres du Roy avoient elle
donnez pour cela, ce qu'il
n'avoit jamais fait pour d'autres
Ambassadeurs. Il est remarquable
que les Siamois,
Rapportent aucun desous en
laissant, & qu'on ne voir
parmy eux, ny Boiteux, ny
Bossus, ny Borgnes. S'il y a
quelques Aveugles, ils ne le 1
font que pour avoir estécon- j damnez à cette peine pour
quelque crime commis.
La Ville de Siam, que î
quelques uns apellentIndia J
d'autres Iudia, est la Capitale
du Royaume, & l'une des j
plus grandes & des plus peuplées
de toutes les Indes. Ses 1
Remparts sont environ de z
trois toises de hauteur,&elle
a des Bastions de toutes les aj
sortesde plats, de coupez & al
desolides. La Riviere deMenam
qui y coule enhuit enadroits,
y forme deux Isles,
Elle a plusieurs belles Ruës,
& des Canaux qui sont assez
regulierement tirez. La plus
belle est celledesMores. Ce - qu'ils a ppellent le Quartier
de la Chine est aussi tresbeau.
LesMaisons ne sont
pas laides, & il y en a sort
peu où l'on ne puissealler
enBatcau. Surtout les Temples
& les Monasteres sont
tres-bienbattis. Ils ont tous
les Pyramides dorées qui
ontun très bel effet de loin
;zs, Faux-bourgs, des deux
costez de la Riviere sont
pour le moins aussi grands
& aussi ornez de Morquées
& de Palais que la Ville mesme.
Celuy du Roy est d'une
si grande estenglue, qu'on
le pourroit prendre pour une
seconde Ville. Il ases Remparts
separez ,& les Tours
qui l'environnent en grand
nombre sontfort élevées,
& très-magnifiques..
Mr le Chevalier de Chaumont
trouva au lieu où il sur
conduit,des Mandarins qui
estoient degarde
,
& que
l'on avoit chargez defaire
fournir tout ce qui luy seroit
necessaire pour sa dépense.
Le 19. Mr Confiance fit assembler
tous les Mandarins
Etrangers
,
& leur declara
que le Roy son Maistre vouloit
qu'ils se rendissent tous àl'Hostel de Mrl'Ambassadeur
,
afin qu'ils fussenttémoins
de la distinction avec
laquelle il traitoit le Roy de
France, comme estant un
Monarque tout- puissant, &
qui sçavoit reconnoistre les.
donneurs qu'on luy faifoir.
Ces Mandarins répondirent
qu'ilsn'avoient jamais veu
d'Ambassadeur de France;
mais qu'ils estoient fort persuadez
que cette distinction
estoit deuë à un Prince aussi
grand, aussi puissant, &
aussi victorieux que celuy
qui regnoit sur les François,
puisqu'il y avoit long-temps
que ses Victoires estoient
connuës par tout l'Orient.
Ils allerent aussi-tost salüer
Mr l'Ambassadeur, & le mesme
jour Mr l'Evesque de
Metellopolis se rendit au
Palais où le Roy l'avoit mandé
pour interpreter la Lettreque
Mr le Chevalier de
Chaumont luy avoir donnée
e jour precedent. Envoicy
es termes.
LETTRE
DU ROY
TAU ROY DE SIAM. RES HAFT, TRES PVISSANT,
TRES. EXCELLENT,
ET TRESMAGNANIMEPRINCE,
ET NOSTRE
;H'ER ET BON AMr, DIEV
rEVIllEAUGMENTER VOS-
-RE GRANDEVR AVEC YNE.
rIN HEVREYSE.
Nous 4ious appris avec déplaisir
la perte des mbfadeurSI
que :~ nous envoyajîa en1681. -
&Nous avons cflé informe^par
ItiPreflres Mijjionnaires quifont 1
njen;$ deSian
, C. par les Letj
très nueno?Adimlhts ont reteuës j
de h p.irt de celiiya qui vous 1
confia VO) pnncipules affaires e>rijffpm-nr 3, avec leCjnA vous
Joubair.'XnojhramneRoyale.
Ccflpouryfartsfa'rcque nous
avons choisy le Sieur Chevalier'
de Chaumontpouy nolire Ambaf-
Jadeur,quivous apprendra plusparticulièrement
nos intentions9
sur tout ce qui peut contribuer àK
ejldlirpout toujours cette amitié
fi/ide
fllidr entre nous.CependantAlc,
ferons tres-ais de trouver les
occûfons de tous témoigner la
reconnoijjance avec laqui lie nous
avons appris que vous conrznuez
a donner voflre protcfhon aux E-
'Vesques, cm euxautres ÀdiJJionnaires^
potfohcj'ei, quitravaillenta
linflrufliondetosSujets
ians laRetio-ion Cbjeflien,,,e,
lotreefiimep meulièreincurvons
Wus fait desirer ardernn em que
}OKS 'Vur¡fluZ bien vous-mfmc
k écouter) Çj7 apprendre d\u,x ïvéritables À^aximas @r les
fistres f^cre-^dune si fat.te
9y, dans laquelle un a la LulMijfance
du vray Dieu,qui Jîufa
peutJaprés TOUS avoirfait rtgnem
long temps & glorieusement (un
vos Sujets ,
101.$combler d'u
bon heur eternel. Nous avenui
chargénoflreAmb^Qaieur dese
choses les plus curreujes de noftrt
Royaume, qu'il vous prejenter
comme unemarque de noflre ePi_j
me
y
& il vous expliquera aussi
ce que nous pouvons Jfjinr dt
voui pour l'avantage du Com-A
merce de nos Sujets.Sur ce,Afousm
prions Dieu qu'ilvueilleaugmentas
tervoftre Grandeur avec toute fin^\
heureuse. Ecrit en Noflre Cha.X
(eaU Royal le u. Janvier168
Vostre tres cher & bon Amy,
LO VIS, & plus bas COLBERT.
Quelques jours a pres,
le Roy envoya des Presens
à Mr l'Ambassadeur,
sçavoir plusieurs pieces de
Brocart, des Robes du Japon,
une garniture de Boutons
d'or, & diverses curiositez
du Pays. Il y en eut
aussi pour Mr l'Abbé de
Choisy
,
& pour les Gentilshommes
François.
Le 2,5. il fut mené à une seconde
Audience dans une
Salle à costéd'uneautre où
,eHoir l-e Roy. Le disçours étant
tombé sur la Famille
Royale, Mr l' Ambassadeur *>
dit au Roy de Stam que lu-
- nion y estoit sigrande, que
Monsieur,Frere unique de Sa
Majesté,avoitgagné une
grande Bataille pour le Roy v
sonFrere, contre les Ennemis
liguez,& commandez s
par le General des Hollandois
, qui avoient le plus de s
Troupes danscette Armée;à
quoy le Roy de Siam répondità
peu prés en ces termes.
Je ne m'étonne point que le Roy \(
de France ait réüssidanstoutesses
r entreprises,puis qu'ilaun Frere
l
si bien uny avec luy.La desunion
ejb ce qui renverse les Etats. lec"
sçay les malheurs qu'elle a causez
dans la Famille Royale de Matran
, & dans celle de Bantam,
&sçache le Grand Dieu du Ciel
ce qui arrivera de la mienne.Ce-
Roy a deux Freres ,dont lais-
Xïéfiir tout est tres-remuant.
Il a trente-sept ans, & est
fort incommodé de sa Perfodne.
Peut-estre l'a t'on mis
en cétestat afin de tenir (on.
ambition dans l'impuissance
d'agir. Le plus jeune est
moins âgé de dixans. Il est
muet , ou il fait semblant de
l'estre. Ils ont chacun leur
Palais,& leurs Domestiques,
& ne voyent le Roy leur
Frere que deux fois l'année.
Le Roy peut avoir cinquante
cinq ans. Il est bazanné
de , moyenne taille, & a les
yeux noirs, petits
,
& fort
vifs. Outre deux Oncles qui
sont fort vieux, & dont l'un
luy a servy de Tuteur, il a
des Tantes qui n'ont jamais
esté mariées. Cette seconde
Audience dont j'ay déja
commencé à vous parl er , finit par une matiere de Religion
qui n'eut point de suite.
Mr l'Ambassadeur dit au
Roy, que le Roy son Maître
ne souhaitoit rienavec
plus d'ardeur que d'apprendre
qu'il consentist à se faire
instruire par les Evesques &
Missionnaires qui estoient
dans ses Etats. Il se leva, ôc
ne fit point de réponse. Lors
qu'il se fut retiré, Mr Constance
mena Mrle Chevalier
de Chaumont dans le Jardin
du Palais, où le disner
estoit preparé, Son Couvert.
estoit en Vaisselle d'or; tous
les autres furent servis en
Vaisselle d'argent. Le Grand-
Trésorier, le Capitaine des
Gardes, & d'autres grands
Mandarins servirent à table.
Lerepas dura trois heures,
& l'on allavoir delà l'Estang
du Jardin
,
où il se trouve
plusieurs poissons curieux.
Ilsenvirentun entre autres
avec un virage d'homme.
Le 26. Mr Constancerenditvisite
à Mr l'Ambassadeur.
La Conversion du Roy
fut le sujet de leur entretien.
Mr Constance yfit paroistre
de grandes difficultez
,
sur
ce qu'il seroit tresdangereux
de donner pretexte à
une revolte, en voulant
changer une Religion establie
& professéedepuis tant
de Siecles. Illuy fit connoîue
que leRoyavoit un Frere
quine cherchoitqu'à broüiller;
que c'estoit toûjours
beaucoup que Sa Majesté
permist qu'on enseignast la
Religion Chrestienne dans
son Royaume; qu'illafalloit
laisser embrasser aux Peuples
&aux Mandarins mesme,
si quelqu'un d'entr'eux
vouloit se faireChrestien,
8c qu'avec le temps les choses
pourroient prendre une
autre face.
Le29. Mr le Chevalier de
Chaumont alla visiter le Barcalon,
qui dans les honneurs.
qu'il luy Et rendre le distingua
desautresAmbassadeurs,
ainsi qu'avoit fait le Roy. Mr
l'Evesque de Metellopolis
l'accompagna dans cette visite
, & leur servit dInterprete.
Le 30. on alla au Palais
pour voir ta grande Pagode.
C'est ainsi que les Siamois
appellent leurs Temples
mais ils ne laissent pas de
donner aussi le nom de Paggooddeess
àà leurs Idoles. En pas- Isant
par la premiere Court,
Mr l'Ambassadeur eut le divertissement
d'un combat de
deux Elephans On les avoit
attachez ensemble par les
jambes de derriere
,
& deux
hommes estoient sur chacun,
de ces Animaux, l'un sur le
col
,
l'autre sur la crou pe. Ils
esanimoientavec un croc, lui leur servant d'aiguillon,
es faisoit tourner comme ils
ouloient. Ce Combat ne
onsista qu'en des coups de
ent & de trom pe. On dit
ue le Roy y estoit present
mais il ne se laissa pointvoir.
Les Elephans ont beaucoup
d'intelligence& onleur fait
comprendre aisément tout
ce qu'on leur dit. De cette
Court on passa dans plusieurs.
autres avant que de trouver
la Pagode. Le Portail en est
antique, de assez bien travail.
lé.C'estuntres-beau bastimens
, dont l'Architécture
est presque semblable à celle
de nos Eglises. Les yeux
furent fra ppez enentrant,de
plu sieurs Statuës - de cuivre
doré, qui semblent offrirun
Sacrifice à une grande Idole
qui est touted'or.Elle a quarante
pieds de longueur,
douze de largeur
,
& trois
pouces d'épaisseur. Son poids
est de plus de douze millions
d'or Dans-une guerre où
ceux de Pegu conquirent
presque tout leRoyaume de
Siam, ils couperent une
main à cette Idole. Elle a
icihe remplacée depuis. Aux
deux costezdecette Pagode,
il y a plusieurs autres petites
Idoles dont la plus grande
partie est d'or. Des Lampes
Allumées depuis le haut jusqu'au
bas, font voir dans
quelleveneration elles sont Au fond est une autre Idole
en forme de Mausolée. Elle
est d'un prix extraordinaire.
Parmy ce grand nombre on
en voit une qui bien qu'assise
les jambes en croix,asoixante
pieds de haut. De cette
Pagode M"1"Ambassadeur
alla dans une autre qui en
dépend, & pour y aller, il
passasous une voûte qui est
en forme de Cloistre. D'un
costé de cette voûte,il y avoit
de deux pieds en deux
pieds des Idoles toutes dorées
,& devant chacune bruloituneLampe
queles Talapoins
ont soin d'allulller
0,«Zous les soirs. Dans cette seconde
Pagode Mr l'Ambasfadeur
vit le Mausolée de la
Reyne dccedée depuis quatre
ans, & celuy d'un Roy
de Siam, representé par une
grande Statuü couchée sur
le costé. Il est habillé comme
le sont les Roys de ce
Pays là aux jours de Ceremonies.
Cette Statuë qui est de
cuivre doré
, .a vingtcinq
piedsde longueur. En d'autres
endroits font quantité
de Statuesd'or & d'argent,
avec des Rubis & des Diamans
aux doigts, La princi- pale - beau ré de toutcelaconsiste
dans les richesses,la-plus
grande partiede cequ'il y a s
de plus precieux dans le
Royaume, estantrenfermée
dans les Pagodes. Au sortir
de là, Mr l'Ambassadeur vit i
les ElephansduRoy qu'il fait i
nourrir au nombre de plus 2
de dix mille. Il vit aussi une i
piece de Canon de fonte q
fonduë à Siam qui est de s
vingt-quatre pieds, & qui a j
quatorze pouces de diamet-
-
tre par l'embouchure.
-
Le 3I. - on fit de fort grandies
réjoüissance pourle coueiincirient.
du. Roy de Portugal.
On tira quantitéde
f J
coups de Canon,&il y eut le
f*ir un feu d' Artifice.Cesréiouiflincesfurentcontinue'es
»
u lendemain,premierjour.
[^Novembre
, par Mr Con- rance qui donna un grand
'dhrT, où MrAmbassadeur
.le invité. Il s'y trouva avec
put ce qu'il y avoit d'Euroéens
dans la Ville. On n'enfndit
que coups de Canon
ifqua la nuit,& on tira
ujourssans discontinuer.
Tous les Bastimens qui é- -
toient sur la Rivierre
,
tirerent
aussi après le repas,
qui fut suivye d'uneComedie
de Chinois,&: d'un autre
Divertissement,façon de -j
Marionnettes. Il y eut quelque
chose d'assez surprenant
& de singulier dans cette
Feste. î
Le 4. de Novembre Mr
Constanceavertit Mr l'Ambassadeurque
leRoy devoit
sortir pour se rendre àune
Pagode,où il a accoûtumé
d'aller tous les ans. Comme
ce jour estoit un de ceux Otli
il se montre à ses Peuples,la
mSeremonie meritoit qu,'on
empressa pour la voir. On
e conduisit dans une Salle
ue l'on-avoir pre parée sur
eau pour luy donner ce
laisir. D'abord il passaun
rand Balontout doré,dans
quel estoit un Mandarin
si venoit voir si toutestoit
en dans l'ordre. Il fut suisde
plusieurs Balons rem- des plus qualifiez des
andarins, tous habillez de
ap rouge. Ils doiventestre
tus de mesme couleuren
pareils jours, & c'estle
y qui choisit cette couleur.
Ils avoient des bonnets <
blancs dont la pointe estoit j
fort élevée.Les Oyas étoient
distinguez par un bord d'or
qu'ils avoient a leurs Bon- J
nets. Je ne parle point de a
leur écharpe;elleestoit telle b
- que je l'ay déjàdécrite. On 11
vit paroistre aprés eux quan- titédeMandarins du second J]
ordre, des Gardes du Corps,
&piusieurs Soldatsqui oc<~
cuperent les ailles. Le Roy
estoit dansun Balonmagnisique,
à chaque collé duque
il yen avoit un autre qui nC.
-
toit pas moins brillant. Ce
trois Balons estoient plis rem- de Sculpture,& dorez
jusque sous l'eau. Je
1
vous
en a y déja tant parlé que
vous ne ferez pas fachéed'en
voir quelques uns dans cette
Planche, où j'en ay fait graver
quatre. Vous vous fou.
viendrez que je vous ay dit
qu'ils estoient fort longs, &
aits d'un seul arbre. Leur
ongueur est cause qu'il y a
n grand nombre de Raleurs
,
& qu'ils vont fort
ste. Quand les Rameurs
nantent , ce qu'ils fontsouet,
ilsemble que leurs rames
s'accordentavecleurs voix, JI
& qu'ils battent la mesure *
dans l'eau. Le Balon que
vousvoyez gravé le premier,
est celuy dans lequel estoit la
Lertre de Sa Majesté. Il eitJ
ce qu'ils appellent à trois
T'oirs, & ceux-là sont les
plus considerables. Je croy
mesme qu'ils sont particuliers
pour le Roy, & qu'il
n'est permis à personned'en
avoir. Vosyeux vous feront
voir aisément la diference
des autres, qui n'est
que dans le plus ou moins 1
d'élevation de l'espece de. I
petite Loge qui est au miieu.
Quand il pleut, on (e
netdans cet endroit qui approche
beaucoup des Bans
avec quoy l'on jouë iCYh
les Rameurs du Balon où
stoit le Roy, & des deux
utres qui luyservoientd'act)
i-n-pacrniement,efloienthaillez
comme les Soldats, h
reserve qu'ils avoient une.
aniere de Cuirasse, &de
asque enteste,quel'ondiit
estre d'or. Ils estoient
t nombre de cent quatrengt
sur chacun de cestrois
lons, a,yec-- des Rames.
toutes dorées, & sur ceux
des Mandarins il y en avoit
cent ou six-vingts. D'autres
Gardes du Corps suivoient
dans d'autres Balons, & alloient
devant d'autres Mandarins
qui faisoient l' Arriere
garde, de forte que le Cortege
estoit du moins de deux
cens Balôns. Toute la
Riviere enestoitcouverte,
& il y avoit plusde cent
mille personnesprosternées
& dans un profond silence,
pour joüir de la permission
qu'on avoit de voir le Roy
ce jourla; car en d'autres
temps
temps il faut qu'on s'éloigne
par respect, & ceux qui se
trouveroient à son passage
seroientpunis fort severement.
Ilavoit un Habit tressomptueux,
& tout parsemé
de pierreries, avec un Bonnet
rouge un peu élevé, &
une Aigrette enrichie aussi
de Pierreries. Mr l'Ambassadeur
entra sur le soir dans
ses Balons pour voir revenir
le Roy. Ilavoit changé de
Balon, & promis un Prix à
celuy qui arriveroit au Palais
avant les autres. Ce fut
le sien qui arriva le premier.
Il récompensa ses Rameurs
en Roy, en leur donnant à
chacun la valeur de cinquante
escus. Ce mesme soir
il y eut un Feu d'artifice, &
l'on tira quantité de cou ps
de Canon pour le Couronnement
du Roy d'Angeterre.
Cette Feste fut continuée
le lendemain. Mr Constance
donna encore à disner
à Mr l'Ambassadeur avec
beaucoup de magnisicence,
& tous les Européens 2
furent invitez à ce Repas.
Le Roy qui se montre au
Peuple deux ou trois fois
cous les ans, va aussi quelquefois
par terre faire ses
Offrandes à quelque Mosquée.
Deux cens Elefans, ou
environ, commencent la
marche, portant chacun
trois Hommes armez Apres
eeuuxxvvieienntltala MM-usique. Elle
est composée de Timbales,
de Tambours, & de Hautbois.
Millehommes de pied
armez paroissent ensuite,distribuez
en diverses Compagnies,
qui ont leurs Drapeaux
& leurs Bannieres.
Tout cela precede les grands
Mandarins qui sont à cheval.
Il y en a qui ont une j
Couronne d'or sur la teste, i
ôc une fuite de soixante, ! j
quatre-vingts ôc cent per- 1
sonnes à pied. Entre lesGar- -|
des du Corps & ces Manda-
-
rins marchent deux cens
Soldats Japonois, en équipage
fort leste. Apres eux on f\
voit les Chevaux & les Ele- -j
sans qui ne fervent que pour aPersonne du RtÜY: Leurs zi
Harnois sont magnifiques.
Ils sont chargez de boucles 21
8c de lames d' or, & les dia- -4
mans & les pierreries y brillent
de toutes parts. Ceux
qui portent les Presenschoisis
pourl'Offrande,marchent
devant les plus qualifiez du
Royaume, parmy lesquels
il y en a deux, dont l'untient
l'Etendart du Roy,& l'autre
le Sceptre de Justice. Ils marchent
tous deux à pied immediatement
devant leRoy,
qui est monté sur un Elefant
magnifiquement enharnaché.
Il est porté sur son dos,
assis dans une Chaise d'or.
Cet Elefant marche gravement
tout fier de sa charge.
Il semble connoistre l'honneur
qu'il reçoit,puis qu'il
le met à genoux quand le
Roy s'appreste à monter sur
luy, & qu'il ne soufriroit pas
qu'un autre y montast.Lors
quele Roy a un Fils,ce Prince
le fuit, & apres luy la
Reyne & sesautres Femmes.
Elles sont aussi sur des Elefans
, mais enfermées dans
des manieres de Guerites de
bois doré, en forte qu'il est
impossible de les voir. La
marche tH: fermée par d'autres
Gardes, environ au nombre
de six cens, & tout le
Cortege est composé de
quinze ou seize mille personnes.
La vie du Rov est allez
réglée.
(
Il Ce leve à quatre
heures tous les jours, & la
premiere chose qu'il fait
c'est de donner l'aumosne à
des Talapoins, quine manquent
pas de se montrer devant
luy si tostqu'il paroist.
Ces Talapoins sont comme
nos Religieux Mendians.
Apres celail donne Audience,
dans l'intérieur de [on:
Palais,à. ses Concubines, aux.
Esclaves & aux Eunuques,
& ensuite à un Magistrat
qui luy vient montrer tous
les Procez que l'on a jugez.
Il les approuve ou infirme
comme il luy plaist. Lors
que ce Magistratest forty,
1 Audience est ouverte à
tout le monde jusqu'à l'heure
du Disner. Il disne avec
la Princesse sa Fille, que l'en.L
appelle la Princesse Reyne.,
& dontje vous parleray dans
unautre endroit. La Reyne -
qui est morte depuis peu
d'annees ne'luy a la~ aue
cette Fille. Le Medecin qui
està la porte, visite toutes
les Viandes, & renvoye celles
qu'illuy croit nuisibles.
Pendant ce Repas,qui estle
seul qu'il sait chaque jour,
on luy lit les Procez criminels,&
il ordonne du fort -
de chacun. Apres le Disné,
il entre dans une Salle, oùil
se met sur quelque Lit de
Repos. Il est suivy d'un
Lecteur qui luy lit ordinairement
la Vie de quelqu'un
des Rois qui ont
regné avant luy
,
& lors
qu'il s'endort
,
le Lecteur
paisse la voix, & peu a prés se
etire. Ce mesme Lecteur
entre dans la Salle sur les
quatre heures, & il recomnence
à lire d'un ton si aigu,
qu'il faut neceffiirciiie-ilt
que le Roy s'éveille. Alors il
donne Audience à chacun,
de ses six grands Officiers,
& sur les dix heures le Conseil
s'a ssemble. Il dure ordi-;
nairement jusques à minuit.
MrConfianceaussison Au-j
dience particuliere
,
& si l
toutcela va tropavant dans
la nuit,le Medecin luy vient
dire qu'il faut qu'il se couche.
Ce Medecin est receu
dans le Conseil, mais il ne
fait qu'écouter, & l'on n'y
prend jamais son avis.
Je m'apperçois de la longueur
de ma Lettre ; mais
comment songer à la finir,
ayant encore tant de choses
curieuses à vous a pprendre
touchant le Royaume de
Siam? Je n'ay pas encore
conduit M le Chevalier de
Chaumont à Louvo
,
qui est
une Maison de Plaisance du
Roy, où il alla prendre son
Audience de Congé, & ce
qui s'y est passé pendant le
séjourqu'ily a fait, fournit
la matiere d'un tres-long
Article. Ainsi, Madame,en
vous envoyant cette prernle.
re - Partie de ma Lettre ,je
vous en promets une seconde
quevous aurez dans fort peu
dejours. Je joindray à ce qui |
me reste à vous dire du }
Royaume deSiam les autres V
Nouvelles que vous atten- ;.
dez de moy. Ce sont celles;
quiregardent les Venitiens |
& la Hongrie. Cette seconde j
Partie finira par deuxEnigmes
nouvelles, & par les
noms de ceux qui ont expliqué
les deux dernieres. i
Onvient de m'apprendre ;
que ce que je vous ay dit au
commencement de cette
Rèlation, touchant des Ambassadeurs
que le Roy J de
Slam avoit envoyez à Sa
Majesté par le Portugal,
n'est point véritable. Cesont
des Envoyez de Siam qui
rie vont qu'en Portugal
,
8c
que l'on a chargez des Presens
, dont vous avez trouvé
une Lifte dans ma Lettre
de May. Ainsi cette Liste
est vraye ,
& ils ont ordre
d'envoyer en France les Presens
qu'elle contient.
ge de Mr le Chevalier
de Chaumont. Sa Majesté
l'ayant nommé son Ambasfadeur
vers leRoy de Siam.
Il se rendit à Brest avec Mr
l'Abbé de Choisy, sur la fin
de Fevrier de l'année der-
,
niere, & ils s'embarquerent
dans un des Vaisseaux du
Roy,appellél'Oiseau. Mrde
Vaudricourt qui le commandoit
fit mettreà la Voile
le3. de Mars & partit de
Brest avec la Fregate la Maligne,
commandéepar Mr de v
Joyeux. Le vent leur fut toû-
« jours assez favorable, ôc :
comme il y avoit dans le !
Vaisseaudes Millionnaires&
six Jesuites, ce n'estoit tous
les jours qu'Exercices de
pieté, & l'on y vivoitavec
la mesme regularité que
dans unConvent.Ilss'appliquoient
tour à tour à faire
des Exhortations à tout
Equipage. On disoit lar
Messe, on chantoitVespres,
& on passa fort heureufenent
la Ligne le 6. d'Aril
sans souffrir beaucoup
le lachaleur. Ce fut alors
su'il fut question de faire ce
u'on appelle la Ceremonie
u Bàptesme. Ceux qui n'ont
mais passé la Ligne, sont obligez
de souffrir qu'on leur
jette sur le corps certain
nombre de seaux d'eau, à
moins qu'ils ne donnent
quelque argent pour racheter
cette peine. Il n'y a personne
qui puisse s'en exempter
, de quelque condition
quel'on puisse estre, & on
fait jurer tout le monde sur
le Livre des Evangiles, pour
sçavoir si on a fait ce passage.
Mr le Chevalier de Chaumont
ne voulut point endurer
que l'on jurast sur les Evangiles.
Il fit faire ce Serment
sur une Mapemonde,
& mit de l'argent dans un
bassin
, ce que firent après
luy toutes les personnes considerables
du Vaisseau, pour
s'épargner la Ceremonie. La
somme montaà soixanteescus
quifurent distribuezaux
Matelots. Le reste de la traversée
fut tres heureux jusquesau
Cap de bonne Esperance.
On y arriva le 31. de
May,&l'on y receut les Saluts
ordinaires de quatre
Vaisseaux Hollandoisqu'on
y trouva. Ils portoient a Batavia
le Commissaire Generalde
laCompagnie des IiW
des
, avec Mr de S. Martin
François, Major Général.
M. le Chevalier de Chaumonts'arresta
sept jours à
ce Cap afin d'yfaire de l'eau,
& de prendre desrafraichisfemens.
Le Gouverneur qui
eA Hollandois
,
luy en envoya
de toutes fortes, aprés
l'avoir fait complimenter
par le Neveu&par le Secretaire
du Commissaire. Tous:
ceux du Vaisseau mirent pied
a, ~erre lIes urns a,près 1lesautres.
Ils'en trouva quelquesuns
qui estoient malades d&
Scorbut, & ils furent gueris
en quatre jours. La Forteresse
que les Hollandais ont.
fait bastir en ce lieu là
,
est
toute revestuë de pierres,
&a quatre bastions. Elle n'a.
point de fossez, mais elleest
Ilterès- bien garnie de Canon, Havre est fort seur
,
ôc
peut contenirungrand nom- bre de Vaisseaux. Il y a déja
quantité de Maisons qui forment
une espece de Ville.
^Cequ'ilya de plus remar-
,
quable est un Jardin fort
grand & fort spacieux avec
des allées à perte de veuë.
On y a planté tout cequ'il
ya de bons fruits en Europe
& dans les Indes. Les uns
sont d'un costé,les autres de
l'autre
,
& tous y viennent
fort bien. Celuy qui a foin
de ce beau Jardinest unFrançoisqui
est grand Seigneur
en ce Pays-là. Il reconnut
Mr le Chevalier de Chaumont,
qu'il avoit veu chez
Monsieur
, ou il avoit esté
Jardinier.
La terre que les Hollandoisoccupenr,
a esté achetée
d'un petit Roy du Pays, pour
des bagatelles de l'Europe.
Plus on avance en s'éloignant
gnant de la Mer, plus elle
est bonne & fertile, &sur
tout la Chasse y en merveilleuse
; mais on y doit craindre
les Bestes farouches,
comme Lyons,Tygres,Elephans,
& autres. Ces belles
s'écartent à mesure que le
Pays se découvre, & qu'on
y fair de nouvelles habitations.
Les Hollandoisont
déjàcommencé d'en faire
en plusieurs endroits. Pendant
le séjour de Mr l'Ambassadeurau
Cap, deux d'enreeuxestantallezàla
Chase
furent rencontrez & attaquez
par un Tigre. Il le
jetta sur l'un de ces Hollandois,
l'autrele tira & le blessa.
Le Tigre tout en fureur
vint à celuy qui l'avoir blessé,
& il l'auroit devoré sans
doute, si son Camarade qu'il
avoit jetté par terre, ne Ce
fust promptement relevé
pour tirer aussi son coup. Il
le tira si heureusement qu'il
cassa la teste au Tigre. On
l'apporta pour le faire voir.
Il estoit d'une grandeur effroyable.
On mit le Blessé à
un Hospital, qui est là tresbien
fondé, & oùl'on est
rtraité avec tous les soins imaginables.
Tous les Vaisseaux
Hollandois qui viennent
d'Europe, & ceux qui s'yen
retournent, laissent leurs
Malades en ce lieu là
,
& ils
y recouvrent incontinent
leur santé
,
l'air & les eaux
estant admirables.
Les Habitans y sont doux,
assez bien faisans, & il n'est
pas difficile de s'accommoier
de leurs manieres, mais
Ils sont laids, mal-faits, de
petite taille,& ont plus de
rapport à la façon de vivre
les bestes qu'à celle des hommes.
Leurvisageest tout ridé,
ils ont les cheveux remplis
de graisse
;
& comme ils
se frottent le corps d'huile
de Baleine,& qu'ilsne mangent
que de lachaircruë,ils
sont si puans qu'on les sent
de loin. Ils ne mangentleur
Betail que lorsqu'il est mort
de maladie
,
& ce leur est
un fort grand ragoust qu'une
Baleine morte ,
jettée par la
Mer sur le rivage, ou les
tri pes chaudes d'une Bê-
-
te. Ils les secoüent fort legerement
,
& les mangent
avec les ordures
,
aprés en
avoir osté les excremens,
dont quelques-uns se servent
pour se froter le visage. On
leur - a donné le nom de Cafres,&
les hommes &les femmes
n'ont qu'une peau coupée
en triangle pour se couvrir
ce que la nature apprend
à cacher. Ils se l'attachent
avec une ceintire de cuir au
milieu du corps. Quelquesuns
se couvrent les hanches
d'une peau de Boeuf ou de
Lyon. D'autres portent une
peau qui leur descend depuis
les épaules jusque sur les
hanches,& plusieurs se dé-
coupent le visage3 les bras:
& lescuisses
, & achevent
de se défigurer parlescaracteres
étranges qu'ilsy font.
LesFemmes portent aux bras
& aux jambes des Cercles de
fer ou de cuivre, que les Etrangers
troquent avec elles
toujours à leur avantage. Ils
demeurentende petites hûtes
où ils vivent avec leur
bétail fous un mesme couvert.
Ils n'ont ny lit,nysieges,
ny meubles, & s'asseient
sur leurs talons pous se reposer.
Ils nevont vers la Mer
,
que lors qu'ils sçaventqu'il
est arrivé quelque Navire,
& qu'ils peuvent troquer
leur betail. Ils ont aussides
peaux de Lyon, de Boeuf, de
Leopard, & de Tigre, qu'ils
donnent pour des Miroirs,
des Couteaux
,
des Cloux,
des Marteaux,des Haches,
& autres vieilles ferrailles..
Il est malaisé de découvrir
l'estat du Païs au dedans, ôc
les richesses qu'on y peut
trouver,àcause que les GouverneurHollandoisont
fait
faire ferment à tous ceux
qu'ils ont menez avant dans
les Terres, de n'en reveleraucune
chose,On a sçeud'un
Homme quia demeurelongtemps
dans la Forteresse que
depuis quelques années le
Gouverneur avoir esté avec
bonne escorte à plus de deux
cens cinquante lieuës pour
faire la découverte du Pays;
qu'ilavoir trouvé par tout
des Peu ples traitables, ôc
assezbienfaits, les Terres
fort bonnes & ca pables de
-
toute sorte de cu lture, ôc
qu'il y avoit ~desMi d'or,
de fer, & d'une espece de
cuivre où il entroit une septiéme
partie d'or. Onles
trouva chantans & dançans
& ilsavoient des manieres
de Flustes qui estoient sans
trous. Elles estoient creuses,
& une espece de coulisse
-
qu'ils haussoient ou baissoient
avec leurs doigts, faisoit
la diference des tons.
Ce Gouverneur avoit esté
conduit par un Cafre, & ce
Cafre ayant aperçeu deux
hommes de grande taille fqouri.s ven.oien,t à eux, s écria
alarmé
y
qu'ils estoient
perdus, & qu'il voyoit les
deux plus grands Magiciens
du Pays. Le Gouverneur
4
répondit qu'il estoit encore
plus grand Magicien qu'eux,
& qu'il ne s'étonnait point.
Les pretendus Magiciens s'étant
avancez, il sir aporter
un verre remply d'eau de
vie.On y mit le feu,& il lavala.
Ces Malheureux furent si
épouvantez d'un pareil prodige,
qu'ils prirent le Gouverneur
pour un Dieu, & Ce
mirent à genoux pour luy
demander la vie. Les Hollandois
ont fait un nouvel
établissèment au Cap. Il est
au bord de la Mer; mais ils.
le tiennent secret, ne vouIant
pas que les autres Nations
quiviennent s'y rafraischir,
en ayent connoissance.
Ce Cap est l'extremité de la
terre ferme d'Afrique, qui
avance dans la Mer vers le
Sud, à trente-six degrez au
delà de la Ligne.Cette extremité
de terre fut nommée
Cabo de Boa Speranza
, par
Jean II. Roy de Portugal,
fous lequel Barthélémy Dias
la découvriten1493 Ce Prince
la fit appeller ainsi à cause
qu'il esperoit découvrir
en fuite les richesses des Indes
Orientales, & les autres
Nations luy ont confirmé,
ce nom, parce qu a près que
l'ona doubléle Cap, quiest,
presque en distance égale de
deux mille cinq cens lieuës,
entre l'Europe & la Coste la
plus Orientale desIndes,on
a toute forte d'esperance de
pouvoirachever ce grand
Voyage.
Les Malades estant guéris
-' on fit du bois& de l'eau, on
acheta toutes les provisions
que l'onjugea necessaires
- pour aller à Batavia,& l'on
remit à laVoile le 7. de Juin,
après les Saluts donnez &
rendus de part & d'autre
comme onavaitfait en arrivant.
Cette seconde traver- senefut pas si douce que
la premiere. Les vents furent
violens,& la tempeste separa
la Fregate la Maligne du
Vaisseau de Mr l'Ambassadeur
,sans quelle pust le rejoindre
qu'auprés de Batavia.
Le 5. de Juilleton découvrit
l'Isle de Java,
-
& le 16. on
moüilla prés de Bantam. La
longueur del'Isle de Java est
de cent cinquante lieuës,
mais on n'a pas encore bien
sceu quelle est sa largeur.
C'est ce qui a fait croire à
quelques uns quecen'estoit
pas une Ble; mais qu'elle faisoit
partie du Continent que
l'on connoist fous le nom de
terre Australe au près du Détroit
de Magellanes. Les Habitans
pretendent que leurs
Predecesseurs estoient Chinois,&
que ne pouvant sousfrir
la trop severe domination
du Roy de la Chine, ils
passerent dans l'Isle de Java.
Ontrouveeneffet que les Ja- 1
vansontle front& les. machoires
larges,& les yeux pe- l
tits comme lesChinois. Il n'y t
àpresquepoint de Ville dans
Java qui n'ait son Roy, &
tous ces Rois obeissoient autrefoisà
un Empereur mais
depuis environ quatre-vingt
ans,ils ont aboly cette Souveraineté
,
& chacun d'eux
est indépendant. Celuy de
Bantam est le plus puissant.
de tous. La Ville qui porte ce
nom, estau pied d'une Montagne
de laquelle sortent
trois Rivieres,dont l'une traverse
Bantam
,
& les deux
autres lavent ses murailles y
mais elles ont si peu d'eau.
qu'aucune des trois n'est lia.
vigable.LesHollandois sont
maistres de cette Place depuis
peu d'années. Le Roy
de Bantam ayant cedé le
Royaume à son Fils, ce Fils
maltraita d'abord tous ceux
qui avoient esté considerez
de son Pere. Le vieux Roy
l'ayant appris luy en fit faire
des reprimandes, & le Fils
pour s'en vanger, fit massacrer
tous ces malheureux. Ce
différentalluma la guerre
entre le Pere & le Fils, & ce
dernier fut chassé. Dans cette
disgrace
,
il demanda du
secours aux Hollandois qui
le rétablirent & mirent le
vieux Roy dans une Prison
où ils le tiennent encore.
Tout se faitaunom du jeune
Roy
,
qui ay ant une grosse
GardeHollandoisetoujours
avec luy pour l'observer, n'a
pc pouvoirqu'autant que les
Hollandoisluy en laissent.
Le Vaisseau de Mrl'Ambassadeurn'entra
point dans le
Havre de Bantam, mais on
le laissa pas de prendre tous
es rafraichissemens. dont on
ut besoin
,
& ils furent apportez
à bord par ceux du
Pays. - -¡"., -,,-'-'f.
Le 18. on arriva devant Batavia
,
où l'on demeura sept
jours pour soulager les Malades
que l'on mit à terre.
Cette Ville est située à douze
lieuës de Bantam
, vers le
Levant dans une Baye
,
qui
estant couverte de quelques
petites Isles du costé de la
Mer, fait une des plus belles
rades de toutes les Indes.
Ce n'estoit d'abord qu'une
Loge que les Hollandois avoient
à Jacatra
,
& que le
Roy de ce nom leur avoir:
permis de bastir à causedes
avantages qu'il tiroit du de j
bit des Epiceries qu'ils y venoient
acheter. Le Roy de
Bantam leur avoit aussi permis
de bastir une Maison ou
Loge dans son Royaume,
pour y laisser les Facteurs qui
devoient veiller à la conservation
des Marchandises
dont ils trafiquoient. La
mesme permission avoit esté :
donnée aux Anglois, malgré
la repugnance qu'avoient les
Javans de souffrir aucun établissement
aux Estrangers
dans leur Isle, par lacrainte:
où ils estoient qu'ils ne les
traitassentavecla mesme rugueur
que les Portugais avoient
exercée contre les
Rois Indiens qui les avoient
receus chez eux. Les Traitez
que les Hollandois avoient
faits avec ceux de Jacatra &
de Bantam
,
regloient les
Droits d'Entrée &de Sorcier
mais comme ils haussoient
ces Droits àmesurequ'ils
voyoient que le Commerce
devenoit necessaire aux Etrangers,
la mauvaise foy
qu'ils eurent
5
obligea les
Hollandois à fortifier peu à
peu leur Loge de
-
Jacatra,
pour se mettre à couvert de I
la violence que leur pourroient
faire les Barbares
quand ils voudroient se
mettre à couvert de ces injustices.
LesIndiensnes'en
apperçeurent que lors que
la Loge futen estar de desense,
& ne pouvant plus se
décharger des Hollandois
par laforcey ils se servirent
de l'occasion de la mauvaise
ntelligence où ils les virent
Lvec les Anglois, & quiéclaa
principalement batNaval au Com- qui se donna entre
ux le 2. Janvier 1619. entre
acatra & Bantam. LaFlote
Angloise qui estoit d'onze
Ramberges
,
maltraita la
Hollandonise j , qui n'estoit,
composée que de sept Navires.
LesHollandoiss'étantretirez,
le Roy de Jacatra assiegea
leur Fort, auquel ils avoientdonné
le nom de Batavia.
Il se servit des Troupes
Angloises,qui après un Siege
de sixmois,furent contraintes
de l'ab andonnerles Hollandois
ayant renforce leur Flote,
des Navires qu'ils avoient
dans les Moluques. Le Roy
de Jacatrarejetta inutilement
sur lesAnglois la cause de ces
desordres, Le General Hollandois
se paya point de ces
excuses; Il fit débarquer ses
gens au nombre d'onze cens
hommes, attaqua la Ville de
Jacatray la prit de force, &
y fit mettre le feu. Aprés ce
succez,les Hollandoisacheverent
les Fortifications de
leur Loge, & en firent une
Place reguliere, à quatre Bâstionsrevestus
de pierre,bien
fossoyée&palissadée avec
ses demy-lunes, redoutes, ôc
autres Ouvrages. Le Royde
Matran
,
quiestoitcomme
l'Empereur de toute rIfle..
assiegea le Fort en 1628.& s'étant
logé fous le Canon, fit
donner plusieurs assauts à la
Place, mais il fut enfin contraint
de lever le Siege, aussibien
que l'année suivante,
& depuiscetemps là les Hollandois
y akr- étably leur
-
commerceavec lesChinois,
Japonois, Siamois, & autres
Peuples Voisins
,
se failanc
payer dix pour cent pour les
droits de laTraite-Foraine,
de toutes les Marchandises
qui s'y débitent. Ils sont
maistres de toute la Canelle
&du Clou deGirofle quiest
dans I
dans le monde,&envoyent
tous les deux ans un Vaisseau.
au Japon; mais ils n'ont presque
point de liberté en ce
lieu là. Si-tost queleurs Vaiffeaux
y sont arrivez, on 1.
prend leurs Voiles, leurs Agrés,
& tous lesMasts qu'on
met ians unMagasin &
quelque
tempsqu'il
puisse
Faire,on les oblige à partir au
OUI; qui leur est marqué.
Le Directeur du Comptoir
l'y peut estre que trois ans. 1
^.infi il y en a toujours trois,
'un quiva,l'autre qui revient,
( le dernier qui demeure.
On ne souffre point qu'ils
aillent dans le Pays, mais Us?
en rapportent tantde riches
ses, qu'ilssesoûmettent sans
peine à ce qu'on exige d'eux.
Le General Hollandois qui ij
està Batavia,n'est pas moins
puissant qu'un Roy. Quoy
qu'on ne l'élise General que 3
pour trois ans, l'élection se 5
confirme
,
& il est toujours 2
continué. Il a une Garde à i
pied & à cheval. Ses apoin- -
temens sont de quarre mille
francs par mois, & il prend h
tout ce qu'il veut dans les
Magasins sans rendre comp- -
se de rien. Il y a six Conseillers
ordinaires qui font toules
choses
,
& quand il en
meurt quelqu'un,c'est luy
qui luy nomme un Succes-
,- seur fous le bon plaisir de la
Compagnie.Son choix en elt
toujoursapprouve. Il yaaussi
des Conseillers extraordinaires
,mais quand on prend
leurs avis, on ne compte
point leurs voix, si ce n'est
sqeuil'lielrms anque un des six Conordinaires.
Ils sont
tous logez dans la Forteresse.
La Compagnie a dans ce
Pays-là plus de deux cens
Vaisseaux qui font tout le tra- 1 fie de l'Orient.Ondit que
les Hollandois y peuvent l
faireune armée de plus, de
cinquanteVaisseauxdeGuer- '-
re. Ils ont six Gouyernemens
Généraux, desquels dépendent
tous les Gouvernemens
particuliers de leurs Places,
& par consequent tous les
Comptoirs & Loges qu'ils
ont la en tresgrand nombre,
& dans tous les lieux où ils
croyent pouvoir trafiquer.
Mr l'Ambassadeur receut
toutes les honnestetez possibles
de ce General des Hbllandois,
quil'envoya visiter
à bord 7 j , &luy -Et porter toutes
fortes de rafraichissemens.
Quoy qu'il se fust excusé
de sortir de sonVaisseau,
comme il l'en, avoir fait
prier, il ne laissa pas de defcendre
à terre Incognito, ôc
d'aller voir les beaurez de
Batavia. Après avoir donné
quelques jours aux Malades
que l'air de la terre guerit en
fort peu de tem ps, il resolut
de poursuivre son Voyage;
mais comme aucun des Pilotes
n'avoit esté à Siam, il en
prit un du Payspour passer
le Détroit de Banca qui est
dangereux. Ce fut là que la
Fregate la Maligne le rejoignit
, ce qui fut à tous un
fort grand sujet de joye. Peu
de jours aprés, Mr d'Arbouville
Gentilhomme de Normandie
,mourut dans cette
Fregate, & il fut jetté à la.
Mer avec les ceremonies ordinaires
dans ces-tristes occa
fions. Les deux Mandarins
que l'on remenoit de France
à Siam
,
n'avoient sorty que
deux fois du trou où ils s'etoient
mis dans le Vaisseau
pendant tout y ce long Voyage
,
mais lors que l'on commença
a voirdeshommes
noirs vers ce Détroitde Banca,
ils monterentsur letillac,
& donnerent de grandes
marques de joye.
Le 3. de Septembre on repassa
la Ligne, & enfin le 14.
du mesme mois on moüilla
à la Barre de la Riviere de
Siam, qui est une des plus
grandes de toutes les Indes.
On l'appelle Menam, c'est à
dire, Mere des Eaux Elle
n'est pas bien. large , mais
elle est si longue, qu'on dit
qu'on n'a pû encore monter
jusqu'a sa source. Son cours
est du Nord au Sud.Elle f
passe par les Royaumes de
Pegu & d'Auva, & en suite
parceluy de Siam. Elle a
cela de commun avec le Nil,
qu'elle se déborde tous les
ans, & couvre la terre pen
dant quatremois. En s'en
retirant, elle y laisse un limonquiluy
donne lagraisse
& l'humidité dont elle a be.
foin pour la production du
Ris. Elle se dégorge dans le
Golse de Siam par trois grandes
embouchures, dont la
plus commode pour les Navires
& pour les Barques est
la plus orientale, mais ce qui
la rend presque inutile,c'est
uu Banc de sable d'une lieuë
d'étenduë, qui est vis-à-vis
de laRiviere,& qui n'a que
cinq ou six pieds d'eau avec
la basse Marée.Lahaute y
en amene jusqu'à quinze ou
seize; maiscen'e st pasassez
pour les grandsNavires qui
demeurent ordinairement à
la rade à deux lieuës de ce
Banc. Ils y sont en seureté,
& ont en tout temps six
brasses d'eau.Ainsi le Vaisseau
de Mrl'Ambassideur
demeura à cette rade, & la
Fregate qui prenoit moins
d'eau, passa sur le Banc avec
la Marée. Quand on l'apafsé
on peut entrer dans la Riviere
jusques à BancoK, qui
est une Ville éloignée dela
Mer de six lieuës. Celle de
Siam en cil: à vingt-quatre,
Si-tost qu'on eut mouillé à
cette embouchure, Mr le
Chevalier de Chaumont envoya
Mr Vachet, Miffionnaire
Apostolique, qui estoit
venu en France avec les
Mandarins de Siam
,
donner
avisdeson arrivéeàMr l'Evêque
de Metellopolis. Cette
nouvelle causa une extrême
joye au Roy de Siam. Il ordonna
aussi-tost qu'on prearast
toutes choses pour saie
une magnifiquereception
L Mr l'Ambassadeur, & nomna
deux Mandarins du prenier
Ordre pour luy venir
aire com pliment à bord.
C'est ce qu'apprit MrleChevalier
de Chaumont par Mr
Evesque de Metellopolis,
qui vint à bord le 29. avec
Mrl'Abbé de Lyonne. Cét
Abbé estoit passé à Siam en
581. avec Mr l'Evesque d'Heliopolis,
dont il y a quelques 1
mois que je vous appris la
mort. Son zeleestconnue,&
l'on peut juger par là dufruit
qu'il a fait en travaillant à la
Conversion desInfidelles.Le
lendemain les deux Mandarins
vinrentsaluer Mr l'Ambassadeur.
Il les receut dans
sa Chambre
,
assis dans un
Fauteüil
,
&ils s'assirent à la
mode du Pays sur des Carreaux
qui étoiét surle Tapis
de pied. Ilsluy marquerent
1 la joy e que le Roy leur Maîtreavoit
de sonarrivée,& dirent
qu'on luy avoir donné
une agréable Nouvelle,en
luy apprenant quele Roy de
France avoit vaincu tous ses
Ennemis, & donné ensuite
la Paix à l'Europe. Cette Audience
finie, on apporta du
Thé& des Confitures,& l'on
tira neufcoups de Canon à
leur sortie du Vaisseau.
Le I. d'Octobre,MrConstanceFavory
duRoy,envoya
son Secretaire avec des rafraichissemens
en si grand
nombre, qu'il y en eut pour
nourrir tout l'Equipage pendant
quatre jours. Mr Constance
est un homme d'un
fort grand merite, qui s'est
élevé par sa vertu au porte
où il est. Il est Grec,de Mie
de Cefalonie
,
& fut pris petit
Garçon par un Vaisseau,
où il fut fait Mousse. C'est
le nom qu'on donne à de
jeunes Matelots qui fervent
les gens de l'Equipage. On
le mena en Angleterre,&
il continua le service dans
les Vaisseaux. Il passa aux Indes,&
de degré en degré, il
devint enfin Capitaine de
Vaisseau. Il alloit à la Chine,
& au Japon, où il trafiquoit
pour le compte des Marchands.
La tempesteluy
ayant fait faire naufrage à la
Coste de Siam
,
il fut contraint
de semettreau service
du Barcalon, qui est un des
six grands Officiers de ce
Royaume. Son employ consiste
dans l'administration
des Finances. Le Roy de
Siam avoit alors un grand
démeslé avec ses voisins,
touchant un compte par lequel
on pretendoit qu'il demeuroit
redevable de fort
grosses sommes Les Siamois
n'entendent pas bien l'Arithmetique.
Mr Constance de-
-
manda à examiner tous les
Papiers que le Barcalon a-
, voit entre ses mains
,
& il
rendit le compte sinet, qu'il
fit connoistre non seulement
que le Roy de
-
Siam ne devoit
rien
,
mais que l'autre
Roy luy devoit des sommes
tres -
considera bles. Vous
pouvez juger dans quellefaveur
il se mit par là. Le Barcalon
estant mort peu de
temps aprés, le Roy le prit
JL son service ,&il est presentement
tout puissant dans
cet Estat. Il n'a voulu accepter
aucune des six grandes
Charges
,
mais il est sort diffusde au
tous ceux qui les
exercent
,
& il seroit dangereux
dene luy pas obeïr. Il
parle au Roy quand il veut, -
c'est un privilege qui luyest
particulier. Laprincipalede
ces grandes Charges rend
celuy qui la possede comme
Viceroy de tout le Rovau--»
me.elleest presentement
exercée par un Vieillard pour
cjm le Roy mesme a grand
:*e{peâ.-Il est son Oncle & a"
ïsté son Tuteur. Ce Vieilard
estsourd
,
& on luy par- eparile moyen d'uniennp
homme que l'on sait entrer,
& quien criantfort haut,
luy fait entendre ce qu'il faut
qu'il sçache. C'est un homme
de tres-bon sens, & on
s'est toûjours bien trouvé de
ses avis.
Le 8. Mr l'Evesque de Metellopolis
revint à bord avec
deux Mandarins plus qualifiez
que les premiers, qui furent
receus & saluez de la
>•
mesme forte. Ils venoient j
s'informer au nom du Roy
de la santé deMrl'Ambassadeur,
& l'inviter de descendre
à terre. Aprèsqu'ils furent
sortis du Vaisseau, cet
A mbassadeur se mit dans son
Canot, & sur le soir il entra
dans la Riviere avec les per-
»
sonnes de sa fuite, qui avoient
trouvédes Bateaux du
Roy pour les amener. A l'entrée
de cette Riviere estoient
cinqBalons sortmagnifiques
que le Roy avoit envoyez
pour le conduire à Siam. Ce
sont des Bastimens faits d'un
seul arbre. Il y ena qui ont.
cent pieds de longueur, &,
qui n'en ont que huit on
neufpar le milieu,quiest
l'endroit le plus large,& dans
lequel il y auneespece de
Trône couvert. Mrl'Ambassadeur
coucha ce soirlaà
bord de la Maligne, qui étoit
entrée dansla Riviere quelques
jours auparavant.
-
Le 9. deux nouveaux Mandarins
vinrent recevoir ses
ordres. Ils estoienthabillez
comme les autres, avec une
maniere d'écharpe fort large
depuis la peinture jusqu'aux
genoux, sans estre plissée.
Elle estoit de toile peinte,
& tomboitcomme une culote
Il y avoit au bas une
bordure fort bien travaillée,
!& des deux bouts de l'écharpe,
l'un passoit entre leurs
jambes, l'autre par derriere.
- Depuislaceinturejusqu'en
haut,ilsavoient une maniere
de chemise deMousseline
assez ample, tombant par
dessus l'écharpe, & toute ouverte
par le devant. Les
manches venoient un peu
au dessous du cou de
,
& étoient
passablement larges.
~ls avoient la teste nuë
,
ôc
~stoient sans bas & sans souiers.
La plus part de leurs
~alets n'avoient que l'éharpe
& point de chemise.
Onze Bateaux arriverent dej
Siam chargez de toutes sor- ni
tes de vivres. Mr Constance j
les envoyoit de la part du j
Roy,qui luy avoit ordonné t
de faire fournir aux Equipagestoutes
leschoses dontils
auroietbesoin pour leur sub- fl
sistance,pendant leur séjour.
Mr l'Ambassadeur s'étant "a
i < -
mis dans un Balon partità *'j
sept heures du marin, & apres
avoir fait cinqlieuës,
il arriva dans une Maison
bastie de Bambous, qui est
un Bois fort leger, & couverte
de Nates assez propresm
Il y avoir plusieurs Chambres
toutes tapissées de toiles.
peintes. Les Meubles en estoient
fort riches, & tous les
Planchers estoient couverts
de tres-beauxTapis. La
Chambre deMrl'Ambassadeur
estoit meublée plus
magnifiquement que les autres.
Il y avoir un Dais de
toile d'or, un Fauteüil doré,
&un tres- beau Lit. Deux
Mandarins, & les Gouververneurs
de BancoK& de
Pipely le receurent en cette
Maison, qui avoir esté bâtie
expres, ainsique toutes les
autres-où il logea jusqu'àson
arrivée à Siam. Il fautaussi
remarquer que les Meubles 1
de toutes ces Maisons estoient
neufs, & n'avoient
jamais servy. Il y eut un
grand Repas, aussi abondant
en viandes qu'en fruits.
Apres que l'on eut disné, Mr
l'Ambassadeur se remit dans
sonBalon, & arriva le soir à
BancoK, qui est la premiere
Place du Royaume de Siam
sur la Riviere. Un Navire~
Anglois qui se trouva à la
rade, le falüa de 21. coups de
Canon, & les deux Forteresses
ses qui sont des deux costez
de cette Riviere, tirerent
l'une 31. coups de Canon &
l'autre29. Il logea dans l'une
de ces Forteresses, en unf
Maison fort bien bastie, &",
que l'on avoit richement
meublée. Il y fut traité avec
la mefime magnificence.
Il partit le 10. à huitheures
du marin, & receut des Forteresses
le mesme salut qu'à
on arrivée. Il fut complimenté
avant son départ, par
eux nouveaux Mandarins
ui l'accompagnerent avec
~us les autres,auffi- bien que
le Gouverneur de Bancok.
Il trouva de cinq lieuës enn
cinq lieuës de nouvelles
Maisons toujours tres-commodes
,& fort richement
meublées
,
& arriva le 12. à"É
deux lieues de la Ville de
Siam. Il avoit plus de cinquante
Balons à sa suite, de i
cinquante jusqu'à cent pieds
de longueur, & depuis trente
jusqu'à six-vingt Rameurs..
Ilssontassis deux sur chaque *
banc,l'un d'un costé, & l'au-
-
tre de l'autre, le visage vers 2
le lieu où ilsveulent arriver..
Leurs rames sont longues de *
quatre pieds, lapluspart dorées,&
ils fatiguét beaucou p
enramant de cette forte. Il
- faut cependant fort peu de
chose pour les contenter.On
leur donne du ris qu'ils font
cuire avecde l'eau, &quand
on y ajoûte un peu de poisson,
on leur fait grand' chere.
Dans tout ce passageon rendit
à Mr l'Ambassadeur les
mesmes honneurs que l'on
rend au Roy. Il ne demeura
pei sonne dans les Maisons,
& comme toute la Campagne
estoit a lors inondée,tout
le monde estoit prosterné
dans desBalons, ou ssir<
des monceaux de terre élevez
à fleur d'eau,& chacun
avoir les mains jointes proche
le front. Devant toutes
les Maisons & Villages, il y
avoir une espece de parapet,
élevé de sept ou huit pieds
hors de l'eau avec des nates.
C'est ce qu'ils observent lors
que leRoy passe. Ils se jettent
le ventre contre terre, & par
respect ils n' osentjetter les
yeux sur luy. J'ayoublié de
vous dire que toutes les
Maisons où Mr l'Ambassadeur
logea, estoient peintes
derouge,ce qui est particu
lier aux Maisons du Roy.
On y faisoitgarde pendant
lanuit, & ilyavoit des feux
tout autour.
Le 13. Mr m'Ambassadeur
fit prier le Roy de luy vouloir
envoyer quelque personne
de confiance avec
qui il pust s'expliquer, parce
que les manieres de recevoir
les Ambassadeurs des Roys
d'Orient
,
estoient differentes
des Ceremonies que l'on
devoit observer en recevant
un Ambassadeur du Roy de
France. Mr Constance vint
à bord le lendemain
,
& ils
convinrent ensemble de
toutes choses.
Le 15 tout le Seminaire
de Siam vint saluer Mr le
Cheualier de Chaumont. Il
y avoit plusieurs Prestres venerables
par leur grande
barbe, & quantitéde jeunes
Chinois, Japonois, Cochinchinois,
Siamois & autres,
tous en long habit, & avec
une modestietres-édisiante.
Les uns sont dans les Ordres
Sacrez,&les autres aspirent
a y entrer.
Le 16. les Deputez de toutes
les Nations établies à
Siam au nombre de quarante
deux, le vinrentcomplimenter.
Ilsestoient tous habillez
à leur maniere, ce qui
faisoit un effet tres. agréable.
Lesunsavoient desTurbans,
les autres des Bonnetsàl'Arménienne,
ceux-cy des Calotes,&
quelques-uns des Babouches
comme les Turcs,
Il y en avoit qui estoient
teste nuë ainsi que les Siamois,
parmy lesquels ceux
qui font d'une qualité distingllée,
ont un Bonnetcomme
celuy d'un Dragon. Ilest
faitde Mousseline blanche,
& se tient toutdroit. Ils l'arrestent
avec un ruban qu'ils
passent tous leur menton.
Le 17. Mr Constance vint
voirles Presens que Sa Majesté
envoyait nu Roy son
Maistre
,
&il amena quatre
Ballons magnifiques pour
les porteràSiam.
Le 18. Feste de S. Luc,
M l'Ambassadeur sedisposa
à son entrée dés le matin, &
il commença par offrir à
Dieu son Ambassade
,
puisqu'elle
n'avoit esté resoluë
que pour sa gloire. Il fit ses
Dévorions avec sa pieté ordinaire
,
& ensuite il alla
:rouver deuxOyas& quaante
Mandarins qui l'attenloienc
dans la Salie. Les
Dyas sont comme les Ducs -
n France. Il prit la Lettre
lu Roy, & la mit dans une
Boëte d'or, cette Boëte dans
ne Coupe d'or, la Coupe
~DUS une sous-Coupe d'or, &
exposa ainsi sur la table, ou
stoitun richeDais. LesOyas
les Mandarins se profernerent
les mains jointes
11* lefront, levisage contre
rre, & salüerent trois fois
la Lettre en cette posture-
C'est un honneur qui n'avait
jamais esté rendu dans
ces fortes de Ceremonies.
Cela estant fait, Mr l'Ambassadeur
prit la Lettre avec
le Vase, le porta septouhuit
pas & l'ayant donné
à Mrl'Abbé de Choisyqui
marchoit un peu derriere.à
sa gauche,
il alla jusqu'a la
Riviere, où il trouva un Ba-
Ion très-doré
,
dans lequel
estoient deux grands Mandarins.
Alors il reprit la Lettre
du Roy, des mains de M
l'AbbédeChoisy,laportajusue
dans ce Balon & l'ayant
onnée à l'un desdeux Man-
~arins, ce Mandarin la mit
iixs un Dais fort élevé en
pince & tout brillant d'or.
* Balon où cette Lettre tmise
,
suivit ceux qui
~rtoient les Presens du Royeux
autres estoient de cha-
~e cofté
, & il y avoit.
~ux Mandarins dans chaa
pour garder la Lettre.
~tit autres Balons de l'Estat
Siam, tous fort magnifies
,
suivoient ceuxcy ,
Ôc
cedoient un tres -
super-
Balon où Mr l'Ambassadeurestoit
seul. Mrl'Abbé
de Choisy estoit aussi feullli,
dans un autre, & il y en avoit
de vuides qui servoient
d'escorte à droit& à gauche.
-
En suite parurenr quatreautres
Balons, où estoient les
Gentilshommes & les Officiers
de Mr l'Ambassadeur.
Dans d'autres estoientles
Gens de saisuite, tous fort
propres, & accompagnez de 3)
Trompettes & de dix-huit
hommJ.es de livrée. Elle cftoit
fort magnifique,&frap- -<j
pa les Siamois plus que l'or n
des Juste-au-corps. LesNations
étrangeres furent du
Cortege, & l'on ne voyoit
que Balons sur la Riviere.
Les grands Mandarins marchoient
à la teste en deux
colomnes. Le Balon oùef-
~oit la Lettre du Roy & les
leux Balons qui la garloient
avec celuy de Mr
»Ambassadeur
,
tenoient le
milieu. Si tostqu'il fut arrivé
terre, la Ville le salüa
, ce
qui ne s'estoit jamais fait
pour aucun Ambassadeur. Il
~ortit de son Balon,& ayant
~epris laLettre du Roy, illa
pic sur un Char de Triomphe
qui l'attendoit, & quiu
estoit encore plus magnifï--que
que que le Balon. On le ~fiéd
monter dans une Chaise ~déJj
couverte, toute d'or, & ~quoi,
dix hommes porterent. M"i\
l'Abbé de Choisy fut ~portôr
dans uneautre. Les~Gentils-?
hommes & les ~Mandainen
suivoient à cheval, & les/j
Trompettes, & tous les ~Genen
de laMaison de Mr~l'Am-rr
bassadeur alloient à ~piecVj
en fort bon ordre. Les Na~x,l
tions suivirent aussi à ~piedhz
On marcha de cette ~fortor;
dans une ruë assez longue, &&
largeà peu pres comme la
ruëdeS Honoré.Elleestoit
bordée d'arbres, & dune
double file deSoldats, le Pot
enrested'un metaldoré, leBouclier & ferentes au bras avec dif- armes, Sabres, Piques,
Dards, Mousquets,
Arcs & Lances. Ils estoient
nuds pieds., & avoient une Chemise rouge, avec une Echarpe de toile peinte qui leur servoit de culote, com-
~me j'ay déja marqué. Des Tambours sonnant comme des Timbales, des Musettes,
des manieres de petites Cloches,&
des Trompettes qui
nerendoient qu'un son des
Cornet,formoient une har- -
monieaussibizarre qu'extraordinaire.
Apres avoir passé
-
u
par cette ruë, on arriva dans 21
une assez grande Place. C'es- -
toit celle du Palais. On ~n
voy oit des deux costez plumesieurs
Elefans de guerre, & :),
des hommes à cheval habil- - lez à la moresque avec la
-
Lance à la main. Les Na- ~-
tions avec tout le restedu Il
Cortege,quitterent M'l'Am- -e
bassadeur en ce lieu là , à la Li
reserve de ses Gentilshom- -1
mes. Avant que d'entrer ij
dans lePalais, il prit la Lettre
du Roy qu'il remit entre les
mains de Mrl'Abbé de Choi-
(y. En suite on marcha à
pied fort gravement. Les
Gentilshommes & les Ovas
alloient devant en bon ordre.
On traversa plusieurs
Courts. Dans la premiereil
y avoit deux mille Soldats le
Pot en reste, & le Bouclier
lOfé) ayant devant eux leurs
Mousquetsfichez en terre;
ls estoient assis sur leurs taons.
Dans la seconde par~
uurreenntt tcrrooiiss cens CChheevvaauuxx-.
~en Escadron, avec plus de
quatre-vingts Elefans, & :
dans la derniere estoient : quantité de Mandarins le
visage en terre, & soute-
-
nu sur leurs coudes. Il y >
avoit six Chevaux dont 3
tout le harnois estoit d'une e
richesse que l'on auroit peine
à exprimer. Brides,Poitrails,
( Crou pieres,Courroyes
, tout 3
estoit garny d'or,& par des- -
sus il y avoit un nombre infiny
de Perles,de Rubis&de 3
Diamans, en sorte qu'on ne s
pouvoit voir le cuir. Les 2:
Estriers estoient d'or,& les v
Selles d'or ou d'argent. Ils EJ
avoient des anneaux d'or
aux pieds de devant
, &
estoient tenus chacun pardeux
Mandarins.On y voioit
aussi plusieurs Elephans richement
enharnachez,comme
des Chevaux de Carrosse.
Leur harnois estoit de velours
cramoisy avec des boucles
doréesLorsquel'on fut
arri vé auxdegrez de la Salle
destinée pour l' Audience,
Mr l'Ambassadeur s'arresta
avec Mr Constance qui l'cf---
toit venu trouver, pour donner
le tem ps à ses Gentilshommes
d'entrer avant luy
dans cette Salle. Ils y entrerent
à la Françoise, & s'assirent
sur de superbes Tapis,
dont tout le plancher estoit
couvert. Les Mandarins &
tous les Gens de la Garde se
placerent de l'autre costé, &
pendant ce temps le Barca-
Ion dont on n'avoit point
encore entendu parler, entretenoit
Mr l'Ambassadeur
au bas du degré. Il luy dit
qu'a la nouvelle de son arrivée
ala Barre de Siam, il avoit
eu envie de l'aller trouver,
mais que les Affaires de
l'Estat ne luy en avoient
point laissé le temps. Ce
compliment estoit à peine
~Un y
>
qu'on entendit les
Tronl pettes&les Tambours
~lu dedans. Les Trompettes
lu dehors répondirent à ~niit,quifaisoitconnoistcree
~ue le Roy montoit à son
~trône. En effetil parut dans
e moment, & à mesme
~nips tous les Mandarins se
~ofternerent" pat terre les
ains jointes, suivant leur
~»ultumé.' Les François le
~üerenr, mais sans se le.
~r de leurs places. Alors
~Confiance&leBarcalpn.
entrerent dans la Salle les
pieds nuds
,
& en rampant
sur les mains & sur les genoux.
Mr l'Ambassadeur les
suivit
, ayant à sa droite Mr
l'Evesque de Merellopolis,
&à (a gauche M l'Abbé de
Choisy
,
qui portoit le Vase
où estoit la Lettre du Roy.
On tient qu'il pesoit du
moins cent livres, & il l'avoit,
toûjours eu entre les.
mains depuis qu'on l'avoir
tiré du Char de Triomphe.
Il estoit en habit longavec
un Rochet, & son ~manteaux
par dessus.Mrl'Ambassadeurs
osta son chapeau sur le dernier
degré dela Salle, & appercevant
le Roy dés qu'il
fut entré,il fit une profonde
\- reverence. Mr l'Abbé de
Choisynefalüa pas , parce
qu'il portoit la Lettre du
Roy.Ilsmarcherent jusqu'au
milieu de la Salle
, entre les
François assis sur les ta pis dit
Plancher & deux rangs de
grands Mandarins prosternez,
parmy lesquels il y avoit
deux Fils du Roy de
Chiampa
,
& un Frere du
Roy de Camboie, Mr l'Ambassadeur
fit une seconde reverence
,& s'avançant toujours
vers le Trône; lors
qu'il fut proche du lieu où
estoituneChaise à bras
qu'on luy avoir preparée, il
en fit une troisième, & commença
sa Harangue,ne s'asseiant
Ôc ne mettant ion chapeau
qu'aprés en avoir prononcéle
premier mot. Il dit
au Roy de Siam
,
£hte le Roy
son Maistre, fameux par tant de
Victoires, & par la paix qu'il
avoit accordée tant de fois à jes
Ennemis, luy avoit commandé
de venir trouver Sa Majesté aux
extremitez de l'Univers
, pour
luyi
w
wy pfeflnter des marques de jon
ejftme, er l'afj-rcr de son amitié
; mais que rien nefloit plus ca..
fable d'unir deux sigrands Princes
t que de vivre dam les fntinjem
dune mtfrne croyance; que cestoitparticulièremint ce que le
Roy son Maiflreluyavot recommandé
de rrpYl/ enter à Sa
Al.siesté
;
Quele Royleconjuroit
Par l'interef}quilpi non: à ra
véritable gloire
)
de co?1.fidrer
tjue cettesuprême A/fcjefit dont il
ijloit revcjîu sur Li Tcrre
, ne
wàuvoit venirque 'u vr yT)iru dire, du Di u Tout puiss
ant ,
Eternel Infiny
,
tel que
Ses Cbreftiens le reconnoijfent*
qui seulfait regner les Roys,&
réglé lafortune de tous les Peuples
; Que c'efloit à ce Dieu du
Ciel & de la Terre qu'ilfalloit
soumettre toutessesgrandeurs,
non a ces 'Vi'Vinitez qu'on adore
dins l'Orient,rItr dont Sa Maje/
lequi avoittantde lumierese
de pénétration
, ne pouvoit manquer
de voir l'impmjfance. Il finieen
disant,quelaplus agreableNouvelle
quil pourroit porter
au Roy [on Maigre
y
feroit que
Sa Majeftéperfuadée dela veri.
té,sifaisoitinstruire dms la ReligionCbrejhenne
; que cela cimenterott
a jamais iejnme &
iamitié entre les deux Rays ; que
iesFrançoisviendraient dans fort
Royaume avec plus d'empreffimentg)
de confiance,&quâinfi
ea Majefié s'attireroit un honheur
eternel dans le Ciel, après a.
suoit régnéavec rant de prosperité
surla Terre.
- Mr TAmbassadeurprononça
cette Harangue toûjours
assis,& sans oster son Chapeau
, que lors qu'il nommoit
quelqu'un des deux
Roys. Mr Confiance en fut
l'Interprete, & se prosterna
trois fois avant que de corn»
mencer. Aprés quoy M41le
Chevalier deChaumont prit
la Lettre de Sa Majesté des
mainsde Mrl'AbbédeChoisy.
Le Vase où onl'avoitenfermée,
estoit soustenu d'un
grand manche d'or de plus
de trois pieds de long. Ils'avança
jusqu'au Trône, qui
estoitune manieredeTribune
assez élevée dans une fenestre
de la Salle,& il presenta
le Vase sans hausser la
main. Mr Constance luy dit
qu'il prist la Coupe par le
baston, mais il n'en voulut
rien faire. Le Roy se mit à
rire
,
& s'estant levé pour
prendre le Vase, il se baissade
maniere qu'on luy vit
plus de la moitiédu corps. Il
regarda la Lettre qui estoit
dans une autre Boëte d'or
que ce Princeouvrit. Il avoir
une Couronne toute brillante
de gros Diamans, avec un
Bonnet comme celuy d'un
Dragon, qui se tenoit droit,
artaché à la Couronne. Son
Habit estoit une maniere de
Juste-au-corps d'un Brocart
d'or, dont le fond estoit UEP
rouge enfoncé. Ce Juste-aucorps
luy serroit le col & les
poignets, & aux bords il y avoitde
l'or&desDiamans,qui
faisoient comme un collier
& des bracelets.. Il avoit aux
doigts quantitéde Diamans.
LaSalle de l'Audience étoit
elevée de douze ou quinze
degrez.Elle estoit quarrée &
assez grande, avec des fenestres
fort baffes de chaque
coste. Les murs estoient
peints, & il y avoit de grandes
Fleurs d'or depuis le
haut jusqu'au bas. Le platfond
estoit orné de quantité
de Festonsdorez, Deux
Escaliers conduisoient dans,
une Chambre ouestoit le
Roy, & au milieu de ces Escaliers
estoit une fenestre
brisée, devant laquelle on
voyoit troisgrands Parasols
par étages qui alloient jusqu'auPlat
fond,l'étoffe estoit
d'or,& une feüille d'or couvroit
le baston. L'un de ces
trois Parasols estoit au milieu
de la fenestre, & les deux:
autres aux costez. Ce fut par
cette fenêtreque leRoyparla,
Mr le Chevalier de Chaumont
estant retourné en [a'v
place, apres avoir donné la
Lettre de SaMajesté, ce qui:
futune grande marque de
distinction pour l'Ambassadeur
du Roy de France, les
Roisd'Orient ne prenant
aucune Lettre desmains des
Ambassadeurs, Sa Majesté
Siamoiseluyditqu'Elle recevoit
avec grande joye desmarques
de l'estime&del'amitié
du Roy & qu'il luy
seroit fort agréable de luy
faire voir en sa personne
combien elles luy estoient
cheres. Apres celaMrl'Am-
-
bassadeur luy montra quelques
Presens du nombre de
ceux que le Roy luy enroyoit,
& luy- presenta Mr
'AbbédeCkoify5&lesGen-
- iishommes. Ce Prince luy
larIa des Ambassadeurs qu'il
voit envoyez dans le Soleil
Orient, & demanda des
ouTelles de la Maison
.oyale, & ce qui se passoit
n Europe. Mr FAmbanaeur
répondit que Sa Mailsatcée,
apresavoir pris la forte
de Luxembourg avoit
oligél'Empereur,, les Espanols,
les Hollandois, & tous
s Princes d'Allemagne à
gner avec luy une Tréve
3 *
: vingtans. Il fit encore
d'autres Questions sur lesquelles
Mr l'Evesque de Metellopolis
servit d'Interprete,
& apres que M l'Ambassadeur
y eut répondu, on tiraun
Rideau devant la Fenestre
de la Tribune. Ce fut par
là que l' Audience finit. Elle
dura plus d'une heure, &
les Mandarins demeurerent.
prosternez pendant tout cor
temps. Ils avoient tous un.
Bonnet,mais sansCouronne,
& chacun d'eux tenoit une
Boëte, pleine de Betel &
d'Areque, dont ils usentencore
plus que nous ne faions
icy de Tabac, C'estpar
diference de ces Boëtes.
u'on peut distinguer leurs
ualitez.
Au sortir de l'Au dience,
Mr l'Ambassadeur fut conuit
dans le Palais, où il vit,
Elefant blanc. On luy rend
e grands honneurs, & on.
regarde comme une Diviité.
Quatre Mandarins sont
ûjours aupresde luy. Deux
ennent un Eventail pour
nasser les Mouches, & les
eux autres un Parasol, afin,
empescherqu'il ne soit inommodé
du Soleil.Ilest
servyen Vaisselle d'or.
-
One
en éleve un petit qui sert
son Successeur.. Lors qu'il 1
besoin de se laver, on le .me-si
ne à la Riviere, & alors les
Tambours &les Trompetes
marchentdevantluy. Dans
l'endroit où on le lave, il )(
a une espece deSale couverte,
destinée pour cet usage
Il y a eu autrefois de grandesGuerres
pour l'Eléphant
bbllanc '1 f1. 1 1 ,v,
,
& il a cousté la vie iî i
plus de six cens mille personnes.
Le Roy de Pegu
ayant appris que cet,Animal
estoit possedé par le Roy
e Siam,luy envoya une
mbassade des plus solembiles
pour le prier de le
lettre à prix, s'offrant d'en
lyer ce qu'il voudroit. Ce
t en 1568. Le Roy de Siam
rant refusédes'en défaire
luydePegu leva une Arée
d'unmillion d'hommes
en aguerris
,
dans laquelle
y avoit deux cens mille
hevaux
,
nans cinq mille Ele- ,
& trois mille Chaeaux.
Quoy que Pegu soit
Digne de Siam de soixante
cinqjournées de Chaeau
,
il ne laissa pas avec
cetteredoutable Armée, de
venir amener son Ennemi
dans laVille Capitale. Il
prit& laruinaentierement
s'estant rendu Maistre de se
Trésors, de sa Femme & db
ses Enfans, qu'il emmena i
Peguavecl'Eléphant blancs
Le Roy de Siam se défen
dit jusques à l'extremité, &
voyant sa Ville prise
,
il fl
jetta du haut de son Palais
en bas, d'où il fut tiré crû
pieces. Quelques-uns écrin
vent que le Siege dura vingt
deuxmois,&que cette guerre
re couta plus de cinq cen
mille hommes au Roy de
Pegu. Jugezcombien il en
dût perir ducosté des Siamois.
Les Indiens trouventquelque
chose de Divindans l'Elesant
blanc. Ils disent que
ce n'est pas feulement à
cause de sa couleur qu'ils le
respectent, mais que sa fierté
leur fait connoistre qu'il veut
qu'on le traite en Prince,
Sr. qu'ils ont remarqué plurieurs
fois qu'il se fâche,
quand les autres Elefans
nanquent à luy rendre
'honneur qu'ils luy doivent.
Apres que l'on eut fait
voir cet Elefant à M l'Am—r
bassadeur, il fut conduit àssi
l'Hostel qu'on luy avoitpreparé.
Par toutoù il passa, illi
trouva des Elefans avec les
Soldats qui bordoient les
chemins en tres-bel ordre,s
Quelques Troupes,& plusieurs
Mandarins montez sur
des Chevaux ou sur des Elesans
magnifiquementenharnachez,
marchoient devant
luy, & grand nombres
d'autres suivoient par hon- -c
neur, Ainsi il ne manqua &r
rien à cette Entrée pour la d
rendre très superbe. Tous
Siam joüit de ce grand Spectacle,&
ce qu'il y eut de surprenant,
c'est que tout le
monde estoit prosterné,comime
si le Roy eust passé luymesme,&
cela sefitavecun
si grand respect, que l'onnentendoit
personne cracher,
tousser, ny parler. Les
ordres du Roy avoient elle
donnez pour cela, ce qu'il
n'avoit jamais fait pour d'autres
Ambassadeurs. Il est remarquable
que les Siamois,
Rapportent aucun desous en
laissant, & qu'on ne voir
parmy eux, ny Boiteux, ny
Bossus, ny Borgnes. S'il y a
quelques Aveugles, ils ne le 1
font que pour avoir estécon- j damnez à cette peine pour
quelque crime commis.
La Ville de Siam, que î
quelques uns apellentIndia J
d'autres Iudia, est la Capitale
du Royaume, & l'une des j
plus grandes & des plus peuplées
de toutes les Indes. Ses 1
Remparts sont environ de z
trois toises de hauteur,&elle
a des Bastions de toutes les aj
sortesde plats, de coupez & al
desolides. La Riviere deMenam
qui y coule enhuit enadroits,
y forme deux Isles,
Elle a plusieurs belles Ruës,
& des Canaux qui sont assez
regulierement tirez. La plus
belle est celledesMores. Ce - qu'ils a ppellent le Quartier
de la Chine est aussi tresbeau.
LesMaisons ne sont
pas laides, & il y en a sort
peu où l'on ne puissealler
enBatcau. Surtout les Temples
& les Monasteres sont
tres-bienbattis. Ils ont tous
les Pyramides dorées qui
ontun très bel effet de loin
;zs, Faux-bourgs, des deux
costez de la Riviere sont
pour le moins aussi grands
& aussi ornez de Morquées
& de Palais que la Ville mesme.
Celuy du Roy est d'une
si grande estenglue, qu'on
le pourroit prendre pour une
seconde Ville. Il ases Remparts
separez ,& les Tours
qui l'environnent en grand
nombre sontfort élevées,
& très-magnifiques..
Mr le Chevalier de Chaumont
trouva au lieu où il sur
conduit,des Mandarins qui
estoient degarde
,
& que
l'on avoit chargez defaire
fournir tout ce qui luy seroit
necessaire pour sa dépense.
Le 19. Mr Confiance fit assembler
tous les Mandarins
Etrangers
,
& leur declara
que le Roy son Maistre vouloit
qu'ils se rendissent tous àl'Hostel de Mrl'Ambassadeur
,
afin qu'ils fussenttémoins
de la distinction avec
laquelle il traitoit le Roy de
France, comme estant un
Monarque tout- puissant, &
qui sçavoit reconnoistre les.
donneurs qu'on luy faifoir.
Ces Mandarins répondirent
qu'ilsn'avoient jamais veu
d'Ambassadeur de France;
mais qu'ils estoient fort persuadez
que cette distinction
estoit deuë à un Prince aussi
grand, aussi puissant, &
aussi victorieux que celuy
qui regnoit sur les François,
puisqu'il y avoit long-temps
que ses Victoires estoient
connuës par tout l'Orient.
Ils allerent aussi-tost salüer
Mr l'Ambassadeur, & le mesme
jour Mr l'Evesque de
Metellopolis se rendit au
Palais où le Roy l'avoit mandé
pour interpreter la Lettreque
Mr le Chevalier de
Chaumont luy avoir donnée
e jour precedent. Envoicy
es termes.
LETTRE
DU ROY
TAU ROY DE SIAM. RES HAFT, TRES PVISSANT,
TRES. EXCELLENT,
ET TRESMAGNANIMEPRINCE,
ET NOSTRE
;H'ER ET BON AMr, DIEV
rEVIllEAUGMENTER VOS-
-RE GRANDEVR AVEC YNE.
rIN HEVREYSE.
Nous 4ious appris avec déplaisir
la perte des mbfadeurSI
que :~ nous envoyajîa en1681. -
&Nous avons cflé informe^par
ItiPreflres Mijjionnaires quifont 1
njen;$ deSian
, C. par les Letj
très nueno?Adimlhts ont reteuës j
de h p.irt de celiiya qui vous 1
confia VO) pnncipules affaires e>rijffpm-nr 3, avec leCjnA vous
Joubair.'XnojhramneRoyale.
Ccflpouryfartsfa'rcque nous
avons choisy le Sieur Chevalier'
de Chaumontpouy nolire Ambaf-
Jadeur,quivous apprendra plusparticulièrement
nos intentions9
sur tout ce qui peut contribuer àK
ejldlirpout toujours cette amitié
fi/ide
fllidr entre nous.CependantAlc,
ferons tres-ais de trouver les
occûfons de tous témoigner la
reconnoijjance avec laqui lie nous
avons appris que vous conrznuez
a donner voflre protcfhon aux E-
'Vesques, cm euxautres ÀdiJJionnaires^
potfohcj'ei, quitravaillenta
linflrufliondetosSujets
ians laRetio-ion Cbjeflien,,,e,
lotreefiimep meulièreincurvons
Wus fait desirer ardernn em que
}OKS 'Vur¡fluZ bien vous-mfmc
k écouter) Çj7 apprendre d\u,x ïvéritables À^aximas @r les
fistres f^cre-^dune si fat.te
9y, dans laquelle un a la LulMijfance
du vray Dieu,qui Jîufa
peutJaprés TOUS avoirfait rtgnem
long temps & glorieusement (un
vos Sujets ,
101.$combler d'u
bon heur eternel. Nous avenui
chargénoflreAmb^Qaieur dese
choses les plus curreujes de noftrt
Royaume, qu'il vous prejenter
comme unemarque de noflre ePi_j
me
y
& il vous expliquera aussi
ce que nous pouvons Jfjinr dt
voui pour l'avantage du Com-A
merce de nos Sujets.Sur ce,Afousm
prions Dieu qu'ilvueilleaugmentas
tervoftre Grandeur avec toute fin^\
heureuse. Ecrit en Noflre Cha.X
(eaU Royal le u. Janvier168
Vostre tres cher & bon Amy,
LO VIS, & plus bas COLBERT.
Quelques jours a pres,
le Roy envoya des Presens
à Mr l'Ambassadeur,
sçavoir plusieurs pieces de
Brocart, des Robes du Japon,
une garniture de Boutons
d'or, & diverses curiositez
du Pays. Il y en eut
aussi pour Mr l'Abbé de
Choisy
,
& pour les Gentilshommes
François.
Le 2,5. il fut mené à une seconde
Audience dans une
Salle à costéd'uneautre où
,eHoir l-e Roy. Le disçours étant
tombé sur la Famille
Royale, Mr l' Ambassadeur *>
dit au Roy de Stam que lu-
- nion y estoit sigrande, que
Monsieur,Frere unique de Sa
Majesté,avoitgagné une
grande Bataille pour le Roy v
sonFrere, contre les Ennemis
liguez,& commandez s
par le General des Hollandois
, qui avoient le plus de s
Troupes danscette Armée;à
quoy le Roy de Siam répondità
peu prés en ces termes.
Je ne m'étonne point que le Roy \(
de France ait réüssidanstoutesses
r entreprises,puis qu'ilaun Frere
l
si bien uny avec luy.La desunion
ejb ce qui renverse les Etats. lec"
sçay les malheurs qu'elle a causez
dans la Famille Royale de Matran
, & dans celle de Bantam,
&sçache le Grand Dieu du Ciel
ce qui arrivera de la mienne.Ce-
Roy a deux Freres ,dont lais-
Xïéfiir tout est tres-remuant.
Il a trente-sept ans, & est
fort incommodé de sa Perfodne.
Peut-estre l'a t'on mis
en cétestat afin de tenir (on.
ambition dans l'impuissance
d'agir. Le plus jeune est
moins âgé de dixans. Il est
muet , ou il fait semblant de
l'estre. Ils ont chacun leur
Palais,& leurs Domestiques,
& ne voyent le Roy leur
Frere que deux fois l'année.
Le Roy peut avoir cinquante
cinq ans. Il est bazanné
de , moyenne taille, & a les
yeux noirs, petits
,
& fort
vifs. Outre deux Oncles qui
sont fort vieux, & dont l'un
luy a servy de Tuteur, il a
des Tantes qui n'ont jamais
esté mariées. Cette seconde
Audience dont j'ay déja
commencé à vous parl er , finit par une matiere de Religion
qui n'eut point de suite.
Mr l'Ambassadeur dit au
Roy, que le Roy son Maître
ne souhaitoit rienavec
plus d'ardeur que d'apprendre
qu'il consentist à se faire
instruire par les Evesques &
Missionnaires qui estoient
dans ses Etats. Il se leva, ôc
ne fit point de réponse. Lors
qu'il se fut retiré, Mr Constance
mena Mrle Chevalier
de Chaumont dans le Jardin
du Palais, où le disner
estoit preparé, Son Couvert.
estoit en Vaisselle d'or; tous
les autres furent servis en
Vaisselle d'argent. Le Grand-
Trésorier, le Capitaine des
Gardes, & d'autres grands
Mandarins servirent à table.
Lerepas dura trois heures,
& l'on allavoir delà l'Estang
du Jardin
,
où il se trouve
plusieurs poissons curieux.
Ilsenvirentun entre autres
avec un virage d'homme.
Le 26. Mr Constancerenditvisite
à Mr l'Ambassadeur.
La Conversion du Roy
fut le sujet de leur entretien.
Mr Constance yfit paroistre
de grandes difficultez
,
sur
ce qu'il seroit tresdangereux
de donner pretexte à
une revolte, en voulant
changer une Religion establie
& professéedepuis tant
de Siecles. Illuy fit connoîue
que leRoyavoit un Frere
quine cherchoitqu'à broüiller;
que c'estoit toûjours
beaucoup que Sa Majesté
permist qu'on enseignast la
Religion Chrestienne dans
son Royaume; qu'illafalloit
laisser embrasser aux Peuples
&aux Mandarins mesme,
si quelqu'un d'entr'eux
vouloit se faireChrestien,
8c qu'avec le temps les choses
pourroient prendre une
autre face.
Le29. Mr le Chevalier de
Chaumont alla visiter le Barcalon,
qui dans les honneurs.
qu'il luy Et rendre le distingua
desautresAmbassadeurs,
ainsi qu'avoit fait le Roy. Mr
l'Evesque de Metellopolis
l'accompagna dans cette visite
, & leur servit dInterprete.
Le 30. on alla au Palais
pour voir ta grande Pagode.
C'est ainsi que les Siamois
appellent leurs Temples
mais ils ne laissent pas de
donner aussi le nom de Paggooddeess
àà leurs Idoles. En pas- Isant
par la premiere Court,
Mr l'Ambassadeur eut le divertissement
d'un combat de
deux Elephans On les avoit
attachez ensemble par les
jambes de derriere
,
& deux
hommes estoient sur chacun,
de ces Animaux, l'un sur le
col
,
l'autre sur la crou pe. Ils
esanimoientavec un croc, lui leur servant d'aiguillon,
es faisoit tourner comme ils
ouloient. Ce Combat ne
onsista qu'en des coups de
ent & de trom pe. On dit
ue le Roy y estoit present
mais il ne se laissa pointvoir.
Les Elephans ont beaucoup
d'intelligence& onleur fait
comprendre aisément tout
ce qu'on leur dit. De cette
Court on passa dans plusieurs.
autres avant que de trouver
la Pagode. Le Portail en est
antique, de assez bien travail.
lé.C'estuntres-beau bastimens
, dont l'Architécture
est presque semblable à celle
de nos Eglises. Les yeux
furent fra ppez enentrant,de
plu sieurs Statuës - de cuivre
doré, qui semblent offrirun
Sacrifice à une grande Idole
qui est touted'or.Elle a quarante
pieds de longueur,
douze de largeur
,
& trois
pouces d'épaisseur. Son poids
est de plus de douze millions
d'or Dans-une guerre où
ceux de Pegu conquirent
presque tout leRoyaume de
Siam, ils couperent une
main à cette Idole. Elle a
icihe remplacée depuis. Aux
deux costezdecette Pagode,
il y a plusieurs autres petites
Idoles dont la plus grande
partie est d'or. Des Lampes
Allumées depuis le haut jusqu'au
bas, font voir dans
quelleveneration elles sont Au fond est une autre Idole
en forme de Mausolée. Elle
est d'un prix extraordinaire.
Parmy ce grand nombre on
en voit une qui bien qu'assise
les jambes en croix,asoixante
pieds de haut. De cette
Pagode M"1"Ambassadeur
alla dans une autre qui en
dépend, & pour y aller, il
passasous une voûte qui est
en forme de Cloistre. D'un
costé de cette voûte,il y avoit
de deux pieds en deux
pieds des Idoles toutes dorées
,& devant chacune bruloituneLampe
queles Talapoins
ont soin d'allulller
0,«Zous les soirs. Dans cette seconde
Pagode Mr l'Ambasfadeur
vit le Mausolée de la
Reyne dccedée depuis quatre
ans, & celuy d'un Roy
de Siam, representé par une
grande Statuü couchée sur
le costé. Il est habillé comme
le sont les Roys de ce
Pays là aux jours de Ceremonies.
Cette Statuë qui est de
cuivre doré
, .a vingtcinq
piedsde longueur. En d'autres
endroits font quantité
de Statuesd'or & d'argent,
avec des Rubis & des Diamans
aux doigts, La princi- pale - beau ré de toutcelaconsiste
dans les richesses,la-plus
grande partiede cequ'il y a s
de plus precieux dans le
Royaume, estantrenfermée
dans les Pagodes. Au sortir
de là, Mr l'Ambassadeur vit i
les ElephansduRoy qu'il fait i
nourrir au nombre de plus 2
de dix mille. Il vit aussi une i
piece de Canon de fonte q
fonduë à Siam qui est de s
vingt-quatre pieds, & qui a j
quatorze pouces de diamet-
-
tre par l'embouchure.
-
Le 3I. - on fit de fort grandies
réjoüissance pourle coueiincirient.
du. Roy de Portugal.
On tira quantitéde
f J
coups de Canon,&il y eut le
f*ir un feu d' Artifice.Cesréiouiflincesfurentcontinue'es
»
u lendemain,premierjour.
[^Novembre
, par Mr Con- rance qui donna un grand
'dhrT, où MrAmbassadeur
.le invité. Il s'y trouva avec
put ce qu'il y avoit d'Euroéens
dans la Ville. On n'enfndit
que coups de Canon
ifqua la nuit,& on tira
ujourssans discontinuer.
Tous les Bastimens qui é- -
toient sur la Rivierre
,
tirerent
aussi après le repas,
qui fut suivye d'uneComedie
de Chinois,&: d'un autre
Divertissement,façon de -j
Marionnettes. Il y eut quelque
chose d'assez surprenant
& de singulier dans cette
Feste. î
Le 4. de Novembre Mr
Constanceavertit Mr l'Ambassadeurque
leRoy devoit
sortir pour se rendre àune
Pagode,où il a accoûtumé
d'aller tous les ans. Comme
ce jour estoit un de ceux Otli
il se montre à ses Peuples,la
mSeremonie meritoit qu,'on
empressa pour la voir. On
e conduisit dans une Salle
ue l'on-avoir pre parée sur
eau pour luy donner ce
laisir. D'abord il passaun
rand Balontout doré,dans
quel estoit un Mandarin
si venoit voir si toutestoit
en dans l'ordre. Il fut suisde
plusieurs Balons rem- des plus qualifiez des
andarins, tous habillez de
ap rouge. Ils doiventestre
tus de mesme couleuren
pareils jours, & c'estle
y qui choisit cette couleur.
Ils avoient des bonnets <
blancs dont la pointe estoit j
fort élevée.Les Oyas étoient
distinguez par un bord d'or
qu'ils avoient a leurs Bon- J
nets. Je ne parle point de a
leur écharpe;elleestoit telle b
- que je l'ay déjàdécrite. On 11
vit paroistre aprés eux quan- titédeMandarins du second J]
ordre, des Gardes du Corps,
&piusieurs Soldatsqui oc<~
cuperent les ailles. Le Roy
estoit dansun Balonmagnisique,
à chaque collé duque
il yen avoit un autre qui nC.
-
toit pas moins brillant. Ce
trois Balons estoient plis rem- de Sculpture,& dorez
jusque sous l'eau. Je
1
vous
en a y déja tant parlé que
vous ne ferez pas fachéed'en
voir quelques uns dans cette
Planche, où j'en ay fait graver
quatre. Vous vous fou.
viendrez que je vous ay dit
qu'ils estoient fort longs, &
aits d'un seul arbre. Leur
ongueur est cause qu'il y a
n grand nombre de Raleurs
,
& qu'ils vont fort
ste. Quand les Rameurs
nantent , ce qu'ils fontsouet,
ilsemble que leurs rames
s'accordentavecleurs voix, JI
& qu'ils battent la mesure *
dans l'eau. Le Balon que
vousvoyez gravé le premier,
est celuy dans lequel estoit la
Lertre de Sa Majesté. Il eitJ
ce qu'ils appellent à trois
T'oirs, & ceux-là sont les
plus considerables. Je croy
mesme qu'ils sont particuliers
pour le Roy, & qu'il
n'est permis à personned'en
avoir. Vosyeux vous feront
voir aisément la diference
des autres, qui n'est
que dans le plus ou moins 1
d'élevation de l'espece de. I
petite Loge qui est au miieu.
Quand il pleut, on (e
netdans cet endroit qui approche
beaucoup des Bans
avec quoy l'on jouë iCYh
les Rameurs du Balon où
stoit le Roy, & des deux
utres qui luyservoientd'act)
i-n-pacrniement,efloienthaillez
comme les Soldats, h
reserve qu'ils avoient une.
aniere de Cuirasse, &de
asque enteste,quel'ondiit
estre d'or. Ils estoient
t nombre de cent quatrengt
sur chacun de cestrois
lons, a,yec-- des Rames.
toutes dorées, & sur ceux
des Mandarins il y en avoit
cent ou six-vingts. D'autres
Gardes du Corps suivoient
dans d'autres Balons, & alloient
devant d'autres Mandarins
qui faisoient l' Arriere
garde, de forte que le Cortege
estoit du moins de deux
cens Balôns. Toute la
Riviere enestoitcouverte,
& il y avoit plusde cent
mille personnesprosternées
& dans un profond silence,
pour joüir de la permission
qu'on avoit de voir le Roy
ce jourla; car en d'autres
temps
temps il faut qu'on s'éloigne
par respect, & ceux qui se
trouveroient à son passage
seroientpunis fort severement.
Ilavoit un Habit tressomptueux,
& tout parsemé
de pierreries, avec un Bonnet
rouge un peu élevé, &
une Aigrette enrichie aussi
de Pierreries. Mr l'Ambassadeur
entra sur le soir dans
ses Balons pour voir revenir
le Roy. Ilavoit changé de
Balon, & promis un Prix à
celuy qui arriveroit au Palais
avant les autres. Ce fut
le sien qui arriva le premier.
Il récompensa ses Rameurs
en Roy, en leur donnant à
chacun la valeur de cinquante
escus. Ce mesme soir
il y eut un Feu d'artifice, &
l'on tira quantité de cou ps
de Canon pour le Couronnement
du Roy d'Angeterre.
Cette Feste fut continuée
le lendemain. Mr Constance
donna encore à disner
à Mr l'Ambassadeur avec
beaucoup de magnisicence,
& tous les Européens 2
furent invitez à ce Repas.
Le Roy qui se montre au
Peuple deux ou trois fois
cous les ans, va aussi quelquefois
par terre faire ses
Offrandes à quelque Mosquée.
Deux cens Elefans, ou
environ, commencent la
marche, portant chacun
trois Hommes armez Apres
eeuuxxvvieienntltala MM-usique. Elle
est composée de Timbales,
de Tambours, & de Hautbois.
Millehommes de pied
armez paroissent ensuite,distribuez
en diverses Compagnies,
qui ont leurs Drapeaux
& leurs Bannieres.
Tout cela precede les grands
Mandarins qui sont à cheval.
Il y en a qui ont une j
Couronne d'or sur la teste, i
ôc une fuite de soixante, ! j
quatre-vingts ôc cent per- 1
sonnes à pied. Entre lesGar- -|
des du Corps & ces Manda-
-
rins marchent deux cens
Soldats Japonois, en équipage
fort leste. Apres eux on f\
voit les Chevaux & les Ele- -j
sans qui ne fervent que pour aPersonne du RtÜY: Leurs zi
Harnois sont magnifiques.
Ils sont chargez de boucles 21
8c de lames d' or, & les dia- -4
mans & les pierreries y brillent
de toutes parts. Ceux
qui portent les Presenschoisis
pourl'Offrande,marchent
devant les plus qualifiez du
Royaume, parmy lesquels
il y en a deux, dont l'untient
l'Etendart du Roy,& l'autre
le Sceptre de Justice. Ils marchent
tous deux à pied immediatement
devant leRoy,
qui est monté sur un Elefant
magnifiquement enharnaché.
Il est porté sur son dos,
assis dans une Chaise d'or.
Cet Elefant marche gravement
tout fier de sa charge.
Il semble connoistre l'honneur
qu'il reçoit,puis qu'il
le met à genoux quand le
Roy s'appreste à monter sur
luy, & qu'il ne soufriroit pas
qu'un autre y montast.Lors
quele Roy a un Fils,ce Prince
le fuit, & apres luy la
Reyne & sesautres Femmes.
Elles sont aussi sur des Elefans
, mais enfermées dans
des manieres de Guerites de
bois doré, en forte qu'il est
impossible de les voir. La
marche tH: fermée par d'autres
Gardes, environ au nombre
de six cens, & tout le
Cortege est composé de
quinze ou seize mille personnes.
La vie du Rov est allez
réglée.
(
Il Ce leve à quatre
heures tous les jours, & la
premiere chose qu'il fait
c'est de donner l'aumosne à
des Talapoins, quine manquent
pas de se montrer devant
luy si tostqu'il paroist.
Ces Talapoins sont comme
nos Religieux Mendians.
Apres celail donne Audience,
dans l'intérieur de [on:
Palais,à. ses Concubines, aux.
Esclaves & aux Eunuques,
& ensuite à un Magistrat
qui luy vient montrer tous
les Procez que l'on a jugez.
Il les approuve ou infirme
comme il luy plaist. Lors
que ce Magistratest forty,
1 Audience est ouverte à
tout le monde jusqu'à l'heure
du Disner. Il disne avec
la Princesse sa Fille, que l'en.L
appelle la Princesse Reyne.,
& dontje vous parleray dans
unautre endroit. La Reyne -
qui est morte depuis peu
d'annees ne'luy a la~ aue
cette Fille. Le Medecin qui
està la porte, visite toutes
les Viandes, & renvoye celles
qu'illuy croit nuisibles.
Pendant ce Repas,qui estle
seul qu'il sait chaque jour,
on luy lit les Procez criminels,&
il ordonne du fort -
de chacun. Apres le Disné,
il entre dans une Salle, oùil
se met sur quelque Lit de
Repos. Il est suivy d'un
Lecteur qui luy lit ordinairement
la Vie de quelqu'un
des Rois qui ont
regné avant luy
,
& lors
qu'il s'endort
,
le Lecteur
paisse la voix, & peu a prés se
etire. Ce mesme Lecteur
entre dans la Salle sur les
quatre heures, & il recomnence
à lire d'un ton si aigu,
qu'il faut neceffiirciiie-ilt
que le Roy s'éveille. Alors il
donne Audience à chacun,
de ses six grands Officiers,
& sur les dix heures le Conseil
s'a ssemble. Il dure ordi-;
nairement jusques à minuit.
MrConfianceaussison Au-j
dience particuliere
,
& si l
toutcela va tropavant dans
la nuit,le Medecin luy vient
dire qu'il faut qu'il se couche.
Ce Medecin est receu
dans le Conseil, mais il ne
fait qu'écouter, & l'on n'y
prend jamais son avis.
Je m'apperçois de la longueur
de ma Lettre ; mais
comment songer à la finir,
ayant encore tant de choses
curieuses à vous a pprendre
touchant le Royaume de
Siam? Je n'ay pas encore
conduit M le Chevalier de
Chaumont à Louvo
,
qui est
une Maison de Plaisance du
Roy, où il alla prendre son
Audience de Congé, & ce
qui s'y est passé pendant le
séjourqu'ily a fait, fournit
la matiere d'un tres-long
Article. Ainsi, Madame,en
vous envoyant cette prernle.
re - Partie de ma Lettre ,je
vous en promets une seconde
quevous aurez dans fort peu
dejours. Je joindray à ce qui |
me reste à vous dire du }
Royaume deSiam les autres V
Nouvelles que vous atten- ;.
dez de moy. Ce sont celles;
quiregardent les Venitiens |
& la Hongrie. Cette seconde j
Partie finira par deuxEnigmes
nouvelles, & par les
noms de ceux qui ont expliqué
les deux dernieres. i
Onvient de m'apprendre ;
que ce que je vous ay dit au
commencement de cette
Rèlation, touchant des Ambassadeurs
que le Roy J de
Slam avoit envoyez à Sa
Majesté par le Portugal,
n'est point véritable. Cesont
des Envoyez de Siam qui
rie vont qu'en Portugal
,
8c
que l'on a chargez des Presens
, dont vous avez trouvé
une Lifte dans ma Lettre
de May. Ainsi cette Liste
est vraye ,
& ils ont ordre
d'envoyer en France les Presens
qu'elle contient.
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2
p. 1183
« Le Tigre Marin en vie, qu'on a vû avec satisfaction à la Foire S. Germain derniere, [...] »
Début :
Le Tigre Marin en vie, qu'on a vû avec satisfaction à la Foire S. Germain derniere, [...]
Mots clefs :
Tigre
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texteReconnaissance textuelle : « Le Tigre Marin en vie, qu'on a vû avec satisfaction à la Foire S. Germain derniere, [...] »
LeTigre Marin en vie, qu'on a vû avec
fatisfaction à la Foire S. Germain derniere
, dans une Baignoire à demi pleine
d'eau , & qui attiroit quantité de curieux,
eft mort. S. A. S. M. le Comte de Clermont
l'a fait diffequer pour en conferver
le Squelette , & a fait remplir fa peau,
qu'on voit dans le Cabinet de ce Prince
avec quantité d'autres curiofitez de cette
efpece.
fatisfaction à la Foire S. Germain derniere
, dans une Baignoire à demi pleine
d'eau , & qui attiroit quantité de curieux,
eft mort. S. A. S. M. le Comte de Clermont
l'a fait diffequer pour en conferver
le Squelette , & a fait remplir fa peau,
qu'on voit dans le Cabinet de ce Prince
avec quantité d'autres curiofitez de cette
efpece.
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